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Full text of "Le Propagateur : bulletin bi-mensuel du clergé et des familles"

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LE  PROPAGATEUR 


LE 


PROPAGATEUR 


BULLETIN   BIMENSUEL 


DU  CLERGÉ  ET  DES  FAMILLES 


DIRECTEUR 

L.    J.    A.    D  E  R  0  M  E 


TOME  TROISIEME 


1893-93 


ADMINISTRATEURS  : 

CADIEUX  &  DEROME,  MONTREAL 

1603,  rue  Notre-Dame,  1603 


cflNp?U  commencement  de  la  nouvelle  année  le  Propagateur 
yTK  offre  à  ses  amis  ses  souhaits  sincères  de  bonheur  et  de 
prospérité.  Que  cette  année  qui  commence  leur  soit  favorable  ! 
Qu'ils  réussissent  dans  leurs  entreprises  !  Que  leurs  aspirations 
légitimes  soient  satisfaites  ! 

Que  ceux  qui  sont  chargés  d'enseigner  la  véritable  doctrine 
reçoivent  les  lumières  de  celui  de  qui  vient  toute  science  ! 

Que  ceux  qui  ont  des  familles  inspirent  à  leurs  enfants  les 
idées  religieuses  et  patriotiques  qui  en  feront  de  bons  et  utiles 
citoyens  ! 

Que  ceux  qui  luttent  pour  l'existence  se  souviennent  que  la 
probité  est  la  pierre  fondamentale  de  Tédification  des  fortunes  ! 

Que  ceux  qui  sont  appelés  à  siéger  dans  les  conseils  de  la 
nation  aient  l'esprit  de  sagesse  et  d'intelligence  pour  bien  admi- 
nistrer la  chose  publique. 

Que  les  pauvres,  les  malades,  les  infirmes,  tous  les  déshérités 
d'ici-bas,  souffrent  leur  maux  avec  patience  et  résignation  ! 
Qu'ils  se  souviennent  sans  cesse  qu'au  delà  de  nos  horizons 
bornés  il  y  a  les  horizons  infinis,  et  que  ceux  qui  ont  pénible- 
ment parcouru  le  champ  aride  des  douleurs  humaines  trouveront 
des  plaines  fertiles,  séjour  du  repos  final  et  des  étemelles  féUcités! 

Que  les  riches  et  les  heureux  du  siècle  soient  généreux,  bons 
et  charitables  !  Que  le  pauvre  ne  frappe  pas  en  vain  à  leur 
porte,  qu'ils  ne  lui  refusent  pas  les  miettes  qui  tombent  de  leur 
table  !  Qu'ils  soulagent  Içs  misères  de  leurs  frères  qui  souffrent  ! 
Qu'ils  donnent  à  ceux  qui  n'ont  rien  !  Qu'ils  se  souviennent 
qu'au  delà  de  cette  vie  il  y  a  la  récompense  promise  !  Qu'ils 
n'oublient  pas  que  ceux  qui  auront  pratiqué  la  charité  seront 
conduits  par  Lazare  dans  le  sein  d'Abraham  ! 

LE  PROPAGATEUR. 


lï 


BULLETIN 

20  décembre,  1892. 

•/  Il  est  arrivé  dernièrement  en  Angleterre  deux  événements  qui  contrastent 
singulièrement  avec  les  persécutions  d'autrefois.  Je  veux  parler  de  la  remise  du 
pallium  à  l'archevêque  de  Westminster  et  de  l'éleclion  de  Mr  Knill,  catholique 
pratiquant,  comme  Lord  maire  de  Londres. 

Je  rends  compte  plus  bas  de  ces  deux  événements  significatifs  et  remar- 
quables. 

*/  L'éleclion  annuelle  du  Lord-Maire  de  Londres  a  eu  lieu  à  la  St-Michel,  29 
septembre.  L'éleclion  a  lieu  à  cette  date  en  vertu  d'une  des  anciennes  coutumes 
catholiques  conservées  par  la  protestante  Angleterre.  Celte  année  le  choix  est 
tombé  sur  un  catholique  pratiquant,  Mr  Stuart  Knill,  quoiqu'il  ait  déclaré  fran- 
chement qu'il  briserait  avec  les  traditions  et  que,  contrairement  à  l'usage  suivi 
par  ses  prédécesseurs,  il  aurait  son  chapelain  catholique  el  qu'il  n'assisterait  pas 
officiellement  aux  cérémonies  religieuses  protestantes  à  St-Paul  de  Londres,  à 
St-Laurent,  etc. 

Cette  élection  d'un  catholique  qui  ne  craint  pas  de  s'affirmer  indique  que  la 
tolérance  religieuse  a  fait  d'immenses  progrès  en  Angleterre,  et  qu'il  est  loin  le 
temps  où  nos  coreligionnaires  étaient  traqués  comme  des  bêles  fauves. 

11  existe  cependant  encore  certaines  inhabilités  dont  sont  frappés  les  catho- 
liques et  quelques  charges  supérieures  qui  ne  peuvent  pas  leur  être  contiées.  Ces 
derniers  vestiges  des  temps  de  persécution  disparaîtront  bientôt,  il  faul  espérer. 
Il  y  avait  un  catholique  dans  le  dernier  ministère  Salisbury,  Mr  Mailhews,  et  il 
y  en  a  deux  dans  le  ministère  Gladstone  ;  ce  sont  lord  Ripon.  ministre  des  Colo- 
nies, et  sir  Charles  Russell,  procureur-général.  La  chambre  des  Lords  compte 
plusieurs  catholiques  parmi  ses  membres  et  des  emplois  publics  très  importants 
sont  aussi  confiés  à  des  catholiques. 

Espérons  aussi  qu'avant  longtemps  desjurisconsultes  catholiques  feront  partie 
du  conseil  privé.  C'est  le  désir  ardent  des  catholiques  du  Canada,  surtout  depuis 
les  singuliers  jugements  de  ce  haut  tribunal  dans  l'afTaire  Guibord  et  dans  la 
question  des  écoles  du  Mànitoba. 

Mr  Knill  est  le  2ème  lord  maire  catholique  de  Londres.  Son  prédécesseur  ca- 
tholique, élu  il  y  a  deux  ou  trois  ans,  a  été  Mr  Keyser,  d'origine  Belge.  Malheu- 
reusement il  n'était  pas  doué  d'une  grande  fermeté,  car  il  suivit  l'usage  des  lords- 
maîres  en  acceptant  un  aumônier  officiel  protestant  et  en  assistant  officiellement 
aux  cérémonies  religieuses  protestantes  auxquelles  les  lords-maires  assistent  en 
celle  qualité.  "  Cela  "  dit  un  journal,  "  ne  lui  attira  que  le  mépris,  comme  il  ar- 
'•  rive  chaque  fois  que,  par  respect  humain,  on  commet  une  lâcheté  analogue." 

Le  9  novembre,  jour  de  l'entrée  en  fondions  du  nouveau  lord-maire,  la  proces- 
sion et  le  banquet  traditionnels  ont  eu  heu.  Malgré  les  efforts  de  l'association 
anti-papale  de  Londres,  la  procession  n'a  pas  été  troublée. 

Contrairement  à  l'usage  suivi,  le  premier  ministre,  Mr  Gladstone,  n'a  pas 
assisté  au  banquet.  Dans  sa  lettre  d'excuse  il  félicite  le  lord-maire  de  son  cou- 
rage en  affirmant  hautement  ses  croyances  religieuses.  Le  gouvernement  était 
représenté  par  lord  Kimberley,  secrétaire  d'état  pour  l'Inde. 

*/  Le  16  août,  un  délégué  spécial  du  pape,  l'archevêque  de  Trébisonde  a  re 
mis'  le  pall'um  à  Mgr  Vaughan,  archevêque  de  Westminster.  Cette  cérémonie- 
qui  a  été  très  solennelle  et  à  laquelle  assistaient  trente  évoques,  un  nombreux, 
clergé,  plusieurs  ambassadeurs  et  des  représentants  de  la  noblesse  catholique 
anglaise,  a  eu  lieu  à  Londres  dans  l'oratoire  de  Brompton. 

C'est  la  première  fois  depuis  l'année  1556  qu'une  semblable  cérémonie  a  lieu 
en  Angleterre.  Les  prédécesseurs  de  Mgr  Vaughan,  les  cardinaux  Wiseman  el 
Manning  avaient  reçu  le  riallium  à  Rome  même.  C'est  sous  le  règne  de  Marie 
Tudor  qu'eut  lieu  la  dernière  remise  de  pallium  el  c'est  le  cardinal  Pôle  ou  Poole 
qui  en  fut  investi.  Ce  cardinal,  né  en  1500,  mourut  en  1558.  Sa  tête  fut  mise  à 
prix  par  Henri  VIIl  à  qui  il  reprochait  son  apostasie.  Après  la  mort  de  ce  prince. 


LE  PROPAGATEUR  643 


sa  lille  Marie  réiablil  le  catholicisme  el  le  cardinal  Pôle  reprit  l'exercice  de  ses 
fonctions. 

* 
*,'  Plusieurs  catéchismes  en  France  ont  été  déférés  au  conseil  d'Etat  pour  les 
faire  condamner  à  cause  de  l^urs  dispositions  concernani  le  devoir  électoral,  les 
droits  de  l'église,  le  mariage  civil  et  le  divorce.  La  persécution,  qui  ne  perd  au- 
cune occasion  de  s'affirmer,  a  honteusement  réussi,  et  ït^s  catéchismes  d'Aix,  de 
Reims  et  de  Luçon  ont  été  condamnés  au  mépris  des  droits  sacrés  de  l'Eglise,  du 
bon  sens  el  même  du  concordai  qui  est  la  loi  qui  régit  en  France  les  rapports 
entre  le  pouvoir  civil  et  le  St-Siège.  Le  conseil  d'Etat,  à  la  dévotion  de  la  Franc- 
maçonu'^rie,  de  la  Juiverie,  et  de  tous  les  persécuteurs  qui  déshonorent  le  beau 
pays  de  France,  a  prononcé  les  déclarations  d'abus  el  ordonné  la  suppression  des 
passages  incriminés,  passages  qui  ne  sont  que  la  reproduction  de  l'enseignement 
du  St-Siège  et  de  la  doctrine  catholique. 

* 

•/  La  corruption  a  été  l'ordre  du  jour  dans  In  dernière  campagne  électorale 
aux  Etats-Unis  el  elle  a  fait  son  œuvre  nélaste.  Plusieurs  millions  de  piastres  ont 
été  jetées  en  pâture  à  l'électoral.  Les  d>nix  grands  partis  qui  se  disputaient  le 
pouvoir  l'ont  employée  sur  une  vaste  échelle. 

Le  mal  est  tellement  grand  et  ses  conséquences  sont  tellement  funestes  que  les 
honnêtes  gens  des  deux  partis  sont  épouva;ues.  Ils  demandent  avec  instance  une 
législation  sévère  pour  extirper  ce  mal  social  qui  a  déjà  de  si  profondes  racines. 

Un  républicain  éminent,  iMr  Chauncey  M.  Depew,  vient,  dans  une  assemblée 
publique,  de  jet^-r  le  cri  d'alarme.  Il  demande  avec  instance  à  Mr  Gleveland  et 
à  son  parti  d'édicler  des  peines  sévères  contre  la  corruption  et  il  lui  promet  la  plus 
cordiale  co-operation  du  parti  adverse. 

•^'  Mr  W.  E.  Russell  l'homme  sympathique  par  excellence  et  le  grand  ami  des 
Canadiens  français  des  Elats-Unis,  a  été  élu  de  nouveau  gouverneur  du  Massa- 
chusetts. La  popularité  de  cet  homme  est  telle  que  dans  un  état  où  K'S  repu, 
blicains  sont  mailres,  il  a  réussi,  lui  démocrate  et  partisan  de  Gleveland,  a  obte- 
nir une  majorité  dépassant  2000  voix.  Celte  victoire  est  d'autant  plus  éclatante 
qu'elle  a  été  gagnée  le  jour  même  où  le  parti  démocrate  se  faisait  balti  e  dans  le 
môme  étal  dans  la  lutte  pour  la  présidence.  Mr  Russell  n'est  encore  qu'un  jeune 
homme  à  peine  âgé  de  trente  et  quelques  années  et  ses  partisans  jettent  déjà  les 
yeux  sur  lui  pour  une  prochaine  éleciion  présidentielle.  Les  Canadiens-français 
du  Massachusetts,  républicains  comme  démocrates,  ont  tous  vote  pnur  lui  tant  sa 
popularité  est  grande  parmi  eux.  Nous  nous  réjouissons  bien  sincèrement  de  ses 
succès  et  nous  lui  en  souhaitons  de  plus  écktanis  dans  un  avenir  prochain. 

* 
\'  Le  premier  ministre  de  la  Province  de  Québec,  Mr  de  Boucherville,  a  don- 
né sa  démission  et  un  nouveau  cabinet  a  été  formé  par  Mr  Tailion,  ex-ministre 
sans  portefeuille  et  député  de  Chambly.  Mr  Taillun  a  gardé  dans  son  cabinet  tous 
les  anciens  minisires,  moins  Mr  de  Boucherville.  On  ne  sait  pas  encore  si  Mr 
Tai'.lon  va  apporter  des  mo  lificalions  au  programme  politique  de  son  prédé- 
cesseur. Comme  ministre  sans  portefeuille,  Mr  Tailion  n'avait  pas  de  traitement 
En  devenant  ministre  salarié  il  est  obligé  de  se  faire  réélire.  En  conséquence  une 
nouvelle  éleciion  va  avoir  lieu  dans  Chamhly.  La  nomination  se  fera  le  29  dé- 
cembre et  la  votation  aura  lieu  le  5  janvier.  Le  ministère  de  Boucherville  a  duré 
un  an  moins  que'ques  jours. 

*,* 
s- 

*/  Sont  nommes  : 

1°  Sénateurs  :  Messieurs  J.  A.  Bernier,  pour  Manitoba  ;  Auguste  Real  Angers, 
pour  Qutbec;  Mackenzie  Boweil,  pour  Ontario  el  Clarence  Prirorose  pour  la 
Nouvelle-Ecosse.  Monsieur  Bernier  est  natif  de  la  province  de  Québec.  Il  a  pra- 
tiqué comme  avocat  à  St-Jean.  Il  remplace  Mr  Gira.fJ.  Mr  Ang-rs  e-.t  nommé 
pour  la  division  de  la  Vallière  en  remplacement  du  Dr  A.  H.  Paquet.  Mr  Boweil 


644  LE  PROPAGATEUR 


remplace  feu  Mr  Alexander.  Mr  Primrose  succède  à  Mr  Grant  décédé  dernièrement 
2»  Coroner  conjoint  à  Montréal,  Mr  Edmond  McMahon,  avocat,  ancien  journa- 
liste et  greffier  de  la  cour  de  Police. 

3»  Membre  du  Conseil  de  l'Instruction  publique,  monsieur  Thomas  Chapais,  M. 
G.  L.  Il  remplace  le  juge  Bossé  qui  a  donné  sa  démission. 

4»  Juge  en  chef  de  la  Cour  Suprême  Mr  le  juge  S.  H.  Slrong.  Il  est  né  en  An- 
gleterre en  1825  et  il  a  été  adm4S  au  barreau  du  Haut  Canada  en  1848.  Lorsque 
j'ai  annoncé  cette  nomination,  à  la  page  549,  elle  n'était  pas  encore  faite. 

*/  Sont  décédés  dernièrement  : 

l"  Camille  Rousset.  historien  éminent  et  membre  de  l'Académie  Française  où 
il  avait  remplacé  Prévot-Paradol.  Il  était  âgé  de  71  ans.  Comme  Xavier  Marmier, 
son  collègue  à  l'Académie,  Mr  Rousset  était  un  franc  catholique. 

2»  Mgr  Vérius  le  plus  jeune  évéque  catholique  du  monde.  Il  n'avait  que  32  ans 
et  il  comptait  trois  années  d'épiscopat.  Il  était  le  premier  apôtre  de  la  Nouvelle- 
Guinée. 

3»  Mgr  Haïs,  évêque  de  Kœnig-Graetz  en  Bohême. 

4»  Dom  Paul  Piolin,  savant  bénédictin,  à  l'âge  de  76  ans.  Il  avait  fait  sa  pro- 
fession monatisque  il  y  a  51  ans.  Son  principal  ouvrage  est  une  savante  histoire 
de  l'Eglise  du  Mans. 

5»  Mgr  Dumont,  évêque  de  Tournay,  en  Belgique. 

6°  L'Hon.  Richard  Bellai^y,  membre  de  l'ex-conseil  législatif  du  Nouveau- 
Brunswick.  Avant  de  faire  partie  du  conseil  législatif  il  avait  représenté  le  com- 
té de  York  dans  l'assemblée  Législative.  Il  était  libéral. 

7°  L'Hon  William  Ross,ancien  minisire  de  la  milice  dans  le  cabinet;McKenzie. 

8"  Sir  Adams  G.  Archibald,  ancien  lieutenant  gouverneur  de  Manitoba  et  des 
Territoirt'S  du  Nord-Ouest,  et  lie  la  Nouvelle-Ecosse.  Il  est  né  à  Truro,  N.  E,  le 
18  mai  1814  II  a  été  ministre  provincial  à  la  Nouvelle  Ecosse,  et  ministre  fédé- 
ral dans  la  première  administration  MacDonald.  11  a  représenté  Colchester  aux 
Communes  du  Canada. 

',*  Sont  élus  : 

l»  Député  fédéral  d'Assiniboine-Est,  Territoires  du  Nord-Ouest,  Mr  W.  W, 
Macdonald,  conservateur.  Il  remplace  Mr  Dewdney  nommé  lieutenani-gouver- 
neur  de  la  Colombie  anglaise.  Mr  Macdonald  est  nj,  dans  le  comté  de  Missisquoi, 
province  de  Québec,  en  1844.  Il  est  cultivateur. 

2»  Députe  fédéral  de  St-Jean,  N.  B.,  Mr  John  A.  Chesley,  conservateur  indé- 
pendant. 11  remplace  Mr  Charles  S.  Skinoer  qui  a  donné  sa  démission. 

3»  Député  fédéral  de  Kent,  N.  B,  Mr  Mclnerney,  conservateur  indépendant.  l\ 
remplace  le  Dr  Léger  décédé  dernièrement.  Ses  adversaires  étaient  deux  Acadiens 
Irançais.  Mr  J.  0.  Leblanc,  libéral,  et  Basile  Johnson,  conservateur. 

Depuis  le  décès  du  Dr  Léger,  les  Acadiens  du  Nouvean-Brunswick  n'ont  plus 
de  représentant  de  leur  race  dans  la  chambre  des  Communes. 

5»  Député  local  de  Wallace,  Territoires  du  Nord-Ouest,  Mr  J.  Isinger,  conser- 
vateur. Il  remplace  Mr  J.  Reaman,  décédé.  Mr  Reaman  était  membre  de 
l'administration  Gayley.  Cette  élection  a  été  la  cause  de  la  démission  de  Mr  Cay- 
ley  qui  se  trouvait  avec  une  minorité  de  deux  voix.  Il  a  été  remplacé  par  Mr 
Haultain  son  prédécesseur  immédiat  à  la  têie  de  l'exécutif 

6"  Député  local  de  Queen,  Nouveau-Brunswick,  le  procureur-général  Andrew 
George  Blair,  premier  ministrn,  libéral.  Mr  Blair  avait  été  battu  aux  dernières 
élections  générales  qui  ont  eu  lieu  il  y  a  quelques  semaines. 

7°  Député  local  de  Malane,  Québec,  Mr  L.  F.  Pinault,  libéral.  Mr  Pinault  a 
été  déclaré  élu  lors  du  décompte  des  bulletins  devant  le  juge  Larue.  Mr  Boulay, 
l'adversaire  de  Mr  Pinault  avait  la  majorité  des  voix,  mais  le  juge  a  mis  de  côté 
tous  les  bulletins  sur  le  dos  desquels  les  sous-officiers  rapporteurs  avaient  ins- 
crit le  numéro  d'ordre  du  votant  au  lieu  d'y  mettre  leurs  initiales.  De  cette 
manièreMr  Boulay  a  perdu  les  27  voix  de  majorité  qu'il  avait  dans  le  bureau  de 
votation  No  12  l'un  des  bureaux  de  Sandy  Bay.  Sa  majorité  réelle  de  10  voix  s'est 
trouvée  changée  en  une  minorité  de  17  voix. 


LE  PROPAGATEUR  645 

• ^ 

Il  y  a  quelques  années  une  chose  semblable,  suivie  du  même  résultat,  est 
arrivée  dans  le  comté  de  Verchères.  Mr  Brillon,  candidat  conservateur,  avait  une 
majorité  réelle  de  36  voix  ;  mais  lors  du  décompte,  tous  les  vote<5  du  village  de 
Varennes,  oîi  il  avait  une  majorité  il'une  cinquantaine  de  voix,  furent  mis  de 
côté  et  son  adversaire,   Mr  Bernard,  libéral,  fut  déclaré  élu. 

Albv. 

PARTIE    LEGALE,!, 

Rédacteur  :  A  L.  B  Y 

FRAIS  DE  DERNIERE  MALADIE. 

Question. — Ma  sœur,  qui  est  morte  dernièrement  et  dont  je  suis  légataire  uni- 
versel, était  mariée  en  communauté  de  biens.  Elle  a  eu  une  longue  maladie  qui 
a  exigé  di's  dépenses  considérables  consistant  en  honoraires  de  médecins,  achats 
de  remèdes,  payements  des  gardes-malades  etc.  Son  mari  prétend  que  je  dois 
payer  seul  tous  ces  frais,  Je  prétends,  au  contraire,  que  toutes  ces  dépenses  sont 
a  la  charge  de  la  communauté.  Qu'en  dites-vous  ?  Montréal. 

Réponse. — Toutes  les  dépenses  qui  ont  été  ainsi  faites  pendant  la  vie  de  votre 
sœur  sont  à  la  charge  de  la  communauté  de  biens  qui  existait  entre  elle  et  son 
mari.  Si,  comme  vous  en  avez  le  droit,  vous  renoncez  à  la  communauté  pour 
vous  en  tenir  aux  reprises  matrimoniales  que  votre  sœur  avait  droit  d'exercer,  vous 
êtes  déchargé  de  l'obligation  de  contribuer  au  payement  de  ces  dépenses.  Si,  au 
contraire,  vous  acceptez  la  communauté,  vous  êtes  tenu  de  contribuer  à  ce 
payement. 

Les  comptes  de  médecins,  d'apothicaires,  etc.  sont  considérés  comme  les 
comptes  ordinaires  de  nourriture  et  d'entretien.  Ils  tombent  dans  cette  catégorie 
de  dépenses  que  le  mari  est  obligé  de  faire  pour  sa  femme  d'après  l'article  175 
du  code  civil.  En  vertu  de  cet  article  le  mari  est  obligé  de  fournir  à  sa  femme, 
tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  les  besoins  de  la  vie,  selon  sesfacuUés  et  son  état 

NOMINATION  DE  NOTAIRE. 
Mr  Gourouvapa-SoucéapouUé,  notaire  à  Villenour  (Indes  françaises)  est  nommé 
notaire  à  Pondichéry,  en  remplacement  de  M  ChanemougapouUé,  décédé. 

(La  Croix). 
Note  éditoriale. — En  France  et  dans  les  colonies  françaises,  les  notaires  sont 
nommés  par  le  gouvernement.  Ils  ne  peuvent  exercer  leur  ministère  que  dans  un 
territoire  déterminé.  Ici,  au  contraire,  les  aspirants  au  notariat  sont  admis  à  la 
pratique  de  la  profession  par  la  chambre  des  notaires.  L'action  du  gouvernement 
se  borne  à  l'enregistrement,  au  bureau  du  régistraire  de  la  province,  de  la  com- 
mission des  notaires  et  des  certificats  de  prestation  des  serments  d'allégeance  et 
d'ofiBce.  (S.  R.  P.  Q.  art.  3832). 

Les  notaires  peuvent  instrumenter  dans  toute  la  province  ;  ils  ont  juridiction 
concurrente.  (Id.  art.  3607). 

BARBIERS.  RESPONSABILITE,  C.  C.  Art.  1815. 
En  avril  dernier,  dans  la  cause  de 

CARDINAL, 
vs 
THOUIN, 

la  cour  des  Magistrats  de  Montréal,  présidée  par  le  juge  Barry,  a  jugé  : 

Que  les  barbiers  sont  responsables  des  effets  de  leurs  clients,  déposés  dans 

leurs  boutiques  pendant  qu'ils  s'y  font  raser,  etc. 
Par  son  action,  Cardinal  réclamait  la  valeur  d'un  parapluie  déposé  par  lui  dans 

(1)  Aux  correspondants.  Il  est  impossible  de  répondre  à  toutes  les  questions .  Nous  sommes, 
en  conséquence,  obligés  de  laisser  de  coté  les  réponses  qui  exigent  des  développements  trop 
considérables,  etc. 


646  LE  PROPAGATEUR 


la  boutique  de  Thouin  et  volé  pendant  qu'on  le  rasait.  La  cour  a  assimilé  ce  dé- 
pôt à  un  dépôt  nécessaire  comme  dans  le  cas  des  aubergistes  et  des  maîtres  de 
pension,  et  elle  a  appliqué  l'arLicle  1815  du  code  civil. 


NOTARIAT. 

Nous  lisons  dans  l' Univers  du  20  septembre  : 

''  Marseille. — La  corporation  des  notaires,  fidèle  à  ses  usages,  qui  remontent 
"  à  une  époque  très  reculée,  est  venue  fêter,  le  dimanche  4,  septembre,  à  la 
"  cathédrale  provisoire,  saint  Lazare,  qu'elle  considère  comme  son  patron.  Mgr 
"  l'évêque,  en  réponse  aux  hommages  présentés  par  M.  Giraudy,  président  de 
"  la  Chambre,  a  dit  combien  il  était  hsureux  de  voir  les  membres  d'une  institu- 
"  lion  si  utile  et  si  respectée  contier  à  l'ami  de  Jésus  les  intérêts  qui  leur  sout 
"  coniiés  à  eux-mêT.es  et  s'appuyer  sur  Dieu  pour  les  actes  importants  que  l'on 
"  sollicite  de  leur  ministère.  Il  leur  a  promis,  en  retour,  les  faveurs  célestes 
"  pour  eux  et  pour  leurs  familles. 


SYSTÈME  TORRENS. 

On  a  déjà,  il  y  a  quelques  années,  voulu  établir  ici  le  système  de  régie  de  la 
propriété  foncière  connu  comme  système  Torrens  du  nom  de  son  inventeur.  La 
chambre  de  Commerce  de  Montréal  s'est  même  prononcée  en  faveur  de  ce 
système,  et  elle  a  demandé  au  gouvernement  provincial  sa  mise  en  opération. 
La  chambre  des  notaires,  au  contraire,  s'est  prononcée  contre  un  changement 
aussi  radical,  et  elle  a,  je  crois,  fait  parvenir  au  gouvernement  un  mémoire 
contenant  les  raisons  majeures  d'oppo-iiion  à  un  tel  changement.  Ce  système 
qui  a  été  mis  en  opération  (l)  pour  la  première  fois  dans  l'Australie  du  sud,  a 
été  par  la  suite  adopté  par  toutes  les  colonies  australiennes. 

Il  a  été  aussi  adopté  par  la  Colombie  Britannique. 

Voici  sur  le  système  Torrens  un  article  que  j'emprunte  à  l'Univers  de  Paris. 
(2)  11  en  est  fait  bonne  justice. 

Le  Congrès  ue  la  propriété  foncière. 

M,  Yves  Guyot,  depuis  qu'il  n'est  plus  ministre,  a  reprisune  de  ses  anciennes 
occupations,  qui  était  de  fjire  de  l'agitation  pour  la  vulgarisation  d'un  certain 
système  de  réforme  de  la  propriété  foncière.  Dans  ce  but,  il  a  réuni  et  présidé 
un  congrès.  L'idée  proposée  à  ce  congres  est  l'institution  de  livres  fonciers 
destinés  à  remplacer  les  registres  actuels  des  conservateurs  des  hypothèques. 
Ces  livres  seraient  à  souche,  et  le  feuillet  qui  en  serait  détaché  représenterait  la 
propriété  elle-même,  transmissible  de  la  main  à  la  main,  avec  moins  de  formalités 
qu'un  titre  de  Bourse  nominatif,  par  exemple.  De  même  on  pourrait  emprunter 
sur  la  propriété  en  donnant  le  titre  pour  gage,  etc.,  etc..  ;  faire  en  un  mot 
toutes  les  opérations  de  crédit  qui  seraient  possibles  avec  un  gage  mobilier  ordi- 
naire. Nous  avons  ici  même  exposé  ce  système  il  y  a  plusieurs  années.  On 
l'appelait  alors,  du  nom  de  l'Anglais  qui  en  est  l'inventeur,  Yacte  Torrens,  Il 
avait  été  proposé  en  effet  pour  supprimer  les  contestations  sur  la  propriété  entre 
les  colons  de  lAustralie,  pour  favoriser  avant  tout  la  colonisation  sans  s'arrêter 
aux  disputes  de  légalité.  Mais  quand  il  fut  proposé  pour  l'Angleterre  elle-même, 
nos  prudents  voisins  n'en  voulurent  absolument  pas.  C'est  alors  que  l'idée  vint 
de  l'essayer  en  France,  in  anima  vili,  l'inventeur,  sir  Robert  Torrens,  applau- 
dissant aux  efforts  de  M.  Yves  Guyot. 

Le  congrès  a  opposé  à  M.  Guyot  les  critiques  que  nous  avions  objectées  nous- 
mêmes.  Résumons-les  d'un  seul  mol  tire  d'une  pratique  actuelle  :  il  existe  à 
Paris  une  entreprise  qui  se  nomme  la  Bourse  des  Immeubles  et  qui  fait  sa  publi- 
cité dans  les  Petites  Affiches.  La  Bourse  des  Immeubles,  voilà  qui  dit  tout.  Le 
mol  |est  plus  vif  qu'il  n'est  exact,  le  système  des  livres  fonciers  le  rendrait 
rigoureusement  exact.  Le  tripotage,  l'agio,  la  spéculation,  le  prêt  sur  gage,  le 
jeu  et  l'usure,  s'abattraient  sur  cette  proie  nouvelle  de  la  propriété  immobi- 
hère.    Pour  en  avoir  une  idée,  considérons  que  les  jeux  effrénés  et  dénioralisa- 

(1)  En  1856. 

(2)  Numéro  du  30  octobre  1892t 


LE  PROPAGATEUR 


647 


teurs  de  la  Bourse  portent  sur  une  masse  de  valeurs  qui  représentent  80 
milliards,  et  que  la  propriété  immobilière  représente  en  chiffres  ronds  100 
milliards  de  plus,  c'est-à-dire  180  milliards.  C'est  l'agio  couvrant  la  France 
entière.  C'est  le  marché  de  la  Bourse  étendu  aux  marchés  des  foires  et  des 
tables  d'auberges,  entre  juifs  et  paysans,  jusqu'au  fond  des  derniers  villages. 

Le  congrès,  composé  de  praticiens  et  de  légistes,  qui  avaient  payé  vinzt  francs 
pour  y  entrer,  s'est  élevé  avec  énergie  contre  ces  propositions  dangereuses, 
présentées  sous  de  spécieuses  apparences.  Mais  il  est  à  craindre  que  Tinnova- 
lion  ne  réussisse  mieu.x  devant  un  public  moins  spécial,  devant  la  foule  inca- 
pable d'apercevoir  le  piège  sous  les  avantagea  nouveaux  de  facilité  et  de  rapi- 
dité de  transaction  qu'on  lui  proposera.  Si  l'idée  devait  réussir,  nous  aurions 
le  plaisir  et  l'avantage  de  faire  à  nos  frais,  pour  l'instruction  de  nos  voisins 
d'oulre-Manche,  la  périlleuse  expérience  dont  ils  se  sont  gardés  eux-mêmes. 

G.  Bois. 


MISERICORDE  DE  DIE 


{suite  et  fin) 

Si,  de  l'Ancien  Testament  nous  passons  au  Nouveau,  nous  serons 
frappés  de  la  patience  admirable  avec  laquelle  le  divin  Maître 
attend  les  pécheurs.  Voyons  sa  conduite  à  l'égard  de  la  Samari- 
taine :  cette  femme  trop  célèbre  par  ses  désordres,  vit  depuis  long- 
temps dans  l'oubli  de  ses  devoirs.  Le  Sauveur  après  l'avoir  atten- 
due inutilement,  comme  tant  d'autres,  va  s'asseoir  sur  les  bords  du 
puits  de  Jacob  où  il  sait  qu'elle  viendra  bientôt  chercher  de  l'eau. 
Là  il  daigne  converser  avec  elle.  Il  l'instruit,  il  lui  révèle  le  secret 
de  sa  mission  divine  et  ne  la  quitte  qu'après  avoir  fait  de  son  cœur 
endurci  un  cœur  d'apôtre. 

Voyez  le  dans  la  maison  de  Simon  le  lépreux  attendant  une 
autre  brebis  égarée  ;  c'était  Magdeleine,  la  pécheresse  publique. 
Longtemps  il  avait  frappé  et  attendu  à  la  porte  de  son  cœur.  Enhn, 
après  de  longues  résistances,  elle  se  rend  et  vient  pleurer  aux  pieds 
de  Jésus  ses  égarements  et  ses  scandales.  Et  le  divin  Maître 
l'absout  et  la  traite  avec  une  bonté  attendrissante. 

N'a-t-il  pas  atf.endu  le  retour  de  l'enfant  prodigue  avec  une 
patience  à  toute  épreuve  ?  Chaque  jour  ce  bon  père  s'en  va  sur  les 
hauteurs  pour  voir  si  son  malheureux  fils  ne  reprendrait  pas 
le  chemin  du  toit  paternel.  Et,  quand  il  revient,  ce  père,  attendri 
de  bonheur,  lui  ouvre  les  bras  et  lui  fait  miséricorde  :  Misericordiâ 
motus  est. 

0  cœur  adorable  de  mon  Dieu  1  Vous  êtes  un  abîme  insondable 
de  miséricorde.  C'est  ainsi  que  Dieu  attend  encore  aujourd'hui  les 
pécheurs.  Il  va  plus  loin,  il  daigne  les  chercher.  Nouveau  carac- 
tère de  sa  grande  miséricorde. 

3°  A  peine  sommes-nous  séparés  de  Dieu  par  le  péché  que  sa 
bonté  s'occupe  de  notre  retour  :  l'Ecriture  est  pleine  d'exemples 
qui  nous  démontrent  clairement  cette  vérité.  Un  pasteur,  nous  dit 


648  LE  PROPAGATEUR 


Jésus  Christ,  possède  un  magnifique  troupeau  qu'il  conduit  dans 
de  gras  et  frais  pâturages.  Venant  à  considérer  son  troupeau,  ils'a- 
perçoit  qu'il  lui  manque  une  brebis.  Aussitôt  il  laisse  là  ses  brebis 
fidèles  pour  courir  à  la  recherche  de  la  fugitive  ;  il  s'empresse,  il 
vole,  il  ne  s'arrête  que  lorsqu'il  l'a  trouvée.  Vous  diriez,  à  en  juger 
par  la  rapidité  de  ses  pas,  que  ce  qui  lui  reste  n'est  rien  pour  lui 
s'il  ne  retrouve  ce  qu'il  a  perdu  :  Nonne  dimiltet  nonagenta  tiovem 
in  deserto  et  vadit  ad  illam  quœ  perierat  f  Après  l'avoir  retrouvée  il 
la  charge  sur  ses  épaules  afin  de  lui  épargner  les  fatigues  du  retour 
et  la  rapporte  dans  son  bercail,  puis  se  réjouit  avec  ses  amis. 

11  joint  à  cette  parabole  celle  d'une  femme  qui,  de  dix  drachmes 
en  ayant  perdu  une,  allume  s'a  lampe  pour  la  chercher  dans  tous 
les  endroits  les  plus  obscurs  de  sa  maison.  Et,  après  l'avoir  re- 
trouvée, elle  témoigne  la  même  joie  que  le  bon  pasteur  d'avoir  re- 
trouvé sa  brebis.  Remontons  au  paradis  terrestre. 

Adam  trop  faible  pour  rejeter  le  présent  fatal  que  lui  fait  son 
épouse,  se  laisse  tromper  comme  elle.  Le  voilà  pécheur.  Il  n'a  pas 
eu  le  temps  de  le  devenir  et  de  cacher  sa  nudité,  que  déjà  le  Sei- 
gneur le  cherche  et  l'appelle.  Adam,  où  êtes-vous  ?  Ubi  es  ?  Quoi, 
mes  frères,  il  demande  où  il  est  !  Et  ne  le  sait-il  pas  ?  Le  coupable 
aurait-il  pu  trouver  dans  le  paradis  terrestre  une  place  qui  ne  fût 
connue  que  de  lui  seul?  Aurait-il  pu  s'y  former  une  retraite  assez 
sombre  pour  être  invisible  à  l'œil  qui  voit  tout  ?  Pourquoi  donc 
cette  façon  de  parler  :  Adam,  où  êtes-vous  :  Ubi  es?  Dieu  fait  ici  ce 
que  fait  un  père  qui  ne  veut  pas  châtier,  mais  qui  veut  corriger  un 
enfant  rebelle;  l'enfant  se  cache,  le  père  cherche;  il  cherche  et  il 
sait  où  il  est.  11  cherche  et  là  où  il  sait  qu'il  n'est  pas  ;  son  agitation, 
ses  mouvements,  son  air  courroucé  :  tout  cela  n'est  qu'une  feinte 
de  sa  tendresse  ;  c'est  un  moyen  d'attendre,  pour  mettre  bas  la 
verge,  que  les  larmes  du  repentir  commencent  à  couler.  Adam,  où 
êtes-vous  :  Ubi  es?  Vous  avez  méprisé  la  défense  que  je  vous  avais 
faite.  Je  le  sais,  je  vous  ai  vu.  Vous  êtes  d'autant  plus  inexcusable 
que  le  précepte  était  plus  facile  ;  vous  le  sentez,  vous  fuyez  ma 
présence,  où  êtes-vous  :  Ubi  es?  Paraissez,  humiliez-vous,  regrettez 
l'instant  où  vous  avez  prévariqué  :  toute  la  nature  se  plaint  de 
votre  conduite  ;  vous  en  étiez  l'ornement  et  la  gloire  et  vous  y  avez 
mis  le  désordre.  Tous  les  êtres  voudraient  me  venger,  ma  justice 
y  consent;  mais  ma  bonté  s'y  oppose  :  repentez-vous,  avouez  votre 
faute,  je  ne  m'en  souviendrai  plus  :  Ubi  es  ? 

Pierre  dans  la  cour  de  Gaïphe  n'a  pas  la  force  de  confesser 
Jésus-Christ  devant  une  femme  ;  il  le  renie  :  quelle  lâcheté  pour 
un  Apôtre  !  Ne  mérite  t-il  pas  toute  l'indignation  de  Celui  qui  se 
voit  ainsi  méconnu  ?  Néanmoins,  le  Sauveur,  accablé  sous  le  poids 
de  l'insulte  et  de  l'opprobre,  ne  songe  qu'à  reconquérir  sou  dis- 
ciple ;  il  lui  va  au-devant,  et,  d'un  regard  victorieux  qui  pénètre 
jusqu'au  fond  de  l'âme,  il  le  touche,  le  convertit  et  en  fait  pour  tous 
les  siècles  un  modèle  de  pénitence  :  Conversus  Dominus  respexit  Pe- 
trum.  Chaque  jour,  mes  frères,  Dieu  fait  pour  nous  ce  qu'il  a  fait 
pour  ces  illustres  pécheurs;  et,  si  nous  sommes  assez  heureux  qufr 
de  retourner  à  lui,  il  nous  reçoit  à  la  pénitence  et  nous  pardonne 


# 

LE  PROPAGATEUR  649 


sans  délai,  quels  que  soient  nos  crimes;  car,  ne  l'oublions  pas,  il 
n'y  en  a  point  d'irrémissibles.  En  aurions-nous  commis  d'aussi 
grands  que  David,  que  Salomon,  que  Judas  ;  d'aussi  énormes  et 
d'aussi  nombreux  que  les  plus  grands  scélérats  qui  ont  passé  sur  la 
terre,  si  nous  avons  un  repentir  sincère,  il  nous  pardonne  de  grand 
cœur. 

Quelle  différence  entre  la  miséricorde  de  Dieu  et  celle  des 
hommes  !  Ceux-ci  ne  pardonnent  guère  à  leurs  ennemis,  sans  se 
faire  quelque  violence,  et,  quoique  leur  réconciliation  soit  sincère, 
ils  n'oublient  jamais  tout  à  fait  les  injures  qu'ils  ont  reçues.  Il  n'en 
est  pas  de  même  de  vous,  ô  Dieu  de  bonté  !  Vous  ne  vous  faites 
violence  que  lorsqu'il  s'agit  de  punir,  et,  vous  ne  punissez  le  pé- 
cheur, que  parce  que  vous  voulez  lui  pardonner.  Dès  le  moment 
qu'il  revient  à  vous,  ses  péchés  sont  à  votre  égard  comme  s'ils 
n'avaient  jamais  été,  vous  ne  vous  en  souvenez  plus,  vous  le  rece- 
vez à  bras  ouverts.  Quatrième  et  dernier  caractère  de  la  miséricorde 
divine. 

4*^  Pour  punir  le  pécheur  de  ses  longues  résistances  et  des  délais 
qu'il  a  mis  à  son  retour.  Dieu  devrait  se  montrer  difficile  dans  les 
conditions  du  pardon,  et  mettre,  entre  la  réconciliation  et  le 
repentir,  les  mêmes  retards  que  le  pécheur  a  mis  entre  son  retour 
et  la  première  sollicitation  de  la  grâce  ;  mais,  ô  mon  Dieu  !  ces 
pensées  sont  les  pensées  de  l'homme,  ce  ne  sont  pas  les  vôtres  ; 
votre  cœur  nourrit  pour  le  pécheur  des  pensées  de  miséricorde  et 
non  des  pensées  d'afiQiction,  dit  Jérémie. 

A  peine  le  pécheur  s'est-il  décidé  à  rentrer  dans  les  voies  de  la 
justice  que  Dieu  oublie  tous  ses  égarements.  Rappelez-vous  la  para- 
bole d€  l'enfant  prodigue,  c'est  votre  histoire  :  comme  lui,  vous 
avez  écouté  la  voix  du  monde  et  des  passions,  et,  comme  lui,  vous 
m'avez  trouvé,  loin  de  la  maison  de  votre  père,  que  regrets  et 
déceptions.  Pauvre  prodigue  !  revenez  à  votre  Dieu,  il  vous  attend  ; 
vous  le  verrez  accourir  au-devant  de  vous,  vous  recevoir  dans  ses 
bras,  vous  presser  sur  son  cœur.  En  vain  diriez-vous  comme  le 
Prodigue  :  Mais,  Seigneur,  je  suis  bien  coupable,  j'ai  été  un  volup- 
tueux, un  blasphémateur,  un  sacrilège,  un  impie,  un  médisant,  un 
libertin...  J'ai  abusé  de  vos  grâces  et  dissipé  tout  le  bien  que  vous 
m'avez  donné  :  Nonsum  dignus  vocari  filius  tuus.  N'importe,  je  veux 
bien  oubher  tout  ce  que  vous  avez  été.  0  vous,  mes  ministres  !  hâ- 
tez-vous de  faire  disparaître  les  haillons  qui  déparent  l'âme  de  mon 
fils  et  revêtez-le  de  la  robe  de  son  innocence  :  Citô  proferte  stolam 
primam,  et  induite  illum.  Voilà  pécheurs,  comme  la  justice  de  Dieu 
traite!  Oh  !  que  vous  avez  bien  sujet  de  mettre  en  elle  votre  con- 
fiance !  Mais,  de  peur  que  cette  confiance  ne  dégénère  en  présomp- 
tion, voyons  ce  que  vous  devez  faire  pour  correspondre  aux  desseins 
de  la  miséricorde  de  Dieu  sur  vous. 

II 

Pécheurs,  la  miséricorde  de  Dieu  vous  appelle,  vous  devez  vous 
rendre  dociles  à  cet  appel  ;  elle  vous  attend,  il  ne  faut  pas  lasser 
sa  patience  ;  elle  vous  cherche,  vous  ne  devez  pas  vous  soustraire 


650  LE  PROPAGATEUR 


plus  longtemps  à  ses  paternelles  poursuites  ;  elle  vous  reçoit  et  vous 
pardonne,  vous  devez  lui  être  reconnaissants  et  lui  demeurer 
fidèles. 
1^  La  miséricorde  de  Dieu  nous  appelle,  nous  devons  nous  rendre 
dociles  à  cet  appel.  Gomment  cela?  par  une  volonté  qui  corres 
ponde  aux  em  pressements  de  sa  charité  et  qui  nous  fasse  dire  comme 
saint  Paul  :  Domine^  quid  me  vis  faceret  Seigneur,  que  voulez-vous 
que  je  fasse  ?  Ge  persécuteur  de  l'Eglise  de  Dieu  entend  la  voix  du 
Ciel  lui  dire  :  Paul,  Paul  pourquoi  me  persécutes-tu  ?  Je  suis  ton 
Sauveur  contre  qui  tourne  ta  rage  et  tes  persécutions.  Ego  sum 
guem  tu  peregueris  ;  lui,  répondit  aussitôt:  Seigneur,  que  voulez- 
vous  que  je  fasse  ?  Faites-moi  connaître  votre  volonté  :  Z)omme, 
guid  me  vis  facere  ?  Après  avoir  connu  les  ordres  du  Seigneur,  il  les 
exécuta.  Or,  ce  qui  est  arrivé  une  fois  d'une  manière  si  éclatante, 
arrive  encore  tous  les  jours  en  faveur  des  pécheurs.  Dieu  les  appelle 
et  les  cherche  lors  même  que,  comme  Saul  ils  le  persécutent.  Oui, 
mes  chers  frères,  si  vous  voulez  avouer  la  vérité,  je  suis  sûr  que 
vous  conviendrez  que,  souvent,  la  voix  de  la  miséricorde  du  Sei- 
gneur s'est  fait  entendre  dans  le  fond  de  vos  cœurs  lors  même  que 
vous  l'ofiFensiez.  Ah  1  combien  de  fois  ne  vous  a-t-elie  pas  affec- 
tueusement dit  :  Mon  fils,  ma  fille,  quitte  ce  péché,  cette  personne, 
cette  occasion,  ce  blasphème,  cette  habitude  d'impureté  ;  laisse  de 
côté  ces  romans,  ces  chansons,  ces  conversations  lubriques;  par- 
donne cette  injure?  Mais  vous  avez  été  sourd,  et  sourd  volontaire. 
Vocavi  et  renuistis.  Vous  m'avez  appelé,  ô  mon  Dieu  !  et,  pour  ne 
pas  entendre  votre  voix  douce  et  paternelle,  je  me  suis  bouché  les 
oreilles. 

Que  devons-nous  faire  maintenant  ?  Nous  devons,  à  l'exemple 
de  Saul,  lui  dire  :  Seigneur,  que  demandez-vous  de  moi,  que  vou- 
lez-vous que  je  fasse  ?  Domine^  guid  me  vis  facere  ?  Donnez-moi  vos 
ordres  et  je  les  exécuterai. 

Nous  devons,  comme  le  jeune  Samuel,  nous  lever  et  dire  :  Par- 
lez, Seigneur,  parce  que' vos  enfants  coupables  vous  écoutent. 
Loguere^  Domine,  guia  audit  âlius  tuus.  Oui.  je  vous  écoute  avec  le 
recueillement  que  m'inspire  votre  autorité  ;  avec  la  générosité  d'un 
fidèle  et  dévoué  serviteur  :  Loguere,  Domine^  guia  audit  servus  tuus. 

2°  La  miséricorde  de  Dieu  nous  attend,  il  ne  faut  pas  lasser  sa 
patience.  Quoi  !  pécheurs,  Dieu  vous  souffre,  Dieu  vous  attend; 
et,  au  lieu  de  profiter  de  sa  patience  et  de  rentrer  en  vous-mêmes, 
vous  ajoutez  péchés  sur  péchés,  des  actions  criminelles  à  des  pen- 
sées et  à  des  desseins  mauvais,  des  parjures  aux  mensonges,  des 
insultes  à  la  haine,  des  scandales  à  une  conduite  toute  mondaine  ! 
Il  y  a  dix,  il  y  a  vingt,  il  y  a  trente  ans  que  Dieu  vous  attend,  mon 
pauvre  frère  ;  il  est  auprès  de  vous  et  vous  presse  de  vous  conver- 
tir ;  si  vous  ne  le  faites,  vous  abuserez  de  sa  grâce  et  vous  provo- 
querez sa  justice. 

Et  ne  dites  pas  :  Dieu  est  bon,  il  m'attendra  encore.  Oui,  Dieu 
est  bon;  mais  parce  qu'il  est  bon,  croyez-vous  qu'il  ne  devra  pas 
être  juste  ?  Il  vous  attendra,  et  jusqu'à  quel  temps  vous  attendra- 
t-il  ?    Usgue  ad  messen  :  jusqu'à  la  moisson,  jusqu'au  terme  qu'il  a 


LE  PROPAGATEUR  651 


fixé  ;  et  alors,  s'il  trouve  en  vous  la  dureté  d'un  cœur  impénitent, 
ne  doutez  pas  qu'il  ne  vous  charge  de  chaînes,  et  ne  vous  jette  dans 
les  ténèbres  extérieures, où  les  grincements  de  dents  seront  votre 
partage. 

Pour  ne  pas  voir  que  sa  patience  méprisée  va  se  changer  en 
fureur,  il  faut  être  bien  aveugle.  Sa  conduite  nous  en  donne  des 
preuves  irrécusables  ;  voyez  si  après  avoir  attendu,  il  n'ouvre  pas 
les  cataractes  des  cieux  pour  abîmer  la  terre  dans  les  eaux  du 
déluge  ;  voyez  si,  après  avoir  m«nacé  Sodome,  il  ne  fait  pas  pleu- 
voir sur  ses  habitants  des  torrents  de  flammes  ;  voyez  si,  après  avoir 
longtemps  ouvert  les  bras  à  Jérusalem,  il  ne  renverse  de  fond  en 
comble  celte  ville  superbe  et  obstinée  dans  le  mal,  et  si  tous  ses 
citoyens  ne  sont  pas,  ou  massacrés  ou  traînés  en  captivité 

Profitons  donc  de  la  miséricorde  de  Dieu  qui  nous  attend  et  ne 
lassons  pas  sa  patience  par  des  délais  continuels  de  conversion.  Et 
ne  disons  plus  :  Je  ferai,  j'irai  ;  mais,  à  l'instant,  mettons  la  main 
à  l'œuvre  pour  travailler  à  noire  conversion. 

3°  La  miséricorde  de  Dieu  nous  cherche,  pécheurs,  nous  ne 
devons  pas  nous  soustraire  plus  longtemps  à  ses  paternelles  pour- 
suites. Si,  pendant  que  le  bon  Pasteur  court  après  nous,  nous 
prenons  des  sentiers  détournés  et  nous  nous  éloignons  de  plus  en 
plus  de  lui  par  nos  péchés,  si  comme  Augustin  coupable,  nous  ne 
cessons  de  dire  :  Je  me  convertirai  demain  ;  n'est-il  pas  à  craindre 
qu'à  force  de  remettre  cette  œuvre  importante  nous  entendrons  ces 
paroles  désespérantes  :  Quœretis  me  et  in  peccato  vestro  moriemini  ? 
Je  vous  ai  appelé  et  vous  avez  fermé  l'oreille  ;  je  vous  ai  aimé  et 
vous  m'avez  méprisé  ;  viendra  le  temps  et  le  jour  où  vous  m'invo- 
querez et  je  vous  mépriserai  et  je  me  rirai  de  vos  pleurs  :  Ego 
quoque  in  interitu  vestro  ridebo.  Vous  appellerez  le  prêtre  que  vous 
avez  fui  pendant  votre  vie;  mais  ce  prêtre  sera  peut-être  absent, 
ou  bien  il  arrivera  trop  tard.  Et  cela  pourquoi  ?  pour  que  cette 
parole  de  Jésus  Christ  soit  accomplie  :  Queretis  me  et  non  inve- 
nietis.  Vous  me  chercherez  et  vous  ne  me  trouverez  pas  et  vous 
mourrez  dans  votre  péché  :  Et  in  peccato  vestra  moriemini.  0  mon 
Dieu  !  quelle  folie  de  résister  ainsi  aux  saintes  poursuites  d'un  Dieu 
qui  fait  tout  pour  nous  conduire  au  Ciel  ! 

4^  Enfin,  lorsque  la  miséricorde  de  Dieu  reçoit  le  pécheur  et  lui 
pardonne,  ce  que  le  pécheur  doit  faire  de  son  côté  c'est  de  lui  té- 
moigner sa  vive  gratitude,  et  de  lui  demeurer  fidèle  jusqu'à  la 
mort.  Plus  de  rechutes  dans  ses  premiers  désordres  :  il  ne  doit 
jamais  oublier  la  charité  et  la  patience  d'un  Dieu  qui  aurait  pu  le 
frapper  et  l'abîmer  dans  le  fond  des  enfers  pour  une  éternité,  et 
qui,  cependant,  veut  le  pardonner  et  lui  donner  un  trône  à  côté 
du  sien  dans  le  Ciel. 

Il  doit  absolument  renoncer  aux  péchés  qui  lui  ont  été  par- 
donnés  et  n'être  plus  à  la  charge  à  la  miséricorde  divine,  qui  con- 
damne autant  les  conversions  inconstantes,  qu'elle  se  réjouit  de 
celles  qui  sont  solides  et  persévérantes. 

Il  faut  que  ce  pécheur  gémisse  le  reste  de  ses  jours  d'avoir  atten- 
du si  longtemps  de  se  donner  à  Dieu.  Tels  étaient  les  sentiments 
du  Roi  pénitent  et  tels  doivent  être  les  vôtres. 


652  LE  PROPAGATEUR 


Finissons  et  recueillons  en  peu  de  mots  le  fruit  à  tirer  de  ce 
discours.  Vous  avez  entendu  combien  est  grande  la  miséricorde 
de  Dieu  envers  les  pécheurs,  ne  vous  en  défiez  jamais;  et,  quelque 
déréglée  qu'ail  été  votre  vie,  ne  désespérez  pas  de  votre  salut.  La 
bonté  de  Dieu  surpasse  toute  la  malice  des  hommes,  mais  aussi 
n'en  abusez  pas  ;  car  le  prophète  nous  apprend  que  la  miséricorde 
de  Dieu  est  pour  ceux  qui  le  craignent,  et  non  pour  ceux  qui  le 
méprisent  :  Misericordia  autem  Domini  ab  œterno  et  usque  in  œternum 
super  timentes  eum.  Elle  vous  invite  à  la  pénitence,  rendez-vous  à 
ses  sollicitations  ;  elle  vous  attend,  ne  lassez  point  sa  patience  ; 
elle  vous  recherche,  ne  vous  dérobez  pas  à  ses  charitables  pour- 
suites ;  elle  vous  reçoit  et  vous  pardonne,  soyez-lui  reconnaissants 
et  fidèles.  Justes,  espérez  en  la  miséricorde  de  Dieu  ;  mais  persé- 
vérez, afin  qu'elle  couronne  en  vous  ses  dons,  en  récompensant  vos 
mérites. 

Pécheurs,  espérez  aussi  en  la  miséricorde  de  Dieu  ;  mais  faites 
pénitence.  Faire  pénitence  sans  espérer,  c'est  le  partage  et  la  peine 
des  démons;  espérer  sans  faire  pénitence,  c'est  la  présomption  des 
libertins  ;  mais  faire  pénitence  et  espérer,  c'est  la  consolation  des 
pécheurs  vraiment  convertis,  qui,  après  avoir  profité  de  la  miséri- 
corde de  Dieu  en  ce  monde,  le  loueront  et  le  béniront  éternellement 
en  l'autre.  C'est  la  grâce  que  je  vous  souhaite.  Amen. 

Le  Missionnaire  de  la  Campagne,  cours  d'instructions 
simples  et  pratiques,  pour  les  missions,  les  retraites,  les  congré- 
gations, l'adoration  perpétuelle  et  la  première  communion,  par 
l'abbé  JOUVE,  ancien  missionnaire  apostolique  à  Notre-Dame  du 
Laus,  actuellement  curé  archiprêtre  à  Savines  (Hautes-Alpes).  4 
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T  r\T 


ISË  DE  LA  FAYETTE 


A  S.  A.  R.  LA  PRINCESSE  BLANCHE  D'ORLÉANS 


(suite   et  fin) 
II 


Le  lendemain  matin,  un  peu  avant  le  lever  de  la  Reine,  la  plus 
jeune  des  filles  d'honneur,  Mlle  de  Fontenilles,  enfant  de  quinze 
ans,  dit  à  Mme  de  Motteville,  tout  en  l'aidant  à  préparer  les  atours 
de  Sa  Majesté  : 

— Savez-vous,  Madame,  que  Mlle  de  la  Fayette  est  une  étrange 
fille  ?  Imaginez-vous  qu'hier  au  soir,  quand  elle  nous  a  crues  en- 
dormies, Mme  de  Vernon  et  moi,  elle  s'est  relevée,  s'est  habillée  à 


LE  PROPAGATEUR  653 


moitié,  et  s'est  mise  à  prier  Dieu  en  pleurant  comme  une  Made- 
leine. Je  la  voyais  fort  bien  au  clair  de  la  lune,  et  elle  me  faisait 
peur.  J'ai  fini  par  m'endormir  en  la  regardant;  mais,  plus  tard, 
elle  m'a  réveillée  sans  le  vouloir.  Elle  s'était  recouchée,  et  chan- 
tait en  dormant  l'air  de  Charmante  GabrieUe;  puis  elle  a  fait  un 
grand  soupir,  et  s'est  écriée  d'une  voix  de  l'autre  monde  :  Plutôt 
mourir,  ô  mon  Dieu,  que  d'être  Gabrielle  !  —Ne  pensez-vous,  pas. 
Madame,  que  la  Fayette  devient  folle  ? 

— Plût  à  Dieu  que  vous  ne  fussiez  jamais  plus  folle  qu'elle,  ma 
mie  !  dit  sévèrement  Mme  Motleville  ;  mais,  en  attendant  que  la 
sagesse  vous  vienne,  ne  dites  mot  de  ceci  à  personne  au  monde. 
C'est  fort  vilain  à  une  fille  d'honneur  de  la  Reine  d'espionner  ses 
compagnes  pendant  le  sommeil;  et,  si  Sa  Majesté  le  savait,  vous 
seriez  tancée  de  la  belle  façon.  N'oubliez  pas  cela,  Mademoiselle, 
et  tenez-vous  prête.  Nous  retournerons  aujourd'hui  à  Saint-Ger- 
main :  les  carrosses  de  la  Reine  sont  commandés  pour  trois  heures. 

Ce  jour-là  même,  aussitôt  arrivée  à  Saint-Germain,  Mlle  de  la 
Fayette  se  rendit  dans  la  chapelle  du  château  et  fit  demander  le  P. 
Gaussin,  jésuite,  depuis  peu  confesseur  du  Roi.  A  la  grande  sur- 
prise du  père,  elle  le  pria  de  préparer  l'esprit  du  Roi  afin  qu'il 
consentit  à  ce  qu'elle  se  retirât  de  la  cour  et  entrât  au  monastère 
de  la  Visitation. 

Le  P.  Gaussin,  dans  une  lettre  écrite  en  1638,  et  conservée  au 
monastère  de  Ghaillot,  a  noté  heure  par  heure,  pour  ainsi  dire,  tous 
les  combats  que  Louise  de  la  Fayette  dut  livrer  contre  son  propre 
cœur  et  les  instances  de  ses  amis.  L^.  P.  Gaussin,  tout  le  premier, 
eût  souhaité  qu'elle  restât  à  la  cour.  Il  espérait  qu'elle  modérerait 
par  son  crédit,  l'excessive  autorité  du  Cardinal  ministre,  et  lui 
disait  à  elle-même  :  "  Je  vous  regardais  comme  un  petit  grain  de 
sable  que  Dieu  avait  placé  de  sa  main  sur  le  rivage,  pour  arrêter  le 
débordement  de  cette  grande  mer."  Il  crut  user  de  prudence  en  lui 
exagérant  les  difficultés  de  la  vie  religieuse.  D'ailleurs  il  craignait 
que  Mlle  de  la  Fayette  ne  fût  poussée  à  prendre  ce  parti  par 
quelque  artifice  du  CardinaL 

Ct  fut  en  présence  de  la  gouvernante  des  filles  d'honneur  de  la 
Reine  que  le  P.  Gaussin,  sur  l'ordre  du  Roi,  interrogea  longuement 
Mlle  de  la  Fayette,  et  ne  négligea  rien  pour  l'effrayer  du  parti 
qu'elle  voulait  prendre. 

— Ehquoi  !  lui  dit-il,  quitter  le  monde  et  la  cour,  un  roi  qui  vous 
aime,  et  tant  de  belles  espérances,  pour  prendre  un  voile  et  vous 
ensevelir  toute  vivante  entre  quatre  murailles  I  Vous  ne  savez  pas 
ce  que  c'est  que  de  renoncera  son  propre  jugement,  d'abandonner 
sa  propre  volonté,  et  de  vivre  à  la  discrétion  de  personnes  incon- 
nues... Vous  avez  été  jusqu'ici  à  la  cour  comme  un  oiseau  des  Indes 
qui  se  nourrit  d'ambre  et  de  cannelle  :  vous  n'avez  reçu  que  des 
louanges,  des  compliments,  des  complaisances  et  de  l'admiration. 
Vous  serez  bien  étonnée  lorsqu'on  vous  mettra  une  grosse  croix 
sur  les  épaules  et  qu'on  vous  fera  marcher  au  Calvaire  plus  vite 
peut-être  que  vous  ne  voudrez.  Ne  me  cachez  point  les  motifs  qui 
vous  font  prendre  une  telle  résolution  :  n'avez-vous  point  désiré 


654  LE  PROPAGATEUR 


quelques  faveurs  du  Roi  qu'il  ne  vous  ait  point  accordées  ?...Gela 
vous  aura  peut-être  piquée. 

— Croyez,  mon  père,  répondit-elle,  que  je  suis  bien  éloignée  de 
cela,  et  que  la  bonté  du  Roi  me  procure  toutes  les  satisfactions 
imaginables.  Si  j'eusse  montré  de  l'inclination  pour  le  mariage,  son 
dessein  était  de  me  trouver  un  grand  établissement  ;  mais,  grâce  à 
Dieu,  tout  le  respect  que  je  lui  ai  rendu  n'a  jamais  été  pour  mes 
intérêts  ni  pour  ceux  des  miens." 

Puis  le  P.  Gaussin  lui  représenta  le  bien  qu'elle  pouvait  faire  à 
la  cour,  honorée  comme  elle  était  de  la  confiance  du  Roi,  et  il 
conclut  en  disant  qu'elle  ne  devait  pas  se  retirer.  Mlle  de  la  Fa- 
yette lui  répondit  que  sa  vocation  était  une  affaire  à  quoi  elle  avait 
songé  très  sérieusement,  queDieu  la  lui  avait  inspirée  dès  l'enfance, 
et  qu'elle  était  bien  assurée  de  ne  trouver  du  repos  qu'en  religion.. 

••'  Au  reste,  "  ajouta-t-elle,  "  il  m'est  plus  à  propos  de  quitter  le 
monde  que  d'attendre  qu'il  me  quitte.  J'aime  mieux  faire  par  ver- 
tu, à  la  fleur  de  l'âge  et  avec  la  bienveillance  du  Roi,  ce  que 

d'autres  feraient  plus  tard  par  désespoir  et  par  nécessité En 

quittant  le  monde,  je  n'emporte  qu'un  déplaisir,  qui  est  de  donner 
de  la  joie  au  Cardinal  par  ma  retraite." 

Lorsque  le  P.  Gaussin  rendit  compte  au  Roi  de  son  entretien  avec 
Mlle  de  la  Fayette,  et  conclut  en  affirmant  que  sa  vocation  lui 
paraissait  inspirée  de  Dieu  et  que  le  Roi  ferait  bien  de  ne  s'y  point 
opposer,  Louis  XIII  lui  répondit,  les  larmes  aux  yeux  : 

— "  Elle  m'est  bien  chère  ;  mais  si  Dieu  l'appelle  en  religiori,  je 
n'y  mettrai  pas  d'empêchement,  et  si  je  savais  que  ma  présence  y 
mît  quelque  obstacle,  je  m'en  irais  sur  l'heure." 

Il  commanda  ensuite  au  P.  Gaussin  de  faire  part  du  dessein  de 
Mlle  de  la  Fayette  à  Mme  de  Senecé,  sa  parente,  dame  d'honneur 
de  la  Reine,  et  de  prendre  son  avis.  D'ailleurs,  le  père  et  la  mère 
de  Louise  vivaient;  elle  n'avait  pas  dix-neuf  ans,  et  ne  pouvait 
disposer  d'elle  sans  leur  consentement.  Peut-être,  sans  oser  se 
l'avouer,  le  Roi  espérait-il  quelque  retard,  quelque  obstacle  au 
départ  de  Mlle  de  la  Fayette. 

Ses  parents  hésitèrent  :  partagés  entre  la  crainte  de  déplaire  au 
Roi  s'ils  consentaient,  au  Cardinal  s'ils  refusaient,  ils  laissèrent 
passer  les  jours  et  les  semaines.  Le  Cardinal  s'impatientait  du  re- 
tard ;  Louise  s'en  attristait,  et  y  voyait  un  manque  d'affection.  Son 
âme  droite  et  naïve  ne  pouvait  comprendre  les  considérations  et  les 
craintes  terrestres  en  pareille  occurrence.  Pressée  de  rompre  défi- 
nitivement  avec  le  monde,  elle  fit  demander  au  Roi  la  permission 
d'aller  se  présenter  à  la  supérieure  du  premier  monastère  de  la 
Visitation.  Louis  XIII  y  consentit,  à  la  condition  qu'elle  serait  de 
retour  à  Saint-Germain  à  l'heure  qu'il  désigna.  Il  ne  voulait  pas 
de  surprise.  Louise  de  la  Fayette,  d'ailleurs,  voulait  rester  ferme 
jusqu'au  bout,  sans  esquiver  une  seule  des  amertumes  de  son 
sacrifice. 

"  La  mère  Hélène-Angélique  Lhuilier  reçut  la  généreuse  postu- 
lante avec  toute  la  distinction  qu'elle  méritait.  Elle  n'eut  pas  de 
peine  à  distinguer  le  trésor  d'innocence  et  de  vertu  dont  le  Sei- 


LE  PROPAGATEUR  655 


gneur  gratifiait  la  communauté  en  sa  personne.  De  son  côlé,  Mlle 
de  la  Fayette  resta  saintement  encouragée  par  les  avis  de  cette  digne 
supérieure,  et  emporta  de  sa  visite  un  désir  plus  ardent  d'en  finir 
avec  le  monde. 

"  Quelques  jours  après,  ayant  secrètement  mis  ordre  à  tout,  elle 
pria  le  P.  Gaussin  de  lui  obtenir  du  Roi  la  permission  définitive  de 
quitter  la  cour.  Le  19  mai,  le  père  alla  trouver  le  prince  à  son  le- 
ver et  s'acquitta  de  son  message.  Louis  XIII  parut  étonné  de  cette 
sollicitation  :  '•  Qu'est-ce  qui  la  presse  ?  "  dit-il  ;  "  qu'elle  diffère 
"  encore  quelques  mois  :  j'irai  à  l'armée,  et  cette  séparation  me 
••*  sera  moins  sensible."  Mais  il  se  reprocha  aussitôt  sa  faiblesse. 
"  Ne  le  faites  pas,"  dit-il  :  "car,  si  je  l'empêche  à  présent  et  qu'elle 
"  vienne  à  perdre  sa  vocation,  j'en  aurai  regret  toute  ma  vie. 
"  Jamais  rien  ne  m'a  tant  coûté...  mais  il  faut  que  Dieu  soit  obéi. 
"  — Allez  dire  à  Mlle  de  la  Fayette  que  je  lui  donne  congé  :  elle 
"•  peut  partir  quand  il  lui  plaira." 

Louise  attendait  avec  anxiété  la  réponse  du  Roi.  Aussitôt  qu'elle 
la  connut,  elle  entra  dans  la  chambre  de  la  Reine  à  son  lever,  et, 
prenant  congé  de  Sa  Majesté,  lui  dit  qu'après  avoir  eu  l'honneur 
d'être  une  de  ses  filles,  elle  allait  devenir  celle  de  sainte  Marie,  ne 
pouvant  choisir  une  moindre  maîtresse  sans  déroger.  La  Reine, 
attendrie  jusqu'aux  larmes,  lui  témoigna  beaucoup  d'affection.  A 
l'heare  même,  le  Roi  entra.  Son  visage  était  altéré,  ses  yeux  nleins 
de  larmes.  Mlle  de  la  Fayette  seule  restait  calme  et  sereine. 

— "  Eh  quoi  !  Sire,"  dit-elle,  "  pourquoi  pleurer  ce  que  vous  avez 
approuvé  ?  pourquoi  vous  attrister  de  l'accomplissement  de  la 
volonté  divine  ?  Après  avoir  été  honorée  de  vos  bonnes  grâces,  que 
pouvais-je  souhaiter,  sinon  d'entrer  en  celles  de  Dieu  ? " 

Puis  elle  recommanda  au  Roi  quelques  persoiines  de  mérite,  en 
justifia  plusieurs,  et  ménagea  quelques  réconciliations. 

Le  Roi  fit  effort  sur  lui-même  pour  vaincre  sa  douleur  : 

— "  Allez,  lui  dit-il,  où  Dieu  vous  appelle  :  il  n'appartient  pas  à 
un  homme  de  s'opposer  à  sa  volonté.  Je  pourrais,  de  mon  autorité 
royale,  vous  retenir  à  ma  cour  et  défendre  à  tous  les  monastères 
de  mon  royaume  de  vous  recevoir;  mais  je  connais  celte  sorte  de 
vie  si  excellente,  que  je  ne  veux  pas  avoir  à  me  reprocher  un  jour 
de  vous  avoir  détournée  d'un  si  grand  bien." 

Après  cet  entretien,  elle  monta  en  carrosse,  accompagnée  de 
quelques  filles  de  la  Reine  et  de  leur  gouvernante,  qui  la  condui- 
sirent au  monastère  de  la  Visitation  de  la  rue  Saint  Antoine,  où 
elle  entra  le  19  mai  1637,  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  et  un  jour.  Pen- 
dant tout  le  trajet,  elle  montra  une  force,  une  générosité  admi- 
rables. Jamais,  au  milieu  des  fêtes,  sa  beauté  n'avait  brillé  d'un 
plus  vif  éclat  ;  sa  physionomie  radieuse  contrastait  si  fort  avec  la 
tristesse  de  ses  compagnes,  que,  selon  l'expression  du  P.  Gaussin, 
"■  on  eût  dit  autant  de  victimes  qu'elle  allait  sacrifier." 

Et  pourtant  Louise  de  la  Fayette  n'accomplit  point  cet  acte 
héroïque  sans  de  grands  déchirements.  Mme  de  Motteville  raconte 
qu'après  avoir  fait  ses  adieux  au  Roi  et  à  la  Reine,  elle  descendit 
dans  son  appartement,  dont  les  fenêtres  s'ouvraient  sur  la  cour  du 


656  LE  PROPAGATEUR 


château.  Elle  vit  de  là  Louis  XIII  monter  en  carrosse,  et  s'écria  avec 
émotion  :  Hélas  !  je  ne  le  reverrai  plus  !  **  Mais  cet  attendrissement 
fut  passager,  et  prouva  seulement  que  la  grâce,  en  triomphant  de 
notre  sensibilité,  ne  l'étouffé  point,  mais  la  dirige  et  la  sanctifie. 

11  faut  lire,  dans  V Année  sainte^  l'édifiant  récit  du  noviciat  de 
Mlle  de  la  Fayette  pour  apprécier  tout  le  charme,  la  grandeur  et  la 
grâce  du  caractère  de  cette  admirable  fille.  La  Reine  et  toutes  les 
dames  de  la  Cour  venaient  s'édifier  et  s'émerveiller  près  d'elle  ;  et 
Louis  XIII,  inconsolable  de  son  départ,  passait  de  longues  heures 
à  l'entretenir  à  travers  les  doubles  grilles  du  parloir,  toujours 
devant  témoins,  mais  si  cohfidemment,  que  le  Cardinal  en  prit  de 
l'ombrage.  Il  exila  en  Bretagne  le  P.  Caussin,  et  essaya  de  faire 
envoyer  la  sœur  Louise-Angélique  au  monastère  d'Annecy.  Le  Roi 
s'était  laisser  enlever  son  confesseur;  mais  il  s'opposa  aux  menées 
du  Cardinal  quant  à  Mlle  de  la  Fayette,  et  la  jeune  novice  fil  tran- 
quillement profession  à  Paris,  au  mois  de  décembre  1638,  en  pré- 
sence de  la  Reine  et  d'une  cour  nombreuse. 

Elle  était  alors  âgée  de  vingt  ans  et  sept  mois. 

La  paix  et  la  joie  régnaient  depuis  longtemps  dans  son  cœur,  et 
elle  avait  déjà  obtenu  la  seule  récompense  terrestre  qu'elle  eût 
demandée  à  Dieu  :  le  5  septembre  1638,  la  France  avait  fêté  la 
naissance  de  Louis  XIV. 

Et,  disent  les  anciens  manuscrits  de  la  Visitation,  "  Louis  XIII 
étant  mort  en  l'année  1643,  la  Reine  nous  fit  l'honneur  de  nous 
amener  le  jeune  Roi,  alors  âgé  de  cinq  ans,  et  la  communauté 
s'assembla  au  chapitre  pour  lui  baiser  la  main.  La  Reine,  s'aper- 
cevant  du  recueillement  de  nos  sœurs,  dit  à  la  supérieure  :  "  Ma 
mère,  ordonnez  à  nos  sœurs  de  ne  "  pas  se  mortifier  et  de  regarder 
le  Roi."  Puis  Sa  Majesté  voulut  que  notre  très  honorée  sœur  Louise 
Angélique  le  baisât,  disant  à  ce  jeune  prince  :  "  Aimez  bien  cette 
bonne  religieuse,  car  je  '*  lui  ai  de  l'obligation." 

"  Ensuite  le  Roi  alla  se  divertir  au  jardin  avec  Mgr  le  duc  d'An- 
jou. On  présenta  la  collation  à  Sa  Majesté,  et  quelques  bijoux  de 
dévotion  proportionnés  à  son  âge.  La  Reine  entretint  longtemps 
notre  sœur  Louise-Angélique,  et,  le  lendemain,  lui  envoya  le  por- 
trait du  Roi." 

Après  avoir  édifié  son  ordre  par  les  plus  aimables  et  constantes 
vertus,  et  consolé  pendant  de  longues  années  l'exil  de  la  reine 
Henriette-Marie  et  de  sa  fille  Henriette  d'Angleterre,  la  mère 
Louise-Angélique  de  la  Fayette,  supérieure  du  monastère  de  Chail- 
lot,  s'endormit  du  dernier  sommeil  le  11  janvier  1665.  "  Ses  der- 
nières paroles  :  "  Mon  Dieu,  je  m'abandonne  à  vous  !"  furent  l'écho 
de  toute  sa  vie  ;  bientôt  après  les  avoir  prononcées,  elle  perdit 
connaissance,  et  fut  admise  dans  la  cour  de  ce  Roi  immortel  pour 
qui  son  cœur  avait  généreusement  méprisé  toutes  les  grandeurs 
de  ce  monde."        j^^ 

Mme  Julie  Lavergne. 


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NOUVELLE  ÉDITION 
revue  et  approuvée  par  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites, 


UN  VOLUME  IN-40. 
Basane  noire,  gaufrée  à  froid,  tranche  marbrée $1.50 

BREVIARIUM  ROMANUM 

NOUVELLE    EDITION 

Dans  toutes  les  éditions  ci-après,  chaque  volume  est  orné  d'une 
gravure  sur  acier  d'après  L.  Hallez. 


Edition  in-12,  mesurant  7x5,  imprimée  en  noir  et  rouge  sur 
papier  de  Chine. 

No    871         Chagrin,  ter  choix,  noir,  tranche  dorée $10.00 

Chagrin,  1er  c/ioîa;,  reliure  souple,  tranche  dorée...  $11.00 
Chagrin,  1er  choix,  noir,  ornem.  dorés,  ir.  dorée...     12.00 


Edition  grand  in-32  Jésus,  mesurant  5J  x  4,  en  noir  et  rouge 
sur  papier  de  Chine. 

Xo  881.  Chagrin,  1er  choix,  noir,  tranche  dorée $8.00 


I 


LE  PROPAGATEUR  659 

HORyE    DIURN.^ 

BREVIARII  ROMANI, 

ex  décrets  sacrosanti  Ooncilii  Tridentini  restituti  ; 

S.  Pii  V  Pontificis  maximi  jussu  editi  ; 

Olementis  VIII,  Urbani  VIII  et  Leonis  XIII 

auctoritate  recogniti. 

ÉDITIONS    NOUVELLES 

Ces  édititions,  revues  avec  le  plus  grand  soin,  sont  approuvées 
par  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites. 

1  volume  m-32  raisin,  mesurant  5x3i,  orné  d'une  gravure  sur  acier. 

No    591         Chagrin,  gaufré  à  froid,  tranche  dorée SI. 00 

Chagrin,  1er  choix,  noir,  tranche  dorée 1.25. 

Edition  imprimée  en  noir  et  rouge  sur  papier  de  Chine. 

No    911.       Chagrin,  gaufré  à  froid,  tranche  dorée $1.50 

Chagrin,  1er  choix,  noir,  tranche  dorée 1.75 

V.-.J— .   ,■,_._  a .r,.,-,: 

EDITIONS  DE  MALINES 

MISSALE  RQMANUM 

Edtion  in-4o,  mesurant  13  x  10,  imprimée  en  noir  et  rouge. 
Hfo  30.     Chagrin,  noir,^ornement3  à  froid,  tranche  dorée $7.50 

Edition  petit  in-4o  mesurant  8x11,  imprimée  en  noir  et  rouge. 
So  30.     Chagrin  noir,  ornements  à  froid,  tranche  dorée $6.00 

Edition  in-12,  mesurant  5  x  71,  imprimée  en  noir  et  rouge. 

No    40.  Basane  noire  forte,  tranche  dorée S2.50 

Maroquin  noir.  No  1,  souple,  tranche  dorée 3.50 


660  LE  PROPAGATEUR 

MISS^  PRO  DEFUHCTIS  E  MISSALI  ROMAKO  EXCERPTJE 

NOUVELLE     ÉDITION 
revue  et  approuvée 


UN  VOLUME  IM-40. 
Basane  noire,  gaufrée,  tranche  dorée $1.50 


UN  VOLUME  PETIT  IN-4o 
Basane  noire,  gaufrée,  tranche  dorée $1.25 


BREVIARIUM     ROMANUM 

QUATHK    VOLUMKS 

Edition  in-12,  mesurant  5  x  7i,  imprimée  sur  papier  chine, 

rouge  et  noir 

Maroquin  noir  No  1,  capitonnée  couture  sur  nerf,  tranche  ?, 
rouge  sous  or,  coins  ronds $15.00 


Edition  in-18.  mesurant  4x6  imprimée  sur  papier  chine 
rouge  et  noir. 

Maroquin  noir  No  1,  capitonné,  couture  sur  nerf,  tranche 
rouge  sous  or,  coins  ronds $12.50 


Edition  in-32j  mesurant  3X  x  5,  imprimée  sur  papier  chine, 
rouge  et  noir. 

Maroquin  noir  No  1,  capitonné,  coulure  sur  nerf,  tranche 
rouge  sous  or,  coins  ronds $10.00 


BREVIARIUM    ROMANUM 

(TOTTJnyC) 

Edition  gros  in-18,  mesurant  4x6,  imprimée  sur  papier  chine, 

rouge  et  noir. 

Maroquin  noir,  No  1,  capitonné,  couture  sur  nerf,  tranche 
rouge  sous  or,  coins  ronds $5.00 


.      /       / 


LE  PROPAGATEUR  661 

HOR^  DIURNE 

BREVIARn  ROMANI, 

ex  decreto  sacrosanti  Ooncilii  Tridentini  restituti  : 

S.  Pie  V,  Pontificis  maximijussu  editi, 

démentis  VIII,  Urbani  VIII  et  Leonis  Xm, 

auctoritate   recogniti. 


Edition  grand  in-18,  mesurant  4x6,  imprimée  en  noir  et  rouge- 
No  32.     Chagrin,  1er  choix,  noir,  tranche  dorée $2.50 


RITUALE   ROMANUM 

Pauli  V,  Pontificis  Maximi 

jussu  editioni  cui  novissima  accedit  Benedictionum 

et  Instnicturum  appendix.  Editio  nova 

tanquam  typicœ  omnino  conformis  a  Sacra 

Rituum  congregationis  approbata. 


Edition  in-18,  mesurant  31  x  5L  imprimée  en  rouge  et  noir. 

Basane  noire,  forte,  tranche  dorée SI  50 

Chagrin  No  1,  souple,  tranche  dorée 2.00 


EDITION  DUCIiEE,  I,EFEBTBE  éc  Cle 

BRETIAEIU^  ROMAiSTUM 

1    vol.  in-32,  avec  fascicules  détachés,  (5  x  3^). 

Bréviaire  de  voyage  en  caractères  très  lisibles  :  Un  tout*  petit 

volume  en  rouge  et  noir,  avec  propre  du  Temps  et  des  Saints  en 

fascicules  détachés,  — très  complet  avec  tous  les  offices  nouveaux, 

les  offices  votifs,etc,et  entièrement  conforme  aux  derniers  décrets. 

Chagrin  noir,  tranche  dorée S6.00 

CAHIER^RAISONS 

POUR  LES  SALUTS.  PEIÊRES  DES  QUARANTE  HEURES, 

ROGATIONS.   Etc.— In-4o 

Demireliure  basane. $1.00 


CACHETS 

Souvenirs  de  première  Communion  et  Confirmation. 


GRANDES   GRAVURES   FINES 

PL  550  -Baptême,  Première  Communion  et  Confirmation 

réunis,  pour  filles. — 1  à  la  feuille  demi-raisin. 

La  douzaine $1.50 


FI.  451  -Baptêmes  Première  Communion  et  Confirmation 

réunis,  pour  garçons. — l  à  la  feuille  demi-raisin. 

La  douzaine $1.50 


FI.  441.-Bapteme,  Preniière  Communion  et  Confirmation 

réunis,  pour  garçons  et  filles. — 1  à  la  feuille  demi-raisin. 

Riche  ornementalion  gothique,  sujets  allégoriques  et 
textes.  Exécutés  avec  grand  soin. — En  noir..  $1.50  doz. 


FL  443.— Communion  et  Confirmation  réunies,  pour  garçons 
et  filles. — 1  à  la  feuille,  demi-raisin. 

Avec  entourage  riche  contenant  des  vignettes  allégo- 
riques et  textes.  Exécutés  avec  grand  soin. — En 
noir $1.50  doz. 


FL  434.— Communion,  pour  garçons  et  filles. — 1  à  la  feuille, 
demi-cavalier.  (L'inscription  fait  mention  de  la 
Confirmation.) 

Avec  textes  et  entourage  aiiegorique,  style  gotnique. 
Gravure  très  soignée. — En  noir $1.00  doz. 


FL;448-Bapteme,  Première  Communion  et  Confirmation 

réunis,  pour  filles. — 2  à  la  feuille,  demi-cavalier. 


LE  PROPAGATEUR  663 

PI.  449-  Bapteuie,  Première  Cominuuiou  et  Confirmation 

réunis,  pour  garçons. — 2  à  la  feuille,  demi-cavalier. 

Ces  cachets  sont  consacré  au  Sacré-Cœur  de  Jésus  qui 
rayonne  au-dessus  de  l'autel. — On  lit  sur  les  deux 
colonnes  qui  portent  rornementatlon  :  Mon  Cœur 
spra  ta  force...  Mon  Cœur  sera  ton  refuge...  En 
noir Sl.OO  doz. 


PI.  439— Communion  et  Confirmation,  réunies  dans  le  même 
cachet,  pour  filles.— 2  cachets  sur  la  feuille,  demi- 
cavalier. 


PI.  439  &t;.— Commnuion  et  Confirmation,  réunies  dans  le 
même  cachet,  pour  garçons. — 2  cachets  sur  la  feuille 
demi-cavalier. 

Jolie  entourage,  avec  petits  sujets  et  textes.    Exécu- 
tion soignée, — En  noir   SI.UO  doz. 


PI.   437.  —  Communion,   4  à  la  feuille,    2  pour   garçons  et  2 
pour  filles. 

Entourage  allégorique  avec  textes.  En  noir.  80c.  doz. 


CACHETS  DE  PBËllIiRË  COM)IUM0\  ET  DE  CO!(FiB)IATiO\' 


No   102  pour  garçons lî|  x  19J     1  cà  la  feuille  la  douzaine    Sl.OO 


103 
107 
108 
111 
112 


filles i2f  X  19^  1 

garçons  et  filles    12    x  18  1 

9f  X  I2f  2 

garçons 6^  x  10  4 

filles 6J  X  10  4 


1.00 
0.80 
1.00 
1.00 
1.00 


Cachets  de  Première  Communion  [Chromo) 


No    402  (Emblème,  Hostie,  Calice)...  8^  x  12  la  douzaine  $1.50 

403  Cachet  emblématique  8*  x  12              "  1.50 

406  Garçon  seul 8|  x  llf  chaque  1.00 

407  Filleseule 8fxll|         "  1.00 

409  Garçon,  scène  de  la  commun.  8|  x  11^  la  douzaine  1.50 

410  Fille,               "            "            8f  x  llf           "  1.50 


664  LE  PROPAGATEUR 


DIPLOMES 


No  2,006.— Diplôme  d'Agrégation.— Avec  formule  d'admission 
et  cousécration. — Sujet  :  l'Immaculée  Conception, 
entourée  de  jeunes  filles  qui  se  consacrent  à  son 
service,  avec  ce  texte  :  0  Vierge  Immaculée,  vous 
êtes  l'honneur  de  notre  sexe,  notre  joie  et  notre 
espérance  !... 

Gravure  fine  avec  bordure.  Sur  quart-jésus.  En  noir.  $1.00  doz. 


€acbets  pour  congrégation  d'enfants  de  Marie.— Sujet  : 

l'Immaculée  Conception,  avec  formule  d'admission, 

Gravure  en  noir,  teinte  et  filet  or,  lOJ  x  14  la  dou- 
zaine   $1.20 


Cachets  pOur   congrégation  des  Dames  de   fSte-Anne.— 

Sujet  :  Ste-Anne,  avec  formule  d'admission. 

Gravure  en  noir,  teinte  et  filet  or,  lOJ  x  14  la  dou- 
zaine   $1.20 


IMAGES 

FORMAT  LIVRE  DE  PRIERES 

VIGNETTES  FINES  (lN-18)  DITES: 

DEVOTIONS  SPECIALES 


SUJET  PAR  UNIT*: 

Série  gravée  avec  le  plus  grand  soin.  —  Textes  choisis,  recto  et  verso. 

Collection  constamment  augmentée  et  renouvelée. 

Avec  dentelle,  en  noir,  filet  or 60c.  doz 


LE  PROPAGATEUR  665 


VARIETES  DE  CHOIX 

VIGNETTES  TRES  FINES 

sous  FORMES  ET   TITRES  DIVERS. 


Vignettes  arec  garde. 

Sujets  recouverts  d'une  garde  contenant  ordinairement  un 
texte  remarquable  en  vers  et  en  prose. — Cette  garde  est  ornée  elle- 
même  d'un  petit  sujet  gravé  sur  acier. 

Gravure  fine,  format  in-18.    Arec  dentelle.    En  noir, 
avec  fllet  or $1.00  doz. 


