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LE PROPAGATEUR
LE
PROPAGATEUR
BULLETIN BIMENSUEL
DU CLERGÉ ET DES FAMILLES
DIRECTEUR
L. J. A. D E R 0 M E
TOME TROISIEME
1893-93
ADMINISTRATEURS :
CADIEUX & DEROME, MONTREAL
1603, rue Notre-Dame, 1603
cflNp?U commencement de la nouvelle année le Propagateur
yTK offre à ses amis ses souhaits sincères de bonheur et de
prospérité. Que cette année qui commence leur soit favorable !
Qu'ils réussissent dans leurs entreprises ! Que leurs aspirations
légitimes soient satisfaites !
Que ceux qui sont chargés d'enseigner la véritable doctrine
reçoivent les lumières de celui de qui vient toute science !
Que ceux qui ont des familles inspirent à leurs enfants les
idées religieuses et patriotiques qui en feront de bons et utiles
citoyens !
Que ceux qui luttent pour l'existence se souviennent que la
probité est la pierre fondamentale de Tédification des fortunes !
Que ceux qui sont appelés à siéger dans les conseils de la
nation aient l'esprit de sagesse et d'intelligence pour bien admi-
nistrer la chose publique.
Que les pauvres, les malades, les infirmes, tous les déshérités
d'ici-bas, souffrent leur maux avec patience et résignation !
Qu'ils se souviennent sans cesse qu'au delà de nos horizons
bornés il y a les horizons infinis, et que ceux qui ont pénible-
ment parcouru le champ aride des douleurs humaines trouveront
des plaines fertiles, séjour du repos final et des étemelles féUcités!
Que les riches et les heureux du siècle soient généreux, bons
et charitables ! Que le pauvre ne frappe pas en vain à leur
porte, qu'ils ne lui refusent pas les miettes qui tombent de leur
table ! Qu'ils soulagent Içs misères de leurs frères qui souffrent !
Qu'ils donnent à ceux qui n'ont rien ! Qu'ils se souviennent
qu'au delà de cette vie il y a la récompense promise ! Qu'ils
n'oublient pas que ceux qui auront pratiqué la charité seront
conduits par Lazare dans le sein d'Abraham !
LE PROPAGATEUR.
lï
BULLETIN
20 décembre, 1892.
•/ Il est arrivé dernièrement en Angleterre deux événements qui contrastent
singulièrement avec les persécutions d'autrefois. Je veux parler de la remise du
pallium à l'archevêque de Westminster et de l'éleclion de Mr Knill, catholique
pratiquant, comme Lord maire de Londres.
Je rends compte plus bas de ces deux événements significatifs et remar-
quables.
*/ L'éleclion annuelle du Lord-Maire de Londres a eu lieu à la St-Michel, 29
septembre. L'éleclion a lieu à cette date en vertu d'une des anciennes coutumes
catholiques conservées par la protestante Angleterre. Celte année le choix est
tombé sur un catholique pratiquant, Mr Stuart Knill, quoiqu'il ait déclaré fran-
chement qu'il briserait avec les traditions et que, contrairement à l'usage suivi
par ses prédécesseurs, il aurait son chapelain catholique el qu'il n'assisterait pas
officiellement aux cérémonies religieuses protestantes à St-Paul de Londres, à
St-Laurent, etc.
Cette élection d'un catholique qui ne craint pas de s'affirmer indique que la
tolérance religieuse a fait d'immenses progrès en Angleterre, et qu'il est loin le
temps où nos coreligionnaires étaient traqués comme des bêles fauves.
11 existe cependant encore certaines inhabilités dont sont frappés les catho-
liques et quelques charges supérieures qui ne peuvent pas leur être contiées. Ces
derniers vestiges des temps de persécution disparaîtront bientôt, il faul espérer.
Il y avait un catholique dans le dernier ministère Salisbury, Mr Mailhews, et il
y en a deux dans le ministère Gladstone ; ce sont lord Ripon. ministre des Colo-
nies, et sir Charles Russell, procureur-général. La chambre des Lords compte
plusieurs catholiques parmi ses membres et des emplois publics très importants
sont aussi confiés à des catholiques.
Espérons aussi qu'avant longtemps desjurisconsultes catholiques feront partie
du conseil privé. C'est le désir ardent des catholiques du Canada, surtout depuis
les singuliers jugements de ce haut tribunal dans l'afTaire Guibord et dans la
question des écoles du Mànitoba.
Mr Knill est le 2ème lord maire catholique de Londres. Son prédécesseur ca-
tholique, élu il y a deux ou trois ans, a été Mr Keyser, d'origine Belge. Malheu-
reusement il n'était pas doué d'une grande fermeté, car il suivit l'usage des lords-
maîres en acceptant un aumônier officiel protestant et en assistant officiellement
aux cérémonies religieuses protestantes auxquelles les lords-maires assistent en
celle qualité. " Cela " dit un journal, " ne lui attira que le mépris, comme il ar-
'• rive chaque fois que, par respect humain, on commet une lâcheté analogue."
Le 9 novembre, jour de l'entrée en fondions du nouveau lord-maire, la proces-
sion et le banquet traditionnels ont eu heu. Malgré les efforts de l'association
anti-papale de Londres, la procession n'a pas été troublée.
Contrairement à l'usage suivi, le premier ministre, Mr Gladstone, n'a pas
assisté au banquet. Dans sa lettre d'excuse il félicite le lord-maire de son cou-
rage en affirmant hautement ses croyances religieuses. Le gouvernement était
représenté par lord Kimberley, secrétaire d'état pour l'Inde.
*/ Le 16 août, un délégué spécial du pape, l'archevêque de Trébisonde a re
mis' le pall'um à Mgr Vaughan, archevêque de Westminster. Cette cérémonie-
qui a été très solennelle et à laquelle assistaient trente évoques, un nombreux,
clergé, plusieurs ambassadeurs et des représentants de la noblesse catholique
anglaise, a eu lieu à Londres dans l'oratoire de Brompton.
C'est la première fois depuis l'année 1556 qu'une semblable cérémonie a lieu
en Angleterre. Les prédécesseurs de Mgr Vaughan, les cardinaux Wiseman el
Manning avaient reçu le riallium à Rome même. C'est sous le règne de Marie
Tudor qu'eut lieu la dernière remise de pallium el c'est le cardinal Pôle ou Poole
qui en fut investi. Ce cardinal, né en 1500, mourut en 1558. Sa tête fut mise à
prix par Henri VIIl à qui il reprochait son apostasie. Après la mort de ce prince.
LE PROPAGATEUR 643
sa lille Marie réiablil le catholicisme el le cardinal Pôle reprit l'exercice de ses
fonctions.
*
*,' Plusieurs catéchismes en France ont été déférés au conseil d'Etat pour les
faire condamner à cause de l^urs dispositions concernani le devoir électoral, les
droits de l'église, le mariage civil et le divorce. La persécution, qui ne perd au-
cune occasion de s'affirmer, a honteusement réussi, et ït^s catéchismes d'Aix, de
Reims et de Luçon ont été condamnés au mépris des droits sacrés de l'Eglise, du
bon sens el même du concordai qui est la loi qui régit en France les rapports
entre le pouvoir civil et le St-Siège. Le conseil d'Etat, à la dévotion de la Franc-
maçonu'^rie, de la Juiverie, et de tous les persécuteurs qui déshonorent le beau
pays de France, a prononcé les déclarations d'abus el ordonné la suppression des
passages incriminés, passages qui ne sont que la reproduction de l'enseignement
du St-Siège et de la doctrine catholique.
*
•/ La corruption a été l'ordre du jour dans In dernière campagne électorale
aux Etats-Unis el elle a fait son œuvre nélaste. Plusieurs millions de piastres ont
été jetées en pâture à l'électoral. Les d>nix grands partis qui se disputaient le
pouvoir l'ont employée sur une vaste échelle.
Le mal est tellement grand et ses conséquences sont tellement funestes que les
honnêtes gens des deux partis sont épouva;ues. Ils demandent avec instance une
législation sévère pour extirper ce mal social qui a déjà de si profondes racines.
Un républicain éminent, iMr Chauncey M. Depew, vient, dans une assemblée
publique, de jet^-r le cri d'alarme. Il demande avec instance à Mr Gleveland et
à son parti d'édicler des peines sévères contre la corruption et il lui promet la plus
cordiale co-operation du parti adverse.
•^' Mr W. E. Russell l'homme sympathique par excellence et le grand ami des
Canadiens français des Elats-Unis, a été élu de nouveau gouverneur du Massa-
chusetts. La popularité de cet homme est telle que dans un état où K'S repu,
blicains sont mailres, il a réussi, lui démocrate et partisan de Gleveland, a obte-
nir une majorité dépassant 2000 voix. Celte victoire est d'autant plus éclatante
qu'elle a été gagnée le jour même où le parti démocrate se faisait balti e dans le
môme étal dans la lutte pour la présidence. Mr Russell n'est encore qu'un jeune
homme à peine âgé de trente et quelques années et ses partisans jettent déjà les
yeux sur lui pour une prochaine éleciion présidentielle. Les Canadiens-français
du Massachusetts, républicains comme démocrates, ont tous vote pnur lui tant sa
popularité est grande parmi eux. Nous nous réjouissons bien sincèrement de ses
succès et nous lui en souhaitons de plus écktanis dans un avenir prochain.
*
\' Le premier ministre de la Province de Québec, Mr de Boucherville, a don-
né sa démission et un nouveau cabinet a été formé par Mr Tailion, ex-ministre
sans portefeuille et député de Chambly. Mr Taillun a gardé dans son cabinet tous
les anciens minisires, moins Mr de Boucherville. On ne sait pas encore si Mr
Tai'.lon va apporter des mo lificalions au programme politique de son prédé-
cesseur. Comme ministre sans portefeuille, Mr Tailion n'avait pas de traitement
En devenant ministre salarié il est obligé de se faire réélire. En conséquence une
nouvelle éleciion va avoir lieu dans Chamhly. La nomination se fera le 29 dé-
cembre et la votation aura lieu le 5 janvier. Le ministère de Boucherville a duré
un an moins que'ques jours.
*,*
s-
*/ Sont nommes :
1° Sénateurs : Messieurs J. A. Bernier, pour Manitoba ; Auguste Real Angers,
pour Qutbec; Mackenzie Boweil, pour Ontario el Clarence Prirorose pour la
Nouvelle-Ecosse. Monsieur Bernier est natif de la province de Québec. Il a pra-
tiqué comme avocat à St-Jean. Il remplace Mr Gira.fJ. Mr Ang-rs e-.t nommé
pour la division de la Vallière en remplacement du Dr A. H. Paquet. Mr Boweil
644 LE PROPAGATEUR
remplace feu Mr Alexander. Mr Primrose succède à Mr Grant décédé dernièrement
2» Coroner conjoint à Montréal, Mr Edmond McMahon, avocat, ancien journa-
liste et greffier de la cour de Police.
3» Membre du Conseil de l'Instruction publique, monsieur Thomas Chapais, M.
G. L. Il remplace le juge Bossé qui a donné sa démission.
4» Juge en chef de la Cour Suprême Mr le juge S. H. Slrong. Il est né en An-
gleterre en 1825 et il a été adm4S au barreau du Haut Canada en 1848. Lorsque
j'ai annoncé cette nomination, à la page 549, elle n'était pas encore faite.
*/ Sont décédés dernièrement :
l" Camille Rousset. historien éminent et membre de l'Académie Française où
il avait remplacé Prévot-Paradol. Il était âgé de 71 ans. Comme Xavier Marmier,
son collègue à l'Académie, Mr Rousset était un franc catholique.
2» Mgr Vérius le plus jeune évéque catholique du monde. Il n'avait que 32 ans
et il comptait trois années d'épiscopat. Il était le premier apôtre de la Nouvelle-
Guinée.
3» Mgr Haïs, évêque de Kœnig-Graetz en Bohême.
4» Dom Paul Piolin, savant bénédictin, à l'âge de 76 ans. Il avait fait sa pro-
fession monatisque il y a 51 ans. Son principal ouvrage est une savante histoire
de l'Eglise du Mans.
5» Mgr Dumont, évêque de Tournay, en Belgique.
6° L'Hon. Richard Bellai^y, membre de l'ex-conseil législatif du Nouveau-
Brunswick. Avant de faire partie du conseil législatif il avait représenté le com-
té de York dans l'assemblée Législative. Il était libéral.
7° L'Hon William Ross,ancien minisire de la milice dans le cabinet;McKenzie.
8" Sir Adams G. Archibald, ancien lieutenant gouverneur de Manitoba et des
Territoirt'S du Nord-Ouest, et lie la Nouvelle-Ecosse. Il est né à Truro, N. E, le
18 mai 1814 II a été ministre provincial à la Nouvelle Ecosse, et ministre fédé-
ral dans la première administration MacDonald. 11 a représenté Colchester aux
Communes du Canada.
',* Sont élus :
l» Député fédéral d'Assiniboine-Est, Territoires du Nord-Ouest, Mr W. W,
Macdonald, conservateur. Il remplace Mr Dewdney nommé lieutenani-gouver-
neur de la Colombie anglaise. Mr Macdonald est nj, dans le comté de Missisquoi,
province de Québec, en 1844. Il est cultivateur.
2» Députe fédéral de St-Jean, N. B., Mr John A. Chesley, conservateur indé-
pendant. 11 remplace Mr Charles S. Skinoer qui a donné sa démission.
3» Député fédéral de Kent, N. B, Mr Mclnerney, conservateur indépendant. l\
remplace le Dr Léger décédé dernièrement. Ses adversaires étaient deux Acadiens
Irançais. Mr J. 0. Leblanc, libéral, et Basile Johnson, conservateur.
Depuis le décès du Dr Léger, les Acadiens du Nouvean-Brunswick n'ont plus
de représentant de leur race dans la chambre des Communes.
5» Député local de Wallace, Territoires du Nord-Ouest, Mr J. Isinger, conser-
vateur. Il remplace Mr J. Reaman, décédé. Mr Reaman était membre de
l'administration Gayley. Cette élection a été la cause de la démission de Mr Cay-
ley qui se trouvait avec une minorité de deux voix. Il a été remplacé par Mr
Haultain son prédécesseur immédiat à la têie de l'exécutif
6" Député local de Queen, Nouveau-Brunswick, le procureur-général Andrew
George Blair, premier ministrn, libéral. Mr Blair avait été battu aux dernières
élections générales qui ont eu lieu il y a quelques semaines.
7° Député local de Malane, Québec, Mr L. F. Pinault, libéral. Mr Pinault a
été déclaré élu lors du décompte des bulletins devant le juge Larue. Mr Boulay,
l'adversaire de Mr Pinault avait la majorité des voix, mais le juge a mis de côté
tous les bulletins sur le dos desquels les sous-officiers rapporteurs avaient ins-
crit le numéro d'ordre du votant au lieu d'y mettre leurs initiales. De cette
manièreMr Boulay a perdu les 27 voix de majorité qu'il avait dans le bureau de
votation No 12 l'un des bureaux de Sandy Bay. Sa majorité réelle de 10 voix s'est
trouvée changée en une minorité de 17 voix.
LE PROPAGATEUR 645
• ^
Il y a quelques années une chose semblable, suivie du même résultat, est
arrivée dans le comté de Verchères. Mr Brillon, candidat conservateur, avait une
majorité réelle de 36 voix ; mais lors du décompte, tous les vote<5 du village de
Varennes, oîi il avait une majorité il'une cinquantaine de voix, furent mis de
côté et son adversaire, Mr Bernard, libéral, fut déclaré élu.
Albv.
PARTIE LEGALE,!,
Rédacteur : A L. B Y
FRAIS DE DERNIERE MALADIE.
Question. — Ma sœur, qui est morte dernièrement et dont je suis légataire uni-
versel, était mariée en communauté de biens. Elle a eu une longue maladie qui
a exigé di's dépenses considérables consistant en honoraires de médecins, achats
de remèdes, payements des gardes-malades etc. Son mari prétend que je dois
payer seul tous ces frais, Je prétends, au contraire, que toutes ces dépenses sont
a la charge de la communauté. Qu'en dites-vous ? Montréal.
Réponse. — Toutes les dépenses qui ont été ainsi faites pendant la vie de votre
sœur sont à la charge de la communauté de biens qui existait entre elle et son
mari. Si, comme vous en avez le droit, vous renoncez à la communauté pour
vous en tenir aux reprises matrimoniales que votre sœur avait droit d'exercer, vous
êtes déchargé de l'obligation de contribuer au payement de ces dépenses. Si, au
contraire, vous acceptez la communauté, vous êtes tenu de contribuer à ce
payement.
Les comptes de médecins, d'apothicaires, etc. sont considérés comme les
comptes ordinaires de nourriture et d'entretien. Ils tombent dans cette catégorie
de dépenses que le mari est obligé de faire pour sa femme d'après l'article 175
du code civil. En vertu de cet article le mari est obligé de fournir à sa femme,
tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon sesfacuUés et son état
NOMINATION DE NOTAIRE.
Mr Gourouvapa-SoucéapouUé, notaire à Villenour (Indes françaises) est nommé
notaire à Pondichéry, en remplacement de M ChanemougapouUé, décédé.
(La Croix).
Note éditoriale. — En France et dans les colonies françaises, les notaires sont
nommés par le gouvernement. Ils ne peuvent exercer leur ministère que dans un
territoire déterminé. Ici, au contraire, les aspirants au notariat sont admis à la
pratique de la profession par la chambre des notaires. L'action du gouvernement
se borne à l'enregistrement, au bureau du régistraire de la province, de la com-
mission des notaires et des certificats de prestation des serments d'allégeance et
d'ofiBce. (S. R. P. Q. art. 3832).
Les notaires peuvent instrumenter dans toute la province ; ils ont juridiction
concurrente. (Id. art. 3607).
BARBIERS. RESPONSABILITE, C. C. Art. 1815.
En avril dernier, dans la cause de
CARDINAL,
vs
THOUIN,
la cour des Magistrats de Montréal, présidée par le juge Barry, a jugé :
Que les barbiers sont responsables des effets de leurs clients, déposés dans
leurs boutiques pendant qu'ils s'y font raser, etc.
Par son action, Cardinal réclamait la valeur d'un parapluie déposé par lui dans
(1) Aux correspondants. Il est impossible de répondre à toutes les questions . Nous sommes,
en conséquence, obligés de laisser de coté les réponses qui exigent des développements trop
considérables, etc.
646 LE PROPAGATEUR
la boutique de Thouin et volé pendant qu'on le rasait. La cour a assimilé ce dé-
pôt à un dépôt nécessaire comme dans le cas des aubergistes et des maîtres de
pension, et elle a appliqué l'arLicle 1815 du code civil.
NOTARIAT.
Nous lisons dans l' Univers du 20 septembre :
'' Marseille. — La corporation des notaires, fidèle à ses usages, qui remontent
" à une époque très reculée, est venue fêter, le dimanche 4, septembre, à la
" cathédrale provisoire, saint Lazare, qu'elle considère comme son patron. Mgr
" l'évêque, en réponse aux hommages présentés par M. Giraudy, président de
" la Chambre, a dit combien il était hsureux de voir les membres d'une institu-
" lion si utile et si respectée contier à l'ami de Jésus les intérêts qui leur sout
" coniiés à eux-mêT.es et s'appuyer sur Dieu pour les actes importants que l'on
" sollicite de leur ministère. Il leur a promis, en retour, les faveurs célestes
" pour eux et pour leurs familles.
SYSTÈME TORRENS.
On a déjà, il y a quelques années, voulu établir ici le système de régie de la
propriété foncière connu comme système Torrens du nom de son inventeur. La
chambre de Commerce de Montréal s'est même prononcée en faveur de ce
système, et elle a demandé au gouvernement provincial sa mise en opération.
La chambre des notaires, au contraire, s'est prononcée contre un changement
aussi radical, et elle a, je crois, fait parvenir au gouvernement un mémoire
contenant les raisons majeures d'oppo-iiion à un tel changement. Ce système
qui a été mis en opération (l) pour la première fois dans l'Australie du sud, a
été par la suite adopté par toutes les colonies australiennes.
Il a été aussi adopté par la Colombie Britannique.
Voici sur le système Torrens un article que j'emprunte à l'Univers de Paris.
(2) 11 en est fait bonne justice.
Le Congrès ue la propriété foncière.
M, Yves Guyot, depuis qu'il n'est plus ministre, a reprisune de ses anciennes
occupations, qui était de fjire de l'agitation pour la vulgarisation d'un certain
système de réforme de la propriété foncière. Dans ce but, il a réuni et présidé
un congrès. L'idée proposée à ce congres est l'institution de livres fonciers
destinés à remplacer les registres actuels des conservateurs des hypothèques.
Ces livres seraient à souche, et le feuillet qui en serait détaché représenterait la
propriété elle-même, transmissible de la main à la main, avec moins de formalités
qu'un titre de Bourse nominatif, par exemple. De même on pourrait emprunter
sur la propriété en donnant le titre pour gage, etc., etc.. ; faire en un mot
toutes les opérations de crédit qui seraient possibles avec un gage mobilier ordi-
naire. Nous avons ici même exposé ce système il y a plusieurs années. On
l'appelait alors, du nom de l'Anglais qui en est l'inventeur, Yacte Torrens, Il
avait été proposé en effet pour supprimer les contestations sur la propriété entre
les colons de lAustralie, pour favoriser avant tout la colonisation sans s'arrêter
aux disputes de légalité. Mais quand il fut proposé pour l'Angleterre elle-même,
nos prudents voisins n'en voulurent absolument pas. C'est alors que l'idée vint
de l'essayer en France, in anima vili, l'inventeur, sir Robert Torrens, applau-
dissant aux efforts de M. Yves Guyot.
Le congrès a opposé à M. Guyot les critiques que nous avions objectées nous-
mêmes. Résumons-les d'un seul mol tire d'une pratique actuelle : il existe à
Paris une entreprise qui se nomme la Bourse des Immeubles et qui fait sa publi-
cité dans les Petites Affiches. La Bourse des Immeubles, voilà qui dit tout. Le
mol |est plus vif qu'il n'est exact, le système des livres fonciers le rendrait
rigoureusement exact. Le tripotage, l'agio, la spéculation, le prêt sur gage, le
jeu et l'usure, s'abattraient sur cette proie nouvelle de la propriété immobi-
hère. Pour en avoir une idée, considérons que les jeux effrénés et dénioralisa-
(1) En 1856.
(2) Numéro du 30 octobre 1892t
LE PROPAGATEUR
647
teurs de la Bourse portent sur une masse de valeurs qui représentent 80
milliards, et que la propriété immobilière représente en chiffres ronds 100
milliards de plus, c'est-à-dire 180 milliards. C'est l'agio couvrant la France
entière. C'est le marché de la Bourse étendu aux marchés des foires et des
tables d'auberges, entre juifs et paysans, jusqu'au fond des derniers villages.
Le congrès, composé de praticiens et de légistes, qui avaient payé vinzt francs
pour y entrer, s'est élevé avec énergie contre ces propositions dangereuses,
présentées sous de spécieuses apparences. Mais il est à craindre que Tinnova-
lion ne réussisse mieu.x devant un public moins spécial, devant la foule inca-
pable d'apercevoir le piège sous les avantagea nouveaux de facilité et de rapi-
dité de transaction qu'on lui proposera. Si l'idée devait réussir, nous aurions
le plaisir et l'avantage de faire à nos frais, pour l'instruction de nos voisins
d'oulre-Manche, la périlleuse expérience dont ils se sont gardés eux-mêmes.
G. Bois.
MISERICORDE DE DIE
{suite et fin)
Si, de l'Ancien Testament nous passons au Nouveau, nous serons
frappés de la patience admirable avec laquelle le divin Maître
attend les pécheurs. Voyons sa conduite à l'égard de la Samari-
taine : cette femme trop célèbre par ses désordres, vit depuis long-
temps dans l'oubli de ses devoirs. Le Sauveur après l'avoir atten-
due inutilement, comme tant d'autres, va s'asseoir sur les bords du
puits de Jacob où il sait qu'elle viendra bientôt chercher de l'eau.
Là il daigne converser avec elle. Il l'instruit, il lui révèle le secret
de sa mission divine et ne la quitte qu'après avoir fait de son cœur
endurci un cœur d'apôtre.
Voyez le dans la maison de Simon le lépreux attendant une
autre brebis égarée ; c'était Magdeleine, la pécheresse publique.
Longtemps il avait frappé et attendu à la porte de son cœur. Enhn,
après de longues résistances, elle se rend et vient pleurer aux pieds
de Jésus ses égarements et ses scandales. Et le divin Maître
l'absout et la traite avec une bonté attendrissante.
N'a-t-il pas atf.endu le retour de l'enfant prodigue avec une
patience à toute épreuve ? Chaque jour ce bon père s'en va sur les
hauteurs pour voir si son malheureux fils ne reprendrait pas
le chemin du toit paternel. Et, quand il revient, ce père, attendri
de bonheur, lui ouvre les bras et lui fait miséricorde : Misericordiâ
motus est.
0 cœur adorable de mon Dieu 1 Vous êtes un abîme insondable
de miséricorde. C'est ainsi que Dieu attend encore aujourd'hui les
pécheurs. Il va plus loin, il daigne les chercher. Nouveau carac-
tère de sa grande miséricorde.
3° A peine sommes-nous séparés de Dieu par le péché que sa
bonté s'occupe de notre retour : l'Ecriture est pleine d'exemples
qui nous démontrent clairement cette vérité. Un pasteur, nous dit
648 LE PROPAGATEUR
Jésus Christ, possède un magnifique troupeau qu'il conduit dans
de gras et frais pâturages. Venant à considérer son troupeau, ils'a-
perçoit qu'il lui manque une brebis. Aussitôt il laisse là ses brebis
fidèles pour courir à la recherche de la fugitive ; il s'empresse, il
vole, il ne s'arrête que lorsqu'il l'a trouvée. Vous diriez, à en juger
par la rapidité de ses pas, que ce qui lui reste n'est rien pour lui
s'il ne retrouve ce qu'il a perdu : Nonne dimiltet nonagenta tiovem
in deserto et vadit ad illam quœ perierat f Après l'avoir retrouvée il
la charge sur ses épaules afin de lui épargner les fatigues du retour
et la rapporte dans son bercail, puis se réjouit avec ses amis.
11 joint à cette parabole celle d'une femme qui, de dix drachmes
en ayant perdu une, allume s'a lampe pour la chercher dans tous
les endroits les plus obscurs de sa maison. Et, après l'avoir re-
trouvée, elle témoigne la même joie que le bon pasteur d'avoir re-
trouvé sa brebis. Remontons au paradis terrestre.
Adam trop faible pour rejeter le présent fatal que lui fait son
épouse, se laisse tromper comme elle. Le voilà pécheur. Il n'a pas
eu le temps de le devenir et de cacher sa nudité, que déjà le Sei-
gneur le cherche et l'appelle. Adam, où êtes-vous ? Ubi es ? Quoi,
mes frères, il demande où il est ! Et ne le sait-il pas ? Le coupable
aurait-il pu trouver dans le paradis terrestre une place qui ne fût
connue que de lui seul? Aurait-il pu s'y former une retraite assez
sombre pour être invisible à l'œil qui voit tout ? Pourquoi donc
cette façon de parler : Adam, où êtes-vous : Ubi es? Dieu fait ici ce
que fait un père qui ne veut pas châtier, mais qui veut corriger un
enfant rebelle; l'enfant se cache, le père cherche; il cherche et il
sait où il est. 11 cherche et là où il sait qu'il n'est pas ; son agitation,
ses mouvements, son air courroucé : tout cela n'est qu'une feinte
de sa tendresse ; c'est un moyen d'attendre, pour mettre bas la
verge, que les larmes du repentir commencent à couler. Adam, où
êtes-vous : Ubi es? Vous avez méprisé la défense que je vous avais
faite. Je le sais, je vous ai vu. Vous êtes d'autant plus inexcusable
que le précepte était plus facile ; vous le sentez, vous fuyez ma
présence, où êtes-vous : Ubi es? Paraissez, humiliez-vous, regrettez
l'instant où vous avez prévariqué : toute la nature se plaint de
votre conduite ; vous en étiez l'ornement et la gloire et vous y avez
mis le désordre. Tous les êtres voudraient me venger, ma justice
y consent; mais ma bonté s'y oppose : repentez-vous, avouez votre
faute, je ne m'en souviendrai plus : Ubi es ?
Pierre dans la cour de Gaïphe n'a pas la force de confesser
Jésus-Christ devant une femme ; il le renie : quelle lâcheté pour
un Apôtre ! Ne mérite t-il pas toute l'indignation de Celui qui se
voit ainsi méconnu ? Néanmoins, le Sauveur, accablé sous le poids
de l'insulte et de l'opprobre, ne songe qu'à reconquérir sou dis-
ciple ; il lui va au-devant, et, d'un regard victorieux qui pénètre
jusqu'au fond de l'âme, il le touche, le convertit et en fait pour tous
les siècles un modèle de pénitence : Conversus Dominus respexit Pe-
trum. Chaque jour, mes frères, Dieu fait pour nous ce qu'il a fait
pour ces illustres pécheurs; et, si nous sommes assez heureux qufr
de retourner à lui, il nous reçoit à la pénitence et nous pardonne
#
LE PROPAGATEUR 649
sans délai, quels que soient nos crimes; car, ne l'oublions pas, il
n'y en a point d'irrémissibles. En aurions-nous commis d'aussi
grands que David, que Salomon, que Judas ; d'aussi énormes et
d'aussi nombreux que les plus grands scélérats qui ont passé sur la
terre, si nous avons un repentir sincère, il nous pardonne de grand
cœur.
Quelle différence entre la miséricorde de Dieu et celle des
hommes ! Ceux-ci ne pardonnent guère à leurs ennemis, sans se
faire quelque violence, et, quoique leur réconciliation soit sincère,
ils n'oublient jamais tout à fait les injures qu'ils ont reçues. Il n'en
est pas de même de vous, ô Dieu de bonté ! Vous ne vous faites
violence que lorsqu'il s'agit de punir, et, vous ne punissez le pé-
cheur, que parce que vous voulez lui pardonner. Dès le moment
qu'il revient à vous, ses péchés sont à votre égard comme s'ils
n'avaient jamais été, vous ne vous en souvenez plus, vous le rece-
vez à bras ouverts. Quatrième et dernier caractère de la miséricorde
divine.
4*^ Pour punir le pécheur de ses longues résistances et des délais
qu'il a mis à son retour. Dieu devrait se montrer difficile dans les
conditions du pardon, et mettre, entre la réconciliation et le
repentir, les mêmes retards que le pécheur a mis entre son retour
et la première sollicitation de la grâce ; mais, ô mon Dieu ! ces
pensées sont les pensées de l'homme, ce ne sont pas les vôtres ;
votre cœur nourrit pour le pécheur des pensées de miséricorde et
non des pensées d'afiQiction, dit Jérémie.
A peine le pécheur s'est-il décidé à rentrer dans les voies de la
justice que Dieu oublie tous ses égarements. Rappelez-vous la para-
bole d€ l'enfant prodigue, c'est votre histoire : comme lui, vous
avez écouté la voix du monde et des passions, et, comme lui, vous
m'avez trouvé, loin de la maison de votre père, que regrets et
déceptions. Pauvre prodigue ! revenez à votre Dieu, il vous attend ;
vous le verrez accourir au-devant de vous, vous recevoir dans ses
bras, vous presser sur son cœur. En vain diriez-vous comme le
Prodigue : Mais, Seigneur, je suis bien coupable, j'ai été un volup-
tueux, un blasphémateur, un sacrilège, un impie, un médisant, un
libertin... J'ai abusé de vos grâces et dissipé tout le bien que vous
m'avez donné : Nonsum dignus vocari filius tuus. N'importe, je veux
bien oubher tout ce que vous avez été. 0 vous, mes ministres ! hâ-
tez-vous de faire disparaître les haillons qui déparent l'âme de mon
fils et revêtez-le de la robe de son innocence : Citô proferte stolam
primam, et induite illum. Voilà pécheurs, comme la justice de Dieu
traite! Oh ! que vous avez bien sujet de mettre en elle votre con-
fiance ! Mais, de peur que cette confiance ne dégénère en présomp-
tion, voyons ce que vous devez faire pour correspondre aux desseins
de la miséricorde de Dieu sur vous.
II
Pécheurs, la miséricorde de Dieu vous appelle, vous devez vous
rendre dociles à cet appel ; elle vous attend, il ne faut pas lasser
sa patience ; elle vous cherche, vous ne devez pas vous soustraire
650 LE PROPAGATEUR
plus longtemps à ses paternelles poursuites ; elle vous reçoit et vous
pardonne, vous devez lui être reconnaissants et lui demeurer
fidèles.
1^ La miséricorde de Dieu nous appelle, nous devons nous rendre
dociles à cet appel. Gomment cela? par une volonté qui corres
ponde aux em pressements de sa charité et qui nous fasse dire comme
saint Paul : Domine^ quid me vis faceret Seigneur, que voulez-vous
que je fasse ? Ge persécuteur de l'Eglise de Dieu entend la voix du
Ciel lui dire : Paul, Paul pourquoi me persécutes-tu ? Je suis ton
Sauveur contre qui tourne ta rage et tes persécutions. Ego sum
guem tu peregueris ; lui, répondit aussitôt: Seigneur, que voulez-
vous que je fasse ? Faites-moi connaître votre volonté : Z)omme,
guid me vis facere ? Après avoir connu les ordres du Seigneur, il les
exécuta. Or, ce qui est arrivé une fois d'une manière si éclatante,
arrive encore tous les jours en faveur des pécheurs. Dieu les appelle
et les cherche lors même que, comme Saul ils le persécutent. Oui,
mes chers frères, si vous voulez avouer la vérité, je suis sûr que
vous conviendrez que, souvent, la voix de la miséricorde du Sei-
gneur s'est fait entendre dans le fond de vos cœurs lors même que
vous l'ofiFensiez. Ah 1 combien de fois ne vous a-t-elie pas affec-
tueusement dit : Mon fils, ma fille, quitte ce péché, cette personne,
cette occasion, ce blasphème, cette habitude d'impureté ; laisse de
côté ces romans, ces chansons, ces conversations lubriques; par-
donne cette injure? Mais vous avez été sourd, et sourd volontaire.
Vocavi et renuistis. Vous m'avez appelé, ô mon Dieu ! et, pour ne
pas entendre votre voix douce et paternelle, je me suis bouché les
oreilles.
Que devons-nous faire maintenant ? Nous devons, à l'exemple
de Saul, lui dire : Seigneur, que demandez-vous de moi, que vou-
lez-vous que je fasse ? Domine^ guid me vis facere ? Donnez-moi vos
ordres et je les exécuterai.
Nous devons, comme le jeune Samuel, nous lever et dire : Par-
lez, Seigneur, parce que' vos enfants coupables vous écoutent.
Loguere^ Domine, guia audit âlius tuus. Oui. je vous écoute avec le
recueillement que m'inspire votre autorité ; avec la générosité d'un
fidèle et dévoué serviteur : Loguere, Domine^ guia audit servus tuus.
2° La miséricorde de Dieu nous attend, il ne faut pas lasser sa
patience. Quoi ! pécheurs, Dieu vous souffre, Dieu vous attend;
et, au lieu de profiter de sa patience et de rentrer en vous-mêmes,
vous ajoutez péchés sur péchés, des actions criminelles à des pen-
sées et à des desseins mauvais, des parjures aux mensonges, des
insultes à la haine, des scandales à une conduite toute mondaine !
Il y a dix, il y a vingt, il y a trente ans que Dieu vous attend, mon
pauvre frère ; il est auprès de vous et vous presse de vous conver-
tir ; si vous ne le faites, vous abuserez de sa grâce et vous provo-
querez sa justice.
Et ne dites pas : Dieu est bon, il m'attendra encore. Oui, Dieu
est bon; mais parce qu'il est bon, croyez-vous qu'il ne devra pas
être juste ? Il vous attendra, et jusqu'à quel temps vous attendra-
t-il ? Usgue ad messen : jusqu'à la moisson, jusqu'au terme qu'il a
LE PROPAGATEUR 651
fixé ; et alors, s'il trouve en vous la dureté d'un cœur impénitent,
ne doutez pas qu'il ne vous charge de chaînes, et ne vous jette dans
les ténèbres extérieures, où les grincements de dents seront votre
partage.
Pour ne pas voir que sa patience méprisée va se changer en
fureur, il faut être bien aveugle. Sa conduite nous en donne des
preuves irrécusables ; voyez si après avoir attendu, il n'ouvre pas
les cataractes des cieux pour abîmer la terre dans les eaux du
déluge ; voyez si, après avoir m«nacé Sodome, il ne fait pas pleu-
voir sur ses habitants des torrents de flammes ; voyez si, après avoir
longtemps ouvert les bras à Jérusalem, il ne renverse de fond en
comble celte ville superbe et obstinée dans le mal, et si tous ses
citoyens ne sont pas, ou massacrés ou traînés en captivité
Profitons donc de la miséricorde de Dieu qui nous attend et ne
lassons pas sa patience par des délais continuels de conversion. Et
ne disons plus : Je ferai, j'irai ; mais, à l'instant, mettons la main
à l'œuvre pour travailler à noire conversion.
3° La miséricorde de Dieu nous cherche, pécheurs, nous ne
devons pas nous soustraire plus longtemps à ses paternelles pour-
suites. Si, pendant que le bon Pasteur court après nous, nous
prenons des sentiers détournés et nous nous éloignons de plus en
plus de lui par nos péchés, si comme Augustin coupable, nous ne
cessons de dire : Je me convertirai demain ; n'est-il pas à craindre
qu'à force de remettre cette œuvre importante nous entendrons ces
paroles désespérantes : Quœretis me et in peccato vestro moriemini ?
Je vous ai appelé et vous avez fermé l'oreille ; je vous ai aimé et
vous m'avez méprisé ; viendra le temps et le jour où vous m'invo-
querez et je vous mépriserai et je me rirai de vos pleurs : Ego
quoque in interitu vestro ridebo. Vous appellerez le prêtre que vous
avez fui pendant votre vie; mais ce prêtre sera peut-être absent,
ou bien il arrivera trop tard. Et cela pourquoi ? pour que cette
parole de Jésus Christ soit accomplie : Queretis me et non inve-
nietis. Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas et vous
mourrez dans votre péché : Et in peccato vestra moriemini. 0 mon
Dieu ! quelle folie de résister ainsi aux saintes poursuites d'un Dieu
qui fait tout pour nous conduire au Ciel !
4^ Enfin, lorsque la miséricorde de Dieu reçoit le pécheur et lui
pardonne, ce que le pécheur doit faire de son côté c'est de lui té-
moigner sa vive gratitude, et de lui demeurer fidèle jusqu'à la
mort. Plus de rechutes dans ses premiers désordres : il ne doit
jamais oublier la charité et la patience d'un Dieu qui aurait pu le
frapper et l'abîmer dans le fond des enfers pour une éternité, et
qui, cependant, veut le pardonner et lui donner un trône à côté
du sien dans le Ciel.
Il doit absolument renoncer aux péchés qui lui ont été par-
donnés et n'être plus à la charge à la miséricorde divine, qui con-
damne autant les conversions inconstantes, qu'elle se réjouit de
celles qui sont solides et persévérantes.
Il faut que ce pécheur gémisse le reste de ses jours d'avoir atten-
du si longtemps de se donner à Dieu. Tels étaient les sentiments
du Roi pénitent et tels doivent être les vôtres.
652 LE PROPAGATEUR
Finissons et recueillons en peu de mots le fruit à tirer de ce
discours. Vous avez entendu combien est grande la miséricorde
de Dieu envers les pécheurs, ne vous en défiez jamais; et, quelque
déréglée qu'ail été votre vie, ne désespérez pas de votre salut. La
bonté de Dieu surpasse toute la malice des hommes, mais aussi
n'en abusez pas ; car le prophète nous apprend que la miséricorde
de Dieu est pour ceux qui le craignent, et non pour ceux qui le
méprisent : Misericordia autem Domini ab œterno et usque in œternum
super timentes eum. Elle vous invite à la pénitence, rendez-vous à
ses sollicitations ; elle vous attend, ne lassez point sa patience ;
elle vous recherche, ne vous dérobez pas à ses charitables pour-
suites ; elle vous reçoit et vous pardonne, soyez-lui reconnaissants
et fidèles. Justes, espérez en la miséricorde de Dieu ; mais persé-
vérez, afin qu'elle couronne en vous ses dons, en récompensant vos
mérites.
Pécheurs, espérez aussi en la miséricorde de Dieu ; mais faites
pénitence. Faire pénitence sans espérer, c'est le partage et la peine
des démons; espérer sans faire pénitence, c'est la présomption des
libertins ; mais faire pénitence et espérer, c'est la consolation des
pécheurs vraiment convertis, qui, après avoir profité de la miséri-
corde de Dieu en ce monde, le loueront et le béniront éternellement
en l'autre. C'est la grâce que je vous souhaite. Amen.
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T r\T
ISË DE LA FAYETTE
A S. A. R. LA PRINCESSE BLANCHE D'ORLÉANS
(suite et fin)
II
Le lendemain matin, un peu avant le lever de la Reine, la plus
jeune des filles d'honneur, Mlle de Fontenilles, enfant de quinze
ans, dit à Mme de Motteville, tout en l'aidant à préparer les atours
de Sa Majesté :
— Savez-vous, Madame, que Mlle de la Fayette est une étrange
fille ? Imaginez-vous qu'hier au soir, quand elle nous a crues en-
dormies, Mme de Vernon et moi, elle s'est relevée, s'est habillée à
LE PROPAGATEUR 653
moitié, et s'est mise à prier Dieu en pleurant comme une Made-
leine. Je la voyais fort bien au clair de la lune, et elle me faisait
peur. J'ai fini par m'endormir en la regardant; mais, plus tard,
elle m'a réveillée sans le vouloir. Elle s'était recouchée, et chan-
tait en dormant l'air de Charmante GabrieUe; puis elle a fait un
grand soupir, et s'est écriée d'une voix de l'autre monde : Plutôt
mourir, ô mon Dieu, que d'être Gabrielle ! —Ne pensez-vous, pas.
Madame, que la Fayette devient folle ?
— Plût à Dieu que vous ne fussiez jamais plus folle qu'elle, ma
mie ! dit sévèrement Mme Motleville ; mais, en attendant que la
sagesse vous vienne, ne dites mot de ceci à personne au monde.
C'est fort vilain à une fille d'honneur de la Reine d'espionner ses
compagnes pendant le sommeil; et, si Sa Majesté le savait, vous
seriez tancée de la belle façon. N'oubliez pas cela, Mademoiselle,
et tenez-vous prête. Nous retournerons aujourd'hui à Saint-Ger-
main : les carrosses de la Reine sont commandés pour trois heures.
Ce jour-là même, aussitôt arrivée à Saint-Germain, Mlle de la
Fayette se rendit dans la chapelle du château et fit demander le P.
Gaussin, jésuite, depuis peu confesseur du Roi. A la grande sur-
prise du père, elle le pria de préparer l'esprit du Roi afin qu'il
consentit à ce qu'elle se retirât de la cour et entrât au monastère
de la Visitation.
Le P. Gaussin, dans une lettre écrite en 1638, et conservée au
monastère de Ghaillot, a noté heure par heure, pour ainsi dire, tous
les combats que Louise de la Fayette dut livrer contre son propre
cœur et les instances de ses amis. L^. P. Gaussin, tout le premier,
eût souhaité qu'elle restât à la cour. Il espérait qu'elle modérerait
par son crédit, l'excessive autorité du Cardinal ministre, et lui
disait à elle-même : " Je vous regardais comme un petit grain de
sable que Dieu avait placé de sa main sur le rivage, pour arrêter le
débordement de cette grande mer." Il crut user de prudence en lui
exagérant les difficultés de la vie religieuse. D'ailleurs il craignait
que Mlle de la Fayette ne fût poussée à prendre ce parti par
quelque artifice du CardinaL
Ct fut en présence de la gouvernante des filles d'honneur de la
Reine que le P. Gaussin, sur l'ordre du Roi, interrogea longuement
Mlle de la Fayette, et ne négligea rien pour l'effrayer du parti
qu'elle voulait prendre.
— Ehquoi ! lui dit-il, quitter le monde et la cour, un roi qui vous
aime, et tant de belles espérances, pour prendre un voile et vous
ensevelir toute vivante entre quatre murailles I Vous ne savez pas
ce que c'est que de renoncera son propre jugement, d'abandonner
sa propre volonté, et de vivre à la discrétion de personnes incon-
nues... Vous avez été jusqu'ici à la cour comme un oiseau des Indes
qui se nourrit d'ambre et de cannelle : vous n'avez reçu que des
louanges, des compliments, des complaisances et de l'admiration.
Vous serez bien étonnée lorsqu'on vous mettra une grosse croix
sur les épaules et qu'on vous fera marcher au Calvaire plus vite
peut-être que vous ne voudrez. Ne me cachez point les motifs qui
vous font prendre une telle résolution : n'avez-vous point désiré
654 LE PROPAGATEUR
quelques faveurs du Roi qu'il ne vous ait point accordées ?...Gela
vous aura peut-être piquée.
— Croyez, mon père, répondit-elle, que je suis bien éloignée de
cela, et que la bonté du Roi me procure toutes les satisfactions
imaginables. Si j'eusse montré de l'inclination pour le mariage, son
dessein était de me trouver un grand établissement ; mais, grâce à
Dieu, tout le respect que je lui ai rendu n'a jamais été pour mes
intérêts ni pour ceux des miens."
Puis le P. Gaussin lui représenta le bien qu'elle pouvait faire à
la cour, honorée comme elle était de la confiance du Roi, et il
conclut en disant qu'elle ne devait pas se retirer. Mlle de la Fa-
yette lui répondit que sa vocation était une affaire à quoi elle avait
songé très sérieusement, queDieu la lui avait inspirée dès l'enfance,
et qu'elle était bien assurée de ne trouver du repos qu'en religion..
••' Au reste, " ajouta-t-elle, " il m'est plus à propos de quitter le
monde que d'attendre qu'il me quitte. J'aime mieux faire par ver-
tu, à la fleur de l'âge et avec la bienveillance du Roi, ce que
d'autres feraient plus tard par désespoir et par nécessité En
quittant le monde, je n'emporte qu'un déplaisir, qui est de donner
de la joie au Cardinal par ma retraite."
Lorsque le P. Gaussin rendit compte au Roi de son entretien avec
Mlle de la Fayette, et conclut en affirmant que sa vocation lui
paraissait inspirée de Dieu et que le Roi ferait bien de ne s'y point
opposer, Louis XIII lui répondit, les larmes aux yeux :
— " Elle m'est bien chère ; mais si Dieu l'appelle en religiori, je
n'y mettrai pas d'empêchement, et si je savais que ma présence y
mît quelque obstacle, je m'en irais sur l'heure."
Il commanda ensuite au P. Gaussin de faire part du dessein de
Mlle de la Fayette à Mme de Senecé, sa parente, dame d'honneur
de la Reine, et de prendre son avis. D'ailleurs, le père et la mère
de Louise vivaient; elle n'avait pas dix-neuf ans, et ne pouvait
disposer d'elle sans leur consentement. Peut-être, sans oser se
l'avouer, le Roi espérait-il quelque retard, quelque obstacle au
départ de Mlle de la Fayette.
Ses parents hésitèrent : partagés entre la crainte de déplaire au
Roi s'ils consentaient, au Cardinal s'ils refusaient, ils laissèrent
passer les jours et les semaines. Le Cardinal s'impatientait du re-
tard ; Louise s'en attristait, et y voyait un manque d'affection. Son
âme droite et naïve ne pouvait comprendre les considérations et les
craintes terrestres en pareille occurrence. Pressée de rompre défi-
nitivement avec le monde, elle fit demander au Roi la permission
d'aller se présenter à la supérieure du premier monastère de la
Visitation. Louis XIII y consentit, à la condition qu'elle serait de
retour à Saint-Germain à l'heure qu'il désigna. Il ne voulait pas
de surprise. Louise de la Fayette, d'ailleurs, voulait rester ferme
jusqu'au bout, sans esquiver une seule des amertumes de son
sacrifice.
" La mère Hélène-Angélique Lhuilier reçut la généreuse postu-
lante avec toute la distinction qu'elle méritait. Elle n'eut pas de
peine à distinguer le trésor d'innocence et de vertu dont le Sei-
LE PROPAGATEUR 655
gneur gratifiait la communauté en sa personne. De son côlé, Mlle
de la Fayette resta saintement encouragée par les avis de cette digne
supérieure, et emporta de sa visite un désir plus ardent d'en finir
avec le monde.
" Quelques jours après, ayant secrètement mis ordre à tout, elle
pria le P. Gaussin de lui obtenir du Roi la permission définitive de
quitter la cour. Le 19 mai, le père alla trouver le prince à son le-
ver et s'acquitta de son message. Louis XIII parut étonné de cette
sollicitation : '• Qu'est-ce qui la presse ? " dit-il ; " qu'elle diffère
" encore quelques mois : j'irai à l'armée, et cette séparation me
••* sera moins sensible." Mais il se reprocha aussitôt sa faiblesse.
" Ne le faites pas," dit-il : "car, si je l'empêche à présent et qu'elle
" vienne à perdre sa vocation, j'en aurai regret toute ma vie.
" Jamais rien ne m'a tant coûté... mais il faut que Dieu soit obéi.
" — Allez dire à Mlle de la Fayette que je lui donne congé : elle
"• peut partir quand il lui plaira."
Louise attendait avec anxiété la réponse du Roi. Aussitôt qu'elle
la connut, elle entra dans la chambre de la Reine à son lever, et,
prenant congé de Sa Majesté, lui dit qu'après avoir eu l'honneur
d'être une de ses filles, elle allait devenir celle de sainte Marie, ne
pouvant choisir une moindre maîtresse sans déroger. La Reine,
attendrie jusqu'aux larmes, lui témoigna beaucoup d'affection. A
l'heare même, le Roi entra. Son visage était altéré, ses yeux nleins
de larmes. Mlle de la Fayette seule restait calme et sereine.
— " Eh quoi ! Sire," dit-elle, " pourquoi pleurer ce que vous avez
approuvé ? pourquoi vous attrister de l'accomplissement de la
volonté divine ? Après avoir été honorée de vos bonnes grâces, que
pouvais-je souhaiter, sinon d'entrer en celles de Dieu ? "
Puis elle recommanda au Roi quelques persoiines de mérite, en
justifia plusieurs, et ménagea quelques réconciliations.
Le Roi fit effort sur lui-même pour vaincre sa douleur :
— " Allez, lui dit-il, où Dieu vous appelle : il n'appartient pas à
un homme de s'opposer à sa volonté. Je pourrais, de mon autorité
royale, vous retenir à ma cour et défendre à tous les monastères
de mon royaume de vous recevoir; mais je connais celte sorte de
vie si excellente, que je ne veux pas avoir à me reprocher un jour
de vous avoir détournée d'un si grand bien."
Après cet entretien, elle monta en carrosse, accompagnée de
quelques filles de la Reine et de leur gouvernante, qui la condui-
sirent au monastère de la Visitation de la rue Saint Antoine, où
elle entra le 19 mai 1637, à l'âge de dix-neuf ans et un jour. Pen-
dant tout le trajet, elle montra une force, une générosité admi-
rables. Jamais, au milieu des fêtes, sa beauté n'avait brillé d'un
plus vif éclat ; sa physionomie radieuse contrastait si fort avec la
tristesse de ses compagnes, que, selon l'expression du P. Gaussin,
"■ on eût dit autant de victimes qu'elle allait sacrifier."
Et pourtant Louise de la Fayette n'accomplit point cet acte
héroïque sans de grands déchirements. Mme de Motteville raconte
qu'après avoir fait ses adieux au Roi et à la Reine, elle descendit
dans son appartement, dont les fenêtres s'ouvraient sur la cour du
656 LE PROPAGATEUR
château. Elle vit de là Louis XIII monter en carrosse, et s'écria avec
émotion : Hélas ! je ne le reverrai plus ! ** Mais cet attendrissement
fut passager, et prouva seulement que la grâce, en triomphant de
notre sensibilité, ne l'étouffé point, mais la dirige et la sanctifie.
11 faut lire, dans V Année sainte^ l'édifiant récit du noviciat de
Mlle de la Fayette pour apprécier tout le charme, la grandeur et la
grâce du caractère de cette admirable fille. La Reine et toutes les
dames de la Cour venaient s'édifier et s'émerveiller près d'elle ; et
Louis XIII, inconsolable de son départ, passait de longues heures
à l'entretenir à travers les doubles grilles du parloir, toujours
devant témoins, mais si cohfidemment, que le Cardinal en prit de
l'ombrage. Il exila en Bretagne le P. Caussin, et essaya de faire
envoyer la sœur Louise-Angélique au monastère d'Annecy. Le Roi
s'était laisser enlever son confesseur; mais il s'opposa aux menées
du Cardinal quant à Mlle de la Fayette, et la jeune novice fil tran-
quillement profession à Paris, au mois de décembre 1638, en pré-
sence de la Reine et d'une cour nombreuse.
Elle était alors âgée de vingt ans et sept mois.
La paix et la joie régnaient depuis longtemps dans son cœur, et
elle avait déjà obtenu la seule récompense terrestre qu'elle eût
demandée à Dieu : le 5 septembre 1638, la France avait fêté la
naissance de Louis XIV.
Et, disent les anciens manuscrits de la Visitation, " Louis XIII
étant mort en l'année 1643, la Reine nous fit l'honneur de nous
amener le jeune Roi, alors âgé de cinq ans, et la communauté
s'assembla au chapitre pour lui baiser la main. La Reine, s'aper-
cevant du recueillement de nos sœurs, dit à la supérieure : " Ma
mère, ordonnez à nos sœurs de ne " pas se mortifier et de regarder
le Roi." Puis Sa Majesté voulut que notre très honorée sœur Louise
Angélique le baisât, disant à ce jeune prince : " Aimez bien cette
bonne religieuse, car je '* lui ai de l'obligation."
" Ensuite le Roi alla se divertir au jardin avec Mgr le duc d'An-
jou. On présenta la collation à Sa Majesté, et quelques bijoux de
dévotion proportionnés à son âge. La Reine entretint longtemps
notre sœur Louise-Angélique, et, le lendemain, lui envoya le por-
trait du Roi."
Après avoir édifié son ordre par les plus aimables et constantes
vertus, et consolé pendant de longues années l'exil de la reine
Henriette-Marie et de sa fille Henriette d'Angleterre, la mère
Louise-Angélique de la Fayette, supérieure du monastère de Chail-
lot, s'endormit du dernier sommeil le 11 janvier 1665. " Ses der-
nières paroles : " Mon Dieu, je m'abandonne à vous !" furent l'écho
de toute sa vie ; bientôt après les avoir prononcées, elle perdit
connaissance, et fut admise dans la cour de ce Roi immortel pour
qui son cœur avait généreusement méprisé toutes les grandeurs
de ce monde." j^^
Mme Julie Lavergne.
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Edition in-18. mesurant 4x6 imprimée sur papier chine
rouge et noir.
Maroquin noir No 1, capitonné, couture sur nerf, tranche
rouge sous or, coins ronds $12.50
Edition in-32j mesurant 3X x 5, imprimée sur papier chine,
rouge et noir.
Maroquin noir No 1, capitonné, coulure sur nerf, tranche
rouge sous or, coins ronds $10.00
BREVIARIUM ROMANUM
(TOTTJnyC)
Edition gros in-18, mesurant 4x6, imprimée sur papier chine,
rouge et noir.
Maroquin noir, No 1, capitonné, couture sur nerf, tranche
rouge sous or, coins ronds $5.00
. / /
LE PROPAGATEUR 661
HOR^ DIURNE
BREVIARn ROMANI,
ex decreto sacrosanti Ooncilii Tridentini restituti :
S. Pie V, Pontificis maximijussu editi,
démentis VIII, Urbani VIII et Leonis Xm,
auctoritate recogniti.
Edition grand in-18, mesurant 4x6, imprimée en noir et rouge-
No 32. Chagrin, 1er choix, noir, tranche dorée $2.50
RITUALE ROMANUM
Pauli V, Pontificis Maximi
jussu editioni cui novissima accedit Benedictionum
et Instnicturum appendix. Editio nova
tanquam typicœ omnino conformis a Sacra
Rituum congregationis approbata.
Edition in-18, mesurant 31 x 5L imprimée en rouge et noir.
Basane noire, forte, tranche dorée SI 50
Chagrin No 1, souple, tranche dorée 2.00
EDITION DUCIiEE, I,EFEBTBE éc Cle
BRETIAEIU^ ROMAiSTUM
1 vol. in-32, avec fascicules détachés, (5 x 3^).
Bréviaire de voyage en caractères très lisibles : Un tout* petit
volume en rouge et noir, avec propre du Temps et des Saints en
fascicules détachés, — très complet avec tous les offices nouveaux,
les offices votifs,etc,et entièrement conforme aux derniers décrets.
Chagrin noir, tranche dorée S6.00
CAHIER^RAISONS
POUR LES SALUTS. PEIÊRES DES QUARANTE HEURES,
ROGATIONS. Etc.— In-4o
Demireliure basane. $1.00
CACHETS
Souvenirs de première Communion et Confirmation.
GRANDES GRAVURES FINES
PL 550 -Baptême, Première Communion et Confirmation
réunis, pour filles. — 1 à la feuille demi-raisin.
La douzaine $1.50
FI. 451 -Baptêmes Première Communion et Confirmation
réunis, pour garçons. — l à la feuille demi-raisin.
La douzaine $1.50
FI. 441.-Bapteme, Preniière Communion et Confirmation
réunis, pour garçons et filles. — 1 à la feuille demi-raisin.
Riche ornementalion gothique, sujets allégoriques et
textes. Exécutés avec grand soin. — En noir.. $1.50 doz.
FL 443.— Communion et Confirmation réunies, pour garçons
et filles. — 1 à la feuille, demi-raisin.
Avec entourage riche contenant des vignettes allégo-
riques et textes. Exécutés avec grand soin. — En
noir $1.50 doz.
FL 434.— Communion, pour garçons et filles. — 1 à la feuille,
demi-cavalier. (L'inscription fait mention de la
Confirmation.)
Avec textes et entourage aiiegorique, style gotnique.
Gravure très soignée. — En noir $1.00 doz.
FL;448-Bapteme, Première Communion et Confirmation
réunis, pour filles. — 2 à la feuille, demi-cavalier.
LE PROPAGATEUR 663
PI. 449- Bapteuie, Première Cominuuiou et Confirmation
réunis, pour garçons. — 2 à la feuille, demi-cavalier.
Ces cachets sont consacré au Sacré-Cœur de Jésus qui
rayonne au-dessus de l'autel. — On lit sur les deux
colonnes qui portent rornementatlon : Mon Cœur
spra ta force... Mon Cœur sera ton refuge... En
noir Sl.OO doz.
PI. 439— Communion et Confirmation, réunies dans le même
cachet, pour filles.— 2 cachets sur la feuille, demi-
cavalier.
PI. 439 &t;.— Commnuion et Confirmation, réunies dans le
même cachet, pour garçons. — 2 cachets sur la feuille
demi-cavalier.
Jolie entourage, avec petits sujets et textes. Exécu-
tion soignée, — En noir SI.UO doz.
PI. 437. — Communion, 4 à la feuille, 2 pour garçons et 2
pour filles.
Entourage allégorique avec textes. En noir. 80c. doz.
CACHETS DE PBËllIiRË COM)IUM0\ ET DE CO!(FiB)IATiO\'
No 102 pour garçons lî| x 19J 1 cà la feuille la douzaine Sl.OO
103
107
108
111
112
filles i2f X 19^ 1
garçons et filles 12 x 18 1
9f X I2f 2
garçons 6^ x 10 4
filles 6J X 10 4
1.00
0.80
1.00
1.00
1.00
Cachets de Première Communion [Chromo)
No 402 (Emblème, Hostie, Calice)... 8^ x 12 la douzaine $1.50
403 Cachet emblématique 8* x 12 " 1.50
406 Garçon seul 8| x llf chaque 1.00
407 Filleseule 8fxll| " 1.00
409 Garçon, scène de la commun. 8| x 11^ la douzaine 1.50
410 Fille, " " 8f x llf " 1.50
664 LE PROPAGATEUR
DIPLOMES
No 2,006.— Diplôme d'Agrégation.— Avec formule d'admission
et cousécration. — Sujet : l'Immaculée Conception,
entourée de jeunes filles qui se consacrent à son
service, avec ce texte : 0 Vierge Immaculée, vous
êtes l'honneur de notre sexe, notre joie et notre
espérance !...
Gravure fine avec bordure. Sur quart-jésus. En noir. $1.00 doz.
€acbets pour congrégation d'enfants de Marie.— Sujet :
l'Immaculée Conception, avec formule d'admission,
Gravure en noir, teinte et filet or, lOJ x 14 la dou-
zaine $1.20
Cachets pOur congrégation des Dames de fSte-Anne.—
Sujet : Ste-Anne, avec formule d'admission.
Gravure en noir, teinte et filet or, lOJ x 14 la dou-
zaine $1.20
IMAGES
FORMAT LIVRE DE PRIERES
VIGNETTES FINES (lN-18) DITES:
DEVOTIONS SPECIALES
SUJET PAR UNIT*:
Série gravée avec le plus grand soin. — Textes choisis, recto et verso.
Collection constamment augmentée et renouvelée.
Avec dentelle, en noir, filet or 60c. doz
LE PROPAGATEUR 665
VARIETES DE CHOIX
VIGNETTES TRES FINES
sous FORMES ET TITRES DIVERS.
Vignettes arec garde.
Sujets recouverts d'une garde contenant ordinairement un
texte remarquable en vers et en prose. — Cette garde est ornée elle-
même d'un petit sujet gravé sur acier.
Gravure fine, format in-18. Arec dentelle. En noir,
avec fllet or $1.00 doz.
Vignettes avec garde et transparent.
Les voiles Eucharistiques ou les Ténèbres lumineuses de la
Foi. — Sujet transparent recouvert d'une garde illustrée contenant
l'Ave Eucharistique.
Gravure fine, format in-18. Avec dentelle ; En noir,
filet or $1.50 doz.
Feuillets doubles.
Deux pensées réunies. — Deux sujets en regard. Titre doré,
texte en prose. La bordure dentelle est également double.
Gravure fine, format in-18. En noir, dorure riche. $1.50 doz.
DETAIL DES SUJETS-
No l. — Les deux Montagnes.
'' 2. — Amour à la sainte Eglise.
" 3. — Le Temps des semences et le Temps des moissons.
" 4. — Seul désir raisonnable, seul repos véritable. (Avant et
après la sainte Communion.)
" 5. — Le trésor que je préfère à tout, ou Jésus et Mariedans
le cœur fidèle. (En préparation.)
Cette série se continue.
666 LE PROPAGATEUR
PLIS.
Plusieurs sujets, avec texte, contenus dans un même pli, faisant
corps, et ne tenant pas plus de place qu'une image simple.
Gravure fine, format in- 18. Avec dentelle : En noir,
dorure riche $2.00 doz.
DETAIL DES PLIS.
No 1.-- Office de l'Immaculée Conception.
" 2. — Le Chemin de la Croix.
" 3. — Ma première communion (avec transparent.)
" 4. — Sainte amitié.
" 5. — Les Sept Œuvres de miséricorde.
" 6. — La Grâce du pauvre malade (avec le billet d'entrée
pour le ciel.)
" 7.— L'Office du Sacré Cœur.
8. — Les degrés de la Dévotion à Marie.
9. — Le dogme de l'Infaillibilité rendu sensible (avec trans-
parent.)
10. — Souvenir de Notre-Dame de Lourdes (avec le Petit
Office de l'Immaculée Conception.)
11. — Ma Persévérance (avec transparent.)
12. — La délivrance des âmes du Purgatoire (en préparation.)
Celle série se conlinue.
«
Pieuses surprises.
Pliées en forme de lettre, et présentant un sujet nouveau à
chaque développement. Titre gravé, doré et bordure dentelle.
Gravure fine, format in-18. Avec dentellj : En
noir $2.50 doz.
DETAIIi DES SUJETS
No 1. — Le Trésor inconnu (ou le Saint Cœur de Marie.)
" 2. — liinéraire du Pèlerin (Conduite de l'âme par la Très
Ste. Vierge.)
" 3.— Le Passeport pour la sainte Cité (Imitation du divin
Enfant.)
" 4. — Vieille surprise toujours nouvelle, ou vérité de 6,000
ans qui presse les filles d'Eve de se faire Enfants de
Marie.
LE PROPAGATEUR 667
L'horloge Eucharistique (Avec cadran mobile) pour faciliter
l'apostolat de la prière par l'union per-
pétuelle au saint sacrifice. Au moyen
du cadran mobile, on trouve sur cette
image (à toute heure du jour ou de la
nuit en France) une contrée de la terre
où il est 6 heures du matin, et où s'offre
le saint sacrifice de la messe.
Gravure fine format in-IS. Avec dentelle : En noir,
avec filet or §1.00 doz.
L'horloge du Sacré-Coeur. Un mécanisme facile permet de chan-
ger le texte et donne pour chaque heure
du jour une pensée pieuse.
Gravure fine, format in- 18. Avec dentelle . En noir,
filet or = SI.OO doz,
Outrages et Réparations. (Tous les jours offensé !.. Tous les jours
consolé !...) Sujet double avec texte.
Gravure fine, format in-12. Avec deatelle : En noir,
filet or, et rehaussé de couleur $1.50 doz.
Mystère de la Communion de Noël. Un mécanisme très simple
fait apparaître dans la sainte
Hostie de Noël le divin Enfant,
et changer en même temps le
texte de l'image.
Gravure fine, format in-18. Avec dentelle : En noir,
filet or $1.00 doz.
PHOTOGRAPHIES SITES MIGNONNETTES
Simples, prêtes à co'ler §1.00 le cent.
668
LE PROPAGATEUR
PETITS LIVRES D'IMAGES
RECUEILS FORMÉS AVEC LES PLANCHES DECOUPURES
DONT ILS PORTENT LE NUMÉRO
Livre de la Série 300
Saints désirs. (PI. 302.)
Le divin Pilote (PI. 303.)
Figures sensibles de la sainte
communion. (PI. 304.)
Le Ciel. (PI. 305.)
Fruits de la dévotion à Marie
(PI. 306.)
Sainte semences et divine mois-
son. (PI. 307.)
La vigne selon le Cœur de Dieu
(PI. 310.)
Moyens de transport pour le
Ciel. (PI. 311.)
Le Cœur malade aux yeux du
divin Maître. (PI. 312.)
Le Cœur guéri par la foi au
divin Maître. (PI. 313.)
Le Cœur vivant de la vie mê-
me du divin maître. (PI. 314.)
Le petit Grain de blé dans la
main de Dieu. (PI. 315.)
Sainte Amitié. (PI. 316.)
La Nature, la Grâce et l'enfant
de Marie. (PI. 3.20.)
Cartonnés avecjsoin, couverture en toile gaufrée, titre
et tranche dores 40c. chaque.
Livres de la Série 900
Le divin Maître, les commen-
çants. (PI. 912.) Ire partie.
Le divin Maître, les profitants.
(PI. 928.) 2e partie.
OflBces des Enfants de Marie.
(PL 930.)
Vie cachée du Sauveur. (PI.
931.)
Demeure du divin Maître, (PI.
932.)
Confiance en Marie. (PI. 934.)
Miroir de la jeunesse. (PI. 936.)
Le saint Rosaire (PI. 939.)
Les Caractères du divin amour
Ire partie (PI. 942.)
2e partie (PI. 943.)
Cartonnés avec toin, couverture en toile gaufrée,
titre et tranche dorés 35c. chaque.
LE PROPAGATEUR 669
MEMENTO D'ORDINATION
Pablicatîon nouielle
FORMAT IN- 18
Style des anciens manuscrits
Les Ordres Mineurs 1 Le Diaconat
Le Sous-Diaconat | La Prêtrise
La douzaine 60c. '
Les souvenirs d'Ordination ont toujours fait l'ornement le plus
précieux et le plus touchant d'un Bréviaire. — Ils sont encore un
gage d'union sacerdotale entre condisciples ordonnés le même
jour. — Enfin, ils peuvent être offerts utilement à des parents ou à
des amis comme sujet d'instruction, d'édification, et surtout
comme demande de prières.
Les Souvenirs que nous annonçons ici, répondent à ces trois
besoins, sous trois formes différentes.
Images sujet emblématiques et figures.
Dentelle couleur 2f x 4 la douzaine 30c.
" 3 X 4f " 40c.
Images deuil, sujet Crucifix avec la prière " 0 Bon et très
doux Jésus. "
Le cent $2.00
Images deuil, sujets variés.
A .... $1.50 $2.00 $2..50 et $3.00 le cent.
IMACES AVEC BORDURE EN DENTELLE
Cbaqne sajet est encadré dans une dentelle à jour ajustée ft chacnn.
^êrie 1,000
Sujet noir, 3 x 4^ la douzaine 40c.
8érie 500-600
Sujet noir avec filet or, 3 x 4J la douzaine 30c.
670
LE PROPAGATEUR
tierie 100
Sujet noir, 2^ x 4 la douzaine
20c.
Série 300
Sujet noir, .2 x 3 la douzaine
N ]
13c.
CHROMOLITHOGRAPHIES E
DENTELLE
Feuilles de 136 sujets ,
@
15c. la feuille
72 "
((
15c. "
" 55 "
u
15c. "
36 «'
((
15c. "
32, 45, 60, 80 sujets
((
30c.
32, 45, 60, 80 "
il
40c.
32,42,60, 100 "
u
50c.
'■'■ 42 sujets
"•*■
60c. "
42 "
a
75c.
Dentelles blanches 2^ x 3| la douzaine
15c.
'« " U X U
20c.
SOUVENIRS DE PREMIERE COMMUNION
Images avec dentelle à jour appropriée aa snjet
RIîPRÉSENTANT COMMUNIANTS GARÇON-FILLE
No 1351 Sujet noir, garçon
" 1352 " fille 2|x4
" 1355 Sujet noir avec pailletage garçon 2|- x 4
" 1356 " " fille 2^x4
" 1359 Sujet noir, garçon. 3 x 4J
" 1360 " fille. 3 x4J
2J X 4 la douzaine. $0.40
0.40
1.25
1.25
0.50
0.50
IIKAOKS AVEC DENTEIiliE A JOUR EN REI.IEF ET HABII.L.EES
REPRÉSENTANT C0MMUl4lANTS GARÇON-FILLE
No 65 Dentelle blanche, garçon
" 65 " " fille
" 50 " dorée, garçon
'' 50 " " fille
" 21 " blanche, garçon
'^ 21 " " fille
" 79 " dorée, garçon
" 79 " " fille
" 96 Relief couleur, garçon
« 96 " " fille
U X
X
21
2ix
4 la douzaine
4 "
3
3
3
3
4f
4
4
X ^
X
X
X
4f
5
5 "
6J chaque
6i "
fO.75
0.75
1.50
1.50
1.00
1.00
2:00
2.00
0.50
0.50
LE PROPAGATEUR 671
GRANDES ETUDES
Hauteur '26 pouces. |
Largeur 21 " f
Sujet noir, fond teinté,
chaque.
$0.75
" rehaut, fond teinté,
('
1.25
" couleur, fond ciel,
«
2.50
" " " noir,
'•
2.50
SUJETS REMGIEUX
No 5 Mater Dolorosa,
(5 Ecce Homo.
9 Léon XIII.
10 Jésus Rédempteur du monde.
16 Le Sacré Cœur de Jésus.
17 Le Saint Cœur de Marie.
18 Saint Augustin.
20 Saint Gbarles-Borromée.
21 Saint Jean, évangéliste.
22 Le patriarche St. Joseph.
23 Saint Antoine de Padoue.
25 L'Immaculée Conception.
26 Sainte Anne.
29 Sainte Catherine, martyre.
33 Saint Vincent de Paul.
35 Saint Louis de Gonzague.
37 Marie conçue sans péché.
39 Sainte Rose de Lima,
40 Sainte Catherine de Sienne.
41 Sainte Thérèse.
43 Saint Stanislas de Kostka.
44 N.-D. du Rosaire avec Saint Dominique.
45 Saint François d'Assise.
48 Saint Michel Archange.
53 Saint François Xavier.
54 Sainte Madeleine.
56 Ange Gardien.
5 ' Saint François Xavier.
58 Saint François d'Assise. (Vision des plaies.)
62 Saint Ignace de Loyola.
63 N-D. du Mont-Carmel. (Ames du Purgatoire.)
66 Agonie de Jésus.
69 Rêve du Calvaire.
75 Jésus, Marie, Joseph.
92 Saint Roch.
93 Saint Joseph.
94 Jésus crucifié.
95 Saint Dominique.
99 Saint François de Sales.
672 LE PROPAGATEUR
100 Sainte Cécile.
103 Sainte Philomène.
104 N.-D. de Lourdes. (Apparition.)
10) Sacré Cœur de Jésus.
106 Très Saint Cœur de Marie.
109 Manifestation du Sacré Cœur.
112 Sainte Marguerite.
PETITES ETUDES
^
Sujet
noir, fond teinté
chaque.
10.38
Hauteur
20
pouces.
"
rehaut,
fond teinté
"
0.75
Largeur
14
"
((
couleur
fond ciel
ti
1.50
-'
<(
" noir
1.50
[SUJETS R£L.IOI£1JX
No 1 L'immaculée Conception.
" 2 Jésus Rédempteur.
" 3 Mater Dolorosa.
" 4 Ecce Homo.
'•• 5 Saint Antoine de Padoue.
" 6 Le Patriarche Saint Joseph.
." 9 Saint Louis de Gonzague.
" 10 Saint Stanislas de Koslka.
" 11 Marie conçue sans péché.
" 13 Sacré Cœur de Jésus.
'• 14 Saint Cœur de Marie.
'• 17 Jésus, Marie, Joseph.
" 20 N.-D. du Mont Garmel. (Avec les âmes.)
" 24 Sainte Anne.
'* 25 Sainte Thérèse.
" 30 N.-D. du Rosaire et Saint Dominique.
" 35 L'Ange Gardien.
" 37 Saint Joseph.
" 38 N.-D. de Lourdes. lApparition.)
" 3J Saint François d'Assise.
" 43 Sacré Cœur de Jésus.
<' 44 Très Saint Cœur de Marie.
" 45 Manifestation du Sacré Cœur.
'■' 48 Sainte Madeleine.
" 49 N. S. P. le Pape Léon XI IL
*' 50 Saint François d'Assise (Vision des plaies.)
BULLETIN
12 Janvier 1893.
*^* En France l'excitation causée par les révélations du scandale
de Panama est plus intense que jamais. Le public est épouvanté
à la vue de cette gigantesque spoliation et il se demande s'il est
le jouet d'un rêve ou s'il est bien dans la réalité. On est frappé
de stupeur en voyant l'audace avec laquelle opéraient les misé-
rables qui volaient ainsi sans pitié les trop confiants actionnaires
de la compagnie. Un grand nombre d'hommes publics sont com-
promis. Parmi eux se trouvent des sénateurs, des députés, des
anciens ministres, des agents, des banquiers etc. De tous côtés
les mains se tendaient pour saisir la proie. Il est considérable le
nombre de ceux qui ont pris part à la curée.
Parmi les personnages compromis à divers degrés on mentionne
messieurs Fioquet,ex-président de la chambre des députés, Clemen-
ceau député, Albert Grévy, sénateur, Rouvier, ancien ministre
des finances etc. etc. Se voyant compromis, M. Rouvier, tout en
protestant de son innocence, a donné sa démission de ministre.
11 a été remplacé par M. Tirard, ancien premier ministre.
L'homme qui paraît le plus coupable dans ces fraudes est le juif
allemand Cornélius Herz, actuellement réfugié en Angleterre.
Ce triste personnage est grand officier de la légion d'honneur.
Plusieurs anciens directeurs et employés supérieurs de la com-
pagnie de Panama subissent aujourd'hui leur procès devant la
première chambre de la cour d'Appel de Paris. Cette cour est
présidée par M. Périvier. Ces personnages sont
Prévenus :
D'avoir, conjoinlement et depuis moins de trois ans avant le dernier acte de
poursuite à Paris, en employant des manœuvres frauduleuses pour faire croire
à l'existence d'un événement chimérique et d'un crédit imaginaire, dissipé des
sommes provenant d'émissions qui leur avaient été remises pour un usage et uh
emploi déterminé, et escroqué tout ou partie de la fortune d'aulrui ;
Délits prévus et réprimés par les articles 405, 406, 408 2, 5, 59 et 62 du Code pénal.
***
*,* Avant hier, le 10, avait lieu la rentrée des chambres françaises
après les vacances de Noël et du jour de l'an. A la Chambré des
députés M. Floquet, ex-président, a retiré sa candidature et M. Ca-
simir Perrier a été élu Président avec une majorité de 155 voix.
Le ministère Ribot qui ne comptait qu'un mois et quelques jours
d'existence a donné sa démission. Le prétexte de cette démissioa
est la divergence d'opinions qui existait entre les ministres relati-
vement aux poursuites à être intentées contre M. Baïhaut, ancien
ministre des Travaux PubUcs, gravement compromis dans l'affaire
de Panama. La crise a été de courte durée. Le président Carnot
à chargé de suite M. Ribot de former un nouveau ministère, ce
qui a été fait dans quelques instants. Cette fois-ci messieurs Lou-
bet et de Freycinet ont été laissés de côté et remplacés par deux
hommes nouveaux, messieurs Viger et Loizillon.
Le nouveau ministère est composé comme suit :
Président du Conseil : U. Ribot, ministre de l'intérieur,— M. Dbvelle, affaires
43
674 LE PROPAGATEUR
étrangères. — M, Tirard, finances. — M. Bourgeois, justice.— M. G. Loizillon,
guerre.— M. Bdrdeau, colonies et marine. — M. Dcpdy, instruction publique. —
M. ViGER, agriculture. — M. Siegfried, commerce. — M. Viette, travaux publics.
/^ L'abbé Théodore Cohen ou Kohn, juif converti, a été élu
archevêque d'Olmutz en Moravie, à la place du Cardinal de Fûrs-
tenberg, mort il y a quelques semaines. L'élection a été faite par
le chapitre de la cathédrale. Cette nomination au siège d'Olmutz
a créé une grande sensation dans une contrée où l'agitation anti-
sémitique est si intense.
Lorsque la nouvelle de l'élection parvint à Vienne, le Reichsrath
était en séance et la surprise'et l'agitation qu'elle causa furent si
grandes que les procédés furent suspendus pendant un temps con-
sidérable. Le Dr Cohen, s'est converti lorsqu'il n'était encore
qu'un jeune écolier et il est actuellement âgé de 47 ans.
En vertu d'un privilège spécial (1) l'élection de l'archevêque
d'Olmutz se fait par le chapitre de la cathédrale. Ce chapitre est
actuellement composé de seize membres. Depuis plusieurs siècles
le siège d'Olmutz a toujours été occupé par des archiducs, des prin-
ces ou des membres des plus nobles familles du pays. Ce siège, dit
un journal français, est le plus riche du monde entier.
Avant son élection comme prince (2) archevêque, le Dr Cohen
était le directeur de la chiKC?*llerie du Consistoire d'CIinutr. Il a
été professeur de droit canon.
/^ Le Congrès eucharistique qui doit bientôt siéger à Jérusalem
sera un événement d'une importance immense. L'Orient l'attend
avec une légitime impatience. L'Occident l'appelle de tous ses
vœux. Le monde catholique entier en espère des fruits de salut.
Le pape le bénit. C'est en effet une pensée digne d'admiration que
celle de tenir ce Congrès dans la ville même où N, S. J. C. a ins-
titué le plus grand et le plus saint de tous les sacrements.
Ce Congrès sera présidé, au nom du pape, par le cardinal Lan-
génieux, archevêque de Reims. Ce choix que N. S. Père a fait d'un
prélat français, indique ses prédilections pour la France, la fille
ainée de l'église. A la France d'ailleurs appartenait la présidence
de ce congrès car les populations de l'Orient ont toujours les yeux
sur elle et, malgré les événements, ils la regardent encore comme
leur protectrice. Qui sait si le Christ qui aime les Francs, n'attend
pas ces manifestations pour rendre à la nation privilégiée son
prestige, sa gloire et sa force d'autrefois.
Le congrès va attirer des foules immenses à Jérusalem. De toutes
les parties de l'Orient les patriarches, archevêques et évêques se
préparent à y assister. Les pèlerinages s'organisent dans toute
l'Europe. L'Amérique fournira aussi son contingent. Presque tous
les pays de l'univers participeront par des représentants à cette
croisade d'un nouveau genre destinée à combattre les doctrines
perverses qui prévalent aujourd'hui.
(1) Le chapitre de Salzbourg a le môme privilège.
(2) Les archevêques d'Olmutz, perlent le litre de princes.
LE PROPAGATEUR 67S
V Pertes di Salaires pour les grévistes §2,0U0,000.0G
Pertes pour les propriétaires $4,000,000.00
Frais de milice etc 8500,000.00
Procès civils et criminels Un grand nombre
Pertes de vies 35
Tel est le triste bilan de la fameuse grève de Homestead.
Qui est responsable de cette grève affreuse ? Sont-ce les Carnegie
par leurs exactions etc ? Sont-ce les ouvriers par leurs exigences
injustes ? Dieu seul le sait.Quoiqu'ilen soit il y a presque toujours
dans les grandes grèves des vauriens qui trouvent quelque chose à
gagner à soulever les passions.
Dans toutes les grandes grèves, il y a aussi presque toujours des
traîtres qui, après avoir soulevé les grévistes, les abandonnent à
leur malheureux sort dès qu'ils s'aperçoivent qu'ils n'ont aucune
chance de succès. Le seul fait d'exciter les travailleurs à faire une
grève injuste n'est-il pas aussi par lui-même suffisant pour consti-
tuer une trahison ?
Un journaliste français s'écrie (1) en parlant de la grande grève
ie Garmaux qui s'est terminée api es 80 jours de chômage et des
j^ ^rtes énormes.
i:t, en efiet, traîtres, vraiment trailres sont ceux qui viennent endoctriner ces
homaes de dur labeur, peu ouverts aux chosesjde l'esprit, très enclins naturelle-
ment \ trouver le monde mal fait, les salaires insufiSsants et les heures de travail
trop longues.
C'esi une trahison que de les arracher à la besogne, que de leur faire croire
qu'ils su 11 le centre du monde, que la Chambre leur donnera raison, qu'ils sorti-
ront de lear humble condition autrement que par des chances exceptionnelles,
et que les 'Conditions économiques du monde se sont modifiées pour et par eux.
Après cl.aque grève, l'inanité et le danger de ce moyen barbare saulent à
tous les yen 5 ; et pourtant demain, dans quelques jours, on recommencera sur
la même ritournelle, jouée par les mômes meneurs, avec le même dénouement !
Triste humanité !
*/ G'eï:i avecla plus vive satisfaction et le plus légitime orgueil
que nous, les Canadiens-Français de la province de Québec avons
appris la iigne de conduite tenue par nos compatriotes des Etats-
Unis dan.-i l'élection du 8 novembre. Ils ont voté en masse pour
les démocrates, c'est-à-dire pour le parti qui les a toujours traités
favorablement dans le passé et qui est le plus disposé à leur rendre
justice dans l'avenir. Leur conduite à été patriotique et ils en
seront bientôt récompensés.
En rendant compte des élections, le correspondant à Chicago du
■ :• ..xial La Presse de Montréal (2) écrit les lignes suivantes qui sont
nien de nature à réjouir les Canadiens d'ici.
Les voici :
Pour nous, population de langue française de l' Illinois nous avons doublement
le droit de nous réjouir, car nous avons à enregistrer un autre succès non moins
éclatant, car nous sommes heureux de constater qu'avec la presque unanimité
parmi nos compatriotes, le sympathique juge John P. Altgeld, est devenu gou-
verneur de l'Etat. Celte éleciion signifie la continuation des écoles paroissiales
où les enfants de notre colonie apprendront avec la langue de ce pays celle de
(1)M. Magnard. (2) No du 15 novembre.
676 LE PROPAGATEUR
leurs aisux dont nous sommes tous si fiers ; où ils seront instruits dans notre
religion, où ils seront élevés comme de bons citoyens et de bons chrétiens,ayant
toujours au cœur l'amour de leur pairie.
*,* Nous devons signaler une innovation dans la rédaction des
commissions des lieutenants-gouverneurs. La commission de
M. Ghapleau a élé rédigée en français. C'est la première fois que
la chose arrive depuis la cession du pays à l'Angleterre. Il est
étrange cependant que l'on ne se soit pas servi de cette langue
chaque fois qu'un lieutenant-gouverneur de la province française
de Québec a été nommé, car la langue française est de droit sur
le même pied que la langue anglaise. Nous ne devons, à aucun
prix, céder lorsque nous avons des droite à faire valoir, car plus
nous céderons et plus l'on exigera de nous. Ceci me remet en
mémoire ce qui est arrivé en cour criminelle il y a déjà bien long-
temps. C'était à Montréal. Un avocat, M, T. J. J. Loranger, plus
tard juge de la cour supérieure, ayant rédigé des procédures en
français, son adversaire voulut les faire mettre de côté parcequ'elles
n'étaient pas rédigées en anglais suivant la coutume. Mais M. Lo-
ranger prétendit que la coutume suivie était abusive et ne pouvait
pas remplacer la loi, qu'il avait droit de faire usage de sa langue
maternelle et qu'il continuerait à s'en servir. Et il eut gain de
cause. Celte noble conduite devrait ouvrir les yeux à nos anglo-
manes et les couvrir de confusion.
/^ Sont élus : *^*
1° Député fédéral de Hastiugs Nord, Ontario, M. A. W. Carscal-
len, conservateur. Il remplace M. Bowell, nommé sénateur.
2'' Député fédéral de l'Islet, Québec, M. J. Israël Tarte, libéral.
Il remplace M. Desjardins, conservateur, nommé greffier de l'as-
semblée législative de Québec, M. Tarte est notaire et journaliste.
3*^ Député fédéral de Terrebonne, Québec, M. Pierre Leclair,
avocat, conservateur. Il remplace M. Ghapleau nommé Lieutenant-
Gouverneur de Québec
4° Député local de Peel, Ontario, M. John Smith, libéral. Il
remplace M. Kenneth Chisholm, qui a donné sa démission.
*,* Sont réélus :
\° Les quatre nouveaux ministres fédéraux, Messieurs Curran,
solliciteur-général; Ives, président du Conseil privé; Wallace,
contrôleur du revenu de l'intérieur ; Wood, contrôleur des finances.
2° M. Taillon, nouveau premier ministre de la province de
Québec. Il représente le comté de Chambly.
,*, Le 7 janvier courant la Semaine religieuse de Montréal commen-
çait sa lie année de publication. Ce journal a fait sa marque dans
le journalisme canadien. C'est un vaillant défenseur des droits de
l'Eglise et des privilèges des communautés. Nous lui souhaitons
des succès croissants. *jjç*
,*^ Aujourd'hui a lieu l'ouverture de la deuxième session de la
huitième Législature de Québec.
La prochaine session du parlement fédéral commencera le 26.
Alby.
LA DERNIÈRE ROSE
A MADEMOISELLE MARY CASIMIRA DE BOGOUCHEFSKY:
LA JEUNE REINE
lo vidi gia nel cominciar del giorno
La parte oriental lutla rosata,
Et l'altra ciel di bel sereno adorno.
Dante, Purg., cant. xxx.
C'était au mois de juin 1774. Le marquis de Laubespine, monté
sur un beau cheval et suivi d'un domestique, faisait sa promenade
accoutumée dans le grand parc de Versailles, fort désert alors. Le
roi Louis XV venait de mourir de la petite vérole, et toute la cour
s'était dispersée pour fuir le mauvais air. Le marquis dirigea sa
promenade vers Trianon, et, apercevant dans l'avenue du petit
château, Antoine Richard, jardinier en chef, entouré d'une dou-
zaine de manœuvres qui se hâtaient de ratisser les allées et d'ar-
roser les pelouses, le marquis mit pied à terre à la grille, et sonna.
Richard, le reconnaissant de loin, accourut à sa rencontre avec
empressement.
— Quel bon vent vous amène, Monsieur le marquis ? Depuis la
mort du Roi je n'ai vu âme qui vive. Trianon est triste comme un
tombeau.
— C'est pour cela que je viens, mon pauvre Richard. Je suis sûr
qu'à part la famille royale, il n'y a personne en France de plus
affligé que vous de la mort du Roi, et je viens le pleurer avec vous.
Les yeux de Richard se remplirent de larmes.
— C'est vrai, dit-il, j'aimais le Roi : il était si bon pour moi ! il
aimait tant les fleurs ! Plût à Dieu qu'il n'eût aimé qu'elles I On
m'a dit, Monsieur le marquis, que votre collection' d'anémones
avait eu sa dernière visite.
— En effet, il vint chez moi le 30 avril, le matin même du jour
où il tomba malade, et je fus frappé de sa pâleur.
— Hélas I la vie qu'il menait rie pouvait durer longtemps. Mal-
heureux prince ! que n'est-il resté tel que je le vis pour la première
fois, il y a vingt-six ans 1 II se promenait avec la Reine, le Dauphin,
les Filles de France. Rien n'était plus beau que cette famille
royale, si nombreuse, si unie ! Le Roi dit à Marie lieczinska, en
lui présentant mon père :
— Madame, voici Claude Richard, le fils du jardinier du roi
Jacques TI. M. d'Ayen l'a décidé à quitter son beau jardin de St-
Germain pour entrer à mon service. Il nous fera ici un jardin ad-
mirable. Je veux que le petit Trianon fasse oublier le grand, et
qne ce garçon-là, dit Sa Majesté en me désignant, devienne encore
plus savant que son père. z
6t8 LE PROPAGATEUR
j.^La bonne Reine nous sourit et me caressa. Plus tard, quand je
revins de mes voyages, elle me questionna sur les plantes que
j'avais rapportées d'Afrique, et voulut voir la giroflée de Mahon,
qui fleurissait en France' pour la première fois. Je revis souvent
cette bonne Reine, toujours affable et gracieuse, mais de plus en
plus triste dans les derniers temps.
Tout en marchant, les deux interlocuteurs étaient arrivés près
du labyrinthe de charmille qui séparait le parterre du jardin bo-
tanique et des serres.
—Louis XV] s'intéressera-t-il à vos collections ? demanda le
marquis.
|j— Je ne sais : le Roi préfère sa forge aux plus beaux jardins ;
mais il a de l'estime pour les sciences, et n'aime pas à rien déranger.
Ce que j'appréhende le plus, ce sont les fantaisies de la jeune
Reine. Elle va venir me surprendre ; je suis censé l'ignorer : c'est
pourquoi vous me voyez en costume de travail. Restez, Monsieur
le marquis : vous verrez notre belle souveraine prendre possession
de Trianon.
— Non : ce serait indiscret ; d'ailleurs je suis en bottes, et n'ose-
rais me présenter ainsi devant Sa Majesté. Adieu, Richard ! Venez
me voir au Ghesnay : vous me ferez toujours plaisir.
M. de Laubespine allait s'éloigner, lorsqu'un groupe de jeunes
dames, courant et riant aux éclats, apparut tout à coup au détour
de la charmille.
Marie-Antoinette était parmi elles, et son port de reine la faisait
aisément distinguer. Elle avait une manière de porter la tête si
fière, si noble et si gracieuse à la fois ! Ses beaux cheveux blonds,
arrangés avec art, couronnaient d'une auréole dorée son front de
dix-huit ans. Ses traits semblaient n'être formés que pour le sou-
rire. Elle était alors en grand deuil, et sa robe de crêpe noir faisait
ressertir la blancheur d'albâtre de ses belles mains et de son cou
charmant, ce cou que la hache devait trancher quelques années
plus tard ! La reine portait un gros bouquet de roses. En aperce-
vant les deux premeneurs, elle s'écria :
— Je suis sûre que voici M. Richard !
— Aux ordres de Votre Majesté, fit le jardinier en saluant pro-
fondément.
— J'ai laissé la Majesté à Versailles, dit la Reine ; je veux ici
n'être appelée que Madame. Le Roi m'a donné le petit Trianon
pour y faire toutes mes volontés. J'y veux régner, mais en simple
châtelaine. Arrangez cela comme vous pourrez. Quel est ce gen-
tilhomme? dit-elle en baissant la voix et en désignant le marquis.
— M. le marquis de Laubespine, dit Richard en s'inclinant.
— Oh 1 j'en ai souvent entendu dire beaucoup de bien. M. de
Laubespine est gra.id amateur de fleurs, n'est-ce pas ?
— Oui, Madame, dit le marquis. Le feuEoi me faisait l'honneur
de visiter tous les ans ma collection d'anémones.
— J'irai la voir aussi. Mais je vous engage à cultiver d'autres
fleurs. Je n'aime pas les anémones : c'est une plante triste, basse,
sans parfum, qui ne fleurit qu'une fois, meurt tous les ans, et a
LE PROPAGATEUR 679
toujours du noir dans le cœur. Je n'en veux point ici; je veux des
jasmins, des orangers, des chèvrefeuilles : j'aime ce qui est vivace,
abondant, parfumé. Vous verrez quels merveilleux bosquets j'aurai
à. Trianon ! Mais allons voir le jardin botanique et les serres : j'ai
promis au Roi de ne rien détruire avant d'avoir tout examiné à
fond. Venez avec moi, Monsieur le marquis ; guidez-nous, Richard.
Et elle marcha légèrement vers les serres, suivie de ses dames
et du marquis, dont la figure s'était fort assombrie en entendant
la Reine médire des anémones.
Marie-Antoinette trouva qu'il faisait terriblement chaud dans
les serres, et ne s'y arrêta que tout juste assez pour critiquer la
collection de cereus dont Richard était fier à juste titre, et qu'il
avait rapportée à grands frais d'Espagne et d'Afrique.
Quelles horribles plantes ! s'écria-t-elle : elles sont toutes cou-
vertes de poils, d'épines, de dards et de verrues. Quelle est celle-
ci, qui ressemble à une compagnie de serpents ?
— C'est le cereus flagelliformis, dit Richard : ce qui veut dire
" cierge en forme de fouet ".
— C'est fort agréabli, dit la Reine. Et celle-ci, bossue, tordue
comme Ésope ?
— C'est lecereus monstruosus, Madame, le " cierge monstrueux ".
— Oh ! qu'il est bien nommé 1 Et celui-ci ?
— Uopuntia horrida, Madame.
— Quel nom gracieux ! Ne trouvez-vous pas. Mesdames, que
cette plante ressemble à une certaine duchesse ? Devinez quelle,
et dites-le-moi à l'oreille.
Toutes les dames vinrent dire à la Reine des noms différents,
mais sans doute bien choisis, car à chaque nom nouveau elle riait
aux éclats.
Le jardinier et M. de Laubespine ne savaient trop quelle conte-
nance tenir, lorsque la Reine, se tournant vers eux, dit :
— Ah çà ! Monsieur Richard, je ne veux point vous prendre en
traître : je vous avertis que je vais faire enlever ces serres-là.
— Votre Majesté aura la bonté d'y réfléchir, dit Richard d'une
voix émue : ce sont les plus belles serres qui existent ; elles ont
coûté plus de cinquante mille livres.
— C'est trop cher pour une prison, dit la Reine ; pour moi, je
déteste tout ce qui est renfermé : des tleurs sous verre, des oiseaux
en cage, me donnent envie de pleurer. Je sais qu'il faut des serres
pour l'hiver, mais je ne veux pas les voir. Vous emporterez tout
ce vitrage au potager, avec vos cereus plus ou moins monstruosus.
Je vais avoir à Trianon un jardin anglais, un village suisse, un
temple grec et un joli petit théâtre où je jouerai des opéras, et ce
se sera bien plus amusant que vos cloches à melon plus grandes
que nature. Ah ! voici M. Mique, l'architecte, qui m'apporte son
plan. Quel plaisir ! Vite ! vite I Monsieur Mique, montrez-nous
cela 1
L'architecte arrivait en effet, portant un rouleau de papier grand
aigle. La Reine s'en empara, l'étendit sur la pelouse, posta ses
dames aux quatre angles du papier, en leur recommandant de le
680 LE PROPAGATEUR
bien tenir, et se mettant à genoux avec M. Mique à côté d'elle, se
fit expliquer le plan.
— J'espère, dit-elle, que vous n'avez pas oublié la rivière et les
cascades ?
— Il y en aura trois, dit l'architecte ; voyez-les. Madame : deux
lacs, une grotte, une petite forêt de sapins.
—Et l'étable ? où sera-t-elle ?
— Là, Madame, tout près de la laiterie.
— Je ferai du beurre, dit la Reine, du vrai beurre, et du fromage
à la crème ! Et ceci, qu'est-ce donc ?
— C'est la maison du bailly. Madame ; et là, tout près du pont, le
moulin.
— Aura-t-il des ailes ? dgmanda la Reine.
— Non, Madame : c'est un moulin à eau ; mais il aura une roue
qui tournera en faisant beaucoup de bruit.
—Les moulins à eau font-ils du pain comme les moulins à vent ?
dit une jeune dame.
— Ils font de la farine, Madame, répondit l'architecte en répri-
mant une forte envie de rire.
— Je veux faire du pain, dit la Reine, et de la galette, et il me
faudra un four.
— Vous l'aurez. Madame, ainsi qu'un lavoir, une buanderie, un
poulailler et une bergerie.
— Ce sera délicieux ! et nous supprimerons le jardin français I
— A Dieu ne plaise 1 s'écria Mique : ce serait défigurer le chef-
d'œuvre de Gabriel. Ces parterres régulers, ces arbres taillés, cette
architecture végétale, encadrent si bien le petit château ! Gabj iel
mourrait de chagrin s'il me voyait supprimer la perspective du
salon, et séparer le pavillon octogone du château par des massifs
irréguliers, comme c'est la mode à présent. Voyez, Madame : j'ai
tout disposé, au contraire, pour conserver les bosquets de charmille
et cette grande pelouse où nous sommes, et pourtant le théâtre
serait à deux pas du château. Devant les deux autres façades la
Reine fera ce qu'elle voudra ; mais jamais, non, jamais ! je ne me
résoudrai à rien changer à ce côté-ci,pas plus qu'à la cour d'honneur.
— Je pense que vous avez raison. Monsieur ; mais il faut me
dédommager par autre chose. Je voudrais une montagne très
haute, avec des cèdres, des rochçrs et des précipices.
— On essayera, dit l'architecte ; mais ce sera plutôt l'affaire du
jardinier que la mienne.
— Richard, dit la Reine, pourriez- vous me faire là une montagne ?
— Avec du temps et de l'argent, Madame, cela serait possible j
mais la dépense serait énorme, et il faudrait au moins trois ans.
— J'y renonce, dit la Reine. Nous resterons en plaine, mais je
m'en consolerai en cultivant les plus belles fleurs du monde. Une
reine de France, au lieu d'envoyer chercher à grands frais des
plantes exotiques, doit veiller au perfectionnement des fleurs de
son royaume. Richard, je veux que Trianon voie naître la rose et
l'œillet bleus, et je vous commande de ne rien épargner pour y
réussir. Il le faut absolument.
/
LE PROPAGATEUR 68t
La Reine s'était levée ; elle prononça ces mots d'un air si déci-
dé, que le jardinier s'écria :
— Vous serez obéie, Madame, non seulement comme une reine,
mais comme une divinité.
Et, saluant la Reine, qui les congédiait d'un signe, M. de Laubes-
pine et Richard s'éloignèrent en silence.
A peine furent-ils hors de vue, qu'ils s'arrêtèrent et se regardè-
rent avec consternation.
— Hélas I dit Richard, mes belles serres !
— Hélas ! dit le marquis, quelle tête légère a cette jeune Reine l
Elle ne songe qu'à s'amuser. Le roi s'enferme dans sa forge et
fait des serrures. Tous deux sont bons, vertueux, mais ne me
paraissent guère songer aux devoirs de leur état.
— Et pourtant, lorsqu'on est venu leur annoncer la mort de
Louis XV, ils sont tombés à genoux tous deux et se sont écriés en
pleurant : "Mon Dieu, ayez pitié de nous ! nous sommes trop
jeunes ! "
— En effet, la fille de l'impératrice Marie-Thérèse, le fils du
grand Dauphin ont une terrible tâche à remplir. Le dernier règne
a tout perdu : l'ivraie semée partout croit avec une rapidité effray-
ante. Il faudrait à la France un Gharlemagne et une Blanche de
Castille.
— Attendons, dit Richard, laissons croître l'arbre et attendons-
ses fruits. Louis XVI n'a que vingt ans, et notre charmante petite
Reine n'est encore qu'une enfant. Si du moins elle me laissait
mes serres 1
— Si encore elle aimait les anémones ! dit le marquis.
Et ils se séparèrent tristement.
II
l'adieu
Nessun maggior dolore
Che ricordarsi del tempo felice
Nella miseria
Dante, Infemo, canto v.
Le printemps avait quinze fois orné de fleurs et de verdure es
bosquets du petit Trianon, et l'automne de 1789 commençait à
effeuiller leur couronne. Le temps des fêtes était passé. La Révo-
lution avait commencé son œuvre : l'anxiété, la misère, l'effroi,
régnaient dans toute la France. Les frères du Roi avaient déjà
passé la frontière ; on émigraiten foule, et le vide se faisait autour
des royales victimes.
Rien, en apparence, ne semblait changé dans les habitudes de
la famille royale : Louis XVI chassait trois fois par semaine,
Madame Elisabeth allait tous les jours à Montreuil, et la Reine se
promenait encore à Trianon- Mais elle y allait presque toute seule :
la solitude est douce à qui doit cacher ses larmes. La Reine était
loin de partager les illusions et la sécurité de Louis XVI,et, depuis
le jour où elle l'avait vu revenir de l'hôtel d'i ville de Paris, por-
tant à son chapeau la cocarde tricolore, ce sig ne de servitude envers
l'émeute, Marie-Antoinette entrevoyait l'abîme.
Le 5 octobre, le Roi était allé chasser dans le bois de Meudon».
y
€82 / LE PROPAGA.TEUR
h'd Reine vint à Trianon et voulut s'y promener seule. Laissant
ses enfants à Mme de Tourzel. Marie-Antoinette s'éloigna du châ-
teau et dirigea ses pas du côté du village. Elle n'avait plus cette
démarche légère, cette grâce aérienne qui charmaient jadis tous
les regards. Belle, elle l'était encore, — elle le fut jusqu'à la fin ; —
mais les roses de son doux visage avaient disparu, et ses yeux
cernés, son front pâle, sa démarche lente et incertaiae,trahissaient
les angoisses de son cœur.
Elle s'assit près du lac, sous lin saule qui la cachait presque
entièrement, et regarda de loin la jolie laiterie, la tour de Marl-
borough, la maison du bailly, toutes ces gracieuses demeures
témoins des fêtes des premières années de son règne. Depuis quel-
ques mois Marie-Antoinette y avait installé de pauvres familles,
espérant ainsi se faire pardonner par l'opinion publique ce que
l'on osait appeler ses profusions. Ces nouveaux hôtes avaient déjà
changé l'aspect du hameau de la Reine : au lieu de fleurs, du
linge, des vêtements s'étalaient aux fenêtres des chaumières, et,
sur le seuil, pêle-mêle avec des poules, des chiens et des chats,quel-
ques enfants malpropres se traînaient en jouant.
Des femmes désœuvrées causaient d'un air inquiet sous le porche
de la maison du bailly, et, bien que l'éloignement empêchât la
Reine d'entendre leurs paroles, il était évident que le sujet de leur
entretien était triste. Un petit garçon s'approcha du groupe des
femmes, et se mit à chanter d'une voix perçante ; sa mère s'élança
vers lui, le frappa rudement, et, l'entraînant de force, l'enferma
dansl 'étable. Mais la Reine avait entendu et reconnu l'infâme chan-
son ; elle se hâta de rentrer dans le bois, sans avoir été aperçue.
— Mon Dieu ! se dit-elle, faut-il que les refrains ignobles dont
mes ennemis font retentir les rues de Paris, soient répétés ici, et
par les enfants des pauvres que je nourris ! Ce petit enfant ne sort
pas de Trianon : qui donc lui apprend à m'insulter ainsi ?
En passant près du moulin, elle rencontra Marion, la jeune et
belle fille d'un des jardiniers. Marion la salua en silence ; mais,
ses yeux rencontrant ceux de la Reine, elle ne put se contenir, et
s'écria .• — Oh 1 Madame, vous pleurez 1...
Et, fondant en larmes, la bonne fille se jeta à genoux devant la
Reine. Marie- Antoinette la releva avec bonté et lui dit :
— Ce n'est rien, Marion ; mais j'ai entendu un des enfants du
village chanter une si vilaine chanson, que le cœur m'a manqué.
N'est-ce pas horrible que les enfants eux-mêmes soient pervertis et
insultent leurs souverains ? Où irai-je, si à Trianon même je dois
entendre de pareilles infamies ?
— Madame, dit Marion, si vous vouliez punir les coupables, rien
ne serait plus aisé ; mais vous ne savez que pardonner, et l'impu-
nité encourage les méchants. Ah ! si j'étais reine I
— Eh bien I achève ! dit Marie-Antoinette, souriant à travers ses
larmes de l'air fier qu'avait pris Marion : que ferais-tu, mon enfant?
— Si j'étais reine, je ne pardonnerais qu'au repentir ; je défen-
drais mon honneur ; je punirais par le feu, la corde el la roue
tout crime de lèse-majesté, parce que celui qui insulte le Boi
déshonore la nation. Si jrétais reine...
LE PROPAGATEUR 683
—Si tu étais reine, ma fille, tu serais comme moi la première
sujette du Roi, et tu imiterais sa clémence, son amour pour le
peuple. Va me cueillir quelques roses, Marion ; tu me les appor-
teras à la grotte. Que ne suis-je à ta place, petite héroïne, et toi à
la mienne ! mais ce serait te faire un triste présent. Va, mon
enfant, laisse-moi.
Elles se séparèrent : Marion se dirigea vers le parterre des ro-
siers, et la Reine alla s'asseoir à l'entrée de sa grotte favorite auprès
de la petite source-
Les feuilles jaunies tombées des arbres couvraient la terre et
obstruaient le cours du ruisseau. Les oiseaux étaient muets, elles
pâles rayons du soleil d'automne faisaient briller çà et là quelques
fleurs tardives et décolorégs. Le murmure de la petite cascade qui
arrose l'intérieur de la grotte, retentissait seul dans le bosquet.
Marie-Antoinette se rappelait le temps où elle avait tracé ces
jardins charmants ; celui, plus heureux encore, où elle guidait les
premiers pas de ses enfants sur les gazons de Trianon. C'était là
qu'elle avait joui de tous les plaisirs délicats que donnent les arts
et l'amitié ; là que, jeune, brillante, adorée elle recevait son frère
l'empereur Joseph au milieu des fêtes...
Et quelques instants sa pensée revit ces années de bonheur, et
le présent et l'avenir lui apparurent sous un aspect si sombre, que
la malheureuse princesse se sentit défaillir.
Effrayée d'être seule, elle appela Manon ; mais au lieu de la
jeune fille, un garçon de la Chambre, comme on les appelait, parut,
une lettre à la main.
—Qu'y a-t-il, Breton ? fit-elle.
— M. de Saint-Priest envoie ceci à Votre Majesté répondit le
valet, qui tremblait de tous ses membres.
Marie-Antoinette rompit le cachet, et pâlit en lisant ces deux
lignes du mmistre :
**La Reine est priée de revenir au château. Elle y trouvera le
Roi. Les sections de Paris sont en chemin pour venir à Versailles,"
— Faites atteler, dit la Reine, et prévenez Mme de Tourzel qu
nous partons.
Le garçon s'inclina, partit, et, une fois hors de vue, se mit à
courir à toutes jambes vers le petit château.
La Reine le suivit. Elle rencontra Marion chargée de roses.
— Donne-m'en une seule, dit la Reine : ce sera peut-être la der-
nière que j'emporterai de mon cher Trianon. Ma pauvre Marion,
j'ai le pressentiment que je ne te verrai plus.
— Ne parlez pas ainsi. Madame ! s'écria Marion ; vous reviendrez
demain. Prenez ce bouquet pour Madame Royale, je vous en
supplie.
— Donne-moi une seule rose, dit la Reine ; une seule ! je le veux.
Marion, toute en pleurs,en choisit une au hasard : c'était une rose
rouge. La Reine la considéra un instant, et ses larmes coulèrent.
— Flos martyrum ! dit-elle. Dieu m'indique la voie où je vais
marcher. Adieu ! Trianon, adieu pour toujours !
Elle prit la rose, donna sa main à baiser à Marion, et partit.
C'était bien au martyre qu'elle allait !
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PaÉCIEUX SUFFRAGES
Illustrissime Seigneur,
Le Rév. -Président de VAcaiêmie des Arcades, {à Rome) et tous les membres de la
docte assemblée ont accueilli avec la plus qranie satisfaction le savant et important ou-
vrage publié par vous sous le tUre : —DICTIOXN'AJRE DES DICTIONNAIRES
et dont votre bienveillance a daigné leur faire hommage.
Des juges d'une rare clairvoyance, dans nos séances hebdomadaires, ont étudié, dans
ledit ouvrage, les questions les plus diverses. Et, apris avoir loué la solidité du fond,
r élégance de la forme, le charme de F érudition, ils ont Jugé qu'il ne manque rien à
cette œuvre sous aucun rapport, pour être parfaite.
Ces remarquables qualités n'ont, du reste, rien d'étonnant et qui doive surprendre de
la part cf un auteur dont toutes les productions se recommandent par le mérite des recher-
ches et la distinction du talent.
Vos collègues se plaisent donc à vous adresser leurs sincères félicitations et s' honorent
de compter parmi eux un homme versé comme vous dans toutes les connaissances divines
tt humaines. Veuillez agréer, Illustrissime Seigneur, les sentiments de reconnaissance
que vous offrent et que vous gardent le Rév. -Président et toute V Académie des Arcades^
ainsi que U expression du profond respect qu' ils professent à votre endroit.
Votre très dévoué collègue,
Stanislas GENTILI, vice-président.
On lit daus la Gazelle du Midi :
Lanoavelle édition du Dictloiuiatre des Dictionnaires, -La Gazette du ilidi a, l'nne
des premières, signalé le caractère catholique et la grande utOité de l'entreprise de Mgr Guérin
L'infatigable et cotirageux prélat a mené à bien déjà de très grandes œuvres.
Aucune de ces laborieuses initiatives n'aura été plus féconde que celle du Dictionnaire
des Dictionnaires, Xous avons ici même signalé un retentissant Impair commis en pleine
Chambre des députés, grâce aux indications d'un trop fameux dictionnaire.
Le succès du grand ouvrage nous adonné raison. H montre comment enfin les catholiques s»
décident à réagir contre les livres et les auteurs que leur imposait la mode ou la secte.
Epuisés rapidement, les premiers volumes de la première édition de cette vaste et saine Ency-
clopédie viennent d'être réimprimés. Jusqu'ici les tirages se faisaient sur clichés, de là certaines
défectuosités dont se plaignaient justement les amateurs de beaux et bons livres.
Aujourd'hui, la composition de ces sis énormes volumes in-folio est conservée en caractères
mobiles. Les gens du métier se rendront compte des sacrifices que s'impose ainsi l'auteur, pour
donner à son œuvre un prix qui la met hors de pair. Les autres seront suffisamment édifiés quand
nous leur aurons dit que, de ce chef, l'ouvrage immobilise pour 230,000 francs de car actères.
Bien de sen*lable n'avait encore existé en France pour une série aussi énorme.
De lÀ résulte que l'ingénieux et consciencieux auteur peut sans cesse introduire des rectifi ca-
tions et des additions, en même temps que le tirage est bien autrement parfait que sur clichés
Ces détails, un peu techniques au prime abord, auront leur prix auprès des esprits sérieux. Tons
ceux qui aiment l'Église, se réjouiront de voir sa cause si bien servie, en une occurrence où. il
s'agit de redresser tant d'erreurs passées dans la monnaie coxxrante depuis Diderot jusqu'à 8 es
succédanés. Grâce à Dieu et an zèle qui anime le vaillant auteur de cette œuvre colossale, une
des plus importantes qui aient été tentées en cette fin de siècle, jwur la défense de notre sain ta
religion, les croyants ne seront plus obligés de recourir aux sources empoisonnées. S'ils persistent
à y puiser leur breuvage, ce sera maintenant de leur faute, et le Dictionnaire des Dic>'
tionnaires, les rend inexcusables.
Ant. BICARD, prélat.
IMAGES, SDJETS DE SAINTETE, LITHOGRAPHIES
22 s: 28
Prix en noir, chaque 30c.
" " couleur, chaque 50c.
SUJETS EX HAUTEUR
No 1 La Gène. (En travers.)
•' 2 Sainte Thérèse de Jésus. (En pied.)
" 6 Saint Antoine de Padoue "
*' 8 Notre-Dame du Mont Garmel. (En pied.)
" 9 " Bon Conseil. (En buste.)
" 18 Sainte Anne. (En pied.)
" 19 Saint Louis de Gonzague. (En pied.)
" 21 Le Sacré Gœur de Jésus. (En buste.)
" 22 Très Saint Cœur de Marie. "
" 23 Sainte Madeleine. (En pied.)
" 32 Le Patriarche St. Joseph, (d'après Murillo. (En buste.)
" 33 La Mort du Juste. (En travers.)
" 34 La Mort du Pécheur. "
" 39 Ecce Homo. (En buste.)
" 40 Mater Dolorosa. '•
" 42 Saint Patrick. (En pied.)
" 47 N.-D. du Rosaire,(entourée des 15 mystères. (En pied.)
" 50 Jésus, Marie, Joseph. (En pied.)
" 54 Saint François d'Assise. (En pied.)
" 60 Saint Antoine de Padoue. (En buste.)
" 66 Saint François Xavier. (En pied.)
" 72 Saint Louis de Gonzague. (En buste.)
" 73 Sainte Rose de Lima. (En pied.)
** 74 Sainte Philomène "
" 88 Saint Thomas d'Aquin. "
" 90 Saint Dominique "
" 118 Saint Stanislas de Kostka. (En buste.)
" 121 Saint Alphonse de Liguori. "
" 126 Sainte Elizabeth. (En buste.)
" 128 Sainte Marguerite. "
" 129 Saint Roch. (En pied.)
'* 155 Evêque sans titre, (pour mettre un nom à volonté.)
(En pied.)
" 156 Sainte sans titre, (pour mettre un nom à volonté.)
(En pied.)
" 159 Notre-Dame du Perpétuel Secours. (En pied.)
„ 167 Sainte Agnès.
686
LE PROPAGATEUR
IMAGES LITHOGRAPHIEES,
SUJETS £N TRAVERS 23 x -^8
Prix en noir, chaque f0.40
Prix en couleur, chaque 0.75
No 1. — Le jugement dernier.
•* 2. — Le Purgatoire.
" 3.— Le Paradis.
« 4.— L'Enfer.
No 7. — Le Gliemin de la[Groix
(14 Stations).
'' 9. — La Gréation du monde,
^' 11.— Mort du fils de Dieu.
" 12. — La fin du monde.
IMAGES LITHOGRAPHIEES,
16 X: 22
Prix en couleur 10.40
No 9. — Sacré-Gœur de Jésus, (en buste).
" 10. — Le saint Gœur de Marie {en buste).
Et un er»nû^ nombre d'antres snjets
IMAGES LITHOGRAPHIEES,
SUJETS RELIGIEUX 13 x 16
En couleur, la douzaine $1.00
IMAGES EN COULEUR
SUJETS ASSORTIS 13 x 17
Le cent $3.00
IMAGES EN CHROMOLITHOGRAPHIES.
GRA]VI>£1JK 13 X 17
fllE.Lecent $6.00
Sacré-Cœur de ^Tésus.
Sacré-Cœur de Marie.
Sainte-Face.
Sainte-Famille.
Sainte- Anne.
Notre-Dame du Ro-
saire avec myslères
Chemin de la Croix.
La mort du juste.
La mort du ipécheur.
Saint Joseph.
Sami-Antoine de Pa-
doue.
Saint - François d'As-
sise.
Et nn grand nombre d'antres snjets.
IMAGES EN CHROMOLITHOGRAPHIES.
SUJETS TARIES, GRANDEUR 9 x 13
Le cent.
$3.00
LE PR01»AGATEUil 687
GALERIE RELIGIEUSE.
Sujets religieux en Iiaatenr avec filet or ovale, lOi x 14
Prix en noir, teinte et tilel or ovale, la douz..^ $1.50
No 5. — Sacré-Cœur de Jésus.
6.— Très Saint Cœur de Marie.
7.— Le Patriarche Saint Joseph.
8. — Sainte A.nne.
11. — Saint Stanislas de Kostka.
12, — Saint Louis de Gonzague.
18, — Saint François d'Assise.
23, — Immaculée Conception.
75.— Saint Alphonse de Liguori.
81 Jésus, Marie, Joseph.
'■( ,«3. — Notre-Dame du Bon-Conseil.
91 Manifestation du Sacré-Cœur à la B. M. M.
97. — Sainte Cécile.
98.— Sainte Philomène.
Et un grand nombre d'antres sujets.
SOirVENIRS MORTUAIRES
CROIX NOIRE AVEC BORDURE DEUIL.
No 1.—. itre : Spes Unica. $1.00 le cent.
»' 6. — '■' Au ciel on n'oublie plus (pensée). " "
«« 7. — «' La Croix et le lys résument toute sa vie. '' "
IMAGFS CHROMO POUR DEUIL.
No 816.— Ange priant sur tombeaux. 30 sujets à la feuille, chaq. 30c
« 820. '* " " 30 " " " 30c.
CANO»« D'AUTEL EN CHROMOLITHOGRAPHIE.
No 408 —22 X 28 pouces. En feuille, chaque $1.00
« 413—20 X 26 " '* " 0.75
" 417.-25 X 35 " " " 1.25
" 420.-25 X 36 " " " 1 50
•688 LE PROPAGATEUR ;
i
CHEMIN DE CROIX
LE PETIT CHEMIN DJd CKOIX DES OKATOIKES,
LITHOGRAPHIES EN TRAVERS OVALE.
Ennoir. 9i x 12^. Chaque $1.00
En couleur. 9J ï 12^. Chaque 2.00
EXERCICES DÛ CHEMIN DE LA CROIX,
LITHOGRAPHIES EN TRAVERS.
Ennoir. 12J x 18. Chaque $1.50
MOYEN CHEMIN DE CROIX,
LITHOGRAPHIE EN TRAVERSj
En couleur. 16 x 22J. Chaque $5.00
CHEMIN DE CROIX VIA CRUCIS,
LITHOGRAPHIE EN TRAVERS.
En noir. 22 x 28i. Chaque $6.50
CHEMIN DE CROIX, LA RÉDEMPTIOKf,
LITHOGRAPHIE EN TRAVERS.
En noir. 33 x 42. Chaque $12.00
CHEMIN DE CROIX, LA VOIE DOULOUREUSE.
EN HAUTEUR.
Sujet noir, fond teinté. 21 x 27. Chaque $10.00
CHEMIN DE CROIX, LE QOLGOTHA.
EN TRAVERS.
Sujet noir, fond Jeinté. 22 x 28è. ( haque $10.00
CHEMIN DE CROIX, LE GOLGOTHA..
EN TRAVERS.
Sujet noir, fond teinté. 16 x 22J. Chaque $13.00
CHEMIN DE CROIX,
CHROMOS.
14 X 20- Chaque ..,$10.00
CHEMIN DE CROIX DÉPLIANTS-
FORMAT LIVRE DE MESSE. i
14 Stations gravées sur acier, entourage havane découpé, ennoir, la pièce $0.75
14 Stations " " " " " en couleur " 1.50
LE PROPAGATEUR 689
SCAPULAIRES.
SCAPULAIRES EN FEUILLES
SUR TOILK
No 14. — Scapulaires du M.-Carmel, 30 paires à la feuille. $1.50doz.
" n.— " " " 16 paires " 1.50 '•
" 12.— " de la Passion, 25 paires " 1.80 ''
" 13 *' deN.-D. desT Doul., ISpaires *' 1.23 "
" 15._ " de l'Immaculée, 25 paires " 1.50 *'
"^ 18. — Scapulaires de l'Apostolat du Sacré-Cœur, avec
ce texte : Adveniat Regnum tuum. —
60 scapulaires simples à la feuille. —
Imprimés en rouge $1.80 doz.
DITO.— 21 à la feuille 1.20 ''
SCAPULAIRES EN FEUILLES.
(DOUASSE)
Scapulaire Immaculé, 25 paires à la feuille, la douzaine... S1.50
" Mont-Carmei, 25 paires à la feuille, la douzaine.. 1.50
SCAPULAIRES EN FEUILLES.
(TURGIS)
Scapulaires Saint Joseph, 20 paires à la feuille, la douzaine. .S1.50
" Sainte-Face, 50 scapulaires simples, " 1.00
SCAPULAIRES CONFECTIONNÉS.
Scapulaires Mont-Carmel sur drap brun, la douzaine $0.30
" '^ " " noir, " 0.30
" de rimmaculée-Goncept. sur drap bleu, la doz... 0.30
" de la Passion, sur drap rouge, la douzaine 0.40
'• du Sacré-Cœur, sur drap blanc, la douzaine de
scapulaires simples 0.25
" de la Sainte-Face, sur drap rouge, la douzaine
de scapulaires simples 0.25
" du Tiers-Ordre de Si François, sur drap brun.
la douzaine 1.50
No 216 Cinq scapulaires réunis en un seul, la douzaine 0.75
" " « " " (grand) '' " 1.00
Scapulaires du Sacré-Cœur, oval dentelés, le cent 1.00
44
690
LE PROPAGATEUR
No
CHAPELETS
CHAPELETS EN COCOTINE,
rouge, noire ou naturelle.
0100 la grosse
0114 "
097 "
088 "
3li "
056
089 "
0913
0910
la grosse.
.810.00
0900
a
. 10.00
058
«
. 12.00
0146 bis..
K
. 12.00
09t5
a
. 15.00
0932
u
. 24.00
0932^
<i
. 30.00
CHAPELETS EN COCOTINE
avec vues photographiques dans la croix.
No 68| la grosse... $15.00 i No 207 la grosse. ..$18.00
" 01024 '• ... 15.00
CHAPELETS EN COCO
No 8545 la grosse
" 4600
" 0166 "
'' 0172 "
'« 4602
" 4616 '•
'' 4433 bis.. "
•' 0168 ''
" 0741 "
" 0176 •'
$7.20
7.50
9.00
9.60
10.00
10.00
12 00
12.00
15.00
18.00
No 0745 la grosse
" 4046 "
" 4048 "
" 8570
'• 0340 "
" 8105 "
« 279 "
" 0882!!.'."]! *'
" 8220 "
.$18.00
. 18.00
. 18.00
. 21.60
. 24.00
. 24.00
. 30.00
. 30.00
. 30.00
COURONNES FRANCISCAINES.
Gocotine.
Gocotine.
7 Dizaines Chaque... $0.50.
7 Dizaines Ghaque... 0.60.
LE PROPAGATEUR
691
CHAPELETS DES SEPT DOULEURS.
Cocotine No 545 la grosse $ 9.00
Coco '' 8696 " 18.00
" " 8698 " 24.00
" " 524f " 19.20
Os. blanc " 529 " 18.00
" " 535 " 24.00
CHAPELETS NACRÉS,
blanc, rouge et jaune.
No 0466^..
. la grosse.
.$10.00
" 0466....
c(
.. 12.00
" 0467....
«
. 15.00
" 0468....
«
. 18.00
No 4510 la grosse... $27.00
" 4468^ " ... 36.00
" 0596 " ... 15.00
" 0597 " ... 18.00
CHAPELETS EN COROZOS BLANCS,
avec vues photographiques dans la croix.
No 7196 la grosse $24.00
CHAPELETS IMITATIONS CORNALINE,
blanche
No 4086 la grosse. ..$15.00 | No 4088 la grosse.. .$18.00
CHAPELETS EN ROCAILLE
No 012 la grosse... $3.50 | No 883 la grosse... $5.00
CHAPELETS EN ACIER POLI
No 580 la grosse...$12.00 I No 582 la grosse.. .$18.00
" 5«1 '' ... 15.00 «' 590 " ... 18.00
CHAPELETS EN COCO,
Chaine métal blanc.
No 01396 la douz... $5.00 | No 01398 la douz... $6.00
692
{
LE PROPAGATEUR
CHAPELETS EN IMITATION DE GRENAT,
Chaîne en métal blanc.
No 0841 la grosse.. 418.00
" 024 la douz.... 1.75
" 025 " ... 2.00
" 026 " ... 2.50
" 027 " ... 3.50
No 01214..... la douz.... $3.00
" 01215.... " ... 4.00
" 01350 " ... 6.00
" 01351.... " ... 7.50
CHAPELETS EN CRISTAL,
Chaîne métal blanc.
No 01417 bis., la douz... $6.00 ( No 276 la douz... $5.00
" 01421 " ... 7.50 " 277 " ... 6.00
'' 01422 " ... 9.00 I " 278 " ... 7.50
CHAPELETS EN NACRE,
Chaîne métal blanc.
No 0536 la douz.... $5.00 No 1 la douz.
" 0537 " ... 6.00 i '• 2
« 0539 » ... 9.00 I " 01220 "
" 0540 " ... 12.00 , " 01363.... •'
" 0 " ... 5.C(i " 01464.... "
. $6.00
. 7.50
. 9.00
. 9.00
. 10.00
CHAPELETS EN NACRE,
Chaîne argent.
.25, 1.50, 1.75, 2.00, 2.50, 3.00, 3.50, 4.00 et 4.50 la pièce.
CHAPELETS EN JAIS,
Chaîne argent,
@ $0.75, 1.50 el 2.00 la pièce.
CHAPELETS EN GRENAT,
Chaîne argent.
@ $1.50, 2,00 et 2.50 la pièce.
LE PROPAGATEUR 693
CHAPELETS EN CORNALINE ROUGE,
Chaîne argent.
@ $2.50 et 3.00 la pièce.
CHAPELETS EN AMBRE,
Chaîne argent.
@ 82.00, 2.50 et 3.00 la pièce.
CHAPELETS EN COCOTINE UNIE,
Sur fil.
No 3 - la grosse... $1.50
" 3 " ... 2.00
" 4 " ... 2.50
No 5 la grosse... 83.60
" 7..7diz... "' ^\.. 7.50
" 9..7 diz... " ... 12.00
CHAPELETS EN COCOTINE GUILLOCHÉE,
Surfil.
No 3 la grosse... $3.00 1 No 5 " ... $5.00
" 4 " ... 4,00
CHAPELETS EN COYOLLE,
Sur fil.
No 9 7 dizaines la douzaine $2.00
CHAPELETS EN COCO UNI,
Sur fil.
No l la grosse.... $5.00
" V " .... 6.00
" 3 " .... 7.50
No 4 la grosse.... $9.00
" 5 la douz 1.00
" 6 "v .... 1.25
694
LE PROPAGATEUR
CHAPELETS EN COCO GUILLOCHÉj
SU7' fil.
NoJ2 la douz $0.90
" 3 " I.OO
" 4 " .... 1.25
No 5 la douz $1.25
'' 6 '' .... 1.80
CHAPELETS EN COCO TAILLÉ,
Sur fil.
No 4 la grosse.
i( Y u
$5.00
7.50
No 8 la grosse.... $9.00
CHAPELETS NACRÉS,
blanc^ rouge et jaune ^ sur fil.
No
2
la douz...
. $0.80
No
5.
la douz..
.. $1.90
((
3
a
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.. 2.50
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4
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((
6.
(C
.. 2.50
CHAPELETS EN CORNALINE.
Sur fil.
Blanche No 0...1a douz... $0.90
Bleue... No 0...1a douz... 1.00
Rouge.. No 0...1a douz.
Blanche No l...la douz.
$1.25
1.50
CHAPELETS EN OS,
Sur fil.
No|<2^rouge... la douz... $0.60
""^3 " ... " ... 0.80
No 3 blanc... la douz.
U i u
$0.80
1.25
CHAPELETS ROUGE,
" grains de Jérusalem ", sur fil.
No 4 la douzaine $1.25
LE PROPAGATEUR
695
ETUIS POUB CHAPELETS. EN
PEAU
No
2
la douz
$1.50
No
654
la douz.
$3.50
i.
3
((
.... 1.75
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655
4.00
((
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((
2.00
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5.00
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3.00
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5.00
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u
.... 3.60
6-0
6.00
((
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.... 4.00
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7.50
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5.00
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7.50
((
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3.00
557
8.00
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4.50
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9.00
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.... 7.50
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Coco pol
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.. 76—3
.... la Hon/ainp
81.00
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1.25
1.25
COQUILLE
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â.CEB,
Cercles argentés.
No
4 et 4|...
.. la douz... 82.50
No
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u
... 85.00
5 et 5^..
6 et 61...
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... 3.00
... 4.00
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8 et 8^..
(i
... 9.00
COQUILLI
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No
5 et 5|...
la douz §5.00
No
7 et 1\..
. la douz
87.50
i(
6 et 6^...
u
... 6.00
u
8 et 8^..
u
... 10.00
CHRISTS EN CUIVBE FONDU,
Sur croix ébene tour et fond cuivre.
No
32.,
33.
34.
36.
38.
39.
40.
41.
42.
Pouces
1
Il::::::
^
2|
3
34
la grosse.
82.50
2.75
3.00
4.00
6.00
7.50
9.00
10.00
12.50
No
Pouces
44...
.. 4|
la grosse.
..821.60
45...
.. ^
a
.. 25.00
46...
.. 5
u
.. 30.00
47...
• • J^r
la douz...
. 3.60
48...
.. 6|
u
.. 4.50
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.. 6|
((
.. 5.40
50...
. 7
Cl
.. 6.60
51..
.. 8
c
.. 7.50
696
LE PROPAGATEUR
No
5
O"
S
O"
No
7007.
7008.
7009.
CHRISTS EN NICKLE,
Sur croix ébène, tour et fond nickle,
Pouces
1 la douz 80.60
Il " ... 0.70
No Pouces
l-... 1| la douz.
1 .... 2
$0.80
1.00
CHRISTS EN NICKLE,
Sur croix ébène, tour nickle^ fond ébène.
No
Pouces
No
Pouces
H-"
. 2i- Chaque...
. $0.15
7 ...
.. 5 ......
Chaque..
. $0.50
3 ...
.. 3
.. 0.23
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. 6
«
.. 0.60
4 ...
•• 3f " .
.. 0.30
8 ..
. 6f
a
. 0.75
6 ...
A5 et
.. 0.40
CHRISTS EN NICKLE,
Sur croix ébène, tour et fond nickle, bouts forme trèfle.
No
Pouces
No
Pouces
'L..
. 2| Chaque...
. S0.30
8...
.. 7
Chaque...
.. $1.00
4...
. 3|
.. 0.40
13...
.. 9i......
«
.. 1.50
6...
. 5 "
.. 0.60
CHRISTS EN MÉTAL BLANC.
Pouces
\l Chaque..
1*
' 8'
II.
^0.07
0.09
u.io
No
7010
7011... 2^
Pouces
0.12
0.17
CHRISTS EN ARGENT.
No
Pouces
No
Pouces
2802..
. H
Chaque..
. $0.40
2805..
. 2
Chaque..
. $1.00
2803..
. 14
tt
. 0.50
2806..
'3
u
. 1.20
2804..
• if
K
. 0.75
2807..
• 2|
l<
. 1.50
CROIX NACRE
Avec Christ en argent.
No Pouces I No Pouces
720... 11 Chaque... $0.30 | 1186... 2 Chaque.
Ilb4... li ' .... 0.36 I 1187. '
1185... 1* " . .. 0.50
2^.
$0.65
0.80
LE PROPAGATEUR
697
CROIX NACRE.
Avec Christ et bouts en argent.
No Pouces
439... IJ Chaque 81.00
440... I|...... " ... 1.25
No Pouces
44!... -2 Chaque.
442... n '•
14 pouces Chaque
24 " *' .
S0.40
0.60
CHRIST EN CUIVRE ESTAMPE,
Sur croix plate vernie^ avec pied.
No
Pouces
7^ la douz.
H "
, Il "
ao.6o
1.00
1.50
No
2 ..
3 ..
Ponces
12 la douz...
14 "
CHRISTS NICZLÉS,
Sur croix ronde, bouts nickelés., pied rond.
No
3868..
3870..
3874..
3877..
Pouces
6| la douz..
« " ...
05 <t
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\'Z " ...
J2.00
2,50
3.50
4.50
No Pouces
3764... 13|- la douz.
3766... 15 '« ...
3772... 19 " ..
CHRISTS NICKLÉS,
Sur croix ronde nickelée, sans pieds.
No Pouces
326 ... 5f Chaque...
327 6| " ....
328 7| "
329,.
8f.
;0.75
1.00
1.25
1.50
No Pouces
330 10 Chaque.
331 11 " ..
333 " ..
334 " ...
CHRISTS DORÉS,
Sur croix ronde, bouts dorés, pied rond.
No Pouces
3912... 13 Chaque.
81.00
No Pouces
3914... 15 Chaque.
$1.50
1.75
CHRISTS PLASTIQUES,
Croix en bois pour suspendre.
29 pouces. Chaque... $1.25
$2.50
3.60
$7.00
9.00
20.00
M. 75
2.00
2.50
3.00
.81.25
698 LE PROPAGATEUR
MÉDAILLES
MEDAILLES EN CUIVRE BLANCHI.
Vierge Immaculée Nos 00, 0, D, 1, 2, 3, 4, 5, 32, 34, 8.
Sainte Anne Nos 1, 2, 3, 4, 5, 32, 33, Mbis, 236is, Ubis,
Saint Benoit Nos 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8.
Sacré Cœur " 3, 5, 33.
Sainte Face " 1, 2, 3, 4, 5, 33, 8.
St Joseph et ange gardien... " 2, 3, 4, 5, 8.
Gongrég. Enfants de Marie.. " 3, 5, 6, 7.
Saint Roch " 1, 2, 5, 32, 34, 8.
Congrégation des Sts Auges.. " 1,2,3,5,24.
N.-D. du Perpétuel secours.. " 2, 3, 5, 33.
Notre-Dame de Lourdes " 3, 5, 32, 34.
N.-Dame du Saint Rosaire... " 5, 34.
Saint François d'Assise " 3, 5,9.
Saint Benoit Labre '• 4,5.
Cong. du St Enfant Jésus... " 1,3, 5.
Précieux Sang " 3,5.
Saint Louis de Gonzague... '' 3, 4 ronde.
Saint Michel " 3,5.
N.-Dame des sept douleurs.. " 1, 2, 3, 4, 5, 33, 8.
N.-Dame des sept douleurs.. Jeux $0.60 la douz.
Sainte Famille " 4, 5.
Sainte Philomène " 3..
Numéros : 00, 0, D, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7,
Prix la grosse $0.30, 0.35, 0.35, 0.40, 0.50, 0.60, 0.80, 1.00, 1.50, 3.00
Numéros : 8, 9, 236is, 24, 24&is, 32, 33, 34, 346w.
Prix la grosse $5.00, 7.20, 3.50, 5.00, 5.00, 1.00, 1.70, 3.00, 2.00.
Garde d'honneur No 3 la grosse $4.00
LE PROPAGATEUR 699
MEDAILLES SAINTE ANNE,
Ave Eglise de Sainte Anne de Beaupré, cuivre blanchi.
Numéros : 40, 60, 70, 80.
Prix la grosse : 81.00, 2.00, 3.60, 7.20.
MEDAILLES DE PREMIÈRE COMMUNION.
Cuivre blanchi.
Numé"Os : 34, 3636, 3538.
Prix la grosse : 83.00, 6.00, 7.50.
MEDAILLES EN MAILLECHORT
Sainte Anne et Sainte Famille No 35J... la grosse... $15.00
Congrégation des enfants de Marie.. No 35|... " ... 15.00
MEDAILLES EN BRONZE
Saint François d'Assise No 9... la grosse 815.00
Vierge Immaculée " 10... la donz 2.00
MEDAILLES EN METAL BLANC
Congrégation des enfants de Marié.. No 6 feslon.. la grosse. .86.00
MEDAILLES EN ARGENT,
@ 80.05, 0.10, 0.15, 0.18, 0.25, 0.30, 0.50, 0.75, 0.90 la pièce.
MEDAILLES EN ARGENT, SOUS VERRE,
{diamentine)
Sainte Anne et Vierge Immaculée... No 5453... la douz... 80.60
" " " " ... " 5454... " .... 0.75
« " " " ... " 5456... " 1.25
" '• " '• ... " 5458... " .... 2.50
i
700 LE PROPAGATEUR
MÉDAILLONS
MEDAILLONS UN CŒUR,
Cercle cuivre^ verre.
No
598
,..2 x^...
, la douz...
$1.00
No
601
,. Sacré-Goei
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.. 3 x3f..
. la douz...
$2.00
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12.00
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1273^....
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,. 6^x9^...
i(
15.00
MEDAILLONS DEUX CŒURS,
Cercle cuivre, verre.
No 1 bis... S.-Gœurde Jésus et Marie..
U 4 " ... " " "
" 106 6î5.. " " " .'.
2 x2^..,
. la douz..
. $2.00
3 X ;^|..
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. 5.00
4|x6 ..
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. 6.00
6i X 9^..
"
. 15.00
MEDAILLONS SAINTE ANNE.
Plastique blanc.
No 845...1|x2^ la douz..$0.75 1 No 316...2|x3f la douz..$2.50
" 3l5...2|x2| '' ... 1.25 I " 317...3ix4^ " ...4.00
No 845... Sainte-Face... 1§ x 2^... la douzaine $0.75
LE PROPAGATEUR 701
MEDAILLONS SAINTE ANNE,
Plastique couleur.
No 846...!^ X 2^ la douz4l.80 | No 85l...4Jx 5 la douz..$6.00
MEDAILLONS SAINTE ANNE,
Forme étoile.
La douzaine $0.30
MEDAILLONS GELATINES,
Sujets assortis.
No 1 If X 2| la douzaine. $0.60
" 2 21 X 3| " 1.25
" 3 3f X 5 " 1.80
MEDAILLONS,
Cercle en cuivre perlé, verre.
No 00 Sainte Face la douzaine $0.40
0 " *•
0 Sainte Anne
0 Sujets assorties.
0 SaintRoch
Obis.... «
0.75
0.75
0.75
0.75
1.20
]«[EDAILLONS ENFANTS JESUS,
Cercle cuivre, verre.
No 335 21 X 3^ Chaque $0.45
• 773 2* X 31 " 0.45
752 3| X 5 '• O.aO
750 3| X 5 " 0.75
337 3| X 5 " 0.75
74-7 4f X 6 " 0.60
745 4| X 6 " 0.75
339 4| X 6 " 0.75
576 5f X 7| " 1.00
593 5f X 7| " 1.25
744 5f X 7f " 1.25
743 5f X 7| '' 1.25
341 5| X 7f " 1.25
742 61 X 9J " 1.50.
702
LE PROPAGATEUR
No
MEDAILLONS PREMIERE COMMUNION,
Cercle cuivre.
2... Garçons ou filles... '2^ x 3f... Chaque.
2138... " " " ... 3f X 5 ... ''
761... " " '' ... 3| X 5 ... ^«
710... Filles 5| x 7|...
711... " 5f X 7|... "
712... Galice 5f x 7|... ''
713... "■ 5| X 7|... "
714... File 5f X 7f...
715... AngeetCalice 5| x 7|... ''
716... Fille 5f x 7f... "
717... Galice 5| x 7|... «
718... " 5f X 7|... "
$0.25
0.50
0.50
1.00
1.00
1.00
1.00
1.00
1.00
1.00
1.00
1.00
STATUES EN BISCUIT.
Vierge-Mère, Immaculée-Gonception et Saint-Joseph.
No
3..
4..
5..
6..
8..
10..
12..
14..
16... 6|.
Pouces
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2J " ... 0.40
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6 " ... 2.50
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No
18.
19.
21.
24.
26.
28... 11
30... 12|
33... 13|
36... 14f
Pouces
7^ la douz
10| Ghaque
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$4.00
4.50
5.50
0.75
1.00
1.25
1.80
2.50
3.00
STATUES EN BISCUIT BLANC.
Vierge de Décembre.
4 pouces... la douz $1.75
5 " ... " .... 2.00
5i pouces... la douz.
7i " ...
$2.50
4.00
Sainte-Anne.
STATUES EN BISCXnT.
Porcelaine blanche
2i pouces... la douz $0.60
4 " ... " 1.80
5J " ... " 3.60
7 pouces.
8| " .
la douz.
$6.00
9.00
LE PROPAGATEUR
705
Saint-Roch.
STATUES EN BISCUIT.
Porcelaine blanche
No Pouces
7... 3 la douz.... Sl.OO
9... 3i " ... 1.50
10... 4 " ... 2.00
No Pouces
12... 4f la douz $2.50
16... 7 " ... 3.6a
Sain te- Anne.
STATUES NICKELÉES.
Sur socle en bois vertu
No 006 4 pouces la douzaine $4.00
" 009 4f '' " 6.00
STATUES NICKELÉES.
En écrin
Sainte- Anne.
No 006 la douzaine..
.00
STATUETTES BRONZÉES.
En étvi
Ste-Aune, StJoseph, Vierge Immaculée, Sacré-Cœur de Jésus
La douzaine 80.30
STATUETTES BRONZÉES.
Avec niche tournante en nikle
Sainte-Anne, Saint-Joseph, Vierge Immaculée.
La douzaine §1.00
BENITIERS EN BISCXnT BLANC,
No
Pouces }
4J... la douz. ..80.75'
4|... '' ... 1.00
5f... « ... 1.25
Plaques variées.
No Pouces
.. 6|... la douz. ..$1.50
4842887 a.. 6|... " ... 1.80
704
LE PROPAGATEUR
BENITIERS EN BISCUIT BLANC,
6 pouces Saint-Joseph lys... la douz.
7 " ... Vierge-Mère *•
7 " ... Vierge Immaculée "
8 " ... Saint-Joseph lys... «
8 " ... " avec Jésus.. "
8 " ... Vierge-Mère "
8 " ... Vierge Immaculée "
6^ " ... Ecce Homo '•
7 « ... Croix "
7^ " ... Croix avec couron.. **
8| '' ... Croix avec Christ.. "
No 280...
" 139...
" 200...
« 256...
" 397...
" 258...
" 257...
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'' 229...
« 289...
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No
351.
296.
114.
No
295..
157..
No
351...
296...
No
388..
452..
295..
157..
BENITIERS EN BISCUIT,
Pouces
4| la douz..
5i " ..
6i " ..
Un Ange blanc.
No
$3 00
4.50
6.00
178...
121...
Pouces
7J la pièce.
8i " .
M.50
2.00
2.00
3.60
3.60
3.60
3.60
3 60
3.60
4.50
6.00
$1.00
1.25
Pouces
BENITIERS EN BISCUIT,
Deux Anges blancs.
No Pouces
6 la douz...
6i " ...
$7.50
10.00
120... n la douz. ..$12.00
BENITIERS EN BISCUIT,
Porcelaine couleur. — Un Ange.
Pouces
4f la douz... $6.00
5i '' ... 9 00
Pouces
No
484/5030.
484/4936.. ef..
754/1171.. lu|.. Chaaue
5J.. la douz.
$2.50
4.50
2.50
Pouces
5i
4i
6
6i
BENITIERS EN BISCUIT,
Porcelaine couleur. — Deux Anges,
No Pouces
la douz...
$6.00
la pièce...
0.75
<c
•1.25
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1.75
120
7^..
la pièce..
$2.00
484/5254..
6 ..
la douz..
5.00
754/1172..
7^..
la pièce..
1.50
LAM PIONS
Cuivre, verre rouge.
No 2040 Chaque.
« 2156 Avec Sainte-Face... "
" 2320 " " ... "
^0.75
3.00
5.00
BULLETIN -,
21 Janvier 1893.
/, Aujourd'hui est le centenaire d'un des plus lugubres événe-
ments que l'histoire ait enregistrés. En effet, il y ajuste 100 ans,
c'est-à-dire le 21 janvier 1793, s'accomplissait sur la terre de
France un épouvantable forfait. Le petit-fils de saint Louis, le roi
légitime de la nation très chrétienne, Louis XVI, montait sur
l'échafaud.
Traduit devant la Convention Nationale, qui était à la fois ac-
cusatrice et juge, il fut déclaré coupable de conspiration contre la
liberté publique et condamné à mort comme un vil criminel. Il
fut guillotiné à Paris, sur la place de la Concorde, alors place de
la révolution. (1) Un prêtre irlandais, l'abbé Edgeworth de
Firmont, assista le roi martyr. Au moment suprême, il lui adressa
ces sublimes paroles qui nous ont été transmises : Fils de saint
Louis, montez au ciel. C'est alors que le roi s'adressant à la foule
s'écria : Français, je meurs innocent ! Je pardonne à mes ennemis^ et
je souhaite que mon sang ne retombe pas sur la France.
Louis XVI n'était âgé que de 38 ans et quelques mois. Il naquit
à Versailles le 23 août 1754 et il monta sur le trône en 1774, succé-
dant à son aïeul Louis XV.
Ce matin à Notre-Dame, chapelle de Notre-Dame du Sacré-Cœur,
un service [solennel a été célébré à l'occasion de la mort de l'in-
fortuné Louis XVI. Une foule pieuse et recueillie y assistait, se
rappelant avec horreur la sanglante journée de 1793etpriant pour
le repos de J'âme du fils de nos anciens rois.
Le célébrant était un canadien-français, M. l'abbé Sentenne,
curé de Notre-Dame. 11 avait pour assistants un français, M. l'abbé
Luche, prêtre du Séminaire, et un irlandais, M. l'abbé Fahey, vi-
caire de l'église Saint-Patrice. Ce dernier avait été choisi en sou-
venir de ce noble prêtre irlandais qui fut le confesseur de Louis
XVI.
,*^ A la date du 8 décembre dernier, Notre Saint Père le Pape a
adressé une lettre extrêmement importante aux archevêques etévê-
ques d'Italie, et une autre lettre non moins importante, aux Italiens
eux-mêmes. Ces deux lettres concernent la franc-maçonnerie, les
maux dont elle est la cause et les ravages effrayants qu'elle fait
dans le monde entier et notamment en Italie.
* [1 y a deux erreurs à corriger à la page 676. M. Wallace e.L coalrôleur 1 -s
douanes, el M. Wood est contrôleur du revenu de l'intérieur.
(l) Ancienne place Louis XV.
45
706 LE PROPAGATjEUR
Le pape rappelle les proscriptions dont la maçonnerie a été l'objet
de la part des papes ses prédécesseurs, et les condamnations qu'il
a prononcées lui-même. Dans la première lettre il démasque les
artifices dont se sert ceite organisation infernale, cette infâme secte,
pour recruter des membres parmi les catholiques. Il conjure les
évêques de se préoccuper avant tout du salut des victimes de la
maçonnerie et de ne rien négliger pour les retirer de leurs erreurs
et de la perdition éternelle.
// importe, dit-il, de relever le courage de ces hommes en leur pro-
posant l'exemple des ancêtres, en leur rappelant que la force est la
gardienne du devoir et de la dignité, afin qu'ils se repentent vraiment
et qu'ils aient honte d'agir ou d'avoir agi sans virilité. Car toute notre
vie est une véritable bataille^ dont l'objet surtout est notre salut, et il
n'y a rien de plus honteux pour un chrétien que de broncher dans le
devoir par lâcheté.
11 parle de la nécessité de la lutte contre la secte, et il rappelle
aux évêques qu'il est de leur devoir d'animer les esprits au combat
par la persuasion., les encouragements et l'exemple. Pour ceux qui veu-
lent le salut, il n'y a pas, dit-il, de milieu [entre la lutte opiniâtre ou
la mort.
Dans la 'etlre aux Italiens il s'élève contre la guerre impie par
laquelle la maçonnerie tente de leur ravir la foi. Il stigmatise
cette guerre qu'il dit être dirigée non seulement contre la religion,
mais aussi contre la patrie et la civilisation. Il fait un tableau
saisissant de l'état social actuel, dû en grande partie aux sectes
maçonniques et anlichrétiennes.
L'ordre social, dit-il, est généralement ébranlé jusque dans ses fon-
dements. Livres et journaux, écoles et chaires, cercles et théâtres mo-
numentset discours, photographies et dessins, tout conspire à pervertir
les esprits et à corrompre les cœurs. Cependant les peuples opprimés
et tombés dans la misère frémissent ; les sectes anarchiques s'agitent ;
les classes ouvrières lèvent la tête et vont grossir les rangs du socialis-
me, du communisme, de l'anarchie ; les caractères s'affaissent, et une
foule de personnes., ne sachant plus ni souffrir dignement ni se relever
virilement de leurs épreuves, abandonnent d'elles-mêmes lâchement la
vie par le suicide.
Il continue en donnant de sages conseils à tous sur la manière
d'agir afin de ne pas tomber dans les pièges de la secte. Il les
exhorte à ne pas se contenter de se tenir sur la défensive contre elle,
mais de l'affronter courageusement en opposant presse à presse^ école
à école^ association à association, congrès à congrès, action à action.
Le 23 décembre eut lieu au Vatican la réception de Noël accor-
dée aux cardinaux, aux collèges de la Prélature et aux personnages
de la cour pontificale. Répondant à l'adresse du Sacré-Collège, le
Pape a encore parlé de la franc-maçonnerie qu'il considère comme
l'un des plus grands maux quipuissent afQiger l'Eglise et la société
civile. Voici le discours que, dans cette occasion solennelle, il a
LE PROPAGATEUR 707
pronoQcé, dit une dépêche," avec un accent énergique et une voix
" pénétrante."
La tempête sociale est furieuse et va grandissant au. milieu, de C E'i-
rope contemporaine livrée aux ruines et aux désastres.
Par la vertu divine, la sainte Eglise seule reste debout en face d'uie
secte funeste qui ne sera jamais l'amie du peuple parce quelle est
f ennemie de Dieu.
Nous avons déjà élevé la voix pour la patne qui nous est doublement
chère.
Mais la franc maçonnerie fait la guerre en tous les pays ; partout
elle sape Vordre spirituel et civil.
Devant un tel péril et en présence du douloureux avenir qui menace
les sociétés, V Eglise seule peut être le salut des Etats comme celui des
individus.
Nous poursuivrons donc selon nos devoirs et nos droits^ notre œuvre
de salut, par la parole et avec Vautorité., le commandement et la di-
rection qui nous appartiennent .^ confiant dans la vertu surnaturelle
qui a été donnée au Vicaire de Jésus-Christ.
,*^ Les dépêches de Rome nous apprennent que le gouvernement
italien va prendre le? mesures nécessaires pojr protéger les pèle-
rins pendant les fêtes jubilaires du pape.
S'il en est ainsi, on ne verra pas, se renouveler les tristes scènes
du dernier pèlerinage français alors que la canaille attaqua les
pèlerins et les molesta d'une manière indigne.
La police a besoin d'être vigilante car la canaille à Rome est
toujours prêtre pour le désordre. Vous la voyez partout où il y a
des manifestations religieuses à troubler. Elle n'épargne pis pi js
les romains que les étrangers. On en a eu la preuve le 7 août der-
nier. Ce jour-là un certain nombt-e de catholiques se sont r:!ndus
au monument de Ghristophfî Colomb pour déposer une couronne
sur le buste du grand homme. Cette démonstration religieuse et
patriotique n'a pas été du goût de la radiciille impie et les mani-
festants ont été attaqués et poursuivis aux cris de : à bas le pape,
à bas les prêtres. C'est à la suite de ces scènes de sauvagerie que
l'association de ri//iîone /îo ma /la a voté l'ordre du jour suivant:
Au nom de la ville de Rome., mère de la civilisation., capitale du
monde, siège du Souverain Pontife ;
Au nom de V Italie, dont l'honneur a subi une atteinte par les injures
adressées au grand navigateur italien ;
Au nom de la liberté de conscience et de la liberté individuelle,
toutes les deux violées et offensées, nous protestons contre les scènes
sauvages qui se sont produites dimanche dernier.
Cest un nouveau et éclatant témoignage que nos ennemis veulent
étouffer les droits civils des catholiques romains.
Il est plus que jamais du devoir de tout bon catholique et de tout hon-
708 LE PROPAGATEUR
nêie homme de s'unir pour sauvegarder les droits des catholiques à
Rome et maintenir leur dignité et leur honneur.
/„ Lundi, le 16 janvier courant, N. S. P. le pape a créé, en con-
sistoire, quatorze nouveaux cardinaux dont six Ttaliens, deux
Prussiens, un Hongrois, un Espagnol, un Anglais, un Irlandais et
deux Français.
Les six cardinaux italiens sont nos seigneurs Persico, secrétaire
de la Propagande ; Mocenni, substitut à la secrêtairerie d'Etat ;
Di PiETRO, nonce à Madrid ; Galimberti, nonce à Vienne ; Mala-
GOLA, archevêque de Fermo, et Guarino. archevêque de Messine.
Mgr Persico est bien connu dans cette province. De 1873 à 1876
il a été curé de Sillery, près de Québec.
Mgr Galimberti est le premier journaliste qui reçoit le chapeau
de cardinal. D'après une correspondance de Rome, adressée au
Times de Londres, il ne partage pas les vues politiques du pape et
il est un chaud partisan de la Triple Alliance. C'est malheureux
pour la b'rance.
Les deux cardinaux prussiens sont Mgr Grementz, archevêque
de Cologne, et Mgr Kopp, évêque de Breslau.
Le cardinal Hongrois est Mgr Vaszary, archevêque de Gran ou
Stirgonie, Primat de Hongrie. Il est l'un des plus fermes champions
des droits de l'Eglise et conséquemment l'un des plus ardents ad-
versaires de la politique de persécution qui cherche à dominer en
Hongrie. L'ui». des principaux articles du programme de cette po-
litique néfaste est l'établissement du mariage civil obligatoire.
Le cardinal espagnol est Mgr Sanz y Fores, archevêque de Se ville.
Le cardinal anglais est Mgr Vaughan, archevêque de Westmin-
ster. Sa Majesté, la reine Victoria, a écrit au Pape pour le remer-
cier de l'élévation de Mgr Vaughan au cardinalat. Cette démarche
de la souveraine d'un pays protestant indique que le fanatisme
officiel a bien diminué en Angleterre. " En vérité, " s'écrie le
journal anglais The Messenger, " les temps sont changés depuis le
" jour où Henri VIII apprenant que le Pape avait destiné le cha-
•* peau de caidinal à l'évêque Fisher, s'écriait : Que le Pape lui en-
" voie S071 chapeau., moi, f aurai soin de lui enlevtr la tête pour qu'il
" ne puisse pas le porter."
Le cardinal irlandais est Mgr Logue, archevêque d'Armagh,
Primat d'Irlande.
Enfin les deux cardinaux français sont Mgr Meiqnan, archevêque
de Tours, et Mgr Thomas, archevêque de Rouen. Nos lecteurs
savent qu'autrefois nous étions sous la juridiction du siège de
Rouen. C'est une raison de plus que nous avons de nous réjouir de
l'honneur fait à l'éminent prélat qui occupe actuellement ce siège.
La création des nouveaux cardinaux porte à soixante et cinq le
nombre des membres actuels du Sacré Collège. Le pape Sixte
Quint l'avait fixé à 70.
LE PROPAGATEUR 709
V Sont décédés :
1° Mgr Lair.encin, archevêque d'Anazarbe, administrateur
apostolique de la Guadeloupe ; Antilles Françaises. Il était âgé de
67 ans.
2° Mgr Le Coq, évêquede Nantes et ancien évêque de Luçon.
Il était âgé de 71 ans, 1 mois et quelques jours.
3° MgrMcLaclan, évêque de Galloway, Ecosse.
4° Mgr Pierre S L. M. de Dreux-Brézé, évêque de Moulins. Il
est né le 2 juin 1811. Il a été I'qii des plus fermes défenseurs des
doctrines ultramontaines, et il a travaillé avec ardeur à l'établis
sèment de la liturgie romaine en France. A l'académie ecclésias-
tique de Rome il a été condisciple du pape Léon XIII.
5^ Le père André qui a joué un rôle dans la rébellion du Nord-
Ouest en 188). Il était le confesseur de l'infortuné Riel qu'ii assista
sur l'écbafaud. Il est né en France en 1833.
6*^ Le général Benjamin F. Butler, avocat et homme d'état amé-
ricain. Il est né dans le New Hampshire, à Deerfîeld, le 5 novem-
bre 1818. lia été tour à tour démocrate et républicain, et c'est
comme démocrate qu'il fut élu Gouverneur du Massachusetts en
1882. Il a servi dans la guerre de sécession et sa conduite en Loui-
siane lui a valu une triste réputation.
7° Rulherford Birchard Rayes, avocat et homme d'état améri-
cain. Il est né àDtdaware, Ohio, le 4 octobre 1822. Il servit avec
distinction dans la guerre civile, et il obtint le grade de Major
Général. Il était républicain et il représenta l'Ohio au Congrès.
Il fut élu trois fois gouverneur de cet état en 1867, en 1869 et en
1875. Les élections présidentielles de 1S76 lui furent favorables,
la commission électorale, créée par une loi spéciale pour décider
qui serait président, lui ayant accordé les vo^es douteux. Il eut
ainsi une voix de plus que son concurrent démocrate, M. Tilden.
M. Hayes a été président des Etats-Unis depuis le 4 mars 1877
jusqu'au 4 mars 1881,
8^^ James Harrower, ancien député de Shoal-Lake à l'assemblée
législative du Manitoba. Il était libéral.
9° M. P. Ryan, percepteur des douanes et ancien député fédéral
de Montréal-Centre.
^\ Le discours du trône prononcé à l'ouverture de la session
de*lâ législature de Québec, le 12 du courant, annonce que la situa-
tion financière s'est notablement améliorée. 11 annonce de plus
des projets de loi concernant les régistrateurs, l'agriculture, la
vente des liqueurs enivrantes, la procédure civile, les chemins de
fer, etc. Il fait allusion au système actuel de taxation mais il
n'indique pas quels changements y seront apportés.
Alby.
10 LE PROPAGATEUR
26 Janvier 1893
*,* Aujourd'hui a eu lieu à Ottawa l'ouverture de la 3^ session
du 7e Parlement fédéral. Le discours du trône constate les progrès
du pays et l'état prospère des finances. Il fait allusion à la con-
férence qui a eu lieu entre le Carada et Terreneuve dans le but
de régler amicalement les difficultés qui ont surgi depuis quelques
années ; à la nomination d'une commission pour établir la ligne-
frontière entre la Colombie anglaise'et l'Alaska; au canal canadien
du Sault Ste-Marie qu'il s'agit de terminer bientôt afin d'éviter
les péages du canal américain, etc. Parmi les mesures annoncées
se trouvent les modifications à la loi électorale, une loi relative à
la preuve et une autre loi relative à la propriété foncière au Nord-
Ouest.
*^* La législature de la Nouvelle-Ecosse- est en session depuis
quelques jours. La principale mesure de la session concerne les
mines de charbon. Elles doivent être exploitées par un syndicat
américain.
Alby.
LES CONSTITOTIONS M CONCILE DU VATICAN
LA CONSTITUTION DEI FILIUS
DEUXIÈME PARTIE
Que pouvons-nous savoir de Dieu à la lumière de la raison ?
La même sainte Eglise, notre Mère, lient et enseigne que par la lumière na-
turelle de la raison humaine, Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être
connu avec certitude au moyen des choses créées ; car, depuis la création du
moniJe, ses invisibles perfections sont vues par l'inlelligence des hommes au
moyen des êtres qu'il a faits (1).
Anathème à qui dirait que le Dieu unique et véritable, notre Créateur et Sei-
gneur, ne peut èire connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison
humaine, au moyen des êtres créés ('2).
Qu'est-ce que nous pouvons connaître de Dieu avec certitude à
la lumière naturelle de la raison ? Notre Constitution l'a déjà in-
sinué ffans son chapitre premier. Ce chapitre est, en effet, consacré
à définir contre les athées et les panthéistes, l'existence et les
attributs du Dieu créateur de toutes choses, dont la foi suppose la
(1) Eadem sancta mater Ecclesia tenet et docet, Deum, rerum omnium prin-
cipium et finem, naturali humanae rationis lumine e rébus creatis certo cognosci
posse ; invitibdiî enim ifsius, acreatura raundi, per ea qu» facta sunt, inleliec-
ter conspiciuntur (Gonst. Dei Filius, cap. 2).
(2) Si quis dixeril, Deum unum et verum, Greatorem et Dominum nostrum,
per ea, quae facta sunt, naturali rationaj lumine certo cognosci nos posse ; ana-
thema sit [Ibid., can. i).
LE PROPAGATEUR TU
connaissance. Or cette connaissance de Dieu supposée t>ar la foi
est celle qui ne dépasse point la lumière de notre raison ; car ily
aurait cercle vicieux à exiger comme condition de la foi, une con-
naissance de Dieu que la foi seule peut donner. Donc la notion
fort complète que notre premier chapitre nous donne de Dieu est
celle que la raison de l'homme peut comprendre et établir. Mais
le concile ne s'en est point tenu à cette insinuation : au commen-
cement de son second chapitre il a indiqué formellement quoiqu'à
grands traits, la notion de Dieu que nous pouvons avoir, à la lu-
mière de la raison. Il a résumé cette notion en deux formules
assez diverses.
Une première formule se trouve dans le premier chapitre : Dieu
principe et fin de toutes choses, Deum rerum omnium principiuvi et
finem. Une seconde : Le Dieu unique et véritable^ notre Créateur et
Seigneur^ Deum unum et verum, Creator em et Dominum nostrum, se
trouve dans le canon.
Nous allons d'abord rapporter les explications données, au nom
de la Députation de la foi, sur le sens et la portée de ces formules ;
nous verrons ensuite ce qui est de foi catholique et ce qui est seu-
lement certain au sujet de la notion que nous pouvons nous faire de
Dieu à la lumière naturelle de la raison ; nous examinerons enfin
si les faits et l'expérience s'accordent sur ce point avec les ensei-
gnemeuts de l'Eglise et avec nos conclusions.
I
La notion de Dieu marquée dans le chapitre contient deux don-
nées, savoir que Dieu est le principe et la fin de toutes choses,
rerum omnium principium et hnem. Mais ces deux données en ren-
ferment un grand nombre d'autres qu'elles supposent logiquement.
Or le concile n'a pas entendu exclure ces autres données; il a
entendu au contraire les faire entrer au moins implicitement dans
sa courte formule. En effet un des Pères ayant demandé qu'on
insinuât que l'homme peut naturellement connaître non seulement
Dieu, mais encore nos devoirs envers lui (1), Mgr Gasser lui ré-
pondit, au nom de la Députation de la foi (2), que son amende-
ment paraissait superflu, parce qn'ea disant que l'homme peut
connaître Dieu, principe et fin de toutes choses, on énonçait en
même temps qu'il peut comprendre et connaître ses principales
obligations' morales, aUendu que personne ne saurait tendre vers
Dieu, en tant qu'il est notre fin naturelle, comme auteur- de la
nature, sans connaître au moins nos principaux devoirs envers lui.
La notion de Dieu marquée dans le canon est exprimée par des
termes plus nombreux. Le Dieu que la raison peut connaître y
est appelé, en effet, le Dieu unique et véritable, notre Créateur et Sei-
gneur^ Deum unum et verum, Creatorem et Dominum nostrum. Mais
ii ne s'en suit pas que le concile ait entendu condamner comme
(1) Acla Concilii Valicani, Col. 121, amendement 11.
(2) Acla Concilii Valicani. col. 133.
712 LE PROPAGATEUR
hérétiques, ceux qui nierait que la raison puisse démontrer ce que
chacun de ces termes afQrme de Dieu. En effet, une noie qui ac-
compagnait le Schéma de la députation de la foi a déclaré que
telle ne devait point être l'intention des pères de la vénérable
assemblée en ce qui regarde le terme Créateur. " Quand même,
disait cette note (1), on liraitle mot Créateur dans le canon, il n'est
pas pour cela défini que la création proprement dite peut être dé-
montrée par la raison ; on a simplement retenu le terme dont
l'Ecriture (2) se sert pour révéler cette vérité, sans rien ajouter
pour en déterminer le sens. " A la dernière lecture du Schéma^
Mgr Gasser revint sur cette observation pour la réitérer au nom
de la députation de la foi (3). Déjà à l'avant dernière lecture, il
avait invoqué le même motif pour faire rejeter deux amendements
qui demandaient que le canon ne se contentât pas d'appeler Dieu
Créateur,mais qu'il le qualifiât de Créateur de toutes choses (4),com-
me le chapitre le qualifiait de principe et de fin de toutes choses.
Il est donc incontestable qu'en donnant à Dieu le titre de Créateur,
notre canon ne définit pas que la raison peut démontrer par ses
seules lumières que Dieu est Créateur et qu'il a tiré le monde du
néant.
Mais, s'il en est ainsi pour le titre de Créateur, il en est de
même, à ce qu'il nous semble, pour les autres titres, et en parti-
culier pour le titre de Dieu unique que le même canon joint à celui
de Créateur. Il serait, en efîet, fort étrange qu'en définissant que
la raison peut connaître le Dieu unique et Créateur, sans faire
aucune distinction entre ces deux épithètes, le Concile ait entendu
définir qu'elle peut démontrer que Dieu est unique, sans entendre
définir qu'elle peut démontrer qu'il est aussi Créateur.
Ces titres de Dieu, unique et véritable, notre Créateur et Sei-
gneur, qui se retrouvent tous textuellement ou équivalamment
au chapitre xni de la Sagesse, n'ont donc pas été introduits dans
notre canon pour définir ce que la raison peut savoir de Dieu,
mais pour marquer à la suite du livre de la Sagesse, quelques-uns
des attributs caractéristiques du vrai Dieu que la raison peut con-
naître.
Il ,
Qu'est-ce donc que notre canon définit comme de foi catholique
au sujet de la notion de Dieu que la raison peut nous donner ?
Une seule chose, à ce qu'il semble. C'est que le Dieu véritable
peut être connu avec certitude à la lumière de la raison, et par
conséquent qu'à cette lumière, il nous est possible de nous former
de lui une conception vraie et de nous démontrer son existence.
Le chapitre, en efft^, ne définit rien, puisqu'il expose seulement,
sans en faire un article de foi catholique, ce que l'Eglise admet et
(1) Acla Concilii Vatican', col. 79.
(2) A magniludine enim speciei el crealurae cognoscibililer polerit creator
horum videri (Sap. xiii, 5).
(3) Acta Concilii Valicani, col. '24'3.
(4) Acla Concilii Valicani, col. 149, amende.nent 47 el 48.
LE PROPAGATEUR 713
enseigne, tenet et docet. Quant au canon, il porte, à la vérité, une
définition de foi catholique ; mais ce qu'il rend de foi catholique,
c'est uniquement ce que les Pères du Concile ont eiitendi définir ;
or, nous venons de le voir, il n'ont p^s entendu condamner comme
hérétique, un homme qui cont-'sterait à la raison le pouvoir de
démontrer avec certitude les attributs que le canon énumère ; ils
n'ont condamné que les hommes qui refuseraient à la raison des
himières suffisantes pour connaître le Dieu véritable. Notre canon
n'a donc pas défini comme un dogme de foi, ainsi que semblait le
craindre l'auteur de la réserve 98(1) que nous avons rapportée
dans un numéro précédent, il n'a donc pas défini comme un
dogme de foi, que la raison naturelle suffît pour connaître avec
une certitude absolue : 1° l'unité de Dieu ; 2^ la vraie nature de
Dieu ; S** le mystère de la création proprement dite ou ex nihilo.
Mais si notre canon n'a fait un dogme de foi catholique que de
cette seule vérité, le commencement du chapitre enseigne comme
une doctrine certaine qu'à la lumière de la raison. Dieu peut être
connu comme le principe et comme la fin de toutes choses. Ce sont
donc là désormais des points qui sont certains théologiquement.
Enfin le texte de ce chapitre donne à entendre que toutes les
vérités que suppose nécessairement cette notion de principe et de
fin de toutes choses, sont accessibles à notre raison ; car il est im-
possible de connaître avec certitude à la lumière de la raison. Dieu
principe et fin de toutes choses, sans connaître dans une certaine
mesure les vérités supposées nécessairemen t par cette notion. Nous
avons vu, en effet, qu'il existe une différence profonde entre con-
naître une vérité à la lumière de la révélation et la connaître à la
lumière de la raison. Celui qui connaît un point de doctrine à la
lumière de la révélation, l'accepte sur l'autorité de Dieu, sans se
rendre compte de sa vérité. Celui au contraire qui connaît un
point de doctrine avec certitude à la lumière de la raison, se rend
compte de sa vérité ; car connaître à la lumière de la raison, c'est
se rendre compte qu'il faut qu'une chose soit vraie. La certitude
donnée par la lumière de la raison implique, par conséquent, la
connaissance certaine non seulement de la vérité en question, mais
encore de toutes les vérités nécessaires pour démontrer ou pour
comprendre la vérité en question. Ainsi on ne saurait connaître
à la lumière de la raison, que Dieu est la fin de toutes chose?, sans
avoir en même temps la connaissance de l'obligation où l'on est de
conformer sa conduite à cette fin. Nous avons dit, au commence-
ment de cetarticle,que cette observation a été faite en congrégation
générale par le rapporteur même de la Députation de la Foi. On
ne saurait guère connaître non plus que Dieu est le principe de
toutes choses, sans admettre en même temps qu'il est le créateur
de toutes choses, c'est-à dire qu'il a produit toutes choses de rien.
Enfin, puisque la lumière naturelle de la raison nous fait dé-
duire toutes les conséquences logiques qui sont renfermés dans
les principes dont nous voyons l'évidence, nous avons la puissance
(1) Acta Concilli Vaticani, col. 228, 229. ;
714 LE PROPAGATEUR
physique (je ne dis pas la puissance morale) de déduire de ces
principes toutes les conséquences qu'ils renferment logiquement.
Du moment que la lumière naturelle de la raison nous peut donner
une connaissance certaine de Dieu principe et fin de toutes choses
nous avons donc la possibilité physique d'arriver par la même
lumière à toutes les vérités qui découlent logiquement de cette
connaissance. On doit incontestablement ranger parmi ces vérités
toutes celles que le Concile a énumérées dans son chapitre
premier sur Dieu créateur de toutes choses et beaucoup d'autres
encore.
Le Concile du Vatican n'a point déclaré expressément que ces
dernières vérités entrent dans la notion que nous pouvons avoir
de Dieu à la lumière naturelle de la raison; nos assertions par
rapport à ces vérités ne sont donc pas de celles qui s'imposent à
l'assentiment de tous les catholiques en vertu de la Constitution
Dei Filius ; mais elles sont de celles qu'un théologien est en droit
de déduire des principes définis ou affirmés par le Concile.
III
Il nous reste à voir si la doctrine que nous venons d'exposer n'est
point en contradiction avec l'expérience. Un Père du Concile, dont
nous avons rapporté les réserves, faisait cette objection : '' Aucun
philosophe n'a connu avec une absolue certitude et sans mélange
d'erreurs Dieu principe et fin de toutes choses ; or la raison hu-
maine est dans l'impuissance non seulement morale, mais encore
absolue, de faire ce que n'ont pu les plus grands philosophes ;
donc elle est dans l'impuissance absolue de connaître Dieu, prin-
cipe et fin de toutes choses avec une pleine certitude (1). "
Mgr Casser résolut cette difficulté, en établissant que plusieurs
philosophes païens ont connu que Dieu est le principe et la fin de
toutes choses ; mais il n'établit pas et il ne pouvait établir que les
philosophes ont eu de Dieu la notion complète que donne le pre-
mier chapitre de la Constitution Dei Filius. Nous avons pourtant
dit que cette notion ne dépasse pas les lumières naturelles de notre
raison. En efTet, ce principe que la raison humaine n'a pas la puis-
sance physique d'arriver à d'autres vérités, que celles qui ont été
connues, en fait^ pai les grands philosophes, est un principe faux.
Mgr Casser le fit remarquer, sans s'arrêter à démontrer son asser-
tion ; mais il suffit d'un moment de réflexion pour comprendre
que ce principe est absolument inadmissible. La raison humaine
avait certainement la puissance naturelle de connaître, par exem-
ple, les lois et les applications de l'électricité que l'on a découver-
tes dans notre siècle. Cependant l'humanité a été longtemps avant
de les soupçonner. La raison humaine a la puissance physique de
connaître bien d'autres vérités que notre génération ne soupçonne
pas et que découvriront les générations futures. Pourquoi donc
(l) Acla Concilii Valicani, cA, 224 et 725. Réserve 51.
LE PROPAGATEUR 715
les grands philosophes auraient-ils connu de Dieu tout ce que la
raison en peut naturellement connaître ? L'ignorance et les erreurs
de ces grands génies ne suppose en aucune manière une impuis-
sance physique de la raison.
Mai?, de notre côté, pouvons-nous montrer que Dieu, tel que le
décrit le nremier chapitre de notre Constitution, peut être connu
à la lumière naturelle de la raison ? Oui et très facilement. Con-
naître à la lumière de la raison, c'est en effet connaître en se ren-
dant compte par des raisons d'ordre purement naturel. Or aujour-
d'hui, tous les philosophes chrétiens démontreat par des raisons
d'ordre purement naturel, les diverses vérités qui entrent dans la
notion complète de Dieu que nous avons indiquée, absolument
comme les physiciens démontrent par des expériences les lois de
l'électricité qui ont été découvertes de notre temps. Cette notion
complète de Dieu n'est donc pas plus au-dessus des lumières de la
raison, que les lois de l'électricité.
Mais dira-t-on, la raison ne pourrait connaître Dieu aussi par-
faitement, si elle n'avait été éclairée par la révélation. Nous
n'en disconvenons pas, et la Constitution Dei Filius nous le décla-
rera bientôt ; mais ce besoin de la révélation ne tient pas à une
impuissance morale, que nous expliquerons en son temps.
Une dernière observation. Si les premiers principes qui sont évi-
dents par eux-mêmes obtiennent nécessairement l'adhésion de
ceux qui y pensent, et si aucun homme ne peut sérieusement en
douter, il n'en est pas de même des vérités que la raison déduit de
ces principes. Plus ces vérités sont complexes, plus elles se tirent
de considérations multiples, plus il est facile de les ignorer ou d'en
douter. Or l'existence de Dieu n'est pas un premier principe évi-
dent par lui-même ; c'est, nous l'avons vu, le résultat d'une dé-
monstration. Quant à la notion complète de Dieu que les chrétiens
admettent, elle ne peut s'établir à la lumière de la raison que par
des considérations multiples et délicates. Quoique cette notion
complète ne dépasse point la portée de la raison, il n'est donc pas
étonnant qu'un très grand nombre d'hommes n'en saisissent point
la vérité.
L'existence de Dieu connu dans l'un ou l'autre de ses attributs
est au contraire très facile à démontrer. Aussi le sentiment de la
plupart des théologiens est-il qu'aucun homme, en pleine possession
de sa raison, n'ignore Dieu complètement et invinciblement, et
que tous les peuples ont cru à la divinité.
J. M. A. Vacant,
Professeur au Grand Séminaire de Naney,
Saint Joseph, patron de la bonne mort, ou nouveau mois de Mars
pour obtenir la persévérance finale, suivi de pieux exercices pour la retraite du
mois et la préparation à la raort, avec un choix de prières et d'exemples, par le
R. P. Hugutl. 7ème édition, l vol. in-18 40 cts.
DE LA TENTATION
Les occasions dangereuses sont une des plus abondantes sources
de péché ; mais ceux qui les évitent avec soin ne sont pas pour cela
à l'abri de tout péril. La vie de l'homme est un combat. Tant que
nous sommes sur cette terre, notre âme est pareille à une barque
lancée sur une mer orageuse.
Pour elle les vents succèdent aux vents, et le calme qui suit la
tempête annonce une tempête nouvelle, jusqu'à ce que s'ouvre
enfin devant nous le port tranquille de l'éternité. Tantôt, du
soufQft de sa fureur, le démon soulève contre nous les flots de la
tentation ; tantôt les accents perfides du monde cherchent à nous
enchanter, pour nous précipiter dans le gouffre, vers lequel nous
entraine déjà le poids de la nature perverse.
Du reste, les passions qu'uiK? âme généreuse cherche à réprimer,
sont pareilles à des animaux féroces-, qui s'irritent contre les bar-
rières dont on les environne. Un moment las ou assoupis, nos
ennemis ne sont point pour cela vaincus ; bientôt ils redresseront
la tête avec plus d'audace, et engageront avec plus de rage une
nouvelle lutte, semblables à un lion qui trouve dans sa blessure
une nouvelle fureur. Ne nous étonnons point des assauts que nous
aurons à soutenir ; le Seigneur multiplie nos combats, afin de
multiplier nos mérites. Dans sa juste sagesse, il ne prépare la cou-
ronne qu'à ceux qui auront légitimement combattu. " Point de
triomphe sans victoire, dit saint Augustin ; point de victoire sans
combat ; et point de combat sans ennemis." La tentation est le
creuset qui purifie les âmes. C'est sur le champ de bataille que
s'aguerrit le soldat. En face de l'ennemi, il est toujours sur ses
gardes. Les tentations fortifient l'homme ; elle lui imposent l'obli-
gation de veiller sans cesse sur lui-même et de recourir à Dieu par
une continuelle prière. Quand approche l'heure du combat, une
âme généreuse, loin de s'efîiayer, se réjouit du triomphe qu'on
lui prépare. N'est-elle pas sûre, du reste, de l'assistance divine
promise à tous reux qui la réclamint, et quand Dieu est pour nous
qui sera contre nous ?
Toutefois, la bonté du Seigneur qui nous assiste au moment
même où il semble nous abandonner, ne doit point nous faire
présumer de nos forces ni ralentir notre vigilance. Redisons-le
encore : Dieu laisse livrés à leur faiblesse ceux qui sans nécessité
restent engagés dans des occasions de chutes. Peut-on saisir des
tiso7is que dévore la flamme, sans voir ses vêtements consumés^ dit
l'Esprit Saint : et peut-on marcher sur des charbons ardents sans
ressentir leurs brûlantes atteintes ?
Donc, si nous voulons triompher dans la lutte, il importe avant
LE PROPAGATEUR 717
tout de nous soustraire au péril, eu évitant les occasions dange-
reuses, dont nous avons traité plus haut, chapitre xxv.
Il est encore d'autres armes, dont les saints nous ont appris à
faire usage dans la lutte contre les ennemis du salut. Lh grand
athlète saint Jérôme, s'était arraché aux séductions de Rome et
avait fui loin du monde et de ses dangers. Au sein du désert, il se
trouvait encore en face du démon et de sa propre nature, qui
livrait à son âme généreuse les plus rudes assauts. Jérôme alors,
sans perdre courage, cherchait à triompher par l'abstinence, le
jeûne et les austérités corporelles. En effet, selon la remarque de
saint François de Sales, le démon, voyant qu'on bat la chair, son
alliée, craint et s'enfuit. A la pénitence, Jérôme unissait la prière.
Tantôt se frappant la poitrine, il s'imaginait entendre le son de la
trompette dernière, qui fera retentir par tout l'univers cette terri-
ble parole : Morts^ levez-vous ; venez au jugement ! Tantôt il se
jetait aux pieds de Jésus en croix et les arrosait de ses larmes.
Il est écrit en eflet : Souvenez-vous de vos fins dernières et jamais
vous ne pécherez ; demandez et vous recevrez; cherchez et vous trou-
verez^ frappez et il vous sera ouvert.
Un signe de croix suffit souvent pour mettre le démon en fuite ;
c'est ce que disait saint Antoine à ses disciples, et c'est aussi ce
qu'écrivait saint Jérôme à la vierge Démétriade. Une injure lancée
à la face du démon qui, étant tout orgueil, craint fort d'être hu-
milié, le fait reculer de honte. Va-t-en en arrière, Satan, lui dit-on,
ne viens pas me conseiller le mal ! Ce que tu m'offres est coupable,
bois toi-même tes poisons, ou va offrir à d'autres ces abominations ;
il y en a assez qui les aiment ; pour moi, j'en ai horreur.
Saint Léonard conseille l'usage fréquent de cette invocation :
Mon Jésus^ miséricorde. D'autres recommandent celles des saints
noms de Jésus, Marie., Joseph ; d'autres, veulent qu'on dise : 0 Marie,
conçue sans péché, priez pour nous, qui avons recours à vous. Il est
impossible, en effet, que le nom de Marie soit sur nos lèvres et
dans nos cœurs en même temps que le péché.
Marie Egyptienne, après sa conversion, fut en proie aux plus
violents assauts, pendant autant de temps qu'avait duré sa vie cri-
minelle, c'est-à dire pendant dix sept ans. Quand elle se sentait
à bout de forces, elle se prosternait devant la divine vierge, la
priant avec ferveur de l'assister et elle ne se relevait point qu'elle
n'eût été consolée et fortifiée par sa maternelle protection.
Il est important aussi de ne pas s'arrêter seul dans les endroits
où l'on es-t tenté, de ne pas rester oisif en face de soi-même, quand
on est exposé à la chute. Un travail utile, entrepris promptement,
une conversation agréable, une distraction sont, dans certaines
oirconstances, un moyen efficace de triompher du démon.
Il importe aussi de ne pas trop craindre certaines pensées im-
portunes et involontaires ; jamais soldat peureux ne remporta la
victoire. Il faut donc les mépriser, s'élever au-dessus d'elles par
la confiance en Dieu, ne leur donnant jamais le temps de s'implan-
ter dans notre imagination. C'est dès qu'elles apparaissent, qu'il
faut les combattre, au moins par la diversion et le mépris ; sans
718 LE PROPAGATEUR
cela, elles prennent empire sur l'âme, et le combat devient plus
opiniâtre et plus chanceux.
Il est bon aussi de se munir d'eau bénite et d'en asperger sa
couche, avant d'aller prendre son repos. Un chrétien doit toujours
porter sur soi quelque objet bénit, comme un scapulaire, une mé-
daille et surtout un crucifix. La nuit, durant les insomnies, sur-
tout si on est tenté, on tient à deux mains ces objets sacrés, on les
colle avec amour sur ses lèvres, et on invoque les saints noms de
Jésus et à-i Marie jusqu'à ce que le sommeil repose l'âme et le
corps fatigués de la lutle.
Heureux ceux qui triomphent, ils seront couronnés. Si la vie est
un combat, la palme nous attend au ciel.
Défions-nous du démon qui nous souffle à l'oreille de faire le
Tnal, mais une seule fois. L'histoire rapporte qu'une reine d'Assy-
rie, Sémiramis, obtint de son mari de régner à sa place, seulement
un jour. A quoi employa t-elle ce jour de royauté ? Elle ôte au
monarque complaisant son diadème, toutes les marques de la di-
gnité royale ; et, comme il ne s'en défendait pas, pensant que la
conduite de sa femme n'était qu'un jeu, il lui livre lui-même son
épée. La reine alors fait trancher la tête à son mari et lui enlève
la vie en même temps que la couronne. C'est l'histoire d'une
mauvaise passion, d'une habitude vicieuse à laquelle on se livre
un jour, espérant s'en affranchir plus tard. Malheur à qui dit : Je
ne retomberai qu'uue fois.
Toutefois l'homme est sujet à faillir ; si nous tombons, point de
découragement. Le maréchal Desaix disait à Marengo : '• La ba-
taille est perdue ; il reste du temps pour en gagner une autre à la
fin du jour." L'âme qui s'est laissée vaincre parle démon peut
tenir le même langage. Relevons-nous aussitôt après une chute,
et recommençons la lutte avec un courage plus grand encore.
Extrait d^ liC I^ivre de Tous, par l'abbé J. Berthier, M. S. Fort
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L'Auréole de Saint Joseph ou recueil des plus beaux panégyriqu'^s en
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par M. l'abbé Berlioux. ISôme édition' 1vol. in-18 35 cts.
PARTIE LEGALE,.,
Rédacteur ; A L. B Y
ENTREPRENEURS—RESPONSABILITE— ACCEPTATION
DES TRAVAUX.
Question. — Lorsqu'une maison a été donnée à l'entreprise et
qu'il y a déviation dans les plans au vu et au su du propriétaire,
que cette déviation n'affecte pas la solidité de l'édifice et que le
propriétaire reçoit les travaux, et paye sans protestation, l'entre-
preneur est-il libéré de la garantie et le propriétaire est-il déchu
du droit de demander des dommages-intérêts ?
Un Propriétaire.
Réponse. — Dans ce cas le propriétaire perd son recours en dom-
mages quoique les déviations puissent nuire à l'apparence de
l'édifice :
Le principe 3St universellement admis que racceplalion libère l'entrepreneur
de toute obligation relativement à l'ouvrage qu'il a exécuté, à moins que cet
ouvrage ne soit affecté d"un vice qui puisse en'ameuer la perle totale ou partielle.
(I Pélissier, Traité de la Responsabilité des Archittcles et des Entrepreneurs,
page 71).
La cour supérieure à Montréal, Davidson, juge, a rendu le 17
Décembre 1889 un jugement important concernant la responsabi-
lité des architectes et des entrepreneurs. Il adopte entièrement
l'opinion donnée ici. Voici l'article, que les journaux ont publié
dans le temps sur cette décision. Je l'emprunte à la Presse du
30 Décembre 1889.
JUGEMENT IMPORTANT.
L'honorable juge Davidson vient de rendre, en Cour Supérieure, un jtjgement
très important pour les propriétaires, les entrepreneurs et les architectes, dans
une cause où M. Hypolite Goné, bourgeois de cette cité était demandeur contre
MM. Gilbert Migneron et J. B. Canlin, entrepreneurs-maçons.
M. Goné. par le ministère de ses avocats, MM. Girouârd, de Lorimier et de
Lorimier, poursuivait les entrepreneurs Migneron et Cantin pour le recouvrement
de §200 de dommages que ces derniers lui auraient causés, en ne se conformant
pas aux plans et devis soumis par les architectes du demandeur dans la cons-
truction de quatre cottages que le demandeur faisait construire l'an dernier sur
l'avenue Laval.
Les défendeurs Migneron et Cantin avaient passé avec le demandeur un con-
trat pour l'exécution de tous les travaux en maçonnerie nécessaires à ces
maisons, suivant plans et devis.
Le demandeur, par son action, se plaignait que les défendeurs ont construit
ces maisons d'une manière toute contraire aux plans et devis, que l^^s ouvertures
des fenêtres et des portes ont été mal placées, di manière à détruire complète-
ment la symétrie extérieure et intérieure des dites maisons et à causer une
grande dépréciation dans la valeur de ces propriétés.
71.0 LE PROPAGATEUR
Les défendeurs, par le minislère de leur avocat, M. J. H. Migneron, ont plaidé
qu'il y avait de fait, une déviation des murs de refend qui n'étaient pas à la place
qui leur était assignée d'après les plans et devis, en sorte que les coupe-feu
louchent trop, plus ou moins, aux fenêtres ; mais que ce défaut n'affecte aucu-
nement la solidité des travaux ; que le demandeur a eu connaissance de ces dé-
viations des murs de refend dès le début des travaux ; qu'il a fait poser sur
chaque mur de refend en i ierre un mur de refend en brique par un poseur de
brique avec lequel il avait un contrat spécial ; qu'il n'a jamais protesté les dé-
fendeurs ; mais, au contraire, qu'il a pris possession des maisons, les travaux
finis, et qu'il les a louées en mai 1888. Tous ces faits ont été prouvés à l'enquôte.
Les défendeurs allèguent aussi que le demandeur Goné avait par là, abandonné
tout recours qu'il pouvait ainsi avoir contre eux ; que Tinlérêt public n'est pas
enjeu relativement à ces déviations, vu que la solidité n'en souffre pas ; que le
demandeur, étant le seul intéressé à se plaindre, avait bien le droit de renoncer
tacitement ou expressément à son recours contre les défendeurs, malgré la ri-
gueur des articles 1688 et 2259 de notre code civil qui dérogent au droit commun
et qui ne déchargent les entrepremeurs et les architectes de toute garantie qu'a-
près un laps de dix ans ; que le demandeur avait renoncé à ce recours en ne
protestant pas les défendeurs quand il a eu connaissance de ces déviations, en
faisant poser la brique sur les murs de refend en pierre quand il savait qu'il y
avait déviation, en laissant continuer et parfaire les travaux, et en prenant pos-
session des dites maisons lorsqu'elles furent finies.
Ces prétentions légales des défendeurs ont été maintenues par la cour qui a
déclare mal fondée et a renvoyé l'action du demandeur avec dépens.
Comme on peut le voir par cette décision la cour supérieure a
jugé:
Que l'on peut, par des conventions particulières, déroger en certains cas aux
articles 1688 et 2259 du code civil, et que le propriétaire qiii fait bâtir peut dé-
gager l'entr'-preneur de sa responsabilité lorsque la solidité de la bâtibse n'est
pas compromise.
Ceux qui administrent pour autrui. V. G. les tuteurs, les cura-
teurs, les syndics a'église et autres, n'ont pas le droit de faire de
semblables conventions au nom de leurs administrés.
REFUS DE SACREMENTS
Monsieur le curé des Aubiers département des Deux Sèvres,
France, ayant refusé, pour des raisons dont il est seul juge, d'ad-
mettre deux petites filles à faire leur première communion, fut
déféré au conseil d'Etat, institution purement administrative et
non judiciaire. Le conseil d'Etal condamna injustement le curé
comme d'abus. Cette condamnation eut lieu sans enquête préalable,
sans débats contradictoires et sans même avoir donné au curé
connaissance du dossier de la cause.
Munis de celte déclaration indispensable, les parents des deux
petites filles intentèrent des poursuites en dommages intérêts
contre le curé, levant le tribunal de Bressuire.
Ce dernier imita la procédure uijuste du conseil d'Etat et, sans
enquête, condamna le curé aux dommages-intérêts.
Toute cette procédure du Conseil d'Etat et du tribunal de Bres-
suire n'est qu'une indigne et infâme parodie de la justice. C'est
un acte de plus à ajouter aux persécutions dirigées contre l'église.
LE PROPAGATEUR 721
Voici le texte de cette décision deshonorante pour ceux qui
l'ont rendue.
Le tribunal,
Attendu qxie la juridiction compétente a régulièrement reconnu et constaté
que l'abbé Robineau a commis un abus en refusant d'administrer la première
communion à Baplisline Herisset et Constance Soulard (décret du 7 janvier 1892);
Qu'aux termes de ce décret, ce refus, dans les circonstances, constitue un pro-
cédé qui a dégénéré en un scandale public ;
Qu'il résulte de cette constatation que l'abbé Robineau a commis une faute et
que le tribunal peut en apprécier la gravité sans enquête ;
Que cette faute a causé à Herisset et à Soulard un préjudice moral et matériel
évident ;
Qu'il suffit de rappeler, d'une part, que le refus abusif de l'abbé Robineau
s'est produit le jour à l'église à la première communion devant un public nom-
breux qui attache une grande importance au\ pratiques religieuses ; J
Que d'autre part, les enfants, faute de n'avoir pas fait leur première commu-
nion, n'ont pu être gagés et sont restés à la charge de leurs parents toute l'année ;
Que le tribunal a, dès à présent, les éléments nécessaires pour fixer, etc.
Condamne l'abbé Robineau à payer la somme de 250 francs de dommages et
intérêts à Herisset et Soulard, chacun.
Le condamne aux dépens.
" Il est superflu, dit rf//îiuer^, de faire ressortir l'énormité de la thèse contenue
" dans ce jugement qui, comme on le voit, n'irait à rien moins qu'à enlever aux
" prêtres, pour le transporter aux magistrats, le droit d'apprécier si les fidèles
" sont ou non dans les conditions requises pour recevoir les sacrements. "
Le 7 janvier courant, la cour supérieure, à Montréal, Tellier,
.juge,
Re : Davignon, vs L'abbé Lesage.
A JUGÉ : Que les tribunaux civils n'ont pas juridiction en matière de sacre-
ments et que, par conséquent, ils ne peuvent pas forcer un curé à les administrer.
Dans cette cause le demandeur, paroissien de Ghambly, se
plaignait de son curé, prétendant qu'il avait refusé de baptiser
son enfant, et il lui réclamait des dommages-intérêts.
Cette cause va être portée en appel, le demandeur espérant,
sans doute, que le tribunal supérieur adoptera la doctrine des
anciens parlements de France et qu'il rendra une décision sem-
blable à celle du tribunal de Bressuire.
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46
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Voici enfin réalisé le vœu souvent émis dans les congrès catholiques. Un
journal l'annonce en ces termes : "Vient de paraître : DICTIONNAIRE
" DES DICTIONNAIRES, Encyclopédie universelle des Lettres,
" des Sciences et des Arts, sous la direciion de Mgr Paul Gdérin. camérier
" de Sa Sainteté. Celte œuvre capitale, haut'ïmenl approuvée, va enfin permettre
" aux catholiques de puiser leurs renseign^men's à d'autres sources que elles
•' que leur fournit la libre-peo'iée..."
1.E PROPAGATEUR 723
Eq effet, la plupart des dictionaairr^s et encyclopéJies de nos jours sont plus
ou moins empreints de l'esprit anticatholique, répandent dans les familles des
erreurs pernicieuses et Causs-^nt l'esprit de la jeunesse. Il s'agissait de remplacer,
de détrôner ces ouvrages dangereux sous le rapport de la foi. Nous obtenons ce
résultai en publiant le Dictioiiiaire lexicographique et encyclopédique le plus
com|ilel, le plus exact, le plus au courant «le la science, conçu dans l'esprit ca-
tholique et marqué au co'n de la sincérité. Le Moniteur de Rome (si bien placé
pour juger une pareille publication), a signalé et recommandé chaleureusement
cette œuvre, comme devant être encouragée et propagée par le clergé, les catho-
liques el les conservateurs de tous les partis, et lui a prédit un brillant succès,
qui s'annonce et s'accentue en réalité chaque jour.
Cette remarquable publication est accueillie dans le mon le entier, comme une
chose universellement attendue, comme la réalisation du rêve de tous les catho-
liques. Ce succès s'explique, si l'on considère que par l'étendue des matières,
par la nouveauté des renseignements, par la forme qui leur a él donnée, par la
correction du texte Le Dictionnaire dts Dictionnaires est l'équivalent d'une bi-
bliolhèque complète : c'est la somme des connaissances humaines, à la veille de
vingtième siècle.
II y dans ce v.iste recueil environ QUATRE VINGT MILLIONS DE
LETTRES, c'est-à-dire la contenu de 80 vol. in-8° ordinaires. 11 est très complet,
très exact, très riche pour la langue {lexicographie). Cette panie, traitée avec
autant de méthode que d'érudition par M. Godefroy (grand prix Gobert 1883),
constitue un des monuments les plus précieux pour l'histoire de notre langue.
La partie encyclopédique ne laisse, non plus, rien à désirer : chaque science y est
traitée avec autant de compétence ei de précision que dans les lirres spéciaux,
et avec plus de sincérité, d'impartialité que dans beaucoup d'autres recueils en-
cyclopédiques. Chaque article est mis à point, à jour ; ainsi les biographies des
contemporains sont conduites jusqu'à 1891-189-2.
Nous ne pouvons donner une meilleure garantie d ; l'exécution typographique
qu'en disant qu'elle se fait avec des caractères neuf?, fonte spéciale (deux cent
trente mille francs), et qu'elle a été confiée au maître imprimeur Motteroz.
Aujourd'hui, cette œuvre capitale a atteint son couronnement. Les six volumes
dont elle se compose ont paru. Avant très peu de temps toutes les familles possé-
deront celte bibliothèque complète, celle encyclopédie qui à la minute, fournit à
Vécrivain, à l'homme politique, à \' ecclésiastique, au professeur, à l'instituteur,
à Vhomme de loi, à ["officier ministériel, au médecin, au fonctionnaire, à V offider,
à y agriculteur, au négociant, au père de famille, à V écolier, etc., le renseignement
désire, avec tous les détails nécessaires, utiles, complets; mais sans tomber dans
le fatras des compilations qui rendent lt:S recherches si difficiles.
Le Dictionnaire d s Dictionnaires est, de tous les ouvrages du même genre, 'e
plus complet et le moins cher : car rencyclojwdie la plus en vogue coûte près de
huit cents francs, et elle a le grave défaut d'être condamnée par la congrégation
de l'Index ; une auire qui n'est que commencée, cinq cents francs ; quant aux
autres dictionnaires ou Dien ils ne sont que lexicographiques, ne contenant que
la langue, n'ayant pas la partie encyclopédique, qui compren 1 l'histoire, la bio-
graphie ancienne, moderne et contemporaine, les lettres, les sciences et les arts ;
ou binn ce ne sont que des abrégés trop incomplets sous le double rapport
lexicographique et encyclopédique.
L'espace manquant pour reproduire les appréciations de la presse, il faut nous
restreindre à une seule citation : On lit dans le Moniteur de Rome (8 nov. 1891).
" Une Œuvre colossale vient d'être terminée, el à la plus grande louange de
" l'auteur... un vaillant et illustre champion des bonnes et grandes causes, Mgr
" Paul Guérin, camérier de sa Sainteté...
'• Le Dictionnaire des Dictionnaires de Mgr Guérin est la seule Encyclopédie
" française, je ne dis pas seulement aussi orthodoxe que possible, mais encore la
" seule vraiment othodoxe et sérieuse à tous les points de vue.
" ...En possession d'une œuvre si indispensable à tous, aujourd'hui surtout,
•' c'est un devoir de la recommander à tous, de la propa^'.er.
" ...Beaucoup d'évêques et cardimux, et à leur têts le Cardinal^Viraire, ont
724 LE PROPAGATEUR
" souscrit à est ouvrage et ont comblé de louanges le vaillant direct'ïur. La
" presse a été unanime à le louer sans réserve..."
La rédaction, contiée aux savants, aux sp''^cialistes et aux vulgarisateurs con-
temporains les plus autorisés, a été ordonnée par Mgr Guérin, d'après le plan
suivant :
AGEICULTURE : Technologie agricole.— Arboriculture. — Sylviculture. — Jardins.— Fleurs.
Viticulture. — Zootechnie. — Apiculture. — Pisciculture.
AECHÉOIiOGIE : Epigraphie.— Paléographie. — Numismatique. — Antiquité de tous les temps
et de tous les pays.
ASTEONOMIE Mécanique céleste. — Constitution des corps célestes. — G-éodésie. — Météorolo-
gie et prévision du temps. — Calendrier, etc.
ADMINISTRATION : Droit administratif. — Ecoles d'administration. — Statistiques.— Finan-
ces.— Histoire des institutions. — Législations comparées.
AEMÉE ET MARINE : Loisdurecrutmnent. — Conseils de revision. — Organisation des armées
de terre et de mer. — Avancement. — Pensions. — Administration et justice militaires. — Stratégie. —
Tactique. — Marches. — Combat. — Stationnement. — Artillerie. — Fortifications. — Télégraphie. —
Ecoles militaires, etc.
ARTS ET MÉTIERS : Histoire et procédés de toutes les industries du bois, de la pierre, du
fer, etc. — Machines à vapeur. — ^Mécanique appliquée. — Résistance des matériaux, etc.
BEAUX- ARTS : Histoire des arts. — Peinture. — Gravure. — Sculpture. — Architecture. — Mobilier
Céramique. — Orfèvrerie-— Tapisserie. — Mosaïque. — Musées de l'Europe. — ^Musique. — Lutherie.
— Monuments historiques, etc., etc.
BIBLIOGRAPHIE : Ouvrages. — Titres.— Dates et lieux de publication. — Editions. — Commen-
taires'.— Traductions, etc.
BIOGRAPHIE : Vie des littérateurs.— Savants. — Artistes de tous les temps. — Biographie com--
plète des Comten\2}orain$, etc.
ECONOMIE POLITIQUE : Problèmes économiques. — Questions sociales. — Echanges. — Salai-
res.— Association. — Coopération. — Bourses, compensation, prime, report, dépôt, etc.
GÉOGRAPHIE . Description de chaque pays, de chaque ville, — Routes. — Chemins de fer. —
Populatitn. — Commerce. — Industrie locale. — Villes d'eaux, etc.
HISTOIRE de tous les temps, de tous 1"S peuples et de tous les lieux.— Des événements. — Des
institutions. — Des actions et des partis, etc.
HISTOIRE NATURELLE : Zoologie ; anthropologie, anatomie, physiologie du règne animal
par genres, espèces et individus. — Botanique : classification, description, usages de chaque
plante, organographie, physiologie, physique et chimie végétales. — Minéralogie : géologie, palé-
ontologie, cristallographie.
LANGUE FRANÇAISE : Prononciation. — Etymologie. — Acception avec exemples. — Difficul-
tés grammaticales et syntaxiques. — Synonymes. — Orthographe usuelle.
LÉGISLATION : Droit naturel. — Droit des gens. — Droit public et constitutionnel. — Droit civil
— Droit commercial. — Droit criminel. — Procédure. — Droit international privé. — Droit rural, fo-
restier, chasse, louveterie, pêche, etc. — Lois sur la propriété littéraire et artistique, etc. ,
LITTÉRATURE : Genres et composition, littéraires. — ^Prosodies grecque, latine, française,
allemande, etc. — Mention ou analyse de tous les ouvrages littéraires de quelque importance.—
Etude des langues anciennes tt modernes, etc.
MATHÉMATIQUES PURES ET APPLIQUÉES : Arithmétique.— Algèbre.— Géométrie.—
Topographie. — Mécanique.
MÉDECINE : Anatomie.— Physiologie.-Pathologie. — Thérapeutique. — Chirurgie. — ^Pharma-
cologie.— ^Diagnostic et pronostic des maladies. — Traitement.-Médecinelégale.-Art rétérinaire
MYTHOLOGIE : Grecque. — Italique.— Scandinave. — Celtique. — Egyptienne. — Hindoue. —
Japonaise. — Mexicaine, ftc.
PHILOSOPHIE : Histoire des systèmes. — Psychologie. — Logique. — Morale, — Théodicée. —
Métaphysique.
PHYSIQUE ET CHIMIE : Etude des pli énomènes.— Description des corps.— Propriétés.— Ap-
p ications s c'entifiques et industrielles. — Nom' nclature, etc.
THÉOLOGIE: Dogme. -Morale.— Sacrements. — Exégèse sacrée. — Histoire ecclésiastique. —
Oonciles. — Hagiographie. — Hérésies. — Droit canonique. — Liturgie, etc.
TRAVAUX PUBLICS", Documents techniques et statistiques.
SAINT JOSEPH DANSLE LIVRE DE VI
n
L'Ecriture sainte, en plusieurs endrùits de l'ancien Testament et
du nouveau, parle du Livre de vie. Ce Livre divin garde, avec les
secrets de la Providence dans le gouvernement de ses œuvres, le
nom de tous les prédestinés. Les élus de toute nation, de taule tribu,
de tout peuple, de toute langue qui ont souffert avec l'agneau immolé^
etqui ont vaincu avec le lion de Juda, ont leuvs nom?, dans ce Livre.
A la tête, à la première page, est écrit le grand, le saint nom de
Jésus. Jésus, fils de Dieu, fils de l'homme, est le fondement de
l'ordre providentiel dans le monde. Son nom sacré est la clef de
ce Livre mystérieux dont il a seul pu briser les sceaux. Il en est
l'alpha et Pomega, c'est-à-dire la première et la dernière lettre. Sa
gloire en éclaire toutes les pages, et fait resplendir de son éclat
tous les noms qui y sont écrits.
Au commencement du Livre, après le grand nom de Jésus, se
trouve le saint, le baau nom de Marie. Le nom du fils et le nom
de la mère, comme la fleur et sa tige, sont unis inséparablement
dans le décret divin, qui ouvre ces pages immortelles ; leurs beau-
tés s'y confondent dans une commune lumière, leur gloire y gran-
dit dans une mêmeproportion.
" Le premier, le chef de tous les prédestinés est Jésus-Christ :
"après Jésus-Christ, la Vierge Marie occupe la première place...
"Lorsque Dieu eut prévu le péché de l'homme et résolu de le gué-
"rir par l'incarnation du Verbe, il prédestina d'abord Jésus-Christ,
"et ensuite la Vierge sa mère à la gloire suprême. " Marie fut ainsi
unie à son fils dans l'élection divine, et l'Eglise approuvant cette
doctrine lui applique ces paroles des proverbes : Le Seigneur m'a
possédé au commencement de ses voies.
Après les noms de Jésus et de Marie, qui ouvrent les pages du
Livre divin, le premier, le plus grand, le plus beau qui s'offre à
nos regards, c'est le nom de Joseph. 11 naît de leur lumière, il
brille de leur éclat, il resplendit de la clarté qu'ils lui communi-
quent; et dans les grandeurs du Fils de l'homme, ainsi que dans
celles de la Vierge, sa mère, le Livre de Vie célèbre les grandeurs
de Joseph et raconte les merveilles de son obscure sainteté.
Le décret du Très-Haut, qui a placé Jésus et Marie à la tête de
toutes ses œuvres, a appelé Saint Joseph à partager leur destinée
et l'a uni à leur mission. C'est pourquoi le nom de l'humble ouvrier
de Nazareth apparaît au sein des profondeurs éternelles, se mêle,
dans le plan divin, à celui de Jésus et à celui de Marie, et reçoit
à l'origine, comme à travers les âges et dans le cours des siècles,
de ces deux noms sublimes, et ses splendeurs et sa beauté.
Dès lors, le décret divin qui associe le nom de Saint Joseph,
dans le plan de la rédemption, aux saints noms d-i Jésus et de
Marie, fait à ce bienheureux patriarche une place à part parmi
726 LE PROPAGATEUR
les saints et les élus. En effet, Saint Joseph étant mêlé à l'existence
de Jésus et de Marie participe, à sa manière, à leurs grandeurs, à
leur beauté, à leurs privilèges, à leurs vertus, à leur mission ; par
conséquent Saint Joseph occupe un rang particulier paimi les
saints, un rang exceptionnel dans le monde de la grâce et de la
gloire, un rang qr.i lui est exclusivement personnel, et qu'aucun
autre ne peut partager avec lui. Car, si c'est la gloire de Jésus
d'être seul le fih unique du Père,; si c'est la gloire de Marie d'être
seule la mère du Verbe fait chair, n'est-ce pas aussi la gloire de
Saint Joseph d'être seul l'époux de Marie, d'être seul le père ado-
ptif de Jésus ?
L'honneur que cette place procure à ce bienheureux protecteur
est si étonnant, et la gloire dont elle le couvre est si grande, qu'après
celle de Jésus et de Marie, nulle autre gloire ne peut lui être com-
parée.
En effet, la gloire des patriarches, des prophètes et des justes de
l'ancienne loi est grande assurément ; grande est aussi dans la
loi nouvelle, la gloire des apôlres, la gloire des martyrs, des vier-
ges et des confesseurs ; et tous les élus de Dieu brillent, chacun
dans l'ordre de leurs vertus, de leurs œuvres, et de leur sainteté,
d'un éclat qui ravit l'admiration de la terre et des cieux : mais
la gloire qui couronne ces bienheureuses phalanges est commune
à tous ceux qui les composent. A côté de Pierre, le Vicaire de
Jésus-Christ, ne voyons-nous pas se lever toute la suite des saints
Pontifes romains, ses successeurs ? A la suite de Paul, prémices
de l'apostolat, ne voyons-nous pas marcher tous les apôtres qui
ont prêché l'Evangile, et tous les ouvriers de Dieu qui ont ensei-
gné la foi et converti les âmes ? Et qui dira le nombre des vierges,
des confesseurs et des martyrs de tous les siècles chrétiens ? Mais,
au milieu de l'assemblée des saints, comme parmi les hiérarchies
angéliques, si vous cherchez l'époux de Marie et le père adoptif
de Jésus, vous n'en trouverez qu'un seul; oui, un seul, parce
qu'il ne peut y avoir, au ciel et sur la terre, qu'une seule mère
de Dieu, qu'une seule mère de Jésus, seul et unique médiateur de
Dieu et des hommes.
C'est ainsi que Saint Joseph est distingué des autres dans l'oftire
de son élection, dans l'ordre de son ininistère, dans l'ordre de ses
grâces, dans l'ordre de ses privilèges et dans l'ordre de sa sainteté.
Concluez donc que si le choix du Très-Haut a honoré de celte
manière le glorieux époux de Marie, et lui a donné, parmi les
élus, un rang tout à fait à part, qui lui fait un honneur spécial et
des grandeurs exceptionnelles ; vous devez à Saint Joseph des
hommages particuliers, et un cuite en rapport avec les faveurs
dont le Seigneur l'a comblé, et la place insigne qu'il lui a faite.
Exiniit du XouTeau Mois de Mars, St Joseph, époux de la Vierge
Marie, par le R. P. Gabriel BouUier, iJe la Cie de Jésus. Ouvrage approuvé par
S. G. Mgr Hasley, Archevêque d'Avignon ; S. G. Mgr BessonEvêquedeNim-s ;
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pellier, ei S. G. Mgr Lebreton, Evoque du Puy. 1 vol. m 18 de 476 pages 50 cls.
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do 2me Le Prêtre et l'histoire.
do 3iii(> Le Prêtre et les hommes de " 37".
do 4me Le Prêtre et l'éducation.
do 5mf' Le Prêtre et l'Etal enseignant.
do 6me Le Prêtre et l'instruction pratique.
do 7me Le Prêtre et nos collèges.
do 8me Le Prêtre et nos spécialistes.
do 9me Le Prêtre et les communautés religieuses.
do lOme Le Prêtre et la politique.
do ilmp Le Prêtre et les fidèles.
ds 12me Le Prêtre et les taxes.
do ISme Le Prêtre et la dîme.
do 14me Le Prêtre et les mauvaises lectures.
do 15me Le Prêtre et les Canadiens des Etats-Unis.
do 16me Le Prêtre et les auberges.
do 17mf Le Prêtre et son vengeur.
N
ïï
RIGÂU
A MADAME Z. SOULACRIX.
I
UN PEINTRE EN 1696
Midi sonnait à l'horloge de l'abbaye de Saint-Germain des Prés.
Hyacinthe Rigaud fli^issait sa séance du matin, et un honnête
bourgeois, dont il terminait le portrait, était déjà parti, rappelé
chez lui par l'heure du dîner, lorsque l'unique valet du peintre vint
lai annoncer qu'un roulier était n bas, apportant une caisse venue
de Perpignan. Rigaud fit une exclamation de joie
"Enfin ! " s'écria-t-il en se hâtant de poser sa palette ; "enfin ! "
"Faut-il monter la caisse, monsieur ? " demanda le domestique.
"Non pas ! cela ferait de la poussière sur ma peinture. Nous
déballerons dans la cour. Vite, donne-moi un marteau et un ciseau."
" Mais, monsieur, " dit Flamand, " votre dîner est prêt."
" Qu'est-ce que cela me fait? Allons, vite, un marteau ! "
Flamand, qui cumulait les fonctions de cuisinier et de valet de
chambre, eut beau assurer son maître que le dîner ne vaudrait
rien s'il attendait, Rigaud, sans prendre le temps de remettre son
habit, descendit en courant ses trois étages, vêtu d'une légère ca-
misole, sans perruque et la tète couverte d'un fichu roulé, et, après
avoir fait poser avec précaution, au milieu de la cour, la caisse
qui avait mis un mois à venir de la capitale du Roussillon à Paris,
il paya le messager, et, sans attendre que Flamand se décidât à
quitter ses fourneaux, commença prestement à déclouer la caisse.
Les voisines se mirent aux fenêtres.
"Que peut-il y avoir là dedans? " demanda à sa tante mademoi-
selle Babet, jeune personne aux yeux noirs, que Rigaud saluait
quelquefois dans l'escalier.
" C'est un tableau, pour sûr, " dit d'un air capable mademoiselle
Babonnette Brunet, vieille rentière aux lunettes bleues, qui, depuis
le premier de l'an jusqu'à la Saint Sylvestre, n'était occupée qu'à
espionner les voisins et à faire endêver sa nièce. " C'est un tableau ;
cela vient de Perpignan, où M, Rigaud a passé les fêtes de Noël. Ce
doit être le portrait de sa prétendue : nous verrons si elle est jolie."
Et, obliant leur dîner posé sur la table, la tante et la nièce, de
même que leur servante Michon, grosse Auvergnate haute en cou-
leur, se penchèrent aux fenêtres, l'une entre deux torchons éten-
dus, les autres par-dessus les tiges grêles et les feuilles étiolées des
capucines plantées devant la croisée. A l'étage au-dessus, une légion
d'enfants s'était aussi mise en observation; mais la grosse voix d'un
papa se fit entendre, et proclama que les curieux qui se levaient
de table seraient privés de dessert. En un clin d'œil, les fenêtres
furent désertées, et la maman, pour plus de sûreté, les ferma en
jetant un petit coup d'œil sur le peintre.
LE PROPAGATEUR 729
Le portier et sa femme, après avoir offert à Rigaud de l'aider,
sur son refus se mirent à table, en laissant ouverte la porte devant
laquelle il devait nécessairement passer pour remonter chez lui.
Rigaud eut bientôt fait, et, enlevant les papiers d'emballage qui
protégeaient une toile soigneusement enveloppée, il ne put s'em-
pêctier de s'écrier à demi-voix : " Qu'elle est belle 1 " et une larme
s'échappa de ses yeux, tandis qu'il déclouait le dernier tasseau
qui fixait au fond de la caisse Te portrait de sa mère. C'était elle,
en effet. Il l'avait peinte à Perpignan, quatre mois auparavant, et
avait prié son vieil oncle le peintre de lui envoyer le tableau dès
qu'il serait convenablement séché et verni.
En apercevant le portrait, les voisines s'écrièrent : Qu'elle est
vieille ! l'une avec dépit, l'autre avec étonnement, et la grosse
Michon en conclut qu'il fallait dîner.
Rigaud s' pprêlait à monter la toile chez lui, lorsqu'un grand
laquais d'une ûgure niaise et un élégant gentilhomme entrèrent
dans la cour presque en même temps.
" Est-ce vous qui êtes le peintre ? " demanda le laquais à Rigaud.
*' '^ui, mon ami, " dit Rigaud." Que désirez-vous ? "
•' Madame a besoin de vous pour un travail pressé, " dit le la-
quais. " Voilà son adresse. Quand vieudrez-vous? "
♦'• Aussitôt que j'aurai dîné," fit Rigaud. " Je vois que c'est près d'ici."
" C'est à cinq minutes, " dit le laquais : '• rue de Vaugirard, la
maison neuve en face de la chapelle du palais du Luxembourg. "
" Madame de Taverny peut compter sur moi. Qu'y a t-il pour
votre service, monsieur? " ajouta Rigaud en se tournant vers le
gentilhomme qui examinait curieusement le portrait.
" Est-ce ici que demeure M. Rigaud, peintre ? " dit le jeune hom-
me sans ôter son chapeau.
" C'est ici même, monsieur. "
" A quel étage ? "
" Au troisième," reprit Rigaud. " Je vais vousmontrer le chemin."
Ils montèrent, et, arrivés dans l'atelier, Rigaud offrit un fauteuil
au gentilhomme et s'assit en face de lui. Le visiteur le regardait
d'un air surpris.
'• Je désire parler à M. Rigaud, " dit-il.
" C'est moi,'monseur. "
" En vérité, " s'écria le gentilhomme. " Eh bien ! monsieur, je
vous avais pris pour un emballeur. Mille pardons ! "
'^ Je ne suis pas un grand seigneur, monsieur," dit Rigaud;
" mais, le serais-je, peut-être bien n'en aurais-je pas moins pris la
peine de déballer moi-même le portrait que voici. "
" C'est, en effet, une magnifique peinture, " reprit le gentilhom-
me. " On dirait un Van Dyck. Quelle est cette dame ? "
" C'est ma mère, " dit Rigaud, " et je suis bien honoré de voir
mon œuvre attribuée à Van Dyck, monsieur. "
" Elle le sera par bien d'autres, soyez-en certain, " dit le gentil-
homme ; "mais il ne faut pas que j'oublie de remplir ma mission.
Voici ce dont il s'agit : S. A. R. Madame, ayant entendu parler
avantageusement de vous par M. Le Brun, peintre du roi, vous
730 LE PROPAGATEUR
veut -onfler l'exécution d'une peinture destinée à orner un des
cabinets du roi à Marly. Elle désire vous en parler elle-même,
vous montrer l'emplacement ; et, à cet effet, si vous le voulez bien,
je viendrai demain matin, à huit heures, vous chercher en carrosse
pour aller à Marly. Est-ce convenu ? "
Rigaud leremeicia, le reconduisit dansl'escalier avec de grandes
révérences de part et d'autre, et rentra tout joyeux dans son ate ier.
" Monsieur ne dînera donc pas aujourd'hui ? " demanda Fla-
mand d'un air mélancolique.
" Si fait, mon garçon, " dit Rigaud, " et de bon appétit encore.
Sers- moi vite, et, aussitôt que tu l'auras fait, cours me chercher
le perruquier. Il faut que je fasse un bout de toilette pour aller
chez madame de Taverny. "
En un quart d'heure, le modeste dîner du peintre fut expédié ; et
le perruquier, entrant, ses fers à la main, se mit en devoir d'accom-
moder la periuque et de faire la barbe à son client.
Rigaud avait alors vingt-neuf ans ; il était grand, bien fait, et
sa figure, sans êtie fort belle, plaisait par s-on expression vive et
spirituelle. Grâce aux soins d'Alcindor Pirouette, il fut bientôt
coiffé à la dernière mode, et se revêtit d'un habit de velours
mordoré à galons d'argent. Flamand, en lui présentant sa canne
et ses gants, s'écria :
" En vérité, monsieur, si madame de Taverny a des yeux, vous
êtes assuré qu'elle vous verra avec plaisir. "
*' M. Rigaud va chez madame de Taverny ? " dit Alcindor." Oh 1
alors, monsieur, il faut que je poudre votre perruque. "
" Pourquoi cela ? " demanda Rigaud.
" Il le faut absolument, monsieur, je vous acsure. Madame de
Taverny et son maii aiment la poudre, et ont été des premiers à
l'adopter. Toutes les personnes qui vont chez eux se font poudrer
pour leur plaire. Cioyez moi, monsieur, laissez-moi vous mettre
un peu de poudre parfumée. "
*' Quelle folie ! " dit Rigaud : " c'est une sotte mode, malpropre,
et qui donne l'air vieux. "
" Point du tout, monsieur : cela rajeunit tt adoucit tous les visa-
ges. Allons, monsieur, laissez-vous poudrer : vous serez charmant!"
Et, lui jetant un peignoir sur les épaules, Alcindor lança^snr sa
perruque un nuage de poudre, qui la blanchit tout d'un côté. Sa
perruque une fois blanchie à dextre, il fallut la blanchir àsenestre,
et, pour faire prendre patience au peintre, Alcindor se mit À lui
dire mille biens de madame de Tavernay.
" C'est la plus jolie personne de la paroisse Saint-Sulpice, mon-
sieur, point coquette avec cela, sage, modeste et pieuse comme un
ange. Elle a un vieux mari goutteux, fort honnête homme, mais
qui n'est pas toujours commode. M. de Tavenay aime le monde et
reçoit beaucoup ; mais la jeune dame se conduit si discrètement,
que januiis personne n'a pu jaser sur elle. Et elle est jolie, ah !
jolie ! une blonde aux yeux noirs, avec des cheveux aussi grands
qu'elle, et fins brillants, ondulés comme la mer. Si vous avez le
bonheur de faire son portrait, cela vous rendra célèbre monsieur.
LE PROPAGATEUR 731
J'ai eu quelquefois l'honneur de la coiffer. Elle aime la poudre,
monsieur, elle en met beaucoup, et s'habille comme une mère-
grand, toute jeune qu'elle est. Madame de Maintenon l'estime fort
et lui fait des présents. C'est elle qui l'a fait élever à Saint-Gyr et
l'a mariéi^. M. de Taverny l'a épousée pour !-es osaux cheveux,
pour ses beaux yeux, veux-je dire. Elle préfère la poudre d'iris,
monsieur : c'est pour cela qne je vous en mets. "
'' Assez, assez ! " s'écria Rigaud en s'êchappant de ses mains:
" vous allez me rendre semblable à un meunier. "
" Ah ! mou>ieur, de grâce, encore un petit coup de houppe sur
l'oreille droite ! "
" Assez, assez, vous dis-je ! " s'écria Rigaud en lui jetant son
peignoir. Et prenant son chapeau, il s'enfuit, poursuivi jusque
dans l'escalier par l'agile Alcindor.
" Puisqu'il vous reste de la poudre, monsieur Pirouette, " lui
dit Flamand, •' meltez-moi-z en quelque peu, je vous en prie. "
" Bien volontiers, " dit Alcindor. Le valet endossant le peignoir,
se mit à la place du maître, et tandis que le perruquier lui accom-
modait la tois^ai rousse et crépue qu'il appelait ses cheveux. Fla-
mand, selon l'invariable coutume des valets, se mit à parler des
affaires de son patron.
" C'est un habile peintre, " dit-il, " et il aura bientôt plus d'ou-
vrage qu'il n'en pourra faire, tant ses portraits de M. Girardon et
du joailîer du roi sont admirés par les gens qui s'y connaissent.
C'est un travailleur, qui n'est content que le pinceau à la main, et
oublierait de boire et de manger si je n'étais là. Personne n'est
p us régulier que lui à suivre les lois de l'Eglise ; mais pour ce
qui est du ménage, il a de bien drôles de manies. Figurez-vous
qu'il me défend d'épousseter ses tableaux et même de balayer son
atelier ! 11 prend ce soin lui-même, après avoir couvert ses peintu-
res. Du reste, c'est un bon maître, généreux, pas fier ; je ne l'ai
vu en colère qu'une fois ; mais, par exemple, il l'était bien. "
" Contre qui s'est il fâché ? " demanda le perruquier.
" Contre moi, " dit Flamani, ^' et je suis encore à me demander
pourquoi. Imaginez-vous qu'il a dans son atelier une grande pou-
pée qu'il appelle son mannequin. Il l'avait habillée en manière
de revenant avec la courte-pointe en camelot bleu de son lit, et il
avait dessiné ça sur une toile, au crayon rouge. Moi, croyant que
c'était fini, un beau matin, je reprends la courte-pointe pour accom-
moder le lit de monsieur. En rentrant de la messe, il voit cela, et
le voilà qui crie, qui frappe du pied, qui fait un sabbat d'enfer.
Vite, je cours chercher la courte-pointe, je la remets sur le man-
nequin exactement comme elle était, et il se fâche de plus belle
et me traite de grosse bête. Puis, voyant mon air étonné, il éclate
de rire. Ah ! c'est un drôle d'homme ! "
Alcindor n'essaya pas de démontrer à Flamand que son maître
avait eu bien raison ; et, jetant sur la tête carrée du valet le fond
de la boite à poudre, il reçut son salaire et retourna dans sa bou-
tique, à l'enseigne du Cœur volant.
Pendant ce temps, Rigaud s'acheminait vers la rue de Vaugirard,
732 LE PROPAGATEUR
en prenant grand soin de ne pas salir ses bas de soie écrue et ses
souliers à nœuds incarnais. Il passa devant l'église de Saint-Sulpice
à demi construite, et dont les travaux étaient interrompus depuis
1678, faute d'argent, lo.igea les murs de ce 'ardin charmant où
madame de La Fayette, alors presque mourante, avait réuni tant
de fois madame de Sévigné, M. de La Rochefoucauld, madame
Scarron, et tracé les pages de YHiSitoire d'Henriette d'Angleterre et le
roman de la Princesse de Oléves^ et,- arrivant en face des murs du
Luxembourg, tourna à gauche et vit la belle maison neuve que le
laquais lui avait désignée.
Il demanda au portier madame de Taverny.
<• C'est au second étage, monsieur, " lui fut-il répondu. " Mais
madame ne reçoit pas : elle va partir pour Versailles. "
Un carrosse tout attelé attendait dans la cour.
Le laquais qui était allé chercher Rigaud descendait l'escalier,
heureusement. Il le reconnut, et l'engagea à monter. Puis, à peine
entré dans l'antichambre, cet ingénu valet, s'approchant d'une
porte entrebâillée, s'écria :
" Mam'zelle Dorine, voilà le peintre que madame a fait deman-
der pour mettre sa chambre à couleur. "
Une voix fort douce répondit :
" C'est bien. Faites entrer ce brave homme ! "
Rigaud fut pris d'une forte envie de rire ; mais il se contint, et,
voulant s'amuser de la méprise, il entra de bonne grâce, salua et
se tint debout près du seuil, en regardant l'agréable spectacle qui
s'offrit à sa vue. Assise sur une chaise basse, et entièrement enve-
loppée d'un peignoir blanc comme la neige, une jeune dame, la
figure cachée par un grand cornet de papier qu'elle tenait en main,
se faisait poudrer par sa femme de chambre. On ne voyait d'elle
que deux belles mains et une magnifique chevelure arrangée
avec art. Dorine, attentive à sa besogne, ne daigna pas regarder
le nouvel arrivé, et, du fond de son cornet, la jeune dame lui dit :
" Voici ce dont il s'agit, mon ami. Je vais passer quelques jours
à Versailles, et il faudrait profiter de mon absence pour travailler
ici. Combien vous faut-il de temps pour peindre cette chambre ?"
"•* Si les sujets ne sont pas trop compliqués, madame, " dit Ri-
gaud, " dix-huit mois à deux ans pourraient suffire, à la rigueur. "
*' Deux ans ! " s'écria la jeune dame, qui, d'étonneuient, laissa
tomber son cornet.
En apercevant l'élégant personnage qui était devant elle mada-
me de Taverny devint rouge comme le feu, se leva toute droite,
et s'écria :
" H.é ! monsieur, pardon ! je vous prenais pour le peintre ! "
" Madame, " dit Rigaud en s'inclinant, "je suis peintre, en effet,
tout à vos ordres : votre laquais m'est venu chercher de votre part,
et je me suis empressé de me rendre chez vous. Je suis Hyacinthe
Rigaud, peintre d'histoire. "
•• Monsieur, " reprit la jeune dame, " asseyez-vous, de grâce.
Permettez-moi d'aller chercher mon mari. "
Elle s'enfuit toute confuse, suivie par Dorine, et, cinq minutes
LE PROPAGATEUR 733
après, reparut accompagnée d'un homme âgé, qui marchait avec
peine, en s'appuyant sur une canne. C'était M. de Taverny, ancien
colonel du régiment de Royal Blésois. Il se confondit en excuses
sur la maladresse du laquais de sa femme, et, charmé des maniè-
res courtoises et de la bonne humeur de Kigaud, il se hâta d'ajou-
ter aux premiers compliments que le nom de M. Rigaud ne lui
était pas inconnu, et qu3 le beau portrait du joaillier Materon
l'avait charmé.
" J'ai conservé un si bon souvenir de cette peinture, m: nsieur,"
dit-il, " que je projetais de vous prier de faire mon portrait et celui
de madame de Taverny. Si l'insigne bêtise de ce niais de Larose
ne vous a pas donné trop mauvaise opinion de ses maîtres, j'espère
que vous voudrez bien nous peindre. Je désirerais placer nos
portraiis dans ces deux trumeaux ovales que voici, et je les vou-
drais peints au pastel, afin qu'ils s'accordent avec ceux de mes
parents, qui furent exécutés par Vouet, du temps où il donnait des
leçons de peinture au roi Louis XIII. "
Rigaud assura M. de Taverny qu'il serait très heureux de faire
ce travail, et, après avoir pris jour pour la première séance, le pein-
tre et ses nouveaux clients se séparèrent, fort satisfaits les uns
des autres.
II
MARLY-LE-ROI
Le lendemain, selon sa coutume, Rigaud alla entendre la premiè-
re messe à Saint-Germain des Prés, et, en revenant chez lui, s'ap-
prêta pour aller à Marly. A huit heures précises, un carrosse à
la livrée du duc d'Orléans s'arrêta devant sa porte, et il se hâtait de
descendre, lorsque M. de Marnes, le gentilhomme de la veille, lui
fit dire par un laquais qu'il ferait bien d'emporter avec lui le por-
trait de sa mère, afin de lefaire voira Madame. Le portrait n'avait
pas de cadre, et Rigaud était contrarié de le montrer ainsi ; mais,
n'osant refuser, il l'enveloppa dans cette courte-pointe de camelot
bleu que Flamand disait bonne à mettre à toute sauce, et, descen-
dant le tableau avec précaution, il le posa sur la banquette de
devant du carrosse.
" A Marly ! " dit M. de Marnes au cocher. Et le carrosse partit
d'un grand train, tandis que les voisines guettaient Flamand au
passage pour savoir de lui ce que son maître allait faire à Marly.
Flamand jura ses grands dieux qu'il n'en savait absolument rien,
et cela lui valut la réputation d'être un garçon aussi discret qu'il
était borné.
Bientôt le carrosse, gagnant les quais, franchit le Pont-Royal,
suivit le cours la Reine, traversa le bois de Boulogne, beaucoup
plus grand alors qu'à présent, passa le pont de Sèvres, et se diri-
gea vers Marly à travers les bois charmants de Ville-d'Avray et
de Vaucresson. Le temps était fort beau, et la fraîcheur d'un pre-
mier jour de mai rendit le voyage d'autant plus apréable à Rigaud,
que son compagnon eut l'esprit de s'endormir. Dormait-il tout de
734 LE PROPAGATEUR
bon ? Je n'en sais rien. Peut-être ne fit-il semblant de s'assoupir
que pour échapper aux questions du peintre, fort désireux de savoir
ce que lui voulait la duchesse d'Orléans. Toujours est-il qu'il lais-
sa Rigaud jouir tout à son aise du plaisir de regarder le paysage
et d'écouter les oiseaux chanteurs, et ne s'éveilla que pour dire en
arrivant à la grille dorée du parc de Marly :
'' Nous voici rendus à Marly, monsieur. Je vais vous montrer
le chemin. "
Ils descendirent de voiture, et Rigaud, sa toile à la main, suivit
son conducteur le long des allées de sable, bordées d'orangers.
Bientôt ils arrivèrent au bas de la grande pelouse, au point où la
vue embrassait l'ensemble du pavillon central, résidence du roi, et
l'on appelait le pavillon du Soleil, et des douze pavillons du Zo-
diaque, à demi voilés par les charmilles.
Lcs arbres, taillés à mi hauteur seulement, et dont les cimes
s'épanouissaient, couronnaient d'un diadème de verdure les jardins
de Marly. Les jets d'eau s'irisaient aux rayons du soleil ; tout était
embaumé de jonquilles, de narcisses et de jacinthes ; d'immenses
rangées de tulipes de Hollande, aux nuances éclatantes, bordaient
les pelouses, et château, bosquets et fleurs se doublaient dans le
miroir des bassins, où passaient, comme des esquifs animés, les
cygnes aux mouvements lents et gracie x, et de ci, de là, poursui-
vant les libellules, quelque martin-pêcheur au plumage azuré.
Dix heures venaient de sonner. Le roi était au conseil. Les dames
dormaient ou s'occupaient de leur toilette, et quelques courtisans,
errant par petits groupes sous les charmilles, causaient des mille
riens dont se composait en temps de paix leur vie oisive et dissipée.
" Madame est-elle revenue de la promenade ? " demanda M. de
Marnes à un page qu'il rencontra.
" Son Altesse ne saurait tarder, " dit le page, " car elle est par-
tie dès sept heures du matin, au grand déplaisir de ses dames, qui
s'étaient couchées à plus de minuit. Madame les a emmenées à
pied du côté de Louveciennes. Et, tenez, la voilà qui vient ! "
Uu groupe de quelques personnes parut en effet au bout de
l'allée, précède par une femme à l'allure masculine, tenant une
canne à la main, et portant, au lieu de fontan^e, un chapeau de
feutre gris. En apercevaut de loin Rigaud et M. de Marnes, elle
congédia sa suite, ne gardant avec elle que son vieil écuyer ; et,
répondant par une inclination de tête au profond salut des
nouveaux arrivés, elle leur dit, avec l'accent tudesque que vingt-
cinq années de séjour en France u'avaient pu lui faire perdre :
" Suivez-moi. "
Et elle se dirigea vers le pavillon du Soleil d'un pas délibéré.
Charlotte- Elisabeth de Bavière, princesse palatine, duchesse
d'Orléans, s'est dépeinte elle même dans ses Mémoires, et les té-
moignages contemporains ne contredisent pas le sien. Elle était
laide en perfection. C'est un malheur dont jamais femme n'a pris
son parti, à moins d'être une sainte, et encore est-il juste de noter
que le cas ne s'est, je crois, jamais présenté. J'ai cherché en vain
une sainte laide dans le martyrologe et le Bréviaire. Toutes les
LE PROPAGATEUR 735
saintes ont été plus ou moins belles, et saint François de Sales en
donne une des raisons en disant : "Dieu et la vertu ne peuvent
être dans une âme sans que le corps et le visage n'en ressentent
quelque douceur. " Quant à madame la duchesse d'Orléans, elle
était si laide qu'elle faisait peur aux petits enfants, et l'éclat de son
rang et les flatteries des courtisans ne cachèrent pas à son esprit
droit et judicieux les disgrâces de sa personne.
En Allemagne, dans sa famille, elle avait été aimée. En France,
lorsqu'elle vint prendre la place de cette Henriette d'Angleterre,
si charmante, si regrettée, et dont l'esprit et les grâces exquises
devaient faire ressortir encore ce qui manquai ta la princesse pala-
tine, Madame ne rencontra que froideur et répulsion mal déguisées
sous le respect et les compliments obligés. La fausseté, la corrup-
tion, la frivolité des courtisans, la révoltèrent. Elle ne trouva d'ami-
tié et d'égards véritables qu'auprès du roi son beau-frère, et, s'atta-
chant profondément à lui, fut jalouse de tons ceux qui l'appro-
chaient, surtout de madame de M dntenon. Fière, honnête et farou-
che, froissée dans son amour maternel par la précoce perversité de
son fils, et n'ayant nulle estime pour son mari. Madame enveloppa
d'un même mépris toute la cour, toute la France, et regretta toute sa
vie, sa chère Allemagne et ce Palatinat deux fois livré aux flammes
parles armées de Lojis IV. Se rendant bien compte qu'elle ne
serait jamais aimée à la cour de France, elle voulut du m )ins n'être
pas moquée, et, usant de l'appui du roi et des privilèges de son rang,
elle se fit craindre de tous, et de son mari tout le premier.
Rigaud n'avait jamais vu Madame. La beauté du lieu où lui
apparaissait ce type de laideur achevée n'était pas pour atténuer
l'impression qu'il ressentit, et la princesse la devina aisément.
Elle entra dans le château, et, traversant un grand vestibule rem-
pli de serviteurs qui se rangèrent en s'inclinant sur son passage,
elle entra dans un petit salon où deux tapissiers étaient occupés
à poser les tentures d'été, leur commanda de s'en aller, et congé-
dia M. de Marnesetl'écuyer, qui allèrent s'asseoir dans le vestibule.
Restée seule avec Rigaud, la princesse lui indiqua un panneau
de boiserie richement encadré et placé au-dessus d'une cheminée,
en face de laquelle était un grand miroir.
" Vuici le panneau que vous aurez à décorer d'une peinture,
monsieur, " lui di t-elle ; " il faut qu'elle soit terminée à l'automne.
Considérez bien l'emplacement, pour donner à la figure que vous
peindrez les dimensions convenables. On vous rem,ettra le dessin
du panneau. Avez-vous bien vu ?
" Oui, Madame, " di' Rigaud. " Quel est le sujet que je dois
représenter ? "
" C'est un portrait. Le Brun m'a dit que vous y excelliez. Quelle
toile avezvous là ? "
" C'est le portrait de ma mère, " dit Rigaud en le découvrant et
le posant sur la cheminée.
Madame se recula de quelques pas et l'examina un instant.
" C'est frappant de vérité, " dit elle, " ce doit être ressemblant.
Aimez-vous faire des portraits de femme ? "
736 LE PROPAGATEUR
" Non, Madame, " dit Rigaiul.
" Pourquoi cela ? "
" Parce que les dames veulent être embellies et ne tiennent pas
à être ressemblantes, pourvu qu'on les fasse jolies ; et je ne sais
mentir ni avec la langue ni avec le pinceau. "
" Vous n'êtes point fait pour la cour, alors, " dit Madame, " et
vous ne peindrez guère que des hommes d'esprit. "
"Je n'aspire pas à autre chose, Madame. Est-ce un portrait du
roi que Votre Altesse désire ? "
" Ce n'est point mon goût qui a été consulté, " dit la duchesse.
'•' Leroi veutmeitre là le portrait d'une princesse qui n'est ni jeune
ni belle, vous serez à plaindre, monsieur, d'avoir un tel modèle."
" Non, Madame, " dit Rigaud : " pourvu que cette princesse ait
assez d'esprit pour ne point vouloir être peinte en joli masque, je
la ferai ressemblante et je n'en ferai pas moins une belle peinture. "
" Je comprends, " dit la princesse, "je comprends : "
11 n'est point de serpent ni de monstre odieux
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux.
" Ce n'est pas ainsi que je l'entends, Madame," dit Rigaud : " une
princesse qui ne se fait pas d'illusion sur son manque de beauté
est, par cela même, une femme d'un esprit supérieur, et tout visage
où rayonne l'intelligence a ses heures de beauté. C'est une de ces
heures-là qu'il faut choisir, sans avoir recours aux vulgaires
artifices. Quand l'âme resplendit dans le regard et le sourire,
le visage le plus irrégulier du monde est agréable à regarder. "
" De\inez qui vous peindrez là ? " demanda Madame après un
instant de silence.
" C'est vous. Madame, et je vois très bien comment je vous éclai-
rerai. Veuillez vous tourner un peu. C'est cela. Je suis sûr de
réussir. Quand commencerons-nous ? "
" Jeudi matin, à Saint-Cloud, " dit la princesse. " Je vous en-
verrai chercher chez vous. M'aviez-vous déjà vue ? "
" Non, Madame. "
" Me croyiez-vous aussi laide que je le suis ? "
" Oh I oui, " dit naïvement Rigaud ; " mais je ne vous croyais
pas si franche et si bonne. "
" Je ne suis pas bonne, " dit la duchesse, " mais j'aime les gens
qui parlent selon leur pensée, et j'ai rarement occasion d'en voir.
Convenons d'une chose, Rigaud : vous me direz toujours la vérité.
Nos séances alors seront pour moi des heures de repos, et je vous
revaudrai cela, foi de princesse. Allez : j'ai donné oidre qu'on
vous serve à dîner. M. de Marnes vous montrera les jardins, si
cela vous divertit, ei vous fera ramener chez vous. A jeudi. "
Et, traversant le vestibule, la princesse s'achemina vers son
appartement.
(à suivre).
Mme Julie Laveronh.
BULLETIN
8 février, 1893.
*,* Le 19 février de grandes réjouissances et de magnifiques dé-
monstrations religieuses auront lieu dans tout l'univers catho-
lique. Car ce jour sera le cinquantième anniversaire de la
consécration épiscopale de Notre Saint Père le Pape Léon XIIL
En ce jour mémorable, la joie des fidèles ne sera malheureuse-
ment pas sans mélange, car ils ne pourront pas penser sans tris-
tesse à la condition actuelle de la papauté. Ils feront des vœux
pour que ce triste état cesse bientôt et pour l'expulsion des usur-
pateurs qui souillent le sol de la ville éternelle. Puisse le ciel
écouter les prières ardentes qui lui seront adressées pour la déli-
vrance du vicaire du Christ. Puisse le pape, avant de mourir, voir
luire l'aurore de la liberté pour l'Eglise et le rétablissement de
son pouvoir temporel !
N. S. P. le pape, Vincent Joachim Pecci, aura 83 ans révolus le
2 mars. Il est né le 2 mars 1810 à Garpineto, diocèse d'Anagni. Le
23 décembre 1837, il était ordonné prêtre et le 19 février 1843,
il était sacré évêque. Elevé au cardinalat le 19 décembre 1853, il
fut élu au suprême Pontificat le 20 février 1878 et couronné le 3
mars de la même année. Lors de son élection il était évêque de
Pérouse, siège qu'il occupait depuis le 13 janvier 1846.
*
^*^ Dans If. cours de décembre dernier, dans un grand nombre
d'églises de France on a célébré des messes pour le repos de l'âme
des soldats français morts au champ d'honneur au Tonkin, au
Soudan et au Dahomey. Dans plusieurs endroits, les autorités
civiles, judiciaires, militaires et administratives ont assisté à ces
cérémonies religieuses. Ces manifestations ont excité la colère de
certains libres penseurs. Le journal juif, La Lanterne, y a même
vu un attentat à la Constitution.
Les journaux ayant annoncé que le Président Carnot devait se
faire représenter au Service de la Madeleine, La Lanterne a poussé
l'audace et l'impudence jusqu'à lancer cette proposition aussi
inepte qu'efî'rontée :
U intervention du président de La République en cette circonstance
est absolument irrégulière.
Elle est contraire au caractère exclusivement laïque donné à notre
organisation politique par le congrès de revision qui., en 1884, sup-
prima de la Constitution la clause relative aux prières publiques.
En tant que président de la Rêoublique, M. Carnot n'a pas le droit
47
LE PROPAGATEUR
d'associer le pays, soit 'personnellement, soit par délégation, à une
manifestation religieuse.
Il y a là de sa part une méconnaissance de la liberté de conscience
que la Constitution revisée a voulu sauvegarder.
La démarche présidentielle est donc en formelle contradiction avec
la lettre et l'esprit de la loi fondamentale du pays.
L'Univers a fait bonne justice de ces absurdités.
***
\* L'ouverture du Parlement anglais a eu lieu le 31 janvier.
Le discours du trône est très court. Après avoir fait allusion aux
affaires de l'Ouganda et à celles de l'Egypte, Il annonce des
mesures relatives au gouvernement de l'Irlande, au système d'en-
registremeni, à la durée des Parlements, au droit de vote, au
travail, au commerce des liqueurs, etc.
Le discours a été lu par lord Herschell, président de la chambre
des Lords et lord Grand chancelier.
*/ N. S. P. le Pape a établi aux Etats-Unis une délégation aposto-
lique permanente, et Mgr SatoUi a été nommé le premier légat
ou délégué.
Tous les catholiques, même ceux qui y étaient opposés dans le
principe, ont accepté cet établissement avec la plus entière sou-
mission : '' Rama locuta est, causa fmita est. Voici ce qu'a écrit à
ce sujet Mgr Corrigan, archevêque de New-York, que l'on pré-
tendait être, à tort ou à raison, l'un des plus ardents adversaires
de cet établissement :
" Le Souverain Pontife, selon la définition du Concile du Vatican, a sa juri-
dict'on absolue sur le troupeau entier des fidèles. Ce pouvoir entraine avec lui
le droit de créer dans tous les diocèses du monde un délégué ou légal. Celui qui
nierait ce droit rejeterait un article de foi. En conséquence, lorsqu'il a i)lu au
Souverain Pontife de désigner un légat apostolique, il a usé de son droit. Plus
encore, il ne peut venir à la pensée de personne, de douter un instant de la
sagesse du Saint-Père en prenant celte détermination. Nous avons reçu cette
décision, comme toutes celles provenant de cette haute source, avec les sentiments
les plus complets de respect et d'obéissance. Avant que le Pape eût parlé, il
pouvait y avoir quelque divergence d'opinion.
Maintenant, il n'en existe plus. Pour ma part, je reçois avec la plus grande
satisfaction la nouvelle annoncée,— en admettant toujours qu'elle soit exaclo."
' Ce document a été transmis aux journaux par le secrétaire de
Mgr Corrigan, Mr l'abbé Gonnelly.
La délégation qui vient d'être établie aux Etats-Unis, n'a aucun
caractère civil ou politique, car elle n'est pas une nonciature. Elle
n'a qu'un caractère purement ecclésiastique ou religieux.
* ,*
*^ Mr. l'abbé Maxime Decelles, actuellement curé de Sorel,
LE TROPAGATEUR 739
vient d'être nommé évêque de Druzipara, et coadjateur de Mgr
l'évêque de St. Hyacinthe cumfutura successione. Il sera bienlôt
sacré à St. Hyacinthe.
Mgr Decelles est âgé de 44 ans moins 3 mois. Il est né à Su
Damase le 30 avril 1849. Après un brillant cours d'études classi-
ques fait au séminaire de St. Hyacinthe, il entra dans l'état ecclé-
siastique et il fut ordonné prêtre le 21 juillet 1872 par Mgr Charles
Laroque. L'ordination eut lieu à St. Athanase. Il fat successive-
ment vicaire à St-Denis, curé d'office à Belœil, curé d'office à la
cathédrale de St-Hyacmthe, chanoine pénitencier, curé de SuSoch
et en dernier lieu curé de SoreL
***
^*, Le successeur de Lord Stanley de Preston au poste de
Gouverneur-Général du Canada vient d'être nommé. C'est le très
honorable John Campbell Hamilton Gordon, comte d'Aberdeen.
Il entrera en fonctions dans le cours da mois de juin prochain.
Notre futur Gouverneur est né le 3 août 1847, Il a fait ses
études au collège Hall et à VUniversity collège d'Oxford. Il est le
petit fils du comte d'Aberdeen ancien premier ministre d'Angle-
terre. Il a déjà été Lord-Lieutenant d'Irlande, poste qui lui fut
donné en 1886 par son ami intime Mr. Gladstone. Lord Aberdeen
était très populaire en Irlande et il fut l'objet des plus flatteuses
démonstrations lors de son départ.
***
Sont décédés
P Hippolite Féréol Rivière, ancien professeur de droit à Nancy
(France), conseiller honoraire à la Cour de Cassation. Il avait 76
ans. Il est auteur de plusieurs ouvrages de droit et notamment de
*' Répétitions écrites sur le droit commercial."
2° John Lemoine, journaliste français, sénateur inamovible et
membre de l'Académie Française où il avait remplacé Jules Janin.
Mr Lemoine est né à Londres en 1815.
3° Mgr Joseph Dwenger, 2ème évêque du fort Wayne, état de
rindiana.
Il est né dans l'Ohio en 1837 et il a fait ses études à Cincinnati.
Il a été ordonné prêtre à 22 ans en vertu d'une dispense du pape et
il a été sacré évêque en 1872.
Le diocèse de Fort Wayne comprend la moitié de l'état d'Iadiana,
Il a été érigé en 1857. Antérieurement il faisait partie du diocèse
de Vincennes.
4** Son Eminence le cardinal Joseph Foulon, archevêque de
Lyon. Il est né à Paris le 29 avril 1823 et il a fait ses études dans
sa ville natale, au petit séminaire où il a été l'élève du célèbre
Mgr Dupanloup. Plus tard il a enseigné la rhétorique dans la
même institution dont il est devenu ensuite directeur.
740 LE PROPAGATEUR
Il a été nommé évêque de Nancy et de Toul en 1867, arche-
vêque de Besançon en 1882, archevêque de Lyon en 1887 et car-
dinal en 1889. A la signature du traité de Paix entre la France et
l'Allemagne il eut la douleur de voir céder à cette dernière puis-
sance une partie de son diocèse. En 1874 il fut condamné par
contumace à deux mois de prison à cause d'une lettre pastorale qui
eut le don d'effaroucher les oppresseurs allemands. Cette condam
nation resta heureusement sans effet car il ne mit jamais le pied
sur le territoire annexé.
5° James Armstrong, député fédéral de Middlesex sud, Ontario.
Mr Armstrongest né à Queensbury, Nouveau-Brunswick, le 1er
mars 1830. Il était député depuis 1882 et libéral en politique.
6** James Gillespie Blaine, homme d'état américain. Mr Blaine
est né àBrovvnsville ouest, Pensylvanie, le 31 janvier 1830. 11 a
passé la plus grande partie de sa vie dans le Maine, son état
d'adoption. Il a été mstituteur et journaliste, député à la législa-
ture du Maine, député au congrès, président de la chambre des
représentants et secrétaire d'état dans le cabinet du président
Garfield et plus tard dans le cabinet du président actuel Harrison,
Il donna sa démission l'année dernière à la veille de la campagne
présidentielle.
Il fut aspirant malheureux à la candidature présidentielle en
1876, en 1880, en 1»88 et enfin en 1891. Ses heureux concurrents
furent Mr Hayes en 1876, Mr Garfleld en 1880 et enfin Mr Har-
rison en 1888 et en 1691.
En 1884, il réussit à se faire choisir comme candidat présiden-
tiel par le parti républicain, mais, après une lutte acharnée, il fut
défait par Mr Grover Cleveland.
La politique de Mr Blaine était hostile au Canada.
Alby.
I nv.^: ^C3- E S
LA SAINTE-FAMILLE
( Pacte d'union éternelle entre la famille chrétienne
et la Ste-Famille.)
Grand format : 18 x 26, (couleur). .AO centins chiicune. $40.00 le
cent et 20 par cent de remise au clergé.
Moyen FORMAT : 13^x18, (grise), \0 centins chacune. $10.00,^Ie
cent et 20 par cent de remise au clergé.
Un livret des familles accompagne chaque image.
N. B.— ly.s images lOnl cillesadopUes par le* RR. PP. Oblals.
LA
FRANC-MAÇONNERIE
SYNAGOGUE DE SATAN
PAR
M"" LEON MKURIN. S. J.
ARCHEVÊQUE-EVÊQUE DE PORT-LOUIS
1 fort vol in-8 de 557 pages $1.88
" Je sais ce que vous souffrez et combien vous
êtes pauvre ; néanmoins vous êtes richf«. Vous
êtes calomnié par ceux qui se disent Juifs, et ne
le sont pas : ils sont la Synagogue de Satan. Ne
craigr.ez rien de ce que vous avez à souffrir."
(Apocalypse, ch. ii, v. 9.)
" Tou-j nos secrets maçonniques sont impénélra-
blemenl cachés sous des symboles.'
(Enseignement officiel du 33« degré.)
INTRODUCTION
1. Le nombre maçonnique de trente trois rencontré dans les
anciennes religions païennes
Les degrés de la franc-maçonnerie sont, tout le nionde le sait,
au nombre de trente-trois.
Or, en étudiant les Védas des Indiens, nous avons renconlré le
texte suivant :
" O Dieux, qui êtes au nombre de onze dans le ciel ; qui êtes au
nombre de onze sur la terre, et qui, au nombre de onze., babUez
avec gloire au milieu des airs, puisse notre sacrifice vous être
agréable. (1)
L'Atharva-Véda enseigne que trente-trois esprits (trayas-trinshad
hevah), sont contenus dans Prajapati (Brahme) comme ses membres.
Le Zend-Avesta, livre sacré des anciens Perses, contient la pièce
suivante :
" Que les trente-trois Amscbaspands (Archanges) et Ormazd
soient victorieux et purs (2) !"
([) Rig-Véda, Adhyaya, n. Anivaka,'j.xSu';la,i,y.\\.
(?) Kordah-Avesta, m.
742 LE PROPAGATEUR
Nous lisons de même dans le Yaçna I, v. 33 : " J'invite et j'Jio-
nore tous les seigneurs de la pureté : les trente-trois plus proches
autour de Havani (l'Orient), les plus purs, qu'A h u ra - Mazda
(Ormazd) a instruits et que Zarathustra (Zoroastre) a annoncés."
Ce nombre mystérieux de trenie-trois^ dont nous ne pouvions
trouver nulle part une explication, nous semblait indiquer entre
les mystères de l'antiquité païenne et la franc-maçonnerie une
connexion qui méritait d'être étudiée, et promettait même la décou-
verte des secrets les plus cachés de cette société ténébreuse.
Nous ne nous sommes pas trompés.
2. liE NOMBRE TRENTE-TROIS DANS LA FRANC-MAÇONNERIE.
Les premiers onze degrés de la franc-maçonnerie, nous le ver-
rons plus tard, sont destinés à transformer le Profane en Homme
vrai, dans le sens maçonnique ; la seconde série, du 12e au 22e
degré, doit consacrer l'Homme Ponïï/ejw//'; et la troisième série-
du 23e au 33e degré, doit constituer le Pontife, Roi juif ou Empe^
reur kabbalistique.
Les Chefs secrets de la franc-maçonnerie, les Juifs, ont été très
circonspects dans la révélation graduelle de l'organisation de leur
société secrète.
Pour en donner un exemple, nous citerons la France, qui, en
1722, n'a connu que les trois premiers degrés, dans lesquels,
disons le de suite, est cependant contenue en germe toute la doc-
trine maçonnique. En 1738, on osa doubler ce nombre ; en 1758,
il fut porté à deux fois onze, plus les trois premiers degrés de la
troisième série de onze, c'est-à-dire, en tout, à vingt-trois degrés.
Les huit derniers degrés qui manquaient encore au système par-
fait, ont été ajoutés seulement en 1802, après que les travaux téné-
breux des loges avaient porté les fruits sur lesquels on avait
compté, en faisant couler à flots le sang humain.
Paul Rosen, autrefois franc-maçon du 33e et dernier degré,
donne la description de l'ouverture des séances du Suprême Con-
seil du 33e degré (1). il dit :
'Un Suprême Conseil doit être composé de neu/" Souverains
Grands Inspecteurs Généraux au moins, et de treyite-trois au plus,
Neuf^ parce que ce nombre, étant le dernier des nombres simples,
indique la fin de toutes choses; trente-trois, parceque c'est à Char-
leston, au 33*^ latitude nord, que le premier Suprême Conseil s'est
constitué, le 31 mai 1801, sous la présidence de Isaac Long, fait
Inspecteur Général par Moïse Cohen, qui tenait son grade de
Spitzer, Hayes, Franken et Morin. Ce dernier le tenait, depuis le
22 août 1162, du prince de Rohan et de neuf autres maçons du
Rite de Perfection, qui l'avaient chargé d'établir dans toutes les
parties du monde la Puissante et Sublime Maçonnerie."
Les autorités maçonniques, comme Findel (2) et Clavel (3)
(1) Salan et Cie, Tournai, 1888, p. 219.
(2) Geschichte der Freimaurerei, Leipzig, 18/0, p. 847: Die Ordensluge des-
choilisch'ii Rilus der 33 Grade. Histoire de la franc-maçonnerie : le Mensonge
e l'Ordre regardant le rite écossais de 33 degrés .
(3) Histoire pittoresque de la franc-maçotïnerie, i éd., 184i, p. 400.
LE PROPAGATEUR 743
déclarent que le Juif Morin n'avait de patente que pour l'établisse-
ment de vingt-cinq degrés, et que la publication des huit derniers
degrés ne remonte pas au delà de 1801. C'est dit pour dérouter
les esprits trop curieux : le système maçonnique exige absolument
trente-trois degrés.
Dans le catéchisme du Maître, selon le Rite français, nous
lisons (1) : " L'Assemblée générale, réunie en session et revêtu du
pouvoir législatif, fixe la loi qui nous régit et qui fixe les intérêts
communs de l'institution. En son absence, une commission, dési-
gnée par le nom de Conseil de l'Ordre, composé de trente-trois
membres élus par l'Assemblée générale, administre les affaires
courantes."
Les mystères de la franc-maçonnerie sont, pour la plupart,
cachés sous des légendes, des emblèmes, des décors, des mots
sacrés, etc.
La " Chambre noire ", par laquelle doit passer le récipiendaire
au grade de Rose-Croix, est éclairée par trente-trois lumières, por-
tées sur trois chandeliers à onze branches (2).
Le Rite de Misraïm ^d'Egypte) compte 33 degrés symboliques,
33 degrés philosophiques, 11 degrés mystiques et 13 degrés kabba-
listiques.
Pour le moment, il suffit de constater, dans ce rite, la répétition
du nombre 33, le nombre 11, et, ce qui nous conduit plus loin dans
les mystères, la profession ouverte de la Kabbale juive.
3. Le nombre onze dans la Kabbale juive
La Kabbale ayant été nommée, notre attention s'est portée sur
cette doctrine philosophique des Juifs hétérodoxes.
Là, nous avons encore retrouvé le nombre onze, et avec lui la
clef des mystères maçonniques. Il nous suffit pour le moment de
constater que l'Ensop/i (l'Infini) est la source de laquelle, d'après la
doctrine de la Kabbale, découle d'éternité en éternité, tout ce qui
a existé, existe et existera. De lui émanent, en premier lieu, une
Triade : la Couronne, la Sagesse et l'Intelligence, nommée les Séphi-
roth (nombres) supérieures, et en second lieu sept autres Séphiroth
qui, avec les trois supérieures, constituent l'Homme primordial
(Adam Kadmon). l'Ensoph et les dix Séphiroth composent '' dans
le ciel " le fameux nombre onze qui se répète dans la sphère des
esprits, " au milieu des airs " ainsi que dans le monde matériel,
" sur la terre ", complétant ainsi le nombre de trente-trois.
Les Kabbalistes tiennent beaucoup aux nombres, surtout à celui
de onze. Un fragment inséré dans le Zohar (Lumière), leur livre
principal, est intitule Idra raba, c'est-à-dire la Grande Assemblée,
parcequ'il contient les discours adressés par Simon-ben-Jochaï à
tous ses disciples, réunis au nombre de dix ; le maître représen-
tant ainsi l'Ensoph au milieu des dix Séphiroth (3).
(1) Léo Taxil, les Frères Trois- Points, 1' vol., p. 126.
(1) Léo Taxil, les Mystères de la franc-maçonnerie, p. 279.
(3) Franck, la Kabbale, p. 126, note.
744 LE PROPAGATEUR
4. Le nombre onze dans les décors maçonniques.
' Pour nous assurer que nous avions pénétré dans le vrai chemin
qui conduit aux plus intimes mystères de la franc-maçonnerie, il
nous a suffi de découvrir dans les décors maçonniques l'Ensoph
avec les dix Séphiroth, la Couronne à leur tête.
Dans les •' Grandes Constitutions " du Rite écossais, article 66,
se trouve la description de la décoration à laquelle ont droit les
membres de la Grande Loge Centrale :
'• Ils portent un cordon en sautoir, blanc moiré, large de dix à
onze centimètres^ orné d'un lacet d'or de cinq millimètres sur chaque
côté ; sur la pointe est une rosette de couleur ponceau. A ce
cordon est suspendu un bijou formé de trois triangles entrelacés,
surmontés d'une couronne. Ce bijou est en or ou doré."
Les trois triangles entrelacés représentent les neuf Séphiroth
émanant de la Couronne, laquelle le surmonte et complète le
nombre de dix.
Le cordon blanc large de dix centimètres représente les mêmes
dix Séphiroth. On dit : dix à onze centimètres, pour avoir de
quoi attacher la lisière.
La lisière en or, d'un demi-centimètre de chaque côté, «complète
le nombre de onze centimètres; elle représente l'Ensoph, (l'Infini)
qui embrasse toute la création, ou, pour parler plus correctement,
toute l'émanation par laquelle il s'est révélé.
La rosette sur la pointe du cordon représente la pensée ou
plutôt l'action féconde de l'Infini, par laquelle il s'est révélé dans
l'univers.
Le cordon porté par les •' Maîtres ", 3^ degré, est bleu moiré,
large de onze centimètres ; celui des " Maîtres secrets ", 4^ degré,
est aussi bleu, mais liséré de noir, et large de onze centimètres.
La difl'érence des couleurs au 4e et au 33' degré, indique une
autre idée: ce n'est qu'au 33^ degré qu'on arrive à obtenir ce que,
au 4e, on pleure encore comme perdu.
Au 29e degré, il y a 7 signes, 3 attouchements et 1 attouchement
général, signifiant les 7 Séphiroth inférieures, les 3 supérieures et
l'Ensoph. En tout onze.
La Chambre du Suprême Conseil du 33e degré écossais est éclai-
rée par onze lumières : un chandelier à cinq branches à l'orient,
un autre à trois branches à l'occident, un troisième à une branche
au nord et un quatrième à deux branches au midi. Outre le
nombre mystique de onze, on y trouvera la date de 5312 (ère juive)
ou 1312 (ère chrétienne), l'an de l'abolition de l'Ordre des Tem-
pliers.
La batterie du même 33e degré se fait par onze coups : d'abord
5, ensuite 3, 1 et 2 ; ce qui signifie les mêmes choses que les onze
lumières.
Dans ces deux symboli^s, les lumières et la batterie, nous voyons
réunis les trois mystères fondamentaux de la franc-maçonnerie :
L Le mystère de VOrdre déchu des Templiers, qui se cache der-
LE PROPAGATEUR 745
ri ère les grades inférieurs de la société secrète: voilà l'an 1312
qui crie vengeance ;
2. Le rrystère de la Synagogue déchue, qui se cache derrière la
société secrète de la franc-maçonnerie entière : voilà l'ère juive ;
3. Le mystère de VAnge déchu, qui se cache derrière les dix
Séphiroth, c'est-à-dire la trinité divine et les " sept anges qui sont
toujours devant le trône de Dieu (1)" : voilà le nombre onze.
Trois haines conjurés contre le Seigneur et son Christ 1
5. La Kabbale juive, la base dogmatique de la franc-maçonnerie
Les indications citées nous suffisaient pour considérer comme
justes notre hypothèse que la Kabbale juive est la base philoso-
phique et la clef de la franc-maçonnerie.
Cette découverte nous a inspiré l'idée de cet essai. Servira-t-il
à ouvrir les yeux à ces milliers de francs-maçons non Juifs qui ne
voient pas l'esclavage auquel les Pharisiens, les Juifs de la Kabbale,
les ont réduits, et dans lequel ils les retiennent captifs par des mys-
tères qu'ils ne leur révèlent pas même au 33^ degré ?
Y trouvera-t-on l'assujettissement des peuples chrétiens et de
leurs autorités politiques sous la domination des Juifs ?
6. Le paganisme incorporé dans la Kabbale juive
Ce n'est pas la synagogue orthodoxe, ni la vraie doctrine de
Moïse, inspirée par Dieu même, que les Kabbalistes modernes
représentent c'est le paganisme»dont quelques Juifs sectaires ont
été imbus, lors de la captivité de Babylone. On n'a qu'a étudier la
doctrine de la Kabbale juive et à la comparer avec les doctrinss
philosophiques des plus anciens peuples civilisés, Indiens, Perses,
Babyloniens, Assyriens, Egyptiens, Grecs et autres, pour s'assurer
que partout est eneeigné le même système panthéistique d'émana-
tion. Partout on retrouve un certain principe éternel duquel
émanent une première triade, et, après elle, tout l'univers, non
par création, mais par émanation substantielle.
On est forcé de l'admettre, entre la philosophie kabbalistique et
l'ancien paganisme, il y a une connexion intime qu'il est difficile
d'expliquer d'une autre manière que par l'inspiration d'un même
auteur, c'est-à-dire de l'ennemi du genre humain, de l'Esprit de
mensonge.
7. Satan dans le paganisme
Dans le cours de ce petit essai nous ferons ressortir l'habileté
avec laquelle cet inspirateur des anciennes doctrines païennes a
réussi à séparer, d'abord l'idée des trois divines personnes connues
dans l'antiquité avec plus ou moins de précision, de l'idée de leur
substance commune et inséparable, en les représentant comme
émanés, dans un temps plus ou moins reculé, de cette essence
commune ; et ensuite, à s'introduire lui-même dans la Trinité, en
(l) Apocalypse, ch. i, v. 4 — Tobie, ch. xii, v. 15.
746 LE PROPAGATEUR
supplantant, soit la première, soit la troisième personne, afin d'ob-
tenir, d'une manière ou d'une autre, de la part des hommes, l'ado-
ration divine qui a brigué en disant :
" Je monterai au ciel, j'établirai mon trône au-dessus des astres
de Dieu ; je m'assiérai sur la montagne de l'alliance aux côtés de
l'aquilon, je me placerai au-dessus des nuées les plus élevées, et je
serai semblable au Très-Haut (1)."
C'est là qu'on découvre la source empoisonnée deserreurs et des
haines surnaturelles qui remplissent le paganisme ancien et mo-
derne, ainsi que l'âme du Juif de la Kabbale et de l'adepte de la
franc-maçonnerie, d'une rage indescriptible contre Dieu et contre
tous ceux qui croient en Dieu.
8. Les Juifs dans l'Okdre déchu des Templiers
Usurpateur des honneurs divins, en se donnant comme une des
personnes de la Sainte-Trinité, le Prince des ténèbres a su se
cacher dans les anciens mystères païens, basés sur l'erreur pan-
théistique. Par eux il conduit l'homme à des débauches inoûies
et à une scélératesse ne reculant pas devant l'efîroyable attentat de
détrôner la majesté divine.
Des antres païens cet Esprit du mal a su pénétrer, avec sa doc-
trine criminelle, dans l'esprit d'une certaine classe du peuple juif
tenu en captivité à Babylone. Ligué avec ses nouveaux adeptes,
connus par la ténacité extraordinaire de leur race, il a pu remuer
le monde, et il le remue encore. Si les pharisiens n'ont pas hési-
té à crucifier le Christ, ils n'hésiteront pas non plus à persécuter
les chrétiens dont la foi spirituelle est en opposition directe avec
leurs espérances temporelles.
Passons sous silence les temps des Gnostiques et des grandes
persécutions des premiers siècles, dans lesquelles les Juifs jouent
un rôle aussi important qu'odieux, et arrêtons-nous au même âge.
Les Templiers furent corrompus en Palestine. Dans leurs réu-
nions secrètes, ils renonçaient au Christ, et — c'en est toujours la
conséquence — s'adonnaient à la débauche.
Nous n'avons plus à prouver ici ce que les Deschamps, les
Pachtler et tant d'autres ont parfaitement établi sur des preuvres
irréfragables. L'Ordre déchu des Templiers, d'abord par ses doc-
trines et ses pratiques, ensuite par les restes de ses membres dis-
persés, a servi de point de départ pour ce qu'on appelle aujourd'hui
la franc-maçonnerie.
Le 30e degré, le grade de Chevalier Templier, est, en union avec
le 18e degré, le Grade de Rose-Croix, l'essence même de la franc-
maçonnerie. Les autres grades ne servent qu'à les préparer et à
les cacher aux yeux des "profanes" et des frères ineptes et
indignes de confiance.
9. Enchaînement des haines et des mystères de la franc-
maçonnerie
Les points indiqués doivent nous servir d'introduction à ce petit
(l) Isaïe, XIV, V. 13.
LE PROPAGATEUR 747
iraité, pour montrer de prime abord au lecteur l'enchaînement
des haines mystérieuses concentrées dans la franc-maçonnerie
pour la continuation et l'accomplissement de l'œuvre de l'Anté-
christ : " car le mystère d'iniquité s'opère déjà (l) ".
Si nous avons réussi à mettre le doigt sur le ver rongeur de
l'humanité, des hommes plus compétents que nous se hâteront
peut-être de nous suivre et compléteront ce que nous ne pouvons
qu'eftleurer.
Complété, notre ouvrage deviendrait tout ensemble, un livre
d'histoire universelle, un traité de théologie et de philosophie, et
une exposition de la magie noire.
Cherchons, et nous trouverons dans l'histoire, la franc-maçon-
nerie ; dans la franc-maçonnerie, l'Ordre déchu des Templiers ;
dans les deux ensemble, la Synagogue kabbahstique ; dans les
trois ensemble, les anciens mystères païens, et entin, dans le tout.
Satan lui-même.
L'Ange déchu a séduit les anciens peuples par ses doctrines
mensongères ; le paganisme a séduit le Juif hypocrite et obstiné ;
le juif a séduit et corrompu l'Ordre rehgieux des Templiers, et
trompe encore aujourd'hui la grande masse crédule des francs-
maçons.
Ayant accaparé les trésors et le pouvoir civil de ce monde, le
Juif fait une guerre acharnée, sans merci et sans trêve, à l'Eglise
de Jésus-Christ et à tous ceux qui refusent de fléchir le genou de-
vant lui et son veau d'or.
Ceindre le front du Juif du diadème royal et mettre sous ses
pieds le royaume du monde, voilà le vrai but de la franc-maçon-
nerie.
Nous nous berçons de l'espoir de ramener par cet ouvrage
quelques-uns des esprits égarés, mais nous n'avons aucun espoir
de persue der la génération perverse qui se cache sous les trente-
trois plis des secrets maçonniques, et encore au-delà ; car celle-là
ne saurait être convaincue par la raison ; elle n'a jamais cédé
qu'à lafo rce majeure. Probablement elle sera refoulée par un
soulèvement dû à l'exaspération populaire, ou peut être par la
défection et le dégoût de ceux mêmes qu'elle a réussi à subjuguer
et à s'enchaîner par des serments illicites, qu'ils sont aujourd'hui,
encore assez superstitieux pour croire honnêtes et valides.
Le pouvoir actuel des chefs de la franc-maçonnerie paraît tou-
cher à sa fin ; mais il ne finira pas sans une tragédie tout à fait
inouïe.
" Démasquer la franc-maçonnerie, dit Léon XIII, c'est la
vaincre." Etant mise à nu, tout esprit droit et tout cœur honnête
s'en détachera, et par cela même elle tombera anéantie et exécrée.
(l) Thessal., ch. ii, v. 7.
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Mes chers amis, vous êtes tous catholiques, vous seriez bien à
plaindre si vous ne l'étiez pas, comme tels, vous connaissez le rôle
que notre divin Sauveur a assigné au prêtre dans le monde : " de
même que mon père m'a envoyé, je vous envoie. " Ces paroles
sont bien claires, le prêtre doit continuer la mission de Jésus-Christ
sur la terre et cette mission, le prêtre la remplira jusqu'à la fin
des temps, en dépit de toutes les tyrannies et persécutions.
On pourra tuer un prêlre^ on n'éteindra jamais le sacerdoce.
Un puissant empereur romain a voulu faire cela ; il a ordonné
une persécution générale des chrétiens et dans son orgueil il se
disait : j'élèverai un temple sur les ruines du nom chrétien ; quel-
ques années plus tard, l'univers entier se convertissait à la foi ca-
tholique et des milliers d'églises furent cousti-uites sur les ruines
du paganisme anéanti. Les méchants auront beau faire, le ministre
de Dieu leur survivra.
Dans notre pays, quelques-uns veulent " tuer " le prêtre dans
l'esprit de nos populations catholiques ; avec la grâce de Dieu ils
n'y réussiront pas ; il va leur arriver ce qui est arrivé à tant de
mangeurs de prêtre : Dieu va les châtier eux-mêmes, ou les punir
dans leurs enfants.
J'ai intitulé celte causerie : le prêtre et ses détracteurs. Allez-vous
croire, mes chers compatriotes, que je vais me servir envers eux
des mêmes armes qu'ils emploient pour nous combattre : le men-
songe et la calomnie ? non; ma religion mêle défend. Pensez-vous
qu'au moins, je vais rendre coup pour coup, que ie vais entrer
dans leur maison et dévoiler à nu leur conduite privée ? pas du tout.
Je les crois cependant vulnérables et on pourrait peut-être leur
faire de larges blessures ; car si l'Esprit Saint dit que le juste tombe
** sept fois par jour, " il peut se faire qu'eux tombent au moins
sept, fois et demie ; n'auraient-ils pas quelques petits péchés à se
reprocher ? quelques distractions dans leurs prières, si toutefois
ils la font ? quelques manquements de charité ? " Ne faites pas
aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit à vous-
même, " a dit Notre Seigneur ; auraient-ils quelquefois manqué
à ce précepte ? Cependant, que nos ennemis cessent de trembler
— car je vois qu'ils tremblent — en conscience je ne puis faire de
telles choses. 11 m'est défendu sous peine de m'exposer au feu de
l'enfer, de faire connaître une de leurs fautes graves que cinq ou
six personnes seulement connaissent, et qui par conséquent, n'est
pas publique. D'ailleurs, iiuelle peine ne ferais je à leurs enfants !
quel scandale ces révélations produiraient sur eux ! Quand je
LE PROPAGATEUR 749
prêche des retraites, en parlant de la charité je dis aux autras
" de ne pas faire au prochain ce qu'ils ne voudraient qu'où leur
fît à eux-mêmes, " car, dit St Paul, " celui qui est debout, qu'il
prenne garde de tomber. " Gomme il n'y a personne de parfait
sur la terre, si le commandement de la charité n'était pas observé
que de turpitudes, mes chers habitants, dont vous n'avez pas-même
l'idée, seraient mises à jour.
Je n'attaquerai donc pas ; je vais me tenir sur la défensive —r ce
que je ferai d'ailleurs jusqu'à la fin. Je veux défendre le clergé, je
le ferai sans sortir de la forteresse inexpugnable où je me suis ré-
fugié ; couvert du bouclier de son dévouement, de sa science, de
sa vertu, je ne crains pas les Iraits empoisonnés que la malice
l'envie, la haine lancent contre lui.
Dans une prochaine visite, je franchirai les remparts et j'irai
au milieu du camp ennemi attaquer les combattants dans leurs re-
tranchements ; je n'irai pas dévoiler les se';rets de leur vie privée
ma religion me le défend, mais j'irailes combattre dans leurs per-
sonnes officielles, dans le rôle que ces hypocrites assument auprès
de nos populations ; nous déchirerons leurs masques et vous verrez,
mes chers compatriotes, quel est le but franc-raaçonnique qu'ils
se proposent. Aidé de notre brave population, nous les clouerons
au pilori de la honte et du déshonneur que leur auront mérité
leurs infâmes calomnies.
Je veux seulement, dans cette causerie, vous démontrer par des
faits, que Dieu lui-même prend la défense de son prêtre et qu'il
le venge d'une manière terrible : " Celui qui touche à mon prêtre
respect que l'on doit au clergé.
Il y a deux espèces d'hommes que le bon Dieu frappe ici-bas :
ceux qui tiennent auberge malgré leur curé et ceux qui parlent
mal des prêtres. Parmi tous ceux qui causent avec moi ce soir
est-ce qu'il y en a un seul qui n'ait pas un exemple à citer ?
Qu'est devenu cet aubergiste qui tenait un si mauvais règlement
et contre lequel le curé a tant tonné du haut de la chaire ? Que
sont devenus un tel et un tel qui ont traité leur curé de voleur ?
Eux ou leurs enfants sont au pénitencier. Qu'est-il arrivé à cet
homme ou à cette femme qui faisait courir tant de vilains bruits
sur tel prêtre ? leur fille est disparue traînant avec elle le boulet
de l'ignominie et du déshonneur qu'elle devra purter jusqu'au
tombeau.