Vignettes  avec  garde  et  transparent. 

Les  voiles  Eucharistiques  ou  les  Ténèbres  lumineuses  de  la 
Foi. — Sujet  transparent  recouvert  d'une  garde  illustrée  contenant 
l'Ave  Eucharistique. 

Gravure  fine,  format  in-18.     Avec  dentelle  ;  En  noir, 
filet  or $1.50  doz. 


Feuillets  doubles. 

Deux  pensées  réunies. — Deux  sujets  en   regard.    Titre   doré, 
texte  en  prose.    La  bordure  dentelle  est  également  double. 

Gravure  fine,  format  in-18.  En  noir,  dorure  riche.  $1.50  doz. 


DETAIL    DES    SUJETS- 

No  l. — Les  deux  Montagnes. 
''     2. — Amour  à  la  sainte  Eglise. 

"     3. — Le  Temps  des  semences  et  le  Temps  des  moissons. 
"     4. — Seul  désir  raisonnable,  seul  repos  véritable.      (Avant  et 

après  la  sainte  Communion.) 
"    5. — Le  trésor  que  je  préfère  à  tout,  ou  Jésus  et  Mariedans 

le  cœur  fidèle.     (En  préparation.) 

Cette  série  se  continue. 


666  LE  PROPAGATEUR 


PLIS. 

Plusieurs  sujets,  avec  texte,  contenus  dans  un  même  pli,  faisant 
corps,  et  ne  tenant  pas  plus  de  place  qu'une  image  simple. 

Gravure  fine,  format  in- 18.    Avec  dentelle  :  En  noir, 
dorure  riche $2.00  doz. 


DETAIL  DES   PLIS. 

No    1.-- Office  de  l'Immaculée  Conception. 
"      2. — Le  Chemin  de  la  Croix. 
"      3. — Ma  première  communion  (avec  transparent.) 
"      4. — Sainte  amitié. 
"      5. — Les  Sept  Œuvres  de  miséricorde. 
"      6. — La  Grâce  du  pauvre  malade  (avec  le  billet  d'entrée 

pour  le  ciel.) 
"      7.— L'Office  du  Sacré  Cœur. 

8. — Les  degrés  de  la  Dévotion  à  Marie. 
9. — Le  dogme  de  l'Infaillibilité  rendu  sensible  (avec  trans- 
parent.) 
10. — Souvenir  de  Notre-Dame  de  Lourdes  (avec  le  Petit 

Office  de  l'Immaculée  Conception.) 
11. — Ma  Persévérance  (avec  transparent.) 
12. — La  délivrance  des  âmes  du  Purgatoire  (en  préparation.) 

Celle  série  se  conlinue. 


« 


Pieuses  surprises. 

Pliées  en  forme  de  lettre,  et  présentant  un  sujet  nouveau  à 
chaque  développement.     Titre  gravé,  doré  et  bordure  dentelle. 

Gravure   fine,    format    in-18.     Avec   dentellj  :    En 
noir $2.50  doz. 


DETAIIi  DES  SUJETS 

No  1. — Le  Trésor  inconnu  (ou  le  Saint  Cœur  de  Marie.) 
"    2. — liinéraire  du  Pèlerin  (Conduite  de  l'âme  par  la  Très 

Ste.  Vierge.) 
"    3.— Le  Passeport  pour  la  sainte  Cité  (Imitation  du  divin 

Enfant.) 
"    4. — Vieille  surprise  toujours  nouvelle,  ou  vérité  de  6,000 

ans  qui  presse  les  filles  d'Eve  de  se  faire  Enfants  de 

Marie. 


LE  PROPAGATEUR  667 


L'horloge  Eucharistique     (Avec  cadran  mobile)  pour  faciliter 

l'apostolat  de  la  prière  par  l'union  per- 
pétuelle au  saint  sacrifice.  Au  moyen 
du  cadran  mobile,  on  trouve  sur  cette 
image  (à  toute  heure  du  jour  ou  de  la 
nuit  en  France)  une  contrée  de  la  terre 
où  il  est  6  heures  du  matin,  et  où  s'offre 
le  saint  sacrifice  de  la  messe. 

Gravure  fine  format  in-IS.    Avec  dentelle  :  En  noir, 
avec  filet  or §1.00  doz. 


L'horloge  du  Sacré-Coeur.  Un  mécanisme  facile  permet  de  chan- 
ger le  texte  et  donne  pour  chaque  heure 
du  jour  une  pensée  pieuse. 

Gravure  fine,  format  in- 18.     Avec  dentelle  .  En  noir, 
filet  or = SI.OO  doz, 


Outrages  et  Réparations.   (Tous  les  jours  offensé  !..  Tous  les  jours 

consolé  !...)  Sujet  double  avec  texte. 

Gravure  fine,  format  in-12.    Avec  deatelle  :  En  noir, 
filet  or,  et  rehaussé  de  couleur $1.50  doz. 


Mystère  de  la  Communion  de  Noël.    Un  mécanisme  très  simple 

fait  apparaître  dans  la  sainte 
Hostie  de  Noël  le  divin  Enfant, 
et  changer  en  même  temps  le 
texte  de  l'image. 

Gravure  fine,  format  in-18.    Avec  dentelle  :  En  noir, 
filet  or $1.00  doz. 


PHOTOGRAPHIES  SITES  MIGNONNETTES 

Simples,  prêtes  à  co'ler §1.00  le  cent. 


668 


LE  PROPAGATEUR 


PETITS  LIVRES  D'IMAGES 

RECUEILS  FORMÉS  AVEC  LES  PLANCHES  DECOUPURES 

DONT   ILS    PORTENT   LE    NUMÉRO 


Livre  de  la  Série  300 


Saints  désirs.  (PI.  302.) 
Le  divin  Pilote  (PI.  303.) 

Figures  sensibles  de  la  sainte 
communion.  (PI.  304.) 

Le  Ciel.  (PI.  305.) 

Fruits  de  la  dévotion  à  Marie 
(PI.  306.) 

Sainte  semences  et  divine  mois- 
son. (PI.  307.) 

La  vigne  selon  le  Cœur  de  Dieu 
(PI.  310.) 

Moyens  de  transport  pour  le 


Ciel.  (PI.  311.) 

Le  Cœur  malade  aux  yeux  du 
divin  Maître.  (PI.  312.) 

Le  Cœur  guéri  par  la  foi  au 
divin  Maître.  (PI.  313.) 

Le  Cœur  vivant  de  la  vie  mê- 
me du  divin  maître.  (PI.  314.) 

Le  petit  Grain  de  blé  dans  la 
main  de  Dieu.  (PI.  315.) 

Sainte  Amitié.  (PI.  316.) 

La  Nature,  la  Grâce  et  l'enfant 
de  Marie.  (PI.  3.20.) 


Cartonnés  avecjsoin,  couverture  en  toile  gaufrée,  titre 
et  tranche  dores 40c.  chaque. 


Livres  de  la  Série  900 


Le  divin  Maître,  les  commen- 
çants. (PI.  912.)  Ire  partie. 

Le  divin  Maître,  les  profitants. 
(PI.  928.)  2e  partie. 

OflBces  des  Enfants  de  Marie. 
(PL  930.) 

Vie  cachée  du  Sauveur.    (PI. 
931.) 


Demeure  du  divin  Maître,  (PI. 
932.) 

Confiance  en  Marie.  (PI.  934.) 

Miroir  de  la  jeunesse.  (PI.  936.) 

Le  saint  Rosaire  (PI.  939.) 

Les  Caractères  du  divin  amour 
Ire  partie  (PI.  942.) 
2e    partie  (PI.  943.) 


Cartonnés   avec  toin,  couverture  en  toile  gaufrée, 
titre  et  tranche  dorés 35c.  chaque. 


LE  PROPAGATEUR  669 

MEMENTO    D'ORDINATION 
Pablicatîon  nouielle 

FORMAT  IN- 18 


Style  des  anciens  manuscrits 

Les  Ordres  Mineurs    1    Le  Diaconat 
Le  Sous-Diaconat       |    La  Prêtrise 

La  douzaine 60c.  ' 

Les  souvenirs  d'Ordination  ont  toujours  fait  l'ornement  le  plus 
précieux  et  le  plus  touchant  d'un  Bréviaire. — Ils  sont  encore  un 
gage  d'union  sacerdotale  entre  condisciples  ordonnés  le  même 
jour. — Enfin,  ils  peuvent  être  offerts  utilement  à  des  parents  ou  à 
des  amis  comme  sujet  d'instruction,  d'édification,  et  surtout 
comme  demande  de  prières. 

Les  Souvenirs  que  nous  annonçons  ici,  répondent  à  ces  trois 
besoins,  sous  trois  formes  différentes. 


Images  sujet  emblématiques  et  figures. 

Dentelle  couleur    2f  x  4    la  douzaine 30c. 

"  3    X  4f  "  40c. 

Images  deuil,  sujet  Crucifix   avec  la  prière  "  0  Bon  et  très 
doux  Jésus.  " 

Le  cent $2.00 

Images  deuil,  sujets  variés. 

A ....  $1.50  $2.00  $2..50  et  $3.00  le  cent. 


IMACES  AVEC  BORDURE  EN  DENTELLE 

Cbaqne  sajet  est  encadré  dans  une  dentelle  à  jour  ajustée  ft  chacnn. 


^êrie  1,000 

Sujet  noir,  3  x  4^  la  douzaine 40c. 

8érie  500-600 

Sujet  noir  avec  filet  or,  3  x  4J  la  douzaine 30c. 


670 


LE  PROPAGATEUR 


tierie  100 

Sujet  noir,  2^  x  4  la  douzaine 

20c. 

Série  300 

Sujet  noir,  .2  x  3  la  douzaine 

N  ] 

13c. 

CHROMOLITHOGRAPHIES  E 

DENTELLE 

Feuilles  de  136  sujets     , 

@ 

15c.  la  feuille 

72     " 

(( 

15c.        " 

"               55      " 

u 

15c.        " 

36     «' 

(( 

15c.        " 

32,  45,  60,  80  sujets 

(( 

30c. 

32,  45,  60,  80     " 

il 

40c. 

32,42,60,  100  " 

u 

50c. 

'■'■               42  sujets 

"•*■ 

60c.        " 

42     " 

a 

75c. 

Dentelles  blanches  2^  x  3|  la  douzaine 

15c. 

'«              "         U  X  U 

20c. 

SOUVENIRS  DE  PREMIERE  COMMUNION 


Images  avec  dentelle  à  jour  appropriée  aa  snjet 

RIîPRÉSENTANT    COMMUNIANTS    GARÇON-FILLE 


No  1351  Sujet  noir,  garçon 
"  1352  "         fille  2|x4 

"  1355  Sujet  noir  avec  pailletage  garçon  2|-  x  4 
"   1356  "  "  fille      2^x4 

"   1359  Sujet  noir,  garçon.  3    x  4J 

"   1360  "  fille.  3    x4J 


2J  X  4  la  douzaine.  $0.40 
0.40 
1.25 
1.25 
0.50 
0.50 


IIKAOKS  AVEC  DENTEIiliE  A  JOUR  EN  REI.IEF  ET  HABII.L.EES 


REPRÉSENTANT   C0MMUl4lANTS   GARÇON-FILLE 


No  65  Dentelle  blanche,  garçon 

"  65  "             "        fille 

"  50  "        dorée,  garçon 

''  50  "            "      fille 

"  21  "        blanche,  garçon 

'^  21  "              "        fille 

"  79  "        dorée,  garçon 

"  79  "            "      fille 

"  96  Relief  couleur,  garçon 

«  96  "            "        fille 


U  X 
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21 
2ix 


4  la  douzaine 
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3 
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4 
4 

X  ^ 

X 
X 
X 


4f 


5 

5  " 

6J  chaque 
6i        " 


fO.75 
0.75 
1.50 
1.50 
1.00 
1.00 
2:00 
2.00 
0.50 
0.50 


LE  PROPAGATEUR  671 


GRANDES    ETUDES 


Hauteur  '26  pouces.   | 
Largeur  21       "  f 


Sujet  noir,  fond  teinté, 

chaque. 

$0.75 

"     rehaut,  fond  teinté, 

(' 

1.25 

"     couleur,  fond  ciel, 

« 

2.50 

"          "          "     noir, 

'• 

2.50 

SUJETS  REMGIEUX 

No      5  Mater  Dolorosa, 
(5  Ecce  Homo. 
9  Léon  XIII. 
10  Jésus  Rédempteur  du  monde. 

16  Le  Sacré  Cœur  de  Jésus. 

17  Le  Saint  Cœur  de  Marie. 

18  Saint  Augustin. 

20  Saint  Gbarles-Borromée. 

21  Saint  Jean,  évangéliste. 

22  Le  patriarche  St.  Joseph. 

23  Saint  Antoine  de  Padoue. 

25  L'Immaculée  Conception. 

26  Sainte  Anne. 
29  Sainte  Catherine,  martyre. 
33  Saint  Vincent  de  Paul. 
35  Saint  Louis  de  Gonzague. 
37  Marie  conçue  sans  péché. 

39  Sainte  Rose  de  Lima, 

40  Sainte  Catherine  de  Sienne. 

41  Sainte  Thérèse. 

43  Saint  Stanislas  de  Kostka. 

44  N.-D.  du  Rosaire  avec  Saint  Dominique. 

45  Saint  François  d'Assise. 
48  Saint  Michel  Archange. 

53  Saint  François  Xavier. 

54  Sainte  Madeleine. 
56  Ange  Gardien. 
5  '  Saint  François  Xavier. 
58  Saint  François  d'Assise.  (Vision  des  plaies.) 

62  Saint  Ignace  de  Loyola. 

63  N-D.  du  Mont-Carmel.  (Ames  du  Purgatoire.) 
66  Agonie  de  Jésus. 
69  Rêve  du  Calvaire. 
75  Jésus,  Marie,  Joseph. 

92  Saint  Roch. 

93  Saint  Joseph. 

94  Jésus  crucifié. 

95  Saint  Dominique. 
99  Saint  François  de  Sales. 


672  LE  PROPAGATEUR 


100  Sainte  Cécile. 

103  Sainte  Philomène. 

104  N.-D.  de  Lourdes.  (Apparition.) 
10)  Sacré  Cœur  de  Jésus. 

106  Très  Saint  Cœur  de  Marie. 
109  Manifestation  du  Sacré  Cœur. 
112  Sainte  Marguerite. 


PETITES  ETUDES 


^ 

Sujet 

noir,  fond  teinté 

chaque. 

10.38 

Hauteur 

20 

pouces. 

" 

rehaut, 

fond  teinté 

" 

0.75 

Largeur 

14 

" 

(( 

couleur 

fond  ciel 

ti 

1.50 

-' 

<( 

"     noir 

1.50 

[SUJETS    R£L.IOI£1JX 

No  1  L'immaculée  Conception. 
"       2  Jésus  Rédempteur. 

"  3  Mater  Dolorosa. 

"  4  Ecce  Homo. 

'••  5  Saint  Antoine  de  Padoue. 

"  6  Le  Patriarche  Saint  Joseph. 

."  9  Saint  Louis  de  Gonzague. 

"  10  Saint  Stanislas  de  Koslka. 

"  11  Marie  conçue  sans  péché. 

"  13  Sacré  Cœur  de  Jésus. 

'•  14  Saint  Cœur  de  Marie. 

'•  17  Jésus,  Marie,  Joseph. 

"  20  N.-D.  du  Mont  Garmel.  (Avec  les  âmes.) 

"  24  Sainte  Anne. 

'*  25  Sainte  Thérèse. 

"  30  N.-D.  du  Rosaire  et  Saint  Dominique. 

"  35  L'Ange  Gardien. 

"  37  Saint  Joseph. 

"  38  N.-D.  de  Lourdes.  lApparition.) 

"  3J  Saint  François  d'Assise. 

"  43  Sacré  Cœur  de  Jésus. 

<'  44  Très  Saint  Cœur  de  Marie. 

"  45  Manifestation  du  Sacré  Cœur. 

'■'  48  Sainte  Madeleine. 

"  49  N.  S.  P.  le  Pape  Léon  XI  IL 

*'  50  Saint  François  d'Assise  (Vision  des  plaies.) 


BULLETIN 

12  Janvier  1893. 

*^*  En  France  l'excitation  causée  par  les  révélations  du  scandale 
de  Panama  est  plus  intense  que  jamais.  Le  public  est  épouvanté 
à  la  vue  de  cette  gigantesque  spoliation  et  il  se  demande  s'il  est 
le  jouet  d'un  rêve  ou  s'il  est  bien  dans  la  réalité.  On  est  frappé 
de  stupeur  en  voyant  l'audace  avec  laquelle  opéraient  les  misé- 
rables qui  volaient  ainsi  sans  pitié  les  trop  confiants  actionnaires 
de  la  compagnie.  Un  grand  nombre  d'hommes  publics  sont  com- 
promis. Parmi  eux  se  trouvent  des  sénateurs,  des  députés,  des 
anciens  ministres,  des  agents,  des  banquiers  etc.  De  tous  côtés 
les  mains  se  tendaient  pour  saisir  la  proie.  Il  est  considérable  le 
nombre  de  ceux  qui  ont  pris  part  à  la  curée. 

Parmi  les  personnages  compromis  à  divers  degrés  on  mentionne 
messieurs  Fioquet,ex-président  de  la  chambre  des  députés,  Clemen- 
ceau député,  Albert  Grévy,  sénateur,  Rouvier,  ancien  ministre 
des  finances  etc.  etc.  Se  voyant  compromis,  M.  Rouvier,  tout  en 
protestant  de  son  innocence,  a  donné  sa  démission  de  ministre. 
11  a  été  remplacé  par  M.  Tirard,  ancien  premier  ministre. 

L'homme  qui  paraît  le  plus  coupable  dans  ces  fraudes  est  le  juif 
allemand  Cornélius  Herz,  actuellement  réfugié  en  Angleterre. 
Ce  triste  personnage  est  grand  officier  de  la  légion  d'honneur. 

Plusieurs  anciens  directeurs  et  employés  supérieurs  de  la  com- 
pagnie de  Panama  subissent  aujourd'hui  leur  procès  devant  la 
première  chambre  de  la  cour  d'Appel  de   Paris.    Cette   cour  est 
présidée  par  M.  Périvier.  Ces  personnages  sont 
Prévenus  : 

D'avoir,  conjoinlement  et  depuis  moins  de  trois  ans  avant  le  dernier  acte  de 
poursuite  à  Paris,  en  employant  des  manœuvres  frauduleuses  pour  faire  croire 
à  l'existence  d'un  événement  chimérique  et  d'un  crédit  imaginaire,  dissipé  des 
sommes  provenant  d'émissions  qui  leur  avaient  été  remises  pour  un  usage  et  uh 
emploi  déterminé,  et  escroqué  tout  ou  partie  de  la  fortune  d'aulrui  ; 
Délits  prévus  et  réprimés  par  les  articles  405,  406,  408  2, 5,  59  et  62  du  Code  pénal. 

*** 

*,*  Avant  hier,  le  10,  avait  lieu  la  rentrée  des  chambres  françaises 
après  les  vacances  de  Noël  et  du  jour  de  l'an.  A  la  Chambré  des 
députés  M.  Floquet,  ex-président,  a  retiré  sa  candidature  et  M.  Ca- 
simir Perrier  a  été  élu  Président  avec  une  majorité  de  155  voix. 

Le  ministère  Ribot  qui  ne  comptait  qu'un  mois  et  quelques  jours 
d'existence  a  donné  sa  démission.  Le  prétexte  de  cette  démissioa 
est  la  divergence  d'opinions  qui  existait  entre  les  ministres  relati- 
vement aux  poursuites  à  être  intentées  contre  M.  Baïhaut,  ancien 
ministre  des  Travaux  PubUcs,  gravement  compromis  dans  l'affaire 
de  Panama.  La  crise  a  été  de  courte  durée.  Le  président  Carnot 
à  chargé  de  suite  M.  Ribot  de  former  un  nouveau  ministère,  ce 
qui  a  été  fait  dans  quelques  instants.  Cette  fois-ci  messieurs  Lou- 
bet  et  de  Freycinet  ont  été  laissés  de  côté  et  remplacés  par  deux 
hommes  nouveaux,  messieurs  Viger  et  Loizillon. 

Le  nouveau  ministère  est  composé  comme  suit  : 

Président  du  Conseil  :  U.  Ribot,  ministre  de  l'intérieur,— M.  Dbvelle, affaires 

43 


674  LE  PROPAGATEUR 


étrangères. — M,  Tirard,  finances. — M.  Bourgeois,  justice.— M.  G.  Loizillon, 
guerre.— M.  Bdrdeau,  colonies  et  marine.  — M.  Dcpdy,  instruction  publique. — 
M.  ViGER,  agriculture. — M.  Siegfried,  commerce. — M.  Viette,  travaux  publics. 

/^  L'abbé  Théodore  Cohen  ou  Kohn,  juif  converti,  a  été  élu 
archevêque  d'Olmutz  en  Moravie,  à  la  place  du  Cardinal  de  Fûrs- 
tenberg,  mort  il  y  a  quelques  semaines.  L'élection  a  été  faite  par 
le  chapitre  de  la  cathédrale.  Cette  nomination  au  siège  d'Olmutz 
a  créé  une  grande  sensation  dans  une  contrée  où  l'agitation  anti- 
sémitique est  si  intense. 

Lorsque  la  nouvelle  de  l'élection  parvint  à  Vienne,  le  Reichsrath 
était  en  séance  et  la  surprise'et  l'agitation  qu'elle  causa  furent  si 
grandes  que  les  procédés  furent  suspendus  pendant  un  temps  con- 
sidérable.  Le  Dr  Cohen,  s'est  converti  lorsqu'il  n'était  encore 
qu'un  jeune  écolier  et  il  est  actuellement  âgé  de  47  ans. 

En  vertu  d'un  privilège  spécial  (1)  l'élection  de  l'archevêque 
d'Olmutz  se  fait  par  le  chapitre  de  la  cathédrale.  Ce  chapitre  est 
actuellement  composé  de  seize  membres.  Depuis  plusieurs  siècles 
le  siège  d'Olmutz  a  toujours  été  occupé  par  des  archiducs,  des  prin- 
ces ou  des  membres  des  plus  nobles  familles  du  pays.  Ce  siège,  dit 
un  journal  français,  est  le  plus  riche  du  monde  entier. 

Avant  son  élection  comme  prince  (2)  archevêque,  le  Dr  Cohen 
était  le  directeur  de  la  chiKC?*llerie  du  Consistoire  d'CIinutr.  Il  a 
été  professeur  de  droit  canon. 

/^  Le  Congrès  eucharistique  qui  doit  bientôt  siéger  à  Jérusalem 
sera  un  événement  d'une  importance  immense.  L'Orient  l'attend 
avec  une  légitime  impatience.  L'Occident  l'appelle  de  tous  ses 
vœux.  Le  monde  catholique  entier  en  espère  des  fruits  de  salut. 
Le  pape  le  bénit.  C'est  en  effet  une  pensée  digne  d'admiration  que 
celle  de  tenir  ce  Congrès  dans  la  ville  même  où  N,  S.  J.  C.  a  ins- 
titué le  plus  grand  et  le  plus  saint  de  tous  les  sacrements. 

Ce  Congrès  sera  présidé,  au  nom  du  pape,  par  le  cardinal  Lan- 
génieux,  archevêque  de  Reims.  Ce  choix  que  N.  S.  Père  a  fait  d'un 
prélat  français,  indique  ses  prédilections  pour  la  France,  la  fille 
ainée  de  l'église.  A  la  France  d'ailleurs  appartenait  la  présidence 
de  ce  congrès  car  les  populations  de  l'Orient  ont  toujours  les  yeux 
sur  elle  et,  malgré  les  événements,  ils  la  regardent  encore  comme 
leur  protectrice.  Qui  sait  si  le  Christ  qui  aime  les  Francs,  n'attend 
pas  ces  manifestations  pour  rendre  à  la  nation  privilégiée  son 
prestige,  sa  gloire  et  sa  force  d'autrefois. 

Le  congrès  va  attirer  des  foules  immenses  à  Jérusalem.  De  toutes 
les  parties  de  l'Orient  les  patriarches,  archevêques  et  évêques  se 
préparent  à  y  assister.  Les  pèlerinages  s'organisent  dans  toute 
l'Europe.  L'Amérique  fournira  aussi  son  contingent.  Presque  tous 
les  pays  de  l'univers  participeront  par  des  représentants  à  cette 
croisade  d'un  nouveau  genre  destinée  à  combattre  les  doctrines 
perverses  qui  prévalent  aujourd'hui. 

(1)  Le  chapitre  de  Salzbourg  a  le  môme  privilège. 

(2)  Les  archevêques  d'Olmutz,  perlent  le  litre  de  princes. 


LE  PROPAGATEUR  67S 


V  Pertes  di  Salaires  pour  les  grévistes §2,0U0,000.0G 

Pertes  pour  les  propriétaires $4,000,000.00 

Frais  de  milice  etc 8500,000.00 

Procès  civils  et  criminels Un  grand  nombre 

Pertes  de  vies 35 

Tel  est  le  triste  bilan  de  la  fameuse  grève  de  Homestead. 

Qui  est  responsable  de  cette  grève  affreuse  ?  Sont-ce  les  Carnegie 
par  leurs  exactions  etc  ?  Sont-ce  les  ouvriers  par  leurs  exigences 
injustes  ?  Dieu  seul  le  sait.Quoiqu'ilen  soit  il  y  a  presque  toujours 
dans  les  grandes  grèves  des  vauriens  qui  trouvent  quelque  chose  à 
gagner  à  soulever  les  passions. 

Dans  toutes  les  grandes  grèves,  il  y  a  aussi  presque  toujours  des 
traîtres  qui,  après  avoir  soulevé  les  grévistes,  les  abandonnent  à 
leur  malheureux  sort  dès  qu'ils  s'aperçoivent  qu'ils  n'ont  aucune 
chance  de  succès.  Le  seul  fait  d'exciter  les  travailleurs  à  faire  une 
grève  injuste  n'est-il  pas  aussi  par  lui-même  suffisant  pour  consti- 
tuer une  trahison  ? 

Un  journaliste  français  s'écrie  (1)  en  parlant  de  la  grande  grève 
ie  Garmaux  qui  s'est  terminée  api  es  80  jours  de  chômage  et  des 
j^  ^rtes  énormes. 

i:t,  en  efiet,  traîtres,  vraiment  trailres  sont  ceux  qui  viennent  endoctriner  ces 
homaes  de  dur  labeur,  peu  ouverts  aux  chosesjde  l'esprit,  très  enclins  naturelle- 
ment \  trouver  le  monde  mal  fait,  les  salaires  insufiSsants  et  les  heures  de  travail 
trop  longues. 

C'esi  une  trahison  que  de  les  arracher  à  la  besogne,  que  de  leur  faire  croire 
qu'ils  su  11  le  centre  du  monde,  que  la  Chambre  leur  donnera  raison,  qu'ils  sorti- 
ront de  lear  humble  condition  autrement  que  par  des  chances  exceptionnelles, 
et  que  les  'Conditions  économiques  du  monde  se  sont  modifiées  pour  et  par  eux. 

Après  cl.aque  grève,  l'inanité  et  le  danger  de  ce  moyen  barbare  saulent  à 
tous  les  yen  5  ;  et  pourtant  demain,  dans  quelques  jours,  on  recommencera  sur 
la  même  ritournelle,  jouée  par  les  mômes  meneurs,  avec  le  même  dénouement  ! 
Triste  humanité  ! 

*/  G'eï:i  avecla  plus  vive  satisfaction  et  le  plus  légitime  orgueil 
que  nous,  les  Canadiens-Français  de  la  province  de  Québec  avons 
appris  la  iigne  de  conduite  tenue  par  nos  compatriotes  des  Etats- 
Unis  dan.-i  l'élection  du  8  novembre.  Ils  ont  voté  en  masse  pour 
les  démocrates,  c'est-à-dire  pour  le  parti  qui  les  a  toujours  traités 
favorablement  dans  le  passé  et  qui  est  le  plus  disposé  à  leur  rendre 
justice  dans  l'avenir.  Leur  conduite  à  été  patriotique  et  ils  en 
seront  bientôt  récompensés. 

En  rendant  compte  des  élections,  le  correspondant  à  Chicago  du 
■  :•  ..xial  La  Presse  de  Montréal  (2)  écrit  les  lignes  suivantes  qui  sont 
nien  de  nature  à  réjouir  les  Canadiens  d'ici. 

Les  voici  : 

Pour  nous,  population  de  langue  française  de  l' Illinois  nous  avons  doublement 
le  droit  de  nous  réjouir,  car  nous  avons  à  enregistrer  un  autre  succès  non  moins 
éclatant,  car  nous  sommes  heureux  de  constater  qu'avec  la  presque  unanimité 
parmi  nos  compatriotes,  le  sympathique  juge  John  P.  Altgeld,  est  devenu  gou- 
verneur de  l'Etat.  Celte  éleciion  signifie  la  continuation  des  écoles  paroissiales 
où  les  enfants  de  notre  colonie  apprendront  avec  la  langue  de  ce  pays  celle  de 

(1)M.  Magnard.     (2)  No  du  15  novembre. 


676  LE  PROPAGATEUR 


leurs  aisux  dont  nous  sommes  tous  si  fiers  ;  où  ils  seront  instruits  dans  notre 
religion,  où  ils  seront  élevés  comme  de  bons  citoyens  et  de  bons  chrétiens,ayant 
toujours  au  cœur  l'amour  de  leur  pairie. 

*,*  Nous  devons  signaler  une  innovation  dans  la  rédaction  des 
commissions  des  lieutenants-gouverneurs.  La  commission  de 
M.  Ghapleau  a  élé  rédigée  en  français.  C'est  la  première  fois  que 
la  chose  arrive  depuis  la  cession  du  pays  à  l'Angleterre.  Il  est 
étrange  cependant  que  l'on  ne  se  soit  pas  servi  de  cette  langue 
chaque  fois  qu'un  lieutenant-gouverneur  de  la  province  française 
de  Québec  a  été  nommé,  car  la  langue  française  est  de  droit  sur 
le  même  pied  que  la  langue  anglaise.  Nous  ne  devons,  à  aucun 
prix,  céder  lorsque  nous  avons  des  droite  à  faire  valoir,  car  plus 
nous  céderons  et  plus  l'on  exigera  de  nous.  Ceci  me  remet  en 
mémoire  ce  qui  est  arrivé  en  cour  criminelle  il  y  a  déjà  bien  long- 
temps. C'était  à  Montréal.  Un  avocat,  M,  T.  J.  J.  Loranger,  plus 
tard  juge  de  la  cour  supérieure,  ayant  rédigé  des  procédures  en 
français,  son  adversaire  voulut  les  faire  mettre  de  côté  parcequ'elles 
n'étaient  pas  rédigées  en  anglais  suivant  la  coutume.  Mais  M.  Lo- 
ranger prétendit  que  la  coutume  suivie  était  abusive  et  ne  pouvait 
pas  remplacer  la  loi,  qu'il  avait  droit  de  faire  usage  de  sa  langue 
maternelle  et  qu'il  continuerait  à  s'en  servir.  Et  il  eut  gain  de 
cause.  Celte  noble  conduite  devrait  ouvrir  les  yeux  à  nos  anglo- 
manes  et  les  couvrir  de  confusion. 

/^  Sont  élus  :  *^* 

1°  Député  fédéral  de  Hastiugs  Nord,  Ontario,  M.  A.  W.  Carscal- 
len,  conservateur.  Il  remplace  M.  Bowell,  nommé  sénateur. 

2''  Député  fédéral  de  l'Islet,  Québec,  M.  J.  Israël  Tarte,  libéral. 
Il  remplace  M.  Desjardins,  conservateur,  nommé  greffier  de  l'as- 
semblée législative  de  Québec,  M.  Tarte  est  notaire  et  journaliste. 

3*^  Député  fédéral  de  Terrebonne,  Québec,  M.  Pierre  Leclair, 
avocat,  conservateur.  Il  remplace  M.  Ghapleau  nommé  Lieutenant- 
Gouverneur  de  Québec 

4°  Député  local  de  Peel,  Ontario,  M.  John  Smith,  libéral.  Il 
remplace  M.  Kenneth  Chisholm,  qui  a  donné  sa  démission. 

*,*  Sont  réélus  : 

\°  Les  quatre  nouveaux  ministres  fédéraux,  Messieurs  Curran, 
solliciteur-général;  Ives,  président  du  Conseil  privé;  Wallace, 
contrôleur  du  revenu  de  l'intérieur  ;  Wood,  contrôleur  des  finances. 

2°  M.  Taillon,  nouveau  premier  ministre  de  la  province  de 
Québec.  Il  représente  le  comté  de  Chambly. 

,*,  Le  7  janvier  courant  la  Semaine  religieuse  de  Montréal  commen- 
çait  sa  lie  année  de  publication.  Ce  journal  a  fait  sa  marque  dans 
le  journalisme  canadien.  C'est  un  vaillant  défenseur  des  droits  de 
l'Eglise  et  des  privilèges  des  communautés.  Nous  lui  souhaitons 
des  succès  croissants.  *jjç* 

,*^  Aujourd'hui  a  lieu  l'ouverture  de  la  deuxième  session  de  la 
huitième  Législature  de  Québec. 

La  prochaine  session   du  parlement  fédéral  commencera  le  26. 

Alby. 


LA  DERNIÈRE  ROSE 

A  MADEMOISELLE  MARY  CASIMIRA  DE  BOGOUCHEFSKY: 


LA   JEUNE   REINE 

lo  vidi  gia  nel  cominciar  del  giorno 

La  parte  oriental  lutla  rosata, 

Et  l'altra  ciel  di  bel  sereno  adorno. 

Dante,  Purg.,  cant.  xxx. 

C'était  au  mois  de  juin  1774.  Le  marquis  de  Laubespine,  monté 
sur  un  beau  cheval  et  suivi  d'un  domestique,  faisait  sa  promenade 
accoutumée  dans  le  grand  parc  de  Versailles,  fort  désert  alors.  Le 
roi  Louis  XV  venait  de  mourir  de  la  petite  vérole,  et  toute  la  cour 
s'était  dispersée  pour  fuir  le  mauvais  air.  Le  marquis  dirigea  sa 
promenade  vers  Trianon,  et,  apercevant  dans  l'avenue  du  petit 
château,  Antoine  Richard,  jardinier  en  chef,  entouré  d'une  dou- 
zaine de  manœuvres  qui  se  hâtaient  de  ratisser  les  allées  et  d'ar- 
roser les  pelouses,  le  marquis  mit  pied  à  terre  à  la  grille,  et  sonna. 
Richard,  le  reconnaissant  de  loin,  accourut  à  sa  rencontre  avec 
empressement. 

— Quel  bon  vent  vous  amène,  Monsieur  le  marquis  ?  Depuis  la 
mort  du  Roi  je  n'ai  vu  âme  qui  vive.  Trianon  est  triste  comme  un 
tombeau. 

— C'est  pour  cela  que  je  viens,  mon  pauvre  Richard.  Je  suis  sûr 
qu'à  part  la  famille  royale,  il  n'y  a  personne  en  France  de  plus 
affligé  que  vous  de  la  mort  du  Roi,  et  je  viens  le  pleurer  avec  vous. 

Les  yeux  de  Richard  se  remplirent  de  larmes. 

— C'est  vrai,  dit-il,  j'aimais  le  Roi  :  il  était  si  bon  pour  moi  !  il 
aimait  tant  les  fleurs  !  Plût  à  Dieu  qu'il  n'eût  aimé  qu'elles  I  On 
m'a  dit,  Monsieur  le  marquis,  que  votre  collection'  d'anémones 
avait  eu  sa  dernière  visite. 

— En  effet,  il  vint  chez  moi  le  30  avril,  le  matin  même  du  jour 
où  il  tomba  malade,  et  je  fus  frappé  de  sa  pâleur. 

— Hélas  I  la  vie  qu'il  menait  rie  pouvait  durer  longtemps.  Mal- 
heureux prince  !  que  n'est-il  resté  tel  que  je  le  vis  pour  la  première 
fois,  il  y  a  vingt-six  ans  1  II  se  promenait  avec  la  Reine,  le  Dauphin, 
les  Filles  de  France.  Rien  n'était  plus  beau  que  cette  famille 
royale,  si  nombreuse,  si  unie  !  Le  Roi  dit  à  Marie  lieczinska,  en 
lui  présentant  mon  père  : 

— Madame,  voici  Claude  Richard,  le  fils  du  jardinier  du  roi 
Jacques  TI.  M.  d'Ayen  l'a  décidé  à  quitter  son  beau  jardin  de  St- 
Germain  pour  entrer  à  mon  service.  Il  nous  fera  ici  un  jardin  ad- 
mirable. Je  veux  que  le  petit  Trianon  fasse  oublier  le  grand,  et 
qne  ce  garçon-là,  dit  Sa  Majesté  en  me  désignant,  devienne  encore 
plus  savant  que  son  père.  z 


6t8  LE  PROPAGATEUR 


j.^La  bonne  Reine  nous  sourit  et  me  caressa.  Plus  tard,  quand  je 
revins  de  mes  voyages,  elle  me  questionna  sur  les  plantes  que 
j'avais  rapportées  d'Afrique,  et  voulut  voir  la  giroflée  de  Mahon, 
qui  fleurissait  en  France' pour  la  première  fois.  Je  revis  souvent 
cette  bonne  Reine,  toujours  affable  et  gracieuse,  mais  de  plus  en 
plus   triste   dans  les  derniers  temps. 

Tout  en  marchant,  les  deux  interlocuteurs  étaient  arrivés  près 
du  labyrinthe  de  charmille  qui  séparait  le  parterre  du  jardin  bo- 
tanique et  des  serres. 

—Louis  XV]  s'intéressera-t-il  à  vos  collections  ?  demanda  le 
marquis. 

|j— Je  ne  sais  :  le  Roi  préfère  sa  forge  aux  plus  beaux  jardins  ; 
mais  il  a  de  l'estime  pour  les  sciences,  et  n'aime  pas  à  rien  déranger. 
Ce  que  j'appréhende  le  plus,  ce  sont  les  fantaisies  de  la  jeune 
Reine.  Elle  va  venir  me  surprendre  ;  je  suis  censé  l'ignorer  :  c'est 
pourquoi  vous  me  voyez  en  costume  de  travail.  Restez,  Monsieur 
le  marquis  :  vous  verrez  notre  belle  souveraine  prendre  possession 
de  Trianon. 

— Non  :  ce  serait  indiscret  ;  d'ailleurs  je  suis  en  bottes,  et  n'ose- 
rais me  présenter  ainsi  devant  Sa  Majesté.  Adieu,  Richard  !  Venez 
me  voir  au  Ghesnay  :  vous  me  ferez  toujours  plaisir. 

M.  de  Laubespine  allait  s'éloigner,  lorsqu'un  groupe  de  jeunes 
dames,  courant  et  riant  aux  éclats,  apparut  tout  à  coup  au  détour 
de  la  charmille. 

Marie-Antoinette  était  parmi  elles,  et  son  port  de  reine  la  faisait 
aisément  distinguer.  Elle  avait  une  manière  de  porter  la  tête  si 
fière,  si  noble  et  si  gracieuse  à  la  fois  !  Ses  beaux  cheveux  blonds, 
arrangés  avec  art,  couronnaient  d'une  auréole  dorée  son  front  de 
dix-huit  ans.  Ses  traits  semblaient  n'être  formés  que  pour  le  sou- 
rire. Elle  était  alors  en  grand  deuil,  et  sa  robe  de  crêpe  noir  faisait 
ressertir  la  blancheur  d'albâtre  de  ses  belles  mains  et  de  son  cou 
charmant,  ce  cou  que  la  hache  devait  trancher  quelques  années 
plus  tard  !  La  reine  portait  un  gros  bouquet  de  roses.  En  aperce- 
vant les  deux  premeneurs,  elle  s'écria  : 

— Je  suis  sûre  que  voici  M.  Richard  ! 

— Aux  ordres  de  Votre  Majesté,  fit  le  jardinier  en  saluant  pro- 
fondément. 

— J'ai  laissé  la  Majesté  à  Versailles,  dit  la  Reine  ;  je  veux  ici 
n'être  appelée  que  Madame.  Le  Roi  m'a  donné  le  petit  Trianon 
pour  y  faire  toutes  mes  volontés.  J'y  veux  régner,  mais  en  simple 
châtelaine.  Arrangez  cela  comme  vous  pourrez.  Quel  est  ce  gen- 
tilhomme? dit-elle  en  baissant  la  voix  et  en  désignant  le  marquis. 

— M.  le  marquis  de  Laubespine,  dit  Richard  en  s'inclinant. 

— Oh  1  j'en  ai  souvent  entendu  dire  beaucoup  de  bien.  M.  de 
Laubespine  est  gra.id  amateur  de  fleurs,  n'est-ce  pas  ? 

— Oui,  Madame,  dit  le  marquis.  Le  feuEoi  me  faisait  l'honneur 
de  visiter  tous  les  ans  ma  collection  d'anémones. 

— J'irai  la  voir  aussi.  Mais  je  vous  engage  à  cultiver  d'autres 
fleurs.  Je  n'aime  pas  les  anémones  :  c'est  une  plante  triste,  basse, 
sans  parfum,  qui  ne  fleurit  qu'une  fois,  meurt  tous  les  ans,  et  a 


LE  PROPAGATEUR  679 


toujours  du  noir  dans  le  cœur.  Je  n'en  veux  point  ici;  je  veux  des 
jasmins,  des  orangers,  des  chèvrefeuilles  :  j'aime  ce  qui  est  vivace, 
abondant,  parfumé.  Vous  verrez  quels  merveilleux  bosquets  j'aurai 
à.  Trianon  !  Mais  allons  voir  le  jardin  botanique  et  les  serres  :  j'ai 
promis  au  Roi  de  ne  rien  détruire  avant  d'avoir  tout  examiné  à 
fond.  Venez  avec  moi,  Monsieur  le  marquis  ;  guidez-nous,  Richard. 

Et  elle  marcha  légèrement  vers  les  serres,  suivie  de  ses  dames 
et  du  marquis,  dont  la  figure  s'était  fort  assombrie  en  entendant 
la  Reine  médire  des  anémones. 

Marie-Antoinette  trouva  qu'il  faisait  terriblement  chaud  dans 
les  serres,  et  ne  s'y  arrêta  que  tout  juste  assez  pour  critiquer  la 
collection  de  cereus  dont  Richard  était  fier  à  juste  titre,  et  qu'il 
avait  rapportée  à  grands  frais  d'Espagne  et  d'Afrique. 

Quelles  horribles  plantes  !  s'écria-t-elle  :  elles  sont  toutes  cou- 
vertes de  poils,  d'épines,  de  dards  et  de  verrues.  Quelle  est  celle- 
ci,  qui  ressemble  à  une  compagnie  de  serpents  ? 

— C'est  le  cereus  flagelliformis,  dit  Richard  :  ce  qui  veut  dire 
"  cierge  en  forme  de  fouet  ". 

— C'est  fort  agréabli,  dit  la  Reine.  Et  celle-ci,  bossue,  tordue 
comme  Ésope  ? 

— C'est  lecereus  monstruosus,  Madame,  le  "  cierge  monstrueux  ". 

— Oh  !  qu'il  est  bien  nommé  1  Et  celui-ci  ? 

— Uopuntia  horrida,  Madame. 

— Quel  nom  gracieux  !  Ne  trouvez-vous  pas.  Mesdames,  que 
cette  plante  ressemble  à  une  certaine  duchesse  ?  Devinez  quelle, 
et  dites-le-moi  à  l'oreille. 

Toutes  les  dames  vinrent  dire  à  la  Reine  des  noms  différents, 
mais  sans  doute  bien  choisis,  car  à  chaque  nom  nouveau  elle  riait 
aux  éclats. 

Le  jardinier  et  M.  de  Laubespine  ne  savaient  trop  quelle  conte- 
nance tenir,  lorsque  la  Reine,  se  tournant  vers  eux,  dit  : 

— Ah  çà  !  Monsieur  Richard,  je  ne  veux  point  vous  prendre  en 
traître  :  je  vous  avertis  que  je  vais  faire  enlever  ces  serres-là. 

— Votre  Majesté  aura  la  bonté  d'y  réfléchir,  dit  Richard  d'une 
voix  émue  :  ce  sont  les  plus  belles  serres  qui  existent  ;  elles  ont 
coûté  plus  de  cinquante  mille  livres. 

— C'est  trop  cher  pour  une  prison,  dit  la  Reine  ;  pour  moi,  je 
déteste  tout  ce  qui  est  renfermé  :  des  tleurs  sous  verre,  des  oiseaux 
en  cage,  me  donnent  envie  de  pleurer.  Je  sais  qu'il  faut  des  serres 
pour  l'hiver,  mais  je  ne  veux  pas  les  voir.  Vous  emporterez  tout 
ce  vitrage  au  potager,  avec  vos  cereus  plus  ou  moins  monstruosus. 
Je  vais  avoir  à  Trianon  un  jardin  anglais,  un  village  suisse,  un 
temple  grec  et  un  joli  petit  théâtre  où  je  jouerai  des  opéras,  et  ce 
se  sera  bien  plus  amusant  que  vos  cloches  à  melon  plus  grandes 
que  nature.  Ah  !  voici  M.  Mique,  l'architecte,  qui  m'apporte  son 
plan.  Quel  plaisir  !  Vite  !  vite  I  Monsieur  Mique,  montrez-nous 
cela  1 

L'architecte  arrivait  en  effet,  portant  un  rouleau  de  papier  grand 
aigle.  La  Reine  s'en  empara,  l'étendit  sur  la  pelouse,  posta  ses 
dames  aux  quatre  angles  du  papier,  en  leur  recommandant  de  le 


680  LE  PROPAGATEUR 


bien  tenir,  et  se  mettant  à  genoux  avec  M.  Mique  à  côté  d'elle,  se 
fit  expliquer  le  plan. 

— J'espère,  dit-elle,  que  vous  n'avez  pas  oublié  la  rivière  et  les 
cascades  ? 

— Il  y  en  aura  trois,  dit  l'architecte  ;  voyez-les.  Madame  :  deux 
lacs,  une  grotte,  une  petite  forêt  de  sapins. 

—Et  l'étable  ?  où  sera-t-elle  ? 

— Là,  Madame,  tout  près  de  la  laiterie. 

— Je  ferai  du  beurre,  dit  la  Reine,  du  vrai  beurre,  et  du  fromage 
à  la  crème  !  Et  ceci,  qu'est-ce  donc  ? 

— C'est  la  maison  du  bailly.  Madame  ;  et  là,  tout  près  du  pont,  le 
moulin. 

— Aura-t-il  des  ailes  ?  dgmanda  la  Reine. 

— Non,  Madame  :  c'est  un  moulin  à  eau  ;  mais  il  aura  une  roue 
qui  tournera  en  faisant  beaucoup  de  bruit. 

—Les  moulins  à  eau  font-ils  du  pain  comme  les  moulins  à  vent  ? 
dit  une  jeune  dame. 

— Ils  font  de  la  farine,  Madame,  répondit  l'architecte  en  répri- 
mant une  forte  envie  de  rire. 

— Je  veux  faire  du  pain,  dit  la  Reine,  et  de  la  galette,  et  il  me 
faudra  un  four. 

— Vous  l'aurez.  Madame,  ainsi  qu'un  lavoir,  une  buanderie,  un 
poulailler  et  une  bergerie. 

— Ce  sera  délicieux  !  et  nous  supprimerons  le  jardin   français  I 

— A  Dieu  ne  plaise  1  s'écria  Mique  :  ce  serait  défigurer  le  chef- 
d'œuvre  de  Gabriel.  Ces  parterres  régulers,  ces  arbres  taillés,  cette 
architecture  végétale,  encadrent  si  bien  le  petit  château  !  Gabj  iel 
mourrait  de  chagrin  s'il  me  voyait  supprimer  la  perspective  du 
salon,  et  séparer  le  pavillon  octogone  du  château  par  des  massifs 
irréguliers,  comme  c'est  la  mode  à  présent.  Voyez,  Madame  :  j'ai 
tout  disposé,  au  contraire,  pour  conserver  les  bosquets  de  charmille 
et  cette  grande  pelouse  où  nous  sommes,  et  pourtant  le  théâtre 
serait  à  deux  pas  du  château.  Devant  les  deux  autres  façades  la 
Reine  fera  ce  qu'elle  voudra  ;  mais  jamais,  non,  jamais  !  je  ne  me 
résoudrai  à  rien  changer  à  ce  côté-ci,pas  plus  qu'à  la  cour  d'honneur. 

— Je  pense  que  vous  avez  raison.  Monsieur  ;  mais  il  faut  me 
dédommager  par  autre  chose.  Je  voudrais  une  montagne  très 
haute,  avec  des  cèdres,  des  rochçrs  et  des  précipices. 

— On  essayera,  dit  l'architecte  ;  mais  ce  sera  plutôt  l'affaire  du 
jardinier  que  la  mienne. 

— Richard,  dit  la  Reine,  pourriez- vous  me  faire  là  une  montagne  ? 

— Avec  du  temps  et  de  l'argent,  Madame,  cela  serait  possible  j 
mais  la  dépense  serait  énorme,  et  il  faudrait  au  moins  trois   ans. 

— J'y  renonce,  dit  la  Reine.  Nous  resterons  en  plaine,  mais  je 
m'en  consolerai  en  cultivant  les  plus  belles  fleurs  du  monde.  Une 
reine  de  France,  au  lieu  d'envoyer  chercher  à  grands  frais  des 
plantes  exotiques,  doit  veiller  au  perfectionnement  des  fleurs  de 
son  royaume.  Richard,  je  veux  que  Trianon  voie  naître  la  rose  et 
l'œillet  bleus,  et  je  vous  commande  de  ne  rien  épargner  pour  y 
réussir.  Il  le  faut  absolument. 


/ 


LE  PROPAGATEUR  68t 


La  Reine  s'était  levée  ;  elle  prononça  ces  mots  d'un  air  si  déci- 
dé, que  le  jardinier  s'écria  : 

— Vous  serez  obéie,  Madame,  non  seulement  comme  une  reine, 
mais  comme  une  divinité. 

Et,  saluant  la  Reine,  qui  les  congédiait  d'un  signe,  M.  de  Laubes- 
pine  et  Richard  s'éloignèrent  en  silence. 

A  peine  furent-ils  hors  de  vue,  qu'ils  s'arrêtèrent  et  se  regardè- 
rent avec  consternation. 

— Hélas  I  dit  Richard,  mes  belles  serres  ! 

— Hélas  !  dit  le  marquis,  quelle  tête  légère  a  cette  jeune  Reine  l 
Elle  ne  songe  qu'à  s'amuser.  Le  roi  s'enferme  dans  sa  forge  et 
fait  des  serrures.  Tous  deux  sont  bons,  vertueux,  mais  ne  me 
paraissent  guère  songer  aux  devoirs  de  leur  état. 

— Et  pourtant,  lorsqu'on  est  venu  leur  annoncer  la  mort  de 
Louis  XV,  ils  sont  tombés  à  genoux  tous  deux  et  se  sont  écriés  en 
pleurant  :  "Mon  Dieu,  ayez  pitié  de  nous  !  nous  sommes  trop 
jeunes  !  " 

— En  effet,  la  fille  de  l'impératrice  Marie-Thérèse,  le  fils  du 
grand  Dauphin  ont  une  terrible  tâche  à  remplir.  Le  dernier  règne 
a  tout  perdu  :  l'ivraie  semée  partout  croit  avec  une  rapidité  effray- 
ante. Il  faudrait  à  la  France  un  Gharlemagne  et  une  Blanche  de 
Castille. 

— Attendons,  dit  Richard,  laissons  croître  l'arbre  et  attendons- 
ses  fruits.  Louis  XVI  n'a  que  vingt  ans,  et  notre  charmante  petite 
Reine  n'est  encore  qu'une  enfant.  Si  du  moins  elle  me  laissait 
mes  serres  1 

— Si  encore  elle  aimait  les  anémones  !  dit  le  marquis. 

Et  ils  se  séparèrent  tristement. 

II 

l'adieu 

Nessun  maggior  dolore 

Che  ricordarsi  del  tempo  felice 

Nella  miseria 

Dante,  Infemo,  canto  v. 

Le  printemps  avait  quinze  fois  orné  de  fleurs  et  de  verdure  es 
bosquets  du  petit  Trianon,  et  l'automne  de  1789  commençait  à 
effeuiller  leur  couronne.  Le  temps  des  fêtes  était  passé.  La  Révo- 
lution avait  commencé  son  œuvre  :  l'anxiété,  la  misère,  l'effroi, 
régnaient  dans  toute  la  France.  Les  frères  du  Roi  avaient  déjà 
passé  la  frontière  ;  on  émigraiten  foule,  et  le  vide  se  faisait  autour 
des  royales  victimes. 

Rien,  en  apparence,  ne  semblait  changé  dans  les  habitudes  de 
la  famille  royale  :  Louis  XVI  chassait  trois  fois  par  semaine, 
Madame  Elisabeth  allait  tous  les  jours  à  Montreuil,  et  la  Reine  se 
promenait  encore  à  Trianon-  Mais  elle  y  allait  presque  toute  seule  : 
la  solitude  est  douce  à  qui  doit  cacher  ses  larmes.  La  Reine  était 
loin  de  partager  les  illusions  et  la  sécurité  de  Louis  XVI,et,  depuis 
le  jour  où  elle  l'avait  vu  revenir  de  l'hôtel  d'i  ville  de  Paris,  por- 
tant à  son  chapeau  la  cocarde  tricolore,  ce  sig  ne  de  servitude  envers 
l'émeute,  Marie-Antoinette  entrevoyait  l'abîme. 

Le  5  octobre,  le  Roi  était  allé  chasser  dans  le  bois  de  Meudon». 


y 


€82    /  LE  PROPAGA.TEUR 


h'd  Reine  vint  à  Trianon  et  voulut  s'y  promener  seule.  Laissant 
ses  enfants  à  Mme  de  Tourzel.  Marie-Antoinette  s'éloigna  du  châ- 
teau et  dirigea  ses  pas  du  côté  du  village.  Elle  n'avait  plus  cette 
démarche  légère,  cette  grâce  aérienne  qui  charmaient  jadis  tous 
les  regards.  Belle,  elle  l'était  encore, — elle  le  fut  jusqu'à  la  fin  ; — 
mais  les  roses  de  son  doux  visage  avaient  disparu,  et  ses  yeux 
cernés,  son  front  pâle,  sa  démarche  lente  et  incertaiae,trahissaient 
les  angoisses  de  son  cœur. 

Elle  s'assit  près  du  lac,  sous  lin  saule  qui  la  cachait  presque 
entièrement,  et  regarda  de  loin  la  jolie  laiterie,  la  tour  de  Marl- 
borough,  la  maison  du  bailly,  toutes  ces  gracieuses  demeures 
témoins  des  fêtes  des  premières  années  de  son  règne.  Depuis  quel- 
ques mois  Marie-Antoinette  y  avait  installé  de  pauvres  familles, 
espérant  ainsi  se  faire  pardonner  par  l'opinion  publique  ce  que 
l'on  osait  appeler  ses  profusions.  Ces  nouveaux  hôtes  avaient  déjà 
changé  l'aspect  du  hameau  de  la  Reine  :  au  lieu  de  fleurs,  du 
linge,  des  vêtements  s'étalaient  aux  fenêtres  des  chaumières,  et, 
sur  le  seuil,  pêle-mêle  avec  des  poules,  des  chiens  et  des  chats,quel- 
ques  enfants  malpropres  se  traînaient  en  jouant. 

Des  femmes  désœuvrées  causaient  d'un  air  inquiet  sous  le  porche 
de  la  maison  du  bailly,  et,  bien  que  l'éloignement  empêchât  la 
Reine  d'entendre  leurs  paroles,  il  était  évident  que  le  sujet  de  leur 
entretien  était  triste.  Un  petit  garçon  s'approcha  du  groupe  des 
femmes,  et  se  mit  à  chanter  d'une  voix  perçante  ;  sa  mère  s'élança 
vers  lui,  le  frappa  rudement,  et,  l'entraînant  de  force,  l'enferma 
dansl  'étable.  Mais  la  Reine  avait  entendu  et  reconnu  l'infâme  chan- 
son ;  elle  se  hâta  de  rentrer  dans  le  bois,  sans  avoir  été  aperçue. 

— Mon  Dieu  !  se  dit-elle,  faut-il  que  les  refrains  ignobles  dont 
mes  ennemis  font  retentir  les  rues  de  Paris,  soient  répétés  ici,  et 
par  les  enfants  des  pauvres  que  je  nourris  !  Ce  petit  enfant  ne  sort 
pas  de  Trianon  :  qui  donc  lui  apprend  à  m'insulter  ainsi  ? 

En  passant  près  du  moulin,  elle  rencontra  Marion,  la  jeune  et 
belle  fille  d'un  des  jardiniers.  Marion  la  salua  en  silence  ;  mais, 
ses  yeux  rencontrant  ceux  de  la  Reine,  elle  ne  put  se  contenir,  et 
s'écria  .•    — Oh  1  Madame,  vous  pleurez  1... 

Et,  fondant  en  larmes,  la  bonne  fille  se  jeta  à  genoux  devant  la 
Reine.    Marie- Antoinette  la  releva  avec  bonté  et  lui  dit  : 

— Ce  n'est  rien,  Marion  ;  mais  j'ai  entendu  un  des  enfants  du 
village  chanter  une  si  vilaine  chanson,  que  le  cœur  m'a  manqué. 
N'est-ce  pas  horrible  que  les  enfants  eux-mêmes  soient  pervertis  et 
insultent  leurs  souverains  ?  Où  irai-je,  si  à  Trianon  même  je  dois 
entendre  de  pareilles  infamies  ? 

— Madame,  dit  Marion,  si  vous  vouliez  punir  les  coupables,  rien 
ne  serait  plus  aisé  ;  mais  vous  ne  savez  que  pardonner,  et  l'impu- 
nité encourage  les  méchants.  Ah  !  si  j'étais  reine  I 

— Eh  bien  I  achève  !  dit  Marie-Antoinette,  souriant  à  travers  ses 
larmes  de  l'air  fier  qu'avait  pris  Marion  :  que  ferais-tu, mon  enfant? 

— Si  j'étais  reine,  je  ne  pardonnerais  qu'au  repentir  ;  je  défen- 
drais mon  honneur  ;  je  punirais  par  le  feu,  la  corde  el  la  roue 
tout  crime  de  lèse-majesté,  parce  que  celui  qui  insulte  le  Boi 
déshonore  la  nation.  Si  jrétais  reine... 


LE  PROPAGATEUR  683 


—Si  tu  étais  reine,  ma  fille,  tu  serais  comme  moi  la  première 
sujette  du  Roi,  et  tu  imiterais  sa  clémence,  son  amour  pour  le 
peuple.  Va  me  cueillir  quelques  roses,  Marion  ;  tu  me  les  appor- 
teras à  la  grotte.  Que  ne  suis-je  à  ta  place,  petite  héroïne,  et  toi  à 
la  mienne  !  mais  ce  serait  te  faire  un  triste  présent.  Va,  mon 
enfant,  laisse-moi. 

Elles  se  séparèrent  :  Marion  se  dirigea  vers  le  parterre  des  ro- 
siers, et  la  Reine  alla  s'asseoir  à  l'entrée  de  sa  grotte  favorite  auprès 
de  la  petite  source- 

Les  feuilles  jaunies  tombées  des  arbres  couvraient  la  terre  et 
obstruaient  le  cours  du  ruisseau.  Les  oiseaux  étaient  muets,  elles 
pâles  rayons  du  soleil  d'automne  faisaient  briller  çà  et  là  quelques 
fleurs  tardives  et  décolorégs.  Le  murmure  de  la  petite  cascade  qui 
arrose  l'intérieur  de  la  grotte,  retentissait  seul  dans  le  bosquet. 

Marie-Antoinette  se  rappelait  le  temps  où  elle  avait  tracé  ces 
jardins  charmants  ;  celui,  plus  heureux  encore,  où  elle  guidait  les 
premiers  pas  de  ses  enfants  sur  les  gazons  de  Trianon.  C'était  là 
qu'elle  avait  joui  de  tous  les  plaisirs  délicats  que  donnent  les  arts 
et  l'amitié  ;  là  que,  jeune,  brillante,  adorée  elle  recevait  son  frère 
l'empereur  Joseph  au  milieu  des  fêtes... 

Et  quelques  instants  sa  pensée  revit  ces  années  de  bonheur,  et 
le  présent  et  l'avenir  lui  apparurent  sous  un  aspect  si  sombre,  que 
la  malheureuse  princesse  se  sentit  défaillir. 

Effrayée  d'être  seule,  elle  appela  Manon  ;  mais  au  lieu  de  la 
jeune  fille,  un  garçon  de  la  Chambre,  comme  on  les  appelait,  parut, 
une  lettre  à  la  main. 

—Qu'y  a-t-il,  Breton  ?  fit-elle. 

— M.  de  Saint-Priest  envoie  ceci  à  Votre  Majesté  répondit  le 
valet,  qui  tremblait  de  tous  ses  membres. 

Marie-Antoinette  rompit  le  cachet,  et  pâlit  en  lisant  ces  deux 
lignes  du  mmistre  : 

**La  Reine  est  priée  de  revenir  au  château.  Elle  y  trouvera  le 
Roi.  Les  sections  de  Paris  sont  en  chemin  pour  venir  à  Versailles," 

— Faites  atteler,  dit  la  Reine,  et  prévenez  Mme  de  Tourzel  qu 
nous  partons. 

Le  garçon  s'inclina,  partit,  et,  une  fois  hors  de  vue,  se  mit  à 
courir  à  toutes  jambes  vers  le  petit  château. 

La  Reine  le  suivit.  Elle  rencontra  Marion  chargée  de  roses. 

— Donne-m'en  une  seule,  dit  la  Reine  :  ce  sera  peut-être  la  der- 
nière que  j'emporterai  de  mon  cher  Trianon.  Ma  pauvre  Marion, 
j'ai  le  pressentiment  que  je  ne  te  verrai  plus. 

— Ne  parlez  pas  ainsi.  Madame  !  s'écria  Marion  ;  vous  reviendrez 
demain.  Prenez  ce  bouquet  pour  Madame  Royale,  je  vous  en 
supplie. 

— Donne-moi  une  seule  rose,  dit  la  Reine  ;  une  seule  !  je  le  veux. 

Marion, toute  en  pleurs,en  choisit  une  au  hasard  :  c'était  une  rose 
rouge.  La  Reine  la  considéra  un  instant,  et  ses  larmes  coulèrent. 

— Flos  martyrum  !  dit-elle.  Dieu  m'indique  la  voie  où  je  vais 
marcher.  Adieu  !  Trianon,  adieu  pour  toujours  ! 

Elle  prit  la  rose,  donna  sa  main  à  baiser  à  Marion,  et  partit. 

C'était  bien  au  martyre  qu'elle  allait  ! 


DICTIONNAIRE  DES  DICTIONNAIRES 

Encyclopédie  universelle  des  Lettres,  des  Sciences  et  des  Arts 

RÉDIGÉ  PAR  LES    SA.VA>'TS,  LES  SPÉCIALISTES  ET  LES   VDLGARISATEORS 
CONTEMPORAINS    LES  PLUS    AUTORISÉS 

Sous  la  direction  de  Mgr  PAUL  GUÉRI  N, 

Camérier  de  S   S.  Léon  Xin 

Six  beaux  volumes  in-i,  à  3  colonnes:  environ  QrATRE-vnrGT  millions  de  lettres,  c'est-à  -dire 

lacontenance  de  80  loinmes  ni-3  ordinaires 

Prix  en  brochure  $3000,  solidement  reliés  S38.00 

CAOIEUX  &  DEROME  senls  agents  pour  le  Canada  et  les  £tats>Unis. 

PaÉCIEUX  SUFFRAGES 
Illustrissime  Seigneur, 

Le  Rév. -Président  de  VAcaiêmie  des  Arcades,  {à  Rome)  et  tous  les  membres  de  la 
docte  assemblée  ont  accueilli  avec  la  plus  qranie  satisfaction  le  savant  et  important  ou- 
vrage publié  par  vous  sous  le  tUre  :  —DICTIOXN'AJRE  DES  DICTIONNAIRES 
et  dont  votre  bienveillance  a  daigné  leur  faire  hommage. 

Des  juges  d'une  rare  clairvoyance,  dans  nos  séances  hebdomadaires,  ont  étudié,  dans 
ledit  ouvrage,  les  questions  les  plus  diverses.  Et,  apris  avoir  loué  la  solidité  du  fond, 
r  élégance  de  la  forme,  le  charme  de  F  érudition,  ils  ont  Jugé  qu'il  ne  manque  rien  à 
cette  œuvre  sous  aucun  rapport,  pour  être  parfaite. 

Ces  remarquables  qualités  n'ont,  du  reste,  rien  d'étonnant  et  qui  doive  surprendre  de 
la  part  cf  un  auteur  dont  toutes  les  productions  se  recommandent  par  le  mérite  des  recher- 
ches et  la  distinction  du  talent. 

Vos  collègues  se  plaisent  donc  à  vous  adresser  leurs  sincères  félicitations  et  s' honorent 
de  compter  parmi  eux  un  homme  versé  comme  vous  dans  toutes  les  connaissances  divines 
tt  humaines.  Veuillez  agréer,  Illustrissime  Seigneur,  les  sentiments  de  reconnaissance 
que  vous  offrent  et  que  vous  gardent  le  Rév. -Président  et  toute  V  Académie  des  Arcades^ 
ainsi  que  U expression  du  profond  respect  qu'  ils  professent  à  votre  endroit. 

Votre  très  dévoué  collègue, 
Stanislas  GENTILI,  vice-président. 
On  lit  daus  la  Gazelle  du  Midi  : 

Lanoavelle  édition  du  Dictloiuiatre  des  Dictionnaires, -La  Gazette  du  ilidi  a,  l'nne 
des  premières,  signalé  le  caractère  catholique  et  la  grande  utOité  de  l'entreprise  de  Mgr  Guérin 

L'infatigable  et  cotirageux  prélat  a  mené  à  bien  déjà  de  très  grandes  œuvres. 

Aucune  de  ces  laborieuses  initiatives  n'aura  été  plus  féconde  que  celle  du  Dictionnaire 
des  Dictionnaires,  Xous  avons  ici  même  signalé  un  retentissant  Impair  commis  en  pleine 
Chambre  des  députés,  grâce  aux  indications  d'un  trop  fameux  dictionnaire. 

Le  succès  du  grand  ouvrage  nous  adonné  raison.  H  montre  comment  enfin  les  catholiques  s» 
décident  à  réagir  contre  les  livres  et  les  auteurs  que  leur  imposait  la  mode  ou  la  secte. 

Epuisés  rapidement,  les  premiers  volumes  de  la  première  édition  de  cette  vaste  et  saine  Ency- 
clopédie viennent  d'être  réimprimés.  Jusqu'ici  les  tirages  se  faisaient  sur  clichés,  de  là  certaines 
défectuosités  dont  se  plaignaient  justement  les  amateurs  de  beaux  et  bons  livres. 

Aujourd'hui,  la  composition  de  ces  sis  énormes  volumes  in-folio  est  conservée  en  caractères 
mobiles.  Les  gens  du  métier  se  rendront  compte  des  sacrifices  que  s'impose  ainsi  l'auteur,  pour 
donner  à  son  œuvre  un  prix  qui  la  met  hors  de  pair.  Les  autres  seront  suffisamment  édifiés  quand 
nous  leur  aurons  dit  que,  de  ce  chef,  l'ouvrage  immobilise  pour  230,000  francs  de  car  actères. 
Bien  de  sen*lable  n'avait  encore  existé  en  France  pour  une  série  aussi  énorme. 

De  lÀ  résulte  que  l'ingénieux  et  consciencieux  auteur  peut  sans  cesse  introduire  des  rectifi  ca- 
tions et  des  additions,  en  même  temps  que  le  tirage  est  bien  autrement  parfait  que  sur  clichés 

Ces  détails,  un  peu  techniques  au  prime  abord,  auront  leur  prix  auprès  des  esprits  sérieux.  Tons 

ceux  qui  aiment  l'Église,  se  réjouiront  de  voir  sa  cause  si  bien  servie,  en  une  occurrence  où.  il 

s'agit  de  redresser  tant  d'erreurs  passées  dans  la  monnaie  coxxrante  depuis  Diderot  jusqu'à  8  es 

succédanés.    Grâce  à  Dieu  et  an  zèle  qui  anime  le  vaillant  auteur  de  cette  œuvre  colossale,  une 

des  plus  importantes  qui  aient  été  tentées  en  cette  fin  de  siècle,  jwur  la   défense  de  notre  sain  ta 

religion,  les  croyants  ne  seront  plus  obligés  de  recourir  aux  sources  empoisonnées.  S'ils  persistent 

à  y  puiser  leur  breuvage,  ce  sera  maintenant  de  leur  faute,  et  le  Dictionnaire     des     Dic>' 

tionnaires,  les  rend  inexcusables. 

Ant.  BICARD,  prélat. 


IMAGES,  SDJETS  DE  SAINTETE,  LITHOGRAPHIES 

22    s:    28 


Prix  en  noir,  chaque 30c. 

"      "   couleur,  chaque 50c. 

SUJETS  EX  HAUTEUR 

No      1  La  Gène.  (En  travers.) 
•'        2  Sainte  Thérèse  de  Jésus.  (En  pied.) 
"        6  Saint  Antoine  de  Padoue        " 
*'        8  Notre-Dame  du  Mont  Garmel.  (En  pied.) 
"        9  "  Bon  Conseil.  (En  buste.) 

"      18  Sainte  Anne.  (En  pied.) 
"      19  Saint  Louis  de  Gonzague.  (En  pied.) 
"      21  Le  Sacré  Gœur  de  Jésus.  (En  buste.) 
"      22  Très  Saint  Cœur  de  Marie.        " 
"      23  Sainte  Madeleine.  (En  pied.) 

"      32  Le  Patriarche  St.  Joseph,  (d'après  Murillo.  (En  buste.) 
"      33  La  Mort  du  Juste.  (En  travers.) 
"      34  La  Mort  du  Pécheur.        " 
"      39  Ecce  Homo.  (En  buste.) 
"      40  Mater  Dolorosa.    '• 
"      42  Saint  Patrick.  (En  pied.) 

"      47  N.-D.  du  Rosaire,(entourée  des  15  mystères.  (En  pied.) 
"      50  Jésus,  Marie,  Joseph.  (En  pied.) 
"      54  Saint  François  d'Assise.  (En  pied.) 
"      60  Saint  Antoine  de  Padoue.  (En  buste.) 
"      66  Saint  François  Xavier.  (En  pied.) 
"       72  Saint  Louis  de  Gonzague.  (En  buste.) 
"      73  Sainte  Rose  de  Lima.  (En  pied.) 
**      74  Sainte  Philomène  " 

"      88  Saint  Thomas  d'Aquin.       " 
"      90  Saint  Dominique  " 

"  118  Saint  Stanislas  de  Kostka.  (En  buste.) 

"  121  Saint  Alphonse  de  Liguori.  " 

"  126  Sainte  Elizabeth.  (En  buste.) 

"  128  Sainte  Marguerite.        " 

"  129  Saint  Roch.  (En  pied.) 

'*  155  Evêque  sans  titre,  (pour  mettre  un  nom  à  volonté.) 

(En  pied.) 

"  156  Sainte  sans  titre,  (pour  mettre  un  nom  à  volonté.) 

(En  pied.) 

"  159  Notre-Dame  du  Perpétuel  Secours.  (En  pied.) 

„  167  Sainte  Agnès. 


686 


LE  PROPAGATEUR 


IMAGES   LITHOGRAPHIEES, 

SUJETS    £N    TRAVERS    23  x  -^8 

Prix  en  noir,   chaque f0.40 

Prix  en  couleur,  chaque 0.75 


No  1. — Le  jugement  dernier. 

•*  2. — Le  Purgatoire. 

"  3.— Le  Paradis. 

«  4.— L'Enfer. 


No    7. — Le  Gliemin  de  la[Groix 

(14  Stations). 
''     9. — La  Gréation  du  monde, 
^'    11.— Mort  du  fils  de  Dieu. 
"    12. — La  fin  du  monde. 


IMAGES     LITHOGRAPHIEES, 

16    X:    22 
Prix  en  couleur 10.40 

No    9. — Sacré-Gœur  de  Jésus,  (en  buste). 
"    10. — Le  saint  Gœur  de  Marie  {en  buste). 

Et  un  er»nû^  nombre  d'antres  snjets 


IMAGES     LITHOGRAPHIEES, 

SUJETS    RELIGIEUX    13  x  16 

En  couleur,  la  douzaine $1.00 


IMAGES     EN     COULEUR 

SUJETS    ASSORTIS    13  x  17 

Le  cent $3.00 


IMAGES    EN    CHROMOLITHOGRAPHIES. 

GRA]VI>£1JK    13  X  17 

fllE.Lecent $6.00 


Sacré-Cœur  de  ^Tésus. 
Sacré-Cœur  de  Marie. 
Sainte-Face. 
Sainte-Famille. 
Sainte- Anne. 


Notre-Dame   du   Ro- 
saire avec  myslères 
Chemin  de  la  Croix. 
La  mort  du  juste. 
La  mort  du  ipécheur. 


Saint  Joseph. 

Sami-Antoine  de  Pa- 
doue. 

Saint  -  François  d'As- 
sise. 


Et  nn  grand  nombre  d'antres  snjets. 


IMAGES    EN    CHROMOLITHOGRAPHIES. 


SUJETS  TARIES,  GRANDEUR  9  x  13 


Le  cent. 


$3.00 


LE  PR01»AGATEUil  687 


GALERIE    RELIGIEUSE. 

Sujets  religieux  en  Iiaatenr  avec  filet  or  ovale,  lOi  x  14 

Prix  en  noir,  teinte  et  tilel  or  ovale,  la  douz..^  $1.50 


No    5. — Sacré-Cœur  de  Jésus. 

6.— Très  Saint  Cœur  de  Marie. 

7.—  Le  Patriarche  Saint  Joseph. 

8. — Sainte  A.nne. 
11. — Saint  Stanislas  de  Kostka. 
12, — Saint  Louis  de  Gonzague. 
18, — Saint  François  d'Assise. 
23, — Immaculée  Conception. 
75.— Saint  Alphonse  de  Liguori. 

81 Jésus,  Marie,  Joseph. 

'■(    ,«3. — Notre-Dame  du  Bon-Conseil. 

91 Manifestation  du  Sacré-Cœur  à  la  B.  M.  M. 

97. — Sainte  Cécile. 
98.— Sainte  Philomène. 

Et    un  grand   nombre   d'antres  sujets. 


SOirVENIRS   MORTUAIRES 


CROIX  NOIRE  AVEC  BORDURE  DEUIL. 

No  1.—.  itre  :  Spes  Unica.  $1.00  le  cent. 

»'    6. —      '■'      Au  ciel  on  n'oublie  plus  (pensée).  "        " 

««    7. —      «'      La  Croix  et  le  lys  résument  toute  sa  vie.     ''        " 


IMAGFS  CHROMO  POUR  DEUIL. 

No  816.— Ange  priant  sur  tombeaux.  30  sujets  à  la  feuille,  chaq.  30c 
«    820. '*  "  "  30        "  "  "    30c. 


CANO»«  D'AUTEL  EN  CHROMOLITHOGRAPHIE. 

No  408  —22  X  28  pouces.  En  feuille,  chaque  $1.00 

«    413—20  X  26        "  '*  "  0.75 

"    417.-25  X  35        "  "  "  1.25 

"    420.-25  X  36        "  "  "  1 50 


•688  LE  PROPAGATEUR  ; 

i 

CHEMIN   DE   CROIX 

LE  PETIT  CHEMIN  DJd  CKOIX  DES  OKATOIKES, 

LITHOGRAPHIES    EN    TRAVERS    OVALE. 

Ennoir.    9i  x  12^.     Chaque $1.00 

En  couleur.     9J  ï   12^.     Chaque 2.00 

EXERCICES  DÛ  CHEMIN  DE  LA  CROIX, 

LITHOGRAPHIES  EN    TRAVERS. 

Ennoir.     12J  x  18.    Chaque $1.50 

MOYEN  CHEMIN  DE  CROIX, 

LITHOGRAPHIE   EN    TRAVERSj 

En  couleur.     16  x  22J.     Chaque $5.00 

CHEMIN  DE  CROIX  VIA  CRUCIS, 

LITHOGRAPHIE   EN    TRAVERS. 

En  noir.    22  x  28i.    Chaque $6.50 

CHEMIN  DE  CROIX,  LA  RÉDEMPTIOKf, 

LITHOGRAPHIE   EN    TRAVERS. 

En  noir.     33  x  42.    Chaque $12.00 

CHEMIN  DE  CROIX,  LA  VOIE  DOULOUREUSE. 

EN   HAUTEUR. 

Sujet  noir,  fond  teinté.    21  x  27.    Chaque $10.00 

CHEMIN  DE  CROIX,  LE  QOLGOTHA. 

EN    TRAVERS. 

Sujet  noir,  fond Jeinté.    22  x  28è.     (  haque $10.00 

CHEMIN  DE  CROIX,  LE  GOLGOTHA.. 

EN    TRAVERS. 

Sujet  noir,  fond  teinté.     16  x  22J.     Chaque $13.00 

CHEMIN  DE  CROIX, 

CHROMOS. 

14  X    20-    Chaque ..,$10.00 

CHEMIN  DE  CROIX  DÉPLIANTS- 

FORMAT  LIVRE  DE  MESSE.  i 

14  Stations  gravées  sur  acier,  entourage  havane  découpé,  ennoir,  la  pièce  $0.75 
14  Stations        "  "  "  "  "  en  couleur      "         1.50 


LE  PROPAGATEUR  689 


SCAPULAIRES. 


SCAPULAIRES  EN  FEUILLES 

SUR  TOILK 

No  14. — Scapulaires  du  M.-Carmel,  30  paires  à  la  feuille.  $1.50doz. 
"    n.—        "  "  "        16  paires        "  1.50     '• 

"    12.—        "  de  la  Passion,  25  paires        "  1.80    '' 

"    13 *'    deN.-D.  desT  Doul.,  ISpaires        *'  1.23    " 

"    15._    "  de  l'Immaculée,  25  paires        "  1.50    *' 

"^  18. — Scapulaires  de  l'Apostolat  du  Sacré-Cœur,  avec 
ce  texte  :  Adveniat  Regnum  tuum. — 
60  scapulaires  simples  à  la  feuille. — 

Imprimés  en  rouge $1.80  doz. 

DITO.— 21  à  la  feuille 1.20     '' 


SCAPULAIRES  EN  FEUILLES. 

(DOUASSE) 

Scapulaire  Immaculé,  25  paires  à  la  feuille,  la  douzaine...  S1.50 
"  Mont-Carmei,  25  paires  à  la  feuille,  la  douzaine..     1.50 


SCAPULAIRES  EN  FEUILLES. 

(TURGIS) 

Scapulaires  Saint  Joseph,  20  paires  à  la  feuille,  la  douzaine. .S1.50 
"  Sainte-Face,  50  scapulaires  simples,         "  1.00 


SCAPULAIRES  CONFECTIONNÉS. 

Scapulaires  Mont-Carmel  sur  drap  brun,  la  douzaine $0.30 

"            '^            "            "           noir,          "            0.30 

"            de  rimmaculée-Goncept.  sur  drap  bleu,  la  doz...  0.30 

"            de  la  Passion,  sur  drap  rouge,  la  douzaine 0.40 

'•  du  Sacré-Cœur,  sur  drap  blanc,  la  douzaine  de 

scapulaires  simples 0.25 

"  de  la  Sainte-Face,  sur  drap  rouge,   la  douzaine 

de  scapulaires  simples 0.25 

"  du  Tiers-Ordre  de  Si  François,  sur  drap  brun. 

la  douzaine 1.50 

No  216  Cinq  scapulaires  réunis  en  un  seul,  la  douzaine 0.75 

"            "            «            "            "  (grand)     ''       "        1.00 

Scapulaires  du  Sacré-Cœur,  oval  dentelés,  le  cent 1.00 

44 


690 


LE  PROPAGATEUR 


No 


CHAPELETS 


CHAPELETS   EN   COCOTINE, 

rouge,  noire  ou  naturelle. 


0100 la  grosse 

0114 " 

097 " 

088 " 

3li " 

056 

089 " 

0913 


0910 

la  grosse. 

.810.00 

0900 

a 

.  10.00 

058 

« 

.  12.00 

0146  bis.. 

K 

.  12.00 

09t5 

a 

.  15.00 

0932 

u 

.  24.00 

0932^ 

<i 

.  30.00 

CHAPELETS   EN  COCOTINE 

avec  vues  photographiques  dans  la  croix. 


No      68| la  grosse... $15.00  i  No      207 la  grosse. ..$18.00 

"    01024 '•        ...  15.00 


CHAPELETS   EN   COCO 


No  8545 la  grosse 

"  4600 

"  0166 " 

''  0172 " 

'«  4602 

"  4616 '• 

''  4433  bis..  " 

•'  0168 '' 

"  0741 " 

"  0176 •' 


$7.20 

7.50 

9.00 

9.60 

10.00 

10.00 

12  00 

12.00 

15.00 

18.00 


No  0745 la  grosse 

"  4046 " 

"  4048 " 

"  8570 

'•  0340 " 

"  8105 " 

«   279 " 

"  0882!!.'."]!  *' 

"  8220 " 


.$18.00 
.  18.00 
.  18.00 
.  21.60 
.  24.00 
.  24.00 
.  30.00 
.  30.00 
.  30.00 


COURONNES    FRANCISCAINES. 


Gocotine. 
Gocotine. 


7  Dizaines Chaque...  $0.50. 

7  Dizaines Ghaque...     0.60. 


LE  PROPAGATEUR 


691 


CHAPELETS  DES    SEPT   DOULEURS. 


Cocotine No    545 la  grosse $  9.00 

Coco ''    8696 "        18.00 

"    "    8698 "        24.00 

"    "      524f "        19.20 

Os.  blanc "      529 "        18.00 

"  "      535 "        24.00 


CHAPELETS  NACRÉS, 

blanc,  rouge  et  jaune. 


No  0466^.. 

.  la  grosse. 

.$10.00 

"    0466.... 

c( 

..  12.00 

"    0467.... 

« 

.  15.00 

"    0468.... 

« 

.  18.00 

No  4510 la  grosse... $27.00 

"    4468^ "        ...  36.00 

"    0596 "        ...  15.00 

"     0597 "        ...  18.00 


CHAPELETS   EN    COROZOS    BLANCS, 

avec  vues  photographiques  dans   la  croix. 

No  7196 la  grosse $24.00 


CHAPELETS    IMITATIONS   CORNALINE, 

blanche 
No  4086 la  grosse. ..$15.00  |  No  4088 la  grosse.. .$18.00 


CHAPELETS   EN    ROCAILLE 

No     012 la  grosse...  $3.50  |  No     883 la  grosse...  $5.00 


CHAPELETS  EN  ACIER  POLI 

No     580 la  grosse...$12.00  I  No     582 la  grosse.. .$18.00 

"      5«1 ''        ...  15.00      «'      590 "        ...  18.00 


CHAPELETS   EN    COCO, 

Chaine  métal  blanc. 

No   01396 la  douz...  $5.00  |  No   01398 la  douz...  $6.00 


692 


{ 


LE  PROPAGATEUR 


CHAPELETS  EN  IMITATION  DE  GRENAT, 

Chaîne  en  métal  blanc. 


No  0841  la  grosse.. 418.00 

"      024 la  douz....     1.75 

"      025 "        ...     2.00 

"      026 "        ...     2.50 

"      027 "        ...     3.50 


No  01214.....  la  douz....  $3.00 

"  01215....         "        ...     4.00 

"  01350 "        ...     6.00 

"  01351....         "        ...     7.50 


CHAPELETS   EN    CRISTAL, 
Chaîne  métal  blanc. 


No  01417  bis.,  la  douz...  $6.00  (  No       276 la  douz...  $5.00 

"     01421 "      ...     7.50       "        277 "      ...     6.00 

''    01422 "      ...     9.00  I    "        278 "      ...     7.50 


CHAPELETS  EN  NACRE, 

Chaîne  métal  blanc. 


No  0536 la  douz....  $5.00  No         1 la  douz. 

"  0537 "        ...    6.00  i  '•          2 

«  0539 »        ...    9.00  I  "  01220 " 

"  0540 "        ...  12.00  ,  "  01363....        •' 

"          0 "        ...     5.C(i  "  01464....         " 


.  $6.00 

.  7.50 

.  9.00 

.  9.00 

.  10.00 


CHAPELETS  EN  NACRE, 

Chaîne  argent. 
.25,  1.50, 1.75,  2.00,  2.50,  3.00,  3.50,  4.00  et  4.50  la  pièce. 


CHAPELETS  EN   JAIS, 

Chaîne  argent, 

@  $0.75,  1.50  el  2.00  la  pièce. 


CHAPELETS  EN  GRENAT, 

Chaîne  argent. 
@  $1.50,  2,00  et  2.50  la  pièce. 


LE  PROPAGATEUR  693 

CHAPELETS    EN    CORNALINE  ROUGE, 

Chaîne  argent. 
@  $2.50  et  3.00  la  pièce. 


CHAPELETS    EN   AMBRE, 

Chaîne  argent. 
@  82.00,  2.50  et  3.00  la  pièce. 


CHAPELETS  EN  COCOTINE  UNIE, 

Sur  fil. 


No  3 -  la  grosse...  $1.50 

"     3 "        ...     2.00 

"    4 "        ...     2.50 


No  5 la  grosse...  83.60 

"     7..7diz...         "' ^\..     7.50 
"     9..7  diz...        "        ...  12.00 


CHAPELETS  EN  COCOTINE  GUILLOCHÉE, 

Surfil. 

No  3 la  grosse...  $3.00  1  No  5 "        ...  $5.00 

"    4 "        ...    4,00 


CHAPELETS  EN  COYOLLE, 

Sur  fil. 
No  9 7  dizaines la  douzaine $2.00 


CHAPELETS   EN  COCO  UNI, 

Sur  fil. 


No    l la  grosse....  $5.00 

"     V "        ....     6.00 

"     3 "        ....     7.50 


No  4 la  grosse....  $9.00 

"    5 la  douz 1.00 

"     6 "v     ....     1.25 


694 


LE  PROPAGATEUR 


CHAPELETS  EN  COCO  GUILLOCHÉj 

SU7'  fil. 


NoJ2 la  douz $0.90 

"    3 "        I.OO 

"    4 "        ....     1.25 


No   5 la  douz $1.25 

''     6 ''        ....     1.80 


CHAPELETS  EN  COCO  TAILLÉ, 

Sur  fil. 


No  4 la  grosse. 

i(      Y      u 


$5.00 
7.50 


No  8 la  grosse....  $9.00 


CHAPELETS   NACRÉS, 

blanc^  rouge  et  jaune ^  sur  fil. 


No 

2 

la  douz... 

.  $0.80 

No 

5. 

la  douz.. 

..  $1.90 

(( 

3 

a 

..     1.00 

u 

5 

taiiié.. 

i( 

..    2.50 

(( 

4 

(. 

..     1.25 

(( 

6. 

(C 

..     2.50 

CHAPELETS  EN  CORNALINE. 


Sur  fil. 


Blanche  No  0...1a  douz...  $0.90 
Bleue...  No  0...1a  douz...  1.00 


Rouge..  No  0...1a  douz. 
Blanche  No  l...la  douz. 


$1.25 
1.50 


CHAPELETS  EN  OS, 

Sur  fil. 


No|<2^rouge...  la  douz...  $0.60 
""^3      "    ...        "      ...    0.80 


No  3   blanc...  la  douz. 


U       i  u 


$0.80 
1.25 


CHAPELETS  ROUGE, 

"  grains  de  Jérusalem  ",  sur  fil. 
No   4 la  douzaine $1.25 


LE  PROPAGATEUR 


695 


ETUIS  POUB  CHAPELETS.  EN 

PEAU 

No 

2 

la  douz 

$1.50 

No 

654 

la  douz. 

$3.50 

i. 

3 

(( 

....     1.75 

*• 

655 

4.00 

(( 

4 

(( 

2.00 

656 

5.00 

(( 

519 

(( 

3.00 

669 

5.00 

a 

520 

u 

....     3.60 

6-0 

6.00 

(( 

521 

a 

....     4.00 

671 

7.50 

a 

522 

a 

5.00 

556^.... 

7.50 

(( 

635 

a 

3.00 

557 

8.00 

(( 

636 

(i 

3.50 

558 

8.50 

i( 

637...... 

a 

4.50 

559 

9.00 

(( 

638 

u 

5.00 

560 

'' 

10.00 

ti 

639 

....     7.50 

, 

UPS  POUB 

UblAPELETS 

Coco  pol 

u      a 

Coco  gu 

i 

..  76—3 

....   la   Hon/ainp 

81.00 

lUoché.. 

..  76—5 

...  82—5.... 

u 

1.25 

1.25 

COQUILLE 

:s  N. 

â.CEB, 

Cercles  argentés. 

No 

4  et  4|... 

..  la  douz...  82.50 

No 

7et7|.. 

u 

...  85.00 

5  et  5^.. 

6  et  61... 

a 
(( 

...     3.00 
...     4.00 

(i 

8  et  8^.. 

(i 

...     9.00 

COQUILLI 

as  N 

AGEE, 

A  g 

riffe. 

No 

5  et  5|... 

la  douz §5.00 

No 

7  et  1\.. 

.  la  douz 

87.50 

i( 

6  et  6^... 

u 

...    6.00 

u 

8  et  8^.. 

u 

...  10.00 

CHRISTS  EN  CUIVBE  FONDU, 

Sur  croix   ébene   tour   et  fond   cuivre. 


No 
32., 
33. 
34. 
36. 
38. 
39. 
40. 
41. 
42. 


Pouces 
1   

Il:::::: 

^ 

2| 

3  

34 


la  grosse. 


82.50 
2.75 
3.00 
4.00 
6.00 
7.50 
9.00 
10.00 
12.50 


No 

Pouces 

44... 

..  4| 

la  grosse. 

..821.60 

45... 

..  ^ 

a 

..  25.00 

46... 

..  5  

u 

..  30.00 

47... 

•  •    J^r 

la  douz... 

.     3.60 

48... 

..  6| 

u 

..     4.50 

49... 

..  6| 

(( 

..     5.40 

50... 

.   7   

Cl 

..     6.60 

51.. 

..  8  

c 

..     7.50 

696 


LE  PROPAGATEUR 


No 


5 

O" 

S 
O" 


No 
7007. 
7008. 
7009. 


CHRISTS  EN  NICKLE, 

Sur  croix  ébène,  tour  et  fond  nickle, 


Pouces 

1  la  douz 80.60 

Il "        ...     0.70 


No      Pouces 

l-...   1| la  douz. 

1  ....  2  


$0.80 
1.00 


CHRISTS  EN  NICKLE, 

Sur  croix  ébène,  tour  nickle^  fond  ébène. 


No 

Pouces 

No 

Pouces 

H-" 

.  2i- Chaque... 

.  $0.15 

7  ... 

..  5  ...... 

Chaque.. 

.  $0.50 

3  ... 

..  3  

..     0.23 

7f.. 

.  6  

« 

..     0.60 

4  ... 

••  3f "        . 

..     0.30 

8    .. 

.  6f 

a 

.     0.75 

6  ... 

A5                       et 

..     0.40 

CHRISTS  EN  NICKLE, 
Sur  croix  ébène,  tour  et  fond  nickle,  bouts  forme  trèfle. 


No 

Pouces 

No 

Pouces 

'L.. 

.  2| Chaque... 

.  S0.30 

8... 

..  7  

Chaque... 

..  $1.00 

4... 

.  3| 

..     0.40 

13... 

..  9i...... 

« 

..     1.50 

6... 

.  5    " 

..     0.60 

CHRISTS  EN  MÉTAL  BLANC. 


Pouces 
\l Chaque.. 


1* 

'  8' 
II. 


^0.07 
0.09 

u.io 


No 

7010 
7011...  2^ 


Pouces 


0.12 
0.17 


CHRISTS  EN  ARGENT. 


No 

Pouces 

No 

Pouces 

2802.. 

.  H 

Chaque.. 

.  $0.40 

2805.. 

.  2  

Chaque.. 

.  $1.00 

2803.. 

.  14 

tt 

.     0.50 

2806.. 

'3 

u 

.     1.20 

2804.. 

•  if 

K 

.     0.75 

2807.. 

•  2| 

l< 

.     1.50 

CROIX  NACRE 

Avec   Christ  en  argent. 


No        Pouces  I  No       Pouces 

720...  11 Chaque...  $0.30  |  1186...  2  Chaque. 

Ilb4...   li '      ....     0.36  I  1187.     ' 

1185...  1* "     .    ..    0.50 


2^. 


$0.65 
0.80 


LE  PROPAGATEUR 


697 


CROIX  NACRE. 

Avec  Christ  et  bouts  en  argent. 


No        Pouces 

439...   IJ Chaque 81.00 

440...   I|......        "        ...     1.25 


No       Pouces 

44!...  -2  Chaque. 

442...  n '• 


14  pouces Chaque 

24        "     *'     . 


S0.40 
0.60 


CHRIST  EN  CUIVRE  ESTAMPE, 

Sur  croix  plate  vernie^  avec  pied. 


No 


Pouces 
7^ la  douz. 

H " 

,  Il " 


ao.6o 

1.00 
1.50 


No 

2  .. 

3  .. 


Ponces 

12 la  douz... 

14 " 


CHRISTS  NICZLÉS, 

Sur  croix  ronde,  bouts  nickelés.,  pied  rond. 


No 

3868.. 

3870.. 

3874.. 

3877.. 


Pouces 

6| la  douz.. 

«  "     ... 

05  <t 

•^8 

\'Z "         ... 


J2.00 
2,50 
3.50 
4.50 


No        Pouces 

3764...  13|- la  douz. 

3766...  15 '«    ... 

3772...  19 "     .. 


CHRISTS  NICKLÉS, 

Sur  croix  ronde  nickelée,  sans  pieds. 


No        Pouces 

326   ...  5f Chaque... 

327 6| "     .... 

328 7| "    

329,. 


8f. 


;0.75 
1.00 
1.25 
1.50 


No        Pouces 

330 10 Chaque. 

331 11 "     .. 

333 "     .. 

334 "    ... 


CHRISTS   DORÉS, 

Sur  croix  ronde,  bouts  dorés,  pied  rond. 


No        Pouces 

3912...  13 Chaque. 


81.00 


No        Pouces 

3914...  15 Chaque. 


$1.50 
1.75 


CHRISTS  PLASTIQUES, 

Croix  en  bois    pour  suspendre. 

29  pouces. Chaque...  $1.25 


$2.50 
3.60 


$7.00 

9.00 

20.00 


M. 75 
2.00 
2.50 
3.00 


.81.25 


698  LE  PROPAGATEUR 


MÉDAILLES 


MEDAILLES  EN  CUIVRE  BLANCHI. 

Vierge  Immaculée Nos  00,  0,  D,  1,  2,  3,  4,  5,  32,  34,  8. 

Sainte  Anne Nos  1,  2,  3, 4, 5, 32,  33,  Mbis,  236is,  Ubis, 

Saint  Benoit Nos  0,  1,  2,  3,  4,  5,  6,  8. 

Sacré  Cœur "  3,  5,  33. 

Sainte  Face "  1,  2,  3,  4,  5,  33,  8. 

St  Joseph  et  ange  gardien...  "  2,  3,  4,  5,  8. 

Gongrég.  Enfants  de  Marie..  "  3,  5,  6,  7. 

Saint  Roch "  1,  2,  5,  32,  34,  8. 

Congrégation  des  Sts  Auges..  "  1,2,3,5,24. 

N.-D.  du  Perpétuel  secours..  "  2,  3,  5,  33. 

Notre-Dame  de  Lourdes "  3,  5,  32,  34. 

N.-Dame  du  Saint  Rosaire...  "  5,  34. 

Saint  François  d'Assise "  3,  5,9. 

Saint  Benoit  Labre '•  4,5. 

Cong.  du  St  Enfant  Jésus...  "  1,3,  5. 

Précieux  Sang "  3,5. 

Saint  Louis  de  Gonzague...  ''  3,  4  ronde. 

Saint  Michel "  3,5. 

N.-Dame  des  sept  douleurs..  "  1,  2,  3,  4,  5,  33,  8. 

N.-Dame  des  sept  douleurs..  Jeux  $0.60  la  douz. 

Sainte  Famille "  4,  5. 

Sainte  Philomène "  3.. 


Numéros  :        00,      0,      D,      1,       2,      3,       4,       5,       6,      7, 
Prix  la  grosse  $0.30,  0.35,  0.35,  0.40,  0.50,  0.60,  0.80,  1.00,  1.50,  3.00 


Numéros  :  8,       9,      236is,  24,    24&is,  32,     33,    34,     346w. 

Prix  la  grosse  $5.00,  7.20,  3.50,  5.00,  5.00,  1.00,  1.70,  3.00,  2.00. 


Garde  d'honneur No  3 la  grosse $4.00 


LE  PROPAGATEUR  699 

MEDAILLES  SAINTE  ANNE, 

Ave  Eglise  de  Sainte  Anne  de  Beaupré,  cuivre  blanchi. 

Numéros    :  40,       60,       70,       80. 

Prix  la  grosse  :  81.00,    2.00,     3.60,     7.20. 

MEDAILLES  DE  PREMIÈRE  COMMUNION. 

Cuivre  blanchi. 

Numé"Os    :  34,        3636,        3538. 

Prix  la  grosse  :     83.00,    6.00,  7.50. 

MEDAILLES   EN   MAILLECHORT 

Sainte  Anne  et  Sainte  Famille No  35J...  la  grosse...  $15.00 

Congrégation  des  enfants  de  Marie..  No  35|...        "        ...     15.00 

MEDAILLES  EN   BRONZE 

Saint  François  d'Assise No     9...  la  grosse 815.00 

Vierge  Immaculée "     10...  la  donz 2.00 

MEDAILLES   EN    METAL  BLANC 

Congrégation  des  enfants  de  Marié..  No  6  feslon..  la  grosse. .86.00 

MEDAILLES  EN  ARGENT, 

@  80.05,    0.10,   0.15,   0.18,   0.25,   0.30,  0.50,   0.75,   0.90  la  pièce. 

MEDAILLES  EN  ARGENT,  SOUS  VERRE, 

{diamentine) 

Sainte  Anne  et  Vierge  Immaculée...  No  5453...  la  douz...  80.60 

"        "            "                "        ...  "  5454...  "     ....  0.75 

«        "            "                "        ...  "  5456...        "     1.25 

"        '•            "                 '•        ...  "  5458...  "     ....  2.50 


i 

700  LE  PROPAGATEUR 

MÉDAILLONS 


MEDAILLONS  UN   CŒUR, 

Cercle   cuivre^  verre. 


No 

598 

,..2    x^... 

,  la  douz... 

$1.00 

No 

601 

,.  Sacré-Goei 

ur  de  Jésus... 

..  3    x3f.. 

.  la  douz... 

$2.00 

<( 

1 

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1.80 

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1 

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de   Marie... 

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,     1.80 

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de  Jésus.... 

..  2    X  2^.. 

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334 

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..  2    x2^... 

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2.00 

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3.00 

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de  Marie... 

.   3    x3f... 

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3.00 

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3  .... 

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de  Jésus.... 

.  3|x  5  ... 

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4.00 

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de  Marie... 

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de  Marie... 

..  4ix  6  ... 

« 

5.00 

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1007 

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(( 

6.00 

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1008 

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,    9.00 

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1272|... 

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12.00 

« 

1008i.... 

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Cl 

15.00 

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106 

« 

..  6^x9^... 

u 

12.00 

(( 

1273^.... 

(. 

,.  6^x9^... 

i( 

15.00 

MEDAILLONS  DEUX  CŒURS, 

Cercle  cuivre,  verre. 


No   1  bis...  S.-Gœurde  Jésus  et  Marie.. 

U     4  "  ...  "  "  " 

"  106  6î5..  "  "  "      .'. 


2    x2^.., 

.  la  douz.. 

.  $2.00 

3  X  ;^|.. 

u 

.     3.50 

3f  xh  .. 

(( 

.     5.00 

4|x6  .. 

c< 

.     6.00 

6i  X  9^.. 

" 

.  15.00 

MEDAILLONS  SAINTE  ANNE. 

Plastique  blanc. 

No  845...1|x2^  la  douz..$0.75  1  No  316...2|x3f  la  douz..$2.50 

"     3l5...2|x2|        ''     ...  1.25  I     "    317...3ix4^        "     ...4.00 

No    845...  Sainte-Face...     1§    x    2^...     la    douzaine $0.75 


LE  PROPAGATEUR  701 

MEDAILLONS    SAINTE    ANNE, 

Plastique  couleur. 
No  846...!^  X  2^  la  douz4l.80  |  No  85l...4Jx  5    la  douz..$6.00 


MEDAILLONS  SAINTE  ANNE, 

Forme  étoile. 

La  douzaine $0.30 


MEDAILLONS  GELATINES, 

Sujets  assortis. 

No       1 If    X    2| la  douzaine. $0.60 

"        2 21    X    3| "  1.25 

"        3 3f    X     5  "  1.80 


MEDAILLONS, 

Cercle  en  cuivre  perlé,  verre. 
No     00 Sainte  Face la  douzaine $0.40 


0 "        *•     

0 Sainte  Anne 

0 Sujets  assorties. 

0 SaintRoch 

Obis....        «  


0.75 
0.75 
0.75 
0.75 
1.20 


]«[EDAILLONS   ENFANTS   JESUS, 

Cercle  cuivre,  verre. 

No  335 21  X  3^ Chaque $0.45 

•   773 2*  X  31 "    0.45 

752 3|  X  5  '•    O.aO 

750 3|  X  5 "    0.75 

337 3|  X  5  "    0.75 

74-7 4f  X  6  "    0.60 

745 4|  X  6  "    0.75 

339 4|  X  6  "     0.75 

576 5f  X  7| "    1.00 

593 5f  X  7|  "    1.25 

744 5f  X  7f "    1.25 

743 5f  X  7| ''    1.25 

341 5|  X  7f "    1.25 

742 61  X  9J "    1.50. 


702 


LE  PROPAGATEUR 


No 


MEDAILLONS  PREMIERE  COMMUNION, 

Cercle  cuivre. 

2...  Garçons   ou  filles...  '2^  x  3f...  Chaque. 

2138...  "        "        "       ...  3f  X  5  ...  '' 

761...  "        "        ''        ...  3|  X  5  ...  ^« 

710...     Filles 5|  x  7|... 

711...        "         5f  X  7|...  " 

712...    Galice 5f  x  7|...  '' 

713...        "■        5|  X  7|...  " 

714...     File 5f  X  7f... 

715...    AngeetCalice 5|  x  7|...  '' 

716...     Fille 5f  x  7f...  " 

717...    Galice 5|  x  7|...  « 

718...        "        5f  X  7|...  " 


$0.25 
0.50 
0.50 
1.00 
1.00 
1.00 
1.00 
1.00 
1.00 
1.00 
1.00 
1.00 


STATUES  EN  BISCUIT. 


Vierge-Mère,  Immaculée-Gonception  et  Saint-Joseph. 


No 

3.. 

4.. 

5.. 

6.. 

8.. 
10.. 
12.. 
14.. 


16...    6|. 


Pouces 

li la  douz...  $0.20 

2^ "  ...  0.25 

2J "  ...  0.40 

2| "  ...  0.50 

3f "  ...  0.75 

4 "  ..  1.00 

5}..,...  "  ...  1.80 

6  "  ...  2.50 

"  ...  3.00 


No 
18. 
19. 
21. 
24. 
26. 

28...  11 
30...  12| 
33...  13| 
36...  14f 


Pouces 


7^ la  douz 


10| Ghaque 

lOf 


$4.00 
4.50 
5.50 
0.75 
1.00 
1.25 
1.80 
2.50 
3.00 


STATUES  EN  BISCUIT  BLANC. 

Vierge  de  Décembre. 


4  pouces...  la  douz $1.75 

5  "      ...        "         ....     2.00 


5i  pouces...  la  douz. 
7i      "      ... 


$2.50 
4.00 


Sainte-Anne. 


STATUES  EN  BISCXnT. 
Porcelaine  blanche 


2i  pouces...  la  douz $0.60 

4        "      ...        "        1.80 

5J      "      ...        "        3.60 


7    pouces. 

8|      "      . 


la  douz. 


$6.00 
9.00 


LE  PROPAGATEUR 


705 


Saint-Roch. 


STATUES  EN  BISCUIT. 
Porcelaine  blanche 


No  Pouces 

7...  3  la  douz....  Sl.OO 

9...  3i "         ...  1.50 

10...  4 "         ...  2.00 


No       Pouces 

12...     4f la  douz $2.50 

16...     7  "        ...     3.6a 


Sain  te- Anne. 


STATUES  NICKELÉES. 

Sur  socle  en  bois  vertu 


No   006 4    pouces la  douzaine $4.00 

"     009 4f      ''       "  6.00 


STATUES  NICKELÉES. 

En   écrin 
Sainte- Anne. 

No   006 la  douzaine.. 


.00 


STATUETTES  BRONZÉES. 
En  étvi 
Ste-Aune,  StJoseph,  Vierge  Immaculée,  Sacré-Cœur  de  Jésus 
La  douzaine 80.30 


STATUETTES   BRONZÉES. 

Avec   niche    tournante    en    nikle 
Sainte-Anne,  Saint-Joseph,  Vierge  Immaculée. 

La  douzaine §1.00 


BENITIERS  EN  BISCXnT  BLANC, 


No 


Pouces  } 

4J...  la  douz. ..80.75' 
4|...  ''  ...  1.00 
5f...        «       ...   1.25 


Plaques  variées. 

No  Pouces 

..  6|...  la  douz. ..$1.50 
4842887  a..  6|...        "      ...  1.80 


704 


LE  PROPAGATEUR 


BENITIERS  EN  BISCUIT  BLANC, 

6  pouces Saint-Joseph  lys...  la  douz. 

7  "         ...  Vierge-Mère *• 

7  "        ...  Vierge  Immaculée  " 

8  "        ...  Saint-Joseph  lys...  « 
8  "         ...          "     avec  Jésus..  " 

8  "        ...  Vierge-Mère " 

8  "        ...  Vierge  Immaculée  " 

6^  "        ...  Ecce   Homo '• 

7  «        ...  Croix " 

7^  "        ...  Croix  avec  couron..  ** 

8|  ''        ...  Croix  avec  Christ..  " 


No  280... 

"  139... 

"  200... 

«  256... 

"  397... 

"  258... 

"  257... 

"  55... 

''  229... 

«  289... 

"  90... 


No 
351. 
296. 
114. 


No 

295.. 

157.. 


No 

351... 

296... 


No 

388.. 

452.. 

295.. 

157.. 


BENITIERS  EN  BISCUIT, 


Pouces 

4| la  douz.. 

5i "      .. 

6i "      .. 


Un  Ange  blanc. 

No 


$3  00 
4.50 
6.00 


178... 
121... 


Pouces 

7J la  pièce. 

8i "      . 


M.50 
2.00 
2.00 
3.60 
3.60 
3.60 
3.60 
3  60 
3.60 
4.50 
6.00 


$1.00 
1.25 


Pouces 


BENITIERS  EN  BISCUIT, 

Deux  Anges  blancs. 

No       Pouces 


6  la  douz... 

6i "      ... 


$7.50 
10.00 


120...     n la  douz. ..$12.00 


BENITIERS  EN  BISCUIT, 

Porcelaine    couleur. — Un    Ange. 


Pouces 

4f la  douz...  $6.00 

5i ''      ...    9  00 


Pouces 


No 

484/5030. 
484/4936..    ef.. 
754/1171..  lu|..  Chaaue 


5J..  la  douz. 


$2.50 
4.50 
2.50 


Pouces 

5i 

4i 

6  

6i 


BENITIERS  EN  BISCUIT, 

Porcelaine  couleur. — Deux    Anges, 

No  Pouces 


la  douz... 

$6.00 

la  pièce... 

0.75 

<c 

•1.25 

" 

1.75 

120 

7^.. 

la  pièce.. 

$2.00 

484/5254.. 

6  .. 

la  douz.. 

5.00 

754/1172.. 

7^.. 

la  pièce.. 

1.50 

LAM  PIONS 

Cuivre,  verre   rouge. 

No    2040 Chaque. 

«     2156 Avec  Sainte-Face...        " 

"     2320 "  "  ...        " 


^0.75 
3.00 
5.00 


BULLETIN  -, 

21  Janvier  1893. 

/,  Aujourd'hui  est  le  centenaire  d'un  des  plus  lugubres  événe- 
ments que  l'histoire  ait  enregistrés.  En  effet,  il  y  ajuste  100  ans, 
c'est-à-dire  le  21  janvier  1793,  s'accomplissait  sur  la  terre  de 
France  un  épouvantable  forfait.  Le  petit-fils  de  saint  Louis,  le  roi 
légitime  de  la  nation  très  chrétienne,  Louis  XVI,  montait  sur 
l'échafaud. 

Traduit  devant  la  Convention  Nationale,  qui  était  à  la  fois  ac- 
cusatrice et  juge,  il  fut  déclaré  coupable  de  conspiration  contre  la 
liberté  publique  et  condamné  à  mort  comme  un  vil  criminel.  Il 
fut  guillotiné  à  Paris,  sur  la  place  de  la  Concorde,  alors  place  de 
la  révolution.  (1)  Un  prêtre  irlandais,  l'abbé  Edgeworth  de 
Firmont,  assista  le  roi  martyr.  Au  moment  suprême,  il  lui  adressa 
ces  sublimes  paroles  qui  nous  ont  été  transmises  :  Fils  de  saint 
Louis,  montez  au  ciel.  C'est  alors  que  le  roi  s'adressant  à  la  foule 
s'écria  :  Français,  je  meurs  innocent  !  Je  pardonne  à  mes  ennemis^  et 
je  souhaite  que  mon  sang  ne  retombe  pas  sur  la  France. 

Louis  XVI  n'était  âgé  que  de  38  ans  et  quelques  mois.  Il  naquit 
à  Versailles  le  23  août  1754  et  il  monta  sur  le  trône  en  1774,  succé- 
dant à  son  aïeul  Louis  XV. 

Ce  matin  à  Notre-Dame,  chapelle  de  Notre-Dame  du  Sacré-Cœur, 
un  service  [solennel  a  été  célébré  à  l'occasion  de  la  mort  de  l'in- 
fortuné Louis  XVI.  Une  foule  pieuse  et  recueillie  y  assistait,  se 
rappelant  avec  horreur  la  sanglante  journée  de  1793etpriant  pour 
le  repos  de  J'âme  du  fils  de  nos  anciens  rois. 

Le  célébrant  était  un  canadien-français,  M.  l'abbé  Sentenne, 
curé  de  Notre-Dame.  11  avait  pour  assistants  un  français,  M.  l'abbé 
Luche,  prêtre  du  Séminaire,  et  un  irlandais,  M.  l'abbé  Fahey,  vi- 
caire de  l'église  Saint-Patrice.  Ce  dernier  avait  été  choisi  en  sou- 
venir de  ce  noble  prêtre  irlandais  qui  fut  le  confesseur  de  Louis 
XVI. 

,*^  A  la  date  du  8  décembre  dernier,  Notre  Saint  Père  le  Pape  a 
adressé  une  lettre  extrêmement  importante  aux  archevêques  etévê- 
ques  d'Italie,  et  une  autre  lettre  non  moins  importante,  aux  Italiens 
eux-mêmes.  Ces  deux  lettres  concernent  la  franc-maçonnerie,  les 
maux  dont  elle  est  la  cause  et  les  ravages  effrayants  qu'elle  fait 
dans  le  monde  entier  et  notamment  en  Italie. 

*  [1  y  a  deux  erreurs  à  corriger  à  la  page  676.  M.  Wallace  e.L  coalrôleur  1  -s 
douanes,  el  M.  Wood  est  contrôleur  du  revenu  de  l'intérieur. 

(l)  Ancienne  place  Louis  XV. 

45 


706  LE  PROPAGATjEUR 


Le  pape  rappelle  les  proscriptions  dont  la  maçonnerie  a  été  l'objet 
de  la  part  des  papes  ses  prédécesseurs,  et  les  condamnations  qu'il 
a  prononcées  lui-même.  Dans  la  première  lettre  il  démasque  les 
artifices  dont  se  sert  ceite  organisation  infernale,  cette  infâme  secte, 
pour  recruter  des  membres  parmi  les  catholiques.  Il  conjure  les 
évêques  de  se  préoccuper  avant  tout  du  salut  des  victimes  de  la 
maçonnerie  et  de  ne  rien  négliger  pour  les  retirer  de  leurs  erreurs 
et  de  la  perdition  éternelle. 

//  importe,  dit-il,  de  relever  le  courage  de  ces  hommes  en  leur  pro- 
posant l'exemple  des  ancêtres,  en  leur  rappelant  que  la  force  est  la 
gardienne  du  devoir  et  de  la  dignité,  afin  qu'ils  se  repentent  vraiment 
et  qu'ils  aient  honte  d'agir  ou  d'avoir  agi  sans  virilité.  Car  toute  notre 
vie  est  une  véritable  bataille^  dont  l'objet  surtout  est  notre  salut,  et  il 
n'y  a  rien  de  plus  honteux  pour  un  chrétien  que  de  broncher  dans  le 
devoir  par  lâcheté. 

11  parle  de  la  nécessité  de  la  lutte  contre  la  secte,  et  il  rappelle 
aux  évêques  qu'il  est  de  leur  devoir  d'animer  les  esprits  au  combat 
par  la  persuasion.,  les  encouragements  et  l'exemple.  Pour  ceux  qui  veu- 
lent le  salut,  il  n'y  a  pas,  dit-il,  de  milieu  [entre  la  lutte  opiniâtre  ou 
la  mort. 

Dans  la  'etlre  aux  Italiens  il  s'élève  contre  la  guerre  impie  par 
laquelle  la  maçonnerie  tente  de  leur  ravir  la  foi.  Il  stigmatise 
cette  guerre  qu'il  dit  être  dirigée  non  seulement  contre  la  religion, 
mais  aussi  contre  la  patrie  et  la  civilisation.  Il  fait  un  tableau 
saisissant  de  l'état  social  actuel,  dû  en  grande  partie  aux  sectes 
maçonniques  et  anlichrétiennes. 

L'ordre  social,  dit-il,  est  généralement  ébranlé  jusque  dans  ses  fon- 
dements. Livres  et  journaux,  écoles  et  chaires,  cercles  et  théâtres  mo- 
numentset  discours,  photographies  et  dessins,  tout  conspire  à  pervertir 
les  esprits  et  à  corrompre  les  cœurs.  Cependant  les  peuples  opprimés 
et  tombés  dans  la  misère  frémissent  ;  les  sectes  anarchiques  s'agitent  ; 
les  classes  ouvrières  lèvent  la  tête  et  vont  grossir  les  rangs  du  socialis- 
me, du  communisme,  de  l'anarchie  ;  les  caractères  s'affaissent,  et  une 
foule  de  personnes.,  ne  sachant  plus  ni  souffrir  dignement  ni  se  relever 
virilement  de  leurs  épreuves,  abandonnent  d'elles-mêmes  lâchement  la 
vie  par  le  suicide. 

Il  continue  en  donnant  de  sages  conseils  à  tous  sur  la  manière 
d'agir  afin  de  ne  pas  tomber  dans  les  pièges  de  la  secte.  Il  les 
exhorte  à  ne  pas  se  contenter  de  se  tenir  sur  la  défensive  contre  elle, 
mais  de  l'affronter  courageusement  en  opposant  presse  à  presse^  école 
à  école^  association  à  association,  congrès  à  congrès,  action  à  action. 

Le  23  décembre  eut  lieu  au  Vatican  la  réception  de  Noël  accor- 
dée aux  cardinaux,  aux  collèges  de  la  Prélature  et  aux  personnages 
de  la  cour  pontificale.  Répondant  à  l'adresse  du  Sacré-Collège,  le 
Pape  a  encore  parlé  de  la  franc-maçonnerie  qu'il  considère  comme 
l'un  des  plus  grands  maux  quipuissent  afQiger  l'Eglise  et  la  société 
civile.    Voici  le  discours  que,  dans  cette  occasion  solennelle,  il  a 


LE  PROPAGATEUR  707 


pronoQcé,  dit  une  dépêche,"  avec  un  accent  énergique  et  une  voix 
"  pénétrante." 

La  tempête  sociale  est  furieuse  et  va  grandissant  au.  milieu,  de  C E'i- 
rope  contemporaine  livrée  aux  ruines  et  aux  désastres. 

Par  la  vertu  divine,  la  sainte  Eglise  seule  reste  debout  en  face  d'uie 
secte  funeste  qui  ne  sera  jamais  l'amie  du  peuple  parce  quelle  est 
f  ennemie  de  Dieu. 

Nous  avons  déjà  élevé  la  voix  pour  la  patne  qui  nous  est  doublement 
chère. 

Mais  la  franc  maçonnerie  fait  la  guerre  en  tous  les  pays  ;  partout 
elle  sape  Vordre  spirituel  et  civil. 

Devant  un  tel  péril  et  en  présence  du  douloureux  avenir  qui  menace 
les  sociétés,  V Eglise  seule  peut  être  le  salut  des  Etats  comme  celui  des 
individus. 

Nous  poursuivrons  donc  selon  nos  devoirs  et  nos  droits^  notre  œuvre 
de  salut,  par  la  parole  et  avec  Vautorité.,  le  commandement  et  la  di- 
rection qui  nous  appartiennent .^  confiant  dans  la  vertu  surnaturelle 
qui  a  été  donnée  au  Vicaire  de  Jésus-Christ. 

,*^  Les  dépêches  de  Rome  nous  apprennent  que  le  gouvernement 
italien  va  prendre  le?  mesures  nécessaires  pojr  protéger  les  pèle- 
rins pendant  les  fêtes  jubilaires  du  pape. 

S'il  en  est  ainsi,  on  ne  verra  pas,  se  renouveler  les  tristes  scènes 
du  dernier  pèlerinage  français  alors  que  la  canaille  attaqua  les 
pèlerins  et  les  molesta  d'une  manière  indigne. 

La  police  a  besoin  d'être  vigilante  car  la  canaille  à  Rome  est 
toujours  prêtre  pour  le  désordre.  Vous  la  voyez  partout  où  il  y  a 
des  manifestations  religieuses  à  troubler.  Elle  n'épargne  pis  pi  js 
les  romains  que  les  étrangers.  On  en  a  eu  la  preuve  le  7  août  der- 
nier. Ce  jour-là  un  certain  nombt-e  de  catholiques  se  sont  r:!ndus 
au  monument  de  Ghristophfî  Colomb  pour  déposer  une  couronne 
sur  le  buste  du  grand  homme.  Cette  démonstration  religieuse  et 
patriotique  n'a  pas  été  du  goût  de  la  radiciille  impie  et  les  mani- 
festants ont  été  attaqués  et  poursuivis  aux  cris  de  :  à  bas  le  pape, 
à  bas  les  prêtres.  C'est  à  la  suite  de  ces  scènes  de  sauvagerie  que 
l'association  de  ri//iîone /îo ma /la  a  voté  l'ordre  du  jour  suivant: 

Au  nom  de  la  ville  de  Rome.,  mère  de  la  civilisation.,  capitale  du 
monde,  siège  du  Souverain  Pontife  ; 

Au  nom  de  V Italie,  dont  l'honneur  a  subi  une  atteinte  par  les  injures 
adressées  au  grand  navigateur  italien  ; 

Au  nom  de  la  liberté  de  conscience  et  de  la  liberté  individuelle, 
toutes  les  deux  violées  et  offensées,  nous  protestons  contre  les  scènes 
sauvages  qui  se  sont  produites  dimanche  dernier. 

Cest  un  nouveau  et  éclatant  témoignage  que  nos  ennemis  veulent 
étouffer  les  droits  civils  des  catholiques  romains. 

Il  est  plus  que  jamais  du  devoir  de  tout  bon  catholique  et  de  tout  hon- 


708  LE  PROPAGATEUR 


nêie  homme  de  s'unir  pour  sauvegarder   les  droits  des  catholiques  à 
Rome   et  maintenir  leur  dignité  et  leur  honneur. 


/„  Lundi,  le  16  janvier  courant,  N.  S.  P.  le  pape  a  créé,  en  con- 
sistoire, quatorze  nouveaux  cardinaux  dont  six  Ttaliens,  deux 
Prussiens,  un  Hongrois,  un  Espagnol,  un  Anglais,  un  Irlandais  et 
deux  Français. 

Les  six  cardinaux  italiens  sont  nos  seigneurs  Persico,  secrétaire 
de  la  Propagande  ;  Mocenni,  substitut  à  la  secrêtairerie  d'Etat  ; 
Di  PiETRO,  nonce  à  Madrid  ;  Galimberti,  nonce  à  Vienne  ;  Mala- 
GOLA,  archevêque  de  Fermo,  et  Guarino.  archevêque  de  Messine. 

Mgr  Persico  est  bien  connu  dans  cette  province.  De  1873  à  1876 
il  a  été  curé  de  Sillery,  près  de  Québec. 

Mgr  Galimberti  est  le  premier  journaliste  qui  reçoit  le  chapeau 
de  cardinal.  D'après  une  correspondance  de  Rome,  adressée  au 
Times  de  Londres,  il  ne  partage  pas  les  vues  politiques  du  pape  et 
il  est  un  chaud  partisan  de  la  Triple  Alliance.  C'est  malheureux 
pour  la  b'rance. 

Les  deux  cardinaux  prussiens  sont  Mgr  Grementz,  archevêque 
de  Cologne,  et  Mgr  Kopp,  évêque  de  Breslau. 

Le  cardinal  Hongrois  est  Mgr  Vaszary,  archevêque  de  Gran  ou 
Stirgonie,  Primat  de  Hongrie.  Il  est  l'un  des  plus  fermes  champions 
des  droits  de  l'Eglise  et  conséquemment  l'un  des  plus  ardents  ad- 
versaires de  la  politique  de  persécution  qui  cherche  à  dominer  en 
Hongrie.  L'ui».  des  principaux  articles  du  programme  de  cette  po- 
litique néfaste  est  l'établissement  du  mariage  civil  obligatoire. 
Le  cardinal  espagnol  est  Mgr  Sanz  y  Fores,  archevêque  de  Se  ville. 
Le  cardinal  anglais  est  Mgr  Vaughan,  archevêque  de  Westmin- 
ster. Sa  Majesté,  la  reine  Victoria,  a  écrit  au  Pape  pour  le  remer- 
cier de  l'élévation  de  Mgr  Vaughan  au  cardinalat.  Cette  démarche 
de  la  souveraine  d'un  pays  protestant  indique  que  le  fanatisme 
officiel  a  bien  diminué  en  Angleterre.  "  En  vérité,  "  s'écrie  le 
journal  anglais  The  Messenger,  "  les  temps  sont  changés  depuis  le 
"  jour  où  Henri  VIII  apprenant  que  le  Pape  avait  destiné  le  cha- 
•*  peau  de  caidinal  à  l'évêque  Fisher,  s'écriait  :  Que  le  Pape  lui  en- 
"  voie  S071  chapeau.,  moi,  f  aurai  soin  de  lui  enlevtr  la  tête  pour  qu'il 
"  ne  puisse  pas  le  porter." 

Le  cardinal  irlandais  est  Mgr  Logue,  archevêque  d'Armagh, 
Primat  d'Irlande. 

Enfin  les  deux  cardinaux  français  sont  Mgr  Meiqnan,  archevêque 
de  Tours,  et  Mgr  Thomas,  archevêque  de  Rouen.  Nos  lecteurs 
savent  qu'autrefois  nous  étions  sous  la  juridiction  du  siège  de 
Rouen.  C'est  une  raison  de  plus  que  nous  avons  de  nous  réjouir  de 
l'honneur  fait  à  l'éminent  prélat  qui  occupe  actuellement  ce  siège. 

La  création  des  nouveaux  cardinaux  porte  à  soixante  et  cinq  le 
nombre  des  membres  actuels  du  Sacré  Collège.  Le  pape  Sixte 
Quint  l'avait  fixé  à  70. 


LE  PROPAGATEUR  709 


V  Sont  décédés  : 

1°  Mgr  Lair.encin,  archevêque  d'Anazarbe,  administrateur 
apostolique  de  la  Guadeloupe  ;  Antilles  Françaises.  Il  était  âgé  de 
67  ans. 

2°  Mgr  Le  Coq,  évêquede  Nantes  et  ancien  évêque  de  Luçon. 
Il  était  âgé  de  71  ans,  1  mois  et  quelques  jours. 

3°  MgrMcLaclan,  évêque  de  Galloway,  Ecosse. 

4°  Mgr  Pierre  S   L.  M.  de  Dreux-Brézé,  évêque  de  Moulins.  Il 
est  né  le  2  juin  1811.   Il  a  été  I'qii  des   plus  fermes  défenseurs  des 
doctrines  ultramontaines,  et  il  a  travaillé  avec  ardeur  à  l'établis 
sèment  de  la  liturgie  romaine  en  France.  A  l'académie   ecclésias- 
tique de  Rome  il  a  été  condisciple  du  pape  Léon  XIII. 

5^  Le  père  André  qui  a  joué  un  rôle  dans  la  rébellion  du  Nord- 
Ouest  en  188).  Il  était  le  confesseur  de  l'infortuné  Riel  qu'ii  assista 
sur  l'écbafaud.  Il  est  né  en  France  en  1833. 

6*^  Le  général  Benjamin  F.  Butler,  avocat  et  homme  d'état  amé- 
ricain. Il  est  né  dans  le  New  Hampshire,  à  Deerfîeld,  le  5  novem- 
bre 1818.  lia  été  tour  à  tour  démocrate  et  républicain,  et  c'est 
comme  démocrate  qu'il  fut  élu  Gouverneur  du  Massachusetts  en 
1882.  Il  a  servi  dans  la  guerre  de  sécession  et  sa  conduite  en  Loui- 
siane lui  a  valu  une  triste  réputation. 

7°  Rulherford  Birchard  Rayes,  avocat  et  homme  d'état  améri- 
cain. Il  est  né  àDtdaware,  Ohio,  le  4  octobre  1822.  Il  servit  avec 
distinction  dans  la  guerre  civile,  et  il  obtint  le  grade  de  Major 
Général.  Il  était  républicain  et  il  représenta  l'Ohio  au  Congrès. 
Il  fut  élu  trois  fois  gouverneur  de  cet  état  en  1867,  en  1869  et  en 
1875.  Les  élections  présidentielles  de  1S76  lui  furent  favorables, 
la  commission  électorale,  créée  par  une  loi  spéciale  pour  décider 
qui  serait  président,  lui  ayant  accordé  les  vo^es  douteux.  Il  eut 
ainsi  une  voix  de  plus  que  son  concurrent  démocrate,  M.  Tilden. 
M.  Hayes  a  été  président  des  Etats-Unis  depuis  le  4  mars  1877 
jusqu'au  4  mars  1881, 

8^^  James  Harrower,  ancien  député  de  Shoal-Lake  à  l'assemblée 
législative  du  Manitoba.  Il  était  libéral. 

9°  M.  P.  Ryan,  percepteur  des  douanes  et  ancien  député  fédéral 
de  Montréal-Centre. 

^\  Le  discours  du  trône  prononcé  à  l'ouverture  de  la  session 
de*lâ  législature  de  Québec,  le  12  du  courant,  annonce  que  la  situa- 
tion financière  s'est  notablement  améliorée.  11  annonce  de  plus 
des  projets  de  loi  concernant  les  régistrateurs,  l'agriculture,  la 
vente  des  liqueurs  enivrantes,  la  procédure  civile,  les  chemins  de 
fer,  etc.  Il  fait  allusion  au  système  actuel  de  taxation  mais  il 
n'indique  pas  quels  changements  y  seront  apportés. 

Alby. 


10  LE  PROPAGATEUR 


26  Janvier  1893 

*,*  Aujourd'hui  a  eu  lieu  à  Ottawa  l'ouverture  de  la  3^  session 
du  7e  Parlement  fédéral.  Le  discours  du  trône  constate  les  progrès 
du  pays  et  l'état  prospère  des  finances.  Il  fait  allusion  à  la  con- 
férence qui  a  eu  lieu  entre  le  Carada  et  Terreneuve  dans  le  but 
de  régler  amicalement  les  difficultés  qui  ont  surgi  depuis  quelques 
années  ;  à  la  nomination  d'une  commission  pour  établir  la  ligne- 
frontière  entre  la  Colombie  anglaise'et  l'Alaska;  au  canal  canadien 
du  Sault  Ste-Marie  qu'il  s'agit  de  terminer  bientôt  afin  d'éviter 
les  péages  du  canal  américain,  etc.  Parmi  les  mesures  annoncées 
se  trouvent  les  modifications  à  la  loi  électorale,  une  loi  relative  à 
la  preuve  et  une  autre  loi  relative  à  la  propriété  foncière  au  Nord- 
Ouest. 

*^*  La  législature  de  la  Nouvelle-Ecosse- est  en  session  depuis 
quelques  jours.  La  principale  mesure  de  la  session  concerne  les 
mines  de  charbon.  Elles  doivent  être  exploitées  par  un  syndicat 
américain. 

Alby. 


LES  CONSTITOTIONS  M  CONCILE  DU  VATICAN 


LA  CONSTITUTION   DEI  FILIUS 
DEUXIÈME  PARTIE 

Que  pouvons-nous  savoir  de  Dieu  à  la  lumière  de  la  raison  ? 

La  même  sainte  Eglise,  notre  Mère,  lient  et  enseigne  que  par  la  lumière  na- 
turelle de  la  raison  humaine,  Dieu,  principe  et  fin  de  toutes  choses,  peut  être 
connu  avec  certitude  au  moyen  des  choses  créées  ;  car,  depuis  la  création  du 
moniJe,  ses  invisibles  perfections  sont  vues  par  l'inlelligence  des  hommes  au 
moyen  des  êtres  qu'il  a  faits  (1). 

Anathème  à  qui  dirait  que  le  Dieu  unique  et  véritable,  notre  Créateur  et  Sei- 
gneur, ne  peut  èire  connu  avec  certitude  par  la  lumière  naturelle  de  la  raison 
humaine,  au  moyen  des  êtres  créés  ('2). 

Qu'est-ce  que  nous  pouvons  connaître  de  Dieu  avec  certitude  à 
la  lumière  naturelle  de  la  raison  ?  Notre  Constitution  l'a  déjà  in- 
sinué ffans  son  chapitre  premier.  Ce  chapitre  est,  en  effet,  consacré 
à  définir  contre  les  athées  et  les  panthéistes,  l'existence  et  les 
attributs  du  Dieu  créateur  de  toutes  choses,  dont  la  foi  suppose  la 

(1)  Eadem  sancta  mater  Ecclesia  tenet  et  docet,  Deum,  rerum  omnium  prin- 
cipium  et  finem,  naturali  humanae  rationis  lumine  e  rébus  creatis  certo  cognosci 
posse  ;  invitibdiî  enim  ifsius,  acreatura  raundi,  per  ea  qu»  facta  sunt,  inleliec- 
ter  conspiciuntur  (Gonst.  Dei  Filius,  cap.  2). 

(2)  Si  quis  dixeril,  Deum  unum  et  verum,  Greatorem  et  Dominum  nostrum, 
per  ea,  quae  facta  sunt,  naturali  rationaj  lumine  certo  cognosci  nos  posse  ;  ana- 
thema  sit  [Ibid.,  can.  i). 


LE  PROPAGATEUR  TU 


connaissance.  Or  cette  connaissance  de  Dieu  supposée  t>ar  la  foi 
est  celle  qui  ne  dépasse  point  la  lumière  de  notre  raison  ;  car  ily 
aurait  cercle  vicieux  à  exiger  comme  condition  de  la  foi,  une  con- 
naissance de  Dieu  que  la  foi  seule  peut  donner.  Donc  la  notion 
fort  complète  que  notre  premier  chapitre  nous  donne  de  Dieu  est 
celle  que  la  raison  de  l'homme  peut  comprendre  et  établir.  Mais 
le  concile  ne  s'en  est  point  tenu  à  cette  insinuation  :  au  commen- 
cement de  son  second  chapitre  il  a  indiqué  formellement  quoiqu'à 
grands  traits,  la  notion  de  Dieu  que  nous  pouvons  avoir,  à  la  lu- 
mière de  la  raison.  Il  a  résumé  cette  notion  en  deux  formules 
assez  diverses. 

Une  première  formule  se  trouve  dans  le  premier  chapitre  :  Dieu 
principe  et  fin  de  toutes  choses,  Deum  rerum  omnium  principiuvi  et 
finem.  Une  seconde  :  Le  Dieu  unique  et  véritable^  notre  Créateur  et 
Seigneur^  Deum  unum  et  verum,  Creator em  et  Dominum  nostrum,  se 
trouve  dans  le  canon. 

Nous  allons  d'abord  rapporter  les  explications  données,  au  nom 
de  la  Députation  de  la  foi,  sur  le  sens  et  la  portée  de  ces  formules  ; 
nous  verrons  ensuite  ce  qui  est  de  foi  catholique  et  ce  qui  est  seu- 
lement certain  au  sujet  de  la  notion  que  nous  pouvons  nous  faire  de 
Dieu  à  la  lumière  naturelle  de  la  raison  ;  nous  examinerons  enfin 
si  les  faits  et  l'expérience  s'accordent  sur  ce  point  avec  les  ensei- 
gnemeuts  de  l'Eglise  et  avec  nos  conclusions. 

I 

La  notion  de  Dieu  marquée  dans  le  chapitre  contient  deux  don- 
nées, savoir  que  Dieu  est  le  principe  et  la  fin  de  toutes  choses, 
rerum  omnium  principium  et  hnem.  Mais  ces  deux  données  en  ren- 
ferment un  grand  nombre  d'autres  qu'elles  supposent  logiquement. 
Or  le  concile  n'a  pas  entendu  exclure  ces  autres  données;  il  a 
entendu  au  contraire  les  faire  entrer  au  moins  implicitement  dans 
sa  courte  formule.  En  effet  un  des  Pères  ayant  demandé  qu'on 
insinuât  que  l'homme  peut  naturellement  connaître  non  seulement 
Dieu,  mais  encore  nos  devoirs  envers  lui  (1),  Mgr  Gasser  lui  ré- 
pondit, au  nom  de  la  Députation  de  la  foi  (2),  que  son  amende- 
ment paraissait  superflu,  parce  qn'ea  disant  que  l'homme  peut 
connaître  Dieu,  principe  et  fin  de  toutes  choses,  on  énonçait  en 
même  temps  qu'il  peut  comprendre  et  connaître  ses  principales 
obligations' morales,  aUendu  que  personne  ne  saurait  tendre  vers 
Dieu,  en  tant  qu'il  est  notre  fin  naturelle,  comme  auteur-  de  la 
nature,  sans  connaître  au  moins  nos  principaux  devoirs  envers  lui. 

La  notion  de  Dieu  marquée  dans  le  canon  est  exprimée  par  des 
termes  plus  nombreux.  Le  Dieu  que  la  raison  peut  connaître  y 
est  appelé,  en  effet,  le  Dieu  unique  et  véritable,  notre  Créateur  et  Sei- 
gneur^ Deum  unum  et  verum,  Creatorem  et  Dominum  nostrum.  Mais 
ii  ne  s'en  suit  pas  que  le  concile  ait  entendu  condamner  comme 

(1)  Acla  Concilii  Valicani,  Col.  121,  amendement  11. 

(2)  Acla  Concilii  Valicani.  col.  133. 


712  LE  PROPAGATEUR 


hérétiques,  ceux  qui  nierait  que  la  raison  puisse  démontrer  ce  que 
chacun  de  ces  termes  afQrme  de  Dieu.  En  effet,  une  noie  qui  ac- 
compagnait le  Schéma  de  la  députation  de  la  foi  a  déclaré  que 
telle  ne  devait  point  être  l'intention  des  pères  de  la  vénérable 
assemblée  en  ce  qui  regarde  le  terme  Créateur.  "  Quand  même, 
disait  cette  note  (1),  on  liraitle  mot  Créateur  dans  le  canon,  il  n'est 
pas  pour  cela  défini  que  la  création  proprement  dite  peut  être  dé- 
montrée par  la  raison  ;  on  a  simplement  retenu  le  terme  dont 
l'Ecriture  (2)  se  sert  pour  révéler  cette  vérité,  sans  rien  ajouter 
pour  en  déterminer  le  sens.  "  A  la  dernière  lecture  du  Schéma^ 
Mgr  Gasser  revint  sur  cette  observation  pour  la  réitérer  au  nom 
de  la  députation  de  la  foi  (3).  Déjà  à  l'avant  dernière  lecture,  il 
avait  invoqué  le  même  motif  pour  faire  rejeter  deux  amendements 
qui  demandaient  que  le  canon  ne  se  contentât  pas  d'appeler  Dieu 
Créateur,mais  qu'il  le  qualifiât  de  Créateur  de  toutes  choses  (4),com- 
me  le  chapitre  le  qualifiait  de  principe  et  de  fin  de  toutes  choses. 

Il  est  donc  incontestable  qu'en  donnant  à  Dieu  le  titre  de  Créateur, 
notre  canon  ne  définit  pas  que  la  raison  peut  démontrer  par  ses 
seules  lumières  que  Dieu  est  Créateur  et  qu'il  a  tiré  le  monde  du 
néant. 

Mais,  s'il  en  est  ainsi  pour  le  titre  de  Créateur,  il  en  est  de 
même,  à  ce  qu'il  nous  semble,  pour  les  autres  titres,  et  en  parti- 
culier pour  le  titre  de  Dieu  unique  que  le  même  canon  joint  à  celui 
de  Créateur.  Il  serait,  en  efîet,  fort  étrange  qu'en  définissant  que 
la  raison  peut  connaître  le  Dieu  unique  et  Créateur,  sans  faire 
aucune  distinction  entre  ces  deux  épithètes,  le  Concile  ait  entendu 
définir  qu'elle  peut  démontrer  que  Dieu  est  unique,  sans  entendre 
définir  qu'elle  peut  démontrer  qu'il  est  aussi  Créateur. 

Ces  titres  de  Dieu,  unique  et  véritable,  notre  Créateur  et  Sei- 
gneur, qui  se  retrouvent  tous  textuellement  ou  équivalamment 
au  chapitre  xni  de  la  Sagesse,  n'ont  donc  pas  été  introduits  dans 
notre  canon  pour  définir  ce  que  la  raison  peut  savoir  de  Dieu, 
mais  pour  marquer  à  la  suite  du  livre  de  la  Sagesse,  quelques-uns 
des  attributs  caractéristiques  du  vrai  Dieu  que  la  raison  peut  con- 
naître. 

Il   , 

Qu'est-ce  donc  que  notre  canon  définit  comme  de  foi  catholique 
au  sujet  de  la  notion  de  Dieu  que  la  raison  peut  nous  donner  ? 
Une  seule  chose,  à  ce  qu'il  semble.  C'est  que  le  Dieu  véritable 
peut  être  connu  avec  certitude  à  la  lumière  de  la  raison,  et  par 
conséquent  qu'à  cette  lumière,  il  nous  est  possible  de  nous  former 
de  lui  une  conception  vraie  et  de  nous  démontrer  son  existence. 

Le  chapitre,  en  efft^,  ne  définit  rien,  puisqu'il  expose  seulement, 
sans  en  faire  un  article  de  foi  catholique,  ce  que  l'Eglise  admet  et 

(1)  Acla  Concilii  Vatican',  col.  79. 

(2)  A  magniludine  enim  speciei  el  crealurae  cognoscibililer  polerit  creator 
horum  videri  (Sap.  xiii,  5). 

(3)  Acta  Concilii  Valicani,  col.  '24'3. 

(4)  Acla  Concilii  Valicani,  col.  149,  amende.nent  47  el  48. 


LE  PROPAGATEUR  713 


enseigne,  tenet  et  docet.  Quant  au  canon,  il  porte,  à  la  vérité,  une 
définition  de  foi  catholique  ;  mais  ce  qu'il  rend  de  foi  catholique, 
c'est  uniquement  ce  que  les  Pères  du  Concile  ont  eiitendi  définir  ; 
or,  nous  venons  de  le  voir,  il  n'ont  p^s  entendu  condamner  comme 
hérétique,  un  homme  qui  cont-'sterait  à  la  raison  le  pouvoir  de 
démontrer  avec  certitude  les  attributs  que  le  canon  énumère  ;  ils 
n'ont  condamné  que  les  hommes  qui  refuseraient  à  la  raison  des 
himières  suffisantes  pour  connaître  le  Dieu  véritable.  Notre  canon 
n'a  donc  pas  défini  comme  un  dogme  de  foi,  ainsi  que  semblait  le 
craindre  l'auteur  de  la  réserve  98(1)  que  nous  avons  rapportée 
dans  un  numéro  précédent,  il  n'a  donc  pas  défini  comme  un 
dogme  de  foi,  que  la  raison  naturelle  suffît  pour  connaître  avec 
une  certitude  absolue  :  1°  l'unité  de  Dieu  ;  2^  la  vraie  nature  de 
Dieu  ;  S**  le  mystère  de  la  création  proprement  dite  ou  ex  nihilo. 

Mais  si  notre  canon  n'a  fait  un  dogme  de  foi  catholique  que  de 
cette  seule  vérité,  le  commencement  du  chapitre  enseigne  comme 
une  doctrine  certaine  qu'à  la  lumière  de  la  raison.  Dieu  peut  être 
connu  comme  le  principe  et  comme  la  fin  de  toutes  choses.  Ce  sont 
donc  là  désormais  des  points  qui  sont  certains  théologiquement. 

Enfin  le  texte  de  ce  chapitre  donne  à  entendre  que  toutes  les 
vérités  que  suppose  nécessairement  cette  notion  de  principe  et  de 
fin  de  toutes  choses,  sont  accessibles  à  notre  raison  ;  car  il  est  im- 
possible de  connaître  avec  certitude  à  la  lumière  de  la  raison.  Dieu 
principe  et  fin  de  toutes  choses,  sans  connaître  dans  une  certaine 
mesure  les  vérités  supposées  nécessairemen  t  par  cette  notion.  Nous 
avons  vu,  en  effet,  qu'il  existe  une  différence  profonde  entre  con- 
naître une  vérité  à  la  lumière  de  la  révélation  et  la  connaître  à  la 
lumière  de  la  raison.  Celui  qui  connaît  un  point  de  doctrine  à  la 
lumière  de  la  révélation,  l'accepte  sur  l'autorité  de  Dieu,  sans  se 
rendre  compte  de  sa  vérité.  Celui  au  contraire  qui  connaît  un 
point  de  doctrine  avec  certitude  à  la  lumière  de  la  raison,  se  rend 
compte  de  sa  vérité  ;  car  connaître  à  la  lumière  de  la  raison,  c'est 
se  rendre  compte  qu'il  faut  qu'une  chose  soit  vraie.  La  certitude 
donnée  par  la  lumière  de  la  raison  implique,  par  conséquent,  la 
connaissance  certaine  non  seulement  de  la  vérité  en  question,  mais 
encore  de  toutes  les  vérités  nécessaires  pour  démontrer  ou  pour 
comprendre  la  vérité  en  question.  Ainsi  on  ne  saurait  connaître 
à  la  lumière  de  la  raison,  que  Dieu  est  la  fin  de  toutes  chose?,  sans 
avoir  en  même  temps  la  connaissance  de  l'obligation  où  l'on  est  de 
conformer  sa  conduite  à  cette  fin.  Nous  avons  dit,  au  commence- 
ment de  cetarticle,que  cette  observation  a  été  faite  en  congrégation 
générale  par  le  rapporteur  même  de  la  Députation  de  la  Foi.  On 
ne  saurait  guère  connaître  non  plus  que  Dieu  est  le  principe  de 
toutes  choses,  sans  admettre  en  même  temps  qu'il  est  le  créateur 
de  toutes  choses,  c'est-à  dire  qu'il  a  produit  toutes  choses  de  rien. 

Enfin,  puisque  la  lumière  naturelle  de  la  raison  nous  fait  dé- 
duire toutes  les  conséquences  logiques  qui  sont  renfermés  dans 
les  principes  dont  nous  voyons  l'évidence,  nous  avons  la  puissance 

(1)  Acta  Concilli  Vaticani,  col.  228,  229.  ; 


714  LE  PROPAGATEUR 


physique  (je  ne  dis  pas  la  puissance  morale)  de  déduire  de  ces 
principes  toutes  les  conséquences  qu'ils  renferment  logiquement. 
Du  moment  que  la  lumière  naturelle  de  la  raison  nous  peut  donner 
une  connaissance  certaine  de  Dieu  principe  et  fin  de  toutes  choses 
nous  avons  donc  la  possibilité  physique  d'arriver  par  la  même 
lumière  à  toutes  les  vérités  qui  découlent  logiquement  de  cette 
connaissance.  On  doit  incontestablement  ranger  parmi  ces  vérités 
toutes  celles  que  le  Concile  a  énumérées  dans  son  chapitre 
premier  sur  Dieu  créateur  de  toutes  choses  et  beaucoup  d'autres 
encore. 

Le  Concile  du  Vatican  n'a  point  déclaré  expressément  que  ces 
dernières  vérités  entrent  dans  la  notion  que  nous  pouvons  avoir 
de  Dieu  à  la  lumière  naturelle  de  la  raison;  nos  assertions  par 
rapport  à  ces  vérités  ne  sont  donc  pas  de  celles  qui  s'imposent  à 
l'assentiment  de  tous  les  catholiques  en  vertu  de  la  Constitution 
Dei  Filius  ;  mais  elles  sont  de  celles  qu'un  théologien  est  en  droit 
de  déduire  des  principes  définis  ou  affirmés  par  le  Concile. 

III 

Il  nous  reste  à  voir  si  la  doctrine  que  nous  venons  d'exposer  n'est 
point  en  contradiction  avec  l'expérience.  Un  Père  du  Concile,  dont 
nous  avons  rapporté  les  réserves,  faisait  cette  objection  :  ''  Aucun 
philosophe  n'a  connu  avec  une  absolue  certitude  et  sans  mélange 
d'erreurs  Dieu  principe  et  fin  de  toutes  choses  ;  or  la  raison  hu- 
maine est  dans  l'impuissance  non  seulement  morale,  mais  encore 
absolue,  de  faire  ce  que  n'ont  pu  les  plus  grands  philosophes  ; 
donc  elle  est  dans  l'impuissance  absolue  de  connaître  Dieu,  prin- 
cipe et  fin  de  toutes  choses  avec  une  pleine  certitude  (1).  " 

Mgr  Casser  résolut  cette  difficulté,  en  établissant  que  plusieurs 
philosophes  païens  ont  connu  que  Dieu  est  le  principe  et  la  fin  de 
toutes  choses  ;  mais  il  n'établit  pas  et  il  ne  pouvait  établir  que  les 
philosophes  ont  eu  de  Dieu  la  notion  complète  que  donne  le  pre- 
mier chapitre  de  la  Constitution  Dei  Filius.  Nous  avons  pourtant 
dit  que  cette  notion  ne  dépasse  pas  les  lumières  naturelles  de  notre 
raison.  En  efTet,  ce  principe  que  la  raison  humaine  n'a  pas  la  puis- 
sance physique  d'arriver  à  d'autres  vérités,  que  celles  qui  ont  été 
connues,  en  fait^  pai  les  grands  philosophes,  est  un  principe  faux. 
Mgr  Casser  le  fit  remarquer,  sans  s'arrêter  à  démontrer  son  asser- 
tion ;  mais  il  suffit  d'un  moment  de  réflexion  pour  comprendre 
que  ce  principe  est  absolument  inadmissible.  La  raison  humaine 
avait  certainement  la  puissance  naturelle  de  connaître,  par  exem- 
ple, les  lois  et  les  applications  de  l'électricité  que  l'on  a  découver- 
tes dans  notre  siècle.  Cependant  l'humanité  a  été  longtemps  avant 
de  les  soupçonner.  La  raison  humaine  a  la  puissance  physique  de 
connaître  bien  d'autres  vérités  que  notre  génération  ne  soupçonne 
pas  et  que  découvriront  les  générations  futures.    Pourquoi  donc 


(l)  Acla  Concilii  Valicani,  cA,  224  et  725.  Réserve  51. 


LE  PROPAGATEUR  715 


les  grands  philosophes  auraient-ils  connu  de  Dieu  tout  ce  que  la 
raison  en  peut  naturellement  connaître  ?  L'ignorance  et  les  erreurs 
de  ces  grands  génies  ne  suppose  en  aucune  manière  une  impuis- 
sance physique  de  la  raison. 

Mai?,  de  notre  côté,  pouvons-nous  montrer  que  Dieu,  tel  que  le 
décrit  le  nremier  chapitre  de  notre  Constitution,  peut  être  connu 
à  la  lumière  naturelle  de  la  raison  ?  Oui  et  très  facilement.  Con- 
naître à  la  lumière  de  la  raison,  c'est  en  effet  connaître  en  se  ren- 
dant compte  par  des  raisons  d'ordre  purement  naturel.  Or  aujour- 
d'hui, tous  les  philosophes  chrétiens  démontreat  par  des  raisons 
d'ordre  purement  naturel,  les  diverses  vérités  qui  entrent  dans  la 
notion  complète  de  Dieu  que  nous  avons  indiquée,  absolument 
comme  les  physiciens  démontrent  par  des  expériences  les  lois  de 
l'électricité  qui  ont  été  découvertes  de  notre  temps.  Cette  notion 
complète  de  Dieu  n'est  donc  pas  plus  au-dessus  des  lumières  de  la 
raison,  que  les  lois  de  l'électricité. 

Mais  dira-t-on,  la  raison  ne  pourrait  connaître  Dieu  aussi  par- 
faitement, si  elle  n'avait  été  éclairée  par  la  révélation.  Nous 
n'en  disconvenons  pas,  et  la  Constitution  Dei  Filius  nous  le  décla- 
rera bientôt  ;  mais  ce  besoin  de  la  révélation  ne  tient  pas  à  une 
impuissance  morale,  que  nous  expliquerons  en  son  temps. 

Une  dernière  observation.  Si  les  premiers  principes  qui  sont  évi- 
dents par  eux-mêmes  obtiennent  nécessairement  l'adhésion  de 
ceux  qui  y  pensent,  et  si  aucun  homme  ne  peut  sérieusement  en 
douter,  il  n'en  est  pas  de  même  des  vérités  que  la  raison  déduit  de 
ces  principes.  Plus  ces  vérités  sont  complexes,  plus  elles  se  tirent 
de  considérations  multiples,  plus  il  est  facile  de  les  ignorer  ou  d'en 
douter.  Or  l'existence  de  Dieu  n'est  pas  un  premier  principe  évi- 
dent par  lui-même  ;  c'est,  nous  l'avons  vu,  le  résultat  d'une  dé- 
monstration. Quant  à  la  notion  complète  de  Dieu  que  les  chrétiens 
admettent,  elle  ne  peut  s'établir  à  la  lumière  de  la  raison  que  par 
des  considérations  multiples  et  délicates.  Quoique  cette  notion 
complète  ne  dépasse  point  la  portée  de  la  raison,  il  n'est  donc  pas 
étonnant  qu'un  très  grand  nombre  d'hommes  n'en  saisissent  point 
la  vérité. 

L'existence  de  Dieu  connu  dans  l'un  ou  l'autre  de  ses  attributs 
est  au  contraire  très  facile  à  démontrer.  Aussi  le  sentiment  de  la 
plupart  des  théologiens  est-il  qu'aucun  homme,  en  pleine  possession 
de  sa  raison,  n'ignore  Dieu  complètement  et  invinciblement,  et 
que  tous  les  peuples  ont  cru  à  la  divinité. 

J.  M.  A.  Vacant, 

Professeur  au  Grand  Séminaire  de  Naney, 


Saint  Joseph,  patron  de  la  bonne  mort,  ou  nouveau  mois  de  Mars 
pour  obtenir  la  persévérance  finale,  suivi  de  pieux  exercices  pour  la  retraite  du 
mois  et  la  préparation  à  la  raort,  avec  un  choix  de  prières  et  d'exemples,  par  le 
R.  P.  Hugutl.    7ème  édition,     l  vol.  in-18 40  cts. 


DE  LA  TENTATION 


Les  occasions  dangereuses  sont  une  des  plus  abondantes  sources 
de  péché  ;  mais  ceux  qui  les  évitent  avec  soin  ne  sont  pas  pour  cela 
à  l'abri  de  tout  péril.  La  vie  de  l'homme  est  un  combat.  Tant  que 
nous  sommes  sur  cette  terre,  notre  âme  est  pareille  à  une  barque 
lancée  sur  une  mer  orageuse. 

Pour  elle  les  vents  succèdent  aux  vents,  et  le  calme  qui  suit  la 
tempête  annonce  une  tempête  nouvelle,  jusqu'à  ce  que  s'ouvre 
enfin  devant  nous  le  port  tranquille  de  l'éternité.  Tantôt,  du 
soufQft  de  sa  fureur,  le  démon  soulève  contre  nous  les  flots  de  la 
tentation  ;  tantôt  les  accents  perfides  du  monde  cherchent  à  nous 
enchanter,  pour  nous  précipiter  dans  le  gouffre,  vers  lequel  nous 
entraine  déjà  le  poids  de  la  nature  perverse. 

Du  reste,  les  passions  qu'uiK?  âme  généreuse  cherche  à  réprimer, 
sont  pareilles  à  des  animaux  féroces-,  qui  s'irritent  contre  les  bar- 
rières dont  on  les  environne.  Un  moment  las  ou  assoupis,  nos 
ennemis  ne  sont  point  pour  cela  vaincus  ;  bientôt  ils  redresseront 
la  tête  avec  plus  d'audace,  et  engageront  avec  plus  de  rage  une 
nouvelle  lutte,  semblables  à  un  lion  qui  trouve  dans  sa  blessure 
une  nouvelle  fureur.  Ne  nous  étonnons  point  des  assauts  que  nous 
aurons  à  soutenir  ;  le  Seigneur  multiplie  nos  combats,  afin  de 
multiplier  nos  mérites.  Dans  sa  juste  sagesse,  il  ne  prépare  la  cou- 
ronne qu'à  ceux  qui  auront  légitimement  combattu.  "  Point  de 
triomphe  sans  victoire,  dit  saint  Augustin  ;  point  de  victoire  sans 
combat  ;  et  point  de  combat  sans  ennemis."  La  tentation  est  le 
creuset  qui  purifie  les  âmes.  C'est  sur  le  champ  de  bataille  que 
s'aguerrit  le  soldat.  En  face  de  l'ennemi,  il  est  toujours  sur  ses 
gardes.  Les  tentations  fortifient  l'homme  ;  elle  lui  imposent  l'obli- 
gation de  veiller  sans  cesse  sur  lui-même  et  de  recourir  à  Dieu  par 
une  continuelle  prière.  Quand  approche  l'heure  du  combat,  une 
âme  généreuse,  loin  de  s'efîiayer,  se  réjouit  du  triomphe  qu'on 
lui  prépare.  N'est-elle  pas  sûre,  du  reste,  de  l'assistance  divine 
promise  à  tous  reux  qui  la  réclamint,  et  quand  Dieu  est  pour  nous 
qui  sera  contre  nous  ? 

Toutefois,  la  bonté  du  Seigneur  qui  nous  assiste  au  moment 
même  où  il  semble  nous  abandonner,  ne  doit  point  nous  faire 
présumer  de  nos  forces  ni  ralentir  notre  vigilance.  Redisons-le 
encore  :  Dieu  laisse  livrés  à  leur  faiblesse  ceux  qui  sans  nécessité 
restent  engagés  dans  des  occasions  de  chutes.  Peut-on  saisir  des 
tiso7is  que  dévore  la  flamme,  sans  voir  ses  vêtements  consumés^  dit 
l'Esprit  Saint  :  et  peut-on  marcher  sur  des  charbons  ardents  sans 
ressentir  leurs  brûlantes  atteintes  ? 

Donc,  si  nous  voulons  triompher  dans  la  lutte,  il  importe  avant 


LE  PROPAGATEUR  717 


tout  de  nous  soustraire  au  péril,  eu  évitant  les  occasions  dange- 
reuses, dont  nous  avons  traité  plus  haut,  chapitre  xxv. 

Il  est  encore  d'autres  armes,  dont  les  saints  nous  ont  appris  à 
faire  usage  dans  la  lutte  contre  les  ennemis  du  salut.  Lh  grand 
athlète  saint  Jérôme,  s'était  arraché  aux  séductions  de  Rome  et 
avait  fui  loin  du  monde  et  de  ses  dangers.  Au  sein  du  désert,  il  se 
trouvait  encore  en  face  du  démon  et  de  sa  propre  nature,  qui 
livrait  à  son  âme  généreuse  les  plus  rudes  assauts.  Jérôme  alors, 
sans  perdre  courage,  cherchait  à  triompher  par  l'abstinence,  le 
jeûne  et  les  austérités  corporelles.  En  effet,  selon  la  remarque  de 
saint  François  de  Sales,  le  démon,  voyant  qu'on  bat  la  chair,  son 
alliée,  craint  et  s'enfuit.  A  la  pénitence,  Jérôme  unissait  la  prière. 
Tantôt  se  frappant  la  poitrine,  il  s'imaginait  entendre  le  son  de  la 
trompette  dernière,  qui  fera  retentir  par  tout  l'univers  cette  terri- 
ble parole  :  Morts^  levez-vous  ;  venez  au  jugement  !  Tantôt  il  se 
jetait  aux  pieds  de  Jésus  en  croix  et  les  arrosait  de  ses  larmes. 

Il  est  écrit  en  eflet  :  Souvenez-vous  de  vos  fins  dernières  et  jamais 
vous  ne  pécherez  ;  demandez  et  vous  recevrez;  cherchez  et  vous  trou- 
verez^ frappez  et  il  vous  sera  ouvert. 

Un  signe  de  croix  suffit  souvent  pour  mettre  le  démon  en  fuite  ; 
c'est  ce  que  disait  saint  Antoine  à  ses  disciples,  et  c'est  aussi  ce 
qu'écrivait  saint  Jérôme  à  la  vierge  Démétriade.  Une  injure  lancée 
à  la  face  du  démon  qui,  étant  tout  orgueil,  craint  fort  d'être  hu- 
milié, le  fait  reculer  de  honte.  Va-t-en  en  arrière,  Satan,  lui  dit-on, 
ne  viens  pas  me  conseiller  le  mal  !  Ce  que  tu  m'offres  est  coupable, 
bois  toi-même  tes  poisons,  ou  va  offrir  à  d'autres  ces  abominations  ; 
il  y  en  a  assez  qui  les  aiment  ;  pour  moi,  j'en  ai  horreur. 

Saint  Léonard  conseille  l'usage  fréquent  de  cette  invocation  : 
Mon  Jésus^  miséricorde.  D'autres  recommandent  celles  des  saints 
noms  de  Jésus,  Marie.,  Joseph  ;  d'autres,  veulent  qu'on  dise  :  0  Marie, 
conçue  sans  péché,  priez  pour  nous,  qui  avons  recours  à  vous.  Il  est 
impossible,  en  effet,  que  le  nom  de  Marie  soit  sur  nos  lèvres  et 
dans  nos  cœurs  en  même  temps  que  le  péché. 

Marie  Egyptienne,  après  sa  conversion,  fut  en  proie  aux  plus 
violents  assauts,  pendant  autant  de  temps  qu'avait  duré  sa  vie  cri- 
minelle, c'est-à  dire  pendant  dix  sept  ans.  Quand  elle  se  sentait 
à  bout  de  forces,  elle  se  prosternait  devant  la  divine  vierge,  la 
priant  avec  ferveur  de  l'assister  et  elle  ne  se  relevait  point  qu'elle 
n'eût  été  consolée  et  fortifiée  par  sa  maternelle  protection. 

Il  est  important  aussi  de  ne  pas  s'arrêter  seul  dans  les  endroits 
où  l'on  es-t  tenté,  de  ne  pas  rester  oisif  en  face  de  soi-même,  quand 
on  est  exposé  à  la  chute.  Un  travail  utile,  entrepris  promptement, 
une  conversation  agréable,  une  distraction  sont,  dans  certaines 
oirconstances,  un  moyen  efficace  de  triompher  du  démon. 

Il  importe  aussi  de  ne  pas  trop  craindre  certaines  pensées  im- 
portunes et  involontaires  ;  jamais  soldat  peureux  ne  remporta  la 
victoire.  Il  faut  donc  les  mépriser,  s'élever  au-dessus  d'elles  par 
la  confiance  en  Dieu,  ne  leur  donnant  jamais  le  temps  de  s'implan- 
ter dans  notre  imagination.  C'est  dès  qu'elles  apparaissent,  qu'il 
faut  les  combattre,  au  moins  par  la  diversion  et  le  mépris  ;  sans 


718  LE  PROPAGATEUR 


cela,  elles  prennent  empire  sur  l'âme,  et  le  combat  devient  plus 
opiniâtre  et  plus  chanceux. 

Il  est  bon  aussi  de  se  munir  d'eau  bénite  et  d'en  asperger  sa 
couche,  avant  d'aller  prendre  son  repos.  Un  chrétien  doit  toujours 
porter  sur  soi  quelque  objet  bénit,  comme  un  scapulaire,  une  mé- 
daille et  surtout  un  crucifix.  La  nuit,  durant  les  insomnies,  sur- 
tout si  on  est  tenté,  on  tient  à  deux  mains  ces  objets  sacrés,  on  les 
colle  avec  amour  sur  ses  lèvres,  et  on  invoque  les  saints  noms  de 
Jésus  et  à-i  Marie  jusqu'à  ce  que  le  sommeil  repose  l'âme  et  le 
corps  fatigués  de  la  lutle. 

Heureux  ceux  qui  triomphent,  ils  seront  couronnés.  Si  la  vie  est 
un  combat,  la  palme  nous  attend  au  ciel. 

Défions-nous  du  démon  qui  nous  souffle  à  l'oreille  de  faire  le 
Tnal,  mais  une  seule  fois.  L'histoire  rapporte  qu'une  reine  d'Assy- 
rie, Sémiramis,  obtint  de  son  mari  de  régner  à  sa  place,  seulement 
un  jour.  A  quoi  employa  t-elle  ce  jour  de  royauté  ?  Elle  ôte  au 
monarque  complaisant  son  diadème,  toutes  les  marques  de  la  di- 
gnité royale  ;  et,  comme  il  ne  s'en  défendait  pas,  pensant  que  la 
conduite  de  sa  femme  n'était  qu'un  jeu,  il  lui  livre  lui-même  son 
épée.  La  reine  alors  fait  trancher  la  tête  à  son  mari  et  lui  enlève 
la  vie  en  même  temps  que  la  couronne.  C'est  l'histoire  d'une 
mauvaise  passion,  d'une  habitude  vicieuse  à  laquelle  on  se  livre 
un  jour,  espérant  s'en  affranchir  plus  tard.  Malheur  à  qui  dit  :  Je 
ne  retomberai  qu'uue  fois. 

Toutefois  l'homme  est  sujet  à  faillir  ;  si  nous  tombons,  point  de 
découragement.  Le  maréchal  Desaix  disait  à  Marengo  :  '•  La  ba- 
taille est  perdue  ;  il  reste  du  temps  pour  en  gagner  une  autre  à  la 
fin  du  jour."  L'âme  qui  s'est  laissée  vaincre  parle  démon  peut 
tenir  le  même  langage.  Relevons-nous  aussitôt  après  une  chute, 
et  recommençons  la  lutte  avec  un  courage  plus  grand  encore. 

Extrait  d^  liC  I^ivre  de  Tous,  par  l'abbé  J.  Berthier,  M.  S.  Fort 
volume  in-12 Prix  :  40  cls 


L'Auréole  de  Saint  Joseph  ou  recueil  des  plus  beaux  panégyriqu'^s  en 
son  honneur,  précéilé  de  trente  et  uae  considérations,  pour  le  mois  de  Mars, 
avec  des  notes  et  des  exemples,  par  le  H.  P..  Haguet.     1  fort  vol.  in-12 90  cts. 

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de  chaque  mois  ua  trait  de  la  puissance  et  de  la  bonté  de  a  grand  patriarche, 
par  le  R.  P.  Huguel.     I  vol.  ia-12 63  cts. 

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pour  honorer  Saint  Joseph,  pjndant  le  mois  de  Mars  et  à  chacune  de  ses  fêtes, 
par  le  R  P.  Haguet.     1  vji.  in-18 40  cts. 

Les  gloires  de  Saint  Joseph,  nouveaux  exercices,  méditations,  pratiques 
et  prières  pour  chaque  jour  du  mois  ae  Mars,  par  M.  l'abbé  Boissin.  l  volume 
in-18 40  cls. 

Mois  de  Saint  Joseph  ou  Méditations  pratiques,  pour  chaque  jour  du  mois, 
par  M.  l'abbé  Berlioux.     ISôme  édition'     1vol.  in-18 35  cts. 


PARTIE    LEGALE,., 

Rédacteur  ;  A  L.  B  Y 


ENTREPRENEURS—RESPONSABILITE— ACCEPTATION 
DES  TRAVAUX. 

Question. — Lorsqu'une  maison  a  été  donnée  à  l'entreprise  et 
qu'il  y  a  déviation  dans  les  plans  au  vu  et  au  su  du  propriétaire, 
que  cette  déviation  n'affecte  pas  la  solidité  de  l'édifice  et  que  le 
propriétaire  reçoit  les  travaux,  et  paye  sans  protestation,  l'entre- 
preneur est-il  libéré  de  la  garantie  et  le  propriétaire  est-il  déchu 
du  droit  de  demander  des  dommages-intérêts  ? 

Un  Propriétaire. 

Réponse. — Dans  ce  cas  le  propriétaire  perd  son  recours  en  dom- 
mages quoique  les  déviations  puissent  nuire  à  l'apparence  de 
l'édifice  : 

Le  principe  3St  universellement  admis  que  racceplalion  libère  l'entrepreneur 
de  toute  obligation  relativement  à  l'ouvrage  qu'il  a  exécuté,  à  moins  que  cet 
ouvrage  ne  soit  affecté  d"un  vice  qui  puisse  en'ameuer  la  perle  totale  ou  partielle. 
(I  Pélissier,  Traité  de  la  Responsabilité  des  Archittcles  et  des  Entrepreneurs, 
page  71). 

La  cour  supérieure  à  Montréal,  Davidson,  juge,  a  rendu  le  17 
Décembre  1889  un  jugement  important  concernant  la  responsabi- 
lité des  architectes  et  des  entrepreneurs.  Il  adopte  entièrement 
l'opinion  donnée  ici.  Voici  l'article,  que  les  journaux  ont  publié 
dans  le  temps  sur  cette  décision.  Je  l'emprunte  à  la  Presse  du 
30  Décembre  1889. 

JUGEMENT  IMPORTANT. 

L'honorable  juge  Davidson  vient  de  rendre,  en  Cour  Supérieure,  un  jtjgement 
très  important  pour  les  propriétaires,  les  entrepreneurs  et  les  architectes,  dans 
une  cause  où  M.  Hypolite  Goné,  bourgeois  de  cette  cité  était  demandeur  contre 
MM.  Gilbert  Migneron  et  J.  B.  Canlin,  entrepreneurs-maçons. 

M.  Goné.  par  le  ministère  de  ses  avocats,  MM.  Girouârd,  de  Lorimier  et  de 
Lorimier,  poursuivait  les  entrepreneurs  Migneron  et  Cantin  pour  le  recouvrement 
de  §200  de  dommages  que  ces  derniers  lui  auraient  causés,  en  ne  se  conformant 
pas  aux  plans  et  devis  soumis  par  les  architectes  du  demandeur  dans  la  cons- 
truction de  quatre  cottages  que  le  demandeur  faisait  construire  l'an  dernier  sur 
l'avenue  Laval. 

Les  défendeurs  Migneron  et  Cantin  avaient  passé  avec  le  demandeur  un  con- 
trat pour  l'exécution  de  tous  les  travaux  en  maçonnerie  nécessaires  à  ces 
maisons,  suivant  plans  et  devis. 

Le  demandeur,  par  son  action,  se  plaignait  que  les  défendeurs  ont  construit 
ces  maisons  d'une  manière  toute  contraire  aux  plans  et  devis,  que  l^^s  ouvertures 
des  fenêtres  et  des  portes  ont  été  mal  placées,  di  manière  à  détruire  complète- 
ment la  symétrie  extérieure  et  intérieure  des  dites  maisons  et  à  causer  une 
grande  dépréciation  dans  la  valeur  de  ces  propriétés. 


71.0  LE  PROPAGATEUR 


Les  défendeurs,  par  le  minislère  de  leur  avocat,  M.  J.  H.  Migneron,  ont  plaidé 
qu'il  y  avait  de  fait,  une  déviation  des  murs  de  refend  qui  n'étaient  pas  à  la  place 
qui  leur  était  assignée  d'après  les  plans  et  devis,  en  sorte  que  les  coupe-feu 
louchent  trop,  plus  ou  moins,  aux  fenêtres  ;  mais  que  ce  défaut  n'affecte  aucu- 
nement la  solidité  des  travaux  ;  que  le  demandeur  a  eu  connaissance  de  ces  dé- 
viations des  murs  de  refend  dès  le  début  des  travaux  ;  qu'il  a  fait  poser  sur 
chaque  mur  de  refend  en  i  ierre  un  mur  de  refend  en  brique  par  un  poseur  de 
brique  avec  lequel  il  avait  un  contrat  spécial  ;  qu'il  n'a  jamais  protesté  les  dé- 
fendeurs ;  mais,  au  contraire,  qu'il  a  pris  possession  des  maisons,  les  travaux 
finis,  et  qu'il  les  a  louées  en  mai  1888.  Tous  ces  faits  ont  été  prouvés  à  l'enquôte. 

Les  défendeurs  allèguent  aussi  que  le  demandeur  Goné  avait  par  là,  abandonné 
tout  recours  qu'il  pouvait  ainsi  avoir  contre  eux  ;  que  Tinlérêt  public  n'est  pas 
enjeu  relativement  à  ces  déviations,  vu  que  la  solidité  n'en  souffre  pas  ;  que  le 
demandeur,  étant  le  seul  intéressé  à  se  plaindre,  avait  bien  le  droit  de  renoncer 
tacitement  ou  expressément  à  son  recours  contre  les  défendeurs,  malgré  la  ri- 
gueur des  articles  1688  et  2259  de  notre  code  civil  qui  dérogent  au  droit  commun 
et  qui  ne  déchargent  les  entrepremeurs  et  les  architectes  de  toute  garantie  qu'a- 
près un  laps  de  dix  ans  ;  que  le  demandeur  avait  renoncé  à  ce  recours  en  ne 
protestant  pas  les  défendeurs  quand  il  a  eu  connaissance  de  ces  déviations,  en 
faisant  poser  la  brique  sur  les  murs  de  refend  en  pierre  quand  il  savait  qu'il  y 
avait  déviation,  en  laissant  continuer  et  parfaire  les  travaux,  et  en  prenant  pos- 
session des  dites  maisons  lorsqu'elles  furent  finies. 

Ces  prétentions  légales  des  défendeurs  ont  été  maintenues  par  la  cour  qui  a 
déclare  mal  fondée  et  a  renvoyé  l'action  du  demandeur  avec  dépens. 

Comme  on  peut  le  voir  par  cette  décision  la  cour  supérieure  a 
jugé: 

Que  l'on  peut,  par  des  conventions  particulières,  déroger  en  certains  cas  aux 
articles  1688  et  2259  du  code  civil,  et  que  le  propriétaire  qiii  fait  bâtir  peut  dé- 
gager l'entr'-preneur  de  sa  responsabilité  lorsque  la  solidité  de  la  bâtibse  n'est 
pas  compromise. 

Ceux  qui  administrent  pour  autrui.  V.  G.  les  tuteurs,  les  cura- 
teurs, les  syndics  a'église  et  autres,  n'ont  pas  le  droit  de  faire  de 
semblables  conventions  au  nom  de  leurs  administrés. 


REFUS  DE  SACREMENTS 

Monsieur  le  curé  des  Aubiers  département  des  Deux  Sèvres, 
France,  ayant  refusé,  pour  des  raisons  dont  il  est  seul  juge,  d'ad- 
mettre deux  petites  filles  à  faire  leur  première  communion,  fut 
déféré  au  conseil  d'Etat,  institution  purement  administrative  et 
non  judiciaire.  Le  conseil  d'Etal  condamna  injustement  le  curé 
comme  d'abus.  Cette  condamnation  eut  lieu  sans  enquête  préalable, 
sans  débats  contradictoires  et  sans  même  avoir  donné  au  curé 
connaissance  du  dossier  de  la  cause. 

Munis  de  celte  déclaration  indispensable,  les  parents  des  deux 
petites  filles  intentèrent  des  poursuites  en  dommages  intérêts 
contre  le  curé,  levant  le  tribunal  de  Bressuire. 

Ce  dernier  imita  la  procédure  uijuste  du  conseil  d'Etat  et,  sans 
enquête,  condamna  le  curé  aux  dommages-intérêts. 

Toute  cette  procédure  du  Conseil  d'Etat  et  du  tribunal  de  Bres- 
suire n'est  qu'une  indigne  et  infâme  parodie  de  la  justice.  C'est 
un  acte  de  plus  à  ajouter  aux  persécutions  dirigées  contre  l'église. 


LE  PROPAGATEUR  721 


Voici  le  texte  de  cette  décision  deshonorante  pour  ceux  qui 
l'ont  rendue. 

Le  tribunal, 

Attendu  qxie  la  juridiction  compétente  a  régulièrement  reconnu  et  constaté 
que  l'abbé  Robineau  a  commis  un  abus  en  refusant  d'administrer  la  première 
communion  à  Baplisline  Herisset  et  Constance  Soulard  (décret  du  7  janvier  1892); 

Qu'aux  termes  de  ce  décret,  ce  refus,  dans  les  circonstances,  constitue  un  pro- 
cédé qui  a  dégénéré  en  un  scandale  public  ; 

Qu'il  résulte  de  cette  constatation  que  l'abbé  Robineau  a  commis  une  faute  et 
que  le  tribunal  peut  en  apprécier  la  gravité  sans  enquête  ; 

Que  cette  faute  a  causé  à  Herisset  et  à  Soulard  un  préjudice  moral  et  matériel 
évident  ; 

Qu'il  suffit  de  rappeler,  d'une  part,  que  le  refus  abusif  de  l'abbé  Robineau 
s'est  produit  le  jour  à  l'église  à  la  première  communion  devant  un  public  nom- 
breux qui  attache  une  grande  importance  au\  pratiques  religieuses  ;  J 

Que  d'autre  part,  les  enfants,  faute  de  n'avoir  pas  fait  leur  première  commu- 
nion, n'ont  pu  être  gagés  et  sont  restés  à  la  charge  de  leurs  parents  toute  l'année  ; 

Que  le  tribunal  a,  dès  à  présent,  les  éléments  nécessaires  pour  fixer,  etc. 

Condamne  l'abbé  Robineau  à  payer  la  somme  de  250  francs  de  dommages  et 
intérêts  à  Herisset  et  Soulard,  chacun. 

Le  condamne  aux  dépens. 

"  Il  est  superflu,  dit  rf//îiuer^,  de  faire  ressortir  l'énormité  de  la  thèse  contenue 
"  dans  ce  jugement  qui,  comme  on  le  voit,  n'irait  à  rien  moins  qu'à  enlever  aux 
"  prêtres,  pour  le  transporter  aux  magistrats,  le  droit  d'apprécier  si  les  fidèles 
"  sont  ou  non  dans  les  conditions  requises  pour  recevoir  les  sacrements.  " 

Le  7  janvier  courant,  la  cour  supérieure,  à  Montréal,  Tellier, 
.juge, 

Re  :     Davignon,    vs    L'abbé  Lesage. 