Le prêtre, à cause de ses fonctions saintes, aura un jugement si
terrible à subir — plus terrible que celui de mille laïques réunis
— que Dieu se réserve à Lui seul et à ses évéques, le droit de le
punir ; il ne laissera pas impunément attaquer " la prunelle de
son œil. " Vous me donnerez des nouvelles de nos mangeurs de
prêtres dans cinq ans d'ici.
Lors du procès Guiboid, après le fameux témoignage d'un
homme trop fameux, un de nos impies a fait un calembourg (jeu
750 LE PROPAGATEUR
de mots) qui fit le tour des clubs où l'on a tellement bu à sa santé
qu'il en est crevé ; il s'est écrié : Monsieur D, vous venez de des-
sokr l'édifice clérical grands éclats de rire.
Quelques années plus tard, vous vous le rappelez, mes chers ar-
tisans, qui était dessolé 1
Mais, le clergé n'a pas ri de son insulteur : il a gémi et prié.
Ecoutez bien le trait suivant : Dans notre province, on voulut
rébâtir une église qui était tro.p petite, dans une certaine paroisse
que je ne nommerai pas, mais que plusieurs reconnaîtront, si mon
livre leur parvient ; le diable, comme toujours,arriva à l'assemblée
et voulut se faire élire syndic ; il perdit son élection : il ne se tint
pas pour battu, il entra dans le corps de l'un des paroissiens et
l'avertit qu'il était venu pour " faire du train ; "
Ce paroissien pendant deux ans traita le curé de fou, d'homme
qui ne savait pas ce qu'il faisait, etc., etc.
Vingt-trois ans plus tard, un missionnaire fut appelé auprès
d'un mourant qui le suppliait d'aller le voir, même à la raquette,
pour éloigner de son âme le démon du désespoir.
Le missionnaire arrive et pénètre dans un misérable réduit; il
vit sur un lit bien pauvre, quoique bien propre, un vieillard mou-
rant, dont le moral paraissait bien torturé ; il entendit l'histoire
suivante :
*' J'étais riche, j'ai voulu me mesurer avec un curé ; j'ai été
tordu comme un écheveau d'étouppe ; j'ai dû laisser ma belle
terre et m'en venir dans cette solitude ; pendant deux ans, j'ai
traité le prêtre de fou ; deux enfants me sont nés pendant ce temps-
là ; mon père, regardez dans ce coin ; voyez ces deux idiots de plus
de vingt ans ; ils ne savent pas encore qu'ils sont au monde. Main-
tenant ce n'est pas tout : mon père, voyez cette autre enfant au
pied de mon lit, je croyais qu'au moins celui-ci serait ma gloire
et ferait mon bonheur " ici le vieillard s'arrêta, les sanglots
entrecoupaient sa voix ; une agitation nerveuse faisait tressaillir
tous ses muscles, puis faisant unelfort sur lui même, il prononça
ces mots au milieu d'un râle de l'agonie " et il est protestant
et ministre protestant puis, ce qui me fait le plus de peine
c'est qu'il vient de me dire que c'est ma faute ; qu'il a perdu la
foi l'année où j'ai tant parlé colitre le prêtre.
'* Oui, reprit le Suisse, c'est depuis cette année-là que je suis
protestant "
Alors il se passa un spectacle bien navrant ; le vieillard réunis-
sant ses forces, vint tomber étendu au pied de son fils et lui de-
manda pardon. Devant cet acte d'humilité repentante, le mission-
naire éclata en sanglots, le Suisse qui n'était plus susceptible de
sentiment filial — celui qui a renié Dieu, n'a plus de cœur— répon-
dit froidement— ses yeux étaient secs. " Relevez^vous, je sais ce
que j'ai à faire. "
On remit le mourant sur son lit, il regarda le missionnaire,
prononça ces paroles eu baisant le crucifix : Jésus ! Jésus 1 est ce
possible ? une sueur froide couvrit sa figure. . . .puis un long
soufQe puis plus rien; il était mort...
LE PROPAGATEUR 751
J'espère que Dieu lui a fait miséricorde, car la pénitence est
sœur de l'innocence, mais n'avait-il pas raison de craindre le ju-
gement de Celui qui, " trouve des taches dans ses anges mêmes? "
Si je ne craignais de blesser certaines familles, je vous citerais
des exemples de cette sorte, mais assez et contentons-nous de ce
trait pour aujourd'hui.
Je n'ai plus qu'un mot à dire à nos calomniateurs : Quand vous
serez tombés dans l'adversité, dans le malheur que vous vous êtes
attiré par votre faute ; quand vos amis qui vous adulent en ce
moment, vous auront tourné le dos, nous vous assurons qu'il vous
restera encore un ami : le prêtre, il sera le seul que vous ayez
alors, il vous placera dans un hospice aux soins de saintes reli-
gieuses que vous aurez tant méprisées et aux prières desquelles
vous devrez peut-être votre conversion. En recueillant votre dernier
soupir, le prêtre recueilera votre enfant et le placera dans un asile ;
il fera pour vous tout ce que Jésus ferait à sa place, pour vous qui
avez passé votre vie à cracher sur lui. Oui, dites, mes bons amis
à tous ces pauvres fourvoyés, à ces insulteursde prêtres, que nous
serons toujours prêts à les secourir. Quand sous les tortures du
choléra, ils appelleront au secours et que leurs amis bambocheurs
se sauveront, la sœur de charité sera là pour les soigner et elle
essuiera de ses lèvres, de crainte qu'ils n'en soient suffoqués, les
crachats qu'ils n'auront pas la force de lancer contre elle ; dites-
leur que si nous ne pouvons sauver leur âme, nous soulagerons
au moins leur corps, dans bien des cas au dépens de notre propre
vie ; nous ferons cela, non pour mériter leur reconnaissance^ mais
pour faire plaisir à notre Maître qui nous l'ordonne. — Quant à
leur reconnaissance, nous savons ce qu'elle sera. Pendant que
nous les soignions, ces écrivains et ces mangeurs de prêtre, auront
remarqué des défauts en nous, — nous en avons tous — et le pre-
mier article,écrit de leur main rétablie par la charité religeuse, sera
de publier sur les toits, les imperfections qu'ils auront vues en
notre conduite, pendant leur séjour dans nos maisons ; c'est la
seule espèce de reconnaissance que connaissent les méchants et
l'Eglise catholique y est habituée depuis plus de dix-huit cents ans.
En terminant, je vous exhorte, mes chers amis, à leur dire ceci :
Dès qu'ils auront un remords, un regret de leurs fautes, qu'ils
nous envoient chercher, nous serons trop heureux d'aller leur par-
donner leurs péchés, pour qu'ils puissent chanter pendant l'éter-
nité, les bienfaits du prêtreéternel, selon l'ordre deMelchisédech.
Extrait de Le Prêtre et ses Détracteurs ouïe Prêtre vengé,
par Z. Laçasse, 0. M. L, église St-Pierre, Montréal. 1 vol. in 18
25 €ts chaque, la douz. §2,40.
CANTUS ECCLESIASTICUS PASSIONIS D. N. JESU
CHRISTI9 secundum Matlheum, Marcum, Lucam et Joannem,
excerptus, ex éditionem authentica majoris Hebdomadse. 3 fasci-
cules reliés en toile $4.00
SAINT JOSEPH OANS L'EVANGILE
PREMIER ASPECT— LE COTE OBSCUR.
La place que Saint Joseph occupe dans le mystère de l'Incar-
nation lui assigne, dans le Livre de vie, le premier rang après
Jésus et Marie : ouvrons maintenant l'évangile, et cherchons dans
ses pages quelle est sa gloire et quelles sont ses grandeurs.
L'évangile parle peu de Saint-Joseph ; la part que lui fait
l'historien sacré est une part secondaire, et le rôle qu'il lui assigne
est un rôle entièrement passif, qui le met constamment sur le fond
de la scène et dans le dernier plan du tableau. Sa figure n'a
jamais ni un éclat direct, ni une lumière qui lui soit propre ; elle
est toujours obscure et à demi effacée.
Le narrateur le nomme, il est vrai, en première ligne, et il parle
de lui en plusieurs endroits de son récit, pendant l'enfance du
Sauveur ; mais, remarquez-le, sous la plume de l'auteur inspiré,
Saint Joseph ne parait nulle part pour son propre compte ; il n'est
pas là pour lui, il y est pour les autres. Nulle part, il ne se montre,
nulle part il n'agit, et vous n'entendez pas même une parole sortir
de ses lèvres. Avec les visiteurs qui viennent à la crèche, avec
l'ange qui l'avertit en songe, en voyage, en exil, au temple, à Na-
zareth, Joseph est toujours silencieux. Ce qu'il fait, il ne le fait
que pour la Vierge, et pour l'enfant qu'elle a mis au monde; il
suit partout son épouse, il la suit comme une ombre, mais comme
une ombre qui la protège et qui la couvre ; et cette ombre, sem-
blable au nuage épais qui obscurcit les rayons du soleil, cache aux
yeux des hommes les privilèges, les vertus, les grandeurs de
l'auguste mère de Dieu. «
Saint Joseph enveloppe des ombres de son obscure existence,
non-seulement la gloire de la Vierge Marie ; mais avec elle, toute
la beauté des mystères dont elle est le centre. Le Fils, qui est né
de son sein miraculeux, est le fruit de la puissance du Très-Haut^
du Saint-Esprit venu en elle. Le Saint-Esprit se cache à l'om-
bre de Saint-Joseph ; et la vertu de son opération divine dis-
parait sous le voile du mariage, qu'humble ouvrier, il a contracté
avec Marie.
Le fils de Dieu perd, à son tour, sous la tutelle de ce père
d'adoption, l'éclat et les splendeurs de sa céleste origine : et le fils
éternel du Père et de la Vierge sans tache ne parait plus, à côté de
Saint Joseph, qu'un enfant ordinaire, que le fils obscur d'un obsc»ur
charpentier.
Enfin, Dieu le Père lui-même consent à céder les droits de sa
paternité souveraine à l'artisan de Nazareth. Pendant trente ans,
il en confie l'exercice à sa paternité empruntée ; et il se cache à
LE PROPAGATEUR 753
l'ombre de Saint Joseph qui parait en sa place, et que les hommes
prennent pour le vrai père de son fils unique.
" Voilà donc Saint Joseph qui est l'ombre commune des trois
" personnes, le Père, le Fils, et le Saint-Esprit : Et la vertu du Tres-
" Haut vous couvrira de son ombre : Et virtus Altissimi obumbrabit
" tibi : (Luc 1.) 0 vertu du Très-Haut ! ô grand Saint Joseph, si
'• toute l'adorable Trinité a voulu se cacher sous votre ombre, tous
" les saints du ciel et de la terre ne seraient-ils pas trop heureux
" et trop honorés d'y être cachés avec Elles et de s'y reposer."
Saint Joseph vit au milieu des plus étonnants prodiges, mais,
auprès de lui, ces prodiges perdent leur éclat. Sa présence projette
sur eux l'ombre qui les enveloppe, elle couvre leur lumière et les
empêche de resplendir. Fidèle à sa mission silencieuse et obscure,
Saint Joseph la remplit jusqu'à la fin de sa course avec une obéis-
sance à toute épreuve. Dépositaire des secrets du Très-Haut,
instrument des desseins du ciel, il veille sur la mère et sur son
enfant; il garde avec une irréprochable intégrité le dépôt qui lui
est confié; et quand vient l'heure où son œuvre s'achève, l'heure
où les mystères qu'il a voilés vont être manifestés au monde, quand
arrive le jour où l'enfant et la mère n'ont plus besoin de ses labeurs
et de son tutélaire appui, alors l'ombre s'efface ; et Saint Joseph
disparait, sans même que l'historien sacré fasse mention de sa
mort. Voilà Saint Joseph dans l'Evangile, vu sous son premier
aspect, du côté des hommes et du côté de la terre.
- Le récit évangélique, en nous montrant St Joseph dans sa mys-
térieuse obscurité et dans son rôle effacé, nous révèle, à son tour,
de quelle manière l'humble ouvrier de Nazareth occupe un rang
à part parmi les Samts, et une place exceptionnelle dans le plan
providentiel de la Rédemption. Cherchez, en effet, soit dans l'an-
cienne loi, soit dans la loi nouvelle, vous ne trouverez aucun
ministère qui puisse être comparé au ministère de Saint Joseph.
Celui-ci est unique dans son genre ; et c'est précisément cette
exception qui fait la gloire de notre bienheureux protecteur, qui le
distingue des autres et le signale à notre admiration.
'" Dieu emploie tous les Saints à tel ministère qui lui plaît; les
" uns à instruire les peuples comme les docteurs ; les autres à les
" gouverner, comme les pasteurs ; les autres à combattre pour lui,
"• comme les martyrs ; les autres à remplir le monde de la bonne
" odeur de leur sainte vie, comme les confesseurs ; et tous, à faire
" éclater sa gloire en quelque manière. Mais Saint Joseph est un
" saint tout singulier qui semble prédestiné pour un mmistère tout
*' contraire, pour cacher sa gloire, quand il n'a pas encore été temps
" de la manifester au monde. Et parce que c'est un plus grand
" prodige de voir la gloire de Dieu comme anéantie et enveloppée
" dans les ténèbres, que de la voir éclatante dans la majesté' qui
" lui est naturelle; comme c'est une chose plus étonnante de voir
" le soleil dans les ténèbres que dans la lumière, il semble que la
" Toute-Puissance de Dieu s'est montrée plus miraculeuse dans le
" seul Joseph, dont elle s'est voulu servir comme d'un voile et
*' d'une ombre pour cacher sa gloire dans sa naissance temporelle,
48
LK PROPAGATEUR
" que dans tout le reste des saints ensemble qu'elle a employés pour
" la manifester au monde. Aussi ce n'est pas sans un grand sujet
" qu'on lui donne par excellence le titre de la vertu du Très-Haut :
" Virlus AUissimi obumbrabit tibi. 0 grand Saint, qui pourrait
'• connaître les grands desseins de la Providence sur vous ! Oh !
" qui pourrait discerner quel est votre caractère particulier tout
'•' différent du reste des saints ? Je vous regarde avec de profonds
" respects comme ces augustes ténèbres dans lesquelles la majesté
" de Dieu a voulu se cacher, comme nous dit l'Ecriture : Posuit
" tenebras latibulum suum. "
Telle est donc dans le plan divin la vocation de Saint Joseph.
Seul, il a une mission différente des autres, et il remplit un minis-
tère particulier, et d'un genre opposé. Celui qu'ils révèlent, il le
cache j celui qu'ils exaltent, il l'abaisse ; celui qu'ils glorifient, il
l'obscurcit. Auprès de son père adoptif, le fils de Dieu devenu un
enfant ordinaire, a vécu, comme tous les autres enfants, de la vie
que lui faisait Saint Joseph. Les hommes l'ont vu, pendant trente
ans, sous son humble demeure ; et l'ombre que ce père d'adoption
a projetée sur sa divinité, a été tellement épaisse et profonde que
plus tard, lorsque Saint Joseph n'était plus, malgré la voix de
Jean-Baptiste annonçant la venue de l'Agneau de Dieu, malgré la
doctrine céleste qui sortait des lèvres du Sauveur, malgré la sain-
teté qui brillait dans sa vie, malgré même ses miracles et son
témoignage, les juifs incrédules disaient toujours : N'est ce pas là
le fils du cliarpentier f
Continuons à étudier le ministère obscur de Saint Joseph; et pour
mieux en comprendre et la grandeur et le touchant caractère,
essayons de comparer deux mystères qui s'appellent, s'unissent et
se complètent. Le mystère de Dieu fait notre chair, et le mystère
de 1 Homme-Dieu fait notre pain ; voyons si nous ne pouvons pas,
entre le mystère de l'Eucharistie et celui de l'Incarnation, établir
quelques rapprochements qui nous donnent une vue toujours plus
haute de la mission de Saint Joseph. Jésus est présent à l'autel, il
était présent à la crèche ; il vit dans l'Eucharistie, il vivait à
Nazareth ; à la crèche comme à l'autel, à Nazareth comme au
tabernacle, Jésus se cache. 0 Dieu^ disent nos saints Livres, vous
êtes vraiment un Dieu caché ! Les saintes espèces sont le voile
du mystère de l'Eucharistie ; Saint Joseph n'est-il pas comme le
voile du mystère de l'Incarnation.
La présence des saintes espèces ôte à l'Eucharistie tout éclat
divin ; la présence de Saint Joseph n'ôte-t-elle pas à l'Incarnation
tout éclat divin ? La présence des saintes espèces donne à Jésus
dans l'Eucharistie les apparences d'un pain ordinaire ; la présence
de Saint Joseph ne donne-t-elle pas à Jésus dans l'Incarnation les
apparences d'un enfant ordinaire ? La présence des saintes espèces
fait à Jésus, dans le tabernacle, une vie obscure, anéantie, sans
honneur, et sans apparente dignité ; la présence de Saint-JosejDh
ne fait-elle pas à Jésus, dans la maison de Nazareth, une vie
abais^ée, obscure, sans majesté et sans bonheur ?
Tel est le mystère de Saint Joseph. Qu'il est grand dans son hu-
LE PROPAGATEUR
755
milité! qa'il est beau dans son obscurité ! quelle part magnifique
il lui assigne dans le grand sacrement de l'Incarnation, en lui
donnant à remplir une fonction si exceptionnelle ! Les saintes
espèces, à cause du sacrement qu'elles couvrent, sont plus pré-
cieuses à notre foi que l'or, que le marbre, que les plus beaux et
les plus riches ornements du temple. Ainsi en est-il de Saint-
Joseph, malgré sa vie commune et ses grossiers labeurs, à cause
du ministère sublime qu'il a rempli auprès de Jésus, n'est-il pas
plus grand et plus beau, aux yeux des enfants de Dieu, que tous
ceux qui ont illustré l'Eglise par la fécondité de leurs œuvres, par
le^trésor de leurs vertus et par l'éclat de leur sainteté 1
Extrait de Saint Joseph, époux de la Vierge Marie, par le R.
P. Gabriel Bouffier de la Gie de Jésus. Ouvrage approuvé par S.
G. Mgr Hasley, Archevêque d'Avignon ; S. G. Mgr Besson évêque
de Nîmes; S. G. Mgr Vigne, évêque de Digne; S. G. Mgr de
Cabrières, évêque de Montpellier, et S. G. Mgr Lebreton, évêque
du Puy. 1 vol in-18, de 476 pages 50 cts
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ÉTUDE SHR
Par A. KANNENGIESEB,
Sixième mille.) 1 volume in 12 Pi-ix : 80.25
UNE POUPEE CHEZ LES SAOYAGES
1 ♦ I
Solitaire et pensif, saint Pierre se tournait les pouces dans l'an-
tichambre du Paradis, tandis que ses clés pendaient tristement sur
sa robe de laine blanche.
Vint à passer le Père nourricier du Sauveur :
*' Eh bien ! mon frère, fit-il tout étonné, nous voilà inoccupé ?
C'est chose rare ; on ne meurt donc pas sur la terre ? "
Saint Pierre répondit en étoutfant un bâillement sous sa main :
" Presque plus, mon frère, et je vous avoue que rinaclion m'est
chose pénible, quoique, après le travail que m'a donné l'infiuenza
cet hiver, j'ai d'abord en quelque plaisir à me reposer. Vous-même,
Bon Joseph, vous en avez vu de vertes, souvenez-vous-en.
" Oui, oui, on a eu à faire auprès des moribonds, répondit le
saint en hochant la tête. Mais, à présent, que se passe-t-il donc en
bas ?
" — Il y a que le Seigneur veut laisser les méchants se démener
un peu dans le monde ; oh ! ils n'y gagnent guère, car ce qui est
bon reste bon, et vous avez vu que les attentats des dynamitards
ont causé déjà des malheurs. Quant aux braves gens, aux cléricaux
comme ils disent là-bas, eh bien ! il y en a trop besoin en ce mo-
ment pour que le Maître les rappelle à Lui. Aussi n'ai-jeà peu près.."
Le chef des Apôtres fut interrompu par un toc-toc très faible
gratté plutôt que frappé à la porte.
«' —Je crois que voilà un client, dit le bon saint Joseph en sou-
riant, mais un client timide si j'en crois mes oreilles. Ça pourrait
bien être le petit bossu dont j'ai assisté l'agonie il y a quelques
instants.
«' — Non, non, répliqua saint Pierre, je le connais, votre bossu ;
je l'ai envoyé en Purgatoire il y a vingt minutes. Ce que vous
entendez là^, ce sont des souris ; il y en a..."
Mais il fut de nouveau interrompu : le toc-toc devenait plus
pressant, et une petite voix s'y joignit qui criait :
*< — Mais, ouvre donc, saint IMerre ;... on n'est pas bien du tout
derrière ta porte, sais-tu ?
" — C'est un enfant, s'écria saint Joseph, tandis que son frère
Pierre se dirigeait vers l'entrée, prenant une de ses gros clés dans
ses mains. Adieu, mon ami, je me sauve, ayant à assister à une
fête que célèbre en mon honneur l'œuvre de mon Patronage. Au
revoir, et bien du plaisir avec le bébé : ce n'est pas long à juger,
cela.
"■ — Hum ! grommela saint Pierre en introduisant sa clé dans
la serrure, ça donne parfois fameusement du fil à retordre."
Comme saint Joseph se rendait à sa fête et que le portier du
Paradis ouvrait sa porte toute grande, une mignonne petite fille
bondit dans l'antichambre ; elle était jolie à ravir : figurez-vous
un petit corps moulé comme les anges des sculpteurs italiens, vêtu
d'une longue chemise qui traînait par terre (la chemise de nuit);
d'énormes boucles blondes comme de l'or couvrant les épaules,
des veux bruns candides, une petite bouche rose avec des perles
LE PROPAGATEUR 757
pour dents, et une peau de satin blanc ; et encore nous ne disons
rien des petits pieds nus, des pieds à croquer que saint Pierre con-
sidérait avec attendrissement.
Cependant la mignonne créature en question, se haussant tant
-qu'elle pouvait, vient regarder saint Pierre sous le nez.
'•' C'est toi qui es saint' Pierre, dis. Monsieur le portier ? "
Et, devant le geste d'assentiment du ciief des Apôtres :
" Alors, mène-moi vite, vite, voir le petit Jésus, ajouta-t-elle im-
patiente. J'ai si grande envie de l'embrasser !
" — Il faut attendre un petit moment pour cela, dit saint Pierre,
qui tâchait en vain de prendre, un air sévère. Il faut d'abord que
je te juge.
" — Qu'est-ce que c'est que ça ?
" — Un examen pour voir si tu mérites d'aller voir le petit Jésus ;
tu n'as peut-être pas toujours été sage : c'est cela qu'il faut
■examiner.
'• — Ah ! " fit la petite fille dont le minois s'allongea, et qui
fourra immédiatement son poucetdaas sa bouche, signe chez elle
d'une grande préoccupation.
Afin de ne pas l'effaroucher, saint Pierre prit une voix plus
douce et assit la fillette sur ses genoux, selon sa coutume pour
juger les petits enfants.
La mignonne ne paraissait pas très effrayée ; elle regardait son
juge bien en face de ses grands yeux naïfs, passait ses menottes
douces dans la longue barbe blanche, touchait du bout du doigt
les grosses clés, et semblait très à son aise sur les genoux du saim.
" — Voyons, commençons, dit celui-ci. Tu t'appelles ?
" — Mimi ; j'ai bien un autre nom, mais on ne s'en sert jamais
pour m'appeler.
"• — Oui, je sais : Noémi. Passons. Quel âge as-tu ?
" — Je sais pas.
" — Quatre ans. Heureusement que je suis plus savant que toi
sur ton extrait de naissance. Voyons les péchés maintenant, ma-
demoiselle Mimi."
Mimi se troubla quelque peu.
" — Mes péchés ? J'en ai beaucoup, saint Pierre; on m'a dit que
tu les as tous marqués sur ton grand livre.
" — On a dit vrai, et, qui plus est, je les ai retenus par cœur.
" — Alors tu sais que j'ai oublié plusieurs fois ma prière du soir?
des jours que j'avais si sommeil, saint Pierre !
" — Je sais, répondit le saint en tâchant de garder une conte-
nance des plus graves.
" — Que j'ai été souvent très gourmande. Oh ! mais très gour-
mande ; six indigestions au jour de l'an, saint Pierre, rien que de
marrons glacés ! On me répétait toujours ça à la maison pour me
faire honte.
" — Et c'est vraiment bien laid."
Mimi prit une petite mine contrite :
" Je sais bien, saint Pierre ; et puis, c'est bon papa qui me don-
nait toujours beaucoup de bonbons ; il me gâtait.
" — Oui oui, beaucoup trop, grommela l'Apôtre.
758 LE PROPAGATEUR
" — Ecoute, saint Pierre, fît observer Mimi judicieusement, dis -
moi, si tu avais été grand-père, est-ce que tu n'aurais pas gâté un
peu tes petites filles ? "
Saint Pierre se gratta la tête.
'' — C'est possible, murmura-t-il ; mais la question n'est pas là ;
continuons l'examen de vos fautes, s'il vous plait, mademoiselle,
car il me semble que nous sommes encore loin de compte."
Mimi baissa le front.
" Est-ce que tu as vu toutes mes colères, dis, saint Pierre ? sou-
pira-t-elle. Tu sais, le jour que j'ai renversé la tasse de quassia
amara qu'on voulait me faire boire ? Et quand j'ai donné un
coup de pied à ma bonne lorsqu'elle me tirait les cheveux en me
peignant ? Et quand j'ai égratigné la figure du petit Georges qui
avait pris mon arrosoir ?
" — Affreux ! affreux ! répétait le saint en feignant une profonde
horreur.
" — Et le jour que j'ai cassé le joli encrier de maman, et que j'ai
dit que c'était le petit chien? s'écria Mimi emportée par la violence
de ses souvenirs.
" — Un mensonge ? fi donc !
" — Oh ! mais, saint Pierre, ne te fâche pas trop, reprit l'enfant
en passant ses petits bras de satin blanc, autour du cou tanné de
l'ancien pêcbeur ; rappelle-toi que j'ai avoué tout de suite, d'abord
parce que c'est laid de mentir, et puis, on allait fouetter Joujou...
" — Est-ce tout ? demanda saint Pierre, qui riait dans sa barbe.
*' — Non, attends ; j'ai été très vaniteuse.
" — Ah ! ah ! fit l'Apôtre avec ironie. Si petite, est-ce possible ?
Ah ! sexe futile !
<>■ — Dis, saint Pierre, me trouves-tu jolie ? reprit l'enfant, qui
prit dans ses menottes blanches la grosse tète chevelue du portier
du Paradis pour qu'il la regardât en face.
«' — Cette question ! fit le saint absolument interloqué. Est-ce
qu'on vient ici pour se faire faire des compliments ?
" — C'est pour savoir si tu penses comme bon papa, qui ne
trouvait rien de plus beau que sa petite fille.
" On est toujours jolie quand ou est sage, apprenez cela, made-
moiselle, répondit saint Pierre sévèrement.
" —Et qu'est-ce que tu vas faire de moi ? continua l'enfant.
G'est-il très mal tout ce que j'ai commis là ? "
Saint Pierre hocha la tête :
" — Hum !... avant de répondre là-dessus, il faut voir si, à côté
de tantde fautes, tu n'as pas quelques bonnes œuvres à ton appoint."
Mimi courba le front.
"■ — Mon Dieu, non, soupira-t-elle, j'avais pas de sous, je ne don-
nais aux pauvres que quand on me mettait l'argent dans la main
pour eux... J'aurais bien partagé mes belles robes ou mes goûters
avec les petits malheureux, mais je n'en rencontrais pas souvent...
" — Ecoute, Mimi, à mon tour de parler. J'ai écrit sur mon
grand livre une bonne action que tu as faite un jour.
" — Moi ? s'écria la jeune fille en ouvrant tout grands ses yeux
surpris.
LE PROPAGATEUR 759
" — Oui. Te rappelles-tu ta belle poupée blonde ? tu sais, celle qui
avait une robe..., une robe..., voyons, aide-moi un peu, Mimi, tu
vois bien que je ne me souviens plus de la couleur de sa robe."
Mimi battit des mains.
" — Bleue î elle était bleue, saint Pierre ; comme tu as peu de
mémoire !
" — Bien, elle était bleue, poursuivit l'Apôtre avec un soupir de
soulagement. Tu comprends, Mimi, s'il fallait me rappeler tous
ces détails, j'aurais trop à faire. Et qu'en as-tu fait de cette belle
poupée ?
" — Ah ! saint Pierre, je ne l'avais que depuis huit jours, et elle
était encore toute neuve, lorsqu'il vint dîner à la maison un prêtre
qui avait une grande barbe comme toi, et encore plus jolie que la
tienne.. . Ça ne te fâche pas, dis, saint Pierre ? continua la mignonne
un peu inquiète parce que l'Apôtre avait hoché la tête, sans doute
peu satisfait de la comparaison.
" — Non, va toujours.
" — Il nous a raconté que là-bas, très loin, dans des pays que je
ne connais pas, mais que mon frère Arthur connaît parce qu'il a
étudié la géographie, il y a des petits enfants sauvages qui n'ont
jamais vu de joujoux ni de poupée=, et qui n'ont jamais entendu
parler du petit Jésus. Papa lui a donné de l'argent pour ses petits
sauvages, à ce bon prêtre, maman de l'argent aussi, et puis des
tas de choses qu'elle avait et qui lui servaient encore. Arthur a
sacrifié sa semaine et quelques jouets ; alors, moi, j'ai abandonné
au bon prêtre ma belle poupée bleue, et il l'a emportée chez ses
nègres. Et je l'aimais beaucoup, ma poupée, va, saint Pierre ; si
tu en avais eu nue comme çi, tu aurais été bien content.
" — Ça c'est probable, répliqua l'Apôtre en souriant. Eh bien !
Mignonne, il faut que je te dise que cette poupée que tu as si gé-
néreusement offerte au missionnaire, et qui a été précieusement
emportée dans le pays des infidèles, a fait le bonheur d'une masse
de négrillons et de négrillonnes ; ces pauvres enfants venaient au
catéchisme, attirés parla promesse de jouer ensuite avec ta poupée
bleue ; ils l'écoutaient très bien, le catéchisme, et cela a fait d'eux,
plus tard de bon chrétiens. Tu vois donc, Mimi, que ta gentille
action a porté son fruit ; aussi, pour ta récompense, nous effacerons
sur le grand livre toutes tes petites fautes : colères, gourmandise,
vanité, désobéissances... et alors
" — ^Tu vas me mener voir le petit Jésus ! s'écria Mimi, qui fit
un tel bond de joie sur les genoux de saint Pierre que les grosses
clés s'entrechoquèrent avec un énorme bruit.
« —Oui,"
Alors Mimi n'y tint plus et embrassa le bon saint à l'étouffer.
Le bon saint souriait dans sa barbe blanche, et nous croyons
pouvoir affirmer que ces jugements-là ne sont pas les plus en-
nuyeux pour le portier du Paradis, qui est quelquefois obligé
d'examiner ses clients avant de les conduire devant le Souveram
juge.
Roger Dombré
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A L. B Y
VENTE DE BOIS— MESURAGE.
Question. — Dans la vente du bois de chauffage, qui doit payer
le cordage et le me su rage ?
Habitant.
Réponse. — L'article 1495 du code civil déclare qu'en l'absence
de conventions contraires, les frais de la délivrance sont à la charge
du vendeur. Le cordage et le mesurage sont des parties essen
tielles de la livraison ou délivrance, et ilsdoivent, par conséquent
être payés par le vendeur.
CONDAMNATION D'UN NOTAIRE-
FAUX.
Aux dernières assises criminelles du district de Joliette, tenues
il y a quelques semaines, le notaire L. L. Désaulniers, de Ste-
Julienne, a été trouvé coupable du crime de faux et condanmé à
une année d'emprisonnement. L'accusation portée contre lui
était d'avoir fait un faux acte de cession d'un terrain dans le but
de faire obtenir' au cessionnaire des Lettres Patentes du gouver-
nement.
Le jury l'a trouvé coupable sur le témoignage donné en 1891,
devant un magistrat, par le prétendu cédant maintenant décédé.
Ce cédant ou prétendu cédant était le témoin principal. Ainsi ce
principal témoignage n'a pas été donné contradictoirement devant
les jurés, et cependant ils ont rendu un verdict de culpabilité.
N'ayant pas assisté au procès, et ne le connaissant que par quel-
ques notes publiées par les journaux, il m'est impossible d'en faire
un compte-rendu détaillé. Il me semble cependant que les jurés
ont assumé une bien lourde responsabilité.
Voici la définition du /awa; donnée par Messieurs Dandurand et
Lanctôtdans leur Traité de Droit criminel, page 3G2.
X Le faux, de droit commun, est l'o/fense qui consiste à faire, contre-
faire ou altérer un écrit dans l'intention de frauder ou de tromper.(l)
BOODLER— VOLEUR.
Dans la cour Supérieure du District d'Ibervilte,
M. le juge Gill,
Re : Marchand, vs Molleur.
A JUGÉ : Que le mot boodler est synonime de voleur, et, qu'en con-
(1) Au moment de mettre sous presse nous apprenons que legouvernementi
sur le rapj.ort favorable du juge qui a présidé au procès a gracié Mr. Désaulniers
LE PROPAGATEUR 761
séquence, le demandeur a droit à des dommages-intérêts contre le
défendeur qui l'a traité de boodler.
L'honorable monsieur Félix G. Marchand, député du comté de
St-Jean et chef du parti libéral de Québec, poursuivait monsieur
Louis MoUeur, son adversaire malheureux dans l'élection de mars
1892, parce qu'au cours de la lutte électorale ce dernier l'avait
accusé d'être un boodler. Le défendeur a été condamné à payer
$500.00 de dommages au demandeur.
Subséquemment M. Marchand s'est désisté du jugement parce
qu'il a été rendu pendant le terme de la cour de Circuit au lieu
de l'avoir été pendant le terme de la cour Supérieure.
AVOCATS.
Depuis quelque temps le journal La Presse fait une campagne
en règle contre les avocats qui se rendent coupables d'actes déro-
gatoires à l'honneur professionnel. Si les accusations de ce
journal sont fondées il va rendre un véritable service au pays, car
la campagne qu'il a entreprise devra nécessairement avoir un bon
résultat.
L'état de choses dévoilé par La Presse^ s'il existe réellement,
indique un triste abaissement des caractères. Il fait voir qu'un
cours de morale professionnelle ne serait pas de trop. A la vue
de ces révélations les avocats se sont émus, ils ont tenu des
assemblées d'indignation et ils ont menacé de traduire en justice
le journal accusateur. Ils n'ont cependant pas mis leurs menaces
à exécution et le journal a réitéré ses accusations.
Les coupables, s'il y en a, devraient être chassés du corps qu'ils
déshonorent et leurs noms rayés du tableau. Le barreau, comme
la femme de César, doit être au-dessus de tout soupçon. Autre-
ment il perdra son prestige et son influence.
En France les règlements du barreau sont d'une extrême sévé-
rité. On peut en juger par cet extrait d'un article de La Croix.
Le règlement de l^ ordre défend aux avocats de souscrire des billets
à ordre., quelle qu'en soit la cause, d'accepter des lettres de change., de
consentir un aval ou une ouverture de crédit, de recevoir d'un client
à titre d'honoraires., des valeurs commerciales.
En outre, toutes les opérations financières '' qui présentent quelque
analogie avec le commerce, le négoce ou les jeux de bourse " leur sont
formellement interdites.
Les peines disciplinaires sont : l'avertissement, la réprimande, l'in-
terdiction temporaire et la radiation du tableau.
Cet extrait ne concerne que les faits commerciaux défendus aux
avocats. Les règlements contiennent beaucoup d'autres défenses
d'ordre supérieur.
762 LE PROPAGATEUR
PAROISSES.
Erection canonique — Erection civile, (l)
Paroisse de St. Blaise.
En décembre dernier,
Re
LÉON SAMOISETTE et al.
Appelants
S
EUSÈBE BRASSARD, et al.
Intimés.
&
J. A. GRAVEL ET AL.
Mis en cause.
La Cour d'Appel a confirmé le jugement de la Cour Supérieure
du district d'Iberville, (Tellier, juge) rendu le 27 juin 1892.
Par ce jugement elle a décidé :
1^ Que les tribunaux n'ont aui;une juridiction relativement à
i'érectioti des paroisses.
2*^ Que l'érection canonique d' une paroisse est du ressort exclusif
des autorité<! ecclésiastiques.
3° Que l'érection cioile^ étant un simple acte administratif, est du
ressort exclusif du Lieutenant-Gouverneur en Conseil.
Ainsi les commissaires civils ne constituent qu'une commission
d'enquête, destinée à éclairer le gouvernement et à le mettre en
état de décider de l'opportunité d'accorder ou de refuser l'érection
civile d'une paroisse.
La cour a été unanime à décider qu'elle n'avait pas le droit
d'intervenir dans l'érection canonique, et que ceux qui se pré-
tendent lésés par la décision de l'évêque n'ont de recours qu'à une
autorité ecclésiastique supérieure. Quant à la non-intervention
dans l'érection civile, le juge Hall s'est séparé de ses collègues. Il
est d'opinion que le tribunal a juridiction.
(1) Voir le Propagateur vol. 2, page 279, et vol. 3, page 374.
HYACINTHE RIGAUD
lli LES CRITIQUES, \suite et fin)
Vers la fin de septembre, Rigaud, ayant terminé les portraits de
M. et de madame de Taverny, se rendit chez eux un matin pour
surveiller les ouvriers qui devaient fixer les cadres ovales dans
les panneaux ajourés des portes latérales de l'alcôve de madame
de Taverny. Ces deux portraits, peints au pastel, étaient également
ressemblants, mais n'étaient pas appréciés de même. Il n'y avait
qu'une voix sur celui de M. de Taverny : on le trouvait admi-
rable ; mais toutes les dames qui avaient vu celui de la jeune
femme critiquaient, les unes le front, les autres la bouche, la robe,
les mains, les yeux, enfin tout, si bien que madame de Taverny
n'osait plus dire qu'elle en était contente, et que son mari lui-même
finissait par le croire fort médiocre. Ennuyé de cela, Rigaud en
avait parlé à la duchesse d'Orléans, et cette princesse lui dit :
" J'irai voir ce portrait demain, et je mettrai ces péronnelles à
la raison. "
Rigaud avait prévenu madame de Taverny de la visite que
voulait lui faire incognito madame la duchesse d'Orléans, &t l'on
s'était hâté de disposer l'appartement. Mais au moment où l'on
venait de placer les deux portraits, Rigaud s'aperçut qu'en enca-
drant celui de la jeune femme, on avait efi'acé une partie de la
jupe de satin à fleurs. Il fit enlever le tableau, ne laissant placé
que le cadre et la glace, et, posant le châssis sur un fauteuil, se
hâta de réparer l'accident avec quelques touches de pastel. Ennuyé
de voir les ouvriers béer près de lui, il les renvoya, disant qu'il
saurait bien rajuster sa peinture dans le cadre.
Il était donc à genoux devant son tableau, travaillant avec appli-
cation, et M. et madame de Taverny le regardaient, pensant qu'ils
seraient avertis de l'arrivée de la princesse par le bruit de son car-
rosse, lorsque Madame, ayant laissé sa voiture au palais du Luxem-
bourg, s'avisa d'arriver à pied, à la main de son écuyer, un loup
surle visage et vêtue fort simplement. Elle monta l'escalier, trouva
ouverte la porte de l'antichambre que les ouvriers avaient négligé
de clore, et, défendant aux laquais de l'annoncer, entra sans façon,
et surprit le peintre et ses clients. Coupant court aux révérences
et aux compliments, elle s'écria :
''Point d'Altesse, je vous prie. Je suis une bourgeoise de Saint-
Cloud, une pratique de M. Risaud ; rien de plus. Voyuns ces
portraits ! Monsieur, vous êtes bien, très bien ; mais madame de
"Tavemy est encore mieux peinte que vous. Ce portrait et son mi-
roir, c'est tout un. Quels sont les sots qui osent critiquer un tel
chef-d'œuvre ? "
'' Quelques dames, amies de ma femme, " dit M. de Taverny,
" trouvent que... "
" Quelques dames ? Alors les sots sont des sottes. Jalousie, mon-
sieur,pure jalousie, pas autre chose. Voulez-vous en faire l'épreuve?
Faites mettre Madame de Taverny elle-même là-haut, dans ce
cadre, et montrez-la à ses bonnes amies. Elles ne la trouveront
pas ressemblante. "
Toute la compagnie éclata de rire ; mais Madame assura que ce
n'était pas une folie, et dit :
764 LE PROPAGATEUR
" Essayons. Voyons, jeune dame, vous êtes leste. Je vois une
échelle double dans cette alcôve. Montez-y, placez-vous bien, fer-
mons la porte, baissons les rideaux, et vous verrez. "
Madame de Taverny, riant de tout son cœur, obéit à la princesse,
et bientôt sa gracieuse personne apparut derrière la glace encadrée,
se détachant sur le fond sombre de l'alcôve.
'' C'est charmant, c'est parfait ! " dit Madame ; " mais sur qui
ferons-nous l'épreuve ? "
— " S'il plaît à Madame, " dit M. -de Taverny, " je vais envoyer
chercher nos voisines du premier étage. Mesdames de Valblanc. "
" Faites vite, " dit la princesse. " Cachez le tableau, Rigaud, et
cachons-nous. "
Ainsi fut fait. La duchesse d'Orléans se mit derrière un paravent
avec Rigaud et l'écuyer, et M. de Taverny, allant au-devant des
visiteuses, leur dit avec force politesses :
"■ Mesdames, je suis confus, j'ai mille excuses à vous demander
de l'indiscrétion que je commets en vous dérangeant si matin,
mais on vient de mettre en place le portrait de Madame de Taverny.
Je ne sais vraiment s'il peut être accepté. Daignez me donner votre
avis, à quoi je liens essentiellement. "
Les trois dames, mère et vieilles filles assez jaunes, que les bonnes
langues du quartier avaient surnommées les trois Parques, regar-
dèrent à peine le prétendu portrait, mais répétèrent eu chœur la
même antienne : " C'est faux, c'est maniéré, c'est froid, c'est trop
bleu, c'est trop noir, ce n'est pas ressemblant du tout, mais du tout.
11 faut faire reloucher et même recommencer cela, monsieur. Quant
à votre portrait, monsieur, il est vivant, c'est un chef d'œuvre. On
dirait qu'il va parler. "
" Grand merci, mesdames, " dit M. de Taverny en les recon-
duisant ; " fort de votre avis, je ferai entendre raison à ce peintre. "
" Ah ! il n'atteindra jamais Mignard, le divin Mignard, " dit
madame de Valblanc ; " mais il vous a réussi, on ne peut en dis-
convenir. Adieu, monsieur. Mille compliments, je vous prie, à
madame de Taverny. "
Et les trois Parques s'en allèrent, enchantées d'avoir montré
leur compétence. Il était temps qu'elles partissent. Madame de
Taverny sur son échelle, et la princesse derrière son paravent, se
mouiaient de rire, et M. de Taverny avait eu toutes les peines du
monde à ne pas éclater. Rigaud triomphait, et ne savait assez re-
mercier la princesse.
Ravie de l'aventure, Madame alla sur-le-champ la raconter, au
Luxembourg, à mademoiselle de Montpensier ; elle l'écrivit le jour
même à i'électrice de Hanovre, et en divertit Louis XIV à son
souper.
Bientôt le grand roi, ayant vu le portrait de Madame, l'admira
fort, et voulut lui-même être peint par Rigaud. Le duc d'Orléans,
le prince de Conti, Bossuet, madame de Maintenon, tous les grands
personnages de la cour suivirent l'exemple du monarque, et, reçu
à l'Académie et annobli par sa ville natale, Rigaud en très peu
d'années, vit son talent apprécié comme il méritait de l'être- Les
LE PROPAGATEUR 76=
honneurs et les succès ne le rendirent pas ingrat. Quelque occupé
qu'il fût, jamais il ne laissait plus de trois mois sans aller pré-
senter ses respects à la duchesse d'Orléans. Quant à M. et madame
de Taverny, il était devenu leur ami, et passait toutes ses soirées
du dimanche chez eux, fort recherché par la bonne compagnie
qu'ils recevaient.
IV
INVRAISEMBLABLE ET VRAI.
Madame se promenait un jour à pied comme d'habitude, dans
l'allée du bord de l'eau à SaintCloud. Elle aperçut Rigaud qui
descendait d'un carrosse de louage près de la grille du côté de
Sèvres, et lui envoya dire qu'elle le recevrait tout en se promenant,
et qu'il ne prit pas la peine d'aller au château. Rigaud rejoignit
la princesse ; et, comme elle était de bonne humeur ce jour-là,
elle l'emmena voir la grande cascade, où l'on préparait l'illumi-
nation pour la fête de saint Philippe, patron du duc d'Orléans, et,
se débarrassant de sa suite, se mit à questionner le peintre sur ses
propres affaires. Rigaud ayant répondu d'une manière satisfaisante
à ses questions, la princesse ajouta :
" Je vois que vous êtes déjà riche, célèbre, comblé d'honneurs.
Je sais mieux que personne que vous en êtes digne, et j'ai résolu
de vous bien marier. "
•' Madame me comble, " dit Rigaud, " et je ne saurais lui être
trop reconnaissant ; mais je ne veux point me marier. "
" Pourquoi cela ? " dit la princesse. " Je sais que vous vivez
d'une façon exemplaire : vous êtes de ceux qui doivent faire souche
d'honnêtes gens. "
" Madame, " dit Rigaud, " je ne me marierai point. Et à vous, si
parfaitement bonne pour moi, et qui, j'ose le dire, ne jugez pas
selon les maximes du monde, à vous je puis avouer pourquoi j"ai
pris cette résolution. La seule femme que j'aie jamais aimée et que
j'aimerai jusqu'au dernier jour de ma vie, ne peut être mienne. "
" Est-elle donc d'une condition supérieure à la votre ? "
" Oui, Madame ; et, d'ailleurs, elle est mariée. "
•' Fi ! " s'écria la princesse ; " fi ! monsieur, vous aimez une
femme mariée ! vous que je croyais si honnête homme ! et cette
belle, sans doute, partage votre passion ? "
" Elle U'i s'en doute et ne s'en doutera jamais, Madame. Je
mourrais plutôt que de dire un mot qui pût troubler la paix de
son âme. Celle que j'aime est jeune, belle et l'honnêteté même.
Si un jour elle devient libre, elle saura combien je l'ai aimée ;
— jamais avant. — Je l'aime comme on doit aimer. "
'•Je sais comme on aime en Allemagne, " dit la princesse;
" mais en France on n'aime que soi-même, on ne recherche que
les satisfactions matérielles ; on fait litière de l'honneur, du dé-
vouement, de tout respect et de toute discrétion ; et votre duc
de La Rochefoucauld, qui a écrit: Il en est' du véritable amour
comme de r apparition des esprits : tout le monde en parle, peu de
gens en ont vu ; — votre duc de La Rochefoucauld eût été plus
vrai s'il eût osé dire : Personne n'en a vu. "
76U LE PROPAGATEUR
•' Si mon cœur était de crisla], Madame, " dit Rigaud, " vous en
verriez. "
'' li est vrai, " dit la princesse, " que je vous ai toujours con-
sidéré comme un homme unique. Mais celte belle passion s'étein-
dra. Faute d'aliment il n'est point feu qui dure. Vous oublierez,
et je vous marierai : je l'ai mis dans ma tête, et vous savez combien
elle est carrée. "
Un bruit d'éclats de rire et les pas de plusieurs personnes qui
s'approchaient interrompirent la conversation.
" C'est Monsieur qui vient par ici, avec sa troupe de fous et de
folles. Laissons le champ libre à leurs ébats. Venez dans mon ca-
binet, Rigaud. Jh veux vous consulter. Il est arrivé un accident
à un de mes tableaux favoris. "
Rigaud vit alors pour la première fois ce sanctuaire où la prin-
cesse s'enfermait pendant les plus belles heures de la journée,
préférant la solitude et le plaisir d'écrire à ses amis d'Allemagne
aux fêtes continuelles dont Saint-Cloud, ce palais de délices, comme
l'appelle Saint-Simon, était alors le théâtre. Ce cabinet était orné
de plusieurs portraits des ancêtres de la princesse palatine, et
leurs figures tudesques, leurs armures et leur air martial faisaient
ressortir l'élégance et l'expression mélancolique d'un portrait de
femme signé de Luca Giordano. Rigaud ne put s'empêcher de
l'admirer et de demander à Madame quelle était cette personne.
" C'était ma belle-fille, la reine d'Espagne, " dit la princesse.
" Elle ne m'aimait guère, et pourtant personne ne l'a plus pleurée
que moi. Monsieur avait fait cacher ce portrait, disant que la vue
l'attristait. Je l'ai pris ici. Le trouvez-vous bien peint ? "
" Oh ! oui ! " dit Rigaud, " et les accessoires, qui sont là, voilés
dans l'ombre, sont bien touchants. Voyez, madame, sur un coussin
de velours noir reposent la couronne et le sceptre d'Espagne, à
côté d'un crucifix. Et la princesse tient à la main un lis à demi
risé. ' '" Marie-Louise d'Orléans fut elle-même un lis arraché au
sol natal," dit la princesse, " et sa vie fut courte et amère. C'est le
destin des prmcesses, bien souvent. Mais, Rigaud, regardez donc :
qui peut fendiller ainsi la peinture que voici ? "
Et la princesse et le peintre ne songèrent plus qu'au portrait du
palatin du Rhin, Karl von Heidelberg, et se séparèrent sans re-
parler mariage.
Quelques semaines après, la duchesse d'Orléans vit revenir son
peintre favori, en grand deuil et l'air fort triste.
" Hélas ! Rigaud, " lui dit-elle, " la dame de vos pensées est-
elle morte ? "
'■• Non, Madame, " dit Rigaud ; " mais j'ai perdu ma mère, ma
bonne mère, à qui je devais tout ce que je suis. J'avais huit ans
quand mon père mourut ; et c'est elle qui la première devina ma
vocation et, à force de travail et de privations, me donna les moy-
ens de la suivre, en m'envoyant étudier à Montpellier. Depuis
l'âge de quatorze ans, sauf de rares voyages en mon pays, j'ai
vécu loin d'elle ; mais son souvenir, ses conseils et ses prières
m'ont fait marcher droit, et jamais mère ne fut plus digne des
regrets de son fils- "
LE PROPAGATEUR 767
" Je prends grande part à votre chagrin, mon pauvre ami, "
dit la princesse attendrie. •• Heureuse la mère à qui son fils peut
rendre un semblable témoignage ! — Mais enfin votre mère était
d'âge à vous précéder en paradis. Il ne faut point vous laisser
aller au chagrin. Voyons, ne songerez-vous pas à remplacer cette
affection par une nouvelle ? ne voulez vous pas vous marier, avoir
des enfants, qui diront un jour dt vous ce que vous dites de votre
chère mère ? "
'' Rien n'est changé dans mes résolutions, Madame, " dit Rigaud.
" Je vais m'éloigner de Paris et passer quelques jours à l'abbaye
de la Trappe. M. le duc de Saint-Simon veut que j'essaye de faire
un portrait du révérend abbé. Je ne sais si j'en viendrai à bout,
car M. de Rancé ne veut point poser ; mais, en tout cas je ferai
là-bas une retraite, et je n'ai point voulu partir sans prendre congé
de Madame. ''
'* Ah ça ! " s'écria la princesse, " n'allez point vous faire trap-
piste, au moins ! "
" Je ne me sens nul goût pour l'état religieux, Madame, " dit
Eigaud ; " je ne désire que quelques jours de calme et de silence. "
La princesse réfléchit un instant ; puis, fixant sur le visage du
peintre ses yeux perçants, elle lui dit :
" Avez-vous parlé de votre départ à madame de Taverny ? "
" Je suis allé chez elle dans cette intention. Madame, " dit
Rigaud, " mais elle ne m'a point reçu. M. de Taverny était couché,
et avait fait fermer sa porte. Je n'ai jamais vu madame de Taverny
qu'en présence de son mari. "
"Jamais ? " fit la duchesse d'un air de doute ; *î jamais, mon-
sieur ? est-ce bien vrai ? "
" Parfaitement vrai, " dit le peintre.
" Ce n'est donc pas elle que vous aimez, alors ? Hé bien ! je
croyais pourtant avoir deviné. "
" Votre Altesse ne s'est point trompée, "dit Rigaud: "c'est bien
elle que j'aime ; mais ce que j'aime plus que sa beauté, plus que
ma vie, plus que la sienne, Madame,Dieu le sait, c'est son honneur ! "
" J'ai vu l'apparition des esprits, " dit la princesse : "je ne dirai
plus que La Rochefoucauld s'est trompé. — Adieu, Rigaud, je vous
admire. Priez pour moi à la Trappe, et ne vous faites pas moine,
mon ami, croyez-moi ! "
Ce voyage à la Trappe de Mortagne fut pour Rigaud l'occasion
de produire un de ses plus admirables chefs-d'œuvre, le portrait
de l'abbé de Rancé, fait à l'insu du modèle ; et le duc de Saint-
Simon raconte toutes les ruses qu'il employa pour obtenir que
M. de Eancé consentît à recevoir à l'infirmerie, dont il ne bougeait
plus, les longues et muettes visites de " cet officier curieux " qui
le regardait si attentivement, tandis que M. de Saint-Simon lui
contait mille histoires pour l'amuser.
Rentré dans l'appartement des hôtes après une de ces longues
conversations, Rigaud esquissait de souvenir les traits du célèbre
religieux, lorsqu'un frère convers lui apporta une lettre scellée
des armes de la duchesse d'Orléans,
768 LE PROPAGATEUR
" Le courrier qui a apporté cette lettre en attend la réponse,
monsieur, " dit-il ; " il est venu à franc élrier. "
Rigaud décacheta la lettre et n'en put lire qu'un seul mot, Ta-
verny : tout le reste, rempli d'allemand, d'une orthographie inouïe
et d'une écriture baroque, était incompréhensible. Rigaud porta
la lettre au duc de Saint Simon.
" Que faire ? " lui dit-il ; " on attend la réponse, et je ne puis
lire un traître mot de cette lettre. "
"■ Ni moi non plus, " dit Saint-Simon, " si ce n'est la signature,
que je reconnais. C'est une lettre de Madame. Voici ce qu'il faut
faire : il y a ici un religieux de Strasbourg, savant antiquaire qui
déchiffre "tous les parchemins et papyrus du monde. Priez-le de
vous lire ce grimoire et d'en faire une copie, sa règle l'obligeant
au silence. '■
Le bon père Othon Bischvi^iller traduisit et transcrivit en belle
écriture la missive de la princesse, et l'envoya au bout d'une
heure à Rigaud. Elle était ainsi conçue :
"■ Je vous disais bien, monsieur, que vous auriez grand tort de
vous faire trappiste. M. de Taverny vient de mourir d'un accès de
goutte et de plusieurs médecins. Sa bonne femme l'a soigné avec
toute l'affection possible. Il n'avait point fait de testament, et,
n'ayant point d'enfant, et les ne\feux de son mari étant gens assez
rapaces, elle reste avec la petite dot que le roi lui donna lorsqu'elle
sortit de Saint-Gyr. Je sais que sa pauvreté vous sera un motif de
plus pour rechercher sa main. Vous êtes si au rebours des autres !
— Enfin, la voilà veuve, et elle s'est retirée au couvent des Filles-
Bleues. Je l'y ai vue, je l'ai langueyée comme il faut, et j'ai mené
rondement vos affaires. Elle vous estime fort ; elle ne se douterait
de lien, si je n'avais parlé. C'est une personne unique en son genre,
comme vous. Venez me voir à Saini-Cloud, sitôt votre retour de
la Trappe. Si, une fois son deuil fini, la belle Taverny ne d^!vient
pas madame Rigaud, ce sera votre faute. J'obtiendrai du roi qu'il
ratifie vos lettres de noblesse ; et le gracieux visage que vous
verrez en votre logis vous dédommagera d'une trop longue attente,
d'un amour comme on n'en voit guère, et du mal que vous eûtes
à faire un beau portrait d'après la plus laide princesse du monde.
Et sur ce, priant Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde, je
demeure votre affectionnée
" Charlotte-Elisabeth. "
On devine la réponse du peintre. Il se maria l'année suivante,
et vécut dans l'union la plus parfaite avec sa femme.
Rigaud, que l'on a surnommé le Van Dyck français, peignit
cinq rois, un nombre considérable de personnages illustres, et
légua à l'Académie, dont il était le directeur, le beau portrait de
sa mère qui est encore au musée du Louvre.
Sa femme mourut en 1743. Rigaud l'avait soignée avec le plus
grand dévouement. Obligé, quelques mois après sa mort, d'entrer
dans la chambre où il T'avait vue expirer, il s'écria : " Ah ! je
vais bientôt vous suivre 1 " La fièvre le prit et l'enleva en quel-
ques heures. 11 avait quatre-vingts ans.
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Mars, 1893,
Numéro 1
■^ay€>y'<lâg?e^^yg^a^^^L^yg.a^^
HYMNE
SAI^T-JOSEPH
O Joseph ! que tous les chœurs des cieux célèbrent
votre gloire, que la voix des chrétiens chante partout
vos louanges, grand Saint, qui avez mérité d'être uni
par les liens les plus purs à la plus illustre des vierges.
Et quand, étonné du fruit précieux qu'elle porte en
son sein, vous vous trouvez plongé dans les anxiétés
du doute, un ange vous révèle qu'elle a conçu le Fils
de Dieu par l'opération du Saint-Esprit.
Vous pressez dans vos bras le Seigneur qui vous est
né ; vous l'accompagnez, lorsqu'il fuit en Egypte ;
vous le cherchez à Jérusalem, où vous l'aviez perdu,
et vous le retrouvez versant des larmes de joie.
Pour les autres saints, ce n'est qu'après la mort
qu'ils reçoivent le prix de leurs travaux, et qu'ils
goûtent le fruit de leur victoire ; mais vous, par un
bonheur ineffable, vous jouissez de la présence de
Dieu sur la terre, comme eux dans les cieux.
Trinité sainte, Majesté souveraine ! soyez propice à
nos prières : par les mérites de saint Joseph, accordez-
nous d'arriver au ciel, pour qu'il nous soit enfin permis
de chanter le cantique éternel de la reconnaissance.
BULDETIN
Montréal, 20 février, 1893.
*,* En France les bureaux de bienfaisance sont chargés de dis-
tribuer des secours aux nécessiteux. Dans un grand nombre de
ces bureaux les distributeurs sont des sectaires franc-maçons, libres
penseurs et autres personnages ejusdem farinœ. Ils refusent injus-
tement des secours aux familles nécessiteuses qui envoient leurs
enfants aux écoles congréganistes, à celles où on pratique la reli-
gion publiquement, au lieu de les envoyer aux écoles publiques
c'est-à-dire aux écoles sans Dieu. En certains endroits on a poussé
le fanatisme sectaire à ses extrêmes limites. Témoin le fait suivant
Dans une commune un couple non marié recevait des secours du
bureau de bienfaisance. Ce couple, pris de remords, résolut d'a-
bandonner cette vie indigne et de contracter une union légitime.
Ce qu'il fit aux applaudissements de tous les honnêtes gens. Quel-
ques jours plus tard la femme s'étant présentée au bureau de
bienfaisance on lui signifia qu'ayant régularisé sa position elle
n'aurait plus de secours. Ainsi tant que le couple en question a
vécu dans le vice, des secours lui ont été accordés, mais après
sa conversion on a supprimé tout secours. Ces faits et d'autres
semblables, en nombre considérable, ont été la cause d'une inter-
pellation à la Chambre des Députés dans sa séance du 20 décembre.
M. d'AUières, député, a affirmé alors que " Vexclusion des familles
catholiques est générale et que les secours du bureau de bienfaisance
deviennent un instrument de tyrannie politique.
C'est ainsi que certaines gens entendent la charité ou plutôt la
philantropie, car la charité véritable n'est pas connue dans ces
quartiers ta.
***
*,* Le scandale du Panama cause toujours beaucoup d'excitation
en France. Quelques accusés viennent d'être atteints parla justice,
mais le plus grand nombre des coupables, et ce ne sont pas les
moins tarés., ont jusqu'ici déjoué toutes ses recherches.
Quelle est la cause de cette impuissance à découvrir les coupa-
bles ? Y a-t-il connivence des autorités ou simplement lâcheté ou
apathie ? Il est bien difficile de résoudre ces questions. Ces fraudes
gigantesques qui ont causé la ruine d'un grand nombre et absorbé
les épargnes de plus de 800,000 obligataires et actionnaires de la
compagnie méritent une punition équivalente. Espérons que tôt ou
tard tous les coupables seront atteints et que la société sera vengée.
Le 9 février, M. Périvier, premier président de la cour d'Appel
de Paris, chargé de juger messieurs Ferdinand de Lesseps, prési-
dent de la compagnie du canal de Panama, Charles de Lesseps, et
LE PROPAGATEUR
Henri Gottu, administrateurs de la compagnie, Marins Fontane,
son secrétaire général, et Eiffel, entrepreneur à son emploi, les a
trouvés coupables d'escroquerie et d'abus de confiance. Il a pro-
noncé contre eux les sentences suivantes, Ferdinand et Charles
de Lesseps ont été condamnés chacun à 5 ans de prison, et Gottu,
Fontane et Eiffel ont été condamnés chacun à 2 ans de la même
peine. Les accusés ont aussi été condamnés à diverses amendes
variant de 2000 à 5000 francs.
Les sentences surtout celle rendue contre Ferdinand de Lesseps,
ont profondément impressionné le public. Il est bien triste en effet
de voir le grand français, l'homme qui a acquis tant de gloire par
le percement de l'isthme de Suez finir misérablement sa carrière
dans l'effondrement de Panama.
Des ordonnances de non-lieu ont été rendues par le juge d'instruc-
tion Franqueviile en faveur des accusés Jules Roche, député de la
Savoie et ancien ministre du Commerce, Thevenet, sénateur et an-
cien ministre de la justice, et Emmanuel Arène, député de la Corse.
D'autres ordonnances de non-lieu (liont été rendues par la
Chambre des mises en accusation en faveur des accusés Rouvier,
député et ancien ministre des Finances, Albert Grévy, sénateur et
ancien gouverneur de l'Algérie, DEvÈs,sénateur du Cantal et ancien
garde des Sceaux, et Léon Renaud, sénateur des Alpes Maritimes.
Il y a dans le monde des gens qui ne doutent de rien, et qui se
croient appelés à faire de grandes choses. Leur opinion doit pré-
valoir partout et ils s'attribuent bien naïvement la mission spéciale
de corriger les erreurs de la pauvre humanité et delà guider dans
la voie qu'elle doit suivre.
Un honorable membre du Parlement anglais M. T. W. Russell,
député libéral unioniste de la division irlandaise de Tyrone sud
est l'un de ces êtres privilégiés, lia plu à ce monsieur, de passage
ici en janvier dernier, de donner son appréciation de la politique
dans la province de Québec et de prédire que la politique en Irlande
serait semblable dans le cas où le Home Rule lui serait accordé.
Cet honorable monsieur trouve la province de Québec courbée
sous le joug du clergé qui la terrorise et l'empêche de donner une
opinion libre sur les questions politiques. Il trouve que l'influence
du clergé est contraire aux véritables intérêts de la province.
D'après ses prétentions qu'il faut bien accepter venant d'un
penseur si profond^ l'électorat irlandais serait une proie facile
entre les mains du clergé national. Par conséquent il ne faut pas
permettre qu'il y ait un second Québec en Irlande. Ainsi dans l'in-
térêt de l'électeur lui-môme, il faut refuser le Home Rule à la
malheureuse Irlande. Il vaut bien mieux la laisser en butte aux
persécuteurs de John Bull. Il ne faut pas que les irlandais catho-
liques deviennent des crétins comme les catholiques de la pauvre
province de Québec ! !
(l) Vordonnancf de non-lieu équivaut à Ix déclaralion de nos grands jurés :
*' Accusation non/ondée " ou •' No Mil ".
LE PROPAGATEUR
M. Gladstone ne partage heureusement pas les idées du député
de Tyrone, car le 13 février courant il a présenté au parlement
anglais son projet de loi relatif à l'autonomie de l'Irlande. Ce projet
est un peu différent de celui qu'il a présenté en 1886 et il a beau-
coup d'analogie avec l'acte coustitaiionnel du Canada.
L'Irlande aura deux chambres électives, savoir un conseil légis-
latif composé de 48 membres, et une assemblée législative, com-
posée de 103 membres. Les questions de régime intérieur seront
du ressort de ce parlement. Quant aux questions générales de paix
et de guerre, de traités, de commerce, de monnaie etc., elle seront
du ressort du pailement Impérial. Dans ce dernier parlement l'Ir-
lande sera représentée par aO députés, mais ces députés ne pourront
pas voter sur les questions qui ne concerneront que l'Angleterre.
Puisse ce projet du grand homme d'état devenir la loi constitu-
tionnelle de l'Irlande !
Puisse ce malheureux pays jouir enfin delà paix et de la liberté-
telles que nous les possédons ici !
* ,*
/^ le 8 février, au capitole, à Washington,M. Grover Gleveland
a été officiellement proclamé Président des Etats-Unis pour une
période de quatre années à partir du 4 mars prochain. M. Adlai
E. Stevenson a été proclamé vice-président pour la même période.
Les candidats sur les rangs pour la présidence et la vice-prési-
dence, étaient messieurs Gleveland et Stevenson, démocrates, Har-
rison et Reid, républicains, et Weaver et Field, du parti du Peuple.
Voici le résultat du vote du second degré c'est-à-dire le vote
donné par les 444 (1) électeurs présidentiels qui, eux, ont été élus
le 8 novembre dernier avec le mandat impératif de voter pour les
candidats de leur parti respectif.
S. f^
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(!) 223 votes étaient suffisants pour emporter l'élection. ■
LE PROPAGATEUR
Ainsi les candidats démocrates ont eu une majorité de 132 voix
«ur les candidats républicains, et uni majorité de 110 voix sur les
candidats républicains et ceux du parti du peuple réunis.
M. Cleveland est né à Galdwell, comté d'Essex, N. J., en mars
1837. Il est avocat. Il a été maire de Buffalo en 1881 et gouver-
neur de l'état de Xew-York, en 1882. Il a déjà été président des
Etats-Unis de mars 1885 à mars 1889. Son adversaire était James G.
Blaine, mort dernièrement. Aux élections de 1888 il fut défait par
M. Harrison sur qui il vient de remporter une si éclatante victoire,
La famille de M. Cleveland était très pauvre et les commence-
ments de sa carrière furent bien pénibles. Mais à force de travail
et d'énergie, unis à une probité sans tache, il est parvenu au
poste de premier magistrat de son pays.
M. Stevenson est né dans le Keniucky le 23 octobre 1835. Il est
avocat 11 a déjà été député au Congrès et il a occupé la charge de
premier assistant maître général des postes sous la première
administration de M. Cleveland.
*,*
,*^ On célébrait à Notre-Dame, hier soir, le 25e anniversaire du
départ pour Rome du premier détachement des zouaves pontificaux
Canadiens.
C'est le 19 février 1868 que 135 braves laissaient leur patrie
pour voler au secours du Souverain Pontife menacé par les hordes
Garibaldiennes. Le détachement était commandé par M. Joseph
Taillefer et il avait pour chapelains M. l'abbé Edmond Moreau,
curé actuel de Saint-Barthélémy, et M. l'abbé Eucher Lussier, au-
jourd'hui curé de Beauharnois. La veille du départ une foule im-
mense remplissait l'église Notre-Dame pour assister à la bénédic-
tions solennelle du drapeau des Zouaves. La cérémonie fut s[4en-
dide et ceux qui en ont été les heureux témoins en parlent encore
avec enthousiasme. La bénédiction fut faite par Mgr Bourget qui
remit le drapeau entre les mains du commandant Taillefer. Mgr
Laflèche, alors évêque d'Anthédon et actuellement évêque des
Trois-Rivières fit le sermon de circonstance.
La cérémonie d'hier soir a été présidée par Mgr l'archevêque
Fabre et elle a été une magnifique démonstration religieuse, en
tout digne de l'événement mémorable de 1868. Le sermon a été
fait pai M. l'abbé Bourassa, fils du peintre distingué, et petit fils
du grand orateur Louis Joseph Papiaeau.
Un grand nombre d'anciens zouaves assistaient en corps à la cé-
rémonie. Ils étaient revêtus de leur costume de guerre et ils firent
leur entrée dans l'église ayant, à leur tête leur glorieux drapeau,
celui-là même que l'illustre évêque Bourget a béni il y a 25 ans.
Après la cérémonie religieuse il y eut un grand banquet au ca-
binet de lecture. Ce banquet, auquel assistaient les zouaves et
quelques invités, a été présidé par M. le Recorder de Montigny, le
premier zouave Gmadien.
La Minerve de ce matin publie deux des discours qui y ont été
prononcés. Ce sont ceux de M. de Montigny et de M. le sénateur
LE PROPAGATEUR
Tassé, son rédactear en chef. Le discours de M. de Montigny, est
une magnifique défense du clergé Canadien qu'il a éloquemment
vengé des injures de ses détracteurs. Le discours de M. Tassé est
un brillant éloge des Zouaves.
***
/, Aux élections municipales du 1er février M. le sénateur Al-
phonse Desjardins a été élu maire de Montréal. Sa majorité a été
de 142 voix. Son adversaire était M. James McShane le maire sor-
tant de charge.
Les maires de Montréal, depuis son incorporation comme cité
en 1832, ont été Jacques Viger, Peter McGill, Joseph Bourret,
James Ferrier, John E. Mills, Edouard Raymond Fabre, Charles
Wilson, Wolfred Nelson, Henry Starnes,Charles Séraphin Rodier,
Jean Louis Beaudry, William Workman, Charles Joseph. Coursol,
Francis Cassidy, Aldis Bernard, William Haies Hingston, Sévère
Rivard, Honoré Beaugrand,John J. C. Abbott, Jacques Grenier et
James McShane.
Six de ces anciens maires vivent encore, ce sont messieurs
Starnes, Hingston, Beaugrand, Abbott, Grenier et McShane.
M. Fabre était le père de notre archevêque.
Les élections ayant été faites malgré le bref d'injonction accordé
par le juge Doberty, et ordonnant de suspendre les procédés, le
greffier de la cité n'a pas voulu signer la proclamation d'usage.
La cité a contesté le bref d'injonction et a obtenu gain de cause
le 13 février. Le juge Loraiiger a cassé le bref et a déclaré que les
élections étaient légales. En conséquence le greffier a proclamé
immédiatement le maire et les échevins qui avaient été élus le
premier février.
La cause a été inscrite en révision ce qui n'a pas empêché les
nouveaux élus de prêter serment et de prendre leurs sièges.
,", Ont été nommés :
l'* Secrétaire provincial dans le cabinet Greenway, au Manitoba,
M. John D. Cameron, député de Winnipeg-Sud.
2° Sénateur pour le Manitoba, M. John Nesbitt Kirchoffer,
ancien député local de Brandon M. Kirchoffer est avocat, âgé dt
40 ans et natif de la province d'Ontario.
Manitoba a droit à un quatrième sénateur à cause de l'augmen-
tation de sa population et en vertu d'un article de sa constitution.
3° Orateur de l'assemblée législative du Manitoba, M. S. J. Jack-
son, député de Rockwood. L'ouverture de la session de la législa-
ture Manitobaine a eu lieu le deux février.
4° Ministre sans portefeuille dans le cabinet Taillon à Québec,
M. Thomas Chapais, conseiller législatif et rédacteur en chef du
Courrier du Canada.
5° Solliciteur général dans le cabinet Blair, au Nouveau^
Brunsv^^ick, M. A. S. White, député de King. Il remplace M. A. D
Richard qui a donné sa démission.
Alby.
LE DIX-HUITIEME SIECLE
MONARCHIE
ET
RÉVOLUTION
ESSAIS ANECDOCTIQUES
PAR
A. PELLISSIER
Ancien Elève de l'Ecole Normale, Agrégé de philosophie
Professeur de l'Université
Honoré en 1885 d'un prix montyon par l'Académie Française
Eritis sicut Dii.
(Genèse, ch. m, 5.)
Beau volume in-8 de 360 pages Prix : $1.25
Ij'article qal sait est extrait de ce livre.
YOLTAIKE
Déchue du rang où l'avait élevée Louis XIV, humiliée dans sa
politique extérieure, dans son armée, dans sa marine, dans son
administration financière, la France se console par la supériorité
reconnue de ses écrivains qui se donnent pour les interprètes de
la raison, les guides du monde civilisé, et qui tous sont l'objet
d'une admiration fanatique de la part de l'Europe et du monde
civilisé.
Ils doivent cette autorité recoimue sans discussion à deux qua-
lités diamétralement opposées : ils ont tous l'esprit très hardi, ce
LE PROPAGATEUR
qui donne satisfaction à la passion du nouveau ; ils ont tous le
goût très timide et se conforment aux modèles du grand siècle
avec une soumission et un respect qui contentent l'esprit de tradi-
tion et d'ordre ; ils font servir la méthode et le style des conser-
vateurs au triomphe de la cause de la Révolution : Voltaire traduit
Horace ; Mirabeau répète Démosthène.
Voilà pourquoi les écrivains français ont pour admirateurs,
pour disciples et pour patrons les monarques les plus absolus,
Frédéric II de Prusse, Catherine II de Russie, Joseph II d'Autriche.
Cette faveur enthousiaste des étrangers, fait un contraste blessant
avec les persécutions auxquelles les interprètes de l'opinion pu-
blique sont exposés en France de la part d'une police ombrageuse.
L'extension du nom de libelle aux ouvrages les plus sérieux
comme " la Dîme royale " de Vauban et le " Télémaque " de
Fénelon, renouvelle en les aggravant les rigueurs du pouvoir :
Voltaire deux fois rais à la Bastille se décide à vivre hors de
France, Diderot est enfermé trois fois à Vincennes, Raynal n'é-
chappe à la prison que par l'exil volontaire et Beaumarchais par
l'humiliation d'une amende honorable,
Mais cette contradiction entre le gouvernement et l'opinion
tournait contre les pouvoirs publics ; et les auteurs jouissaient
d'un tel crédit que les condamnations leur faisaient honneur et
gloire aux yeux mêmes de leurs juges. Beaumarchais pour ses
Mémoires ayant subi un blâme ; en lui lisant son arrêt, M. de Sar-
tines, lieutenant de police, ajouta : '' Ce n'est pas tout que d'être
blâmé, Monsieur, il faut être modeste ".
La nombreuse et puissante légion des écrivains comporte plu-
sieurs classifications intéressantes. Au point de vue du mérite et
de l'influence, deux classes principales : le premier rang est occupé
par Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Diderot et d'Alembert ; au
deuxième rang. Duclos, Mably, Gondillac, Turgot, Beaumarchais,
Bernardin de Saint-Pierre. Tous sont animés d'une même inspi-
ration : réformer la société d'après les principes fournis par la
raison.
Ce travail, qui se prolonge depuis 1715 jusqu'en 1789, donne
naissance à des systèmes dont la progression révolutionnaire est
marquée par trois périodes historiques auxquelles sont attachés
les trois plus grands noms du dix-huitième siècle.
Une première période qui dure jusqu'en 1750 s'inspire de l'esprit
conciliant et modéré de Montesquieu, qui propose à la France, sur
le modèle de la constitution anglaise, une monarchie tempérée
par un parlement.
La seconde période va jusqu'en 1765 à peu près, c'est le triomphe
de Voltaire concevant pour la France une monarchie, sous le con-
trôle de l'aristocratie de la pensée et de la plume.
La troisième période qui s'étend jusqu'à la fin du siècle, est do-
minée par l'esprit démocratique de Rousseau ; elle proclame le
culte de la simple nature, la souveraineté absolue et inaliénable
de la Nation, et pour loi, le Contrat social.
Mais à travers ces zones distinctes et au-dessus de toutes les dif-
LE PROPAGATEUR
férences de détail, le représentant le plus complet et le plus exact
de l'esprit français au dix-huitième siècle c'est Voltaire.
Faire parler de soi, avoir un nom, conquérir de la gloire, telle
est à vingt ans, la passion dominante de Voltaire. Encouragé,
enivré par une vogue immédiate, il veut devenir l'oracle de l'opi-
nion publique, l'arbitre du goût en toutes choses en France et en
Europe : il le veut et le fait; jamais royauté ne fut acclamée avec
une pareille unanimité. Avocat éloquent et passionné de l'huma-
nité et de la raison, Voltaire sait très habilement faire tourner ces
grands intérêts de son ambition et de son amour propre. Il ne sert
que les causes qui peuvent le servir : il ne respecte absolument
rien, pas même la justice et la vérité ; s'il écrit, " ce n'est pas pour
•être vrai, c'est pour être lu ". Ainsi s'explique l'imperturbable
présomption avec laquelle il multiplie des assertions péremptoires,
sans nui souci des contradictions et des démentis qu'il s'inflige à
lui-même. Qu'est-ce que ces vétilles pour le génie qui prétend
remuer à sa fantaisie toutes les affaires de l'Europe et mener la
civilisation ?
Sa nature militante se trahit dès le débat, il combat, il hait tout
ce qui peut faire obstacle à son triomphe. Enfant du dix-huitième
siècle, il est négatif, incrédule, critique ; il sape, il bat en brèche
toute autorité, même celle de Dieu, partant celle de l'Eglise. A
tout propos et hors de propos, il répète " la raison n'est que d'hier " ;
et sa pensée vraie, sa pensée de foni, c'est : " la raison date de
moi, c'est moi qui suis la raison et la vérité ".
S'il écrit l'histoire, il y porte pour son compte personnel toute
la vanité propre à son siècle. Dans le tableau vivant du passé il ne
cherche que les éléments de son apothéose, il immole tous les
siècles antérieurs à la gloire de son temps, il ne les étudie que
pour les dénigrer et pour prouver qu'une nuit épaisse et longue a
précédé la lumière qu'il apporte comme interprète souverain de la
raison.
Ce but suprême, sa domination intellectuelle, est d'un tel prix
qu'elle justifie à ses yeux tous les moyens et autorise tous les
mensonges. Protégé de Madame de Pompadour, client favori du
duc de Richelieu qu'il appelle son héros, il se fait nommer gen-
tilhomme ordinaire du Roi, historiographe de Louis XV, membre
de l'Académie française. Complaisant et bouffon de Frédéric II, il
épuise en l'honneur de l'impératrice de Russie, toutes les formules
de l'adulation la plus servile et la plus plate. Pour assurer et mé-
nager son crédit, il savait mettre une sorte de circonspection dans
ses plus grandes hardiesses en tout genre,* et mêlait la raillerie et
l'insulte même, à la flagornerie, dans les flatteries adressées à
cette société spirituelle et railleuse dont il reflétait tous les goûts
et toutes les passions ; à la fois très laborieux et très dissipé.
Mais, comme dans les légendes du moyen-âge, sous quelque
forme que le diable se présente, son pied fourchu le trahit, de
même la légèreté irrémédiable du sophiste français éclate presque
à son insu, dès le début de sa carrière : à l'âge de vingt-trois ans,
à la représentation de cette tragédie d'OEdipe dont le mauvais
10 LE PROPAGATEUR
succès pouvait briser son avenir, Voltaire dit tout haut : " Quel
est donc ce jeune homme qui veut faire tomber la pièce ". En
1718, c'était déjà ce Voltaire qui écrivait soixante ans plus
tard : " Un pied dans la tombe, je battrai un entrechat de l'autre
jambe ".
Il avait déjà trente trois ans ets'étaitfait un nom au théâtre par
ses succès et par ses échecs, lorsque, pour échapper à la Bastille,
il alla passer trois années en Angleterre ; c'était en 1727, au
début du règne de Georges II, à l'apogée du ministère de Walpole
dont la politique ne connaissait d'autre moyen d'influence que la
corruption.
Les trois années que Voltaire vécut en Angleterre dans la
société de Bolingbroke et des libres-penseurs lui apprirent à subs-
tituer au scepticisme libertin de Chaulieu et de la société du
Temple une incrédulité fondée sur le raisonnement, d'après la
philosophie de Locke, et sur l'expérience dont les découvertes de
Newton attestaient la valeur scientifique. Ce scepticisme érudit
niait l'importance historique du Christianisme qu'il accusait
d'avoir détruit les belles œuvres de la Civilisation gréco romaine,
et attribuait le prestige de la religion à la fourberie des prêtres :
Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense ;
Notre crédulité fait toute leur science.
Quant il revint, à cette société avide de nouveautés il rapportait
tout à la fois le sensualisme de Locke, l'attraction de Nevi^ton, les
drames de Shakespeare et l'inoculation du vaccin.
Voltaire était alors devenu un réformateur ; il rentrait en France
Bour y ouvrir nne tribune dont l'éloquence révolutionnaire allait
tenir toute l'Europe attentive et presque émerveillée. Il disait
plus tard à propos de son œuvre :
J'ai fait plus pour mon temps que Luther et Calvin.
En effet, depuis 1730 jusqu'à sa mort, par ses tragédies senten-
cieuses et déclamatoires, par ses pamphlets d'une ironie puissante
et d'une raillerie destructive, par ses lettres de toute sorte, par ses
compositions historiques contre l'Eglise et le moyen-âge ; en par-
lant à tous les esprits de ce qui les intéressait le plus vivement à
cette époque : l'homme, sa nature, ses droits, ses intérêts. Voltaire
proposait avec une autorité entraînante la réforme universelle
dont il se croyait l'apôtre et qui devait inaugurer le règne définitif
de la Raison. '
Interprète indiscutable de cette Raison, Voltaire réclamait impéri-
eusement une rénovation religieuse, morale et sociale ; mais sans
nulle pensée de réforme politique. Flatteur de Dubois, pensionné
parle Roi, ami du duc de Richelieu,il s'accommodait assez bien de la
monarchie absolue, pourvu qu'elle le débarrassât des superstitions
religieuses.
Les Lettres Anglaisses sont dirigées contre Descartes et Pascal en
faveur de Locke ; elles professent un déisme épicurien pâle, indé-
LE PROPAGATEUR 11
cis et stérile. La condamnation du Parlement en accrut le succès
et souleva toutes les questions relatives à l'état social, aux moeurs,
aux institutions des peuples. Voltaire supposait que, par une con
séquence naturelle et logique, le gouvernement se plierait aux in-
jonctions de la Raison souveraine et changerait suivant les néces-
sités du temps et des faits ; aussi son unique objectif, son ennemi
personnel, ce fut le Christianisme.
Toutes ses insultes sacrilèges à la morale, à la sainteté, au
patriotisme ne sont que des escarmouches accessoires et acciden-
telles , s'il traduit Newton c'est en vue d'opposer la science et ses
calculs à Moïse, à Jésus-Christ et à l'Eglise catholique. D'ailleurs
il admet avec une impertinence effrontée l'utilité sociale de la
religion :
Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.
Aux hommes d'Etat il répète celte vérité pratique : " N'eussiez-
vous qu'une hourgade à gouverner, vous auriez encore besoin
d'une religion." Pour lui. Dieu n'est pas un être ; c'est un principe
de gouvernement ; sa logique en conçoit la nécessité ; ni son
esprit, ni son cœur n'en sentent la présence.
Tout comme sa religion, sa philanthropie est un calcul. Per-
sonne n'a jamais professé un dédain plus insolent pour tout ce qui
n'est ni riche, ni puissant, ni instruit. Les pauvres, les petits, les
ouvriers, le peuple, il appelle tout cela " canaille bonne à manger
du foin ", Le peuple : " il est à propos qu'il soit guidé et non qu'il
soit instruit ; il n'est pas digne de l'être ; il est essentiel qu'il y ait
des gens ignorants. " bêtes de somme auxquelles il faut un " joug,
un aiguillon et du foin."
Il imprime même dans son Dictionnaire cet aveu trop sincère :
'' J'ai établi des écoles sur mes terres ; mais je les crains."
Peu importe maintenant de savoir si à sa dernière heure Voltaire
s'est repenti du mal qu'il a fait.
Il est mort riche et très riche. En 1778, la fortune mobilière de
Voltaire se montait environ à cent soixante mille livres de rente ;
c'était un revenu d'à peu près cinq cent mille francs de notre
monnaie. Il avait hérité de son père quatre mille livres de rente
et avait rapidement accru sa fortune par le profit d'une édition an-
glaise de la Henriade^ par cinq cent mille livres gagnées à la lotterie ;
par des spéculations auxquelles ses amis de Londres l'avaient as-
socié, par une communauté d'afiaires avec Paris-Duverney, par
l'agiotage sur les grains, par des prêts de toutes sortes à ses amis
de la noblesse dont il tenait les comptes-courants très strictement
à jour. En somme, il était cupide et plus que parcimonieux, tirant
bon parti de ses libéralités apparentes, recommandant à Catherine
II ses montres fabriquées à Ferney par des Suisses réfugiés, et
faisant porter à Madame d'Argenson pour les mettre à la modelas
bas de soie tricotés dans ses magnaneries.
En laissant de côté les détails hideux ou repoussants qui peuvent
être contestés, il reste très probable que si Voltaire mourut sans
recevoir les sacrements, c'est que son entourage s'y opposa.
12 LE PROPAGATEUR
Comme tous les chefs de parti populaire, Voltaire s'éteignit dans
le vide fait autour de lui par les sectaires de son école, jua tourbe
révolutionnaire pratique sans pudeur la politique d'Agrippine,
auprès du lit de Claude expirant :
Je lui laissais sans fruit consumer sa tendresse,
De ses derniers moments je me rendis maîtresse.
^ - Quant à ses insultes politique à la France, elles sont si odieuses
qu'elles mériteraient qu'on renversât toutes les statues qui lui ont
été érigées : " Peuple fat et volage, aussi vaillant au pillage que
lâche dans les combats Le fond de la nation est fou et absurde
et sans une vingtaine de grands hommes je la regarderais comme
la dernière des nations." Voltaire est prussien avec Frédéric, et
russe avec Catherine II. Il a écrit : " Daignez observer, Madame,
que je ne suis point Welche si j'étais plus jeune je me ferais
Russe."
Voltaire est le plus exact représentant de l'esprit français à cette
époque. Ni son temps ni son génie ne le destinaient à la poésie,
aussi n'a-t-il excellé que dans la poésie légère. Mais sa prose est
d'une qualité exquise, simple, naturelle, d'une lumière incompa-
rable. Elle a toutes les perfections secondaires. Toutefois, il lui
manque d'une manière absolue cette énergie divine, ce trait de feu,
ce pathétique, ce sublime qui ne viennent pas de l'esprit, mais du
cœur et que les grands sentiments seuls peuvent enfanter et nourrir.
Il ne sut jamais de quelles choses il faut rire et desquelles il ne
le faut pas. Joubert a bien dit : "■' Voltaire a dépouillé la raison
du sérieux qui fait son autorité. Il eut l'art du style familier.
Ceux qui le louent de son goût confondentle goût avec l'agrément.
11 égayé, il éblouit, c'est la mobilité de l'esprit qu'il flatte et non le
goût. "
Vers 1750, Saint-Simon écrivait cette note dans ses Mémoires :
" Ce mêmes Arouët, devenu grand poète et académicien sous le
nom de Voltaire, est devenu à travers force aventures tragiques
une manière de personnage dans la république des lettres et même
une manière d'important parmi un certain monde." Vingt ans
après on disait de lui " qu'il avait son brelan de rois quatrième ;
Prusse, Suède, Danemarck et Russie." Mais ces faveurs royales
étaient tout à fait intéressées : la prévoyance politique de ces
princes espérait que les nouveautés fatales aux pouvoirs caducs
peuvent servir au progrès des pouvoirs jeunes et qui veulent
grandir.
D'ailleurs les plus grands admirateurs de Voltaire ont pris leur
revanche et Frédéric écrivait à propos de son maître et ami :
" Voltaire est le plus méchant fou que j'aie vu de ma vie. " Un
poète populaire de notre époque. Déranger, a porté un équitable
arrêt contre cette popularité " qui vous monte dessus... c'est tout
simplement l'ancien métier de bouffon de cour ; amuseur de
princes, amuseur de peuples, même chose."
Dans le même sentiment, un publiciste anglais éminent critique,
Jfclacaulay, a tracé d'après nature ce portrait de Voltaire : " Vol-
LE PROPAGATEUR 13
taire est le prince des bouffons. Sa raillerie ns connaît pas de me-
sure. II gambade, il fait des grimaces et se tient les côtes, il se
retrousse le nez, il tire la langue Il ne respecte rien Il ne
voyait que des sujets de plaisanterie même dans la Cause pre-
mière de toutes choses, même dans la redoutable énigme du tom-
beau. Plus le sujet est auguste, plus ses grimaces et ses petits
cris rappellent les allures d'un singe."
Enfin à ceux qui oublient que les philosophes doivent être jugés
par les conséquences de leur enseignement, il n'est pas superflu
de rappeler qu'à la fin du dix-huitième siècle, le dernier repré-
sentant du voltairianisme, de cette école d'impiété iudulgente, de
licence morale et de passion effrénée pour le luxe et le plaisir,
c'est Danton, l'auteur des massacres de septembre.
A. Pellissier.
ZOUAVIANA
ETAPE DE VINGT-CINQ ANS
1868-1893
Lettres de Rome, Souvenirs de voyages, Etades, etc.
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GUSTATE A. DROL.ET
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SAINT-JOSEPH
ÉPOUX DE LA VIERGE MARIE
Par le R. P. Qabriel Bouffier
DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS.
Ouvrage approuvé par S. G. Mgr Hasley, archevêque d'Avignon ;
S. G Mgr Besson, évêque de Nnnes ; S. G. Mgr Vigne, évéque de Digne ;
S. G. Mgr d - Cabrières, évêque de MmlpeUier,
et S. G. Mgr L'hrelon, évêque du Puy.
1 volume in-18, de 476 pages Prix : $0 50
li'artlcle qni sait est extrait de ce livre.
SAUT JOSEPH DÂlfS L'ÉVAJ![&ILE
SECOND ASPECT — LE COTE LUMINEUX.
(Voir Propagateur No 24)
L'Évangile parle peu de Joseph, mais le peu qui est écrit suffit
pour nous instruire, et nous met facilement sur la trace des gloires
qui l'environnent. " Si l'on demande, dit Gerson, comment il se
" fait que la sainte Écriture ne parle pas davantage des préroga-
" tives, de la dignité, des grandeurs et des œuvres de Saint Joseph,
" on peut répondre d'abord que Joseph étant l'Époux de Marie, ce
" litre seul renferme la source la plus féconde, la plus intarissable
" de tout ce qu'on peut dire à la louange de ce grand saint. " Un
autre grand serviteur de Saint Joseph répond avec Gerson :
" Quoique peu de choses aient été écrites sur Saint Joseph, nous
"■ pouvons dire néanmoins que si on sait méditer et développer ce
" qui est écrit, on trouvera et comprendra facilement ce qui est
" sous-entendu."
Reprenons donc l'Évangile, méditons avec piété le peu qui est
écrit, et compreinons ce qui est sous-entendu. Nous avons considéré
Saint Joseph par ses dehors obscurs, du côté de la terre et du côté
des hommes ; contemplons-le maintenant du côté du ciel et du côté
de Dieu, nous verrons les ombres disparaître, les ténèbres se dis-
siper, et briller sa gloire et ses grandeurs.
LE PROPAGATEUR 15
Le ciel s'entr'ouvre ; quatre rayons descendent, ils enveloppent
Saint Joseph, et le parent d'une incomparable beauté. Ces rayons
ne sont que le reflet des merveilles qu'il a voilées. Les mystères
cachés dans les abaissement de sa modeste existence projettent sur
lui l'éclat de leurs grandeurs. Il a concentré toute leur lumière
pour la dérober aux regards des hommes ; cette lumière l'entoure
d'une splendeur céleste, et couronne son front d'une auréole sans
égale dans les fastes de la sainteté.
Bien différente en effet de celle des autres élus de Dieu, la gloire
de ce Saint ne vient pas uniquement de ses vertus, de son humilité
si profonde, de sa virginité incomparable ; sa gloire particulière,
qui lui assigne sa place d'honneur parmi les Saints vient du milieu
où il est placé et du ministère qu'il a rempli. Ce milieu est le
centre même des grandes œuvres divines, et sa gloire est le rayon-
nement de celles qu'elles répandent.
C'est d'abord le rayonnement de la gloire de Marie : Saint Joseph
a couvert de ses obscurité ses grandeurs de la Vierge sans tache ;
il a voilé le prodige de sa maternité et de sa virginité. Sa gloire
sort de cette ombre ; les grandeurs de Marie projettent sur lui leur
lumière ; et c'est son honneur incomparable d'avoir été son époux.
Le second rayon vient du Saint-Esprit : Saint Joseph a partagé
avec le Saint-Esprit le titre glorieux d'époux de Marie. Enveloppant
la divine mère de Jésus de ses affections virginales, il a caché aux
yeux des hommes les mystérieuses opérations de la vertu du Très-
Haut. Sa gloire sort de cette ombre; les grandeurs du Saint-Esprit
se reflètent sur lui, et c'est son honneur incomparable d'avoir été
son représentant.
Le troisième rayon vient de Notre-Seigneur. L'Homme-Dieu a
passé les longues années de son enfance et de son adolence sous le
toit de Saint Joseph. L'humble ouvrier de Nazareth a obscurci
pendant trente ans les splendeurs divines du Verbe fait chair. Sa
gloire sort de cette ombre, les grandeurs du fils de Dieu se reflètent
sur lui ; et c'est son honneur incomparable d'avoir été son père
adoptif.
Saint Joseph, enfin, a prêté au Père céleste le concours de son
obscure paternité ; il a été l'instrument silencieux du Père dans
les fonctions qu'il a remplies auprès de Jésus, dans la sainte
famille. Sa gloire sort de cette ombre, les grandeurs du Père se
reflètent sur lui ; et c'est son honneur incomparable d'avoir été,
ici-bas, son image.
Que ces titres sont beaux ! qu'ils sont dignes de toute notre ad-
miration ! comparons-nous-les à ceux des autres saints, aux titres
qui ornent leurs noms vénérés, patriarches, prophètes, apôtres,
martyrs, confesseurs. Qui ne voit que la gloire de Saint Joseph
surpasse celle de tous, qu'elle est unique dans le plan de la ré-
demption, que ses grandeurs sont sans pareilles, après celles de la
Vierge Marie ; que Saint Joseph est véritablement un élu à part,
un saint exceptionnel, et, que pour lui, il y a, après la Vierge son
épouse, un ordre distinct, tout spécial de grâces, de privilèges,
d'honneur, de vertus et de béatitude.
16 LE PROPAGATEUR
Et maintenant, si vous voulez savoir quel est cet ordre spécial
et distinct qui est la source des grandeurs de Saint Joseph ; il faut
remonter jusqu'à l'ordre éminent de l'union hypostatique du
Verbe divin avec la nature humaine.
D'après le sentiment des docteurs, l'ordre de l'union hyposta-
tique est de tous les ordres surnaturels le plus grand, le plus élevé,
et le plus beau ; la théologie, parcourant et mesurant les vastes
horizons du monde de la grâce, ne connaît rien de plus sublime.
Un effet, l'union hypostatique est la base essentielle de tout l'ordre
surna'.urel, elle en"est le centre nécessaire et divin, elle en est la pier-
re angulaire ; tout repose sur ce fondement preraier,et Dieu lui-mê-
me, dans sa toute puissance, ne pouvait en placer un autre qui lui
soit supérieur. Ce qui donne, d'après Saint Paul, à l'ordre prophé-
tique dans l'ancien Testament, et à l'ordre apostolique dans le
nouveau, le caractère de leur dignité suréminente qui les met au-
dessus de tous les autres ordres des saints, c'est que ces deux
ordres se rattachent plus directement à Notre-Seigneur ; et qu'é
tablis sur la pierre angulaire, ils sont respectivement pour le temps
auquel ils appartiennent, les fondements de l'Eglise de Jésus-
Christ sur la terre. Mais si tel est le privilège des apôtres et des
prophètes à cause de leur adhérence à la pierre angulaire qui les
met plus près que les autres du mystère de l'union hypostatique^
que sera-ce donc de Saint Joseph ? Est-ce que celui qui a porté
Jésus dans ses bras, qui l'a serré sur son cœur, qui l'a protégé
contre ses ennemis, qui l'a nourri dans son exil, qui l'a élevé sous
son toit, qui l'a entouré de sa tendresse, ne lui est pas uni davan-
tage que ceux qui ont annoncé sa venue, ou qui ont prêché son
Evangile ? Le père adoptif de l'enfant et l'époux de la mère serait-
il donc d'un ordre inférieur à l'ordre de ceux qui n'ont été que les
serviteurs du fils et les serviteurs de la mère ? L'Evangéliste a
tranché la question ; et en unissant constamment Saint Joseph à
Jésus et à Marie, il a relevé l'ordre supérieur auquel Saint Joseph
appartient, et nous a appris jusqu'à quel point il y entre pour sa
part, et comment il partage avec eux et par eux, dans la mesure
du ministère qu'il remplit la gloire de cet ordre suréminent. C'est
ainsi que tout er; parlant peu de Saint Joseph, l'Evangile toutefois
lui donne la meilleure part ; il le sépare des autres saints, et le
place dans l'ordre le plus élevé, à côté de Jésus et de Marie.
Contemplons-le dans ces hautes régions, entouré de la lumière
que répandent les quatre rayons de la gloire céleste, au sein des
sublimes clartés, descendant" du Père, descendant du Saint-Esprit,
descendant de Jésus, descendant de Marie. Ces clartés l'environnent
d'un éclat si resplendissant, le couvrent d'une majesté si haute,
lui donnent une beauté si incomparable, qu'un de ses dévots ser-
viteurs ne craint pas de dire : " Que l'auguste Saint Joseph est la
chose du monde la plus grande^ la plus célèbre^ la plus incompréhen-
sible.... que ce Saint est hors d'état d'être compris parles esprits des
hommes, en sorte que la foi doit nous servir de supplément pour ado~
rer en lui ce que nous ne saurions y comprendre. Ne cherchez donc
pas à comprendre qu'il vous suffise d'admirer et de bénir. Joseph.
LE PROPAGATEUR 17
est grand des grandeurs du Père, Joseph, est grand des grandeurs
de Jésus, Joseph est grand des grandeurs de Marie, Joseph est
grand des grandeurs du Saint-Esprit ; il est beau de toutes ces cé-
lestes beautés réunies ; sa gloire est un mélange de ces gloires di-
verses qui viennent confondre leur éclat sur son front. Elle est
d'autant plus brillante et plus pure qu'elle sort tout entière des
grandeurs qu'il a voilées : et Saint Joseph, au milieu du nimbe
divin qui l'environne, est comme le cristal sur lequel quatre
soleils versent leurs rayons et qui resplendit de leurs feux.
R. P. Gabriel Bouffier.
VIE DE SAINT-JOSEPH
D'APRES ANNE-CATHERINE EMMERICH
AVEC DES CONSIDÉRATIONS, PRATIQUES ET PRIÈRES
PAR
C. F. FOrET
Curé doyen de Routot, chanoine honoraire d'Evreux.
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3° Beati Joannis Baptistge de la Salle.
4° SS. Zenonis et Sociorum.
5*^ Octava S. Annse.
6^ Sancti Pétri Claver.
7° Sancti Leonardi A. Portu Mauritio.
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A L. B Y
■ 01
SERVITUDES
Question. Les servitudes qui n'ont pas été enregistrées (^ans
le délai du statut de 18B1 (44-45 Victoria, Ghap. 16,) et des statuts
en amendement de 1883, (46 V. G. 25), et de 1884 (47 V. G. 15,)
sont-elles éteintes définitivement ? Quid du renouvellement d'en-
registrement des mêmes servitudes ?
Clerc notaire.
Réponse. Les servitudes qui n'ont pas été enregistrées dans
les délais prescrits sont éleinies définitivement à l'égard des tiers
qui ont acquis la propriété sans charge de ces servitudes.
L'article 5834 S. R. P. Q., devenu l'article 2116 a. du code civil,
décrête que :
A défaut d'enregistrement.^ nulle servitude réelle., contractuelle^
dUcontinue et non apparente., n'a d'effet vis-à-vis des tiers acquéreurs
et créanciers subséquents dont les droits ont été enregistrés.
En vertu de l'article 7 (1) du statut 44-45 Vict. G. 16, l'article
2172 du code civil (Art. 5844 S. R. P. Q.) est appliquable aux
servitudes. En conséquence leur enregistrement doit être renou-
velé dans les deux ans qui suivent la mise en vigueur des plans
et livres de renvoi officiels. Le défaut de renouvellement ne pro-
fite qu'aux tiers. A l'égard des propriétaires entr'eux, et à l'égard
de leurs héritiers, il n'y a pas libération. Le propriétaire du fonds
dominant peut, en tout temps, faire le renouvellement.
REFUS DE SAGREMENTS (2)
Action en dommages
Voici une partie du jugement rendu en Gour supérieure à Mon-
tréal, le 7 Janvier dernier par Mr. le juge Tellier
Re Davignon vs. Mr. i.'abbé Lesage.
La Gour
Considérant que le demandeur, par son action, réclame la somme de cinq
cents piastres, pour les dommages qu'il allègue lui avoir été causés par le fait
que le défendeur aurait, le 26 Juillet dernier, sans cause ni raison légales, refusé
de baptiser et inscrire sur les registres de l'état civil de la paroisse St Joseph
de Chambly, l'enfant nouveau-né du demandeur ;
En ce qui tonche le prétendu refus d'administrer le sacrement de baptême à
l'enfant du demandeur,
Considérant qu'il est constaté, en fait, qu'il n'a jamais été question de ce
(1) Cet article 7 n'est pas compris dans les Statuts Refondas, mais il est encore
en vigueur et il est reproduit intégralement à la page 90 du " Complément des
Sla\.u\s Refondus. "
(1) Voir le précédent numéro, page 721.
LE PROPAGATEUR 19
baptême avec le défendeur, et que par conséquent, il n'y a pas eu, ni pu y avoir,
de sa part, refus du sacrement de baptême ; qa'aussi à cet égard, la demande
du demandeur est sans aucun fondement.
Considérant que si l'administration aes sacrements est du ressort de l'autorité
ecclésiastique, la participation aux sacrements est un droit qui appartient à tous
les membres de la communion catholique et qui ne peut être soumis dans son
exercice à des conditions ou à des exigences arbitraires ; que lorsqu'il n'y a que
le refus de sacrement, sans accompagnement d'injure articulée et personnelle,
il n'y a lieu qu'à l'appel simple devant fautorité ecclésiastique compétente, dans
l'ordre de la conscience et selon les règles et l'application des canons ; et que
le pouvoir temporel ne devient compétent qu'autant que des injures, des ou-
trages, l'oppression, le scandale, se joignent à ce refus, lui donnent un carac-
tère qu'il n'a pas par lui-même et font éprouver des dommages dans les biens et
les droits civils ;
Considérant que, dans l'espèce, il n'existe aucune des éventualités pouvant
justifier l'action du demandeur ;
En ce qui touche le prétendu refus d'inscrire l'enfant du demandeur sur les
registres de l'état civil de la paroisse de St-Joseph de Chambly;
Considérant qu'il est constaté, en fait, que le demandeur n'a jamais demandé
au défendeur ni à son vicaire, d'inscrire son enfant sur les Registres de l'Etat
civil, et que par conséquent, il n'y a pas eu ni pu y avoir de leur part, refus de
faire telle inscription ; qu'ainsi à cet égard, la demande du demandeur est sans
fondement ;
Considérant en outre que par le code civil, de même que par les statu '.s et ordon.
nances antérieures, les curés, vicaires, prêtres ou ministres desservant les
églises, congrégations ou sociétés religieuses autorisés à tenir les registres de
l'état civil, ne sont tenus que de dresser et enregistrer les actes des baptêmes.
mariages et sépultures faits par eux, dans l'exercice de leurs fonctions religieuses ;
qu'ils ne sont pas des fonctionnaires civils dans le sens légal du mot ; qu'ils ne
sont jjas tenus d'enregistrer la naissance des enfants dont ils ne font pasjle baptême
et que le législateur l'a compris ainsi, puisqu'il a imposé ce droit à d'autres
personnes par une loi qui est reproduite dans l'article 53a du code civil. (1)
Considérant que le défendeur a justifié les allégations essentielles de son
deuxième plaidoyer et que le demandeur n'a pas justifié les allégations de sa
demande maintient ce plaidoyer du défendeur et déboute le demandeur de sa
demande et action avec dépens, etc.
AUX CORRESPONDANTS
A M. S. A., notaire, à M. Le projet de loi auquel vous faites al-
lusion a pour but de rétablir l'article 1208 du code civil. S'il
devient loi vous devrez avoir un témoin instrumentaire chaque
fois qu'une partie à un acte sera incapable de le signer. La légis-
lature a commis une grande faute lorsqu'elle a amendé l'article
1208. Cet article était une sauvegarde pour les notaires dans
l'exercice de leurs délicates fonctions et il inspirait plus de
confiance au public.
A M. l'abbé , Ste H... Oui. Si vous désirez des citations
écrivez et je vous répondrai par lettre,
(1{ L'article 53 du code civil punit d'amende de à quatre-vingt-huit piastres les contraventions
aux dispositions du titre " Des actes de l'état civil. ''
L'article ô3a., ou l'article 5784 S. K. P. Q-, pourvoit à l'enregistrement de la naissance des
enfants non baptisés, etc. Cet enregistrement doit être fait au bureau du secrétaire-tréBorier on
-du greffier de la mtinicipalité ou cité du domicile.
INSTALLATION D'UNE COUR
DE
FORESTIERS CATHOLIQUES
Lk COUR OLIER No 326
Dimanche soir, 29 janvier 1893, à la salle des Commis-Marchands,
122 rue Saint-Denis, avait lieu l'ouverture d'une nouvelle Cour
de I'Ordre des Forestiers Catholiques, sous le nom de Cour
OLIER No 326, ainsi que l'élection de ses officiers dont les noms
suivent :
Rév. Mr Jean Filiatrault, P. S. S., Chapelain ; Mr le Dr L- A. Geo. Jacquks,
Chef-Ranger, M. Joseph Gariepy, Vice-Chef-Ranger \ M. le Dr Charles Daigle, Mé-
decin examinateur •■, M. Henry Martineau, Secrétaire- Archiviste ; M. Avila Deom, Secré-
taire-Financier ; M. Alexandre Filion, Trésorier ; M. Orphir Paiement, 1er Conduc-
teur ; M. Joseph Labonté, 2me Conducteur ; M. Jos Jean, fils et M. Chs Pageau,
Sentinelles ; M. Jos. Jean, père, M. Hormisdas Loiselle, et M. J. B. 'Richtv, Syndic».
Etaient présents : Le Rév. Mr Deguire, P. S. S., curé de l'église
Saint-Jacques ; le Rev. Mr Jean Filiatrault, P. S. S., aussi de
l'église Saint Jacques et Chapelain de la Cour Olier ; Messieurs
J. P. Coutlée, D. G. C. E. et député spécialement par la Haute
Cour de l'Ordre pour celte installation ; J. D. Coutlée, D. G. C. R.
de la Cour Ville-Marie, F. X. Lafond, D. G. C. R. de la Cour du
Sacré-Cœur ; J. T. L'Ecuyer, M. D., de la Cour Saint-Pierre ; A.
L. Lévesque, D. Séguin, P. McDonald, officiers de la Cour Saint-
Jacques ; un bon nombre d'amis ; et les membres de la Cour
Olier. Cette Cour a été fondée par le Dr L. A. Geo. Jacques assisté de
Mr H. Martineau de la maison Letendre et Arsenault, de cette ville.
Le Docteur Jacques, après avoir été élu et instal'é Chef-Ranger
de la Cour ULIER, remercia les assistants de leur bienveillant
concours et leur indiqua le but de la nouvelle société dans les
termes suivants :
Mr le Curé,
Vénéré Chapalain,
Député Grand-Chef,
Bien-aiméa Frères,
Messieurs,
Je suis particulièrement heureux et fier de voir la CouE Olier de l'Ordre de»
Forestiers Catholiques prendre naissance sous de si heureux auspices et au milieu
d'un concours d'âmes aussi distinguées de toutes manières que celles dont la
LE PROPAGATEUR 21
présence nous honore ce soir. Aussi cette jeune et humble Cour vous dit-elle par
ma voix autorisée : Merci et reconnaissance à tous. Mais d"abord, s'il vous plait,
merci et reconnaissance à Dieu, qui, par un pur effet de sa miséricorde, a bien voulu
nous faire surgir du sein inépuisable de son Église, si fertile toujours en bonnes
œuvres pour procurer la gloire de Dieu et le bien spirituel et temporel de notre
pauvre humanité. Notre œuvre est certainement de Dieu, et elle restera à Dieu. La
présence du prêtre à notre berceau nous le dit. Oui, mes Frères, la présence et la
bénédiction du Prêtre sont un sûr garant de la présence et de la bénédiction du
Bon Dieu sur notre Cour, et sur nous tous. Donc merci, mille fois merci à Dieu.
Merci encore à la Divine Providence de nous avoir donné un si puissant Patron
de notre Cour dans la personne du Saint Fondateur de la Compagnie de Saint
Sulpice, le si bon et si pieux Monsieur OLIER. Quelle reconnaissance nous devons
à Dieu de nous avoir laissé prendre vie, en ce jour au milieu d'une paroisse dirigée
par les Enfants de M. OLIER, et spécialement de nous avoir donné pour Chapelain
un prêtre estimé de tous et appartenant à l'illustre Compagnie de Saint-Sulpice, le
Révérend Messire Jean Filiatrault de l'église Saint- Jacques.
Vous savez tous, messieurs et mes Frères, quel rôle a joué M. OLIER et quel rôle
il jone encore par ses enfants au milieu de nous. Dieu seul peut apprécier leur part
de contribution, depuis sa naissance, au bien spirituel et temporel de cette belle cité
de Marie. Fasse le ciel que par notre zèle à suivre leurs avis, et notre entière
soumission à leurs ordres nous essuyons un peu de la boue que la rage du démon
leur fait jeter à la figure, ainsi qu'à celle du vénérable archevêque que nous sommes
si fiers d'avoir à notre tête en ce diocèse.
Merci encore à la Divine Providence de l'attention délicate qu'elle a eue, sans
participation de notre part, de nous faire ouvrir cette Cour le jour de la fête d'un
Saint aussi grand que Saint-François de Sales, ce maître si estimé de la vie spirituelle,
à laquelle nous devons nous adonner, tout en ne négligeant pas de travailler suivant
la volonté de Dieu à notre bien temporel et à ceux de nos familles.
En formant cette Cour, nous avons l'intention formelle de ne pas oublier que Dieu
dans le premier commandement qu'il nous a donné a dit : Un seul Dieu tu adoreras
et Sivax&ï&5 parfaitement. Tous les chrétiens, et spécialement les Forestiers Catholiques
sont donc obligés d'aimer le Bon Dieu, non pas seulement qu'un peu, raa.i'è parfai-
tement, c'est-à-dire autant qu' il nous en fera la grâce et nous en donnera les moyens.
Nous voulons aussi ne pas mentira Dieu tous les jours, lorsque dans la prière qu'il
a composée lui-même pour nous il nous fait dire : Que votre Nom soit sauctifié, que
votre Règne arrive que votre Volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Il faut
donc, si nous ne voulons pas insulter Dieu chaque fois que nous la récitons, que
nous travaillions de toutes nos forces, comme font lesjAnges et les Saints du ciel, à
faire glorifier le nom de Dieu par nous et autour de nous, à faire arriver son règne
dans nos cœurs, et à accomplir et faire accomplir la Sainte Volonté de Dieu en nous,
par nous et autour de nous, autant qu'il nous est possible.
Dieu soit donc mille fois béni d'avoir placé notre Bel Ordre, et spécialement cette
Cour, sous la direction de ses Ministres, afin qu'ils nous enseignent comment on s'y
prend pour sauvegarder nos intérêts spirituels tout en ne négligeant pas nos intérêts
temporels et ceux de nos familles ; afin, pour résumer, qu'ils nous empêchent de
nous égarer dans la route du Ciel.
Messieurs et bien aimés Frères, j'ai laissé un peu trop tôt nos deux protecteurs,
M. OLIER et Saint François de Sales. Permettez-moi à leur sujet une petite digres-
sion qui nous fera voir davantage que Dieu est avec nous en cette œuvre. M. OLIER,
22 LE PROPAGATEUR
tout jeune enfant, laissait déjà voir un esprit vif, une nature toute de feu. Sa digne-
mère Madame Olier, en conçut de vives inquiétudes pour l'avenir de son fils. Avec
un esprit et une nature pareils, n'y avait-il pas à craindre qu'il ne manquât de sagesse
et de modération, et qu'emporté par son caractère il ne s'écartât de la ligne droite
c'est-à-dire du chemin du Ciel ? Un jour que Saint François de Sales, l'ami de la
famille Olier, s'était arrêté sous leur toit, madame Olier en profita pour lui faire
part de ses angoisses. Le saint Évêque de Genève, se recueilit dans une fervente
prière et ayant invoqué l'Esprit de Dieu, il bénit le jeune Olier et dit à sa mère
qu'elle eut à changer ses craintes en actions de grâces, parceque Dieu avait choisi
cet enfant pour sa Gloire et pour le Bien de son Eglise. Vous savez tous s'il a prédit
juste, et quelle gloire a procuré et procure encore à Dieu l'illustre famille de M-
OLIER, et quel bien elle a fait et fait tous les jours à son Église.
Si l'Église entière doit de la reconnaissance à M. OLIER et à ses fidèles enfants,
quelle ne doit pas être la nôtre, à nous surtout Canadiens-français qui leur devons
tout. Qui a conçu l'idée et favorisé davantage le projet de fonder cette cité d^"
Marie? n'est-ce pas M. OLIER ? Qui a surtout pourvu depuis des siècles aux besoins
spirituels de cette Ville ? Ne sont ce pas les enfants de M. OLIER ? N'est-ce pas
encore M. le Seigneur de Saint-Sulpice, le Révérend M. Colin, qui vient de nous
accorder un chapelain pour cette Cour, afin d'entretenir et de fortifier en nous cette
vie spirituelle sans laquelle nos œuvres seraient mortes pour l'éternité ?
Messieurs et mes bien-aimés Frères, Dieu dont le Doigt marque au cadran du
temps tous les événements qui surviennent ici-bas, petits ou grands, Dieu dis-je a
eu certainement un dessein particulier de miséricorde sur nous en plaçant ainsi
l'ouverture de notre chère CooR OLIER au jour de la Fête de Saint François de
Sales. Il me semble que ce grand Saint bénit en ce moment cette œuvre, fille de
notre Mère la Sainte Eglise, comme il bénissait autrefois le fils de Madame Olier.
Et ne l'entendez-vous pas comme moi dire à la Sainte-Eglise, en lui parlant de cette
Cour qui vient de lui naître,les même paroles qu'il adressait jadis à la mère du jeune
enfant qui allait devenir le Fondateur de Saint Sulpice : cessez vos craintes, tendre
Mère, et rendez grâces à Dieu. Cette enfant si faible, et dont la légèreté du jeune
âge ou la vivacité du caractère vous donne peut-être des inquiétudes pour 1 "avenir',
cette enfant sera plus tard votre gloire et votre consolation ?
Mes Frères, Celui qui de rien a tout fait a-t-il, dites moi, perdu de sa puissance ?
Ne peut-il pas sous le souffle du Saint-Esprit dirigé par l'Église, faire de cette si
petite Cour une grande et bonne Fille qui deviendra la consolation de sa Mère ?
Rappelons-nous, Frères Forestiers, que l'Ordre si Catholique qui nous reçoit au-
jourd'hui en nous mettant à l'abri de sa constitution si chrétienne, est une société
fondée dans le but d'arracher au démon les âmes qu'il cherche à entraîner au moyen
des Sociétés secrètes, surtout au moyen de la Franc-Maçonnerie. Nous sommes
comme chrétiens, et plus spécialement comme Forestiers, des soldats du Christ.
Pour armes Dieu nous donne la Croix. Avec elle qu'avons-nous à craindre ?
La Croix en mains, le dévouement dans l'âme, et la prière au cœur nous sommes
invincibles. Mais prenons bien garde de la laisser rouiller cette arme divine par la
négligence, l'oubli de nos devoirs, et par ce misérable respect humain, qui est la
plus fine invention du diable pour éloigner les âmes de leurs devoirs envers Dieu et
envers le prochain et les attirer à lui pour les perdre à jamais.
Avec la Croix, le dévouement où le sacrifice et la prière, on a en mains le Passe-
partout du Bon Dieu. Nous saurons bien avec passer à travers tous les ennemis et.
tons les obstacles et arriver sûrement au Ciel, dont M. OLIER et Saint François de
LE PROPAGATEUR 23
Salea nous iadiquent aujourd'hui le chemia, et où nous attendent Jésua, Marie et
tant de frères qui nous y ont précédés.
Messieurs et mes bien-aimés Frères, je ne voulais pas être long, et je m'aperçois
que je le deviens. Un instant seulement et je laisse la parole à de plus dîfenes. Je
vous dirai en deux mots quel est notre programme. C'est celui de l'Ordre entier
des Forestiers Catholiques, c'est celui qui régit les 325 cours forméesjavant la nôtre,
c'est celui que suivent les 34.000 Forestiers Catholiques, à la suite desquels nous
voulons désormais gravir le rude sentier qui conduit à l'éternité. Ce programme a
la plus noble origine, puisqu'il est descendu du ciel tout droit. C'est Notre-Seigneur
Jésus-Christ, lors de son voyage sur cette terre, qui nous l'a apporté lui-même, et
nous l'a donné et conservé par son Eglise dans l'Evangile. Il se résume en deux
mots, je l'ai dit déjà : Aimez Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes vos
forces, et le prochain comvie vous-même pour V amour de Dieu. C'est là notre pro-
gramme. Nous n'y avons rien ajouté, nous n'y ajouterons jamais rien. Il est le but
de la constitution de tout l'ordre des Forestiers Catholiques, où il est exprimé ainsi :
" Le but de cette organisation sera de promouvoir l'amitié, l'union et la véritable
" Charité catholique entre ses membres. L'amitié, en se portant secours les uns aux
" autres par tous les moyens honorables en leur pouvoir. L'union, en s'unissant
" pour secours mutuels en cas de maladie et en cas de mort, et en pourvoyant^aux
" besoins des veuves et des orphelins des Frères défunts. La charité chrétienne, en
■' faisant aux autres ce que nous voudrions qui nous fût fait à nous-mêmes.
Mr le Curé et Vénéré Chapelain, avant de finir, il me reste au nom de la Cour à
vous demander une faveur, c'est votre bénédiction et celle de Dieu sur notre œuvre
et sur tous ses membres devenus aujourd'hui vos enfants.
Frère L. A. Geo JACQUES, M. D.
Chef Ranger de la Cour Olier.
Tous s'agenouillèrent et, au milieu d'un religieux silence, s'in-
clinèrent sous la Bénédiction de Dieu descendant du ciel par les
mains de ses Ministres.
Mr le Curé adressa quelques paroles de félicitation et d'encou-
ragement aux membres, les assurant du succès de leur Cour,
naissant sous de si heureux auspices, s'ils restaient fidèles au pro-
gramme qui venait de leur être tracé. Le Rév. Mr Filiatrault leur
promit son concours pour promouvoir la partie spirituelle de
l'œuvre. Et après quelques paroles d'encouragement des trois
députés Grand-Chef Ranger J. P. Goutlée, J. D. Goutlée, F. X.
Lafond, et des Frères Lévesque, McDonald et Séguin, la séance
fut close, sous le regard de Marie, par la récitation du Sub tuum.
Almanach-Annuaire du Clergé Canadien
Publié par CADIEUX & DEROME
I»ovir l'année 1S03
Septième année— Prix — 25 centins
LE
PAROISSIEN
NOTÉ
Contenant : l'Ordinaire de la Messe,
Prières pour la Confession, et la Communion, le Chemin
DE LA Croix, le Propre du Temps,
le Propre des Saints, le Commun des Saints, Messe votives,
Saluts du Saint-Sacrement, etc.
QUATRIÈME ÉDITION
AUGMENTÉE DES OFFICES NOUVELLEMENT CONCÉDÉS
1 vol. in-18 de 980 pages,relié en toile $1.00 chaque, $10.80 la doz.
demi reliure en cuir S 1.35 chaque, $13.50 la douzaine.
En publiant cette quatrième édition du Paroissien Noté, l'édi-
teur espère rencontrer le désir d'un grand nombre de personnes
pieuses, et surtout de celles qui s'occupent spécialement de con-
tribuer à la solennité des offices religieux. Ce volume est de
beaucoup supérieur à l'ancien, déjà si bien vu du public, tant par
la perfection de l'exécution que par les matières nouvelles qu'il
renferme.
D'abord, il est préférable sous le rapport de l'impression et de
la correction : l'impression en est plus nette, et un certain nombre
de fautes, qui s'étaient glissées dans l'édition précédente, ont été
éliminées soigneusement de celle-ci.
Mais son principal mérite consiste dans les matières nouvelles,
qui en font un ouvrage indispensable à toutes les fabriques. Sans
parler des intonations de tous les psaumes, — amélioration de la
plus haute importance qui rencontrera certainement le voeu d'un
grand nombre, — on trouvera dans ce volume tous les offices nou-
veaux, et de plus les messes des Lundi, Mardi et Mercredi de la
Semaine Sainte. Or, la plupart de ces offices nouveaux et ces trois
dernières messes ne se trouvant pas dans les Graduels et Vespéraux
jusqu'ici en usage, le présent volume remplit une lacune souvent
regrettable, et il devient nécessaire de le mettre entre les mains
des chantres et autres personnes qui s'occupent du chant d'Eglise.
Ces diverses améliorations, qui complètent un ouvrage déjà si
estimé du pubUc. forment denx cents pages de matières nouvelles,
et font espérer à l'éditeur que le soin tout particulier par lui ap-
porté à cette édition, sera bien vu du public et contribuera, en
popularisant davantage le chant liturgique, à la gloire de Dieu et
au salut des âmes.
HISTOIRE UNIVERSELLE
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PAR
ROHRBACHER
CONTINUÉE JUSQU'A NOS JOURS
Pur M. Pabbé C}UIL.L.AU]!ltE
chan. hon., prof, au grand séminaire de Verdun
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LE VANNIER DE CHEVRELOUP
A SOxN ALTESSE ROYALE LA DUCHESSE DE PARME-
Corona senum, multa peritia r
et gloria illorum, limor Dei.
Eccli., XXV, 8.
En 1789, tout auprès de l'étang de Ghèvreloup, au nord-ouest de
Trianon, et sur les confins d'une vaste oseraie, s'élevait la chau-
mière du père Panier, maître vannier connu à trois lieues à la
ronde pour son habileté à tresser de jolies corbeilles. Le brave
homme était paralysé des jambes, mais il avait conservé toute
l'activité de ses mains ; et son fils, qui tenait une petite boutique
sur le marché de Versailles, n'était pas moins bon ouvrier que lui.
La troisième et la quatrième génération des Panier se composait
du petit-fils, Noël Panier ; de sa femme Babet, jeune et active
ménagère, et de leurs quatre enfants, dont l'aînée, Marguerite,
avait huit ans ; la seconde, Rose, six ans, et les deux petits garçons
jumeaux, un peu moins d'un an.
On était à la mi-juin. Un beau matin, Babet dit à ses petites
filles en achevant de les habiller :
— Margoton, Rosichon, vous allez prendre chacune un de ces
paniers d'œufs, et vous les porterez chez bonne maman Berly, à
la porte Saint-Antoine. Vous la prierez de ma part de les vendre
avec les siens, le mieux qu'elle pourra. Ayez soin de marcher
doucement, afin de ne pas casser les œufs ; suivez tout du long
l'allée du Rendez- Vous, et donnez-vous garde d'aller batifoler dans
les prés. Si vous êtes lasses, vous vous asseoirez, mais sans quitter
vos œufs. Pataud ira avec vou?, et portera un panier de fraises,
que bonne maman vendra aussi. — Ici, Pataud I
Pataud, qui n'était qu'un gros chien, mais qui comprenait le
français comme une personne naturelle, accourut tout joyeux.
Babet lui recommanda de bien protéger ses petites maîtresses, mit
dans sa gueule l'anse du panier couvert qui contenait les fraises,
embrassa ses filles, et congédia la petite caravane.
Elle suivit longtemps des yeux ses fillettes, si accortes et si pro-
prettes avec leurs cotillons rayés noir et blanc, leurs grands cha-
peaux de paille, leurs tabliers rouges à bavette bien épingles, et
leurs bas bleus soigneusement tirés au-dessus des petits souliers à
boucles qui serraient leurs pieds mignons. Puis, quand, au détour
du chemin, elles lui eurent envoyé un baiser et disparurent der-
rière la haie d'aubépine, la jeune mère retourna vers ses deux
nourrissons.
LE PROPAGATEUR 27
Il faisait déjà bien chaud, et, à peine arrivée à moitié cbemin^
la petite Rose demanda à se reposer. Margot le roulut bien, mais
à la condition qu'elles feraient encore une centaine de pas, afm
d'aller s'asseoir près d'un saut-de-loup d'où l'on pouvait regarder
les jardins de Trianon. — Rosichon fit un effort, mais assura qu'elle
n'irait plus loin qu'après un bon quart d'heure de repos.
— Pose là ton panier, Pataud ! dit Margoton.
Pataud, qui avait hâte de visiter ses amis, les chiens du garde
Berly eut quelque peine à obéir ; mais enfin il se résigna, et se
coucha près des enfants.
Celles-ci regardaient la sombre allée de charmille située en face
d'elles, et ne pouvaient se lasser d'admirer sa mystérieuse beauté,
— Que de fleurs dans ce gazon ! disait Marguerite. Vois donc,
petite sœur, il en y a quasiment plus que d'herbe. Et comme cette
belle allée est longue et parait monter haut ! Vois-tu ce qu'il y a
au bout ?
— C'est un beau petit arbre, tout rond et tout blanc, dit Rosichon.
— Ce doit être un oranger en fleur ! dit Margot.
— Oh ! fit la petite, vois donc ces papillons jaunes qui descendent
du haut des arbres en tournant tout doucement ?
— C'est pas des papillons, ça ; c'est des feuilles.
— Les feuilles sont vertes, répliqua Rosichon. Je suis sûre que
c'est des papillons, et si je pouvais sauter le fossé, je les attraperais
bien. Mais il est trop large. Pourquoi donc n'y a-t-il personne
dans ce beau jardin ?
— Peut-être que tout le monde dort encore à Trianon. Sept
heures viennent de sonner. J'ai compté les coups.
— Oh 1 dit la petite, si nous pouvions voir le Roi ! J'ai entendu
dire à bon papa Berly qu'il se levait très matin. Tiens, regarde :
voilà des dames là-bas 1
En effet, au fond de l'allé, parurent deux dames vêtues de robes
blanches. A mesure qu'elles approchaient en causant, les petites
filles distinguaient de mieux en mieux leur beauté et leur grand
air. L'une d'elles, surtout, dont la lévite de mousseline blanche
était serrée par une longue ceinture violette, s'avançait avec une
telle grâce, une telle dignité, qu'elle semblait, selon l'expression
du duc de Saint-Simon, marcher sur des nuages. Elle donnait la
main à un enfant de quatre ans, blond et beau comme un ange.
— Si c'était la Reine ? dit Rosichon tout bas.
— Oh I fit Margoton d'un air capable, cela ne peut être : cette
dame-là n'a point de couronne, et son chapeau est comme le mien,
en paille I
Cette raison péremptoire ferma la bouche à Rosichon.
Les dames étaient tout près ; elles aperçurent les enfants, et la
dame aux rubans violets leur dit avec bonté :
— Que faites-vous là, mes belles petites?
— Nous nous reposons. Madame, dit Margot en se levant et fai-
sant une révérence. Maman nous a envoyées porter des œufs et
des fraises chez grand'maman Berly, pour qu'elle aille les vendre
au marché de Versailles ; et, comme ma petite sœur était lasse,
28 LE PROPAGATEUR
nous nous sommes assises pour nous reposer un brin. C'est-y dé-
fendu de s'asseoir là ?
— Du tout, ma mignonne, dit la belle dame. Mais, puisque ta
petite sœur est lasse, nous allons lui épargner le reste du chemin.
Veux-tu me vendre tes œufs et tes fraises ?
— Bien volontiers, Madame. Je n'en sais pas le prix ; mais vous
me les payerez en conscience, n'est-ce pas ?
— Je l'espère, ma petite. Va m'attendre au petit pont.
Marguerite et Rose ne se le firent pas dire deux fois. Elles re-
prirent leurs fardeaux, Pataud les imita avec empressement, et en
un instant elles furent devant la porte du petit pont. La porte ne
tarda pas à s'ouvrir ; la belle dame parut avec son fils et sa com-
pagne, et, introduisant les enfants dans l'intérieur de Trianon,
leur fit déposer les paniers sur un banc, et donna à chacune d'elles
un écu de six livres. A la vue d'un pareil trésor, les petites filles
ouvrirent des yeux et des bouches aussi ronds que les écus.
— Est-ce assez payé ? dit la dame.
— Que oui ! fit Margoton. Mêm,e que je vous donne les paniers
par-dessus le marché !
— Grand merci ! fit la dame en éclatant de rire. Voyez donc,
Diane, comme j'ai du bonheur ce matin 1 Ces paniers sont fort
johs. Est-ce toi qui les fais, ma petite ?
— Nenni, Madame ! c'est mon grand'père. Il est bien adroit,
allez, quoiqu'il ait cent ans.
— Cent ans ! est-il possible ? en es tu bien sûre, ma fillette ?
— Certainement, Madame I bon papa me l'a dit, et il ne ment
point. Monsieur le curé de Fontenoy-le-Fleuri dit même que c'est
un saint homme.
— Un saint centenaire, et qui fait des paniers ! Je veux voir
cette merveille. Mène-moi chez ton bon papa, ma fillette Ne serez
vous pas ravi de voir un centenaire, Charles ? et vous, Diane '/
— J'en serai enchantée. Madame, répondit-elle en cachant un
bâillement derrière son éventail.
Quant à Charles, il était si occupé à. jouer avec Pataud et Kosi
chon, qu'il n'entendit pas la question.
Un beau mousquetaire était en faction près de là.
— M. de Varicourt, lui dit la dame, veuillez garder mes pré-
cieuses emplettes. Je reviendrai bientôt.
Il fit le salut militaire ; et la dame, faisant passer devant elle
toute sa petite compagnie, ferma la porte et en prit la clef.
Au bout de dix minutes, la petite Marguerite, quittant l'allée
du Rendez-Vous pour prendre le sentier de Chèvreloup, dit aux
dames, qui se plaignaient déjà de la longueur du chemin :
— Voici notre maison, là-bas !
Sous un bosquet de chênes géants s'abritait la maison du vannier.
Son toit de chaume était couronné d'une rangée d'iris en fleur, et
les rosiers et la vigne qui tapissaient les murs, les vitres brillantes,
les volets peints d'un vert gai, donnaient à cette humble demeure
un air de fêle et de prospérité.
— Oh 1 la jolie chaumière ! dit la dame. Pas une de celles de
LE PROPAGATEUR 29
Trianon n'est aussi bien. Il faudra que j'amène ici l'architecte
pour le faire endêver.
Les petites filles, en voyant leur logis, s'étaient mises à courir.
Pataud les précédait en aboyant ; et lorsque les belles dames, que
leurs souliers à talons faisaient trébucher à chaque pas dans le
chemin pierreux, arrivèrent chez le vannier, Babet avait déjà pré-
paré des sièges, et posé sur la table une nappe propre, des tasses
et un pot de lait froid.
Les dames entrèrent. Babet se confondait en révérences, et le
grand-père, découvrant sa belle tête blanche, leur souhaita la bien-
venue en s'excusant de ne pouvoir se lever.
Les belles visiteuses s'assirent et acceptèrent du lait, qu'elles
trouvèrent délicieux. La dame aux rubans violets complimenta
Babet sur la gentillesse de ses fillettes.
— Elles sont jolies comme des cœurs, dit-elle. Pourquoi donc
ne les amenez-vous pas à Trianon le dimanche ? La Reine se plaît
à rassembler tous les enfants des environs, et à les faire danser.
Ces belles petites s'y amuseraient bien. Vous irez, n'est-ce pas ?
— Nenni dà ! dit Babet en rougissant jusqu'aux oreilles. Ce
n'est point aux filles d'un vannier à aller faire des faraudes comme
des princesses, et les miennes sauront toujours assez tôt qu'elles
sont gentes.
Et, toute honteuse d'en avoir tant dit, elle se hâta d'aller bercer
un de ses poupons qui venait de se réveiller.
L'attention des dames se tourna alors vers le vénérable vieillard.
Assis dans un grand fauteuil d'osier, sous le manteau de la che-
minée, les jambes étendues et enveloppées chaudement, il tressait
une corbeille, et un rayon de soleil, pénétrant dans la chambre
par l'intervalle d'un volet entr'ouvert, semblait entourer d'une
auréole ses longs cheveux blancs.
— Est-il vrai, bonhomme, que vous avez cent ans ? lui demanda
la comtesse Diane.
— J'en ai même cent un, Madame, répondit le vieillard : je suis
né en 1688, l'année de la seconde révolution d'Angleterre, et Dieu
veuille que je puisse mourir avant d'en voir une en France 1
— Quelle rêverie ! Ne vous inquiétez pas, mon brave homme.
Tout va bien. Mais, dites-moi, vous avez dû voir le Roi Louis XIV ?
— Certes oui, Madame, et plus d'une fois, quand il chassait par
ici. La duchesse de Bourgogne entra dans notre chaumière, un
jour que la pluie l'avait surprise. C'était une aimable princesse.
Elle voulut être marraine d'une de mes petites sœurs, qui venait
de naître. Elle avait promis de la prendre plus tard à son service ;
mais la mort vint, et faucha celte fleur royale.
— Vous n'avez pas toujours été vannier, n'est-ce pas dit la dame,
surprise d'entendre parler ainsi le vieillard. Dites-nous votre his-
toire. Elle doit être aussi intéressante qu'un roman.
— Elle est aussi courte que ma vie a été longue, Madame. J'avais
deux frères aînés, qui travaillaient avec mon père à l'état de van-
nier, que notre famille exerce depuis des siècles. Je voulais être
prêtre, et j'étudiais au séminaire de Chartres, quand mon père
30 LE PROPAGATEUR
€t mes frères furent enlevés en huit jours par la petite vérole. Je
revins ici pour consoler ma mère et mes jeunes sœurs. La misère
allait frapper à notre porte. Je me refis vannier pour gagner le
pain de mes sœurs orphelines. Je les élevai et les mariai bien
toutes les cinq ; et quand elles furent pourvues, je me mariai aussi.
Mes deux fils aînés se firent prêtres, et je rendis ainsi à l'Église
plus que je ne lui avais ôté. Le dernier de mes fils est établi à
Versailles, et mon petit-fils, sa femme et ses enfants font la joie de
mes derniers jours.
— Vous êtes l'un des hommes les plus sensibles et les plus ver-
tueux que j'ai vus, mon bon pore. '
— Je ne suis qu'un pécheur, Madame; mais j'ai toujours eu
confiance en Dieu, et il ne ma jamais abandonné.
— Vous travaillez donc toujours ? demanda la comtesse Diane II
me semble que vous devriez bien vous reposer.
— Je ne me repose que le dimanche, Madame et le reste du temps
je travaille, afin de donner l'exemple à mes petits-enfants, et de
pouvoir dire comme saint Paul : '• Vous savez que mes mains
m'ont suffi. "
— Vraiment, je vous admire, mon bon père. Si vous voulez, je
vous ferai donner pour vous et votre famille un logement à Tria
non, dans la plus jolie maison du village de la Reine, et je vous
prierai d'apprendre l'état de vannier à mon fils.
— A mon âge. Madame, dit le vieillard en souriant, on n'a plus
qu'un seul déménagement à faire ; et quand la main de ce jeune
gentilhomme sera assez forte pour courber et tresser l'osier, les
miennes seront glacées pour toujours. D'ailleurs, un enfant
de condition a bien autre chose à apprendre qu'un métier de ro
turier.
— Ah I dit la dame, la fortune a d'étranges retours, et je voudrais
que mon fils sût gagner sa vie par le travail de ses mains. N'ai-
meriez-vous pas, mon enfant, apprendre à faire de jolis petits
paniers ?
— Pourquoi pas, maman ? papa Roi fait bien des serrures !
A ces mots, le vieillard s'écria :
r — C'est donc à la Reine de France que j'ai l'honneur de parler ?
Que Dieu vous protège Madame ! Daignez me permettre de baiser
votre main. Venez, mes filles, venez saluer Sa Majesté !
Avec cette grâce charmante qui surpassait en elle jusqu'à l'éclat
du trône, Marie-Antoinetie embrassa les enfants et leur mère, et
tendit sa main au vieillard. Tandis qu'il la baisait, les larmes aux
yeux, elle lui dit :
— Hé bien ? refuserez- vous encore d'être le précepteur ès-paniers
du Dauphin ?
— Oui, Madame, et plus que jamais, dit le centenaire avec fer-
meté. Le métier du roi est dur et difficile. Monseigneur le Dauphin
n'aura pas trop de toute sa vie pour l'apprendre, fût-elle aussi lon-
gue que la mienne. Que Votre Majesté pardonne à la franchise
du plus âgé et du plus dévoué de ses sujets ; mais quand les rois
LE PROPAGATEUR 3i
veulent faire la besogne du peuple, le peup'e est grandement tenté
de faire la besogne des rois.
— Bonhomme, s'écria la comtesse Diane, vons oubliez à qui
vous parlez ?
— Je parle à la plus grande princesse du monde, Madame, et je
le sais ; mais quand on a passé un siècle sur la terre, on sait aussi
que le don le plus rare et le plus précieux qui se puisse offrir aux
rois, c'est de leur dire la vérité.
<— Je vous remercie, bon père, dit la Reine. J'admire votre fran-
chise, et je reviendrai vous voir avec le Roi. Bénissez mon fils...
je le veux.
Elle fit approcher le petit Dauphin. Le vieux vannier étendit
la main et murmura les paroles latines de la bénédiction ; mais
il ne put les achever : une tristesse prophétique lui serra le cœur,
et les pleurs étouffèreat sa voix. La Reine, émue elle-même, se
hâta de donner le signal du départ.
Marie- Antoinette et sa dame d'honneur marchèrent quelques
temps en silence.
— Diane, dit la Reine, comment trouvez-vousce vieux philosophe?
— Ennuyeux au possible, dit la comtesse. Je hais ces momies
de l'ancien temps. Est-ce que vraiment, Madame, vous retournerez
voir ce vieux radoteur, qui a oubhé de se faire enterrer ?
— Mais oui. Je suis assurée qu'il divertira le Roi en lui con-
tant des histoires du temps passé. D'ailleurs, une reine doit tenir
sa parole, et j'ai promis.
Pauvre Reine ! elle ne put remplir sa promesse. Quelques jours
après, les états généraux s'ouvrirent, et l'orage révolutionnaire
éclata.
Dans la chaumière, on espérait toujours voir revenir la Reine.
— Le Roi viendra aussi ! disaient les petites filles en racontant
à leur père cette belle visite, qu'il n'avait pas vue.
— Oh ! répondit Noël Panier en branlant la tête, m'est avis que
le Roi et la Reine ne se promèneront plus guère. Ça va mal à
Versailles, ça va encore plus mal à Paris. Les gens sont quasiment
endiablés.
— N'en dites rien au vieux père : ça serait pour le tuer, s'il en-
tendait ce que l'on dit par les rues et jusque dans la cour du château.
— Tu perds ton temps, not' femme à endimancher comme ça
tes enfants tous les jours : ni le Roi ni la Reine ne viendront plus
chez nous.
Au 6 octobre, l'horrible bruit de l'émeute retentit jusqu'à Tria-
non. Noël courut à Versailles, armé d'un gourdin, espérant se-
conder les défenseurs du château ; mais tout était fini. En vain
le sang du brave Varicourt avait inondé le seuil de l'appartement
de la Reine : le château était envahi, et toute la famille royale
emmenée à Paris dans l'épouvantable appareil que l'on sait. Noël
ne rentra que le soir. Sa femme,demi morte d'inquiétude, l'attendait
sur le seuil, n'osant quitter le vieux père et les enfants endormis.
Il lui raconta ce qu'il avait vu.
— Tiens, dit-il, j'ai voulu t'apporter un souvenir de la Reine.
32 LE PROPAGATEUR
Les canailles ! le croirais-tu ? ils ont vendu sur la place d'Armes
ses robes, ses dentelle?, jusqu'à ses petits souliers, si petits, que
personne ne peut les mettre. J'en ai acheté deux, on les vendait
un sou pièce. Le gâchis était si grand, que je n'ai pu avoir la paire.
Il remit à Babet deux petits souliers de soie, l'un rose et l'autre
bleu. Et, les baisant comme une relique, elle éclata en sanglots.
Le vieux père l'entendit, et voulut tout savoir. Il ne dit que ces
mots : " Pauvre Reine ! pauvre France ! " et depuis ce jour il ne
parla plus.
Il vivait encore en 93, mais donnait si peu de signes de con-
naissance, que l'on parlait hardiment devant lui de toutes les
tristes nouvelles qui venaient de Paris : plus rien ne paraissait
l'émouvoir. «
Le 21 janvier au soir, Noël revint de Versailles tout pâle, et dit
à sa femme :
— Ils ont guillotiné le Roi !
Le vieux père, qui semblait dormir, se redressa, joignit les mains,
et d'une voix tremblante récita le De profundis ; ses enfants tom-
bèrent à genoux, et répondirent Amen pleurant. Il mourut dans
la nuit, sans avoir dit rien plus.
Les chênes qui abritaient sa chaumière, furent coupés par l'ordre
de la Convention. En les abattant brutalement, les ouvriers ré-
publicains firent tomber l'un d'eux sur la maison, qui s'écroula.
Mais déjà la famille du vannier ne l'habitait plus, et s'était réfugiée
à Versailles, la campagne n'étant plus sûre pour les honnêtes gens.
De tous les personnages de cette histoire, un seul vit encore ?
c'est Rose Panier, devenue trisaïeule, et qui promet de vivre
autant que son grand'père. — En 1867, lorsque, par ordre de
l'impératrice, on rassembla au petit Trianon tout ce qu'on put
découvrir d'objets ayant appartenu à Marie-Antoinette, Rose
prêta les petits souliers qu'elle conservait précieusement. Appuyée
au bras d'un de ses arrière-petits-ûls, elle voulut visiter Trianon et
revoir ces frêles débris, souvenirs de la plus infortunée des reines.
C'est là que je vis la vieille grand'mère Rosichon, encore belle
à plus de 84 ans ; c'est là qu'elle me raconta l'histoire du vieux
vannier, et, grâce à son récit, les solitude de Ghèvreloup sont
maintenant imprégnées pour moi de ce parfum que laissent sur
leur passage les amis diparus à jamais.
Mme Julie Lavergne.
PAROISSE D'YAMACHICHE
(Précis historique)
Par l'abbé N. Garon, Prètre-chanoine
Supplément. — Par Frs.-L. Desaulniers, Avocat
Chapitre spécial. — Par Benjamin Sulte
1 vol. in-8°, de 300 pages, illustré Prix : $1.00, par poste $1.10
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Mars, 1893, Numéro 2
BULLETIN
Montréal, 8 Mar?, 1893.
*/ On lit dans La Croix la dépêche suivante relative au jubilé
épiscopal de Sa Sainteté.
Rome, le 19 février 1893. — Une dépêche ne peut peindre la journée historique,
triomphale }:our la Papauté, qui vient de s'accomplir ; vous en recevrrz un récit
complet. L'illumination est générale : nous avons nous-mêmes voulu avoir sur
notre Loggia un feu d'artifice avec les Espagnols.
Le cortège du Pape, en cette journée, était composé de 44 cardinaux de dix
nalionalité.s, (Je 400 évêques, dont 20 Français; de milliers de prêtres et de reli-
gieux. Soixante-mille personnes sont entrées dans la basilique et quinze mille
ont 'iù demeurer dehors, sur la place Saint-Pierre.
La Turquie, l'Am^^rique et toutes les nations de l'Europe étaient cfficielU ment
représentées, excepté le Piémont.
Après la cérémonie, la Pape a exprimé sa ialisfaction aux cardinaux.
*,* Le congrès eucharistique dont j'ai déjà parlé dans le numéro
du 15 janvier, pnge 674, aura lieu à Jérusalem le 15 mai et les
jours suivants. 11 sera présidé par Son Eminence le Cardinal Lan-
génieux, archevêque de Reims. Dans ce congrès seront réunis
des membres de l'épiscopat de tous les rites : latin, grec, arménien,
maronite, syrien, slave et copte.
La liberté et l'exaltation de la Sainte Eglise, (I) la conversion des pécheurs,
la glcrlQcation de la divine Eucharistie, la réunion de TOrient à l'Eglise Catholi-
que, la délivrance d^-sâmes du Purgatoire, voilà les intentions de ce grand acte.
La prière, la souffrance, l'obéissance, en voilà les moyens."
La triple alliance, celte organisation néfaste qui a pour principal
but l'abaissement de la France, a vu dans le congrès eucharistique
une augmentation d'influence pour cette puissance. Ne pouvant
pas empêcher la réunion du congrès, elle a intrigué auprès du
sultan à qui elle a essayé de persuader que les Lieux Saints courent
de grands dangers, et qu'il est de son intérêt d'intervenir et de re-
tirer les autorisations qu'il a accordées. Ces machinations téné-
breuses n'ont heureusement pas réussi. N. S. P. le Pape, à qui Mgr
Azarian, patriarche de Gilicie, a soumis la question de la part du
Sultan, l'a convancu qu'il n'a aucune raison de s'alarmer et que
le congiès n'a aucun but politique.
(1) Extrait du Programme publié par La Croix,
3
34 LE PROPAGATEUR
*,* La commission d'arbitrage chargée de régler les difficultés de
la mer de Behring s'est assemblée à Paris le 23 février. Plusieurs ar-
bitres étant absents,la commission a ajourné ses séances au 23 mars.
Les arbitres sont au nombre de sept dont deux ont été nommés par
la Grande-Bretagne, deux par les Etats-Unis, un par la France, un
par l'Italie et un par la Suède. Ce sont le baron Alphonse de Cour-
ce lies (France), le marquis \isconti Venosta (Italie), M. Gram (Suè-
de), Loid Hannan et Sir John Thompson (Grande-Bretagne), le juge
John M. Harlan et le sénateur John P. Morgan (Etats-Unis.)
Les agents ou commissaires sont : L'Hon. C. H. Tupper, pour la
Grande-Bretagne, etl'ex-ministre'John Poster pour les Etats-Unis.
Les avocats ou conseils sont : Sir Richard Webster, M.C. Robin-
son et l'hon. W. H. Cross pour la Grande-Bretagne, et M. James
S. Carter et le juge A. B. W. Blodgett, pour les Etats-Unis.
Les procès-verbaux, et les autres documents seront rédigés en
français, qui est la langue diplomatique, mais ils seront traduits
en anglais.
Le grand navigateur VitusJonassen Behring à qui on doit la dé-
couverte du détroit deBehring est morten 1741. Ou a dernièrement
découvert ses ossements sous un amas de pierres dans une des îles
aléoutiennes. Une souscription a été ouverte en R ussie pour élever
un mausolée et une croix sur le lieu de la découverte. Behring
était danois mais il servait dans dans la marine russe.
*/ Samedi le 4 mars a eu lieu à Washington l'installation de M.
Cleveland, le nouveau président des Etats-Unis. Les cérémonies
ont été très imposantes et une foule immense y a assisté.
Le même jour les divers membres du nouveau cabinet prenaient
possession de leurs départements respectifs. Ces membres sont :
Mr Walter Quinton Gresham, de l'Indiana, Secrétaire d'Etat.
Mr John Griffin Carlisle, du Kentucky, Secrétaire du Trésor.
Mr Daniel S. Lamont, de New-York, Secrétaire de la Guerre.
Mr Hilary A. Herbert, de lAlabama, Secrétaire de la Marine.
Mr Hoke Smith, de la Géorgie, Secrétaire de l'Intérieur.
Mr J. Sterling Morton, du Npbraska, Secrétaire de l'Agriculture.
Mr WilsouS. Bip6ell,de New York, Maître Général des Postes.
Mr Eichard Olney, du Massachusselts, Procureur-Général.
Le juge Gresham, le nouveau secrétaire d'Etat, est né le 17 mars
1832, dans le comté de Harrison, Indiana. Il fut admis au barreau
en 1854. Gomme son chef Cleveland il a connu la gêne et les pri-
vations dans son enfance, mais par son énergie, ses talents et son
travail, il s'est élevé au poste éminent qu'il occupe aujourd'hui.
Le juge Gresham était républicain, mais comme beaucoup d'autres
républicains éminents, il a abandonné son parti dans la dernière
campagne présidentielle.
LE PROPAGATEUR
35
John G. Garlisle, est né le 5 septembre 1835 à Covington, dans
le Kentucky. Il a été instituteur et il a été admis au barreau en
1858, Il entra dans la vie publique en 1864 et il a été successive-
ment membre de la chambre des Représentants, membre du Sénat
et Lieutenant-Gouverneur du Kentucky, membre de la chambre
des Représentants à Washington, président de la même chambre
et sénateur des Elats-Llnis. C'est un des hommes les plus éminents
du parti démocrate et un véritable homme d'état.
Daniel S. Lamont est né dans le comté de Gortland, état de New-
York, le 9 février 1851. 11 a été journaliste et secrétaire de Mr Gle-
veland lorsque ce dernier était gouverneur de l'état de New-York.
Comme ancien secrétaire militaire il a droit au titre de colonel.
Hilary A. Herbert est né à Lamensville, Caroline du Sud. Il est
avocat. Il a servi avec distinction dans l'armée confédérée depuis
le commencement de la guerre civile jusqu'à la bataille de la Wil-
derness où il fut blessé. Cette bataille a eu lieu le 6 mai 1864. Il
est membre du Congrès depuis plusieurs années.
Hoke Smith est né en 1855. Il a été instituteur et il est avocat.
On dit que sa clientèle lui donne un revenu annuel de $40,000.00
et que sa fortune s'élève à un demi-million.
John Sterling Morton est né à Adams, comté de Jefferson, New-
York, le 22 avril 1832. Il a été membre de la législature du terri-
ritoire du Nebraska et il devint gouverneur du même territoire
en 1858. Après l'admission du Nebraska comme état de l'Union il
fut plusieurs fois candidat à la charge de gouverneur mais il fut dé-
fait à chaque élection. Mr Morton a été journaliste et agriculteur.
Wilson S. Bissellestné à Rome, Comté d'Oneida, New- York, le
31 décembre 1847. Il est avocat et il a été, comme tel, l'associé du
président Cleveland.
Richard Olney est l'un des plus brillants avocats du Massachusetts
Depuis la déclaration d'indépendance les Etats-Unis ont eu 23
présidents dont voici les noms, l'année de leur entrée en fonctions
et la durée de leur administration.
Je copie cette liste dans la Presse du 8 novembre 1892.
George "Washington. .
Jolm Adams
Thomas Jefîerson . . . .
James Madison
James Muiuoe
John Quincy Adams. .
Andrew Jackson
Martin Van Buren. . .
"William H. Harrison.
John Tyler
James K. Polk
Zachary Taylor.
rNTKONISE
1789
1797
1801
1809
1817
1825
1829
1837
1841
1841
1845
1849
A GOUVERNÉ
8 ans Millard Fillmore.
4 ans Franklin Pierce
! 8 ans James Buchanan.
I 8 ans Abraham Lincoln. .
I 8 ans Andrew Johnson.
4 ams Ulysses S. Grant
8 ans a. B. Hayes
4 ans J. A. Garfield.
1 mois 0. A. Arthur.
4 ans Grever Cleveland.
4 ans JBen. HarrisOn.
1 an 4 "in
A GOUVERNÉ
1850
2 ans 8 mois
1853
4 ans
1857
4 ans
1861
4 ans
1865
4 ans
18G9
8 ans
1877
4 ans
1831
6 mois
1881
3 ans 6 mois
1885
4 ans
1889
4 ans
36 LE PROPAGATEUR
* La Législature de Québec a été prorogée lundi le 27 février.
La* session a duré 46 jours.
Plusieurs motions de non confiance dans le ministère Taillon
ont été présentées pendant la session, mais elles ont été rejetées
par de fortes majorités. Les principales de ces motions ont été
faites par M. Marchand, le chef de l'opposition, M. Déchène, dé-
puté de rislet, et M. Turgeon, député de Bellechasse.
Les élections municipales de Montréal ont été validées, le bill
médical a été rejeté par l'assemblée, le bill prohibant la vente du
tabac aux mineurs a échoué au conseil et le bill de réforme ju-
diciaire a été remis à la prochaine' session.
Le bill de M. Fitzpalrick, député du comté de Québec, pour
réduire le traitement des députés à $500,00 par session a été reje-
té par un vote de 42 contre 15. Le bill du même député pour
réduire le nombre des membres de l'assemblée Législative à 65
n'a réuni que 3 votes.
La question de l'abolition du conseil Législatif est encore re-
venue sur le tapis. Le bill de M. Cooke, député de Drummond,
qui décrétait cette suppression n'a été rejeté que par la voix pré-
pondérante de l'orateur. Les libéraux et les députés anglais ont
voté pour ce bill.
Il y a bien des divergences d'opinion sur la question du maintien
ou de la suppression du Conseil." Parmi les journaux qui lui sont
favorables plusieurs désirent de grands changements dans sa con-
stitution. Ils voudraient notaciment qu'au lieu d'être nommés
par le gouvernement, les conseillers législatifs fussent nommés
par les corps professionnels et certaines institutions. De cette
manière le clergé, la magistrature, le barreau, le notariat, le
collège des médecins, les banques, les chambres de commerce etc.
seraient représentés par des hommes choisis dans leur sein.
La brûlante question des taxes a été remise à la prochaine
session.
*^* Sont décédés :
1° Madame la duchesse de Madrid, femme de don Carlos, pré-
tendant au trône d'Espagne. Elle était la fille du duc Charles III
de Parme, et de la princesse Louise de France, fille du duc de
Berry et sœur du comte de Ghambord.
2° Madame Grévy, veuve de M. Jules Grévy, ancien président
de la république Française.
3*^ Le Dr Ceccarelli, médecin ordinaire du pape. Sa Sainteté a
été très affectée, en apprenant le décès de cet homme dévoué et
éclairé dont les soins ont été si précieux.
4° A la Nouvelle-Orléans, Louisiane, le général Pierre Gustave
Toutant Beauregard, célèbre homme de guerre et ancien général
des armées du sud pendant la guerre de sécession. Le général
Beauregard est né en 1817 près de la Nouvelle-Orléans et il était
LE PROPAGATEUR 37
d'origine française. Il a servi dans la guerre du Mexique et il s'est
distingué dans la guerre civile. C'est lui qui a commencé les hos-
tilités par l'attaque et la prise du fort Sumter. Il a battu les fédé-
raux dans plusieurs engagements importants, notamment à Bull's
Run, à Savannah et à Drury's Bluff.
5° Midame Garneau veuve du célèbre François-Xavier Garneau,
notre historien national.
6° Divid William Gordon, député fédéral de l'île de Vancou-
ver. Il était conservateur,
7^ Le lieutenant-colonel Hewitt Bernard, avocat et ancien dé-
puté ministre de la justice. Il était le beau-frère de Sir John A.
Macdonald.
8° Stanislas Drapeau, ancien fonctionnaire public et ancien
journaliste. M. Drapeau s'est occupé avec zèle et dévouement de
l'agriculture et de la colonisation.
9° Georges Edouard Dasbarats, avocat et journaliste et ancien
imprimeur de la Reine. Il s'est presque constamment occupé d'af-
faires d'imprimerie et il a fondé et publié un grand nombre de
journaux, notamment l'Opinion Publique et le Dominion lUustrated.
Ont été nommés
1° Juge de la Cour Suprême fédérale, le sous-ministre de la
justice, M. Robert Bedgewick. Le nouveau juge est né à Aberdeen,
Ecosse, le 10 mai 1848. Il a étudié le droit sous l'honorable John
Sandfield Macdonald, alors premier ministre de la province d'On-
tario, et il fut admis au barreau de cette province en novembre
1872. En mai 1873 il fut admis au barreau de la nouvelle-Ecosse
et il exerça sa profession à Halifax dont il devint Recorder en 1885.
Il a été professeur de droit et il fut nommé sous-ministre de la
justice en février 1888.
2° Juge de la Cour Suprême de la Nouvelle Ecosse M. Hugh
Henry, avocat d'Halifax. Il remplace le juge Hugh Macdonald,
qui a donné sa démission.
3*^ Sous-ministre de la justice, M. E. L. Newcombe, avocat
d'Halifax et ancien professeur de droit.
*,* Est élu député local de Toronto, Ontario, le Dr George Ster-
ling Ryerson. Il est conservateur. Sa majorité est de 5'J2 voix sur
le Dr Ogden, libéral. Chaque candidat a eu au delà de 7000 voix.
Le candidat progressiste, M. Thompson, n'a eu que 592 voix.
Alby.
LES GONSTITDTIONS DU CONCILE DU VATICAN
LA CONSTITUTION DEI FILIUS
Le verset 20 du chapitre I de l'Epître aux Romains.
La même sainte Eglise notre Mère tient et enseigne que par la luniière de la
aison humaine, Dieu ; rincipe et fin de toutes choses, peut être connu avec
certitude au moyen des choses créées ; car depuis la création du monde, ses
invisibles perfections sont vues par l'intelligence des hommes au moyen des
êtres qu'il a faits. Rom. 1,20 (1)
Le concile du Vatican a cité une partie du verset 20 du premier
chapitre de l'épître aux Romains, en preuve de sa doctrine sur
notre connaissance naturelle de Dieu. Or, cette citation a une
double importance : elle fixe la lecture de ce verset sur un point
qui donnait lieu à contestation et elle en détermine, au moins en
partie, le sens authentique, On peut se demander aussi si elle
n'ajoute rien aux assertions émises dans le préambule du chapitre.
Parcourons rapidement ces divers points.
I
Voici d'abord le contexte de ce verset, d'après saint Thomas
d' Aquin et Beelen,dans leur commentaire sur l'épître aux Romains.
Saint Paul se prépare à prouver que la justification par l'Evangile
a été un don gratuit de Dieu, soit pour les gentils, soit pour les juifs.
Il rappelle donc que, suivant les enseignements de la Révélation,
c'est la foi en l'Evangile qui sauve les juifs et les gentils. Il l'établit
spécialement pour les gentils, en montrant qu'ils avaient besoin de
cette foi en l'Evangile et qu'ils n'y avaient aucun droit, attendu que
leur idolâtrie et leurs autres fautes appelaient sur leur tête la co-
lère de Dieu.
" Il est révélé (2), dit-il, que la colère de Dieu menace du ciel
la souveraine impiété (l'idolâtrie) et l'injustice (les autres fautes)
de ces hommes qui retiennent la vérité sur Dieu caché dans leur
injustice. En effet, ce que l'on sait (naturellement) de Dieu se
manifeste en eux (comme la loi naturelle qui est écrite dans leur
cœur et reçoit le témoignage de leur conscience, suivant ce que
dit saint Paul au chapitre suivant, en développant sou raisonne-
ment. Rom. II, 15), vu que Dieu l'a manifesté pour eux. Car depuis
la création du monde, ses invisibles perfections sont vues par notre
intelligence, au moyen des êtres qu'il afaits^ ainsi que son éternelle
puissance et sa divinité ; de sorte qu'ils sont inexcusables, parce
qu'ayant eu connaissance de Dieu, ils ne l'ont pas glorifié, ni re-
mercié comme Dieu ; mais ils se sont perdus dans leurs raisonne-
ments et leur cœur irréfléchi s'est rempli d'obscurité. "
(l)Eadem sancta mater Ecclesia lenet et docet Deum rerum omnium princi-
pium et finem, nalurali humanae rationis lumine e rébus creatis certo cognosci
posse ; invisibilia enim ipsius, a creatur.i mundi, per eft quae fada sunt, iiitellecta,.
conspiciuntur. Rom. 1, 20 [Constit. Dei Filius, cap. 2).
(2) Il y a ici un parallélisme avec le verset précédent qui porte (en se servant
du même verbe) que la doctrine de la justification des fidèles par Dieu est
révélée dans V Evangile.
LE PROPAGATEUR 39
Nous venons de traduire les versets 18, 19, 20 et 21, en mettant
en italique, la panie du verset 20, qui est citée par notre Concile.
Voici le texte original de ce "passage : ta gar aorata autou apo ktiseos
kosmou lois poiémasi naoumena katorâtdi. Le Concile en donne la
traduction latine suivante : invisibilia enim ipsius, a creatura mundi,
per ea quœ fada sunt^ intellecta, conspiciuntur.
Nous appelons l'attention du lecteur sur ce détail, que le texte
du Concile a séparé par une virgule le mot inlellecta des mots per
ea qux facta sunt. Non point que ce soit là une lecture et une ponc-
tuation nouvelle ; car les versions latines antérieures à saint
Jérôme avaient le même texte sauf que quelques-unes, employées
par Tertulien, saint Hilaire, saint Augustin, semblent avoir porté
a conditione et a constitutione mundi^ au lieu de a creatura mundi :
cela résulte des nombreuses recherches que Dom Sabatier a con-
signées dans son savant ouvrage Bibliorum sacrorum latinati versiones
antiquœ, seu Vêtus Italica^ tome III, p. 597 ; l'édition de saiuL Jé--
rôme (1) et les éditions de la Vulgate publiées depuis le concile
de Trente le reproduisent également. Mais, si l'on ne peut attacher
une grande attention, à une virgule reproduite dans ces versions,
il n'en est pins de même, lorsque cette virgule entre dans les dé-
crets d'un concile œcuménique qui rapporte intégralement etau-
thentiquement un texte de la sainte Ecriture. Cela est surtout vrai,
si cette virgule, sans modifier en rien la doctrine formulée par
saint Paul, détermine néanmoins le sens d'un membre de phrase.
Or nous croyons que la virgule sur laquelle nous appelons
l'attention de nos lecteurs, détermine la signification des mots
a creatura mundi^ qui jusqu'ici était discutée.
Il s'est produit, en effet, trois opinions principales sur le sens de
ces expressions. La première y voyait l'indication des créatures
par qui Dieu est connu ; la seconde y voyait l'indication des créa-
tures, au moyen desquelle.î nous connaissons Dieu ; la troisième
y voit l'indication de la date, depuis laquelle Dieu est connu natu-
rellement. Nous avons adopté cette troisième opinion et traduit
a creatura mundi par depuis la création du monde. C'est que cette
troisième opinion nous paraît seule exacte, étant donnée la ponc-
tuation acceptée par le concile du Vatican.
La première opinion se concilie, sans doute, avec notre texte
latin ; mais elle est inconciliable avec le texte grec. On ne saurait
donc la suivre, bien qu'elle ait été admise par Pierre Lombard, par
saint Bernard (2) et même par saint Thomas d'Aquin, dans son
commentaire sur l'Epître aux Romains.
La seconde opinion a été adoptée par plusieurs Pères grecs, par
saint Basile, saint G-régoire de Nysse, saint Chysostôme, Théodoret,
saint Cyrille d'Alexandrie (3). Cornélius a Lapide la suit. Fran-
zelin, de Deo uno, 3e édition, p. 42, le P. Corluy, Spicilegium dog-
matico biblicum^ 1. 1, p 89, M. Didiot, Logique surnaturelle subjective^
p. 481, la préfèrent à la troisième.
[\) yi\%ne Palrol.lat. t. xxix, col. 728. (2) Voir Franzelin, rfe Deo uno, "i*
édition, p. 43. (3) Voir Franzelin, ibid.
40 LE PROPAGATEUR
On leur objecte qu'avec leur interprétation, saint Paul répéterait
deux fois la même pensée par ces deux expressions qui se suivent
a creatura mundi et per ea quœ fada sunt. Ils conviennent qu'il
ne faut pas attribuer à l'auteur sacré une pareille répétition, mais
à leur avis, celte répétition n'existe pas, pai ce que ces deux régimes
indirects ne se rapportent pas au même verbe. Suivant eux, a
creatura mundi dépendrait de conspiciwitur^ et indiquerait comme
l'observatoire où nous nous plaçons pour voir Dieu ; per ea quœ
/a^fa sunï dépendrait au contraire de intellecta et marquerait la
nature de l'argument par lequel l'intelligence déduit les perfections
de Dieu. Malheureusement cette explication suppose que les mots
per ea quœ fada sunt ne sont pas séparés du mot intelleda. Elle ne
parait donc pas s'accorder avec le texte adopté par le concile du
Vatican, qui sépare ces mots par une virgule.
Il nous semble donc que la troisième opinion qui traduit les
mots a creatura mundi par depuis la création du monde, est de beau-
coup préférable.
D'ailleurs les partisans modernes de l'opinion précédente ne re-
jettent pas absolument ce troisième sentiment ; saint Thomas le
soutient en même temps que la première opinion. Tolet le préfère.
Beelen le défend dans son savant commentaire sur l'Epître aux
Romains, et beaucoup d'autres l'ont adopté.
Le P. Gorluy nous objecte que dans le Nouveau Testament
ktisis signifie (Marc x, 6 ; xiii, 19 ; xvr, 15, Rom. i, 25) les choses
créées et jamais, du moins d'une manière certaine, Inaction de créer.
M. Didiot trouve notre interprétation peu vraisemblable et peu
traditionnelle.
Mais le mot klisis n'est pas très souvent employé dans le Nou-
veau Testament ; il y a des sens divers (voir Schleussner, Novum
Lexicon grœco latinum in novum Testamentum); et si dans les pas-
sages cités par le P. Gorluy, il a l'acceptation de choses créées^ il
est difficile d'admettre cette acception dans notre verset, où saint
Paul ajoute le mot kosmou au terme ktisis ; car cette addition est
absolument inutile, si ktisis veut dire des choses créées, puisque
kosmos a la même signification.
Franzelin reconnaît que les Pères ne s'accordent pas sur le sens
de ces mots a creatura mundi ; nous avons vu d'après les textes
de Dom Sabatier, que Tertuhen, saint Hilaire, saint Augustin les
entendaient comme nous, et même, à ce qu'il semble que leurs
versions exprimaient exclusivement notre sens ; ce sens est admis
par saint Thomas et par beaucoup de modernes. Il ne paraît donc
point moins traditionnel que l'autre.
Enfin ce sens nous semble tout à fait conforme au contexte.
Qu'on s'en souvienne, en effet, saint Paul vie.it de parler de la
révélation que Dieu a faite de lui-même par la publication de
l'Evangile ; il veut montrer qu'avant cette manifestation surna-
turelle, il y avait eu pour les gentils, une manifestatton naturelle
de la ^érité sur Dieu. Deus iUis mani/estavit. Ce rapprochement
l'amenait à dire depuis quelle date cette manifestation naturelle
avait été faite par Dieu. Or^ c'était depuis que les perfections de
LE PROPAGATEUR 41
Dieu invisibles jusque-là, ta aorkta, invisihilia ejus, avaient été
rendues visibles, katoi-ataï, conspiciuntur, c'est-à-dire depuis la
création du monde.
II
En invoquant en preuve de sa doctrine, le verset que nous ve-
nons d'étudier, le saint Concile n'en a pas seulement fixé la lecture ;
il en a encore donné une interprétation authentique. Il est certain
désormais que ce passage de saint Paul prouve ce que la consti-
tution Dei Filius affirme au sujet de noire connaissance naturelle
de Dieu.
Du reste il est facile d'établir que notre verset, surtout avec le
sens qu'il tire de son contexte, renferme toute la doctrine du Con-
cile. Nous avons réduit cette doctrine à cinq points que nous
avons examinés dans cinq articles. Montrons rapidement que ces
cinq points sont contenus dans notre texte.
1° La déclaration du Concile porte sur ce qui est possible à
l'homme. L'épître aux Romains va plus loin ; elle affirme, comme
nous allons le voir tout a l'heure, non seulement que cette con-
naissance est possible à l'homme, mais encore qu'elle lui a été
donnée.
2° La déclaration du Concile porte sur la connaissance qui nous
est possible à la lumière naturelle de la raison humaine. C'est aussi
cette connaissance purement naturelle, que saint Pàul attribue
aux hommes ; puisque ceux qui la possèdent sont des payens, qui
n'ont point reçu la lumière de l'Evangile, et que, d'après l'argu-
mentation de saint Paul, ils sont supposés dépourvus de toute foi
en la révélation.
3" La déclaration du Concile marque le moyen extérieur par
lequel Dieu est manifesté à la raison humaine : ce sont les créa-
tures, e rébus creatis. Notre épîire s'exprime de même. Elle dit
que c'est à l'aide des œuvres de Dieu, per ea quœ facta sunt, que
les païens le connaissaient, et que le monde le leur manifeste
depuis la création.
4° Le Concile affirme la valeur logique de la connaissance pos-
sible en question : c'est une connaissance certaine. Saint Paul
enseigne de même que la connaissance des païens est certaine ;
car, suivant lui, elle est manifeste en eux, manifestum est in illiSf
intellecta conspiciuntur. A tout le moins, elle pourrait facilement
et devrait être certaine, puisque l'idolâtrie des païens est inexcu-
sable et coupable.
5" Enfin le Concile détermine l'objet de cette connaissance^ : c'est
Dieu principe et fin de toutes cho'^es. L'Epître de saint Paul dit glus :
non seulement elle marque l'éternelle puissance et la divinité du
Créateur et l'obligation de l'honorer et de le remercier ; elle in-
dique en outre comme connu par les païens, tout ce que la nature
révèle sur Dieu, quod notum est, tout ce que le monde manifeste à
l'intelligence de ses invisibles perfections, mumôi^ta ejus., intellecta
conspiciuntur.
Il est vrai que cette connaissance des païens était une connais-
42 LE PROPAGATEUR
sauce peu réfléchie, puisqu'ils n'y ont point pris garde et l'ont
altérée ; mais la faute qu'ils ont commise par celte conduite, prouve
précisément qu'au jugement de l'apôtre, ils auraient pu développer
et fortifier cette connaissance.
Tous les enseignements du Concile sont donc bien dans le texte
de saint Paul. Du reste, la tradition l'a toujours affirmé.
III
Mais ce passage de l'apôtre renferme une assertion importante
que les pères du Concile avaient évité de formuler. Cette .jssertion,
c'est que les païens, au moins considérés en général, n'ont pas
seulement été dans la possibilité de connaître Dieu ; mais qu'ils
l'ont connu en réalité. Or, en citantnotre verset 20, la Constitution
dei Filius n'a-t-eile pas fait de cette assertion une nouvelle décla-
ration qui s'ajoute à ses autres enseignements et les complète ?
Voyons ce qu'il en est.
La pensée de saint Paul au suiet de la connaissance réelle et
effective que les païens ont eue de Dieu ne semble pas douteuse.
Il la formule, en effet, de diverses manières, à cinq ou six re-
prises. Il affirme : 1° qu'ils retiennent la vérité sur Dieu cachée
dans leur injustice, veritatem Dei in injuslitia delinent ; 2° que ce
qui est connu naturellement de Dieu leur est connu à eux, quod
notum est Dei manifestum est in Mis ; 3° que Dieu le leur a mani-
festé, Deus mis manifestavit ; 4° qu'ils ont connu Dieu naturelle
ment, cum cognovissent Deum ; 5" qu'ils ont altéré la connaissance
qu'ils avaient de lui, commutaveruiU veritatem Dei in mendacium (i,
25). Par ces expressions,saint Paul entendait-il dire seulement que
les gentils avaient à leur disposition le moyen de connaître Dieu?
Nous ne le croyons pas ; car ces expressions donnent plutôt à en
tendre que les païens ont eu du vrai Dieu une connaissance for-
melle quoique peu réfléchie, une connaissance spontanée qui
résultait d'un raisonnement si rapide qu'ils l'apercevaient à peine.
C'est ainsi, du reste, qu'un grand nombre de pères ont compris
ces textes (1).
C'est bien ainsi encore que ces païens avaient une connaissance
de la loi naturelle que saint Paul décrit à peu près de la même
manière au chapitre second de cette même épître aux Romains.
Suit-il de là que cette affirmation que les païens ont connu Dieu
est entrée dans les enseignements du Concile du Vatican ? Aucu-
nement, car elle ne se trouve pas expressément au verset 20, le
seul qui soit cité par notre concile. Dans ce verset, saint Paul se
contente, en effet, d'affirmer que les perfections de Dieu se mani-
festent à notre intelligence par les œuvres divines ; mais il n'y dit
pas que les païens ont connu Dieu, comme il l'afl&rme dans les
versets qui précèdent et qui suivent.
Or dans le texte du concile du Vatican, ce même verset n'a pas
reçu un sens plus étendu que celui qu'il avait dans l'Epître aux Ro-
mains. Il n'a donc rien ajouté aux enseignements de la Constitu-
tion Dei Filius ; il sert simplement de preuve à ces enseignements.
(1) Voir Franzelin, de Deo uno, ih. vi, el Thomassin, de ûeo, Deique proprie-
lalibus, lib. i.
DON SARDA Y SALVANY
L'AiriTÉE CHUETIEITITE
ou C O iSTJS I JD K R A T I O N S
SUR LES
PRINCIPALES FETES DU CYCLE LITURGIQUE
Traduit de l'Espagnol
Par M. Pabbé A. THIVEAU»
ANCIEN DIRECTEUR DE GRAND SÉMINAINE
1 volume in-12 Prix : 88 cts
I^'article qni suit est extrait de ce livre.
LA SEMAINE SAINTE
Le dimanche des Rameaux. — Le Jeudi Saint. — Le Vendredi baini. — La croix,
principal emblème du chrétien. — Le Mémento du premier praire.
—L'Eglise crucifiée.
Cette semaine porte également dans l'Église le nom de Grande
Semaine eiélaiïl3ip^elée^Tim\[ivemenlla semaiiie des grands Mystères.
En effet, tout y est grand et mystérieux : les faits qu'elle rappelle,
les cérémonies par lesquelles on en fait la commémoraison, les
sentiments qu'elle inspire.
On ne peut parler dignement de la Semaine Sainte sans écrire à
son sujet un livre entier. Nous nous contenterons d'indiquer ici ce
qu'elle offre de plus saillant et de plus fondamental.
La Semaine Sainte s'ouvre avec le dimanche des Rameaux, belle
et touchante commémoraison de l'entrée triomphale de Jésus-
Christ à Jérusalem, quelques jours avant sa mort ignominieuse.
Eien ne manque à cette manifestation pour être un véritable
triomphe : ni l'enthousiasme populaire, ni les vêtements qui jon-
chaient le chemin, ni les branches de lauriers et d'oliviers qu'on
agitait autour du triomphateur, ni les cantiques et les 5^osanna/i sur
les lèvres naïves et innocentes des enfants. La joie et l'allégresse
furent mêlées aux larmes et à la tristesse. Le Sauveur, objet de cette
ovation, ne put s'empêcher de pleurer sur la ville inconstante qui
l'acclamait, connaissant d'avance sa versatilité et les cris si diffé-
44 LE PROPAGATEUR
rents par lesquels, peu de jours après, on devait demander sa mort.
Dans les cérémonies de l'Eglise se trouve retracé le double aspect
de ce mystère. Les chants respirent la joie ; mais l'orgue se tait et
les ornements sont violets en signe de tristesse. L'illumination est
sobre et l'ornementation de l'autel est simple. J'avoue que jamais
aucune cérémonie de l'Eglise ne m'a frappé comme cette allégresse
pleine de mélancolie. Et puisque ce sont les enfants des Hébreux
qui jouèrent le principal rôle et méritèrent par leurs chants les
éloges du Rédempteur, comme la foi du peuple catholique a été
poétiquement inspirée en intraduisant l'usage d'après lequel les
enfants se présentent aujourd'hui avec des palmes et des rameaux,
pour recevoir la bénédiction de l'Eglise et pour tempérer, par leur
joie enfantine, son au^érité et sa sainte tristesse ?
Pour rappeler l'entrée triomphale de Jésus-Christ, l'Eglise a
prescrit une procession. Durant cette procession, on ferme la porte
du temple. Au retour, l'assistance s'arrête devant cette porte, et
de l'intérieur, deux choristes chantent en quelque sorte la bienve-
nue au pacifique Triomphateur, dans un hymne dont l'air et le
texte attendrissent inévitablement les auditeurs.
Ensuite, on chante la Messe, et à cette Messe, le chant de la
Passion est alterné d'une façon assez dramatique par des diacres,
dont l'un fait le rôle de l'historien et l'autre de Notre Seigneur
Jésus-Christ. Palestrina a introduit en outre le chœur où la foule
dont les voix, tantôt insolentes et cruelles, tantôt douces et tendres,
interrompent la marche tranquille du triste drame, comme le
chœur, chez les Grecs, interrompait l'action paisible de la tragédie.
La piété des fidèles 'trouvera un aliment précieux dans la médi-
tation au jour le jour, des événements de la Passion du Sauveur,
pendant la Semaine Sainte.
Ce Diaire a été disposé d'une façon fort savante, selon l'ordre
des quatre Evangiles, par l'illustre Père Louis de la Palma, dans
son magnifique ouvrage, le meilleur peut-être qui ait été écrit en
espagnol sur ce sujet et qui a pour titre : Histoire de la Passion.
Voici comment il distribue les événements selon les différents
jours.
Le dimanche^ Jésus-Christ sort de Béthanie, de la maison de
Lazare, et vient à Jérusalem, où il est reçu en triomphe. Première
assemblée des Pharisiens ; retour de Jésus à Béthanie.
Le lundi, dans la matinée, le Sauveur retourne à Jérusalem j il
maudit le figuier stérile, et chasse les profanateurs du Temple. Il
revient de nouveau à Béthanie, qui était sa résidence favorite.
Le mardi, il retourne à Jérusalem, en passant par le même che-
min. Les disciples aperçoivent déjà desséché le figuier qui avait
été maudit la veille, image terrible de la réprobation de la Syna-
gogue. Le Sauveur parle pour la dernière fois dans le Temple aux
Scribes et aux Pharisiens. Il leur jette à la face ces paroles signi-
ficatives : " Jérusalem, Jérusalem, qui tues les Prophètes, etc. ".
Il revient à Béthanie.
LE PROPAGATEUR 45
Le mercredi, il demeure probablement toute la journée à Bétha-
nie. Les princes des prêtres se réunissent de nouveau. On convient
de s'emparer de Jésus, sans bruit ni tumulte, si c'est possible. Ju-
das propose de le livrer.
Le jeudi, dès le matin, Jésus envoie deux de ses disciples prépa-
rer l'Agneau pascal. Le soir, il mange avec eux selon le cérémo-
nial de la loi antique. Il célèbre la Cène dans laquelle il institue
le sacrifice de la Loi nouvelle, le sacrifice eucharistique, après
avoir lavé les pieds à ses apôtres. Il prononce son dernier discours.
Judas sort du cénacle. Jésus-Ghrisi, après avoir rendu grâces à
Dieu le Père, se dirige, selon sa coutamp, vers le jardin des Oli--
viers. Lorsque la nuit est déjà avancée. Judas se présente à la tête
de la foule. Jésus est conduit successivement à Anne et àCaïphe.
Peu de temps avant le premier chant du coq, à minuit, Pierre renie
Jésus-Christ. Il le renie encore peu de temps après, et il le renie
une troisième fois, au point du jour, avant le second chant du coq.
Le vendredi, à la première heure, Jésus est conduit d'abord à
Pilate, ensuite à Hérode, et encore à Pilate. C'est alors qu'eurent
lieu successivement la flagellation, le couronnement d'épines et
VEcce homo. Entre dix et onze heures, le juge inique se Jave les
mains et donne la sentence qui doit être gravée sur la croix. A
onze heures, Jésus s'engage dans le chemin du Calvaire et arrive
vers midi au sommet de ce mpnticule^C'est alors qu'a lieu le cru-
cifiement et que commencent les trois heures d'agonie. Jésus pro-
nonce sept paroles sur la croix ; le soleil refuse sa lumière. Le
Sauveur expire à trois heures. La terre tremble. A la nuit, le corps
de Jésus reçoit le coup de lance ; il est descendu de la croix et mis
dans le tombeau.
Le sawerfi, le Sauveur demeure dans le sépulcre. Les apôtres
sont dispersés ; Marie se tient dans le recueillement avec saint Jean
et les pieuses femmes. Sur le soir, celles-ci vont acheter des parfums
pour embaumer le corps du Sauveur, le matin du dimanche.
Le dimanche matin, Jésus Christ ressuscite selon qu'il l'avait
promis: " Je ressusciterai, le troisième jour ". Ces paroles n'exi-
gent point trois jours entiers.
La piété des fidèles recueillera les différentes circonstances de
ce drame de la Passion, pour en faire, durant cette semaine, le
sujet de ses méditations.
Le sentiment de douce mélancolie qui domine, durant cette se-
maine, dans toutes les cérémonies du culte, fait place, pour quel-
ques instants, au matin du Jeudi Saint, à un rite qui respire l'allé-
gresse. L'Eglise revêt les ornements blancs : elle illumine splen-
didement les autels ; les cloches jettent dans les airs leurs joyeuses
volées au G/o7'ta in excelsis ; la musique sacrée fait retentir les
voûtes de ses airs de fêle. C'est comme un intermède joyeux au
milieu d'une semaine de tristesse. Pourquoi cela? parce que, dans
la douloureuse Passion du Sauveur, il y eut aussi quelques courts
instants que 1 Fglise ne peut rappeler sans que l'âme se sente pé-
46 LE PROPAGATEUR
nétrée d'un sentiment de douce consolation. Ces instants sont
ceux où eut lieu l'institution de la sainte Eucharistie, dont nous
parlerons ailleurs, parce que ce sujet demande un chapitre à part.
Rappelez-vous seulement aujourd'hui que, la veille de sa mort, le
Sauveur n'eut qu'une pensée, celle d'enrichir les siens du don pré-
cieux de son Corps et de son Sang. Rappelez-vous quelle leçon
d'humilité précéda cette adorable institution. Le fils de Dieu, après
avoir déposé son manteau et s'être ceint les reins d'un linge, lava
les pieds à ces pauvres pêcheurs, recommandant ainsi la charité
mutuelle et le mépris de soi-même. C'est pour cela qu'aujourd'hui
quelques monarques lavent les pieds à douze pauvres dans leur
palais et que les évêques accomplissent la même cérémonie dans
leur cathédrale, ainsi que les abbés et les supérieurs dans leur
monastère.
Après la messe et à la suite d'une procession pleine de recueille-
ment, on dépose le Saint Sacrement dans le monument ou reposoir
préparé à cet effet. Tout semble ensuite destiné à rappeler unique-
ment et exclusivement la mort du Sauveur. Les autels sont dé-
pouillés de leurs ornements, les cloches demeurent silencieuses,
tout prend l'aspect de la plus sombre tristesse. Le reposoir est d'or-
dinaire un véritable monument de la piété du peuple. A défaut
des ornements précieux que l'art déploie dans les grandes cathé-
drales, la foi simple mais ardente des fidèles recourt à de gracieu-
ses et naïves industries ; les flambeaux et les fleurs sont largement
mis à contribution ; au milieu des branches de verdure qui entou-
rent le tombeau du Sauveur, les oiseaux viennent interrompre,
par leurs gazouillements harmonieux, le silence du lieu saint et
nous transporter par l'imagination à ce jardin où Jésus a été en-
seveli. Tout ce que peut avoir de beau et de précieux la pieuse mère
ou la dévote jeune fille, est offert avec bonheur et empressement
pour orner le monument et y resplendir comme un témoignage
éloquent de la foi populaire.
Les Lamentations sublimes de Jérémie résonnent le soir dans
le temple, modulées sur un rythme grave, tendre et mélancolique,
que la tradition nous a transmis. Quel est l'homme de cœur qui
n'a pas pleuré en les entendant ? Jamais l'élégie profane ne s'est
élevée à une telle hauteur sur la lyre des poètes les mieux inspi-
rés ; jamais on n'a pleuré avec des accents plus attendris et plus
triste la ruine d'une cité et la désolation de tout un peuple.
Le sentiment qui domine, le Jeudi Saint, c'est celui d'une solen-
nité pleine de grandeur et de majesté. Le sentiment qui domine,
le Vendredi Saint, est celui de la plus profonde consternation. Ad-
mirez, en passant, comment les mœurs s'accommodent entièrement
à cette merveilleuse gradation de sentiments, s'inspirant en cela
des pensées et de l'esprit de l'Eglise. Les affaires et les divertisse-
ments cessent; les princes et les grands vont à pied ; le silence et
le recueillement régnent dans les rues et sur les places; la nature
elle-même semble prendre part à ce deuil général. Une seule pen-
sée s'empare de tous les cœurs et donne à toutes choses un air de
gravité et de tristesse. Qui n'a vu notre peuple, en cette matinée
LE PROPAGATEUR 47
du Vendredi Saint, parcourant silencieusement les stations jusqu'à
l'heure de l'Office divin ? Qui ne l'a vu, à la ville et à la campagne,
complètement transformé et offrant un spectacle inaccoutumé ?
On dirait la sombre quiétude, l'émotion profonde qui régnaient
à Jérusalem, dans ses rues et sur ses places, peu de temps après la
consommation de Thorrible déïcide. Avec cette différence qu'à
Jérusalem c'était la stupeur et la prostration causées par le remords
au lieu qu'ici c'est l'affection pleine de suavité de la piété et de la
compassion. Dans l'office de ce jour, les cérémonies plus que jamais
symboliques et mystérieuses offrent un ensemble saisissant, capa-
ble d'impressionner fortement l'esprit le plus indifférent, L'Eglise
revêt ses ornements noirs; les prêtres,en arrivant à l'autel, se pros-
ternent le front sur le pavé du temple, comme aux jours de deuil
les anciens juifs se prosternaient dans la poussière. Le chant est
bref et lugubre, accompagné à peine par quelque instrument au
son grave. Après le chant de la Passion, l'Eglise, comme si elle
se trouvait au sommet sanglant du Calvaire, en présence du corps
de Jésus encore palpitant sur la croix, consacre un temps assez
long à prier avec effusion pour le monde entier ; pour les princes
et les peuples, pour les prêtres et les séculiers, pour les hérétiques,
les schismatiques et les Juifs, pour les gentils et les excommuniés,
étendant à tous sa maternelle sollicitude, de même que le Christ
€st mort pour tous. Lisez, chrétiens, ces oraisons dont vous trou-
verez la traduction dans vos manuels de piété. Un protestant de
beaucoup de talent et de cœur se convertit en les entendant à
Rome, s'écriant comme Salomon dans le célèbre procès des deux
mères : " Voilà la véritable mère; on la connaît à l'amour qu'elle
*' porte à tous les hommes ! Voilà la véritable Epouse du Christ,
" remplie de l'esprit même du Christ " !
Ensuite a lieu l'adoration de la croix, que nos rois accompagnent
de la remise de la peine capitale en faveur de quelques coupables.
Belle inspiration du catholicisme !
Imm.édiatement après, on retire du reposoir la sainte Réserve,
le Corps de Notre Seigneur, avec lequel le prêtre se communie
comme aux messes ordinaires, et il termine aussitôt l'office au
milieu du plus grand silence.
Les églises demeurent désertes, sans ornements ni lumières, ni
fleurs, sans rien qui annonce la solennité précédente. Le peuple
retourne tranquillement à ses occupations, et au soir de ce jour,
il nous est difficile de concevoir que dans la matinée a été célé-
brée une des principales solennités du christianisme. Cependant
l'Eglise conserve jusqu'à la messe du jour suivant sa même aus-
térité et sa tristesse silencieuse. Si je voulais vous expliquer l'effet
que produisent en moi, tous les ans, ces heures qui s'écoulent
entre l'office du Vendredi et le Gloria in excelsis de la messe du
Samedi, je vous dirais que je compare l'Eglise du Christ à une
veuve désolée durant les premières heures de solitude et d'abat-
tement qu'elle passe, en proie à la tristesse, dans le silence de sa
demeure, immédiatement après la sépulture d'un époux chéri,
lorsque résonnent encore à ses oreilles les derniers échos de la
48 LE PROPAGATEUR
pompe funèbre au milieu de laquelle elle l'a vu conduire à sa
dernière demeure.
La croix est l'emblème principal de la Semaine Sainte. Elle doit
être pareillement l'emblème de toute la vie du chrétien. Elle est
en outre un livre sublime qui, durant ces jours plus que jamais,
est ouvert aux yeux de tout le monde ; un livre où peuvent lire
même les plus ignorants, et, à l'aide duquel ils peuvent parvenir
à une science parfaite : un livre où doivent venir étudier les plus
savants, sous peine de demeurer dans une profonde ignorance sur
les questions qui les intéressent le plus. Connaître ce livre, c'est
posséder la science la plus précieuse qui puisse illuminer et orner
l'intelligence humaine. Saint Paul, le grand apôtre des nations,
qui n'était point un humble pêcheur de Galilée comme ses com-
pagnons, mais un docteur très érudil de la loi antique, avait une
connaissance très étendue de tout ce qui s'enseigne dans le monde,
et cependant, après sa merveilleuse conversion, il déclare ne vou-
loir entendre ni enseigner autre chose que ce livre dont nous nous
occupons en ce moment. Il ne voulait savoir autre chose, disait-il,
que Jésus et Jésus crucifié. Eludions ce livre.
Montons au Calvaire, où nous avons ajourd'hui et toujours
notre place spéciale, et d'où il n'est pas permis à un bon chrétien
d'éloigner son esprit et son attention, surtout dans les grandes so-
lennités présentes.
Une obscurité effrayante enveloppe la montagne lugubre
destinée, tout près de Jérusalem, aux exécutions capitales. La
terre et le ciel, autour du gibet qu'on vient d'élever, donnent des
preuves assez éloquentes que ce n'est point un condamné ordinaire
qui agonise et expire en ce moment. On dirait que le deuil
est général et que toutes les créatures y prennent part. Il
a plu à un de nos auteurs classiques les plus profonds de con-
sidérer ce spectacle comme le recueillement universel de tous les
êtres dans une muette contemplation de l'objet qui s'offre aux re-
gards et qui est attaché à cette croix. Il a semblé à cet écrivain
que le Père céleste avait subitement voilé les cieux et obscurci la
terre, afin qu'à la faveur de cette obscurité, la sainte montagne
devint un oratoire auguste, et que le divin crucifié qui y était sus-
pendu à un gibet, fournit un sujet de saintes et salutaires médita-
tions. Profitons de cette obscurité et de ces ombres mystérieuses ;
gravissons la montagne et, au pied de la croix, en présence du
Sauveur tout ensanglanté et mourant, étudions et instruisons-nous,
comme en un livre ouvert devant nous. Comme autrefois sur le
Sinaï, il n'est point défendu de porter son regard sur cette monta-
gne. On peut lire sans difficulté, bien plus, on est obligé de lire.
La loi de Dieu ne se présente point ici écrite sur des tables de
pierre par le doigt de Dieu, mais elle y est gravée sur la chair vive
du Fils de Dieu en caractères de sang, et par le fait de nos péchés.
Celui qui ne sait pas au moins épeler dans ce livre doit se regarder
comme voué à un désespoir irrémédiable, à moins que les larmes
ne lui obscurcissent la vue et ne lui étouffent la voix.
Lisez, chrétien, et considérez que vous êtes pécheur ; ces plaies
LE PROPAGATEUR 49
et ce sang vous disent de qui ils sont l'ouvrage, et ce qui a mérité
cette expiation et ce juste cliâtiment.
Lisez et considérez votre condition d'homme racheté. Voilà ce
que vous coûtez, ce que vous pesez, ce que vous valez dans la ba-
lance de Dieu le Père qui, pour faire'contre-poids, n'a pas dédaigné
de placer en regard son propre Fils.
Lisez et considérez quelle a dû être l'immensité de l'offense que
votre chute à faite à la majesté divine, puisque, pour la réparer, le
Verbe éternel lui-même a voulu se soumettre à une si rude épreuve.
Lisez et considérez combien est noble et élevé le rang que vous
occupez maintenant, puisque, pour vous faire entrer dans sa fa-
mille, le Fils unique de Dieu n'a pas hésité à écrire avec son sang
et sur son corps votre litre de noblesse.
Lisez et considérez combien est grand et magnifique l'avenir
qui vous est réservé dans le royaume des cieux, puisque pour vous
le conquérir comme à la pointe de l'épée votre Rédempteur est sorti
glorieusement blessé et meurtri de ce rude combat.
Lisez, enfin, et considérez ce qu'a d'épouvantable et de terrible
la responsabilité que font peser sur vous ce sang répandu, ce corps
décharné, cette agonie mortelle, celte croix douloureuse.
Après cela, il ne vous reste qu'à choisir entre deux extrêmes
aussi distants l'un de l'autre que le ciel et la terre : ou par les
mérites de cette croix être éternellement heureux et régner glori-
eusement avec le Christ, ou par le jugement redoutable de cette
même croix, être éternellement et irrévocablement condamné par
le Christ. Entendez-le bien, ô chrétien ; ou la croix et le sang de
Jésus Christ vous sauveront éternellement et irrévocablement;
ou ils vous perdront éternellement et irrévocablement. Ils seront
pour vous ce que vous voudrez; ce que réclameront vos œuvres.
Ayez courage, si vous êtes fidèle ; tremblez, si vous êtes pécheur!
Vous serez irrévocablement ce que vous feront vos œuvres.
Pendant trois heures, Jésus Christ a été suspendu à la croix.
Le souverain prêtre y est monté comme sur un autel ; il y va con-
sommer son grand sacrifice.
Voyez-le ; il demeure trois heures en proie aux angoisses et à
Tagonie ; trois heures pendant lesquelles il semble prolonger à
plaisir ses souffrances ; trois heures durant lesquelles il ne peut se
résoudre à dégager sa sainte âme de son corps ; trois heures qui,
eu raison de ses tourments, durent lui paraître trois siècles, mais
que sa charité lui fit prendre pour trois courts instants ; trois heures
qu'il prolonge à dessein, savourant en apparence avec une rare
jouissance, chaque goutte du calice de celte cruelle agonie.
Que ce délai prolongé ne vous effraie pas : le prêtre souverain
est au moment le plus solennel de sa Messe, et sa ferveur se plaît
à la prolonger. Il en fait avec bonheur les précieux mémento avec
son Père céleste.
C'est là sa Messe^ sa messe solennelle. La croix est son autel ; son
corps très saint et son âme sont l'hostie et le calice ; l'amour qui
l'immole en est le sacrificateur.
En même temps sacrificateur et hostie, prêtre et victim -, Jésus
4
50 LE PROPAGATEUR
Christ, à cette heure mémorable, présente à son Père éternel son
corps et son sang pour prix de la rédemption du genre liumain.
Cette messe a commencé lorsqu'à commencé au jardin des
Oliviers la douloureuse Passion de l'Homme-Dieu. Elle se termi-
nera lorsque Jésus, inclinant la tête, rendra le dernier soupir.
Et ces trois heures d'agonie interrompue seulement par quel-
ques paroles d'un sens très profond, ces trois heures partagées
entre le deuil du ciel et les épouvantements de la terre, ces trois
heures pendant lesquelles l'auguste Victime se recueille et s'entre-
tient intérieurement avec son Père céleste sont, ainsi que nous
l'avons dit, les Mémento de ce douloureux sacrifice.
Il sut bien le comprendre, de bon larron qui profila de cette
circonstance pour se recommander à Jésus et obtint d'être exaucé
sur-le-champ. " Souvenez vous de moi, dit-il au Sauveur, " Et il
mérita un souvenir spécial de l'Homme-Dieu.
Les moments que le souverain prêtre consacra à ces Mémento
vous paraissent longs ? Considérez les intentions incomparables
et infinies auxquelles il célèbre sa première messe.
Mais non, ne |vous perdez pas dans cette considération plus
profonde et plus étendue que l'océan. Que chacun fasse une ré-
flexion unique et sublime et qui ne peut manquer de produire une
profonde impression.
" Le souverain prêtre prie pendant quelques instants, et il prie
" pour moi.
" Oui, il prie pour moi, comme s'il priait pour moi seul ; car la
** prière d'un Dieu n'est ni partagée, ni diminuée, bien qu'elle soit
'' faite pour plusieurs ; il est indifférent qu'elle soit faite pour un
" seul ou pour mille. Il prie donc pour moi, comme s'il ne voyait
" que moi dans l'immensité du monde et dans toute la durée des
*• siècles.
" Il prie pour moi qu'il voit, du haut de sa croix, dans le loin-
" tain des âges futurs qui lui sont éternellement présents.
" Il prie pour moi qu'il connaît clairement et distinctement,
" comme le larron qui est à ses côtés, ou comme sa Mère qui est à
'' ses pieds.
" Il prie pour moi qu'il disiingue entre des millions d'autres créa-
" tures, qu'il appelle par mon nom, dont il connaît la physionomie,
" dont il connaît le lieu et l'heure de la naissance, du baptême,
'• de la mort, la condition.
" Il prie pour moi qu'il aime et dont il a compassion, pour qui
" il prépare des secours, dont il pardonne les injures, et dont les
" noires infidélités l'affligent par anticipation.
*' Il prie pour moi, il pense à moi, il me regarde, me considère.
'• Il faut que je sois quelque chose de bien grand, puisque sur moi
'' s'est portée la pensée principale de ce mourant, qui est le Fils
t '• de Dieu " 1
Ah ! il n'est pas possible de sonder toute la profondeur de cette
pensée ni d'en épuiser l'infiuie douceur.
Mais qu'il sera terrible au dernier jour, d'avoir cette pensée
LE PROPAGATEUR 51
gravée dans noire cœur et accusant notre vie d'ingratitude envers
Dieu ! Un Dieu mourant a pensé à moi, et durant toute ma vie,
j'ai négligé de penser à lui. Quel droit terrible aura sur moi, de
ce chef, la justice divine 1 Droit d'autant plus terrible que j'étais
plus obligé de l'aimer !
Je dois donc choisir entre l'amour ou la haine de Dieu ; entre
les éternels embrassements du Père ou l'éternelle réprobation du
Juge, 0 Seigneur î 0 Père ! 0 Juge ! Souvenez-vous de moi dans
votre royaume.
Le souvenir historique de la Passion du Sauveur rappelle, en
ces jours plus que jamais, à la mémoire du fidèle chrétien, les
amertumes de l'Église crucifiée.
Oui, contemplons-la. sur la croix, cette Église innocente victime
qui, comme son Maître, porte sur elle les iniquités de tous, et
s'immole continuellement, pour le salut de tous.
Le monde moderne est le Calvaire sur lequel se consomme
ce nouvel et cruel déicide. Approchons nous du théâtre de ce
drame lugubre et écoutons les accusations formulées dans ce
procès inique. Rien de plus révoltant ; mais rien aussi de plus
instructif. La croix est un gibet ; mais elle est aussi une chaire ;
et les leçons qu'on recueille à ses pieds compensent abondamment
les larmes amères que l'indignation arrache aux cœurs généreux
La vue du supplice et des circonstances a ici une éloquence qui,
aujourd'hui surtout, mérite de ne pas passer inaperçue.
Que le monde moderne se trouve en révolte ouverte et opiniâtre
contre l'Eglise, c'est dire trop peu, si ou n'ajoute pas que cette ré-
volte est une persécution. Et que personne ne taxe celte parole
d'exagération. L'Éghse catholique, au XIXe siècle, et principale-
ment parmi les nations de l'Europe, se trouve non plus seulement
mise de côté et méprisée, non plus uniquement tolérée comme une
institution gênante et ennuyeuse, mais véritablement persécutée
comme contraire au bien-être général, nuisible à l'intérêt public,
incompatible avec ce qu'on nomme la civiUsation et le progrès
moderne.
Il n'est pas besoin de passer en revue les diverses nations pour
nous convaincre de cette vérité. Chacun de nos lecteurs acquerra
cette certitude pour son compte, avec moins de danger et moins de
peine. Nous nous contenterons de relever les traits principaux du
tableau ; il ajoutera le détail convenable.
Qu'a fait l'Eglise catholique pour que le monde moderne la
traite de la façon indigne dont nous sommes les témoins ? Il fau-
drait écrire non pas seulement des articles, mais des livres, pour
répondre complètement à cette question. Pour répondre, d'un mot,
nous dirons qu'elle n'a fait que du bien. Examinons la question
au point de vue purement humain, puisque c'est celui qu'envisa-
gent ses ennemis, et nous constaterons qu'on n'a jamais vu plus
grands bienfaits payés par une plus noire ingratitude.
Elle a eu durant plusieurs siècles l'ascendant de i'aulorité et la
haute direction incontestable et reconnue sur tous les pouvoirs de
la terre. Et elle a toujours exercé cet ascendant et cette direction
52 LE PROPAGATEUR
en faveur des faibles et des opprimés. Il n'y a pas eu d'abus de
pouvoir qu'elle n'ait anathématisé, pas de caprice despotique
qu'elle n'ait stigmatisé, pas de mépris d'un droit public ou privé
contre lequel elle n'ait protesté. Dans les siècles de sa prépondé-
rance si calomniée, elle remplissait avec une majesté pleine de
grandeur le rôle de tribun du peuple, et pendant que, d'une main,
elle plaçait et assurait la couronne sur le front des rois, de l'autre,
elle traçait la ligne sévère qui devait les contenir dans les limites
du respect dû à la loi de Dieu et aux droits de la dignité humaine.
Elle a eu l'ascendant du génie et elle a répandu à pleines mains
les trésors de la science au milieu des nations. Elle a créé des
musées, elle a formé des bibliothèques, elle a protégé les arts ;
elle a placé dans les mains de l'enfant du peuple le livre, le pin-
ceau et le burin, avant que tout cela fût connu de ceux qui veulent
aujourd'hui, à son détriment, s'attribuer le monopole de toute
science et de tout progrès.
Elle eut l'ascendant des richesses et elle les employa toujours
au profit des peuples, s'appliquant à consoler toutes les douleurs
et à soulager toutes les misères. Elle fut la trésorière des pauvres
dans le sens le plus exact et le plus noble de ce mot. Tout ce qui
s'est fait dans le monde, depuis dix neuf siècles, en matière de
bienfaisance publique et privée, est son œuvre. Elle peut, titres
en mains, réclamer la paternité exclusive de tout.
Ajoutez à cela des bienfaits d'un ordre supérieur, bien qu'ils
soient moins appréciés de notre siècle grossièrement matérialiste :
le nom de Dieu connu et glorifié ; les mœurs purifiées et amélio-
rées; la nature humaine élevée à la sainteté ; l'autorité paternelle
ennoblie ; le lien conjugal sanctifié ; la femme élevée au rang de
compagne de l'homme ; les chaînes de l'esclavage brisées après
quarante siècles; l'établissement d'un nouveau droit international,
de nouvelles lois d'humanité dans la guerre, d'un nouvel esprit
dans la législation ; en un mot, une nouvelle civihsation à la place
de la civilisation païenne, égoïste, oppressive, brutale, dégradante.
Tout cela est son œuvre, l'œuvre de ses apôtres. Tout cela est dû
à l'action lente de ses pontifes, au travail persévérant de son clergé.
Tout, en un mot, est un miracle, et un pur miracle de sa divine
vertu intrinsèque.
L'Eglise est l'image de son divin fondateur. Gomme celui-ci est
venu principalement en ce monde pour sauver les âmes, sans dé-
daigner toutefois de guérir les corps, ainsi l'Eglise, dont la mission
consiste à diriger les cœurs vers Dieu et à leur procurer la félicité
éternelle, n'a pas jugé indigne d'elle de donner le bonheur tempo-
rel et de se constituer la protectrice efficace des intérêts matériels,
Et en échange de tout cela, que lui donne-t-on ? Gomment la re-
mercie-t-on pour tant d'abnégation et de sacrifices ?
Ah ! nous nous figurons être on ce moment sur la place de
Jérusalem et entendre les cris furieux du peuple juif, lorsque
nous prêtons l'oreille à ceux que profère notre siècle par l'organe
de l'opinion publique, aujourd'hui la reine du monde, lorsque
nous lisons les journaux, lorsque nous écoutons ses orateurs,.
LE PROPAGATEUR 53
lorsque nous observons les machinations de ses diplomates. Ici,
comme à Jérusalem, les accusations sont contradictoires et les
faux témoins se réfutent les uns les autres. Écoutez-les ;
qui ne les entend chaque jour ?
" L'Église, disent-ils, est l'ennemie de la liberté ; elle est l'alliée
" naturelle de toutes les tyrannies. L'heure est venue pour les
*' peuples de se liguer contre elle, s'ils veulent être libres.
" Elle est l'ennemie des Gouvernements ; elle séduit les foules;
" elle trouble les consciences ; elle soulève les masses ; elle sape
■" tous les pouvoirs : on ne saurait trop se tenir en garde contre elle.
" Elle est arriérée ; elle est ignorante ; elle abhorre la lumière ;
" elle veut nous ramener à l'obscurantisme ; elle opprime la pensée.
" Elle veut pour elle le monopole de l'enseignement pour mieux
" assujettir les intelligences ; c'est dans ce but qu'elle réclame
" la liberté pour son enseignement.
" En inculquant le mépris des biens de ce monde, elle est l'en-
" nemie de la prospérité des nations; elle favorise la paresse ; elle
^' veut nous plonger dans un mysticisme oisif et faire du monde
" un cloître.
" Elle est active, ambitieuse, elle accapare les biens terrestres ;
" laissez-la faire, et tout viendra dans ses mains.
" Son temps est passé ; elle n'a aucune influence ; le Souverain
" Pontificat est une momie du moyen-âge, et le Vatican en est le
" Panthéon. Elle est morte.
" Il faut se tenir en garde contre elle ; elle est une conspiration
•" universelle contre la civilisation ; aujourd'hui plus que jamais
" s'agite le monstre du cléricalisme. "
Grand Dieu ! tel est le procès contradictoire, et il n'y en a pas
d'autre. Tel est le procès absurde dans lequel on condamne l'Eglise
à mort, on charge la croix sur ses épaules, on la conduit au som-
met d'un douloureux Calvaire, on la crucifie, on l'abreuve de fiel
et de vinaigre, au milieu des blasphèmes, des sarcasmes et des rail-
leries de la multitude séduite par ceux qui ont le plus d'intérêt à
la maintenir dans de telles erreurs et dans une pareille agitation.
Telles sont les charges qui pèsent sur la tête de l'auguste victime,
et pour lesquelles on la tient clouée à la croix comme une crimi-
nelle, elle, la mère du genre humain, la perpétuelle amie et la
prolectrice du peuple, la messagère du ciel, la fille du Très Haut !
Ah ! oui ; elle est sur la croix, affrontant toutes les colères et
supportant tons les outrages avec une résignation divine.
La foule, excitée par les Scribes et les Pharisiens, se rit de ses
tristesses ; les cœurs généreux et fidèles, heureux est leur sort !
groupés au pied de la croix, recueillent les paroles de vie qui
tombent des lèvres de l'Église, s'associent à ses douleurs, se mon-
trent d'autant plus forts et courageux qu'ils la voient plus indig-
nement combattue.
Mais... que vois-je ?.., Portez vos yeux autour de cette croix ;
contemplez le spectacle qu'offre le monde ; examinez si ce n'est
54
LE PROPAGATEUR
pas la reproduction des symptômes effrayants qui accompagnèrent
le crucifiement du Sauveur.
L'Église est sur la croix : mais voyez à quel point la paix du
monde est Iroublée ; tous les éléments de la société sont boule-
versés ; le soleil de la civilisation est éclipsé par des nuages épais
et sanglants ; tous les cœurs sont en proie à une vague terreur ;
tout est ébranlé, bouleversé, la famille, la propriété, l'ordre public,
les trônes. C'est comme le moment d'une crise terrible.
L'Eglise est sur la croix ; mais ses ennemis ne se tiennent point
en repos pour cela ; elle les voit effrayés, comme les Pharisiens
sur le Calvaire, courir ça et là, comme s'ils sentaient le sol trem-
bler sous leurs pieds, et la terre s'ouvrir pour châtier leur iniquité.
L'Eglise est sur la croix ; mais elle demeure ferme et courageuse ;
elle seule est sereine ; elle seule espère ; elle seule répand la paix
et la consolation dans l'âme de ceux qui lui demeurent fidèles ;
elle seule continue à être le phare destiné à éclairer l'avenir in-
certain ; elle seule ne subit jamais d'éclipsé, ne perd jamais son
éclat au milieu des ténèbres épaisses qui l'entourent.
L'Eglise est sur la croix ; mais là encore, là surtout, elle con-
quiert les âmes, elle soumet les volontés, elle attire les cœurs, et
chaque jour quelqu'un de ses anciens ennemis vient se prosterner
à ses pieds et lui dire, en se frappant la poitrine comme le Centu-
rion : " Le catholicisme est bien réellement la religion véritable."
Ah ! laissez passer les quelques heures de ce soir du Vendredi
Saint avec leurs angoisses et leurs ténèbres. L'Eglise est sur la
croix, c'est vrai ; mais cette croix sur laquelle elle est attachée a
été plantée et fi>ée par Dieu au cœur du monde, et quoique fasse
le monde pour l'arracher, quoi que tente dans le même but l'enfer
avec toute sa fureur, ne craignez pas, la croix ne -era pas arrachée.
La croix, sur laquelle l'Eglise est crucifiée, est à la fois le trône
du haut duquel elle règne sur le monde et l'arme au moyen de
laquelle elle subjugue et brise la puissance de Satan. Dieu l'avait
promis ; l'histoire de dix neuf siècles montre la réalisation de
cette promesse ; l'Eglise chante en ces jouis avec une magnifi-
cence pleine de grandeur : " Dieu a régné par la croix. "
Don Sarda y Salvany.
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PARTIE LEGALE,
Rédacteur ; A L. B Y
ELECTIONS MUNICIPALES
RÈGLES d'interprétation.
Les élections municipales qui ont eu lieu à Montréal le premier
février ont été déclarées valides par la cour Supérieure, Loranger,
juge. Le jugement qui les valide a été rendu le 13 février. Ce
jugement casse et, annule en même temps le bref d'injonction
accordé par le juge Doherty et ordonnant de suspendre les élections.
Le 27 février la cour de révision a confirmé le jugement de la
cour Supérieure. Les juges siégeant en révision étaient le juge
en chef Johnson et les juges Gill et Tellier.
•Je reproduis ici les deux principaux considérants du jugement
de la cour Supérieure parce qu'ils proclament des règles d'inter-
prétion parfaitement justes.
Considérant qu'il f st de principe, qu'une loi abrogée ne C'^sse d'avoir ses effets
que lorsque la loi d'abrogation a pris les siens, le bien et la sûreté publics exi-
geant que la société ne demeure pas un moment sans la protection de la loi.
Considérant que dans le cas où la loi peut être douteuse, le tribunal doit en
chercher l'esprit, sans égard aux termes, de manière à lui donner ses effets, sui-
vant l'intention du législateur, et que chaque fois qu'il s'élève des doutes ;ur
l'interprétation d'une disposition dans laquelle il s'agit de hberlé, c'est en faveur
de la liberté qu'on doit la déterminer ;
ACTES NOTARIES,
MARQUE.
Question. — Dans les actes notariés, est-il nécessaire que^ ceux qui ne savent
pas signer fassent leur marque ou croix ?
Clerc Notaire.
RÉPONSE. — Non. Il n'est plus d'usage de faire des croix ou mar-
ques dans les actes. La chose a existé autrefois, mais depuis long-
temps cette coutume est tombée en désuétude.
Lorsqu'il s'agit d'un testament, il est cependant préférable que
le testateur qui ne sait pas signer fasse sa marque en présence du
notaire et des témoins. Voici la raison de cette manière d'agir. Le
code civil, dans l'article 851, ordonne que le testament suivant la
forme dérivée de la loi d'Angleterre soit rédigé par écrit et signé,
à la fin, de son nom ou de sa marque par le testateur. Et l'article
855 du même code décrète que le testament fait apparemment sous
une forme et nul comme tel à cause de l^ inobservation de quelque for-
malité, peut être valide comme fait sous une autre forme, s'il contient
tout ce qu'exige cette dernière.
Ainsi, dans le cas qui nous occupe, si le testament notarié d'un
(*) A la page 19, note au bas de la page au lieu de " d^amende de quatre-vingt-huit piastres.
lisez " d'itn« amende de huit à quatre-vingts piastres.
5t) LE PROPAGATEUR
individu qui ne sait pas signer ne porte pas la marque du testateur
et que l'inobservation d'une formalité le rende nul, il ne pourra
pas valoir comme testament anglais parceque celte forme de tes-
tament exige l'apposition d'une marque. Au contraire si la marque
est apposée et si les autres formalités ont été observées, le testa-
ment notarié, nul comme tel, sera valide comme testament anglais.
DONATION.
CHARGES. OBLIGATION AU MÉDECIN.
Question. — Un cultivateur de St-B..., m'a donné une terre moyennant une
renie viigèr- et d'autres prestations. L'une des charges consiste à aller en ma-
ladie lui chercher le prélre et le médecinel payer ce dernier. Mon donateur a-t-il
h- droit d'à prendre un médecin de son choix, ou est-il obligé de se servir de mon
médecin ? S'il se sert d'un autre médecin, suis-je obligé de le payer ?
Samuel P...
RÉi-ONSE — En thèse générale je crois que vous êtes obligé de
payer le médecin que le donateur choisira. Il y a cependant des
distinctions à faire et le donateur ne peut pas, suivant moi, vous
obliger de payer les visites d'un médecin éloigné lorsqu'il y a de
bons médecins dans votre paroisse. Ainsi, par exemple, il ne peut
pas faire venir à grands frais un médecin de Montréal à une dis-
tance de dix lieues lorsqu'il y a des médecins recommandables
chez vous. Un donateur ne peut pas ainsi augmenter considéra-
blement les charges qui pèsent sur un donataire.
Dans les cas d'obligation au médecin il faut juger d'après les
intentions présumées des contractants.
Il est évident (lorsqu'il n'y a pas d'explications) que l'on a dans
la plupart des cas eu en vue les soins ordinaires du médecin de
la localité ou d'une localité rapprochée et non pas les soins dis-
pendieux d'un médecin éloigné. S'il en était autrement le dona-
taire serait quelquefois obligé de payer des sommes énormes et
hors de toute proportion avec les avantages confères par la dona-
tion. Il y aurait alors une injustice que les tribunaux devraient
réprimer.
En 1882, dans la cause de
PRINER VS LEGRIS,
il a été jugé
Qu'un donateur a le choix de son médecin, en cas de maladie^ et que
le donataire est tenu d'acquitter la note de ce médecin.
Les faits de cette cause sont rapportés dans un journal du temps.
Voici l'article de ce journal :
Par acte d-î donation fait et passé à Terrebonne, un nommé Thomas Albert
avait donné à Legris la totalité de ses biens, meubles et immeubles, à certaines
conditions, t-utr'autres, de lui fournir curé et médecin, etc.
11 était aussi stipulé que le donateur demeurerait au domicile du défendeur,
mais qu'au cas de désaccord, le donataire remplirait ailleurs les mêmes charges
que chz lui.
Le désaccord survint, et Thomas Albert se choisit un autre domicile. Ce fut
là qu'il requit les services du Dr Priner. Après six mois de maladie, il mourut.
Le médecin présenta sou compte à Legris pour une somme de $75. Celui-ci re-
LE PROPAGATEUR 57
fusa d'en faire le paiement, d'sant " qu'il ne le connaissait pas, qu'il n'avait
jamais requis ses services, qu'il n'était pas son médecin ordinaire, et que son
rentier ayant fui sans raison, el sans qu'il y eut désaccord, son domicile, il n'é-
tait pas tenu à cette obligation stipulée à l'acte : que son médecin ordinaire lui
aurait chargé beaucoup moins, enfin qu'il n'y avait pas de lien de droit entr'eux,
qu'il n'y avait jamais eu contrat entr'eux, " etc.
Les moyens furent développés à l'argument.
La demau'le soutint que s'il n'y avait pas de contrat formel entre Priner et Le-
gris, il y avait tout au moins un quasi-coiilrat : que Priner avait accompli l'obli-
gation à laquelle était tenu Legris : que celui-ci ne pouvait pas s^ plain'ire, et
que la val^^ur du compte ayant éié prouvée, il fallait autant le lui payer à lui,
médecin appelé par le donateur, qu'à un autre médecin ; que le donateur malade
avait le choix absolu de son médecin, et qu'il pouvait toujours refuser le médecin
appelé par le donataire
Cette doctrine a prévalu, et le défenfleur a été condamné à payer dette et frais.
LA PASSION DE JESUS-CHRIST
DE LA SEMAINE SAi:s:TE
H. I.'ABB£ BÉXARD
Ancien chef d'instruction et chanoine lionoraire de Kancy, avec l'approbation de l'Ordinaire.
1 vol iu-8. — Prix : Sl,25
MONSEIGNEUR, — J'ai lu avec attention l'ouvrage qui a pour titre : La Passion
de Jésus- Christ el la Semaine-Sainte, et je n'y ai rien trouvé d'opposé à l'enseig-
nement de l'Église catholique, apostolique et romaine. C'est un excellent com-
mentaire des Epitres el des Evangiles de la semaine sainte. C'est le couronnement
oblige de l'ouvrage intitulé : Le Carême, publié l'an dernier par le même auteur,
M. l'abbé Bénard.
11 suit le même orire et la même méthode que dans le Carême et dans
l'explication des Evangiles el des Epitres des dimanches el fêles de l'année. Il
expose d'aborl le texte sacré traduit en français, et le texte latin est au bas des
pages. Il divise la matière qu'il contient en plusieurs paragraphes et en donne
l'explication.
Rien n'est comparable, dit-on, au simple récit de la Passion que nous ont
laissé les Evangélistes. Tout y est naïf, clair, concis, noble et sublime. Ce-
pendant les docteurs de TEglise en ont tiré des pages de la plus haute éloquence,
en expliquant le texte biblique.
Le -Fils de Dieu s'est fait homme pour sauver le monde, sa Passion est donc
un drame dont le premier acte louche à la création, et le dénouement a eu lieu
au Golgotha. M. l'abbé Bénard résume d'une manière très intéressante les
prophéties, soit verbales, soit typiques, qui annoncent et figurent d'avance les
souffrances du divin Crucifié. Les prophètes ont été les premiers historiens de
THomme-Dieu.
Pour préparer ses Apôtres à ce grand événement, Jésus-Christ leur parle
souvent de sa Passion, qui domine tout le Nouveau Testaient.
Ce livre est digne de ses devanciers. La doctrine en est pure et approfondie.
Les réflexions sont courtes et pieuses ; les pensées surabondent et donneront
lieu à de beaux développements. C'est un ouvrage neu/ei tout à fait remarquable.
Parmi les arts d'agrément qu'en enseigne aujourd'hui à la j-'unesse, on a
supprimé le plus nécessaire et le plus important, l'^rt de bien souffrir ; car nous
ne sommes ici-bas que pour travailler el pour souffrir. M Bénard nous offre
un parfait modèle, nous trace les règles à suivre pour marcher sur ses traces,
et nous met sous les yeux les motifs les plus efficaces, pour faire chaque jour
de nouveaux progrès, dans cet art qui élève le chrétien jusqu'à l'héroïsme.
Daignez agréer. Monseigneur, l'hommage du profond respect, et de la sincère
vénération, avec lesquels j'ai l'honneur d'être, de Votre Grandeur, le très hum-
ble et très obéissant serviteur. GRIDEL, Chanoine.
L'ERMITE DE FRANCHARD
Sedebil solitarius et lacebit.
Vers la fin de l'été de 1 658, la Reine Anne d'Autriche, Louis XIV
et Monsieur frère du Roi, vinrent s'installer au château de Fon-
tainebleau, et Mademoiselle deMontpensier, au retour des eaux de
Forges où elle avait accoutumé de se rendre chaque annép, ne
tarda pas à rejoindre la famille royale. Le cardinal M;izarin, dont
la santé ne s'accommodait guère de l'air de Fontainebleau, était
resté à Vincennes, et s'occupait des alFaires de l'État. Quant au
Roi, alors âgé de vingt ans, il ne songeait qu'à se divertir, à chasser
et à danser avec les nièces du cardinal, les filles d'honneur de la
Reine, et les jeunes seigneurs les plus gais du royaume.
Mademoiselle, bien qu'elle eût dépassé de six ans l'âge où les
filles à marier mettent une première épingle au bonnet de sainte
Catherine, était encore de belle humeur, et prenait part à tous les
plaisirs. Tout en raillant Monsieur de son goût excessif pour la
parure, elle prenait grand soin elle-même d'être fort bien ajustée,
et ornait les assemblées de sa bonne mine et de l'éclat de sa blonde
chevelure. La cour était brillante, le château retentissait du bruit
des fêtes, et de joyeuses cavalcades, des chasses fréquentes ani-
maient la forêt et réveillaient ses échos par d'harmonieuses
fanfares.
Quant au meurtre qui, moins d'une année auparavant, avait
ensanglanté la galerie des Cerfs, personne n'en parlait plus. Le
soir, il est vrai, quelques valets poltrons évitaient d'entrer dans
cette galerie, disant qu'on y entendait des bruits de l'autre monde
et qu'un faniôme s'y montrait à la tombée de la nuit, mais, en
revanche, belles dames et cavaliers y passaient en riant et en
causant, et le tapis moelleux qui cachait les taches du parquet et
amortissait le bruit des pas, semblait aussi voiler les tragiques
souvenirs et imposer silence à l'écho du passé.
Un soir, au souper de la Reine, Monsieur se vanta étourdietnent
de connaître toutes les routes et d'avoir parcouru tous les détours
de la forêt de Fontainebleau.
— Je crois que Son Altesse Royale se trompe, dit Marie Mancini :
la forêt est bien grande, et j'ai entendu parler hier à M. de Vatry
d'un endroit si sauvage, si affreux que l'on n'y chasse jamais, mais
où il y a une chapelle où les bonnes gens de Fontainebleau vont en
pèlerinage une fois l'an.
— Comment s'appelle cet endroit ? dit Monsieur.
— Ah ! je ne m'en souviens plus, reprit Mademoiselle de Mancini.
— C'est l'ermitage de Franchard, dit Madame de Motteville. Il
LE PROPAGATEUR 59
est si tué près des ruines d'une vieille abbaye, et on y voit une roche
qui pleure.
— Une roche qui pleuve 1 s'écria le jeune prince : il nous faut
aller voir cela. Si la Reine le permet, Mesdames, j'offrirai au Roi
et à vous toutes une collation demain soir, à Franchard.
— Je ne sais, mon fils, dit Anne d'Autriche, si ce ne serait point
fort imprudent. L'endroit est sauvage et il doit s'y trouver des
vipères. Qu'en pensez-vous, Molteville ?
— Il n'y en a point. Madame, dit madame de Motteville : j'y
suis allé plusieurs fois avec mademoiselle de Mons, et d'autres
personnes encore moins braves que moi, et je puis assurera votre
Majesté que de temps immémorial on n'a pas vu de serpents à
Franchard. Les prières des bons religieux qui habitaient là autre-
fois ont délivré leur petit domaine de ces hôtes dangereux, et l'on
ne court fortune d'être piqué à Franchard, que si l'on va troubler
dans leur ménage les abeilles de l'ermite.
— Sur votre parole, Motteville, dit la Reine, je permettrai la
collation, mais je n'irai point. Mademoiselle me remplacera pour
guider et commander l'escadron des Dames et Demoiselles. Je
suppose que Madame la Comtesse de Soissons fera comme moi,
et restera au château ?
— Avec la permission de votre Majesté, s'il y a moyen d'aller
à Franchard en calèche, dit Olympe Mancini, je m'y ferai conduire,
car j'ai le plus grand désir du monde de voir l'ermite.
— En l'état où vous êtes. Madame, dit Anne d'Autriche en
souriant, il se faut passer toutes ses fantaisies ; mais j'entends les
violons qui préludent. Passons dans la galerie.
Et la Reine, se levant de table, dit ses giâces, lava ses belles
mains, et conduite par Louis XIV, entra dans la galerie de Henri II,
où le jeune Roi ouvrit bientôt le bal avec Mademoiselle, et dansa
jusqu'à minuit.
Le lendemain matin, l'ermite de Franchard, sans se douter le
moins du monde des visites royales qui devaient ce jour- là troubler
la tranquillité de son ermitage, s'était levé dès l'aurore et avait
été entendre la messe à l'église d'Arbonne. Il visita ensuite deux
ou trois malades du village, leur donna des plantes médicinales
de son jardin, et de petites fioles d'un sirop qu'il fabriquait lui-
même fort habilement avec des bourgeons de sapin et du miel de
ses luches, et, ayant pris congé d'eux en leur promettant une
prompte guérison, il reprit le chemin de Franchard.
Les bonnes gens lui avaient offert à déjeuner, mais l'ermite les
remerciant, comme d'habitude, leur fit voir qu'il avait ses petites
provisions dans la poche de sa robe.
Arrivé en forêt, il s'assit près d'une source, appela les oiseau v^
et se mit à couper son pain et ses poires. Dociles à sa voix, des
oiseaux de toute sorte vinrent ^'entourer, et becqueter le pain
qu'il leur jetait, jusque sur les plis de sa robe de bure. L'ermite,
«0 LE PROPAGATEUR
se voyanr seul avec cette compagnie ailée, rejeta en arrière son
capuchon, qu'il portait habituellement fort 'rabaissé.
L'ermite de Franchard ne paraissait pas âgé de plus de trente-
cinq à quarante ans. Sa barbe et ses cheveux étaient fort noirs,
et son visage basané, pensif et calme, régulièrement beau.
Il avait presque fini son frugal repas, lorsqu'une voix d'homme,
qui chantait un refrain bachique se fit entendre à peu de distance.
Les oiseaux s'envolèient, l'ermite remit son capuchon, et un
garde forestier accompagné de deux grands chiens qui fouillaient
le bois, parut sur le chemin. En apercevant l'ermite, il s'écria :
— Hé bonjour, frère Sylvain 1 vous voilà bien tranquille et au
frais, tandis que l'on vous réclame à Franchard.
— J'arrive d'Arbonne, dit le frère, qu'y a-t-il donc, Hubert ? "
— Ce qu'il y a ? hé vraimennt, toute une dinanderie de vais-
selle, des provisions, des mulets chargés, des tapissiers, des
cuisiniers et des marmitons. On vous appelle à cor ei cris pour
avoir la clef de votre jardin, où l'on veut dresser une tente, une
table, je ne sais quoi. Enfin le Roi doit souper à Franchard, et
dès la pointe du jour les préparatifs ont commencé. Allez vite
veiller à ce qu'on ne ravage pas votre domaine.
L'ermite avait pâli, et paraissait fort contrarié. — Je suis bien
tenté de ne rentrer que ce soir dit-il, voici ma clef, Hubert ; vou-
driez-vous aller veiller à ma place sur mes pauvres niches ?
— Non point, mon frère, personne ne m'écouterait. Il n'y a
<ïu'un prêtre ou un ermite qui puisse en imposer à cette valetaille.
La reine a bien donné l'ordre qu'on ne louche à rien sans votre
permission, mais si vous n'êtes pas là, ils se lasseront d'attendre,
et escaladeront vos clôtures. Allez-y, et le plus vite possible,
croyez-moi.
— Hélas dit l'ermite, quel besoin ont ces grands de la terre de
venir troubler ma chère solitude ? Allons puisqu'il le faut. Je
vous remercie, Hubert.
Et il prit à grand pas le chemin de Franchard.
Avant d'y arriver, il entendit le bruit que faisaient les valets et
les officiers de bouche. Ils avaient déjà installé les fourneaux
dans les ruines de l'Abbaye, et déballaient tout ce qui était néces-
saire pour dresser une table de trente couverts, une tente élégante
qui devait abriter les convives, et une autre, plus simple, destinée
aux musiciens du Roi. La prairie qui entourait les ruines était si
mal nivelée, si encombrée de gros quartiers de roche, que le
maître d'hôtel et le tapissier du Roi avaient décidé qu'on mettrait
la table dans le jardin de l'ermite. Or, ce jardin protégé contre
les incursions des cerfs et des sangliers par une petite muraille
de pierres sèches doublée d'un treillis d'échalas haut de six pieds,
était fermé d'une porte solide, et des exprès avaient été envoyés
dans toutes les directions pour ramener l'ermite et le prier d'ouvrir
son jardin. Dès qu'il parut, le n»aître d'hôtel et dix autres person-
nages affairés coururent à sa rencontre en réclamant la clef. —
LE PROPAGA.TEUR 61
Frère Sylvain leur ouvrit son petit enclos, les avertit de ne pas
toucher aux ruches situées heureusement à l'extrémité opposée à
l'entrée du jardin, et, jetant un triste regard sur les planches de
légumes, d'herbes et de fleurs que l'on allait nécessairement fouler
aux pieds, il se retira dans sa cellule. Mais à peine en eût-il fermé
la porte quiun valet vint y frapper. — Que voulez- vous ? dit frère
Sylvain.
" — Il n'y a pas assez de chaises, dit le valet, en avez-vous ?
— J'ai deux escabeaux, pas davantage, les voici.
— Oh ! si vous n'avez que ceux-là gardez-les. On ira en chercher
à Fontainebleau.
Un instant après, un autre messager vint frapper : — Mon frère^
où faut-il puiser de l'eau ?
— Il n'y a d'autre source à Franchard que la Roche qui pleure,
là-bas, près de ce grand chêne.
— Mais, il n'en sort qu'une goutte toutes les cinq minutes, mon
frère. Vous devez connaître une fontaine, dans les environs.
— Il n'y en a pas, je vous assure, à moins de prendre de l'eau
dans les mares.
— Ce sera bon pour la vaisselle, mais le Roi trempe toujours son
vin, les dames n'en boivent pas, et il nous faut de l'eau de source.
— Hé bien, allez au château, reprit frère Sylvain, mais de
grâce laissez-moi en repos. Je ne suis pas un Moïse pour faire
jaillir une source dans ce désert.
— Mais, reprit l'obstiné valet, que buvez-vous donc ?»
— L'eau de la Roche qui pleure, dit l'ermite, et celle que je
recueille dans ma petite citerne. Pour le moment elle est à sec.
Il y a si longtemps qu'il n'a plu !
— Croyez-vous qu'il pleuve bientôt ?
— Oui, très probablemet la nuit prochaine, il y aura de l'orage.
— Bon, ce sera pour compléter nos ennuis ! dit le valet. Conçoit,
on pareille fantaisie ? vouloir souper dans un pareil désert, un
pays affreux, où il faut tout apporter, tandis qu'au château
Enfin, ces princes ne savent qu'imaginer pour ennuyer leurs gens.
Il s'en alla en grommelant. Sur son rapport, le maître d'hôtel
lui commanda de monter à cheval et d'aller requérir à Fontaine-
bleau un tonnelet d'eau de source et plusieurs barils de glace. Et le
messager partit d'autant plus vexé que ses compagnons préparaient
leur dîner en faisant rôtir en plein air un mouton tout entier.
L'ermite s'était mis à lire dans la Fleur des Saints la vie de
saint Fiacre : c'était le saint du jour, et sa vie d'ermite jardinier
ofl'rait de telles analogies avec celle du frère Sylvain, qu'il la
lisait chaque année avec un nouveau plaisir, mais, cette fois, le
bruit qui se faisait dans son jardin l'inquiétait et lui occasionnait
bien des distractions. Il entendait les coups de maillet donnés sur
les piquets de la tente, et les ordres, les contr' ordres, le bavardage
et les discussions des ouvriers et des valets. — Hélas, se disait-il,
ils vont faire de mon pauvre jardin une jachère. Pourvu qu'ils
ne cueillent pas mes pommes et mes poires, ou, du moins qu'ils
ne brisent pas les branches !
62 LE PROPAGATEUR
Il sortit pour y aller voir. Un vieux domestique à moustache
grise, ancien soldat, se promenait le long des plates-bandes. —
Rassurez-vous, mon frère, lui dit-il : la Reine, à qui madame de
Molteville a beaucoup parlé de vous, m'a donné ordre de veiller
à ce qu'on ne vous fasse aucun tort. Je ne puis empêcher que
l'on marche sur l'oseille, mais si un de ces galopins touchait à
vos fruits, je lui couperais les oreilles, vrai comme j'ai perdu un
œil à Rocroy.
L'ermite le remercia et rentra dans son étroite demeure, se
promettant de s'y tenir caché jusqu'à la nuit.
La journée fut très chaude, et la brillante cavalcade qui escor-
tait le Roi ne sortit des jardins de Fontainebleau que ver? trois
heures. Olympe Mancini, comtesse de Soissons, s'était mollement
couchée dans une calèche bisse ; toutes les autres dames, vêtues
de pourpoints brodés et de longues jupes de drap de soie de couleur
éclatante, coiffées de chapeaux à plumes assorties, chevauchaient
avec Louis XIV. Il eût été difficile de voir plus jolie troupe. La
Roi et Monsieur, très beaux tous deux, effaçaient non seulemnnt
les jeunes seigneurs qui les suivaient, mais encore l'éclat des
visages féminins. Il est vrai que Marie Mancini était fort brune,
ses sœurs Hortense et Marianne, encore des enfants, madame la
comtesse de Soissons un peu souffrante, Mademoiselle sur le
déclin, et njesdames et mesdemaiselles de Gréqui, de Vivonne,
de Fouilloux, etc., plutôt agréables que belles. Mais une jeune
dame nouvellement arrivée à la cour, et que Mademoiselle avait
amené, attirail les regards, d'abord par son cosiume gris et noir
et son bandeau de veuve, puis par une beauté blonde des plus
gracieuses. L'écuyer de Mademoiselle, Gaston de Neverly, s'occu-
pait beaucoup de rendre des soins à cette belle, et personne n'y
trouvait à redire, attendu qu'il était à marier, elle veuve, et de
plus, qu'ils étaient cousins.
En arrivant sur le plateau de Franchard toute cette belle com-
pagnie s'exclama sur la vue admirable qu'on découvrait de là. Les
dames mirent pied à terre et allèrent se reposer dans le jardin de
l'ermite. Un goûter composé de gâteaux, de fruits à la glace, et
de chocolat d'Espagne, leur fut servi, et le Roi et Mademoiselle
donnèrent l'exemple d'un appétit tout bourbonnien. Pendant le
goûter les vingt-quatre violons du Roi jouèrent leurs plus agréables
concertos, et lorsque Louis XIV se leva de table, Marie Mancini
proposa de danser.
j^ — Danser ici ! s'écria Mademoiselle. Oh non, c'est trop près
de la chapelle ; cela scandaliserait, l'ermite. Allons plutôt nous
promener sous bois : allons voir la Roche qui pleuré.
— Ma cousine parle d'or, dit le Roi : Pourrezvous marcher
madame ? ajouta-t-il en s'adressant à la comtesse de Soissons,
— Certainement, Sire, l'exercice à pied m'est fort bon : Mais où
est donc l'ermite ?
(à suivre)
NOTES & RENSEIGN EMENTS BIBL!06RAPHIQU ES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ET
A COMPLÉTER LEUR BIBLIOTHEQUE
L'A»ii du Clergé commence aujourd'hui sous ce titre la publication d'un travail qui, nous
l'espérons, intéressera nos lecteiTB et contribuera à rendre notre Revue de plus en plus digue
de la faveur et de la confiance qu'on lui accorde.
Nous nous sommes toujours fait un devoir et un plaisir de signaler ici les ouvrages nouveaux
qui méritaient l'attention du clergé ; et nous étions heureux aussi de répondre aux demandes
de renseignements, et de dire franchement notre avis sur lee livres au sujet desquels on nous
con-'ultait. Mais depuis longtemps nous pensions qu'il serait très avantageux à nos confrères,
et particulièrement a ceux qui ont à composer leur bibliothèque, d'avoir d'avance et d'une
façon complète toutes les indications et appréciations capables de les éclairer sur les ouvrages
à lire, à acheter. D'ailleurs plusieurs de nos lecteurs nous avaient sollicités d'entreprendre ce
travail et de le publier dans VAmi- Nous ne nous étions pas refusés, nous nous étions presque
engagés à satisfaire ce désir de nos abonnés. Il nous est enfin donné de réaliser notre projet. Le
collaborateur qui a bien voulu accepter cette tâche a toute notre confiance : nous lui ouvrons
nos colonnes dans uue large mesure, et nous espérons que nos amis liront ses indications avec
intérêt et profit.
Les notes et renseignements que IM-
mi du Clergé nous charge de donner à
ses lecteurs seront très ulil-s, ce nous
semble, au.-î élèves de nos grands sémi-
naires qui peuvent et doivent de bonne
heure, et surtout ilans leur dernière an-
née de théologie, se préparer une biblio-
thèque et la composer de livres bien
choisis. Ce choix est difBcile à faire, et
il est d'autant p!u> important que les
ressources financières de nos jeunes
clercs sont très restreintes ; et pour eux ,
par conséquent, en fait de livres, la qua-
lité doit compenser la quantité. Sans
doute leurs maiires les guideront dans
cette sélection : inais il leur sera très
avantageux d'avoir par écrit des con-
seils, qu'ils pourront toujours faire con-
trôler ; comme aussi il leur sera très
utile de connaître, par des comptes-ren-
dus désintéressés et dignes de confian-
ce, une série de différents ouvrages par-
mi lesquels ils pourront choisir ceux
qui conviennent le mieux à leur trempe
d'esprit et à leur caractère.
Ces noies et renseignements s'adres-
sent également aux prêtres déjà engagés
dans les fonctions du saint ministère.
Tous, et surtout les plus jeunes, senti-
ront inévitablement le besoin de com-
pléter de plusen plus leur bibliothèque.
A mesure qu'on s'éloigne des leçons du
séminaire, et quand les difficultés se
présentent plus nombreuses et plus sé-
rieuses, et alors que l'ignorance des
peuples s'accroit chaque jour, l'étude
est plus indispensable, et plus que ja-
mais il faut faire mentir le dicton : Fi-
nis sludiorum,finis laborum. Il est donc
important de rendre cette étude plu- fa-
cile et plus attrayante à ceux qui se-
raient davantage exposés à se laisser
trop absorber par les occupations exté-
rieures du ministère. C'est par des ou-
vrages bien faits, qui auront parfois
l'attrait de la nouveauté et de l'origina-
lité, qu'en rattachera au travail ùe ca-
binet ceux qui seraient tentés de le né.
gliger. — Il en doit être ainsi pour la
piété : toute une collection do livres
bien choisis devra faciliter et assurer la
fidélité à l'ensemble des exercices de
pieté qui ont été au séminaire le moyen
de nous sanctifier, de nous juslifier, et
que nous ne pourrions délaisser sans
danger. In œternum non oblivicar jus-
tificationes tuas, quia in ipsis vivifi-
casti me.
Mais outre ces deux obligations es-
sentielles, le travail et !a prière, dont
notre catalogue doit favoriser l'accom-
plissement, c'est encore un devoir pour
le prêtre d'éclairer les fidèles sur les li-
vres à lire, qu'il s'agisse de le>ir instruc-
tion, ou plus immédiatement de leur
sanctication. Quels services il rendrait
à ses paroissiens, la curé qui saurait
leur indiquer les livres d'étude, de piélé,
de lecture l^s plus capables de les éclai-
rer et de les édifier suivant leurs besoins
leurs conditions, leurs dispositions! Ce
serait, tout à la fois, leur épargner les
iaconvénienls des livres moins bons,
des livres superficiels et inutiles, des
livres dangereux.
Ceux de nos confrères qui croiraient
avoir déjà dans leur bibliothèque tous
les ouvrages nécessaires à leurs études
et \ leurs exercices de piété, trouveront
dans notre travail les renseignements
sur les nouveautés capables de les in-
téresser. Il est de ces publ cations ré-
cenle.i, qiii méritent l'attention du cler-
gé, et qu'il n'est pas permis d'ignorer,
soit qu'elles répondent à de nouvelles
exigences des temps actuels et aident à
faire face à de nouveaux besoins, soit
qu'elles se distinguent, dans l'exposé
de la vérité, par un cachet de bonne ori-
ginalité : non nova, sed nove. Du reste,
en signalant et appréciant ainsi les ou-
vrages nouveaux, nous mettrons nos
64
LE PROPAGATEUR
confrères au courant du mouvement
intellectuel, et leur permettrons d'en-
richir leur bibliothèque des livres qui
méritent d'y figurer.
La bibliothèque d'un ecclésiastique
peut et doit comprendre, ce nous sem-
ble, cinq ou six séries ; c'est ainsi que
l'entend une librairie catholique qui
vient de publier un catalogue destiné
au clergé. Ce catalogue, réidgé très mé-
thodiquement, contient dans ses 116
pages in- 16, un nombre considérable de
livres " dont les ecclésiastiques peuvent
avoir besoin pour eux-mêmes, ou qu'ils
peuvent conseiller aux fidèles."
Voici la division suivie dans ce cata-
logue. La première série comprend I les
livres de piété pour les ecclésiastiques;
— la 2e série donne les livres d'étude,
en réservant toutefois — pour la 3e sé-
rie les ouvrages qui doivent aider le
prêtre à remplir ses fondions de pré-
dicateur et de catéchiste — La 4e série
est consacrée à une première catégorie
d'ouvrages à conseiller aux fidèles ; ce
sont les ouvrages de méditations, et des
livres de lecture pour leur instruction
religieuse et leur édification. — La 5 sé-
rie reuferme aussi des ouvrages desti-
nés aux fidèles, mais particulièrement
ceux qui peuvent et nous semblent de-
voir composer une bibliothèque parois-
siale.— Nous ne renonçons pas à ajou-
ter une 6e série pour les ouvrages d'é-
tude et lie science que j'appellerai pro-
fanes, parce qu'elle ne rentre pas né-
cessairement dans le cadre des sciences
ecclésiastiques, mais qui seront pour
quelques-uns de nos confrères des étu-
des d'agrément, et qui surtout seraient
pour tous un moyen d'en imposer aux
gens du monde, un moyen d'entrer en
relation avec eux en nous plaçant sur
leur terrain, un moyen par conséquent
d'exercer une salutaire influence autour
de nous. — Ces différentes séries compor-
tant des subdivisions que nous indique-
rons au moment voulu.
Pour chaque subdivision, nous au-
rons à inscrire un plus ou moins grand
nombre d'ouvrages : nous en donnerons
d'abord l'énumératipn, en indiquant
pour chacun le titre, l'édition, le nom-
bre de volumes, le format et le prix ;
puis dans un article de critique, nous
ferons connaître, selon la mesure du
possible, le contenu et la valeur des
ouvrages énoncés, pour aider nos con-
frères à faire leur choix. Nous ne nous
flattons pas que l'énumération sera
complète et comprendra tous les livres
qui mériteraient d'être signalés ; enco-
re moins pouvons-nous espérer que no-
tre appiéciation de l'ouvrage sera ac-
ceptée et ratifiée par tous nos lecteurs.
Un livre qui plait aux uns peut ne pas
plaire à d'autres. Tant à cause de la
variété que le Créateur met dans ses
œuvres, que par suiie de l'éducation et
des habitudes, les intelligences ont des
exigences différentes et des goûts divers.
C'est pourquoi nous indiquons sous
chaque titre plusieurs ouvrages : nous
voulons donn-r à nos confrères la fa-
culté de choisir, et leur laisser la res-
ponsabilité de ce choix, tout en le leur
facditant par nos comptes-rendus.
11 nous est venu à la pensée de donner
aussidans nos indications bibliographi-
ques le nom de l'éditeur de l'ouvrage :
ce serait permettre à tous de demander
directement et d'avoir peul-êtr-'. plus^
promptement l'ouvrage désiré. Mais cet
avantage, si avantage il y a, nous sem-
ble infiniment moindre que l'inconvé-
nient de la centralisation. Chacun cons-
tate, et les esprits sérieux déplorent
cette tendance de Pans à s'emparer de
tous monopoles de production ou de
vente : le commerce et l'industrie de la
province sont en souffrance. Il nous
semble que le clergé doit s'associer aux
efforts qui se font en faveur de la décen-
tratisalion. Que chacun de nous fasse
travailler et vivre ceux qu'il connaît,
ceux avec qui il a des rapports plus fré-
quents, ceux qu'il sait être honnêtes et
bons catholiques. Que sont les courtiers
qui se présentent à nous, et que sont les
patrons qu'ils représentent, le savons-
nous ? Les personnes que n ous trouvons
sur place, et que nous jugeons dignes
d'intérêt et de confiance, n'abuseront
pas contre nous des profits que nous
leur aurons permis de réaliser.
Pour ce qui regarde la question des
livres, nous sommes en droit de suppo-
ser qu'il existe dans chaque ville un peu
importante.ao chef-lieu du déparlement,
pu au chef-lieu du diocèse, un libraire
parfaitement au courant de la librairie
ecclésiastique, et qui mérite en même
temps la confiance des catholiques. De-
mandez-lui les ouvrages que vous dési-
rez, il vous les fera parvenir très promp-
tement, et peut-être même vous fera-t-
il bénéficier d'une partie de la remise
que les éditeurs accordent aux librai-
res : en tout cas vous aurez fait un acte
de patriotisme éclairé et un acte de
charité très sacerdotale.
(EKlrait de l'Ami du Clergé.)
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Avril, 1893, Numéro 3
A.JJ I.EOTEXJR
Notre établissement est devenu la proie des flammes
dans la nuit du 20 au 21 mars et notre librairio est
détruite en grande partie. Nos pertes sont énormes car
presque tout notre assortiment de livres, de papeterie et
d'articles religieux a été brûlé ou noirci par la fumée.
L'eau a aussi beaucoup endommagé les marchandises que
nous avons pu sauver des flammes.
Ge triste événement n'interrompra cependant pas
notre commerce et les réparations à la bâtisse sont
déjà commencées.
Nous pourrons bientôt installer le nouvel assortiment
que nous attendons d'Europe. Un de nos associés, M.
Giroux, partira ces jours-ci pour la France afin de faire
des achats considérables.
Dans quelques semaines nous pourrons ojffrir à nos
clients un magnifique assortiment de livres de théologie,
d'histoire, de littérature, de sciences, etc.
En attendant notre nouvelle installation, nous offrons,
à un rabais considérable, tout notre fond de livres, de pa-
peterie, d'articles religieux, de tapisserie, etc.
Nous profitons de la circonstance pour présenter nos
plus sincères remerciements au clergé et à nos autres
clients pour leur encouragement passé.
Nous sollicitons de nouveau leur patronage.
Les nombreuses marques de sympathie qui nous ont été
prodiguées dans notre malheur nous ont été très sensibles
et nous en garderons une éternelle reconnaissance.
CADIEUX & DEROME.
5
BULLETIN
24 mars 1893.
^*, Les lecteurs du Propagateur connaissent tous le journal la
Croix pubUé à Paris. Ce journal est l'un des plus vaillants défen-
seurs des droits du St Siège et l'un des plus puissants et actifs pro-
pagateurs en France des principes religieux et de toutes les saines
doctrines sociales. Il combat sans trêve ni merci, avec le plus
grand courage et des succès toujours croissants, toutes les perni-
cieuses doctrines de l'école révolutionnaire et les néfastes influen-
ces de la franc-maçonnerie, de la juiverie et de la libre pensée.
Voici le programme de ce journal qui a pour auxiliaires dans les
bons combats I'Univers, le Monde et un grand nombre d'autres
journaux catholiques dévoués.
PROGRAMME.
Liberté de l'Eglise et de la France.
Le Pape indépendant et arbitre entre les peuples pour assurer la paix et dimi-
nuer les charges militaires qui ruinent l'Europe.
La suppression des lois scolaires qui enlèvent aux communes et aux familles
le droit de choisir les maîtres d'école.
La religion dans l'école ; la religion aux enfants des pauvres aussi bien qu'aux
enfants des riches.
Les Sœurs dans les hôpitaux.
Législation favorisant les intérêts du peuple et réprimant l'agiotage et la
juiverie.
Lois poui- assurer la prospérité de l'agriculture.
Création d'institutions économiques, de nature à améliorer le sort de l'ouvrier.
Suppression de la banqueroute que préparent nécessairement les emprunts et
le gaspillage de notre argent.
Ce programme est celui qui est adopté par les catholiques pour
les prochaines élections générales de la dhambre des députés
Gomme catholiques et amis dévoués de la France, notre bien
aimée mère patrie, nous applaudissons de toutes nos forces à ce pro-
gramme et nous en souhaitons la prompte et définitive réalisation.
***
* Il parait bien avéré aujourd'hui que la révolution du 14
janvier aux îles d'Hawaï est le fait des intrigues de quelques amé-
ricains. Il y a peut-être quelques natifs qui y ont participé, mais ils
sont en très petit nombre. Ainsi la reine Lydia Kamakeha Liliuo-
kalani n'est descendue du trône que grâce aux étrangers qui
veulent l'annexion aux Etats-Unis. Mais cette annexion qui, dans
l'esprit des révoltés, devait être l'œuvre de quelques jours est in
définiment retardée. Le nouveau président G leveland a retiré le
projet de traité qui était au Sénat américain et il envoie aux îles
une commission chargée de s'enquérir de tous les faits relatifs à
LE PROPAGATEUR 67
la révolution, de ses causes et des aspirations des habitants. Cette
commission doit surtout constater qnels sont les sentiments des
natifs car on prétend que l'immense majorité de ces derniers, sinon
la totalité, est opposée au changement de régime. On dit que
le président a agi ainsi parcequ'il est outré de la manière indigne
dont on s'y est pris pour parvenir à l'annexion.
La reine Liliuokalani qui vient d'être détrônée est née à Hono-
lulu le 2 septembre 183S et le 10 septembre 1862 elle s'est mariée
avec un américain du Massachusetts. Les îles sont actuellement
gouvernées par un gouvernement provisoire sous la présidence
d'un Hawaïen de naissance S. B. Djle, partisan de l'annexion aux
Etats-Unis.
Les îles d'Hawai ou Sandwich sont situées dans l'Océan Pacifi-
que sur la route de Vancouver à Sydney (Australie) et à Auckland
(Nouvelle Zélande). Elles sont au nombre de douze dont huit seu-
lement sont habitées.
Les principales sont Hawaï, Maoui, Oahou et Kaouaï. Le siège
du gouvernement est à Honolulu dans l'ile d'Oahou. 11 y a deux
ans la population totale était de 90,000 âmes. Sur ce nombre on
comptait en chiffres ronds 35,000 Kanaques purs, 8000 Kanaques
mêlés, 9000 Portugais, 15,000 Chinois et 12,000 Japonais. Le sur-
plus de la population se composait d'Américains, d'Anglais, d'Al-
lemands et de diverses autres nationalités.
Les missionnaires catholiques des îles sont les Pères de la Con-
grégation du Sacré-Cœur de Jésus et Marie, de Picpus. Les catho-
liques sont pour la plupart des Kanaques, et des Portugais. 11 y a
un vicaire apostolique dont la résidence est à Honolulu. C'est Mgr
G. P. Ropert. Il a été sacré à San Francisco le 25 septembre der
nier. Les églises, chapelles et autres lieux destinés au culte sont
au nombre de 100.
* *
,*, Les Irlandais de Montréal ont célébré leur fête nationale le
17 de ce mois. Le beau temps a favorisé la procession qui a eu
lieu comme les autres années. La fête religieuse a été célébrée à
l'église Saint-Patrice. Mgr de Montréal a officié et un religieux
irlandais de New-York, le père Doyle, Pauliste, a fait le sermon
de circonstance.
L'Irlande n'est malheureusement pas encore délivrée du joug
de fer qui pèse sur elle depuis longtemps, mais l'heure de la déli-
vrance est peut-être proche. En effet le bill du Home Rule a été
présenté aux communes anglaises qui le voteront probablement,
car la majorité de M. Gladstone est suffisante pour en assurer la
passation.
Malheureusement la chambre des Lords est mal disposée et un
grave conflit paraît inévitable entre les deux chambres du Parle-
ment. De plus les fanatiques orangîstes de l'Ulster paraissent dé-
terminés à résister à l'établissement d'un gouvernement autonome
et ils menacent d'avoir recours aux armes. Espérons cependant que
68 LE PROPAGATEUR
toutes les difScultés seront surmontées et qu'à la prochaine Saint
Patrice l'Irlande se gouvernera elle-même.
Erin go bragh
***
* Le sacre de Monseigneur Decelles, évêque de Druzipara,
coad*juteur de St Hyacinthe, a eu lieu le 9;mars dans la cathédrale
de Saint Hyacinthe. Le prélat consécrateur était Mgr l'archevêque
de Montréal. Le nouvel évêque avait pour assistants Mgr Gravel,
évêque de Nicolet, et Mgr Raciue, évêque de Sherbrooke.
Le grand vicaire O'Donnell, curé de Saint-Denis, a fait le sermon.
Deux archevêques et sept évêques assistaient à la cérémonie qui
a été très imposante.
L'évêque actuel,Mgr Moreau, est le-quatrième évêque du diocèse
de Saint-Hyacinthe qui a été crée en 1852 par le pape Pie IX. Ses
prédécesseurs ont été Mgr Jean Charles Prince, Mgr Joseph La-
rocque et Mgr Charles Larocque.
Le diocèse de Saint Hyacinthe comprend les comtés de Bagot,
Iberville,Missisquoi, Richelieu, Rouville et Saint-Hyacinthe et une
partie des comtés de Brome, Shefford et Verchères. La cité de St-
Hyacinthe qui est la ville épiscopale, est située sur les bords de
l'Yamaska, au centre d'une région agricole très prospère. Elle
contient une population industrieuse, des manufactures florissantes
et plusieurs établissements d'éducation et de charité. Deux che-
mins de fer, le Grand Tronc et une branche du Pacifique, la met-
tent en communication avec tous les points du pays. Elle est le
chef lieu du district judiciaire de Saint-Hyacinthe et du comté du
même nom. Elle doit surtout sa célébrité à son collège d'où sont
sortis une foule d'hommes éminents et qui a eu pour professeurs
des savants distingués comme les abbés Desaulniers et Raymond.
/^ Les difficultés financières entre le gouvernement fédéral et
les gouvernements de Québec et d'Ontario n'ont jamais été réglées
définitivement. Une commission d'arbitrage chargée de ce règle-
ment a été nommée dernièrement et elle a commencé à siéger le
1*7 mars. La prochaine séance aura lieu le 18 avril. Les arbitres
sont le juge Burbridge pour le gouvernement fédéral, le juge
Gasault pour le gouvernement de Québec, et le juge Boyd pour
le gouvernement d'Ontario.
Les avocats des divers gouvernements sont M. Hogg, pour le
gouvernement fédéral, M. Girouard, député fédéral de Jacques-
Cartier, et M. Hall, trésorier provincial, pour le gouvernemeut de
Québec, et MM. Irvine et Harcourt,pour le gouvernement d'Ontario.
La commission d'arbitrage a été nommée en vertu de la section
142 de VActe de r Amérique Britannique du Nord, 1867 ^1).
(l) Statut Impérial 30 et 31 Vict. Cap 3.
LE PROPAGATEQR 69
,*, Les législatures de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Bruns-
wick et de l'île du Prince-Edouard sont actuellement en session
L'ouverture de la session a eu lieu le 8 mars dans l'île du Prince
Edouard et le 9 mars au Nouveau-Brunswick. Celle de la Nouvelle-
Ecosse avait été ajournée le 1er février,mais elle a été reprise le 16
mars.
*
* *
Sont décédés.
1° Aux Etats-Unis R. M. Bishop, ancien gouverneur de l'Ohio,
et 0. M. Halch, ancien secrétaire d'état. M. Hatch était le grand
ami du président Lincoln.
2° Madame Mowatt, femme de Sir Oliver Mowatt, premier
ministre d'Ontario. Elle était âgée de 68 ans.
3® A Londres l'honorable Hugh Nelson, ex lieutenant gouver-
neur de la Colombie Britannique. M. Nelson est né en Irlande le
25 mars 1830. Il a été député de New-Westminster à la législature
de la Colombie Britannique avant la Confédération. Il a représenté
la même division aux Communes après l'entrée de la Colombie
dans la Confédération. Il a été nommé sénateur en l6l9 et lieute-
nant gouverneur en 1887.
A^ M. l'abbé Joseph Nérée Gingras, curé de Saint-Gervais, à
l'âge de 68 ans. M. 1 abbé Gingras est l'un des prêtres qui ont été
envoyés aux Illinois après l'apostasie de Chiniqay. Son apostolat
fut couronné de succès et il eut la joie de ramènera la foi de leurs
pères un grand nombre des nôtres qui avaient suivi Chiniquy
dans son schisme.
5° Hypolite Adolphe Taine, membre de l'Académie Française
et écrivain de renom. Il est l'auteur d'un grand nombre d'ouvrages
remplis de doctrines falalitses.
6o Son Eminence Charles Philippe Place, Cardinal prêtre et
archevêque de Rennes. Il est né à Paris le 14 février 1814. Ses
études classiques étant terminées, il étudia le droit, prit ses degrés
et il débuta dans la diplomatie comme secrétaire d'embassade.
Quelques années plus tard il entra dans l'état ecclésiastique. Il fut
successivement vicaire général, supérieur de séminaire, président
de l'œuvre des Ecoles d'Orient et auditeur de Rote. Il fut nommé
évêque de Marseille en 1866, archevêque de Rennes en 18*78 et
Cardinal en 1886,
Mgr Place suivit les errements de Mgr Dupanloup et il combat-
tit avec ardeur dans les rangs des adversaires de la définicion du
dogme de l'infaillibilité pontificale. Mais après la proclamation du
dogme il se soumit comme tous les bons catholiques. Il a rempli les
devoirs de sa charge avec zèle et énergie et l'église de France doit
être fière de lui.
70 LE PROPAGATEUR
7° Jules François Camille Ferry, président du Sénat français
et ancien premier ministre de la République. Il est né à Saint-Dié,
dans le département des Vosges, le 5 avril 1832 et il a été admis
au barreau en 1854. Il a été quelque temps journaliste.
Pendant sa vie publique M. Ferry a été membre du corps légis-
latif sous l'empire, membre du gouvernement de la défense natio-
nale, après la révolution du 4 septembre 1870, et député, ambassa-
deur, ministre et sénateur sous la république. Il était l'un des
candidats à la présidence de la république en 1887.
Le président du sénat, M. Le Royer, ayant donné sa démission,
M. Ferry a été élu pour le remplacer. L'élection a eu lieu dans
la séance du sénat du 24 février dernier. Sur 229 votes le nouveau
président en a eu 148.
Jules Ferry a été élevé dans la religion catholique, mais il a
apostasie après son mariage. Il a été l'un des plus odieux persé-
culeurs des ordres religieux en France, l'un des plus fanatiques
laïcisateurs et l'auteur des infâmes lois scolaires actuelles et no-
tamment de l'ignoble article sept qui a eu un immense retentisse-
ment dans le monde entier.
Ont été nommés
1^ Administrateur de la Province de Québec, Sir Alexandre
Lacoste, juge en chef de la Cour du Banc de la Reine. Il remplace
le lieutenant-gouverneur Ghapleau qui a obtenu un congé de
trois mois.
2° Juge de la cour du comté deQueen's,îledu Prince-Edouard,
M. Macleod.
3° Juge de la cour du comté de Welland, Ontario, W. Fitzge-
rald, G. R. de London.
*
Dans la nuit du 20 au 21 de mars l'établissement de messieurs
Cadieux et Derome est devenu la proie des flammes.
Le directeur du journal Mr. Derome a été presqu'asphyxié dans
son lit, et ce n'est que par une espèce de miracle qu'il a pu s'échap-
per sain et sauf.
Nous sympathisons avec nos amis dans le malheur qui vient
de les frapper et nous souhaitons que ce triste événement n'abatte
pas leur courage. Leur établissement redeviendra bientôt, nous
l'espérons, plus prospère qu'autrefois.
La publication du journal ne sera pas interrompue.
Alby.
LA VOIE DE LA PAIX INTERIEURE
DÉDIÉE A
NOTRE-DAME DE LA PAIX
Par le P. »E 1. E H £ HT
de la compagnie de Jésus.
1 voL in.l2 Prix : 75 cts
L'article qnl sait est extrait de ce livre.
I>e la conduite pleine d'amour que la divine pro-
vidence tient envers les homiues, et du bon-
lieur de ceux qui se soumettent «romnie ils
doivent â sa conduite.
Rien ne se passe dans l'univers que Dieu ne le veuille, que Dieu
ne l'ordonne ; et cela doit s'entendre absolument de toutes choses,
excepté le péché. Rien, dit saint Augustin, n'arrive par hasard
dans tout le cours de notre vie ; Dieu intervient partout. Je suis
le Seigneur., dit-il lui-même par la bouche d'Isaïe ;./e suis le Seigneur,
et il rCen est point d'autre : c^est moi qui forme la lumière et qui crée
les ténèbres, qui fais la paix et qui crée les maux. Cest moi, avait-il
dit auparavant par Moïse, c'est moi qui fais mourir., et c'est moi qui
fais vivre ; c'est moi qui blesse, et c'est moi qui guéris. Le Seigneur
ôte et donne la vie, est-il dit encore dans le cantique d'Anne, mère
de Samuel, il conduit au tombeau et il en retire ; le Seigneur fait le
pauvre et le riche, il abaisse et il élève. Arrivera-t-it quelque mal,
dit Amos, qtii ne vienne du Seigneur ? Oui, dit le Sage, les biens et
les maux, la vie et la mort, la pauvreté et les richesses viennent de
Dieu.
Vous allez dire, peut-être, que cela ne doit s'entendre que des ma-
ladies ou de la mort, du froid ou du chaud, et des autres accidents
produits par des causes dépourvues de liberté, et non de ce qui
dépend de la volonté de l'homme ; car, m'objecterez-vous, quand
quelqu'un parle de moi, qu'il me ravit mes biens, qu'il me persé-
cute, qu'il me frappe, comment attribuer cette conduite à la volonté
de Dieu, lui qui ne veut pas que l'on me traite de la sorte, que
l'on me fasse injure ; qui, au contraire, le défend ? On ne peut
donc, concluez-vous, s'en prendre qu'à la volonté de l'homme,
qu'à son ignorance, ou à sa malice. — C'est en vain, vous répon-
drai-je, que vous voudriez vous prévaloir de ce raisonnement, pour
vous défendre de vous abandonner à la Providence divine ; car
Dieu lui même s'est expliqué ; sur sa parole, laquelle ne peut être
que la vérité même, nous devrons croire que, dans ces sortes
d'événements, aussi bien que dans tous les autres, rien n'arrive
que par ses ordres. Voici comment il s'exprime : Je punirai, disait-
il à David, je punirai, par vos propres enfants, l'adultère et l'homicide
72 LE PROPAGATEUR
que vous avez commis^ je ferai sortir de votre maison les instruments
de ma justice, je prendrai vos femmes à vos yeux, je les donnerai à
gui vous est le plus proche^ et il en abusera.
Or, je vous le demande, Dieu pouvait-il se déclarer plus ouver-
tement l'auteur des maux qu'Absalon fit souffrir à son père ?
Cependant les Juifs aussi chancelèrent dans cette croyance, à
l'occasion de leur captivité et de leurs maux, qu'ils attribuaient
plutôt à leur fortune et à d'autres causes qu'à la volonté de Dieu ;
mais le Prophète les reprit en ces termes : Qui est celui qui a dit
qu'une chose se fit sans que le Seigneur l'eût commandée ? Est-ce que
les biens et les maux ne sortent pas de la bouche du Très-Haut ? Nous
avons agi injustement, nous nous sommes attiré la colère du Seigneur ,
c'est pour cela qu'il est devenu inexorable.
Si donc on noircit notre réputation, si on ravit notre bien, si on
brûle notre maison, si on nous donne un soufilet ; enfin, de quel-
que manière que l'on nous outrage, attribuons tout à la volonté
de Dieu : ce sont des coups de sa main, des mesures de sa Provi-
dence.
Cependant, me direz-vous, il y a péché dans toutes ces actions :
comment donc Dieu les veut-il ? Comment y prend-il part,lui qui,
étant la sainteté par essence, ne peut avoir rien de commun avec
le péché ? — Je réponds qu'il faut, dans l'action de l'homme dont
vous vous plaignez, distinguer deux choses : l'une, le mouvement
ou l'acte extérieur , l'autre, le dérèglement de la, volonté, qui
s'écarte de ce que les commandements de Dieu prescrivent. Ainsi,
si cet homme frappe ou s'il médit, c'est, d'une part, le mouvement
du bras ou de la langue, et, d'autre part, l'intention qui accom-
pagne ce mouvement : or, le péché n'est pas dans le mouvement,
et c'est pourquoi Dieu en peut être et en est effectivement l'auteur ;
car l'homme, ni aucune autre créature n'a ni l'être, ni le mou-
vement de lui-même, mais de Dieu, qui agit en lui et par lui.
Quant à la malice de l'intention, elle est toute de l'homme, et c'est
là seulement qu'est le péché, auquel Dieu n'a aucune part, mais
qu'il permet pour ne pas porter atteinte au libre arbitre.
Dieu ne participe donc à nos œuvres que pour en former l'être ;
il ne va pas plus loin, il reste absolument étranger à la malice
qui s'y rencontre, et qui ne prend sa source qu'en nous. 11 veut
vous priver de votre honneur et de votre fortune, dont vous abu-
siez ; mais il ne participe en rien au péché du médisant ou du
voleur qui vous les ravit. Un exemple va rendre la chose plus
sensible : un juge, par un équitable jugement, condamne à mort
un criminel ; mais l'exécuteur se trouve être l'ennemi particulier
de ce criminel ; et au lieu de n'exécuter la sentence que par devoir,
il le fait par haine, par esprit de vengeance... Il est évident que
le juge ne trempe en aucune façon dans le péché de l'exécuteur ;
il n'entend point que ce péché se commette, mais seulement que
la justice se fasse. De même, Dieu ne contribue pas absolument
en rien à la malice de cet homme qui vous déshonore ou qui vous
vole ; sa malice est son fait particulier. Dieu veut, disions-nous,
vous humilier ou vous dépouiller de vos biens pour vous délivrer
LE PROPAGATEUR 73
de vos vices et vous porter à la vertu, et ce dessein, digne de sa
bonté, qu'il pourrait exécuter par mille autres moyens, n'a rien
de commun avec le péché de l'homme qui lui sert d'instrument.
Et, au fait, ce n'est pas son péché qui vous humilie, qui vous ap-
pauvrit, c'est la perte de votre réputation, la perte de votre bien ;
le péché ne nuit qu'au médisant ou au voleur qui s'en rend cou-
pable. C'est ainsi que nous devons séparer ce que Dieu opère par
les hommes et ce que la volonté de l'homme y ajoute.
Saint Grégoire nous propose la même vérité sous un autre jour :
un médecin ordonne une application de sangsues ; ces insectes ne
sont occupés, en tirant le sang du malade, que de s'en rassasier
et de le sucer, s'ils le pouvaient, :"usqu'à la dernière goutte. Cepen-
dant l'intention du médecin n'est que d'ôter ce que le malade a
de mauvais sang, et de le guérir par ce moyen. 11 n'y a donc rien
de commun entre ce que veulent les sangsues et ce que le mé-
decin se propose en se servant d'elles. Or, Dieu se sert des hommes
comme le médecin se sert des sangsues. Le malade ne se fait
aucune peine de leur avidité, il ne les envisage nullement comme
malfaisantes , il cherche, au contraire, à surmonter la répugnance
que leur laideur lui fait éprouver, et même il protège, il favorise
leur action, sachant bien qu'elles n'agiront qu'autant que le mé-
decin le reconnaîtra utile à sa guérison. De même aussi devons-
nous ne pas nous arrêter aux passions de ceux à qui Dieu a donné
pouvoir d'agir sur nous, ne pas nous mettre en peine de leurs in-
tentions malveillantes, et nous préserver de toute aversion contre
eux, sachant bien que, quelles que soient leurs vues particulières,
ils ne sont toujours, à notre égard, qu'un instrument de salut
dirigé par la main d'un Dieu d'une bonté, d'une sagesse et d'une
puissance infinies, qui ne leur permettra d'action qu'autant qu'elle
nous sera utile. Notre intérêt devrait donc nous porter à accueillir
plutôt qu'à repousser leurs atteintes, puisqu'elles ne sont vérita-
blement que les atteintes de Dieu même. Et il en est ainsi de
toutes créatures quelconques : elles ne sauraient agir sur nous,
si le pouvoir ne leur en était donné d'en haut.
Cette doctrine a toujours été familière aux âmes vraiment éclai-
rées de Dieu. Nous en avons un exemple célèbre dans le saint
homme Job. Il a perdu ses enfants et ses biens, il est tombé de la
plus haute fortune dans la misère la plus profonde, et il dit : Le
Seigneur m'avait tout donnée le Seigneur m'a tout ôté, il n'est arrivé
que ce qu'il lui a plu ; que le nom du Seigneur soit béni. Vous voyez,
dit saint Augustin, que cet homme avait bien compris ce grand
secret ; il ne dit pas : Le Seigneur m'avait donné mes enfants et
mes biens, et le démon me les a ôtés ; mais, c'est lui qui me les
avait donnés, c'est lui qui me les a ôtés, cela s'est fait comme il
a plu au Seigneur, et non comme il a plu au démon. L'exemple
de Joseph n'est pas moins remarquable : ses frères l'ont livré par
malice, et cependant ce saint patriarche attribue tout à la provi-
dence de Dieu ; il s'en explique même à plusieurs reprises : Cest
le Seigneur, dit-il, qui jn'a envoyé en Egypte... c'est lui qui m'a fait
venir ici avant vous, pour vous conserver la vie... Ce n'est point par
74 LE PROPAGATEUR
votre conseil que fai été envoyé ici, mais par la volonté de Dieu. Da-
vid, poursuivi et outragé par Séméi, ne voit également, dans la
conduite de ce sujet rebelle, que l'action de cette même Providence;
et lorsque, par deux fois, il arrête l'indignation de ses fidèles ser-
viteurs, il leur dit : Laissez-le faire, car le Seigneur lui a ordonné
de maudire David. Laissez-le faire ; laissez-le me maudire, selon
l'ordre qu'il en a reçu du Seigneur. Et notre Sauveur, le Saint des
saints, descendu du ciel pour nous instruire par ces paroles et par
ses exemples, ne dit-il pas à saint Pierre, qui, poussé par un zèle
indiscret, voulait le détourner du dessein qu'il avait de souffrir
et empêcher que les soldats ne missent la main sur lui : Ne voulez-
vous pas que je boive le calice que mon père m'a donné '^ Ainsi, il
attribuait les outrages et les douleurs de sa Passion non aux Juifs
qui l'accusaient, à Judas qui le trahissait, à Pilate qui le condam-
nait, aux bourreaux qui le tourmentaient, aux démons qui exci-
taient ces malheureux à cet horrible crime, quoiqu'ils fussent les
causes immédiates de ses souffrances ; m.ais à Dieu, à Dieu consi-
déré, non pas sous la qualité rigoureuse de juge, mais sous celle
de père, à qui il exprime une tendre affection.
N'attribuons donc jamais ni aux démons ni aux hommes, mais
à Dieu, comme à leur vraie source, nos pertes, nos déplaisirs, nos
aflictions, nos humiliations ; autrement, ce serait faire, comme
le chien, qui décharge sa colère sur la pierre, sans prendre garde
au bras qui la lui a jetée. Ainsi, prenez garde de dire : Un tel est
cause du malheur que j'ai éprouvé, il est cause de ma ruine. Vos
maux sont l'ouvrage, non de cet homme, mais de Dieu ; et ce qui
doit vous rassurer, c'est que ce Dieu, souverainement bon, procède
à tout ce qu'il fait avec la plus profonde sagesse, et pour des fins
saintes et sublimes.
Toutes ses œuvres, disent plusieurs saints docteurs, sont, eu égard
aux circonstances, si accomplies, qu'elles ne sauraient l'être da-
vantage ; et si bonnes, qu'elles ne sauraient être meilleures. Aussi
devons-nous, suivant saint Basile, nous bien pénétrer de cette
pensée^ que nous sommes l'ouvrage d'un bon ouvrier, et qu'il
nous dispense et nous distribue, avec une providence très sage,
toutes choses, grandes et petites, en sorte que rien ne nous arrive
contre sa volonté, rien qui soit mauvais, rien même que l'on
puisse concevoir meilleur. Les œuvres du Seigneur sont grandes,
dit le Roi-Prophète, elles S07it admirablement ordonnées selon ses
volontés ; et c'est particulièrement dans cette juste proportion entre
les moyens et la fin qu'il se propose, que sa sagesse éclate. Elle
atteint avec force depuis une extrémité jusqu'à Vautre, et elle dispose
tout avec douceur Elle gouverne les hommes avec un ordre admi-
rable ; elle les mène à leur bonheur fortement, cependant sans
violence, sans contrainte, avec suavité, et non seulement avec
suavité, mais encore avec circonspection. 0 Dieu, dit le Sage,
comme vous êtes le dominateur souverain, vous êtes lent et tranquille
dans vos jugements, et vous nous gouvernez avec une grande réserve.
Vous êtes doué d'une puissance infinie à laquelle rien ne peut
résister ; cependant vous n'usez point envers nous de l'autorité
LE PROPAGATEUR 75
absolue de ce souverain pouvoir ; vous nous traitez avec une
extrême bonté ; vous daignez, vous accommodant à notre nature,
placer chacun de nous dans la condition la plus propre à nous
faire opérer notre salut. Vous ne disposez même de nous qu'avec
révérence, que comme de vos images vivantes et de personnes
d'une noble origine, auxquelles on ne commande point d'un ton
absolu, comme à des esclaves, mais avec des termes de civilité et
d'honneur. Vous n'agissez sur coup, dit l'illustre Gantacuzène,
qu'avec la même circonspection que l'on met à toucher un riche
vase de cristal que l'on a peur de rompre. S'il laut, pour notre
bien, nous affliger, nous envoyer quelque maladie, nous faire
souffrir quelque perte, nous livrer à la douleur, vous y procédez
avec égard, avec déférence pour notre condition. C'est ainsi qu'un
chirurgien, qui est obUgé de faire l'amputation d'un membre à
un seigneur de marque, redouble d'attention pour ne lui faire en-
durer que le moins de douleur qu'il peut, et qu'autant seulement
qu'il est nécessaire pour la guérison ; il ne touche qu'avec respect
la partie malade, à cause de la dignité de la personne ; de même
Dieu nous traite comme des créatures nobles, qui sont en grande
considération devant lui ; il met, avec une grande délicatesse,
l'appareil sur nos blessures, et il adoucit autant que possible
l'amertume des remèdes.