A  JUGÉ  :  Que  les  tribunaux  civils  n'ont  pas  juridiction  en  matière  de  sacre- 
ments et  que,  par  conséquent,  ils  ne  peuvent  pas  forcer  un  curé  à  les  administrer. 

Dans  cette  cause  le  demandeur,  paroissien  de  Ghambly,  se 
plaignait  de  son  curé,  prétendant  qu'il  avait  refusé  de  baptiser 
son  enfant,  et  il  lui  réclamait  des  dommages-intérêts. 

Cette  cause  va  être  portée  en  appel,  le  demandeur  espérant, 
sans  doute,  que  le  tribunal  supérieur  adoptera  la  doctrine  des 
anciens  parlements  de  France  et  qu'il  rendra  une  décision  sem- 
blable à  celle  du  tribunal  de  Bressuire. 


Mois  de  Mars  des  âmes  pieuses,  consacré  au  glorieux  Saint  Joseph, 
suivi  de  neuvaines  et  prières,  de  l'oflice  de  Saint  Joseph  et  de  la  dévotion  à  la 
sainte  Famille,  par  M.  J.  D.     In-18 15  cts. 

Petit  Mois  de  Saint  Joseph,  par  l'auteur  des  paillettes  d'or.  In-64. 
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Joseph  le  plus  aimé  et  le  plus  aimant  des  homme?,  par  le  R.  P.  Corel,  de 
la  compagnie  de  Jésus.     Gros  in-32 30  cts. 

Becueil  de  prières  el  de  pieuses  pratiques  en  l'honneur  de  Saint  Joseph, 

A.  M.  D.  G.     In-18  ^ 15  cts. 

46 


Encyclopédie  universelle  des  Lettres,  des  Sciences  et  des  Arts 

RÉDIGÉ    PAR   LES   SAVANTS,    LES    SPÉCIALISTES 

ET   LES   VULGARISATEURS    CONTEMPORAINS    LES   PLUS   AUTORISÉS 

SOUS  la    (linction  de 

Mgr    Paul    G  UE  R  I  N, 

Camérier  de  Sa  Sainlelé  Léon  XIII. 


AgticuUure.  — >  Archéologie.  —  Astronomie.  —  Administration. 

—  Armée  et  marine.  —  Arts  et  métiers.  —  Beaux-arts.  —  Biblio- 
graphie. —  Biographie.  —  Économie  po/itiqtœ.  —  Géographie. — 
Histoire.  —  Histoire  naturelle.  —  Langue  française.  —  Législa- 
tion. —  Littérature.  —  Mathématiques  pures  et  appliquées.  — 
Médecine.  —  Mythologie.  —  Philosophie.  —  Physique  et  chimie. 

—  Théologie.  —  Travaux  publics,  etc. 

Six  beaux  volumes  grand   in-4°,  à  3  colonnes  :  environ   quatre- 
vingt  MILLIONS  DE  LETTRES,  c'cst-à-dire  la 
contenancî   de  80  volumes  in-S**,  ordinaires. 

Prix  brochés  $30.00,  reliés  $38.00,  reliure  de  choix  $40. 

Caditux  k  Dero^ie,  seuls  agents  po  ir  le  Canada  et  les  Etats-Unis. 


Voici  enfin  réalisé  le  vœu  souvent  émis  dans  les  congrès  catholiques.  Un 
journal  l'annonce  en  ces  termes  :  "Vient  de  paraître  :  DICTIONNAIRE 
"  DES  DICTIONNAIRES,  Encyclopédie  universelle  des  Lettres, 
"  des  Sciences  et  des  Arts,  sous  la  direciion  de  Mgr  Paul  Gdérin.  camérier 
"  de  Sa  Sainteté.  Celte  œuvre  capitale,  haut'ïmenl  approuvée,  va  enfin  permettre 
"  aux  catholiques  de  puiser  leurs  renseign^men's  à  d'autres  sources  que  elles 
•'  que  leur  fournit  la  libre-peo'iée..." 


1.E  PROPAGATEUR  723 


Eq  effet,  la  plupart  des  dictionaairr^s  et  encyclopéJies  de  nos  jours  sont  plus 
ou  moins  empreints  de  l'esprit  anticatholique,  répandent  dans  les  familles  des 
erreurs  pernicieuses  et  Causs-^nt  l'esprit  de  la  jeunesse.  Il  s'agissait  de  remplacer, 
de  détrôner  ces  ouvrages  dangereux  sous  le  rapport  de  la  foi.  Nous  obtenons  ce 
résultai  en  publiant  le  Dictioiiiaire  lexicographique  et  encyclopédique  le  plus 
com|ilel,  le  plus  exact,  le  plus  au  courant  «le  la  science,  conçu  dans  l'esprit  ca- 
tholique et  marqué  au  co'n  de  la  sincérité.  Le  Moniteur  de  Rome  (si  bien  placé 
pour  juger  une  pareille  publication),  a  signalé  et  recommandé  chaleureusement 
cette  œuvre,  comme  devant  être  encouragée  et  propagée  par  le  clergé,  les  catho- 
liques el  les  conservateurs  de  tous  les  partis,  et  lui  a  prédit  un  brillant  succès, 
qui  s'annonce  et  s'accentue  en  réalité  chaque  jour. 

Cette  remarquable  publication  est  accueillie  dans  le  mon  le  entier,  comme  une 
chose  universellement  attendue,  comme  la  réalisation  du  rêve  de  tous  les  catho- 
liques. Ce  succès  s'explique,  si  l'on  considère  que  par  l'étendue  des  matières, 
par  la  nouveauté  des  renseignements,  par  la  forme  qui  leur  a  él  donnée,  par  la 
correction  du  texte  Le  Dictionnaire  dts  Dictionnaires  est  l'équivalent  d'une  bi- 
bliolhèque  complète  :  c'est  la  somme  des  connaissances  humaines,  à  la  veille  de 
vingtième  siècle. 

II  y  dans  ce  v.iste  recueil  environ  QUATRE  VINGT  MILLIONS  DE 
LETTRES,  c'est-à-dire  la  contenu  de  80  vol.  in-8°  ordinaires.  11  est  très  complet, 
très  exact,  très  riche  pour  la  langue  {lexicographie).  Cette  panie,  traitée  avec 
autant  de  méthode  que  d'érudition  par  M.  Godefroy  (grand  prix  Gobert  1883), 
constitue  un  des  monuments  les  plus  précieux  pour  l'histoire  de  notre  langue. 
La  partie  encyclopédique  ne  laisse,  non  plus,  rien  à  désirer  :  chaque  science  y  est 
traitée  avec  autant  de  compétence  ei  de  précision  que  dans  les  lirres  spéciaux, 
et  avec  plus  de  sincérité,  d'impartialité  que  dans  beaucoup  d'autres  recueils  en- 
cyclopédiques. Chaque  article  est  mis  à  point,  à  jour  ;  ainsi  les  biographies  des 
contemporains  sont  conduites  jusqu'à  1891-189-2. 

Nous  ne  pouvons  donner  une  meilleure  garantie  d  ;  l'exécution  typographique 
qu'en  disant  qu'elle  se  fait  avec  des  caractères  neuf?,  fonte  spéciale  (deux  cent 
trente  mille  francs),  et  qu'elle  a  été  confiée  au  maître  imprimeur  Motteroz. 

Aujourd'hui,  cette  œuvre  capitale  a  atteint  son  couronnement.  Les  six  volumes 
dont  elle  se  compose  ont  paru.  Avant  très  peu  de  temps  toutes  les  familles  possé- 
deront celte  bibliothèque  complète,  celle  encyclopédie  qui  à  la  minute,  fournit  à 
Vécrivain,  à  l'homme  politique,  à  \' ecclésiastique,  au  professeur,  à  l'instituteur, 
à  Vhomme  de  loi,  à  ["officier  ministériel,  au  médecin,  au  fonctionnaire,  à  V offider, 
à  y  agriculteur,  au  négociant,  au  père  de  famille,  à  V  écolier,  etc.,  le  renseignement 
désire,  avec  tous  les  détails  nécessaires,  utiles,  complets;  mais  sans  tomber  dans 
le  fatras  des  compilations  qui  rendent  lt:S  recherches  si  difficiles. 

Le  Dictionnaire  d  s  Dictionnaires  est,  de  tous  les  ouvrages  du  même  genre,  'e 
plus  complet  et  le  moins  cher  :  car  rencyclojwdie  la  plus  en  vogue  coûte  près  de 
huit  cents  francs,  et  elle  a  le  grave  défaut  d'être  condamnée  par  la  congrégation 
de  l'Index  ;  une  auire  qui  n'est  que  commencée,  cinq  cents  francs  ;  quant  aux 
autres  dictionnaires  ou  Dien  ils  ne  sont  que  lexicographiques,  ne  contenant  que 
la  langue,  n'ayant  pas  la  partie  encyclopédique,  qui  compren  1  l'histoire,  la  bio- 
graphie ancienne,  moderne  et  contemporaine,  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts  ; 
ou  binn  ce  ne  sont  que  des  abrégés  trop  incomplets  sous  le  double  rapport 
lexicographique  et  encyclopédique. 

L'espace  manquant  pour  reproduire  les  appréciations  de  la  presse,  il  faut  nous 
restreindre  à  une  seule  citation  :  On  lit  dans  le  Moniteur  de  Rome  (8  nov.  1891). 

"  Une  Œuvre  colossale  vient  d'être  terminée,  el  à  la  plus  grande  louange  de 
"  l'auteur...  un  vaillant  et  illustre  champion  des  bonnes  et  grandes  causes,  Mgr 
"  Paul  Guérin,  camérier  de  sa  Sainteté... 

'•  Le  Dictionnaire  des  Dictionnaires  de  Mgr  Guérin  est  la  seule  Encyclopédie 
"  française,  je  ne  dis  pas  seulement  aussi  orthodoxe  que  possible,  mais  encore  la 
"  seule  vraiment  othodoxe  et  sérieuse  à  tous  les  points  de  vue. 

"  ...En  possession  d'une  œuvre  si  indispensable  à  tous,  aujourd'hui  surtout, 
•'  c'est  un  devoir  de  la  recommander  à  tous,  de  la  propa^'.er. 

"  ...Beaucoup  d'évêques  et  cardimux,  et  à  leur  têts  le  Cardinal^Viraire,  ont 


724  LE  PROPAGATEUR 


"  souscrit  à  est  ouvrage  et  ont  comblé   de  louanges   le  vaillant  direct'ïur.  La 
"  presse  a  été  unanime  à  le  louer  sans  réserve..." 

La  rédaction,  contiée  aux  savants,  aux  sp''^cialistes  et  aux  vulgarisateurs  con- 
temporains les  plus  autorisés,  a  été  ordonnée  par  Mgr  Guérin,  d'après  le  plan 
suivant  : 

AGEICULTURE  :  Technologie  agricole.—  Arboriculture.  —  Sylviculture. —  Jardins.— Fleurs. 
Viticulture. — Zootechnie. — Apiculture. — Pisciculture. 

AECHÉOIiOGIE  :  Epigraphie.— Paléographie.  — Numismatique. — Antiquité  de  tous  les  temps 
et  de  tous  les  pays. 

ASTEONOMIE  Mécanique  céleste. — Constitution  des  corps  célestes. — G-éodésie. — Météorolo- 
gie et  prévision  du  temps. — Calendrier,  etc. 

ADMINISTRATION  :  Droit  administratif. — Ecoles  d'administration. — Statistiques.— Finan- 
ces.— Histoire  des  institutions. — Législations  comparées. 

AEMÉE  ET  MARINE  :  Loisdurecrutmnent. — Conseils  de  revision. — Organisation  des  armées 
de  terre  et  de  mer. — Avancement. — Pensions. — Administration  et  justice  militaires. — Stratégie. — 
Tactique. — Marches. —  Combat. —  Stationnement. —  Artillerie. —  Fortifications. —  Télégraphie. — 
Ecoles  militaires,  etc. 

ARTS  ET  MÉTIERS  :  Histoire  et  procédés  de  toutes  les  industries  du  bois,  de  la  pierre,  du 
fer,  etc. — Machines  à  vapeur. — ^Mécanique  appliquée. — Résistance  des  matériaux,  etc. 

BEAUX- ARTS  :  Histoire  des  arts. — Peinture. — Gravure. — Sculpture. — Architecture. — Mobilier 

Céramique. — Orfèvrerie-— Tapisserie. — Mosaïque. — Musées  de  l'Europe. — ^Musique. — Lutherie. 

— Monuments  historiques,  etc.,  etc. 

BIBLIOGRAPHIE  :  Ouvrages. — Titres.— Dates  et  lieux  de  publication. — Editions. — Commen- 
taires'.— Traductions,  etc. 

BIOGRAPHIE  :  Vie  des  littérateurs.— Savants. — Artistes  de  tous  les  temps. — Biographie  com-- 
plète  des  Comten\2}orain$,  etc. 

ECONOMIE  POLITIQUE  :  Problèmes  économiques. — Questions  sociales. — Echanges. — Salai- 
res.— Association. — Coopération. — Bourses,  compensation,  prime,  report,  dépôt,  etc. 

GÉOGRAPHIE  .  Description  de  chaque  pays,  de  chaque  ville, — Routes. — Chemins  de  fer. — 
Populatitn. — Commerce. — Industrie  locale. — Villes  d'eaux,  etc. 

HISTOIRE  de  tous  les  temps,  de  tous  1"S  peuples  et  de  tous  les  lieux.— Des  événements. — Des 
institutions. — Des  actions  et  des  partis,  etc. 

HISTOIRE  NATURELLE  :  Zoologie  ;  anthropologie,  anatomie,  physiologie  du  règne  animal 
par  genres,  espèces  et  individus. — Botanique  :  classification,  description,  usages  de  chaque 
plante,  organographie,  physiologie,  physique  et  chimie  végétales. — Minéralogie  :  géologie,  palé- 
ontologie, cristallographie. 

LANGUE  FRANÇAISE  :  Prononciation. — Etymologie. — Acception  avec  exemples. — Difficul- 
tés grammaticales  et  syntaxiques. — Synonymes. — Orthographe  usuelle. 

LÉGISLATION  :  Droit  naturel. — Droit  des  gens. — Droit  public  et  constitutionnel. — Droit  civil 
— Droit  commercial. — Droit  criminel. — Procédure. — Droit  international  privé. — Droit  rural,  fo- 
restier, chasse,  louveterie,  pêche,  etc. — Lois  sur  la  propriété  littéraire  et  artistique,  etc.    , 

LITTÉRATURE  :  Genres  et  composition,  littéraires. — ^Prosodies  grecque,  latine,  française, 
allemande,  etc. — Mention  ou  analyse  de  tous  les  ouvrages  littéraires  de  quelque  importance.— 
Etude  des  langues  anciennes  tt  modernes,  etc. 

MATHÉMATIQUES  PURES  ET  APPLIQUÉES  :  Arithmétique.— Algèbre.— Géométrie.— 
Topographie. — Mécanique. 

MÉDECINE  :  Anatomie.— Physiologie.-Pathologie. — Thérapeutique. — Chirurgie. — ^Pharma- 
cologie.— ^Diagnostic  et  pronostic  des  maladies. — Traitement.-Médecinelégale.-Art  rétérinaire 

MYTHOLOGIE  :  Grecque. — Italique.— Scandinave.  — Celtique.  — Egyptienne. —  Hindoue. — 
Japonaise. — Mexicaine,  ftc. 

PHILOSOPHIE  :  Histoire  des  systèmes. — Psychologie. — Logique. —  Morale, — Théodicée. — 
Métaphysique. 

PHYSIQUE  ET  CHIMIE  :  Etude  des  pli énomènes.— Description  des  corps.— Propriétés.— Ap- 
p  ications  s c'entifiques  et  industrielles. — Nom'  nclature,  etc. 

THÉOLOGIE:  Dogme. -Morale.— Sacrements. — Exégèse  sacrée. — Histoire  ecclésiastique. — 
Oonciles. — Hagiographie. — Hérésies. — Droit  canonique. — Liturgie,  etc. 

TRAVAUX  PUBLICS",  Documents  techniques  et  statistiques. 


SAINT  JOSEPH  DANSLE  LIVRE  DE VI 


n 


L'Ecriture  sainte,  en  plusieurs  endrùits  de  l'ancien  Testament  et 
du  nouveau,  parle  du  Livre  de  vie.  Ce  Livre  divin  garde,  avec  les 
secrets  de  la  Providence  dans  le  gouvernement  de  ses  œuvres,  le 
nom  de  tous  les  prédestinés.  Les  élus  de  toute  nation,  de  taule  tribu, 
de  tout  peuple,  de  toute  langue  qui  ont  souffert  avec  l'agneau  immolé^ 
etqui  ont  vaincu  avec  le  lion  de  Juda,  ont  leuvs  nom?,  dans  ce  Livre. 
A  la  tête,  à  la  première  page,  est  écrit  le  grand,  le  saint  nom  de 
Jésus.  Jésus,  fils  de  Dieu,  fils  de  l'homme,  est  le  fondement  de 
l'ordre  providentiel  dans  le  monde.  Son  nom  sacré  est  la  clef  de 
ce  Livre  mystérieux  dont  il  a  seul  pu  briser  les  sceaux.  Il  en  est 
l'alpha  et  Pomega,  c'est-à-dire  la  première  et  la  dernière  lettre.  Sa 
gloire  en  éclaire  toutes  les  pages,  et  fait  resplendir  de  son  éclat 
tous  les  noms  qui  y  sont  écrits. 

Au  commencement  du  Livre,  après  le  grand  nom  de  Jésus,  se 
trouve  le  saint,  le  baau  nom  de  Marie.  Le  nom  du  fils  et  le  nom 
de  la  mère,  comme  la  fleur  et  sa  tige,  sont  unis  inséparablement 
dans  le  décret  divin,  qui  ouvre  ces  pages  immortelles  ;  leurs  beau- 
tés s'y  confondent  dans  une  commune  lumière,  leur  gloire  y  gran- 
dit dans  une  mêmeproportion. 

"  Le  premier,  le  chef  de  tous  les  prédestinés  est  Jésus-Christ  : 
"après  Jésus-Christ,  la  Vierge  Marie  occupe  la  première  place... 
"Lorsque  Dieu  eut  prévu  le  péché  de  l'homme  et  résolu  de  le  gué- 
"rir  par  l'incarnation  du  Verbe,  il  prédestina  d'abord  Jésus-Christ, 
"et  ensuite  la  Vierge  sa  mère  à  la  gloire  suprême.  "  Marie  fut  ainsi 
unie  à  son  fils  dans  l'élection  divine,  et  l'Eglise  approuvant  cette 
doctrine  lui  applique  ces  paroles  des  proverbes  :  Le  Seigneur  m'a 
possédé  au  commencement  de  ses  voies. 

Après  les  noms  de  Jésus  et  de  Marie,  qui  ouvrent  les  pages  du 
Livre  divin,  le  premier,  le  plus  grand,  le  plus  beau  qui  s'offre  à 
nos  regards,  c'est  le  nom  de  Joseph.  11  naît  de  leur  lumière,  il 
brille  de  leur  éclat,  il  resplendit  de  la  clarté  qu'ils  lui  communi- 
quent; et  dans  les  grandeurs  du  Fils  de  l'homme,  ainsi  que  dans 
celles  de  la  Vierge,  sa  mère,  le  Livre  de  Vie  célèbre  les  grandeurs 
de  Joseph  et  raconte  les  merveilles  de  son  obscure  sainteté. 

Le  décret  du  Très-Haut,  qui  a  placé  Jésus  et  Marie  à  la  tête  de 
toutes  ses  œuvres,  a  appelé  Saint  Joseph  à  partager  leur  destinée 
et  l'a  uni  à  leur  mission.  C'est  pourquoi  le  nom  de  l'humble  ouvrier 
de  Nazareth  apparaît  au  sein  des  profondeurs  éternelles,  se  mêle, 
dans  le  plan  divin,  à  celui  de  Jésus  et  à  celui  de  Marie,  et  reçoit 
à  l'origine,  comme  à  travers  les  âges  et  dans  le  cours  des  siècles, 
de  ces  deux  noms  sublimes,  et  ses  splendeurs  et  sa  beauté. 

Dès  lors,  le  décret  divin  qui  associe  le  nom  de  Saint  Joseph, 
dans  le  plan  de  la  rédemption,  aux  saints  noms  d-i  Jésus  et  de 
Marie,  fait  à  ce  bienheureux  patriarche  une  place  à  part  parmi 


726  LE  PROPAGATEUR 


les  saints  et  les  élus.  En  effet,  Saint  Joseph  étant  mêlé  à  l'existence 
de  Jésus  et  de  Marie  participe,  à  sa  manière,  à  leurs  grandeurs,  à 
leur  beauté,  à  leurs  privilèges,  à  leurs  vertus,  à  leur  mission  ;  par 
conséquent  Saint  Joseph  occupe  un  rang  particulier  paimi  les 
saints,  un  rang  exceptionnel  dans  le  monde  de  la  grâce  et  de  la 
gloire,  un  rang  qr.i  lui  est  exclusivement  personnel,  et  qu'aucun 
autre  ne  peut  partager  avec  lui.  Car,  si  c'est  la  gloire  de  Jésus 
d'être  seul  le  fih  unique  du  Père,;  si  c'est  la  gloire  de  Marie  d'être 
seule  la  mère  du  Verbe  fait  chair,  n'est-ce  pas  aussi  la  gloire  de 
Saint  Joseph  d'être  seul  l'époux  de  Marie,  d'être  seul  le  père  ado- 
ptif  de  Jésus  ? 

L'honneur  que  cette  place  procure  à  ce  bienheureux  protecteur 
est  si  étonnant,  et  la  gloire  dont  elle  le  couvre  est  si  grande,  qu'après 
celle  de  Jésus  et  de  Marie,  nulle  autre  gloire  ne  peut  lui  être  com- 
parée. 

En  effet,  la  gloire  des  patriarches,  des  prophètes  et  des  justes  de 
l'ancienne  loi  est  grande  assurément  ;  grande  est  aussi  dans  la 
loi  nouvelle,  la  gloire  des  apôlres,  la  gloire  des  martyrs,  des  vier- 
ges et  des  confesseurs  ;  et  tous  les  élus  de  Dieu  brillent,  chacun 
dans  l'ordre  de  leurs  vertus,  de  leurs  œuvres,  et  de  leur  sainteté, 
d'un  éclat  qui  ravit  l'admiration  de  la  terre  et  des  cieux  :  mais 
la  gloire  qui  couronne  ces  bienheureuses  phalanges  est  commune 
à  tous  ceux  qui  les  composent.  A  côté  de  Pierre,  le  Vicaire  de 
Jésus-Christ,  ne  voyons-nous  pas  se  lever  toute  la  suite  des  saints 
Pontifes  romains,  ses  successeurs  ?  A  la  suite  de  Paul,  prémices 
de  l'apostolat,  ne  voyons-nous  pas  marcher  tous  les  apôtres  qui 
ont  prêché  l'Evangile,  et  tous  les  ouvriers  de  Dieu  qui  ont  ensei- 
gné la  foi  et  converti  les  âmes  ?  Et  qui  dira  le  nombre  des  vierges, 
des  confesseurs  et  des  martyrs  de  tous  les  siècles  chrétiens  ?  Mais, 
au  milieu  de  l'assemblée  des  saints,  comme  parmi  les  hiérarchies 
angéliques,  si  vous  cherchez  l'époux  de  Marie  et  le  père  adoptif 
de  Jésus,  vous  n'en  trouverez  qu'un  seul;  oui,  un  seul,  parce 
qu'il  ne  peut  y  avoir,  au  ciel  et  sur  la  terre,  qu'une  seule  mère 
de  Dieu,  qu'une  seule  mère  de  Jésus,  seul  et  unique  médiateur  de 
Dieu  et  des  hommes. 

C'est  ainsi  que  Saint  Joseph  est  distingué  des  autres  dans  l'oftire 
de  son  élection,  dans  l'ordre  de  son  ininistère,  dans  l'ordre  de  ses 
grâces,  dans  l'ordre  de  ses  privilèges  et  dans  l'ordre  de  sa  sainteté. 

Concluez  donc  que  si  le  choix  du  Très-Haut  a  honoré  de  celte 
manière  le  glorieux  époux  de  Marie,  et  lui  a  donné,  parmi  les 
élus,  un  rang  tout  à  fait  à  part,  qui  lui  fait  un  honneur  spécial  et 
des  grandeurs  exceptionnelles  ;  vous  devez  à  Saint  Joseph  des 
hommages  particuliers,  et  un  cuite  en  rapport  avec  les  faveurs 
dont  le  Seigneur  l'a  comblé,  et  la  place  insigne  qu'il  lui  a  faite. 

Exiniit  du  XouTeau  Mois  de  Mars,  St  Joseph,  époux  de  la  Vierge 
Marie,  par  le  R.  P.  Gabriel  BouUier,  iJe  la  Cie  de  Jésus.  Ouvrage  approuvé  par 
S.  G.  Mgr  Hasley,  Archevêque  d'Avignon  ;  S.  G.  Mgr  BessonEvêquedeNim-s  ; 
S.  G.  Mgr  Vigne,  Evêque  de  Digne  ;  S.  G.  Mgr  de  Gabrières,  Evoque  de  Monl- 
pellier,  ei  S.  G.  Mgr  Lebreton,  Evoque  du  Puy.  1  vol.  m  18  de  476  pages  50  cls. 


UNE   NOUVELLE    MINE 


LE    PRETRE 


DÉTRACTEURS 


Z.  LAÇASSE,  O.  M.  I. 


1  vol.  in-l8  de  276  page?.  Prix  :  chaque,  25  et?.  ;  la  douzaine,  $2.40 


n^^TiEï?.ii:s 


Causerie  1èr.- Le  Prêtre  et  ses  détracteurs. 

do  2me Le  Prêtre  et  l'histoire. 

do  3iii(> Le  Prêtre  et  les  hommes  de  "  37". 

do  4me Le  Prêtre  et  l'éducation. 

do  5mf' Le  Prêtre  et  l'Etal  enseignant. 

do  6me Le  Prêtre  et  l'instruction  pratique. 

do  7me Le  Prêtre  et  nos  collèges. 

do  8me Le  Prêtre  et  nos  spécialistes. 

do  9me Le  Prêtre  et  les  communautés  religieuses. 

do  lOme Le  Prêtre  et  la  politique. 

do  ilmp Le  Prêtre  et  les  fidèles. 

ds  12me Le  Prêtre  et  les  taxes. 

do  ISme Le  Prêtre  et  la  dîme. 

do  14me Le  Prêtre  et  les  mauvaises  lectures. 

do  15me Le  Prêtre  et  les  Canadiens  des  Etats-Unis. 

do  16me Le  Prêtre  et  les  auberges. 

do  17mf Le  Prêtre  et  son  vengeur. 


N 


ïï 


RIGÂU 


A   MADAME  Z.    SOULACRIX. 


I 

UN   PEINTRE    EN    1696 

Midi  sonnait  à  l'horloge  de  l'abbaye  de  Saint-Germain  des  Prés. 
Hyacinthe  Rigaud  fli^issait  sa  séance  du  matin,  et  un  honnête 
bourgeois,  dont  il  terminait  le  portrait,  était  déjà  parti,  rappelé 
chez  lui  par  l'heure  du  dîner,  lorsque  l'unique  valet  du  peintre  vint 
lai  annoncer  qu'un  roulier  était  n  bas,  apportant  une  caisse  venue 
de  Perpignan.  Rigaud  fit  une  exclamation  de  joie 

"Enfin  !  "  s'écria-t-il  en  se  hâtant  de  poser  sa  palette  ;  "enfin  !  " 

"Faut-il  monter  la  caisse,  monsieur  ?  "  demanda  le  domestique. 

"Non  pas  !  cela  ferait  de  la  poussière  sur  ma  peinture.  Nous 
déballerons  dans  la  cour.  Vite,  donne-moi  un  marteau  et  un  ciseau." 

"  Mais,  monsieur,  "  dit  Flamand,  "  votre  dîner  est  prêt." 

"  Qu'est-ce  que  cela  me  fait?  Allons,  vite,  un  marteau  !  " 

Flamand,  qui  cumulait  les  fonctions  de  cuisinier  et  de  valet  de 
chambre,  eut  beau  assurer  son  maître  que  le  dîner  ne  vaudrait 
rien  s'il  attendait,  Rigaud,  sans  prendre  le  temps  de  remettre  son 
habit,  descendit  en  courant  ses  trois  étages,  vêtu  d'une  légère  ca- 
misole, sans  perruque  et  la  tète  couverte  d'un  fichu  roulé,  et,  après 
avoir  fait  poser  avec  précaution,  au  milieu  de  la  cour,  la  caisse 
qui  avait  mis  un  mois  à  venir  de  la  capitale  du  Roussillon  à  Paris, 
il  paya  le  messager,  et,  sans  attendre  que  Flamand  se  décidât  à 
quitter  ses  fourneaux,  commença  prestement  à  déclouer  la  caisse. 

Les  voisines  se  mirent  aux  fenêtres. 

"Que  peut-il  y  avoir  là  dedans?  "  demanda  à  sa  tante  mademoi- 
selle Babet,  jeune  personne  aux  yeux  noirs,  que  Rigaud  saluait 
quelquefois  dans  l'escalier. 

"  C'est  un  tableau,  pour  sûr,  "  dit  d'un  air  capable  mademoiselle 
Babonnette  Brunet,  vieille  rentière  aux  lunettes  bleues,  qui,  depuis 
le  premier  de  l'an  jusqu'à  la  Saint  Sylvestre,  n'était  occupée  qu'à 
espionner  les  voisins  et  à  faire  endêver  sa  nièce.  "  C'est  un  tableau  ; 
cela  vient  de  Perpignan,  où  M,  Rigaud  a  passé  les  fêtes  de  Noël.  Ce 
doit  être  le  portrait  de  sa  prétendue  :  nous  verrons  si  elle  est  jolie." 

Et,  obliant  leur  dîner  posé  sur  la  table,  la  tante  et  la  nièce,  de 
même  que  leur  servante  Michon,  grosse  Auvergnate  haute  en  cou- 
leur, se  penchèrent  aux  fenêtres,  l'une  entre  deux  torchons  éten- 
dus, les  autres  par-dessus  les  tiges  grêles  et  les  feuilles  étiolées  des 
capucines  plantées  devant  la  croisée.  A  l'étage  au-dessus,  une  légion 
d'enfants  s'était  aussi  mise  en  observation;  mais  la  grosse  voix  d'un 
papa  se  fit  entendre,  et  proclama  que  les  curieux  qui  se  levaient 
de  table  seraient  privés  de  dessert.  En  un  clin  d'œil,  les  fenêtres 
furent  désertées,  et  la  maman,  pour  plus  de  sûreté,  les  ferma  en 
jetant  un  petit  coup  d'œil  sur  le  peintre. 


LE  PROPAGATEUR  729 


Le  portier  et  sa  femme,  après  avoir  offert  à  Rigaud  de  l'aider, 
sur  son  refus  se  mirent  à  table,  en  laissant  ouverte  la  porte  devant 
laquelle  il  devait  nécessairement  passer  pour  remonter  chez  lui. 

Rigaud  eut  bientôt  fait,  et,  enlevant  les  papiers  d'emballage  qui 
protégeaient  une  toile  soigneusement  enveloppée,  il  ne  put  s'em- 
pêctier  de  s'écrier  à  demi-voix  :  "  Qu'elle  est  belle  1  "  et  une  larme 
s'échappa  de  ses  yeux,  tandis  qu'il  déclouait  le  dernier  tasseau 
qui  fixait  au  fond  de  la  caisse  Te  portrait  de  sa  mère.  C'était  elle, 
en  effet.  Il  l'avait  peinte  à  Perpignan,  quatre  mois  auparavant,  et 
avait  prié  son  vieil  oncle  le  peintre  de  lui  envoyer  le  tableau  dès 
qu'il  serait  convenablement  séché  et  verni. 

En  apercevant  le  portrait,  les  voisines  s'écrièrent  :  Qu'elle  est 
vieille  !  l'une  avec  dépit,  l'autre  avec  étonnement,  et  la  grosse 
Michon  en  conclut  qu'il  fallait  dîner. 

Rigaud  s'  pprêlait  à  monter  la  toile  chez  lui,  lorsqu'un  grand 
laquais  d'une  ûgure  niaise  et  un  élégant  gentilhomme  entrèrent 
dans  la  cour  presque  en  même  temps. 

"  Est-ce  vous  qui  êtes  le  peintre  ?  "  demanda  le  laquais  à  Rigaud. 

*'  '^ui,  mon  ami,  "  dit  Rigaud."  Que  désirez-vous  ?  " 

•'  Madame  a  besoin  de  vous  pour  un  travail  pressé,  "  dit  le  la- 
quais. "  Voilà  son  adresse.  Quand  vieudrez-vous?  " 
♦'•  Aussitôt  que  j'aurai  dîné,"  fit  Rigaud.  "  Je  vois  que  c'est  près  d'ici." 

"  C'est  à  cinq  minutes,  "  dit  le  laquais  :  '•  rue  de  Vaugirard,  la 
maison  neuve  en  face  de  la  chapelle  du  palais  du  Luxembourg.  " 

"  Madame  de  Taverny  peut  compter  sur  moi.  Qu'y  a  t-il  pour 
votre  service,  monsieur?  "  ajouta  Rigaud  en  se  tournant  vers  le 
gentilhomme  qui  examinait  curieusement  le  portrait. 

"  Est-ce  ici  que  demeure  M.  Rigaud,  peintre  ?  "  dit  le  jeune  hom- 
me sans  ôter  son  chapeau. 

"  C'est  ici  même,  monsieur.  " 

"  A  quel  étage  ?  " 

"  Au  troisième,"  reprit  Rigaud.  "  Je  vais  vousmontrer  le  chemin." 

Ils  montèrent,  et,  arrivés  dans  l'atelier,  Rigaud  offrit  un  fauteuil 
au  gentilhomme  et  s'assit  en  face  de  lui.  Le  visiteur  le  regardait 
d'un  air  surpris. 

'•  Je  désire  parler  à  M.  Rigaud,  "  dit-il. 

"  C'est  moi,'monseur.  " 

"  En  vérité,  "  s'écria  le  gentilhomme.  "  Eh  bien  !  monsieur,  je 
vous  avais  pris  pour  un  emballeur.  Mille  pardons  !  " 

'^  Je  ne  suis  pas  un  grand  seigneur,  monsieur,"  dit  Rigaud; 
"  mais,  le  serais-je,  peut-être  bien  n'en  aurais-je  pas  moins  pris  la 
peine  de  déballer  moi-même  le  portrait  que  voici.  " 

"  C'est,  en  effet,  une  magnifique  peinture,  "  reprit  le  gentilhom- 
me. "  On  dirait  un  Van  Dyck.  Quelle  est  cette  dame  ?  " 

"  C'est  ma  mère,  "  dit  Rigaud,  "  et  je  suis  bien  honoré  de  voir 
mon  œuvre  attribuée  à  Van  Dyck,  monsieur.  " 

"  Elle  le  sera  par  bien  d'autres,  soyez-en  certain,  "  dit  le  gentil- 
homme ;  "mais  il  ne  faut  pas  que  j'oublie  de  remplir  ma  mission. 
Voici  ce  dont  il  s'agit  :  S.  A.  R.  Madame,  ayant  entendu  parler 
avantageusement  de  vous  par  M.  Le  Brun,  peintre  du  roi,  vous 


730  LE  PROPAGATEUR 


veut  -onfler  l'exécution  d'une  peinture  destinée  à  orner  un  des 
cabinets  du  roi  à  Marly.  Elle  désire  vous  en  parler  elle-même, 
vous  montrer  l'emplacement  ;  et,  à  cet  effet,  si  vous  le  voulez  bien, 
je  viendrai  demain  matin,  à  huit  heures,  vous  chercher  en  carrosse 
pour  aller  à  Marly.  Est-ce  convenu  ?  " 

Rigaud  leremeicia,  le  reconduisit  dansl'escalier  avec  de  grandes 
révérences  de  part  et  d'autre,  et  rentra  tout  joyeux  dans  son  ate  ier. 

"  Monsieur  ne  dînera  donc  pas  aujourd'hui  ?  "  demanda  Fla- 
mand d'un  air  mélancolique. 

"  Si  fait,  mon  garçon,  "  dit  Rigaud,  "  et  de  bon  appétit  encore. 
Sers- moi  vite,  et,  aussitôt  que  tu  l'auras  fait,  cours  me  chercher 
le  perruquier.  Il  faut  que  je  fasse  un  bout  de  toilette  pour  aller 
chez  madame  de  Taverny.  " 

En  un  quart  d'heure,  le  modeste  dîner  du  peintre  fut  expédié  ;  et 
le  perruquier,  entrant,  ses  fers  à  la  main,  se  mit  en  devoir  d'accom- 
moder la  periuque  et  de  faire  la  barbe  à  son  client. 

Rigaud  avait  alors  vingt-neuf  ans  ;  il  était  grand,  bien  fait,  et 
sa  figure,  sans  êtie  fort  belle,  plaisait  par  s-on  expression  vive  et 
spirituelle.  Grâce  aux  soins  d'Alcindor  Pirouette,  il  fut  bientôt 
coiffé  à  la  dernière  mode,  et  se  revêtit  d'un  habit  de  velours 
mordoré  à  galons  d'argent.  Flamand,  en  lui  présentant  sa  canne 
et  ses  gants,  s'écria  : 

"  En  vérité,  monsieur,  si  madame  de  Taverny  a  des  yeux,  vous 
êtes  assuré  qu'elle  vous  verra  avec  plaisir.  " 

*'  M.  Rigaud  va  chez  madame  de  Taverny  ?  "  dit  Alcindor."  Oh  1 
alors,  monsieur,  il  faut  que  je  poudre  votre  perruque.  " 

"  Pourquoi  cela  ?  "  demanda  Rigaud. 

"  Il  le  faut  absolument,  monsieur,  je  vous  acsure.  Madame  de 
Taverny  et  son  maii  aiment  la  poudre,  et  ont  été  des  premiers  à 
l'adopter.  Toutes  les  personnes  qui  vont  chez  eux  se  font  poudrer 
pour  leur  plaire.  Cioyez  moi,  monsieur,  laissez-moi  vous  mettre 
un  peu  de  poudre  parfumée.  " 

*'  Quelle  folie  !  "  dit  Rigaud  :  "  c'est  une  sotte  mode,  malpropre, 
et  qui  donne  l'air  vieux.  " 

"  Point  du  tout,  monsieur  :  cela  rajeunit  tt  adoucit  tous  les  visa- 
ges. Allons,  monsieur,  laissez-vous  poudrer  :  vous  serez  charmant!" 

Et,  lui  jetant  un  peignoir  sur  les  épaules,  Alcindor  lança^snr  sa 
perruque  un  nuage  de  poudre,  qui  la  blanchit  tout  d'un  côté.  Sa 
perruque  une  fois  blanchie  à  dextre,  il  fallut  la  blanchir  àsenestre, 
et,  pour  faire  prendre  patience  au  peintre,  Alcindor  se  mit  À  lui 
dire  mille  biens  de  madame  de  Tavernay. 

"  C'est  la  plus  jolie  personne  de  la  paroisse  Saint-Sulpice,  mon- 
sieur, point  coquette  avec  cela,  sage,  modeste  et  pieuse  comme  un 
ange.  Elle  a  un  vieux  mari  goutteux,  fort  honnête  homme,  mais 
qui  n'est  pas  toujours  commode.  M.  de  Tavenay  aime  le  monde  et 
reçoit  beaucoup  ;  mais  la  jeune  dame  se  conduit  si  discrètement, 
que  januiis  personne  n'a  pu  jaser  sur  elle.  Et  elle  est  jolie,  ah  ! 
jolie  !  une  blonde  aux  yeux  noirs,  avec  des  cheveux  aussi  grands 
qu'elle,  et  fins  brillants,  ondulés  comme  la  mer.  Si  vous  avez  le 
bonheur  de  faire  son  portrait,  cela  vous  rendra  célèbre  monsieur. 


LE  PROPAGATEUR  731 


J'ai  eu  quelquefois  l'honneur  de  la  coiffer.  Elle  aime  la  poudre, 
monsieur,  elle  en  met  beaucoup,  et  s'habille  comme  une  mère- 
grand,  toute  jeune  qu'elle  est.  Madame  de  Maintenon  l'estime  fort 
et  lui  fait  des  présents.  C'est  elle  qui  l'a  fait  élever  à  Saint-Gyr  et 
l'a  mariéi^.  M.  de  Taverny  l'a  épousée  pour  !-es  osaux  cheveux, 
pour  ses  beaux  yeux,  veux-je  dire.  Elle  préfère  la  poudre  d'iris, 
monsieur  :  c'est  pour  cela  qne  je  vous  en  mets.  " 

''  Assez,  assez  !  "  s'écria  Rigaud  en  s'êchappant  de  ses  mains: 
"  vous  allez  me  rendre  semblable  à  un  meunier.  " 

"  Ah  !  mou>ieur,  de  grâce,  encore  un  petit  coup  de  houppe  sur 
l'oreille  droite  !  " 

"  Assez,  assez,  vous  dis-je  !  "  s'écria  Rigaud  en  lui  jetant  son 
peignoir.  Et  prenant  son  chapeau,  il  s'enfuit,  poursuivi  jusque 
dans  l'escalier  par  l'agile  Alcindor. 

"  Puisqu'il  vous  reste  de  la  poudre,  monsieur  Pirouette,  "  lui 
dit  Flamand,  •'  meltez-moi-z  en  quelque  peu,  je  vous  en  prie.  " 

"  Bien  volontiers,  "  dit  Alcindor.  Le  valet  endossant  le  peignoir, 
se  mit  à  la  place  du  maître,  et  tandis  que  le  perruquier  lui  accom- 
modait la  tois^ai  rousse  et  crépue  qu'il  appelait  ses  cheveux.  Fla- 
mand, selon  l'invariable  coutume  des  valets,  se  mit  à  parler  des 
affaires  de  son  patron. 

"  C'est  un  habile  peintre,  "  dit-il,  "  et  il  aura  bientôt  plus  d'ou- 
vrage qu'il  n'en  pourra  faire,  tant  ses  portraits  de  M.  Girardon  et 
du  joailîer  du  roi  sont  admirés  par  les  gens  qui  s'y  connaissent. 
C'est  un  travailleur,  qui  n'est  content  que  le  pinceau  à  la  main,  et 
oublierait  de  boire  et  de  manger  si  je  n'étais  là.  Personne  n'est 
p  us  régulier  que  lui  à  suivre  les  lois  de  l'Eglise  ;  mais  pour  ce 
qui  est  du  ménage,  il  a  de  bien  drôles  de  manies.  Figurez-vous 
qu'il  me  défend  d'épousseter  ses  tableaux  et  même  de  balayer  son 
atelier  !  11  prend  ce  soin  lui-même,  après  avoir  couvert  ses  peintu- 
res. Du  reste,  c'est  un  bon  maître,  généreux,  pas  fier  ;  je  ne  l'ai 
vu  en  colère  qu'une  fois  ;  mais,  par  exemple,  il  l'était  bien.  " 

"  Contre  qui  s'est  il  fâché  ?  "  demanda  le  perruquier. 

"  Contre  moi,  "  dit  Flamani,  ^'  et  je  suis  encore  à  me  demander 
pourquoi.  Imaginez-vous  qu'il  a  dans  son  atelier  une  grande  pou- 
pée qu'il  appelle  son  mannequin.  Il  l'avait  habillée  en  manière 
de  revenant  avec  la  courte-pointe  en  camelot  bleu  de  son  lit,  et  il 
avait  dessiné  ça  sur  une  toile,  au  crayon  rouge.  Moi,  croyant  que 
c'était  fini,  un  beau  matin,  je  reprends  la  courte-pointe  pour  accom- 
moder le  lit  de  monsieur.  En  rentrant  de  la  messe,  il  voit  cela,  et 
le  voilà  qui  crie,  qui  frappe  du  pied,  qui  fait  un  sabbat  d'enfer. 
Vite,  je  cours  chercher  la  courte-pointe,  je  la  remets  sur  le  man- 
nequin exactement  comme  elle  était,  et  il  se  fâche  de  plus  belle 
et  me  traite  de  grosse  bête.  Puis,  voyant  mon  air  étonné,  il  éclate 
de  rire.  Ah  !  c'est  un  drôle  d'homme  !  " 

Alcindor  n'essaya  pas  de  démontrer  à  Flamand  que  son  maître 
avait  eu  bien  raison  ;  et,  jetant  sur  la  tête  carrée  du  valet  le  fond 
de  la  boite  à  poudre,  il  reçut  son  salaire  et  retourna  dans  sa  bou- 
tique, à  l'enseigne  du  Cœur  volant. 

Pendant  ce  temps,  Rigaud  s'acheminait  vers  la  rue  de  Vaugirard, 


732  LE  PROPAGATEUR 


en  prenant  grand  soin  de  ne  pas  salir  ses  bas  de  soie  écrue  et  ses 
souliers  à  nœuds  incarnais.  Il  passa  devant  l'église  de  Saint-Sulpice 
à  demi  construite,  et  dont  les  travaux  étaient  interrompus  depuis 
1678,  faute  d'argent,  lo.igea  les  murs  de  ce  'ardin  charmant  où 
madame  de  La  Fayette,  alors  presque  mourante,  avait  réuni  tant 
de  fois  madame  de  Sévigné,  M.  de  La  Rochefoucauld,  madame 
Scarron,  et  tracé  les  pages  de  YHiSitoire  d'Henriette  d'Angleterre  et  le 
roman  de  la  Princesse  de  Oléves^  et,-  arrivant  en  face  des  murs  du 
Luxembourg,  tourna  à  gauche  et  vit  la  belle  maison  neuve  que  le 
laquais  lui  avait  désignée. 

Il  demanda  au  portier  madame  de  Taverny. 

<•  C'est  au  second  étage,  monsieur,  "  lui  fut-il  répondu.  "  Mais 
madame  ne  reçoit  pas  :  elle  va  partir  pour  Versailles.  " 

Un  carrosse  tout  attelé  attendait  dans  la  cour. 

Le  laquais  qui  était  allé  chercher  Rigaud  descendait  l'escalier, 
heureusement.  Il  le  reconnut,  et  l'engagea  à  monter.  Puis,  à  peine 
entré  dans  l'antichambre,  cet  ingénu  valet,  s'approchant  d'une 
porte  entrebâillée,  s'écria  : 

"  Mam'zelle  Dorine,  voilà  le  peintre  que  madame  a  fait  deman- 
der pour  mettre  sa  chambre  à  couleur.  " 

Une  voix  fort  douce  répondit  : 

"  C'est  bien.  Faites  entrer  ce  brave  homme  !  " 

Rigaud  fut  pris  d'une  forte  envie  de  rire  ;  mais  il  se  contint,  et, 
voulant  s'amuser  de  la  méprise,  il  entra  de  bonne  grâce,  salua  et 
se  tint  debout  près  du  seuil,  en  regardant  l'agréable  spectacle  qui 
s'offrit  à  sa  vue.  Assise  sur  une  chaise  basse,  et  entièrement  enve- 
loppée d'un  peignoir  blanc  comme  la  neige,  une  jeune  dame,  la 
figure  cachée  par  un  grand  cornet  de  papier  qu'elle  tenait  en  main, 
se  faisait  poudrer  par  sa  femme  de  chambre.  On  ne  voyait  d'elle 
que  deux  belles  mains  et  une  magnifique  chevelure  arrangée 
avec  art.  Dorine,  attentive  à  sa  besogne,  ne  daigna  pas  regarder 
le  nouvel  arrivé,  et,  du  fond  de  son  cornet,  la  jeune  dame  lui  dit  : 

"  Voici  ce  dont  il  s'agit,  mon  ami.  Je  vais  passer  quelques  jours 
à  Versailles,  et  il  faudrait  profiter  de  mon  absence  pour  travailler 
ici.  Combien  vous  faut-il  de  temps  pour  peindre  cette  chambre  ?" 

"•*  Si  les  sujets  ne  sont  pas  trop  compliqués,  madame,  "  dit  Ri- 
gaud, "  dix-huit  mois  à  deux  ans  pourraient  suffire,  à  la  rigueur.  " 

*'  Deux  ans  !  "  s'écria  la  jeune  dame,  qui,  d'étonneuient,  laissa 
tomber  son  cornet. 

En  apercevant  l'élégant  personnage  qui  était  devant  elle  mada- 
me de  Taverny  devint  rouge  comme  le  feu,  se  leva  toute  droite, 
et  s'écria  : 

"  H.é  !  monsieur,  pardon  !  je  vous  prenais  pour  le  peintre  !  " 

"  Madame,  "  dit  Rigaud  en  s'inclinant,  "je  suis  peintre,  en  effet, 
tout  à  vos  ordres  :  votre  laquais  m'est  venu  chercher  de  votre  part, 
et  je  me  suis  empressé  de  me  rendre  chez  vous.  Je  suis  Hyacinthe 
Rigaud,  peintre  d'histoire.  " 

••  Monsieur,  "  reprit  la  jeune  dame,  "  asseyez-vous,  de  grâce. 
Permettez-moi  d'aller  chercher  mon  mari.  " 

Elle  s'enfuit  toute  confuse,  suivie  par  Dorine,  et,  cinq  minutes 


LE  PROPAGATEUR  733 


après,  reparut  accompagnée  d'un  homme  âgé,  qui  marchait  avec 
peine,  en  s'appuyant  sur  une  canne.  C'était  M.  de  Taverny,  ancien 
colonel  du  régiment  de  Royal  Blésois.  Il  se  confondit  en  excuses 
sur  la  maladresse  du  laquais  de  sa  femme,  et,  charmé  des  maniè- 
res courtoises  et  de  la  bonne  humeur  de  Kigaud,  il  se  hâta  d'ajou- 
ter aux  premiers  compliments  que  le  nom  de  M.  Rigaud  ne  lui 
était  pas  inconnu,  et  qu3  le  beau  portrait  du  joaillier  Materon 
l'avait  charmé. 

"  J'ai  conservé  un  si  bon  souvenir  de  cette  peinture,  m: nsieur," 
dit-il,  "  que  je  projetais  de  vous  prier  de  faire  mon  portrait  et  celui 
de  madame  de  Taverny.  Si  l'insigne  bêtise  de  ce  niais  de  Larose 
ne  vous  a  pas  donné  trop  mauvaise  opinion  de  ses  maîtres,  j'espère 
que  vous  voudrez  bien  nous  peindre.  Je  désirerais  placer  nos 
portraiis  dans  ces  deux  trumeaux  ovales  que  voici,  et  je  les  vou- 
drais peints  au  pastel,  afin  qu'ils  s'accordent  avec  ceux  de  mes 
parents,  qui  furent  exécutés  par  Vouet,  du  temps  où  il  donnait  des 
leçons  de  peinture  au  roi  Louis  XIII.  " 

Rigaud  assura  M.  de  Taverny  qu'il  serait  très  heureux  de  faire 
ce  travail,  et,  après  avoir  pris  jour  pour  la  première  séance,  le  pein- 
tre et  ses  nouveaux  clients  se  séparèrent,  fort  satisfaits  les  uns 
des  autres. 

II 

MARLY-LE-ROI 

Le  lendemain,  selon  sa  coutume,  Rigaud  alla  entendre  la  premiè- 
re messe  à  Saint-Germain  des  Prés,  et,  en  revenant  chez  lui,  s'ap- 
prêta pour  aller  à  Marly.  A  huit  heures  précises,  un  carrosse  à 
la  livrée  du  duc  d'Orléans  s'arrêta  devant  sa  porte,  et  il  se  hâtait  de 
descendre,  lorsque  M.  de  Marnes,  le  gentilhomme  de  la  veille,  lui 
fit  dire  par  un  laquais  qu'il  ferait  bien  d'emporter  avec  lui  le  por- 
trait de  sa  mère,  afin  de  lefaire  voira  Madame.  Le  portrait  n'avait 
pas  de  cadre,  et  Rigaud  était  contrarié  de  le  montrer  ainsi  ;  mais, 
n'osant  refuser,  il  l'enveloppa  dans  cette  courte-pointe  de  camelot 
bleu  que  Flamand  disait  bonne  à  mettre  à  toute  sauce,  et,  descen- 
dant le  tableau  avec  précaution,  il  le  posa  sur  la  banquette  de 
devant  du  carrosse. 

"  A  Marly  !  "  dit  M.  de  Marnes  au  cocher.  Et  le  carrosse  partit 
d'un  grand  train,  tandis  que  les  voisines  guettaient  Flamand  au 
passage  pour  savoir  de  lui  ce  que  son  maître  allait  faire  à  Marly. 

Flamand  jura  ses  grands  dieux  qu'il  n'en  savait  absolument  rien, 
et  cela  lui  valut  la  réputation  d'être  un  garçon  aussi  discret  qu'il 
était  borné. 

Bientôt  le  carrosse,  gagnant  les  quais,  franchit  le  Pont-Royal, 
suivit  le  cours  la  Reine,  traversa  le  bois  de  Boulogne,  beaucoup 
plus  grand  alors  qu'à  présent,  passa  le  pont  de  Sèvres,  et  se  diri- 
gea vers  Marly  à  travers  les  bois  charmants  de  Ville-d'Avray  et 
de  Vaucresson.  Le  temps  était  fort  beau,  et  la  fraîcheur  d'un  pre- 
mier jour  de  mai  rendit  le  voyage  d'autant  plus  apréable  à  Rigaud, 
que  son  compagnon  eut  l'esprit  de  s'endormir.  Dormait-il  tout  de 


734  LE  PROPAGATEUR 


bon  ?  Je  n'en  sais  rien.  Peut-être  ne  fit-il  semblant  de  s'assoupir 
que  pour  échapper  aux  questions  du  peintre,  fort  désireux  de  savoir 
ce  que  lui  voulait  la  duchesse  d'Orléans.  Toujours  est-il  qu'il  lais- 
sa Rigaud  jouir  tout  à  son  aise  du  plaisir  de  regarder  le  paysage 
et  d'écouter  les  oiseaux  chanteurs,  et  ne  s'éveilla  que  pour  dire  en 
arrivant  à  la  grille  dorée  du  parc  de  Marly  : 

''  Nous  voici  rendus  à  Marly,  monsieur.  Je  vais  vous  montrer 
le  chemin.  " 

Ils  descendirent  de  voiture,  et  Rigaud,  sa  toile  à  la  main,  suivit 
son  conducteur  le  long  des  allées  de  sable,  bordées  d'orangers. 
Bientôt  ils  arrivèrent  au  bas  de  la  grande  pelouse,  au  point  où  la 
vue  embrassait  l'ensemble  du  pavillon  central,  résidence  du  roi,  et 
l'on  appelait  le  pavillon  du  Soleil,  et  des  douze  pavillons  du  Zo- 
diaque, à  demi  voilés  par  les  charmilles. 

Lcs  arbres,  taillés  à  mi  hauteur  seulement,  et  dont  les  cimes 
s'épanouissaient,  couronnaient  d'un  diadème  de  verdure  les  jardins 
de  Marly.  Les  jets  d'eau  s'irisaient  aux  rayons  du  soleil  ;  tout  était 
embaumé  de  jonquilles,  de  narcisses  et  de  jacinthes  ;  d'immenses 
rangées  de  tulipes  de  Hollande,  aux  nuances  éclatantes,  bordaient 
les  pelouses,  et  château,  bosquets  et  fleurs  se  doublaient  dans  le 
miroir  des  bassins,  où  passaient,  comme  des  esquifs  animés,  les 
cygnes  aux  mouvements  lents  et  gracie  x,  et  de  ci,  de  là,  poursui- 
vant les  libellules,  quelque  martin-pêcheur  au  plumage  azuré. 

Dix  heures  venaient  de  sonner.  Le  roi  était  au  conseil.  Les  dames 
dormaient  ou  s'occupaient  de  leur  toilette,  et  quelques  courtisans, 
errant  par  petits  groupes  sous  les  charmilles,  causaient  des  mille 
riens  dont  se  composait  en  temps  de  paix  leur  vie  oisive  et  dissipée. 

"  Madame  est-elle  revenue  de  la  promenade  ?  "  demanda  M.  de 
Marnes  à  un  page  qu'il  rencontra. 

"  Son  Altesse  ne  saurait  tarder,  "  dit  le  page,  "  car  elle  est  par- 
tie dès  sept  heures  du  matin,  au  grand  déplaisir  de  ses  dames,  qui 
s'étaient  couchées  à  plus  de  minuit.  Madame  les  a  emmenées  à 
pied  du  côté  de  Louveciennes.  Et,  tenez,  la  voilà  qui  vient  !  " 

Uu  groupe  de  quelques  personnes  parut  en  effet  au  bout  de 
l'allée,  précède  par  une  femme  à  l'allure  masculine,  tenant  une 
canne  à  la  main,  et  portant,  au  lieu  de  fontan^e,  un  chapeau  de 
feutre  gris.  En  apercevaut  de  loin  Rigaud  et  M.  de  Marnes,  elle 
congédia  sa  suite,  ne  gardant  avec  elle  que  son  vieil  écuyer  ;  et, 
répondant  par  une  inclination  de  tête  au  profond  salut  des 
nouveaux  arrivés,  elle  leur  dit,  avec  l'accent  tudesque  que  vingt- 
cinq  années  de  séjour  en  France  u'avaient  pu  lui  faire  perdre  : 

"  Suivez-moi.  " 

Et  elle  se  dirigea  vers  le  pavillon  du  Soleil  d'un  pas  délibéré. 

Charlotte- Elisabeth  de  Bavière,  princesse  palatine,  duchesse 
d'Orléans,  s'est  dépeinte  elle  même  dans  ses  Mémoires,  et  les  té- 
moignages contemporains  ne  contredisent  pas  le  sien.  Elle  était 
laide  en  perfection.  C'est  un  malheur  dont  jamais  femme  n'a  pris 
son  parti,  à  moins  d'être  une  sainte,  et  encore  est-il  juste  de  noter 
que  le  cas  ne  s'est,  je  crois,  jamais  présenté.  J'ai  cherché  en  vain 
une  sainte  laide  dans  le  martyrologe  et  le  Bréviaire.  Toutes  les 


LE  PROPAGATEUR  735 


saintes  ont  été  plus  ou  moins  belles,  et  saint  François  de  Sales  en 
donne  une  des  raisons  en  disant  :  "Dieu  et  la  vertu  ne  peuvent 
être  dans  une  âme  sans  que  le  corps  et  le  visage  n'en  ressentent 
quelque  douceur.  "  Quant  à  madame  la  duchesse  d'Orléans,  elle 
était  si  laide  qu'elle  faisait  peur  aux  petits  enfants,  et  l'éclat  de  son 
rang  et  les  flatteries  des  courtisans  ne  cachèrent  pas  à  son  esprit 
droit  et  judicieux  les  disgrâces  de  sa  personne. 

En  Allemagne,  dans  sa  famille,  elle  avait  été  aimée.  En  France, 
lorsqu'elle  vint  prendre  la  place  de  cette  Henriette  d'Angleterre, 
si  charmante,  si  regrettée,  et  dont  l'esprit  et  les  grâces  exquises 
devaient  faire  ressortir  encore  ce  qui  manquai  ta  la  princesse  pala- 
tine, Madame  ne  rencontra  que  froideur  et  répulsion  mal  déguisées 
sous  le  respect  et  les  compliments  obligés.  La  fausseté,  la  corrup- 
tion, la  frivolité  des  courtisans,  la  révoltèrent.  Elle  ne  trouva  d'ami- 
tié et  d'égards  véritables  qu'auprès  du  roi  son  beau-frère,  et,  s'atta- 
chant  profondément  à  lui,  fut  jalouse  de  tons  ceux  qui  l'appro- 
chaient, surtout  de  madame  de  M  dntenon.  Fière,  honnête  et  farou- 
che, froissée  dans  son  amour  maternel  par  la  précoce  perversité  de 
son  fils,  et  n'ayant  nulle  estime  pour  son  mari.  Madame  enveloppa 
d'un  même  mépris  toute  la  cour,  toute  la  France,  et  regretta  toute  sa 
vie,  sa  chère  Allemagne  et  ce  Palatinat  deux  fois  livré  aux  flammes 
parles  armées  de  Lojis  IV.  Se  rendant  bien  compte  qu'elle  ne 
serait  jamais  aimée  à  la  cour  de  France,  elle  voulut  du  m  )ins  n'être 
pas  moquée,  et,  usant  de  l'appui  du  roi  et  des  privilèges  de  son  rang, 
elle  se  fit  craindre  de  tous,  et  de  son  mari  tout  le  premier. 

Rigaud  n'avait  jamais  vu  Madame.  La  beauté  du  lieu  où  lui 
apparaissait  ce  type  de  laideur  achevée  n'était  pas  pour  atténuer 
l'impression  qu'il  ressentit,  et  la  princesse  la  devina  aisément. 
Elle  entra  dans  le  château,  et,  traversant  un  grand  vestibule  rem- 
pli de  serviteurs  qui  se  rangèrent  en  s'inclinant  sur  son  passage, 
elle  entra  dans  un  petit  salon  où  deux  tapissiers  étaient  occupés 
à  poser  les  tentures  d'été,  leur  commanda  de  s'en  aller,  et  congé- 
dia M.  de  Marnesetl'écuyer,  qui  allèrent  s'asseoir  dans  le  vestibule. 

Restée  seule  avec  Rigaud,  la  princesse  lui  indiqua  un  panneau 
de  boiserie  richement  encadré  et  placé  au-dessus  d'une  cheminée, 
en  face  de  laquelle  était  un  grand  miroir. 

"  Vuici  le  panneau  que  vous  aurez  à  décorer  d'une  peinture, 
monsieur,  "  lui  di  t-elle  ;  "  il  faut  qu'elle  soit  terminée  à  l'automne. 
Considérez  bien  l'emplacement,  pour  donner  à  la  figure  que  vous 
peindrez  les  dimensions  convenables.  On  vous  rem,ettra  le  dessin 
du  panneau.  Avez-vous  bien  vu  ? 

"  Oui,  Madame,  "  di'  Rigaud.  "  Quel  est  le  sujet  que  je  dois 
représenter  ?  " 

"  C'est  un  portrait.  Le  Brun  m'a  dit  que  vous  y  excelliez.  Quelle 
toile  avezvous  là  ?  " 

"  C'est  le  portrait  de  ma  mère,  "  dit  Rigaud  en  le  découvrant  et 
le  posant  sur  la  cheminée. 

Madame  se  recula  de  quelques  pas  et  l'examina  un  instant. 

"  C'est  frappant  de  vérité,  "  dit  elle,  "  ce  doit  être  ressemblant. 
Aimez-vous  faire  des  portraits  de  femme  ?  " 


736  LE  PROPAGATEUR 


"  Non,  Madame,  "  dit  Rigaiul. 

"  Pourquoi  cela  ?  " 

"  Parce  que  les  dames  veulent  être  embellies  et  ne  tiennent  pas 
à  être  ressemblantes,  pourvu  qu'on  les  fasse  jolies  ;  et  je  ne  sais 
mentir  ni  avec  la  langue  ni  avec  le  pinceau.  " 

"  Vous  n'êtes  point  fait  pour  la  cour,  alors,  "  dit  Madame,  "  et 
vous  ne  peindrez  guère  que  des  hommes  d'esprit.  " 

"Je  n'aspire  pas  à  autre  chose,  Madame.  Est-ce  un  portrait  du 
roi  que  Votre  Altesse  désire  ?  " 

"  Ce  n'est  point  mon  goût  qui  a  été  consulté,  "  dit  la  duchesse. 
'•'  Leroi  veutmeitre  là  le  portrait  d'une  princesse  qui  n'est  ni  jeune 
ni  belle,  vous  serez  à  plaindre,  monsieur,  d'avoir  un  tel  modèle." 

"  Non,  Madame,  "  dit  Rigaud  :  "  pourvu  que  cette  princesse  ait 
assez  d'esprit  pour  ne  point  vouloir  être  peinte  en  joli  masque,  je 
la  ferai  ressemblante  et  je  n'en  ferai  pas  moins  une  belle  peinture.  " 

"  Je  comprends,  "  dit  la  princesse,  "je  comprends  :  " 

11  n'est  point  de  serpent  ni  de  monstre  odieux 
Qui,  par  l'art  imité,  ne  puisse  plaire  aux  yeux. 

"  Ce  n'est  pas  ainsi  que  je  l'entends,  Madame,"  dit  Rigaud  :  "  une 
princesse  qui  ne  se  fait  pas  d'illusion  sur  son  manque  de  beauté 
est,  par  cela  même,  une  femme  d'un  esprit  supérieur,  et  tout  visage 
où  rayonne  l'intelligence  a  ses  heures  de  beauté.  C'est  une  de  ces 
heures-là  qu'il  faut  choisir,  sans  avoir  recours  aux  vulgaires 
artifices.  Quand  l'âme  resplendit  dans  le  regard  et  le  sourire, 
le  visage  le  plus  irrégulier  du  monde  est  agréable  à  regarder.  " 

"  De\inez  qui  vous  peindrez  là  ?  "  demanda  Madame  après  un 
instant  de  silence. 

"  C'est  vous.  Madame,  et  je  vois  très  bien  comment  je  vous  éclai- 
rerai. Veuillez  vous  tourner  un  peu.  C'est  cela.  Je  suis  sûr  de 
réussir.  Quand  commencerons-nous  ?  " 

"  Jeudi  matin,  à  Saint-Cloud,  "  dit  la  princesse.  "  Je  vous  en- 
verrai chercher  chez  vous.  M'aviez-vous  déjà  vue  ?  " 

"  Non,  Madame.  " 

"  Me  croyiez-vous  aussi  laide  que  je  le  suis  ?  " 

"  Oh  I  oui,  "  dit  naïvement  Rigaud  ;  "  mais  je  ne  vous  croyais 
pas  si  franche  et  si  bonne.  " 

"  Je  ne  suis  pas  bonne,  "  dit  la  duchesse,  "  mais  j'aime  les  gens 
qui  parlent  selon  leur  pensée,  et  j'ai  rarement  occasion  d'en  voir. 
Convenons  d'une  chose,  Rigaud  :  vous  me  direz  toujours  la  vérité. 
Nos  séances  alors  seront  pour  moi  des  heures  de  repos,  et  je  vous 
revaudrai  cela,  foi  de  princesse.  Allez  :  j'ai  donné  oidre  qu'on 
vous  serve  à  dîner.  M.  de  Marnes  vous  montrera  les  jardins,  si 
cela  vous  divertit,  ei  vous  fera  ramener  chez  vous.  A  jeudi.  " 

Et,  traversant  le  vestibule,  la  princesse  s'achemina  vers  son 
appartement. 

(à  suivre). 

Mme  Julie  Laveronh. 


BULLETIN 


8  février,  1893. 

*,*  Le  19  février  de  grandes  réjouissances  et  de  magnifiques  dé- 
monstrations religieuses  auront  lieu  dans  tout  l'univers  catho- 
lique. Car  ce  jour  sera  le  cinquantième  anniversaire  de  la 
consécration  épiscopale  de  Notre  Saint  Père  le  Pape  Léon  XIIL 
En  ce  jour  mémorable,  la  joie  des  fidèles  ne  sera  malheureuse- 
ment pas  sans  mélange,  car  ils  ne  pourront  pas  penser  sans  tris- 
tesse à  la  condition  actuelle  de  la  papauté.  Ils  feront  des  vœux 
pour  que  ce  triste  état  cesse  bientôt  et  pour  l'expulsion  des  usur- 
pateurs qui  souillent  le  sol  de  la  ville  éternelle.  Puisse  le  ciel 
écouter  les  prières  ardentes  qui  lui  seront  adressées  pour  la  déli- 
vrance du  vicaire  du  Christ.  Puisse  le  pape,  avant  de  mourir,  voir 
luire  l'aurore  de  la  liberté  pour  l'Eglise  et  le  rétablissement  de 
son  pouvoir  temporel  ! 

N.  S.  P.  le  pape,  Vincent  Joachim  Pecci,  aura  83  ans  révolus  le 
2  mars.  Il  est  né  le  2  mars  1810  à  Garpineto,  diocèse  d'Anagni.  Le 
23  décembre  1837,  il  était  ordonné  prêtre  et  le  19  février  1843, 
il  était  sacré  évêque.  Elevé  au  cardinalat  le  19  décembre  1853,  il 
fut  élu  au  suprême  Pontificat  le  20  février  1878  et  couronné  le  3 
mars  de  la  même  année.  Lors  de  son  élection  il  était  évêque  de 
Pérouse,  siège  qu'il  occupait  depuis  le  13  janvier  1846. 

* 

^*^  Dans  If.  cours  de  décembre  dernier,  dans  un  grand  nombre 
d'églises  de  France  on  a  célébré  des  messes  pour  le  repos  de  l'âme 
des  soldats  français  morts  au  champ  d'honneur  au  Tonkin,  au 
Soudan  et  au  Dahomey.  Dans  plusieurs  endroits,  les  autorités 
civiles,  judiciaires,  militaires  et  administratives  ont  assisté  à  ces 
cérémonies  religieuses.  Ces  manifestations  ont  excité  la  colère  de 
certains  libres  penseurs.  Le  journal  juif,  La  Lanterne,  y  a  même 
vu  un  attentat  à  la  Constitution. 

Les  journaux  ayant  annoncé  que  le  Président  Carnot  devait  se 
faire  représenter  au  Service  de  la  Madeleine,  La  Lanterne  a  poussé 
l'audace  et  l'impudence  jusqu'à  lancer  cette  proposition  aussi 
inepte  qu'efî'rontée  : 

U intervention  du  président  de  La  République  en  cette  circonstance 
est  absolument  irrégulière. 

Elle  est  contraire  au  caractère  exclusivement  laïque  donné  à  notre 
organisation  politique  par  le  congrès  de  revision  qui.,  en  1884,  sup- 
prima de  la  Constitution  la  clause  relative  aux  prières  publiques. 

En  tant  que  président   de  la  Rêoublique,    M.  Carnot  n'a  pas  le  droit 

47 


LE  PROPAGATEUR 


d'associer  le  pays,  soit  'personnellement,  soit  par  délégation,  à  une 
manifestation  religieuse. 

Il  y  a  là  de  sa  part  une  méconnaissance  de  la  liberté  de  conscience 
que  la  Constitution  revisée  a  voulu  sauvegarder. 

La  démarche  présidentielle  est  donc  en  formelle  contradiction  avec 
la  lettre  et  l'esprit  de  la  loi  fondamentale  du  pays. 

L'Univers  a  fait  bonne  justice  de  ces  absurdités. 

*** 

\*  L'ouverture  du  Parlement  anglais  a  eu  lieu  le  31  janvier. 
Le  discours  du  trône  est  très  court.  Après  avoir  fait  allusion  aux 
affaires  de  l'Ouganda  et  à  celles  de  l'Egypte,  Il  annonce  des 
mesures  relatives  au  gouvernement  de  l'Irlande,  au  système  d'en- 
registremeni,  à  la  durée  des  Parlements,  au  droit  de  vote,  au 
travail,  au  commerce  des  liqueurs,  etc. 

Le  discours  a  été  lu  par  lord  Herschell,  président  de  la  chambre 
des  Lords  et  lord  Grand  chancelier. 

*/  N.  S.  P.  le  Pape  a  établi  aux  Etats-Unis  une  délégation  aposto- 
lique permanente,  et  Mgr  SatoUi  a  été  nommé  le  premier  légat 
ou  délégué. 

Tous  les  catholiques,  même  ceux  qui  y  étaient  opposés  dans  le 
principe,  ont  accepté  cet  établissement  avec  la  plus  entière  sou- 
mission :  ''  Rama  locuta  est,  causa  fmita  est.  Voici  ce  qu'a  écrit  à 
ce  sujet  Mgr  Corrigan,  archevêque  de  New-York,  que  l'on  pré- 
tendait être,  à  tort  ou  à  raison,  l'un  des  plus  ardents  adversaires 
de  cet  établissement  : 

"  Le  Souverain  Pontife,  selon  la  définition  du  Concile  du  Vatican,  a  sa  juri- 
dict'on  absolue  sur  le  troupeau  entier  des  fidèles.  Ce  pouvoir  entraine  avec  lui 
le  droit  de  créer  dans  tous  les  diocèses  du  monde  un  délégué  ou  légal.  Celui  qui 
nierait  ce  droit  rejeterait  un  article  de  foi.  En  conséquence,  lorsqu'il  a  i)lu  au 
Souverain  Pontife  de  désigner  un  légat  apostolique,  il  a  usé  de  son  droit.  Plus 
encore,  il  ne  peut  venir  à  la  pensée  de  personne,  de  douter  un  instant  de  la 
sagesse  du  Saint-Père  en  prenant  celte  détermination.  Nous  avons  reçu  cette 
décision,  comme  toutes  celles  provenant  de  cette  haute  source,  avec  les  sentiments 
les  plus  complets  de  respect  et  d'obéissance.  Avant  que  le  Pape  eût  parlé,  il 
pouvait  y  avoir  quelque  divergence  d'opinion. 

Maintenant,  il  n'en  existe  plus.  Pour  ma  part,  je  reçois  avec  la  plus  grande 
satisfaction  la  nouvelle  annoncée,— en  admettant  toujours  qu'elle  soit  exaclo." 

'    Ce  document  a  été  transmis  aux  journaux  par  le  secrétaire  de 
Mgr  Corrigan,  Mr  l'abbé  Gonnelly. 

La  délégation  qui  vient  d'être  établie  aux  Etats-Unis,  n'a  aucun 
caractère  civil  ou  politique,  car  elle  n'est  pas  une  nonciature.  Elle 
n'a  qu'un  caractère  purement  ecclésiastique  ou  religieux. 

*  ,* 

*^  Mr.  l'abbé  Maxime  Decelles,  actuellement  curé  de  Sorel, 


LE  TROPAGATEUR  739 


vient  d'être  nommé  évêque  de  Druzipara,  et  coadjateur  de  Mgr 
l'évêque  de  St.  Hyacinthe  cumfutura  successione.  Il  sera  bienlôt 
sacré  à  St.  Hyacinthe. 

Mgr  Decelles  est  âgé  de  44  ans  moins  3  mois.  Il  est  né  à  Su 
Damase  le  30  avril  1849.  Après  un  brillant  cours  d'études  classi- 
ques fait  au  séminaire  de  St.  Hyacinthe,  il  entra  dans  l'état  ecclé- 
siastique et  il  fut  ordonné  prêtre  le  21  juillet  1872  par  Mgr  Charles 
Laroque.  L'ordination  eut  lieu  à  St.  Athanase.  Il  fat  successive- 
ment vicaire  à  St-Denis,  curé  d'office  à  Belœil,  curé  d'office  à  la 
cathédrale  de  St-Hyacmthe,  chanoine  pénitencier,  curé  de  SuSoch 
et  en  dernier  lieu  curé  de  SoreL 

*** 

^*,  Le  successeur  de  Lord  Stanley  de  Preston  au  poste  de 
Gouverneur-Général  du  Canada  vient  d'être  nommé.  C'est  le  très 
honorable  John  Campbell  Hamilton  Gordon,  comte  d'Aberdeen. 
Il  entrera  en  fonctions  dans  le  cours  da  mois  de  juin  prochain. 

Notre  futur  Gouverneur  est  né  le  3  août  1847,  Il  a  fait  ses 
études  au  collège  Hall  et  à  VUniversity  collège  d'Oxford.  Il  est  le 
petit  fils  du  comte  d'Aberdeen  ancien  premier  ministre  d'Angle- 
terre. Il  a  déjà  été  Lord-Lieutenant  d'Irlande,  poste  qui  lui  fut 
donné  en  1886  par  son  ami  intime  Mr.  Gladstone.  Lord  Aberdeen 
était  très  populaire  en  Irlande  et  il  fut  l'objet  des  plus  flatteuses 
démonstrations  lors  de  son  départ. 


*** 


Sont  décédés 


P  Hippolite  Féréol  Rivière,  ancien  professeur  de  droit  à  Nancy 
(France),  conseiller  honoraire  à  la  Cour  de  Cassation.  Il  avait  76 
ans.  Il  est  auteur  de  plusieurs  ouvrages  de  droit  et  notamment  de 
*'  Répétitions  écrites  sur  le  droit  commercial." 

2°  John  Lemoine,  journaliste  français,  sénateur  inamovible  et 
membre  de  l'Académie  Française  où  il  avait  remplacé  Jules  Janin. 
Mr  Lemoine  est  né  à  Londres  en  1815. 

3°  Mgr  Joseph  Dwenger,  2ème  évêque  du  fort  Wayne,  état  de 
rindiana. 

Il  est  né  dans  l'Ohio  en  1837  et  il  a  fait  ses  études  à  Cincinnati. 
Il  a  été  ordonné  prêtre  à  22  ans  en  vertu  d'une  dispense  du  pape  et 
il  a  été  sacré  évêque  en  1872. 

Le  diocèse  de  Fort  Wayne  comprend  la  moitié  de  l'état  d'Iadiana, 
Il  a  été  érigé  en  1857.  Antérieurement  il  faisait  partie  du  diocèse 
de  Vincennes. 

4**  Son  Eminence  le  cardinal  Joseph  Foulon,  archevêque  de 
Lyon.  Il  est  né  à  Paris  le  29  avril  1823  et  il  a  fait  ses  études  dans 
sa  ville  natale,  au  petit  séminaire  où  il  a  été  l'élève  du  célèbre 
Mgr  Dupanloup.  Plus  tard  il  a  enseigné  la  rhétorique  dans  la 
même  institution  dont  il  est  devenu  ensuite  directeur. 


740  LE  PROPAGATEUR 


Il  a  été  nommé  évêque  de  Nancy  et  de  Toul  en  1867,  arche- 
vêque de  Besançon  en  1882,  archevêque  de  Lyon  en  1887  et  car- 
dinal en  1889.  A  la  signature  du  traité  de  Paix  entre  la  France  et 
l'Allemagne  il  eut  la  douleur  de  voir  céder  à  cette  dernière  puis- 
sance une  partie  de  son  diocèse.  En  1874  il  fut  condamné  par 
contumace  à  deux  mois  de  prison  à  cause  d'une  lettre  pastorale  qui 
eut  le  don  d'effaroucher  les  oppresseurs  allemands.  Cette  condam 
nation  resta  heureusement  sans  effet  car  il  ne  mit  jamais  le  pied 
sur  le  territoire  annexé. 

5°  James  Armstrong,  député  fédéral  de  Middlesex  sud,  Ontario. 
Mr  Armstrongest  né  à  Queensbury,  Nouveau-Brunswick,  le  1er 
mars  1830.    Il  était  député  depuis  1882  et  libéral  en  politique. 

6**  James  Gillespie  Blaine,  homme  d'état  américain.  Mr  Blaine 
est  né  àBrovvnsville  ouest,  Pensylvanie,  le  31  janvier  1830.  11  a 
passé  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  dans  le  Maine,  son  état 
d'adoption.  Il  a  été  mstituteur  et  journaliste,  député  à  la  législa- 
ture du  Maine,  député  au  congrès,  président  de  la  chambre  des 
représentants  et  secrétaire  d'état  dans  le  cabinet  du  président 
Garfield  et  plus  tard  dans  le  cabinet  du  président  actuel  Harrison, 
Il  donna  sa  démission  l'année  dernière  à  la  veille  de  la  campagne 
présidentielle. 

Il  fut  aspirant  malheureux  à  la  candidature  présidentielle  en 
1876,  en  1880,  en  1»88  et  enfin  en  1891.  Ses  heureux  concurrents 
furent  Mr  Hayes  en  1876,  Mr  Garfleld  en  1880  et  enfin  Mr  Har- 
rison en  1888  et  en  1691. 

En  1884,  il  réussit  à  se  faire  choisir  comme  candidat  présiden- 
tiel par  le  parti  républicain,  mais,  après  une  lutte  acharnée,  il  fut 
défait  par  Mr  Grover  Cleveland. 

La  politique  de  Mr  Blaine  était  hostile  au  Canada. 

Alby. 


I  nv.^:  ^C3-  E  S 


LA  SAINTE-FAMILLE 

(  Pacte  d'union  éternelle   entre  la  famille  chrétienne 
et  la   Ste-Famille.) 

Grand  format  :  18  x  26,  (couleur). .AO  centins  chiicune.   $40.00  le 
cent  et  20  par  cent  de  remise  au  clergé. 

Moyen  FORMAT  :  13^x18,   (grise),  \0   centins  chacune.  $10.00,^Ie 
cent  et  20  par  cent  de  remise  au  clergé. 

Un  livret  des  familles  accompagne  chaque  image. 

N.  B.— ly.s  images  lOnl  cillesadopUes  par  le*  RR.  PP.  Oblals. 


LA 


FRANC-MAÇONNERIE 

SYNAGOGUE  DE  SATAN 

PAR 

M""  LEON  MKURIN.  S.  J. 

ARCHEVÊQUE-EVÊQUE  DE  PORT-LOUIS 

1  fort  vol  in-8  de  557  pages $1.88 

"  Je  sais  ce  que  vous  souffrez  et  combien  vous 
êtes  pauvre  ;  néanmoins  vous  êtes  richf«.  Vous 
êtes  calomnié  par  ceux  qui  se  disent  Juifs,  et  ne 
le  sont  pas  :  ils  sont  la  Synagogue  de  Satan.  Ne 
craigr.ez  rien  de  ce  que  vous  avez  à  souffrir." 
(Apocalypse,  ch.  ii,  v.  9.) 


"  Tou-j  nos  secrets  maçonniques  sont  impénélra- 
blemenl  cachés  sous  des  symboles.' 

(Enseignement  officiel  du  33«  degré.) 

INTRODUCTION 

1.  Le  nombre  maçonnique   de  trente  trois   rencontré   dans  les 
anciennes  religions  païennes 

Les  degrés  de  la  franc-maçonnerie  sont,  tout  le  nionde  le  sait, 
au  nombre  de  trente-trois. 

Or,  en  étudiant  les  Védas  des  Indiens,  nous  avons  renconlré  le 
texte  suivant  : 

"  O  Dieux,  qui  êtes  au  nombre  de  onze  dans  le  ciel  ;  qui  êtes  au 
nombre  de  onze  sur  la  terre,  et  qui,  au  nombre  de  onze.,  babUez 
avec  gloire  au  milieu  des  airs,  puisse  notre  sacrifice  vous  être 
agréable.  (1) 

L'Atharva-Véda  enseigne  que  trente-trois  esprits  (trayas-trinshad 
hevah),  sont  contenus  dans  Prajapati  (Brahme)  comme  ses  membres. 

Le  Zend-Avesta,  livre  sacré  des  anciens  Perses,  contient  la  pièce 
suivante  : 

"  Que  les  trente-trois  Amscbaspands  (Archanges)  et  Ormazd 
soient  victorieux  et  purs  (2)  !" 

([)  Rig-Véda,  Adhyaya,  n.    Anivaka,'j.xSu';la,i,y.\\. 
(?)  Kordah-Avesta,  m. 


742  LE  PROPAGATEUR 


Nous  lisons  de  même  dans  le  Yaçna  I,  v.  33  :  "  J'invite  et  j'Jio- 
nore  tous  les  seigneurs  de  la  pureté  :  les  trente-trois  plus  proches 
autour  de  Havani  (l'Orient),  les  plus  purs,  qu'A  h  u  ra  -  Mazda 
(Ormazd)  a  instruits  et  que  Zarathustra  (Zoroastre)  a  annoncés." 

Ce  nombre  mystérieux  de  trenie-trois^  dont  nous  ne  pouvions 
trouver  nulle  part  une  explication,  nous  semblait  indiquer  entre 
les  mystères  de  l'antiquité  païenne  et  la  franc-maçonnerie  une 
connexion  qui  méritait  d'être  étudiée,  et  promettait  même  la  décou- 
verte des  secrets  les  plus  cachés  de  cette  société  ténébreuse. 

Nous  ne  nous  sommes  pas  trompés. 

2.    liE  NOMBRE    TRENTE-TROIS   DANS    LA   FRANC-MAÇONNERIE. 

Les  premiers  onze  degrés  de  la  franc-maçonnerie,  nous  le  ver- 
rons plus  tard,  sont  destinés  à  transformer  le  Profane  en  Homme 
vrai,  dans  le  sens  maçonnique  ;  la  seconde  série,  du  12e  au  22e 
degré,  doit  consacrer  l'Homme  Ponïï/ejw//';  et  la  troisième  série- 
du  23e  au  33e  degré,  doit  constituer  le  Pontife,  Roi  juif  ou  Empe^ 
reur  kabbalistique. 

Les  Chefs  secrets  de  la  franc-maçonnerie,  les  Juifs,  ont  été  très 
circonspects  dans  la  révélation  graduelle  de  l'organisation  de  leur 
société  secrète. 

Pour  en  donner  un  exemple,  nous  citerons  la  France,  qui,  en 
1722,  n'a  connu  que  les  trois  premiers  degrés,  dans  lesquels, 
disons  le  de  suite,  est  cependant  contenue  en  germe  toute  la  doc- 
trine maçonnique.  En  1738,  on  osa  doubler  ce  nombre  ;  en  1758, 
il  fut  porté  à  deux  fois  onze,  plus  les  trois  premiers  degrés  de  la 
troisième  série  de  onze,  c'est-à-dire,  en  tout,  à  vingt-trois  degrés. 
Les  huit  derniers  degrés  qui  manquaient  encore  au  système  par- 
fait, ont  été  ajoutés  seulement  en  1802,  après  que  les  travaux  téné- 
breux des  loges  avaient  porté  les  fruits  sur  lesquels  on  avait 
compté,  en  faisant  couler  à  flots  le  sang  humain. 

Paul  Rosen,  autrefois  franc-maçon  du  33e  et  dernier  degré, 
donne  la  description  de  l'ouverture  des  séances  du  Suprême  Con- 
seil du  33e  degré  (1).  il  dit  : 

'Un  Suprême  Conseil  doit  être  composé  de  neu/"  Souverains 
Grands  Inspecteurs  Généraux  au  moins,  et  de  treyite-trois  au  plus, 
Neuf^  parce  que  ce  nombre,  étant  le  dernier  des  nombres  simples, 
indique  la  fin  de  toutes  choses;  trente-trois,  parceque  c'est  à  Char- 
leston,  au  33*^  latitude  nord,  que  le  premier  Suprême  Conseil  s'est 
constitué,  le  31  mai  1801,  sous  la  présidence  de  Isaac  Long,  fait 
Inspecteur  Général  par  Moïse  Cohen,  qui  tenait  son  grade  de 
Spitzer,  Hayes,  Franken  et  Morin.  Ce  dernier  le  tenait,  depuis  le 
22  août  1162,  du  prince  de  Rohan  et  de  neuf  autres  maçons  du 
Rite  de  Perfection,  qui  l'avaient  chargé  d'établir  dans  toutes  les 
parties  du  monde  la  Puissante  et  Sublime  Maçonnerie." 

Les  autorités  maçonniques,  comme   Findel  (2)   et  Clavel  (3) 

(1)  Salan  et  Cie,  Tournai,  1888,  p.  219. 

(2)  Geschichte  der  Freimaurerei,  Leipzig,  18/0,  p.  847:  Die  Ordensluge  des- 
choilisch'ii  Rilus  der  33  Grade.  Histoire  de  la  franc-maçonnerie  :  le  Mensonge 
e  l'Ordre  regardant  le  rite  écossais  de  33  degrés . 

(3)  Histoire  pittoresque  de  la  franc-maçotïnerie,  i  éd.,  184i,  p.  400. 


LE  PROPAGATEUR  743 


déclarent  que  le  Juif  Morin  n'avait  de  patente  que  pour  l'établisse- 
ment de  vingt-cinq  degrés,  et  que  la  publication  des  huit  derniers 
degrés  ne  remonte  pas  au  delà  de  1801.  C'est  dit  pour  dérouter 
les  esprits  trop  curieux  :  le  système  maçonnique  exige  absolument 
trente-trois  degrés. 

Dans  le  catéchisme  du  Maître,  selon  le  Rite  français,  nous 
lisons  (1)  :  "  L'Assemblée  générale,  réunie  en  session  et  revêtu  du 
pouvoir  législatif,  fixe  la  loi  qui  nous  régit  et  qui  fixe  les  intérêts 
communs  de  l'institution.  En  son  absence,  une  commission,  dési- 
gnée par  le  nom  de  Conseil  de  l'Ordre,  composé  de  trente-trois 
membres  élus  par  l'Assemblée  générale,  administre  les  affaires 
courantes." 