Enfin, Dieu n'agit sur nous que pour des fins très nobles et
très saintes, que pour sa gloire et notre propre bien, notre per-
fection. Souverainement bon et la bonté même, il cherche à
perfectionner toutes ses créatures, en les attirait à lui, en leur
imprimant les caractères et les rayons de sa divinité, autant qu'elles
en sont susceptibles ; et parce qu'il nous aime infiniment et in-
comparablement plus que tous ses autres ouvrages, comme le plus
excellent, son amour, aussi bien que sa bonté le porte à ne rien
opérer autour de nous que pour notre propre avantage ; et le gant
est moins ajusté à la main et le fourreau à l'épée, que ce qu'il
ordonne ne l'est à notre force et à notre portée ; de telle sorte
que tout puisse concourir à notre avancement, si nous voulons
coopérer aux vues de sa providence.
Ne nous troublons donc point dans les adversités dont nous
sommes quelquefois assaillis, puisque nous savons que, destinées
à produire en nous des fruits de salut, elles sont soigneusement
mises en rapport avec nos besoins par la sagesse' de Dieu même,
qui leur donne des bornes comme il en donne à la mer. Il semble
quelquefois qu'elle va, dans sa furie, inonder des contrées entières,
et cependant elle respecte les limites de son rivage, elle vient briser
la fureur de ses flots contre un sable mouvant. Ainsi il n'est aucune
tribulation, aucune tentation à laquelle Dieu n'ait marqué des li-
mites, afin qu'elle serve, non pas à nous perdre, mais à nous sauver
Elles entrent, en effet, d'une manière essentielle dans l'ensemble
des moyens de salut qui nous sont offerts. Dieu est fidèle, dit l'A-
pôtre, il ne nous enverra pas de tribulations au-dessus de nos forces
mais il est nécessaire qu'il nous en envoie ; si vous refusiez de les
recevoir, vous seriez ennemi de vous-même ; vous êtes comme un
76 LE PROPAGATEUR
bloc de marbre entre les mains du sculpteur : il faut qu'il fasse
sauter des éclats, qu'il taille, qu'il polisse pour en faire une
belle statue. Dieu veut faire de vous son image : pensez seu-
lement à vous bien tenir entre ses mains pendant qu'il travaille
sur vous ; soyez assuré qu'il ne donnera aucun coup qui ne soit
nécessaire à ses desseins, et qui ne tende à votre sanctification ;
car, comme dit saint Paul, la volonté de Dieu est notre sanctification.
C'est là la fln qu'il se propose dans toute la conduite qu'il tient à
notre égard. Ob ! que n'opèrerait-il pas en nous pour son bonneur
et pour notre bien, si nous le laissions faire ? C'est parce que les
cieux ne font aucune résistance- aux impressions des intelligences
qui le gouvernent, que leurs mouvements sont si magnifiques, si
réglés, si utiles, qu'ils publient si bautementla gloire de Dieu, et
que, par leurs influences el par la succession invariable des jours
€t des nuits, ils conservent l'ordre dans tout l'univers. S'ils résis-
taient à ces impressions, et si, au lieu de suivre le mouvement qui
est donné, ils en suivaient un autre, bientôt ils tomberaient dans
le plus étrange désordre, et y entraîneraient tout l'univers avec
«ux. Il en est de même lorsque la volonté de l'bomme se laisse
gouverner par celle de Dieu ; alors tout ce qui est dans ce petit
monde, toutes les facultés de son âme, tous les membres de son
corps sont dans la plus parfaite harmonie. Mais bientôt il tombe
dans un désordre extrême, lorsque sa volonté s'écarte de celle de
Dieu.
C'est, en effet, une des vérités les mieux établies, que notre per-
fection consiste dans la conformité de noire volonté à celle de
Dieu. Plus nous sommes soumis aux desseins qu'il a sur nous
plus nous avançons ; si nous résistons, nous retournons en arrière.
Sainte Thérèse, l'une des lumières de son siècle, disait en parlant
à ses filles : "Celui qui s'applique à l'oraison doit uniquement se
" proposer de mettre tous ses soins à conformer sa volonté à celle
"de Dieu. Soyez assurées, continuait cette sainte, que c'est dans
" cette conformité que consiste la plus haute perfection que nous
" puissions acquérir, que celui qui y travaillera avec le plus de
" soin sera favorisé des plus grands dons de Dieu, fera les plus
" rapides progrès dans la vie intérieure. Ne croyez pas qu'il y ait
" d'autres secrets ; c'est en ce point que tout notre bien consiste. "
On rapporte que la bienheureuse Soncino, très sainte religieuse de
l'ordre de Saint-Dominique, fut en vision transportée dans le ciel,
pour y considérer la félicité des bienheureux. Elle y vit leurs
âmes mêlées parmi les chœurs des Anges, selon le degré de leurs
mérites, et elle en remarqua, parmi les Séraphins, quelques-unes
qu'elle avait connues sur la terre : et comme elle demandait pour-
quoi elles étaient élevées à un si haut degré, on lui répondit que
c'était à cause de la conformité et de l'union parfaite qu'elles
avaient eues de leur volonté à celle de Dieu. Or si celte conformité
élève, dans le ciel, les âmes au plus haut degré de gloire, qui est
celui des Séraphins, il faut nécessairement conclure qu'elle les
élève ici-bas au plus haut degré de grâce, et qu'elle est le fonde-
ment de la perfection la plus sublime oii l'homme puisse atteindre.
LE PROPAGATEUR 77
La soumission de sa volonté est en effet le sacrifice le plus agré-
able et le plus glorieux à Dieu que l'homme puisse lui offrir ; c'est
l'acte le plus parfait de la charité, la plus noble et la plus méritoi-
re de toutes les vertus, et il est hors de doute que par cette sou-
mission il acquiert à chaque instant des trésors inestimables, et
qu'en peu de jours il recueille plus de richesses que d'autres en
plusieurs années et par beaucoup de travail. L'histoire célèbre
d'un saint religieux en offre un exemple remarquable. Ce saint
homme ne différait nullement des autres dans les choses extérieu-
res, et cependant il avait atteint un si haut degré de perfection et
de sainteté, que le seul attouchement de ses babits guérissait les
malades. Son supérieur lui dit un jour qu'il s'étonnait fort que, ne
jeûnant, ne veillant, ne priant pas plus que les autres religieux qui
habitaient le monastère, il fit tant de miracles, et qu'il désirait en
savoir la cause. Le bon religieux lui répondit qu'il en était encore
plus étonné que lui, qu'il n'en savait point la raison; que, s'il
pouvait en deviner une, c'était qu'il avait toujours pris grand soin
de vouloir ce que Dieu voulait, et que Dieu lui avait fait la grâce
de perdre et de fondre tellement sa volonté dans la sienne, qu'il
ne faisait rien sans son mouvement, soit dans les grandes,,
soit dans les petites choses. " La prospérité, lui dit-il, ne
m'élève point, l'adversité ne m'abat point, car je prends tout
indifféremment de sa main, sans rien examiner ; je ne demande
point que les choses se fassent comme je pourrais naturellement
le désirer, mais absolument comme il le veut ; et toutes mes priè-
res tendent à ce but, que sa volonté s'accomplisse parfaitement en
moi, et en toutes les créatures. — Eh quoi ! mon Père, lui dit son
supérieur, ne fûtes-vous pas ému, l'autre jour, quand un de nos
ennemis brûla notre grange, avec le blé et le bétail qui y étaient
pour notre provision ? — Non, mon Père, lui répondit-il ; au con-
traire, ma coutume est de rendre grâce à Dieu dans de semblables
accidents, par la ferme croyance que j'ai qu'il les permet pour sa
gloire et pour notre plus grand bien : c'est pourquoi je ne m'in-
quiète point si nous avons peu ou beaucoup pour notre entretien,
parce que je sais que, si nous avons confiance en lui, il pourra
aussi bien nous nourrir avec un morceau de pain qu'avec un pain
entier ; de cette manière, je suis toujours content et joyeux, quoi
qu'il arrive." L'abbé, dans l'admiration d'une conformité et d'une
confiance, si parfaites, cessa de s'étonner de voir ce religieux
opérer des miracles.
La conformité de notre volonté à celle de Dieu ne se borne point
à opérer notre sanctification ; elle a encore l'effet de nous rendre
beureux dès ici-bas ; c'est par elle que l'on acquiert le plus parfait
repos qu'il soit possible de goûter dans cette vie ; c'est le moyen
de faire de la terre un paradis. Alphonse le Grand, roi d'Aragon
et de Naples, prince très sage et très instruit, avait bien compris
cette vérité ; on lui demandait quelle était la personne qu'il croyait
la plus heureuse dans ce monde : " Celle, répondit le prince, qui
s'abandonne entièrement à la conduite de Dieu, et qui reçoit tous
les événements heureux ou malheureux comme venant de sa
78 LE PROPAGATEUR
main. " Dieu dit, par Isaïe : Si tu eusses été fidèle à mes comman-
dements^ ton âme eût nagée dans un fleuve de paix. Eliphaz disait à
Job : Soumetlez-vous à Dieu., et vous habiterez un royaume de paix ;
le Tout-Puissant se déclarera contre vos ennemis, et remplira votre
cœur de délices. Ce fut encore ce que chantèrent les saints Anges
à la naissance du Sauveui- : Gloire à Dieu au plus haut des deux,
et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Qaels sont ces
hommes de bonne volonté, sinon ceux qui ont une volonté confor-
me à celle qui est souverainement bonne, je veux dire la volonté
de Dieu ? Autrement elle serait infailliblement mauvaise.
Et en effet, pour que nous jouissions de cette heureuse paix, de
cette paix qui surpasse tout sentiment, il faut que rien ne s'oppose
à ce que nous voulons, que tout succède selon nos vues ; et qui
peut prétendre avec bonheur que celui-là seul dont la volonté est
toute conforme à la volonté de Dieu ? Tout ce qu'il veut s'exé-
cute en tout point, car rien n'arrive que Dieu ne le veuille et que
di-même par conséquent ne le veuille aussi.
Pour moi, dit l'éloquent Salvien, je crois qu'il n'est personne
au monde plus heureux que les justes, à qui il n'arrive que ce
qu'ils désirent. — Oui, mais ils sont humiliés, méprisés. — Ils le
veulent être. — Ils sont pauvres. — Ils se plaisent dans la pauvreté :
ils sont donc toujours bienheureux ; car fussent-ils dans les plus
grandes amertumes, ils ne sauraient être ni plus heureux ni plus
contents, dès qu'ils sont dans l'état où ils veulent être. Tout ce
qui arrivera au juste, dit le Sage, ne le contristera point., n'altérera
point la sérénité de son âme, parce que rien ne lui arrive contre
son gré.
Ce n'est pas que dans cet état l'homme ne ressente aucune douleur;
mais ce qu'il soufTre se passe dans la partie inférieure, et ne s'élève
pas jusqu'à celle où l'esprit repose. Il en est des âmes soumises
comme de Notre-Seigneur, qui, déchiré de coups et attaché à un
gibet ne laissait pas d'être bienheureux. Noyé dans l'abîme de
tous les maux qu'il est possible de souffrir en ce monde, il était
cependant comblé d'une joie infinie.
On ne peut toutefois disconvenir qu'il n'y ait dans notre nature
grâce que
proie à de pareils maux, et cependant bien heureux ; mais ce mi-
racle sera toujours infailliblement accordé aux sacrifices de qui-
conque voudra se dévouer à l'accomplissement en toutes choses de
la volonté divine, car il est de l'honneur et de la gloire de Dieu
que ceux qui s'attachent généreusement à son service soient con-
tents de leur sort.
On me demandera peut-être comment expliquer, s'il en est ainsi,
ce discours de Notre-Seigneur Jésus : Si quelqu^un veut venir après
moi, qu'il renonce à soi-même^ qu'il se charge de sa croix et qu'il me
suive. Je réponds que si ce divin maître exige ici que ses disciples
se renoncent et qu'ils portent la croix à sa suite, ailleurs il s'engage,
et avec serment, à leur donner par un miracle de sa toute-puissance,
LE PROPAGATEUR 79
outre la vie éternelle, le centuple, dès ici-bas, de toutes les choses
auxquelles ils renonceront pour lui plaire ; et de plus il s'oblige
à soulever le fardeau de sa croix, jusqu'à ce qu'il devienne léger ;
car il ne se borne point à dire que son joug est doux, il ajoute
que son fardeau même est léger. Lors donc que nous n'expéri-
mentons pas la douceur du joug de Jésus, ni l'allégement du far-
deau de la croix qu'il nous impose, c'est nécessairement que nous
n'avons pas encore bien pris sur nous, que nous n'avons pas
complètement renoncé à toutes nos vues humaines pour ne plus
apprécier les choses que par la lumière de la foi : lumière divine
qui nous fait bénir Dieu de tout, ainsi que saint Paul nous apprend
qu'il Vexige de nous, et qui serait le principe de cette yo/e ineffable
que ce grand apôtre nous recommande d'avoir en tout temps.
Thaulère, pieux et savant religieux de l'ordre de Saint-Domini-
que, rapporte un exemple remarquable de l'application de cette
doctrine. Il désirait ardemment de faire des progrès dans la vertu
et ne se fiant pas sur son savoir, il demandait à Dieu, déjà depuis
huit ans, avec autant de ferveur que d'humilité, qu'il voulût bien
lui faire trouver quelqu'un de ses serviteurs qui lui enseignât la
voie la plus sûre et la plus prompte pour se rendre agréable à ses
yeux. Un jour qu'il ressentait ce désir plus vivement encore et
qu'il pressait Dieu avec une extrême ardeur de l'exaucer, il en-
tendit une voix qui lui dit ; " Sors, etva-t-en sur les marches de
l'église, tu y trouveras celui que tu cherches, " Il part aussitôt ;
mais arrivé au lieu indiqué, il n'aperçoit qu'un mendiant, couvert
de pauvres haillons, les pieds nus et fangeux, d'un aspect digne de
compassion, et qui semblait devoir être plus occupé d'obtenir des
secours pour ses nécessités corporelles, que propre à donner des
avis pour la conduite spirituelle. Cependant Thaulère l'aborde, en
lui souhaitant le bonjour. " Je vous rends grâces de votre saluta-
tion, lui répond le mendiant ; mais je ne me souviens pas d'avoir
jamais eu de mauvais jour. — Eh bien, reprend Thaulère, je sou-
haite que Dieu ajoute aux bonsjours que vous n'avez cessé d'avoir
toute sorte de bonheur. — Je vous remercie, répliqua le mendiant;
mais sachez que je n'ai jamais été infortuné, qu'il ne m'est arrivé
en toute ma vie aucune disgrâce. — Plaise à Dieu, mon frère, lui
dit Thaulère étonné, qu'avec tous les biens que vous possédez, vous
parveniez encore à l'éternelle félicité I Mais j'avoue que je ne pé-
nètre pas bien le sens de vos paroles. — Je vous étonnerai bien da-
vantage, lui répond le mendiant, si j'ajoute que je n'ai jamais été
et que je ne suis point sans félicité.-— Je conviens, reprit Thaulère,
que votre langage me surprend ; il est fort obscur pour moi :
veuillez, je vous prie, me parler clairement." Alors le mendiant
s'expliqua de la sorte : " Je vous ai dit que je n'ai jamais eu de
mauvais jours, et en effet, les jours ne sont mauvais^que quand ils
ne sont point employés à rendre à Dieu, par notre soumission, la
gloire que nous lui devons ; ils sont toujours bons si nous les con-
sacrons à le louer, quelque chose qui nous arrive ; et nous le pou-
vons toujours avec sa grâce. Je suis, comme vous le voyez, un
mendiant infirme et réduit à une extrême pauvreté. Je chemine
80 LE PROPAGATEUR
par le monde sans appui, sans retraite, et j'endure bien des misères
par les chemins. Que si, ne trouvant pas d'aumônes, je souffre la
faim, j'en loue Dieu. Si la pluie, la grêle, les vents me tourmen-
tent ; si, pour aller presque nu, le froid me saisit et me fait souffrir,
j'en rends grâces à Dieu, Suis-je méprisé des hommes comme un
pauvre misérable, j'en bénis sa majesté divine. Enfin, tout ce que
je ressens de rude et de contraire aux sentiments de la nature, et
soit que les hommes me fassent bon accueil et qu'ils me rebutent,
tout m'est un sujet de louer Dieu, et je tiens ma volonté assujettie
à la sienne, bénissant de tout son saint nom. C'est ainsi que le
jour est bon pour moi ; car ce ne sont pas les adversités qui rendent
le jour mauvais, mais notre impatience, laquelle provient de ce
que notre volonté est rebelle, au lieu d'être toujours soumise et de
s'exercer comme elle le doit à louer et honorer Dieu conti-
nuellement.
" J'ai ajouté que jamais je n'ai été infortuné, que jamais il ne
m'est arrivé de disgrâce, et vous allez vous-même juger que je n'ai
rien dit qui ne soit exact. N'est-il pas vrai que nous nous estimons
tous très heureux lorsque les choses qui nous arrivent sont si bon-
nés, si favorables, qu'il nous serait impossible de rien souhaiter de
mieux, de plus avantageux ? Eh bien, mon frère, tel que vous me
voyez, je jouis toujours de ce bonheur. Cela vous étonne ? Gepen-
pendant ce que je dis est très vrai, et vous allez le comprendre.
Rien ne ne nous arrive, comme vous le savez, que Dieu ne le
veuille, et ce qu'il veut est toujours ce qu'il y a de meilleur pour
nous. Or il suit de là que je dois m'eslimer heureux, quelque
chose que je reçoive de Dieu ou que Dieu permette que je reçoive
des hommes. Et, en effet, comment ne serais-je pas heureux, con-
vaincu, comme je le suis, que ce qui m'arrive est précisément ce
qu'il y avait pour moi de plus favorable et de plus à propos ? "
Thaulère, tout émerveillé de la profonde sagesse de ce mendiant,
le pria de lui dire comment il mettait en pratique cette admirable
doctrine qui le rendait si heureux. " C'est, lui répondit-il, en vivant
avec Dieu comme un fils avec un père qui aime ses enfants. Je
n'oublie jamais que ce Père sage et puissant sait ce qui leur con-
vient le mieux, et qu'il ne manque pas de le leur donner. Ainsi,
que ce qui m'arrive répugne aux sentiments de l'homme extérieur
ou qu'il les flatte, qu'il renferme de la douceur ou de lamertume,
qu'il procure aux yeux des hommes de l'honneur ou de
l'infamie, et qu'il profite à la santé ou qu'il lui nuise, je le reçois
comme une chose qui m'est alors plus convenable qu'aucune autre,
et j'en demeure beaucoup plus satisfait que je ne le serais de tout
ce qui pourrait m'arriver par une autre voie. C'est ainsi que tout
ce qui m'arrive est bonheur, et qu'il n'est rien dont je ne rende
grâces à Dieu»
— Veuillez maintenant, lui dit Thaulère, m'expliquer votre
troisième réponse : que vous n'êtes point sans félicité. Cette expli-
cation, je l'avoue, ne me parait pas facile. — Cependant j'espère,
reprit le mendiant, qu'il me sera aisé de vous satisfaire. Vous
conviendrez avec moi, continu a- t-il, qu'on tiendrait bien heureuse
LE PROPAGATEUR 81
une personne dont toutes les volontés s'accompliraien t sans obstacle,
dont les désirs seraient toujours satisfaits. Sans doute il n'y a
point d'homme qui puisse, en vivant selon les maximes du monde,
arriver à cette félicité parfaite ; c'est aux habitants du ciel, con-
sommés dans l'union de leur volonté avec celle de Dieu, qu'il
est réservé de posséder une telle béatitude ; mais il faut que vous
sachiez que nous sommes appelés à y participer dès ici-bas ; et
c'est au moyen delà conformité de notre volonté à celle deDieu qu'il
nous est donné d'y atteindre. La pratique de celte conformité est, en
effet, toujours accompagnée d'une paix délicieuse, qui est comme
un avant-goût du bonheur céleste ; et cela ne peut être autrement :
car celui qui ne veut que ce que Dieu veut, ne rencontre plus au-
cun obstacle à sa volonté ; tous ses désirs n'ayant rien que de con-
forme au bon plaisir de Dieu, ne sauraient manquer d'être satis-
faits. Cette personne est donc bienheureuse. Or, c'est là la béati-
tude que je possède, c'est là ce qui fait toute ma joie. Je prends à
tout ce que Dieu fait un goût particulier cent fois plus délectable
que celui d'une personne dont tous les appétits sont pleinement
satisfaits."
Cette explication pénétra Thaulère d'une nouvelle admiration
de la haute sagesse de ce mendiant.
'^ Nous pouvons non, seulement soulager nos maux, dit le Père
du Sault, mais encore les changer en des biens inestimables par
la seule pensée delà providence de Dieu, qui nous gouverne.
Nous pouvons rendre nos nécessités, nos inclinations non seule-
ment satisfaites, mais encore remplies et comblées de joie, si nous
considérons le coeur et les entrailles de ce Père de miséricorde,
qui n'a pas épargné son propre Fils pour notre salut, et qui pro-
teste qu'en tout ce qu'il fait et en tout ce qu'il nous donne ou qu'il
ordonne de nous, il a toujours notre bien devant les yeux, et si
nous regardons aussi la charité infinie de ce Fils divin, qui s'est
offert si librement pour nous jusqu'à se rassasier d'opprobres et
d'ignominies aussi bien que de fiel et de vinaigre, jusqu'à s'anéan-
tir sur un poteau infâme dans la honte et dans la douleur, pour
nous acheter la gloire par ses confusions, et la joie par ses angois-
ses. Prenant donc des mains de ce grand Dieu les maux que nous
souffrons, n'est-ce pas un beau moyen d'être toujours contents et
toujours heureux au plus fort même de nos souffrances? Saurions
nous douter qu'un Dieu si plein de bonté et d'amour envers nous
ne veuille procurer notre bien, et que ses coups ne nous soient
des coups de grâce et de faveur, si nous savons bien les prendre ?
Quel plus grand contentement à une âme bien faite que de rece-
voir les livrées de son Epoux et de son Roi quand il l'en veut ho-
norer, et de l'entendre lui dire ces amoureuses paroles :
" Ma chère créature, tu sais que je suis ton Créateur, ton Sau-
veur et ton Dieu ; tu sais que je tiens ton coeur et ton corps entre
mes mains, que je te donne l'air que tu respires et le pain que tu
manges, que j'emploie les éléments, les astres et les Anges à ton
service, et que c'est pour toi que j'ai créé le ciel et la terre avec
tous les ornements qui les environnent. Encore n'est-ce pas assez:
6
82 LE PROPAGATEUR
tu sais que je t'aime jusqu'à m'être fait un ver de terre pour toi,
jusqu'à être né dans une étable et mort sur une croix, chargé de
toutes les peines que tu avais justement méritées par tes péchés.
Et après tout cela pourrais-tu bien penser que je te voulusse du
mal ? Après t'avoir lavé daus mon sang, après t'avoir nourri de
ma chair, après t'avoir donné mon corps, mon âme, ma vie et ma
divinité, que pouvais-tu plus attendre de moi, et quels plus grands
témoignages t'eussé-je pu jamais donner de mes bonnes volontés
que ceux que tu en as reçus ?
" Ne t'imagine donc pas que lesafliclions que tu souffres soient
les effets de ma haine, ou que je te les envoie pour t'opprimer et
t'accabler sous le faix ; je te les donne avec autant d'affection que
je t'ai donné l'être, et de ces mêmes mains qui se sont laissé clouer
pour toi sur la croix. S'il a fallu que moi, qui suis ton Maître et
ton Seigneur, je sois entré dans ma gloire par la porte des souf-
frances ; crois-tu l'en pouvoir ouvrir une plus assurée ? Ne vois-
tu pas que les hommes achètent les biens temporels au prix de
leurs sueurs et au péril de leur vie, et que les couronnes de la
terre ne se donnent qu'à ceux qui ont préalablement combattu et
remporté la victoire ? et penses tu que les biens éternels ne doivent
pas coûter autant que les périssables, et que les couronnes du pa-
radis ne soient aussi précieuses que celles des -théâtres et des
tournois ? Si tu participes à mes douleurs, tu participeras à ma
joie ; et si tu es le compagnon de mes peines, tu le seras de ma
gloire, et non pas autiement.
" Si je savais quelque chose de meilleur que les souffrances, ne
doute pas que je ne t'en fisse part, et que je ne l'eusse voulu choisir
pour moi-même, lorsque je vins habiter sur la terre parmi les
hommes ; mais ne voyant rien de plus assuré et de plus avantageux
pour arriver au comble de tous les biens, je te les donne de la
même main que je les ai prises pour moi-même. C'est moi qui
fais naître celte difficulté dans les affaires, c'est moi qui te pré-
sente ce calice à boire, et ne l'en prends point à d'autres : cette
disposition est la mienne seule ; n'accuse point la fortune, ce serait
contre ta conscience : car lu sais bien que rien ne m'est casuel,
et que dans mon gouvernement le hasard n'a point lieu ; n'accuse
point les astres ni les éléments : ce sont des créatures innocentes
que je tiens entre mes mains comme des instruments pour en
faire tout ce qu'il me plaît ; naccuse point les hommes ni les dé-
mons : leur mauvaise volonté ne peut te nuire, et leur puissance
est à moi ; ils ne sauraient s'en servir qu'autant qu'il me plaît ;
et, malgré leurs desseins, il faut qu'ils attendent mes ordres et
mon congé lorsqu'ils la veulent employer. C'est donc à moi seul
que tu dois attribuer tous les coups que lu reçois des créatures ;
tes maladies, tes nécessités, les rebuts, tes pertes viennent de Celui-
là même qui t'a créée, et qui te porte écrite dans son cœur et dans
ses mains. Ce sont les caresses que mon Père céleste a coutume
de faire à ses meilleurs enfants ; ce sont les épines de ma cou-
ronne et les reliques de ma croix, qu'il leur distribue comme à
ses favoris ; c'est dans ce calice qu'il m'a fait boire à longs traits^
LE PROPAGATEUR 83
et plus que tous les autres ensemble, parce que j'étais le premier
et le plus chéri de ses enfants. "
Qui est-ce qui ne répondra sur le champ a ces divines paroles ?
" 0 mon Père ! ô mon Seigneur et mon Dieu ! qu'il soit fait selon
votre bon plaisir, à la bonne heure ; je n'ai rien plus à cœur que
de suivre vos mouvements, votre conduite. Puisque vous voulez
que je souffre, je veux aussi souffrir ; et puisque vous avez ordon-
né que ce fût de cette façon, et non pas de toute autre qui m'eût
été plus aisée, j'y consens ; oui, mon Seigneur, j'y consens avec
une parfaite conformité de ma volonté à la vôtre ; je vous bénis
et je vous loue de tout mon cœur de ce qu'il vous plaît ainsi. J'ai
uue si grande confiance en votre bonté et en cet amour infini dont
vous m'avez donné toutes sortes de preuves, qu'elle ne laisse point
en mon esprit de pensées pour contredire les vôtres et pour me
persuader autre chose que ce que vous me voulez. Je crois que,
comme vous m'avez créée pour m'élever au comble de tous les
biens, vous me conservez aussi dans ce même dessein, et que tout
ce que vous me donnez, soit richesses, soit pauvreté, soit honneur,
soit opprobre ; soit santé, soit maladie, je crois que tout cela n'est
qu'une disposition de votre Providence, qui me conduit doucement
à cette haute fin. Mais lors même que je ne serais pas créée pour
un SI grand bien, encore ne saurais-je avoir d'autre volonté que
la vôtre ; puisque c'est en cela seul que je mets tout mon bien, et
que sans cela il me semble qu'il ne peut y avoir aucun bieu. C'est
mon paradis que de faire tout ce que vous voulez que je fasse; et
ce me serait un enfer pire que celui des damnés que de vivre à
ma guise, sans avoir eu les ordres et l'aveu de votre Majesté."
Tels sont les sentiments des âmes qui se laissent conduire à la
providence de Dieu, avec cette persuasion qu'elle est la première
et la principale cause de toutes les révolutions qui arrivent au
monde ; que c'est elle qui règle les saisons et les années, qui nous
envoie l'abondance et la stérilité, la pluie et le beau temps, l'hon-
neur et les opprobres, et qui manie absolument tous les tenants
et aboutissants de nos affaires, pour leur donner le pli et la forme
qu'il lui plaît. Pourraient-elles penser que ce qui part d'une si
bonne main leur puisse faire mal ? "Dieu est si bon, disent les
saints Pères, qu'étant le seul qui n'a besoin de rien pour lui, il
produit continuellement hors de lui une infinité de biens. Il est
si magnifique, qu'il élève toutes choses à la perfection par la sur-
abondance inimitable et inaccessible de ses libéralités. " C'est
ainsi que parle saint Denis. Philoa le Juif ajoute qae " Dieu ne
se lasse jamais de bien faire, et qu'il n'en laisse passer aucune
occasion. " Que pouvons-nous donc appréhender de mauvais en
ce qu'il fait ? ou plutôt, quel bien n'en devons-nous pas attendre ?
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A L. B T
SOCIÉTÉS.— ENREGISTREMENT.— PÉNALITÉS.
Première question. — Quelles sont les sociétés dont l'enregistremenl est reguis
par la loi ? Dans quel temps et dans quel endroit cet enregistrement doit-il se
faire, et à quoi s'expose l'associé qui néglige de le faire ?
Un commis
Réponse. — 1° Toutes les sociétés qui sont contractées pour des
fins de commerce, de manufacture ou de mécanique, ou pour la cons-
truction de chemins, écluses, ponts ou autres travaux, ou pour la co-
lonisation, l'établissement ou la vente des terres, (S.R. P. Q. Art. 5635)
doivent être enregistrées. Cet enregistrement doit se faire au
moyen d'une déclaration qui doit contenir les noms, prénoms,
qualité et résidence de chaque associé ainsi que la raison sociale.
Cette déclaration doit être signée par tous les associés. Si
un associé est absent de la Province, la déclaration doit être signée
pour lui par ses co-associés, en vertu d'une autorisation spéciale.
La déclaration doit mentionner depuis quel temps la société
existe et comporter que les personnes y dénommées sont les seuls
membres de la société (Art. 5635, § 3.)
2° La déclaration dont je viens de parler doit être enregistrée
dans les soixante jours après la formation de la société. Cet enre-
gistrement doit être fait au greffe de la Cour Supérieure du district
et au bureau d'enregistrement du comté du siège des affaires
sociales.
3° Si la déclaration n'est pas enregistrée dans le délai fixé,
chaque associé est passible d'une amende de deux cents piastres.
Les poursuites en recouvrement de ces amendes peuvent être ins-
tituées par toute personne quelconque conjointement en son nom
et au nom de Sa Majesté, ou au nom de sa Majesté seule.
Deuxième question. — Est-il vrai que tous ceux qui font le commerce seuls,
pour leur propre compte sont astreints aux mêmes formalités que les sociétés et
sous les mêmes peines ?
Un commis.
Réponse. — Chacun est libre de faire le commerce à son gré,
sans aucune entrave et sans être astreint à quelque formalité que
ee soit, pourvu qu'il fasse ce commerce seul et en son seul nom.
Si, cependant, un individu, quoiqu'il fasse le commerce seul, se
sert d'une raison sociale, (v. g. Louis Mailleux et compagnie] ou de
tout mot ou de toute phrase indiquant une pluralité de membres
(Ar )636), il est astreint aux mêmes formalités que les sociétés,
LE PROPAGATEUR 85
dans les mêmes délais et sous les mêmes pénalités. Ainsi, sous
peine de payer une amende de deux cents piastres, il doit, dans
les soixante jours de la date de l'emploi pour la première fois de
la raison sociale, faire enregistrer une déclaration au greffe de la
Cour Supérieure du district et au bureau d'enregistrement du
comté de sa place d'affaires. Cette déclaration doit contenir ses
nom, prénoms, qualité et résidence et la raison sociale. Elle doit
de plus mentionner qu'aucune autre personne n'est associée avec
le déclarant.
Voici la formule oflBcielle de cette déclaration.
Province de Québec}
District de J
Je de dans (mettez votre
qualité), certifie par les présentes que je fais et que f entends faire
commerce comme (épicier ou mercier, etc.), à district
de sous la raison sociale de et qu'aucune
autre personne n'est associée avec moi.
(signature)
(date)
TYPOGRAPHES
On lit dans les journaux de Montréal :
JU&EMENT IMPORTANT
La cour des Magistrats vient de rendre une décision qui intéresse les typogra-
phes. Le juge Barry, considérant que la typographie est un art et qu'il faut une
certaine culture intellectuelle pour l'exercer, a décidé que les typographes ne
sont pas de simples ouvriers dont les gages peuvent être saisis d'avance.
Ainsi dans l'opinion de la cour des Magistrats de Montréal, le
typographe n'est pas un ouvrier operarius dans le sens de l'article
5931 des Statuts Refondus de la Province de Québec. En vertu du
cinquième paragraphe de cet article, les gages et salaires des
ouvriers sont insaisissables jusqu'à concurrence des trois quarts.
" Mais^ " ajoute l'article, " dans ce cas, la saisie-arrêt est tenante
" aussi longtemps que l'engagement ou le contrat continue"
Sur cette question voyez le Propagateur, No du 1er novembre
1892, vol. 3, page 535.
86 LE PROPA.GATEUR
TRIBUNAUX FRANÇAIS
LA VENTE DES JOURNAUX
Le tribunal correctionnel de Bourg a condamné à un mois de
prison un vendeur de journaux, pour défaut de payement d'une
somme de 400 fr, provenant de la vente d'un journal de Lyon. Ce
défaut de payement a été considéré comme une escroquerie.
Cette décision est intéressante au point de vue de la jurispru-
dence en matière de presse. . — La Croix.
AVIS AUX PLAIDEURS
En décembre dernier la dépêche suivante a été envoyée à la
presse.
UN PROCÈS FIN DE SIÈCLE POUR UNE SOMME DE 50 FRANCS
Paris, 27 décembre 1892. — La cour d'appel vient de trancher en dernier res-
sort un procès qui était né avec le siècle. Le premier conflit judiciaire date, en
effet, de 1801. Le comble, comme on dit, est qu'il s'agit, dans ce long débat, de
la propriété d'un terrain vague situé entre les bâtiments d'une ferme et estimé
au maximum de 50 francs.
Trois générations d'adversaires se sont succédées dans la lutte. Adversaires
d'ailleurs bien différenls. D'un côté l'opulente famille des Grignon de Montigny,
alliés aux vicomtes d'Abancourt et tenant directement leurs droits sur le terrain
litigieux des seigneurs de Bapaume. Ue l'autre, de simplps paysans, MM. Leroy,
mais des paysans ayant pour la terre cet amour tenace qu'à dépeint le roman
d'Emile Zola.
Trois fois battus lorsqu'ils invoquaient la possession, en 1801, en 1861, en 1881,
ils ne se sont pas découragés ; et, en 1884, ayant retrouvé d'anciens titres d'ac-
quisitions, ils réclamèrent devant le tribunal de Ghâteaudun, la propriété du
fameux terrain.
Le tribunal, puis la cour, déclarèrent qu'ils fournissaient un commencement de
preuve, mais que, cette preuve n'étant pas suffisante, ils avaient à la compléter.
Infatigables, les Leroy reprirent leurs recherches. Enfin ils découvrirent, un
acte d'achat du 24 mars 1743, passé par leurs auteurs devant le tabellion royal
de ThiviUe. C'était l'arme tant cherchée ! Cette fois le tribunal de Châteaudun
leur donna complètement gain de cause. Les de Montigny firent appel et saisirent
la cour de Paris, qui a définitivement attribué aux opiniâtres paysans le lopin
de terre d'une valeur de cinquante francs !
NOUVEAUTÉ
A une supérieure religieuse au sujet d'un récant
décret pontifical, seconde édition revne etaugementée par l'auteur
Lettre du R. P. Franco de la compagnie de Jésus, seule traduction
française avec autorisation de l'auteur, par M. l'abbè A. E. Gautier,
du clergé de Bordeaux, docteur endroit canonique. In-12... 40 cts
LE CATHOLIQOE DANS LE HD
ENTRETIENS FAMILLIERS
D'UN PERE AVEC SES ENFANTS SUR LA RELIGION
PAR
Jean BOS^CO, Prêtre
Traduit, de Vllalien
1 vol. in-l2 , Prix : 75 cts
Le Père de famille ou l'ami 'le la jeunesse, dont nous voulons parler ici, élait
un Jbon chrétien, honnête citoyen d'une ville imporlanle de l'Italie. Il tenait de
la nature un bon caractère et un goût très décidé pour l'étude, à laquelle il s'é-
tait adonné avec autant d'ardeur que de sérieux. Après avoir avec succès termi-
né ses cours de littérature, de philosophie et de jurisprudence, il devint un avo-
cat célèbre, et parviut à la haute situation de Président du premier tribunal de
l'Etat. Il n'en élait pas moins zélé dans l'accooiplissement de ses devoirs ; il
trouvait moyen de lire de bons livres et des journaux respectables et s'était
fait un bagage de connaissances morales et religieuses, qui lui avaient conquis
l'estime et l'affection universelles. Il avait obtenu la permission de lire et de
garder des livres interdits, mais il n'en voulut jamais user. — " J'ai demandé
cette autorisation, disait-il, parce qu'ainsi le veut l'Eglise, maisje ne me mettrai à
la lecture des ouvrages qu'Elle défend, que lorsque j'aurai épuisé tous les bons!-'
— Il fuyait comme la peste la mauvaise presse de tous [genres, et pour ne pas
rester étranger à ces connaissances indispensables à qui veut vivre dans le monde
il choisissait parmi les journaux, pour les parcourir, ceux que la pureté du style
et la fermeté des principes religieux recommandaient aux personnes prudentes.
— Un soir, unjde ses amis lui apportait un« feuille oîi l'on censurait les préceptes
de l'Eglise ; '* Ceci est à brûler, lui dit-il, sans hésiter, je ne veux pas de cette
peste dans ma famille ; un mauvais journal dans une maison est comme une
source intarissable de poison." — Il lisait au contraire avec plaisir les Saintes
Ecritures l'histoire Ecclésiastique, pt les auteurs les plus sûrs en matière de phi-
losophie, de controverse, touchant aux fondements de la Foi Catholique. " Je
tiens pour certain, répétait-il volontiers, que l'on ne saurait être un avocat sé-
rieux, sans être bon chrétien ". — Il aimait son Curé, aimait à assister aux ins-
tructions du Dimanche, surtout aux catéchismes raisonnes. Il avait dans son
pasteur un modèle de charité et de vie chrétienne. Ils se visitaient souvent et
le sujet ordinaire de leurs entretiens était les erreurs que l'on répand au sein de
la société civile sur le compte de ia religion. " Comment n'être pas profondément
affligé, l'entendil-on souvent s'écrier, de voir tant de grandes intelligences se
perdre dans les fausses thèses de la politique, et épuiser leur talent à la diffusion
des idées matérialistss, qui s'attachent exclusivement à notre pauvre corps, ou-
blieusesde^la plus noble partie de notre être, de l'âme et de son salut éternel ! "
LE PROPAGATEUR
La divine Provi Jence lui avait oclroyé une nombreuse famille, qu'il s'efforçait,
avec la dernière sollicitude, d'instruire dans la foi, dans la bonne éducation et
éans les lettres. " Je désire, disait-il fréquemment, que chacun de mes fils choi-
sisse la carrière à laquelle il se sentira appelé et oti il croira trouver les meilleures
conditions d'une heureuse vie."
Il touchait à la cinquantaine, quand, rendu à un repos honoré par l'abandon
de sa charge. 11 tourna toutes ses facultés au bien-être spirituel et temporel des
siens. — Une grande pensée ne cessait toutefois de le poursuivre : l'avenir de ses
enfants après lui !
11 avait vu avec amertume nombre de ses amis, après biens des années d'une
vie honorable, se laisser fasciner parles idées du jour, tomber dans l'indifférence
religieuse, et en venir parfois jusqu'à l'hostilité. Ses anxiétés grandissaient en-
core à la vue de tant de jeunes hommes, camarades de ses fils, tournant le dos à
l'Eglise, dès leurs premiers pas dans le monde, devenant le scandale du pays, la
désolation de leur propre foyer. " Dieu veuille, disait-il un jour à ses amis, Dieu
veuille qu'une si profonde disgrâce ne soit le partage d'aucun de mes fils ! "
Plongé dans ces pensées un jour que ses enfants étaient tous réunis autour de
lui, il en vint à leur parler en ces termes. " Je vois bien, ch':'rs enfants, que mes
années s'écoulent rapides comme l'éclair : que je le veuille ou non, que j'y songe
ou non, je me trouve bientôt, et v»us le voyez, au terme de la vie. Il est juste que
chicun paie son tribut à la nature ; on n^ naît que pour mourir : et là n'est pas
le sujet de mes angoisses !... Celle qui traverse mon cœur, ô mes chers fils, est de
devoir vous laisser dans des temps si périlleux pour votre âge, au sein de tant
de dangers qui vont assiéger vos âmes. Trompés par les séductions mondaines
ne vous laisserez vous pas entraîner par cette violence à quelque excès, à quel-
que erreur qui puisse irréparablement compromettre votre salut ? "
Son fils aine lui répondit au nom de s^^s frères : " Vos paroles, ô mon Père,
sont bien faites pour émouvoir nos cœurs, et, tout jeunes que nous soyons, bien
des occasions nous ont démontré que ce monde est plein de périls, mais ne crai-
gnez pas pour nous. Nous avons été solidement établis dans notre sainte Foi,
par nos maîtres, Vos exemples nous en ont appris la pratique, et par la lecture
des bons livres, l'assiduité aux instructions religieuses de notre Curé, nous ap-
puyant sans cesse sur vous, nous avons confiance de persévérer dans le sentier
du bien, et d'éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à nos âmes."
Le Père, — Il est vrai que l'éducation reçue .l'amour et la soumission que vous
m'avez toujours montrés, me donnent bon espoir pour votre avenir. Mais, quand
j'aurai fermé \hs, yeux
Le Fils. — Que Dieu vons gar.le et vous conserve encore de longues années à
notre amour ! ô mon cher Père. Quand il plaira au Seigneur de vous rappeler à
Lui, nous garderons gravés dans le cœur vos conseils paternels et pleins d'amour,
qui sont notre trésor, et nous ne cesserons de les pratiquer constamment.
P._G'est précisément afin de vous prémunir contre les périls du temps, que
j'ai retracé les grandes lignes et les fondements de notre Religion Catholique'
sous forme d'entretiens familiers. Ce sera là mon testament ! et vous, en les lisant
et les relisant, vous vous souviendrez de moi et des maximes que je vous aurai
laissées avant de partir pour l'éternité. Ainsi, avec l*aide de Dieu, vous échappe-
LE PROPAGATEUR
89
rez aux embûches de vos ennemis spirituels, et vous vous garderez de ces dou-
loureuses ciiules où sont tombés tant de vos amis. Ainsi vous jouirez d'une vie
heureuse et honnête.
F. — Nous vous écouterons, mon Père, avec la plus vive attention, et ce sera pour
nous un bien précieux héritage, qui allégera pour nos cœurs la douleur de la vie
après vous. Et si vous le permettez, nous vous ferons quelques questions pour
éclairer davantage certains points qui pourraient dépasser nos intelligences.
P. — Il en sera ce que vous voudrez, chers enfants. Et comme je désire vous
donner une idée claire de ce que je veux traiter ; comme aussi, il faut avant tout
vous en prévenir, dans le monde vous rencontrerez des personnes ignorantes,
vivant dans l'erreur, et se refusante admettre la vérité de notre Sainte Religion,
nous diviserons ces entretiens en trois parties :
Dans la première, nous traiterons des fondements de l'Eglise Catholique, à la-
quelle Dieu a confié le dépôt de la foi et des vérités révélées :
Dans la seconde, nous examinerons les croyances de ceux qui vivent hors de
l'Eglise Catholique :
Dans la troisième, nous passerons en revue les objections et les arguments
dont se servent le plus ordinairement aujourd'hui les ennemis de la foi pour la
déraciner des âmes.
El, comme toute action et toute parole doivent commencer par Dieu, et se
rapporter à lui ; ainsi implorerons nous, avant tout, son aide et sa lumière.
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
des fondements de la Religion Catholique el de l'Eglise de Jésus-Christ
Premier ENTRETIEN. — Dieu créateur —
Argument métaphysique.
Deuxième entretien. — Argument phy-
sique.
Troisième entretien. — Argument mo-
ral. Croyance générale à l'existence
de Dieu.
Quatrième entretien. — Nécessité d'u-
ne Religion.
Cinquième entretien. — Nécessité d'u-
ne Révélation.
Sixième entretien. — Véracité des Li-
vres de TAncien Testament.
Septième entretien. — Divinité diS Li-
vres de l'Ancien Testament.
Huitième entretien. — Histoire de la
Religion et Prophéties relatives au
Messie, depuis Adam jusqu'à David.
Neuvième entretien. — Prophéties et
histoire de la Religion depuis David
jusqu'au Messie.
Dixième entretien. — Prophéties véri-
fiées dans la personne de J. -Christ.
Onzième entretien. — L'évangile.
I>0DziÈME entretien. - Jésus-Christ,
vrai Dieu et vrai homme.
Treizième entreti"n. — Résurrection et
Ascension de J.-C. Preuves certaines
de sa Divinité.
Quatorzième entretien— Aperçu sur
les Juifs.
Quinzième entretien. — Les Juifs at-
tenJent inutilement le Messi-^.
Seizième entretien. — Propagation du
Christianism-r!
Dix-Septième entretien. — Fondation
i". l'Eglise de J.-C.
Dix-HDiTiiMB entretien. — Du Chef vi-
sible 'le l'Eglise di Jés ;s-Ghrist.
Dix-Neuvième entretien. — Visibilité
de l'Eglise de J.-C.
Vingtième entretien. — Caractères de
l'Eglise de J.-C.
Vingt et unième entretien. — L'Eglise
Romaine a le caractère de l' UNITÉ.
Vingt-deuxième entretien. — Seule
l'EgUse Romaine est S.\INTE.
90
LE PROPAGATECR
Vingt-troisième entretien. — Seule
l'Eglise Romaine est CATHOLIQUE.
Vingt-quatrième entretien. — Seule
'Eglise Romaine est APOSTOLIQUE.
Vingt-cinquième entretien. — La Hié
rarchie Ecclésiastique.
Vingt-sixième entretien. — Autorité
des Conciles.
SECONDE PARTIE
Croyances et sectes existant encore aujourd'hui et qui, à diverses époques, se
séparèrent de VEglise Catholique
Premier entretien. — Le Mahomélisme
Deuxième kntretien. — Schisme des
Grecs.
Troisième entretien. — Origines des
Vaudois,
Quatrième ENTRETiEN.-Suite du même
sujet.
Cinquième entretien. — Mauvaise foi
des ministres Vaudois.
Sixième entretien. — Séparation des
Vaudois d'avec l'Eglise Catholique.
Huitième entretien. — Luther.
Neuvième entretien. — Incertitudes de
Luther et ses sentiments envers l'E-
glise Catholique.
Dixième entretien. — La Hiérarchie de
Marlin Luther.
Onzième entretien. — Calvin.
Douzième entretien. — Bèze disciple
de Calvin.
Treizième entretien. — Du Schisme
Anglican.
Quatorzième entretien. — Union des
Anglais avec les Prolestants et les
Vaudois.
Quinzième entretien. — Les prédica-
teurs de la Réforme n'avaient pas la
mission divine.
Seizième ENTRETiEN.-Eglise Orthodoxe
de Russie.
TROISIÈME PARTIE
Invariabilité de la Doctrine Chrétienne
Premier entretien. — L'Eglise Catholi-
que n'a jamais rien changé aux dog-
mes enseignés par les Apôtres.
Deuxième ENTRETiEN.^Lee prolestants
ne peuvent indiquer un seul dogme
des Apôtres qui ait été altéré par
l'Eglise Romaine — Aveux convain-
cants de leurs propres auteurs sur
ce point.
Troisième entretien. — Les définitions
dogmatiques, qu'en divers temps
prononce l'Eglise Catholique, sont
de simples déclarations et non de
nouveaux dogmes de foi
Quatrième entretien. — L'Eglise Ca-
thoUque n'augmente jamais le 5 Ar-
ticles de foi.
Cinquième entretien. — LesProt estants
ont renouvelé les erreurs condam-
nées par l'Eglise primitive.
Sixième ENTRETiEN.-Conlinuation de la
comparaison des prolestants avec le&
anciens hérétiques.
Septième entretien. — Erreur fonda-
mentale.
Huitième entretien. — Inutilité de la
défense du Jugement Personnel.
Neuvième entretien. — Contradictions.
Dixième entretien. — Une conséquen-
' ce involontaire.
Onzième entretien. — Une impudente
audace de la Papesse Evangélique.
Douzième Entretien. — Les Variations
Protestantes.
Tteizième entretikn. — Confusions pro-
testantes.
Quatorzième entretien. — Labyrinthe
oij se perdent les ministres protestants
Quinzième entretien. — Calomnies con-
tre l'Eglise Romaine.
Seizième entretien.— Deux mots aux
ministres Protestants.
L'ERMITE DE FRANCHARD
(^suite)
— Nous le ferons appeler plus tard, dit le Roi : Allons voir
cette roche à cœur tendre, cette roche qui pleure.
Ils y allèrent, puis madame la comtesse de Soissons eut fan-
taisie de se promener dans la gorge de Franchard, parmi les roches
éboulées et les ravins fleuris d'ajoncs et de bruyère. Ses sœurs,
Louis XIV et plusieurs autres personnes la suivirent et la dépas-
sèrent bientôt dans cette course aventureuse, mais Monsieur,
Mademoiselle, le comte de Neverly, madame de Ghazelles, made-
moiselle de Vandy et la petite demoiselle de Fouilloux, préférèrent
rentrer dans le jardin de l'ermite, et firent porter des pliants sous
une tonnelle couverte de vigne, d'où l'on découvrait toute la gorge
de Franchard, et au delà, un grand horizon boisé. Là, tout en
agitant de grands éventails pour chasser les moustiques féroces
si communs dans la forêt de Fontainebleau, les dames s'amusèrent
à regarder paraître et disparaître parmi les rochers de Franchard
les élégants personnages de la suite du Roi. -C'était parmi eux, à
qui monterait le plus haut et le plus vite. Les dames rivalisaient
d'intrépidité avec les gentilshommes.
— Mais je crois que la comtesse de Soissons devient folle, s'écria
Mademoiselle. N'est-ce pas elle que je vois là bas, debout sur ce
rocher pointu, et agitant une branche d'arbre ?
— Non, c'est Mademoiselle Hortense, dit M. Graston de Neverly,
je reconnais sa jupe couleur de rose. Mademoiselle Marie est un
peu au dessous d'elle.
— Mon frère n'en est pas loin, alors, dit Monsieur, je le gagerais.
— Fi, mon cousin ! dit Mademoiselle : vous devenez mauvaise
langue.
— Vous n'auriez pas bonne grâce à me gronder, ma cousine.
Pas plus tard qu'hier soir je vous ai entendue dire à madame de
Ghazelles ici présente : que cette petite Mancini est donc insuo-
portable de parler à l'oreille du Roi comme elle le fait ! Si j'étais
à la place de la Reine, je sais bien ce qu'il lui en coûterait. Est-
ce vrai, madame de Ghazelles ?
— Je ne me souviens pas bien, dit la jeune dame en rougissant.
— Mentez, mentez, madame, s'écria le jeune prince, cela vous
va si bien de rougir ! vrai, si vous ôtiez ce vilain bandeau, vous
auriez l'air d'avoir quinze ans. Que vous êtes charmante, et que
je suis content de vous avoir fait mentir !
Toute la compagnie riait, et madame de Ghazelles prit le parti
de rire comme les autres.
92 LE PROPAGATEUR
— Monsieur a très grand tort de se réjouir parce que vous avez
commis un péché, madame, dit Mademoiselle, mais quand au
bandeau, je suis de son avis. Pourquoi le portez-vous encore ?
votre deuil est fini, archi-fini, et on sait bien que vous n'êtes pas
précisément au désespoir d'être veuve ?
— Sans compter, murmura mademoiselle de Fouilloux, que je
connais quelqu'un qui ne laissera pas durer trop longtemps ce
veuvage.
— Que dites-vous là, Fouilloux ? s'écria la princesse : une
sottise, bien sûr ; je la devine. Vous dites que madame de Gha-
zelles se remariera. Point du tout : je compte, au contraire, qu'elle
viendra habiter avec mademoiselle de Vandy, monsieur de Ne-
verly et moi, sans compter bien d'autres personnes de mérite,
l'ermitage où je veux me retirer.
— Voire Altesse Royale veut se faire ermile, et moi aussi!
s'écria Gaston de Neverly. Ah î je le veux bien, mais, d'honneur,
en voici la première nouvelle.
— Que vous êtes étourdi, monsieur! Gomment, vous avez
oublié cette soirée que nous passâmes au Luxembourg, l'hiver
dernier, en revenant de la foire Saint-Germain, et les beaux projets
que nous fîmes avec mademoiselle de Vandy, Préfontaine et
Segrais ?
— Je crois, en effet me rappeler quelque chose dit Neverly
en ayant l'air de réfléchir : Oui, c'est cela. Il était question d'ha-
biter la campagne toute l'année, de se promener, de faire de la
musique, des vers, des peintures, des tapisseries, de danser, aussi,
je crois, sans compter la chasse, le jeu, la comédie et toute espèce
de divertissements honnêtes. Mais il y avait, quelque chose de
défendu, sous peine d'exil éternel, quelque chose ma foi, j'ai
oublié quoi.
^ — Votre mémoire est courte, monsieur, puisque vous oubliez
justement l'essentiel. Hé ! bien, je voulais que dans le séjour où
je projette de réunir mes amis et de passer avec eux toute ma vie,
je voulais qu'il ne fût jamais question ni de galanterie, m de ma-
riage, et que l'on vécut comme vivent des frères et des sœurs,
dans le paisible et honnête commerce de l'amitié la plus pure.
— Dans quel pays sera établie cette sublime communauté ? de-
manda Neverly de l'air le plus sérieux qu'il put prendre.
— Mais à Saint-Fargeau peut être, au château d'Eu, ou à
Ghampigny ; peu importe. L'essentiel, c'est la règle. Qu'en dites-
vous, mon cousin ?
^ — Hélas, ma cousine, la règle est admirable, mais si vous rem-
plissez le noviciat, je m'étonnerai, et si quelqu'un fait profession,
je Tirai dire à Rome.
Mademoiselle piquée, allait répondre, lorsque mademoiselle de
Vandy, pour faire diversion, s'écria : — Je viens de voir l'ermite
fermer ses volets. Pourquoi donc cet incivil personnage ne vient-
il pas saluer Mademoiselle ?
— G'est ce que je vais aller lui demander, si Son Altesse Royale
le veut bien, dit Neverly.
LE PROPAGATEUR 93
— J'y veux aller moi même, dit la princesse, qui ne pouvait
rester tranquille une heure de suite. Je le consulterai sur mes
projets d'ermitage.
Elle se leva, Neverly lui présenta la main, et marchant d'un
pas délibéré, la princesse alla frapper à la porte de l'ermite.
— Ouvrez ! dit Neverly, ouvrez à Son Altesse Royale, Made-
moiselle de Montpensier.
L'ermite ouvrit, et s'effaçant pour laisser eî:trer ses hôtes, re
ferma ensuite la porte derrière eux, présenta un siège à la princesse,
et se tint debout et incliné devant elle, en silence.
Les volets étaient presque fermés, et ce ne fut qu'au bout d'un
instant que les yeux de la princesse, s'accoutumant à l'obscurité,
distinguèrent les détails de l'ameublement de la cellule.
Elle ne contenait qu'un grabat fort étroit,une table de chêne brut,
un bahut, deux escabeaux et un crucifix. Sur le rebord de la
cheminée à hotte, était posé entre deux bouquets blancs une petite
statuette de la Vierge, et un livre ouvert sur la table, quelques
papiers et une écritoire de plomb, témoignaient des goûts studieux
de l'ermite. Aux solives du plafond étaient suspendues des guir-
landes de plantes séchées, et l'air de la cellule, imprégné de leur
parfum, était frais et agréable à respirer.
— Je n'ai pas voulu visiter la chapelle sans vous, mon frère, dit
la princesse, et, lasse d'attendre qu'il vous plût de vous monirer,
je suis venue vous chercher. Pourquoi donc vous cachez-vous
ainsi ? Savez-vous que c'est peu gracieux ?
— Je prie Mademoiselle de me pardonner, dit l'ermite très bas;
j'ai dit adieu au monde, j'ai choisi la vie cachée, et je suis devenu
presque muet à force d'avoir gardé le silence.
Au son de la voix de l'ermite, Neverly avait tressailli. Il fit un
pas en avant, et tâcha d'apercevoir le visage de frère Sylvain. Mais
l'ermite avait rabattu son capuchon et se tenait dans l'ombre.
— Il y donc bien longtemps que vous êtes Ici, mon frère.
— Il y a sept ans, princesse.
— Sept ans seulement ? Mais, à Fontainebleau, j'ai entendu
parler de l'ermite de Franchard dans ma petite enfance.
— L'ermite qui m'a précédé ici, Mademoiselle, est moit il y a
six ans, presque centenaire. J'avais passé une année avec lui.
Depuis sa mort ; j'ai vécu seul.
— Et le temps ne vous dure pas ?
— Non, Mademoiselle.
— C'est étrange. Voulez-vous me conduire à la chapelle ?
— Je n'ai qu'une porte à ouvrir pour cela, dit l'ermite.
Il s'avança vers le fond de la cellule, et la porte qu'il ouvrit
laissa entrer un rayon de soleil qui illumina la chambre.
La chapelle était petite, fort simple, mais tenue avec soin. A
droite de l'autel, et devant une statue de Notre-Dame des Bois,
brûlait une lampe d'argent.
La princesse s'agenouilla, ses deux compagnons l'imitèrent, puis,
94 LE PROPAGATEUR
après une courte oraison, l'ermite ayant ouvert la porte de l'exté-
rieur, se tint près du seuil, comme s'il attendait le départ de la
princesse.
zr Mademoiselle sortit, un peu déconcertée par le mutisme de
l'ermite, et Neverly, en passant devant lui, s'approcha de son
oreille, et murmura ces mots : — ou tu es Henri d'Aiguebelle, ou
tu es son ombre !
L'ermite se détourna vivement, et rentra dans sa cellule sans
répondre un seul mot.
Un page du Roi venait d'entrer dans le jardin de l'ermite,
porteur d'un message verbal de sa Majesté. Louis XIV ordonnait
aux violons d'aller le retrouver au bas de la gorge de Franchard
et il priait Monsieur et Mademoiselle de venir l'y rejoindre. Le
soleil allait bientôt se coucher, et la princesse qui craignait fort
d'être surprise par la nuit, hésita et fit mine de refuser l'invitation
du Roi, mais Monsieur lui assura qu'il voyait fort bien l'endroit
où était son frère, et qu'on y arriverait en dix minutes.
L,e chemin n'était pas long, en effet, mais si accidenté que
mademoiselle de Vandy tomba trois fois, Monsieur quatre, et
que Mademoiselle en eût fait autant, sans l'appui du bras de Ne-
verly. Enfin, on arriva près du jeune Roi. Les violons jouaient
un passe-pied, et toute la jeunesse dansait sur le gazon, dans un
petit cirque naturel formé par des rochers, vraie salle de danse
construite à l'usage des fées. Les dames avaient ôté leurs chapeaux
à plumes, et mis des fleurs et des papillons dans leurs cheveux.
Ces jolis œillets pourprés que la forêt de Fontainebleau produit
en abondance, ressortaient à merveille dans les boucles brunes
de Mlles Mancim, et les blondes s'étaient couronnées de margue-
rites et de campanules azurées. Chaque cavalier portait à la
boutonnière de son pourpoint un bouquet de fleurs semblables à
celles de la belle qu'il conduisait, et les derniers rayons du soleil
teintaient d'un or rosé les arbres, les rochers, les musiciens et les
danseurs. Les nouveaux arrivés se mêlèrent à la danse, mais ce
ne fut que pour quelques instants. Le soleil disparut sous un nu-
age, le crépuscule tomba rapidement, et il fallut remonter à l'er-
mitage par un sentier de chèvres, où l'on faisait presqu'autant de
glissades que de pas.
Lorsqu'on y arriva, la nuit était close, mais la tente illuminée
attendait les convives, et un souper splendide répara leurs forces
et ranima leur gaité-
— Est-il vrai, ma cousine, demanda le Roi à Mademoiselle, est
il vrai que vous avez vu l'ermite ?
— Oui, sire, et je puis assurer que cest un ermite bien peu
sociable, et qui ne dit presque rien. 11 reste la tête couverte d'un
vilain capuchon ; on ne voit de son visage qu'une barbe effroyable ;
c'est un ours, et un ours mal léché.
LE PROPAGATEUE 95
— En ce cas, dit Olympe Mancini, je ne le veux point voir.
— Pourtant, dit le Éoi, je serais fâché d'être venu ici sans lui
faire quelque présent. Il doit être fort pauvre, cet ermite. M. de
Neverly, allez le trouver, je vous prie, demandez lui ce dont il a
besoin pour lui ou pour sa chapelle, je le lui enverrai demain.
Neverly s'empressa d'obéir au Roi, et, sortant de la tente, tra-
versa le jardin ; une faible lumière éclairait la cellule de l'ermite
et filtrait entre les volets presque fermés. Neverly se haussant
sur la pointe des pieds, appliqua son œil à cette ouverture, et
regarda dans la cellule. L'ermite lisait à la lueur d'une petite
lampe, et son capuchon, rejeté en arrière, laissait voir son visao-e.
— C'est lui ! se dit Neverly : je n'en puis plus douter. Il alla
frapper à la porte. L'ermite éteignit sa lampe, vint ouvrir, et se
tint sur le seuil sans prier M. de Neverly d'entrer.
Celui-ci fit la commission du Roi.
— Dites à Sa Majesté que je lui rends mille grâces : je n'ai
besoin de rien, et la chapelle est pourvue de tout le nécessaire.
— Mais, mon frère, le Roi sera mécontent de vous si vous ne
répondez à ses bontés que par un refus tout sec. Votre jardin a
été gâté ; il est juste que vous en soyez dédommagé.
— Hé bien, monsieur, priez Sa Majesté défaire murer les portes
de la vieille abbaye, afin qu'elle ne soit plus hantée par les vaga-
bonds et les braconniers.
— Je le dirai, mon frère, mais de grâce, ne faites pas plus long-
temps semblant de ne pas me connaître. Vous êtes Henri d'Aigue-
beHe, mon ami, mon compagnon d'autrefois !
Mais frère Sylvain avait déjà refermé la porte, et Neverly
approchant sa bouche du trou de la serrure, lui dit : — Je revien-
drai, frère Sylvain, et bon gré mal gré, je saurai tout demain.
Lorsque Neverly reprit sa place à table, le Roi ne songeait déjà
plus à l'ermite. Il parlait de musique, et discutait avec la comtesse
de Soissons sur la beauté d'un air que LulU avait composé depuis
peu sur des paroles de Racan. . j»]^]^
— Je n'ai entendu cet air qu'une fois, disait le Roi, mais il
m'a paru languissant et plus triste qu'il ne conviendrait aux pa-
roles. Je crois, madame, que vous le jugez trop favorablement.
Baptiste, cette fois est resté au-dessous de lui-même.
— De quel air est-il question ? demanda Neverly à Mme de
Chazelles.
De celui que je vous chantai le mois dernier à Paris, monsieur.
— Sire, s'écria Neverly, permettez-moi de plaider pour Lulli.
Ne le condamnez pas avant d'avoir entendu cet air chanté par
Mme de Chazelles, et permettez-moi de l'accompagner.
Tirant alors de sa poche un petit luth, merveilleux instrument
qu'il avait rapporté d'Italie, le jeune gentilhomme l'accorda pres-
tement, et, sur la demande du Roi, la jeune veuve chanta d'une
belle voix de contralto :
96 LE PROPAGATEUR
O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effactr pour jamais les vains pensers de gloire,
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui loin retiré de la foule importune
Vivant dans sa maison content de sa fortune,
A, selon son pouvoir, mesuré ses désirs !
Agréables déserts, séjour de l'innocence
Où loin des vanités de la magnificence
Commence mon repos et finit mon tourment:
Vallons, fleuvp, tochers, plaisante solitude, *
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude
Soyez-le désormais de mon contentement.
Dès qu'elle eut fini, un concert de louanges et d'applaudissements
récompensa la belle chanteuse, et Neverly, se hâta d'écarter le
rideau de la tente et de regarder du côté de l'ermitage. Il vit que
la fenêtre en était ouverte, et le clair de lune lui montra la tête
de l'ermite, qui semblait écouter encore.
Un page vint parler bas au Roi. — Mesdames, dit Louis XIV, on
m'avertit que les calèches sont prêtes, et que le tonnerre commence
à gronder dans le lointain. Nous ferons prudemment de retourner
au château, je crois.
— Déjà, s'écria Marie Mancini : il est à peine dix heures. Ce
serait très beau un orage à Franchard 1
— Grand merci 1 dit Mademoiselle : j'aime mieux le voir de
ma chambre de Fontainebleau. Partons vite, vite. Ces grands
arbres attirent la foudre, et un coup de vent suffirait pour enlever
cette tente légère.
Quelques minutes après, toutes les dames étaient en voiture, le
Roi et sa suite à cheval, les pages portant des torches éclairaient
la marche, et tandis que carrosses et cavaliers s'éloignaient, les
vingt-quatre musiciens s'entassaient dans trois carosses, les servi-
teurs se hâtaient d'emballer la vaisselle d'argent et d'expédier les
reliefs du souper, et, tout eu vidant les derniers llacons, rechar-
geaient les mulets et remplissaient un chariot des meubles et des
ustensiles apportés le matin. Le ciel se couvrait, et ces rafales de
vent qui précèdent les orages, commençaient à courber la cîme
des arbres et de la forêt.
(à suivre)
Mme Julie Lavbrgne.
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Avril, 1893, Numéro 4
BULLETIN
' ' 10 avril 1893.
*,* Dernièrement N. S. P. le Pape a adressé aux évêques de la
province ecclésiastique de Venise une lettre dans laquelle il con-
damne une fois de plus le mariage civil. Cette lettre a été écrite à
l'occasion d'un projet de loi présenté aux chambres par le gouver-
nement italien. Ce projet de loi donne la prééminence au mariage
civil sur le mariage religieux et en ordonne l'antériorité. Il sépare
deux choses qui doivent être étroitement unies. En effet le maria-
ge est un sacrement et le contrat ne peut pas être séparé de ce sa-
crement. " Une loi civile qui, supposant le sacrement divisible du
" contrat de mariage pour les catholiques, prétend en régler la
" validité, contredit la doctrine de l'Eglise, usurpe ses droits in-
" aliénables, et, dans la pratique, met sur le même rang le concu-
" binage et le sacrement de mariage, ou les sanctionne l'un et
*' l'autre comme également légitimes (l). "
Le pape attribue ce projet de loi à l'influence de la secte maçon-
nique qu'il traite de secte maudite dont les desseins sont toujours et
partout les mêmes, c'est-à-dire directement hostiles à Dieu et à l'Eglise,
Voici la manière dont il juge cette législation impie :
Bref, voici le jugement que l'on doit porter sur le nouveau projet de loi dont
Nous Nous occupons, il usurpe les droits de l'Eglise, entrave son action salu-
taire, et en resserre toujours plus les chaînes^ au grave détriment des âmes. Il
lèse la juste liberté des citoyens et des fidèles, favorise et sanctionne les unions
illégitimes, ouvre la voie à de nouveaux scandales et à des désordres moraux.
Il trouble la paix des consciences et rend plus aigu le conQit entre l'Eglise et
l'Etat ; conflit absolument contraire à l'ordre établi par le Créateur, conflit juste-
ment blâmé et déploré par tous les esprits honnête s et dont, assurément, l'Eglise
ne fut jamais la véritable cause.
*/ Dans le cours de mars, des élections générales ont, eu lieu en
Espagne. Le gouvernement libéral a obtenu une grande majorité
pour les deux chambres, mais sa majorité est bien plus considéra-
ble à la chambre populaire qu'au Sénat. Les parties se divisent en
conservateur, libéral, républicain ou libéral avancé et Carliste.
Madrid, la capitale, a élu six républicains et deux ministériels.
Parmi les républicains élus se trouve M. Salraeron, ancien pré-
sident de la république.
(I) Lettre de N. S. P. le Pape Pie IX au roi de Sardaigue, en date du 19
septembre 1852.
7
98 LE PROPAGATEUR
Le sénat se compose de 1>0 membres à vie et de 180 membres
élus.
*/ Les Gortès du Portugal se sont réunies le deux janvier et le
roi a ouvert personnellement la session.
Le 21 février le ministère a donné sa démission parce que les
Gortès ne voulaient pas adopter sa politique fmancière. Un nou-
veau cabinet a été formé le 22 février.
En voici la composition :
Présidence du conseil et affaires étrangères : M. Hintze Ribeiro. — Intérieur : M.
Franco Castello Branco. — Justice : M. Antenio AzeveJo. — Guerre : M. le colonel
Pimentel Pinlo. — Finances: M. Fuschini.— Marine : M. le capilaine.de vaisseau
Neves Ferreira. — Travaux publics : M. BernarJino Machalo.
Le principal article du programme du nouveau gouvernement
est l'établissement de la responsabilité ministérielle.
Quelques jours avant la chute du dernier cabinet, le ministre
des affaires étrangères, Mgr de Gouveia, évêque de Betbsaïde avait
donné sa démission. " Cette démission," dit VUnivers, " avait été
" exigée par l'Angleterre qui voyait dans ce prélat le principal obs-
" tacle à ses revendications relatives à la délimitation de frontière
" du Maniraland au nord-est du Gapland (1) "
*^* Dans le procès de corruption touchant les affaires du Pana-
ma, qui s'est terminé le 21 mars devant la cour d'assises de Paris,
trois des accusés ont été trouvés coupables. Ge sont MM. Baïhaut,
ancien ministre, accusé de s'être vendu, Charles de Lesseps, accusé
d'avoir acheté l'influence de Baïhaut et Blondin, accusé d'avoir
servi d'intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur.
Baïhaut a été condamné à cinq ans de prison, à la dégradation
civique (2) et à 750,000 francs d'amende, Blondin a été condamné
à deux ans de prison et de Lesseps a été condamné à un an de la
même peine.
Les jurés devaient répondre à 38 questions qui leur ont été sou-
mises par le tribunal.
Les accusés Béral, Dugué de la Fauconnerie, Gobron, Proust,
Fontane et Sans-Leroy ont été acquittés.
*/ Le successeur de Jules Ferry à la présidence du sénat fran-
çais est M.Challemel-Lacour,écrivain, journaliste et ancien ambas-
sadeur à Londres. Il est entré en fonctions le 28 mars.
Son discours d'installation est considéré comme très important
vu les circonstances dans lesquelles se trouve la France. Voici les
(1) Les possessions portugaises sur la côte orientale d'Alrique sont voisines des
possessions anglaises.
(2) Voir à la Partie Légale en quoi consiste en France la dégradation civique
LE PROPAGATEUR 99
parties les plus saillantes de ce dicouis, transmises par le
télégraphe :
La France trou vera^d ans le sénat, la plus sùre sauvegarde, contre les agitations
renouvelées de temps en temps par les partis, qui espèrent les laire tourner à
leur avantage.
Le sénat, pénétré des mouvements qui se manifestent maintenant dans les con-
ditions économiques et morales de la société, a le devoir de soutenir le gouver-
nement dans l'accomplissement de sa tâche au sujet de ces conditions.
Quelques jours avant son élection à la présidence du sénat, M.
Challemel-Lacour a été élu membre de l'académie française en
remplacement de Renan.
*
*/ Le 30 mars le ministère français Ribot est tombé sur une
question d'alcool. Quelques jours auparavant il avait obtenu une
grande majorité sur une question directe de confiance.
Par un vote de 247 voix contre 242, la chambre des députés a
décidé, malgré le gouvernement que l'article de la loi des finances
concernant la réforme de la vente des boissons restera partie inté-
grante de cette loi. Le sénat avait proposé de retrancher cet article
et le gouvernement avait accepté cette proposition.
On prétend que la question des boissons n'est que le prétexte du
vote donné par la chambre. La vraie cause de la chute du minis-
tère serait le désir de la majorité d'étouffer l'afî'dire de Panama
dans laquelle une grande partie de la représentation nationale
court le risque de sombrer.
Le président Carnot a chargé M. Méline, anciea ministre de
l'Agriculture et ancien président de la chambre des députés, de
former un nouveau ministère. M. Méline, n'ayant pas réussi, cette
tâche difficile a été confiée à M. Dupuy, ministre de l'Instruction
pubhque dans le cabinet Ribot. Voici la composition du nouveau
cabinet que M. Dupuy a enfin réussi à former ;
M. Dupuy, premier et ministre de l'intérieur. — Pau! Louis Peytral, ministre
des finances. — Sénateur Eugène Guérin, ministre de la justice. — Raymond Poin-
carré, minisire de l'instruction publique. — Louis Terder, ministre du commerce.
— Amiral Rieunier, ministre de la marine. — Jules Develles, ministre des affaires
étrangères. — François Viette, ministre des travaux publics. — Ginéral Loizillon,
ministre de la guerre. — Albert Viger, ministre de l'agriculture.
Six membres du cabinet Ribot font partie du nouveau ministère.
Ce sont messieurs Dupuy, Rieunier, Develles, Viette, Loizillon et
Viger. Les nouveaux ministres sont messieurs Peytral, député des
Bouches-du-Rhône, Guérin, sénateur, Poincarré, député de la
Meuse, et Terrier député d'Eure et Loir.
Ce cabinet est le trentième depuis l'établissement de la troisième
république.
***
%* L'ouverture de la session de la législature d'Ontario a eu
lieu le 4 avril. C'est la troisième session de la septième législature
de cette province. Elle se tient dans '^les nouvelles bâtisses parle-
100 LE PROPAGATEUR
mentaires. Le discours du trône s'occupe surtout de questions
agricoles.
*/ La prorogation des chambres fédérales a eu lieu le premier
avril. La session durait depuis le 26 janvier dernier. Cette session
était la troisième du septième parlement du Canada. Le discours
du trône fait allusion au tribunal d'arbitrage de la mer de Behring
qui siège actuellement à Paris, au traité de commerce avec la
France dont la ratification est remise à la prochaine session et à
l'exposition universelle de Chicago. Le gouverneur profite de la
circonstance pour faire officiellement ses adieux au Canada vu
que son terme d'office expire bientôt.
C'est avec un profond regret dit-il,que je vois approcher le terme de mon séjour
officiel au Canada et que je constate que selon toute probabilité.ii me faudra bien-
tôt vous quitter. Dans la prévision de cet événement, je saisis cette occasion de
vous déclarer tout l'intérêt que je porte à ce qui concerne le bien-être du Canada
et la sincère affection que j'éprouve pourtous les habitants de ce pays, qui n'ont
jamais manqué de prouver leur loyauté à la personne ni au trône de notre souve-
raine, et leur amitié et leur considération envers son représentant. Toujours j'au-
rai le plus grand souci du bien-être et de la prospérité de ceux parmi lesquels j'ai
passé cinq années de ma vie au Canada ; je demande au Tout-Puissant de vous
bénir dans toutes vos entreprises.
Parmi les principaux événements de la courte session qui vient
de finir je mentionnerai les divers votes de no7i confiance proposés
par l'opposition : le débat sur les écoles du Manitoba, le débat pro-
voqué par le discours que le contrôleur des Douanes, Wallace, a fait
contre le Home Rule dans un banquet orangiste à Kingston, la re-
mise à une autre session de la ratification du traité de commerce
avec la France, le vote sur les accusations de M. Edgar contre Sir
A. P. Caron, ministre des Postes, les accusations portées contre
certains juges de la province de Québec par M. Tarte, député de
rislet, etc.
Depuis plusieurs années l'adresse en réponse au discours du
trôneétait généralement adoptée sans débats. Cette année, l'oppo-
sition est revenue à l'ancien usage et son chef, M. Laurier, a
proposé une motion en amendement. Cette motion affirmait
la nécessité de réduire les taxes et regrettait que cette nécessité
n'ait pas été mentionnée dans le discours du trône. Cette mo
tion qui est l'équivalent d'une motion directe de non confiance,
a été repoussée par un vote de 103 voix contre 53.
Pendant le cours de la session le premier ministre est parti pour
la France afin d'assister à la commission d'arbitrage chargée de
régler la question de la mer de Behring.
A la veille du départ d'un gouverneur les chambres ont coutu-
me de lui présenter une adresse, mais cet usage n'a pas été suivi
cette année. Les raisons de cette abstention ne sont pas connues.
Albt.
LES CONSTITOTIONS m CONCILE Dn VATICAN
LA CONSTITUTION DE/ FILIUS
Fait de la Révélation.
I
La Saiate Eglise notre Mère tient et enseigne... qne néanmoins il a plu à la sa-
gesse el à la bonté de Dieu de se révéler lui-môme et les éternels décrets de sa vo-
lonté, au genre humain, par une autre voie.et cela par une voie surnaturelle. C'est
ce que dit l'Apôtre : Après avoir parlé autrefois à nos pères à plusieurs reprises
«t de plusieurs manières par les prophètes ; pour la dernière fois, Dieu nous a
parlé de nos jours par son Fils. Hebr. i, 1, 2 (1).
Après avoir rappelé que Dieu peut être connu à la lumière
naturelle de la raison humaine, le Concile enseigne que néan-
moins il s'est manifesté au genre humain d'une manière surnatu-
relle par la révélation chrétienne.
Six amendements furent proposés, en première lecture, sur le
texte que nous venons de transcrire.
Deux furent adoptés sur l'avis conforme de la Députation de
la Foi. Le premier demandait que l'opposition entre cette fin du
paragraphe relative au fait de la révélation et le commencement
du même i aragraphe relatif à notre connaissance naturelle de
Dieu, fut marquée par l'adverbe attamen, au lieu de l'être seule-
ment par V aàverhe autem que portait le sc/iema. Le second deman
dait que les paroles de l'épître aux Hébreux fussent citées formel-
lement et textuellement, au lieu d'être simplement enchâssés dans
le texte, comme le schéma le proposait (2).
Les autres amendements furent écartés. Trois d'entre eux
demandaient qu'on ajoutât au texte des développements qui furent
jugés inutiles (3).
Un autre amendement voulait la suppression des mots et boni-
taîi dans l'indication des raisons qui avaient déterminé Dieu à
révéler. Son auteur craignait que la rédaction proposée ne tranchât
la question de savoir si l'élévation de l'homme à une fin sur-
naturelle a été un pur effet de labonté de Dieu ou si elle était
demandée par sa sagesse (4;. Il lui fut répondu par Mgr Gasser,
au nom de la Députation de la Foi (5), que cette question n'était
pas en cause pour le moment, qu'il s'agissait d3 la révélation de
l'Ancien et Nouveau Testament et que cette révélation devait
certainement être attribuée à la sagesse et à la bonté de Dieu.
Voici comment Mgr Gasser expose dans le même rapport le
(1) Eadem sancta mater Ecclesia tenet et docet... ; attamen placuisse ejua
sapienlise et bonitati, alla, eaque surnaturali via, se ipsum ac aeierna voluntatis
suse décréta humano generi revelare, dicente Apostolo : Mullifariam, multisque
modis olim Deus loquens palribus in prophetis : novissime, diebus islis loculus
est nêbîs in Filio Hebr. i, 1,2. (Constilut. Dei Filus, cb. n).
(2) Acta Concilii Valicani, col. 121, 133 et 134; amendements 12 et 16.
(3) Ibid., col. 121, 13Î, 133 et 134 ; amendements 6, 14 et 15.
(4) Acia Concilii Valicani, col. 121, amendement 13.
(5) Ibid., col. 133. Les auteurs de cet amenlement 13 et de l'amendement 15
le s reproduisirent sous forme de réserves (réserves 54 et 55, à la dernière lec-
ture ; mais le Concile ne revint point sur son vote. [Ibid., tiol. 225 et 235.)
102 LE PROPAGATEUR
contenu du passage de la Constitution Dei Filius que nous avons mis
sous les yeux de nos lecteurs.
"Après sa déclaration su I la connaissance naturelle de Dieu^
notre premier paragraphe passe au fait de la révélation positive
et surnaturelle. En premier lieu, il marque la cause d'où descend
cette révélation surnaturelle : c'est le bon plaisir de la sagesse et
de la bonté de Dieu. En second lieu, il marque le moyen par
lequel celte révélation nous est faite : ce moyen est une voie sur-
naturelle. Ensuite il propose la matière qui constitue, en général
bien entendu, cette révélation surnaturelle. C'est la manifestation
de Dieu lui-même et des éternels décrets de sa volonté..." Nous
nous permettons d'ajouter un autre point que Mgr Casser ne releva
point, mais qui est indiqué par le Concile, c'est le sujet auquel
s'adresse celte révélation : ce sujet, c'est le genre humain à qui
la révélation est faite. " Enfin, poursuit Mgr Casser, pour confir-
mer cette déclaration relative au fait de la révélation et signaler
en même temps le développement de cette révélation, on cite le
passage de l'épître de saint Paul aux Hébreux, où il est dit que
Dieu a parlé à plusieurs reprises à nos pères par les prophètes,
ce qui regarde l'Ancien Testament, et que pour la dernière fois,
il nous a parlé par son Fils, ce qui regarde la révélation du
Nouveau Testament (1).
Ainsi les assertions qui entrent dans cette déclaration du Concile
se rapportent à six points : P La cause du fait de la révélation ;
2° son mode ; 3° son objet ; 4^ le sujet auquel elle s'adresse ;
5"" le fait de la révélation de l'Ancien Testament ; 6^* le fait de la.
révélation du Nouveau Testament.
Nous allons parcourir ces six points, en étudiant pour chacun
d'eux le texte de notre Constitution.
II
lo Cause du fait de la Révélation. — Il a plu à la sagesse et à la
bonté de Dieu de révéler, placuisse ejus sapientix et bonitali...revelare.
On appelle en général révélation, la manifestion d'une vérité. La
révélation chrétienne a Dieu même pour auteur. Il en résulte que
les vérités manifestées par cette révélation sont garanties par
l'autorité de Dieu qui les a manifestées et qu'elles sont crues à
cause de cette autorité. Notre Concile ne s'arrête pas à ce point
sur lequel il reviendra en exposant la nature de la foi. Il n'insiste
pas, du reste, sur cette assertion que la révélation a Dieu même
pour auteur ; il se contente de la rappeler en disant que c'est
Dieu qui a fait au genre humain la révélation. Il insiste davantage
sur les causes qui ont déterminé Dieu à révéler. Il insinue tout
d'abord que Dieu n'y était contraint par aucune nécessité, ni
obligé par aucun devoir, mais il l'a fait très librement, parce que
cela lui a plu, placuisse. Celte liberté absolue où Dieu était de
faire ou de ne pas faire la révélation de l'Ancien et du Nouveau
Testament au genre humain, découle du caractère surnaturel
de celte révélation ; car un don surnaturel n'est pas dû à la nature r
c'est un bienfait qui dépend du bon plaisir de Dieu.
(1) Âcta Concild Valicani, co!. 127 el 128.
LE PROPAGATEUR 103
Bien qu'elle soit l'effet d'une libre détermination de Dieu, cette
révélation n'a pourtant pas été faite sans raison. Elle convenait à
la sagesse de Dieu et à sa bonté, sapientix et bonitati. Elle convenait
à la sagesse divine ; car cette révélation était nécessaire, d'une
nécessité morale pour le bien naturel de l'homme et d'une né-
cessité absolue pour notre élévation à une fin surnaturelle : nous
le verrons dans nos prochains articles. Cette révélation convenait
à la bonté de Dieu ; car Dieu n'était pas tenu de la faire et il s'y
est déterminé pour notre bien.
Nous dirons en quel sens il est vrai que la révélation nous était
nécessaire et comment néanmoins Dieu n'était point tenu de nous
la faire.
2° Mode de la révélation. C'est un autre mode que notre moyen
naturel de connaître Dieu, alidy et c'est un mode surnaturel, eâque
supernaturali via. Le surnaturel est ce qui dépasse les ressources
naturelles, les droits et les exigences de toute nature créée ou
possible.
Or la révélation de l'Ancien et du Nouveau Testament avait ca
caractère. D'abord cette révélation dépassait les ressources natu-
relles, les droits et les exigences de la nature humaine ; car elle
manifestait la vérité aux hommes, par des moyens que nous ne
possédons pas en vertu de notre nature et que nous ne trouvons
pas dans la création. En effet, elle fut tantôt externe et tantôt
interne, c'est-à-dire qu'elle fut faite, tantôt par des signes extérieurs,
et tantôt sans signes extérieurs. Or, quand elle fut externe, les
signes qui l'exprimaient furent produits par Dieu en dehors des
lois de la nature et constituaient des miracles : telle fut l'apparition
à Moïse dans le désert du buisson qui ne se consumait point.
Quand cette révélation fut interne, elle fut manifesté par Dieu à
ses prophètes inspirés, d'une façon mystérieuse qui ne rentrait
point dans les lois psychologiques, suivant lesquelles la vérité se
manifeste naturellement à nous. Ces prophètes avaient la certitude
que Dieu leur parlait et leur demandait leur adhésion, et cette
certitude mise par Dieu en leur âme ne s'appuyait sur aucune
évidence naturelle, ni sur aucune preuve de raison. Qu'elles
fussent externes ou internes, les révélations faites par Dieu dans
l'Ancien et le Nouveau Testament, dépassaient donc les ressources
naturelles et les droits de toute nature créée ou possible. Elles
apportaient en effet aux hommes une certitude fondée sur l'auto-
rité même de Dieu et sur sa véracité infinie. Or une intelligence
n'a d'autres ressources naturelles que ses propres lumières ; elle
n'a droit d'arriver à la vérité que par ses propres lumières. Au-
cune intelligence créée, existante ou possible, n'a donc droit à
connaître la vérité comme elle a été manifestée au genre humain
dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Nous connaissons en
effet les vérités révélées dans l'Ancien et le Nouveau Testament
non pas à la lumière, ni sur le témoignage d'une intelligence
finie et créée, mais à la lumière et sur le témoignage de Dieu
lui-même. Les révélations de l'Ancien et du Nouveau Testament
ont donc été faites d'une manière absolument surnaturelle.
104 LE PROPAGATEUR
3" Objet de la révélation. C'est Dieu et les éternels décrets de sa
volonté, seipsum, xternaque voluntatis sum décréta. \° G^est Dieu,
ou l'être absolument nécessaire et qui ne pourrait ne pas être ;
2° Ce sont des choses contingentes, qui auraient pu ne pas être ;
mais qui ont été, sont ou seront, parce que de toute éternité Dieu
a voulu qu'elles soient : tel est le fait de notre création, celui de
notre élévation à l'état surnaturel, celui de l'incarnation de Jésus-
Christ, celui du jugement général et du bonheur éternel des saints.
4° Sujet auquel la révélation s'adresse. C'est le genre humain
lout entier, generi humano. On distingue les révélations privées
qui ne s'adressent et ne s'imposent qu'à quelques personnes, des
révélations publiques qui s'adressent et s'imposent à une grande
société ou au genre humain tout entier. Les révélations dont le
concile parle sont des révélations publiques qui s'adressent à tout
le genre humain et s'imposent à la foi de tous les hommes. Si on
nous objectait que la révélation judaïque ne s'adressait qu'au
peuple juif, nous répondrions qu'elle ne s'adressait peut-être qu'au
peuple juif avant la venue du Messie, mais que depuis la ve nuede
Jésus Christ elle s'impose à la foi de tous les hommes, attendu
qu'elle a été promulguée pour tous les hommes en même temps
que l'Evangile.
5° Fait de la révélation dans l'Ancien Testament. Le concile affirme
ce fait en se servant du texte de saint Paul aux Hébreux (1) : Dieu
a parlé aux hommes dans l'Ancien Testament olim loquens patribus
nostris. Ce texte marque en même temps les caractères de ces
anciennes révélations par comparaison avec ceux de la révélation
du Nouveau Testament.
Les révélations de l'Ancien Testament ont été faites à plusieurs
reprises, multifariam et par portions incomplètes, comme le grec
le marque plus clairement, polumerôs. Elles s'échelonnèrent en
effet à travers des milliers d'années, apportant au genre humain,
tantôt une vérité tantôt une autre. — Elles ont été faites de plu-
sieurs manières, multisque modis : par des figures et des inspirations,
par des visions, des apparitions d'anges et des songes. Dieu s'y
manifestait au moyen de ses anges (Hebr. n, 2) sous des forme?
diverses : à Abraham sous la forme de voyageur, à Moïse dans le
buisson ardent, à Isaïe sur un trône élevé au milieu des séraphins,
à Jérémie sous la figure d'une verge qui veille et d'une chaudière
bouillante, à Ezéchiel sur le char des chérubins, a Daniel sous
l'aspect de l'ancien des jours entouré de millions de serviteurs,
à Osée, à Joël, à Zacharie sous d'autres figures. — Les révélations
de l'Ancien Testament ont été faites immédiatement aux prophètes,
in prophetis. Aujourd'hui nous appelons communément prophètes
ceux qui annoncent l'avenir ; l'Ecriture donne ce nom à tous ceux
à qui Dieu fait des révélations ; pour saint Paul, il veut ici attirer
notre attention sur ce point : que les voyants ou prophètes de
l'Ancien Testament étaient tous de simples hommes.
J. M. A. Vacant,
Professeur au Grand Séminaire de Nancy.
(1) Voir le lumineux commentaire que le savant P. Corluy a donné de ce
texte dans le Prêtre.
ZOUAVIANA
ETAPE DE VINGT-CINQ ANS
1868-1893
Lettres de Rome, Souvenirs de voyages, Etudes, etc.
PAR
«USTATE A. DROIiET,
ancien zouave pontifical^
commandeur de Vordre militaire de Saint -Grégoire-le-Grand,
chevalier de la Légion d'honneur.
1 beau vol. in-12 de 460 pages,' orné de magnifiques photogravures.
Prix : $1.00, par poste ; $1.10.
Nous publions à la suite de cet ouvrage des extraits de
divers journaux de la province de Québec.
La Presse, XI février.
Telle est le titre d'un livre charmant qui vient de paraître and
which has corne to stay. L'auteur y a réuni des fantaisies littéraires
de sa jeunesse, car au cours de ses nombreux voyages, il a rare-
ment négligé de communiquer ses impressions aux journaux de
Montréal, qui s'empressaient de les solliciter. Et comme la plus
forte partie de ces lettres sont datées de Rome durant le séjour
des Zouaves Canadiens dans la ville éternelle, il a eu la bonne
fortune de tomber sur le joli nom de Zouaviana. Voila un volume
qui arrive à point pour le vingt-cinquième anniversaire du départ
de nos jeunes braves et qui sera loin de déparer la fête de diman-
che prochain ; car, il n'y pas à dire, ce livre fourmille d'esprit et
de bonne humeur. De la verve, du style, des renseignements à
pleines lignes, de l'orthodoxie très pure, des gaîtés innocentes que
la mère peut confier à sa fille, c'est Zouaviana en dix mots.
On prend ce livre avec l'indifférence ordinaire de l'acheteur qui
acquiert le nouveau venu, tout simplement parce qu'il est nou-
veau. Mais du moment qu'on a goûté de celui-ci, c'est fini, il faut
aller jusqu'au bout. J'oserai dire, par opposition d'effets, qu'il
règne dans ces pages un abandon si charmant qu'on ne peut les
abandonner. Votre temps est limité ; mille affaires vous appellent
106 LE PROPAGATEUR
ailleurs et vous faites la concession d'une autre page tout au plus^
mais comme dans les contes des Mille et une 7iuils, c'est toujours
dans le plus beau, et il faut en savoir la suite. C'est ainsi que vous
vous laissez entraîner de chapitre en chapitre, jusqu'à ce que vous
vous soyez aperçu que le temps a passé bien vite. Je ne vous ga-
rantis pas que vous ne le lirez pas une seconde fois avec le même
plaisir. C'est un des griefs personnels que je nourris contre ce
livre entraînant. Et même au premier abord, on ne se rend pas
compte de tout ce qu'il contient. On voit bien que l'auteur ne
pose pas, que c'est gai, que c'est bien dit, qu'il y a des informa-
tions nombreuses, et l'on croit très sincèrement que c'est tout.
Mais c'est en le relisant que l'on savoure toute la finesse du cau-
seur, que l'on y trouve des coups de pinceau exquis, dissimulés
dans un coin, des perles qui ne s'étaient pas plus montrées à pre-
mière vue que ces étoiles qu'il faut aller découvrir dans le fond
du firmament. Le langage y est rapide, imagé, pétillant d'esprit.
Il nous mène tambour battant à travers toutes espèces de décors
saisissants. Et, chose à noter, ce genre alerte n'exclut nullement
le fond sérieux et instructif.
L'auteur n'écrit pas seulement de sa plume, mais aussi de son
cœur. Ce qu'il dit, il l'a vécu ; en sorte que la sincérité y règne
d'un bout à l'autre. Le talent du laisser aller, du naturel aimable,
est peut-être le plus rare en littérature. Zouaviana a été taillé en
pleine bonhomie. Quoi de plus joli que cette simple anecdote sur
le regretté Mgr Labelle, alors curé de Lacolle, pendant que M.
Drolet y tenait garnison durant l'invasion fénienne !
Dans le genre descriptif, M. Drolet a peu d'égaux. Je voudrais
pouvoir citer au long son récit de la célébration de la Saint-Jean-
Baptiste à Rome.
Dans un autre ordre dïdées, rien de touchant comme les pages
qu'il dédie à Paquet, zouave canadien, revenu au Canada avec ses
camarades, après la prise de Rome, mais attiré irrésistiblement de
nouveau vers le Saint-Père.
Il y a peu d'événements importants concernant le Canada en
Europe auxquels M. Drolet n'ait pas assisté, et son livre renferme
sur ce point des renseignements précieux, qui auraient certaine-
ment été perdus sans lui. Prenez, par exemple, le couronnement
du livre de M. Fréchelte par l'Académie Française.
Le livre de M. Drolet contient une partie qui a trait à la haute
politique. Je ne m'arroge pas le droit d'y toucher ; mais j'y trouve
une page bien éloquente sur une des questions du jour, le Conseil
Législatif.
Je ne prétends pas avoir analysé Zouaviana, j'ai voulu tout sim-
plement attirer l'attention sur un bon livre. Je suis à me deman-
der si l'auteur ne devrait pas en faire une seconde édition en deux
'volumes différents. L'un contiendrait des lettres de Rome et ses
récits de voyage ; l'autre ses études politiques.
Le premier volume ferait si bonne figure dans la bibliothèque
d'une femme de goût, dans les distributions de prix surtout, où
l'on tâche maintenant de substituer des ouvrages utiles aux mille
riens qui nous viennent d'outre-mer.
\
LE PROPAGATEUE lOT
La partie matérielle de Zouaviana est superbe. C'est peut-être le
plus bel ouvrage qui soit sorti des presses de monsieur Eusèbe
Senécal. Le volume a 466 pages, et il contient quatre gravures
bien faites : le portrait de Pie IX, le portrait de Léon XIII, le
groupe des Zouaves Canadiens au camp d'Annibal et le groupe
des oÊQciers du régiment au camp d'Annibal.
M. Drolet signe : Soldat dans les Lettres, sergent aux Zouaves
Pontificaux.
Arthur Dansereau.
Moiftréal, 16 février 1893.
U Etendard, 17 février 1893.
Tel est le titre d'un^ouvrage très intéressant que vient de publier
M. G. A. Drolet, ancien sous officier aux zouaves pontificaux. Style
vif, alerte, toujours élégant, heureuse variété des sujets, passant
des plus joyeuses réminiscences du régiment aux plus graves
questions sociales, commerciales ou politiques, jolies photogravu-
res, impression de luxe, beau papier, tout contribue à faire de cet
ouvrage un bijou.
Les zouaves et leurs nombreux amis voudront se procurer la sa-
tisfaction de lire ces pages toutes empreintes de la plus charmante
humeur et de l'esprit du meilleur aloi.
Avec la permission de l'auteur nous en donnerons sous peu
plusieurs extraits.
L'ouvrage est en vente chez MM, Cadieux & Derome, libraires,
rue Notre-Dame.
L'Etendard.
La Minerve, 18 février 1893:
Notre collaborateur, Charles Durand signalait, il y a quelque
i,emps, l'apparition prochaine d'un livre que M. Gustave Drolet,
ancien zouave, devait publier sous le titre bien trouvé de Zouaviana,
Ce livre qui couvre près de 500 pages, vient de paraître, et a la plus
coquette apparence possible, la forme et le fond se disputant à qui
l'emportera. Ce n'est pas seulement un récit pittoresque, imagé,
pris sur le vif du glorieux mouvement des zouaves, ainsi qu'on
pouvait le croire, d'après le rapide aperçu esquissé par Charlea
Durand, quoique ce récit ^oit bien la pièce principale ; mais c'est
tout un volume de mélanges, dans lequel l'auteur a rassemh'é les
meilleurs morceaux qu'il a publiés depuis quelques années dans
les journaux ou les revues. Une vraie mosaïque romaine ! a dit avec
raison Charles Durand. C'est ainsi qu'à côté des lettres de Rome
et de Naples, d'un journal de voyage de Marseille à Smyrne, de
piquants souvenirs militaires dans lesquels '' les chiens du régi-
ment " ont plus qu'une mention honorable, voire même tout un
chapitre, l'on trouve bien des choses qui n'ont aucun rapport avec
la zouaverie, et elles n'en sont pas moins intéressantes, sous les-
108 LE PROPAGATEUR
titres les plus divers : Nos Volontaires^ le 65e bataillon^ Messire La-
belle et la colonisation, Auguste Achintre^ Conseils à ma fille. Révision
de la Constitution^ Projet de réforme des impôts dans la province de
Québec, Canada, France, Angleterre, etc., etc. Il y en a pour tous les
goûts, même pour ceux qui savourent les plus substantiels, .et si
l'on n'est pas toujours de l'avis de M. Drolet, l'on ne peut s'empê-
cher d'admirer l'allure franche, sympathique et gauloise qui ca-
ractérise sou style. Quani l'auteur dépose son sabre, l'on tombe
sur plus d'un chapitre qui sent l'écoiiomiste, le patriote, l'homme
pénétré des meilleures moyens à prendre pour améliorer la situa-
tion politique et économique d'un pays qui lui est cher.
L'ouvrage est illustré de quatre superbes gravures représentant
Pie IX, Léon XIII, les Zouaves et les officiers canadiens au camp
d'Annibal, le 16 août 1858. L'exécution typographique est irré
prochable et fait le plus grand honneur à l'établissement de M. Se-
nécal. Si l'on ajoute du papier de luxe l'on se trouve en présence
d'un des plus jolis ouvrages qu'ait produits la littérature cana-
dienne. Nous en conseillons la lecture. Elle intéressera et mstruira.
La Minerve.
Le Monde, 18 février 1893.
J'ai voulu revenir sur les routes laissées,
Revivre une heure encore dans les heures passées...
M. Gustave Drolet n'aurait pu trouver pour son beau livre une
épigraphe plus expressive, s'il n'eut eu déjà Aime Dieu et va ton
chemin^ qui est au zouave ce qu'était aux chevaliers d'un autre
âge : Dieu, mon Roy et ma Dame.
Zouaviana, — quel joli titre I — c'est vingt-cinq ans de souvenirs ;
c'est cinq cents pages émues, graves ou pinsonnantes ; c'est le
groupement en un cadre, à la fois riche et gai, de compagnons
d'armes disséminés un peu partout, d'événements qui attendaient
leur historien.
J'ai un grand faible pour ceux qui n'écrivent pas comme les
autres, qui ne reculent point devant un mot à créer, une locution
inédite, une tournure hardie. J'abhore le décadentisme, mais je
prends en pitié ceux que l'Académieet son code lexicologique gèlent.
Dès les piemières pages de Zouaviana, je constate avec bonheur
que M. Drolet est de la tribu des oseurs, qu'il énonce d'une façon
gaie, alerte, pittoresque ce qui mijote dans une cervelle bien meu-
blée. Tout son livre est écrit pour se faire lire sans fatigue, avec
invite de passer sans halte d'un chapitre à l'autre.
J'y trouve, d'abord, un chapitre très égayant. Gela se passe en
1864. M. Drolet commande une compagnie de volontaires dont
tout l'attirail guerrier consiste, individuellement, en une piire de
souliers de bœuf, et qui a pour trompette, pour Bibi Tapin, rien
moins que ce bon et regretté Mgr Labelle, alors curé de Lacolle.
Ce chapitre est d'une gaîté vraiment zouavianesque.
LE PROPAGATEUR 109
Les Fragments d'un journal de zouave, les Lettres de Rome et
autres chapitres consacrés aux événements du voyage et du séjour
là-bas seront lus et relus par ceux-là mêmes qni n'en étaient pas.
Les anecdotes fourmillent, l'esprit d'observation est vraiment
remarquable.
Un chapitre est consacré aux zouaves-colons ; un autre aux tra-
ditionnels " chiens du régiment," et je retrouve la boutade de
Toussenel : Plus on apprend à connaître les Italiens, plus on apprend
à estimer son chien ; un troisième à l'œuvre de Mgr Labelle ; un
quatrième à ce brillant météore qui s'appela Auguste Achintre, et
ainsi de suite. C'est une longue procession de pièces d'un éclectis-
me et d'une originalité dignes d'être parrainés parles plus souples
chroniqueurs fin-de-siècle.
Je regrette d'avoir reçu Zouaviana quelques heures seulement
avant la publication de ce numéro. Il m'aurait plu de faire con-
naître les deux aspects si différents du genre de M. Drolet : l'un
en publiant le chapitre désopilant : Comment Swatters perdit la
GRACE, et l'autre en reproduisant en entier les Conseils a ma fille.
Je me console toutefois, car j'ai la certitude que Zouaviana sera
tôt ou tard dans toutes les bibliothèques.
Qu'on prenne ma parole : ce livre n'est ni guindé, ni dogmati-
que, ni d'un intérêt limité aux zouaves. Il est de complexion qui
plaira à tous. Les récits militaires du général Amber ne sont-ils
pas lus autant dans les boudoirs qu'aux mess ? Les ouvrages de
Loti ne captivent-ils pas — presque à l'excès — des gens qui ne
connaissent de la mer que la complainte du Petit Mousse ?
Qui est plus blasé en lectures que le journaliste ? Et, pourtant,
j'avoue que Zouaviana, dont je ne connais, ma foi, l'auteur que de
nom, m'a absorbé, rafraîchi, enthousiasmé, remis de l'abrutisse-
ment réel où me tenait l'imbroglio municipal.
Au premier regard, j'ai cru que Zouaviana avait eu pour éditeur
Dentu ou Charpentier. Tout, depuis le couvert jusqu'à la disposi-
tion des matières, depuis le papier velouté jusqu'au choix des ca-
ractères, tout m'a fait songer à ces belles éditions qui nous viennent
de Paris et coûtent si cher.
Je clos rapidement — Au sortir de la lecture de Zouaviana, de
ces pages tantôt gaies, tantôt émotionnantes, je me redis pour la
centième fois qu'elles sont profondément vraies ces paroles de
Brunetières :
L'histcire de notre vie ne se compose pas de la totalité des jours que nous
avons vécus mais seulement des heures lumineuses ou tristes qu'ils contiennent-
MisTiGRis (G. Voyer).
L'Opinion Publique, le 24 février 1893
Comme les livres nouveaux sont rares parmi nous I Et combien
plus rares sont les livres nouveaux et intéressants 1 Pour une fois,
nous voilà servis à souhait : Zouaviana est un livre charmant, ua
110 LE PROPAGATEUR
livre intelligent, si je puis m'exprimer ainsi, un livre où le cœur
et l'esprit se plaisent et sur lequel l'œil se repose avec plaisir. Car
l'auteur a eu le talent de confier son manuscrit à un imprimeur
qui est un artiste et qui a fait de ce volume un objet d'art.
L'auteur, M. Gustave Drolet, est un des hommes les plus ai-
mables et les plus estimés de Montréal. Gai causeur, très rensei-
gné, ayant voyagé et lu beaucoup, comptant parmi ses amis per-
sonnels presque tout ce que notre belle province française a
produit d'hommes en vue, M. Drolet, qui fait de la littérature
comme un vétéran de la plume, qui fait du journalisme chaque
fois que l'occasion lui fournit un sujet digne de son attention, qui
suit religieusement les choses de son pays, ne pouvait mieux faire
que de réunir en un volume des éciits de différentes époques et
de les relier ensemble et compléter par des notes, des articles et
des aperçus nouveaux sur des sujets assez vieux pour qu'on les
évoque et assez vivants pour qu'on prenne toujours plaisir à y
revenir.
M. Drolet débute par de gais souvenirs de jeunesse, racontés
d'un style allègre et entraînant. Voici comment îl décrit la joie
chez les jeunes de mettre bas le costume civique et de le remplacer
par l'uniforme :
" Échanger le rond de cuir et les manches de lustrine pour l'épée, les galons
d'or, les couronnes et les étoiles ! C'est le rêve de tous les pékins. De même que
les marins, au retour d'une longue et pénible croisière, s'empressent, en arrivant
dans un port, de louer des chevaux de selle pous montrer aux terriens que ce
n'est pas si malin, après tout, de monter à cheval ou d'en tomber, de même le
gratte-papier saisit avec empressement toute occasion que lui offre l'Etat de re-
vêtir un uniforme, puis de se pavaner d'un air conquérant devant ses collègues."
Viennent ensuite des récits de voyage et des lettres romaines au
cours desquels les zouaves et les milliers de Canadiens qui les ont
suivis à cette époque dans leurs diverses étapes retrouveront bien
des faits oubliés et bien des anecdotes qui ne seront pas sans
charmes pour eux.
Il faut lire les chiens du régiment pour passer un bon quart
d'heure. Et si l'on a l'occasion de s'attarder dans ce livre captivant,
avec quel plaisir ne parcourt-on pas le récit anecdotique de la
campagne du Nord-Ouest en 1885, terminé par ce beau témoignage,
si mérité, au 65e bataillon :
Pendant toute la campagne, le 65ème s'est montré esclave de la consigne, fidèle
observateur de la loi : sans discuter les griefs des Métis, la justice ou l'injustice
des réclamations des insurgés, nos boys se sont conduits en soldats sérieux, ne
raisonnant jamais, ayant coniiance dans leurs chefs et ne connaissant rien en
dehors de la discipline militaire."
M. Drolet n'a pas oublié les disparus. Achintre a ses pages, dans
ce volume, des pages émues oîi son portrait fidèle est tracé sous
le coup de la perte récente d'un ami plus qu'ordinaire, Dunn n'est
pas oublié non plus, et les fameuses paroles de Pie IX à notre
éminent et regretté journaliste y sont en toutes lettres. Que d'au
LE PROPAGATEUR 111
très aussi, qu'il serait long de nommer ici, mais dont le souvenir
est toujours le bienvenu dans nos mémoires !
En 1888, M. Drolet est retourné à Rome à l'occasion du jubilé
de Léon XIIL II raconte en détail l'offrande des décorés des
ordres équestres pontificaux, dont M. Ghapleau était un des pré-
sidents d'honneur, avec le duc de Norfolk et le général de Charette.
Y a-t-il dans l'histoire de l'armée française un nom de général
plus sympathique aux Canadiens que celui du général Lamoriciè-
re ? Voici, à son sujet, une anecdote qu'il convient de rappeler :
Ua soir brumeux et sombre, un étranger frappait à la porte du château de
Prouzelfes. Ce voyageur mystérieux fut introduit ea présence du maître de la
maison et lui tint à peu près ce discours : " Général, je suis délégué vers ^ous
par Notre Saint Père le Pai e, pour faire appel à votre grand cœur de chrétien.
Je suis chargé de vous exposer la situation critique du père commun des tiièles.
La révolution et les loges maçonniques font rage pour dépouiller le Saint-Siège
du domaine de l'Eglise, et nul mieux que vous, général, ne saurait enrayer ce
mouvement et tenir tête à l'orage ; le voulez-vous ? "
L'illustre général de Lamôricière, se levant, tendit la main à Mgr de Mérode,
l'ambassadeur du Saint-Père fX lui du ; " Monseigneur, quaad le père a parlé, il
ne reste au fils qi'une chose à faire, obéir. Voilà uae cause pour laquelle j'aime-
rais biea à mourir. Qaand faut-il partir ? " Il partit b leademain.
Deux autographes se trouvent au bas de deux excellents por-
traits de deux papes, Pie IX et Léon XIII. Tous deux disent de
très belles choses dans une très mauvaise écriture- Il ne faudrait
pas, cependant, que nos collèges classiques prissent ceci comme
un encouragement à cultiver la mauvaise calligraphie pour la-
quelle ils sont très haut cotés.
Je voudrais pouvoir continuer cet aperçu des sujets nombreux
abordés par l'auteur. C'est à peine si j'ai parlé du quart du volume.
11 vaut autant, d'ailleurs, ne pas gâter le plaisir que tous auront
à lire ce beau livre dans les loisirs et le confort de leur home. Je
voulais seulement le signaler au public comme un de ces livres
qui ne doivent pas se trouver " dans toutes les bibliothèques "
mais qui doivent se trouver sur la table de lecture de chacun.
Ce livre ouvre, à M. Drolet, toutes grandes les portes de la Soci-
été Royale du Canada, pour une prochaine admission.
L.H. Taché
UElecteur. 28 février 1863.
Sous le titre de Zouaviana, M. Gustave Drolet vient de publier
un beau et très intéressant livre. L'auteur et l'imprimeur ont droit
à toutes les félicitations, car si le livre est bien écrit la partie ty-
pographique, de son côté, ne laisse rien à désirer. Un cadre
luxueux ne dépare pas un tableau de maître.
Les chapitres étant placés dans l'ordre de date où ils ont été
écrits, au lieu d'être classés suivant le genre des sujets qui y sont
traités, de prime-abord ce livre semble être un peu fait à la diable.
Mais après vous avoir attiré par ses allures un peu fantastiques, il
112 LE PROPAGATEUR
vous attache bientôt par son air de bonne compagnie. Il personni-
fie l'auteur, un exubérant, un peu bruyant même à l'occasion,
mais d'une tenue toujours irréprochable.
Sa formidable barbiche grisonnante, sa carrure martiale appuyée
d'un léger embonpoint bien pardonnable donne à M. Gustave
Drolet la mine d'un colonel de cavalerie de race, pas RamoUo du
tout. Mais, sous cette tête d'oflQcier supérieur, bat le cœur d'un
tout jeune sous-lieutenant d'infanterie légère.
Bienveillant pour tout le monde, loyal à sis amis, il a l'âme
compatissante et la bourse toujours ouverte. Combien de fois,
pendant mon séjour à Paris, n'ai-je pas eu occasion de faire appel
à sa générosité, ainsi qu'à celle -d'Alfred Thibaudeau, un autre ex-
cellent cœur, pour des compatriotes dans l'embarras ?
On était en 1864, les Féniens menaçaient d'envahir nos foyers.
Le voilà campé à LacoUe, à la tête de la 10^ compagnie du 3e
bataillon des forces volontaires, rêvant de mettre en pratique de
savants mouvements de stratégie militaire qui devaient avoir com-
me conséquence inévitable l'anéantissement complet de l'armée
fénienne. Cependant une chose essentielle manque à son bonheur.
C'est un clairon qui lui permettrait de rallier en cas d'alerte, ou
pour les besoins du service, ses hommes éparpillés un peu partout
dans le village. Un jour ses vœux faillirent être exaucés, voici
comment :
Pendant, dil-il, que je mijotais dans ma petite caboche, un plan dont la réali-
sation devait éclipser, môme les fameux exploits du grand Iberville, on frappa
à ma port»^. Mon ordonnance introduisit M. le curé de Lacolle.
Messire Labelle, sans avoir les prop'Ttions immenses qu'il lui faut maintenant,
pour loger convenablement son grand cœur d'apôtre, était cependant déjà un
fort joli commencement de curé. Son esprit était toujours en travail ; les gran-
des comme les petites misères l'intéressaient.
Messire Labelle, que nous avions, en arrivant à Lacolle, bombardé aumônier
des troupes de Sa Majesté, port dt un intérêt paternel aux soldats de ma com-
pagnie. Il venait me faire une proposition. Il n'y avait que lui pour avoir de
ces idées-là.
Capitaine, me dit-il, je sais que vous n'avez pas de bugler, ni bugle, vous
devez souffrir beaucoup, dans le service, de la privation de cet instrument aussi
sonore que guerrier, .fe passais jadis pour avoir un joli talent sur le cornet à
piston dans la musique du collège de Ste-Thérèse, lorsque je faisais mes études
dans cette maison.
Un ancien piston peut bien bugler, je suppose. Or, je pars pour Montréal, et
si ça vous est agréable, je vais acheter un bugle, je rattrapperai mon embou-
chure d'autrefois, j'apprendrai vos sonneries, puis je marcherai en tête de voire
compagnie et je vous sonnerai l'école des tirailleurs.
Je ne pouvais en croire mes oreilles, l'attendrissement me gaguait. J'étais vé-
ritablement ému de voir ce bon curé, venant ainsi naïvement, franchement, sans
se douter des sourires que ne manquerait pas de soulever, sur son passage, un
prêtre de sa corpulence sonnant du clairon à la tête d'une compagnie de soldats,
venant ainsi, dis-je offrir ses bons services, pour nous tirer d'embarras. Je re-
merciai M. Labelle bien cordialement, et cherchai à le dissuader, mais il l'avait
dans la lêie, et il partit pour Montréal.
Un soir, j'étais occupé à écrire, lorsque j'entendis résonner une éclatante fan-
fare, qui faisait trembler les vitres de mon logement. Je me hâtai de sortir pour
voir ce qui se passait. C'était monsieur le curé Labelle, assis dans sa voiture, ar-
rêtée devant ma porte, au retour de la gare : il me donnait une sérénade ! Il avait
LE PROPAGATEUR 113
découvert à Montréal le plus immense clairon à clefs, en cuivre rouge, que j'ai
jamais vu. C'était un instrument monumental qui devait dater d'avant la cession.
Il fallait les vastes poumons et les fortes lèvres du curé, pour en tirer les sons
éclatants qui avaient attiré, outre mon attention, tous les enfants et une partie
des habitants du village.
A partir de ce jour, Messire Labelle pratiqua consciencieusement les diverses
sonneries de l'infanterie légèie, même les marches militaires. Un beau soir il
m'informa triomphalement qu'avec encore quelques heures de pratique, il serait
prêt à commencer son service.
Hélas ! trois fois hélas ! deux jours après, une malheureuse clef de sa trompette
en se détraquant, entraîna la perle totale de cet instrument dont nous reverrons
peut-être le modèle à la bouche des anges qui nous sonneront la retraite, au
jugement dernier ; " Tuba mirum spargens sonum ! "
Dans les chapitres intitulés Fragments d'un journal de voyage et
Souvenirs de voyage^ particulièrement enlevés, il y a de fort jolies
descriptions, et aussi de bien bonnes blagues. Par exemple, la
triste aventure qui est arrivé à l'auteur chez un figaro d'Andros,
pendant le voyage qu'il faisait en Orient à la recherche d'une
position sociale, est à lire.
• Cet extrait d'une lettre de l'auteur à son ami, M. le juge de
Montigny, a un certain cachet qui ferait croire que.. .l'histoire en
question est née sur les bords de la Garonne plutôt que dans une
station thermale de la Savoie.
11 donne parmi de très bons avis à sa fille Mademoiselle Juliette,
l'excellent et très spirituel conseil qui suit :
Etudie les arts d'agréments, si tu le désires. Il te faut une banne éducation ;
mais ne ruine pas ta santé, pour sortir graduée comme les autres, si tu ne peux
être diplômée qu'à ce prix. Etudi-i le dessin, situ le veux, mais n'aie jamais que de
bons dessins ; étudie la peinture, mais ne l'exerce jamais sur ton visage ; étudie
la musique, mais ne lutte pas avec un exercice de piano pendant que ta mère est
aux prises avec le poêle de cuisine.
On trouve des aperçus nouveaux dans le chapitre snr la révision
de la constitution el un projet de reforme. Entre autres, dans le
premier de ces deux chapitres, un projet prototype de Sénat et de
Conseil législatif qui, s'il était mis à exécution, "ferait de ces deux
branches un peu surannées de notre système constitutionnel, des
parangons de chambres hautes.
Dans Zouaviana, M. Gustave Drolet a abordé tous les genres et
traité avec succès un peu tous les sujets. Pour son coup d'essai,
il s'est révélé écrivain de haute marque. Il n'a plus le droit main-
tenant de signer " Soldat dans les lettres " comme il l'a fait au
bas de la préface de son livre, car il a gagné ses épauiettes à la
pointe de la plume.
Paul de Cazes.
It'année clirétienne ou considérations sur les principales
fêtes du cycle liturgique, par Don Sarda y Salvany, traduit de
l'Espagnol par M. l'abbé A. Thiveaud, ancien directeur de grand
séminaire, l vol, in-12 88 cts
8
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A L. B Y
ACTES NOTARIÉS
A la demande de quelques notaires nous reproduisons la nouvelle
loi concernant les actes notariés.
Sanctionnée le 27 février dernier celte loi sera en vigueur le
soixantième jour après celui de sa sanction (1). En conséquence
le 28 avril courant les notaires devront commencer à se servir de
témoins pour les actes dans lesquels quelque partie ne pourra pas
signer, soit par ignorance soit pour toute autre raison.
ACTE POUR AMENDER l'aRTICLE 1208 DU CODE CIVIL, RELATIVEMENT
AUX ACTES NOTARIÉS
SA MAJESTÉ, par et de l'avis et du consentement de la Législature de Qué-
Jîec, décrète ce qui suit :
1. L'Article 1208 du Code Civil, tel que contenu dans l'article 5806 des Statuts
Réfondus, est remplacé par le suivant :
" 1208. Un acte notarié reçu devant un Notaire est authentique s'il est signé
par toutes les parties.
Si les parties ou l'une d'elles sont incapables de signer, il est nécessaire, pour
que l'acte soit authentique, que le consentement donné à l'acte par chaque partie
qui ne sait ou ne peut signer, soit reçu en la présence d'un témoin qui signe.
Les témoins peuvent être de l'un ou l'autre sexe, âgés d'au moins vingt et un
ans.sains d'esprit, n'être pas intéressés dans l'acte, ni morts civilement, ni réputés
infâmes en loi. Les aubains et les femmes sous puissance de mari (excepté celles
des Notaires recevant l'acte) peuvent servir de témoins aux actes notariés.
Cet acte est sujet aux dispositions contenues dans l'article qui suit et à celles
qui ont rapport aux testaments. Il ne s'applique pas aux cas mentionnés en l'ar-
ticle 2380, où un seul notaire suffit."
2. L'Article 3652 des Statuts Réfondus est abrogé.
3. L'Article 3645 des Statuts est abrogé et remplacé par le suivant.
'• 3645. L'acte notarié doit énoncer le nom, la qualité officielle, le lieu d'affaires
et la signature du notaire qui le reçoit ; les noms, la qualité et la demeure des
parties avec désignation des procurations ou mandats produits ; la présence, le
nom, la qualité officielle et le lieu d'affaires du notaire assistant ; la présence, les
noms, la qualité et la demeure des témoins requis ; le lieu où l'acte est reçu, le
numéro de la minute, la date de l'acte, la lecture de l'acte faite aux parties ; la
signature du ou des Notaires et des témoins, et des parties, ou leurs déclarations
qu'elles ne peuvent signer et la cause de cette incapacité."
LA SAISISSABILITE
DES PENSIONS ECCLÉSIASTIQUES.
On lit dans le Journal des Débats :
" La le chambre du tribunal civil de la Seine vient de rendre
" en cette matière une importante décision.
"Un sieur Fouquier, créancier de M. l'abbé Sisson d'une somme
" de 7,000 fr., montant de condamnations prononcées à son profit
'* par jugement du tribunal de commerce de la Seine, avait formé
" opposition, entre les mains de l'archevêque de Paris, sur lapen-
" sion de 4,000 fr. que celui-ci sert à l'abbé Sisson.
" L'abbé Sisson demandait la nullité de cette opposition, tant à
'' raison du caractère d'insaisisabilité que des lois spéciales au-
(l) S. R. P. Q. Art. 5770, No 2.
LE PROPAGA.TEUK 115
" raient attaché aux pouvoirs ecclésiastiques, que de la uature
" même de sa pension, qui lui aurait été servie à titre d'aliments.
" Mais le tribunal, sur les plaidoiries de Maîtres Davrillé des
" Essards et Lal)ée,a déclaré la saisie-arrêt valable par un jugement
" dont voici les principaux attendus :
Attendu que la déclaration du roi, du 7 janvier 1779, qui consacre le principe
de l'insaisissabilité des pensions servies par l'Etat ne saurait, ainsi que le prétend
à tort l'abbé Sisson, s'appliquer aux pouvoirs ecclésiastiques ;
Qu'à cette époque, en effet, le clergé subvenait lui-même, au moyen de ses
biens personnels, aux frais du culte et au traitement de ses ministres, sans aucune
participation de l'Etat ;
Attendu que les pensions ecclésiastiques ont été créées et organisées par les
décrets des 28 juin 1853, et 27 mars 1860 ;
Qu'aucun de ces textes ne reproduit le principe d'insaisissabilité proclamé
pour les pensions civiles dans l'article 26 de la loi du 9 juin 1853, et qu'on ne
saurait, à raison de ce sjlence, l'étendre, par voie d'analogie, aux pensions ecclé-
siastiques ;
Attendu, au surplus, que les décrets précités n'ont trait qu'aux seules pensions
ecclésiastiques servies par l'Etat, et ne s'appliquent pas aux pensions allouées,
comme dans l'espèce actuelle, conformément au décret du 13 thermidor an XIII,
par l'autorité diocésaine, au moyen des ressources qui lui sont propres et qui
sont alimentées par le produit de la location des chaises dans les églises du
diocèse :
Que la pension servie à l'abbé Sisson est donc, à ce premier point de vue,
cessible et saississable
'• Le tribunal, toutefois, a réduit au quart les eôets de l'opposi-
•' tion, en décidant que les trois autres parts, soit 3,000 fr., étaient
" nécessaires à l'abbé Sisson pour subvenir à ses besoins."
Note èditoriale. — Dans notre droit, en vertu de l'article 628 du
code de Procédure civile, tel qu'il est reproduit par l'article 5931
des Statuts Refondus de la Province de Québec, sont insaisissables :
3. Le casuel et les honoraires dûs aux ecclésiastiques et ministres
du culte^ à raison de leurs services actuels et les revenus des titres
cléricaux.
LA DEGRADATION CIVIQUE EN FRANGE
On lit dans la Croix du 25 mars :
" A propos de la dégradation de M. Baïhaut, bien des personnes
" ont désiré savoir ce que c'était au juste que la dégradation civi-
" que. Voici en quoi consiste celte peine :
1. Dans la destitution et l'exclusion des condamnés de toutes fonctions, em-
plois ou offices publics ;
2. Dans la privation du droit de vote, d'élection, d'éligibilité et, en général, de
tous les droits civiques et politiques, et du droit de porter aucune décoration :
3. Dans l'incapacité d'èlre juré, expert, d'être employé comme témoin dans
des actes et de déposer en justice autrement que pour y donner de simples ren-
seignements ;
4. Dans l'incapacité de faire partie d'aucun conseil de famille et d'être tuteur,
curateur, subrogé-luteur ou conseil judiciaire, si ce n'est de ses propres enfants,
et sur l'avis conforme de la famille ;
5. Dans la privation du droit de port d'armes, du droit de faire partie de la
garde nationale, de servir dans les armées françaises, de tenir école ou d'ensei-
gner, et d'être employé dans aucun établissement d'instruction à titre de profes-
seur, maître ou surveillant.
116 LE PROPAGATEUR
LE REPOS DU DLViANGHE
Deux cents barbiers et coifîeurs ont passé devant le tribunal
correctionnel de Francfort pour infraction au repos dominical.
Tous ont été condamnés à deux marks d'amende, et un mark et.
vingt pfennings de frais. — La Oroix,
VOITURES LE DIMANCHE
Les journaux publient la dépêche suivante :
Toronto, 30 mars 1893. — Une désagréable surprise vient d'être causée dans
cette ville par une tentative, de la -part des puritains, pour faire appliquer de
nouveau, dans toute leur rigueur, les anciennes lois du dimanche.
Un cocher du nom de Charles Brown, au service d'un des loueurs de voitures
les plus connus de Toronto, a été condamné par le juge de police Baxter à $2.00
d'amende, et à défaut de paiement, à dix jours de prison pour avoir conduit une
femme en voiture, un de ces derniers dimanches, dans les rues de la ville. Cet
incident a causé d'autant plus d'émotion qu'une foule de gens, à Toronto, ont
l'habitude non seulement de se promener en voiture le dimanche», lorsque le
temps est beau ; mais aussi de se faire conduire en voiture à l'égUse ou au
temple.
L'ERMITE DE FRANCHARD
{suite et fin)
Fatigué d'être resté enfermé presque tout le jour, l'ermite s'était
promené quelques instants dans sou jardin. Il rentra, pria Dieu,
et s'étendit sur son lit de fougère. Mais le sommeil ne vint pas.
Il croyait toujours entendre la belle voix qu'il avait écoutée deux
heures auparavant, et, cette voix, il la reconnaissait. Pauvre Syl-
vain ! il l'avait entendue jadis, alors qu'heureux fiancé de Diane
de Malnove, il passait de longues heures à faire de la musique
avec elle et sa mère, tantôt guidant leur barque sur les flots de
l'Oise, tantôt assis à leurs pieds dans Je grand salon du château de
Malnove.
— Que m'importe cette voix ? se disait-il, quand même ce serait
elle qui fut venue là, elle, qui m'a trahi, oublié, elle qui est depuis
sept ans la femme d'un autre ?.,. Je n'y dois plus penser. Syrène
perfide, elle a brisé toutes mes espérances, je ne lui dois que le mé
pris, et je croyaisl' avoir oubliée. Et ce Neverly 1 va-t-il encore reve-
nir ranimer les souvenirs du passé. Je ne l'attendrai pas. Demain, je
partirai : j'irai me cacher aux Gamaidules, jusqu'à ce que la cour
s'éloigne de Fontainebleau. Mais qui me délivrera de ce chant, de
cette voix imaginaire ?
Il se leva, sortit et monta sur un rocher très élevé, espérant que
le vent de la nuit rafraîchirait son front brûlant. De là l'ermite
contempla les nuages sillonnés d'éclairs qui cachaient de plus en
plus l'azur du ciel. Un grand silence régnait dans la forêt.
Tout à coup, dans la direction de Fontainebleau, frère Sylvairt
LE PROPAGATEUR 117
aperçut une lueur, el une flamme qui s'élevait. Elle grandit ra-
pidement, des gerbes d'étincelles jaillirent, et des cris lointains
se firent entendre. Le feu était à la forêt. L'ermite redescendit à
la hâte vers sa maison, prit une hache et courut dans la direction
de l'incendie. 11 n'y avait plus personne à Franchard, mais, à
mesure qu'il avançait sur le chemin de Fontainebleau, il entendait
des appels, des sonneries de cor, des coups de sifflets, des cris : au
feu ! l'alarme était donnée et tous les gardes des environs couraient
vers l'incendie.
A un carrefour l'ermite rencontra Hubert, qui se hâtait, traînant
une petite pompe sur un chariot. L'ermite s'y attela avec lui, et
Hubert s'écria : — Ces étourdis de pages auront jetée une torche
dans le taillis. Si c'est à l'Epine, il y a une mare tout auprès, mais
si c'est sur la hauteur, il faudra bien jouer de la hache. Où est le
feu ? cria-t-il à un homme à cheval qui accourait.
— A l'Epine, cria le garde, je vais chercher la pompe d'Hubert.
— La voici, en avant !
Ils couraient à perdre haleine. La lueur de l'incendie grandissait,
et illuminait les profondeurs des bois. Les oiseaux de nuit jetaient
des cris lugubres, les cerfs et les biches s'enfuyaient, franchissant
rapidement les buisssons et passaient tout près des hommes sans
paraître les voir, tant de frayeur affolait ces pauvres bêtes.
Bientôt, Hubert et l'ermite arrivèrent en présence du feu. Il
couvrait déjà près d'un arpent de taillis, et plus de deux cents
hommes accourus de Fontainebleau, abattaient des arbres et tâ-
chaient d'isoler l'incendie. Dne mare était auprès. Hubert se hâta
de placer sa petite pompe, et réussit à lancer quelques jets d'eau,
tandis que l'ermite, d'un bras vigoureux, abattait de jeunes bou
leaux. Le tumulte était grand : il arrivait sans cesse des secours,
mais la flamme allait encore plus vite que la hache, et les crépi-
tements de l'incendie augmentaient.
Un juron effroyable échappa au brave Hubert ; — plus d'eau !
s'écria-t-il, et je n'ai pas de cognée 1 encore une heure et tout ce
quartier de forêt sera perdu. Et dire qu'il toune si fort, et qu'il
ne tombe pas une goutte d'eau ! Dites donc au bon Dieu de faire
pleuvoir, Sylvain !
— Gela commence, dit l'ermite.
En effet, un effroyable coup de tonnerre retentit, et une pluie
diluvienne tomba. Tout près de là était une grotte : Hubert y
entraînait l'ermite en lui disant; — A quoi sert de nous mouiller?
quisque le ciel s'en mêle, laissdns-le faire et regardons.
Les flammes luttèrent encore une demi-heure, mais la pluie
triompha enfin de l'incendie, et aux premières lueurs du jour,
quelques tourbillons de fumée marquaient seuls les places où le
feu couvait encore. Mais il avait dévoré plus de deux arpenls de la
forêt, et de nombreux arbres abattus étendaient leurs rameaux
flétris autour d'un grand espace couvert de cendres et de charbons
à demi éteints.
Hubert était retourné chez lui ; quelques gardes erraient sur le
•lieu de l'incendie, armés de bêches, et recouvraient de terre les
118 LE PROPAGATEUR
endroits encore incandescents. — L'ermite, vaincu par la fatigue,
s'était endormi dans la grotte.
Vers six heures, un cavalier parut à la lisière du bois. C'était
Gaston de Neverly. Jl venait, en curieux, demander des nouvelles,
et constater les ravages du feu. Il interrogea les gardes présents,
et leur annonça que le Roi ne tarderait pas à venir, et les récom-
penserait de leurs peines.
— Prévenez vos camarades, dit-il, pour sûr il y aura ce matin
bonne distribution de pistoles ; peu s'en est fallu que le Roi ne
vint cette nuit ; il montait à cheval lorsque la pluie a commencé.
— Heureuse aventure! dit le garde, jamais pluie ne tomba
plus à propos. Mais quelle imprudence que celle de courir en forêt
avec des torches 1 Dieu veuille que l'accident de cette nuit serve
de leçon ! Sa Majesté fera bien de nous gratifier, nous avons ru-
dement travaillé tous, sans compter l'ermite, et les piqueurs du Roi.
— L'ermite était là ?
— Certainement, et il a coupé à lui seul plus de vingt arbres.
Frère Sylvain a dû être bûcheron dans sa jeunesse, pour sûr, maïs
il était si fatigué qu'il n'est pas retourné chez lui. Il dort là, dans
cette grotte.
— Gardez-moi mon cheval, je vous prie, dit Neverly en mettant
un écu dans la main du garde, et emmenez-le là-bas, vers ce
chêne. Je veux parler à frère Sylvain.
Il mit pied à terre, et, marchant sans bruit, s'avança vers la
grotte.
»
Couché sur un amas de feuilles sèches frère Sylvain dormait
profondément. Son chapelet était enroulé autour de ses mains
croisées sur sa poitrine, et sa tête aussi pâle et immobile que celle
d'une statue.
Neverly s'assit sur une pierre, à côté de lui, et le contempla
quelques instants. — Le voilà donc, se dit-il, cet Henri d'Aiguë-
belle, qui semblait destiné à parcourir une si brillante carrière !
Qui aurait prédit qu'un chagrin d'amour aurait fait de lui un mi-
sérable ermite, eût passé pour fol. Et le voilà cependant, revêtu
d'un froc, mais il doit bien s'être repenti déjà de son extravagance,
et je prétends le tirer de là lestement. Allons, frère Sylvain, ré-
veillez-vous, debout ! debout !
Frère Sylvain ouvrit les yeux en tressaillant.
— Qui m'appelle ? dit-il.
— Ton compagnon d'autrefois, ton meilleur ami, toujours Gaston
de Neverly ! Embrasse moi : n'essaie plus de te cacher. Je t'apporte
de bonnes nouvelles, morbleu, et j'espère bien qu'elles te feront
jeter le froc aux orties.
— Gaston, dit le frère, je suis heureux de vous revoir, mais si
vous m'aimez, si vous ne voulez pas m'obliger à m'expatrier, ne
dites à personne qui je suis, laissez-moi vivre en paix à l'ombre
de ces bois. J'ai trop souflertdans le monde pour y rentrer jamais.
— Quelle folie 1 Quoi, parce que ma belle cousine Diane a cédé
aux ordres de ses parents, et pour terminer un grand procès, accom-
LE PROPAGATEUR 119
moder les affaires de sa famille, et devenir marquise de Chazelles,
a oublié ses promesses d'enfant ? Mais sur cent jeunes filles, cent
eussent fait comme elle. Il fallait l'oublier, essayer d'en aimer
une ou deux autres.
— On n'aime qu'une fois comme je l'ai aimée, dit l'ermite.
— Et tu l'aimes encore ?
— Non, grâce à Dieu.
— L'as-tu entendu chanter, hier soir ?
— Tais-toi, Gaston : je croyais m'être trompé. C'était donc elle ?
— Oui, c'était Diane. Elle est veuve, elle est libre. Elle s'est re-
pentie bien des fois de t'avoir trahi. Elle a été bien malheureuse
avec Chazelles. Enfin, il a eu l'esprit de mourir, la laissant son
héritière. Elle n'a pas d'enfants, elle est toujours aimable, et si tu
veux, je te réponds d'elle. Une aventure comme la tienne est pour
la charmer : toute la cour en parlerait, et Mlle de Scudéry en
ferait un roman,
— Vous avez toujours été un peu fou, Gaston. Mais si je l'ai été
aussi, je ne le suis plus. Ne me parlez plus de cette personne.
— Soit, mais contente un peu ma curiosité. Je te croyais en Po-
logne. Ta sœur le disait. Elle prend soin de tes biens, et t'attend
toujours à Aiguebelle. N'y retourneras tu pas ?
—Jamais : j'ai trouvé mieux que le monde ne peut m'offrir.
Mais tu ne me comprendrais pas. Adieu, je vais retourner à
Franchard.
— J'y retournerai aussi, s'écria Gaston, et je te persécuterai jus-
qu'à ce que tu renonces à ta folie. Ecoute, si tu as fait des vœux,
le Pape peut t'en relever. Il y aura bientôt une guerre, dit-on.
Nous irons nous battre contre les Espagnols, le Roi te distinguera...
Frère Sylvain était sorti de la grotte, et sans écouter Gaston
regardait les arbres abattus et noircis par le feu.
— Pauvres arbres ! dit-il, hier encore si beaux, si verdoyants 1
Et c'est moi qui vous ai brisés pour empêcher les flammes de
s'étendre plus loin, moi, qui vous aimais tant 1 ô mon Dieu, à
l'aspect de ces ruines passagères que le printemps relèvera si vite,
je sens mon cœur se serrer douloureusement. Et j'irais chercher
les champs de bataille, je rentrerais dans ce monde égoïste et
perfide, où l'on fait litière des promesses les plus samtes, des affec-
tions les plus dévouées ! j'irais livrer aux risées des courtisans les
douleurs de ma jeunesse, et les consolations incompréhensibles
pour eux, que Dieu me donne dans ces déserts ? Ne l'espérez pas,
Gaston : promettez-moi que vous ne nommerez à personne l'ermite
de Franchard.
— Je te donne ma parole d'honneur ; mais à une condition : pro-
mets-moi de réfléchir à ce que je t'ai dit, et demain, si tu veux
donner suite à mes projets, si tu me permets de parler de toi à Mme
de Chazelles, viens ici à six heures du soir. J'y serai. Aimes-tu
mieux que j'aille a l'ermitage ?
— Non, dit frère Sylvain : je préfère que vous veniez ici. Adieu.
Il partit, et Gaston, remontant à cheval, retourna au château de
Fontainebleau.
120 LE PROPAGATEUR
Un peu avant l'heure du dîner du Roi, Gaston aperçut de loin,
dans la cour des Fontaines, madame de Chazelles et sa suivante,
qui s'amusaient à jeter du pain au carpes,
11 alla saluer la belle veuve, qui l'accueillit fort bien, et ce Gas-
ton, qui était grand causeur, et ne pouvait garder le moindre se-
cret, crut ne pas manquer à sa parole en racontant à madame de
Chazelles l'histoire de Termite, avec la précaution de changer les
noms. Il mit l'aventure sur le comte d'un ermite italien du quin-
zième siècle, et assura l'avoir lue dans un vieux bouquin dont la
dernière page manquait.
— Je voudrais deviner la fin de l'histoire, dit-il, mais je n'ai pas
a-sez d'esprit pour cela. Gomment pensez-vous qu'elle ait fini,
madame ?
— Mais je ne sais, en vérité. C'est bien un peu ridicule d'épouser
un défroqué ; pourtant cet ermite est intéressant, et la dame avait
fort à réparer envers lui, puisqu'elle lui avait fait tant de chagrin.
— Qu'auriez-vous fait à sa place, madame ?
— Moi ! oh, pour sûr, je l'aurais laissé dans son ermitage, mais
je n'ai pas le cœur tendre, vous le savez, ajouta-t-elle en riant.
C'est pour cela que Mademoiselle me trouve si fort à son gré. La
voici qui vient. Adieu, mon cousin. Et elle traversa la cour des
Fontaines d'un pas si leste et si gracieux que Neverly se dit : —
sot que je suis ! je ferai bien mieux de parler pour moi que pour
autrui. Mais je me suis trop avancé pour reculer. J'irai ce soir
au rendez- vous,
* •
C'était l'heure d'or ; les rayons du soleil déclinant perçaient
l'épaisseur du feuillage, et la forêt, rafraîchie par l'orage de la
veille, était plus belle et plus parfumée que jamais. Neverly, en
retard, pressait son cheval, et courait au galop sous les futaies
sonores.
En arrivant à la grotte, il s'écria : personne 1 un homme assis à
terre, sous un buisson de genévrier, se leva. C'était Hubert.
— Vous cherchez frère Sylvain, monsieur, dit-il, il ne viendra
pas. Il est parti en voyage, pour plusieurs mois, mais il m'a remis
ceci pour vous.
Gaston prit la lettre, remercia Hubert, et lui donna une bonne
étrenne. Au fond, il était charmé que 1 ermite ne fut pas vetiu.
Il repartit au galop, s'arrêta dans une clairière, et, laissant son
cheval broutiller le feuillage, lut la missive de frère Sylvain.
"Lorsque vous lirez cette lettre, écrivait l'ermite, j'aurai quitté
l'asile où j'ai trouvé une paix profonde, et des joies que je vous
souhaite de connaître un jour. J'y reviendrai, lorsque le départ
de la cour m'assurera de n'être plus troublé dans ma solitude. Je
vous remercie de votre amitié, bien que les marques qu'il vous a
plu de m'en donner n'aient pas été telles que je les eusse souhai-
tées. Je prierai pour vous et pour la personne dont vous m'avez
parlé. S'il vous plaît de vous embarquer avec elle sur les flots
changeants de la vie mondaine, que Dieu vous protège et vous
conduise au port !
LE PROPAGATEUR 121
" J'y suis déjà : ma nef n'affrontera plus les tempêtes. La prière,
l'étude, la contemplation des œuvres de Dieu, me rendent heureux
dans la solitude. La forêt m'est devenue comme une patrie, et
Dieu parle à mon cœur dans le silence des bois.
*' Adieu donc ; ne vous souvenez plus de moi que comme on se
souvient des morts qu'on a aimés et qui nous attendent dans un
monde meilleur.
Frère Sylvain."
*
Quelques semaines après, le Roi, avant de quitter Fontainebleau,
signa le contrat de mariage de Gaston de Neverly et de madame
de Chazelles, au grand déplaisir de Mademoiselle, qui comptait sur
eux pour en faire des ermites à sa façon. Ils firent assez bon mé-
nage pendant cinq ou six mois, puis la légèreté de l'un et les capri-
ces de l'autre amenèrent des brouilleries qui déplurent à Made-
moiselle. Congédiés par cette princesse, monsieur et madame de
Neverly s'en allèrent en province, et s'y ennuyèrent honnêtement
jusqu'à la fin de leurs jours.
Quand à l'ermite, il revint à Franchard et n'en sortit plus.
Comme son prédécesseur il vécut près d'un siècle, et sa robuste
vieillesse ressemblait à celle des grands chênes de la forêt de
Fontainebleau.
Personne après lui ne vint habiter son ermitage, et s'il s'est
rencontré de nos jours un homme assez passionné delà forêt pour
consacrer sa vie et sa fortune à en multiplier les sentiers, si les
peintres et les poètes en retracent à l'envie les beautés sévères ou
charmantes, personne, comme le frère Sylvain, ne l'a plus assez
aimée pour en faire sa demeure et son tombeau, personne n'a joui
comme lui de la solitude de ces déserts et de ces mystérieuses
harmonies qui résonnent doucement et toujours sous les ombrages
de Fontainebleau. Le temps des ermites est passé.
Mme Julie Lavergne.
lE MISSIONNIIIIIE OES ENFANTS
Par le R. P. FURNISS
de la congrégation du T. S. Rédempteur
OUVRAGE TRADUIT DE L'ANGLAIS
PAR UN PÈRE DE LA MÊME CONGREGATION
Deuxième édition revue avec soin
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SECOURS PERPETDEL DES HOMMES
D'APRÈS LES LIVRES SAINTS,
AVEC L'HISTOIRE DE L'IMAGE ET DU CULTE DE
NOTRE-DAME DU PERPETUEL SECOURS
Par le Père Henri Saintrain, Rédemptoriste
Deuxième édition revue avec le plus grand soin.
1 vol. in-12 .- 63 cts
TABLE ANALYTIQUE
Introduction.
LIVRE PREMIER
POISSANCE ET RICHESSE DE MARIE
Démontrées 1° par ses grandeurs, 2» par sa sainteté," 3° par sa qualité de Goré-
demptrice, 4° par trois faits de l'Evangile.
JUarie étant de toute façon la plus élevée des créatures, en est nécessairement la
plus puissante.
I.
Marie, Fille, Epouse et Mère de
Dieu. Par sonimmaculée Conception,
Marie est la Fille de Dieu d'une ma-
nière qui lui est propre ; par le mys-
tère de l'Incarnation, elle est devenue
Epouse et Mère de Dieu. Dieu se doit
à lui-même de lui communiquer un
pouvoir en rapport avec cette subli-
me dignité.
II. Marie, la grande affaire des si4-
CLES. Grandeur de Marie dans les
siècles qui ont précédé sa naissance.
1. Le Char de Triomphe, ou Marie
attendue et désirée du ciel, de la ter-
re, et redoutée de l'enfer. 2. L'Auré-
ole, ou Marie annoncée par les sym-
boles et les figures. 3. Le Cortège, ou
Marie préfigurée par les femmes les
plus illustres de l'anmen Testament.
— Ainsi associée au Messie dans les
figures et les ombres de la Loi, Marie
doit participer à sa puissance sous
le règne de la Grâce.
III. Marie, Reine des saints. (I) Puis-
sance de la sainteté. Sainteté de Marie.
IV. Marie, Reine des saints. (II). Con-
tinuation. Détail des vertus de Marie.
V. La Corédemptrice. (I) Marie dispo-
SE d'un grand pouvoir en notre faveur
parce qu'elle a contribué à bous ra-
cheter comme Eve avait contribué à
nous perdre. Elle a consenti au sa-
crifice de son Fils. Marie sur le Cal-
vaire. Femme, voilà votre fils.
VI. La Corédemptrice. (II) De plus,
elle a été Victime conjointement avec
Jésus. Prophétie de Siméon.
VU. Le Canal des grâces, Marie a mé-
rité par ses douleurs d'être la distri-
butrice des grâces de la Rédemption.
Tableau de sa vie afQigée.
VIII. Un Dieu pour débiteur. Riches-
ses accordées à Marie, en retour des
services rendus par elle aux trois
personnes divines. La 13e station du
Chemin de la croix.
IX. L'iLLUMiNATrice (I). 1er Fait qui a
révélé la puissance de Marie. L'in-
carnation du Verbe. Je vous salue,
6 Pleine de Grâce ! — Voici la ser-
vante du Seigneur. — Et le Verbe se
fit chair.
X. L'ILLUMINATRICE (II). 2e Fait qui a
révélé la puissance de Marie. Sa pa-
role sanctifie le Précurseur et le sacre
prophète.
XI. L'Illuminatrige (III). Suite du
précédent.
XII. La nouvelle Eve. 3e Fait qui a
révélé la puissance de Marie. Noces
de Gana. L'incréduUté d'Eve avait
amené le divorce entre Dieu et l'hu-
manité ; la foi de Marie unit l'Eglise
au divin Epoux.
LE PROPAGATEUR
123
LIVRE SECOND— BONTÉ de marie
I. Notre Mère. La femme dans la fa-
mille humaine. La Mère. Marie est
notre Mère, comme nouvelle Eve et
comme Mère de Jésus-Christ. Témoi-
gnages de la Genèse et de l'Apoca-
lypse.
II. Notre Scedr. Parabole. Le regard
compatissant de la Reine du ciel vers
la terre. Son regard suppliant vers
Jean.
III. Notre Médiatrice. L'homme cou-
pable a besoin d'un médiateur auprès
de Dieu. Jésus unique Médiateur de
justice. Mais nous l'offensons aussi,
et nous avons besoin d'un autre mé-
diateur auprès de lui. Ce sera une
Femme. Caractère de la femme, puis-
sance de ses larmes. Médiation de
Marie, glorieuse à Dieu, utile à
l'homme.
IV. Le Cœur le plus aimant. Educa-
tion du Cœur Marie à Nazareth. Le
réveil de l'Enfant Jésus.
V. Le Coeur le plus profond. L'amour
maternel. Dans cet amour, une nuan-
ce} plus délicate. AfSnilô entre la
douleur et la tendresse. Testament
de Jésus.
VI. Le CœuR le plus large. Marie à
l'école de Jésus.
VII. Le Cœur le plus constant. En-
core l'amour maternel. Marie pen-
dant la passion de son Fils. Le juge-
ment de Salomon.
LIVRE TROISIÈME
DES GRACES PRINCIPALES QUE NOUS DEVONS ATTENDRE DU PERPÉTUEL SECOURS DE MARIE
I
La MÈRE DE NOTRE FOI. Importance
de la foi dans la vie chrétienne. Dan-
gers que court la foi à notre époque.
Marie est notre Mère par la foi. Elle
est la Mère de notre foi. Le Magni-
ficat. Accomplissement. A ceux qui
ne croient plus.
II. La Mère de la sainte espérance.
Marie nous rassure contre la crainte
excessive. Elle est elle-même noire
espérance.
III. La Mère du bel amour (l). Néces-
sité de l'amour de Dieu. Marie en a
inauguré le règne sur la terre. Elle
nous aide dans nos luttes avec
l'amour-propre.
IV. La Mère du bel amour (II). Né-
cessité de l'amour envers Jésus,
Dieu et Homme. Amabilité de Jésus
contemplé entre les bras de sa Mère.
Empressement de Marie à nous ob-
tenir l'amour de Jésus.
V. La Mère de l'h«mme nouveau.
Beauté de la chasteté. Difficultés.
C'est le domaine propre de Marie.
VI. La Mère des vierges. Beauté de
la virginité. Marie est la Mère des
vierges. Sa tendresse pour les âmes
vierges. Saint Jean. Saint Luc.
Saint Joseph.
VII. La Sulamite. Marie notre modèle
et notre secours dans les sécheresses
et les dégoûts. Perte de l'Enfant
Jésus.
VIII. Mara. Marie, noire secours dans
les peines d'esprit, les scrupules, les
tentations et les angoisses de la vie in-
térieure. La prière du soir à Nazareth
IX. L'Amie des pauvres. La pauvreté.
Les pauvres sont chers à Marie,parce
qu'elle-même fut pauvre. Tableau de
la pauvreté de Marie. La fuite en
Egypte.
X. La Patronne de la famille. Com-
bien la famille est déchue de nos
jours. Le remède doit venir de la
femme. Marie, modèle et secours de
la femme chrétienne. Devoirs de
l'épouse étudiés en Marie. La ma-
ternité et ses devoirs L'enfant. Im-
portance de son éducation par la
mère. Marie vient encore ici au se-
cours de la mère.
XI. L'Espérance des malades. Nos
maladies viennent du péché. Com-
bien il est utile de recourir à Marie
dans nos souffrances.
XII. La grande heure de Notre-Dame
DU Perpétuel Secours. Combien
l'heure de la mort est redoutable.
Le grand signe de l'Apocalypse.
Explication.
APPENDICE— PREMIÈRE SECTION
histoire de l'image de NOTRE-DAME DU PERPÉTUEL SECOURS ET DE SON CULTE.
DEUXIÈME SECTION
CHOIX d'exemples DE FAVEURS OBTENUES PAR l'iNVOCATION DENOTRE-DAME DD
PERPÉTUEL SECOURS
1. Rome.— II. Itahe. — III. Sicile. — IV. France,— V. Espagne. — VI. Autriche.
—VII. Belgique.— VIII. Hollande.— IX. Westphalie.— X. Angleterre, Ecosse,
Irlande. — XI. Amérique.
NOTES & RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ET
A COMPLÉTER LEUR BIBLIOTHÈQUE
PREMIERE PARTIE
Livres de piété pour les ecclésiastiques
Exerce ieipsumad pietatem... pietas
ad omnia ulilis est promissionem ha-
bens vilœ, quœ nunc est, et futurœ
(I Tim. IV, 7, 8). Que celte exhortation
et cet enseignement de saint Paul à son
disciple Tiraothée nous remettent en
mémoire tout ce que nous savons sur
la nécessité de la piété, sur l'obligation
qu'a le prêtre d'être pieux et sur la fi-
délité que nous devons à nos exercices
de piété. Ces jusii/îcalions qui ont été
pour nous, pendant nos années, d'édu-
cation cléricale, la source de la vie, un
moyen de sanct'fication et d'affermisse-
ment dans le bien, nous n'irons pas les
négliger, encore moins les abandonner,
alors que nous sommes plus entourés
de dangers, plus exposés à la dissipa-
tion, et plus obligés que jamais à nous
sanctifier pour mieux sanctifier les au-
tres, à nous unir plus étroitement à
Dieu pour être les instruments plus di-
gnes et plus puissants de son action
sur les âmes. — Les exercices de piété
forment cette chaîne qui doit nous éta-
blir et nous unir dans une union plus
intimes avec Dieu. Tous les anneaux
de cette chaîne sont indispensables ; il
suffira sans doute de notre expérience
personnelle pour nous en convaincre :
n'avons nous pas constaté que la né-
gligence qui commence par atteindre
une seule de nos obligations, finit tou-
jours par se généraliser ? C'est un puis-
sant motif pour tout prêtre de ne rien
négliger. Ce nous sera aussi une raison
d'apporter le plus grand soin dans la
désignation et l'appréciation des ouvra-
ges qui doivent nous faciliter la persé-
vérance dans la vie de prière.
Nos exercices de piété dans le monde
ne seront pas autres que ceux du sé-
minaire. Un saint évoque d'Amiens,
Mgr de la Motte, avait coutume de dire
que les meilleurs prêtres et les meilleurs
religieux qu'il eut connus étaient ceux
qui avaient conservé l'habitude de
vivre en séminaristes et en novices. La
Méditation, l'Examen particulier, la
Visite au Saint-Sacrement, la Lecture
spirituelle, tels sont, avec le Saint-
Sacrifice de la Messe, le Saint-Office,
et d'autres prières vocales, tels sont
les exercices que les Saints-Pères et
les Maîtres de la vie spirituelle impo-
sent au prêtre comme moyen de sanc-
tification et de persévérance. Les graves
personnages du xvii» siècle qui ont
tant contribué au renouvellement du
clergé par leurs prédications, par leurs
écrits, par la fondation des Séminaires,
ont tous proclamé la nécessité de cha-
cun de ces exercices.
La division de cette première partie
de notre catalogue oiî nous allons don-
ner les livres de piété destinés aux
Ecclésiastiques, est donc tout indiquée.
Nous commençons par les Recueils
de Méditations A la Sainte Messe,
qui suit la Méditation, nous ratta-
chons la Visite au Saint-Sacrement,
qu'on a appelée la Messe du soir. Il
sera ensuite question du saint office,
ou plutôt des ouvrages qui nous aide-
ront à le bien comprendre et à le
bien réciter. La quatrième série sera
consacrée à l'Examen particulier ; la
cinquième, à la Lecture spirituelle.
Mais nous réserverons, pour les deux
séries suivantes, deux catégories d'ou-
vrages ; l'une, avec le titre Directoire,
contiendra ceux qui, par des conseils
et des instructions plus pratiques, doi-
vent diriger le Prêtre dans sa vie pu-
blique ou sa vie privée ; la suivante
comprendra, sous le titre Direction,
ceux qui peuvent contribuer à former
le Directeur des âmes. La huitième
série renfermera les " Recueils de pri-
ères. " Dans la neuvième série, nous
indiquerons les ouvrages qui se ratta-
chent à cette grande dévotion des In-
dulgences, dévotion si précieuse et qui
doit être si chère au Prêtre. Puis enfin,
dans la dixième série, que nous intitu-
lerons Varia, nous signalerons un cer-
tain nombre d'ouvrages qui, par la
variété des matières qu'on y trouve,
peuvent être utilisés pour plusieurs
de nos exercices de piété.
Benvelet, Méditations sur les principales
vérités chrétiennes et ecclésiastiques, pour
les dimanches, fêtes et autres jours de l'an-
née, par M. Beuvelet. Nouvelle édition, par
des prêtres de l'Immaculée-Conception de
Saint-Dizier. 3 voL in-8 écu d'environ 550 p,
chacun $3.00
Brancberean. Méditations à Vusage des
élèvesdes grands séminaires ei des prêtres,
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par L. Branchereau, supérieur du Grand,
Séminaire d'Orléans . 4 vol. in-12 de 63O
548, 492, 530 pages $4.00
Bronctaain. Jféditati'ons pour tous les jours
de l'année, composées d'après Us écrits de
saint Alphonse de Liguori, docteur de l'E-
gli3e,ài'uso(/e des comnmnautés religieuses,
des ecclésiastiques, et de toutesles âmes qui
tendent à la perfection . par le P. L. Bron-
chain, de la Congrég. du T. -S. Eédempteur,
3 vol. in-12, $2.00
Cbaig^on. Nouveau cours de méditations
sacerdotales, ou le Prêtre sanctifié par la
pratique de l'oraison, par le B. P. Chaignon,
S. J. 12e édition, revue et augmentée. 5 vol.
in-12 $4.00
Décrouille. Méditations sacerdotales sur
la messe de chaque jour, par M. Décrouille,
curé au diocèse d'Arras. 5 vol. in-12. . .$3.00
Hamon. 2Iéditationsà Vusage du clergêet
des fidèles pour totis les jours de Vannée ;
par M. Hamon, curé de Saint-Sulpice. 22e
édition, revue, corrigée, augmentée, et enri-
chie d'une table analytique des matières.
3 vol. in-12 $2.35
Ponte (Ven. P. Lud. de, S.J.)Meditationea
de praecipuis fi.Jei nostrae mysteriis, de His-
panico in Latinum translatas a Melchicre
Trevinnio, S. J. Da novo editae cura Augus-
tini Lehmkuhl, S. J. Cum duabus appendi-
cibus. Cum approb. Eevmi Archiep. Frib.
et Super. Ordinis. Six vol. in-13. (CLXXIV
et 2554 p.; $4.25
I<e même. Traduction française, avec no-
tes, par une société d'ecclésiastiques. 10e édi-
tion US92), revue avec soin sur l'édition
prin/:eps. 4 vol. in-12 $3.00
Benre (1') du 3Iatin, ou Méditations sacer-
dotales, avec introduction par M. l'abbé Elie
Méric, professeur à la Sorboune. Un vol.
in-à de 480 p $1.00
Exercices spirituels de saint Ignace de
Loyola ; annotés par le Révérend Père Root-
haan, général de la Compagnie de Jésu.s, et
traduits sur le texte espagnol, parle P. Pier-
re Jennesseaux de la même Compagnie, 12e
édition, corrigée et augmentée de deux let-
tres de saint Ignace, et de l'opuscule duR.P.
Boothaan sur la manière de méditer. In-12.
$0.75
Debrosse et Aag^ry. Retraite spiritiielle
selonla méthode de saint Ignace, à l'usage
des ecclésiastiques, des religieux et des sé-
culier3,par les P. P.R. Debrosse et H. Augry
de la Compagnie de Jésus. 5e édition is-12.
$0.75
l<Oluier. Instruction pratique de théologie
mystique, ou méthode facile et usueUe pour
faire les exercices spirituels de saint Ignace
avec d'autres exercices pour quatre récollec-
tions de trois jovirs, ouvrage destiné particu-
lièrement aux prêtres et à ceux qui se prépa-
rent an sacerdoce, par le R. P. Tobie Lohner,
S. J. (Traduit pour la première fois par M.
l'abbé Dnfour). 2 vol. in-12, de 400-470 p.
$1.50
Tanner. L'école du prêtre, par le E. P"
Tanner, abbé de N.-D. des Ermites à En-
siedeln, suivie d'un examen à l'usage du
clergé, par l'abbé Bénard. 3e édition, dédiée
à S. E. le Cardinal Donnet, et recommandée
au clergé de leurs diocèses par NN. SS. les
archevêques d'Aix, de Bordeaux, de Rouen
et de Toulouse, et les évêques d'Autun, de
Dijon, de Montpellier, d'Orléans, de Poitiers,
de Rodez, de Saint-Dié, etc. 2 vol. grand
in-12, de 444-534 p $i.50
Taluy. Manuel du prêtre en retraite, con-
tenant : lo un Directoire pour la retraite ec-
clésiastique ; 2o un chois de méditations et
de considérations pour une retraite particu-
lière ; 3o une série d'exercices pour une re-
traite de chaque mois, par le R. P. Benoit
Valuy, S. J. Ile édition. 1 vol. de 450 p.$0.50
Ii«S vérités éternelles, méditations sur les
fins dernières, à l'usage du clergé. In-12, 360 p
$0.25
BoDChase. Pratique des vertus, méthode
pour travailler à la perfection au moyen d'un
exercice de vertu ehaque jour,par le P. Fr,
Bouchage de la Congrégation du Très-Saint-
Eédempteur. 3 vol. grd iii-8- $3.75
Bonrgoing. Méditations sur les Vérités
et Excellences de Jés iS-Cltrist Notre-Sei-
gneur, recueillies de ses mystères, cachées
en ses états et grandeiu-s, prêchées par Itu
sur la terre, et communiquées à ses Saints,
par le R. P. Bourgoing, troisième supérieur
général de l'Oratoire. 32e édition, revue avec
soin, et enrichie de sommaires pour la pré-
paration de la méditation par le R. P. In-
gold, 4 vol. in-18 $2.6»
Probatlon stirVhumanité, Ce petit volume
in-18, de 300 pages, contient 30 méditations
sur l'humilité, et expose, dans un style sim-
ple, sous les titres : Besoin d'être humble.
Baisons d'être humble, Jésus humble, Guide
de l'âme humble avec Marie humble, les ré-
flexions et considérations les plus solides sur
cette importante vertu. $0.3S
Bacuez. Munuel du séminariste en vaean'
ces, ou sujets d'oraisons et d'exaaens par-
ticuliers pour les jeunes ecclésiastiques dans
le monde, par M. l'abbé Bacuez, directeur
au séminaire de Saint-Sulpice. 1 vol. in-32,
nouvelle édition $0.40
Si sainte Thérèse garantissait le ciel
à ceux qui consacreraient avec persé-
vérance un quart d'heure chaque jour
à l'oraison mentale, l'expérience, non
moins que l'autorité, nous obligent à
voir dans la Méditation un moyen de
sanctification sacerdotale, aussi efficace
qu'indispensable. C'est le premier de
nos principaux exercices de piété, dans
l'ordre chronologique ; c'est aussi le
plus important, par l'heureuse et né-
cessaire influence cju'il doit avoir sur
tous les autres. Choisissons donc avec
soin l'ouvrage qpii nous fournira chaque
matin le sujet de nos pieuses réflexions.
Les recueils de méditations sont de
deux sortes : les uns sont complets,
c'est-à-dire contiennent un cours com-
plet de spiritualité, et renferment des
méditations sur tous les devoirs de la
vie chrétienne et ecclésiastique ; d'au-
tres recueils nous otTrent des sujets
d'oraison pour des circonstances par-
126
LE PROPAGATEUR
ticulières, par exemple, pour des retrai-
tes, pour telle é\)oqae de l'année, ou
sont consacrés à telle ou telle vertu, à
telle ou telle obligation du chrétien ou
du prêtre. Ces deux catégories peuvent,
et même doivent être représentées dans
toute bibliothèque ecclésiastique, et
c'est pourquoi nous les distinguons et
séparons dans l'énumération donnée
plus haut.
Ces recueils de méditations se dis-
tinguent en second lieu par la méthode
d'oraisons adoptée par l'auteur. Nom-
breuses sont les diverses méthodes de
prière que les écrivains approuvés
nous donnent. Mais si nous les exami-
nons attentivement, nous dit le P Fa-
ber, dans son livre du Progrès de l'âme,
nous verrons qu'elles peuvent se rédui-
re à deux, que nous désignerons sous
les noms de " Méthode de saint Ignace,
et Méthode de saint Sulpice. " Nous
n'avons pas à décrire ici ces deux mé-
thodes : c'est au titre Lecture spirituelle,
que nous indiquerons les ouvrages à
lire sur ce sujet. Gontentons-nous de
signaler ici, d'après le même auteur
les avantages de chaque méthode.
" Celle de saint Ignace s'adapte
mieux aux habitués de l'esprit
contemporain, elle convient à un
plus grand nombre de personnes,
elle peut s'enseigner comme un art;
enfin presque tous les Uvres de médi-
tations sont basés sur elle. " La mé-
thode de saint Sulpice " est fidèlement
calquée sur les traditions des anciens
Pères et des Saints du désert ; ensuite
elle subvient aux besoins de ceux qui,
d'un côté, ne peuvent suivre la méthode
de saint Ignace, et, de l'autre, n'ont
pas d'aptitude à ce qu'on appelle la
prière afTective ; enfin, elle convient
mieux à ceux qui sont fréquemment
interrompus dans le cours de leur mé-
ditation, en tant qu'elle est une œuvre
complète à quelque endroit qu'on l'in-
terrompe, tandis que toute la force de
la méthode de saint Ignace réside
dans la conclusion. " On ne saurait,
du reste, établir de comparaison entre
ces deux systèmes, " parce que, dit le
P. Faber, l'un et l'autre respirent éga-
lement la sainteté, parce que l'un et
l'autre ont produit des saints, et que
l'usage de l'un ou de l'autre est une
affaire de choix et de vocation. "
Au point de vue du développement
donné par les auteurs à leurs thèmes
de méditation, nous distinguons aussi
deux genres différents d'ouvrages : les
uns nous présentent, comme matière à
nos réflexions, sous deux ou trois points
dans un style concis, un petit nombre
de pensées fortes et suggestives, qui
peuvent assurément nous occuper pen-
dant toute la durée ordinaire de la mé-
ditation, mais qui imposent un travail
personnel pour saisir et développer les
vérités énoncées pour s'approprier les
affections et résolutions simplen".ent in-
diquées. Il est des auteurs au contraire,
qui, par le développement qu'ils don-
nent au sujet de méditation, semblent
dispenser de ce travail personnel : la
vérité à considérer se trouve exposée,
expliquée et prouvée longuement ; on
présente toutes faites les formules des
actes affectifs qui doivent suivre la
considération ; les conclusions prati-
ques sont très détaillées ; on y trouve
aussi les formules des prières qui ac-
compagnent réflexions et affections. Il
ne reste, si l'on veut mettre à profit le
texte qui nous est fourni, qu'à faire
siennes toutes ces formules. On a don-
né à cette sorte de méditations le nom
de Lecture méditée. Il ne nous appar-
tient pas de dire quel genre est préfé-
rable : chacun de nos lecteurs jugera
que le travail de réflexion qu'imposera
les premiers, est de la plus grande uti-
lité ; mais tous les esprits n'en sont pas
capables ; et ceux-là même qui en
pourraient tirer un grand profit, feront
bien de recourir quelquefois aux Lec-
tures méditées, quand par exemple de
trop vives préoccupations, ou une trop
grande fatigue, ne leur permettraient
pas une attention assez soutenue, une
application assez intense.
Enfin nous aurons à distinguer les
auteurs qui suivent Vordre logique, de
ceux qui suivent l'ordre chronologique.
Ceux-ci assignent pour chaque époque
liturgique, ou même pour chaque jour
de l'année, un sujet de médiation en
rapport avec les mystères ou fêtes de ce
temps ou de ce jour ; ceux-là se confor-
ment pour la suite de leurs médilations,
à la suite logique des vérités qui doivent
nous sanctifier en nous éloignant de
plus en plus du péché et en nous unis-
sant toujours plus étroitement à Dieu;
quelques-uns de ces derniers donnent
aUssi des méditations spéciales pour les
dimanches et principales fêtes de
l'année. (Exlrail de V Ami du Clergé.)
Livres Endommagées
Barbier, (M. l'abbé). — Cours d'ins- j
TRDCTioNS PASTORALES. 3 vol.in-8 |2.63
réduit à $1.00.
^Barthe et Fabre, (les l'abbés).—
Catéchisme du catéchiste ou explica-
tions raisonnée de la doctrine chrétien-
ne. 2 vol. in-12 $2.00 réduit à 10.75.
Berseaux, (M. l'abbé). — Liberté et
libéralisme ou l'état chrétien. 1 vol.
in-8 $1.25 réduite $0.50.
Bonald (A.). — Institiones theolo-
sic^ ad usum seminariorum, 6 vol.
in-12, $3.50 réduit à $1.00.
Bouix, (M. l'abbé). — Tracta tds de
CoNciLio provinciali. 1 vol. in-8 $1.75
réduit à $0.50.
— Tractatus db CAPiTULis.l vol. in-8
$1.75 réduit à $0.50.
— Tractatos de jure litdrgico. 1 vol.
in-8 $1.75 réduit à $0.50.
Couturier (R. P.), S. J. — Histoire
DE l'ancien testament rédigée pour
l'instruction et l'édification des fidèles.
2 vol. in-8 $2.50 réduit à $1.00.
Capecelatro (le Cardinal). — Expo-
sition de la doctrine catholique.
2 vol. in-8 $2.00 réduit à $0.75.
Chevalier, (M. l'abbé). — (Conféren-
ces SUR LE SAINT EVANGILE. 1 VOl grd
in-8 $0.90 réduit à $0.25.
Craisson. — Elementa juriscanoni-
ci. 2 vol. in.l2 $1.50 réduit à $0.75.
D'Aoste, (R. P.) — Conférences ec-
clésiastiques préchées dans un grand
nombre de diocèses à propos des re-
traites pastorales. 2 vol. in-8 $3.00 ré-
duit à $1.00.
De Rivières, (l'abbé). — Manuel de
LA SCIENCE pratique du prêtre dans le mi-
nistère, 1 vol. in-8 $1.88 réduit à $0.75.
Desorges, (M. l'abbé). — Théologia
UNivERSA dogmatica uempe et moralis
auctoribus P. Thoma ex Chfirmes et
Abbate Desorges. 7 voi.in-12 $5.25 ré-
duit à $1.50.
— L'église et les sociétés modernes
1 vol. in-8 $1.00 réduit à $0.25.
Dubillard (B. P.). — Pr^lectiones
THEOLOGIE dogmaticBB ad methodum
scholasticam redactae quas habet in
seminario Bisunlino. 4 vol. in-8 $5.00
réduit à $1.50.
Falise, (M. l'abbé). — Cérémonial
romain et cours abrégé de liturgie pra-
tique. 1 vol.in-8 $1.25 réduit à $0.50.
Gautrelet, (R.P.) S. J.— La franc-
maçonnerie et la révolution. 1 fort vol.
m-8 $1.88, réduit à $0.50.
— Le prêtre et l'autel, méditations
pour servir de préparation au saint sa-
crifice de la messe. 1 vol. in-12 $0.88
réduit à $0.25.
Ginther, (M. l'abbé). — La mère
d'amour kt de douleur donnée pour
mère â tous les fidèles par Jésus-Christ
mourant sur !a croix. 2 vol. in-8 $2.50
réduit à $0.75.
Grosse, (M. l'abbé). — Cours de r
ligion d'après l'ouvrage allemand du
R. P. Wilmers, S. J. 6 vol. in-8, $10.00
réduit à $2.50.
Herblot. — Sermons, 5ème édition,
3 vol.;in-8 $4.00 réduit à.$1.25.
Jouve, (M. l'abbé). — La pieuse con-
ganiste ou instructions simples et pra-
tiques à l'usage des associations en
l'honneur de la très sainte Vierge'
2 vol. in-12 $1.88 réduit à $0 90.
Laroche, (M. l'abb '^) . — Instructions
sur les principales fêtes de Notre Sei-
gneur et de la sainte Vl-'rge. 1 vol. in-8
$0.75 réduit à $0.25.
Lavy (K. P.) — Conférences sur la
théologie de Saint Thomas d'Aquin. 2
vol. in-12 $1.75 réduit à $0.50.
Le Canu, (M. l'abbé).— Conféren-
ces de dogme et de morale. 3 vol. in-8
$2.50 réduit à $1.00,
Lesserteuj, (M. l'abbé). — Saint
Thomas et la prédestination, l^vol. in-8
$1.25 réduit à $0.50.
Le Vavasseur, (R. P.).— Les fonc-
tions pontificales selon l'^rit romain.
2 vol. in- 12 $2.00 réduit à $0.75.
Libératore, (R.P.), S. J.— Le droit
PUBLIC de l'église, 1 vol. in-8 $1.50
réduit à $0.75.
Lohner (R. P. Tobie), S. J._Ma-
NUEL DU PRÉDICATUUR. 3 vol. in-12 $1.88
réduit à $0.50.
128
LE PROPAGATELR
Luche, (M. l'abbé).- Le catéchis-
MR DE JRoDEz expliqué en forme de prô-
nes. 3 vol. in-8 $4.00 réduit à $1.50.
Marchand. (Jacques).— La ver&e
FLECRiE d' AARON,suivie des conférences
ecclésiastiques et de la tiare sacrée.
1 vol. in-8 $1-50 réduit à |0.50.
— Le candélabre mystique orné de
sept lampes ou traité des sept sacre-
ments. 2 forts vol. in-8 $3 réduit à $1.
— Le jardin des pasteurs des ames.
4 forts vol. in-8 $6.00 réduit à $2.00.
— Le rational des prédicateurs de
l'évangile ou Homélies sur les évan-
giles de chaque dimanche et des prin-
cipales fêtes de l'année. j_ 4 forts vol.
in-8 $6.00 réduit à $2.00.
Martin (M. l'abbé).— Béatitudes et
sujets rares. 1 vol. grd in-8 $1.50 réduit
à $0.50.
— Sermons historiques pour les di-
manches et les fêtes. 1 vol. grand in-8
$1.50 réduit à $0.50.
Pluot, (M. l'abbé). — Retraite pas-
cale. 1 vol. in-12 $0.88 réduit à $0.25.
Pierret, (M. l'abbé). — Conférences
adressées aux mères chrétiennes. Les
devoirs et les vertus des épouses. 1 vol.
in-12 $0.88 réduit à $0.30.
Piller, (R. P.) ■ — Liturgia romana
Manuale Rituum, etc, etc. 1 vol. in-8
$1.25, réduit à $0.50.
Begnaud, (M- l'abbé). — L'enchéri-
DiON DU CATÉCHISTE. Avis, homélies,
histoires, prières, etc, etc, pour la pre-
mière communion. 1 vol. in-12 $1.00
réduit à $0.25.
Bomain (Georges). — La question
PROTESTANTE jigée par le bon sens la
bible ei les faits, lettres à un protestant
l vol. in-8 $1.50 réduit à $0.50.
Saintrain, (R.P.). — Le rédempteur
sa préexistence, son avènement, ses
enseignements, ses institutions, ses
souffrances et ses gloires d'après les
livres saints. 1 vol. in-8 $1.50 réduit à
$0.50.
Sauvé (Mgr). — Le pape, son autori-
té suprême son magistère infailhbleet
le concile du Vatican, l vol. in-8 $1.88
réduit à $0.75.
Schouppe, (R. P.).— Cursus scrip-
TnR.« Sacrae. 2 vol. in-8 $2 réduit à $ l .
—Cours abrég4 de religion ou véri-
té et beauté de la religion chrétienne.
1 vol. in-12 $0.76 réduit à $0.38.
— Evangiles des dimanches et des
fêtes de toute l'année, explication du
texte sous forme d'Homélies. 2 vol. in-
12 $2.00 réduit à $0.75.
— Evangilia de communi sanctqrum,
etc. 1 vol. in-8. (légèrement mouillé).
$1.00 réduit à $0.25.
Sibillat, (M. l'abbé). — ^Trésor his-
torique de la publication, recueil spé-
cial de nouveaux traits d'histoires, de
paroles remarquables, de comparaison
et d'allégories choisis avec le plus
grand soin. 2 vol. in-12 $1.50 réduit à
$0.50.
Thiébault (M.) — Homélies sur les
EVANGILES dos dimanches et des princi-
pales fêtes de l'année. 2 vol. in-8
$1.50 réduit à $0.75.
Tilloy (M. l'abbé). — Cours de con-
FÉRENCES religieuses. 2 vol. in-12 $2.00
réduit à $0.50.
Vallet, (M. l'abbé) S. S.— Pr^lkc-
TioNEs PHiLosoPHiCiB ad meulem S.
Thomae Aquinatis. 2 vol. in-12 $1.75
réduit à $0.7 5.
Ventura (R. P.)- — Beautés de la
FOI. 3 vol. in-8 $4.00 réduit à $1.50.
Virel, (M. l'abbé). — Cours d'instruc-
tions paroissiales sur toutes les parties
de la doctrine chrétienne et sermons
détachés. 2 vol. in-12 $1.50 réduit à
$0.50.
5 contins en plus par volume
pour en payer le port.
N- B.— JLes livres annoncé»
pins hant.sont tons com-
plets et 1res pen endom-
magés.
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Mai, 1893, Numéro 5
BULLETm
21 Avril, 1893.
*,* On lit dans La Croix :
Les chrétiens qui s'enrôlent dans la ligue de l'Ave Maria veulent obtenir par
la prière et selon leurs moyens par l'action :
L'indépendance du Pape ;
La suppression des lois scolaires qui enlèvent aux communes et aux familles
le droit de choisir les maîtres des écoles :
La suppression des lois mililaires qui, par impiété et sous de faux prétextes
d'amour de la patrie, envoient le prêlre à la caserne ;
La liberté de V Eglise dans son culte et la charité, notamment aux hôpitaux ;
L'élection de députés catholiques.
Une sage administration des deniers publies qui empêche les impôts et la runie.
De ces points seuls découleront la prospérité morale et matérielle du pays.
Les ligueurs n'ont aucune prière obhgaioire, mais ils prient beaucoup.
Le premier article du programme de la ligue de VAve Maria est
l'indépendance du Pape. Depuis quelques mois des Vœux pour
l'indépendance du chef de l'église sont émis dans tous les congrès
catholiques et cela dans tous les pays du monde. Même en Autri-
che^ au sein de la Triple AUiance, dans toutes les classes de la so-
ciété, même dans les cercles politiques, on se prononce hautement
.et sans restriction en faveur de cette indépendance si nécessaire
ïpour que le Pape puisse remplir avec plus de facilité et d'efficacité
sa mission dans le monde.
D'où \iendronl les secours qui délivreront le Pape de sa prison ?
Quelle est la nation qui par ses antécédents est plus obligée que
toutes les autres à faire cet acte de justice et de réparation ? C'est
la France cette noble nation à qui la Papauté doit surtout l'éta-
blissement de son pouvoir temporel et son rétabhssement lorsque
les vicissitudes politiques ont obUgé les papes à fuir la ville éter-
nelle.
La ligue de VAve Maria comprend la mission providentielle de la
France, et on dirait qu'en inscrivant l'indépendance du Pape en
tête de son programme elle a eu des pressentiments prophétiques,
Et qui sait si dans un avenir prochain ces pressentiments prophé-
tiques ne deviendront pas la réalité, et si l'on ne verra pas les
armées de France, prenant encore une fois les chemins d'Ita-
lie aller combattre pour le rétablissement du pouvoir tem-
porel ?
*/ Depuis l'abdication du roi Milan en faveur de son fils
Alexandre premier, c'est-à-dire depuis le 6 mars lb89, la Servie
était gouvernée par des régents. Alexandre ne devait commencer
9
130 LE PROPAGATEUR
à gouverner qu'à sa majorité fixée, par la loi du pays, à l'âge de
18 ans accomplis. Il n'atteindra cette majorité légale que le 14
août 1894, car il est né le 14 août 1876 ! Nonobstant cette date re-
culée Alexandre vient de faire un coup d'état qui le place dès
maintenant à la tête des affaires. A minuit le 14 avril, pendant un
banquet, il a proclamée sa majorité, déclarant qu'il prenait pos-
session du gouvernement, et il a fait arrêter les régents et leurs
ministres. Ce coup d'état, préparé par les conseillers du roi, a été
fait avec la connivence de l'armée.
Après le coup d'état le roi a renvoyé les ministres qui avaient
été nommés par les régents, formé un nouveau cabinet ayant M.
Dokitch a sa tête, dissous le parlement skouptshma et ordonné de
nouvelles élections. Ces élections se feront le 30 avril.
Le pays a accepté le nouvel ordre de choses et la paix n'a pas
été troublée. Les régents ont été remis en liberté.
Alexandre est le fils de Milan et de la reine Nathalie. Les chica-
nes et le divorce de ces deux époux ont eu un retentissement
scandaleux il y a quelques années. Ils se sont réconciliés il y a
quelques semaines, et cette réconciliation a mis dans un grand
embarras le synode schismatique qui avait prononcé le divorce.
Le roi a une liste civile de $1,200,000.00. Les finances de la
Servie sont dans un bien triste état et sa dette publique est énor-
me. Elle entretient une armée de 30,000 hommes.
*/ A la date du 23 mars le comte de Paris a adressé aux pré-
sidents des comités monarchiques de France une lettre dans
laquelle il trace à ses partisans la ligne de conduite politique
qu'ils doivent suivre dans les circonstances actuelles. 11 flétrit les
menées sectaires des gouvernants et les hontes du Panama, et il
déplore l'état général des affaires de la République. Il dit que la
monarchie seule peut donner à la France un gouvernement, fori
et stable, uniquement préoccupé du bien public, qui mettra un terme
au trouble moral dont elle souffre, et la préservera des troubles maté-
riels dont elle n'est peut-être pas à fabri.
Il ne fait aucune allusion à la lettre du pape, qui recommande
la franche acceptation du légime établi en travaillant toutefois à
réformer sa mauvaise législation, mais il recommande à ses par-
tisans de tendre la main à tous les honnêtes gens qui veulent
travailler dans les intérêts de la défense sociale et de la liberté reli-
gieuse.
Cette lettre se termine par les paroles suivantes, qui doivent
trouver un écho dans le cœur de tous les vrais amis de la France,
à quelque parti qu'ils appartiennent. " Dieu ne permettra pas que
la France cette nation si glorieuse et si fière, s'abandonne et s'oublie
dans un irrémédiable affaissement.'"
te!! L'été dernier, un autre prétendant au trône de France, don
Carlos, de la branche des Bourbons d'Espagne, a aussi adressé un
manifeste à ses partisans. Dans ce manifeste il déclare donner son
adhésion à la politique du Souverain Pontife, sans renoncer
toutefois expressimeiit à ses droits.
\
LE PROPAGATEUR 131
Don Carlos, on le sait, se prétend l'héritier légitime du comte
de Ghambord, le clief de la maison de France ! Il compte un
certain nombre de partisans parmis les royalistes français (^)
*/ La législature de la Colombie Britannique a été prorogée le
12 avril et celle du Nouveau Brunswick a été prorogée le 15.
L'accord est loin d'être parfait dans la Colombie Britannique et
elles est menacée de sécession.
L'ile de Vancouver formerait une province et la terre ferme en
formerait une autre.
Au Nouveau Brunswick les finances sont en très mauvais état,
et la dette publique augmente considérablement tous les ans.
"^^ Une nouvelle association agricole a été fondée en janvier
dernier. Elle se nomme Le syndicat des cultivateurs de la province
de Québec. Le but de cette société est de favoriser l'agriculture et
de travailler à son amélioration et à ses progrès.
Elle sera, dit un journal, l'intermédiaire entn-. les cultivateurs et les marchands
et fabricants de gros de tout oulil ou produit agricole, les marchands de grains
et graines de semence, d'engrais chimiques ; elle s'occupera de trouver des mar-
chés pour les produits agricoles.
La première assemblée générale des membres a eu lieu à Québec
le 12 avril. Cette assemblée a procédé à l'élection des officiers.
Voici le résultat de cette élection :
Président hono'-aire. Son Eminence le cardinal Taschereau ; président actif
Sa Grandeur Mgr Bégin ; vice-président, M. Robert Ness, membre du Conseil
d'agriculture ; secrétaire-trésorier, Dr J. A. Coulure, D. M. V. ; directeurs MjVJ.
J. G. I hapais, assist-commissaire de rindustrîe-lailière de la Province, J. de L."
Taché, R. Ness, L.J. A. Marsan, Jos Girard, M. P.P., Rév. M, Monlminv. Dr Qn-
gnon, membres du conseil d'agriculture, 0. E. Dallaire, conférencier" agricole.
Le Conseil d'administration se compose de Sa Grandeur Mgr Bégin, Mil. v"
Chàteauvert, M. P.P. président de la Chambre de Commerce, V.W. Larue N.P.
N. Garneau, négociant, R. Audet, de la maison Thibaudeau & Frère, E. A. Bar-
nard, secrétaire du Conseil d'agriculture, Dr J. A. Couture, secrétaire-général.
* *
Sont élus
1° Député fédéral de Middlesex-sud, Ontario. M.Robert Boston-
libéral. Il remplace M. James Armstrong décédé le 26 janvier der-
nier. M. Armstrong appartenait aussi au parti libéral. La division
électorale de Middlesex-sud a été établie par l'acte de redistribu-
tion de 1882. M. Armstrong l'a toujours représentée. En 1882 il
était élu par 866 voix de majorité, en 1887 par 414 voix et an 1891
par 624 voix. Dans la dernière élection la majorité de M. Boston a
été de 661 voix.
(1) Voir le Propagateur, No du 15 octobre 1892, page 481. II y est queslioa
du manifeste d'un autre prétendant le prince Victor Napoléon.
132
LE PROPAGATEUR
2° Député fédéral de la division électorale de Vaudreuil, M»
Henri Stanislas Harwood arpenteur et cultivateur. Il est libéral
et il remplace le député conservateur M. Hugh McMillan dont
l'élection a été annulée. La majorité de M. Harwood dépasse 200
voix. Son adversaire était M Chevrier, conservateur.
*^*
*
Sont décédés.
\° Madame Mackenzie, veuve de l'Hon Alexander Mackenzie
ancien premier Ministre du Canada.
2° Madame Amédée Thierry, veuve du célèbre historien fran-
çais.
3° Son Eminence le cardinal Achille Apolloni, cardinal-diacre.
Il est né à Anagni le 13 mai 1823. Il a été créé cardinal dans le
consistoire du 24 mai 1889.
4° Alfred Mame, le chef du célèbre établissement d'impri-
merie et de librairie de Tours, en France. Il était âgé de 82 aas.
Il y a dans ce pays une énorme quantité de livres publiés par la
librairie Mame. Le seul nom de Mame était une recommandation
et ses livres étaient mis sans crainte entre les mains de la jeunesse.
5° Le général d'Anthouard, doyen de l'armée française à l'âge
de 96 ans. Il a combattu à Waterloo et il a fait les campagnes
d'Espagne et d'Afrique.
G° Nelson Lucie r, député canadien français de Nashua à l'as-
semblée législative du New Hampshire Etats Unis. Il n'était âgé
que de 32 ans.
7o W. D. Ardagh, juge de la Cour de Comté, de Winnipeg, Ma-
nitoba. Il été frappé de mort subite dans la rue à Hoboken N. Y.
Il venait de descendre du paquebot qui l'avait ramené d'Europe.
8o Sir George Prévost, à l'âge de 91 ans. Il était le fils unique
du célèbre Sir George Prévost, cet homme juste qui fut gouver-
neur du Canada de 1811 à 1815.
y° Manuel Gonzalez, ancien président du Mexique de 1880 à
1884. [l était gouverneur de l'étatdeGuanajuato. En considération
des services qu'il avait rendus en réprimant les mouvements sédi-
tieux dans le' Nord-Ouest Mexicain, le congrès lui conféra le titre
de " Pacificateur de l'Occident " Gonzalez avait 73 ans.
10° L'Hon. John Roche, conseiller législatif pour la division
de Stadacona.M. Roche était commerçant de bois et âgé de 68 ans.
Alby.
Dubillard (B. P.). — Pr^lectiones
THEOLOGIE dogmalicœ ad methodum
scholasticam redaclae quas habet in
fceminario Bisunlino. 4 vol. in-8 $5.00
réduit à f 1.50.
Desorges, (M. l'abbé). — Théologia.
UNivERSA DOGMATicAnempe et moraiis
auctoribua P. Thoma ex Charmes et
Abbate Desorges. 7 voi.in-lî $5.25 ré-
duit à$>1.50.
V
LE DIABLE mjl¥ SIECLE
Il se publie actuellement en France un livre du plus haut intérêt
pour toutes les classes de la société mais particulièrement pour les
cla.sses dirigeantes. Ce livre est appelé adonner la clef de tous les
grands événements politiques de notre époque, de ces événements
imprévus, qui viennent a tout moment dérouter les calculs des
puissants et des hommes d'Etat. Cet ouvrage à pour litre Le
Diable au XIXe siècle ; jamais titre na^plus été approprié a un
livre. C'est l'histoire de l'action de Satan sur le monde actuel par
le moyen des sociétés secrètes. Rien de semblable n'a encore été
écrit jusqu'ici sur le rôle que joue la franc-maçonnerie, sous l'ins-
piration de Lucifer et de ses légions lancées contre l'éghse de
Jésus-Christ.
Il est très probable que tous les chefs des loges maçonniques
vont faire leur possible pour empêcher la circulation de ce livre
et sa diffusion dans la société parce que les révélations qui y sont
faites sont des coups de massue sur cette infernale association. Ce
sera donc œuvre de bon catholique et de fils dévoué de l'église
que de chercher à le faire connaître. Déjà à Montréal plus de
cent personnes l'ont demandé. Les quelques exemplaires reçus
chez Cadieux et Derome se sont vendus immédiatement. J'ai eu
l'avantage de m'en procurer un et je déclare que jamais livre ne
m'a plus intéressé.
L'auteur de l'ouvrage est le Dr Bataille de Paris. Cet homme placé
dans des circonstances exceptionnelles a pu pénétrer jusqu'au fond
des loges les plus ténébreuses et saisir les mystères de leurs arcanes.
Jeune médecin employé dans la marine française, il conçut un
jour l'idée de se vouer à la mission extraordinaire de pénétrer dans
les secrets des arrières loges maçonniques. Chose extrêmement
difficile et dangereuse. Ayant fait part de ce projet à un religieux
il n'en fut pas détourné. Dieu pour le bien de la religion semble
l'avoir protégé miraculeusement. Après douze années de persévé-
rance le Dr Bataille amis la main sur tous les documents les plus
authentiques du but poursuivi par la Franc-Maçonnerie et c'est ce
but inavoué qu'il fait connaître dans son livre.
Ce livre écrit dans un style charmant est tout palpitant d'intérêt .
Il nous décrit des scènes qui font frémir d'horreur. Le aernier mot
des arrières loges c'est le culte de Satan et la Franc-Maçonnerie
est l'église de Lucifer préparant le règne de VAiite-Christ.
G. DuGAS, prêtre.
LE DIABLE
^^U XIXe SIECLE
^ OU LES MYSTERES DU SPIEITISME
MAGNÉTISME OCCULTE, CABALE MODERNE
MAGIE DE LA ROSE -CROIX
PALLADIUM E.\ N/., THEURSIE 0PTIMAT3, PRATIQUES SATANIQUES ,etc„
RÉCITS D'UN TÉMOIN
Par le Docteur BATAir<L.I]
Parait une livrasion chaque mois de 80 pages in-4, illustrées,
Six Iwraisons sont en vente. V ouvrage en contiendra environ douze.
Prix pour chaque livraison ... 25 centiuN
AVANT-PROPOS
Coulideuces d'un Occultiste
Médecin de la Compagnie des Messageries Maritimes, sur les
paquebots de laquelle j'ai fait la plus grande partie de ma carrière
et passé tout au moins ma vie entière d'âge mûr, je me trouvais
en 18'>Û sur la ligne de Marseille au Japon.
Le lecteur connaît ces admirables œuvres de l'industrie mari-
time française, ces bateaux qui ne mesurent pas moins de 152
mètres de long sur 14 et même 1 5 mètres de large, et dans lesquels
rien ne manque au point de vue du confort et de la sécurité des
passagers. Ce sont de véritables hôtels flottants, de colossale di-
mension, possédant toutes les commodités des hôtels ordinaires
de terre, et à bord desquels on se doute souvent à peine que l'on
navigue en plein Océan, tant leur stabilité est grande et tant leurs-
mouvements sont doux.
Cette courte description permet de comprendre l'affluence vrai-
ment extraordinaire des passagers de tous pays et de toute sorte
qui s'y rencontrent, s'y coudoient, s'y connaissent aujourd'hui,
aux hasards d'une traversée, ou s'y oublient demain dès le débar-
quement, au terme du voyage.
Soldats allant au Tonquin pour la conquête de la terre et des
corps, missionnaires les précédant ou les suivant pour la conquête
d'âmes à Dieu, fonctionnaires de toute sorte, gens de toute natio-
nalité, tels sont les passagers irréguliers et intermittents de cette
ligne, qui passent une fois et ne reviennent guère. Mais, par contre,,
il en est d'autres que l'on revoit périodiquement, que l'on retrouve
toujours les mêmes, et avec lesquels à la longue une sorte d'inti-
mité s'établit.
LE PROPAGATEUR 135
Ceux-ci, le maître-d'hôtel, qui les reçoit à leur arrivée à bord,
les reconnaît et les salue d'un signe de tête respectueusement
familier ; à peine installés, ils vont tout de suite rendre un bout
de visite aux officiers qu'ils connaissent, au docteur plus particu-
lièrement, que sa spécialité et la liberté dont il jouit mettent
encore plus en rapport avec eux. De ce nombre, sont les gros
acheteurs de bibelots d'Extrême-Orient, et surtout les graineurs,
voyageurs et représentants des grandes maisons de soie, des gran-
des filatures d'Italie, qui, toutes les années, aux mêmes époques,
montent au Japon acheter pour le compte de leurs m.aisons les
graines ou oeufs de vers à soie, ainsi nommées à cause de leur
aspect, et qu'ils rapportent, soigneusement collées sur des cartons
étages les uns sur les autres, au moyen de supports qui les sé-
parent dans les grandes caisses arrimées aussi avec le plus grand
soin. Ces graineurs et leur chargement constituent une riche cli-
entèle pour la Compagnie, dont ils sont en quelque sorte les
habitués réguliers.
Une rapide énumération des escales par lesquelles le Courrier
de Chine passe et auxquelles il s'arrête, et le lecteur aura toutes les
données nécessaires pour comprendre l'important récit qui suivra.
Partant de Marseille, le paquebot s'arrête, ou du moins s'arrê-
tait à l'époque, à Naples, Port-Saïd, Suez, Adeu, Pointe de-Galle ;
là, il trouve une annexe qui prend ses marchandises et ses passa-
gers à destination de Pondichéry, Madras et Calcutta ; puis, il
continue sa traversée pour Singapore, passant près de l'archipel
de Java, les Célèbes, les Moluques, pour s'arrêter à Saigon et
suivre pour Hong-Kong, Shang'-Haïet par annexe encore de Hong-
Kong à Yokohama.
Or donc, j'étais à ce moment le médecin de VAnadyr^ un des
beaux spécimens de la flotte de la Compagnie ; le paquebot rentrait
de Chine en pleine mousson de Surouâ, c'est-à-dire en juin. Nous
étions arrivés le matin à Pointe-de-Galle, au sud de l'île de Ceylan,
cette admirable partie de l'Inde où la tradition orientale place le
paradis terrestre, dont, par lenr faute, pour avoir suivi la mauvaise
inspiration du démon, nos premiers parents, Adam et Eve, furent
chassés (1).
(1) En réalité, remplacement du Paradis terrestre est resté en discussion. La
Genèse (chap. ii, v. 10-14), rapporte qu'il était arrosé par quatre fleuves : le
Physon (Oyras), le Géhon (A., axe), l'Euprate et le Tigre. La plupart des Orien-
taux le placent dans l'ile de Ceylan. si merveilleuse comme nature, aujourd'hui
encore un des plus beaux pays du globe. Quelques auteurs l'ont cherché dans
la Palestine. Hupt dit au'il était situé dans la région où se joignent 1*^ Tigre et
l'Euphrate, près du golphe Persique. EnQn, un grand nombre de théologiens
pensent que son emplacement se trouvait dans la région où naissent ces deux
fleuves en Arménie, près du mont Ararat. ~ L'origine de la tradition orientale
paraît être l'existence du fameux Pic d'Adam, haute montagne de l'ile de Ceylan,
pic qui a 2,262 mètres d'altitude, et où l'on voit, sur une pierre, au sommet, une
trace de pied gigantesque, que les Cynghalais ont de tout temps attribuée au
premier homme. Il est bon d'ajouter que les Indiens disent, de leur côté, que
celte tiace provient de Bouddha, qui, après ses métamorphoses, s'envola de là
pour aller au ciel. Quand aux rares chrétiens du pays, ils croient que cette
empreinte a été laissée pir saint Thomas. Le Pic Adam, très vénéré, se trouva
ainsi être un lieu de pèlerinage pour trois religions.
136 LE PROPAGATEUR
Paresseusement étendu sur ma chaise longue, à l'arrière du
paquebot, je songeais précisément à toutes ces curieuses phases
de l'histoire de l'humanité primitive, avec ses catastrophes, ses
événements étranges, surnaturels, — témoins peut-être, pensais-je,
de la lutte entre l'archange, chef des milices de Dieu, et l'esprit
du mal, — lorsque je vis s'approcher de moi le premier maître
d'hôtel, sa casquette à la main, qui me dit :
— Docteur, les passagers de Galle montent à bord.
Je dirai, entre parenthèses, que, à toutes les escales, le docteur,
sans en avoir l'air, inspecte un à un les nouveaux passagers, afm de
signaler au commandant ceux qu'il reconnaît à première vue trop
malades pour supporter la traversée, de telle sorte que, d'accord
avec l'agent, le commandant puisse s'opposer à leur embarquement.
Au moment même où le maître d'hôtel me parlait, et alors que
j'allais me lever, je me sentis frapper par derrière, sur l'épaule,
un petit coup familier.
Je me retournai, et comme je ne reconnaissais pas tout de suite
l'homme, il s'en aperçut, et, avec une légère contraction de con-
trariété du sourcil, rapide, mais que je remarquai néanmoins, se
nomma :
— Gaétan 0 Garbuccia.
Tout aussitôt, la mémoire me revint.
— Eh ! fis je, excusez-moi, je vous en prie, mon cher monsieur
Garbuccia ; mais je ne vous remettais pas...
— Ah ! c'est que j'ai, en effet, bien changé depuis la saison der-
nière, reprit-il.
Et sur sa figure passa instantanément comme le reflet d'une
immense douleur profondément coaitenue.
— Mais non, mais non, fis-je avec cette bonhomie un peu vague
et amicale du médecin qui cherche quand même à rassurer
d'abord tout le monde.
En vériié, mon homme était, ma foi, horriblement changé ; et
j'avoue que, s'il ne m'avait pas dit son nom, je ne l'eusse certaine-
ment pas reconnu. Je le regardais, silencieux, me rappelant main-
tenant ce gaillard grajid et solide, cette manière d'hercule, aux
traits vigoureux, aux yeux et à la chevelure noirs, avec son nez
busqué d'un audacieux dessin et sa grande bouche, l'homme aux
cravates rouges enfin ei aux gilets bleus, aux pantalons à pied
d'éléphant, aux monstrueuses breloques; le véritable Italien de
corps et de costume que j'avais connu quelques voyages aupa-
ravant etqui m'avait donné, je me le rappelais bien à présent, tant
de tintouin, au cours de la dernière traversée qu'il avait faite
avec moi.
Tous les malheurs lui étaient arrivés, en effet, comme par un
hasard inexplicable. Il avait eu, d'abord, une violente attaque de
coliques néphrétiques ou coliques de miserere, qui l'avait tenu
huit jours couché dans sa cabine, en proie à d'épouvantables dou-
leurs ; puis, le jour niême de sa première montée sur le pont, une
poulie, chose qui n'arrive jamais, lui était tombée sur l'épaule, et
il avait fallu vraiment sa force et sa résistance extraordinaire pour
LE PROPAGATEUR 137
qu'elle ne la lui eût pas brisée ; enfin, un soir, en descendant en
cuFieux visiter la machine, il avait dégringolé tout de son long,
dans la cage de fer, d'où on l'avait relevé avec je ne sais plus
combien de contusions : c'était vraiment, on l'avouera, jouer de
malheur. Et, pendant que rapidement devant moi défilaient ces
souvenirs, je voyais, devant moi aussi, l'ancien hercule, mainte-
nant amaigri, dèjeté, blanchi, presque un vieillard, l'aspect mé-
lancolique et douloureux, la voix blanche et tremblée, contrastant
singulièrement avec l'ancien clairon qu'il possédait dans le larynx,
avec lequel il riait si fort, sacrant et jurant à pleine voix, à s'en
boucher les oreilles, et à s'enfuir d'épouvante et de scandale.
Quelques mois avaient sufB, et le joyeux drille était devenu
un squelette. Que pouvait-il s'être passé, pour amener un tel
changement ? j'en demeurais abasourdi. ..Et lui, dans ces rapides
moments, me regardait aussi, me disant enfin :
— Ah ! mon bon docteur, vous n'êtes pas changé, vous ! et du
plus loin que je vous ai aperçu, à plus de cent mètres du bord,
je vous ai tout de suite reconnu. Gela m'a fait plaisir ; je vous
dois tant de reconnaissance ; et qui sait ? c'est peut-être la Pro-
vidence qui vous met encore une fois sur mon chemin !...
Il hésitait en disant ces dernières paroles, qui semblaient sortir
péniblement et comme en un gros effort.
J'avoue que véritablement j'étais intrigué, et je ressentais en
moi un sentiment que je m'explique moi-même difficilement,
sentiment fait de commisération plus grande peut-être que d'ha-
bitude, et d'une curiosité qui s'allumait et me surprenait, moi en
général assez indifférent et blasé par profession.
— Mais, au fait, lui dis-je, expliquez moi donc comment il se
fait que je vous trouve cette fois venant de Calcutta ? Vous n'ap-
partenez donc plus à la grande compagnie de soie VAratria ?
Ce détail me revenait, en efi"et, tout à coup à la mémoire. Les
graineurs de vers-à-soie n'ont aucune raison pour se détourner
de leur route, transborder, et aller à Calcutta, où ils n'ont rien
à faire.
— Ah 1 me répondit-il en soupirant, tandis que son œil fi.xé sur
le pont, mélancolique, semblait perdu dans ses réfiexions ; ah !
vous ne savez donc pas, docteur ?...Ah ! que d'ennuis, que de
chagrins depuis la saison dernière !...
Et, comme je paraissais étonné :
— Oui, continua-t-il, ce sont ces maudits Japonais, qui, malicieux
comme des singes, ont eu l'idée de se passer d'abord de notre
intermédiaire et même ensuite de celui de nos maisons. Depuis
longtemps déjà, ils sont venus eux-mêmes offrir et vendre leurs
marchandises, leurs graines, qu'ils apportaient, se faisant ainsi
directement courtiers-graineurs, et cela, bien entendu, vous le com-
prenez, au détriment de votre serviteur et Je ses collègues. Du
coup, nous avons presque tous perdu nos situations acquises par
vingt années de travail, et moi, dans cette affaire, j'ai été plus
particulièrement touché. Ma compagnie m'avait conservé, bien
entendu avec une grosse diminution d'appointements ; mais cela
138 LE PROPAGATEUR
allait encore, parce que, profitant des bonnes années j'avais su éco-
nomiser et laisser dans la maison une centaine de mille francs, dont
elle me servait un bon intérêt. Patatrac ! voilà que tout à coup
mes Japonais se mettent à faire concurrence directe à nos patrons,
à nos compagnies ; ils viennent établir, en Italie môme, des mai-
sons concurrentes, et assassinent le marché par des rabais extra-
ordinaires... Là-dessus, c'était fatal, en deux saisons, faillite sur
faillite ; les unes après les autres, les compagnies italiennes fer-
ment leurs comptoirs, suspendent leurs paiements, et, du jour au
lendemain, je me trouve pris dans la faillite de VAralria^ qui laisse
un passif énorme, cinquante à soixa-nte millions. ..Ruiné, docteur !
ruiné du jour au lendemain, je le répète, et obligé, à quarante-
cinq ans, de recommencer toute ma vie !
Et, en racontant, Garbuccia secouait la tête lamentablement,
courbant les épaules, comme si un poids considérable eût pesé
sur elles.
— Alors, continua-t-il, j'ai du me débrouiller comme j'ai pu, et
je suis entré dans une maison de bibelots. ..Je voyage maintenant
dans l'Inde pour y chercher les étoffes, les cuivres, en un mot^
les différentes curiosités du pays.. .Mais cela ne va pas ; on ne dé-
couvre plus rien, tout est vieux, connu, archiconnu ; et j'ai grand'
peur de trouver, en rentrant, ma nouvelle maison en liquidation
aussi. Alors, ce sera encore une fois à recommencer...
A ce point de son récit, Garbuccia s'arrêta, hésitant ; il semblait
qu'il avait encore quelque chose à dire, mais qu'il se demandait
s'il ne devait point plutôt en rester là...
Je comprenais maintenant les changements physiques survenus
chez Garbuccia. Cet homme, que je connaissais matériel avant
tout, jouisseur, si on peut se servir de ce terme, s'était écroulé
lorsque le côté matériel de la vie, "l'argent, lui avait fait défaut ;
n'ayant ni famille, ni femme, ni enfants, ni affection quelconque,
il errait à présent comme une âme en peine, et voyait la misère
peut-être, l'horrible misère, approcher pour saisir le vieillard. Et
voilà, pensais-je, à quelle situation aboutit la vie, lorsque l'on ou-
blie l'âme pour ne penser qu'au corps. ..J'avoue que j'étais, sinon
ému, du moins saisi du spectacle de cet écroulement.
— Ah ! mon cher monsieur Garbuccia, lui dis-je, je vous plains
bien sincèrement, et de tout mon cœur...
— Je le sais, docteur, interrompit-il,; et si je me suis laissé aller
ainsi devant vous, c'est que vous me connaissez bien, c'est que
vous m'avez si bien soigné, et que j'ai pour vous, croyez-le bien,
une très grande estime et une très grande sympathie.
— Je comprends maintenant, repris-je, que vous avez un peu
changé ; il y a en effet, de quoi bouleverser un homme ; perdre
comme cela d'un coup et fortune et situation, c'est dur !...
— Ah ! interrompit-il encore une fois, mais à demi-voix, et ea
regardant tout autour de lui de peur que quelqu'un n'entendit...
Ah !...s'il n'y avait que cela !...
— Mais qu'y a-t-il donc encore, monsieur Garbuccia ?
Vraiment, je ne comprenais plus.
LE PROPAGATEUR 139
Il fit un violent effort, releva la tête, passa sa main sur son front
comme pour en chasser les idées noires qui l'obsédaient ; puis il
balbutia :
— Non, je n'ai'rien dit, je me suis trompé... Pardonnez-moi,
docteur, je rêvais... D'ailleurs, fit-il plus lentement et comme re-
pris de la pensée qui le hantait ; d'ailleurs, vous ne comprendriez
pas !...
Ace moment, notre conversation fut interrompue ; des gens
allaient et venaient sur le pont ; je quittai donc mon homme pour
aller inspecter mes passagers, en lui disant :
— A ce soir, monsieur Garbuccia, à ce soir.
h'Anadyr devait précisément partir le soir même, tard, dès que
l'on aurait fait le charbon. Un instant encore, je pensai à Garbuc-
cia, en le regardant descendre, voûté, par l'échelle des premières.
Puis, je repris, comme d'habitude, le cours de mes occupations.
L'embirquement du charbon, la nuit, à bord d'un paquebot,
est un tableau curieux, mais sale et bruyant. Une poussière abo-
minable et noire, qui pénètre, tant elle est fine, jusque dans les
tiroirs des meubles, se répand dans toute l'atmosphè'e, pendant
que le bruit du charbon qui tombe dans les soutes résonne sans
discontinuer, faisant en quelque sorte vibrer tout entier le biteau
en fer. Cela est parfois insupportable, insoutenable, suri ont dans
ces parages de l'Inde où il fait une chaleur humide constante et
où la quantité d'électricité répandue dans l'air vous énerve déjà
à votre insu. Il y a là de quoi rendre malade et surexciter les nerfs
de bien des gens, pour peu qu'ils soient un peu prédisposés. Heu-
reusement, cela ne dure que quelques heures. Quoi qu'il en soit,
la nuit du charbon est une nuit perdue pour le sommeil.
La fin de la journée s'était écoulée monotone ; peu de passagers
avaient paru au dîner du soir, et je n'avais plus revu mon Gar-
buccia. Vers les huit heures, les mahonnes, bateaux à charbons,
avaient accosté le bord, et l'embarquement avait commencé. Moi,
pour échapper autant que possible à la poussière, je me réfugiais
en ces occasions sur la passerelle, qui est en général élevée au-
dessus du pont, où l'on a plus d'air que sous les tentes de l'arrière,
et où l'on a de plus le grand avantage d'être seul, et de pouvoir s'é-
tendre à sa guise dans son fauteuil.
J'étais donc sur la passerelle ; il pouvait être environ onze
heures, et je rêvais éveillé, essayant, au milieu du bruit affreux,
de faire comme tous les soirs la récapitulation mentale des faits
de ma journée. Justement, j'en arrivais à l'incident Garbuccia,
lorsque mon infirmier parut en haut de l'échelle, me disant :
— Docteur, un passager vous demande ; il m'a dit de vous don-
ner son nom, M. Cnrhuccia, que vous connaissez, prétend-il...
Je fis un haut le-corps dans mon fauteuil ; la bizarrerie de la
coïncidence me frappa. Décidément, pensai-je, ce Garbuccia me
hanta aujourd'hui d'une façon singulière.
— Bien, fis-je à l'infirmier, j'y vais.
On a beau faire et beau dire, il y a des choses qui doivent arri-
ver. En vertu de quelle loi, de quelle volonté de la Providence T
140 LE PROPAGATEUR
Cela est difûcile à comprendre et à déterminer. Mais, vraiment,
j^étais pour l'instant, à mille lieues de me douter de ce que j'allais
apprendre et des conséquences qui allaient en résulter pour moi.
Je me levai et descendis sur le pont et de là dans la batterie, où
mon infirmier m'attendait pour m'indiquer le numéro de la ca-
bine occupée par le passager malade : le numéro 27-28. Je m'y
rendis immédiatement.
Carbuccia était assis sur la couchette supérieure ; car les cabi-
nes de première classe contiennent deux couchettes seulement,
superposées l'une sur l'autre. Il faisait dans la cabine une chaleur
insupportable, le sabord étant fermé à cause de la poussière ; on
embarquait justement le charbon de ce côté-là, et la roulée des
morceaux contre la tête des manches de descente dans les soutes
laissait entendre une musique enragée. Carbuccia se tenait la
tête des deux mains.
— Ah ! béni soyez-vous, docteur 1 s'écria-t-il du plus loin qu'il
m'aperçut ; venez à mon secours, ma tête éclate, je suis horrible-
ment énervé...
Et tout à coup il se mit à fondre en larmes.
— Voyons, voyons monsieur Carbuccia, fls-je ; vous savez bien
que c'est le charbon, et puis l'électricité de l'air ; cela fait tou-
jours cet etfet là. Dans une heure, tout sera termmé, nous serons
à la mer, on respirera.
Mais lui ne m'écoutait pas ; il pleurait de plus belle, répétant :
— ^^Que je suis donc malheureux ! que je suis donc malheureux 1
Décidément, il y avait chez mon Italien quelque chose de grave
sous roche et autre chose encore que ce qu'il m'avait dit. Je me
demandai rapidement :
— Dois-je comme médecin chercher à savoir, aller plus loin,
provoquer des confidences ? ou faut-il simplement passer outre,
ordonner un calmant quelconque, et ne plus m'occuper que du
malade et non de l'homme ?...Baste, pensai-je, dans quelques
jours, il débarquera, et qui sait si, étant donné l'état dans lequel
il me parait, je le reverrai jamais ?...
On eût dit qu'il devinait ce que je roulais dans ma tête ; car,
brusquement, il sauta en bas de sa couchette, vint à moi, et, me
serrant les mains dans les siennes que je sentis brûlantes :
— Docteur, docteur, balbutia-t-il, ne m'abandonnez pas!...
Vous avez toujours été bon pour moi, je n'ai que vous à qui je
puisse me confier dans la situation où je me trouve ; je vous dirai
tout, mon cœur déborde, j'ai besoin de parler, de m'épancher, de
dépeindre à quelqu'un toute l'horreur de ma situation. ..Voilà
huit jours que je me consume à petit feu, que je me dévore ; je
sens que, si je ne parle pas, je deviendrai fou...
Et il m'embrassait les mains, qu'il inondait de ses larmes.
— Voyons, voyons, monsieur Carbuccia, dis je alors ; voyons,
voyons, calmez-vous.. .Tenez, voulez-vous ? montez avec moi sur
la passerelle ; nous y serons bien seuls, bien à notre aise ; le grand
air dissipera votre mal de tête, et vous serez plus calme pour causer.
Certes, je commençais à être sérieusement inirigaé j je ne sais
LE PROPAGATEUR 141
quel instinct secret me poussait aussi' à écouter cet honame et me
disait que de cette conversation sortirait pour moi quelque chose
d'inattendu et de grave importance.
Nous montâmes sur le pont et de là sur la passerelle, lui me
suivant, la tête penchée, comme abîmé dans ses reflections. Ar-
rivé là, je le priai de s'asseoir à côté de moi sur ma chaise longue,
qui nous servait de canapé.
— Et maintenant, lui dis-je, que nous sommes seuls, monsieur
Garbuccia, racontez-moi, librement, tout ce que vous voudrez ;
cela vous soulagera, cela vous fera du bien ; d'ici là, le charbon
sera terminé, et vous irez vous coucher bien tranquillement.
Il eut comme un frémissement, un frisson général de tout l'être ;
puis, me regardant bien en face, il me dit à brûle-pour-point :
— Aurez-vous le courage, mon bon docteur, d'écouter jusqu'au
bout un homme décidé à tout dire ?
— Ma foi, répondis je en riant et croyant qu'il faisait simple-
ment allusion à la longueur quelconque d'un récit de ses revers
de fortune qu'il allait m'entreprendre, ma foi, oui. ..Vous n'en
avez pourtant pas jusqu'à l'aube ?
— Peut-être bien, fit-il, et peut-être davantage.
— Bigre ! repliquai-je sans pouvoir retenir cette exclamation...
Enfin, allez-y toujours.
Alors, après un nouveau frisson, une courte hésitation comme
la dernière trace d'une lutte intérieure qui se livrait en lui :
— Docteur, fit-il eu se levant tout à coup, docteur, je suis
damné !...
Et, poussant un soupir prolongé, il chancela sur ses jambes,
prêt à se trouver mal. J'eus juste le temps de le retenir. Encore
une fois, ses larmes débordèrent, le suffoquant. Je le couchai sur
la chaise longue, et il resta là un moment, étendu, comme sans
connaissance, avec des sanglots contenus dans la gorge.
Moi, je le regardais, ne pensant même plus à la syncope ; j'étais
littéralement abasourdi... Garbuccia, le sceptique, l'athée Garbuc-
cia, racontant qu'il était damné, et se trouvant mal à cette idée et
à cet aveu, voilà par exemple qui me surpassait !... Gomment I cet
homme qui, il y a quelque temps à peine, ne croyait ni à Dieu
ni à diable, avec lequel j'avais eu, sur des questions religieuses
et de foi, des conversations dans lesquelles il s'était toujours mo-
qué de moi et m'avait doucement raillé de ce qu'il appelait ma
superstitieuse crédulité, cet homme se disait damné ?.. .Décidé-
ment, ou il était subitement devenu fou, — on a vu de ces exemples,
— K)u bien alors il s'était réellement passé en lui des choses extra-
ordinaires. Le cas devenait intéressant pour le médecin, et je me
promis de provoquer maintenant ses confidences et de tout savoir,
pensant avoir affaire à un beau cas de suggestion et à une belle
observation d'hallucination démoniaque à publier dans les jour-
naux de médecine. Mais je n'eus pas à l'interroger. Presqu'aussi-
tôt il revint à lui, calmé par cette dernière crise, les nerfs déten-
dus, absolument décidé, cela se voyait dans son regard.
— Vous me croyez fou, n'est-ce pas, docteur ? articula-t-il très
nettement.
142 LE PROPAGATEUR
Et, comme je ne répondais pas :
— Je l'étais, poursuivit-il, mais maintenant je ne le suis plus.
Vous m'avez connu fou ; à présent, trop tard malheureusement
pour moi, je suis sage, puisque je me rends .compte de ma folie
de jadis ; et, je vous en prie encore, écoutez-moi... Tenez, ajouta-t-il
en me tendant son bras, vous pouvez prendre mon pouls, vous
verrez si je suis calme.
Et il commença :
— Vous savez, mon bon docteur, quel métier je faisais; nous
nous sommes assez souvent vus, et je vous dois assez de reconnais-
sance pour ne rien vous cacher. Un jour, il y a de cela cinq ans,
à bord de ce môme Anadyr sur lequel nous sommes, un de mes
collègues me dit :
" — Ah ça 1 diable, Carbuccia, mais vous n'êtes donc pas maçon ?
" — Maçon, qu'est-ce que c'est que cela ?
" — Eh ! mon cher, maçon, franc maçon I
" — Ah ! non, par exemple !...Ge sont des farceurs, paraît-il, que
tous ces gens-là, et je n'ai pas envie..."
Mon camarade m'interrompit :
" — Vous avez tort, Carbuccia, de parler comme cela des choses
que vous ne connaissez pas. La maçonnerie est une institution
des plus sérieuses et j'ajoute des plus indispensables pour ceux
qui, comme vous, voyagent et ont besoin, dans tous les pays du
monde, de trouver des amis, des clients, bref, de se créer des re-
lations pour faire des affaires. "
Il se mit alors à me raconter que, dans le monde entier, la
franc maçonnerie avait des affiliés, que l'un des principes de cette
société était de se porter secours, de s'entr'aider les uns les autres,
et que rien, en définitive, n'était plus profitable que de se faire
franc-maçon.
Je l'écoutais à peine, riant sous cape de le voir si enflammé
pour cette société, et, au surplus, je refusai net de me laisser con-
vaincre, lorsqu'il m'eût dit qu'il fallait, pour en faire partie, subir
des épreuves, passer par diverses fihères, mettre en un mot un
temps infini pour arriver à des grades élevés.
Il eut beau revenir plusieurs fois à la charge, au cours de la
traversée que nous fîmes ensemble ; je finis par l'envoyer pro-
mener.
Hélas ! pourquoi n'ai-je pas persisté dans cette bonne voie ?...
Mais, voilà qu'à Naples où je demeure, et où il me quitta, je fis,
par le plus grand des hasards, connaissance d'un de mes voisins
du 25 de la strada San-Biagio de Librae, un original, du nom de
Giambattista Peisina, qui se disait et s'intitulait pompeusement,
et faussement, je le croyais au moins à cette époque : Très illustre
souverain, grand commandeur et grand-maître général, grand
Hiérophante du Souverain Sanctuaire de l'antique et primitif rite
oriental de Memphis et Misraïm... Excusez du peu !...
Et, comme je riais, moi, à l'énumération de cette charretée de
titres :
— Je riais aussi en ce temps-là, dit gravement Carbuccia, au-
jourd'hui, je ne ris plus.
LE PROPAGATEUR 143
Et il reprit :
— Peisina, il faut le dire, ne jouissait pas d'une excellente répu-
tation dans le quartier ; on ne savait pas au juste quels étaient
ses moyens d'existence ; il montait chez lui du matin au soir une
foule de gens dont la plupart avaient de bien vilaines figures ;
mais, somme toute, on ne disait pas trop grand'chose sur son
compte, comme si on en avait eu peur.
Au demeurant, Peisina, d'aspect austère et grave en apparence,
était, dans le privé, un bon vivant, ne dédaignant pas la bouteille
et ayant le mot pour rire ; il se gobergeait finement, mangeant
bien et buvant sec, à la gloire du grand architecte de l'univers,
disait-il, pour narguer les jésuites, mais eu plus qu'eux, ajoutait-il,
à sa santé. ""
Un jour, entre deux vins, je lui racontai, en manière de plai-
santerie, la tentative d'embauchage dont j'avais été l'objet de la
part de mon camarade. Alors, il devint sérieux aussitôt, reprenant
mot pour mot l'antienne de l'autre, avec les mêmes termes, les
mêmes phrases : on eût presque dit que tous deux récitaient une
leçon apprise par cœur.
Seulement il ajouta :
'' — Votre ami est un nigaud ; mais, à vous qui êtes un homme
intelligent, on peut tout dire. Nous laissons, — et il appuyait sur
le mot nous, — nous laissons dans les grades inférieurs et nous
soumettons à des épreuves les gens dont nous doutons, qui ne
paraissent pas mûrs pour la lumière ; mais vous, qui êtes mon
très illustre, très recommandable et très génial ami, je vous le
dis, sous le sceau du secref, si vous le désirez, je puis, moi, en
qualité de très illustre souverain grand-maîlre (ici toute l'enfilée
de titres qu'il débita sans reprendre haleine), je puis, moi, d'un
seul coup, vous initier à un degré très avancé de nos sublimes et
impénétrables mystères '....Voulez-vous la troisième classe et être
trente-cinquième ? fit-il en passant la main dans sa barbe.
'' — Ma foi, oui, fis-je sans même réfléchir ; ma foi, oui.
Gela m'avait en quelque sorte échappé. Il me prit au mot ajou-
tant :
*' — Avez-vous les métaux ?
'•—Plaît-il?" fis-je.
Il reprit, scandant la phrase : " — ^Avez-vous les métaux ?
Et, comme je ne comprenais pas, il m'expliqua :
" — Cela vous coûtera deux cents francs. ..Vous comprenez?
fit-il, les frais de diplôme, le tronc de la veuve, la maçonnerie
avant tout société de bienfaisance, centralisant l'argent pour des
<Euvres..." et autres phrases en baudruche, dont il avait plein la
bouche.
" — Et pour deux cents francs, alors, je serai d'emblée, comment
dites-vous ?.. .trente-cinquième ?...Je saurai tous les secrets ?...
" — Parfaitement, répliqua Peisina ; et vous aurez le titre de
-Grand Commandeur du Temple. "
Je ne savais pas au fond si je devais rire ou me fâcher. Mais
qu'était-ce que l'argent à cette époque pour moi ?...Je me dis :
144 LE PROPAGATEUR
Qu'est-ce que tu risques après tout ? Deux cents francs, ce n'est
pas trop cher vraiment, même si tu es mystifié... Séance tenante,
nous nous rendîmes chez Peisina ; et là, dans une sorte de salon
spécial, il m'apprit à marcher, à faire les gestes et à prononcer
différents mots et différentes phrases, tous ces fameux secrets de
jadis, aujourd'hui secrets de polichinelle ; et, en fin de compte, il
me délivra un diplôme, signé de son plus beau parafe, ainsi que
les insignes de mon grade.
En deux heures à peine, j'étais un Grand Commandeur des plus
initiés.
Il est facile de voir par là que ce Giambattista Peisina était un
malin, qui avait trouvé le moyen de se faire de bonnes petites
rentes, grâce à ce commerce de diplômes maçonniques ; mais, il
était réellement un des gros bonnets de l'association, et il avait
vraiment le droit de conférer des grades, même sans les épreuves
usuelles.
J'étais donc parfaitement initié ; le signor Peisina m'avait fait,
à plusieurs reprises, répéter mots, gestes et marche, afin que je
n'eusse pas l'air trop emprunté lorsque je voudrais m'en servir.
'' — Et maintenant, ajouta-t-il, lorsque tout fut fini, moyennant
un abonnement de quinze francs par an, que vous paierez en
qualité de membre actif de l'Aréopage de Naples, je vous com-
muniquerai régulièrement les mots d'ordre et de passe qui vous
sont indispensables, et vous pourrez ainsi vous présenter partout
comme membre de nos illustres loges, chapitres et conseils philo-
sophiques. "
J'étais, je vous l'avoue, enchanté, et lui aussi, paraît-il.
Et me voilà allant dans les temples interdits aux profanes, fré-
qAientant les frères ; et ma foi, j'ai vu chez eux des choses amu-
santes, cocasses mêmes ; j'y ai fait d'innombrables connaissances
très distinguées, dont la plupart ont fini par m'emprunter de
l'argent, qui, par parenthèse, ne in'a jamais été rendu. Quant à
avoir fait des affaires grâce à la maçonnerie, ça, c'est une autre
paire de manches !...
Mais voilà qu'un jour, je me le rappelle comme si c'était hier,
un collègue, maçon d'une loge de Calcutta, mais qui avait été
initié au rite de Memphis, à Withinglon, près de Manchester, en
Angleterre, me témoigna son éto^nement de ne pas me voir croître
en grades et en sagesse maçonniques, suivant le jargon en usage,
et de me retrouver toujours simple Grand Commandeur du Temple,
lorsqu'il y a tant d'autres grades des plus intéressants à conquérir.
En deux mots, il réussit à piquer ma curiosité, et cela, avec des
phrases apprises comme une leçon, je l'ai compris depuis lors,
des phrases faisant partie, comme celles de mon autre camarade
et de Peisina, d'un tout, f''une sorte de boniment, d'attrape-nigaud,
soigneusement étudié et fait dans le but de faire des recrues et de
stimuler les gens qui désirent s'initier davantage.
Quoi qu'il en soit, il réussit à me faire tomber dans son panneau,
en me parlant de scéances extrêmement curieuses, auxquelles on
peut assister dès que l'on passe dans la maçonnerie cabalistique
ou maçonnerie occulte.
LE PROPAGATEUR 14i
Le boniment est tellement bien fail, qu'il devient pour vous
obsédant, qu'il hante votre cerveau. En fin de compte, je fas pris
et me laissai attraper comme bien d'autres l'ont été avant moi,
comme bien d'autres le seront encore après ; et me voilà aspirant
à la connaissance de nouveaux secrets.
Du reste, je dois dire que mes nouveaux frères cabalistes ne
m'ont pas laissé trop attendre. On m'a fait grâce des initiations
aux 36e, 37e, 38e et 39e degrés, et je fus reçu d'emblée au quaran-
tième grade, Sublime Philosophe Hermétique. Il est vrai que, bien
que n'ayant subi que les épreuves de ce dernier grade, j'avais, par
contre, subi toutes les épreuves à ma bourse ; et, comme me
l'avait fait déjà pressentir Peisina, on m'avait fréquemment de-
mandé si j'avais les métaux ?...et on s'était assuré que je les avais.
Dire que je donnais l'argent avec plaisir, serait exagérer. Les
affaires alors allaient déjà mal, la roue de la mauvaise fortune
commençait à tourner, les premières secousses de la catastrophe
finale étaient pressenties par moi ; et comme à chaque grade
nouveau il s'agissait d'assez fortes sommes pour frais de diplômes,
de tronc des œuvres, etc., etc., vous voyez, docteur, que, si j'ai
mal tourné, j'y ai mis le prix. Je protestais donc chaque fois dans
mon for intérieur ; mais, que voulez-vous ? une fois engrené dans
la machine, une fois le doigt pris, le corps y passe, et l'âme avec
naturellement ; il semble que c'est comme au jeu, plus on perd,
plus on s'acharne à la déveine, plus on s'enfonce ; quelque chose
de maudit vous cloue à ce tapis vert, que l'on sait très bien être
le linceuil de votre ruine, de votre désespoir et de votre infamie...
Carbuccia m'avait fait cette première partie de son récit, tout
d'une haleine, tout d'un trait, ei sans fatigue apparente ; il avait,
on eût dit, retrouvé pour un instant sa voix sonore et claire, qui
m'arrivait en plein dans l'oreille au milieu du fracas assourdissant
du charbon. J'étais vivement intéressé par ces détails vivants, qui
dépeignaient si bien une société dont j'entendais souvent parler,
dont je voyais les échantillons de toute nature parmi mes passa-
gers, aux obsessions de certains desquels j'avais été moi-même
bien souvent en butte ; car on tenta maintes fois de m'embrigader.
Maintenant, Carbuccia, baissait la voix, parlant plus bas, de
peur que le vent ne transportât ses paroles et qu'une autre oreille
que la mienne pût les recueillir. Le bruit du charbon diminuait,
d'ailleurs, d'intensité.
A ma demande et à mon invitation de se reposer un instant
avant de continuer, il répondit que non, disant qu'il n'était pas
fatigué le moins du monde, et précipitant au contraire son débit,
comme s'il avait craint que nous fussions tout à coup dérangés
par quelque importun, que quelque chose d'inattendu vînt l'ar-
rêter, nous surprendre et l'empêcher d'aller jusqu'au bout.
Il s'était légèrement rapproché de moi ; et, malgré la nuit
épaisse, je voyais sa silhouette se dessiner sur le blanc de la toile
de la passerelle.
— A peine, continua-t-il, fus-je reçu Sublime Philosophe Her-
métique, que de tous côtés on m'envoya des convocations avec
1
146 LE PROPAGATEUR
prière d'assister à des réunions de sociétés plus ou moins maçon-
niques ; c'est ainsi que je fis connaissance des Frères du Palladium
Réformé Nouveau uu Société des Ré-Thé urgistes Optimates, dont
le directoire central est à Gharleston, dans l'Amérique du Nord,
sous la haute autorité du général Albert Pike. >
Gomme je manifestais mon étonnement de tous ces noms
baroques :
— Oh ! ce n'est encore rien, me dit Garbuccia, et vous n'avez
encore rien entendu. Dans le cours du voyage, nous aurons le
temps de recauser de tout cela, et je vous mettrai au courant, je
l'espère, si toutefois cela peut -vous intéresser, et si vous vous
sentez assez fort pour ne pas vous laisser tenter de connaître de
près ces niaiseries, au bout desquelles on finit par arriver à une
monstruosité.
iï — Pour cela, mon cher monsieur Garbuccia, que votre consci-
ence se rassure 1... Moi, je suis cuirassé contre ces sottises-là, et
cela m'étonnerait fort si jamais vos frères me pinçaient dans leurs
filets. Permettez-moi de vous le dire, d'ailleurs ; ils n'attrapent
jamais que les naïfs, ceci dit sans vous fâcher.
— Vouscroyezcela,moncherdocteur?... Eh bien, détrompez-vous...
— G'est vrai, aux naïfs, il faut ajouter les coquins, ajoutai-je,
mais je vous estime encore assez, monsieur Garbuccia, pour vous
classer dans la première caîégorie des victimes des sectes en
question.
Garbuccia ne répliqua pas, courba la tête, et reprit son récit :
— Ges Ré-Théurgistes Optimates tiennent des réunions palla-
diques spirites ; ils se livrent à toutes les manoeuvres défendues
par l'Eglise et à une masse d'opérations occultes : tables tournantes
et parlantes ; enfin, évocations.
Je souris légèrement à ce que je considérais comme une bille-
vesée. Garbuccia s'en aperçut dans l'obscurité.
— Ne riez pas, docteur, dit-il ; cela est plus certain et malheu-
reusement plus sérieux que vous ne le croyez et qu'on ne le croit.
Il y a, à l'égard de tous ces maléfices, un scepticisme que je m'é-
tonne de rencontrer, alors que cependant dans toute l'Europe,
dans le monde entier, il ne se passe pas un jour, peut-être pas
une heure, sans que quelque part quelqu'un ne maléficie, seul ou
en compagnie de gens comme lui abandonnés de Dieu. ..Tenez, en
ce moment, à l'heure où nous E)arlons...Mais écoutez la fin, et
vous saurez tout...
Dans la première période de ma fréquentation des réunions
palladiques spirites, j'assistai à de nombreuses évocations ; mais
je m'aperçus vite, la supercherie était d'ailleurs grossière, que les
apparitions de fantômes évoqués étaient produites par des projec-
tions assez habilement faites, mais pas assez pourtant pour que le
truc échappât à l'œil de l'observateur.
Gependant, je ne dis rien, pensant que c'était la répétition de
toutes les comédies qui m'avaient été précédemment données en
spectacle dans les loges maçonniques ; il est bon de savoir, en
effet, que les Ré-Théurgistes Optimates appartiennent presque tous
LE PROPAGATEUR 147
à la franc maçonnerie, dont les rituels ont servi de modèle à un
grand nombre des leurs ; cette secte est une autre maçonnerie,
plus occulte, plus perverse, plus criminelle que l'autre, et ayant
surtout un caractère plus nettement diabolique.
Mais, voilà qu'un beau jour, le grand-maître d'une réunion pal-
ladique, à laquelle je m'étLiis fait mscrire, me dit, alors que nous
étions en séance :
"• — Frère Carbuccia, vous vous croyez peut-être des nôtres ?
Vous vous imaginez avoir été réellement initié aux mystères de
la cabale et de la magie ?...Eti bien ! non. ..Tout ce que vous avez
vu jusqu'à présent n'était que de la fantasmagorie, de la simulation,
des chimères, des apparences vaines et trompeuses...
"—Pardon, répondis-je, je m'en étais fort bien aperçu ; mais
j'étais trop poli pour vous le dire.
" — Or ça, reprit le grand-maître, nous vous avons étudié avec
soin, depuis que vous nous fréquentez, et nous comprenons que
vous êtes un homme sur qui l'on peut compter. ..Nous allons donc
aujourd'hui vous donner la véritable initiation des Mages. \'ous
êtes digne de pénétrer nos arcanesetde voirfaceàface la réahté...
Vérifiez vous-même la salle maintenant ; aucun appareil n'est
dissimulé, vous pouvez le constater. "
Et l'on me fit faire une visite minutieuse du local.
Alors, après toute une séance de spiritisme, en dernier lieu, oa
évoqua Voltaire et Luther. A un moment donné, dans le silence
de l'obscurité, je vis très distinctement deux silhouettes, comme
des ombres, comme des fantômes, apparaître, aller et venir dans
la salle au milieu de nous, à peu de distance du sol, sans le tou-
cher ; mais ces esprits ne répondirent pas aux questions que le
grand-maître leur adressait et s'évanouirent, s'effaçant graduel-
lement comme une vapeur légère, ainsi que, du reste, ils étaient
apparus.
Je fus assez vivement impressionné, et, cependant, au fond, je
doutais encore. Les trucs n'avaient-ils pas été mieux dissimulés
que d'habitude ? Voilà ce que je me demandais... J'assistai ainsi à
de nombreuses évocations du même genre, et toujours d'êtres
humains trépassés.
Je finis, je dois le dire, par prendre l'habitude de ces coupables
pratiques ; j'essayai de me bien pénétrer de toutes les cérémonies
d'invocation, de toutes les formules, et puisque, pensai-je mes
frères en théurgie ont le pouvoir d'évoquer des trépassés, de
conjurer des sorts, je vais à mon tour me servir de ces moyens,
pour essayer de rétablir ma fortune, devenir riche, être heureux.
Cependant, tout cela avait un peu ébranlé mes convictions
d'athée, de libre-penseur, d'homme ne croyant à rien. S'il y a
réellement quelque chose après^ me disais-je, n'y aurait-il pas
réellement aussi, comme l'affirment les catholiques, un enfer, et
par conséquent un Dieu bon et miséricordieux, mais terrible aussi ?
Alors ?...Mais quel est le roi du ciel et quel est le roi de l'enfer?...
Cela ne m 'apparaissait pas bien clairement, à raison surtout des
thèses étranges que j'avais entendu soutenir par les conférenciers
de nos sociétés d'occultistes. (à suivre)
LE
--]\f]\T
DE LA CAMPAGNE
COURS D'INSTRUCTIONS SIMPLES ET PRATIQUES
POUR LES MISSIONS, LES RETRAITES LES CONGRÉGATIONS
L'ADORATION PERPÉTUELLE ET LA PREMIÈRE COMMUNION
Par I^'ABBÉ JOÏJVE
Ancien miasionnaire apostolique à Notre-Dame du Laus
Actuellement curé archiprêtre à Savines (Hautes - Alp s)
EDITION REVUE, CORRIGÉ ET ACGMEXtSe
4 volumes in-12. Prix : 83.50 réduit à S1.75
li'artiele qni sait est extrait de ce livre.
MARIE MERE DE DIEU
Qui creavit me requievit in taber-
naculo meo.
Celui qui m'a créé a reposé dans
ma demeure. (Ecclesiast., xxiv, 12.)
Pourquoi ce concert unanime de tous les siècles et de tous les
peuples pour honorer la sainte Vierge Marie? Il est question d'elle
dès le berceau du genre humain. Dieu console nos premiers parents
en leur annonçant Marie dans cette femme qui devait un jour
écraser la tête du serpent, c'est-à-dire vaincre le démon. Elle est
annoncée par un grand nombre de tigures de l'ancienne loi ; elle
est prédite par les patriarches et les prophètes, et avant d'être
honorée par les disciples de l'Evangile, par les chrétiens, elle reçoit
des hommages même chez les païens qui élevaient un autel à la
Vierge qui devait enfanter. Témoin l'église de Chartres où l'on
voit une Vierge honorée par les Druides.
Dans tout l'univers catholique on l'honore d'un culte particulier.
Partout on célèbre en son honneur des fêtes nombreuses, partout
des églises et des autels lui sont dédiés. Encore une fois, pourquoi
ce concert unanime de louanges en l'honneur de la Vierge Marie ?
Pourquoi tant de prières lui sont-elles adressées ? Pourquoi a-t-on
en elle tant de confiance ? Le voici, mes frères : Nous honorons
Marie parce que Dieu lui-même l'a honorée le premier ; c'est lui
qui Ta élevée au faîte des honneurs, au comble de la gloire en la
choisissant pour être la mère de son divin Fils. C'est ce titre qui
met la sainte Vierge au-dessus de toutes les créatures et qui lui
assure le respect et les bénédictions de tout l'univers catholique ;
disons mieux, du Ciel et de la terre. Car aucune créature n'a
jamais pu dire au Sauveur du monde : Vous êtes mon Fils, et je
vous aime comme tel; et le Sauveur du monde n'a jamais pu dire
à quelque autre qu'à la sainte Vierge : Vous êtes ma vraie Mère
et par conséquent vous êtes toute à moi comme à votre Fils unique,
X
LE PROPAGATEUE
et je suis à vous comme à la seule créature à qui je dois ma nais-
sance temporelle. — C'est de ce glorieux privilège de Marie que je
veux vous entretenir aujourd'hui afin d'accroître votre respect,
votre amour et votre confiance envers la mère de Dieu. Honorez-
moi de votre bienveillante attention.
Le moment que Dieu avait marqué de toute éternité pour la
réparation du genre humain étant arrivé, le Tout-Puissant, dit
l'Evangile, envoya l'ange Gabriel vers la Vierge Marie, fiancée à
im homme qui s'appelait Joseph, afin de lui annoncer que c'était
dans son sein virginal que le Verbe Eternel devait s'incarner, et
accomplir le grand mystère du salut, qui, depuis plus de quatre
mille ans, était l'attente et l'espérance de toutes les nations. Le
messager céleste étant entré dans la modeste habitation où elle
■était en prières, lui dit en s'inclinant respectueusement: Je vous sa-
lue, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes.
Marie, à cet éloge inouï, ne sait plus ce que signifie un tel salut ;
sa modestie se trouble, sa pudeur s'alarme. Ne craignez point, lui
dit aussitôt l'envoyé du Ciel; je viens vous annoncer que vous
avez été choisie pour être la mère du Messie, du grand libérateur
du genre humain. — Marie a fait vœu de virgi.iité perpétuelle. Elle
ne veut point manquer à sa promesse. Cette vertu lui est plus
chère que le titre de mère de Dieu qu'elle va acquérir. Aussi,
avant de donner son consentement elle veut avoir l'assurance que
sa virginité ne souffrira aucune atteinte. Quomodo fiet istud^ quo-
niam virum non cognosco ? Rassurez-vous, répond le messager
céleste, rassurez-vous, le Saint-Esprit descendra en vous, et la vertu
du Très Haut vous couvrira de son ombre. C'est pourquoi celui qui
naîtra de vous sera sainL et il sera appelé le Fils de Dieu. C'est-à-
dire : Vous concevrez par miracle, par un prodige inouï ; ce sera
la toute puissance de Dieu qui vous rendra féconde ; vous serez
à la fois mère et vierge sans tache, parce qu'il n'y a rien d'impos-
sible à Dieu.
Rassurée par les paroles de l'Ange, Marie s'humilie devant
Dieu, devant l'Ange et devant les hommes. Elle prononce ces pa-
roles qui font descendre le Verbe divin du ciel en terre, ces paroles
qui assurent le salut du genre humain : Je suis la servante du
Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ; Ecce ancilla Domini,
fiât mihi secundum verbum tuum. Et au même instant le Verbe est
fait chair : et Verbum caro factum est. Et il a habité parmi nous :
€t habitavit in nobis. Oui, au même instant l'adorable Trinité forma
du très pur sang de Marie le corps de Jésus-Christ ; elle créa son
âme qu'elle unit au corps du Fils de Dieu ; et le Fils de Dieu, afin
de devenir notre Sauveur, unit ce corps et cetteâme àsa personhe
divine, et au même instant Marie devint la mère de Jésus Christ,
Mère de Dieu. Quelle gloire pour la sainte Vierge ! Quelle conso-
lation pour nous d'avoir une protectrice si puissante !... Marie est
mère de Dieu, donc celui que le ciel et la terre ne peuvent con-
tenir demeure enfermé oendant neuf mois dans son chaste sein.
Elle met au monde, elle'enfante dans le temps celui qui existe de
toute éternité : Le Fils de Dieu devient le Fils de Marie ; une pure
150 LE PROPAGATEUR
créature devient la mère de son Créateur. Celui qui commande
aux vents et à la tempête, celui de qui dépend l'univers entier, qui
fait trembler le ciel et la terre par sa seule présence vient se sou-
mettre à Marie, il veut naître d'elle, il veut dépendre d'elle, il veut
lui ï>béir. — Marie est devenue Mère de Dieu, elle le met au monde,
elle le porte dans ses bras, le presse sur son sein, le nourrit de sou
lait et a le bonheur de vivre avec lui pendant trente-trois ans, de
jouir ainsi de sa divine présence, et de recevoir dans ses entre-
tiens familiers avec lui les communications les pins intimes.
L'Ange avait dit à Marie : Vous êtes bénie entre toutes les
femmes ! Quelle est, en effet, celle qui peut lui être comparée ?
Qui a été heureux autant qu'elle ? Il en est qui ont donné le jour
à des hommes illustres, à des savants, à de profonds politiques, à
des princes, à des rois, à des empereurs célèbres. Il en est qui ont
donné le jour à des hommes qui ont fait trembler l'univers par
leurs victoires et leurs conquêtes, ou bien qui ont laissé une
mémoire digne d'éternelles bénédictions à cause des bienfaits
dont ils ont comblé leurs semblables. Mais Marie les a toutes sur-
passées : Multx filiœ congregaverunt diviliaSy lu verô supergressa es
universas. Oui, Marie estau-dessus de touies, parce qu'elle est mère
de Dieu. Disons-lui donc avec l'Ange : Vous êtes bénie entre
toutes les femmes. Disons-lui avec l'Eglise catholique : Vous êtes
heureuse. Vierge Marie, parce que vous avez porté le Seigneur,
le Créateur du monde, vous avez engendré Celui qui vous a créée
et vous demeurerez toujours Vierge : Beala es Virgo Maria^ quœ
Dominum porlasti Creatorem mundi ; genuisti qui te fccil et in seternum
permarisisli. Virgo. Oui vous seule, ô Marie, vous seule êtes mère
de Dieu ; vous seule étant mère vous demeurez vierge avant, pen-
dant et après votre enfantement. Le Tout-Puissant a opéré en vous
de grandes choses, c'est pourquoi toutes les générations vous
appelleront bienheureuse. — En effet, mes frères, Marie a toujours
été honorée comme mère de Dieu. L'Évangile la nomme mère de
Jésus-Chris. Sainte Elisabeth, mère de saint Jean-Baptiste l'ap-
pelle la mère de son Seigneur et de sou Dieu.
Depuis les premiers temps du Christianisme on l'a invoquée sous
ce titre. Au cinquième siècle, l'hérétique Nestorius refusait à la
sainte Vierge le titre de Mère de Dieu, mais partout on crie à la
nouveauté, à l'hérésie. De toute part éclatent des murmures. Un
concile s'assemble. Deux cents évêques sont réunis dans une église
dédiée à Marie. Ils délibèrent et éonsultent les divines Écritures;
ils interrogent la foi de ceux qui les ont précédés ; ils déposent
que tout atteste que Marie est mère de Dieu ; l'héritique est donc
condamné ; on le dépose de sa charge, on le prive de sa dignité
épiscopale. Le peuple d'Éphèse où se tenait le Concile environne
depuis le matin jusqu'au soir la basilique oui les évêques sont as-
semblés ; il attend leur décision avec la plus grand anxiété, tant
était grand le zèle qui l'animait pour la gloire delà mère de Dieu.
Un évêque lui annonce la décision des Pères du Concile : Nesto-
rius est condamné, Marie est maintenue dans son titre de mère de
Dieu. Aussitôt la ville retentit d'applaudissements et de cantiques
LE PROPAGATEUR 151
d'allégresse et le peuple comble les évêquesde bénédictions baise
leurs mains et leurs vêtements, brûle des parfums sur leur passage,
les conduit chez eux en triomphe, allume d'innombrables flam-
beaux pour attester la joie universelle ; eu un mot le peuple
d'Ephèse et les étrangers accourus de toutes les villes de l'Asie
n'ont qu'une voix pour faire l'éloge de Marie et l'acclamer mère
de Dieu.
Depuis lors mes frère, on n'a point cessé de donner ce titre à la
sainte Vierge ; depuis lors on l'a constamment priée et invoquée
comme mère de Dieu. Disons-hii donc tous les jours av«c l'Église
et avec les sentiments d'une filiale confiance : Sainte Marie, mère
de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à
l'heure de noire mort.
D'où vient, mes frères, que la sainte Vierge a été choisie de pré-
férence à toutes les femmes pour devenir la mère, de Dieu ? Qu'est-
ce qui a pu attirer sur elle les regards d u Fils de l'Éternel ? Laissons
répondre saint Bernard : Marie a plu à Dieu par sa virginité ; elle
a co'içu par son humilité : Vtrginitate placuit^ humilitate concepit.
Telles sont les deux vertus qui ont mérité à la sainte Vierge de
devenir mère de Dieu. Elle a été pure et chaste toujours. Elle se
trouble à la vue d'un Ange ; elle ne consent à devenir mère de
Dieu qu'à la condition de rester toujours vierge. Cet amour de
Marie pour la pureté attire les regards de Dieu sur elle. C'est
parce qu'elle est chaste que le Fils la prend pour sa mère et le
Saint-Esprit pour son épouse.
Si nous voulons que Dieu soit , aussi avec nous par sa grâce ; si
nous désirons recevoir dignement Jésus-Christ dans la sainte
Communion ; si nous prétendons régner un jour dans le Ciel,
imitons la pureté de Marie. Et pour cela, évitons avec une atten-
tion extrême tout ce qui pourrait blesser cette belle vertu. Résis-
tons promptement à toute pensée, à tout sentiment, à tout regard,
à toute parole qui lui soit contraire. Mortifions sans cesse nos sens
et nos passions. Défions-nous de nous-mêmes. Fuyons soigneuse-
ment toutes les occasions, tous les dangers où cette vertu céleste
pourrait être exposée. Craignons souverainement la séduction du
monde et de ses plaisirs. En un mot, respectons la sainteté de notre
corps et de notre âme qui sont les temples du Saint-Esprit.
Avec la virginité, Marie possédait l'humilité, mais une humilité
sans égale. A mesure que l'Ange l'exalte, elle ne veut être que la
servante du Seigneur. Efforçons-nous de l'imiter dans son humi-
lité si profonde. Mais pour pratiquer comme elle une humilité
véritable et sincère, ce n'est pas assez de reconnaître que nous
n'avons rien, que nous ne somme rien de nous-mêmes, que tout
ce que nos possédons vient de Dieu. Tout cela n'est encore que
l'humili'.é de l'esprit. La véritable humilité est celle du cœur, qui
consiste dans les effets. Voici donc en quoi, dans la pratique, nous
devons imiter l'humilité de la sainte Vierge. Acceptons avec sou-
mission les humiliations quand il plaira au Seigneur de nous en
envoyer. Regardons-nous comme indignes de toute distinction et
de toute préférence. Ne nous plaignons jamais quand on manquera
152 LE PROPAGATEUR
d'attention et d'égards envers nous. Fuyons les louanges et conten-
tons-nous de les mériter, ne parlons de nous qu'avec réserve et
modestie. Ne méprisons personne et parlons avantageusement de
tous, parce qu'il y a dans chacun quelque chose de bon à louer.
En pratiquant ainsi l'humilité et la pureté, nous mériterons d'être
un jour associés à la gloire de Marie dans le Ciel. Amen.
L'Abbé Jouve.
' PARTIE. LEGALE
Rédacteur : A 1. B Y
LOTERIES, ETC.
Question. — Je suppose que les loteries sont permises. En vendant un billet
de loterie eu de tirage au sort que vpnd-on ?
Quid si le billet est déjà sorti de l'urne et donne droit à un lot ?
Etudiant en droit.
Réponse. — Je réponds à votre question telle que rédigée, c'est-à-
dire dans id supposition que les opérations de loteries sont légales.
Si elles sont défendues il n'y a pas matière à contrat, car on ne
peut pas vendre validement une chose prohibée.
En vendant un billet de loterie on vend simplement l'espérance
que l'on a de gagner quelque chose au tirage. Cette vente est va-
lide car on peut vendre des choses futures et même une simple
espérance (1). Les auteurs donnent comme exemple d'une vente
semblable la vente que l'on ferait d'un coup de filet. Cette vente
comprend le poisson que l'on prendra dans ce coup de filet. Elle
est valide même si on ne prend aucun poisson, car la simple espé-
rance d'en prendre sufiBt pour donner l'existence au contrat.
De ce que je viens de dire, il suit que si vous vendez un billet
de loterie dans l'ignorance où vous êtes que ce billet est déjà sorti
de l'urne et a gagné un lot quelconque, cette vente est nulle. Vous
n'avez voulu vendre et votre acheteur n'a voulu acheter que la
chance à courir ou l'espérance d'avoir quelque chose, et non la
réalisation déjà opérée. Dans ce cas il n'y a pas de véritable con-
trat intervenu entre vous et vous êtes simplement obligé ds rem-
bourser à votre acheteur le prix qu'il vous a payé.
Il y a deux ans une question semblable s'est présentée en France
et elle a été jugée en faveur du vendeur.
Voici ce que publie à ce sujet un journal de Paris, La Croix :
LE GROS LOT
Le 29 juin 1891, quelques heures après le tirage des bous de l'Exposition, M.
Sainl-Omer vendait un de ses bons, le w 491 197, ignorant qu'il venait de gagner
le gros lot de 100,000 francs.
Le bon, dans ses pérégrination^, arriva dans les mains d'un Portugais, M.
Moreira da Silva, qui en fit toucher le montant par son banquier.
Apprenant quelle chance il avait laissé échapper, M. Saiut-Omer a /dit assi-
(1) F. F. L. 8, g 1, d« conlr empl.
LE PROPAGATEUR 153
gner en restitution le banquier et les héritiers de M. da Silva, offrant de leur
rt^mettre soit le prix du bon qu'ils ont acquitté, soit un autre bon non amorti de
l'Exposition.
La Ire Chambre du tribunal de la Seine a condamné le banquier, le père el la
Teuve de M. da Silva, à payer au demandeur conjointement et solidairement la
«omme de 100,000 francs qu'ils ont indûment touchée, avec les intérêts de droit.
A. propos de la vente d'an coup de filet dont je parle plus haut,
je vous citerai le passage suivant de Pothier, Vente, No 6, dans le-
quel cet auteur fait l'application des principes.
Des Milésiens se trouvant dans l'ile de Cos.avaient acheté de quelques pêcheurs
leur coup de fil-t ; ces pêcheurs péchèrent un trépied d'or ; les acheteurs le pré-
tendirent. On doit décider qu'ils étaient mal fondés ; les vendeurs et les acheteurs
n'avaient entendu vendre ou acheter que le poisson qui serait pris : le trépied
d'or auquel aucune des parties contractantes n'avait pensé, ne faisait donc pas
partie du marché ; el c'est une bonne fortune dont les pêcheurs seuls doivent
profiter.
SUBSTITUTION DE BIENS MEUBLES.
QtJESTiON. — Pur son dernier testament fait sous l'empire de la coutume de
Pans, Jérôme Vincent a légué la somme de vingt-deux mille piastres à son
fiîs Bonaventure Vincent Pt il a substitué cette somme en faveur Ces enfants du
légataire. Ce dernier devait faire emploi de la somme léguée et les intérêts
devaient lui être payés sa vie durant. L'emploi a été fait. Jérôme Vincent est
mort le 29 Juillet 1866, trois jours avant la mise en vigueur du code civil. [^)
Bonaventure Vincent t-st décédé il y a quelques semaines et il a laissé un testa-
ment par lequel il partage inégalement entre ses cinq enfants la somme substituée
par son père.
Les appelés lésés par le testament du grevé peivent-ils demander le partage
égal? En d'autres termes, les substitutions de biens mobiliers, antérieures au
code civil, sont-elles valides ?
L. J. Notaire à X...
Réponse. — Le code civil, article 931, déclare que les biens-meu-
l)les, corporels et incorporels, peuvent être l'objet des substitutions
comme les immeubles. La différence qui existe, en matière de
substitution, entre les deux catégories de biens, résulte de leur na-
ture. Les immeubles restent toujours les mêmes et, ayant une as-
siette fixe, doivent être conservés en nature. Les meubles corporels
au contraire, pouvant facilement disparaître, doivent, en général,
(2) être vendus publiquement et letir prix doit être employé aux fins
de la substitution. Il en est de même de l'argent et des créances, il
doit aussi en être fait emploi aux fins de la substitution.
L'article 931 est présente par les codificateurs comme droit ancien
•car, dans leur opinion, les substitutions de biens meubles étaient
permises avant le code. Cette opinion est partagée par un grand
nombre de jurisconsultes distingués. Le contraire vient cependant
d'être jugé par la cour Supérieure à Montréal dans la cause de
Stewart et al, vs. La Banque Molson, et dans la cause de Massue
vs. Massue. (3) Dans la première cause, le juge Taschereau, et dans
la seconde cause, le juge Mathieu, ont jugé :
(1) Le code Civil est entré en vigueur le 1er août 1866.
(2) Ils peuvent cependant être assujetiis à une disposition difrérente.(C.G. art. 93 1)
1.3) Dans la première cause il s'agit de 640 parts ou actions de la banque xMol-
son léguées par un père à son fils (avec substitution en faveur de ses enfants) e
subséquemment aliénés par le légataire.
Dans la seconde cause il s'agit d'une grande fortune.
154 LE PROPAGATEUR
Que, avant la promulgation du code civil, les subslilulions de biens
mobiliers n'étaient pas permises.
La première de ces deux causes a été jugée le 6 octobre 1892 et
et Ja seconde a été jugée le 6 avril 1893. Il y a appel dans ces deux
causes, et il est probable, vu leur grande importance, qu'elles se-
ront portées jusqu'au conseil privé.
Par ce qui précède vous voyez qu'il est impossible de répondre
catégoriquement à votre question. Que vos clients acceptent sous
protêt le montant porté au testament de leur père, et qu'ils se ré-
servent le droit de réclamer plus tard le partage égal. Ils ont trente
ans pour faire cette réclamatian. (G. G. art. 2242).
VENTE D'IMMEUBLES, DROITS
Dans la cause de Ghoquelte, demandeur,
vs.
Lavergne, défendeur,
et
Le Procureur-Général, intervenant,
La cour supérieure à Montmagny, (PelletierJuge), a jugé ;
Que le statut (1) de Québec de 1892, 55-56 Victoria, chapitre 17,
est constitutionnel, et, qu'en conséquence, le gouvernement a droit
de prélever un et demi pour cent sur le prix de vente des immeubles.
Gette action a été intentée par M. Ghoquette, député du comté
de Montmagny, contre le régistrateur (2) du comté pour le con-
traindre d'enregistrer un contrat de vente sans le payement préa-
lable de la taxe de un et demi pour cent sur le prix porté au con-
trat. Le régistrateur a refusé de faire l'enregistrement et la cour
l'a approuvé en renvoyant l'action.
TRIBUNAUX FRANÇAIS
LE DROIT d'accroissement (3)
Nous lisons dans la Semaine du Fidèle du Mans :
La congrégation des sœurs de la Providence de RullIé-sur-Loir vient d'obtenir
gain de cause dans l'aira'riî du droit d'accroissement devant le tribunal de Ven-
dôme. Par jugement rendu en date du 23 février, le tribunal a annulé les contrain-
tes et déclaré que l'impôt ne pouvait être exigé que dans un paiement unique.
Gette décision, qui ne détruit pas l'impôt d'accroissement, apporte cependant
une certaine atténuation dans l'application d'une loi fiscale destinée, comme on
le sait, à ruiner les communautés religieuses.
En présence de cette décision nouvelle, le fisc consentira-t-il
enfin à comprendre qu'il devrait bien mettre un terme à des exac-
tions qui ne peuvent plus s'expliquer, si ce n'est par un odieux
parti pris de persécution. — L'Univers.
(1) Intitulé : Loi relative aux droits sur les successions et les transports d'im-
meubles.
(2) Conservateur des hypothèques.
(3) Voyez le Puopagatehr vol. 3, No du 1er décembre 1892, page 579.
LE CATECHISTE
AU XIX' SIECLE
Par L'Auteur du Manuel Complet du Misssionnaire
2 volumes in-8 Prix : 50 cts au lieu de $1.00
TABLE DES MATIÈRES
DU PREMIER VOLUME
I.VTRODDCTION. DiRECTOIIîE.
OUVERTURE DES CONFÉRENCES.
g l. Nécessité de connaître et <le remplir son devoir. — ^2. Plan des Confé-
rences.— g 3. L-s vérités loadamentales.
PREMIERE PARTIE.
Le Credo ou les vérités à croire.
CHAPITRE [.
HARMONIE DE LA FOI ET DE LA RAISON.
Art. I. La cerlitud'^. — Art. 2. La
Foi. — Combien elle est raisonnaole. —
Sottise de c^^ux qui veulent savoir le
pourquoi de tout. — Art. 3. La néces-
sité et le fait lie la Révélation. — La
religion naturelle de M. .lulés Simon.
Le dilemme. — Art. 4. L'Eglise, insti-
tuée pour être la gardienne infaillible
du dépôt de révélation. — Art. 5. Avan-
tage de la Foi. — Art. 6. Ce qu'il faut
penser des impies. — lis ne sont ni
esprits forts ni penseurs libres. Ils sont
les fléaux de l'humanité ; — des copistes
de leurs devanciers. — L'orgueil et la
déraison de ces misérables peints par
Bossuet — Appendice, Le Rationalisme
démasqué. — L'idole des rationalistes.
— Le.*- maux du Rationalisme. — Com-
ment guérir les maux du Rationalisme.
— Les Comités catholiques.
CHAPITRE II.
EXPLICATION ABRÉGÉE DU CREDO.
§ 1. Précis de ^Hisloi^e de la Religion
avant la venue de Jésus-Christ. — g 2. Ce
que c'est que le Credo. — g 3. Explica-
tion sommaire du Symbole. — § 4. Ex-
plication du premier article du Symbole
(qui regarde le Père). — g 5. Explication
des articles du Symbole qui regardent
Jésus-Christ, Fils de Dieu. — Second
article. — Troisième article du Sym-
bole.— Quatrième article. — Cinquième
article — Sixième article. — Septième
article. — ^6. Explication des articles
du Symbole qui regardent le Saint-
Esprit. — Huitième arlicl?. — Neuvième
article. — Dixième article. — Onzième
article. — Deuxième article.
CHAPITRE IIL
DIEtI ET SES PERFECTIONS.
Art. 1 Dieu premier être. — Art. 2.
Dieu est un esprit. — Art. 3. Dieu est
éternel. — Art. 4. Dieu est infiniment
parfait. — Art. 5. Suite d^^s perfecUons
de Dieu — Art. 6 La nature divine
ou la Divinité.
Chapitre IV. — dieu créateur.
CHAPITRE V.
les ANGES.
Art. l. Création des Anges. — Art.
2, Les bons et les mauvais Anges. —
Art. 3. L'Ange Gardien et le Démon.
— Art. 4. Nos devoirs envers notre
Ange gardien.
CHAPITRE VL
LES HOMMES,
Art. 1. Création de l'Homme. — P
L'œuvre de six jours. — 2° Preuves de
la Création par l'Ecriture Sainte. — 3*
Preuves de la Création par la raison.
Contemplation des merveilles de la
Nature. — Art. 2. Dieu eut noire Con-
servateur. — Art. 3. dieu est noire
Souverain Maître- — Art. 4. Dignité de
l'Homme — 1° Ce qu'il y a de plus
grand dans l'Homme, c'est son âme. —
156
LE PROPAGATEUR
2» L'Homme est un être libre, —
3" L"Homme est supérieur au soleil,
aux )i]anles, aux animaux. — 4" L'Hom-
me a des traits de ressemblance; avec
Dieu. — Art. 5. Le but pour lequel
THnnime a été créé {ou Fin de l'Homme.
— 1° Pourquoi Dieu a créé l'Homme.
— 2» Le veritubit) honneur. — Art. 6.
Les deux vies de V Homme. — Art. 7.
Les fins dernières. — 1° Ce que c'est
que les lins dernière?. — 2» L'immor-
talité de l'âme et la mortalité du corps.
— 3" Le jugement particulier et le ju-
gement général. — 4° Le ''^iel. — r 5°
L'Enl'er. — 6» Le Purgatoire. — 7» La
pensée du Ciel. — 8" Le vrai bonheur.
— Abandon à la divine Providence. —
^0 Les huit béatiludes.
CHAPITRE VIL
PÉCHÉ ORIGINEL. — PROMESFE d'DN
SAUVEUR.
Art. 1. La grande famille humaine.
— Art. 2. Le péché originel. — Art. 3.
Giâce de préservation accordée à la
sainte Vierge. — Art. 4. Fiomesse d'un
Sauveur. — Art. 5. La vraie Religion.
— Art. 6, Les séductions du Démon. —
Art. 7. Les principaux mystères de la
Religion.
CHAPITRE VIII.
MYSTÈRE DE LA SAINTE TRINITÉ
Art. 1. Unité de Dieu. — Af. 2. Les
trois personnes en Dieu. — Art. 3. Sur
le nom de chacune des personnes de la
Sainte Trinité. — Art. 4. Nous devons
croire fermement le mystère de la
Sainte Trinité.
CHAPITRE IX.
MYSTÈRE DE L"iNCARNATI0N.
Art. 1. Jésus-Christ est Dieu et Fils
unique deDitu. — An. 2, Signification
du nom de Jésus-Christ. — Art. 3. Jésus-
Christ est notre Maître. — Art, 4. Com-
ment Jésus-Cbrist s'est incarné, — Art. '
5. Les deux natures et l'unité de per-
sonne en Jésus-Christ. — Art. 6. Jésus-
Christ, en tant qu'homme, n'a point de
père. — Art. 7. La Mère de Jésus. —
Culte qui lui est dû. — Art. 8. Foi au
mystère de l'in^ arnalion. — Art. 9. Il
est très avantageux de penser souvent
au mystère de l'Incarnation.
CHAPITRE X.
VIE C-i-CHÉE DE JÉSUS.
Art. l. Annonciation (25 mars,) —
Art. 2. Visitation, dans laquelle Jusus-
Christ sanctifie son Précurseur (2 juil-
let).— Art. 3. La naissance de Jésus-
Christ ou Noël (25 décembre). — Art 4.
La Circoncision ( I er janvier). — Art. 5.
Adoration des Mages ( Epiphanie, 6
janvier). — Art. 6. Préseniution de
Jésus au Temple (la Chandeleur, 2
février). — Art. 7. Fuite en Egypte. —
Art. 8. Jésus à Nazareth. — Art. 9.
Baptême et jeûne de Jesus-Chrisl.
CHAPITRE. XI.
VIE PUBLIQUE DE JÉSUS-CHRIST.
Art. l. La Divinité de Jésu?-Christ
prouvée par ses miracles. — Art. 2. Les
miracles des Apôtres sont aussi une
preuve de la divinité d« Jésus-Christ.
— Art. 3. La Divinité de Jésus-Christ
prouvée par le témoignage même de
ceux qui avaient intérêt à nier s-is mi-
racles et les miracles des Apôtres.
CHAPITRE XII.
MYSTÈRE DE LA RÉDEMPTION.
Art. 1. Ce que c'est que 1"^ mystère
de la Rédemption. — Art. 2. L«s mérites
de Jes-us-Clinst. — Art. 3. L'œuvre de
notre Rédemption est complète. — Art.
4. Malheur de ceux qui ne profitent pas
des mérites de Jésus-Chri-t. — Art. 5.
Détails sur l'^s souffrances et la mort
de Jésus-Christ. — Art. G. L' Ensevelis-
sement de Jéi-us-Chrisl. — Art. 7. Jésus
dans les Limbes.
CHAPITRE XIII.
VIE GLORIEUSE DE JÉSUS-CHRIST.
Art I. Résurrection lie Jèsu^-Christ.
— Art. 2. Ascension de Jésus-Christ au
C;el. — An. 3. Jésus médiateur.
CHAPITRE XIV.
VIE EDCHARISTIQUii DE JÉSUS-CHIUST.
Art. I Ce que c'est que l'Eucharistie.
— Art. 2. Naissance et immolation de
Jésus eucharistique. — Art. 3. La ma-
nière dont Jésus-Christ est présent
dans l'Hostie et dans le vin consacrés.
— La Messe est aussi lar-^presentaiion
du sacrifice de la Croix. — Art. 4. Mer-
veilleux bienfaits de Jésus dans la
sainte Euchar-siie,
CHAPITRE XV.
DERNIER AVÈNEMENT DE JÉSUS-CHRIST.
CHAPITRE XVI.
l'aqtion du saint-esprit.
Art. 1. La Pentecôte. — Art. 2. Action
du Saint-E=prit dans les âmes. — Art.
LE PROPAGATEUR
157
3. L'Eglise. — § 1. Nécessité d'une
autorité doclrinale. — g 2. Fondation
de l'Eglise chirgée d'enseigner la doc-
trine de Jésus-Christ. — g 3. Les mem-
bres de l'Eglise. — Contre les prêtres
intrus. — g 4. Hors de l'Eglise, point
de salut. — g 5. Comment un Chrétien
peut s'assurer qu'il est dansl'Eghse de
Jésus-Christ. — 1. L'Eglise de Jésus-
Christ doit être visible. — 2. Elle est
une, sainte, catholique, apostolique. —
3, Ces caractères se trouvent seule-
ment dans l'Eglise dont le ch»^f est 1«
Pape, successeur de saint Pierre à
Rome. — ^6. Infaillibilité de l'Eglise.
— g 7. Infaillibilité personnelle du
Pape. — g 8. Perpétuité de l'Eglise de
Jésus.Christ. — § 9. Devoirs et droits
des Caiholiqaf^s. — g 10- Faits dénatu-
rés par la mauvaise foi (Galilée, l'In-
quisition, Ips Jésuites). — § U. V Eglise
devant l'Humanité. — 1. L'Eglise et
l'autorité. — 2. Les droits de l'Homme.
— 3. La Souveraineté du peuple est
un leurra. — 4. La vraie liberté. —
5. Ce qu'il faut penser de la liberté
absolue de la presse. — 6. La tolérance
religieuse. — 7. L'Egalité chimérique.
— 8. L'Eglise et la civilisation. — 9. Le
vrai progrès. — 10. Droits de l'Eglise
sur i'insiruclion chréli.'nne de la jeu-
nesse. — 11. Le pouvoir temporel des
Papes. — 12. Le Syllabus. — 13. Plans
de conférences sur l'Histoire Ecclé-
siastique. — Art. 4. La Communion
des Saints. — Art. 5. Suite de la Com-
munion des Saints. — Art. 6. Action
du Saint-Ep|irit iians la rémission des
péchés la résurrection de la chair et la
vie éternelle,
FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME.
SECOND VOLUME
DEUXIEME PARTIE.
Les commandements de Dieu et de l'Eglise ou les actes de vertus que
Dieu demande de nous.
CHAPITRE I
NOTIONS PRÉLIMINAIRES
Art. 1. Actes humains. — Art. 2. La
Conscience. — Art. 3. Les Lois. — g l.
La loi divine. Révélation primilive. —
g 2. La loi humaine. — g 3. Les com-
mandemenls de Dieu. — | 4. Les com-
mandements de l'Eglise. Le fondement
des préceptes divins. Le droit des gens.
— g 5. Le péché.
CHAPITRE II.
EXPOSITION ABRÉGÉE DES DEVOIRS ET DES
PÉCHÉS OPPOSÉS ADX DEVOIRS.
Art. 1. Devoirs envers Dieu. — g 1.
Premier commandement de Dieu. — 1"
Adoration. — 2" Foi. — 3" Espérance. —
4» Charité. — g 2. Deuxième com-
mandement de Dieu. — 1" Respect
dû à Dieu. — 2» Respeet dû à ce
qui est consacré à Dieu. — g 3. 3"
commandement de Dieu ; 1' et 2»
commandement de l'Eglise. — g 4. 3e et
4e commandement de l'Eglise. — Art. 2.
Devoirs envers les représentants de Dieu
(4e commandement de Dieu). — Art. 3.
Devoirs le prochain (Ir, 5e, 7e, 8e, et
10e commandement de Dieu). — Art. 4.
Devoirs envers soi-même ( Ir, 5e, 6e, 9e
et 10e commandement de Dieu ; 3e, 4e,
5e, et 6e de l'Eglise). — Art. 5. Devoirs
d'Etal. — Devoirs réciproques des pères
et mères. — Devoirs des parents envers
leurs entants. — Devoirs des maîtres. —
Devoirs des supérieurs civils.— Devoirs
d'un écolier. — Notes explicatives.— 1°
Sur les devoirs envers Dieu. Définitions.
— L'Adoration. — Le culte d-s Saints. —
Le blasphème. Le serment. Le serment
des francs-maçons. — La loi du Diman-
che.— 2' Sur les devoirs envers les re-
présentants de Dieu. Le tutoiement. —
3*' Sur les devoirs envers le prochain.
Définitions. — Dilf'^rentes manières de
scandaliser. — Mensonge. — Vains soup-
çons, médisance, calomnie. — Vol. — 4"
Sur les devoirs envers nous-mêmes.
Loi de l'Abstinence. — Fausses excuses.
— Nécessité de fuir les occasions du
péché.|5. Sur les devoirs d'état. Devoirs
des parents. — Devoirs des maîtres et
des serviteurs. Devoirs des supérieurs
civils. — Le ministère pastoral. — Art 6.
Les Conseils. Utilité des Ordres reli-
gieux.
CHAPITRE IIL
LES VERTUS.
Art. 1. Principes généraux.— l 1.
Notion de la vertu. — g 2. Vertus hu-
maines, vertus chrétiennes. — Art. 2.
Vertus théologales. — g I. Leur objet. —
158
LE PROPAGATEUR
2 2. Coasidérati ms sur la foi. — g 3 Con-
sidérations sur r Espérance. — g 4. Con-
sidérations sur la Charité envers Dieu.
— § 5. Considérations sur la charité
envers le prochain. — Art. 3. Vertus car-
dinales. Définition et division. — La
Prudence. — La Justice. — La Force. —
La Tempérance.
CHAPITRE IV.
LES VICES.
Notions générales. — L'Orgueil. —
L'Avance. — La Luxure. — L'Envie. —
La Gourmandise. — La Colère. — La Pa-
lesse.
CHAPITRE V.
l'imitation de jésos-christ.
Art. 1. Obligation d' imiter Jésus-
Christ. — Art. 2. Vertus dont Jésus-
Christ nous a donné l'exemple. — 1°
Dans sa Naissance. — 2» Dans sa Cir-
concision.— 3° Dans sa Présentation
au Temi)le. — 4° Dans sa fuite en Egyp-
te.—5° A Nazareth.— 6° Au Temple
de Jérusalem. — 7" Dans son Bapiôme.
8" Dans sa retraite au désert. — 9" Au
Jardin fies Olives. — 10" Chez Caiphe.
— 11» Chez Hérode.— 12° Devant Pi-
late. — 13» Sur la route du Calvaire. —
14° Sur la Croix.
TROISIEME PARTIE.
CHAPITRE 1.
LA GRACE.
Art. 1. Ce que c'est que la grâce de
Dieu. — Art. 2. La Grâce sanctifiante,
§ l. Nécessité et admirables effets de la
Grâce sanctifiante. — g 2. Vaieur d'un
acte de vertu fait en état de Grâce. —
I 3. Accroissement, affaibUssement,
perte de la grâce sanctifiante. — Art. 3.
Grâce auxiliaire (ou actuelle).— l 1.
Nécessité de la Grâce auxiliaire. — g 2.
Moyens par lesquels Dieu nous donne
la Grâce auxiliaire. — l 3. De la Cor-
respondance et de la résistance à la
Grâce.
CHAPITRE II.
LhS SACREMENTS.
Des Sacrements en général. — Le Bap-
tême.— Le signe de la Croix. — La Con-
firmation.— Les dons du Saint-Esprit.
Les sept inspirations contraires du Dé-
mon.— L'Eucharistie. — Ruses du Dé-
mon pour éloigner de la Communion
fréquente. La Pénitence. — Examen a-
brégé. — Contrition. — Confession. — Ru-
ses du Démon pour faire cacher les pé-
chés.— 5a/i5/'ac/«on.Indulgences. — Dia-
lologuessur le sacrement de Péniten-
ce. — L'Extrême-Otiction. — L'Ordre. —
Le Mariage. — Sur la vocation.
CHAPITRE III.
LA PRIÈIIE.
§ 1. C-i que c'est que la prière. — § 2.
Nécessité de la prière — g 3. Que faut-
il demander? — §4. Comment faut-il
prier? — g 5. La mé iitation. — g 6. Ex-
plication du Pater. — g 7. Explication
de VAve. — g 8. La Sainte Messe. Ma-
eière d'y assister. — g 9. Les œuvres de
miséricorde.
CHAPITRE IV
LES PRINCIPALES FÊTES DE L'aNNÉE
CHAPITRE V
POI.NTS LES PLUS IMPORTANTS KE.NFERMES
DANS LA TROISIÈME PARTIE
CHAPITRE VI
PETIT CATÉCHISME HISTOBIQUE
ARTICLES ADDITIONNELS.
l.Devoirs des maUres chrétiens surtout
au XlXe sièle. — g l. Nécessité de faire
concorder avec l'instruction religieuse
les autres parties de l'enseignement.
2 2. La Conciliation. — II. Additions
aux preuves de la vraie Religion.— las-
traction des Juifs et des idolâtres. —
Jésus-Christ a réalisé dans sa personne
toutes les prophéties relatives au Me.=;-
sie. — Le courage des Martyrs. — Preu-
ves sur lesquelles repose la divinité du
Christianisme considérées dans leur
ensemble. — Les Schismatiques. — Rien
de nouveau dans l'enseignement dog.
matique de l'Eghse. — La soumission
FIN DE LA TABLE
due aux décisions de l'Eglise. — L'unité
de l'Eglise. — Explication delà maxime
Hors de l'Eglise, point de salut. — Fé-
condité de l'Eglise. — Triomphes de
l'Eglise. — Prqphéties de la très sainte
vierge Marie.
m, Dialogue sur la vie chrétienne.
— ÏV. Dialogues familiers sur divers
points de dogme et de morale. — V. Les
Cantiques. — VI. Manière d'entendre
la Messe, d'après samt Liguori. — Le
Rosaire des paroisses. — Exercice du
Chemin de la Croix. — Les aspirations
d'une âme chrétienne.
DU SECOND VOLUME.