Les  mystères  de  la  franc-maçonnerie  sont,  pour  la  plupart, 
cachés  sous  des  légendes,  des  emblèmes,  des  décors,  des  mots 
sacrés,  etc. 

La  "  Chambre  noire  ",  par  laquelle  doit  passer  le  récipiendaire 
au  grade  de  Rose-Croix,  est  éclairée  par  trente-trois  lumières,  por- 
tées sur  trois  chandeliers  à  onze  branches  (2). 

Le  Rite  de  Misraïm  ^d'Egypte)  compte  33  degrés  symboliques, 
33  degrés  philosophiques,  11  degrés  mystiques  et  13  degrés  kabba- 
listiques. 

Pour  le  moment,  il  suffit  de  constater,  dans  ce  rite,  la  répétition 
du  nombre  33,  le  nombre  11,  et,  ce  qui  nous  conduit  plus  loin  dans 
les  mystères,  la  profession  ouverte  de  la  Kabbale  juive. 

3.  Le  nombre  onze  dans  la  Kabbale  juive 

La  Kabbale  ayant  été  nommée,  notre  attention  s'est  portée  sur 
cette  doctrine  philosophique  des  Juifs  hétérodoxes. 

Là,  nous  avons  encore  retrouvé  le  nombre  onze,  et  avec  lui  la 
clef  des  mystères  maçonniques.  Il  nous  suffit  pour  le  moment  de 
constater  que  l'Ensop/i  (l'Infini)  est  la  source  de  laquelle,  d'après  la 
doctrine  de  la  Kabbale,  découle  d'éternité  en  éternité,  tout  ce  qui 
a  existé,  existe  et  existera.  De  lui  émanent,  en  premier  lieu,  une 
Triade  :  la  Couronne,  la  Sagesse  et  l'Intelligence,  nommée  les  Séphi- 
roth  (nombres)  supérieures,  et  en  second  lieu  sept  autres  Séphiroth 
qui,  avec  les  trois  supérieures,  constituent  l'Homme  primordial 
(Adam  Kadmon).  l'Ensoph  et  les  dix  Séphiroth  composent  ''  dans 
le  ciel  "  le  fameux  nombre  onze  qui  se  répète  dans  la  sphère  des 
esprits,  "  au  milieu  des  airs  "  ainsi  que  dans  le  monde  matériel, 
"  sur  la  terre  ",  complétant  ainsi  le  nombre  de  trente-trois. 

Les  Kabbalistes  tiennent  beaucoup  aux  nombres,  surtout  à  celui 
de  onze.  Un  fragment  inséré  dans  le  Zohar  (Lumière),  leur  livre 
principal,  est  intitule  Idra  raba,  c'est-à-dire  la  Grande  Assemblée, 
parcequ'il  contient  les  discours  adressés  par  Simon-ben-Jochaï  à 
tous  ses  disciples,  réunis  au  nombre  de  dix  ;  le  maître  représen- 
tant ainsi  l'Ensoph  au  milieu  des  dix  Séphiroth  (3). 

(1)  Léo  Taxil,  les  Frères  Trois- Points,  1'  vol.,  p.  126. 

(1)  Léo  Taxil,  les  Mystères  de  la  franc-maçonnerie,  p.  279. 

(3)  Franck,  la  Kabbale,  p.  126,  note. 


744  LE  PROPAGATEUR 


4.  Le  nombre  onze  dans  les  décors   maçonniques. 

'  Pour  nous  assurer  que  nous  avions  pénétré  dans  le  vrai  chemin 
qui  conduit  aux  plus  intimes  mystères  de  la  franc-maçonnerie,  il 
nous  a  suffi  de  découvrir  dans  les  décors  maçonniques  l'Ensoph 
avec  les  dix  Séphiroth,  la  Couronne  à  leur  tête. 

Dans  les  •'  Grandes  Constitutions  "  du  Rite  écossais,  article  66, 
se  trouve  la  description  de  la  décoration  à  laquelle  ont  droit  les 
membres  de  la  Grande  Loge  Centrale  : 

'•  Ils  portent  un  cordon  en  sautoir,  blanc  moiré,  large  de  dix  à 
onze  centimètres^  orné  d'un  lacet  d'or  de  cinq  millimètres  sur  chaque 
côté  ;  sur  la  pointe  est  une  rosette  de  couleur  ponceau.  A  ce 
cordon  est  suspendu  un  bijou  formé  de  trois  triangles  entrelacés, 
surmontés  d'une  couronne.     Ce  bijou  est  en  or  ou  doré." 

Les  trois  triangles  entrelacés  représentent  les  neuf  Séphiroth 
émanant  de  la  Couronne,  laquelle  le  surmonte  et  complète  le 
nombre  de  dix. 

Le  cordon  blanc  large  de  dix  centimètres  représente  les  mêmes 
dix  Séphiroth.  On  dit  :  dix  à  onze  centimètres,  pour  avoir  de 
quoi  attacher  la  lisière. 

La  lisière  en  or,  d'un  demi-centimètre  de  chaque  côté,  «complète 
le  nombre  de  onze  centimètres;  elle  représente  l'Ensoph,  (l'Infini) 
qui  embrasse  toute  la  création,  ou,  pour  parler  plus  correctement, 
toute  l'émanation  par  laquelle  il  s'est  révélé. 

La  rosette  sur  la  pointe  du  cordon  représente  la  pensée  ou 
plutôt  l'action  féconde  de  l'Infini,  par  laquelle  il  s'est  révélé  dans 
l'univers. 

Le  cordon  porté  par  les  •'  Maîtres  ",  3^  degré,  est  bleu  moiré, 
large  de  onze  centimètres  ;  celui  des  "  Maîtres  secrets  ",  4^  degré, 
est  aussi  bleu,  mais  liséré  de  noir,  et  large  de  onze  centimètres. 

La  difl'érence  des  couleurs  au  4e  et  au  33'  degré,  indique  une 
autre  idée:  ce  n'est  qu'au  33^ degré  qu'on  arrive  à  obtenir  ce  que, 
au  4e,  on  pleure  encore  comme  perdu. 

Au  29e  degré,  il  y  a  7  signes,  3  attouchements  et  1  attouchement 
général,  signifiant  les  7  Séphiroth  inférieures,  les  3  supérieures  et 
l'Ensoph.    En  tout  onze. 

La  Chambre  du  Suprême  Conseil  du  33e  degré  écossais  est  éclai- 
rée par  onze  lumières  :  un  chandelier  à  cinq  branches  à  l'orient, 
un  autre  à  trois  branches  à  l'occident,  un  troisième  à  une  branche 
au  nord  et  un  quatrième  à  deux  branches  au  midi.  Outre  le 
nombre  mystique  de  onze,  on  y  trouvera  la  date  de  5312  (ère  juive) 
ou  1312  (ère  chrétienne),  l'an  de  l'abolition  de  l'Ordre  des  Tem- 
pliers. 

La  batterie  du  même  33e  degré  se  fait  par  onze  coups  :  d'abord 
5,  ensuite  3,  1  et  2  ;  ce  qui  signifie  les  mêmes  choses  que  les  onze 
lumières. 

Dans  ces  deux  symboli^s,  les  lumières  et  la  batterie,  nous  voyons 
réunis  les  trois  mystères  fondamentaux  de  la  franc-maçonnerie  : 

L  Le  mystère  de  VOrdre  déchu  des  Templiers,  qui  se  cache  der- 


LE  PROPAGATEUR  745 

ri  ère  les  grades  inférieurs  de  la  société  secrète:  voilà  l'an  1312 
qui  crie  vengeance  ; 

2.  Le  rrystère  de  la  Synagogue  déchue,  qui  se  cache  derrière  la 
société  secrète  de  la  franc-maçonnerie  entière  :  voilà  l'ère  juive  ; 

3.  Le  mystère  de  VAnge  déchu,  qui  se  cache  derrière  les  dix 
Séphiroth,  c'est-à-dire  la  trinité  divine  et  les  "  sept  anges  qui  sont 
toujours  devant  le  trône  de  Dieu  (1)"  :  voilà  le  nombre  onze. 

Trois  haines  conjurés  contre  le  Seigneur  et  son  Christ  1 

5.  La  Kabbale  juive,  la  base  dogmatique  de  la  franc-maçonnerie 

Les  indications  citées  nous  suffisaient  pour  considérer  comme 
justes  notre  hypothèse  que  la  Kabbale  juive  est  la  base  philoso- 
phique et  la  clef  de  la  franc-maçonnerie. 

Cette  découverte  nous  a  inspiré  l'idée  de  cet  essai.  Servira-t-il 
à  ouvrir  les  yeux  à  ces  milliers  de  francs-maçons  non  Juifs  qui  ne 
voient  pas  l'esclavage  auquel  les  Pharisiens,  les  Juifs  de  la  Kabbale, 
les  ont  réduits,  et  dans  lequel  ils  les  retiennent  captifs  par  des  mys- 
tères qu'ils  ne  leur  révèlent  pas  même  au  33^  degré  ? 

Y  trouvera-t-on  l'assujettissement  des  peuples  chrétiens  et  de 
leurs  autorités  politiques  sous  la  domination  des  Juifs  ? 

6.  Le  paganisme  incorporé  dans  la  Kabbale  juive 

Ce  n'est  pas  la  synagogue  orthodoxe,  ni  la  vraie  doctrine  de 
Moïse,  inspirée  par  Dieu  même,  que  les  Kabbalistes  modernes 
représentent  c'est  le  paganisme»dont  quelques  Juifs  sectaires  ont 
été  imbus,  lors  de  la  captivité  de  Babylone.  On  n'a  qu'a  étudier  la 
doctrine  de  la  Kabbale  juive  et  à  la  comparer  avec  les  doctrinss 
philosophiques  des  plus  anciens  peuples  civilisés,  Indiens,  Perses, 
Babyloniens,  Assyriens,  Egyptiens,  Grecs  et  autres,  pour  s'assurer 
que  partout  est  eneeigné  le  même  système  panthéistique  d'émana- 
tion. Partout  on  retrouve  un  certain  principe  éternel  duquel 
émanent  une  première  triade,  et,  après  elle,  tout  l'univers,  non 
par  création,  mais  par  émanation  substantielle. 

On  est  forcé  de  l'admettre,  entre  la  philosophie  kabbalistique  et 
l'ancien  paganisme,  il  y  a  une  connexion  intime  qu'il  est  difficile 
d'expliquer  d'une  autre  manière  que  par  l'inspiration  d'un  même 
auteur,  c'est-à-dire  de  l'ennemi  du  genre  humain,  de  l'Esprit  de 
mensonge. 

7.  Satan  dans  le  paganisme 

Dans  le  cours  de  ce  petit  essai  nous  ferons  ressortir  l'habileté 
avec  laquelle  cet  inspirateur  des  anciennes  doctrines  païennes  a 
réussi  à  séparer,  d'abord  l'idée  des  trois  divines  personnes  connues 
dans  l'antiquité  avec  plus  ou  moins  de  précision,  de  l'idée  de  leur 
substance  commune  et  inséparable,  en  les  représentant  comme 
émanés,  dans  un  temps  plus  ou  moins  reculé,  de  cette  essence 
commune  ;  et  ensuite,  à  s'introduire  lui-même  dans  la  Trinité,  en 

(l)  Apocalypse,  ch.  i,  v.  4 — Tobie,  ch.  xii,  v.  15. 


746  LE  PROPAGATEUR 


supplantant,  soit  la  première,  soit  la  troisième  personne,  afin  d'ob- 
tenir, d'une  manière  ou  d'une  autre,  de  la  part  des  hommes,  l'ado- 
ration divine  qui  a  brigué  en  disant  : 

"  Je  monterai  au  ciel,  j'établirai  mon  trône  au-dessus  des  astres 
de  Dieu  ;  je  m'assiérai  sur  la  montagne  de  l'alliance  aux  côtés  de 
l'aquilon,  je  me  placerai  au-dessus  des  nuées  les  plus  élevées,  et  je 
serai  semblable  au  Très-Haut  (1)." 

C'est  là  qu'on  découvre  la  source  empoisonnée  deserreurs  et  des 
haines  surnaturelles  qui  remplissent  le  paganisme  ancien  et  mo- 
derne, ainsi  que  l'âme  du  Juif  de  la  Kabbale  et  de  l'adepte  de  la 
franc-maçonnerie,  d'une  rage  indescriptible  contre  Dieu  et  contre 
tous  ceux  qui  croient  en  Dieu. 

8.  Les  Juifs  dans  l'Okdre  déchu  des  Templiers 

Usurpateur  des  honneurs  divins,  en  se  donnant  comme  une  des 
personnes  de  la  Sainte-Trinité,  le  Prince  des  ténèbres  a  su  se 
cacher  dans  les  anciens  mystères  païens,  basés  sur  l'erreur  pan- 
théistique.  Par  eux  il  conduit  l'homme  à  des  débauches  inoûies 
et  à  une  scélératesse  ne  reculant  pas  devant  l'efîroyable  attentat  de 
détrôner  la  majesté  divine. 

Des  antres  païens  cet  Esprit  du  mal  a  su  pénétrer,  avec  sa  doc- 
trine criminelle,  dans  l'esprit  d'une  certaine  classe  du  peuple  juif 
tenu  en  captivité  à  Babylone.  Ligué  avec  ses  nouveaux  adeptes, 
connus  par  la  ténacité  extraordinaire  de  leur  race,  il  a  pu  remuer 
le  monde,  et  il  le  remue  encore.  Si  les  pharisiens  n'ont  pas  hési- 
té à  crucifier  le  Christ,  ils  n'hésiteront  pas  non  plus  à  persécuter 
les  chrétiens  dont  la  foi  spirituelle  est  en  opposition  directe  avec 
leurs  espérances  temporelles. 

Passons  sous  silence  les  temps  des  Gnostiques  et  des  grandes 
persécutions  des  premiers  siècles,  dans  lesquelles  les  Juifs  jouent 
un  rôle  aussi  important  qu'odieux,  et  arrêtons-nous  au  même  âge. 

Les  Templiers  furent  corrompus  en  Palestine.  Dans  leurs  réu- 
nions secrètes,  ils  renonçaient  au  Christ,  et — c'en  est  toujours  la 
conséquence — s'adonnaient  à  la  débauche. 

Nous  n'avons  plus  à  prouver  ici  ce  que  les  Deschamps,  les 
Pachtler  et  tant  d'autres  ont  parfaitement  établi  sur  des  preuvres 
irréfragables.  L'Ordre  déchu  des  Templiers,  d'abord  par  ses  doc- 
trines et  ses  pratiques,  ensuite  par  les  restes  de  ses  membres  dis- 
persés, a  servi  de  point  de  départ  pour  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui 
la  franc-maçonnerie. 

Le  30e  degré,  le  grade  de  Chevalier  Templier,  est,  en  union  avec 
le  18e  degré,  le  Grade  de  Rose-Croix,  l'essence  même  de  la  franc- 
maçonnerie.  Les  autres  grades  ne  servent  qu'à  les  préparer  et  à 
les  cacher  aux  yeux  des  "profanes"  et  des  frères  ineptes  et 
indignes  de  confiance. 

9.  Enchaînement  des  haines  et  des  mystères  de  la  franc- 
maçonnerie 
Les  points  indiqués  doivent  nous  servir  d'introduction  à  ce  petit 
(l)  Isaïe,  XIV,  V.  13. 


LE  PROPAGATEUR  747 


iraité,  pour  montrer  de  prime  abord  au  lecteur  l'enchaînement 
des  haines  mystérieuses  concentrées  dans  la  franc-maçonnerie 
pour  la  continuation  et  l'accomplissement  de  l'œuvre  de  l'Anté- 
christ :  "  car  le  mystère  d'iniquité  s'opère  déjà  (l)  ". 

Si  nous  avons  réussi  à  mettre  le  doigt  sur  le  ver  rongeur  de 
l'humanité,  des  hommes  plus  compétents  que  nous  se  hâteront 
peut-être  de  nous  suivre  et  compléteront  ce  que  nous  ne  pouvons 
qu'eftleurer. 

Complété,  notre  ouvrage  deviendrait  tout  ensemble,  un  livre 
d'histoire  universelle,  un  traité  de  théologie  et  de  philosophie,  et 
une  exposition  de  la  magie  noire. 

Cherchons,  et  nous  trouverons  dans  l'histoire,  la  franc-maçon- 
nerie ;  dans  la  franc-maçonnerie,  l'Ordre  déchu  des  Templiers  ; 
dans  les  deux  ensemble,  la  Synagogue  kabbahstique  ;  dans  les 
trois  ensemble,  les  anciens  mystères  païens,  et  entin,  dans  le  tout. 
Satan  lui-même. 

L'Ange  déchu  a  séduit  les  anciens  peuples  par  ses  doctrines 
mensongères  ;  le  paganisme  a  séduit  le  Juif  hypocrite  et  obstiné  ; 
le  juif  a  séduit  et  corrompu  l'Ordre  rehgieux  des  Templiers,  et 
trompe  encore  aujourd'hui  la  grande  masse  crédule  des  francs- 
maçons. 

Ayant  accaparé  les  trésors  et  le  pouvoir  civil  de  ce  monde,  le 
Juif  fait  une  guerre  acharnée,  sans  merci  et  sans  trêve,  à  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  et  à  tous  ceux  qui  refusent  de  fléchir  le  genou  de- 
vant lui  et  son  veau  d'or. 

Ceindre  le  front  du  Juif  du  diadème  royal  et  mettre  sous  ses 
pieds  le  royaume  du  monde,  voilà  le  vrai  but  de  la  franc-maçon- 
nerie. 

Nous  nous  berçons  de  l'espoir  de  ramener  par  cet  ouvrage 
quelques-uns  des  esprits  égarés,  mais  nous  n'avons  aucun  espoir 
de  persue  der  la  génération  perverse  qui  se  cache  sous  les  trente- 
trois  plis  des  secrets  maçonniques,  et  encore  au-delà  ;  car  celle-là 
ne  saurait  être  convaincue  par  la  raison  ;  elle  n'a  jamais  cédé 
qu'à  lafo  rce  majeure.  Probablement  elle  sera  refoulée  par  un 
soulèvement  dû  à  l'exaspération  populaire,  ou  peut  être  par  la 
défection  et  le  dégoût  de  ceux  mêmes  qu'elle  a  réussi  à  subjuguer 
et  à  s'enchaîner  par  des  serments  illicites,  qu'ils  sont  aujourd'hui, 
encore  assez  superstitieux  pour  croire  honnêtes  et  valides. 

Le  pouvoir  actuel  des  chefs  de  la  franc-maçonnerie  paraît  tou- 
cher à  sa  fin  ;  mais  il  ne  finira  pas  sans  une  tragédie  tout  à  fait 
inouïe. 

"  Démasquer  la  franc-maçonnerie,  dit  Léon  XIII,  c'est  la 
vaincre."  Etant  mise  à  nu,  tout  esprit  droit  et  tout  cœur  honnête 
s'en  détachera,  et  par  cela  même  elle  tombera  anéantie  et  exécrée. 

(l)  Thessal.,  ch.  ii,  v.  7. 


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ut   l 


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Mes  chers  amis,  vous  êtes  tous  catholiques,  vous  seriez  bien  à 
plaindre  si  vous  ne  l'étiez  pas,  comme  tels,  vous  connaissez  le  rôle 
que  notre  divin  Sauveur  a  assigné  au  prêtre  dans  le  monde  :  "  de 
même  que  mon  père  m'a  envoyé,  je  vous  envoie.  "  Ces  paroles 
sont  bien  claires,  le  prêtre  doit  continuer  la  mission  de  Jésus-Christ 
sur  la  terre  et  cette  mission,  le  prêtre  la  remplira  jusqu'à  la  fin 
des  temps,  en  dépit  de  toutes  les  tyrannies  et  persécutions. 

On  pourra  tuer  un  prêlre^  on  n'éteindra  jamais  le  sacerdoce. 

Un  puissant  empereur  romain  a  voulu  faire  cela  ;  il  a  ordonné 
une  persécution  générale  des  chrétiens  et  dans  son  orgueil  il  se 
disait  :  j'élèverai  un  temple  sur  les  ruines  du  nom  chrétien  ;  quel- 
ques années  plus  tard,  l'univers  entier  se  convertissait  à  la  foi  ca- 
tholique et  des  milliers  d'églises  furent  cousti-uites  sur  les  ruines 
du  paganisme  anéanti.  Les  méchants  auront  beau  faire,  le  ministre 
de  Dieu  leur  survivra. 

Dans  notre  pays,  quelques-uns  veulent  "  tuer  "  le  prêtre  dans 
l'esprit  de  nos  populations  catholiques  ;  avec  la  grâce  de  Dieu  ils 
n'y  réussiront  pas  ;  il  va  leur  arriver  ce  qui  est  arrivé  à  tant  de 
mangeurs  de  prêtre  :  Dieu  va  les  châtier  eux-mêmes,  ou  les  punir 
dans  leurs  enfants. 

J'ai  intitulé  celte  causerie  :  le  prêtre  et  ses  détracteurs.  Allez-vous 
croire,  mes  chers  compatriotes,  que  je  vais  me  servir  envers  eux 
des  mêmes  armes  qu'ils  emploient  pour  nous  combattre  :  le  men- 
songe et  la  calomnie  ?  non;  ma  religion  mêle  défend.  Pensez-vous 
qu'au  moins,  je  vais  rendre  coup  pour  coup,  que  ie  vais  entrer 
dans  leur  maison  et  dévoiler  à  nu  leur  conduite  privée  ?  pas  du  tout. 

Je  les  crois  cependant  vulnérables  et  on  pourrait  peut-être  leur 
faire  de  larges  blessures  ;  car  si  l'Esprit  Saint  dit  que  le  juste  tombe 
**  sept  fois  par  jour,  "  il  peut  se  faire  qu'eux  tombent  au  moins 
sept,  fois  et  demie  ;  n'auraient-ils  pas  quelques  petits  péchés  à  se 
reprocher  ?  quelques  distractions  dans  leurs  prières,  si  toutefois 
ils  la  font  ?  quelques  manquements  de  charité  ?  "  Ne  faites  pas 
aux  autres  ce  que  vous  ne  voudriez  pas  qu'on  vous  fit  à  vous- 
même,  "  a  dit  Notre  Seigneur  ;  auraient-ils  quelquefois  manqué 
à  ce  précepte  ?  Cependant,  que  nos  ennemis  cessent  de  trembler 
—  car  je  vois  qu'ils  tremblent —  en  conscience  je  ne  puis  faire  de 
telles  choses.  11  m'est  défendu  sous  peine  de  m'exposer  au  feu  de 
l'enfer,  de  faire  connaître  une  de  leurs  fautes  graves  que  cinq  ou 
six  personnes  seulement  connaissent,  et  qui  par  conséquent,  n'est 
pas  publique.  D'ailleurs,  iiuelle  peine  ne  ferais  je  à  leurs  enfants  ! 
quel  scandale  ces  révélations  produiraient  sur  eux  !  Quand  je 


LE  PROPAGATEUR  749 


prêche  des  retraites,  en  parlant  de  la  charité  je  dis  aux  autras 
"  de  ne  pas  faire  au  prochain  ce  qu'ils  ne  voudraient  qu'où  leur 
fît  à  eux-mêmes,  "  car,  dit  St  Paul,  "  celui  qui  est  debout,  qu'il 
prenne  garde  de  tomber.  "  Gomme  il  n'y  a  personne  de  parfait 
sur  la  terre,  si  le  commandement  de  la  charité  n'était  pas  observé 
que  de  turpitudes,  mes  chers  habitants,  dont  vous  n'avez  pas-même 
l'idée,  seraient  mises  à  jour. 

Je  n'attaquerai  donc  pas  ;  je  vais  me  tenir  sur  la  défensive  —r  ce 
que  je  ferai  d'ailleurs  jusqu'à  la  fin.  Je  veux  défendre  le  clergé,  je 
le  ferai  sans  sortir  de  la  forteresse  inexpugnable  où  je  me  suis  ré- 
fugié ;  couvert  du  bouclier  de  son  dévouement,  de  sa  science,  de 
sa  vertu,  je  ne  crains  pas  les  Iraits  empoisonnés  que  la  malice 
l'envie,  la  haine  lancent  contre  lui. 

Dans  une  prochaine  visite,  je  franchirai  les  remparts  et  j'irai 
au  milieu  du  camp  ennemi  attaquer  les  combattants  dans  leurs  re- 
tranchements ;  je  n'irai  pas  dévoiler  les  se';rets  de  leur  vie  privée 
ma  religion  me  le  défend,  mais  j'irailes  combattre  dans  leurs  per- 
sonnes officielles,  dans  le  rôle  que  ces  hypocrites  assument  auprès 
de  nos  populations  ;  nous  déchirerons  leurs  masques  et  vous  verrez, 
mes  chers  compatriotes,  quel  est  le  but  franc-raaçonnique  qu'ils 
se  proposent.  Aidé  de  notre  brave  population,  nous  les  clouerons 
au  pilori  de  la  honte  et  du  déshonneur  que  leur  auront  mérité 
leurs  infâmes  calomnies. 

Je  veux  seulement,  dans  cette  causerie,  vous  démontrer  par  des 
faits,  que  Dieu  lui-même  prend  la  défense  de  son  prêtre  et  qu'il 
le  venge  d'une  manière  terrible  :  "  Celui  qui  touche  à  mon  prêtre 


respect  que  l'on  doit  au  clergé. 

Il  y  a  deux  espèces  d'hommes  que  le  bon  Dieu  frappe  ici-bas  : 
ceux  qui  tiennent  auberge  malgré  leur  curé  et  ceux  qui  parlent 
mal  des  prêtres.  Parmi  tous  ceux  qui  causent  avec  moi  ce  soir 
est-ce  qu'il  y  en  a  un  seul  qui  n'ait  pas  un  exemple  à  citer  ? 

Qu'est  devenu  cet  aubergiste  qui  tenait  un  si  mauvais  règlement 
et  contre  lequel  le  curé  a  tant  tonné  du  haut  de  la  chaire  ?  Que 
sont  devenus  un  tel  et  un  tel  qui  ont  traité  leur  curé  de  voleur  ? 
Eux  ou  leurs  enfants  sont  au  pénitencier.  Qu'est-il  arrivé  à  cet 
homme  ou  à  cette  femme  qui  faisait  courir  tant  de  vilains  bruits 
sur  tel  prêtre  ?  leur  fille  est  disparue  traînant  avec  elle  le  boulet 
de  l'ignominie  et  du  déshonneur  qu'elle  devra  purter  jusqu'au 
tombeau. 

Le  prêtre,  à  cause  de  ses  fonctions  saintes,  aura  un  jugement  si 
terrible  à  subir  —  plus  terrible  que  celui  de  mille  laïques  réunis 
—  que  Dieu  se  réserve  à  Lui  seul  et  à  ses  évéques,  le  droit  de  le 
punir  ;  il  ne  laissera  pas  impunément  attaquer  "  la  prunelle  de 
son  œil.  "  Vous  me  donnerez  des  nouvelles  de  nos  mangeurs  de 
prêtres  dans  cinq  ans  d'ici. 

Lors  du  procès  Guiboid,  après  le  fameux  témoignage  d'un 
homme  trop  fameux,  un  de  nos  impies  a  fait  un  calembourg  (jeu 


750  LE  PROPAGATEUR 


de  mots)  qui  fit  le  tour  des  clubs  où  l'on  a  tellement  bu  à  sa  santé 
qu'il  en  est  crevé  ;  il  s'est  écrié  :  Monsieur  D,  vous  venez  de  des- 
sokr  l'édifice  clérical grands  éclats  de  rire. 

Quelques  années  plus  tard,  vous  vous  le  rappelez,  mes  chers  ar- 
tisans, qui  était  dessolé  1 

Mais,  le  clergé  n'a  pas  ri  de  son  insulteur  :  il  a  gémi  et  prié. 

Ecoutez  bien  le  trait  suivant  :  Dans  notre  province,  on  voulut 
rébâtir  une  église  qui  était  tro.p  petite,  dans  une  certaine  paroisse 
que  je  ne  nommerai  pas,  mais  que  plusieurs  reconnaîtront,  si  mon 
livre  leur  parvient  ;  le  diable, comme  toujours,arriva  à  l'assemblée 
et  voulut  se  faire  élire  syndic  ;  il  perdit  son  élection  :  il  ne  se  tint 
pas  pour  battu,  il  entra  dans  le  corps  de  l'un  des  paroissiens  et 
l'avertit  qu'il  était  venu  pour  "  faire  du  train  ;  " 

Ce  paroissien  pendant  deux  ans  traita  le  curé  de  fou,  d'homme 
qui  ne  savait  pas  ce  qu'il  faisait,  etc.,  etc. 

Vingt-trois  ans  plus  tard,  un  missionnaire  fut  appelé  auprès 
d'un  mourant  qui  le  suppliait  d'aller  le  voir,  même  à  la  raquette, 
pour  éloigner  de  son  âme  le  démon  du  désespoir. 

Le  missionnaire  arrive  et  pénètre  dans  un  misérable  réduit;  il 
vit  sur  un  lit  bien  pauvre,  quoique  bien  propre,  un  vieillard  mou- 
rant, dont  le  moral  paraissait  bien  torturé  ;  il  entendit  l'histoire 
suivante  : 

*'  J'étais  riche,  j'ai  voulu  me  mesurer  avec  un  curé  ;  j'ai  été 
tordu  comme  un  écheveau  d'étouppe  ;  j'ai  dû  laisser  ma  belle 
terre  et  m'en  venir  dans  cette  solitude  ;  pendant  deux  ans,  j'ai 
traité  le  prêtre  de  fou  ;  deux  enfants  me  sont  nés  pendant  ce  temps- 
là  ;  mon  père,  regardez  dans  ce  coin  ;  voyez  ces  deux  idiots  de  plus 
de  vingt  ans  ;  ils  ne  savent  pas  encore  qu'ils  sont  au  monde.  Main- 
tenant ce  n'est  pas  tout  :  mon  père,  voyez  cette  autre  enfant  au 
pied  de  mon  lit,  je  croyais  qu'au  moins  celui-ci  serait  ma  gloire 

et  ferait  mon  bonheur  " ici  le  vieillard  s'arrêta,  les  sanglots 

entrecoupaient  sa  voix  ;  une  agitation  nerveuse  faisait  tressaillir 
tous  ses  muscles,  puis  faisant  unelfort  sur  lui  même,  il  prononça 

ces  mots  au  milieu  d'un  râle  de  l'agonie "  et  il  est  protestant 

et  ministre  protestant puis,  ce  qui  me  fait  le  plus  de  peine 

c'est  qu'il  vient  de  me  dire  que  c'est  ma  faute  ;  qu'il  a  perdu  la 
foi  l'année  où  j'ai  tant  parlé  colitre  le  prêtre. 

'*  Oui,  reprit  le  Suisse,  c'est  depuis  cette  année-là  que  je  suis 
protestant  " 

Alors  il  se  passa  un  spectacle  bien  navrant  ;  le  vieillard  réunis- 
sant ses  forces,  vint  tomber  étendu  au  pied  de  son  fils  et  lui  de- 
manda pardon.  Devant  cet  acte  d'humilité  repentante,  le  mission- 
naire éclata  en  sanglots,  le  Suisse  qui  n'était  plus  susceptible  de 
sentiment  filial — celui  qui  a  renié  Dieu,  n'a  plus  de  cœur— répon- 
dit froidement— ses  yeux  étaient  secs.  "  Relevez^vous,  je  sais  ce 
que  j'ai  à  faire.  " 

On  remit  le  mourant  sur  son  lit,  il  regarda  le  missionnaire, 
prononça  ces  paroles  eu  baisant  le  crucifix  :  Jésus  !  Jésus  1  est  ce 

possible  ? une  sueur  froide  couvrit  sa  figure. . .  .puis  un  long 

soufQe puis plus  rien;  il  était  mort... 


LE  PROPAGATEUR  751 


J'espère  que  Dieu  lui  a  fait  miséricorde,  car  la  pénitence  est 
sœur  de  l'innocence,  mais  n'avait-il  pas  raison  de  craindre  le  ju- 
gement de  Celui  qui,  "  trouve  des  taches  dans  ses  anges  mêmes?  " 

Si  je  ne  craignais  de  blesser  certaines  familles,  je  vous  citerais 
des  exemples  de  cette  sorte,  mais  assez  et  contentons-nous  de  ce 
trait  pour  aujourd'hui. 

Je  n'ai  plus  qu'un  mot  à  dire  à  nos  calomniateurs  :  Quand  vous 
serez  tombés  dans  l'adversité,  dans  le  malheur  que  vous  vous  êtes 
attiré  par  votre  faute  ;  quand  vos  amis  qui  vous  adulent  en  ce 
moment,  vous  auront  tourné  le  dos,  nous  vous  assurons  qu'il  vous 
restera  encore  un  ami  :  le  prêtre,  il  sera  le  seul  que  vous  ayez 
alors,  il  vous  placera  dans  un  hospice  aux  soins  de  saintes  reli- 
gieuses que  vous  aurez  tant  méprisées  et  aux  prières  desquelles 
vous  devrez  peut-être  votre  conversion.  En  recueillant  votre  dernier 
soupir,  le  prêtre  recueilera  votre  enfant  et  le  placera  dans  un  asile  ; 
il  fera  pour  vous  tout  ce  que  Jésus  ferait  à  sa  place,  pour  vous  qui 
avez  passé  votre  vie  à  cracher  sur  lui.  Oui,  dites,  mes  bons  amis 
à  tous  ces  pauvres  fourvoyés,  à  ces  insulteursde  prêtres,  que  nous 
serons  toujours  prêts  à  les  secourir.  Quand  sous  les  tortures  du 
choléra,  ils  appelleront  au  secours  et  que  leurs  amis  bambocheurs 
se  sauveront,  la  sœur  de  charité  sera  là  pour  les  soigner  et  elle 
essuiera  de  ses  lèvres,  de  crainte  qu'ils  n'en  soient  suffoqués,  les 
crachats  qu'ils  n'auront  pas  la  force  de  lancer  contre  elle  ;  dites- 
leur  que  si  nous  ne  pouvons  sauver  leur  âme,  nous  soulagerons 
au  moins  leur  corps,  dans  bien  des  cas  au  dépens  de  notre  propre 
vie  ;  nous  ferons  cela,  non  pour  mériter  leur  reconnaissance^  mais 
pour  faire  plaisir  à  notre  Maître  qui  nous  l'ordonne. — Quant  à 
leur  reconnaissance,  nous  savons  ce  qu'elle  sera.  Pendant  que 
nous  les  soignions,  ces  écrivains  et  ces  mangeurs  de  prêtre,  auront 
remarqué  des  défauts  en  nous, —  nous  en  avons  tous  —  et  le  pre- 
mier article,écrit  de  leur  main  rétablie  par  la  charité  religeuse,  sera 
de  publier  sur  les  toits,  les  imperfections  qu'ils  auront  vues  en 
notre  conduite,  pendant  leur  séjour  dans  nos  maisons  ;  c'est  la 
seule  espèce  de  reconnaissance  que  connaissent  les  méchants  et 
l'Eglise  catholique  y  est  habituée  depuis  plus  de  dix-huit  cents  ans. 

En  terminant,  je  vous  exhorte,  mes  chers  amis,  à  leur  dire  ceci  : 
Dès  qu'ils  auront  un  remords,  un  regret  de  leurs  fautes,  qu'ils 
nous  envoient  chercher,  nous  serons  trop  heureux  d'aller  leur  par- 
donner leurs  péchés,  pour  qu'ils  puissent  chanter  pendant  l'éter- 
nité, les  bienfaits  du  prêtreéternel,  selon  l'ordre  deMelchisédech. 

Extrait  de  Le  Prêtre  et  ses  Détracteurs  ouïe  Prêtre  vengé, 
par  Z.  Laçasse,  0.  M.  L,  église  St-Pierre,  Montréal.  1  vol.  in  18 
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CANTUS  ECCLESIASTICUS  PASSIONIS  D.  N.  JESU 
CHRISTI9  secundum  Matlheum,  Marcum,  Lucam  et  Joannem, 
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SAINT  JOSEPH  OANS  L'EVANGILE 

PREMIER  ASPECT— LE  COTE  OBSCUR. 


La  place  que  Saint  Joseph  occupe  dans  le  mystère  de  l'Incar- 
nation lui  assigne,  dans  le  Livre  de  vie,  le  premier  rang  après 
Jésus  et  Marie  :  ouvrons  maintenant  l'évangile,  et  cherchons  dans 
ses  pages  quelle  est  sa  gloire  et  quelles  sont  ses  grandeurs. 

L'évangile  parle  peu  de  Saint-Joseph  ;  la  part  que  lui  fait 
l'historien  sacré  est  une  part  secondaire,  et  le  rôle  qu'il  lui  assigne 
est  un  rôle  entièrement  passif,  qui  le  met  constamment  sur  le  fond 
de  la  scène  et  dans  le  dernier  plan  du  tableau.  Sa  figure  n'a 
jamais  ni  un  éclat  direct,  ni  une  lumière  qui  lui  soit  propre  ;  elle 
est  toujours  obscure  et  à  demi  effacée. 

Le  narrateur  le  nomme,  il  est  vrai,  en  première  ligne,  et  il  parle 
de  lui  en  plusieurs  endroits  de  son  récit,  pendant  l'enfance  du 
Sauveur  ;  mais,  remarquez-le,  sous  la  plume  de  l'auteur  inspiré, 
Saint  Joseph  ne  parait  nulle  part  pour  son  propre  compte  ;  il  n'est 
pas  là  pour  lui,  il  y  est  pour  les  autres.  Nulle  part,  il  ne  se  montre, 
nulle  part  il  n'agit,  et  vous  n'entendez  pas  même  une  parole  sortir 
de  ses  lèvres.  Avec  les  visiteurs  qui  viennent  à  la  crèche,  avec 
l'ange  qui  l'avertit  en  songe,  en  voyage,  en  exil,  au  temple,  à  Na- 
zareth, Joseph  est  toujours  silencieux.  Ce  qu'il  fait,  il  ne  le  fait 
que  pour  la  Vierge,  et  pour  l'enfant  qu'elle  a  mis  au  monde;  il 
suit  partout  son  épouse,  il  la  suit  comme  une  ombre,  mais  comme 
une  ombre  qui  la  protège  et  qui  la  couvre  ;  et  cette  ombre,  sem- 
blable au  nuage  épais  qui  obscurcit  les  rayons  du  soleil,  cache  aux 
yeux  des  hommes  les  privilèges,  les  vertus,  les  grandeurs  de 
l'auguste  mère  de  Dieu.  « 

Saint  Joseph  enveloppe  des  ombres  de  son  obscure  existence, 
non-seulement  la  gloire  de  la  Vierge  Marie  ;  mais  avec  elle,  toute 
la  beauté  des  mystères  dont  elle  est  le  centre.  Le  Fils,  qui  est  né 
de  son  sein  miraculeux,  est  le  fruit  de  la  puissance  du  Très-Haut^ 
du  Saint-Esprit  venu  en  elle.  Le  Saint-Esprit  se  cache  à  l'om- 
bre de  Saint-Joseph  ;  et  la  vertu  de  son  opération  divine  dis- 
parait sous  le  voile  du  mariage,  qu'humble  ouvrier,  il  a  contracté 
avec  Marie. 

Le  fils  de  Dieu  perd,  à  son  tour,  sous  la  tutelle  de  ce  père 
d'adoption,  l'éclat  et  les  splendeurs  de  sa  céleste  origine  :  et  le  fils 
éternel  du  Père  et  de  la  Vierge  sans  tache  ne  parait  plus,  à  côté  de 
Saint  Joseph,  qu'un  enfant  ordinaire,  que  le  fils  obscur  d'un  obsc»ur 
charpentier. 

Enfin,  Dieu  le  Père  lui-même  consent  à  céder  les  droits  de  sa 
paternité  souveraine  à  l'artisan  de  Nazareth.  Pendant  trente  ans, 
il  en  confie  l'exercice  à  sa  paternité  empruntée  ;  et  il  se  cache  à 


LE  PROPAGATEUR  753 


l'ombre  de  Saint  Joseph  qui  parait  en  sa  place,  et  que  les  hommes 
prennent  pour  le  vrai  père  de  son  fils  unique. 

"  Voilà  donc  Saint  Joseph  qui  est  l'ombre  commune  des  trois 
"  personnes,  le  Père,  le  Fils,  et  le  Saint-Esprit  :  Et  la  vertu  du  Tres- 
"  Haut  vous  couvrira  de  son  ombre  :  Et  virtus  Altissimi  obumbrabit 
"  tibi  :  (Luc  1.)  0  vertu  du  Très-Haut  !  ô  grand  Saint  Joseph,  si 
'•  toute  l'adorable  Trinité  a  voulu  se  cacher  sous  votre  ombre,  tous 
"  les  saints  du  ciel  et  de  la  terre  ne  seraient-ils  pas  trop  heureux 
"  et  trop  honorés  d'y  être  cachés  avec  Elles  et  de  s'y  reposer." 

Saint  Joseph  vit  au  milieu  des  plus  étonnants  prodiges,  mais, 
auprès  de  lui,  ces  prodiges  perdent  leur  éclat.  Sa  présence  projette 
sur  eux  l'ombre  qui  les  enveloppe,  elle  couvre  leur  lumière  et  les 
empêche  de  resplendir.  Fidèle  à  sa  mission  silencieuse  et  obscure, 
Saint  Joseph  la  remplit  jusqu'à  la  fin  de  sa  course  avec  une  obéis- 
sance à  toute  épreuve.  Dépositaire  des  secrets  du  Très-Haut, 
instrument  des  desseins  du  ciel,  il  veille  sur  la  mère  et  sur  son 
enfant;  il  garde  avec  une  irréprochable  intégrité  le  dépôt  qui  lui 
est  confié;  et  quand  vient  l'heure  où  son  œuvre  s'achève,  l'heure 
où  les  mystères  qu'il  a  voilés  vont  être  manifestés  au  monde, quand 
arrive  le  jour  où  l'enfant  et  la  mère  n'ont  plus  besoin  de  ses  labeurs 
et  de  son  tutélaire  appui,  alors  l'ombre  s'efface  ;  et  Saint  Joseph 
disparait,  sans  même  que  l'historien  sacré  fasse  mention  de  sa 
mort.  Voilà  Saint  Joseph  dans  l'Evangile,  vu  sous  son  premier 
aspect,  du  côté  des  hommes  et  du  côté  de  la  terre. 
-  Le  récit  évangélique,  en  nous  montrant  St  Joseph  dans  sa  mys- 
térieuse obscurité  et  dans  son  rôle  effacé,  nous  révèle,  à  son  tour, 
de  quelle  manière  l'humble  ouvrier  de  Nazareth  occupe  un  rang 
à  part  parmi  les  Samts,  et  une  place  exceptionnelle  dans  le  plan 
providentiel  de  la  Rédemption.  Cherchez,  en  effet,  soit  dans  l'an- 
cienne loi,  soit  dans  la  loi  nouvelle,  vous  ne  trouverez  aucun 
ministère  qui  puisse  être  comparé  au  ministère  de  Saint  Joseph. 
Celui-ci  est  unique  dans  son  genre  ;  et  c'est  précisément  cette 
exception  qui  fait  la  gloire  de  notre  bienheureux  protecteur,  qui  le 
distingue  des  autres  et  le  signale  à  notre  admiration. 

'"  Dieu  emploie  tous  les  Saints  à  tel  ministère  qui  lui  plaît;  les 
"  uns  à  instruire  les  peuples  comme  les  docteurs  ;  les  autres  à  les 
"  gouverner,  comme  les  pasteurs  ;  les  autres  à  combattre  pour  lui, 
"•  comme  les  martyrs  ;  les  autres  à  remplir  le  monde  de  la  bonne 
"  odeur  de  leur  sainte  vie,  comme  les  confesseurs  ;  et  tous,  à  faire 
"  éclater  sa  gloire  en  quelque  manière.  Mais  Saint  Joseph  est  un 
"  saint  tout  singulier  qui  semble  prédestiné  pour  un  mmistère  tout 
*'  contraire,  pour  cacher  sa  gloire,  quand  il  n'a  pas  encore  été  temps 
"  de  la  manifester  au  monde.  Et  parce  que  c'est  un  plus  grand 
"  prodige  de  voir  la  gloire  de  Dieu  comme  anéantie  et  enveloppée 
"  dans  les  ténèbres,  que  de  la  voir  éclatante  dans  la  majesté' qui 
"  lui  est  naturelle;  comme  c'est  une  chose  plus  étonnante  de  voir 
"  le  soleil  dans  les  ténèbres  que  dans  la  lumière,  il  semble  que  la 
"  Toute-Puissance  de  Dieu  s'est  montrée  plus  miraculeuse  dans  le 
"  seul  Joseph,  dont  elle  s'est  voulu  servir  comme  d'un  voile  et 
*'  d'une  ombre  pour  cacher  sa  gloire  dans  sa  naissance  temporelle, 

48 


LK  PROPAGATEUR 


"  que  dans  tout  le  reste  des  saints  ensemble  qu'elle  a  employés  pour 
"  la  manifester  au  monde.  Aussi  ce  n'est  pas  sans  un  grand  sujet 
"  qu'on  lui  donne  par  excellence  le  titre  de  la  vertu  du  Très-Haut  : 
"  Virlus  AUissimi  obumbrabit  tibi.  0  grand  Saint,  qui  pourrait 
'•  connaître  les  grands  desseins  de  la  Providence  sur  vous  !  Oh  ! 
"  qui  pourrait  discerner  quel  est  votre  caractère  particulier  tout 
'•'  différent  du  reste  des  saints  ?  Je  vous  regarde  avec  de  profonds 
"  respects  comme  ces  augustes  ténèbres  dans  lesquelles  la  majesté 
"  de  Dieu  a  voulu  se  cacher,  comme  nous  dit  l'Ecriture  :  Posuit 
"  tenebras  latibulum  suum.  " 

Telle  est  donc  dans  le  plan  divin  la  vocation  de  Saint  Joseph. 
Seul,  il  a  une  mission  différente  des  autres,  et  il  remplit  un  minis- 
tère particulier,  et  d'un  genre  opposé.  Celui  qu'ils  révèlent,  il  le 
cache  j  celui  qu'ils  exaltent,  il  l'abaisse  ;  celui  qu'ils  glorifient,  il 
l'obscurcit.  Auprès  de  son  père  adoptif,  le  fils  de  Dieu  devenu  un 
enfant  ordinaire,  a  vécu,  comme  tous  les  autres  enfants,  de  la  vie 
que  lui  faisait  Saint  Joseph.  Les  hommes  l'ont  vu,  pendant  trente 
ans,  sous  son  humble  demeure  ;  et  l'ombre  que  ce  père  d'adoption 
a  projetée  sur  sa  divinité,  a  été  tellement  épaisse  et  profonde  que 
plus  tard,  lorsque  Saint  Joseph  n'était  plus,  malgré  la  voix  de 
Jean-Baptiste  annonçant  la  venue  de  l'Agneau  de  Dieu,  malgré  la 
doctrine  céleste  qui  sortait  des  lèvres  du  Sauveur,  malgré  la  sain- 
teté qui  brillait  dans  sa  vie,  malgré  même  ses  miracles  et  son 
témoignage,  les  juifs  incrédules  disaient  toujours  :  N'est  ce  pas  là 
le  fils  du  cliarpentier  f 
Continuons  à  étudier  le  ministère  obscur  de  Saint  Joseph;  et  pour 
mieux  en  comprendre  et  la  grandeur  et  le  touchant  caractère, 
essayons  de  comparer  deux  mystères  qui  s'appellent,  s'unissent  et 
se  complètent.  Le  mystère  de  Dieu  fait  notre  chair,  et  le  mystère 
de  1  Homme-Dieu  fait  notre  pain  ;  voyons  si  nous  ne  pouvons  pas, 
entre  le  mystère  de  l'Eucharistie  et  celui  de  l'Incarnation,  établir 
quelques  rapprochements  qui  nous  donnent  une  vue  toujours  plus 
haute  de  la  mission  de  Saint  Joseph.  Jésus  est  présent  à  l'autel,  il 
était  présent  à  la  crèche  ;  il  vit  dans  l'Eucharistie,  il  vivait  à 
Nazareth  ;  à  la  crèche  comme  à  l'autel,  à  Nazareth  comme  au 
tabernacle,  Jésus  se  cache.    0  Dieu^  disent  nos  saints  Livres,  vous 

êtes  vraiment  un  Dieu  caché  ! Les  saintes  espèces  sont  le  voile 

du  mystère  de  l'Eucharistie  ;  Saint  Joseph  n'est-il  pas  comme  le 
voile  du  mystère  de  l'Incarnation. 

La  présence  des  saintes  espèces  ôte  à  l'Eucharistie  tout  éclat 
divin  ;  la  présence  de  Saint  Joseph  n'ôte-t-elle  pas  à  l'Incarnation 
tout  éclat  divin  ?  La  présence  des  saintes  espèces  donne  à  Jésus 
dans  l'Eucharistie  les  apparences  d'un  pain  ordinaire  ;  la  présence 
de  Saint  Joseph  ne  donne-t-elle  pas  à  Jésus  dans  l'Incarnation  les 
apparences  d'un  enfant  ordinaire  ?  La  présence  des  saintes  espèces 
fait  à  Jésus,  dans  le  tabernacle,  une  vie  obscure,  anéantie,  sans 
honneur,  et  sans  apparente  dignité  ;  la  présence  de  Saint-JosejDh 
ne  fait-elle  pas  à  Jésus,  dans  la  maison  de  Nazareth,  une  vie 
abais^ée,  obscure,  sans  majesté  et  sans  bonheur  ? 

Tel  est  le  mystère  de  Saint  Joseph.  Qu'il  est  grand  dans  son  hu- 


LE  PROPAGATEUR 


755 


milité!  qa'il  est  beau  dans  son  obscurité  !  quelle  part  magnifique 
il  lui  assigne  dans  le  grand  sacrement  de  l'Incarnation,  en  lui 
donnant  à  remplir  une  fonction  si  exceptionnelle  !  Les  saintes 
espèces,  à  cause  du  sacrement  qu'elles  couvrent,  sont  plus  pré- 
cieuses à  notre  foi  que  l'or,  que  le  marbre,  que  les  plus  beaux  et 
les  plus  riches  ornements  du  temple.  Ainsi  en  est-il  de  Saint- 
Joseph,  malgré  sa  vie  commune  et  ses  grossiers  labeurs,  à  cause 
du  ministère  sublime  qu'il  a  rempli  auprès  de  Jésus,  n'est-il  pas 
plus  grand  et  plus  beau,  aux  yeux  des  enfants  de  Dieu,  que  tous 
ceux  qui  ont  illustré  l'Eglise  par  la  fécondité  de  leurs  œuvres,  par 
le^trésor  de  leurs  vertus  et  par  l'éclat  de  leur  sainteté  1 

Extrait  de  Saint  Joseph,  époux  de  la  Vierge  Marie,  par  le  R. 
P.  Gabriel  Bouffier  de  la  Gie  de  Jésus.  Ouvrage  approuvé  par  S. 
G.  Mgr  Hasley,  Archevêque  d'Avignon  ;  S.  G.  Mgr  Besson  évêque 
de  Nîmes;  S.  G.  Mgr  Vigne,  évêque  de  Digne;  S.  G.  Mgr  de 
Cabrières,  évêque  de  Montpellier,  et  S.  G.  Mgr  Lebreton,  évêque 
du  Puy.  1  vol  in-18,  de  476  pages 50  cts 


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UNE  POUPEE  CHEZ  LES  SAOYAGES 

1  ♦  I 

Solitaire  et  pensif,  saint  Pierre  se  tournait  les  pouces  dans  l'an- 
tichambre du  Paradis,  tandis  que  ses  clés  pendaient  tristement  sur 
sa  robe  de  laine  blanche. 

Vint  à  passer  le  Père  nourricier  du  Sauveur  : 

*'  Eh  bien  !  mon  frère,  fit-il  tout  étonné,  nous  voilà  inoccupé  ? 
C'est  chose  rare  ;  on  ne  meurt  donc  pas  sur  la  terre  ?  " 

Saint  Pierre  répondit  en  étoutfant  un  bâillement  sous  sa  main  : 

"  Presque  plus,  mon  frère,  et  je  vous  avoue  que  rinaclion  m'est 
chose  pénible,  quoique,  après  le  travail  que  m'a  donné  l'infiuenza 
cet  hiver,  j'ai  d'abord  en  quelque  plaisir  à  me  reposer.  Vous-même, 
Bon  Joseph,  vous  en  avez  vu  de  vertes,  souvenez-vous-en. 

"  Oui,  oui,  on  a  eu  à  faire  auprès  des  moribonds,  répondit  le 
saint  en  hochant  la  tête.  Mais,  à  présent,  que  se  passe-t-il  donc  en 

bas  ? 

"  — Il  y  a  que  le  Seigneur  veut  laisser  les  méchants  se  démener 
un  peu  dans  le  monde  ;  oh  !  ils  n'y  gagnent  guère,  car  ce  qui  est 
bon  reste  bon,  et  vous  avez  vu  que  les  attentats  des  dynamitards 
ont  causé  déjà  des  malheurs.  Quant  aux  braves  gens,  aux  cléricaux 
comme  ils  disent  là-bas,  eh  bien  !  il  y  en  a  trop  besoin  en  ce  mo- 
ment pour  que  le  Maître  les  rappelle  à  Lui.  Aussi  n'ai-jeà  peu  près.." 

Le  chef  des  Apôtres  fut  interrompu  par  un  toc-toc  très  faible 
gratté  plutôt  que  frappé  à  la  porte. 

«'  —Je  crois  que  voilà  un  client,  dit  le  bon  saint  Joseph  en  sou- 
riant, mais  un  client  timide  si  j'en  crois  mes  oreilles.  Ça  pourrait 
bien  être  le  petit  bossu  dont  j'ai  assisté  l'agonie  il  y  a  quelques 
instants. 

«'  — Non,  non,  répliqua  saint  Pierre,  je  le  connais,  votre  bossu  ; 
je  l'ai  envoyé  en  Purgatoire  il  y  a  vingt  minutes.  Ce  que  vous 
entendez  là^,  ce  sont  des  souris  ;  il  y  en  a..." 

Mais  il  fut  de  nouveau  interrompu  :  le  toc-toc  devenait  plus 
pressant,  et  une  petite  voix  s'y  joignit  qui  criait  : 

*<  — Mais,  ouvre  donc,  saint  IMerre  ;...  on  n'est  pas  bien  du  tout 
derrière  ta  porte,  sais-tu  ? 

"  — C'est  un  enfant,  s'écria  saint  Joseph,  tandis  que  son  frère 
Pierre  se  dirigeait  vers  l'entrée,  prenant  une  de  ses  gros  clés  dans 
ses  mains.  Adieu,  mon  ami,  je  me  sauve,  ayant  à  assister  à  une 
fête  que  célèbre  en  mon  honneur  l'œuvre  de  mon  Patronage.  Au 
revoir,  et  bien  du  plaisir  avec  le  bébé  :  ce  n'est  pas  long  à  juger, 
cela. 

"■ — Hum  !  grommela  saint  Pierre  en  introduisant  sa  clé  dans 
la  serrure,  ça  donne  parfois  fameusement  du  fil  à  retordre." 

Comme  saint  Joseph  se  rendait  à  sa  fête  et  que  le  portier  du 
Paradis  ouvrait  sa  porte  toute  grande,  une  mignonne  petite  fille 
bondit  dans  l'antichambre  ;  elle  était  jolie  à  ravir  :  figurez-vous 
un  petit  corps  moulé  comme  les  anges  des  sculpteurs  italiens,  vêtu 
d'une  longue  chemise  qui  traînait  par  terre  (la  chemise  de  nuit); 
d'énormes  boucles  blondes  comme  de  l'or  couvrant  les  épaules, 
des  veux  bruns  candides,  une  petite  bouche  rose  avec  des  perles 


LE  PROPAGATEUR  757 


pour  dents,  et  une  peau  de  satin  blanc  ;  et  encore  nous  ne  disons 
rien  des  petits  pieds  nus,  des  pieds  à  croquer  que  saint  Pierre  con- 
sidérait avec  attendrissement. 

Cependant  la  mignonne  créature  en  question,  se  haussant  tant 
-qu'elle  pouvait,  vient  regarder  saint  Pierre  sous  le  nez. 

'•'  C'est  toi  qui  es  saint' Pierre,  dis.  Monsieur  le  portier  ?  " 

Et,  devant  le  geste  d'assentiment  du  ciief  des  Apôtres  : 

"  Alors,  mène-moi  vite,  vite,  voir  le  petit  Jésus,  ajouta-t-elle  im- 
patiente. J'ai  si  grande  envie  de  l'embrasser  ! 

"  — Il  faut  attendre  un  petit  moment  pour  cela,  dit  saint  Pierre, 
qui  tâchait  en  vain  de  prendre,  un  air  sévère.  Il  faut  d'abord  que 
je  te  juge. 

"  — Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ? 

"  — Un  examen  pour  voir  si  tu  mérites  d'aller  voir  le  petit  Jésus  ; 
tu  n'as  peut-être  pas  toujours  été  sage  :  c'est  cela  qu'il  faut 
■examiner. 

'•  — Ah  !  "  fit  la  petite  fille  dont  le  minois  s'allongea,  et  qui 
fourra  immédiatement  son  poucetdaas  sa  bouche,  signe  chez  elle 
d'une  grande  préoccupation. 

Afin  de  ne  pas  l'effaroucher,  saint  Pierre  prit  une  voix  plus 
douce  et  assit  la  fillette  sur  ses  genoux,  selon  sa  coutume  pour 
juger  les  petits  enfants. 

La  mignonne  ne  paraissait  pas  très  effrayée  ;  elle  regardait  son 
juge  bien  en  face  de  ses  grands  yeux  naïfs,  passait  ses  menottes 
douces  dans  la  longue  barbe  blanche,  touchait  du  bout  du  doigt 
les  grosses  clés,  et  semblait  très  à  son  aise  sur  les  genoux  du  saim. 

"  — Voyons,  commençons,  dit  celui-ci.  Tu  t'appelles  ? 

"  — Mimi  ;  j'ai  bien  un  autre  nom,  mais  on  ne  s'en  sert  jamais 
pour  m'appeler. 

"•  — Oui,  je  sais  :  Noémi.  Passons.  Quel  âge  as-tu  ? 

"  — Je  sais  pas. 

"  — Quatre  ans.  Heureusement  que  je  suis  plus  savant  que  toi 
sur  ton  extrait  de  naissance.  Voyons  les  péchés  maintenant,  ma- 
demoiselle Mimi." 

Mimi  se  troubla  quelque  peu. 

"  — Mes  péchés  ?  J'en  ai  beaucoup, saint  Pierre;  on  m'a  dit  que 
tu  les  as  tous  marqués  sur  ton  grand  livre. 

"  — On  a  dit  vrai,  et,  qui  plus  est,  je  les  ai  retenus  par  cœur. 

"  — Alors  tu  sais  que  j'ai  oublié  plusieurs  fois  ma  prière  du  soir? 
des  jours  que  j'avais  si  sommeil,  saint  Pierre  ! 

"  — Je  sais,  répondit  le  saint  en  tâchant  de  garder  une  conte- 
nance des  plus  graves. 

"  — Que  j'ai  été  souvent  très  gourmande.  Oh  !  mais  très  gour- 
mande ;  six  indigestions  au  jour  de  l'an,  saint  Pierre,  rien  que  de 
marrons  glacés  !  On  me  répétait  toujours  ça  à  la  maison  pour  me 
faire  honte. 

"  — Et  c'est  vraiment  bien  laid." 

Mimi  prit  une  petite  mine  contrite  : 

"  Je  sais  bien,  saint  Pierre  ;  et  puis,  c'est  bon  papa  qui  me  don- 
nait toujours  beaucoup  de  bonbons  ;  il  me  gâtait. 

"  — Oui  oui,  beaucoup  trop,  grommela  l'Apôtre. 


758  LE  PROPAGATEUR 


"  — Ecoute,  saint  Pierre,  fît  observer  Mimi  judicieusement,  dis  - 
moi,  si  tu  avais  été  grand-père,  est-ce  que  tu  n'aurais  pas  gâté  un 
peu  tes  petites  filles  ?  " 

Saint  Pierre  se  gratta  la  tête. 

''  — C'est  possible,  murmura-t-il  ;  mais  la  question  n'est  pas  là  ; 
continuons  l'examen  de  vos  fautes,  s'il  vous  plait,  mademoiselle, 
car  il  me  semble  que  nous  sommes  encore  loin  de  compte." 

Mimi  baissa  le  front. 

"  Est-ce  que  tu  as  vu  toutes  mes  colères,  dis,  saint  Pierre  ?  sou- 
pira-t-elle.  Tu  sais,  le  jour  que  j'ai  renversé  la  tasse  de  quassia 
amara  qu'on  voulait  me  faire  boire  ?  Et  quand  j'ai  donné  un 
coup  de  pied  à  ma  bonne  lorsqu'elle  me  tirait  les  cheveux  en  me 
peignant  ?  Et  quand  j'ai  égratigné  la  figure  du  petit  Georges  qui 
avait  pris  mon  arrosoir  ? 

"  — Affreux  !  affreux  !  répétait  le  saint  en  feignant  une  profonde 
horreur. 

"  — Et  le  jour  que  j'ai  cassé  le  joli  encrier  de  maman,  et  que  j'ai 
dit  que  c'était  le  petit  chien?  s'écria  Mimi  emportée  par  la  violence 
de  ses  souvenirs. 

"  — Un  mensonge  ?  fi  donc  ! 

"  — Oh  !  mais,  saint  Pierre,  ne  te  fâche  pas  trop,  reprit  l'enfant 
en  passant  ses  petits  bras  de  satin  blanc,  autour  du  cou  tanné  de 
l'ancien  pêcbeur  ;  rappelle-toi  que  j'ai  avoué  tout  de  suite,  d'abord 
parce  que  c'est  laid  de  mentir,  et  puis,  on  allait  fouetter  Joujou... 

"  — Est-ce  tout  ?  demanda  saint  Pierre,  qui  riait  dans  sa  barbe. 

*'  — Non,  attends  ;  j'ai  été  très  vaniteuse. 

"  — Ah  !  ah  !  fit  l'Apôtre  avec  ironie.  Si  petite,  est-ce  possible  ? 
Ah  !  sexe  futile  ! 

<>■  — Dis,  saint  Pierre,  me  trouves-tu  jolie  ?  reprit  l'enfant,  qui 
prit  dans  ses  menottes  blanches  la  grosse  tète  chevelue  du  portier 
du  Paradis  pour  qu'il  la  regardât  en  face. 

«'  — Cette  question  !  fit  le  saint  absolument  interloqué.  Est-ce 
qu'on  vient  ici  pour  se  faire  faire  des  compliments  ? 

"  — C'est  pour  savoir  si  tu  penses  comme  bon  papa,  qui  ne 
trouvait  rien  de  plus  beau  que  sa  petite  fille. 

"  On  est  toujours  jolie  quand  ou  est  sage,  apprenez  cela,  made- 
moiselle, répondit  saint  Pierre  sévèrement. 

"  —Et  qu'est-ce  que  tu  vas  faire  de  moi  ?  continua  l'enfant. 
G'est-il  très  mal  tout  ce  que  j'ai  commis  là  ?  " 

Saint  Pierre  hocha  la  tête  : 

"  — Hum  !...  avant  de  répondre  là-dessus,  il  faut  voir  si,  à  côté 
de  tantde  fautes,  tu  n'as  pas  quelques  bonnes  œuvres  à  ton  appoint." 

Mimi  courba  le  front. 

"■  — Mon  Dieu,  non,  soupira-t-elle,  j'avais  pas  de  sous,  je  ne  don- 
nais aux  pauvres  que  quand  on  me  mettait  l'argent  dans  la  main 
pour  eux...  J'aurais  bien  partagé  mes  belles  robes  ou  mes  goûters 
avec  les  petits  malheureux,  mais  je  n'en  rencontrais  pas  souvent... 

"  — Ecoute,  Mimi,  à  mon  tour  de  parler.  J'ai  écrit  sur  mon 
grand  livre  une  bonne  action  que  tu  as  faite  un  jour. 

"  — Moi  ?  s'écria  la  jeune  fille  en  ouvrant  tout  grands  ses  yeux 
surpris. 


LE  PROPAGATEUR  759 

"  — Oui.  Te  rappelles-tu  ta  belle  poupée  blonde  ?  tu  sais,  celle  qui 
avait  une  robe...,  une  robe...,  voyons,  aide-moi  un  peu,  Mimi,  tu 
vois  bien  que  je  ne  me  souviens  plus  de  la  couleur  de  sa  robe." 

Mimi  battit  des  mains. 

"  — Bleue  î  elle  était  bleue,  saint  Pierre  ;  comme  tu  as  peu  de 
mémoire  ! 

"  — Bien,  elle  était  bleue,  poursuivit  l'Apôtre  avec  un  soupir  de 
soulagement.  Tu  comprends,  Mimi,  s'il  fallait  me  rappeler  tous 
ces  détails,  j'aurais  trop  à  faire.  Et  qu'en  as-tu  fait  de  cette  belle 
poupée  ? 

"  — Ah  !  saint  Pierre,  je  ne  l'avais  que  depuis  huit  jours,  et  elle 
était  encore  toute  neuve,  lorsqu'il  vint  dîner  à  la  maison  un  prêtre 
qui  avait  une  grande  barbe  comme  toi,  et  encore  plus  jolie  que  la 
tienne.. .  Ça  ne  te  fâche  pas,  dis,  saint  Pierre  ?  continua  la  mignonne 
un  peu  inquiète  parce  que  l'Apôtre  avait  hoché  la  tête,  sans  doute 
peu  satisfait  de  la  comparaison. 

"  — Non,  va  toujours. 

"  — Il  nous  a  raconté  que  là-bas,  très  loin,  dans  des  pays  que  je 
ne  connais  pas,  mais  que  mon  frère  Arthur  connaît  parce  qu'il  a 
étudié  la  géographie,  il  y  a  des  petits  enfants  sauvages  qui  n'ont 
jamais  vu  de  joujoux  ni  de  poupée=,  et  qui  n'ont  jamais  entendu 
parler  du  petit  Jésus.  Papa  lui  a  donné  de  l'argent  pour  ses  petits 
sauvages,  à  ce  bon  prêtre,  maman  de  l'argent  aussi,  et  puis  des 
tas  de  choses  qu'elle  avait  et  qui  lui  servaient  encore.  Arthur  a 
sacrifié  sa  semaine  et  quelques  jouets  ;  alors,  moi,  j'ai  abandonné 
au  bon  prêtre  ma  belle  poupée  bleue,  et  il  l'a  emportée  chez  ses 
nègres.  Et  je  l'aimais  beaucoup,  ma  poupée,  va,  saint  Pierre  ;  si 
tu  en  avais  eu  nue  comme  çi,  tu  aurais  été  bien  content. 

"  — Ça  c'est  probable,  répliqua  l'Apôtre  en  souriant.  Eh  bien  ! 
Mignonne,  il  faut  que  je  te  dise  que  cette  poupée  que  tu  as  si  gé- 
néreusement offerte  au  missionnaire,  et  qui  a  été  précieusement 
emportée  dans  le  pays  des  infidèles,  a  fait  le  bonheur  d'une  masse 
de  négrillons  et  de  négrillonnes  ;  ces  pauvres  enfants  venaient  au 
catéchisme,  attirés  parla  promesse  de  jouer  ensuite  avec  ta  poupée 
bleue  ;  ils  l'écoutaient  très  bien,  le  catéchisme,  et  cela  a  fait  d'eux, 
plus  tard  de  bon  chrétiens.  Tu  vois  donc,  Mimi,  que  ta  gentille 
action  a  porté  son  fruit  ;  aussi,  pour  ta  récompense,  nous  effacerons 
sur  le  grand  livre  toutes  tes  petites  fautes  :  colères,  gourmandise, 
vanité,  désobéissances...  et  alors 

"  — ^Tu  vas  me  mener  voir  le  petit  Jésus  !  s'écria  Mimi,  qui  fit 
un  tel  bond  de  joie  sur  les  genoux  de  saint  Pierre  que  les  grosses 
clés  s'entrechoquèrent  avec  un  énorme  bruit. 

«  —Oui," 

Alors  Mimi  n'y  tint  plus  et  embrassa  le  bon  saint  à  l'étouffer. 
Le  bon  saint  souriait  dans  sa  barbe  blanche,  et  nous  croyons 
pouvoir  affirmer  que   ces  jugements-là  ne  sont  pas  les  plus  en- 
nuyeux pour  le  portier  du  Paradis,  qui   est    quelquefois  obligé 
d'examiner  ses  clients  avant  de  les  conduire  devant  le   Souveram 

juge. 

Roger  Dombré 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  L.  B  Y 

VENTE  DE  BOIS— MESURAGE. 

Question. — Dans  la  vente  du  bois  de  chauffage,  qui  doit  payer 
le  cordage  et  le  me  su  rage  ? 

Habitant. 

Réponse. — L'article  1495  du  code  civil  déclare  qu'en  l'absence 
de  conventions  contraires,  les  frais  de  la  délivrance  sont  à  la  charge 
du  vendeur.  Le  cordage  et  le  mesurage  sont  des  parties  essen 
tielles  de  la  livraison  ou  délivrance,  et  ilsdoivent,  par  conséquent 
être  payés  par  le  vendeur. 


CONDAMNATION  D'UN   NOTAIRE- 
FAUX. 

Aux  dernières  assises  criminelles  du  district  de  Joliette,  tenues 
il  y  a  quelques  semaines,  le  notaire  L.  L.  Désaulniers,  de  Ste- 
Julienne,  a  été  trouvé  coupable  du  crime  de  faux  et  condanmé  à 
une  année  d'emprisonnement.  L'accusation  portée  contre  lui 
était  d'avoir  fait  un  faux  acte  de  cession  d'un  terrain  dans  le  but 
de  faire  obtenir' au  cessionnaire  des  Lettres  Patentes  du  gouver- 
nement. 

Le  jury  l'a  trouvé  coupable  sur  le  témoignage  donné  en  1891, 
devant  un  magistrat,  par  le  prétendu  cédant  maintenant  décédé. 
Ce  cédant  ou  prétendu  cédant  était  le  témoin  principal.  Ainsi  ce 
principal  témoignage  n'a  pas  été  donné  contradictoirement  devant 
les  jurés,  et  cependant  ils  ont  rendu  un  verdict  de  culpabilité. 
N'ayant  pas  assisté  au  procès,  et  ne  le  connaissant  que  par  quel- 
ques notes  publiées  par  les  journaux,  il  m'est  impossible  d'en  faire 
un  compte-rendu  détaillé.  Il  me  semble  cependant  que  les  jurés 
ont  assumé  une  bien  lourde  responsabilité. 

Voici  la  définition  du  /awa;  donnée  par  Messieurs  Dandurand  et 
Lanctôtdans  leur  Traité  de  Droit  criminel,  page  3G2. 
X  Le  faux,  de  droit  commun,  est  l'o/fense  qui  consiste  à  faire,  contre- 
faire ou  altérer  un  écrit  dans  l'intention  de  frauder  ou  de  tromper.(l) 


BOODLER— VOLEUR. 

Dans  la  cour  Supérieure  du  District  d'Ibervilte, 

M.  le  juge  Gill, 

Re  :  Marchand,  vs  Molleur. 

A  JUGÉ  :  Que  le  mot  boodler  est  synonime  de  voleur,  et,  qu'en  con- 

(1)  Au  moment  de  mettre  sous  presse  nous    apprenons  que  legouvernementi 
sur  le  rapj.ort  favorable  du  juge  qui  a  présidé  au  procès  a  gracié  Mr.  Désaulniers 


LE  PROPAGATEUR  761 


séquence,  le   demandeur   a  droit   à  des   dommages-intérêts   contre  le 
défendeur  qui  l'a  traité  de  boodler. 

L'honorable  monsieur  Félix  G.  Marchand,  député  du  comté  de 
St-Jean  et  chef  du  parti  libéral  de  Québec,  poursuivait  monsieur 
Louis  MoUeur,  son  adversaire  malheureux  dans  l'élection  de  mars 
1892,  parce  qu'au  cours  de  la  lutte  électorale  ce  dernier  l'avait 
accusé  d'être  un  boodler.  Le  défendeur  a  été  condamné  à  payer 
$500.00  de  dommages  au  demandeur. 

Subséquemment  M.  Marchand  s'est  désisté  du  jugement  parce 
qu'il  a  été  rendu  pendant  le  terme  de  la  cour  de  Circuit  au  lieu 
de  l'avoir  été  pendant  le  terme  de  la  cour  Supérieure. 


AVOCATS. 

Depuis  quelque  temps  le  journal  La  Presse  fait  une  campagne 
en  règle  contre  les  avocats  qui  se  rendent  coupables  d'actes  déro- 
gatoires à  l'honneur  professionnel.  Si  les  accusations  de  ce 
journal  sont  fondées  il  va  rendre  un  véritable  service  au  pays,  car 
la  campagne  qu'il  a  entreprise  devra  nécessairement  avoir  un  bon 
résultat. 

L'état  de  choses  dévoilé  par  La  Presse^  s'il  existe  réellement, 
indique  un  triste  abaissement  des  caractères.  Il  fait  voir  qu'un 
cours  de  morale  professionnelle  ne  serait  pas  de  trop.  A  la  vue 
de  ces  révélations  les  avocats  se  sont  émus,  ils  ont  tenu  des 
assemblées  d'indignation  et  ils  ont  menacé  de  traduire  en  justice 
le  journal  accusateur.  Ils  n'ont  cependant  pas  mis  leurs  menaces 
à  exécution  et  le  journal  a  réitéré  ses  accusations. 

Les  coupables,  s'il  y  en  a,  devraient  être  chassés  du  corps  qu'ils 
déshonorent  et  leurs  noms  rayés  du  tableau.  Le  barreau,  comme 
la  femme  de  César,  doit  être  au-dessus  de  tout  soupçon.  Autre- 
ment il  perdra  son  prestige  et  son  influence. 

En  France  les  règlements  du  barreau  sont  d'une  extrême  sévé- 
rité.    On  peut  en  juger  par  cet  extrait  d'un  article  de  La  Croix. 

Le  règlement  de  l^  ordre  défend  aux  avocats  de  souscrire  des  billets 
à  ordre.,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  d'accepter  des  lettres  de  change.,  de 
consentir  un  aval  ou  une  ouverture  de  crédit,  de  recevoir  d'un  client 
à  titre  d'honoraires.,  des  valeurs  commerciales. 

En  outre,  toutes  les  opérations  financières  ''  qui  présentent  quelque 
analogie  avec  le  commerce,  le  négoce  ou  les  jeux  de  bourse  "  leur  sont 
formellement  interdites. 

Les  peines  disciplinaires  sont  :  l'avertissement,  la  réprimande,  l'in- 
terdiction temporaire  et  la  radiation  du  tableau. 

Cet  extrait  ne  concerne  que  les  faits  commerciaux  défendus  aux 
avocats.  Les  règlements  contiennent  beaucoup  d'autres  défenses 
d'ordre  supérieur. 


762  LE  PROPAGATEUR 

PAROISSES. 
Erection  canonique — Erection  civile,  (l) 

Paroisse  de  St.  Blaise. 

En  décembre  dernier, 

Re 

LÉON  SAMOISETTE  et  al. 

Appelants 
S 

EUSÈBE  BRASSARD,  et  al. 

Intimés. 
& 

J.  A.  GRAVEL  ET  AL. 

Mis  en  cause. 

La  Cour  d'Appel  a  confirmé  le  jugement  de  la  Cour  Supérieure 
du  district  d'Iberville,     (Tellier,  juge)  rendu  le  27  juin  1892. 

Par  ce  jugement  elle  a  décidé  : 

1^  Que  les  tribunaux  n'ont  aui;une  juridiction  relativement  à 
i'érectioti  des  paroisses. 

2*^  Que  l'érection  canonique  d' une  paroisse  est  du  ressort  exclusif 
des  autorité<!  ecclésiastiques. 

3°  Que  l'érection  cioile^  étant  un  simple  acte  administratif,  est  du 
ressort  exclusif  du  Lieutenant-Gouverneur  en  Conseil. 

Ainsi  les  commissaires  civils  ne  constituent  qu'une  commission 
d'enquête,  destinée  à  éclairer  le  gouvernement  et  à  le  mettre  en 
état  de  décider  de  l'opportunité  d'accorder  ou  de  refuser  l'érection 
civile  d'une  paroisse. 

La  cour  a  été  unanime  à  décider  qu'elle  n'avait  pas  le  droit 
d'intervenir  dans  l'érection  canonique,  et  que  ceux  qui  se  pré- 
tendent lésés  par  la  décision  de  l'évêque  n'ont  de  recours  qu'à  une 
autorité  ecclésiastique  supérieure.  Quant  à  la  non-intervention 
dans  l'érection  civile,  le  juge  Hall  s'est  séparé  de  ses  collègues.  Il 
est  d'opinion  que  le  tribunal  a  juridiction. 

(1)  Voir  le  Propagateur  vol.  2,  page  279,  et  vol.  3,  page  374. 


HYACINTHE    RIGAUD 

lli  LES  CRITIQUES,  \suite  et  fin) 

Vers  la  fin  de  septembre,  Rigaud,  ayant  terminé  les  portraits  de 
M.  et  de  madame  de  Taverny,  se  rendit  chez  eux  un  matin  pour 
surveiller  les  ouvriers  qui  devaient  fixer  les  cadres  ovales  dans 
les  panneaux  ajourés  des  portes  latérales  de  l'alcôve  de  madame 
de  Taverny.  Ces  deux  portraits,  peints  au  pastel,  étaient  également 
ressemblants,  mais  n'étaient  pas  appréciés  de  même.  Il  n'y  avait 
qu'une  voix  sur  celui  de  M.  de  Taverny  :  on  le  trouvait  admi- 
rable ;  mais  toutes  les  dames  qui  avaient  vu  celui  de  la  jeune 
femme  critiquaient,  les  unes  le  front,  les  autres  la  bouche,  la  robe, 
les  mains,  les  yeux,  enfin  tout,  si  bien  que  madame  de  Taverny 
n'osait  plus  dire  qu'elle  en  était  contente,  et  que  son  mari  lui-même 
finissait  par  le  croire  fort  médiocre.  Ennuyé  de  cela,  Rigaud  en 
avait  parlé  à  la  duchesse  d'Orléans,  et  cette  princesse  lui  dit  : 

"  J'irai  voir  ce  portrait  demain,  et  je  mettrai  ces  péronnelles  à 
la  raison.  " 

Rigaud  avait  prévenu  madame  de  Taverny  de  la  visite  que 
voulait  lui  faire  incognito  madame  la  duchesse  d'Orléans,  &t  l'on 
s'était  hâté  de  disposer  l'appartement.  Mais  au  moment  où  l'on 
venait  de  placer  les  deux  portraits,  Rigaud  s'aperçut  qu'en  enca- 
drant celui  de  la  jeune  femme,  on  avait  efi'acé  une  partie  de  la 
jupe  de  satin  à  fleurs.  Il  fit  enlever  le  tableau,  ne  laissant  placé 
que  le  cadre  et  la  glace,  et,  posant  le  châssis  sur  un  fauteuil,  se 
hâta  de  réparer  l'accident  avec  quelques  touches  de  pastel.  Ennuyé 
de  voir  les  ouvriers  béer  près  de  lui,  il  les  renvoya,  disant  qu'il 
saurait  bien  rajuster  sa  peinture  dans  le  cadre. 

Il  était  donc  à  genoux  devant  son  tableau,  travaillant  avec  appli- 
cation, et  M.  et  madame  de  Taverny  le  regardaient,  pensant  qu'ils 
seraient  avertis  de  l'arrivée  de  la  princesse  par  le  bruit  de  son  car- 
rosse, lorsque  Madame,  ayant  laissé  sa  voiture  au  palais  du  Luxem- 
bourg, s'avisa  d'arriver  à  pied,  à  la  main  de  son  écuyer,  un  loup 
surle  visage  et  vêtue  fort  simplement.  Elle  monta  l'escalier,  trouva 
ouverte  la  porte  de  l'antichambre  que  les  ouvriers  avaient  négligé 
de  clore,  et,  défendant  aux  laquais  de  l'annoncer,  entra  sans  façon, 
et  surprit  le  peintre  et  ses  clients.  Coupant  court  aux  révérences 
et  aux  compliments,  elle  s'écria  : 

''Point  d'Altesse,  je  vous  prie.  Je  suis  une  bourgeoise  de  Saint- 
Cloud,  une  pratique  de  M.  Risaud  ;  rien  de  plus.  Voyuns  ces 
portraits  !  Monsieur,  vous  êtes  bien,  très  bien  ;  mais  madame  de 
"Tavemy  est  encore  mieux  peinte  que  vous.  Ce  portrait  et  son  mi- 
roir, c'est  tout  un.  Quels  sont  les  sots  qui  osent  critiquer  un  tel 
chef-d'œuvre  ?  " 

''  Quelques  dames,  amies  de  ma  femme,  "  dit  M.  de  Taverny, 
"  trouvent  que...  " 

"  Quelques  dames  ?  Alors  les  sots  sont  des  sottes.  Jalousie,  mon- 
sieur,pure  jalousie,  pas  autre  chose.  Voulez-vous  en  faire  l'épreuve? 
Faites  mettre  Madame  de  Taverny  elle-même  là-haut,  dans  ce 
cadre,  et  montrez-la  à  ses  bonnes  amies.  Elles  ne  la  trouveront 
pas  ressemblante.  " 

Toute  la  compagnie  éclata  de  rire  ;  mais  Madame  assura  que  ce 
n'était  pas  une  folie,  et  dit  : 


764  LE  PROPAGATEUR 


"  Essayons.  Voyons,  jeune  dame,  vous  êtes  leste.  Je  vois  une 
échelle  double  dans  cette  alcôve.  Montez-y,  placez-vous  bien,  fer- 
mons la  porte,  baissons  les  rideaux,  et  vous  verrez.  " 

Madame  de  Taverny,  riant  de  tout  son  cœur,  obéit  à  la  princesse, 
et  bientôt  sa  gracieuse  personne  apparut  derrière  la  glace  encadrée, 
se  détachant  sur  le  fond  sombre  de  l'alcôve. 

''  C'est  charmant,  c'est  parfait  !  "  dit  Madame  ;  "  mais  sur  qui 
ferons-nous  l'épreuve  ?  " 

—  "  S'il  plaît  à  Madame,  "  dit  M. -de  Taverny,  "  je  vais  envoyer 
chercher  nos  voisines  du  premier  étage.  Mesdames  de  Valblanc.  " 

"  Faites  vite,  "  dit  la  princesse.  "  Cachez  le  tableau,  Rigaud,  et 
cachons-nous.  " 

Ainsi  fut  fait.  La  duchesse  d'Orléans  se  mit  derrière  un  paravent 
avec  Rigaud  et  l'écuyer,  et  M.  de  Taverny,  allant  au-devant  des 
visiteuses,  leur  dit  avec  force  politesses  : 

"■  Mesdames,  je  suis  confus,  j'ai  mille  excuses  à  vous  demander 
de  l'indiscrétion  que  je  commets  en  vous  dérangeant  si  matin, 
mais  on  vient  de  mettre  en  place  le  portrait  de  Madame  de  Taverny. 
Je  ne  sais  vraiment  s'il  peut  être  accepté.  Daignez  me  donner  votre 
avis,  à  quoi  je  liens  essentiellement.  " 

Les  trois  dames,  mère  et  vieilles  filles  assez  jaunes,  que  les  bonnes 
langues  du  quartier  avaient  surnommées  les  trois  Parques,  regar- 
dèrent à  peine  le  prétendu  portrait,  mais  répétèrent  eu  chœur  la 
même  antienne  :  "  C'est  faux,  c'est  maniéré,  c'est  froid,  c'est  trop 
bleu,  c'est  trop  noir,  ce  n'est  pas  ressemblant  du  tout,  mais  du  tout. 
11  faut  faire  reloucher  et  même  recommencer  cela,  monsieur.  Quant 
à  votre  portrait,  monsieur,  il  est  vivant,  c'est  un  chef  d'œuvre.  On 
dirait  qu'il  va  parler.  " 

"  Grand  merci,  mesdames,  "  dit  M.  de  Taverny  en  les  recon- 
duisant ;  "  fort  de  votre  avis,  je  ferai  entendre  raison  à  ce  peintre.  " 

"  Ah  !  il  n'atteindra  jamais  Mignard,  le  divin  Mignard,  "  dit 
madame  de  Valblanc  ;  "  mais  il  vous  a  réussi,  on  ne  peut  en  dis- 
convenir. Adieu,  monsieur.  Mille  compliments,  je  vous  prie,  à 
madame  de  Taverny.  " 

Et  les  trois  Parques  s'en  allèrent,  enchantées  d'avoir  montré 
leur  compétence.  Il  était  temps  qu'elles  partissent.  Madame  de 
Taverny  sur  son  échelle,  et  la  princesse  derrière  son  paravent,  se 
mouiaient  de  rire,  et  M.  de  Taverny  avait  eu  toutes  les  peines  du 
monde  à  ne  pas  éclater.  Rigaud  triomphait,  et  ne  savait  assez  re- 
mercier la  princesse. 

Ravie  de  l'aventure,  Madame  alla  sur-le-champ  la  raconter,  au 
Luxembourg,  à  mademoiselle  de  Montpensier  ;  elle  l'écrivit  le  jour 
même  à  i'électrice  de  Hanovre,  et  en  divertit  Louis  XIV  à  son 
souper. 

Bientôt  le  grand  roi,  ayant  vu  le  portrait  de  Madame,  l'admira 
fort,  et  voulut  lui-même  être  peint  par  Rigaud.  Le  duc  d'Orléans, 
le  prince  de  Conti,  Bossuet,  madame  de  Maintenon,  tous  les  grands 
personnages  de  la  cour  suivirent  l'exemple  du  monarque,  et,  reçu 
à  l'Académie  et  annobli  par  sa  ville  natale,  Rigaud  en  très  peu 
d'années,  vit  son  talent  apprécié  comme  il  méritait  de  l'être-  Les 


LE  PROPAGATEUR  76= 


honneurs  et  les  succès  ne  le  rendirent  pas  ingrat.  Quelque  occupé 
qu'il  fût,  jamais  il  ne  laissait  plus  de  trois  mois  sans  aller  pré- 
senter ses  respects  à  la  duchesse  d'Orléans.  Quant  à  M.  et  madame 
de  Taverny,  il  était  devenu  leur  ami,  et  passait  toutes  ses  soirées 
du  dimanche  chez  eux,  fort  recherché  par  la  bonne  compagnie 
qu'ils  recevaient. 

IV 

INVRAISEMBLABLE  ET  VRAI. 