NOTES & RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ET
A COMPLÉTER LEUR BIBLIOTHÈQUE
PREMIERE PARTIE
Livres de piété pour les ecclésiastiques
Beuvelet donne sous le litre de Mé-
ditations de la vie chrétienne : les véri-
tés de la Vie purgative, celles de la Vie
illumtnalive, et en troisième lieu des
méditaiions pour chacune des princi-
pales fêtes de l'année (mystères des
saints). — Les Méditations de la Vie
ecclésiastique, qui forment la seconde
partie, ont pour objet : lo l'excellence
et la grandeur de l'étal ecclésiastique,
et les dispositions requises pour y entrer
dignement (entr'autres la vocation et
l'esprit ecclésiastique) ; 2o la tonsure,
c'est-à-dire son mérite, ses cérémonies,
les dispositions qu'elle exige et les
obligations qu'elle impose : 3o le sacre-
ment de l'Ordre, et, en particulier, les
ordres mineurs ; 4o les ordres majt^urs,
et, en particulier, le sous-diaconat, dont
on examine l'excellence, les fonctions
et les obligations ; 5o le diaconat ; 60 la
prêtrise (excellence, fonctions et ver-
tus) : 7o " les moyens pour s'acquitter
dignement de toutes les obligations
d'un ecclésiastique et acquérir, conser-
ver et accroître les vertus qui y sont
nécessaires : " 80 les devoirs et obliga-
tion d'un curé. Beuvelet a ensuite,
pour tous les dimanches de l'année,
des méditations prises sur l'évangile du
jour, et " spécialement dressées " pour
les ecclésiastiques. Il termine par cin-
quante-et-une méditations qui com-
prennent en abrégé toutes les obliga-
tions de la vie chrétienne et ecclésias-
tique.
Nos lecteurs peuvent juger, par cette
énumération, combien est complet le
"Recueil" de Beuvelet. Nous voudt ions
pouvoir dire et faire accepter tout le
bien que nous en pensons. Et d'abord,
il a le mérite, à nos yeux, d'être en
dehors de toute méthode d'oraison ; il
laisse à l'esprit la plus grande liberté,
et on peut lui appliquer l'une ou l'autre
méthode. Ce qui nous rend aussi très
recommandable cet ouvrage, c'est la
brièveté de ses thèmes d'oraison, briè-
veté qui ne sent pas la pauvreté. Car
les vérités que Beuvelet offre à nos ré-
flexions sont très principales, très
substantielles, très suggestives ; elles
sont entourées d'explications, de con-
sidérations rationnelles, d'arguments
d'autorité qui, présentés aussi avec
clarté ei concision, produisent dans
l'âme lumière, chaleur et force. L'esprit
n'a pas du peine à se nourrir de la doc-
trine ainsi exposées à s'en pénétrer,
pour faire ensuite agir ces vérités sur
la volonté, et nous amener à des con-
clusions pratiques et à des résolutious
fortement assises et puissamment mo-
tivées. Nous avons parlé d'arguments
d'autorité : ce sont les textes d'Ecriture,
ou des Pères, ou des Conciles, qui
nombreux et bien choisis, encadrés
dans le texte de l'auteur ou ajoutés à
la suite, enrichissent singulièrement le
thème de l'oraison, et lui donnent une
onction qui pénètre toutes les facultés
de notre âme.
Personne ne songera à faire un repro-
che à Beuvelet et à ses méditations
d'être du dix-septième siècle ; c'est un
titre de plus à notre respectueuse at-
tention qu'il ait appartenu au grand
siècle, qu'il ait fait partie de cette
pléiade de saints prêtres comme les
Vincent-de-Paul, les Olier, les BéruUe,
les Condrien, les Bourdoise, etc., et
qu'il ait contribué avec eux à promou-
voir la sanctification du clergé séculier.
Sur ce sujet, de la sainteté du prêtre,
on n'a rien dit de plus persuasif, de
plus fort, de plus complet que ce qu'ont
écrit et prêché les Olier, les Tronson,
etc. Nous trouvons dans leurs ouvrages
des tournures de phrases vieillies, des
expressions surannées; nous recon-
naissons que certains sujets de médi-
tation de Beuvelet n'ont plus de raison
d'être ; mais ces imperfections, légères
et d'ailleurs très rares, ne doivent pas
nous émouvoir et nous empêcher d'ap-
précier à leur juste valeur des écrits
dont le fond est si solide et si riche.
Du reste, les éditions récentes de Beu-
velet ont subi quelques modifications
nécessaires: celle des prêtres de Saint
Dizier, que nous signalons de préféren-
ce à celle retouchée par M. Vernier,
n'enlève rien au mérite de l'ouvrage.
Et toutefois qu'on nous permette de
préférer les éditions originales, qu'on
trouve dans les librairies anciennes;
en cela nous partageons quelques peu
le goût naïf et simple de ce bon parois-
160
LE PROPAGATEUR
sien qui déclarait un jour n'aimer point
les livres modernes et leur préférer
ceux où les 5 ressemblent aux f.
Les méditations de M. Branchereau
forment un cours complet à l'usage des
élèves des grands séminaires et des
prêtres. Elles embrassent d'abord les
vérités fondamentales, les vertus et les
exercic-^s qui remplissent lajournée du
prêire. La 4e partie comprend les médi-
tations pour les fêtes de Noire-Seigneur
celles de U Sainte- Vierge et des saints ;
la 5e est spécialement réservée à la
vocation ecclésiastique, au séminaire',
aux ordinations, aux grandeurs et
fonction- du sacerdoce. Ces cinq par-
ties, qui formpnt quatre volumes in-12
de plus de 500 pnges chacun, ne con-
tiennent que 214 sujets de méditation ;
c'esi dire que pour la longueur et les
développement^, ils ne laissent rien à
désirer. Ils so:it rédigés, nous dit
l'auteur dans la préfac'^, d'après la
méthode " que donne M. Olier dans sa
Jouimée chrétienne, et qu'expose en
détail le Manuel de pièce à l'usage des
sémirair'-s, et que l'on suit dans toutes
les maisons dirigées par la Compagnie
de Saint-Sulpice. " Il y a donc trois
points disdncts pour chaque médita-
tion : l'adoration, les considérations,
les atfeciions et résolutions. C'est le
second point qui occupe le plus de
place, car si l'auteur reconnaît que la
méditation est à la fois un exercice de
l'eiprit et du cœur, et que les affections
et autres actes de la volonté y ont une
place nécessaire et qu'elles sont même
le but indispensable de l'oraison.il exige
que par des considérations approfondies
sur le sujet proposé," nous formions en
nous cette conviclion intime et forte qui
est le fondement nécessaire des résolu-
tions efficaces. " " Pénétré de cette pen-
sée, ajoute M. Branchereau, nous nous
sommes appliqué à donner à nos mé-
ditations le caractère doclrinal qui con-
vient tout spécialement à des médi-
tations ecclésiastiques. " La haute
le situation de l'auteur et l'expérience
acquise dans le ministère qu'il exerce
depuis tant d'années nous garantissent
une doctrine exacte et sûre, des appli-
cations justes et pratiques. Nous ne
dirons rien du style, qui sous la plume
de M Branchereau, ne peut être que
très correct et très élégant. Faisons
remanjuer en finissant les " sommaires
pour la veille au soir ; ils sont un résu-
mé très concis, mais très méthodique
et très complet de la méditation, et par
suite ils seront aisément retenus et
faciliteront singulièrement la prépara-
tion moins éloignée à l'oraison du
lendemain.
Les trois volumes du P. Bronchain ne
sont pas destinés uniquement au clergé,
ils sont adressés à toutes les âmes qui
aspirent à la perfection. — L'auteur ne
s'est pas proposé, pour la suite de ses
méditations, un ordre logique ; on en
éprouve tout d'abord une impression
défavorable ; mais elle ne tarde pas à
disparaître, à cause des qualités sé-
rieuses de cet ouvrage et des avantages
que présente l'ordre adopté.
Les sujets d'oraison donnés parle P.
Bronchain sont, en elfet, d'une rédac-
tion parfaite ; deux points pour chaque
méditation ; dans chaque point un
exposé clair et succinct de la vérité ou
du mystère que nous devons méditer,
et une application faite à nous-même
des leçons pratiques que contient cette
vérité ou ce mystère, et enfin une invo-
cation ou prière. Au commencement
de chaque méditation, sous le titre
Préparation, l'auteur indique briève-
ment les pensées qui seront l'objet de
nos réflexions, et fait ressortir très uti-
lement l'importance de celle médita-
tion, en signalant le fruit qu'on en doit
retirer. L'onire chronologique suivi
par le P. Bronchain, et la grande place
qu'il donne au méditaiions sur les
mystères du temps, permettra à ceux
qui utiliseront ce recu'il, de vivre da-
vantage de la vie de l'Eglise, en entre-
tenant en eux les sentiments corres-
pondant à ces mystères. D'aileurs, ces
méditations, avec celles qui sont assi-
gnées pour les fêtes de la Sainte-Vierge
et des principaux saints, avec celles
aussi que l'auteur appelle suplémen-
taires et qui ont pour objet les grandes
vérités du salut, les vertus et les obli-
gations du chrétien, embrassent très
certainement toute la doctrine sur la
spiritualité ; quelques-unes se rappor-
tent à certaines obligations spéciales
au prêtre. Aussi, tout en avouant que
ce cours de méditations peut être
avantageusement ulili'-é par les fidèles,
et devra leur être conseillé, nous cro-
yons que les ecclésiastiques pourront
également en faire leur profit; nous
les leur recommandons, tant à cause
de la brièveté de leur rédaction qu'à
cause des fortes pensées qui y sont
proposées. (à suture)
LIVRES DE BIBLIOTHEQUES
Volumes de 15 cts pour 5 cts
La grande comète de 1882.
La nature, la race, la santé, par
F. A. Baillargé, pire.
Une mine de pierre, par R. P. Z.
Laçasse, O. M. I.
Talant 15 cts redutt 7 cts 1
Aller et retour par A. Mazure. |
Le Détroit et la Baie d'Hodson,
par G. F. Baillargé.
Mgr Bourget, çà et là, par Jeaa-
Baplisie.
La Vierge de Walcourt, par G.
da Jardinet.
De l'éducation des filles ;par A. Mazure. 20 cts réduit à 10 cts
Tolunies de 25 cts pour lâ|^ cts, deux pour â5 cts
Nos hommes forts, par A. N.
Montpeùt.
Si les canadiennes le voulaient
parLaure Gonan.
Vie de M. Pierre Ls Billaudèle,
Trois légendes d3 mon pays,
par J. G. Taché.
La première canadienne du N-
Ouest, par l'abbé Dugas.
Soirées de l'ouvrier, par flippo-
lyle Violeau.
Cinquante proverbes, par E. de
Margene.
Les Sablons, par J. G. Taché.
' Mgr Ignace Bourget, A. Leblond
de Brumath.
Le héros de Chateauguay, par L
0. David.
Nos grand'mères, par N. Bourassa
Les voyageurs canadiens, par
Gaston P. Labat.
Vie de M. Dominique Granet.
Nouvelles Histoires par E. de
Margerie.
Un mot sur le théâtre, par Uq
moraliste.
La Corée, par Paul Tournafond.
Tolunies de 30 cts réduits â 15 cts
Henri Achard, par A. Berthe.
André le mineur, " "
La Mothe Friars par G. Guenot
Le maître de Hongrie, " "
Sigismer ou la marche des Francs
par G. Guenot.
Le Kalifah d&s Bémi Salem, par
G. Guenot.
Le baron de Moncowo, par G.
Guenot.
Le roi de la mer, par [G. Guenot.
Le grenadier de la garde, "
Koger d'Entragues, " "
Les abeilles d'or, " "
Warderick ou le servage au
VlIIme siècle, par G. Guenot.
Le transfuge, " "
Le comte de Saint Yon " "
Le fédéré ou de Paris à la Nvelle
Gaiédonie, par G. Guenot.
Nouveau Manuel, de civilité
chrétienne, par Th. Menard.
Lalégalité (dialogueparL. Veuillol
Cléricale, par Gl de Chandeneux.
La vengeance de Geneviève par
Glaire de Ghandeneux.
162
LE PROPAGATEUR
Volumes à S& cts réduit â SO cts
Pied-léger, par G. D'Arvor
Vatandono, " "
Louise et Hélène, " "
Berthe, ou la fille du banquier par
G. d'Arvor.
Amélie, ou Dieu fait bien toute
chose, par G. D'Arvor.
Procrius, ou les martyrs d'Agen,
par G. D'Arvor.
Pauvre Claude, " " ,
La dette de Roger, " "
Alfred de Kerjean, " "
Sarah, ou la suivante de la mar-
quise, par Monlf'jurnier.
Calby, ou les massacres de Sep-
tembre,.par F.'A. de Boaça.
Mary et Mi-ka, par Michol Auvray^
Sœur Mirane " "
Les vacances de Madeleine par
Michel Auvray.
Trésor héraldique, !par A. de la
Porte.
Les nébuleuses, par A. Guillemin.
La conversion d'un franc-maçon
par L. Morrisson Lacombe
Conseil aux ouvriers, par Th.
H. Barreau.
La question du travail, entre
patrons et ouvriers. l'Abbé Loriot.
Le son, notions d'acoustique,par
Guillemin.
Le robinson de Paris, par C. de
Lalaing
De la charité, dans les conver-
sations, par le B. P. Huguet.
Méthode de coupe et d'assem-
blage, par Mme G. Schéfer.
Le savoir faire ei le savoir vivre,
par Clarisse Juranvilie.
Tolumes de 50 cts réduits â 25 ctn
La ferme du muiceron, par Ma-
rie Rheil.
La conversion d'un maréchal
de France, par J. Lémann.
Les échos de ma lyre, par A. De-
voille.
Les ouvriers, par A Devoille.
Les mésaventures de Jean Paul
Chopparl, par Louis Desnoyers.
La légion étrangère, par le Lapt.
Blanc
Le saint de neige, par Etienne
Marcel.
L'Empire du dragon souvenirs
d'Asie, par Dr Karl May.
Le flls du chasseur d'ours, par
Dr Karl May.
Nos petits camarades, par Marie
Maréchal.
Les enfants d'aujourd'hui, par
une mère de famille.
Néridah, par Wilfrid de Fonvielle.
Le véritable langage des fleurs,
par Anais de Neuville.
Sous le grand hêtre, par Auguste
Snieders.
Bonjours Philippe, par Auguste
Snieders.
;i,['L'Hydraulique, par E. Marzy.
Les mémoires de Finette, par
L. Hameau.
Les mémoires d'un passereau,
par Tchéré.
Les jeudis de Germaine et de
Marinette, par Marie Gassan.
La falaise de Mesnil-Val, par
J. Chantrel.
Les deux clochers,par J.Chantrel.
La politique d'un villageois, par
André Barbes.
La famille Kersanne, par Mme
Louise Dorvai.
Nouvelles et récits villageois, par
Jean Lander.
La redoute du Capt. Emporte-
pièce, par Gondry du Jardinet.
Le centenaire de 1789, par E.
D'Argill.
La petite chouannerie, A D. Rio.
Geneviève', par M. A. Neiiement.
L'Epave, "
Mes souvenirs, par Elizabeih de
Bonnefond.
Firmin, M. de Mariés.
Joies et tristesses de la mer, par
Faucher de St Maurice.
Vie de Melle Mance, par Adrien
Leblond.
LE PROPAGATEUR
163
Tolumes de 50 cts réduit» à 25 ets— SUITE
Villemarie. Petites fleurs religieu-
ses (lu vieux Montréal,
Vie de Madame Barat, par
Alexandre Brunel.
Vie de monsieur Olier, par P.
A. de Lanjuère.
La littérature au Canada en
1890, par F. A.Baillargé Pire.
Entre nous, Causeries du Samedi
par Léon Ledieu.
Petites fantaisies littéraires, par
Georges Lemay.
Gustave, ou un héros canadien,
par A. Thomas.
Voyage du R. P. Emmanuel
Crespel, par Louis Crespei.
Vie de Mlle IjeBer.
La santé pour tous, par Dr S.
Lâcha pelle.
Justice aux canadiens-français,
par Vte de Bouthillier Chavigny.
Noces d'or de la St-Jean-Bap-
tiste, par P. Ph. Gharetle.
Cours de littérature par une reli-
gieuse Ursuline.
Education des jeunes filles par
la Comtesse Drohojowska.
Les fruits d'or du pensionnat,
par Félix Bonnal.
Traité élémentaire de botani-
que, par l'Abbé L. Provancher.
La famille et ses traditions, par
Alex Brunel.
L'année scientifique, et Indus-
trielle, i)ar Louis Figuier.
Volnmes de 68 cts réduits â 30 cts
Suzanne, par Lia Cresseden.
Chêne et roseau, i)ar V Vaitier.
Le jonc d'or, par Louise de Lorlal.
La cellule de Françoise, " "
Miss Adda, par Marie Pierre.
Alba la Japonaise, par Camille
d'Arvor.
Madeleine Romain, par Marthe
Lachèze.
Rimes cléricales. Histoires et lé-
gendes, par l'abbé L. Briault.
Le premier violon, Mme Anna
Pinot.
Charmant, Meile Louise Mussat.
Cours de sens commun, par l'ab-
bé P. D. Richaudeau.
Travaux manuels et économie
domestique, par Mme Schéfer.
Les Eoirées du pensionnat, par
trnest \ i.i..
Dix-huït cents fi:ancs de rente,
par Pierre U'i Château.
Les maurénal, par la Comtesse de
la liochère.
Berthe d'Altemart,par Marie Curo
Les soirées de la famille, par
Ernest Via!,
Premiers récits d'un natura-
liste, pfti" J D'Arsac.
Les habitants de l'air, J. DArsac.
Ciel et terre (Promenades dans
l'espace) par J. D'Arsac.
Le monde des poissons et des rep-
tiles, par J. D'Arsac.
Le monde des mammifères, par
J. D'Arsac.
Dans le Royaume aérien, par
J. D'Arsac.
Bêtes soumises, bêtes guerri-
ères, par J. D'Arsac.
Jje livre d'or ou la science de
l'homme, par J. D'Arsac.
Dans les entrailles de la terre.
par J. D'Arsrac.
Les phénomènes de la vie vé-
gétale, par J. D'Arsac.
Mgr Provencher et les missions
delà Rivière Rouge, par l'abbé Dugas.
Volumes de 75 cts réduits à 38 cts 3 pour 75 cts
La cassette du Baron du Faoué- Le brigand delà Cornouaille,par
die, par Camille d'Arvor. Louis Moreau.
Le récit de Catherine, par Cela- Un oncle à héritagcpar S Blandy
nie Carissan. . La dette de Zéena, p^r S Blandy
La vie en plein air, par V Vattier. | Paille et Grain, par André Le Pas.
164
LE PROPAGATEUR
Tolumes de 75 cts réduits â 38 cts 2 pour 75 cts
Les neveux de la chanoinesse,
par Tony Lix.
Les savoyardes, par Charles Buet.
L'Héritier des Montveil, par
Melle Guerrier du Haupt.
L'Institution Leroux, par Melie
Guerrier du Haupt.
Un roman dans une cave, par
Clair de Chandeneux.
Un souvenir de famille, p^r M.
L'abbé Daix.
Vingt millions de rente, par V
Vatlier.
La jeunesse de Fanny Kemble,
par Mme. Craven.
Les inconséquences de John
Bull, par L Nemours Godrè.
Variétés, éducation et morale,
par Emmeline Raymond.
La béate, par Aimé Giron.
Yvonne Trois-Etoiles, par Com-
tesse Piostopchine.
De l'éducation chrétienne des
filles, par M. L'Abbé de Clèves.
L'expiation de lady Culmore,
par Berihe Neuliès.
Le darwinisme et l'origine de
l'homme, par l'Abbé A. Lecomte.
A tire d'aile, (Poésies) par René
des Ghenais.
Nouveau-traité de la narration,
2 vols, par Alp, Presse Monlval.
Les anciens Canadiens, 2 vols,
par P. A. de Gaspé.
Question d'histoire littéraire,
par Abbé Victor Charland.
Nouvelle méthode de coupe,
par Alice Guerre.
Petites pages d'histoire,
Prince Henri de Valoie.
par le
Jean Courtebarbe, par J Protche
de Viville.
La statue grecque de Pibur, par
Melle Alp Karr.
Mabel Stanhope, par Melle Alp
Karr
Voyage à la Côte orienentale
d'Afrique, par Mgr. Gaume.
La dernière des ravaudeuses,
par Vie Henri du Mesnil.
Csecilia. Une héroine des Cata-
combes, par L'Abbé Périgaud.
Les principes de 89, par F. Breites.
Marthe de Lurtzen,par L Théver.
Souvenirs d'une pensionnaire,
par Mélanie Van BiervUet.
De l'éducation dans les Pen-
sionnats, par Melanie Van Biervliel.
Le comte de Triazek; par Antonio
Dupuy.
L'Oasis Juvenilia, par E. Meunier .
Mademoiselle Sous-Plio c en
Charps d'Héricault.
Roseline, par A. Frank
Rosés et rubans, par Bne Marti-
neau des Ghesney.
Maître le tianec, par Marthe
Lachèse.
En Egypte et en Palestine, par
un pélenn Lyonnais.
Au delà du Khin, par Lucien Vi-
gneron.
Françoise de Souvigny, par Félix
Clément.
Le Château de Byrogues, Paul
Itorel.
Volumes de 8$ ets réduits â 40 ets
■ Souvenirs des Zouaves pontifi-
caux 1861 et 1862, par F. C. Chauff
de Kerguenec.
Claude de France, par M. R. de
Magnienville.
Explorations et missions dans
l'Afrique Equatoriale, par Florentin
Louot.
La morale de la richesse, par
Antoine Rondelet.
; Mon. voyage au; pays des chî^
mères,; par Anlonin Rondelet.
Le Tonkin et la Cochinchine,
par Eugène Veuiliot.
Moïse et Darwin. L'homme de la
Genèse comparé à l'homme singe, par
Dr. Constantin James.
Les Jésuites dans l'Amérique
du Nord, par F. Parkman.
La fin d'un monde, par E. Dru-
mont,
Gouvernement d'une famille
chrétienne, par l'abbé H. Chaumont.
LE PROPAGATEUR
165
Toliinie!9 de Çl.OO réduits à 50 et»
Les familles et la société en
France avanl la révolution, par Chs,
de Ribbe.
Souvenir d'une amie, 2 vols.
Une religieuse Ursuline.
De l'Atlantique au Pacifique,
par le Baron Etienne Huot.
Grammaire du Blason, par C.
Simon.
Le cabinet de toilette, (Toile) par
Baronne Staffe.
Curiosités Zoologiques (rel) par
D. Sachot.
Jacques et Marie, par Nap. Bou-
rassa.
La Baie d'Hudson, par J.
Proulx Ptre.
B.
Théorie pratique du billard,
valant Sl.'25 par E. Graveleuse.
Famille et collège, par Henri
Gras.
Incompris, par Miss Montgomery,
valant S 1.50.
Les Patriotes de 37-38, par L. 0.
David.
Histoire populaire de Montréal
par A. Leblond Brumath.
Un pèlerinage au pays de l'é-
vangeline. par l'Abbe H. H. Casgrain.
Vingt années de missions, dans
le N. O. par Mgr Alex. Tache.
Les victimes de la Mamertine,
par Kv. A. J. O'Reiliy.
Les poètes illustres, par Frédéric
André.
Histoire populaire du Canada, par J. de Baudoncourt. Valant 51.25,
Les canadiens de l'Ouest, î vol. par Joseph Tassé. Valant $2.00 pour $1.00
Livres endommagés
Après le catéchisme, cours d'in-
structions religieuses, par l'auteur des
paillettes d'or. In-18, 55 cts réduit à
25 cts.
Treize cantiques à sain t Joseph
publiés et mis en musique à 1, 2 ei 3
voix avec accompagnement, par le R.
P. Deleval. 40 cts réduit à 20 cts.
Traité canonique et pratique
du Jubilé, par J. Loiseaux. 1 fort vol.
in-!2, SI. 00 réduit à 25 cts.
L'ami du clergé, revue de toutes
les questions ecciésiasliqu'^s. Tome
sixième in-4, $2.00 réduit à 81.00.
Cours d'histoire ecclésiastique
à l'usage des grands séminaires, par
M. l'abbé Rivaux. 9me édition, 3 vol.
in-8 reliés (absolument sans dommage)
$5.00 réduit à S2.50.
Explication des quinze mystères
du rosaire, par M. l'abbé Bletton. .3 vol.
in-18, $1.00 réduit à 50 cls.
Retraite de huit jours pour se pré-
parer à la profession religieuse. 1 vol.
in- If, 40 cts, réduit à 20 cts.
Examens particuliers sur divers
sujets propres aux laïques qui^veulent
s'avancer dans la perfection, :;par M.
Tronson. 1 vol. in-l2, SOctsreduit 15c.
Bonald (A.). — Lvstitutiones theo-
LOGiCiE ad usum seminariorum 6 vol.
in-12, S3.50 réduità Sl.OO.
Bouix, (M. l'abbé). — Tractatds de
CoNCiLio provinciali. 1 vol. in-8 $1.75
réduit à $0.50.
Saintrain, (R.P.). — Le rédempteur
sa . préexistence, son avènement, ses
enseignements, ses institutions, ses
souffrances et ses gloires d'après les
livres saints. 1 vol. m-8 S 1.50 réd. à50.
Fleurs de la première communion,
souvenirs et récits d'un catéchiste, par
M. l'abbé Lolh. 1 fort vol. in-12, $1.00
réduit à 50 cts.
Atlas des missions catholiques,
vingt cartes teintes, avec texte expli-
catif, par le R. P. Werner S. J. In-4,
$1.75 réduit à 75 cts.
Méthode élémentaiie de plain.
chant romain, par Edmond McMahon-
In-18 20 cls réduit à 10.
Paillettes d'or (L'auteur des) Le
petit livre des supérieures 40 cts réd.
à 25. La science du ménage 20 cts
réduit à 10- Le livre des gardes ma-
lades 40 cls réduit à 20. De la prière
25 cls réduit à 13.
166
LE PROPAGATEUR
SIECLE DE LOUIS XIV, par Vol-
taire, 75 cls. réduit â 25.
TRAITÉ ELEMENTAIRE .le Cos-
mographie.par J. Pichot,S;i.50 red à 75
NOUVELLE MYTHOLOGIE dédiée
aux jeunes filles, par Mme Bourdon,
50 cts. Léduit à 20.
G HIST. DE FRANCE, mise à la portée
des enfants, par G. Bélèze, 45 cls.
réduit à 10.
HIST. NATURELLE, mise à la por-
tée de la jeunesse, par G. Bélèze, 45 cts.
réduit à 10.
CAHIERS D'HIST. naturelle, par
Milne Edwards, 40 cts. réduit à 15.
ELEMENTS, par Emile Bouant,
35 cts. réduit à 15.
COURS ELEMENTAIRE de géolo-
gie, par M. J . Gosselet, 75 cts. red. à 25.
LEÇONS PRIMAIRES, de sciences
physiques et naturelles, par Ad. Eocil-
lon, 40 cts. réduit à 10.
HIST. SAINTE, avec gravures, par
M l'Abbé Bernard cours élém. 25 cls.
réduit à 10. Moyen 45 cls. réduit à 20
Supérieur, 50 cts. réduit à 20.
NOUVELLE HIST. SAINTE, à l'u-
sage du jeune âge, 35 cts. réduit à 10.
HIST. DE l'EGLISE CATHOLIQUE
par L, Jaunay, 70 cts. réduit â 20.
TRESOR SCIENTIFIQUE des écoles
primaires, par Jules Conan, 45 cls
réduit à 20.
LE PETIT LIVRE du jeune fron-
çais, par Arthur Lotb, 40 cts. réd. à 15.
JOSEPH, RUTH, TOBIE, ainsi que
Fables, par Henri Congnet, 75 cls
réduit à 25.
RÉSUMÉ DE L'HLSTOIRE romaine
par l'Abbé P. Mury, 50 cts. réduit à 15'
PETIT TRAITE DE cosmographie"
par M. Desdouils, 30 cts. réduit à 10. '
FABLES, choisies de Florian, \)à^
M. Desdouils, 10 cts. réduit à 5.
COURS DE LITTERATURE des
classes d'humanités, par Abbé Jean-
maire, 75 cts. réduit à 25.
GEOGRAPHIE de la terre moins
l'Europe, par L. Grégoire, 60 cts.
réduit à 25.
ZOOLOGIE, par P. Maisonneuve,
$1.50 réduit à 75,
3ème LIVRE DE LECTURE à l'u-
sage des jeunes filles, par G Juranville
40 cts, réduit â 20.
COURS ELEM. de gymnastique sco-
laire,par Oscar Henrion,20 cts. réd. à 5.
LECTURE INTUITIVES, avec le-
çons de choses, leçons de mots, par M.
Georges et L. Froncet, 25 cts. réd. à 10.
150 LECTURES littéraires en prose
et en vers, par P. C. Turgan, 35 cts.
réduit à 10.
DE LA CONNAISSANCE de Dieu,
par Bossuet, 45 cts. réduit a 15.
DE L'EXISTENCE, et des attributs
de Dieu, par Fénélon, 45 cts. red. à 20.
NOUVEAU COURS d'histoire, par
Abbé Courval, $1,00 réduit à 25.
GRAMMAIRE enfantine, par Claude
Auge, 25 cts. réduit à 10.
2ème LIVRE de grammaire, par
Claude Auge, 25 cts. réduit à 10.
Sème LIVRE d-i grammaire, par
Claude Auge, 45 cts. réduit à, 20.
NOUVEAU COURS D'HISTOIRE»
ancienne classe de 6ème, par M. Gi-
rard, 50c. pour 15.
NOUVEAU COURS D'HISTOIRE
dé France, classe de Sème, 7ème, par
M. Girard, 50c. réduit à 15.
NOUVEAU COURS D'HISTOIRE
de France, cours élémentaire, par M.
Girard, 30c. réduit à 10.
NOUVEAU COUHS D'HISTOIRE
de France, cours moyen, par M. Gi-
rard, 60c. réduit à 20.
NOUVEAU COURS D'HISTOIRE
de France, cours supérieur, par M. Gi-
rard, 90c. réduit à 25.
HISTOIRE SAINTE suivie d'un
abrégé de l'Histoire ecclésiastique, par
M. Victor Boreau, 60c. réduit à 20.
LE PROPAGATEUR
167
HTSTOIREABRÉGÊE DE LARE-
LiGiON,par M. Lhomond, 25c. réd. à 10.
ABRÉGÉE DE L'HISTOIRE STE,
par le Dr J. Shuster, 20c. réduit à 5.
FABLES AMUSANTES, par M.
Perrin, 20c. réduit à 10.
FABLES CHOISIES DE PHÈDRE,
par G. Darras, 45c. réduit n 15.
PETIT TRESOR LITTERAIRE des
fnf-ints, par M. Georges, 15c. réd. à 5.
MASSILLON, petit carême 20ct?.ré-
duità 10.
PETIT CARÊME de Maasillon avec
notes, par Abbé Drioux, 35cts. red. à 15.
MONADOLOGIE, par Leibaitz,
40 cts. réduit à 15.
MANUEL DE GÉOMÉTRIE, parE.
Catalan, 63 cts. réd*<it à 20.
MANUEL DE MECANIQUE, par E.
Catalan, 38 cts. réduit 15.
ZOOLOGIE DES ECOLES, par Mme
Pape Carpentier, 35 cts. réduit 15.
2ème LIVRE DE RECITATION, et
de morale, par Mme Pape-Carpentier,
25 cts. réduit à 10.
COURS ELEMENTAIRE de Cosmo-
graphie, par J. F. A. Dumouchel, 30 cts.
réduit à 10.
TRAITÉ de Géologie, par J. B.
Lpgrain, 25 cts. réduit à 15.
TRAITÉ d'Astronomie, par Dr. Th.
Olivier, 30 cts. réduit à 15.
TRAITÉ de Mécanique, par J. B. Le-
grain, 30 cts. réduit à 15.
EPITRES ET EVANGILES des
dimanches et fêtes, 30 cts. réduit à 10.
EPITRES ET EVANGILES des
dimanches et fêtes, Cart, 10 cts.
réduit à 5.
COURS DE ST^ LE épistolaire, par
l'Abbé A. J. Delbos, 50 cts. réd. à 20.
DICTÉES CURIEUSES.par Clarisse
Juranville, 45 cts. réduit à 20.
DICTÉES AMUSANTES, par Cla-
risse Juranville, 45 cts. réduit à 20.
DICTÉES RÉCRÉATIVES, par Cla-
risse Juranville, 45 cts. réduit à 20.
KEEPSAKE DIDACTIQUE, par L.
Célestin, 30 cts. réduit à 10.
GYMNASTIQUE intellectuelle, par
P. Larousse, 30 cts. réduit à 10.
LES BOUTONS, par P. Larousse,
30 cts. réduit à 10.
LES BOUTONS, livre du maître,
par P. Larousse, 50 cts. réduit à 20.
LES FLEURS ET LES FRUITS,
par P. Larousse, 30 cts. réduit à 10.
RACINE, Critique idéale et catholi-
que. 2 vol. par A. Charaux, $1.25
réduit à 50.
ÉLÉMENTS d'économie politique
par P. Guillemenot, 63 cts. réduit à 20
LA LOGIQUE de Port-Royal, par A
Fouillée, 75 cts. réduit à 25. "
ELEMENTS DE PHILOSOPHIE,
par M. Alph. Aulard, $1-13 réduit 50.
ORAISON FUNÈBRE de Louis de
Bourbon, par Bossuet, 15 cts réduit 5.
LA CITOLÉGIE. Nouvehe méthode,
de lecture, par H. A. Dupont, 15 cts.
réduit à 5.
COURS ABRÉGÉ d'histoire Anci-
enne, par A. Drioux, 30 cts réduit à 10.
GUIDE DU CORRECTEUR, par A.
Tassis, 30 cls réduit à 15.
NOUVEAU DICTIONNAIRE fran-
çais, Chs. Baillargé, $1.00 réduit à 50.
DICT. DES;VERBES, irréguliers et
défectifs, pas F. A. Baillargé pire, 25
cts réduit à 5.
VOL DES ARAIGNÉES. La cave
des apiculteurs, par'Mme C. Lavergae,
50 cts réduit à 20.
MANUEL DES ÉTUDES primaires,
par Clerec & Heissat 60 cts réduit à 20.
MANUEL DES ÉTUDES primaires.
Cours de géographie, par Cli.'rec à
Heissat, 25 cls r-jduit à 5.
XÉNOPHON. Entretiens mémora-
bles de Socrate, par l'abbé Queatia,
60 cts réduit à 15.
QUINTI HORATIl flacci, par H. T.
60 cts réduit à 20.
l
168
LE PROPAGATEUR
EXERCICES sur les difficultés de la
langue anglaise, par G. Fleming, 75 cts
réduit à 20.
THE YOUNG LADIES' reader, par
M. J. Sadlier, 75 cts réduit à 25.
GAGE & Co's Canadian History,par
J. L. Hughes, 20 cts réduit à 5.
GAGE & Co's HEALTH IN THE
HOUSE, par Buckton, 60 cts réduit 15*
W. ANDERSONS commercial cor-
respondence, 88 cts réduit à 25.
COURS D'HISTOIRE de France,
par J d'Arsac, 2 vol. cartonnés, $2.00
réduit à $1.00.
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE
française, par d'Arsac, f 1.00 réd. à 50.
QUESTIONS DU BACCALAURÉAT
Rhétorique et Philosophie, 2 vol. car-
tonnés f 1.50 réduit à 75.
L'ART DU CONFISEUR Moderne,
par Duval, $1.15 réduit a 90.
LA BONNE ET PARFAITE Guisi-
nière, par Croisette, 50 cts. réd. à 25.
NOUVEAU MANUEL DE LA Cui-
sinière, Bourgoise, 40 cts. réd.à 20.
LES RECETTES DE FAMILLE, par
M. LePrieur, 50 cts. réduit à 25.
L'ART D'ACOMÛDER LES RESTES
35 cts. réduit à 20.
LE LIVRE DES SOUPES et des
potages, 50 cts. réduit à 25.
MÉTHODE DE CULTIVER LES
Melons Loisel, 35 cts. réduite 15,
NOTIONS USUELLES DE Médecine
Vétérinaire,par Samson, 35cls. rd. à 15.
LES ANIMAUX DOMESTIQUES,
par Lefourd, 35 cts. réduit à 15.
FIRST LESSONS in french, by
Greene, 65 cts réduit à 20.
INTRODUCTION to English His-
tory, by Greene, 30 cts réduit à 10,
NOUVEL ATLAS de géographie,
par Drioux & Leroy, $2,40 réduit à 50.
LE JEUNE AGE illustré. Journal
pour les enfants, $2.50 réduit à $1,00.
CONTES & HISTOIRES pour les
enfants, cartonné toile, $2.00 réduit 75-
LE PETIT DR. GALL, ou l'art de
connaître les hommes par la Phrénolo-
gie, 35 cts. réduit à 20.
LA BOITE A ESPRIT, 15 cts.
réduit à 5.
GUIDE DU PARFAIT JARDINIER
par Hocquart, $1.00 réduit à 50c.
LE NOUVEAU PARIS, Guide de
l'étranger, 35 cts. à 20.
ENSEIGNEMENT PRATIQUE pour
les salles d'Asile, par Mme Pape Car-
pentier, $1.50 réduit à 75c.
MANUEL DES SALLES D'ASILE
par Mde Galti de Gannond, 50 cts.
réduit à 25,
CHANSONS A L'USAGE des Salles
d'Asile, 20 cts. réduit à 10.
GYMAASTIQUE DES Délies, par
L'Aisni, $1.00 réduit à 50.
L'ART DE LA DICTION, par
l'Abbé Bourgain, 63 cts. réduit à 35.
ÉLÉMENTS D'ÉCONOMIE Politi-
que,par Guilmeneaui, 63 cts. réd. à 35,
' MÉCANIQUE ET COSMOGRAPHIE
par Dufailly, relié $2.00 réduit à $1.00
Ijivres endommagés
Petit catéchisme liturgique à
j'usage des maisons d'éducation. In- 18
10 cts réduit à 5.
Prônes, sermons et Homélies
d'après les prédicateurs bontemporains
avec préface et traits historiques, par
M. l'abbé Pluot. 1 vol. grd in-8, $1.50
réduit à 50 cts.
Quelques règles canoniques sur
la conduite spiritueiie des religieuses,
In-12, 25 cts réduit à 10.
Théologie dogmatique ou expo-
sition des preuves et des dogmes de la
religion catholiquo, par le Cardinal
Gousset, 2 forts vol. in-8, $3.50 réd.
à $2.00,
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Mai, 1893, ,Naméro 6
BULLETIN
5 mai 1893.
*^* Il est probable que la commission internationale d'arbitrage,
chargée de régler )a question des pêcheries de la merde Behring,
ne terminera pas ses travaux avant quelques semaine?. 11 faut
espérer que cette délicate question sera réglée selon les règles de
la justice et de l'équité. On peut même prévoir d'une manière
certaine une solution satisfaisante si tous les arbitres sont animés
des sentiments que leur président a exprimés en prenant possession
de son siège. Voici les paroles que ce monsieur a prononcées
dans cette occasion.
" Puisse la divine Providence de qui relèvent toutes les actions des hoiiimes
" nous donner la force et nous inspirer la sagesse nécessaires pour accomplir
" notre difBcile mission et pour marquer ainsi une étape vers la réalisation de
" la parole pleine de consolation et d'espoir de Celui qui a dit : Bienheureux les
" pacifiques car la lerre leur appartiendra.
Dans les sphères officielles de France on n'est plus habitué à
entendre ainsi prononcer le nom de Dieu. Aussi ces paroles si
dignes, prononcées dans une circonstance officielle, par un fran-
çais (1) ayant un caractère officiel, ont-elles excité la rage des
sectaires. Le journal juif là Lanterne y trouve même une violation
de la Constitution du pays et un véritable abus de confiance.
Les journaux catholiques de France, ï Univers entr'autres, ont
fait bonne justice de ces inepties.
:k
*,* Des événements d'une extrême gravité ont eu lieu en Bel-
gique. La Constituante chargée de réviser la constitution s'est
prononcée contre le suffrage uiùversel et elle a rejeté, par un
vote de 115 contre 26 et 3 abstentions, une proposition en ce sens
faite par M. Janson. Cette action de l'assemblée constituante a
soulevé les masses déjà surexcitées. La grève générale a été dé-
crétée par les meneurs socialistes et des émeutes terribles ont eu
lieu en plusieurs endroits. Il y a eu des tués et un grand nombre
de blessés. L'état de siège a été proclamé dans la capitale. Un
moment on a craint une grande révolution et l'occupation mili-
taire du pays par les armées de r Allemagne. Dans cet état de
choses le gouvernement a adopté le principe du suffrage universel
avec pluralité de votes et il s'est rallié à la proposition faite en ce
sens par M. Nyssens, professeur à la faculté de Louvain. Il a fait
(1) Le président de la cammission est le barOn de Gourcel, ancien ambassa-
deur de France à Berlin.
11
170 LE PROPAGATEUR
de celte proposition une question de cabinet et la Constituante a
enfin cédé. Par 119 voix contre 14 et 12 abstentions, elle a adopté
la proposition de M. Nyssens, et le sénat a ratifié cette décision
par un vote de 62 contre 1 et 14 abstentions. A la suite de ce vote
le calme s'est rétabli. L'article de la constitution qui vient d'être
révisé est l'article 47,
En vertu du changement adopté, ont droit de vote :
1» Tout citoyen âgé de 25 ans et résidant dans une commune depuis un an.
2° Tout citoyen âgé de 35 ans, marié ou veuf, et payant à l'état un impôt mi-
îiimum de cinq francs.
3* Tout citoyen âgé de 25 ans et ayant des immeubles valant au moins 2000
francs ou possédant iOO francs de rente sur Tétat.
4° Tout citoyen âgé de 25 acs, possédant une instruction supérieure et por-
teur dun diplôme qui le constate.
Personne cependant ne peut disposer de plus de trois votes, tt le vote est
obligatoire.
L'adoption du suffrage plural fait triompher les meneurs socia-
listes. En le votant les chambres ont obéi à la force brutale ; et,
avant longtemps, la force obtiendra encore plus, c'est-à dire le
suffrage uiversel pur et simple. Or le suffrage universel est une
arme dangereuse lors qu'elle est mise dans les mains des masses
ignorantes et fanatisées.
*/ Le roi et la reine d'Italie ont célébré leurs noces d'argent il
y a quelques jours. L'empereur d'Allemagne était présent. Il avait
bien voulu donner cette marque d'amitié à son bon ami ou plutôt
à sa bonne dupe^ le roi d'Italie, par la g âce de la révolution et
des sociétés secrètes.
L'enthousiasme n'était qu'officiel et n'a pas été même l'ombre
de l'enthousiasme véritable qui existait lors des fêtes jubilaires
du pape le spolié de rinlrus qui règne à Rome. Une chose digne de
remarque c'est que d'un côté l'empereur d'Autriche se faisait re-
présenter aux fêtes par l'archiduc Rénier, oncle du roi d'Italie et
que, de l'autre côté, il réprimait toutes les manifestations des pro-
vinces (de langue italienne) de la monarchie autrichienne. C'est là
une preuve palpable que la triple alliance n'est pas édifiée sur des
bases bien solides.
Que Dieu veuille que cette alliance hybride s'écroule bien-
tôt sous la réprobation universelle. Nous le souhaitons de toutes
nos forces dans l'intérêt de la Papauté et dans l'intérêt de la France.
***
** Dans les Communes d'Angleterre, la deuxième lecture du
bill du Home Rule a été volée par une majorité de 43 voix (l).
Dans les débats qui ont précédé cette lecture, M. Russell [qu'il
ne faut pas confondre avec sir Charles Russell, procureur général dans
le cabinet Gladstone,) député de Tyrone sud, a renouvelé ses fana-
tiques attaques(l)contre la province française et catholique de Qué-
(1) 347 voix pour le bill et 304 contre.
(2) Voir le Propagateur du premier mars, page 3.
LE PROPAGATEUR 171
bec qu'il représente comme courbée sous le joug du clergé etc. M
Blake a pris notre défense et il nous a noblement vengés des im-
putations injurieuses du fougueux député. Il a parlé avec élo-
quence de notre tolérance et de notre générosité à l'égard de la
minorité protestante de la province.
Les orangistes de l'Ulster ont tenu des assemblées séditieuses
et ils ont menacé d'avoir recours aux armes, si le biil devient loi.
Heureusement que les Communes ne se sont pas émues des mena-
ces des énergumènes et qu'elles sont bien déterminées à passer
outre et à rendre à l'Irlande catholique la justice qu'elle réclame
depuis si longtemps.
11 ne faut pas croire que l'Ulster s'oppose en masse à l'adoption
du Home Rule^ car cette partie de l'Irlande compte un bon nombre
de catholiques qui sympathisent avec leurs frères des autres pro-
vinces. Il y a même dans l'Ulster beaucoup de protestants qui
désirent les changements politiques demandés par les catholiques,
et ils ont télégraphié en ce sens à M, Gladstone.
Je termine cet article par ce portrait de l'Orangiste que fait un
journal protestant irlandais de Lowell. Massachusetts, le ^'■Sunday
Arena ".
" The orangeman is a rara ayii ; aa Irishman who hâtes Ireland; a slave
" ^ho loves his chaiDS and slripes; a Christian who despises Ihe leaching of
" Christ ; a palriol who clamors for bad laws for his country, and who glories
" in Ihe oppression of his fellow countrymea and Ihe humiliation of his mother-
" land."
Un journal prétend qu'il y a 80.000 orangistes dans toute l'Ir-
lande. Sur ce nombre éd.OOO résident dans l'Ulster.
*
*^* La revue de la flotte internationale, à l'occasion des fêtes co-
l^biennes, a eu lieu le 27 avril dans le port de New York. Elle a
été faite par le président Cleveland en présence de foules immenses.
11 y avait là des vaisseaux de guerre de la France, de l'Allema-
gne, de l'Espagne, de l'Italie, du Brésil, de la Hollande et de la ré-
publique Argentine. On remarquait surtout trois petits vaisseaux
qui sont la reproduction exacte de la Santa Maria de la Pinta et de
la Nina, les trois caravelles qu'avait Christophe Colomb dans son
voyage de découverte. Ces caravelles doivent bientôt remonter le
Saint-Laurent en route pour Chicago.
*,* Le premier de mai le président Cieveland a ouvert solennel-
lement l'exposition de Chicago. L'inauguration des bâtisses avait
eu lieu le 21 octobre dernier.
Les terrains de l'exposition sont situés sur les" bords du lac Mi-
chigan, à sept ou huit milles du centra de la ville. On dit qu'il
y a 50.000 exposants et que, outre les Etats-Unis, il y a 50 nations
el 37 colonies qui prennent part à cette exposition.
*/ Dans le mois d'avril des tempêtes épouvantables se sont dé-
172 / LE PROPAGATEUR
chaînées sur l'ouest américain, renversant tout sur leur passage.
Des villages entiers ont été détruits et les dommages à la pro-
priété sont énormes. Ce qui est plus triste ce sont les nombreuses
pertes de vies causées par ces ouragans. Quant au nombre des
blessés, il est incalculable.
Par bonheur ces tempêtes ne se sont pas étendues ici, car nous
aurions eu à déplorer des dommages pires que ceux que nous
avons éprouvés l'été dernier.
*/ Dans le cours d'avril des tentatives d'assassinat ont été fai-
tes contre son Eminence le Cardinal Vaszary, primat de Hongrie,
contre le roi de Portugal et contre monsieur Gladstone. Heureu-
sement que ces tentatives criminelles n'ont pas réussi. L'auteur
de l'attentat contre le roi de Portugal st un fou. C'est aussi un
fou, exalté par les discours incendiaires des adversaires du Home
Rule, qui a tenté d'assassiner M. Gladstone. Quant à l'attentat
contre le Cardinal Vaszary, il a été commis par un domestique
congédié. Le secrétaire du Cardinal, M. l'abbé Kohi, a été grave-
ment blessé.
*
*,* La compagnie de publication du Canada Revue a intenté une
action en dommages, au montant de 850,000.00, contre monsei-
gneur Edouard Charles Fabre, archevêque catholique Romain de
Montréal. Celte action a pour cause le mandement par lequel l'ar-
chevêque a condamné le Canada Revue et en a interdit la lecture
dans son diocèse. Cette audacieuse tentative d'empêcher un évêque
de remplir les devoirs de sa charge cause une grande indignation
parmi les catholiques. Elle a de l'éctio parmi les mangeurs de prêtres.
* •
*,* Le 1er mai, 20e anniversaire de la consécration épiscopale
de Mgr Fabre, les citoyens catholiques de Montréal se sont réunis
en grand nombre dans la cathédrale et ont présenté à Sa Grandeur
des adresses de félicitations. Ils ont protesté en même temps contre
les poursuites scandaleuses du Canada Revue^ et stigmatisé en
termes énergiques son odieuse conduite. La magistrature, le mi-
nistère fédéral, le ministère provincial, le Sénat, les Communes
le Conseil législatif, l'Assemblée législative, le conseil de ville, les
professions libérales et toutes les autres clas-es de la société
avaient des représentants dans celte importante assemblée.
Cette grande manifestation des citoyens de sa ville épiscopale,
parmi lesquels on remarquait le premier ministre de la province
et le maire de la-cité, doit être une consolation pour le prélat dans
les tribulations qui l'assiègent.
*
*,* La question des aliénés qui a causé tant de trouble au gou-
vernement provincial, est définitivement réglée. Les révérendes
sœurs Grises de Québec ont acheté l'Asile de Beauport et tout le
LE PROPAGATEUR 173
mobilier moyennant la somme de quatre cent vingt cinq mille
piastres.
L'agile de Biauport étai«t, parait-il, très bien tenu. Nous approu-
vons cependant ce changement de régime, car c'est un fait indé-
niable qu'il n'y a personne au monde comme une sœur de charité
pour prendre soin des malheureux.
Les sœurs ont de suite fait avec le gouvernement un contrat par
lequel elles s'engagent à prendre soin des aliénés moyennant le
payement annuel de la somme de cent piastres par patient. Cet
engagement est contracté pour dix ans.
Le gouvernement se réserve le contrôle médical de l'établisse-
ment.
*
%* La législature de la Nouvelle-Ecosse a été prorogée le 28
arriL Les principales mesures de la session sont le bill concernant
les mines de charbon, et le bill d'incorporation du syndicat qui
doit les exploiter.
*,* Sont nommés :
l*' Conseiller législatif pour la division de Stadacona, M. John
Sharples, marchand de bois. Il remplace il John Roche décédé
dernièrement.
2° Payeur en chef pour le département des Canaux, M. Hugh
McMillan, ancien député fédéral de Vaudreuil.
*,* Sont décédés :
P Son Eminence le cardinal Louis Gioriani, archevêque de
Ferrare. Il est né à Godifiiime le 13 Octobre 1822. Il a été ordonné
prêtre le 19 septembre 1846, sacré évêque le 6 mars 1»71, nommé
archevêque de Ferrare le 22 Juin 1877 et créé cardinal le 14 mars
1887. C'était un savant et un littérateur distingué.
2" Son Eminence le cardinal Louis Sepiacci. Il est né à Casti-
glione le 12 Septembre 1835 et il a été créé cardinal le 14 décem-
bre 1891.
3*=* Mgr. Hugh Conway, évêque de Killala, Irlande.
4° Mgr. Félix Nicholas Joseph Midon, évêque d'Osaca, Japon.
Il est né à Bonvillier, département de la Meurtre, France, le 7 mai
1840. Il a été ordonné prêtre le 21 mai 1864. Le 3 août 1870 il
quitta le Séminaire des Missions étrangères pour les missions du
Japon. En 1888 il fut nommé évêque titulaire de Césaropolis et
vicaire apostolique du Japon central, et en 1891 il fut nommé
évêque d'Osaca.
L'évêché d'Osaca est situé dans le centre du Japon. " Il s'étend,"
dit rU/iivers '' depuis le lac Biwa et les confins des provinces
Tetchyden, Mino et Ovvari jusqu'aux plages occidentales de la
grande île de Nippon, en y comprenant aussi l'île Chicorou et les
autres adjacentes."
174 LE PROPAGATEUR
5^ M. Charles Faider, jurisconsulte et ancien ministre de la jus-
tice en Belgique. Il était âgé de 82 ans.
6o L'hon. J. Ballance, premier ministre de la Nouvelle-Zélande.
Il était en même temps trésorier de la colonie et commissaire du
commerce et des douanes.
7° L'amiral français, François Edmond Paris, savant et marin
distingué. Il était natif de Brest. En 1826, étant enseigne de vais
seau, il fit sur VAstrolabe le voyage de circumnavigation avec le
célèbre Dumont D'Urville. Il était membre de l'académie des
sciences et l'auteur d'un grand nombre d'ouvrages concernant la
marine.
8** M. Esquirou de Parieu, membre de l'Institut, et ancien mi-
nistre de l'instruction publique en France. C'est sous son minis-
tère, sous la deuxième république, que fut votée, le 15 mars 1850,
la loi de la liberté de l'enseignement secondaire à laquelle il a at-
taché son nom M. de Parieu est né le 13 avril 1815. Il était avocat.
Il fut député à la Constituante chargée de préparer la Constitution,
député à l'assemblée législative sous la deuxième république et
sénateur sous la république actuelle. Ecrivain et économiste, il a
publié plusieurs ouvrages de droit, d'histoire et d'économie
politique.
9° M. Charles de Mazade, membre de l'académie française. Il
avait remplacé le comte Franz de Champagny.
10° Le très honorable Edward Henry Stanley, comte de Derby,
le frère aîné de notre Gouverneur général, lord Stanley de Preston.
Il est né à Knowsley le 21 juillet 1826, et il a fait ses études au
collège de la Trinité à Cambridge. Il a fait partie des diverses
administrations de Lord Derby, son père, en qualité de sous-
secrélaire des affaires étrangères, de secrétaire d'état pour l'Inde
et de secrétaire d'état pour les affaires étrangères.
En 1874 il eut le même portefeuille dans le cabinet Disraeli.
En 1880 il abandonna le parti conservateur et en 1882 il fit partie
du cabinet Gladstone comme secrétaire d'état pour les colonies.
Lord Derby ne laisse pas d'enfants, et le gouverneur général du
Canada succède à son litre et à son immense fortune. Alby.
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MAGNÉTISME OCCULTE, CABALE MODERNE
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RÉCITS D'UN TÉMOIN
Par le Docteur BATAIL.L,E
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AVANT-PROPOS
Confideuees d'un Occultiste
[suite et fin)
Mais n'anticipons pas. Je me borne à vous indiquer, mon cher
docteur, quel était, dès ce moment, le trouble de ma conscience^
et j'arrive au plus important, c'est-à-dire au fait inouï, épouvan-
table, dont depuis huit jours je suis absolument bouleversé
Ici, j'arrêtai mon Garbuccia.
— Vous allez, je le vois, lui dis-je, me raconter des faits graves,
des choses qu'un chrétien ne doit pas entendre sans horreur, et
si, comme je n'en doute pas, à voir la netteté de votre récit, sa
simplicité, ainsi que la conviction qui en résulte, vous allez plus
loin, si vous pénétrez, en un mot, dans le domaine des idées que
la religion nous défend d'aborder témérairement, je ne puis plus
vous écouter.. .C'est à'un prêtre qu'il faut aller confesser cela, c'est
à ses pieds qu'il faut aller vous jeter ; quant à moi, je n'ai ni qua-
lité ni envie de recueillir des confidences sur de tels sujets. ..Je ne
vous le cache pas, j'avais tout à l'heure grand désir de tout savoir;
mais maintenant, au fur et à mesure que vous avancez dans votre
récit, je sens que je vais apprendre des choses qui me troublent
déjà sans que je les connaisse ; ma conscience de clirétien se ré-
volte, et je me demande si vous écouter seulement ne me rend pas
votre complice jusqu'à un certain point... Car, enfin, ce n'est pas
au médecin dans l'exercice de ses fonctions que vous racontez
cela ; je ne suis donc, en aucune façon, tenu vis à-vis de vous au
secret professionnel, et je ne sais si je résisterai, moi, à l'envie de
tout racouler à mon tour, de publier ce que vous medites,de point
en point et mot à mot, afin de faire connaître au monde entier
176 LE PROPAGATEUR
des faits peu connus et en grande partie ignorés, afin que la di-
vulgation de ces exécrables pratiques mette en garde et contribue
à sauver des âmes sur le seuil de ce précipice dans lequel vous
êtes tombé, dans lequel, je le pressens, vous avez roulé jusqu'au
fond...
— Oh 1 dit alors Garbuccia, quelle merveilleuse idée vous avez
là, docteur !...Oui, c'est cela, il faudra publier mon récit, il faudra
raconter tout un j^ur, dévoiler, comme vous le dites, au monde
entier, l'œuvre des maléfices. Je vous y aiderai de tout mon
pouvoir, en vous mettant au courant de tout ce que fai vu, fait
et observé. Et, à ce titre, vous devez, vous médecin, en l'absence
de prêtre à bord, entendre et recevoir, non ma confession, mais
mon aveu, ma déclaration sincère et solennelle. ..Gela peut vous
paraître étrange, peut être, que je me livre ainsi à vous ; mais je
vous connais, je vous estime, j'ai confiance absolue en vous , vous
avez sauvé une fois déjà ma vie matérielle, sauvez ma vie spiri-
tuelle, écoutez-moi '....L^^ prêtre, j'en ai peur.. Oh 1 non, s'empressa-t-
il de se reprendre, voyant que je faisais un mouvement. ..Oh ! non,
pas comme vous pensez, mais par timidité, par horreur de moi...
Pensez, depuis ma première communion, qui fut, il est vrai, ex-
cellente, depuis mon enfance, par conséquent, j'ai perdu l'habitude
du prêtre, et jamais je n'oserai raconter à cet homme, malgré le
caractère sacré dont il est revêtu, peut-être même à cause de ce
caractère, ce que je vous dis à vous avec confiance, avec soulage-
ment...Je vous le répèle, je vous connais, vous êtes pour moi
comme un frère, un père, je n'ai ni honte, ni amour-propre avec
vous.. Enfin, si vous ne m'écoutez pas, jamais peut être je ne dirai
rien à personne ; ces secrets terribles mourront avec moi, et
l'œuvre mauvaise, non dévoilée, continuera son ténébreux chemin..
11 parlait ainsi, me pressant, avec le ton d'un enfant qui'supplie,
d'un malheureux qui implore, et j'étais vraiment ému
Au demeurant, ma décision fut vite prise ; son dernier argument
m'ébranla.
— Eh bien, lui dis-je, si vous me promettez formellement d'a-
chever votre retour à Dieu, de le légaliser en quelque sorte en
allant vous confesser, si, en un mot, vous me promettez d'une
façon expresse de faire votre paix définitive avec la religion chré-
tienne, alors je consens à vous écouter, et je verrai ensuite ce que
j'aurai à faire.
— Je vous le jure, fit-il simplement.
— Parlez, lui répondis-je ; — et je fis un signe de croix.
— Lors de mon dernier voyage à Galcutta, j'allai, suivant mon
habitude, voir mes frères les Ré-Théurgistes Optimales. Cette
fois, je trouvai le grand-maître et ses acolytes en grand mouve-
ment. On avait, paraît-il, reçu quelques jours auparavant, un
nouveau rituel de cérémonies magiques, composé par Albert Pike ;
il n'était question que de cela, je comprenais, à certaines phrases
échappées au grand-maître et à certains préparatifs, qu'il allait y
avoir une séance extraordinaire. Elle était seulement retardée
par ce fait, que l'on n'avait pas à Galcutta, certaines choses, —que
LE PROPAGATEUR 177
l'on ne m'indiquait pas, — absolument indispensables pour le
cérémonial.
Les choses en question ne se firent d'ailleurs pas attendre ; le
frère Georges Shekleton, qu'on avait envoyé exprès les chercher
en Chine, seul endroit du globe où l'on pût ies trouver, devait
arriver le lendemain par nu paquebot de la Peninsular and Orien-
tal, venant de Shang-Haï et Hong-Kong. Le paquebot attendu ar-
riva, en effet, le lendemain.
Le grand-maître se rendit à bord à la rencontre du frère Shek-
leton, et tons deux nous arrivèrent, portant en grande pompe une
petite caisse de bois blanc, conlenani ce que Albert Pike avait
déclaré indispensable pour la réussite de l'opération magique
tant désirée.
La caisse fut ouverte devant nous tous, dans la salle de nos
réunions ; elle contenait ... — et ici Carbuccia frissonna et sa voix
s'altéra subitement, — elle contenait, conlinua-t-il, trois canes de
missionnaires, tout récemment morts victimes de la foi, dans la
basse Chine.
" — Frères, nous dit le grand-maître, notre frère Shekleton a
justement, et parfaitement accompli la mission d'honneur dont
nous l'avions chargé... Il a vu là bas nos frères les adeptes de la
maçonnerie cabalistique chinoise, et, grâce à eux, il a pu se pro-
curer les trois crânes que vous voyez. ..Ce sont trois crânes de pères
des missions du Kouang Si, que nos frères chinois ont eux-mêmes
suppliciés, après leur avoir infligé des souffrances qui, si terribles
qu'elles pussent être, étaient encore au-dessous de celles que mé-
ritaient ces infâmes propagateurs de la superstition romaine (l)
Leurs crânes avaient été envoyés au Tac-Taï de la région, pour
servir aux usages profanes que vous savez (2). Noire frère le Tao-
Taï a bien voulu nous les céder, à la demande de notre respectable
aréopage ; et voici son cachet, qui ne nous permet pas de sus-
pecter leur authenticité. ''
En prononçant ces mots d'une voix joyeuse, le grand-maître
(1) Il est à présumer qu'il s'dgit là de quelque massacre de pères jésuites, les
missionnaires les plus détestés par les mandarins. Ces massacres sont, du reste,
fréquents ; mais ce qui est le plus honteux, c'est que l-^s gouvernements euro-
péens les tolèrent et n'en denandent janoais réparation.
(2) Le TiO-Taï est un fonctionnaire de premier ordre, un gouverneur. Les
usages profanes, auxquels il est fait allusion, sont immondes : après un massacre,
les Chinois jettent dans un carrefour les tôles coupées des victimes, et la popu-
lace va uriner sur ces débris humains. Après le grand massacre qui eut lieu à
Tien-Tsin, le 21 juin 1870, ei dans lequel le consul de France, M. Fontanier,
périt au milieu des missionnaires et des sœurs de charité, la tête du consul de-
meura très longtemps, sur une des principales places publiques de la ville, su-
bissant ces ignobles outrages posthumes. Ces abominations sont de notoriété
publique, d que tout 1^; monde sait aussi en Chine, c'est que le Tao-Taï de
Tien-Tsin qui a présidé au massacre de 1870 n'est autre que le marquis Tseng ;
ainsi, non seulement l'assassinat da consul Fontanier n'a jamais ét-^ vengé, mais
l'homme qui a approuvé, encouragé, couvert les massacreurs, l'homm'? qui a
fait exposer la tète de la victime, comme il vient d'être dit, est devenu l'ambas-
sadeur de la Chine auprès du gouvernement français, agréé par le gouverne-
ment français !
178 LE PROPAGATEUR
nous montrait, en effet, un grand papier de riz, au dragon impérial
à cinq greffes, que seuls peuvent employer les hauts fonctionnaires,
et qui, trouvé dans la main d'un homme ordinaire, lui vaut son
arrêt de mort immédiat.. .11 n'y avait donc pas à douter.
J'eus, poursuivit Carbuccia, toutes les peines du monde à ne
pas réprimer un sentiment d'horreur. Mais j'étais trop engagé, je
le compris alors. Il me sembla que, si je manifestais le désir de
me retirer de la séance, j'étais perdu ; et il me fallut assister à
une épouvantable scène, digne de vrais sauvages !
On disposa les trois têtes sur, une table. Le maître des cérémo-
nies nous fit ranger autour, en formant un triangle dont la pointe
était à l'orient de la salle. Puis, le grand-maître, prenant un poig-
nard, qui est le bijou suspendu au cordon du rite palladique, se
détacha de la chaîne triangulaire des assistants, s'avança vers la
table, et donna un coup de l'arme d'acier dans chacun des trois
crânes en disant en anglais : " Maudits soient Adona'i et son Christ t
Béni soit Lucifer ! "
Il nous fallut, bon gré, mal gré, l'imiter chacun à notre tour.
Après quoi, les trois crânes étant, comme vous le pensez, dans
un état lamentable, les débris en furent jetés au sein d'un brazier^
qui brûlait au pied du Baphomet, dominant l'orient (1).
On éteignit alors toutes Jes lumières, sauf une seule, qu'un
chevalier grand-expeit tenait devant le grand-maître, pour lui
permettre de lire sur le rituel d'Albert Pike ; le grand-maître lut
une formule d'évocation que je n'avais jamais entendue ; c'était
un appel direct à Lucifer.
Je me demandais, très inquiet, ce qui allait arriver.
La salle, je l'avais remarqué, n'était pas disposée comme du
temps des premières apparitions fantasmagoriques qu'on m'avait
fait voir ; et je comprenais bien, mais trop tard, que les pseudo-
apparitions par projections oxhydriques étaient pour familiariser
les timides avec ces pratiques. Le sol n'était pas parqueté, mais
dallé au ciment par carreaux alternativement blancs et noirs,
comme un damier ; l'orient, surélevé de trois marches, plus quatre
marches à l'autel du Baphomet, était construit en granit, en gros-
ses pierres massives. J'insiste sur ces détails, pour vous montrer
que j'ai vu, docteur, que j'allais assister à une apparition réelle,
qu'aucune trappe n'existait nulle part, qu'aucune supercherie
n'était possible.
Le grand-maître termina son évocation par des mots auxquels
je n'ai rien compris, des mois qui doivent être hébreux ou de
quelque langue inconnue ; mais j'incline pour l'hébreu. Au sur-
plus, je n'eus pas le temps de réfléchir beaucoup sur ce point.
Il avait à peine terminé, et il venait, nous tous l'imitant selon
l'usage, d'ouvrir les bras, les mains tendues comme pour souhaiter
(1) Plus loin, lorsque je raconterai les visites personnelles que j'ai faites au
sein des sociétés d'occultistes, je décrirai, avec plus de détails que ceu.x. donnés
ici par Girbuccia, l'iniérieur des temples secrets, vraiment sataniques, des Ré-
Théurgisles Optimates ; je donnerai, en outre, toutes les explications nécessaires
relatives au Baphomet et à tout le reste.
LE PROPAGATEUR 179
la bienvenue, qu'un vent violent souffla dans la salle, malgré que
les portes restassent fermée.--. On entendit aussitôt un mugisse-
ment souterrain, effrayant ; le flambeau du grand-maître s'éteig-
nit de kii-même, et nous demeurâmes dans la plus complète obs-
curité. Alors, ce fut un fracas épouvantable, dont il est impossible
de se faire une idée. En outre, le sol tremblait par fortes secous-
ses ; il semblait que la maison allait s'écrouler sur nos têtes. Je
m'attendais à être enseveli vivant sous les décombres. Il n'en fut
rien. Un formidable coup de tonnerre éclata, ei la salle fut bril-
lamment éclairée, plus vivement que s'il y avait eu des milliers
et des milliers de bougies. Ce n'était pas une lumière semblable
à celle produite par des lampes électriques ; c'était vraiment une
lumière comme on n'en voit jamais, tenant le milieu entre le rou-
ge et le blanc, ni rouge, ni blanche, bref une lumière indéfinissable.
Tous nos regards étaient tournés vers l'orient, où le trône du
grand-maître était vide, le grand-maître se tenant auprès, à gauche,
nous tournant le dos.
Tout à coup, cinq ou six secondes seulement après la brusque
illumination de la salle, sans aucune transition, sans la moindre
formation d'un fantôme d'abord indéfini et puis prenant corps peu
à peu, tout à coup, c'est le seul cas où ce terme a vraiment lieu
d'être employé, un être humain fut vu par nous tous, assis sur
le trône du grand-maître. L'apparition avait été d'une instantané-
ité absolue.
Le grand-maître tomba à genoux, et nous fîmes comme lui.
Pour mon compte, je vous assure que j'avais mes yeux fixés à
terre, et que je tremblais trop pour oser les lever vers l'orient.
Au bout de quelques instants, qui m'ont paru des siècles, j'en-
tendis une voix qui nous disait :
" — Relevez- vous, mes enfants ; prenez place, et n'ayez aucune
crainte. "
On obéit. Nous nous assîmes sur nos sièges, le grand-maître
un fauteuil auprès du chevalier chancelier.
Je regardais alors l'esprit apparu. A toutes les précédentes évo-
cations, auxquelles j'avais pris part, lorsque l'esprit évoqué avait
bien voulu apparaître, c'était toujours un fantôme aux formes
plus ou moins vaporeuses, un être fluidique, essentiellement im-
palpable. Cet esprit, au contraire, était bien un être comme vous
et moi, en chair et en os, mais au corps véritablement rayonnant.
Au théâtre, parfois, on accompagne d'un jet de lumière oxhydri-
que le principal personnage qui est en scène ; néanmoins, le truc
est facile à apercevoir, attendu que la lumière, dirigée d'un point
quelconque sur l'artiste, va en s'élargissant vers lui dans la forme
d'un compas à peine ouvert ; la lumière tombe sur l'homme et
l'éclairé. Loin de là, l'esprit qui venait de nous apparaître, était
lui-même le centre de la lueur, le foyer lumineux éclairant la
salle. Il n'y avait pas à douter ; nous étions bien en présence de
Lucifer en personne.
Lorsqu'il se montre, est-il toujours comme je l'ai va ?...Gela, je
l'ignore.. .Ce jour là, il avait les traits d'un homme de trente-cinq
180 LE PROPAGATEUR
à trente huit ans ; de haute stature ; sans barbe ni moustache ;
plutôt maigre que gras, mais nullement osseux ; la physionomie
fine, distinguée ; je ne sais quelle mélancolie dans le regard ; un
sourire nerveux pUssant le coin de ses lèvres. Il était nu,rd'une
peau blanche légèrement rosée, merveilleusement découplé, com-
me une statue d'Apollon.
Il nous dit, en excellent anglais, d'une voix vibrante, dont je
me sens encore remué au fond de l'âme :
" — Mes enfants, la lutte est rude contre mon éternel ennemi,
mais ne vous laissez jamais envahir par le découragement ; le
triomphe final est à nous. ..Je suis heureux de me sentir aimé
dans cet asile où ne pénètrent que des humains dignes de moi ;
et je vous aime bien, moi aussi. ..Je vous protégerai contre vos
adversaires ; je vous donnerai la réussite dans toutes vos entre-
prises, et je vous réserve des joies immenses et sans fin pour le
jour où vous aurez accompli votre lâche sur cette terre et où vous
réunirez à moi. ..Mes élus, à moi, sont innombrables ; les étoiles
qui scintillent au firmament, les astres que vous apercevez et ceux
que vous ne voyez pas, sont moins nombreux que les phalanges
qui m'entourent dans la gloire de mon domaine éternel... Travail-
lez, travaillez sans cesse à affranchir l'humanité de la superstition ;
je bénis vos efforts ; n'oubliez jamais la récompense qui vous est
promise... Surtout, ne redoutez pas la mort, qui sera, pour vous,
l'entrée dans la félicité impérissable de mon empire. ..Enfin, mul-
tipliez vous en ce monde-ci, et aimez-moi toujours, comme je vous
affectionne, ô mes enfants bien-aimés !..."
Après ces paroles, il^e leva du trône, vint au grand maître et
le regarda bien fixement dans les yeux, puis aux autres dignitai-
res qui étaient à l'orient, s'arrêtant devant chacun à tour de rôle
et le regardant de même. Nous étions muets. Il descendit ensuite
les degrés de l'estrade. Instinctivement, nous allions nous lever ;
mais, de la main, il nous fit signe de demeurer sur nos sièges.
Il parcourut alors la salle ; chacun de nous fut l'objet d'un rapide
exHmen de sa part.
Quand il fut devant moi, il plongea son regard dans le mien
comme s'il cherchait à lire au plus profond de ma pensée. Il me
sembla qu'il eut une sorte d'hésitation à mon égard. Il avait souri
à mon voisin de gauche ; mais, en me regardant, moi, il contracta
l'arcade sourcilière, resta pensif un instant, et je ne sais quel
rictus bizarre tordit sa bouche ; j'aurais donné dix années de ma
vie pour être à ce moment à mille lieues de Calcutta !...Si j'avais
été debout, mes jambes ne m'auraient certainement pas supporté.
Enfin, il passa à mon voisin de droite, et je me sentis soulagé.
Lorsqu'il eut fait le tour de toute l'assistance, il revint au milieu,
nous embrassa tous d'un rapide coup d'ceil circulaire, et se diri-
gea droit vers mon compagnon de gauche ; c'était lui qui avait
rapporté de Shang-liaï les trois crânes de missionnaires.
If s'approcha très près et lui dit :
" — Donne moi tes mains. "
L'autre les lui tendit ; il les prit dans les siennes ; mon voisin
LE PROPAGATEUR 181
eut comme une secousse électrique ; il poussa un grand cri, qui
n'avait rien d'humain ; et subitement, Lucifer disparut, la salle
étant à l'instant même plongée dans l'obscurité.
Les frères servants rallumèrent les flambeaux. Nous vîmes alors
que noire camarade qui avait touché l'apparition était immobile
sur sou siège, le dos calé contre le dossier, la tête rejetée en arri-
ère, les yeux fixes, démesurément ouvert. On l'entoura, il était
mort.
Le grand-maître prononça ces quelques mots d'uue voix lente
et solennelle :
" — Gloire immortelle à notre frère Shekleton ! c'est lui que
notre Dieu tout-puissant a choisi 1 "
Je n'entendis pas davantage ; mes forces m'abandonnèrent ; je
m'évanouis. J'ignore comment s'est terminée la séance.
Quand je repris mes sens, j'étais dans une chambre où l'on
m'avait transporté. Trois de mes compagnons me prodiguèrent
leurs soins. Enfin, grâce aux sels, aux frictions, je revins com-
plètement à moi ; je pus marcher, et je fis demander une voiture,
un ticka garry, pour me reconduire à mon hôtel.
L'un des officiers du rite me dit en riant, lorsque je les quittai :
" — Au revoir, frère Carbuccia, au revoir ; mais, la prochaine
fois, il faudra être moins impressionnable ! "
Carbuccia avait fini son récit ; maintenant il se taisait, et moi
aussi. Pendant tout le temps qu'avait duré notre conversation,
ou plutôt son monologue, nous avions tous deux oublié où nous
étions, le bateau, même le bruit du charbon à présent terminé
sans que nous nous en fussions aperçus ; et, dans le grand silence
de la nuit des tropiques, la lune se levait, rouge à l'horizon, et au
loin, à travers les solitudes, pa'-dessus les cimes des arbres, par-
venaient jusqu'à nous, comme pour nous rattacher encore à la
scène diabolique, les cris aigus, lamentables et prolongés, qui
durent toute la nuit, poussés dans les campagnes par les Indiens,
lesquels s'imaginent chasser ainsi des environs de leur demeure
les esprits malfaisants.
Cependant, Carbuccia n'en pouvait plus ; il était à bout de for-
ces, calmé tout de même et délivré comme d'une oppression, d'un
cauchemar, par ces aveux. Moi-même, j'étais fortement impression-
né ; il me semblait que l'air me frôlait et qu'un soufile me passait
sur la figure. Encore une fois je me signai.
Puis, nous descendîmes ; Carbuccia me souhaita le bonsoir ; il
titubait comme un homme ivre ; il tomba comme un plomb, tout
habillé, sur sa couchette, et s'endormit instantanément. C'était
la crise du sommeil, heureusement.
Quant à moi, rentré dans ma cabine, il me fut impossible de
fermer l'œil.
Je passai et repassai dans ma tête ce que m'avait conté l'ex-
graineur ; j'en pesais les idées, me rappelais la simplicité de son
récit, sa tranquillité en me racontant. On n'imagine pas ces choses,
pensai-je, quand on ne les a pas réellement vues. L'hallucination
montre toujours des choses extraordinaires, montre des monstres.
182 LE PROPAGATEUR
des apparitions aux formes bizarres ou gigantesques, amplifie tout,
exagère tout ; c'est ce qui la caractérise. Ici, au contraire, tout
est simple ; et si ce n'était monstrueux en soi par le diabolisme
du fait, s'il ne s'agissait pas du prince des ténèbres, on croirait
avoir écouté la narration d'un incident très ordinaire de la vie.
En résumé, ce qui me frappait, moi habitué à entendre des sor-
nettes, des choses étranges, biscornues, enfantées par des cerveaux
malades des visionnaires, c'était cette absence même de mise en
scène, dont les hallucinés sont coutumiers et entourent ce qu'ils
croient avoir vu.
Il n'y avait pas à s'y méprendre ; du reste, on ne trompe pas
un médecin. Cet homme avait réellement vu, avait réellement
assisté à la scène qu'il venait de me raconter. La naïveté de son
récit était pour moi la preuve la plus convaincante de sa véracité.
Quel intérêt, d'ailleurs, me demandais-je aussi, a-t-il à tromper
quelqu'un qui en définitive ne lui est rien et ne peut lui servir
à rien ?...Carbuccia est un homme fini, usé par les malheurs qu'il
a subis ; il sait bien, il sent bien qu'il s'en va ; de cet excès de mal
chez lui est né un grand bien ; maintenant il croit à Dieu et veut
se réconcilier avec lui. ..Dans ses impénétrables desseins, qu'il
faut toujours admirer, c'est précisément en tolérant les plus ter-
ribles agissements de l'esprit du mal, que Dieu a permis qu'une
âme lui fût ramenée.
Et plus je réfléchissais, plus j'essayais de me démontrer que mon
Italien était un halluciné, plus je me convainquais au contraire
davantage que c'était un malheureux, un grand criminel, mais
non un fou, plus quelque chose me disait, me criait, m'obsédait,
me faisait comprendre que ce que je venais d'entendre n'était pas
inventé.
J'en éiais là de mes réflexions d'insomnie, lorsque tout à coup
je sentis comme une commotion sur mon cerveau. Je me levai
brusquement, assis sur ma couchette, la sueur froide au front ;
l'idée venait de me surgir de m'assurer par moi-même de la vérité
de tout cela, de descendre dans l'abîme, moi aussi, mais en me
promettant bien toutefois de ne jamais me prêter personnellement
à aucune pratique diabolique. Le rôle que je m'assignai fut celui
de témoin, de simple témoin, faisant serment dans mon cœur de
refuser mon concours à tout acte contraire à ma foi, s'il m'était
demandé, et quels que soient les dangers que mon refus pourrait
me faire courir.
Dès que cette idée m'eut saisi, elle ne m'abandonna plus.
"Je serai, dis-je, l'explorateur, et non le complice du satanisme
moderne. "
Le reste du voyage, on le comprend, ne fut qu'une longue suite
de conversations avec Garbuccia, à qui je fis répéter cent et cent
fois les mêmes histoires, qu'après l'avoir quitté j'écrivais pour
plus de sûreté. Je me fis aussi donner par lui de nombreux ren-
seignements, principalement ceux qui étaient de nature à m'aider
à pro éder à mon enquête.
A Naples, je fis la connaissance du signor Peisina, le grand
LE PROPAGATEUR 183
hiéropiianle italitin'da rite deMimphis. laforaié comme je l'éoais,
il me fut facile de le convaincre que j'étais déjà au courant des
pratiques cabalistiques ; aussi n'tiésita-t-il point à m'octroyer,
d'autant plus aisément, du reste, que je ne marchandai pas, un
diplôme, avec les insignes, non pas du 35e grade oriental, mais
bien du 90^. Je fus donc, moyennant cinq cents francs, créé Sou-
verain Grand Maître ad Vilam, sans avoir d'épreuves à subir, et
surtout sans avoir de serment à prêter au prétendu divin Grand
Architecte, — ce qui était pour moi l'essentiel.
Grâce à ce diplôme et à ces insignes, grâce aussi à l'enseignement
des signes de reconnaissance et des mots de passe, donné partie
par Garbuccia, partie par Peisina, j'ai donc pu pénétrer dans les
arrière-loges et de là dans des réunions d'occultistes, interdites
même aux frans-maçons vulgaires ; et ce que je vais raconter, je
l'ai, soit recueilli de la bouche de lucifériens qui n'avaient aucun
motif de che rcher à me tromper, soit vu moi-même, de mes yeux vu.
g^.'La fin de mon récit montrera que Garbuccia s'est définitivement
réconcilié avec Dieu.
Docteur BATAILLE.
Paris, 29 se; leoibre 1892, fêle de saint Michel.
LES GONSTITOTIONS M CONCILE DD MICAN
LA CONSTITUTION DEI FILIUS
Fait de la Kévélation.
6® Fait de la révélation dans le Nouveau Testament. A tous les
points de vue que saint Paul vient de signaler, la révélation du
Nouveau l'emporte sur celle de l'Ancien. Elle a été faite en une
seule fois et d'une façon complète. Dieu s'y est manifesté d'une
seule manière, non plus par de simples envoyés, mais en la per-
sonne de son propre Fils. Enfin cette révélation est venue éclairer
d'une façon définitive non plus un seul peuple, mais tout le genre
humain, novissime, locutus est nabis in Filio.
Nécessité de la Révélation au point de vue de la religion naturelle.
On doit, il est vrai, attribuer à ceUe divine révélation que les poiats qui, dans
les choses divines, ue sont par eux-mêmes inaccessibles à la raison humaine,
puissent aussi dans la condition présente du genre humain être connus de tous
sans^difBculté, avec une ferme certitude et à l'exclusion de toute erreur. Ce n'est
pas pourtant pour cette raison que la révélation doit être déclarée absolument
nécessaire (l).
I
'* Le second paragraphe du second chapitre traite delà nécessité
(I) Huic divinae revelationi tribuendum quidem est, ut ea, quse in rébus divi-
nis humanee ralioni per te impervia non sunt, in preesenti quoque generis
humani condilione ab omniûus expedite, firma cerlitudine et nullo admixto
errore cognosci possint. Non hac lamen de causa revelatio absolule nécessaria
discenda est. {Oonslit, Dei Filius,, cap. 2.)
184 LE PROPAGATEUR
de la révélation, dit Mgr Gasser, dans le rapport qu'il présenta au
nom de la Députation de la foi (2) sur celle partie de la Constitu-
tion Dei Fllius... Il y est donc question de la nécessité de la révé-
lation, et cela à deux points de vue : 1** relativement à notre
connaissance naturelle de Dieu, et 2° relativement à l'ordre surna-
turel. Pour ce qui regarde la nécessité de la révélation dans l'ordre
naturel, le texte enseigne qu'elle n'est pas absolument nécessaire,
comme le montre cette affirmation qui commence la seconde partie :
Ce vUest pas pourtant pour celte raison que la révélation doit être dé-
clarée absolument nécessaire. Ainsi, tout en déclarant qu'elle n'est
pas d'une nécessité absolue, on'enseigne pourtant, que la révélation
est d'une nécessité morale ou relative. En ce qui regarde la
révélation qu'on appelle formelle (3) ou la révélation des supra-
sensibles, comme nous disons en allemand en distinguant le supra-
sensible du surnaturel, le texte enseigne donc qu'elle est d'une
nécessité morale, c'est-à-dire d'une nécessité qui ne tient pas à
l'objet, attendu que l'objet est ce qui dans les choses divines n'est
pas inaccessible à la raison humaine ; celte nécessité tient donc au
sujet, c'est-à-dire à l'homme dans la condition présente du genre
humain. 11 s'agit, en outre, non de la puissance même active
de connaître Dieu, mais d'une connaissance actuelle de Dieu par
notre entendement, et d'une connaissance de Dieu à laquelle tous
arrivent sans difficulté, c'est-à-dire sans un long retard et sans de
longues recherches, avec une ferme certitude, même pour ceux
qui sont à peine capables de saisir les preuves fournies par la raison,
enfin d'une connaissance sans mélange d'erreur. Pour arriver à
cette connaissanc actuelle remplissant ces conditions par des mo-
yens purement naturels, l'homme tel qu'il est présentement, ren-
contre tant et de si grands obstacles, que la révélation surnaturelle
peut être regardée comme moralement nécessaire. "
Comme le concile n'a pas changé un seul mot au texte du projet
dont nous venons d'entendre l'interprétation, nous avons dans le
rapport de Mgr Gasser, le vrai sens de ce pas^ge de notre consti-
tution.
II
On peut donc distinguer dans ^ce passage les trois assertions
suivantes :
Première assertion. — Les hommes qui ont reçu la révélation
chrétienne connaissent tous , facilement, c'esl-k-dire sans long retard
et sans recherches pénibles, avec une ferme certitude, et sans mé-
lange d'erreurs, les principales vérités relatives aux choses divines,
qui ne sont pas inaccessibles à la raison.
Un amendement voulait qu'on marquât que ces vérités sont
relatives à Dieu et à la loi naturelle ; mais le concile préféra garder
('2) Acla Goncilii Vaticani, col. 134 et 135.
(3) L'S théologiens dislinguenl la révélation /brme//g qui nous manifeste sur-
nalurellemenl des vérités ilonl la connaissance n'est pas au-dessus des forces
naturelles de notre raison, et la révélation matérielle qui apourobjet des vérités
qui dépassent la portée naturelle de notre intelligence.
LE PROPAGATEQR 185
la formule plus générale que la Dépulalion de la foi avait adopté
dans son projet (1).
Est-ce par un acte de foi, est-ce à la lumière de la raison que tous
les fidèles ont cette connaissance facile, certaine et entièrement
vraie de Dieu ? Notre texte ne le dit pas et cette question soulève
des difiicultés que nous examinerons en étudiant plus loin l'acte
de foi.
Ce que le Concile affirme, c'est que la connaissance de Dieu
qu'il vient de déclarer possible à la lumière de la raison, est possé-
dée en fait dans des conditions exceptionnellement avantageuses
par tous ceux qui ont reçu la révélation chrétienne.
Deuxième assertion. — C'est à cette révélation qu'on doit attribuer
que tous les fidèles puissent avoir cette connaissance, même dans
la condition présente du genre humain.
Ces vérités prises objectivement ne dépassent pas la lumière
naturelle de la raison; mais si les hommes, tels qu'ils sont présen-
tement, n'avaient que cette lumière naturelle, ils ne pourraient
connaître ces vérités comme ils les connaissent à l'aide de la révé-
tion chrétienne. C'est donc à cette révélation qu'ils doivent de les
connaître de cette manière.
Un amendement demanda qu'on exprimât que ce besoin de la
révélation était la suite du péché originel; un autre, qu'on ne fit
pas allusion par le mot quoque aux divers états dans lequel le
genre humain aurait pu se trouver. Ces amendements furent
rejetés (2).
Troisième assertion. — Ce besoin que les hommes ont de la révé-
lation ne la rend pas absolument nécessaire; mais puisqu'elle est
indispensable aux hommes, en un certain sens, elle est donc d'une
nécessité morale.
Comme les créatures auraient pu ne pas exister, ce qui est
nécessaire en elles et pour elles est nécessaire hypothétiquement
en vue d'une fin. Une chose sans laquelle il nous serait absolu-
ment impossible d'arriver à une fin, nous est absolument nécessaire
pour cette fin. C'est ainsi que la révélation chrétienne nous est
absolument nécessaire pour notre fin surnaturelle.
Mais cette révélation est-elle de même absolument nécessaire
pour que les hommes puissent tous parvenir à une connaissance
facile, certaine et complètement vraie des vérités d'ordre naturel
sur Dieu ? Le concile répond qu'il n'en est pas ainsi. Cette réponse
est la conséquence de la première déclaration de notre second
ehapitre, savoir que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut
être connu avec certitude à la lumière naturelle de la raison au
moyen des créatures. Il résulte, en effet, de cette déclaration que
pris en général, les hommes en possession de leur raison ne sont
pas dans l'impossibilité absolue de connaître Dieu avec certitude,
et que par conséquent cette connaissance est possible absolument
parlant sans le secours de la révélation, ou en d'autres termes que
ce secours n'est pas absolument nécessaire.
(1) Acta Concilii Valicani, col. 122 et , amendement 19.
(2) Acla Concilii Valicani, col. 122 et t36 ; amendemeDis 20a 20b<:t2l.
12
186 LE PROPAGATEUR
Le Comité n'en regarde pas moins la révélation comme néces-
saire pour la connaissance telle qu'il la décrit. En déclarant que
la révélation n'est pas absolument nécessaire pour cette connais-
sance, il insinue, en efiet, qu'elle est nécessaire non pas absolu-
ment, sans doute, mais d'une antre manière. Il l'insinue encore
en enseignant comme une vérité qu'on doit admettre, tribuenda^
que sans la révélation les hommes ne pourraient connaître tous
facilement, certainement et sans mélange d'erreur les vérités reli-
gieuses d'ordre naturel.
Il convient pourtant de remarquer que le Concile n'a pas affirmé
formellement que la révélation chrétienne fut moralement néces-
saire pour cette connaisance des vérités naturelles. Nous verrons,
en effet, en finissant, que si un secours était moralement nécessaire
à l'homme pour citte connaissance, il n'était point nécessaire que
ce secours fut la révélation chrétienne. Mais le rapporteur de la
Députation de la Foi a traduit la pensée insinuée par les déclara-
tions du Concile. Pour arriver à cette connaissance, a-t il dit (1),
l'homme tel qu'il est présentement rencontre tant et de si grands
obstacles qu'on peut dire que la révélation surnaturelle est mora-
lement nécessaire.
Un amendement renouvelé à chaque lecture proposait des
formules qui évitaient de dire que la révélation n'était d'une néces-
sité absolue que pour la fin surnaturelle et qui permettait, par
conséquent, de penser que la révélation était absolument néces-
saire pour que les hommes parviennent à l'usage de la raison ;
que cependant si Téducation est absolument nécessaire, la révéla-
lion a été absolument pour que le premier homme connût ce que
nous savons de Dieu à la lumière de la raison. Mgr Casser répondit,
au nom de la Députation de la Foi, qu'on n'entendait point déter-
miner ce qui est ou non nécessaire à l'homme pour arriver à l'usage
de la raison, mais seulement ce qui est nécessaire à l'homme usant
de sa raison pour connaître la vérité sur Dieu.
L'auteur de l'amendement ajoutait qu'au sentiment des meil-
leurs a, ologistes, la révélation est absolument nécessaire pour
savoir quel culte on doit rendre à Dieu, et par quel moyen les
pécheurs peuvent obtenir leur pardon. Mgr Casser lui fit observer
que le concile ne déterminait pas si la solution de ces deux ques-
tions est oui ou non à la portée de la raison humaine, qu'il décla
rait seulement que la révélation n'est pas absolument nécessaire
pour manifester aux hommes les vérités qui ne dépassent pas notre
portée naturelle (2).
[\) Acla Concilii l'ahcani, col. 136. Le proçès-verbal delà 18» séance de 1&
Dèpuiation de la Foi où noire paragraphe fut élaboré porte : " Tous l^s pères
pensaient qu'il fallait garder le texte du second paragraphe excepté un, qui
demandait qu'on rédigeât la première période de minière à ne pas rejeter le
sentiment qui regardai la révélation comme absolument nécessaire pour la con-
naissance des vérités de l'ordre naturel, prises da-is leur ensemble, et un autre
qui voulait qu'on déclarât formellement que la rérélation est moralement néces-
«^aire pour les vérités de l'ordre naturel. '' Ibid, col. 1672.
" (ly Acla Concilii Vaticani, col 122, 136, 225, 238, 239, amendement 18 et
réserves 55 bis et 56.
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A 1^ B Y
BONNE FOI.
QUESTION. — Dans, la prescripUou de quelle manière peut-on établir la bonne
foi de celui qui l'mvo que ?
Clerc notaire.
RÉPONSi; — Sauf les circonstances exceptionnelles dans lesquelles
la mauvaise foi apparaît d'une manière indéniable (1), la bonne
foi est toujours présumée. C'est à celui qui prétend que quelqu'un
était de mauvaise foi à faire la preuve de cette mauvaise foi.
La bonne foi est la croyance sincère et absolue que l'on a acquis
la propriété d'une chose justa opinio quœsiti dominii. (Pothier,
Pandectes, Livre 41, Titre 3, No 77.)
Pour que cette bonne foi ait lieu "il faut, dit Troplong, " 1°
ignorer qu'un autre que celui qui vous transmet la chose en est
propriétaire ; 2'' être convaincu que celui qui vous la transmet
avait droit et la capacité de l'aliéner ; 3^* la recevoir par un con-
trat pur de fraude et de tout autre vice. ("Prescription, No 915.)
Dans notre droit canadien actuel il suffît pour la prescription
que la bonne foi de l'acquéreur ait existé au moment de son ac-
qui«ition. (G. G. Art. 2253.) Nous avons adopté la doctrine du droit
romain et celle du code Napoléon (2).
Notre ancien droit français, au contraire, avait adopté les dis-
positions du droit canon qui exige que la bonne foi continue pen-
dant tout le temps requis pour prescrire.
PRESCRIPTION
QcESTiON.j — Est-ce que le principe ihéologique, en vertu duquel la prescrip-
tion d'un immeuble jpeut s'effectuer après dix années de possession, avec bon
titre et de bonae foi, (le maitre du dit inimeuble étant présent pendant tout le
temps requis pour la prescription,) est reconnu par la jurisprudence de la Pro-
vince de Québec.
votre J. F. G. St. Jos. de M.
Réponse. — Voyez l'article 5onne /bi qui précède. Il contient la
réponse à votre question. J'ajouterai cependant qu'il n'est pas
nécessaire que le maitre de l'immeuble réside dans la province
pour que la prescription ait lieu. L'article 2232 du code civil dit
que la prescription court contre les absents comme contre les présents
et par le même temps. C'est aussi la disposition de l'article 2251 du
même code.
Avant le code an ne pouvait prescrire contre les abeents que
par une possession de 20 ans. Si le maître avait été absent pendant
une partie du temps il fallait doubler les années d'absence. Ainsi
par exemple, si le maître avait été absent 5 ans ou ne pouvait
prescrire que par 15 ans. C'est ce qu'exprime le projet du code,
art. 93 du titre de la prescription. " Si le propriétaire a élé successi-
vement présent ei absent., il faut pour compléter les dix ans compter
deux années d'absence pour chaque année de présence qui manque. "
(1) Il y a des circonstances de fait tellement indicatives d-i la mauvaise foi,
que lemr existence non contestée dispense de toute autre preuve celui qui l'ar-
ticule. (Troplong, Prescription, No 929.)
(2) Art. 2269.
188 LE PROPAGATEUR
SUCCESSIONS. TAXES.
QUESTION. Qui doit payer la taxe due au gouvernement provincial dans le cas
de legs particulier ? Est-ce l'héritier ou le légataire particulier ? Notaire.
RÉPONSE. Celte taxe doit être payée par le légataire particulier,
car c'est à lui seul que le legs profite. La taxe est une charge de
ce legs, celui qui a l'émokmient doit supporter la charge. L'héritier,
ou le légataire universel, ne doit payer la taxe que sur la balance
d'actif net qui n'a pas été transmise par les legs particuliers. Ain-
si si, déduction faite des dettes, la succession a une valeur de
$10,000.00 et qu'il y ail des legs- particuliers jusqu'à concurrence
de $5,000,00, le légataire universel payera la taxe sur $5,000,00
et chaque légataire particulier la payera sur le montant de son legs.
Cette taxe n'est pas imposée uniformément. Elle varie de 1^/^
à 8°/o suivant le degré de parenté qui existe entre le défunt et les
héritiers ou légataires. Si le légataire est un étranger la taxe s'é-
lève à lO'^^o-
La question du payement de la taxe par le légataire particulier
est controversée. Plusieurs prétendent que cette taxe doit être
payée par l'héritier et que le légataire particulier doit avoir la
délivrance de son legs en entier. Je ne trouve rien dans le Sta-
tut (1) qui puisse autoriser une semblable interprétation. Au con-
traire le texte me pai ait clair et exempt d'ambiguité.
LA CONFESSION A DU BON
On lit dans un journal anticlérical de Bruxelles :
Un vol avait été commis, il y a quelques jours au préjudice de M. X., à Saint-
josse.ten Noode, et une enquête avait été ouverte. Avant-hier, un Père jésuite,
à qui le coupable était allé confier ses fautes est venu rendre à M. X., les objets
qui lui avaient été volés et que le malfaiteur avait remis au Père.
La police, prévenue, interrogea le jésuite, qui refusa de parler. Procès-verbal
a été dressé à sa charge pour refus de témoigner.
Le prêtre, qui en invoquant le secret professionnel a fait son
devoir de prêtre sera condamné à 100 francs d'amende. [La Croix).
VARIÉTÉ
UEglise et le droit pénal.
L'action de l'Eglise sur les différentes branches du droit, notamment sur le
droit criminel, a été i rofonde.
Ordalies, épreuves par le feu, par l'eau, par le cadavre, etc., condamnées dès
le vin« siècle, en dernier lieu au Concile de Lalran, en 1215, et de Palencia, en
1322 ; Combat judiciaire, repoussé dès la mise en vigueur de cette pratique bar-
bare, par l'éloquent archevêque de Vienne, saint Avit, par le troisième Concile
de Valence, par les Papes Nicolas 1er et Alexandr-i IL ; torture, énergiquement
combattue par les Souverains Pontifes, comme elle l'avait été par saint Augus-
tin ; institition des promo/tjwn d'oy^cta/z7e5, précurseurs du ministère public;
preuve testimoniale, en usage dans les cours de chrétienté, bien avant que ki
loi régulière l'eût adoptée ; droit d'appel, organisé dans les tribunaux ecclésias-
tiques, alors qu'il était inconnu dans les autres jurididictions ; première notion
des circonstances atténuantes, énoncée dans les décrétales d'Alexandre III ;
beaucoup d'autres mesui es salutaires sont dues à l'influence de la législation
canonique.
A l'Eglise, revient l'honneur d'avoir imprimé à la pénalité le caractère qui
lui appartient, en substituant l'idée de justice, d'expiation à toute pensée de
vengeance, en rejetant par respect pour la dignité humaine, la flagellation pu-
blique, la marque, le carcan, le pilori, en demeurant fidèle à l'esprit du droit
de grâce, introduit dans la société civile par Constantin, sous l'inspiration re-
ligieuse. Avril 93. (Semaine religieuse de Toulouse.)
(l) 55-56 Vict. Chap 18.
mu Ë PfflM MIS SES PIEOICATIOUS
CHOIX ET DÉVELOPPEMENTS DES SUJETS
Par m. I^'ABBÉ I>0UBL.E:X
Chanoine d'Arras, auteur de Saint-Paul, Jésxis-Chrisl, le Psau nés étudiés
en vue de la Prédication, Conférences aux Dames du Mondes, etc.
2 forts vol. in-S Prix : S3.00
TABLE DES MATIÈRES
Inlroduclion. — Importance capitale
du ministère de la Prédication. — Ses
qualités. — Ses défauts ordinaires. —
Conditions spéciales de la Prédication
contemporaine. — Idée da présent ou-
vrage.
La Religion le tout de Vhomme. — La
Religion seule possède la solution de
nos destinées. — La Religion est pour
l'homme : la nécessité de sa condition ;
l'assurance de son salut éternel : la sa-
tisfaction de ses besoins les plus im-
périeux.
La Religion comme nécessité pres-
sante.— Notre société contemporaine
est malade : son mal est profond, il
serait désespéré sans la Religion.
Comment Dieu a constitué la société
et comment Jésus-Christ l'a relevée de
ses ruines. — Comment les vices con-
temporains la replongent dans une dé-
gradation et une décadence nouvelles.
— En dehors de la Religion rien ne
peut la guérir. La Religion possède
tous les éléments de vie et de progrès.
La Religion comme nécessité univer-
selle.— La Religion, faite pour nous
tous, nous oblige tous également. — Il
est donc déraisonnable que, dans une
même famille, les uns se croient obligés
aux pratiques religieuees, les autres
s'en prétendent affranchis.— Il est dé-
déraisonnable que, dans une même
société, une classe y soit liée, une au-
tre classe s'en déclare libérée.
Nos convictions religieuses. — Elles
seules décident de la direction de toute
notre vie. Leur origine. Nos vérités
religieuses nous viennent directement
de Dieu. Leur nature. Nos vérités re-
ligieuses sont sublimes. Nos vérités
religieuses sont formidables. Nos vé-
rités religieuses sont suaves. Leurs
conséquences. Nos vérités religieuses
demandent de nous : l'adoration : la
protection : l'obéissance.
La foi étudiée dans sa nécessité. —
lia foi renferme la solution de toute
la destinée éternelle de l'homme. — La
foi nous est nécessaire d'une nécessité
de nature. — La foi nous est nécessaire
d'une nécessité de grandeur. — La foi
nous est nécessaire d'une nécessité
d'expiation. — La foi nous est néces-
saire d'une nécessité d'épreuve.
La foi étudiée dans ses prérogatives.
— Dans sa profondeur. Elle est reine
et dominatrice dans tous les royaumes
de la vérité. — Elle aide puissamment
la raison dans la recherche des vérités
naturelles. — Dans l'ordre surnaturel,
elle seule a accès. Dans son universa-
lité. La foi embrasse tous les tecnps. —
La foi rassemble et confond toutes les
intelligences. — La foi fonde le royaume
universel des âmes. Dans son indes-
tructibilitè. La foi n'a été renversée par
aucun adversaire. — La foi les a tous
renversés. Dans sa fécondité. Toutes
les merveilles chrétiennes jaillissent
de la foi.
La divinité de Jésus- Christ.—'Le fait.
— Jésus-Christ est Dieu. Jésus-Christ
est vivant comme Dieu. Jésus-Christ
est puissant comme Dieu. Jésus-Christ
est créateur comme Dieu. Jésus-Christ
en tout se montre Dieu. — Jésus-Christ
est Homme-Dieu. Jésus-Christ est venu
racheter le monde coupable. Comme
Rédempteur Jésus-Christ a voulu souf-
frir. Raisons profondes. Les corollaires.
— La divinité de Jésus-Christ tranche
la ques'ion des Religions. — La divinité
de Jésus-Christ décide de la direction
de toute la vie humaine. — La divinité
de Jésus-Christ assure toute notre des-
tinée future.
La réalité et les caractères du règne
de Jésus-Christ. — La ré&lilé. — Cette
royauté ne peut pas ne pas exister, tant
les titres de l'Homme-Dieu à la possé-
der sont nombreux et inviolables. — En
fait cette royauté existe. Jésus-Christ
est roi d'un vaste empire. Jésus-Christ
commande. Jésus-Christ triomphe. Jé-
SQS-Christ gouverne. Jésus Christ est
roi plein de muniticpnce. Les caraclè-
190
LE PROPAGATEUR
res. — Le règne de Jésus-Christ es-t un
règne voilé. — C'est un règne forte t
vigoureux. — C'est un règne plein de
suavité et de douceur.
Les trois règnes de Jésus-Chrisl. —
Nous pouvons distinguer trois phases
différentes dans le règne de Jésus-
Christ. — Ce fut un règne d'extraordi-
naire puissance, quand, aux jours de
son Incarnaiion, il fil la conquête du
monde. — C'est, depuis, un règne voilé,
dissimulé sous un mystérieux silence
et une apparente faiblesse. Règne de'
bienfaisance et de sanctification. — Ce
sera, à la fin des temps, lors du second
Avènement de Jésus-Christ, un règne
de gloire.
La divine Passion.— 'Vidée la plus
profonde et la plus vraie que nous
puissions nous faire de la Passion de
i'Homme-Dieu, c'est qu'elle fut le com-
bat solennel, l'éclatante victoire de
l'Homme Nouveau sur le péché, du
Second Adam sur l'Enfer. Premier
triomphe, à Gethsemani, quand l'Hom-
me-Dieu pleurant le péché jusqu'au
sang en efface la trace maudite et
apaise la justice du Très-Haut. Second
triomphe, dans Jérusalem, quand
l'Homme-Dieu, en se livrant au péché,
en recevant ses coups épouvantables,
en découvre par là même la malice et
en révèle au grand jour toute la laideur.
Troisième triomphe,au Calvaire, quand
l'Homme-Dieu réconciliant le ciel et
la terre, Dieu à l'homme, consomme
ainsi la giande œuvre de sa Rédemp-
ion.
Jésus-Chrisl vivant dans VEglise. —
Jésus-Christ est comme revêtu d'un
corps mystique qui est l'Eglise ; ou
plutôt il pénètre ce corps, il l'anime, il
le fait vivre rie sa propre vie. — De là
cette sublime définition de l'Eglise :
C'est Jésus-Christ même vivant au
milieu du monde. De là encore celte
conséquence que la vie de l'Homme-
Dieu sur la terre, aux jours de son In-
carnation, sera réproduite par l'Eglise,
durant le cours des siècles, dans ses
grands traits. De là cette indestructi-
ble force dans une apparente faiblesse.
— De là celte suite de bienfaits qui
sont le salut du monde.
Dieu dans l'Ecole. — Importance im
mense d'une première éducation chré-
tienne.— Importance pour tous. — Im-
portance plus grande encore pour la
classe des pauvres et des travailleurs.
— Les bienfaits qui découlent de l'Ecole
chrétienne sont donc considérables,
(rrâce à l'Ecole chrétienne, la FamUle,
la Société, l'Eglise sont sauvegardées
dans leurs droits et dans leur prospéri-
té. L'Ecole chrétienne réclame toute
l'énprgie et exige les sacrifices des ca-
tholiques.
Les ennemis de Jésus-Chrisl. — Etran-
ge mystère que l'Homme-Dieu Sauveur
du monde ait des ennemis ! — Néan-
moins, quand on scrute ce mystère on
en découvre la posiibililé ; la conve-
nance, le lerme final. — Il fut naturel
que, venant réformer une humanité
perdue de vices, Jésus-Christ y trouvât
de haineuses oppoi-iiions. — D'autre
part, il convenait à Dieu comme à
l'homme, comme à Jésus-Christ, comme
à l'Eglise, que l'œuvre de la Rédemp-
tion rencontrât des adversaires. — Tout
est provisoire dans la situation actuelle
de l'Eglise ; tout y est coordonné en
vue du triomphe final de Jésus-Christ
sur ses ennemis.
La sanctiftcation véritable. — Il y a
une notion générale de la Sainteté ;
il y a un fonds commun de Sainteté
oîi doivent indistinctement puiser tous
les élus de Dieu ; il y a des fondamen-
tales conditions sans lesquelles la Sain-
teté, à aucun degré, ne peut plus exis-
ter. Premièrement pour être saint il
faut imiter Dieu. Il est une imitation
plus générale de Dieu. 11 est une imi-
tation de Dieu toute spécialisée en
Jésus-Christ. — Deuxièmement il faut
s'unir à Dieu. Dieu fait tout pour réa-
liser celte union. L'homme, pour elle,
doit tout faire à son t ;ur.— Troisième-
ment il faut se séparer des ennemis de
Dieu. Sentiment et conduite des chré-
tiens à l'égard du monde.
Amour de Dieu. — Tout, au ciel et
sur la terre, dans le temps et dans
l'éternité se concen're et se consomme
dans l'amour de Dieu. — Première
question :puis-je aimer Dieu? — Deuxi-
ème question : dois-je aimer Dieu ? —
Troisième question : pourquoi n'aimé-
je pas Dieu ?
Amour du prochain. — Dieu n'a pas
livré aux caprices de noire nature dé-
chue le trésor du cœur, de Dieu a légi-
féré sur l'amour que nous devons nous
porter les uns aux autres. — Dieu nous
oblige à l'amour du prochain comme
à un amour de famille. — Dieu nous y
oblige comme à un amour de fraternité.
LE PROPAGATEUR
191
— Dieu nous y oblige comme à un
amour de commisération. — Dieu nous
y oblige comme à un amour de con-
quête.
La famille dans son type éternel. —
Dieu qui, à profusion, répand dans la
nature les images de l'Adorable Trinité,
n'en a nulle part tracé une aussi frap-
pante ressemblance que dans la famille.
La famille est sa parfaite image dans
sa vie intime. — La famille est sa par-
faite image dans ses œuvres au dehors.
La famille dans sa divine image sur
la terre. — A Nazareth, l'Homme-Dieu
refait la famille. La famille aura donc
pour image sur la terre le divin intéri-
eur de Nazareth. — Dieu dans la famille.
Il en était le chef à Nazareth. Il en
doit être le chef parmi nous. — Le devoir
dans la famille. Gomment on le com-
prenait à Nazareth. Gomment le doit
comprendre la famille chrétienne. — La
souffrance dans la famillp. Perfection
des divines souffrances. Sanclitication
des nôtres.
Influence de la littérature contempo-
raine sur la famille. — Tout ce que
comprend ce mot : littérature contem-
poraine.— Elle a déchristianisé la famil-
le.— Elle a flétri et abaissé la famille.
Elle en flétrit les membres. Elle y
abaisse les idées.
Le mariage. — Le mariage dans son
excellence. Excellence de son origine :
de son type divin : de sa grâce sacra-
mentelle : de sa mission. — Le mariage
dans sa législation divine. Législation
nécessaire. Législation réellement ex-
istante. — Le mariage dans ses impres-
criptibles droits.
Les devoirs dans le mariage. — La
fécondité dans le mariage. — L'union
dans le mariage. — La Religion dans le
mariage.
Préparation lointaine au mariage:
— L'éducation première influe grande-
ment sur la prospérité, la noblesse, la
sainteté future du mariage. — Comment
il faut être préparé quant à la vie en
commun. — Comment il faut être pré-
paré quant au lien à contracter. — Com-
ment il faut être préparé quant au
sacrement à recevoir. — Gomment il
faut être préparé quant à la mission à
remplir.
La mère chrétienne et Jésus-Christ.
— Admirables lien=, rapports saisis-
sants, entre la mère chrétienne et Jésus-
Christ. — Mystérieuses similitudes entre
la mère chrétienne et Jésus-Christ. —
Admirables aptitudes de la mère chré-
tienne à comprendre et à gcùler Jésus-
Christ.— La mère chrétienne a besoin
de Jésus-Christ. Jésus-Christ daigne
avoir besoin de la mère chrétienne.
Les fléaux de la maternité chrétienne.
— Trois formidables maux se sont
abattus sur notre société contemporai-
ne, trois maux qui dévastent la famille,
trois maux qui exigent de la mère chré-
tienne la plus énergique réaction. — Le
matérialisme contemporain a chassé
Dieu. — Le sensualisme contemporain
a chassé le devoir. — L'esprit révolution-
naire a chassé l'aulorité.
Le divorce. — Le divorce devant l'au-
torité et les lois divines. — Le divorce
dans ses honteuses origines, dans ses
fauteurs, lians ses législateurs. — Le
divorce dans ses suites désastreuses ;
sur le mariage .ui-même : sur les époux .
sur l'enfant : sur la société.
La vie inutile. — Esquisse de la vie
inutile. — Ce que doit être toute vie
ici-bas. — En regard la honteuse trahi-
son de la vie inutile. Flétrissure de la
vie inutile. — Elle outrage Dieu dans
son domaine souverain. — Elle outrage
Dieu dans ses dons magnifiques. — Elle
outrage Dieu dans sa conduite et ses
exemples.
La vie frivole. — La vie frivole est un
attentat contre nos divines grandeurs.
— La vie frivole est un attentat contre
les rigueurs néces-saires de la vie chré-
tienne.— La vie frivole est un attentat
contre notre destinée présente et future.
U inconduite par rapport à V indivi-
du.— Elle accumule les ruines dans
l'être divin qui est en l'homme. — Elle
accumule les ruines dans l'être humain.
— Elle tue les natures d'élite. En toutes
indistinctement elle tarit U s sources
mêmes de la vie. Elle flétrit et altère
toutes les puissances de l'âme et du
corps. — Elle accumule les ruines dans
l'ôlre social. Par ce qu'elle enlève à
la société. Par ce qu'elle iniroduit dans
la société.
L inconduite par rapport à la fa-
mille.— Grandeur de la famille. Dans
l'ordre naturel. Daus l'ordre surnaturel
et divin. — L'inconduite destructrice de
la famille. L'inconduite y étouffe toute
religion. L'inconduite y détruit le bon-
heur. L'iuconduite y dissout l'union.
L'inconduite y corrompt l'exemple.
192
LE PROPAGATEUE
L'inconduite y flétrit l'honneur. L'in-
conduite y épuise les ressources.
L'inconduite par rapport à la SO'
ciété. — L'inconduite détruit la prospé-
rité matérielle d'une société. Ravages
causés par l'inconduite des hautes
classes. Ravages causés par l'incon-
duite dans les classes inférieures. —
L'inconduite tue la religion dans uue
société. Un peuple qui veut vivre doit
être un peuple religieux. Un peuple
qui veut être religieux doit être un
peuple vertueux.
Le soin des pauvres. — Le soin des
pauvres œuvre éminente si nous consi-
dérons Dieu. Dieu dans ce qu'il à fait
Lui-môme pour les pauvres, Dieu dans
ce qu'il exige que l'on fasse aux pauvres.
— CEuvre éminente si nous considé-
rons le pauvre. Le pauvre dans ses
douleurs physiques. Le pauvre dans
ses détresses morales. — OËavre émi-
nente si nous considérons la société.
Question sociale efirayante. A cette
question deux seules solutions. La
solution révolutionnaire qui mène à
l'ahime. La solution catholique qui est
le salut.
L aumône catholique- — Le point de
départ de l'aumône calholique. Idée
d'une grande mission. Idée d'une
grande noblesse. — La méthode de l'au-
mône catholique. Jugeons de ces trois
manières de faire l'aumône : manière
officielle : manière moderne : manière
cathohque.
Les divines harmonies de Vaumône.
-—Dieu, ayant dessein de sauver le
riche par le pauvre et le pauvre par le
riche, leur laissa à l'un envers l'autre
de mutuels besoins.— Besoin mutuel
d'honneur. Le riche est l'honneur du
pauvre. Le pauvre l'honneur du riche.
— Besoin mutuel de lumière. C'est le,
riche qui doit venir instruire le pauvre.
C'est le pauvre dont la misère est la
révélation nécessaire au riche. — Besoin
mutuel de fortune. Que le pauvre est
malheureux sans l'or du riche ! Que
le riche est pauvre sans les biens que
iiii vaut l'aumône.
De V éducation du cœur. — La bonne
éducation à donner au cœur. Impor-
tance du cœur. Les deux maîtres du
cœar : Dieu : le monde. Déplorable
éducation que le monde donne au cœur*
MagniQque éducation que la Religion
donne au cœur. — Puissance du cœur
quand il a reçu la vraie éducation. Le
cœur dans les) grandes œuvres chréj
tiennes. Le cœur au sein de la famille.
L'oubli de Dieu. — L'oubli de Dieu :
■ violation du plus sacré des devoirs. —
L'oubli de Dieu : perte des plus hauts
intérêts : intérêts du temps : intérêts de
l'éternité.
Vie surnaturelle opposée au matéria-
lisme contemporain. — Le naturalisme :
mal désastreux : mal moderne. Erreur
qui enfante toutes les autres et dévaste
la destinée humaine. — Erreur qui nie
!e plus impérieux besoin de noire na-
ture. Dieu nous a créés pour l'infini : le
naturalisme en nous y arrachant nous
muiile et nous ravage. — Erreur qui re-
pousse la seule force vraiment efllcace
de noire vertu. —Erreur qui foule aux
p.eds les plus essentiels de nos devoirs.
Le surnaturel peut seul assouvir nos
aspirations, soutenir notre vertu, assu-
rer notre destinée éternelle.
Le refus d'apercevoir Dieu. — De tous
les outrages dont l'homme peut se ren-
dre coupable envers la Majesté divine,
le plus sanglant rst peut-être celui du
délaissement dédaigneux. — Or, c'est là
l'outrape spécial à notre société con-
temporaine. Lo grand mal de notre
sosiété. Elle refuse de voir Dieu. Elle
s'obsline à repousser Dieuel ne le veut
trouver nulle part Le grand devoir des
catholiques. Ils doivent, par une réac-
tion puissante, voir et adorer Dieu par-
tous. Le voir dans sa création. Le voir
dans les grands actes de sa justice. Le
voir dans la continuité de ses bienfaits.
La science divine opposé -■ h l'oubli
de Dieu. — La science divine fait tout à
la fois : la grandeur de l'homme : la
force de l'homme ; la joie de l'homme.
— La grandeur de l'homme. En dehors
d'elle l'intelligence humaine est arrêtée
par d'iniranchissanles barrières. — La
force de l'homme. En dehors d'elle la
vertu de l'homme se brise à d'infran-
chissables écueils. — La joie de l'hom-
me. En dehors d'elle le bonheur de
l'homme est anéanti par d'invincibles
calamités.
L'abstention des pratiques\religieuses.
— Un culte, des pratiques religieuses
LE PROPAGATEUR
193
sont exigés. De là la fausseté el le dan-
ger de celle prétendue religion idéale
qui veut aller à Dieu sans dogmes ni
culle p'écis. — Un seul culte, une reli-
gion unique sont les véritables. — Dieu
es a marqué'î de tels signes qu'il est
impossible de s'y méprendre.
Les obstacles à la pratique de la Reli-
gion.— Premier obstacle : une incré-
dulité décevante. De tout temps l'hu-
manilé déchue a tenté d'échapper à
l'obligation que la véritable Religion
impose. Les tentatives contemporaines.
— Second obstacle: les passions. Nos
passions, qui exigeraient contre leurs
saillies les forces religieuses, sont, tout
au contrair*^, ardentes à repousser la
Religion. — Troisième obstacle : le tu-
multe des affaires et les mille distrac-
tions de k vie.
Les prérogatives de la religion. — Il y
a pour nous dans la religion, tout à la
fois : — une transcendante lumière. La
où. l'incrélule se voit arrêté devant
d'insondables abîm'js, nous poursui-
vons une route inondée de clartés.—
Une invincible force. Indispensable
nous est la force durant notre vie en-
tière. Seule la religion peut nous en
donner la plénitude.
Une ineffable joie. Les douleurs hu-
maines nous assiègent de toutes parts.
La Religion peut seule les adoucir
Divinité de l'Eglise catholique. —
Qu'est-ce que l'Egiise ? L'Eglise est le
corps mystique de Jésus-Christ. Elle
est pour ainsi parler, Jésus-Christ con-
tinué, Jésus-Christ vivant et agissant
au milieu du monde. — Elle est donc
divine. La grande preuve de sa divinité
est sa vie elle-même : vie surhumaine,
vie inextinguible, vie victorieuse. Tout
meurt sauf l'Eglise. Les corollaires de
la divinité de l'Eglise catholique sont
de la plus haute importance.
La Parole sainte. — L'efficacité mer-
veilleuse de la Parole sainte, les effets
puissants qu'elle ne manque pas de
produire en uous quand nous l'écoutons
convenablement. — Les obstacles que
trop souvent nous lui opposons. — Les
sacrifices qu'elle commande et auxquels
nous devons généreusement souscrire.
Le Péché.— Il y a dans le péché une
affreuse puissance de dévastation, et
celte dévastation nous en suivons les
traces au ciel, sur la terre, dans l'être
humain tout entier, au Calvaire, dans
le gouffre infernal. — Il y a dans le pé-
ché une affreuse malice. Le péché
s'attaque à un Dieu. Le péché entre-
prend des attentats de toute sorte con-
tre Dieu. — Il y a dans le péché un
affreux état. Etat de disgrâce, de dé-
pouillement, de damnation.
La chute d'une âme. — Une âme qui
tombe n'est certes pas une âme qui se
perd irrémédiablement : la conversion
s'ouvre à elle et le pardon lui est
promis. Mais il est des âmes qui se
perdent pour toujours et c'est cette
affreuse et éterneile chute dont il est
ici question. — Comment se prépare et
se consomme celle chute — Ce qu'est
celte chute. Quels en sont les carac-
tères? Dans quel état de perdition sans
espoir précipite-t-elle le pécheur impé-
nitent et obstiné à repousser la divine
miséricorde.
La conscience. — Grandeur toute divi
ne de la conscience. Par elle plus que
par les autres parties de notre être
spirituel, nous retenons la ressemblance
de Dieu. Rôle immense de ia conscience
dans la vie de l'homme : dans la vie du
chrétien. — Culture de conscience, cul-
ture générale, culture particulière.
La confession : sa pratique. — Les
qualités d'une confession bien faite. —
Elle doit être sereine. Quel mal pro-
duisent dans une âme les vaines ter-
reurs de la confession. — Elle doit être
pénétrante, et non légère ni superfi-
cielle ; pénétrante dans la contrition
qui la précède, l'aveu qui l'accompa-
gne. In satisfaction et le changement
qui la suivent. — Elle doit être attentive
Importance des paroles d'un sage et
hîbile directeur. — Elle doit être- effi-
cace.
La confession : son excellence. —
Grandeur de la confession. Elle est
divine. Voulue de Dieu : instituée par
Dieu: victorieusement imposée et
maintenue f)ar Dieu. — Suavité de la
confession. Elle est pour nous la source
de tous les biens. Les biens de l'éter-
nité. Les biens du temps. — Puissance
de la confession. Une éclatante expé-
rience la monire. Le raisonnement s'en
rend compte.
UEuchanslie suprême triomphe de
Dieu- — Triomphe de la force, de la
bonté, de la gloire de Dieu. — De la
194
LE PROPAGATEUK
force. Dieu, dans l'Eucharistie triom-
phe de la nature, de rhcmtne, de lui-
même. — De la bonté. L'Eucharistie
nous donne le Dieu de l'Incarnation,
le Dieu de la Rédemption, le Dieu de
la SanctiQcalion.,— Delà gloire. Subli-
me desnn de Dieu : déifier ses créatures
raisonnables. L'Eucharistie magnifique
conronnement de cette grande œuvre
de Dieu.
Le Sainl-Sacrifice de la messe. — Ce
que c'est que la Messe. La Messe est
un Holocauste. — La Messe est l'Holo-
causte, le sacrifice d'un Homme-Dieu.
La messe est le même sacrifice que
celui de la Croix, offert sous un rite
nouveau.
Quel grande et sublime chose est la
Messe. — La Messe est la grande œuvre
de Dieu, la consommation, sur la terre
de toute son œuvre de l'Incarnation, de
la Rédemption, de la Sanctification. —
La messe doit être notre grande œuvre
à nous-mêmes.
Le Saint- Viatique. — Le Saint- Viati-
que admirablement approprié à toutes
les circonstances de la mort.— Dans la
mort, détresse suprême : dans le Saint-
Viatique suprême et universel bien. —
Dans la mort, danger redoutable ; dans
le Saint- Viatique, toute puissante as-
sistance.— Dans la mort, œuvre de
glorieux héroïsme : dans le Saint-Via-
que, grâce d'élévation, d'énergie, de
magnanimité.
La piété : excellence. — E.xcellence si
nous considérons Dieu. Dieu en lui-
même : Deus carilas esl. Dieu dans
toutes ses œuvres: toutes ont eu pour
but de faire naître en nous la pitié. —
Excellence, si nous nous considérons
nous-mêmes. La piété met le sceau à
notre surnaturelle grandeur. La piété
c'est la compagne riche, suave et'
féconde de notre vie tout entière. La
piété est la seule consolatrice efDeace
de nos douleurs.
Lapiété :'sa pratique. — Les illusions
de certaines personnes pieuses par
rapport a la pieté. — Les déloyautés des
âmes mondaines par rapport à la piété.
La conduite droite, lumineuse, éner-
gique des âmes sainteè par rapport à
à la piété.
Le rôle de la prière. — Son rôle est de
nous élever. Notre vocation de chré-
tien est sublime. Mais, d'autre part,
nos sens, le monde, l'enfer conjurés
ensemble, s'efforcent de nous exprimer.
La prière seule aura la puissance de
nous tenir élevés. — Le rôle de la prière
est de nous fortifier. A côté de luttes
incessantes, en face de détress' s uni-
verselles, nous constatons en nous une
lamentable impuissance, La prière
nous est à elle seule toute assistance,
toute protection. — Le rôle de la prière
est de nous consoler, La douleur chez
les mondains et sans allégement. La
douleur chez ceux qui prient est rem-
pli d'onction, de force, de lumière.
Sur les difficultés de la prière. — Il
faut soigneusement distinguer les diffi-
cultés que subissent les âmes pieuses et
celles que mérites les âmes lièdes tt
mondaines. — Pour les âmes pieuses, il
y a tout à la fois dans ces difficultés :
une dette de nature : un tout miséri-
cordieux châtiment ; une fructueuse
épreuve. — Qeant aux âmes tièdes et
mondaines, leurs difficultés dans la
prière sont un pronostic alarmant.
C'est que leur foi s'éteint. C'est que
leur vigueur chrétienne dépérit. C'est
que leur tenue même n'a plus la dignité
chrétienne voulue.
Le birinfait des retraites. — La retrai-
te est le retour d'un ami. L'ami céleste.
Jésus, que dans le cours du temps
nous éloignons par notre dissipation,
notre indifférence, notre manque de
foi, notre paresse. — La retraite, c'est
la réparation d'une ruine. Ruine muU
tiple que subit toute âme en ce monde
et qu'il est essentiel de relever. — La
retraite c'est la préparation de l'avenir.
Peut-être l'avenir éternel. En tout cas
l'avenir que Dieu nous réserve encore
ici-bas.
La vie molle.. — La vie efféminée, la
vie de paresse, de bien-être et de plai-
sir ruine en nous le christianisme tout
entier. — Impossible, avec cette vie, de
nous élever à Dieu. — Impossible de
nous donner à Dieu et d'accepter que
Dieu se donne à nous. — Impossible de
fournir la carrière de pénitence exigée
de nous. — Impossible de nous astrein-
dre aux règles de la j)rudence chré-
tienne et de fuir les dangers qui com-
promettent le salut.
LE PROPAGATEUR
19c
La vie sensuelle. — Il y a^ Jans la vie
sensuelle, un attentat contre Dieu et
un attentat contre l'homme. — Un atten-
tat contre Dieu. La vie des sens détruit
dans le chrétien toute l'œuvre de la
rédemption et de la glorification divi-
nes. Aussi Dieu se montre-t-il sans
pitié contre cette vie grossière et impie.
Un attentat contre l'homme. La vie
des sens intercepte sa future destinée.
La vie des sens intercepte sa fortune
destinée. La vie des sens ravage sa
Tie présente.
La vie sérieuse. — C'est la seule
agréée de Dieu. C'est la seule qui ho-
noreDieu comme Créateur de noire être
naturel et de notre être divin. Aussi
Dieu, en Jésus-Christ, a-l-il promulgué
cette vie et en a-t-il donné le modèle.
La seule heureuse. La vie de disslpa-
et de plaisirs devient fatalement une
tortur^'. La vie sérieuse au contraire
renferme tousjles éléments du bonheur.
lia seule féconde. Féconde : pour l'in-
dividu : la familiej la Société.
Les saints. — Dieu a créé les Saints
pour Lui-mêm»^. Dieu a créé les Saints
pour nous. — Dieu les a créés pour sa
gloire. Les Saints la procurent ; les
Saints la vengent des attaques de ses
ennemis. Dieu les a créés pour son
cœur. En regar i de la grossière insen-
sibilité de la foule contemplons les
ardeurs des Saints. — Dieu a créé les
Saints pour nous. Gomme nos illumi-
nateurs. Comme nos défenseurs. Com-
me nos excitateurs.
Le vrai catholique. — Méconnu du
monde, le vrai catholique offre au re-
gard impartial : .une étonnante gran-
deur d'âme : une étonnante force de
caractère: une étonnante sagesse. —
Grandeur d'âme. Tout ce qui est borné,
caduc, fugitif, il le répudie. — Tout ce
qui est vaste, éternel, infini, il le re-
cherche avec ardeur. — Force de
caractère : Fils de l'Eglise, il obéit au
traditions d'énergie qu'il tient de sa
Mère. Energie : dans le devoir : dans
la douleur : dans la résistance aux
passions. — Sagesse : Sagesse à com-
prendre sa destinée. Sagesse à prendre
les moyens d'y atteindre.
La femme chrétienne. — Odieusement
tyranisée et avilie delà Société païenne
la femme a été magnifiquement relevée
et gloriQée par Jésus-Christ. — Glorifiée
en Marie. — Glorifiée dans les Saintes
femmes. — Glorifiée par le martyr. —
Glorifiée par la vie religieuse.— Glori-
fiée au milieu du monde.— bloriflée à
tous les postes du dévouement. Glorifiée
dans l'honneur et le respect universel.
Relevée et ennoblie, la femme reçut
de Jésus-Christ et de l'Eglise les plus
belles et les plus fécondes missions.^
L'épouse. -La mère. — La maîtresse de
maison. — La femme et les œuvres
catholiques.
La vie religieuse. — La vie religieuse
dans ses rapports avec Dieu. — Elle est
un don. Don mutuel de l'âme à Dieu
et de Dieu à l'âme. Dom plus complet:
plus nécessaire : plus facile. — Elle est
une transfiguration. Le religieux re-
produit Jésus-Christ. Jésus-Christ :
o'jéissant : pauvre ; vierge. — Elle est
une immolation. Immolation : du mon-
de : de la nature : de la vie. — La vie
religieuse dans ses rapports avec le
monde. La vie religieuse a une mission
sociale. Elle s'est appliquée aux plus
fécondes œuvres. Elle est plus particu-
lièrement vouée à l'éducation de la
jeunesse. La vie. religieuse dans ses
rapports avec la famille. Iniques récri-
minations.— Réalité et vérité. La vie
religieuse réserve pour la famille : un
immuable amour : une assistance pré-
cieuse : une puissance unique de con-
solation.
La douleur. — En dehors des lumières
chrétiennes, la douleur reste un obscur
et effroyable problème. — La lumière
chrétienne éclaire la douleur. Elle en
montre l'origine, la nécessité, la béné-
tion. La douleur comme expiation. La
douleur romme formation. La douleur
comme future glorification. — La grâce
chrétienne nous sauve des dangers de
la douleur. Danger d'y demeurer iner-
tes et stériles. Danger d'y délaisser
tout sentiment de religion. Danger
d'irritation, de désespoir, de blas-
phème.
Les Saintes Plaies. — Mot bien extra-
ordinaire de saint Paul en face de
l'homme-Dieu, livide et déchiré : " il
convenait, dit-il, qu'il en fût ainsi!"
Les Divines plaies par rapport à Dieu.
Elles Lui sont une réparation de l'of-
fense du péché. Réparation digne : de
sa Majesté : de sa Justice : de sa Bonté :
de sa Sagesse. Les Divines plaies par
196
LE PROPAGATEUR
rapport à l'homme. L'homme y trouve
tout ce qui assure le salut. Il y trouve:
le repentir : le frein : l'héroïsme. Les
Divines plaies par rapport à l'Eglise.
Par elles le plus grand des mystères
est conservé ; la Passion continuée dans
les pauvres, les malades, les meurtris.
— Par elles les âmes saintes trouvent
le courage de se vouer au plus repous-
sant de tous les ministères de la charité.
La force chrétienne. — Sa nécessité.
Ses sources. — Sa nécessité. Nécessité
de vocation. Nécessité d'éducation.
Nécessité de préservation. — La force
chrétienne a sa source en Dieu. La
force chrétienne exige un constant
exercice.
Les ennemis de Dieu. — Deux con-
duites de Dieu sur ses ennemis endur-
cis, oblinés, impénitents : Dieu fait
servir leur perversité à ses desseins,
mais après les avoir pleures et suppliés
avec une toute extraordinaire patience.
— Les pécheurs endurcis servent à
exalter l'éternité de Dieu : la puis? ce
de Dieu : le futur triomphe de Dieu : au
dernier jour. -Mais avant qu'ils devien-
nent ainsi les instruments de sa justice,
De sa justice Dieu les a longuement
pleures. Jésus-Christ pleure : l'âme
qui s'éloigne : l'âme qui devient péche-
resse: ^ l'âme pécheresse qui devient
audacieuse dans le mal: l'âme qui se
fait opiniâtre et désespérée.
Douceur : son héroïque acquisition.
— Les contrefaçons de la douceur, au
lieu de mortifier la nature. La flattent
et la servent ; mais la douceur chré-
tienne est chose haute, ardue, divine.
La douceur chrétienne repose sur
l'immolation de soi.
—La douceur chrétienne s'alimente à
la grâce et à la lumière d'un Dieu
•" doux et humble. " — La douceur chré-
tienne ne se soutient que par de tout
surnaturels motifs.
Douceur : sa royale domination.-^
Dieu qui se plait à tirer des plus faibles
choses ses plus vastes elfets, a voulu
attacher à la frôle et inoITensive dou-
-ceur, la domination universelle. Dieu
la fait reine sur la terre. Dieu la fait
reine dans le ciel. — Sur la terre. Si la
domination nous est toujours délicieuse,
souvent nécessaire,nous n'avons jamais
su la vraie manière de nous l'assurer.
Dieu seul pouvait nous la révéler — Au
ciel. Tout y est accordé à 1'" Agneau
immolé ", à celui qui personnifie divi-
nement la douceur. "Les doux" seront
associés à cette toute puissance.
Du bon gouvernement de la langue.
^Mystérieuse grandeur de la langue.—
Grandeur dans ses missions. — Gran-
deur dans sa formidable puissance.
Puissance de vie. Puissance de mort.
Règles du gouvernement^chrétien de la
langue. — Ce qu'il faut dire. — Quand il
le faut dire.— Gomment il le faut dire.
Le Sacré-Cœur. — Ce que donne le
Sacré-Cœur.
Ce qu'exige le Sacré-Cœur. — Ce qu'il
donne. Don immense. Don méconnu.
Don repoussé. — Ce qu'il exige. Ses
exigences comme amour. Ses exigences
comme Royauté. Ses exigences comme
Sainteté.
Immaculée-Conception. — Proclama-
tion de ce dogme. Substance de ce
dogme. — Proclamation de ce dogme.
Combien elle était légitime Combien
elle fut opportune. — Substance de ce
dogme. Marie exempte du péché origi-
nel a été: le Triomphe du Père:
l'Amour du Fils le chef-d'œuvre du
Saint-Esprit.
La Papauté. — La Papauté dans les
merveilles de son histoire et de sa domi-
nation.— De son histoire. Sa naissance ;
ses débuts : ses triomphes: ses appa-
rentes défaites. — Sa domination. La
plus irréalisée. La plu^ dénuée. La
plus interminable. La Papauté dans ses
bienfaits. — Bienfaits de l'unité. — Bien-
faits de la vérité. — Bienfaits de la vertu.
La Résurrection de nos corps. — Les
inébranlables fondements de ce dogme.
— Il repose sur de formelles promesses.
Il repose sur l'inébranlable fondement
qui est Jésus-Christ, — Il reposa sur les
gages déjà donnés par Dieu à nos
coips. — Il repose sur les œuvres de ces
corps et la Justice divine.
Le Dimanche — Le Dimanche consa"
crè par de divins souvenirs et de
sublimes prophéties. — Le Dimanche lié
par d'étroites obligations. — Le Diman-
che signalé par d'immenses bienfaits.
Idées et développements divers. — Le
sommeil d'une âme. — Sommeil de
sainteté. — Sommeil de fragilité.— Som-
meil d'insensibilité. Le délai de la
conversion. Combien il est ordinaire.
Combien il est insensé. Combien il est
dangereux. Le règne du péché dans le
monde. A quelles effroyables et mul-
tiples dévastations l'on peut, par toute
la terre, suivre les traces du monstre. —
La malice intrinsèque du pché. — La
fin dernière du péché. — Le Jugement.
L'ANNÉE CHRETIENNE
OU CONSIDÉRATIONS SUR LES
PRINCIPALES FETES DU CYCLE LITURGIQUE
Par DOX SABDA T SAI.VANY
Traduit de l'Espagnol par M. l'abbé A. Thiveaud
ancien directeur de grand séminaire
1 vol. in-12 Prix : 88 cts
En offrant au public VAwiée Chrétienne de Dom Sarda, nous n'avons point
la prétention de combler une lacune, de faire une œuvre nouvelle. Le nombre
est grand, en effet, des ouvrages écrits sur le même sujet par le Père Croiset, Je
comte de Walsh, Dom Guéranger et cent autres.
Toutefois, le livre de Oom Sarda se distingue par un caractère particulier
d'actualité qu'on chercherait vainement ailleurs et qui lui assure, nous osons
l'espérer, en deçà comme au delà des Pyrénées, un accueil favorable, un succès
mérité.
Le dogme, il est vrai, ne change point, et la morale est immuable, comme le
Dieu qui en est l'auteur; " la vérité demeure éternellement ". Aussi bien le
docte théologien et mystique espagnol s'est-il appliqué à réaliserl'adage antique :
" Nonnova, sed 7iove " . 11 a dit d'une façon neuve des choses et des vérités
anciennes. Il a approprié les enseignements de la foi au.\- besoins et aux exi-
gences de notre époque. Et de plus, en même temps qu'il expose la doctrine
catholique avec la netteté n'un théologien, la concision d'un philosophe et la
verve d'un polémiste, il réfute d'une façon magistrale et victorieuse les objections
les plus répandues.
Un simple coup d'oeil jeté sur le sommaire de quelques chapitres sufQrait à
donner une idée du genre adopté par Uom Sarda, et à inspirer le désir de lire et
de méditer son Année Chrélienne. Se propose-t-il de raconter l'origine des fêtes
chrétiennes, de montrer leur efficacité comme cathéchisme d'instruction popu-
laire ? Aussitôt son âme d'apôtre llétrit les efforts des sectaires qui travaillent
à réduire le nombre de ces fêtes et de la franc-maçonnerie qui tend à les sécula
riser.
Parle-t-il de la fête des Chaînes de saint Pierre? A l'instant il se met en
présence du drame éternel, de la lutte incessante de l'enfer contre l'Eglise. Et
cette Église, toujours combattue, il la montre sans cesse victorieuse.
Si quelqu'un se levait pour mettre en doute l'opportunité d'une pareille publi-
cation, nous répondrions par la parole, partout tt toujours vraie, de l'Esprit
Saint : " Craignez Dieu et observez ses commandements ; car c'est là tout
l'homme "
Quel moment, du reste, plus favorable pour affirmer la vérité catholique, que
celui oii l'on a osé écrire un livre intitul : " Comment finissent les dogmes " ?
Les dogmes ne finissent point : ils survivent à leurs iasulteurs dont ilsToient ou
le repentir etle pardon ou l'endurcissement et la perte irréparable.
A ceux qui vivent dans l'oubli de Dieu et dans le mépris de sa loi, Dom Sarda
semble dire ; " Est-ce trop de fierté à un Dieu de ne confesser que ceux qui le
confessent et de renier ceux qui le renient " ?
A ceux qui n'osent pas manifester au dehors les sentiments rehgieux qu'ils
refoulent dans le sanctuaire secret de l'âme, il parait jeter ce défi plein d'une
légitime indignation : " Est-ce que la pratique ostensible du christianisme exige
un courage trop héroïque? Est-ce que Dieu aurait préparé son ciel pour les
timides et les lâches " ?
A ceux, enfin, qui craignent qu'il ne soit pas possible de rendre en même
temps à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu, il fait cette
intrépide réponse ; " L'accomplissement du devoir religieux peut-il faire ombrage
aux puissances de la terre? porter préjudice aux inléiê.s matériels" ? Poser ces
questions, c'est les résoudre.
198
LE PROPAGATEUR
L'auieur de ['Année Chrétienne est de la famille de ceux qui croient et espè-
rent ; il est de la race des vaillants et des forts. Et, dans l'ardeur de son zèle, il
brûle du désir d'affermir et d'étendre le règne de Dieu sur la terre.
Quiconque lira ces pages y trouvera une lumière, une grâce et une force ; une
lumière pour son esprit, une grâce pour son cœar et une force pour sa volonté.
Sa foi en sortira plus vive, son espérance plus inébranlable, sa charité plus
généreuse. Il marchera d'un pas plus ferme dans la voie de-; divins cornmande-
ments ; il trouvera le salut. A. THIVEA.UD, prêtre.
KOTES&RENSEIGJNEMKNTS BIBLIOGRAPHIQUES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ET
A COMPLÉTER LEUR BIBLIOTHÈQUE
PREMIERE PARTIE
livres de piété pour les ecclésiastiques
1. MÉDITATIONS, SUHe
L'auteur a eu la bonn3 pensée de
donner au commencement du 1er vo-
lume un résumé de la méthode d'orai-
son d'après saint Alphonse. A la fin de
chaque volume, il fixe l'ordre du jour
pour les retraites annuelle et mensuelle,
et il indique les méditations qui pour-
raient servir chaque jour dans une
retraite de 3, 5, 6, 10 et 15 jours. Enfin
on a placé à la fin du 3» volume une
table alphabétique qui permettra de
de trouver facilement les méditations
sur le sujet donné. L'ouvrage du même
auteur, intitulé : L'âme sanctifiée par
la médition quotidienne, et dont nous
nous occuperons dans la 4e partie de
notre catalogue, est le résumé de celui
que nous venons d'analyser et d'ap-
précier.
Avec le P. Ghaignon, nous revenons
au genre Lecture méditée, et nous arri-
vons à la méthode de saint Ignace.
Cette méthode se trouve exposée dans
V Introduction de l'ouvrage, d'après
l'opuscule : De ralione medilandi, du
R. P. Roothaan, général, de la (Jompa-
gnie de .lésus. Les méditations du P.
Ghaignon sont, dans la Ire partie, le
développement, et pour ainsi dire le
commentaire des Exercices spirituels
de saint Ignace, appropriés aux besoins
et obligations du prêtre. En consé-
quence, cette première partie expose
dans la ire section les vérités relatives
à la première semaine des Exercices :
lo sur la tin de l'homme et du prêtre,
sur l'obligation de sainteté imposée au
prêtre et les moyens généraux de sanc-
tification Recueillement, exercices de
piété, et particulièrement l'office divin,
le saint sacrifice de la messe, la pensée
de rèlernité) ; lo sur le péché (sa gra-
vité, spécialement dans le prêtre), ses
causes (passion, orgueil, etc.), et sur le
péché véniel et la tiédeur ; 3o sur les
remèdes du péché (méditation des fins
dernières, mort, jugement et enfer) ;
4o sur le retour à Dieu (dont l'enfant
prodigue et saint Pierre nous donnent
l'exemple). La seconde section de la
première partie envisage la sanclifica-
lion du prêtre dans ses progrès et sa
consommation, et commente les vérités
qui se rapportent au trois dernières
semaines des Exercices de saint Ignace
c'est-à-dire à la connaissance et imita-
tion de Jésus-Christ. Après avoir ex-
pliqué deux dispositions nécessaires
pour se mettre à la suite de Jésus, à
savoir l'esprit de foi et l'esprit de sacri-
fice, et après avoir aussi prouvé l'obli-
gation que nous avons d'imiter Notre-
fSeigneur, l'auteur étudie les vertus
spéciales dont le Sauveur nous donne
l'exemple 1» dans les mystères de son
Incarnation et de sa vie cachée (humi-
lité, chasteté, esprit de pauvreté,
mortification, obéissance) ; 2° dans sa
vie publique (ou vie apostolique : motifs
et qualités du zèle sacerdotal, et vertus
à pratiquer dans les différentes fonc-
tions du ministère) ; 3» dans sa vie
souffrante (patience au milieu des
peines et des tribulations du ministère
apostolique), 4» dans sa vie glorieuse
(gage du bonheur réservé au saint
prêtre, et modèle de la vie apostotique
et de cette union avec Dieu qui est la
consommation de la véritable sainteté).
La deuxième partie, qui occupe les
4e et 5e volumes, comprend les médi-
tations qui se rapportent soit au Propre
du temps, soit aux principales fêtes de
la Sainte- Vierge et des saints, dant
LE PROPAGATEUR
199
les trois grandes divisions de l'année
liturgique : Avenl et Noël, Carèaoe et
temps pascal, temps de la Pentecôte.
Nos lect';'urs constateront par cette
analyse que le cadre da P. Chaigon
est vaste et complet ; nous avons
reconnu noas-même qu'il est bi^n rem-
pli, par des méditations suffisamment
nombreuses, ayant toujours pour sjjet
des vérités plus fondamental*?s et plus
importantes, se succédant dans un
ordre logique, facilitant l'enchaînement
des idées et des résolutions, et vérifiant
ain^i ce qui est dit au Ps. 83 : " Ascen-
gionesin corde suo disposuit." Chaque
sujet est traité avec le même esprit
méthodique; " mais avec un luxe de
développements, dit un auteur, qui
laisse irop peu d'initiative à l'esprit,
ou, si l'on prc-fère, mu travail personnel,
il fait et dit presque tout. " Cet incon-
vénient, il est vrai, est plutôt un avan-
tage pour ceux qui, pour une raison
ou pour une autre, ne sont pas capables
de ce travail personnel ; et il peut ôtra
atténué pour les autres en n'utilisant
qu'un point d'une trop longue médita-
tion.. Au reste la faveur dont les mé-
ditations du P. Chaignon jouissent
auprès du clergé nous interdit d'insis-
ter trop longuement sur ce reproche.
Nous pourrions de môme signaler et
regretter dans la réJaction de ces
méditations le style et le genre du
prédicateur : le P. Chagnon a trop
prêché de retraites ecclésiastiques pour
que ses méditations ne ressemblent
pas un peu à des prédications, par la
manière dont il expose la vérité et dont
il formule et présente les exhortations
qu'il adresse au cœur et à la volonté.
Mais ici encoie ceux qui ac:eptenl
d'être dispensés du travail des réfle-
xions et affections personnelles deman-
dent à être ainsi éclairés, à être ainsi
exhortés ; et le P. Chaignon obtiendra
ce double résultat, une vue claire de
vérité et des sentiments sincères et
efficaces, plus sûrement que M. Bran-
chereau, gui est aussi très clair et très
lumineux, mais qui est trop aride et
manque d'onciion.
A la fin de chaque volume du P,
Chaignon se trouvent, avec la prière
du matin en usage dans les séminaires
de Saint-Sulpice, les prières qu'on a
coutume de faire après l'oraison, et les
Direclio inlentionis ante missam et
Graliarum aclio posl missam. Le 3«
volume a de plus, 1" un appendice sur
les retraites ecclésiastiques ; 2° un
choix de sujets dé méditations ou de
considérations pour trois retiailes de
six jours ; 3° quelques réflexions sur la
retraite du mois, avec la méthode don-
née par le P. de Lehen, dans son livre :
Voie de la paix intérieure. Ces addi-
tions seront bien accueillies par ceux
de DOS confrères qui donneront leur
préférence au P. Chaignon.
DÉcRouiLLE. Si l'on veut connaître
ce que reuf-rment les cinq volunoes de
M. Décrouille, il suffit de lire VAvis qui
est au commencement de l'ouvrage ;
l'auteur nous y avertit qu'il nous donl
ne: l» une méditation (qu-'lquefois
deux) particulière sur chaque messe
des dimanches et des fériés d-^ l'année
ecclésiastique; 2» une méditation, spé-
ciale aussi pour la fête des saints qui
ont une messe propre, et même pour
la plupart des saints qui n'ont d'autre
messe que celle du commun ; 3» une
ou plusieurs médilaiions sur chaque
messe du commun des saints (pour les
fêles des saints qui n'ont pas de médi-
tation particulière) ; 4" deux médita-
tions sur chaque messe votive concédée
par Léon XIII pour les jours de la
semaine. " Pour 1 1 disposition respec-
tive des dima-iches et des fêtes de
saints, on a suivi à peu près l'ordre
adopte par Dom Guéranger dans son
Année liturgique." Les méditations
qui y répondent remplissent les quatre
premiers volumes, un pour chaque
saison comme pour le bréviaire ; le
cinquième volume renferme l--s médi-
taliont sur le Commun des saints et
sur les messes votives. Au commen-
cement de chacun des temps liturgi-
ques, l'auteur a placé une in'roduction
qu'il sera très utile de lire our mieux
comprendr i les méditations et les faire
plus fructueusement ; elle rappelle l'es-
prit de l'Eglise en la saison qui va
s'ouvrir, et indique le travail spirituel
que le prêtre doit particulièrement
s'imposer pendant cette période. M.
Décrouille a rem irqué qu'à ce point de
vue, l'Avent se rapportait à la voie
purgative, et devait par conséquent
provoquer des efl'orls pour 1 1 destruc-
tion du péché ; que les mystères célé-
brés par l'Eglise depuis Noël jusqu'à
la Pentecôte nous faisaient entrer dans
la voie illuminalive, et nous invitaient
et aidaient à reproduire en nous les
vertus de Jésus-Christ ; tandis que le
temps qui suit la Pentecôte appartenait
200
LE PROPAGATEUR
à la voie unilive. A la tin de chaque
volume on trouve les prières liturgi-
ques : Prœparalio ad missam et Gra-
iianim aclio.
L'auteur nous avertit dans la préface
que la méthode de ses médilaiions ett
celle de saint Ignace. Pour chaque
sujet, nous avons : 1" le Prélude (re-
préstnlation et demande) ; 2" en second
lieu, deux ou trois points, c'est-à-dire
deux ou trois "vérilés distinctes, et pour
ehacune, considération, application,
affections ; 3° à la lin les résolution? et
deux recommandations, en rapport
avec le sujet de l'oraison, pour la pré-
paration à la sainte mtsse et pour
l'action de grâces. Et tout cela est
rédigé dans un style sobre et concis;
les pensées qui sont offertes à nos
réflexions sontfortes et prétentées d'une
manière originale et saisissante. Mais
ce vu'ii y a de particulier et de nou\ eau
dans ce cours de méditations, c'est le
sujet, qui est emprunté à la messe de
chaque jour, et l'auteur le développe
par les paroles mêmes de la liturgie, et
par quelques citations liiées du bré-
viaire, coordonnant ainsi, comme le
lui a écrit Mgr l'évêque d'Arras, ''les
trois actes principaux de la vie sacer-
dotale : la méd; talion, la récitation du
bréviaire et la sainte messe." Si la
méditation est en général une néces-
saire et excellente prfparation à la
célébration du saint sacrifice, que dire
de la méditation laite avec M. De-
crouïlle ? Lts réflexions et les affections
qui auront composé l'oraison, se pré-
senteront de nouveau à l'esprit tt au
cœur, à mesure que les paroles médi-
tées reviendror;t sur les lèvres du prêtre
pendant la sainte messe, et l'attention,
la ferveur sera ainsi entretenue, rei.ou-
veiée et ravivée à chaque instant. Quel
grand bien en lésulttra pour lame!
Et de même la récitation de l'office
divin ramènera fréquemment noire
esprit à la méditation et à la messe du
matin, pour ranimer dans notre ùme
les mêmes bons sentiments et y entre-
tenir les mêmes dispositions. Aussi de
tous les prêtres que nous savons avoir
pratiqué l'ouvrage qui nous occupe, il
n'en est aucun qui n'en fasse l'éloge
et ne s'applaudisse de le suivre. D'ail-
leurs, le succès, bien vile établi, de ces
méditations, consacre les appréciations
flatteuses de plusieurs membres émi-
nenls du clergé, et constitue à nos yeux
la meilleure des recommandations.
Les médilaiions de M. Hamon sont
trop répandues et trop connues pour
qu'il sort nécessaire de leur consacrer
un long article. Suivant très exacte-
ment les fêles de la liturgie, elles offrent
l'avantage, comme les précédentes, de
provoquer les réflexions et les senti-
ments que l'Eglise elle-même s'efforce
de nous suggérer et de nous inspirer
aux différents temps de l'année. L'é-
vangile du dimanchs a toujours sa
méditation ; et souvent la semaine
entière est consacrée a le commenter ;
d'autr-es fois, ce sont les mystères du
Sauveur qui, suivant le propre du
temps fournissent le sujet de l'oraison.
Les principaux saints ont aussi leurs
méditations, renvoyées à la lin de cha-
que volume. Comme son confrère M.
Branchereau, M. Hamon s'adresse sur-
tout à l'intelligence, lui proposant de
bonnes et salutaires pensée?, mais
laissant à chacun toute la charge des
affections jersonnelles ; on a pu, à
cause de cela, reprocher à M. Hamon
d'être trop aride et de manquer d'onc-
tion ; j'admettrais ce reproche si ces
méditations étaient exclusivement à
l'usage des fidèles, et j'y ajouterais
même le regret d'une trop grande con-
cision et brièveté. Car généralement
les fidèles ont besoin d'être aidés et
guidés par une exposition plus com-
plète de la vérité, et par l'indication
plus détaillée des afftctions et résolu-
tions que préparent et exigent les con-
sidérations; il est même à souhaiter
que des exhortations, courtes mais
pressantes, aident à la naissance et à
la vivacité des sentiments et disposi-
tions que les réflexions doivent pro-
duire dans la volonté. Mais on ne doit
pas exiger tout cela dans les médita-
tions destinées au clergé; on est en
droit de supposer qu'un ecclésiastique
peut se contenter, comme thème d'orai-
son, de quelques fortes pensées,
exposées nettement et brièvement. Il
lui faudra saus dcule un travail per-
sonnel plus considérable, soit pour
rendre la vérité plus éclatante, soit
pour la féconier et la faire agir sur la
volonté ; mais c'est là un travail dont
personne ne méconnaitra les avanta-
ges ; que chacun de nous souhaite d'en
être capable et en goûte les heureux
fruits. Si pour celte raison, les médi-
tations de M. Hamon peuvent être
profitables au clei-gé, elles ne sauraient
lui suffire. En effet, l'auteur ne pouvait
pas, dans un ouvrage à l'usage des
fidèles, envisager directement toutes
les obligations spéciales au prêtre, ni
par conséquent les traiter avec assez
d'ampleur et de détail.
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Juin, 1893, Numéro 7
BULLETIISI
22 Mai 1893.
V Depuis longtemps les sectaires et les sociétés secrètes cher-
chent à implanter leurs fanest^es doctrines en Hongrie. Les catho
llques sont en butte à leurs persécutions et on cherche même à
leur imposer le mariage civil. Heureusement que l'épiscopat
hongrois est à la hauteur de sa mission et qu'il la remplit avec
le zèle et la vigilance du bon pasteur qui veille sur son troupeau.
Les catholiques revendiquent leurs droits avec courage et fermeté.
Ils n'ont heureusement recours qu'aux moyens constitutionnels,
malgré les sourdes menées de leurs ennemis qui voudraient les
pousser aux excès et aux violences.
Réunif: dernièrement en assemblée plénière dans la ville de
Komorn, ils ont passé à l'unanimité la résolution suivante qui
indique l'esprit qui les anime dans les luttes qu'ils soutiennent.
L'assemblée calholique de Komorn exprime à Tunanimité son désir de voir
maintenir, sur une base équitable, la paix entre l'Eglise et TEtat. Gomme fidèles
de la Sainte Eglise, nous voulons donner à Dieu ce qui est à Dieu, et comme
citoyens nous donnerons à l'Etat ce qui e.-t à l'Etat, persuadés que nous som-
mes que si ce dernier se tient dans les attributions de sa sphère, il n'y aura
jamais lutte entre les devoirs civils et les devoirs religieux.
*
*^* Les élections municipales pour les 80 quartiers de Paris ont
eu lieu les dimanches 16 et 23 avril. Ces élections se sont faites
principalement sur la question de la réintégration des sœurs de
charité dans les hôpitaux d^où elles ont été ctiassées par la laïcisa-
tion à outrance. Malheureusement il y a encore trop d'éléments
malsains dans Paris et les mauvaises passions y ont encore trop
d'empire. Les hommes de désordre l'ont encore emporté et pendant
trois autres années ils vont régir à leur manière les affaires de la
grande ville (1).
" Paris ". dit ironiquement l' Univers, était conient de son conseil municipal !
Il faut le croire, puisqu'il le maintient à l'Hôtel de Ville.
Paris se trouve honnêtement, sagement, habilement administré. Il veut que
cela continue. Il sera satisfait. Le gaspillage des deniers publics, (2) la désorga-
nisation des éooles, de l'assistance et des hôpitaux, la corruption et le désordre
en tout genre vont s'accroître; les grands travaux nécessaires à l'embellissement
et à l'assainissement de la capitale resteront machevés.
(1) Le budget de Paris est de 700 millions de francs
(2) Les rapports officiels constatent qu'il y a cette année un déficit de sepl
millions de francs. (Note de la rédaction.)
13
202 LE PROPAGATEUR
La position est cependant moins mauvaise qu'elle ne l'était
dans le dernier conseil ; elle s'est un peu amélioi ée. En effet les
partisans de la réintégration seront au nombre de 18 et ils n'étaient
que 14 dans le conseil précédent. Le nombre de voix données aux
candidats catholiques et à leurs alliés dépasse 120,000, ce qui est
une augmentation de plus de 80,000 car ils n'avaient réuni que
34,000 voix en 1«90. Ce changement considérable va peut-être
diminuer l'audace et l'arrogance des sectaires et leur apprendre
qu'ils doivent mettre un terme à leurs vexations.
La majorité du conseil se compose de républicains opportunistes,
de radicaux-socialistes, de possibilisles broussistes, de possibilistes
allemanistes, de blanquistes et d'autres istes ejusdemfarinœ. Parmi
les 80 conseillers il y a dix journalistes, vingt quatre avocats, des
médecins, des négociants, des ouvriers etc.
Dans une ville comme Paris dont la population atteint près de
3 millions d'habitants, il y a bien des misères humaines à soula-
ger. Et, par une étrange aberration qui n'a pour cause que la
haîne de la religion, on préfère les soins mercenaires aux soins de
celles qui ont tout sacrifié, famille, joies, plaisirs, position, pour
servir Dieu et le prochain. On préfère ce que le grand Napoléon
appelait un dévouement de location à la charité de vocation^ on pré-
fère les infirmières qui soignent pour de l'argent, aux infirmières
qui soignent pour l'amour de Dieu.
*
** L'Allemagne est en pleine lutte électorale, Lebill de l'armée
ayant été rejeté sur une division de 210 voix contre 162, l'empe-
reur a immèdiaiemeni dissous le Reichstag et ordonné de nouvel-
les élections. Elles auront lieu le 15 juin. Le gouvernement veut
vaincre coûte que coûte et il ne reculera devant aucuns moyens
pour parvenir à son but. On craint même un coup d'état car
l'empereur est surexcité et on sait que chez lui la passion l'emporte
sur le jugement.
Les élections vont se faire presqu'uniquement sur la question
de l'augmentation de l'armée. Les partisans du gouvernement
poussent le cri d'alarme et font appel au chauvinisme des popula-
tions à qui ils persuadent que la France et la Russie se préparent
à envahir l'Allemagne.
Les partis sont nombreux en Allemagne. 11 y en a huit sur les
rangs dans la présente lutte. Les socialistes paraissent être les plus
forts. Si le parti catholique, ou du centre^ ne se divise pas, il pour-
ra probablement tenir la balance du pouvoir et obtenir bien des
réformes.
*^*
*
*,* Le congrès brésilien est en session depuis le 3 mai. Le pré-
sident Peixotta dans son message, annonce l'entreprise prochaine
de travaux publics qui devront avoir pour effet d'attirer les im-
migrants. Il constate que la situation financière de la république
s'est améliorée et il exprime sa confiance dans le maintien de la
paix.
LE PROPAGATEUR 203
A propos du Brésil, La Croix de Paris donne les renseignements
qui suivent. Ils sont relatifs aux affaires religieuses de ce pays.
Les journaux du Brésil publient la bulle apostolique qui réorganise la hiérar
chie ecclésiastique dans ce pays.
Léon XIII partage le Brésil en deux provinces : celle Nord, métropole
Bahia ; celle du Sud, métropole Rio-de-Janeiro.
La province de Bahia comprendra les anciens diocèses deBelem, Para, Saint-
Louis, Fortaleza, Olinda, Goyaz, et les nouveaux diocèses de Manaos et de
Parahyba.
Celle de Rio comprendra les évêchés de Saint-Pierre-de-Rio-S-rande, Saint-
Paul, Marianha, Diamantina, Cuyaba, et deux nouveaux diocèses qui seront
bientôt fondés.
Cet acte du grand Pape assurera la pacification religieuse dans ce pays, nous
en avons le ferme espoir.
*
*/ Le chapitre général des Oblats de Marie Immaculée, réuni
à Paris, le 11 de ce mois, a élu supérieur de la congrégation le T.
R. Père Jean-Baptiste Louis Soulier, en remplacement du T. K.
Père Joseph Fabre, décédé il y a quelques mois. Le R. P. Soulier
est né en 1826 dans le diocèse de Tulle, département de la Gorrèze.
Membre de la congrégation des Oblats depuis quarante cinq ans,
assistant-général depuis plusieurs aimées déjà, visiteur à différen-
tes reprises de toutes les maisons de son Ordre répandu dans le
monde entier, ce vénérable religieux connaît parfaitement les
besoins et ks ressources des diverses provinces. Une aussi longue
expérience unie à une grande science et à une piété remarquable
promettent donc une administration prudente, éclairée, féconde
en œuvres.
La Semaine Religieuse de Montréal.
Note de la rédaction. — Le Supérieur général des Oblats est élu à
vie. Le R. P. Soulier est le troisièmesupéiieur général de l'ordre.
Le premier supérieur a été Mgr de Mazenod, évoque de Marseille,
le fondateur.
%* Le 25 avril le diocèse de la Nouvelle-Orléans, Louisiane,
célébrait le centenaire de sa fondation. C'est le 25 avril 1793 que
ce diocèse fut établi. La Louisiane faisait alors partie du diocèse
de la Havane. Au commencement elle était sous la juridiction de
l'évêque de Québec dont l'immense diocèse s'étendait de la baie
d'Hudson au golfe du Mexique. Le diocèse de la Nouvelle-Orléans,
aujourd'hui siège d'un archevêché, est le deuxième diocèse qui a
été établi aux Etats-Unis.
La fête a été splendide. Il y avait là un cardinal, 23 archevêques
et évêques, des dignitaires d'ordres religieux, un grand nombre
de prêtres et une grande foule de fidèles. Etaient aussi présents
le lieutenant-gouverneur de la Louisiane, des sénateurs, des dé-
putés, le maire de la ville et presque tous les fonctionnaires civils
et municipaux. Le diocèse de Montréal y était représenté par M. le
chanoineBruchési,et celui de St-Hyacinthe par le révérend père Ha-
ge, dominicain. Ce dernier a même prêché pendant la messe solen-
204 LE PROPAGATEUR
nelle qui a été chantée par Mgr, Jansens, archevêque de la
Nou\elle-Orléans.
Au banquet qui suivit la cérémonie religieuse, son Eminence,
le Cardinal Gibbons, répondant à Ja santé lu " Saint Père, " a
parlé en termes enthousiastes des deux hommes les plus remar-
quables qui fixent aujourd'hui l'attention de l'univers entier,
Léon XIll, le chef spirituel de 250 millions d'hommes, et Glad-
stone, le premier ministre du vaste empire sur lequel le soleil ne
se couche jamais.
Le soir une grande assemblée catholique s'est tenue devant la
cathédrale. Elle était présidée par le cardinal Gibbons et Mgr.
Jansens. Des discours ont été prononcés par le sénateur White
en anglais, et par le lieutenant-gouverneur Parlange en français.
Ce dernier a parlé avec éloquence de nos missionnaires et de nos
découvreurs qui furent les pionniers de la religion et de la civi-
lisation sur le sol de la Louisiane.
* * L'élection d'un député pour représenter le district électoral
de l'île de Vancouver, Colombie britannique, aux Communes du
Canada a eu lieu le 2 mai. M. Andrew Haslan, maire de Nanaimo
a été élu. Il est conservateur et partisan de la fédération impériale.
M. Haslan remplace M. David William Gordon, décédé dernière-
ment. M. Gordon était aussi conservateur.
Sont décédés :
P E. R. Johnson, shérif du district de St François. Il a été
frappé de mort subite, comme son prédécesseur, M. Webb.
2° Le prince Georges Victor, souverain de la principauté de
Waldeck, Allemagne. Cette principauté n'a qu'une superficie de
433 milles carrés et une population de 56,575 habitants.
3° Le comte de Schimmel-penninck van Nijenhins, ancien
ministre des finances de Hollande. Il était âgé de 72 ans.
4° M. Jousset, maire de Pléchâtel, déparlement d'Ille-et Vilaine,
arrondissement de Redon, France. Il était maire de sa commune
depuis 50 ans et conseiller municipal depuis 55 ans. Il est proba-
blement le seul homme qui ait été maire d'un même endroit
pendant un demi-siècle sans aucune interruption.
Le département d'IUe-et-Vilaine (partie de la Bretagne) est la
patrie de Jacques-Cartier, de Duguay-Trouin, de Chateaubriand,
de Lamenais et de plusieurs autres hommes célèbres.
5° Le célèbre chansonnier Gustave Nadaud. Il était âgé de 73
ans. Sa chanson du Gendarme est connue partout. Je l'ai entendue
chanter en maints endroits, dans la Province de Québec.
Nadaud esfmort en chrétien. Son ami, Mgr. Fabre, évêque de
la Réunion, lui a administré les derniers sacrements.
6o M. l'abbé Shorderet, chanoine à Fribourg en Suisse. Il était
LE PROPAGATEUR 205
l'ami des pauvres et des délaissés. Plein de zèle pour la diffusion
des bons principes, il a fondé dans son pays plusieurs journaux
catholiques importants. Il a aussi fondé ïœuvre de Sl-Paul qui est
une œuvre de propagation de la presse catholique.
A l'occasion du décès de cet homme de bien les français qui
habitent Fribourg ont publié la note suivante reproduit par
V Univers.
Nous ne pouvons oublier que M. le chanoÏQe Schorderet fat l'un des princi-
paux et des plus actifs organisateurs des secours aux sol lats français de l'armée
de l'Est, pendant leur internement, en 1871. Non coûtent de desservir, comme
aumônier, l'ambulance de la Pro/idence dont il s'étail spécialement chargé, il
ne cessa d"étendre sa sollicitude à tous nos malheureux internés. Son dévoue-
ment méritait un témoignag-i officiel d-i r^conaaissaace de la part des repré-
sentants de la France, et au nom de l'armée de l'Eit il reçut une médaille avec
diplôme. Bien des fois, plus tard, il a donné des témoignages de sympathie à
notre Société, à nos compatriotes et à notre pays.
7® Son Eminence le Cardinal Thomas Zigliara, évêque de
Frascati et préfet de la Congrégation des Etudes. Il était domini-
cain. Le Cardinal Zigliara est né à Bonifacio, en Corse, le 29 Oc-
tobre 1833 et il a été créé cardinal le 12 mai 1879. C'était un
savant et il a été longtemps professeur de philosophie. Son manuel
intitulé Summa Philosophica est suivi dans plilsieurs collèges de
la province.
8° Le Dr. Charles Alexandre Lesage, ancien député fédéral de
Dorchester, Québec. 11 est né en 1843. Il a fait ses études médi-
cales à l'Université Laval.
Il était conservateur en politique.
Alby.
LES CONSTITUTIONS PII CONCILE DU VATICAN
LA CONSTITUTION DE/ FILIUS
Nécessité de la Révélation au point de vue de la religion naturelle.
III
Il nous reste à montrer que ces trois assertions du Concile sont
vraies.
l'* Est-il vrai qu'au moyen de la révélation chrétienne les hom-
mes peuvent tous connaître facilement, avec une ferme certitude
et sans aucun mélange d'erreur les principales vérités religieuses
qui ne sont pas au-dessus de la portée de la raison ?
Oui ; c'est un fait d'expérience. Visitez le catéchisme de n'im-
porte quelle paroisse catholique. Interrogez les enfants qui s'y
préparent à leur première communion, vous en rencontrerez bien
peu qui n'aient cette connaissance.
2° Est-il vrai que ce résultat ne serait pas obtenu sans la révé-
lation chrétienne ? Oui encore et les théologiens l'établissent par
deux preuves principales.
206 LE PROPAGATEUR
La première preuve est historique. Elle a été surtout développée
par les apologistes du dix-huitième et du dix-neuvième siècle,
comme Lelaud. Nouvelle démonstration évangèlique (Migne, Démons-
trations évangéliques^ t. Vil) et Dœlinger, Paganisme et Judaïsme.
Elle consiste à montrer que les peuples payens se sont trompés
grossièrement sur Dieu et la religion, et que les philosophes du
plus grand génie ont été incapables d'instruire ces peuples d'une
façon convaincante et pratique.
La seconde preuve est fondée sur l'étude de la nature humaine.
Cette seconde preuve avait déjà été mise en lumière par saint
Augustin, de Utilitate credendi; mais elle a été surtout développée
par saint Thomas d'Aquin, qui nous apprend qu'il en avait trouvé
en partie les éléments dans Aristote (/, Cont. Gent. ch. 4) et dans
Maimonides (de Veritate, q. 14, a. 10). C'est la preuve de saint
Thomas qui a inspiré le Concile du Vatican, comme le montrent
les références du premier projet de notre Constitution (1) et la
similitude des expressions adoptées par le Concile avec les termes
dans lesquels le Docteur Angélique formule son argument, soit
dans ses Questions sur la Vérité (q. 14, a. 10), soit dans sa Somme
contre les Gentils (liv. I, c. 4) soit dans sa Somme Théologique (2a.
2a?. q. 2, a. 4).
Il y aurait trois inconvénients, dit le grand docteur, à ce qu'on
cherchât à connaître sans autre secours que la raison les vérités
qui lui sont accessibles.
Le premier inconvénient, c'est que peu d'hommes parviendraient
ainsi à la connaissance de Dieu, soit faute d'une intelligence sulfi.-
sante, soit faute de loisirs, soit faute de courage pour entreprendre
et mener à bonne fin cette étude.
Le second inconvénient, c'est que le petit nombre de ceux qui
pourraient arriver ainsi à cette connaissance, n'y parviendraient
qu'après un long temps, soit à cause de la profondeur des vérités
en question, soit à cause des connaissances nombreuses que cette
recherche présuppose, soit à cause que les jeunes gens n'ont pas
le calme et la sagesse qu'elle exige.
Le troisième inconvénient, c'est qu'il se mêlerait des erreurs à
cette connaissance, de sorte qu'elle resterait douteuse pour beau-
coup d'hommes. Il était donc nécessaire que nous fussions menés
à cette connaissance par le chemin de la foi, de sorte que tous
pussent facilement participer à la connaissance de Dieu, et cela
sans être exposés au doute et à l'erreur, ut sic omnes de facili possent
divinse cognitionis participes esse et absque dubitatione et errore
(r Cont. Gent. cap. 4).
On voit que le Concile du Vatican a reproduit presque textuel-
lement la conclusion du Docteur angélique, conclusion si bien
prouvée par les raisons que le grand docteur développe et que nous
n'avons fait qu'indiquer.
3° Est-il vrai que pour les raisons qui viennent d'être
rappelées la révélation est nécessaire, mais non d'une absolue
nécessité ?
Quelle soit nécessaire, cela résulte de ce que pratiquement les
LE PROPAGATEUR 207
hommes ne peuvent sans elle connaître Dieu, suffisamment et
facilement.
Mais cette nécessité n'est-elle pas absolue ? Non ; car cette con-
naissance ne dépasse pas la lumière naturelle de la raison, ainsi
que nous l'avons vu ; elle n'est donc pas absolument impossible à
(l) Acla Concilii Vaticani, col. 524.
un homme ; or ce qui n'est pas absolument impossible à un homme
n'est pas non plus absolument impossible à d'autres hommes.
Il en résulte que cette nécessité de la révélation n'est pas une
nécessité absolue. C'est donc une nécessité morale.
Seulement cette nécessité morale ne suffit-elle pas pour que la
révélation soit due à la nation humaine, et par conséquent pour
qu'elle ne soit pas surnaturelle mais naturelle ? le Père Ventura,
attaché comme on le sait au traditionalisme, le prétendait (La Tra-
dition, ch. VI, 44), cité par Zigliara, Essai sur les principes du tradi-
tionalisme^ n. 97.
Le cardinal Zigliara [ibid) lui répondit que tous les hommes ont
la puissance physique de connaître Dieu à l'aide de la raison, telle
que nous la possédons dans notre état présent, que Dieu pouvait,
par conséquent, nous laisser dans cet état, sans nous donner la
révélation.
Mais nous préférons de beaucoup la solution que le cardinal
Franzelin {de divina Traditione, p. m, cap. ni, §iv) donne à cette
question, conformément à la doctrine de Suarez et de Kipalda.
Suivant lui les secours moralement nécessaires au genre humain
pour connaître Dieu facilement et sans mélange d'erreur, devaient
lui être donnés par la Providence divine, étani posée la création ;
par conséquent ces secours auraient été naturels, si Dieu nous
avait laissés dans l'état de nature; mais du moment que Dieu nous
a appelés à une fin surnaturelle et accordé pour l'atteindre le se-
cours surnaturel de la révélation, ce secours surnaturel plus
abondant remplace les secours naturels qui nous étaient morale-
ment nécessaires et qui nous auraient été donnés par Dieu dans
l'état de nature pure. Il n'était donc pas moralement nécessaire
pour cette connaissance d'ordre naturel que Dieu nous donnât une
révélation surnaturelle ; à plus forte raison n'était-il point néces-
saire qu'il nous révélât tous les dogmes du christianisme. Mais
il était moralement nécessaire que Dieu nous aidât par un secours-
En fait ce secours a consisté dans la révélation chrétienne.
La révélation chrétienne nous est donc moralement indispen-
sable même pour la connaissance parfaite des vérités naturelles
sur Dieu. Néanmoins elle reste une lumière surnaturelle à laquelle
nous n'avions pas droit.
J.-M.-A. Vacant,
Professeur au Grand Séminaire de Nancy.
Méditatioiis pour tous les jours de l'année, d'après
la doctrine et l'esprit de saint Alphonse de Liguori docteur de
l'église, à l'usage de toutes les âmes qui aspirent à la perfection,
prêtres, religieux et laïques, par le R. P. Bronchain, rédemptoriste.
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
Il nous paraît utile de placer en tête de ces méditations Sacer-
dotales quelques explications sur le Chemin de la Perfection et
sur l'Oraison mentale, ou Méditation, qui est le meilleur secours
pour y avancer sûrement. Ces explications feront comprendre le
but que nous nous sommes proposé en composant ce Cours de
Méditations, et la marche que nous y avons suivie. Elles aideront
peut-être ceux qui les liront attentivement à retirer plus de fruit
de leur méditation quotidienne.
LE CHEMIN DE LA PERFECTION
Ce n'est qu'au Ciel que nous aurons atteiat ce terme de la Per-
fection vers lequel nous tendons: c'est là seulement que nous
connaîtrons et aimerons Dieu parfaitement, que nous le verrons
tel qu'il est et face à face ; là seulement tous les battements de
notre cœur seront sans interruption dirigés vers Lui ; l'infirmité
humaine ne nous permet pas ici-bas de toujours penser à Dieu, de
toujours être mû vers Lui par l'amour.
Mais si, sur la terre, la perfection absolue désespère nécessaire-
ment nos efforts, nous pouvons y arriver à une perfection relative,
et c'est sur le chemin qui y conduit que nous allons jeter un coup
d'oeil.
Voyons d'abord comment Dieu arme et approvisionne le Chré-
tien qui doit voyager dans le Chemin de la Perfection.
Il l'y introduit au jour de son Baptême. Dès ce jour-là, en même
temps qu'il purifie son âme, Il Tenrichit de la Grâce sanctifiante ;
et cette grâce n'est pas un simple ornement ; c'est une vie nouvelle
surajoutée à la vie naturelle de l'âme, et qui constitue son être
surnaturel.
Ce n'est pas tout: pour produire ses opérations, l'âme se sert
des facultés que Dieu lui a données : de son intelligence, de sa
mémoire, de sa volonté; de même, pour que cet être surnaturel
puisse agir, il lui faut comme des facultés particulières. Dieu
ajoute donc à la Grâce sanctifiante les Vertus Théologales et Car
dinales ; il les infuse dans l'âme en même temps que la Grâce, et
elles y croissent avec elle.
De plus, pour que ces Vertus produisent des actes surnaturels,
LE PROPAGATEUR 209
Dieu agit Lui-même sur l'âme, par les touches ou impulsions de
son Esprit,que l'on désigne sous le nom de Grâces actuelles. 11 arrive
alors que râme,divinement éclairée et excitée, quoique laissée libre,
met les Vertus infuses en exercice et leur fait produire tantôt des
actes surnaturels de Foi, ou d'Espérance, ou de Charité, qui se
rapportent directement à Dieu; tantôt des actes surnaturels de
Prudence, de Force, de Tempérance ou de Justice, qui ont un
rapport direct avec le prochain.
Dieu étend plus loin sa libéralité envers ce voyageur introduit
dans le Chemin de la Perfection : sur sa route, il rencontrera, à
certains jours, des obstacles plus grands ; à mesure qu'il avancera,
son attitude devra être plus surhumaine, et ses actes dépasser de
plus en plus la mesure ordinaire. A la Grâce et aux Vertus, Dieu
ajoute les sept Dons du Saint-Esprit, qui sont autant d'énergies
déposées dans l'âme pour l'aider à obéir promptement et facile-
ment aux impulsions divines, surtout dans les circonstances où il
faut davantage s'élever au-dessus de la nature. A l'aide de ces
Dons, le chrétien pourra accomplir, non seulement des actions
surnaturelles, mais des actes surnaturellement héroïques de vertu.
Il est donc armé et approvisionné par Dieu pour toutes les
occurrences : quand il faudra faire une action bonne surnaturel-
lement, mais non héroïque, il trouvera en son âme, avec la Grâce
sanctifiante : lo la Vertu théologale ou morale au moyen de
laquelle doit être produit cet acte ; 2o la Grâce actuelle, ou motion
du Saint-Esprit, qui doit éclairer et fortifier son âme et l'aider à
mettre cette vertu en exercice. Quand il faudra accomplir une
action surnaturelle et héroïque, il y trouvera : lo le Don du Saint-
Esprit in habitu qui inclinera les puissances de son âme à obéir
aux motions divines ; 2o le Don du Saint-Esprit in actu, ou Grâce
actuelle plus forte, qui l'éclairera et le poussera à accomplir faci-
ment l'action dont il s'agit.
Ainsi revêtu de l'armure de Dieu, le voyageur engagé dans le
Chemin de la Perfection ne doit pas tester immobile. Le Royaume
des Cieux souffre violence, et ce sont ceux qui font de sérieux
efforts qui y parviennent. La palme l'attend au bout de la carrière :
" Courez donc, dit saint Paul, si vous voulez la cueillir". Car il
s'agit de devenir parfait comme Dieu môme est parfait. Non pas
sans doute, que nous puissions prétendre à devenir aussi parfaits
que Lui ; mais nous devons nous appliquer à accomplir, avec son
secours, tes mêmes opérations qui eonstituent la perfection de
Dieu. Le père éternel qui se connaît, et, se connaissant, produit
son Fils ; le Père et le Fils s'aiment d'un amour infini, et cet
amour réciproque produit le Saint Esprit. Au chrétien voyageur
d'avancer toujours dans la connaissance et dans l'amour de Dieu,
et ainsi d'adhérer de plus en plus au Seigneur en devenant un
même Esprit avec Lui.
Qu'on le comprenne donc : on n'a pas atteint la Perfection que
Dieu attend de nous, quand on s'est maintenu dans l'état de grâce
par l'observation dos préceptes et la conservation de cette Charité
qui, nous faisant aimer Dieu par-dessus tout, nous inspira l'hor-
210 LE PROPAGATEUR
reur du péché mortel, destructeur de l'amité de Dieu. Ce n'est là
que la Perfection infime et, pour ainsi dire, initiale. Tl faut avancer,
et s'efforcer d'arriver, d'abord à celte Perfection moî/enne, qui nous
fait fuir avec horreur les péchés véniels dont le propre est de
refroidir l'amitié divine, et, ensuite, à cette Perfection supérieure,
qui ne recule même pas devant l'observation des conseils, toutes
les lois qu'ils sont des moyens pour nous avancer dans l'amour.
Car c'est un axiome reconnu unanimement par tous ies Mysti-
ques, que, dans le Chemin de la Perfection, on ne peut, de parti
pris, rester immobile : In via Dei, non progredi, regredi est, Celui
qui n'avance pas recule.
Examinons maintenant les différentes étapes de ce chemin.
Il y en a trois, qu'on nomme ordinairement les trois Voies : la
Voie Purgative^ V Illumina tive, et VUnitive ; ou encore, il y a, sur ce
chemin, trois espèces de voyageurs : il y a les Commençants^ les
Progressants et les Parfaits.
Inutile de remarquer que ce Chemin est tout intérieur, et qu'on
y marche par l'accroissement de la vie surnaturelle.
Dans la première voie, ou celle des commençants, qui est comme
la première étape dans le Chemin de la Perfection, l'âme exclut
tout ce qui est incompatible avec la Charité ; elle s'éloigne déplus
en plus du péché ; elle s'applique à arrêter les mouvements désor-
donnés de la concupiscence qui pourraient l'y ramener : Deformata
studet reformare.
Dans la seconde, ou celle des progressants, on travaille à forti-
fier et à augmenter la Charité par la pratique des vertus dont
Jésus nous offre le modèle, et pour la reproduction desquelles il
nous donne la grâce particulière qu'il nous a acquise : Reformata
conformare.
Dans la troisième, ou celle des parfaits, l'âme purifiée de ses
fautes, maîtresse de ses passions, ornée des vertus chrétiennes, vit
comme une étrangère au milieu des créatures, adhère à Dieu seul,
s'unit à Lui par la Charité, confond sa volonté avec la volonté
divine, s'abandonne à Dieu, son uniqne amour, dans l'adversité
comme dans la prospérité : Conformata transformare.
Chacune de ces trois voies, ou de ces trois vies se distingue, non
par le degré de charité de ceux qui s'efforcent d'y avancer, mais
par le genre prédominant de leur travail. Ainsi, si l'on s'apphque
surtout à faire mourir la concupiscence et à détruire les racines
du péché, on est dans la Voie purgative ; si l'on s'applique à repro-
duire les vertus du divin Modèle, à grandir avec Lui pour arriver
à l'âge parfait du Christ, on est dans la Voie illuminative ; si, enfin,
on s'applique à agir toujours par le motif de la Charité, à laisser
l'Esprit de Jésus prendre la direction de tous les mouvements de
l'âme, on est dans la Voie unitive.
L'Eglise veut que ses enfants croissent chaque jour dans la con-
naissance et dans l'amour de Dieu; elle veut les conduire tous
aussi près que possible de la Perfection sur la terre ; elle voudrait
les voir commencer ici-bas la vie divine du Ciel. Dans ce but, elle
les fait passer chaque année successivement par la Voie purgative
LE PROPAGATEUR 211
pendant l'Avent, par la Voie illuminative depuis Noël jusqu'à la
Pentecôte, par lo Voie unitive au Temps après la Pentecôte.
Quand une année liturgique est terminée, l'Eglise recommence
le Cycle, et remet tous ses enfants, même ceux qui l'ont' suivie
jusqu'à la Voie unitive, aux exercices de la Vie purgative, quand
revient le Temps de l'Avent.
Mais c'es le vœu de l'Eglise que, pour continuer d'avancer dans
le Chemin de la Perfection, les âmes qui ont vécu de la Vie uni-
tive, au Temps après la Pentecôte, n'abandonnent pas complète-
ment l'application à l'union divine pendant l'Avent. De même,
depuis Noël jusqu'à la Pentecôte, on continue aussi quelques
exercices de la Vie purgative, surtout pendant le Carême, où ils
semblent même redevenir prédominants.
Avons-nous le droit de rester sourds à l'appel de notre Mère, et
de ne pas faire tous nos efforts pour avancer, sous sa direction,
dans le Chemin de la Perfection? Non ; nous ne le pouvons ni
comme chrétiens, ni comme prêtres.
Comme chrétiens, nous avons, dans notre Baptême, renoncé,
non seulement au péché, mais au monde et à ses pompes, qui sont
autant d'artifices dont le Démon se sert pour nous perdre; nous
avons promis de nous attacher à Jésus-Christ pour toujours; ce
n'est qu'en tendant à la Perfection que nous pourrons tenir nos
promesses. Comment, en effet, sans efforts continuels vers la Per-
fection, pratiquer le renoncement ; vivre dans le monde comme si
nous n'en étions pas; brûlei de Charité au point d'être disposés à
tout laisser plutôt que de perdre l'amitié de Dieu ? Comment
revêtir Notre-Seigneur Jésus-Christ? Gomment surtout accomplir
le précepte : Estote perfecto^ sicut et Pater vester cœlestis perfectus
est? (Matth., V. 48). Ne nous faisons pas d'illusion: le Baptême
nous oblige à tout cela ; par conséquent, à avancer dans le Chemin
de la Perfection.
Et puis, nous sommes prêtres ; et ce n'est pas seulement l'encens
et le pain que le prêtre de Jésus-Christ offre à Dieu ; c'en serait
pourtant déjà assez pour l'obliger à être saint; il consacre et il
offre le Corps et le Sang du Seigneur. Il y a même pour lui une
perfection d'état qui est comme le point "de départ d'où il doit
s'élancer dans ce Chemin de la Perfection; ce point de départ est
plus élevé que celui des simples fidèles : Ex hominibus assumptus
(Hebr. v, 1); il est même plus élevé que celui des simples reli-
gieux ; son état n'est pas le status perfectionis acguirendx ; le prêtre,
surtout s'il est pasteur des âmes, est dans un état de perfection
déjà acquise : Status perfectionis acquisitx. Voici ce que dit le Saint
Concile de Trente de tous les clercs : Nil nisi grave, moderalum ac
religione plénum prse se ferant ; levia etiam delicta, qux in ipsis ma-
xima forent^ effugiant. Et, si le point de départ est plus élevé pour
nous que pour les simples fidèles et même que pour les religieux,
n'est-il pas évident que nous n'avons pas le droit de rester station-
naires, ce qui nous exposerai ta reculer : que nous devons nous
appliquer à mettre en exercice les Vertus et les Dons que Dieu a
déposés en nos âmes ? Le peuple fidèle n'a-t-il pas les yeux fixés
212 LE PROPAGATEUR
sur nous? Est-ce sans raison que l'Evangile nous appelle le Sel de
la terre et la Lumière du monde ? (Math., v, 13, 14.)
II
MOYENS d'avancer DANS LE CHEMIN DE LA PERFECTION
Nous voici munis par Dieu d'armes et de provisions pour mar-
cher dans le Chemin de la Perfection ; Dieu et l'Eglise nous invi
tent à y avancer ; l'Eglise s'offre même à nous guider. Quels sont
les secours offerts et recommandés par Dieu et par l'Eglise à notre
faiblesse souvent défaillante ?
C'est d'abord la sainte Communion; elle est le moyen divinement
établi pour soutenir l'â.ne et la conduire à la Vie d'union.
Elle nous unit substantiellement, et même physiquement à
Jésus-Christ, tant que les saintes espèces demeurent intègres en
nous ; et, quand la présence sacramentelle a disparu, elle nous
laisse unis encore intimement à Jésus en nous laissant sa vie et
son Esprit: In me manet et ego in illo (Joan, vi, 57). Elle est aussi
la nourriture de l'âme; elle est le Lait eucharistique qui doit nous
faire grandir ici-bas, et nous fortifier dans la marche vers la Patrie,
où nous atteindrons enfin la plénitude parfaite de l'âge du Christ.
C'est par elle surtout que Notre-Seigneur se fait la Voie, nous for-
çant, pour ainsi dire, à avancer de jour en jour, par Lui et avec
Lui, vers Lui, qui est la reproduction splendide et humanisée de
la Perfection du i*ère Céleste.
Or, la Communion devient le pain quotidien du prêtre à la
Messe. Comment le prêire n'avancerait il pas? A moins pourtant
que, sous l'empire de la routine, il ne discerne plus le Corps du
Sauveur ; ou que, peu soucieux du progrès spirituel, il ne s'é-
prouve plus lui-même avant de le recevoir...
La communion est donc destinée à nous conduire aux sommets
de la Vie unitive. Les demandes que l'Eglise met, presque chaque
jour, sur les lèvres du célébrant à la Postcommunion, l'attestent
clairement.
Puis, nous avons V Office divin.
Le monde, au milieu duquel nous sommes forcés de nous trouver
chaque jour, nous présente fatalement les attraits séducteurs de la
bagatelle qui passe ; il tend à fasciner toutes nos facultés en les
tenant toujours occupées de lui. Si nous n'y prenons garde, notre
âme se dissipe ; elle ouvre ses avenues à l'esprit du monde, ei
éprouve chaque jour un nouveau déchet de vie surnaturelle.
L'Office divin vient arrêter cette dissipation, et fermer les portes à
l'invasion de cet esprit destructeur de la Perfection ; sept fois par
jour, il oblige le prêtre à ouvrir ses lèvres pour dire à Dieu les
louanges de l'Eglise militante ; il remet sous les yeux de cet am-
bassadeur des fidèles les sentiments de Notre-Seigneur, tels que
l'Esprit de Dieu les a révélés dans la sainte Ecriture ; il les lui fait
exprimer comme s'ils étaient les siens ; ou bien si c'est la fête
d'un Saint, il lui raconte sa vie et l'excite à en prendre les senti-
ments; et ainsi, versant au prêtre chaque jour l'Esprit qui se fait
LE PROPAGATEUR 213
le soutien et le guide du voyageur dans le Chemin de la Perfec-
tion, il l'aide merveilleusement à y faire des progrès : lUiciter quo
ostendam illi salutare Dei (Ps. xlix, 23).
Dans l'intenlion de l'Eglise, l'Office divin est donc le complé-
ment de la communion eucharistique qui nous a, dès le matin,
infusé les inclinations, le caractère, la vie divine de Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Enfin, nous avons VOraison, que saint Augustin appelait l'E-
chelle qui conduit à Dieu : Deitatis scala. (Serm. 22 ad fr. erem.)
Car l'Oraison joue un grand rôle dans notre vie spiritulle.
C'est elle qui nourrit notre âme et l'empêche de défaillir. Notre
âme ; en effet, vit du Verbe, de la Parole de Dieu : In omni verbo
qvod procedit de ore Dei (Math., 4). Or, ce Verbe, pour devenir
nourriture de l'âme, doit être retenu par la mémoire, retourné en
tous sens et comme broyé par l'intelligence ; et les sucs nutritifs
doivent en être extraits par la volonté : c'est précisément l'œuvre
de la Méditation ou Oraison Mentale.
C'est par l'Oraison que la Charité se réchauffe et s'allume : Con-
caluit cor meum intra me, et in meditatione meâ exardescet ignis (Ps.
xxxvni, 4). Quel est ce feu apporté par Notre-Seigneur à la terre,
qu'il veut voir brûler dans toutes les âmes, et qui est attisé par la
Méditation? C'est bien la Charité, cette Charité qui consume
toutes les âmes soucieuses de leur perfection.
N'est-ce pas aussi dans l'Oraison que nous apercevons ces
lumières que Dieu projette en notre âme ; que nous sentons ces
touches par lesquelles II veut la mouvoir ; que nous apprenons à
correspondre à ces grâces actuelles destinées à mettre en mouve-
ment les Vertus et les Dons, et à nous faire produire cette série
d'actes surnaturels qui constituent l'avancement dans le Chemin
tout intérieur de la Perfection ?
La Messe, l'Office divin et la Méditation ; voilà donc les trois
principaux ressorts de notre vie spirituelle.
Il nous reste à examiner maintenant si ce n'est pas le vœu de
l'Eglise et l'intérêt du prêtre qu'ils se soutiennent et se fortifient
mutuellement.
III
LA MESSE, LE BRÉVIAIRE ET LA MÉDITATION EXERCENT l'uN SUR l'aUTRE
UNE INFLUENCE RÉCIPROQUE •
D'abord, dans la vie ordinaire du prêtre, ces trois actes se tou-
chent, se succédant presque immédiatement; ils occupent les
premières heures de la journée, et semblent compléter mutuelle-
ment leur action surnaturelle.
Plus habituellement, la Méditation précède la sainte Messe :
c'est à la première heure de la journée, quand l'esprit n'est pas
encore préoccupé des embarras quotidiens de la vie, que l'âme
peut le mieux se rendre compte du progrès qu'elle a fait ou du
déchet qu'elle a subi ; alors elle peut déployer plus de force à atli-
gOr le feu de la Charité : Mane oratio mea prœveniet te (Ps. lxxxvii.
^14 LE PROPAGATEUK
14). Cor suum tradeù ad vigilandum diluculo, ad Dominum qui fecit
illum^ et in conspectu Altissimi deprecabitur (Eccli., xxxix, 1). La
Méditation, faite aiûsi le matin, imprime à nos pensées une direc-
tion qu'elles devront s'efforcer de conserver pendant la journée
tout entière; elle nous montre la ligne de conduite que notre
volonté devra suivre ; elle fait jaillir ds notre cœur la prière qui
doit attirer les grâces efficaces destinées à soutenir nos résolutions j
elle nous indique de quel côté devront, à toutes les heures du jour
se tourner les aspirations de notre être surnaturel.
Puis, vient la Sainte Messe qui, si elle suit immédiatement la
Méditation, doit en être le couronnement et le véritable complé-
ment, en apportant à l'âme la Source des grâces et le Foyer de la
Charité ; la Sainte Messe, où l'Eglise nous présente, dans l'Introït,
l'Epitre et l'Evangile, de fortes lectures dont elle désire inculquer
les leçons dans nos âmes ; dans les Collectes, Secrètes et Postcom-
munions, des formules de prières où elle demande avec nous et
pour nous des grâces en rapport avec les idées dominantes de ces
lectures.
Or, qu'arrive-t-il trop souvent? Les maximes de la Vie chré-
tienne rappelées par l'Eglise dans les lectures de la Sainte Messe,
se trouvant en dehors du cours où nos pensées ont été lancées par
la Méditation, l'Introït, l'Epitre et l'Evangile sont lus sans atten-
tion et sans profit ; et les belles prières, qui sollicitent les grâces
par lesquelles nous pourrons mettre ces maximes en pratique,
sont récitées sans dévotion et sans ferveur.
Voici la fête d'un Saint : de saint François d'Assise, par exemple.
Vous avez fait votre Méditation, sans vous occuper de la fête que
célèbre l'Eglise, sur l'amour du prochain, je suppose. Avec quelle
dévotion et avec quel désir d'être exaucé allez-vous réciter cette
demande de la Collecte : Tribue nobis terrena despicere, etcœkstium
donorum semper participatione gaudere f Quel intérêt prendrez-
vous aux lectures de l'Epitre et de l'Evangile qui exaltent la 7ioit-
velle créature de Jésus-Christ^ et rabaissent comme il convient les
grandeurs humaines ?
La sainte Messe est terminée, vous faites votre Action de grâces j
puis, vous prenez votre Bréviaire, pour réciter vos petites Heures.
"Trois fois, à Tierce, à Sexte et à None, vous redites la Collecte de
la Messe; au capitule de chaque petite Heure, presque tous les
jours, vous redites les paroles de l'Epitre. Quel rapport ces formu-
les liturgiques ont-elles avec les demandes que vous avez faites le
matin à la Méditation ? Quelle sera, par suite, votre ferveur en les
récitant ?...
Ou bien, si vous vous laissez pénétrer par les pensées que la
sainte Liturgie vous rappelle, et si vous sollicitez ardemment les
grâces demandées par l'Eglise dans les Oraisons de la Messe et du
Bréviaire, que deviennent les pensées de la Méditation, et les affec-
tions, en rapport avec ces pensées, qui devaient imprimer la direc-
tion à votre vie surnaturelle pendant la journée tout entière ?
, Je sais bien qu'on peut revenir au "bouquet spirituel" et aux
résolutions de la Méditations après la Sainte Messe et l'Office
LE PROPAGATEUR 215
divin ; mais ce retour peut paraître difficile et peu de prêtres affir-
meront qu'ils l'opèrent.
11 y a déjà plus de trente ans que, dans sa Préface générale, qui
sert d'introduction à son admirable Année Liturgique^ Dom Gué-
ranger se plaignait de voir la prière liturgique trop peu comprise
et trop délaissée : " Assez longtemps, disait-il, on a cherché l'esprit
de prière et la prière elle-même dans des méthodes, dans des
livres qui renferment, il est vrai, des pensées louables, pieuses
même, mais des pensées humaines; cette nourriture est vide, car
elle n'initie pas à la prière de l'Eglise; elle isole au lieu d'unir."
Ce reproche que le grand litiirgiste adressait aux fidèles qui se
livrent à des dévotions particahères pendant, la célébration du
Saint-Sacrifice, ne retombe-t-il pas, en partie du moins, sur les
prêtres qui ne s'intéressent pas aux demandes quotidiennes de
l'Eglise, et ne cherchent même à comprendre ni ses lectures, ni
ses formules de prière? Il écrivait encore : *' La prière de l'Eglise
et la plus agréable à l'oreille et au cœur de Dieu, et, partant, la
plus puissante. Heureux donc celui qui prie avec l'Eglise, qui
associe ses vœux particuliers à ceux de cette Epouse, chérie de
l'Epoux et toujours exaucée! " N'invitait-il pas, par là-même, tous
les prêtres à choisir pour sujets de leurs méditations les princi-
pales vérités contenues dans les lectures liturgiques de la Sainte
Messe, et à demander, dans l'OraisoQ mentale qui la précède ou la
suit, ce que l'Eglise demande à Dieu ce jour-là?
Dans son Atiîiée Liturgique, Dora Guéranger a révélé les trésors
de science et de piété qui se trouvent dans les formules liturgiques
de l'Eglise. A combien de prêtres et de fidèles, il a communiqué
l'amour de la prière faite en uni^n avec l'Epouse du Christ ! Mais
Dom Guéranger n'a cru devoir expliquer que la Liturgie des
Dimanches et des principales fêtes, et ses incomparables commen-
taires forment un Livre de Lectures spirituelles, et non un Cours
de Méditations.
Encouragé par des prêtres pieux, nous avons eu la hardiesse
d'essayer d'être utile à nos frères dans le sacerdoce en leur offrant
un Cours complet de Méditations Sacerdotales sur le Propre de la
Messe de chaque jour. Le sujet de la méditation y est toujours
choisi de manière à être rappelé à la Messe et au Bréviaire, e^ à
devenir, comme uécessairement, la pensée dominante de la jour-
née; les affections qui y sont suggérées seront forcément répétées
tout le long du jour, alors qu'on récitera soit à la Messe, soit au
Bréviaire, les Oraisons de l'Office; le souvenir et la pratique des
résolutions seront assurés par les grâces que l'Eglise aura deman-
dées avec nous à la Messe, et que nous continuerons à demander
à l'Action de grâces et pendant la récitation des Petites Heures. Le
fruit de la Méditation sera, croyons-nous, bien moins exposé à être
perdu : Funiculus triplex difficile rumpitur (Eccle., iv, 12).
Et, en ce qui concerne la célébration de la Sainte Messe, l'Introït,
l'Épitre, le Graduel, l'Évangile, l'Offertoire, la Communion, rap-
pelant les principales pensées de la Méditation, seront lus avec
plus d'attention et de piété ; les Collectes, Secrètes et Postcommu-
216 LE PROPAGATEUR
nions, demandant des grâces qui doivent assurer nos résolutions,
seront récitées avec plus de dévotion; la Messe sera célébrée avec
plus de profit pour le prêtre, et peut-être même avec plus d'édifi-
cation pour les fidèles.
Pour ce qui est la récitation de l'Office divin, nous serons, pour
ainsi dire, forcés de lire attentivement les Leçons des Nocturnes,
puisque nous y trouverons la vie du Saint et l'explication de
l'Évangile, qui formeront le sujet de notre Méditation du lende-
main ; chaque fois que nous réciterons la Collecte, nous sollicite-
rons la grâce que notre méditation nous a fait concevoir le désir
d'obtenir ; et le psaume cxvlii des petites Heures, dons nous don-
nons à la fin de chaque volume une explication générale, strophe
par strophe, paraîtra merveilleusement adapté à notre sujet d'orai-
son, et ne sera plus récité" avec la routine que tant de prêtres
déplorent sans savoir comment s'en corriger. L'âme goûte alors
dans la joie la réalisation de cet oracle de la Sagesse, concernant
la parole de Dieu : Non habet amaritudinem conversalio ejus, nec
tœdium convictus illius, sed Ixtitiam et gaudium. (Sa p. vni, 16).
'* Que l'âme, s'écrie Dom Guéranger, que l'âme, épouse du
Christ, prévenue des désirs de l'Oraison... approche et boive cette
eau limpide qui jaillit jus qu'' à la vie éternelle, car celte eau émane
des fontaines même du Sauveur, et l'Esprit de Dieu la féconde de
sa vertu, afin qu'elle soit douce et nourrissante au Cerf altéré ! "
IV
QUELQUES EXPLICATIONS SUR LA MÉTHODE d'ORAISON QUE NOUS AVONS
ADOPTÉE
Sans avoir la prétention de nous ériger en juge sur la valeur
respective des deux grandes méthodes d'oraison : celle de saint
Ignace et celle de saint Sulpice, nous nous sommes arrêté à la
première, parce qu'elle nous a paru convenir à un plus grand
nombre d'âmes, et se prêter plus facilement aux opérations de nos
différentes facultés.
Conformément à la Méthode de saint Ignace, nous plaçons donc
ordinairement deux Préludes avant le corps de la Méditation. Dans
le premier prélude, nommé aussi : Composition de lieu, on s'efforce
de voir une scène de la vie du Sauveur, ou du Saint du jour, qui
mette bien en relief la vertu sur laquelle on veut méditer ; ou
bien, on se met par la pensée, au miheu de leurs auditeurs pour
recueillir leurs paroles. Dans le second, on demande une grâce
spéciale en rapport avec les fruits que l'on veut retirer de la médi-
tation. Tout ce préambule ne doit pas, pour l'ordinaire, durer plus
de trois ou quatre minutes.
Puis vient le Corps de la Méditation. Il se compose de trois parties :
les Considérations, les Applications, les Affections.
Dans les Considérations, on expose plus longuement que dans le
premier Prélude l'enseignement tombé des lèvres du Sauveur, ou
proposé par l'Eglise ; ou bien, l'on rappelle avec plus de dévelop-
pements les traits de la vie du Saint, où se manifeste mieux la
vertu sur laquelle on médite.
LE PROPAGATEUR 217
Dans les Applications, l'âme réfléchit sur les vérités exposées
dans les Considérations, jusqu'à ce qu'elle en ait acquis une con-
viction vive qui puisse influer sur la conduite ; puis, elle recherche
si elle a, dans le passé, conformé sa vie à ces vérités, et quels
moyens elle pourra prendre pour mieux faire à l'avenir.
Dans les A^ections, qui constituent, à parler proprement, VOraison
Mentale, l'âme se tourne tout-à-fait vers Dieu pour le remercier de
l'avoir tant de fois pressée de pratiquer la vertu sur laquelle elle
médite ; pour lui demander pardon d'être si souvent restée sourde
à son appel ; pour le supplier de vouloir bien lui continuer ses
grâces à l'avenir. Si c'est la fête d'un Saint, elle a recours à son
intercession pour obtenir plus sûrement la faveur qu'elle implore.
C'est ici la partie la plus importante de la Méditation : ici l'âme
entre en relation intime avec Dieu. Il peut être permis à certaines
personnes de passer légèrement sur les Considérations et même
sur les Applications, quand elles connaissent déjà et apprécient
l'importance de la vérité sur laquelle elles méditent; on ne doit
jamais passer légèrement sur les AS'ections. C'est dans cette partie
de la Méditation que l'âme témoigne à Dieu tous ses sentiments
de reconnaissance ou de confusion, d'amour ou de crainte; qu'elle
lui présente ses demandes en toute sincérité et en toute confiance.
Nous ne faisons, en général, dans chaque méditation, qu'indi-
quer brièvement les différentes Affections auxquelles l'âme peut
se livrer. Chacun devra s'efforcer de les développer avec son cœur.
Enfin, pour terminer chaque point, ou du moins pour terminer
la Méditation, il faut prendre des Résolutions.
Une méditation sans résolutions est ordinairement une médita-
lion sans fruit. Rien n'empêche d'en prendre d'autres que celles
qui sont indiquées dans ce livre; l'essentiel et qu'elles soient:
1° pratiques ; c'est-à-dire capables d'améliorer notre vie; 2^ parti-
culières; c'est-à-dire portant sur un cas déterminé qui pourra se
présenter pendant la journée, ou, du moins, sur un moyen précis
de pratiquer la vertu sur laquelle on vient de méditer.
Pour conclure la Méditation, on recueille les Résolutions que
l'on a prises à la fin de chaque point ; on en fait comme un faisceau
que l'on présente, dans un Colloque, à Notre-Seigneur, à la Sainte-
Vierge, ou au Saint dont on va lire la Messe ; on leur témoigne
l'impuissance où l'on est d'y être fidèle saus une grâce toutà-fait
spéciale, et on la leur demande.
Mais qu'il soit toujours bien entendiî que l'Oraison est un don
de l'Esprit-Saint ; que, dans cette science. Il est le premier, sinon
le seul véritable maître : Unctio ejus docet nos de omnibus. (I Joann.
II, 27). C'est donc à Lui plus qu'aux explications des méthodes
qu'il faut recourir pour y faire des progrès. C'est Lui, d'ailleurs,
qui agit sur nos facultés pour nous aider à bien faire Oraison ;
sur notre mémoire pour nous rappeler les faits ou les vérités con-
tenues dans les Considérations; sur notre intelligence pour nous
faciliter les Applications ; et surtout sur notre cœur et notre vo
lonté pour en faire jaillir les Affections et nous suggérer les
Résolutions qu'il faut prendre. C'est donc par la prière à l'Esprit
14
218 LE PROPAGATEUR
Saint, au commencement de chaque Méditation, par la dévotion
habituelle à cet incomparable Maître de la vie spirituelle que nous
ferons des progrès dans cet art si difficile de l'Oraison, et partant,
dans ce Chemin de la Perfection où notre qualité de Chrétiens et
de Prêtres nous oblige à avancer chaque jour.
Après chaque Méditation, nous avons indiqué une pensée pieuse
destinée à relier l'Oraison à la Messe, et qui occupera utilement
l'esprit du prêtre jusqu'au moment de la célébration du Saint-
Sacrifice ; de même, après chaque méditation, nous avons donné
un texte ou une idée qui aidera'à faire de l'Action de grâces la
continuation de l'Oraison du matia, et à solliciter de nouveau les
secours nécessaires pour tenir les Résolutions. Nous avons placé,
à la fin de chaque volume, un Tableau qui donne le sens général de
chacune des 22 strophes qui composent le Psaume 1 18 des petites
Heures. A la fin du dernier volume, nous reproduisons le Psaume
118 tout entier, en accompagnant chaque verset d'une pensée
capable d'exciter la piété de celui qui récite le Saint Bréviaire.
On pourra trouver chaque jour un rapport admirable entre les
pensées principales de la Méditation et le sens d'un ou de plusieurs
des versets et même des struphes de ce Psaume. Les Petites Heu-
res seront mieux récitées et nous aideront aussi à tenir nos Réso-
lutions. La Méditation s'emparera ainsi des premières heures de
la journée, et laissera dans notre âme une impression profonde
que nos occupations ultérieures feront plus difficilement dispa-
raître.
V
QUELQUES MOTS SUR NOTRE MANIÈRE DE TRAITER LES SUJETS DE
MÉDITATIONS
En choisissant pour thèmes de nos Méditations les paroles de la
Liturgie de chaque jour, nous n'avons pu suivre un ordre logique
dans la suite des sujets que nous traitons ; il fallait, surtout aux
jours des Fêtes des Saints, choisir le sujet qui se rapportait le
mieux à la vertu dominante du Saint et aux paroles de la Sainte
Liturgie.
On trouvera aussi, de temps en temps, des divisions que la Logi-
que voudrait plus nettes ou plus naturelles. Mais qu'on veuille
bien se rappeler que nous devions prendre, non seulement nos
sujets de Méditations, mais les divisions de ces sujets, dans les
paroles de la Sainte Messe et surtout de l'Epître et de l'Evangile;
et que nous ne pouvions consulter uniquement les exigences de la
Logique, pour les divisions non plus que pour le choix des sujets.
Parfois aussi, si nous n'avions été arrêté par les exigences d'un
texte qu'il fallait commenter de manière à en relier le sens à celui
du texte qui précédait ou qui suivait, la doctrine aurait été plus
clairement exprimée; mais nous pensons que le lecteur trouvera,
dans la parole même de Dieu ou de la Sainte Liturgie, dont nous
avons tenu à respecter le sens, une lumière et une onction qui
compenseront surabondamment la clarté d'exposition que nous
aurions voulue quelquefois plus complète.
LE PROPAGATEUR 219
Les sujets de Méditations ont été exposés aussi brièvement et
aussi succinctement que possible. Dans les Applications et les
Affections, nous ne faisons môme quelquefois qu'indiquer d'un mot
l'exercice pieux auquel le lecteur doit se livrer. Nous avons craint
de donner lieu à l'abus qu'engendrent trop souvent les longues
méditations; elles deviennent, pour beaucoup, de simples lectures
spirituelles, en ce qu'elles ne laissent presque rien à l'initiative de
celui qui médite. Nous indiquons le travail auquel doit se livrer
le lecteur, avec le concours de l'Esprit de prière ; mais nous ne
faisons pas ce travail pour lui. Pour peu qu'il s'applique à faire
les exercices que nous indiquons à chaque méditation, il trouvera
facilement à occuper son esprit et son cœar pendant une demi-
heure.
IV •
LES PRINCIPALES SOURCES OU NOUS AVONS PUISÉ
Gomme la nature de cet ouvrage nous imposait l'obligation
périlleuse de toucher à une foule de questions de dogme, de mo-
rale et surtout de spiritualité, nous ne nous sommes permis de rien
avancer de nous-même, et nous nous sommes efforcé de n'énoncer
que des maximes approuvées par les Maîtres de la Vie spirituelle.
Nous avons surtout consulté : l'Année Liturgique de Dora Guéran-
ger, qui nous a fourni le plan général de cet ouvrage, et nous a
indiqué l'esprit de l'Eglise aux Dimanches et aux principales
fêtes ; V Année chrétienne du P Croisât, si estimée au siècle dernier ;
la Theologia Mystica de Schram ; les Notes on doctrinal and spiritual
subjccts du P, Faber ; la Triplex Exposilio du P. Bernardin de Pic-
quigny ; le traité de la Vie et des Vertus chrétiennes de Mgr Gay ;
et surtout Cornélius à Lapide et Saint Thomas. Puissions-nous avoir
bien saisi et clairement exposé la doctrine de ces grands maîtres !
Nous demandons au Père des lumières, auteur de tout don par-
fait, qu'il daigne bénir ces pages écrites sous son œil et pour sa
gloire. Puissent nos modestes efforts, fécondés par la grâce divine,
aider les prêtres à vivre de la vie de l'Kglise, à progresser dans le
Chemin de la Perfection, et à y faire avancer les âmes soumises à
leur conduite 1
néditations sur les vérités et ex«;elleuces de
Jésns-Clirist IS'otre Seigueur, recueillies de ses mystères,
cachées en ses états et grandeurs, prêchées pir lui sur la terre et
communiquées à ses Saints, par le R. P. Bourgoing, supérieur de
l'oratoire. 32me édition, 3 vol. in-18, $2.63 réduit à $1.25.
(En très bon ordre.)
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A 1^ B Y
MARIAGE DE MINEUR — AUTORISATION
Question. — L'autorisation donnée par le juge, sur avis du conseil de famille, à
un tuteur de consentir au mariage de son pupille peut-elle être générale ou
faut-il absolument qu'elle soit spéciale?
Un tuteur
Réponse. — II faut une autorisation spéciale de consentir au
mariage du pupille avec une personne déterminée. La simple
autorisation générale de consentir au mariage du pupille est nulle.
Il ne faut pas laisser le tuteur libre de consentir à un mariage
qui pourrait être déshonorant.
La personne que le mineur veut épouser doit être nommée afin
que le conseil de famille puisse agir avec connaissance de cause.
C'est aussi avec parfaite connaissance de cause que le juge doit
agir.
On m'a dit que cette question s'est présentée dans le district de
Richelieu il y a longtemps. Un avis de conseil de famille portait
que les parents, ayant prêté serment, pris communication de la
déclaration du tuteur, et mûrement délibéré, ont élé unanimement
d'avis que le dit A. B. tuteur soit autorisé à consentir au mariage du
dit C. D. son pupille.
La déclaration préalable du tuteur mentionnait aussi simple-
ment que le mineur désirait contracter mariage sans nommer la
jeune fille.
La requête pour homologation de cet étrange avis fut renvoyée
par le juge T. J. J. Loranger.
AGEJSTTS D'IMMEUBLES.
Décision importante en leur faveur.
Le 31 décembre dernier, la Cour Supérieure à Montréal. (Jette,,
juge).
Re,
Gareau ,
vs
Champagne
A JUGÉ : Que les agents dHmmeuhles^ chargés de vendre des pro-
priétés ont droit a leur commission s'ils trouvent un acquéreur dans
le délai fixé par la convention, quoique le propriétaire ait vendu lui-
même avant l'expiration de ce délai.
Les faits de la cause sont ceux-ci.
Le nommé Champagne avait chargé l'agent d'immeubles R
Gareau de vendre pour lui une certaine propriété située dans la
LE PROPAGATEUR 221
cité de Montréal. G-areau trouva un acquéreur avant l'expiration
du délai fixé, mais, dans l'intervalle, la propriété avait été vendue
par le propriétaire lui même. Gareau intenta alors contre Cham-
pagne, une action par laquelle il réclamait le montant de sa com-
mission de même que s'il eût fait la transaction pour son mandant
et il eut gain de cause.
Cette décision est conforme aux règles qui régissent le mandat
salarié.
Une décision, dans un cas qui a beaucoup d'analogie avec le
cas rapporté plus haut, a été rendue dernièrement, par la Cour
Supérieure à Montréal (Ouimet juge) en faveur de Cradock Simp-
son, agent d'immeubles, contre le nommé Hood.
EFFETS DE LA SÉPARATION D3 CORPS.
On lit dans l'Electeur du 16 Mai.
La France vient d'être dotée d'une loi adoptée le 6 février dernier qui modifie
entièrement la situation de la femme mariée en cas de séparation de corps.
La grande innovation est celle-ci : la femme séparée de corps reprend le plein
exercice de sa capacité civile ; elle n'a plus besoin de recourir à l'autorisation
de son mari en aucun cas, ni même à celle de la justice. Elle a désormais un
domicile légal autre que celui de son mari, et elle peut se faire autoriser à ne
plus porter le nom de son mari et faire mlerdire à celui-ci de joindre son nom
au sien.
Note de la rédaction. — Dans la province de Québec, la femme
séparée de corps a le droit de se choisir un domicile autre que
celui de son mari ^C. C. Art. 207). Elle ne jouit cependant pas de
la plénitude de ses droits civils comme les filles et les veuves
majeures, car elle n'a sur ses biens qu'un pouvoir d'administration.
S'il s'agit de l'aliénation de ses immeubles, elle a besoin de l'au-
torisation de son mari. Si le mari refuse l'autorisation demandée,
il faut celle du juge (S. R. P. Q. art. 5788 (1). )
La femme séparée de corps continue à porter le nom de son
mari, et les tribunaux n'ont pas le pouvoir de l'autoriser à ne
j)lus le porter.
INJURES DROIT D'ACTION.
Cour Supérieure, Montréal.
Pagnuelo, juge.
Payeur v«. Brien.
Jugé : Que tout citoyen a un droit d'action pour injures faites
à sa femme ou à ses enfants.
(1) Cet art. 5788 est le nouvel art. 210 du code civil.
222 LE PROPAGATEUR
TRIBUNAUX FRANÇAIS
LE DROIT D- ACCROISSEMENT (l)
L" tribunal dfc Vendôme, par jugement du 23 lévrier, donne gain de cause
aux Sœurs de la Providence de Ruillé-sur-Loir, dans une aiïaire de droit d'ac-
croissement 11 a annulé les contraintes et déclaré que l'impôt ne pouvait être
exigé que dans un payement unique. ■
Nous espérons que les tribunaux auront bientôt le courage d'envoyer aux
galères les voleurs des biens des pauvres et des religieux.
La Croix
CAFÉ FALSIFIÉ
Un in lustriel de Dijon a été condamné à 50 francs d'amende pour avoir
vendu du café de gland doux composé qui ne contenait aucun élément de gland,
et avoir donné à cette matière la forme de véritables grains de café, en repro-
duisant même la rainure caractéristique qui, même après torréfaction, reste
d'une couleur différente de celle du grain, par suite de l'enrobage d'une solu-
tion de gomme.
La Croix
QUESTION ECCLÉSIASTIQUE DE DROIT
Le 31 janvier, la cour de cassation a rendu l'arrêt suivant dans
une affaire d'école au profit de la raense épiscopale de Grenoble :
La cour, ouï M. le conseiller Faure-Biguet, en son rapport ; MM. Sabatier et
Lesage, avocats, en leurs observations respectives, et M. l'avocat général Des-
jardins en ses conclusions ; après en avoir délibéré en chambre du conseil ;
Vu le moyen vmique du pourvoi,
Vu l'art. 900 du code civil,
Attendu que la loi, sans définir les attributions des évêchés ou menses épis
copales, s'est bornée à placer ces établissements ecclésiastiques sous la tutelle
et le contrôle du gouvernement qui les habilite, lorsqu'il y a lieu, à recevoir les
libéralités sous les clauses et conditions dont il juge convenable d'autoriser
l'acceptation ; que, sans doute, et malgré l'autorisation administrative, les tri-
bunaux civils peuvent connaître de tous les vices dont la donation ou le legs
serait entaché ; — qu'ils le peuvent, notamment, dans le cas où la cause de la
libéralité serait illicite, mais qu'on ne saurait considérer comme telle, ainsi que
l'arrêt attaqué le fait, une condition qui n'est contraire à aucune loi ;
Attendu que, dans l'espèce, un décret du 9 juin 1847 a autorisé l'évèque de
Grenoble à accepter pour lui et pour ses successeurs le legs à lui fait par la
demoiselle Garnier, à charge de pourvoir à l'entretien de diverses écoles pri-
maires dans les termes précisés par le testament ; que la cour d'appel a décidé
néanmoins que la condition susdite était illicite, par le seul motif que son sujet
serait en dehors des attributions de la mense et excéderait sa capacité ; — que,
par voie de conséquence, elle a déclaré que le legs était nul ; — qu'en statuant
ainsi, l'arrêt attaqué afaussement appliqué et, par suite, violé l'art. 900 ci-dessus
visé ;
Par ces motifs, casse..., renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.
L' Univers
(1) Voyez le No du 1er décembre 1892, page 579 du vol. 3.
PREPARATION AU GRAND JOUR
Ou instructions simples et pratiques pour la Première Communion
Formant la matière de trois Retraites
Par PAbbé JOUVE
Chanoine titulaire de la cathédrale de Gap, ancien archiprêtre de Savines
1 vol. in-1'2 Prix 88 cts.
Un grand nombre de prêtres, connaissant la simplicité du style de mon Mis-
sionnaire de la campagne, et de mes autres ouvrages, m'ont vivement engagé à
composer dans le même genre un cours d'insiruclions variées, jjropres â préparer
les enfants à la plus importante action de la vie : la première communion.
Désireux de leur être agréable, et aussi par affeclion pour les enfants que
Jésus m'a appris à aimer, j'ai écrit ce petit ouvrage en m'accommodant à leur
langage simple et familier. *
Tout ce qu'on y trouvera de bon, on devra l'attribuer aux nombreux auteurs
dont je me suis inspiré : pour moi, je n'ai d'autre mérite que celui d'avoir coo-
péré à préparer l'âme de ces petits anges de la terre pour en faire le tabernacle
digne du grand Dieu qui va les visiter et habiter en eux.
L'expérience le prouve que rien n'est plus difficile que de captiver l'attention
des enfants pendant une demi-heure. C'est pourquoi, pour les obliger à suivre
les instructions, je me suis efforcé de les rendre accessibles à leur intelligence
en les émaiilant de comparaisons et de traits historiques qui ne manqueront ni
d'intérêt, ni de charme.
Ce nouveau livre renferme trois retraites complètes de quatre jours. Dans leur
ensemble, elles contiennent tout ce qu'il y a de plus propre à éclairer l'esprit et
à toucher le cœur des enfants pour les aider à faire saintement leur première
communion et leur apprendre à en conserver les fruits.
On trouvera pour chaque jour de la retraite des avis, une méditation, deux
instructions, une lecture, un examen détaillé sur les Commandements de Dieu,
de l'Eglise, les péchés capitaux et les devoirs d'état.
Le prédicateur pourra suivre intégralement celle des retraites qu'il lui plaira,
ou faire un choix parmi les sujets traités dans le volume.
Voici l'horaire ou l'ordre des exercices de chaque jour de là retraite :
Premier jour : On en fera l'ouverture le mercredi matin par la prière, l'in-
struction et la sainte Messe, vers les 9 heures. — Les jours suivants on fera la
prière et la méditation avant la messe qui se dira vers les 7 heures. — A 9 heures,
instruction, et le reste comme au prenàer jour. — A II heures, examen de cons-
cience.— A deux heures de l'après-midi, chapelet et lecture de piété. — A quatre
heures, sermon et avis. — On suivra le même ordre les jours suivants.
Dimanche matin. — Allocution après l'évangile sur la première communion. —
Allocution après la sainte communion. — Dimanche soir ,àvêpr es : Renouvellement
des promesses du baptême ; Consécration à la sainte Vierge et avis aux parents.
Lundi malin. — Messe et allocution sur la persévérance.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES.
Dans une retraite quelconque et surtout dans une retraite prôchée à des en-
fants, il est utile et même nécessaire de donner des avis pratiques avant ou
après chaque réunion. Plusieurs des jeunes auditeurs, incapables de suivre les
raisonnements d'une instruction, comprennent et retiennent parfaitement les avis.
L'expérience prouve aux prédicateurs d'exercices spirituels, tels que : re-
traites, missions, jubilés, que leurs instructions ne produisent que des fruits
médiocres, si l'on ne les fait pas suivre des avis pratiques.
Nous allons essayer de donner quelques modèles pour servir à ceux qui sont
chargés de préparer les enfants à l'action subhme de leur première communion.
Le prédicateur pourra les modifier ou les remplacer selon les besoins de son
auditoire.
LA DERNiERE SONATE
A NOËL EAVERGNE
Comincio egli allor si dolcemcnle.
Che la dolcezza ancor den'ro nn suona.
Dante, Purg., canlo II.
I
Paris. — 1716.
C'était la première nuit que le pauvre petit musicien passait à
Paris. Il ne connaissait encore de la grande ville que le bruyant
et malpropre faubourg Saint Jacques, et la figure bourrue d'Hé^
noch, l'hôtelier, qui, le voyant arriver à pied, portant pour tout
bagage un petit paquet de hardes et un méchant violon, lui avait
fait servir un maigre souper et donné pour logis la plus étroite
de ses mansardes. Le jeune voyageur lui était cependant recom-
mandé ; mais, ce soir-là, Hénoch était de fort mauvaise humeur.
Un de ses locataires, parti sans payer son écot, avait, de plus,
dérobé quelques pièces de linge, et l'arrivée d'un riche chaland
eût seule pu dérider le front soucieux du vieil hôtelier.
;„ Le pauvre enfant comptait sur une meilleure réception. Son
parrain le ménétrier lui avait dit : '' Quand mon compère Hénoch
aura lu ma lettre, il te traitera comme un neveu. " Et le résultat
de cette lecture avait été si différent de ce qu'il espérait, que Louis
ne pouvait s'empêcher de penser : " S'il en est de même des lettres
que je dois remettre à M. le curé de Saint-Eustache et au grand
violoniste du roi, je pourrai bientôt reprendre le chemin de mon
village. "
Au village, hélas ! personne ne l'attendait. Ses parents étaient
morts, et son parrain et son curé, bien disposés pour lui, mais
hors d'état d'assurer son avenir, lui avaient dit : " Va chercher
fortune à Paris. Ta belle voix et ton violon peuvent te mener
loin. M. le curé de Saint-Eustache t'accordera peut-être une place
d'enfant de chœur, et si le célèbre musicien André Lebert veut
bien te donner des leçons par charité, tu deviendras riche com-
me lui. "
Le bon curé lui donna des lettres de recommandation pour ces
personnages, qu'il ne connaissait que de réputation ; le parrain
composa laborieusement une épitre pour son ami Hénoch, hô-
telier, rue Saint-Jacques, et. muni de ces trois missives, d'un
léger bagage et d'une bourse plus légère encore, Louis franchit à
pied, comme il put, les vingt lieues qui le séparaient de Paris.
Bien souvent, au village, Torpheliu s'était cru seul ; mais com-
bien cette solitude était peuplée en comparaison de celle où il se
trouvait maintenant ! A Viry, il n'avait pas de parents, mais de
nombreux amis : toutes les maisons lui étaient ouvertes, et son
petit violon les réjouissait. — Tout cela était passé : une nouvelle
vie allait commencer pour Louis, et s'annonçait triste et difiQcile
LE PROPAGATECR 2^0
Aussi, malgré la fatigue du voyage, iî av-i/. b^ 1 1 s^i re. :■ ::;.^r
sur soQ grabat, fermer !e5 yeus, dire 50": :. ' .■e; ; ie îo.il r.^iL
ne venait f aï. La chaleur était éto i m'ir.^îr-i^. De
guerre lasse, l'enfant remit ses vèc:- -. sa^seoir mr le
bord de la fenêtre.
De ce poste élevé il dominait de vastes jardins, éclairés par la
pâle lueur des étoiles. Les bruits de la i-r^nie ville s'amortissaient
peu à p3u, les lumières s'éteignaient a a :c f-enêtres, et bientôt, de
toutes celles que Louis pouvait apercevoir, une seule resta éclairée.
Elle s'ouvrait sur un balcon, au premier étage d'une petite maison
séparée de celle d'Hénoch par un jardin.
Machinalement, les yeux de Louis se fixèrent sur cette croisée
ouverte. Un homme était accoudé an balcon. Il rentra, et, quel-
ques instants après, les sons d'nn rioloa s'échappèrent de la pièce
éclairée.
La perfection de l'instrument et l'habileté de celui quienjoaait,
rendaient cette musique si belle, que Louis n*osait respirer. —
Après une introduction savante, le ▼iolon Joua une mélodie simple
et gracieuse, puis il se tut. Louis attenit longtemps, espérant
qu'il jouerait encore. Le violon garda >. silence, et, presque sans
y penser, l'enfant se mit à chanter, et r-.f'vd, comme un écho fidèle,
l'air qu'il venait d'entendre pour la première fois.
Le violoniste, dès qu'il l'entendit, parut sur le balcon, resta im-
mobile tant que Louis chanta, et, dès qu'il eut fini, s'écria : "Qui
chante ainsi ? répondez moi ! " Et il dit cela d'une voix si émue,
que l'enfant eut peur, et ne répondit riej.
" Ce monsieur a sans doute pensé que je me moquais de lui !
se dit-il ; et, efîarouché comme un oiseau, le pauvre garçon quitta
la fenêtre, se recoucha, et finit par i^endormir.
Le lendemain, il se ^eva de boone heure et descendiL Mais,
avant d'être au bas de l'escalier, il entendit la voix grondeuse
d'fténoch qui répondaft à quelqu'un :
''Non, monsieur, c'est une erreur. Personne chez moi ne se
permettrait de troubler le repos des voisins. "
" Mais, monsieur, " disait une autre voii, "les voisins ne se
plaignent pas. Mon maître voudrait simplement savoir quelle est
la jeune fille qui a chanté cette nuit chez vous. "
" Il n'y a pas déjeune fille ici,"r^ri: l'irascible Hénoch. *" Pour
qui me prenez-vous ? Je loge des élodi^r.':; : ma maison est hon-
nête, et je n'ai que des servantes d'ar. .eclable : Dorothée
a plus de cinquante ans, et Gothon, ;. -qoiuie. Passé dix
heures, je ferme ma porte, et personne ne chante ici. "
" Pourtant, monsieur, mon maître est sûr que la belle voix
qu'il a entendue cette nuit partait d'une de vos mansardes. "
"Votre maître a rêvé : laissez-moi I ' '• ''
Louis s'était approché timidement c interlocuteurs, et,
encouragé par l'honnête et bienveilia:.:^ ^i^ysionomie du vieux
domestique qui parlait à l'hôte, il essaya de placer son mot dans
la conversation.
226 LE PROPAGATEUR
" C'est moi qui ai chanté, " dit-il ; " mais je ne le ferai plus, si
cela ennuie les voisins. "
" Là ! " s'écria Hénoch, •' ne voilà-t-il pas un beau début I A
peine ce galopin a-t-il passé quelques heures chez moi, et il va
m'attirer des désagréments. "
" Vous n'en aurez aucun, monsieur Hénoch, " dit le vieux do-
mestique : " mon maître a été charmé de la jolie voix de votre
petit locataire ; il désire le voir et le faire chanter chez lui.
Veuillez me suivre, mon petit ami. Vous n'aurez point à vous
en repentir. "
Il emmena l'enfant, et, cinq minutes minutes après, Louis était
introduit dans le salon du violoniste.
Celui-ci paraissait âgé d'environ soixante ans. Il était de taille
moyenne, mince et nerveux ; son visage était noble, sa voix sym-
pathique. A l'entendre, à voir l'élégance et la vivacité de ses
mouvements, on lui eût donné quarante ans ; mais ses traits
amaigris et fatigués révélaient son âge.
•* Voici le chanteur de la nuit dernière, " dit le vieux domes-
tique en introduisant Louis et se retirant discrètement.
Louis, tout déconcerté, se tenait debout, son chapeau à la main.
Le musicien iettant sa plume et repoussant son fauteuil, s'avan-
ça vivement vers lui, le regarda un instant et lui dit :
" Est-ce toi qui as chanté ?
"Oui, monsieur. "
" Bien vrai ? J'aurais gagé que c'était une femme. Chante encore,
chante tout de suite. "
" Que voulez-vous que je chante ? " dit Louis.
•'Ce que tu voudras. Qu'as-tu chanté cette nuit ? "
" L'air que jouait le violon. Il était si beau 1 Oh 1 si seulement
j'entendais les trois premières notes, tout me reviendrait à la
mémoire ! "
Le musicien saisit son violon : à peine eut-il commencé l'air,
que, Louis le continuant, il se mit à l'accompagner doucement,
et, quand il eut fini, s'écria : "Qui es-tu ? que veux-tu, mon petit?
Tout ce que je puis donner, je le donnerais pour te garder avec
moi. Réponds moi : qui es-tu ? "
Louis, en peu de mots, raconta son histoire. Quand il en vint
à parler de ses lettres de recommandation, le musicien voulut les
voir, et fit un cri de surprise et de joie. " Celle-ci, " dit-il à Louis,
" est arrivée à son adresse : je suis André Lebert, ancien premier
violon du roi. — Quant à la lettre qui est destinée à M. le curé de
Saint-Eustache, ne la porte pas. Tu as mieux à faire que d'entrer
à la maîtrise. Reste avec moi : je te ferai instruire ; je t'appren-
drai tout ce que je sais, je ne te laisserai manquer de rien. Mais
tu ne chanteras que pour moi seul, entends-tu ? Acceptes-tu ces
conditions ? "
" Oui, monsieur, " dit Louis résolument.
" Hé bien ! c'est entendu. Ton curé m'écrit que tu es un excel-
lent enfant. Reste tel, et, avec l'aide de Dieu, je ferai de toi un
grand musicien, "
LE PROPAGATEUR 227
Six mois nprè?, Louis écrivait au curé de son village :
Paris, 15 octobre 1716.
" Monsieur le curé,
" Grâce à votre recommandation, je suis le plus heureux enfant
du monde : M. Lebert m'a non seulement pris pour élève, mais il
me traite en fils. Il m'a donné une jolie chambre près de la sienne,
je suis habillé comme un gentilhomme, j'ai des maîtres de toute
sorte, et j'étudie avec beaucoup de soin pour faire plaisir au bon
M. Lebert ; mais les leçons que j'aime le mieux, sont celles qu'il
me donne. Quel musicien, monsieur le curé ! Non, rien ne peut
vous exprimer le bonheur que j'éprouve à l'entendre. Quant à
lui, sa plus grande joie est de me faire chanter, le soir, quand
nous sommes seuls. Il s'assied à l'autre bout du salon, tire un
médaillon de son sein, et le regarde pendant que je chante. Sou-
vent il pleure en m'écoutant, mais il dit que cela lui fait plaisir.
Quand j'ai fini, il m'embrasse sur le front et me fait signe d'aller
me coucher.
"Trois fois par semaine, quelques amateurs de musique vien-
nent chez nous jouer des morceaux d'ensemble. Bientôt, j'espère,
je pourrai y faire ma partie. Le reiste du temps nous vivons très
solitaires, mais je ne m'ennuie jamais. Le jardin et la volière
pleine d'oiseaux rares, que j'ai demandé à soigner pour aider le
vieux Jean-Baptiste, suffisent à occuper mes récréations.
"Je n'ai point oublié vos bons conseils, monsieur le curé. Du
reste, je n'ai qu'à imiter mon cher maître pour vivre en bon chré-
tien. Nous allons tous les jours à la messe chez nos voisines les
dames carmélites, et M. Lebert ne permet pas aux personnes qu'il
reçoit le moindre mot contre la religion.
" C'est à vous, monsieur le curé, que je dois tout mon bonheur :
aussi, croyez-le bien, je suis et serai toujours, avec tout le respect
et la reconnaissance imaginables,
" Votre très dévoué serviteur,
" Louis Deschamps. "
II
1717. — VERSAILLES.
Une année se passa ainsi. M. Lebert s'attachait de plus en plus
à son jeune élève, dont le caractère aimable et les rapides progrès
faisaient sa joie et son orgueil. La fête de Louis approchait ; il
lui dit :
"Que veux-tu que je te donne pour ta fête, petit ? "
"Je suis si comblé de vos bontés, monsieur, que je ne devrais
rien souhaiter, et pourtant..."
" Parle donc, " dit son maître.
" Hé bien ! j'ai grand désir de voir Versailles avec vous, cher
maître. "
"Je n'y suis pas retourné depuis la gaort du roi Louis XIV, "
dit Lebert ; " mais je reverrai le parc avec plaisir. Nous irons
ensemble, mon enfant. " (à suivre)
eaiGiEiisE
AU SCJET
D'UN RECENT DECRET PONTIFICAL
SECONDE EDITION
P.evue el augmcnUe par V auteur
LETTRE
Du R. P. SECONDO FRANCO de la Gie de Jésus
SfUle iraduciion française avec autorisation de l'Auteur
Par l'Abbé A.-E Gautier
Du clergé de Bordeaux. Docteur en droit canonique
^ ^'ol- i"-12 Prix 40 cts.
Ma Révérende Mère.
Votre Révérence m'écrit que le Décret du Souverain Pontife promulgué der-
nièrement par l'intermédiaire de l'Eminentissime Cardinal, Préfet de la S. Con-
grégation des Evêques et Réguliers vous a jetées, vous et quelou-^s-unes de vos
Religieuses, dans une sorte de trouble. Cependant, animées' du plus grand
désir de vous conformer pleinement à la volonté du Vicaire de Jésus-Christ,
vous voudriez beaucoup que je vous donnasse quelqu'explication à ce sujet.
En vente, le Décret est si clair qu'il suffit de le prendre à la lettre pour en
tirer le sens vrai. Il est si péremptoire qu'il n'exige autre chose pour être obser-
ve pleinement que cette docilité absolue qui est due aux actes du Saint-Siège
Apostolique, et les services qu'il doit rendre sont si grands, que, pour le rece-
voir à bras ouverts, il suffit de le bien entendre.
Néanmoins, l'importance des questions en elles-mêmes et le désir si légitime
que vous m'exprimez me persuadent facilement que je ne puis vous refuser cette
satisfaction. f:e n'est pourtant pas un traité sur cette matière que j'écrirai • je
n en aurais pas le temps et je n'en ai nullement l'intention. Aussi bien, ne crois-
je pas cela nécessaire, .le me formerai à vous indiquer en peu de mots ce que
le Vicaire de J.-C. a décrété, et par suite ce qu'il y a à faire. Je m'acquitterai
dautant plus volontiers de cette tâche que cet opuscule, j'en ai la confiance
pourra être de quelqu'ulilité à d'autres Communautés religieuses placées dans
les mêmes conditions que la vôtre. Je ferai en sorte d'être bref et clair ; et après
avoir expose ce que renferme le Décret, je le mettrai en lumière par l'autorité
des graves théologiens qui ont traité celte question. J'exposerai enfin quelques-
unes des raisons qui en démontrent la sagesse. Sans doute ces deux choses ne
sont nullement nécessaires puisque l'autorité du Siège Apostolique qui l'intime
doit tenir lieu de toute raison ; mais elles au-ont pour heureux résultat de pro-
curer un plus grand contentement et allégement à qui doit obéir
^. . S. F. s.j.
Très Révérende Mère.
Afin de procéder avec ordre dans cet écrit, voici ce que je ferai. Je repro-
duirai d abord le Décret tel qu'il est émané de la S. Congégaiion des Evêques
et Réguliers, avec la traduction littérale en regard. Ensuite le reprenant partie
par partie, j'en exposerai le sens obvie qui doit suffire pour sa mise en pratique
Enfin, des dispositions prises, je tirerai quelques raisons qui aideront à rendre
ia volonté plus prompte grâce à la satisfaction qu'elles ne peuvent manquer
de causer à l'esprit.
Que le doux Cœur de Jésu^e serve de guide à moi en écrivant et à votre
Keverence en pesant ce que contiendra ce petit écrit.
S. F. s.l
NOTES & REXSEIG.\E)IL\TS BIBLIOGRAPHIQUES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES \ COiTPOsER ET
A COMPLÉTER LEUR BIBLIOTHÈQUE
PREiilERE PABTIE
livres de piélé povir les ecclésiastiques
1. iiZDITATrO:
Les méditations du vénérable P.
Louis Dc Pont, ont, à beaucoup de
litres, le droit d'être mentionnées et
recommandées dans VAmi du clergé.
L'auteur se distingua à la fia du xvi«
siècle et au commencement rlu ivii*
dans la Compagnie de Jésus par son
profond savoir tt sa haute sainteté.
Les grâces extraordinaires que Dieu
lui accorda et les grands fruits qu"i.
produisit dans les âmes par ses entre-
tiens et par sa direction suffiraient à
nous convaincre que ses Méditalions
ont dû perpétuer et généraliser son
heureuse et salutaire influence. Dès
1611, elles étaient traduites de l'espa-
gnol en latin ; et plusieurs édiiioas
latines se sont succédées depuis : la
dernière, que nous a donnée le P.
Lehmkuhi, a été revisée avec soin et
pour le texte même et pour les citations
de la sainte Ecriture et des Pères. De
bonne heure aussi, il y eut des traduc-
tions françaises de ces "très excellentes
méditalions." La première qui est de
1610, et qui servit pour une édition
imprimée en 16-8, était très imparfaite ;
elle renfermait beaucoup d'expressions
qui seraient inintelligibles pour nous.
Mais celle de 1682 s'est conservée et
n'a eu besoin <:[ue de quelques retou-
ches pour être présentée au public
dans celte dixième édition que nous
indiquons à nos lecleurs. Le temps a
donc confirmé le mérite des méditations
du vénérable du Pont, au lieu de les
ensevelir dans Touba a%-ec lant d'au-
tres ouvrages. Il nous faut néanmoins
les faire connaître davantage pour les
faire mieux apprécier.
Les six parties qui composent ce
recueil sont ordonnées à la vie purga-
tive, à la vie iUuminaiiie, et à la \ie
uniliie. — La première partie, après
une préface sur la pureté de cœur qui
est la fin des méditations de la vie
purgative, donne tout d'abord la médi-
tation fondamentale sur la fin de F hom-
me ; puis viennent les méditalions sur
je péché en général et sur les fins
suile
darnj^^s ; celles qui snivent visent à.
une entière mortiJScatioa des vices et
des fassions déréglées, et ont pour
ohjeli F les sept péchés capitaux, les
dit commandements de Dieu, les cinq
seosextérienr-, et les puissances inlé-
ri'T -r: ■ " "-samen de cons-
c r - Pênitenie, la
"= . . o les peines du
leaxième, troisième
r. ^--- ......es comprennent les
méditations de la vie illuminative. Elles
ont pour but l'imitation de Notre-
Seigneur, et pour objet les mystères
de noire Sauveur dans son Incarnation
et sa vie cachée, dans sa \ie publiqie,
dans sa passion et sa mort. — La vie
glorieuse de Jésus-Christ, et un fonde-
ment dans la connaissance plus apim>-
fondie de la Divinité, des trois person»
nés divines, les perfections de Dieu*et
de " ses bienfaits soit naturels soit
surnaturels : aussi tel est l'objet des
médiations de la cinquième et de la
sixième parties. — L'œuvre du Père
du Pont est donc complète. On a dit,
avec raison, que c'étaient les exercices
de saint Ignace étendus et expliqués.
C'est aussi la méthode de saint
Ignace qu'on a suivie dans la rédaction
ds ces méditations (on la trouvera
exposée et développée dans la Préface^
qui est un ^Tai traité de l'oraison men-
tale, comprenant 56 pages in-î2 d"un
texte très serré), — Les vérités proposées
avec toute la force et la richesse qu'on
peut attendre d'ua savant théolc^en,
et les applications très détaillées qu'in-
diqae l'auteur prouvent de sa part une
longne expérience dans la conduite des
âmes. — Nous avons élé d'abord surpris
et effrayés de la longueur des dévelop-
pemoits que le P. du Pont a donnés à
ses méditdtions : certaines comportent
cinq, six points, ou remplissent cinq,
six pages : quelques-unes vont jusqu'à
neof points, ou neuf pages. Mais le
traducteur nous a répondu (et nous
avwis admis ses réponses): !• quun
discours n'est jamais trop long, qui n'a
rien que de très utile : 2» que rien
230
LE PROPAGATEUR
n'oblige à parcourir tous ces points :
si dans un seul, on trouve assez de
matière pour s'entretenir avec Dieu,
qu'on s'y arrête ; du reste chaque point,
par les considérations toutes différentes
qu'il contient, est une méditation com-
plète, 3» qu'une méditation un peu
ample et rai&onnée offre un avantage
considérable pour une infinité de per-
sonnes, qui peu capables au commen-
cement de faire d'elies-même- les
réflexions nécessaires, peuvent, en
lisant lentement et en s'appropriant les
pensées et affections de l'auteur, s'ac-
coutumer à méditer, et faire à la lin
toutes seules, avec les lumières du
Saint-Esprit, ce qu'elles ne faisaient
d'abord qu'avec le secours d'un livre.
D'ailleurs nous lisons dans la préface
que cet ouvrage a été composé non
seulement pour l'oraison, mais aussi
pour la lecture spirituelle, " une des
plus nobles et des plus utiles exercices
de piété, " et qu'on p-.urra également
l'utiliser pour des exhortations et des
conférences. C'est vraiment une mine
féconde et inépuisable à exploiter.
Ce qu'on devra surtout chercher, ce
qu'on trouvera avec joie et profit dans
les méditations du P. du Pont, c'est
une explication fort nette et très com-
plète, d'après le sens le plus univer-
sellement reçu et approuvé des saints
Pér.s, des quatre Evangiles et de la
plus grande partie des actes des apô-
tres. Etudier et considérer, dans la
méditation, avec un guide aussi éclairé
et aussi pieux que noire vénérable
auteur, c'est assurément le moyen de
se procurer les plus vives lumières sur
la vie et la doctrine de Notre-Seigneur
et de goûter et d'accepter avec amour
ses enseignements et ses exemples.
C'est à ce point de vue que cet ouvrage
se recommande tout spécialement à
nos confrères.
■ Nous n'exprimerons, en finissant,
que deux regrets. Nous demanderons
aux éditeurs pourquoi ils n'ont pas
emprunté à l'édition française de 1628
et reproduit dans leur nouvelle édition
la " Table des Méditations sur les
Evangiles des dimamches et fêtes de
toute l'année selon l'usage de l'Eglise
romaine ? " Pourquoi aussi, en faveur
du clergé, n'ont-ils pas donné en latin
les citations de la sainte Ecriture et
des Pères, soit en les insérant dans le
texte, soit en les renvoya it au bas de
la page'? Ils auraient pu mettre à l'é-
dition si correcte et si vantée du P.
Lehmkuhl.
Les abonnés de ['Ami du clergé con-
naissent déjà, le recueil de méditations
intitulé I'Heure du matin : il leur a été
signalé plusieurs fois à la 3« ou 4« page
de la couverture de notre chère Revue ;
et plusieurs de nos confrères se sont
sans doute procuré cet ouvrage qu'on
leur recommandait " d'une manière
toute particulière " et qu'on leur disait
" de réelle valeur, et capable de faire
grand bien '' Nous voudrions justifier
cet éloge et faire apprécier ce livre
commu il le mérite. — Disons d'abord
que l'aut'^ur nous semble avoir parfai-
tement satisfait à un desideratum, et
qu'il nous a donné, ce qu'on ne trouve
guère, un ouvrage " renfermant des
trésors inappréciables sur le sacerdoce,
son excellence, ses vertus et ses devoirs,
en forme de Méditations courtes, sim-
ples, subslanlielles et pratiques, et par
suite à faire réfléchir et à faire prier. "
— Pour nous procurer une haute idée
du sacerdoce, l'auteur nour fait méditer
sur les appels de Dieu, sur la clérica-
lure, sur les ordres mineurs et majeurs,
et surtout sur la prêtrise et la fin qu'elle
nous impose, et les pouvoirs qu'elle
nous confère : c'est nous remettre
devant les yeux le nombre et la gran-
deur des grâces reçues, les engage-
ments contractés et les motifs de les
remplir. — Après avoir considéré dans
la méditation, c'est-à-dire sous le regard
de Dieu et l'influence de sa grâce, on
peut envisager avec courage et con-
fiance les devoirs du prêtre, qui fond
l'objet du second livide. Ces devoirs,
c'est premièrement la sainteté, la sain-
teté pour le bon e.xemple, la sainteté
par l'exemption du péché mortel, et
par la lutte contre le péché véniel ;
c'est ensuite, dans le détail, la science
qu'il faut acquérir par l'étude ; c'est le
zèle des âmes, zèle sans tiédeur ; c'est
la prédication, l'administration des sa-
crements de Pénitence, d'Eucharistie,
d'Extrême-Onclion ; il y a aussi pour
le prêtre des devoirs spéciaux envers
les pauvres et envers les enfants. Ces
devoirs, l'auteur nous en fait considérer
l'importance, la nécessité et les diffé-
rents moyens de les accomplir totale-
ment el eflicacement : il consacre de
trois à sept méditations à chacune de
ces obligations ; et ces méditations,
nous le répétons, sont courtes, simples,
substantielles, elles sont aussi prati-
LE PROPAGATEUR
231
ques, et d'une manière particulière-
ment intéressante. Le choix des vérités
qu'il rappelle, et des conseils qu'il
donne et des applications qu'il fait, est
inspiré par le sentiment des besoins de
notre époque : il signale les dangers et
les exigences créés par les temps diffi-
ciles où nous vivons ; il indique les
"moyens auxquels il faut recourir pour
triompher des obstacles qui entravent
maintenant le ministère du prêtre. —
C'est avec le même mérite d'opportu-
nité qu'ont été rédigées les méditations
du troisième livre, sur les vertus du
prêtre, chasteté, humilité, boulé, cha-
rité envers le prochain et parliculière-
ment envers les confrères, morliflca-
tion ; tell s sont les vertus que notre
auteur nous propose d'étudier et de
méditer, comme étant celles qui nous
rendront le plus conformes à Jésus et
le plus capables de travailler efficace-
ment au salut des âmes. Un chapitre
est consacré à,la nécessité et aux mo
yens de combattre la passion dominan-
te : quatre méditations ont pour objet
" la vie cachée en Dieu avec Jésus-
Christ;" et enfin l-es deux dernières
méditations nous disent d'une façon
délicieuse ce que doit être la chambre
du prêtre : une solitude, un temple, un
ciel, et ce qu'il faut fdire pour qu'il en
soit ainsi. — Que dirons-nous du qua-
trième livre ? Qu'il nous a fait le plus
grand bien, et que nous avons éprouve
une grande joie à revoir, dans l'oraison,
tout ce qui nous avait été enseigné et
ce que nous avions lu sur le règlement,
et sur l'importance et la nécessite de
nos différents exercices de piéle, et sur
le moyen de les bien faire. Aucun n'a
été oublié : oraison, sainte messe, office
divin, lecture spirituelle, visite au
Saint-Sacrement, chapelet, examen de
conscience, confession ; et rien de plus
solide et de plus sage et de plus oppor-
tun que les enseignements et conseils
qui nous sont donnés sur cette matière
si importante. D'aillaurs, ici comme
dans les autres parties de l'ouvrage,
les textes de l'Ecriture et des Pères et
et les exemples des Saints sont invo-
qués dans une large mesure, et com-
muniquent aux méditations de l'Heure
du malin une lumière qui convainc
l'esprit et une onclion qui pénètre la
volonté. Dans le dernier chapitre, notre
auteur nous entrelient et de la retraite
annuelle et de la retraite du mois :
dans un appendice, il donne le Direc-
toire de la retraite mensuelle ; et il
termine son ouvrage par douze médita-
tions sur les grandes vérités de la reli-
gion, c'esl-à-dire sur les fins dernières.
Ce sont ces méditations qui doivent
surtout servir pour les retraites : et il
est bon d'y recourir en d'autres ttmps :
" Memorare novissima tua, et in aster-
num non peccabis. "
Avec VH':ure du matins finit la caté-
gorie des Recueils complets de médita-
lioa. Nous avons signalé ceux qui
nous semblaient dignes de l'être ; nous
les avons analysés et appréciés assez
ionguement. Il nous a paru que nous
devions nous étendre ainsi pour faire
connaître suffi3amm"nl le contenu et
le genrd de l'ouvrage : c'est ce que
nous aimons nous-mème trouver dans
un compte-rendu ; c'est ainsi que nous
comprenons un article bibliographique.
Que si quelques-uns de nos lecteurs
désirent plus que des renseignements
qui leur permettent de faire eux-mêmes
leur choix, s'ils nous demandent d'in-
diquer nos préférences, de choisir pour
eux, voici c^ que nous croyons pouvoir
ajouter.
Nous ne condamnons pas absolu-
m-:;nt, au sujet de l'auteur qui nous
fournit nos thèmes de méditation, la
variété et le changement : car nous
n'osons pas affirmer quMl y a un auteur
assez complet pour satisfaire à tous les
besoins, à toutes les exigences des
différents sujets el des différentes situa-
tions ; ou que cet aut-'ur devra plaire
toujours, et qu'il n'y aura pas quelque-
fbis un véritable profit à quitter, défini-
tivement ou momentanément, un
ouvrage pour un autre. Mais nous
recommandons instamment à nos con-
frè.es, et surtout aux plus jeunes, de
s'attacher d'une manière toute par-
ticulière à un Recueil très complet
qu'ils auront choisi conforme a leur
trempe d'esprit et à leur caractère,
auquel ils demanderont habituellement
leur sujet d'ora;son en suivant l'ordre
de l'auteur, et qu'ils ne délaisseront
que provisoirement pour faire face à
certains besoins du moment, pour mé-
diter par exemple, d'après un ouvrage
spécial, sur telle et telle vertu, telle
ou telle obligation, — Ces recueils très
complets qui comprennent à la fois et
une série de méditations, dans un ordre
logique, sur toutes les vérités de la
spiritualité chrétienne et ecclésiastique,
et des méditations pour les principales
232
LE PROPAGATEUR
fêtes de l'année et sur les principaux
saints, sont au nombre de trois : Bua-
velel, Branchereau, Chaignon. El nous
inclinons à croire (|ue ces trois auteurs
se partagent la faveur des Grands-
Séminaires en France.
Si donc nos jeunes confrères ont
constaté que Fauteur suivi dans leur
Grand-Séminaire les a puissamment
aidés à faire de bonnes méditations,
qu'ils lui demeurent fidèles : il conti-
nuera à être pour eux une mine d'au-'
tant plus facile à exploiter qu'ils la
connaîtront mieux et qu'ils seront plus
familiarisés avec les pensées et les
procéflés de l'auteur. Si on gagne
beaucoup à relire plusieurs fois un bon
livre, parce qu'une lecture subséquente
nous montre toujours une nouvelle
vérité, un nouveau point de vue, une
nouvelle conséquence qui nous avait
échappé jusque-là, à plus forte raison
cela est-il vrai de la méditation qui
nous fait scruter, avec toutes les res-
sources de la nature et avec les secours
de la grâce, un texte ordinairement
riche dfjà par lui-même, et enrichi de
plus par les citations de la sainte
Ecritudre, des Pères, des Saints, des
Conciles. — Si au contraire, cher lec-
teur, l'ouvrage qui vous a fourni pen-
dant quatre ou cinq années le thème
de vos méditations vous a paru trop
court, trop doctrinal et pas assez
onctueux, profitez de votre expérience.
Laisf ez Beuvelet pour Branchereau ou
Chaignon : ceux-ci, nous l'avons dit,
sont plus développés, celui-là est très
concis et exige ^p travail personnel,
très profitable assurément, mais diffi-
cile à certains esprits. Si vous croyez
avoir besoins de ces longs développe-
ments que donnent Branchereau et
Chaignon à leurs sujets de méditations,
choisissez l'un ou l'autre : si Branche-
reau pi-ndant vos années de séminaire
vous a paru trop sec, trop aride, prenez
Chaignon, qui comme nous l'avons vu,
développe aussi longtemps les actes
de la volonté que les réflexions de l'in-
telligence. Mais si d'autre part vous
vous êtes reconnu assez de facilité pour
ce travail de réflexions et d'affections
personnelles, conservez ou essayez
Beuvelet. Nous vous souhaitons qu'il
reste ou qu'il devienne le manuel
ordinaire de vos méditations.
Nous avons dit : manuel ordinaire ;
car, encore une fois, nous admettrons
facilement qu'il peut être très avanta-
geux pour l'âme (comme pour le corps)
de changer de régime, et de prendre
quelquefois une nourriture autrement
préparée, c'est-à-dire des enseignements-
présentes d'une manière différente,
nouvelle, et qui pour cela même sera
plus saisissante. Pour cette raison,
nous vous engageons à échanger pour
un temps Beuvelet pour V Heure dut
malin : ces deux ouvrages appartien-
nent du reste à la même catégorie, celle
des méditations courtes et substan-
tielles, et ce dernier oAre des avantages
spéciaux, mentionnés plus haut, qui
le rendent digne d'être, l'espace d'une
année, le suppléant intérimaire de
Beuvelet. — D'après ce que nous avons
dit des Méditations sacerdotales de
Décrouille, elles ne font pas double
emploi avec celles de Beuvelet, de
Branchereau, ou de Chaignon : elles
peuvent nous aider beaucoup à nous
renouveler dans la ferveur de notre
première messe ; elles sont du reste
suffisamment riches de iJonnes pensées
et de bonnes applications ; elles ne sont
ni trop longues ni trop brèves: autant
de raisons pour qu'elles aussi se subs-
tituent dans une certaine mesure, pour
un certain temps, au manuel ordinaire.
— Le V. Père du Pont est complet, très
riche, très fort et très méthodique en
ce qui regarde les vérités de la triple
î vie, purgative, illuminative et unilive :
mais il n'a rien de spécial pour la
liturgie, les fêtes de Notre-Seigneur,
de la sainte Vierge et des saints, et
c'est pour cela que nous ne l'avons
pas rangé parmi les Recueils 1res com-
plels : mais il sera, si l'on veut, le très
utile complément soit de Décrouille,
soit de Hamon, soit de Bronchain,
ceux-ci étant, pour ainsi dire, liturgi-
ques, et nous donnant tout lé néces-
saire sur le propre du temps et le
propre des saints. Mais, de plus, le
Père du Pont, dans les 2% 3«, 4«, 5«,
parties de son ouvrage, nous offre sur
les Mystères de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, sur sa vie cachée, sa vie publi-
que, sa vie souffrante et sa vie glorieuse
en un mot sur tout l'Evang'le, une
série de méditations qu'on ne trouvera
peut-être pas ailleurs, aussi solides,
aussi complète ; et à ce titre l'ouvrage
du P. du Pont me parait mériter la
môme faveur que Décrouille et l'Heure
du matin, celle de pouvoir remplacer
pour un temps l'auteur choisi pour
manuel ordinaire.
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Juin, 1893, Numéro 8
BULLETIN
8 juin 1893.
*/ Nous publions les deux dépêches suivantes adressées à la
Croix. Elles sont relatives au Congrès Eucharistique db Jérusalem
L'une parle de l'entrée du légat à Jérusalem, et l'autre annonce
la fin des travaux du Congrès. Nous pourrons probablement
donner des détails dans le prochain numéro.
Jérusalem, 14 mai, 4 h soir
L'entrée du Légat a élé splendide : elle s'est effectuée selon le pontifical, à
cheval et sous un dais. Elle dépasse immensément en beauté, la réception mém'o-
rable de l'empereur d'Autriche en 1863. Quelques prélats dissidents saluent en
dehors de la ville le cardinal qui porte ses ornements pontificaux. Le consul
français et tout le personnel du consulat en grande tenue représentent le pro-
tectorat. Les délégués des consulats de toutes l-is puissances sont présents. Les
autorités et l'armée turque, avec deux généraux, les officiers de la marine fran-
çaise, font escorte avec la population entière.
Le patriarche reçoit le légat à la porte de Jérusalem, avec cinquante évoques
tout son clergé, les communautés, et des pèlerins de toutes les nations. '
De toutes parts s'élèvent des acclamations enthousiastes : " Vive Léon XIII !
Vive le Légat ! " On se rend en procession solennelle au Saint Sépulcre, où l'on
chante le Te Deum
L'impression est immense. Grande journée pour l'Eglise et pour la France
Ordre parfait. . y. de P. Bailly.
Jérusalem, 21 mai 5 h. soir
Le Congrès a été couronné admirablement samedi par un magnifique discours
du cardinal légat et par les acclamations Hturgiques aux prélats chantées par
les:religieeux de l'Assomption. Ensuite a eu lieu une splendide procession du
Saint- Sacrement à Saint-Etienne. A minuit, chant des matines de la Pentecôte
sous la grande tente, au mont Sion, près du Cénacle. Messes innombrables.'
Jubilation universelle.
Bailly
*
*/ Les élections générales de l'empire d'Allemagne ont lieu le
15 de ce mois. Encore quelques jours et nous saurons si le milita-
risme l'a emporté et si ce fléau va continuer à appauvrir le pays
par les charges écrasantes dont il est la cause. L'agitation est con-
sidérable et chaque parti fait des efforts inouis pour le triomphe
de ses idées. Les socialistes notamment déploient une activité ex-
traordinaire et ils espèrent augmenter considérablement le nombre
de leurs députés. Ils étaient 37 dans le dernier Reichstag et ils
prédisent qu'ils seront 75 après les nouvelles élections.
15
234 LE PROPAGATEUR
Si les apparences ne sont pas trompeuses, le gouvernement sera
défait. Les divers états de l'empire se défient de la Prusse et de son
hégémonie. (1) La prééminence qu'ils lui ont donnée au lende-
main de la guerre franco prussienne, dans l'enthousiasme ir-
réfléchi de la victoire, leur inspire des craintes sérieuses. Il
est probable, disent les dépêches, que plusieurs d'entre eux profi-
teront de la circonstance pour secouer le joug de fer qui se fait
sentir plus pesant de jour en jour.
Le spectre de la France, prête à envahir les provinces annexées
n'inspire plus les mêmes terreurs. Les populations commencent à
s'apercevoir que cette invasion est plus problématique que jamais
et que celte nouvelle est une pure invention de la Prusse et de son
souverain.
Ainsi tout fait présager une défaite pour le gouvernement et un
affront pour Guillaume.
Nous avons hâte de voir si le Centre (2) va se diviser et, par
conséquent, annihiler son influence, ou si, fier de son glorieux
passé, il va rester uni comme aux jours de Windthorst. Dans ce
cas il pourra combattre efficacement les mesures tyranniques, et
obtenir le redressement des torts et le rappel des loi persécutrices.
*
*,* Aux dernières élections du barreau delà province de Québec
ont été élus :
\o Bâtonnier général, l'honorable Thomas Chase Casgrain,
avocat de Québec, et procureur-général dans le ministère Taillon.
2^ Secrétaire général, M. W. C. Languedoc, C. R. avocat à Québec.
*,* En Italie la chambre des députés, à une majorité de 5 voix,
a rejeté le budget de la justice. La mesure ministérielle a réuni
133 votes et 138 votes l'ont repoussée.
Le ministère a alors donné sa démission que le roi a refusé
<3'accepter. Après bien des pourparlers et une grande hésitation
l'ex-premier ministre Giolitti a enfin consenti à former une nou-
velle administration.
Elle est composé comme suit :
Président du conseil et ministre de l'intérieur, Giovanni GioliUi. — Ministre
des affaires étrangères, Benedetto Brin. — Finances, Sénateur Gagliardo. — Jus-
tice et affaires ecclésiastiques, Sénateur Canonico. — Guerre, Général Luigi
Pelloux. — Marine, Amiral Racchia. — Commerce, industrie et agriculture, Piè-
tre Lacava. — Instruction publique, Ferdinand© Martini. — Travaux publics,
Francesco Genala. — Postes et télégraphes, Camillo Finocchiaro-Aprile. — Tré-
sorier, Bernardino Grimaldi. —
(1) La victoire du gouvernement sera le triomphe de la Prusse, et sa défaite
sera l'amoindrissement de son influence.
A l'exception des vieilles provinces prussiennes, des provinces rhénanes et de
la Saxe, tous les états ont volé contre la loi militaire dans le dernier Reichstag,
La députalion de la Bavière n'a donné qu'un vote pour la loi et 34 contre.
(2) Dans le manifeste qu'il a publié, il se déclare contre la loi mihtaire.
LE PROPAGATEUE 235
*/ La législature de la province d'Ontario a été prorogée sa-
medi, le 27 mai. Elle siègait depuis le 4 avril. La principale me-
sure de la session est une loi concernant le commerce des liqueurs
fortes. En vertu de cette loi la question de la prohibition de ce
commerce sera soumise à un plébiscite. Pourront voter dans
cette circonstance les gens ayant droit de vote aux élections par-
lementaires et les veuves et filles ayant droit de vote aux élections
municipales. La votation se fera en janvier prochain.
Le gouvernement doit faire décider, le plutôt possible, si une
législature provinciale a le droit constitutionnel de prohiber le com-
jiierce des boissons enivrantes.
•■,* La société Royale du Canada, réunion de savants, d'histo-
riens et de littérateurs, a eu son assemblée annuelle à Ottawa à la
fin de mai. Les officiers suivants ont été élus pour former le bu-
reau central de direction :
1° Président, le Dr George Dawson ; 2° Vice-président, M. J M-
Lemoine ; 3° Seciétaire-général, M. J. G. Bourinot ; 4° Trésorier,
•M. le professeur Selwyn.
La section française a nommé :
l'' Président, M. le sénateur Joseph Tassé, rédacteur en chef de
la Minerve ; 2° Vice-président, M. l'abbé Verrault, princi[al de l'é-
cole normale Jacques-Cartier, à Montréal ; 3° Secrétaire, M. J. E.
Roy, notaire à Lévis. M. Roy est aussi membre de la chambre des
notaires et secrétaire de la commission de législation de cette
chambre.
Mgr Obrien, archevêque catholique d'Halifax, Nouvelle-Ecosse,
le Dr N. E. Dionne, journaliste et bibliothécaire de la législature
de Québec, et le Dr S. E. Dawson, imprimeur de la Reine, ont été
nommés membres de la société. ,
Sont nommés
P Gouverneur-Général du Canada, Lord Aberdeen. Cette
nomination, qui avait été erronément annoncée dans le cours de
l'hiver dernier (l), est enfin confirmée officiellement. Lord Aber-
deen a siégé comme conservateur à la chambre des Lords, mais
il a adopté plus tard le parti libéral.
Le gouverneur actuel, lord Derby, ci-devant baron Stanley de
Preston, a été nommé en 1888.
2° Commandant des forces du Canada, le major général Alex-
ander Montgomery Moore. Il remplace Sir John Ross. Le nouveau
commandant est entré dans l'armée en 1850 avec le grade de
second lieutenant. Il a été promu au grade de major général en 1884.
(1) Voir Vol. 3, No. 24, page 739.
236 LE PROPAGATEUR
3° Juge de la Cour de comté de l'Ouest du Manitoba, M. T. D^
Cumberland, avocat de Winnipeg. Il remplace le juge Walker».
Ce dernier remplace à Winnipeg le juge Ardagh décédé derniè-
rement.
4° Conseil de la Reine, M. George Duval, rapporteur ofiBciel
de la Cour Suprême du Canada.
5° Recorder de la ville de Longueuil, Alexandre Jodoin, avocat.
M. Jodoin est né à LongueuiL H a fait ses études classiques au
séminaire de Québec, et ses études légales à l'Université Laval à
Montréal. M. Jodoin est un ancien journaliste. En collaboration
avec monsieur Joseph Louis Vincent, percepteur du revenu in-
térieur, il a écrit une histoire de sa ville natale.
*
*/ Sont décédés :
1° Mgr François de Salles Albert Leuillieux, — archevêque de
Chambéry, Savoie. Il est né à St Orner, département du Pas-de-
Calais, le 17 décembre 1823. Il a fait ses études classiques à St
Orner etàArras et ses études théologiquès au séminaire Saint Sul-
pice. Mgr. Sibour, archevêque de Paris, l'ordonna prêtre le 2â
décembre 1848. 11 fut nommé évêque de Carcassonne en 1873,
étant alors curé de St Nicolas de Boulogne sur Mer, et il fut sacré
par Mgr. de la Tour d'Auvergne. Il devint archevêque de Cham-
bérven 1881.
2° Mgr. Jean Natalis François Gonindard, archevêque de Reunes,,
département d'Ile-et-Vilaine, France. Il est mort subitement dans
la cour de la gare de Rennes. Il venait de donner la confirmation
dans les environs de sa ville épiscopale. Il n'était archevêque de
Eennes que depuis le 5 mars dernier, ayant remplacé le cardinal
Place dont il était coadjuteur, avec future succession, (iepuis le
17 mai, 1887. Il est mort le 17 mai, juste six ans depuis sa nomi-
nation comme coadjuteur.
Mgr. Gonindard est né à Perreux, département de la Loire le
31 décembre 1837.
Il fit ses études au petit Séminaire de Montbrison et il fut or-
donné prêtre en 1861 et nommé évêque de Verdun le 31 décembre
1884. Voici ce que dit la " Croix " de cet homme distingué :
«• Orateur, écrivain, adminislrateur paternel, doué d'une inépuisable charité,
il était l'homme de tous et surtout l'homme des petits et des humbles. Personne
mieux que lui ne savait-aller au peuple"
3*> M. Seismit-Doda, ancien ministre des finances d'Italie. Il
faisait partie du ministère Crispi en 1890. Il en fut expulsé par ce
que, dans un banquet, il n'avait pas protesté contre certaines
manifestations irrédentistes.
40 A Londres Mgr (Lord) Petre, prélat de la maison du pape. Il
faisait partie de la chambre des Lords.
Il était, dit La Croix, le seul prêtre qui, depuis la prétendue Réforme, siégeât
au Parlement. Il a créé en Angleterre de nombreuses institutions d'enseigne-
ment et de bienfaisance.
M
LE PROPAGATEUR 237
5® M. François Xavier Valade, notaire et ancien inspecteur d'é-
coles. M. Valade est né à Terrebonne le 8 octobre 18J3. Comme
beaucoup d'autres hommes distingués il fat instituteur dans sa
.jeunesse. Nommé plus tard inspecteur d'écoles il en a rempli les
fonctions pendant plus de 40 ans.
6° M. D. Gorey rédacteur du " Bedford Times."
7*^ Mr Charles François Gauthier, à l'âge de 114 ans et 10 mois.
Il était l'homme le plus âgé du Canada. En 1837 il a combattu à
St Charles du Richelieu. Il est mort dans celte paroisse il y a
quelques jours.
8*^ M. E. S. Darche, conservateur des hypothèques (régistrateur)
du comté de Wolfe.
2'^ A St Boniface, Manitoba, Reine Lagimodière à l'âge de95 ans.
Elle est la première personne de race blanche qui soit née au
Manitoba.
10 François-Xavier Archambault, avocat et conseil de la Reine.
Il est né à St Vincent de Paul an 1842 et il a étudié au séminaire
de Ste-Thérèse. Il a été admis au barreau en 1863.
M. Archambault a représenté le comté de Vaudreuil dans l'as-
semblée législative de Québec.
Alby.
Histoire da Bréviaire romain, par Pierre Batiffol,
du clergé de Paris, docteur es lettres. Paris, 1893, in-l2 de xiv-
356 p. —Prix : 88 cts.
Par " Breviarium " on entend la rédaction concise, restreinte, unifiée, d'élé-
ments nombreux puisés à diverses sources. Ecrire VHisloire du Bréviaire
romain, ou du bréviaire de l'oEQce canonique romain, suppose donc la connais-
sance préalable des principes constitutifs de cet office, tant dans leur formation
évolutionnelle que dans le détail précis de leurs pariies. C'est ce qui nous vaut
tout d'abord dans l'ouvrage de M. l'abbé Batiffol un exposé aussi intéressant
que savant de la genèse des heures canoniques. Marchant sur les traces des
cardinaux Bona et Tommasi, des Thomassin, des Mabillon et des Duchesne,
l'auteur reconstitue sous nos yeux, avec une sûrelé de touche et une lucidité
prestigieuses, les antiques réunions chrétiennes où nos pères dans la foi louaient
ensemble le Seigneur " in hymnis et canticis. " Aux vigiles dominicales nées
de la grande vigile pascale, s'ajoutèrent, sous de pieuses influences, dès le
second siècle, les anniversaires des martyrs. Les prières des premiers ascètes,
perdant ensuite leur caractère privé, ne tardèrent pas à développer encore le
cycle quotidien de la prière publique, et l'on eut ainsi : " Vêpres, nocturne,
laudes, tierce, sexte et none " par l'adjonction de leurs oraisons diurnes à l'offi-
ce primitif de la vigile. L'origine des deux autres heures, prime et compiles, se
retrouve dans les usages des maisons monastiques. Telle est la part respective
de l'ancienne Eglise et du monachisme dans la constitution de l'office.
■m
238 LE PROPAGATEUR
Le clergé de chaque titre presbytéral romain célébrait quotidiennement les
vigiles et suffisait à ce devoir el aux besoins quasi paroissiaux qu'il avait h
satisfaire ; des monastères basilicaux furent postérieurement fondés dans le-
but de le suppléer dans la psalmodie. L'érection de ces monastères d'un genrer
spécial fut d'abord réservée aux églises situées hors les murs et ne remonte guère
qu'au vue siècle pour les basiliques inlra muros. Par eux s'accomplit unel^nte
mais considérable révolution liturgique, résultant de la juxtaposition des heiires
monastiques à l'office traditionnel des clercs. Leur action fut immense, et la
" scola " de Saint-Pierre, en conséquence de l'admiration attachée à la perfection
de ses chants, noa moins qu'en raison des privilèges résultant de la dévotion
universelle envers l'Apôtre, devint comme la source autorisée de l'office ecclé-
siastique.— Nous n'avons pas craint d'entrer, à la suite de M. BatifFol, dans
quelques détails, car il importait de bien faire ressortir la formation de cet
office romain que les moines anglo-saxons répandirent dans toutes leurs missions
et que les rois carolingiens favorisèrent exclusivement. L'auteur en fait plus
loin une minutieuse analyse : Office commun du temps, éléments et distribution
de la psalmodie, leçons, répons ; Fêles du temps et stations ; Offices des saints,
fêtes majeures et fêtes mineures (avec les transformations signilicatives du férial), .
et calendrier sanctoral romain. C'était là un ensemble admirable, où Rome
"avait mis le meilleur de sa littérature et de son histoire ; la marque de sa piété
directe et simple ; de son esthétique restée sensible aux compositions sobres,,,
larges et harmonieuses, de sa langue brève, claire, concrète, bibhque de lexique,,
hiéronymienne de tour, rythmique de nombre. ..enfin et surtout de sa cantilène...
Jusque vers la fin du xiie siècle, l'office romain, tel qu'il existait à Rome à
l'époque de Gharlemagne, ne subit pas de notable modification. M. Batiffol en
fournit la preuve au moyen d'une argumentation assez subtile, dans les détails
de laquelle nous ne pouvons entrer ici, mais dont les conclusions sont de la plus
grande vraisemblance. Peu à peu un office moderne s'est constitué pourtant,
transformation ultramontaine de l'office romain du viiie siècle, et, pour en faci-
liter la récitation, on conçut l'idée d'un volume portatif qui réunirait les divers
extraits tirés des nombreux livres contenant les parties de la prière ecclésiastique.
Ce fut Innocent III qui entreprit au xiue siècle cette utile compilation ; les Mi-
neurs s'en servirent depuis Grégoire IX et, la popularisant de plus en plus
contribuèrent par leur exemple, sous Nicolas III, à la faire adopter de la curie
romaine elle-même. Il faudrait maintenant relever avec l'auteur les fades tenta-
tives des humanistes, désireux de donner au style rude et massif de cette pre-
mière œuvre quelque chose de la langue précieuse qu'ils affectionnaient, con-
stater les retours en arrière, les corrections historiques, les modifications litur-
giques amenées par l'introduction de nouveaux offices de saints, étudier la
tentative hardie de Quinonez, les bréviaires gallicans, les travaux de la
Congrégation de réforme instituée par Benoit XIV ; le même intérêt puissant se
maintient ou plutôt s'accentue à chaque page. Nous ne ferons pas à M. Batiffol
le reproche de ne pas avoir conclu : il se défend, sans doute, d'avoir fait autre
chose qu'une œuvre d'archéologue ou d'historien littéraire ; ma'S sa réserve
vouflue, sa prudence bien compréhensible dans d'aussi délicates questions, ne
l'ont pas empêché de témoigner une estime significative pour les vieux éléments
romains conservés dans le bréviaire du concile de Trente et de laisser entrevoir,,
avec une transparence suffisante, ses appréciations personnelles sur divers
points et en particulier sur la quasi disparition des offices de férié. G. Péries»
DON SARDA Y SALVANY
LE MAlT SOCIAL
SES CAUSES -SES REMEDES
MÉLANGES ET CONTROVERSES SUR LES PRINCIPALES QUESTIONS RELI-
GIEUSES ET SOCIALES DD TEMPS PRÉSENT
Seule traduction française autorisée
3 voL in-12 Prix S1.88-
I.*artlcle qnl suit est extrait de ce livre.
LES MAUVAIS JOURNAUX
Je crois, ami lecteur, que si Salan avait dû s'incarner d'une
façon digne de sa perversité et de sa haine pour Dieu et pour le
genre humain, il se serait incarné dans un mauvais journal. En
parcourant par l'imagination tout le mal que l'enfer a vomi sur
la face de la terre depuis le péché d'Adam jusqu'aux blasphèmes
du temps présent, je ne rencontre rien de si diaboliquement cor-
rupteur qu'un journal impie. Ainsi doivent également l'avoir
compris les ennemis de notre foi et de la félicité de l'homme,
puisqu'ils se sont mis dès la première heure à inonder le monde
de ce funeste poison. Ce genre abonde, et de même que ceux-là
ne sont pas les seuls voleurs qui vont en prison, puisqu'il en est
beaucoup qui s'en vont triomphants à travers les rues et les places
publigues, ainsi n'est pas seulement votre ennemi, et l'ennemi de
votre foi, le journal prohibé par l'Eglise, mais vous en tenez chaque
jour un grand nombre entre vos mains, qui méritent votre exécra-
tion. Je vais donc vous parler des mauvais journaux en généraL
Le journal se réduit à quatre pages environ de papier, bien ou
mal écrites, plus ou moins bien imprimées, qui pénètrent chaque
matin au foyer, dans l'atelier ou dans le magasin de trois, quatre
ou cinq mille fils du peuple. Le journal est donc un hôte que vous
admettez tous les jours dans votre maison, pour vivre avec lui
depuis le matin jusqu'au soir, et avec lequel votre femme, vos fils
et vos subordonnés, conversent familièrement. C'est un inconnu
auquel vous ouvrez chaque jour votre porte, afin que, une fois
entré, il dit ce qu'il lui plaira, il enseigne ce qui convient ou ne
convient pas, il instruise ou démoralise, sans que personne l'en
empêche. Cet inconnu peut raconter aujourd'hui à votre fille une
anecdote (scandaleuse) qui ravira à son cœur l'innocence, et lui fera
monter au front la rougeur de la honte. Il peut apprendre à votre fils
240 LE PROPAGATEUR
à mépriser Dieu, à ridiculiser le prêtre et à secouer le joug des
saints devoirs de la famille. Il représentera parfois à votre subor-
donné, comme une chose nécessaire, l'émancipation de l'ouvrier
et l'extermination des tyrans qui, comme vous, ont le tort impar-
donnable d'être plus riche, ou plus industrieux que lui. Il prêchera
enfin, ce qui tournera à son profit en vers ou en prose, dans les
articles légers ou graves, dans un conte, dans une histoire et
même dans les annonces, car le diable est si habile qu'il va jus-
qu'à savoir tirer partie de tout. Et vous vous reposerez en paix,
persuadé que vous avez procuré aux vôtres une éducation excel-
lente, que l'on récite le Eosaire dans votre maison, que l'on va à
la messe les jours d'obligation, et que l'on observe tous les pré-
ceptes du décalogue. Et vous ne soupçonnerez pas d'où vient à
votre fils cette fièvre d'insubordination, ou ce langage inconvenant
qui a choqué votre oreille, et à votre fille cette désinvolture et
cette légèreté d'allures qui la rendent si différente de sa mère ?
Malepeste de ceux qui ont la vue* courte I Vous examinerez avec
diligence quels sont les compagnons de jeux de votre enfant, ou
bien la société que fréquente votre fille et vous ne prenez pas
gai de à ces quatre pages de papier qui s'introduisent cauteleuse-
ment sous votre porte, et peuvent être la véritable cause de tous
vos chagrins ! Un mauvais journal offre tous ces dangers : Mais
comment, me direz-vous, un tel mal peut-il en venir à paraître
insignifiant ? C'est bien simple. Avez-vous entendu parler du pro-
verbe qui dit que la goutte d'eau creuse la pierre ? Eh bien, le
mauvais journal est aussi une goutte ; mais une goutte de poison
corrosif, capable de faire une brèche dans les cœurs les mieux
trempés, surtout s'ils ne sont pas prévenus contre lui ; c'est une
goutte, mais une goutte qui tombe continuellement chaque jour,
à chaque instant. Mesurez ses efî'ets, sachant que la constance dans
le bien comme dans le mal opère toujours des prodiges. Et si le jour-
nal, pour mauvais qu'il soit, sait se présenter avec les attraits et
les grâces d'une belle littérature, il est alors la goutte de venin
sucrée qu'avaleront non seulement avec facilité, mais même avec
délices, tous ceux qui dans le monde, ont l'habitude de ne se laisser
guider par d'autre critère que celui du goût sensible, et ils sont
innombrables !
On est saisi d'épouvante en pensant avec quelle légèreté s'ou-
vrent les portes d'une maison honnête à cet ennemi domestique,
silencieux, auteur de la plupart des désastres moraux que nous
déplorons dans la société et dans la famille. On est justement ir-
rité par l'indifïërence glaciale avec laquelle des pères trop faibles
voient dans les mains de leurs enfants, ou dans l'atelier de leurs
subordonnés, ces pages empoisonnées, dans lesquelles on enseigne
le mépris de tout ce qui est respectable, depuis la suprême auto-
rité de Dieu jusqu'à celle de ses plus humbles délégués sur la
terre ! Et quelle que soit l'observation qui soit faite à ce sujet on
répond avec la plus grande tranquillité, et parfois avec un bruyant
éclat de rire : " Oh ! c'est un journal ! " Qui va faire cas des jour-
naux ? Ne soyez pas intolérant ! "
LE PROPAGATEUR 241
Vous êtes, ami lecteur, un de ces hommes à courte vue à qui
j'ai entendu tenir ce langage. Vous avez journellement ouvert la
porte de votre maison à quelqu'une ou à quelques-unes de ces
feuilles mensongères, propres à empoisonner le cœur de vos en-
fants, de ces enfants que vous auriez pourtant voulu conserver si
purs et innocents. El non seulement vous leur avez ouvert la
porte, mais de plus, vous les avez payés pour qu'ils vinssent exercer
parmi les vôtres, leur criminel office de corrupteurs. Malheureux !
'* Mais, m'objecterez-vous, en analhématisant les mauvais jour-
naux, vous paraissez lancer votre excommunication majeure contre
tous les journaux indistinctement. Cette espèce de productions
abonde, avez-vous dit ; comment donc puis-je distinguer celui qui
est bon de celui qui est mauvais? A quel signe peut-on discerner
ce genre de contrebande ? Celte question ou ces questions, ami
lecteur, arrivent fort à propos. Prenez un peu patience, et je vais
vous dire à ce sujet, dans cette entretien, des choses curieuses.
Vous y verrez une peinture exacte et caractéristique des mauvais
journaux contre lesquels vous devez vous tenir en garde, comme
contre le démon lui-même qui vous vient avec eux sous les dehors
de ce papier.
II
Je viens de vous promettre quelques signes qui vous aideront à
distinguer facilement les bons journaux des mauvais. C'est là une
tâche importante et d'une nécessité urgente, au temps où nous
vivons, mais en même temps, une tâche ennuyeuse jusqu'à un
certain point, dégoûtante et pénible, selon le point de vue sous
lequel on la considère. Je vois plus de quatre lecteurs, faire un
geste négatif, assombrir leur front, et se plaindre qu'au journaliste
(car je le sais, bien qu'indigne), se constitue l'accusateur de
quelques-uns de ses collègues, en les dénonçont à l'opinon publi-
que comme suspects, et en excitant contre eux l'indignation des
gens honnêtes.
L'inspectation est terrible, et, à elle seule, elle sufiirait pour me
faire déposer à l'instant la plume comme si elle brûlait mes doigts,
si je n'étais très persuadé que la honteuse qualification de déla-
teur ne m'atteint, ni directement, ni indirectement.
Elle ne m'atteint pas, puisque je ne désignerai pas les personnes,
je ne nommerai même pas les journaux. Si, par malheur quel-
qu'un se trouve compris parmi ceux que je réprouverai comme
détestables, qu'il demeure constaté que ce n'est pas sur moi que
doit en retomber la faute. Il dépend d'eux de ne pas tomber sous
la censure de ceux qui, comme moi, réprouvent franchement ce
qui mérite d'être réprouvé.
Les mauvais journaux se divisent en deux classes : ceux qui
sont effrontément mauvais, et ceux qui le sont hypocritement.
La première classe est peu nombreuse, et pour bien des motifs,
elle est la moins redoutable. La seconde est nombreuse, et, a di-
vers points de vue, est la plus funeste.
J'appelle journaux imprudemment mauvais ceux qui, ouver-
242 LE PROPAGATECR
tement et sans déguisement, manifestent leur plan, leur intention
de combattre la religion et la morale. Ces journaux d'ordinaire
nient l'existence de Dieu, s'attaquent au Christ et à l'Église ; en
religion, ils sont habituellement athées ; en morale, sensualistes^
en politique, démagogues ; en économie, apôtres du socialisme.
La haine de Dieu et de la société est ordinairement le mobile
secret qui inspirent leurs articles, qui distille le poison ; l'obscé-
nité et le scandale sont le plus souvent la pâture qu'ils servent à
leurs lecteurs. On ne sait pas au juste s'ils corrompent les mœurs-
pour déroger les intelligences, ou au contraire, s'ils pervertissent
les intelligences en vue de corrompre les mœurs : Ainsi voit-oa
marcher ensemble l'erreur et l'immoralité.
Cette catégorie n'inspire pas de sympathie ; sa perversité inspire
de la répugnance, même aux plus impies. Ceux qui entreprennent
de combattre la Religion et la Morale avec de telles armes se
montrent de vrais apprentis dans le métier ; ordinairement ce sont
de jeunes hommes inexpérimentés, ou des vieillards que la fureur
aveugle, au point de leur faire ignorer les notions les plus vul-
gaires de la stratégie. Ils ont coutume de paraître seulement aux
époques des bouleversements publics ; ils n'écrivent pas pour en-
gager une discussion, pour fournir matière à une lecture calme
et reposée, mais pour produire présentement une impression pro-
fonde, ou pour exhaler une colère longtemps comprimée. On les
connaît même à leur titre, l'équivoque n'est pas possible. Leur
existence est ordinairement courte, après avoir épuisé le diction-
naire des insultes et des imprudences honteuses, ils s'en vont
comme les serpents, dans l'antre d'où ils sont sortis, sans laisser
après eux aucun vestige de leur passage.
Qui n'a pas eu la douleur de rencontrer quelqu'iui ou quelques-
uns de ces journaux, dans ces dernières années ? Qui ne les a pas
lus avec un véritable frémissement d'indignation, comme si le
poison que distillent leurs colonnes devait donner la mort par son
seul contact ? Toutefois on voit circuler parmi nous de tels mons-
tres de perversité, qui s'introduisent de préférence dans l'atelier
du pauvre, parcequ'ils savent qu'il y a là une victime moins en
garde contre eux, et qu'ils remporteront par conséquent plus sûr-
ement la victoire.
Déchirez, déchirez, fils du peuple, la page impie qui vous dit ce
que jamais dans votre vie vous ne voudriez faire entendre à vos fils
ou à votre femme ! Déchirez l'infâme papier qui s'efforce de vous
rendre heureux en vous prêchant la haine comme l'unique senti-
ment digne de votre cœur ! J'ai promené mon regard avec horreur
sur ces productions infernales, et je n'ai pas pu trouver d'autre
parole pour résumer ces abominables doctrines que celle-ci : c'est
la prédication de la haine. Abhorrer Dieu, parce qu'il met un
frein à ma cruelle envie ; abhorrer l'Eglise, parce qu'elle me parle
de Dieu ; abhorrer l'autorité, parce qu'elle m'oblige à obéir à la
loi ; abhoi'rer les riches, parce que je n'ai pas su ou je n'ai pas pu
me ranger parmi eux ; abhorrer en un mot tout ce qui surpasse
d'une ligne l'humble niveau de mes sentiments abjects. Et tout
LE PROPAGATEUR 24$
cela, sous prétexte de dignité, d'émancipation sociale et de je ne
sais combien d'autres choses ! Et par là, on prétend élever le peuple,
l'éclairer, l'ennoblir, le délivrer, l'émanciper ! Faux apôlres !
Regardez votre œuvre ! Voyez les peuples modernes sans Dieu et
sans loi, s'entre déchirant eux-mêmes les entrailles, dans l'aveugle
délire du désespoir provoqué par tant d'années de lectures subver-
sives ! Et le bélier qui a réussi à ébranler jusque dans ses fonde-
ments l'édifice du pouvoir, c'est, n'en douiez pas, en premier lieu^
le journalisme.
Mais le journalisme impudent n'est pas le seul qui mérite d'être
aussi justement flétri ; en raison de son grand degré de perversité,,
le journalisme hypocrite encourt une réprobation encore plus
grande.
III
Le journal mauvais par excellence est le journal hypocrite
Cette catégorie abonde ; signe évident que l'ennemi a connu depuis
longtemps, que c'est là l'arme la plus puissante dunt il puisse se
servir contre la vérité. Le journal impie est rejeté avec dédain ou
indignation par l'homme que les passions ou les erreurs n'ont pas
encore entièrement corrompu ; d'où il résulte qu'en règle générale,
le journal ouvertement mauvais réussit à peine à porter atteinte
à la morale et aux saines croyances.
Il n'en est pas ainsi du journal hypocrite. C'est un piège conti-
nuellement tendu contre les gens de bien ; ce sont des embûches
perfides, cachées à l'ombre de phrases modérées, et qui sait ? peut-
être même empreintes de dévotion et de componction. C'est une
arme chargée avec une poudre sourde qui frappe et tue sans bruit,
sans que la victime ait pu se mettre en garde ; et ce qui est pis
encore, fréquemment, sans que la victime s'aperçoive du préjudice
dont elle a soufl'ert. L'efi'et du journal hypocrite est lent à la mode
de certains poisons qui débilitent insensiblement, et donnent au
préjudice qu'ils causent, toutes les apparences d'une infirmité
naturelle. Le malheureux qui, de bonne foi, absorbe journellement
la potion funeste que lui administre cauteleusement, de son bureau
de rédaction, un ennemi sagace, sent s'afî'aiblir insensiblement ses
croyances ; la ferveur des anciens jours lui paraît une exagération
fémimine ; les généreux élans de l'âme chrétienne lui semblent
des traits de grossière intolérance. L-3 malheureux ne réussit pas
à voir la main criminelle qui vient éteindre dans son cœur tout le
feu des convictions qui sont le meilleur héritage des aïeux, afin
de mettre à la place une certaine condescendance, (ce mot est
aujourd'hui fort à la mode), envers ou opinions^ un certain juste
milieu, comme un critère excellent dans toutes les polémiques;
certains égards pour les droits de la libre-pensée, qui ne s'accor-
dent pas très bien avec^la charité évangélique qui commande, il est
vrai, d'aimer ses adversaires, mais aussi d'abhorrer cordialement
leurs pernicieuses erreurs, de détester et de combattre ces erreurs,
sans trêve aucune ::
La société actuelle empoisonnée par l'influence des journaux
244 LE PROPAGATEUR
hypocrites, leur doit, amis lecteurs, sa décadence morale, son
manque de convictions sincères, sa profonde indifférence pour
tout ce qui n'est pas question d'intérêts matériels. Ah 1 Plût au
ciel que tous les journaux ùostiles à la.vérité imprimassent chaque
jour en tête de tous leurs numéros le mot satanique : "Guerre à
Dieu ! " que quelques-uns seulement ont eu la loyauté de pronon-
cerlQue d'esprits, aujourd'hui traîtreusement séduits, déchireraient
avec horreur l'article impie qu'ils dévorent sans scrupule 1
Pourquoi nos ennemis n'ont-ils pas pour le mal la loyauté que
nous avons pour le bien.
Pourquoi? — Voulez- vous le savoir, ami lecteur ? — Je vous l'ai
démontré clairement tout à l'heure : parce que le diable, qui est
très actif, quoique très vieux, est meilleur stratégiste que cent et
plus de Mollke.
— Je suis un homme de progrès, direz-vous, de progrès sur
toute la ligne, et je ne m'en cache pas ; et avec votre avertissement
vous me placez dans une situation fort embarrassante. Si l'ennemi
s'en va ainsi, se glissant partout avec cette activité et cette astuce,
il en résultera que nous, les fils du peuple, devront user toujours
d'une grande circonspection, et ne pourrons jamais nous défendre
d'un sentiment de légitime défiance, lorsqu'il s'agira de tendre la
main à un journal qui ne portera pas l'estampille de l'autorité
ecclésiastique. Les temps sont bien choisis pour la censure et le
contrôle! Les journaux s'écrivent à la vapeur; c'est à la vapeur
qu'on me les vend, on me les donne sur les places publiques ou
les promenades ; je les lis de même à la vapeur, sans avoir le temps
de prendre de sérieux renseignements. Et puis, si' le poison y est
si délayé, et y a un goiit si suave, qui pourra bien m'en préserver,
car je n'ai ni un palais très sensible, ni un odorat très fin?
— Vous voulez décidément, lecteur naïf, quelques règles prati-
ques pour discerner, dans la mesure du possible, les ennemis des
amis, dans ce champ de bataille de la pressée quotidienne? A la
grâce de Dieu, je vais donc être franc, et comme dit la chanson :
'" A qui Dieu se donne, que saint Pierre le bénisse ".
IV
Qui est capable de faire la description du journal hypocrite?
Qui pourra se rappeler, pour en présenter la liste, les mille et un
masques, déguisements ou travestissements, que l'on emploie
chaque jour pour séduire les imprudents et obtenir parmi eux un.
certain crédit d'honneur, une certaine réputation catholique, qui
permette à ce journal de s'introduire comme un ami, là où préci-
sément il désire exercer, sur une plus grande échelle, sa funeste
influence ? Qui pourra énumérer les ferventes protestations de
religon à toute épreuve, de soumission à l'Église, de respect à son
chef, qui constituent parfois le masque de ses sinistres intentions ?
Je vais vous décrire, lecteur très désireux d'être renseigné, deux
types de cette famille infernale. Vous verrez réunis en eux les
traits et signes distinctifs qui caractérisent tous les autres.
LE PROPAGATEUR 245
Comme dans toutes les branches de l'industrie humaine, il y a
les journaux obscènes et les journaux habiles. Le journal hypo-
crite-obcène se reconnaît à une lieue; à chaque pas qu'il fait, il
soulève, par une inadvertance, un coin quelconque de son masque
et découvre ce qu'il en est au fond.
Le journal hypocrite habile est plus réservé ; rarement il se
laisse surprendre ; il faut prendre bien des précautions, l'observer
longtemps et avec grande attention, en s'appliquant à l'étudier
dans tous ses détails, pour parvenir à le connaître à travers son
déguisement.
Voyez le journal hypocrite, obcène I II annonce en tête de son
numéro les Quarante-Heures, la cour de Marie, et les saints du
Calendrier. Il a sa section d'annonces religieuses, et il insère fré-
quemment les descriptions des exercices du culte les plus extraor-
dinaires. Cest là le vernis, le masque, la robe de moine qui le
couvre. Voulez-vous voir le visage véritable, et les petites cornes
de Satan qui se cache sous le noir capuchon ? Lisez la petite
gazette, les correspondances, les articles de fond, toujours à la
recherche d'anecdotes capables de nuire à la réputation d'un
ministre des autels, lisez ces éloges continuels pour toute disposi-
tion légale tendant à diminuer la légitime influence de l'Eglise
sur la société ; dans tout conflit entre l'Eglise et la Révolution, ce
journal approuvera toujours la Eévolution et blâmera les excès
(c'est le mot qu'il emploie), de l'Église. Avocat infatigable du
mariage civil, que l'Église a condamné ; champion décidé de
l'inique désamortisation qui tend à avilir l'œuvre de Dieu ; ennemi
furieux des Ordres religieux, qui sont la prunelle des yeux du
catholicisme, il n'y a pas de fausse nouvelle qu'il n'invente, de
scandale qu'il ne publie, de calomnie qu'il n'accueille contre eux
dans ses colonnes impudentes. Un de ces journaux diffama un
jour dans une correspondance deux illustres communautés de
Paris. Si ce qui était dit, dans cette page immonde, de femmes
illustres et d'hommes distingués, avait été dit de la mère, de
l'épouse, des filles du journaliste, celui-ci aurait déclaré un duel
à mort à l'auteur d'une si grossière vilenie. Mais comme l'insulteur
est un journaliste, et comme ceux qui sont outragés portent l'habit
religieux, celui qui écrivit cette noire calomnie, parcourait tran-
quillement et sans vergogne les rues, comme le faisaient les autres
hommes honnêtes. Au nom de la morale universelle ou révolu-
tionnaire, au nom de la décence publique, au nom du droit de
chacun à sa réputation, je le dis aujourd'hui à haute voix, pour
que tous m'entendent et pour enlever l'illusion à beaucoup de
lecteurs crédules, les Quarante-Heures, le saint du jour, la visite
de la cour et les annonces religieuses d'un journal qui se conduit
ainsi, ne sont qu'un masque honteux dissimulant mal la haine la
plus féroce contre le cathohcisme.
S'il en était autrement, qu'on me le dise franchement et loyale-
ment, pourrait-on être catholique et épier, guetter, saisir à toute
heure toutes les occasions de vilipender le catholicisme et de lui
aire une guerre à mort? Peut-on être catholique et provoquer
246 LE PROPAGATEUR
tout le jour à l'assaut de l'Eglise de Dieu ? Peut-on être catholique
et vivre journellement à côté de ses ennemis dans cette lutte cruelle
•qu'elle soutient en ce moment d'un bout à l'autre de l'Europe?
Peut on être catholique et tourner en ridicule la convocation du
Saint-Concile avant sa réunion, se railler de sa suprême autorité,
une fois qu'il est réuni, et déclarer une guerre sans merci à ses
décisions, lorsqu'elles sont promulguées ? Peut-on être catholique
dans ces conditions ? La chose est possible ; mais ce catholicisme
n'est pas le nôtre, ce n'est pas celui du Pape, ce n'est pas celui de
Jésus-Christ.
L'inhabilité de quelques-uns de nos confrères sur ce point parti-
culier dépasse presque les limites du croyable. Dans la semaine
sainte, pour se conformer au sentiment qui domine en ces jours
de religion, ils entonnent des chants plaintifs sur la mort du
Sauveur, et consacrent des articles lugubres à sa sainte Passion,
dans ces mômes colonnes où, quelques jours auparavant, ils ont
outragé l'église fondée au prix du sang très précieux répandu par
€6 même Sauveur dans celte même Passion. Satan prépare ses
armes à la vue d'une telle piété et d'une ferveur si extraordinaire.
Je désire rappeler ici un souvenir qui convient à mon sujet comme
un cierge à un autel. Lorsque Satan, dans les vies des Pères du
désert, se transformait en austère solitaire, pour séduire ces insi-
gnes pénitents, il le faisait avec accompagnement de mille prodiges
merveilleux ; il priait avec eux, et même parfois, il mêlait sa voix
à leur mystique psalmodie. Mais rarement ces hommes de sainte
mémoire se laissaient tromper. Ils prononçaient le nom de Jésus;
«t à cette puissante invocation, Satan perdait le calme, et s'en allait
la queue entre les jambes, remplissant la solitude de ses terribles
rugissements. Nous avons, nous catholiques, de l'heure actuelle,
nous avons une parole puissante pour arracher le masque de Satan,
quand il se présente à nous sous le dehors du journaliste catholi-
que. Jetons-lui à la face le mot pape. Cette sainte parole lui brûle
la peau, comme l'eau bénite. Vous le verrez entrer en fureur, perdre
à l'instant contenance, s'échapper en blasphèmes révolutionnaires.
Vous avez alors atteint votre but; vous avez découvert, comme
dit la chanson, "que sous la bure il y a le moine". Vous avez
■déjoué le plan d'un hypocrite honteusement déguisé.
Voilà le journaliste qui se déguise avec habileté.
V
Je vous ai fait connaître les pièges et les coquineries du journa-
liste hypocritement mauvais ; combien de fois aurez-vous eu
l'occasion de voir en actes les observations que j'ai faites à ce
«ujet ?
Ce n'est plus de lui que je vais parler maintenant.
Laissons en paix, après en avoir tracé un portrait convenable,
les journaux hypocritement mauvais. Je veux m'occuper du
journal hypocrite habile. 11 est difQcile d'en faire le portrait, bien
qu'on lui applique cent fois l'appareil photographique. Il change
si facilement et si fréquemment, il prend des attitudes si variées,
N,
LE PROPAGATEUR 247
■qu'on ne sait par où le saisir. Il faut le prendre à ['improviste, et
cela réussit très rarement, parce qu'il est habile. Aussi peut-on le
reproduire difficilement d'une façon exacte ; il suffira de pouvoir
saisir quelqu'un de ses traits les plus saillants, dont on se servira
■comme d'un signalement qui permettra de le reconnaître. — En
premier lieu, le masque du journal hypocrite habile est ordinai-
rement la modération. Voyez ; il est modéré, réservé et poli,
jusque dans la défense de sa foi, que les ennemis attaquent avec
frénésie et fureur. Dans l'assaut d'une forteresse attaquée, il ne se
placerait pas du côté des assiégeants ; non jamais; il se bornerait
à recommander le calme, la modération et la réserve aux combat-
tants. Chez les premiers, il ne blâmerait pas la cruauté de l'attaque ;
ne sont-ils pas dans le droit et la légalité ? Mais chez les assegés,
il taxera la vigueur de la défense d'exécrable folie. Peu de temps
avant la dernière révolution, une revue voyait le jour en Espagne.
Elle était magistralement pensée et magistralement écrite. Des
aigles, au regard très sûr, virent en elle, à travers ses habiletés, la
haine la plus profonde contre le catholicisme. Ils ne se trompèrent
pas. Lorsque la Révolution éclata, les auteurs de ces articles pru-
dents, furent ceux qui arrachèrent les premières larmes à l'Église
d'Espagne. Ils étaient hypocrites habiles. En second lieu, le type
que je signale à la honte et à la réprobation, a ordinairement une
parole douce ou aigre, qui donne la clef de toutes ses opérations
et le secret de tous ses exercices d'équilibre. Cette parole douce,
aimable, accommodante, est la grande parole du jour, la grande
parole du siècle, la parole qui résume tout le système philosophi-
que de certaines gens. Cette parole n'est pas un nom, ni un verbe ;
-c'est une simple conjonction qu'aucun grammairien réactionnaire
n'aurait cru devoir être appelée, avec le temps, à jouer un rôle si
important. Cette parole magique c'est le mais.
Un mais, servi à propos et avec habileté, est un admirable condi
ment avec lequel on se tire de toutes les difficultés et qui contente
tout le monde. Avec lui, on peut non pas comme Janus, avoir
seulement deux faces, mais en avoir cent ; ce que la mythologie
n'avait jamais imaginé. Avec un bon mais, on unit des choses en
apparence perpétuellement irrécoaciliables, telles, que l'esprit
•catholique et l'esprit révolutionnaire; l'amour de l'Église et l'en-
thousiasme pour ses oppresseurs, etc. ! On peut dire comme on le
faisait, il n'y a pas longtemps : le pape est dans son droit de convo-
quer le Concile, mais il ne connaît pas que les temps ne sont pas
à cela, La conduite de Victor-Emmanuel est une indignité;
■mais le non possumus du Pape est un entêtement. L'Église a
■été la grande civilisatrice du monde, mais ; dans le siècle
actuel, elle ne devrait pas s'opposer au courant des idées.
L'unité catholique est un grand bien, mais nous ne voulons pas
pour cela l'intolérance. Qui n'a pas lu ces phrases ou d'autres
semblables? qui ne connaît un ou plusieurs de ces journaux 5a^«5,
qui s'érigent en aimables entremetteurs entre l'Église et Satan, en
faisant la leçon à l'une et à l'autre, et en se lamentant d'une façon
mélodramatique de ce que, par suite du mépris que Ton fait de
248 LE PROPAGATEUR
leurs sages conseils, il en résulte un préjudice pour la foi, qu'ils
défendraient indubitablement mieux que ceux-là même qui ont
mission de la défendre ? Qu'est-ce qu'un catholicisme avec des
wa/s, sinon un catholicisme mutilé? Et qu'est-ce qu'un catholi-
cisme mutilé, sinon un catholicisme faux ? Maudit mais, grand
récéleur de trahisons et d'apostasies 1
En troisième lieu, le journal hypocrite habile a coutume d'avoir
grande horreur de s'appeler simplement catholique. Il ne lui
importe pas qu'on l'appelle catholique ; à la condition qu'on ajoute
quelque qualificatif qui diminue ou tempère la force et la crudité
de cette parole. Ainsi en va-t-il avec ceux qui jamais ne se laissent
appeler simplement catholiques, mais catholiques libéraux, catho-
liques éclairés? etc. Notez-le bien. Ils se sont donc fixés dans cette
singularité, qui n'en est pas moins un fait très important. Quelle
peut être la cause de cette persistance opiniâtre à s'approprier un
nom distinct de celui des autres catholiques? Comme je pourrais
m'étendre sur cette particularité ! Qu'il demeure constant seule-
ment qu'il n'y a qu'un catholicisme. Celui qui, en dehors de cette
devise qui dit tout, veut se distinguer en religion,à la faveur d'une
autre devise, se rendra nécessairement suspect à ses frères. Il
donne le droit de douter s'il tient la même foi que tous les autres^
celui qui refuse de s'appeler simplement du même nom qu'eux.
C'est une grande désolation de voir souvent se présenter à nous,
enveloppés, dans ce groupe odieux, non seulement les hypocrites,
mais encore leurs victimes; non seulement les séducteurs, mais
ceux qu'ils ont séduits.
En effet, il arrive fréquemment qu'avec la meilleure bonne foi,
plusieurs dont il est impossible de suspecter la droiture des inten-
tions, font cause commune avec les hypocrites habiles. Instruments
inconscients d'une vaste conspiration antichrétienne, ils font
preuve, à certains moments, d'un véritable amour pour la sainte
cause que nous défendons, et ils se battent en braves pour elle.
N'est-il pas, par là même, plus étonnant de les voir séparés
en d'autres circonstances du courant vraiment catholique, et
misérablement mêlés à la foule de ses ennemis ? N'est-ce pas
l'histoire de quelques hommes célèbres dont on ne sait pas, d'une
façon précise, si les services qu'ils ont rendus à l'Eglise catholique
l'emportent sur la joie qu'ils ont procurée à ses ennemis ? La
bonne foi pourra excuser leurs âmes devant le tribunal terrible
de Dieu, mais elle n'aura pas été moins dangereuse pour les âmes
de leurs proches que la fureur des ennemis les plus décriés. Gar-
dez-vous des uns et des autres, ô mon peuple ! les traits que je vous
ai cités vous aideront à ne pas tomber dans le piège. Souvenez-
vous, à toute lieure,'pour votre profit et pour celui de vos fils, que
le journal impie, qu'il appartienne au groupe des imprudents, ou
à celui des hypocrites habiles ou honteux, est toujours votre pire
ennemi. C'est l'arme privilégiée de Satan dans le siècle présent ;
c'est le grand conducteur de toute l'électricité infernale qui agite
le monde à l'heure présente. Que les journaux impies disparais-
sent, et le mal aura perdu en un instant, ses apôtres les plus
LE PROPAGATEUR 249
intrépides; la société civile, ses plus paissants agitateurs, et la
famille chrétienne, le bélier qui sans cesse la sape, et finira par la
détruire. Tel est le motif pour lequel j'ai consacré les paragraphes
qui précèdent à cette importante matière.
VIENT DE PARAITRE :
LES SUBLIMITES DE LA PRIERE
Par M. l'abbé Bolo
1 vol. in.t2 Prix 63 cts.
Extrait de l'Echo de N.-D. de la Garde (Semaine religieuse de Marseille) :
" Un nouveau livre de l'abbé Bolo ! L'annonce seule est un événement dans
notre monde religieux. Critiques et admirateurs se demandent aussitôt ce que
sera ce nouveau-né.
Il est facile de s'édifier sur ce point, en lisapt l'ouvraga aujourd'hui paru :
Les Sublimilés de la Prière. Le sujet paraît de prime abord d'une élévation peu
accessible à certains esprits. Mais le style enchanteur qui revêt ces graves vérités
les fera pénétrer où ne vout point les ouvrages mystiques ordinaires. C'est un
charme de suivre, sous un scintillement perpétuel, la pensée toujours sûre, théo-
logique et cependant originale de l'auleur. Après l'avoir lu, on connaît la
doctrine catholique sur la prière sans avoir passé par l'ennui d'une étude didac-
tique.
Les premiers chapitres, Dieu, l'âme, donnent la vraie notion très douce, très
consolante de la prière, conversation parfois silencieuse, mais toujours amicale
entre le Seigneur et sa créature. Toujours nous dit quand et comment il faut
prier. Avec le chapitre suivant, on entre en plein dans la haute philosophie de
la prière: on sait le comment et le pourquoi de sa Toute-puissance.
Les dernières pages, les plus agréables et les plus saisissantes, seront particu-
hèrement goûtées des âmes chrétiennes. La prière en famille, la prière nalionale,
la prière de l'Eglise, offrent des développements d'une fraîcheur, d'une piété
d'une poésie ravissantes.
Il suffira de les îivoir indiqués pour que chacun veuille s'en délecter et s'en
édifier.
Ajoutons que le livre est un filial hommage de l'auteur à ce prêtre éminent
dont la mémoire ne périra pas, M. Dazincourt..."
D. CASTELLAN,
Rédacteur de l'Écho de Notre-Dame de la Garde.
*•■... Si les lèvres de tant de baptisés n'avaient pas commencé par oublier la
prière, leur intelligence n'aurait pas perdu la lumière d'en haut, et leur cœur
n'aurait point désappris l'amour. " Telle est la pensée qui a inspiré à l'abbé
Bolo l'œuvre qu'il offre aujourd'hui au public. Il est impossible de donner une
idée complète de tout ce que ce livre renferme de beau, de bon, de consolant,
d'édiflant. C'est à la fois un poème, un traité de théologie, un bouquet de fleurs
16
250 LE PROPAGATEUR
cueillies dans le parterre de l'Ecriture sainte et de la Patrologie, une série
d'aperçus surprenants par leur nouveauté et leur profondeur. La prière est
sublime dans son origine, son mouvement, son essence. La prière est Dieu.
L'âme qui prie est divine ou le devient. " Haute comme Dieu, profonde comme
le cœur, la prière doit être large comme le monde et longue comme l'éternité. "
Elle est la force de l'homme et la faiblesse de Dieu. Elle est le trésor et le salut
de la famille. Elle est la vigueur des nations : " La pensée de la patrie qui se
gouverne est dans les parlements, le smg delà patrie qui bouillonne est sous les
étincelants uniformes, le cœur de la patrie qui bat est dans la poitrine du peuple,
le rêve de la patrie qui aspire aux gloires sans mesure s'envole sur l'âme des
poètes, mais l'âme de la patrie qui scelle avec Dieu l'alliance contre laquelle ne
peuvent rien les conjurations ennemies, est sur les lèvres de ceux qui prient,
dans les yeux qui regardent en haut... " La prière de l'Église est la prière idéale
et parfaite : " Si l'âme du Ressuscité s'émeut aux vibrations venues des lointains
rivages de ce monde, s'il prêle encore l'oreille à l'hosanna de la foule en délire,
quelle voix plus aimante, plus aimée et plus pure que celle de l'Église,
peut atteindre plus directement et remuer plus profondément son cœur? " Telles
sont les idées que parcourt successivement le brillant auteur, avec cette magie
de style que le grand public connaît déjà. A ce dernier point de vue nous ne
pouvons que citer l'appréciation d'un critique délicat, qui écrivait tout récem-
ment, à propos des Sublimiiés de la prière, " ... le grand écrivain a traité son
sujet comme il méritait de l'être, c'est-à-dire d'une manière sublime. Certains
chapitres respirent ce quelque chose de céleste qui ne se rencontre que dans les
livres des saints, notamment dans Vlmilalion de Jésus-Chrisl. Le début de
l'ouvrage présente un phénomène très remarquable que je ne saurais com-
ment qualifier dans son genre. J'appellerai cela du wagnérisme littéraire, Ceux
qui liront verront si mon expression est juste; mais s'ils s'y connaissent, ils
seroni sûrement ravis de la mystérieuse poésie que renferment ces pages... "
L'abbé E. EVESQUE.
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bains et ablutions avec plusieurs illustrations. Instruction exacte pour bien em-
ployer la cure d'eau. 1 vol. in-12 30 cts.
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A Kannengieser. In-12 15 cts.
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SES QUALITÉS ET SES TRAVERS
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LES FABLES DE LA FONTAINE
Par Mgr Gilly, Evêque de Nimes
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CONSEIL TENU PAR LES RATS
A qui croirait que notre temps excelle par le nombre de gens
avides de donner des conseils ou par le nombre des assemblées
délibérantes
Qui pour néant se sont ainsi tenus,
il convient de rappeler la Fable du " Conseil tenu par les rats ".
Elle est pleine de naturel et de vérité; elle s'applique à une foule
de situations de notre âge :
Ne faut-il que délibérer ?
La cour en conseillers foisonne,
Est-il besoin d'exécuter?
L'on ne rencontre plus personne.
Que de Rodillards se sauvent, parce qu'après avoir convenu
■qu'il leur faut attacher le grelot:
L'un dit, je n'y vais point, je ne suis pas si sot.
L'autre, je ne saurais. Si bien que, sans rien faire,
On se quitta !
Chaque jour voit se former de nouveaux conseils. Je ne parle
pas de ceux qui veillent aux intérêts de la commune ou du dépar-
tement ; moins encore des conseils d'arrondissement dont la plupart
-{août 1892) viennent de se déclarer inutiles. Je parle de ces comités,
de ces congrès, de ces assemblées si nombreuses, dont il est question,
sans cesse, dans les journaux, qui se forment, se réunissent, se
tiennent pour discuter de graves intérêts, et qui n'aboutissent
jamais à rien.
Un grand nombre de ces conseils — comprenons les tous sous
ce nom générique — se composent de gens qui sont tous d'accord
-entre eux. Ils s'y rendent, la plupart du temps, pour " placer un
•discours ", qu'ils ne peuvent prononcer ailleurs. On les applaudit ;
252 LE PROPAGATEUR
on imprime leurs harangues, en plusieurs colonnes de journaux,
de revues ou de brochures, autant de "tombereaux de lieux
communs ", comme disait, si je ne me trompe, Louis Veuillot, à
propos des six discours que l'on " déchargea " sur une tombe
devenue célèbre, malgré cela. Que de temps, de mots et d'encre
perdus !
*' Les assemblées délibérantes ne font jamais rien, disait un
homme d'esprit; ou, si elles font quelque cnose, elles le font mal."
Ce jugement paraît sévère; c'est pourtant celui du bon La
Fontaine : .
J'ai maints chapitres vus
Qui pour néant se sont ainsi tenus.
Chapitres, non de rais, mais chapitres de moines,
Voire chapitres de chanoines ;
Même quand on peut dire d'eux ce qu'il a dit du conseil tenu
par les rats, dans lequel régna un touchant accord :
Chacun fut de l'avis de monsieur le Doyen.
Mais il y a des donneurs de conseils bien plus redoutables et
bien plus dangereux que ceux qui siègent dans les assemblées: ce
sont les journalistes On se fait aujourd'hui journaliste, à
quelques honorables exceptions près, quand on ne sait plus
que devenir, souvent quand on s'est vu condamner à l'inactivité
pour incapacité notoire. Puis, une fois assis dans cette chaire
immense, qui a la puissance de porter la pensée et la parole
jusqu'aux extrémités d'un département, d'une région ou même d'un
pays, on oubUe qu'on ne sait rien et l'on se persuade que l'on sait
toute chose. Que de science ne faudrait-il pas, à un vrai journaliste,
pour remplir conscienciusement son devoir !
Il parle religion, politique, science, morale, affaires, industrie,
que sais-je encore ? Le journal touche à tout et n'hésite sur rien.
Et pour avoir une compétence aussi universelle, à quelles études,
nombreuses et compliquées ne devrait on pas s'appliquer 1 Quand
on songe à l'influence que le journal exerce sur l'opinion publique,
on est effrayé de la responsabilité que cou tracte celui qui le rédige.
Y pensent-ils seulement? La plupart font un métier, un métier
qui leur rapporte, et rien de plus.
Le peuple dit : '< Telle chose est imprimée ; donc elle est vraie."
Combien sont rares les sages qui osent avancer que " le papier
porte tout ce qu'on lui confie ", la vérité ainsi que le mensonge !
Et ceux-ci même deviennent à la longue les esclaves intellectuels
du journal qu'ils lisent. Vous vous apercevez qu'un homme, même
un homme d'esprit, a changé d'opinion sur tel ou tel objet; tâchez
de savoir s'il n'a pas changé de journal. C'est presque toujours
ainsi. Il est si commode de n'avoir pas à penser soi-même et de se
faire, sans effort de réflexion, une manière de voir ! on la trouve
toute faite dans le journal; pourquoi ne l'y prendrait-on pas ? A
LE PROPAGATEUR 253
quoi bon s'informer d'où elle vient, quelle est la valeur intellec-
tuelle et morale de celui qui pense pour nous? A-t-il pensé
seulement ? Souvent le temps lui a manqué. Un événement se
produit; le journaliste doit le juger sur l'heure.
Il faut avoir, dans sa situation, de l'esprit et du bon sens, chaque
jour, à chaque instant du jour : " Leur plume les a poussés, écri.
vait, à ce propos, un penseur ; je sais ce que je dis : leur plume les
a poussés dans ce sens, elle aurait pu les pousser dans un autre. "
Et vous vous faites les esclaves de l'homme que sa plume pousse
ainsi ! Et cet homme, qui sait quelle est sa puissance, prend
allègrement la responsabilité de devenir votre maître, quand lui-
même ne sait pas le premier mot de la science qu'il vous explique 1
Avouez que ce sont là, de part et d'autre, deux grandes aberrations.
On est excessif, en France ; on se jette résolument du côté d'où
peuvent venir l'influence et l'argent, et l'on va jusqu'au bout. On
s'est montré excessif dans l'industrie, et on a abandonné les champs
pour entrer dans une carrière où l'on espérait gagner davantage.
On a trop produit dans ce sens, et c'est de là qu'est venue la crise
industrielle qui nous travaille. On s'est aperçu que la culture de
la vigne donnait de beaux résultats; on a transformé la culture de
départements et de régions entières: dans quelques années, — cela
commence déjà, — le vin sera à vil prix et produira un intérêt à
peine rémunérateur. Il en a été de même du journalisme. Chaque
ministre, chaque conseiller général a voulu avoir son journal ;
bonne affaire pour les plumitifs déclassés de troisième ou quatrième
ordre; mauvaise affaire pour le peuple, qui se trouve livré à la
merci des gens incompétents et, parfois, peut-être, à des trafiquants
de prose d'une honnêteté douteuse.
La France n'est pas plus mûre pour les excès du journalisme
qu'elle ne l'est hélas I pour les institutions, fondées sur la liberté,
qu'elle a prétendu se donner, ou, pour mieux dire, qu'elle a reçues,
toutes faites, de quelques-uns de ses fils, plus audacieux que
prévoyants, en des jours malheureux. Ils n'ont pas compris que
ces institutions devraient être préparées, de longue main, par des
progrès constants et tranquilles, accomplis lentement dans lé sens
de ia liberté. En Angleterre, le journalisme n'a ni la même
influence ni le même crédit. Les journaux que l'on y publie ne
trouvent pas, chez le peuple, la même créance. Ils sont plus longs,
plus volumineux, moins passionnés, moins empreints surtout
d'intérêt personnel. Malgré cela, le peuple anglais les lit peu, et
surtout ne leur permet pas de former son jugement. On peut même
dire que le petit peuple ne lit presque pas le journal et que, au
lieu d'en faire, comme en France, sa préoccupation quotidienne
et principale, s'il le lit quelquefois, c'est sans y attacher l'impor-
tance que nous lui donnons. Ici, l'ouvrier, avant d'aller à l'atelier,
a lu son journal. Il le repasse dans son esprit, dont le travail
matériel et souvent mécanique est loin d'absorber les forces
intellectuelles. Il s'en nourrit par la méditation au moins autant
que pour la lecture. Il le discute avec ceux qui travaillent près
<delui; il devient le propagateur des idées des journalistes, et
254 LE PROPAGATEUR
tandis que ces idées n'ont souvent fait que traverser, sans y prendre'
de consistance, l'esprit de celui qui les a revêtues de sa prose»
l'ouvrier leur donne, dans sa pensée, une profondeur qui se creuse-
par l'élaboration à laquelle ils les soumet.
Le journaliste devient ainsi véritablement le maître de la France.
Le chef de l'État, les ministres, les membres de nos grandes assem-
blées parlementaires et légiférantes, reçoivent de lui la plupart
de leurs inspirations. On compte avec la puissance du journal^
comme on compterait avec la -force la plus respectable et la plus
digne d'être obéie. C'est le journal qui prépare les projets de loi
et les grandes résolutions. C'est lui qui encombre l'esprit de tous-
d'idées qui sont loin de répondre toujours à la vérité et à la justice.
Quelqu'un a dit, pour marquer à sa manière la puissance du
journaliste que "si saint Paul revenait en ce monde, il se ferait
journaliste. " Je ne partage pas cette manière de voir. Je crois,
que si saint Paul revenait en ce monde, il recommencerait son
œuvre d'apostolat telle qu'il la fit. Il faut poser, à la base des.
esprits, des notions substantielles concernant le vrai, le beau et le-
bien. Quand ils les posséderont, ils seront à même de juger ce qui
n'a que les couleurs de ces perfections, et de résister à l'influence
— je devrais dire : au joug — que l'on fait peser sur eux, chaque-
jour, sans autorité. Il en est des longs journaux, comme des longs
romans : leur lecture engage à la lecture des mauvais ; et qui ne
sait que les mauvais conseils ont, sur la plupart des gens, plus
d'influence que les bons ?
Il y a encore beaucoup d'autres conseillers contre lesquels
rhomme qui veut rester maître de lui-même, doit se tenir en
garde. Une foule énorme de gens, qui n'ont pas su se conduire
eux-mêmes, prennent à tâche de conduire les autres. Il n'y a pas
de conseillers plus abondants et plus insinuants que les hommes-
et les femmes à qui l'on pourrait légitimement reprocher de graves
fautes de conduite. Ils ont, eux aussi, des chaires; ils en élèvent
au sein de toutes les sociétés qu'ils fréquentent, de tous les groupes
qui se forment près d'eux. Un paresseux est toujours très éloquent,
et encore plus persuasif, auprès des simples surtout, qui sont incon-
testablement les plus nombreux, quand il exalte les avantages de
tel ou tel perfectionnement. A l'entendre, le travail n'a jamais été
compris avant lui; les procédés du travail sont très défectueux ;
ceux qu'il indique sont infiniment meilleurs; ils suppriment une
bonne partie de la peine attachée au travail. Voyez-le à l'oeuvre,
avant d'accepter, sur la foi de son discours, les conseils qu'il vous
donne. Cherchez les résultats qu'il obtient, avant de vous engager
dans la voie qu'il prétend vous ouvrir. Vous trouverez, à la longue,
les instincts de paresse qui le dévorent, et qui l'empêchent de rien
produire. Il en est de même de tous les autres vices de ces ambi-
tieux conseillers, que l'on trouve partout et que l'on entend
partout. Celui-là seul est capable de leur résister qui porte en soi
des lumières suffisantes, et une tranquilité d'esprit capable de ne
point se laisser tromper par d'audacieux et vides discours, par d'as-
tucieux et de perfides conseils.
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; ALBY
ALIMENTS.— BELLE-FILLE.
Question. — Le man de ma sœur est mort, il y a quelque temps, et cette der-
nière est resiée dans l'indigence. Il n'y a pas d'enfants du mariage. Ma sœur
peut-elle réclamer des aliments de son beau-père qui est très riche ?
Valère M
Réponse. — Quoique le beau-père de votre sœur jouisse d'une
grande fortune et quoique votre sœur soit dans le besoin, elle n'a
malheureusement aucun droit aux aliments. Si elle avait des
enfants de son mariage, son beau-père (aïeul de ces enfants) serait
obligé de lui fournir les aliments qu'elle réclame, mais cette obli-
gation n'existe pas dans le cas actuel.
Eu vertu des articles 167 et 168 du code civil les gendres et
belles-filles (brus) doivent des aliments à leur beau-père et à leur
belle-mère, et réciproquement, les beaux-pères et les belles-mères
*doivent également des aliments à leurs gendres et belles-filles.
Mais l'obligation imposée par ces articles cesse lorsque l'époux qui
produisait l'affinité et les enfants de son union avec l'autre époux
sont décédés. Ainsi dans le cas de votre sœur il n'y a pas d'enfants
du mariage, et son mari, — c'est-à-dire celui qui produisait
l'affinité avec le beau-père, — est décédé. Le beau-père est
donc déchargé de l'obligation dont il serait tenu si son fils vivait
encore.
AFFAIRES MUNICIPALES
DISTRICT DE BEDFORD. — COUR SUPERIEURE.
La Corporation du Canton de Shefford, demanderesse.
vs.
Thomas Slack, défendeur.
• Présent M. le juge Lynch,
Conseils municipaux. — Cautions. — Surveillance.
Jugé : Que les cautions d'un secrétaire-trésorier de municipalité
ne sont pas responsables des déficits dans les comptes du secrétaire
si le conseil n'a pas exercé sur lui une surveillance suffisante.
Les faits de la cause sont rapportés dans l'article suivant publié
par divers journaux.
UNE DÉCISION IMPORTANTE PAR M. LE JUGE LYNCH.
La caution n'est pas obligée de combler le déficit.
M. le juge Lynch vient de rendre une décision importante qui intéresse d'une
manière particulière les municipalités de la province de Québec.
256 LE PROPAGATEUR
En 1885 Edyard Slack fut nommé secrétaire-trésorier de la municipalité du
canton de Shefford et donna comme ses cautions Thomas Slack qui hypothéqua
ses propriétés pour deux mille piastres à cette Qn, En 1889, le secrétaire-trésorier
dans les comptes duquel Ton trouva un déficit de cinq mille piastres, fut démis
de ses fonctions et logé en prison et son frère fut par la suite poursuivi par la
corporation de Shefford comme caution. Il se défenilit et plaida défaut de sur-
veillance et négligence de la part du conseil municipal vis-à-vis son secrétaire,
et la cour lui a donné raison en déboulant l'action contre lui. Il fut prouvé que
l'audition des comptes du trésorier était négligemment faite chaque année par
des auditeurs non assermentés qui ne prenaient pas la peine de vérifier si la ba-
lance en mains était véritablement en la possession du trésorier, que de plus
de fortes sommes qui auraient dû être placées à intérêt quelque part étaient
laissées entre les mains du trésorier sans contrôle aucun. Ce jugement est une
leçon pour les conseils municipaux dont ils devront profiter.
CAUSE GELEBEE
La compagnie de publication du Canada-Revue^ demanderesse.
vs
Mgr Edouard Charles Fabre, archevêque de Montréal, défendeur.
Par cette action la compagnie demanderesse réclame du défen-
deur des dommages au montant de $50,000.00.
Elle prétend que la lettre-circulaire que le défendeur a adressée à
son clergé, et par laquelle il interdit la lecture du Canada Revue, lui
a causé des dommages jusqu'à concurrence du montant réclamé.
Voici le plaidoyer en réponse à l'action de la demanderesse, que
les avocats de Mgr Fabre ont produit en cour supérieure, lundi, le
5 juin courant.
Le défendeur, pour réponse à cette action, dit :
Que toutes les allégations de la déclaration qui ne sont pas conformes à ce
qui sera ci-après expressément admis, sont fausses et mal fondées.
Qu'il est spécialement faux que le défendeur ait fait publier par des journaux
de la cité de Montréal le texte de la lettre-circulaire reproduite dans la déclaration.
Que le défendeur, en adressant la dite lettre-circulaire du 1 1 novembre 1892
au clergé de son diocèse, a agi dans l'exercice légitime de ses fonctions et de
ses pouvoirs comme archevêque catholique romain et premier pasteur du diocèse.
Que la dite lettre-circulaire a été adressée au clergé catholique romain du dio-
cèse et a été lue et pubUée à la réunion des fidèles soumis à la juridiction du
défendeur, d'après les ordres de ce dernier dont le devoir est de protéger ses
diocésains contre la lecture de livres et publications périodiques qu'il juge
contenir des doctrines ou avoir des tendances contraires aux enseignements et
à la discipline de l'Eglise catholique romaine et qu'en cette matière sa juridic-
tion est exclusive et indépendante des tribunaux civils.
Que la dite circulaire a été publiée dans des circonstances qui eu font une
communication privilégiée.
Que les matières contenues et mentionnées dans la dite circulaire étaient du
domaine purement religieux et ecclésiastique ; que le défendeur s'est acquitté
du devoir ci-dessus sans malice et avec la modération que lui permettaient les
circonstances et l'intérêt de son diocèse.
Que si la demanderesse a subi des dommages, à raison de la dite lettre-cu'cu-
laire, ce que le défendeur nie, ce dernier n'en est nullement responsable.
Qu'en conséquence, l'action de la demanderesse est mal fondée.
LE PROPAGATEUR 257
Pourquoi le défendeur conclut au renvoi de la présente action avec dépens
•distraits aux soussignés.
LE SYNDICAT OU LA MORTl
La Cour d'appel de Chambéry vient de rendre un arrêt impor-
tant.
Il s'agissait de savoir si un ouvrier avait le droit d'obtenir des
•dommages-intérêts d'un syndicat ouvrier, pour le préjudice que
lui avait causé ce syndicat en le faisant renvoyer par son patron,
sous menace d'une grève générale, en lui fermant l'entrée des
autres usines où travaillent des ouvriers syndiqués.
Le tribunal de Bourgoin et après lui la Cour de Grenoble dé-
boutèrent le plaignant, en admettant que le syndicat (syndicat des
ouvriers imprimeurs sur étoffes de Jallieu, à Bourgoin) n'avait
fait qu'user légalement du droit de coalition.
Cet arrêt fut cassé par la Cour de cassation, qui renvoya l'affaire
devant la Cour de Chambéry. Celle-ci a alloué à l'ouvrier 2000
francs d'indemnité en réparation du préjudice à lui causé par le
syndicat.
Autrefois on disait ; la liberté ou la mort ! — La Croix.
LA DERNIERE SONATE
A NOËL LAVERGNE
(suite et fin.)
Le 25 août, de grand matin, par le plus beau temps du monde,
le maître et l'élève partirent dans un carrosse de louage. Ils pas-
sèrent toute la journée à visiter Trianon, le parc et les apparte-
ments royaux. Louis XV habitait alors Vincennes. M. Lebert fut
rencontre et salué par un grand nombre de personnes de la cour
du feu roi, et plusieurs d'entre elles l'invitèrent à dîner ; mais il
sut éluder toutes ces politesses, et dîna et soupa à l'hôtel des Armes
de France. Après souper, il dit à Louis :
** Si tu n'es pas trop fatigué, nous allons retourner sur la ter-
rasse du château. On ne connaît pas Versailles, si l'on n'a pas vu
le coucher du soleil du haut de l'escalier de marbre. C'est l'ac-
•compagnement obligé, le final de cette grande symphonie que Le
Nôtre a écrite avec des pierrres, des eaux, des arbres et des fleurs,
à la louange du grand Roi."
Ils allèrent s'asseoir au centre du large escalier qui fait face au
parterre de Latone et au tapis vert. Le parc était presque désert.
258 LE PROPAGATEUR
Les préparatifs du feu d'artifice que l'on devait tirer pour la
fête du roi et les parades de la foire Saint-Louis avaient attiré sur
la place d'armes tous les désœuvrés de Versailles, et quelques
groupes de promeneurs animaient seuls la solitude des jarains.
Au delà du grand canal, brillant comme une nappe d'or fondu
entre les sombres forteresses de verdure qui ombragent ses bords,
la plaine de Gallie se confondait avec un léger rideau de nuages
simulant des collines. Le soleil s'abaissait avec rapidité, inondant
de pourpre les nuées amoncelées par un faible vent d'ouest ; et,
à mesure qu'il descendait vers l'horizon, les vitres du palais s'il-
luminaient de reflets éblouissants.
" Que c'est beau ! " dit Louis à voix basse, comme s'il eût craint
de troubler le majestueux silence du parc.
" Oui, " dit le maître, " mais ce serait bien plus beau encore si
nous avions de la musique. Vois, Louis, cet immense parterre.
Les rampes, les charmilles et les futaies qui l'entourent, en font
une admirable salle de concert. La voix d'un enfant y retentit
comme dans une église. Tiens, va te cacher derrière cet oranger,
et chante-moi VAgnus Dei de la messe royale de Dumont. Si quel-
qu'un s'approche, tu te tairas. "
Louis obéit. Sa voix s'éleva si fraîche et si pure, qu'elle sem-
blait à son maître plus belle que jamais.
Les promeneurs s'arrêtèrent comme pétrifiés. Dès qu'il eut fini,
Louis se glissa le long des charmilles et rejoignit M. Lebert sans
avoir été remarqué. Celui-ci lui tendit la main.
"Merci, mon enfant ! " lui dit-il. "0 Louis, tu ne peux pas
savoir ce que tu viens de réveiller en moi ! C'est ici, à cette place
même, que j'entendis pour la dernière fois une voix angélique...
Oui, " continua-t-il comme se parlant à lui-môme, " c'est là que
je la vis pour la dernière fois, belle et blanche comme une de ces
statues de marbre. Elle chantait les yeux levés au ciel. En la
regardant, en l'écoulant, je comprenais, je goûtais les joies du
paradis. Mais son père me dit tout bas en pleurant : " Cette voix-là
n'est pas faite pour le monde I "
Le visage du musicien exprimait une telle douleur tandis qu'il
parlait ainsi, que Louis en fut alarmé, et s'efforça de le distraire.
" Cher maître, " dit-il, " écoutez donc ces personnes qui vien-
nent de s'asseoir près de nous. "
" Quelle merveilleuse voix a cette jeune fille ! " disait un hom-
me élégamment vêtu. " L'avez-vous vue, madame la comtesse ? "
" Non, " répondit une dame, " mais mon fils la cherche, et
finira bien par la dépister. Qui peut-elle être pour oser ainsi chan-
ter dans le parc ? Ce n'est pas assurément une fille des rues. Sa
voix, sa prononciation, ont une pureté, une distinction parfaites. "^
" Je gage que c'est un garçon, " dit un troisième interlocuteur.
Une jeune fille ne prononcerait pas si bien le latin. Ce doit être
un enfant de chœur. "
" Une voix comme celle-là serait célèbre si on l'avait une fois
entendue en public, " reprit la dame.
LE PROPAGATEUR 259
Ils continuèrent à se livrer à différentes conjectures ; et, voyant
son maître sourire, Louis dit :
" Permettez-moi d'aller me cacher dans le bosquet, près de la
statue de l'Aurore. Bien fin qui m'y trouvera 1 Je vais les intri-
guer comme il faut. "
" Va ! " dit Lebert.
Louis s'élança dans le bosqaet avec toute la vivacité de son âge,
et attendit quelques instants. La lune se levait, et montrait la
moitié de son disque au dessus du château, semblable à une reine
qui parait au balcon de son palais.
Louis, enivré d'éloge?, enthousiasmé par la beauté du spectacle
qu'il avait sous les yeux, chanta un grand air de l'opéra à'Atys,
et sa voix retentit avec un éclat merveilleux. A peine l'air fut-il
terminé, que des applaudissements et des acclamations s'élevèrent.
Les promeneurs s'étaient peu à peu groupés, et un rassemblement
de plus de deux cents personnes lui barrait le chemin. Au lieu
de sortir du bosquet, il s'y enfonça, fit un grand détour, escalada
la charmille, et revint essoufflé près de son maître, tandis que ses
admirateurs fouillaient le bosquet en tout sens pour découvrir
le chanteur disparu.
"Allons-nous-en, " fit brusquement LeberL Tout le long du
chemin ils entendirent parler du chanteur.
"C'est un prodige, " disait-on ;" cet enfant gagnera ce qu'il
voudra au théâtre. "
"A Dieu ne plaise ! " reprit une dame, " il vaudrait bien mieux
pour lui chanter à la chapelle du roi. "
"Goûte que coûte, " disait un autre personnage, "je le décou-
vrirai, et je lui ferai de telles offres qu'il n'y saura résister, fût-il
gentilhomme. "
Louis s'amusait de ces propos ; mais son maître en paraissait
peiné et impatienté, et pressait de plus en plus le pas. Une jolie
petite fille courut après eux, et dit à Louis en lui donnant une
rose :
"Vous avez bien chanté, monsieur Louis : voilà pour votre peine.'
"Vous me connaissez, mademoiselle ? " dit Louis surpris.
" Gertainement, " dit la fillette. "Je suis la petite fille du maître
de l'hôtel des Armes de France , je me promène avec papa, et
je vous ai bien vu jouer à cache-cache pour faire endêver les
curieux. "
" Puisqu'il en est ainsi, " dit Lebert, " nous retournerons cou-
cher à Paris. "
Il fit atteler, paya son écot, et monta en voiture, suivi de Louis
stupéfait.
A peine le carrosse eut-il franchi l'avenue, que Louis s'aperçut
que son maître pleurait.
" Qu'avez-vous, monsieur ?" lui dit-il :" aurais-je eu le mal-
heur de vous affliger ? "
" Ingrat ! " dit Lebert, " tu m'avais promis que tu ne chanterais
jamais que pour moi. "
" G'est vrai, " répondit Louis ; "mais ce soir vous m'avez dit
260 LE PROPAGATEUR
de chanter une première fois, ef, la seconde, vous m'en avez donné
la permission. Ce sera la dernière, si vous le voulez. Tous les
applaudissements du monde ne pourraient me consoler de vous
avoir déplu un seul instant. "
" Tu parles ainsi, " dit le pauvre Lebert, " mais tu me quitteras."
" Jamais ! " s'écria Louis, " jamais sur mon honneur ! Vous
êtes un père pour moi : je vous dois tout. Je n'ai que ma voix
pour vous témoigner ma reconnaissance. Imposez-lui un silence
éternel, si vous voulez ; mais ne doutez pas de mon affection, de
mon respect pour vous. "
" 0 Louis ! " dit le musicien, " ne me quitte pas ! Tu chantes
comme celle qui m'a abandonné ! "
Et, pressant sur sa poitrine la tête du jeune garçon, il la couvrit
de baisers et de larmes.
Louis ne lui fit pas de questions : il respecta son secret, et plu-
sieurs années s'écoulèrent sans que le maître et l'élève fissent
aucune allusion à ce qui s'était passé ce soir-là.
III
« 1727. — LE CARMEL.
Louis était devenu un grand et beau jeune homme, que son
talent de violoniste rendait déjà célèbre. Il aurait été bien heureux,
s'il n'eût vu la santé de son maître décliner de jour en jour. Le
pauvre André Lebert ne quittait plus son fauteuil. Il exigeait que
son élève allât quelquefois dans le monde ; mais Louis n'y trou-
vait aucun plaisir depuis que son père adoptif ne l'accompagnait
plus.
Une nuit, il rentrait tard, étant allé, sur l'ordre formel de Le-
bert, à un concert chez la princesse de Conti. Il trouva le vieux
•Jean qui l'attendait :
.„ " Monsieur n'est pas bien, " lui dit le fidèle serviteur. " Il vous
a demandé deux fois. "
Louis entra vite. Il vit Lebert assis dans son grand fauteuil, le
visage empourpré par la fièvre.
" Mon enfant, "dit Lebert, "je crois que je ne tarderai pas à
aller entendre la musique des anges. Je veux te dire quelque
chose. — Mais, d'abord, donne-moi mon violon. Ecoute bien ce que
je vais te jouer. Tu auras à le répéter bientôt, et je veux savoir si
tu le comprends. "
" Mon père, " dit Louis, " vous êtes trop fatigué. i*ermettez que
je vous aide à vous mettre au lit. Demain je vous écouterai. Vous
savez que je n'ai pas de plus grand bonheur. "
" Ecoute-moi tout de suite, je le veux ! Donne-moi mon violon.
Pas celui-là 1 mon violon de Crémone. "
Louis n'osa résister. Le musicien se leva, et joua une sonate
que jamais Louis n'avait entendue. Celui-ci oublia l'heure avan-
cée, sa fatigue, les douloureuses inquiétudes que lui donnait l'état
de son maître : il oublia tout en écoutant cette musique d'une
idéale beauté. La sonate finie, Lebert le toucha légèrement de
■son archet, et lui dit :
LE PROPAGATEUR 261
"As-tu compris ? Traduis-moi cette sonate. Que raconte-t-elle ? "
" D'abord, " dit Louis, " c'est le chant de l'espérance, la joie de
la jeunesse, l'élan de l'enthousiasme ; — puis vient un adieu,
encore mêlé d'espoir ; — une tempête, un long exil ; — Puis un
retour, joyeux d'abord, mais suivi d'un coup de foudre ; — et
enfin, les déchirants regrets du bonheur perdu. "
*' Tu as compris ; est-ce beau ?"
" Oui, " dit Louis, " c'est admirablement beau, mais il y man-
que quelque chose. "
"Quoi ? dis-le vite. "
"■ Il y manque la prière, le fiât du chrétien, qui, de son cœur
brisé, doit faire un holocauste à Dieu, et dire : Que son nom soit
béni ! "
" Uh ! " s'écria Lebert, "je ne puis, je ne puis ! "
Et il s'évanouit.
A partir de cette nuit, le déclin fat rapide. Un jour il appela
Louis, lui remit un manuscrit, et lui fit signe de prendre le violon
de Crémone et d'en jouer. Le jeune homme obéit, non sans éton-
nement, car jamais son maître n'avait permis à personne de tou-
cher à ce violon. Le manuscrit contenait la sonate. Louis la dé-
chiffra rapidement des yeux, et joua avec tout son talent.
" G'ftst bien, " murmura le vieux musicien, " très bien. Promets-
moi d'exécuter toutes mes dernières volontés, toutes, entends-le-
bien ! "
" Sur mon salut, " dit Louis, '' je vous le promets. "
La nuit suivante, le malade s'endormit, bercé comme un enfant
par les chants de Louis. Un peu avant de se laisser aller au
sommeil, il lui dit :
" Mon ami, tu n'as plus sa voix ! — Oh ! que j'ai souffert en en-
tendant se briser une à une les cordes de cette lyre que tu portais
en loi ! — J'aime ta voix d'homme pourtant : elle est belle et mé-
lodieuse. — Mais, au ciel, j'entendrai l'autre ! "
Il ferma les yeux, et s'endormit. Heureux de le voir si calme,.
Louis laissa retomber le rideau et s'assit à quelques pas du lit.
Quand le jour parut, il regarda son maître, et vit qu'il était mort.
La douleur de Louis fut profonde. Agenouillé près de sonbien-
aimé maître, il cherchait encore, plusieurs heures après sa mort,
à réchauffer ses mains glacées. Jean, tout en larmes, vint le sup-
plier à voix basse de passer dans la pièce voisine.
" Maître Amelot veut absolument vous parler, " dit-il. Allez,
monsieur Louis. Je veillerai près de mon pauvre maître. "
Louis se releva, et marcha en chancelant jusque dans le salon,
où l'attendait Me. Amelot, le notaire, ami du défunt, et que Louis
connaissait '-bien, car le brave homme était grand mélomane et
venait souvent faire sa partie de violoncelle chez Lebert.
" Monsieur Louis, " dit-il '* asseyez-vous. Vous êtes pâle comme-
un mort. Je viens pour vous faire lire le testament. "
" Rien ne presse, monsieur, " répondit Louis : " mon cher et
vénérable maître vient à peine d'expirer. Dans quelques jours
nous penserons à cela. "
262 LE PROPAGATEUR
" Monsieur Louis, "dit le notaire, " vous êtes légataire uni-
versel : je connais le testament. Mais il contient certaines clauses
qui doivent être exécutées aujourd'hui même. Elles sont bizarres,
je dois vous l'avouer ; mais votre devoir est de les accomplir. Mon
respectable ami Lebert avait quelque chose d'exalté, de singulier
Enfin, vous le savez, tous les grands musiciens sont un peu
fous. — Je vous demande bien pardon de m'exprimer ainsi. "
" Je vous pardonne d'autant plus aisément, monsieur, " dit
Louis en souriant faiblement, " que vous êtes bon musicien vous-
même. Je ferai, du reste, ce que vous me direz. "
♦' J'ai amené des témoins, " dit le notaire : " Nous allons tout
de suite ouvrir le testament. "
Après les dispositions qui assuraient à Louis la fortune entière
du musicien, léguaient au fidèle Jean une rente viagère, et spéci-
fiaient différents legs pieux et charitables, André Lebert avait
ajouté ces mots :
"Je prie mon fils adoptif Louis, et, au besoin, je lui ordonne,
d'aller, le jour même de ma mort, au parloir des religieuses cai-
mélites de" la rue Saint- Jacques, et d'y demander la mère Angéli-
que de Sainte-Cécile. Dès qu'il sera en sa présence, il lui jouera,
sur mon violon de Crémone, ma dernière sonate, celle qu'il connaît
seul, et, quand il aura fini, il me recommandera aux prières de
la révérende mère.
"Si Louis ne veut pas ou ne peut pas remplir cette condition, j'or-
donne que mon violon de Crémone et tous mes manuscrits soient
brûlés dans les vingt-quatre heures qui suivront ma mort.
" Si Louis m'obéit, tous ces objets lui appartiendront, et la
bénédiction de son vieux maître y demeurera attachée. "
" Assurément, " dit Louis, " quand même je ne serais pas me-
nacé de perdre une partie si précieuse, la plus précieuse même, à
mes yeux, de l'héritage, j'obéirais, par respect pour mon cher
maître, — Mais, que va penser cette religieuse ? Je ne la connais
pas. Jamais M. Lebert ne m'a parlé d'elle. "
" Peu importe ! " dit le notaire. " A deux heures je viendrai
vous chercher pour aller au Garmel. D'ici là je ferai demander
une audience à madame la supérieure. "
En attendant l'heure, Louis et Jean s'occupèrent à ensevelir le
mort. Pour la première fois Louis vit de près le médaillon fermé
que M. Lebert portait toujours sur lui. ïl n'osa l'ouvrir ; mais Jean,
moins scrupuleux, fit jouer le ressort, et lui dit :
" Regardez cette figure d'ange. "
Louis y jetta un coup d'œil, et fut tenté de garder ce portrait.
'^ Jean, " dit-il, " M. Lebert vous a-t-il quelquefois parlé de ce
médaillon ? "
"Oui, " dit le vieillard, " il m'a dit, il n'y a pas huit jours,
qu'il voulait l'emporter dans la tombe. "
" Nous lui obéirons, " dit Louis, 11 referma le médaillon, et se
mit en prières.
LE PROPAGATEUR 263
A deux heures, le ponctuel notaire arriva. Louis prit le violon,
le manuscrit, s'enveloppa d'an manteau, et suivit son guide. —
Son cœur était douloureusement oppressé, et il ne se sentait pas
disposé à causer ; mais le bon M. Araelot était bavard.
" Croiriez vous, " dit-il, " que ces nonnes m'ont fait des diffi-
cultés à n'en pas finir ? Madame la supérieure prétendait que
c'était contraire à la règle de faire de la musique profane dans
les parloirs, — que la mère Angélique de Sainte-Cécile tenait à
la règle plus qu'à l'air qu'elle respire, et ceci, et cela. — Il a fallu
que je montre le testament à cette béguine, que j'insiste, assurant
que ce serait vous ruiner que de vous priver de la possession de
ces manuscrits, de ce violon, ...que sais-je ? — Enfin, j'ai pleuré
misère pour vous, mon cher ami. C'était le seul moyen d'obtenir
grâce. J'ai réussi : ces dames vont venir. "
" Et cette mère Angélique, qui est-elle ? " demanda Louis.
" C'est la fille de défunt Dumont, maître de chapelle du roi
Louis XIV. Dumont était un peu parent de notre ami Lebert, et
lui avait promis sa fille en mariage ; mais Lebert fit un voyage à
Rome, et, au retour, à la suite d'un naufrage, fut pris par les
corsaires d'Alger. 11 resta deux ans captif, sans pouvoir donner
de ses nouvelles, et on le crut mort. Racheté par les pères de la
Merci, il revint en France, mais y trouva bien du changement.
Dumont et sa femme étaient morts, et leur fille s'était faite carmé-
lite. Lebert faillit en mourir de douleur. Son aventure fit du bruit.
Ses amis de Rome et le roi lui même demandèrent au Pape d'an-
nuler les vœux de la jeune fille, et le Saint-Père le voulait bien ;
mais elle refusa, disant qu'elle s'était donnée à Dieu de son plein
gré, tandis que ses anciennes promesses à son fiancé lui avaient
été arrachées par les instances de ses parents. Elle ne voulait
jamais le revoir, et lui envoya seulement quelques souvenirs de
famille : des instruments de musique, je crois, et des portraits.
Elle fut généralement blâmée de tant de dureté, et, pendant quel-
ques jours, on ne parla que d'elle et de son malheureux fiancé à
la ville et à la cour. Puis on l'oublia. Je croyais que mon ami
l'avait oubliée aussi depuis longtemps. Son testament m'a dé-
trompé. — On vient, je crois. "
En effet, une porte venait de s'ouvrir, et deux ombres apparurent
derrière le rideau noir de la grille du parloir.
" Voici la mère Angélique de Sainte Cécile, " dit la supérieure :
*' vous pouvez commencer, monsieur le musicien. "
Louis préluda d'une main tremblante ; puis il joua toute la so-
nate, sans que le plus léger bruit vint l'interrompre. Maître
Amelot, la tête dans ses mains, écoutait, immobile comme les re-
ligieuses. Louis avait fini. Il étendait le bras pour poser son
archet, quand, à sa profonde surprise, il sentit frémir les cordes
du violon. Une prière, la plus suppliante, la plus plaintive que
l'on pût imaginer, fût chantée par l'instrument, qui semblait pal-
piter dans la main de Louis épouvanté ; — puis tout rentra dans
le silence.
264 LE PROPAGATEUR
Une des ombres s'approcha du rideau, s'appuya fortement contre
la grille comme pour ne pas tomber, et dit d'une voix si douce et
si tremblante, qu'elle semblait venir d'un autre monde :
" Ame qui m'as tant aimée et qui fut jalouse de Dieu ! je sais ce
que tu souffres pour m'avoir préférée à lui. — Je te promets de
faire et de souffrir pour ta délivrance ce qu'une carmélite peut
faire et souffrir en ce monde. Bientôt, j'espère, nous nous rever-
rons en paradis. "
Les religieuses disparurent, et le notaire ramena chez lui le
pauvre Louis, tremblant de Iqus ses membres, et qui délira toute
la nuit.
Le temps adoucit son effroi et sa douleur. li voyagea pendant
plusieurs années, et obtint de brillants succès. — Dans toutes les
grandes villes de l'Europe, il donna des concerts et fut souvent
admis en présence des souverains ; mais jamais il ne manquait
d'aller dans les couvents où l'on voulait bien le recevoir, jouer la
dernière sonate de son maître et demander des prières pour lui.
Le violon de Crémone ne le quittait jamais, mais il n'osait s'en
servir que pour jouer la sonate. Chaque fois il espérait entendre
encore les mystérieux accents qui l'avaient si fort effrayé chez les
carmélites. — Toujours déçu dans son attente, il finit par croire
qu'il s'était laissé aller à une allusion.
Un soir, — c'était le 21 novembre, veille de Sainte-Cécile, —
Louis était seul dans sa chambre, à Vienne, et copiait un manus-
crit de son maître. Le violon de Crémone était suspendu à quelques
pas de lui. Il l'entendit chanter, d'abord la prière, puis une hymne
triomphale, dont les notes montèrent, en s'affaibhssant peu à peu,
jusq'aux dernières limites des sons élevés. — Puis un craquement
se fit entendre: l'âme du violon venait de se briser.
Quinze jours après, Louis reçut une lettre de son vieil ami le
notaire, qui lui apprenait la mort de la mère Angélique.
'•La bonne religieuse." écrivait-il, "a parlé de vous à ses
derniers moments ; elle a prié la supérieure de vous transmettre
ses paroles. — Celle-ci me les a transcrites textuellement : '' Dites
" à M. Louis que l'âme de son maître est enfin délivrée et entrera
" avec la mienne dans les chœurs célestes, ce soir ! "
C'est le 21 novembre, vigile de la fête de sainte Cécile, que la
mère Angélique est morte. On l'a trouvée revêtue d'un cilice en
mailles de fer, et ses compagnes disent que c'est un^ sainte, etc.
Louis revint en France et se fixa à Versailles, où il épousa la
fille de l'hôte des Armes de France. Il ne voulut jamais permettre
que l'on essayât de réparer le violon de Crémone. Fidèles à ses
ordres, ses arrière-petits-enfants conservent encore l'instrument
brisé et le souvenir de sa merveilleuse histoire.
Etude snrle Sacré-Cœur par le Rev P Letierce S. J. 2 beaux
volumes in-8 $2.50
LE PROPA^GATEUR
Volume IV, IJuillet, 1893, Numéro 9
BULLETIN
8 juin 1893.
*,* La question des écoles calholiqueg aux Etats-Unis n'est pas
encore définitivementréglée ; on sait que, relativement à ces écoles,
il y a de graves divergences d'opinions parmi les évoques de ce
pays. Les uns approuvent chaleureusement le plan de Mgrireland,
archevêque de St Paul; d'autres y sont fortement opposés. On dit
qu'entre ces deux opinions extrêmes il y en a une autre qui tient
le juste milieu^ et qu'elle a pour principal partisan son Eminence
le cardinal Gibbons, archevêque de Baltimore. J'ignore qu'elle est
cette opinion ainsi qualifiée ^us/e milieu.
Les bruits les plus contradictoires circulent depuis plusieurs
semaines et le télégraphe nous envoie tous les jours des nouvelles
à sensation.
Enfin les dernières dépêches annoncent que des lettres ont été
reçues de Eome et que ces lettres, signées par N. S. P. le Pape, (l )
règlent la question controversée. Elles sont dit-on, entre les mains
du cardinal et elles seront publiées bientôt. Quelqu'elles soient,
chacun aura le devoir de s'y soumettre, et elles feront disparaître
le malaise et l'anxiété qui existent.
***
*,* Il y a quelques jours les journaux ont publiée une lettre
extrêmement importante écrite par Mgr Alexandre Taché, arche-
vêque de St Boniface. Cette lettre, qui porte la date du 20 avril
1893 n'a été livrée à la publicité que le 14 juin. Elle traite au
long la question des écoles du Manitoba. C'est un éloquent plai-
doyer en faveur des droits des catholiques, droits si odieusement
foulés aux pieds par une majorité fanatqiue.
Dans cette lettre Mgr Taché prouve péremptoirement.
\° Que les catholiques de la province du Manitoba ont le droit
absolu d'avoir leurs écoles séparées. Les usages et coutumes du
pays et la loi écrite, antérieure à la législation tyrannique du
cabinet Greenway, sont en leur faveur. Ce sont cette loi et ces
coutumes et usages qui ont été méconnus par le conseil privé
d'Angleterre dans le jugement qu'il a rendu l'année dernière. (1)
(1) Il y a quelques moid tous les évoques des Etats-Unis ont reçu de N. S. P«
le Pape "une lettre par laquelle il ordonne à chacun d'eux de lui faire connaîtra
quelle est, en conscience, son opinion personnelle sur la questions des écoles,
(1) Re Barrell vs. La ville de Winnipeg.
17
■268 LE PROPAGATEUR
2° Que les écoles publique^ actuelles du Manitoba ne sont que
la eontinuation des écoles publiques protestantes établies antérieu-
rement. Ainsi on oblige les caLholiques de contribuer au soutien
d'écoles où l'on donne une instruction religieuse diamétralement
opposée à l'enseignement de leur église.
Chaque fois que Mgr Taché a revendiqué les droits des catho-
liques du Manitoba, il a été en butte aux insultes et aux attaques
des fanatiques. On l'a accusé avec rage d'être un traître et de
manquer de loyauté à la couronne britannique. Voici la noble
réponse qu'il fait à ses accusateurs à la fin de sa lettre.
Je suis chrétien 1
Par suite, je jorte mes aspirations plus haut que la terre, à laquelle mon âme
abamlonnera bientôt mu dépouille mort^-Ue. En d<5sirant le Ciel, ma vraie
patrie, ma foi se for tilie en la Sainte Eglise de Jèsus-Chrièt, comme la voie qui
y mène.
Je donne donc mon allégeance à cette Sainte Eglise, acceptant ses enseigne-
ment?, qui veulent que j'aime Dieu avant tout et mon prochain comme moi-même
pour Tamour de Dieu. Ces enseignepienl«ï qui me disent de faire du bien à ceux
qui me font du mal et de faire aux autres comme je voudrais que l'on me fit à
moi même.
Je suis catholique!
Mon allégeance à l'Eglise dans l'ordre spirituel me trace aussi mes devoirs dans
l'ordre civil ou politique. Le soleil du Canada a écloiré mon berceau, j'espère
qu'il luira sur ma tombe, mes ancèires sont nés au Canada depuis six généra-
tions. Le < anaJa est ma patrie. Je n'en ai jamais eu et n'en veut pas avoir
d'autre
Je suis canadien !
Manitoba et le Nord-Ouest ont ma vi-e, mon travail et mon affection depuis
près d'un demi-siècle, et ils l'auront jusqu'à mon dernier soupir. Ja suis né et
j'ai vécu dans les possessions britanniques. Mon allégeance est donc à la cou-
ronne d'Angleterre, et ma conscience et mon cœur repoussent tout oe qui serait
contraire à mes obligations.
Je suis sujet anglais !
Je suis heureux de vivre sous la protection du glorieux drapeau qui symbolise
l'empire. Est-ce être traître à cet allégeance de désirer que la douce brise de la
liberté fasse flotter ce noble étendard du côté de mes coreligionnaires comme
du côté de mes autres compatriotes, pour que tous, eux comme nous, et nous
comme eux, jouissions de la protection et de l'impartialité que nous avons droit
d'attendre eu retour de notre allégeance,
(Sig.) Alex.
Arch. de St-Boniface,
O. M. I.
Si Boniface, 20 avril 1893.
*/ Le parti libéral du Canada a tenu une grande convention à
Ottawa les 20 et 21 juin. Cette convention avait été convoquée
par le chef du parti, M. Laurier. Il y avait des délégués de toutes
les parties de la Puissance. Etaient aussi présents les premiers
ministres d'Ontario, de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Bruns-
wick et de l'ile du Prince-Edouard, ainsi que M. Marchand, le chef
de l'opposition dans la législature de Québec. Cette convention a
passé des résolutions concernant plusieurs des grandes questions
LE PROPAGATEUR 267
politiques du jour. Elle s'est prononcée notamment en faveur de
•cliangements radicaux dans le tarif et en faveur de la réciprocité
•commerciale avec les Etats-Unis.
Les journaux libéraux disent que cette convention a eu un
immense succès et qu'elle aura pour principal résultat la chute
prochaine du gouvernement Thompson.
«^*
*,* L'année dernière, 400e anniversaire de la découverte de
notre continent, le gouvernement espagnol a fait construire trois
petits navires en souvenir des navires qui portaient Christophe
Colomb vers les rivages d'Amérique. Ces caravelles, construites
sur le modèle des caravelles de Colomb di et portant le même
nom, la Santa Maria, la Pinta et la Nina, figurèrent à (la place
d'honneur dans les fêtes d'octobre en Espagne. Des navires de
guerre de plusieurs nations leur firent escorte à leur sortie du
port de Palos et dans toutes les manifestations qui suivirent.
Ces caravelles ont figuré à New-York dans la grande revue
navale du 27 avril dernier et elles sont actuellement en route pour
l'exposition colombienne de Chicago. En remontant le St-Laurent
elles ont été l'occasion de belles fêtes et leurs équipages ont été
l'objet de manifestations amicales et sympathiques, notamment à
Québec et à Montréal. Dans les ports de ces deux villes elles ont
été reçues au bruit du canon et des sifDlets des bateaux à vapeur
et aux acclamations enthousiastes d'une immense foule de citoyens.
A la clôture de l'exposition le gouvernement américain prendra
possession de ces caravelles, le gouvernement espagnol lui en
ayant fait don.
*
",* Le couvent de Villa Maria, l'un des plus vastes et des plus
beaux établissements religieux de l'Amérique, est devenue la proie
des flammes le b juin. Ce couvent était situé sur le versant
ouest de la montagne de Montréal, dans la municipalité de Notre
Dame de Grâces, à quelques milles de la ville. Il appartenait à
la Congrégation de Notre Dame de Montréal et, depuis 1880, il
était devenu le principal établissement [Maison J/èrf] de cette floris-
sante et célèhre communauté. Il contenait aussi le Noviciat. La
chapelle de Notre Dame du Rosaire n'a pas été épargnée. Elle
faisait partie de l'établissement et elle était une des plus belles
du Canada. Elle était plus vaste que beaucoup de nos églises de
campagne.
Les pertes causées par cet incendie dépassent un million de
piastres et le montant des assurances ne s'élève qu'à cent mille
piastres.
Un a réussi à sauver Monkland, l'ancienne résidence dee gou-
verneurs du Canada, et les bâtisses voisines qui servaient d« pen-
sionnat.
(1) Elles en sont même la reproduction parfaitement exacte.
268 LE PROPAGATEUR
Les flammes ont respecté les restes de la vénérable Marguerite
Bourgeois (l), la fondatrice de la communauté. Il en est de même
de la croix de bois plantée sur sa tombe. Cette préservation inouïe
doit être une grande consolation pour les religieuses dans l'épou-
vantable malheur qui les frappe.
La Sœur Bourgeois est née à Troyes, en Champagne, en 1620,
et elle est morte à Montréal en 1700. Elle fut d'abord enterrée
dans la vieille église de la Place d'Armes, transportée plus tard au
couvent actuel de la rue St Jean-Baptiste et enfin à Villa Maria.
Cette dernière translation a eu lieu il y a quelques années.
La maison-mère qui vient de brûler est la troisième que le feu
détruit depuis la fondation de la communauté. Le premier incendie
a eu lieu en 1683 et le deuxième en 1768. Deux religieuses périrent
dans l'incendie de 1683, et un courageux pompier, Alexandre
Dufour, a trouvé la mort dans l'incendie du 8 juin. Les sœurs se
sont généreusement chargées de l'éducation de ses enfants.
Après chaque incendie, les sœurs ont pu reconstruire leur cou-
vent.La première fois, elles n'avaient que quarante sous lorsqu'elles
ont commencé à bâtir (1). Espérons que celle fois encore elles
pourront relever leur éiablissement de ses ruines.
Dans cet incendie désastreux les sœurs ont fait d'autres pertes
qui sont malheureusenient irréparables. Les écrits de leur fon-
datrice, les annales de la communauté, leurs archives et un grand
nombre de documents précieux sont détruits.
*
* * Deux jours après l'incendie de Villa Maria, c'est-à-dire le 10
juin l'église et le presbytère de la Longue Pointe sont aussi
devenus la proie des flammes.
L'intérieur de l'église était fait sur le modèle de l'intérieur de
la Sainte Chapelle de Paris.
C'est dans un ancien presbytère de la Longue Pointe, sur le site
même du presbytère incendié, que commencèrent en 1765, les
classes de cette institution qui est devenue le célèbre collège de
Montréal.
L'église de la Longue Pointe, "dit La Presse", a été construite en 1726.
C'était un des plus anciens monuments religieux du pays. Le chemin de la croix
était unique dans son genre et le plus beau du Canada. Cette église a été cons-
truite par quelques-uns des premiers navigateurs qui ont remonté le cour; du
Saint-Laurent. Pendant un siècle, elle a salué l'arrivée des voyageurs qui venus
de Québec en canut, ne manquaient jamais d'aller s'agenouiller au pied de
l'autel, remercier Dieu d'avoir échappé aux dangers qu'oll'rait la traversée du
lac St-Pierre.
Nos matins éprouveront un serrement de cœur en voyant un amas de ruines
à l'endroit oîi s'élevait cette église, qu'ils consiiJéraienl comme la leur.
(I) On sait que le procès de béatification de cette femme illustre est com-
mencé à Rome.
(i) Voici ce qu'écrit à ce sujet la sœur Juchereau :
" Elles étaient si pleines de confiance en Dieu qu'elles commencèrent à bilir
'' n'ayant que 40 sols. Leur espérance ne fut pas trompée, car avec si peu de
" fonds, la Providence leur aida si bien qu'elles ont élevé une des plus florissantes
" Communautés du Canada, dont la bonne odeur se répand dans tout le pays."
LE PROPAGATEUR 269
Outre son magnifique chemin de croix, leguse incendiée oossé-
dait trois tableaux de maîtres. Ils représentaient la Sainte Vierge,
St-Joseph et St Prançois d'Assise, le pairon de la paroisse
*
*/ Le révérend père P. D. Lajoie, supérieur général des Clercs
de St-Viateur, est actuellement au milieu de nous. Il vient en
Amérique pour visiter les maisons de son ordi-e. Il réside actuel-
lement à Vourles dans le voisinage de Lyon, France.
C'est à Vourles que se trouve le principal établissement de
l'ordre. Le père Lajoie est canadien. Il a été autrefois curé de
Juliette et supérieur des Clercs de St-Viateur du Canada.
C'est la première fois, je crois, qu'un ordre religieux européen
choisit un canadien comme supérieur général.
*
*^* La Saint-Jean-Baptiste a été célébrée à Montréal avec beau-
coup d'éclat. Outre les fêtes du parc Sohmer, nous avons eu un
banquet et un concert-promenade dans les salles du monument
national, l'inauguration solennelle d-? ce monument, des illumi-
nations magnifiques, et une grande procession des sociétés
nationales. La partie religieuse de ces fêtes a été une messe
solennelle célébrée à l'église Noire-Dame.
Beaucoup de Canadiens des Etats-Unis poussés par le patrio-
tisme, sont venus pour assister à ces fêtes de la nationalité à
laquelle ils se font gloire d'appartenir. Il y avait aussi d'autres
membres de la grande famille française, des français de la vieille
France, étonnés et charmés de retrouver au fond de l'Amérique
du Nord la religion, les usages et la langue de leur patrie.
Un grand congrès des sociétés canadiennes françaises a été
tenu dans la graude salle du monument national. On y a discuté
plusieurs des grandes questions qui intéressent la race française,
notamment l'émigration, les écoles séparées, lu langue française
et l'union des sociétés nationales d'Amérique.
Il a été impossible de faire coïncifier cecte fête avec la célébra-
tion du 250e anniversaire de la fondation de Montréal, car le
monument de Maisonneuve, son fondateur, n'est pas encore ter-
miné.
C'est le 18 mai 1892 que tombait ce 250e anniversaire mais sa
céiébratiou a été renvoyée à cette année, en juin, et, vu les cir-
constances, elle est malheureusementencore renvoyée à plus tard.
Alby.
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pour une retraite de huit jours, par le R. P. Bellecius de la
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PRATIQUES SATANIQUES, ETC., ETC.
RECITS D'UN TEMOIN PAR LE DOCTEUR BATAILLE
liN GttJRS DE PUBLICATION DEPUIS LE 1" DÉCEMBRE 1892, ÉDITION
ILLUSTRÉ DE DESSINS INÉDITS
Chat/ue mois : Un fascicule de 10 Uvraiso7is[dtO pages, 8 gravures)2bcts.
li'ouvrage eutier anra de 10 à 12 fascicules
Voilà, certainement, un ouvrage tout à fait exceptionnel, et à la
publication duquel il était difficile de s'attendre
Il y a longtemps que ceux de nos Evoques qui se sont occupés
spécialement de la question maçonnique, disent, et avec eux tous
les théologiens : " Il existe, à coup sûr, une direction unique de
la franc-maçonnerie, et c'est avec raison que la voix infaillible de
Rome dénonce l'organisation des diflFérenls rites de cette secte dans
nne seule main, sous l'inspiration directe de Satan ". Mais où réside
ce directeur suprême? Quelles preuves matérielles pourrait-on
fournir de l'intervention de l'archange déchu dans les crimes
sociaux perpétrés et accomplis par la franc-maçonnerie ?
A ces questions, nulle réponse ne semblait devoir être faite de
longtemps. Les auteurs qui combattent la secte n'avaient signalé
jusqu'à présent que des indices vagues ; et pourtant, tous les
catholiques sentaient que, malgré la divergence apparente des
rites, on était en présence d'une unité d'action et d'une organisa-
tion émanant du prince des démons, se manifestant en personne à
ses élus, leur dictant ses volontés, leur traçant le plan d'altaque-
contre l'Eglise.
Il est facile de comprendre, en effet, que les sectaires qui ont
roulé jusqu'au fond de l'abîme, qtii se sont liés irrévocablement à
l'esprit des ténèbres, en parfaite connaissance de cause, qui ont,,
pour dire le mot, donné sciemment leur âme au diab'e, ne sont
guère destinés à un retour au bien, et ce n'est pas d'eux qu'on
peut attendre la production de la vérité. Aucun des francs-maçons
convertis, dont les ouvrages ont apporté des documents déjà pré-
cieux, en ces dernières années, n'était tombé dans le satainsme
pratiquant, dans le commerce avec les mauvais esprits. Plusieurs
indiquaient l'existence d'une certaine maçonnerie Inciférienne,
dite palladique, se greliant sur tous les rites et les dirigeant : mais
c'était tout. Paul Rosen, Adolphe Ricoux et deux ou trois autres
anti-maçonniques affirmaient, mais sans donner de détails, que le
centj-e de la franc-maçonnerie universelle est à Gharleston, com-
LE PROPAGATEUR 271
mandant à quatre directoires, situés à Naples, Calcutta Boston et
Montevideo, lesquels groupent les forces des suprêmes conseils et
grands orients des cinq parties du monde. Di son côté, Léo Taxil
publiait naguère, à propos des soeurs maçonnes, deux rituels pal-
ladiques. soulevant un coin du voile du satanisme pratiquant, dans
la secte excommuniée par Léon XIII. Enfin, le courageux etérudit
évêque de Port-Louis. Mgr Meurin, qui s'est livré à des recherches
minutieuses sur la franc-maçonnerie, écrivait tout récemment ces
lignes: " La franc-maçonnerie est une sur tout le globe, sous des
formes iunombrables, mais sous la direction suprême du Souve-
rain Pontife de Charleston ; c'est là une vérité absolue. Gharleston
est la Rome provisoire de la synagogue de Satan. Le grand maître
du suprême conseil de Charleston est son pape, le Vicaire du Luci-
fer sur la terre, aspirant à résider un jour dans la véritable Rome.
Le grand collège des Maçons Emérites est son sacré collège de
cardinaux ; les souverains commandeurs des suprêmes conseils ou
des grands orients dans le monde sont ses patriarches, archevêques
et évêques: les vénérables des loges, ses curés; les maçons sont
ses fidèles; les loges, ses églises et ses chapelles. Les tenues des
loges sont le culte plus ou moins luciférien; les réunions solsti-
ciales, les grandes fêles du culte; et enfin le Palladium est le
tabernacle, ou plutôt l'arche d'alliance entre Jéhovah Lucifer et
son peuple élu maçonnique" Puis, parlant du sanctuaire de Char-
leston où l'idole du Bapbomet, ou Palladium, est sous la garde de
francs maçons choisis, Mgr Meurin ajoutait : " Nous ne douions pas
que satan se fait voir eu communique 'personnellement avec son premier
remplaçant et ses adjoints, leur faisant savoir tout ce qu'il voudra
commander aux enfants de la veuve. " Enfin, l' évêque de Port-
Louis citait deux exemples absolument authentiques d'apparitions
de Lucifer aux chefs de la franc-maçonnerie, à une époque peu
éloignée.
Au monent même où Mgr Meurin écrivait ces lignes, avant
même que son volume fut mis sous presse, un médecin de la
Compagne des Messageries maritimes, M. le docteur Baltaihe, se
préseniait chez les directeurs d'une maison d'édition catholique et
disait:
Depuis onze ans, j'ai étudié de près la franc-maçonnerie jusqu'en
ses plus hauts grades; j'ai tout vu, je connais tout. Un hasard
providentiel m'a mis sur la trace du satanisme, qui constitue la
véritable direction de cette secte. Après avoir confié mon projet à
un prêtre, je me suis procuré le moyen de pénétrer, non seule-
ment dans les loges, mais même dans les plus secrètes arrières-
loges. J'ai connu personnellement Alb?rt Pike, le souverain-pontife
de la maçonnerie universelle ; je fais partie de son aréopage palla-
dique même, le Lotus de Charleston. Je connais personnellement
Adriano Lemmi, le grand-maître de la franc-maçonnerie italienne
et le grand chef d'action politique de la secte. Je connais le ban-
quier juif de Berlin, banquier des arrière-loges et de la Triple-
Alliance. Les portes des quatre directoires suprêmes du globe
m'ont été ouvertes pendant onze ans. J'ai pénétré partout. Albert
272 LE PROPAGATEUR
Pike n'a même conféré le grade palladique de Hiérarque, qui
donue le droit d'ordonner une vengeance, un meurtre, au profit
de la franc-maçonnerie. Je vous apporte un ouvrage unique, un
manuscrit tel que jamais auteur n'en a écrit le pareil, un livre de
révélations qui confondra pour toujours, en la démasquant, la
malice des sectaires francs maçons et lucifériens; car moi, je
metterai les noms en toutes lettres... Voulez-vous publier cet
ouvrage ? Voulez-vous me permettre de dévoiler les complots les
plus odieux qui ont été ourdis ? car on a même comploté l'assassi-
nat de Léon XIIl... Je ne suis pas un franc-maçon expulsé des
loges, animé par la rancune et ayant des tendances à exagérer...
Nun, je suis entré dans la secte par ruse, avec le dessein bien
arrêté de faire une enquête pour la faire connaître, une fois ter-
minée ; j'ai été servi par un concours heureux de circonstances
que je qualifie de providentielles. Je n'ai jamais failli à ma foi de
chrétien ; et ma vie a déjà été en danger, lorsque les chefs du pal-
ladisme, un jour que je me suis opposé à un assassinat, ont com-
mencée me suspecter ; si je suis vivant, ce n'est point par leur faute...
J'ai vu de près le satanisme maçonnique, j'ai été le témoin de ses
pratiques abominables. Je puis attester que la direction même de
la secte est entre les mains d'hommes communiquant personnelle-
ment avec Lucifer. Je ne recevrai aucun démenti ; car je citerai
les noms propres, les lieux, les dates, les circonstances, avec les
détails les plus caractéristiques et les plus précis.
Les éditeurs, après avoir pris conseil, ont accepté.
Tel est l'ouvrage dont la publication a commencé depuis le 1er
décembre 1892 ; et l'on peut dire que les premiers fascicules parus
ont valu à l'auteur et aux éditeurs une véritable avalanche de
lettres de chaleureuses félicitations. " Courages ! écrit-on de
toutes parts ;continuez, ne vous laissez pas intimider; le service
que vous rendez à l'Eglise est inappréciable ; jamais pareil ouvra-
ge n'avait été publié: c'est vous qui écraserez la franc-maçonne-
rie !" Toute la correspondance qui pleut chez l'auteur et chez les
éditeurs est dans ce ton.
Le fait est que de semblables révélations ne pouvaient pas être
soupçonnées.
L'auteur raconte simplement les faits, en les flétrissant au-
passage par quelques mots bien sentis. C'est un véritable kaléi-
doscope du satanisme maçonnique qui se déroule rapidement sous
les yeux du lecteur. Le docteur Bataille dédaigne le spiritisme des
salons, passe-temps déjà dangereux, mais banal en somme ; les
tables tournantes sont des balivernes auprès des manifestations
directes des démons dans les arrière-loges.
11 raconte comment sa curiosité a été éveillée. Un de ses pas-
sagers, à bord du Courrier de Chine, sollicite ses soins, en juin
1880 ; cet homme est en proie à une obsession ; le docteur lui a
déjà sauvé la vie ; n'y tenant plus, il avoue au médecin, dans une
crise de sanglots, qu'il s'est laissé entraîner aux manœuvres
occultes de la secte maçonnique, et qu'il a vu Satan face à face il
y a huit jours, dans une assemblée du Palladium. Le prince des
LE PROPAGATEUR 273
démons, dont chaque apparition coûte la vie à l'un des assistants,
a choisi son voisin ; lui, Garbuccia (c'est son nom) qui ignorait
cette condition de la réussite de l'évocation, est encore sous le
coup de la plus vive terreur à la pensée qu il aurait pu être la
victime préférée. Le docteur réconforte Garbuccia, le soigne, et
obtient d'autres aveux. Dès lors, une idée le hante : pénétrer dans
1-a maçonnerie, afin de tout voir, pour tout démasquer. Et il se
voue à cette mission courageuse.
Il a appris de son confident l'existence d'un haut dignitaire de
la secte (le docteur Bataille donne son nom et son addresse), qui
fait commerce de diplômes maçonniques et confère les plus hauts
grades, moyennant une somme de cinq cents francs. Il achète
donc à prix d'argent son droit d'entrée, pénétrant du premier coup
dans les arrières-loges, après une étude approfondie des rituels à
laquelle il se livre pour ne pas être pris au dépourvu.
Ici, se place l'épisode très touchant, relatif à la communication
que le docteur B itaille fait de son projet à M. l'Abbé Liugier,
aumônier de l'hôpital où il a d'abord été interne et qui est resté
sou directeur de conscience. Le bon vieux prêtre tremble pour le
jeune docteur ; mais il n'ose le contrecarrer, tant sa décision est
bien prise. Ils vont ensemble en pèlerinage à l'un des sanctuaires
les plus vénéi'és du midi, et le docteur s'embarque pour cette ex-
cursion dansle satanisme moderne, emportant une médaille bénie
et indulgenciée de Saint Benoit.
La première scène de palladisme à laquelle le docteur assiste
est horrible. En sa double qualité de frère et de médecin, il est
accaparé par des lucifériens qui ont besoin de ses services ; on le
conduit auprès d'une femme sur le point de mourir ; on le con-
sulte pour savoir si elle est irrémédiablement perdue ; il répond
oui, car la femme agonisait, et il s'apprêtait à l'assister, quoique
inutilement, jusqu'au dernier soupir. Mais alors, ces fanatiques
brûlent cetie malheureuse, sans attendra sa mort, pour le motif
qu'elle s'était vouée à l'esprit du feu. Force est au docteur de
contempler ce spectacle épouvantable, sous peine de se trahir.
Dans cet ouvrage sans précédent les épisodes sont multiplies. Le
docteur Bataille, narrant sa première enquête, en éclaireur dans
l'occultisme, montre le Temple Mac-Benac ,où la pourriture
humaine est érigée en principe j c'est l'atrocité dans le palladisme ;
Belzébuth est évoqué, et les pratiques auxquelles on a recours
pour faire apparaître l'esprit font frémir, à la seule lecture.
Le docteur Bataille se rend ensuite au directoire suprêma de
Galcutta, qui régit toutes les loges et arrière-loges d'Asie et
d'Océanie. G'est là qu'il est affilié au Palladium, à la suite d'une
épreuve qui n'a rien de commun avec les comédies grotesques des
loges européennes. Il se lie avec Walder, Tex-pasteur protestant,
dont la fille est bien connue à Paris dans le monde occultiste, et
qui est lui-même un des lieutenants d'Albert Pike.
Admis régulièrement aux mystères lucifériens, il assiste à l'un
■des phénomènes les plus étonnants du satanisme indien : un fakir
se momifiant devant une nombreuse assistance et enterré pour
274 LE PROPAGATEUR
être ressuscité au bout de trois ans; le docteur expose que ce phé-
nomène, appelé scientifiquement Vabiose, a déjà été constaté, mais-
sans pouvoir être expliqué. Tandis que ses confrères en font un
cas d'hypnotisme et de catalepsie, notre docteur y voit l'action sata-
nique. La description du phénomène est par lui tout à fait détail-
lée. Il constate aussi uue disparition instantanée de dévasdase {weS'
taie luciférienne). Il assiste à une messe en l'honneur de Lucifer,,
où la parodie de la liturgie catholique est vraiment monstrueuse ;
il n'y a pas de perversité humaine qui ait pu imaginer semblables
abominations ! du reste, la présence du démon se manisfeste au
cours de la cérémonie d'une façon indiscutable.
Dans ce compte rendu nous passons forcément bien des épiso-
des, pourtant fort intéressants. Signalons néanmoins le sabbat pal-
laùiqut; iUuien dans la plaine de Dappah. Cette plaine, située sur
les rives du Gange, est le charnier ou sont jetés les cadavres de
parias. Les luciférien?, anglais et hindous, forment la chaîne ma-
gique, en se mêlant aux cadavres, et c'est là une scène à donner
le cauchemar.
Epouvanté parces infamies, le docteur est surle point de renoncer
à son enquête ; il persiste, toutefois; car, s'il se retirait, il ne pour-
rait pas prendre copie des documents qui l'intéressent et qu'il veut
mettre au jour. Il profite donc de son séjour à Calcutta pour se faire
communiquer les pièces les plus importantes des archives du direc-
toire maçonnique.
De Calcutta, l'auteur passe à Singapore.Ici, il nous fait assister
à une initiatiou de Maîtresse Templière, grade essentiellement
satanique : et la récipiendaire n'est autre que la sœur de Miss
Mary. Cette scène se passe dans un temple protestant presbytérien,
transformé, dès la nuit venue, en sanctuaire des sectateurs de
Lucifer. A ce prospos. l'auteur indique les signes auxquels se re-
connaît la présence du prince des ténèbres dans une assemblée de
ses élus, et alors qu'il demeure invisible.
Enfin, le docteur Bataille nous emmène à Shang-Hai, montre la
secte chinoise qui est reliée à la franc-maçonnerie, toujours parle'
palladisme ; et ce chapitre-là est un des plus curieux. On voit com-
ment toutes ces sectes se tiennent : on touche du duigt l'unité de
direction, émanant du suprême conseil de Charleston ; on constate
les phénomènes du spiritisme luciférien, que l'auteur va nous-
montrer ensuite reproduits exactement dans les arrière-loges-
d'Europe et d'Amérique.
Tout ce qui vient d'être résumé ici donne la première partie de
l'ouvrage, laquelle est intitulée : En éclaireur dans l'occultisme.
Et cela est raconté dans un style simple, à la portée de tout le mon-
de. En outre, l'ouvrage est écrit on ne peut plus honnêtement,,
malgré les difficultés du sujet. Le docteur Bataille possède, au
plus haut degré, l'art infiniment délicat de ne se faire compren-
dre, dans certains cas, que des personnes d'âge mur, sans éveiller
aucunement des curiosités malsaines; il respecte ses lecteurs, tout
en les éclairant: son livre peut être oublié sans danger sur la table
autour de laquelle se réunit la famille : sa lecture ne provoquera>
LE PROPAGATEUR 27»
chez les jeunes gens, aucune de ces questions, auxquelles un père
chrétien est toujours embarrassé de répondre.
Tout en offrant l'agrément d'une histoire de voyage, celte pre-
mière partie donne d'innombrables aperças sur la maçonnerie
européenne et ses principaux chefs secreis.
Sauf à y revenir avec grands détails dans les chapitres suivants, le
docteur nous montre, comme occultistes, des personnages fort con-
nus en France : ce sont Floquet, Emmanuel Arago, Glovis Hugues,
les Walder, Yves Guyot, Jules Lermina. Parmi les étrangers qu'il
cite et avec qui, il a été en relations figurent des noms dont la noto-
riété est venue jusque chez nous : le député radical Bovio. Adriano
Lemmi, le docteur Riboli, médecin de Garibaldi,Crispi lui-même,
Louis Ruchonnet, le vice-président actuel de la République Suisse.
L'auteur n'a pas été seulement témoiu occulaire : il a recueilli,
en outre, des documents et des témoignages sur les faits du passé ;
c'est ainsi, par exemple, que, dans son chapitre intitulé Preuves des
apparitions de Satan, il fait assister le lecteur, d'après un récit très
circonstancié du docteur Riboli, à la préparation de l'envahisse-
ment sacrilège de Rome et des états pontificaux en 1870. Dans un
conciliabule, auquel Grispi prend part avec d'autres chefs franc-
maçons occultistes, le général Cadorna, prêtre apostat, consa-
cre un morceau de pain et lejetedansun brasier: l'assistance dit,
après le colonel Cucchi : " Que par ce symbole, Lucifer reçoive
notre hommage ! " Et aussitôt le prince des démons paraît et en-
courage ses adeptes dans leur projet. " Le moment est venu. " dit-
il. Et l'auteur raconte les intrigues secrètes qui ont suivi ce conci-
liabule, les nombreuses entrevues de Cucchi avec Bismarck. Ca-
dorna mis à la tête des troupes de l'usurpateur piémontais et pé-
nétrant dans la Ville-Sainte par la brèche de la Porta Pia. Tous les
dessous lucifériens d'un crime historique sont ainsi dévoilés.
Dans la seconde partie de son ouvrage, le docteur Bataille di-
vulguera l'organisation supérieure de la franc-maçonnerie, le fonc-
tionnement des directoires, des missions secrètes, la diplomatie lu-
ciférienne. Il présentera au lecteur le pape de la secte ; il montre-
ra le lieu maudit où Satan confère régulièrement avec son Vicaire,,
selon l'expression de Mgr Meurin.
Puis, viendront les chapitres consacrés: au laboratoire cabalisti-
que de Gibraltar ou se fabriquent les poisons maçonniques ; au
grand-maître Lemmi. en conspiration permanente contre le Vati-
can ; au magnétisme occulte des arrière-loges; à la nécromancie
contemporaine ; à la grande-maîtresse Sophie Walder, cette aven
turière dont le rôle n'a pu être expliqué par aucun des auteurs qui
ont eu à parler d'elle, cette créature étrange dont les franc-maçons
lucifériens font une sorte de déesse, qui a la haute main sur toutes
les loges palladiques de France, Belgique et Suisse, cette personna-
lité énigmatique que certaines dames de la haute société parisien-
ne, se vouant au spiritisme, reçoivent chez elles, et que le docteur
Bataille accuse, entre autres choses, d'être le trait-d'union secret
entre la franc-maçonnerie et les anarchistes, à qui elle a maintes
276 LE PROPAGATEUR
fois fait passer des fonds de propagande, fournis par le trop fameux
Cornélius Herz, autre franc-maçon et luciférien aussi.
En un mot, le docteur Bataille fera la lumière la plus complète,
en homme qui a vu de près ces monstrueuses infamies. Il dira
aussi dans quelles conditions tragiques son enquête a été close et
comment il a été préservé de la vengeance des sectaires dont il
brave la fureur, et qui, maintenant, démasqués, n'auront plus qu'à
se renfermer dans le mutisme des coupables endurcis pris sur le
fait.
On voit, par ce rapide aperç-u, quel intérêt puissant s'attache à
l'œuvre du docteur Bataille, œuvre vécue, s'il en fût une, œuvre
d'une utilité sur laquelle il serait superflu d'insister, et qui reste-
ra comme le plus' formidable réquisitoire qui ait jamais été for-
mulé contre l'infernale franc-maçonnerie.
L'ouvrage formera, en tout de cent à cent-vingt livraisons ; soit
un grand volume in-octavo jésus d'environ mille pages, publié par
fascicules mensuels de 10 livraisons à 25 cls. Nous faisons conaî-
tre (en tête de cette notice) le mode d'abonnement. A* la fin de la
publication, les abonnés recevront une belle couverture coloriée ;
ainsi que les feuilles de frontispice, pour le brochage du volume.
Les souscriptions sont reçues chez Gadieux et Derome.
LE TRIOMPHE DE LOURDES
PAR • • •
Cinquième édition 12 volume in-13. Prix 8S ets
La Librairie Victor-Havard, à Pai-is, publie un livre anonyme,
le Triomphe de Lourdes^ qui a fait grand bruit, même avant son
apparition.
Les uns prétendent qu'il est écrit par un religieux illustre ; les
autres, au contraire, qu'il est d'un personnage connu, converti
pendant le pèlerinage national. Ce qui ferait admettre cette der-
nière version, c'est que le livre dont nous recevons aujourd'hui
les premières épreuves, renferme les documents les plus extra-
ordinaires sur les manœuvres employées par la franc-maçonnerie
pour détruire l'œuvre de Lourdes, et les détails les plus minutieux
sur le voyage et les pensées intimes de M. Zola.
Parlant de la Grotte, l'auteur s'exprime ainsi :
Et une fois qu'on l'aura vue celte Grotte, joliment enguirlandée de lierre,
illuminée de cierges vacillants au souffle de la brise de Gave, on voudra y revenir.
Allons à la Grotte !
Telle est la phrase que le pèlerin et le touriste répètent, pendant leur séjour
à Lourdes.
Il y a dans cette niche visitée par la Vierge, un mystérieux aimant qui attire
les âmes.
On pleure, en quittant Lourdes, comme on pleure en quittant sa patrie ; et,
si l'on pouvait voir une âme, oq verrait que la Grotte en est tapissée.
Et pendant l'hiver, quand elle est solitaire, elles doivent voltiger sur les ailes
du souvenir et chanter, comme les anges au-dessus de la crèche du Sauveur,
le Gloria in excelcis de leur reconnaissance et de leur amour.
L'ouvrage fourmille d'anecdotes sur Bernadette et Mgr Peyra-
male.
i.T^
LE PROPAGATEUR 277
En voici une bien inédite. On sait qu'après avoir ordonné la
fermeture de la Grotte, l'Empereur revint sur sa première décision.
L'auteur va nous donner le motif de ce changement : - > i.TII
Les Evangiles nous racontent que, pendant le procès de Jésus, la femme' de
Ponce-Pilate, qui avait eu un songe, envoya un esclave à son mari pour le sup-
plier de ne pas livrer le Juste à la mort de la croix. L'impératrice Eugénie avait
eu plus qu'un song-:", au sujet de l'arbitraire exercé à Lourdes pir l'autorilé
impériale. Une nuit, le petit prince impérial fut pris de suflocations qui ressem-
blaient, à s'y méprendre, aux râles atfreux du croup. Avant d'appeler le mé-
decin, l'Impératrice courut réveiller une de ses demoiselles d'honneur, qui nous
a certifié le fait, pour lui demander une herbe de la Grotte envoyée par l'abbé
Peyramale, avec qui elle était en correspondance suivie.
La dame d'honueur, qui était alors demoiselle d'honneur, dit à l'Impératrice:
" Il faut faire un vœu, si le prince guérit subitement, vous devrez obtenir de
l'Empereur l'ordre de faire ouvrir la Grotte de Lourdes. "
L'Impératrice promit.
Le mal avait subitement empiré. Le médecin du palais, mandé en toute hâte,
conseilla de réveiller l'Empi-reur.
L'Impératrice approcha l'herbe de la Grotte de Lourdes des lèvres du petit
malade, et se mit à genoux au pied de son lit. Quand elle se releva, le prince
était sauvé.
L'Empereur n'apprit l'événement que le lendemain par l'abbé Laisne, aumô-
nier des Tuileries. Avant même d'avoir vu l'Impératrice, il avait tait télégraphier
au préfet de Tarbes d'ouvrir la Grotte de Lourdes et de ne plus tracasser Ber-
nadette.
On sait que Bernadette répondait avec un à-propos charmant :
" Tu étais peut-être malade le jour cii tu as vu la Sainte Vierge, lui demanda
le commissaire de police après la première apparition ? " " Oh ! monsieur, ré-
pondit la petite voyante, ce n'est pas avec mon asthme que je vois la dame,
c'est avec mes deux yeux. "
Le docteur Voisin ayant prétendu que Bernadette était enfermée
comme folle à Nevers, l'évêque du diocèse autorisa un voyageur
illustre à se rendre compte par lui-même de la fausseté de cette
nouvelle.
" Il allait se retirer, persuadé non seulement que Bernadette n'était pas folle,
mais qu'elle était douée d'un rare bon sens, quand il lui prit la fantaisie d'adres-
ser une dernière question.
Le médecin se souvenant que l'on avait écrit que Bernadette était mise au
secret dans son couvent, lui dit : " Ma sœur, on affirme daas le monde que l'on
vous cache ici bien des choses. "
" Oui, monsieur, répondit Bernadette, Ici on me cache mes défauts. "
L'abbé Peyramale n'avait pas moins d'esprit.
Un jour un savant astronome voulait l'embarrasser au sujet de l'existence
du paradis.
— Mais enfin, où le placez-vous votre ciel, demandait le grand homme d'un
air narquois ?
— Ce n'est pas l'espace qui manque, mon bon ami. Vous reconnaissez que
les planètes sont habitées, n'esi-ce pas ?
— Certainement.
— Par qui ?
— Nous l'ignorons.
— Alors je suis plus savant que vous. Je suis certain que le ciel existe. Peut-,
être dans une de ces planètes. Quant aux habilants, je les connais moi, ce sont
les humbles et non les orgueilleux qui, ne connaissant rien de la création, vou-
draient tout connaître du Créateur.
Ils me représentent un muet se faisant professeur de langues étrangères.
L'auteur nous apprend que Léon XIII a une dévotion particuli-
ère à Notre-Datne de Lourdes.
I
^78 LE PROPAGATEUR
z. Amsi pouvait-il répondre à ua prélat qui lui exprimait son iHécontent»ment
'en le voyant s'obstiner à ne pas couvrir de sa haute approbation un autre pè-
lerinag'^ : " Si Notre-Dame île X...me ferme les portes du ciel, Notre-Dame de
Lourdes me les ouvrira bien gran les. "
L'écrivain, après avoir analysé les grand miracles de 1892 et
réfuté les arguments de la libre pensée, nous fait assister aux
moindres détails de la transformation de M. Zola,
Un auteur célèbre est parti pour Lourdes avec Vidée bien arrêtée de faire
sombrer dans son encrier la peiite nacelle qui portait les superstitions de quel-
ques catholiques.
Cet auteur, M. Zola, nouveau saint Paul, a été renversé sur le chemin de
Lourdes, et aussitôt le question des miracles a changé de phase.
Le sourire a fait place à la discussion. Gonnme nous sommes surtout en France,
des moutons de Panurge, la phrase de l'auteur de Pot-Bouille est devenue la
phrase du jour. " Oui, il est certain qu'il se passe à Lourdes des choses extra-
ordinaires. "
Dans les questions religieuses, il n'y a qu'un pas de l'extraordinaire au
surnaturel.
Le hasard a voulu que j'allasse m'établir à Lourdes cet été et j'ai pu y suivre
pas à pas les diverses phases, je ne dirai pas encore de la conversion de
M. Zola, mais de sa transformation.
En apparence le mot est le môme, mais en réalité il ne se ressemble pas. On
peut être transformé et ne pas se convertir. La conversion tient à des questions
de milieu et même d'mtérêt. C'est ainsi que la reine d'Angleterre est transformée
au point de vue catholique et ne peut pas, par raison d'Etat, être convertie of-
ficiellement.
Il en est de même pour M. Zola. Nous espérons le prouver avec impartialité.
Et l'auteur le prouve dans un ouvrage remarquable qui ne
manquera pas de susciter les polémiques de la presse anti-religieuse.
Jusqu'à ce jour, on nous avait raconté dans un style émouvant
l'histoire des apparitions de Lourdes, mais jamais une thèse scien-
tifique et théologique n'avait été dressée sur la possibilité et la
réalité des miracles.
Cette lacune vient d'être comblée par l'auteur du Triomphe de
Lourdes^ le livre si remarquable que publie la librairie Victor-
Harvard.
La magistrale préface qui ouvre le livre porte comme titre :
Nos deux patries. Ce sont bien les plus purs accents d'un patrio-
tisme ardent unis aux plus nobles élans d'une foi religieuse in-
telligemment comprise qui se détachent de ces pages dues à la
plume d'un maître de la chair chrétienne.
L'auteur du Triomphe de Lourdes se montre à son tour un poète
délicieux dans les descriptions de ses riants paysages, dans l'émou-
vante évocation des grandioses cérémonies et dans les pages vi-
vantes consacrées à l'évocation des deux grandes figures de
Lourdes : celles de Bernadette et du bon abbé Peyramale.
L'auteur n'esquive pas la discussion, et c'est avec l'abondance
et l'éloquence des preuves qu'il fait bonne justice des arguments
•de Jean-Jacques Rousseau et de Renan contre les miracles en
général, et des prétentions de la libre pensée contemporaine re-
présentée par M. Zola, contre les miracles de Lourdes en particulier.
Ce livre est bien nommé. Il est véritablement : Le Triomphe de
Lourdes.
L'ABBE COMBALOT
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE
L'ACTION CATHOLIQUE DE 1820 A 1870
PAR
Mgr RICARD
PRÉLAT DE LA MAISON DE SA SAINTETÉ, VICAIRE
GÉNÉRAL HONORAIRE D'ÂIX
Avec nn Portrait de l'Abbé Combalot
ET ÏÏNE PREFACE
DE Mgr DE CABRIÈRES, ÉVÊQUE DE MONTPELLIER
ET DES LETTRES APPROBATIVES
de NN.SS. les Archevêques de Marseilles, Aix, Chambéry, Grenoble,
Avignon, Valence, Coutances, Cap et Séez
NOUVELLE EDITION
3e MILLE
1 fort Tolnnie in-13. Prix $1.00
LETTRE-PRÉFACE
DE MONSEIGNEUR l'ÉVÊQUE DË MONTPELLIER.
Le 4 septembre 1891,
à Cabrières, par Bezonce (Gard)
Monseigneur,
Je viens de lire, avec le plus vif intérêt, votre nouveau travail,
consacré à retracer la noble et féconde carrière de M. l'abbé
Combalot, ainsi que les diverses phases de VAction catholique de
1820 à 1870.
Vous avez vraiment le don de rendre votre récit vivant ; et,
grâce à cet attrait, augmenté encore par l'importance des souvenirs
que vous rappelez, il n'est pas facile de se détacher de vos livres,
une fois qu'on les a commencés. Celui-ci me parait meilleur encore
que ses frères aines. Il est plus riche de documents, il est dès lors
d'une exactitude historique encore plus irréprochable ; enfin, votre
héros, sans être l'égal du P. Lacordaire, de M. de Montalembert,
du malheureux Lamenais, me paraît supérieur à Mgr de Salinis
280 LE PROPAGATEUR
et à l'abbé Rohrbacher. Il a des pages d'une éloquence saisissante,
de véritables traits de génie, et surtout des accents de foi et de
piété qui émeuvent délicieusement le cœur, autant qu'ils charment
l'esprit.
Comme vous me le faisiez prévoir, en m'envoyant votre volume,
je me suis retrouvé là tout à fait en pays de connaissance. De
1851 à 1859, pendant que je tenais, — bien imparfaitement, hélas !
— au collège libre de l'Assomption, la place du R. P. d'Alzon,
obligé de prendre quelque repos, j'ai vu souvent et longtemps *' le
Père Gombalot", comme nous aimions à l'appeler. J'ai admiré
son zèle, son goût pour les fortes études théologiques, sa piété
ardente et naïve, sa dévotion filiale envers la Très-Sainte Vierge,
son amour de l'Eglise, son obéissance envers le Pape ! J'ai entendu
aussi quelques-unes de ses apostrophes violentes contre les enne
mis de Dieu. Il m'a parlé, avec une admiration touchante, de cette
œuvre de l'Assomption, suscitée par lui, et dont les événements
l'avaient séparé, sans l'en détacher. Je savais aussi combien il
avait aimé la famille d'Alzon et les beaux ombrages de Lavagnac,
sous lesquels vous le représentez, étudiant ou préparant ses
sermons. Même, j'étais allé le revoir à l'Évèché de Montpellier, ne
pouvant soupçonner alors les destinées qui m'appelleraient, un
jour, à succéder à Mgr Thibaut. Je vous remercie d'avoir rapporté
plusieurs paroles et plusieurs faits, qui font grand honneur à mon
prédécesseur. Que Mgr Thibault eût été plus heureux, avec sa
riche nature, sa foi sincère et ses nombreuses qualités, si M.
Gombalot eut été toujours son commensal et son confident !
Peut-être voudriez vou:^, Monseigneur, que je signale moi-même
à vos lecteurs les rapprochements qu'il y aurait à faire entre notre
époque et celle où s'est épanouie la vie si apostolique et si méri-
toire de M. Gombalot? Mais pourquoi ne pas leur laisser le plaisir
de les faire eux-mêmes ? Et qui sait d'ailleurs si mes appréciations,
mes opinions, mes conclusions seraient celles qui conviendraient
au plus grrind nombre de ceux à qui votre livre peut être utile?
On parlf aujourd'hui du besoin que l'on a d'hommes nouveaux;
et je serai bientôt, si je n'y suis déjà, parmi les hommes anciens.
Mes idées sont plus vieilles que moi, et je leur demeure fidèle par
conviction plus encore que par honneur.
Que les catholiques militants prennent donc pu mains votre
livre : ils y trouveront à s'instruire et à s'édifier. Ils verront quels
sacrifices on doit faire à ses croyances, et combien il importe d'uni»-
à la venu la dignité et la fermeté du caractère. Ils verront aussi
que toutes les époques ont leurs dilhcultés et leurs tristesses, et
qu'il faut savoir gré aux hommes, après qu'ils se sont trompés,
d'avoir eu le courage de le reconnaître.
Votre livre, Monseigneur, est donc un livre utile, par lui-même
et par les réflexions dont il jettera la semence.
Agréez, s'il vous plaît, mes respectueux et dévoués hommages.
j Fr. Marie-Anatole de Gabrières,
ÉvÈQUE DE Montpellier
LE PROPAGATEUR 281
LETTRE DE Mgr GOUTHE-SOULARD
ARCHEVÊQUE d'aIX, ARLES ET EMBRUN.
Aix, le 25 octobre I89L
Cher seigneur et digne ami,
Malgré mes nombreuses occupations de ces jours-ci, j'ai continué
la lecture de votre Vie de l'abbé Combalot.
J'en étais à son emprisonnement à Sainte-Pélagie, quand j'ai
reçu la citation à comparaître le 24 novembre devant la Cour
d'Appel de Paris, siégeant correctionnellement. Un ami qui étaiC
présent s'écria : Ah! si cette page était prophétique !...
Vous êtes un vrai charmeur. Quand on a pris vos livres, on ne
veut plus les quitter ; la dernière page arrive trop ^tôt. On les
retient, parce qu'on les lit avec plaisir. Les récits s'enchaînent
sans effort et sans peine, et vont droit leur chemin.
Vous montrez M. Combalot tel qu'il est : grand talent, vaillant
courage, prédicateur infatigable, noble cœur et, pardessus tout,
prêtre dévoué à Dieu, à l'Église et à son pays, vous le faites
connaître.
Le clergé vous en sera reconnaissant, et vous le témoignera en
le lisant et surtout en l'imitant.
Recevez, bien cher Seigneur et ami dévoué, la nouvelle assu-
rance de mes sentiments affectueux en N.-S.
-{- Xavier, Archevêque d'Aix.
LETTRE DE Mgr FAVA
ÉVÊQUE DE GRENOBLE.
Evin-Malmaisoa, le 15 septembre 1891.
Cher seigneur et ami^
Je viens d'achever la lecture de votre ouvrage : La Vie de l'abbé
Combalot. Il arrive à son heure, et nul mieux que votre héros ne
saurait servir de guide aux catholiques militants de nos jours.
La France se meurt, ainsi que l'Europe tout entière, faute de
principes chrétiens, par cette raison que notre société, devenue
rationaliste avec le Libre-Examen protestant, répudie l'Église Catho
lique, seule capable d'enseigner avec autorité le christianisme. Or.
l'abbé Combalot est le grand apôtre de Jésus-Christ dans les temps
modernes. Jésus, Marie, le Pape, l'Église, cesquatres noms jaillis-
saient de ses lèvres et de son cœur brûlant d'amour, avec des
accents vainqueurs. D'autres, sans doute, brillèrent plus que lui :
comme orateurs, personne ne fut apôtre comme lui ; il était,
comme Etienne, rempli de l'esprit de Dieu.
18
282 LE PROPAGATEUR
Gomme vous le dites, cher Seigneur, il était né au pays des
Alpes, où planent les aigles dont il respirait l'air, de parents chré-
tiens, en un foyer embaumé de foi et d'amour de Dieu, où quatorze
enfants composèrent la couronne du père et de la mère. Amené
par une de ses tantes à Saint-Antoine, il y grandit à l'ombre de la
basilique abbatiale, merveille du Dauphiné, de sorte que sa jeune
âme s'éveilla au sein de tous les spectacles qui pouvaient la former
et la grandir. Il garda toute sa vie quelque chose de l'âpreté de
ces solitudes et de ces monts où s'écoulèrent ses premières années.
Du petit séminaire de la Côte-Saint-André, il passa au grand
séminaire de Grenoble, y devint pi-être et professeur. Il en sortit
pour entrer au noviciat des Jésuites, qui ont discipliné ce tempé-
rament de feu sans en éteindre la flamme. Sa vocation n'était point
là: comme un condor, avez-vous dit parfaitement, il lui fallait les
tempêtes. Il portait en lui, corps et âme, tout ce qu'il fallait pour
les affronter hardiment, et sa voix puissante dominait les foules.
L'abbé Gombalot avait déjà subi à distance l'influence de Lamen-
nais, alors qu'il professait au séminaire : il se rendit à laChesnaie.
Cher Seigneur, vous avez montré votre héros fasciné un instant
par cet homme, dont Frayssinous disait : " Il possède un genre
d'éloquence qui réveillerait un mort. " Mais il sut l'abandonner,
quand il aperçut l'erreur. Là cependant, il s'était lié avec l'élite
des esprits d'alors.
En 1828, l'abbé Gombalot prêche le carême à la cathédrale de
Grenoble. "Ce fut un long triomphe de parole, d'afHuence et de
retours à Dieu. Il n'avait que trente et un ans..." En 1830,11
paraissait dans la chaire des Tuileries, portant la parole devant
Charles X, avec la sainte indépendance d'un prêtre de Jésus-Christ.
Il parcourait la France, parlant en tous lieux, avec la foi et la
charité d'un envoyé de Dieu, multipliant sous ses pas plus encore
les conversions que les ovations. Le gouvernement de Louis
Philippe eut peur de sa grande parole et le fit surveiller, ainsi que
ses nombreux amis dont était Louis Veuillot. C'est assez dire que
l'abbé Gombalot se montrait franchement ultramontain.
Tous les détails que vous donnez ensuite, cher Seigneur, sur les
rapports de l'abbé avec Mgr Afî"re, sont du plus haut intérêt. Votre
chapitre vie, intitulé : Le Missionnaire^ révèle à tous le secret des
triomphes oratoires de l'apôtre et les conversions que Dieu opéra
par lui; votre chapitre vu» dit la bonté paternelle de Grégoire
XVI à son égard, dans un voyage à Rome, dont le récit est rempli
de détails fort instructifs; votre chapitre vine, intitulé : Contre le
monopole universitaire^ décrit le combat fameux qu'il soutint avec
Montalembert pour la liberté d'enseignement. Là se trouve ce
mot terrihle tombé de la bouche de Louis-Philippe, disant à l'abbé
Gombalot: "Vous avec raison, monsieur, l'Université nous
conduit à l'anthropophagie." Il faut lire ces pages brûlantes, pour
savoir à quelle hauteur s'élevait dans l'héroïsme l'apôtre de Jésus-
Christ et le prêtre sauveur des âmes. Gela sent la poudre, et il
fallut, dites-vous, que Montalembert et Louis Veuillot modérassent
les coups du terrible combattant. N'importe 1 un mémoire q.u'il
LE PROPAGATEUR 283
publia lui attira un procès, et lui valut 4,000 francs d'amende et
quinze jours de prison ; mais aussi un double triomphe de
parole: celui de M. Henry de Riancey et le sien propre. Qui voudra
contempler l'Aigle des Alpes enchaîné à Sainte-Pélagie n'aura
qu'à lire votre chapitre xe.Le xi^,la fin d'un règne^vienl naturellement
après les persécutions suscitées à l'Eglise, à ses ministres. C'est
dans les pages du xn^ que l'abbé Gombalot sonne la marche en
avant et fait appel à l'épiscopat français contre le socialisme et en
faveur d'une vraie liberté d'enseignement.
"Ces appels, dites-vous, partaient d'un cœur dévoré du zèle de
la maison de Dieu." C'était le même sentiment qui lui dictait ces
mots: "Le clergé catholique a reçu de N.-S. Jésus-Christ le
*' pouvoir d'intervenir dans les affaires séculières, dans les choses
'• de la politique, et il ne peut ni ne doit demeurer étranger aux
" erreurs, aux systèmes et aux passions qui divisent et troublent
" le monde social et politique." Mgr Pie n'acceptait pas que "les
prêtres dussent s'éloigner du théâtre où se joue, pour le maUieur
des nations, la terrible tragédie de leurs destinées. " L'abbé Gom-
balot reprend cette idée et la fait sienne, en la revêtant de sa
forme imagée. "Je dis à mon tour, écrit-ii, que les nations mo-
" dernes ont à choisir entre le catholicisme et l'état sauvage. " Il
faut lire ces pages vibrantes de foi et d'amour : amour de Dieu,
amour de la patrie. Cependant l'ardeur dn combat entraîne si loin
le grand lutteur, que Louis Veuillot lui-même crut devoir l'avertir,
Il s'arrêta, mais en écrivit au Pape.
Toutes ces choses, cher Seigneur, sont dites avec la clarté et la
sûreté que l'on exige de l'histoire sage et sans faiblesse pojr un
héros.
Votre chapitre xiv- : Sous r Empire, est fort instructif aussi. Le
xve dit son immense amour par Marie. Le xvi", Pro Deo el Ecclesia
nous montre Napoléon III irrité des sermons deCombalot et Mgr
Darboy interdisante l'apôtre les prédications à Paris... Pie IX
l'encourage. Votre chapitre xvni^ montre votre infatigable héros
prêchant le carême à Rome, sur les désirs du Souverain Pontife,
pendant le Concile. La fin de l'Empire est le titre et le sujet du
xviije chapitre. Viennent ensuite la Rentrée à Paris et La fin de
Vapôtre.
Nous avons lu, cher Seigneur, votre livre tout entier, avec
intérêt, grande édification, parfois avec ravissement. Il no as a
révélé l'apôtre des temps modernes, nouveau Brydaine ; et tous
ceux qui vous liront se plairont, je p^nse comme moi, à vous
remercier de votre savant et consciencieux labeur.
Vous avez dit, quand il l'a fallu, les ardeurs excessives de votre
cher abbé Combalot, que vous aimez à juste titre et que savez
faire aimer. Il le mérite, parce que lui-même a su s'oublier poui^
Dieu et pour les âmes.
Merci donc et tout Vôtre en N.-S.
\ Amand-Joseph, Évêque de Grenoble^
I
DE LA RICHESSE
DANS LES
SOCIETES CHRETIENNES
Par 3Ï. Charles Périii
Correspondant de l'Institut de France
TROISIÈME ÉDITION, REVUE ET CORRIGÉE
3 vol in-12 Pnx$2.63
li'article qni snit est extrait de ce livre.
I. De toutes les passions de notre temps, la passion des richesses
est peut-être la plus impérieuse et la plus générale. En elle se
résument tous les mauvais instincts, toutes les aspirations désor-
données et coupables qui, depuis un siècle, inquiètent, ébranlent,
abaissent nos sociétés. Des causes politiques et des causes sociales
ont concouru à lui donner naissance et l'ont sans cesse entretenue
et développée. Tandis qu'un sentiment démocratique mal entendu
travaillait à effacer toutes les grandeurs, au milieu du nivellement
général, une seule supériorité résistait à tous les efforts, à raison
de son caractère matériel et essentiellement positif, la supériorité
des richesses. Impuissant à détrôner la richesse, l'orgueil démo-
cratique prétend s'y élever, et de là cette âpre poursuite de la
fortune à laquelle se livrent les vanités aristocratiques, toujours
vivantes même au sein de ladém.ocratie la plus exclusive. Chacun
aujourd'hui veut être riche, parce que la richesse est la seule
distinction incontestée et la seule influence toujours obéie dans
nos sociétés égalitaires.
Mais, outre cette raison politique, il y a des raisons plus pro-
fondes, lesquelles tiennent à la maladie aui travaille les âmes
depuis un siècle.
L'homme s'est séparé de Dieu. Rejetant toute autre loi que la
loi de sa raison, proclamant la souveraineté de la nature, c'est-à-
dire sa souveraineté à lui-même qui est le roi de la nature, il a,
par une conséquence inévitable, abjuré tout principe de sacrifice
et pris pour règle la légitimité de toutes ses convoitises. Déchu de
la vie -spirituelle, dans laquelle l'union avec Dieu complaît ses
aspirations les plus hautes, force lui a été de chercher dans le
monde des sens une satisfaction à ses instincts innés de grandeur
et de progrès. Mais, en mettant sa grandeur dans l'ordre matériel
il abdiquait, avec la dignité de sa destinée, le principe même de
sa souveraineté. Alors qu'il croyait être à lui-même son seul
maître, il n'était plus qu'un esclave, et le naturalisme, au lieu de
l'affranchissement qu'il lui promettait, ne lui avait donné que la
plus abjecte des servitudes : la servitude des appétits de la matière.
LE PROPAGATEUR 285
II. Ce n'est pas la première fois que la passion des richesses
apparaît dans le monde avec le caractère d'un fait général et d'un
péril sérieux. D'ordinaire, aux périodes de grande énergie morale
et de grande expansion intellectuelle succèdent des périodes
d'amollissement et de corruption, dans lesquelles les richesses,
fruits des conquêtes accomplies dans l'ordre moral, font oublier à
l'homme les véritables conditions de son perfectionnement, et le
précipitent vers la décadence, par l'effet même de ses progrès et
par l'abus qu'il fait des forces dont ses progrès l'ont pourvu. Les
sociétés modernes ont eu plus d'une fois à lutter contre des difQ-
cultés de ce genre et, grâce à la vigueur du principe chrétien,
elles les ont surmontées. La passion des richesses a de nos jours
des caractères plus graves : elle se présente avec la force d'un
principe et d'une doctrine. N'a-t-on pas tenté de faire de la passion
du bien-être le mobile dernier de l'activité humaine, et ne s'est-il
pas trouvé des écrivains pour fonder sur ce principe la théorie du
progrès, et pour en déduire tout le systèm.e des relations sociales?
La richesse a parmi nous ses sectateurs, souvent fanatiques; elle
a même ses adorateurs, Ies|uelsont formulé les règles de son
culte et tracé le plan de ses temples. Qu'est-ce que le phalanstère,
sinon le sanctuaire où doit être pratiquée la religion du bien-être,
avec ses dernières et rigoureuses conséquences ?
En s'emparant des cœurs, la passion des richesses en bannit
toute énergie et toute générosité ; elle les rend indifférents à tous
les grands intérêts de l'humanité; l'utile prend la place du noble
et du juste ; les bissesses, les déloyautés, les iniquités, sont froide-
ment acceptées, pourvu qu'elles conduisent au succès. On ne se
sent plus la force de prendre parti pour le droit contre da spolia-
tion, et s'il faut, pour la défense du droit, risquer quelque chose
de son repos, de son bien-être, on le laissera tranquillement
immoler. Non seulement, on ne sait plus se sacrifier pour la
justice, mais on ne sait plus même s'indigner contre ceux qui la
violent ; elles sont rares aujourd'hui, ces âmes fortement trempées
dans la vertu chez lesquelles l'amour passionné de la vérité et de
la justice suscite de généreuses protestations contre l'abaissement
et la lâcheté de la foule.
Les idées s'avilisent avec les sentiments; l'idéal fait place au
réalisme; tout, dans la politique comme dans les lettres, comme
dans les arts, offre le caractère de la spéculation. La société, prise
en masse, n'a plus qu'une pensée et qu'une affection : le repos dans
le bien-être.
Une modération étudiée et pleine d'orgueil est un des traits
caractéristiques des sociétés livrées à ce culte de la richesse. On
affecte de voir en toutes choses le sérieux et le solide, et l'on fait
profession de tout soumettre aux calculs d'une rigoureuse sagesse.
On se montre trè« fier de ce prétendu triomphe de la raison,
toujours maîtresse d'elle-même et attentive à écarter de la vie tout
ce qui peut en troubler la quiétude. On ne voit pas que cette
réserve et ce soin de garder en tout une froide mesure ne sont
autre chose que mollesse et impuissance. C'est bien là "cette
286 LE PROPAGATEUR
sollicitude du siècle et cette tromperie des richesses qui étouffent
la sagesse " et qui conduisent, par le chemin des faciles prospé-
rités, à la plus profonde et à la plus incurable nullité.
Dans une société qui fait du bien être sa principale affaire, toute
sollicitude sérieuse pour l'avenir disparaît, en même temps que
tout respect véritable pour le passé. Qu'importe au matérialiste
ce qui n'est plus ou ce qui n'est pas encore ? Peut-il avoir d'autre
préoccupation que les jouissances du moment présent, les seules
dont il soit assuré et les seules qui le touchent ? La tradition n'est
pour lui que le souvenir importun de principes et de mœurs qui
le condamnent; l'avenir, qu'un fantôme, propre seulement à altérer
la sérénité de ses joies égoïstes. De là le radicalisme et de là aussi
l'individualisme, ces maladies mortelles du corps social, qui ne
sont en réalité que les symptômes divers d'un même mal : l'oubli '
des choses de l'âme pour les choses des sens.
IIL Quand les hommes vievront ainsi dédaigneux du passé et
insouciants de l'avenir, ils vivront aussi, dans le présent, dédai-
gneux et insouciants les uns des autres. Chacun chez soi, chacun
pour soi, telle sera la règle de leurs mœurs. Et, avec de telles
mœurs, on les verra flotter dans un malaise et une mobilité per-
pétuels, impuissants à rien édifier et à rien faire durer, parce que
la solidarité et l'association sont les lois de l'existence et du
progrès de l'humanité, et que ce n'est qu'en nous appuyant les uns
les autres, par l'affection mutuelle et le sacrifice réciproque, qu'il
nous est donné d'élever et d'affermir notre vie. Tout reposera sur
le tien et le mien ; la stricte justice sera seule invoquée pour
régler les rapports des hommes. La charité, qui implique le
sacrifice et l'humilité, sera déclarée superflue et repoussée comme
incompatible avec la dignité humaine. La sécheresse orgueilleuse
et l'indifférence hautaine formeront le caractère dominant des
relations sociales. Mais alors que seront devenues la liberté,
l'égalité, la fraternité, qu'invoquent sans cesse les docteurs du
matérialisme ? Elles auront péri sous le niveau du communisme,
ou bien elles resteront écrasées sous la plus dure et la plus inso-
lente de toutes les dominations, sous la domination des enrichis.
Et la richesse, cette idole à laquelle on aura sacrifié tous les vrais
biens et toutes les hautes aspirations de la vie humaine, que
deviendra-t-elle ? Elle ira s'atnoindrissant et se consumant au
milieu de l'impuissance universelle. Gomnient, en effet, pourrait-
croître et se conserver, dans un monde où toutes les lois naturelles
de l'activité humaine seraient méconnues? Si elle résiste, ce ne
sera que pour un temps, dans les mains de quelques privilégiés,
assez forts pour asseoir leur prospérité sur l'exploitation des masses
et sur la misère universelle.
Ces prévisions et ces appréhensions s'imposent irrésistiblement
aujourd'hui à tout homme qui réfléchit. Le problème apparaît
chaque jour plus nettement dans les faits, et il est impossible, si
peu qu'on étende ses regards au delà du moment présent, de ne
pas comprendre la nécessité de lui donner une solution.
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A 1. B Y
JURISPRUDENCE
Cour Supérieure, Montréal.
R de Ghirée,
Demandeur
vs.
M. A. Hayes,
Défendeur
(Mathieu, juge.)
Bail — Annulation — Dommages.
JDGÉ. — Que, si au temps fixé par le bail, le locateur ne met pas
le locataire en possession des lieux loués, ce retard est une cause
d'annulation du bail et donne lieu à des dommages en faveur du
locataire.
Faits — Par le bail d'une maison en construction, le défendeur
s'était obligé envers le demandeur à terminer les travaux et à livrer
cette maison le premier de mai. Elle devait alors être prête pour
occupation. Les travaux n'étant pas alors terminés, le demandeur
intenta une action en résiliation du bail et il réclama des domma-
ges qui furent fixés par la cour à la somme de trente huit piastres. (1)
CAUSE CÉLÈBRE (2)
La compagnie de publication du Canada-Revue, demanderesse.
vs
Mgr Edouard Charles Fabre, archevêque de Montréal, défendeur.
Dans cette cause la demanderesse a fait deux motions en réponse
au plaidoyer du défendeur
Par la première motion, elle demande des déclarations plus ex-
phcites. Par la seconde motion, elle demande que le défendeur soit
forcé d'adopter un seul moyen de défense, les deux moyens qu'il
invoque étant incompatibles.
Ces deux motions ont été rejetées par le jugement suivant (Gill,
juge) en date du 16 juin.
1ère motion — AUendu que la motion de la demanderesse est à l'effet de forcer
le défendeur à déclarer plus explicitement i^elles sont les circonstances qu'il
invoque dans son plaidoyer comme lui ayant permis d'agir comme il l'a fait :
(1) 1 1 y a quelques jours, Re La Compagnie Générale des Bazars, vs La succes-
sion F. X. Beaudry. Dans une action en dommages, fondée sur le retard apporté
à la mise en possession des magasins loués, le Juge Doherty a accordé à la
demanderesse des dommages au montant de $1493.00 La demanderesse récla-
mait simplement des dommages et non l'annulation de son bail.
|2) Voir le dernier numéro, page 256.
288 LE PROPAGATEUR
Considérant qu'en lisant le dit plaidoyer en rapport avec la déclaration, il est
clair que ces circonstances ne peuvent être que celles auxquelles réfère la circu-
Jyire incriminée, reproduite en entier dans la déclaration, et que cette allégation
du plaidoyer indique suffisamment à la demanderesse quels peuvent être les faits
que le défendeur offrira en preuve au soutien de sa défense ;
Rejette la dite motion avec dépens.
2ème motion — Attendu que la motion de la demanderesse est à l'elîet de
forcer le défendeur à opter entre deux moyens de défense contenus dans un
même plaidoyer, parce que ces dits moyens seraient incompatibles.
Attendu que ces dits moyens prétendus incompatibles seraient dans l'alléga-
tion du défendeur que le fait qu'on lui reproche comme dommageable à la
demanderesse n'est que l'accomplissement de son devoir comme évêque, qu'il a
agi en cela avec modération et ^ans malice, et qu'en matière de discipline l'église
catholique ne relève pas des tribunaux civils.
Considérant que ces énoncés auxquels se réduisent les allégations visées par
la motion n'ont rien d'incompatible entre eux comme moyens de défense.
Rejette la dite motion avtc dépens.
ERREUR JUDICIAIRE
Les journaux publient l'article suivant à la date du 19 juin.
CONDAMNÉ
POUR LE MEURTRE d'uN HOMME VIVANT
Une dépèche de Galveston (Texas) annonce qu'il vient de se produire une
erreur judiciaire sans précédent dans cet Eiat et qui embarrasse, parait-il, beau-
coup la justice.
Après un procès qui causa une certaine sensation dans la région, un individu
du nom de Peter Meggs, convaincu, sur de simples présomptions, devant la cour
du comté de Grimes, à Anderson, d'avoir assassiné un nommé Michael Ferry qui
avait myslérjeusement disparu, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité, et
envoyé au pénitencier de l'Etat, à Hunlsville, pour y subir sa peine. Pendant
ce temps, Ferry se livrait à tout'^s sortes de méfaits dans une autre partie de
l'Etat, et, flnalemenl, sétant fait condamner à quelques années de travaux, il a
été envoyé dans le même pénitencier oii était Meggs, son prétendu assassin.
Meggs et Ferry se sont reconnus aussitôt. Mais ce dernier ne pouvant témoi-
gner en jnsiice à cause de sa condamnation, Meggs n'a pas encore pu se faire
libérer, bien qu'aucun doute ne soit possible sur l'identité de Ferry. Le cas ne
setant jamais présenté au Texas, les magistrats de cet Etat ne savent que faire.
L'affaire cependant a été portée par des avocats de Galveston devant le gouver-
neur de l'Etat, M. Hogg, qui, pour réparer l'erreur judiciaire dont Meggs a été
la victime, le graciera probablement dans le plus bref délai possible.
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LE COUCHER DU SOLEIL
A MES ENFANTS FRÉDÉRIC ET ROSE CHOCHOD-LAVERGNE
C'était en novembre 1709, pendant cette désastreuse campagne
de Flandre où Lille dùl capituler, malgré l'héroïque défense du
maréchal de Boufilers. Les rigueurs de l'hiver commençaient à
se faire sentir, et menaçaient de nouveaux malheurs la France
épuisée par la triple guerre qu'elle soutenait en Espagne, en Italie
et en Flandre. La misère était grande dans tout le royaume, et
de nouvelles infortunes venaient chaque jour accabler Louis XIV.
— Il les subissait avec une admirable fermeté, et rien n'était plus
grand que ce vieux monarque contre lequel touie l'Europe se li-
guait, et qui restait inébranlable au milieu de cette tempête furi-
euse où sombraient sa gloire et son bonheur passé.
Une seule personne, peut-être, connaissait les douleurs intimes
•du Roi : Madame de Maintenon seule osait lui en parler quelque-
fois.— Avec cette amie profondément dévouée, avec cette épouse
au cœur viril, Louis XIV redevenait homme, et se départait de
cette impassible majesté qui semblait faire de lui un être supérieur
à l'humanité.
Mais cette confiance était chèrement achetée ; et si Madame de
Maintenon eût laissé voir ce qu'elle éprouvait elle-même, si elle
€ût cessé un instant de commander impérieusement à son propre
coeur et de cacher ses souffrances physiques et morales, Louis XIV
ne l'eût plus jugée digne de lui servir d'appui.
Aussi la contrainte où elle vivait était-elle la plus grande et la
plus pénible du monde, et ne trouvait-elle de repos et de soulage-
ment qu'à Saint-Cyr. Là, au milieu dts enfants et des jeunes
filles, entourée des dames de Saint-Louis, qu'elle se plaisait à
diriger, cette reine sans couronne aurait pu oublier parfois les
malheurs de la France, sans l'appréhension continuelle où elle
était d'apprendre la mort de quelque gentilhomme, père ou frère
d'une demoiselle de Saint Cyr. Et il ne se passait pas de semaine
où elle n'eût la mission d'annoncer de funestes nouvelles et d'es-
suyer les larmes de quelques pauvres jeunes filles.
Ce jour-là, 25 novembre 1709, elle avait dû apprendre aux de-
moiselles d'Aubig y la mort de leur père tué au siège de Lille ;
et les trois pauvres orphelines, dont l'aînée n'avait pas seize ans,
pleuraient l'une dans ses bras, les autres à ses genoux, quand
Mme de Glapion entra et remit à Madame de Maintenon uu billet
du Roi.
•'J'ai changé de résolution pour majournée," écrivait LouisXIV :
"Je n'irai point à Saint-Germain. Après la chasse, je me rendrai
à la porte de Saint-Cyr du côté du parc, et j'y ferai traîner mon
^rand carrosse. Nous nous promènerons ensemble dans le pjarc,
et nous n'irons point à Tnanon. "
Mme de Glapion, en donnant le billet à Madame de Maintenon,
lui dit :
290 LE PROPAGATEUR
— Le piqueiir qui a apporté la lettre de Sa Majesté, Madame,
m'a priée de vous dire qu'il aurait dû vous la remettre il y a une
heure, mais son cheval s'est déferré en chemin. Il m'a avertie que
le carrosse du Roi sera à la grille dans dix minutes.
Madame de Maintenon mit à la hâte une mante fourrée sur sa
robe de damas feuille morte, se lava les yeux, et appliqua un peu
de rouge sur ses joues pâles.
— Voit-on que j'ai pleuré ? dit-elle à la petite d'Aubigny.
— Oh ! non, Madame, dit l'enfant, yous êtes bien belle encore.
Le Eoi sait-il que mon papa est mort ?
— Hélas! oui, ma mignonne. Il aura soin de vous et de vos
sœurs. Ayez bon courage, mes pauvres enfants. Pleurez, c'est
votre droit. Pour moi, je dois toujours sourire ; et pourtant, Dieu
le sait, j'ai la mort dans l'âme.
Elle prit ses gants, son manchon, et, suivie de quelques dames,
elle traversa la cour Verte et les jardins aussi rapidement que le
lui permettaient ses soixante-quatorze ans.
Le Eoi et sa suite arrivèrent en même temps qu'elle à la grille
du jardin, du côté de Gallie. — Louis XIV descendit de cheval, et
salua Madame de Maintenon avec cette politesse majestueuse qui
donnait un prix sans égal à ses moindres gracieusetés. Son grand
carrosse était près de là, attelé de six chevaux blancs.
— Vous plairait-il marcher un peu. Madame ? dit-il : le temps
est admirable. Si vous le voulez bien, le carrosse ira nous atten-
dre à la grille royale.
— Assurément, dit Madame de Maintenon, cela me fera grand
plaisir.
Et, d'un signe congédiant sa suite, le Roi offrit la main à
Madame de Maintenon et s'achemina dans la direction de la grille
royale, suivi à vingt pas par un officier aux gardes, M. de Fontenay,
dont la consigne était de ne pas perdre le Roi de vue.
Madame de Maintenon se mit à parler de la beauté de la soirée,
d'un nouveau chant que l'on étudiait à Saint-Gyr, et de quelques
autres choses indifférentes ; mais le Roi paraissait préoccupé, et
plus inamusable que jamais. 11 ne répondait que par monosyllabes,
et, malgré tout son esprit, Madame de Maintenon ne savait plus
que dire. Elle s'efforçait de marcher d'un pas égal à celui du
Roi, mais la tâche était difficile : Louis XIV, doué d'une activité
peu commune, marchait comme un jeune homme, et son pas
agile et ferme eût lassé de plus solides piétons que Madame de
Maintenon, chaussée d'ailleurs de mules de velours à semelles
fort minces. Préoccupé, le Roi pressait de plus en plus le pas,
— Est-il vrai, Madame, que ce matin, sur la route de Saint-Cyr,
on a jeté dans votre carrosse le cadavre d'un enfant mort de faim ?
— Non, Sire : il n'était qu'évanoui. De prompts secours l'on
ranimé. C'est une heureuse aventure pour lui, car je le garderait
et je le ferai bien élever.
Mais le souvenir de l'horrible impression qu'elle avait recsentie
LE PROPAGATEUR 291
le matin en voyant tomber dans son carrossse le petit malheureux
qui semblait mort, fit tressaillir et chanceler Madame de Maintenon.
Elle pâlit sous son rouge et faillit s'évanouir.
Qu'avez-vous ? dit le Eoi. Je vous ai fait marcher trop vite,
n'est-ce-pas ? Asseyez-vous là.
Et, la soutenant, il la fit asseoir sur les marches d'une croix de
pierre qui s'élevait au détour du chemin et que l'on appelait la
croix de Gallie.
— Voulez-vous que j'appelle quelqu'un ? dit le Roi inquiet.
Madame de Maintenon lui fit signe que non, et, tirant de sa
poche un flacon, elle le respira, s'essuya le front, et reprit peu à
peu son calme apparent.
— Ce n'est rien, dit-elle ; mais Votre Majesté a des jambes de
quinze ans, et j'ai perdu les miennes. Marchons : il fait trop froid
pour s'arrêter longtemps.
— Non, reposez-vous encore un peu. Je ne suis pas pressé.
Et il s'assit près d'elle au pied de la croix.
Le soleil, près de se coucher, était environné de nuages, et un
silence profond régnait dans la campagne. — On entendit des voix
qui s'approchaient, et bientôt un groupe de trois personnes qui
venait de la ferme de Gallie, et que la haie avait cachée jusque-là,
parut devant le Roi. Les trois nouveaux venus le reconnurent,
et s'arrêtèrent, fort intimidés, n'osant ni avancer ni reculer.
L'un d'eux était un grand jeune homme, portant l'uniforme du
régiment d'Artois, et dont la tête était entouré d'un bandeau ; les
autres, deux belles filles, dont l'une ressemblait parfaitement au
jeune soldat.
— Approchez, enfants, dit le Eoi. Est-ce que je vous fais peur ?
Où allez-vous ?
— A celte croix que voilà, Sire, dit le jeune homme. C'est ici
que je dois dire adieu à ma sœur et à Rose. Nos parents leur ont
permis de m'y accompagner. Puis j'irai de là à Saint-Cyr, où mon
capitaine m'attend, et demain matin nous partirons pour rejoindre
notre régiment, qui est en Espagne.
— Vous étiez en congé ? vous avez été blessé ?
— Oui, Sire, à la bataille d'Oudenarde, le 11 juillet. Je suis
venu me guérir chez mes parents, et mon congé est fini.
— Est-il bien guéri ? — demanda le Roi à la sœur du soldat.
— Oh 1 non. Sire ! dit-elle : sa blessure est à peine fermée, et,
s'il était comme bien d'autres, il demanderait une prolongation
de congé. Mais Denys veut aller se battre, et mon père qui est
ancien militaire, dit tout comme lui.
— Il a raison, dit le Roi. Tenez, mon brave, voilà pour vos frais
de campagne.
Et il lui donna quelques louis.
— Sire, dit Madame de Maintenon, ce pauvre enfant n est pas
en état de partir. N'y a-t-il pas eu assez de jeunes gens moisson-
nés ? — HéJas donnez-moi celui ci I Je vois aans les yeux de Rose
qu'elle n'en serait point fâchée.
292 LE PROPAGATEUR
— Gomme il vous plaira, Madame. Je ferai donner à Denys un
■congé définitif pour l'amour de vous.
— Hé bien ? s'écria Madame de Maintenon, vous ne répondez
pas, Denys ?
— Madame, dit le jeune homme, ma sœur se trompe. Je suis
guéri, je puis me battre. La France est vaincue en ce moment :
il lui faut des soldats.
— Il y en a bien d'autres ! s'écria la sœur en pleurant : songe
à Rose, ta promise 1 N'as-tu pas, déjà donné ton sang ?
Et, l'enJaçant de ses bras, elle semblait vouloir l'enchaîner à
jamais.
Le pauvre Denys hésitait :
— Rose, dit-il, que feriez-vous à ma place ?
— Je pai-tirais 1 dit la jeune fille.
Et son visage devint blanc comme du marbre.
— Adieu, Rose ! priez pour moi. Adieu, et merci. Madame ! —
Adieu, Sire ! C'est pour la France I Vive le Roi !
Il paitit à grands pas, et, tant qu'on put l'apercevoir, il ne se
retourna point.
Les deux jeunes filles se prirent la main et s'en allèrent en
pleurant.
Louis XIV regarda Madame de Maintenon et lui dit :
— Voici une étrange fille, et qui n'aime guère son fiancé, je pense.
— Sire, vous vous trompez. Les seules véritables affections,
sont celles qui ne sacrifient jamais le devoir et l'honneur. Heureux
qui est aimé ainsi.
A peine ces mots lui eurent-ils échappé, qu'elle se troubla, crai-
gnant d'avoir offensé le Roi. Mais Louis XIV ne semblait pas
l'avoir entendue. Les yeux fixés sur l'occident, il regardait les
nuages qui s'avançaient en masses énormes et semblaient accourir
à l'envi pour anéantir la mourante splendeur du soleil couchant.
— Ainsi finit mon régne, dit Louis XIV, ainsi s'obscurcit l'éclat
de ma puissance, et les infortunes accablent le déclin de ma vie.
Que deviendra le royaume de France, que j'avais espéré rendre
si puissant et si glorieux ?
— Sire, dit Madame de Maintenon, après les ténèbres reviendra
la lumière : vons reverrez de meilleurs jours, et l'astre delà France
resplendira de nouveau.
Les nuages cachèrent tout à fait le soleil ; et, levant les yeux
plus haut, le Roi regarda l'azur profond du ciel. Un petit nuage
égaré s'y dessinait avec la netteté d'une camée. Sa forme se pré-
cisa peu à peu, et il prit l'aspect d'une tète couronnée.
Les yeux de Madame de Maintenon suivirent la direction de
-ceux du Roi, et un cri involontaire lui échappa. Dans ce profil
aérien elle avait reconnu, comme lui, les traits de la défunte
Reine, Marie-Thérèse d'Autriche.
De grosses larmes coulaient sur le visage de Louis XIV.
— Sire, dit Madame de Maintenon, la Reine est au ciel. — Soyez
aussi bon chrétien que vous êtes grand Roi.
— 0 mon Dieu ! dit le Roi, vous seul savez combien de pleurs
LE PROPAGATEUR
29a
je lui fis répandre ! — Ayez pitié de la France, que j'ai perdue
par mes péchés ; ne frappez que moi, épargnez mon peuple. Et
vous, douce Reine, qui avez su souffrir et mourir en silence^
Marie-Thérèse, priez pour moi !
: '^Un coup de vent divisa les uua2;es, dont les flocons légers se
dispersèrent dans l'espace.
Le Roi, raffermissant sa voix, appela Fontenay.
— Monsieur de Fontenaye, dit-il, veuillez faire avancer le
carrosse.
Et, quelques minutes après, Loviis XIV et Madame de Maintenon
rentraient au château de Versailles.
KOTES&fiENSEIGJS'EMKNTS BIBLIOGRAPHIQUES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ET
A COMPLÉTER LEUR BIBLIOTHÈQUE
Après les cours complets de Médita-
tions, nous avons annoncé les recueils
qui ne nous offrent des sujets d'oraison
que pour des circonstances spéciales,
ou sur une obligation ou une venu
déterminée ; nous avons donné la pre-
mière plaoo à ceux qui nous doivent
servir pour des retraites. Il est vrai
que les auteurs des recueils complets
ont indiqué, dans des plans de retraite,
quelles méditations on pourrait choisir
pour ces jours de grand recueillement.
Mais il est bon de s'aider de livres
spéciaux, de ceux surtout où l'on trouve
toutes les indications nécessaires, les
avis et les conseils sur la manière de
bien faire une retraite en même temps
que la matière des différents exercices
qui la doivent composer.
Nous signalons en premier lieu les
Exercices spirituels de saint Ignace.
Saint François de Sales a dit de ce
livre, " qu'il a fait plus de conversions
qu'il ne contient de lettres. " En faut-il
davantage pour le faire ^apprécier, et
pour donner une estime singulière du
texte même du saint auteur? L'Esprit
de Dieu qui guide les saints dans leurs
écrits comme dans leurs actions, atta-
che à leurs enseigaements une efQca-
cité spéciale et leur donne d'éclairer et
d'émouvoir plus vivement les âmes, et
de les convertir. C'est bien le texte des
Exercices spirituels, que le P. Jennes-
seaux nous présente, traduit sur le
texte espagnol ; les annotations du R.
P. Roothaan ainsi que son opuscule
sur sa manière de méditer aideront à
comprendre et à utiliser les conseils et
les enseignements de saint Ignace.
Disons quelque chose du livre môme
de ce grand saint. Il commence par
des " observations importantes pour
l'ialelligence parfaite des exercices
spirituels, et très utiles tant pour celui
qui les dirige que pour celui qui les
fait. " Elles nous font connaître ce
qu'on entend par exercices spirituels,
combien de parties ils comprennent,,
quelles dispositions on doit y apporter,
quels obstacles peuvent se rencontrer,
et comment on doit les surmonter.
Les exercices se divisent en quatre
parties, dont chacune est affectée à une
semaine particulière.
Le commencement et en même temps
le rendement de tous les exercices, est
la méditation sur la fin de l'homme.
De celte fin qui consiste à aimer Dieu
en ce monde pour le posséder ea
294
LE PROPAGATEUR
l'autre, résulte la nécessité de détruire
en nous le péché et d'en concevoir une
grande horreur par la considération de
sa grièveté et des châtiments dont
Dieu l'a puni ; ce qui est l'objet des
autres méditations de la première
semaine. Mais il est encore d'autres
moyens et d'autres pratiques qu'il faut
employer dans le même but, pendant
le cours des exercices, et qu'il est bon
d'indiquer dès le début : ce sont
entr'aulres, l'examen particulier, l'exa-
men général de conscience, la confes-
sion générale, et la communion. Saint
Ignace donne sur ces différents
actes quelques explications et conseils :
puis, avant de passer à la seconde
semaine, il ajoute une série d'avis très
utiles sur la manière de se comporter
dans le cours de la journée, surtout au
point de vue du recueillement et de la
pénitence.
Il ne suffit pas de détruire en nous
le péché, pour atteindre notre fin, il
nous faut aussi suivre Jésus-Christ tt
pratiquer les vertus qu'il nous a ensei-
gnées par son exemple et par sa
doctrine : c'est en cela que consiste le
règne de Jésus-Christ, sur lequel saint
Ignace nous fait méditer au début de la
seconde semaine ; par suite les autreg
méditations de celte seconde semaine ;
et même celks de la troisième, auront
pour objet les mystères de la vie du
Sauveur.
Celte imitation de Jésus-Christ est
une obligation commune à tous les
chrétiens ; mais Dieu appelle en outre
chacun de nous à un genre de vie
particulier qu'il importe de connaître
et de choisir sous la lumière et l'inspi-
ration de la divine bonté. Saint Ignace
nous prépare à cette élection par la
méditation sur les deux étendards, et
par celle des trois différentes classes
dans lesquelles il parait qu'on peut
répartir tous les hommes. Sous quel
étendard et dans quelle classe vou-
drons-nous nous ranger?
Il faudra aussi, avant de commencer
" la matière des élections, " considérer
les trois degrés de l'humilité et de la
conformité à la volonté de Dieu, et
bien se convaincre qu'on ne se doit
déterminer dans son choix que par le
pur motif d'arriver plus sùr-^ment à sa
fin.
Après être parfaitement entré dans
ces dispositions, l'on devra prendre
une connaissance exacte des choses
entre lesquelles il faut choisir et de%
trois temps propres à faire un bon
choix.
Saint Ignace, ayant posé et expliqué
tous ces préliminaires, donne deux
méthodes pour faire une bonne et sage
élection ; et il conclut la seconde
semaine en indiquant à ceux qui ont
déjà embrassé irrévocablement un état,
comment ils doivent néanmoins à l'aide
des mêmes exercices opérer une réfor-
me dans leur vie.
Ce sont les derniers jours de la vie du
Sauveur, depuis la cène jus-iu'à sa
mort, qui sont l'objet des méditations
de la troisième semaine : rien de plus
propre à nous déterminer aux efforts
que nécessite l'acquisition des vertus,
rien de plus capable de nous détacher
complètement et de nous faire mourir
à nous-même. C'est à cette semaine
que le saint auteur trace en détail les
règles de la tempérance, cette vertu
étant très utile et même indispensable
au complet renoncement, à la parfaite
abnégation.
La vue, la méditation de la gloire
que Jésus s'est acquise par ses souf-
frances et sa mort, devra nous remplir
d'une sainte joie, nous détacher de
plus en plus des créatures pour nous
attacher aux espérances que nous con-
firme Jésus résuscité, et notre âme
sera ainsi plus disposée à entrer dans
une amitié parfaite et une parfaite
LE PROPAGATEUR
295
tribulioa des aumônes, fait quelques
remarques importantes sur les scru-
pules qu-! le dètnon j Ute dans une âme,
et indique le.^ rt'^gles qu'il faut observer
pour être toujours d'accord avec
l'Eglise catholique.
Tel est ce livre des Exercices spiri-
tuels ; ce qu'en a dit saint François de
Saies, et l'estime en laquelle l'Eglise
l'a toujours eu, nous obligeait à le
faire connaître tel qu'il est sorti des
mains de son saint auteur. Nous trou-
verons dans les ouvrages que nous
allons examiner le même fond de véri-
tés et de conseils, avec quelques déve-
loppements en plus, avec des indica-
tions plus nombreuses et présentées
dans un ordre plus méthodique ; mais
ils n'auront sans doute jamais droit à
l'éloge que le saint évoque de Genève
a fait du travail du saint fondateur de
la Compagnie de Jésus.
C union avec Dieu, qui est la vraie sain-
teté et le but de notre vie ici-bas. Les
mystères de la vie glorieuse du Sauveur
et l'amour de Dieu, voilà donc l'objet
des méditations de la qualrième se-
maine.
La plupart de ces méditations sur
les mystères de la vie de Notre-
Seigneur Jésus-Christ ont'été renvoyée*
à l>i fin des exercices spirituels.
Saint Ignace, sur la fin de son ou-
vrage, explique trois manières de prier,
et donne deux séries de règles pour
" discerner les mouvements divers
qu'excitent dans nos âmes les diffé-
rents esprits, afin d't nous mettre en
état de suivre les uns et d^ rejeter
les autres, " l'une de ces séries conve-
nant plus particulièrement à la pre-
mière semaine, l'autre se rapportant
surtout à la seconde semaine. Il trace
ensuite les règles à suivre dans la dis-
Introdnctioii â la vie spritaelle, par des exei-cices dis-
posés pour la méditation et la lecture, selon la méthode de
S Ignace, pas le R. P. Jacques Masénius de la compagnie de
Jésus. Ouvrage traduit pour la première fois du lalinenfran
çais, par l'Abbé Z. G Jourdain, aumônier du Bon-pasteur
d'Amiens. 1 fort vol. in-12 $1.00
Ce n'est pas à nous, cher lecteur, à vous parier des choses de Ja
vie spirituelle. C'est à notre auteur ; lisez-le et vous verrez qu'il
s'en acquitte en véritable Maître. Ce qui nous revient à nous, c'est
de vous faire connaître Tauteur que nous vous présentons et de
vous dire pourquoi nous avons édité ce livre tel que nous vous
l'offrons. En lisant l'Introduction pratique de théologie mystique du
PLoHNER, grand auteur ascétique de la Compagnie de Jésus, notre
attention fut attirée par ces mots, qu'il a mis à la fin de sa dernière
Récollection : " Si, dit-il, les six méditations que nous avons don-
nées ici, n'ont pas d'attrait pour vous, il sera bon d'en choisir six
autres appropriées au même dessein, soit dans Abelly (Sacerdos
christianus), soit dans les Exercices du P. Jacqties Masénius Des
Exercices de Masénius vous pourrez prendre, etc. "
Cette manière de parler indique des livres bien connus et esti-
més. Nous connaissions le Sacerdos christianus d'AbelJy, mais le
livre du P. Masénius était inconnu en France. Nous l'avoi'is cher-
ché et, quand nous l'avons eu, nous avons constaté qu'il répondait
à un excellent dessein, à un véritable besoin, et qu'il serait de
toute utilité aux personnes qui désirent pratiquer le saint exercice
de la méditation. Vous en jugerez.
Jacques Masen (Masénius) naquit en 1606, à Dalhera, diocèse de
Liège. Il entra dans la Société de Jésus en 1629. Après avoir pro-
fessé pendant quatorze ans les belles-lettres au collège de Cologne
il remplit plusieurs charges dans la Compagnie et mourut à Co-
logne, en 1686, dans les plus grands sentiments de piété.
296 LE PROPAGATEUR
C'était un travailleur infatigable. Quand on connaît l'ordre qui
préside aux études dans la Société de Jésus, on peut se faire-
une idée de l'étendue des connaissances qu'il dut acquérir pendant
cinquante-sept ans qu'il y vécut. Il fut un brillant littérateur, un
remarquable controversiste et un grand ascétique.
Nous n'établirons pas ici la liste assez longue des ouvrages qu'il
composa. Mais il vous sera sans doute agréable, cher lecteur, que
nous vous disions quelques mots de celui dont nous vous donnons
la traduction.
Ce livre parut pour la première fois en 1651, avec le titre : Dux
vise per exercitia spiritualia communia omnibu$, et propria ecclesias-
ticis. L'ouvrage fut immédiatement reconnu de très grande valeur
et réimprimé souvent, en tout ou en partie. Le P. Man^énius per-
fectionna cette œuvre, et nous la voyons publiée en 1666, avec le
titre de Dux viœ ad vitam puram, piam, perfectam, per exercitia spi-
ritualia mecHtationi simul et lectioni accommodatus : juxta normam
sacrorum Exercitiorum D. Ignatii de Loyola formatus.
L'ouvrage ainsi amélioré eut de nombreuses éditions. Il est di-
visé en quatre parties : La première renferme les Prolégomènes,
qui forment un excellent petit traité de la méditation. La deuxiè-
me comprend le développement des Exercices de S. Ignace en
trente-trois méditations dans lesquelles on trouve tout au long les
considérations, les affections, les colloques et les résolutions, le
tout assez étendu pour que ctiacun des points puisse servir à lui
seul pour une méditation. En sorte que le tout formerait bien
cent méditations ; et, comme presque toutes ces méditations sont
de celles qu'on doit répéter souvent, notre livre vous fournira
des méditations pour une grande partie de l'année. Les affections
et les colloques, quoique découlant des considérations, pourraient
au besoin servir de méditations, car c'est un travail admirable où
l'âme s'épanche devant Dieu dans les plus nobles sentiments, en
empruntant les paroles de l'Ecriture et des Pères. L'auteur amis
en marge des pages, des sommaires indiquant la suite des idées,,
pour les personnes qui, se suffisant elles-mèaies, n'ont pas besoin
de recourir aux développements. Dans notre traduction, nous
avons mis ces sommaires, en peiits caractères en tête des points,
des affections et des colloques, et en les faisant concorder avec les
développements au moyen de chiffres romains bien visibles.
Dans toute cette partie du livre, on trouve en note la traduction
du texte des, Exercices de S. Ignace correspondant à la méditation
développée. Le méditant qui se suffit à lui-même pour les déve-
loppements, a là encore un sujet excellent.
La troisième partie de l'ouvrage est un traité de l'élection^ ou
choix d'un état de vie, en six chapitres.
La quatrième partie comprend huit méditations spéciales aux
ecclésiastiques.
Les citations de l'Écriture et des Pères sont bien choisies et
abondantes dans tous le cours de l'ouvrage. La traduction de ces
citations fait partie du texte courant et l'original latin a été mis en
note au bas des pages.
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ville et de la canapagne (4e édi-
tion) 2. vol. in-12. Prix S 1.88
T" Préparation au grand jour (4e
édilion) l vol. ln-12. Prix 88c.
i" Le Missionnaire de la cam-
pagne (9e édilion, 18e millle.) — 4
vol. in-12. Prix S3.50
2» Dominicales du Curé de cam-
pagne (Te édilion). 3 vol. in-12.
Prix $2.50
3» Instructions sommaires sur la
Doctrine chrétienne (3e édilion)
2 vol. in-12. Prix §1.88
L'œuvre de M. l'Abbé JDUVE s'est considérablement accrue depuis !e jour
oîi il y a donné au clergé son remarquable ouvrage du Missionnaire de la
Campagne. Le septième ouvrage que je vi^ns de publier avec grand succès
sous le iiire de Préparation au grand jour, et les six autres qui ont paru
dans le courant de ces dernières années, se signalent entre tous, non seulement
par une facilité et une clarté i!e style particuliers, mais encore par une unité
d'idées et de direction éminemment phatiqde.
Encouragé par les éloges unanimes que je reçois journellement et convaincu
de plus en plus, par leur vente rapide, que ces publications nouvelles
répondent, comme l'a dit avec tant d'autorité Mgr l'Evêque de Gap, à des
besoins nouveaux, je les présente en toute confiance à MM. les ecclé-
siastiques désireux d'avoir toujours sous la main des livres essentiellement
utiles. Ceux qui les posséderont se félieileront souvent d'une aussi heureuse
acquisition, et les recommanderont à leurs vénérés confrères. C'est par milliers
du reste, que je compte déjà ses propagateurs volontaires. Je prie ceux d'entre
eux qui me feront l'honneur de hre ces quelques lignes d'agréer mes nouveaux
et sincères remerciements.
Les sept ouvrages de M- l'abbé Jouve, annoncés ci-haut composent donc
véritablement une Bibliothèque pratique d'une grande utilité pour l'exercice
du saint ministère.
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Voici la coaclusioa d'une élude approfondie que V Univers a. publiée sur ce
remarquable travail.
" Les prédicateurs trouveront dans l'ouvrage du P. Longhaye d'excellents
conseils, qui leur apprendront l'art de faire un sermon et de le dire, sans paraître
apporter en chaire une disserlion d'école et réciter une leçon apprise. Pour ceux
qui voudront pousser plus à foad cette étude particulière, ils trouveront dans
un autre, et non moinsjrenaarquable ouvrage du P Longhaye, La Théorie des
Belles Lettres, le complément de ces conseils aussi judicieux que pratiques sur
la composition, le siyle et la diction. Nous sommes persuadé que ceux qui les
suivront y trouveront la vraie règle de la prédication et se formeront sûrement,
avec un tel guide, à cette véritable éloquence chrétienne qui a sa source et sou
objet dans l'Evangile, qui parle de Jésus Christ aux âmes, non en style factice,
mais en langage d'homme de Dieu, et qui parle avec tant de conviction et de
vérité que chez.' elle le débit, au lieu d'être une mécanique monotone de* parole
qui a sa formule dans le ion prédicateur est l'expression naturelle de l'âme. Et
nous souhaitons par-dessus tout que cet ouvrage, qui est d'un maître en la parole
comme en littérature, devienne classique dans les séminaires. Nous n'en con-
naissons pas qui puisse mieux servir à l'appenlissage et à la réforme de la prédi-
cation. Arthur Loth.
Le mérite de ce nouvel ouvrage du R. P. Longhaye est grand. Encore bien que
la théorie y tienne sa place, on peut dire de ce Uvre qu'il est avant tout pratique.
C'est vraiment un manuel du prédicateur.
Nous voudrions voir ce livre substantiel, éloquent, sacerdotal, entre les mains
de tous les ecclésiastiques, à commencer par les élèves de nos séminaires,
Jean Vaddon.
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Volume IV, 15 Juillet, 1893, Numéro 10
BULLETIN
6 juillet 1893.
%• J'ai déjà parlé (1) du congrès eucharistique de Jérusalem qui
a eu un succès dépassant toutes les espérances. Je reproduis à ce
sujet la fin d'une corr .spondance de la Croix. Plus tard je tâcherai
de reproduire les paroles officielles du Cardinal légat (2).
La conclusion qu'on rencontre sur toutes les lèvres est celle-ci :
Le Congrès eucharistique a dépassé toutes les espérances. C'est
un immense événement; il ne peut manquer d'avoir ultérieure-
ment des conséquences très importantes pour les relations reli-
gieuses de l'Occident et de l'Orient. Il a beaucoup appris aux
Latins par les Eglises orientales, et il a donné à celles-ci une dila-
tation et un élan singulier. Il est, au point de vue de l'union et
du retour possible de? orthodoxes, une semence, une préparation
précieuse. On a compté jusqu'à trente prêtres des EgUses ortho-
doxes assistant aux réunions du Congrès.
La province de Québec avait ses représentants au Congrès.
Malheureusement leurs rapports, moins un, n'oni pas été lus, car,
pour obtenir ce privilège il fallait les transmettre, pour examen,
quelque temps- d'avance, ce qui n'a pas été fait. L'inobservation
de cette formalité a privé le congrès de plusieurs rapports précieux
écrits par des littérateurs distingués.
Le seul rapport canadien qui a été lu, ayant été soumis d'avance
au comité, est celui de M. le docteur Jacques, délégué de l'Adora-
tion nocturne de Montréal. Ce rapport a fait une telle impression
sur le congrès qu'aussitôt après sa lecture, le président Mgr
Doutreloux, évêque de Liège, s'est levé pour manifester son admi-
ration et féliciter l'auteur.
Le rapport de M. Jacques a eu les honneurs de la reproduction
dans le Moniteur de Rome. Ce journal écrit ce qui suit en tète du
rapport.
" Il y a quelques jours, le Moniteur de Rome annonçait que le
" rapport le plus intéressant qui ait été lu au Congrès Eucharisti-
" que, par un laïque, était celui de M. le docteur Jacques, délégué
" de l'Adoration nocturne de Montréal (CanadaJ Ayant pu nous
" procurer ce rapport, nous sommes heureux de le reproduire
" in-exienso, assurés qu'il sera goûté de nos lecteurs. "
(1) No 8, page 233.
(2> Son rapport à N. S. P. le Pape n'est pas encore publié,
19
302 LE PROPAGATEUR
De ce rapport je ne ferai, faute d'espace, que l'extrait suivant.
" Montréal possède un grand nombre de communautés religieuses d'hommes
et de femmes, dont les différents membres vont dans toute l'Amérique porter la
bonne semence dont la Providence les a chargés. (Jette magnifique cité renferme
en outre une foule de confréries et autres associations pieuses, qui toutes ensem-
ble, contribuent, chacune à leur manière, à l'aider à remplir sa mission provi-
dentielle : la propagation de la loi en Amérique. C'est la Home du Canada, la
Jérusalem des Terres Nouvelles, et je le répète la ville eucharistique par excel-
lence de l'Amérique.
- *
*/ La question des écoles catholiques aux Etats-Unis est déflni-
tive*ment réglée. La lettre encyclique de Notre Saint Père le Pape
à l'épiscopat de ce pays vient d'être publiée. Celte lettre tranche
la question dans le sens des décrets du troisième Concile de Balti-
more. En conséquence les écoles catholiques devront être
multipliées autant qu'il sera possible.
Après avoir fait allusion aux discussions antérieures et aux
divergences d'opinions qui existaient, le Souverain Pontife termine
par la décision suivante.
Toutefois, atin qu'il n'existe plus à l'avenir, dans une affaire d'une aussi grave
impoi tance, aucun sujet de doute et aucune divergence d'opinions, comme Nous
l'avons déjà déclaré dans notre lettre du 23 mai de l'année dernière, adressée à
Nos Yénérables Frères l'Archevêque et lesBvêquesde la province ecclésiastique
de New-York, ainsi de nouveau Nous déclarons, autant qu'il en est besoin, que
l'on doit fidèlement observer les décrets que, conformément aux directions du
Sainl-Siège, les Conciles de Baltimore ont formulés louchant les écoles parois-
siales, ainsi que tout ce qui a été prescrit touchant la même question par les
Pontifes romams, soit directement, soit par les Sacrées Congrégations.
A midi aujourd'hui, le canon de l'île Ste Hélène annonçait à la
ville de Montréal le mariage de l'héritier de la couronne d'Angle-
terre avec la princesse Victoria Mary de Teck. Cet heureux événe-
ment cause une joie immense dans tout l'empire britannique, en
Anglëtej re plus particulièrement.
Les anglais se réjouissent avec raison de ce que l'héritier de
Je'arroiait choisi sa femme dans leur pays au lieu d'aller la
demander à l'étranger.
La princesse May (c'est le nom qu'on lui donne généralement)
était digne par ses vertus et ses qualités, par ses grâces et sa
beauté, d'attirer les regards du futur souverain d'Angleterre.
L'immense popularité dont elle jouit la suivra plus tard sur le
trône dont elle sera le plus bel ornement.
Comme les choses ont changé depuis un an et combien d'événe-
ments imprévus sont arrivés !
L'année dernière le peuple anglais saluait avec enthousiasme
les fiançailles de la princessi avec le fils aîné du prince de Galles,
^infortuné duc de Glarence mort quelques jours avant la date
fixée pour son mariage, (1) et cette année il acclame encore plus
(1) Le mariage était fixée au 27 février 1892 et le duc de Ciarence est mort le-
14 janvier.
LE PROPAGATEQR 303
chaleureusement le mariage de la même princesse avec le frère
de son premier fiancé.
Le duc d'York (prince Georges de Galles, est le second fils du
prince de Galles, et, advenant le décès de ce dernier et celui de la
reine Victoria, il sera roi du royaume uni de la grande Bretagne
et d'Irlande et empereur des Indes.
II est âgé de 28 ans, étant né le 3 juin 1865. Il est marin et il
sert dans la marine anglaise depuis très longtemps. La |.,rincesse
May est âgée de 26 ans ({'). Elle est née et elle a été élevée en
Angleterre. Son père est le duc François Paul Louis Alexandre de
Teck et sa mère est la princesse Mary Adélaïde de Cambridge.
Le mariage a eu lieu dans la chapelle royale du palais de St-
James. C'est dans celte même chapelle qu'eut lieu le mariage de
la reine Victoria avec le prince Albert de Cobourg. ;;;
Les citoyens du vaste empire britannique font aujourd'hui des
vœux pour le bonheur de leurs futurs souverains. Puissent ces
vœux se réaliser !
%* Une dépêche de Berlin en date de 3 juillet donne le résultat
suivant comme étant celui des dernières élections dans l'empire
d'Allemagne.
Division
1 Cléricaux 82
2 Démocrates socialistes 45
3 Conservateurs 77
4 Conservateurs libres ("ou parti de l'empire) 25
5 Libéraux nationaux 52
6 Guelfes 8
7 Alsaciens 12
8 Antisémites 17
9 EadicauxRichtéristes 23
10 Radicaux unionistes 12
11 Polonais i9
12 Cléricaux indépendants Il
13 Ligue des paysans bavarois 2
14 Démocrates de l'Allemagne du sud 11
15 Danois 1
397
On voit par celte division qu'il y a une énorme différence entre
les groupes parlementaires allemands, et nos propres groupes
parlementaires qui, généralement, se réduisent à deux, le parti
ministériel (conservateur ou libéral) et le parti de l'opposition.
Il faut que les hommes politiques connaissent bien la tactique
parlementaire pour pouvoir réunir eu deux masses compactes ces
diverses fractions dont chacune poursuit un but parfaitement
défini et dont les opinions sont diamétralement opposées.
(1) Elle est né le 26 mai 1867.
304 LE PROPAGATEUR
Les élections qui viennent d'avoir lieu étaient les neuvièmes
élections générales de l'empire allemand. Les socialistes ont gagné
plusieurs sièges et les votes donnés en leur faveur ont augmenté
considérablement même dans les circonscriptions où ils ont été
battus. La plaie du socialisme s'étend d'une manière tellement
alarmante qu'un journal demande sï dans un laps de temps assez
rapproché r Allemagne presque toute entière ne sera pas socialiste.
*
* J' Le Congrès des Etats-Unis est convoqué pour le 7 août pro-
chain. Il siégera pour la première fois depuis que M. Gleveland a
pris possession du siège présidentiel.
Voici la dépêche qui annonce cette nouvelle.
Washington, 1 Juillet 1893. — Le président Cl-iveland a lancé une proclama-
tion pour convoquer le congrès le 7 août prochain.
Le motif (le c-itle convocalion hâ'.ive est la situation financière inquiétante
créée aux Etats-Unis par la loi Sherman, laquelle est destinée à empêcher le
monnoyage lihre de Targenl ou tout au moins de !•; limiter.
*
* * Un grand désastre maritime vient d'avoir lieu dans la Médi-
terranée, aux environs de Tripoli. Le vaisseau de guerre anglais
Victoria a sombré dans une collision avec le Camperdown, autre
vaisseau de guerre anglais commandé par le contre amiral Albert
H. Markham.
L'accident est arrivé dans une manœuvre qui n'a pas été exécu-
tée assez promptement. Le vice-amiral Markham va être traduit
devant une ceur martiale.
Près de 420 hommes ont péri. Parmi eux se trouve le vice-
amiral Sir George Tryon, commandant en chef de l'escadre de la
Méditerranée. Ce brave officier est resté au poste d'honneur jusqu'à
la fin et il est mort victime du devoir.
Ce terrible naufrage a jeté la consternation en Angleterre et a
plongé un grand nombre de famillc's dans le deuil. Tous sympa-
thisent avec elles dans le malh-ur qui les frappe.
M. Gladstone, dans la chambre des Communes, et le comte
Spencer, dans la chirabre des Lords, se sont faits l'écho du senti-
ment général et ont déploré, en termes émus, la fin prémalarée
des braves marins morts au service du pays. Le vice-amiral Sir
George Tryon K. C. B. était âgé de 60 ans. Il a servi dans la guerre
de Crimée en 1854 et dans la guerre d'Abyssinie en 1861 II a été
nommé au commandement de l'escadre de la Méditerranée en 1891,
Les annales maritimes d'Angleterre mentionnent plusieurs
autres naufrages de vaisseaux de guerre, entre autres celui du
Royal George en 1782 et celui du cuirassé le Captain en 1870. Le
premier naufrage eut lieu près de Portsmoulh Angleterre. L'équi-
page entier périt dans ce naufrage. Le Royal George portait 108
canons et il était commandé par le contre amiral Kempenfeldt.
Le naufrage du Captain eut lieu dans la baie de Biscaye le 6
septembre 1870. L'équipage se «composait de plus de 500 hommes
qui, sauf 18, périrent tous. Alby.
,m
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DIEU, RELIGION, MORALE, MIRACLES, JESUS-CHRIST,
LE PAPE, L'INFAILLIBILITÉ
PREMIERE SERIE : 15 volumes in-8,
Le symbole et le dogme
I. L'indifférence en matière religieuse ; L'instruction religieuse; la parole de
Dieu. — n. L'existence et les attributs de Dieu. — IIJ. Les attributs de Dieu
(suite) ; la Trinité ei, l-^s Anges. — IV. La Création. — V. L'homme. — VI. Le
Péché originel ; La Révélation. — VIL La Révélation (suite) ; La Divinité de
Jésus-Christ. — VIIL La Divinité de Jésus-Christ (suite). — IX. La Divinité de
Jésus-Christ (2° suite). — X. L'Eglise. — XL L'Eglise (suite). — XIL La Pa-
pauté.— Xin. L'Eglise dispersée; Les Conciles; Communion des Saints. — XIV.
Les vérités du salut; La lin de l'homme; Le service de Dieu; La mort; Le
jugement particulier. — XV. Lrs vérités du salut (suite ; La Résurrection dts
corps ; Le jugement général ; L'Enfer ; le Ciel.
DEUXIEME SERIE ; 15 volumes in-8,
La morale ou les commandements de Dieu et de l'Eglise
1, Excellence de la morale chrétienne : Loi divine ; Loi naturelle ; Loi écrite ;
Loi évangélique. — II. La foi et l'incrédulité. — II. L'Espérance .et la Charité
envers Dieu. — IV. La Charité envers le prochain en général et envers bs pau-
vres en particulif r. — V. La Charité envers les ennemis ; La vertu de Religion.
— VI. La venu de Religion (suite) ; Le culte des saints; Le culte de la cro x ;
Le jurement et le blasphème ; Le dimanche. — VII. La vertu de Religion (2« suiv-J ;
Le dimanche (suite) ; La Famille. — VIII. La Famille (suite) ; L'homicide; Le
suicide; Le duel ; Le scandale ; Le bon exemple ; La propriété. — IX. La pro-
priété (suite); L'injustice et la restitution; Le mensonge ; La réputation du
prochain; La médisance et la calomnie; Les vertus chrétiennes; Les vertus
cardinales. — X. Les vertus chrétiennes (suite). — XI. Les vertus chrétiennes
(2" suite) ; Les péchés. — XII. Les péchés (suite) ; Les péchés capitaux. — XIII.
Les péchés (2« suite) ; Suite des péchés capitaux : La conscience. — XIV. Les
choses dangereuses ; Les passions ; Les tentations ; Le monde ; Les divertisse-
ments du monde ; Les mauvaises ce mpagnies; Les bals ; Les spectacles; Les
cabarets ; Le jeu ; Les mauvais livres et les bons livres. — XV. Les choses dange-
reuses (suite) ; La prospérité ; Les richesses; La pauvreté ; Les épreuves ; Les
misères de la vie ; Les afflictions; Les souffrances ; La guerre ; Les calamités
publiques ; Les malheurs de la France.
306 LE PROPAGATEUR
TROISIEME SERIE : 9 volumes in-S,
La prière et les sacrements
I. La prière ; L'Oraison dominicale. — H. La grâce ; Les sacrements en
général ; Le Baptême; La Confirmation. — III. La Pénitence; La vertu de péni-
tence; le Sacrement de Pénitence. — IV. L'Eucharistie; instructions sur le
dogme de la présence réelle; La Communion; la fréquente Communion; La
Communion pascale. — V. L'Eucharistie (suite) ; Le saint sacrifice de la messe ;
Instructions sur les cérémonies delà messe; La i)remière communion. — VI.
L'Eucharistie (ï' suit«^) ; Nouvelles études sur l'Eucharistie ; Les œuvres eucha-
ristiques. — VII. L'Eucharistie (3» suite) ; Les œuvres eucharistiques (suite) ;
Bibliothèque eucharistique ; Sujets divers sur l'Eucharistie ; Modèles d'adoration.
— VIII. L'Extrême-Onction; L'Ordre; Le célibat ecclésiastique. — IX. Le
Mariage; Appendice sur l'Eucharistie.
QUATRIEME SEftlE : 13 volumes in-8,
Les fêtes de Notre-Seigneur. — Les fêtes de la Sainte Vierge. — Les
Panégyriques des Saints
I. Le mystère de l'Incarnation ; La naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ
ou Noël. — II. La fête de la Circoncision ; Instructions sur le jour de l'an; Ins-
tructions sur le saint nom de Jésus ; La fêle de l'Epiphanie ; La fuite en Egypte,
— III. L'enfance et la vie cachée de Jésus-Christ; La fètM de la Transfiguration;
La fête de Pâques ; La fête de l'Ascension ; La fêle du Saint-Sacrement. -^ IV.
Les visites au Saint-Sacremenl ; L'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement;
La fête du Sacré-cœur de Jésus ; La dévotion au Sacré-Cœur iie Jésus. — V. Pra-
tiques en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus; Li tête du précieux sang ; L'in-
vention de la sainte Croix ; L'exaltation de la sainte Croix ; La fêle de la dédicace ;
Les cloches ; La langue de l'Eglise ; La musique de l'Eglise ; Les églises ou les
temples de la religion catholique; Les éghses de Rome; Les principales églises
de France. — VI. Les fêtes de la Sainte Vierge ; Du culte de la Sainte Vierge.
— VII. Les fêtes de l'Immaculée Conception ; Li fêle de le Nativité de la Sainte-
Viergj ; La fête du saint nom de Marie ; La fête de Ja Présentation delà Sainte
Vierge et de llncarnation du Fils de Dieu ; La fête de la Visitation de la Sainte
Vierge et de la Présentation de Jésus-C-hrist au temple. — VIII. Suite de la
Purification de la Sainte Vierge ; La fête de la Compassion de la Sainte Vierge ;
L'Assomption de la Sainte Vierge ; Fête du très s-aint et immacuié Cœur de
Marie ; Noire-Dame du Sacré-Cœur. — IX. Dévotions, prières et pratiques
diverses en l'honneur de la très Sainte Vierge. — X. Les Panégyriques des
Saints ; Depuis le 2 Janvier jusqu'au 19 Mars ; La fête de Saint-Josej)h. — XI.
Suite de la dévotion à Saint Joseph ; Panégyrique des Saints (suite) ; Depuis le
2 Avril jusqu'au 29 Juin inclusivement. — XII. Les Panégyriques des Saints
{'îuite) ; Du 7 juillet au 28 août. — XIII. Panégyrique du purgatoire ; Appendice
sur la fêle du Sainl-Sacremenl; L'Office du Sainl-Sacrement ; Appendice sur la
dévotion à la Sainte Vierge.
CIx\QUIEME SERIE: 12 volumes in-8,
Homélies et Frônes sur les Épitres et les Évangiles des Dimanches
de l'Année
I. Le temps de l'Avent ; instructions sur l'Epi ire et sur l'Evangile de chaque
Dimanche. — II. Le t^mps de Noël ; id. — III. Le temps de la Septuagésime ;
id. — IV. Le temps de Carême ; id. — V. Le temps de Carême (suite) ; id. — VI. Le
temps d-" la Passion et de la semaine sainte. — VIL Le tem:)s de Pâques ; id. —
VIII, IX, X, XI et XII. Le temps de la Panlecôle; Instructions sur l'Epitre et
sur l'Evangile de chaque Dimanche.
LE PROPAGATEUR 307
ISIX!£M£ SI:RI£ : 7 volumes m-8,
Sujets Divers
I. Inslruciions sur les principaux événements et sur les principaux person-
nages de l'Ancien el du Nouveau Testament ; Première partie : 22 homélies sur
l'Ancien Testament ; Seconde partie : Vérités des faits évangéliqnes ; Gonsi-
déraiions sur la personne adorable de Noire-Seigneur Jésus-Christ. Instruction
sur chacune des circonstances de la Passion de Notre-rfeigueur Jésus-Christ. —
II. Le nouveau Testament (suite); Considérations sur chacune des circonstances
de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ (suite); Instructions sur la Passion;
Sermon sur la montagne ; Les Béatitudes de l'Evangile; Les Paraboles de l'Evan-
gile; L-^s Femmes de l'Evangile. — III. Les ordres religieux et le? congrégations
religieuses ; Première partie : Apologie de la vie religieuse; Deuxième partie :
Instructions sur la vie religieuse ; Troisième partie : Instructions pour les céré-
monies de vêture et de profession religieuse. — IV. Instructions pour les difFé-
renls âges, les différents sexes et les différents états. — V. Sujets de circonstance.
— VI. Idem. — VIL Questions sur l'Eglise ou ayant rapport à l'Eglise.
72» et dernier vol., table générale, table analyt, el table alph. des auteurs.
Voilà des thèmes sur lesquels l'antiquité aussi bieuque le moyen
âge et les temps modernes ont produit quantité de volumes, sans
se mettre d'accord, et que cependant Jésus-Christ, notre divin
Maître, a résumés en ces simples préceptes; Aime Dieu par-dessus
tout; aime ton prochain comme toi-même; fais même du bien à tes
ennemis. Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce
qui appa/rtient à Dieu.
Ce que Jésus-Christ a défini en si peu de mots, d'une manière
si claire et si précise, le chanoine Henry l'a commenté en soixante-
douze volumes qui constituent la Bibliothèque sacrée^ ou Magnifi-
cences de la religion. Ce que les prophètes, les philosophes et les
docteurs de tous les temps nous ont légué de mieux est en quelque
sorte condensé dans cet collection qui vient on ne peut plus à
propos au moment où le chef-d'œuvre de la création, c'est-à-dire
l'homme, que Dieu avait créé à son image, tend a un abaissement
moral sous le couvert du prétendu progrès scientifique et du bien-
être physique; comme si la véritable science n'était pas l'affirma-
tion de ce que nos demi-savants nient, comme si la véritable
perfection de l'homme n'était pas le mépris de ce que les hommes
sans foi considèrent comme l'idéal du bonheur et la fin de l'homme;
les jouissances matérielles et le matérialisme qui le ravale au
niveau de la brute. Il est vrai que l'homme tout à fait matérialiste
et sans aucune idée religieuse n'est (Qu'une discordance dans l'har-
monie universelle, une sorte de monstruosité ne pouvant produire
souche, heureusement, comme tous ces phénomènes contre nature
qui se produisent de temps à autre, par une cause en dehors des
lois ordinaires.
En elFet, nier l'existence de Dieu c'est se classer dans une de ces
monstruosités à laquelle il manque certaines facultés de la raison
qui distingue justement l'homme des autres êtres de la création.
L'histoire et les exemples de tous les jours nous prouvent que
es individus et les Etats sans religion sont esclaves de leurs
308 LE PROPAGATEUR
passions et ressemblent à un navire en pleine mer, sans boussole
et sans gouvernail, livré aux caprices du hasard, pour leur propre
malheur et celui de la société dont ils deviennent le fléau.
Il est permis à un aveugle de douter de la lumière et de la
variété des couleurs, comme il est permis à un sourd de douter
de l'harmonie et de la mélodie des sons; mais il n'est pas permis
à l'homme de nier l'existence de Dieu, sans reconnaître qu'il lui
manque le soufQ.e divin dont le Créateur l'a doué, quand il l'a
destiné à dominer sur la terre et à l'y représenter par la raison.
Il nierait en effet sa propre existence ainsi que celle de Tunivers
entier.
Reconnaître Dieu, c'est reconnc'iître une religion avec son culte,
ses dogmes, sa morale, ses miracles et son chef. En effet, on doit
à Dieu les hommages de souverain Maître.
Notre propre existence et tout ce que nous voyons est pour nous,
mortels, mystère et l'effet d'un miracle ; Dieu, par conséquent,
que nous ne voyons que dans ses œuvres, est encore un plus
grand mystère sans que nous puissions nier raisonnablement son
existence.
Aucune communauté sociale ne pouvant se gouverner sans
chef, il est donc indispensable que nous ayons notre chef spirituel
qui nous instruise dans notre religion et nos devoirs. Nous,
catholiques, nous reconnaissons comme chef Jésus Christ, notre
divin Maître, qui nous a laissé pour le représenter saint Pierre et
ses successeurs, les papes.
Pour suivre le droit chemin dans toutes les conditions de la vie
nous n'avons qu'à nous conformer aux préceptes de Notre-Seigneur.
Eh bien ! celui qui veut s'instruire et s'édifier sur tous les grands
problèmes religieux et sociaux n'a :iu'à choisir le sujet qui l'inté-
resse, dans les soixante-douze volumes de la Bibliothèque sacrée ou
les Magnificences de la religion.
Savants comme ignorants, croyants et incroyants y trouveront
de quoi s'édifier, ainsi que la solution de leurs préoccupations sur
toutes les questions religieuses, morales et sociales.
La première série, de quinze volumes, traite du Symbole et du
dogme. La deuxième, de quinze volumes également, traite de la
morale ou des commandemen ts de Dieu ou de l'Eglise. La troisième,
de neuf volumes, traite de la prière et des sacrements. La qua-
trième, de treize volumes, traite des fêtes de Notre-Seigneur, des
fêtes de la sainte Vierge, des panégyriques des saints. La cinquième
de douze volumes, contient des homélies sur les Epitres et les
Evangiles des dimanches de touie l'année. La sixième, sept volu-
mes, donne des sujets divers.
Presque chaque volume de chaque série a son existence propre
se rapportant au titre indiqué en tête du volume, et fournit aux
prêtres les matériaux de toutes les solutions religieuses dans
l'exercice de leur ministère, pour tout le cycle de l'année liturgi-
que, et aux conférenciers les matériaux pour les sujets qui les
préoccupent.
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Traduit pour la première fois de l'italien en français
Par Mr A. BRASSEVIX
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1 volume in-12 Prix : S0.75.
1. La voie que nous suivons dans le pèlerinage de notre vie, dit
le Sage, semble quelquefois droite, et cependant elle est mauvaise.
Il semble qu'elle conduit à la vie éternelle, mais elle aboutit à la
mort et à la perdition : // est une voie qviparait droite à Chomme^ et
ses issues conduisent à la mort. Ce qu'il ajoute dans les chapitres
suivants doit nous faire craindre encore davantage au sujet de nos
actions: Toute voie de V homme lui parait droite; mais le seigneur
pèse les cœurs. Cornélius à Lapide dit que ces paroles : Toute voie de
l'homme^ doivent s'entendre de l'homme de bien qui, examinant
soigneusement ses actes, n'y découvre rien de mal ; mais Dieu qui,
avec un regard très limpide, pénètre le fond de nos cœurs, ne les
reconnaît pas bons, à cause de quelque affection dépravée ou de
quelque mauvaise intention dont il les voit entachés.
2. C'est pourquoi l'Apôtre nous répète tant d'examiner toutes
nos œuvres et de chercher exactement si le principe d'où elles
tirent leur origine est bon ou mauvais, afin que les trouvant bon-
nes à la lumière d'un juste dicernement, nous nous y attachions,
ou que nous les rejetions si nous y apercevons quelque apparence
de mal : Eprouvez tout; retenez ce qui est bon. Abstenez-vous de toute
apparence de mal. Si ce discernement manque, dit S. Bernard, toute
vertu perd son lustre et se change en un vice abominable ; parce
que la discrétion est la vertu qui modère les affections, règle les
bonnes mœurs, dirige toutes les vertus et leur donne à toutes la
règle, le mode, la dignité, la fermeté. Il est donc nécessaire, comme
le déclare le même saint, que celui qui parcourt la voie de la per-
fection chrétienne ait toujours en main le flambeau lumineux d'un
sage discernement, s'il veut, sans trébucher à chaque pas, acquérir
les vertus dont la discrétion est la mère.
3. Tout cela s'accorde très bien avec la décision donnée par le
premier père des moines, S. Antoine, décision adoptée par tous les
pères d'Egypte. S'étant réunis en conférence pour examiner celle
des vertus qui méritait la première place,et ayant donné chacun des
avis différents les uns des autres et même contradictoires, le saint
abbé se leva et conclut qu'entre toutes les vertus la discrétion doit
avoir la prééminence, parce qu'elle est la mère, la gardienne et la
310 LE PROPAGATEUR
régulatrice de toutes les autres. C'est elle qui coudait en toute sé-
curité les âmes à Dieu, les fait monter aux sommets les plus élevés
de la perfection. Si elle manque, il arrive que plusieurs , malgré
des efforts incessants, ne parviennent jamais à cette hauteur.
4. Je ne puis donc rien faire de plus utile pour celui à qui mon
petit livre parviendra, que de lui présenter un corps de règles ca-
pables delui faire discerner la qualité de son esprit; je veux dire
de lui faire connaître quel est le guide de ses pensées et de ses
affections, si c'est le démon, l'amour-propre, ou Dieu. En effet, ou
il sera un homme spirituel: dans ce cas, il pourra, au moyen du
discernement, se précautiouner contre les tromperies et régler
toutes ses actions de façon qu'il parcoure avec rapidité et en toute
sécurité la voie de la perfection conformément à la doctrine des
saints. Ou bien il sera un homme du monde : en ce cas, s'il ne
veut pas dévier du droit sentier qui conduit à la vie éternelle, il lui
sera d'un puissant intérêt, comme le dit S. Laurent Justinien, de
connaître les ruses dont se sert le démon pour le tromper inté-
rieurement.
5. Mais je crois que ce livre s'adresse plus aux directeurs des
âmes qu'aux autres personnes; parce que si le discernement des
esprits est utile à tous, il est nécessaire aux directeurs spirituels,
en raison môme de leur office. S. Bernard dit que la vertu de dis-
crétion n'est le partage que du petit nombre. C'est pour cela que
nous devons soumettre notre propre esprit au jugement de nos
pères spirituels, leur obéir, et ne faire ni plus ni moins que ce
qu'ils nous imposent, suppléant ainsi à la discrétion qui nous
manque par celle qui doit se trouver chez eux. Ajoutez à cela que
celui qui possède cette rare vertu ne doit pas s'en prévaloir pour
diriger son propre esprit ; mais il doit se soumettre à la discrétion
de son directeur privé, tant parce que personne n'est bon juge dans
sa propre cause, que parce que Dieu, dans sa providence actuelle,
veut que l'homme ne se dirige pas par lui-même, mais soit dirigé
par un autre que lui. Etant donc admis que c'est particulièrement
aux directeurs des âmes que compète le véritable discernement des
esprits, c'est à eux que s'adresse tout spécialement le présent ou-
vrage.
EXERCITIA
SPIRITUALIA
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BEATISSIMiE VIRaiNIS MARI.^
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LA RELIGION DE COMBAT
PAR
L.'ABISi: JOISEPH I^E.UAÎiriir
1 fort volume in-8 ■ Piix : §1.88
I>'article qui suit est extrait de ce livre.
I
Une apologie du catholicisme sous une forme un peu beiliqueu-
•se ne déplaira pas au public. Les temps la réclament.
Religion de prière, de pardon, de paix, de fraternité, le catholi-
cisme est aussi la religion du combat.
Ce nom n'est pas une nouveauté. L'Eglise sur terre n'est-elle
pas appelée militante ? Elle est le camp militaire du Dieu des ar-
mées. Elle combat les erreurs, les vices, l'orgueil, la barbarie. Elle
ordonne à tous ses enfants de faire comme elle ; de transporter
dans leur for intérieur, d'abord, la latte contre leurs passions; puis
de l'aider, en tous lieux, dans sa douloareuse mais superbe lutte.
Léon XIII le rappelait hier, en généralissime du Roi du Ciel :
U Eglise^ société parfaite, très supérieure à toute autre société^ a reçu
de son Auteur le mandat de combattre pour le salut du genre humain^
comme une armée rangée en bataille...
A sa garde ont été confiés Vhonneur de Dieu et le salut des hom-
■mes\..
Les chrétiens sont nés pour le combat
La Religion de combat n'est donc pas une chose nouvelle ; mais
la mettre en relief sous cet aspect serait une manière nouvelle de
présenter l'apologie de la ReligiontlVon nova, sed novè.
Nous l'avons essayé.
Ce relief à donner à la grande combattante nous a semblé trou-
ver son encouragement dans une leçon venue du ciel en des temps
.qui rappellent les nôtres.
La persécution allait s'ouvrir contre les chrétiens, pour durer
trois siècles. Le diacre Etienne avait été cité devant le Sanhédrin.
Les membres de ce Grand Conseil avaient écouté avec rage, et en
grinçant des dents, le plus beau résumé qui ait jamais été fait du
peuple d'Israël comme préparateur du Christ. A la péroraison,
Etienne, rempli du Saint-Esprit, s'écria : Je vois les deux ouverts et
le Fils de l'homme qui est debout à la droite de Dieu ! Ses auditeurs
endurcis le lapidèrent.
Mais le saint diacre avait eu le temps de contempler et d'annon-
cer à l'Église de Dieu ce spectacle, à jamais fortifiant pour elle:
le Fils de l'homme, naguère méprisé et condamné, désormais en-
vironné delà puissance divine, dans la majesté de Dieu, et debout !
^' Il était debout, dit saint Grégoire le Grand, parce que se tenir
debout est l'attitude qui convient à un combattant et à celui qui
porte secours. "
312 LE PROPAGATEUR
Voilà quelle fut (et elle demeure !) l'attitude du Christ, dans le
péril de son Eglise.
Voilà quelle^est présentement, en union avec son Chef invisible
l'attitude de l'Eglise, dans le péril de la civilisation et de la socié-
té. La civilisation et la société sont menacées, et l'Église est debout !
Debout doivent être également tous les enfants de l'Église I En cé-
lébrant cette attitude sous la belle dénomination des enfants de lu-
mière, l'apologie rendra donc service. La Religion des enfants de
lumière est, avee eux, à genoux pour prier, assise pour enseigner,
et debout pour combattre !
. II
Quel est donc l'adversaire ?
A la faveur, soit de la dissimulation dont il s'est enveloppé, soit
de la peur qu'il inspire, son nom, jusqu'à ce jour, n'a pas été
authentiquement formulé; ou bien on ne l'a prononcé qu'à voix
basse. Mais l'heure est venue de le jeter dans le public et d'adju-
rer tous le? échos restés fidèles de le répéter:
L'Apostasie I
" Cette dénomination est bien vague, bien abstraite, " affecte-
ront de dire, pour donner le change, l'impiété, la légèreté et l'in-
différence ; et elles ajouteront cette interrogatoire maligne : " Par
l'apostasie, entendez-vous la Republique en France ? "
Nous répondons clairement :
Toutes les formes de gouvernement sont bonnes. Léon XIII vous
Fa dit. Mais l'apostasie peut les dénaturer toutes. République catho-
lique, République apostate, le choix est à faire. Elle est catholique à
l'Equateur, très respectueuse pour le catholicisme aux Etats-Unis,
mais elle est' en France ce que nous voudrions qu'elle ne fût pas.
Il y a quelques années, l'illustre député du Finistère, Monseignear
Freppel, adressait à la majorité rhostile du Parlement ce vif et pa-
triotique reproche : Vous pouvez faire apostasier la République^ vous
ne ferez pas apostasier la France !
L'adversaire n'est donc nullement la forme de gouvernement,
mais bien l'apostasie qui déflore, dénature et envenime la forme
de gouvernement.
De ce monstre-là, ô douce Religion catholique, n'attends ni trê-
ve ni merci. LhCo "0.'iTi[ ;
Le croirait-on ? on a, un jour, réussi à persuader Caïphe :
Le rusé et cruel Président se trouvait encore à la tète du Grand
Conseil qui allait juger les apôtres coupables d'avoir enseigné au
nom de Jésus et d'avoir miraculeusement guéri des malades. On
délibérait de les faire mourir. Mais un docteur de la Loi, Gamaliel,
qui faisait partie du Grand Conseil, se leva et dit : " Voici mon
avis. Ne vous mêlez point de ce qui regarde ces gens là et laissez-
les ; car si leur entreprise vient des hommes, elle se détruira ; mais
si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire, et vous seriez en
danger de combattre contre Dieu même."
Caïphe présidait, il fut donc persuadé comme les autres.
Ce qu'on a obtenu de Caïphe, qu'on renonce à l'obtenir des Con-
LE PROPAGATEUR 313
seils maçonniques et de leurs présidents, qui savent que la mort
du catholicisme a éié décidée et qui ontreçu l'ordre d'y coopérer
Tons les Gamaliels seraient impuissants !
Oui, certes, on serait tenté de leur dire, en renouvelant, sous
une autre forme, l'avis du pacifique et bienveillant dpcteur de la
Loi :
" Laissez, au moins, aux catholiques le droit, commun ; la récla-
mation est bien modeste ! Si leur vieux christianisme, qui vous
déplaît tant, n'est plus utile à la société, il se détruira de lui-même ;
sinon, gardez-vous de le détruire, car vous mettriez en danger la
société humaine. "
Ils n'écouteraient pas ! Ils laisseraient plutôt s'effondrer la so-
ciété.
Ou ne peut pas leur dire, non plus, comme fit Gamaliel: Vous
seriez en danger de combattre contre Dieu même...
C'est ce qu'ils font, ce qu'ils veulent: combattre contre Dieu!
On voit par là combien l'effroyable Caïphe est distancé.
Il ne reste donc qu'une ressource : combattre soi même.
Et qu'on comprenne jusqu'à quel point laR'^ligion est contrain-
te de se montrer combattante. Que veut dire le mot Religion ? Il
signifie lien: le lien qui unit l'homme à Dieu. Or, c'est ce lien qu'on
veut couper, briser, mettre en pièces partout. Déjà il est brisé dans
les administrations, dans les écoles, dans les hôpitaux, à l'armée
dans les prétoires de la justice : plus de Dieu, plus de lien, plus de
religion...
Et la Religion n'aurait pas le droit de se hérisser comme la poule
à q^i l'on arrache ses petits en cherchant, de plus, à lui casser les
ailes ?
" Halte là I dit-elle, je suis la Religion de combat ! "
III
Son intervention est d'autant plus secourable qu'elle est l'uni-
que combattante, pour conjurer le péril social.
Quelle est,en effet l'atti tude de la religion protestante,de la religion
juive, et des autres sociétés religieuses ? Le silence, la peur et, par
certains endroits, la connivence. Il y a de belles âmes, de nobles
cœnrs, parmi les protestants et les Israélites qui déplorent la guer-
Mole:te-t-on les rabbins, les ministres protestants? A-ton fermé
une seule synagogue, un seul temple? Toutes les rigueurs sont
réservées , recherchées, savamment échelonnées, pour la religion
catholique, parce qu'on sent bien qu'elle seule possède ce qu'il faut
pour organiser la résistance.
Et c'est vrai !
Elle seule versera dans les veines des peuples de l'Europe le re
mède qui convient à leur constitution si profondément atteinte;
Elle seule amènera les courages, en disant comme disait autre
fois au prophète qu'il envoyait : fairendu ton visage plus ferme que
314
LE PROPAGATEUR
leur visage^ et ton front plus dur que leur front. Je t^ai donné un front
de pierre et de diamant. Ne crains pas, et n'aie point peur devant
eux.
Elle seule rendra la France capable d'étonner et de déconcerter
l'apostasie par une vigueur de résistance qui rappellera un des
n'.iracles les plus admirés du ive siècle.
La vierge Lucie,dont le nom signifie /î//e de la /wmtère illustre par
sa naisi^ance et sa piété, avait été dénoncée comme chrétienne au
préfet de Syracuse. Celui-ci, l'ayant appelée devant sou tribunal,
essaya par des promesses et des menaces, mais inutilement, de lui
faire adorer les idoles. Elle répondait avec une foi vive et une
merveilleuse présence d'esprit. Le préfet fit ce cruel jeu de mots :
La langue se taira quand le fouet- parlerai Et pour l'affliger plus
amèrement, il ordonna qu'on la conduisit d'abord dans un lieu
infâme. La vierge reprit: Si je suis déshonorée malgré moi., cette vio-
lence que f aurai soufferte doublera le prix et le mérite de ma virgini-
té. Les exécuteurs el les gardes voulurent l'entraîner; mais alors,
quoi qu'on fit, il ne fut pas possible de la mouvoir et de l'arracher
du lien ou elle se trouvait. Dieu le permettant ainsi. 6b/onne m?no-
bile étiez-vous , ô Lucie, épouse du Christ, alléluia !
Ainsi chante l'Église, au jour de sa fête.
0 France, toi aussi, comme la noble chrétienne des premiers
siècles, tu es d'illustre origine et fille de lumière ;e[ voici qu'on t'a
saisie comme elle, pour te précipiter aux pieds des idoles, et te dés-
honorer ! Mais le miracle de résistance qui transforme en colonne
immobile est devenu familier dans l'Église. La religion catholique
apprend à se raidir contre les obstacles et les difficultés qui raena-
cent lafoi. 0 France, noble France, tu tiendras ferme, tu te raidi-
ras contre l'apostasie. Tu te raidis déjà: Vous ne ferez pas aposta-
sier la France !
Puisse ce livre qui a demandé son souffle à la vérité, à la cha-
rité et à la justice, obtenir cette précieuse récompense de contri-
buer, en France et ailleurs, à l'organisation des volontés et des
forces catholiques I
Et s'il avait la bonne fortune de s'égarer dans des mains peu fa-
vorables à la Religton, puisse-t-il suggérer à son lecteur une réso-
lution semblable à celle qu'exprimait ainsi un membre de la Con-
vention : Je suis las de la portion de tyrannie que je suis contraint
d'exercer.
Xj^ B E T jB
COMPARÉE A LHOMME
Par le R F. J. de Bonniot
de la compagaie de Jésus
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L.e Dr Georges Subbled
lauréat de 1 'Académie de médecine
membres de la Société de Sl-Luc
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CORPS ET AME
ESSAIS SUR LA
PHILOSOPHIE DE S. THOMiAS
Far M. J. O^KDAIK
Profeseur libre de philosophie
à la Faculté des lettres de Paris, à la Sorbonne.
1 vol. in-12 Prix 88 cls.
Notre siècle, sur son déclin, semble de plus en plus oublier ce
qui fait la noblesse et la supériorité caractéristiques de la nature
biumaine, je veux dire l'intelligence qui s'élève au dessus du temps
et de l'espace dans le domaine de l'absolu, et la volonté, inclinée
au bien, mais libre de choisir tel bien à son gré.
Raison et liberté sont encore sur toutes les lèvres, mais il n'est
pas besoin d'être très perspicace pour voir que de jour en jour de-
viennent moins nombreux les esprits convaincus de la réalité de
ces facultés maitt'esses.
Nous avons fait du chemin depuis cent ans sur la pente du
doute et de la négation. La lutte n'est pas seulement entre le
surnaturel et la libre nature ; c'est la dignité même de l'homme
naturel qui est en péril
Quel est le mot qui tourne les têtes et imprime les opinions di-
rigeantes ? N'est ce pas : évolution ?
Ne prétend-on pas savoir que de l'indétermination et du devenir
évolue l'univers, avec ses perpétuels mouvements et son progrès
illimité ?
L'atome primordial, le cristal aux formes géométriques, la plan-
te presque animal, l'animal presque humain, l'homme encore ani-
mal, voilà des étapes de cette évolution qui transforme ce qui n'est
pas en ce qui est, ce qui est moins en ce qui est plus ; et cette trans-
formation qui fait de l'être avec du néant, a définitivement détrôné,
dit-on, la création trop^miraculeuse qu'on attribuait jadis à un Etre
premier, absolument Être.
Que faut-il penser de ce mouvement qui emporte l'esprit con-
temporain ? N'est-ce qu'un entraînement dans l'obscur, une chute
dans l'inintelligible ?
Malgré tout nous estimons qu'un peu de vérité se cache sous ces
ténèbres, mais que le grand tort de notre époque est de trop vou-
loir faire du nouveau, de s'obstiner à mal connaître la tradition
lumineuse qui a fait passer les vérités pbilosophiques depuis l'anti-
quité jusqu'aux âges chrétiens, en les dégageant de plus eu plus de
l'ombre qui les enveloppait.
Evolution n'est point, à notre avis, un mot vide qu'il faille ban-
nir du langage métaphysiqne. C'est uu terme qui a besoin d'expli-
cation.
Au risque de paraître suranné, nous osons dire que c'est eu re-*
montant au treizième siècle, en plein moyen âge, que nous avons
trouvé l'évolution expliquée dans un système de philosophie reli-
316 LE PROPAGATEUR
gieuse, où vivent harmonieusement unies les plus profondes con-
ceptions de la philosophie grecque et les plus hautes inspirations
du christianisme.
Ce système, c'est celui de saint Thomas, disciple de Platon par
sai.it Augustin, et d'Aristote par Alberl-le-Grand, disciple avant
tout du Christ, Homme-Dieu, Personne unique, où le théologien
et le philosophe contemplent à la fois les perfections infinies de
l'Essence divine et les étonnantes puissances de la nature hu-
maine.
Nous avons le vif désir de faire goûter aux âmes sincères de notre
temps ce que nous avons saisi de substantiel dans cette philoso-
phie. Nous voudrions surtout amener à saint Thomas de nouveaux
disciples, qui eussent le courage, de le consulter lui-même directe-
ment dans les ouvrages qu'il a laissés, de vivre intimement avec
lui pour se former à son école. Quel maître ! Quelle loyauté à écou-
ter les objections, à les rechercher même I Quelle netteté et quelle
force dans l'exposition de sa doctrine I Quelle sûreté dans la répli-
que ! Et par dessus tout, quelle hauteur de vues, quelle largeur
d'esprit, quel amour simple et naïf de la vérité !
Ce volume d'essais ne donnera qu'un aperçu de l'enseignement
de saint Thomas. Mais nous souhaitons qu'il en fasse désirer, com-
mencer même l'étude personnelle et approfondie: comme après
avoir vu l'architecture extérieure d'une cathédrale, on pénètre à
l'intérieur, on jette un regard d'ensemble sur les beautés des nefs,
des chapelles, des piliers et des voûtes, ou s'efforce d'atteindre à
l'idéal qu'a voulu traduire en pierre le génie de l'artiste ; puis on
sort recueilli, renvoyant à d'autres visites, à d'autres méditations,
l'examen plus attentif des détails, la considération plus contem-
plative de l'idée.
Si ce livre est de quelque utilité à ses lecteurs, qu'ils en soient
reconnaissants à saint Thomas lui-môme : c'est vraiment à lui
qu'ils le doivent. J. Gardair.
L'AME ET LA PHYSIOLOGIE
JPar le K. P. J. I>E BO]«:RriOT
DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
1 fort vol. in-8 Prix : $1.75
La physiologie, qui a fait de nos jours de grands progrès, esl devenue, entre
les mdins de savants téméraires, un instrument de mal. Le matérialisme s'affi-
che aujourd'hui avec une impudfnce qu'il ne connut jamais : l'abus de la phy-
siologie en est la cause première. L'ouvrage que nous olTrons au public a pour
but de rendre à celte science, en tant qu'il touche à la vie mentale de l'homme,
sa légitime portée. Les fonctions organiques où les sophistes renferment les
opérations de l'âme et l'âme elle-même, ne sont que des conditions d'opérations
qui dans leur fond n'ont rien do matériel. C'est ce que l'auteur démontre sans
peiné et, croyons-nous, avec c'arté, en poursuivant le sophime sous toutes ses
formes et sans miséricorde. Rien de semblable n'a été publié jusqu'ici sur ce
grave sujet. C'est dire assez combien il se recommande à tous les esprits qui
s'intéressent à la science et à la vérité chrétienne.
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A L. B Y
NOTES
La cour des magistrats de Montréal a cessé d'exister. Le gouver-
nement provincial l'a aboli par un arrêté en Conseil en date da 23
juin. Une loi de la dernière session de Québec autorise le gouver-
nement à agir ainsi. Cette cour de magistrats avait été établie par
le gouvernement Mercier et elle avait juridiction dans les causes
dont le montant n'excédait pas cinquante piastres. Toutes ces
causes seront désormais jugées par la cour de circuit.
Dans les lieux où il existe une cour des Commissaires^ cette cour
a juridiction dans les causes dont le montant n'excède pas vingt
cinq piastres si toutefois la demande esl d'une nature purement per-
sonnelle et mobilière résultant d'un contrat ou, quasi-contrat. (1)
Le nouveau code criminel est en vigueur depuis le commence-
ment du mois de juillet. Ce code modifie les anciennes lois crimi-
nelles ainsi que la procédure. Il est vivement critiqué par le juge
Taschereau, de la cour Suprême.
Les loteries sont prohibées, et les infractions aux dispositions qui
les concernent sont punies très sévèrement.
On lit dans VUnivers du 8 Janvier 1893.
Quaml on voudra faire de sérieuses réformes daus nos lois, et ne pas s'en te •
nir seulement aux formules plus ou moins vides, il sera bon de repasser la série
des jugements rendus en vertu de nos codes. C'est dans leur application aux
faits qu'on peut mieux reconnaître les défauts des lois. Que d'injustes sentences
légalement rendues! Que de violations de droits au nom des loi^! Que d'abus
sanctionnés, de torts causés, d'injustices consacrées par la raison de légalité !
Les circonstances de jugements révèlent souvent mieux que des critiques théori-
ques le vice de la loi.
Que l'on examine par exemple, notre législation pénale du vol : à première
vue elle paraîtra n'offrir rien que de rationnel et de juste; volontiers, on la pro-
clamerait parfaite. Et c'est assurément l'idée qu'en ont eue ses auteurs. Et pour-
tant que d'excès d'un coté, que de lacunes de l'autre ! Que de petits larcins ri-
goureusement châiiés et de grands vols laissés impunis ! Le fait est qu'en vertu
de notre loi pénale, les plus grands détourneurs du bien d'autrui, entrepreneurs
de Panama et autres affaires du môme genre, accapareurs de métaux, spécula-
teurs de Bourse, ont toute chance d'éviter la police correctionnelle, et que de
pauvres meurt-de-faim sont impitoyablement punis pour les plus meuus mé-
faits.
Hier encore, d'après le PelU Journal, la chambre des appels correctionnels de
Paris confirmait une condamnation à dix mois de prison prononcée par le tribu-
nal correctionnel de Pontoise contre un vieillard de soixante-dix ans, qui avait
■dérobé dans un champ, trois carottes el un chou. Son cas était celui de beau-
(l) Code de Procédure civile art 1188.
20
318 LE PROPAGATEUR
coup de malheiJrfcux comme lui. Epuisé par la faim, ne pouvant avoir recours à
personne, il avait pris de quoi se faire une soupe, et la soupe mangée, il élait
venu honnêtement se constituer prisonnier.
Dix mois de pnson pour trois carottes et un chou, c'est b^^aucoup, lorsqu'il y
a tant d'impunité pour les vols en grand ! Mieux eût valu pour le pauvre vieux
pouvoir prendre dans la caisse complaisante du Panama, que dans le champ du
paysan intraitable.
Est-ce juste, ce jugement? La loi qui oblige à condamner un voleur de cegen-
re est-elle équitable? Il a dû en coûter aux juges de Pontoise et de Paris, qui
sont hommes, d'appliquer à un de leurs sembla'des, à un malheureux vieillard,
qui avait l'excuse de l'inanition, une loi aussi rigoureuse, y eût-il même des anté-
cédents à la charge de l'inculpé. Notre code pénal a toute la dureté pharisaïque
de la lettre. C'est le défaut général de notre législation, d'être une loi écrite, ab-
solue dans les termes, ne laissant rien à l'équité au juste arbitaire. C'est l'incon-
vénient de toute loi codifiée, qui n'a point pour correctif le pouvoir d'interpré-
tation du juge.
Ce défaut est grave, surtout en matière pénale. La conscience, la nature pro-
testent contre l'application d'une loi qui punit de Jix mois de prison un vieillard,
fût-il récidiviste, pour avoir dérobé quelques légumes nécessaires à sa vie. La
loi est mal faite, la loi est injuste. Nos fiers Lycurgues napoléoniens ont préten-
du se passer de l'Église dans leur oeuvre législative ; ils ont voulu faire une loi
à '-UX, une loi laïque. S'ils avaient consulté la théologie, la nature même, ils
eussent introduit tout au moins dans leur législation du vol l'exception de la
faim. Au regard de la loi religieuse, plus raisonnable, j'ius humaine que la loi
civile, il n'y a point de vol dans le cas d'extrême nécessité. Un malheureux a le
droit de prendre un pain, quelques légumes, pour s'empêcher de mourir de faim,
G'cït le bon sens, c'est la nature, c'est la justice.
Dans une civilisation comme la nôtre, il est honteux, abominable, que des êtres
humains soient exposés à mourir de faim. Il est plus indigne encore d'une socié-
té civilisée qu'un fait de nécessité comme celui qui vient d'être jugé à Pontoise
et à Paris soit si barbarement puni sous le nom de vol. Voilà une réforme ur-
gente à introduire dans le code pénal. Pour être rendue équitable, humaine,
surtout en un temps où, malgré l'assistance publique, tant de pauvres gens
sont exposés à mourir de faim, notre loi tur le vol devra être mise au plus tôt
en rapport avec la loi religieuse et la loi naturelle. Il faut permettre aux juges
d'êtres hommes. arthcrloth.
Note de la rédaction. — Les inconséquences du code pénal de la
France, signalées dans l'article précèdent, existent dans notre légis-
lation pénale. Dans bien des caslespe>nes ne sont pas proportion-
nées aux offences. On punira avec une extrême sévérité, des infrac-
tions légères, et on infligera une légère punition à des offenses
graves. Le pauvre affamé qui a pris quelques comestibles à la de-
vanture de l'épicier ira passer quelques mois en prison ; et l'escroc
en habit fin qui vous a escamoté des milliers de piastres en sera
quitte pour une légère amende.
Ainsi le veut la loi. On en a eu un exemple frappant, il y a quel-
ques mois, dans la célèbre cause Sheppard.
LES CONFESSIONS
DE
SAINT AUGUSTIN
ÉVÊQUE D'HIPPONE
PRÉCÉDÉES
DE SA VIE PAR S. POSSIDIUS
ÉVÊQUE DE CALAME, SON DISCIPLE ET SON AMI
TRADUCTION NOUVELLE
PAR L.. .71 O R JC A V
Ouvrage couronné par V Académie.
1 fort vol. in-12 ...Prix : 81.00
Saint Augustin a dit iui-raème :" Les treize livres de mes Con-
fessions gloriûeni Tiieu. dans le souvenir de mes péchés et la re-
connaissance de ses grâces. Ils élèvent vers lui l'esprit et le cœur
des hommes : telle a été du moins, leur action sur moi, quand
je les écrivais ; telle elle est encore quand je les lis. Que les au-
tres en peuseni ce qu'ils voudront, mais je sais qu'ils ont plu et plai-
sent beaucoup à plusieurs de nos frères. Une longue expérience a
confirmé ce témoignage. Ce livre unique, de toutes les œuvres de
l'évoque d'Hippone la plus originale et la plus touchante, rappelle
le grain de sénevé de l'Évangile. Semé dans l'humilité, arrosé des
larmes ae la pénitence, il est devenu ce grand arbre qui, depuis
tant de siècles, n'a cessé de rapporter au Père de famille des fruits de
repentir, de bonnes œuvres et de spiritualité. Quatorze cents ans que
ce livre a traversés ne lui ont rien fait perdre de sa vie et de son
action sur les âmes. Il a inspiré V Imitation et les plus belles pages
mystiques du moyen âge ; il a parlé au cœur de sainte Thérèse il
a remué nos pères, et jusques en nos jours attiédis bien des
âmes languissantes sont venues à sa lumière et à sa chaleur.
Et c'est là, redisons le toujours, l'incomparable supériorité des
moniiments de la foi chrétienne sur les ouvrages même les plus
accomplis de l'antiquité. Ces rhefs-d'œuvre de l'ancien monde,
dictés dans les langues les plus merveilleuses peut-être que les
hommes aient jamais parlées, peuvent élever l'esprit par le sen-
timent de l'admiration, souvent même donner à l'âme un élan gé
néreux, une certaine exaltation héroïque; mais ils ne sauraieni
320 LE PROPAGATEUR
s'emparer de la volonté pour la tourner tout entière au bien. Leur
lecture n'a jamais fait un sage, dans la sévère acception du mot. Qui
a changé de vie, qui est revenu à Dieu après une lecture de Platon
ou de Cicéron ? Aucun de ces livres, en effet, n'enseigne à l'homme
à désapprendre sa volonté pour apprendre celle de Dieu. C'est
là toute la religion, car c'est là tout l'homme.
"Saint-Augustin, dit un de nos vieux prédicaleurs.a été si humble
de cœur que, pour se rendre vil et méprisable, il a fait sa con-
fession générale publiquement, en plein théâtre, à tous les peuples
qui estoient lors et qui seront jusques à la fin des siècles. " Mais
cette onfessiou d'un homme est aussi la confession de tous les
siècles. Dans ce portrait sincère qu'il trace de lui-même, nous nous
reconnaissons tous ; nous reconnaissons l'homme pécheur et dé-
chu. Gomme nous il a péché, comme nous il s'est trompé, ce doc-
teur de l'Église, ce Père, ce maître de tous les prédicateurs d'e
l'Evangile, comme l'appelle Bossuet ; il a passé par l'hérésie et par
le doute : il a même désespéré de trouver la Vérité. Ses erreurs au-
torisaient ses égarements ; il ne ménageait ni son âme, ni son in-
telligence, ni sa vie dans l'intempérance de ses passions. Lui, qui
devait si humblement plier sa tête au joug léger du Christ, il goû-
tait toute la liberté des rebelles ;il était l'un de ces fugitifs de l'é-
ternelle Providence qui s'égarent dans toutes les illusions de l'a-
mour-propre et de la vaine sagesse. Et cependant ses jours s'écou-
laient, ses pensées se dissipaient en tourmentant son cœur ; et dans
ces neuf années de folies, d'erreurs et d'incertitudes, remettant à
chaque lendemain pour vivre en Dieu, ne remettant jamais pour
mourir en lui-même, il ne savait à laquelle de ces deux volontés,
aux prises dans son âme, il finirait par appartenir. Mais la grâce
veille et n'épargne rien pour gagner ce pécheur prédestiné à la
défendre. Fidèle à son élu, dès le berceau, les ailes étendues sur
lui, elle plane et sur son enfance et sur sa jeunesse ; elle le suit en
tous lieux, l'attirant partout, deCarthage à Rome, de Rome à Mi-
lan ; elle verse l'amertume sur ses joies les plus douces, pour l'a-
mener à des joies exemptes d'amertume; elle le presse parles af-
flictions de l'âme, par les angoisses de l'esprit, par les récits de Sim
plicianus, par l'éloquence et la sainteté d'Ambroise, parles larmes
de Monique, " ce sang du cœur", qui marquait la place d'où
tant de maternelles prières montaient sans cesse à Dieu. Justice
aimable, elle n'appuie la main sur ses mortelles blessures que pour
raviver en lui les blessures de l'aqiour divin ; elle le précipite en-
fin dans cette salutaire agonie où il meurt à sa propre mort, pour
ressusciter à cette voix du ciel ; Prends, lis ! prends^ lis ! Et le voi-
là tout changé, il ne se reconnaît plus. Tout ce que soudain il est
de Bien lui laisse à peine concevoir ce que, tout à l'heure encore,
il était de Mal. Quelle liberté nouvelle que ce joug du Christ 1
Quelles délices que cette absence des vaines délices I Et son pre-
mier cri de délivrance est un cri d'amour, ce cri d'une âme qui
respire déjà l'air du ciel: Que je vous ai aimée tard, beauté si an-
cienne, beauté si nouvelle 1 que je vous ai aimée tard ! Malheur
au temps passé loin de votre amour 1 Et après avoir tracé l'immor-
LE PROPAGATEUR 32 1
tel tableau de ces derniers combats terminés par sa conversion et
son baptême ; quand, pour achever son détachement de toute af-
fection terrestre, le Seigneur lui a retiré cette sainte mère qui
n'aplus rien à faire ici-bas, puisqu'elle a enfanté de nouveau^
enfanté à la vie éternelle " ce fils de tant de larmes " ; lui,
dans le sublime apaisement de toute son âme, examine devant
Dieu ce qu'il est et ce que la miséricorde divine a fait de lui. Et
ici, qui n'admirerait, avec une sorte de surprise, l'originalité pro-
fonde de ses pensées et de son langage ? *' Soit, dit l'ancien traduc-
teur, que portant cette veuë, que la nature et l'Esprit saint avoient
rendue si claire et si pénétrante, jusques dans les replis les plus
cachez de son âme pour y découvrir les moindres défauts et les
moindres foiblesses qui pou voient y estre restées, et qu'examinant
sa nouvelle vie avec une sévérité de censeur, après avoir condam-
né sa vie ancienne avec une rigueur du juge, il dépeigne en luy-
mesme sans y penser l'un des plus excellents modelles de la vertu
et de la perfection chrétienne, en faisant voir combien ces trois-
sources empoisonnées de tous les péchez des hommes, le désir de
la volupté, la curiosité de sçavoir, et l'amour de la grandeur et de
la gloire, estoient taries dans son cœur ; soit enfin que pour nous
apprendre ce qui pouvoit occuper cette grande ame que nulle créatu-
re n'occupoit plus, il nous fasse partde ses chastes et innocentes dé-
lices, comme il les nomme luy-mesme, c'est-à-dire de celte heu-
reuse familiarité qu'il avoit avec Dieu dans ses Ecritures, en tra-
vaillant, à y découvrir les trésors ineffables qui y sont cachez, et se
nourrissant avec une sainte avidité de cette manne céleste, il im-
prime de cette sorte cet esprit d'amour et de charité qui est l'ame
de la loy nouvelle, qui semble que ce soit l'amour mesme qui nous
parle par sa bouche, et qui enseigne à tous les hommes quel est le
bonheur d'aimer Geluy qu'on ne sçauroit ne point aimer sans se
renilre misérable en cela mesme qu'on ne l'aime point,"
Mais plus ce livre est admirable, plus il est difficile d'un repro-
duire la beauté, l'élan, l'originalité,
" Une traduction sincère et animée de cet ouvrage était un livre
qui nous manquait, " a dit M. Villemain, en parlant de la version
dont nous offrons aujourd'hui la réimpression au public. Depuis le
temps où l'éloquent écrivain s'exprimait ainsi, cet ouvrage a obte-
nu plusieurs éditions, et chacune d'elles a été pour l'auteur l'occa-
sion de soumettre son travail à une révision sévère. Il a pensé
qu'on lui saurait quelque gré d'ajouter aux Confessions la vie du
grand évêque d'Hippoue, écrite par son disciple et son ami, saint
Possidius. Ce monument précieux n'avait jamais été traduit. Le
saint évêque de Galame ne possède plus peut-être le sens de la belle
latmité, mais il écrit avecune simplicité rare et toute chrétienne.
Humblement désintéressé, il ne songe qu'à transmettre à la pos-
térité et à l'Eglise le souvenir de l'homme incomparable avec le-
quel il a vécu quarante ans, qu'il a aimé et admiré, qu'il a vu
mourir. Ce vénérablerécit, réuni aux Confessions, e-era, .sans doute,
au jugement d'un grand nombre de lecteurs, la plus vraie et la
plus touchante de toutes les Histoires de saint Augustin.
L'ESPRIT DE S. FRANÇOIS DE SALES
A l'usage
des personnes pieuses vivant dans le monde.
PAR
li'ABBÉ €L.-IO]y. BlUS^OI^
Vicaire gpnéral el honoraire dp Montauban
Quatrième Edition Revue.
1 vol. in-18 ; Prix $0.88
li'article qni sait est extrait de ce livre.
DES TENTATIONS
Ce n'est pas après les gens de la maison que les chiens aboient,
c'est après les étrangers. Di môme, le démon se met peu en peine
de solliciter au mal ceux qui sont à lui ; c'est aux autres qu'il s'a-
dresse. Q.iand il presse, quand il tourmente uiieâme, on peut être
sûr, généralement parlant, qu'elle luiest étrangère, qu'elle est son
ennemie. Plus la tentation est violente, plus elle dénote de vertu
dans la personne attaquée. Le tentateur ne dirige de puissants ef-
forts que contre les plus capables d'opposer une forte résistance.
i>4Si nous savions faire un bon usag-e des tentations, disait le Bien-
heureux, nous les souhaiterions en quelque sorte, nous les provo-
querions presque, plutôt que de les redouter : mais, parce que de
tristes chutes nous ont fait connaître à la fois notre faiblesse et
notre lâcheté, nous avons bien raison de dire : Et ne nous iniuisez
pas en tentation.
Si, au moins, à la défience de nous-mêm3s, défiance malheureu-
sement trop justifiée, nous joignions une grande confiance en Dieu,
plus fort pour nous faire triompher de la tentation que nous ne
sommes faibles pour y succomber, notre courage irait grandissant
à mesure que diminueraient nos appréhensions. Nous dirions avec
le Prophète: O'est par vous, Seigneur., que nous serons délivrés de la
tentation ; par vous que nous surmonterons tous les obstacles du salut.
Avec vous, nous marcherons sans crainte sur l'aspic, surlle basilic, nous
foulerons aux pieds le lion et le dragon.
Comme les grandes tentations nous font connaître la grandeur de
notre courage el celle de notre fidélité à Dieu, elles nous appren-
nent de même à manier les armes spirituelles de notre milice,
comme dit saint Paul, contre les attaques de nos ennemis invisi-
bles. C'est alors que notre âne, couverte du bouclier de la grâce,
leur parait terrible comme un^ armée rangée en bataill:! C'est alors
que nous faisons de plus gr.aids progrès dans la vertu.
Il y a des personnes qui croient tout perdu parce qu'elle ont des
pensées de blasphème, d'impiété. Elles s'imaginent alors qu'elles
n'ont plus ni religion ni foi. Cependant, tant que ces pensées dé-
plaisent, elles ne peuvent naire. G 3 sont des vents impétueux dont
les secousses affermissent l'arbre, au lieu de l'ébranler. Il faut en
dire autant des tentations d'impureté et de toutes les autres, quel-
les qu'elles soient. La maxime est générale. Parce que vous étiez
agréable à Dieu, dit l'ange à Tobie, il a été nécessaire que vous fassiez
éprouvé par la tentation.
UN AIDE DANS LA DOULEUR
PAR
L'auteur des Avis Spirituels
SEPTIEME EDITION
1 voL in-18. Prix S5 cts.
li'article qui snit est extrait de ce livre.
Payer un a-compte quotidien sur nos dettes envers
la justice divine.
Depuis votre baptême, toute privation de la grâce a été volontaire
de votre part. Il est donc utile pour le bien de votre âme, que
Dieu vous plonge dans le bain salutaire de la pénitence, et vous
y jette tête baissée.
Pensez moin; à vos épreuves et un peu plus à vos dettes envers
Dieu I Les saints, pressés de s'acquitter complètement en ce monde,
s'estimaient heureux de pouvoir, par leurs souffrances, présenter
chaque jour un à-compte à la justice divine : " Mon Père, disait
un Lazariste à l'illustre Vincent de Paul, vos maux sont vraiment
par trop pénibles 1 " — " Gomment, répondit le Saint, appelez-vous
pénibles les souffrances voulues de Dieu, qui aident un pauvre
pécheur à expier ses péchés ?" — Vos souffi'ances viennent donc
très à propos ; car vous n'avez, je suppose, pas moins de dettes
envers Dieu que saint Vincent de Paul ? Ne feriez-vous pas mieux,
au lieu de vous plaindre, de dire avec le prophète : " 5lon Dieu,
n'entrez pas en jugement avec moi, ne vous souvenez pas des
péchés de ma jeunesse. " — Que ne mérite pas sur la terre un seul
péché mortel, quand Dieu juge qu'un éternel enfer lui est dû -^
Recevez humblement le triste salaire de vos péchés ; et le soir
déposez vos peines et vos souffrances du jour entre les mains de
voire Ange gardien, comme un à-compte sur vos dettes. Après
avoir tant offensé Dieu, inclinez-vous sous sa main qui vous punit
justement. Saint Paul de la Croix (fondateur des Passionnistes)
disait à propos de noire insouciance à tirer profit de nos souffran-
ces : "• Quand même, je pourrais me soustraire aux coups de la
justice divine, je ne le ferais pas par soumission à la volonté de
Dieu. D'ailleurs mes peines me sont très-utiles pour racheter le
passé. "
Dites comme saint Augustin satisfait d'effacer ses péchés :
*' Seigneur, coupez, brûlez, en ce monde, mais épargnez-moi dans
l'autre ! — Oui, Seigneur, vous ne me traitez pas comme le mé-
ritent mes péchés, voilà pourquoi je veux souffrir patiemment et
endurer tout ce qui m'arnvera de fâcheux. " — Bienheureux serez-
vous d'envisager ainsi vos souffrances, et d'en tirer plus d'espoir
de votre salut !
L ' A U E O E E
AU GÉNÉRAL ET A Mme DESAINT DE MARTHILLE
Tout le plaisir des jours est en leurs matinées.
MALHERBE
Le premier jour de mars 1764, un joyeux soleil éclairait, le parc
de Versailles : les premèires violettes, soulevant les feuilles sèches
et l'herbe renaissante, répandaient déjà leurs parfums, et semblaient
vouloir regarder le ciel bleu et guetter l'arrivée du printemps.
Un petit groupe de promeneurs, composé de quatre personnes,
descendait la belle allée verte qui mène du bassin de Neptune à
la grille de Trianon. C'était une famille allemande de l'aspect le
plus patriarcal. Le père et la mère se donnaient le bras et avaient
tous deux de belles et honnêtes figures. Leurs deux enfants cou-
raient devant, alertes et gais comme des oiseaux. La fillette, âgée
de treize ans, était charmante sous son petit capuchon de velours
bleu bordé de cygne ; mais son frère, de quatre ans plus jeune,
paraissait encore plus joli et plus éveillé qu'elle. Ils jouaient, cou-
raient, babillaient : c'était à qui montrerait le plus de grâce et de
gentillesse.
— Léopold, dit la mère, êtes-vous sûr que c'est bien à neuf
heuiesque meinherr Heinrich nous a donné rendez-vous à la
grille du petit Trianon ?
— Oui, ma chère femme. Nous sommes d'une demi-heure en
retard ; mais, Dieu merci, Heinrich est Allemand : il nous atten-
dra. Si c'était un de ces étourdis de Français, toujours pressés et
impatients, il aurait déjà quitté la place.
— Je vois là-bas Heinrich, mon ami Heinrich ! s'écria le petit
garçon.
Il se mit à courir et alla se jetter dans les bras d'un personnage
qui venait d'apparaître au bout de l'allée.
— Vous voilà donc enfin, Wolfgang Mozart ! dit le bon gros
Heinrich, homme d'une cinquantaine d'années, vêtu de la livrée
royale, et qui était valet de chambre de ladauphine Marie-Josèphe
de Saxe. Savez-vous, mon enfaiit, que je commençais à bien
m'ennuyer ? Qui vous a doic retardé ainsi ?
— Ce sont les gens de notre auberge, dit le petit Mozart : ils se
couchent si tard, qu'on ne peut les faire lever, et maman n'a point
voulu permettre que nous partions avant d'avoir déjeuné, Marie-
Anna et moi. Quant à papa et maman, ils jeûnent, à cause du
carême.. C'est plus vite fait.
— A la bonne heure ! mais c'est que je voudrais bien vous faire
visiter les serres avant le moment où le Roi y vient.
LE PROPAGATEUR 325
— Oh ! le Roi m'a tellement caressé hier, que, bien sûr, il serait
enchanté de me revoir. Sais-tu bien, mon ami Heinrich, que la
Reine m'a embrassé ? Elle a donné à Nanerl des boucles d'oreilles
en perles fines. Et, vois donc ma nouvelle montre ! Elle sonne.
C'est Mme de Tessé qui m'en a fait présent, en récompense des
sonates que je lui ai dédiées.
— Meinherr Heinrich, dit Nanerl, qui avait rejoint son frère,
•voyez donc la bague que Madame Victoire m'a donnée hier !
Mais, Mozart et sa femme arrivant, les enfants se retirèrent
discrètement, et laissèrent leurs parents causer avec Heinrich.
— Eh bien ! dit celui-ci après les premiers compliments, il paraît
que vos succès vont toujours croissant. Il n'est bruit à la cour que
du talent de vos enfants. Cela me fait bien plaisir ; et puis, voyez-
vous, ce qui me charme surtout, c'est de voir ces chers petits si
bons, si sages et si naïfs. Toute cette gloire ne les étourdit pas.
Ils restent aussi simples que je les ai connus à Salzbourg.
— C'est la vérité, dit Léopold Mozart, et j'en rends grâces au
bon Dieu. Il y là quelque chose d'aussi surprenant que leur talent
précoce. En rentrant le soir chez nous, comblé de cadeaux, de
louanges et d'applaudissements, savez-vous ce que fait Woferl ?
Après la prière, il nous baise la main à sa mère et à moi, il em-
brasse sa sœur ; tous deux nous demandent notre bénédiction, puis
ils chantent une petite mélodie que Woferl a composée à l'âge de
quatre ans, et il s'endort, disant qu'il ne veut rêver qu'au bon
Dieu, à la musique et à nous trois.
— ^Cher enfant ! dit le bon Heinrich tout attendri, que Dieu le
conserve ainsi ! Hélas ! il doit voir à Paris et à la cour bien des
choses qui pourraient lui enlever cette fleur d'innocence et de pié-
té. Je le regardais de loin le soir où il joua du clavecin devant le
Roi, et son visage et celui de sa sœur différaient tellement de ceux
qui les entouraient, que je croyais voir deux anges parmi une
troupe de comédiens.
— Vous dites vrai, meinherr Heinrich, dit Mme Mozart. Quels
masques on voit dans ce pays-ci ! C'est leur faire trop d'honneur
que de les appeler des visages. Hommes et femmes sont peints
comme des poupées de Nuremberg, et leurs yeux faux, leurs sou-
rires compassés, leurs mouvements mécaniques, font mal à voir.
Il n'y a que la Reine et la Dauphine qui aient des figures chré-
tiennes. Mais aussi c'est qu'elles parlent allemand !
— Vous pourriez bien, Madame, y ajouter Mesdames de France :
ce sont de saintes princesses.
— Je n'en doute pas, reprit Mme Mozart ; mais elles sont si ré-
servées, si fières, si timides, qu'elles me glacent. Madame Louise
semble plus aimable que ses sœurs ; mais elle se tient au rang de
petite cadette, toujours cachée derrière Madame Adélaïde. Oh î
que c'était plus joli à la cour de Vienne, l'année dernière ! imagi-
nez-vous, Heinrich, que l'imépratrice prenait Woferl sur ses ge-
noux. Il l'embrassait comme s'il eût été son fils, et, le croirlez-vous ?
il lui demanda un beau matin une des archiduchesses en mariage ?
— Oh ! voilà qui est trop fort ! s'écria Heinrich en riant.
326 LE PROPAGATEUR
— C'est exact, dit Léopold Mozart. L'emepreur avait fait signe
à Wolfgang de se mettre au clavtciii. 11 y courut ; mais- glissant
sur le parquet, il tomba tout de son long. Une des archiduchesses,
enfant de sept ans comme lui, s'élança pour l'aider à se relever,
et lui demanda s'il ne s'était pas fait mal, d'un air si gracieux,
qu'il s'écria : " Vous êtes bien aimable, Madame ! je veux vous
épouser ! " Et il fit le jour même sa demande à l'impératrice. Vous
devinez aisément combien cette équippée divertit la famille im-
périale I
En causant ainsi, l'on était arrivé près des serres de Trianon,
et Heinrich dit à ses amis :
— Vous ferez bien d'ôter vos pardessus, car il fait très chaud
dans les serres. Songez aue 1- s fraises et les ananas y mûrissent
l'hiver !
Ils entrèrent, et furent éblouis par la beauté des serres royales.
Elles n'élaientpas si grandes que celles que M. Rohault de Fleury
a construites de nos jours au jardin des Plantes, et où s'abritent
encore quelques débris précieux des collections royales ; mais
elles étaient élégamment disposées, remplies de fleurs éblouissan-
tes, et les raisins et les cerises y mûrissaient ensemble, mêlés aux
caféiers chargés de fruit. Des oiseaux du Bengale et de l'Amérique,
enfermés dans des volières dorées, retrouvant la température et
et les parfums de leurs pays, chantaient tous ensemble, et mer-
veilleusement.
Léopold Mozart, sa femme et sa fille se mirent à regarder les
fleurs ; mais le petit Mozart resta près des oiseaux, et ne voulut
regarder qu'eux. Ces ramages inconnus, ce concerto du Paradis
terrestre, comme il l'appelait, le charmaient tellement, qu'il était
encore immobile à la même place, lorsque sa sœur, une demi-
heure après, accourut tout essoufflée du bout de la serre, qui était
fort longue, et lui dit :
— Viens vite, Woferl ! le Roi est là-bas, et il te demande.
— Tais toi, dit Mozart, écoute 1
Un petit bengali, plus familier que les autres, s'était approché
de lui et chantait. Jl chantait si bien, que Nauerl, oubliant que
le Roi l'attendait, resta près de son frère, attentive et charmée.
. Louis XV, en effet, venait d'entrer dans la serre par la porte
opposée à celle dont Heinrich s'était fait donner la clef. Il était
accompagné de Claude Richard son jardinier favori, du vieux
duc de Richelieu, fardé, musqué, pincé comme une vieille coquette,
et de trois ou quatre courtisans.
Le Roi parut un peu surpris en apercevant la famille Mozart ;
mais, reprenant tout de suite un air affable, il parla à Léopold et
lui demanda où était son fils. Nanerl partit pour aller chercher
Wolfgang, et Claude Richard, un pue ennuyé de voir l'attention
du Roi se détourner de ses fleurs, se hâta de lui dire :
— Jl y a du nouveau à Trianon, Sire : un de ces arbustes de la
Caroline que mon fils Antoine rapporta d'Espagne l'année der-
nière, vient de fleurir pour la première fois. Si Votre Majesté
daigne venir de ce côté, elle le verra.
LE PROPAGATEUR 327
Le Roi s'avança dans la direction que lui désignait Richard, et
se trouva bientôt près d'un assez joli arbuste, à feuilles ovales, à
bois odoriférant, couvert de fleurs ressemblant à de petites ané-
mones d'im rouge obscur, et qui répandait un parfum singulier.
Louis XV en fit compliment à Richard.
— C'est une conquête, dit-il, une fiche de consolation pour les co-
lonies que j'ai perdues l'an dernier, quand Choiseul m'a fait signer
le traité de Paris. C'est dommage, mon vieux Richard, que tu ne
sois pas mon premier ministre. — Mais bast ! après moi le déluge 1
ajouta-t-il aparté. — Gomment appelles-tu cet arbuste ?
— M. de Jassieu l'appelle calycanthus /loridas, Sire ; mais il
faudrait donner à cette fleur un nom français, et j'espère que
Votre Majesté voudra bien en être le parrain.
— Je suis peu inventif, Richard, On pourrait l'appeler l'arbre
aux anémones ; mais c'est long, et ce nom ne caractérise p is le
parfum de cette fleur. Elle sent la po.nme, la fraise, l'ananas. Ne
semble-telle pas digne de couronner Pomone et de porter sou nom ?
Qu'en dites vous, Monsieur de Richelieu ?
— Oh ! Sire, s'écria le duc en minaudant, Pomone est furieuse-
ment vieille ! La belle dime qui en portait le costume au dernier
bal de la cour, mérite bien mieux que cette antique déesse de
donner son nom à une jolie fleur. Je propose de nommer celle-ci
Pompadoura.
— Charmant ! délicieux ! adorable ! s'écrièrent en chœur les
courtisans.
Claude Richard seul re dit rien, et fit semblant d'être fort oc-
cupé à relever- un pot de fleurs que le duc de Richelieu venait de
renverser en pirouettant.
— Allons ! dit le Roi, c'est adopté.
Il cueillit une petite branche fleurie, la mit à sa boutonnière,
et continua à visiter la serre.
Léopold Mozart, sa femme et Heinrich se tenaient à distança
respectueuse.
— Mais enfin, dit le Roi, où est donc le petit musicien ?
— Le voilà, près des oiseaux. Sire.
— Chut ! j-^ veux le surprendre.
Et, d'un signe arrêtant sa suite, Louis XV s'avança sur la pointe
du pied, et, se glissant derrière un massif de camélias, ii écouta
la conversation des deux enfants.
Le petit bengali ne chantait plus.
— Recommence donc, petit oiseau ! bis ! bis ! — lui disait en
vain Nanerl de sa douce voix.
— Il est fatigué, ma sœur. Voudrais-tu qu'il chantât jusqu'à
en mourir ? C'est bon pour les hommes, ces folies-là. Quelle jolie
sonatine il m'a dictée ! Je veux l'écrire. Prête-moi ton crayon
d'or, Nanerl.
— Le voici, mais je n'ai pas de tablettes.
— C'est bien dommage ; mais je me souviendrai. 0 Nanerl ! si
le Roi voulait bien me donner ce petit oiseau, que je serai content !
— Gela ne te servirait de rien, Woferl. M. Richard disait tout
328 LE PROPAGATEUR
à l'heure à maman que les bengalis ne pouvaient vivre qu'en
serre chaude. Tu ne voudrais pas causer la mort de ce joli petit
oiseau ?
— Oh ! non ! Après tout, les rossignols de Salzbourg le valent
bien : ils sont libres et heureux. Et toi, Nanerl, as-tu composé
quelque chose ?
— Oui, mon frère. Il y a là-bas une rose jaune panachée de
rouge, qui m'a inspiré un bien joli menuet. Je te le jouerai en
en rentrant à la maison.
— Vous n'aurez pas besoin d'aller si loin, dit le Roi en se mon-
trant tout coup : venez avec moi dans le salon de musique, mes
petits amis : je veux avoir Tétrenne du menuet de la Rose et de
la sonate du Bengali.
Et, prenant les enfants par la main, le Roi rejoignit sa suite
et emmena toute la compagnie au salon de musique.
C'était cet élégant pavillon octogone qui fait perspective au
château du petit Trianon, et dont quatre façades prolongées en
avant forment quatre petits salons, qui communiquent avec la
pièce principale et s'ouvrent aussi par de grandes portes vitrées
sur les quatre perrons qui les relient. Ce pavillon, couronné d&
balustres et de statues, était alors tout nouvellement construit, e*
le pavé en marbre de compartiment, les boiseries sculptées, les-
hautes glaces et le plafond peint à fresque que nous voyons
à présent rongés par le temps et l'humidité, brillaient alors de
tout leur éclat. Au moment d'entrer, on entendit dans l'intérieur
du pavillon les sons d'un clavecin.
— Oh ! dit le petit Mozart, il y a dans ce beau petit château un
musicien aussi matinal que nous. Serait ce la Reine ?
Ils entrèrent, suivant le Roi. Une dame encore jolie, très-fardée,
habillée tout en dentelle et tafletas lilas, avec des nœuds de ruban
vert d'eau et une parure de perles, était assise au clavecin. Elle
se leva, fit une profonde révérence, et le Eoi la salua d'un air
assez familier. En deux mots il lui conta la conversation des deux
enfants, et dit à la petite fille de jouer son menuet. Sans hésiter
le moins du monde, Marie-Anna improvisa un menuet charmant.
On l'applaudit fort, et la belle dame lui donna une bonbonnière
de vermeil remplie de pralines.
— Au tour du petit Mozart ! dit le Roi.
Mozart se percha sur le tabouret. Il était petit pour son âge, et
son petit doigt avait bien du mal à arriver à toucher l'octave ;
mais son jeu délicat, agile et expressif, n'en était que plus mer-
veilleux.
— Je vais jouer le Bengali, dit-il.
Et, sans faire ni contorsions ni grimaces, aussi tranquille et
simple qu'un petit oiseau qui chante seul au fond des bois, Mozart
préluda en sol mineur et joua une petite sonate si mélodieuse^
que ses auditeurs ravis n'osaient respirer.
Quand il s'arrêta, tous s'écrièrent ; Déjà ! et Louis XV, ôtant
une bague de son doigt, la donna à Mme Mozart en lui disant :
— Votre fils est un prodige. Madame.
LE PROPAGATEUR 329
— Vraiment ! dit la belle aame, je n'avais pas l'idée d'une tel'e
facilité d'improvisation. Mais, mon petit, les fleurs ne vous inspi-
rent elles pas ? De même que votre sœur a fait le menuet de la
Rose, ne pourriez-vous en composer un sur cette fleur-ci ?
Elle montrait la branche de pompadoura que le Roi venait de
lui donner.
Mozart ouvrait de grands yeux, ne comprenant pas très bien.
Son père lui traduisit ce qu'avais dit la marquise. Mozart regarda
la fleur d'un air un peu dédaigneux.
— D'après une belle fleur, dit-il, je pourrais composer ; mais
«elle-ci n'est ni belle ni jolie.
— Elle a son parfum, dit Nanerl.
Mozart prit la fleur, la sentit un instant, puis s'écria dans son
mauvais français :
— Oh ! la vilaine fleur ! D'abord elle a un parfum de fraise,
puis d'ananas, puis de melon ; mais, au bout d'une minute, et si'
peu qu'on y touche, elle exhale une odeur de pomme gâtée. Fi !
je n'en veux plus.
Et il jeta la fleur sur une table en faisant une grimace significa-
tive. La marquise s'était détournée, et paraissait tout occupée à
feuilleter un cahier de musique.
— Woferl, dit tout bas Léopold, joue un air de chasse.
Mozart obéit, et, la fanfare finie, ils prirent congé du Roi. Ce-
lui-ci embrassa les enfants, et Mozart, naïvement, s'avança vers
la marquise pour l'embrasser aussi ; mais elle se recula d'un air
hautain.
Tout en reprenant le chemin de Versailles, le petit maestro dit
à son père :
— Le roi Louis XV est presque aussi aimable que notre empe
reur ; mais qui est donc cette belle madame si fière ? L'impératrice
Marie-Thérèse m'embrassait, la reine de France aussi, et celle-là
se trouve trop grande dame pour les imiter. Qui donc a-t-elle
épousé ?
Léopold Mozart eut recours à sa tabatière, et Nanerl le tira
d'embarras en disant à son frère :
— C'est une sotte, et voilà tout. N'y pense plus Woferl. Viens
m'aider à cueillir des violettes pour maman. Vois, le gazon en
est tout bleu.
Le soir de ce même jour, la famille Mozart, après avoir fait de
la musique chez Mme de Tessé pendant toute l'après-midi, venait
de finir la collation ûu soir à l'auberge de la Croix blanche, rue de
la Paroisse. Il était nuit heures passées, et Mme Mozart parlait
déjà d'envoyer les enJanls se coucher, lorsque le bon Heinrich
entra.
— Vite ! vite 1 s'écria-t-il : il faut venir tout de suiet au château.
Par extraordinaire, Mgr le Dauphin, ainsi que Mme la Dauphine,
ont pu se dispenser d'aller au jeu de la Reine, et ils passent la
soirée chez eux avec leurs enfants. On joue aux petits jeux, et
M. le comte de Provence, ayant gagné une discrétion à Mme la
Dauphine, exige qu'ofti lui fasse entendre ce soir même le petit
330 LE PROPAGATEUR
Mozart, sur l'orgue, à la chapelle. Venez vite ! vous serez content.
Chez notre tonne princesse vous pourrez vous croire encore à
Vienne.
Ils se hâtèrent de descendre, prirent place dans des chaises à
porteurs dont Heinrich s'était précautionné, et quelques minutes
après ils arrivaient chez le Dauphin, dont l'appartement était si-
tué au rez-de-chaussée, sous celui de la Reine, et donnait sur le
parterre du Midi. C'était là qu'avait habité jadis le grand Dauphin,
père du duc de Bourgogne et de Philippe V roi d'Espagne, et dont
toute la vie, de même que celle du fils de Louis XV, fut résumée
par ces- mots : fils de roi, père de roi, jamais roi.
Louis de France et sa femme, l'aimable, savante et pieuse
MarieJosèphe de Saxe, vivaient dans la plus douce union, Tout
occupés de leurs enfants, charitables, bienveillants, pas^ionllés
pour l'étude et la musique, ils donnaient à la cour l'exemple des
plus aimables vertus. Mais les courtisans se moquaient d'eux, et
n'avaient pour ces princes qu'un respect apparent, imposé par la
crainte du Roi. Plus d'une fois, quand les croisées enlr'ouvertes
de l'appartement de la Dauphine laissaient s'échapper dans le parc
les sons de son clavecin accompagnant sa belle voix et celle du
Dauphin, qui chantaient des motets de Dumont ou de PalesLrina,
les désœuvrés errant sur les terrasses du palais haussèrent les
épaules en se disant ; Entendez-vous ces sacristains ?
Au moment oii la famille Mozart fut introduite, la Dauphine
tenait sur ses genoux l'aînée de ses filles, Madame Glotilde, future
reine de Sardaigne, alors âgée de quatre ans. Madame Elisabeth,
plus petite encore, était déjà couchée.
Marie-Josèphe de Saxe, sans être belle, plaisait par l'exfression
intelligente et douce de son visage et ses manières aussi dignes
que gracieuses. Le Dauphin, grand, bien fait, et ressemblant au
Roi, ne sentait pas encore les atteintes de la maladie qui devait
l'enlever l'année suivante ; et pourtant sa belle figure était déjà
empreinte de cette liistesse prophétique, ombre avant-courrière
qui s'étend presque toujours sur les fronts à qui sera refusée la
couronne des cheveux blancs.
Assis près de la Dauphine, il jouait avec ses trois fils, beaux
enfants, âgés alors de dix, neuf et sept ans, et qui tous trois de-
vaient régner sur la France : le doux et pacifique duc de Berry,
qui fut Louis XVI ; le studieux et spirituel comte de Provence,
et l'étourdi comte d'Artois, dont les malicieuses espiègleries étaient
déjà célèbres à la cour.
En voyant entrer le petit Mozart et sa sœur, les jeunes princes
jetèrent un cri de joie, et le comte d'Artois proposa immédiate-
ment une partie de colin-maillard, La Dauphine s'y opposa,
— Mes enfants, dit-elle, vous devez vous retirer à neuf heures ;
il en est bientôt huit et demie : nous aurons à peine le temps
d'aller à la chapelle et d'entendre Mozart.
— 0 maman Dauphine ! s'écria le comte d'Artois, vous seriez
une princesse parfaite, si vous ne saviez pas toujours l'heure qu'il
est. Vous êtes vraiment trop ponctuelle et trop sévère.
LE PROPAGATEUR 331
— Fi, mon frère ! dit le duc de Berry : est-ce ainsi que l'on parle
à maman Dauphine ? Uin
Mais la Dauphine ne les écoutait pas. Tandis que le Daupars
accueillait Léopold Mozart et sa femme, elle faisait babiller 1ère
enfants en allemand, et les accents de sa langue maternelle
jouissaient la bonne princesse.
— Allons à la chapelle, dit le Dauphin en se levant. Je suis au
supplice lorsque j'entends faire de la musique au milieu du bruit
des conversations. Je vais enfin jouir de Mozart dans un silence
et un lieu dignes de son talent.
11 donna ses ordres, et, offrant la main à la Dauphine, le prince
sortit du salon, précédé par deux valets portant des flambeaux, et
suivi par Mme de Marsan qui donnait la main à Madame Glotilde,
les trois jeunes prince, le duc de la Vanguyon leur gouverneur,
la famille Mozart, et le bon Heinrich qui fermait les portes. Le
prince et la princesse traversèrent un dédale de galeries, de vesti-
bules et d'escaliers, et arrivèrent enfin sur les tribunes de la cha-
pelle royale.
Heinrich alluma les torchères de la tribune de l'orgue. Tout le
reste de l'édifice était à peine éclairé par la lune naissante ; et les
élégants pilastres, les splendides peintures, tonte la décoration
aussi riche qu'harmonieuse de la plus belle chapelle qui existe,
se perdaient dans les ombres de la nuit. : ;■;
Les valets allèrent chercher deux fauteuils à la tribune du Roi,
et les apportèrent près de l'orgue. Mme de Mackau, le duc de la
Vauguyon et les jeunes princes prirent les pliants. Léopold Mozart,
s'approchant de l'orgue, fit une exclamation. Le clavier était fer-
mé : impossible de l'ouvrir !
— Quel ennui ! dit la Dauphine. Il faut aile." demander la clef
à l'organiste. Cù demeure-t il ?
— Aux Menus-Piaisirs, dit Heinrich. J'y vais courir.
— Attendez 1 s'écria le duc de Berry : il y a un autre moyen.
Et, tirant de sa poche un petit tournevis dont il se servait avec
une remarquable aaresse, le jeune prince, en cinq minutes, dé-
monta la serrure dorée et ouvrit l'orgue.
— Voilà un étrange talent, et que je ne vous connaissais pas,
Berry. dit la Dauphine. Un fils de France qui crochète les serrures !
— Distinguo, msim'dn, s'écria, le comte de Provence : Berry l'a
dévissée, et non point crochetée. C'est bien différent ! Grâce à lui,
nous entendrons Mozart.
— Que faut-il jouer, Altt sses ? demanda Wolfgangen s' asseyant
à l'orgue, tandis que son père essayait le soufUet.
— Un air à danser ! dit le comte d'Artois : je n'aime que ceux-
là, moi !
— Y pensez-vous ? à l'église ! s'écria la Dauphine. Je vais vous
envoyer coucher, Artois, si vous dites un mot de plus. Meine liebe
Wolfgang, ajouta-t elle en s'adressant à Mozart, improvisez une
belle prière à la sainte Vierge.
— Je veux bien, dit Mozart, mais à une conditon : c'est que l'Oii
tiendra devant moi V Angélus que voici !
332 LE PROPAGATEUR
Et il désignait Mme GLolilde. Mme de Marsan s'approcha, et
tint près de l'orgue la petite princesse vêtue de blanc, et dont
l'augélique sourire, les yeux d'azur et la blonde chevelure ravis-
saient tous les regards. Mozart, les yeux fixés sur elle, joua une
mélodie d'une douceur et d'une grâce infinies. Le Dauphin pleu-
rait en l'écoutant, les petits princes eux-mêmes ne bougeaient pas,
et ce ne fut que lorsque la dernière vibration de l'orgue se fut
évanouie, que l'incorrigible comte d'Artois s'écria :
— C'est charmant ! mais je voudrais quelque chose de plus gai.
Allons, Mozart, regarde-moi, et fais une chanson qui me ressemble.
Mozart se pencha vers sa sœur et lui dit tout bas :
2', — J'ai envie de leur jouer : Dodo^ V enfant do. Je tombe de som-
meil et de fatigue. Donnez-moi donc une idée, Nanerl.
— Rappelle-toi, lui dit sa sœur, nos soirées de Vienne, et la belle
petite archiduchesse que tu voulais épouser.
— J'y suis ! s'écria Mozart.
Et, se tournant vers les princes, il leur dit :
— Ecoutez bien. Altesses royales ! je vais vous jouer une petite
sonate qui s'appelle
Marie-Antoinette d'Autriche !
Et ce fut ce soir-là que Louis X'VI enfant entendit prononcer
pour la première fois le nom de celle qui devait partager son trô-
ne et son martyre.
.•;; Tant il est vrai que, dans l'histoire comme en la saison d'été,
uneifraîche et paisible auroi-e commence souvent un jour qui doit
finir^dans la tempête et d'horribles ténèbres !
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TABliE. — LIVRE L — CHAPriBB 1er. latroductioa. — H. Maximes propres à mieux faire
comprendre la béatitude. — ILI et IV Muximës à l'usage de l'&mo aspirant au ciel. — V. La
pensée du ciel est un remède h tous les maux. VI. Il faut chaque jour renouveler la pensée du
ciel. — VII. Comment il faut ohaciue jour réveiller en noua cette pensée. — VIII. Du nom de
Demeure que l'Écriture donne iw ciel. — IX. A quel prix il faut se procurer le ciel, — ^X. Pourquoi
nos désirs du ciel sont si l»nguisBants ; motifs de combattre cette langueur.
lilVHE II. — Chap. I. Première joie des bienheureux dans la ciel : Volupté de la vue — II.
Volupté de la langue et du goût. — III. Joie de IJodorat. — IV. Volupté du tact. — V. Volupté de
l'oaïe. VI. Joies des quatre propriétés dos corps glorieux. VIL Joie de l'Intelligence, de
la volonté et de la mémoire. — VIII. Joie provenant du lieu delà béatitude. — ^IX. Joie de la
société céleste. X. Joie provenant do l'afauonco de toutes les délices. — XI. Volupté qui résulte
de l'aocompUssemeut de tous nos désirs. — XII Joie provenant de l'assurance de jouir éternelle-
ment du bonheur. — XUI. Joie des auréoléB. — XIV. Joie résultant de la vision de Dten. — XV
La vision de Dieu est le plut grand de tous les biens. — XVI. Dernière explication de la visioti
de Dieu. — Ce que nous verrons en Dieu. — XVII. Eternité des joies. — Conclusion.
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Gomme son dîné, le Livre d'or des âmes pieuses, ce nouveau livre de M. l'abbé
Desbos va obienir les sulfrages que lui souhaitent nos pieux et doctes évèques.
Ce précieux manuel de piété et de science religieuse' n'esi-il pas, en elTet, le com-
plément indispensable du premier ? Les âmes d'élites qui désirent toujours s'ins-
truire et se perfectionner dans la science du salut seront charmées d'y trouver,
sous une forme agréable de méditations et de sermons, la suave et forte doctrine
des chefs-d'œuvre qu'elles aiment tant à lire, mais qu'elles ne peuvent pas faci-
lement se procurer.
Si tous les prêtres comprenaint l'utilité de cet ouvrage, comme un grand nom-
bre nous l'ont déjà prouvé, il deviendrait bientôt un 7iouveau Gofjiné enire les
mains des pasteurs des iidèles, Go/fmé plus complet et plus approprie aux besoins
des temps présents. La lettre suivante, qui résume à elle seule d'une manière
parfaite toutes celles que nous avons déjà reçaes, en est la preuve la plus évidente
Que le vénéré signataire, dont nou^ ne pouvons donner le nom par discrétion,
nous pardonne de livrer ainsi sa courle lettre à la publicité : •' Merci à l'auteur
el à l'éditeur du QUART DHEUUE DU CHRETIEN. Le temps pascal
ne m'a pas permis de parcourir assez ce beau livre pour en faire l'éloge
mérité. Mais ce que f en ai vu 7ne ravit d'admiralion cl dereconnaissunce. C'est
un prodige de typographie. Cet admirable volume (qui est un livre de poche) par-
faitement imprimé, contient largumml la matière de quatre volumes. — Quant au
fond, un strmon choisi pour chaque dimanche et fêle de l'année avec l'o/fice du
jour, etc. C'est une bibliothèque chrétienne el morne ecclésiastique. Donc, je
voudrais voir ce bel ouvrage aux mains de tous mes confrères el de tous les bons
chrétiens. Aussi je viens déjà de le recommander autour de moi.