Madame  se  promenait  un  jour  à  pied  comme  d'habitude,  dans 
l'allée  du  bord  de  l'eau  à  SaintCloud.  Elle  aperçut  Rigaud  qui 
descendait  d'un  carrosse  de  louage  près  de  la  grille  du  côté  de 
Sèvres,  et  lui  envoya  dire  qu'elle  le  recevrait  tout  en  se  promenant, 
et  qu'il  ne  prit  pas  la  peine  d'aller  au  château.  Rigaud  rejoignit 
la  princesse  ;  et,  comme  elle  était  de  bonne  humeur  ce  jour-là, 
elle  l'emmena  voir  la  grande  cascade,  où  l'on  préparait  l'illumi- 
nation pour  la  fête  de  saint  Philippe,  patron  du  duc  d'Orléans,  et, 
se  débarrassant  de  sa  suite,  se  mit  à  questionner  le  peintre  sur  ses 
propres  affaires.  Rigaud  ayant  répondu  d'une  manière  satisfaisante 
à  ses  questions,  la  princesse  ajouta  : 

"  Je  vois  que  vous  êtes  déjà  riche,  célèbre,  comblé  d'honneurs. 
Je  sais  mieux  que  personne  que  vous  en  êtes  digne,  et  j'ai  résolu 
de  vous  bien  marier.  " 

•'  Madame  me  comble,  "  dit  Rigaud,  "  et  je  ne  saurais  lui  être 
trop  reconnaissant  ;  mais  je  ne  veux  point  me  marier.  " 

"  Pourquoi  cela  ?  "  dit  la  princesse.  "  Je  sais  que  vous  vivez 
d'une  façon  exemplaire  :  vous  êtes  de  ceux  qui  doivent  faire  souche 
d'honnêtes  gens.  " 

"  Madame,  "  dit  Rigaud,  "  je  ne  me  marierai  point.  Et  à  vous,  si 
parfaitement  bonne  pour  moi,  et  qui,  j'ose  le  dire,  ne  jugez  pas 
selon  les  maximes  du  monde,  à  vous  je  puis  avouer  pourquoi  j"ai 
pris  cette  résolution.  La  seule  femme  que  j'aie  jamais  aimée  et  que 
j'aimerai  jusqu'au  dernier  jour  de  ma  vie,  ne  peut  être  mienne.  " 

"  Est-elle  donc  d'une  condition  supérieure  à  la  votre  ?  " 

"  Oui,  Madame  ;  et,  d'ailleurs,  elle  est  mariée.  " 

•'  Fi  !  "  s'écria  la  princesse  ;  "  fi  !  monsieur,  vous  aimez  une 
femme  mariée  !  vous  que  je  croyais  si  honnête  homme  !  et  cette 
belle,  sans  doute,  partage  votre  passion  ?  " 

"  Elle  U'i  s'en  doute  et  ne  s'en  doutera  jamais,  Madame.  Je 
mourrais  plutôt  que  de  dire  un  mot  qui  pût  troubler  la  paix  de 
son  âme.  Celle  que  j'aime  est  jeune,  belle  et  l'honnêteté  même. 
Si  un  jour  elle  devient  libre,  elle  saura  combien  je  l'ai  aimée  ; 
—  jamais  avant.  — Je  l'aime  comme  on  doit  aimer.  " 

'•Je  sais  comme  on  aime  en  Allemagne,  "  dit  la  princesse; 
"  mais  en  France  on  n'aime  que  soi-même,  on  ne  recherche  que 
les  satisfactions  matérielles  ;  on  fait  litière  de  l'honneur,  du  dé- 
vouement, de  tout  respect  et  de  toute  discrétion  ;  et  votre  duc 
de  La  Rochefoucauld,  qui  a  écrit:  Il  en  est' du  véritable  amour 
comme  de  r apparition  des  esprits  :  tout  le  monde  en  parle,  peu  de 
gens  en  ont  vu  ;  —  votre  duc  de  La  Rochefoucauld  eût  été  plus 
vrai  s'il  eût  osé  dire  :  Personne  n'en  a  vu.  " 


76U  LE  PROPAGATEUR 


•'  Si  mon  cœur  était  de  crisla],  Madame,  "  dit  Rigaud,  "  vous  en 
verriez.  " 

''  li  est  vrai,  "  dit  la  princesse,  "  que  je  vous  ai  toujours  con- 
sidéré comme  un  homme  unique.  Mais  celte  belle  passion  s'étein- 
dra. Faute  d'aliment  il  n'est  point  feu  qui  dure.  Vous  oublierez, 
et  je  vous  marierai  :  je  l'ai  mis  dans  ma  tête,  et  vous  savez  combien 
elle  est  carrée.  " 

Un  bruit  d'éclats  de  rire  et  les  pas  de  plusieurs  personnes  qui 
s'approchaient  interrompirent  la  conversation. 

"  C'est  Monsieur  qui  vient  par  ici,  avec  sa  troupe  de  fous  et  de 
folles.  Laissons  le  champ  libre  à  leurs  ébats.  Venez  dans  mon  ca- 
binet, Rigaud.  Jh  veux  vous  consulter.  Il  est  arrivé  un  accident 
à  un  de  mes  tableaux  favoris.  " 

Rigaud  vit  alors  pour  la  première  fois  ce  sanctuaire  où  la  prin- 
cesse s'enfermait  pendant  les  plus  belles  heures  de  la  journée, 
préférant  la  solitude  et  le  plaisir  d'écrire  à  ses  amis  d'Allemagne 
aux  fêtes  continuelles  dont  Saint-Cloud,  ce  palais  de  délices,  comme 
l'appelle  Saint-Simon,  était  alors  le  théâtre.  Ce  cabinet  était  orné 
de  plusieurs  portraits  des  ancêtres  de  la  princesse  palatine,  et 
leurs  figures  tudesques,  leurs  armures  et  leur  air  martial  faisaient 
ressortir  l'élégance  et  l'expression  mélancolique  d'un  portrait  de 
femme  signé  de  Luca  Giordano.  Rigaud  ne  put  s'empêcher  de 
l'admirer  et  de  demander  à  Madame  quelle  était  cette  personne. 

"  C'était  ma  belle-fille,  la  reine  d'Espagne,  "  dit  la  princesse. 
"  Elle  ne  m'aimait  guère,  et  pourtant  personne  ne  l'a  plus  pleurée 
que  moi.  Monsieur  avait  fait  cacher  ce  portrait,  disant  que  la  vue 
l'attristait.  Je  l'ai  pris  ici.  Le  trouvez-vous  bien  peint  ?  " 

"  Oh  !  oui  !  "  dit  Rigaud,  "  et  les  accessoires,  qui  sont  là,  voilés 
dans  l'ombre,  sont  bien  touchants.  Voyez,  madame,  sur  un  coussin 
de  velours  noir  reposent  la  couronne  et  le  sceptre  d'Espagne,  à 
côté  d'un  crucifix.  Et  la  princesse  tient  à  la  main  un  lis  à  demi 
risé.  '  '"  Marie-Louise  d'Orléans  fut  elle-même  un  lis  arraché  au 
sol  natal,"  dit  la  princesse,  "  et  sa  vie  fut  courte  et  amère.  C'est  le 
destin  des  prmcesses,  bien  souvent.  Mais,  Rigaud,  regardez  donc  : 
qui  peut  fendiller  ainsi  la  peinture  que  voici  ?  " 

Et  la  princesse  et  le  peintre  ne  songèrent  plus  qu'au  portrait  du 
palatin  du  Rhin,  Karl  von  Heidelberg,  et  se  séparèrent  sans  re- 
parler mariage. 

Quelques  semaines  après,  la  duchesse  d'Orléans  vit  revenir  son 
peintre  favori,  en  grand  deuil  et  l'air  fort  triste. 

"  Hélas  !  Rigaud,  "  lui  dit-elle,  "  la  dame  de  vos  pensées  est- 
elle  morte  ?  " 

'■•  Non,  Madame,  "  dit  Rigaud  ;  "  mais  j'ai  perdu  ma  mère,  ma 
bonne  mère,  à  qui  je  devais  tout  ce  que  je  suis.  J'avais  huit  ans 
quand  mon  père  mourut  ;  et  c'est  elle  qui  la  première  devina  ma 
vocation  et,  à  force  de  travail  et  de  privations,  me  donna  les  moy- 
ens de  la  suivre,  en  m'envoyant  étudier  à  Montpellier.  Depuis 
l'âge  de  quatorze  ans,  sauf  de  rares  voyages  en  mon  pays,  j'ai 
vécu  loin  d'elle  ;  mais  son  souvenir,  ses  conseils  et  ses  prières 
m'ont  fait  marcher  droit,  et  jamais  mère  ne  fut  plus  digne  des 
regrets  de  son  fils-  " 


LE  PROPAGATEUR  767 


"  Je  prends  grande  part  à  votre  chagrin,  mon  pauvre  ami,  " 
dit  la  princesse  attendrie.  ••  Heureuse  la  mère  à  qui  son  fils  peut 
rendre  un  semblable  témoignage  !  — Mais  enfin  votre  mère  était 
d'âge  à  vous  précéder  en  paradis.  Il  ne  faut  point  vous  laisser 
aller  au  chagrin.  Voyons,  ne  songerez-vous  pas  à  remplacer  cette 
affection  par  une  nouvelle  ?  ne  voulez  vous  pas  vous  marier,  avoir 
des  enfants,  qui  diront  un  jour  dt  vous  ce  que  vous  dites  de  votre 
chère  mère  ?  " 

''  Rien  n'est  changé  dans  mes  résolutions,  Madame,  "  dit  Rigaud. 
"  Je  vais  m'éloigner  de  Paris  et  passer  quelques  jours  à  l'abbaye 
de  la  Trappe.  M.  le  duc  de  Saint-Simon  veut  que  j'essaye  de  faire 
un  portrait  du  révérend  abbé.  Je  ne  sais  si  j'en  viendrai  à  bout, 
car  M.  de  Rancé  ne  veut  point  poser  ;  mais,  en  tout  cas  je  ferai 
là-bas  une  retraite,  et  je  n'ai  point  voulu  partir  sans  prendre  congé 
de  Madame.  '' 

'*  Ah  ça  !  "  s'écria  la  princesse,  "  n'allez  point  vous  faire  trap- 
piste, au  moins  !  " 

"  Je  ne  me  sens  nul  goût  pour  l'état  religieux,  Madame,  "  dit 
Eigaud  ;  "  je  ne  désire  que  quelques  jours  de  calme  et  de  silence.  " 

La  princesse  réfléchit  un  instant  ;  puis,  fixant  sur  le  visage  du 
peintre  ses  yeux  perçants,  elle  lui  dit  : 

"  Avez-vous  parlé  de  votre  départ  à  madame  de  Taverny  ?  " 

"  Je  suis  allé  chez  elle  dans  cette  intention.  Madame,  "  dit 
Rigaud,  "  mais  elle  ne  m'a  point  reçu.  M.  de  Taverny  était  couché, 
et  avait  fait  fermer  sa  porte.  Je  n'ai  jamais  vu  madame  de  Taverny 
qu'en  présence  de  son  mari.  " 

"Jamais  ?  "  fit  la  duchesse  d'un  air  de  doute  ;  *î  jamais,  mon- 
sieur ?  est-ce  bien  vrai  ?  " 

"  Parfaitement  vrai,  "  dit  le  peintre. 

"  Ce  n'est  donc  pas  elle  que  vous  aimez,  alors  ?  Hé  bien  !  je 
croyais  pourtant  avoir  deviné.  " 

"  Votre  Altesse  ne  s'est  point  trompée,  "dit Rigaud:  "c'est  bien 
elle  que  j'aime  ;  mais  ce  que  j'aime  plus  que  sa  beauté,  plus  que 
ma  vie,  plus  que  la  sienne,  Madame,Dieu  le  sait,  c'est  son  honneur  !  " 

"  J'ai  vu  l'apparition  des  esprits,  "  dit  la  princesse  :  "je  ne  dirai 
plus  que  La  Rochefoucauld  s'est  trompé.  — Adieu,  Rigaud,  je  vous 
admire.  Priez  pour  moi  à  la  Trappe,  et  ne  vous  faites  pas  moine, 
mon  ami,  croyez-moi  !  " 

Ce  voyage  à  la  Trappe  de  Mortagne  fut  pour  Rigaud  l'occasion 
de  produire  un  de  ses  plus  admirables  chefs-d'œuvre,  le  portrait 
de  l'abbé  de  Rancé,  fait  à  l'insu  du  modèle  ;  et  le  duc  de  Saint- 
Simon  raconte  toutes  les  ruses  qu'il  employa  pour  obtenir  que 
M.  de  Eancé  consentît  à  recevoir  à  l'infirmerie,  dont  il  ne  bougeait 
plus,  les  longues  et  muettes  visites  de  "  cet  officier  curieux  "  qui 
le  regardait  si  attentivement,  tandis  que  M.  de  Saint-Simon  lui 
contait  mille  histoires  pour  l'amuser. 

Rentré  dans  l'appartement  des  hôtes  après  une  de  ces  longues 
conversations,  Rigaud  esquissait  de  souvenir  les  traits  du  célèbre 
religieux,  lorsqu'un  frère  convers  lui  apporta  une  lettre  scellée 
des  armes  de  la  duchesse  d'Orléans, 


768  LE  PROPAGATEUR 


"  Le  courrier  qui  a  apporté  cette  lettre  en  attend  la  réponse, 
monsieur,  "  dit-il  ;  "  il  est  venu  à  franc  élrier.  " 

Rigaud  décacheta  la  lettre  et  n'en  put  lire  qu'un  seul  mot,  Ta- 
verny  :  tout  le  reste,  rempli  d'allemand,  d'une  orthographie  inouïe 
et  d'une  écriture  baroque,  était  incompréhensible.  Rigaud  porta 
la  lettre  au  duc  de  Saint  Simon. 

"  Que  faire  ?  "  lui  dit-il  ;  "  on  attend  la  réponse,  et  je  ne  puis 
lire  un  traître  mot  de  cette  lettre.  " 

"■  Ni  moi  non  plus,  "  dit  Saint-Simon,  "  si  ce  n'est  la  signature, 
que  je  reconnais.  C'est  une  lettre  de  Madame.  Voici  ce  qu'il  faut 
faire  :  il  y  a  ici  un  religieux  de  Strasbourg,  savant  antiquaire  qui 
déchiffre  "tous  les  parchemins  et  papyrus  du  monde.  Priez-le  de 
vous  lire  ce  grimoire  et  d'en  faire  une  copie,  sa  règle  l'obligeant 
au  silence.  '■ 

Le  bon  père  Othon  Bischvi^iller  traduisit  et  transcrivit  en  belle 
écriture  la  missive  de  la  princesse,  et  l'envoya  au  bout  d'une 
heure  à  Rigaud.  Elle  était  ainsi  conçue  : 

"■  Je  vous  disais  bien,  monsieur,  que  vous  auriez  grand  tort  de 
vous  faire  trappiste.  M.  de  Taverny  vient  de  mourir  d'un  accès  de 
goutte  et  de  plusieurs  médecins.  Sa  bonne  femme  l'a  soigné  avec 
toute  l'affection  possible.  Il  n'avait  point  fait  de  testament,  et, 
n'ayant  point  d'enfant,  et  les  ne\feux  de  son  mari  étant  gens  assez 
rapaces,  elle  reste  avec  la  petite  dot  que  le  roi  lui  donna  lorsqu'elle 
sortit  de  Saint-Gyr.  Je  sais  que  sa  pauvreté  vous  sera  un  motif  de 
plus  pour  rechercher  sa  main.  Vous  êtes  si  au  rebours  des  autres  ! 
—  Enfin,  la  voilà  veuve,  et  elle  s'est  retirée  au  couvent  des  Filles- 
Bleues.  Je  l'y  ai  vue,  je  l'ai  langueyée  comme  il  faut,  et  j'ai  mené 
rondement  vos  affaires.  Elle  vous  estime  fort  ;  elle  ne  se  douterait 
de  lien,  si  je  n'avais  parlé.  C'est  une  personne  unique  en  son  genre, 
comme  vous.  Venez  me  voir  à  Saini-Cloud,  sitôt  votre  retour  de 
la  Trappe.  Si,  une  fois  son  deuil  fini,  la  belle  Taverny  ne  d^!vient 
pas  madame  Rigaud,  ce  sera  votre  faute.  J'obtiendrai  du  roi  qu'il 
ratifie  vos  lettres  de  noblesse  ;  et  le  gracieux  visage  que  vous 
verrez  en  votre  logis  vous  dédommagera  d'une  trop  longue  attente, 
d'un  amour  comme  on  n'en  voit  guère,  et  du  mal  que  vous  eûtes 
à  faire  un  beau  portrait  d'après  la  plus  laide  princesse  du  monde. 
Et  sur  ce,  priant  Dieu  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  et  digne  garde,  je 
demeure  votre  affectionnée 

"  Charlotte-Elisabeth.  " 
On  devine  la  réponse  du  peintre.  Il  se  maria  l'année  suivante, 
et  vécut  dans  l'union  la  plus  parfaite  avec  sa  femme. 

Rigaud,  que  l'on  a  surnommé  le  Van  Dyck  français,  peignit 
cinq  rois,  un  nombre  considérable  de  personnages  illustres,  et 
légua  à  l'Académie,  dont  il  était  le  directeur,  le  beau  portrait  de 
sa  mère  qui  est  encore  au  musée  du  Louvre. 

Sa  femme  mourut  en  1743.  Rigaud  l'avait  soignée  avec  le  plus 
grand  dévouement.  Obligé,  quelques  mois  après  sa  mort,  d'entrer 
dans  la  chambre  où  il  T'avait  vue  expirer,  il  s'écria  :  "  Ah  !  je 
vais  bientôt  vous  suivre  1  "  La  fièvre  le  prit  et  l'enleva  en  quel- 
ques heures.  11  avait  quatre-vingts  ans. 


LE    PROPAGATEUR 


Volume   IV,  1er   Mars,   1893, 


Numéro    1 


■^ay€>y'<lâg?e^^yg^a^^^L^yg.a^^ 


HYMNE 


SAI^T-JOSEPH 


O  Joseph  !  que  tous  les  chœurs  des  cieux  célèbrent 
votre  gloire,  que  la  voix  des  chrétiens  chante  partout 
vos  louanges,  grand  Saint,  qui  avez  mérité  d'être  uni 
par  les  liens  les  plus  purs  à  la  plus  illustre  des  vierges. 

Et  quand,  étonné  du  fruit  précieux  qu'elle  porte  en 
son  sein,  vous  vous  trouvez  plongé  dans  les  anxiétés 
du  doute,  un  ange  vous  révèle  qu'elle  a  conçu  le  Fils 
de  Dieu  par  l'opération  du  Saint-Esprit. 

Vous  pressez  dans  vos  bras  le  Seigneur  qui  vous  est 
né  ;  vous  l'accompagnez,  lorsqu'il  fuit  en  Egypte  ; 
vous  le  cherchez  à  Jérusalem,  où  vous  l'aviez  perdu, 
et  vous  le  retrouvez  versant  des  larmes  de  joie. 

Pour  les  autres  saints,  ce  n'est  qu'après  la  mort 
qu'ils  reçoivent  le  prix  de  leurs  travaux,  et  qu'ils 
goûtent  le  fruit  de  leur  victoire  ;  mais  vous,  par  un 
bonheur  ineffable,  vous  jouissez  de  la  présence  de 
Dieu  sur  la  terre,  comme  eux  dans  les  cieux. 

Trinité  sainte,  Majesté  souveraine  !  soyez  propice  à 
nos  prières  :  par  les  mérites  de  saint  Joseph,  accordez- 
nous  d'arriver  au  ciel,  pour  qu'il  nous  soit  enfin  permis 
de  chanter  le  cantique  éternel  de  la  reconnaissance. 


BULDETIN 


Montréal,  20  février,  1893. 

*,*  En  France  les  bureaux  de  bienfaisance  sont  chargés  de  dis- 
tribuer des  secours  aux  nécessiteux.  Dans  un  grand  nombre  de 
ces  bureaux  les  distributeurs  sont  des  sectaires  franc-maçons, libres 
penseurs  et  autres  personnages  ejusdem  farinœ.  Ils  refusent  injus- 
tement des  secours  aux  familles  nécessiteuses  qui  envoient  leurs 
enfants  aux  écoles  congréganistes,  à  celles  où  on  pratique  la  reli- 
gion publiquement,  au  lieu  de  les  envoyer  aux  écoles  publiques 
c'est-à-dire  aux  écoles  sans  Dieu.  En  certains  endroits  on  a  poussé 
le  fanatisme  sectaire  à  ses  extrêmes  limites.  Témoin  le  fait  suivant 
Dans  une  commune  un  couple  non  marié  recevait  des  secours  du 
bureau  de  bienfaisance.  Ce  couple,  pris  de  remords,  résolut  d'a- 
bandonner cette  vie  indigne  et  de  contracter  une  union  légitime. 
Ce  qu'il  fit  aux  applaudissements  de  tous  les  honnêtes  gens.  Quel- 
ques jours  plus  tard  la  femme  s'étant  présentée  au  bureau  de 
bienfaisance  on  lui  signifia  qu'ayant  régularisé  sa  position  elle 
n'aurait  plus  de  secours.  Ainsi  tant  que  le  couple  en  question  a 
vécu  dans  le  vice,  des  secours  lui  ont  été  accordés,  mais  après 
sa  conversion  on  a  supprimé  tout  secours.  Ces  faits  et  d'autres 
semblables,  en  nombre  considérable,  ont  été  la  cause  d'une  inter- 
pellation à  la  Chambre  des  Députés  dans  sa  séance  du  20  décembre. 
M.  d'AUières,  député,  a  affirmé  alors  que  "  Vexclusion  des  familles 
catholiques  est  générale  et  que  les  secours  du  bureau  de  bienfaisance 
deviennent  un  instrument  de  tyrannie  politique. 

C'est  ainsi  que  certaines  gens  entendent  la  charité  ou  plutôt  la 
philantropie,  car  la  charité  véritable  n'est  pas  connue  dans  ces 
quartiers  ta. 

*** 

*,*  Le  scandale  du  Panama  cause  toujours  beaucoup  d'excitation 
en  France.  Quelques  accusés  viennent  d'être  atteints  parla  justice, 
mais  le  plus  grand  nombre  des  coupables,  et  ce  ne  sont  pas  les 
moins  tarés.,  ont  jusqu'ici  déjoué  toutes  ses  recherches. 

Quelle  est  la  cause  de  cette  impuissance  à  découvrir  les  coupa- 
bles ?  Y  a-t-il  connivence  des  autorités  ou  simplement  lâcheté  ou 
apathie  ?  Il  est  bien  difficile  de  résoudre  ces  questions.  Ces  fraudes 
gigantesques  qui  ont  causé  la  ruine  d'un  grand  nombre  et  absorbé 
les  épargnes  de  plus  de  800,000  obligataires  et  actionnaires  de  la 
compagnie  méritent  une  punition  équivalente.  Espérons  que  tôt  ou 
tard  tous  les  coupables  seront  atteints  et  que  la  société  sera  vengée. 

Le  9  février,  M.  Périvier,  premier  président  de  la  cour  d'Appel 
de  Paris,  chargé  de  juger  messieurs  Ferdinand  de  Lesseps,  prési- 
dent de  la  compagnie  du  canal  de  Panama,  Charles  de  Lesseps,  et 


LE  PROPAGATEUR 


Henri  Gottu,  administrateurs  de  la  compagnie,  Marins  Fontane, 
son  secrétaire  général,  et  Eiffel,  entrepreneur  à  son  emploi,  les  a 
trouvés  coupables  d'escroquerie  et  d'abus  de  confiance.  Il  a  pro- 
noncé contre  eux  les  sentences  suivantes,  Ferdinand  et  Charles 
de  Lesseps  ont  été  condamnés  chacun  à  5  ans  de  prison,  et  Gottu, 
Fontane  et  Eiffel  ont  été  condamnés  chacun  à  2  ans  de  la  même 
peine.  Les  accusés  ont  aussi  été  condamnés  à  diverses  amendes 
variant  de  2000  à  5000  francs. 

Les  sentences  surtout  celle  rendue  contre  Ferdinand  de  Lesseps, 
ont  profondément  impressionné  le  public.  Il  est  bien  triste  en  effet 
de  voir  le  grand  français,  l'homme  qui  a  acquis  tant  de  gloire  par 
le  percement  de  l'isthme  de  Suez  finir  misérablement  sa  carrière 
dans  l'effondrement  de  Panama. 
Des  ordonnances  de  non-lieu  ont  été  rendues  par  le  juge  d'instruc- 
tion Franqueviile  en  faveur  des  accusés  Jules  Roche,  député  de  la 
Savoie  et  ancien  ministre  du  Commerce,  Thevenet,  sénateur  et  an- 
cien ministre  de  la  justice,  et  Emmanuel  Arène,  député  de  la  Corse. 

D'autres  ordonnances  de  non-lieu  (liont  été  rendues  par  la 
Chambre  des  mises  en  accusation  en  faveur  des  accusés  Rouvier, 
député  et  ancien  ministre  des  Finances,  Albert  Grévy,  sénateur  et 
ancien  gouverneur  de  l'Algérie,  DEvÈs,sénateur  du  Cantal  et  ancien 
garde  des  Sceaux,  et  Léon  Renaud,  sénateur  des  Alpes  Maritimes. 

Il  y  a  dans  le  monde  des  gens  qui  ne  doutent  de  rien,  et  qui  se 
croient  appelés  à  faire  de  grandes  choses.  Leur  opinion  doit  pré- 
valoir partout  et  ils  s'attribuent  bien  naïvement  la  mission  spéciale 
de  corriger  les  erreurs  de  la  pauvre  humanité  et  delà  guider  dans 
la  voie  qu'elle  doit  suivre. 

Un  honorable  membre  du  Parlement  anglais  M.  T.  W.  Russell, 
député  libéral  unioniste  de  la  division  irlandaise  de  Tyrone  sud 
est  l'un  de  ces  êtres  privilégiés,  lia  plu  à  ce  monsieur,  de  passage 
ici  en  janvier  dernier,  de  donner  son  appréciation  de  la  politique 
dans  la  province  de  Québec  et  de  prédire  que  la  politique  en  Irlande 
serait  semblable  dans  le  cas  où  le  Home  Rule  lui  serait  accordé. 

Cet  honorable  monsieur  trouve  la  province  de  Québec  courbée 
sous  le  joug  du  clergé  qui  la  terrorise  et  l'empêche  de  donner  une 
opinion  libre  sur  les  questions  politiques.  Il  trouve  que  l'influence 
du  clergé  est  contraire  aux  véritables  intérêts  de  la  province. 

D'après  ses  prétentions  qu'il  faut  bien  accepter  venant  d'un 
penseur  si  profond^  l'électorat  irlandais  serait  une  proie  facile 
entre  les  mains  du  clergé  national.  Par  conséquent  il  ne  faut  pas 
permettre  qu'il  y  ait  un  second  Québec  en  Irlande.  Ainsi  dans  l'in- 
térêt de  l'électeur  lui-môme,  il  faut  refuser  le  Home  Rule  à  la 
malheureuse  Irlande.  Il  vaut  bien  mieux  la  laisser  en  butte  aux 
persécuteurs  de  John  Bull.  Il  ne  faut  pas  que  les  irlandais  catho- 
liques deviennent  des  crétins  comme  les  catholiques  de  la  pauvre 
province  de  Québec  !  ! 

(l)  Vordonnancf  de  non-lieu  équivaut  à  Ix  déclaralion  de  nos  grands  jurés  : 
*'  Accusation  non/ondée  "  ou  •'  No  Mil  ". 


LE  PROPAGATEUR 


M.  Gladstone  ne  partage  heureusement  pas  les  idées  du  député 
de  Tyrone,  car  le  13  février  courant  il  a  présenté  au  parlement 
anglais  son  projet  de  loi  relatif  à  l'autonomie  de  l'Irlande.  Ce  projet 
est  un  peu  différent  de  celui  qu'il  a  présenté  en  1886  et  il  a  beau- 
coup d'analogie  avec  l'acte  coustitaiionnel  du  Canada. 

L'Irlande  aura  deux  chambres  électives,  savoir  un  conseil  légis- 
latif  composé  de  48  membres,  et  une  assemblée  législative,  com- 
posée de  103  membres.  Les  questions  de  régime  intérieur  seront 
du  ressort  de  ce  parlement.  Quant  aux  questions  générales  de  paix 
et  de  guerre,  de  traités,  de  commerce,  de  monnaie  etc.,  elle  seront 
du  ressort  du  pailement  Impérial.  Dans  ce  dernier  parlement  l'Ir- 
lande sera  représentée  par  aO  députés,  mais  ces  députés  ne  pourront 
pas  voter  sur  les  questions  qui  ne  concerneront  que  l'Angleterre. 

Puisse  ce  projet  du  grand  homme  d'état  devenir  la  loi  constitu- 
tionnelle de  l'Irlande  ! 

Puisse  ce  malheureux  pays  jouir  enfin  delà  paix  et  de  la  liberté- 
telles  que  nous  les  possédons  ici  ! 

*  ,* 

/^  le  8  février,  au  capitole,  à  Washington,M.  Grover  Gleveland 
a  été  officiellement  proclamé  Président  des  Etats-Unis  pour  une 
période  de  quatre  années  à  partir  du  4  mars  prochain.  M.  Adlai 
E.  Stevenson  a  été  proclamé  vice-président  pour  la  même  période. 

Les  candidats  sur  les  rangs  pour  la  présidence  et  la  vice-prési- 
dence, étaient  messieurs  Gleveland  et  Stevenson,  démocrates,  Har- 
rison  et  Reid,  républicains,  et  Weaver  et  Field,  du  parti  du  Peuple. 

Voici  le  résultat  du  vote  du  second  degré  c'est-à-dire  le  vote 
donné  par  les  444  (1)  électeurs  présidentiels  qui,  eux,  ont  été  élus 
le  8  novembre  dernier  avec  le  mandat  impératif  de  voter  pour  les 
candidats  de  leur  parti  respectif. 


S.     f^ 


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(!)  223  votes  étaient  suffisants  pour  emporter  l'élection.  ■ 


LE  PROPAGATEUR 


Ainsi  les  candidats  démocrates  ont  eu  une  majorité  de  132  voix 
«ur  les  candidats  républicains,  et  uni  majorité  de  110  voix  sur  les 
candidats  républicains  et  ceux  du  parti  du  peuple  réunis. 

M.  Cleveland  est  né  à  Galdwell,  comté  d'Essex,  N.  J.,  en  mars 
1837.  Il  est  avocat.  Il  a  été  maire  de  Buffalo  en  1881  et  gouver- 
neur de  l'état  de  Xew-York,  en  1882.  Il  a  déjà  été  président  des 
Etats-Unis  de  mars  1885  à  mars  1889.  Son  adversaire  était  James  G. 
Blaine,  mort  dernièrement.  Aux  élections  de  1888  il  fut  défait  par 
M.  Harrison  sur  qui  il  vient  de  remporter  une  si  éclatante  victoire, 

La  famille  de  M.  Cleveland  était  très  pauvre  et  les  commence- 
ments de  sa  carrière  furent  bien  pénibles.  Mais  à  force  de  travail 
et  d'énergie,  unis  à  une  probité  sans  tache,  il  est  parvenu  au 
poste  de  premier  magistrat  de  son  pays. 

M.  Stevenson  est  né  dans  le  Keniucky  le  23  octobre  1835.  Il  est 
avocat  11  a  déjà  été  député  au  Congrès  et  il  a  occupé  la  charge  de 
premier  assistant  maître  général  des  postes  sous  la  première 
administration  de  M.  Cleveland. 

*,* 

,*^  On  célébrait  à  Notre-Dame,  hier  soir,  le  25e  anniversaire  du 
départ  pour  Rome  du  premier  détachement  des  zouaves  pontificaux 
Canadiens. 

C'est  le  19  février  1868  que  135  braves  laissaient  leur  patrie 
pour  voler  au  secours  du  Souverain  Pontife  menacé  par  les  hordes 
Garibaldiennes.  Le  détachement  était  commandé  par  M.  Joseph 
Taillefer  et  il  avait  pour  chapelains  M.  l'abbé  Edmond  Moreau, 
curé  actuel  de  Saint-Barthélémy,  et  M.  l'abbé  Eucher  Lussier,  au- 
jourd'hui curé  de  Beauharnois.  La  veille  du  départ  une  foule  im- 
mense remplissait  l'église  Notre-Dame  pour  assister  à  la  bénédic- 
tions solennelle  du  drapeau  des  Zouaves.  La  cérémonie  fut  s[4en- 
dide  et  ceux  qui  en  ont  été  les  heureux  témoins  en  parlent  encore 
avec  enthousiasme.  La  bénédiction  fut  faite  par  Mgr  Bourget  qui 
remit  le  drapeau  entre  les  mains  du  commandant  Taillefer.  Mgr 
Laflèche,  alors  évêque  d'Anthédon  et  actuellement  évêque  des 
Trois-Rivières  fit  le  sermon  de  circonstance. 

La  cérémonie  d'hier  soir  a  été  présidée  par  Mgr  l'archevêque 
Fabre  et  elle  a  été  une  magnifique  démonstration  religieuse,  en 
tout  digne  de  l'événement  mémorable  de  1868.  Le  sermon  a  été 
fait  pai  M.  l'abbé  Bourassa,  fils  du  peintre  distingué,  et  petit  fils 
du  grand  orateur  Louis  Joseph  Papiaeau. 

Un  grand  nombre  d'anciens  zouaves  assistaient  en  corps  à  la  cé- 
rémonie. Ils  étaient  revêtus  de  leur  costume  de  guerre  et  ils  firent 
leur  entrée  dans  l'église  ayant,  à  leur  tête  leur  glorieux  drapeau, 
celui-là  même  que  l'illustre  évêque  Bourget  a  béni  il  y  a  25  ans. 

Après  la  cérémonie  religieuse  il  y  eut  un  grand  banquet  au  ca- 
binet de  lecture.  Ce  banquet,  auquel  assistaient  les  zouaves  et 
quelques  invités,  a  été  présidé  par  M.  le  Recorder  de  Montigny,  le 
premier  zouave  Gmadien. 

La  Minerve  de  ce  matin  publie  deux  des  discours  qui  y  ont  été 
prononcés.  Ce  sont  ceux  de  M.  de  Montigny  et  de  M.  le  sénateur 


LE  PROPAGATEUR 


Tassé,  son  rédactear  en  chef.  Le  discours  de  M.  de  Montigny,  est 
une  magnifique  défense  du  clergé  Canadien  qu'il  a  éloquemment 
vengé  des  injures  de  ses  détracteurs.  Le  discours  de  M.  Tassé  est 
un  brillant  éloge  des  Zouaves. 

*** 

/,  Aux  élections  municipales  du  1er  février  M.  le  sénateur  Al- 
phonse Desjardins  a  été  élu  maire  de  Montréal.  Sa  majorité  a  été 
de  142  voix.  Son  adversaire  était  M.  James  McShane  le  maire  sor- 
tant de  charge. 

Les  maires  de  Montréal,  depuis  son  incorporation  comme  cité 
en  1832,  ont  été  Jacques  Viger,  Peter  McGill,  Joseph  Bourret, 
James  Ferrier,  John  E.  Mills,  Edouard  Raymond  Fabre,  Charles 
Wilson,  Wolfred  Nelson,  Henry  Starnes,Charles  Séraphin  Rodier, 
Jean  Louis  Beaudry,  William  Workman,  Charles  Joseph.  Coursol, 
Francis  Cassidy,  Aldis  Bernard,  William  Haies  Hingston,  Sévère 
Rivard,  Honoré  Beaugrand,John  J.  C.  Abbott,  Jacques  Grenier  et 
James  McShane. 

Six  de  ces  anciens  maires  vivent  encore,  ce  sont  messieurs 
Starnes,  Hingston,  Beaugrand,  Abbott,  Grenier  et  McShane. 

M.  Fabre  était  le  père  de  notre  archevêque. 

Les  élections  ayant  été  faites  malgré  le  bref  d'injonction  accordé 
par  le  juge  Doberty,  et  ordonnant  de  suspendre  les  procédés,  le 
greffier  de  la  cité  n'a  pas  voulu  signer  la  proclamation  d'usage. 

La  cité  a  contesté  le  bref  d'injonction  et  a  obtenu  gain  de  cause 
le  13  février.  Le  juge  Loraiiger  a  cassé  le  bref  et  a  déclaré  que  les 
élections  étaient  légales.  En  conséquence  le  greffier  a  proclamé 
immédiatement  le  maire  et  les  échevins  qui  avaient  été  élus  le 
premier  février. 

La  cause  a  été  inscrite  en  révision  ce  qui  n'a  pas  empêché  les 
nouveaux  élus  de  prêter  serment  et  de  prendre  leurs  sièges. 

,",  Ont  été  nommés  : 

l'*  Secrétaire  provincial  dans  le  cabinet  Greenway,  au  Manitoba, 
M.  John  D.  Cameron,  député  de  Winnipeg-Sud. 

2°  Sénateur  pour  le  Manitoba,  M.  John  Nesbitt  Kirchoffer, 
ancien  député  local  de  Brandon  M.  Kirchoffer  est  avocat,  âgé  dt 
40  ans  et  natif  de  la  province  d'Ontario. 

Manitoba  a  droit  à  un  quatrième  sénateur  à  cause  de  l'augmen- 
tation de  sa  population  et  en  vertu  d'un  article  de  sa  constitution. 

3°  Orateur  de  l'assemblée  législative  du  Manitoba,  M.  S.  J.  Jack- 
son, député  de  Rockwood.  L'ouverture  de  la  session  de  la  législa- 
ture Manitobaine  a  eu  lieu  le  deux  février. 

4°  Ministre  sans  portefeuille  dans  le  cabinet  Taillon  à  Québec, 
M.  Thomas  Chapais,  conseiller  législatif  et  rédacteur  en  chef  du 
Courrier  du  Canada. 

5°    Solliciteur  général  dans  le   cabinet  Blair,  au   Nouveau^ 
Brunsv^^ick,  M.  A.  S.  White,  député  de  King.  Il  remplace  M.  A.  D 
Richard  qui  a  donné  sa  démission. 

Alby. 


LE  DIX-HUITIEME  SIECLE 


MONARCHIE 


ET 


RÉVOLUTION 

ESSAIS  ANECDOCTIQUES 


PAR 


A.  PELLISSIER 

Ancien  Elève  de  l'Ecole  Normale,  Agrégé  de  philosophie 

Professeur  de  l'Université 

Honoré  en  1885   d'un  prix  montyon  par  l'Académie  Française 

Eritis  sicut  Dii. 

(Genèse,  ch.  m,  5.) 

Beau  volume  in-8  de  360  pages Prix  :  $1.25 

Ij'article  qal   sait   est  extrait  de  ce  livre. 

YOLTAIKE 


Déchue  du  rang  où  l'avait  élevée  Louis  XIV,  humiliée  dans  sa 
politique  extérieure,  dans  son  armée,  dans  sa  marine,  dans  son 
administration  financière,  la  France  se  console  par  la  supériorité 
reconnue  de  ses  écrivains  qui  se  donnent  pour  les  interprètes  de 
la  raison,  les  guides  du  monde  civilisé,  et  qui  tous  sont  l'objet 
d'une  admiration  fanatique  de  la  part  de  l'Europe  et  du  monde 
civilisé. 

Ils  doivent  cette  autorité  recoimue  sans  discussion  à  deux  qua- 
lités diamétralement  opposées  :  ils  ont  tous  l'esprit  très  hardi,  ce 


LE  PROPAGATEUR 


qui  donne  satisfaction  à  la  passion  du  nouveau  ;  ils  ont  tous  le 
goût  très  timide  et  se  conforment  aux  modèles  du  grand  siècle 
avec  une  soumission  et  un  respect  qui  contentent  l'esprit  de  tradi- 
tion et  d'ordre  ;  ils  font  servir  la  méthode  et  le  style  des  conser- 
vateurs au  triomphe  de  la  cause  de  la  Révolution  :  Voltaire  traduit 
Horace  ;  Mirabeau  répète  Démosthène. 

Voilà  pourquoi  les  écrivains  français  ont  pour  admirateurs, 
pour  disciples  et  pour  patrons  les  monarques  les  plus  absolus, 
Frédéric  II  de  Prusse,  Catherine  II  de  Russie,  Joseph  II  d'Autriche. 

Cette  faveur  enthousiaste  des  étrangers,  fait  un  contraste  blessant 
avec  les  persécutions  auxquelles  les  interprètes  de  l'opinion  pu- 
blique sont  exposés  en  France  de  la  part  d'une  police  ombrageuse. 
L'extension  du  nom  de  libelle  aux  ouvrages  les  plus  sérieux 
comme  "  la  Dîme  royale  "  de  Vauban  et  le  "  Télémaque  "  de 
Fénelon,  renouvelle  en  les  aggravant  les  rigueurs  du  pouvoir  : 
Voltaire  deux  fois  rais  à  la  Bastille  se  décide  à  vivre  hors  de 
France,  Diderot  est  enfermé  trois  fois  à  Vincennes,  Raynal  n'é- 
chappe à  la  prison  que  par  l'exil  volontaire  et  Beaumarchais  par 
l'humiliation  d'une  amende  honorable, 

Mais  cette  contradiction  entre  le  gouvernement  et  l'opinion 
tournait  contre  les  pouvoirs  publics  ;  et  les  auteurs  jouissaient 
d'un  tel  crédit  que  les  condamnations  leur  faisaient  honneur  et 
gloire  aux  yeux  mêmes  de  leurs  juges.  Beaumarchais  pour  ses 
Mémoires  ayant  subi  un  blâme  ;  en  lui  lisant  son  arrêt,  M.  de  Sar- 
tines,  lieutenant  de  police,  ajouta  :  ''  Ce  n'est  pas  tout  que  d'être 
blâmé,  Monsieur,  il  faut  être  modeste  ". 

La  nombreuse  et  puissante  légion  des  écrivains  comporte  plu- 
sieurs classifications  intéressantes.  Au  point  de  vue  du  mérite  et 
de  l'influence,  deux  classes  principales  :  le  premier  rang  est  occupé 
par  Voltaire,  Montesquieu,  Rousseau,  Diderot  et  d'Alembert  ;  au 
deuxième  rang.  Duclos,  Mably,  Gondillac,  Turgot,  Beaumarchais, 
Bernardin  de  Saint-Pierre.  Tous  sont  animés  d'une  même  inspi- 
ration :  réformer  la  société  d'après  les  principes  fournis  par  la 
raison. 

Ce  travail,  qui  se  prolonge  depuis  1715  jusqu'en  1789,  donne 
naissance  à  des  systèmes  dont  la  progression  révolutionnaire  est 
marquée  par  trois  périodes  historiques  auxquelles  sont  attachés 
les  trois  plus  grands  noms  du  dix-huitième  siècle. 

Une  première  période  qui  dure  jusqu'en  1750  s'inspire  de  l'esprit 
conciliant  et  modéré  de  Montesquieu,  qui  propose  à  la  France,  sur 
le  modèle  de  la  constitution  anglaise,  une  monarchie  tempérée 
par  un  parlement. 

La  seconde  période  va  jusqu'en  1765  à  peu  près,  c'est  le  triomphe 
de  Voltaire  concevant  pour  la  France  une  monarchie,  sous  le  con- 
trôle de  l'aristocratie  de  la  pensée  et  de  la  plume. 

La  troisième  période  qui  s'étend  jusqu'à  la  fin  du  siècle,  est  do- 
minée par  l'esprit  démocratique  de  Rousseau  ;  elle  proclame  le 
culte  de  la  simple  nature,  la  souveraineté  absolue  et  inaliénable 
de  la  Nation,  et  pour  loi,  le  Contrat  social. 

Mais  à  travers  ces  zones  distinctes  et  au-dessus  de  toutes  les  dif- 


LE  PROPAGATEUR 


férences  de  détail,  le  représentant  le  plus  complet  et  le  plus  exact 
de  l'esprit  français  au  dix-huitième  siècle  c'est  Voltaire. 

Faire  parler  de  soi,  avoir  un  nom,  conquérir  de  la  gloire,  telle 
est  à  vingt  ans,  la  passion  dominante  de  Voltaire.  Encouragé, 
enivré  par  une  vogue  immédiate,  il  veut  devenir  l'oracle  de  l'opi- 
nion publique,  l'arbitre  du  goût  en  toutes  choses  en  France  et  en 
Europe  :  il  le  veut  et  le  fait;  jamais  royauté  ne  fut  acclamée  avec 
une  pareille  unanimité.  Avocat  éloquent  et  passionné  de  l'huma- 
nité et  de  la  raison,  Voltaire  sait  très  habilement  faire  tourner  ces 
grands  intérêts  de  son  ambition  et  de  son  amour  propre.  Il  ne  sert 
que  les  causes  qui  peuvent  le  servir  :  il  ne  respecte  absolument 
rien,  pas  même  la  justice  et  la  vérité  ;  s'il  écrit,  "  ce  n'est  pas  pour 
•être  vrai,  c'est  pour  être  lu  ".  Ainsi  s'explique  l'imperturbable 
présomption  avec  laquelle  il  multiplie  des  assertions  péremptoires, 
sans  nui  souci  des  contradictions  et  des  démentis  qu'il  s'inflige  à 
lui-même.  Qu'est-ce  que  ces  vétilles  pour  le  génie  qui  prétend 
remuer  à  sa  fantaisie  toutes  les  affaires  de  l'Europe  et  mener  la 
civilisation  ? 

Sa  nature  militante  se  trahit  dès  le  débat,  il  combat,  il  hait  tout 
ce  qui  peut  faire  obstacle  à  son  triomphe.  Enfant  du  dix-huitième 
siècle,  il  est  négatif,  incrédule,  critique  ;  il  sape,  il  bat  en  brèche 
toute  autorité,  même  celle  de  Dieu,  partant  celle  de  l'Eglise.  A 
tout  propos  et  hors  de  propos,  il  répète  "  la  raison  n'est  que  d'hier  "  ; 
et  sa  pensée  vraie,  sa  pensée  de  foni,  c'est  :  "  la  raison  date  de 
moi,  c'est  moi  qui  suis  la  raison  et  la  vérité  ". 

S'il  écrit  l'histoire,  il  y  porte  pour  son  compte  personnel  toute 
la  vanité  propre  à  son  siècle.  Dans  le  tableau  vivant  du  passé  il  ne 
cherche  que  les  éléments  de  son  apothéose,  il  immole  tous  les 
siècles  antérieurs  à  la  gloire  de  son  temps,  il  ne  les  étudie  que 
pour  les  dénigrer  et  pour  prouver  qu'une  nuit  épaisse  et  longue  a 
précédé  la  lumière  qu'il  apporte  comme  interprète  souverain  de  la 
raison. 

Ce  but  suprême,  sa  domination  intellectuelle,  est  d'un  tel  prix 
qu'elle  justifie  à  ses  yeux  tous  les  moyens  et  autorise  tous  les 
mensonges.  Protégé  de  Madame  de  Pompadour,  client  favori  du 
duc  de  Richelieu  qu'il  appelle  son  héros,  il  se  fait  nommer  gen- 
tilhomme ordinaire  du  Roi,  historiographe  de  Louis  XV,  membre 
de  l'Académie  française.  Complaisant  et  bouffon  de  Frédéric  II,  il 
épuise  en  l'honneur  de  l'impératrice  de  Russie,  toutes  les  formules 
de  l'adulation  la  plus  servile  et  la  plus  plate.  Pour  assurer  et  mé- 
nager son  crédit,  il  savait  mettre  une  sorte  de  circonspection  dans 
ses  plus  grandes  hardiesses  en  tout  genre,*  et  mêlait  la  raillerie  et 
l'insulte  même,  à  la  flagornerie,  dans  les  flatteries  adressées  à 
cette  société  spirituelle  et  railleuse  dont  il  reflétait  tous  les  goûts 
et  toutes  les  passions  ;  à  la  fois  très  laborieux  et  très  dissipé. 

Mais,  comme  dans  les  légendes  du  moyen-âge,  sous  quelque 
forme  que  le  diable  se  présente,  son  pied  fourchu  le  trahit,  de 
même  la  légèreté  irrémédiable  du  sophiste  français  éclate  presque 
à  son  insu,  dès  le  début  de  sa  carrière  :  à  l'âge  de  vingt-trois  ans, 
à  la  représentation  de  cette  tragédie  d'OEdipe  dont  le  mauvais 


10  LE  PROPAGATEUR 


succès  pouvait  briser  son  avenir,  Voltaire  dit  tout  haut  :  "  Quel 
est  donc  ce  jeune  homme  qui  veut  faire  tomber  la  pièce  ".  En 
1718,  c'était  déjà  ce  Voltaire  qui  écrivait  soixante  ans  plus 
tard  :  "  Un  pied  dans  la  tombe,  je  battrai  un  entrechat  de  l'autre 
jambe  ". 

Il  avait  déjà  trente  trois  ans  ets'étaitfait  un  nom  au  théâtre  par 
ses  succès  et  par  ses  échecs,  lorsque,  pour  échapper  à  la  Bastille, 
il  alla  passer  trois  années  en  Angleterre  ;  c'était  en  1727,  au 
début  du  règne  de  Georges  II,  à  l'apogée  du  ministère  de  Walpole 
dont  la  politique  ne  connaissait  d'autre  moyen  d'influence  que  la 
corruption. 

Les  trois  années  que  Voltaire  vécut  en  Angleterre  dans  la 
société  de  Bolingbroke  et  des  libres-penseurs  lui  apprirent  à  subs- 
tituer au  scepticisme  libertin  de  Chaulieu  et  de  la  société  du 
Temple  une  incrédulité  fondée  sur  le  raisonnement,  d'après  la 
philosophie  de  Locke,  et  sur  l'expérience  dont  les  découvertes  de 
Newton  attestaient  la  valeur  scientifique.  Ce  scepticisme  érudit 
niait  l'importance  historique  du  Christianisme  qu'il  accusait 
d'avoir  détruit  les  belles  œuvres  de  la  Civilisation  gréco  romaine, 
et  attribuait  le  prestige  de  la  religion  à  la  fourberie  des  prêtres  : 

Nos  prêtres  ne  sont  pas  ce  qu'un  vain  peuple  pense  ; 
Notre  crédulité  fait  toute  leur  science. 

Quant  il  revint,  à  cette  société  avide  de  nouveautés  il  rapportait 
tout  à  la  fois  le  sensualisme  de  Locke,  l'attraction  de  Nevi^ton,  les 
drames  de  Shakespeare  et  l'inoculation  du  vaccin. 

Voltaire  était  alors  devenu  un  réformateur  ;  il  rentrait  en  France 
Bour  y  ouvrir  nne  tribune  dont  l'éloquence  révolutionnaire  allait 
tenir  toute  l'Europe  attentive  et  presque  émerveillée.  Il  disait 
plus  tard  à  propos  de  son  œuvre  : 

J'ai  fait  plus  pour  mon  temps  que  Luther  et  Calvin. 

En  effet,  depuis  1730  jusqu'à  sa  mort,  par  ses  tragédies  senten- 
cieuses et  déclamatoires,  par  ses  pamphlets  d'une  ironie  puissante 
et  d'une  raillerie  destructive,  par  ses  lettres  de  toute  sorte,  par  ses 
compositions  historiques  contre  l'Eglise  et  le  moyen-âge  ;  en  par- 
lant à  tous  les  esprits  de  ce  qui  les  intéressait  le  plus  vivement  à 
cette  époque  :  l'homme,  sa  nature,  ses  droits,  ses  intérêts.  Voltaire 
proposait  avec  une  autorité  entraînante  la  réforme  universelle 
dont  il  se  croyait  l'apôtre  et  qui  devait  inaugurer  le  règne  définitif 
de  la  Raison.  ' 

Interprète  indiscutable  de  cette  Raison,  Voltaire  réclamait  impéri- 
eusement une  rénovation  religieuse,  morale  et  sociale  ;  mais  sans 
nulle  pensée  de  réforme  politique.  Flatteur  de  Dubois,  pensionné 
parle  Roi, ami  du  duc  de  Richelieu,il  s'accommodait  assez  bien  de  la 
monarchie  absolue,  pourvu  qu'elle  le  débarrassât  des  superstitions 
religieuses. 

Les  Lettres  Anglaisses  sont  dirigées  contre  Descartes  et  Pascal  en 
faveur  de  Locke  ;  elles  professent  un  déisme  épicurien  pâle,  indé- 


LE  PROPAGATEUR  11 


cis  et  stérile.  La  condamnation  du  Parlement  en  accrut  le  succès 
et  souleva  toutes  les  questions  relatives  à  l'état  social,  aux  moeurs, 
aux  institutions  des  peuples.  Voltaire  supposait  que,  par  une  con 
séquence  naturelle  et  logique,  le  gouvernement  se  plierait  aux  in- 
jonctions de  la  Raison  souveraine  et  changerait  suivant  les  néces- 
sités du  temps  et  des  faits  ;  aussi  son  unique  objectif,  son  ennemi 
personnel,  ce  fut  le  Christianisme. 

Toutes  ses  insultes  sacrilèges  à  la  morale,  à  la  sainteté,  au 
patriotisme  ne  sont  que  des  escarmouches  accessoires  et  acciden- 
telles ,  s'il  traduit  Newton  c'est  en  vue  d'opposer  la  science  et  ses 
calculs  à  Moïse,  à  Jésus-Christ  et  à  l'Eglise  catholique.  D'ailleurs 
il  admet  avec  une  impertinence  effrontée  l'utilité  sociale  de  la 
religion  : 

Si  Dieu  n'existait  pas,  il  faudrait  l'inventer. 

Aux  hommes  d'Etat  il  répète  celte  vérité  pratique  :  "  N'eussiez- 
vous  qu'une  hourgade  à  gouverner,  vous  auriez  encore  besoin 
d'une  religion."  Pour  lui.  Dieu  n'est  pas  un  être  ;  c'est  un  principe 
de  gouvernement  ;  sa  logique  en  conçoit  la  nécessité  ;  ni  son 
esprit,  ni  son  cœur  n'en  sentent  la  présence. 

Tout  comme  sa  religion,  sa  philanthropie  est  un  calcul.  Per- 
sonne n'a  jamais  professé  un  dédain  plus  insolent  pour  tout  ce  qui 
n'est  ni  riche,  ni  puissant,  ni  instruit.  Les  pauvres,  les  petits,  les 
ouvriers,  le  peuple,  il  appelle  tout  cela  "  canaille  bonne  à  manger 
du  foin  ",  Le  peuple  :  "  il  est  à  propos  qu'il  soit  guidé  et  non  qu'il 
soit  instruit  ;  il  n'est  pas  digne  de  l'être  ;  il  est  essentiel  qu'il  y  ait 
des  gens  ignorants.  "  bêtes  de  somme  auxquelles  il  faut  un  "  joug, 
un  aiguillon  et  du  foin." 

Il  imprime  même  dans  son  Dictionnaire  cet  aveu  trop  sincère  : 
''  J'ai  établi  des  écoles  sur  mes  terres  ;  mais  je  les  crains." 
Peu  importe  maintenant  de  savoir  si  à  sa  dernière  heure  Voltaire 
s'est  repenti  du  mal  qu'il  a  fait. 

Il  est  mort  riche  et  très  riche.  En  1778,  la  fortune  mobilière  de 
Voltaire  se  montait  environ  à  cent  soixante  mille  livres  de  rente  ; 
c'était  un  revenu  d'à  peu  près  cinq  cent  mille  francs  de  notre 
monnaie.  Il  avait  hérité  de  son  père  quatre  mille  livres  de  rente 
et  avait  rapidement  accru  sa  fortune  par  le  profit  d'une  édition  an- 
glaise de  la  Henriade^  par  cinq  cent  mille  livres  gagnées  à  la  lotterie  ; 
par  des  spéculations  auxquelles  ses  amis  de  Londres  l'avaient  as- 
socié, par  une  communauté  d'afiaires  avec  Paris-Duverney,  par 
l'agiotage  sur  les  grains,  par  des  prêts  de  toutes  sortes  à  ses  amis 
de  la  noblesse  dont  il  tenait  les  comptes-courants  très  strictement 
à  jour.  En  somme,  il  était  cupide  et  plus  que  parcimonieux,  tirant 
bon  parti  de  ses  libéralités  apparentes,  recommandant  à  Catherine 
II  ses  montres  fabriquées  à  Ferney  par  des  Suisses  réfugiés,  et 
faisant  porter  à  Madame  d'Argenson  pour  les  mettre  à  la  modelas 
bas  de  soie  tricotés  dans  ses  magnaneries. 

En  laissant  de  côté  les  détails  hideux  ou  repoussants  qui  peuvent 
être  contestés,  il  reste  très  probable  que  si  Voltaire  mourut  sans 
recevoir  les  sacrements,   c'est  que  son    entourage   s'y  opposa. 


12  LE  PROPAGATEUR 


Comme  tous  les  chefs  de  parti  populaire,  Voltaire  s'éteignit  dans 
le  vide  fait  autour  de  lui  par  les  sectaires  de  son  école,  jua  tourbe 
révolutionnaire  pratique  sans  pudeur  la  politique  d'Agrippine, 
auprès  du  lit  de  Claude  expirant  : 

Je  lui  laissais  sans  fruit  consumer  sa  tendresse, 
De  ses  derniers  moments  je  me  rendis  maîtresse. 

^  -  Quant  à  ses  insultes  politique  à  la  France,  elles  sont  si  odieuses 
qu'elles  mériteraient  qu'on  renversât  toutes  les  statues  qui  lui  ont 
été  érigées  :  "  Peuple  fat  et  volage,  aussi  vaillant  au  pillage  que 

lâche  dans  les  combats Le  fond  de  la  nation  est  fou  et  absurde 

et  sans  une  vingtaine  de  grands  hommes  je  la  regarderais  comme 
la  dernière  des  nations."  Voltaire  est  prussien  avec  Frédéric,  et 
russe  avec  Catherine  II.  Il  a  écrit  :  "  Daignez  observer,  Madame, 

que  je  ne  suis  point  Welche si  j'étais  plus  jeune  je  me  ferais 

Russe." 

Voltaire  est  le  plus  exact  représentant  de  l'esprit  français  à  cette 
époque.  Ni  son  temps  ni  son  génie  ne  le  destinaient  à  la  poésie, 
aussi  n'a-t-il  excellé  que  dans  la  poésie  légère.  Mais  sa  prose  est 
d'une  qualité  exquise,  simple,  naturelle,  d'une  lumière  incompa- 
rable. Elle  a  toutes  les  perfections  secondaires.  Toutefois,  il  lui 
manque  d'une  manière  absolue  cette  énergie  divine,  ce  trait  de  feu, 
ce  pathétique,  ce  sublime  qui  ne  viennent  pas  de  l'esprit,  mais  du 
cœur  et  que  les  grands  sentiments  seuls  peuvent  enfanter  et  nourrir. 

Il  ne  sut  jamais  de  quelles  choses  il  faut  rire  et  desquelles  il  ne 
le  faut  pas.  Joubert  a  bien  dit  :  "■'  Voltaire  a  dépouillé  la  raison 
du  sérieux  qui  fait  son  autorité.  Il  eut  l'art  du  style  familier. 
Ceux  qui  le  louent  de  son  goût  confondentle  goût  avec  l'agrément. 
11  égayé,  il  éblouit,  c'est  la  mobilité  de  l'esprit  qu'il  flatte  et  non  le 
goût.  " 

Vers  1750,  Saint-Simon  écrivait  cette  note  dans  ses  Mémoires  : 
"  Ce  mêmes  Arouët,  devenu  grand  poète  et  académicien  sous  le 
nom  de  Voltaire,  est  devenu  à  travers  force  aventures  tragiques 
une  manière  de  personnage  dans  la  république  des  lettres  et  même 
une  manière  d'important  parmi  un  certain  monde."  Vingt  ans 
après  on  disait  de  lui  "  qu'il  avait  son  brelan  de  rois  quatrième  ; 
Prusse,  Suède,  Danemarck  et  Russie."  Mais  ces  faveurs  royales 
étaient  tout  à  fait  intéressées  :  la  prévoyance  politique  de  ces 
princes  espérait  que  les  nouveautés  fatales  aux  pouvoirs  caducs 
peuvent  servir  au  progrès  des  pouvoirs  jeunes  et  qui  veulent 
grandir. 

D'ailleurs  les  plus  grands  admirateurs  de  Voltaire  ont  pris  leur 
revanche  et  Frédéric  écrivait  à  propos  de  son  maître  et  ami  : 
"  Voltaire  est  le  plus  méchant  fou  que  j'aie  vu  de  ma  vie.  "  Un 
poète  populaire  de  notre  époque.  Déranger,  a  porté  un  équitable 
arrêt  contre  cette  popularité  "  qui  vous  monte  dessus...  c'est  tout 
simplement  l'ancien  métier  de  bouffon  de  cour  ;  amuseur  de 
princes,  amuseur  de  peuples,  même  chose." 

Dans  le  même  sentiment,  un  publiciste  anglais  éminent  critique, 
Jfclacaulay,  a  tracé  d'après  nature  ce  portrait  de  Voltaire   :   "  Vol- 


LE  PROPAGATEUR  13 

taire  est  le  prince  des  bouffons.  Sa  raillerie  ns  connaît  pas  de  me- 
sure. II  gambade,  il  fait  des  grimaces  et  se  tient  les  côtes,  il  se 

retrousse  le  nez,  il  tire  la  langue Il  ne  respecte  rien Il  ne 

voyait  que  des  sujets  de  plaisanterie même  dans  la  Cause  pre- 
mière de  toutes  choses,  même  dans  la  redoutable  énigme  du  tom- 
beau. Plus  le  sujet  est  auguste,  plus  ses  grimaces  et  ses  petits 
cris  rappellent  les  allures  d'un  singe." 

Enfin  à  ceux  qui  oublient  que  les  philosophes  doivent  être  jugés 
par  les  conséquences  de  leur  enseignement,  il  n'est  pas  superflu 
de  rappeler  qu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  dernier  repré- 
sentant du  voltairianisme,  de  cette  école  d'impiété  iudulgente,  de 
licence  morale  et  de  passion  effrénée  pour  le  luxe  et  le  plaisir, 
c'est  Danton,  l'auteur  des  massacres  de  septembre. 

A.  Pellissier. 

ZOUAVIANA 

ETAPE  DE  VINGT-CINQ  ANS 

1868-1893 
Lettres  de  Rome,  Souvenirs  de  voyages,  Etades,  etc. 

PAR 

GUSTATE  A.  DROL.ET 

ANCIEN    ZOUAVE   PONTIFICAL, 

COMMANDEUR   DE    l'oRDRE    MILITAIRE   DE   ST-GRÉGOIRE-LE-GRAND, 

CHEVALIER   DE   LA   LÉGION   d'hONNEUR. 

\  beau  vol.  in-12  de  460  pages,  orné  de  magnifiques  photogravures. 
Prix  :  81.00,    par  poste":  61.10 


L'IVROŒNERIE 

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L'CEXJVRE  r>u  dem:o]v 

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LA    SAINTE     TEMPERANCE    DE    LA    CROIX 

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L'GEUVRE    DE  DIEU 

Par  AI..  MAILLOUX  T.  O. 

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l(rOUT£AU     ]?IOIIS    BE     HIARiS 


SAINT-JOSEPH 

ÉPOUX  DE  LA  VIERGE  MARIE 

Par   le   R.    P.    Qabriel   Bouffier 

DE   LA   COMPAGNIE    DE  JÉSUS. 

Ouvrage  approuvé  par  S.  G.  Mgr  Hasley,  archevêque  d'Avignon  ; 

S.  G  Mgr  Besson,  évêque  de  Nnnes  ;  S.  G.  Mgr  Vigne,  évéque  de  Digne  ; 

S.  G.  Mgr  d  -  Cabrières,  évêque  de  MmlpeUier, 

et  S.  G.  Mgr  L'hrelon,  évêque  du  Puy. 

1  volume  in-18,  de  476  pages Prix  :  $0  50 

li'artlcle  qni  sait  est  extrait  de  ce  livre. 


SAUT  JOSEPH  DÂlfS  L'ÉVAJ![&ILE 


SECOND  ASPECT  —  LE  COTE  LUMINEUX. 

(Voir  Propagateur   No  24) 

L'Évangile  parle  peu  de  Joseph,  mais  le  peu  qui  est  écrit  suffit 
pour  nous  instruire,  et  nous  met  facilement  sur  la  trace  des  gloires 
qui  l'environnent.  "  Si  l'on  demande,  dit  Gerson,  comment  il  se 
"  fait  que  la  sainte  Écriture  ne  parle  pas  davantage  des  préroga- 
"  tives,  de  la  dignité,  des  grandeurs  et  des  œuvres  de  Saint  Joseph, 
"  on  peut  répondre  d'abord  que  Joseph  étant  l'Époux  de  Marie,  ce 
"  litre  seul  renferme  la  source  la  plus  féconde,  la  plus  intarissable 
"  de  tout  ce  qu'on  peut  dire  à  la  louange  de  ce  grand  saint.  "  Un 
autre  grand  serviteur  de  Saint  Joseph  répond  avec  Gerson  : 
"  Quoique  peu  de  choses  aient  été  écrites  sur  Saint  Joseph,  nous 
"■  pouvons  dire  néanmoins  que  si  on  sait  méditer  et  développer  ce 
"  qui  est  écrit,  on  trouvera  et  comprendra  facilement  ce  qui  est 
"  sous-entendu." 

Reprenons  donc  l'Évangile,  méditons  avec  piété  le  peu  qui  est 
écrit,  et  compreinons  ce  qui  est  sous-entendu.  Nous  avons  considéré 
Saint  Joseph  par  ses  dehors  obscurs,  du  côté  de  la  terre  et  du  côté 
des  hommes  ;  contemplons-le  maintenant  du  côté  du  ciel  et  du  côté 
de  Dieu,  nous  verrons  les  ombres  disparaître,  les  ténèbres  se  dis- 
siper, et  briller  sa  gloire  et  ses  grandeurs. 


LE  PROPAGATEUR  15 


Le  ciel  s'entr'ouvre  ;  quatre  rayons  descendent,  ils  enveloppent 
Saint  Joseph,  et  le  parent  d'une  incomparable  beauté.  Ces  rayons 
ne  sont  que  le  reflet  des  merveilles  qu'il  a  voilées.  Les  mystères 
cachés  dans  les  abaissement  de  sa  modeste  existence  projettent  sur 
lui  l'éclat  de  leurs  grandeurs.  Il  a  concentré  toute  leur  lumière 
pour  la  dérober  aux  regards  des  hommes  ;  cette  lumière  l'entoure 
d'une  splendeur  céleste,  et  couronne  son  front  d'une  auréole  sans 
égale  dans  les  fastes  de  la  sainteté. 

Bien  différente  en  effet  de  celle  des  autres  élus  de  Dieu,  la  gloire 
de  ce  Saint  ne  vient  pas  uniquement  de  ses  vertus,  de  son  humilité 
si  profonde,  de  sa  virginité  incomparable  ;  sa  gloire  particulière, 
qui  lui  assigne  sa  place  d'honneur  parmi  les  Saints  vient  du  milieu 
où  il  est  placé  et  du  ministère  qu'il  a  rempli.  Ce  milieu  est  le 
centre  même  des  grandes  œuvres  divines,  et  sa  gloire  est  le  rayon- 
nement de  celles  qu'elles  répandent. 

C'est  d'abord  le  rayonnement  de  la  gloire  de  Marie  :  Saint  Joseph 
a  couvert  de  ses  obscurité  ses  grandeurs  de  la  Vierge  sans  tache  ; 
il  a  voilé  le  prodige  de  sa  maternité  et  de  sa  virginité.  Sa  gloire 
sort  de  cette  ombre  ;  les  grandeurs  de  Marie  projettent  sur  lui  leur 
lumière  ;  et  c'est  son  honneur  incomparable  d'avoir  été  son  époux. 

Le  second  rayon  vient  du  Saint-Esprit  :  Saint  Joseph  a  partagé 
avec  le  Saint-Esprit  le  titre  glorieux  d'époux  de  Marie.  Enveloppant 
la  divine  mère  de  Jésus  de  ses  affections  virginales,  il  a  caché  aux 
yeux  des  hommes  les  mystérieuses  opérations  de  la  vertu  du  Très- 
Haut.  Sa  gloire  sort  de  cette  ombre;  les  grandeurs  du  Saint-Esprit 
se  reflètent  sur  lui,  et  c'est  son  honneur  incomparable  d'avoir  été 
son  représentant. 

Le  troisième  rayon  vient  de  Notre-Seigneur.  L'Homme-Dieu  a 
passé  les  longues  années  de  son  enfance  et  de  son  adolence  sous  le 
toit  de  Saint  Joseph.  L'humble  ouvrier  de  Nazareth  a  obscurci 
pendant  trente  ans  les  splendeurs  divines  du  Verbe  fait  chair.  Sa 
gloire  sort  de  cette  ombre,  les  grandeurs  du  fils  de  Dieu  se  reflètent 
sur  lui  ;  et  c'est  son  honneur  incomparable  d'avoir  été  son  père 
adoptif. 

Saint  Joseph,  enfin,  a  prêté  au  Père  céleste  le  concours  de  son 
obscure  paternité  ;  il  a  été  l'instrument  silencieux  du  Père  dans 
les  fonctions  qu'il  a  remplies  auprès  de  Jésus,  dans  la  sainte 
famille.  Sa  gloire  sort  de  cette  ombre,  les  grandeurs  du  Père  se 
reflètent  sur  lui  ;  et  c'est  son  honneur  incomparable  d'avoir  été, 
ici-bas,  son  image. 

Que  ces  titres  sont  beaux  !  qu'ils  sont  dignes  de  toute  notre  ad- 
miration !  comparons-nous-les  à  ceux  des  autres  saints,  aux  titres 
qui  ornent  leurs  noms  vénérés,  patriarches,  prophètes,  apôtres, 
martyrs,  confesseurs.  Qui  ne  voit  que  la  gloire  de  Saint  Joseph 
surpasse  celle  de  tous,  qu'elle  est  unique  dans  le  plan  de  la  ré- 
demption, que  ses  grandeurs  sont  sans  pareilles,  après  celles  de  la 
Vierge  Marie  ;  que  Saint  Joseph  est  véritablement  un  élu  à  part, 
un  saint  exceptionnel,  et,  que  pour  lui,  il  y  a,  après  la  Vierge  son 
épouse,  un  ordre  distinct,  tout  spécial  de  grâces,  de  privilèges, 
d'honneur,  de  vertus  et  de  béatitude. 


16  LE  PROPAGATEUR 


Et  maintenant,  si  vous  voulez  savoir  quel  est  cet  ordre  spécial 
et  distinct  qui  est  la  source  des  grandeurs  de  Saint  Joseph  ;  il  faut 
remonter  jusqu'à  l'ordre  éminent  de  l'union  hypostatique  du 
Verbe  divin  avec  la  nature  humaine. 

D'après  le  sentiment  des  docteurs,  l'ordre  de  l'union  hyposta- 
tique est  de  tous  les  ordres  surnaturels  le  plus  grand,  le  plus  élevé, 
et  le  plus  beau  ;  la  théologie,  parcourant  et  mesurant  les  vastes 
horizons  du  monde  de  la  grâce,  ne  connaît  rien  de  plus  sublime. 
Un  effet,  l'union  hypostatique  est  la  base  essentielle  de  tout  l'ordre 
surna'.urel,  elle  en"est  le  centre  nécessaire  et  divin, elle  en  est  la  pier- 
re angulaire  ;  tout  repose  sur  ce  fondement  preraier,et  Dieu  lui-mê- 
me, dans  sa  toute  puissance,  ne  pouvait  en  placer  un  autre  qui  lui 
soit  supérieur.  Ce  qui  donne,  d'après  Saint  Paul,  à  l'ordre  prophé- 
tique dans  l'ancien  Testament,  et  à  l'ordre  apostolique  dans  le 
nouveau,  le  caractère  de  leur  dignité  suréminente  qui  les  met  au- 
dessus  de  tous  les  autres  ordres  des  saints,  c'est  que  ces  deux 
ordres  se  rattachent  plus  directement  à  Notre-Seigneur  ;  et  qu'é 
tablis  sur  la  pierre  angulaire,  ils  sont  respectivement  pour  le  temps 
auquel  ils  appartiennent,  les  fondements  de  l'Eglise  de  Jésus- 
Christ  sur  la  terre.  Mais  si  tel  est  le  privilège  des  apôtres  et  des 
prophètes  à  cause  de  leur  adhérence  à  la  pierre  angulaire  qui  les 
met  plus  près  que  les  autres  du  mystère  de  l'union  hypostatique^ 
que  sera-ce  donc  de  Saint  Joseph  ?  Est-ce  que  celui  qui  a  porté 
Jésus  dans  ses  bras,  qui  l'a  serré  sur  son  cœur,  qui  l'a  protégé 
contre  ses  ennemis,  qui  l'a  nourri  dans  son  exil,  qui  l'a  élevé  sous 
son  toit,  qui  l'a  entouré  de  sa  tendresse,  ne  lui  est  pas  uni  davan- 
tage que  ceux  qui  ont  annoncé  sa  venue,  ou  qui  ont  prêché  son 
Evangile  ?  Le  père  adoptif  de  l'enfant  et  l'époux  de  la  mère  serait- 
il  donc  d'un  ordre  inférieur  à  l'ordre  de  ceux  qui  n'ont  été  que  les 
serviteurs  du  fils  et  les  serviteurs  de  la  mère  ?  L'Evangéliste  a 
tranché  la  question  ;  et  en  unissant  constamment  Saint  Joseph  à 
Jésus  et  à  Marie,  il  a  relevé  l'ordre  supérieur  auquel  Saint  Joseph 
appartient,  et  nous  a  appris  jusqu'à  quel  point  il  y  entre  pour  sa 
part,  et  comment  il  partage  avec  eux  et  par  eux,  dans  la  mesure 
du  ministère  qu'il  remplit  la  gloire  de  cet  ordre  suréminent.  C'est 
ainsi  que  tout  er;  parlant  peu  de  Saint  Joseph,  l'Evangile  toutefois 
lui  donne  la  meilleure  part  ;  il  le  sépare  des  autres  saints,  et  le 
place  dans  l'ordre  le  plus  élevé,  à  côté  de  Jésus  et  de  Marie. 

Contemplons-le  dans  ces  hautes  régions,  entouré  de  la  lumière 
que  répandent  les  quatre  rayons  de  la  gloire  céleste,  au  sein  des 
sublimes  clartés,  descendant"  du  Père,  descendant  du  Saint-Esprit, 
descendant  de  Jésus,  descendant  de  Marie.  Ces  clartés  l'environnent 
d'un  éclat  si  resplendissant,  le  couvrent  d'une  majesté  si  haute, 
lui  donnent  une  beauté  si  incomparable,  qu'un  de  ses  dévots  ser- 
viteurs ne  craint  pas  de  dire  :  "  Que  l'auguste  Saint  Joseph  est  la 
chose  du  monde  la  plus  grande^  la  plus  célèbre^  la  plus  incompréhen- 
sible.... que  ce  Saint  est  hors  d'état  d'être  compris  parles  esprits  des 
hommes,  en  sorte  que  la  foi  doit  nous  servir  de  supplément  pour  ado~ 
rer  en  lui  ce  que  nous  ne  saurions  y  comprendre.  Ne  cherchez  donc 
pas  à  comprendre  qu'il  vous  suffise  d'admirer  et  de  bénir.  Joseph. 


LE  PROPAGATEUR  17 


est  grand  des  grandeurs  du  Père,  Joseph,  est  grand  des  grandeurs 
de  Jésus,  Joseph  est  grand  des  grandeurs  de  Marie,  Joseph  est 
grand  des  grandeurs  du  Saint-Esprit  ;  il  est  beau  de  toutes  ces  cé- 
lestes beautés  réunies  ;  sa  gloire  est  un  mélange  de  ces  gloires  di- 
verses qui  viennent  confondre  leur  éclat  sur  son  front.  Elle  est 
d'autant  plus  brillante  et  plus  pure  qu'elle  sort  tout  entière  des 
grandeurs  qu'il  a  voilées  :  et  Saint  Joseph,  au  milieu  du  nimbe 
divin  qui  l'environne,  est  comme  le  cristal  sur  lequel  quatre 
soleils  versent  leurs  rayons  et  qui  resplendit  de  leurs  feux. 

R.  P.  Gabriel  Bouffier. 


VIE  DE  SAINT-JOSEPH 

D'APRES  ANNE-CATHERINE  EMMERICH 

AVEC   DES    CONSIDÉRATIONS,   PRATIQUES   ET    PRIÈRES 

PAR 

C.  F.  FOrET 

Curé  doyen  de  Routot,  chanoine  honoraire  d'Evreux. 
1  vol.  in-1? Prix  :  70  cts 

NOUVELLES  MESSES         " 

Pour  Missels  in-8  ou  in-4 Prix  5  centins  chacune 

1^  Apparitionis  B.  Marise  V.  immaculatse. 

2°  Beati  Joannis  Baptistœ  de  la  Salle. 

3^  B.  M.  V.  Matris  Gratise. 

4°  SS.  Zenonis  et  Sociorum, 

5®  Sancti  Pétri  Claver. 

6°  S.  ijconardi  A.  Portu  Mauritio. 


NOUVEAUX  OFFICES 

Pour  le  Bréviaire  in-12  ou  in-8 Prix  5  centins  chacun 

1°  Apparitionis  B.  Mariae  V.  Immaculatse. 

2^  Sancti  Thuribii  de  Mogrovejo. 

3°  Beati  Joannis  Baptistge  de  la  Salle. 

4°  SS.  Zenonis  et  Sociorum. 

5*^  Octava  S.  Annse. 

6^  Sancti  Pétri  Claver. 

7°  Sancti  Leonardi  A.  Portu  Mauritio. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  L.  B  Y 

■  01 

SERVITUDES 

Question.  Les  servitudes  qui  n'ont  pas  été  enregistrées  (^ans 
le  délai  du  statut  de  18B1  (44-45  Victoria,  Ghap.  16,)  et  des  statuts 
en  amendement  de  1883,  (46  V.  G.  25),  et  de  1884  (47  V.  G.  15,) 
sont-elles  éteintes  définitivement  ?  Quid  du  renouvellement  d'en- 
registrement des  mêmes  servitudes  ? 

Clerc  notaire. 

Réponse.  Les  servitudes  qui  n'ont  pas  été  enregistrées  dans 
les  délais  prescrits  sont  éleinies  définitivement  à  l'égard  des  tiers 
qui  ont  acquis  la  propriété  sans  charge  de  ces  servitudes. 

L'article  5834  S.  R.  P.  Q.,  devenu  l'article  2116  a.  du  code  civil, 
décrête  que  : 

A  défaut  d'enregistrement.^  nulle  servitude  réelle.,  contractuelle^ 
dUcontinue  et  non  apparente.,  n'a  d'effet  vis-à-vis  des  tiers  acquéreurs 
et  créanciers  subséquents  dont  les  droits  ont  été  enregistrés. 

En  vertu  de  l'article  7  (1)  du  statut  44-45  Vict.  G.  16,  l'article 
2172  du  code  civil  (Art.  5844  S.  R.  P.  Q.)  est  appliquable  aux 
servitudes.  En  conséquence  leur  enregistrement  doit  être  renou- 
velé dans  les  deux  ans  qui  suivent  la  mise  en  vigueur  des  plans 
et  livres  de  renvoi  officiels.  Le  défaut  de  renouvellement  ne  pro- 
fite qu'aux  tiers.  A  l'égard  des  propriétaires  entr'eux,  et  à  l'égard 
de  leurs  héritiers,  il  n'y  a  pas  libération.  Le  propriétaire  du  fonds 
dominant  peut,  en  tout  temps,  faire  le  renouvellement. 

REFUS  DE  SAGREMENTS  (2) 

Action  en  dommages 

Voici  une  partie  du  jugement  rendu  en  Gour  supérieure  à  Mon- 
tréal, le  7  Janvier  dernier  par  Mr.  le  juge  Tellier 

Re  Davignon  vs.  Mr.  i.'abbé  Lesage. 

La  Gour 

Considérant  que  le  demandeur,  par  son  action,  réclame  la  somme  de  cinq 
cents  piastres,  pour  les  dommages  qu'il  allègue  lui  avoir  été  causés  par  le  fait 
que  le  défendeur  aurait,  le  26  Juillet  dernier,  sans  cause  ni  raison  légales,  refusé 
de  baptiser  et  inscrire  sur  les  registres  de  l'état  civil  de  la  paroisse  St  Joseph 
de  Chambly,  l'enfant  nouveau-né  du  demandeur  ;  

En  ce  qui  tonche  le  prétendu  refus  d'administrer  le  sacrement  de  baptême  à 
l'enfant  du  demandeur, 
Considérant  qu'il  est  constaté,  en  fait,  qu'il  n'a  jamais  été  question  de  ce 

(1)  Cet  article  7  n'est  pas  compris  dans  les  Statuts  Refondas,  mais  il  est  encore 
en  vigueur  et  il  est  reproduit  intégralement  à  la  page  90  du  "  Complément  des 
Sla\.u\s  Refondus.  " 

(1)  Voir  le  précédent  numéro,  page  721. 


LE  PROPAGATEUR  19 


baptême  avec  le  défendeur,  et  que  par  conséquent,  il  n'y  a  pas  eu,  ni  pu  y  avoir, 
de  sa  part,  refus  du  sacrement  de  baptême  ;  qa'aussi  à  cet  égard,  la  demande 
du  demandeur  est  sans  aucun  fondement. 


Considérant  que  si  l'administration  aes  sacrements  est  du  ressort  de  l'autorité 
ecclésiastique,  la  participation  aux  sacrements  est  un  droit  qui  appartient  à  tous 
les  membres  de  la  communion  catholique  et  qui  ne  peut  être  soumis  dans  son 
exercice  à  des  conditions  ou  à  des  exigences  arbitraires  ;  que  lorsqu'il  n'y  a  que 
le  refus  de  sacrement,  sans  accompagnement  d'injure  articulée  et  personnelle, 
il  n'y  a  lieu  qu'à  l'appel  simple  devant  fautorité  ecclésiastique  compétente,  dans 
l'ordre  de  la  conscience  et  selon  les  règles  et  l'application  des  canons  ;  et  que 
le  pouvoir  temporel  ne  devient  compétent  qu'autant  que  des  injures,  des  ou- 
trages, l'oppression,  le  scandale,  se  joignent  à  ce  refus,  lui  donnent  un  carac- 
tère qu'il  n'a  pas  par  lui-même  et  font  éprouver  des  dommages  dans  les  biens  et 
les  droits  civils  ; 

Considérant  que,  dans  l'espèce,  il  n'existe  aucune  des  éventualités  pouvant 
justifier  l'action  du  demandeur  ; 

En  ce  qui  touche  le  prétendu  refus  d'inscrire  l'enfant  du  demandeur  sur  les 
registres  de  l'état  civil  de  la  paroisse  de  St-Joseph  de  Chambly; 

Considérant  qu'il  est  constaté,  en  fait,  que  le  demandeur  n'a  jamais  demandé 
au  défendeur  ni  à  son  vicaire,  d'inscrire  son  enfant  sur  les  Registres  de  l'Etat 
civil,  et  que  par  conséquent,  il  n'y  a  pas  eu  ni  pu  y  avoir  de  leur  part,  refus  de 
faire  telle  inscription  ;  qu'ainsi  à  cet  égard,  la  demande  du  demandeur  est  sans 
fondement  ; 

Considérant  en  outre  que  par  le  code  civil,  de  même  que  par  les  statu '.s  et  ordon. 
nances  antérieures,  les  curés,  vicaires,  prêtres  ou  ministres  desservant  les 
églises,  congrégations  ou  sociétés  religieuses  autorisés  à  tenir  les  registres  de 
l'état  civil,  ne  sont  tenus  que  de  dresser  et  enregistrer  les  actes  des  baptêmes. 
mariages  et  sépultures  faits  par  eux,  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  religieuses  ; 
qu'ils  ne  sont  pas  des  fonctionnaires  civils  dans  le  sens  légal  du  mot  ;  qu'ils  ne 
sont  jjas  tenus  d'enregistrer  la  naissance  des  enfants  dont  ils  ne  font  pasjle  baptême 
et  que  le  législateur  l'a  compris  ainsi,  puisqu'il  a  imposé  ce  droit  à  d'autres 
personnes  par  une  loi  qui  est  reproduite  dans  l'article  53a  du  code  civil.  (1) 

Considérant  que  le  défendeur  a  justifié  les  allégations  essentielles  de  son 
deuxième  plaidoyer  et  que  le  demandeur  n'a  pas  justifié  les  allégations  de  sa 
demande  maintient  ce  plaidoyer  du  défendeur  et  déboute  le  demandeur  de  sa 
demande  et  action  avec  dépens,  etc. 


AUX  CORRESPONDANTS 

A  M.  S.  A.,  notaire,  à  M.  Le  projet  de  loi  auquel  vous  faites  al- 
lusion a  pour  but  de  rétablir  l'article  1208  du  code  civil.  S'il 
devient  loi  vous  devrez  avoir  un  témoin  instrumentaire  chaque 
fois  qu'une  partie  à  un  acte  sera  incapable  de  le  signer.  La  légis- 
lature a  commis  une  grande  faute  lorsqu'elle  a  amendé  l'article 
1208.  Cet  article  était  une  sauvegarde  pour  les  notaires  dans 
l'exercice  de  leurs  délicates  fonctions  et  il  inspirait  plus  de 
confiance  au  public. 

A  M.  l'abbé  ,  Ste  H...    Oui.  Si  vous  désirez   des  citations 

écrivez  et  je  vous  répondrai  par  lettre, 

(1{  L'article  53  du  code  civil  punit  d'amende  de  à  quatre-vingt-huit  piastres  les  contraventions 
aux  dispositions  du  titre  "  Des  actes  de  l'état  civil.  '' 

L'article  ô3a.,  ou  l'article  5784  S.  K.  P.  Q-,  pourvoit  à  l'enregistrement  de  la  naissance  des 
enfants  non  baptisés,  etc.  Cet  enregistrement  doit  être  fait  au  bureau  du  secrétaire-tréBorier  on 
-du  greffier  de  la  mtinicipalité  ou  cité  du  domicile. 


INSTALLATION  D'UNE  COUR 


DE 


FORESTIERS  CATHOLIQUES 

Lk  COUR  OLIER  No  326 


Dimanche  soir,  29  janvier  1893,  à  la  salle  des  Commis-Marchands, 
122  rue  Saint-Denis,  avait  lieu  l'ouverture  d'une  nouvelle  Cour 
de  I'Ordre  des  Forestiers  Catholiques,  sous  le  nom  de  Cour 
OLIER  No  326,  ainsi  que  l'élection  de  ses  officiers  dont  les  noms 
suivent  : 

Rév.  Mr  Jean  Filiatrault,  P.  S.  S.,  Chapelain  ;  Mr  le  Dr  L-  A.  Geo.  Jacquks, 
Chef-Ranger,  M.  Joseph  Gariepy,  Vice-Chef-Ranger  \  M.  le  Dr  Charles  Daigle,  Mé- 
decin examinateur  •■,  M.  Henry  Martineau,  Secrétaire- Archiviste  ;  M.  Avila  Deom,  Secré- 
taire-Financier ;  M.  Alexandre  Filion,  Trésorier  ;  M.  Orphir  Paiement,  1er  Conduc- 
teur ;  M.  Joseph  Labonté,  2me  Conducteur  ;  M.  Jos  Jean,  fils  et  M.  Chs  Pageau, 
Sentinelles  ;  M.  Jos.  Jean,  père,  M.  Hormisdas  Loiselle,  et  M.  J.  B.  'Richtv, Syndic». 

Etaient  présents  :  Le  Rév.  Mr  Deguire,  P.  S.  S.,  curé  de  l'église 
Saint-Jacques  ;  le  Rev.  Mr  Jean  Filiatrault,  P.  S.  S.,  aussi  de 
l'église  Saint  Jacques  et  Chapelain  de  la  Cour  Olier  ;  Messieurs 
J.  P.  Coutlée,  D.  G.  C.  E.  et  député  spécialement  par  la  Haute 
Cour  de  l'Ordre  pour  celte  installation  ;  J.  D.  Coutlée,  D.  G.  C.  R. 
de  la  Cour  Ville-Marie,  F.  X.  Lafond,  D.  G.  C.  R.  de  la  Cour  du 
Sacré-Cœur  ;  J.  T.  L'Ecuyer,  M.  D.,  de  la  Cour  Saint-Pierre  ;  A. 
L.  Lévesque,  D.  Séguin,  P.  McDonald,  officiers  de  la  Cour  Saint- 
Jacques  ;  un  bon  nombre  d'amis  ;  et  les  membres  de  la  Cour 
Olier.  Cette  Cour  a  été  fondée  par  le  Dr  L.  A.  Geo.  Jacques  assisté  de 
Mr  H.  Martineau  de  la  maison  Letendre  et  Arsenault,  de  cette  ville. 