" Agréez, etc., B ,chan., curé-doyen du Gd F. (Ile-et-Vilaine)."
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LrvKE PEBMTER : Les appels de Dieu. — La
vocation. — La cléricature. — Des ordres mi-
neurs». — Du sousdiaconat. — Du diaconat. — Du
sacerdoce. — La couronne .sacerdotale. — Du
pouvoir de célébrer le saint sacrifice. — La
messe sacrilège. — Du pouvoir de remettre les
péchés. — Du confesseur. — Du directeur. —
De la fin du prêtre.
LrvEE DEUXIÈME : De la sainteté. — Du bon
exemple. — Du péché mortel. — Du péché
véniel. — De la science. — Des dangers de
l'oisiveté pour le prêtre. — De l'emploi du
temps. — Du zèle des âmes. — De l'état de tié-
deur. — Devoir d'annoncer la parole de Dieu.
— Du devoir d'administrer les sacrements. —
Devoirs du prêtre par rapport au sacrement de
pénitence. — Devoirs par rapport à l'Eucharistie
— Devoirs par rapport au sacrement de l'Ex-
trême-onction. — ^^ Devoirs envers les pauvres.
— Devoirs envers les entants.
LrvKE THOisiÈME. — De la chasteté. ^ De
l'humilité. — De la bonté. — De la charité eu-
vers le prochain. — De la charité l'ratemelle.
— Quelques défauts opposés à la charité De
la mortilicatiou. — De la passion dominante.
— De la vie cachée. — Une chambre.
LivEE yrATRiÈsiE. — D'un règlement dévie.
— De l'oraison. — De la sainte messe. — De
l'Office divin. — De la lecture spirituelle. — De
la visite au Saint Sacrement. — Du chapelet. —
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du prêtre. — Des retraites.
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LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Août, 1893, Numéro 11
BULLETIN
24 juillet 1893.
*/ Mgr Antoine Racine, évêque de Sherbrooke, est mort le 17
juillet courant après une maladie de quelques jours. Jusqu'au der-
nier moment il a rempli avec zèle les devoirs de sa charge pasto-
rale.
Celte mort est une lourde perte pour le diocèse qu'il a si bien
administré, c'est aussi une grande perte pour l'église du Canada
dont il était l'un des plus dignes pasteurs.
Patriote ardent, Mgr Racine a été un apôtre dévoué de la colo-
nisation. On lui doit en partie l'établissement d'un grand nombre
des nôtres dans les Cantons de l'est. Il a combattu avec ardeur et
énergie l'émigralion qui cause à notre province des maux incal-
culables et la prive des services d'un nombre énorme de dignes
citoyens,
Mgr Racine était âgé de 71 ans et quelques mois. Il est né à St-
Ambroise de la Jeune Loretta le 22 janvier 1822. Il a fait ses études
classiques et théologiques au séminaire de Québec, et il a été or-
donné prêtre le 12 septembre 1844. Il a été successivement vicaire
à la Maibaie et curé de Stanfold, de St Joseph de la Beauce et de
l'église Si Jean Baptiste à Québec. Lors de la création du diocèse de
Sherbrooke il* fut choisi comme son premier évêque et il fut sacré
le 18 octobre 1874.
Mgr Antoine Racine était le frère du premier évêque de Chi-
coutimi, Mgr Dominique Racine, décédé il va quelques années.
*
*.* Le gouverneur général, lord Derby, a définitivement laissé
le Canada. Il est parti de Québec, la semaine dernière, par le
paquebot Sardinian de la ligne Allan. Son remplaçant, lord
Aberdeen, ne viendra iciqu't n septembre. En attendant son arrivée,
le commandant des forces, le lieutenant générai Montgomery-
Moore, agira en qualité d'administrateur. Il a prêté serment comme
tel.
Lord Derby appartient au parti conservateur anglais dont le
chef actuel est lord Salisbury, ex-preraier ministre. Lord Aberdeen
est un libéral home ruler et M. Gladstone est son chef et son ami
particulier.
21
338 LE PROPAGATEUR
Lord Derby était estimé et respecté. 11 a rempli ses fonctions
avec dignité et impartialité. Il en sera de même de lord Aberdeen
si on en juge par ses antécédents. Lorsqu'il était vice-roi d'Irlande
sa popularité était immense et les Irlandais le regrettent encore.
*
*/ Enfin, grâce au vote polonais, l'empereur Guillaume l'a
emporté. Le projet de loi consacrant l'augmentation de l'armée est
devenu loi. Une majorité de 16, l'a décidé ainsi (1). Cette majorité
s'est prononcée en faveur d'une mesure qui fera peser de bien
lourdes charges sur la nation allemande déjà si criblée de taxes et
si appauvrie malgré les milliards arrachés à la France. Le règne
du militarisme va continuer et -la paix de l'Europe est menacée.
Dans celte circonstance solennelle le centre a suivi son ancienne
politique et il a voté en masse contre le gouvernement.
Voici la division qui a eu lieu lors de la seconde lecture du bill.
La majorité du gouvernement a été alors de 11 voix.
Pour le bill :
Polonais 18
Radicaux unionistes 13
Anti-sémites 10
Libéraux-nationaux 52
Conservateurs-libres 27
Conservateurs 68
Cléricaux 2
Indépendants «
Total 198
Contre le bill :
Cléricaux 91
Démocrates socialistes 43
Alsaciens 8
Radicaux Richtéristes 22
Démocrates allemands du sud 10
Guelfes 4
Indépendant»' 9
, Total 187
Aveuglés par leur haine contre la Russie (2) et oublieux de ce
qu'ils doivent à la France, les Polonais ont voté comme un seul
homme pour ce bill néfaste qui, personne n'en doute, est dirigé
contre ces deux puissances.
(1) Les dépêches de Berlin se contrediseat. Suivant quelques uns la mojorilé
est de 16 voix et, suivant les autres, elle n'esl que de 10.
(2) Dans le dernier Reichstag, à la séance du 6 mai 1893, les députés Polonais
avait déjà déclaré qu'ils voleraient le bill en haine delà Russie.
LE PROPAGATEUR 339
*,* Depuis quelques semaines on a célébré dans la province
plusieurs cinquantenaires et autres anniversaires remarquables,
je citerai notamment.
1o A Québec, le 16 mai, les noces d'or sacerdotales de Mgr
Cyprien Tanguay, l'auteur du Dictionnaire généalogique des
familles canadiennes. Cette œuvre de bénédictin n'est pas encore
terminée.
Mgr Tanguay est âgé de 74 ans. Deux de ses confrères déclasse
ont servi la messe du cinquantenaire. G-3 sont M. Laçasse, profes-
seur à l'école normale Laval, et M. Fournier, ancien employé de
la corporation de Québec.
2o A Québac, le cinquantenaire de professoral de messieurs
François-Xavier Toussaint et Napoléon Laçasse, professeurs à
Fécole norm^Ue Laval. Ces vétérans de l'enseignement out été
l'objet de démonstrations très sympathiques.
3o Le deuxième centenaire de la fondation de l'Hôpital Général
de Québec. Ce deux centième anniversaire a été célébré par un
triduura solennel les 16, 17 et IS mai.
L'Hopital-Général a été fondé par monseigneur de S--Valier,
deuxième évêque de Qiébec, avec .e concours des sœjrs hospita-
lières de i'Hôtel-Dieu de Qiiébic. Les premières religieuses qui
quittèrent l'HôLel-Dieu pjur la nouvelle institation furent les
religieuses de chœur Louise Soumande, M. Mirguerite Biurdon,
et Geneviève Gosselin, et la sœur converse Migdeleine Bacon.
La communauté fut installée dans le couvent de Notre-Dame des
Anges. {\)
Les Récollets avaient vendu ce couvent à Mgr de St Valier,
L'Hôpital Général prend soin des vieillards infirmes.
4o A Montréal, le cinquantenaire de la fondation de la commu-
nauté des sœurs de La Providence. A l'occasion de ce cinquante-
naire il y a eu, les 5, 6 et 7 juin, un triduum dans la nouvelle
maison-mère de la rue Ste Catherine, paroisse de St Vincent de
Paul de Montréal.
Mgr l'archevêque de Montréal, trois évêques, les supérieurs de
plusieurs établissements religieux et un grani nombre de prêtres
et de laïques ont assisté à ce triduum.
La communauté des sœurs de la Providence a été fondée par
madame veuve Jean-Ble Gamelin, née Emélie Tavernier. Elle a
été érigée canoniquement par Mgr Bourget en 184i. Elle comp-
tait alors les sept religieuses suivantes, Emélie Taveruie;', supé-
rieure, Agathe Seney, Justine Michon, Madeleine Durand, Mar-
guerite Thibodeau, Victoire Larocque et Emélie Garon.
L'humble ordre fondé par la mère Gamelin est devenu une
florissante communauté. Elle possède l'Hospice St Jean de Dieu,
à la Longue Pointe, le splendide éiablisgeraent des sourdes-muettes,
(l) Jusqu'au 1701 lacomaïuQautéfatsoas ladèpenlanjedel'flôlel-Diea. C'est
alors que la séparation devint définitive.
340 LE PROPAGATEUR
sur la rue St Denis, et un grand nombre de missions dontciuelques
unes au Chili et aux Etats-Unis.
Les sœurs de la Providence s'occupent de toutes sortes d'œuvres
de charité et même d'enseignement.
5o Le soixantième anniversaire de la fondation du collège de
l'AsPoraption, et les noces d'or sacerdotales de son supérieur, M.
l'abbé F. Dorval.
M. Dorval est supérieur du collège de l'Assomption depuis 27
ans. (1) Il est aussi curé de la paroisse du même nom. 11 est né
dans cette paroisse et il a été l'un des premiers élèves du collège.
Il est aussi le premier prêtre qui y ait reçu l'ordination. Le collège
de l'Assomption a été fondé par un ancien curé de la paioisse, M.
l'abbé François Labelle, et par deux laïques, le docteur Jean
Baptiste Meilleur, le premier surintendant de l'éducation dans la
province de Québec, et le docteur Charles Cazeneuve. ha. Semaine
Religieuse de Montréal, rédigée par M. le chanoine Alfred Archam-
beault, un enfant de l'Assomption et un ancien élève de son
collège, dit que : la part revenant à chacun des fonclatfurs dans cette
création peut être résumée en qudques mots. M. le docteur Meilleur
apporta ridée. M. le curé Labelle^ les moyens, M. le docteur Cazeneuve
les conseils. De cette association de dévouement est sorti le collège de
V Assomption.
Les fêtes du soixantième anniversaire ont duré trois jours, les
13, 14 et 15 juin. Elles ont été très belles et pins de 800 anciens
élèves y ont pris part. Mgr l'aichevêque de Montréal était présent
et il a nommé M. l'abbé Dorval chanoine honoraire.
Dans les diverses réunions qui eurent lieu pendant ces fêtes,
bien des discours ont été prononcés, et les orateurs ont été unani-
mes à se prononcer en faveur des fortes éludes classiques qui, dit
l'un d'eux (2), forment les caractères et font les hommes.
Alby.
(1) 11 vifnl (1h doiinor sa démission.
(2) M. Laurier, le. chef de l'opposition libérale au P.irlemenl d'Oitawa.
Denxiâme partie de I^E COMBAT DE L.A FOI, de la page 346
LA FOI ET SES VICTOIRES
TOME PREMIER
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TOME DEUXIÈME
JOSEPH DROZ — FRÉDÉRIC BASTIAT ALEXIS DE TOCQUEVILLE — FRÉDÉRIC LE PLAY
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Ceux qui ont lu du Doute et ses victimes demandaient comme complément, le
tableau des âmes illustres revenues à la foi. L'auteur, après en avoir fait d'abord
le sujet de conférences apologétiques, les donne au public sous celte forme ora-
toire, qui est celle de l'éloquence au service de l'histoire, de la philosophie et de
la religion.
Trois hommes remplissent le premier volume ; ce sont trois études 1res com-
plètes prises au cœur même de notre temps sur lequel elles jettent une vive clarté.
Dans le second volume, l'auteur a chosi quatre maîtres distingués de la science
sociale, dont la conclusion pratique de leurs travaux ne porte pas uniquement
sur leur propre personne, mais sur la société tout entière.
ORIGINE DE L'EGLISE
li 1 i l-S. J
Par l.'ABB£ C. FOU AU»
SEPTIÈME ÉDITION, REVUE ET CORRIGÉE
2 vol. in-12 Prix: $2.00
I< 'article qal sait est extrait de ce livre.
Cette vie de Jésus est un acte de M. Notre dessein n'est pas d'y
poursuivre la controverse qui depuis le commencement du siècle
partage les esprits ; nous ne voulons que faire mieux connaître et
aimer le Sauveur. L'heure est propice ; car les Évangiles, contre-
dits sur mille points, ont triomphé de la critique. L'attaque, comme
la défense, paraît épuisée. Que reste t-il, sinon d'user des témoi-
gnages inspirés, d'en tirer le récit des actes de Jésus, et par là de
montrer que celui dont on annonçait la mort est vivant et la vie
même ? A la vérité, nombre d'auteurs ayant déjà suivi celte voie,
refaire après eux une Vie du Sauveur peut sembler superflu,
Notre excuse est dans la sublimité du sujet, qu'aucune étude n'em-
brassera entièrement, car la divinité du Christ est l'objet d'éter-
nelles contemplations, et, à chaque âge, son humanité paraissant
sous une nouvelle face veut une différente peinture. De là les
histoires qui, tour à tour, ont tracé son image, et dont il suffira de
rappeler le propre caractère pour faire entendre ce qu'elles laissent
à acconaplir.
Les Évangiles, exposés par les pasteurs, suffirent à la foi des
premiers chrétieùs. Les jours mortels du Seigneur, les lieux et les
temps de ses prodiges étaient encore trop vivants dans les esprits
pour qu'on en ramenât le souvenir. C'est en mourantpour lui que
ces générations héroïques annonçaient Jésus. Toutefois l'erreur
s'efforçait déjà de défigurer le divin Maître, et les évangiles apo-
cryphes montrent jusqu'où elle avait dessein de le ravaler. Pour
dissiper ces rêveries, il n'y avait qu'à leur opposer les témoins des
actes du Christ. C'est à quoi se réduisirent Tatien de Syrie au
deuxième siècle, Ammonius au troisième, Eusèbe de Césarée au
quatrième. Disposant dans l'ordre des temps les récits évangéli-
ques, ils en firent une harmonie.
Quelques Pères suivirent cet exemple, mais la plupart d'entre
eux s'appliquèrent plutôt à interpréter la doctrine du Sauveur, et
ce fut seulement au moyen âge qu'on commença à composer des
Vies de Jésus. Môme en ce temps-là les historiens méditent plus
qu'ils ne racontent ; qu'on lise là Chaîne d'or de saint Thomas,
les pieuses Élévations attribuées au docteur Séraphique, les pages
austères de Ludolphe de Charlreux ; il semble que ces hommes,
pour qui le corps n'est plus rien, n'aperçoivent le Seigneur que
dans la lumière du Thabor. Giotto a peint sur les murailles d'As-
342 LE PROPAGATEUR
sise ce Christ transfiguré, et nous l'y voyons tel que le moyen
âge l'adorait, laissant percer à travers ses membres les rayons de
la divinité, la tête couronnée de gloire sous les fouets des bour-
reaux comme dans le triomphe de la Bésurrection. C'est là l'image
qui convenait aux siècles de foi et de charité, plus occupés d'imiter
ce modèle que de le mettre dans tout son jour.
Dans les âges suivants, la Vie de Jésus prit une forme plus doc-
trinale. Jansénius de Gand, Salméron, Tillemont, Calmet, enri-
chirent leurs commentaires de trésors d'érudition ; malheureuse-
ment ils n'ont pas fondu leurs recherches dans un récit qui rendît
au naturel la vie du Sauveur. Le P. de Ligny mit à profit les
travaux de ses devanciers ; comme eux toutefois, négligeant les
règles de l'art, il se contenta de disposer par ordre chronologique
les textes de l'Évangile, et d'y insérer les gloses nécessaires pour
rattacher les citations. Même après lui, il reste à écrire une his-
toire de Jésus-Christ
Mais tandis que ces interprètes ramassaient dans leurs ouvrages
la tradition de dix-huit siècles, la Réforme, après avoir renversé
en Allemagne la foi de nos pères, commençait à ébranler son
propre fondement. Les livres saints, longtemps respectés, se virent
à leur tour assaillis par l'erreur ; aulnenticité, véracité, inspiration,
tout fut mis en doute. Strauss en vint à faire de Jésus un person-
nage fabuleux, Baur à regarder l'Évangile comme une légende
reposant sur un fond historique, mais imaginaire dans ses prodi-
ges. Une entreprise si hasardée sur d'antiques croyances n'était
pas pour séduire le génie français, amoureux de la clarté ; il
fallut l'art et l'imagination de M. Renan pour donner quelque
lustre à ces inventions.
Le succès ne dura guère. L'Angleterre, toujours grave dans sa
science, traitait de roman l'oeuvre qui nous étonnait. L'Allemagne
souriait de nous voir prer.dre pour le dernier mot de l'exégèse
des théories léfulées chez elle. Aujourd'hui que resle-t-il de ce
scandale ? Nulle docliine, nulle école nouvelle ; un nom de plus
à joindre aux Celse, aux Marcion, à tous ceux qui depuis dix-huit
siècles attaquent la divinité de Jésus. Comme tant d'autres, ce
dernier assaut a été vain et la fiction s'est évanouie, mais pour
faire place à des théories plus redoutables parce qu'elles sont plus-
spécieuses.
Dédaignant la tradition qui les eût éclairés, des interprètes té-
méraires ont voulu reconnaître dans les Évangiles des enseigne-
ments apostoliques grossis de nouveaux textes au cours des années,
A leur sens, ces livres saints ne sont donc pas une histoire faite
d'original, mais une compilation successive de récits ; et rien de
plus ingénieux, mais aussi de plus arbitraire que les hypothèses
variées à l'infini pour discerner les premiers linéaments de l'ou-
vrage que nous avons entre les mains. On voit où visent ces
novateurs : refusant aux Évangiles une date assurée, ils en ruinent
par là l'autorité ; car quelle créance accorder à des mémoires con-
fus sortis de mille mains et dans les temps les plus divers ? Ce
point accordé, c'en était fait de toute certitude sur la vie de Jésus..
LE PROPAGATEUR 343
Aussi, tout ce qui portait un cœur chrétien s'est-il levé pour dé-
fendre la parole sainte. Des prodiges d'érudition ont été accomplis,
et l'Église protestante, d'où le mal est parti, n'a pas été la dernière
à la conjnrer. Au nom du libre examen lui-même, la vérité de
meure du côté de la tradition, nos Évangiles sont bien l'œuvre
de ceux qui ont vu le Maître ou entendu ses apôtres. Écrits au
souffle de Dieu, indépendants l'un de l'autre, ils présentent un
éclat de vérité que rien ne p^ut obscurcir.
On nous pardonnera de ne point reproduire ici les preuves qui
mettent hors de doute l'authenticité et la véracité de ces témoig-
nages : un volume ti'y suffirait pas. Le plus sage est de renvoyer
aux apologistes, qui les ont victorieusement défendus, et de pour-
suivre le dessein que nous avons indiqué plus haut : tirer de
l'Évangile une histoire de Jésus et rapprocher les quatre témoins
sacrés, afin de montrer comment leurs récits, divers de forme,
d'intention, d'origine, s'expliquent et se confirment. Pour atteindre
ce but, voici quels guides nous suivrons :
Le premier et le plus sûr de tous est l'Évangile. Nous le pos-
sédons dans la langue même qu'employèrent les historiens sacrés,
et il faut le lire sous cette forme originale pour en sentir tout le
charme ; mais il convient aussi de ne pas négliger les versions qui
ont été composées dès les premiers jours, car en même temps
qu'elles éclairent le sens du texte, elles permettent de décider entre
les variantes. Nul ignore, en effet, qu'il ne reste plus de manuscrits
grecs des trois premiers siècles, et qu'ainsi les plus anciens exem-
plaires ne sont que des copies faites trois cents ans après le temps
où vivaient les évangelistes. Durant cette longue transmission,
les leçons diverses se sont multipliées ; or, pour assurer la vraie,
aucune autorité ne vaut les traductions écrites par les disciples
des apôires, car elles reflètent les Évangiles grecs tels qu'ils étaient
à l'origine de l'Église.
Sur cette question il importe également de consulter les pre-
miers Pères, leur prédication n'étant qu'un commentaire de la
Bonne Nouvelle, reproduit l'Évangile presqa'en entier, et par
suite, nous retrouvons, dans leurs homélies, autant de tex'es an-
térieurs à ceux que nous possédons. Mais c'est principalement
pour l'explication de la parole sainte qu'ils demeureront toujours
nos maîtres. Nulle recherche, nulle science, si profonde soit-elle,
ne nous rendra ce qu'ils avaient alors : le monde tel que Jésus
l'avait connu, le même aspect des lieux et des choses, et surtout
l'entretien des fidèles qui, ayant vécu près des apôtres, pouvaient
rapporter leurs instructions. Ces circonstances réunies donnent
à l'autorité des Pères un tel éclat, que les théologiens protestants
eux-mêmes en ont été frappés. Ils l'avouent : " S'écarter d'un
sentiment commun parmi eux, c'est une folie et une absurdité,
c'est lutter contre l'élan invincible d'un torrent. " Nous employons
à dessein les expressions de Waterland et de Bull : dictées pa"r le
libre examen, elles ne sont pas moins rigoureuses que les règles
du concile de Trente.
Nous veillerons donc à suivre exactement la tradition en inter-
344 LE PROPAGATEUR
prêtant les paroles du Sauveur, qui sont le fondement inébranlable
du dogme chrétien. Nulle place ici pour les nouveautés, car la
vérité est immuable. Mais il ne sufflt^pas, dans une Vie du Christ,
d'exposer la doctrine évangélique ; il faut décrire les lieux où
s'écoulèrent les jours du Sauveur, demander à l'histoire contem-
poraine quelles pensées occupaient les esprits, quels hommes en-
touraient Jésus. Sur tous ces points les Évangiles sont sobres de
détails ; éciits pour des lecteurs qui avaient sous les yeux la vie
de l'Orient, ils font constamment allusion à des coutumes diffé-
rentes des nôtres, et supposent familières des moeurs auxquelles
nous sommes plus ou moins étrangers. C'est ce monde évanoui
qu'il convient de ranimer, pour que l'Évangile soit compris comme
il le fut au temps de son appaTition.
Or il semble que tout soit mûr pour cette restauration du passé*
Jamais l'Orient ne fut mieux connu ; les paraphrases araméennes,
les traditions contenues dans le Talmud et les écrivains juifs ont
été longuement étudiées ; l'Egypte et l'Assyrie, qui laissèrent en
Judée de si profonds vestiges, révèlent enfin le secret de leurs
institutions ; en un mot, la science des antiquités hébraïques est
devenue aussi complète et aussi lumineuse que l'archéologie de
la G-rèce et de Rome. En même temps, de savants travaux de
chronologie, appuyés sur les calculs astronomiques, fixent les
dates, les mois et les jours. Qui ne voit les facilités que procurent
de si vastes études ? Nous ne pouvons donner ici le long détail
des auteurs auxquels nous sommes redevable. Une liste de ceux
que nous avons étudiés se trouve en tête de ce volume et montre
que nous avons beaucoup emprunté à l'Allemagne et à l'Angle-
terre. Toutefois, quelle que fût notre estime pour nos devanciers,
nous avons été fidèles à remonter aux sources et à ne rien accepter
que sur de graves témoignages.
Un précieux avantage est venu se joindre à tant d'autres et nous
à permis de faire mieux connaître les lieux où vécut le Sauveur.
Entourés d'amis qui nous prêtaient un concours aussi intelligent
qu'afî'ectueux, nous avons parcouru la terre sainte " de Dan à
Bersabée, " de Gaza à Tyr et au Liban, suivant le Maître pas à
pas, aux collines témoins d^j sa naissance, dans le pays de mort
où il fut tenté, sur les rives du lac qu'il aima. Partant nous avons
retrouvé le monde vu par Jésus : les cités, les portes se fermant
dès que l'unique flambeau s'allume pour éclairer la maison ; les
troupes de chiens parcourant les rues désertes et léchant les plaies
du mendiant étendu au seuil du riche ; les noces avec leur pompe,
la salle du lestin, les convives couchés sur la pourpre et le fin lin ;
les deuils bruyants menés au son de flûtes et des lamentations ;
à l'entrée des villes, les aveugles répétant une plainte monotone,
les lépreux montrant leur plaies avec des cris déchirants ; au dé-
sert de Jéricho, le sentier courant sur les collines sauvages, et le
Bédouin, aux yeux creusés par la faim, épiant aujourd'hui comme
alors le voyageur qui tombera sous ses coups. Ces scènes sont
toutes dans l'Évangile indiquées d'un mot, d'un Irait : vues à la
lumière de l'Orient, elles recouvrent leur premier éclat.
LE PROPAGATEUR 345
Il nous reste à dire quelles règles nous avons suivies pour éta-
blir l'enchaînement du récit. Saint Luc en donne l'ordre pour
l'enfance de Jésus ; saint Jean, pour les débuts du ministère, et ce
dernier va parfois jusqu'à marquer les jours et les heures. Mal-
heureusement son témoignage fait défaut pour toute la vie
publique, ou du moins ne fournit que des incidents choisis avec
Je dessein manifeste de mettre en relief la divinité du Sauveur.
C'est dans les synoptiques qu'il faut découvrir la suite des faits.
Or nulle recherche n'est plus délicate ; car les Évangiles, comme
l'indique leur nom, sont une Bonne Nouvelle, une prédication, où
les apôtres s'appliquent non à donner un récit complet et des
dates précises, mais à montrer Jésus tel qu'ils l'adorent : saint
Matthieu comme le Messie Roi, saint Marc comme le Fils de Dieu,
saint Luc comme le Sauveur du monde. Chacun d'eux, occupé de
l'objet qu'il a en vue, ne raconte que ce qui revient plus particu-
lièrement à son dessein.
Saint Matthieu sacrifie même résolument la chronologie pour
rapprocher des prodiges accomplis en diverses circonstances, des
paraboles que le Christ ne proposa sans doute pas au même temps.
Le but de l'Évangéliste, en assemblant les discours, les miracles,
les paraboles du Sauveur, est de ramasser ces rayons de lumière
épars dans la vie de Jésus et de les rendre ainsi plus glorieux.
Saint Marc et saint Luc n'ont pas négligé à ce point la succes-
sion des faits, ce dernier même marque en termes exprès qu'il a
dessein de s'y conformer. " Comme plusieurs, dit-il en son prolo-
gue, ont entrepris de composer le récit des choses qui sont crues
parmi nous, selon que nous les ont transmises ceux qui, dès le
commencement, les ont vues eux-mêmes et ont été les ministres
de la parole, j'ai eu moi-même aussi la pensée, après avoir suivi
exactement toutes. ces choses depuis leur origine, de vous les ra-
conter par ordre, très excellent Théophile, afin que vous recon-
naissiez la vérité de ce qui a été enseigné. " Ces paroles indiquent
clairement que saint Luc veut laisser à Théophile non seulement
un témoignage authentique de la prédication des apôtres, mais
une œuvre qui s'accorde avec les règles de l'histoire. Aussi, pour
lui assurer une entière créance, rappelle-t-il qu'il a étudié soigneu-
sement les faits, qu'il les expose depuis l'origine, avec exactitude,
et dans l'ordre où iU se sont accomplis. C'est donc lui qui sera
notre guide pour disposer les événements racontés par les trois
synoptiques, et nous le suivrons avec d'autant plus de confiance
que son récit s'ajuste ordinairement avec celui de saint Marc.
Nous savons trop quelles difficultés présente cette discussion
des temps pour prétendre imposer l'arrangement que nous avons
adopté dans la Vie du Seigneur. L'important était de marquer
aux événements principaux une date certaine, car, qu'il faille
mettre quelques semaines plus tôt ou plus tard tel miracle, telle
parole du Maître, cette diversité touche peu la suite de son histoire
Pour les moindres faits, dont l'ordre demeure sujet de contestation
nous avons dû nous réduire au parti le plus vraisemblable, indi-
quant dans les notes et l'Appendice les raisons qui appuient notre
sentiment.
346 LE PROPAGATEUR
Quelque soin que des amis dévoués aient pris de corriger ce
travail, plus d'une erreur, sans doute, nous est échappée, et l'oeuvre
demeure indigne du sujet. Nous ne trouvons d'assurance que
dans notre fidélité à la tradition, dont la voix, plus éloquente de
siècle en siècle, est sans rivale pour commenter les actes du Sau-
veur. Plaise à Dieu qu'en passant sur nos lèvres, elle n'ait rien
perdu de sa force ! Que sa vertu touche les cœurs et y ranime la
foi en Jésus ! Plus que jamais l'aide de ce Maître divin est néces-
saire, car les dernières années du siècle deviennent menaçantes.
Un secret ébranlement alarme les plus fermes ; la licence apparaît
dans les esprits, la division dans la société ; le Christ n'est plus
là pour consoler les misérables,- et ceux-ci, ployés sous le joug, le
secouent avec colère ; riches et puissants invoquent un sauveur.
De sauveur, il n'y en a d'autre que Jésus. A lui est attaché ce que
le monde, ce que notre patrie garde encore d'espérance. Affaiblie,
partagée, pressée de toute part, elle se relèvera le jour où ses
enfants unis au Christ n'aurontqu'un cœur et qu'une âme. Puissent
nos humbles efforts n'être pas inutiles à une régénération que
tous les vœux appellent I C'est l'unique fin de ce livre et la seule
gloire que nous lui souhaitions.
Mgr BAUNARD
RECTEUR DES FACULTÉS CATHOLIQUES DE LILLE
LE COMBAT DE LA FOI
ETUDES BIOGRAPHIQUES ET APOLOGÉTIQUES
LE DOUTE ET SES VICTIMES
DANS LE SIECLE PRESENT
8e édition augmentée. In-1 Prix: 95 cls
Mgr Baunard en racontant les œuvres,, la vie et la morl des plus illustres-
victimes du doute, ce mal de notre époque, s'est proposé d'offrir une série de
récits intéressants ou instructifs ; il a voulu que la peinture de ces déplorables
égarements pût devenir un avertissement salutaire pour ceux qui sont sur la
pente fatale du doute. Il fait comparaître Jouffroy, Maine de Biran, SanlaRosa,
Georges Farcy, Victor Cousin, Scherer, lord Byron, Schiller, Léopardi, Alfred
de Musset, Hégésippe Moreau, etc. Ces vies intimes, retracer avec une sincérité
et une émotion qui gagnent le lecteur, sont précédées d'une brillante introduc-
tion, oîi sont exposés avec un rare talent d'analyse la nature du doute, ses
causes et ses effets. Voir Vautre partie à la page 840)
LES ORIGINES DE L'EGLISE
SAINT PIERRE
ET
LES PREMIÈRES ANNÉES DU CHRISTIANISME
Par L'ABBÉ C. POUARD
PROFESSEUR HONORAIRE DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE DE ROUE.N
TROISIEME EDITION, REYÏÏE ET CORRIGEE
1 vol. in-l2 Prix: $1.0a
L'article qui snit est extrait de ce livre.
Le titre de ce livre n'est pas celui que nous lui destinions. Dans
notre premier dessein, le nom de S. Paul eût dominé sur tout le
récit des origines chrétiennes; nous voulions témoigner par laque
le grand apôtre avait eu, dans cette constitution, une telle prépon-
dérance, que l'histoire de l'Eglise naissante était aussi la sienne.
Mais a mesure qu'avançait l'ouvrage, une autre figure, se substi-
tuant à celle que nous nous efforcions de crayonner, se formait,
pour ainsi dire, des traits même de la première. La place destinée
à l'apôtre des gentils, le chef des Douze était venu l'occuper.
Pierre, en effet, tient le principal rôle durant ce premier âge de
l'Église; il dirige le collège apostolique, il agit, décide, organise.
Ministre de l'Esprit divin, il va où le pousse le souffle d'en haut,
souvent aveugle, parfois résistant d'instinct comme sur la terrasse
de Joppé, mais enfin cédant à l'ordre du Maître et se rendant à la
grâce. Par Pierre, quinze ans environ après la Pentecôte, Jésus a
constitué l'Église dans ses parties essentielles. Le corps possède
tous ses organes, qui ne feront désormais que se développer : l'E-
vangile prêché par les apôtres ; la hiérarchie fondée ; les diacres,
le sacerdoce établis dans les diverses communautés ; l'épiscopat
distinct à Jérusalem, à Rome même; la fraction du pain, autour
de laquelle se concentrera toute la liturgie; les sacrements, le
baptême, la confirmation, l'ordre; enfin l'Église détachée de la
Synagogue. Le principal de l'œuvre nous apparaît achevé avant
que Paul ne commence- Loin de primer alors, Saul de Tarse n'est
qu'un simple laïque, méditant les révélations du Seigneur ; s'il
parle devant les synagogues de Damas et de Jérusalem, c'est par
occasion seulement et en subalterne. Il demeure dans cette situa-
tion inférieure, les sept ou huit années qui suivent sa conversion
(de 37 à 45), jusqu'au jour où les anciens d'Antioche, lui imposant
les mains, le livrent à la grâce. Pierre est donc tout dès la nais-
sance du christianisme, et son nom devait être mis en tête d'une
étude sur les Origines de l'Église.
Les Actes sont notre principale source pour l'histoire des
premières années. Toutefois nous ne sommes pas réduits à ce seul
document, car sur plusieurs faits, dont le texte sacré ne touche
qu'un mot, les Talmudistes, Josèphe, Philon, les historiens de la
348 LE PROPAGATEUR
Grèce et de Rome ajoutent à i'esquisse de S. Luc mainte circons-
tance et de précieux détails ; nous y aurons souvent recours.
En ce qui concerne proprement le prince des apôtres il fant
convenir qu'après sa miraculeuse délivrance de la prison de Jéru-
salem, son ministère est peu connu. S. Luc le montre présent au
concile de Jérusalem, S. Paul raconte la discussion qu'il eut avec
lui à Antioche : là se bornent les témoignages inspirés. Tout incer-
taines que sont les traditions sur lesquelles s'appuie la suite de
son histoire, nous n'avons pas laissé de les recueillir, parce que,
au milieu de renseignements moins assurés, deux traits nous
semblent dignes de foi : l'un, que S. Pierre fit de Rome le siège
principal de son apostolat, l'autre, qu'il parut en cette ville dès le
règne de Claude.
Sur ce dernier point, la critique moderne est dédaigneuse à
l'excès. Ce prompt voyage de l'apôtre, mentionné par Eusèbe et S.
Jérôme, devient pour certains auteurs '' un malheureux système
qui ne peut plus avoir un seul défenseur raisonnable". A ces
décisions dogmatiques, il nous sera permis d'opposer les vingt cinq
années de pontificat de S. Pierre inscrites dès la fin du ne siècle
sur les catalogues pontificaux de l'Église romaine, le souvenir
d'une double venue de l'apôtre à Rome, conservé en même temps
par la liturgie et les monuments archéologiques, tout un ensemble
de traditions dont nos adversaires ne peuvent expliquer l'origine,
et qui appuient la chronologie adoptée par les historiens du ive et
du ye siècle. Rejeter ces raisons parce que, prise séparément, elles
ne suffisent pas à lever tous les doutes, c'est fausser les règles de
la critique. De simples indices, des témoignages vagues ou mêlés
d'erreurs, mais visant tous au même point, peuvent, lorsqu'on les
rapproche, s'éclairer, s'épurer, se fortifier l'un l'autre ; dispersés,
ce n'étaient que des lueurs, en faisceau ils jettent de vraies clartés.
L'essentiel était de ne point attribuer à une induction, si autorisée
qu'elle paraisse, la même certitude qu'aux événements attestés par
des contemporains : nous n'avons pas failli à ce devoir.
Quelque opinion que l'on tienne sur le commencement du pon-
tificat romain, les traditions alléguées plus haut indiquent au
moins que Pierre eut deux centres principaux d'action : Jérusalem
avant la dispersion des apôtres, Rome dans les années qui suivirent.
Cette conclusion, que nulle critique modérée ne rejettera, nous a
permis de ne pas laisser le ministère de l'apôtre brusquement
interrompu par son emprisonnement, mais de montrer où l'Esprit
de Dieu tourna les regards de Pierre et guel monde nouveau
s'ouvrit alors devant lui. Nous nous sommes restreint à ces vues
générales, renvoyant en leur temps les rares incidents de son
apostolat qui sont connus, et dont le détail est intimement mêlé à
la vie de S. Paul.
L'Église de Jérusalem sous les apôtres, l'établissement dans
Rome du siège de Pierre, tel est donc le double sujet qui partage
ce livre. Dans la dernière moitié du volume, la nécessité d'exposer
impartialement l'état religieux et moral de l'empire romain, que
nos contemporains défigurent, nous a contraint de faire œuvre
LE PROPAGATEUR 349
d'apologiste plutôt que d'historien. Notre lâche était plus aisée
pour la première partie, S. Luc ayant laissé de l'Église à Jérusalem
un tableau dont les traits et le coloris restent vivants. Les rationa-
listes, à la vérité, prétendent n'y voix qu'un assemblage de mor-
ceaux sans valeur historique ; mais il suffira d'étudier l'origine et
la composition de l'œnvre, pour comprendre que leur défiance est
le résultat de préventions, non la conséquence d'un examen
sérieux.
L'auteur des Actes rappelle en commençant qu'il a donné " un
premier discours de tout ce que Jésus a fait et enseigné". Nul
doute que l'ouvrage ainsi désigné ne soit notre troisième Évangile,
car les deux livres, dédiés également à Théophile, gardent une
telle conformité de style et de pensées, que les critiques les plus
méfiants n'hésitent point à y reconnaître la même main. L'écrivain
des Actes ne se déclare pas seulement évangéliste ; au cours de
son récit, il se range parmi les compagnons de S. Paul, et en usant
constamment du mot " nous " à partir du xvie chapitre, il se donne
pour témoin des faits. Quant à son nom, s'il n'est p:is écrit dans
les Actes, nous le connaissons d'après les traditions, et le litre
donné au troisième Évangile par tous les manuscrits. Ce nom est
Lucanus ou Lucas, et il désigne le personnage chrétien dont les
lettres de S. Paul louent par trois fois le dévouement. "Luc, le
médecin, notre très cher frère. " (Goloss., iv, 14.) " Luc est seul
avec moi. " ill Tim., iv, 11.) " Epaphras... vous salue avec Marc,
Aristarque, Démas et Luc, qui sont mes aides et mes compagnons."
(Philem., 23, 24.) Nos adversaires eux-mêmes reconnaissent la
légitimité de ces déductions ; pour eux comme pour nous " l'au-
teur du troisième Evangile et des Actes est bien réellement Luc^
disciple de Paul ".
L'histoire possède donc sur les origines de l'Eglise le témoignage
d'un contemporain, homme grave, instruit, mêlé aux faits qu'il
raconte, aux personnes dont il cite les paroles et les actes Nous
ne pouvions souhaiter à notre foi de fondement plus solide ; aussi
rien n'est omis pour l'ébranler, et ruiner du même coup l'autorité
du récit. On s'efforce surtout de retarder le plus possible l'année
où le livre fut écrit : ingrat labeur, car, aux yeux de tout homme
non prévenu, les Actes portent équivalemment leur date. Après
avoir conduit à Rome S. Paul captif, ils terminent par ces mots:
'• Paul ensuite demeura deux ans entiers dans un logis qu'il avait
loué, où il recevait tous ceux qui le venaient voir, prêchant le
royaume de Dieu, et enseignant ce qui regarde le Seigneur Jésus-
Christ avec toute liberté, sans que personne l'en empêchât. " Les
deux années que l'apôtre passa ainsi, presque libre, sous la sur-
veillance d'un soldat romain, vont de 52 à 64. Ce fut alors que S.
Luc acheva d'écrire les Actes; on ne s'expliquerait pas autrement
qu'il n'eût rien dit des événements qui suivirent, en particulier de
la mort de l'apôtre, survenue quatre années plus tard,
Rien ne montre mieux la force de cet argument que les pitoya-
bles raisons alléguées pour expliquer d'autre manière le brusque
dénouement des actes. Les uns imaginent que, Théophile habitant
350 LE PROPAGATEUR
Rome, il devenait superflu de lui raconter ce qui se passa ensuite
dans cette ville et sous ses yeux. Pour certains exégètes, le récit
finit à l'arrivée de l'apôtre dans la capitale du monde, parce qu'à
ce moment se trouve accomplie la prédiction que l'Evangile serait
prêché "•' jusqu'aux extrémités de la terre ", ou encore cette parole
du Seigneur : '' Paul, ayez bon courage, car de même que vous
avez rendu témoignage de moi dans Jérusalem, il faut aussi que
vous me rendiez témoignage dans Rome." Les plus avisés renon-
cent à de telles puérilités. Ayant posé que toute prophétie est
impossible, et trouvant la ruine de Jérusalem annoncée dans
l'Évangile de S. Luc, ils en concluent que ce livre n'a paru
qu'après l'an 70, et les Actes au -plus tôt vers 72. Mais là encore
l'historien se trouve trop près des événements pour qu'il soit facile
d'ôter toute valeur à son témoignage, comme on se le propose en
réalité. Force est donc de reculer la composition des Actes
jusqu'en 8(1, afin de mettre un demi-siècle entre les premières
années de l'Église et le moment où S. Luc écrivait : au gré de nos
critiques, la formation d'une légende ne demande que ce laps de
temps. Les seuls arguments apportés pour appuyer le ckoix de
cette date sont des raisons de convenance : l'esprit du livre répon-
dant au règne des Fiaviens, le calme de ces jours se reflétant dans
un récit doux, placide, indulgent à tous. On nous permettra de
n'attacher qu'une médiocre importance, à ces rapprochements:
des raisons de convenance, qui ne le sait ? il n'est rien que ne
puisse tirer un esprit inventif.
Les attaques de nos adversaires ne portent pas également sur
toutes les parties du livre ; ils ont surtout en vue les Actes de
Pierre (du chapitre i au chapitre xii inclusivement) qu'ils rejettent,
tandis qu'ils gardent ceux de Paul, l'ouvrage leur paraissant plus
croyable à mesure qu'il s'approche de la fin. Pour justifier une
distinction si arbitraire, on prétend que S. Luc connaissait mal la
Palestine et le monde juif; qu'il en parle sans exactitude, par ouï-
dire, mêlant l'histoire aux légendes, dans une confusion inextri-
cable. C'est oublier que l'écrivain, accompagnant Paul lors de son
dernier voyage à Jérusalem, demeura près de lui à Gésarée, durant
les deux années de captivité que l'apôtre y passa, et que là, selon
toute apparence, il recueillit les faits contenus dans les douze
premiers chapitres des Actes. Quelque jeunesse qu'on prête en ce
temps à S. Luc, il n'est pas, comme on l'insinue, d'une autre géné-
ration que les fondateurs du christianisme, car il a vu à Jérusalem
Jacques le " frère du Seigneur", à Gésarée le diacre Philippe, à
Rome S. Pierre. Ge qu'il n'a pas eu sous les yeux, son maître,
Paul, le sait d'original. Lui-même d'ailleurs a pu tout apprendre
des acteurs qui ont joué le principal rôle dans les scènes qu'il
raconte. Pierre lui a révélé les commencements de l'Église de
Jérusalem, ses prédications aux Juifs, la conversion de Gorneille.
" Reçu à Gésarée dans la demeure de Philippe l'évangéliste, l'un
des sept. ..demeurant plusieurs jours près de lui, l'auteur des Actes
a entendu de sa bouche le récit des missions de Samarie, le baptême
de l'eunuque éthiopien. De S. Paul, il tient le reste des événe-
LE PROPAGATEUR 351
menls qui remplissent la première partie de sou livre : le jugement
et le martyre d'Etienne auxquels Saul avait pris part, la conversion
de l'apôtre que ce dernier racontait souvent. Si, puisant à de telles
sources, Luc n*a pu démêler la vérité des fables qui la troublent
c'est à désespérer de toute certitude.
Il est vrai qu'on soupçonne l'auteur d'accommoder l'histoire à
ses vues, d'en faire œuvre de parti. D'après cette supposition l'Église
était alors partagée en deux factions : d'un côté Pierre etlesjudai-
sants obstinés aux pratiques légales, de l'autre les sectateufs de
Paul ardents à secouer le joug. Luc s'efforçait de concilier ses
frères, de leur persuader que, sous d'apparentes discordes, ils n'a-
vaient qu'un cœur et qu'une âme : tout incident qui ne revient
point à ce dessein est par lui supprimé ou défiguré. La suite de
notre récit montrera ce que pèsent ces rêveries, mais dès mainte-
nant il est facile d'opposer que l'auteur des Actes, loin de cacher
les dissensions de l'Eglise, en relève au contraire des traits nom-
breux. C'est lui qui nous expose le mieux ces divisions, qui en
marque l'origine et les développements.
Dès les premiers chapitres, les causes du partage se découvrent
dans l'attachement des chrétiens de Jérusalem au mosaïsnie. Tous
étant Israélites, continuent à regarder l'observation de la Loi
comme une condition essentielle du salut. Vainement Etienne leur
fait entendre le cri d'affranchissement ; vainement Pierre lui-même
proclame, au nom de Dieu, que gentils et juifs ont les mêmes
droits au royaume des cieux, l'aversion pour les incirconcis n'en
demeure pas moins au fond des cœurs. L'esprit dominant dans
l'Église de Jérusalem est non seulement de conserver l'extérieur
de la religion d'Israël, mais d'y assujettir les nouveaux fidèles.
Les Actes en donnent preuve sur preuve : les chrétiens de la cité
sainte surveillant Antioche et les conversions de païens qui s'y
multiplient; plus tard, quelques fanatiques d'entre eux venant en
cette ville, '' y troublant tout par leurs discours, renversant les
âmes, " au point que Paul et Barnabe sont contraints " de s'élever
fortement à l'encontre ", et finissent par obtenir du collège aoos-
tolique la condamnation de la doctrine^ sans circoncision point
de salut. Désavoués par les chefs de l'Église, les judaïsants gar-
dent du moins pour eux ce qu'ils ne peuvent imposer à leurs
frères de la gentilité. "Ils se multiphent par milliers et restent
tous zélés pour la Loi," dit l'évêque de Jémsalem parlant de son
troupeau : on le voit, sauf quelques pratiques nouvelles et la foi
en Jésus, tout y demeurait juif d'aspect et de sentiments. Aussi,
quand vers 59 Paul vint dans la cité sainte, S. Jacques le conjura-
t il de ménager les scrupules des fidèles. Entouré de ses prêtres,
il l'avertit qu'on l'accusait "de renoncer à Moïse, de combattre la
circoncision et les coutumes reçues", et il obtint que l'apôtre des
gentils se purifierait solennellement dans le temple. S. Luc mar-
que, par ces derniers traits, à quel point fut portée la division entre
les zélateurs de Jérusalem et le commun des chrétiens ; mais ce
n'est pas chez les apôtres qu'apparait le partage ; s'élevant au-dessus
des discussions, ils n'interviennent que pour tout concilier, tout
finir.
352 LE PROPAGATEUR
Telle est dans les Actes la peinture de ces diflPérends. Pour aller
plus loin, et nous montrer l'Église entière, troupeau comme
pasteurs, divisée en factions ennemies, il faut dénaturer les faits,
abuser de quelques mots de S. Paul, qu'explique l'ardeur de la
controverse ; il faut oublier qu'au fort de ces débats, l'apôtre, loin
de rompre avec Jérusalem, quête en tous lieux pour cette même
Église ; il faut enfin ne voir en S. Luc qu'un de ces esprits préve-
nus qui défigurent les faits sans scrupule, pour les adapter à leurs
théories. Certes, il aurait pu prendre l'histoire de ce biais, atténuer
les dissensions de l'Église, ou bien les colorer adroitement à nos
yeux: rien de tel en ses récits, nous le voyons. Tout au contraire,
la simplicité avec laquelle ilannonce son dessein d'être précis
devient une garantie de bonne foi, car faire montre d'exactitude
quand on raconte aux contemporains des faits importants et
publics, c'est éveiller leur attention, et appeler une critique plus
sévère. S. Luc, décidé à tromper et assez fin pour y réussir, n'eût
pas commis cette imprudence. Le temps d'ailleurs était-il aux
artifices de langage, où nous excellons aujourd'hui? Dans tout le
Nouveau Testament, Paul, Jacques, Jude, Jean parlent sans
détours ni déguisement; il en va de même pour S. Lucie tondes
Actes décèle une âme sincère, honnête plus qu'habile.
Nos adversaires sentent si bien l'impossibilité de refuser ainsi
toute créance au texte sacré, qu'ils y font les deux parts indiquées
plus haut, et qu'ils consentent même à voir dans les derniers
chapitres '' les seules pages vraiment historiques que nous ayons
sur les origines chrétiennes ". L'unique motif de cette distinction,
bien qu'on ne l'avoue guère, c'est que les miracles abondent au
début du livre, et que la critique moderne les rejette en principe.
Mais une telle prévention n'ébranle pas seulement les premiers
chapitres, elle ruine l'ouvrage entier, car le récit des missions de
S. Paul n'est pas moins rempli de prodiges. Les Epilres mêmes
de l'apôtre, qu'on oppose à la narration de Luc comme des docu-
ments supérieurs et d'une sincérité incontestable, que deviennent-
elles avec cette règle de critique? S. Paul y pairie, aux G-alates, de
ses révélations ; aux Romains, des miracles qu'il a opérés en tous
pays depuis Jérusalem jusqu'à l'Illyrie ; aux Goruithiens, des
signes divins qui éclatent journellement dans chaque ( hrétienlé,
prophéties, guérisons, dons des langues. Aussi bien que l'auteur
des Actes, l'apôtre voyait des merveilles dans l'Église naissante.
Si cettte foi ne l'a pas empêché, on nous le concède, de parler en
historien, quelle raison de refuser au disciple ce que l'on accorde
au maître ?
S. Paul d'ailleurs a pris soin d'autoriser l'œuvre de son évangé-
liste. Au temps où ce dernier achevait les Actes, l'apôtre écrivait
sa lettre â Philémon ; il y nomme Luc comme travaillant près de
lui, sous ses yeux. Il a donc lu le récit des origines chrétiennes et
l'a approuvé. A sa suite, toute la tradition l'a reçu comme l'ex-
pression de la vérité, comme la parole même de l'apôtre des
gentils. "Ce que Paul nous fait connaître sur les douze, dit S.
Irénée, et ce que Luc en atteste, s'accorde de tout point, et n'est
pour ainsi dire que le même témoignage. "
LE PROPAGATEUR 353
Il serait facile de prolonger cette démonstration; mais les
raisons qui précèdent suffisent à qui les embrasse d'ensemble, d'un
regard non prévenu, en simplicité et droiture d'âme. Qu'elles ne
touchent point certains esprits, attachés aux seules vues de détail,
ardents à soulever la poussière afin de tout obscurcir, nous n'en
serons pas étonnés. Dans le domaine de l'histoire il y a des préju-
gés qui aveuglent à l'égal des passions. '• Obscuratum estinsipiens
cor eorum, " dit l'apôtre. A ces hommes plus préoccupés de nier
le surnaturel que de discuter l'authenticité des Actes, nous nous
contenterons de rappeler la parole du seul témoin qu'ils veuillent
entendre sur nos origines, le seul qui à leurs yeux ait autorité..
Paul a prévu qu'on abuserait de sa prédication, comme le font
nos " douleurs de miracles, " qu'on la transformerait en une-
semence de mort. Avec une compassion généreuse, il a demandé
merci pour ces ouvriers d'erreur; mais en même temps il leur a
prédit la victoire de la foi qu'ils attaquent vainement: '^ Grâces
soient rendues au Dieu qui nous fait triompher en Jésus-Christ,
et qui répand par nous en tous lieux la connaissance de son nom
comme un parfun,... parfum de mort pour les uns, de vie pour les
autres... Car nous ne sommes pas comme plusieurs qui corrom-
peut la parole de Dieu : nous la prêchons en toute sincérité de la
part de Dieu, devant Dieu, dans le Chrisl. "
L'EGLISE CATHOLIQUE
ET
LA LIBERTE AUX ETATS-UNIS
Par L.e Ticomte de MEAUX
1 volume in-12 Prix: 88 cts
LETTRE DE S. EM. r,E CARDINAL GIBBONS A L'AUTiiUR
Cher Monsieur, Baltimore, 27 décembre 1892.
J'ai lu avec un vif inlérêl aussi bien qu'avec un réel profit ce que vous avez
écrit sur la situation sociale et religieuse des États-Unis. Vos pages sur la diver-
sité des cuUes m'ont particulièrement satisfait. Ces études dénotent une amp'eur
de vues, une profondeur de connaissances vraiment surprenantes chez un étran-
ger. Elles ont été rarement égalée?, même par les écrivains américains, pour
l'exactitude des informations et la justesse des appréciations, et ne pouvaient
venir que d'un penseur pareillement capable d'observer et de généraliser. _:;,
Elles seront comparées sans désavantage aus travaux de votre illustre compa-
triote Tocquevilie, qui a si bien décrit, il y a soixante ans, nos institutions
politiques et sociales et qu'on cite encore aujourd'hui avec admiration.
Je suis heureux d'apprendre que vous allez publier ces pages en volume, et je
suis sur qu'elles seront lues en Amérique avec autant de plaisir qu'en France et
en Europe. 11 nous tst avantageux, comme le dit le poète Burns, " de nous voir
" nous-même, comme les autres nous voient, " surtout quand il se rencontre,
pour nous regarder, un esprit philosophique, et, peur nousdépeinJre, une plume
impartiale et bienveillante aussi affranchie des préjugés défavorables que peu
disposée aux éloges immérités. J. Card. Gibbo.ns, Archevêque de Baltimore.
22
LES ORIGINES DE L'ÉGLISE
SAINT PAUL
SES MISSIONS
Par L.'ABBÉ €. FOUAKD
1 fort vol. in-8 Prix : 81.88
li'article qui sait efst extrait de ce livre-
Nous avons recueilli dans notre précédent volume ce que l'on
connaît des premières années du christianisme (de l'an 30 à 45).
L'Église s'y est montrée à nous naissant, se développant sous La
main des apôtres, de Pierre surtout, leur chef et leur guide. Mais
le bref récit des Actes, et les traditions, rares ou incertaines sur
ces origines, ne nous ont fourni qu'une peinture indécise en bien
des points. L'âge suivant (45 à 62) se présente dans un jour autre-
ment vif. La narration de saint Luc, à partir du XI11« chapitre
des Actes, cesse d'être le mémorial de Pierre pour devenir celui
de Paul; le premier s'efface du récit inspiré pour laisser la haute
main à son frère d'apostolat dans la lutie contre le judaïsme.
Les péripéties de ce combat formant presque exclusivement le
parce qae la partie des Actes où elles sont racontées et les lettres
de S. Paul qui s'y rattachent oui la rare fortune d'être tenues pour
authentiques par les critique» lec plus outrés, C'est donc en pleine
lumière de l'histoire que se dérouleront les événements décrits
dans ce volume. On verra, d'après ces témoignages irrécusables, ce
qu'étaient, une vingtaine d'années après la mort de Jésus, la foi à
ce divin Sauveur, sa doctrine, son Ei^lise, tout le christianisme.
La seule réserve que nos adversaires opposent à la vérité des faits
racontés par saint Luc touche les miracles, estimés par eux inac-
ceptables. Nous avons dit dans notre préface de Saine Pierre ce
que nous pensons de cerejei arbitraire : nous n'y reviendrons pas.
Quant aux six lettres écrites par l'apôtre durant ces dix-sept années
quatre d'entre elles, les Epîlres aux Corinthiens, aux Galates, aux
Komains, sont hor; de conteste : les deux autres, adressées à l'é-
glise de Thessalonique, ne prêtent qu'à des objections si futiles
que s'y arrêter est superflu, de l'aveu même des rationalistes. On en
trouvera le détail et la facile réfutation daus tous les traités d'exé-
gèse.
LE PROPAGATEUR 355
L'authenticité de cesEpitres, mise hors de doute, est de consé-
quence pour notre récit, car si la suite des faits n'y apparaît pas
comme les Actes, mieux qu'en ceux-ci le caractère de Paul s'y dé-
couvre au vif. Mous puiserons doue beaucoup dans les lettres de
l'apôtre, sans les citer intégralement toutefois, certains passages ne
pouvant êtres compris qu'à l'aide de commentaires qui ralenti-
raient l'histoire. Pour parer à de telles omissions, et mettre nos
lecteurs en mesure d'y suppléer eux-mêmes, nous leur indique-
rons ici quelques causes des obscurités qu'ils rencontreront en ces
écrits.
La principale vient du génie même de l'apôtre, surabondant de
fécondité, d'une fougue qui ne souffrait ni délai ni entraves. Sa
pensée, anssi prompte que puissante, embrassait à la fois toutes les
faces de la vérité, sans se borner à la principale. L'effort, pour ex-
primer l'idée dans cette plénitude, enfantait la phrase telle que
nous la trouvons dans les Epitres, coupée, chargée d'incidentes qui
ont le même relief que le trait capital, de développements qui dé-
roulent et font oublier le point de départ. Appliquer à de telles
œuvres nos règles d'analyse, y chercher un oidre méthodique, un
juste équilibre des parties, est un soin aussi laborieux qu'inutile.
L'unique moyen de les bien entendre est de les prendre pour ce
qu'elles sont, la parole d'un homme de l'Orient recueillie telle qu'il
l'improvisait. S. Paul, eu effet, n'écrivait pas lui même; il dictait
ses Epitres, et se contentait d'ajouter à la fin quelques mots : "Je
vous salue ici de ma propre main, moi, Paul. C'est là mon seing
dans toutes mes lettres , j'écris ainsi : la grâce de Noire-Seigneur
Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen .'"
La lettre achevée, l'apôtre la relisait, sans regard aux fautes de
style, aux phrases enchevêtrées ou brusquement rompues. Loin
d'être choqué d'incessantes répétitions, il se plaisait à voir le même
mot ramener et inculquer sa pensée maîtresse ; il relisait comme
il dictait, trop plein du fond pour songer à la forme. Quelques no-
tes jetées en marge paraissent les seules corrections à imaginer : ce
sont elles peut-être qui, insérées dans le texte, en forment les pa-
renthèses, encombrent, obscurcissent même certains passages.
Il convient d'ajouter que saint Paul, hébreu de race et d'éduca-
tion, s'adressait, non point à nous, hommes d'Occident, raison
neuis et logiques, mais à Israël, à ses prosélytes, tous plus ou
moins habitués aux arguties de la Synagogue. Or, pour le Juif,
aucune vérité ne vaut, toute fondée en raison qu'elle paraisse, si
le témoignage de l'Ecriture ne la confirme. De là, dans les lettres
de saint Paul, le recours fréquent à l'Ancien Testemeut, des cita-
tions longuement commentées. Le langage de l'apôtre, dégagé de
ces augumentations judaïques, devientautrement fort et saisissant.
Nous l'avons ainsi allégé toutes les fois que les discussions de
l'Ecriture embarrassaient la marche de la pensée, non certes pour
dispenser nos lecteurs de méditer en son entier la parole apostoli-
que. L'analyse qui restera sous leurs yeux ne va qu'à les guider
dans le texte sacré et à leur permettre de se l'approprier.
356 LE PROPAGATEUR
Ce travail personnel est nécessaire à qui vent connaître saint
Paul ; mais, une fois accompli, pour toujours il attache à lui, à
ses lettres, si pénible parfois qu'en soit la lecture. L'esprit ne les
abandonne, fatigué de la contention qu'elles imposent, que pour
y revenir bientôt, et plus on les approfondit, plus l'attrait devient
irrésistible, parce que, en nulle œuvre, l'auteur ne se levèle da-
vantage .11 s'y montre dans les contrastes de son génie, ardent,
fougueux, mais en même temps plein de tact, de présence d'esprit,,
de prudente réserve ; mêlant à une force d'âme indomptable des
abattements douloureux ; d'une droiture inflexible, avisé toutefois,
habile aux allusions couvertes, -aux précautions oratoires. Tous ces
mouvements de l'âme apparaissent dans les pages inspirées, etsous
les formes les plus diverses : fine ironie, menaces, tendres supplica-
tions, larmes, cris déchirants. Seuls, la parole de Jésus dans l'Évan-
gile, et dans l'Ancien Testament, les Psaumes d'Israël, émeuvent
à ce point.
Nous n'avions pas à craindre,là où le cœur de Paul palpite, de
fatiguer le lecteur. Nous avons cité, et d'autant plus au large, que
les Actes ne donnent pas une idée complète du caractère de l'apô-
tre. On imaginerait en lui, à lire le seul récit de saint Luc, une
nature puissante, énergique, capable de rompre et de dompter^
mais sans grâce ni tendresse; les Epitres achèvent l'ébauche et
nous monirent mêlées à cette force de volonté les qualités de-
cœur et d'âme qui rendent aimable. C'est par là que saint Paul
se dislingue des hommes qui, comme lui, ont mené le monde. L'or-
gueil et l'égorsme sont habituels à ces dominateurs, leur per-
sonnalité écrasant ou absorbant tout. De tels génies peuvent sub-
juguer pour un temps, forcer l'obéissance, l'admiration; ils ne se font
point aimer. Les Epitres de saint Paul nous le montreront d'une
grandeur toute autre : l'égal des plus puissants par l'esprit, la vi
gueur de l'action, la maîtrise des âmes; mais en même temps
homme comme nous, aussi attachant par l'infirmité que par les
générosités de sa nature. Avec la même loyauté qu'il nous décou-
vrira les élans de son cœur, sa chanté embrassant le monde et se
donnant à tous, il ne cachera rien de ses misères, des disgrâces
physiques qui mêlent à sa fierté native une touchante humilité.
C'est par lui que nous connaîtrons l'état constant de maladie qui
rendait son âme compatissante, prompte aux larmes, à toutes les
émotions ; l'effroi qui le saisissait aux heures critiques ; " l'aiguil-
lon de la chair, l'ange de Satan qui le soulflelait."
Au spectacle de passions si diverses, si contraires parfois en une
même vie, comment méconnaître que la singularité de cette gran-
deur ne vient point delà seule nature? La grâce y a sa part. C'est
Jésus qui a fait Paul doux et humble de cœur, qui lui a dévoilé
dans l'amour chrétien l'accomplissement de toute justice ; c'est
Jésus qui a transformé en " homme parfait dans le Christ" le
Juif fanatique de Damas. L'apôtre l'a déclaré lui-même aux Calâ-
tes dans un mot qui résume le présent ouvrage et en explique les
apparentes contrariétés: *' Je vis, non plus moi, mais le Christ vit
en moi-" i/^'L.r,;
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A L B Y
CONTRAINFE PAR CORPS — CESSION DE BIENS.
Re
GhARTRAND et Gi.MPEA.U.
€. s. Montréal. Taschereau, juge.
Jugée : Qae la coatraiiite par corps doit cesser lorsque le débi-
teur fait une cession de bieas pour le bénéfice de ses créanciers, et,
qu'en conséquence, ce débiteur doit être mis en libarté.
Voici quelques uns des considérants de ce jugement tels que je
les trouve rapportés par les journaux.
Considérant que pour les motifs énuniérés dans le préambule
de l'acte 12 Vict., chap. 42, la détention perpétuelle d'un débiteur
n'est plus possible et qu'elle serait cependant infligé3 au défendeur
dans l'espèce si, ayant cédé tous ses biens et étaut sans aucune
ressource actuelle ni moyen d'acquérir d'autres biens, il devait
rester en prison jusqu'à l'accompUssemeni d'une condition rendue
pour lui impossible, savoir le paiement d'un jugement considérable.
Considérant que la contrainte par CDrps des débiteurs, en matière
civile, dès son origine en France, 1566, par l'orionnance connue
sous le titre d'Ordonnance de Moulins, devait cesser à. la cession
et abandonnement de leurs biens ; que l'ordonnance de 1666 en
restreignant l'usage des contraintes par corps à certains cas dé-
terminés, n'en a modifié ni l'exercice ni la cessation par la cession
des biens et'abandonnemenl du débiteur.
UNE DÉCISION IMPORTANTE
Dans une cause de Temperton vs. Rassell et autres, la Cour
d'Appel d'Angleterre, composée de lord E^ber et des juges Lipes
et Soaith, vient de rendre une décision très importaale sur une
question qui, si elle se présente souvent en pratique, n'a pas encore,
que nous sachions, été portée devant les tribunaux. Elle a de:ilé
que le boycottage reniait ceux qui s'en rendintco ipab'Les passibles
de dommages envers ceux contre lesquels il est pratiqué. _ ^
Une certaine association ouvrière, dans le genre de la société
dei journaliers de bord, avait établi certains règ'.emBUts pour les
travaux d3 construction d3 bâtisses. Myers et Temperton, entre-
358 LE PROPAGATEUR
preneurs, refusèrent de se conformer à ces règlement?. Là-dessus,
l'association décida de les boycotter^ c'est-à-dire d'empêcher le pu-
blic de faire des affaires avec eux, en menaçant ceux qui en feraien t,
ou ceux qui traiteraient avec des personnes faisant affaires avec
eux, de les priver d'ouvriers. Temperton, le demandeur dans la
cause, était un des fournisseurs de matériaux de Myers et Tem-
perton. La société voulut l'empêcher de traiter avec Myers et
Temperton. Gom.me il ne voulait pas se soumettre à ses ordre?,
elle le boycott'! à son tour, et essaya d'induire des gens qui avaient
avec lui un contrat pour lui fournir des matériaux, de rompre ce
contrat. Ces personnes, craignant d'être elles-mêmes boycottées,
refusèrent de fournir ces matériaux. Là-dessus, Temperton, au
lieu de poursuivre ses fournisseurs en exécution de leur contrat,
poursuivit en dommages les membres du comité de l'association
qui avaient ordonné de le boycotter.
La cause vint devant la Cour du Banc de la Eeine, présidée par
le juge GoUins Ce juge donna instruction au jury que si le de-
mandeur avait prouvé à leur satisfaction qu'il avait souffert des
dommages à raison du boycot prononcé contre lui, ils devaient
rendre uu verdict en sa faveur. Les jurés rapportèrent un verdict
pour cinquante livres de dommages. Russe! et ses compagnons
portèrent la cause en appel, se plaignant de l'instruction donnée
par le juge CoUins. Mais la Cour d'Appel confirma à l'unanimité
la décision du juge Gollins.
U Electeur, 20 Mai 1893.
LE DROIT NATUREL CONTRE LE DROIT ECRIT
Le droit naturel vient de l'emporter sur le droit écrit, c'est-à-dire
sur un article organique prussien de 1803.
Une veuve Ludwig, catholique romaine, avait de son mariage
avec uu protestant, une ûlle, que le père s'était engagé à faire
élever dans la religion catholique.
Après le décès du père, la Communauté protestante de Trêves
réclama la garde de l'enfant et obtint la déchéance des droits de
tutelle de la femme Ludwig.
Aussitôt, la mère, d'accord avec l'abbé Stœck, aumônier des
hospices de Trêves, plaça sa fille dans une institution catholique
du Luxembourg.
Le pasteur protestant Mayer porta plainte contre l'abbé Stœck
et la femme Ludwig, les accusant d avoir enlevé l'enfant d'un
protestant. Le ministère public requit contre l'abbé Stœck 9 mois
de prison, et contre la mère de l'enfant 6 mois.
Heureusement, le droit naturel prévalut chez les juges de Trê-
ves, car l'abbé et la mère furent acquittés hier jeudi.
La Croix.
p. DE CROUSAZ-GRÉTET
L'EGLISE ET L'ETAT
OU LES DEUX PUISSANCES AU XVIIIe SIECLE
1715-1789)
1 vol. iii-12 Prix : 88 cts
TABLE DES MATIERES
Préface.
Chapitre premier, polîtique religi-
euse DU RÉGENT (1715-1723) — Réveil
du jansénisme à la fin du règne de
Louis XIV. — Le vieux roi veul en
finir avfcc la secle. — Sa mort. — Poli-
tique nnuvel'e du Régent. — Vain»
essais de pacification religieuse. — Ap-
pel des qualre évêques. — Le 3 octobre
1718, le carriinal de Noailles publie son
appel longtemps tenu secret. — Ses
démêlés avec le Rpgent. — Le Corps de
doctrine. — Déclaration royale du 4
août 1720. — Son double échec devant
le Parlement et devant 'e Grand Con-
seil.— Finalement enregistrée au Grand
Conseil en lit de justice et au Parle-
ment. — Mort du Rpgent.
Chapitre 11. la direction des .affai-
res ECCLÉSIASTIQUES AUX MAINS DE FLEU-
RY (1723-1729). — avènement .Ju duc
de Bourbon au pouvoir. — Fleury se
réserve la direction des affaires ecclé-
siastiques. — Intrigues du cardinal de
Noailles. — Se.s négociations secrètes
avec Rome. — Les évêques pacifiques.
— Fleury et le duc ('.e Bourbon cher-
chent mutuellement à se supplanter.
— Fausse retraite du premier à Issy.
— Exil du duc de Bourbon. — Le concile
d'Embrun ( 1 727). — Protestation des
avocats. — Protestation de douze évê-
ques. — Demi- rs actes du cardinal de
jNoailles. — Sa mort. — M. de Vinti-
mille lui succède. — Heureux effets de
son administration.
Chapitre lil. les déclar.atious roy-
ales DU 24 mars 1730 et do 18 août
1732 (1730-1732). — Déclaration du 24
mars 1730. — L'affaire du curé de Saint-
Barthélemi. — Le mémoire des avocats.
— Arrêt du Conseil du 10 mars 1731
sur l'étendue des deux puissances. —
La commission des arpenteurs spiri-
tuels. — Arrêt du Parlement du 7 sep-
tembre 1731 sur l'autorité des rois. —
Le mandr-ment de l'archevêque de Paris
du 27 avril 1732. — Le Parlement sus-
pend ses fonctions, puis K s reprend par
ordre du roi. — Le procureur général
reçu app»-lant comme d'abus du man-
'demeut de l'archevêque. — Arrêt cassé.
— Magistrats exilés. — Déclaration du
18 août 1732 enregistrée dans un lit de
justice du 3 septembre 1732. — Magis-
trats exilés. — Chambre des vacations.
— Réconciliations.
Chapitre IV. l'édit sur les établis-
sements DE MAIN-MORTE. — L'iMPOSITION
AU VINGTIÈME des BIENS ECCLÉSIASTIQUES
(1733-1750). — Politique religieuse de
Fleury. — Prudence et modération. —
Les ennemis du cardinal. — Sa mort.
— Situation du pouvoir royal. — L'as-
semblée du clergé de 1750 — Nouvdle
législation sur l^s biens ecclésiastiques.
— Projet d'imposer au vingtième les
biens ecclésiastiques — Politique finan-
cière de M. de Machault. — Résistance
du clergé. •.!}
Chapitre V. les billets de confes-
sion ET LES REFUS DE SACREMENTS (1750-
1756). — Affaire du sieur Coffin. — Af-
faire du sieur Lemere. — Affaire du
curé de Saini-J'an-de-Grève. — Affaire
de la sœur Peri étue. — Eiat de l'opini
on sur les questions religieuses. — Les
partis à la cour. — Ce que pense Louis
XV. — Lettres-patentes portant évo-
cation au Conseil des affaires du schis-
me. — Le Parlement refuse de les
enregistrer. — Les grandes remontran-
ces. — Le roi refuse de les recevoir. —
Exil du Parlement. — Transfert de la
6rand'( hambre à Ponloise. — Négo-
ciations entre le gouvernement et la
magistrature. — Retour du Parlement
à Paris. — Déclaration royale. — Triom-
phe complet du Parlement. — Sévérités
à l'égard du clergé. — Présages de dif-
ficultés nouvelles avec le Parlement.
— Le roi cherche à s'entendre avec le
clergé. — L'assemblée du clergé de
1755 défère au Saint-Siège la questioa
des billets de confession. — Longues
négociations avec le pape Benoit XIV,
conduites par le comte de StainviUe.
— Accord entre le pape et le roi. —
Lettre encyclique du 16 octobre 1756.
— Adhésion générale du clergé. — Mau-
360
LE PROPAGATEUR
vaise humeur du Parlement. — L'union
des classes. — Lit de justice du 13 dé-
cembre 1756. — Démission des Enquê-
tes et des Requêtes.
C/iapilre VI. le ministère de bernis
(1757-1758) —Attentat des Daniiens.
— Renvoi de M. de Machault et du
«orate d'Argenson. — Bernis entre au
conseil. — Sa politique. — Sa disgrâce.
Chapilre Vil. la destruction de
l'ordre des jésuites en FRANCE (1759-
1764). — Hostilité contre les jésuites.
— Condamnation de la Société dans
l'affaire du P. La Valette. — Dénoncia-
tion de labbé Chauvelin. — Arrêt or-
donnant aux jésuites de produire leurs
constitutions. — Louis XV se les fait
remettre. — Commission nommée par
le roi pour les examiner. — Déclaration
royale interdisant au Parlement de
statuer sur l'Institut avant le délai
d'un an. — Arrêt de la Cour recevant
le procureur général appelant comme
d'abus sur les constitutions, et enregis-
trement de la déclaration royale. —
Dispositions du ministère à l'égard des
jésuites. — Sympathie que leur témoig-
ne la famille royale. — Le roi les aban-
donne.— Déclaration de l'épiscopat en
leur faveur. — Le P. de la Croix, pro-
vincial de France, souscrit la déclara-
tion réclamée par la commission royale
en faveur des libertés de l'Eglise galli-
cane. — Sentiment de la cour de Rome.
— Echec du projet de la commission
royale par suite du refus du Père gé-
néral de nommer un vicaire général
pour la France. — Arrêtdu7aoûl 1762
disant qu'il y a abus dans l'Institut
des Jésuites et leur ordonnant de se
séparer. — Eloquent mandement de
Christophe de Beaumont pour leur
justification. — E.xil de l'archevêque.
— Suppression de l'ordre dans tout le
royaume (novembre 1764).
Chapilre VHI. les actes du clergé
(1765-1766). — L'assemblée du clergé
de 1765. — Les Actes du clergé. — Ils
sont supprimés par arrêt du Parlement
du 4 septembre 1765. — Arrêt du Con-
seil sur les droits des deux puissances.
— Mémoire de l'assemblée du clergé
dn 1766 au sujet dudil arrêt, — Attitu-
de générale de l'épiscopat conforme
aux principes exposés dans les Actes
du clergé. — Heureux effets du Con-
cordat de 1516 sur les rapports des
deux puissances. — Vote d'un don
gratuit de douz-* millions au roi par
l'assemblée de 1766. — Mode d'acquit-
tement.
Chapilre IX. la disgrâce de choiseul
et le PARTI RFLIGIEUX (1765-1774). —
Mort de madame de Pompadour. —
Réprimande adressée par le roi au
Parlement de Paris, le 3 mars 1766. —
Intrigues contre Choiseul. — Disgrâce
de ce dernier. — Avènement au pouvoir
de Maupeou, du duc d'Aiguillon et de
l'abbé Terray, soutenus par madame
du Barry. — Exil du Parlement. — Son
remplacement par le Grand Conseil. —
Satisfaction du parti religieux. — Me-
sures de clémence à i'égard du clergé.
— Mort de Louis XV. — Changement
de ministère à l'avènement de Louis
XVI. — Rappel du Parlement.
Chapitre X. la réforme des ordres
RELIGIEUX (1765-1784). — La réforme
des ordres religieux décidée dans l'as-
semblée générale du clergé de 1765. —
Relâchement général de la discipline
monastique — La commende, source
principale du mal. — Commission nom-
mée pour la réforme des abus. — L'édit
de 1768. — Son application par les
commissaires royaux. — Réclamation
de la Cour de Rome. — Résuliat des
travaux de la commission.
Chapilre XI. la lutte de l'église
CONTRE l'incrédulité. — CONCOURS DE
l'état (1775-1785). — Décadence de la
prédication chrétienne. — Les assem-
blées du clergé de 1760 à 1785 et la
publication des livres impies. — En-
couragement donné aux œuvres de
polémique religieuse. — La censure de
ia Sorbonne. — La censure de l'Etat.
— Mesures préventives et mesures ré-
pressives dirigées contre la propagation
des mauvais livres. — Proj-it de loi sur
la librairie soumis au roi par l'assem-
blée du clergé de 1785, — Dpinion de
Malesherbes sur la liberté de la presse.
Chapitre XII. l'édit de 1787 sur
l'état civil des protestants (1787-
1788). — Etat civil des prolestants. —
Résumé historique de la question, —
Projet préparé sur l'ordre de Louis XV
par Gilt)erl des Voisins sur la situa-
tion à faire aux protestants dans le
royaume. — L'édit de novembre 1787.
— Modifications apportées par le Par-
lement. — Remontrances du clergé
dans son assemblée de 1788.
CONCLUSION.
APPENDICE I. — La feuille des bénéfices,
appendice II. — D3S charges et des
revenus du degré.
appendice III. — De la situation des
ordres monastiques.
GAUTHIER DE LA CALPRENEDE
A JOSEPH EAVERGNE
Sur le printemps de ma jeunesse folle,
Je ressembles l'hirondelle qui vole
Puis ça, puis là : l'âge me coniuisoit
Sans peur ni soia oii le cœur me disoit.
(Clément Marot.)
EN QUERCT.
L9 1er juin 162j, l'aube commençait à paraître et blanchissait le
faîte des tourelles du petit château de la Galprenède. Les oiseaux
s'éveillaient et voletaient déjà au-dessus du vieux manoir silen-
■cieux, dont tous les habitants paraissaient encore endormis. L'un
d'eux cependant, le plus jeune de tous, Gauthier de Gostes de la
Galprenède, après une nuit d'insomnie, était déjà descendu à l'écu-
rie et sellait son petit cheval noir, qui venait de manger un pico-
tin d'avoine.
Dès qu'il eut fini, Gauthier prit son cheval par la bride, le fit
«ortir doucement de l'écurie, ouvrit sans bruit la porte du château,
et franchit à pied le pont-levis, dont les chaînes rouillées etenguir-
'landées de lierre et de clématites témoignaient qu'il ne s'était pas
relevé depuis bien des années. Une fois arrivé de l'autre côté du
fossé, Gauthier examina avec soin les harnais de son cheval, véri-
fia le contenu de sa bourse légère et de son petit portemanteau,
assura bien le ceinturon qui soutenait son épée ; puis, sautant en
selle avec autant de grâce et de vivacité qu'on devait l'attendre de
ses dix-sept ans et de son humeur gasconne, il regarda encore une
fois le manoir paternel, loi dit gaiment au revoir, et, piquant des
•deux, partit au grand galop.
On était alors en pleine fenaison : le jeune cavalier ne tarda pas
à renconter un groupe de paysans, le râteau et la fourche sur l'é-
paule, et qui allaient commencer leur journée de travail. Ilsle sa-
luèrent tous, et il ralentit le pas de son cheval pour marcher
quelques instants avec eux. Le plus jeune de la troupe lui deman-
da en patois : " Sans indiscrétion, monsieur Gauthier, où allez-
vous de si bon matin, et si brave ?"
" Je vais à Paris, " répondit-il d'un air triomphant.
" A Paris! miséricorde! " s'écrièrent tous les faneurs. '• Mais
TOUS reviendrez bientôt ? "
" J'espère que non, " dit Gauthier, '■ Je vais à la cour. Je ne
veux pas passer ma vie à la campagne, comme mon grand-père et
mon frère. J'irai à la guerre, je voyagerai. "
" Et vous partez tout seul, sans domestique ? " dit un garçon de
■quinze ans, nommé Golin Dordac.
" Pas un de nos gens n'a voulu me suivre. " dit Gauthier. "• Bail-
leurs, ils sont trop vieux. "
" Voulez-vous m'emmener avec vous ? " dit Golin Dordac. '' Je
362^ LE PROPAGATELR
ne vous demanderai que le vêtement et la nourriture. Je voudrais
voir du pays, moi aussi."
" Gela m'irait, " dit Gauthier; " mais je ne puis te donner un
Cheval, et tu ne peux me suivre à pied. "
*' Qu'à cela ne tienne! "dit Colin," Attendoz-moi seulement
deux petites heures, et j'aurai un cheval et mes habits du diman-
che. "
" Et la permission de ton père? y penses-tu seulement, tête de
bique ? " dit un vieux paysan.
" Oh 1 " dit Colin, '•* depuis que j'ai une belle-mère et une sé-
quelle de petits frères, je suis de trop à la maison. Mon père me
donnera la clef des champs et un de nos bidets sans se faire prier,
j'en réponds.
*' Mais, " dit Gauthier, " je ne me soucie pas de l'attendre sur le
chemin, et encore moins de retourner au château. Je me suis quasi
enfui, pour épargner l'émotion des adieux. Mes grand-parents ont
consenti hier à mon départ ; mais, s'ils allaient se raviser, j'en se-
rais fort marri. Donc, j'irai l'attendre à Montdragon, chez ma tante.
Si à midi tu n'y es pas arrivé, je pars tout seul : tant pis pour loi ! "
" C'est entendu " dit Colin Dordac.
Et, saluant les faneurs, qui lui souhaitèrent un bon voyage,
Gauthier de la Calprenède reprit le galop, et disparut bieniôt dans
un nuage de poussière, qui doraient les premiers rayons du soleil
levant.
Le château de la tante de Gauthier était situé sur une colline,
et, tout petit et peu important qu'il fût, dominait toute la vallée,
grâce à son piédestal de roches abruptes. Sibylle de la Calprenède,
comtesse de Montdragon, ne l'avait pas quitté un seul jour depuis
son veuvage. Ses deux fils faisaient leurs études au collège des
jésuites, à Cahors, et madame de Montdragon vivait tort retirée,
uniquement occupée à surveiller la culture de ses terres et à répa-
rer les brèches laites à la fortune de ses enfants du temps que M.
Montdragon avait suivi le roi Henri IV dans toutes ses guerres.
Le château de Montdragon eiàt été un fort triste séjour, sans la pré-
sence d'Alix de Castelflour, parente éloignée et pupille de la châ-
telaine. C'était une enfant de quinze ans, belle comme le jour, et si
gaie, si active, qu'à elle seule elle animait tout le vieux manoir.
Quelqu'un était malade, elle accourait à son chevet, le soignait,
l'égayait, lui persuadait qu'il allait être guéri. Madame de Mont-
dargon grondait-elle, Alix excusait les coupables, tout en donnant
toujours raison à ?a tante, ei les grondait elle-même de si gentille
façon, que les fâi heries étaient vite finies. Personne ne chantait,
ne' dansait mieux qu'elle, et, en même temps, aux lessives, aux
confitures, aux soinsdu fruitier, àla surveillance de la basse-cour,
de la cuisine et des travaux d'aiguille, elle était si habile, qu'elle
en remontrait aux plus entendues. Madame de Montdragon, toute
fière d'avoir formé celle jeune merveille, ne se pouvait passer d'elle,
et l« bruit courait qu'elle la destinait à son fils aine, Bérenger de
Montdragon, qui promettait d'être le plus beau cavalier du Quercy.
Mais il était encore au collège, et la châtelaine n'avait jamais dit à
personne un mol qui autorisât ces suppositions.
LE PROPAGATEUR 363
" Où est ma tante ? " demanda Gauthier aw domestique, à qui il
donna la bride de son cheval en mettant pied à terre au seuil du
château.
" Madame est sur la terrasse, occupée avec les femmes de lessi-
ve, " dit le valet. '•• Mademoiselle Alix y est aussi. Faut-il les appe-
ler ? "
" Non, " dit Gauthier : "Je préfère aller les surprendre. "
Et, traversant la cour du château, il gagna une poterne qui don-
nait accès à la grande terrasse entourée d'un parapet crénelé, et
d'où l'on découvrait une vue admirab'e. Celte terrasse était plan-
tée de quatre rangées de vieux érables, à demi morts de vieillesse.
Le vent qui régnait toute l'année à cette hauteur ne leur avait pas
permis de grandir. Aux troncs noueux de ces arbres trapus étaient
liées des cordes de crin, sur lesquelles la châtelaine de Montdra-
gon, sa pupille et quelques femmes de service étendaient en ce
moment le linge de la maison. Le soleil et le vent séchaient si vi-
te draps et nappes, que les premières pièces étendues étaient bon-
nes à plier avant que toutes les cordes fussent achevées de garnir.
Et, comme il arrive toujours en temps de lessive, le ciel se couvrait
et menaçait d'un orage. Aussi, dès qu'Alix aperçut Gauthier, elle
s'écria :" Quel bonheur! voici un aide qui nous vient! — Vite,
cousin Gauthier, venez ça : il y a de l'ouvrage pour vous céans. "
" Vous permettrez d'abord que je présente mes respects à ma
tante,, belle cousine !" dit Gauthier en la saluant.
" Allez, " dit Alix, '* mais faites vite, ou je vous déclare un che-
valier fainéant et discourtois."
Gauthier se hâta de chercher sa tante entre les flottantes barriè-
res de linge étendu ; mais madame de Montdragon, qui tenait fort
au décorum et ne voulait pas recevoir le jeune gentilhomme en
bonnet de nuit, s'était éclipsée. Elle reparut bientôt, ayant mis ses
coiffes de veuve et fort grondé les valets d'avoir laissé entrer, sans
l'annoncer, M. de la Galprenède. Celui-ci, s'avançant vers elle en
faisant de grandes révérences, lui baisa la main, s'informa de l'état
de sa santé et lui dit que, partant pour Paris, il n'avait pas voulu
quitter le pays sans venir lui faire ses adieux.
Ce n'était pas tout à fait vrai : sans la proposition de Colin, il est
probale que Gauthier ne se fût pas détourné de son chemin pour al-
ler voir la châtelaine de Montdragon, qu'il n'aimaitguère; mais il
était Gascon, et, après tout, ce petit conte ne laissait pas d'être ga-
lant.
''• Vous allez à Paris ! " s'écria la châtelaine : " hélas ! mon pau-
vre enfant quelle mouche vous pique? Quel vertige vous prend ?
Que n'entrez-vous plutôt au séminaire? Que ne restez-vous à
planter des choux ?" Et ceci, et cela : la bonne dame commença
une litanie de reproches, de questions, d'exclamations, plus embar-
rassantes les unes que les autres. Ce qu'entendant, Alix, s'appro-
chantà pas légers, guetta le premier pointd'orgue de cette musique,
et s'écria : " Chère tante, le ciel se couvre de plus en plus, et nous
avons encore bien du linge à plier. Ordonnez, je vous prie, à M.
de la Calprenède de nous aider, ou il y aura du dégât. "
364 LE PROPAGATEUR
*• Y pensez-vous, mademoiselle ? " dit madame de Mondragon.
" Ce n'est point affaire à un cavalier. Appelez les valets- "
" Non pas, " dit Alix : " ils ont les mains trop rudes, et déchire-
raient nos collets et nos manchettes; il me faut les mains d'un
gentilhomme, et, fut-il Hercule en personne,j'entends qu'il s'estime
très heureux de nous aider. "
" J'en serai le plus content et le plus honoré du monde, belle
■cousine," dit Gauthier. "Ordonnez: je ferai tout ce qu'il vous
plaira, jusqu'à tourner le fuseau à vos pieds. "
••' Oh ! je n'en demande pas tant, " dit Alix ; " mais aidez-moi à
plier ceci. "
Ils se mirent à l'œuvre, et plièrent et rentrèrent en une demi-
heure une quantité fabuleuse de linge. Les servantes, effrayées par
le tonnerre qui commençait à gronder, se hâtaient, tout en faisant
de grands signes de croix à chaque éclair. Enfin la besogne fut
terminée heureusement, et toute la lessive mise en sûreté, au
moment où la pluie, commençant à tomber en larges gouttes,
obligea toute la compagnie à rentrer au château.
Le couvert fut mis alors. Gauthier, dont le jeune appétit était
aiguisé par sa course matinale, vit avec plaisir les apprêts d'un
simple et abondant repas, dont la basse-cour, le saloir et le verger
firent tous les frais. Taudis qu'il attaquait vigoureusement un
■énorme jambon, et que madame de Montdragon découpait des
poulets nouveaux et des pigeons à la crapaudine, on entendit dans
la cour le pas d'un cheval. Alix, courant à la fenêtre, s'écria:
'* Voici un pauvre cavalier bien trempé! l'eau ruisselle de ses
habits comme d'un arrosoir. "
" C'est mon petit Colin Dordac, " s'écria Gauthier, qui s'était
levé aussi de table : " il est fidèle au rendez-vous, malgré l'orage.
€ela promet. Seriez-vous assez bonne, ma tante, pour ordonner à
vos gens de faire sécher et restaurer ce pauvre garçon ? "
" Assurément, beau neveu, " dit la châtelaine. "■ Alix, veillez à
cela, mon enfant. Dites à Léonard de lui donner des habits et de
faire sécher les siens. "
Alix se rendit à la cuisine, et Gauthier dit à sa tante qu'il
emmenait Colin à Paris. Ce fut un nouveau thème à lamentations.
'* Y pensez-vous? ôter de la charrue cette honnête paysan ! et pour
en faire quoi? un fainéant, un laquais, un faquin 1 0 jeunesse
imprudente ! ô jeunesse insensée I "
Pendant ce temps la pluie redoublait. On vint avertir madame
de Montdragon que le toit d'uile des tourelles était percé, et que
l'eau du ciel tombait dans Tescalier. Elle y courut voir, laissant
Alix et Gauthier achever de dîner tête à tête. Ils causèrent alors
fort gaiement, et charmé de l'esprit de la jeune fille, qu'il n'avait
jusqu'alors regardée que comme une enfant, Gauthier s'appliqua
à faire valoir le sien. Ils se dirent les plus jolies choses du monde,
en tout bien tout honneui", et ils riaient ensemble comme de vieux
amis, lorsque madame de Montdragon rentra dans la salle, et
modéra leur gaieté par son air sérieux. L'orage se prolongeant,
elle décida que M. de la Calprenède ne pouvait songer à se remettre
LE PROPAGATEUR 36S
en route que le lendemain matin, et lui proposa quelques moyens
d'occuper son temps agréablement jusqu'au souper.
" Nous avons trop à faire, ma nièce et moi, pour vous tenir
compagnie," lui dit-elle, '^- mais vous trouverez dans la salle
d'armes et la bibliothèque de quoi vous divertir. "
Elle introduisit Gauthier dans la première de ces pièces, lui
remit la clef de l'autre, et se retira en lui disant que la cloche
l'avertirait quand le souper serait servi.
Gauthier eût préféré causer ou faire de la musique avec Alix;
mais, n'ayant pas ce qu'il souhaitait, en garçon d'esprit il s'accom-
moda de ce qu'il avait, et, après avoir rapidement passé en revue
les armures rouillées, les pertuisanes, les hallebardes, les arque-
buses, les mousquets, les boucliers, enfin toutes les ferrailles
offensives et défensives appendues aux murs de la salle d'armes,
il entra dans la bibliothèqne et se mit à examiner les volumes
poudreux qu'elle contenait.
Bientôt il en découvrit un, contemporain de Froissard, et qui
lui parut digne d'être examiné avec soin. C'était un manuscrit
orné de miniatures, et contenant des histoires si merveilleuses,
qu'il en oublia ses projets, son voyage, l'orage, la belle Alix, et
lui-même. — Et, assis dans un grand fauteuil du temps de saint
Louis, à peine éclairé par le jour qu'assombrissaient la tempête et
les vitraux coloriés, Gauthier de la Calpienède, captif d'un vieux
romancier, passa six heures immobile et charmé dans la biblio-
thèque du château de Montdragon.
La cloche du souper ramena Gauthier à la réalité. Il se hâta
de descendre et d'aller demander à un valet une brosse et de l'eau
pour se débarrasser de la poussière des in-folio qu'il avait remués;
puis, lissant son ombre de moustache, et prenant son feutre et ses
gants à la main, il se dirigea vers la grande salle, où le souper
était servi. Les deux châtelainesy entrèrent bientôt, accompagnées
d'un vieux prêtre qui faisait les fonctions de chapelain à Montdra-
gon, et qui venait de rentrer après avoir passé la journée à visiter
les malades du voisinage. L'abbé dit le Benedicite ; on prit place à
la table, qu'Alix avait ornée des fleurs cueillies sous la pluie, et le
souper lut fort gai. — L'abbé avait jadis suivi le défunt seigneur
de Montdragon à la cour de Henri LV. Il raconta mille choses
intéressantes sur le règne de ce bon roi, si cher aux Gascons, et
finalement il offrit à Gauthier une lettre de recommandation pour
le marquis de Besnac, gentilhomme de la chambre du roi Louis
XIII, et dont l'appui pouvait être fort utile au jeune homme. Il
fut convenu que l'abbé écrirait cette lettre le soir même, et que
Gauthier partirait le lendemain, aussitôt après la messe de six
heures et le déjeuner.
Le souper fini, les valets desservirent la table, la couvrirent d'un
tapis, y posèrent une lampe à trois becs, un in-folio et un sablier,
et se retirèrent. On vit alors entrer deux respectables duègnes,
dont l'une avait été nourrice de M. de Montdragon, l'autre de sa
femme. Chacune d'elles, armée d'une quenouille, s'assit sur un es-
cabeau, un peu en arrière du fauteuil de madame de Montdragon.
à suivre
NOTES & RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ET
A COMPLÉTER LEUR BIBLIOTHÈQUE
PREMIERE PARTIE
Livres de piété pour les ecclésiastiques
I. MÉDITATIONS, suite
La retraite spirituelle rédigée se-
lon la méthode de saint Ignace par les
PP. Debrosse et Aubry, compren'l, sur
feuilles délacliées et numérotées, tous
les différents exercices d'une retraite ;
méditations, lectures, considérations,
et examens. Les méditations, au nom-
bre de 39, sont distribuées par semain»^
dans l'ordre indiqué par saint Ignace.
Il y a des considérations pour les ec-
clésiastiques, il y en a d'autres pour
les séculiers : de même, outre les exa-
mens pour les ecclésiastiques, il y en
a destinées aux religieux, sur l'esprit
de leur état. Les ecclésiastiques qui
peuvent avoir à dirig'^i-, dans les exer-
cices d'une retraite, des confrères ou
des Idïcs, ou ceux qui font quelquefois
leur retraite en particulier, pourront
très avantageusement prendre cet ou-
vrage pour guide : ce n'est pas le texte
de saint Ignace, mais c'est bien la
même méthode, les mêmes ens-^igne-
ments et les mêmes coaseils pratiques :
les méditations, qui comprennent
moins de quatre pages, sont très sub-
stantielles.
Le P. Tobie Lohner est surtout con-
nu par sa Bibliolkeca manualis concio-
naloria : c'e^t le plus consid-^rabie de
ses ouvrages. Il en a publié aussi un
grand nombre d'autres, qui, sdus le
titre d'inslruclio praclica, traitent des
différentes fonctions et obligations A\x
prêtre : le huitième, celui que nous si-
gnalons à nos confrères, est consacré
aux retraites sacerdotales. — La pre-
mière parti; contie.jt un traité didac-
tique sur les exercices spirituels ^n
général, et en particulier sur les
exercices de saint Ignace. Pour en
déterminer la nature, l'auteur en étulie
successivement les causes finale, ma-
térielle (sujet des exprcice?), formelle
(différdnts éléments de ces exercices),
et efficiente. H montre ensuite l'excel-
lence des exercices d'après leurs attri-
buts intrinsèques (et surtout d'après
les douze fruits qu'on en doit tirer), et
par les témoignag'is extrinsèques ; et
il indique quelques moyens util 'S pour
faire les exercices avec fruit. — La
seconde pirtie renferme des modèles
pratiques d'exercices pour les retraites
sacerdotales. La première retraite, de
huit jours, est composée d'après la
" stricte méthjde tracée par saint Ig-
nace. " El en eff;i, c'est le texte de
saint Ignace qui est présenté à nos
réflexions, avec les développements de
Lohner ; les méditations sont emprun-
tées pour deux jours à chacune des
semaines des •' É.xercices spirituels, "
et embrassent les trois vies ; purgative,
illuminaiive et unilive. Pour chique
jour l'auteur indique le but de la
journée, et le texte du jour : il donne
aussi le sujet de la consiiéralion, les
lectures à faire, les notes à prendre,
et les règles de discernement des
espr.ts.
Pour la seconde retraite sacerdotale,
également de huitjmrs, l'auteur adopte
une marche nouvelle et dirige, comme
il nous en avertit lui-même, toutes les
méditations et tout(.'s les considérations
vers l'estime et la perfection de l'état
sacerdotal. Ce n'est plus le texte de
saint Ignace, mais c'est l'ordre de ses
méditations, et 1;^ P. Lohner sait pro-
|)oser à nos réflt xions des pensées fortes,
présentées avec concision et clarté, et
enrichies de nombreux textes de l'Ecri-
ture et des Pères. Il n'assigne point
d'autre livre de lecture que l'Imitation,
laissant au directeur de la retraite le
soin d'en choisir d'autres en rapport
avec les dispositions des personnes ;
mais il conseille d'ajouter à son ou-
vrage de pure doctrine, un ouvrage
historique, par exemple la Jjiographie
de quelque saint ])rêire, " pour que le
retraitant, s'y regardant comme dans
un miroir, comprenne mieux à quelle
distance il s'est tenu d'un tel moJèle,
et s'anime à se réformer pour s'en rap-
procher davantage "
La troisième retraite sacerdotale le
huit jours est formée de méditations
sur les paraboles. Notre-Seigneur a
fa t un fréquent et continuel usage des
paraboles : " El sine parabolis non
LE PROPAGATEUR
367
îoquebalur eis. " Pourquoi préfera-l-il
ce mode d'inslruclion à tous Its autres ?
se demanle l'auleur, et il répond : C'est,
disent les interprètes derÉ3riture, que
dans la parabole, li^ vice ou la vertu
dont il s'agit étant mis sur le cooipt»?
d'un autre que nous, nous portons
un jugement plus désintéressé, plus
sincère sur les loris ou les mériies des
{•ersonnages mis en action, et faisanl
ensuite un retour sur nous-mêmes,
nous apprécions mieux Tétit heureux
ou funeste de notre vie et nous sommes
plus vivement excités à le conserver
ou à le haïr. " C'est par une parabole
que le prophèle Nathun amena le roi
David à reconnaître l'énonnit-' de sa
faute, et àdirePeccaiu'. — Celte retraite
sur les paraboles offre aussi l'avantage
de la variété. — De plus " les prêlres
qui ont souvent à commenter dans
leurs sermons les paraboles évangé-
liques, s'en acquitteront beaucoup
mieux s'ils ont commencé par en faiie
le sujet de leur méditation, et si, dans
cet exercice, ils ont allumé déjà le feu
de leur zèle et le désir ardent du salut
des àm-^. "
Du reste, l'aut- ur ne donne, pour
celte retraite, que les méditations, sans
revenir sur les autres ^-xercices, pour
lesquels il fau Ira par conséquent con-
sulter les indications données dans les
retniles précédentes. Les paraboles
méditées ont été distribuées dans
l'ordre exigé par le plan habituel des
exercices spiriiu-'ls, les deux premiers
jours étant consacrés aux paraboles
qui nous rdpp-l!eat la fin de l'homm;
et Id n'^cessité de nous purifier de tout
pecjié, tandis que les quatre jouis sui-
vanls on nou> proj>ose les paraboles
seripporlaut à l'imitation de Jésus-
Christ par la pratique des vertus, pour
les derni-^rs jours être réjervés à celles
qui ont quelque rapport avec la Ré-
demi ition, la gloire du ciel et l'amour
de Dieu. — Telles sont les trois retraites
de huit jours que P. Lchner a disposées
pour les ecclésiastiques. Nous estimons
qu'elles peuvent laire le plus grand
bien à ceux qui le- utilisero.it, et nous
p-"n;ons que nos confrères pourront
les utiliser non seulement pendant les
jours d'une retraite, mais encore dans
le cours de l'année : ces méditations
de retraite sont capables de renouveler
notre bonne volonté el notre ferveur,
et il est bon d'y recourir fréquemment,
celles surtout que nous savons nous
avoir fait une forte el salutaire im*
pression.
Dans cette recommandation, nous
n'fxclaons pas, bien au contraire, la
seconde catégorie des retraites du P.
Lchner, c'est-à-dire les modèles pra-
tiques de méditations pour une retraite
sacerdotale de trois jour,-. Ces retraites,
au nombre de quatre, visent chacune
un but spécial. La première est " à
l'usage de ceux qui désirent examiner
leur vocation au sacerdoce et faire
choix devant Dieu d'un état de vie. "
La seconde est " pour ceux qui veulent
se préparer saintement à célébrer leur
première messe ; mais elle embrasse
les autres principales fonctions et obli-
gations du prêtre, et peut être utile à
tous. " Li troisième retraite est " pour
ceux qui, après avoir travaillé pendant
quelque temps au salut des â:nes, dési-
rent se recueillir un peu. " La qua-
trième, " pour le prêtre qui désire Jaire
une sérieuS'i' pénilenc-^, " étudie la
chute et la pénitence de saint Pierre.
Pour chacune de ces retraites, l'auteur
ne donne que deux méd.tutions pour
chaque jour, afin, dil-il, Je laisser plus
de temps à la réflexion sur le choix à
faire, ou à l'exam^u de conscience : il
indique en outre la matière de cet exa-
men, les lectures à faire ; en un mot,
il règle l'emploi du temps pourleresto
de la journée.
Celte variété de plans de retraite, et
le grand nombre de méditation ■ qu'elle
entraîne, comme aussi l'étu le très
complète sur les exercices spirituels
qui remplit la moitié du premier vo-
lume, engageront peut-è.re nos con-
frères à introduire cet ouvrage dans
leur bibliothèque : nous ne les en dis-
suadrons pas.
L'ÉcoLK DU PRÊTRE de Tanner est
une retraite de huit jours, à quatre
méditatiuns, ou plutôt quatre instruc-
tions par jour, qui embrasse toutes
les vertus el tous les devoirs de l'état
ecclésiastique. Après une introduction
sur la néces.>iié et les conditions d'une
bonne rel- aile, l'auieur étudie la voca-
tion au sac-rdoce, c'est-à-dire la fin
que Jesus-Chrisl s'est proposée en in-
stituan'. le sacerdoce, et la préparation
au sacer loce, au point de vue de
la pureté dinlenlion, de la science,
de la sainteté. Au deuxième jour,
il considère le prêtre dans ses fon-
ctions : à l'autel, en chare, dans
rinslru:tion de la jeunesse, au confes-
368
LE PROPAGATEUR
sionnal. Au troisième jour, il nous
montre le prêtre dans sa vie publique,
visitant les malades, affermissant les
âmes faibles dans la foi, cherchant la
paix dans la paroisse, et travaillant à
extirper lout germe de corruption et à
répandre les principes qui puissent
fortifier la foi, l'obéissance, la moralité.
Le quatrième jour est consacré à la
vie privée, c'esl-à-dire à la prière pres-
crite au prêtre, à l'économie qui lui
est permise, au costume convenable, à
l'édification qu'un prêlre doit donner.
Il signale dans le cinquième jour les
dangers auxquels est expose le prèlre
dans l'oisiveté, dans les sociétés, dans
ses liaisons, dans sa propre maison.
Le sixième jour envisage l'énormité du
péché dans le prêlre, le scandale, l'en-
durcissement d'un mauvais prêlre, et
la leçon que renferme l'exemple de Ju-
das. Au septième jour, c'est le prêtre
dans la reddition de ses comptes : le
prêlre à l'article de la mort, devant
son juge, en enfer, et devant l'opinion
publique. Au huitième jour, c'est,
comme conclusion de la retraite, le
bonheur d'un bon prêtre, le bon ou le
mauvais résultat d'une retraite.
Ces insitructions, très détaillées et
très comp êtes, sont en même temps
très pressantes par la manière dont la
vérité est présentée, et par les nom-
breuses citations de la sainte Ecriture
et des Pères. On devine dans l'auteur
un homme plein de zèle et d'expérience,
qui connaît le cœur humain et en dé-
couvre hardiment les plaies pour indi-
quer le remède à appliquer. — Il est
très utile, quelquefois même néces-
saire que le prêtre dans une re-
traite soit commune, soit particulière,
revoie en détail quelles sont ses obli-
gations, et, par suite, quelles peu-
vent être ses fautes. Généralement
le prédicateur d'une retraite ecclésias-
tique ne peut, dans le temps qu'on lui
donne, envisager toutes les vérités : il
ne suffira pas à éclairer chacun des
retraitants sur l^s points qui réclame-
raient de sa part une attention spé-
ciale. Les réflexions pendant les temps
libres et l'examen de conscience ne
doivent pas se restreindre aux sujets
traités pour tous : mais pour ces réfle-
xions et cet examen, qui répondent à
nos besoins personnels, nous avons
besoin d'un guide ; et ce guide est
quelquefois nécessaire pour nous faire
connaitr e ces besoins personnels. L'éco-
le du Prêlre peut être ce guide. — Il
le sera surtout pour les retraites faites
en particulier ; il remplacera le prédi-
cateur. Si la matière de ces deux vo-
lumes du P. Tanner ne peut pas être
I épuisée pendant le temps qui est ordi-
j nairement consacré chaque année à la
retraite, qui nous empêchera de prolon-
ger notre retraite tn utilisant pour nos
lectures spirituelles ou nos méditations
le Le Prêlre sanctifié dans la relraile f
(c'est le sous-titre de l'ouvrage que
nous apprécions).
Le traducteur a adapté aux mœurs
françaises ce livre composé pour le
clergé allemand. Peut-être n'a-t-il pas
réussi complètement à lui donn-r une
forme irréprochable: il eut m eux valu,
pour éviter des phrases un peu obscu-
res, renoncer à une traduction trop
littérale. Nous pouvons présenter,
comme une large compensation de cet
inconvénient, VExamen à l'usage du
Clergé ajouté par M. l'abbé Bénard,
et oïl il envisage successivement et
dans le détail les devoirs généraux du
prêtre soit envers Dieu, soit envers
soi-même, soit envers le prochain, et
les devoirs d'un pasteur dans le minis-
tère paroissial : c'est un appendice
nécessaire d'un guide de retraite ; il
peut du reste être utilisé en temps or-
dinaire, et, à ce titre, il sera mentionné-
et apprécié plus tard.
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Août, 1893, Numéro 12
BULLETIN
8 Août 1893
*^* Les dépêches de Paris annoncent que les élections générales
pour la Chambre des députés de France auront lieu le 20 août.
Ces élections sont d'une immense importance car la lutte va se
faire sur un terrain nouveau. Acceptant les conseils du Pape et
suivant l'exemple des cardinaux et de l'épiscopat tout entier, la
grande majorité des catholiques de France, conservateurs, roya-
listes, impérialistes et autres, ont accepté la république et ils vont
combattre les sectaires sur leur propre terrain.
D'un côté seront les hommes d'ordre, ceux qui veulent le règne
de la justice et d'une sage liberté, les hommes qui veulent réfor-
mer les lois d'éducation, protéger la religion et rendre à la France
la place qu'elle doit occuper dans le monde.
De l'autre côté seront les laïcisateurs, les socialistes, les radi-
caux, les francs-maçons, les sectaires de toutes nuances et tous
les hommes de désordre, ceux qui reulent déchristianiser la
France et y faire régner l'impiété.
Le prochain scrutin nou= dira dans quelques jours si le beau
pays de France veut, pendant „inq autres années, être encore à
la merci de ceux qui lui ont fait tant de mal et qui veulent, par
leurs excès et leur tyrannie, lai faire oublier ses traditions.
Ces élections nous intéressent à un haut degré, nous, les fran-
çais d'Amérique, et nous faisons des vœux ardents pour le triom-
phe des hommes d'ordre qui veulent régénérer notre mère-patrie.
Puissent-ils chasser du pou''oJr ceux qui en abusent tant au dé-
triment du pays.
En parlant de ces élections le journal La Croix publie le petit
article qui suit :
CE QUE NOUS DEMANDONS.
Nous demandons qu'aux prochaines élections tous les Français laissent de
côlé les querelles de partis, les vieilles rancunes, pour revenir aux sentiments
de justice, et pour ne songer qu'aux intérêts matériels, moraux et re'igieu^ du
pays.
Les franes-maçons ne seront pas contents.
A la porte les îrancs-maçons ! voilà assez longtemps qu'ils pèchent en eau
trouble et qu'ils exploitent le pays.
Monsieur Odelin qui se présente dans le huitième arrondisse-
ment de Paris, (quartier de l'Europe Madeleine) a publié une pro-
fession de foi électorale qui indique parfaitement la voie que
doivent tuivre les électeurs qui veulent sincèrement le salut de
leur patrie. M. Odelin est l'un de ces hommes d'ordre qui com-
23
374 LE PROPAGATEUR
Latlent constamment pour le triomphe des saines idéâs. Au con-
seil municipal de Paris il a él^- l'un des plus ardents champions
de la réintégration des sœurs dans leshôpitaux. Milti^^ureu sèment
les dernières élections municipales lui ont été défavorables. Puisse-
t-il être plus heureux dans les prochaines élections parlementaires.
J'extrais ce qui suit de sa profession de foi aux électeurs dn
Ville arrondissement :
La solution du problème électoral qui se pose aujourd'hui relève simplement
de l'honneur el de la probité nationale.
Il s'agit d'^ savoir si vous voulez ;
Conserver un régime qui n'a fonctionné jusqu'ici que pour proléger le vol, fa-
vor.ser les ti ipotages et encourager les concussions ;
On ^^ubstitu-T des citoyens désintéresés à| les représentmts qui n'utilisent leur
mandai qu-^ pour la satisfaction de leurs appétits.
11 importe du décider :
Si la Ri-pubiiqua issue de la volonté nationale restera la chose personnelle de
sectaires qui l'exploitent et la déshonorent ;
Ou si la révision de la Constitution mettra le gouvernement dans l'obligation
de re^peclf-r enlin les droits immuables de la famille et de la religion, qui sont
la sauvegarde des intérêts sacrés de la patrie.
Il est nécessaire ;
D-^ n'accorder confiance qu'à des mandataires jaloux de leur dignité el dont
l'unique ambition sera de combaltra les abus ou les excès d'une politique arbi-
traire et démoralisatrice, franc-maçonnique et anti-national 3.
Il faut :
Que ch iquc élu soit un défenseur invincible des vieilles traditions qui ont fait
d'i notre chère France le plus noble pays ilu droit, de l'honneur et de la liberté.
C'esl dans cet ordre d'idées que, céiiant à de nombreuses sollicitations, je
soum-itlrai ma candidature, lors des él étions, à l'approbation de vos suffrages.
J. Odemn, ancien conseiller municipal-
*
*,* La guerre qui était imminente entre la France et Siam n'au-
ra pas lieu. Siam a reconnu les justes réclamations de son ad-
versaire et y a fait droit.
Le sang ne coulera pas et la cause de la civiUsation a fait un pas
de plus.
L'Angleterre a eu le bon esprit cette fois, de ne pas intervenir
et de ne pas envenimer, par une intervention intempestive, une
chicane qui aurait pu avoir les plus fatals résultat?.
Ce dénouement ne peut manquer d'accroître le prestige de la
France et d'augmenter son influence dans l'extrême Orient.
Le royaume de Siam, que ses démêlés avec la France vient de
faire sor.ir de l'obscurité est situé dans l'Asie Méridionale, au sud
du Tonkin et à l'ouest de l'Annam. Il a une population d'à peu
près 7,000,000 d'habitants. Lh boudhisme est la principale religion
et la polygamie y est pratiquée.
•/ Hier, le T août, a eu lieu a Washington l'ouverture de la
session extraordinaire du congrès des Etats-Unis. La question de
l'abrogation ou au moins de la modification de la loi Sherman
concernant l'argent (Sherman silver law), est la cause principale de
cette convocation du Congrès en session extraordinaire. C'est la
LE PROPAGATEUR 375
•douzième fois, depuis rétablissement de la constitution fédérale
des Etals-Unis, que le congrès est ainsi convoqué.
M. Charles F. Grisp, de la Géorgie, a été élu président ou ora-
teur de la Chambre des représentants. Il a eu 214 voix et son
principal concurrent, M. Reed, en a eu 122.
M. Crisp est avocat et il est âgé de 48 ans. Il est né à Sheffield,
en Angleterre, pendant un voyage que ses parents y firent. Il fut
élevé aux Etats-Unis et il a fait ses éludes à Savannah et à Maçon.
Pendant la guerre de sécession il a fait partie de l'armée confé-
dérée. En mai lrf64 les fédéraux le firent prisonnier et ils l'inter-
nèrent dans le fort Delaware où il demeura plus d'un an (l).
Les temps sont bien changés depuis la guerre de sécession
puisque le proscrit d'alors est devenu le président d'un des corps
législatifs du pays.
*/ Aux fêtes de juin dernier à Montréal le congrès national a
adopté un projet de fédération des sociétés nationales. Cette nou-
velle association porte le titre de
Alliance St Jean-Baptiste des sociétés nationales canadiennes-françaises
du Canada
Le deuxième article du projeifait connaître le but de l'Alliance,
le voici :
II. But. — Le but de \' Alliance est :
lo. De maintenir inlacles nos institutions, notre langue et nos lois ;
2o. De réunir, sous ses drapeaux, tous les Canadiens-Français d'origine, le
jour de la fêle nalionale ;
3o. D'obtenir pour ia race française sa juste part d'inQueuce en Amérique ;
4o. De veiller aux intérêts de nos nationaux réunis en uae orgaoïsatiôa
puissante ;
5o. D'aider les groupes canadiens des Etats-Unis et du Canada à créer des
missions, des écoles françaises, des sociétés nationales ei de secours ;
6o. De faciliter le rapatriement de nos compairioles émigrés, en les dirigeant
dans les centres de coloaisation les plus favorables, et en leur trouvant de l'em-
ploi dans nos villes manufacturières ;
7o. De. créer au siège de l'association une bibliothèque nationale ;
8o. D'élever des statues aux hommes distingués qui ont illustré nôtre histoire.
***
*,* Le 26 Juillet la paroisse de Varennes a célébré le deux cen-
tième anniversaire de son établissement. Pour cette célébration les
Varennois ont devancé la date de l'établissement qui, d'après les
registres aurait eu réellement lieu en décembre.
La date du 26 juillet a été ainsi choisie parce que c'est le jour de
la fête de Ste-Anoe la patronne de la paroisse.
A cette même date l'année dernière, la paroisse célébrait, avec
des pompes magnifiques, le cinquantenaire du couronnement du
tableau miraculeux de sa patronne (2).
La fête de l'année dernière a été très belle. Les préparatifs, pour
(1) J'emprunte ces détails au "Salem News " publié à Salem, Massachusetts.
(2) Voir le Propagateur du premier août 1892,
376 LE PROPAGATEUR
la fête de cette année étaient considérables, malheureusement la
pluie qui tombait par torrents les a rendus inutiles. Les cérémo-
nies qui ont eu lieu à l'église ont été très imposantes, mais il a été
impossible de faire la grande procession projetée.
A cause de la pluie une grande partie des fêtes religieuses a été
retranchée du programme. Elle a aussi nui considérablement aux
fêtes civiles. Le soir, cependant, la population s'est réunie près du
du fleuve, en face de l'hôtel, et des orateurs, enfants de Varennes
pour la pluspart ont rappelé avec enthousiasme le souvenir des
ancêtres et redit le passé glorieux de la paroisse.
Ces célébrations de centenaires et autres anniversaires d'événe-
ments remarquables, ravivent les sentiments religieux et patrioti-
ques. Ils font penser à ceux qui ont vécu aux lieux qui nous sont
chers, à ceux qui dorment leur dernier sommeil à l'ombre de la
croix du cimetière. Il nous rappellent les vertus de ceux qui noui
ont précédés et ils nous font prendre la résolution de marcher sur
leurs traces et de ne pas dégénérer.
ALBY
BIBLIOTHEP THEOLOCIP
DU XIX' SIECLE
•REDIGEE PAR LES PRINCIPADX DOCTEURS DES UNIVERSITES CATHOLIQUES
La Bibliothèque Ihéologique du dix-neuvième siècle est rédigée par des
savants dont la plupart professent depuis longtemps dans les grandes Univer-
sités Catholiques sur les matières diverses qu'ils se sont chargés de traiter :
nous pouvons donc affirmer sans crainte qu'elle réunit toutes les conditions
propres à lui conquérir les suffrages des plus exigeants.
Embrassant dans son programme toutes les " sciences " qu'on peut ranger
sous le titre de théologie, la Bibliothèque devait, pour remplir dignement sa
tâche, offrir ces deux qualités principales : être irréprochable dans la doctrine,
et ne présenter, sur chaque partie de la science sacrée, que des travaux de
première main, puisés directement aux sources originales.
Pour remplir ces conditions, sans lesquelles nulle entreprise de cette sorte ne
peut aspirer à un succès durable, il fallait confier la rédaction de la Bibliothèque
à des hommes qui joignissent à l'orthodoxie de la doctrine, attestée par de
précédents travaux, l'autorité qui s'attache à une position éminente dans le
haut enseignement. Aussi la critique des hommes du métier qui a essayé de
s'exercer sur les pages rédigées jusqu'ici n'a-t-elle pu que rendre les témoignages
les plus flatteurs à la science des auteurs et à l'exactitude de leur idées.
Rédigée après le concile du Vatican,la5ii/î0//iègwe devait, toutes les fois qu'il y
avait lieu, prendre en considération toute spéciale les doctrines que le Concile a
définies ou confirmées, les erreurs qu'il a flétries ; elle devait aussi tenir compte
des s-jstèmes inventés par la sophistique contemporaine pour battre en brèche
le surnaturel et le christianisme tout entier. On n'y trouve et n'y trouvera nul
mélange de ces théories hasardées, de ces systèmes semi-rationalistes qui ont
quelquefois jeté un discrédit sur des travaux qui, sans cela, n'eussent pas
manqué de valeur. (Voir la suite à la page 399)
DAVID
ROI, PSALMISTE, PROPHETE
AVEC UNE
INTRODUCTION SUR LA NOUVELLE CRITIQUE
Par Son Em. le CARDINAL MEIGNAN
ARCHEVEQUE DE TOURS
1 fort vol. in^ Prix: $1.88
Cette étude sur la personne de David, ses œuvres et ses psaumes
demeurait, comme plusieurs autres études bibliques qui ne seront
probablement jamais publiées, dans les cartons de notre cabinet
de travail. Une publication récente, d'un caractère agressif contre
nos traditions et absolument calomnieuse contre David, la fait
sortir de son obscurité.
Si imparfaite qu'elle soit, elle nous a semblé répondre pour une
part à des attaques qui seraient sans portée à une époque moins
ignorante des titres de l'histoire sacrée à l'autorité et au respect.
Dans les conditions et les dispositions d'esprit de nos contempo-
rains, elle nous paraît avoir quelque utilité et même satisfaire à
un besoin de l'apologétique chrétienne.
A la méthode hypothétique de M. Renan qui, dans son Histoire
du peuple d'Israël^ ouvrage d'apparence scientifique, a permis à
l'écrivain de créer plus d'un roman correspondant à l'état d'une
âme sceptique amie du paradoxe et de l'impiété, nous substituons
la méthode historique.
Nous avons, dans un volume précédent, établi l'autorité du
premier et du second livres des Rois, appelés Livres de Samuel.
Nous avons démontré que ces livres, dus à l'inspiration du Saint-
Esprit, avaient été composés d'après les archives royales, les mé-
moriaux, les annales de la maison de David et de Salomon, d'après
les contemporains, à la manière, si l'on veut, des mémoires de
Xénophon. Maintenant, sur ces bases solides, avec les documents
ofiiciels, nous élevons un monument d'une inébranlable fermeté,
nons racontons la vie de David telle qu'elle a été : nous rassem-
blons comme en faisceau les rayons épars de cette vie, et nous en
éclairons la figure du berger comme celle du capitaine, celle du
poète chanteur comme celle du roi créateur et organisateur, celle
du grand prince comme celle du grand prophète. Nous montrons
le roi de Juda, après des épreuves inouïes, triomphant de ses
ennemis, asseyant son trône dans une capitale fondée 'par lui,
élevant un palais imposant, rétablissant et perfectionnant le culte
mosaïque, préparant les matériaux du temple le plus illustre du
vieux monde, organisant une armée, une cour et enfin un système
presque complet d'institutions politiques, étonnant pour ces époques
reculées, dix siècles avant Jésus-Christ, presque au temps des
Grecs d'Homère.
378 LE PROPAGATEUR
Nous dégageons de tous ces événements et des tableaux dans
lesquels ils s'encadrent, l'élément messianique. Nous montrons en
David la figure du Christ méconnu, persécuté, fondateur de l'Eglise,
auteur de la hiérarchie catholique, roi spirituel de tous les siècles
et de toutes les nations.
Toutes les prophéties futures ont un point de départ dans les
psaumes de David, quand elles ne s'y trouvent pas en germe ou
formellement. C'est le plus riche et le plus abondant des prophètes^
Nous nous proposons, nous aussi, d'éclairer un problème que la
critique négative aborde sans le résoudre et que nos contempo-
rains posent en ces termes : comment et pourquoi le christianisme
est-il sorti du judaïsme ? comment le monothéisme juif est-il
devenu la religion de l'Évangile et l'un des grands facteurs
moraux de la civilisation ?
Nous n'avons pu, dans ces volumes, épuiser l'élément messiani-
que. Nous n'avons guère fait que montrer où le chrétien doit le
chercher. Nous avons voulu l'initier aux études solitaires qui ont
été la consolation de notre vie. Nous n'avons ici qu'un faible
mérite ; nos guides ont été nos pères dans la foi, les apôtres, les
Pères de l'Eglise, et tous les commentateurs chrétiens. Nous
n'avons point craint d'aller chercher jusque chez les protestants
allemands ce qu'ils ont conservé de l'antique tradition catholique,
chez les Hengstenberg, les Delitscb, et chez ceux qui comme M.
Bohl ont rédigé de précieux résumés. Nous n'avons fait qu'ajouter
à leurs pensées et à leurs paroles ce qui, dans la phase que nous
traversons, peut le faire comprendre et rendre leurs travaux plus
utiles. Dans l'immense et inépuisable trésor du Père de famille,
il y a, comme nous l'apprend Jésus-Christ, ce que l'on peut
toujours appeler l'Ancien et le Nouveau, nova et vetera, des choses
anciennes par le fond, nouvelles par les considérations et la forme i
c'est pour cela que nous avons exposé la vie et les œuvres de
David à plus d'un égard autrement qu'on ne l'a fait jusqu'ici :
non weufl, sed nove. C'est pour cela qu'aux témoignages des com-
mentateurs les plus anciens, nous avons ajouté ceux des plus
récents.
Puisse le Seigneur bénir, au déclin de notre vie, ce fruit tardif,
mûri par la réflexion et les études ! Qu'il soit une nourriture pour
le lecteur sincère et avide de vérité ; qu'il soit, avec les volumes
qui l'ont précédé, une œuvre de quelque poids dans la balance où
sont pesées les œuvres, de manière à incliner en notre faveur les
jugements définitiis de Dieu, qui ne peuventplus tarder beaucoup
pour nous.
LES EVANGILES ET LA CRITIQUE
-A.TJ 2CIX:e SIECLE
Par ISon Km. le Cardinal JXIeignait
archevêque de Tours
Ivol in-8 $1.50
SALOMON
SON REGIsTE - SES ECRITS
SON ÉM. LE CARDINAL MEiaNAN
ARCHEVÊQUE DE TOURS
1 fort vol. in-8 Prix : $1.88.
Nous allons raconter les actes et interpréter les écrits d'un
grand roi et d'un grand sage.
Sar un théâtre plus étroit, Salonion fut en Orient, au point de
vue du renom, dix siècles avant Jésus-Christ, ce qu'eût été Charle-
magne pour l'Europe, si Gharlemagne avait tenu une plume
comme il tenait une épée.
Salomon fut un glorieux monarque doublé d'un savant, d'ua
philosophe, d'un poète.
S n histoire révèle l'idéal du Sage au sens antique du mot.
Le mot Sagesse, presque synonyme autrefois du mot science^
quoique d'une signification plus étendue, renfermait l'idée de la
plus haute perfection morale à laquelle l'humanité peut s'élever
par les œuvres de l'intelligence, du courage et de la vertu, à la
fois dans le domaine religieux et dans la sphère profane.
Le règne de Salomon nous révèle une civilisation déjà avancée,
quand l'Europe tout entière était encore horriblement barbare.
L'état politique de la Palestine à cette époque a, pour Thistorien,
l'inlérêt que lui offrirait l'histoire de Mycènes, de Phthie, d'Ithaque
et de Troi", au temps d'Agamemnon, d'Achille et d'ITlysse, si des
documents authentiques, dépouillés des fables et de la mythologie
d'Homère, étaient, par une fortune qu'on ne peut attendre, livrés
à la lumière. Ce serait un tableau curieux de mœurs à peu près
inconnues, barbares encore, et, nous n'en pouvons douler, bien
au-dessous de l'état social d'Israël. Il serait digne d'un homme
sérieux de se rendre compte des différences de civilisation, à une
même époque, de peuples également intelligents. Ce que nous
savons de la Syrie et de sa religion la place bien au dessons d'Is-
raël au point de vue des mœurs. De son côté l'Egypte était livrée
à des multiples et puériles superstitions.
Mais pourquoi Israël était il si supérieur à tous égards aux roy-
aumes qui l'entouraient comme une ceinture ? La raison du phé-
nomène gît dans une intervention divine manifestée principalement
dans la loi du Sinaï. La Providence avait aussi ménagé à Israël
un berceau et une école de civilisation dans le grand royaume
égyptien, moyen dont Dieu se servit pour avancer le peuple choisi
dans les arts et dans les principes de la vie civile et profane, A
ceux qui n'ont point étudié la Bible (et qui l'étudié aujourd'hui ?)
nous ferons toucher du doigt le fait de la supériorité d'Israël, si
nous avons réussi à l'exposer suivant nos désirs. Dieu s'y montrera
comme à découvert.
380 LE PROPAGATEUR
Parallèlement à l'étude du règne de Salomon, nous étudions
ses écrils. '
Pour faire juger de l'importance et de l'intérêt de ce qui nous
reste, à l'état fragmentaire, des écrits salomoniens, il suffît de
citer leurs titres et d'en dire la signification.
Le Kohéleth est la considération de l'homme selon la nature ;
son titre explicatif serait pour nous :
l'homme et la nature
Les Proverbes, qui contiennent les révélations de la Sagesse
personnifiée, considérée comme hypostase divine, auraient pour
titre explicatif :
l'homme et la révélation de la sagesse divine
Enfin le Cantique des cantiques s'appellerait :
CHANT DE l'amour RÉCIPROQUE DE DIEU
ET DE LA CRÉATURE HUMAINE
fealomon, quand il était puissant et glorieux, quand les peuples
et les monarques prêtaient une attention curieuse et intéressée à
ses paroles et à ses écrits, Salomon, inspiré de Dieu, a peint avec
les lumières de l'expérience :
1° L'humanité ignorante, faible et misérable par nature, et
livrée à ses propres forces ;
2° L'humanité éclairée et consolée par les révélations et avec
les secours de la Sagesse divine ;
3° L'humanité vivifiée et transformée par l'amour divin.
Au point de vue où nous nous plaçons pour considérer l'histoire,
Salomon lut un grand prophète de l'Évangile, et, dans l'Ancien
Testament, une illustre figure du Messie."
Notre but a été, ali moyen de l'étude et des recherches, de dé-
gager la vérité religieuse diluée parfois dans les expositions con-
fuses de ses meilleurs amis, ou défigurée par ceux qui la mécon-
naissent systématiquement.
En ce temps d'ébranlement des croyances, il importe que tout
chrétien, chacun suivant son intelligence, son instruction et ses
besoins, se rende compte à lui-même de la raison de sa foi et soit
en état de la défendre et de la justifier, ne serait-ce qu'à ses propres
yeux, quand on l'attaque.
Quelle est la raison du christianisme ? Voilà la redoutable
question du jour. Les uns, pour y répondre, invoquent justement
les bienfaits, les services, les progrès dus à l'Évangile dans le passé
et tout ce que le monde peut attendre encore de son inépuisable
fécondité. Les autres mettent en lumière la vie merveilleuse, la
mort et la résurrection du Garist ; d'autres enfin, l'excellence de
sa doctrine.
Quant à nous, nous cherchons dans l'Ancien Testament ce qui
a principalement préparé, annoncé, figuré et prophétisé Jésus et
son règne dans le monde et dans l'histoire. Dieu seul peut agir de
la sorte sur tous les points de l'espace et du temps.
LE PROPAGATEUR 381
Nous suivons pas à pas cette divine préparation dans la Bible,
et, chemin faisant, nous montrons à ceux de nos co.itemporains
qui seraient émus par les systèmes d'apparence scientifi [ue qu'on
nous oppose, combien fermes et solides sont les fondements sur
lesquels repose la doctrine qui affirme l'origine divine du christia-
nisme.
Ce travail a occupé la principale partie de nos heures de soli-
tude. Il a soutenu notre foi et enchanté notre vie. Notre ambition
a été d'associer nos frères à nos études consolantes et fortifiantes.
La Bible a d'incomparables attraits. L'archéologie, l'esthétique,
la philosophie, le vrai comme le beau, s'y donnent la main, comme
le choeur des Grâces au panthéon de la Grèce,
Nous avons déjà parcouru une longue roule. Après avoir in-
terrogé les échos des vieux âges, depuis l'Éden jusqu'à Moïse,
depuis Moïse jusqu'au temps de Samuel, nous avons rencontré
David, son règne qu'Israël n'oubliera jamais, et ses Psaumes, ces
hymnes immortels de consolation et d'espérance.
Aujourd'hui nous voudrions apprécier à leur valeur les actes et
les écrits de Salomon. Nous rapprochons, par deux publications
qui se succèdent à peu d'intervalle, les deux grands astres, oj,
pour nous servir des termes génésiaques, les deux grands lumi-
naires du ciel Israélite : David et Salomon. Silomon achève et
couronne l'œuvre de David, comme David a préparé l'oeavre de
Salomon.
Cette étude perdra beaucoup de son intérêt pour les lecteurs
qui seraient étrangers aux préparations messianiques antérieures
à David et à Salomon, et qui ne nous auraient pas suivi dans nos
études de la Bible depuis l'Éden jusqu'à David. Puiss-ent-ils avoir
le courage d'y entrer résolument ! Sans cela ils ne comprendront
pas les originds messianiques remontant au berceau de l'humanité
déchue. Ils ressembleront à un géographe connaissant le Nil des
grandes cataractes, mais ignorant ses sources.
Deux grands objets résument la présente étude de Salomon :
son règne et ses écrits. Dans l'exposition des actes, l'historien re-
connaîtra un grand roi ; les théologiens, une grande figure et un
grand prophète du Christ. Dans l'exposition des écàts, on admi-
rera un profond et étonnant moraliste, et le plus grand, le plus
sobre et le plus chaste des poètes de l'Ox'ient.
L'Ecclésiaste fait désirer tout ce que les Proverbes annoncent,
figurent et prédisent, à savoir, le règne du Messie-Sagesse. Le
Cantique des cantiques est l'épithalame de l'union de cette Sagesse
avec le monde humain.
Nous donnerons à l'Ecclésiaste toute l'attention que comporte
l'abus qu'on en a fait. On sera édifié sur la valeur des rappro-
chements du Kohéleth avec les écrits de Schopenhauer, de Hart-
mann, de Spencer, et de tous les pessimistes et nihilistes.
Le livre que nous publions vient à son heure. Le scepticisme
et les doctrines nihilistes laissent échapper leurs désespoirs, comme
d'acres senteurs, au sein d'une société qui se sent mourir. On a
prétendu que l'Écclésiaste a le premier jeté dans le monde la note
382 LE PROPAGATEUR
de la désespérance, et que Salomon est l'un des pères du nihilisme.
Nous verrons ce qu'il en est.
Les chrétiens de nos jours connaissent très peu de Salomon. Ils
savent qu'il a construit un temple superbe à Jérusalem ; qu'il a
élé un roi magnifique. Ils ont sans doute entendu parler de sa
sagesse, se révélant aans le fameux jugement des deux femmes
qui se prétendaient mères du même enfant. Aujourd'hui, quand
il arrive qu on parle de Salomon, c'est trop souvent pour rappeler
un exemple mémorable de l'amour du luxe et des femmes.
Ce qui occupe le plus est précisément ce qui est le moins digne
de l'histoire. Les fautes de Salomon se trouvent toutes ren-
fermées dans les dernières années de sa vie, au moment où sa
mission divine était finie. Salomon avait alors fait et accompli
son œuvre ; il avait élevé la gloire de son peuple de manière à
figurer, pendant plus de trente ans, la gloire éternelle de l'Église ;
Il avait écrit tous les livres qui se rattachent à l'œuvre messia-
nique, y compris l'Ecclésiaste, livre inspiré par Dieu, et non par
les cruelles expériences du luxe et des plaisirs.
Pour nous, les fautes de Salomon sont un hors-d'œuvre. Nous
aurions pu clore sa vie au moment où sa mission de prophète du
Christ était terminée. Nous ne l'avons pas fait, dans le seul but
de ne pas omettre un fait qui, dans l'ordre de la Providence, est
un solennel avertissement et une leçon que Dieu, dans la sainte
Bible a voulu donner au monde pour toute la suite des temps :
à savoir, que l'homme, quels que soient ses antécédents, ses vertus,
ses mérites, son état et son âge, ne doit jamais un seul instant ou-
blier la pratique de deux indispensables vertus gardiennes de
toutes les autres : la défiance de soi-même et la vigilance.
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LE ROYAUME MESSIANIQUE
L'histoire nous montre qu'à toutes les époques l' humanité, mal
à l'aise dans les conditions ingrates où elle se meut, regarde au
delà du présent et aspire à un bonheur idéal qu'elle attend toujours.
Plus la conscience prend possession d'elle-même, plus l'homme se
convainc, sa vie fût-elle en apparence agréable et facile, qu'il est
enchaîné sur la terre, assujetti à des besoins, à des infirmités, à
des craintes, à des ennuis contre lesquels sa destinée est de réagir
sans fin ni trêve. Il aspire à l'affranchissement de ses misères, il
ne se sent pas heureux et veut le devenir ; il rêve un idéal.
C'est le même sentiment de besoins non satisfaits qui pousse les
nations à rechercher sans cesse les moyens d'accroître leur puis-
sance, d'élever leur gloire, d'améliorer leurs institutions, en un
mot, de réaliser l'idéal qui répond le mieux à leurs désirs du
moment. Car cet idéal varie dans son objet. La politique nous en
oSve le témoignage. Notre siècle a vu flotter les esprits entre les
institutions monarchiques, dictatoriales et démocratiques.
Les prophètes de Jéhovah, organes et guides souverains d'un
peuple singulier, obéissaient à des inspirations plus hautes que
celles des autres nations. Non seulement leur idéal ne varie pas,
mais il apparnît incomparablement plus noble et plus élevé : c'est
le règne de Dieu sur l'humanité régénérée, le règne messianique.
La Bible nous montre en effet les prophètes incessamment occu-
pés, au milieu des péripéties de leur propre sort et du sort de leur
pays, à préparer la réalisation d'une félicité qu'ils ont appelée le
règne de Jehovah, le règne de Dieu. L'honneur des Voyants d'Israël
est de l'avoir annoncée, prédite et définie dans une lumière crois-
sante, en même temps qu'ils travaillaient, sans se rebuter jamais,
à son avènement.
11 convient, au début de ce livre, d'exposer, d'après les saintes
Écritures, ce qu il faut entendre par le règne messianique, thème
ordinaire, terme dernier des prophéties, et de se faire une idée
nette des divers aspects sous lesquels la Bible le considère. Elle
nous représente la règne de Dieu à trois états : à savoir, dans sa
préparation, dans son .commencement et dans sa consommation.
Les prophètes ont préparé le règne de Dieu ; le Sauveur Jésus, par
son œuvre rédemptrice, l'a inauguré sur la terre. Il en réalisera
la consommation dans les hauteurs paradisiaques.
384 LE PROPAGATEUR
Ce volume est consacré presque exclusivement à raconter la
préparation du règne de Dieu dans l'Ancien Testament. Cependant,
à travers les voiles des prophéties, nous pourrons l'entrevoir dans
ses commencements ici-bas, et dans sa consommation au ciel.
L'ère prophétique n'est guère qu'un long et progressif achemine-
ment vers le christianisme. La foi au Dien unique s'affermit de
plus en plus ; l'espérance de la réalisation des promesses messiani-
ques se fait plus vive; la vertu de religion tend à se dégager d'un
vain formalisme et descend de plus en plus dans la conscience.
Les voies au règne du Dieu esprit et vérité se dessinent et se
rectifient. I^ous allons cheminer au sein des ombres de l'ancienne
loi ; mais des éclaircies magnifiques nous laisseront apercevoir,
avec l'avènement du règne initial du Messie sur la terre, le règne
du Christ couronné et triomphant au milieu de ses élus.
Nous justifierons cette conception du règne de Dieu par les
considérations suivantes.
I
Le royaume de Dieu à l'état de préparation et de promesse en
Israël oâre le caractère d'une séculaire incubation. L'Évangile est
l'oeuvre de Dieu, et, sans doute, son auteur eût pu le révéler
soudain dans toute sa beauté communicative et triomphante ; mais
la Providence prépare ordinairement de loin ses œuvres. Leur
préparation régulière et progressive, leur durée dans le temps et
leur extension dans l'espace, malgré tout ce que l'homme a pu
leur opposer, est le signe incommunicable de leur divine origine.
La création d'un soleil, d'une planète, la transformation de la
nébuleuse devenant astre, suppose, disent les astronomes, une
élaboration qui a duré des siècles nombreux. Il en a été ainsi du
règne de Dieu fondé par le Christ. Le peuple juif fut chargé
pendant plus de quatorze siècles de conserver, avec le monothéisme,
le dépôt des révélations faites aux patriarches et à Moïse. Ces
révélations, successivement accrues par celles des prophéties,
étaient comme le noyau d'un astre qui devait un jour être l'Évan-
gile, La théodicée patriarcale et mosaïque est devenue la théodicée
chrétienne. La croyance en un Dieu unique et parfait, sur
laquelle Jésus et les apôtres devaient édifier leur enseignement,
avait été miraculeusement sauvée en Judée. On sait combien le
monothéisme coûta de combats et de peines aux prophètes, qui
pendant plus de quatre cents ans luttèrent pour sa cause au milieu
d'Israël. Jésus et les apôtres n'eurent qu'à reprendre l'œuvre
dogmatique commencée et à lui donner son couronnement.
On peut dire la même chose de la morale juive : le Décalogue
avait dès longtemps été publié en Israël quand Jésus y ajouta les
huit béatitudes. Le culte de l'Église n'est que la réalité vivante
substituée à la figure morte. Le tabernacle, le temple, les sacri-
fices sanglants, les pains de proposition, les parfums, etc. etc., ont.
figuré nos temples, nos sacrifices eucharistiques et nos rites sacrés
Si l'on compare dans leurs grandes lignes les institutions chré-
tiennes aux institutions mosaïques, on en saisit aisément les
LE PROPAGATEUR 385
rapports. La grande hiérarchie catholique ressemble au sacerdoce
d'Aaron et à la hiérarchie lévitique. La nation juive constituée
en théocratie avait été façonnée par Dieu pour figurer l'Église et
travailler efficacement à la préparation de son règne : Notre natioUy
avait dit Moïse, sera un royaume sacerdotal, et vous serez un
peuple voué au Très- Haut. Tel fut en effet le peuple juif par
destination et vocation, quelles qu'aient été ses inconstances et
ses infidélités. L'œuvre que les prophètes accomplirent en Israël
est-elle autre chose qu'une longue préparation du règne de Dieu?
Rappeler Israël à sa vocation et à sa destinée, placer sans cesse
devant les yeux d'un peuple léger et séduit par des visées ambi-
tieuses, l'idéal du règne de Dieu, peindre par des traits de plus en
plus arrêtés et avec des couleurs de plus en plus saisissantes
l'avènement d'un Messie, d'un roi, d'un David sauveur d'Israël et
de tous les peuples: telle fut la mission des prophètes. Ils étaient
les hérauts et les porteurs de l'idée messianique au milieu d'une
théocratie qui, pendant des siècles, inconsciemment peut être, fit
de longs et vains efforts pour échapper à ses destinées privilégiées
et consommer son suicide.
Enfin, de même que nous avons vu, dans le précédent volume,
les prophètes préparer le règne de Dieu en débarrassant les esprits
des idées polythéistes qui lesemcombraient et en leur substituant
l'idée d'un Dieu unique, ainsi les verrons-nous, dans le présent
ouvrage, affermir dans les âmes la foi au Messie. Ils esquisseront
ses traits, et ils ne cesseront de publier les bénédictions de son
règne régénérateur. Par là ils disposeront les cœurs à accepter
un jour les vérités chrétiennes, les vertus qu'elles commandent
et les joies qu'elles procurent. Pendant que les grandes nations
prenaient contact, se pénétraient, s'identifiaient par la conquête ;
pendant qu'elles préparaient l'unité romaine, si favorable à la
diffusion de l'Évangile, les prophètes disposaient les esprits à
recevoir la bonne nouvelle du règne de Dieu, que les apôtres
devaient annoncer.
Il faut dire que les paroles des prophètes eurent, surtout au
commencement, un caractère assez vague, qui donnaient facilité
aux Israélites d'y mêler de bonne foi leurs rêves humains. Ils se
représentèrent pendant des siècles le règne de Dieu sous la fausse
image d'un règne temporel. Après les Machabées, surtout lorsque
les Romains eurent pris pied dans la Palestine, ils détournèrent
le sens spirituel et moral des saintes Écritures, et plus que jamais
ils s'attachèrent à l'idée d'un libérateur suscité par Dieu sans
doute, d'un Messie issu de la famille de David, mais ayant surtout
pour mission de chasser l'étranger et de rétablir un royaume
temporel. Plus les temps devenaient difficiles et le joug païen
intolérable, plus les Juifs s'attachaient à leurs rêves terrestres. Ils
ne pensaient guère à une restauration morale et se préoccupaient
beaucoup d'une restauration politique.
La grande majorité des Juifs, pleine de haine contre les oppres-
seurs, caressait l'espoir d'une revanche et d'une vengeance. Le
Messie se mettrait à leur tête, chasserait les Romains, pousserait
386 LE PROPAGATEUR
au loin ses conquêtes. Alors il ramènerait les Juifs dispersés au
milieu du royaume de David, très glorieux et très puissant. Ce
royaume devait durer éternellenaent, et ceux qui en feraient partie
devaient jouir d'un bonheur terrestre inaltérable. Beaucoup
pensaient que le titre d'enfant d'Abraham et l'attachement aux
formes rituelles de la religion étaient une condition suffisante
pour être admis dans ce royaume.
Ils étaient en minorité les Israélites pieux attendant un Messie
qui purifierait les mœurs, réconcilierait le peuple avec Dieu,
l'affranchirait du péché et étendrait au loin le culte et l'adoration
de Jéhovah. Mais les uns et les autres s'entendaient en ceci qu'ils
espéraient le Messie, le salut d'Israël. On avait même essayé de
déterminer les signes précurseurs de sa venue : Elie descendrait
du ciel; Jérémie ou Moïse sortirait du tombeau pour lui préparer
la voie.
Il était réservé au Christ et aux apôtres de détruire cette fausse
conception du règne de Dieu.
L'Église fondée par Jésus Christ est ici-bas le royaume de Dieu
à l'état initial.
A l'arrivée du Messie s'ouvre une ère nouvelle. Jean-Baptiste
marquait la limite entre les temps anciens et les temps nouveaux ;
jusqu'à lui s'étendent la loi et les prophètes, c'est-à-dire la prépa.
ration du règne de Dieu. Non seulement par ses paroles, mais
aussi par ses œuvres, Jésus-Christ fait comprendre que les temps
messianiques sont arrivés : " Si je chasse les démons par l'esprit
de Dieu, c'est donc, dit-il aux pharisiens incrédules, que son règne
est arrivé. " Il a déjà répondu par le même argument aux ques-
tions de Jean, prisonnier d'Hérode. A ceux qui attendaient des
signes autres que les miracles de Jésus, ses œuvres et sa prédica-
tion, il déclare que le royaume de Dieu est d'un ordre spirituel,
ayant pour fin la conquête des âmes ; qu'il ne viendra pas avec les
signes extérieurs que les Juifs attendent, de sorte qu'on puisse
dire : 11 est ici, il est là ; " car voici, le royaume de Dieu est au
milieu de vous."
Le royaume messiauique, avec son caractère de régénération
spirituelle et intérieure, se montre à chaque page de nos Evangiles.
La première parole de Jésus est un appel à l'amendement, à la
conversion. Son but est d'exercer une action morale sur les
hommes. Ce but apparaît surtout dans le sermon de la montagne,
cette grande charte de son royaume. Quand le Christ refuse de
servir d'arbitre entre deux frères, dans une question de partage, il
donne à entendre que sa venue ne peut rien avoir de commua
avec des intérêts tout mondains. L'enseignement de Jésus, parti-
culièrement les nombreux passages qui opposent l'Evangile à la
loi, ceux qui établis; eut la différence radicale entre sa doctrine et
celle des pharisiens, prouvent péremptoirement que rien n'était
plus loin de la pensée du Sauveur que l'établissement d'un royaume
tel que le rêvaient ses contemporains.
LE PROPAGATEUR 387
Le second caractère distinctif du royaume fondé par Jésus est
l'universalité. Il doit embrasser l'humanité entière, sans acception
de peuples et de races. Par le fait même que ce royaume est un
royaume tout spirituel, les distinctions nationales devaient dispa-
raître : '' Il en viendra d'Orient et d'Occident, dit Jésus, qui
prendront place à la table du royaume des cieux avec Abraham,
Isaac et Jacob. " Quand le Fils de l'homme viendra pour le juge-
ment, dit-il ailleurs, il trouvera des brebis fidèles dans toutes les
nations : " Quiconque fait la volonté de mon Père céleste est mon
père, et ma soeur, et ma mère. " Son Evangile doit être prêché
dans le monde entier; il en donne l'ordre formel à ses disciples
avant de les quitter. Il annonce aux Juifs que le royaume de Dieu
s'étendra au delà des limites de leur pays ; qu'ils n'auront d'autre
privilège que celui d'avoir reçu les premiers la bonne nouvelle ;
d'ailleurs, ils s'en sont montrés si peu dignes, que ce roydume
leur sera enlevé et sera donné à d'autres nations mieux disposées
à le recevoir. Si le Christ a recommandé un jour aux apôtres de
s'occuper uniquement des brebis perdues d'Israël, sa parole n'avait
qu'une portée temporaire : il fallait avant tout commencer par
ceux que l'éducation religieuse rendait plus aptes à comprendre
l'accomplissement des prophéties.
Le développement du royaume spirituel et universel du Messie
ne sera pas subit. Jésus le compare a celui d'un grain de blé ou
d'un grain de sénevé. L'action de l'Évangile dans le monde sera
comme celle du levain, qui, déposé dans la pâte, la fait fermenter
tout entière.
Le royaume de Dieu commence et se développe dans chacun
individuellement. Quiconque a reçu dans son cœur la bonne
nouvelle, commence dès lors à établir le royaume en lui même.
Les progrès du royaume sont liés à la conversion des cœurs.
S'établira-t-il jamais complètement dans chaque individu et chez
tous les membres de la familie humaine? Il est certain qu'en
plaçant sur nos lèvres cette prière qui sera celle de to.is les siècles:
"Que votre règne arrive," Jésus nous laisse entendre que la
réalisation parfaite du royaume sera une espérance, un désir, non
un fait ici-bas. Tous ceux qui entrent dans la salle du fesiin ne
sont pas revêtus de l'habit de fête. Il y aura de l'ivraie mêlée au
bon giain jusqu'au temps de la moisson. Cependant tous les
hommes n'en sont pas moins appelés à faire partie du royaume.
La nature toute spirituelle du royaume de Dieu, son universa-
lité, montrent combien ce royaume, quant à sa discijiline, doit
différer de celui qu'attendaient les Juifs Le baptême est la seule
prescription rituelle imposée par Jésus à ceux qui veulent faire
partie du royaume : "En vérité, dit-il à Nicodème, personne ne
peut voir le royaume s'il ne naît de nouveau. Si un homme ne
renaît de l'eau et du Saint-Esprit, il ne peut entrer dans le
royaume de Dieu. "
Les autres conditions sont de l'ordre purement moral. La
première parole de Jésus est un appel à l'amendement : metanoeite.
A l'amour égoïste des biens terrestres, il faut substituer l'amour
388 LE PROPAGATEUR
de Dieu : aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de
toute sa pensée, c'est là le plus grand commandement. L'amour
de Dieu implique nécessairement l'amour du prochain, car on ne
peut aimer Dieu sans aimer tous ceux qu'il a faits à son image.
Le prochain, pour le Juif, n'était que le Juif; aux yeux de Jésus
et de ses disciples, c'est tout homme et particulièrement les mal-
heureux. Cet amour suppose l'absence de toute haine, de toute
animosité et de toute égoïsme. Il consiste dans un pardon sans
restriction, et en toute occasion, des offenses reçues. Le cœur de
l'homme doit être large et indulgent comme le cœur de Dieu :
^' Et vous, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait."
Les oeuvres de charité, de solidarité, sont le trait caractéristique
de l'Évangile.
Un autre commandement est 'la pratique de l'humilité. Cette
vertu est propre au disciple de Jésus. Elle présuppose la cons.
cience de notre misère morale et l'absence de toute prétention à
un mérite personnel exclusif de la grâce. Jésus attache à l'humilité
une importance capitale, Il déclare formellement à ses disciples,
encore enclins au fol orgueil, que ce vice leur fermera inévitable-
ment les portes du royaume. Ceux qu'on accable d'opprobres et
qui se méprisent eux-mêmes, les publicains et les prostituées, y
entreront plus facilement qus les pharisiens, si sûrs de leur vertu.
L'amour de Dieu implique encore et nécessairement le détache-
ment des biens de la terre ; les intérêts de ce monde éloignent
aisément l'homme de Dieu et lui peuvent fermer l'entrée du
royaume. Celui qui veut suivre Jésus doit sulbalterniser ces biens ;
il doit avoir un esprit d'abnégation à toute épreuve, être capable
des plus grands sacrifices, avoir le courage, suivant l'expression
énergique du Maître, de se couper la main ou le pied, de s'arracher
un œil, de quitter les douceurs de la vie de famille ; en un mot, il
doit savoir subordonner les affections les plus légitimes à cette
perle de grand prix, à ce trésor incomparable, au bien suprême :
le royaume de Dieu.
La conversion, l'amour de Dieu, le mépris des richesses suppo-
sent la foi et en sont les fruits. La foi est la condition générale
d'entrée dans le royaume de Dieu. Jésus ne dit pas seulement:
" Amendez vous ; " il ajoute ; "Et croyez. " Cette foi se manifeste
par une confiance illimitée, d'abord en Dieu, et par suite en Jésus,
son envoyé, et en sa puissance infinie. Elle communique à l'homme
cette force morale qui le rend capable de renverser tous les obs-
tacles et, comme dit l'Évangile, de transporter les montagnes.
Elle l'affranchit de toute peur, même au milieu des éléments en
fureur menaçant de l'engloutir.
La conversion, l'amour, la foi établissent entre le Père céleste,
Jésus et les hommes, un hen intime, une communion étroite,
indépendante de tout lien extérieur, s'élevant au dessus de toutes
les barrières. La communion des saints est le lien qui unit tous
les fidèles de l'Église, tous ceux qui sont entrés dans le royaume
de Dieu. A ceux qui font partie de ce royaume, les biens suprêmes
tombent en partage : le pardon des [.échés, le salut, la vie divine,
la paix ici-bas et les joies de la vie future.
LE PROPAGATEUR 389
Tel est le royaume de Dieu initial, progressif, toujours imparfait
sur la terre. Le royaume à l'état de perfection, c'est le ciel.
III
Le royaume de Dieu est unique, mais, d'après les prophètes, il
doit être considéré à deux états. Chez Jésus et les prophètes, c'est
le même royaume, évoluant vers une perfection toujours plus
grande, vers une lumière de plus en plus éclatante: de claritatein
claritalem.^
Dans l'Évangile, les deux étals apparaissent manifestement;
mais ce sont des états d'un même royaume. Jésus appelle indiffé-
remment royaume de Dieu l'Église militante et l'Eglise triom-
phante.
Le Nouveau Testament abonde en traits de toute sorte relatifs
au règne de Dieu considéré à l'état initial sur la terre ; mais il
n'en est pas ainsi du règne final dans sa complète réalisation. Les
théologiens, et en particulier saint Thomas, ont admirablement
développé les conséquences des rares données que la révélation
nous fournit sur l'état paradisiaque. Nous nous contentons de
renvoyer le lecteur aux enseignements des Docteurs, en particulier
à ceux de saint Thomas, aux commentaires de l'Apocalypse et des
visions de saint Paul. Rappelons seulement deux textes, l'un de
saint Paul et l'autre de l'Apocalypse. "Toutes choses seront assu-
jetties au Christ, qui se sera lui-même assujetti à Dieu le Père,
afin que Dieu soit tout en tous. " Alors, dit l'apôtre saint Jean
dans l'Apocalypse, le mal sera enchaîné, Satan sera jeté dans
l'abîme. Ce sera un ciel nouveau et une terre nouvelle ; il n'y aura
plus ni pleurs, ni cris, ni affliction: le premier état sera passé
Tout sera accompli par le Verbe, l'Alpha et l'Oméga le commences
ment et la fin.
Montrer, en évoquant le témoignage des prophètes depuis
Salomon, la préparation du règne messianique dans l'ancienne
loi, sa période initiale réalisée par Jésus, et enfin sa consomma-
tion dans les triomphes paradisiaques, tel est le but de cet ouvrage.
L'histoire du règne de Dieu embrasse l'histoire universelle de
la religion sur la terre. Les prophètes l'ont esquissée ; Dieu leur a
fait entrevoir, dans des visions sublimes, toute la suite des desti-
nées humaines. Si nous réussissons à bien exposer les prophéties
messianiques depuis Salomon jusqu'à Daniel, nous aurons mis en
lumière les jalons divins qui tracent les voies d'épreuve et de
salut par où l'humanité monte de la terre au ciel.
Lecteurs noblement curieux, avides de progrès et de vérité,
voulez-vous mettre fin au scepticisme douloureux qui énerve
aujourd'hui les meilleurs esprits, suivez le conseil de Jésus ; dans
la sincérité de votre cœur inquiet et malade, priez et dites : " Sei-
gneur, faites que je voie." Et comme autrefois le Maître vous
répondra*: Scrutamini Scripturas.
24
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A L. B Y
PROMESSE DE MARIAGE '
Une cause bien singulière, vu les circonstances, est actuellement
pendante devant les tribunaux de l'état de New York. C'est une
action en dommages pour violalion[de promesse de mariage, breach
of promise, intentée par une femme nommée Ella Keegan contre
le millionnaire Russell Sage.
La demanderesse, désirant sans doute se faire des rentes pour
ses vieux jours, réclame la bagatelle de cent mille piastres,
(100.000 00). Elle veut rogner les millions de son ancien amou-
reux. Ce qui rend cette affaire plus intéressante c'est que l'offense
dont se plaint la demoiselle Keegan est très ancienne. Elle date
de 25 ans. Gomme on le voit la' demanderesse a pris son temps.
Les lois ne fixent pas de prescription spéciale pour des cas de
cette nature, et les avocats de la demanderesse prétendent que la
cause doit être jugée par les dispositions concernant la prescrip-
tion la plus longue.
J'ignore quelle est la plus longue prescription des actions
personnelles dans l'état de New-YorK. Dans la province de Québec
elle est de 30 ans. Ainsi, si la doctrine des avocats de la demande-
resse était admise dans nos tribunaux, les actions en dommages
pour violation de promesses de mariage ne seraient prescrites que^
par 30 ans.
PENSION
Question. — J'arrive de C où j'ai logea l'hôtel X moyennant deux piastres
par jour. J'ai pris une chambre à neuf heures du soir mardi et j'ai quitté l'hôtel
vendredi avant midi. Malgré toutes mes protestations, le commis m'a fait payer
six piastres, prix de trois jours de pension. Je ne lui ofTrais que cinq piastres
pour la pension de deux jours et demi.
Avait-il le droit d'exiger six piastres ? En matière de pension aux hôtels une
fraction de jour doit-elle compter pour le jour entier ?
Un marchand
Réponse. — Vous étiez parfaitement dans votre droit en offrant
ce que vous avez offert Le commis vous a extorqué une piastre.
Il n'avait droit de charger que deux jours et demi.
En matière de pension aux hôtels une fraction de jour ne doit
réellement compter que pour une fraction et non pour un jour
entier. On paye ce qu'on a eu et pas plus. Il ne s'agit pas dans
votre cas de la prescription qui se compte par jours et non par
heures. Dans ce cas le jour commencé compte pour un jour entier.
Par ce qui précède vous voyez que vous avez le droit d'exiger
que l'hôtelier vous rembourse une piastre, surcharge exigée de
vous par son commis.
PANAMA
Question. — Quelles sont les raisons légales pour lesquelles la
cour de Gassation de France a annulé le jugement prononcé, le 9
février dernier, par la cour d'Appel de Paris contre de Lesseps et
autres, Re les fraudes de Panama ? Avocat
Réponse. — La principale raison pour laquelle la cour suprême
a cassé cet arrêt est la prescription. L'offense dont on accusait
Charles de Lesseps et autres avait été commise depuis plus de trois
LE PROPAGATEUR 391
ans et la prescription de trois ans couvre les délits de cette nature.
Il est vrai que des procédures avaient été prises contre les
accusés avant l'expiration des trois ans, c'est-à-dire le 11 Juin 1891 ;
mais la cour de Cassation a décidé que ces procédures n'avaient
pas eu l'effet d'interrompre la prescription. Ces procédures étaient
nulles parce qu'elles ne pouvaient pas s'appliquer au cas en
question. Pour interrompre la prescription il aurait fallu avoir
recours à la procédure spéciale indiquée par le code d'Instruction
criminelle, c'est-à-dire à la citation directe devant la cour d'Appel.
Au lieu de celte citation directe le procureur général avait adressé
au premier président de la cour d'Appel un réquisitoire tendant à
informer sur les délits imputés aux accusés et, sur ce réquisitoire,
un conseiller de la cour avait, en vertu d'une délégation spéciale,
procédé à l'instruction de la cause.
Voici la fin de l'arrêt de la cour de Cassation.
La Cour
Attendu
Q'i'il y a lieu dès lors de reconnaître que le requis d'informer du 1 1 juin 1891
€l riuslruction qui l'a suivi manquent de base légale et ne constituent que des
actes^nuls n'ayant pu avoir pour effet d'interrompre la prescription.
Que cet effet interruplif ne saurait d'ailleurs résulter de la citation du 21 no-
vembre, plus de trois ans s'étanl écoulés à cette date depuis l'époque où. au-
raient été commis les délits imputés.
D'où suit qu'en se fondant sur le réquisitoire prémenlionné du 1 1 juin 1891
pour repousser l'exceplioa de prescription soulevée devant elle par les deman-
deurs, la cour d'appel a formellemeat violé les dispositions des lois visées par le
pourvoi ;
Par ces motifs,
Casse et annule l'arrêt de la cour de Paris, Ire chambre, en date du 9 février
1893;
Et, attenda la prescription acquise, dit qu'il n'y a lieu de 'prononcer un
renvoi ;
Ordonne la mise en liberté des demandeurs, s'ils ne sont retenus pour autre
cause.
Ainsi s'est terminée cette affaire qui a eu un immense retentis-
sement dans toutes les parties du monde. De Lesseps et autres
condamnés n'étaient pas les principaux coupables.
Ils n'étaient que les instruments dont on s'est servi pour cor-
rompre une partie de la députation.
La partie du jugement relative à la procédure illégale adoptée
par le procureur général, et sanctionnée par la cour d'Appel de
Paris, (1) suggère à l'Univers les paroles suivantes qui sont très
justes.
Mais ce qui ressort le plus clairement de l'affaire, c'est le blâme infligé par la
cour suprême aux premiers juges et surtout au parquet général. Ei ce n'est
que justice. Il est impossible en effet au procureur général de sortir du dilemme
suivant : ou bien ce haut magistrat a ordonné des poursuites sachant qu'elles
ne pourraient aboutir et qu'elles étaient illégales, et alors il a manqué à son de-
voir de magistrat ; ou bieo il a agi de bonne foi, en croyant que la procédure
qu'il commençait était k seule qui devait aboutir, et alors c'est sa science juri-
dique qui se trouv-j en défaut.
(1) Me Périvier, qui présidait au procès, est le même qui a condamné Mgr
Gouthe-Soulard, archevêque d'Aix, pour prétendus outrages faits à Mr Fallières
alors ministre des Cultes.
KJ
LES CAUSERIES DU DÛCTE
Par le SPr I>1:K01]£T
1 vol. in-12 Prix : 75 cls.
I<*article qal sait est extrait de ce livre.
UJSr GRAND ENNEMI
Il est là, assis devant une table, l'œil morne, l'air stupide. Il
regarde autour de lui et semble ne rien voir.
Si vous lui parlez, il pejt à peine vous répondre ; il ne comprend
pas, il n'articule que difficilement les mots.
Ses mains tremblent, il est sans force, il éprouve des fourmil-
lements dans les jambes, et s'il veut marcher, sa marche est va-
cillante.
Mais voici qu'on lui apporte un verre dans lequel brille la liqueur
qu'il aime : son œil se ranime, il boit, il boit encore, et toutes ses
facultés s'exaltent. Les mots sortent plus facilement de sa bouche,
il se réveille de son état d'hébétude et d'insensibilité, c'est une
résurrection.
Il boit encore.
Alors tout change à ses yeux, voilà que les personnes qui l'en-
tourent prennent pour lui des formes nouvelles ; il ne voit plus
que des visages menaçants, des animaux prêts à le dévorer.
Il fuit, ou bien il s'anime, il s'irrite, il fond sur l'ennemi ima-
ginaire, et d'épouvantables malheurs peuvent survenir.
Et, quand cette folie est passée, quand l'action du poison est
calmée, l'inforturé retombe dans son engourdissement, il est plus
triste, plus sombre ; il est honteux de lui-même, il ne sent plus
la vie que comme un insupportable fardeau, il se désespère.
Il voudrait renoncer à la liqueur perfide et il ne le peut pas, et
il s'enfonce de plus en plus dans l'abîme.
Ou il n'essaie d'en sortir que par un acte de désespoir qui jette
l'épouvante autour de lui.
Voilà le résultat de l'absinthe ;
Voilà l'un des plus grands ennemis du jour.
Chose incompréhensible 1
Nous sommes fiers de notre raison, et nous nous livrons à des
habitudes qui l'altèrent, qui l'obscurcissent, qui la tuent.
Nous voulons être libres, nous estimons que la liberté est le
plus grand des biens, et nous permettons à une liqueur d'être
notre tyran, et nous en devenons les esclaves, tellement les escla-
ves, que nous allons à l'abrutissement, à la mort, sans nous résou-
dre à secouer et à briser la chaîne.
On demande la liberté à bien des combinaisons, on se bat pour
elle, et on la perd volontairement devant un verre de liqueur.
Tels sont les contrastesque présente cet être qui est si grand de
sa nature, et qui devient si misérable quand il se laisse aller à la
pente de ses passions. Disons-le, si ce n'est pour nos lecteurs, au
moins pour ceux à qui ils peuvent rendre le service de les prévenir
du danger, l'absinthe est un triple poison.
]/E PROPAGATEUR 393
D'abord parce que l'alcoal, qui en forme la base, est un poison
quand il est pur, un poison encore quand il est pris en excès ;
Ensuite, parce que la plante qu'on fait infuser dans l'alcool, et
qui fournit la liqueur d'alDsinthe, est aussi par elle-même un poison;
Enfin, parce que celte liqueur est très souvent sophistiquée et
rendue plus dangereuse encore.
Mais ce que l'absinthe a de plus dangereux, c'est la tyrannie
qu'elle exerce. D'abord on n'en boit qu'un ou deux petits verres
par jour, et l'on a soin d'étendre d'eau la liqueur.
Au bout d'un certain temps, l'excitation agréable qu'elle produit
ne peut plus s'obtenir qu'en diminuant la quantité d'eau ; on la
prend donc de plus en plus forte ; on finit par la prendre pure.
Déjà l'on est esclave.
Les membranes muqueuses qui tapissent la bouche et le gosier
deviennent insensibles ; il faut augmenter la dose pour réveiller
leur sensibilité, et l'on arrive ainsi à trois, à quatre, à six, à tiui*^
verres par jour.
Alors l'appétit se oerd, les aliments excitent le dégoût, il faut
faire effort pour les ingérer, on ne mange presque plus.
Et l'on ne boit que davantage.
C'est un premier avertissement sérieux ; les forces diminuent,
les membres tremblent, le sommeil est agité, la parole devient
embarrassée.
Le malade consulte le médecin ou se raisonne lui-même ; l'ab-
stinence des spiritueux, une nourriture succulente viennent à
bout des premiers symptômes.
Mais le mal n'a pas plutôt diminué, et en même temps la frayeur,
que l'habitude reprend son empire : on s'accorde un petit verre,
puis deux, puis trois, tout en se promettant de n'aller pas plus
loin, de revenir en arrière, non pas aujourd'hui, mais demain,
mais bientôt
D-'main n'arrive jamais, et le mal reparait plus fort, plus effray-
ant. Ce ne sont plus les mains seulement qui tremblent, ce sont
les jambes qui refusent leur service, c'est le tronc qui est atteint,
c'est la tète qui se perd ; la stupeur, l'hébétude, les hallucinations
terrifiantes, l'affaiblissement intellectuel apparaissent en même
temps.
Deuxième avertissement.
Le médecin vient de nouveau, il parle avec plus d'autorité : il
menace, et s'il est assez heureux pour obtenir du malade qu'il
renonce à sa funeste habitude, il peut encore le sauver.
Mais combien peu l'écoutent ! un sur dix, peut-être.
L'esclave continue donc de traîner sa chaîne, après avoir fait
quelques efforts pour la secouer. Il reprend ses habitudes, il cède
àl'absiuihe.
Dès lors tout est désespéré.
Ce sont des vertiges, des hallucinations, des troubles de la vue,
-des envies de vomir ; c'est l'amaigrissement.
L'estomac ne peut plus remplir ses fonctions, le foie s'altère,
tout le corps tombe en ruine.
394 LE PROPAGATEUR
C'est un tremblement général, ce sont des accès de fureur ou
une prostration complète de force ;
C'est l'idiotisme, la démence, et enfin la mort.
Quand on boit le premier verre d'absinthe, c'est le premier pas
qu'on fait vers ce but.
On peut, sans doute, s'arrêter en chemin, on peut ne pas aller
jusqu'à la tyrannique habitude ;
Mais qu'on n'oublie pas que l'absinthe, même prise à dose mo-
dérée, n'est jamais exempte de danger, qu'elle amène au bout
d'un temps plus ou moins long des désordres dans l'économie, et
particulièrement dans les fonctions digestives, qu'elle est telle
qu'un savant médecin a dit :
L'absinthe, à dose même très modérée et de bonne qualité, doit
être bannie de la consommation.
Si l'on dressait l'état des victimes de l'absinthe, on ferait une
effrayante statistique :
Que de belles intelligences éteintes 1
Que d'hommes morts avant l'âge !
Que de crimes commis !
Que de misères 1
Les Chinois ont l'opium, nous avons l'absinthe. Vraiment nous
n'avons pas le droit de nous moquer des Chinois.
ŒUVRES SPIRITUELLES
PERE JACQUES l\OUET
DE LA. COMPAGNIE DE JESUF. — REVUES ET MISLS DANS UN ORDRE NOUVEAU
Par le B. P. Henri POTTIEH, de la même compagnie
Les Œuvres spirituelles du P. Jacques Nouet se trouvaient autrefois dans toutes les mains.
C'était pour les âmes une nourriture forte et solide, qu'elles sont loin de trouver dans un trop
grand nombre de livres de piété des temps modernes, si pauvres en fait de doctrine, si fades
par le style qu'ont adopté leurs auteurs. — Les ouvrages du. P. Kouet laissaient cependant
quelque chose à désirer : on eût voulu y trouver une certaine unité d'ensemble et de détail qui
ne ressortait pas assez, et voir supprimer des longueurs qui rendaient moins rapide la marche
des pensées ; les types de beaucoup de p]irases avaient aussi besoin d'être refondus et rajeunis.
C'est ce travail de remaniement qu'a entrepris le P. Henri Pottier; et, de l'avis de tous, il l'a
on ne peut mieux exécuté, en composant, avec les livres du P. Nouet, des livres nouveaux, qui,
sous une forme abrégée, dans un ordre meilleur et avec un langage plus adapté du goût actuel,
offrent tout ce que contenaient les Œuvres de son docte et saint confrère. Aussi, grand nombre
d'archevêques et d'évéqucs' entre autres S. Em. Mgr le cardinal de Rennes, NN. SS. de Tours,
de Nantes, de Poitiers, du Mans, de Quimper, ont-ils tenu à féliciter le consciencieux réviseur.
Nouveau Cours de Méditations (Selon la méthode de saint Ignace) snr la vie
de Sf. S. J^sus-Cbrist, à l'usage des personnes qui vivent dans le monde. — 2e édition. —
3 vol. in-12, de vii-52(i, 552 et 553 p $2.50
Introduction à la vie d'oraison, ou Conduite de l'àme dans les voies de Dieu,
contenant toute l'économie de la méditation, de l'oraison affective et de la contemplation. —
Nouvelle édition. — 1 beau vol. in-12, de xix-512 p 75 cts
Dévotion envers IWotre'Seig'uear Jésus-Cbrist, ou Etude de ses titres conso-
lants et glorieux. — Nouvelle édition. — 3 volumes in 12, de xix-468, 434 et 492 pages. . . . $2.00
lie C'iirétien à l'école du Calvaire. — Nouvelle édition. — 2 volumes in-12, de iv-392
et 354 pages $1.25
le Chrétien à l'école du Tabernacle. — Nouvelle édition. — 1 beau vol. in-12 de .
250 pages 75 cts
lie Cruide d ^ l'âme en retraite,— Nouvelle éd. — 3 vol. in 12 de xxxiv-.504, 492, 4.5G p.$2.
Retraite spirituelle de dix. jours. — Nouvelle édition. —1 vol. in-12 de xxxiv-380
pages '. 63 cts
Pratique de l'amour de Dieu.— 1 volume in-i2, de rv-372 p. Prix 63 cts
En luut 15 vo urnes, |iii.x $10.50 — une remis»», de 50 pour conl sera fisile sur
ceUe collecuon des ouvrages du P. Noue', prise en une s-ule fois.
L'HYPNOTISME
ETUDE SCIENTIFIQUE ET RELIGIEUSE
Par rabbé P. O. MOKEAU
^ VICAIRE GÉNÉRAL DE LANGRES
OUVRAGE HONORÉ DE LETTRES
DE NN. SS. S. G. ^i.'Archevéque de Bordeaux
S. G. L'ÉvÉQUE de Langres
S. G. l'Évêque de Beauvais, Noyon et Senlis
S. G. l'Étéque de Fréjus et Toulon, etc., etc.
1 fort vol. in-12 Prix : 95 cts.
L'hypnotisme est à l'ordre du jour.
On en parle dans les Académies et dans les salons. Pas une
revue, pas un journal qui n'y consacre quelques pages. Depuis
longtemps déjà, il a sa littérature.
Pas une ville où les hypnotiseurs ne fassent des conférences.
C'est presqu'une épidémie dont les gouvernements se sont émus.
Pas une fête où on n'invite un hypnotiseur en renom.
Si l'on écoutait M. le professeur Liégeois, bientôt l'hypnotisme
ferait la loi au Palais, comme il essaie de la faire à la Faculté de
médecine ; et nous serions à la veille d'une véritable révolution
dans la morale sociale. Aujourd'hui, il faut encore un magnétiseur,
un ÊUggestionniste. Demain, peut-être, un autre M. Liégeois pu-
bliera que l'action du monde extérieur sur les sens frappe le cer-
veau, de telle manière, que l'individualité disparaît pour faire
place à la passivité absolue.
Enfin l'hypnotisme a été, l'an dernier, officiellement introduit
dans la chaire chrétienne. Pour nous, prêtres, c'est un signe que
l'beure a sonné de ne plus nous désintéresser dans cette question.
Déjà, en effet, nous pouvons dire de l'hypnotisme ce qu'écrivait
en 1853, du magnétisme animal, Mgr Guibert, alors évêque de
Viviers : " Tant que ces opérations n'ont présenté que le caractère
d'un exercice purement récréatif, ou que la curiosité n'y a cherché
que les effets d'un fluide répandu dans la nature, notre sollicitude
ne s'est point alarmée. ..Aujourd'hui il est de notre devoir de
donner des avertissements..., de prémunir les fidèles contre les
pièges du père du mensonge, de veiller à la pureté de la foi et à
l'honneur du nom chrétien..." Aussi, aucun de nous n'at-il été
surpris de voir ?. E. le cardinal Richard honorer de sa présence
la dernière conférence du R. P. LeMoyne à Saint-Merry, dont il
bénissait ainsi et encourageait les efforts : " Vous emploierez tous
les efforts de votre zèle sacerdotal, avait d'ailleurs écrit son véné-
rable prédécesseur dans le Mandement que je rappelais, et avant
tout l'autorité de votre exemple, pour éloigner de ces damnables
pratiques tous ceux de vos paroissiens qui seraient assez impru-
dents pour s'y livrer. " Quand l'exemple part d'aussi haut, c'est,
je le répète, une obligation pour chacun de nous de faire entrer
l'hypnotisme dans le programme de ses études théologiques, sous
396 LE PROPAGATEUR
peine de rester étranger au mouvement scientifique et religieux
de son époque, et de compromettre sa mission auprès des âmes.
A peine né, en effet, l'hypnotisme s'est posé en adversaire du
dogme chrétien. Aussi, je n^. m'explique pas comment M. le doc-
teur Bérillon s'est cru autorisé à affirmer, qu'en raison de leur
libéralisme, les évoques de France avaient témoigné une grande
sympathie " aux procédés thérapeutiques de l'hypnotisme, " et
surtout que " la cour de F\.ome... avait déclaré^ dans ces derniers
temps, que la réalité des phénomènes de l'hypnotisme était tout
ce qu'il y a de plus incontestable et de mieux prouvé. ..que l'usage
de l'hypnotisme était permis..." 11 est vraiment regrettable que
M. Bérillon ait négligé de nous indiquer où il avait découvert
d'aussi intéressants documents. Pour ma part, j'aurais été curieux
de les mettre en regard d'autres documents signés : Bérillon,
Paul Bert, Régnard, Bourneville, Luys, Eichet..., où ces écrivains
ne semblent noter leurs observations que pour saper plus sûrement
par sa base l'édifice chrétien, où ils affectent non seulement le
plus grand mépris de toute croyance religieuse ; mais ne savent
même pas dissimuler leur joie à la pensée que leurs découvertes
enterreront à jamais le miracle.
Ce n'est pas nous, en effet, qui avons poussé l'hypnotisme sur
le terrain théologique, mais les hypnotiseurs, qui comptent s'en
servir comme d'une nouvelle arme de guerre contre la foi catho-
lique. Pas un, depuis le plus obscur jusqu'au plus illustre, qui
ne nie hautement toute révélation, toute action d'une puissance
et d'une nature supérieures, et qui ne prétende expliquer les faits
miraculeux de l'Evangile par la grande hystérie et la suggestion.
Donato n'est pas le seul à s'écrier : " Jésus fut le plus prodigieux
des magnétiseurs.. .Jésus guérissait les infirmes en les magnéiisant.
" Dans les temps les plus reculés, a écrit le docteur Bottey,
Jésus-Christ, les apôtres, les prêtres opéraient des guérisons par
l'imposition des mains ; de même les pythonisses, les magiciens,
etc.." Le docteur Bernheim, remarque M. le chanoine Lelong,
qui, dans une première édition de son opuscule sur la Suggestion.,
semblait exempt de toute hostilité envers le surnaturel, dans sa
seconde édition, attaque directement les miracles de Lourdes. ,
Avant de faire connaître à ses lecteurs les résultats de son Étu-
de historique, critique et expérimentale^ observe M. l'abbé Méric, le
docteur Gibier déclare qu'il est l'adversaire implacable du mer-
veilleux et du surnaturel ; il a des paroles amères, violentes, in-
justes contre le christianisme et la foi religieuse ; il ouvie son
J.t)anf projuos par cette déclaration, écrite en lettres majuscules,
pour frapper vivement l'attention de ses lecteurs : Nous sommes
l'ennemi du merveilleux et du mysticisme, et n'admettons pas qu'il
puisse ï>e produike rien en dehors des lois de la nature.
M. Paul Gopin, collaborateur de la Revue de l'hypnotisme., et son
collègue, qui signe sous le pseudonyme de Skeplo, sont animés
d'une telle haine que, à propos de l'hypnotisme, ils exhument
toutes les objections, anciennes et nouvelles, contre le catholicisme.
" L'histoire nous rapporte, s'est écrié, au Congrès des magnéti-
LE PROPAGATEUR 397
seurs^ M Guyonnet du Péral, que le Christ fut forcé de s'y repren-
dre à deux fois pour faire une cure laborieuse ; " et, gravement,
il le classe dans la catégorie des " volon listes, mystiques et spirites!"
Tous, à la suite de Strauss, de M. Renan, de Karle Hase, assi-
milent les résurrections attribuées à N.-S. à de simples réveils de
personnes en léthargie. Ils expliquent le changement de l'eau en
vin aux noces de Gana par la suggestion ; les guérisons, par le
magnétisme animal ; Notre-Seigneur opérant à la façon des ma-
gnétiseurs par l'imposition des mains, ou en touchant l'organe
souffrant. La guérison de la femme afQ.igée d'une perte de sang
présente à leurs yeux toutes les allures et toutes les modalités des
guérisons magnétiques modernes. En vain M. Bérillon cherch'^-t.il
à s'abriter derrière MM. Guermonprez et Desplats, professeurs à
la Faculté cattiolique de Lille, qui " ont apporté, dit-il, d'impor-
tantes contributions à l'étude de l'hypnotisme et de la suggestion j "
lui et ses collègues font partie de ce groupe dont la devise est
celle de Voltaire : " Ecrasons l'infâme 1 " Pour eux, l'infâme c'est
le surnaturel.
Malheureusement, un certain nombre de chrétiens, par suite de
l'ignorance et de la fascination qu'exercent toutes les nouveautés
embellies par la réclame, jouent avec l'hypnotisme, sans en soup-
çonner les danger. Chez d'autres, au contraire, d'une conscience
délicate et qui veulent suivre à la lettre ce conseil de saint Paul :
"Evitez toute curiosité malsaine, et prenez garde de vous laisser
séduire, " se manifeste une vive et légitime anxiété. Ils veulent
être éclairés. Ils nous interrogent. Or, comment leur répondrons-
nous, si nous n'avons nous-mêmes sur cette question que '' des
divagations, " comme me le disait, il y a quelques mois, un curé
de Paris ?
C'est à remplacer ces divagations par des données scientifiques,
que travaillent déjà NN. SS. les Evêques. C'est pour entraîner
leurs prêtres vers l'étude de ces sciences nouvelles que S. E. le
cardinal-archevêque de Paris avait autorisé le R. P. Le M lyne à
traiter l'hypnotisme en chaire ; que NN. SS. les arch-'vêques et
évêques de Pans, Reims, Lyoi, Evreux, Oran, ont introduit cette
question dans le programme des conférences diocésaines de l'année
1890 et de l'année 1891. " Il n'y a, me disait, au mois de juillet
dernier, un savant prélat, il n'y a plus que deux choses qui m'in-
téressent dans la lecture des revues et des journaux : en politique,
la question i-odale ; en psychologie, l'hypnotisme." — " Je
lirai avec le plus grand plaisir votre travail sur l'hypnotisme^ m'é-
drivait, à la date du 15 novembre dernier, un de nos plus savants
évêques, quesiion à l'ordre du jour, et qui, comme vous le dites,
vaut la peine d'être traitée sérieusement. "
Malheureusement, les travaux dus à des plumes ecclésiastiques
sont trop peu nombreux ; plusieurs même ne sont que des simples
brochureb, écrites dans un excellent esprit, mais à la hâte, ou sous
un horizon trop restreint. C'est pourquoi, plusieurs ont estimé
qu'à côté du Mandement de Mgr Suicha Hervas, évêque de Madrid-
Alcala, des études de MM. Granclaude, Ribet, Méric, Lelong, Cla-
398 LE PROPAGATEUR
verie, Trotin, Léon Guillemet, Elle Blanc ; des RR. PP. Matignon,
de Bonniot, Franco, Le Moyne, Touroude, il y avait place pour
une nouvelle Etude scientifique et religieuse sur l'hypnotisme.
Les travaux des hypnotiseurs se comptent déjà par centaines,
et chaque jour voit éclore " une contribution nouvelle à l'étude
de rhypnotisme. " II faut que nous les suivions pas à pas, et que,
sans nous laisser rebuter par l'aridité ou Tétrangelé du sujet, nous
tenions au courant de leurs découvertes ceux de nos confrères
qui n'ont ni le temps, ni la facilité de recourir aux sources.
Je m'efforce d'exposer, aussi nettement que le sujet me le per-
met, les théories des magnétiseurs, hypnotiseurs, suggestionnistes.
Je note leurs observations les plus /ra/zc/ies. Je les fais parler le
plus possible. J'évite d'introduire dans cette exposition mes ap-
préciations personnelles, ou certaines données métaphysiques
douteuses et obscures, dont je trouve qu'on n'a déjà que trop abu-
sé, et qui ne sont, la plupart du temps, que des trompe-l'œil.
Une étude religieuse termine celte étude scientifique ; chaque
expérience nouvelle étant pour nos adversaires l'occasion d'épi-
grammes blessantes à l'adresse des croyants. Je dédaigne l'im-
pertinence, mais je relève l'objection. Que faut-il penser de leurs
théories sur les guérisons miraculeuses, sur les cas de possession,
sur i'extase, sur les stigmate? ? Ces phénomènes ne sont-ils,
comme ils le prétendent, que des efTets nerveux amplifiés ? Est-il
permis d'hypnotiser ? de se laisser hypnotiser ? Peut on ne voir
dans les phénomènes hypnotiques que le jeu normal des forces
humaines agrandi par le sommeil nerveux ; ou l'action du démon
est-elle nècessaiie pour expliquer certains phénomènes ?
C'est aux sources que j'ai puisé. Je me suis vite aperçu qu'en
hypnotisme, comme en toute espèce de questions, les auteurs se
copiaient, sans le dire. En hypnotisme, cette supercherie est une
véritable duperie. Il en résulte que le même fait, raconté cent
fois par cent copistes difTérent^, laisse croire aux lecteurs qu'il y
a cent faits eu faveur d'une expérience, alors que le rôle est tou-
jours tenu par la même demoiselle Eosa, Esiher, ou Elisa. C'est
une répétition de la fable :
-..Le nombre cVœufs, grâce à la renommée,
De bouche en bouche allaii croissant ;
AvafU la fin de la journée,
Us se montaient à plus d'un cent.
J'ai donc écarté les copistes pour ne m'attacher qu'aux maîtres
ou à leurs disciples autorisés.
C'est ainsi que pour l'Ecole de là Salpêtrière, et l'Ecole de Nan-
cy, j'ai étudié les ouvrages de MM. Gilles de la Tourette et Bottey.
C'est dans le Dr Bernheim que j'ai étur^ié la suggestion ; dans le
Dr Ochorowicz, la suggestion mentale ; dans le Dr Azam, ce qui
regarde l'état second ; dans les docteurs Bourru, Burot, Luys,
l'action des médicaments à distance ; dans le Dr Baréty, la force
neurique rayonnante ; dans le Dr Régnard, les différentes sortes
de sommeil, et ainsi de suite. Autant que possible, je cite le pas-
sage du livre auquel j'emprunle chaque observation. Si je com-
LE PROPAGATEUR
399
mettais un oubli, je prie les auteurs de ne pas m'accuser de plagiat.
Mon oubli serait involontaire.
Lucrèce exprime par une belle image le lien qui rattache les
générations passées aux générations à venir. Il nous montre les
coureurs antiques s'élançant dans la carrière et tenant dans leurs
mains un flambeau ; puis, lorsqu'ils arrivent épuisés au terme de
la course, ils remettent à d'autres, qui le portent plus loin, le
flambeau qu'ils laissent échapper d'une main défaillante.
El quasi cursores vilaï lampada Iradunt.
Pour nous prêtres, ce flambeau c'est le dépôt du dogme catho-
lique tel que le Saint-Siège l'enseigne et l'explique ; tel que notre
Evêque nous l'a confié au jour de noire sacerdoce. Puissé-je avoir
continué l'œuvre à laquelle mes aînés ont donné leur part d'efforts
et de dévouement ! C'est toute mon ambition.
En la fête de saint Jean l'Evangéliste, 27 décembre 1890.
P. G. MoREAu, vie. gén. hon.
BIBLIOTHEQUE THEOLOGIQUE voir page 376
HISTOIRE DE L'EGLISE
Par le Cardinal HE:K6E]\KCETHEK
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La Dogmatique, par le docteur M.-
J. ScHEEBE.N, prolesseur au séminaire
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de tous les maîtres en ihéologie qui
l'ont étudié, au rang des plus parfaits.
Tome I. — Le premier volume est
une introduction à !a théologie ; il
répond au traité des Prolégomènes.
L'objet en est : la Connaissance tliéolo-
gique.
Tome IL — Le second volume con-
tient le iraité de Deo avec ses deux
inévitables parties : l'unité de !a nature,
la Irinité des personnes.
Tomes III et IV. — Ces deux volumes
contiennent les trois livres ou traités
suivants :
A. Relations fondamentales et origi-
naires de Dieu avec le monde, ou fon-
dation sur la terre de Vordre naturel
et de Vordre surnaturel.
B. Le péché tl le royaume du péché
dans son opposition à l'ordre surnatu-
rel du monde.
G. U humanité déchue rachetée par
Jésus-Christ ou rétablissement et con-
sommation de l'ordre surnaturel par le
Fils de Dieu incarné.
Histoire des Dogmes, par le doc-
teur Joseph ScHWANE, professeur à
l'université de Munster. In-8 de III-
796 page?. Prix : $L88
Le docteur Schwane rapporte les
dogmes à ces quatre chefs : Dieu, le
Rédempteur, l'homme et l'Eglise, et il
en fait l'histoire par périodes de temps.
Ainsi, son premier volume passe suc-
cessivement en revue tous les princi-
paux dogmes: 1° Sur Dieu; 2» sur
Jésus-Ghrist ; 3" sur l'homme ; 4» sur
l'Bglise et les sacrements ; et les con-
duit depuis le commen3ement de la
prédication évangéltque jusqu'au Con-
cile de Nicée.
Droit Canon, par le docteur Fré-
déric H. Vering, professeur des deux
droits à l'Université catholique d'Hei-
delberg. 2 très forts et beaux volumes
iu-8 avec une excellente table.
Prix: $3.75
Ce cours de Droit Canon, bien à
jour, est des meilleurs, et nous y trou-
verons un excellent guide : il est
surtout indispensable aux prêtres et
aux avocats catholiques qui vivent
dans des pays mêlés de protestants. Il
contient, en'effet, outre le droit ecclé-
siastique catholique, le droit ecclésiasti-
400
LE PROPAGATEUR
^ue protestant, il met en regird
des principes du droit catholique les
déviations et les divergences du protes-
tantisme, adn de montrer comment on
a essayé, de nos jours surtout, d'impo-
ser à 1 Eglise caiholique les principes
du droit ecclésiastique protestant.
En résum'^, le docteur Véring a
surtout voulu tdire un livre qui réponde
aux nécessités pratiques du t'r^mps
présent.
Patrologie, par le docteur Alzog,
professeur de théologie à rUniver»ilé
de Frib )urg. Un fort volume in-S.
Prix: $1.88
C'est l'histoire de la littérature chr-é-
tienn-î divisée en quatre périodes. La
première comprend l'origine de la
litt rature chrétienne ou lo temps des
apôtres ; la seconde, le progrès et le
perfectionnement de cette liit"raiure
apologétique ; la troisième, l'apogée
de la littérature patriotique, depuis le
premier Concile œcuménique de Nicee
jusqu'à la mort du pape Léon le Qi-dnd
(325-461) ; la qudirième, la décadnnc^
de la littérature des Pères dans l'empire
romain jusqu'à la restauration s jus une
forme nouvelle de la littérature chré-
tienne chez les peuples romains et les
peupUs germains.
Pour chaqu :» auteur le docteur Alzog
donne une courte notice biographique,
la liste de ses écrits avec leur argument
leur analyse, leur criiique, etc.
Théologie morale, par le docteur
J. Ev. pRUNER, supérieur du séminaire
d'Eichstoett 2 forts volumes. Prix : $3.75
" Nous avons fait en sorte que notre
travail, tout en restant dans les limites
d'un iîimp'e manuel, fût suffisamment
complet et pratique pour répondre aux
nécessités journalières des prêtres em-
ployés dans le saint ministère. Mais en
nous efforçant de remplir cette double
lâche, nous nous sommes abst'^nu
d'élucider en détail les parties qui ren-
trent dans la théologie pastorale et le
droit canon ; nous ne les avons abor-
dées qu'auiaat qu'il le fallait pour
illuminer certaines questions de morale
qui auraient pu, sans cela, être envisa-
gées d'une manière inexacte ou défec-
tueuse. "
L'auteur divise son livre comme
suit :
L Des actes humains considérés en
eux-mêmes et dans leur dépendance à
l'égard de Dieu : h le libre arbitre;
2° moralité des actes humains ; 3» la
conscience ; 4° de la loi ; 5» caractère
surnaturel et méritoire des actes
humains.
IL D^s vertus et des péchés.
IIL Des devoirs. Cette troisième
partie est n itur-^ll -ment la plus déve-
loppée, et form-", en étendu-, les trois
quarts de l'ouvrage: elle suit, pas à
pas, les dix comman lements de IMeu.
Théologie fondamentale ou
Apologétique, p^r le docteur Het-
TiNGER, professeur à l'Université de
Wurzburg. Tome l«. Un beau vol. in-S
de 599 p. Prix : $1 88
Dans une introduction de soixante
pages, le doct'^ professeur expose : 1° la
Notion de la Théologie ; sa lâche, sa
mélliode, sa division : '1° La Nolion de
I'Apologétique, sa méthode, sa divi-
sion, son histoire. On y trouve cités,
avec leurs noms et les tilr-^s de leurs
ouvrages, tous les aut urs qui, depuis
le premier siècle de l'Eglise jusqu'à
nos jours, ont traité du sujet ou en ont
touché.
L'ouvrage forme trois grandes divi-
sions, sous C"S titres :
1» Examen de l'idée de la Religion
et de la Révélation considérée en elle-
même :
— Livre I<". 2» Idée de la Révélation
apportée au monde par Jé>us-Ghrist : —
Livre II*. 3« Idée des Religions et des
révélations fausses qui se sont pro-
duites avant et après Jésus-Christ:
Nous lisons dans les Etudes beligieuses des Pères jésuites (n°de
septembre 89) l'admirable appréciation suivante de l'Histoire de
l'Eglise du Cardinal Hergenroeiher, nous citons :
Les trois premiers volumes de cett^ remarquable Histoire de VEglise ont paru
pendant la suppression des Etudes ; ils n'ont pas été mrjins bien accueillis en
France qu'en Allemagne, où l'ouvrage tout entier est p irvenu rapidement à sa
troisième édition. Le tome IV, publié récemment, comprend la fin de la 5' période
de Gng'jire Vil à Boniface VIII, avec le commenceme t le la période suivante,
qui nous mène jusqu'aux premières années 'du siècle (1517). On y trouve, après
un premier chapitre sur Tépiscopat et les ordres religieux, l'histoire des croisades
LE PROPAGATEUR
401
et leurs résultats ; des détails pleins d'éruoiiion sur les nombreuses sectes
écloses au moyf-n âge ; un tableau fidèle de la vie scientifique d^' saint Thcmas
et de saint Bonaveulure ; un résumé impart al du procès îles Templiers, enfin
un exposé lumineux de la triste période du grand schisme d'Occident.
Dans ces pages où la sagesse des jugements marche de pair avec la sûrelê des
informations, le savant arcnivist-3 du Vatican se propose de mettre en lumière
la vie intérieure de l'Eglise et le mouveraf-nl des idées dans la société chrétienne.
Toutes les questions controversées sont élucidées avec une haute impartialité :
après chaque paragraphe, l'eminent historien indique les sources principales et
les travaux les plus reoicirquablns, en y ajoutant parfois une appréciation criti-
que. On ne saura. t indiqu^-r à ceux qui étudient l'histoire ecclésiastique un
ouvrage plus rempli de renseignements précis et d'une doctrine plus sûre ; le
public français sera reconnaissant à M. l'abbé Belet d'en avoir entrepris la
traduction.
Voici maintenant l'appréciation du Polybiblion sur le tome IVe:
Histoire de l'Église, par S. Em. le cardinal Hergenroether. T. IV. Paris.
Le tom-" quatrième de \ Histoire de l'Eglise du cardinal Hergenrœihêr, traduite
par M. l'àbbé Bel-t, com|ireiid les temps écoulés depuis Grégoire VII jusqu'au
commencement du seizième siècle. 11 est divisé en deux périostes : l'une de
Grégoire VII à Boniface \1II, où " tout ce qui s'est fait de grand à cette époque,
dans la science et dans la vie religieuse, porte la vive empreinte du christia-
nisme " ; l'autre de Boniface VIII à Léon X, époque qui montre l'alfaiblissement
de l'autorité pontificale, les progrès d'un pouvoir temporel, d'une société civile
qui, en prenant consuinnce de sa force, la retourne contre l'Eglise, le déchaîne-
ment du génie révolutionnaire, partant la décadence des tr.ivaux scientifiques et
le caractère plus général de l'h^-resie qui pénètre plus avant dans les esprits.
Je l'ai déjà dit : ce qui caractérise l'Histoire de l'Eglise du car.iinal Hergen-
roether, c'est qu'on y trouve moins le récit des faits, dont les principaux seuls
sont indiqués que l'indication des gran Is mouvements dans la politique, les
idées et les institutions qui se développent: là on rencontre des résum-s subs-
tantiels, des notions précises, des jug<-ments toujours marqués au coin de l'esprit
le plus droit. L'auteur ne s'égare pas dans les thèses plus que hasardées ; il sait
condamner, tout en l'expliquant, le népotisme d'un Sixte IV' et la vie irregulière,
scandaleuse, d'un Alexandre VI.
L'appréciation du sa ant Préfet des Archives du Vatican vient donner raison
à ceux qui, contre de témf^raires assertions, défendaient, au sujet de ce pape,
l'honneur même des études historiques. Les reproches que des journalistes
adressaient alors à ceux qui combattaient des réhabilitations impossibles à
accepter dans l'élat actU'-l îles tonnaissances, oseront-ils se produire conire un
cardinal mis par Sa Sainteté Léon XIII, après la publication des ouvrages qui
ont fait sa renommée, à la tôte de ses Archives ? {Polybiblion.)
N. B — Une remise de 50 pour cent sera faite sur tous les
ouvrages de la Bibliothèque théologique.
TRIOMPHE DE LA FOI
R. P 5Iarin de Boylesve S. J.
1 vol. in-1'2 Prix : 50 cts
LE DARWINISME
ET
M. li'abbé licconite
l vol. in-l2 Prix : 75 cls
GAUTHIER DE LA GALPRENEDE
I EN QUERCY. [SUlte]
Alix prit dans un bahut sculpté la tapisserie et les pelotons
de laine de sa tante, et les lui donna ; puis elle s'assit à ses pieds,
sur un petit pliant, et se mit à faire un grand filet destiné à pré-
server des oiseaux certaine treille de raisin muscat, orgueil du
château de Montdragon. Quant au chapelain, il ouvrit le livre et
lut d'une voix fort monotone la vie du saint du jour. Gauthier,
assis un peu à l'écart, regardait le groupe que formaient les hôtes
du vieux château, et les rêveries que lui suggérait ce tableau
l'empêchaient d'écouter la lecture du chapelain. Il lui semblait
voiries trois Parques tenant en main le fil de sa vie ; et, quand
madame de Montdragon posait sa tapisserie représentant un semis
de gros œillets sur fond noir, et,' prenant les ciseaux pendus à sa
ceinture, coupait une aiguillée de laine, il l'eût volontiers priée
de n'en rien faire. Puis, regardant Alix, resplendissante de jeu
nesse et de beauté, et entourée de ces graves personnages vêtus de
noir, il se représentait Proserpine, alors qu'enlevée aux prairies
de la Sicile, elle se vit transportée dans le sombre royaume. —
Mais là s' arrêtaient les allusions mythologiques, le chapelain ni
lui-même ne pouvant en aucune façon représenter Pluton.
La lecture finie, une des duègnes se leva, et alla appeler les
valets et les servantes, qui venaient de finir leur besogne et leur
souper. Ils entrèrent, au nombre d'une quinzaine. Le chapelain
dit la prière au salon, la pluie ne permettant pas d'aller à la cha-
pelle, et madame de Montdragon, après avoir donné l'eau bénite
à tous ses serviteurs, les envoya se coucher, en leur recomman-
dant bien de prendre garde au feu et d'éteindre les chandelles, non
pas en soufflant, mais avec les éteignoirs, de crainte des étincelles.
Quand ils furent tous partis, le chapelain dit qu'il allait se retirer
dans sa chambre pour écrire à M. de Besnac, et madame de Mont-
dragon, retournant le sablier, qui venait de se vider, déclara qu'on
veillerait une heure en l'attendant, mais pas une minute de plus.
"Je suis sûre qu'il est fort tard," dit-elle. "Que c'est donc
ennuyeux de ne pas savoir l'heure qu'il est J Depuis que l'horloger
a emporté la pendule, tout est détraqué ici. Avez-vous une montre
beau neveu ? "
'' Hélas ! non, ma tante, " dit Gauthier. " Ce sera la première
emplette que je ferai à Paris. "
En ce temps-là, du reste, les montres étaient fort rares, et le
comble de l'élégance consistait à en porter deux à la fois.
" Savez-vous jouer aux échecs ?'' dit la châtelaine à Gauthier.
" Fort mal, ma tante. Je n'ai absolument qu'un talent de société :
c'est de conter des histoires. Si vous le permettez, je vous en dirai
une, que j'ai lue tantôt dans votre bibliothèque."
" Quel plaisir! " s'écria Alix. '' Est-ce une histoire vraie ? "
" Certainement, " dit Gauthier ; " elle s'est passée ici même, il
y a plus de trois cents ans, s'il faut en croire le chroniqueur.
Vous devez la connaître, madame : c'est celle d'Érambert de Mont-
dragon, qui fut à la croisade. "
LE PROPAGATEUR 403
'^ J'en ai entendu parler jadis, " dit madame de Montdragon ;
"mais je m'en souviens à peine, et je l'entendrai volontiers. "
Alors, approchant son siège de la table, Gauthier commença sou
récit selon les règles de l'art, en disant tout d'abord : Il était une
fois... puis, donnant l'essor à son imagination gasconne, il broda
si bien l'histoire du croisé, que le naïf chroniqueur qui l'avait
autrefois écrite ne l'eût pas reconnue. — Les deux fileuses, plus
d'une fois, cessèrent de filer; l'aiguille tomba des doigts de la
châtelaine, et la navette s'arrêta dans les blanches mains d'Alix,
tandis que ses yeux fixés sur Gauthier, et son jeune et candide
visage reflétaient toutes les péripéties du roman. Animé par le
succès, le jeune homme ne tarissait pas : les grands coups d'épée,
les catastrophes et les merveilles allaient se multipliant, lorsque,
d'un furtif regard, Alix vit le sablier prêt à marquer l'heure fa taie
du coucher. Vite elle interrompit le narrateur :
*' Vous allez vous fatiguer, mon cousin," lui dit-elle : "permettez
que je vous offre à boire. "
Et, tirant prestement du buffet un flacon et un verre, elle versa
au conteur une rasade de vin de paille, et, tout en lui tendant le
verre de la main gauche, de la main droite, et sans faire semblant
de rien, r^ourna le sablier. Elle savait fort bien que M. l'abbé était
long à écrire, et elle voulait entendre la fin du conte. N'en eussiez-
vous pas fait autant à sa place ?
Il finit, ce conte, comme toutes choses finissent, et, au moment
où il finissait, l'abbé rentrait dans la grande salle, sa missive à la
main, et les derniers grains de sable tombaient. La compagnie se
sépara, et chacun alla rêver, l'abbé à ses vieux souvenirs de voya-
ge, la châtelaine à sa lessive sauvée de l'orage, les deux vielles fi-
leuses à leur quenouille restée inachevée, Alix au héros du conte,
et Gauthier de la Calprenède à la belle Alix aux yeux noirs.
La pluie tomba presque toute la nuit. Dès que le jour parut, ma-
dame de Montdragon, qui était toujours la première levée, s'ha-
billa plus vite, fit sa prière plus courte qu'elle n'était accoutumée,
et se rendit dans la chambre de sa pupile. Au lieu d'avoir à la gron-
der comme d'habitude pour l'éveiller, elle la trouva debout et se
coiffant devant un petit miroir, vêtue seulement d'une robe légère,
et ses petits pieds nus dans ses pantoufles.
" J'ai à vous parler, Alix, " dit madame de Montdragon. " Re-
couchez-vous, ma fille : car, vêtue ainsi, vous courez fortune de
vous enrhumer. "
Alix, étonnée de l'air solennel de sa tante, obéit, et lui demanda
comment elle avait dormi.
" Je n'ai point fermé l'œil de la nuit, " dit madame de Montdra-
gon, " et c'est vous qui en êtes cause, mademoiselle. "
" A Dieu ne plaise ! chère tante, " s'écria la jeune fille : " si j'ai
eu le malheur de vous donner de l'ennui, c'est bien à mon insu. "
" Je n'en doute pas, mon enfant, "dit madame de Montdragon
en lui tendant la main.
Alix baisa cette main et la garda dans les siennes.
404 LE PROPAGATEUR
" Alix, " reprit la tante, " vous êtes avec moi depuis tantôt dou-
ze ans sur le pied d'une fille, et vous devez me rendre cette justice
qu j'ai toujours agi envers vous très maternellement. "
" Oh ! certes oui. " dit Alix, " et j'en serai reconnaissante toute
ma vie. "
"■ Vous avez quinze ans, " i éprit madame de Monldragon : " vous
n'êtes plus une enfant. D'ici à peu d'années il faudra vous établir.
Avec le bien que vous avez, et, j'ose le dire, étant la fille le mieux
apprise de tout le Quercy, vous pouvez espérer un bon mariage
Sans vouloir vous forcer en rien, j'ai préparé pour vous une alli-
ance des plus sortables. Si vous la refusez, vous trouverez aisé-
ment l'équivalent; mais il ne faut pas qu'une romanesque fantai-
sie se jette à la traverse de mes projets et gâte v^otre avenir, et que
vous alliez favoriser les rêveries d'un petit cadet qui n'a que la
cape et l'épée."
Alix ouvrait de grands yeux.
" Je ne sais ce que vous voulez dire, ma tante, "dit-elle. "Je ne
connais pas ce M. Cadet. "
" Cadet n'est point son nom, mais bien sa qualité," dit madame
de Monldragon. '' En un mot, mademoiselle, je vous défends d'en-
courager les impertinentes espérances que j'ai lues hier soir dans
les yeux de Gauthier de la Calprenède ; et, afin que l'occasion man-
que à ce papillon de continuer à se brûler à la chandelle, vous
resterez au lit jusqu'après son départ, et vous passerez pour mala-
de. Je vous défends de regarder par la fenêtre. Tout ceci, mon
enfant, est pour votre plus grand bien. "
" J'en suis assurée, ma tante, " dit Alix, " et je vous obéirai de
point en point. Mais, vrai, je ne pensais pas que M de la Calprenè-
de fût amoureux de moi. "
" Je n'ai pas dit cela ! " s'écria madame de Mondragon. " Gardez-
vous d'employer de pareils termes, mademoiselle !ils ne convien-
nent pas à une fille de qualité. — Allons, rendormez-vous, fillette,
et soyez sage ! "
Elle l'embrassa au front, borda ses couvertures comme on fait
aux enfants, tira les rideaux, et s'en alla chez elle, après avoir soi-
gneusement refermé la porte.
Alix pleura un peu, sans savoir pourquoi ; puis elle prit son
chapelet, se recommanda à Notre-Dame de Roc-Amadour, et,
ses quinze ans aidant, se rendormit si bien, que sa tante eut toutes
les peines du monde à l'éveiller à neuf heures et demie.
La chapelle du château de Monldragon était située à l'extrémité
de la terrasse, et sa petite cloche, placée dans un campanile rusti
que, avertit les habitants du château que la messe allait commen-
cer. Ils arrivèrent tous, et Gauthier comme les autres. Il pria de
son mieux, mais il eut de grandes distractions, et regarda souvent
du côté de la porte, espérant toujours voir arriver la dame de ses
pensées. — Elle ne parut pas. Le chapelain et madame de Monldra-
gon lui tinrent seuls compagnie à déjeuner, et la châtelaine, en lui
versant le coup de l'étrier, lui remit une petite bourse en peau
d'Espagne, qui contenait quatre louis. — (à suivre)
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Septembre, 1893, Numéro 13
BULLETIJN
• — •
22 Août 1893.
*,* Un souverain païen, le Schah de Perse, a adressé la lettre
suivante au Souverain Pontife à Tociiasioa deson jubilé épiscopal.
A Sa Sainteté le Pape très respecté et très honoré^ que Dieu lui accorde
son aide !
En raison dds liens d'amilié qui nous unissent à Votre Sainteté et du sincère
attachement que nous avons pour Votre Auguste Personne, attachement que
nous sommes heureux de manifester en toutes circoaslances, nous profitons de
l'occasion du jubilé de Votre Sainteté pour lui présenter nos félicitations au
moment oîi tous les gran Is dignitaires spirituels et les grandes puissances amies
lui offrent leurs hommages.
Cette lettre, gage de notre amitié sincère, portera à Votre Sainteté les vœux
que nous formons de tout cœur pour la longue durée de sa vie et de son gou-
vernement spirituel, qui est une cause de bonheur pour toutes les nations.
Le pontificat de Votre Sainteté est un« bénédiction de Dieu pour Votre Au-
guste Personne, et nous espérons qu'elle durera longtemps. Que Votre Sainteté
soit assurée de notre sincère amitié.
Nous demandons à Votre Sainteté de ne point nous oublier dans Ses prières
qui sont toujours exaucées par Dieu et de Le suppUer en môme temps de res-
serrer les liens d'amitié qui nous unissent.
Nous saisissons cette heureuse occasion pour renouveler à Votre Sainteté les
assurances de notre très haut respect.
Ecrit au Palais Royal à Téhéran, mois deChawal 1310.
Quarante-septième année de noire règne
Celui qui place sa confiance en Dieu miséricordieux.
NA.CER ED Dîne Chah Kadjar.
V Aux élections générales qui ont eu lieu il y a quelques se-
maines, en Bavière, les cléricaux et les libéraux ont remporté pres-
que toutes les circonscriptions électorales. Les deux partis sont à
peu près d'égale force. Voici la composition du Langtay bavarois.
Conservateurs 3
Cléricaux 73
Union des paysans 7
Libéraux 68
Démocrates 1
Socialistes 5
Douteux 2
La Bavière est l'un des états de l'Allemagne où le particularis-
me est le plus intense. C'est dans cet état que l'hégémonie prus-
sienne rencontre le plus d'obstacles.
25
410 LE PROPAGATEUR
*^* Les éleclions générales pour la chambre des députés ont eu
lieu avàDt-hier en France.
Le scrutin a été singulièrement favorable aux républicains dits
modérés, mais il est encore impossible de faire une classification
correcte des députés car il y a ballottage dans un nombre considé-
rable de circonscriptions. Le second tour de scrutin n'aura lieu
que le 3 septembre.
Les journaux de France nous feront connaître quel est le
nombre des républicains modérés qui se sont loyalement engagés
à modifier les lois militaire et scolaire et à faire disparaître leurs
dispositions persécutrices et impies. Si la majorité n'a pas pris cet
engagement solennel, la perséicution va continuer, car le ministère
actuel, malgré son titre de modéré^ ne vaut guère mieux que ses
prédécesseurs immédiats.
Le premier n\inistre, M. Dupuy et tous ceux de ses collègues qui
faisaient parlie de la chambre des députés ont été réélus à de fortes
majorités. Une foule d'anciens députés ont été défaits. Parmi eux
se trouvent malheureusement le comte Albert De Mun, l'illustre
chef des catholiques, M. Delahaye l'un des principaux adversaires
des Panamistes, M. Jacques Piou,l'uh des chefs conservateurs et plu-
sieurs autres hommes importants. M. Drumont, le célèbre anti sé-
mite et rédacteur de \di Libre Parole a été aussi défait.
Messieurs Floquet, ancien ministre et ancien président de la
chambre des députés, de Gassagnac, rédacteur de l Autorité et chef
bonapartiste, Glémenceau, chef des radicaux, que l'on accuse à
tort ou à raison d'être vendu à l'Angleterre, Goblet, ancien minis-
tre, socialiste-radical, et Andrieux, ancien préfet de police, ont
réuni le plus grand nombre de votes dans leurs circonscriptions
respectives, mais ils doivent courir les risques du ballottage car ils
n'ont pas eu la majorité absolue.
Parmi les élus, se trouve le fameux Wilson, le gendre de l' ex-prési-
dent Jules Grévy. Il est l'un des héros du scandale de la vente des
décorations de la Légion d'Soiineur. Il a été élu à une forte majori-
té, dans la circonscription de Loches, département d'Indre-et-Loire.
Cet énergumène dit dans son manifeste électoral qu'il fera tout en
son pouvoir pour rendre encore plus dures les lois militaire et
scolaire.
Les hontes de Panama ont eu peu d'influence sur les élections^
ce qui ne fait pas beaucoup d'honneur au corps électoral.
*,* Une infâme loi qui existe en France oblige les ecclésiastiques
au service militaire. Elle les arrache au service des autels et aux
études théologiques pour les envoyer à la caserne pendant un cer-
tam temps les exposant à la licence et à la corruption des mœurs.
Dernièrement un certain nombre de jeunes prêtres, de diacres et
de sous-diacres du diocèse de Séez étaient appelés sous les dra-
peaux pour une période de 28 jours. A cette occasion, leur évêque
leur a écrit une lettre dans laquelle il s'élève avec force contre
cette loi inique et revendique les droits sacrés de l'Eglise.
Voici un extrait de celte lettre.
LE PROPAGATEUR 41 1
Pourquoi faut-il qu'une loi aussi néfaste nous soit imposée ? Nous devons la
subir, mais nous nous réservons le droit iaconteslable qu'aucune puissance hu-
maine, qu'elle soit impériale, royale ou républicaine, ne saurait nous ravir le
droit d'y contredire hautement, comme nous en avons l'impérieux devoir. Mieux
vaut obéir à Dieu qu'aux hommes. Ce cri tombé, il y a dix-neuf cents ans, des
lèvres de nos maîtres dans la foi, tout meurtris e-ncore sous les coups de leurs
bourreaux, nous le redirons jusqu'à notre dernier soupir. Mais ayons conGance ;
rien n'est éternel ici-bis; un jour viendra, nous en avons la ferme et inébranla-
ble conviction, oîi la France, redevenue franchement catholique, rougira d'avoir
ainsi opprimé ses enfants les plus fidèles Elle reprendra alors, au souvenir de
son glorieux passé, sa marche triomphale à travers le monde, portant dais les
plis de son noble drapeau, le droit, la justice et la liberté.
Si nous voulons être témoins de ce grand spectacle, que nous appelons de
tous nos vœux, sachons nous en rendre dignes par une constance invincible
dans la lutte. Si Dieu ne nous a pas commandé de vaincre, il nous a ordonné de
combattre sans trêve et sans défaillance. La victoire est assurée à celui qui com-
battra jusqu'à la fin.
Voici un exemple des tracasseries et des persécutions auxquelles
sont exposés les ecclésiastiques à la caserne.
Deux séminaristes soldats, du o9e régiment de ligne pour avoir
servi la messe en uniforme ont été condamnés par leur colonel a 15
jours de salle de police. Les autorités militaires supérieures n'ont
pas désapprouvé cette inique condamnation.
D'autres soldats traînent leur costume dans les mauvais lieux ;
revêtus de cet uniforme des défenseurs de la patrie ils tiendront
une conduite indigne et scandaleuse, et on les laissera libres. Mais
s'ils ont le courage d'aller à l'église et d'accomplir leurs devoirs de
religion ils seront coupables et exposés à toute la rigueur des pei-
nes discipluiaires.
Les catholiques de France se laisseront-ils ainsi persécuter pen-
dant longtemps encore? Un jour viendra, il faut l'espérer, où il
chasseront ignominieusement les misérables qui les foulent aux
pieds.
*
%* On lit dam la Vérité : '^ DANGEREUX COURANT "
Nous sommes heureux de pouvoir invoquer le témoignage de
l'honorable juge Jette à l'appui de la thèse que nous soutenons,
depuis longtemps, au sujet de la langue anglaise. Parlant devant
le congrès national, il s'est exprimé comme suit :
" La langue française est pour nous un héritage et un dépôt sacré ; aucun
sacrifice, de quelque nature que ce soit, avantage matériel ou autre, ne doit
donc nous coûter pour la conserver. Et j'insiste sur ce point, car il s'établit
aujourd'hui un dangereux courant d'opinion, contre lequel personne ne semble
disposé à réagir et qui peut cependant nous conduire à des conséquences dé-
sastreuses. Dans ce siècle matériel et égoïste, il suffit que l'on dise que telle ou
telle idée est pratique pour que bien des gens l'acceptent sans prendre la peine
de l'examiner. Or, il me semble que l'on insiste trop aujourd'hui sur l'absolue
nécessité de faire apprendre l'anglais à nos enfants. Non pas que je sois d'avis
qu'ils ne doivent pas l'apprendre, au contraire. Mais je constate qu'à force d'en-
tendre crier cette nécessité sur tous les tons, ceux qui ne .'■avent pas garder la
mesure, et il y en a beaucoup, en sont venus à se persuader qu'il faut enseigner
l'anglais avant le français, et il y a même des couvents où des religieuses fran-
412 LE PROPAGATEUR
çaises et canadiennes enst^ignenl le cathéchisme en anglais aux jeunes filles
canaJiennes-françaises ! "
Nous ne connaissons rien au sujet des couvents dont parle M. le
juge Jette ; et nous serions enchantés d'avoir la certitude que sur
ce point il a exagéré le mal. Mais l'ensemble de ses observations
n'est que trop vrai : il existe parmi nous un dangereux courant, un
engouement ridicule et antipatriolique pour l'anglais ; et nous ré-
pétons que le moment est ma' choisi pour pousser nos compatrio-
tes sur cette pente où déjà ils s'engagent avec imprudence.
*,* Une terrible crise financière et industrielle sévit actuelle-
ment aux Etats-Unis. Les faillites sont nombreuses, le numéraire
est très rare et beaucoup de manufactures sont obligées de sus-
pendre leurs travaux. Ce triste état de choses fait un mal incalcu-
lable à nos compatriotes émigrés. Ils sont presque tous employés
dans l'industrie et malheureusement un grand nombre n'ont que
leur travail quotidien pour vivre. L'avenir qui se prépare est bien
sombra et si le chômage dure longtemps la misère sera grande
l'hiver prochain.
Le congrès est en session depuis le 7 de ce mois, mais il n'a en-
core pris aucun moyen efficace de faire cesser la crise et de réta-
blir la confiance.
Cette crise va avoir nécessairement l'efftit d'arrêter l'émigration
et un grand nombre de nos compatriotes vont même revenir au
pays pour y demeurer définitivement. Qu'ils soient les bienvenus
et qu'ils puissent trouver ici le bien-être qui leur manque là-bas.
***
'/ La question de la mer de Behring et de la chasse aux pho-
ques ent réglée. Le tribunal d'arbitrage réuni à Paris pour le rè-
glement de cette question a prononcé son jugement le 15 août.
Les points de droit sont décidés en faveur de l'Angleterre.
Quant aux résultats pratiques de cette décision ils sont appréciés
diversement. Il semble cependant que la décision favorise singu-
lièrement les Etats-Unis qui sont propriétaires des iles Pribilofif
où se fait principalement la chasse.
La mer de Behring es^. déclarée mer ouverte contre la prétention
des Etats-Unis qui voudraient la faire déclarer mer fermée, mare
c/ausum, et sous leur juridiction exclusive. Les règlements faits
par le tribunal prohibent la chasse dans une zone de 60 milles
géographiques des côtes des îles ainsi que l'emploi de certains
engins de chasse, tels que les armes à feu, etc La chasse est
aussi interdite pendant les mois de mai, juin et juillet, non seule-
ment dans la mer de Behring mais aussi dans une partie de l'Océ-
an Pacifique,
Ces décisions et prohibitions sont coiisidérées par nos chasseurs
de phoques comme l'équivalent d'une prohibition absolue de la
chasse.
Alby.
im
ulS ET LEGENDES
Par CORA1.Y PIKMEZ
Ouvrage Posthume
1 vol. in-8 Prix : 61.00
1. 'article qui suit est extrait de ce livre.
SAINT ETIENNE
PREMIER DIACRE DE LA SAINTE EGLISE
Etienne était tout jeune encore lorsque Notre-Seigneur Jésus-
Christ donna sa vie pour le salut du monde.
Il n'était pas à Jérusalem quand le Fils de Dieu, condamné par
les Juifs, monta au Calvaire, mais il y arriva peu h près.
C'était un Israélite de vie irréprochable. 11 était, dit-on, Grec
de naissance, ou du moins ses parents étaient originaires de la
Grèce ; on ignore quelle profession ils exerçaient. Leur fils était
intelligent : ils renvoyèrent étudier les Saintes Ecritures, avec
Paul son cousin, chez Gamaliel, docteur de la loi.
Gamaliel, quoique de la secte des pharisiens, était un vieillard
digne de tout respect
Ce fut en entendant les prédications de Pierre, chef des apôtres,
qu'Etienne devint chrétien.
Paul, qui alors portait le nom de Saul, ne se convertit que plus
tard.
A une beauté majestueuse et une vie des plus pures, Etienne
joignait la douceur et la charité parfaite ; aussi, s'était-il attiré l'es-
time et l'admiration des fidèles.
En l'an 33 de l'ère chrétienne, l'Eglise commençait à s'établir.
Les convertis étaient presque tous des Juifs ; '^on les divisait en
deux nationalités :
" Il y avait des Juifs nés en Judée : c'étaient des Hébreux,
" Et les Juifs nés hors la Palestine étaient désignés sous le nom
de Grecs.
Une querelle s'éleva parmi ces gens.
Les derniers prétendaient qu'on ne partageait pas avec justice
les biens, mis en commun, par les chrétiens.
— Aux festins de charité, les Grecs avaient les dernières places,
disaient-ils, et "■ leurs veuves étaient méprisées dans la dispen-
sation de ce qui se donnait chaque jour."
Les apôtres, voyant que ces divisions jetaient le trouble dans
l'Eglise naissante, assemblèrent les disciples.
— Comment voulez-vous, leur dirent-ils, que nous accomphssions
les ordres de Notre-Seigneur Jésus-Christ, si vous ne vous enten-
dez pas ?
" Il n'est pas juste que nous quittions la parole de Dieu pour
avoir soin des tables. Choisissez donc sept hommes d'entre vous,
414 LE PROPAGATEUR
d'une probité reconnue, pleins de l'Esprit Saint et de sagesse, à qui
nous commettions ce ministère, et, pour nous, nous nous appli-
querons entièrement à la prière et à la dispensation de la parole*
" Ce discours plut à toute l'assemblée."
Et elle procéda à l'élection des sept disciples.
Etienne recueillit l'unanimité des suffrages.
"• L'assemblée présenta les élus aux apôtres, qui, après avoir fait
des prières, leur imposèrent les mains."
Le diacre avait toutes les qualités requises pour prendre som
des tables.
Cet emploi pourrait être comparé à nos bureaux de bienfaisance,
pour lesquels il serait bien à désirer que les membres fussent
aussi clioisis avec soin.
Etienne était un vrai chrétien, un imitateur du Christ, son
Maître, ce qui veut dire un homme juste, droit probe, charitable
et bon. Il était aussi doué d'un jugement sûr.
— Le diacre découvrira combien on est injuste envers nous !
disaient les uns.
— Il verra que vous vous plaignez à tort I répondaient les autres.
Quelques paroles d'Etienne apaisaient les orages menaçants,
qui ne tardaient pas à se changer en ondées de charité.
Ayant une connaissance profonde des Saintes Ecritures, il avait
soin, en distribuant les aumônes, d'enseigner les ignorants, de re-
prendre ceux qui enfreignaient la loi et de consoler les affligés.
Le peuple disait qu'on avait fait un choix des plus judicieux en
la personne d'Etienne.
Les querelles ne se renouvelaient plus : une ère de paix s'an-
nonçait.
Tout en remplissant son humble charge, le diacre dispensait
avec zèle la parole de Dieu ; il s'appuyait sur les prophètes et dé-
montrait que Jésus-Christ est le Messie, le désiré des nations, at-
tendu par les siècles.
Les Juifs avaient un plaisir extrême à entendre ses discours.
D'ordinaire, il parlait sur la place publique de Jérusalem. Les
Israélites s'y rendaient en foule.
" Mais ils ne pouvaient lésisler à la sagesse qui était en lui et à
l'esprit de Dieu, qui parlait par sa bouche-"
En masse, ils passaient au christianisme, et,parmi eux, des doc-
teurs de la loi.
" Ce qui est plus surprenant, c'est qu'Etienne, tout jeune qu'il
était, faisait des miracles extraordinaires et inouis, que le texte
sacré appelle : Prodigia et signa magna."
L'éloquence du diacre excita la jalousie de plusieurs Israélites.
Parmi eux hélas ! se trouvait Saul. Ces jeunes gens commirent
un horrible forfait.
Quel mobile les fit agir ? Dieu le sait !
Toujours est il que, sous l'empire soit de l'envie, soit d'un faux
zèle, ces Juifs cherchèrent querelle au diacre et " ils se mirent à
disputer contre lui et à chercher de le confondre."
Mais le Saint-Esprit était avec lui. Il renversa les arguments
perfides.
LE PROPAGATEUR 415
Les Israélites, complètement réfutés, se vengèrent en disant
qu'Etienne persiflait la loi de Moïse.
— Le diacre ose avancer, ajoutaient-ils, que le temps des pro-
phètes est passé.
*' Alors ils apostèrent des gens pour dire qu'ils lui avaient en-
tendu proférer des paroles de blasphème contre Moïse et contre
Dieu."
Ces rumeurs firent un grand bruit.
•* Et ainsi ils émurent le peuple, les sénateurs et les docteurs
de la loi.
"• Et, se jetant sur Etienne, ils l'enlevèrent et l'entraînèrent au
conseil."
Des témoins subornés vinrent déposer qu'il était un blasphé-
mateur.
" Car nous lui avons entendu dire que ce Jésus de Nazareth,
détruira ce lieu-ci et changera les ordonnances que Moïse nous à
laissées."
Pendant que ces faux témoins parlaient, le grand-prêtre, prési-
dent du Sanhédrin (on croit que c'était encore Gaïphe, bien âgé
alors) se mit à toiser avec dédain le diacre et le juge inique
trembla de tous ses membres en voyant Etienne couronné d'une
auréole aussi lumineuse que le soleil.
" Tous ceux qui étaient assis dans le conseil, ayant les yeuxsur
dui, lui virent son visage comme le visage d'un ange."
Mais pas un de ces cœurs endurcis ne se convertit.
Gaïphe, cherchant à dominer son agitation, s'écria :
— Eh iDien ! nentends-tu pas les dépositions des témoins ?
réponds !
Etienne abaissa ses beaux yeux sur le pontife et parla.
Mais ce ne fut pas pour réfuter les calomnies, il les dédaigna ;
ce fut pour publier, devant l'illustre assemblée, la gloire de son
Sauveur et Maître, dont il expliqua, avec une sublime éloquence,
la doctrine céleste.
Puis soudain, saisi d'indignation contre l'endurcissement des
Juifs, le diacre dit :
" Tètes dures, hommes incirconcis de cœur et d'oreilles, vous
résistez toujours au Saint-Esprit et vous êtes tels que vos pères
ont été. Qui est le prophète que vos pères n'aient pas persécuté ?
Ils ont tué ceux qui prédisaient l'avènement du Juste que vous
venez de trahir et dont vous êtes les meurtriers,
" Vous qui avez reçu la loi par le ministère des anges et qui ne
l'avez point gardée 1
*' A ces paroles, ils entrèrent dans une rage qui leur déchirait
le cœur et ils grinçaient les dénis contre lui.
'" Mais Etienne, étant rempli du Saint-Esprit et levant les yeux
au ciel, vil la gloire de Dieu et Jésus qui était debout à la droite
de Dieu, et il dit :
" Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme qui est debout
à la droite de Dieu."
Cette affirmation du diacre mit le comble à la frénésie des Juifs.
416 LE PROPAGATEUR
" Alors jetant de grands cris et se bouchant les oreilles, ils se
jetèrent tous ensemble sur lui.
" Et, l'ayant entraîné hors de la ville, ils le lapidèrent, et les té-
moins mirent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme
nommé Saul."
Ils se baissaient pour ramasser des pierres, ces témoins, qui s'é-
taient assimilé le démon lorsqu'ils avaient ouvert la bouche pour
faire de faux témoignage?, et c'est eux qui lancèrent la première
pierre contre le juste du Seigneur
'* Ainsi ils lapidaient Etienne, qui priait et qui disait : Seigneur
Jésus, recevez mon esprit !
* S'étant mis ensuite à genoux, il s'écria à haute voix]: Seigneur,
ne leur imputez point ce péché !
'* Après cette parole, il s'endormit au Seigneur. Or, Saul avait
consenti à la mort d'Etienne."
On était au 26 décembre de l'an 33.
II
Par ordre du Sanhédrin, le corps du premier diacre resta un
jour et une nuit exposé dans la Vallée des Blasphémateurs, près
de la porte Aquilonaire.
Les Juifs auraient voulu qu'il fût dévoré par les bêtes, mais le
pieux docteur Gamaliel,qui amiait Etienne comme son fils, fit en-
lever la sainte dépouille, et nul ne sut où ou la transporta. C'eût
été une grande consolation pour les chrétiens d'honorer les restes
du martyr de la foi; mais, malgré leurs recherches, ils ne les
trouvèrent pas.
La tradition disait que le deuxième soir après la lapidation, Gama-
liel était descendu, accompagné de deux officiers, dans la Vallée des
Blasphémateurs ; qu'à eux trois ils avaient déposé le corps d'E-
tienne sur un char jonché de fleurs odoriférantes, puis transporté
au loin
Nul ne savait en quel lieu.
Et plusieurs siècles avaient passé.
Il était réservé à l'Eglise la consolation de retrouver les osse-
ments de son serviteur à une époque où elle traverserait une rude
épreuve : celle de l'hérésie de Pelage sur la grâce.
Ce temps vint en 415 : c'était pendant les assises du Concile de
Diospolis, l'ancienne Lidda de l'Ecriture.
Non loin de Lidda se trouve le bourg de Gaphargamala, dont
l'église était desservie par Lucien.
Afin de préserver le lieu saint de l'attaque des voleurs, ce prêtre
logeait dans le baptistère.
" Or, la nuit du vendredi 3 décembre 415, Lucien sommeillait
à peine ; il lui apparut un vieillard de haute stature, d'une beauté
merveilleuse. Sa barbe, blanche comme la neige, flottait sur un
vêtement soyeux, parsemé de croix d'or ; à la main, il tenait une
vt^rge d'un métal bri.lant.
Il appela le prêtre par trois fois]
— Que me voulez-vous? questionna Lucien, se signant, et qui
êtes- vous ?
LE PROPAGATEUR 417
— Je suis Gamaliel, répondit l'apparition. J'instruisis saint Paul
dans la loi.
Ici près repose saint Etienne, que les Juifs lapidèrent à Jérusa-
lem, dans la Vallée des Blasphémateurs. Son corps y resta exposé
un jour et une nuit, mais les oiseaux de proie n'y touchèrent
pas. Par mon ordre, on l'enleva nuitamment et il fut transporté à
ma maison des champs.
Pendant quarante jours, je célébrai ses funérailles, puis je pla-
çai le c'orps saint dans mon tombeau.
En ce lieu se trouve aussi, mais dans un autre sarcophage, Ni
codème, l'ami du Seigneur. Les Juifs l'ayant chassé de leur ville,
j'eus ainsi occasion de lui donner asile pendant sa vie et après sa
mort.
Va ! dis à Jean, évêque de Jérusalem, d'ouvrir les sarcophages,
afin que plusieurs obtiennent miséricorde du Seigneur !
Ayant parlé, le vieillard disparut.
Lucien n'osa confier cette vision à personne, car il craignait que
ce ne fût un rêve.
— Peut-être, se dit-il, ai-je eu la fièvre ?
Il pria, jeûna, fit d'abondantes aumônes et supplia le Saint-Esprit
de l'éclairer.
Le vendredi suivant, le prêtre s'éveilla en sursaut.
Le vieillard, vêtu de blanc, était devant lui.
Il portait trois corbeilles : deux étaient d'or, la troisième
d'argent.
— Obéis ! dit-il, interpellant Lucien et lui désignant, d'un regard
sévères les corbeilles.
— Que voulez vous me faire comprendre ? fit timidement le
prêtre.
L'apparition répondit :
— La corbeille d'or aux roses rouges signifie que parmi les osse-
ments dont tu feras l'invention se trouvent *ceux d'Etienne, pre-
mier diacre de la Sainte Eglise, mon élève, qui donna sa vie pour
le Christ.
La corbeille d'or aux roses blanches symbolise Nicodème; il re-
pose près d'Etienne.
La corbeille d'argent, remplie des lis dont tu admires la blan-
cheur, représente mon fils Abibas, pieux et doux enfant, qui, à
l'âge de vingt ans, sortit de ce monde sans avoir souillé son âme.
Cherche ces restes sacrés : Dieu le veut !
Lucien se leva.
Avec grande ferveur, il célébra le Saint Sacrifice de la messe et
jeûna toute la semaine.
Une troisième fois, un vendredi, pendant la nuit, il revit le
vieillard : son visage reflétait une morne tristesse.
Le prêtre lui dit que, craignant d'être le jouet d'une hallucina-
tion, il n'oserait se permettre de proposera l'évêque Jean la
recherche des reliques.
— De la part du Seigneur, je t'ordonne d'annoncer à l'évêque
de Jérusalem que la terrible sécheresse dont soufi'rela terre cessera
dès que le corps du martyr de la foi aura été mis au jour.
418 LE PROPAGATEUR
Obéis !... Obéis ! répéia plus sévèrement encore l'apparilion.
Lucien, saisi de crainte, promit de ne plus différer. Il partit pour
Jérusalem.
Loin de prendre la narration du prêtre pour le délire d'une
imagination malade, " l'évèque Jean et son clergé versèrent des
larmes de joie " à la pensée qu'il leur serait donné de vénérer les
restes du premier diacre.
Au bourg de Caphargamala, proche de l'église, il y avait un
monceau de pierres. Les anciens du pays savaient, des plus an-
ciens encoie, que parmi ces pierres quelques-unes avaient servi à
lapider Eiienne.
Ou fit des fouilles sous le las.
"■ Vint à passer un moine nommé Migèce,"
— Ges.-ez de déblayer, dit-il, car cet endroit, aux temps reculés,
servait uniquement à déposer les corps au moment des funérailles.
— Mon Frère, questionna l'évèque Jean, comment savez-vous
qu'il n'y a rien sous ces pierres ?
— Celte nuit, répondit modestement Migèce, le docteur Gama-
liel m'apparut et m'enjoignit de dire à Jean, évêque de Jérusalem
et au prêtre Lucien d'aller à Débalalia faire l'invention du corps
d'Etienne qui s'y trouve t-nseveli.
Lucien, plusieurs membres du clergé et le peuple ne tardèrent
pas à se rendre à Débalalia.
"En effet, lorsqu'on eut creusé la terre, on découvrit trois coffres
avec une pierre, sur laquelle éiaient gravés, en gros caractères, les
noms suivants : Chéliel, Xasuam, Gamaliel, Abibas.
" Les deux premiers son; syriaques, ils reviennent à ceux d'E-
tienne ou de Couronné et de Nicodèmeou Victoire du peuple.
" Lucien informa aussitôt Pévêque Jean de ce qui venait d'arri-
ver, il était en ce moment au Concile de Diospolis et partit sur-
le-champ avec les évêques de Sébaste et de Jéricho.
" Le sarcophage d'Etienne fut ouvert. A l'instant, la terre trem-
bla et un parfum céleste s'éleva des ossements.
" Soixante-treize malades, qui se trouvaient parmi la foule,
furent guéris instantanément."
L'enthousiasme fut à son comble : le peupe, se formant en cor-
tège, au chant de psaumes, transporta le corps saint à Jérusalem,
€n l'église de Sion.
Et, selon la promesse faite à Lucien par le docteur Gamaliel, la
nuit d'un vendredi, une pluie abondante arrosa la terre et lui
rendit la fertilité dont elle était privée depuis longtemps.
Cet épisode de l'invention des reliques msignesde saint Etienne
a été rapporté par le prêtre Lucien lui-même.
On le lit dans les œuvres de saint Augustin.
ni
Le grand évêque d'Hippone reçut, en l'an 425, une partie des os-
sements du premier diacre. Il les exposa, à la vénération du peuple,
dans une châsse splendide.
LE PROPAGATEUR 419
Augustin fut témoin de soixante miracles opérés par l'interces
sion du martyr.
Nous eu citerons quelques uns :
Un jeune homme vint à mourir. Irénée, son père, plongé dans
le désespoir, allait le porter au champ du repos, quand soudam il
fut inspiré de verser sur la tête du défunt l'huile qui brûlait â
l'autel du saint : le mort ressuscita.
Mais le miracle le plus retentissant est celui dont fut favorisée
une des familles les plus en vue de Césarée,
Un père, dit saint Augustin, avait mal élevé ses enfants, au
nombre de dix : sept garçons et trois filles. Les exemples les plus
détestables avaient été mis sous leurs yeux. La mère ne valait
guère mieux que son mari, et jamais elle n'engageait ses enfants
à, assister aux offices, ni aux instructions religieuses.
Le père mourut.
Les enfauts se mirent à s'amuser, puis à dépenser avec prodiga-
lité, puis à mal se conduire, et la veuve les maudit.
Aussitôt, ils furent saisis d'un tremblement dans tous les mem-
cres, tremblement qui les défigurait affreusement.
On les regardait avec épouvante.
Pour les uns, ces malheureux étaient des objets de pitié, pour
les autres, des sujets de moquerie.
Il erraient en tous lieux.
Deux de ces infortunés — Paul et Palladie — vinrent à Hippone^
«n 425,
Le matin du jour de Pâques, Paul, versant d'abondantes larmes,
s'en fut prier devant la châsse de saint Etienne : il se releva guéri
et courut se jeter aux pieds d'Augustin.
L'évêque le bénit et l'embrassa. Alors, montant en chaire, il fit
part à son peuple du miracle qui venait de s'opérer.
Il parla aux parents de l'exemple qu'ils doivent à leurs enfants,
aux enfants du respect qu'ils doivent à leurs parents, et présentant
le jeune homme aux fidèles, Augustin dit:
— Voici Paul, guéri par l'intercession du glorieux martyr, et
voilà Palladie, qui subit encore la malédiction de sa mère.
La jeune fille, en proie à d'horribles convulsions, était proster-
néesur le parvis du temple et écoutaiten pleurant les émouvantes
paroles de l'évêque.
Soudain, elle se lève et s'écrie :
— Gloire à Dieu au plus haut des cieux !
Elle aussi proclamait sa guérison.
Le sermon, ainsi interrompu, est venu jusqu'à nous et plusieurs
-autres encore que le grand Augustin a prononcés devant ses
ouailles pour faire connaître les miracles nombreux opérés par
l'intercession du premier diacre de l'Eglise.
Etienne, pendant sa vie, jouissait de la faveur du peuple. Il en
jouit encore après sa mort : les sculpteurs, fondeurs, potiers et
tailleurs de pierres l'ont choisi pour patron.
C'est le vœu de l'Eglise que la piété envers saint Etienne»
premier martyr, soit ranimée parmi les chrétiens.
LE PABADIS TERR
ET LA RACE NEGRE
Par Fabbé DESSAIL.L.Y
1 vol. in-l'i Prix : 90 cts.
■^ Nous présentons au public un livre dont le titre indique la pré-
tention où nous sommes de donner une solution scientifique et
définiiive à la double quesiion de l'emplacement du Paradis ter-
restre et de l'origine de la race nègre. De ces deux solutions, la
plus impoitante n'est pas la première, mais plutôt la seconde, qui
intéresse à la fois l'histoire, la véracité de la Bible et celle de la
tradition classique.
Il y a, dans le chapitre II de la Genèse, une indication qui a
dérouté les interprètes catholiques et les savants contemporains ;
c'est que l'un des fleuves paradisiaques arrosait l'Ethiopie, que
Moïse appelle la Koussie. Cette indication, si déconcertante au
premier abord, e!«t justement la preuve éclatante de la sûreté et
de l'antiquité de la science historique et géographique de l'écri-
vain sacré.
Les mouvements géologiques quotidiens du Globe n'ont pas
notablement changé sa configuration ; les contrées géographiques
sont à peu près aujourd'hui ce qu'elles étaient il y a des milliers
d'années, mais les sociétés qui les ont habitées ont subi mille
changements. Des peuples nouveaux se sont mêlés aux peuples
anciens, les ont dominés, leur ont succédé, pour constituer des
nations nouvelles ; avec les peuples, les langues ont succédé aux
langues, les noms géographiques, à travers les âges, se sont altérés,
ont même disparu, pour faire place à des noms plus récents ; avec
la langue se sont transformés les sons, les appellations, les lois,
les mœurs, la civilisation. L'histoire, qui retient toutes ces choses
du passé, n'est que le récit de la perpétuelle mutabilité des hom-
mes et des choses. Son rôle, gardant le souvenir de ce qui n'est
plus, est à la fois d'en faire un perpétuel présent.
Parmi ces souvenirs qu'elle avait d'abord fixés, les uns, mal gar-
dés, se sont évanouis, les autres, par le concours de diverses cir-
constances, sont mis de côté et ne produisent plus leurs précieux
témoignages. De nos jours, l'hostilité religieuse, qui est au fond
de toutes les thèses scientifiques modernes, prend soin d'écarter
certains vieux souvenirs. En même temps qu'elle s'appuie sur les
traditions les plus invraisemblables et les moins autorisées, elle
LE PROPAGATEUR 421
rejette les traditions vraiment historliues, qui la gênent ; elle
voudrait donner le change, en ne se réclamant alors que des sci-
ences naturelles. Inspirés par elle, les savants ; à leui suite et
inconscients, des écrivains catholiques mêmes, des prêtres passent
sans paraître la connaître, devant la tradition biblique et historique
qui rattache la race nègre à la racenoachique, et ils abandonnent
comme chose indifférente, la discussion de cette origine aux di-
vagations d'une anthropologie incertaine et incoh3rente.
Nous avons la prétention de ne pas subir cet entraînement, de
replacer la question sur son véritable terrain, qui est celui de la
tradition historique, d'éclairer et de fortifier celle-ci de toutes les
lumières des sciences n iturelles. Interrogées dans ce qu'elles ont
de certain, elles sont unanimes à confirmer le récit mos lï |ue, in-
terprété par la tradition universelle de l'antiquité. Elles font voir
que Moïse n'était plus compris, à cause de l'ancienneté même de
son affirmation. La science émet donc une prétention insoutenable
de vouloir se substituer à la Bible et à l'histoire. Si elle les ^claire
aujourd'hui sur le point particulier que nous traitons, si elle les
remplacerait au besoin, hier elle était muette ; hier, il y a dix ans
nous n'aurions pu écrire tout ce que nous écrivons dans cet ou-
vrage ; la science ne nous en aurait pas fourni les élém nts. En
niant la tradition, sous le vaniteux prétexte qu'elle n'est pas une
affirmation scientifique, elle envahissait un domaine qui n'est pas
le sien ; annexe de l'histoire, elle voulait l'étouffer sous l'étreinte
de ses négations tapageuses. Aujourd'hui elle est forcée de -e ren-
dre à merci. La linguistique, l'anthropologie ont reconstitué les
anciennes races de l'Asie antérieure ; elles nous y font voir cette
fameuse Kouschie, que Moïse avait signalée il y a bientôt quatre
mille ans, qui était proche du Paradis terrestre, dont la notoriété
était telle à l'époque où il écrivait, qu'il en donne le parcours
comme le signe distinctif d'un des fleuves de la région paradisiaque!
Quel nouveau triomphe pour Moïse, pour la tradition ca!h)lique
et historique ! Quelle nouvelle humiliation pour la science, qui
veut créer la véiité, au lieu de se contenter de son rôle déjà si
beau de la confirmer par des preuves nouvelles et d'en être l'au-
xiliaire.
Quant au Paradis terrestre, cet ouvrage n'estpasleseul où noua
ayons essayé d'en déterminer l'emplacement. Le savant abbé
Moigno, dans ses Splendeurs de la Foi^ avait cru devoir se décider
pour Jérusalem. L'idée mystique, des rapprochements reiio-ieux
plus ou moins spécieux avaient dirigé si pensée et sa plum-:! plus
que les recharches scientifiques. Quand nous composâmes en com-
mun l'ouvraga : Les livres saints et la science, nous lui déclarâmes
qu'à nos yeux, cette opinion était insoutenable; il consentit à nous
laisser produire celle que nous défendons encore ici. Ooligé de
nous borner, nous ne lui donnâmes alors pour appui que la con-
formité des lieux avec ceux décrits par Moïse. En 1889, parut,
dans le journal rZ7/îiyers, un article, qui concluait, en vertu de
révolutions géologiques supposées, à la possibilité de reconstituer
en Arménie les différents détails de la géographie du récit géiié-
422 LE PROPAGATEUR
siaqne. Cette thèse nous parut sans fondement ; elle nous amena
à publier dans la Revue du monde catholique, une élude sur le
Paradis terrestre, où nous développions les preuves que nous
n'avions pu produire dans l'ouvrage : Les livres saints et la science.
Nos articles furent critiqués. On nous objecta que notre em-
placement du Paradis était sous l'eau, à l'époque d'Adam. On nous
reprocha d'avoir passé légèrement sur l'opinion du monde savant
et du monde instruit, qui considère le Pamir comme le berceau
adaraique et noachique du genre humain. Nous nous reprochâmes
à nous-même de n'avoir traité qu'indirectement la question nègre,
qui exigeait à la fois que nous donnions une commune origine
aux négritos de T'Asie et aux nègres de l'Afrique, et que nous
identifiions cette double race nègre avec la race Gouschite, pour
les rattacher, par ce lien, à la grande famille noachique.
C'est pour compléter toutes ces lacunes que nous avons entre-
pris celte publication. Cette fois, sommes-nous irréfutables et
sommes-nous complets ?
Gomilets, nous le sommes. Nous avons traité avec un déve-
loppement suffisant tous les points qui se rattachent à la com-
munauté d'origine des deux grands rameaux nègres et à leur
identité avec les Couschites de la Bible et de l'histoire.
Sommes-nous irréfutables ? nous le croyons également. Nous
ne disons pas que le progrès des sciences n'apportera pas de nou-
veaux matériaux, qui viendront, non pas éclairer davantage, mais
corroborer notre démonstration.
Que des missions scientifiques, comme celles de M. Dieulafoy
en Susiane, se multiplient dans l'Asie antérieure et jusque dans
les Indes, les études ethnographiques auxquelles nous nous som
mes livré, ne ferontquesedevelopper,etentourer!d'une nouvelle évi-
dencePexistence primitive des Négritos dans ces vastes régions. Les
études iranniennes, à leur tour, sortiront de l'ère des probabilités
pour entrer dans le domaine de la certitude. Ce seront de nouvelles
lumières, mais qui ne sont pas nécessaires à nos conclusions pour
les rendre certaines. La certitude, elles l'ont dès aujourd'hui,
nous croyons du moins qu'ainsi en jugeront les esprits impar-
tiaux qui nous feront l'honneur de nous lire.
Enfin on trouvera peut-être que notre ouvrage manque d'unité,
puisque nous juxtaposons deux points qui paraissent si différents.
Ils sont au contraire intimement unis ; on ne peut s'occuper de
l'un sans traiter l'autre. Comment retrouver le Gehon^ si l'on n'a
pas leconrs à son signe distinotif, qui est de baigner l'Ethiopie ?
Où donc était située cette Ethiopie, telle est la question qui sur-
git de suite, qui arrête fatalement, pendant de nombreux chapitres,
la solution cherchée. L'absence apparente d'unité est inévitable
dans ce sujet ; les deux questions sont connexes. Enchevêtrées
dans le récit mosaïque, nous avons dû subir l'enchevêtrement
dans le commentaire de ce récit. La thèse du Paradis terrestre y
perd peut-être un peu de sou intérêt, à cause de l'interruption
que sa marche éprouve, mais nous la résumons au chapitre XXVII
et elle reprend, parce résumé, toute sa force de démonstration.
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M. Henri Boissard, l'éminent défenseur de Mgr Goothe-Soulard, Archevêque
d'Aix, a consacré aux deux vohimes de M. l'abbé Kannexgieser, récemment
publiés sous le litre de " Calholiques allemands" et "Réveil d'un jMuple",
deux études très approfondies que nous croyons intéressant de mettre sous les
yeux des lecteurs du présent ouvrage.
Catholiques Allemands : Voici un livre qui arrive à son heure.
Tous les catholiques français devraient le lire-, l'œuvre n'est pas
méritoire, car, quand on j'a commencé, on ne peut s'en détncher.
M. l'abbé Kannengieser est Alsacien; il connaît parfaitement
l'Allemagne, il a en l'occasion de voir fréquemment Windhorst:
cela explique la manière intime et vivante dont il a su mettre en
relief cette physionomie si pleine d'intérêt. On trouve dans ce
petit volume l'histoire de la lutte héroïque que, sous la direction
de ce chef éminent, les catholiques allemands ont soutenue contre
le gouvernement le plus puissant de notre temps, et qui a été cou-
ronné par la victoire. On y voit l'accord admirable des évoques
donnant le mot d'ordre, les laïques organisant l'action politique,
du peuple catholique marchant comme un seul homme à la reven-
dication de ses libertés contre une majorité compacte de protestants
soutenue par le glorieux empereur Guillaume et son terrible
chancelier.
424 LE PROPAGATEUR
En lisant ces pages si vivantes, si vibrantes, on se sent fortifié,
on comprend l'utilité de la lutte, on voit clairement la possibilité
de vaincre, on rougit du peu qui chez nous a été fait jusqu'à ce
jour, on voudrait sur l'heure engager la bataille.
Il y a là presque un danger, car. avec la furia francese qui varie
dans ses formes, mais qui reste toujours un des traits saillants de
notre caractère, beaucoup de nos jeunes prêtres pourraient se
croire, du jour au lendemain, en mesure d'affronter la presse, les
réunions publiques, la tribune, et se jeter en avant à la baionnette,
contre des ennemis trop fortement retranchés pour qu'on puisse
les culbuter du premier coup.
Quand nous avons dévoré en quelques heures le beau volume de M.
Kannengieser^ n'oublions pas que la lutte qu'il raconte a duré vingl
ans; n'oublions pas que c'est par des efforts constants, prolongés,
par une discipline rigoureuse,' par une persistance obstinée, que
nos voisins ont réussi ; n'oublions pas surtout qu'à beaucoup
d'égards ils se trouvaient dans des conditions plus favorables que
nous.
On ne pouvait pas sérieusement les combattre en les représen-
tant comme des adversaires du gouvernement établi. Bismarck l'a
essayé sans doute, car les ennemis de l'Église ne reculent jamais
devant la calomnie ; mais, au fond, le pays comprenait que les
catholiques n'avaient aucun grief contre la constitution impériale,
et qu'on peut combattre avec la dernière énergie les mauvaises lois
d'un gouvernement sans vouloir pour cela le renverser.
Chez nous, pendant longtemps, cette vérité a été moins claire,
et dès que nous attaquions une mauvaise loi, on nous dénonçait
comme des ennemis irréconciliables de la République II a fallu
l'intervention du Souverain Pontife pour rétablir la vérité sur ce
point. Assurément, les républicains continueront, même après
l'encyclique, à soutenir que nous rêvons le renversement de la
Constitution, chaque fois que nous revendiquerons un de nos
droits ; mais on les croira de moins en moins, car le peuple sait
que le Pape ne ment pas : il sait que sa parole est une loi pour les
catholiques; peu à peu on s'accoutumera à nous voir combattre
les lois mauvaises, sans en conclure que nous travaillons à détruire
le gouvernement établi.
Mais les catholiques allemands avaient sur nous un autre avan-
tage bien plus capital encore : c'est l'influence que le clergé avait
conservée sur le peuple.
M. l'abbé Kannengieser a su mettre en relief les causes de cette
influence; elle tient au rôle social considérable qu'a su assumer
le prêtre allemand dans la communauté catholique, aux relations
constantes, intimes, qu'il entrelient avec chaque membre de cette
petite société qu'on appelle la paroisse, à l'intelligence qu'il consa-
cre à découvrir toutes les causes des souffrances populaires, au
dévouement qu'il déploie pour les guérir.
Malheureusement la situation de notre clergé est bien différente
de celle-là. Soyons justes, il faut l'en plaindre plutôt que l'en
blâmer. Chez nous, depuis cent ans, on a répété à satiété que le
LE PROPAGATEUR 425
prêtre doit se confiner dans Véglise ; les catholiques eux-mêmes se
sont faits les échos de ce sot préjugé ; dans les séminaires on l'a
propagé sans s'en douter, en recommandant à tout propos et par
dessus tout la prudence.
A force d'attendre qu'on vint à lui, le prêtre s'est peu à peu
accoutumé à l'isolement; il a perdu l'habitude d'être le confident
des familles, l'ami des enfants, le protecteur des faibles, le conseil,
le soutien, la providence de tous ses paroissiens ; il a fini même
par être supplanté dans le grenier du pauvre et au chevet des
malades par la sœur de charité, qui y est mieux accueillie. Relégué
dans son église, il lui a semblé qu'il avait surtout pour mission
de l'entretenir, de l'orner, de l'embellir, espérant ainsi y attirer
ceux qui n'y venaient pas, et à mesure qu'il l'ornait plus, on la
désertait davantage, car sur ce terrain du luxe extérieur il est
vaincu d'avance. A la longue,', a foule s'est habituée à considérer
le curé comme principalement chargé d'organiser des chants, des
morceaux oratoires, des effets d'orgue, de lumière et de fleurs,
pour embellir le cérémonial dont les familles qui se respectent
aiment à entourer les naissances, les mariages et les morts ; comme
si le clergé paroissial était surtout une administration des pompes
religieuses.
// s'agit aujourd'hui de revenir à la vérité. Il est temps que le prêtre
sorte de la sacristie pour remplir son rôle^ pour être Vâme de la
paroisse^ le père de toutes les âmes que Dieu lui a confiées. Voilà
l'effort le plus difficile, mais le plus nécessaire, car une armée
n'est solide que quand les soldats connaissent leurs chefs et ont
confiance en eux. Le siiccès arrivera beaucoup plus vite qu'on ne
croit, si on a le courage de rompre la glace, car le peuple n'a
aucun motif réel de se défier du prêtre; il sait aujourd'ui que le
prêtre est un enfant du peuple, qu'il est pauvre, qu'il est persécu-
té ; quand il le verra dévoué du matin au soir au soulagement de
tous ceux qui souffrent, à la formation morale des enfants, des
jeunes gens, à la bonne harmonie des familles, les préjugés qui
restent encore s'évanouiront promptement.
Persuadons-nous bien d'ailleurs que, dans les efforts qu'ils ont
faits pendant vingt ans, les catholiques allemands n'ont pas toujours
réussi du premier comp et qu'il a dû se produire plus d'un faux
pas.
Sans doute, il pourra arriver qu'un jeune prêtre, tout enthou-
siasmé du livre de M. Kanuengieser, se jette un peu imprudem
ment au plus fort de la mêlée. A l'heure où l'audace est nécessaire
il se trouve toujours des téméraires. Quelques maladresses seront
commises, et avec notre nervosité habituelle, nous serons disposés
à crier bien haut que tout est compromis. Promettons-nous
d'avance de ne pas céder à ces impressions exagérées, de rester
calme en présence de quelques échecs, et surtout de ne pas tirer
sur nos blessés. On n'apprend pas à nager sans faire quelques
plongeons ; tendons la corde à ceux qui se lanceront trop vite, au
lieu de nous exclamer sur leur imprudence et de les laisser au
fond.
26
426 LE PROPAGATEUR
L'heure est venue d'agir: le mérite de l'ouvrage de M.
Kannengieser est de nous tracer l'exemple d'un clergé et d'un
peuple qui ont peu parlé et beaucoup agi. Imitons-les, avec la
résolution de ne nous décourager jamais, avec la conviction qu'on
ne réussit qu'en mettant la persévérance au service de la foi.
Henry BOISSARD, ancien procureur général.
Le Réveil d'un Peuple ! Quel titre plein de promesses 1 et le
livre les tient toutes.
Dans un premier volume : Catholiques allemands, M. l'Abbé
Kannengieser avait raconté l'histoire du Kulturkampf, animant
tous les cœurs généreux par celte pensée si naturelle : Pourquoi
ne saurif ns-nous pas faire ce que les catholiques d'Allemagne ont
si bien fait?
Aujourd'hui, M. l'abbé Kannengieser répond vicloribusement
aux découragés qui, pour excuser leur inaction, répètent à tous
propos ! Si les Allemands ont réussi, c'est que leur situation était
bien différente de la nôtre.
Difféienle, je le veux bien ; on ne trouve jamais deux situations
identiques dans l'histoire. Mais était-elle meilleure ? Il suffit de
lire le nouveau volume de M. l'abbé Kannengieser pour se con-
vaincre qu'il y a cinquante ans, sous l'influence délétère du
joséphisme, nos voisins étaient tombés plus bas que nous.
Voyez plutôt, dans le premier chapitre, le tableau lamentable
de ce que peut devenir une nation catholique quand, se faisant
fort de la faiblesse du clergé, le pouvoir civil envahit le domaine
religieux.
Sous le gouvernement de l'empereur sacristain, comme l'appelait
plaisamment Frédéric II, le prêtre avait été ravalé au rôle de
simple gendarme, et la religion n'apparaissait plus que comme
une forme de la police impériale. Non seulement l'empereur
s'arrogeait le droit de nommer les prêtres comme les instituteurs,
mais il prétendait diriger lui-même leur formation dans les sémi-
naires, il révisait de sa main les bréviaires et les lettres pastorales,
il fermait les couvents qu'il jugeait inutiles, il réglait les fêtes
religieuses et fixait le nombre des cierges qu'on aurait le droit
d'allumer aux messes de mort,
" Sa bonté ", s'écrie M. l'abbé Kannengieser, " s'étendait à toute
la nature, même aux curés / ! Avec quelle sollicitude il s'enqué-
rait de ce qu'ils pensaient et de ce qu'ils faisaient 1 " Surtout pas
" de théologie, mes amis, et pas de dévotion ! Prêchez la morale
" et le progrès ". Et Dieu sait comme ils obéissaient ponctuelle-
ment 1 Ne les avait on pas façonnés à la soumission dans les
séminaires généraux ? Ils laissaient le dogme bien tranquille.
" Leur prédication était essentiellement pratique. En entrant
dans une église, on pouvait entendre le curé commencer à peu
près en ces termes: "Mes chers auditeurs, la dernière fois, je vous
" ai expliqué quels soins il fallait donner à la culture des bette-
" raves. Nous parlerons aujourd'hui des engrais. Le fumier,
LE PROPAGATEUR 427
" messieurs... " etc*; et ces homélies d'un nouveau genre étaient
débitées gravement devant un auditoire endormi. Les prêtres qui
prêchaient de la sorte étaient bien notés et bien cotés. Les gros
bénéfices étaient pour eux, et leur intelligence des bonnes fumures
les conduisait rapidement à l'épiscopat.
" Ce que la foi du peuple était devenue dans de pareilles con-
ditions, on le devine aisément. L'indifTérence en matière de
religion fut le premier fruit de ce système affadissant".
De l'indifférence religieuse au relâchement des moeurs il n'y a
qu'un pas. Il fut bientôt franchi. Le peuple, qu'on n'exhortait plus
à la prière, employait ses loisirs autrement; la dépravation gagna
partout du terrain, et le spectacle qu'avait offert l'Allemagne au
temps de la Réforme menaça de se renouveler à la fin du siècle
dernier.
Quand Napoléon 1er, recueillant avec joie les traditions de l'em-
pereur d'Allemagne, voulut appliquer à son profit les doctrines
joséphistes, il prit pour agent le fameux Dalberg, son flatteur et
son ami. Il le fit archichancelier, primat d'Allemagne, métropo-
litain de Miyence, Trêves et Cologne, grand-Duc de Francfort, il
le combla d'honneurs et de dignités pour mieux le tenir dans sa
main.
Les évêques qui, après lui, se partagèrent les débris de sa puis-
sance, n'eurent pas d'abord le courage de réagir. Sous cette direc-
tion avilissante le clergé se laissa aller au plus honteux débraille-
ment. Le bréviaire était relégué au grenier ; des pétitions, signées
par de nombreux curés, demandaient l'autorisation du mariage
pour les prêtres, et, en attendant qu'il fiit peruiis, ils le pratiquaient.
Et qu'on ne dise pas que le mal n'avait pas pénétré dans les
masses populaires. Quand un archevêque héroïque eut enfin le
courage de réagir, les choses en étaient venues à ce point que,
dans certains centres, les catholiques avaient pris l'habitude de
déjeûner avant la communion et qu'il fallut faire une circulaire
pour recommander aux prêtres des villes de se mettre au confes-
sionnal une fois par semaine, aux prêtres des villages de le faire
une fois par moi^.
Le saint archevêque qui trouva dans son cœur la force d'entre-
prendre l'œuvre de résurrection nécessaire et de faire sortir Lazare
du tombeau fut Mgr Vicari. En 1842, à l'âge de 70 ans, il fut
appelé à l'archevêché de Fribourg. Prêtre savant, pieux, humble,
zélé, charitable, nature droite et inflexible, dont aucune promesse
et aucune menace ne pouvaient ébranler les convictions, il ne se
demanda pas si le mal était réparable, il ne se demanda pas s'il
lui resterait assez de vie pour le réparer, il ne se demanda pas
qui marcherait avec lui : il entra sans bruit, mais résolument,
dans la voie que lui traçait sa grande âme, choisissant, selon son
expression, le chemin de la croix ; il entraina bientôt à sa suite les
nobles cœurs, toujours épars au milieu des mines d'un peuple en
décadence, et c'est lui qui a inauguré l'admirable réveil des ca-
tholiques allemands.
Refusant de se soumettre aux ordonnances qui avaient attribué
428 LE PROPAGATEUR
au pouvoir civil la nominalion des prêtres, il choisit ses curés
sans l'assentiment du ministre, il correspond avec eux par des
envoyés secrets que la gendarmerie poursuivait romrae des
malfaiteurs ; ses écrits furent lus en chaire par des prêtres
qu'on jettait en prison ; mais, comme il arrive toujours, " cette
persécution violente secoua fortement le peuple catholique, un
saint enthousiasme courut à travers le pays. Les églises se rem-
plirent de fidèles, là même où la foi n'avait encore que de faibles
racines. Du fond de leur prison, les curés exercèrent une action
plus puissante sur le peuple qu'autrefois dans leurs presbytères,
et quatre semaines d'incarcération étaient aussi efficaces que cinq
années de sermons. Le gouvernement, qui croyait dompter l'ar-
chevêque, devenait ainsi, sans le vouloir, son meilleur agent. "
Le ministère badois allait céder, quand la Prusse envoya Bis-
mai k à son secours : Mgr Vicari, âgé de 81 ans, fut arrêté et
incarcéré avec de nombreux prêtres. Mais, sous la pression de
l'indignation publique, le gouvernement fut obligé d'abandonner
peu à peu les droits qu'il s'était injustement arrogés, et, quand
Mgr Vicari mourut, un autre évêque pouvait dire de lui : " Il a
"lutté et vaincu pour tout l'épiscopat. Si toutes les chaînes de
'' l'Église ne sont pas brisées, on sait du moins que ce sont des
•' chaînes. L'Église ne se laissera plus mettre la tunique de l'esclave."
Voilà le point de départ du réveil d'un peuple. Au milieu de
l'affaissement universel, un seul homme a suffi pour faire renaître
peu à peu dans les cœurs catholiques le sentiment de leur dignité
et de leur force. A partir de ce moment, chacun a fait son devoir.
Les évêques, même les plus timides, n'ont plus osé reculer quand
la lutte était engagée. A leurs côtés, on a vu surgir des laïques
incomparables : Malinckrodt et Windthorst. Le clergé a compris
la nécessité de reprendre son rôle et de ressaisir la direction de
la jeunesse, qui ne lui échappe pas quand il est décidé à tous les
sacrifices pour la conserver. Les ordres religieux, jésuites en tête,
ont inondé l'Allemagne d'écrits populaire?, où la vérité était res-
tituée sur tous les points. Le grand Janssen a révolutionné l'his-
toire en établissant, preuves en main, que les siècles catholiques,
calomniés à plaisir et traités de barbares, sont ceux où la société
a été la plus riche, la plus féconde et la plus heureuse.
Entraîné par de tels chefs, le peuple catholique s'est serré autour
d'eux avec enthousiasme, avec amour, et dans cette Allemagne
où il est en minorité, il a su prendre une importance si incontestée
qu'il est aujourd'hui l'espoir de ceux-là mêmes qui, sans être ca-
tholiques, ne veulent pas voir la nation allemande s'engloutir dans
les abîmes du socialisme.
Voilà l'admirable tableau que M. l'abbé Kannengieser a déve-
loppé sous le titre de Réveil d'un Peuple. Ai-je besoin de dire que
ce volume n'est pas seulement nécessaire aux découragés, mais
que nous devons le mettre aux mains de tous les catholiques pour
développer en eux la confiance et l'ardeur, ces belles vertus des
jeunes qu'il faut aujourd'hui communiquer aux anciens.
Mais ce livre a encore un autre mérite : il doit ouvrir les yeux
LE PROPAGATEUR 42»
ceux qui ne savent voir qu'une des faces de la volonté du Sou-
verain Pontife Léon XIIL
Comme son aine, Catholiques Allemands^ le Réveil cVan Peuple
n'est, d'un bout à l'autre, qu'un appel éloquent à la lutte contre
les oppresseurs de l'Église et, dans sa préface, résumant en quel-
ques mots sa pensée, M, l'abbé Kannengieser la formule ainsi :
Depuis la dernière Encyclique et la lettre du cardinal Rampolla,
le clergé et les catbioliques français peuvent hardiment prendre
en main les intérêts de la religion. On n'a plus le droit de leur
fermer la bouche en leur disant : Vous êtes les ennemis de la
" République. " Le Pape a préparé le terrain de la lutte par des
déclarations qui excluent toute équivoque, et il a proclamé la né-
cessité de la lutte, en s'élevant énergiquement contre les lois anti-
catholiques qui pèsent sur la France. Les catholiques français
n'ont donc qu'à 'àe mettre à l'œuvre. "
Or, Léon XIII avait lu Catholiques Allemands, et il avait chargé
son secrétaire, Mgr Tarozzi, d'en féUciter l'auteur. Après avoir
lu le Réveil d'un Peuple, il a voulu le féliciter lui-môme, par un
bref que les journaux ont publié.
Il est donc impossible de le contester, la volonté du Saint-Père
est bien celle que M. l'abbé Kannengieser avait formulée dans sa
préface ; la lettre pontificale adressée à Mgr l'évèque d'Orléans
en est la confirmation, et si le Souverain Pontife nous recommande
de laisser de côté les discussions poUtiquesqui pourraient épuiser
nos forces au détriment du pays, il veut que, à l'exemple de nos
voisins d'Allemagne, nous consacrions toute notre activité, toute
notre énergie à combattre ceux qui ont comploté d'opprimer, d'as-
servir et de détruire en France la religion de nos pères.
Henry Boissard.
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A L, B Y
RENTE VIAGERE.— SAISIE.
Question. — Suivant une donalioa eatrevifs Jacques P a donné une terre
à son fils à la charge par ce dernier de lui payer une rente annuelle et viagère
de deux Cint vingt piastres. Jacques P me doit la somme de quatre vingt
cinq piastres. Si j'obtiens un jugement contre lui croy'^z-vous que je pourrai
faire saisir sa rente entre les miins de son fils ? On me dit qu'une rente sem-
blable est insaisissable.
F. X. G.
Eéponse. — Si vous obtenez jugement contre votre débiteur
vous pourrez certainement faire saisir la rente qui lui est due par
son fils. Une semblable rente viagère n'est pas insaisissable. S'il
en était autrement les débiteurs malhonnêtes auraient un bon
moyen de se débarrasser de leurs créanciers. Ça serait simplement
430 LE PROPAGATEUR
de donner leurs biens à quelqu'un à la charge par le donataire de
leur payer une pension viagère.
Ceux qui vous disent le contraire ne saisissent pas la différence
radicale qui existe entre une rente qui nous est donnée et une
rente que nous achetons ou que nous acquérons à tout autre titre
onéreux. On ne peut pas rendre insaisissable une rente qu'on ac-
quiert ainsi. " La rente viagère, dit l'article 1911 du code civil^
" ne peut être stipulée insaisissable que lorsqu'elle est constituée à
" titre gratuit^ " (1) c'est à-dire qu'une rente viagère ne peut être
stipulée insaisissable que lorsqu'elle nous est donnée ou léguée.
Ainsi si, au lieu d'un contrat de bienfaisance, le contrat qui inter-
vient entre le crédi rentier et le débi-rentier est un contrat inté-
ressé de part et d'autre, la rente est saisissable comme tous les
autres biens que la loi n'exempte pas spécialement de saisie.
LOI CRIMINELLE
L'Hon. ElzéarTaschereaujugedelacoursuprême, vient de pu-
blier une troisième édition de son ouvrage Criminal Law of Canada.
Le code criminel passé pendant la session de 1892, (55-56 Vict.
Cap. 29) revisé à la session de 1893(56 Vie. chap 32)et en vigueur de-
puis le premierjuillet contient beaucoup de dispositions nouvelles.
Ces changements dans la législation ont nécessité une nouvelle
édition de l'ouvrage.
Celte édition, dit l'Electeur, est aussi enrichie, partout oii l'auteur l'a jugé néces-
saire pour l'inleiligence des changemenis et des raisons qui l'^s ont molivés, des
passages correspondants du rapport du commissaire impérial sur le projetde
codification de 1879 sur lequel a été calqué le dernier code canadien.
Toutes les formules d'indictements ont été revues et adapt'^esaux nouveaux dis-
positifs de la loi, et les précédentes jurisprudences d'Angleterre et des différentes
provinces ont été compilées jusqu'à une date récente. — L'Electeur.
Tous ceux qui s'occupent de droit criminel trouvent cet ouvrage
indispensable. C'est un guide sûr pour ne pas s'égarer dans le dé-
dale de notre léeislation criminelle.
LOI GEARY
Question. — Qu'est-ce que la loi Geary ? Campagnard.
Réponse. — C'esi une loi passée par le dernier congrès des Etats-
Unis. Elle porle le nom de son auteur M. Geary, député de la Ca-
lifornie. Cette loi pourvoit à l'enregistrement des Ctiinois qui ré-
sident aux Etats-Unis, et elle décrète leur expulsion s'ils ne se font
pas ainsi enregistrer dans le délai fixé.
La constitutionnalité de cette Ipi ayant été mise en doute, elle a
été référée à la Cour Suprême des Etats-Unis, et celle-ci l'a décla-
rée constitutionnelle.
'Le délai ainsi fixé par la loi Geary expirait le 5 mai et il parait
qu'un nombre très restreint de Chinois se sont présentés pour l'en-
registrement requis. Le président n'a encore pris aucune mesure
pour faire exécuter la loi.
(I) L'article 558 du Gode de Procédure civile déclare même insaisissables:
*' Les sommes et pensions données à titre d'aliments, encore que le donateur ou
testateur ne les ail pas déclarées insaisissables."
\
LE PROPAGATEUR " 431
GAPIAS
Question. — Je réside depuis plusieurs aanées dans le Rhode-Island et j'y ai
conlraclé des dettes envers une personne qui réside actuellement à Montréal.
Si je vais me promener dans la province de Qiébec, y a-t-il danger, lorsque je
la quitterai pour revenir, que mon créancier puisse me faire arrêter pour dettes ?
Charles M
Réponse.— Vous pouvez venir ici saas crainte d'être arrêté. Le
capias ad respondendum, on bref d'arrestation d'un débiteur qui
est sur le point de quitter immédiatement le Canada (1) ne peut pas
être accordé pour une dette qui a été contractée hors de ses limi-
tes (2). La cour de Révision à Montréal l'a jugé ainsi il y a quel-
ques semaines dans la cause de Rocheleau et Bassette. Dans cette
cause il s'agissait d'une dette contractée aux Etats-Unis. La cour
de Révision a cassé et annulé le capias accordé par la cour
Supérieure.
Votre question est d'ailleurs réglée par l'article 806 du Gode de
Procédure Civile. Cet article déclare que le bref de capias ne peut
non plus émaner pour une dette créée hors de la province du Canada,
ni pour une dette moindre que quarante piastres.
LES ERREURS JUDICIAIRES
RÉPARATIONS DOE? AUX VICTIMES.
Voilà que c'est de la Belgique que viennent les exemples à suivre en matière
de réparation à accorder aux victimes d'erreurs judiciaires.
La cour d'Appel de Gand a rendu, en effet, un arrêt conlamnant l'Etat belge
à payer six mille francs de dommages-inérêts à un M. B-alse, injustement
condamné par le tribunal correctionnel d'Audenarde.
C'est en 1885 qu'une peine de trois mois d'emprisonnement pour diffamation
a été prononcéH contre M. Beatse, qui avait accusé un emplové des postes de
ne pas lui avoir payé un mandat de poste dont celui-ci affirmiit avoir effectué
le payement,
M. Beatse purgea ses trois mois de prison.
Quelque temps après, l'employé des postes sur la plainte duquel il avait été
condamné fut condamné lui-même pour vol et faux. On revisa le procès Beatse,
car on acquit la preuve que l'employé des postes avait apposé la signature de
Beatse sur le fameux mandat et s'en était approprié le montant.
Pour faux témoignage et vol, l'employé des postes fut condamné à six ans de
prison.
Quoique complètement réhabilité au point de vue moral, M. Beatse estima,
fort justement du reste, que l'Etat belge lui devait une réparation pécuniaire
pour l'erreur judiciaire commise. En conséquence il intenta une action en dom-
mages-intérêts contre l'Etat. Celui-ci vient d'être condamné par la cour d'appel
de Gand à six milles francs de dommages-înlérôts envers M. Beatse. — La Presse.
LES CHEMINS DE FER EN FRANCE
Le tribunal de la Seine, France, a rendu, le 16 février dernier, un jugement
qui intéresse tous les voyageurs, trop souvent victimes des retards dans l'arri-
vée des trains.
Une Compagnie de chemin de fer, dit ce jugement, est responsable du préju-
dice causé à un voyageur par l'arrivée d'un train après l'heure réglementaire,
alors qu'elle ne peut justifier que le retard ait pour cause un cas de force majeure.
En conséquence, elle peut être tenue de rembourser à ce voyageur le prix d'u-
ne voiture déplace qu'il a été obligé de prendre pour ne point manquer un
rendez-vous d'affaires pris par lui à heure fixe. — La Presse.
(1) Code de procédure civile art. 797 et s.
(2) Il s'agit de l'ancienne province du Canada comprenant les provinces
ctuelles d'Ontario et de Québec.
GAUTHIER DE LA CALPRENEDE
I EN QUERGY. (sUÎte)
-' Voici, " lui dit-elle, " une petite provision de voyage qui ne
saurait vous embarrasser. Adieu, beau neveu! conduisez-vous
toujours en bon chrétien et en honnête homme, et que Dieu vou?
garde 1 "
" Amen ! belle tante I " répondit le jeune homme. " Je vous remer-
cie ; foi de gentilhomme, je vous promets de suivre vos bons a vis. Si
vous entendez parler de moi, ce sera à l'honneur de nos maisons. "
Elle l'embrassa, le chapelain lui serra la main, et, montant à
cheval, Gauthier s'éloigna, suivi de Colin Dordac.
Il se retourna plus d'une lois pour regarder si quelque jeune
visage, quelque voile blanc agité par une main amie, n'apparaî»
trait pas à une fenêtre du château. Il ne vit rien du tout. Arrivé au
dernier point d'où l'on pouvait apercevoir encore les sveltes
tourelles de Montdragon, il descendit de cheval, s'assit au pied
d'un chêne, et, tirant ses tablettes, écrivit un madrigal peignant
son désespoir. 11 le trouva si bien tourné, qu'il souhaita l'envoyer
à la belle Alix.
Et, comme si une fée eût entendu son souhait, il vit passer une
petite paysanne chargée de cerises et qui se dirigeait vers le châ
teau.
" Allez-vous àMontdragon, ma belle ? " lui dit-il.
Elle était si laide, que le compliment la charma.
"■ J'y vais tout de ce pas, " dit-elle. " On fait les confitures au-
jourd'hui, et mademoiselle Alix m'a promis que j'y travaillerais ."
*' Ecoutez, " dit Gauthier, " si vous pouvez remettre ce petit pa-
pier à mademoiselle Alix, je vous rapporterai de Paris un beau
casaquin rouge, et, en attendant, je vous donne ceci. " C'était une
pièce de douze sous toute neuve. La pastourelle, émerveillée, pro-
mit tout ce qu'il vonlui, et mit le madrigal dans son corset. Puis
elle partit, et Gauthier la regarda s'éloigner. Quand il ne la vit plus,
il remonta à cheval et se remit en route, en poussant des soupirs
capables de faire tourner des moulins à vent. Colin Dordac respec-
ta son silence et sa mélancolie pendant un gros quart d'heure ; puis
il hasarda une petite chanson. Il avaitla voix clairette d'une jeune
fille. Gauthier, au second couplet, entonna la basse, et ils chantè-
rent tant et si bien jusqu'à la dinée, que les bonnes gens, en les
voyant passer, s'écriaient : " Voici de joyeux gaillards ! Que Dieu
les bénisse ! "
Quant à la rustique messagère, elle fit une assez méchante ren-
contre. De petits galopins, qui allaient à l'école par le chemin des
buissons, voulurent lui voler des cerises; elle se défendit comme
un diable, cria, leur jeta des pierres, courut à toutes jambes, et le
précieux papier tomba de son corset. Elle se baissa pour le ramas-
ser, mais le vent l'emporta en tiois bonds il vola dans la rivière, et
les flots rapides de la Dordogne l'emportèrent où vont toutes les
rivières et tous les madrigaux du monde, au fleuve d'oubli.
LE PROPAGATEUR 433
AU LOUVRE.
Plus ne suis ce que j'ai été,
Plus ne SUIS ce que je voudrais êlre^
Mon beau printemps et moa été
On fait le saut par la fenêtre.
(CLKMENT MAROT.)
Le 28 juin 1624, le roi Louis XIII avait posé la première pierre
des consiructions projetées au Louvre, et qui devaient remplacer
le château féodal de Philippe-Auo:iiste, récemment démoli, et se
relier aux façades construites par Pierre Lescot. La journée était
très chaude, et le roi, fatigué, avait désiré se reposer après le dî-
ner, tandis que le cardinal de Richelieu, enfermé avec l'architecte
Jacques Lemercier, discutait les dispositions définitives de ses
plans. Louis XIII s'était endormi dans la chambre de la reine,
située au centre de l'aile construite du temps de Catherine de Mé-
décis, et dont les croisées dominaient le jardin appelé plus tard jar-
din de l'Infante. Restée seule avec le roi, Anne d'Autriche avait
essayé aussi de dormir assise sur un fauteuil ; mais, le sommeil ne
venant pas, elle rêvait tristement. La froideur du roi pour elle, les
tracasseries et l'ombrageuse surveillance du cardinal, et l'ennui,
cet hôte obstiné des palais, assombrissaient le front de cette reine
si enviée, si bonne et si jeune. Elle avait alors vingt-trois ans, et
sa blonde et majestueuse beauté était dans tout son éclat,
La tête inclinée sur sa belle main, elle écoutait. A travers les
volets intérieurs aux trois quarts fermés et les fenêtres entr'ouver-
tes, un murmure lointain, celui de la grande ville, moins bruyan-
te alors qu'à présent, lui arrivait, adouci par la distance. Pour
échapper à ses tristes pensées, la reine chercha des yeux un livre.
N'en voyant aucun dans sa chambre, et n'osant appeler, de crain-
te d'éveiller le roi, elle se leva doucement, s'avança vers la porte
restée ouverte, écarta la portière fleurdelisée, et passa dans le
salon où se tenaient les femmes qui la servaient. A son grand éton-
nement, la reine le trouva désert. La porte de la première anti-
chambre était fermée. Anne d'Autriche s'en approcha, et entendit
un bruit d'éclats de rire contenus, mais tellement joyeux et nom-
breux qu'elle en demeura surprise, '• Qui peut rire ainsi au Lou-
vre ? " se demanda t-elle. Et, entr'ouvrant doucement la porte, elle
regarda dans l'antichambre. La compagnie qui s'y trouvait ras-
semblée était si occupée, qu'elle n'entendit pas le bruit de la porte.
Celte compagnie se composait de toutes les dames de la cour, filles
d'honneur et femmes de chambre de service ce jour-là au Louvre,
ainsi que des gentilshommes et pages du roi. Les femmes avaient
des pliants, les hommes étaient sur des coussins à leurs pieds, et
434 LE PROPAGATEUR
tous écoutaient avec la plus grande attention un très jeune homme
à la physionomie vive et spirituelle et à l'accent gascon, qui, assis
sur le bras d'un fauteuil, leur débitait un conte des plus comiques,
à en juger par la gaieté de l'auditoire.
Anne d'Autriche, ne voulant pas jouer le rôle d'écouteuse aux
portes, referma doucement, puis rouvrant, cette fois avec bruit,
appela : " Madame de Vernon ! "
Celle-ci accourut toute confuse, et s'excusa d'avoir quitté son pos-
te. " Mais, " dit-elle," si Votre Majesté avait entendu ce petit la
Calprenède raconter une histoire, elle nous pardonnerait aisément.
C'est bien le plus divertissant conteur qui soit au monde, et leplus
honnête. Jamais rien dans ses récits n'offense la religion et l'hon-
neur, et il a une verve 1 une imagination ! enfin,c'est une merveil-
le ! "
" Est-il gentilhomme ? " demanda la reine.
'* Oh ! oui, madame, et de bonne noblesse. Tl est de la suite de
M. de Besnac ; c'est un cadet de Gascogne, peu accommodé des biens
de fortune, mais qui a tant d'esprit que rien plus."
" Je souhaiterais l'entendre, " dit la reine ; mais peut-être l'in-
timiderais-je ? "
" Je ne crois pas, " dit madame de Vernon : " il est Gascon, et
il a l'aplomb et fa hardiesse de vingt pages, sans être effronté pour
cela. C'est presque un enfant: il n'a que dix-huit ans. "
" Vous me l'amèrerez demain," dit la reine, '■' dès que le cardi-
nal sera au conseil et le roi parti pour Versailles, et il me dira un
conte en présence de vous toutes. "
" G-;la le rendra bienheureux et bien fier, " dit madame de Ver-
non, et je me fais une fête de lui transmettre les ordres de Votre
Majesté. "
Et ainsi fui fait. Gauthier débuta par un coup de maître : il ra-
conta à la reine une histoire espagnole glanée dans le Romancero
du Cid ; il fit rire, pleurer, puis sourire encore Sa Majesté, et, le
soir même, elle parla de lui au roi. Louis XIII prit goût également
aux récits du jeune homme, et bientôt Gauthier devint un person-
nage très envié à la cour, et très aimé en même temps, car il avait
le meilleur caractère du monde. La reine le pensionna; le roi le
fit gentilhomme de sa chambre, et il mena une vie fort heureuse,
racontant de courtes histoires, écrivant de longs romans, qui se
vendaient fort cher, versifiant a tort et à travers, suivant le roi à la
guerre, choyé, chéri des dames, qu'il n'offensa jamais, et gouver-
nant si habilement sa barque sur les flots agités de la cour, que les
plus vieux courtisans admiraient son adresse et vantaient son es-
prit.
Et la belle Alix ? l'avait il oubliée ? — Oh ! non 1 Plus d'une fois
il décrivit ses grâces naïves, et en dota les héroïnes de ses contes.
Chaque année il se disait : Je ferai un voyage en Quercy. Puis il
suivait la cour, et les jours s'enchaînaient aux jours, l'enlaçant de
liens de fleurs, légers en apparence, mais infrangibles en réalité,
et le temps, pour lui, fuyait d'un vol plus invisible que pour tout
autre, parce que Gauthier ne s'ennuyait jamais. C'était un vrai ro-
LE PROPAGATEUR 435
mancier, comme La Fontaine fut plus tard un vraifablier ; il n'é-
tait point de ces auteurs qui se disent : Je vais habiller d'un conte
telle théorie, telle morale, tel paradoxe qui me plaît, et le faire ainsi
agréer du lecteur. Non : le vrai romancier conte pour conter et
désennuyer le genre humain, ce vieil enfant exilé. Et son art est
pour lui-même une source intarissable de jouissances. Est-il seul,
il voyage dans le monde idéal; est-il en compagnie, mêlé au train
ordinaire des choses, les livres, les hommes, les respects de la natu-
re, les merveilles des arts, le beau, le laid, tout, j usqu'à l'ennuyeux,
devient, à travers le prisme de son imagination, matériaux à met-
tre en œuvre pour élever ses frêles édifices, les illuminer de fan-
tastiques lueurs, les peupler, et créer ces types idéals dont le sou-
venir se gravera dans la mémoire des hommes et survivra sou ven-
tes fois à celui de l'auteur. En eJSet, il y a presque de l'érudition
aujourd'hui à nommer Gauthier de la Calprenède, quoique ses ré-
cits aient charmé l'élite de la société française du grand siècle ;
mais partout, en France, même parmi des gens qui savent à peine
que Louis XIV a existé, vous entendrez dire : fier comme Artaban;
et de tant de coups d'épée, de tant de coups de plume que donna
le gentilhomue romancier, il est resté cela. — De beaucoup d'écri-
vains de nos jours, hélas! restera-t-il autant ?
Oui, mais la belle Alix? — y pensait-il? — Sans doute ; mais
rappelez-vous qu'en ce temps-là on écrivait bien peu de lettres,
faute de courriers. Songez que cinquante ans plus tard, et lorsque
Louis XIV eut fait améliorer le service des postes, madame de Sé-
vigné ne pouvait recevoir de nouvelles de sa fille que tous les huit
jours, et que ces nouvelles étaient vieilles de sept ; songez... Enfin,
la vérité, vraisemblable ou non, est que Gauthier n'en reçut que
deux fois du château de la Calprenède. Ces deux missives, venues
à de longs intervalles, lui annonçaient la mort de son grand-père
et de sa grand'mère. Il avait perdu ses parents étant tout petit ; son
frère aîné hérita du domaine, et se garda bien d'y rappeler Gau
thier, de crainte d'avoir à lui donner sa légitime. Gît aîné avait
épousé une demoiselle fort harpagonne, et vivait chiche;nent en
son petit castel. Gauthier, qui gagnait en une année plus que les
terres de la Calprenède ne rapportaient en dix ans, n'avait cnre de
cela.
Mais voici qu'un beau jour maître RochPontac, notaire à Ga-
hors, manda à Gauthier de la Calprenède que son frère aîné ve-
nait de mourir, veuf et sans enfants, le laissanlhéritier de tousses
biens. — Les amis de Gauthier lui conseillèrent d'aller recueillir
l'héritage paternel, et il se décida à demander un congé à la reine
régente. Le nouveau roi, Louis XIV, âgé alors de cinq ans, était
auprès d'elle lorsque Gauthier présenta sa requête à Sa Majesté. Il
eut beaucoup de peine à consentir au départ de son ami la Calpre-
nède, et lui fit promettre de revenir bientôt lui conter des histoires
de guerre. Le petit duc d'Anjou y ajouta la recommandation de rap-
porter beaucoup de raisins muscats; et Gauthier, ayant pris congé
de la famille royale et du cardinal Mazarin, partit dans un équipa-
ge autrement élégant que celui qu'il avait eu pour venir à Paris
vingt ans auparavant.
^36 LE PROPAGATEUR
Gauthier était encore jeune, et surtout pensait l'être, de sorte
qu'il voyageait à cheval, suivi du fidèle Colin Dordac devenu son
écuyer, et de quatre valets bien montés, conduisant deux chevaux
de rechange et deux mulets chargés de bagages. — Il faisait
grand'chère partout, s'arrêlant dans les meilleures hôtelleries ou
les châteaux, et sa reuommée, le précédant, lui valait un excellent
accueil. Festoyé ainsi, et ne se pressant pas, il mit près d'un mois
à gagner le Quercy.
Arrivé à Florac, il fut retenu à l'auberge plus tard qu'il ne pen-
sait par un orage assez violent, et se décida à y passer la nuit.
Après souper, il monta dans la chambre qu'on avait préparée, pour
lui, et le premier objet qui frappa ses regards fut un sablier. Cette
vue, l'heure du crépuscule, le bruit de la pluie qui tombait, lui rap-
pelèrent la soirée passée jadis ail château de Montdragon. Il en rêva
toute la luiit, et, le lendemain, il résolut de laisser ses gens se re-
poser à Florac, et d'aller seul revoir Montdragon avant de conti-
nuer sa route. Il donna ses ordres en conséquence, fit seller son
beau genêt d'Espagne, et, bien habillé, bien dispos, par une jolie
matinée d'octobre, il suivit le chemin bordé de châtaigniers sécu-
laires qui mène de Florac à Montdragon en côtoyant les bords
pittoresques de la Dorgogne. Les vignes, vendangées depuis quinze
jours, étaient encore parées de leur feuillage teint de pourpre et
d'or, le soleil achevait d'effacer les traces de la rosée, et d'innom-
brables fils de la Vierge flottant dans l'air annonçaient un beau
jour.
Après avoir chevauché une heure sans rencontrer personne,
Gauthier vit enfin apparaître au dessus des arbres les girouettes
armoriées de Montdragon, et entra dans le petit village situé au
pied du rocher que dominait le château. A la vue de ce beau cava-
lier au manteau brodé, au feutre élégant orné d'une longue plu-
me blanche, les enfants qui jouaient dans la rue et sur le seuil des
maisons jetèrent des cris d'admiration, et plus d'une ménagère
mit la tête aux fenêtres. Le village ne parut à Gauthier ni plus pro-
pre ni moins gai qu'autrefois. Les mêmes masures, aux toits de
tuiles nuancées ou de chaume envahi par les joubarbes et les vio-
liers, étalaient au soleil guenilles,cages d'oiseaux chanteurs, grap-
pes d'épis de maïs suspendus aux poutrelles, vieilles fileuses assi-
ses sur les marches, groupes d'enfants bruns et alertes comme des
chevreaux. Les mômes mufliers à fleurs pourprées fleurissaient
sur les contreforts de granit de l'église romane, et de grands tour-
nesols semblaient regarder les passants par-dessus les petits murs
de pierres sèches qui entouraient les jardins. Et, comme jadis, la
petite auberge ornée d'une branche de sapin enrubannée témoi-
gnait que de temps à autre, quelques voyageurs s'arrêtaient dans
ces lieux champêtres.
La vue de l'auberge suggéra à Gauthier l'idée de se rendre à
pied au château, afin d'y arriver tout à fait à l'improviste, sans
être annoncé par le bruit des fers de son cheval sur le chemin ro-
cheux. Il mit donc à l'auberge son beau coursier, le recommanda
LE PROPAGATEUR 437
à l'hôte, et, sans plus tarder, la botte levée et le chapeau sur l'o-
reille, gravit gaillardement la montée du château.
Il en trouva la porte grande ouverte. Le vieux portier, assis sur
un banc de pierre, se chauffait au soleil en éclatant des noix, qu'il
jetait à mesure dans une grande corbeille.
" Voici une belle matinée, mon brave, " lui dit Gauthier. "Vos
maîtres sont-ils au logis ? "
" Nos messieurs chassent, " dit le portier, '*■ et madame et ma-
demoiselle Alix sont sur la terrasse, occupées avec les femmes de
lessive, "
La seconde partie de cette réponse reportait si bien Gauthier de
vingt ans en arrière, qu'il se frappa le front et se dit : " Ai-je rê-
vé ? "
Le portier continua ; '* Monsieur veut-il que je fasse appeler ces
dames ? "
" Non point," dit Gauthier:" j'aime mieux les surprendre. Je
suis leur parent, Gauthier de la Carprenède. "
!' Pas possible ! " s'écria le portier en ôtant ses besicles, les es-
suyant et les remettant pour mieux voir,. Mais Gauthier était dé-
jà loin, et, traversant la cour, il ouvrit la poterne et arriva sur la
terrasse.
La lessive d'octobre y était étendue ; et, comme jadis, toutes les
habitantes du château de Montdragon s'occupaient activement à
plier le linge à mesure qu'il séchait. — Parmi elles les yeux de
Gauthier reconnurent bien vite la taille svelte et la brune"^ cheve-
lure d'Alix, et il se dirigea de son côté. Elle était penchée sur une
corbeille où elle empilait des serviettes. Elle se releva grandie,
fortifiée, plus belle que jamais- — Etonnée de voir un étranger à
trois pas d'elle, Alix rougit, et Gauthier s'écria : '• Ma belle cousine,
vous ne me reconnaissez donc pas ? "
" Hélas ! monsieur. " dit-elle, " je ne vous ai jamais vu. "
" Comment ! " dit Gauthier, " vous avez déjà oublié le conteur
et ce soir si charmant, cette veillée délicieuse où, retournant le
sablier, vous jouâtes aussi bon tour à madame votre tante ? "
" Je ne me souviens de rien de semblable, " dit la belle fille en
se reculant à mesure que Gauthier s'avançait.
" Ah 1 " dit-il, " je croyais n'être pas changé ; et il faut que je le
sois furieusement, puisque vous avez peur de moi. Ma chère Alix,
vous n'avez point vieilli, vous : le temps n'a su que vous embellir,
et sa faux près de vous n'a moissonné les fleurs que pour en fixer
l'éclat charmant sur votre visage ; mais enfin, je suis votre cou-
sin, votre serviteur, et je vous suppplie... "
Il mit un genou en terre avec toute la grâce d'un courtisan ac-
compli. " Décidément, c'est un fol' " se dit la belle Alix ; et s'en-
fuyant, elle courut vers le château en criant : " Maman ! maman !"
Une belle matrone, vêtue d'une robe violette et la tête couverte
d'une coiffe de dentelle, apparut alors entre les draps blancs, et,
voyant Gauthier, qui, tout confus, époussetait avec sahoussine la
poussière de son haut-de-chausses, elle lui dit fort sérieusement:
438 LE PROPAGATEUR
"Monsieur, qu'elle est cette méchante plaisanterie? qu'êtes-
vous venu dire à ma fille ? "
"Votre fille, madame ?" dit Gauthier." Votre fille? Mais...
Dieu me pardonne I — C'est vous, mademoiselle Alix ! "
"Dites madame de Montdnigon, monsieur! " dit Alix. " Mais...
Dieu me pardonne I c'est M. de la Galprenède ! Hélas 1 mon cou-
sin, que vous avez grossi ! "
" Vous êtes mariée 1 " fit Gauthier prenant l'air tragique.
'• Hé ! sans doute, " dit la bonne dame, " et cela depuis dix-huit
ans Vous avez pris ma fille pour moi. Quelle enfance, mon cousin !
vous oubliez que vingt ans se sont passés ?... "
" Ma foi !" dit Gauthier, " ]t^ temps ne m'a pas duré i "
'" Ni à moi non plus, " dit Alix ; " mais j'ai quatre enfants, et
cela fait compter les années. Les frères d'Alix sont à la chasse avec
leur père et leur oncle. Ecoutez ! j'entends la fanfare du cor qui
m'annonce qu'ils ont tué un chevreuil I — Ils vont rentrer ; nous
dînerons en famille, ei ma bonne vieille belle-mère sera toute ré-
jouie de vous revoir. Le bruit de vos succès est arrivé jusqu'ici :
nous avons lu vos romans, et je les trouve bien jolis, quoique un
peu longs. Eles-vous marié ? "
" Non, madame, " dit Gauthier, " et c'est votre faute. Pourquoi
n'avez-vous pas répondu à mon madrigal? "
" Quel madrigal? " dit Alix. '' Je n'en reçus onques de person-
ne."
" Pourtant, " dit Gauthier; "je l'avais remis à une petite fille
qui vous apportait des cerises. "
" Ah OUI ! la Margotton, " dit Alix : ''elle me vint conter en pleur-
nichant qu'un joli cavalier lui avait remis pour moi un chiflbn de
papier, mais que le vent l'avait empor:é dans la rivière."
"Perfide Dordogne ! " s'écria Gauthier," tu me le paieras!...
J'en jure par le Slyx, jamais, au grand jamais, je ne chanttrai tes
ondes traîtresses ! — Mais, ma toujours belle cousine, écoutez ! Je
suis riche, célèbre, encore fort présentable; je viens d'hériter du
château de mes pères. J'ai quelque idée de perpétuer leur nom, de
quitter la cour. Me permettez-vous d'essayer déplaire à votre char-
mante fille ? — Je reprendi-ai ainsi mon roman où je le laissai il y
a vingt ans: ce serait bien joli."
" En effet, " dit en souriant madame de Montdragon, " mais ces
choses-là n'arrivent que dans les romans. Elles ne s' ajustent pas
ainsi dans la vie ordinaire. "
" Et pourquoi pas ? j, dit Gauthier, " suis-je laid? suis-je vieux ? "
" Non pas, mon cher cousin : vous êtes un aimable cavalier,
mais Alix est fiancée. "
" Chimène^ qui V eût ditl " s'écaia Gauthier : " fiancée est-ce tout
de bon ? est-elle contente ? "
" La plus contente du monde, " dit madame de Montdragon : "
elle aime son fiancé romanesquement ! "
" Hé bien ! " dit Gauthier en soupirant, " je serai son témoin,
avec votre permission, belle cousine, et, de toute mon aventure, je
ferai un conte qui divertira Sa Majesté la reine 1 " (à suivre.)
NOTES & RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
PREMIERE PARTIE
Livres de piété pour les ecclésiastiques
I- MÉDITATIONS, SUÎle
Le titre de l'ouvrage du P Valuy
nous en a déjà fait connaître le conte-
nu et pressentir les avantages. Les avis
et conseils que l'auteur donne dans son
Directoire podr la retraite ecclési-
astique sont extrêmement précieux ;
précieux aussi les enseignements qu'il
empreunte aux saints, surtout à saint
Ignace, sur l'emploi du temps, les lec-
tures à faire, les prières à réciter, et
sur la manière de s'examiner, le discer-
nement des esprits, le confesseur des
prêtres, l'e^prii catholique, toutes cho-
ses qu'on n'invente pas, qu'il est néces-
saire de savoir, et que le prédicateur
ii'a pas le temps de dire. Si l'on avait
soin de choisir et de consulter son di-
recteur dès le début, on tn recevrait
d'utiles conseils sur la manière de bien
faire sa retraite ; mais le plus souvent
on ne cherche qu'un confesseur, on se
dirige soi-même et le confesseur à qui
l'on s'adresse, suitoul si c'est le prédi-
cattur, n'aura pas le loisir de vous voir
assez souvent et assez longtemps pour
sonder votre âme, en diagnostiquer sû-
rement la maladie, et vous indiquer le
remède à prendre et le régime à suivre.
Le P. Valuy vous sera un très sage di-
recteur ; nous vous engageons vive-
ment, à le consulter.
Le Directoire de la Retraite ecclési-
astique générale devra servir aussi
pour une retraite particulière; mais
pour celle-ci, le Manuel du P. Valuy
coutient de plus les trois méditations
et les considérations pour chacun des
six jours, et la matière de l'Examen
particulier pen^iani la retraite. Il nous
semble que les sujets de ces médita-
tions et considérations sont bien choi-
sis et de nature à atteindre le but de
la retraite, à savoir, le renouvelle-
ment de la ferveur dans le service de
Dieu et du zèle pour le salut des âmes ,
les pensées qui font l'objet de ces ré-
flexions et lectures sont également bien
choisies et présentées avec conci.çion et
d'une manière incisive, avec les textes
de l'Ecriture à l'appui des enseigne-
ments et dcs exhortations.
Après avoir indiqué des choix de su-
jets, pris dans la première et deuxième
partie, pour une retraite de huit jours
et une retraite de quatre jours, le P.
Valuy donne, dans la troisième partie,
les exercices pour la retraite du mois,
qui est assurément l'un des moyens les
plus indispensables et les plus effica-
ces pour persévérer dans les bonnes
dispositions et résolutions de la retrai-
te annuelle. Il présente d'abord des
avis pratiques sur la manière de bien
faire la retraite du mois; il assigne en-
suite pour chaque mois de l'annéf, à
commencer par le mois d'octobre, trois
méditations et deux considérations ; ce
sont, à quelques exceptions près, des
sujets nouveaux, traités d'une façon
sobre et pratique, qui font repasser
pendant l'année les grandes vérités du
salut et les principales obligations et
Vertus da prêtre. La journée devra se
terminer par l'exercice de la prépara-
tion à la mort, que l'on trouvera à la
fin de la première partie du manuel*
L'ouvrage du P: Valuy contient donc
tout ce qui se rapporte à la retraite
ecclésiastique ; il est véritablement un
manuel de retraite très utile, sinon in-
dispensable, à nos confrères.
L'ouvrage que nous annonçons sous
le titre Vérités éternelles, médita-
tions sur les fins dernières, est encore
une retraite ue huit jours disposée d'a-
près les exercices de saint Ignage. Les
méditations qui la composent, au nom-
bre de trois par jour, ont donc pour
objet la fin de l'homme, le péché qui
nous éloigne de cette ffn, et les mystè-
res de la vie cachée, publique, souffran-
te et glorieuse de Jésus-Christ, pour
aboutir à l'amour de Dieu qui est le
dernier but de l'homme ici-bas. Il y a
de plus, pour la fin du cinquième jour
et le commencement du sixième, trois
méditations, dites intermédiaires, sur
les deux drapeaux, les trois classes
d'hommes et le troisième degré de Ihu-
milité ou l'amour du mépris. Ces mé-
ditations sont sufflsammeni, longues,
comprenant deux points et dévolop-
pant pour chaque point les réflexions à
faire et les sentiments qui doivent en
résulter. A la fin du livre se trouvent
les rèeles à suivre dans la recherche
440
LE PROPAGATEUR
des imperfections de son âme, et une
méthode d'xamen sur le désir d'arri-
ver à une sainteté conforme à son étal ;
viennent ensuite huit examens à faire
pendant les huit jours de retraite. L'e-
xamen du premier jour est consacré à
la demande : Quel est l'état de mon
âme ? et considère les diiférents dêgiès
de la pureté du cœur. Pendant les cinq
jours suivants, il est question de la
mortification des sentiments mauvais,
et en particulier du désir de l'estime et
de la considération, de la colère, du
zèle désordonné ; on indique alors les
signes ou effets de chacun de ces sen-
timents à mortifier, et on irace ensuite
les divers actes ou les différents degrés-
de mortification à l'égard de ces senti-
ments. Les deux derniers examens
nous font connaître les dégrès de l'a-
mour de Dieu et de l'amour du pro-
chain. Cette analyse très détaillée des
fautes à éviter, des vertus à pratiquer,
est aussi avantageuse, aussi nécessai-
re que l'examen ; et elle complète très
heureusement l'ouvrage que le P. Perg-
mayr olfre au clergé, aux communau-
tés religieuses et aux fidèles qui veu-
lent mener dans le monde une vie par-
faite.
Un charitable confrère nous a fait
l'amabiltté de nous signaler une lacu-
ne parmi les indications que nous
avons données sur les Recueils de mé-
ditations pour retraite ; et il nous a re-
mis, pour que nous l'examinions, l'ou-
vrage d'un éminent religieux de la
Congrégation du très saint Rédemp-
teur. Nous nous sommes empressés de
le remercier, et nous serons toujours
très reconnaissants à ceux de nos lec-
teurs qui voudront faire profiter leurs
confrères de leur propre expérience, en
nous indiquant les différents ouvrages
qu'ils auront eux-mêmes parliqués et
dont ils auront reconnu le mérite. Ce-
qu'on nous a recommandé, et que
nous voulons recommander à notre
tour après l'avoir étudié sérieusement,
est intitulé : De la conversion quoti-
dienne, d'après saint Alphonse de
LiGooRi. Retraite. C'est un volume in-
12 de 200 pages, imprimé par l'Œuvre
de Saint-Paul ; mais nous craignons
qu'il ne soit pas dans le commerce,
puisque l'auteur nous avertit que son
opuscule est destiné, non au public,
mais aux retraitants. Ce nous est un
motif de plus de l'analyser et de le fai-
a'e connaître plus complètement.
Dans une préparation indispensable
à la retraite, le Père A. D. nous donne
les premières notions sur la conversion
quotidienne : c'est le renouvellement
quotidien de ce que saint Alphonse
appelle " la résolution de se donner
tout à Dieu. " On poursuit par là deux
biens également importants et néces-
saires ; la charité qui sanctifie et la
persévérance qui sauve. Mais le résul-
tat prochain et immédiat est un com-
posé d'actes intérieurs, sanctifiant l'â-
me et venant en temps opportun sanc-
tifier la conduite. Or dans la retraite
qui est de dix jours, on choisit pour
chaque jour un de ces actes qu'il faut
produire d'^ la manière la plus parfaite,
et dont il faut pour ainsi dire informer
lame, et c'est à cela que tendent tous
les exercices de la retraite : rtnstruo'
lion, pour mieux faire comprendre
l'acte; Voraison, pour s'y exercer et
s'y exciter ; l'examen, pour voir les
moyens d'y comformer la conduite, en
la réformant. Nous allons voir, par une
analyse plus détaillée du premier jour,
comment ces différents éléments de la
la retraite se suivent et s'enchaînent.
L'auteur nous signale d'abord cha-
que fois quel est le sujet du jour, quel
est le bui spécial à atteindre, quel doit
être le résultat de nos efforts. Pour le
premier jour, il s'agit de se faire une
idée plus complète de la conversion
quotidienne, pour concevoir un désir
plus vif de l'entreprendre et d'obtenir
les deux biens tout divins auxquels elle
vise.
Aussi Vinstruction du premier jour,
au § I, est-elle consacrée à nous expli-
quer chacun de ces biens, la charité
et la persévéraHce, et à faire ressortir
l'excellence et la nécessité de l'un et de
l'autre ; elle nous indique ensuite les
deux moyens de se procurer ces deux
biens. Ces deux moyens, qui doivent
être l'objet immédiat de la conversion
quotidienne, sont la prière et l'acte: "
la prière, parce que les deux biens à
obtenir sont essentiellement et perpé-
tuellement dons de Dieu ; l'acte, parce
que la charité, qui est en même temps
la persévérance active, -isl une vertu
essentiellement vivante, " qui se déve-
loppe, se fortifie, s'enracine dans l'âme
par la répétition de l'acte de charité
sous ses différentes formes.
à suivre
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Septembre, 1893, Numéro 14
BULLETIJNI
11 Septembre 1893.
*/ Le général Dodds est parti le 10 août pour retourner au
Dahomey. Il avait des instructions secrètes contenues dans des
enveloppes cachetées qu'il ne devait ouvrir qu'après son départ.
Comme on le sait la pacification du Dahomey n'est pas encore
complète, Béhanzin est toujours menaçant et la conquête ne sera
définitive que lorsque ce tyran aura fait sa soumission.
Cette campagne du Dahomey qui v coûté tant d'argent à la
France et qui a vu couler tant de sang généreux, aurait pu être
évitée si on avait voulu suivre les conseils du vice-amiral de
Cuverville en 1890. Faute d'avoir alors suivi ces conseils on a été
obligé de tout recommencer, l'année dernière, dans des conditions
extrêmement défavorables.
Des dépêches de Paris, en date du 4 Septembre, annoncent que
le général Dodds n'entrera de nouveau en campagne^qu'après avoir
reçu des renforts de France,
*/ Un grave événement, qui aurait pu avoir des conséquences
funestes et causer une guerre européenne, est arrivé le 1? août
dernier à Aigues-Mortes, dans le département du Var, en France.
Des Français et des Italiens, travaillant ensemble dans les marais
salants d'Aiguës Mortes, se sont pris de querelle et les Français ont
massacré un certain nombre de leurs adversaires. On ne sait pas
positivement quels.ont été les agresseurs, chaque parti accusant
l'antre.
La nouvelle de ce triste événement s'est répandue immédia-
tement dans toute l'Europe et elle y a causé un malaise inexpri-
mable. En Italie elle a été accueillie par des cris de rage et de
vengeance et par des appels forcenés à la guerre. Des manifesta-
tions anti-françaises ont eu heu en beaucoup d'endroits, notam-
ment à Gênes, à Catane et à Rome où la populace a essayé de
détruire le séminaire français. Des foules immenses parcouraient
les rues en proférant des menaces de mort contre les français et
en acclamant l'Allemagne. C'est la reconnaissance de l'Italie et
c'est ainsi qu'elle récompense la France pour tout ce qu'elle a fait
pour elle. Les dommages causés aux propriétés françaises en
plusieurs endroits sont considérables.
27
446 LE PROPAGATEUR
Les notes diplomatiques se sont succédées sans interruption, des
excuses muluelles ont été faites par les deux gouvernements de
France et d'Italie, des réparations ont été promises et finalement
l'accord a eu lieu : grâce à Dieu la guerre a été évitée encore une
fois.
Un fait indéniable ressort de ces événements et des divers évé-
nements qui se sont succédés depuis le commencement de la triple
alliance. C'est l'antipathie des deux races l'une contre l'autre. De
la part de l'Italie cette antipathie est le résultat d'une grossière
ingratitude, et, de la part de la France, elle est le résultat du dé-
goût que lui inspire cette même ingratitude.
*
*,* La question du Home-Rule vient d'être décidée en Angleterre.
Malheureusement ce n'est pas 'dans le sens de la justice et de la
liberté. Les deux chambres du Parlement ont agi en sens contraire*
L'une a voulu accorder à l'Irlande l'autonomie qu'elle demande
depuis longtemps. L'autre a voulu perpétuer le règne du despotis-
me. Cet antagonisme entre les deux chambres pourrait bien en
définitive être fatale à la chambre haute.
Dans la séance du premier Septembre le bill du Home-Rule a été
adopté par la chambre des Communes à une majorité de 34 voix.
La division a été comme suit :
Pour le bill 301
Contre le bill -. 267
Majorité pour le bill 34
Dans son dernier discours sur la question Mr. Gladstone a pro-
noncé les paroles suivantes que ses partisans ont acclamées tt
qui il faut l'espérer, auront bientôt leur réalisation :
" Nous avons foi dans la liberté nationale, foi dans son efQcacité comme ins-
trument d'éducation nationale. Nous croyons que l'expérience s'étendra sur
tout le vaste champ et sera un encouragemt-nl dans notre travail sur chique
poini. Finalement, nous, sommes assurés que l'adoption de ce projet, après plus
de 80 jours de débat, constituera la mesure la plus importante de toutes celles
qui ont été proposées et qu'un triomphe certain et prochain attend "
Le 8 Septembre la Chambre des Lords a rejeté le bill à l'énorme
majorité de 378 voix sur 460 votants. Le bill n'a ainsi obtenu que
41 voix.
La majorité obtenue par les tories est la plus forte majorité qui
ait jamais été obtenue dans la Chambre haute. Le vote a été pris à
la suite d'un discours véhément de lord Salisbury l'ex-premier mi-
nistre.
" Il a, " dit un»î dépêche, fait une charge à fond de train contre le " home
rule" qu'il qualifia o'atrocité. 11 termina en disant à ses collègues de rester
fidèles à leurs ancêtres qui ont combattu pour l'union de l'empire et de rejeter
a mesure de M . Gladstone. 11 dit que l'Angleterre n'acceptera jamais une révo-
tion du genre de celle que M. Gladstone veut lui imposer.
LE PROPAGATEUR 447
Vingt deux évêques protestants, qualifiés lords spirituels du.
royaume-uni, présents à la séance, ont voté contre le bill.
*
',* Les élections supplémentaires pour la chambre des députés
ont eu lieu en France le 3 septembre. Si les calculs transmis par
le télégraphe sont corrects, le gouvernement actuel peut compter
sur une majorité de 82 voix. Cette majorité, ajoutent les dépêches,
sera réduite à une cinquantaine de voix lorsque les conservateurs
ralliés voteront avec les radicaux.
Les élections ont été fatales aux royalistes dont le nombre est
diminué considérablement, et aux boulangisles qui sont presqu'a-
néantis.
Les radicaux socialistes ont gagné plusieurs sièges et leur chef,
M. Goblet, est élu. Sa majorité est de 1100 voix.
Parmi les principauxconseï valeurs à qui les suffrages populaires
ont été favorables se trouvent Mgr d'Hulst et M. Bandry d'Asson.
Messieurs Paul de Gassagnac, Clemenceau et Floquet ont été
défaits. Les bons patriotes et les amis de la France se réjouissent
sincèrement de la défaite de Clemenceau qui est l'adversaire de
l'alliance avec la Russie.
Sous l'empire de la constitution qui nous régit, une chambre
qui vient d'être élue possède immédiatement tous ses pouvoirs et
elle peut être aussi immédiatement convoquée en session. Il n'en
est pas de même en France où il peut y avoir co-existencede deux
chambres. C'est ce qui a lieu actuellement. Ainsi la chambre qui
vient d'être élue n'entrera en fonctions que le 14 octobre prochain
et les pouvoirs de la chambre à qui elle succède ne se termineront
que ce jour-là. En conséquence s'il était nécessaire de convoquer
les chambres avant le 14 octobre, c'est la dernière chambre des
députés qui devrait être convoquée. Dans ce cas elle ne pourrait
siéger que jusqu'au 14 octobre, car c'est ce jour-là qu'elle cesse-
ra d'avoir une existence légale.
*
V Le 28 août dernier la chambre des représentants des Etats-
Unis a voté l'abrogation de la loi Sherman concernant l'argent.
Une majorité de 132 voix s'est prononcée pour cette abrogation
pure et simple. Le vote a été de 241 voix contre 109. Le bill est
actuellement devant le sénat qui semble être presqu'également
divisé sur la question.
***
*,* Une ligne de navires de commerce vient d'être établie entre
le Canada et la France. Ces navires voyageront entre Rouen et
Montréal en été, et entre Rouen et Halifax en hiver. Ils feront escale
■aux lies St Pierre et Miquelon, Le premier paquebot de cette
448 LE PROPAGATEUR
ligne est arrivé à Montréal hier. Il inaugure cette nouvelle ligne
qui, il faut l'espérer, aura un meilleur sort que ses aînées.
C'est avec joie que nous annonçons la honne nouvellede l'éta-
blissement d'une ligne de navigation destinée à rendre plus faciles
les communications «ntre la France et le Canada et à activer le
commerce entre les deux pays. Ce commerce sera certainen\ent
considérable lorsque le traité négocié l'hiver dernier aura été ra-
tifié par le parlement fédéral et par les chambres françaises.
*
\* Les chefs politiques s'agitent en prévision des prochaines
élections fédérales. Mr Laurier, le chef de l'opposition, s'est mis
en campagne après la grande convention libérale d'Ottawa. Il a
visité la province de Québec où il a tenu plusieurs grandes assem-
blées. Ses partisans se croient certains du succès aux prochaines
élections et ses journaux annoncent qu'un grand nombre de con-
servateurs adoptent la politique libérale. Mr Laurier visite actuel-
lement la provmce d'Ontario.
De son côté le premier ministre, Mr Thompson, vient aussi de
commencer une semblable campagne. Il va visiter Ontario et
Québec et s'efforcer de détruire le prestige de Mr Laurier.
Les deux partis fourbissent leurs armes pour les prochaines
batailles électorales qui seront probablement plus sérieuses que
par le passé.
C'est la première fois, depuis l'établissement de la confédération,
que deux catholiques sont en même temps l'un premier ministre
du Canada, et l'autre chef de l'opposition fédérale.
*/ Du '22 au 25 août inclusivement les canadiens-français des
Etats-Unis ont tenu une grande convention à Chicago. C'est la dix-
huitième du genre. La première a eu lieu en 1865 à New- York,
l'avant dernière, la dix-septième s'est tenue à Nashua, New-Hamp-
shire, en 1888 et la prochaine se tiendra à Fall River, Massachu-
setts, en 1896.
Nos compatriotes des Etats-Unis attachent une grande impor-
tance à ces conventions dans lesquelles ils discutent les grandes
questions religieuses et nationales qui les intéressent.
Les principales résolutions qui ont été votées par la convention
concernent l'organisation paroissiale la naturalisation, la conser-
vation de la langue française et les écoles paroissiales en faveur
desquelles M. l'abbé Charles Boucher a prononcé un discours qui
a créé une immense sensation. Monsieur Boucher était autrefois
curé de 6t. Hilaire, dans la province de Qaébsc, et il est actuelle-
ment curé du Fond du Lac, dans l'état du Wisconsin.
Alby.
JlTJ
X I X^ SIECLE
LES MYSTERES DU SPIRITISME DEVOILES
LA FRANC-MACONXERIE LUCIFERIEXXE
Kêcits d^an Témoin, par le Dr Bataille
Cette publication illustrée parait chaque mois, sous ;
forme de fascicule comprenant dix lit raisons. Prix ■
de chaque FASCICULE de 10 livraisons, 25 cts. 9 sont ;
déjà en vente- Il y en aura 13 en tout.
Chaque fascicule comporte, en outre, un BULIiETlX ;
MEXSUEIj, publié sou«» la direction du docteur ;
Bataille, avec le concours de collaborateurs. Ce bulle-
tin a pour but de tenir les abonnés au courant de lac- ;
tualité, en ce qui concerne les intrigues et manœuvres •
de la secte maçonnique et des autres sociétés secrètes.
lies commniiicatloiis sont reçues à la Rédaction du BUIi*
lETIX MENSUEL, 13 rue de l'Abbaye, à Paris,
Xo da 5 Août 1893
SOSTHAIBE DU 9e FASCICVIiE
Bulletin- Mensuel. — Une innova-
tion utile. — Lettre du Rome. — Ma-
nœuvre maladroite. — Le cis du géné-
ral Gadorna. — Petite correspondance.
Livraisons 8 1 a 90. — L'Hystérie et les
hystériques (suite) : Prédispositiion
atavique ; premiers symptômes du jeu-
ne âge ; crise ; manifeslations d^ la
jeunesse; entrée en jeu du système
nerveux cérébro-spinal; mmifestaiions
de l'âge mùr ; contractures ; imitation
de maladies ; hémianesthésie ; phéno-
mènes cérébraux ; catalepsie ; som-
nambulisme. — L'hypnotisme (hysté-
rie provoqué-") et la suggestion ; le
contrô'e des faits d"hypnot!sme par un
savant ei'cl'^siaslique. — L-s formes
frustes de Thystérie. — La grand-^ hys-
térie hors d'Europe : au Dahomey ; nn
Turquie ; aux In les; crise hystérique
de plus d'un midion d'hommes. — Op-
position entre l'hystérie et la poss^^s-
sion. — La folie. — L'Obsession : L'en-
seignement de l'Eglise en matière
d'obsession et de possession ; le rituel
des pxorcistes. — Les tentations ; l'ob-
session honteuse ; l'obs-^ssion par le
doute. — L'obsession persécutrice : cas
du vénérable curé d'Ars — Les sœurs
maçonnes indépendantes : JulieUe
Lamber, Diana Vaughan. — L'obses-
sion protectrice : cas exceptionnel de la
sœur Vaughan ; Asmo lée et li prèlen-
due queu-- du lion de saint Marc ; une lu-
ciférienne qui refuse de poignar 1er une
hostie ; Sophie Walder et B jrdone : cu-
rieux confit entre le tri-ing e Saint-
Jacques ^'t le triangle les Onze Sept ;
Diana Vaughan protégée par le diable.
Graydres. — Li proc-'Ssiofi sanglin-
le de Djagghernialh. — Le curé d'Ars
obsédé pir le grappin. — Asmodée
offrant son talisman aux palladist^s de
Louisville. — Mésaventure diabolique
survenue à Bor lone. — Le paysan de
Sainl-Mandé obsédé par une apparition
450
LE PROPAGATEUR
sans bras. — La,sorcière de Dampierre et
la Poule Doire.' — La mort de Faust (lé-
gende). — Le soldat de Fontainebleau
(légende). — Portraits de Juliette Lam'
ber et de Diana \ aaghan. — La salle de
police du fort de Viricences (légende).
UNE INNOVATION UTILE
Nous sommes certains d'êtres agréa-
bles à nos lecteurs en adjoignant, à
partir d'aujourd'hui, à la publication de
M. le docteur Bataille, un Bulleliyi Men-
suel gratuit ponr tous nos abonnés, ain-
si que pour les acheteurs au fascicule.
Grâce à ce bulletin, nos lecteurs fi-
dèles seront tenus au courant de l'ac-
tualilé, sans que nous puissions, pour
cela, porter ombrage aux excellentes
feuilles périodiques (journaux el re-
vues), qui, poursuivant le même but
que nous, s'attachent à démasquer, à
combattre les sectes plus ou moins
occultes.
Nous profitons de cette circonstance
pour remercier les nombreux écrivains
de la presse catholique, qui ont bien
voulu annoncer cette publication d'a-
bord, et qui, constatant chaque jour
les services qu'elle rend à la bonne
cause, engagent l'auteur à poursuivre
son oeuvre courageuse, sans se laisser
intimider par les attaques de diverses
natures de ceux que ces révélations at-
teignent ou gênent.
Par l'innovai ion d'aujourd'hui, l'ou-
vrage du docteur Balaille reçoit un
un complément pres-que indispensable.
En effet, les questions soulevées par
l'auteur du Diable au XlXe siècle amè-
nent constamment, entre un grand
nombre de ses leclf-urs et lui, des
échanges de vues du plus haut intérêt,
et il serait regrettable de laisser se per-
dre dans une correspondance privée
c-^rtaines communications, souvent do-
cumentées, ou apportant la dénoncia-
tion de faits qui viennent à l'appui de
ceux relatés par le docteur et les con-
firment avec toute l'autorité de nou-
veaux témoignages.
C'est ainsi qu'au moyen de ce bulle-
tin mensuel plusieurs de nos abonnés,
j à qui nous avons communiqué notre
; projet, se grouperont autour d'un hom-
> me qui, avec la conscience du devoir
accompli, n'a pas hésité à aller au fond
des derniers repaires de la franc-ma-
çonnerie, pour mieux connaître ses
complots antisociaux et son culte luci-
férien, pour surprendre les. secrets de
sa direction internationale et les dévoi-
ler.
Déjà, l'émotion est vive dans ce
monde ténébreux. Nous tenons de
bonne source que les révélations jus-
qu'à présent faites,si elles irritent l'im-
mense majorité des sectaires, donnent,
par contre, à réfléchir à quelques-uns.
Que ceux qui ont des tendances à re-
venir au bien écoutent la voix de leur
conscience ; qu'ils n'hésitent plus, leur
dirons-nous ; qu'ils entrent dans la voie
que le docteur Bataille leur montre ;
et qu'ils sachent, enfin, que l»^s colon-
nes de ce bulletin leur seront grandes
ouvf-rtes, pour travailer avec nous, en
combattant le bon combat, éclairer à
leur tour les malheureux encore abu-
sés, et préparer le triomphe final de
l'Eglise de Dieu. Les Editeurs.
LETTRE DE ROME
Ainsi qu'il vient d'être dit par mes
révélations sur la haute maçonnerie
surexcitent des colères dans le camp
satanique, mais encore elles ont déjà
eu un excellent résultat ; celui de créer
un premier mouvement de défection
qui complétera bientôt le désarroi de
la secte.
Dans le nombre des francs-maçons,
mômes des grades supérieurs et des
initiés sans l'anneau, il en est à qui le
joug pèse lourdement et qui, au fond,
ne demanderaient pas mieux que de la
rejeter. Malheureusement, la plupart
d'entre eux hésitent longtemps avant
de prendre cette résolution salutaire,
non pas qu'ils se refusent à compren-
, dre qu'un serment au prétendu grand
architecte ne saurait lier, mais parce
qu'ils sont arrêtés par diverses consi-
dérations d'ordre matériel.
Au fond du cœur, je fais des vœux
pour qu'ils se décident à surmonter ces
misérables obstacles ; ils ne soupçon-
nent pas évidemment, le bonheur qu'ils
éprouveront en retrouvant la paix de
l'âme dans une réconciliation com plè-
te avec l'Eglise. Néanmoins lorsque le-
LE PROPAGATEUR
451
cas se présente d'un de ces hésitants,
voulant bien correspondre avec moi, il
est luen entendu qu*^ je lui garderai le
se -ret absolu de nos relations, tout en
l'engageant à faire un pas de plus et
rompre publiquement sa chaîne au plus
loi. Voici un cas de C'^ genre. Un des
maçons haut-grades, bien en mesure
de savoir ce qui se passe au sein du
Souv^'rain Directoire Executif de Rome,
m'a fait parvenir la lettre qu'on va lire
et m'en promet d'autres. Je connais
p^rsonnelle^ment mon correspond tnt,
qui, sur une carie jointe à sa lettre, a
inscrit Irois claies supprimant pour moi
tout doute surson identité. Je sais donc,
de a façon la plus certaine, à qui j'ai
air lire, et j-! me port*», auprès de mes
lecteurs, garant de la sûreté des ren-
seignements émanant de celte source;
le secrelaire de L^^mmi lui-même ne
pourrait pas m'en fournir de plus exacts
ni de plus sùr^.
Ces communications, — si elles se
continuent, selon la promesse de mon
correspondant, — paraîtront, dans le
Bulletin Mensuel, sous la signature
" Anlibaph ". Dr B.
" Rome, 12 juillet 1893.
«'Ami,
" Les trois dates que j'écris à part,
sous ce même pli, te rappelleront que
je puis te donner ce titre, et milgré
qu'une énorme distance sépare, non
p'^ul-être nos deux manièr^-s le voir
sur beaucoup de poirils, mais la liber-
té d'action et l'impossibilité oîi je me
trouve (pour assez longtemps encore)
d'imiter ton exempl*^, tu ne te formali-
seras pas, j'en suis sûr, ei tu compren-
dras, en rassemblant tes souvenirs, que
même ce que tu fais à cette heure ne
saurait bris-r notre amitié réciproque.
Pour être ignorée de Lf^mmi, elle n'en
est pas moins un de ces lien- en dehors
et au-dessus d-^ cetle frat^^rnilè des lo-
ges, fausse frat>'rnité, tu l^ sais.
" Du reste, je te le repète, je vou-
drais te suivre, oh oui !... Mais le puis-
je ? Je t'en fais juge, maintenant que
tu as deviné qui je suis. Tu sais ce qui
m'oblige à ne me conii-^r qu'à loi-
Prie pour moi, toi qui n'f^st pas entré
là-dedans cédant à un aveuglement
slupide ou à une folle haine, comme la
plupart de nous, et surtout plains-moi.
" Je t'écris, parce qu'il me semble
que je puis t'étre utile ; tu as des droits
à ce que je te seconde, principalement
pour l'aider à te préserver de leur rage
furieuse. Personn?, de notre temps, n'a
eu le don de les exaspérer autant que
toi. Garde-toi bien de venir en Italie ;
ton com'ite serait vite r*^glé.
" En France, tu es plus en sûreté,
du moins matériellement, mais ils sont
en train de machiner des intrigues
pour te perdre dans l'esprit public ; ils
emploieront contre toi la calomnie, à
défaut de poignard ou de poison.
Prends tes m-sures et tiens-toi sans
cesse sur tes gardes.
"Ton défaut est d'être téméraire. Tu
as pu passer au millieu d'eux sans que
ton but fut soupçonné ; c'est là vrai-
ment un tour de force que tu as accom-
pli. Mais, à présent, les rôles sont ren-
versés, c'est toi qui es devenu l'objectif,
et, si tu ne te méfies pas -uflisamment,
ils t'atteindront, par quelque invention
odieuse, et c^la sur le terrain même où
tu t'es placé. Tu n'ignores pas qu'ils
en ont, de ceux qui pas-ent pour être
de ton parti et qui paraissent le servir,
et qui secrètement sont acquis au
Souv *.* Dir *. Ex *,* Tu ne te délie-
ras donc jamais trop.
" Tu as bien fait de signaler l'orga-
nisation des agents juifs : c'est une
bonne précaution de ta part. Seulement
il est impossible que tu les connaisses
tous, et, en outre, ces agents pourront
toujours lancer contre toi des non-juifs
avec qui ils sont d^ connivence.
" Nous reparlerons toul à l'heure
des me ures qui viennent d'être \mses
pour atténuer, et, s'il se peut, pour neu-
traliser même totalement l'effet de tes
révélations, dont ils ont été d'abord
stupéfiés et dont ils sont maintenant au
paroxysme de !a co;ère; car ils voient
bien que tu gardes contie eux en réser-
ve des atouts sérieux, et au surplus ils
suppos>^nt que tu as conservé des rap-
ports, même parmi les affiliés aux tri-
angles. Je l'avouerai que cela, je le
crois, moi aussi" Tu as dit, par-ci par-
là, certaines choses dont la connaissan-
ce ne peut l'èlre rigoureusement per-
sonnelle : on pointe ici tout ce que lu
écris, et Lemmi affirme que tu es tenu
au cour int par quelqu'un d'Allemagne,
par quelqu'un de France, par quel-
qu'un des Indes (pro )ablement de Cal-
^ cutta, dit-il), et par quelqu'un d'Amé-
' rique, nord ou sud ; mais il n'a pu
réussir encore à découvrir personne.
Qu'il se trompe ou non dans son appré-
ciation, lu auras maintenant à ton ai-
de quelqu'un d'Italie.
452
LE PROPAGATEUR
" Pour te prouver que je ne cherche
pas à te tromper et que je ne vise au-
cunement à m'immiscer dans ta confi-
ance pour faire le jeu de Lemmi, je te
donne immédiatement le mot actuel de
trimestre d'-s triangles (valable pour
juin, juillet, août). C'est : KissovoZa-
gora. Conirôle par tes autres relations
palladiqudS : tu verras que c'est l'ex-
acte vérité. Si tu le publies, il sera aus-
sitôt changé ; mais je t'enverrai illico,
si tu le désirns, le mot de remplacement.
" Voici encore un autre renseigne-
ment, et celui-ci d'une grave importan-
ce. Le public profane lui-môme pourra
le contrôler ; il suffira, en effet, de por-
ter à la tribune du Parlement italien
le fait inouï que je vais le révéler.
" Tous les journaux parlent en ce
moment di' L^mmi, à propos du siège
du Grand Orient d'Italie, qui du palais
Poli, vient d'être transféré au palais
Borghèse. Puisque lu as connu Etiore
Ferrari, lu sais que la préméditation de
ce coup-là n'est pas de fraîche date.
On raconte déjà l'incident des latrines
installées dans la chapelle du premier
étage. On publie le subterfuge à l'aide
duquel le souverain chef d'action poli-
tique a pu se faire louer, par la caisse
d'épargne de Milan, le palais construit
par le Pape Paul V- Mais sais-tu qui
vient de remplir la caisse de la maçon-
nerie italienne, afin de lui permeltrié de
se mettre en frais ? Sais-lu comment le
tour a été joué ?
" Je vais te le dire.
" Un cadeau de six cenl mille francs
a été fait à Lemmi par le gouverne-
ment. Bien entendu, l'opération a
été masquée, et cela sous prétexte
de gratification à Lemmi, non comme
grand - maître italien, mais comme
commissionnnaire des tabacs. Pour-
qui cette gratification ? Le motif allé-
gué est celui-ci : " Pour récompenser
le commissionnaire des " tabacs, qui a
fourni à l'Etat une quantité de tabacs
" américains supérieure à celle éta-
blie. " La qualité serait égalem ni
meilleure que celle fixée par l-s traités.
Tout Cela, c'est une affreuse blague,
comme disent les Parisiens. L'excédant
de la livraison n'est pas en i apport
avec la gratification accordée ; la qua-
lité n'est nullement supérieure. Mais
le plus fort, c'est que Lemmi en for-
çant la quantité demandée, n'avait re-
çu aucun ordre, aucune commande,
et que Grimaldi, le ministre des finan-
ces a agi motu proprio, Gela est donc
un vol pur et simpL', commis au pré-
judice de la nation.
" Je te le répète. Bernardino Gri-
maldi a délivré en secret le mandat de
600,000 francs à Lemmi. — Mais, de-
mand'Tonl tes lecteurs, si tu pubh^s
ma lettre, le président duconseil d^s mi-
nistres, Giolitti, ignore donc cette f ir-
midable escroquerie ? — Non, mon cher.
Et le roi, que dit-il ? — Le roi approuve.
'• Si les lecteurs doutent, donne-leur
la clef du mystère ; apprends-leur que
Grimaldi est 33e, que Gioletti est 33e,
et que Umberto lui-même est 33e Tous
les Irais, comme maçons doivent obé-
issance à Lemmi.
" Voilà comment, dans notre pauvre
pays, le gouvernement subventionne
en cachette le Suprême Conseil et le
Souverain Directoire Exécutif, sous le
couvert de la commission des tabacs ;
voilà comment la caisse du Graml Ori-
ent vient de se remplir, aux dépens
des contribuables, au moment même
oii la nation est dans une extrême mi-
sère !
" Tu peux publier ce fait. S'ils osent
le dém^-ntir dans leurs journaux, qu'un
catholique ou qu'un indépendant de-
mande des comptes à Grimaldi. 11 fau-
dra bien, alors, qu'ils avouent.
" Je passe à ce qui t'intéresse per-
sonnellement.
" Dans ce que tu as déjà publié, il
y a deux choses qui les agacent au su-
prême degré :
•' 1" Tu as déclaré que tu pourras
encore aller, selon ton bon plaisir. et
sans qu'ils s en doutent, dans les tri-
angl' s;
" 2» Tu as laissé entendre que tu
parleras de l'affaire du 1er juin 1884.
" Sur le premier point, ils ne savent
que penser au juste. Les uns suppo-
sent que tu t'es fait donner par mesu-
re de précaution, sous un ou deux faux
noms, des initiations nouvelles avant
ton aventure de New-'Vork, et ils se
cassent la tête pour deviner qui a pu te
délivrer ces diplômes sufiplementaires
dont lu peux encore le servir contre
eux. Les autres disent que tu as inven-
té l'histoire de celle manœuvre habile,
pour les lancer sur des fausses pi>les,
et quH la réalité est que lu as à loi des
palladistes, entrés à ta suite, de qui tu
pourras tirer sans danger des rensei-
gnements, tant qu'ils ne se laisseront
pas découvrir.
LE PROPAGATEUR
453
" Quoiqu'il en soit, le Souv '.' Dir
*,*Ex *,* a arrôlé les mesures suivan-
tes:
" Toutes les initiations palladiques,
faites depuis 1880 inclusivemenl, sont
relevées par ordre de Lerami ; chaque
triangle initiateur devra s'enquérir au
sujet de tout initie à partir de celle épo-
que, en répondant aux questions :
mort? démissionnaire ? resté membre
aciif du triangle ? on bien passé à quel
autre triangle ?
" Ils se sont procuré, — je ne sais où,
par exemple, — ton portrait et l'ont fait
reproduire en carte-album à profusion ;
de sorte que la photographie est envo-
yée maintenant à tous les triangles du
globe.
" Par surcroît, Lemmi a ordonné de
centraliser chez lui la correspondance
triangulaire de tous les inspecteurs et
inspectrices palladistes circulant en
Europe, sauf 'le rares exceslions. Toute
lettr-- de chef à chef, pouvant servir de
base à un rapport d'inspection, doit 1ère
adressée à Lemmi sous double envelop-
pe, l'extérieurfi à son nom, l'intérieure
au nom du destinataire ; la lettre est
donc parcourue par les secrétaires du
Souv ',* Dir */ et transmise ensuite à
deslinaiion. G est dans un accès de co-
lère qae Lemmi a décrète cette mesu-
re; beaucoup proteslent déjà et la qua-
lifient de vexatoire, sans compter
qu'elle fait p-^rdre du temps.
" Tu peux te vanter de les avoir mis
sens dessous. Charleston, avisé, dit que
Lemmi a outre-passé ses droits et que
c'est un coup d'Etat au sein du Falla-
disme.Lemmi tient bon; les Américains
parlent de lui retirer la dir-^ction exe-
cutive et 'le le réduire aux pouvoirs de
grand-maitre d'Italie. Lemmi, qui tra-
vaille plus que jamais à absorber à son
profit les pouvoirs qu'avait Pike (mal
remplacé par le pseudo-neveu de Gaila-
tin Mackey), propose la convocation
d'un '■ Concile Palladisle pour régler
ce différend, qui vient, tu ne l'ignores
pas, à la suite de beaucoup d'aulres
Bref, le gâchis commence.
" En ce (fui concerne l'affaire du
1er juin 1884, ils perdent complète-
ment la tête, et cela tourne au haut
comique.
" Lemmi avait donné, d'abord, à ses
agent'^ l'ordre de nier l'existence même
du Pallalisme ; puis, considérant que
les triangles ne sont pas niables et que
deux documents importants on récem-
ment disparu des archives centrales
(inutile d'ajouter qu'il prétend que c'est
la preuve que tu as des complices), il
s'est ravisé et a modifié ses instructions
premières. A présent, l'ordre est de
répandre le bruit que le Palladium est
une société américaine uniquement
spirite et n'ayanl aucun rapport avec
la Maçonnerie.
" Enfin, tous les survivants de l'af-
faire du 1er juin 1884 ont été invités,
— du moins ceux qui ne sont pas con-
nus du public comme hommes politi-
ques, — à faire les morts, et, au besoin,
à changer de résidence et disparaître
provisoirement.
" D'autre part, ordre est donné aux
agents de les faire passer pour décédés,
d'aller jusqu'à nier qu'ils aient jamais
existé, dti répandre le bruit que tu es
fou ; que sais-je? C'est un des secrétai-
res de Lemmi qui envoie Us lettres,
censément en réponse à des demandes
de renseignement, afin qu'on puisse
les montrer. 11 n'y a pas longtemps, la
Grande-Tignasse (comme tu l'appelais)
dictait une de ces missives., où préci-
bément il faisait écrire qu'au Grand
On-ni on ne connaissait personne de
son nom ; tu juges s'il riait de bon cœur
en dict int la lettre.
" Je suis convaincu qu'au fond un
bon nombre t'applaudissent ; ,car tu
sais que, somme toute, le maudit juif
du Souv \' Dir *,* de Rome est exécré.
*' Je t'écrirai encore. — Bon coura-
ge; je suis de cœur avec toi.
"Antibaph,"
MAN<EUTRE MALADROITE
Lejuivaillon de Rome ne s'est pas
borné aux manœuvres qu' Antibaph me
signale ; il a chercha aussi à me faire
donner de faux renseignements, espé-
rant me les voir accueillir sans contrô-
le; ce qui lui aurait permis, si j'étais
tombé dans le panneau, de me décla-
rer trompeur; car il lui aurait été faci-
le de démontrer l'imposture, une fois
que je l'eusse eu endos^sée sott-ment.
L^mmi a donc, — le lecteur le sait,
— des agents un peu partout. L'un
d'entre eux, sans doute en cours de
pérégrination, a profile de soa passage
454
LE PROPAGATEUR
à une plage à la mode, pour m'ea-
voyer IV pitre qu'on va lireet que jVii
reçue chez mes éditeurs, au commen-
cement du mois derninr:
" LeTréport, 5 juillet 1893.
" Monsieur le doclenr Bataille,
" Je lis avHC un grand intérêt votre
publication, ayant appartenu comme
vous à des sociétés occulistes. J'ai fait
cinq ans de Palladium, et je crois
même vous avoir rencontré à Constan-
tinople, chez le fr \' Gonsianiin ^pen-
doni, k.idosch et paliadiste, adjoint de
l'agent principal de la Compagnie Rus-
se de navigiition à vapeur. Celait, s'il
m'en souvient bit^n, à la fin de févriw
ou au commencement de mars 1883,
" Vous bouvenez-vous de la séance
de l'imi asse Dundria, rue Té|.é-Bac
{sic), en face le palais de Hollande, à
Péra? Vous sou\enez-vous du pacha
chez qui le fr '/ Haroutyo m Mérif-m-
Kouly, directeur de l'Agence générale
ottomane, et le fr',* conseiller Diéron
YousFOuflîan conduisirent les If/ vi-
siteurs étrangers, le lendemain de la
séance ?
" Nous y trouvâmes le fr '/ Mirza
Mohsin-Khan, qui nous proposa de
prendre un bain de mer, bi^n qu'on
fut en plein hiver, et qui se vanta de
nous faire trouver l'eau suffisamment
chaude. Nous étions une quinzaine de
palladistes. Ce qui me fait croire que
vous étiez de la partie, c'est que vous
donnez, dans votre liste des inspec-
teurs généraux de Constantinople, les
noms de iSpendoni, de Mirza Mohsin-
Khan et du conseiller Youssouflian ;
d'autre part, je me rappelle fort bien
qu'il y avait parmi nous un.ieune doc-
teur de la marine française. C'était sans
doute vous.
" Au bord de la mer, à l'endroit
même qui baigne la villa de Mériem-
Kouly. le fr */ Mirza Mohsin-Khan se
mit en tenue de bain. Il fit l'évocation
de Suclagus, qui se montra bientôt
sous la forme d'une langouste ordinai-
re. Mohsin-Khan prononça encore
d'autres paroles cabalistiques, embnis-
ga sept fois la langouste sur la queu^',
en disant chaque fois le nom mystique,
dont on ne prononce en celte circons-
tance, que les première et dernière
syllabes, et aussitôt la mer sa mit à
bouillonner légèrement sur le bord ilu
rivage. Puis, Mohsin. — Khan remit la
langouste à la mer, lui fit un profond
salut pendant qu'elle se relirait, et se
mit ensuite à l'eau. L'eau était chaude
comme en été ; nous le constatâmes
en y plong-anl nos mains, tan lis que
notre fr\* prenait ses ébats dans le
Bosphore.
" Je vous rappelle ce fait-là quoique
certainement vous ne devez pas l'avoir
oublié. Mais, si vous devez en parler
dans votre intéressante publicatinn, je
vous prie très instamment de ne pas y
faire figurer mon nom parmi les assis-
tants à l'évocation de Suclagus. En
effet, je me suis retiré du Palladi-me
depuis assez longt-mps, et je ne m'oc-
cupe plus de toutes ces étranges cho-
ses...
" Agréez, mon ex-t */ c *.* f */ et
par les n */ m *.* d */ n */ s */ c */,
l'expression de nionadmira'tion.'
'♦ W. HOHRER. "
J'ai s ipprimé de l'épitre une profes-
sion «ie foi protestante, qui n'a au ;un
intérêt ici et une invitation à me méfier
de Lemmi, malice qui laisse un peu
trop percer le bout ite l'oreille ; l'écri-
vain l'apjielle " Adriano " tout court.
D'autre part, la formule au dessus de
la signature s'emploie entre membres
des hauts grades en étal daclivité,
mais elle est au moins surprenante
scus la plume d'un ex-frère écrivain à
un autre ex-frère !...
En relisant avec attention celte lettre,
on en distingue aisément le but. L'é-
crivain tendait à m'amener à couvrir
de mon pavillon cette histoire stufiide.
Certes, j'ai vu, dans le Palladisme et
ailleurs, des faits bien autrement ex-
traordinaires ; aussi, supposail-on que
j'ai ais accepter celui-ci les yeux fer-
més, et le repro tuire, en m'aitribuant
le rôle de témoin ; les détails étiient
si bien circonstanciés !... Malheureuse-
ment pour l'inventeur de la combinai-
son, je ne rapporte dans mon ouvrage
que ce que j'ai vu personnellement et
ce qui m'a été certifié, pend mt ou après
ma fréquentation des triangl-^s, par des
personnes que je connais bien et qui
n'ont eu ou n'ont aucun intérêt à me
mentir.
Or, je ne connais pas ce Rohrer, et,
même si j'étais homme à prendre sous
mon bonnet les révélations de faits
ignores de moi et transmises à moi par
un inconnu (ce qui serait de ma part
un acte de tromperie envers mes lec-
teurs), je ne S'irais du moins pas assez
bêle pour ne pas vérifier avant tout
raulhODticilé des faits eux-mêmes.
LE PROPAGATEUR
455
Dans le cas présent, je n'ai même pas
en bi-soin d'ailler aux renseignements,
tellement la manœuvre est maladroi-
te.
La seule chose vraie dans ce qui
prpct^de, c'est que je me trouvais à
Coustantinople vers l'époque indiquée.
Par qui Rôhier le Sriit-ilV... Ne serait-
ce point par Lemmi qui m'y avait
chargé alors d'une inspection ? Gela • st
plus que probabl->, el ce souvenir a
suffi pour me monter en Rohrer un des
ag-^nts du directoire romain.
Mais ce n'est pas tout. Dans la liste
des ins[iectHurs généraux de la haute,
maçonnerie (ne pas confondre avec les
33e <iu Rite Ecossais), liste que j'ai pu-
bliée aux pag-^s 370 à 378 de mon ou-
vragH, d'après un tableau officiel el
auiheniique dressé par Albert Pike, il
y a effeciivement, aux relations spéci i-
iei- de Turqui^^, les trois noms que cite
Bohrer ; c"est là qu'ils ont èt>^ pris pour
m inspirer conQance. A deux de ces
noms, l'agent de L^-mmi a ajouté, pour
mieux détourner m"S soupçons, si j'en
avdis sur lui, les professions civiles des
personnages dont il s'agit ; il les donne
très exactes, et je ne les avais pas fait
figurer à la suite d^s noms. Spendoni
est bien chef-adjoint à li Compagnie
Russe de navigation à vapeur ; Yous-
sou ffian est bien conseiller (je complè-
te à mon tour : conseiller à la cour d'ap-
pel) Rohrer met en jeu, enfin, un per-
snnnag'-qui n'est pas dans la lisie de
P'ke, mais qui existe : c'est Meriem-
Kouly, directeur de l'Ag'^nce gén-^ra-
le ottamane ; situation profane très
exacte encor-. On voit que le coup, au
premier abord, n'était pas trop mal
combiné, pour m'amener à me dire, si
j'étais un emballé ou un superficiel, dé-
sireux d'accumuler quand même dans
mon œuvre des faits surnaturels quel-
conques : " Je n'ai pas été témoin de
l'évocation dont parle Rohrer ;mais j-^
sais que ces personnages existent et
appartiennent à la secte maçonnique;
Rohrer me confond avec quelqu'autre
médecin de marine; rac'tntons donc
l'histoire de la langouste, comme si
j'avais été présent à l'évocation de Suc-
legus. "
Oui, mais vpilà ! l'agent Rohrer n'a
pas eti^ assez bien stylé. Le lect>-ur sait :
l'que tous les inspecteurs généraux de
la haute-maçonnerie ne sont pas palla-
distes ; 2» que, sauf d'inlinim nt rares
exceptions, il faut, pour entrer au Pal-
ladium, si l'on est recruté dans la ma*
çonnerie ordinaire, être au moins ka-
dosch ou d'un grade équivalent : le
Palladisme recrute même des sj irites
non-maçons, mais c'est un cas tout à
fait exceptionnel.
Eh bien, parmi les quatre personna-
ges mis en scène par Rohrer, deux seu-
lement sont pilladistes : Spemloni et
Mohsin-Khan. Or, la liste que j'ai co-
piée sur ;e document de Pike constitue
le tableau du 1er mars 1891, (voir pa-
ge 366), el l'agent de Lemmi parle d'un
fait cen S'émeut arrivé en février-mars
1883. Et veuillez bien constater com-
bien il est facile à votre serviteur de
prendre Rohrer .a main dans le sac.
En 1883, Spendoni, à moins que je ne
m'abuse étiangement, n'habitait pas
Constanlinople ; en tout cas, il n'y a
guère que trois ans, quatre ans au p us,
qu'il est kadosch et pal lalist»", Mohsin-
Khan, le héros de l'aventure, est un
ancien ambassadeur de Perse près la
Sublime Porte, el je le connais person-
nellement ; il était si peu palladiste en
1883 qu'il a reçu les hauts grades de la
maçonnerie ordinaire en 1889 seule-
ment, et cela à Paris où il vint à l'occa-
sion de l'Exposition ; j'ai un ami très
intime qui assistait à la séance où le 336-
degre lui fut co iféré, rue Cad-t, salle
du Grand Collège Jes Rites, le 15 juil-
let; je suis précis, moi aussi ! Qiant à
YoussouEGan et à Mériem-Kouly, ils
sont ei.core simples rose-croix el pas
palladistes du tout.
Autres erreurs, qui prouvent, jusqu'à
l'évidence, que Rohrer n'a même ja-
mais mis les pieds à Gonîtantinople :
l'Il n'y a pas de langoustes dans le
Bosphore.
2° Il a mal ret':'nu les indications qui
lui ont été fournies, sans doute verba-
lement, par un de ses chefs hiérarchi-
ques ; la rue qu'il cite s'appelle Tépé-
Bachi, et non Tépé Bac.
3° Il a confondu Id local de la loge
androgyne, que préside Hiroutyoun
Mén^m-Kouly, avec le local du princi-
pal triangle pâlladique de Constanlino-
ple, le Lotus de Turquie. Son erreur
provient de ce que la loge androgyne
et le triangle sont tous d>^ux situés à
Péra ; mais un vrai palladiste, ayant
été en séjour ou seulem ni par hasard
à G nstantinople, n'aurait pas commis
une erreur semblabl-^. A l'impasse
Dandria, il n'y a pas de triangles ; par
contre, c'est là que la loge androgyne
456
LE PROPAGATEUR
le Temple Ser (ou Temple de l'Amour)
tient ses séances. Quant au triangle le
Lolus de Turquie, il a bien son local
à Pera et à proximité de la rue Tépé-
Bachi, mais dans le passage Hazzopou-
lo, et non dans l'impasse Dandria , là,
dans le passage Hazzopoulo, une salle
dite " Salle A'Iam " est louée à lour de
rôle à la loge l'Etoile du Bosphore,
donl Spendoni est acluellemenl le vé-
nérable, et au triangle le Lolus de Tur-
quie, dont le même Spendoni est actu-
ellement le trésorier.
Rôhrer constatera donc qu'en fait de
fréquentations palla'listes je suis à
môme de lui donner des l^^çons, et,
quand Lemmi voudra me blouser en
me faisant envoyer une lettre plus ou
moins suggestive, je lui cons-^ilie de
choisir pour me l'écrire un agent un
peu plus malin.
Dr.B.
I.E CAS ]>V GÊNSRAI. CADORSTA
Un vénérable ecclésiastique, de m^s
amis, m'envoie un numéro de la Se~
maine Religieuse de Cambrai, conte-
nant un article tout à fait hostile à ma
publication. J'avoue que j'ai été péni-
blemeiu suri ris de cetie note discor-
dante, au milieu du concert de félici-
tations et d'encouragements qui se
manifeste d'une façon générale autour
de mon œuvre. Je ne compte pas, bi^n
entendu, les attaquf-s des journalistes
francs-maçons qu'ils appartiennent à
la secte d'une fdçon avérée ou sans
être publiquement connus comme tels ;
ceux qui sont des sectaires déguisés
seront démasqués par moi au moment
utile.
Mais ici je me trouve en présence
d'un prêtre, dont je respecte profondé-
ment le caractère sacré, et que je plains
de s'être laissé circonvenir par quel-
qu'un ayant intérêt à affaiblir la portée
de mes révélations.
De cetariicle de la Semaine Religieu-
se de Cambrai je reproduis d'abord
les lignes les plus graves :
" Cet ouvrage (le Diable au XIXe
siècle) n'est pas un travail historique,
mais un roman. Il était facile de le
construire avec quelques livres de vo-
yage, quelques notions sur la franc-
maçonnerie, de l'imagination el de
l'audace. "
Voilà une affirmation du rédacteur
cambraisien, qui constitue une vérita-
ble attaque. D'après lui, je n'ai même
pas elïectué les voyages que je raconte;
j'ai audacieusement imaginé mon récit,
m'inspirant des volumes publiés par
des voyageurs ; et ce que je sais et im-
prime sur la franc-maçonnerie, je l'ai
appris, n'est-ce pas ? non dans les lo-
ges et arrière-loges, mais dans les ou-
vrages de divulgation précédement pa-
rus. Disons le mol: je suis un impos-
teur. — Et partant de ce raisonnement,
le rédacteur cambrésien, afin de justi-
fier sa défiance envers moi qui com-
bats pour la cauj-e catholique, accueil-
le sans hésiter, et comme un témoigna-
ge loyal, sincère et désintéressé, une
dénégation du général Gardorna, au
sujet d'une scène que j'ai relatée d'a-
près un récit du docleur Riboli.
Je m'en voudrais de priver mes lec-
teurs du passage de l'article de Cam-
brai, 011 le rédacteur m'oppose la pa-
role du cher et très estimé F */ Gador-
na. Voici le morceau, sans retrancher
une virgule :
" Un démenti à l'une de ces scènes
vient d'être donné par le général
Gadorna. Le soi-disant docteur Bataille
rapporte une horrible profanation ma-
çonnique qui aurait eu lieu en 1870, à
Milan. Il raconte que quinze notables
francs-maçons Italiens, entre autres
MM. Crispi, Riboli, Cucchi el le géné-
ral Gadorna, s'étaient réunis dans le
but d'adopter un plan de campagne
pour enlever Rome au Pape A un mo-
ment donné, dit le docleur Bataille, le
général Gadorna aurait jeté au feu la
Sainle-Hostie. Aussitôt le pavé se se-
rait enlr'ouvert, et Lucifer en personne
serait apparu au milieu des flammes
pour exciter les francs-maçons " à tirer
le dernier " coup de canon " Un mois
après, Gadorna entrait à Rome par la
fameuse brèche de Porta Pia. "
Immédiatement après ce résumé qui
déligure notablement le récit de Riboli
à Cresponi (voir dans mon ouvrage les
pages 171 à 173), le rédacteur cambré-
sien asse la plume à Gadorna. Lisez
bien, lecteurs catholiques :
" Tout ce récit, quant à ce qui me
" concerne, est absolument faux, dit le
" général. Je n'ai pas été à Milan en
" 1870 ; je n'ai jamais connu le docteur
" Riboli, chef de la maçonnerie ; je ne
" suis et n'ai jamais été membre d'au-
LE PROPAGATEUR
457
" cune société secrète; Un abîme de
" croyance el d'honnêtelé me sépare de
'' la franc-maçonnerie. "
Mon correspondant ecclésiastique,
en me transmettant l'article, me dit,
d'autrrt part : " Le rédacteur de la
Semaine de Cambrai me paraît avoir
agi bien à la légère en accueillant si
favorablement le démenti plu? que sus-
pect d'un pareil homme. Veuillez, je
vous en prie, mon cher docteur, citera
voire tour les lignes qui sont consa-
crées à l'infâme Cadorna dans V Histoi-
re universelle de VEglise catholique,
par l'abbe Rohrbachtr, continue (.ar
l'abbé Guillaume, professeur au grand
séminaire de Verdun (tome Xll, pag^-
484, 2e colonne. Je vous recopie ces
liguHS textuellement. "
L'article de la Semaine cambrai-
sienne m'ayant éié, d'autre part, signa-
lé par plusieurs abonnés, voici donc
la citation dont il s'agit :
" La capitulation (de Eome) était si-
gnée ; les défenseurs quittèrent leurs
postes, et aussitôt commença le règne
de la populace venue du dehors à la
suite des vainqueurs. Les prisons fu-
rent ouvertes aux plus grands scélé-
rats ; les prêtres et les religieux n'osè-
rent plus se montrer dans les rues; il
y eut des scènes de pillage ; l'incen-
die se joignit au meurtre ; des zouaves
(ponliticaux) furent traîtreusement as-
sassinés ; le palais même du Vatican
fut sur le point d'être envahi, et le gé-
néral en chef des Italiens (j'ajoute :
c'est-à-dire l'homme qui avait cummis
le sacriège de violer la Ville Sainte,
l'homme qui présidait à tous ces cri-
mes), Cadorna, prêtre défroqué, cha-
noine de Milan avant \Si8 profita de
cette occasion pour établir ses troupes
sur la place Saint- Pierre.
" Au désordre matériel succéda le
désordre administratif; tout fut anne-
xé, conlis-qué : les musées, les archives,
les bibliothèques, les collèges. Il n'y
eut plus de liberié que pour les jour-,
naux immondes. On s'empara du Qui-
rinal, propriété du Saint-Siège. Puis,
au dehors, on essaya de faire croire
que Pie IX, prisonnier au Vatican,
voulait transiger avec ses geôliers. '
Tels sont les exploits du général Ca-
dorna, et c'pst à la parole <ie cet hom-
me que la Semaine de Cambrai accor-
de sa confiance !
La place me faisant défaut, je ré-
pondiai au reste de l'article dans le-
prochain numéro du Bulletin Mensuel.
Mais, dès à jTésent, Lemmi, Riboli,
Sophia, les g-^ns de Charleston, ainsi
que Cornélius Herz et le sublime Pes-
siua lui-même, sauront oîi placer leurs
démentis; ils auraient bien tort de s&
gêner.
Dr. B.
PETITE CORRESPONDANCE
Comme je reçois régulièrement près
de 30 à 50 lettres par jour, il m'est im-
possible de répondre à tous. Je prie
donc mes correspondants de me faire
crédit jusqu'au prochain numéro. Ce
buUetm me servira.à répondre aux ques-
tions d'intérêt général Je rappelle que
je reçois le lundi matin de 9 h. à II h.,
chez mes éditeurs, et que, contraire-
ment aux assertions de la Semaine de
Cambrai, je me fais connaître des per-
sonnes qui ne sont pas mues unique-
ment par une vulgaire curiosité. Les
palladistes même peuvent venir; chez
nous, on n'assassine pas.
Ce qui suit est pris de L'Aill DV
Nous voici toujours avec le Diable
au xixe siècle. Répétons que nous ne
l'avons pas encore lu, et que nous
sommes bien décidés à ne le lire qu'a-
près l'apparition de la dernière livrai-
son. En tout cas, on peut dire que le
livre fait pas mal de tapage. Nous
avons cité dernièrement une apprécia-
tion, qui n'était pas très favorable, de
CLERGE Jio 34 du S4 août dernier
la Semaine [religieuse de Cambrai.
Cette reproduction nous a valu les
deux lettres suivantes que nous insé-
rons bien volontiers.
Voici la'première :
Je lis très attentivement le Diable au
xixe siècle. J'ai 63 ans, c'est vous dire
gue je ne me laisse pas emporter par
la fougue de la jeunesse : et quan;
^58
LE PROPAGATEUR
aux faits qui sortent de l'oniinaire, je
suis tout à fait sur mes gardes et passa-
blemeat sc-ptique. Or ce que rappor-
te le Dr Bataille concorde exactecuf-nt
avec les r^^ciis que m'ont fait des hom-
mes savants, graves, el profonde iiienl
catholique-;.
Cn que M. le docteur raconte de la
Chine n'est que la reproduction, aug-
mentée de fai ts nouveaux, du récit d'un
vénérable P. Jésuite de S. Glemenl de
Metz, le P. B., qui pendant plus de 40
ans a habité la Chine comme mission-
naire. Le rcit inséré dans l'ouvrage ne
dit même pas Ips horreurs dont le P. a
été témoin ou les tortures par lesquelles
il a passé. Relativement au sabbat noc-
turne de Calculla et à la ronde avec les
cadavres, le fait m'a été racontèilya
une quinzaine d années par M. l'abbé
P..., missioimaire de la société de Ma-
rie, qui a vécu 22 ans aux Indes. Si on
imprimait tout ce qu'il a vu, il serait
traité de visionnaire et d'halluciné.
Les faits arrives à Paris lorsque le fa-
meux médium Hume était dans sa plus
grande vogue, m'ont été rapportés par
un homme fort instruit et très clairvo-
yant, qui pendant de longues années
s'était livre aux pratiques au spiritis-
me, M. G. de S..., très proche parent
d'un des membres les plus distingués
de rinslilut de France et dont la mère
était dame d'honneur de l'Impératrice.
Ce Monsieur qui avait assisté à toutes
les si-ances m'en a parlé à peu près
dans les mêmes termes que le Dr Ba-
taille, sauf qu'il a été plus explicite et
est entré dans des détails que l'ouvra-
ge ne donne pas. Mais cette fois, com-
me on dit vulgairement, le diable mar-
cha dans sa bride et obtint un résul-
tat tout autre que celui qu'il attendait.
Car M. G. de S. se convertit et resta
jusqu'à sa mort un fervent chrétien.
Les deux missionnaires,dont je vous
ai parlé m'ont souvent dit que dans les
pays idolâtres le pouvoir du diable est
immense et c'est par ses prestiges
qu'il maintient ces malheureux sous
son joug.
J'ai cru devoir vous donner ces dé-
tails dont vous ferez ce que bon vous
semblera : mais je crois que la publica-
tion de ce livre dans le moment pré-
sent servira à démasquer beaucoup de
pratiques franc-maçonnes, et à discrédi-
ter celle abominable institution.
P. S. — Le démenti donné par Ca-
dorna, prêtre défroqué, ex-chanoine de
Milan, ne compte pas ; il est inscrit
dans la franc-maçonnerie sous un nom
de guerre : il aurait logé ses troupes
et sa cavalerie dans la basilique de
saint Pierre s'il avait pu. Le Dr Batail-
le n'est pas un nom de guerre, deux de
mes élèves le connaissent, c'est un
fervent catholique.
Voici la seconde :
Encore le Diable au xixe siècle !
Qu'avait donc besoin la Semaine re-
ligieuse de Cambrai de parler comme
elle l'a fait sur ce livre ? C'est un coup
droit porté à la franc-maçonnerie. Gela
suffit. Pourquoi des catholiques affai-
blissent-ils ce coup ? Que le récit soit
réel ou romanesque, qu'est-ce que ce-
la fait ? La blessure pourrait être mor-
telle, ce n'est pas à nous à la cicatriser.
Les francs-maçons ne disent rien ou
presque rien. C'est pourtant leur affaire
et non la nôtre.
Donc la Semaine susdite a manœu-
vré d'une façon déplorable, en ne
gardant point un silence prudent, qui
vaut son poids d'or en pareille occa-
sion. — Que les enfants de lumière
sont bi^n réellement moins rusés,
moins adroits, moins fins que les en-
fants des ténèbres !
J'es-père qu VAmi donnera en son
temps, et s'il le juge à propos, la vraie
note.
Gomme on le voit, nos correspon-
dants tiennent mordicus. Ajoutons
qu'un troisième, dans une lettre assez
touchante, nous affirme que l'ouvrage
du Dr Bataille lui a fait, spiriluellement
un très grand bien et l'a rendu meil-
leur prêtre.
FLEURS DE DOCTRINE ET DE PIETE
EXTRAITES DES OEOVRES
Oe Mgr CHAKIiEIS GAlk
Evêque d'Anlhédon, ancien auxiliaire de S. E. le Card. Pie, évêque de Poiliers.
» Par h. L.
I vol. in-18, de 525 pages Prix : $0.60
JESUS FRAPPANT A LA PORTE D'UNE AME
Entre tant de tableaux ravissants que la sainte Ecriture nous
présente, s'il y en a un qui, charmant nos esprits, soit de nature à
toucher profondément nos cœurs, c'est bien celui où l'auteur de
l'Apocalypse nous montre Notre-Seigneur lui-même debout et
humble devant une âme en lui disant : " Voici que je me tiens à la
porte et que je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre sa
maison, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi."
Or, cette proposition si discrète et à la fois si pressante que Jésus
fait de lui-même à la créature libre, c'est le préambule régulier de
la justification surnaturelle ; et le fond et la substance de cette jus-
tification, c'est l'entrée et le séjour de Jésus dans cette créature.
Quand il entre, la vie entre, et l'âme naît à Dieu : prenant séjour
en nous, il s'y unit à nous^et devient, comme l'écrit saint Paul,
" notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre ré-
demption "
Comment vient-il ? Par mille moyens et sous mille formes : tout
lui est bon. Il est la parole infinie, toute-puissante, éternelle. lia
pour s'exprimer des mondes de ressources, et il n'y a rien dans la
Création qui ne lui puisse servir à cette fin. II y aies signes qui le
traduisent auihentiquement et l'écoulent officiellement dans les
âmes ; ce sont les sacrements. C'est même la sainte prédication.
Mais aussi il y a les signes qui avertissent de sa présence et pré-
parent son avènement, Ils sont indéfinis et innombrables : c'est
une aurore, c'est un couchant, c'est une nuit étoilée, ou bien un
jour d'orage ; c'est une page d'un livre, un mot entendu par hasard
et tombé d'une lèvre ignorante ou insouciante ; c'est une joie in-
térieure, d'autres fois un ennui très lourd, et je ne sais quel dégoût
du monde et de la vie ; c'est un sol fuyant sous les pieds, une main
amie qui se retire ou qui se glace, une ruine ou une séparation,
une maladie ou un trépas. Voilà ce qui parait ; mais le vrai fona
de toutcela,c'estJÉsus qui, se tient debout et qui frappe à la porte."
II ne réside point encore, dit le saint Concile de Trente ; pour
proche qu'il soit, il est dehors ; mais il agit déjà, il remue, il presse,
il insiste Qui dira combien de temps certaines âmes forcent
Jésus à se tenir à leur porte ?
HONNETE AVANT TOUT
PAR
M. J. KIB£T
Chanoine honoraire, ancien professeur de théologie et de droit canon
1 vol. in-12 Prix : $0.75
TABLE DES MATIERES
Avant- Propos.
Chapitre I. Les équivoques et les
falsifications. — I. Honnêteté et po-
litesse.— II. L'honnê'-eté mondaine. —
III. L'honaêleté et la religion. — IV.
L'honnêteté et l'honneur. — V. La fin
et les moyens.
Chapitre II. — La vraie et complète
honnêteté. — I. La source de l'honnêleté
— II. L'honnêteté devant Dieu. — III.
L'honnêteté devant les hommes.
Chapitre III.— Le^ iniures faites à
Vhonneteté. — I. Le mensonge. — II. La
trahison domestique. — III. Le sang,
.— VI. Le scandale. — V. Le vol. —
VI. La diffamation. — VII. Le masque
de la religion. — VIII. L'abus du
pouvoir. — IX. La libre -pensée. —
-XI. Les inconsé-
— X. Pot-Bouille.
quences.
Chapitbe IV. Les violateurs de l'hon-
nêleté.— I. Le prêtre. — II. Le juge. —
III. Le maiire d'école. — IV. Le méde-
cin.— V. L'avocat — VI. Le soldat. —
VII. Le comptable public— VIII. Le
commerçant. — IX. L'ouvrier. — X. Le
paysan. — XI. L« pauvre. — XII. Le ri-
che.— XIII. Le Juif. — XIV. Le franc-
maçon. — XV. Le journaliste. — XVT„
L'électeur. — XVII. Conservateurs, ra-
dicaux, opportunistes. — XVIII. L'his-
torien.— XIX. Le savant.
Chapitre V. Les mobiles du mal. —
I. Le plaisir. — IL L'ambition. — III.
L'intérêt. — IV. La peur. — V. La haine.
Chapitre VI. Les charmes de l'hon -
nêteté. — Epilogue.
0 tempora ! 0 mores !'
Chaque époque, chaque génération, chaque vie a sa question
qui la tourmente.
Question qu'il faut résoudre, à laquelle il faut une réponse.
C'est un mal à guérir, un progrès à réaliser, une aspiration à sa-
tisfaire, une chimère qui tente, une^hallucination qui fascine.
* «
Quelle est, en cette fin de siècle, notre question ?
Si l'on prête l'oreille, les échos lui renvoient des clameurs in-
tenses, des plaintes divergentes et confuses, des regrets, des protes-
tations, mais surtout des menaces, des rêves gigantesques, des
apothéoses bruyantes, de grandioses promesses.
Ce n'est plus un problème solitaire : la caractéristique de notre
temps est de tout mettre en problème. Le radicalisme est dominant.
Le passé n'est plus rien ; l'avenir sera tout ; le présent se fait de
ces désaccords et de ces répudiations, de ces ruines et de ces espé-
rances. Tout est à reprendre par la base.
On est ainsi ramené à la question primordiale dont la solution
tient en suspens toutes les autres : à la loi morale qui préside à la
vie individuelle et sociale.
LE PROPAGATEUR 461
Là est la question ur^renle, brûlante, inéluctable.
Quand celle-ci sera réj^lée, on pourra aborder les autres.
Jusque là, on n'aboutira à rien.
»
D'autres nécessités y ramènent encore.
Dans les alarmes qu'inspirent tant de divisio:is,les sages cherchent
un point ferme où le rapprochement et l'entente soient possibles.
Quel sera ce sol béni, qui donnera la paix et la sécurité, où tout
homme de bonne volonté pourra hardiment poser ses pieds et
tendre autour de soi une main confiante ?
Sera-ce l'Intérêt ? — Qui ne le sait ? il se fait trop souvent au
profit des habiles et avec les larmes de la multitude.
La politique ? — Elle est la source la plus féconde de nos divi-
sions et de nos discordes.
La Science ? — C'est l'apanage du petit nombre ; et la famille
humaine est convoquée à notre rendez-vous.
La religion, comme le mot l'indique, est le lien qui rattache
l'homme à Dieu, et tend à le rapprocher de ses semblables. Helas !
la religion manque à tant de gens, aujourd'hui surtout, que vou-
loir en faire le point précis de la concentration, sans passer préala-
blement par un autre, serait une utopie.
Le seul terrain où la convocation soit pratique est celui de I'hon-
NÊTETÉ. Il offre cet avantage incomparable que tout le monde veut
en être, ceux-là mêmes qui y sont le moins. Cet appel, personne ne
peut ouvertement le décliner sans se mettre au ban de la société
humaine.
Vous entendrez des gens masquer leurs défaillances et li-urs tur-
pitudes sous des euphémismes ; vous dire par exemple : " Je suis
trop bon, trop indulgent, trop facile ; je ne suis ni méticuleux, ni
bigot." Vous n'en trouverez pas qui vous disent : " Je suis mal-
honnête. "
* *
Il ne faut pas cependant se bercer d'illusions. Si son étiquette
est en honneur, l'honnêteté n'en subit pas moins en réalité des ré-
serves et des outrages.
On entend les dévots gémir le long, des chemins et se redire :
'' La foi s'en va 1 " et les mécréants crier sur les toits - ^' La foi est
morte 1 " Ils ont raison : la foi baisse dans la foule ; et, dans une
multitude, elle est éteinte.
Mais, si la foi religieuse manque à notre temps, l'honnêteté lui
manque davantage encore, et c'est bien l'heure de pousser ce cri :
" L'honnêteté se mejrt, l'honnêteté est morte ! "
Ils sont nombreux ceux qui se croient chrétiens, et ne le sont
qu'à demi ; mais ils ne se comptent plus ceux qui se disent honnê-
tes, et ne le sont pas. On se méprend sur les devoirs ei les consé-
quences pratiques de la religion ; mais l'illusion à l'endroit de
l'honnêteté naturelle est encore plus commune et plus funeste.
Cette ruine est la dernière que Ion s'avoue à soi-même, et que
l'on confesse avec reepntir. Des hommes, des femmes racontent
28
462 LE PROPAGATEUR
simplement de honteuses faiblesses ; et, quand on les rappelle au
senti reient de l'honnêteté, on les voit se redresser et répondre :
' Je suis un honnête homme — ^je suis une honnête femme."
Evidemment, chacun a sa manière d'entendre l'honnêteté.
Et pourtant, il n'y a qu'une honnêteté, la vraie, la même pour
tous.
Malgré tout, c'est là qu'il faut en venir pour rallier, pour rap-
procher, pour unir. Tout ce que l'on tentera hors de là sera peine
perdue.
Celte honnêteté sincère, essentielle, identique, il importe donc
de la mettre en lumière, de préciser sa notion et ses exigences ; de
la voir en acte aux différents degrés de l'échelle sociale pour re-
connaître la part qui lui est faite et les outrages qu'elle subit ; de
discuter les mobiles qui poussent à l'enfreindre, et ceux qui la
maintiennent et la relèvent.
Cette œuvre utile, l'amour de l'honnêteté et l'espoir de la servir
nous ont porté à l'entreprendre.
* *
Honnête avant tout.
A la base de tout, comme préambule uniforme et indispensable
de tout, l'honnêteié, la probité, la bonne foi.
Honnête, avant inême d'être religieux et chrétien ;
Honnête, avant d'être pieux et dévot ;
Honnête, avant d'être prêtre ou évêque ;
Honnête, avant d'être juge éducateur, médecin, soldat, commer-
çant, ouvrier, riche ou pauvre, n'importe quoi ;
Honnête, av;int d'être monarchiste, républicain, autoritaire ou
libéral ;
Honnête, avant et par-dessus toute croyance, toute opinion,
tout état, toute pratique, tout idéal, toute ambition ;
Honnête, de la vraie honnêteté ;
Honnête, en religion, en politique, dans la vie privée et dans la
vie publique ;
Honnête, devant Dieu ;
Honnête, envers le prochain ;
Honnête, avec ses amis et avec ses adversaires ;
Honnête, dans ses fonctions et sa profession ;
Honnête, au foyt r ;
Honnête, dans la parole et dans les actes ; dans l'action et dans
l'abstention ;
Honnête, en tout, pirtout et toujours :
Honnête avant tout et par-de6Sus tout.
Tel est le sujet de ce livre.
Nous voulions d'abord l'intituler : L'honnête homme. Cet
énoncé eût semblé exclure les femmes ; et nous avons trop besoin
de leur concours pour paraître les éliminer.
LE PROPAGATEUR 463
L'Honnêteté, voilà le vrai titre de ce livre, comme il en est le
sujet. Notre dessein, en eff^;t, est de peindre l'honnêteté, la réelle
et véritable honnêteté ; l'honnêteté de l'âme et de la conscience ;
celle qui, par les actes, fait le tissu de la vie.
Mais ce titre, métaphysiqiiement juste, ne rend pas l'indignation
qui couve, en nos temps, au fond des âmes loyales ; il est trop froid
pour exprimer nos douleurs et flétrir les oppressions hypocrites ; il
ne traduit que faiblement ce besoin de pacification qui est la
grande nécessité de l'heure présente ; cet appel à l'union par le
seul amour du bien, qui retentit dans nos querelles, et qui, enten-
du, réalise, peut seul nous rendre l'ordre, la sécurité et la paix. Il
faut, à cette heure, un loyal rendez-vous où soient convoqués lous
les hommes consciencieux, droits, sincères ; un signe de ralliement
qui domine les divergences d'opinions et permette de se reconnaî-
tre dans la mêlée de nos discordes.
* *
*
Honnête avant tout 1
Tel est le cri qu'il faut pousser pour rallier les vieux amis et les
adversaires de bonne foi contre les irréconciliables fauteurs de la
corruption et de la honte.
Eles-vous honnêtes? Voulez vous être honnêtes ? — Qui que vous
soyez, d'où que vous veniez, vous êtes des nôtres et nous sommes
avec vous : nous marcherons ensemble, la main dans la main. Et,
si la diversité des intérêts et des aspirations venait à nous diviser,
nous resterions encore unis sur ce terrain de l'estime réciproque
et de l'honneur.
Mais êtes-vous de ceux qui foulent aux pieds la probité, qui font
passer la fortune, l'ambition, la haine avant l'honneur ; auriez-vous
été jusqu'ici dans nos rangs, arrière désormais ! Nous ne voulons
plus de vous : l'honnêteté avant tout !
* *
Croyants, c'est principalement à vous que cet appel s'adresse,
c'est vous surtout que nous convions à notre loyal rendez vous.
La foi sincère suppose l'honnêteté, et elle doit avoir pour premier
effet de rendre plus honnête. Le monde se désintéresse de votre
religion, mais il compte sur votre probité, il l'attend, il l'exige. En
trompant son attente, vous lui rendriez la Religion plus odieuse.
Sans honnêteté, vous n'auriez de la religion que le masque ; et,
quelle que soit la b jnne foi, l'honnêteté sans la religion est préfé-
rable à la religion sans l'honnêteté.
« *
On parle d'organiser un parti catholique.
t^remières victimes de la malhonnêteté publique et gouverne-
mentale, on comprend que les catholiques se groupent et s'enten-
dent pour la résistance.
Peut-être y a-t-il quelque chose de plus pressant : constituer le
parti des honnêtes gens, avec cette devise et ce cri de ralliement :
honnête avant tout I
LES SCIENCES MODERNES
EN REGARD DE LA
GENÈSE DE MOÏSE
PAR
J.-O. TAIIV ZEEBKOBK
Prêlre du Diocèse de Maiines
1 fort vol. grd in-8 Prix : $1.88
TABLE ALPHAB ETHIQUE
RELATIVE AUX
OENEALOOIES BIULIQXJES
ET AUX
MATIERES SPECIALEMENT DÉVELOPPÉES
AbeL Son offrande.— Sa famille.
Abraham- Table généalogique des
Tharéchiles. — Sa vocation et son dé-
part de Ur Chasdim. — Départ de Gha-
ran (Haran).
Accadou Achad, ville,pays,peuple.
Adi m. Sa furmalion et création au
sixième jour— Dieu le place au jardin
d'É'ien. — La chute et ses suHes.
Aram Cinquième liis biblique de
Sem, fut le père des Araméens. — Ses
quatre fils.
Arârât biblique. Sa signification. —
Monles ou monlana Arârâl (Gen., chap.
VllI, V. 4), dénominations primitives
du versant méridional de la chaîne du
Taurus, s'étendant de l'est à l'ouest,
depuis le nor'l de l'Hindoustan jusque
dans la petite Caramanie, en Asie-Mi-
neure.
Arc-en-ciel, assigné en mémoire du
pacte divin. Réponse aux objections.
Arche (L') s'arrête sur un mont du
massif de l'Arârât.
Archéologie IL') moderne.
Arpachsad est-il le troisième fils
de Sem ?
Avardi (Aradium de la Viilgate).
Assur, fils de Sem. — Il a laissé plu-
sieurs traces irrécusables de son séjour
en Assyrie, [noie).
Assyriologie, et passim dans les
annotations sur le chapitre X de la
Genèse.
Babel, Genèse, chapitre XI, verset
1-9. — Une discorde y vient mettre fin
aux constructions. — Il n'y est aucune-
ment question d'une confusion de lan-
gage ou idiome. (Voir au mot Genèse).
Babylone et Ninive ou Babilonie
et Assyrie.
Caïn. Son offrande ; comparée à
celle de son frère Abel. — Sa hgnée bi-
blique.
Cainites, leurs itinéraires et leur
dispersion en Afrique et, de là, à Ma-
dagascar et dans l'Australie, la Ma'ai-
sie et la Polynésie (race noire), — en
Asie (race jaune), — en Amérique (race
roug). — Conclusion.
Chalach (Chale Vulg., assyr. ;
Kalach,) ville.
Chaldée (La) a été habitée par As-
sur, fils de Sem, bien avant l'ébranle-
ment des Chamites et des Sémites aux
jours de Phaieg, (noie), nous donnons
un bref aperçu sur la Chald'e antique,
Chalneh ou Chalanne, ville.
Cham- — Tableau de ses descendants
— Notions ethnograi)hiques et orogra-
phiques sur la plupart d'entre eux.
Chamathi (Vulg. : Amatheeus).
Chaos (Gen., chap. 1er, v. 2).—
Elêm' nts d'exégèse.
Chaphtorim ou Cretois.
Chenahan, petit-fils de Noé. — sa
lignée. — Elle se disperse. — Frontières
des Chananéens.
Cheth (Vulg. ; Heth etHetsei, fils
de Chenahan, Haïti des Assyriens,
Khétas des Egyptiens.
Chivvi (Hévéens), de la lignée de
Chenahan.
Chronologie biblique (La) t e
LE PROPAGATEUR
465
principaux moauments littéraires de
l'antifuiié.
Chus, fils de Cham.— Sa lignée.—
Son li s Nimrûd (Nenarod).
Chute (La) de notre premifr père.
Création (La), Genèse L Eléments
d'exégèse : a) ies anciens Pèr-r-s, b] leur
confirmation par nos modernes physi-
ciens t"i astronomes.
Création (La) de Ihomme au sixiè-
me:- jour.
Déluge mosaique. H fut non uni-
vers-rl et quant au globe, avec ses fau-
nés et ses flores déjà localisées, et
quant à IVspècî humaine diversifiée
déjà en races distinctes. — Le texte sa-
cr- assigne d-ux dgenis au cataclysme
caufe s naturelles, il est vrai, maispro-
videnlieiles, a) d'-s actions volcaniques
prolongées durant plusieurs mois, pro
voqnanl de longues séries de soulève-
m-tnls et d'afiaissements ; b) une pluie
torrentielle de quarante fois vingt-
quatre heures. — La première cause
n'est pas limitée à quarante jours...
Elle a toutefois immens'^'ment contri-
bue à fournir des e lUx au tléau aérien.
Dieu, souvent dans les saintf'S Pages
assimilé à Ihomme. — Nulle contradic-
tion entre Genèse IV, et VIH. G s der-
nières pages prouvent que le cataclys-
me diluvien ne fut ni un acte de simple
vengeance, ni, au premier chef, un
châtiment.
Dispersion (La) gen'^rale des Noa-
chi 1-rS dU temps de Phaieg. Considéra-
tions préliminaires. T^xle biblique et
son commentaire. Aux Jours de Phal-g,
le langage des trois grandes souches
issues le Noe est déjà diversifié (noie)
Fruit des éludes de plusieurs savants
linguistes. Conclusion. — La dispersion
générale du chapitre X est bien nette-
ment distincte chez Moïse de la dis-
persion partielle et accidentelle du
chapitre XI.
Elohiste et Jéhoviste, une ques-
tion soulevée par quelqu-^s rationalis-
tes.
Epigraphie égyptienre ou Egyp-
tologie biièvement entrevue.
Filiœ hominum, Genèse VI. Nul-
le part le texte sacré ne désigne par ces
mots d^-s tiU-^s caïnil-s. Moïse écrit
simplement cette phrase : " Et vide-
runl G ii Dei filias hominum, quodpul-
chrae ipsse." Filii Dei, tilias hominum,
ex| riment une corrélation et une anti-
thèse certaines : quoi de plus naturel
que de voir les filles des hommes dans
celles d-^la multitude que Moïse vient
de mentionner au verset 1 ? Gaïn et sa
race ont été formellement congédiés
au chapitre VI ; au chapitre VI, verset
1, il ne peut être question que des filles
non issues de la lignée dir-cte de pa-
triarches, mais de ces fils et fiU-^s, en
un mot, lont le chapitre VI, verset 1,
nous appren l la multitude, d'après le
tableau du chaoitre V.
Filii Dei, Genèse VI, sont in iiqués
exclus, V':'ment par le texte sacré, com-
me les vrais coupables de la corruption
qui provoqu i le fl^au diluvi'-n.
Gtenèse- Les chapitres X >rt XI étu-
diés au point de vue de la question de
Babel.
Gréologie (Notions élémentaires de)
nécessaires pour Tintelligence tant du
récit mosaïque de la création et de
l'hexaméron que de leur concordance
avec les sciences modernes. Introduc-
tion : lableau suivi de 37 pages.
Helam ! Vulg. : ^lam), fils de Sem.
Les Elamiif's ne sont pas les Perses.
Hexaméron mosaique, Genèse I.
Genre et durée d-s jours hexaméri-
quea.— Leur concordance avec les ères
géologiques. 1
Histoire (1') du peuple é u com-
mence avej le chapitre V. de la Genèse.
Horreur de l'homicide inculquée aux
fils de Nûé dès leur sortie de Tarche.
Humanité (L") primitive pendant
le déluge.
Japhet, Tableau de ses descen-
dants,— Notions ethnographiques et
orographiques sur la plupart' d'entre
eux.
Jactan (H-br : Jochtan), — Pre-
mier établissement des Jeclanides, se-
lon l'Ecriiure et la science.
Lemech, caïnile bigame.
Lemech, père de Noé. — Sa prophé-
tie à la naissance de ce dernier.
Linguse, Genèse X. La difTérencia-
tion des laiigues ou idiomes et kur dé-
veloppement respectif, parmi les Noa-
chides, ont précédé de plusieurs siècles
révénemenl à-i Babel {noie).
Malédiction de Chei:ahan par Noé
Réfutation des attaques de l'incrédu-
iité à ce sujet.
Memphites en Egypte.
Mitzraim ou Egs^ptiens.
Moise, pourquoi au chapitra X in-
terrompt il tout à coup la ligne généa-
logique dHéber par Fhaieg pour abor-
der la ligne collatérale par Jochtan ?
Nemrod ou Nimrod, fils de Chas
466
LE PROPAGATEUR
naugurp son règne pas la prise de
iquatre villes situées dans le Sennaar.-
jRen jusquici n'autorise à croire que
^ceppisonnage eut conquis Ninive et
A ssyrie.
Ninive, capitale de l'Assyrie. Elle
fut bâtie par Assur, lils de Sem.
Noach (Koé), Elymologie de ce
nom. Sa destinép prédite par son père
Lamech. Il rf çoit l'ordre de construire
l'arche du salut — Son entrée dans l'ar-
che. — Alierrissi ment de l'arche
— Sortie de l'Arche. — Sacrifice
oiTert par Noé. — Jéhovah rassure Noé
et les siens contre Ja crainte d'un délu-
ge ultérieur. — Il bénit Noé et sa famil-
le et les autorise à se nourrir désormars
de la chair des animaux. — Il leur ins-
pire l'horreur de verser le sang humain
— L'arc-en-ciel servira désormais à
rappeler aux hommes qu'un nouveau
déluge n'aura [pas lieu. — Noach, agri-
culieur. — Maédiction de Chenaham.
— Mort de Noé.
Non - universalité du déluge
(Objections contre Ja) : A. Celle tirée
du Livre de Ja Sagesse, chapitre X,
verset 4 ; ropter quem... — B. Celle ti-
rée du texte de saint Pierre. Epitre I,
chapitre lll, versets 20-21
Dans recelé de /a non-universalilé
comme dans celle du déluge restreint,
et sans dislinctions illogiques, il n'est
pas besoin d'une chute d'eau univer-
selle circonscrivant simultanément le
globe tout entier pour déverser sur lui
4597 millions de kilomètres cubes d'eau
— L'inondation diluvienne est obtenue
sans recourir aux espaces interplané-
taires, non indiqués, exclus même par
le texte sacré, Genèse VII, et suivantes,
tandis que son évacuation a lieu très
naturellement, et au temps fixé par le
texte. — L'arche atterrit dans le pays
roontueux d'Arârât, — nom primitif de
tout le versant méridional de l'Asie de-
puis l'Inde jusqu'en Asie-Mineure.
Paradis terrestre(Le). La descrip-
tion de Moïse distingue la contrée de
tieden (l'Eden) du Gan (Jardin ou Pa-
radis proprement dii). — Le Gan, dans
son circuit à peu près entier est entou-
ré, d'un fleuve qui reçoit directement
du pays d'Eden l^s eaux de quatre au-
Ires fleuves. — L'Auteur sacré donne
tps noms de cts derniers, tout en indi-
quant c> lies des contrées qu'ils bai-
gnaient dans leur parcours et que le
Déluge n'ait pas englouties. Le gigan-
tesque fossé formé par le fleuve ne lais-
sait au Gan qu'un seul accès : du côté
de l'Orient.
Pelistim (Vulg. : Philstiîm, les
Philistins).
Phaleg (Hébr : Petegh). Examin
d'une innovation qui, à l'occasion de
ce nom, cherche à s'introduire dans
l'exégèse, (notes 1-2).— Sa filiation in-
terrompue au chapitre X et poursuivie
au chapitre XI. — Lui et sa jeune fa-
mille ne participent pas à la dispersion
générale et s'attardent dans l'Inde. —
Ils quittent cette contrée environ cinq
siècles après pour rejoindre leurs aines
en Chaldée (note 1). — Ils y sont, avec
les Jeclanides, les constructeurs de
Babel dispersés de toutes p^rts.
Pherâth (Vulg : Euphrates), fleu-
ve le plus occidental |iarmi ceux qui
alimentaient le grand fleuve paradisia-
que. Il limite la Chaldée au nord et
nord-est, en la séparant de la Bdbylinie.
Pischon (Vulg. : Phison) : c'est le
Gange, d'après saint .férôme et les an-
ciens, et le fleuve le plus oriental dont
les eaux, grossies de celles de l'Indus,
du Tigre et de l'Euphrate, se réunis-
saient dans l'Eden, aux confins du Pa-
radis ou Gan. — Voir encore, pour l'i-
denlification de l'Indus avec leGhichon
(Vulg. : Gehon) biblique.
Bédempteur (Un) promis.
Eesen, la plus antique capitale de
l'Assyrie.
Restes humains de l'époque dilu-
vienne ou glaciaire.
Roches synonyme de terrains en
géologie, voir Tableau. — Elles se divi-
sent en roches ou terrains de sédiment
et en roches éruptives ou terrains d'é-
ruption.— Filons métalifères, leur âge,
classification, variété. — Métamorphis-
mes, régional, périphérique, de contact.
Ruines de la tour de Babel.
Saisons sur le sphéroïde terrestre.
Elles n'existaient pas à ses débuts,
mais sont résultées des modifications
de la surface de la terre et de l'atmos-
phère qui l'enveloppe.-Voir le Tableau
et l'introduction géologique passim
aux diverses ères, périodes et époques.
Sem(Héb. Schem) Ses descendants*
par Jochtan, par Phaleg, par Tliaré.
Serpens ad Chavvah (Vulg. : He-
vam), Genèse, III. — Mulierad serpen-
tera — Dominus utrique : mulieri, ad
Sf rpentem sensu valde diverse.
Sidon, fils de Ghenahan.
Soulèvements géologiques. EfTets
anciens de l'activité interne. — Disloca-
LE PROPAGATEUR 467
ions et montagnes. — Structure des
montagne* de soulèvement. — Causes et
circonstances des soulèvements. — Leur
valeur chronologique relative. — An-
cienneté des reliefs généraux. — Les ac-
cidents nouveaux se subordonnent aux
an- iens.
Terrain erratique du Nord et
Glaciers polaires, Drift.
Terrains sédim-ntaires, Terrains
érupiifs.voirRoehes avpc sesépilhètes
Terre (La) selon la Géologie. — Son
écorce solide. — Chal^'ur et fluidité du
noyau. — Composition do l'écorce ter-
restre.— Sa structure, sa forme et ses
reliefs.-^Coup d'oeil sur les éléments
de la Géogénie: Giuses externes. —
Causes inlHrn^'8. — Induction.
Tharé. Nations diversf^s issues du
père d'Abraham, en outre du jeuple
messianique.
Tufs, cavernes et brèches. — Tufs
calcaires.
Ur Chasdim, patrie d'Abraham.
Vocation d'Abraham.
Voies ou courants volcaniques.
FIN DE LA TABLE ALPHABETIQUE
LE PAPE, LES CATHOLIQUES
ET LA QUESTION SOCIALE
Par LEON GREGOIRE
1 vol. in.l2 Prix : $0.88
11 y a une question sociale.
Pour caractériser la situation dont elle est issue, il suffit de ras-
sembler quelques passages de l'encyclique Rerum Novarum :
" La violence des révolutions politiques a divisé le corps social
en deux classes et a creusé entre elles un immense abîme. D'une
part la tot:te-puissance dans l'opulence :une faction gui, maîtresse
absolue de l'industrie et du commerce, détourne le cours des ri-
chesses et en fait affluer vers elle toutes les sources, faction d'ail-
leurs qui tient en sa main plus d'un ressort de l'administration
publique. D'autre part, la faiblesse dans l'indigence : une multi-
tude, l'âme ulcérée, totijours prête au désordre.
" Lrs hommes des classes inférieures sont pour la plupart dans
une situation d'infortune et de misère imméritée.
" Le dernier siècle a détruit, sans rien leur substituer, les cor-
porations anciennes, qui étaient pour eux une protection ; tout
principe et tout sentiment religieux ont disparu des lois et des ins-
titutions publiques, et ainsi, peu à peu, les travailleurs isolés et
sans défense se sont vus avec le temps livés à la merci de maîtres
inhumains et à la cupidité d'une concurrence effrénée.
" Une usure dévorante est venue ajouter encore au mal. Con-
damnée à plusieurs reprises par le jugement de l'Eglise, elle n'a
cessé d'être pratiquée sous une autre forme par des hommes avides
de gain, d'une insatiable cupidité.
" A tout cela, il faut ajouter le monopole du travail et des effets
de commerce, devenus le partage d'un petit nombre de riches et
d'opulents, qui imposent-ainsi un joug presque servile à l'infinie
multitude des prolétaires."
Voilà le mal défini par Léon Xlll.
Quel remède l'Egiise y prétend-elle apporter ? Quel bien y pré-
tend-elle substituer ? Tel est l'objet de celte étude.
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A L. B Y
MARIAGE CIVIL.
La lettre doctrinale de S. S. Léon XIII aux évêques de la pro-
vince de Venise nous fait faire un retour sur nous mêmes. Ce ré-
gime du mariage civil, de nouveau condamné par le Pape, et avec
une force et une autorité qui semblent s'inspirer des circonstan-
ces nouvelles, ce régime, dont la sollicitude du chef de l'Eglise
voudrait, préserver l'Italie, c'est le nôtre. Tout ce que le Pape dit
du projet de loi italien tendant à établir l'antériorité de l'acte
civil sur le mariage religieux, s'applique à notre législation. Ses
censures et ses réprobations nous frappent.
Que le mariage civil existe aujourd'hui en France avec le divor-
ce, c'est là une des conséquences de la laïcisation : mais on pour-
rait s'étonner que le mariage civil du Gode Napoléon n'ait pas
été abrogé, sous le gouvernement de la Eestauration, en même
temps que le divorce. Comment n'a-t-on pas profité, à cette époque,
de la revision du titre du Code sur le mariage pour en effacer
l'institution du mariage civil lui-même ? Il faut bien reconnaître
que, sous l'influence des doctrines gallicanes encore existantes,les
idées n'étaient pas tournées vers cette réforme. Du reste, le ma.
riage civil, tel qu'il est organisé dans le Code Napoléon, est moins,
comme on pourrait le croire, un fruit de la Révolution que du
gallicanisme.
Ce que Léon XIII réprouve et condamne dans le nouveau projet
de loi italien sur le mariage, c'est l'obligation, imposée désormais
aux sujets catholiques du royaume, de faire précéder la célébra-
tion du mariage religieux de l'accomplissement du rite civil. Le
mariage civil existait déjà en Italie. L'innovation grave et vérita-
blement attentatoire à la dignité du sacrement, comme à la liberté
des consciences catholiques, c'est l'antériorité du rite civil sur le
mariage religieux exigée par la nouvelle loi.
Elle existe chez nous, mais pas aussi anciennement que le ma-
riage civil, et cette aggravation, que la loi va imposer aujourd'hui
à l'Italie, à l'instar de la France, et contre laquelle le Pape proteste
si énergiqnement, ce n'est pas à la Révolution que nous la devons.
La sécularisation du mariage est une conséquence logique de la
doctrine gallicane sur l'indépendance de l'Etat vis-à-vis de l'Eglise.
Cette doctrine a reçu d'abord son application en Autriche, où le
gallicanisme s'appelait le joséphisme. Le mariage civil vient de là.
Là Révolution française l'a adopté, mais sans lui donner le carac-
tère odieux et sacrilège qu'il a pris dans la législation subséquente.
D'après la Constitution de 1791, '^ la loi ne considère le mariage
que comme contrat civil " ; et la loi du 20 25 septembre 1792 en
règle la célébration devant l'officier de l'état civil. La législation
révolutionnaire ne s'occupe pas du mariage religieux ; au moins
elle ne l'interdit ni ne le réglemente. C'était le régime de la liber-
té. Se mariait religieusement qui voulait, avant ou après la com-
LE PROPAGATEUR
469
parution devant rofficier de l'état civil. El c .iiiine le ma; , -, civil
c'était imposé à personne, il ne l'étaitpasnon i.lus aux catb - iques
-qui voulait faire bénir leur union par le pièi*»^.
Gomment la législation révoluiionnaii>\ fausse ei. icipe,
mais libérale en fait, n'est-elle pas restée cHilf des ooflt^M n j.oléo-
niens ? Il faut !e dire, c'est p.ir la faute de l'autorité eccie>-ia:?tique
parisienne, imbue alors d- s idées gallicanes.
11 y avait bien quelques inconvéuieisls. sons l'empir^ la loi
de 1792 (qui subsista jus(fu'à la promulgation du cod^^ 04), à
ce dualisme d'une loi civile qui ignoraii !»• mariage rt- ;s, et
d'un sacrement qui n'avait [)oint de saïutim légale. L.. l .culte
de se marier religieusement, en dehors de l,i loi civil*^, ■ mvait
servir de moyen de se iuction, fariliter, sous le couver' - sen-
timnnts religieux, des unions volages qui, après leuî ture,
avaient l'inconvénient de laisser subsiste r !.■ lien reliji' sans
les effets du mariage civil. Ma. s ce qui tom hait surtoui théo-
logiens gallicans d'alors, c'est que, habitues à séparer [■■ nUrat
du sacrement, d'après les théories erronée^ de l'é oqi Is ne
pouvaient accepter un état de choses, où il> voyaient le -ment
sans contrat.
Aujourd'hui, après les hauts enseignemi-ntsde Pie VI le Pie
VIII, de Grégoire XVI, de Pie IX, (2) de Léon XIII, 1. a-ctrine
du mariage catholique est clairement et définitivement établie.
Les théories gallicaues l'avaient entièrement fau-sée.
D'accord avec les théologiens d^-s XVIle et XVIIIe si. . 'S, les
juristes de cette épuque, Poihier en tête, enseignaient qu e ma-
riage était à la fois un contrat civil et un s créaient, et pi'utiitque
l'Etat avait le droit de légiférer sur le mariage, en tant ••ne con-
trat, de l'organiser comme il le jugeait h popos, d'en !• -/- t les
conditions et les formalités, et même d'établr des emp . ments
dirimants.
C'était le principe du mariage civil. De la théorie d h .aunoy
et des Pothier à l'anicle 7 de la Constitution de 1792, ii / avait
qu'un pas. L'Assemblée c -nstituante n'eut qu'à séparer fait le
contrat du sacrem. ut, jusque là restés unis en pratique, | • créer
le mariage civil du droit moderne.
Si, à ce moment là, le clergé Ini-mêm' avait mieux su . ,dans
le mariage, le contrat et le sacrement ne font qu'un, » t ; entre
chrétiens le mariage n'esi que le contrat e eve à la digi le sa-
crement, on eût accepté la législation rèvulntionnaire, n. ' avec
ses inconvénients, i)lutôt que de réclamer tomme une diora-
tion le régime des Articles organiques et du Gode péna .
Ce fut iOfficiaiiié diocésaine de Pans qni d-manda <02, à
la suite du Concordat, que la loi obligeât désormais lèse v à se
présenter d'ahord dt vaut l'officier civil, p -nr y contraci union
légale avant la célébration du m iriage religieux. En cou- ■ [iience
de celte démarche, fut édicté l'article 54 de 1 1 loi du Ip ycrininal
(t) Voir la Ijulie ^«c/o/-cm /idiUMu 28 août I79'i. (\ule Réd(
(2) Voir LieUiv au Mil at.' 8 .tlirgi.e du 19 S p e iibre 1852, 1. . abus et
l'Encyclique Quanta Cura. (Note Red.)
470 LE PROPAGATEUR
an X (Articles organiques), qui porte que les ministres du culte
catholique " ne donneront la bénédiction nuptiale qu'à ceux qui
luslifleront en bonne et due fornie avoir contracté mariage devant
j'ofïîcier civil ".
C'est la législation matrimoniale adoptée par le Gode civil et
sanctionnée par le Gode pénal de 1810.
Ainsi a passé dans la loi française l'obligation de faire précé-
der le mariage religieux de la célébration par l'officier de l'état
civil.
On doit donc au gallicanisme l'institution du mariage civil, avec
cette aggravation ultérieure de la loi qui exige, sous une sanciion
pénale, la priorité de l'acte civil.
G'est un fruit des erreurs doctrinales du XVIIe siècle, dont nous
portons encore la peine. Il est facile, en suivant le cours des idées
de remonter au premier des Quatre Articles de 1682, pire encore
que le second, pour y trouver le principe de la sécularisation des
sociétés modernes. Gar si le pouvoir temporel ne relève en rien
du spirituel, si l'Etat est indépendant de l'Eglise, il s'ensuit que le
pouvoir temporel ou l'Etat a le droit de s'organiser comme il lui
plaît, d'avoir ses lois propres, un mariage, une école, une armés à
lui, sans nul souci des lois et de l'organisation ecclésiastique. Et
c'est la conclusion que deux siècles d'absolutisme royal et révolu-
tionnaire en ont tirée. Tout le génie et toute l'éloquence du
monde ne sauraient atténuer la responsabilité à jamais encourue
devant l'Eglise par les auteurs de cette triste Déclaration de 168-2,
qui achevé la désorganisation de la société chrétienne.
Nous n'avons pas ces-é, en France, malgré le concile du Vati-
can, de souffrir de cette doctrine anticatholique de l'indépendance
de l'Etat, principe de la sécularisation de la société moderne ; car
le vieux gallicanisme d'Etat revit avec le libéralisme moderne,
qui accepte la laïcisation du mariage et de l'école, la suppression
de l'immunité ecclésiastique à l'armée, le régime du droit com-
mun pour l'Eglise, aussi bien qu'avec le radicalisme révolution-
naire qui l'impose. Arthur Loth.
Noie de la rédaction. — Pothier, l'un des plus grands jurisconsultes des temps
morlernes, l'homme juste et probe par excell^^nce, était malheureusement imbu
d'idées fausses concernant la puissance civile et les rapports entre l'Eglise et
l'Etat. Son traité du " Contrat de Mariaqe '' fourmille d'erreurs doctrinales
d'autant plus danger'^uses qu'elles so:il développées par un homme de génie.
Ces erreurs ont été condamnées par l'Eglise. Le révérend père A. Braun,
jésuite, décédé à Montréal il y a qiielques années, en a fait une réfutation ma-
gistr lie dans ses " Instructions dogmatiques sur le mariaqe chrétien " publiées
en 1866.
EGOLE DE NOTAEIAT DE PARIS
Par une délibération en date du 22 juin 1893, la Chambre des notaires de Pa-
ris a conclu à la la fondation de deux prix :
Le premi^^r de 1000 francs, et le second de 500 francs, qui seront décernés à
titre de prix d'excellence aux deux jeunes pens de l'École de notariat de Paris
qui obtiendront le plus grand nombre de points dans le concours de fin d'année
s'appliquant à toutes les matières de l'enseignement. — La Croix de Paris.
GAUTHIER DE LA CALPBENEDE
{suite)
III
LES ANDESLY.
Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages ;
Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur,
A de quoi témoigner en ses derniers ouvrages
Sa première vigueur.
(malhebbe.)
Vingt ans passèrent encore et madame Alix de Montdragon,
assise sur la terrasse de son château, berçait son arrièrepetit-fils^
Son mari, le comte de Montdragon, se chauffait au soleil près
d'elle, et un grand lévrier était couché à leurs pieds. Le reste de la
famille était dispersé dans le château et les bois qui l'entourent, en
attendant que ia cloche rappelât autour de la table patriarcale
enfants et petits-enfants,
" Il y a îiien longtemps, ce me semble, que nous n'avons eu de
nouvelles de notre cousin la Galprenède, n'est-ce pas, madame ? "^
dit le comte.
'• C'est vrai, " dit Alix : " pas depuis l'envoi du deuxième tome
de Pharamond, que nous lûmes aux veillées de cet hiver. Il com-
pose sans doute quelque nouveau roman. "
" Je lui écrirai un de ces quatre matins, " dit M. de Montdragon ;
je voudrais savoir ce qu'il fait, ce cher la Galprenède. "
Ce qu'il faisait ? hélas ! il se faisait vieux ; et, quoique toujours
de belle humeur et d'allure pimpante, il élait souvenles fois tenté
d'appliquer aux réunions, aux fêtes de la cour et de la ville, la
critique que les nouvelles générations faisaient de ses romans,
qu'elles trouvaient longs et ennuyeux. La noblesse commençait à
ne plus habiter les châteaux ; un roi jeune, guerrier, passionné
pour la gloire et pour les plaisirs, entraînait dans le tourbillon de
la cour l'élite de la nation, et les fêtes des châteaux de Saint-Ger-
main et de Fontainebleau offraient aux yeux de cette jeunesse des
spectacles autrement animés, galants et ingénieux, que n'en avaient
présenté à l'imagination des contemporains ce Louis XIII les in-
terminables récits de la Galprenède. — Madame de Sévigné se ca-
chait de son fils pour relire les romans qui avaient charmé ses
jeunes années, et leur auteur, lassé du monde ennuyé de n'avoir
ni intérieur, ni famille, se repentait d'avoir laissé passer le temps
où il eût été raisonnable de se marier, et regrettait de n'avoir mis
au monde que des enfants de papier.
Un jour de printemps, il revenait du faubourg Saint-Germain au
Louvre, où il logeait, et, s'arrêtant sur le Pont-Royai, il s'amusa,
comme un badaud, à regarder le bateau de Rouen qui partait.
C'était le coche d'eau. Il était surchargé de voyageurs plus bru-
yants,plus affairés les uns que les autres. Lorsque le patron donna
l'ordre du départ, et qu'à grands renforts de rames et de jurons le
^72 LE PROPAGATEUR
bateau eut pris le milieu du fleuve et se mit à le descendre lente-
ment, un jeune mousquetaire, qui se trouvait à côté de Gauthier
et qui avait fait force signaux d'adieu aux navigateurs, s'écria en
soupirant : " Qu'ils sont heureux ! dans deux jours ils verront le
■châte;Hu Gaillard et la maison du père Poussin. "
" G't^st donc bien joli, le château Gaillard, mon brave ? " lui
demanda Gauthier.
" Ah ! monsieur, c'est le plus bel endroit du monde : c'est aux
Andelys, mon pays. Un vieux château qui domine une jolie petite
ville baignée par la Seine, et de beaux arbres, des près si verts,
des... "
" El la maison du père Poussin ? " dit Gauthier.
" Ah ! monsieur ! vous aviez donc entendu ? " reprit le mous-
quetaire en rougissant comme une fille.
"Hé ! oui, mon enfant, " dit Gauthier. '' Ce n'est pas ma faute
si vous rêvez tout haut en regardant le coche. Mais qu'a-t-elle
donc de si charmant, la maison du père Poussin ? "
" Hélas ! monsieur, c'est une vieille maison, pas belle du tout,
qui baigne ses murs dans la petite rivière du Gembon, dont l'em-
bouchure est aux Andelys. J'étais reçu dans cette maison autre-
fois, j'y étais heureux comme un roi. — La reverrai-je ? "
" Pourquoi pas ? " dit Gauthier. " Vous irez à la guerre, vous
gagnerez vos galons, et le père Poussin vous donnera sa fille ! "
" Mais, monsieur, je ne vous ai pas dit que le père Poussin eût
une fille! "
" Mais, mon brave, est-ce donc pour la cheminée de son logis
que vous soupirez? "
Une fanfare de trompettes se fit entendre. Le repos était fini, et
le jeune mousquetaire rejoignit à la hâte ses camarades qui para-
daient sur la berge des Tuileries.
Rentré chez lui, Gauthier dit à son vieux Colin Dordac de ne
recevoir personne, et qu'il allait travailler; — et, fouillant dans
le^ pêle-mêle de bouqunis, de manuscrits, d'engins de chasse, de
pêche et d'armes de guerre qu'il appelait sa bibliothèque, il finit
par trouver ce qu'il cherchait, VHistoire générale de la Normandie^
livre publié en 1631, par M. Gabriel Dumoulin, curé de Manne-
val, et dédié au duc de Longueville. — Madame de Longueville en
avait donné à Gauthier un bel exemplaire doré sur tranche ; mais
il ne l'avait jamais lu en entier,se contentant d'admirer et d'appren-
dre par cœur les vers de Georges de Scudéri placés au commence-
ment, et bien faits pour charmer un romancier. Cette ode finissait
■ainsi :
Le prince qui veut toujours vivre,
Ne tioil employer son ihrésor
Qu'à chercher une plume d'or
Qui le peigne bien flans un livre,
La bonne prose et les bt-aux vers
Le montrent à tout l'univers,
Qui ne le voit qu'avec merveille ;
Et mille ans après son Cfriueil
Les siè "les savent par l'oreille
Ce que le sien apprit de l'oeil.
LE PROPAGATEUR 473
Cette fois, Gauthier chercha dans lé volume tout ce qui se rap-
portait au château Gaillard. Les sombres légendes de la forteresse
de Richard Cœur de lion le charmèrent tellement, qu'il résolut
d'écrire un roman sur ce sujet; et, afin de l'écrire à tête reposée,
il forma le projet d'aller passer un mois ou deux aux Andelys.
L'âge n'avait point alangui sa vivacité gasconne, ni celle de Colin.
Le surlendemain, ayant tout arrangé en son logis, et sans prendre
congé de personne, la Calprenède, n'étant point de quartier près
du roi, prit la clef des champs. Et, munis d'argent et d'un léger
bagage, le romancier et son valet s'embarquèrent dans le coche
d'eau, et voyagèrent vers les Audelys, par le plus beau temps du
monde.
La navigation fut heureuse sans compter la première couchée à
Mante?-la-Jolie, on ne s'arrêta que soixante-sept fois; il n'y eut pas
plus de sept ou huit querelles, et trois maladroits, qui se laissèrent
choir dans la Seine, furent repêchés sans avaries graves. Enfin, le
coche se vint amarrer pour une nuit au port des Andelys.
Les feux du soleil couchant doraient les ruines et laissaient dé-
jà dans l'ombre du crépuscule les maisons du Petit-Andely. Les
lampes s'allumaient et la flamme brillait dans les foyers, tandis
que les habitants rentraient chez eux pour souper. Gauthier de la
Calprenède se fit conduire à l'hôtellerie de la Chaîne d'or, et, après
avoir recommandé à son valet de ne point dire qui il était et de
l'appeler M. Gauthier tout court, 'il choisit la meilleure chambre,
soupa de bon appétit d'une friture d'excellents goujons et d'un
petit poulet à la reine, arrosé de cidre mousseux, et, fatigué du
mouvement du bateau, s'en alla coucher tout prosaïquement, sans
donner audience au clair de lune, qui commençait à illuminer
les tours et les murailles croulantes du château Gaillard
L'aurore éveilla Gauthier en égayant de ses reflets roses les
murs blanchis à la chaux de sa chambre d'auberge, et le concert
des coqs et des hirondelles qui saluaient le jour l'avertit qu'il n'é-
tait plus au Louvre. Colin ronflait comme un tonnerre dans le ca-
binet voisin. Son maître, le laissant dormir, s'habilla sans bruit et
sortit, pressé de voir le pays. — Rien de joli comme une petite vil-
le qui s'éveille. Les portes et les croisées s'ouvrent; les grand'mè-
res sortent les premières, enveloppées de leurs mantes, et se ren-
dent à l'église, où sonne la première messe. Les hommes vont au
travail, le feu du forgeron s'allume, et les jeunes mère^ affairées
habillent les petits enfants et garnissent les paniers des écoliers..
Sur la place arrivent les marchandes, tirant, poussant ou condui-
sant ânes, brouettes ou chariots, chargés de légumes, de volailles
et de fruits. Les ménagères se hâtent d'y aller aussi, et leur caquet,
leurs bruyantes allées et venues animent les rues si paisibles une
demi-heure aupparavant. — Gauthier, qui depuis quarante ans
suivait la cour, avait perdu le souvenir de ces tranquilles habitu-
des, de ces aspects de la vie provinciale. Il en fut charmé. Tout en
se promenant, il remarqua une petite maison du quinzième siècle
fort pittoresque, dont les murailles baignaient dans la rivière, et
qui lui parut ressembler à celle que le jeune mousquetaire lui
474 LE PROPAGATEUR
avait décrite. Il s'approcha" d'une servante qui lavait du linge,
agenouillée dans un demi-baquet au bord de l'eau, et lui demanda
à qui appartenait cette maison.
" C'est la maison au père Poussin, monsieur, " lui fut-il répon-
du.
'' Ah ! fort bien ! Et ce père Poussin, quel est-il? "
" C'est un ancien hôlellier de Rouen, monsieur. Il y tenait une
auberge rue de la Grosse-Horloge ; il a fait fortune et s'est retiré
ici avec sa femme et ses filles. "
" Combien en a-t-il? "
" Trois, monsieur : les deux aînées sont mariées à de riches fer-
miers des environs de Gaudebec, et la troisième est encore à la
maison. "
" Serait-ce cette jolie brune qui arrose les œillets de sa fenêtre ? "
" Tout justement, monsieur, c'est Annette Poussin."
" Je vous remercie, mon enfant. Tenez, voilà pour acheter un
nœud de ruban. "
Et il lui donna une pièce de 24 sols toute neuve :
" Grand merci, mon bon monsieur 1 " fit la servante en deve-
nant rouge de plaisir. Elle empocha sa pièce, et se remit à savon-
ner gaiement, en se disant : " Ce monsieur-là, bien sûr, pense à
demander Anette en mariage pour son fils. Il a l'air bien honnê-
te... " Et, ayant vite terminé sa ^besogne, l'alerte Normande char-
gea sur son épaule son paquet de linge mouillé, et s'en alla l'éten-
dre à la maison. Puis elle se hâta, non pas d'acheter du ruban,
comme l'eût fait une fille du Midi, mais bien d'aller glisser sa piè-
ce blanche dans la petite tirelire où elle mettait ses économies.
Gauthier retourna à l'auberge, et la trouva encombrée de mar-
chands de grains qui venaient d'amener leurs sacs d'échantillons
au marché, et traitaient leurs affaires le verre en main, à la façon
normande. Le bruit qu'ils faisaient s'entendait si bien dans la cham-
bre de Gauthier qu'il se dit : " Jamais je ne pourrai travailler ici,
il me faudra chercher un autre gîte. " Aussitôt après déjeuner il
mit Colin en campagne pour cela, et l'intelligent serviteur vint
bientôt lui annoncer qu'il avait trouvé son affaire.
'■' C'est une belle grande chambre au levant, " lui dit-il. " bien
meublée, avec une vue charmante sur la rivière, dans une maison
fort propre, et chez de bonnes gens, hôtelliers retirés, qui feront
une excellente cuisine à monsieur. Cidre compris, cela coûtera un
écu par jour à monsieur, le blanchissage en sus, et avec la jouis-
sance d'un petit bateau pour aller pêcher à la ligne, si cela amuse
monsieur. "
'' Et l'hôte s'appelle Poussin n'est-ce pas ? " dit Gauthier,
" Tout justement, monsieur. Il est si gros qu'il peut à peine se
remuer, mais sa femme et sa fille sont lestes et actives. Monsieur
veut-il y venir voir ? "
" Allons, " dit Gauthier.
(à suivre]
NOTES & RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ET A
COMPLÉTER LEUR HIBLIOTHÈQUE
PREMIERE PARTIE
Livres de piété pour les eccésiastiques
I MÉDITATION (suite)
Le § II, sous le tilre acte et prière,
nous fait connaître l'acte de chaque
jour, nous en explique l'obj-^t, Ihs élé-
menis, les caractères ; c'est nous dire
en même temps ce que nous devons de-
mander spocialemenl ne jour-là ilans
la prière. Pour lepremier jour, cet acte
est un vrai et bon dé^ir et du terme et
de la voie, c'est-à-dire de l'amour etd-
la persévérance, et de la conversion
quotidienne qui y conduit.
Viennent ensuite les oraisons. 11 y a
chaque jour trois oraisons ; une pre-
mière sur les mystères divins ; une se-
conde sur les vérités éternelles ; une
troisième sur la loi de persévérance et
d'amour. Le plus souvent ces oraisons
se subdivisent en deux ou trois points ;
€l chaque point se compose d-- la con-
sidération, et de l'acte et prier-; ; la
considération place sous les» yeux du
retraitant une vérité importante qui
doit le préparer et l'<'xcilHr à l'aclf^ pré-
vu pour le jour, après quoi le retraitant
pourra s'exercer à produire cet acte en
mê ne temps qu'il priera longuement
et sérieusement pour demander à Dieu
que cet acte soit parfait. Ainsi la pre-
mière oraison du premier jour envisa-
ge succ-ssivement l'être de Dieu, la
charité de Dieu et Dieu créateur par
charité ; de ces considérations naissent
sponianément et le regret de vivre
pr.'sqne en athée sans penser à Dieu
et sans répondre à sa charité, et le dé-
sir de penser plus souvent à Lui, de le
goûter, d'aspirer à Lui et de l'aimer.
L,t seconde oraison nous fait consi-
dérer l'avenir éternel de l'homme et le
temps qui doit préparer l'éternité ; elle
nous conduit ainsi au désir tt au vou-
loir de ce qui peut, en nous procurant
l'amour et la persévérance, nous assu-
rer une éternité bienheureus-^, c't st-à-
dire au desir et au vouloir de la con-
version quoiiJienne. C'est encore à la
conversion quotidienne qu • se rappor-
teront plus directement le deri/ie'* acte
et la dernière prière de chaque jour, et
on en deviuera facilement la raison. A
la fin du premier jour, on 'st ramené
au 'tésir et au vouloir de C'-ile si im-
portante opération par la co isi léra-
tion des d^^ux granules ioi'< iini'osées
par le Oéat^ur à l'homme sa cré iture :
la loi de l'amour, qui no is oi)lig à re-
noncer à ni>us comme fin, pour nous
attacher à Dieu el plac' r le liernier
term ■ (le notre joie d ns sonbo h 'ur;
et le loi de la prière,qyn non- ai tache à
Dieu comme principe et source de tout
bien.
Nos lecteurs peuvent déjà s';i perce-
voir qee cette retraiie du Père A. D. ne
manque ni d'orginalite m .1 i g que.
Nous pouvons en dire autant d cha-
cun des exeicices. Par Us p- ns^"-- for-
tes qu'ils renferment et la manier dont
elies sont pré>en ées, ils ac u • ni chez
l'auteur un esprit pni-sanl, trè- fami-
liarisa avec les grandes verit s qui
sanctifient le préire. Bien qu exio-ées
d'une façon très concise et p mr ainsi
dire sommure, c^s vérité- p duisent
facil ment d.ms l'âaie une 1 .une e sai-
sisstnle et convaincant . n-- .t i- luons
aussi i|U lie place iinporlaiite a rière
occupe dans 1 s oraisons Sai ilAl 'hon-
se de Liguiiri et î-es-nfaiis .sitent
beaucoup -u> ce p'ànt; ei il n us se-
rait très avanlag ux de les i\ .ir pour
guides pour qunousansi nii- con-
traciions l'habnu le Me fme da !s nos
méditaiions une p us large part à la
prière*
Nous allons maintenam, pour complé-
ter noire comile-renlu, id : q er la
suite de> a'ies de chique jou . I,e pre-
mier j>ur, nou- l'avons vu, a <iu pro-
duire un vit desir du sa lui, i par
conséquent de l'dinour e de . ersé-
vérance, el par suite de a eu ersion
quoli 'ientie qui rennu\<'ile chique
jour la résolutinn de pri r el la r s ilu-
tion de s'ex^rcei à lach.u: . Il faut
donc savoir qu lie est ceil .neiequi
nous oblieiidia la chante -i i, ,^ -évé-
rance. L- second jour non- lep con-
naître les coiditions ei 1- s S'Ui ments
de la prière p irfaite el la le es-ité de
476
LE PROPAGATEUR
s'yexei <■ Letioisièmejour nous mon-
trera m 'i dt^s éléments indispensa-
bles de 1 1 l'iit-re parlaile f-st le recours
perpéiV'i à Marie; là nous trouvons
un irai- > i-i-inct mais complet sur la
dévoti / ur/aite à la Sainte- Vierge.
Au quiii l'iue jour ie retraitant com-
menc - • t c :per de l'acti- de charité
et à s'> • N' cer ; et tout d'abord il se
cons^c'i e .■■ 'aoto essentiel de cette ver-
tu Le 0:1 suivant il envisagera cette
mêm clia t en tant qu'ell," nous fait
haïr 1' I e. h", et nous pioci.re la vraie
pénitence. ■ nous conduit à une bon-
ne cri/e i n. Ensuit^■ l'âme décidée
par la \ ^ ;• 1 chririté à combattre le mal
de Dieii I à chercher son bien, s'atta-
che à s -il ml'- volonté (c'est l'acte du
sixièn ji' M. et en particulier à c>^ que
Dieu V par dessus toutes choses de
tous 11 h t liens, c'est-à-dire à Vami-
tié de Ji.ui-Ch7-isl.Cei amilie exige le
dévohe • ,1 à son œuvre, qui est la ré-
demp» li • l le salut di s hommes ; l'ob-
jet de l'i irintlon et des ornisons du
du st I li^ un- jour. Elle 1 xige aussi la
partici aii"n à V esprit de Jésus-Christ
ei à ion irriKur pour la croix ; c'est le
sujet ".' il itième jour. Le troisième
e.aracl^r de la vr^ie amitié de Jésus-
Christ, c'-s i' abandon à sa divine pro-
vidence qui fail l'objet des rétlexions
du noi.vi- m jour. Enlin au dixième et
dernii < m i 1 dr- la retnute, on s'occupe
delà Miii nraison.en même temps que
la grâ. I 'lUi .st le fruit principal de l'o-
raison, ei ([ui avec l'oraison devra as-
surer ly conversion quotidienne et par
suiti- la p rsé\érance dans la charité.
On d Mlle facilement combien ces
diffère ts ..des préparés sérieusement
pard. - mediiations trèsvaiiées et très
substaiiti les seront utiles à l'âme, et
comni" '1 sortira de la retraite trans-
form^'H t^i \ entablement renouvelée.
Nous e dirons rien de l'examen de
chaqi e jdin ; nous voulons signaler, à
nos !■ l nrs une autre retraite du
mêm' Huteur, qui moins longue et spé-
ciale:: e 1 reiigée l'our l^s ecclésiasti-
ques, sera mieux accueillie et leur sera
aussi tre> pn litable.
Ce p' iii travail du Père A. D. est in-
titule : La KÉSOLUTION ET l'ORAISON DU
PRÊTHE, I NE SEMAINE DE RÉFLEXION. Le
prêtre (ju. v'Ut être saint, doit se ré-
soudre d 1-^ pratique d- sept principa-
les V' nu- : esprit de régularité, haine
dupéc'é, amour de Dieu, amitié de
Jésus-Christ, esprit de prière, poursui-
te de la persévérance, emploi des mé-
thodes charitables dans l'exercice du
ministère.
Chacune de ces vertus se trouve être,
à son jour, le sujet d'une instruction
courte et substantielle qui en montre
l'importance et la nécessité, et le thème
d'une oraison t ù l'on médite les vérités
qui doivent nous déterminer, nous ré-
soudre à la pratique de la vertu • où
l'on fait des prières qui se rapportent
à elle pour terminer par des conclu-
sions pratiques qui réalisent dans la
conrtuite la résolution prise dans l'orai-
son Ce genre d'oraison que l'auteur
appelle le laboratoire de la résolution
d'âme il nous en donne un modèle
chaque jour ; mais de plus chaque jour
il consacre une page ou deux à nous
exposer la nature et les différentes par-
ties et conditions d'une bonne médita-
tion ; c'e-t un traité très court, mais
clair et complet de l'oraison. Nous en
avons fait notre profit ainsi que des ins-
tructions et méditations qui l'accompa-
gnent ; nous connaissons des confrères
qui en ont fait aussi profiler les âmes
qu'ils dirig' nt ; nous engageons vive-
ment nos lecteurs à faire une semaine
de réQexion, avec cette brochure pour
guide
Nous arrêtons là l'examen des re-
cueils de mé'litations pour retraites.
Nous avons commencé par les Exerci-
ces spirituels de saint Ignace et conti-
nué par les ouvrages qui en sont comme
les dérivés. Parmi ceux-ci, on aura re-
marque la rietiaite spirituelle des PP.
Dcbrosse et Augry commele plus com-
mode pour ceux qui dirigent des retrai-
tants ; l'ouvrage du P. Lohner aura été
jugé comme le plus riche et le plus
complet ; celui du P. Pergmayr est le
plus économique. L'ouvrage du P.
Tanner forme une catégorie à pa-t,
dont le principal avantage est de pré-
senter tout l'ensemble des vertus et
obligations duprêlre. Nous avons cha^
leureusement recommandé li'Manuel de
retraite du P. Valuy. Enfin nous avons
ajouté à notre liste deux retraites dues
à un grand prédicateur de retraites
ecclésiastiques ; nous pensons donc
avoir achevé notre tâche sur^ce point et
donné à nos lecteurs la facilité du choix.
(à suivre)
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Octobre, 1893, Numéro 15
BULLETIN
24 Septembre 1893.
*/ Les lecteurs savent depuis longtemps, par la voie des
journaux, que les mauvaises doctrines se propagent en Hongrie
d'une manière effrayante. Les sectaires emploient même la
persécution pour parvenir à leur but qui est de déchristianiser
le royaume de Saint Etienne. En cela ils imitent servilement les
agissements de leurs congénères des autre pays, notamment ceux
de France. Mais heureusement que le pasteur universel veille sur
son troupeau et qu'il est toujours prêt à repousser les attaques des
bêtes féroces. Au commencement de ce mois il a adressé aux
évêques de Hongrie une encyclique dans laquelle il leur trace
la ligne de conduite qu'ils doivent suivre dans ces jours de périls,
que traverse leur pays. Nous reproduisons le résumé de cotte
encyclique tel qu'il a été télégraphié à la Croix de Paris par son
correspondant à Rouie :
Le Pape commence par rappeler les fastes glorieux de la aatioa hongroise,
mais il se plaint des lois en vigueur contre l'Eglise et trace aux catholiques
hongrois leur ligne de conduite.
Sa Sainteté relève les dangers des mariages mixtes et démontre la nécessité
d'élire des députés catholiques aux Parlements, de combattre par les livres et
les journaux, de soigner Téducation de la jeunesse, surtout celle des séminaires,
de surveiller la discipline du clergé, qui ne doit pas trop s'occuper des affaires
civiles et politiques, d'administrer sagement les biens des Eglises, de faire
réfleurir les conireries laïques, auxiliaires du clergé.
Le Pape termine en exhortant les évêques à continuer de se réunir en des
congrès annuels, pour délibérer sur tout ce qui peut être utile à la défense et
et aux intérêts de la religion.
*
*,* Depuis la révolution qui a renversé dom Pedro, le
Brésil n'a jamais joui d'une paix complète. Presque tous les
points importants ne cet immense territoire ont eu leurs
troubles et le gouvernement a été continuellement occupé
a réprimer des soulèvements partiels. Ces jours-ci, encore,
le télégraphe nous a apporté la nouvelle d'un soulèvement
très grave et du bombardement de Rio de Janeiro la Ckipitale.
Le président actuel Peixoto court le risque d'être déposé
car les troupes dont il dispose ne sont pas bien nombreuses et la
flotte presqu'entière est contre lui. La révolution recrute de nom-
breux adhérents chaque jour et menace de renverser le gouver-
29
482 LE PROPAGATEUR
nement. La république fondée par la franc-maçoanerie joue réel-
lement de malheur. Sous dom Pedro le pays était tranquille et
prospère; mais il en est autrement aujourd'hui, et les troubles
constants auxquels il est en proie entravent ses progrès d'une
manière funeste.
*,* Le gouvernement autrichien sévit en Bohême. 11 a même
proclamé l'état de siège à Prague, la capitale, et il a suspendu, à
celte occasion les articles 12 et 13 de la loi constitutionnelle. Il a
de plus fait arrêter 60 membres du parti des Jeunes Tchèques (\].
Ce parti demandait jadis que l'on accordât à la Bohême un gou-
vernement semblable à celui de la Hongrie, et que l'empereur
d'Autriche se fit couronner roi- de Bohême comme il est couronné
roi de Hongrie. Mais il parait que l'agitation est actuellement anti-
dynastique.
Les agissements du parti Jeune Tchèque sont un danger conti-
nuel pour l'empire et ils pourraient inspirer assez de crainte pour
paralyser l'action de l'Autriche dans le cas d'un conflit entre la
Triplice et la France.
La haine de l'Allemagne règne en Bohême et le gouvernement
en redoute avec raison les effets.
*/ Notre nouveau gouverneur général, lord Aberdeen, est
arrivé à Québec dimanche le 17 septembre. 11 a fait la traversée
à bord du paquebot Sardinian, de la ligne AUan.
Dans la salle du conseil législatif, lundi, le gouverneur a prêté
le serment d'ofSce. C'est le juge Strong, juge en chef de la cour
suprême, qui lui a fait prêter ce serment qui est le premier acte
officiel d'un gouverneur.
La cérémonie de la prestation du serment a été solennelle et
très impoi^ante. Parmi les personnages présents à cette cérémonie
on remarquait son Eminence le cardinal Taschereau, le lieutenant
gouverneur Chapleau, le premier ministre du Canada sir John
Thompson et plusieurs membres de son cabinet, le premier mi-
nistre de la province de Québec, M. Taillon et plusieurs de ses
collègues, l'orateur de l'assemblée législative, le maire de Québec
et plusieurs autres dignitaires ecclésiastiques et civils.
*/ Une élection pour la législature locale a eu lieu le 8 août
dans le comté de Brandon, Manitoba. Les deux candidats étfiient
un M. Adanis, partisan du gouvernement Greenway, et M. W. A.
Macdonald, le chef de l'opposition conservatrice. M. Adams a été
élu avec une majorité de 30 voix. La victoire de M. Adams réduit
l'opposition à 13 membres.
(1) Les Tchèques sont les Slaves de la Bohême.
LE PROPAGATEUR 483
*/ Sont décédés (1).
1''. M. JoUn Lovell, imprimeur, à l'âge de 82 ans et 11 mois.
M. Lovell est né à Bardon, comté deCoik, Irlande, le 4 août 1810,
et il est mort à Montréal le 1er juillet 1893. Il est l'un des plus
célèbres imprimeurs du Canada et il est l'un de ceux qui ont le
plus contribué aux progrès de l'imprimerie dans le pays. Il a
publié un grand nombre de journaux, de livres d'écoles et d'autres
ouvrages importants. Les premiers almanachs d'adresses publiés
ici ont été imprimés par oethomme entreprenant. Depuis très long,
temps il publiait annuellement l'Almanach d'adresses de Montréal,
(Montréal Directory), un modèle de ce genre de publications.
2°. M. Joseph Guillaume 13arthe, ancien député et ancien jour
naliste. 11 était âgé de 77 ans. M. Barthe était libéral et il a été
membre de l'assemblée législative de la province du Canada avant
la confédération. Il a été rédacteur de plusieurs journaux et il a
publié des Souvenirs et un livre qui a eu un grand retentissement
dans la province de Québec. Ce livre était intitulé " Le Canada
reconquis parla France ". C'était en 1854 ou 1855, à l'époque de nos
terribles luttes de partis. L'un des plus célèbres journalistes du
temps, M. Alfred Rambau, rédacteur en chef de la ÏPatrie, journal
conservateur fit une critique acerbe de cet ouvrage. Cette critique
écrite dans un style entraînant eut une vogue immense. Elle était
intitulée •' Le Canada vengé des platitudes d'un fanfaron ou M. Barthe
" et son livre" Les haines politiques étaient alors poussées au
paroxisme et la passion eut peut-être une trop large part daus la
critique du livre.
3°. L'hon. Donald Montgomery, sénateur, à l'âge de 85 ans et
quelques mois. Il naquit à Princetown, ile du Prince-Edouard, le
19 janvier 1808. Pendant 55 ans de vie publique, il fut successi-
vement député du comté de Prince à l'assemblée provinciale, con-
seiller législatif et sénateur. Il fut orateur de l'assemblée législa-
tive pendant quatre ans, et orateur du conseil législatif de 1862 à
1874. Il fut nommé sénateur en 1873 lorsque l'île du Prince
Edouard fut admise dans la Confédération. M. Montgomery était
conservateur en politique.
4°. L'hon. C. S. Patterson, juge de la cour Suprême du Canada,
à l'âge de 70 ans. Il était juge de la cour Suprême depuis cinq ans,
et antérieurement il avait été juge de la cour d'Appel d'Ontario
pendant quatorze ans.
5**. L'hon. Isidore Thtbaudeau, marchand et ancien ministre
provincial. Il naquit au Cap Santé, comté de Portneuf, le 30 sep-
(l) Qaelques uas des décès datent de plusieurs mois. 11 m'a été impossible,
faute d'espace, d'en parler plus loi. Je le fais à la demande de quelques lecteurs.
Je parlerai dans les prochains numéros des personnages importants décédés à
l'élraager depuis quelques mois'
484 LE PROPAGATEUR
tembre 1819. Il était encore très jeune lorsqu'il embrassa la car-
rière commerciale dans laquelle il s'est distingué. Il y amassa une
grande fortune. M. Thibaudeau a représenté Québec centre dans
l'ancienne assemblée législative de la province du Canada, et il a
été membre de l'administration Macdonald-Dorion de mai lo63 à
mars 1864. Lors de la Confédération en 1867 il fut nommé con-
seiller législatif pour la division de Kennebec. Il fut, au conseil,
le chef de l'opposition libérale. 11 donna sa démission eu 1874 et
il fut élu par acclamation député de Québec-Est aux Communes.
En \^11 le chef actuel de l'opposition fédérale. M. Laurier, ayant
été défait dans Drummond et Arthabaska, M. Thibaudeau donna
sa démission et M. Laurier fut élu à sa place. Après sa démission M.
Thibaudeau s'occupa uniquement de ses affaires commerciales.
e*», Sir Alexander Tilloch Galt, G. C. M. G., ancien ministre, à
l'âge de 76 ans. Il naquit à Ghelsea, Londres, Angleterre, le 6 sep-
tembre 1817. Il était le fils de M. John Galt, littérateur anglais
et le fondateur de la ville de Guelp, Ontario. M. Galt a longtemps
représenté la ville de Sherbrooke dans l'assemblée législative de
la province du Canada sous l'union et aux communes du Canada
après la Confédération. Il a été ministre des Finances du Canada-
Uni et ministre des Finances de la Puissance C'est lui qui fit
adopter ici le système décimal en matière de finance. En 1849 il
vota contre le célèbre bill d'indemnité pour les pertes résultant de
l'insurrection de 1837 et il signa le fameux manifeste annexioniste.
On sait que c'est à cause du bill d'indemnité que la populace fu-
rieuse fit brûler les bâtisses du parlement à Montréal et attaqua
Lord Elgin, le plus sympathique de nos gouverneurs anglais. M.
Galt 3 fait partie de la commission chargée de régler la question
des pêcheries et il a été haut commissaire canadien à Londres,
charge occupée actuellement par Sir Charles Tupper. Il a aussi
assisté, en qualité de délégué, aux diverses conférences relatives
à l'union des provinces, à Gharlottetown, île du Prince-Edouard,
en 1864, à Québec la même année, et à Londres en 1867. En 1869
il fut créé par sa Majesté Chevalier Grand-Croix de l'ordre de St-
Michel etSt-George, G. C. M. G..
7° L'hon. Samuel Locke, ancien conseiller législatif de la Nou-
velle-Ecosse, M. Elle Mailloux, régistrateur du comté de Témis-
couata et ancien député local de ce comté, M.Dennis Murray,
juge de police à Québec, et M. O'Brien magistrat stipendiaire de la
rive Nord.
Alby.
lies ludulgences, leur nature et leur usage d'après les
dernières décisions de la S. Congrégation des indulgences, par
le R. P. Béringer S. J., brochure pt. in-8, supplément à la Ire édi-
tion en deux volumes Prix : 25 cts
OUVRAGES
• DU
R R LOUIS DE GRENADE
EXTRAITS METHODIQUES DE SES ŒUVRES
Par un Père de la Compagnie de «fésus
LA SCIENCE DES SAINTS
ou COURS DE LECTURES SPIRITUELLES
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LE MYSTERE DE LA REDEMPTION
ET LES FRUITS DE l'aRBRE DE LA CROIX,
suivis de considérations sur la passion de N.-S. Jésus-Christ
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LA VERTU, SES PRIVILEGES
î vol. in-12 Prix: 80.63
LE DEVOUEMENT A DIEU
ou NATURE ET EFFETS DE LA VRAIE DÉVOTION
1 vol. in-12 Prix : $0.63
LA RELIGION CHRETIENNE
SES EXCELLENCES
i vol. in-12 Prix : S0.63
LE SERVICE DE DIEU,
SES MOTIFS ET SA PRATIQUE
1 vol. in-12 Prix : $0.63
LA VIE DE 5N0TRE-SEIGNEURUESUS-CHIST
MÉDITÉE
1 vol. in.l2 Prix:$0.63
N, B. — Une remise de 50 pour cent sera faite sur ces ouvrages
VIE DU REVEREND PERE LOUIS DE GRENADE
De l'ordre de saint Dominique
Les nombreux livres de piété publiés par le Père Louis de Gre-
nade, ont rendu depuis tantôt quatre siècles, son nom célèbre, et
la sainteté de sa vie est encore plus digne d'admiration que la
science et le merveilleux talent qui caractérisent ses œuvres.
Ce moine illustre naquit à Grenade, en 1504, sous le pontificat
de Jules II, et sous le règne de Ferdinand V, roi d'Espagne. Ses
parents étaient pauvres, mais de vieille race chrétienne ; c'est-à-
dire, qu'ils descendaient d'une vraie souche espagnole, dont la
filiation n'avait été entachée d'aucune alliance avec les Maures,
ces infidèles, que l'Espagne exécrait, mais dont elle n'était pas
encore entièrement purgée.
Louis n'avait que cinq ans lorsque son père mourut. Sa pieuse
mère en était réduite à vivre -d'aumônes. Gomme elle habitait
avec son fils dans le voisinage du couvent des Pères dominicains
de Sainte-Croix, elle sollicita et obtint de blanchir les robes des
religieux. Les bons Pères prirent sous leur protection la pauvre
veuve et son enfant, et pourvurent à leurs plus pressants besoins.
Dieu voulut que Louis de Grenade fût ainsi attaché, dès son jeune
âge, par les liens de la reconnaissance à l'ordre même qu'il devait
illustrer par la suite.
Un de ses biographes raconte que, bien que Louis fût très-doux
de caractère, il eut, un joui', une dispute avec plusieurs de ses
camarades dans les fossés de la citadelle. A la vivacité des paroles
succéda bientôt la vivacité des actes, et une scène de pugilat sé-
rieux s'engagea sous les yeux mêmes du comte de Tendilla, gou-
verneur de la forteresse, qui jusiementsepromenaitsurle rempart.
Le comte s'empressa d'envoyer quelques hommes de la garnison
pour séparer les jeunes combattants, qui n'y allaient pas de main
morte et pouvaient se blesser d'une façon grave. Or Louis, qui
n'avait pas été l'agresseur, pria les soldats de le conduire près du
comte, auquel il expliqua la cause de la bataille, se justifiant avec
tant d'esprit et une dignité enfantine si gracieuse, que le gou-
verneur le prit à l'instant môme en grande affection. 11 s'informa
de sa famille, connut l'état d'indigence de sa mère, et décida qu'à
partir de ce jour il demeurerait chez lui et serait le compagnon
d'études de ses propres enfants.
Dès le lendemain, Louis accompagna donc les fils du comte de
Tendilla au collège. Tout d'abord il donna la preuve de disposi-
tions extraordinaires. Sa mémoire était si prodigieuse, qu'ayant
assisté pendant le carême, avec toute la famille du gouverneur,
aux sermons d'un éloquent dominicain de Sainte-Croix, il répétait
chaque soir, au retour à la citadelle, le discours qu'il venait d'en-
tendre. Louis n'omettait aucun passage. 11 reproduisait jusqu'au
ton du prédicateur, imitait ses gestes et accentuait ses effets ora-
toires avec une fidélité si parfaite, que le comte invita plusieurs
personnes de sa connaissance à venir l'entendre. La compagnie
n'en revenait point et restait comme en extase. Ghacur; s'accordait
à dire qu'un enfant si richement doué, et qui se distinguait, d'ail-
LE PROPAGATEUR 487
leurs, par une piété tout à fait exemplaire, deviendrait une des
gloires de l'Eglise ; car Louis manifestait, dès cette époque, une
vocation décidée pour l'état religieux. Le comte de Tendilla pour-
vut généreusement à l'entretien du jeune homme, lui fit achever
ses études et paya tous ses maîtres.
A l'âge de dix-sept ans, Louis entra comme novice au couvent
des Pères dominicains, dont les supérieurs le connaiss dent de
longue date. On savait que les qualités nécessaires à un bon re-
ligieux s'unissaient en lui à une rare intelligence. Humble, modeste,
apportant tonte l'exactitude possible à l'accomplissement de ses
devoirs, suivant avec une docilité parfaite les conseils qu'il re-
cevait de son Maître des novices, il n'eut pas un seul instant de
défaillance, observa chaque point de la règle avec une fidélité
scrupuleuse et servit de modèle à tout le noviciat. Pendant les
soixante-huit années qu'il vécut dans l'ordre, il conserva la ferveur
de ce premier temps de séjour au cloître, et le même attachement
à la discipline monastique.
Il avait donné trop de preuves de la solidité de sa vertu pour
que les supérieurs jugeassent convenable de retarder sa profession.
Notre jeune novice fut donc admis à prononcer ses voeux, et il
s'acquitta de ce grand acte de sa vie avec une joie, avec un zèle
enthousiaste et une ferveur de piété qui édifièrent profondément
l'assistance.
On le reçut aussitôt dans la classe de philosophie. Ses progrès
furent rapides et soutenus. En six mois, il dépassa tous ses con-
disciples et fut proclamé l'élève le plus instruit de la province.
Une école de théologie très-florissante était ouverte à Valladolid ;
on résolut d'y envoyer le jeune religieux. Cette détermination
l'affligea beaucoup, sans qu'il en témoigna rien, par respect pour
la vertu d'obéissance. Il songeait à sa pauvre mère qui allait
rester à Grenade dans un état voisin de la détresse. Pendant toute
la durée de son noviciat et de son cours de philosophie, jamais il
n'avait manqué de diviser en deux portions, avec l'assentiment
de ses supérieurs, la nourriture qu'on lui servait au réfectoire.
L'une de ces portions «tait pour sa mère. Ce qu'il conservait pour
lui môme ne suffisait assurément pas à satisfaire l'appétit d'un
jeune homme de son âge ; mais peu lui importait de souffrir de
la faim, quand il trouvait une occasion de se mortifier, d'otfrir
un sacrifice à Dieu et de pratiquer deux vertus à la fois, la piété
filiale et l'abstinence.
Au moment de quitter Sainte Croix, il tremblait donc délaisser
la pauvre veuve exposée à la misère, lorsqu'il apprit tout à coup
que le comte de Tendilla se chargeait de veiller sur elle. Ses
craintes furent ainsi pleinement dissipées à l'heure du départ.
La tendresse de Louis de Grenade pour sa mère ne se démentit
jamais tant que celle-ci vécut. 11 lui rendait de fréquentes visites,
et son état d'indigence n'éveillait pas en lui la moindre suscepti-
bilité d'amour-propre. Un jour qu'il prêchait devant toute la
noblesse de Grenade, à laquelle était venue se joindre une afflu-
ence de riches bourgeois, il aperçut avant de commencer son
488 LE PROPAGATEUR
discours, sa mère qui venait pour l'entendre, et qu'on rebutait au
fond de l'église à cause de la pauvreté de ses vêtements et de son
air misérable.
" Je vous en prie, dit le prédicateur, en la désignant à l'assis-
tance, laissez passer cette pauvre femme. C'est ma mère. "
On se rangea tout aussitôt, et l'on vit les plus grandes dames
se disputer l'honneur de placer l'humble veuve auprès d'elles, en
lui témoignant toutes sortes d'égards et en l'estimant heureuse
d'avoir un pareil fils.
A Valladolid, Louis de Grenade continua de déployer dans ses
études théologiques autant de sagacité que de pénétration. Rien
ne lui faisait obstacle ; il surmontait de prime-abord les difficultés
les plus sérieuses et en donnait la solution avec un tact surprenant,
avec une netteté remarquable.. Il s'attacha de préférence à la
théologie mystique, sans négliger les autres parties du cours.
Dieu, qui le destinait à être plus ta'^d le docteur de cette science,
lui donna non seulement un vif désir de s'y appliquer, mais encore
de grandes lumières pour en pénétrer les secrets mystérieux et
les profondeurs sublimes.
Toujours prudent et modéré dans sa conduite, il savait faire du
temps un partage égal entre l'étude et l'oraison, veillait saiis cesse
aux impressions de son âme et comprimait la révolte des sens par
un rude et continuel exercice de la discipline, qu'il s'administrait
quelquefois pendant des heures entières, accomplissant sur son
propre corps un sacrifice sanglant pour se rendre plus conforme
à Jésus crucifié. Il avait choisi la dernière chambre du dortoir,
la plus secrète et la plus reculée, afin d'être complètement libre
de se livrer à ses macérations corporelles. Le saint religieux
pensait n'être vu et entendu que de Dieu seul.
Toutefois il fut découvert, au moment où il s'y attendait le
moins, par des personnes qui passaient de nuit près du couvent.
C'étaient deux gentilshommes de la ville, deux jeunes libertins,
qui se dirigeaient à la faveur des ténèbres vers une maison de
débauche. Il pouvait être onze heures du soir, la rue était déserte
et silencieuse. Entendant des soupirs et des cris étouffés, les
jeunes gens s'approchèrent de la fenêtre de Louis de Grenade,
collèrent l'oreille aux volets fermés et distinguèrent les coups de
fouet dont le religieux macérait sa chair. Comparant l'héroïsme
de cette pénitence, chez un homme innocent et pur sans aucun
doute, à la satisfaction brutale qu'ils allaient donner à leurs pas-
sions, ils furent saisis d'une profonde horreur d'eux-mêmes et
fondirent en larmes. Pas n'est besoin d'ajouter qu'ils renoncèrent
à leur criminelle démarche.
La lendemain, ayant reconnu l'endroit où ils s'étaient arrêtés
la veille, et demandant le nom du religieux qui avait sa cellule
dans cette partie du couvent, ils se firent introduire chez lui, se
précipitèrent à ses pieds avec d-s sanglots et le supplièrent d'être
leur interprète auprès de la miséricorde divine pour leur obtenir
le pardon de leur coupable conduite.
Après avoir terminé ses études théologiques, le Père Louis
LE PROPAGATEUR 489
revint à Grenade au monastère de Sainte-Croix, où il reçut les
ordres sacrés et célébra sa première messe.
Se sentant appelé d'une manière irrésistible à la prédication et
demandant à Dieu la grâce de pouvoir se consacrer au salut des
âmes, il obtint l'agrément de ses supérieurs pour monter dans la
chaire chrétienne, et att'ra toute la ville dans l'église où il prê-
chait. Les conversions qu'il opéra furent innombrables. Il se
révélait au peuple de Grenade comme un saint et comme un
apôtre, car il n'enseignait rien qu'il ne pratiquât lui même ; il
était tout à la fois riche de science et de bons exemples.
Les écrivains du temps comparent l'illustre religieux au ver à
soie, qui, après s'être alimenté de feuilles succulentes, parvient à
une grosseur considérable et tire de sa propre sub.-;tance les biens
dont il enrichit l'homme. De même Louis de Greuade, après s'être
nourri de la lecture de livres sacrés et après avoir absorbé, pour
ainsi dire, les œuvres des Pères de l'Eglise, tirait comme de lui-
même une science toute divine, la répandait avec abondance dans
l'âme de ses auditeurs, et les comblait de richesses spirituelles
qu'il avait puisées dans le trésor de l'Ecriture sainte. Il avait
toutes les qualités d'un grand prédicateur, une voix claire et
métallique, un accent net, ferme, intelligible, une onction précieuse,
une force oratoire triomphante et un talent particulier pour se
mettre du premier coup au niveau de son auditoire. Pendant près
de quarante années, il remplit les églises d'Espagne de son élo-
quence évangélique, prêch mt dans les plus humbles chapelles
comme dans les cathédrales les plus splendides, ne descendant de
la chaire que pour entrer au confessionnal et y absoudre les pé-
cheurs touchés par sa parole, amenés à lui par la grâce, et qui
tombaient à ses genoux en pleurant de repentir.
Après ses quatre premières années de prédication, le Père Louis
fut rappelé par ses supérieurs. On trouva qu'il avait bssoin de
repos, et on l'envoya dans la province de Cordoue rétablir le cou-
vent de Scala Cœli^ qui tombait en ruines de toute manière, phy-
siquement et moralement ; non que les religieux qui l'habitaient
fussent indignes de la sainteté de leur état, mais parce que le
fondateur de ce monastère ne l'avait doté que de ressources très-
insufBsantes, et que, d'autre part, un bruit faussement accrédité
en déclarait le séjour insalubre et enlevait à ceux qui l'habitaient
la confiance et le courrge.
Situé sur une colline, le couvent présentait au contraire des
conditions hygiéniques très-favorables. Notre digne religieux
détrompa ceux qui avaient cru à la fausse rumeur, fit réparer les
cellules et les cloîtres, trouva dans la bienveillance et la charité
des habitants de Cordoue des moyens plus que suffisants pour
améliorer la situation temporelle, et sut enfin s'acquitter d'une
manière aussi complète que satisfaisante de la mission que ses
supérieurs lui avaient confiée.
Ce fut au milieu de ces soins et de ces travaux, réclamés pour
la gloire et la tranquillité de son ordre que Louis de Grenade
écrivit ses premiers livres.
490 LE PROPAGATEUR
Dès le principe, et bien avant que le monastère fut relevé d&
son délabrement, Scala Cœli devint pour ce digne fils de saint
Dominique une demeure pleine de charme, une chère et paisible
retraite, où il s'enfermait avec joie, sans se préoccuper des in-
nombrables incommodités qu'elle présentait de toutes parts, ou
plutôt se faisant un mérite de ce qu'il avait à y souffrir. Cet ange
tei-restre avait trouvé là véritabl^^ment l'échelle qui conduisait à
Dieu. 11 sut profiter du recueillement et de la paix qu'il trouva
dans cette solitude pour composer ses magnifiques traités de
VOraison et de la Méditation., ceux du Jeûne et de V Aumône. On
goûta tellement ces ouvrages et ils furent si répandu» tout d'abord,
que les Mahoraétans eux-mêmes en choisirent des extraits pour les
traduire dans leur langue. A Gordoue, un Maure esclave, du nom
d'Hameiesi, touché de la grâce, à celle lecture, demanda la ba-
ptême et se fit chrétien.
Le travail assidu qu'exigeait la composition de ses œuvres
n'empêchait pas le docte religieux de répondre au désir des ha-
bitants de Gordoue, qui venaient le supplier presque chaque se-
maine de leur annoncer la parole sainte. Alors Louis de Grenade
descendait de sa colline, et la foule remplissait aussitôt l'église
oii il devait se faire entendre.
Un jour de vendredi saint, prenant un missel, il l'ouvre solen-
nellement en chaire, se borne à lire ces mots : Passio Domini nostri^
Jesu-Christi, et ferme- le volume en disant :
" Est-ce que chacun de nous ne doit pas avoir la Passion de
Jésus-Ghrist gravée au fond de son cœur ? A quoi nous servirait
un livre, puisque nous pouvons tous, moi le premier, en reproduire
de mémoire les douloureux détails ? Ecoutez donc, ô mes frères,
et déplorons ensemble l'infamie du péché de l'homme, qui a cloué
le Sauveur du monde à la Groix 1 "
Là-dessus il se met à paraphraser les épisodes du drame de la
Passion, depuis le jardin des Oliviers jusqu'au G:ilvaire, avec une
onction si pénétrante, que des sanglots, des gémissements, des cris
d'angoisse et de repentir éclatent dans l'auditoire. Impossible à
Louis de Grenade d'achever sa péroraison. Gette crise de douleur
est communicative et va toujours croissant. Il est obligé de des-
cendre, pleurant lui-même, et remerciant Dieu, qui vient de
permettre à sa faible parole d'émouvoir aussi profondément les
âmes.
On retira le célèbre prédicateur du couvent de Scala Cœli pour
l'envoyer fonder une autre maison de son ordre à Badajoz, ville
d'Andalousie, où la corruption des mœurs était extrême. Depuis
longtemps, le peu de chrétiens fidèles que cette ville comptait en-
core appelaient à grands cris les religieux de l'ordre de Saint-
Dominique. On savait le résultats obtenus par leurs prédications,
et on réclamait leur concours, plus nécessaire là que partout
ailleurs, et qui pouvait seul délivrer une autre Babylone de l'em-
pire f'e Satan.
A peine Louis de Grenade fut-il installé à Badajoz qu'il y ouvrit
des conférences régulièrement. L'église était presque vide à son.
LE PROPAGATEUR 49t
premier sermon ; mais on accourut pour entendre les autres, et
la semence de la parole sainte, jetée dans ces cœurs égarés, y
fructifia au centuple et rendit une pleine moisson de conversions
éclatantes.
Ce fut à Badajoz que le Père Louis composa Le Guide des Pé-
cheurs, livre énergique et saisissant, auquel un nombre incalcu-
lable de malheureux chrétiens, engagés sur la route de l'enfer,
ont dû leur retour à Dieu.
La renommée de Louis de Grenade s'étendait alors d'un bout
de l'Espagne à l'autre, et dans tout le Portugal. Ses supérieurs
étaient assiégés de requêtes et de supplications. Partout on de-
mandait le saint prédicateur, partout on voulait l'entendre. Il
fallut céder à l'influence puissante de don Henri, infant de Por-
tugal et prince de l'Eglise, qui l'emporta sur tous les antres ré-
clamants et obtint que le célèbre religieux viendrait habiter sa
ville métropolitaine
Don Henri avait voulu se consacrer, dès sa jeunesse à l'état
ecclésiastique. Il était archevêque d'Ebora, carduial au titre des
quatre couronnes, et donnait l'exemple des vertus les plus austères.
Chaque jour le digne prélat célébrait le sacrifice de la messe et
distribuait à son peuple le pain sacré pour mieux connaître les
brebis confiées à sa garde et à sa vigilance. Il visiiait les malades
et leur portait le saint Viatique, entendait les confessions, bapti-
sait les enfants, versait d'abondantes aumônes entre les mains
des pauvres, et déployait, en un mot, dans tous les actes de sa vie
le caractère de la plus haute sainteté.
Sachant que le Révérend Père venait d'arriver à Ebora, le car-
dinal voulut se rendre au couvent où il était descendu. Il alla
droit à sa cellule ; puis, s'agenouillant devant l'humble moine, il
le pria de vouloir bien entendre sa confession.
" Que Votre Altesse daigne agréer mes excuse.s, répondit Louis
de Grenade. Etranger au diocèse, je pourrais mal justifier la con-
fiance dont elle veut bien m'honorer. J'ignore s'il y a quelque
part des crimes ou des scandales publics que je devrais lui faire
connaître, afin qu'elle puisse y porter remède. "
Le cardinal admira la sagesse du saint religieux. Tout en don-
nant les marques d'une humilité parfaite, le Père Louis montrait
par ce discours combien les devoirs du confesseur d'un prince
sont plus étendus et plus graves que ne peuvent l'être ceux des
prêtres appel'^s à diriger les pénitents ordinaires.
Pendant le séjour de Louis de Grenade en Portugal, le royaume
entier put ressentir l'heureuse influence de ses écrits, de ses pré-
dications et des vertus dont il était le constant modèle. Les nou-
veaux religieux, avec lesquels il demeurait au couvent d'Ebora,
furent les premiers à reconnaître son rare mérite et ses qualités
éminentes. Le temps réglé pour des nouvelles élections monasti-
ques ariivait. Tous les suffrages se réunirent sur la tête de Louis
de Grenade et il fut nommé Provincial. 11 s'acquitta de ces fonc-
tions avec une douceur inaltérable et une prudence consommée.
On était étonné de voir comment il trouvait moyen de suffire à
492 LE PROPAGATEUR
tout, sans négliger ses mortifications ordinaires et ses laborieuses
études. Il avait des expédieuls prodigieux pour ne pas discontinuer
sa tâche, dans les circonstances mêmes où le travail semble im-
possible à tout autre. Ainsi, par exemple, lorsqu'il se mettait en
route pour aller visiter les maisons placées sous sa surveillance,
il montait une mule à l'amble pacifique, et prenait soin de faire
ajuster à l'arçon de la selle une espèce de pupitre, où il posait ses
livres, et qui lui donnait même la facilité d'écrire. Notre infati-
gable religieux parvenait ainsi à utiliser jusqu'à la dernière minute
de son temps pendant le trajet d'un monastère à l'autre.
Ce fut dans ces excursions qu'il traduisit du latin en langue
espagnole VEchelle spirituelle de saint Jean Glimaque. Il dédia
rœuvr:i à la reine Catherine, veuve de Jean III, roi de Portugal,
et frère du cardinal Henri. Cette princesse, plus recommandable
encore par sa piété sincère que par l'éclat de sa naissance et l'élé-
vation de son rang, avait conçu pour le Père Louis l'estime la
plus vive et ne manquait jamais de prendre conseil de sa sagesse,
lorsque la régence du Royaume, dont elle était chargée, nécessitait
quelque importante détermination. Trouvant qu'un homme de
ce mérite n'était point à sa place, elle lui offrit le siège archiépis-
copal de Brague, alors vacant. Mais le saint religieux déclina
l'honneur que la reine-régente voulait lui faire et la pria de jeter
les yeux sur une autre personne que lui. Affligée de ce refus, Ca-
therine lui dit avec un ton solennel, où perçait le mécontentement
et où l'on sentait que la majesté royale donnait un ordre :
— Père Louis, je vous charge de l'archevêctié de Brague. Ac-
ceptez-le pour vous-même, ou trouvez un homme capable de
l'occuper dignement. Quant à moi, je délivre de ce soin ma con-
science et j'engage la vôtre sans réserve. Sous trois jours il me
faut votre réponse, ne l'oubliez pas, mon Père.
Elle le congédia par un geste et par un regard, dont la sécheresse
et la sévérité ne lui étaient pas habituelles. Ces trois jours furent
terribles et pleins d'angoisse pour Louis de Grenade. Il les passa
dans une oraison fervente, dormant et mangeant à peine, et priant
Dieu avec larmes de lui manifester sa volonté et de lui révéler le
choix qu'il avait à faire. Les vœux du saint homme furent exaucés.
A la fin du troisième jour, il retourna chez la reine, qui lui dit :
— J'aime à croire que toutes vos réflexions sont faites, mon
Père, et que vous acceptez ?
— Madame, répondit Louis de Grenade, permettez-moi de ré-
péter à votre Majesté, que je me sens indigne de remplir une
charge aussi éminente. J'ai recommandé cette affaire à Notre-
Seigneur : il m'a secrètement inspiré que, si le choix s'arrêtait
sur don Barthélemi des Martyrs, la conscience de votre Majesté,
comme la mienne, serait en sécurité sur ce point.
— Hélas ! Père Louis, vous poussez trop loin la vertu ! repartit
Catherine. Je cède, puisque vous tenez si ferme, et je vois bien
que vous sacrifiez à votre mérite devant Dieu, la bonne volonté
que je vous témoigne. Vous me désolez véritablement, mon Père ;
mais le chagrin que vous causez à la Régente redouble l'admiration
E PROPAGATEUR 493
et le respect de la chrétienne. Allez, et prévenez le vénérable don
Barthélémy des Martyrs qu'il est archevêque de Brague.
Ce fut ainsi que l'humble religieux se dogagea du rude fardeau
que les dignités ecclésiastiques lui eussent imposé.
Dieu permit qu'il restât dans sa première vocation et continuât
de travailler d'une autre manière à la gloire de l'Eglise en écri-
vant tous ces beaux et bons livres, qu'il nous a transmis, et qui
sont d'un secours inestimable pour toutes les personnes qui veulent
marcher dans les voies de la perfection chrétienne.
Outre les ouvrages que nous avons mentionnés précédemment,
Louis de Grenade écrivit, en latin, quatre tomes de sermons pour
l'année entière, — deux volumes de Ser-mons des Samts^ — un re-
cueil de sentences diverses touchant l'oraison, la méditation et la
contemplation, — et un Traité de la pénitence^ divisé en deux par-
ties. Trois autres volumes, portant le titre général de Recueil de
philosophie morale^ contiennent la morale de Sénèque, de Plutai que,
et les sentences de plusieurs autres philosophes célèbres. Il publia
aussi un traité de Rhétorique ecclésiastique ou Méthode pour prêcher,
dont l'illustre professeur, Valentinien Nunez, disait : " Celte Mé-
thode mériterait d'être écrite en lettres d'or. " Nous devons encore
au Père Louis de Grenade le recueil intitulé Sylva locorum com-
munium ; — le Mémorial de la vie chrétienne^ en espagnol, composé
de sept traités différents, et les Additions à ce Mémorial ; — le Ca-
téchisme ou Introduction au symbole de la foi, en quatre parties,
auxquelles il jugea convenable d'ajouter plus tard un appendice,
désigné comme cinquième partie, mais qui n'est que l'analyse et
l'abrégé lumineux des quatre autres ; — et la traduction du livre
de Thomas à Kempis, appelé le Mépris du monde, et si répandu au-
jourd'hui sous le titre de l'Imitation de Jésus-Christ.
N'oublions pas de dire qu'à la fin de son Catéchisme, œuvre de
doctrine universellement appréciée et d'une richesse de science
très-grande, se trouve un sermon sur cette parole de saint Paul :
Quis infirmatur, et ego non infirmor 7 Quis scandalizatur, et ego non
uror ? Ce fut la dernière œuvre imprimée du Père Louis de Gre-
nade. Il en corrigea le texte sur épreuve deux jours seulement
avant de rendre son âme à Dieu.
Deux opuscules ont été publiés sous son nom après sa mort :
l'un traite de V Incarnation, l'autre des Scrupules.
Tous ces ouvrages donnent la preuve de la fécondité de ce rare
esprit. Il a travaillé à la vigne du Seigneur en ouvrier persévérant
et infatigable. Trois siècles ont rendu plein hommage à son éru-
dition, à sa capacité merveilleuse pour ouvrir les voies du salut
et pénétrer les secrets de la vie mystique.
Un bref du souverain pontife Grégoire XIII, adressé au Père
Louis, le 21 juillet 1582, parle avec infiniment d'éloges des ou-
vrages du savant religieux, le félicite de ses ferventes et nom-
breuses prédications, et ajoute que ses sermons comme ses écrits
" lui mériteront de graiides couronnes dans le ciel, parce qu'ayant
ainsi travaillé avec un éclatant succès à retirer les pécheurs de
leurs désordres et à les faire sortir des ténèbres de l'ignorance, il
494 LE PROPAGATEUR
ne les a pas moins favorisés que s'il avait obtenu de Dieu le don
de rendre la vue aux aveugles et la vie aux morts. "
Le pape .'^ixle-Quint, successeur de Grégoire XIU, voulut ré-
compenser Louis de Grenade, en l'élevant à la dignité de cardinal.
Mais le saint homme, pour éviter le coup dont son humilité allait
être atteinte, se hâta de répondre à Sa Sainteté qu'il avait quatre-
vingts ans, qu'il était infirme, qu'il ne pouvait plus quitter la
chambre, et qu'enfin son grand âge et son état de maladie le ren-
daient absolument incapable de travailler d'une manière efficace
à servir l'Eglise.
Aux témoignages d'estime des souverains pontifes, vinrent se
joindre les félicitations unanimes des rois d'Espagne et de Portu-
gal, des cardinaux, des prélats de l'Europe entière, et surtout
celles de saint Charles Borroraée, cardinal-archevêque de Milan,
qui honorait d'une correspondance intime et d'une amitié toute
particulière l'auteur de tant de précieux livres, bien qu'il ne l'eût
jamais vu, et qu'il n'était pas probable que l'occasion se présentât
pour Tun ou pour l'autre de se rencontrer en ce monde.
Le Père Louis lui dédia le troisième tome de ses Sermons^ '' à
seule fin, dit-il dans la préface, de reconnaître les vertus de ce
saint archevêque et cardinal et de les publier hautement. "
Ces marques d'estime qu'il recevait des personnages les plus
illustres de son époque, cette unanimité de la louange et du res-
pect ne parvinrent pas à inspirer à Louis de Grenade l'ombre d'un
sentiment d'orgueil. Il ne s'appropriait rien de toutes les qualités
de l'âme et de toutes les facultés de l'intelligence que Dieu avait
mises en lui, et il s'appliquait, au contraire, à s'abaisser autant
que possible aux yeux des hommes. Pressé par un religieux de
revêtir une robe moins usée et moins rapéciée que celle qu'il
portait :
" Ah ! mon frère, s'écria-t-il, je suis mieux habillé que je ne le
mérite ! Tout enfant, je n'avais que des haillons, et j'allais ainsi
par la ville, déguenillé, pieds nus, suivant ma pauvre mère, qui
demandait l'aumône à la porte du couvent de Grenade, Je tenais
à la main un petit pot, dans lequel on nous versait un peu de po-
tage et quelques autres restes, et nous étions trop heureux d'être
nourris de la sorte. "
Voilà comment parlait de lui-môme un homme qu'on jugeait
digne des plus hautes prélatures, et à qui les souverains pontifes
om-aient la pourpre.
Nous en sommes restés, dans la vie du saint religieux, à l'époque
où il venait de refuser l'archevêché de Brague. Ayant achevé la
période fixée pour l'exercice de la charge de provincial, il fut en-
voyé à Lisbonne, oîi il ne s'occupa plus que de prédication et
reprit son travail d'écrivain, dont il n'argua jamais pour se dis-
penser de l'observance de la règle. Sans égard à son âge, déjà fort
avancé, il assistait aux offices comme les autres religieux, se levait
à l'heure des matines, et ne se remettait plus au lit, restant jus-
qu'au lever du soleil en méditation ou en prière. Toutes ses jour-
nées se passaient à l'étude, à la composition de ses livres ou à la
LE PROPAGATEUR 495
pratique de l'oraison. Il regardait la solitude comme la plus sûre
dépositaire et la meilleure gai-dienne de l'innocence ; néanmoins
il ne se plaignait pas et ne manifestait aucun mécontentement, si
on venait l'arracher à quelque travail sérieux pour entendre des
confessions à la chapelle ou pour aller visiter les malades. Quand
on l'appelait au dehors, il ne consacrait à l'affaire qu'il devait
traiter que le temps rigoureusement voulu pour la conduire à
bon terme, et rentrait auesilôi dans sa chère cellule, meublée d'une
table en bois de sapin, de deux chaises, d'un misérable grabat,
de deux grands crucifix attachés aux murs, et de quelques images
en papier représentant Noire-Seigneur, la sainte Vierge, ou les
saints pour lesquels il avait une dévotion spéciale.
Durant une maladie qui vint assaillir Louis de Grenade au
couvent de Lisbonne, le cardinal Albert, apprenant qu'il se trouvait
dénué de tout, fit porter dans sa cellule un bon matelas, de chaudes
couvertures et six chemises de toile de Hollande ; mais le saint
religieux n'eut rien de plus pressé que d'envoyer à l'infirmerie
chemises, couvertures et matelas, pour ne pas être privé des bé-
nédictions que promet Jésus-Christ à ceux qui conservent pour
son amour l'esprit de renoncement et de pauvreté.
On disait du Père Louis de Grenade qu'il était si modeste et si
recueilli, dans le travail comme dans l'oraison, qu'il n'avait jamais
eu l'idée de v^oir de quelle couleur était le plafond de sa cellule.
Bien qu'il ménageât beaucoup le temps nécessaire à ses travaux,
et malgré son goût pour la composition ei l'étude, il s'était imposé
de faire chaque jour au moins trois heures d'oraison, tantôt à
genoux, tantôt prosterné la face contre terre, ou les bras étendus
en croix. Après l'oraison, il ne manquait pas de se donner la dis-
cipline, à l'exemple de saint Dominique, son modèle et son maître.
Il ne pouvait comprendre qu'on récitât l'office divin négligem-
ment ou avec indifférence. Un jour, il adressa des paroles de
reproche à l'un de ses compagnons, qui s'était laissé surprendre
par le sommeil au milieu des psalmodies de matines.
"Mon frère, lui dit-il, restons éveillés et attentifs, quand nous
parlons à Dieu ! "
Qu'il fût bien portant ou qu'il fût malade, il ne manqua pas de
dire la messe un seul jour pendant toute la durée de ta vie sa-
cerdotale.
" Célébrer pieusement la sainte messe aujourd'hui, disait-il, est
la meilleure préparation à la messe de demain. "
Louis de Grenade manifestait les sentiments de la plus haute
estime à l'égard des personnes vertueuses, et qui s'appliquent à
le devenir de plus en plus. Il étudiait avec un soin tout particulier
leurs efforts continuels pour réprimer les penchants de la nature
mauvaise, pour vaincre leurs défauts de caractère et pour triom-
pher des obstacles qui les arrêtaient sur le chemin du ciel. Il
écrivait ses observations, enregistrait chaque détail, prenait note
des bonnes œuvres, des sacrifices, de tous les faits édifiants qui
se passaient sous ses yeux, non par curiosité pure et simple, ou
seulement pour s'édifier lui-même ; il avaiteon but. Ces documents
496 LE PROPAGATEUR
devaient servir à Ja rédaction d'un dernier ouvraga, intitulé : Vies
des illustres et saints personnages de mon siècle. Dans le nombre
est la vie de don Barthélémy des Martyrs, qui avait accepté l'ar-
chevêché de Brague uniquement pour faire acte d'obéissance ;
car le Père Louis, alors son supérieur, l'y avait plus qu'exhorté,
il lui en avait fait un devoir.
Si notre digne et savant religieux s'appliqua à étudier la sagesse
de conduite, le courage, la lutte persévérante et le progrès des
vrais fidèles dans la voie de la sanctification, afin de publier en-
suite leurs actes de vertu, il eut aussi l'occasion de reconnaître
les Iraudes et la malice insigne d'une personne qui vint se mettre
sous sa direction, en lui témoignant le plus vif désir d'avancer dans
la vie mystique, et dont les desseins réels et remplis d'iniquité ne
pouvaient être soupçonnés par le charitable directeur. Avec l'aide
de Dieu et de son bon ange, il finit par découvrir l'hypocrisie
odieuse et les intentions perverses de cette fausse pénitente.
Il versa des larmes sur l'égarement monstrueux où la jetait
l'enfer, et s'imposa des mortifications inouïes pour expier le crime
de cette âme dissimulée et perfide. On croit même que ce fut ce
déplorable incident qui lui inspira, sur le texte de saint Paul, le
docte sermon imprimé, comme nous l'avons dit ci-dessus, à la fin
de son Catéchisme. Sa pensée, en le publiant, fut d'encourager les
âmes à la pratique des vertus solides, et de leur apprendre à ne
pas fléchir en voyant les mauvais exemples et l'égaren:ient des
malheureux qui [)réfèrent la vie des sens à celle de l'esprit, se
perdent de gaîté de cœur et roulent jusqu'au fond de l'abîme.
Louis de Grenade consacra l'Avent tout entier de l'année 1588
aux retouches de ce sermon, dont l'étendue est considérable. Il
supportait en même temps avec une angélique patience les der-
nières crises d'une maladie cruelle, qui l'affligeait depuis deux
ans. Malgré le travail et malgré la souffrance, il voulut pratiquer
le jeûne de l'Avent avec la môme exactitude et la même austérité
qu'il mettait à l'accomplir dans un âge plus vigoureux. Aussitôt,
la maladie s'accrut et le saint vieillard fut saisi d'une fièvre vio-
lente, qui le réduisit bientôt à l'extrémité. Chacun put comprendre
que la mort avançait à grands pas. Le religieux chargé d'assister
ce cher malade, songeant à la perte que l'Eglise allait faire, san-
glottait près de lui ; car le célèbre prédicateur n'était pas seule-
ment admiré de tous : une mansuétude et une bonté sans égale,
dont il donnait à chacun des marques constantes, lui avaient
aussi gagné les cœurs, et on lui portait dans le couvent l'affection
la plus vive et la plus profonde.
— Allons, mon ami, ne vous désolez pas, dit Louis de Grenade
à son gardien. Voyez donc, est ce que je pleure, moi ? Réjouissez-
vous plutôt, puisque je vais abandonner ce triste monde, ce lieu
de dur pèlerinage et de calamité, pour aller dans la patrie céleste,
avec Noire-Seigneur, la sainte Vierge, les Anges et les Saints.
Séchez vos larmes, mon bon frère, car je me trouve heureux. Je
compte bien que Dieu va me recevoir en paradis, où je prierai
pour vous.
LE PROPAGATEUR 497
Sun mal ne lui causait aucun trouble d'esprit ; il e-i supportait
les terribles atteintes avec le calme d'un martyr. A ctiaque instant,
on le voyait lever les yeux au ciel ; il se livrait à d'ardentes aspi-
rations pour être dégagé des liens qui l'attachaient encore à la
terre et pour aller jouir de la souveraine félicité promise à ceux
qui consacrent leurs jours à aimer et à servir Dieu.
Dans la soirée du 31 décembre, les médecins, voyant les forces
du malade décroître de plus en plus, prévinrent les supérieurs
qu'il était temps de lui administrer le saint Viatique.
On annonça donc au Père Louis que sa fin approchait. Il eut
un élan d'allégresse sublime, joignit les mains et s'écria d'une
voix que l'ardeur de son amonr rendait forte et vibrante :
"Enfin, j'irai dans la maison du Seigneur ! Heureux ceux qui
sont admis à y faire séjour et à le bénir pendant les siècles des
siècles ! "
Il se confessa pour la dernière fois et reçut le corps sacré de
Jésus-Christ, avec des sentiments de respect, d'humilité, de fer
veur et de joie radieuse, dont tous les assistants furent pénétrés
d'admiration au milieu de leur douleur même. Agenouillés près
de son lit, les religieux poussaient des gémissements et fondaient
en larmes. Le maître des novices se leva, et, se penchant au che-
vet du moribond :
— Vous sentez-vous la force, mon Révérend Père, lui demanda-
t-il, d'adresser quelques paroles à nos jeunes frères, qui aspirent
à être un jour de dignes fils de saint Dominique, comme vous
l'avez été vous-même ?
— Si je n'ai pas la force. Dieu me la donnera, répondit Louis
de Grenade.
On fit approcher les novices. Il leur adressa une allocution
tout embrasée de l'amour divin, les exhorta vivement à conserver
une grande pureté de conscience, à déployer une activité soutenue
dans le service de Dieu, et à travailler avec courage pour la gloire
et l'agrandissement de l'ordre qu'ils allaient embrasser. Le saint
homme parlait sans fatigue apparente. Son zèle lui faisait oublier
toutes ses souffrances. Il termina par ces touchantes paroles :
" Soyez attentifs à vos devoirs et fidèles à la règle, mes chers
enfants.Remplissezavec une exactitude scrupuleuse les obligations
que nous imposent nos vœux. Ne perdez jamais de vue la cou-
ronne qui récompensera vos efforts et votre persévérance. Songez
comhien la vie est courte, en comparaison de l'éternité bienheu-
reuse, oià Dieu vous fera la grâce, je l'espère, de me rejoindre tous."
Priant ensuite qu'on le laissât seul, il rassembla toutes les
puissances de son âme pour s'unir à son Sauveur, qu'il venait de
recevoir, et resta près de quarante minutes plongé dans une
muette et sainte extase, avant goût des délices du ciel, où il allait
entrer. Lorsqu'il eut reçu l'extrême-anction, il demanda qu'on
lui fît de la lecture de la Passion de Notre - Seigneur
Jésus-Christ, selon saint Jean. Il l'entendit d'un bout à l'autre,
tenant un cierge allumé dans sa main déjà refroidie par l'approche
de la mort, et protestant que " la clarté de ce cierge était l'image
30
498 LE PROPAGATEUR
de la foi lumineuse qu'il avait eu le bonheur d'avoir dès l'enfance,
et qu'il avait encore en ce moment où Dieu le rappelait de ce
monde. "
Vers neuf heures du soir, l'agonie commença, et les religieux
entonnèrent le psaume de la délivrance. Ge fut au milieu de ce
cantique sacré que l'âme du ^rand serviteur de Dieu quitta son
corps pour aller recevoir la récompense des innombrables et pieux
travaux, qu'il avait accomplis pour la gloire du divin Maître et
pour le triomphe de l'Eglise.
Il mourut à Tâge de quatre-vingt-quatre ans.
On peut dire de Louis de Grenaie qu'il a été comme un arbre
admirable, planté dans une terre féconde, et qui, malgré les tem-
pêtes qui nous bouleversent ici-bas et le vent désastreux des pas-
sions qui souflle sans cesse, a donné toutes ses fleurs et porté tous
ses fruits.
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A L. B Y
SEPULTURE
QUESTION. — Dans la province de Québec les tribunaux civils peuvenl-ils
contraindre un curé à enterrer dans la partie consacrée d'un cimetière un
paroissien mort en revoit^ ouverte contre l'église?
Un canadien des Etals- Unis
Nouvelle-Orléans 1 août 1893.
REPONSE. — Non. Ils n'ont pas ce droit.
La célèbre cause Guibori qui a eu tant de retentissement, il y a
une vingtaine d'années,est encore présente à la mémoire de tous.
Joseph Guibord, membre de l'Institut Canadien, institution con
damnée par l'èvêque de Montréal, étant décédé sans s'être
reconcilié avec l'église, ses amis essayèrent inutilement d'obtenir
pour lui les honneurs de la sépulture chrétienne. Sur l'ordre de
l'administrateur du diocèse le curé de Notre-Dame de Montréal
refusa de l'enterrer dans la partie consacrée du cimetière catho-
lique de la Côte des Neiges. La veuve Guibord soutenue par
l'Institut Canadien, poursuivit la Fabrique de N. D. de Montréal
pour la contraindre d'enterrer le corps en terre sainte. Elle eiit
gain de cause devant la cour Supérieure à Montréal, mais elle
perdit en Révision et en Appel. L3s juge de ces deux cours furent
unanimes à juger que les peines canoniques portées par l'église
contre ses enfants rebelles devaient avoir leur eôet civilement, que
ses sentences devaient être exécutées et que les tribunaux civils
n'avaient pas le droit de les réviser.
Le Conseil Privé, devant qui la cause fut portée renversa la
décision de la cour d'Appel et ordonna iniquement que Guibord fût
enterré dans la partie consacrée du cimetière. Ce qui fut fait au
LE PROPAGATEUR 499
grand scandale de la population catholique. Il y eut à l'occasion
ûe l'enterrement, un grand déploiemant de forces militaires, mais
l'ordre ne fut pas troublé grâce aux autorités ecclésiastiques.
Un cas identique à celui de Guibord ne peut plus se présenter,
€t le Conseil Privé d'Angleterre ne pourra plus violer les canons
de l'Eglise; Une loi passée par la Législatare provinciale a réglé
xléBnuivemeut la question. Voici cette loi qui est devenue l'article
5786 des Statuts Refondus de la Province de Québec et l'article 66a
du code civil.
5786 II appartient à l'aulorit« ecclésiastique catholiqua romaine seule de
designer <Jaas lu cimeiière la place où chaque persoaae décelé de cette croyance
doit êirii inhuumée ; et si crlt-- p- rsonne décédée ne peut être inhuaaée d'après
les lois caaoïiiques, selon la ijHci-ion de l'Ordinaire, dans la terre consacrée par
les pi ières liturgiques décatie religion, elle rpçoit la sépulture civile dans uu
terrain réservé à cet eir«let altenaat au cimetière.
VIOLATION DE PROPRIETE IMMOBILIEIRE
Question Qudles sont les peines auxquelles sont exposés ceux qui passent
sur le terrain d'autrui sans permission ?
Cultivateur.
RÉPONSE. Excepté dans l'exercice de quelque devoir imposé par
la loi, personne ne doit passer sur le terrain d'autrui sans la per
mission du propriétaire ou de son représentant à peine d'une
amende d'une à six piastres. (S. R. P. Q. Art. 5551, No 1,) Cette
amende est imposée, même à celui qui ne fait aucun dommage
en passant ainsi illégalement sur le terrain d'autrui.
Le violateur peut même être arrêté sans mandat, par le pro-
priétaire du terrain, par son représentant ou par son serviteur.
Ces personnes ont le droit de le conduire de suite devant le juge
de paix pour le faire coiidamuer à l'amende. (Id. No 3.)
La disposition de cet article ne s'applique pas aux chemins de
simple tolérance, même s'ils ne sont pas chemins municipaux.
Jusqu'à avis contraire, le propriétaire est censé donner la per-
mission d'y passer.
Dans la Province d'Ontario ceux qui passent sur le terrain
d'autrui sans permission sont aussi passibles d'amende. Ils peuvent
même, comme dans la Province de Québec, être légalemenù àvrèlés
par le propriétaire, ou par ses représentants, et être conduits
devant le juge de paix pour condamnation.
Voici la disposition de la loi relative a l'amende. Elle est ex-
traite de la première section du chapitre 101 des statuts révisés (1)
de la Province d'Ontario.
" Any person who unlawfully enters iato * * or in any way trespasses upon
any land or premises whatsoever, being whoUy enclosed, and beiag the properly
of anolher persan, shall bu 'iable lo a penalty of not less ihan $1, nor more
than $10 for any such offence, irrespe-tive of any damage haviug or not having
been occasione 1 thereby, aud sucli p'inalty may be recovered with costs in every
case of conviction before any one Justice of the Peace. "
(1) Révision de 1887.
500 LE PROPAGATEUR
ANIMAL— USUFRUIT
Question. J'avais l'usufruit, pendant trois ans, d'un cheval de grande valeur.
Ce cheval a élé tué dans un accident inévitable. Le propriétaire en réclame la
valeur, soit six rents piastres, et il menace de me poursuivre pour ce montant.
A-t-il ce droit ? Dr Philippe G.
RÉPONSE. Le propriétaire n'a aucun droit contre vous. La perte
du cheval doit retomber entièrement sur lui, car la chose périt
pour le propriétaire. Vous n'êtes pas responsable des accidents
inévitables. Vous êtes cependant obligé d'en faire la preuve.
" Si l'usufruit, " dit Varticle 477 du code civil, " n'est établi que
sur un animal qui vient à périr sans la faute de l'usufruitier, eelui-ci
n'est pas tenu d'en rendre un autre, ni d'en payer l'estimation.
UNE VIEILLE LOI RESSUSCITÉ E
l'embêtement d'avancer a un militaire.
Il y a environ une couple d'années, les hommes de la réserve
militaire britannique obtinrent la permission de venir résider au
Canada. Plusieurs en profilèrent et vinrent s'établir au Canada
Dans les localités où ils se fixèrent, les marchands leur ouvrirent
nn large crédit.
En cour d'Halifax récemment, un nommé Thomas Hyles était
poursuivi pour une dette de trente piastres. Le défendeur n'a pas
contesté le compte, mais a plaidé qu'il était exempt de payer toute
dette parce qu'il appartient à l'armée. La loi militaire anglaise dit
en effet que pour ne pas priver la Couronne des services de ses
soldats il a été trouvé nécessaire de statuer qu'ils ne pourront être
arrêtés ou poursuivis pour une dette de moins de trente livres.
Il y a probalement des centaines de militaires de la réserve dis-
séminés par tout le Canada: et la grande majorité ne sont pas
connus comme tels.
Le résultat de ce procès intéresse tout le monde, surtout les
marchands, dans les villes et villages où il y a de ces personnes
d'établies." L'Electeur^
CONFESSION
Un juge anglais, sir Frederick Jeune, vient de décider que les
ministres de l'Evangile ne peuvent plus invoquer le secret de la
confession pour refuser de faire connaître au tribunal qui les in-
terroge ce qui s'est passé entre eux et leurs pénitents. Sir Frederick
appartient à cette fraction de l'église anghcane qu'on appelle Low
Church, fraction opposée à la confession que les ministres du High
Church, ou fraction ritualiste, cherchent à introduire. A la suite
de la décision du juge, et pour échapper à la prison dont il était
menacé, le ministre ritualiste mis en cause a fait connaître ce que
lui avail révélé son pénitent ! Avant de faire pareille révélation,
un prêtre catholique passerait le reste de ses jours en prison, ou
irait à la mort, comme saintJean Nepomucène. C'est la différence
entre le vrai pasteur et le faux. La Vérité {de Québec) 19 août 1893.
Note de la rédaclion. Gj jugement viole la liberté di coascien.:e. Il est aussi
inique que ridicule.
QUESTIONS
RELIGIEUSES ET SOCIALES
DE NOTRE TEMPS
VEEITES, ESEEÏÏBS, OPINIONS LIBBES
Par Mgr EEEITKY SAUVE
Théologien du Pape au Concile du Vatican
Ancien Recteur de r Université Calholique d'Angers
SECONDE ÉDITIO^% REVUE ET ALGMENTÉE
\ fort vol. in-12 Prix i $1.00
DE l.\ LIBEBTE l)E PL\$EE OC DE mmiM
Le mot conscience se prend en deux sens : il signifie ou la con-
naissance intérieure des actes de notre dmt, ou le jugement pratique
par lequel nous nous disons qu'il faut faire ou ne pa^ faire telle chose.
Entendue au premier sens, la conscience n'est pas toujours libre^
car nous connaissons nécessairement plusieurs au moins de nos
actes intérieurs, volontaires ou involontaires ; entendu au second
sens, la conscience ou jugement pi-atique peut être un jugement
nécessité par la perception claire et évidente de la vérité ; mais ce
jugement, si nécessité qu'il soit, n'est pas soumis à la force maté-
rielle, qui, à elle seule, ne peut imposer la vérité à l'intelligence.
La conscience ne saurait être libre ou indépendante des lois
ontologiques de la vérité. L adhésion au vrai connu est un droit ;
l'adhésion à l'erreur ne saurait constituer un droit véritable, car
cette adhésion répugne a la tendance naturelle de l'intelligence,
destinée à connaître la vérité.
On ne saurait donc prétendre raisonnablement que l'homme
ait le droit ou la faculté morale de penser ou déjuger, comme il
lui plaît, sans égard aux lois obligatoires pour sa conscience, con-
science certainement liée par des règles auxquelles, sans doute,
l'homme peut physiquement se sousiraire en vertu de son libre
arbitre-, mais qu'il ne peut moralement transgresser, sans manquer
à son devoir, sans aller contre l'ordre établi de Dieu. Par consé-
quent, la liberté ou l'indépendance de la conscience à l'égard de
toute loi est une chimère, qui ne saurait être réclamée par aucun
homme ou proclamée par aucun législateur.
Les lois qui lient la conscience humaine sont de diverses sortes;
il suffit de rappeler ici que toute loi juste, émanant d'une autorité
qui a droit de nous commander, lie notre conscienca suivant l'in-
tention expresse ou implicite du législateur.
Il est bien vrai que l'homme a, de par son libre arbitre tel qu'il
existe dans l'ordre actuel, le pouvoir naturel d'adhérer à l'erreur
ou d-i rejeter la vérité. Miis ce pouvoir n'est pas une faculté mo-
rale, inviolable, imprescriptible ; ce n'est pas un droit.
Si on entend par liberté de pensée ou de conscience le droit de
ne rendre compte qu'à Dieu seul de ce que nous pensons intéri-
eurement, il est bien certain qu'aucune autorité civile n'a le droit
4e demander compte à ses sujetsde leurs actes purement intérieurs-
502 LE PROPAGATEUR
Quant à l'Eglise, c'est en vertu de sa mission divine et spirituelle^
qu'elle a le droit (au tribunal de la pénitence) de demander compte
à ses enfants de leurs actes intérieurs en tout ce qui regarde le
salut et la perfection chrétienne.
Les théologiens discutent entre eux, pour savoir si l'Eglise a le
droit de commander des actes purement intérieurs. Toujours est-
il qu'il faut reconnaître le droit (qu'elle exerce au besoin) de com-
mander en son for extérieur une adhésion interne à ses enseigne-
ments ou à ses décisions.
Si par liberté de pensée ou de conscience on entend le droit
d'adhérer à telle ou telle opinion suffi^amment probable, licite ou
libre, ce droit n'est pas contesté : ce qui revient à dire que la
conscience humaine est libre dans ses jugements pratiques, quand
aucune loi ne restreint sa liberté native de penser ; mais quand
une loi véritable lui prescrit tel bu tel jugement pratique, elle doit
obéir à cette loi.
Et, comme la loi n'est manifestée à l'homme que par sa conscien-
ce, il est tenu de suivre ce que lui dicte sa conscience
quand elle est vraie et droite, et même quand elle est invincible-
ment erronnée, parce qu'alors il agit prudemment par suite de sa
persuasion invincible. Si donc, par suite d'une conscience invin-
ciblement erronée, un homme croitquetelacteestbon est mauvais
ou réciproquement, il n'a pas le droit de poser l'acte bon qu'il
juge mauvais ; et il peut ou doit poser l'acte mauvais qu'il juge
bon, sans avoir toutefois le droit ou la faculté morale de le poser,^
puisque la morale réprouve cet acte. Il suit de là que si la con-
science invinciblement erronée peut imposer le devoir de malfaire^
quand l'homme croit bien agir, elle ne saurait lui donner le droit
de mal faire, parce que le droit au mal répugne dans les termes,
eT que le droit a pour fondement nécessaire la vérité objective,,
tandis que le devoir peut naître d'une erreur subjective, et qu'il
ne répugne pas qu'un homme ait le devoir de faire une action
mauvaise qu'il croit invinciblement être bonne et obligatoire pour
lui, d'autant que, s'il s'abstenait de la faire, il croirait agir mal^
et par là même il violerait la loi divine qui lui commande de ne
jamais rien faire contre le dictamen de sa conscience. Ainsi, être
persuadé, par suite d'une ignorance iniincible, que tel mensonge
est prescrit par Dieu, et ne pas faire ce mensonge, c'est croire dé-
sobéir à Dieu et par suite encourir sa disgrâce ; maisilnesuit pas
de là que l'homme qui se trouve en ce cas ait le droit de mentir et
exerce un droit en mentant ; son erreur lui crée un devoir per
accidens, mais elle ne saurait être le fondement d'un droit.
Le mot liberté de conscience est un nftoi à double sens : c'est-à-dire
qu'on peut distinguer deux sortes de libertés de conscience, celle
qui est légitime et celle qui ne l'est pas.
La liberté légitime de conscience consiste dans le droit que
l'homme a de ne pas être contraint par la force ou la violence à
embrasser la vérité et à consentir au bien contrairement à sa
conviction intime et à sa volonté.
" L'intelligence de l'homme, dit le professeur G. Prisco, est
LE PROPAGATEUR 503
appelée par son intime essence à la connaissance du vrai, comme
la volonté à la possession du bien ; mais la première ne peut ad-
hérer au vrai sans le connaître, comme la seconde ne peut em-
brasser le bien sans son libre consentement ; or aucune force
ou autorité créée ne saurait fo/j^raîTjrfre l'intelligence et la volonté
d'autrui à adhérer à une doctrine, fût-elle vraie ; et l'usage qu'on
ferait de le force [our obtenir ce résultat serait une véritable ab-
surdité. Et en effet l'intelligence se convainc à l'aide de preuves,
et la volonté s'incline vers la vérité qui subjugue l'esprit ; la
force est toujours un moyen incompétent et disproportionné pour
l'obtention de ces deux effets... Le droit de la vraie liberté de cons-
cience est le droit de la supériorité des forces morales de l'esprit
sur la force brutale, et par suite ce droit est naturel et inviolable,
comme est naturelle et inviolable la dignité de ces mêmes forces
" Non seulement l'Etat, mais l'Eglise catholique elle-même ne
peut violer ce droit, en contraignant par la force d'adhérer à une
doctrine vraie. Dans la foi catholique, c'est vraiment l'infaillible
témoignage de Dieu qui est le principe objectif de l'obligation de
notre assentiment ; mais notre raison individuelle, sous l'influence
de la lumière de la grâce, doit connaître ce témoignage infaillible,
et c'est nous-mêmes qui devons donner notre assentiment, c'est
nous-mêmes qui devons être certains de ce témoignage. Croire,
dit saint Thomas, est un acte volontaire, et la volonté ne consent
que quand l'intelligence est éclairée. De même qu'une vérité ne
peut être objet de notre science proprement dite, si elle n'est évi-
dente à notre raison, ainsi il ne suffit pas, pour croire une vérité,
qu'elle soit affirmée par une autorité infaillible, il faut que nous
connaissions cette autorité infaillible. La différence consiste seule-
ment en ce que, dans la science, le motif objectif de notre assenti-
ment est l'évidence même de la vérité, et le motif subjectif est la
raison individuelle qui perçoit cette évidence, tandis que, dans la
foi, le motif objectif de notre assentiment est la révélation ou l'au-
toriié de Dieu, et le motif subjectif est notre raison elle-même qui,
par l'évidence des preuves, connaît ce même témoignage infaillible
et la règle de la foi dont cette règle détermine l'objet. Et c'est
pourquoi, si l'homme n'a pas cette connaissance, ou s'il en a une
opposée, il est contraire à la nature même de la foi de le contrain-
dre par la force à croire. Aussi l'apostolat par l'épée, qui a été
l'apostolat du Coran, n'a jamais été celui de l'Evangile. "
La liberté de consr.ience^ telle que la proclament aujourd'hui les
incrédules et les libéraux non catholiques, n'est point la liberté
dont je viens de parler, (c'est-à-dire le droit de n'être pas contraint
par la force à adhérer à une doctrine, si vraie qu'elle soit), parce
qu'ils savent bien que la liberté des actes intérieurs ne peut être
ni violentée ni punie par aucune autorité visible, pas même par
l'Eglise eu son for extérieur ; ce qu'ils entendent par liberté de
conscience, c'est le droit de penser et de juger ^ non pas conformé-
ment à la vérité objective^ mais comme il leur plaît, en sorte qu'à
leurs yeux la liberté de conscience n'est autre chose que Vindé-
pendance ou Vautonomie de la pensée humaine. L'homme, disent-ils,
504 LE PROPAGATEUR
ne relève que de lui-même dans ses actes, et par conséquent dans
ses pensées, comme dans ses paroles : Labia nostra a nobis sunt ;
quis noster Dominus est f
Ceux qui vont jusque-là et qui prétendent que la pensée humaine
est indépendante de toute règle, de toute loi, sont des libres-
penseurs radicaux ; partisans de la liberté de conscience absolue,
illimitée, ils veulent que la pensée et la conscience soient libres,
sous prétexte que la raison humaine est sa propre loi à elle même.
D'autres vont moins loin et se contentent d'entendre par liberté
de conscience l'exemption de toute loi autre que la loi naturelle
qui est perçue par la raison ; ce sont les partisans de la liberté de
conscience limitée, relative, lesquels soutiennent que la conscience
humaine ne saurait être liée par aucune loi émanant d'une au-
torité extrinsèque à la raison. •
Je parlerai successivement de ces deux libertés, à la suite de
l'auteur italien que je viens de citer et dont je viens de reproduire
les pensées, sinon toujours les paroles.
I
De la liberté absolue de conscience.
Le droit à cette liberté ne saurait exister.
1* Si la liberté de pensée on de conscience était absolue ou
illimitée, il s'en suivrait que la raison humaine serait indépendante
dans sa pensée et dans ses jugements, et par suite dans son exis-
tence, suivant l'axiome que l'opération est une suite de l'êire,
operari sequitur esse : ce qui répugne ahsolument, car la raison
humaine est la faculté d'un esprit créé qui, parce qu'il est créé,
ne peut être sa propre loi. Fouit de milieu ici : ou il faut nier
que la raison humaine soit créée, limitée, ou il faut dire qu'elle ne
peut pas être la rèiile radicale et première de ses opérations.
2* Le vrai est réellement distinct de la raison humaine ; car le
vrai étant tout ce qui peut être connu, ne peut être renfermé dans
une raison finie. Donc la règle de la raison est réellement distincte
de cette faculté. Et c'est pourquoi la pensée de l'homme est vraie,
si elle est conforme à la vérité des choses qu'il pense. La vérité
des choses présuppose la vérité des idées divmes qui en sont
l'exemplaire et la règle, de sorte que les objets créés, comme le
remarque saint Thomas, sont placés entre l'intelligence divine
qui en est la règle souveraine, et l'intelligence humaine dont ces
mêmes objets sont la règle secondaire. Seule, la raison divine est
sa règle à elle-même, parce qu'elle est la vérité absolue et la loi
^prême de tout être et de toute vraie connaissance.
3° Si la raison humaine était essentiellement sa propre loi, si
la vérité et le bien moral constituaient son essence, cette raison
serait infaillible ; tandis qu'au contraire elle est sujette essentiel-
lement à l'erreur, par là même qu'elle est finie. Donc la raison
kumaine ne peut être la règle supieme de ses opérations.
4'' Le droit commence avec la vérité et la moralité, et finit là
où finissent ces nobles objets. Or, cumme la raison humaine peut
se^tromper, et par là même détourner la volonté du bien, le droit
illimité à la liberté de pensée et de conscience serait le droit à a
vérité et à l'erreur, à la moralité et à l'immoralité.
LE PROPAGATEUR 5u5
5° Pour soutenir un pareil droit, on pourrait faire ces trois
suppositions : ou il n'existe aucune loi qui dirige la pensée et la
conscience ; ou celle loi s'identifie avec la pensée et la conscience ;
ou, si elle s'en distingue, l'homme a le droit de ne pas s'y con-
former. La première supposition est la négation de l'ordre moral ;
la seconde confond l'homme avec Dieu ; la troisième est la né-
gation de l'autonomie et du caractère absolu de la loi morale : ce
sont là tout autant d'erreurs évidentes.
6^' Le droit illimité à la liberté de conscience présuppose que
la raison et la liberté sont affranchies des lois du vrai et du juste.
Un droit aussi monstrueux serait en lutle perpétuelle avec la na-
ture humaine, qui dépend essentiellement des règles de la vérité
et de la justice, et qui ne peut tendre, en dehors de ces lois, au
développement légitime de sa vie raisonnable et morale.
T** S'il était permis à chacun de penser ce qu'il veut, il devrait
lui être permis de penser qu'il peut licitement conformer ses actes
à ses pensées, c'est-à-dire faire tout ce qu'il veut. La liberté d'agir
à sfl pi/ise c'est la conséquence logique de la liberté de penser à
sa guise. Or, celte conséquence entraînerait toute espèce de dé-
sordres. Donc, il est faux que la pensée soit libre^ comme le vou-
draient Ihs libres-penseurs qui surtout aspirent à être libres diseurs
et libres-faiseurs. L'homme est tenu de bien penser afin de bien dire
-et dn bien agir : tel est l'ordre voulu par la raison, la justice et la
vérité, par Dieu lui-même.
Mais, disent plusieurs, nous ne sommes point partisans d'une
liberté de conscience indépendante des règles du vrai et du juste ;
nous prétendons seulement que c'hsI à la seule raison humaine
qu'il appartient de reconnaître ces règles et de les apprécier, et
que tout homme a le droit d'être respecté dans ses convictions.
En un mol, nous repoussons la liberté absolue de conscience, et
nous admettons seulement la liberté relative de conscience, c'est-
à-dire le droit de n'avoir que notro raison pour règle de nos ju-
gements pratiques en matière morale et religieuse, sans que nous
ayons à tenir compte de l'autorité du Ghiist et de l'Eglise.
C'est celte liberté relative de conscience que je vais e'^sayer de
réfuter, en empruntant encore au docte G. Prisco ses arguments.
II
La liberté relative de conscience.
Dès lors qu'il est certain, comme la raison le démontre, que le
-Christ est Dieu et que l'Eglise catholique est expressément chargée
par lui d'enseigner aux hommes la vraie religion et la vraie mo-
rale oblig.Uoires, il en résulte que l'homme aie devoir d'embrasser
la religion catholique et de subordonner, en matière de foi et
de mœurs, ses jugements pratiques ou sa conscience à l'enseigne-
ment de l'Eglise. Donc aucun homme n'a le droit de penser au
trement que l'Eglise en religion et en morale.
Qui dit droit, dit une faculté morale ayant son principe en Dieu,
un pouvoir raisonnable et fondé sur la vérité qui est la conformité
de la connaissance avec la réahté des choses ; d'où il suit que
tout ce qui ne s'accorde pas avec l'ordre réel établi par Diea ne
506 LE PROPAGATEUR
peut être un droit véritable, par cela même qu'il est appuyé sur
l'erreur.
Or, jDieu n'a pas créé deux ordres tjarallèles ou séparés, l'ordre
de la raison et l'ordre de la foi, l'ordre de la nature et celui de la
grâce : mais, dans sa suprême sagesse, il a voulu qu'il existât une
cohésion nécessaire entre ces deux ordres et par là même il a sub-
ordonné la raison à la foi, la nature à la grâce.
Un droit donc qui se fonderait sur la raison, contrairement à la
foi, ou sur la nature en opposition avec la grâce, ne saurait être
un vrai droit, d'autant que la foi ne détruit pas la raison, mais la
perfectionne, comme la grâce suppose la nature et en est l'orne-
ment et la perfection.
Que si un conflit surgit entre les droits de la raison et ceux de
la foi, ce conflit doit se trancher par l'application de ce principe
général : " Si deux droits différents en eux-mêmes ou dans leur
exercice viennent à se heurter^ le droit véritable est celui qui résulte
d'un ordre supérieur. " D'où il suit que, comme le droit de possé-
der doit céder au droit de vivre, le droit de vivre à l'honnêteté
morale, les droits de l'ordre naturel doivent céder aux droits de
l'ordre surnaturel.
Par conséquent, si l'Eglise, infaillible dans la foi et les mœurSy
enseigne une vérité dogmatique ou morale, la raison humaine
n'est point en droit de la repousser sous ce prétexte que cette
vérité contredit ses lumières ; car la raison peut se tromper, tandis
que l'Eglise ne se trompe pas, et Dieu veut que la raison se sou-
mette à la foi.
Pi étendrait-on que la dépendance de la raison à l'égard de l'au-
tori'é de l'Eglise est la négation même de la raison ?
Cette objection est facile à résoudre. Car, dirai-je à ses auteurs,
vous admettez que la conscience raisonnable doit avoir pour règle
le vrai et l'honnête. Or, quelle e>i la règle suprême et indéfec-
tible du vrai et de l'honnête, si ce n'est lé'ternelle raison de Dieu
même, distincte certainement de la raison humaine ? Or, c'est
Dieu lui-même qui a établi l'Eglise comme l'interprète infaillible
de la vérité religieuse et morale : donc la conscience humaine
est d'autant plus libre qu'elle se laissera guider par l'enseigne-
ment infaillible de l'Eglise que Dieu assiste d'une manière spé-
ciale et surnaturelle, eu l'éclairant de lumières supérieures à
celles de la raison.
Quiconque donc reconnaît l'existence divine de l'Eglise ne peut
raisonnablement admettre que la conscience humaine ait le droit
de ne pas se conformer à ses renseignements.
Aux enseignements de l'Eglise, oui, dira-t-on ; mais aux en-
seignements de l'Etat, c'est autre chose ; la conscience humaine
ne 1 élève en rien de l'état, et en est pleinement indépendante.
Je léponds : 1° la conscience humaine doit être soumise à toute
loi civile ou politique, conforme à l'honnêteté et à la justice, cette
loi émanât-elle d'un souverain qui ne serait pas chrétien ou ca-
tholique ; 2° la conscience humaine, dansse? jugements pratiques
relatifs à la vérité religieuse et morale, ne relève pas de l'Etat,
LE PROPAGATEUR 507
incompétent par lui-même pour statuer avec une autorité infailli-
ble en matière de foi et de mœurs ; 3° mais si l'Etat est uni à
l'Eglise, suivant l'ordre voulu de Dieu, il peut alors, sous l'auto-
rité et au nom de l'Eglise, imposer à la conscience humaine des
obligations que de lui-même il ne saurait imposer. Et en cela,
l'Etat remplit un noble rôle, car il aide Eglise dans sa mission
sanctificatrice, et agit du même coup pour le salut des hommes
et pour la gloire de Dieu.
C'est surtout en faveur de la liberté de conscience vis-à-vis de
l'Etat que les libéraux (catholiques ou non) ont rompu plus d'une
fois des lances, depuis un siècle environ.
Est-ce que l'Etat, a-t-on dit, peut forcer de croire, peut violenter
la liberté de l'âme ? Non. Sans aucun donte, l'homme alaiaculté
de choisir l'erreur ou la vérité dans son for intérieur, faculté qui
n'est pas un droit ; j'ajoute que Dieu seul, ou son représentant
au tribunal de la pénitence, peut juger et punir les actesintérieurs.
Mais si le choix fait intérieurement se traduit en un acte extérieur^
justement prohibé p-ir la loi civile, il tombe en cette qualité dans
la juridiction de l'Etat qui, sans doute, n'a pas à se préoccuper
des actes intérieurs de l'homme, mais de ses actes extérieurs en ce
qui touche le bien social. Or, comme le bien social est intime-
ment lié au bien religieux et que tout acte hostile à la vraie reli-
gion a des contrecoups funestes dans la société civile, surtout si
elle a le bonheur de jouir de l'unité de foi, il suit de là que l'Etat
a le droit de s'opposer à la manifestation et à la propagande des
erreurs religieuses, signalées par l'Eglise, à l'autorité de laquelle,
d'après l'autorité de Dieu, l'Etat doit être soumis.
Mais l'Etat, dira-t-on, n'est pas juge de la vérité.
D'accord ; mais il ne suit pas de là qu'il n'ait point le droit de
réprimer les outrages publics faics à la vérité en laquelle il croit
fermement sur la parole de Dieu, enseignée par l'Eglise. Il est
vrai que, sous l'empire de nécessités graves, lorque l'unité de foi
n'existera plus dans un pays, et que l'erreur aura conquis un tel
empire qu'il ne soit plus possible de rétablir complètement le
règne de la vérité, l'Etat pourra user de tolérance, et laisser à
l'erreur une liberté exigée par les circonstances spéciales, liberté
basée sur un autre titre que celui sur lequel s'appuie la liberté
de la vérité.
En résumé, si on entend par conscience libre une conscience
irresponsable et sans loi, il n'y a plus de conscience.
Si on veut dire que la conscience est elle-même la loi dans sa
source première et radicale, il n'y a plus de loi.
Si on affirme seulement que la conscience est libre à l'égard
des lois positives, soit divines soit humaines, comme ces lois sont
obligatoires, de par le droit naturel, et que leur transgression est
une désobéissance à Dieu même, on en revient à nier la conscience
en la voulant libre.
C'est au nom de la vraie liberté de conscience que l'Eglise ac-
complit sa mission libératrice ; et c'est au nom delà, fausse liberté
de conscience que la philosophie incrédule poursuit son œuvre
d'oppression et de ruine.
M je:3L.iotkoï»he
ou
CONFORMITE DE LA VOLONTE HUMAÏNE
A LA VOLONTÉ DIVINE
PAR
JjC B. p. JDKKXÉ9I1UN
lie '.a. compagnie d-^ Jh^us
1 vol. m.l2 Prix : $0.30
Nous n'avons pas à faire l'éloge du iivre bien counu dont nous offrons aux fi-
dèles une nouvelle traduction. Qu'on nous permette seulement quelques réflexions
préliminaires. Les m^-iUeurs philosoph'^s, almellant la liberté de nos actes, ont
estimé sage et heurnux l'homme assez maître de lui-même pour commander à ses.
mouvements désordonnés, assez fort contre les événements extérieurs pour les
voir sans trouble ni abattement. —
Toutes nos peines, toutes nos misères viennent, en effet, de ce que notre vo-
lonté subit l'empire des passions <^u resislK vainement aux accidents de la vie.
Nous sommes ou esclaves de nous-mêmes ou victimes de ce qui nous entoure ;
nos passions nous font porter des chaînas, l^s revers nous abreuvent d'amertume.-
Or, la force d'âme par laquelle nous triomphons de te!s ennemis, constitue la
philosophie purement humaine. Le chréti^-n va plus loin et sa soumission est
plus facile, plus parfaite, en ce qu'elle découle principalement de l'amour divin.
Au lieu de chercher toute sa puissance dans son caractère et de ne voir dans
les maihtiurs que des tributs nécessaires à payer, il reconnaît que de lui-même il
est plein de fragilité ; puis s'élevant d'autant plus haut qu'il est parti de plus
bas, il aperçoit le Dieu infiniment sage qui a disposé toutes choses en notre faveur,
il sent la main providentielle qui ilirigetout; sa raison, il la conforme à la raison
suprême dont ses lumières ne sont qu'un reflet ; sa volonté, il la règle sur la vo-
lonté éternelle qui ne fait rien d"mjuste ou d'inutile. Dès lors, c'est un iils docde
aux conseils et aux ordres de son pèri-, c'est un soldat qui se repose sur son gé-
néral des dispositions du combat et qui se contente de gar 1er le poste où il a été
placé. Dès lors l^^s plaintes et les murmures s'évanouissent et la paix s'établit
dans le cœar. Tandis que les autres s'étonnent, s'mdignent, se désesj èr-^nt, pour
lui rien n'arrive au hasard ou à contret-mps. Dieu a tout prévu, tout voulu,
tout permis. Il ne lui reste qu'à obéir et à voir des moyens là où la plupart dé-
couvrent des obstacles. — Non-seulement il soumet sa volonté à celle d^ Dieu ;
mais la sienne n'en diffère plus, et c'est la charité unie h la foi qui opère celle
douce conformité.
Il fait mieux que de suivre les ordres de Dieu, il les devance par l'ardeur de
ses désirs; il n'accepte pas les épreuves comme un mal nécessaire ; il n'appelle
plus rien du nom de mal, excefite le péch-^, parce qu'il ne considère en tout que
Dieu lui-môme et son divin Fils dont la grâce ne l'abandonnera jamais.
Ce n'est pas seulement le bonh ur mêm^; temporel que l'homme soumis à la
volonté divine puise dans ses principes ; il y trouve de plus la p» rf-^ciion qui fait
les saints. Si votre volonté s'attache à suivre celle de Dieu, l'ombre seule du pé-
ché vous apparaîtra comme un nssai de révoltf et d'ingratitude ; la volonté cons-
tante de faire ce qu'il veut vous détournera des actions coupables 't, le souverain
Seigneur vous conduisant comm*^ par la main, vous marcherez dans ses voies de
justice et de sainteté. — Quel est le point de départ de la sanctilication ? la con-
lormité à la volonté divme. Quelle est la plus haute sainteté ? la plus parfaite
conformité à la volonté divine. HcBC est volunlas Dei sanclificaiio veslra. La plé-
nitude de la loi c'est la chanté ; le principal effet delà charité c'est d'identifier la
volonté humaine à celle d ' Deu. —
Si donc quelqu'un désire contribuer au bonheur de ses semblables, leur ensei-
gner véritablement l'art d'être h^'ureux, qu'il leur prêche la volonté suprême dé
Dieu : si quelqu'un désire sauver et ?anctiti^!r les hommes, qu'il Inur persuad.- de
prendre cette volonté pour guide de la l*^ur Le Fiat volunlas lua du Paler, voilà
le grand mot qui dit tout ; c'est le cri de paix qui sortit de la boich-^ de Idus les
héros chrétiens ; la devise de tous les ju^t-^s depuis le saint homme Job jusqu'à
saint François de Sales. Ce que Dieu veut comme il le veut, parce qu'il le veut
■et autant qu'il le veut : faites cela tt vous vivrez. Hoc fac et vives.
GAUTHIER DE LA CALPRENEDE
{Suite et Fin.)
" Et l'hôte s'appelle Poassin, n'est-ce pas? " dit Gauthier.
" Tout justement, monsieur. Il est si gros qu'il peut à peine se
remuer, mais sa femme et sa fille sont lestes et actives Monsieur
veut-il y venir voir ? "
" Allons, " dit Gauthier.
Et le soir même il fut installé chez Pierre Poussin, arrière-cou-
sin de Nicolas Poussin, qui était alors à Rome, au déclin de sa
vie, mais dans toute la force et la maturité de son talent. Un de
ses premiers dessins, soigneusement encadré, ornait la chambre
dont Gauthier prit possession. Il en fit compliment à son hôte, ce
qui les mit au mieux ensemble. De belle armoires de chêne sculpté,
un de ces lits que l'on appelait des cousinières, et où l'on pouvait
coucher six, un grand fauteuil et des escabeaux rangés autour
d'une table massive, meublaient cette grande chambre Aux pou-
tres du plafond tremblaient les reflets moirés de l'eau vive et en-
soleillée. Dans la grande cheminée, entre les chenets historiés, un
bouquet de roses tenait la place du feu absent, et, par la croisée
grande ouverte, entraient l'odeur des foins et le souffle de la brise
d'été. — C'était un lieu à souhait pour écrire un roman: aussi
Gauthier se mii-il tout de suite en besogne. Il déballa sa jolie écri-
toire de voyage, don de la bonne reine Anne d'Autriche, tailla
une plume de cygne (les plumes d'oie sont pour les greffiers), et,
prenant d.ms sa valise un beau cahier de papier d'Angoulême, à
marque fleurdelisée, il écrivit de sa plus belle écriture:
RICHAliD CŒUR DE LION
ROMAN
par M. Gauthier de Costes de la Calprenède,
gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi.
TOME PREMIER.
Premier Chapitre.
Et il commença son récit avec une facilité, une verve qui l'é-
tonnaient lui-même. Les mots lui venaient clairs et pressés comme
les flots dont il entendait le doux murmure. En deux jours il
écrivit quarante pages, sans ratures, et Colin avait toutes les peines
du monde à le décider à se déranger pour diner. Gauthier était au
comble du bonheur. C'est si amusant d'écrire un roman!
Mais, voulant décrire le paysage que Richard Cœur de lion
apercevait du haut du château Gaillaid, Gauthier y monta. Fu-
neste promenade ! — En parcourant les ruines, il oublia qu'il
n'avait plus quinze ans, et voulut franchir d'un saut quelques
marches rompues de l'escalier du donjon. Le pied lui manqua: il
tomba fort rudement, se blessa au genou et se foula le poignet
droit. Appuyé sur Colin, qui, par bonheur, l'avait accompagné, il
revint copin-copant chez le père Poussin. La bonne femme et sa
fille se hâtèrent de préparer des emplâtres, tandis que le père Pous-
sin allait quérir dans sa cave une bouteille de vin vieux pour
510 LE PROPAGATEUR
réconforter son hôte, et que Colin courait chercher le chirurgien
barbier du village.
Tant de soins réunis n'empêchèrent pas le pauvre blessé d'être
condammé à l'immobilité. Il se serait aisément consolé de rester
la jambe étendue, mais ne pouvoir écrire était un supplice pour
lui. Son roman, si bien ajusté dans sa lêle, si prêt à être fixé sur
le papier, le tourmentait jour et nuit.
*• Ah! mon pauvre Colin, " dit il un matin à son domestique,
" que je regrette donc de ne pas t'avoir fait apprendre à écrire I "
'•'• Et pourquoi cela, monsieur ? " dit Colin.
" Je le dicterais, mon enfant, et je ne m'ennuirais plus. "
" Bon ! " dit Colin, " si vous voulez dicter à quelqu'un, mon-
sieur, j'ai votre fait. Annette, la fille au père Poussin, écrit comme
un maître d'école, et très vite, et' sans faire de pâtés d'encre. Elle
m'a écrit hier soir une lettre que je vais envoyer à mon camarade
Bastien, et vous allez voir comme c'est monlé I "
Il alla chercher la lettre. Gauthier, charmé de l'écriture proprette
et régulière de la jeune fille, envoya dire au père Poussin de
venir lui parler. Il le pria de permettre à Annettede lui servir de
secrétaire, ajoutant qu'il la paierait bien de ses peines. Le Nor-
mand réfléchit, se gratta l'oreille, et demanda ce que M Gauthier
ferait écrire à la petite.
" Rien que de très honnête, mon ami, " dit Gauthier. " D'ailleurs,
sa mère restera près d'elle tout le temps, si vous avez la moindre
appréhension. "
,1 " J'aime mieux ça, " dit Poussin. " Voyez-vous, monsieur? vous
m'avez l'air d'un brave homme, et vous êtes plus vieux que moi ;
mais vingt-deux sûretés valent mieux qu'une, et, sauf votre res-
pect, les filles, dame ! c'est de fâcheuses bêtes à garder. Je vas dire
ça à ma femme."
Une heure après, la bonne femme, avec son tricot, et Annette,
bien installée à la table de Gauihier et la plume à la main, tenaient
compagnie au blessé. Il se mit à dicter la quarante et unième page
de son roman. Annette écrivait très vite et semblait tout attention.
La mère Poussin prêtait l'oreille, et, malgré tous ses efforts, ne
comprenait pas fort bien de quoi il s'agissait. Le mot croises, qui
se rencontrait souventdans le récit, l'intriguait fort. Elle se hasarda,
dans un moment où Gauthier reprenait haleine, à lui demander :
" Mais enfin, monsieur, qu'est-ce donc que le roi Eichard vou-
lait faire de tant de fenêtres?
Gauthier lui donna les explications nécessaires, et la bonne créa-
ture, n'entendant plus rien qui l'intriguât, ne tarda pas à s'endor-
mir. Annette écrivait toujours; mais voilà qu'en arrivant à un
certain dialogue où Blondel, le ménestrel favori de Richard Cœur
de lion, disait adieu à sa belle en partant pour la croisade, le petit
cœur d'Annette se gonfla, de grosses larmes tombèrent sur son
papier, et, tout d'un coup, jetant son tablier sur sa tête, elle éclata
en sanglots. Sa mère dormait si bien, qu'elle ne l'entendit pas, et
Gauthier, charmé de l'effet que produisait son œuvre, dit à la
jeune fille:
LE PROPAGATEUR 511
" Là ! là ! ma patite, essuyez vos yeux. C'est un conte, et je vous
promets de marier ces amoureux-là à la fin du troisième volume.
Mais n'est-ce pas que ce pauvre Bloadel est bien intéressant? "
"Blondel? ah ! " dit Aunette, "çi m'est bien égil, Biondel;
mais, monsieur, ça me fait penser à Georget. Je me fiche pas mal
des autres gars, "voyez vous ! "
Pour un romancier, le coup était rude ; mais Gauthier avait bon
cœur, et les larmes de la pauvre fille le louchèrent.
" Ma petite Annette, " lui dit-il, '^ Georget n'est-il point mous-
quetaire ? "
" Hélas 1 oui, " dit elle. " Mon père Fa si bien embarré quand il
vint me demander en mariage, que, de désespoir, il s'est engagé I
Et l'on veut que j'en épouse un autre, et je li^ea veux point, treda-
me ! et je refuserais un roi, monsieur, et je l'attendrai cinq ans,
dix ans, s'il le faut, et maman? " cria-t-eile en secouant sa grosse
mère.
Celle-ci, s'éveillant, tout étonnée n'y comprit rien d'abord, puis
finit par dire à Gauthier :
" Annette a raison, monsieur. Georget est un brave garçon, il a
un état, et, tout pauvre qu'il est, je lui aurais donné ma fille Mais
mon mari, qui est bon ménager, et qui a la tète près du bo met, a
rabroué Georget, et ce garçon a fait la sottise de s'engager. Pourvu
qu'il ne se fasse pas casser la tête à l'armée de la guerre, ou qu'il
ne devienne pas mauvais sujet en garnison ! Ah ! c'est une chienne
de loterie que l'état militaire ! ma pauvre Aunette ! "
Et la bonne femme se mit à pleurer aussi. Colin accourut au
bruit.
"• Cadédis 1 s'écria-t-il, " quelle musique ! Est-ce ainsi qu'on
distrait un malade ? La peste soit des pleureuses I "
La mère et la fille s'en allèrent, etGaithier s'écria :
" Décidément, mon roman a du guignon. — Si du moins je pou-
vais ajuster le dénouement de celui d' Annette ! "
Il y réfléchit toute la nuit, et ne dormit point, ayant la fièvre.
Le lendemain matin, il envoya chercher le tabellion des Andelys,
maître Ouen Goure^ville, et resta enfermé avec lui plus d'une
heure. Colin Dordac resta tout ce temps-là l'oreille collée contre la
porte : car, en fidèle valet, et par attachement pour son maître, il
tenait à être au courant de ses affaires. M iis il n'entendit que des
mots sans suite, le notaire et soncUent ayant parle fort bas. Q.iand
le notaire fut parti, Colin essaya de faire causer son maître, mais
inutilement. Gauthier se sentait très souffrant. Il envoya chercher
le curé, et se trouva mieux. La bonne femme Poussin assurait
qu'il serait bientôt guéri, grâce à un onguent dont elle connaissait
le secret. Par malheur, le notaire ayant un peu jasé et Colin Djr-
dac beaucoup, le bruit se ''épandit que l'illustre romaiicier Gauthier
de la Calprenède était malade au Petit-A'idely. Toute la noblesse
du pays y accourut pour le voir et lui faire ses offres de service.
C'était à qui l'emmènerait dans son château. Il se laissa séd lire
aux instances de madame la baronne de Tatillon ^ille, précieuse
des plus charmantes, qui habitait au Grand-Auiely une fort bsUe
512 LE PROPAGATEUR
maison, située près de l'église de Sainte-GlolUde . Elle vint cher-
cher Gauthier en belle litière tendue de damas jonquille, et attelée
de mules blanches qui avaient des pompons de rubans aux
oreilles.
Porté sur les bras des laquais de la baronne, le pauvre éclopé
descendit l'escalier du père Poussin,escorté par ses hôtes, fort cha-
grins de son départ.
"Monsieur Gauthier, " hii disait le père Poussin croyez-moi,
buvez de bon piot, mangez ferme, et envoyez les médecins se faire
lanlaire. C'est en agissant ainsi que j'ai réussi à n'être jamais
malade. "
" Monsieur Gauthier, " disait la bonne femme, voici un pot de
'' mon onguent. Mettez en soir et matin sur votre genou, tenez vous
les pieds chauds et la tête fraîche, mangez ce qui vous plaira, et ne
vous faites pas de bile. Ça se guérira tout seul."
'' Monsieur Gauthier, " disait Annette en pleurant, je dirai mon
" chapelet pour vous tous les jours, foi d'honnête fille I et, quand
vous voudrez, j'irai écrire tout ce qui vous passera par la tête.
Ayez soin de boii'e de cette eau. Je l'ai été chercher pour vous à
la "fontaine de Sainte-Glotilde. Vous serez guéri dimanche. "
Gauthier remercia ses hôtes et promit de suivre tous leurs con-
seils. C'était bien son intention, mais il avait compté sans le zèle
de madame de Tatillonville, — sans son médecin, hélas 1 — Ce
docteur trop modeste,jugeant le cas grave, appela en consultation
deux confrères de Rouen, et, à eux trois, ils traitèrent le patient
selon toutes les règles de l'art et comme on devait soigner un
homme de sa qualité. Il fut en conséquence si bien saigné, purgé^
ressaigné et repurgé, qu'en moins de huit jours, le pauvre la
Calprenède s'en alla de vie à trépas, fort doucement, du reste, car
il avait la conscience en repos, et les saignées ne lui avaient pas
laissé la force de souffrir. Il mourut après un long sommeil, rêvant
à son roman de Bichard Cœur de lion.
Le tabellion des Andelys communiqua le testament de Gauthier
de la Calprenède à qui de droit, et l'on y vit qu'il laissait tous ses
biens du Quercy à sa cousine Alix de Castelfour, comtesse de
Monldragon, à la charge d'acquitter quelques legs pieux et de
fonder une messe à perpétuité à Notre-Dame de Roc Amadour. Il
donna la propriété de ses romans à son libraire Sommaville, se&
meubles et deux cents écus de rente à Colin Dordac, et une
somme de trois mille livres tournois à Annette Poussin, fille de son
hôte, à la condition qu'elle épouserait Georget, et qu'ils appelle-
raient leur première fille Gassandre, et leur premier garçon
Richard, en souvenir du premier et du dernier roman de leur ami
la Calprenède
Et ce fut ainsi que Gauthier de la Calprenède mourut au Grand-
Andely, dans l'été de 1563, entre un chapitre qu'il avait commencé
et un joli dénouement qu'il ne vit point, mais qui fit bénir sa
mémoire pendant de longues années au Petit-Andely, sur ce
gracieux rivage où la maison du père Poussin mirait dans la rivière,
il y a peu d'années encore^ sa petite tourelle et ses balcons ajourés.
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Octobre, 1893, Numéro 16
BULJ_JET1JN
6 Octobre 1893.
*,* Les journaux publient la dernière Lettre Encyclique que
N. S. P. le Pape vient d'adresser à l'épiscopat de l'univers entier.
Cette encyclique est en date du 8 septembre dernier, elle concerne
le Rosaire de Marie pour lequel le pape a une dévotion particulière.
Dans cette encyclique le pape attribue à la protection spéciale
de la Sainte Vierge le succès de son jubilé épiscopal, il l'en remer-
cie en la comblant de louanges et il- encourage instamment la
dévotion au Rosaire.
11 déplore les maux innombrables qui affligent la société
humaine, et il indique la dévotion au Rosaire comme un remède
efficace à ces maux. Trois maux surtout lui semblent les plus funestes
à Vavanlage commun. Ces maux sont : le dégoût d'une vie modeste et
activa, L'horreur de la souffrance., l'oubli des biens éternels que nous
espérons. A ces maux il indique comme remède la méditation des
mystères du Rosaire. Les mystères joyeua; sont l'opposé du dégoût
de la vie moJeste ; les mystères douloureux sont destinés à
combattre l'horreur de la souffrance, et les mystères glorieux nous
ramènent à la croyance de la vie future et de la récompense
éternelle de nos bonnes œuvres.
Lh pape, en parlant du dégoût d'une vie modeste et active fait des
réflexions d'une extrême justesse. C'est a ce dégoût qu'il attribue
la négligence des devoirs et des vertus domestiques, les aspirations
chimériques à l'égalité des fortunes, le dépeuplement des campa-
gnes au profit des cités, et l'absence d'équilibre entre les diverses
classes de la société.
*/ La nouvelle chambre des députés en France, dont les pou-
voirs commenceront le 14 octobre, compte deux prêtres au nombre
de ses membres, Mgr d'Hulst et l'abbé Lemire.Mgr d'Huist est dé-
puté de la 3e circonscription de Brest, département du Finistère.
Il était déjà député, ayant été élu après la mort de Mgr Freppel,
cpt illustre fils de l'Alsace dont régli?e de France déplore encore
si vivement la perte. M. l'abbé Lemire représente une circonscrip-
tion du département du Nord. Quatre antres prêtres se sont pré-
sentés aux dernières élections. Ce sont : l'abbé Garnier, à Paris ;
l'abb-» Diharas^ary, dans le département des Basses-Pyrénées,
l'abbé Ramband, dans le L^)t-et-Garonne, et l'abbé Patureau dans
le Finistère. Ces quatre prêtres, quoique battus par les candidats
radicaux et socialistes, ont obtenu plus que le tiers des votes dans
leurs circonscription respectiYes. A Paris, notamment, l'abbé
31
518 LE PROPAGATEUR
Garnier a obtenu 4385 voix dans un quartier qui est, dit un jour-
nal, le plus anticlérical de Paris et de la France. Anlérieurement
un prêtre ne pouvait pas passer dans ce quartier sans être grossiè-
rement insulté. Ce résultat indique d'une manière évidente un
revirement considérable d'opinion dans le sens des saines idées
politiques et sociales.
*
%* La vieite de l'empereur Guillaume à Metz, à l'anniversaire
des néfastes événements de Sedan, et les manœuvres militaires
allemandes dans les champs d'Alsace-Lorraine, sont considérées
comme une audacieuse provocation à la France. Cette dernière
heureusement n'a pas relevé le gant, car une lutte terrible serait
venue ensanglanter l'Europe.
La réception faite à l'empereur a été pompeuse, mais l'enthou-
siasme a manqué. Les habitants, restés français de cœur, se sont
montrés froids et réservés. Avec le poète ils semblaient jeter à la
face de l'empereur ce refrain patriotique :
Vous avez pris l'Alsace et la Lorraine,
Mais malgré vous, nous resterons Français,
Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre cœur vous ne l'aurez jamais.
L'attitude de la population a fait une vive impression sur Guil-
laume et il s'est plaint amèrement que la germanisation de la
Lorraine va trop lentement. Ce qui ne l'a pas empêché dans un
de ses nombreux discours, de proclamer avec emphase que les
Lorrains sont Allemands et qu'ils resteront Allemands avec l'aide
de Divu et de fépée Allemande. Ces paroles ont du retentir douloureu-
sement aux oreilles des patriotes lorrains qui sont restés français
malgré 23 ans de domination teutonne. Espérons que ces bravades
€t ces vantardises auront un terme, et qu'un jour viendra où avec
Vaidede Dieu et de répée française,les Lorrains restés français de cœur,
verront de nouveau le drapeau tricolore Hotter sur les remparts
de Metz. L'œuvre de la germanisation sera alors réduite au néant!
*
*,^ Le successeur de Mgr Racine au siège épiscopal de Sher-
brooke vient d'être nommé C'est M. le chanoine Paul Stanislas
Larocque, curé de la cathédrale de Saint Hyacinthe que le pape a
choisi pour cette haute dignité. Puisse le nouvel évêque marcher
sur les traces de son prédécesseur et continuer ses traditions! Mgr.
Larocque estle troisième prêire de ce nom qui est appelé à faire
partie de l'épiscopat canadien. Les deux autres ont été Mgr Joseph
Larocque et Mgr' Charles Larocque. Ils ont été tous deux évêques
de saint Hyacinthe, et, par une singulière coincidence, le nouvel
évêque est le curé de la cathédrale du même diocèse. Trois de ses
prédécesseurs dans la cure de la cathédrale sont aussi actuellement
évêques ; ce sont Mgr Moreau, évoque actuel de Saint-Hyacinthe,
Mgr Giavel, évêque de Nicolet, et Mgr Decelles, coadjuteur de
Mgr Mof-eau. M. Larocque est né à Sainte-Marie de Monnoir,
comté de Rouville, le 28.octobre 1846. Ha fait ses études classiques
LE PROPAGATEUR 519
•et théologiques au séminaire de Sainte Tiiérèse et au séminaire
de Saint-Hyacinthe.
Mgr Bourget l'a ordonné prêtre à Montréal le 9 mai 1869. Avant
d'êtie curé de la cathédrale de S.iint-Hyacinlbe il a été mission-
naire à Key West, en Floride, pendant 10 ans, et il a étudié la
théologie à Rome pendant quelques années. Il est revenu de Rome
avec le titre de docteur en Théologie et en Droit canon.
*
*,* M. le chanoine A. Xiste Bernari a été nommé vicaire-géné-
ral du diocèse de St-Hyacinlhe. Il remplace monsieur l'abbé
Oravel, qui vient d'accepter la cure de B-lœil. M. B^rTuard est né
à Belœil II a fait ses études an cdlège de Montréal et il a été or-
donné prêtre le 1er novembre 1871.
*,* Le gouverneur-général, lord Ab?rdeen, de-retour d'Ottawa,
où il a été prendre possession de sa résidence, a fait une visite ofiB-
cielle à Montréal. Il a été reçu avec enthousiasme par toutes les
classes de la population. Les Irlandais, entre autres, lui ont sou-
haité une bienvenue d'autant plus cordiale qu'il a ga^né toutes
leurs sympathies lorsqu'il administrait les affaires d'Irlande. On
sait en effet, que lorJ Aberdeen jouissait en Irlande, lorsqu'il en
était vice-roi, d'une popularité extraordinaire et que les Irlandais
le regrettent encore.
A la réception de l'Hôtel-de- Ville, le maire Desjardins a lu une
adresse très sympathique, et, en répondant à cette a Iresse, le gou-
verneur a dit des paroles qui ont créé une grande sensaton. Il
s'est en effet prononcé fortement en faveur de la dualité de langues
et, joignant l'exemple au précepte, il a parlé en français et en
anglais. Cette manière d'agir a dû indigner énormément les fana-
tiques qui voudraient nous forcer à parler uniquementen anglais
dans ce pays colonisé par la France.
Faisant allusion au privilège qui nous a été garanti d'employer
la langue française comme l'une des langues oÊcielles, le gouver
neur a ajouté que " toute fhistoire et l'expérience entière de l'huma-
" nité sont là pour proclamer à son de trompe que toute tentative^
" toute intention^ si honnête qu'elle soit^ d'entraver ou d'abolir ces
'• sortes de privilèges, aboutissent inévitablement à des fins tout oppo-
^* sées à celles qu'on avait en vue."
***
*^* Le 5 septembre un grand congrès des catholiques des Etats-
Unis à été ouvert à Chicago. Tous les diocèses et les vicariats
apostoliques du pays y étaient représentés. On évalue à 5000 le
Membre des personnes présentes à la première séance. M^r. Feehan,
archevêque de Chicago a souhaité la bienvenue aux visiteurs, et
son Eminence, le cardinal Gibbons, archevêque le Biltimore, a
fait le discours d'ouverture. Ce congrès a duré plusieurs jours au
milieu du plus grand enthausiasm'3. On y a traité plusieurs ques»
tions importantes, notamment la question sociale, celle de l'éduca-
520 LE PROPAGATEUR
tion catholique, et celle de l'indépendance du Saint-Siège. Parmi
les principales résolutions volées à l'unanimité par le congrès se
trouve la suivante qui est relative aux écoles :
" Nous devons continuer à employer tous nos efforts pour
augmenter et affermir nos écoles paroissiales catholiques et nos
collèges catholiques"
*
*.* Parmi les conventions de toutes sortes, tenues à Chicago pen-
dant l'exposition, il y en a une d'un caractère étrange et dont l'histoi-
re n'offre pas de précédents. Cesllecongrès des religions. Outre les
catholiques, il y avait là des juifs et des schismatiques, des protes-
tants de toutes les sectes et de toutes les nuances, et des payens de
toutes les catégories. Il y avait même des gens qui ne croient à
rien et qui veulent élever leur négation à la hauteur d'un culte.
Cette religion de négation s'appelle V Idéalisme et elle vient de la
nuageuse Allemagne.
L'^erreur sous toutes ses formes coudoyait l'unique religion vé-
ritable dans cette Babel d'un nouveau genre.
Ce congrès a été la cause de beaucoup d'enthousiasme pour le^
uns et il a été l'objet de vives critiques de la part d'un grand
nombre. La religion catholique a eu la préséance dans les séances
C'est le cardinal Gibbons qui a fait les prières d'ouverture, il
siégeait à la droite du président.
*,* Ont été nommés :
\* Liputenanl-gûuverneur du Nouveau-Brunswick, le sénateur John Boyd.
Il r<=naplace Sir Léonard Tilley dont le t*-rme d'office est expire. M. Boyd est
dans le commerce. U est né à Mangherafell. comte de Derry Irlande, le 28
septembre 1826. Il a toujours été partisan de la confédération. li a été nommé
sénateur en 1879.
2° Ch<^valier commandeur de l'ordre 'de Saint-Michel et Saint-Grégoire, K.
C. M. G. l'honorable Charles Hibbert Tupper.'ministre de la Marine et des Pêche-
ries. Celte distinction lui a été accordée en récompense de ses services comme
agent de l'Angleterre dans l'arbitrage delà merde B^hring. Le nouveau
chevalier est le (ils de Sir Charles Tupper, Haut Commissaire du Canada à
Londre?. Il est né à Amherst, Nouvell'^--Ecosse, le 3 août 1855. 11 a fait ses études
dans les universités de McGillel de Harvard et il a été reçu avocat ^n 1878. Il
est députe de Piclou aux Communes depuis 1882 et ministre de la Marine et des
Pêcheries depuis le 31 mai 1888.
3» Juge de la cour suprême du Canada, l'honorable George E. King, juge de
la cour Sui'Pême du Nouveau-Brunswick. Il remplace le juge Patl^^rson décédé
dans le cours de l'été. M. King est né à Saint-Jpan N. B., en 1839, et il a été
reçu avocîit en 1865. Il a été député à l'assemblée légis-lative du Nouvf'au-
Brunswick et il a élé pr^-mier ministre de cette province. Le 10 décembre 1880,
M. King a élé nommé juge de la cour Sufirême du Nouveau-Brunswick, charge
qu'il a occupée jusqu'à sa nomination à la cour Suprême fédérale.
4" Juge de la cour suprême du Nouveau-Brunswick, l'honorable P. A. Landry,
ci-devant juge de la cour de comté. Il remplace le juge King. Lh juge Landry
est acadièn et il est le premier catholique qui monte sur le banc de la Cour
Suprême de sa province. H a été dépu/é à la législature provincial , ministre
des Travaux Publics dans le cabinet Fiaser en 1878, et Secrétairf'-Provincial
dans le cabinet Hanningion en 1^82, Il a été aussi député fédéral de K-^nt.
X,* Juge de la cour de comté, Nouveau-Brunswick, M. W. W. Wells, avocat
de Dorchester. Il remplace le juge Landry. Alby.
LA RELIGION DE COMBAT
Par l'abbé Joseph L<emaiiii
1 fort vol. in-8 Prix : $1.88
MAITRES ECLAIRES ET GUIDES SURS
I. Le savant rationaliste el le savant incré Iule ne méritent pas ces qualitications
d'honneur:" Maîtres éclairés, guidas sûrs." Triste et O'gU'eilleux éiat de
leur raison, ou la froide raison. Résultais des ténèbres : scienC'i incomplète
souvent danger-^use ; froid du cœur ; naorale équivoque. — 11. Grinx à qui
convi'^nnent ces qualilications, dans la cit'^ de lumièrti : l'êvèque, le pasteur,
le docteur, le savant chréiien. Magnifijue épanouisS'jnient des sciences
humaines, subordonnées, par eux, à la Vérité étern-îile. — III. L'heure
présente est aux génies malf lisants : la fabh des Harpies d-ivenue une
réalité. — IV. Obligation pour les Dieafaisants génies de ne rien céd-^r en
tout ce qui concerne l'enseignement.
" C'est une loi, que l'intelUgeace humaine, et même tonte
intelligence créée, doit se former pir un enseignement reçu avec
re.spect d'une intelligence supérieure. Nul n'est à lui-même son
principe et son initiation : il faut que le feu de la vérité, vivant
dans un ancêtre spirituel, touche l'âme qui s'ignore et y^ allume
l'incendie qui ne s'apaisera que dans la dernière leçon de l'Eternité.
Jusque là, l'intelligence sera comme endormie, ou si elle s'éveille
par l'action sourde de sa nature, elle n'aura que des lueurs, des
pressentiments, tout au plus de lentes et imparfaites coordinations.
Dieu a été le premier maître du genre humain ; formé sous lui,
l'homme a transmis à sa postérité le dépôt de la parole et de la
science, et ce dépôt mystérieux, sans cesse accru par le travail des
générations, arrive à chacun de nous dans un enseignement qui
les résume et élève en quelques jours noire esprit à la hauteur oii
l'esprit humain est lui-même pai;venu. Là commence en nous le
règne de notre personnalité : enfants de la lumière, héritiers des
âges, il nous est permis l'ajouter à la tradition, sans la détruire,
le sable d'or que nos pieds découvrirouL en foulant les rivages
inexplorés du vrai."
Avec quelle élévation de pensées et quelle magnihcance de
style, cette citation n'étabiit-elle pas que l'homme, enfant de
lumière, est un être enseigné. Il a besoin, toute sa vie, de m litres
et de t^uides. Miis c'est à la jeunesse surtout qu'il faut de bons
guides, pour la direction de ses études, de sa conscience.de ses
mœurs.
Chercho;is-les.
Un savant rationaliste ou incrédule raérite-t-il cas appellations
522 LE PROPAGATEUR
d'honneur, " Maître éclairé, guide sûr," et, avec elles, la confiance
des familles ?
Difficilement.
Qu'on veuille bien peser les motifs de cette défiance, mêlée de
compassion.
Chez le raiionaliste et l'incrédule, la raison dit superbement : je
veux être seule^ je n'ai nul besoin du secours de la foi, je me sufiBs
à moi-même.
Elle dit encore : je suis la froide raison.
Ainsi parlent le rationaliste et l'incrédule. Raison solitaire^
raison froide I
Mais ainsi, également, a parlé l'orgueil, lorsqu'il naquit avec
Lucifer. Quelles ont été,en effet, les pensées de Lucifer ? L'Écriture
les rapporte : Je me placerai au-dessus des nuées les plus élevées... je
m'asseoirai dans les flancs de fAcquilon. C'est le propre de l'orgueil
de rechercher une place à part, une place solitaire où il ne soit
pas confondu avec tout le monde ; voilà pourquoi Lucifer disait:
je me placerai au-dessus des nuées les plus élevées. Et c'est aussi le
propre de l'orgueil d'être froid, égoïste, de n'être pas aimant : je
m'asseoirai dans les flancs de l'Aquilon.
Hélas ! n'est-ce pas exactement la même conduite que tient
l'orgueilleuse raison chez le rationaliste et l'incrédule ? Elle dit,
cette orgueilleuse raison : je veux être seule, à part de la foi ; je
n'ai nul besoin d'elle, je suis la raii^on solitaire... Elle ajoute : ce
mysticisme, cette chaleur qui accompagne la foi, ne serait propre
qu'à me troubler, qu'à faire dévier mon jugement : je suis la
froide raison !
Eh bien, à quels lésultats aboutira cette raison solitaire et froide ?■
A des résultats de ténèbres. Les voici :
Le premier résultat est une science incomplète et très souvent
dangereuse.
Oui, le rationaliste peut être un savant, un très grand savant,
dans les sciences positives, en géométrie, en physique, en histoire,
en médecine ; mais savoir beaucoup, et ne pas savoir ce qu'il
importe le plus de savoir, Jésue^-Christ, le saint, n'est-ce pas une
science incomplète ? N'est ce pas, hélas 1 le travail de la taupe t
Comme elle, on remue la terre, et l'on ne connaît pas le ciel !
Et non seulement science incomplète, mais, très souvent^
dangereuse. Newton, le grand savant, disait avec humilité : '' Je
ne sais ce que le monde penseia de mes travaux ; mais pour moi
il me semble que je n'ai été autre chose qu'un enfant jouant sur
le bord de la mer, et trouvant taniôt un caillou un peu plus poli,
tantôt une coquille un peu plus brillante, tandis que le grand
océan de la Vérité s'étendait inexploré devant moi " Ainsi parlait
Newton après ses sublimes découvertes; Newton croyait en Dieu,
et devant l'océan de la Vérité, il s'abaissait, s'anéantissait, se
comparant à un enfant jouant sur la rive avec des coquillages !
Mais l'orgueilleuse raison du savant rationaliste n'a pas cette
timidité. Elle ne fait pas difficulté de s'aventurer, s-'ule, avec ses
propres forces, sur l'océan de l'Infini, et comme rEcritnre a dit
LE PROPAGATEUR 523
que celui qui veut sonder la Majesté sera accablé de sa gloire,
l'orgueilleuse raison solitaire vient misérablement échouer sur les
écueils du panthéisme, du fatalisme, du positivisme.
Voilà pour l'intelligence du rationaliste, et que se passe-t-il dans
son cœur.
La raison ayant dit : je suis la froide raison, le froid du cœur lui
a répondu.
Il n'est que trop vrai, le froid du cœur envahit souvent l'homme
qui a dédaigné la foi des simples, la foi chrétienne. Je m'établirai
dans les flancs de l'Aquilon^ disait Lucifer ; l'Aquilon glacial se fait
sentir autour du cœur qui, pour planer plus haut, s'est séparé des
simples.
Doit-on inférer de là que le rationaliste, que l'incrédule ne
savent pas aimer ? Évidemment, ce serait de l'exagération. Mais
leur amour est gêné, refroidi, par la froide raison; c'est un amour
qui n'a pas toute sa force, semblable à un soleil d'hiver 1 La foi
étant U7ie croyance par amour^ quand on n'a pas la foi, on a moins
d'amour. Est-ce donc si surprenant ? N'est-ce pas de l'égoïsme que
de ne point tenir compte de Jésus Christ qui nous a tant aimés en
mourant pour chacun de nous ? Aussi ce refus de lui donner son
adhésion fait-il contracter au cœur un rétrécissement secret, qui
gêne tout. Le rationaliste admet bien qu'il y a un Dieu, il peut
prononcer son nom, mais ce nom n'a point d'ailes ; il peut dire :
Dieu est ; mais c'est un Dieu glacé aui ne sait pas les chemins du
cœur, être abstrait et solitaire, qui habile l'inaccessible région de
l'infini, et devant lequel l'homme passe sans avoir l'idée d'une
prière ni la puissance d'une larme, lui qui prie et qui pleure si
nalurellement ! Considérez, par exemple, un père longtemps
rationaliste ou incrédule, en face de son enfant qui va faire sa
première communion : quel contraste plein de compassion tou-
chante ! Quelle ferveur, quel amour débordant dans ce petit cœur
bien simple ! Quelles émotions refoulées, quels rayons brisés dans
l'âme de ce pauvre père I Pauvre rationaliste, pauvre incrédule,
oh ! de grâce, rendez-vous ! Quittez l'Aquilon, croyez avec votre
enfant, et accordez à votre cœur la jouissance d'aimer de toutes
ses forces, jusqu'au fond, parce que votre raison auraéié jusqu'au
bouc... jusqu'à la foi !
Mais qu'est-ce qui paralyse le plus d'élan de son cœur ? C'est
l'obiigaiion de la foi pratique. La plupart du temps, l'homme ne
croit pas, parce qu'il ne veut pas pratiquer. Rationaliste dans
l'intelligence, il s'appelle néanmoins honnête homme dans la
pratique. Eh bien, dit-il vrai? Dans sa conduite y at-il, du moins
beauté morale ? Là, est il fils de lumière?
Hélas 1 non ; et le troisième résultat de ténèbres qu'il faut
constater en lui, c'est une morale équivoque.
Le Père Lacordaire disait :
" Qui de nous n'a connu de belles uatures à qui la foi seule
manquait ? En les voyant, l'amour naissait de lui-même, et une
joie du cœur nous révélait la présence et le charme du bien. Mais
si la confiance nous a fait descendre plus avant dans le mystère
524 LE PROPAGATEUR
de ces créatures choisies, avec quel douloureux respect y avons-
nous louché des blessures d'autant plus sensibles qu'elles étaient
plus secrètes."
Que ces paroles sont justes ! Le prêtre sait bien qu'à côté d'une
belle intelligence il n'y a pas toujours une belle conduite !
Mais d'où vient que le rationaliste ne saurait être dans sa
conduite le parfait honnête homme, un juste, un fils de lumière ?
D'où vient cela ?
Un aveu plein d'humilité touchante l'explique admirablement.
Désabusé des orgueilleuses et chimériques illusions du rationa.
lisme, Maine de Biran écrivait à la fin de sa vie, en parlant de
Jésus-Christ et de lui-même : " // faut toujours être deux! Malheur
a celui qui est seul^ il est malheureux et dégradé ; et quoiqu'il en
impose au dehors^ il ne s'en irnposera pas à lui-même.^' Maine de
Biran avait raison : pour être honnêie, il faut être deux, Jésus-
Christ et soi ; la grâce divine et l'eflbrt humain ! Car l'efi'ort
humam, seul, n'aboutit qu a des faiblesses. L'honnête homme
solitaire, qui suit un sentier en dehors de la foi pratique et des
sacrements, pourra en imposer aux autres, il ne s'en imposera pas
à lui-même. En lui, il y aura des actes bons, je l'accorde ; mais
une vie totalement bonne, jusqu'au bout, sans défaillance jusqu'à
la fin, celle d'un parfait honnête homme, au dedans comme au
dehors, je le nie. Il n'est aucune honnêteté naturelle qui n'ait eu
à rougir par quelque endroit, aucune qui ne tremblerait devant
ce mot terrible d'un homme célèbre : S'il fallait choisir d'être eonnu
tout entier^ il n'y a pas d'homme qui ne préférât d'être ignoré tout
entier. Oui, demandez à un rationaliste ce qu'il préférerait, s'il
avait à choisir entre être connu tout entier ou être ignoré tout
entier, à coup sûr il préférerait les ténèbres.
Elles lui conviennent 1
Le savant chrétien qui revient du saint Tribunal de la pénitence
et de la sainte Table, s'il a eu des défaillances, s'est, du moins,
retrempé dans la lumière.
Tout cela fait que la science, chez le rationaliste et chez l'incré-
dule, inspire des tristesses, des défiances, des alarm^^s. Cette
terrible sentence, véritable épée de Damoclès, demeure suspendue
au-dessus de tous les talents superbes et solitaires : Malheur à la
connaissance stérile qui ne se tourne pas à aimer !
II
Nous avons éliminé. Déployons maintenant la liste des vrais
maîtres et des guides sûrs.
C'est l'Eglise catholique qui dresse cette liste, avec équité et
largeur. N'est-ce pas elle, en efl'et, qui a été établie ladem ure de
la sagesse, de la vertu et de la s ùence ? L'Esprit de Dieu plaçait,
dix-huit siècles avant Jésus-Christ, cette interrogation sur les
lèvres d'un prince-pasteur de l'Arabie, en vue des générations à
venir :
La sagesse, où se trouve-l-elle f et quel est le lieu de l'intelligence ?
LE PROPAGATEUR 525
Labime dit : Elle n'est point en moi ; et la mer : Elle n'est point
avec moi.
Elle ne se donne point pour l^or le plus pur^ et elle ne s'achète point
au poids de l'argent.
On ne la mettra point en comparaison avec les marchandises des
Indes., dont les couleurs sont les plus vives, ni avec la sardoine la plus
précieuse., ni avec le saphir.
Ce qu'il y a de plus grand et de plus élevé ne sera pas seulement
nommé auprès d'elle ; mais la sagesse a une secrète origine d'où elle se
tire.
D'où vient donc la sagesse ? et où l'intelligence se trouve-t elle ?
L'interrogation, posée il y a trente-six siècles, n'est pas restée
une énigme. La sagesse, partie du sein de Dieu avec le Verbe,
réside aujourd'hui dans l'Eglise catholique, et l'intelligence se
trouve aussi auprès d'elle.
Académies des savants, comptoirs des Indes, or des Hébreux, ce
n'est pas vous qui procurez la sagesse, ni la vertu et la vraie
science qui en émanent : c'est l'Eglise catholique.
A elle donc il appartient de présenter au monde la liste des
maîtres éclairés et des guides sûrs.
La variété en est magnifique.
On peut, toutefois, les distribuer en quatre catégories d'honneur,
subordonnées par la hiérarchie.
Le premier maître éclairé et guide sûr est VEvêque.
Le nom d'évêque, d'après son étymologie venue du grec, signifie :
voir sur, voir de haut. L'évêque voit de haut, pour éclairer et
pour guider.
Chaque évêque est dans son diocèse, la colonne et l'appui de la
vérité.