Le  Docteur  Jacques,  après  avoir  été  élu  et instal'é  Chef-Ranger 
de  la  Cour  ULIER,  remercia  les  assistants  de  leur  bienveillant 
concours  et  leur  indiqua  le  but  de  la  nouvelle  société  dans  les 
termes  suivants  : 

Mr  le  Curé, 

Vénéré  Chapalain, 

Député  Grand-Chef, 

Bien-aiméa  Frères, 

Messieurs, 

Je  suis  particulièrement  heureux  et  fier  de  voir  la  CouE  Olier  de  l'Ordre  de» 
Forestiers  Catholiques  prendre  naissance  sous  de  si  heureux  auspices  et  au  milieu 
d'un  concours  d'âmes  aussi   distinguées  de  toutes  manières  que  celles  dont  la 


LE  PROPAGATEUR  21 


présence  nous  honore  ce  soir.  Aussi  cette  jeune  et  humble  Cour  vous  dit-elle  par 
ma  voix  autorisée  :  Merci  et  reconnaissance  à  tous.  Mais  d"abord,  s'il  vous  plait, 
merci  et  reconnaissance  à  Dieu,  qui,  par  un  pur  effet  de  sa  miséricorde,  a  bien  voulu 
nous  faire  surgir  du  sein  inépuisable  de  son  Église,  si  fertile  toujours  en  bonnes 
œuvres  pour  procurer  la  gloire  de  Dieu  et  le  bien  spirituel  et  temporel  de  notre 
pauvre  humanité.  Notre  œuvre  est  certainement  de  Dieu,  et  elle  restera  à  Dieu.  La 
présence  du  prêtre  à  notre  berceau  nous  le  dit.  Oui,  mes  Frères,  la  présence  et  la 
bénédiction  du  Prêtre  sont  un  sûr  garant  de  la  présence  et  de  la  bénédiction  du 
Bon  Dieu  sur  notre  Cour,  et  sur  nous  tous.     Donc  merci,  mille  fois  merci  à  Dieu. 

Merci  encore  à  la  Divine  Providence  de  nous  avoir  donné  un  si  puissant  Patron 
de  notre  Cour  dans  la  personne  du  Saint  Fondateur  de  la  Compagnie  de  Saint 
Sulpice,  le  si  bon  et  si  pieux  Monsieur  OLIER.  Quelle  reconnaissance  nous  devons 
à  Dieu  de  nous  avoir  laissé  prendre  vie,  en  ce  jour  au  milieu  d'une  paroisse  dirigée 
par  les  Enfants  de  M.  OLIER,  et  spécialement  de  nous  avoir  donné  pour  Chapelain 
un  prêtre  estimé  de  tous  et  appartenant  à  l'illustre  Compagnie  de  Saint-Sulpice,  le 
Révérend  Messire  Jean  Filiatrault  de  l'église  Saint- Jacques. 

Vous  savez  tous,  messieurs  et  mes  Frères,  quel  rôle  a  joué  M.  OLIER  et  quel  rôle 
il  jone  encore  par  ses  enfants  au  milieu  de  nous.  Dieu  seul  peut  apprécier  leur  part 
de  contribution,  depuis  sa  naissance,  au  bien  spirituel  et  temporel  de  cette  belle  cité 
de  Marie.  Fasse  le  ciel  que  par  notre  zèle  à  suivre  leurs  avis,  et  notre  entière 
soumission  à  leurs  ordres  nous  essuyons  un  peu  de  la  boue  que  la  rage  du  démon 
leur  fait  jeter  à  la  figure,  ainsi  qu'à  celle  du  vénérable  archevêque  que  nous  sommes 
si  fiers  d'avoir  à  notre  tête  en  ce  diocèse. 

Merci  encore  à  la  Divine  Providence  de  l'attention  délicate  qu'elle  a  eue,  sans 
participation  de  notre  part,  de  nous  faire  ouvrir  cette  Cour  le  jour  de  la  fête  d'un 
Saint  aussi  grand  que  Saint-François  de  Sales,  ce  maître  si  estimé  de  la  vie  spirituelle, 
à  laquelle  nous  devons  nous  adonner,  tout  en  ne  négligeant  pas  de  travailler  suivant 
la  volonté  de  Dieu  à  notre  bien  temporel  et  à  ceux  de  nos  familles. 

En  formant  cette  Cour,  nous  avons  l'intention  formelle  de  ne  pas  oublier  que  Dieu 
dans  le  premier  commandement  qu'il  nous  a  donné  a  dit  :  Un  seul  Dieu  tu  adoreras 
et  Sivax&ï&5 parfaitement.  Tous  les  chrétiens,  et  spécialement  les  Forestiers  Catholiques 
sont  donc  obligés  d'aimer  le  Bon  Dieu,  non  pas  seulement  qu'un  peu,  raa.i'è parfai- 
tement, c'est-à-dire  autant  qu'  il  nous  en  fera  la  grâce  et  nous  en  donnera  les  moyens. 
Nous  voulons  aussi  ne  pas  mentira  Dieu  tous  les  jours,  lorsque  dans  la  prière  qu'il 
a  composée  lui-même  pour  nous  il  nous  fait  dire  :  Que  votre  Nom  soit  sauctifié,  que 
votre  Règne  arrive  que  votre  Volonté  soit  faite  sur  la  terre  comme  au  ciel.  Il  faut 
donc,  si  nous  ne  voulons  pas  insulter  Dieu  chaque  fois  que  nous  la  récitons,  que 
nous  travaillions  de  toutes  nos  forces,  comme  font  lesjAnges  et  les  Saints  du  ciel,  à 
faire  glorifier  le  nom  de  Dieu  par  nous  et  autour  de  nous,  à  faire  arriver  son  règne 
dans  nos  cœurs,  et  à  accomplir  et  faire  accomplir  la  Sainte  Volonté  de  Dieu  en  nous, 
par  nous  et  autour  de  nous,  autant  qu'il  nous  est  possible. 

Dieu  soit  donc  mille  fois  béni  d'avoir  placé  notre  Bel  Ordre,  et  spécialement  cette 
Cour,  sous  la  direction  de  ses  Ministres,  afin  qu'ils  nous  enseignent  comment  on  s'y 
prend  pour  sauvegarder  nos  intérêts  spirituels  tout  en  ne  négligeant  pas  nos  intérêts 
temporels  et  ceux  de  nos  familles  ;  afin,  pour  résumer,  qu'ils  nous  empêchent  de 
nous  égarer  dans  la  route  du  Ciel. 

Messieurs  et  bien  aimés  Frères,  j'ai  laissé  un  peu  trop  tôt  nos  deux  protecteurs, 
M.  OLIER  et  Saint  François  de  Sales.  Permettez-moi  à  leur  sujet  une  petite  digres- 
sion qui  nous  fera  voir  davantage  que  Dieu  est  avec  nous  en  cette  œuvre.  M.  OLIER, 


22  LE  PROPAGATEUR 


tout  jeune  enfant,  laissait  déjà  voir  un  esprit  vif,  une  nature  toute  de  feu.  Sa  digne- 
mère  Madame  Olier,  en  conçut  de  vives  inquiétudes  pour  l'avenir  de  son  fils.  Avec 
un  esprit  et  une  nature  pareils,  n'y  avait-il  pas  à  craindre  qu'il  ne  manquât  de  sagesse 
et  de  modération,  et  qu'emporté  par  son  caractère  il  ne  s'écartât  de  la  ligne  droite 
c'est-à-dire  du  chemin  du  Ciel  ?  Un  jour  que  Saint  François  de  Sales,  l'ami  de  la 
famille  Olier,  s'était  arrêté  sous  leur  toit,  madame  Olier  en  profita  pour  lui  faire 
part  de  ses  angoisses.  Le  saint  Évêque  de  Genève,  se  recueilit  dans  une  fervente 
prière  et  ayant  invoqué  l'Esprit  de  Dieu,  il  bénit  le  jeune  Olier  et  dit  à  sa  mère 
qu'elle  eut  à  changer  ses  craintes  en  actions  de  grâces,  parceque  Dieu  avait  choisi 
cet  enfant  pour  sa  Gloire  et  pour  le  Bien  de  son  Eglise.  Vous  savez  tous  s'il  a  prédit 
juste,  et  quelle  gloire  a  procuré  et  procure  encore  à  Dieu  l'illustre  famille  de  M- 
OLIER,  et  quel  bien  elle  a  fait  et  fait  tous  les  jours  à  son  Église. 

Si  l'Église  entière  doit  de  la  reconnaissance  à  M.  OLIER  et  à  ses  fidèles  enfants, 
quelle  ne  doit  pas  être  la  nôtre,  à  nous  surtout  Canadiens-français  qui  leur  devons 
tout.  Qui  a  conçu  l'idée  et  favorisé  davantage  le  projet  de  fonder  cette  cité  d^" 
Marie?  n'est-ce  pas  M.  OLIER  ?  Qui  a  surtout  pourvu  depuis  des  siècles  aux  besoins 
spirituels  de  cette  Ville  ?  Ne  sont  ce  pas  les  enfants  de  M.  OLIER  ?  N'est-ce  pas 
encore  M.  le  Seigneur  de  Saint-Sulpice,  le  Révérend  M.  Colin,  qui  vient  de  nous 
accorder  un  chapelain  pour  cette  Cour,  afin  d'entretenir  et  de  fortifier  en  nous  cette 
vie  spirituelle  sans  laquelle  nos  œuvres  seraient  mortes  pour  l'éternité  ? 

Messieurs  et  mes  bien-aimés  Frères,  Dieu  dont  le  Doigt  marque  au  cadran  du 
temps  tous  les  événements  qui  surviennent  ici-bas,  petits  ou  grands,  Dieu  dis-je  a 
eu  certainement  un  dessein  particulier  de  miséricorde  sur  nous  en  plaçant  ainsi 
l'ouverture  de  notre  chère  CooR  OLIER  au  jour  de  la  Fête  de  Saint  François  de 
Sales.  Il  me  semble  que  ce  grand  Saint  bénit  en  ce  moment  cette  œuvre,  fille  de 
notre  Mère  la  Sainte  Eglise,  comme  il  bénissait  autrefois  le  fils  de  Madame  Olier. 
Et  ne  l'entendez-vous  pas  comme  moi  dire  à  la  Sainte-Eglise,  en  lui  parlant  de  cette 
Cour  qui  vient  de  lui  naître,les  même  paroles  qu'il  adressait  jadis  à  la  mère  du  jeune 
enfant  qui  allait  devenir  le  Fondateur  de  Saint  Sulpice  :  cessez  vos  craintes,  tendre 
Mère,  et  rendez  grâces  à  Dieu.  Cette  enfant  si  faible,  et  dont  la  légèreté  du  jeune 
âge  ou  la  vivacité  du  caractère  vous  donne  peut-être  des  inquiétudes  pour  1  "avenir', 
cette  enfant  sera  plus  tard  votre  gloire  et  votre  consolation  ? 

Mes  Frères,  Celui  qui  de  rien  a  tout  fait  a-t-il,  dites  moi,  perdu  de  sa  puissance  ? 
Ne  peut-il  pas  sous  le  souffle  du  Saint-Esprit  dirigé  par  l'Église,  faire  de  cette  si 
petite  Cour  une  grande  et  bonne  Fille  qui  deviendra  la  consolation  de  sa  Mère  ? 

Rappelons-nous,  Frères  Forestiers,  que  l'Ordre  si  Catholique  qui  nous  reçoit  au- 
jourd'hui en  nous  mettant  à  l'abri  de  sa  constitution  si  chrétienne,  est  une  société 
fondée  dans  le  but  d'arracher  au  démon  les  âmes  qu'il  cherche  à  entraîner  au  moyen 
des  Sociétés  secrètes,  surtout  au  moyen  de  la  Franc-Maçonnerie.  Nous  sommes 
comme  chrétiens,  et  plus  spécialement  comme  Forestiers,  des  soldats  du  Christ. 
Pour  armes  Dieu  nous  donne  la  Croix.  Avec  elle  qu'avons-nous  à  craindre  ? 

La  Croix  en  mains,  le  dévouement  dans  l'âme,  et  la  prière  au  cœur  nous  sommes 
invincibles.  Mais  prenons  bien  garde  de  la  laisser  rouiller  cette  arme  divine  par  la 
négligence,  l'oubli  de  nos  devoirs,  et  par  ce  misérable  respect  humain,  qui  est  la 
plus  fine  invention  du  diable  pour  éloigner  les  âmes  de  leurs  devoirs  envers  Dieu  et 
envers  le  prochain  et  les  attirer  à  lui  pour  les  perdre  à  jamais. 

Avec  la  Croix,  le  dévouement  où  le  sacrifice  et  la  prière,  on  a  en  mains  le  Passe- 
partout  du  Bon  Dieu.   Nous  saurons  bien  avec  passer  à  travers  tous  les  ennemis  et. 
tons  les  obstacles  et  arriver  sûrement  au  Ciel,  dont  M.  OLIER  et  Saint  François  de 


LE  PROPAGATEUR  23 


Salea  nous  iadiquent  aujourd'hui  le  chemia,  et  où  nous  attendent  Jésua,  Marie  et 
tant  de  frères  qui  nous  y  ont  précédés. 

Messieurs  et  mes  bien-aimés  Frères,  je  ne  voulais  pas  être  long,  et  je  m'aperçois 
que  je  le  deviens.  Un  instant  seulement  et  je  laisse  la  parole  à  de  plus  dîfenes.  Je 
vous  dirai  en  deux  mots  quel  est  notre  programme.  C'est  celui  de  l'Ordre  entier 
des  Forestiers  Catholiques,  c'est  celui  qui  régit  les  325  cours  forméesjavant  la  nôtre, 
c'est  celui  que  suivent  les  34.000  Forestiers  Catholiques,  à  la  suite  desquels  nous 
voulons  désormais  gravir  le  rude  sentier  qui  conduit  à  l'éternité.  Ce  programme  a 
la  plus  noble  origine,  puisqu'il  est  descendu  du  ciel  tout  droit.  C'est  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ,  lors  de  son  voyage  sur  cette  terre,  qui  nous  l'a  apporté  lui-même,  et 
nous  l'a  donné  et  conservé  par  son  Eglise  dans  l'Evangile.  Il  se  résume  en  deux 
mots,  je  l'ai  dit  déjà  :  Aimez  Dieu  de  tout  votre  cœur,  de  toute  votre  âme,  de  toutes  vos 
forces,  et  le  prochain  comvie  vous-même  pour  V  amour  de  Dieu.  C'est  là  notre  pro- 
gramme. Nous  n'y  avons  rien  ajouté,  nous  n'y  ajouterons  jamais  rien.  Il  est  le  but 
de  la  constitution  de  tout  l'ordre  des  Forestiers  Catholiques,  où  il  est  exprimé  ainsi  : 

"  Le  but  de  cette  organisation  sera  de  promouvoir  l'amitié,  l'union  et  la  véritable 
"  Charité  catholique  entre  ses  membres.  L'amitié,  en  se  portant  secours  les  uns  aux 
"  autres  par  tous  les  moyens  honorables  en  leur  pouvoir.  L'union,  en  s'unissant 
"  pour  secours  mutuels  en  cas  de  maladie  et  en  cas  de  mort,  et  en  pourvoyant^aux 
"  besoins  des  veuves  et  des  orphelins  des  Frères  défunts.  La  charité  chrétienne,  en 
■'  faisant  aux  autres  ce  que  nous  voudrions  qui  nous  fût  fait  à  nous-mêmes. 

Mr  le  Curé  et  Vénéré  Chapelain,  avant  de  finir,  il  me  reste  au  nom  de  la  Cour  à 
vous  demander  une  faveur,  c'est  votre  bénédiction  et  celle  de  Dieu  sur  notre  œuvre 
et  sur  tous  ses  membres  devenus  aujourd'hui  vos  enfants. 

Frère  L.  A.  Geo  JACQUES,  M.  D. 

Chef  Ranger  de  la  Cour  Olier. 

Tous  s'agenouillèrent  et,  au  milieu  d'un  religieux  silence,  s'in- 
clinèrent sous  la  Bénédiction  de  Dieu  descendant  du  ciel  par  les 
mains  de  ses  Ministres. 

Mr  le  Curé  adressa  quelques  paroles  de  félicitation  et  d'encou- 
ragement aux  membres,  les  assurant  du  succès  de  leur  Cour, 
naissant  sous  de  si  heureux  auspices,  s'ils  restaient  fidèles  au  pro- 
gramme qui  venait  de  leur  être  tracé.  Le  Rév.  Mr  Filiatrault  leur 
promit  son  concours  pour  promouvoir  la  partie  spirituelle  de 
l'œuvre.  Et  après  quelques  paroles  d'encouragement  des  trois 
députés  Grand-Chef  Ranger  J.  P.  Goutlée,  J.  D.  Goutlée,  F.  X. 
Lafond,  et  des  Frères  Lévesque,  McDonald  et  Séguin,  la  séance 
fut  close,  sous  le  regard  de  Marie,  par  la  récitation  du  Sub  tuum. 


Almanach-Annuaire  du  Clergé  Canadien 
Publié  par  CADIEUX  &   DEROME 

I»ovir  l'année  1S03 

Septième  année— Prix — 25  centins 


LE 


PAROISSIEN 


NOTÉ 


Contenant  :  l'Ordinaire  de  la  Messe, 

Prières  pour  la  Confession,  et  la  Communion,  le  Chemin 

DE  LA  Croix,  le  Propre  du  Temps, 

le  Propre  des  Saints,  le  Commun  des  Saints,  Messe  votives, 

Saluts  du  Saint-Sacrement,  etc. 

QUATRIÈME  ÉDITION 

AUGMENTÉE   DES   OFFICES   NOUVELLEMENT   CONCÉDÉS 

1  vol.  in-18  de  980  pages,relié  en  toile  $1.00  chaque,  $10.80  la  doz. 
demi  reliure  en  cuir  S  1.35  chaque,  $13.50  la  douzaine. 

En  publiant  cette  quatrième  édition  du  Paroissien  Noté,  l'édi- 
teur espère  rencontrer  le  désir  d'un  grand  nombre  de  personnes 
pieuses,  et  surtout  de  celles  qui  s'occupent  spécialement  de  con- 
tribuer à  la  solennité  des  offices  religieux.  Ce  volume  est  de 
beaucoup  supérieur  à  l'ancien,  déjà  si  bien  vu  du  public,  tant  par 
la  perfection  de  l'exécution  que  par  les  matières  nouvelles  qu'il 
renferme. 

D'abord,  il  est  préférable  sous  le  rapport  de  l'impression  et  de 
la  correction  :  l'impression  en  est  plus  nette,  et  un  certain  nombre 
de  fautes,  qui  s'étaient  glissées  dans  l'édition  précédente,  ont  été 
éliminées  soigneusement  de  celle-ci. 

Mais  son  principal  mérite  consiste  dans  les  matières  nouvelles, 
qui  en  font  un  ouvrage  indispensable  à  toutes  les  fabriques.  Sans 
parler  des  intonations  de  tous  les  psaumes, — amélioration  de  la 
plus  haute  importance  qui  rencontrera  certainement  le  voeu  d'un 
grand  nombre, — on  trouvera  dans  ce  volume  tous  les  offices  nou- 
veaux, et  de  plus  les  messes  des  Lundi,  Mardi  et  Mercredi  de  la 
Semaine  Sainte.  Or,  la  plupart  de  ces  offices  nouveaux  et  ces  trois 
dernières  messes  ne  se  trouvant  pas  dans  les  Graduels  et  Vespéraux 
jusqu'ici  en  usage,  le  présent  volume  remplit  une  lacune  souvent 
regrettable,  et  il  devient  nécessaire  de  le  mettre  entre  les  mains 
des  chantres  et  autres  personnes  qui  s'occupent  du  chant  d'Eglise. 

Ces  diverses  améliorations,  qui  complètent  un  ouvrage  déjà  si 
estimé  du  pubUc.  forment  denx  cents  pages  de  matières  nouvelles, 
et  font  espérer  à  l'éditeur  que  le  soin  tout  particulier  par  lui  ap- 
porté à  cette  édition,  sera  bien  vu  du  public  et  contribuera,  en 
popularisant  davantage  le  chant  liturgique,  à  la  gloire  de  Dieu  et 
au  salut  des  âmes. 


HISTOIRE  UNIVERSELLE 


I 


PAR 


ROHRBACHER 

CONTINUÉE  JUSQU'A  NOS  JOURS 
Pur  M.  Pabbé  C}UIL.L.AU]!ltE 

chan.  hon.,  prof,  au  grand  séminaire  de  Verdun 

NOUVELLE  EDITION  (1889) 
AVEC  NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS  d' APRÈS  LES  DERNIERS   TRAVAUX 

13  beaux  vol.  in-4°  à  2  col.,  y  compris  une  table  générale  alpha- 
bétique des  matières... Prix  ;  en  brochure,  $15.00; 
reliure  dos  et  coins  en  cuir,  S22.50  ;  reliure  plus  riche,  $25.00 

LES  PETITS  BOLLANDISTES 

VIES  DES  SAINTS 

DE  L'ANCIEIs  ET  DU  NOUVEAU  TESTAMENT 

DES  MARTYRS,  DES  PÈRES,  DES  AUTEURS  SACRÉS   ET 

ECCLÉSIASTIQUES  ,DES  VÉNÉRABLES  ET  AUTRES  PERSONNES 

MORTES  EN  ODEUR  DE  SAINTETÉ. 

Notices  sur  les  Congrégations  et  les  Ordres  religieux 

Histoire  des  Reliques,  des  Pèlerinages, 

des  Dévotions  populaires,    des  Monuments  dus  à  la  piété, 

depuis  le  commencement  du  monde  jusqu'à  aujourd'hui 

Par  Mgr  PAUL.  GÏJÉRIIV 

Camérier  de  Sa  Sainteté  Léon  XIII. 

Septième  et  définitive   édition  la  seul  complète,   renfermant  un  tiers  de  matière 
de  plus  que  les    précédentes  (7e  tirage.) 

17  vol  grd  in-8,  sur  beau  papier  vergé,  contenani  la  matière  de  35  vol.  ordinaires 
Prix   :   brochés,   $25.50;   reliés,  $34.00. 


LE  VANNIER  DE  CHEVRELOUP 

A  SOxN  ALTESSE  ROYALE  LA  DUCHESSE  DE  PARME- 


Corona  senum,  multa  peritia  r 
et  gloria  illorum,  limor  Dei. 
Eccli.,  XXV,  8. 

En  1789,  tout  auprès  de  l'étang  de  Ghèvreloup,  au  nord-ouest  de 
Trianon,  et  sur  les  confins  d'une  vaste  oseraie,  s'élevait  la  chau- 
mière du  père  Panier,  maître  vannier  connu  à  trois  lieues  à  la 
ronde  pour  son  habileté  à  tresser  de  jolies  corbeilles.  Le  brave 
homme  était  paralysé  des  jambes,  mais  il  avait  conservé  toute 
l'activité  de  ses  mains  ;  et  son  fils,  qui  tenait  une  petite  boutique 
sur  le  marché  de  Versailles,  n'était  pas  moins  bon  ouvrier  que  lui. 
La  troisième  et  la  quatrième  génération  des  Panier  se  composait 
du  petit-fils,  Noël  Panier  ;  de  sa  femme  Babet,  jeune  et  active 
ménagère,  et  de  leurs  quatre  enfants,  dont  l'aînée,  Marguerite, 
avait  huit  ans  ;  la  seconde,  Rose,  six  ans,  et  les  deux  petits  garçons 
jumeaux,  un  peu  moins  d'un  an. 

On  était  à  la  mi-juin.  Un  beau  matin,  Babet  dit  à  ses  petites 
filles  en  achevant  de  les  habiller  : 

— Margoton,  Rosichon,  vous  allez  prendre  chacune  un  de  ces 
paniers  d'œufs,  et  vous  les  porterez  chez  bonne  maman  Berly,  à 
la  porte  Saint-Antoine.  Vous  la  prierez  de  ma  part  de  les  vendre 
avec  les  siens,  le  mieux  qu'elle  pourra.  Ayez  soin  de  marcher 
doucement,  afin  de  ne  pas  casser  les  œufs  ;  suivez  tout  du  long 
l'allée  du  Rendez- Vous,  et  donnez-vous  garde  d'aller  batifoler  dans 
les  prés.  Si  vous  êtes  lasses,  vous  vous  asseoirez,  mais  sans  quitter 
vos  œufs.  Pataud  ira  avec  vou?,  et  portera  un  panier  de  fraises, 
que  bonne  maman  vendra  aussi.  —  Ici,  Pataud  I 

Pataud,  qui  n'était  qu'un  gros  chien,  mais  qui  comprenait  le 
français  comme  une  personne  naturelle,  accourut  tout  joyeux. 
Babet  lui  recommanda  de  bien  protéger  ses  petites  maîtresses,  mit 
dans  sa  gueule  l'anse  du  panier  couvert  qui  contenait  les  fraises, 
embrassa  ses  filles,  et  congédia  la  petite  caravane. 

Elle  suivit  longtemps  des  yeux  ses  fillettes,  si  accortes  et  si  pro- 
prettes avec  leurs  cotillons  rayés  noir  et  blanc,  leurs  grands  cha- 
peaux de  paille,  leurs  tabliers  rouges  à  bavette  bien  épingles,  et 
leurs  bas  bleus  soigneusement  tirés  au-dessus  des  petits  souliers  à 
boucles  qui  serraient  leurs  pieds  mignons.  Puis,  quand,  au  détour 
du  chemin,  elles  lui  eurent  envoyé  un  baiser  et  disparurent  der- 
rière la  haie  d'aubépine,  la  jeune  mère  retourna  vers  ses  deux 
nourrissons. 


LE  PROPAGATEUR  27 


Il  faisait  déjà  bien  chaud,  et,  à  peine  arrivée  à  moitié  cbemin^ 
la  petite  Rose  demanda  à  se  reposer.  Margot  le  roulut  bien,  mais 
à  la  condition  qu'elles  feraient  encore  une  centaine  de  pas,  afm 
d'aller  s'asseoir  près  d'un  saut-de-loup  d'où  l'on  pouvait  regarder 
les  jardins  de  Trianon.  —  Rosichon  fit  un  effort,  mais  assura  qu'elle 
n'irait  plus  loin  qu'après  un  bon  quart  d'heure  de  repos. 

—  Pose  là  ton  panier,  Pataud  !  dit  Margoton. 

Pataud,  qui  avait  hâte  de  visiter  ses  amis,  les  chiens  du  garde 
Berly  eut  quelque  peine  à  obéir  ;  mais  enfin  il  se  résigna,  et  se 
coucha  près  des  enfants. 

Celles-ci  regardaient  la  sombre  allée  de  charmille  située  en  face 
d'elles,  et  ne  pouvaient  se  lasser  d'admirer  sa  mystérieuse  beauté, 

—  Que  de  fleurs  dans  ce  gazon  !  disait  Marguerite.  Vois  donc, 
petite  sœur,  il  en  y  a  quasiment  plus  que  d'herbe.  Et  comme  cette 
belle  allée  est  longue  et  parait  monter  haut  !  Vois-tu  ce  qu'il  y  a 
au  bout  ? 

—  C'est  un  beau  petit  arbre,  tout  rond  et  tout  blanc,  dit  Rosichon. 

—  Ce  doit  être  un  oranger  en  fleur  !  dit  Margot. 

—  Oh  !  fit  la  petite,  vois  donc  ces  papillons  jaunes  qui  descendent 
du  haut  des  arbres  en  tournant  tout  doucement  ? 

—  C'est  pas  des  papillons,  ça  ;  c'est  des  feuilles. 

—  Les  feuilles  sont  vertes,  répliqua  Rosichon.  Je  suis  sûre  que 
c'est  des  papillons,  et  si  je  pouvais  sauter  le  fossé,  je  les  attraperais 
bien.  Mais  il  est  trop  large.  Pourquoi  donc  n'y  a-t-il  personne 
dans  ce  beau  jardin  ? 

—  Peut-être  que  tout  le  monde  dort  encore  à  Trianon.  Sept 
heures  viennent  de  sonner.  J'ai  compté  les  coups. 

—  Oh  1  dit  la  petite,  si  nous  pouvions  voir  le  Roi  !  J'ai  entendu 
dire  à  bon  papa  Berly  qu'il  se  levait  très  matin.  Tiens,  regarde  : 
voilà  des  dames  là-bas  1 

En  effet,  au  fond  de  l'allé,  parurent  deux  dames  vêtues  de  robes 
blanches.  A  mesure  qu'elles  approchaient  en  causant,  les  petites 
filles  distinguaient  de  mieux  en  mieux  leur  beauté  et  leur  grand 
air.  L'une  d'elles,  surtout,  dont  la  lévite  de  mousseline  blanche 
était  serrée  par  une  longue  ceinture  violette,  s'avançait  avec  une 
telle  grâce,  une  telle  dignité,  qu'elle  semblait,  selon  l'expression 
du  duc  de  Saint-Simon,  marcher  sur  des  nuages.  Elle  donnait  la 
main  à  un  enfant  de  quatre  ans,  blond  et  beau  comme  un  ange. 

—  Si  c'était  la  Reine  ?  dit  Rosichon  tout  bas. 

—  Oh  I  fit  Margoton  d'un  air  capable,  cela  ne  peut  être  :  cette 
dame-là  n'a  point  de  couronne,  et  son  chapeau  est  comme  le  mien, 
en  paille  I 

Cette  raison  péremptoire  ferma  la  bouche  à  Rosichon. 
Les  dames  étaient  tout  près  ;  elles  aperçurent  les  enfants,  et  la 
dame  aux  rubans  violets  leur  dit  avec  bonté  : 

—  Que  faites-vous  là,  mes  belles  petites? 

—  Nous  nous  reposons.  Madame,  dit  Margot  en  se  levant  et  fai- 
sant une  révérence.  Maman  nous  a  envoyées  porter  des  œufs  et 
des  fraises  chez  grand'maman  Berly,  pour  qu'elle  aille  les  vendre 
au  marché  de  Versailles  ;  et,  comme  ma  petite  sœur  était  lasse, 


28  LE  PROPAGATEUR 


nous  nous  sommes  assises  pour  nous  reposer  un  brin.  C'est-y  dé- 
fendu de  s'asseoir  là  ? 

—  Du  tout,  ma  mignonne,  dit  la  belle  dame.  Mais,  puisque  ta 
petite  sœur  est  lasse,  nous  allons  lui  épargner  le  reste  du  chemin. 
Veux-tu  me  vendre  tes  œufs  et  tes  fraises  ? 

—  Bien  volontiers,  Madame.  Je  n'en  sais  pas  le  prix  ;  mais  vous 
me  les  payerez  en  conscience,  n'est-ce  pas  ? 

—  Je  l'espère,  ma  petite.  Va  m'attendre  au  petit  pont. 

Marguerite  et  Rose  ne  se  le  firent  pas  dire  deux  fois.  Elles  re- 
prirent leurs  fardeaux,  Pataud  les  imita  avec  empressement,  et  en 
un  instant  elles  furent  devant  la  porte  du  petit  pont.  La  porte  ne 
tarda  pas  à  s'ouvrir  ;  la  belle  dame  parut  avec  son  fils  et  sa  com- 
pagne,  et,  introduisant  les  enfants  dans  l'intérieur  de  Trianon, 
leur  fit  déposer  les  paniers  sur  un  banc,  et  donna  à  chacune  d'elles 
un  écu  de  six  livres.  A  la  vue  d'un  pareil  trésor,  les  petites  filles 
ouvrirent  des  yeux  et  des  bouches  aussi  ronds  que  les  écus. 

—  Est-ce  assez  payé  ?  dit  la  dame. 

—  Que  oui  !  fit  Margoton.  Mêm,e  que  je  vous  donne  les  paniers 
par-dessus  le  marché  ! 

—  Grand  merci  !  fit  la  dame  en  éclatant  de  rire.  Voyez  donc, 
Diane,  comme  j'ai  du  bonheur  ce  matin  1  Ces  paniers  sont  fort 
johs.  Est-ce  toi  qui  les  fais,  ma  petite  ? 

—  Nenni,  Madame  !  c'est  mon  grand'père.  Il  est  bien  adroit, 
allez,  quoiqu'il  ait  cent  ans. 

—  Cent  ans  !  est-il  possible  ?  en  es  tu  bien  sûre,  ma  fillette  ? 

—  Certainement,  Madame  I  bon  papa  me  l'a  dit,  et  il  ne  ment 
point.  Monsieur  le  curé  de  Fontenoy-le-Fleuri  dit  même  que  c'est 
un  saint  homme. 

—  Un  saint  centenaire,  et  qui  fait  des  paniers  !  Je  veux  voir 
cette  merveille.  Mène-moi  chez  ton  bon  papa,  ma  fillette  Ne  serez 
vous  pas  ravi  de  voir  un  centenaire,  Charles  ?  et  vous,  Diane  '/ 

—  J'en  serai  enchantée.  Madame,  répondit-elle  en  cachant  un 
bâillement  derrière  son  éventail. 

Quant  à  Charles,  il  était  si  occupé  à.  jouer  avec  Pataud  et  Kosi 
chon,  qu'il  n'entendit  pas  la  question. 

Un  beau  mousquetaire  était  en  faction  près  de  là. 

—  M.  de  Varicourt,  lui  dit  la  dame,  veuillez  garder  mes  pré- 
cieuses emplettes.  Je  reviendrai  bientôt. 

Il  fit  le  salut  militaire  ;  et  la  dame,  faisant  passer  devant  elle 
toute  sa  petite  compagnie,  ferma  la  porte  et  en  prit  la  clef. 

Au  bout  de  dix  minutes,  la  petite  Marguerite,  quittant  l'allée 
du  Rendez-Vous  pour  prendre  le  sentier  de  Chèvreloup,  dit  aux 
dames,  qui  se  plaignaient  déjà  de  la  longueur  du  chemin  : 

—  Voici  notre  maison,  là-bas  ! 

Sous  un  bosquet  de  chênes  géants  s'abritait  la  maison  du  vannier. 
Son  toit  de  chaume  était  couronné  d'une  rangée  d'iris  en  fleur,  et 
les  rosiers  et  la  vigne  qui  tapissaient  les  murs,  les  vitres  brillantes, 
les  volets  peints  d'un  vert  gai,  donnaient  à  cette  humble  demeure 
un  air  de  fêle  et  de  prospérité. 
—  Oh  1  la  jolie  chaumière  !  dit  la  dame.  Pas  une  de  celles  de 


LE  PROPAGATEUR  29 


Trianon  n'est  aussi  bien.  Il  faudra  que  j'amène  ici  l'architecte 
pour  le  faire  endêver. 

Les  petites  filles,  en  voyant  leur  logis,  s'étaient  mises  à  courir. 
Pataud  les  précédait  en  aboyant  ;  et  lorsque  les  belles  dames,  que 
leurs  souliers  à  talons  faisaient  trébucher  à  chaque  pas  dans  le 
chemin  pierreux,  arrivèrent  chez  le  vannier,  Babet  avait  déjà  pré- 
paré des  sièges,  et  posé  sur  la  table  une  nappe  propre,  des  tasses 
et  un  pot  de  lait  froid. 

Les  dames  entrèrent.  Babet  se  confondait  en  révérences,  et  le 
grand-père,  découvrant  sa  belle  tête  blanche,  leur  souhaita  la  bien- 
venue en  s'excusant  de  ne  pouvoir  se  lever. 

Les  belles  visiteuses  s'assirent  et  acceptèrent  du  lait,  qu'elles 
trouvèrent  délicieux.  La  dame  aux  rubans  violets  complimenta 
Babet  sur  la  gentillesse  de  ses  fillettes. 

—  Elles  sont  jolies  comme  des  cœurs,  dit-elle.  Pourquoi  donc 
ne  les  amenez-vous  pas  à  Trianon  le  dimanche  ?  La  Reine  se  plaît 
à  rassembler  tous  les  enfants  des  environs,  et  à  les  faire  danser. 
Ces  belles  petites  s'y  amuseraient  bien.  Vous  irez,  n'est-ce  pas  ? 

—  Nenni  dà  !  dit  Babet  en  rougissant  jusqu'aux  oreilles.  Ce 
n'est  point  aux  filles  d'un  vannier  à  aller  faire  des  faraudes  comme 
des  princesses,  et  les  miennes  sauront  toujours  assez  tôt  qu'elles 
sont  gentes. 

Et,  toute  honteuse  d'en  avoir  tant  dit,  elle  se  hâta  d'aller  bercer 
un  de  ses  poupons  qui  venait  de  se  réveiller. 

L'attention  des  dames  se  tourna  alors  vers  le  vénérable  vieillard. 
Assis  dans  un  grand  fauteuil  d'osier,  sous  le  manteau  de  la  che- 
minée, les  jambes  étendues  et  enveloppées  chaudement,  il  tressait 
une  corbeille,  et  un  rayon  de  soleil,  pénétrant  dans  la  chambre 
par  l'intervalle  d'un  volet  entr'ouvert,  semblait  entourer  d'une 
auréole  ses  longs  cheveux  blancs. 

—  Est-il  vrai,  bonhomme,  que  vous  avez  cent  ans  ?  lui  demanda 
la  comtesse  Diane. 

—  J'en  ai  même  cent  un,  Madame,  répondit  le  vieillard  :  je  suis 
né  en  1688,  l'année  de  la  seconde  révolution  d'Angleterre,  et  Dieu 
veuille  que  je  puisse  mourir  avant  d'en  voir  une  en  France  1 

—  Quelle  rêverie  !  Ne  vous  inquiétez  pas,  mon  brave  homme. 
Tout  va  bien.  Mais,  dites-moi,  vous  avez  dû  voir  le  Roi  Louis  XIV  ? 

—  Certes  oui,  Madame,  et  plus  d'une  fois,  quand  il  chassait  par 
ici.  La  duchesse  de  Bourgogne  entra  dans  notre  chaumière,  un 
jour  que  la  pluie  l'avait  surprise.  C'était  une  aimable  princesse. 
Elle  voulut  être  marraine  d'une  de  mes  petites  sœurs,  qui  venait 
de  naître.  Elle  avait  promis  de  la  prendre  plus  tard  à  son  service  ; 
mais  la  mort  vint,  et  faucha  celte  fleur  royale. 

—  Vous  n'avez  pas  toujours  été  vannier,  n'est-ce  pas  dit  la  dame, 
surprise  d'entendre  parler  ainsi  le  vieillard.  Dites-nous  votre  his- 
toire. Elle  doit  être  aussi  intéressante  qu'un  roman. 

—  Elle  est  aussi  courte  que  ma  vie  a  été  longue,  Madame.  J'avais 
deux  frères  aînés,  qui  travaillaient  avec  mon  père  à  l'état  de  van- 
nier, que  notre  famille  exerce  depuis  des  siècles.  Je  voulais  être 
prêtre,  et  j'étudiais  au  séminaire  de  Chartres,  quand  mon  père 


30  LE  PROPAGATEUR 


€t  mes  frères  furent  enlevés  en  huit  jours  par  la  petite  vérole.  Je 
revins  ici  pour  consoler  ma  mère  et  mes  jeunes  sœurs.  La  misère 
allait  frapper  à  notre  porte.  Je  me  refis  vannier  pour  gagner  le 
pain  de  mes  sœurs  orphelines.  Je  les  élevai  et  les  mariai  bien 
toutes  les  cinq  ;  et  quand  elles  furent  pourvues,  je  me  mariai  aussi. 
Mes  deux  fils  aînés  se  firent  prêtres,  et  je  rendis  ainsi  à  l'Église 
plus  que  je  ne  lui  avais  ôté.  Le  dernier  de  mes  fils  est  établi  à 
Versailles,  et  mon  petit-fils,  sa  femme  et  ses  enfants  font  la  joie  de 
mes  derniers  jours. 

—  Vous  êtes  l'un  des  hommes  les  plus  sensibles  et  les  plus  ver- 
tueux que  j'ai  vus,  mon  bon  pore.  ' 

—  Je  ne  suis  qu'un  pécheur,  Madame;  mais  j'ai  toujours  eu 
confiance  en  Dieu,  et  il  ne  ma  jamais  abandonné. 

—  Vous  travaillez  donc  toujours  ?  demanda  la  comtesse  Diane  II 
me  semble  que  vous  devriez  bien  vous  reposer. 

—  Je  ne  me  repose  que  le  dimanche,  Madame  et  le  reste  du  temps 
je  travaille,  afin  de  donner  l'exemple  à  mes  petits-enfants,  et  de 
pouvoir  dire  comme  saint  Paul  :  '•  Vous  savez  que  mes  mains 
m'ont  suffi.  " 

—  Vraiment,  je  vous  admire,  mon  bon  père.  Si  vous  voulez,  je 
vous  ferai  donner  pour  vous  et  votre  famille  un  logement  à  Tria 
non,  dans  la  plus  jolie  maison  du  village  de  la  Reine,  et  je  vous 
prierai  d'apprendre  l'état  de  vannier  à  mon  fils. 

—  A  mon  âge.  Madame,  dit  le  vieillard  en  souriant,  on  n'a  plus 
qu'un  seul  déménagement  à  faire  ;  et  quand  la  main  de  ce  jeune 
gentilhomme  sera  assez  forte  pour  courber  et  tresser  l'osier,  les 
miennes  seront  glacées  pour  toujours.  D'ailleurs,  un  enfant 
de  condition  a  bien  autre  chose  à  apprendre  qu'un  métier  de  ro 
turier. 

—  Ah  I  dit  la  dame,  la  fortune  a  d'étranges  retours,  et  je  voudrais 
que  mon  fils  sût  gagner  sa  vie  par  le  travail  de  ses  mains.  N'ai- 
meriez-vous  pas,  mon  enfant,  apprendre  à  faire  de  jolis  petits 
paniers  ? 

—  Pourquoi  pas,  maman  ?  papa  Roi  fait  bien  des  serrures  ! 
A  ces  mots,  le  vieillard  s'écria  : 

r  — C'est  donc  à  la  Reine  de  France  que  j'ai  l'honneur  de  parler  ? 
Que  Dieu  vous  protège  Madame  !  Daignez  me  permettre  de  baiser 
votre  main.  Venez,  mes  filles,  venez  saluer  Sa  Majesté  ! 

Avec  cette  grâce  charmante  qui  surpassait  en  elle  jusqu'à  l'éclat 
du  trône,  Marie-Antoinetie  embrassa  les  enfants  et  leur  mère,  et 
tendit  sa  main  au  vieillard.  Tandis  qu'il  la  baisait,  les  larmes  aux 
yeux,  elle  lui  dit  : 

—  Hé  bien  ?  refuserez- vous  encore  d'être  le  précepteur  ès-paniers 
du  Dauphin  ? 

—  Oui,  Madame,  et  plus  que  jamais,  dit  le  centenaire  avec  fer- 
meté. Le  métier  du  roi  est  dur  et  difficile.  Monseigneur  le  Dauphin 
n'aura  pas  trop  de  toute  sa  vie  pour  l'apprendre,  fût-elle  aussi  lon- 
gue que  la  mienne.  Que  Votre  Majesté  pardonne  à  la  franchise 
du  plus  âgé  et  du  plus  dévoué  de  ses  sujets  ;  mais  quand  les  rois 


LE  PROPAGATEUR  3i 


veulent  faire  la  besogne  du  peuple,  le  peup'e  est  grandement  tenté 
de  faire  la  besogne  des  rois. 

—  Bonhomme,  s'écria  la  comtesse  Diane,  vons  oubliez  à  qui 
vous  parlez  ? 

—  Je  parle  à  la  plus  grande  princesse  du  monde,  Madame,  et  je 
le  sais  ;  mais  quand  on  a  passé  un  siècle  sur  la  terre,  on  sait  aussi 
que  le  don  le  plus  rare  et  le  plus  précieux  qui  se  puisse  offrir  aux 
rois,  c'est  de  leur  dire  la  vérité. 

<— Je  vous  remercie,  bon  père,  dit  la  Reine.  J'admire  votre  fran- 
chise, et  je  reviendrai  vous  voir  avec  le  Roi.  Bénissez  mon  fils... 
je  le  veux. 

Elle  fit  approcher  le  petit  Dauphin.  Le  vieux  vannier  étendit 
la  main  et  murmura  les  paroles  latines  de  la  bénédiction  ;  mais 
il  ne  put  les  achever  :  une  tristesse  prophétique  lui  serra  le  cœur, 
et  les  pleurs  étouffèreat  sa  voix.  La  Reine,  émue  elle-même,  se 
hâta  de  donner  le  signal  du  départ. 

Marie- Antoinette  et  sa  dame  d'honneur  marchèrent  quelques 
temps  en  silence. 

— Diane,  dit  la  Reine,  comment  trouvez-vousce  vieux  philosophe? 

—  Ennuyeux  au  possible,  dit  la  comtesse.  Je  hais  ces  momies 
de  l'ancien  temps.  Est-ce  que  vraiment,  Madame,  vous  retournerez 
voir  ce  vieux  radoteur,  qui  a  oubhé  de  se  faire  enterrer  ? 

—  Mais  oui.  Je  suis  assurée  qu'il  divertira  le  Roi  en  lui  con- 
tant des  histoires  du  temps  passé.  D'ailleurs,  une  reine  doit  tenir 
sa  parole,  et  j'ai  promis. 

Pauvre  Reine  !  elle  ne  put  remplir  sa  promesse.  Quelques  jours 
après,  les  états  généraux  s'ouvrirent,  et  l'orage  révolutionnaire 
éclata. 

Dans  la  chaumière,  on  espérait  toujours  voir  revenir  la  Reine. 

—  Le  Roi  viendra  aussi  !  disaient  les  petites  filles  en  racontant 
à  leur  père  cette  belle  visite,  qu'il  n'avait  pas  vue. 

—  Oh  !  répondit  Noël  Panier  en  branlant  la  tête,  m'est  avis  que 
le  Roi  et  la  Reine  ne  se  promèneront  plus  guère.  Ça  va  mal  à 
Versailles,  ça  va  encore  plus  mal  à  Paris.  Les  gens  sont  quasiment 
endiablés. 

—  N'en  dites  rien  au  vieux  père  :  ça  serait  pour  le  tuer,  s'il  en- 
tendait ce  que  l'on  dit  par  les  rues  et  jusque  dans  la  cour  du  château. 

—  Tu  perds  ton  temps,  not' femme  à  endimancher  comme  ça 
tes  enfants  tous  les  jours  :  ni  le  Roi  ni  la  Reine  ne  viendront  plus 
chez  nous. 

Au  6  octobre,  l'horrible  bruit  de  l'émeute  retentit  jusqu'à  Tria- 
non.  Noël  courut  à  Versailles,  armé  d'un  gourdin,  espérant  se- 
conder les  défenseurs  du  château  ;  mais  tout  était  fini.  En  vain 
le  sang  du  brave  Varicourt  avait  inondé  le  seuil  de  l'appartement 
de  la  Reine  :  le  château  était  envahi,  et  toute  la  famille  royale 
emmenée  à  Paris  dans  l'épouvantable  appareil  que  l'on  sait.  Noël 
ne  rentra  que  le  soir.  Sa  femme,demi  morte  d'inquiétude,  l'attendait 
sur  le  seuil,  n'osant  quitter  le  vieux  père  et  les  enfants  endormis. 
Il  lui  raconta  ce  qu'il  avait  vu. 

—  Tiens,  dit-il,  j'ai  voulu  t'apporter  un  souvenir  de  la  Reine. 


32  LE  PROPAGATEUR 


Les  canailles  !  le  croirais-tu  ?  ils  ont  vendu  sur  la  place  d'Armes 
ses  robes,  ses  dentelle?,  jusqu'à  ses  petits  souliers,  si  petits,  que 
personne  ne  peut  les  mettre.  J'en  ai  acheté  deux,  on  les  vendait 
un  sou  pièce.  Le  gâchis  était  si  grand,  que  je  n'ai  pu  avoir  la  paire. 

Il  remit  à  Babet  deux  petits  souliers  de  soie,  l'un  rose  et  l'autre 
bleu.  Et,  les  baisant  comme  une  relique,  elle  éclata  en  sanglots. 

Le  vieux  père  l'entendit,  et  voulut  tout  savoir.  Il  ne  dit  que  ces 
mots  :  "  Pauvre  Reine  !  pauvre  France  !  "  et  depuis  ce  jour  il  ne 
parla  plus. 

Il  vivait  encore  en  93,  mais  donnait  si  peu  de  signes  de  con- 
naissance, que  l'on  parlait  hardiment  devant  lui  de  toutes  les 
tristes  nouvelles  qui  venaient  de  Paris  :  plus  rien  ne  paraissait 
l'émouvoir.  « 

Le  21  janvier  au  soir,  Noël  revint  de  Versailles  tout  pâle,  et  dit 
à  sa  femme  : 

—  Ils  ont  guillotiné  le  Roi  ! 

Le  vieux  père,  qui  semblait  dormir,  se  redressa,  joignit  les  mains, 
et  d'une  voix  tremblante  récita  le  De  profundis  ;  ses  enfants  tom- 
bèrent à  genoux,  et  répondirent  Amen  pleurant.  Il  mourut  dans 
la  nuit,  sans  avoir  dit  rien  plus. 

Les  chênes  qui  abritaient  sa  chaumière,  furent  coupés  par  l'ordre 
de  la  Convention.  En  les  abattant  brutalement,  les  ouvriers  ré- 
publicains firent  tomber  l'un  d'eux  sur  la  maison,  qui  s'écroula. 
Mais  déjà  la  famille  du  vannier  ne  l'habitait  plus,  et  s'était  réfugiée 
à  Versailles,  la  campagne  n'étant  plus  sûre  pour  les  honnêtes  gens. 

De  tous  les  personnages  de  cette  histoire,  un  seul  vit  encore  ? 
c'est  Rose  Panier,  devenue  trisaïeule,  et  qui  promet  de  vivre 
autant  que  son  grand'père. —  En  1867,  lorsque,  par  ordre  de 
l'impératrice,  on  rassembla  au  petit  Trianon  tout  ce  qu'on  put 
découvrir  d'objets  ayant  appartenu  à  Marie-Antoinette,  Rose 
prêta  les  petits  souliers  qu'elle  conservait  précieusement.  Appuyée 
au  bras  d'un  de  ses  arrière-petits-ûls,  elle  voulut  visiter  Trianon  et 
revoir  ces  frêles  débris,  souvenirs  de  la  plus  infortunée  des  reines. 

C'est  là  que  je  vis  la  vieille  grand'mère  Rosichon,  encore  belle 
à  plus  de  84  ans  ;  c'est  là  qu'elle  me  raconta  l'histoire  du  vieux 
vannier,  et,  grâce  à  son  récit,  les  solitude  de  Ghèvreloup  sont 
maintenant  imprégnées  pour  moi  de  ce  parfum  que  laissent  sur 
leur  passage  les  amis  diparus  à  jamais. 

Mme  Julie  Lavergne. 


PAROISSE  D'YAMACHICHE 

(Précis  historique) 

Par  l'abbé  N.  Garon,  Prètre-chanoine 

Supplément. — Par  Frs.-L.  Desaulniers,  Avocat 

Chapitre  spécial. — Par  Benjamin  Sulte 

1  vol.  in-8°,  de  300  pages,  illustré Prix  :  $1.00,  par  poste  $1.10 


LE    PROPAGATEUR 

Volume    IV,  15   Mars,   1893,  Numéro    2 

BULLETIN 


Montréal,  8  Mar?,  1893. 

*/  On  lit  dans  La  Croix  la  dépêche  suivante  relative  au  jubilé 
épiscopal  de  Sa  Sainteté. 

Rome,  le  19  février  1893. — Une  dépêche  ne  peut  peindre  la  journée  historique, 
triomphale  }:our  la  Papauté,  qui  vient  de  s'accomplir  ;  vous  en  recevrrz  un  récit 
complet.  L'illumination  est  générale  :  nous  avons  nous-mêmes  voulu  avoir  sur 
notre  Loggia  un  feu  d'artifice  avec  les  Espagnols. 

Le  cortège  du  Pape,  en  cette  journée,  était  composé  de  44  cardinaux  de  dix 
nalionalité.s,  (Je  400  évêques,  dont  20  Français;  de  milliers  de  prêtres  et  de  reli- 
gieux. Soixante-mille  personnes  sont  entrées  dans  la  basilique  et  quinze  mille 
ont  'iù  demeurer  dehors,  sur  la  place  Saint-Pierre. 

La  Turquie,  l'Am^^rique  et  toutes  les  nations  de  l'Europe  étaient  cfficielU  ment 
représentées,  excepté  le  Piémont. 

Après  la  cérémonie,  la  Pape  a  exprimé  sa  ialisfaction  aux  cardinaux. 

*,*  Le  congrès  eucharistique  dont  j'ai  déjà  parlé  dans  le  numéro 
du  15  janvier,  pnge  674,  aura  lieu  à  Jérusalem  le  15  mai  et  les 
jours  suivants.  11  sera  présidé  par  Son  Eminence  le  Cardinal  Lan- 
génieux,  archevêque  de  Reims.  Dans  ce  congrès  seront  réunis 
des  membres  de  l'épiscopat  de  tous  les  rites  :  latin,  grec,  arménien, 
maronite,  syrien,  slave  et  copte. 

La  liberté  et  l'exaltation  de  la  Sainte  Eglise,  (I)  la  conversion  des  pécheurs, 
la  glcrlQcation  de  la  divine  Eucharistie,  la  réunion  de  TOrient  à  l'Eglise  Catholi- 
que, la  délivrance  d^-sâmes  du  Purgatoire,  voilà  les  intentions  de  ce  grand  acte. 

La  prière,  la  souffrance,  l'obéissance,  en  voilà  les  moyens." 

La  triple  alliance,  celte  organisation  néfaste  qui  a  pour  principal 
but  l'abaissement  de  la  France,  a  vu  dans  le  congrès  eucharistique 
une  augmentation  d'influence  pour  cette  puissance.  Ne  pouvant 
pas  empêcher  la  réunion  du  congrès,  elle  a  intrigué  auprès  du 
sultan  à  qui  elle  a  essayé  de  persuader  que  les  Lieux  Saints  courent 
de  grands  dangers,  et  qu'il  est  de  son  intérêt  d'intervenir  et  de  re- 
tirer les  autorisations  qu'il  a  accordées.  Ces  machinations  téné- 
breuses n'ont  heureusement  pas  réussi.  N.  S.  P.  le  Pape,  à  qui  Mgr 
Azarian,  patriarche  de  Gilicie,  a  soumis  la  question  de  la  part  du 
Sultan,  l'a  convancu  qu'il  n'a  aucune  raison  de  s'alarmer  et  que 
le  congiès  n'a  aucun  but  politique. 

(1)  Extrait  du  Programme  publié  par  La  Croix, 

3 


34  LE  PROPAGATEUR 


*,*  La  commission  d'arbitrage  chargée  de  régler  les  difficultés  de 
la  mer  de  Behring  s'est  assemblée  à  Paris  le  23  février.  Plusieurs  ar- 
bitres étant  absents,la  commission  a  ajourné  ses  séances  au  23  mars. 

Les  arbitres  sont  au  nombre  de  sept  dont  deux  ont  été  nommés  par 
la  Grande-Bretagne,  deux  par  les  Etats-Unis,  un  par  la  France,  un 
par  l'Italie  et  un  par  la  Suède.  Ce  sont  le  baron  Alphonse  de  Cour- 
ce  lies  (France),  le  marquis  \isconti  Venosta  (Italie),  M.  Gram  (Suè- 
de), Loid  Hannan  et  Sir  John  Thompson  (Grande-Bretagne),  le  juge 
John  M.  Harlan  et  le  sénateur  John  P.  Morgan  (Etats-Unis.) 

Les  agents  ou  commissaires  sont  :  L'Hon.  C.  H.  Tupper,  pour  la 
Grande-Bretagne,  etl'ex-ministre'John  Poster  pour  les  Etats-Unis. 

Les  avocats  ou  conseils  sont  :  Sir  Richard  Webster,  M.C.  Robin- 
son  et  l'hon.  W.  H.  Cross  pour  la  Grande-Bretagne,  et  M.  James 
S.  Carter  et  le  juge  A.  B.  W.  Blodgett,  pour  les  Etats-Unis. 

Les  procès-verbaux,  et  les  autres  documents  seront  rédigés  en 
français,  qui  est  la  langue  diplomatique,  mais  ils  seront  traduits 
en  anglais. 

Le  grand  navigateur  VitusJonassen  Behring  à  qui  on  doit  la  dé- 
couverte du  détroit  deBehring  est  morten  1741.  Ou  a  dernièrement 
découvert  ses  ossements  sous  un  amas  de  pierres  dans  une  des  îles 
aléoutiennes.  Une  souscription  a  été  ouverte  en  R  ussie  pour  élever 
un  mausolée  et  une  croix  sur  le  lieu  de  la  découverte.  Behring 
était  danois  mais  il  servait  dans  dans  la  marine  russe. 

*/  Samedi  le  4  mars  a  eu  lieu  à  Washington  l'installation  de  M. 
Cleveland,  le  nouveau  président  des  Etats-Unis.  Les  cérémonies 
ont  été  très  imposantes  et  une  foule  immense  y  a  assisté. 

Le  même  jour  les  divers  membres  du  nouveau  cabinet  prenaient 
possession  de  leurs  départements  respectifs.    Ces  membres  sont  : 

Mr  Walter  Quinton  Gresham,  de  l'Indiana,  Secrétaire  d'Etat. 
Mr  John  Griffin  Carlisle,  du  Kentucky,  Secrétaire  du  Trésor. 
Mr  Daniel  S.  Lamont,  de  New-York,  Secrétaire  de  la  Guerre. 
Mr  Hilary  A.  Herbert,  de  lAlabama,  Secrétaire  de  la  Marine. 
Mr  Hoke  Smith,  de  la  Géorgie,  Secrétaire  de  l'Intérieur. 
Mr  J.  Sterling  Morton,  du  Npbraska,  Secrétaire  de  l'Agriculture. 
Mr  WilsouS.  Bip6ell,de  New  York,  Maître  Général  des  Postes. 
Mr  Eichard  Olney,  du   Massachusselts,  Procureur-Général. 

Le  juge  Gresham,  le  nouveau  secrétaire  d'Etat,  est  né  le  17  mars 
1832,  dans  le  comté  de  Harrison,  Indiana.  Il  fut  admis  au  barreau 
en  1854.  Gomme  son  chef  Cleveland  il  a  connu  la  gêne  et  les  pri- 
vations dans  son  enfance,  mais  par  son  énergie,  ses  talents  et  son 
travail,  il  s'est  élevé  au  poste  éminent  qu'il  occupe  aujourd'hui. 
Le  juge  Gresham  était  républicain,  mais  comme  beaucoup  d'autres 
républicains  éminents,  il  a  abandonné  son  parti  dans  la  dernière 
campagne  présidentielle. 


LE  PROPAGATEUR 


35 


John  G.  Garlisle,  est  né  le  5  septembre  1835  à  Covington,  dans 
le  Kentucky.  Il  a  été  instituteur  et  il  a  été  admis  au  barreau  en 
1858,  Il  entra  dans  la  vie  publique  en  1864  et  il  a  été  successive- 
ment membre  de  la  chambre  des  Représentants,  membre  du  Sénat 
et  Lieutenant-Gouverneur  du  Kentucky,  membre  de  la  chambre 
des  Représentants  à  Washington,  président  de  la  même  chambre 
et  sénateur  des  Elats-Llnis.  C'est  un  des  hommes  les  plus  éminents 
du  parti  démocrate  et  un  véritable  homme  d'état. 

Daniel  S.  Lamont  est  né  dans  le  comté  de  Gortland,  état  de  New- 
York,  le  9  février  1851. 11  a  été  journaliste  et  secrétaire  de  Mr  Gle- 
veland  lorsque  ce  dernier  était  gouverneur  de  l'état  de  New-York. 
Comme  ancien  secrétaire  militaire  il  a  droit  au  titre  de  colonel. 

Hilary  A.  Herbert  est  né  à  Lamensville,  Caroline  du  Sud.  Il  est 
avocat.  Il  a  servi  avec  distinction  dans  l'armée  confédérée  depuis 
le  commencement  de  la  guerre  civile  jusqu'à  la  bataille  de  la  Wil- 
derness  où  il  fut  blessé.  Cette  bataille  a  eu  lieu  le  6  mai  1864.  Il 
est  membre  du  Congrès  depuis  plusieurs  années. 

Hoke  Smith  est  né  en  1855.  Il  a  été  instituteur  et  il  est  avocat. 
On  dit  que  sa  clientèle  lui  donne  un  revenu  annuel  de  $40,000.00 
et  que  sa  fortune  s'élève  à  un  demi-million. 

John  Sterling  Morton  est  né  à  Adams,  comté  de  Jefferson,  New- 
York,  le  22  avril  1832.  Il  a  été  membre  de  la  législature  du  terri- 
ritoire  du  Nebraska  et  il  devint  gouverneur  du  même  territoire 
en  1858.  Après  l'admission  du  Nebraska  comme  état  de  l'Union  il 
fut  plusieurs  fois  candidat  à  la  charge  de  gouverneur  mais  il  fut  dé- 
fait à  chaque  élection.  Mr  Morton  a  été  journaliste  et  agriculteur. 

Wilson  S.  Bissellestné  à  Rome,  Comté  d'Oneida,  New- York,  le 
31  décembre  1847.  Il  est  avocat  et  il  a  été,  comme  tel,  l'associé  du 
président  Cleveland. 

Richard  Olney  est  l'un  des  plus  brillants  avocats  du  Massachusetts 

Depuis  la  déclaration  d'indépendance  les  Etats-Unis  ont  eu  23 
présidents  dont  voici  les  noms,  l'année  de  leur  entrée  en  fonctions 
et  la  durée  de  leur  administration. 

Je  copie  cette  liste  dans  la  Presse  du  8  novembre  1892. 


George  "Washington. . 

Jolm  Adams 

Thomas  Jefîerson . . . . 

James  Madison 

James  Muiuoe 

John  Quincy  Adams. . 

Andrew  Jackson 

Martin  Van  Buren. . . 
"William  H.  Harrison. 

John  Tyler 

James  K.  Polk 

Zachary  Taylor. 


rNTKONISE 


1789 
1797 
1801 
1809 
1817 
1825 
1829 
1837 
1841 
1841 
1845 
1849 


A  GOUVERNÉ 


8  ans  Millard  Fillmore. 

4  ans  Franklin  Pierce 

!  8  ans  James  Buchanan. 

I  8  ans  Abraham  Lincoln. . 

I  8  ans  Andrew  Johnson. 

4  ams  Ulysses  S.  Grant 

8  ans  a.  B.  Hayes 

4  ans  J.  A.  Garfield. 
1  mois  0.  A.  Arthur. 

4  ans  Grever  Cleveland. 

4  ans  JBen.  HarrisOn. 

1  an     4  "in 


A  GOUVERNÉ 


1850 

2  ans   8  mois 

1853 

4  ans 

1857 

4  ans 

1861 

4  ans 

1865 

4  ans 

18G9 

8  ans 

1877 

4  ans 

1831 

6    mois 

1881 

3  ans  6  mois 

1885 

4  ans 

1889 

4  ans 

36  LE  PROPAGATEUR 


*  La  Législature  de  Québec  a  été  prorogée  lundi  le  27  février. 
La*  session  a  duré  46  jours. 

Plusieurs  motions  de  non  confiance  dans  le  ministère  Taillon 
ont  été  présentées  pendant  la  session,  mais  elles  ont  été  rejetées 
par  de  fortes  majorités.  Les  principales  de  ces  motions  ont  été 
faites  par  M.  Marchand,  le  chef  de  l'opposition,  M.  Déchène,  dé- 
puté de  rislet,  et  M.  Turgeon,  député  de  Bellechasse. 

Les  élections  municipales  de  Montréal  ont  été  validées,  le  bill 
médical  a  été  rejeté  par  l'assemblée,  le  bill  prohibant  la  vente  du 
tabac  aux  mineurs  a  échoué  au  conseil  et  le  bill  de  réforme  ju- 
diciaire a  été  remis  à  la  prochaine' session. 

Le  bill  de  M.  Fitzpalrick,  député  du  comté  de  Québec,  pour 
réduire  le  traitement  des  députés  à  $500,00  par  session  a  été  reje- 
té par  un  vote  de  42  contre  15.  Le  bill  du  même  député  pour 
réduire  le  nombre  des  membres  de  l'assemblée  Législative  à  65 
n'a  réuni  que  3  votes. 

La  question  de  l'abolition  du  conseil  Législatif  est  encore  re- 
venue sur  le  tapis.  Le  bill  de  M.  Cooke,  député  de  Drummond, 
qui  décrétait  cette  suppression  n'a  été  rejeté  que  par  la  voix  pré- 
pondérante de  l'orateur.  Les  libéraux  et  les  députés  anglais  ont 
voté  pour  ce  bill. 

Il  y  a  bien  des  divergences  d'opinion  sur  la  question  du  maintien 
ou  de  la  suppression  du  Conseil."  Parmi  les  journaux  qui  lui  sont 
favorables  plusieurs  désirent  de  grands  changements  dans  sa  con- 
stitution. Ils  voudraient  notaciment  qu'au  lieu  d'être  nommés 
par  le  gouvernement,  les  conseillers  législatifs  fussent  nommés 
par  les  corps  professionnels  et  certaines  institutions.  De  cette 
manière  le  clergé,  la  magistrature,  le  barreau,  le  notariat,  le 
collège  des  médecins,  les  banques,  les  chambres  de  commerce  etc. 
seraient  représentés  par  des  hommes  choisis  dans  leur  sein. 

La  brûlante  question  des  taxes  a  été  remise  à  la  prochaine 
session. 


*^*  Sont  décédés  : 

1°  Madame  la  duchesse  de  Madrid,  femme  de  don  Carlos,  pré- 
tendant au  trône  d'Espagne.  Elle  était  la  fille  du  duc  Charles  III 
de  Parme,  et  de  la  princesse  Louise  de  France,  fille  du  duc  de 
Berry  et  sœur  du  comte  de  Ghambord. 

2°  Madame  Grévy,  veuve  de  M.  Jules  Grévy,  ancien  président 
de  la  république  Française. 

3*^  Le  Dr  Ceccarelli,  médecin  ordinaire  du  pape.  Sa  Sainteté  a 
été  très  affectée,  en  apprenant  le  décès  de  cet  homme  dévoué  et 
éclairé  dont  les  soins  ont  été  si  précieux. 

4°  A  la  Nouvelle-Orléans,  Louisiane,  le  général  Pierre  Gustave 
Toutant  Beauregard,  célèbre  homme  de  guerre  et  ancien  général 
des  armées  du  sud  pendant  la  guerre  de  sécession.  Le  général 
Beauregard  est  né  en  1817  près  de  la  Nouvelle-Orléans  et  il  était 


LE  PROPAGATEUR  37 

d'origine  française.  Il  a  servi  dans  la  guerre  du  Mexique  et  il  s'est 
distingué  dans  la  guerre  civile.  C'est  lui  qui  a  commencé  les  hos- 
tilités par  l'attaque  et  la  prise  du  fort  Sumter.  Il  a  battu  les  fédé- 
raux dans  plusieurs  engagements  importants,  notamment  à  Bull's 
Run,  à  Savannah  et  à  Drury's  Bluff. 

5°  Midame  Garneau  veuve  du  célèbre  François-Xavier  Garneau, 
notre  historien  national. 

6°  Divid  William  Gordon,  député  fédéral  de  l'île  de  Vancou- 
ver. Il  était  conservateur, 

7^  Le  lieutenant-colonel  Hewitt  Bernard,  avocat  et  ancien  dé- 
puté ministre  de  la  justice.  Il  était  le  beau-frère  de  Sir  John  A. 
Macdonald. 

8°  Stanislas  Drapeau,  ancien  fonctionnaire  public  et  ancien 
journaliste.  M.  Drapeau  s'est  occupé  avec  zèle  et  dévouement  de 
l'agriculture  et  de  la  colonisation. 

9°  Georges  Edouard  Dasbarats,  avocat  et  journaliste  et  ancien 
imprimeur  de  la  Reine.  Il  s'est  presque  constamment  occupé  d'af- 
faires d'imprimerie  et  il  a  fondé  et  publié  un  grand  nombre  de 
journaux,  notamment  l'Opinion  Publique  et  le  Dominion  lUustrated. 


Ont  été  nommés 


1°  Juge  de  la  Cour  Suprême  fédérale,  le  sous-ministre  de  la 
justice,  M.  Robert  Bedgewick.  Le  nouveau  juge  est  né  à  Aberdeen, 
Ecosse,  le  10  mai  1848.  Il  a  étudié  le  droit  sous  l'honorable  John 
Sandfield  Macdonald,  alors  premier  ministre  de  la  province  d'On- 
tario, et  il  fut  admis  au  barreau  de  cette  province  en  novembre 
1872.  En  mai  1873  il  fut  admis  au  barreau  de  la  nouvelle-Ecosse 
et  il  exerça  sa  profession  à  Halifax  dont  il  devint  Recorder  en  1885. 
Il  a  été  professeur  de  droit  et  il  fut  nommé  sous-ministre  de  la 
justice  en  février  1888. 

2°  Juge  de  la  Cour  Suprême  de  la  Nouvelle  Ecosse  M.  Hugh 
Henry,  avocat  d'Halifax.  Il  remplace  le  juge  Hugh  Macdonald, 
qui  a  donné  sa  démission. 

3*^  Sous-ministre  de  la  justice,  M.  E.  L.  Newcombe,  avocat 
d'Halifax  et  ancien  professeur  de  droit. 

*,*  Est  élu  député  local  de  Toronto,  Ontario,  le  Dr  George  Ster- 
ling Ryerson.  Il  est  conservateur.  Sa  majorité  est  de  5'J2  voix  sur 
le  Dr  Ogden,  libéral.  Chaque  candidat  a  eu  au  delà  de  7000  voix. 
Le  candidat  progressiste,  M.  Thompson,  n'a  eu  que  592  voix. 

Alby. 


LES  GONSTITDTIONS  DU  CONCILE  DU  VATICAN 

LA  CONSTITUTION   DEI  FILIUS 

Le  verset  20  du  chapitre  I  de  l'Epître  aux  Romains. 

La  même  sainte  Eglise  notre  Mère  tient  et  enseigne  que  par  la  luniière  de  la 
aison  humaine,  Dieu  ;  rincipe  et  fin  de  toutes  choses,  peut  être  connu  avec 
certitude  au  moyen  des  choses  créées  ;  car  depuis  la  création  du  monde,  ses 
invisibles  perfections  sont  vues  par  l'intelligence  des  hommes  au  moyen  des 
êtres  qu'il  a  faits.  Rom.  1,20  (1) 

Le  concile  du  Vatican  a  cité  une  partie  du  verset  20  du  premier 
chapitre  de  l'épître  aux  Romains,  en  preuve  de  sa  doctrine  sur 
notre  connaissance  naturelle  de  Dieu.  Or,  cette  citation  a  une 
double  importance  :  elle  fixe  la  lecture  de  ce  verset  sur  un  point 
qui  donnait  lieu  à  contestation  et  elle  en  détermine,  au  moins  en 
partie,  le  sens  authentique,  On  peut  se  demander  aussi  si  elle 
n'ajoute  rien  aux  assertions  émises  dans  le  préambule  du  chapitre. 
Parcourons  rapidement  ces  divers  points. 

I 

Voici  d'abord  le  contexte  de  ce  verset,  d'après  saint  Thomas 
d' Aquin  et  Beelen,dans  leur  commentaire  sur  l'épître  aux  Romains. 

Saint  Paul  se  prépare  à  prouver  que  la  justification  par  l'Evangile 
a  été  un  don  gratuit  de  Dieu,  soit  pour  les  gentils,  soit  pour  les  juifs. 
Il  rappelle  donc  que,  suivant  les  enseignements  de  la  Révélation, 
c'est  la  foi  en  l'Evangile  qui  sauve  les  juifs  et  les  gentils.  Il  l'établit 
spécialement  pour  les  gentils,  en  montrant  qu'ils  avaient  besoin  de 
cette  foi  en  l'Evangile  et  qu'ils  n'y  avaient  aucun  droit,  attendu  que 
leur  idolâtrie  et  leurs  autres  fautes  appelaient  sur  leur  tête  la  co- 
lère de  Dieu. 

"  Il  est  révélé  (2),  dit-il,  que  la  colère  de  Dieu  menace  du  ciel 
la  souveraine  impiété  (l'idolâtrie)  et  l'injustice  (les  autres  fautes) 
de  ces  hommes  qui  retiennent  la  vérité  sur  Dieu  caché  dans  leur 
injustice.  En  effet,  ce  que  l'on  sait  (naturellement)  de  Dieu  se 
manifeste  en  eux  (comme  la  loi  naturelle  qui  est  écrite  dans  leur 
cœur  et  reçoit  le  témoignage  de  leur  conscience,  suivant  ce  que 
dit  saint  Paul  au  chapitre  suivant,  en  développant  sou  raisonne- 
ment. Rom.  II,  15),  vu  que  Dieu  l'a  manifesté  pour  eux.  Car  depuis 
la  création  du  monde,  ses  invisibles  perfections  sont  vues  par  notre 
intelligence,  au  moyen  des  êtres  qu'il  afaits^  ainsi  que  son  éternelle 
puissance  et  sa  divinité  ;  de  sorte  qu'ils  sont  inexcusables,  parce 
qu'ayant  eu  connaissance  de  Dieu,  ils  ne  l'ont  pas  glorifié,  ni  re- 
mercié comme  Dieu  ;  mais  ils  se  sont  perdus  dans  leurs  raisonne- 
ments et  leur  cœur  irréfléchi  s'est  rempli  d'obscurité.  " 

(l)Eadem  sancta  mater  Ecclesia  lenet  et  docet  Deum  rerum  omnium  princi- 
pium  et  finem,  nalurali  humanae  rationis  lumine  e  rébus  creatis  certo  cognosci 
posse  ;  invisibilia  enim  ipsius,  a  creatur.i  mundi,  per  eft  quae  fada  sunt,  iiitellecta,. 
conspiciuntur.  Rom.  1,  20  [Constit.  Dei  Filius,  cap.  2). 

(2)  Il  y  a  ici  un  parallélisme  avec  le  verset  précédent  qui  porte  (en  se  servant 
du  même  verbe)  que  la  doctrine  de  la  justification  des  fidèles  par  Dieu  est 
révélée  dans  V Evangile. 


LE  PROPAGATEUR  39 


Nous  venons  de  traduire  les  versets  18,  19,  20  et  21,  en  mettant 
en  italique,  la  panie  du  verset  20,  qui  est  citée  par  notre  Concile. 
Voici  le  texte  original  de  ce  "passage  :  ta  gar  aorata  autou  apo  ktiseos 
kosmou  lois  poiémasi  naoumena  katorâtdi.  Le  Concile  en  donne  la 
traduction  latine  suivante  :  invisibilia  enim  ipsius,  a  creatura  mundi, 
per  ea  quœ  fada  sunt^  intellecta,  conspiciuntur. 

Nous  appelons  l'attention  du  lecteur  sur  ce  détail,  que  le  texte 
du  Concile  a  séparé  par  une  virgule  le  mot  inlellecta  des  mots  per 
ea  qux  facta  sunt.  Non  point  que  ce  soit  là  une  lecture  et  une  ponc- 
tuation nouvelle  ;  car  les  versions  latines  antérieures  à  saint 
Jérôme  avaient  le  même  texte  sauf  que  quelques-unes,  employées 
par  Tertulien,  saint  Hilaire,  saint  Augustin,  semblent  avoir  porté 
a  conditione  et  a  constitutione  mundi^  au  lieu  de  a  creatura  mundi  : 
cela  résulte  des  nombreuses  recherches  que  Dom  Sabatier  a  con- 
signées dans  son  savant  ouvrage  Bibliorum  sacrorum  latinati  versiones 
antiquœ,  seu  Vêtus  Italica^  tome  III,  p.  597  ;  l'édition  de  saiuL  Jé-- 
rôme  (1)  et  les  éditions  de  la  Vulgate  publiées  depuis  le  concile 
de  Trente  le  reproduisent  également.  Mais,  si  l'on  ne  peut  attacher 
une  grande  attention,  à  une  virgule  reproduite  dans  ces  versions, 
il  n'en  est  pins  de  même,  lorsque  cette  virgule  entre  dans  les  dé- 
crets d'un  concile  œcuménique  qui  rapporte  intégralement  etau- 
thentiquement  un  texte  de  la  sainte  Ecriture.  Cela  est  surtout  vrai, 
si  cette  virgule,  sans  modifier  en  rien  la  doctrine  formulée  par 
saint  Paul,  détermine  néanmoins  le  sens  d'un  membre  de  phrase. 

Or  nous  croyons  que  la  virgule  sur  laquelle  nous  appelons 
l'attention  de  nos  lecteurs,  détermine  la  signification  des  mots 
a  creatura  mundi^  qui  jusqu'ici  était  discutée. 

Il  s'est  produit,  en  effet,  trois  opinions  principales  sur  le  sens  de 
ces  expressions.  La  première  y  voyait  l'indication  des  créatures 
par  qui  Dieu  est  connu  ;  la  seconde  y  voyait  l'indication  des  créa- 
tures, au  moyen  desquelle.î  nous  connaissons  Dieu  ;  la  troisième 
y  voit  l'indication  de  la  date,  depuis  laquelle  Dieu  est  connu  natu- 
rellement. Nous  avons  adopté  cette  troisième  opinion  et  traduit 
a  creatura  mundi  par  depuis  la  création  du  monde.  C'est  que  cette 
troisième  opinion  nous  paraît  seule  exacte,  étant  donnée  la  ponc- 
tuation acceptée  par  le  concile  du  Vatican. 

La  première  opinion  se  concilie,  sans  doute,  avec  notre  texte 
latin  ;  mais  elle  est  inconciliable  avec  le  texte  grec.  On  ne  saurait 
donc  la  suivre,  bien  qu'elle  ait  été  admise  par  Pierre  Lombard,  par 
saint  Bernard  (2)  et  même  par  saint  Thomas  d'Aquin,  dans  son 
commentaire  sur  l'Epître  aux  Romains. 

La  seconde  opinion  a  été  adoptée  par  plusieurs  Pères  grecs,  par 
saint  Basile,  saint  G-régoire  de  Nysse,  saint  Chysostôme,  Théodoret, 
saint  Cyrille  d'Alexandrie  (3).  Cornélius  a  Lapide  la  suit.  Fran- 
zelin,  de  Deo  uno,  3e  édition,  p.  42,  le  P.  Corluy,  Spicilegium  dog- 
matico  biblicum^  1. 1,  p  89,  M.  Didiot,  Logique  surnaturelle  subjective^ 
p.  481,  la  préfèrent  à  la  troisième. 

[\)  yi\%ne  Palrol.lat.  t.  xxix,  col.  728.  (2)  Voir  Franzelin,  rfe  Deo  uno,  "i* 
édition,  p.  43.     (3)  Voir  Franzelin,  ibid. 


40  LE  PROPAGATEUR 


On  leur  objecte  qu'avec  leur  interprétation,  saint  Paul  répéterait 
deux  fois  la  même  pensée  par  ces  deux  expressions  qui  se  suivent 
a  creatura  mundi  et  per  ea  quœ  fada  sunt.  Ils  conviennent  qu'il 
ne  faut  pas  attribuer  à  l'auteur  sacré  une  pareille  répétition,  mais 
à  leur  avis,  celte  répétition  n'existe  pas,  pai  ce  que  ces  deux  régimes 
indirects  ne  se  rapportent  pas  au  même  verbe.  Suivant  eux,  a 
creatura  mundi  dépendrait  de  conspiciwitur^  et  indiquerait  comme 
l'observatoire  où  nous  nous  plaçons  pour  voir  Dieu  ;  per  ea  quœ 
/a^fa  sunï  dépendrait  au  contraire  de  intellecta  et  marquerait  la 
nature  de  l'argument  par  lequel  l'intelligence  déduit  les  perfections 
de  Dieu.  Malheureusement  cette  explication  suppose  que  les  mots 
per  ea  quœ  fada  sunt  ne  sont  pas  séparés  du  mot  intelleda.  Elle  ne 
parait  donc  pas  s'accorder  avec  le  texte  adopté  par  le  concile  du 
Vatican,  qui  sépare  ces  mots  par  une  virgule. 

Il  nous  semble  donc  que  la  troisième  opinion  qui  traduit  les 
mots  a  creatura  mundi  par  depuis  la  création  du  monde,  est  de  beau- 
coup préférable. 

D'ailleurs  les  partisans  modernes  de  l'opinion  précédente  ne  re- 
jettent pas  absolument  ce  troisième  sentiment  ;  saint  Thomas  le 
soutient  en  même  temps  que  la  première  opinion.  Tolet  le  préfère. 
Beelen  le  défend  dans  son  savant  commentaire  sur  l'Epître  aux 
Romains,  et  beaucoup  d'autres  l'ont  adopté. 

Le  P.  Gorluy  nous  objecte  que  dans  le  Nouveau  Testament 
ktisis  signifie  (Marc  x,  6  ;  xiii,  19  ;  xvr,  15,  Rom.  i,  25)  les  choses 
créées  et  jamais,  du  moins  d'une  manière  certaine,  Inaction  de  créer. 
M.  Didiot  trouve  notre  interprétation  peu  vraisemblable  et  peu 
traditionnelle. 

Mais  le  mot  klisis  n'est  pas  très  souvent  employé  dans  le  Nou- 
veau Testament  ;  il  y  a  des  sens  divers  (voir  Schleussner,  Novum 
Lexicon  grœco  latinum  in  novum  Testamentum);  et  si  dans  les  pas- 
sages cités  par  le  P.  Gorluy,  il  a  l'acceptation  de  choses  créées^  il 
est  difficile  d'admettre  cette  acception  dans  notre  verset,  où  saint 
Paul  ajoute  le  mot  kosmou  au  terme  ktisis  ;  car  cette  addition  est 
absolument  inutile,  si  ktisis  veut  dire  des  choses  créées,  puisque 
kosmos  a  la  même  signification. 

Franzelin  reconnaît  que  les  Pères  ne  s'accordent  pas  sur  le  sens 
de  ces  mots  a  creatura  mundi  ;  nous  avons  vu  d'après  les  textes 
de  Dom  Sabatier,  que  Tertuhen,  saint  Hilaire,  saint  Augustin  les 
entendaient  comme  nous,  et  même,  à  ce  qu'il  semble  que  leurs 
versions  exprimaient  exclusivement  notre  sens  ;  ce  sens  est  admis 
par  saint  Thomas  et  par  beaucoup  de  modernes.  Il  ne  paraît  donc 
point  moins  traditionnel  que  l'autre. 

Enfin  ce  sens  nous  semble  tout  à  fait  conforme  au  contexte. 
Qu'on  s'en  souvienne,  en  effet,  saint  Paul  vie.it  de  parler  de  la 
révélation  que  Dieu  a  faite  de  lui-même  par  la  publication  de 
l'Evangile  ;  il  veut  montrer  qu'avant  cette  manifestation  surna- 
turelle, il  y  avait  eu  pour  les  gentils,  une  manifestatton  naturelle 
de  la  ^érité  sur  Dieu.  Deus  iUis  mani/estavit.  Ce  rapprochement 
l'amenait  à  dire  depuis  quelle  date  cette  manifestation  naturelle 
avait  été  faite  par  Dieu.  Or^  c'était  depuis  que  les  perfections    de 


LE  PROPAGATEUR  41 


Dieu  invisibles  jusque-là,  ta  aorkta,  invisihilia  ejus,  avaient  été 
rendues  visibles,  katoi-ataï,  conspiciuntur,  c'est-à-dire  depuis  la 
création  du  monde. 

II 

En  invoquant  en  preuve  de  sa  doctrine,  le  verset  que  nous  ve- 
nons d'étudier,  le  saint  Concile  n'en  a  pas  seulement  fixé  la  lecture  ; 
il  en  a  encore  donné  une  interprétation  authentique.  Il  est  certain 
désormais  que  ce  passage  de  saint  Paul  prouve  ce  que  la  consti- 
tution Dei  Filius  affirme  au  sujet  de  noire  connaissance  naturelle 
de  Dieu. 

Du  reste  il  est  facile  d'établir  que  notre  verset,  surtout  avec  le 
sens  qu'il  tire  de  son  contexte,  renferme  toute  la  doctrine  du  Con- 
cile. Nous  avons  réduit  cette  doctrine  à  cinq  points  que  nous 
avons  examinés  dans  cinq  articles.  Montrons  rapidement  que  ces 
cinq  points  sont  contenus  dans  notre  texte. 

1°  La  déclaration  du  Concile  porte  sur  ce  qui  est  possible  à 
l'homme.  L'épître  aux  Romains  va  plus  loin  ;  elle  affirme,  comme 
nous  allons  le  voir  tout  a  l'heure,  non  seulement  que  cette  con- 
naissance est  possible  à  l'homme,  mais  encore  qu'elle  lui  a  été 
donnée. 

2°  La  déclaration  du  Concile  porte  sur  la  connaissance  qui  nous 
est  possible  à  la  lumière  naturelle  de  la  raison  humaine.  C'est  aussi 
cette  connaissance  purement  naturelle,  que  saint  Pàul  attribue 
aux  hommes  ;  puisque  ceux  qui  la  possèdent  sont  des  payens,  qui 
n'ont  point  reçu  la  lumière  de  l'Evangile,  et  que,  d'après  l'argu- 
mentation de  saint  Paul,  ils  sont  supposés  dépourvus  de  toute  foi 
en  la  révélation. 

3"  La  déclaration  du  Concile  marque  le  moyen  extérieur  par 
lequel  Dieu  est  manifesté  à  la  raison  humaine  :  ce  sont  les  créa- 
tures, e  rébus  creatis.  Notre  épîire  s'exprime  de  même.  Elle  dit 
que  c'est  à  l'aide  des  œuvres  de  Dieu,  per  ea  quœ  facta  sunt,  que 
les  païens  le  connaissaient,  et  que  le  monde  le  leur  manifeste 
depuis  la  création. 

4°  Le  Concile  affirme  la  valeur  logique  de  la  connaissance  pos- 
sible en  question  :  c'est  une  connaissance  certaine.  Saint  Paul 
enseigne  de  même  que  la  connaissance  des  païens  est  certaine  ; 
car,  suivant  lui,  elle  est  manifeste  en  eux,  manifestum  est  in  illiSf 
intellecta  conspiciuntur.  A  tout  le  moins,  elle  pourrait  facilement 
et  devrait  être  certaine,  puisque  l'idolâtrie  des  païens  est  inexcu- 
sable et  coupable. 

5"  Enfin  le  Concile  détermine  l'objet  de  cette  connaissance^  :  c'est 
Dieu  principe  et  fin  de  toutes  cho'^es.  L'Epître  de  saint  Paul  dit  glus  : 
non  seulement  elle  marque  l'éternelle  puissance  et  la  divinité  du 
Créateur  et  l'obligation  de  l'honorer  et  de  le  remercier  ;  elle  in- 
dique en  outre  comme  connu  par  les  païens,  tout  ce  que  la  nature 
révèle  sur  Dieu,  quod  notum  est,  tout  ce  que  le  monde  manifeste  à 
l'intelligence  de  ses  invisibles  perfections,  mumôi^ta  ejus.,  intellecta 
conspiciuntur. 

Il  est  vrai  que  cette  connaissance  des  païens  était  une  connais- 


42  LE  PROPAGATEUR 


sauce  peu  réfléchie,  puisqu'ils  n'y  ont  point  pris  garde  et  l'ont 
altérée  ;  mais  la  faute  qu'ils  ont  commise  par  celte  conduite,  prouve 
précisément  qu'au  jugement  de  l'apôtre,  ils  auraient  pu  développer 
et  fortifier  cette  connaissance. 

Tous  les  enseignements  du  Concile  sont  donc  bien  dans  le  texte 
de  saint  Paul.  Du  reste,  la  tradition  l'a  toujours  affirmé. 

III 

Mais  ce  passage  de  l'apôtre  renferme  une  assertion  importante 
que  les  pères  du  Concile  avaient  évité  de  formuler.  Cette  .jssertion, 
c'est  que  les  païens,  au  moins  considérés  en  général,  n'ont  pas 
seulement  été  dans  la  possibilité  de  connaître  Dieu  ;  mais  qu'ils 
l'ont  connu  en  réalité.  Or,  en  citantnotre  verset  20,  la  Constitution 
dei  Filius  n'a-t-eile  pas  fait  de  cette  assertion  une  nouvelle  décla- 
ration qui  s'ajoute  à  ses  autres  enseignements  et  les  complète  ? 
Voyons  ce  qu'il  en  est. 