Quel spectacle que celui d'un évêque revêtu de ses insignes,
assis sur son trône pontifical, entouré de son clergé et de SbS
fidèles 1 C'est vraiment la vision de la force et de la durée, le lien
du présent, du passé et de l'avenir, la colonne au centre du peuple
chrétien I
O évêques, que vous êtes vénérables ! Un rayon de l'immuta-
bilité divine est répandu sur vos visages, et un autre rayon de la
fécondité divine descend dans vos bénédictions !
Après l'évêque, le deuxième maître éclairé et guide sûr prend
le doux nom de pasteur ; on le nomme aussi curé, appellation non
moins douce, provenant du mot latin curare, avoir soin.
Homme simple et modeste, content de peu, vivant au milieu des
peuples sans richesses ni puissance, et cependant avec une autorité
constante, respectée, remarquable par sa simplicité même : tel est
le pasteur, homme de chaque jour. Un bjn pasteur : que de
lumières et que de sûreté viennent de lui !
" Assis, non plus sur les collines éternelles, mais sur les
hauteurs abaissées de notre terre, Jésus étendait au loin son
regard. Il pénétrait le ciel pour y lire les mystères de la justice et
de l'amour, les secrets de l'avenir, et les moments de Dteu ! Pais,
le ramenant sur ses brebis, il les interrogeait, il les avertissait ;
52t>' LE PROPAGATEUR
-parfois même il l':!S menaçait ; ô douces- menaces de l'amour 1
Le plus souvent, il leur inspirait laséciirité, l'espérance et la joie.
" Douces brebis, vivez en paix, le cœur du Bon Pasteur vous
protège ; goûtez la vie, il vous donne ; que l'amour vous fasse
croître, qu'il vous multiplie sur la terre comme l'innombrable
armée des étoiles qui brillent au-dessus de vos têtes, et que le
regard du Seigneur dirige à travers les immenses plaines des cieux."
Cette délicieuse description a été faite du Bon Pasteur par
excellence, du Fils de Dieu descendu sur la terre : il est permis
de l'étendre à tout fidèle pasteur des âmes qui continue, dans le
poste que l'Eglise lui a confié, les fonctions de Jésus-Cbrist.
Au troisième rang, apparaît le docteur.
Qui établira et montrera l'accord harmonieux de ces trois
sublimes puissances : la raison, la foi, la science ? Qui dissipera
les doutes, cruels tourments des esprits les plus soumis et les
mieux cultivés ? Qui dirigera la marche du juste dans ces âpres
sentiers où lame, quoique pleine de bonheur, éprouve bien
cruellement parfois les angoisses de l'exil? N'est-ce pas le docteur
de la vérité.
Le docteur ! l'homme de la doctrine 1 l'homme qui sait les voies
de la sagesse et la poursuit à travers des espaces, où l'aigle même
n'atteint pas, dans la sublimité des cieux, pour la rapporter
ensuite aux esprits plus faibles, plus timides, aux humbles et aux
petits : quel vol royal, et quelle belle mission d'explorateur au
nom de la charité ! Aussi, le prophète Daniel faisant une description
sommaire, rapide, très rapide de la vie future, s'arrête cependant
devant les docteurs, les montie du doigt, et dit : Ceux qui en auront
instruit un grand nombre dans la justice brilleront comme des étoiles
dans des éternités sans an.
La même plume délicate qui a célébré le pasteur décrit ainsi le
rôle du docteur :
" La terre a ses sources qui lui donnent leurs eaux ; le firmament
du ciel a ses astres qui versent sur le monde leur lumière ; le&
nuées, qui entourent notre globe, portent dans l'air et répandent
ensuite sur la terre la rosée et la vie. Pourquoi les âmes n'auraient-
elles point aussi des sources, où elles iront puiser les eaux de la
divine sagesse ; des astres qui répandront sur elles leurs pures
clartés ; des nuées bienfaisantes, dont l'influence leur rendra la
fraîcheur et la vie ?
" 0 âmes, n'enviez à la terre ni les sources qui l'abreuvent, ni
les astres qui l'éclairent, ni la rosée qui la féconde : Dieu, dans ses
miséricordes, ne vous a-t-il pas donné les docteurs de la vérité ? "
Entre tous ces docteurs, il suffit d'un nommer un : saint Thomas
d'Aquin ! , ?i
" Simple comme l'aigle, vasle comme lui, on ne le perd jamais
de vue dans son vol, si élevé qu'il soit, et ses séries puissantes
écartant tous les nuages, il demeure immobile dans la lumière et
et comme se transformant en sa substance."
L'évêque a la garde de la vérité ; le pasteur eu exerce la culture
paisible ; le docteur en poursuit l'exploration. Reste une dernière
LE PROPAGATEUR 527
fonction, plus modeste, mais non moins importante, celle du savant
chrétien. Son domaine est la science humaine : histoire, géo-
graphie, médecine, mathématique, jurisprudence, mécanique,
industrie. Savant, parceque qu'il sait beaucoup en matière de
science ; chrétien, parce qu'il soumet sa science à la vérité éternelle.
Si les vrais savants s'honorent de relever de la religion chré-
tienne, de son côté, la religion s'applaudit de ce qu'ils font partie
de son chandelier d'honneur et en rehaussent l'éclat. Car le
christianisme ne permet pas seulement la science,il la recommande
Il ne craint pas d'ouvrir trop larges les portes du savoir. Il fait
luire la science, comme Dieu fait luire le soleil sur les bons
comme sur les mauvais, laissant toute responsabilité à ceux qui
usent mal de la lumière et ne songeant pas à l'éteindre.
De là vient la probité de la science chrétienne :
Elle est scrupuleuse ; elle ne se paye ni de faits hasardés, ni de
conséquences prématurées ;
Elle est humble, et ne croit pas que ce soit trop de toute un&
vie pour acheter une vérité si petite qu'elle soit :
Elle est patiente enfin, parce qu'elle se confie. " Nous descendont^
le microscope à la main, dans les derniers détails de la physiologie
végétale ; nous nous penchons sur les creusets de nos laboratoires,
nous reconstruisons péniblement des inscriptions effacées et des
langues en ruines. Il ne nous est pas donné de voir le terme de
ces recherches arides : mais nous savons que d'autres y trouverons
des conclusions glorieuses pour la Providence. Nous ne sommes
qu'au commencement, et le chemin est long ; mais nous savons
que Dieu est au bout. Quand nos pères posaient la première pierre
de leurs basiliques, quaud ils commençaient Notre-Dame de Paris,
de Chartres ou de Reims, ils n'ignoraient point qu'ils ne jouiraient
pas de leur ouvrage. Mais, si longtemps que pût durer la
construction, ils savaient que leur foi durerait encore plus. Ils
avaient confiance en la postérité catholique. Ils descendaient dans
la poussière et dans la boue pour y asseoir les premières
fondations, attendant que d'autres générations vinssent en élever
leSt assises, jusqu'à ce qu'après cinq cents ans la croix triomphante
en couronnât le clocher
" C'est la conduite de l'Eglise : et jamais elle n'a caché l'estime
qu'elle faisait de la science. "
Aussi, comme toutes les sciences ont profité de cette estime, de
cette sollicitude et de cette largeur de la religion '.Chaque science
a pu s'associer au langage de joie que le Livre de Dieu fait tenir
à la Sagesse: J ai étendu mes branches comme le térébinthe^ et mes
branches sont des branches d'honneur et de grâce. Chaque science a
étendu ses bianches d'honneur. Auprès de chaque groupe de
sciences, brillent les savants chrétiens qui font remonter vers Dieu
le rayon de leur propre célébrité:
Aupiès des belles-lettres, brillent des célébrités littéraires qui
disent: " Il y a dans le nom de Dieu quelque chose de superbe^
qui sert à donner au style une certaine emphase merveilleuse, en
sorte que l'écrivain le 'plus religieux est presque toujours le plu&
528 LE PROPAGATEUR
éloquent. Sans religion on peut avoir de Vesprit ; mais il est difficile
d'avoir du génie.
% Auprès de la médecine, brillent des célébrités médicales, qui
disent, à propos de tel malade arraché au trépas : Je Vai traité.,
Dieu Va guéri.
;f|Auprès des sciences naturelles brillent des industriels célèbres
qui disent: *' Li nature n'est pas une prison. Elle est bien plutôt
une toile entre deux ouvriers., un père et un fils, assis au même travail :
uu voile sublime, transparent, tendu entre deux esprits, l'esprit
créateur et l'esprit humain.
Auprès de la géométrie, du calcul, de la physique, brillent des
mathématiciens célèbres qui disent : '< Tout cela est vrai, mais
tout cela ne saurait remplir le cœur de l'homme, ni suffire à la
condjitede la société. Gloire a Dieu et paix aux hommes de bonne
VOLONTÉ : les mathématiques n'atteindront jamais à la sublimité de
cette formule."
Voila les savants chrétiens, vrais maîtres et guides sûrs : ils
marchent, à bon droit, dans la phanlange lumineuse de l'ensei-
gnement, à la suite de l'évêque du pasteur, du docteur.
III
Lorsque Virgile chantait l'approche d'un âge d'or sous le sceptre
d'un Enfant extraordinaire qui descendrait des cieux, si un
Prophète lui eût annoncé que sa vision poétique se réaliserait, que
des Nations aristocratiques et fières deviendraient, sous la
direction de ce merveilleux Enfant, les premières du monde par
le savoir et par les armes, qu'elles seraietit de race latine, mais
qu'un temps viendrait où, une grande révolution interrompant et
retournant toutes choses, on en arriverait, chez ces Nations, à
proscrire de l'enseignement le nom sacré de la Divinité, que la
langue latine, à cause de ses affiiiités avec la Divinité, serait elle-
même suspecte, et qu'une multitude d'e-prits médiocres, athées,
sensuels, se feraient les satellites ae cette abominable entreprise
dans les écoles : assurément, le chantre d'Ausonie eût été stupé-
fait, révolté, épouvanté de cette métamorphose ; je me demande si
son ditigt vengeur n'eût pas indiqué, au 111^ Livre de son immor-
telle Enéide, l'épisode des Harpies qui caractérise bien la dégoû-
tante entreprise apostate.
Il est utile de la rappeler :
Dans un enfoncement da rivage, nous avions {Enée et ses compagnons) élevé
des lits de gazon, el nous savourions des n^els délicieux. Tout à coup, du haut
des montagnes, l-^s Harpies fondent d'un vol effroyable, battant des ailes avee
un grand bruii, enlèvent nos viandes, et salissent tout de l»^ur contact
immon le ; à leurs cris sinistres se mêle une od'iar fétide. Nous nous retirons
alors dans une gorge profonde, sousTibri d'un rocher que des arbres envelop-
pai-nt d'une ombre impénétrable; et là nous dresàoas une seconde fois les
tables, et rallumons le f-ii sur les autels. Une seconde fols la troupe bruyante,
sortie de ses repaires secr-'ts et fondant sur nous d'un point opposé du ciel,
Toltige autour de notre butin en S'^couant ses pieds crochus, et souille les mets
de son halrjine infecte. J'ordonne alors à mes compagnons de pren Ire leurs arm^a
LE PROPAGATEUR 529
et de faire la guerre à celte cruelle engeance. Ils exécutent mes onires, et
disposent leurs epées et leurs boucliers, qu'ils liennent caches s>ous l'herbe.
Aussitôt que les Harpies, descen lus des baut-urs, ont fait ret ntir le rivage
sinueux du bruit de leurs ailes, Misène, monté sur une émin nce, donne e ^ignal
avec la trompette : mes compagnons s'élancenl, et, ilans ce combat nouveau pour
eux, essaient de blesser ces impurs oiseaux de la m-^r. M.ii? leurs plnm-s résis-
tent à toute atininte, et leurs flancs restent invulnérables: elles sVnfui-nt d'un
yol rapide au plus haut des air?, uous laissant une proib a demi roncbe et
SOUILLÉE DE LEURS TRACES DÉ60CTANTES.
Fable de jadis, tu es devenue, en nos temps, poignante réalité l
Semblables aux Harpies, mais plus redoutables, les idées et les
bandes de la Révolution n'ont-elle pas tout envahi et tout souillé?
Elles enlèvent, et elle salissent. L'école, en particulier, se ressent
de leur passage immonde !
L'heure est aux génies malfaisants : ils ne sont ni maîtres, ni
guides, mais Harpies : nous laissom (dans l'âme des enfants)
une proie à demi rongée et souillée de leurs traces dégoûtantes !
IV
Quelles obligations résultent de cet état de choses pour les vrais
maîtres et les guides sûrs ? L'obligation, d'abord, d'élever encore
plus haut le flambeau de la vérité éternelle, et de rendre plus
actives, plus fructueuses et plus éclatantes leurs recherches de la
science.
Bienfaisants génies, ils ne d"ivent pas se démettre. Ils ne
doivent également tolérer ni souillure ni enlèvement. Bref, ils ont
le droit de parler un fier langage et qu'ils le parlent, ce langage :
Jésus-Christ, le seul vrai maître, s'est adjoint des suppléants, et
c'est nous ! Pour pouvoir por;er en tous lieux l'enseignement du
salut, nous nous sommes plies à toutes les conditions. Nous avons
fendu du bois et défriché le sol avec les pauvres bûcherons, et
nous avons pris nos grades dans les écoles et les universités.
Chargés de la science du ciel, nous nous sommes assis au milieu
des sciences de la terre, et il est arrivé qu'au contact de la science
du ciel, celles de la terre ont pris i.n essor qu'elles n'avaient
jamais connu. Elles se sont rattachées au Christ, cemme les
rayons se rattachent à l'astre de la lumière. Salomon avait laissé,
sur la science, cette inscription mélancolique : elle est une vanité ;
nous l'avons remplacée par celle-ci : elle est le contrefort de la
Vérité.
Tels ont été nos services.
Or, voici maintenant qu'on voudrait nous mettre hors la science,
comme on nous met hors la loi; nous ne pouvons pas accepter
cette proscription.
Nous ne pouvons pas: parce que, en vertu du droit divin, nous
devons enseigner, et parce que, en vertu du droit de propriété, les
sciences relèvent de nous, avant de relever de qui que ce soit.
Quelle sera donc notre attitude en face de n'importe quelle
tentative de persécution?
Nous parleron» nous enseignerons
530 LE PROPAGATEUR
Nous enseignerons qu'il faut adorer Jésus-Christ.
Nous enseignerons qu'il faut sauver son âme, et obtenir à tout
prix la vie éternelle.
Nous enseignerons qu'il faut aimer la science, et que toutes les
sciences sont belles.
Nous enseignerons l'histoire, la physique, les mathématiques,
la philosophie, toutes les sciences.
Nous enseignerons que quiconque est savant, religieux et
honnête, est digne et libre d'être professeur.
Voilà ce que nous enseignerons.
Et si l'impiété, si l'Etat, devenu impie, hérisse de difficultés
notre participation à ses grades, nous tâcherons, par beaucoup de
science et de modestie, de forcer ses respects et de ravir son
admiration ; si, rompant en visière, il nous déclare inhabiles et
incapables, eh bien, nous nous passerons de ses diplômes;
Si on nous dispute l'emplacement de nos écoles, si on nous en
limite le terrain, nous dirons aux montagnes le mot du Christ :
Otez-vous de là, afin que nous puissions bâtir ; et les montagnes
obéiront, moins dures que l'endurcissement de l'impiété, moins
dures que la jalousie de la fausse science 1
Si, enfin, on pousse les rigueurs jusqu'à nous interdire d'ensei-
gner par des menaces de prison, d'exil ou de mort, nous nous
rappeieronsque notre Maître, après avoir exposé sa céleste dcctrine,
s'est exposé, pour elle, sur la croix : à notre tour, chargés de
continuer l'exposition de sa doctrine, nous nous exposerons
pareillement, pour elle, à tous les périls.
LA MYSTIQUE DIVINE
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INTRODUCTION.
SOMMAIRE. — L'unité flans la variété, loi du monde physiqu», moral, et intellec.
tuel. hlle a son principe en Dieu. — L'harmonie de l'univers, connue du pre-
mier homme, ilélruite par son péché. — Vains efforts des philosophes païens
pour comprendre cett^ harmonie. Jésus-Christ seul montre le principe de l'u-
nité dans l'ordre intellectuel. — Doutes que l'orgaeil humain soulève, malgré
la révélation, contre cette harmonie. De là soat venus les conflits entre la scien-
ce et la foi. — Importance actuelle de cette question; manière de la traiter. —
Solution d'une difficulté.
Dieu, qui joint en lui-même, d'une manière ineffable, le nom-
bre et la distinction avec l'unité de son indivisible essence, a vou-
lu graver dans toutes les créatures une empreinte de ses infinies
perfections. L'unité dans la variété, telle est la loi qui régit tous
les êtres. Cette loi résume les autres lois de l'univers ; elle brille
avec une incomparable splendeur dans toute la création ; elle s'é-
tend à l'ordre physique, comme à l'ordre scientifique ou intellec-
tuel.
Plus nous étudions les forces de la nature matérielle, plus nous
découvrons entre elles de rapprochements. La lumière, la chaleur,
l'attraction, l'électricité, le magnétisme, et les autres agents qui
opèrent dans la inatière, présentent de prodigieuses analogies; ils
se remplacen mutuellement et se transforment les uns dans les
■autres, malgré toute la diversité des aliérations qu'ils produisent
dans les corps, ils portent les marques d'une commune origine ; ils
semblent n'être que les effets d'une même cause et les suites d'un
principe unique. Entre ces forces et celles qui aiment les êtres or-
ganiques, il existe de surprenantes affinités ; et les êtres organisés,
comparés entre eux, soit dans leur ensemble, soit dans leurs par-
ties, suivent à leur tour une gradation insensible : ils sont tous as-
sujettis à un plan unique d'organisation ; et quand on les étudie,
on y trouve sans cesse la variété sous un aspect et la ressemblan-
ce sous un autre.
. Enfin, au sommet de cette glorieuse échelle, vient l'homme, en
qui se rassemblent et s'harmonisent substantiellement la vie végé-
tative, la vie seusitive et la vie intellectuelle. Par sa rassemblance
avec les esprits ou les intelligences séparées, et par son élan irrésis-
tible vers Dieu il fiorme le trait d'union du monde inférieur ou
matériel et du monde supérieur ou spirituel ; il rattache le monde
visible à l'invisible, le temps à l'éternité-
532 LE PROPAGATEUR
Dans les lois physiques, dont l'action sur les corps nous est con-
nue par les effets sensibles, nous entrevoyons une ombre de celles
qui régissent les créatures raisonnables. Le monde physique et le
monde moral se répondent et se complètent à merveille ; dans les
principes de l'un nous voyons symbolisés les principes deTintre ;
la science de ce qui est nous élève à la science de ce qui doit être ;
et tous en conviennent, les lois qui gouvernent l'homme c nsti-
tuent le fondement de celles qui dirigent la société. Car la société
n'est que l'ensemble des individus tendant à une même fin par des
moyens communs et sous la direction d'une autorité suprême.
Ainsi tout se trouve enchaîné dans l'univers ; tout se rapporte
aux mêmes principes, tout converge vers un même centre.
Mais c'est dans le monde scientifique ou intellectuel que resplen-
dit surtout la variété combinée avec une admirable unitp.
Aussi bien que les muses, les sciences sont sœurs ; dans leurs
traits apparaissent les marques d'une commune origine ; et dans
leurs instincts se révèlent les mêmes tendances ou la même desti-
nation. Unies dans une fraternelle étreinte; elles se prêtent un
mutuel secours; elles marchent de pair; l'une ne peut avancer
d'un pas sans que les autres ne se mettent en mouvement; aucu-
ne ne rétrograde sans que les autres ne s'en ressentent, ne se trou-
blent et ne se confondent. Entre elles il ne peut y avoir de divor-
ce ou d'inimitié; elle marchent ensemble à la conquête de l'uni-
vers, et ensemble elles lui arrachent les secrets les plus précieux.
De là vient que nous ne pouvons nous a[ pliquer à l'étude d'aucu-
ne d'entre elles sans le secours des autres ; et plus nous pénétrons
dans la recherche des éléments qui les composent, des lois qui les
gouvernent et des principes généraux qui en sont la règle, plus
nous découvrons d'unité, de simplicité et d'harmonie dans ces élé-
ments et ces principes. iNous finissons par les voir se confondre et
s'identtfier, de même qu'en géométrie les figures inscrites ou cir-
conscrites tendent à se confondre avec la courbe limite.
La raison de cette merveilleuse uniié des sciences, c'est la nature
même de la connaissance scientifique. La science n'est que la ma-
nifestation et la reproduction dans le monde intellectuel, des êtres
qui composent l'univers ; c'est l'ordre des choses transporté dans
l'ordve des idées; c'est dans le miroir de notre intelligence, le fidè-
le reflet des objets que nous éludions, des forces qui animent ces
objets, et des lois auxquelles obéissent ces forces. Or, dans le mon-
de, tout est enchaînement, tout est harmonie : toutes les parties de
l'univers, sorties au même moment des raams de Dieu, tt-ndeut,
chacune à sa manière, au but suprême et universel de la Provi-
dence ; toutes, sous une même loi, se rassemblent dans une par-
faite unité ; toutes contribuent à la réalisation du plan divin, plan
unique, essentiellement constant dans sa substance, mais varie de
mille manières dans ses détails. Ce plan est l'œuvre de la Sagesse
infinie qui exista de toute éternité, avant que surgissent du néant
le ciel de la terre, les abîmes de la mer, les monts et les près ; qui
fut avec Dieu dans la formation des cieux, quand il mesurait la
surface du monde, quand il établissait l'air au-dessus de la terre
LE PROPAGATEUR 533
et au-dessous d'elle les sources de l'abîme ; quand ii donnait à la
mer ses lois, afin que les flots ne franchissent point leurs limites.
Ce plan est l'œuvre du Dieu qui mesura les eaux dan- le creux de
sa main et de ses doigts pesa les cieux; qui donna des lois à la
pluie et traça leur route à l'éclair et au tonnerre; qui comtemple
tout ce qui se fait sous le ciel. La majesté de ce Dieu resplendit
jusqu'aux extrémités du mo;ide ; les cieux racontent sa gloire, et
proclament l'incomparable sagesse de toutes ses œuvres. Or cette
unité et cet accord qui brillent dans la nature, doivent briller
aussi dans la science et dans la pensée qui reflètent la nature. Le
principe de l'unité dans la création est l'essence divine, causp ef-
ficiente, exemplaire et finale de toutes choses, source de tous les
êtres et raison de leur existense, soleil qui éclaire et vivifie tout,
lumière éternelle et indéfectible, dont les rayons se réfléchissent
sur le brin d'herbe qui se courbe au souffle du zéphyr comnu sur
les globes immenses des astres qui roulent dans l'espace. D^ même,
les sciences doivent trouver leur unité, leur perfection et leur har-
monie dans cette essence souveraine. Les idées de l'homme, pour
être exactes et vraies, s'accordent et, pour ainsi dire, vibrent à l'u-
nisson avec les idées de Dieu ; la science humaine est l'image de
la science divine, et la vérité qui reluit dans notre entendement
n'est qu'une ombre, une participation de celte vérité surnaturelle,
mère de toutes les vérités , lumière de toutes les intelligences, sour-
ce et principe de toute connaissance. C'est dans cette vérité divine
que l'unité resplendit avec une ineffable perfection. Communiquée
aux créatures et refléchie par elle dans nos intelligences, cette di-
vine unité doit nous faire saisir la liaison de toutes les sciences, et
nous montrer le point où s'achèvent et se complètent toutes les
connaissances de l'homme. D'où il suit que plus les sciences humai-
nes s'approchent de ce point, plus elles s'approchent de leur unité ;
plus elles s'en éloignent, plus elles s'écartent entre elles, tout com-
me les rayons d'un cercle sont plus ou moins écartés les uns des
autres suivant qu'ils s'éloignent plus ou moins du centre. Là est
l'unité suprême, absolue, transcendante de la science ; le point où
se rencontrent et se perfectionnent toutes les connaissances scien
tifiques, le centre où se rejoignent et s'harmonisent la sagesse di-
vine et la sagesse humaine, la science et la foi. la raison et la ré-
vélation, le dogme et la pensée véritablement libre.
Cette unité des connaissances scientifiques se montra dans toute
sa sublimité au premier homme, quand son intelligence s'ouvrit
aux vérités que Dieu, dans son adorable providence, daigna lui
manifester. Son regard, que rien ne troublait, embrassa la gran-
deur des pensées divines qui allaient se réaliser dans l'univers ; il
découvrit les mystères de la nature et ceux de la grâce, les analo-
gies entre le monde matériel et le monde spirituel, les beautés de
la création, la perfection de ses lois et la convenance de toutes ses
parties. Eclairée par la lumière divine, la nature se réfléchissait
dans l'intelligence avec toute sa splendeur et tousses charmes, avec
la simplicité de son plan et l'harmonie de ses relations. Le concert
de la nature, écho dans le temps de cette harmonie inneffable qui
• 32
534 LE PROPAGATEUR
résonna de toute éternité dans la profondeur des pensées divines,
était à son tour la répétition affaiblie d'une autre harmonie plus
belle, plus intime, plus profonde, que Ttiomme entendait résonner
en son' cœur. Entre ses idées et ses aff-'ctions, entre sa raison et
ses instincts, il y avait un accord admirable. Ses pensées étaient
pures, ses affections bten réglées ; ses désirs parfaitement confor-
nies à la loi que la main divine avait gravée dans son esprit. Dieu
occupait son cœur ; et de ce centre divin jaillissait une source vive
de béatitude sans mélange, qui, s'élevant jusqu'à la vie éternelle,
retombait sur son âme et l'inondait tout entière de célestes délices.
Bientôt la prévarication de l'homme vint le priver de ces ineffa-
bles jouissances. Son orgueil, troublent d'un souffle funeste la
flamme que Dieu avait allumée en son âme fit tomber sur son en-
tendement les ténèbres les plus épaisses, et mit sa volonté dans
une position fausse, irrégulière et contradictoire. Un penchant per-
vers et diabolique altéra toutes ses facultés, corrompit toutes ses
passions. Les relations de la créature avec la Créateur furent bou-
leversées ; le mal envahit le monde ; la division ei la haine com-
mencèrent à régner dans ces régions où ne devait fleurir que l'u-
nité, l'harmonie et l'amour.
Pendant que les descendants du premier homme perdaient peu
à peu le souvenir des enseignements divins, les idées fondamenta-
les de la science allèrent également en s'obscurcissant et en s'alté-
rant : les domaines du savoir se peuplèrent de monstres et de rui-
nes; les principes scientifiques cessèrent d'être les parties vivantes
d'un grand tout; ce ne furent plus que des accidents de l'intelli-
gence, des unités disparates non réductibles en nombre ou en sys-
tème, des étincelles ou des jets de lumière, sans rapporta un foyer
ou à un centre commun : leurs lueurs éclairaient un moment l'es-
prit, mais ne lui permettaient pas de voir dans toute sa splandeur
le plan de la création Par la prévarication du premier homme, la
science, ayant cessé d'adorer Duhi, avait perdu son unité et, avec
elle, son principe de vie.
Cependant l'intelligence humaine, guidée par un divin instinct,
cherchait avec une ardente curiosité la loi de l'unité qui préside à
la création. Plongée dens les té.ièbres, elle croyait voir les magni-
ficences de la nature et celles de la science, qui la reflète dans la
sphère de la pensée ; cet harmonieux concert, soupçonné plutôt
que scientifiquement connu, était chanté par les poètes, exalté par
les philosophes et célébré par tous ceux qui pouvaient apprécier
les beautés de l'univers. Ainsi Phérécyde, interprète de la science
et des traditions des Phéniciens, représente l'univers comme des-
siné sur une toile magnifique, tissue de concert par Jupiter et par
l'Harmonie, mère de toutes choses. Pythagore, partant de l'idée
qu'entoutce que nous voyons b'ille une régularité mathématique,
sputient que l'unité est l'élément primordial des êtres visibles et
invisibles; que tout l'univers est une musique divinement compo-
sée, le résultat de l'accord très parfait des nombres et des propor-
tions. Et Platon, plein de ses grandes idées sur la Divinité, affir
me que Dieu, le grand^Architecle du monde, le gmnd Géomètre,
LE PROPAGATEUR 535
comme il le nomme, consacre son activiié infinie h faire de la géo-
métrie dans l'univers. C'est ainsi que l'antiquité poétique figurait
le sublime enchaînement des êtres, leur mutuelle cor.'espondance
et l'unité qui les anime, devinant par une prodigieuse intuition la
source de cette unité, la Sagesse éternelle, qui forma tous les roua-
ges de l'univers, qui est le principe de l'être comme de la connais-
sance, qui règne dans le monde matériel par son activité infinie,
et dans le monde moral par la sainteté, la providence et la justice.
Mais ce principe souverain d'unité et de vie, si beau même dans
le demi-jour sous lequel il se présentait à l'imagination des an-
ciens, nous apparut dans toute sa splendeur et sa magnificence de-
puis l'avènement de celui en qui se trouvaient renfermés tons les
trésors de la science de Dieu, et qui vint en ce monde pour rendre
témoignage à la vérité. Il éleva de nouveau la science à la sphère
surnaturelle d'où elle était descendue par la chute de l'homme. 11
fut la chaîne d'or, qui, unissant le ciel avec la terre, rattacha toutes
choses, visibles et invisibles. Grâce à son enseignement céleste, l'i-
dée de Dieu s'éclaicit et se perfectionna dans l'entendement hu-
main ; l'homme connut avec une pleine assurance la fin de la cré-
ature raisonnable et la fin subordonnée du monde ; toutes les vé-
rités scientifiques, religieuses et morales se rapprochèrent et s'em-
brassèrent dans ce Verbe éternel, qui, après avoir parlé aux hom-
mes par le spectacle de la nature, par la voix des prophètes et par
les merveilles accomplies en faveur du peuple élu, voulut leur par-
ler lui-même, immédiatement et directement, et asseoir sur le fon-
dement de son indestructible vérité l'édifice de la science et celui
de la félicité du genre humain. Le Verbe de Dieu fait homme, la
sagesse incréée et subsistante, conçue de toute éternité dans le
sein de l'essence divine, vint en ce monde fonder le règne de la
vérité ; il vint prouver que la vérité n'est point un vain mot, une
abstraction froide et sans vie, mais une réalité glorieuse, qui exis-
te dans le Verbe et par le Verbe, une lumière qui éclaire et vivifie
tout; une parole entendue et respectée par tous ceux qui appar-
tiennent au royaume de la véritable sagesse. Non content du té-
moignage passager de son enseignement, il établit une autorite vi-
sible, permanente et inexpugnable ; et lui donna le pouvoir d'ex-
pliquer la vérité qu'il avait enseignée lui-même, et de la propager
dans le monde entier jusqu'à la consommation des siècles.
Mais cette auguste autorité, les enseignements qu'elle propose et
la lumière qu'elle répand dans l'intelligence, bien que suffisant à
ramener l'homme des sentiers détournés de ses erreurs à la voie
royale de la véritable sagesse, ne l'illuminent pas de manière à
l'accabler sous l'éclat de l'évidence. Leurs clartés sont douteuses
variables et insconstantes Nous marchons dans la foi, dit saint
Paul, et non dans la claire vue ; nous ne connaissons qu'en partie,
nous ne prophétisons qu'en partie; maintenant nous voyous comme
par un miroir et dans l'obscurité, en attendant le jour où la vérité
nous sera révélée dans toute sa perfection et sa plénitude, où nous
le verrons intuitivement face à face, comme nous nous voyous et
comme nous nous connaissons nous mêmes. Ainsi la splendeur in-
536 LE PROPAGATEUR
trinsèque de la doctrine révélée, la grâce et les bienfaits de la ré-
demption, ne nous enlèvent pas la triste liberté d'errer, et moins
encore l'orgueil du cœur qui, après avoir causé le premier égare-
ment de notre intelligence, et la première perversion de notre vo-
lonté, continue à se mêler à toutes nos erreurs, et à influer sur
toutes nos fautes et sur tous nos dérèglements.
Mystère profond du cœnr humain ! D'une part, il se sent poussé
vers Dieu, son principe et sa fin nécessaire ; et de l'autre il s'en
éioigne, comme s'il voyait en Dieu un ennemi. Il travaille et se
tourmente pour savoir, il confesse que rien n'est plus beau que la
vérité, qu'elle vaut bien tous les trésors du monde, qu'à sa recher-
dhe l'homme doit traverser les- mers, voyager dans les régions
lointaines, s'exposer à tous les périls ; et quand celte vérité s'offre à
lui dans son éclantante beauté, il en détourne les yeux, il la dédai-
gne même et l'abhorre, surtout quand elle lui vient du foyer de
toute lumière, de toute connaissance et de toute sagesse. Il délais-
se le Maître de la vérité, il ferme l'oreille à ses divins enseigne-
ments, et il s'attache à des sophistes sans pudeur, manipulateurs
d'idées et misérables histrions de la science. Il brûle de connaître
les objets qui par leur dignité et leur élévation pourraient apaiser
sa soif de savoir; et il sent un ennui, un dégoût et une fatigue in-
surmontables dans la contemplation de ces sublimes objets, tandis
qu'il se livre avec toute l'ardeur de son âme à l'étude d'une infi-
nité de bagatelles sans importance et sans valeur po':r lui. Il rou-
git de ne pas savoir une frivolité, et il n'a point honte d'ignorer les
grandeurs divines, les lois éternelles du monde et les merveilles de
la création. Il trouve son agrément et son plaisir suprême à met-
tre des difficultés dans les choses mêmes dont l'évidence saute aux
yeux. Il se complaît à s'engager dans le labyrinthe de ses propres^
erreurs, à amonceler des nuages qui lui cachent le soleil de la vé-
rité, et à éteindre de sa propre main la lumière dont la sereine cla-
relé vient réjouir son cœur. Arrivé au comble de l'orgueil, il croit
trouver désordre et confusion de l'intelligence souveraine, contra-
diction et répugnance dans la Vérité infini»-, qu'elle se révèle à
lui dans le spectacle de la nature, ou que, dans son amour, elle
condescende à lui parler par elle-même. Tel est l'homme ; telles
sont ses misères et ses faiblesses : telle est l'origine de ses erreurs,
de ses contradictions incroyables, et de ce qui, dans ces derniers
temps, à pris le nom de Conflits entre la science et la foi.
Nous disons conflits ; car telle est la forme générale donnée par
la raison humaine aux doutes ou aux d-ifûcultés qu'elle pourrait
élever cou ire la raison divine. Dans un de ses ouvrages, Frédéric
Schlegel afflrme que l'histoire est" une lutte perpétuelle des na-
tions et des individus contre les puissances invisibles. " A propre-
ment parler, dit Gœlhe, il n'y a qu'un sujet dans l'histoire, et ce
sujet principal, auquel se subordonnent les autres, c'est la lutte
entre l'incrédulité et la foi. " Ce que G-oelhe dit du genre humain
est aussi l'histoire de chaque homme en particulier ; car, pour
Ïieu que nous examinions ce qui se passe à l'intérieur de nos âmes,
es mobiles de nos actions, et les mystères de notre cœur,;; nous
LE PROPAGATEUR 537
verrons aux prises à toute heure, au fond de nos consciences,
l'élément naturel et rBlément surnaturel, Dieu et l'hooinie, l'or-
gueil humain et la miséricorde divine.
Ce n'est pas le moment de retracer cette lutte, les formes et
les aspects divers qu'elle a pris dans le cours des siècles. Il n'y a
rien de nouveau sous le soleil, dit l'éternelle Sagesse : les hommes
ont toujours été ce qu'ils sont ; toujours ils furent poussés par les
mêmes intérêts, agités par les mêmes passions ; et par conséquent,
pour connaître le caractère, les causes et les effets des combats de
la raison humaine contre léternelle vérité, il suffit d'ouvrir les
yeux et de contempler ce qui se passe actuellement autour de
nous. Aujourd'hui, la question des conflits entre la science et la
foi s'agite de toutes parts avec véhémence. Dans les académies,
dans les cercles scientifiques et littéraires, dans les chaires, dans
les livres, dans les revues et les feuilles périodiques, jusque dans
le sein de la famille, où ne devrait point arriver, ce semble, le
bruit de pareils débats ; partout, à toute heure, se dresse le re-
doutable problème : comme le sphmx de la fable, il exige une
réponse péremploire. Les tempêtes soulevées par ces questions,
les divisions qu'elles engendrent, les oppositions qu'elles excitent,
l'orgueil et les vains triomphes des uns et les défaillances des
autres, faut il les rapporter ? Qui ne se rappelle avec douleur
cerlaines discussions où quelqu'un de ces orateurs à la parole
facile et enthousiaste, si communs dans des pays placés comme
le nôtre sous les feux d'un soleil méridional, se lançait à travers
les questions les plus difficiles et les plus transcendantes ; et, des
sommets de son éloquence, jetait à ses auditeurs des paroles em-
poisonnées qui bouleversaient leurs intelligences el égaraient
leurs coeurs ? Qui oubliera jamais la fascination et l'espèce de
commotion électrique qui parcourait l'auditoire, lorsque l'orateur,
en parlant des relations entre la laison et la foi, de leurs luttes
et de leur antagonisme, irréconciliable d'après lui, invoquait le
nom sacré de la science^ ses œuvres et ses glori'iuses conquêtes ?
-Combien d'hommes perdirent la foi chrétienne, séduits par l'en-
chantement de cette parole ! Pour combien ce nom fut-il le petit
nuage apparu à l'horizon de leur intelligence, et grossissant peu
à peu, jusqu'à leur dérober complètement le soleil de la vérité,
pour les plonger dans les ténèbres du doute et dans l'abîme de
mille contradictions et de mille absurdités !
Oui, le nom de la science a toujours exercé sur le cœur de
l'homme une influence mystérieuse et terrible ; il semble con-
server quelque chose du charme diabolique avec lequel il dut
vibrer sur les lèvres de celui qui le premier le prononça dans le
monde, de celui qui fut homicide dès le principe, de l'ennemi du
genre humain, de son perpétuel tentateur. Si d'une part ce nom
élève notre cœur, de l'autre il lui inspire je ne sais quelle vague
terreur et quel pressentiment de funestes périls : on dirait qu'il
ravive en nous le souvenir d'une catastrophe épouvantable arrivée
dans le monde par l'influence de cette parole. Une voix secrète
nous dit que s'il n'y a rien de plus noble et de plus sublime que
538 LE PROPAGATEUR
la science, il n'y a rien aussi de plus périlleur. De là vient que,
si les uns l'exaltent, préconisent ses droits et célèbrent ses con-
quêtes, les autres la tiennent pour suspecte : c'est qu'ils voient
continuellement son beau nom sur les lèvres des soptiistes, des
hérétiques, des faux frères, des hypocrites, des séducteurs, de tous
ceux qui font la guerre à Dieu, à l'Eglise et à la vérité, en mettant
dans ce nom tout le secret de leurs lriomphet=.
Au point où les choses en sont venues parmi nous, il paraît
nécessaire d'examiner le fondement de ces futiles espérances et de
ces vaines frayeurs. Ce fondement, nous le trouvons dans l'éter-
nelle question des relations enlre la science et la foi, et de leurs
prétgndiis conflits. Il serait très long d'examiner à part chacun de
ces conflits, et d'ailleurs des hommes de grand talent se sont victo-
rieusement acquittés de cette tache. Aussi juge )ns-nous plus con-
venable de scruter le fond même de la controverse générale. Nous
considérerons les éléments de la science et de la foi, et nous les
comparerons entre eux pour voir les rapports de conformité ou de
divergence qui peuvent résulter de ce parallèle. Par là nous comp-
tons éclaircir davantage l'objet sur lequel roule la discussion, et
rendre plus facile et plus intelligible la solution de chacun des
conflits ou des difficultés que l'on peut produire contre la thèse gé-
Ȏrale.
Mais avant d'entrer en plein dans l'étude que nous nous sommes
proposée, nous voulons prévenir une objection. A voir le tour que
prennent les idées exposées jusqu'ici, on pourrait trouver que la-
discussion va se perdre dans les hauteurs de la théoloaie. Prétend
on nous en faire un reproche ? ce serait bien à tort. La question des
relations entre la science et la foi est esseniielleraent théologique,
et par conséquent il faut la résoudre par la théologie. En suivant
une autre méthode, on rebaisserait un si noble objet, et de plus on
ne ferait que l'effleurer et laisser les difficultés sans solution. Nous
l'espérons cependant, en nous élevant à ces hauteurs, non seule-
ment nous ne perdrons pas de vue le point à débattre; mais, déga-
gé des ombres qui pourraient l'offusquer, il s'oS"rira à nos yeux
dans toute sa splendeur native. Dieu est lumière. L'éclat de ses
perfections rajaillit sur toutes ses œuvres, et poi'te en nos idées
ordre et clarté. Ce qui n'est pas illuminé par cette lumière est
condamné à demeurer dans dans les ombres de la mort ; ce que
n'éclaire pas la science de Dieu, la vaine science des hommes ne
l'éclairera assurément point. C'est ce qu'ont reconnu même les
plus grands ennemis de cette science souveraine, réduits à con-
fesser qu'au fond de toute controverse il y a une question de
théologie. C'est à nos yeux une vérité très évidente. Elle a pour
principe ces profondes parole-- de saint Paul, que nous avons cru
pouvoir mettre en tête de notre essai, et qui sont l'expression de
tout le savoir divin et huma,in, la solution de toutes les énigmes,
la clef de tous les mystères du temps et de l'éternité : Omnia in
ipso constant. Toutes choses se réunissent, s'enchaînent et sub-
sistent en Jésus-Christ.
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A L. B If
SUSPENSION D'UN NOTAIRE — ACTES DEROGATOIRES
La Gazette officielle de Québec, du 23 Septembre 1893, public
l'avis public suivant.
Chambre des Notaires, secbktariat de Qdébec ,
Avis public est pur le présent donné parmoi, soussigné, J*-an-Bâptiste Délâge,
l'un des secrétaires de la Chambrf' des Notaires, qu^- par ordonnance de la dite
chambre, en date du cinq septembre courant, Joseph Arthur Tremblay, notaire
résiliant aux Eboulempnts, dan? le district de Saguenay, a été suspendu pour
dix ans pour s'être rendu coupable d'actions dérogatoires à l'honneur de la pro-
fession. Cette suspension pr^-ndra eff' t le quatorze octobre prochain, et se t-rmi-
nera le qualrc septembre mii neuf cent trois, ces d-ux jours inclus.
En foi de quoi j'ai signé le présent à Cuébec, ce dix-neuvième jour de septem-
bre mil huit cent quatre-vingt-treize. Jean-Baptisie^DÉLAGE, Sec. C. N.
NOTE DE LA REDACTION
Joseph Arthur Tremblay, notaire, était accusé d'avoir dans
l'exercice de sa profession, lait des actes déroga oires à l'honneur
professionnel. Il fut traduit devant la commission de discipline de
la chambre des Notaires pour y être jugé, mais il prit un bref de
prohibition demandant que défense fût faite à la commission de
procéder. La cour Supérieure (1) à Québec iCasault juge) accorda
le bref pour les raisons suivantes ; savoir :
1° Parceque les actes reprochés à Tremblay constituaient des félonies.
2° Parceque les félonies ne peuvent être jugées que par les tribut
naux ayant juridiction criminelle.
S'' Parceque la chambre des Notaires et sa commission de discipline
n'avaient droit de prendre connaissance des actes reprochés à Tremblay
qu'ap'.ès une condamnation définitive prononcée par le tribunal
criminel.
Le jugement de la cour Supérieure fut renversé par la cour
d'Appel, cette dernière cour jugeant que la commission de disci-
pline avait droit de prendre connaissance des accusations portées
contre Tiemblay et de procéder jusqu'à jugement final. Celte der-
nière déi ision fut confirmée par la cour Suprême le 6 Octobre liS92.
Api es le jugement de la cour Suprême, la commission de iiisci-
pline continua l'instruction de la cause et elle rendit jugement
contre Tremblay. Ce jugement fut rendu en vertu des articles
3918 et 3919 des Statuts Refondus de la Province de Québec. En
vertu de l'article 3938 des mêmes Statuts, le président a prononcé
ce jugement à la séance de la chambre des notaires du ô sep-
tembre dernier.
OLEOMARGARINE
Question. — La fabrication et la vente de l'olécmargarine sont-elles pennisss
par la loi ? Un marchand de provisions.
(l) Voir le Propacaticr du hr Octobre 1891, page 470.
54U LE PROPAGATEUR
Réponse — Toutes deux sont expressément défendues et des
peines sévères sont imposées aux contrevenants Ces peines con-
sistent dans une amende de deux cents piastres à quatre cents
piastres, et à défaut de payement, dans un emprisonnement de
trois à douze mois.
Voici, à ce sujet, la disposition du chapitre 100 des Statuts
Révisés du Canada.
1. Nulle Oléomargarine, butterine ou autre matière substituée au
Beurre^ fabriquée avec toute substance animale autre que le lait, ne
sera fabriquée en Canada oun'y sera vendue ; et quiconque enfreindra
les dispositions du présent acte en quelque manière que ce soit encour-
ra une amende de deux cents piastres à quatre cents piastres^ et à
défaut de paiement sera passible d'emprisonnement pendant douze mois
au plus et trois mois au moins.
En France, les falsificateurs sont aussi punis très sévèrement.
On lit à ce sujet dans la Croix de Paris :
LA.' FRAUDE DU BEURHE
Un marchand de beurre de Gaen, M. Levigoureux falsifiait, à l'aide de la mar
garinp, l^s beurres qu'il vendait et exportait.
Enfin, il fui pris ; et le tribunal de police correctionnelle de Cherbourg vient
de le condamner à trois mois de prison, à 2000 francs d'amende, aux frais du
procès, à la publication ,à ses frais, du jugement dans une trentaine de journaux
de la région, à l'aflichage de ce jugement en certains endroits désignés.
C'est sévère, mais c'est bien fait.
Les falsifications minaient la principale branche de commerce de la Norman-
die et de la Bretagne en dépréciant ainsi un produit de choix.
Dans l'état de Géorgie (Etats-Unis) la loi permet la vente de l'o-
léomargarine, mais elle impose au vendeur plusieur ob'igations à
l'avantage de l'acheteur,
J'emprunte à la Presse^ du 19 septembre dernier, l'article suivant
relatif à ce commerce.
Une loi acceptée par la Législature de Géorgie défend la vente de l'oléomar-
garine dans les limites de cet Etat, à moins que chaque paquet de produit ne
porte une étiquette indiquant sa nature ; de plus le marchand doit faire remar-
quer à l'ach' leur que c'est de l'oléomargarme qu'il lui vend. Dans les hôtels,
restaurants, auberges, oùl'onjae sert de ce produit, une pancarte doit être placée
bien en vue dans la salle a manger et dans les chambres, portant ces mots :
" Cette maison se sert d'oléomargari ne." Les mêmes mots doivent se trouver sur
les menus.
EMPRISONNEMENT POUR DETTES (1)
Re Chartrand et Campeau
Cour de Révision^ Montréal septembre 1893.
Dans cette cause, laconr de Révision a confirmé le jugement
de la cour Supérieure (Taschereau juge) rendu en chambre en
juillet dernier. Ce jugement, faisant application des articles 792
et 793 du Code de Procédure Civile, avait ordonné l'élargissement
(1) Voir le No du 1er août dernier, page 356.
LE PROPAGATEUR 541
de G'impeaa délenu en prison pour dette et pour mépris de cour
La laison de cet élargissement était la cession de biens faite par
■Campeau pour le bénéfice de ses créanciers.
L'emprisonnement pour dettes ne peut pas durer perpétuelle-
ment sous l'empire de notre législation.
ABSOLUTION OBLIGATOIRE
La Semaine Religieuse de Quimper, France, publie l'article sui-
vant. Il est relatif à des élections municipales annulées par un
Conseil de Préfecture sous prétexte que l'absolution avait été refusée
à des électeurs à cause de leur vote en faveur des candidats libres-
penseurs.
Nous nous abstenons de traitpr les questions purement politiques ; mais aussi
nous regardons comme un devoir de protester, en le signalant, contre tout ena-
pièlemeni sur le terrain religieux.
On S'i souvient que le Gens il de Préfecture du Finistère avait annulé les
élections municipales de Pluguffan, pour ce motif : que l'absolution avait été
refusée à Cf^riains candidats et à plusieurs électeurs. C'est avec une douloureuse
surprise que nous avons vu la plus haute justice administrative de France, le
Conseil d'Eial, approuver, en conûrmant sa décision, l'évidente usurpation de
pouvoir commise par le Conseil de Préfecture.
C»^rtains journaux, à celle occasion, se félicitent qu'on " n'admette pas en
faveur û\i clergé le secret professionnel^'... Si nous pouvions croire à leur
bonne foi, nous ferions observer à ces journaux que dans le cas présent, oh
tourne justement con/re le prêtre /e secret sacramentel, absolument inviolable,
qui lui ferme la bouche. " Accusé ", il n'a aucun moyen de défense : il ne peut
dire, ni indiquer, ni faire entendre s'il a, ou non, refusé l'absolution et puur
quels motifs. Or ces motifs peuvent être tout autres que le fait d'avoir déposé
dans l'urne électorale un bulletin au nom de tel candidat.
)" L'absolution doit être refusée à quiconque commet un péché grave et refuse
de s'amender. C'est un principe incontestable, et aucun tribunal humain ne peut
s'instituer juge du prêtre en cett-- délicate matière.
tj Nous plaignons sincèrement les chrétiens qui, en se prêtant en cette circons-
tance, au rôl" d'accusateurs, ont commis un grave manque de respect au sacre-
ment de Pénitence. Puissent-ils se souvenir qu'ils en repondront, à leur tour
devant un juge dont les arrêts seront vraiment sans appel !
L R.
LA MYSTIQUE DIVIITE
I^ATUEELLE ET DIABOLIQUE
Par O O K K £ S
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M. CHARLES SAINTE-FOI
5 vol. in-12 Prix : $4.00
PIEEEE LEVIEIL
A LA MÉMOIRE DE MELCHOIR DU LAC, COMTE d'aURE ET DE MONTVERT.
L ABBAYE.
Et ... je ne vos oncques retourner
mps ypz vers Joinville, pour ce que
li cueurs ne me altenilrissit dou
biau chaslel que je lessoie...
Sur les rives de la Fontanelle, petite rivière qui se jette dans la
Seine à une lieu de Gaudebec, s'élevait, avant la Révolution, la
royale abbaye fondée au septième siècle par saint Wandrille,
parent de Glovis III. Détruite une première fois par les Normands*
incendiée en 1250, elle s'était relevée de ses ruines, iorsqu en 1631
la tour de l'église s'écroula, écrasant sons ses débris la nef et le
chœur. Les religieux bénédictins consacrèrent dès lors la meilleure
partie de leurs revenus à réparer ce désastre ; mais près d'un
siècle s'écoula avant que les travaux de réédification fusspni
terminés, et, en 1727, à l'époque où commence ce récit, le vénérable
abbé de Saint- Wandrille, dom Gérard de Malaunay, venait à peine
de poser la dernière pierre d'une belle terrasse qu'il avait fait
construire devant l'église rebâtie.
G'élait par une belle journée de mars, à l'heure oià, selon la
règle, les bénédictins, quittant leurs études, se livrent au travail
manuel. Ge jour-là ils étaient tous transformés en jardiniers, et
plantaient sur la nouvelle terrasse des rangées d'ifs et des bordures
de buis. Le bon abbé, tout cassé de vieillesse, appuyé au bras d'un
jeune novire, surveillait les travaux de ses moines.
" Frère Saturnin, " dit-il à l'un d'eux qui portait la robe de frère
convers, " pensez vous que le gazon que vous allez semer sera vert
à la fête de notre saint patriarche ? "
"J'y compte, mon révérend père, "dit Saturnin la "belle saison
est si belle cette année 1 d'ailleurs, nous arroserons. Il faut qu« la
terrasse soit toute parée pour la fête de saint Benoît. "
'' G'est bien, mon fils; mais aurons-nous des fleurs ? "
" La serre est déjà comme un paradis," reprit avec orgueil le
frère jardinier : " jamais je n'ai si bien réussi, et j'aurai des roses
aussi belles que celles que le bon saint François d'Assise vit éclore
sur les buissons d'épine de Subiaco. — Mais, mon père, avant toute
chose, pour que la fê!e soit belle, il nous faut notre abbé bien en
point et en état d'ofiicier: et si vous restez nu-tête au soleil de
mars, vous attraperez la fièvre ou quelque mauvais rhume."
" Vous parlez sagemment, mon bon frère, " dit dom Gérard. Et,
quittant la terrasse, il alla s'asseoir sur un petit banc de pierre,
placé sous une charmille qui commençait à sefeuiller, et d'où l'on
découvrait une partie de la vallée de Fontanelle. Qtielques petites
LE PROPAGATEUR 543
maisons blanches, à toitures de tuiles rouges, égayaient la verdure
printanière des prairies, où paissaient de nombreux troupeaux. On
voyait courir et bondir les agneaux âgés de quelques jours
seulement, des fils de la Vierge flottaient dans l'air imprégné du
parfum de violettes, et le chant du pinson saluait l'arrivée du
printemps. Sur la pâle azur du ciel de Normandie se dessinaient
l'église neuve et les constructions gothiques de l'abbaye, et, dans
le cloître aux arceaux magnifiques, on entendait retentir les cris
des hirondelles affairées, qui déjà rebâtissaient leurs nids.
Dom Gérard fit asseoir à ses pieds son jeune compagnon, et
lui dit en étendant la main vers la vallée:
" Que cette campagne est bdle, mou fils.' Voilà la soixantième
fois que je lui vois reprendre sa parure du printemps soixante fois
que les cloches de Pâques m'annoncent ici la résurrection du divin
Jésus ! Gomme le premier jour, je jouis de ces fêtes de l'Eglise, de
c(;s fêtes du printemps, et, chaque année, je comprends encore
mieux quelle grâce le bon Dieu m'a faite en me donnant la vocation
religieuse. Vivre pour lui seul, contempler ses œuvres, chanter ses
louanges, ramener à lui les âmes, étudier sa parole, esf-il rien au
monde ie plus souhaitable? — J'étais venu ici comptant faire
pénitence, persuadé que j'aurais à souffrir, à lutter ! Et le bon Dieu,
agréant ma bonne volonté, m'a si bien aidé, que je n'ai pas cessé
de dire depuis soixante années :" Seigneur ! que votre joug est
donx, votre fardeau léger ! "
Les mams modestement croisées, les yeux fixés sar le visage du
vénérable vieillard, le jeune novice l'écoutait avec une respectueuse
attention. Il n'avait pas vingt ans. Sa figure, parfaitement belle,
mâle et expressive, eiit pu servir de modèle à un pein're pour
représenter l'ange de Tobie, Il s'appelait Pierre Levieil. Fils d'un
peintre verrier originaire de Rouen, mais établi à Paris depuis
longtemps, Pierre avnit fait de brillantes études au collège S.-iinte-
Barbp.Venu à dix-sept ans au noviciat d-^ Saint- Wandrille, il pro-
mettait d'être un digne successeur des savants écrivains que l'ordre
de Saint-Benoît a fournis à l'Eglise. En ce temps-là, les vocations
devenai-^nt rares ; l'esprit chrétien allait tous les jours s'affaiblis-
sant eu France : aussi l'arrivée du fils de Guillaume Levieil
avait-elle été pour dom Gérard une grande joie, et, voyant
s'affermir chaque jour, depuis deux ans, les excellentes dispositions
du jeune novice, il avait été décidé au chapitre de le recevoir
profès le jour de la fête de saint Benoît. Les parents de Pierre ne
s'opposaient point à son dessein. C'était leur aine. Ils avaient dix
autres enfants, ^t trouvaient toutsimple d'offrir à Dieu les prémices
de leur famille, le plus beau fleuron de leur couronne patriarcale.
" Mon fils, " dit l'abbé après un moment de silence, "vos parents
viendront-ils à la cérémonie de votre profession ? "
" Mon père, " dit le novice, '' je n'ose espérer y voir ma bonne
mère, tes dix enfants l'occupent trop pour cela ; mais mon père
viendra avec mon frère Jean, et peut-être l'aînée de mes sœurs,
ma chère Luce, qui doit entrer au premier monastère de la
Visitation dès qu'elle aura dix-huit ans. Ce sera son premier et
544 LE PROPAGATEUR
son dernier voyage, car ma sœurn'a jamais quitté sa paroisse. A
cause d'elle, mon père logera à l'iiôtellerie. "
" Fort bien, " dit l'abbé. " Je recommanderai à l'hôte d'avoir
bien soin d'eux, et je veux voir cette petite sœur au parloir. Ce doit
être une sainte enfant. "
" C'est un ange, mon père. C'est elle qui gouverne les petits à la
maison. Ma bonne mère, en l'offrant à Dieu, donnera son bras droit
€t toute sa consolation ; mais elle a un cœur à la bauteur du
sacrifice. "
" Que nous veut frère Ansegise ? " dit l'abbé Gérard.
Le frère portier s'approchait, une lettre à la main.
'' Voici ce que notre messager vient d'apporter de Duclair, "
^it-il en s'inclinant.
L'abbé prit la lettre, et le frère s'éloigna
" Je n'ai pas mes lunettes, " dit l'abbé. " Pour qui est cette lettre,
frère Pierre ? "
" Pour moi, " dit le novice en jetant les yeux sur l'adresse :
" c'est l'écriture de ma sœur. "
" Lisez à haute voix, mon fils. Cette lettre annonce sans doute
l'arrivée de vos parents. "
'• Elle est de ma mère, " dit Pierre, et il lut :
Paris, 3 mars 1727.
MON CHER FILS,
" Votre père est souffrant et ne pourra se rendre à l'invitation
du révérendissime abbé de Saint- Wandrille. Jean et Luce me sont
trop nécessaires à la maison pour que je vous les envoie. Ayez
donc patience et contentez-vous, au jour de votre profession, d'avoir
autour de vous la nouvelle famille que le bon Dieu vous donne.
Nous communierons tous ce jour-là à votre intention. Présentez
nos respectueuses excuses au révérendissime abbé. Ne songez qu'à
bien vous préparer : Dieu prendra soin de nous. Souvenez-vous,
mon fils, qu'une fois la main mise à la charrue, il ne faut pas
regarder en arrière. Vos frères et sœurs vous envoient tous leurs,
compliments et tendresses. Ils sont en bonne santé, de même que
moi. — Que Dieu soit loué de toute chose 1
" Votre mère,
" Henriette-Anne Favier, femme Leviel. "
" Vous avez une sainte mère, mon fils, " dit l'abbé.
Nous prierons pour la prompte e:uérison de votre père."
*' Il y a une autre feuille, mon père, " reprit Pierre : " une lettre
•de ma sœur Luce, "
" Lisez la, mon enfant. "
" Mon bon frère," écrivait Luce, " j'ai demandé permission à
mon confesseur de vous écrire sans montrer ma lettre à maman,
«t je me hâte d'ajouter quelques lignes à la lettre qu'elle m'a dit
•d'envoyer à la poste. Il est temps que vous sachiez la vérité. Notre
LE PROPAGATEUR 54S
bon père n'est, pas seulement souffrant, il est très malaJe, et sans
espoir de guéiison, au dire de certains médecins que notre docteur
a voulu consulter. Il ï]^^ part^ige pas leur avis ; mais, enfin, l'état
du malade est bien inquiétant. Un tremblement continuel et une
fièvre intermittente, qui le mine depuis un an, le renient
incapable de travailler. Jean et And'é font ce qu'ils peuvent à
l'atelier, mais ce sont des enfants. M iman est tout occupée de
soigner mon père, et nos ouvriers sont devenus si impies et si
grossiers, qu'elle n'ose plus leur parler. Ils font à peu près ce qu'ils
veulent, et la maison est dans un désordre épouvantable. Je prie
Dieu de vous inspirer ce qu'il convient de faire en telle occurrence,
le prenant à témoin que je vous dis l'exacte vérité. Notre bonne
mère vous l'a cachée, parce qu'elle croirait offenser Dieu en vous
détournant de votre vocation. Moi-même, j'ai longtemps hésité,
longtemps réfléchi ; mais je crois que notre devoir à tous deux est
de rester dans le monde, de soutenir la maison qui s'écroule, et de
n'entier en religion que loisque l'avenir de nos frères et sœurs et
la sécurité de la vieillesse de nos parents seront assurés. Je vous
attends, mon frère. Puissent les anges de Dieu hâter et protéger
vos pas !
'* Votre sœur et servante,
"■ Marie-luge Levieil. "
La voix du pauvre Pierre avait tremblé plusieurs fois en lisant
cette lettre. Il était pâle, et, sans prononcer une parole, du
regard il interrogea l'abbé. Dom Gérard lui tendit les bras; Pierre
s'y jeta, et tous deux pleurèrent en silence. Puis le jeune novice,
se mettant à genoux, courba la tête, attendant les ordres de
l'abbé.
" Pierre, mon cher fils, " dit le vieillard, " votre sœur vou&
indique votre devoir. Il faut pnrtir : c'est la volonté de Dieu. Allez,
mon enfant. La lune se lèvera de bonne heure ce soir : en marchant
toute Ifi nuit, vous pouvez arriver à Rouen avant le départ du
coche de Paris. Adieu, mon cher enfant ! "
"■ Ne me dites pas adieu, mon père ! " s'écria Pierre : " je n'aurais
pas la force de m'en aller. Bientôt, j'espère, je reviendrai. "
'' Dieu le veuille ! mon enfant, " dit d -m Gérard. " Mais il
faudra vous hâter si vous voulez me retrouver encore à l'abbaye
et non point couché sous les dalles de la crypte. Parlez, mon fils î
allez, comme le divin Maître, travailler dans l'atelier, allez à
Nazareth. Hélas ! c'est peut-être aussi en Egypte que je vous envoie.
Cependant, j'ai confiance que vous ne perdrez pas votre
vocation. "
" Mes vœux sont écrits là, " dit Pierre en croisant ses mains sur
sa poitrine, " et j'espère qu'ils le sont aussi dans le ciel. Bénissez-
moi, mon père. "
Au coucher du soleil, sur la route de Rouen, les rares voyageurs
qui se bât tient d'arriver au gîte, viret.t passer, ce soir-la, un beau
jeune homme, vêtu en laïque, mais dont l'allure calme et les yeux
546 LE PROPAGATEUR
baissés décelaieat -l'état religieux. Il portait pour tout bagage un
bréviaire et un très petit, paquet attaché au bout d'un bâton de
pèlerin. Arrivé au sommet d'une colline d'où, en se retournant, il
eût pu apercevoir le clocher de Saint-Wandrille, il s'arrêta au pied
d'une croix de pierre qui marquait lalimiledes terres de l'abbaye,
et se mit à genoux. 11 pria quelques instants, et, en se relevant ,il
murmura ces mots : Ubi crux, ibipalria ! Il se remettait en marche
d'un pas ferme, lorsque le vent lui apporta le son lointain d'une
cloche. \J Angélus du soir sonnait à l'abbaye. Pierre resta immobile :
il lui semblait que cette cloche l'avait frappé au cœur. Il essaya de
réciter la prière angélique, mais les larmes l'en empêchèrent.
Et, sans tourner la tête, il partit en pleurant.
II
LA MAISON PATERNELLE
O loyer domestique d- s peuples chrétiens 1 maisoa
parleraelle, où, dès nos premiers ans, nous avons
respiré avec la lumière l'amour de toutes les saintes
choses, nous avons beau vieillir, nous revenons à
vous avec un cœur toujours jeune, et, n'était l'éternité
qui nous appelle en nous éloignant de vous, nous ne
nous consolerions pas de voir chaque jour votre
ombre s'allonger et votre soleil pâUr !
(Le P Lagordaire, Conférences de N.-D. de Paris,
année 1845, page 355.)
Au sommet de la montagne Sainte-Geneviève, rue des Fossés-
Saint- Victor, tout auprès du collège des Ecossais, Guillaume
Levieil habitait une petite maison entre cour et jardin, contre
laquelle s'adossait une sorte de remise qui lui servait d'atelier et
où il avait construit un four.
Pierre avait conservé un gracieux souvenir de la maison pater-
nelle. C'était fête au logis (jiiaiid on l'y voyait arriver les jours
de congé. Petits frères et petites sœurs, bien endimanchés, accou-
raient au-devant de lui ; sa mère préparait chaque fois quelque
modeste régal, et son père, l'interrogeant sur ses succès d'écolier,
lui montrait les travaux exécutés depuis la dernière sortie. En ce
temps-là, Guillaume Lévieil travaillait beaucoup, et gagnait large-
ment ce qui était nécessaire à sa nombreuse famille. La mode,
cependant, n'était pins aux vitraux : partout on les faisait enlever
et Tr-mplacer par des vitreries élégantes mais incolores, et Guillau-
me Levieil avait dû transformer son atelier de peinture en
manufacture de vitrerie. De là, nécessairement, était venu un plus
grand nombre d'ouvriers, et non plus de ceux qui, ayant étudié
le dessin et la peinture, s'élevaient au-dessus des humines du
commun. Afin de soustraire pendant plusieurs heures chaque jour
Jean et André au contact de ces vulgaires compagnons, Guillaume
les envoyait dessiner dans l'atelier de François Jouvenet, leur
parent, et chez Varin, fondeur et ciseleur du Roi. Guillaume es-
pérait que ses fils, plus heureux que lui, verraient le bel art de la
LE PROPAGATEUR 547
peinture sur un serre reprendre faveur ; mais, depuis qu'en 17U9
Levieii avait été chargé par Maasard de terminer les travaux de
la chapelle du château de Versailles eu ceux du dô ne des Invali-
des, vitraux sans sujets, ornés seulement de bordures et de chiffres,
Levieil n'avait eu occasion de peindre qu'an grand Christ pour
l'église des Gélestins, d'a'^rès un carton de Jean Jouveaet, parrain
de son fils, et deux ou trois autres verrières de peu d'importance.
La décadence de son an l'attristait, et, tout en se rappelaat avec
orgueil que depuis deux cents ans les Levieil étaient peintres ver-
riers, il se demandait quelquefois s'il avait bien fait de donner cet
état à ses deux fils, au lieu de diriger leurs études vers K peinture
de genre, qui enrichissait alors Bouclier, Lancret, Watteau et bien
d'autres.
Lorsque Pierre Levieil arriva à la maison de son père, il fut
étonné de voir la porte de la rue entr'ouverte. L'herbe croissait
dans la cour, deux ou trois vitres maaquaient aux fenêtres, et l'on
enten lait chanter dans l'atelier une chanson des rues, accom-
pagnée par le bruit d'une conversation animée. Pierre traversa la
cour sans que les ouvriers fissent attention à lui. Le dos tourné
aux fenêtres, ils s'amusaient autour du four ouvert et froid. Au
seuil de la maison un chien était couché ; il se leva en gronlant.
*• Tout beau. Castor ! " lui dit Pierre.
Castor le flaira, le reconnut, et se mit à sauter en aboyant de
ioie. A ses cris, une petite fille avançi sa tête blonde sur la rampe
massive de l'escalier, puis elle s'enfuit, et Pierre monta. La porte
de la chambre de son père était ouverte: il entendit sa voix et
celle de sa mère.
" Femme, " disait Guillaume, " va vite, vite, dire que l'on éteigne
le7en. Le four chauffe trop : je le sens d'ici, je vois les étincelles
jaillir de la cheminée. Mes verres s iront gondolés, perdus! Cours,
appelle Pierre, Jean, ma chère femme, je t'en prie ! "
*' Mon ami, " disait Anne Levieil, '' le four est éteint depuis
longtemps, je t'assure. Calme-toi, ne te découvre pas ainsi ! "
Mais le malade s'élançant hors de son lit, elle se mit à appeler
au secours; et Pierre, accourant, saisit son père à bras-le-corps, le
recoucha, et le pria de se tenir tranquille. A sa voix, Guillaume
jeta un cri :
'' C'est Pierre ! " dit-il, " c'est mon fils ! Mère, regarde-le 1 Je te
disais bien qu'il était là!"
Et la pauvre mère, se jetant au cou de son fils, lui dit :
" Ah ! mon enfant ! c'est le bon Dieu qui t'envoie ! "
Au même instant Luce entrait, attirée par le bruit. Elle ne fut
pas surprise de voir son frère ; mais lui, en la regardant, frémit de
douleur. Cette Lace, qu'il avait laissée si belle deux ans aupara-
vant, n'était plus qu'une ombre. Ses grands yeux noirs seuls étaient
restés beaux ; mais ses joues pâlies, ses cheveux ternes et son triste
sourire annonçaient que bientôt s'achèverait sa vie. Sur les pas
de leur sœur accouraient les enfants. Le malade se souleva sur soa
coude, et, les comptant des yeux, s'écria :
(à suivre.)
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LES OERNIERES ETAPES DE U ViE CHRETIENiE
Par yi. l'abbé Henri Bolo > j
In-12 63 cts
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 1er Novembre, 1893, Numéro 17
L'AMI DU CLERGÉ
— :o: —
Cette revue française dont nous sommes encore actuellement les
agents en Canada, contient, dans sa livraison du 28 Septembre, un
avis intitulé : " A nos amis et abonnés du Canada " que nous ne
pouvons laisser passer sans protestation. -'• Nous avions cru devoir
nous servir, dit l'administration de la revue, d'une librairie inter-
médiaire pour les abonnements à VAmi du Clergé et l'achat des
volumes et livraisons de la collection de cette Revue. Ce moyen
ne nous a pas réussi ; nous ne pouvons continuer à subir plus long-
temps les pertes qu'il a entraînées pour nous."
Ces lignes injustes et oJ2"c!nsai)tes à notre égard demandent une
explication. Avant nous, une autre maison de librairie de cette
ville avait l'agence de VAmi du Clergé. Elle y a trouvé si peu de
bénéfices et tant d'ennuis, qu'elle a dû y renoncer. C'est alors
que l'administration de cette revue nous a instamment sollicités
de nous en charger. Nous ne nous sommes rendus à ce désir que
pour obliger d'excellents clients, et dans le désir de répandre une
bonne publication. A cet effet, nous avons conclu avec M. le
chanoine Denis, de Langres, des arrangements auxquels, pour
notre part, nous sommes restés scrupuleusement fidèles. Nous
nous sommes efforcés, dans la mesure de nos forces et de notre
influence, de recruter des abonnés ; et nous pouvons nous rendre ce
témoignage qu'en moins de deux ans, nous avons doublé la circu-
lation de la Revue -en ce pays.
Nous avons fidèlement envoyé en France les sommes provenant
des abonnements, chaque fois que l'importance des recouvrements
justifiait un envoi d'argent, et nous avons même, assez souvent,
envoyé ainsi des abonnements qui ne nous avaient pas encore été
payés. Malgré tout cela, nous recevions constamment des demandes
d'argent, en des termes qui n'étaient pas toujours courtois ni même
convenables, et nos observations à ce sujet ne paraissaient rencon-
trer que méfiance et incrédulité. A ces ennuis déjà intolérables,
il fallait en ajouter bien d'autres:
li arrivait que des abonnés envoyaient directement en France
l'argent de leur abonnement; or, jamais l'administration ne daignait
nous en aviser, et nous ne l'apprenions que par les abonnés eux-
mêmes, lorsque nous leur envoyions un avis de se mettre en
règle.
VAmi du Clergé s'engage à remplacer gratuitement à ses abonnés
les numéros qui peuvent s'égarer à la poste. Nous transmettions
les réclamations de ceux à qui manquaient ainsi des numéros. On
les remplaçait, mais on avait soin de nous les porter en compte.
33
554 LE PROPAGATEUR
Lns de tous ces enauis, et reconnaissant que loin d'être pour
nous une source de profits, si minimes qu'ils fussent, l'agen-
ce en question ne nous occasionnait que des pertes, nous avons, à
la date du 29 juin dernier, donné avis à M. le chanoine Denis que
nous cesserions d'être ses agents en Gmada à partir du 31
Décembre prochain.
L'administration de VAmi du Clergé devait nécessairement porter
ce changement à la connaissance de ses abonnés canadiens ; mais
rien ne la justifie d'avoir joint à son avertissement des observa-
tions de nature à nons nuire dans l'esprit de nos clients. C'est un
trait de malice toute gratuite et imméritée contre laquelle nous
protestons énergiquement.
Nous souhaitons à cette revue française un grand succès parmi
nous, dans ses relations directes avec notre clergé; mais si elle
veut obtenir ce résultat désirable, nous lui conseillons d'apporter
plus d'exactitude dans son administration et plus de délicatesse
dans ses procédés.
VIENT DE PARAITRE
CHEZ OADiEux: & i>er.om:e
UNE QUATRIÈME MINE
DANS LE CAMP ENNEMI
PAR LE
R, P. Z. LAÇASSE, 0. M. I.
1 vol. in-t8 de 220 pages, prix chaque 25 cts, la douz. S2.40
TABLE DES MATIÈRES
Pbéface. — Chapitre I. No- ennemis déclarés. — Chapitre II. Nos ennfmis fran-
cissons.— Chapitre III. Nos ennemis cachés. — Chapitre IV. Nos ennemis
réformateurs. — Chapitre V. Nos ennemis juifs. — Chapitre VI. Ne s ennt mis
fiancs-maçons.— Chapitre VII. Nos ennemis écrivains. — Chapitre VIII. Nos
ennemis libraires. — Chapitre IX. Nos ennemis joliliciens -Chapitre X. Nos
enntmiE-amis — Chapitre XI. Nos ennemis à i-i Sl-Jean-Ba|lU!^te ei à la fré-
gate italienne. — Chapitre XII. Nos ennemis dans la famille.-CHAPiTRE XIII.
Nos ennemis les e-c:ave? du luxe et de l'inlempérance. — Concldsion.
UNE NOUVELLE MINE
LE PEETRE ET SES DETRATEURS
LE PRÊTRE YENGE
par le
R. p. z. LAÇASSE, O M. L
1 ^ol. In- 18 de 276 pages Piix chaque 25 cts, la douzaine $2.40
BULLETIN
23 Octobre 1893.
*^* La France donne actnellement des fêtes spleadides aux marins
russes. Ces fèies sont ie digne pendant des fêtes données par la
Russie aux maùns français en 1891. En effet en cette année là
une escadre française, sous les ordres de l'amiral Gervais, se ren-
dit à Gronstadt et y resta quel(]ues jour?;.
G'était au commencement de l'entente entre les deux nations.
La réception fut cordiale et enthousiaste à l'extrême. Jamais
témoignages d'amitié et de sympathie ne furent prodigués comme
en cette occasion, et ces sentiments furent partagés par le peuple
russe tout entier.
Aujourd'hui l'alliance entre les deux pays paraît consommée et
une escadre russe, commandée par l'amiral Avellan, vient à son
tour dans les eaux françaises remettre la visite de Gronstadt Elle
est à Toulon où la réception a eu lieu avec une splendeur inouïe
et un enthousiasme indescriptible.
L'amiral et une cinquantaine d'officiers de l'escadre sont actuel-
lement à Paris où la réception a été encore plus grandiose qu'à
Toulon. Partout le long de la route de Toulon à Paris, les popula-
tions se sont transportées aux gares pour acclamer les marins
russes. Lu France entière est dans la joie. Outre les sympathies
qui existent entre les deux races, l'intérêt commun les réunit pour
résister aux empiétements de la triple alliance et détruire son
œuvre néfaste.
A Toulon les marins russes ont été reçus officiellement par
l'amiral Rieunier, ministre de la Marine.
A Paris ils ont été présentés, par l'embassadeur de Russie, au
président Garnot qui, comme chef de l'état, représentait la nation
entière.
Puisse cette alliance entre les deuxgrandes nations être féconde
en résultats bienfaisants.
Un journal italien favorable à la France, le Secolo, de Milan, a
publié, à la date du 3 octobre, un arucle d'une grande importance.
11 est relatif aux fêtes actuelles.
" Il est impossible, dit-il, de comprendre la signification des inveciives plemes
de colère, îles sarcasmes, d^^s interprétation-^ sinistres auxquels donne lieu l'en-
voi d'une escidre russe à. Toulon, pour rendre la visite faite par la flotte fran-
çais»^ à Gronstadt en automne 189!,
" Déplorable ou non, l'alliance franco-russe est une nécessité inéluctable pour
les deux Etats; aucun des deux n'abandonne les principes qui sont la base de
son gouvernement; mais, attaques dans leur existence, ils se défendent tous les
deux.
" Séparez la Russie de la France, et l'Allemagne, dans trois mois, lancera la
Triple alliance sur les Vosges, et notre Roland-le-Furieux, le général Pelloux,
stimulera encore, par son impatience, la lenteur des gens du Nord.
" S-^parez la France de la Russie, et l'Autriche se précipitera sur le Danube,
en traînant derrière elle les bataillons alpins du général Pelloux et la lourde
cavalerie de Guillaume II.
556 LE PROPAGATEUR
L'amiral Avellan, qui commande l'escadre russe, est né en 1838.
Sa famille est d'origine française; elle s'est établie en Russie sons
le règne de Catherine IL
Toulon, où l'escadre se trouve actuellement est situé dans le dé-
partement du Var. C'est un port militaire Si population est de
80,000 habitants. Sa rade et ses arsenaux font sa renommée. On
fait remonter la fondation de cette ville aux Romains dans le 4è
siècle de notre ère.
*
*,* Les élections générales pour la seconde cha mbre du parle"
lement de la Suède ont eu lieu dernièrement. Ces élections se sont
faites principalement sur les questions de la protection commer-
ciale et du libre-échange. L'éleclorat s'est prononcé en faveur du
libre échange.
La nouvelle chambre se compose de 85 protectionnistes et de 145
libre-échangistes.
*/ Un nouveau cabinet vient d'être formé au Pérou. En voici
la composition.
M. Jiménès, premier ministre et ministre des affaires étrangères.
M. Gaston, mmistre de l'intérieur.
M. Figuera, ministre de la Justice.
M. Gonzalès, ministre des Finances.
M. Somocurtio, ministre de la guerre.
*/ Le 19 octobre M. l'abbé Louis Ignace Guyon, vicaire forain
et curé de Saint Eustache, comté des Deux Montagnes, a célébré
son cinquantième anniversaire de prêtrise. Le village de Saint
Eusiache était élégamment décoré pour cette circonstance solen-
nelle. Les cérémonies qui ont eu lieu à l'église ont été magnifiques.
Deux archevêques, deux évêques, un grand nombre de prêtres et
une grande foule de citoyens y assistaient. M. le chanoine Bruchési
a été l'orateur du jour. Après les cérémonies religieuses un grand
banquet a été donné dans la salle du collège.
M. Guyon est né à Verchères le 11 juillet 1816. 11 a fait ses
études classiques et ihéologiques au collège de Saint Hyacinthe
et il a été ordonné prêtre le 22 Octobre 1843. Il a été successive-
ment vicaire à Sorel et à Saint Gabriel de Brandon, et curé de
Sainte Mélanie, de Saint Ambroise de Kildare, de Sainte Elizabeth
et enfin de Saint Eustache. Il est curé de cette paroisse depuis 33
ans et il est vicaire forain depuis 12 ans.
Saint Eusiache est célèbre par la bataille qui eut lieu en 1837
entre les patriotes et les troupes anglaises. Les patriotes retranchés
dans l'église y soutinrent un siège en règle, mais l'incendie, qui
LE PROPAGATEUR 557
la consuma en grande partie, les força de l'abandonner. Le Dr.
Chénier, chef des patriotes, fat tué dans le cimetière.
*^' Sont décédés en France dans le cours des derniers mois.
lo. Michel Peter, célèbre médecin. Il était en dernier lieu pro-
fesseur de clinique. Il est né en 1824 et il a d'abord été typographe.
On lui doit plusieurs ouvrages sur la médecine. 11 était l'adver-
saire de Pasteur, et dans la lutte qu'il soutint contre ce dernier
sur la grande question des microbes il eut beaucoup de partisans
nommés les pétéristes. Les disciples de Pasteur s'appelaient les
pastoristes.
En apprenant la mort du Dr Peter, Pasteur s'est transporté à sa
résidence et il a demandé à madame Peter de l'introduire dans la
chambre mortuaire afin d'y prier pour le repos de l'âme de son
rival. Cette conduite de l'illustre savant a excité l'admiration
générale.
2o. Le docteur Blanche, célèbre médecin aliéniste. Il était âgé
de 73 ans. Il a été directeur à Passy, d'une maison de santé fondée
par son père. La mort de Blanche a été le digne couronnement
d'une vie qu'il a passée en faisant le bien.
3o. Le docteur Jean-Marie Charcot. Il est né à Paris en 1825 et
il obtint le titre de docteur en 1853. Il s'est spécialement occupé
des maladies nerveuses et d'hypnotisme. Il a, dit un journal,
" élucidé un grand nombre de questions relatives aux maladies
*^ du foie, des reins, de la moelle épinièr-:!. En appliquante l'homme
" les découvertes des vivisecteurs sur le cerveau des animaux, M.
" Charcot enrichit la physiologie cérébrale du chapitre des locali-
" salions. " Malheureusement Charcot était impie et matérialiste.
Il se moquait des miracles et il a souvent employé ses talents et
sa science à soutenir des doctrines anti-religieuses. D'après lui,
dit la gazette de France, " rdme est une invention des religions qui
" avaient besoin d'un domaine surnaturel. La matière organisée
" devient la matière sensitive, puis la matière agissante^ et enfin la
" matière pensante. La science ne peut rien en dehors de cette thèse.
" Et c'est en partant de ce principe., en voulant prouver que tous les
" miracles ne sont que le résultat défaits physiologiques et scientifiques
** que M. Charcot a poursuivi ses recherches sur l'hypnose et sur la
" suggestion. "
Le Dr Charcot a publié plusieurs ouvrages de médecine et un
grand nombre d'articles, d'études, de mémoires sur le ramollisse-
ment du cerveau, le rhumatisme, les maladies chroniques etc. Ses
leçons cliniques ont été traduites dans toutes les langues de l'Eu-
■ rope.
Quoiqu'il soit mort sans avoir eu le temps de se reconnaître,
Charcot a eu des funérailles religieuses. Cela est dû, sans aucun
doute, à certaines circonstances particulières ignorées du public.
4o. L. Larombière, jurisconsulte distingué. Il était âgé de 80
)58 LE PROPAGATEUR
ans. M. Larombière est entré dans la magistrature en 1841 et il a
été président à la cour impériale de Limoges, premier président à
la cour de Paris, président de chamDre à la cour de Cassation etc.
Ou lui doit un Traité des Obligations en 5 volumes. C'est un ou-
vrage d'un grand mérite.
5o. A Paris le 6 Juillet, à l'âge de 43 ans, Guy de Maupassant
célèbre romancier, de l'école naturaliste. Il était foi depuis plu-
sieurs années. Maupassant était un des maîtres dans l'art d'écrire
et son beau style, dit un journal, était clair, sobre, harmonieux et fort.
Malheureusement il a mal employé les talents dont Dieu l'avait
doué. Ses deux meilleurs ouvrages sont Notre Cœur et Une Vie.
6o. Madame Anaïs Ségalas, femme de lettres, à l'âge de 87 ans.
Elle a écrit beaucoup d'ouvrages. Ce sont surtout des lomans pour
jeunes filles.
7o. Mario Uchard, auteur dramatique et romancier- Sa femme
était une actrice dont il fut séparé judiciairement peu de temps
après son mariage. On prétend qee quelques-unes de ses pièces de
théâtre étaient la peinture de ses déboires matrimoniaux.
8o. Mgr Arthur Xavier Ducellier, archevêque de Besançon. Il
est né à Soliers, département du Calvados le 1er septembre 1832,
et il a été ordonné prêtre le 1 1 Octobre 1857. Il fut sacré évêque
de Bayonne le 24 septembre 1878 et nommé archevêque de Besan-
çon le 16 aviil 1887. Sa juridiction s'étendait sur 874 paroi.-ses.
Cet homme éminent avait une lègle de conduite qu'il a toujours
scrupuleusement observée ; s'était de se guider d'après les principes
et de ne jamais faire d'arbitraire.
9o. Mgr Pierre Soubiranne, archevêque de Césarée et ancien
évêque de Belley. Il avait 63 ans.
10. M. le chanoine Pomian, un des témoins des apparitions de
Lourdes. Il avait été le confesseur de Bernadette et l'avait préparé
à sa première communion. (La Croix)
llo. Mgr Lacarrière, ancien évêque de la Basse-Terre à la Gua-
deloupe. Depuis 3j ans il habitait la paroisse de Trioulou, dépar-
tement du Cantal. Possesseur d'une grande fortune il était
généreux et charitable et ses bonnes œuvres sont nombreuses.
12o. Mr l'abbé Wathelet, aumônier de la colonne du général
Dodds avec qui il a fait la campagne du Dahomey. " Il emporte
'• avec lui, dit La Croix, les regrets de nos vaillants soldats du
" Dahomey qui étaient unanimes à rendre hommage à son héroï-
" que dévouement et à son zèle sacerdotal. "
13o. Le général Marie François Joseph de Miribel, chef d'état
major général de l'armée française et l'un des premiers stralé-
gistes du monde. Sa mort est une perte immense pour la France
dont il était l'espoir. Il avait réorganisé son armée et préparé des
LE PROPAGATEUR
559
plans de mobilisation que les militaires proclament des chefs
d'œuvre.
La France entière avait mis sa confiance en lui. Elle espérait
qu'il serait à son poste au jour de la revanche nationale et qu'il
conduirait ses soldats à la victoire.
De Miribel était un homme de génie, un brave et pardessus tout
un chr'itien convaincu et pratiquant. Il s'est distingué sur les
champs de bataille de Grimée, d'Italie, du Mexique et de France.
Il a versé son sang en plusieurs circonstances. Il a gagné tousses
grades et il a amplement mérité les honneurs qui lui ont été
rendus.
Le général est né à Montbonnot, département de l'Isère, le 14
septembre 1831, et il est mort le 12 septembre 1893. Gomme je l'ai
dit plus haut, il a fait les campagnes de Grimée, d'Italie et du
Mexique. Il a été grièvement blessé à la bataille de Magenta et
décoré sur le champ de bataille. Il a reçu une balle à la tête à
l'assaut de Puébla, au Mexique. Il fut nommé lieutenant en 1855,
capitaine en 1859, lieutenant colonel en 1870, colonel en 1»71,
général de brigade en 1875, général de division en 1880, comman-
dant du 6e corps d'armée le 21 octobre 1888, et enfin en 1890, chef
d'état major général de l'armée, charge qui venait d'être créée.
Il fut aussi deux fois chef d'état major général des ministres de
la guerre, le général de Eochebouet et le général Gampenon. Les
radicaux qui connaissaient les convictions religieuses et les idées
conservatrices de Miribel reprochèrent vivement à Gambetta de
lui avoir confié des fonctions importantes etils l'accusèrent même
d'avoir des tendances cléricales.
On a fait au général des funérailles magnifiques dans la cathé-
de Grenoble, et l'évêque Mgr Favaa prononcé son oraison funèbre.
Il a admirablement parlé de ce héros catholique sans peur et sans
reproche qui, dans ces jours de lâches apostasies, n'a jamais reculé
dans la manifestation publique de ses croyances. Dans le cours
de son sermon, l'orateur a fait le tableau de l'état politique de
l'Europe et notamment de celui de la France lors de la dernière
guerre et il a déploré la guerre de Crimée, où la France a combattu
une nation amie, la Russie, la guerre d'Italie où elle a combattu
une nation catholique, l'A-utriche, l'unité de l'Italie^ qui est l'exé-
cution du plan des sectaires, et enfin l'abandon du Saint-Siège.
*^* La Gazette Officielle de Québec a publié la proclamation du
lieutenant gouverneur convoquant la Législature pour le 9
Novembre.
Ar.BY.
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Par Fred. de CURLET S. J.
1 vo). iii-8 ^[,2b
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Par CHARLES XXX
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L'IGNOBANCE
Quel sera, ami lecteur, le pire de nos maux, au milieu de tous
ceux qui nous affligent depuis longtemps ? Sera-ce cette opposition
systématique que les puissances de la terre s'efforcent de faire à
l'Eglise de Dieu, en se liguant partout avec ses ennemis? Sera-ce
la corruption des moeurs qui menace de faire de nous un peuple
d'insensés et de brutes, au point que c'est à peine si l'on trouve un
enfant innocent, un jeune homme sensé, un vieillard judicieux.
Sera-ce cette universelle lâcheté dans la pratique du bien, ce
stupide qu'en dira-t-on, qui fait que les bons s'allient aux méchants,
uniquement par crainte de baisser dans leur opinion ? Ls déchaîne-
ment de la presse ? La licence sceptique de l'enseignement ?
L'horrible pouvoir des sociétés secrètes?
Ah I il y a un mal au-dessus de ces maux, une calamité pire que
ces calamités, un ennemi plus funeste que tous ces ennemis.
Je le dirai, tout bas, bien bas, à nos amis, pour que nos ennemis
ne l'entendent pas ; je le dirai, la rougeur et la honte au front, et
le cœur brisé. Ce mal, c'est notre ignorance, notre ignorance
grossière et coupable des choses de la religion.
Qu'un militaire ne connaisse pas les choses de la guerre, qu'un
médecin ignore la médecine, un avocat la législation, j'en suis
moins étonné que de voir un catholique ne sachant presque rien
du catholicisme. Et pourquoi le cacher? En Espagne, un grand
nombre de catholiques se trouve dans cette situation.
Et notez que je ne me préoccupe point en ce moment de ces
malheureux qui conservent de notre sainte religion uniquement
le caractère indélébile du Baptême, vivant pour tout le reste li-
bres-penseurs consommés ou au moins en indifférents absolus. Je
me borne à parler ici de ceux qui n'ont pas renié leur foi, de ceux
qui aiment les pratiques chrétiennes, de ceux qui se permettraient
de donner à leurs enfants une éducation rigoureusement catho-
lique, de ceux qui vont à la messe tous les jours de dimanches et
de fêtes d'obligation, et accomplissent ponctuellement les autres
préceptes de l'Eglise. Je parle, en un mot, de la portion choisie,
du petit troupeau (pusillus grex) à qui on peut et on doit, en toutes
justice et vérité, donner le titre honorifique de peuple fidèle. Or,,
j'affirme que ceux-là même n'ont pas communément le degré
LE PROPAGATEUR 56!
d'instruction religieuse indispensable à notre époque, pas mêmes
souvent celui qui fut nécessaire à tout chrétien à une époque
quelconque.
J'ai été déterminé à traiter ce sujet, auquel je consacrerai
quelques paragraphes, par une petite lettre d'un de nos amis de
province, personnage à qui je suppose d'excellentes intentions,
mais qui m'est absolument inconnu, et qui, en se plaignant de
cette ignorance générale, me cite deux faits récents qui donneraient
envie de rire s'ils donnaient moins sujet de pleurer. Je ne citerai
pas les détails ; il s'agit en substance de bons catholiques de la
classe lettrée qui n'exigeaient rien moins de leur pasteur que la
réitération du sacrement de Baptême, afin qu'on pût employer
comme marraine une dame, fort mécontente et afQigé de ce qu'on
n'avait pas pensé à elle au moment du premier Baptême. Une
autre famille aisée demandait à un bon prêtre qu'il célébrât la
messe dans son oratoire particulier, ne voyant pas l'inconvenance
provenant ici de ce que ce prêtre avait déjà déjeûné. On nous a cité
les noms, les dates et les localités en cause dans ces deux cas.
Eh bien ! si, dans des questions si simples et si ordinaires, il y a
une telle ignorance, que sera-ce dans les questions les plus élevées
et les moins connues ? Déjà, dans une autre occasion, nous disions
à ce sujet : Interrogez un grand nombres d'hommes très versés
dans les lettres, ayant même leurs grades académiques, sur le
mystère de l'Immaculée-Gonception de Marie, mystère le plus
populaire en Espagne, et, sur cent, vous en trouverez plus de
quatre- ving dix qui vous répondront en confondant ce mystère
avec celui de la Virginité perpétuelle de la Mère de Dieu. Je parle
par expérience. Que sera-ce donc si nous interrogeons sur les
mystères les plus profonds ? Les réponses matérielles du caté-
chisme elles-mêmes s'cubhent peu de temps après qu'on a quitté
l'école. On ne fait rien pour les rappeler pendant toute la jeunesse,
et lorsque, dans la maturité de l'âge, on entend les enfants et les
petits-enfants les réciter elles semblent à plusieurs une lettre
absolument inconnue ou pour le moins oubliée. Hommes du
monde, en êtes vous là, oui ou non ?
Et cependant il est certain qu'il y a une partie de la religion
tellement essentielle que si on ne la connît pas, on ne peut obtenir
son salut éternel. Il est certain également qu'il y en a une autre
partie qui, bien qu'elle ne soit pas mdispensable au salut, ne
saurait être ignorée, parce qu'il est prescrit de la connaître. Et il
n'est pas moins certain que la plupart des questions que l'on traite
aujourd'hui en public, et qui se traitent dans les journaux, les
parlements, les clubs et les soirées intimens, sont des questions
religieuses. Il est déplorable et honteux pour un catholique
d'écouter sans mot dire les attaques dirigées contre sa foi, pour
la triste raison que le malheureux ne sait pas défendre cette foi,
qui est pourtant la sienne. Dites-moi, lecteurs impartiaux, ne vous
étes-vous pas trouvés plus d'une fois dans cette pénible situation ?
Je vais donc, dans ces quelques pages, faire appel à votre bon
sens, afin que vous donniez à votre instruction religieuse person-
562 LE PROPAGATEUR
nelle et à celle des membres de votre famille l'importance qu'elle
mérite réellement à notre époque. Vous le voyez, je n'ai pas hésité
à appeler cette ignorance le pire de nos maux.
Celui qui maintenant trouverait cette expression exagérée, la
trouvera peut être faible en achevant la lecture de ces paragraphes.
Aussi bien me proposè-je de montier la gravité de ce mal, le profit
qu'en letire l'enfer, les mille calamités publiques et privées dont
il est la cause ou l'occasion, et surtout la souveraine félicité avec
laquelle on pourrait y porter remède, si les catholiques le vou-
laient. Personne n'ignore le soin que npus mettons à rendre nos
écrits toujours très pratiques et opportnns. Le sujet que nous
abordons en ce moment aura même plus que les autres ces qualités.
Dieu veuille accorder à nos humbles réflexions l'efficacité et la
fécondité de sa divine impulsion !
II
Pourquoi appelons-nous l'ignorance religieuse le pire de nos maux? —
Coup (l'œil sur l'état présent du peuple espagnol. (1)
Pour comprendre jusqu'à quel point est exacte celte expression
appliquée à l'ignorance générale en matière de religion, que nous
déplojous à notre époque, il suffira de considérer ce qu'est la
religion et ce qu'est l'homme sans son précieux secours.
La religion est à la fois lumière pour Tentendemet, force pour
la volonlé, consolation pour le cœur. Lumière pour l'entendement,
parce qu'elle enseigne ce que doit savoir l'homme touchant son
origine divine, sa fin suprême et les moyens de l'obtenir. Force
pour la volonté, parce qu'elle l'aide puirssamment à agrir d'une
façon conforme à ces moyens ; elle la stimule, si elle s'affaiblit ;
elle la réveille, si elle s'endort ; elle la relève, si elle se laisse
choir; elle la soutient, si elle défaille. Enfin consolation pour le
cœur, parce que, comme il y a inévitablement dans ce chemin des
difficultés à vaincre et des ennemis à combattre, tout combat et
toute victoire supposent la souffrance, la persécution, l'angoisse
morte-Ile, et par là même aussi la nécessité de la consolation.
D'où il suit que la religion procure à l'homme la satisfaction
des besoms les plus impérieux de son esprit: le besoin de savoir,
le besoin d'agir, le besoin d'être consolé.
Or, supposez un homme qui, par sa faute ou par la faute d'autrui
se trouve privé de ces trois éléments de vie morale, et voyez s'il
peut se rencontrer dans la création un être plus tristement misé-
rable.
"D'où viens-tu" ? lui demande à chaque instant sa conscience,
qui est un questionneur très importun et très ennuyeux "Eh ! que
sais-je d'où je viens" ? Telle est l'unique réponse que peut donner
le malheureux qui se trouve privé de la seule lumière qui puisse
1 Ceci peut s'entendr- de to LIS les peuples à rtieure actuelle. Le Scieur en
fera lui-mèm»; l'observalion,
LE PROPAGATEUR b63
l'éclairer dans une affaire si difficile et si ardue. " Où vas lu " ?
poursuit l'implacable questionneur. " Eti ! que sais-je où je vais " ?
Il seaible que je vais sans taraer où vont tous les autres hocnmes :
au cimetière. "^^ Et après " ? Horrible parole Voilà le doute, voilà
les terribles pressentiments enveloppés parfois daus une négation
impie et blasphématoire que les lèvres s'efforcent de prononcer,
mais que le cœur s'obistine à ne pas vouloir admettre. En consé-
quence, à toute heure revient ce terrible: "si c'était vrai " ! qui
tourmente sans cesse, sans cesse aiguillonne, au milieu des
affaires, au sein des plaisirs, dans les enivrements du pouvoir 1 Ah 1
n'être pas sûr de la fin dernière! Et toui cela, pour ne pas vouloir
le demander à qui le sait, à la Religion ?
El si l'esprit est privé de cette lumière, il est clair qu'il ne peut
pas y avoir beaucoup de force dans 1h volonté, ni de consolation
dans le cœur. Nous travaillons tous pour ce que nous connaissons,
bien que notre travail ne soit pas toujours en rapport avec cette
fin. Mais si, alors même que nous connaissons le bien, nous omet-
tons parfois de le pratiquer, comment le pratiquera celui qui
l'ignore absolument? C'est ici l'expérience qui répond.
Croyez vous qu'on proférerait des blasphèmes si horribles contre
Dieu, qu'on outragerait à chaque instant et d'une façon si révol-
tante son nom béni, si on avait de la divinité la haute idée qu'en
a l'homme qui a une connaissance ordinaire et suffisante de la
religion ? Croyez-vous que la parole obcène n'expireraient pas sur
les lèvres de celui qui comprendrait la gravité de la pr(^anation
dont il se rend coupable? Nous ne nous sommes pas fait une idée
assez défavorable du pauvre cœur humain, pour le croire à ce
degré cyniquement pervers. Non, il est impossible que celui qui
outrage ainsi son Dieu, sache qu'il est son Créateur, son Père, son
Sauveur, la Providence qui veille constamment sur lui, le Juge
inexorable qui réserve à ses infidélités au châament éternel. Ils
ne savent pas ce qu'ils font, pouvons-nous dire, en répétant l'ex-
cuse invoquée par le Sauveur en faveur de ses bourreaux. Ils ne
savent pas ce qu'ils font. Mais, dites-moi : le fait de cette ignorance
n'est-il pas déjà un grand crime ?
Appliquez cette réflexion à tant et tant d'autres circoutances
dans lesquelles la religion a à pleurer sur les excès et les extra-
vagances de ses enfants. Si vous voyez, par exemple, le prêtre raillé
par les multitudes, pensez-vous que ces malheureux ont du mi-
nistre du Seigneur l'idée qu'ils devraient en avoir? Si le temple
catholique a été l'objet de profanations que ne lui auraient point
fait subir des Turcs et des Juifs, ne devinez-vous pas que cela vient
de ce qu'ils n'ont pa? de la maison du Seigneur et de son caractère
sacré l'idée élevée qu'en a donné la religion ? Ceux qui s'accom-
modent si facilement des unions condamnées par Diuu et injuste-
ment colorées du titre de mariages civils, agiraient-ils ainsi à la
légère, s'ils comprenaient la gravité du concubinage public ?
Les révolutions de notre siècle, ces monstrueux attentats publics
qui bouleversent et détruisent l'Europe moderne, et qui, lui pro-
mettant chaque jour de la régénérer, la conduisent de nouveau à
564 LE PROPAGATEUR
la barbarie antique, n'auraient pas été possibles à leur origine et
ne le seraient pas aujourd'hui dans leurs conséquences, si elles
n'avaient pas eu partout pour auxiliaire désastreux l'ignorance re-
ligieuse. C'est à ce prix seulement qu'il a été facile défaire perdre
à notre bon peuple son caractère primitif de docilité et de noble
grandeur; c'est ainsi qu'on a pu en faire le jouet de l'ambition
insensée des uns et des tentatives désastreuses des autres ; c'est
ainsi encore que des maximes et des systèmes auxquels nosaieux
n'auraient répondu que par un sourire de compassion ou de mé-
pris ont pu trouver des prosélytes au cœur de l'Europe et en plein
christianisme.
Voici à ce propos une réflexion qui jettera une vive lumière sur
le sujet que nous traitons. 11 s'est produit, dans notre dernière ré-
volution religieuse, un fait qui, à première vue, paraît incompré-
hensible.
Nous étions auparavant un peuple catholique; l'unité religieuse,
non seulement était consignée dans nos lois, mais en réalité elle
était observée par notre bon peuple. Il ne venait à la pensée de
personne qu'il fût possible de se marier, ni d'enregistrer la nais-
sance des enfants, ni de donner la sépulture à la dépouille mor-
telle de ses parents autrement qu'en suivant l'usage traditionnel
et catholique suivi par l'église Les plus avancés n'étaient pas
encore sortis de cette sphère catholique que l'on croyait éternelle-
ment invariable en Espagne. L'Espagne est catholique, disait-on,
et nul réadmettait de discussion sur ce point. Or, que s'est-il passé ?
La Révolution éclate ; nous ne ne dirons pas un seul mot ici sur le
côté politique de la Révolution. La Révolution religieuse éclate et,
du coup, nous nous trouvons transplantés, devinez où, bagatelle ?
dans l'athéisme le plus éhoiité ; bien plus, nous livrons la guerre
à Dieu, en nous plaçant aussitôt beaucoup plus en avant dans
l'impiété que nulle autre nation d'Europe. Et qu'on le remarque,
cela n'a pas été seulement le délire d'un petit nombre d'hommes;
non. Des personnages malheureusement très célèbres ont dû leur
néfaste célébrité à ces bravades athées, ils ont été en peu de temps
les chefs d'une armée nombreuse, et ils ont remporté des triomphes
électoraux, grâce à la. guerre contre Dieu franchement inscrite dans
leur programme; et cela s'est passé dans la catholique Espagne,,
dans cette Espagne qui, deux ans auparavant, ne connaissait et ne
reconnaissait, en fait et en droit, d'autre religion que la religion
catholique, apostolique et romaine. Quel mystère incompréhensi-
ble ! Notre patrie sera donc toujours le pays des phénomènes et
des anomalies extraordinaires! Tout doit-il donc se passer chez
nous autrement qu'ailleurs? Gomment avons nous fait tant de
chemin en si peu de temps ? Gomment arrivons-nous à cette abîme
d'impiété sans passer par des étapes et des degrés successifs ?
En étudiant un peu ce fait, nous trouvons une explication assez
satisfaisante, sans exclure toutefois les causes, dans notre état
dignorance religieuse. La révolution de 1868 a surpris notre bon
peuple dans la pratique de sa foi, pratique vivante en quelques en-
droits, il est vrai, mais morte et à l'état de routine, en au plus grand
LE PROPAGATEUR
565
îlombre de lieux. On entendait la mease, on célébrait la fête du
patron, on assistait aux processions, on recevait les sacrements
indispensables ; mais comme chez plusieurs cela n'était pas appuyé
sur une conviction robuste mais sur une coutume héréditaire, et
n'était pratiqué que d'une façon inconsciente, il a suffi de la voix
fougueuse, enthousiaste, d'un agitateur, pour le faire disparaître
dans une ruine lamentable. Supposez que le peuple espagnol, à
côté de la pratique de sa foi, eût pu, grâce à son instruction reli-
gieuse, raisonner cette foi, qu'il eût compris le sens de ces fêtes,
la signification de ces cérémonies, la valeur de ces sacrements,
oh ! les déclamations de quelques insensés plus ou moins éloquents
ne l'auraient pas fait chanceler dans sa vieille croyance. La mu
nicipalité d'une cité immortelle n'aurait pas commis i'énormité
d'inviter l'imposteur protestant à s'associer aux fêtes de la Vierge
du Pilier; elle aurait su que les Protestants n'admettent pas le
culte de la Sainte Vierge ; tels autres n'auraient pas demandé à
un curé catholique de bénir avec le rituel et le goupillon la dis-
tribution socialiste de biens particuliers. Ailleurs on n'aurait pas
promené en procession, pendant la Semaine Sainte, la Mère des
Douleurs coiffée d'un bonnet phrygien, brodé pour elle par un
dévot fédéré, sans intention peut être de l'outrager, mais ail con-
traire dans la pensée d'accomplir un acte de piété singulière.
Qui contestera que ce qu'il y a de plus extraordinaire, au milieu
de cette série d'horreurs et de bouffonneries, c'est l'ignorance
extrême de notre peuple? 11 a fait preuve de perversité et de beau-
coup de malice ; mais on ne saurait expliquer par cette perversité
toute seule, des folies semblables et un tel progrès dans le mal.
L'aveuglement y a contribué plus que tout le reste ; cet aveugle-
ment provient principalement de notre épouvantable ignorance.
L'ignorance a été ici l'auxiliaire de la fausse sience r'e son œuvre
de démolition. C'est l'ignorance qui a aplani toutes les voies à la
corruption. C'est à la faveur de cette ignorance que nous avons
été sur le point de laisser périr au milieu des ruines de nos tem-
ples les plus précieux souvenirs de notre foi.
Cette ignorance est plus grande dans les grands centres de lu-
mière intellectuelle que dans les montagnes et les vallées écartées,
elle échappe à ceux qui ne regardent que le vernis extérieur des
choses ; mais ceux là la palpent avec douleur et tristess:; qui, par
leur ministère, se voient obligés d'enfoncer la main dans les plaies
de cette société corrompue. C'est au point que nous croyons fer-
mement que nos douleurs actuelles disparaîtraient presque entiè-
rement si l'on obtenait que tous les enfants de notre Espigne
possédassent au moins les notions les plus indispensables de ia
Religion. (à suivre)
FRANÇOIS BACON
Par G, I.. FOXSEGRITE
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HISTOIRE DE ST,
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ILLUSTRE PAR DES FAITS ET DES REVELATIONS PARTICULIERES
Par le Père F.-X. SCHOUPPE, de la coini>as:nie de Jésus
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Le dogme du purgatoire est trop oublié de la plupart des fidèles ;
l'Eglise souffrante, où ils ont tant de frères à i-ecourir, où ils doi-
vent prévoir qu'ils passeront bientôt eux-mème?, semble leur être
étrangère.
Cet oubli, vraiment déplorable, faisait gémir saint Friinçois de
Sales. " Hélas ! disait ce pieux docteur de l'Eglise, nous ne nous
" souvenons pas assez de nos chers trépassés : leur mémoire
" semble périr avec le son des cloches."
La cause principale en est dans l'ignorance et le manque de foi :
nous avons au sujet du purgatoire des notions trop vagues, une
foi trop faible.
Il nous faut donc considérer de plus près cette vie d'outre-tombe,
cet état intermédiaire des âmes justes, non dignes encore d'entrer
dans la Jérusalem céleste, afin de nous faire des notions plus dis-
tinctes et de raviver notre foi.
C'est le but de cet ouvrage ; on s'y propose, non de prouver
l'existence du purgatoire à des esprit sceptique^s ; mais de le faire
mieux connaître aux pieux fidèles, qui croient d'une foi divine ce
dogme révélé de Dieu. C'est à eux proprement que ce livre s'a-
dresse, pour leur donner du purgatoire une idée moins confuse, je
dirais volontiers une idée plus actuelle qu'on n'en a communément
en répandant sur cette grande vérité de la foi le plus de jour
possible.
A cet effet nous possédons trois sources de lumière bien distinc-
tes. Premièrement, la doctrine dogmatique de l'Eglise ; ensuite la
doctrine explicative des docteurs de l'Eglise ; en troisième lieu,les
révélations des Saints et les apparitions, qui viennent confirmer
l'enseignement dt s docteurs.
1° La doctrine dogmatique de l'Eglise au sujet du purgatoire,
comprend deux articles que nous indiquerons plus bas. Ces deux
articles sont de foi, et doivent être crus par tout catholique.
2° La doctrine des docteurs et explications sur plusieurs ques-
tions lelatives au purgatoire, ne s'imposent pas comme des articles
de foi ; o;: peut ne pas les admettre sans cesser d'être catholique.
Tout» fois il serait imprudent, téméraire même de s'en écarter ; et
c'est l'esprit de l'Eglise de suivre les opinions les plus communé-
ment enseignées par le docteurs.
3*^ Les révélations des saints, appelées aussi révélations particu-
lières^ n'appartiennent pas au dépôt de la foi, confié par Jésus-
Christ à son Eglise ; ce sont des faits historiques basés sur le té-
moignage humain. Il est permis de les croire et la piété y trouve
un aliment salutaire. On peut aussi ne pas les croire sans pécher
LE PROPAGATEUR 567
contre la foi ; mais s'ils sont conslatés, on ne les peut rejeter sans
offenser la raison ; parce que la saine raison comraan le à tout
homme de donner son assentiment à la vérité, quand elle est suf-
fisamment démontrée.
Pour éclaircir davantage cette matière, expliquons d'abord la
nature des révélations dont nous parlons.
Les révélations particulières sont de deux sortes : les unes
consistent dans des visions, les autres dans des apparitions. On les
appelle particulières, parce que, à la différence de celles qui se
trouvent dans la sainte Ecriture, elles ne font point partie de la
doctrine révélée pour tous les hommes, et que l'Eglise ne les
propose pas à croire comme desdoj^mes de la foi.
Les visions proprement dites sont des lumières subjective?, que
Dieu répand dans l'intelligence d'une créature pour lui découvrir
ses mystères. Telles sont les vi&ions des prophètes, celles de saint
Paul, celles de sainte Brigitte et de beaucoup d'autres saints. Les
visions ont lieu d'ordinaire dans l'état d'extase : elles consistent
dans certains spectacles mystérieux, qui se présentent aux yeux de
l'âme, et qui ne doivent passe prendre toujours à la lettre. Souvent
ce sont des figures, des images symboliques, qui représentent d'une
manière proportionnée à notre intelligence des choses pureiient
spirituelles, dont le langage ordinaire ne saurait donner une idée.
Les apparitions sont, au moins souvent, des phénomènes objectifs,
qui ont un objet réel, extérieur. Telle fut l'apparition de Moïse et
d'Elie sur le Thabor, celle de Samuel évoqué par la Pythonisse
d'Endor, celle de l'ange Raphaël à Tobie, celle de beaucoup d'au-
tres anges ; enfin telles sont les apparitions des âmes du pur^
gatoire.
Que les esprits des morts apparaissent quelquefois aux vivants,
c'est un fait qu'on ne saurait nier. L'Evangile ne le suppose-t-il
pas clairement ! Quand Jésus ressuscité apparaît la première fois
à ses disciples réunis, ceux-ci crurent voir un esprit. Le Sauveur,
loin de dire que les esprits n'apparaissent pas, leur parle ainsi :
Pourquoi étes-vous troublés, et pourquoi ces pensées s' élèvenc-i: lies dans
vos cœurs f Voyez mes mains et mes pieds, c'est moi-même, touchez et
voyez, car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que f ai.
Luc, XXIV. 37 suiv.
Les apparitions des âmes qui sont au purgatoire, ont lieu fré-
quemment. On les trouve en grand nombre dans les Vies des
saints, elles arrivent même parfois aux fidèles ordinaires. Nous
avons recueilli et nous présentons au lecteur ceux de ces faits qui
paraissent les plus propres à l'instruire ou à l'édifier.
Mais, nous demandera-t-on, tous ces faits sont-ils historiquement
certains ? — Nous avons choisi les plus avérés. Si quelque lecteur
en trouve dans le nombre que lui semblent ne pouvoir soutenir la
rigueur de la critique, il peut ne pas les admettre.
Toutefois, pour ne pas donner dans une sévérité excessi/e et
voisine de l'incrédulité, il est bon de remarquer que, parlant en
général, les apparitions des âmes ont lieu, et ne sauraient être
révoquées en doute, qu'elles arrivent môme fréquemment.
56a LE PROPAGATEUR
" Ces sortes d'apparitions, dit l'abbé Ribet ne sont pas rares.
Dieu les permet pour le soulagement des âmes, qui viennent
exciter notre compassion, et aussi pour nous faire entendre à
nous-mêmes combien sont terribles les rigueurs de sa justice
contre les fautes que nous réputons légères.
" Saint Grégoire dans ses Dialogues rapporte plusieurs exemples,
dont on peut, il est vrai,constesler la peine authenticité ; mais qui,
dans la bopche du saint Docteur, prouvent du moins qu'il croyait
à la possibilité et à l'existence de ces faits. D'autres auteurs en
grand nombre, non moins recommandables que saint Grégoire par
la sainteté et la science, rapportent des faits anologues.
'•'■ Au reste, ces sortes de récits surabondent dans l'histoire des
saints: pour s'en convaincre, il suffit de parcourir les tables des
Acta Sanctorum.ToniouTS l'Eglise souffrante a imploré les suffrages
de l'Eglise de la terre ; et ce commerce, empreint de tristesse,
mais aussi plein d'instruction, est pour l'une une source intaris-
sable de soulagement, et pour l'autre une excitation puissante à
la sainteté.
" La vision du purgatoire a été accordée à plusieurs saintes âmes.
Sainte Catherine de Rici descendait en esprit au purgatoire toutes
les nuits des dimanches ; sainte Lidvine pénétrait pendant ses
ravissements dans ce lieu d'expiation, et, conduite par son ange
gardien, y visitait les âmes dans leurs tourments. Un ange conduit
également la B. Osanne de Manloue à travers ces sombres abîmes.
La B Véronique de Binasco, sainte Françoise de Rome et bien
d'autres, reçoivent des visions tout à fait semblables, avec les
mêmes impressions de terreur.
" Plus souvent ce sont les âmes souffrantes elles-mêmes qui s'a-
dressent aux vivants et réclament leur intercession. Plusieurs
apparu et ainsi à la B. Marguerite-Marie Alacoque, à une foule
d'autres saints personnages. Les âmes des défunts imploraient fré
quemment la pitié de Denys le Chartreux. On demandait un jour
à ce grand serviteur de Dieu combien de fois ces pauvres âmes
lui apparaissaient? " Oh! cent et cent fois ", répondit-il
" Sainte Catherine de Sienne, pour épargner à son père les peines
du purgatoire, s'était offerte à la justice divine pour souffrir à sa
place durant la vie. Dieu l'exauça, lui infligea de vives douleurs
d'entrailles jusqu'à la mort, et admit dans la gloire l'âme de son
père. En retour, cette âme bienheureuse apparaissait fréquemment
à sa fille, pou»" la remercier et lui faire les révélations les plus
utiles.
" Les âmes du purgatoire, lorsqu'elles apparaissent aux vivants,
se présentent toujours dans une attitude qui excite la compassion,
tantôt sous les traits qu'elles avaient de leur vivant ou à leur mort,
avec un visage triste, des regards suppliants, en habits de deuil,
avec l'expression d'une douleur extrême ; tantôt comme une clarté,
une nuée, une ombre, une figure fantastique quelconque, accom-
pagnée d'un signe ou d'une parole qui les fait reconnaître. D'autres
fois, elles accusent leur présence par des gémissements, des san-
LE PROPAGATEQR 569
glots, des soupirs, une respiration haletante, des accents plaintifs.
Souvent elles apparaissent environnées de flammes. Quand elles
parlent, c'est pour manifester leurs souffrances, pour déplorer
leurs fautes passé-'s, pour demander des suffrages, ou même pour
adresser des reproches à ceux qui devraient les secourir "
" Une autre sorte de révélation, ajoute le même auteur, se fait
par des coups invisibles que reçoivent les vivants, par des frappe-
ments à la porte, des bruits de chines des bruits de voix. Ces faits
sont trop multipliés pour qu'on puisse les révoquer en doute : la
seule difficulté est d'établir leur rapport avec le monde de l'expia-
tion. Mais quand ces manifestations coïncident avec la mort de
personnes chéries, et qu'elles cessent après qu'on a olTert à Dieu
des prières et des réparations, n'est-il pas raisonnable d'y voir des
signes par lesquels ces âmes avertissent de leur détresse ?
" Aux divers indicés que nous venons de signaler, on reconnaî-
tra les pauvres âmes du purgatoire. Mais il est ua cas où l'appari-
tion devrait être tenue pour suspecte : c'est lorsqu'un pécheur
scandaleux, surpris inopinément par la mort, vient implorer les
prières des vivants pour être délivré du purgatoire. Le démon est
intéressé à faire croire que l'on peut vivre dans les plus grands
désordres jusqu à la mort, et échappi-r cependant à l'enfer. Toute-
fois, même dans ces rencontres, il n'est pis défendu de p-^-^serque
l'âme qui apparaît s'est repentie, et qu'elle est dans les flammes
de l'expiation temporaire, ni, conséquemment. de prier pour elle ;
mais il convient d'observer la plus grande réserve sur c^s sortes
de visions et sur la créance qu'on leur donne. "
Les détails dans lesquels nous venons d'entrer, suffisent pour
justifier aux yeux du lecteur la citation des faits qu'il trouvera
dans le cours de cet ouvrage.
Ajoutons que le chrétien doit se garder d'être trop incrédule
dans les faits surnaturels, qui se rattachent aux dogmes de sa foi.
Saint Paul nous dit que la charité croit tout, c'est-à-dire, comme
expliquent les interprètes, tout ce que l'on peut croire prudem-
ment, et dont la croyance ne saurait être nuisible. S'il est vrai que
la prudence réprouve une crédulité aveugle et superstitieuse, il
est vrai aussi qu'on doit éviter un autre excès, celui que le Sau-
veur reproche à l'Apôtre saint Tbomas : Vous croyez^ lui dit-il,
parce que vous avez vu et touché ; il fallait croire au témoignage
de vos frères. En exigeant davantage vous avez été incrédule :
c'rst une faute, que doivent éviter tous mes disciples : Bienheureux
ceux qui croient sans avoir vu. Ne soyez pas incrédule mais croyant.
(Joan. XX, 27.)
Le théologien qui démontre les dogmes de la foi, doit être sévère
dans le choix de ses preuves ; l'historien aussi doit procéder avec
une critique rigoureuse dans la relation des faits ; mais, l'écri-
vain a-cétique, quand il cite des exemples et des faits pour écalrcir
les vérités et édifier les fidèles, n'est pas tenu à cette stricte rigueur.
Les personnages les plus autorisés dans l'Eglise, tels que saint
Grégoire, saint B Tuard, saint François de Sales, saint Alphonse
de Ligouri, Bellarmin, et bien d'autres, aussi distingués par leur
34
570
LE PROPAGATEUR
lumières que parleur piété, n'ont pas connu, en écrivant leurs
excellents ouvrages, les exigences rigoureuses de notre époque,
exigences qui ne constituent nullement un progrès.
En effet, si l'esprit de nos pères dans la foi était plus simple,
quelle est la cause qui a fait disparaître parmi nous cette ancienne
simplicité ? N'esl-ce pas le rationalisme protestant, qui de nosjours
se déteint sur beaucoup de catholiques ? N'est-ce pas cet esprit
raisonneur et critique sorti de la réforme luthérienne, propagé par
le philosophisrae français, qui leur fait envisager les choses de
Dieu d'une manière tout humaine, qui les rend froids et étrangers
à l'esprit de Dieu ? Le vénérable abbé Louis de Blois, parlant des
Révélations de sainte Gertrude, dit que " ce livre renferme des
trésors. Les hommes orgueilleux et charnels, ajoute-l-il, qui
n'entendent rien à l'esprit de Dieu, traitent de rêveries les écrits
" de la vierge sainte Gertrude, de sainte Mechtilde, sainte Hilde-
" garde et autres ; c'est qu'ils ignorent avec quelle familiarité Dieu
se communique aux âmes humbles, simples et aimantes; et
comment, dans ces communications intimes, il se plaît à illumi-
I, ner ces âmes des pures lumières de la vérité sans aucune ombre
„ d'erreur. "
Ces paroles de Louis de Blois sont graves. Nous n'avons pas-
voulu encourir les reproches de ce grand maître de la vie spirituelle ;
et tout en évitant une crédulité blâmable, nous avons recueilli
avec une certaine liberté les faits qui nous ont paru à la fois les
plus avérés et les plus instructifs. Puissent-ils accroître dans ceux
qui les liront, la dévotion envers les défunts! Puissent-ils impri-
mer profondément dans les âmes la sainte et salutaire pensée du
purgatoire !
VIE DE LA
BEVDE I. StZAXSE LEÎEQIJE
EN RELIGION
M. DE St. MAURICE
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[IIIDE m LA CAlQIflCITE
DBS SAINTES ÉCRITURES
Par
le elian. M.IGNIE R.
I. — Ane. Testament
1. vol. in-12 „Pri.\: $1.00
PARTIE LEGALE
Rédacteur : A L. B Y
LOUAGE.
Question — Un propriétaire a-t-ii, avant l'expiration d'un bail, droit d'expul-
ser son locataire pour venir habiter lui-même la maison louée ? Voici les faits.
J'alloue une maison pour 4 ans, je l'occupe depuis 18 mois. Ces jours-ci le
propriétaire m'a fait signifier un congé disant qu'il veut occuper la maison lui-
même.
Un Marchand
RÉPONSE. — Votre propriétaire ne peut vous expulser pour venir
habiter lui-même la maison qu'il vous a louée, que s'il s'est expres-
sément rfservé ce droit par le bail. Dans le cas contraire il n'a
aucun droit de vous troubler. L'article 1662 du Code Civil dit
que " le locataire ne peut mettre fin au bail dans le but d'occuper lui-
même les lieux loués à moins que ce droit n'ait été expressément
stipulé.
JUEISPRUDENCE
Question de procédure [C. P. C. Art. 243.)
Re
La GoxMPAgnie de publication du " Canada-Revue ,,
Ys
Monseigneur E. C. Fabre, archevêque de Montréal
Le 5 Juin le défendeur inscrivit sa cause pour enquête et audition
finale et il en donna avis à la demanderesse. Le 21 Septembre la
demanderesse inscrivit la cause à son tour pour enquête seulement.
Elle prétendait que l'inscription du défendeur était nulle vu le
jugement renvoyant son plaidoyer pour cause de forclusion.
Le défendeur présenta alors une motion pour faire rayer l'ins-
cription prise par la demanderesse et cette motion fut accordée par
le juge Loranger le 5 Octobre.
Voici son jugement.
" Considérant qu'aux termes de l'art. 243, G. P. G. toute partie en cause peut
déclarer, soit par la déclaration, soit par toute autre pièce de procédure, soit
par un avis à la partie adverse, qu'elle entend que la cause soit inscrite en même
temps pour enquête et pour audition finale, immédiatement après l'enquête et,
dans c-i cas, la cause ne peut être inscrite autrement ;
" Gonsidêrant que le Défendeur a, le 5 juin derziier, fait son option pour ce
dernier mode d'inscription et en a donné avis à la demanderesse ;
" Considérant que cette option pouvait être faite en tout temps, après la
comparution du défendeur, avant la production et indépendamment de la défense
572 LE PROPAGATEUR
et que toute inscription subséquente faite sans le consentement du défendeur est
nulle et doit être traitée comme telle.
«• Consiflérant qu^- l'inscription de la demanderesse pour enquête, le 21 sep-
tembre 1893, en dépit de roption exercée le 5 juin dernier, par Its défendeur, est
contraire à la disposition de l'article 243 ci-dessus cité et doit être considérée
comme non avenue.
" Maintient la motion du défendeur et rejette la dite inscription, avec
dépens.
LE DROIT DE GRACE
Question Constitutionnelle
La question de savoir à qui appartient le droit de faire grâce
lorsqu'il s'agit d'oifenses punissables en vertu des lois des provinces,
a été vivement controversée depuis l'établissement de la Confédé-
ration. Le ministre de la justice prétend que ce droit appartient au
Gouverneur Général du Canada de la même manière que s'il
s'agit d'offenses punissables en vertu des lois fédérales. Les tribu-
naux de la Province d'Ontario ont jugé le contraire et la question
est actuellement soumise au jugement de la Cour Suprême.
Les journaux publient à ce sujet la dépêche suivante datée d'Ottawa
le 19 Octobre.
LE DROIT DE GRACE
Appartient-il au gouverneur-général ou aux provinces ?
En cour Suprême, hier, tous les juges, à l'exception du juge Sedgewick, étaient
sur le banc. La cause du procureur-général du Dominion vs le procureur-général
de la province d'Ontario ei-t venue en cour, étant la première des causes de la
province d'Ontario. Celte cause est ins-crile au dossier sous le nom de " Droit de
grâce " Il s'agit de déci'ler si le droit de grâce pour les offenses commises sous
les statuts provincioux doit aj'partenir au gouverneur-général en conseil ou au
lieutenant-gouverneur en conseil. M. Mowat prétend que ce droit est de la juri-
diction (le la province ; le procureur-général du Dominion veut que le droit de
grâce soit du ressort du gouverneur en conseil. La cour en chancellerie a déjà
donné gain de cause à la province d'Ontario. C'est de ce jugement que le
Dominion en appela, en cour d'Ajipel, qui renvoya la cause.
PUNITION DES CRIMES
Question. — Quelles sont les peines dont sont passibles les coupables en ver-
tu des lois criminelles du Canada ?
M. C.
Réponse. — Les voici telles qu'elles sont énumérées dans l'article
6 du " Code Criminel de 1892, " 55-56 Victoria, chapitre 29. Je
reproduis cet article.
6 Quiconque commet une infraction au présent acte est passible, ainsi qu'il
est ci-après prévu, de l'une ou plusieurs des punitions suivantes : —
LE PROPAGATEUR 573
(a.) La mort ;
( 6. ) L'emprisonnement ;
( c. ) Le fouet ;
( d. ) L'amende ;
( e. ) Fournir caution de sa bon-.e conduite future ;
( /. ) S'il remplit quelque charge sous la Gouroane, d'eu être deslilué ;
{g.) De perdre toute pension ou allocation de retraite ;
(h. ) D'êtr« frappé d'incapicité à remplir aucune charge, de siéger au parle-
ment, et d'exercer aucun droit d'électeur ;
( i. ) De payer les frais et dépens ;
{j. ) D'indt^mniser toute personne qui aura éprouvé quelque perte de propriété
par suite de son infraction ;
INVENTION
QoESTiox, — A.i-je le droit de faire, pour mon usage personnel, une ma-
chine pour laquelle quelqu'un a obtenu un brevet d'invention?
Un ouvrier.
Eéponse. — Non. La loi me paraît très-claire à ce sujet. Voii-i ce
que dit la 29è section de l'Acte concertiant les brevets d'invention^
S. R. G. Ghap. 6L
"Quîconqu'^, sans avoir eu le consentement pir écrit du breveté, exécutera,
" confectionnera ou mettra en pratique une chose pour laquelle un br*^vet d'in-
" vennon aura été pris sous l'empire du présent acte ou d'un acte anléri'^ur,.,.
" S'-ra. pour cet act», passible, de la part du breveté ou de ses représentants
" légaux, dune action en dommages-intérêts.
Le contraire semble avoir été jugé en France si j'en juge par
l'article suivant que je trouve dans la Croix^ de Paris.
REPONSE UTILE A PLUSIEURS
On peut construire^ pour un usage personnel., un objet breveté
Le tout est de ne pas se tromper sur ce qui est à l'usage personnel.
Si l'obiet Sert exclusivement à la personne ou à la fami le, pour sa propre
exist-iice, pour ses bnsoins, l'usige est per-onnel.
Mais si la personne ou la familin tout en fai«anl usage de l'objut breveté, pour
ses besoins personnels en tire protit commercial ou proQt de toute autre nature
hormis celui dom-stique, alirs l'usage est insdustriel.
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Le nom seul de l'auteur de ce livre nous dispense de toute autre
recommandation. Le discernement dont il est question dans cet
ouvrage n'est pas cette septième grâce, gratuitement ûonnée, com-
prise dans rénumération de l'Apôtre, au verset 10 du chapitre XII
de la Ire épitre aux Corinthiens. Le P. Scraramelli ne consacre
qu'un chapitre de son livre à ce don qui n'est fait qu'à un nombre
de personnes bien restreint, si on le compare au nombre de ceux
qui par devoir d'état sont obligés de discerner les esprits. Il s'agit
ici d'un discernement commun à tous, que l'on peut acquérir par
le travail et l'industrie, et qui consiste dans un jugement droit
formé sur l'esprit des autres en se conformant aux règles et aux
préceptes que nous fournissent les Saintes Ecritures, la Sainte
Eglise, les SS. Pères, les Docteurs, l'expérience des Samts
et les lumières de notre propre sagesse. C'est la pratique
la recommandation de l'apôtre S. Jean : Ne croyez point à tout esprit
mais éprouvez les esprits, s'ils sont de Dieu [IJoan, IV, 1), et de celle
de S. Paul : Eprouvez tout : retenez r,e qui est bon. Abstenez-vous de
toute apparence de mal [I Thess,, V, 21, 22).
Ce livre convient donc à tous ceux qui veulent sincèrement vivre
selon l'esprit de Dieu. Mais, comme tous doivent soumettre leur
propre discernement à celui des directeurs spirituels, c'est à ceux-
ci qu'il s'adresse tout particulièrement : *' Nous le voudrions voir
" consulté par les directeurs des âmes, à qui incombe la tâche dif-
" ficile et périlleuse du discernement des esprits, dit la revue : Le
'• T. S. Sacrement (février 1893), aucun guide ne leur donnera plus
" de lumière et n'écartera plus de cause d'erreur."
Un savant professeur de grand séminaire nous a écrit ; " C'est
" un des meilleurs ouvrages de direction spirituelle qui aient ja-
" mais été faits... Je me ferai un devoir de le faire connaître et de
" le recommander à nos jeunes prêtres avant leur entrée dans le
" ministère."
Le P. Scaramelli considère le sujet du discernement des esprits
comme tellement important que dans son Directoire ascétique (1er
traité, Chap. IX et XI, il déclare qu'il ne doit en parler qu'en y
consacrant un volume tout entier.
TABLES DES MATIERES CONTENUES DANS LE VOLUME
LE DlSCERNEMENl DES ESPRITS
Introduction. De la voie que nous i origine est bon ou mauvais. Importan-
suivons dans noire vie. — Nous devons de et nécessité du disc'^rnemenl. Avis
examiner louies nos œuvres <'l cher- de S. Antoin-^sur ce sujel. — L»- présen
cher si le iirincipe d'où elles tirent leur ouvrage contient un corps de règles ca
LE PROPAGATEUR
575
pables de. faire connaître quel est le
guide de nos pensées et de nos affec-
tions, si c'est le démon, l'amour-propre,
ou Dieu. — Ce livre est utile à tous,
mais surtout aux directeurs spirituels.
Chapitre 1er. Ce qu'on entend par
4Sprils et combien on en compte de
sort'-s. — g I. L'Ecriture sainte, les Pores,
les Docteurs et les Saints nous fournis-
sent des règles pour recoanailre les es-
prits qui viennent de Dieu et ceux qui
D'en viennent pas. — § II. Ce qu'il faut
entendre par esprits. — § Il 1. D'après S.
Barnard, six sortes d'esprits peuvent
donner à l'homme une impulsion dans
ses opérations. Ce que sont ces six es-
priis. Us peuvent se réduire à trois :
l'esprit divin, l'esprit diabolique, et
l'esprit humain.
Chapitre II. Comment se forment en
nous l'esprit divin, l'esprit diabolique,
et l'esprit huma'n. — § 1. Comment l'es-
prit de Dieu opère en nous, g II. Com-
ment le démon nous infiltre son esprit
diabolique. — g III. Comment notre na-
ture corrompue par le péché originel
produit en nous l'esprit humain. — l IV.
Il n'est pas facile de discerner si les
mouvements intérieurs de notre esprit
proviennent de la nature humaine, ou
du démon, de la chair, du monde con-
jurés pour nous perdre. Conjectures
que l'on peut faire à ce sujet.
Chapitre III. Du disernement des
esprits en tant que grâce gratuitement
donnée, — g I. Deux sortes de discerne-
ment* des esprits. En quoi consiste le
discernement infus. — g II. Explication
de la définition du discernement infus.
— g III. Le jugement du disc^rnem►'nt
infus est-il certain et infaillible?— g IV
La manière avec laquelle une personne
discrète discerne ses propres mouve-
ments est différente de celle qu'elle em-
ploie pour disC'-rner l'esprit des aulres.
§ V. A qui la grâce du discernement
infus est-elle concédée ?
Chax:the IV. Du discernement des
esprits en tant qu- vertu acquise par le
travail et l'industrie, et combien les
directeurs des âmes sont obligés de
l'acquérir. — g I. Tous doivent acquérir
cette sorte de discernement. — g II. Le
directeur des âmes doit l'acquérir à
tout prix.
Chapitre V. Des moyens par lesquels
le directeur des âmes peut acquf^iir le
discernement des esprits. — g I. Premier
moyen : Demander instamment à Dieu
la lumière du discernement. — g II. Se-
cond moyen : S'appliquer à connûtre
les règles qui aident à discerner l'esprit
vrai du faux, par l'élude de l'Ecriture
sainte, des Pères, des Docteurs et des
enseigne oenls de la vi-; des Saints. —
g III. Troisième moyen : L'exp°rlence.
-g IV. Quatrième moyen : Le directeur
doit procéder avec iiunailité dans la
conduitH des âmes. — g V. Cinquième
moyen : Le directeur ne doit pas trop
s'affectionner à ses péniienls. Pour le
môme motif, on ne doitj.imais prendre
une âme sous sa direciion pour l'avan-
tage temporel qu'on en pourrait retirer,
g VI. Sixième moyen : Le directeur
«loii avoir un esprit cultivé, mais non
sophistique. En outre il ne doit pas ju-
ger sur des raisons terrestre?, mais sur
des raisons divines. — g VII. Septième
moyen : Il faut examiner atienti\ement
et bien p-^s^r les choses avant de porter
unjugement.-g Vill. Huitième moyen:
Savoir quels sont les caractères du boa
esprit et quels sont ceux du mauvais.
Chapitre VI. Marques de l'esprit di-
vin relativement aux mouvements ou
actes de notre imelhgence. — g 1. Aver-
tissement.-ll. Première marque : l'es-
pnt divin enseigne toujours la vérité et
ne peut en aucun cas sugjjérer l'erreur.
Conséquence — g III. Seconde marque :
L'esprit de Dieu ne suggère jamais à
notre esprit des choses inutiles. — g IV.
Troisième marque : Le Saint-Esprit
apporte toujours de la lumière à nos
âm"S. — g V. Quatnèmemarque'.L' es-
prit divin apporte la docilité à l'intelli-
geace. — g VI. Cinquiè ne marque :
L'esprit divin rend l'entendement dis-
cret.— g Vil. Sixième marque : L'es-
prit divin répand 'lans notre esprit des
pensées d'humilité.
Chapitre VII. Marques de l'esprit
diabolique relativement aux mouve-'
meuts ou actes de notre intelligence. —
g I. Ces marques sont les comraires de
celles de l'esprit divin. — g II. Première
marque : L'esprit diabolique est un es-
prit d'erreur. — g III. Seconde marque:
L'esprit diabolique suggère des choses
il utiles, légères et inconvenantes. —
g IV. Troisième marque : L'esprit dia-
bolique app rte à notre âme des ténè-
bres ou de fausses lumières. — g V. Qua-
trième marque : L'esprit iliabolique est
obstiné. — g VI. Cinquième marque :
L'esprit diabolique est indiscret et
pou-se aux excès. Il n'obs-rve pas le
temps opportun, le lieu convenable et
ne considère pas la condition des per-
576
LE PROPAGATEUR
sonnes. — g VII. Sixième marque : L'es-
prildu dt mon mêle toujours à dos actes
des pens' es de vanité et d'orgueil, mê-
me ilans Ks actes vf r tu '^ux ei saints.
Chapitre VIII. Maniue? de l'esprit
àh in dans les mouvements ou actes de
la voiontp. — § I. Imporiancp de ce suj^^t
— g II. Première marque : La paix. —
g m. Seconde marque : L'humilité
non afTecten, n:ais simère. — g IV. Troi-
sième marque : Une ferme confiance en
Di u appuyée sur une s-ainie CMinte de
soi-mêmn. — g V. Quatriètne marque:
Une volonté- flexible.— g VI. Cinquiè-
me marque : La juret" d'ini- nlion
dans les œuvres. — g Vil. Sixième mar-
que : La patience dans les souffranc^^s
du corps, dai s les choses qui touchent
à l'honneur, et encore dans les choses
qui nous affligeni. — g VlU. Septième
marque : la mortiticaiion intérieur^ vo-
loniare— g IX. Huitième marque : La
sinceiité, la vémcitf^ et la simpli' ité. —
g X Neuvième marque : La liberté des-
prit. -g XI. Dixièm.f' marque : Lt' désir
d'imitr le Christ.— g XII. Onzième
marque : Un-- charité dou':e,obligeanie
désiniéres^et.
Chapitre IX. Marques de l'esprit
diabolique dans les mouvemenis ou
act s de la volonté. — g I. Les caraitères
de l'esprit diabolique sont tout à fait les
contia res de ceux de l'esprit di^ in. —
g U. Première marque: L'inquiétude,
le trouble, la confusion. — g III. Secon-
démarque : Un orgueil munif^-stf^ ou
une fausse humilité.— g IV. Troisième
marque : L^ «lésespoir, ou la déliance,
ou la vaine sécurité.— g V. Quatrième
marque : L'ob-lination de la voionié à
ne pas se rendre à l'obéissance due aux
supérieurs. — g VI. Cinquième marque :
La mauvaise int'-ntion dans les œuvres.
g VII. Sixième marque : L'impatience
dans les peines.-g VUI. Sepliènie mar-
que : L soulèv'ment des | assions. —
g IX. Huitième mai que : La duplicité,
la feitiie, la dissimulation.- g X. Neu-
vième marque : Un a'.tach' ment irès
oppose à la liberté de l'esprit. — g XI.
Dixième marque : L'éloign^-meni de
Jésus-Christ et l'indifférence pour l'imi-
tation d'Sex- m pies qu'il nous a donnés
— g XII. Onzième marque : La fausse
cha ité et II- faux zèle. — XIII. Avis
pratiques au dnecieur.
Chapithe X. D-'S esprits douteux et
inc> rtains.-g I. Préambule.-g II. L'es-
prit qui, après avoir fait choix d'un état,
doit être tenu pour suspect. — g III. Un
espril porté à des choses insolites, sin-
gulières et étrangères â son etdt. est
fort- ment douteux.— g IV. Un esprit
qui, dans la pratique de la vertu, as-
pire aux choses extraordlnair^-s, est
souvent dout- ux.— g V. L'esprit des
grandes pénitences extér eures peut
êtredoubux. — g VI. Un esprit de con-
solations si iriluelles sensibles est dou-
teux.— g VII. L'esprit de consolations
et de délectations spirituelles qui se
continu perpeiuellemnoi, sans jamais
être IntHrromjiu, est beaucoup plus
suspi^ct. — g VIII. Les larmes au>si sont
'suspectf-s, parce q':'elles p uvent j lillir
de trois sources différentes.-g IX. L'es-
prit dé révélation est toujours suspect.
— Les stigmates et autres signes pro-
digieux sur le corps doivent être con-
sidérés commn très douteux.
Chapitre XI. Des diverses manières
par lesquelles l'esprit du Seigneur opè-
re dans les âmes. — g I, Dieu opère di-
versemt-nt dans les âmes. — g II. Quel-
quefois, l'f'ppril de Dieu nous meut
vers le bien en général, mais il ne nous
montre pus en particulier le bien que
nous devons accomplir. — g III. D'au-
tres fois l'esprit de Dieu excite en nous
un désir dont il ne demande pa- effec-
tivement l'exécution, ou dont il di^man-
de seulement une parti»" de l'exécution,
—g IV. L'esprit de Dieu procèd avec
oalme à l'égard di-s âmes bonnes. 11
agit durement avec des âmes coupables
et op.niâtres L'esprit du d mon est au
contraire turbulent et fier avec les âmes
justes, mais il est tout condescendance
pour les pécheurs. — g V. L'espnl de
Dieu s'insinue de diverses manières
dans les âmes pieuses. — g VI. C'est le
propre de l'esprit de Dieu seul ment
d'entrer dans les âmes et de les changer
toutes en son iimour par ses ueu.\ at-
traits, sans qu'aucune cause ait préci^-
de de tes changements, c'est-à-dire
sans qu'il y ait eu dans l'imagination,
ou dans l'Intelligence, ou dans la vo-
lonté, quelque opération capable de
provoquer ce pieux embrassement. —
g VII. L'esprit de Dieu se cache par-
fois à l'âme et la laisse aride et dans
les ténèbres pour son plus grand bien.
Chapitre Xli. Des divers arlific-fs
par lesquels le démon trompe les âmes.
— g I. Le demou tourne autour de la
forteresse" d- notre âme, observant le
côté le plus faible, la parue la moins
bif-n gardée pour y don ler l'assaut.
Habileté des démons dans leurs machi-
LE PROPAGATEUR
577
nations conlre i os àme<. — g II. Après
nous avoir tenlés.lesdemoMSS" retirent
et nous laissent en paix, mais avec la
fin perverse dt nous ass;iillir à l'impro-
visle et plus fortement quand nous se-
rons nf'gligenls et distraits. — g III.
Quan'l le démon voit qu'il ne peut sub-
juguer les âmes ni p r l'art, ni par la
frande, il les fait s'exposer à les occa-
sions qui ont une lin bonne mais indis-
crète.— g IV. Le démon ne réussissant
pas en lentanl les personnes dévotes en
choses graves, a soin qu'elles nt^ tien-
nent pas compte des petites choses,
qu'elles lesdé laignent et les transgres-
sent ficilement. — g V, Le démon a re-
cours à toutes sortes de méchantes ru-
ses pour retirer les personnes spirituel-
les 'lu service divin.— g VI. Trois cho-
ses à indiquer aux peniif'Uts pour qu'ils
ne tombent pas dans les pièges d'un
ennemi aussi trompeur.
Chapitrk XIII Désillusions par les-
qufdle> le démon ti ompe U s âmesincon-
sidérées, • t d'abord d-^s illusions qui
leur arrivent dans l'oraison. — g I. Dif-
férence entre les ruses et les illusions.
Du soin que nous devons avoir de ne
pas nous laiss^^r illusionnnr par l'esprit
de la <:hair. — g II. Le démon fait pa-
raîlr 1h faux pour le vrai. Ses fauss s
représentations. — g I (I. Diverses autr^-s
manières par lesque les les démons
Irompeni les personnes spiritue les. —
g IV. Rèff les pour distinguer les f i vt^nrs
de Dieu des illusions du 'lémon, — g V.
Moyens par lesquels l'homme spirituel
peut se préserver des illusions dans ses
oraisons.
Chapitre XIV. Des illusions diabo-
liques qui se produisent ilans l'e'Xercice
des venus f'i d ms l'.ibandon aux vice .
— g I. Le démon dissimule l'iniquité
sous lapparenc-" delà venu, et il don-
ne au vie- Tapprirence de la venu. —
g II Le nombre des illusions par les-
quelles notre enn mi s'efforce de cor-
rompre nos actions est incalculable.
On en signale quelqies-unes qui s^^rvi-
ront à faire connaît e les autres >^\ à
nous rendre circonsp"cts pour les écar-
ter— g III. Nosennf^mis s'f^lforcent de
nous éloigner du bien sous préti-xt-' de
mal. Remède à employer pour nous
garantir d^- tontes ces f ut b ries.
Chapitre XV. Court»^ explication des
marques de l'esprit humain. — g ' Ce
que c'est que l'espnl humam.— g II
Cet esprit prend souvent ,es lesd hors
de l*verlu et nous fait p.iraiire à nos-
yrux et aux yeux des autres tout difle-
renls de ce que nous sommes. — g III.
Le directHur qui ne v^ut pas errer
dans le jugement qu'il porte sur les
vertus il'' son pénitent doit observer
avec att-^ntion quelle f-st sa fin dans la
pratique, et si le motif qui le pouse à
l'exercice des vertus et l'accompagne
dans le cours de ses opérations, est
surnaturel. — g IV. L'esprii humain se
môle aussi aux actions de personnes
très piens-s qui ont l'halntude de ré-
gl^-r tous 1 urs act-s avec grande per-
f'-ction. — g V. Dir ciion qu'on doit
donnera l'esprit humain
Avis au directeur des âm'^s.
APPENDICE
QUELQUES RÈGLES DE S. IGNACE
[. — Pour discern^^r bs esprits.
Pour mieux liscerner les esprits.
II. — Pour la distribution des aumônes.
III. — Pour aider à reconnaître les
scrupules.
IV. — Pour vivre toujours en union par-
faite avec la véritable Eglise,
DEUX CHAPITRES DE S. JEAN DE LA CROIX
I. — On pxplique pourquoi Dieu a cou-
tume lu communiqueraux âin-'sles
biens spirituels par Tint rmédiaire
des sens.
II. — Des dommages que la conduite im-
prudente de certains directeurs
P'-nt occasionner à l'en Iroit des
visions.
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SAINT JEAN-BAPTISTE
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L'Egli?e catholique, hors de laquelle il n'y a point de salut, est la société de
tous les Q'Ièles reunis par la profession d'une même foi, par la participation aux
mômes sacremenli et par la soumission à notre saint père le Pape. Elle se com-
pose de juste-s et de pécheurs, d'après Nolre-S'^igneur lui-mêm>" qui compare son
Eglise à une aire où la paille est mêlée au bon grain, à un filet qui prend des
poissons bons et mauvais, à dix vierges dont les unes sont sages et les autres
sont folles, à uue noce qui rassemble ceux qui ont l'habit nuptial et ceux qui ne
l'ont pas en attendant la séparation qui se fera au jour du jugement. Ainsi,
quelque grand pécheur que soit un catholique, il appartient au corps de l'Eglise,
à moins qu'il ne s'en retranche lui-même par rinfidéhlé et l'apostasie, ou qu'il
n'en soit retranf^hé par l'excommunication ; mais, hélas ! il ressemble à une
branche mote qui, tenant encore à l'arbre, n'a plus de part à la sève qui se
communique de la racine aux branches vivantes. Il y a cependant une différence
considérable et qui laisse une ressource bien consolante aux plus grands crimi-
nels : c'est qu'une branche morte ne peut plus revivre, au lieu qu'un membre de
l'Eglise, mort parle péché, peut recouvrer l'esprit de la grâce et recevoir de nou-
veau les influences de la vie divine que Jésus-Christ répand dans les justes
comme le chef dans ses membres. C'est là une vérité sur laquelle repose toute la
rédemption, vérité que nous devons croire et qui se trouve formulée dans cet
article du Credo : Je crois la rémission des péchés. O quel bonheur d'être enfant
-de l'Eglise, puisque dans l'Eglise, et dans l'Eglise catholique seule, se trouve la
véritable rémission des péchés par un sacrement spécial appelé sacrement de pé-
nitence ! Nous te saluons avec bonheur, ô sacrement mille fois béni dans lequel
Dieu étale toutes les richesses de ses miséricordes! Le péché nous avait fait fils de
mort et de perdition ; mais tu nous fais redevenir enfants de vie et de résurrec-
tion. Pur toi, la malédiction fait place à la bénédiction ; par toi, 'es larmes de
deuil se changent en larmes de joie, et les épines du remords se trouvent conver-
ties en flèches d'amour. Sans toi, que la mort est amère ! mais, sous ton égide,
elle est douce et pleine d'espérance. Prodige inouï de la divine clémence ! quel-
ques paroles sacramentelles deviennent la clef d'or qui nous ouvre les portes du
ciel, le verrou qui ferme l'abime éternel ouvert sous nos pieds, le marteau qui
brise les fers de notre esclavage, l'éponge quieflace avec le sang du Rédempteur
la longue séri-- de nos iniquités. Pauvres pécheurs, qui attendez, pleins d'angois-
ses, l'heure des supplices sans fin, loin de vous le sombre désespoir. Votre salut
est entre vds mams. Adressez-vous, humbles et repentants, à ces hommes aux-
quels le Dieu que vous avez offensé a dit : Je vous donnerai les clefs dd royaume
DES ciEDx. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remelirez.
Le sacrement de pénitence est si nécessaire au salut, que tout chrétien devrait
le connaître à f nd. Et cependant, chose déplorableet bien triste à dire, l'igno-
rance en ce point est des plus grandes. Si du moins les conséquences n'en élait^nt
pas éternelles !... Que d'âmes, hélas! gémissent maintenant en enfer et goûte-
raient les délices des anges dans le ciel, si elles avaient voulu mieux s'instruire
de cet admirable moyen de pardon. Touché de ce grand péril des âmes, nous nous
somnjes proposé de livrer au public cet opuscule.où les points les plus importants
de la conf ssion seront traités d'une manière simple et populaire. Nous avons puisé
nos matériaux à bonne source, principalement dans les Œuvres de St Alphonse
de Liguori ; et nous nous sommes efforcé de suivre l'esprit et la doctrine de ce
sainlDûcteur partout où nous n'avons pas reproduit le texle même de ces écrits.
Nous divisons ce traité en trois parties, savoir : la confession, le confesseur, le
pénitent. — Dans la première partie, il sera parlé de la divinité, de la nécessité,
des effets et d^s bienfaits de la confession. — Dans la seconde, nous nous Jjorne-
rons à montrer au pénitent qu'il doit voir dans le confesseur le véritable repré-
sentant de Jesus-Christ, et partout, le considérer comme père, comme médecin,
comme docteur et comme juge. — Dans la troisième, nous traiterons des disposi-
tions du pénitent, lesquelles sont la contrition, l'aveu des péchés et la satisfaction.
Puissent N.-S. Jésus-Christ, dont la clémence infinie éclate d'une manière si
frappante dans ce sacrement demiséricorde, et sa divine Mère l'Immaculée Vierge
Marie, le perpétuel secours des misérables et le refuge des pécheur», bénir ce mo-
deste travail entrepris uniquement pour le salut des 4mes rachetées à si grand
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La ilévolion au Chemin de la Croix
est un puissant moyen de sanclitication.
Le Siuveur nous y instruit non seule-
ment par des paroles, mais encore par
l'exemple des vertus les plus dificil-'S,
des vertu? pratiquées dans la souffran-
ce Il nous y instruit : nous trouvons en
«ffet dans le Chemin de laCroixuneima-
Refrappante de notre vie. Nous avan-
çons tous vers un calvdiie plus ou
moins éloigné ; à notre première station
on nous condamne à mort; à notre d-^r-
nière, on nous met au sépulcre. Entre
ces deux t-^rmes.que d'épreuves, de lut-
tes, de souffrance, et aussi, hél^s ! com-
bien de chutes! ce sont les stations in-
termédiaires de notre voyage. Celles du
Sauveur nous apprennent comment
nous devons nous conduire dans les
nôtres, c'est-à-Jire, comment nous de-
vons vaincre dans nos combats, avec
quel courage nous d-^vons supporter
nos doal-^urs et nous relever de nos
fautes. Et c^t enseignement est d'autant
plus f^flicace qu'il est plus persuisif.
Quoi de plus entraînant que Us exem-
ples d'un Dieu ? Quoi de plus émoavant
que ses souffrances ? Son silence nous
parle, sa patience iious confond, ses
plaies nous attendrissent, sa charité
nous enflamme et nous ravit Plus nous
cont-mplons ce Dieu Rédempteur, dans
les tourm'^nts de sa passion, plus les
austères maximes de l'Evangile nous
paraissent praticables et faciles.
Persuadas de ces vérités, lt!S saints
qui connurent la dévotion au Chemin
de la Croix s'y affectionnèreni avec zè-
le. Saint Léonard de Port-Maurice, non
content d'; la pratiquer lui-même, la
propagt^a de tout son pouvoir. Saint
Aljjhonse Marie de Liguori la recom-
mandait instamm-int, et, jusque dans
la plus extrême vieillesse, il parcourut
chaque jour les stations de la voie dou-
loureuse. Les souverains Poniifes ac-
cordèrent à cett'^ dévotion toutes les in-
dulgences attachées à la visite des
Ll-ux saints.
Pour faciliter 1 exercice du Chemin
de la Croix et le rc'udre en même temps
plus pr.itilable aux âmes, nous leur of-
frons ce modeste recueil divisé en trois
Séries, correspondant aux trois voies
de la perf'iction. Les fidèles qui travail-
lent à se purifier de leurs péchés et de
leurs inclinations vicieuses, trouveront
dans la Série première des sujets cor-
respondant à leurs besoins. Ceux qui
s'efforcent par la considération des ver-
lus d'avancer dans les voies de la sain-
teté, se serviront utilement des mé-
thodes de la seconde Série Enfin, les
âmes qui aspirent à l'union d>vine ren-
contreront dans la Série troisième, des
éch'-lons spirituels pour s'élever gra-
duellement vers les perfections de Dieu.
Le mode de considérations adopté
dans ces méthodes n'est pas contraire
aux conditions requises pour gagner
lesinduigenaes, puisque l'exposé et la
prière qui suit font toujours allusion au
sujet particulier de chaque station. Il
sera bon toutefois de bien saisir l'objet
du mystère, avant de passer à l'appli-
cation que nous en faisons.
Peui-ètre Irouvera-t-on cette ap^lica-
/ion fort arbitraire, par cela seul qu'elle
est très variée.Mais si l'un considère que
la passion du Rédempteur contient et
If'S remèdes à nos maux et les moyens
de sanctification pour nos âmes, on res-
tera convaincu que ce mode d'applica-
tion, tout en favorisant la pieté, ne bles-
se nullement la vérité du mystère.
Le Sauveur en effet, dans l^s souf-
frances de sa passion, s'est fai' le méde-
cin, le jnailre et l'époux de nos âmes.
Comme médecin, il nous donne des re-
mèdes contre le péché ; comme maître,
il nous enseigne \ns v-Tlusà pratiquer;
comme époux, il nous attiie à lui pour
nous communiquer ses bi- ns ineffables
Les trois Séries de méthodes que nous
donnons dans ce recueil corr^spendent
à ces trois grandes qualités du Rédemp-
teur souffrant. Jésus, médecin spirituel,
nous donne des remède^ contre le pé-
ché mortel et le péché véniel ; il nous
jirémunit contre la crainte de la mort,
du jugement de l'enfer, dn purgatoire,
en nous rendant la vie de la grâce et
en nous fournissant les moyens de la
conserver, durant les jours de notre
pèlerinage ici bas. Il nous aide enfin
dans angoisses de notre dernière mala-
die et nous mérite les meilleures dis-
positions pour mourir saintement.
J'jsus, mîatre par excellence à l'école
de la sainteté, nous enseigne pendant
sa passion, par sa conduite dans les
tourments, toutes les vertus que nous
devons pratiquer piur être parfaits :
['humilité, l'oraison, la cm/iunce,
l'obéissance, la chasteté, la patience, la
charité, la vie de Ùieu en nous, les
v rtus religieuses et sacerdotales.
580
LE PROPAGATEUR
^ Enfin, le Rédemptenr, époux des
âmes fidèles, fait monter graduellement
jusqu'à son sacré Cœur cplles qu'il
destine à l'union la plus parfaite avee
sa Diviniti^ Il leur inspire à cette fin,
avec la pratique des vertus, certaines
dévotion-^ fondam^-ntales qui nourris-
sent leur piété.enfl imm'^nt leur ardeur,
les font aspirer et même les conduisent
peu à ()eu à l'union divine. Telles sont
les dévotions à la Menheurt^use Vierg-î
Marie, mère de douleur, Dispensatrice
des grâces. Modèle de toutes les vertus.
Tels sont encore et surtout les rapports
que nous entretenons a''ec l'Humanité
sacrée du Sauveur, dans son Enfance,
sa Passion, l'Eucharislie, son divin
Cœur, rentre de tout bien, foyer de l'a-
mour céleste. Après le Cœur alorabie
de Jésus, il ne r^st» plus que le Giet et
la Vision de Dieu, pléniiude de touies
les perfections, et notre élern^lle béati-
tude.
Tel est le plan de ce modeste re-
c 'eil, que nous offrons à la piéié des fi-
dèles. Comme on nous a fait r^-marquer
que certains exercices étaient trop
longs, nous les avons abrégés presque
tous, sans toutefois nuire au fond des
idées. Le tout soit à la plus grande gloi-
re de Dieu et pour la sanctification des
âmes !
PIEEEE LEYIEIL
A LA MÉMOIRE DE MELGHOIR DU LAC, COMTE d'aURE ET DE MONTVERT.
{suite)
" Où sont Jean et André? "
" Ils sont allés prendre leur leçon chez le cousin Joavenet, " dit
la mère.
" Qu'ils viennent ! qu'ils viennent ! " reprit le pauvre fiévreux :
" je veux leur parler avant de mourir. "
A ces mots, la mère et les enfants éclatèrent en sanglots.
Le médecin arrivait. C'était un vieil ami de la famille, toujours
de bonne humeur, et qui ne pouvait souffrir que l'on attristât les
malades. Il avait entendu les paroles de Guillaume.
"Ta, ta, ta, ta ! " s'écria-t-il. " Quelle sottise dites-vous là, maître
Levieil ? Vous serez guéri dimanche, ou je veux être pendu.
A.llons, couvrez-vous, voyons ce pouls... 11 n'est plus qu'à quatre-
vingt-deux : l'accès finit. Vous allez prendre un bouillon, que
diable 1 et vous dormirez après. Emmenez cette marmaille, ma-
dame Levieil. Je vous croyais raisonnable. Est-ce qu'on encombre
d'enfants la chambre d'un malade ? Allons, essuyez vos yeux.
Je m'invite à dîner chez vous dimanche. Votre mari sera gaillard,
et vous nous ferez des crêpes. Vive la joie! Quel est ce beau
garçon?... "
" C'est Pierre, " dit la mère : " il est revenu à la maison pour
soigner son père. "
'• Il a bien fait, " dit le docteur. " Allez quérir un peu de bouil-
lon, madame. Notre malade s'en va en javelle à présent que la
fièvre est tombée. "
En reconduisant le médecin, Pierre lui demanda ce qu'il pen-
sait de l'état du malade.
" Espérez-vous le guérir ? " lui dit-il.
" Mon ami, " dit le docteur, " vous savez notre divise et le salut
que nous adressons aux malades : Caravi^ Deus salvet. Je t'ai soigné,
LE PROPAGATEUR 581
que Dieu te guérisse. Je fais de mou mieux. Votre père est artiste.
Chez cette sorte de malades, l'imaginatioii est bien puissante. S'il
croit guérir, il guérira. Nous autres médecins, nous sommes mar-
chands d'espoir, et, souvent, nous vendons plus de cette marchan-
dise que nous n'en possédons. Qu'importe, d'ailleurs ? En tout cas,
vous avez bien fait de revenir, car la pauvre maman n'en pouvait
plus. A demain, mon ami ! Courage et confiance ! "
Et le bon docteur, enfourchant sa mule, repartit lestement.
Guillaume Levieil vécut encore quatre ans, mais sans recouvrer
la sanié. Il resta afBgé d'un tremblement nerveux qui l'empêchait
de peindre. Il employa ces dernières années à enseigner à ses fils
les secrets de son art. Jean devint assez habile p^-intre. André
s'occupait de la partie matérielle, de la vitrerie. Pierre, s'appli-
quant à la chimie, apprit de son père à fabriquer les émaux et en
inventa plusieurs. Mais ce qui sauva de la ruine la maison du
peintre verrier, ce fut l'ordre parfait qu'y établit Pierre Levieil.
Il chassa les ouvriers récalcitrants, et fit observer le silence et la
plus exacte discipline à l'atelier. Bientôt la petite maison de la rue
des Fossés devint aussi calme et bien ordonnée qu'un monastère;
et, lorsque Guillaume Levieil mourut, en 1731, il avait dit plus
d'une fois à son fils aîné : Grâce à toi, Pierre, je m'en irai tran-
quille. Encore un peu de temps, et ton frère Jean sera en état de
gouverner la famille et l'atelier, et tu pourras retourner à
l'abbaye. "
Les derniers jours de Guillaume Leviel furent calmes. Ne pou-
vant pins marcher, il se fit porter par ses fils dans l'atelier, et leur
expliqua une nouvelle façon d'ajuster les bri^nes du four, qu'il
avait imaginée pendant ses insomnies. Afin de se faire mieux
comprendre, il y fit allumer du feu en sa présence. Un rayon de
soleil entrait joyeusement dans l'atelier, et faisait paraître les
flammes d'un rouge obscur.
" Feu terrestre, lumière céleste ! " dit le peintre mourant, " vous
qui m'aidiez à faire resplendir dans le temple de Dieu les légen-
des et la gloire des saints, bientôt je ne vous verrai plus ! — Mon
âme ira se purifier dans un feu dont celui-ci n'est que l'ombre.
— 0 mes enfants, priez, priez pour moi, afin que, bientôt délivré
des flammes du purgatoire, j'aille jouir de la lumière éternelle I
— J'ai aimé la beauté delà maison du Seigneur: j'espère qu'il
m'admettra dans son paradis. — Dites à sœur Luce de beaucoup
prier pour moi ! "
Hélas! il ne savait pas que, depuis près d'un mois, sœur Luce
était morte, — passagère colombe qui semblait n'être entré dans
le cloître que pour mieux assurer son essor vers le ciel — Son père
mourut sans savoir qu'elle l'avait précédé, sans avoir connu cette
croix si douloureuse que portait en silence la pauvre mère : sur-
vivre à son enfant !
Quatre ans après, Anne Levieil mourut aussi, et cette perte fut
encore plus sensible à Pierre que celle de son père. Il aimait sa
mère comme seuls savent aimer les cœurs consacrés à Dieu. Dans
ceux là, la mère a la première place après celle du divin Maître,
582 LE PROPAGATEUR
et celte place ne lui est jamais enlevé. — Anne Levieil n'était âgée
que de quarante-huit ans, et ses enfants espéraient la conserver
encore bien longtemps. Elle même eût souhaité vivre. Elle disait
quelquefois à Pierre: "Ayez patience, mon fils (c'était son mot
favori^, ayez patience : bientôt nous marierons Jean, et vous re-
tournerez au monastère. Mes filles se tiendront sages près de moi,
et vous n'aurez plus souci d'elles. " Une violente pleurésie enleva
cette bonne mère en trois jours. Elle recommanda à ses enfants
d'obéir à leur frère aîné comme au bon Dieu, et mourut en disant:
" Je vais rejoindre votre père. Ayez patience, enfants. C'est si court,
la vie ! "
Pierre plaça ses soeurs les plus jeunes à l'Abbaye-anx-Rois, chez,
les religieuses bernardines, pour qui il travaillait. Babet et Louise
y prirent le voile. Jeannette mourut jeune, ainsi que ses frères
Jacques et Maic. Henriette se maria. Jean et André épousèrent,
bientôt après, de bonnes ménagères. La plus jeune sœur de Pierre,
Rosette, sa filleule, resta avec lui. C'était la plus aimable fille
qu'on pût voir. Sa belle humeur égayait la maison, et, seule, elle
savait faire sourire son frère aîné. Intelligente, adroite, elle dessi-
nait mieux que ses frères, et semblait avoir hérité du talent de
son aïeule, Catherine Jouvenet, si célèbre à Rouen à la fin du dix-
septième siècle, et qui avait tenu une école de peinture. — André
n'eut que des filles; mais le fils de Jean, le petit Louis, était si
beau, si bien doué, que Pierre l'appelait l'ange de l'atelier. Toute
cette famille d'artistes vivait dans la plus cordiale union, sous la
dominaiion incontestée du frère aîné, remplaçant tout à la fois le
père et la mère. Attentif et régulier en toute chose comme un
vrai bénédictin, il se faisait rendre chaque jour un compte exact
des travaux. Ses frères, peu lettrés et d'une intelligence médiocre,
n'auraient pu traiter convenablement avec les clients, et leurs
femmes étaient de celles dont toute la capacité
se hausse
A connaître un pourpoint d'avec un haut-de-chausse.
Le travail abondait chez Levieil, et, voyant chaque jour ses
bénéfices augmenter, il s'était plu à se former une belle bibliothè-
que. Sou affaiblité, son instruction aussi viriée (|ue sérieuse,
l'exacte probité et le soin qu'il mettait à l'exécution des travaux qui
lui étaient demandés, lui attiraient l'estime et l'amitié de tous ses
clients. Les plus savants ecclésiastiques se plaisaient à se reunir
chez lui ; et, a mesure que l'âge miîr arrivait pour Pierre Levieil,
sa réputation croissante et l'aisance qui régnait dans sa maison,
le rendaient un objet d'envie. Il se délassait de ses travaux par
quelques compositions littéraires qu'il lisait le soir à ses amis, et
paraissait heureux; mais, au fond, la nostalgie du cloître ne le
quitta jamais.. Ni labeurs ni succès ne lui firent oublier la vie
studieuse et cachée qu'il eût souhaité passer à Saint-Wandrille;
et, loisqu'il entendait sonner les cloches de l'abbaye de Saint-Vic-
tor, voisine de sa demeure, il se rappelait celles qui l'avaient fait
pleurer en tintant VA.ngelus, le soir de son départ, le soir de ses
adieux, Et les années s'écoulaient, sans fermer lablessuredu cœur
de l'exilé. (à suivre)
N OTES & RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
.. POUR AIDER LES ECCLÉSIASTIQUES A COMPOSER ETA
COMPLÉTER LEUR RIBLIOTHÈQUE
L'Ami du Clergé, a déjà fait connaî-
tre les Méditations du P.^Bourgoing. Il
a loué et l'auteur et l'œuvre. L'auteur
" appartenait, dit-il, à celte forte géné-
ration de l'Oratoire naissant, qui, fon-
dé par le caniinal deBerulle, s'honora
de î'amitirt de saints personnages com-
me saint Vincent de Paul et M. Olier,
qui contribua pour une si grande part
à rétablissement des séminaires et
donna à l'Eglise tant de saints prêtres
et de talents sérieux, jusqu'au moment
où l'hérésie janséniste vint s'intiltrer
dans son sein et stériliser son action
pour le bien." Au surplus, que ceux
qui veulent connaître davantage et
mieux apprécier le P. Bourgoing, lisent
son oraison funèbre prononcée par
Bossuet en 1662 : ils concevront de lui
une haute estime, et seront tout dispo-
sés à accueillir les éloges que VAmi
décerne à ses Méditations. Ce ne sont
pas de ces méditations •' qui sentent
beaucoup plus la déclamation que la
méditation, " — " qui dispensent de la
réflexion et suppriment le travail de
l'âmf^, c'est-à-dire ne se laissent pas
méditer ; " elles ne ressemblent en rien
non plus à ces ■' méditations à l'eau de
rose, où tout est faveur, affections lan-
goureuses, tendresses qui ne sont bon-
nes qu'à énerver et à fondre toutes les
énergies du cœur.., elc ; " — " ce sont
au contraire des méditations toutes
pleines de lumière et de grâce, " com-
me dit Bossuet ; elle nous présentent
des considérations très substantielles
qui, par des efforts de réflexions per-
sonnelles, nous conduisent à des résul-
tats sérieux, c'esl-à-dire à des senti-
ments ou affections bien fondés et à des
résolutions a|)puyées sur des bases so-
lides. C'est la plus haute et la plus pro-
fonde théologie, l'exégèse la plus riche,
qui nous y fournissent le thème de nos
réflexions, ou nous placent sous les
yeux les sublimes vérités de notre foi,
sous un jour qui sera nouveau pour
beaucoup el dans une lumière qui sera
saisissante pour tous. Le P. Bourgoing
indique lui-même très souvent ces élans
du cœur qui doivent jaiUir de la consi-
dération. Les méditations que nous a
données le savant et pieux Oralorien,
il les a plutôt faites que composées : et
c'est lui que nous entendons nous dire
simplement, ex abundanlia cordis, les
lumières que l'oraison lui a procurées
sur les Vérilés et excellences de Jêsm-
Christ, et les sentiments que la grâce a
fait naître dans son cœur. Quel charme
et surtout quels avantages dans la mé-
ditation de ces vérités que nous avons
étudiées au séminaire, et que nous étu-
dions encore, mais plus avec l'intelli-
gence qu'avec le cœur, pour connaître
plus que pour aimer, pour savoir et
non pour goûter la venté ! Ce n'est que
dans l'oraison, au pied du crucifix, et
sous l'action de Dieu, que les saints
ont trouvé la science qui les a faits
saints, et qui aussi, les a rendus si
aptes à faire des saints.
Nous ne doutons pas que le P. Bour-
going ne puisse contribuer beaucoup
par ses méditations à nous procurer
cette science des saints, et à faire de
nous des apôtres pleins de zète et de
charité qui sauront communiquer aux
âmes le feu allumé dans nos cœurs par
l'oraison. Félicitons-nous donc de cette
nouvelle édition d'un ouvrage si riche
et si utille.
En tôle de l'édition de 1636, se trou-
vait une préface contenant vingt-quatre
directions ou avis pour l'oraison : elle
a été publiée à part, récemment ; nous
aurons plus tard l'occasion d'en parler
plus longuement. Les trois volumes,
appréciés déjà dans VAmi du Clergé, ne
sont que la première partie du grand
travail du P. Bourgoing.
Cette première partie comprend tous
les mystères de Jesus-Ghrist ; de l'In-
carnation, de la Nativité, de l'Enfauce
et de la Vie cachée, et ceux de la Pas-
sion, de la Résurrection, de l'Ascen-
sion, de l'avènement du Saint-Esprit,
de la Sainte-Trinité, et du très auguste
sacrement de l'autel.
La deuxième partie, publiée depuis,
" contient des méditatio s sur chaque
verset des liianies de Jésus et de la
sainte Vierge," pour le temps qui s'é-
coul-^ depuis l'octave du Saint-Sacre^
m^nt jusqu'à l'Avent. On ne lardera
pas longtemps, espérons-le, à nous li-
vrer la troisième et quatrième pirlie.
Les méditations de la troisième partie
commentent les plus importantes véri-
té? prêchées par Notre-Seigneur Jésus-
Christ et contenues dans les Evangiles
des dimanches de l'année et des fériés
du Carême.
58 >
LE PROPAGATECR
La quatrième partie contient " les
vérités ei excellences de Jésus-Christ
Noire-Seign'-ur communiquées à ses
sainls," c' sl-à-iiire le mediialions
pour les fèies de la sainte Vierge el -les
principaux saints, et leurs octaves. Elle
renferme de pins huit méditaiions pour
une fèl- spéciale à la Congrégaiion des
prêtres ^\^i roraloire, la soleiinilé de
Jesus-Chriït Nolre-Seigneur, el huit
auUvs sur le mystère de la Transligu-
ration.
Nous aimons à croire que les éditHurs
n'oublieront pas non plus les Retraites ,
du P. Bourgoing. Nous en comptons
qurtlre publié-s en 165 i : l'un-^ pour
les E ■cl>"siasliques, la seconde pour les
Communauté^ religieuses, la troisième
sur les grand' urs el peifeclions divines
pour \e> âmes avancées, la quilrième
" propr'^ à ceux qui se désirent conver-
tir sèri^^usement à Dieu." Elles sont
toutes de dix jours, à deux e:;ercices
ou méditations par jour : elles sont
comme l^s uutres ouvrrges du P.Bour-
going, marquées au coin de la science
et dt! la piélé, et offrent par conséquent
aux r-lr.tilants et aux directeurs de re-
traites lous les matériaux et lout s les
ressources désirables.
La 3'ie édition des Méditations du P.
Bourg(ing, revue par le P. Ingold, a
été enrichie de sommaires pour la pré-
paration de la mediiation, et l'on a
rendu plus apparentes que dans l'édi-
tion de 1636 les différentes parties de
chaque méditation ; le style a élé un
peu rajeuni. Mais nous préférons enco-
re le format, l'exécution lypographiqu-:;
et lout l' nsemble de la première édi-
tion ; le formai surtout de la nouvelle
édition ne nous parait pas digne d'un
ouvrage ansïi important, el nous ose-
rons (Jire au libraire-éditeur que ses
in-18 sont cotés à trop haut prix et
qu'il eut eu plus d'acheteurs à 2 francs
ou 2 fr. 50. Cette observation, que nous
plaçons ici sans rien retirer de ce qui a
été dit sur le mérite d-? l'ouvrage, nous
avons trop sr.uvent l'occasion et la ten-
tation de la faire ; les bons livres, ei
suituul le?, très bons livres, devraient
coûter moins cher et être davantage à
la portée des p-tites bourses ; le béné-
fice réalisé sur chaque exemplaire serait
moins considérable, mais ceit-i diminu-
tion serait largement comp-^n-ée par
une vente plus abondante, p us facile
et plus rapide. N'est-ce pas ici le cas
de diro que ftlii hujus sœcuti pruden-
tiores filiis lucis... suni ?
En lisant et admirant les méditations
du P. Bourgoing sur les sept dernières
paroles de Jésus en croix, il nous est
revenu à la pensée qu'un autre orato-
nen, le P. Charles Perraud, mort en
janvier 1892, avait aussi publié d^s Mé-
ditations sur les sept paroles de N.-S.
Jésus-Christ en Croix. Cet ouvrage qui
a été comme le lesiam-nt du P. Per-
raud, es-t le résumé des sermons prê-
ches par lui sur la pai^sion de Jésus-
Chrisl, le jour du vendre^li saint. Nous
y trouvons, sur ce grand et si utile su-
j-^t, sur ces enseignements solennels
d'un Dieu mourant pour nous, les vé-
rités les plus consolantes, les exhorta-
tions les plus louch intes. Ah ! nous en
avons besoin, de ces consolations ^livi-
n"S, dans les différentes épr- uves de la
vie, dans les inquiétudes de conscience,
dans la doul-ur d'une séparation cau-
sée par la mort, dans les angoisses du
délai-semem. Quelle souffrance éprou-
ve le pasteur zélé, qui voil ses efforts
inutiles et les âmes se p^-rdre !... C'est
Jésus qui nous fortifiera et nous conso-
lera du haut de la croix, par le pardon
qu'il accorde au bon larron, par l'ex-
emple qu'il nous donne de la générosi-
té d^ins le sacrifice, el par les grâces
qj'il nous a méritées en acceptant vo-
lontairement et en offrant à son père
une passion si douloureuse ^ l une mort
si it^nominieuse. Ces leçons el ces aou-
solalions du divin Maître, le P Charles
P- rraud les fait valoir dans un style
élégant et clair, et avec des accents
émus et émouvants. C'est Monseigneur
l'évèque d Auiun qui a présenté les Mé-
ditations au public, dons une introduc-
tion digne de l'évêque académicien. Il
a dû nous donner, dans la cinquième
édition de l'ouvr «ge, un épilogue sur la
mort édifiante de l'auteur. (Ajouiez à
cela une pr- face, la messe des mal ides
empruntée à la Journée des malades de
l'abbé Perr-'yve, et quelqui^s autres
pièces liturgiques, vous aurez un in-18
de 276 pag-s, qu'il faudra payer à frs.
Il nous semble inutile, après ces quel-
ques observations, de recommander ce
livre à hos 1- et urs ; c'est vr.iim<nt un
livro à lire. Tandis que les Mé litat.ons
du P. Bourgoing sont à méditer ; par
les fortes pensées qu'elles présentent à
nos réflexions, elles nous donneront,
elles aussi, d^i puissantes leçons el des
émotions salutaires, sans que les im-
perf étions ou plutôt la simplicité ella
naïveté du style diminuent en rien leur
mérite et leur efficacité. (à suîvre\
LE PROPAGATEUR
Volume IV, 15 Novembre, 1893, Numéro 18
BULLETIINT
10 Novembre 1893.
%* L'escadre russe a quitté le port de Toulon le 29 Octobre. Le
27, le tzar a adressé au président Garnot, qui se trouvait alors à
Toulon, la dépêche suivante qui est considérée comme l'annonce
officielle de l'alliance franco-russe. (1)
" Au moment où l'escadre russ"? va quitter la France, je désire tout particu,
lièrement vous dire combien je suis touché et reconnaissant d^ la chaleureuse
et spl-ndide réception ilont mes marins ont été l'objet de tous les côtés pendant
leur séjour sur le sol français. C'est la preuve de la profonde sympathie qui,
une fois de plus s'est manifestée avec tant d'éloquence et qui ajoutera un nou-
veau lien â ceux unissant déjà ces deux peuples ; elle contribuera, je l'espère, à
consolider la paix générale, qui est le but de leurs elToris et de leurs vœux les
plus constants; " Alexandre.
Les paroles prononcées par M. Carnot au grand banquet de
Toulon, "/e bois à l'amitié des deux grandes nations et par elles à la
'■'■ paix du monde ^" donnent beaucoup de poids à l'opinion expri-
mée plus haut.
** La présence d'une escadre anglaise dans les eaux italiennes
ne paraît pas avoir ému l'univers outre mesure. Cet événement
dont on parlait tant d'avance est passé presque inaperçu, éclipsé
qu'il a été par la splendeur des fêtes données en France aux
marins de la Russie.
Le récit de ces fêtes et les diverses significations qui leur ont été
données ont absorbé l'attention générale et rempli les colonnes
des journaux pendant des semaines. Les journaux de la triple al-
liance eux-mêmes se sont presque exclusivement occupés de la vi-
site russe et n'ont donné qu'une attention secondaire à la visite
anglaise. Quoiqu'on en ait dit la visite de l'escadre anglaise à Ta-
rente n'a pas eu la signification qu'on a voulu lui donner en cer-
tains lieux. Les ennemis de la France ont annoncé avec une joie
mal déguisée que cette visite signifiait l'adjonction de l'Angleterre
à la triple alliance, mais ils ont compté sans la politique tradition-
nelle de l'Angleterre qui est est de croquer les marrons que les
autres retirent du feu.
(l) Dépêche de Paris au Herald de New-Yo
590 LE PROPAGATEUR
*^* Les Canadiens-Français de l'état du Gonnecticut ont tenu à
Bridgeport, en octobre dernier, leur Ville convention. Il y avait
de nombreux délégués des centres canadiens et de leurs diverses
associations. La convention s'est prononcée en faveur de l'union
intime des Canadiens entre eux, des clubs de naturalisation, des
sociétés de tempérance, des congrès nationaux et de la presse na-
tionale. La principale résolution concerne l'éducation. La voici
intégralement :
Comme loul .iéperid de l'éducaiion reçue au foyer domestique, il est à sou-
haiter que les par-^nls s'appliquent à donner à leurs enfants une solide instruc-
tion reiigi-use et une saine édui^ation morale ; c'est un devoir pour les pirents
qui tiennent à la conservation de noire langue, de la parler eux-mèm' s et de la
fairf parler au foyer domestique ; enfin tous doivent ai 1er de .eur influence mo-
rale et de 1' urs ressources malérii-li'-s, rétablissement et le m^i intien des écoles
paroissiales qui conlinuenl et complètent l'éducation domestique.
Honneur à nos compatriotes qui, sur la terre étrangère, portent
haut et ferme le drapeau de notre nationalité et conservent reli-
gieusement les traditions de leur race.
*
*/ Un lugubre événement est venu jeter un voile de deuil sur
les derniers jours de l'exposition universelle. M. Carter Henry
Harrison, maire de Chicago, a été assassiné samedi le 28 octobre
par un misérable nommé Prendergast. La nouvelle de cet assassi-
nat a été connue aussiiôtdans la grande ville et elle y a cause une
immense indignation. Le maire Harrison était très populaire sur-
tout parmi nos compatriotes. Sa mort cause d'universels regrets.
CarlerH. Harrison est né le 25 février 1825. Ha été élu plusieurs
fois représentant au congrès de Washington et 5 fois maire de
Chicago. Quoique démocrate, il a battu ses adversaires républi-
cains dans une ville républicaine. Dans la dernière contestation
pour la mairie il a eu une majorité de 20,000 voix.
"J" Son Eminence le cardinal Gibbons, archevêque de Baltimo-
Te, et Mgr de Goesbriand, évêquede Burlington, ont célébré, dans
le mois d'octobre, le premier son vingt-cinquième anniversaire
d'épiscopat elle deuxième le quarantième anniversaire de son
élévation à cette haute dignité.
An jubilé du cardinal Gibbons étaient présents, Mgr SatoUi, le
délégué apostolique, treize archevêque parmi lesquels on distin-
guait Mgr Redwood,archevêque de Wellington, Nouvelle-Zélande,
une trentaine d'évêques et un t^rand nombre de prêtres.Une messe
solennelle a été célébrée par le cardinal. Mgr Corrigan, archevê-
que de New-Yoi k, a prêché à la messe et Mgr Ireland, archevê-
que de Saint Paul, a prêché anx vêpres.
Le cardinal Vaughan, archevêque de Westminster, Angleterre,
LE PROPAGATEUR 591
était représenté par Mgr Nugeiit, évêque de Liverpool, et le cardi-
nal Logue, primat d'Irlande, était représenté par le R. P. Ring.
M^r James Gibbons est né à Baltimore le 23 jaillel 1834 ; il a
été ordonné prêtre en 1861 et nommé vicaire-aposiolique de la Ca-
roline du Nord en 1868. Il a été aussi évêque de Kichmond et
coadjuleur dr- Mgr Bayley, archevêque de Baltimore à qui il a
succédé. Il a été créé cardinal eu 1886.
Mgr de GcBsbriand est le plus vieil évêque d'Amérique. Il a été
sacré à New- York en 1853 par le nonce Mgr Bedini.
Le diocèse de Burlington comprend tout l'état du Vermont. Il
y a 50 000 catholiques dans ce diocèse. Mgr Michaud, co-adjuteur
de Mgr de Gœsbiiand, est un Canadien français né aux Etats-Unis.
Il a été nommé évêque l'année dernière.
*/ La célébration d'un 70è anniversaire de mariage est un
événement d'une rareté extraordinaire. Cet évéaement vient
d'avoir heu à St Cuthbert, diocèse de Montréal. Les deux époux
sont M. et madame Pierre Coul ombe.
Un évént-ment probablement unique depuis les temps patriarcaux
est la célébration d'un centenaire de mariage. Eu effet à
Zsombolyl, en Hongrie, les époux Jean Szatbmary viennent
de célébrer le centième anniversaire de leur mariage. Il
est officiellement constaté par des actes notariés et par d'autres
documents que le mariage a réellement eu lieu en 1763. Les deux
époux étaient des vieillards lorsque les anciens de leur village, qui
les ont parfaitement connus, étaient encore enfants.
*/ Sont nommés :
1° Lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest, M.
Charles Herbert Mackintosh, député fédéral de la cite d'Ottawa.
M. Mai kiutosh est un ancien journaliste. Il remplace M. Joseph
Royal qui est aussi un ancien journaliste.
La dernière session de la législature des territoires du Nord-
Ouest a été courte et peu importante. Elles a été prorogée vers la
fin de septembre. Cette session a été témoin d'une procédure très-
rare dans nos assemblées législatives, c'est celle de ['«expulsion
d'un député. Ce député est M. Daniel Campbell, représentant de
Whitewood. La raison de cette expulsion est la fuite de M.
Campbell aux Etats-Unis, évitant ainsi l'action de la justice II était
accusé de détournement de fonds et de faux.
2° Sénateur pour l'Ile du Prince-Edouard, M. Donald Ferguson ,
ancien ministre dans le cabinet Sullivan. Il remplace le sénateur
Montgomery, décédé dernièrement.
3° Juge de comté pour le comté de Middlesex, Ontario, M.
Edward Elliott, avocat, de Perth.
59-2 LE PROPAGATEUR
4° Régistraleurs, messieurs Oscar Lamoureux, pour le comté
de Wolf, Louis Vincent Dumais, pour le comté de Kamouraska ;
Joseph Martel, avocat, et J Antonio Beaudoin, notaire, pour le
comté de Joliette.
*,* Sont décédés (1) à l'étranger dans le cours des quatre ou cinq
derniers mois :
1*-* Mgr Char les- Joseph de Héfélé, célèbre théologien allemand.
11 était âgé de 84 ans. 11 avait été nommé évêque de Rottenbourg
en 1849. Au concile du Vatican il vota contre la définition du
dogme de l'infaillibilité pontificale sous le prétexte que cette défi-
nition n'était pas opportune. Mais à la proclamation du dogme il
se soumit humblement. De Héfélé fut un des plus ardents adver-
saires de la secte des " Vieux catholiques " et il contribua puissam-
ment à arrêter les progrès de leurs funestes doctrines. Son prin-
cipal ouvrage est une " Histoire des Conciles " en neuf volumes.
2° Mgr Emmanuel Gomez y Salazar, archevêque de Burgos,
Espagne. Il est né à Aria, archidiocèse de Burgos, le 11 juin 1824
Il a été successivement évêque de Siguenza en 1875, évêque de
Malaga en 1879 et enfin archevêque de Burgos en 1886.
30 i^igy Reynolds, archevêque d'Adélaïde en Australie. Il était
âgé de C8 ans. Il fut nommé évêque d'Adélaïde en 1873, quatre ans
plus tard, c'est-à-dire en 1877, ce siège épiscopalfut élevé au rang
de siège métropolitain et Mgr Reynolds en fut nomméje premier
archevêque.
40 Mgr François Sabbia, évêque de Gréma, Italie. Il est 'né à
Créma le 3 Octobre 1814, et il a été nommé évêque de cette ville
en 1871. Mgr Sabbia a beaucoup favorisé les études théologiques.
5" Le révérend Père Nicholas Mauron, supérieur général de la
Congrégation desRédemptoristes. Cette congrégation a pour fon-
dateur le célèbre théologien, Saint Alphonse de Liguori. Le père
Mauron est né à Saint-Sylvestre, près de Fribourg, en Suisse le 7
janvier 1818. Religieux profès le 18 octobre 1837, il fut ordonné
prêtre dans le mois de mars 1841 et élu général de son ordre le 2
mai 1855. D'après les constitutions de l'ordre le nouveau général
doit être élu dans les six mois qui suivent la sépulture d'un géné-
ral défunt. En conséquence le successeur du père Mauron devra
être choisi avant la fin de janvier prochain. Le Père Mauron est
mort le 13 juillet.
6° Mgr Ordonez, archevêque de Quito, Equateur. Il était pos-
sesseur d'une grande fortune qu'il a employée toute entièrej en
bonnes œuvres. Il était archevêque de Quito^depuis 14 ans.
7° Mgr Simon, évêque de Domitiopolis et vicaire apostolique
(l) Voir 11 note au bas de la page 483, No du 1er Octobre.
LE PROPAGATEUR 593
de la Birmanie Septentrionale. Il est né le 2 mars 1855, dans le
diocèse de Luçon, en France, 'et il a été nommé évêque en 1888.
: 8<* Mgr Reynaudi, capucin. 11 a été vicaire apostolique de Phi-
lippopoli, en Bulgarie. Pendant la guerre de 1877-78 il a rendu
d'immenses services et la population reconnaissante lui a fait des
obsèques magnifiques. Pendant qu'il exerçait le ministère, il s'est
occupé principalement de la mission des Bulgares latins.
9° Mgr Gliffort, évêque de Clifton. Il était, dit La Croix de Paris,
un des plus savants et des plus distingués prélats d'Angleterre.
10^ Mgr L. S. Macmahon, évêque de Hartford, Gonnecticut: Il
est né au Nouveau-Brunswick en 1835. 11 a fait ses études classi-
ques à Worcester, à Montréal et à Baltimore, et ses études théolo-
giques à Aix, France, et à Rome, où il a été ordonné prêtre en
1860. Il fut nommé évoque de Hartford en 1879.
11° Le général G. W. Morgan, l'un des vétérans de la guerre du
Mexique. Il était le seul général survivant de cette époque. Il a été
représentant au congrès de Washington et ministre des Etats-
Unis au Portugal pendant l'administration du président Pierce.
Il a aussi servi pendant la guerre de sécession. IL était démocrate.
12° Hamilton Fish, homme d'état américain. Il est né à New-
York le 3 août 1808. Il a été reçu avocat en 1830 et il a été mem-
bre de la Ghambre des représentants, gouverneur de l'état de
New-York et sénateur. En mars 1869 le président Grant le nom-
ma secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères. Il conserva cette
charge pendani toute la durée des deux présidences de Grant.
13" M. Ruchonnet, conseiller fédéral et ancien président de la
république Suisse. Il était extrêmement populaire et son influence
était immense. Il a puissamment contribué à la pacification reli-
gieuse de la Suisse et à la cessation de la persécution. Les catholi-
ques n'oublieront jamais les services qu'il leur a rendus. En Ru-
chonnet la Suisse perd un grand citoyen, un brillant orateur et
un éminent jurisconsulte.
14° Le feldzeugmestre baron Bauer, ministre de la guerre
de l'empire d'Autriche. Il est né en 1825. Il s'est distingué à la ba-
taille de Gustozza. Le baron était très populaire et très estimé.
15° Le duc Ernest II de Saxe-Gobourg et Gotha, Il était le frère
du prince Albert, mari de la reine Victoria. Il est né à Gobourg le
21 juin 1818 et il succéda à son père en 1844. Son successeur sur
le trône ducal de Saxe-Gobourg-Gotha est son neveu le prince
Alfred, duc d'Edimbourg, second fils de la reine d'Angleterre.
***
*,* Sont décédés dernièrement :
1° Le maréchal Marie Edme Patrice Maurice de MacMahon,
duc de Magenta ancien gouverneur de l'Algérie et ancien prési-
594 LE PROPAGATEUR
dent de la répntJlique française. 11 s'est couvert de sfloire dans la
campagne de Crimée où il s'est emparé du fort de Malakof ce qui
a beaucoup contribué à la chu le de S ébastopol, et dans la campa-
gne d'Italie où il s'est particulièrement distingué à la bilaille de
Magenta. C'est à ses habiles manœuvres que la victoire est prin-
cipalement due. L'empereur Nnpoléon III l'a créé maréchal de
France et duc de Magenta sur le champ de bataille. Il a aussi
combattu en B-lgique et il était au siège d'Anvers. Il fit la cam-
pagne de 187U, fat blessé à Sélan,et conduit prisonnier en Alle-
magne. A son retour en France il prit le commandement de l'ar-
mée de Paris et vainquit la Commune. La plus grande partie de
la vie militaire de MacMahon a été passée en Algérie où il s'est
fait une immense réputation. Il 'y fil ses premières armes et il y
gagna, à 22 ans, la Croix de la Légion d'honneur. MacMahon était
un catholique pratiquant et il était d'une excessive probité. Elu
président de la république le 24 mai 1873 il donna sa démission le
30 janvier 1879. Il descendit du pouvoir moins riche qu'aupara-
vant Cfirses largesses et ses bonnes œuvres ont toujours absorbé
son traitement et une partie considérable de sa fortune personnelle.
Les obsèques de l'illustre guerrier, dont la France pleure la perte,
ont eulieu aux frais de l'état et elles ont été d'une splendeur inouïe.
La religion y a eu la principale ()art. Une foule immense encom-
brait les rues et 40,OLiO soldats faisaient partie du cor tège. Le corps
du grand homme repose maintenant aux Invalides au milieu de
tant de héros dont ils sont la dernière demeui-e. MicMahon est
né au château de Sully, département de Saône et Loire, le 13 juin
1808. 11 descendait d'une famille irlandaise réfugiée en France à
la chute des Stuarts.
2^ Charles Gounod, l'illustre compositeur français. Il est né à
Paris le 17 jurn 1818 et il est mort le 18 octobre 1893. S'S princi
pales œuvres profanes sont Emst^ Roméo et Juliette el Polyeucte. Il
a aussi composé beaucoup d'œuvres de musique religieuse. Gou-
not, dit I'Univers, était le plus illustre représentant de l'art français.
Les obsèques du grand compositeur ont eu lieu à la Madeleine,
aux frais de l'état.
3° Sir John Joseph Caldwell Abboit, avocat, sénateur, ancien
maire de Monti-éal et ancien premier ministre du Canada. Il est né
à Saint André d'Argenteuil le 12 mars 1821 et il est mort à
Montréal le 30 octobre 18)3. Sir John a fait ses éludes à Saint
André et à l'Université MrGill à Montréal. 11 a été reçu avocat en
octobre 1847 et nommé Conseil de La Reine en 1862. II a repré-
senté le comté d'Argenteuil dans l'assemblée législative du Canada
avant la confédération. Il a aussi représenté la même division aux
Communes, et il a été nommé sénateur en mai 1887. En 1862 il
fît partie, comme solliciteur général, de l'administration Sandfield
— Ma(donald — Sicotte. En 1891, au décès de Sir John A Mac-
donald, il devint premier ministre du Canada, poste qu'il occupa
jusqu'au mois de novembre 1892. En mai 1892 il fut crée par Sa
Majesté chevalier commandeur de l'ordre de Saint Michel et Saint
LE PROPAGATEUR 595
Georges. En 1887 et 1888 il fut maire de Montréal. Sir John est
l'auteur de l'Acte de Faillite de 18G4, loi qui fut abrogée il y a
quelques années. En 1849 il siijna le fameux m^niff^ste annexiouis-
te, mais plus lard il commanda les volontaires d'Argenteuil en-
voyés à la frontière, avec d'autres troupes, pour repousser l'inva-
sion fénienne.
4° Le révérend père Edouard Sorin, supérieur général de la
congrégation de Sainte Croix. 11 est le fondateur de la florissante
université de Notre Dame, Jndiana. Pendant plus de cinquante
ans il a consacré son énergie et son travail à la consolidation de
l'œuvre immense qu'il avait entreprise et sa mort est une perte
bien douloureuse, non seulement pour la communauté donc il
était le supérieur depuis bien longtemps mais aussi pour la cause
de l'éducation aux Etats-Unis. Le père S )rin est né à Laval,
France, eu 1814, et il habite l'Amérique depuis 1841. Les obsèques
du père Sorin ont eu lieu le 3 novembre dans la splendide église
du bac ré Cœur, universiié de Notre-Dame. Le service a été chanté
par Mgr R idemacher, le nouvel évêque de Fort Wayne, et Mgr
Elder, archevêque de Cincmnati, a fait l'oraison funèbre. Une
foule immense de citoyens assistait aux obsèques. Le Propagateur
était représenté par M. Deronip, son directeur. Le successeur du
Père Sorin comme supérieur général de la congrégation de Sainte
Croix, est le ré.vérend père Français, actuellement supérieur du
collège de Sainte-Croix à Neuilly, France. Il est âgé de 45 ans.
',* Nouvelles politiques. — Le parlement anglais est en session
depuis le 2 novembre. L'ouverture de la session a eu lieu ce jour-
là avec Ihs formalités ordinaires. Il n'y a cependant pas eu de
discours du trône.
%* La session extraordinaire du congrès des Etats-Unis, com-
mencée en aoiit, s'est terminée le 3 novembre. Le coi. grès a
adopté le bill (Silverrepeal bill) abrogeant la clause de la loi
Sherman qui obligeait le gouvernement à acheter de temps
à autre une ct^rtaine quantité d'onces d'argent. L'abrogation a
été votée à une majorité de 11 voix au sénat^et à une majorité
de 97 voix à la chambre des repié sentants.
*
*,* La troisième session de la huitième législature de Québec
s'est ouverte hier après midi. Le discours du trône fait allusion au
départ du dernier gouverneur, le comte de Derby, et à son rem-
placement par le comte d'Aberdeen ; à l'agriculture ei à l'encou-
ragement qui doit lui être domé ; aux transactions relatives à
l'asile de Beauport ; aux taxes et à la situation financière de la
province ; à la refonte du code de Procédure civile et à la codifi-
cation des lois concernant les manufactures, etc.
Alby.
LE MAL SOCIAL
SES CAUSES— SES REMÈDES
MÉLANGES ET CONTROVERSES SUR LES
PRINCIPALES QUESTIONS RELIGIEUSES ET SOCIALES DU TEMPS PRÉSENT
Par Don Sarday iSalvany
3 vol. in-12 Prix : $1.38
L'IGNORANCE
(suite)
m
Déplorables effets de cette calamité. Faciles triomphes des incrédules.
Parmi les maux nombreux qu'a produits parmi nous l'ignorance
religieuse, un^des plus sensibles et des plus considérables est l'im-
portance que l'impiété a prise à sa faveur. Si l'impiété s'en va, de
nos jours, se targuant ainsi de sa civilisation et de ses lumières,
avec des rodomontades et des fanfaronades, avec la prétention de
monopoliser à son profit les noms pompeux de philosophie, et de
science, elle le doit à l'ignorance du peuple catholique touchant
les vérités de la religion. Notre médiocrité donne souvent des airs
de géants à ces pauvres pigmées ; notre insuffisance sert de pié-
destal à leur prétendue science.
Voyez-les au casino et au café, en promenade et en voyage,
disserter à leur aise sur le catholicisme et le protestantisme, sur
les prêtres et sur le Pape, sur les dogmes et les mystères, décidant
sententieusement, donnant leur appréciation sans réserve ni me-
sure, rabaissant ou insultaiit selon l'humeur du moment ou le
caractère de la question. Leur science s'en va, comme un navire
orgueilleux, vent en poupe et à toute voile, sans rencontrer d'é-
cueils et sans se détourner de sa voie.
Qui est capable de se mesurer avec cet athlète vigoureux ? Qui
osera lutter avec cet orateur célèbre ? Qui ? Personne, par mal-
heur. Ce sera beaucoup si on ne sourit pas gracieusement, en
signe, sinon d'applaudissement, au liioins de condescendance af-
fectée. Et pourtant, il y a là quatre, six, peut-être douze catholi-
que très sincères, qui vont à l'église et parfois fréquenient les sa-
crements. Ils vont peut-être jusqu'à sentir dans l'intime de leur
âme une douleur intense en entendant attaquer et vilipender
leurs plus chères croyances. Et néanmoins, il se taisent et dis-
simulent, ils se montrent complaisants. Y a-t-il là une lâcheté ?
Il peut y avoir du respect humain ; mais, disons-le franchement,
il y a surtout de l'ignorance. On en a des preuves. On attaque ici
l'existence de Dieu, et cet opulent négociant n'est pas en état de
LE PROPAGATEUR 597
développer la preuve la plus simple dt cette vérité fondamentale.
On a insulté la divinité de Jésus-Glirist, et cet autre, qui est
avocat distinj^ué, ne peut pas alléguer les raisons, même purement
historiques, qui établissent le caractère divin du Sauveur, parce
qu'il les ignore. On a attaqué la Papauté, et cet autre, médecin
d'ailleurs très instruit, n'a allégué aucune des nombreuses preuves
qu'il aurait pu produire sur son origine et ses bienfaits. Et le dé-
clamateur impie est resté vainqueur et triomphant, par la raison
que, dans le pays des aveugles, le borgne est roi ; et non seule-
ment lui, mais plusieurs peut-être de ceux qui l'ont entendu, au-
ront acquis la persuasion bien ferme que le catholicisme est une
chose de pure routine et de bonne foi, qu'on le croit parce qu'on
le croit, et rien de plus, sans avoir de preuves qui l'appuient et le
recommandent, et sans avoir de réponses à opposer à nos adver-
saires, lorsqu'en réalité, il est le système scientifique le plus vaste,
le plus complet et le plus philosophique qui ait jamais pu occuper
l'intelligence humaine. Et l'on regardera comme une chose déjà
jugée et hors de discussion que, pour êtrp philosophe, il est né-
cessaire d'être incrédule ; qu'aucun point de nos croyances ne
peut résister à l'examen sérieux de la raison ; que tout dans la re-
ligion n'est que sottise et imaginations de vieilles femmes, et rien
déplus. Et lout cela, parce que le savant impie n'a pas trouvé à
son heure quelqu'un qui lui ait fermé la bouche avec une des
mille raisons fortes et décisives qui abondent dans nos auteurs de
controverse populaire.
Vous avez été témoin de quelqu'un de ces cas, n'est-il pas vrai?
Eh bien, figurez-vous qu'il en va de même partout et toujours. 11
n'est pas possible d'entrer dans un hôtel, un restaurant ou une
simple auberge de charretier, de voyager en diligence ou en
chemin de fer^ sans qu'à l'instant surgisse la question religieuse,
attendu que les malheureux impies, sans doute en raison du dépit
qu'elle leur cause et parce qu'ils sont les ennemis de l'Eglise,
aiment à parler d'elle à tout instant. Or, si nous accordons que,
de toutes parts la religion parait vaincue, admettrons-nous son
manque de prestige et la vanité orgueilleuse de ces infortunés
roseaux creux qui se croient invincibles par cela seul qu'ils n'ont
jamais trouvé rien qui leur résistât ?
Et pourtant, il est si facile de fermer la bouche à ces malheu-
reux ! Un simple éclaircissement qu'on leur demande sur un de
ces mots qu'ils prononcent souvent sans en connaître la signifi-
cation, une seule preuve qu'on leur demande des principes qu'ils
émettent d'une façon sentencieuse ; une seule observation, une
seule objection suffisent pour couper les ailes à ces aigles super-
bes. Un seul livre de Mgr de Ségur, que nous connaîtrions à fond,
ses Réponses par exemple, pourrait malgré sa simplicité, faire
triompher la cause de la Religion dans ces combats d'escarmou-
che où l'on s'en tient ordinairement au côté superficiel des
questions.
Les voyageurs d'une diligence mangeaient dans une hôtellerie.
L'un d'eux portait la parole, faisant parade d'impiété, et débitait
598 LE PROPAGATEUR
des torrents d'éloquence et de science pour prouver l'absurdité de
nos mystères. Sa thèse favorite était celle de tant d'autres imbus
des mêmes idées : * Moi, messieurs, je ne crois que ce que je
comprends ". Et il appuyait son ianj^age de tant de raisons ex-
traordinaires et de railleries, et il l'assaisonnait de gestes si vifs,
si énergiques et si naturels, que ^audltoi^^^ paraissait nou seule-
ment convaincu, mais ravi d'admiration. Ses arguments lui sem-
blaient irréfutables, puisque nul ne les réfutait. On mangeait, en
ce moment, une grosse et belle omelette, et un des voyHgeurs^
qui avait seul attiré l'attention par son silence et par sa modestie
qui lui avait fait prendre la dernière place, prend l'omelette dans
ses mains, et la levant devant les, convives, il adresse au savant
incrédule cette question aussi spirituelle que plaisante : '' Pardon,
monsieur, pourriez-vous me dire pourquoi le feu qui amollit et
fond le plomb et le fer, durcit les œufs, comme cette omelette
vous eu fournit la preuve " ? L'assistance resta muette en présen-
ce d'une semblable question ; et le savant ainsi interpellé répoudit
simplement qu'il ne le savait pas, " Eh bien, répliqua le voyageur
intrépide, il y a donc un mysièieque vous ne comprenez pas. Par
conséquent, si les doctrineg que vous nous prêchiez tout à l'heure
sont certaines, nous ne pouvons croire aux omelettes, pui>que
l'homme ne doit pas croire ce qu'il ne comprend pas. Il me sem-
ble ce|iendant que vous la mangerez bel et bien, quoique vous ne
la compreniez pas ".
Le fanfaron d'impiété demeura confus et passa par toutes les
couleurs de l'arc-en-ciel, et au milieu des applaudissements et des
éclats de rire de l'assemblée, il fut dérouté et la question fut ter-
minée. Une simple omelettejavait suggéré à un vaillant catholique
une comparaison victorieuse, et avait été le canon Krupp destine à
renverser tout cet échafaudage de raisons spécieuses invoquées par
le malheureux impie. Assurément, dans l'avenir, il y regarda à
deux fois avant d'attaquer la foi devant des inconnus, par peur
qu'une autre omelette ne vint renverser ses arguments.
Une insiruction moyenne et ordinaire en matière de religion,
une lecture régulière des œuvres les plus populaires écrites pour
la défense de la foi, nous mettraient facilement tous en état de
lutter avec des avantages incalculables contre nos ennemis.
IV
Si notre peuple a toujours été aussi arriéré qu'aujourd'hui en matière
religieuse. Origine de l'ignorance présente.
Nous avons sommairement indiqué la gravité du mal qui nous
afilige. Cherchons-en maintenant l'origiue ; attendu que, lorsqu'on
connaît le principe de ce genre de maladies, on ne tarde pas à en
trouver le remède.
Avons-nous été, en Espagne, toujours aussi ignorants en ce qui
concerne notre foi ? Pour quiconque connaît tant soit peu notre
LE PROPAGATEUR 599
histoire, il est facile de répondre catégoriquement : non. Bien au
contraire, il n'y avait pas un peuple qui l'emportât ?ur nous en
instruction religieuse. Oni, notre peuple était plus inst.uit autre-
fois au'aujourd'hui. Les panégyristes de notre siècle' m^* deman-
deront de leur donner des preuves de cette vérité. La chose n'est
pas difficile.
J'ouvre les monuments de notre littérature populaire, et je les
trouve toujours imprégnés d'esprit religieux et d'idées religieuses,
à tel point qu'on peut les compreod^^^, même avec la connaissance
la plus vulgaire de la religion. Noue chaïuonnier sacré est un
trésor, à ce point de vue. Pendant de longs siècles, les chansons
du peuple espagnol ont été presque toujours théo'ogiqnes. On a
composé alors sur l'Immaculée-ÇoncHpiion de M;irie. sur la Nais-
sance de Notre-Seigneur, sur le mysièie de l'Eucharistie, sur la
Passion, sur la vie des principaux Saints, des couplets, des roman-
ces, des sonnets, des gloses et des cantiijues sacrés que l'on peut
étudier dans chacune de nos riches collections. Et tous ces écrits
se font remarquer non seulement par la grâce de la forme littérai-
re, mais beaucoup plus encore par la profondeur des idées Ihéolo-
giques, la connaissance nette et précise et leur exposition exacte
et complète de la foi.
Si la ii'.térature populaire est toujours, comme l'a dit un critique,
la meilleure photographie du peuple, le peuple espagnol s'est
montré, pendant quelques siècles, comme un peuple de docteurs.
— Mais, me direz-vous, ces compositions ne furent pas écrites par
le peuple, mais par des fils du peuple, hommes d'étude et qu'il ne
faut pas confondre avec la masse commune. Les meilleurs poètes,
comme Lope de Véga, Gongoia et Galdéron, se consacrèrent à ces
travaux. — Fort bien, mes amis, mais, alors même qu'on vous ac-
corderait que ces œuvres n'ont pas été écrites par le peuple, vous
ne pourrez pas nier qu'au moins elles ont été écrites pour lui ; ce
qui suffit à prouver mon assertion. De pareilles compositions
n'auraient jamais réussi à devenir populaires, si elles n'avaient été
parfaitement comprises ; et jamais elles n'auraient été comprises,
si le peuple, à qui elles étaient destinées, n'avait possédé en ma-
tière religieuse une somme de connaissances qui le rendit capable
de les comprendre.
Et que dirons-nous de notre théâtre ? Pour qui furent composés
ces drames exclusivement théologiques, genre de littérature favo-'
rite de notre nation, sous li nom de décrets sacrementels, pièces
dramatiques, à personnages allégoriques ? Madrid les représe.itait
sur une de ses plus grandes plaçais ; mais le peuple madrilène était
spectateur, et la bourgade la plus oubliée tenait à les représenter
aux jours de ses principales fêles. Le peuple qui les applaudissait
avec enthousiasme était assurémeii! assez instruit p'iuren pénétrer
le sens el en saisir les difficultés, Dans le cas contraire, les poètes
auraient réservé leurs œuvres exclusivement aux Académies. Or,
ces œuvres, qui étaient alors généralement au niveau de l'intelli-
geni.e de notre peuple, exigent aujourd'hui une application suffi-
sante de la part des personnes lettrées, et ce n'est qu'avec des
600 LE PROPAGATEUR
connaissances théologiques au-dessus de la moyenne qu'on arrive
à pénétrer le sens profond de leurs allégories et de leurs person-
nifications. Quel peuple devait donc être alors le nôtre, qui se fai-
sait simplement un jeu de ce qui réclame aujourd'hui de nous des
éludes soutenues I
Que personne ne rougisse donc de le confesser ; nos aïeux, sur
qui nous l'emportons en des choses qui ne sont pas toujours bonnes,
l'emportaient sur nous en science religieuse ; et grâce à l'éduca-
tion sérieusement chrétienne qui se donnait à la maison ; grâce à
l'instruction que répandait partout, le propagandiste le plus popu-
laire de tous, c'est-à-dire le frère ; grâce à la splendeur de notre
culte, qui n'est, en grande partie, que l'exposition plastique et fi-
gurée du dogme, le pauvre paysan, l'humble aitisan, possédaient,
alors, sur la religion et ses mystères, une connaissance telle
qu'elle ferait aujourd'hui montrer la rougeur au front à plus de
quatre personnages lettrés.
Que les temps sont changés ! Pour quel étrange motif le progrès
de l'instruction profane a-t-il coïncidé avec cette lamentable dimi-
nution de la science sacrée ? Pourquoi, aujourd'hui qu'il y a in-
contestablement beaucoup plus de fils du peuple qui lisent, y en
a-t-il beaucoup moins qui soient instruits ? Pourquoi, par un sin-
gulier contraste, les grands centres de lumière, où l'on trouve plus
facilement le moyen de s'instruire, sont-ils les plus atteints par
cette lèpre de l'ignorance ?
C'est là un problème qu'on ne pourrait complètement résoudre
sans entrer dans de longues considérations sur le changement so-
cial et politique qu'a subi notre patrie dans le siècle présent, con-
sidérations dont il n'y a pas lieu de faire ici l'énumération. Nous
pouvons cependant en aborder quelques unes sans inconvénient.
1° Lhnfliience amoindrie de l'Eglise. — Toute la sollicitude des
hommes d'Etat, depuis déjà de longues années, s'exerce à mettre
des entraves et des obstacles à cette influence salutaire. La légis-
lation a eu constamment pour but d'exclure le clergé de toutes les
institutions. Dans l'instruction publique et dans les œuvres de
bienfaisance, c'est à peine si on lui a accordé une position secon-
daire et humiliante. Séculariser, telle a été l'éternelle manie de
nos législateurs, sans se douter qu'au bout de cette sécularisation
il y avait l'athéisme. Et cette prévention contre l'Eglise et les
prêtres est devenue plus active et plus pratique par le moyen des
lois de désamotisation, qui, réduisant le clergé à l'indigence, l'ont
privé des éléments humains indispensables pour soutenir ses fon-
dations des siècles précédents. De plus, une vaste conspiration,
dont nous connaissons tous l'origine et le point de départ, a eu à
son service mille plumes, mille langues, pour attaquer le clergé,
le dénigrer, le calomnier, l'avilir aux yeux de la multitude, en
montrant ce corps si méritant, comme l'épouvantail du siècle
comme le type de l'immoralité et de la réaction.
C'est ainsi qu'on a réussi à rendre suspect, auprès de la multi-
tude naïve et crédule, l'enseignement clérical; à discréditer devant
l€s masses la parole du prêtre. C'est à celte condition seulement
LE PROPAGATEUR 601
qu'il a été possible de soustraire à la bienfaisante influence de
l'Eglise une partie de notre peuple
3"^ La disporition des Ordres religieux. — Le couvent était en Es-
pagne l'université du peuple : et une biographie détaillée de la
majeure partie des fils du peuple qui se sont illustrés nous dirait
que presque tous ont dû. à un moine leurs premiers pas dans la
carrière où ils ont brillé. L'instruction caléchislique leur était
spécialement recommandée, et dans les missions, l'éloquence du
moine était toujours très populaire. Le clergé séculier suffit à pei-
ne aujourd'hui à la simple administration paroissiale, et la caté-
chistique populaire, distribuée alors à peu près exclusivement par
les religieux, est généralement négligée.
Ces éducateurs du peuple manquent, ainsi que les pauvres ca-
pucins qui évangèlisaient nos bourgades et nos cités, rappelant à
toute heure, aux pauvres et aux riches, les mêmes vérités
toujours anciennes et toujours nouvelles sur Dieu, l'âme, le ciel,
l'enfer, etc., vérités dure?, mais salutaires, qui pourront offenser
certaines oreilles délicates, mais sans lesquelles il n'y a pas d'or-
dre posgible en cette vie, ni de salut possible en l'autre. Tout cela
manque grandement aujourd'hui ; c'était ce qui parlait au cœur
de notre peuple, ce qui le touchait, lui inspirait de généreuses ré-
solutions, le rendait bon et droit, le guidait en toutes les circons-
tances de la vie, éclairait ses incertitudes, et lui était plus utile que
toute la science et toute la philosophie dont veulent l'endoctriner
aujourd'hui ses faux régénérateurs.
3" L'abus des lectures frivoles. — Jamais la lecture n'a été plus
inutile. Plût à Dieu qu'elle ne fût pas souvent très nuisible ! Mais,
alors même qu'elle ne serait qu'inutile, il est certain que c'est à
elle qu'il faut attribuer en grande partie le peu de goût qu'on
prend aux ouvrages religieux, dans lesquels notre bon peuple
pourrait puiser l'instruction qui lui manque. Il est déplorable de
voir l'artisan passer les heures de loisir que lui laisse son travail,
à la lecture d'un mauvais journal, qui lui parle chaque jour de
questions politiques embrouillées auquelles il ne comprendra
jamais rien, ou de cabales de parti qu'il nous serait plus utile à
tous d'ignorer complètement. Il est triste de voir l'humble ouvriè-
re dévorer avec une anxiété fiévreuse un roman obscène qui rem-
plira son imagination de tableaux irréalisables et son cœur de dé-
sirs coupables ou d'émotions malsaines. Et en attendant, on ne
jette pas même les yeux sur cette Année chrétienne qui faisait au-
trefois les délices de la famille ; on ne lit pas l'histoire émouvante
de la Passion, on ne se souvient plus des enseignements du caté-
chisme. Les lectures actuelles font des politiciens et des femmes
sentimentales ; les lectures d'autrefois formaient des croyants
honnêtes et des mères de famille capable de communiquer à leurs
enfants, non seulement la vie du corps, mais aussi la foi qui fait
vivre l'âme.
(à suivre.)
L'HEURE DU MATIN
ou
MEDITATIONS SACERDOTALES
Avec une Introduction par M. l'abbé Élie MÉRIC
Professeur à la Sorbonae
1 vol. in-8 Prix : $1.00
1
L'auteur de l'Imitaiion, rappelant la pensée profonde et reli-
gieuse d'un philosophe païen, nous dit : '' Toutes les fois que j'ai
été parmi les hommes, j'en suis revenu moins homme."
Le prêire n'est pas appelé sans doute à vivre dans la solitude,
étranger à la terre, et protégé par de hautes murailles contre les
périls et les séductions du monde ; il ne peut pas fermer l'oreille
à ses bruits, les yeux à ses spectacles, le cœur à ses souffrances
ignorées ou visibles, et passer inconnu, ici-bas, dans la contempla-
tion sereine des vérités éternelles : toute autre est sa mission II
doit vivre an milieu des dangers, des séductions, des infirmités dou-
loureuses de la terre ; il doit se mêler aux hommes, pour essuyer
leurs lara)es, fortifier leur courage, défendre leur âme et ramener
à Dieu les créatures qui ne devraient jamais se détacher de Lui.
Que de fois dans cet apostolat périlleux, il est exposé à sentir di-
minuer en lui-môme sa dignité d'homme, de chrétien, de prêtre, à
perdre quelque chose de l'austère et tranquille gravité de son
caractère à prendre les mœurs, les habitudes d'esprit, de
langage du monde qu'il devrait transformer par sa parole sur-
naturelle et par l'exemple de sa vie ! Malheur au prêtre, s'il n'est
pas homme d'oraison, s'il ne sait pas échapper à la fascination re-
doutable et à l'étreinte du monde, pour se retremper dans la médi-
tation qui lui rappelle ses infirmités, ses devoirs et sa destinée !
Il perd d;ins un commerce trop familier avec le monde la pureté
et l'intégrité nécessaire de sa foi. D-epuis un siècle, l'impiété s'ef-
force avec une persévérance tenace d'éteindre la foi dans les âmes
et de convaincre l'Eglise d'erreur. Des livres, des revues, des bro-
chures, des journaux répandent autour de nous le sophisme, la
haine *^t les mensonges; la littérature, la poésie, les arts, le théâtre
prêtent souvent à ces sophismes le charme trompeur d'une beauté
séductrice ; la science avec l'inflexible rigueur d'une démonstration
qui semble infaillible et qui flatte la vanité, prête aux mensonges
un redoutable prestige ; l'air est saturé de négations et de contra-
dictions violentes, passionnées qui descendent des chaires célèbres
où elles ont un éclat retentissant, au foyer domestique, dans la
rue, partout ; nous respirons cet air, nous en subissons l'influence
pénétrante ; il faut nous défendre contre ces ténèbres et maintenir
dans sa pureté rigoureuse la foi que nous sommes appelés à ré-
pandre dans le monde.
Menacé dans sa foi, le prêtre est encore obligé de défendre sa
conscience coiilre les complaisances faciles et les silences coupa-
bles en présence des violations de la loi morale et du déchaînement
des passions toujours frémissantes, révoltées. Hélas ! les consciences
LE PROPAGATEUR 603
sont troublées comme les esprits, la notion du bien et du mal s'est
obscurci^ dans les âmes sans énergie, sans ailes pour s'élever d'un
élan sur les hauteurs où l'on rencontre Dieu. Que d'excuses, et
quelles excuses à la lâcheté, aux passion?, à des fautes qui auraient
excité, autrefois, une réprobation violente, et provoque une légi-
time et sainte indignation ! L'horreur du sacrifice volontaiie, de
la souffrance jusqu'à l'agonie, jusqu'au sang, écarte aujourd'hui
les âmes de la voie étroite airosée autrefois des larmes brûlantes
•d'illustres pénitents et du sang des martyrs ; la terre n'entend plus
de sanglots, elle ne voit plus couler du sang. L'amour effréné de
la jouissance a préparé les consciences à des défaillances honteuses,
à des violations du décalogue que le monde accepte sans répu-
gnance, à des fautes qui ne réveillent plus de remords dans les
consciences oblitérées. Saus l'empire des mêmes excitations des
convoitises et des passions rebelles, la justice a été violée dans les
conventions particulières et dans les conventions internationales,
ceux-ci cherchant la fortune au prix de toutes les infamies, ceux-
là écrasant les faibles au nom de la force ; et personne parmi tous
«es coupables ne rougit, ne gémit, ne pleure de "es iniquités écla-
tantes, parce que les consciences faussées jusqu'à la racine ont in-
vente une morale nouvelle au service des instincts qui ont usurpé
la place de la raison.
Jeté dans ce milieu profondément troublé, perdu dans ces ténè-
hres et dans ces clameurs, le prêtre est exposé à oublier les délica-
tesses primitives de sa conscience et à devenir par ses complai-
sances le complice involontaire des violations de la loi de Dieu.
Lui, qui devait se lever en face des puissants de la terre, comme
autrefois Jeau-Baptiste en face d'Hérode et de dire bien haut à tous
les grands coupables: Non licet; lui qui devait braver la mort et
livrer son corps au bourreau pour donner son âme à Dieu, il perd
la claire vue des principes éternels de la morale et des exigences
imprescriptibles des commandements de Dieu et de i'Eglise ; il
préfère aux revendications nécessair'>s sa paix, son bien être, sa
vie facile et endormie ; il se tait devant les injustices et les viola-
tions de la loi et n'éprouve plus, comme autrefois les prophètes,
une douleur poignante, une sainte horreur à la vue de la violence
triomphante et du mal impuni ; il explique les fautes et Ihs justi-
fie, il interprêle la morale au gré de sa faiblesse, il attribue à des
prmcipes immuables une valeur éphémère et contingente ; il ou-
blie la justice de Dieu plus inflexible que la justice des hommes ;
il s'expose à ne plus sentir la pointe acérée du remords dans les
ténèbres de ses illusions coupables, il descendra même jusqu'à la
paix effrayante d'une sécurité qui le mène aux abîmes d'où l'on
aie revient pas.
Il est encore exposé à sortir de l'ordre surnaturel et à considérer
toute chose au pointde vue incomplet de la raison. Que Irouve-t-il,
en effet, dans ce monde où s'écoule sa vie 1 Des esprits qui veulent,
à tout prix, s'affranchir de la croyance au surnaturel et organiser
leur existence en dehors de Dieu. Quelle implacable guerre au
surnaturel '. Quelle effrayante tentative de retour au paganisme et
604 LE PROPAGATEUR
à des jouissances glorifiées ! L'incrédulité contemporaine ne voit
Dieu nulle part, ni dans l'ordre naturel, ni dans l'ordre surnaturel;
elle réprouve les idées sacrées de grâce, de vision béalifique, de ré-
vélation, de miracle, d'intervention surnaturelle ; elle rejette, avec
la même légèreté hautaine et dédaigneuse, l'idée de Dieu, la foi à la
Providence, l'idée même de la dépendance du fini à l'égard de Tln-
fini. A ses yeux la raison contient la mesure et l'explication de tout.
Sans doute le prêtre ne descend pas à ces négations rationalistes
que la foi réprouve et que la vraie science condamne ; mais, sous
l'influence du naturalisme qui déborde, et qui nous entraîne
dans une direction pervertie, il s'expose à penser, à agir, à vivre
d'une vie humaine, philosophique, naturelle ; il ne s'appuie plus
assez sur Dieu, il s'appuie trop sur lui-même, sur un roseau battu
par les vents ; il oublie que nous vivons, sans y penser, au sein du
monde invisible, comme l'aveugle de naissance vit ici-bas au sein
des réalités matérielles ; il oublie que notre âme reçoit à des heures
bénies, des impressions pénétrantes et mystérieuses des réalités in-
visibles ; il diminue à l'excès dans ses explications l'intervention du
miracle ; la part des démons, des anges, des saints, de Dieu dans la
vie des peuples et dans la vie des individus; il est tenté d'attribuer
trop souvent aux causes humaines ou au jeu des forces naturelles
des effets qui relèvent de la sagesse et de la puissance de Dieu.
C'est alors que la routine paralyse sa vie sacerdotale et en tarit
la fécondité. Semblable à l'idole dont parle le Prophète il a des
yeux et ne voit pas, des oreilles et n'entend pas, une bouche et ne
parle pas, despieds et n'avance pas. S'il administre les sacrements,
s'il sacrifie à l'autel, il le fait avec la rapidi>té insouciante de l'ha-
bitude, sans attention, sans conscience, sans gravité Les grands
spectacles du monde invisible passent inaperçus devant ses yeux
distraits. Savez-vous pourquoi cinquante mille prêtres qui dispo-
sent dans l'Eglise de France, d'une tribune, et du corps et du sang
de Jésus Christ font si peu de chose, ou ne font rien, quand ils
pourraient renouveler la face de la terre ? C'est que la routine pa-
ralyse leur ministère et rend stérile l'accomplissement des nobles
et saintes fonctions qui leur sont confiées. Ce prêtre oublie qu'il
est au centre de l'univers, qu'il est le point d'arrivée et le point de
départ de toute chose dans ce monde qu'il domine de sa majesté,
quand il tient dans ses mains le corps, le sang, l'âme et la divinité
de Jésus Christ ; il oublie que de ses lèvres tombe la prière qui
réjouit le ciel, soulage le Purgatoire, relève console et fortifie les
âmes qui portent ici-bas le poids du jour et de la chaleur dans
l'incertitude douloureuse d'un combat dont l'éternité est l'enjeu.
Et c'est ainsi que passant au milieu des hommes il justifie la
parole du philosophe païen rappelée par l'auteur de l'Imitation :
" Toutes les fois que j'ai été parmi les hommes, j'en suis revenu
moins homme."
II
Comment pourrons-nous échapper à l'étreinte des choses terres-
tres ? Avons-nous un moyen de résister à la fascination des appa-
rences trompeuses de ce monde ? Pourrons-nous être des hommes
de l'éternité au milieu des choses du temps ?
LE PROPAGATEUR 605
Oui, nous le pourrons par l'oraison.
Le prêtre qui médite conserve la pureté de sa foi et la rend fé-
conde. Il écarte par un acte ferme et décisif de la volonté les
pensée?, les souvenirs, les impressions qui pourraient le préoccu-
per et le troubler : conversations frivoles, soucis d'affaires tempo-
relles, vains fantômes de l'imagination, révoltes intérieures et
troublantes de ses propres pensées; il f iit cesser ce bruyant tu-
multe, il réalise en lui-même le grand silence des vérités éternel-
les, il contemple avec amour, l'immuable objet de sa foi toujours
vivante, le-- réalités qui prennent une forme saisissante en passant
dans le champ de l'imagination ; Dieu, la création, rmcarnation,
la rédemolion, l'Eglise la vision béatifique, l'éternf^l châtiment.
Il ne discute pas, il ne fait pas de vains raisonnements et ne cher-
che pas des théories nouvelles qui flatteraient son orgueil ; il voit
par les yeux de la foi, avec une invincible certitude, le monde des
âmes et le monde divin qui le pénétre de tout part. Tout son être
en est ému à la surface et dans ses profondeurs. Dieu bénit
l'humble et persévérant effort de son attention fixée aux choses
éternelles ; Il fait descendre dans l'âme attentive et silencieuse du
prêtre la grâce qui dissipe les doutes, anéantit les objections, raf-
fermit la foi eu la rétablissant dans sa pureté primitive; ce prêtre
croit avec conviction, il croit et répand autour de lui la chaleur
lumineuse de sa foi ; il croit et il est prêt à braver saus défaillance
pusillanime, des ennemis qui sont forts par notre faiblesse et arro-
gants par nos lâchetés.
Le prêtre retrouve aussi dans l'oraison les légitimes délicatesses
de sa conscience, qui lui permettent de conserver une inflexible
rigueur dans l'affirmation des principes qui soutiennent l'ordre
moral et qui sont la lumière des âmes dont la responsabilité lui
est confiée. Au pied de son crucifix, dans le silence de l'oraison,
il voit le mal, il en mesure avec stupeur, les effets, les conséquen-
ces, l'étendue. Il voit dans une saisissante clarté la créature se
servir de l'être, de la vie, de ses facultés qu'elle reçoit à chaque
instant de la Cause universelle et créatrice pour off nser cette
Cause et lui opposer une criminelle résistance ; il voit l'incom-
parable majesté de Dieu qui est outragé, le prix infini du sang ré-
dempteur foulé aux pieds, le retentissement lointain et prolongé
du mal dans la vie du pécheur, et dans la vie de ceux qui en sont
aujourd'hui les témoins scandalisés et demain peut-être les com-
plices volontaires ; il voit et il sent avec une douleur poignante
l'éternel supplice attaché à la mort du pécheur impénitent. Com-
ment serait il faible en présence du mal ? Gomment pourrait-il
laisser dans l'ombre par une lâcheté complaisante, ou trahir par
des interprétations erronées, ces principes de morale, ces comman-
dements de Dieu et de l'Eglise dont la violation est suivie de si
effroyables ravages ? Comment pourrait-il trembler devant les
puissants du jour, devant les riches, les savants, les princes de la
terre quand il sait qu'il va bientôt comparaîiie, accompagné des
victimes de sa tolérance coupable et de son silence sacrilège, aux
pieds du Juge dont il a scruté la justice redoutable dans sou orai-
36
606 LE PROPAGATEUR
son? Non, il ne tremblera pa?, il ne faiblira pas; quand il médite
à genoux ces vérités salutaires et redoutables, Dieu agit secrète-
ment sur toutes les puissances de son âme. Il réveille sa cons-
cience, Il lui inspire de saintes et pacifiques indignations contre
le mal et une immense pitié pour les âmes qu'il veut sauver.
Ce prêtre qui médite ainsine craindra plus de vivre d'une vie
humaine, naturelle, il n'éprouvera pas la défiance coupable du
surnaturel qui tarit dans les âmes les sources de la vie divine.
Tous les matins, dès la première heure de sa journée de travail et
de peine, il se tient en présence de Dieu. Il voit aux lumières de
l'oraison, que tout ici-bas, dans la vie des individus et dans la vie
des peuples est ordonné pour les élus du Seigneur : omnia propter
electos. Il sent cette action surnaturelle de Dieu dans la vie des
saints, dans la vie. de l'Eglise, dans les grands événements de ce
monde, dans l'enchaînement miséricordieux des faits qui remplis-
sent sa propre vie. Il sait que Dieu impose librement à toute créa-
ture une fin surnaturelle, que l'histoire du christianisme s'ouvre
par des faits éclatants et surnaturels, comment s'étonnerait-il des
faits surnaturels qui manifestent l'action de Dieu ? Que cette ac-
tion se cache dans le mystère de la sanctification des âmes ou
qu'elle se manifeste avec éclat par des prodiges, elle ne peut
jamais le surprendre. Il vit par la pensée, la prière, l'amour, l'es-
pérance dans ce monde surnaturel qui va bientôt se révéler à lui,
sans mélange de ténèbres. L'oraison lui apprend que les puissances
mauvaises ne sont pas enchaînées au fond de l'abîme, que les bons
et les mauvais anges exercent leur action diverse dans le monde,
ou pour la perte, ou pour le salut des âmes, et que toute prière de
la créature, dans ses épreuves physiques, intellectuelles et mora-
les, est un appel puissant à l'intervention de Dieu et une affirma-
tion de la vérité de cette intervention.
Cette vie d'oraison protège aussi le prêtre contre les dangers re-
doutables et l'insouciance coupable de la routine. Avant d'agir, il
s'arrête, se recueille et médite sur ses devoirs et ses fonctions, sur
la grandeur de son ministère et la fécondité des sacrements qu'il
administre ; il a réfléchi sur le prix du sacrifice avant de monter
à l'autel, sur la puissance de la parole apostolique avant de gravir
les degrés de la chaire, sur la grandeur du Juge dont il est le dé-
légué avant d'entrer au confessionnal, sur la fécondité de la prière
et l'immense péril des âmes avant d'ouvrir son bréviaire, sur les
responsabilités dont il sent le poids avant de diriger les cons-
ciences. Il sort de l'oraison comme autrefois Moïse descendit
du Sinaï, le front couronné de gloire et le cœur dévoré de zèle
pour le peuple qui lui est confié.
III
Que Dieu nous donne enfin des hommes d'oraison, des prêtres
qui sachent s'emparer vivement de leur attention, la détourner
des rêveries dangereuses, des préoccupations terrestres, des désirs
ambitieux, des soucis même légitimes de la vie et la retenir silen-
cieuse et recueillie dans la méditation des choses divines !
LE PROPAGATEUR 607
Que Dieu nous donne des prêtres d'une foi vive et agissante,
d'une conscience droite et incorruptible, d'une piété rayonnante
de surnaturelles clartés, des prêtres dont la vie autorise et confir-
me avec éclat rbuseignement et qui remplissent tous les devoirs
de leur apostolat avec un zèle, une sincérité, une conviction qui
commande le respect et domine tous les cœurs !
Ces hommes bénis de Dieu trouveront dans l'oraison les conso-
lations que le monde lenr refuse. La vie est rude, les cliemins sont
rocailleux, nous les arrosons quelquefois de nos sueurs, de nos
larmes, de notre sang, réalisant ainsi la parole du Prophète : Euntes
ibant etflebant mittentes semina sua. Nous rencontrons l'indifférence,
le dédain, l'ingratitude, la haine, la calomnie, et nous sommes
tentés de laisser monter à nos lèvres les murmures» qui remplis-
sent notre âme désolée. Il y a des épreuves, des-dégoûls, des dou-
leurs que Dieu seul peut consoler !
Que de pauvres presbytères de cimpagne, remplis de ces dou-
leurs cachées, silencieuses poignantes I Soyez un homme d'oraison,
fuyez le monde, appelez Dieu, conversez avec lui, et regardez au
delà de la tombe 1 L'oraison rendra à votre âme la paix et l'espé-
rance. Si nos douleurs nous semblent trop amères, c'est que nous
oublions de les révéler à Celui qui peut les consoler.
Je sais bien qu'il y a des heures troublées où l'âme prend l'orai-
son en dégoût; elle s'agite alors dans la sécheresse et l'invincible
• ennui ; les scènes et les souvenirs qui passent devant elle n'éveil-
lent plus aucune impression dans notre âme abattue, le cœur sem-
ble cesser de battre, les yeux n'ont plus de larmes ; l'épreuve ou
la tentation se présente sous des formes diverses, elle obsède notre
esprit, elle détourne notre attention des hautes régions remplies de
la majesté de Dieu, elle la tient inexorablement attachée à l'objet,
à la créature, au souvenir qui nous tourmente. Mais c'est la tem-
pête qui passe avec ses ténèbres, ses grands bruits, ses éclairs, ses
déchirements, ses désolations profondes. Attendez quelques heu-
res, quelques jours, restez debout. Dieu ..viendra à nous avec la
paix, et l'oraison vous arrachera de ce monde éphémère pour
vous rendre au monde qui ne finira jamais.
Parmi ceux qui liront ce livre substantiel, écrit avec foi, doctrine
et piété, il se trouvera, je le sais, des vétérans du sacerdoce qui
ont traversé l'étroit défilé de grandes épreuves, qui goûtent enfin
aujourd'hui, comme nous, les longues heures sereines du soir de
la vie, le grariJ silence de l'âme établie dans la paix résignée des
derniers jours, et qui cherchent à oublier le monde fuyant et
éphémère pour interroger le rivage nouveau vers lequel nous
marchons, rivage qui n'est plus bien éloigné. Ceux-là vont^refaire
avec ce pieux auteur les chemins parcourus, méditer sur leur vo-
cation, leurs ordinations, leurs devoirs, et se préparer par ce
premier jugement à l'infaillible jugement qui approche.
Que cet examen les rende meilleurs, qu'il réveille leur zèle, et
que Noire-Seigneur daigne entretenir dans leur âme, toujours
jeune malgré la maison branlante du corps, les immortelles espé-
rances chrétiennes et l'invincible confiance dans la miséricorde
infinie de Dieu I Elie Méric, Professeur a la Sorbonne.
PARTIE LEGALE
Rédacteur ; A L. B Y
PIRE RIVER
(De la Vérité.)
Les journaux publient le" plaidoyer " ou réponse de Mgr Moreau, évêque de
Saint-Hyacinthe, à l'action que Jui inlt^nte le nommé Julien Gami'bell, de Pike
River, par le ministère de MM. Mercier, Gouin et Lemieux. Cette action demande
aux tribunaux civils l'annulation de l'orlonnance épiscopale du 29 sept^^mbre
1892 érigeant end esserte religieuse l'endroit appelé Pike River. Dans sa réponse
MgrMori au décline la juridiction des tribunaux civils, attendu qu'il s'agit d'une
ordornance purement canonique et disciplinaire qui ne peut léser en rien les
droits civils du demandeur. La construction de la nouvelle église se fait par
souscriptions volontaires.
Il ne s'agit pas, en effet, de l'érection d'une paroisse régulière, mais d'une
simple desserte religieuse. L'ordonnance règle uniquement " les rapports des
catholiques romains entre eux et envers leurs supérieurs ecclésiastiques. " Elle
ne pt-ut êlre cassée que par une autorité religieuse supérieure à celle de
l'évêque.
Le demandeur et les autres dissidents se sont d'abord adressés à Rome, recon-
naissant par là que c'était une cause religieuse et non pas civile. N'ayant pu faire
annuler l'ordonnance épiscopale par la seule autorité compétente, ils demandent
aujourd'hui l'interv^niion des tribunaux laïques dans une cause qui est
manifestement en dehors de la juridiction de l'Etal, même en ce pays oià on
accorde tant au pouvoir civil dans les questions de nature mixte.
Si l'évêque, sujpt au contrôle du Chef de l'Eglise, n e peut pas régler les
rapports des catholiques " entre eux et envers leurs supérieurs éccelésiasti-
ques " sans que l'Etat ait ledroit d'y intervenir ; si l'évêque ne peut pas ériger
des églises, oîi bon lui semble, pour la commodité des fidèles, surtout lorsque les
travaux se font au moyen de souscriptions volontaires ; s'il ne peut pas donner
juridiction spirituelle à tel prêtre sur telle partie de son troupeau ; si l'évêque
n'a pas le droit de foire de tels règlements disciplinaires sans avoir à en rendre
compte à d'autres qu'à son supérieur hiérarchique, le Pape; si l'Etal, par ses
tribunaux, peut casser de tels règlements disciplinaires, même après qu'ils ont
reçu la sanction du Chef des catholiques, alors l'Eglise n'est pas libre en ce
pays.
Non seulement elle n'est pas libre; non seulement elle ne jouit pas d'une au-
tonomie égale à celle de l'Etat, mais elle est dans une position d'inférioritfr
humiliante.
La moindre association civile, reconnue par l'Etal, est parfaitement libre de
se gouverner, de diriger les membres, en tout ce qui regarde sa fin, d'après ses
propres règlements disciplinaires. Les tribunaux civils ne songeraient pas à in-
LE PROPAGATEUR 609
tervenir «i ces règlements ne s'appliquaient qu'aux membr''S de l'association et
ne leur imposaient que des oohgaùo.is se rapportant slrictem'^nt au but de
l'association.
Et l'Egise catholique, la société la plus parfaite qui existe sur la terre ;
l'Eglise catholique, divinement instituée, supérieure à l'Etat par son origine et
sa fin ; l'Eglise catholique, dont la liberté en ce pays est garantie par un traité
solennel, n'aurait pas le droit de se gouverner, de diriger ses membres comme
elle l'entH.nd !
C'est là l'absurde et crimin-'lle prétention de ceux qui font intervenir les tri-
bunaux civils pour fiire cass-^r des ordonnances épiscopales, sanctionnées par
Rome.
Et qu'on le remarque bien, dans le cas actuel, ce n'est pas même une question
mixle. On a b^au chercher, on ne trouve pas le moindre droit civil qui soit en
cause. C'est une ordonnance de pure discipline ecclésiastique que l'ancien pre-
mier ministre et ses associés demand-nt aux juges laïques de dirim-^r.
Il nous s-'mble que ce procès de Pike River est encore plus scandaleux que
la trop fameuse affaire Guibord. Dans celte dernière cause, on s'appuyait, au
moins, sur un s^-mblant de droit civil. Aujourd'hui, si nous saisissons bien l'état
de la question, on invite des juges laïqu^-s à envahir le sanctuaire sans l'ombre
d'un prétexte, sans qu'il y ait même l'appar-nce d'un dro:t civil à sauvegarder.
Les catholiques de ce pays, et même d'ailleurs, suivront avec un pénible in-
térêt, les diverses phases de ce nouveau scandale.
Note de la. rédaction. — Nos tribunaux civils ont déjà déclaré
leur incomoétenceà juger les questions purement ecclésiastiques.
La conr d'Appel a même jugé dans l'affaire de la paroisse de
baint-Blaise il) :
f Que les tribunaux n'ont aucune jwidîction relativement à Véree-
tion des paroisses.
2° Que l'érection canonique d'une paroisse est du ressort exclusif
des autorités ecclésiastiques.
3° Que l'érection civile, étant un simple acte administratifs est du
ressort exclusif du Lieutenant-Gouverneur en Conseil,
La même cour a aussi confirmé, le 21 mai 1886, le jugement
reifdu le 5 décembre 1884 par laconr de ciicuit à Sainte Julienne,
(2) fie l'abbé J. Oaimet vs J. Gadot. La cour de Circuit avait jugé :
Que dans rérection de paroisses canoniques, l'évéque diocésain
n'est soumis qu'à ses supérieurs ecclésiastiques, et que les tribunaux
civils n'ont aucuu contrôle, soit quant au fond, soit quand à la forme
des décrets.
(1) Voir le Prop4Sate(jr, vol. 3, page 762. Voyez aussi le même volume, page
374 -t le Vol. 2, page 279.
(2) Voir le Propagateur, Vol. 2. page 177.
610
LE PROPAGATEUR
Monseigneur l'évêque de Saint-Hyacinthe a déjà été poursuivi
relativement à son ordonnance du 29 septembre 1892, par laquelle
il établissait la desserte de Pike-River. L'action demandant l'an-
nulation de ce décret avait été intentée dans le district de Bedford
où Pike River est situé, les demandeurs prétendant qu'ils s'ajissait
d'une action mixte. Mais la cour Supérieure de ce district (Lynch,
iuge)^ a mnintenn r exception déclinatoire des défendeurs et jugé.
Que V action par laquelle on demande V annulation d'une ordonnance:
épiscopale^ est U7ie action puremmt personnelle et qu'elle doit^ en con-
séquence, être intentée devant le tribunal du domicile de Uévêque.
Le 26 mai dernier la cour d'Appel a confirmé le jugement de la
cour Supérieure de Bedford. Quelques jours plus tard elle a refu-
sé aux demandeurs la permission d'appeler de sa décision à la
cour Suprême, et cette dernière cour a aussi renvoyé, avec frais,
une requête par laquelle on demandait la même permission.
L'action dont il estparlédans l'article de la Vérité a été intentée
devant la cour Supérieure du district de Saint-Hyacinthe. Outre
l'annulation de l'ordonnance de l'évêque, le demandeur, par èou
action, demande des dommages intérêts au montantde vingt mille
piastres. (1).
( 1 ) Note. — Dans l'affaire de la paroisse de Saint B'aise le Conseil Privé a per-
mis l'appel. La cause est actuellement pendante devant ce lribun;il.
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LES ERREURS MDDEnilES
Par Dom P. BENOIT
Doctew en philosophie et en théologie.
2 fort vol. in-12 3ème éd... $2-00
INTRODUCTION
A LA
VIE SPIRITUELLE
PAR DES EXERCICES
DISPOSÉS IPOUR LA MÉDITATION ET LA LECTURE
SELON LA MÉTHODE DE SAINT IGNACE
Par le P. J. MASENIUS, de la 0«« de Jésus
OUVRAGE TRADUIT DU LATIN EN FRANÇAIS
Par l'abbé JOURDAIST, Anmônier dn Boii>Pastenr d'Amiens
1 fort vola me in- 12, de xii-290 pages, renfermant la matière de
trois volumes ordinaires. Prix : $1.25
Beaucoup d'auteurs se sont appliqués à développer les Exercices
de S. Ignace, de manière à faire un cours de méditations pouvant
servir pour un temps bien plus long que celui d'une retraite.
De tous ces auteurs le P. Masénius est celui qui nous paraît
avoir le mieux réussi. Son livre contient en abrégé toute la per-
fection de la vie chrétienne. Il convient aux ecclésiastiques, aux
religieux et à toutes les personnes qui veulent sérieusement prati-
quer le saint exercice de la méditation. 11 peut même servir de
lecture^'spirituelle pendant toute une année.
Un caractère tout particulier de ce livre, c'est qu'il contient
tout au long les développements des considérations, des affections,
des colloques et des résolutions. En sorte qu'il apprend à méditer
par l'exemple à ceux qui ne savent pas bien le faire, et qu'il est une
aide pour ceux qui sont éprouvés par la sécheresse, ou qui, pour
une raison ou pour une autre, sont momentanénent peu disposés
à méditer.
Des sommaires précèdent chaque développement, et le texte des
Exercices traduit accompagne chaque point de méditation^ En sorte
que ceux qui se suffiraient à eux-mêmes pour les développements,
ont l'un ou l'autre de ces résumés comme sujet.
Les citations de l'Ecriture et des Pères abondent dans tout le
cours de l'ouvrage. La traduction de ces citatons fait partie du
texte courant et le texte latin en est reproduit en note.
Il n'y a pas de vie spirituelle sans la pratique de la méditation.
S. Ignace disait qu'un quart d'heure de méditation bien employé
chaque jour suffirait pour mener à la vie parfaite. Qu'on prenne
pour manuel de méditations le livre du P, Masénius et l'on verra
612
LE PROPAGATEUR
qu'il est facile d'observer la recommandation du saint, et même
d'y consacrer plus de temps quand les devoirs d'étal le petmptlent.
La revue : Le Très Saint Sacrement (n° de décembre 1892) rend
compte de cet ouvrnge en ces termes :
" Après VyErarium divini amorU^ dont nous faisions il y a qnel-
" ques mois un éloge bien mérité, M. Walzer réédile aujourd'hui
" un ouvrage non moins important, dû à la plume d'un Jésuite
" belge, le P. Jacques Masen, et paru pour la première fois en 1651.
" Même à côté des traités sans nombre qu'ont inspirés les Exerci-
^' ces spirituels de saint Ignace, celui-ci possède incontestablement
" sa valeur propre et son cachet particulier. Les sujets de médita-
" tion y sont exposés avec une profondeur, une abondance et une
" force de conviction bien difficile à surpasser. Préparations,
" réflnxions, affections, résolutions s'y succèdent avec cet enchaî-
" nement suivi, cette logique rigoureuse qui forcent les résistan-
'* ces de l'âme et l'inclinent comne malgré elle sous l'empire de
** la vérité. L'ouvrage est précédé d'une introduction magistrale
" contenant toute la théorie de l'oraison, et il est complété par une
" suite de sujets spécialement destinés aux prêtres. Il est étonnant
" qu'un pareil livre ait pu demeurer jusqu'ici à peu près inconnu
•' en France. M. l'abbé Jourdain et son intelligent éditeur, en
" offrant à notre génération ce trésor sauvé de l'oubli, ont fait
" œuvre excellente et dont toutes les âmes pieuses leur sauront
gre.
TABLE DES MATIERES
N. B. — Nous indiquons les con-idér.i lions par les titres mêmes que leur a
donnés l'auleur. Chaque considération, exc^^plé pour les Méditalions ecclésiasti-
ques, esl siiivie des a/feclions qui s'y rupporlenl. Des recueils d'mvocalions et
d'aspirations, ainsi que divers averii-S'-nieuts spirituels, soiil répandus dans^le
cours de l'ouvrage, suivant que les sujets le demandent.
PRÉFACE. But, disposition, utilité de
cet ouvrage.
PROLÉGOMÈNES.
De la méditation. — Instructionjpré-
liminaire. — Chapitre 1er. De la
préparation requise puur la méditation.
— II. Du comm- ncemf'nlde la médita-
tion.— III Du rôle de l'intelligence
de la méditation. — IV. Dr^s afr^-ctions
pieuses. — V. De la manière de pro-
duire es afT-cUons. — VI Des co lo-
qu s. — VII. De la récoUeclion et des
résolutions. — Vlll. De la médlialiou
par l'cipp iciilion des sens. — IX. De
la prière unie à la mèilitation X.
De la répétition des mèdilations.
De la lecture spirituelle. — Des deux
examens de crnscience. — De la con-
fession générale.
EXiifiGIGES SPIRITUELS
VOIE PURGATIVE
DU PRINCIPE
OD KONDEMENT
SPIRITUELLE.
l. — De la fin de rfiom>ne. — l«''îon-
sidérez qui vous a fait homme et d'oîi
Dieu vous a tiré. — 2" Considérez
quellu créature Dieu a fail'^ lievous. —
3° onsidér^-z pour quel motif et pour
quelle fin Dieu vous a fait tel que vous
èies.
II. — Des créatures relative^neni à
la fin de l'homme. — I" Considérez
avec quel soin et quelle liber •lit-' Dieu
a mis à la disposition de Ihomme tout
c^ qui peut lui être utile pour aiieindre
la lin glorieuse qu'il lui a ma'i|uee. —
2" Considérez que les créai nr.-s con-
duisent l'homme pour ainsi dire parla
LE PROPAGATEUR
613
main à la connaissance de Dieu Pt à la
soumii-sioo à sa volonté. — 3^ Consi-
dép' z que Di-^u laissa des défauts aux
créatures jiour que l'homme n'y atta-
che par son cœur.
III. — Comment il faut user des
créatures. — 1" Gonsid-^rez que si l^^s
créatures sont faites pour votre usag^-,
ce n'f-st pas cependant pour en user
selon vos caprices ou vos inclinations
Dalurnlles. — 2» Considérez que pour
bien user des créatures pour votre
salut, selon l'ordre et la volonté de
Dieu, il est nécessaire de vivre comme
le demande voire état et d'en remplir
les obligations. — 3° Considérez qu'il
est aisé de se tromper sur les moyens
à prendre pour arriver à sa fin : aisé
d'abuser d-^ sa liberté; aisé enfin de
glisser sur la pente du vice.
IV, — Les voies à suivre pour attein-
dre noire fin — lo Considérez l'erreur
déplontile delà plupart d-s hommes
qui préfèr-^nt le brillant à l'utile. — 2"
Con-id-r''z que les bi ns et 1 s maux
d'ici-bas n'ont pas tous la même origi-
ne, — 3» Consid^ez que pour arriwr à
volr^ fin, vous devez user les moyens
de salut que vous avez choisis ou
acceptés de la m lin de Dieu.
DES PÉCHÉS ET DE LA PÉNITENCE.
I. — Du péché puni dans les anges,
dans Ailam et dans les autres hommes
— [" Considérez que D.eu a crf-é 1-s
angKS à so'i image. — 2° Gonsidért^z
les désastreux eflets, du péché du pre-
mier homme. — 2° Considérez la mul-
titude de ceux que Dieu châtie et con-
damna' aux fldmm'^s éternelles à cause
de leurs propres pèches.
II, — Gravité du péché mortel — 1°
Considérez la multitude de vos péchés
et leur gravité. — 2» Gonsid-T-^z main-
tenant la personne du pêcheur. — 3"
Confiderez celui que vous avez offensé.
III — Des dommages et des cliâli-
menls qu entraine le péché mortel. —
1» Coii>id"rez la grandeur d^s biens
dont le p ché \o is prive et des maux
qu'il vo iis cau'e. — 2° Con-idérez les
terribles châtiments que vos péchés
vous atiireiit. — 3» Considérez que
l'expiation du péché a demande les
seufTranct-s et la mort du Fils de Dieu
fait homme.
IV" — Du péché vénid et :a gravi'.é
— 1° Considérez les péchés véniels que
vous avez commis ju-qu'à ce jour. —
2» Considérez les gra> es ^t nombreux
dommig-s que le péché véni- i causeà
l'âm . — 3° Considérez les châtiments
redoutables du pfche véniel.
DE LA CONSIDÉRATION DES FINS DERNIÈBKS
DE l'homme.
I. — De la mort. — i" Considérez ce
qu'- si voire vie sur la terre. — "-" Con-
sidér-'Z qu lies seront les dispositions
de votre âme quand il faudra mourir.
— 3» con-i Jerez la mon précieuse des
.ustes.
II. — Du jugement particulier et du
jugemmt général. — l" Consi lérez que
Dieu vuus jugera aussitôt après votre
mort. — 2" Ccnsideiez qu'un jugement
public suivra le premier jugement. —
3' Co sidérez la différence entre le.
jugement des bons et celui des mé-
chants.
III — De Venfer. — 1° Considérez
les souffrances corporell-'s des damnés
dans l'enfer. — 2» Considér>-z la gran-
deur des supplic-^s d-- lame des dam-
nés. — 3» Considérez les autres souf-
frances de l'enfer.
IV, — Du nombre des élus et du
chemin étroit qui conduit au Ciel. —
l" Con;idérez l-- peut nombre des élus.
— 2° Considérez que vous n'êtes pas
assuré d>^ volrn salui, — 3° Considérez
la conduite de Dieu dans la distribution
de ses grâces.
VOIE ILLUMINATIVE
I. — Contemplation du règne de
■Jésus-Christ. — 1» Coiisid^^rez Jésus-
Lhrisi vous rappelant au combat. —
2" Considérez Ii tin que Jesus-Christ
se propose. — 3° Con-ider^z ^lue les
motifs d'écouler J^■sus-Cll^ ist, de le sui-
vre ei de l'imiter, Sunt graves et nom-
breux.
II. — De l'incarnation de Jésus-
Christ. — 1° Considéiez combien est
admirable l'œuvre de l'incarnaiion. —
2» Considérez commeui s'f-st accompli
!e mystère de riucari.atiOii. — 3» Con-
sidérez la fin que Ui^u s'e-t proposée
dans l'œuvre étonnante de l'Incarna-
tion, et au profit de qui elle fut princi-
palement accomplie.
m. — De la nativiié de Notre-
614
LE PROPAGATEUR
Seigneur Jésus-Chrisl. — t " Considérez
le mystères de la nulivilé du Sauveur.
— 2" Considérez quels exemples de
vertus Jésus-Christ vous donne à sa
naissance. — 3° Considérez le mélange
des biens et des maux ici-bas.
IV. — De renfonce du Sauveur. —
1° Considérez quels exemples Jésus-
Christ a proposés à l'imitation de la
jeunesse. — 2° Considérez Jésus-Christ
dans le temple de Jérusalem. — 3»
Considérez Jésus-Christ croissant en
sagesse, en âge et en grâce.
AVAKCEMEKT DANS LA VOIE
ILLUMINATIVE.
I. — Les deux étendards. — 1° Con-
sidérez les efforts du démon pour vous
perdre. — 2» Considérez comment le
Fils de Dieu s'est manifesté à nous sur
la terre. — 3» Considérez les disposi-
tions du chrétiens à l'égard des biens
de ce monde.
II. — Préparalion de Jésus-Chrisl à
la prédication : son baptême, son jeûne
sa tentation. 1° — Considérez Jesus-
Christ se préparant au ministère de la
prédication. - 2° Considérez Jésus-
Chrisl vous donnant l'exemple de la
morliOcalion et de la prière. — 3" Con-
sidérez Jésus-Chrisl tenté par le dé-
mon.
III. — De la vccalion des apôtres et
du résumé de la doctrine chrétienne
donné sur la montagne. — l" Consi-
dérez combien Dieu fut admirable dans
la vocation des apôtres. — 2» Consi-
dérez quels enseignements le Fils de
Dieu vous donn»' sur la montagne. —
3° Considérez comment Jésus instruit
ses disciples et le peuple de leurs
devoirs envers Dieu, et du soin qu'il
faut apporter aux choses du ciel.
IV. — De la confirmation des 'prin-
cipaux points de la doctrine chrétienne
par des miracles. — 1° Considérez
comment Jésus-Christ confirme sa doc-
trine par ses miracles- — 2» Considérez
Jésus-Christ nous excitant à l'espéran-
ce. — 3° Considérez la gloire du Fils
de Dieu sur le Thabor.
DE LA PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR JESUS.
CHRIST.
[• — De V Eucharistie instituée
comme mémorial de la passion de
Jésus-Christ. — 1° Considérez Jésus
lavant les pieds à ses disciples. — 2"
Considérez l'excellence de l'Eucharis-
tie et les trésors qu'elle contient. — 3"
Considérez que Jésus-Christ est pour
nous l'arbre de vie.
II. — Des mystères accomplis au
Jardin des Oliviers et du commence-
ment de la passion de Notre-Seigneur.
— 1» Consirlérez Jésus agonisant au
Jardin des Olives. — 2» Considérez
Jésus priant son Père au Jardin des
Olives. — 3° Considérez Jésus livré à
ses ennemis parle traitrs Judas.
III. — Jésus- Christ traîné de tribu-
nal en tribunal et condamné. — 1"
Considérez qui a souffert chez Anne et
Caïphe, ce qu'il a souffert, et par qui.
— 2° Considérez Jésus conduit devant
les tribunaux de Pilate etd'Hérode. —
3° Considérez Jésus condamné à mort
et ponant sa croix malgré son inno-
cence.
IV. — Du crucifiement et de la mort
de Jésus-Christ. — l" Considérez Jésus
pardonnant au bon larron et lui pro-
mettant le Paradis. — 2» Considérez
Jésus confiant sa Mère à Jean. — 3»
Considérez les prodiges qui accompa-
gnent la mort de Jésus-Christ.
VOIE UNITIVE.
I. — De la résurrection de Jésus-
Christ et de ses apparitions. — 1° Con-
sidérez Jésus triomphant de la mort
par sa résurrection. — 2° Considérez
les causes de la résurrection de Jésus-
Christ — 3° Considérez comment Jésus-
Chrisl est ressuscité.
II. — De l'apparition de Jésus-Christ
auxtdisciples d'Emmaus. — 1" Consi-
dérez Jésus-Christ a|iparaissant aux
deux disciples d'Emmaus et les ins-
truisant. — 2" Considérez combien il
fut utile aux disciples de s'entretenir
pieusement de Jésus-Christ' — 3° Con-
sidérez l'heureuse issue de la rencon-
tre du Sauveur avec les pèlerins d'Em-
maus.
III. — De la première apparition de
Jésus-Chrisl aux apôtres rassemblés-
— 1"> Considérez Jésus donnant la paix
à ses disciples. — 2» Considérez la né-
cessité de la paix de Dieu.
IV. — De l'apparition dont Thomas
fut favorisé en présence des autres
apôtres. — l» Considérez Jésus faisant
LE PROPAGATEUR
615
toucher ses plaies à Thomas. — 2° Con-
sidérez les fruits que procure à Tho-
mas la présence de Jésus. — 3° Con-
sidérez comni'^nt Jésus vint dans le
cénacle une seconde fois à cause de
Thomas.
VOIE UNITIVB. (suite.)
l'amour de dieu.
I. — De l'amour de Dieu et des
brebis confiées à Pierre parce qu'il
aimait. — 1° Considérez combien Jésus
récompense l'amour de Pierre en lui
conflanl son Eglise, et ce que Dieu fait
pour obtenir notre amour. — 2" Consi-
d éez comment les créatures vous ai-
dent à connaître noire Créateur et ses
perfections infinies. — 3° Considérez
que tout ici bas, même les épreuves,
doit servir à votre salut.
II. — De l'amour parfait et de l'hon-
neur souverain qui sont dus à Dieu.
— 1» Considérez que Dieu vous a tout
donné et que vous ne pouvez ri^n sans
lui. • — 2° Considérez que toutes les
œuvres de Dieu et tous ses dons ont
lui-même et sa yloire.pour lin suprême.
— 3° Considérez que l'amour de Dieu
pour vous est l.i cause de tous ses dons
et réclame ^un amour semblable de
votre part.
III. — De la conformité de lavolon-
té de l'homme avec la volonté de Dieu,
procédant de l'amour, selon l'inslruc-
iion donnée par Jésus- Christ à Pierre.
— 1" Consi'lér z que rhomme est obli-
gé de conformer sa volonté à la volon-
té divine. — 2° Considérez que l'homme
le plus grand intérêt à soumettre sa
volonté à la volonté de Dieu. — 3»
Considérez comment il faut réduire
en pratique la soumission , de votre
volonté à celle de Dieu.
IV. — De V ascension de N-S. Jésus-
Christ. — 1° Considérez Jésus-Christ
confiant à ses apôtres la mission de
travailler au salut de tous les hommes.
— 2" Considérez la persévérance de
l'amour de Jésus-Christ pour vous, —
3» Considérez Jésus montant au ciel
pour vous y préparer une piace.
Méditation préparatoire à la confes-
sion. De l'enfatU prodigue reçu par
son père. — 1° Considérez la conduite
de l'enfant proiiigue et celle que vous
avez tenue. — 2» Considérez le prodi-
gue revenant humblement vers son
père et la réception qui lui est faite. —
3° Considérez la miséricorde avec la-
quelle Dieu reçoit le). ècheur repentant.
— Moyens à employer pour éviter le
péché.
TRAITÉ DE L'ÉLECTION.
Du choix d'un étal de vie et des mo-
yens d'y vivre de manière à sauver son
âme.
Chapitre I. Objet de l'élection. De
ceu.x qui doivent faire cet acte. De ceux
qui doivent la diriger. Du discernement
des esprits. Des trois temps favorables
à l'élection. — II. Quelques vérités
utiles à connaître pour fair-e choix d'un
état de vie. — III. Règles à suivre pour
faire ce choix. — IV. Méditation sur
la gravité du sujt;t, la voie qu'on doit
préférer, et les maux qui découlent
d'une élection faite avec légèreté et pré-
cipitation. — V* Quelques mots sur la
nature, les caractères distinctifs, les
avantages et les inconvénients des di-
vers étals de vie, à l'usage de ceux qui
délibèrent sur la carrièr'e à embrasser.
— VI. Moyens de remédier à l'erreur
commise dans l'élection. — Comment
il faut corriger les erreurs dans la foi.
MÉDITATIONS ECCLÉSIASTIQUES.
Avertissement. — Première médita-
tion. De la fln et de la dignité du sa-
c^^doce. — 1" Considérez la fin et la
dignité da l'état etclésiastiqu?. — 2»
Considérez la fin et la dignité du sacer-
doce en particulier. — 3» Considérez
qu'il faut étudier sa vocation et y con-
former ses mœurs.
Deuxième méditation. Du soin que
les ecclésiastiques doivent mettre à
éviter le péché. — l" Considérez qu'il
n'appartient qu'aux saints de toucher
les choses saintes. — 2° Considérez
qu'il faut être saint pour travailler
utilement au salut du prochain. — 3»
Considérez que vous n'avez quitté le
monde et pris rang parmi les clercs que
pour servir Dieu en travaillant à votre
salut et à celui des autres.
Troisième méditation. Du redouta-
ble jugement que Dieu réserve aux
mauvais prêtres; — 1° Considérez la
compte rigoureux que vous aurez à
rendre au tribunal de Dieu. — 2" Con-
sidérez la crainte que l'elat ecclésiasti-
que a inspirée aux saints. — 3° Consi-
616
LE PROPAGATEUR
dérez la nécessité absolue de la conti-
nence pour les cl-rcs et de la fidélité
aux devoirs de leur ministère.
Quatrième médilaiion. De la sainte-
té exigi^ des ministres de l'Église, en
vertu même des nies 'le rOrdinalion.
— 1° Gonsider z que Jesus-Ghrisl est
pour le prêire ua modèe dont chaque
degré dais le- Siints ordres doit rap-
procher. — 2° Gonsidèr-^z les obliga-
tions qu'imposent le sous diaconat et
le diaconat. — 3" G )nsidérez la ^sain-
teté qu'exige lii sacerdoce.
Cinquième médilaiion Delà science
et de la vert i dns ministres de l'Église.
— !• Gonsid-rez la n-'cessité de la
science et île T'-tud d 'S choses sain-
tes pour l'-s eccl^-siastiques; — 2» Gon-
sidérez qu'un-* vi^ mortiûée vous est
nécessiiirn pour le bon exemple. — 8°
Considérez que vous devez l'exemple
de différentes vertus.
Sixième méditation. De l'obéissance,
de la chasteté-, d" la pauvreté des mi-
nistres de l'Eglise. — !• Considérez
l'obligation oii vous êtes de suivre
Jésus-Christ crncilié. — 2° Considérez
avec quelle vigilance un eccl-^siastique
doit garder la sainte chasteté. — 3«
Considérez que les ecclésiastiques loi-
vent pratiquer la pauvreté.
Septième m'hait ation. De la charité, du
zèle et de li patience des ministres de
Dieu. — 1° Considérez q;!e Dieu exige
de ses miuislr'S une rare perfection
reposant, en premier li-^u, sur le chiri-
té. — 2» Considérez que la perfection
ecclésiastique n'existe pis sans le zèle.
— 3° Considérez que quiconque veut
servir Dieu doit préparer son âme à
l'épreuve.
Huitième méditation. De la perfec-
tion ft de la vie 'l'union avec Di-^u né-
cessaire anx prêtres. — 1° Considérez
la sainteté que requiert en vous l'o-
bliiiou du saint sa.;rifice. — 2» Con-
8id»"rez que Dieu n'attend pas moins de
ses ministres que les rois de la t-rre
de leurs courtisans. — 3» Considérez
la nécessité et les moyens de persévé-
rer.
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(suite)
m
ROSETTE.
Icy chanter, là pJeurer je la vy ;
Icy sourire, et là je fus ravy
De ses discours
(Ronsard.)
Lorsque les marguilliers de Saint-Etienne du Mon voulurent
faire res-taurer les belles petites verrières qui décoraient le cloître
attenant à leur église, ils s'adressèrent aux frères Levieil. Pierre,
dans son Histoire de la peinture sur verre, se plaît à raconter com-
bien l'un de ces bons marguilliers le fatiguait par sa surveillance
soupçonneuse et ses critiques déplacées. Enfin ce travail de res-
tauration s'acheva; et, le jour où l'on posait le dernier vitrail,
Pierre, en attendant que ses frères eussent fini leur besogne, se
promenait en disant son chapelet dans Je petit cimetière qu'entou-
rait le cloître. Une pierre tombale, fort simple, mais d'un dessin
élégant, et qui était adossée au pilier voisin de la verrière qui
représentait Elielaisant descendre sur l'autel le feu du ciel, attira
son attention. La mousse couvrait cette pierre, exposée au nord,
et empêchait d'en lire l'inscrirtion. Pierre se baissa, et, prenant
une ardoise tombée dans le gazon, enleva la mousse, et lut ces
mots :
EVSTACHE LESVEVR, IN PAGE
1 MAT MYCLV
'■' C'est donc là que repose le Raphaël français ! " se dit Pierre
Levieil. " A peine un siècle s'est-il écoulé, et sa tombe est oubliée î
A quoi sert le génie ? Q'est-ce que la gloire ? "
Un jeune homme, d'une aimable figure, mais pauvrement vêtu,
s'était approché. Il salua respectueusement Pierre Levieil, et lui
dit:
'' Monsieur, j'ai une grâce à vous demander, et c'est ici même,
sur la tombe de Lesueur, que j'espère l'obtenir. Je voudrais entrer
chez vous comme apprenti. Je l'ai demandé à M. Je in. mais il m'a
répondu qu'il avait plus d'ouvriers ^u'il n'en peut occuper.
" Mon frère à raison, " dit Pierre. '• D'ailleurs, vous êtes déjà
bien grand garçon pour apprendre un état. Qa'avez-vous fait
jusqu'à présent ? "
" J'ai fait mes études, monsieur, " dit le jeune homme." J'ai de
bons certificats de mes maîtres, les jésuites de Rouen. J'ai perdu
mes parents. J'aurais voulu me placercommeprécepteur, et jesuis
venu à Paris pour cela ; mais je ne trouve pas de place, mes res-
618 LE PROPAGATEUR
sources s'épuisent, et je voudrais apprendre à gagner ma vie. Je
sais dessiner, monsieur. Je m'appelle Eustache Moreau ; je suis
arrière-pelit-fîls d'Eustache Lesueur. "
" Venez à la maison, mon ami, " dit Pierre en lui tendant la main.
** Venez : à Dieu ne plaise que nous refusions d'accueillir un des-
cendant de Lesueur 1 "
Renseignements pris, tout confirma le premier mouvement de
Pierre Levieil. Eustache Moreau, admis dans l'atelier des peintres
verriers, gagna bientôt ses vingt-quatre sols par jour. Jean et André
le prirent en affection, et Pierre entrevoyait en lui l'étoffe d'un
véritable artiste ; mais les occasions d'exercer son talent naissant
manquaient. À peine, de loin en loin, une figure, un sujet, étaient-
ils demandés aux derniers peintres verriers. Quelques armoiries,
quelque'S arabesques, c'était tout ce que la mode admettait, et la
permission de remplacer les meneaux de pierre par des armatures
et des bandes de verre blanc, au lieu de supprimer entièrement
les vitraux historiés, était tout ce que les instances de Pierre
Levieil pouvaient obtenir desmarguillierset des curés de Paris.
Un jour du mois de février 1744, Pierre Levieil venait de faire
sa tournée matinale à l'atelier, et il remontait à son appartement,
situé au deuxième étage de la maison, sur le jardin, lorsqu'en
passant devant la porte entr'ouverte de sa sœur Rose, il sentit le
parfum des violettes. Il entra, croyant trouver Rosette chez elle.
La petite chambre était vide, et, comme toujours, proprette et ran-
gée à merveille. Sut la cheminée était posée une statuette de la
sainte Vierge, et, entre les bras un petit Jésus qu'elle portait, Pierre
vit un joli bouquet de violettes, lié d'un ruban vert. Ce n'étaient
pas des violettes de jardin, pour sûr: il était encore couvert de
neige ; c'étaient de belles violettes venues sous châssis, et telles
qu'on n'en trouvait alors que chez les bouquetières du quai aux
Fleurs. — Pierre prit le bouquet, le cacha |dans sa manche, et
monta chez lui.
Rosette y était : selon sa coutume, elle époussetait les livres de
son frère, aussitôt que le domestique avait fini de balayer et de
frotter le parquet de la bibliothèque. — Rose avait déjà vu son frère
le matin, à la prière. Elle lui sourit et lui dit :
" Déjà de retour de l'atelier, mon frère ? Vous n'avez donc
grondé personne ce matin ? "
" Non, ma fille, " dit Pierre ; " mais cela viendra peut-être.
Asseyez-vous là, petite. "
Il s'assit dans son grand fauteuil et regarda sa sœur, sans lui
laisser voir le bouquet qu'il tenait ; mais leur parfum décelait les
violettes, et un vif incarnat monta aux joues de Rosette. Elle
craignait Pierre autant qu'elle l'aimait. Chez lui, Pierre portait
une grande houppelande de serge noire, qui lui rappelait sa coule
de bénédictin. Les soucis et le chagrin avaient déjà sillonné son
front de quelques rides, et une .calvitie précoce achevait de lui
donner l'apparence d'un religieux des plus imposants. Rosette,
vêtue très simplement d'une robe bouffante de camelot brun et
d'un fichu de linon blanc comme la neige, portait, selon l'usage
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da temps, ses cheveax crêpés et poudrés, bien relevés sur le front,
et retenus par un ruban vert. Elle se tenait droite devant son
frère, les yeux baissés, et roulant entre ses doigts déliés un coin de
son petit tablier de taffetas noir.
" Rose, " lui dit son frère en lui remontrant le bouquet, " d'où
viennenL ces violettes ? "
*' C'est M. Eustache Morean qui me les a offertes ce matin. " dit
Rosette; je n'ai pas osé les lui refuser. C'était la première fois
qu'il me parlait, mon frère ! "
'■ Et que vous a-t-il dit? "
" Il m'a priée d'accepter ces fleurs pour mon anniversaire. Il avait
entendu dire à Louis que j'ai vingt ans aujourd'hui. "
" Et c'est tout? " reprit Pierre.
" Absolument tout, mon frère, "
" Et que lui avez-vous répondu ? "
" Rien, mon frère. C'était dans l'escalier. J'ai fait la révérence,
toute surprise, et il m'a saluée, et s'est sauvé à l'atelier. "
" Vous avez eu tort d'accepter ces fliurs sans m'en demander la
permission, " dit Pierre : " une jeune fille qui n'a plus sa mère
doit être plus retenue que toute autre. Que rien de semblable ne
vous arrive plus, Rosette, ou je vous remettrai au couvent. "
" Je vous en prie, mon bjn frère, " dit Rose, '' ne soyez pas
fâché contre moi. "
Et elle se mit à pleurer à chaudes larmes.
Pierre, se sentant mollir, se leva et fit le tour de la chambre •
puis, revenant vers sa sœur, il posa sa main sur la tête de Rosette
et lui dit:
" Je ne suis point fâché, ma petite Rose. Mais, dites-moi, pour-
quoi aviez-vous mis ce bouquet entre les bras de l'Enfant Jésus ? "
Jamais Rose ne put dire pourquoi: elle pleurait trop. Ce que
voyant son frère, il l'embrassa au front et lui dit:
" Allez prier Dieu, ma fillette. Nous réfléchirons à cela.
Rose sortit, son mouchoir sur les yeux, et, aussitôt que Pierre
l'eut entendue refermer la porte de sa chambre, il sonna son valet.
" Allez dire à M. Eustache Moreau que je le prie de venir me
parler, " dit-il au domestique.
Puis Pierre Leveil entra dans son cabinet, laissant le bouquet
de violettes sur la table de la bibliothèque.
Eustache eut grand'peur ijuand le valet vint lui dire que M.
Levieil vouhit lui parler. Tout tremblant, il rajusta ses habits,
prit son chapeau et ses gants à la main, et monta lentement l'esca-
lier. Il y rencontra le petit Louis, que sa mère venait de mettre en
pénitence, et qui essayait de pleurer, assis sur une marche.
" Qu'as tu, Louis ? " lui demanda Eustacbe, qui était son grand
ami.
" Maman veut que j'aille demander un crayon à l'oacle Pierre, "
dit Louis, *' et moi je n'ose pas, et je ne veux pas. "
" Il faut obéir, " dit Eustache. " Viens avec moi. "
Ils se prirent la main et montèrent. La porte était ouverte. En
entrant dans la bibUothèque, Eustache vit le bouquet et devint
pâle. Louis s'élança et prit les fleurs :
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LE PROPAGATEUR
" Oh ! les belles violettes ! C'est pour moi, n'est-ce pas, moa
oncle ? " cria-t-il.
Pierre Levieil entra ; et, tandis que Louis s'amusait à défaire le
bouquetjle frère aîné de Rosette eut avec Eustache Moreau une
conversation qui se termina ainsi :
" Je vous donne deux mois, " dit Pierre. " Si dans deux mois, à
pareil jour, vous m'apportez un vitrail coupé, dessiné, peint, cuit
et mis en plomb par vous, et que cet ouvrage soit beau et solide à
défier toute expertise et toute critique raisonnable, je -ous per-
mettrai de demander à ma sœnr si elle veut bien de vous pour
mari. Mon père était aussi jeune et aussi pauvre que vous quand
il obtint la main de la fille de son patron, mais il avait du talent.
Votre manque de fortune ne sera pas un obstacle, quand vous
m'aurez prouvé que vous pouvez gagner honorablement votre vie.
Ne dites à personne uu seul mot de nos conventions. Vous travail-
lerez chez vo is, et ne viendrez à l'atelier que juste pour terminer
votre chef-d'œuvre.-'
Il lui tendit la main. Eustache le remercia avec effusion, et
partit si léger qu'il lui semblait avoir des ailes.
Au bout de trois semaines, Eustache Moreau reparut à l'atelier.
Sur l'ordre de Pierre, on lui donna du verre, des émaux, et la clef
d'une petite chambre située au-dessus de l'atelier, et où il travailla
seul. Deux fois le four fut mis à sa disposition, et, enfin, le jour
même où les deux mois finissaient, le 9 avril, il se présenta chez
Pierre Levieil, portant un panneau de vitrail recouvert d'un mor-
ceau de serge verte. Louis le guettait au passage.
'•' Qu'apportes tu à mon oncle ? " lui dit-il. " Est-ce joli ? Tu ferais
bien mieux de donner cela à ma taute Rose, qui a pleuré ce matin
sans vouloir me dire pourquoi. "
"Tais toi, Louis, " dit Eustache, " et viens avec moi. "
Ils montèrent. Un châssis tout préparé était placé devant l'une
des fenêtres, d'où l'on découvrait un vaste horizon. Eustache plaça
son panneau avec soin et attendit. Pierre Levieil ne tarda pas à
entrer. Il répondit par une silencieuse inclination de lêie au salut
respectueux du jeune homme, et s'approcha du châssis. Sans oser
parler, Eustache^dévoila le vitrail. Pierre Levieil jeta un cri. C'était
un vrai chef-d'œuvre, c'était une vue de l'abbaye de Saint-
Wandrille.
Et, deux mois après, Rose Levieil épousait à Saint-Etienne d"i
Mont le petit-fils d'Eustache Lesueur.
(à suture.)
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Nevi séries.
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