La  pensée  de  saint  Paul  au  suiet  de  la  connaissance  réelle  et 
effective  que  les  païens  ont  eue  de  Dieu  ne  semble  pas  douteuse. 

Il  la  formule,  en  effet,  de  diverses  manières,  à  cinq  ou  six  re- 
prises. Il  affirme  :  1°  qu'ils  retiennent  la  vérité  sur  Dieu  cachée 
dans  leur  injustice,  veritatem  Dei  in  injuslitia  delinent  ;  2°  que  ce 
qui  est  connu  naturellement  de  Dieu  leur  est  connu  à  eux,  quod 
notum  est  Dei  manifestum  est  in  Mis  ;  3°  que  Dieu  le  leur  a  mani- 
festé, Deus  mis  manifestavit  ;  4°  qu'ils  ont  connu  Dieu  naturelle 
ment,  cum  cognovissent  Deum  ;  5"  qu'ils  ont  altéré  la  connaissance 
qu'ils  avaient  de  lui,  commutaveruiU  veritatem  Dei  in  mendacium  (i, 
25).  Par  ces  expressions,saint  Paul  entendait-il  dire  seulement  que 
les  gentils  avaient  à  leur  disposition  le  moyen  de  connaître  Dieu? 
Nous  ne  le  croyons  pas  ;  car  ces  expressions  donnent  plutôt  à  en 
tendre  que  les  païens  ont  eu  du  vrai  Dieu  une  connaissance  for- 
melle quoique  peu  réfléchie,  une  connaissance  spontanée  qui 
résultait  d'un  raisonnement  si  rapide  qu'ils  l'apercevaient  à  peine. 
C'est  ainsi,  du  reste,  qu'un  grand  nombre  de  pères  ont  compris 
ces  textes  (1). 

C'est  bien  ainsi  encore  que  ces  païens  avaient  une  connaissance 
de  la  loi  naturelle  que  saint  Paul  décrit  à  peu  près  de  la  même 
manière  au  chapitre  second  de  cette  même  épître  aux  Romains. 

Suit-il  de  là  que  cette  affirmation  que  les  païens  ont  connu  Dieu 
est  entrée  dans  les  enseignements  du  Concile  du  Vatican  ?  Aucu- 
nement, car  elle  ne  se  trouve  pas  expressément  au  verset  20,  le 
seul  qui  soit  cité  par  notre  concile.  Dans  ce  verset,  saint  Paul  se 
contente,  en  effet,  d'affirmer  que  les  perfections  de  Dieu  se  mani- 
festent à  notre  intelligence  par  les  œuvres  divines  ;  mais  il  n'y  dit 
pas  que  les  païens  ont  connu  Dieu,  comme  il  l'afl&rme  dans  les 
versets  qui  précèdent  et  qui  suivent. 

Or  dans  le  texte  du  concile  du  Vatican,  ce  même  verset  n'a  pas 
reçu  un  sens  plus  étendu  que  celui  qu'il  avait  dans  l'Epître  aux  Ro- 
mains. Il  n'a  donc  rien  ajouté  aux  enseignements  de  la  Constitu- 
tion Dei  Filius  ;  il  sert  simplement  de  preuve  à  ces  enseignements. 

(1)  Voir  Franzelin,  de  Deo  uno,  ih.  vi,  el  Thomassin,  de  ûeo,  Deique  proprie- 
lalibus,  lib.  i. 


DON  SARDA  Y  SALVANY 


L'AiriTÉE  CHUETIEITITE 

ou       C  O  iSTJS  I  JD  K  R  A  T  I  O  N  S 

SUR    LES 

PRINCIPALES  FETES    DU    CYCLE  LITURGIQUE 

Traduit  de  l'Espagnol 

Par    M.   Pabbé    A.    THIVEAU» 

ANCIEN  DIRECTEUR  DE  GRAND  SÉMINAINE 

1  volume  in-12 Prix  :  88  cts 

I^'article  qni  suit  est  extrait  de  ce  livre. 

LA    SEMAINE  SAINTE 


Le  dimanche  des  Rameaux. —  Le  Jeudi  Saint. —  Le  Vendredi  baini. —  La  croix, 

principal  emblème  du  chrétien. — Le  Mémento  du  premier  praire. 

—L'Eglise  crucifiée. 

Cette  semaine  porte  également  dans  l'Église  le  nom  de  Grande 
Semaine  eiélaiïl3ip^elée^Tim\[ivemenlla  semaiiie  des  grands  Mystères. 

En  effet,  tout  y  est  grand  et  mystérieux  :  les  faits  qu'elle  rappelle, 
les  cérémonies  par  lesquelles  on  en  fait  la  commémoraison,  les 
sentiments  qu'elle  inspire. 

On  ne  peut  parler  dignement  de  la  Semaine  Sainte  sans  écrire  à 
son  sujet  un  livre  entier.  Nous  nous  contenterons  d'indiquer  ici  ce 
qu'elle  offre  de  plus  saillant  et  de  plus  fondamental. 

La  Semaine  Sainte  s'ouvre  avec  le  dimanche  des  Rameaux,  belle 
et  touchante  commémoraison  de  l'entrée  triomphale  de  Jésus- 
Christ  à  Jérusalem,  quelques  jours  avant  sa  mort  ignominieuse. 
Eien  ne  manque  à  cette  manifestation  pour  être  un  véritable 
triomphe  :  ni  l'enthousiasme  populaire,  ni  les  vêtements  qui  jon- 
chaient le  chemin,  ni  les  branches  de  lauriers  et  d'oliviers  qu'on 
agitait  autour  du  triomphateur,  ni  les  cantiques  et  les  5^osanna/i  sur 
les  lèvres  naïves  et  innocentes  des  enfants.  La  joie  et  l'allégresse 
furent  mêlées  aux  larmes  et  à  la  tristesse.  Le  Sauveur,  objet  de  cette 
ovation,  ne  put  s'empêcher  de  pleurer  sur  la  ville  inconstante  qui 
l'acclamait,  connaissant  d'avance  sa  versatilité  et  les  cris  si  diffé- 


44  LE  PROPAGATEUR 


rents  par  lesquels,  peu  de  jours  après,  on  devait  demander  sa  mort. 

Dans  les  cérémonies  de  l'Eglise  se  trouve  retracé  le  double  aspect 
de  ce  mystère.  Les  chants  respirent  la  joie  ;  mais  l'orgue  se  tait  et 
les  ornements  sont  violets  en  signe  de  tristesse.  L'illumination  est 
sobre  et  l'ornementation  de  l'autel  est  simple.  J'avoue  que  jamais 
aucune  cérémonie  de  l'Eglise  ne  m'a  frappé  comme  cette  allégresse 
pleine  de  mélancolie.  Et  puisque  ce  sont  les  enfants  des  Hébreux 
qui  jouèrent  le  principal  rôle  et  méritèrent  par  leurs  chants  les 
éloges  du  Rédempteur,  comme  la  foi  du  peuple  catholique  a  été 
poétiquement  inspirée  en  intraduisant  l'usage  d'après  lequel  les 
enfants  se  présentent  aujourd'hui  avec  des  palmes  et  des  rameaux, 
pour  recevoir  la  bénédiction  de  l'Eglise  et  pour  tempérer,  par  leur 
joie  enfantine,  son  au^érité  et  sa  sainte  tristesse  ? 

Pour  rappeler  l'entrée  triomphale  de  Jésus-Christ,  l'Eglise  a 
prescrit  une  procession.  Durant  cette  procession,  on  ferme  la  porte 
du  temple.  Au  retour,  l'assistance  s'arrête  devant  cette  porte,  et 
de  l'intérieur,  deux  choristes  chantent  en  quelque  sorte  la  bienve- 
nue au  pacifique  Triomphateur,  dans  un  hymne  dont  l'air  et  le 
texte  attendrissent  inévitablement  les  auditeurs. 

Ensuite,  on  chante  la  Messe,  et  à  cette  Messe,  le  chant  de  la 
Passion  est  alterné  d'une  façon  assez  dramatique  par  des  diacres, 
dont  l'un  fait  le  rôle  de  l'historien  et  l'autre  de  Notre  Seigneur 
Jésus-Christ.  Palestrina  a  introduit  en  outre  le  chœur  où  la  foule 
dont  les  voix,  tantôt  insolentes  et  cruelles,  tantôt  douces  et  tendres, 
interrompent  la  marche  tranquille  du  triste  drame,  comme  le 
chœur,  chez  les  Grecs,  interrompait  l'action  paisible  de  la  tragédie. 

La  piété  des  fidèles 'trouvera  un  aliment  précieux  dans  la  médi- 
tation au  jour  le  jour,  des  événements  de  la  Passion  du  Sauveur, 
pendant  la  Semaine  Sainte. 

Ce  Diaire  a  été  disposé  d'une  façon  fort  savante,  selon  l'ordre 
des  quatre  Evangiles,  par  l'illustre  Père  Louis  de  la  Palma,  dans 
son  magnifique  ouvrage,  le  meilleur  peut-être  qui  ait  été  écrit  en 
espagnol  sur  ce  sujet  et  qui  a  pour  titre  :  Histoire  de  la  Passion. 

Voici  comment  il  distribue  les  événements  selon  les  différents 
jours. 

Le  dimanche^  Jésus-Christ  sort  de  Béthanie,  de  la  maison  de 
Lazare,  et  vient  à  Jérusalem,  où  il  est  reçu  en  triomphe.  Première 
assemblée  des  Pharisiens  ;  retour  de  Jésus  à  Béthanie. 

Le  lundi,  dans  la  matinée,  le  Sauveur  retourne  à  Jérusalem  j  il 
maudit  le  figuier  stérile,  et  chasse  les  profanateurs  du  Temple.  Il 
revient  de  nouveau  à  Béthanie,  qui  était  sa  résidence  favorite. 

Le  mardi,  il  retourne  à  Jérusalem,  en  passant  par  le  même  che- 
min. Les  disciples  aperçoivent  déjà  desséché  le  figuier  qui  avait 
été  maudit  la  veille,  image  terrible  de  la  réprobation  de  la  Syna- 
gogue. Le  Sauveur  parle  pour  la  dernière  fois  dans  le  Temple  aux 
Scribes  et  aux  Pharisiens.  Il  leur  jette  à  la  face  ces  paroles  signi- 
ficatives :  "  Jérusalem,  Jérusalem,  qui  tues  les  Prophètes,  etc.  ". 
Il  revient  à  Béthanie. 


LE  PROPAGATEUR  45 


Le  mercredi,  il  demeure  probablement  toute  la  journée  à  Bétha- 
nie.  Les  princes  des  prêtres  se  réunissent  de  nouveau.  On  convient 
de  s'emparer  de  Jésus,  sans  bruit  ni  tumulte,  si  c'est  possible.  Ju- 
das propose  de  le  livrer. 

Le  jeudi,  dès  le  matin,  Jésus  envoie  deux  de  ses  disciples  prépa- 
rer l'Agneau  pascal.  Le  soir,  il  mange  avec  eux  selon  le  cérémo- 
nial de  la  loi  antique.  Il  célèbre  la  Cène  dans  laquelle  il  institue 
le  sacrifice  de  la  Loi  nouvelle,  le  sacrifice  eucharistique,  après 
avoir  lavé  les  pieds  à  ses  apôtres.  Il  prononce  son  dernier  discours. 
Judas  sort  du  cénacle.  Jésus-Ghrisi,  après  avoir  rendu  grâces  à 
Dieu  le  Père,  se  dirige,  selon  sa  coutamp,  vers  le  jardin  des  Oli-- 
viers.  Lorsque  la  nuit  est  déjà  avancée.  Judas  se  présente  à  la  tête 
de  la  foule.  Jésus  est  conduit  successivement  à  Anne  et  àCaïphe. 
Peu  de  temps  avant  le  premier  chant  du  coq,  à  minuit,  Pierre  renie 
Jésus-Christ.  Il  le  renie  encore  peu  de  temps  après,  et  il  le  renie 
une  troisième  fois,  au  point  du  jour,  avant  le  second  chant  du  coq. 

Le  vendredi,  à  la  première  heure,  Jésus  est  conduit  d'abord  à 
Pilate,  ensuite  à  Hérode,  et  encore  à  Pilate.  C'est  alors  qu'eurent 
lieu  successivement  la  flagellation,  le  couronnement  d'épines  et 
VEcce  homo.  Entre  dix  et  onze  heures,  le  juge  inique  se  Jave  les 
mains  et  donne  la  sentence  qui  doit  être  gravée  sur  la  croix.  A 
onze  heures,  Jésus  s'engage  dans  le  chemin  du  Calvaire  et  arrive 
vers  midi  au  sommet  de  ce  mpnticule^C'est  alors  qu'a  lieu  le  cru- 
cifiement et  que  commencent  les  trois  heures  d'agonie.  Jésus  pro- 
nonce sept  paroles  sur  la  croix  ;  le  soleil  refuse  sa  lumière.  Le 
Sauveur  expire  à  trois  heures.  La  terre  tremble.  A  la  nuit,  le  corps 
de  Jésus  reçoit  le  coup  de  lance  ;  il  est  descendu  de  la  croix  et  mis 
dans  le  tombeau. 

Le  sawerfi,  le  Sauveur  demeure  dans  le  sépulcre.  Les  apôtres 
sont  dispersés  ;  Marie  se  tient  dans  le  recueillement  avec  saint  Jean 
et  les  pieuses  femmes.  Sur  le  soir,  celles-ci  vont  acheter  des  parfums 
pour  embaumer  le  corps  du  Sauveur,  le  matin  du  dimanche. 

Le  dimanche  matin,  Jésus  Christ  ressuscite  selon  qu'il  l'avait 
promis:  "  Je  ressusciterai,  le  troisième  jour  ".  Ces  paroles  n'exi- 
gent point  trois  jours  entiers. 

La  piété  des  fidèles  recueillera  les  différentes  circonstances  de 
ce  drame  de  la  Passion,  pour  en  faire,  durant  cette  semaine,  le 
sujet  de  ses  méditations. 

Le  sentiment  de  douce  mélancolie  qui  domine,  durant  cette  se- 
maine, dans  toutes  les  cérémonies  du  culte,  fait  place,  pour  quel- 
ques instants,  au  matin  du  Jeudi  Saint,  à  un  rite  qui  respire  l'allé- 
gresse. L'Eglise  revêt  les  ornements  blancs  :  elle  illumine  splen- 
didement les  autels  ;  les  cloches  jettent  dans  les  airs  leurs  joyeuses 
volées  au  G/o7'ta  in  excelsis  ;  la  musique  sacrée  fait  retentir  les 
voûtes  de  ses  airs  de  fêle.  C'est  comme  un  intermède  joyeux  au 
milieu  d'une  semaine  de  tristesse.  Pourquoi  cela?  parce  que,  dans 
la  douloureuse  Passion  du  Sauveur,  il  y  eut  aussi  quelques  courts 
instants  que  1  Fglise  ne  peut  rappeler  sans  que  l'âme  se  sente  pé- 


46  LE  PROPAGATEUR 


nétrée  d'un  sentiment  de  douce  consolation.  Ces  instants  sont 
ceux  où  eut  lieu  l'institution  de  la  sainte  Eucharistie,  dont  nous 
parlerons  ailleurs,  parce  que  ce  sujet  demande  un  chapitre  à  part. 
Rappelez-vous  seulement  aujourd'hui  que,  la  veille  de  sa  mort,  le 
Sauveur  n'eut  qu'une  pensée,  celle  d'enrichir  les  siens  du  don  pré- 
cieux de  son  Corps  et  de  son  Sang.  Rappelez-vous  quelle  leçon 
d'humilité  précéda  cette  adorable  institution.  Le  fils  de  Dieu,  après 
avoir  déposé  son  manteau  et  s'être  ceint  les  reins  d'un  linge,  lava 
les  pieds  à  ces  pauvres  pêcheurs,  recommandant  ainsi  la  charité 
mutuelle  et  le  mépris  de  soi-même.  C'est  pour  cela  qu'aujourd'hui 
quelques  monarques  lavent  les  pieds  à  douze  pauvres  dans  leur 
palais  et  que  les  évêques  accomplissent  la  même  cérémonie  dans 
leur  cathédrale,  ainsi  que  les  abbés  et  les  supérieurs  dans  leur 
monastère. 

Après  la  messe  et  à  la  suite  d'une  procession  pleine  de  recueille- 
ment, on  dépose  le  Saint  Sacrement  dans  le  monument  ou  reposoir 
préparé  à  cet  effet.  Tout  semble  ensuite  destiné  à  rappeler  unique- 
ment et  exclusivement  la  mort  du  Sauveur.  Les  autels  sont  dé- 
pouillés de  leurs  ornements,  les  cloches  demeurent  silencieuses, 
tout  prend  l'aspect  de  la  plus  sombre  tristesse.  Le  reposoir  est  d'or- 
dinaire un  véritable  monument  de  la  piété  du  peuple.  A  défaut 
des  ornements  précieux  que  l'art  déploie  dans  les  grandes  cathé- 
drales, la  foi  simple  mais  ardente  des  fidèles  recourt  à  de  gracieu- 
ses et  naïves  industries  ;  les  flambeaux  et  les  fleurs  sont  largement 
mis  à  contribution  ;  au  milieu  des  branches  de  verdure  qui  entou- 
rent le  tombeau  du  Sauveur,  les  oiseaux  viennent  interrompre, 
par  leurs  gazouillements  harmonieux,  le  silence  du  lieu  saint  et 
nous  transporter  par  l'imagination  à  ce  jardin  où  Jésus  a  été  en- 
seveli. Tout  ce  que  peut  avoir  de  beau  et  de  précieux  la  pieuse  mère 
ou  la  dévote  jeune  fille,  est  offert  avec  bonheur  et  empressement 
pour  orner  le  monument  et  y  resplendir  comme  un  témoignage 
éloquent  de  la  foi  populaire. 

Les  Lamentations  sublimes  de  Jérémie  résonnent  le  soir  dans 
le  temple,  modulées  sur  un  rythme  grave,  tendre  et  mélancolique, 
que  la  tradition  nous  a  transmis.  Quel  est  l'homme  de  cœur  qui 
n'a  pas  pleuré  en  les  entendant  ?  Jamais  l'élégie  profane  ne  s'est 
élevée  à  une  telle  hauteur  sur  la  lyre  des  poètes  les  mieux  inspi- 
rés ;  jamais  on  n'a  pleuré  avec  des  accents  plus  attendris  et  plus 
triste  la  ruine  d'une  cité  et  la  désolation  de  tout  un  peuple. 

Le  sentiment  qui  domine,  le  Jeudi  Saint,  c'est  celui  d'une  solen- 
nité pleine  de  grandeur  et  de  majesté.  Le  sentiment  qui  domine, 
le  Vendredi  Saint,  est  celui  de  la  plus  profonde  consternation.  Ad- 
mirez, en  passant,  comment  les  mœurs  s'accommodent  entièrement 
à  cette  merveilleuse  gradation  de  sentiments,  s'inspirant  en  cela 
des  pensées  et  de  l'esprit  de  l'Eglise.  Les  affaires  et  les  divertisse- 
ments cessent;  les  princes  et  les  grands  vont  à  pied  ;  le  silence  et 
le  recueillement  régnent  dans  les  rues  et  sur  les  places;  la  nature 
elle-même  semble  prendre  part  à  ce  deuil  général.  Une  seule  pen- 
sée s'empare  de  tous  les  cœurs  et  donne  à  toutes  choses  un  air  de 
gravité  et  de  tristesse.  Qui  n'a  vu  notre  peuple,  en  cette  matinée 


LE  PROPAGATEUR  47 


du  Vendredi  Saint,  parcourant  silencieusement  les  stations  jusqu'à 
l'heure  de  l'Office  divin  ?  Qui  ne  l'a  vu,  à  la  ville  et  à  la  campagne, 
complètement  transformé  et  offrant  un  spectacle  inaccoutumé  ? 

On  dirait  la  sombre  quiétude,  l'émotion  profonde  qui  régnaient 
à  Jérusalem,  dans  ses  rues  et  sur  ses  places,  peu  de  temps  après  la 
consommation  de  Thorrible  déïcide.  Avec  cette  différence  qu'à 
Jérusalem  c'était  la  stupeur  et  la  prostration  causées  par  le  remords 
au  lieu  qu'ici  c'est  l'affection  pleine  de  suavité  de  la  piété  et  de  la 
compassion.  Dans  l'office  de  ce  jour,  les  cérémonies  plus  que  jamais 
symboliques  et  mystérieuses  offrent  un  ensemble  saisissant,  capa- 
ble d'impressionner  fortement  l'esprit  le  plus  indifférent,  L'Eglise 
revêt  ses  ornements  noirs;  les  prêtres,en  arrivant  à  l'autel,  se  pros- 
ternent le  front  sur  le  pavé  du  temple,  comme  aux  jours  de  deuil 
les  anciens  juifs  se  prosternaient  dans  la  poussière.  Le  chant  est 
bref  et  lugubre,  accompagné  à  peine  par  quelque  instrument  au 
son  grave.  Après  le  chant  de  la  Passion,  l'Eglise,  comme  si  elle 
se  trouvait  au  sommet  sanglant  du  Calvaire,  en  présence  du  corps 
de  Jésus  encore  palpitant  sur  la  croix,  consacre  un  temps  assez 
long  à  prier  avec  effusion  pour  le  monde  entier  ;  pour  les  princes 
et  les  peuples,  pour  les  prêtres  et  les  séculiers,  pour  les  hérétiques, 
les  schismatiques  et  les  Juifs,  pour  les  gentils  et  les  excommuniés, 
étendant  à  tous  sa  maternelle  sollicitude,  de  même  que  le  Christ 
€st  mort  pour  tous.  Lisez,  chrétiens,  ces  oraisons  dont  vous  trou- 
verez la  traduction  dans  vos  manuels  de  piété.  Un  protestant  de 
beaucoup  de  talent  et  de  cœur  se  convertit  en  les  entendant  à 
Rome,  s'écriant  comme  Salomon  dans  le  célèbre  procès  des  deux 
mères  :  "  Voilà  la  véritable  mère;  on  la  connaît  à  l'amour  qu'elle 
*'  porte  à  tous  les  hommes  !  Voilà  la  véritable  Epouse  du  Christ, 
"  remplie  de  l'esprit  même  du  Christ  "  ! 

Ensuite  a  lieu  l'adoration  de  la  croix,  que  nos  rois  accompagnent 
de  la  remise  de  la  peine  capitale  en  faveur  de  quelques  coupables. 
Belle  inspiration  du  catholicisme  ! 

Imm.édiatement  après,  on  retire  du  reposoir  la  sainte  Réserve, 
le  Corps  de  Notre  Seigneur,  avec  lequel  le  prêtre  se  communie 
comme  aux  messes  ordinaires,  et  il  termine  aussitôt  l'office  au 
milieu  du  plus  grand  silence. 

Les  églises  demeurent  désertes,  sans  ornements  ni  lumières,  ni 
fleurs,  sans  rien  qui  annonce  la  solennité  précédente.  Le  peuple 
retourne  tranquillement  à  ses  occupations,  et  au  soir  de  ce  jour, 
il  nous  est  difficile  de  concevoir  que  dans  la  matinée  a  été  célé- 
brée une  des  principales  solennités  du  christianisme.  Cependant 
l'Eglise  conserve  jusqu'à  la  messe  du  jour  suivant  sa  même  aus- 
térité et  sa  tristesse  silencieuse.  Si  je  voulais  vous  expliquer  l'effet 
que  produisent  en  moi,  tous  les  ans,  ces  heures  qui  s'écoulent 
entre  l'office  du  Vendredi  et  le  Gloria  in  excelsis  de  la  messe  du 
Samedi,  je  vous  dirais  que  je  compare  l'Eglise  du  Christ  à  une 
veuve  désolée  durant  les  premières  heures  de  solitude  et  d'abat- 
tement qu'elle  passe,  en  proie  à  la  tristesse,  dans  le  silence  de  sa 
demeure,  immédiatement  après  la  sépulture  d'un  époux  chéri, 
lorsque  résonnent  encore  à  ses  oreilles  les  derniers  échos  de  la 


48  LE  PROPAGATEUR 


pompe  funèbre  au  milieu  de  laquelle  elle  l'a  vu  conduire  à  sa 
dernière  demeure. 

La  croix  est  l'emblème  principal  de  la  Semaine  Sainte.  Elle  doit 
être  pareillement  l'emblème  de  toute  la  vie  du  chrétien.  Elle  est 
en  outre  un  livre  sublime  qui,  durant  ces  jours  plus  que  jamais, 
est  ouvert  aux  yeux  de  tout  le  monde  ;  un  livre  où  peuvent  lire 
même  les  plus  ignorants,  et,  à  l'aide  duquel  ils  peuvent  parvenir 
à  une  science  parfaite  :  un  livre  où  doivent  venir  étudier  les  plus 
savants,  sous  peine  de  demeurer  dans  une  profonde  ignorance  sur 
les  questions  qui  les  intéressent  le  plus.  Connaître  ce  livre,  c'est 
posséder  la  science  la  plus  précieuse  qui  puisse  illuminer  et  orner 
l'intelligence  humaine.  Saint  Paul,  le  grand  apôtre  des  nations, 
qui  n'était  point  un  humble  pêcheur  de  Galilée  comme  ses  com- 
pagnons, mais  un  docteur  très  érudil  de  la  loi  antique,  avait  une 
connaissance  très  étendue  de  tout  ce  qui  s'enseigne  dans  le  monde, 
et  cependant,  après  sa  merveilleuse  conversion,  il  déclare  ne  vou- 
loir entendre  ni  enseigner  autre  chose  que  ce  livre  dont  nous  nous 
occupons  en  ce  moment.  Il  ne  voulait  savoir  autre  chose,  disait-il, 
que  Jésus  et  Jésus  crucifié.  Eludions  ce  livre. 

Montons  au  Calvaire,  où  nous  avons  ajourd'hui  et  toujours 
notre  place  spéciale,  et  d'où  il  n'est  pas  permis  à  un  bon  chrétien 
d'éloigner  son  esprit  et  son  attention,  surtout  dans  les  grandes  so- 
lennités présentes. 

Une  obscurité  effrayante  enveloppe  la  montagne  lugubre 
destinée,  tout  près  de  Jérusalem,  aux  exécutions  capitales.  La 
terre  et  le  ciel,  autour  du  gibet  qu'on  vient  d'élever,  donnent  des 
preuves  assez  éloquentes  que  ce  n'est  point  un  condamné  ordinaire 
qui  agonise  et  expire  en  ce  moment.  On  dirait  que  le  deuil 
est  général  et  que  toutes  les  créatures  y  prennent  part.  Il 
a  plu  à  un  de  nos  auteurs  classiques  les  plus  profonds  de  con- 
sidérer ce  spectacle  comme  le  recueillement  universel  de  tous  les 
êtres  dans  une  muette  contemplation  de  l'objet  qui  s'offre  aux  re- 
gards et  qui  est  attaché  à  cette  croix.  Il  a  semblé  à  cet  écrivain 
que  le  Père  céleste  avait  subitement  voilé  les  cieux  et  obscurci  la 
terre,  afin  qu'à  la  faveur  de  cette  obscurité,  la  sainte  montagne 
devint  un  oratoire  auguste,  et  que  le  divin  crucifié  qui  y  était  sus- 
pendu à  un  gibet,  fournit  un  sujet  de  saintes  et  salutaires  médita- 
tions. Profitons  de  cette  obscurité  et  de  ces  ombres  mystérieuses  ; 
gravissons  la  montagne  et,  au  pied  de  la  croix,  en  présence  du 
Sauveur  tout  ensanglanté  et  mourant,  étudions  et  instruisons-nous, 
comme  en  un  livre  ouvert  devant  nous.  Comme  autrefois  sur  le 
Sinaï,  il  n'est  point  défendu  de  porter  son  regard  sur  cette  monta- 
gne. On  peut  lire  sans  difficulté,  bien  plus,  on  est  obligé  de  lire. 
La  loi  de  Dieu  ne  se  présente  point  ici  écrite  sur  des  tables  de 
pierre  par  le  doigt  de  Dieu,  mais  elle  y  est  gravée  sur  la  chair  vive 
du  Fils  de  Dieu  en  caractères  de  sang,  et  par  le  fait  de  nos  péchés. 
Celui  qui  ne  sait  pas  au  moins  épeler  dans  ce  livre  doit  se  regarder 
comme  voué  à  un  désespoir  irrémédiable,  à  moins  que  les  larmes 
ne  lui  obscurcissent  la  vue  et  ne  lui  étouffent  la  voix. 

Lisez,  chrétien,  et  considérez  que  vous  êtes  pécheur  ;  ces  plaies 


LE  PROPAGATEUR  49 


et  ce  sang  vous  disent  de  qui  ils  sont  l'ouvrage,  et  ce  qui  a  mérité 
cette  expiation  et  ce  juste  cliâtiment. 

Lisez  et  considérez  votre  condition  d'homme  racheté.  Voilà  ce 
que  vous  coûtez,  ce  que  vous  pesez,  ce  que  vous  valez  dans  la  ba- 
lance de  Dieu  le  Père  qui,  pour  faire'contre-poids,  n'a  pas  dédaigné 
de  placer  en  regard  son  propre  Fils. 

Lisez  et  considérez  quelle  a  dû  être  l'immensité  de  l'offense  que 
votre  chute  à  faite  à  la  majesté  divine,  puisque,  pour  la  réparer,  le 
Verbe  éternel  lui-même  a  voulu  se  soumettre  à  une  si  rude  épreuve. 

Lisez  et  considérez  combien  est  noble  et  élevé  le  rang  que  vous 
occupez  maintenant,  puisque,  pour  vous  faire  entrer  dans  sa  fa- 
mille, le  Fils  unique  de  Dieu  n'a  pas  hésité  à  écrire  avec  son  sang 
et  sur  son  corps  votre  litre  de  noblesse. 

Lisez  et  considérez  combien  est  grand  et  magnifique  l'avenir 
qui  vous  est  réservé  dans  le  royaume  des  cieux,  puisque  pour  vous 
le  conquérir  comme  à  la  pointe  de  l'épée  votre  Rédempteur  est  sorti 
glorieusement  blessé  et  meurtri  de  ce  rude  combat. 

Lisez,  enfin,  et  considérez  ce  qu'a  d'épouvantable  et  de  terrible 
la  responsabilité  que  font  peser  sur  vous  ce  sang  répandu,  ce  corps 
décharné,  cette  agonie  mortelle,  celte  croix  douloureuse. 

Après  cela,  il  ne  vous  reste  qu'à  choisir  entre  deux  extrêmes 
aussi  distants  l'un  de  l'autre  que  le  ciel  et  la  terre  :  ou  par  les 
mérites  de  cette  croix  être  éternellement  heureux  et  régner  glori- 
eusement avec  le  Christ,  ou  par  le  jugement  redoutable  de  cette 
même  croix,  être  éternellement  et  irrévocablement  condamné  par 
le  Christ.  Entendez-le  bien,  ô  chrétien  ;  ou  la  croix  et  le  sang  de 
Jésus  Christ  vous  sauveront  éternellement  et  irrévocablement; 
ou  ils  vous  perdront  éternellement  et  irrévocablement.  Ils  seront 
pour  vous  ce  que  vous  voudrez;  ce  que  réclameront  vos  œuvres. 
Ayez  courage,  si  vous  êtes  fidèle  ;  tremblez,  si  vous  êtes  pécheur! 
Vous  serez  irrévocablement  ce  que  vous  feront  vos  œuvres. 

Pendant  trois  heures,  Jésus  Christ  a  été  suspendu  à  la  croix. 
Le  souverain  prêtre  y  est  monté  comme  sur  un  autel  ;  il  y  va  con- 
sommer son  grand  sacrifice. 

Voyez-le  ;  il  demeure  trois  heures  en  proie  aux  angoisses  et  à 
Tagonie  ;  trois  heures  pendant  lesquelles  il  semble  prolonger  à 
plaisir  ses  souffrances  ;  trois  heures  durant  lesquelles  il  ne  peut  se 
résoudre  à  dégager  sa  sainte  âme  de  son  corps  ;  trois  heures  qui, 
eu  raison  de  ses  tourments,  durent  lui  paraître  trois  siècles,  mais 
que  sa  charité  lui  fit  prendre  pour  trois  courts  instants  ;  trois  heures 
qu'il  prolonge  à  dessein,  savourant  en  apparence  avec  une  rare 
jouissance,  chaque  goutte  du  calice  de  celte  cruelle  agonie. 

Que  ce  délai  prolongé  ne  vous  effraie  pas  :  le  prêtre  souverain 
est  au  moment  le  plus  solennel  de  sa  Messe,  et  sa  ferveur  se  plaît 
à  la  prolonger.  Il  en  fait  avec  bonheur  les  précieux  mémento  avec 
son  Père  céleste. 

C'est  là  sa  Messe^  sa  messe  solennelle.  La  croix  est  son  autel  ;  son 
corps  très  saint  et  son  âme  sont  l'hostie  et  le  calice  ;  l'amour  qui 
l'immole  en  est  le  sacrificateur. 

En  même  temps  sacrificateur  et  hostie,  prêtre  et  victim  -,  Jésus 

4 


50  LE  PROPAGATEUR 


Christ,  à  cette  heure  mémorable,  présente  à  son  Père  éternel  son 
corps  et  son  sang  pour  prix  de  la  rédemption  du  genre  liumain. 

Cette  messe  a  commencé  lorsqu'à  commencé  au  jardin  des 
Oliviers  la  douloureuse  Passion  de  l'Homme-Dieu.  Elle  se  termi- 
nera lorsque  Jésus,  inclinant  la  tête,  rendra  le  dernier  soupir. 

Et  ces  trois  heures  d'agonie  interrompue  seulement  par  quel- 
ques paroles  d'un  sens  très  profond,  ces  trois  heures  partagées 
entre  le  deuil  du  ciel  et  les  épouvantements  de  la  terre,  ces  trois 
heures  pendant  lesquelles  l'auguste  Victime  se  recueille  et  s'entre- 
tient intérieurement  avec  son  Père  céleste  sont,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  les  Mémento  de  ce  douloureux  sacrifice. 

Il  sut  bien  le  comprendre,  de  bon  larron  qui  profila  de  cette 
circonstance  pour  se  recommander  à  Jésus  et  obtint  d'être  exaucé 
sur-le-champ.  "  Souvenez  vous  de  moi,  dit-il  au  Sauveur,  "  Et  il 
mérita  un  souvenir  spécial  de  l'Homme-Dieu. 

Les  moments  que  le  souverain  prêtre  consacra  à  ces  Mémento 
vous  paraissent  longs  ?  Considérez  les  intentions  incomparables 
et  infinies  auxquelles  il  célèbre  sa  première  messe. 

Mais  non,  ne  |vous  perdez  pas  dans  cette  considération  plus 
profonde  et  plus  étendue  que  l'océan.  Que  chacun  fasse  une  ré- 
flexion unique  et  sublime  et  qui  ne  peut  manquer  de  produire  une 
profonde  impression. 

"  Le  souverain  prêtre  prie  pendant  quelques  instants,  et  il  prie 
"  pour  moi. 

"  Oui,  il  prie  pour  moi,  comme  s'il  priait  pour  moi  seul  ;  car  la 
**  prière  d'un  Dieu  n'est  ni  partagée,  ni  diminuée,  bien  qu'elle  soit 
''  faite  pour  plusieurs  ;  il  est  indifférent  qu'elle  soit  faite  pour  un 
"  seul  ou  pour  mille.  Il  prie  donc  pour  moi,  comme  s'il  ne  voyait 
"  que  moi  dans  l'immensité  du  monde  et  dans  toute  la  durée  des 
*•  siècles. 

"  Il  prie  pour  moi  qu'il  voit,  du  haut  de  sa  croix,  dans  le  loin- 
"  tain  des  âges  futurs  qui  lui  sont  éternellement  présents. 

"  Il  prie  pour  moi  qu'il  connaît  clairement  et  distinctement, 
"  comme  le  larron  qui  est  à  ses  côtés,  ou  comme  sa  Mère  qui  est  à 
''  ses  pieds. 

"  Il  prie  pour  moi  qu'il  disiingue  entre  des  millions  d'autres  créa- 
"  tures,  qu'il  appelle  par  mon  nom,  dont  il  connaît  la  physionomie, 
"  dont  il  connaît  le  lieu  et  l'heure  de  la  naissance,  du  baptême, 
'•  de  la  mort,  la  condition. 

"  Il  prie  pour  moi  qu'il  aime  et  dont  il  a  compassion,  pour  qui 
"  il  prépare  des  secours,  dont  il  pardonne  les  injures,  et  dont  les 
"  noires  infidélités  l'affligent  par  anticipation. 

*'  Il  prie  pour  moi,  il  pense  à  moi,  il  me  regarde,  me  considère. 
'•  Il  faut  que  je  sois  quelque  chose  de  bien  grand,  puisque  sur  moi 
''  s'est  portée  la  pensée  principale  de  ce  mourant,  qui  est  le  Fils 
t  '•  de  Dieu  "  1 

Ah  !  il  n'est  pas  possible  de  sonder  toute  la  profondeur  de  cette 
pensée  ni  d'en  épuiser  l'infiuie  douceur. 
Mais  qu'il    sera  terrible   au  dernier  jour,  d'avoir  cette  pensée 


LE  PROPAGATEUR  51 


gravée  dans  noire  cœur  et  accusant  notre  vie  d'ingratitude  envers 
Dieu  !  Un  Dieu  mourant  a  pensé  à  moi,  et  durant  toute  ma  vie, 
j'ai  négligé  de  penser  à  lui.  Quel  droit  terrible  aura  sur  moi,  de 
ce  chef,  la  justice  divine  1  Droit  d'autant  plus  terrible  que  j'étais 
plus  obligé  de  l'aimer  ! 

Je  dois  donc  choisir  entre  l'amour  ou  la  haine  de  Dieu  ;  entre 
les  éternels  embrassements  du  Père  ou  l'éternelle  réprobation  du 
Juge,  0  Seigneur  î  0  Père  !  0  Juge  !  Souvenez-vous  de  moi  dans 
votre  royaume. 

Le  souvenir  historique  de  la  Passion  du  Sauveur  rappelle,  en 
ces  jours  plus  que  jamais,  à  la  mémoire  du  fidèle  chrétien,  les 
amertumes  de  l'Église  crucifiée. 

Oui,  contemplons-la.  sur  la  croix,  cette  Église  innocente  victime 
qui,  comme  son  Maître,  porte  sur  elle  les  iniquités  de  tous,  et 
s'immole  continuellement,  pour  le  salut  de  tous. 

Le  monde  moderne  est  le  Calvaire  sur  lequel  se  consomme 
ce  nouvel  et  cruel  déicide.  Approchons  nous  du  théâtre  de  ce 
drame  lugubre  et  écoutons  les  accusations  formulées  dans  ce 
procès  inique.  Rien  de  plus  révoltant  ;  mais  rien  aussi  de  plus 
instructif.  La  croix  est  un  gibet  ;  mais  elle  est  aussi  une  chaire  ; 
et  les  leçons  qu'on  recueille  à  ses  pieds  compensent  abondamment 
les  larmes  amères  que  l'indignation  arrache  aux  cœurs  généreux 
La  vue  du  supplice  et  des  circonstances  a  ici  une  éloquence  qui, 
aujourd'hui  surtout,  mérite  de  ne  pas  passer  inaperçue. 

Que  le  monde  moderne  se  trouve  en  révolte  ouverte  et  opiniâtre 
contre  l'Eglise,  c'est  dire  trop  peu,  si  ou  n'ajoute  pas  que  cette  ré- 
volte est  une  persécution.  Et  que  personne  ne  taxe  celte  parole 
d'exagération.  L'Éghse  catholique,  au  XIXe  siècle,  et  principale- 
ment parmi  les  nations  de  l'Europe,  se  trouve  non  plus  seulement 
mise  de  côté  et  méprisée,  non  plus  uniquement  tolérée  comme  une 
institution  gênante  et  ennuyeuse,  mais  véritablement  persécutée 
comme  contraire  au  bien-être  général,  nuisible  à  l'intérêt  public, 
incompatible  avec  ce  qu'on  nomme  la  civiUsation  et  le  progrès 
moderne. 

Il  n'est  pas  besoin  de  passer  en  revue  les  diverses  nations  pour 
nous  convaincre  de  cette  vérité.  Chacun  de  nos  lecteurs  acquerra 
cette  certitude  pour  son  compte,  avec  moins  de  danger  et  moins  de 
peine.  Nous  nous  contenterons  de  relever  les  traits  principaux  du 
tableau  ;  il  ajoutera  le  détail  convenable. 

Qu'a  fait  l'Eglise  catholique  pour  que  le  monde  moderne  la 
traite  de  la  façon  indigne  dont  nous  sommes  les  témoins  ?  Il  fau- 
drait écrire  non  pas  seulement  des  articles,  mais  des  livres,  pour 
répondre  complètement  à  cette  question.  Pour  répondre,  d'un  mot, 
nous  dirons  qu'elle  n'a  fait  que  du  bien.  Examinons  la  question 
au  point  de  vue  purement  humain,  puisque  c'est  celui  qu'envisa- 
gent ses  ennemis,  et  nous  constaterons  qu'on  n'a  jamais  vu  plus 
grands  bienfaits  payés  par  une  plus  noire  ingratitude. 

Elle  a  eu  durant  plusieurs  siècles  l'ascendant  de  i'aulorité  et  la 
haute  direction  incontestable  et  reconnue  sur  tous  les  pouvoirs  de 
la  terre.  Et  elle  a  toujours  exercé  cet  ascendant  et  cette  direction 


52  LE  PROPAGATEUR 


en  faveur  des  faibles  et  des  opprimés.  Il  n'y  a  pas  eu  d'abus  de 
pouvoir  qu'elle  n'ait  anathématisé,  pas  de  caprice  despotique 
qu'elle  n'ait  stigmatisé,  pas  de  mépris  d'un  droit  public  ou  privé 
contre  lequel  elle  n'ait  protesté.  Dans  les  siècles  de  sa  prépondé- 
rance si  calomniée,  elle  remplissait  avec  une  majesté  pleine  de 
grandeur  le  rôle  de  tribun  du  peuple,  et  pendant  que,  d'une  main, 
elle  plaçait  et  assurait  la  couronne  sur  le  front  des  rois,  de  l'autre, 
elle  traçait  la  ligne  sévère  qui  devait  les  contenir  dans  les  limites 
du  respect  dû  à  la  loi  de  Dieu  et  aux  droits  de  la  dignité  humaine. 
Elle  a  eu  l'ascendant  du  génie  et  elle  a  répandu  à  pleines  mains 
les  trésors  de  la  science  au  milieu  des  nations.  Elle  a  créé  des 
musées,  elle  a  formé  des  bibliothèques,  elle  a  protégé  les  arts  ; 
elle  a  placé  dans  les  mains  de  l'enfant  du  peuple  le  livre,  le  pin- 
ceau et  le  burin,  avant  que  tout  cela  fût  connu  de  ceux  qui  veulent 
aujourd'hui,  à  son  détriment,  s'attribuer  le  monopole  de  toute 
science  et  de  tout  progrès. 

Elle  eut  l'ascendant  des  richesses  et  elle  les  employa  toujours 
au  profit  des  peuples,  s'appliquant  à  consoler  toutes  les  douleurs 
et  à  soulager  toutes  les  misères.  Elle  fut  la  trésorière  des  pauvres 
dans  le  sens  le  plus  exact  et  le  plus  noble  de  ce  mot.  Tout  ce  qui 
s'est  fait  dans  le  monde,  depuis  dix  neuf  siècles,  en  matière  de 
bienfaisance  publique  et  privée,  est  son  œuvre.  Elle  peut,  titres 
en  mains,  réclamer  la  paternité  exclusive  de  tout. 

Ajoutez  à  cela  des  bienfaits  d'un  ordre  supérieur,  bien  qu'ils 
soient  moins  appréciés  de  notre  siècle  grossièrement  matérialiste  : 
le  nom  de  Dieu  connu  et  glorifié  ;  les  mœurs  purifiées  et  amélio- 
rées; la  nature  humaine  élevée  à  la  sainteté  ;  l'autorité  paternelle 
ennoblie  ;  le  lien  conjugal  sanctifié  ;  la  femme  élevée  au  rang  de 
compagne  de  l'homme  ;  les  chaînes  de  l'esclavage  brisées  après 
quarante  siècles;  l'établissement  d'un  nouveau  droit  international, 
de  nouvelles  lois  d'humanité  dans  la  guerre,  d'un  nouvel  esprit 
dans  la  législation  ;  en  un  mot,  une  nouvelle  civihsation  à  la  place 
de  la  civilisation  païenne,  égoïste,  oppressive,  brutale,  dégradante. 
Tout  cela  est  son  œuvre,  l'œuvre  de  ses  apôtres.  Tout  cela  est  dû 
à  l'action  lente  de  ses  pontifes,  au  travail  persévérant  de  son  clergé. 

Tout,  en  un  mot,  est  un  miracle,  et  un  pur  miracle  de  sa  divine 
vertu  intrinsèque. 

L'Eglise  est  l'image  de  son  divin  fondateur.  Gomme  celui-ci  est 
venu  principalement  en  ce  monde  pour  sauver  les  âmes,  sans  dé- 
daigner toutefois  de  guérir  les  corps,  ainsi  l'Eglise,  dont  la  mission 
consiste  à  diriger  les  cœurs  vers  Dieu  et  à  leur  procurer  la  félicité 
éternelle,  n'a  pas  jugé  indigne  d'elle  de  donner  le  bonheur  tempo- 
rel et  de  se  constituer  la  protectrice  efficace  des  intérêts  matériels, 

Et  en  échange  de  tout  cela,  que  lui  donne-t-on  ?  Gomment  la  re- 
mercie-t-on  pour  tant  d'abnégation  et  de  sacrifices  ? 

Ah  !  nous  nous  figurons  être  on  ce  moment  sur  la  place  de 
Jérusalem  et  entendre  les  cris  furieux  du  peuple  juif,  lorsque 
nous  prêtons  l'oreille  à  ceux  que  profère  notre  siècle  par  l'organe 
de  l'opinion  publique,  aujourd'hui  la  reine  du  monde,  lorsque 
nous  lisons  les  journaux,  lorsque  nous  écoutons  ses  orateurs,. 


LE  PROPAGATEUR  53 


lorsque  nous  observons  les  machinations  de  ses  diplomates.  Ici, 
comme  à  Jérusalem,  les  accusations  sont  contradictoires  et  les 
faux  témoins  se  réfutent  les  uns  les  autres.  Écoutez-les  ; 
qui  ne  les  entend  chaque  jour  ? 

"  L'Église,  disent-ils,  est  l'ennemie  de  la  liberté  ;  elle  est  l'alliée 
"  naturelle  de  toutes  les  tyrannies.  L'heure  est  venue  pour  les 
*'  peuples  de  se  liguer  contre  elle,  s'ils  veulent  être  libres. 

"  Elle  est  l'ennemie  des  Gouvernements  ;  elle  séduit  les  foules; 
"  elle  trouble  les  consciences  ;  elle  soulève  les  masses  ;  elle  sape 
■"  tous  les  pouvoirs  :  on  ne  saurait  trop  se  tenir  en  garde  contre  elle. 

"  Elle  est  arriérée  ;  elle  est  ignorante  ;  elle  abhorre  la  lumière  ; 
"  elle  veut  nous  ramener  à  l'obscurantisme  ;  elle  opprime  la  pensée. 

"  Elle  veut  pour  elle  le  monopole  de  l'enseignement  pour  mieux 
"  assujettir  les  intelligences  ;  c'est  dans  ce  but  qu'elle  réclame 
"  la  liberté  pour  son  enseignement. 

"  En  inculquant  le  mépris  des  biens  de  ce  monde,  elle  est  l'en- 
"  nemie  de  la  prospérité  des  nations;  elle  favorise  la  paresse  ;  elle 
^'  veut  nous  plonger  dans  un  mysticisme  oisif  et  faire  du  monde 
"  un  cloître. 

"  Elle  est  active,  ambitieuse,  elle  accapare  les  biens  terrestres  ; 
"  laissez-la  faire,  et  tout  viendra  dans  ses  mains. 

"  Son  temps  est  passé  ;  elle  n'a  aucune  influence  ;  le  Souverain 
"  Pontificat  est  une  momie  du  moyen-âge,  et  le  Vatican  en  est  le 
"  Panthéon.  Elle  est  morte. 

"  Il  faut  se  tenir  en  garde  contre  elle  ;  elle  est  une  conspiration 
•"  universelle  contre  la  civilisation  ;  aujourd'hui  plus  que  jamais 
"  s'agite  le  monstre  du  cléricalisme.  " 

Grand  Dieu  !  tel  est  le  procès  contradictoire,  et  il  n'y  en  a  pas 
d'autre.  Tel  est  le  procès  absurde  dans  lequel  on  condamne  l'Eglise 
à  mort,  on  charge  la  croix  sur  ses  épaules,  on  la  conduit  au  som- 
met d'un  douloureux  Calvaire,  on  la  crucifie,  on  l'abreuve  de  fiel 
et  de  vinaigre,  au  milieu  des  blasphèmes,  des  sarcasmes  et  des  rail- 
leries de  la  multitude  séduite  par  ceux  qui  ont  le  plus  d'intérêt  à 
la  maintenir  dans  de  telles  erreurs  et  dans  une  pareille  agitation. 

Telles  sont  les  charges  qui  pèsent  sur  la  tête  de  l'auguste  victime, 
et  pour  lesquelles  on  la  tient  clouée  à  la  croix  comme  une  crimi- 
nelle, elle,  la  mère  du  genre  humain,  la  perpétuelle  amie  et  la 
prolectrice  du  peuple,  la  messagère  du  ciel,  la  fille  du  Très  Haut  ! 

Ah  !  oui  ;  elle  est  sur  la  croix,  affrontant  toutes  les  colères  et 
supportant  tons  les  outrages  avec  une  résignation  divine. 

La  foule,  excitée  par  les  Scribes  et  les  Pharisiens,  se  rit  de  ses 
tristesses  ;  les  cœurs  généreux  et  fidèles,  heureux  est  leur  sort  ! 
groupés  au  pied  de  la  croix,  recueillent  les  paroles  de  vie  qui 
tombent  des  lèvres  de  l'Église,  s'associent  à  ses  douleurs,  se  mon- 
trent d'autant  plus  forts  et  courageux  qu'ils  la  voient  plus  indig- 
nement combattue. 

Mais...  que  vois-je  ?..,  Portez  vos  yeux  autour  de  cette  croix  ; 
contemplez  le  spectacle  qu'offre  le  monde  ;  examinez  si  ce  n'est 


54 


LE  PROPAGATEUR 


pas  la  reproduction  des  symptômes  effrayants  qui  accompagnèrent 
le  crucifiement  du  Sauveur. 

L'Église  est  sur  la  croix  :  mais  voyez  à  quel  point  la  paix  du 
monde  est  Iroublée  ;  tous  les  éléments  de  la  société  sont  boule- 
versés ;  le  soleil  de  la  civilisation  est  éclipsé  par  des  nuages  épais 
et  sanglants  ;  tous  les  cœurs  sont  en  proie  à  une  vague  terreur  ; 
tout  est  ébranlé,  bouleversé,  la  famille,  la  propriété,  l'ordre  public, 
les  trônes.  C'est  comme  le  moment  d'une  crise  terrible. 

L'Eglise  est  sur  la  croix  ;  mais  ses  ennemis  ne  se  tiennent  point 
en  repos  pour  cela  ;  elle  les  voit  effrayés,  comme  les  Pharisiens 
sur  le  Calvaire,  courir  ça  et  là,  comme  s'ils  sentaient  le  sol  trem- 
bler sous  leurs  pieds,  et  la  terre  s'ouvrir  pour  châtier  leur  iniquité. 

L'Eglise  est  sur  la  croix  ;  mais  elle  demeure  ferme  et  courageuse  ; 
elle  seule  est  sereine  ;  elle  seule  espère  ;  elle  seule  répand  la  paix 
et  la  consolation  dans  l'âme  de  ceux  qui  lui  demeurent  fidèles  ; 
elle  seule  continue  à  être  le  phare  destiné  à  éclairer  l'avenir  in- 
certain ;  elle  seule  ne  subit  jamais  d'éclipsé,  ne  perd  jamais  son 
éclat  au  milieu  des  ténèbres  épaisses  qui  l'entourent. 

L'Eglise  est  sur  la  croix  ;  mais  là  encore,  là  surtout,  elle  con- 
quiert les  âmes,  elle  soumet  les  volontés,  elle  attire  les  cœurs,  et 
chaque  jour  quelqu'un  de  ses  anciens  ennemis  vient  se  prosterner 
à  ses  pieds  et  lui  dire,  en  se  frappant  la  poitrine  comme  le  Centu- 
rion :  "  Le  catholicisme  est  bien  réellement  la  religion  véritable." 

Ah  !  laissez  passer  les  quelques  heures  de  ce  soir  du  Vendredi 
Saint  avec  leurs  angoisses  et  leurs  ténèbres.  L'Eglise  est  sur  la 
croix,  c'est  vrai  ;  mais  cette  croix  sur  laquelle  elle  est  attachée  a 
été  plantée  et  fi>ée  par  Dieu  au  cœur  du  monde,  et  quoique  fasse 
le  monde  pour  l'arracher,  quoi  que  tente  dans  le  même  but  l'enfer 
avec  toute  sa  fureur,  ne  craignez  pas,  la  croix  ne  -era  pas  arrachée. 

La  croix,  sur  laquelle  l'Eglise  est  crucifiée,  est  à  la  fois  le  trône 
du  haut  duquel  elle  règne  sur  le  monde  et  l'arme  au  moyen  de 
laquelle  elle  subjugue  et  brise  la  puissance  de  Satan.  Dieu  l'avait 
promis  ;  l'histoire  de  dix  neuf  siècles  montre  la  réalisation  de 
cette  promesse  ;  l'Eglise  chante  en  ces  jouis  avec  une  magnifi- 
cence pleine  de  grandeur  :  "  Dieu  a  régné  par  la  croix.  " 


Don  Sarda  y  Salvany. 


RÉFLEXIONS  ET  AFFECTIONS 

S0E   LA 

PASSION  DE  JESUS-CHRIST 

ET  STTK 

LIIS8EPIU0DLEUBSCE  MBlË 

avec  la  manière   d^entendre  la  messe 

les  actes  pour  la  communion,  les  aspirations 

d'amour  et  d'autres  pratiques  pieuses 

PAR 

S.  Alphonse  de  liigrnori 

1  vol.  in-l8relié Prix:  $0.50 


GANTUS     ECGLESIASTICUS 

PASSIOM  D.N>  JESy  CBBISTI 

SECUNDUM 

MATTHEUM,  MARCUM,  LUCAM 

ET   JOANNEM, 

•  xceplus,  ex  ediiioni.'m  autlicnlica 
ir.ajoris  liebdomadae 

3  fascicules  reliés  séparément...  $4.00 


PARTIE    LEGALE, 

Rédacteur  ;  A  L.  B  Y 


ELECTIONS  MUNICIPALES 

RÈGLES    d'interprétation. 

Les  élections  municipales  qui  ont  eu  lieu  à  Montréal  le  premier 
février  ont  été  déclarées  valides  par  la  cour  Supérieure,  Loranger, 
juge.  Le  jugement  qui  les  valide  a  été  rendu  le  13  février.  Ce 
jugement  casse  et,  annule  en  même  temps  le  bref  d'injonction 
accordé  par  le  juge  Doherty  et  ordonnant  de  suspendre  les  élections. 

Le  27  février  la  cour  de  révision  a  confirmé  le  jugement  de  la 
cour  Supérieure.  Les  juges  siégeant  en  révision  étaient  le  juge 
en  chef  Johnson  et  les  juges  Gill  et  Tellier. 

•Je  reproduis  ici  les  deux  principaux  considérants  du  jugement 
de  la  cour  Supérieure  parce  qu'ils  proclament  des  règles  d'inter- 
prétion  parfaitement  justes. 

Considérant  qu'il  f  st  de  principe,  qu'une  loi  abrogée  ne  C'^sse  d'avoir  ses  effets 
que  lorsque  la  loi  d'abrogation  a  pris  les  siens,  le  bien  et  la  sûreté  publics  exi- 
geant que  la  société  ne  demeure  pas  un  moment  sans  la  protection  de  la  loi. 

Considérant  que  dans  le  cas  où  la  loi  peut  être  douteuse,  le  tribunal  doit  en 
chercher  l'esprit,  sans  égard  aux  termes,  de  manière  à  lui  donner  ses  effets,  sui- 
vant l'intention  du  législateur,  et  que  chaque  fois  qu'il  s'élève  des  doutes  ;ur 
l'interprétation  d'une  disposition  dans  laquelle  il  s'agit  de  hberlé,  c'est  en  faveur 
de  la  liberté  qu'on  doit  la  déterminer  ; 


ACTES    NOTARIES, 

MARQUE. 

Question. — Dans  les  actes  notariés,  est-il  nécessaire  que^  ceux  qui  ne  savent 
pas  signer  fassent  leur  marque  ou  croix  ? 

Clerc  Notaire. 

RÉPONSE. — Non.  Il  n'est  plus  d'usage  de  faire  des  croix  ou  mar- 
ques dans  les  actes.  La  chose  a  existé  autrefois,  mais  depuis  long- 
temps cette  coutume  est  tombée  en  désuétude. 

Lorsqu'il  s'agit  d'un  testament,  il  est  cependant  préférable  que 
le  testateur  qui  ne  sait  pas  signer  fasse  sa  marque  en  présence  du 
notaire  et  des  témoins.  Voici  la  raison  de  cette  manière  d'agir.  Le 
code  civil,  dans  l'article  851,  ordonne  que  le  testament  suivant  la 
forme  dérivée  de  la  loi  d'Angleterre  soit  rédigé  par  écrit  et  signé, 
à  la  fin,  de  son  nom  ou  de  sa  marque  par  le  testateur.  Et  l'article 
855  du  même  code  décrète  que  le  testament  fait  apparemment  sous 
une  forme  et  nul  comme  tel  à  cause  de  l^ inobservation  de  quelque  for- 
malité, peut  être  valide  comme  fait  sous  une  autre  forme,  s'il  contient 
tout  ce  qu'exige  cette  dernière. 

Ainsi,  dans  le  cas  qui  nous  occupe,  si  le  testament  notarié  d'un 

(*)  A  la  page  19,  note  au  bas  de  la  page  au  lieu  de  "  d^amende  de  quatre-vingt-huit  piastres. 
lisez  "  d'itn«  amende  de  huit  à  quatre-vingts  piastres. 


5t)  LE  PROPAGATEUR 


individu  qui  ne  sait  pas  signer  ne  porte  pas  la  marque  du  testateur 
et  que  l'inobservation  d'une  formalité  le  rende  nul,  il  ne  pourra 
pas  valoir  comme  testament  anglais  parceque  celte  forme  de  tes- 
tament exige  l'apposition  d'une  marque.  Au  contraire  si  la  marque 
est  apposée  et  si  les  autres  formalités  ont  été  observées,  le  testa- 
ment notarié,  nul  comme  tel,  sera  valide  comme  testament  anglais. 


DONATION. 

CHARGES.    OBLIGATION   AU    MÉDECIN. 

Question. — Un  cultivateur  de  St-B...,  m'a  donné  une  terre  moyennant  une 
renie  viigèr-  et  d'autres  prestations.  L'une  des  charges  consiste  à  aller  en  ma- 
ladie lui  chercher  le  prélre  et  le  médecinel  payer  ce  dernier.  Mon  donateur  a-t-il 
h-  droit  d'à  prendre  un  médecin  de  son  choix,  ou  est-il  obligé  de  se  servir  de  mon 
médecin  ?  S'il  se  sert  d'un  autre  médecin,  suis-je  obligé  de  le  payer  ? 

Samuel  P... 

RÉi-ONSE — En  thèse  générale  je  crois  que  vous  êtes  obligé  de 
payer  le  médecin  que  le  donateur  choisira.  Il  y  a  cependant  des 
distinctions  à  faire  et  le  donateur  ne  peut  pas,  suivant  moi,  vous 
obliger  de  payer  les  visites  d'un  médecin  éloigné  lorsqu'il  y  a  de 
bons  médecins  dans  votre  paroisse.  Ainsi,  par  exemple,  il  ne  peut 
pas  faire  venir  à  grands  frais  un  médecin  de  Montréal  à  une  dis- 
tance de  dix  lieues  lorsqu'il  y  a  des  médecins  recommandables 
chez  vous.  Un  donateur  ne  peut  pas  ainsi  augmenter  considéra- 
blement les  charges  qui  pèsent  sur  un  donataire. 

Dans  les  cas  d'obligation  au  médecin  il  faut  juger  d'après  les 
intentions  présumées  des  contractants. 

Il  est  évident  (lorsqu'il  n'y  a  pas  d'explications)  que  l'on  a  dans 
la  plupart  des  cas  eu  en  vue  les  soins  ordinaires  du  médecin  de 
la  localité  ou  d'une  localité  rapprochée  et  non  pas  les  soins  dis- 
pendieux d'un  médecin  éloigné.  S'il  en  était  autrement  le  dona- 
taire serait  quelquefois  obligé  de  payer  des  sommes  énormes  et 
hors  de  toute  proportion  avec  les  avantages  confères  par  la  dona- 
tion. Il  y  aurait  alors  une  injustice  que  les  tribunaux  devraient 
réprimer. 

En  1882,  dans  la  cause  de 

PRINER   VS   LEGRIS, 

il  a  été  jugé 
Qu'un  donateur  a  le  choix  de  son  médecin,  en  cas  de  maladie^  et  que 
le  donataire  est  tenu  d'acquitter  la  note  de  ce  médecin. 

Les  faits  de  cette  cause  sont  rapportés  dans  un  journal  du  temps. 
Voici  l'article  de  ce  journal  : 

Par  acte  d-î  donation  fait  et  passé  à  Terrebonne,  un  nommé  Thomas  Albert 
avait  donné  à  Legris  la  totalité  de  ses  biens,  meubles  et  immeubles,  à  certaines 
conditions,  t-utr'autres,  de  lui  fournir  curé  et  médecin,  etc. 

11  était  aussi  stipulé  que  le  donateur  demeurerait  au  domicile  du  défendeur, 
mais  qu'au  cas  de  désaccord,  le  donataire  remplirait  ailleurs  les  mêmes  charges 
que  chz  lui. 

Le  désaccord  survint,  et  Thomas  Albert  se  choisit  un  autre  domicile.  Ce  fut 
là  qu'il  requit  les  services  du  Dr  Priner.  Après  six  mois  de  maladie,  il  mourut. 

Le  médecin  présenta  sou  compte  à  Legris  pour  une  somme  de  $75.  Celui-ci  re- 


LE  PROPAGATEUR  57 


fusa  d'en  faire  le  paiement,  d'sant  "  qu'il  ne  le  connaissait  pas,  qu'il  n'avait 
jamais  requis  ses  services,  qu'il  n'était  pas  son  médecin  ordinaire,  et  que  son 
rentier  ayant  fui  sans  raison,  el  sans  qu'il  y  eut  désaccord,  son  domicile,  il  n'é- 
tait pas  tenu  à  cette  obligation  stipulée  à  l'acte  :  que  son  médecin  ordinaire  lui 
aurait  chargé  beaucoup  moins, enfin  qu'il  n'y  avait  pas  de  lien  de  droit  entr'eux, 
qu'il  n'y  avait  jamais  eu  contrat  entr'eux,  "  etc. 

Les  moyens  furent  développés  à  l'argument. 

La  demau'le  soutint  que  s'il  n'y  avait  pas  de  contrat  formel  entre  Priner  et  Le- 
gris,  il  y  avait  tout  au  moins  un  quasi-coiilrat  :  que  Priner  avait  accompli  l'obli- 
gation à  laquelle  était  tenu  Legris  :  que  celui-ci  ne  pouvait  pas  s^  plain'ire,  et 
que  la  val^^ur  du  compte  ayant  éié  prouvée,  il  fallait  autant  le  lui  payer  à  lui, 
médecin  appelé  par  le  donateur,  qu'à  un  autre  médecin  ;  que  le  donateur  malade 
avait  le  choix  absolu  de  son  médecin,  et  qu'il  pouvait  toujours  refuser  le  médecin 
appelé  par  le  donataire 

Cette  doctrine  a  prévalu,  et  le  défenfleur  a  été  condamné  à  payer  dette  et  frais. 

LA  PASSION  DE  JESUS-CHRIST 

DE   LA   SEMAINE   SAi:s:TE 

H.    I.'ABB£    BÉXARD 

Ancien  chef  d'instruction  et  chanoine  lionoraire  de  Kancy,  avec  l'approbation  de  l'Ordinaire. 

1  vol  iu-8.  —  Prix  : Sl,25 

MONSEIGNEUR, — J'ai  lu  avec  attention  l'ouvrage  qui  a  pour  titre  :  La  Passion 
de  Jésus- Christ  el  la  Semaine-Sainte,  et  je  n'y  ai  rien  trouvé  d'opposé  à  l'enseig- 
nement de  l'Église  catholique,  apostolique  et  romaine.  C'est  un  excellent  com- 
mentaire des  Epitres  el  des  Evangiles  de  la  semaine  sainte.  C'est  le  couronnement 
oblige  de  l'ouvrage  intitulé  :  Le  Carême,  publié  l'an  dernier  par  le  même  auteur, 
M.  l'abbé  Bénard. 

11  suit  le  même  orire  et  la  même  méthode  que  dans  le  Carême  et  dans 
l'explication  des  Evangiles  el  des  Epitres  des  dimanches  el  fêles  de  l'année.  Il 
expose  d'aborl  le  texte  sacré  traduit  en  français,  et  le  texte  latin  est  au  bas  des 
pages.  Il  divise  la  matière  qu'il  contient  en  plusieurs  paragraphes  et  en  donne 
l'explication. 

Rien  n'est  comparable,  dit-on,  au  simple  récit  de  la  Passion  que  nous  ont 
laissé  les  Evangélistes.  Tout  y  est  naïf,  clair,  concis,  noble  et  sublime.  Ce- 
pendant les  docteurs  de  TEglise  en  ont  tiré  des  pages  de  la  plus  haute  éloquence, 
en  expliquant  le  texte  biblique. 

Le  -Fils  de  Dieu  s'est  fait  homme  pour  sauver  le  monde,  sa  Passion  est  donc 
un  drame  dont  le  premier  acte  louche  à  la  création,  et  le  dénouement  a  eu  lieu 
au  Golgotha.  M.  l'abbé  Bénard  résume  d'une  manière  très  intéressante  les 
prophéties,  soit  verbales,  soit  typiques,  qui  annoncent  et  figurent  d'avance  les 
souffrances  du  divin  Crucifié.  Les  prophètes  ont  été  les  premiers  historiens  de 
THomme-Dieu. 

Pour  préparer  ses  Apôtres  à  ce  grand  événement,  Jésus-Christ  leur  parle 
souvent  de  sa  Passion,  qui  domine  tout  le  Nouveau  Testaient. 

Ce  livre  est  digne  de  ses  devanciers.  La  doctrine  en  est  pure  et  approfondie. 
Les  réflexions  sont  courtes  et  pieuses  ;  les  pensées  surabondent  et  donneront 
lieu  à  de  beaux  développements.  C'est  un  ouvrage  neu/ei  tout  à  fait  remarquable. 

Parmi  les  arts  d'agrément  qu'en  enseigne  aujourd'hui  à  la  j-'unesse,  on  a 
supprimé  le  plus  nécessaire  et  le  plus  important,  l'^rt  de  bien  souffrir  ;  car  nous 
ne  sommes  ici-bas  que  pour  travailler  el  pour  souffrir.  M  Bénard  nous  offre 
un  parfait  modèle,  nous  trace  les  règles  à  suivre  pour  marcher  sur  ses  traces, 
et  nous  met  sous  les  yeux  les  motifs  les  plus  efficaces,  pour  faire  chaque  jour 
de  nouveaux  progrès,  dans  cet  art  qui  élève  le  chrétien  jusqu'à  l'héroïsme. 

Daignez  agréer.  Monseigneur,  l'hommage  du  profond  respect,  et  de  la  sincère 
vénération,  avec  lesquels  j'ai  l'honneur  d'être,  de  Votre  Grandeur,  le  très  hum- 
ble et  très  obéissant  serviteur.  GRIDEL,  Chanoine. 


L'ERMITE  DE  FRANCHARD 


Sedebil  solitarius  et  lacebit. 

Vers  la  fin  de  l'été  de  1 658,  la  Reine  Anne  d'Autriche,  Louis  XIV 
et  Monsieur  frère  du  Roi,  vinrent  s'installer  au  château  de  Fon- 
tainebleau, et  Mademoiselle  deMontpensier,  au  retour  des  eaux  de 
Forges  où  elle  avait  accoutumé  de  se  rendre  chaque  annép,  ne 
tarda  pas  à  rejoindre  la  famille  royale.  Le  cardinal  M;izarin,  dont 
la  santé  ne  s'accommodait  guère  de  l'air  de  Fontainebleau,  était 
resté  à  Vincennes,  et  s'occupait  des  alFaires  de  l'État.  Quant  au 
Roi,  alors  âgé  de  vingt  ans,  il  ne  songeait  qu'à  se  divertir,  à  chasser 
et  à  danser  avec  les  nièces  du  cardinal,  les  filles  d'honneur  de  la 
Reine,  et  les  jeunes  seigneurs  les  plus  gais  du  royaume. 

Mademoiselle,  bien  qu'elle  eût  dépassé  de  six  ans  l'âge  où  les 
filles  à  marier  mettent  une  première  épingle  au  bonnet  de  sainte 
Catherine,  était  encore  de  belle  humeur,  et  prenait  part  à  tous  les 
plaisirs.  Tout  en  raillant  Monsieur  de  son  goût  excessif  pour  la 
parure,  elle  prenait  grand  soin  elle-même  d'être  fort  bien  ajustée, 
et  ornait  les  assemblées  de  sa  bonne  mine  et  de  l'éclat  de  sa  blonde 
chevelure.  La  cour  était  brillante,  le  château  retentissait  du  bruit 
des  fêtes,  et  de  joyeuses  cavalcades,  des  chasses  fréquentes  ani- 
maient la  forêt  et  réveillaient  ses  échos  par  d'harmonieuses 
fanfares. 

Quant  au  meurtre  qui,  moins  d'une  année  auparavant,  avait 
ensanglanté  la  galerie  des  Cerfs,  personne  n'en  parlait  plus.  Le 
soir,  il  est  vrai,  quelques  valets  poltrons  évitaient  d'entrer  dans 
cette  galerie,  disant  qu'on  y  entendait  des  bruits  de  l'autre  monde 
et  qu'un  faniôme  s'y  montrait  à  la  tombée  de  la  nuit,  mais,  en 
revanche,  belles  dames  et  cavaliers  y  passaient  en  riant  et  en 
causant,  et  le  tapis  moelleux  qui  cachait  les  taches  du  parquet  et 
amortissait  le  bruit  des  pas,  semblait  aussi  voiler  les  tragiques 
souvenirs  et  imposer  silence  à  l'écho  du  passé. 

Un  soir,  au  souper  de  la  Reine,  Monsieur  se  vanta  étourdietnent 
de  connaître  toutes  les  routes  et  d'avoir  parcouru  tous  les  détours 
de  la  forêt  de  Fontainebleau. 

—  Je  crois  que  Son  Altesse  Royale  se  trompe,  dit  Marie  Mancini  : 
la  forêt  est  bien  grande,  et  j'ai  entendu  parler  hier  à  M.  de  Vatry 
d'un  endroit  si  sauvage,  si  affreux  que  l'on  n'y  chasse  jamais,  mais 
où  il  y  a  une  chapelle  où  les  bonnes  gens  de  Fontainebleau  vont  en 
pèlerinage  une  fois  l'an. 

—  Comment  s'appelle  cet  endroit  ?  dit  Monsieur. 

—  Ah  !  je  ne  m'en  souviens  plus,  reprit  Mademoiselle  de  Mancini. 

—  C'est  l'ermitage  de  Franchard,  dit  Madame  de  Motteville.  Il 


LE  PROPAGATEUR  59 


est  si  tué  près  des  ruines  d'une  vieille  abbaye,  et  on  y  voit  une  roche 
qui  pleure. 

—  Une  roche  qui  pleuve  1  s'écria  le  jeune  prince  :  il  nous  faut 
aller  voir  cela.  Si  la  Reine  le  permet,  Mesdames,  j'offrirai  au  Roi 
et  à  vous  toutes  une  collation  demain  soir,  à  Franchard. 

—  Je  ne  sais,  mon  fils,  dit  Anne  d'Autriche,  si  ce  ne  serait  point 
fort  imprudent.  L'endroit  est  sauvage  et  il  doit  s'y  trouver  des 
vipères.  Qu'en  pensez-vous,  Molteville  ? 

—  Il  n'y  en  a  point.  Madame,  dit  madame  de  Motteville  :  j'y 
suis  allé  plusieurs  fois  avec  mademoiselle  de  Mons,  et  d'autres 
personnes  encore  moins  braves  que  moi,  et  je  puis  assurera  votre 
Majesté  que  de  temps  immémorial  on  n'a  pas  vu  de  serpents  à 
Franchard.  Les  prières  des  bons  religieux  qui  habitaient  là  autre- 
fois ont  délivré  leur  petit  domaine  de  ces  hôtes  dangereux,  et  l'on 
ne  court  fortune  d'être  piqué  à  Franchard,  que  si  l'on  va  troubler 
dans  leur  ménage  les  abeilles  de  l'ermite. 

—  Sur  votre  parole,  Motteville,  dit  la  Reine,  je  permettrai  la 
collation,  mais  je  n'irai  point.  Mademoiselle  me  remplacera  pour 
guider  et  commander  l'escadron  des  Dames  et  Demoiselles.  Je 
suppose  que  Madame  la  Comtesse  de  Soissons  fera  comme  moi, 
et  restera  au  château  ? 

—  Avec  la  permission  de  votre  Majesté,  s'il  y  a  moyen  d'aller 
à  Franchard  en  calèche,  dit  Olympe  Mancini,  je  m'y  ferai  conduire, 
car  j'ai  le  plus  grand  désir  du  monde  de  voir  l'ermite. 

—  En  l'état  où  vous  êtes.  Madame,  dit  Anne  d'Autriche  en 
souriant,  il  se  faut  passer  toutes  ses  fantaisies  ;  mais  j'entends  les 
violons  qui  préludent.  Passons  dans  la  galerie. 

Et  la  Reine,  se  levant  de  table,  dit  ses  giâces,  lava  ses  belles 
mains,  et  conduite  par  Louis  XIV,  entra  dans  la  galerie  de  Henri  II, 
où  le  jeune  Roi  ouvrit  bientôt  le  bal  avec  Mademoiselle,  et  dansa 
jusqu'à  minuit. 


Le  lendemain  matin,  l'ermite  de  Franchard,  sans  se  douter  le 
moins  du  monde  des  visites  royales  qui  devaient  ce  jour- là  troubler 
la  tranquillité  de  son  ermitage,  s'était  levé  dès  l'aurore  et  avait 
été  entendre  la  messe  à  l'église  d'Arbonne.  Il  visita  ensuite  deux 
ou  trois  malades  du  village,  leur  donna  des  plantes  médicinales 
de  son  jardin,  et  de  petites  fioles  d'un  sirop  qu'il  fabriquait  lui- 
même  fort  habilement  avec  des  bourgeons  de  sapin  et  du  miel  de 
ses  luches,  et,  ayant  pris  congé  d'eux  en  leur  promettant  une 
prompte  guérison,  il  reprit  le  chemin  de  Franchard. 

Les  bonnes  gens  lui  avaient  offert  à  déjeuner,  mais  l'ermite  les 
remerciant,  comme  d'habitude,  leur  fit  voir  qu'il  avait  ses  petites 
provisions  dans  la  poche  de  sa  robe. 

Arrivé  en  forêt,  il  s'assit  près  d'une  source,  appela  les  oiseau v^ 
et  se  mit  à  couper  son  pain  et  ses  poires.  Dociles  à  sa  voix,  des 
oiseaux  de  toute  sorte  vinrent  ^'entourer,  et  becqueter  le  pain 
qu'il  leur  jetait,  jusque  sur  les  plis  de  sa  robe  de  bure.  L'ermite, 


«0  LE   PROPAGATEUR 


se  voyanr  seul  avec  cette  compagnie  ailée,  rejeta  en  arrière  son 
capuchon,  qu'il  portait  habituellement  fort  'rabaissé. 

L'ermite  de  Franchard  ne  paraissait  pas  âgé  de  plus  de  trente- 
cinq  à  quarante  ans.  Sa  barbe  et  ses  cheveux  étaient  fort  noirs, 
et  son  visage  basané,  pensif  et  calme,  régulièrement  beau. 

Il  avait  presque  fini  son  frugal  repas,  lorsqu'une  voix  d'homme, 
qui  chantait  un  refrain  bachique  se  fit  entendre  à  peu  de  distance. 
Les  oiseaux  s'envolèient,  l'ermite  remit  son  capuchon,  et  un 
garde  forestier  accompagné  de  deux  grands  chiens  qui  fouillaient 
le  bois,  parut  sur  le  chemin.  En  apercevant  l'ermite,  il  s'écria  : 
—  Hé  bonjour,  frère  Sylvain  1  vous  voilà  bien  tranquille  et  au 
frais,  tandis  que  l'on  vous  réclame  à  Franchard. 

—  J'arrive  d'Arbonne,  dit  le  frère,  qu'y  a-t-il  donc,  Hubert  ?    " 

—  Ce  qu'il  y  a  ?  hé  vraimennt,  toute  une  dinanderie  de  vais- 
selle, des  provisions,  des  mulets  chargés,  des  tapissiers,  des 
cuisiniers  et  des  marmitons.  On  vous  appelle  à  cor  ei  cris  pour 
avoir  la  clef  de  votre  jardin,  où  l'on  veut  dresser  une  tente,  une 
table,  je  ne  sais  quoi.  Enfin  le  Roi  doit  souper  à  Franchard,  et 
dès  la  pointe  du  jour  les  préparatifs  ont  commencé.  Allez  vite 
veiller  à  ce  qu'on  ne  ravage  pas  votre  domaine. 

L'ermite  avait  pâli,  et  paraissait  fort  contrarié.  — Je  suis  bien 
tenté  de  ne  rentrer  que  ce  soir  dit-il,  voici  ma  clef,  Hubert  ;  vou- 
driez-vous  aller  veiller  à  ma  place  sur  mes  pauvres  niches  ? 

—  Non  point,  mon  frère,  personne  ne  m'écouterait.  Il  n'y  a 
<ïu'un  prêtre  ou  un  ermite  qui  puisse  en  imposer  à  cette  valetaille. 
La  reine  a  bien  donné  l'ordre  qu'on  ne  louche  à  rien  sans  votre 
permission,  mais  si  vous  n'êtes  pas  là,  ils  se  lasseront  d'attendre, 
et  escaladeront  vos  clôtures.  Allez-y,  et  le  plus  vite  possible, 
croyez-moi. 

—  Hélas  dit  l'ermite,  quel  besoin  ont  ces  grands  de  la  terre  de 
venir  troubler  ma  chère  solitude  ?  Allons  puisqu'il  le  faut.  Je 
vous  remercie,  Hubert. 

Et  il  prit  à  grand  pas  le  chemin  de  Franchard. 


Avant  d'y  arriver,  il  entendit  le  bruit  que  faisaient  les  valets  et 
les  officiers  de  bouche.  Ils  avaient  déjà  installé  les  fourneaux 
dans  les  ruines  de  l'Abbaye,  et  déballaient  tout  ce  qui  était  néces- 
saire pour  dresser  une  table  de  trente  couverts,  une  tente  élégante 
qui  devait  abriter  les  convives,  et  une  autre,  plus  simple,  destinée 
aux  musiciens  du  Roi.  La  prairie  qui  entourait  les  ruines  était  si 
mal  nivelée,  si  encombrée  de  gros  quartiers  de  roche,  que  le 
maître  d'hôtel  et  le  tapissier  du  Roi  avaient  décidé  qu'on  mettrait 
la  table  dans  le  jardin  de  l'ermite.  Or,  ce  jardin  protégé  contre 
les  incursions  des  cerfs  et  des  sangliers  par  une  petite  muraille 
de  pierres  sèches  doublée  d'un  treillis  d'échalas  haut  de  six  pieds, 
était  fermé  d'une  porte  solide,  et  des  exprès  avaient  été  envoyés 
dans  toutes  les  directions  pour  ramener  l'ermite  et  le  prier  d'ouvrir 
son  jardin.  Dès  qu'il  parut,  le  n»aître  d'hôtel  et  dix  autres  person- 
nages affairés  coururent  à  sa  rencontre  en  réclamant  la  clef.  — 


LE  PROPAGA.TEUR  61 


Frère  Sylvain  leur  ouvrit  son  petit  enclos,  les  avertit  de  ne  pas 
toucher  aux  ruches  situées  heureusement  à  l'extrémité  opposée  à 
l'entrée  du  jardin,  et,  jetant  un  triste  regard  sur  les  planches  de 
légumes,  d'herbes  et  de  fleurs  que  l'on  allait  nécessairement  fouler 
aux  pieds,  il  se  retira  dans  sa  cellule.  Mais  à  peine  en  eût-il  fermé 
la  porte  quiun  valet  vint  y  frapper.  — Que  voulez- vous  ?  dit  frère 
Sylvain. 
" — Il  n'y  a  pas  assez  de  chaises,  dit  le  valet,  en  avez-vous  ? 

—  J'ai  deux  escabeaux,  pas  davantage,  les  voici. 

—  Oh  !  si  vous  n'avez  que  ceux-là  gardez-les.  On  ira  en  chercher 
à  Fontainebleau. 

Un  instant  après,  un  autre  messager  vint  frapper  :  —  Mon  frère^ 
où  faut-il  puiser  de  l'eau  ? 

—  Il  n'y  a  d'autre  source  à  Franchard  que  la  Roche  qui  pleure, 
là-bas,  près  de  ce  grand  chêne. 

—  Mais,  il  n'en  sort  qu'une  goutte  toutes  les  cinq  minutes,  mon 
frère.  Vous  devez  connaître  une  fontaine,  dans  les  environs. 

—  Il  n'y  en  a  pas,  je  vous  assure,  à  moins  de  prendre  de  l'eau 
dans  les  mares. 

—  Ce  sera  bon  pour  la  vaisselle,  mais  le  Roi  trempe  toujours  son 
vin,  les  dames  n'en  boivent  pas,  et  il  nous  faut  de  l'eau  de  source. 

—  Hé  bien,  allez  au  château,  reprit  frère  Sylvain,  mais  de 
grâce  laissez-moi  en  repos.  Je  ne  suis  pas  un  Moïse  pour  faire 
jaillir  une  source  dans  ce  désert. 

—  Mais,  reprit  l'obstiné  valet,  que  buvez-vous  donc  ?» 

—  L'eau  de  la  Roche  qui  pleure,  dit  l'ermite,  et  celle  que  je 
recueille  dans  ma  petite  citerne.  Pour  le  moment  elle  est  à  sec. 
Il  y  a  si  longtemps  qu'il  n'a  plu  ! 

—  Croyez-vous  qu'il  pleuve  bientôt  ? 

—  Oui,  très  probablemet  la  nuit  prochaine,  il  y  aura  de  l'orage. 

—  Bon,  ce  sera  pour  compléter  nos  ennuis  !  dit  le  valet.  Conçoit, 
on  pareille  fantaisie  ?  vouloir  souper  dans  un  pareil  désert,   un 

pays  affreux,  où  il  faut  tout  apporter,  tandis  qu'au   château 

Enfin,  ces  princes  ne  savent  qu'imaginer  pour  ennuyer  leurs  gens. 

Il  s'en  alla  en  grommelant.  Sur  son  rapport,  le  maître  d'hôtel 
lui  commanda  de  monter  à  cheval  et  d'aller  requérir  à  Fontaine- 
bleau un  tonnelet  d'eau  de  source  et  plusieurs  barils  de  glace.  Et  le 
messager  partit  d'autant  plus  vexé  que  ses  compagnons  préparaient 
leur  dîner  en  faisant  rôtir  en  plein  air  un  mouton  tout  entier. 

L'ermite  s'était  mis  à  lire  dans  la  Fleur  des  Saints  la  vie  de 
saint  Fiacre  :  c'était  le  saint  du  jour,  et  sa  vie  d'ermite  jardinier 
ofl'rait  de  telles  analogies  avec  celle  du  frère  Sylvain,  qu'il  la 
lisait  chaque  année  avec  un  nouveau  plaisir,  mais,  cette  fois,  le 
bruit  qui  se  faisait  dans  son  jardin  l'inquiétait  et  lui  occasionnait 
bien  des  distractions.  Il  entendait  les  coups  de  maillet  donnés  sur 
les  piquets  de  la  tente,  et  les  ordres,  les  contr' ordres,  le  bavardage 
et  les  discussions  des  ouvriers  et  des  valets.  —  Hélas,  se  disait-il, 
ils  vont  faire  de  mon  pauvre  jardin  une  jachère.  Pourvu  qu'ils 
ne  cueillent  pas  mes  pommes  et  mes  poires,  ou,  du  moins  qu'ils 
ne  brisent  pas  les  branches  ! 


62  LE  PROPAGATEUR 


Il  sortit  pour  y  aller  voir.  Un  vieux  domestique  à  moustache 
grise,  ancien  soldat,  se  promenait  le  long  des  plates-bandes.  — 
Rassurez-vous,  mon  frère,  lui  dit-il  :  la  Reine,  à  qui  madame  de 
Molteville  a  beaucoup  parlé  de  vous,  m'a  donné  ordre  de  veiller 
à  ce  qu'on  ne  vous  fasse  aucun  tort.  Je  ne  puis  empêcher  que 
l'on  marche  sur  l'oseille,  mais  si  un  de  ces  galopins  touchait  à 
vos  fruits,  je  lui  couperais  les  oreilles,  vrai  comme  j'ai  perdu  un 
œil  à  Rocroy. 

L'ermite  le  remercia  et  rentra  dans  son  étroite  demeure,  se 
promettant  de  s'y  tenir  caché  jusqu'à  la  nuit. 


La  journée  fut  très  chaude,  et  la  brillante  cavalcade  qui  escor- 
tait le  Roi  ne  sortit  des  jardins  de  Fontainebleau  que  ver?  trois 
heures.  Olympe  Mancini,  comtesse  de  Soissons,  s'était  mollement 
couchée  dans  une  calèche  bisse  ;  toutes  les  autres  dames,  vêtues 
de  pourpoints  brodés  et  de  longues  jupes  de  drap  de  soie  de  couleur 
éclatante,  coiffées  de  chapeaux  à  plumes  assorties,  chevauchaient 
avec  Louis  XIV.  Il  eût  été  difficile  de  voir  plus  jolie  troupe.  La 
Roi  et  Monsieur,  très  beaux  tous  deux,  effaçaient  non  seulemnnt 
les  jeunes  seigneurs  qui  les  suivaient,  mais  encore  l'éclat  des 
visages  féminins.  Il  est  vrai  que  Marie  Mancini  était  fort  brune, 
ses  sœurs  Hortense  et  Marianne,  encore  des  enfants,  madame  la 
comtesse  de  Soissons  un  peu  souffrante,  Mademoiselle  sur  le 
déclin,  et  njesdames  et  mesdemaiselles  de  Gréqui,  de  Vivonne, 
de  Fouilloux,  etc.,  plutôt  agréables  que  belles.  Mais  une  jeune 
dame  nouvellement  arrivée  à  la  cour,  et  que  Mademoiselle  avait 
amené,  attirail  les  regards,  d'abord  par  son  cosiume  gris  et  noir 
et  son  bandeau  de  veuve,  puis  par  une  beauté  blonde  des  plus 
gracieuses.  L'écuyer  de  Mademoiselle,  Gaston  de  Neverly,  s'occu- 
pait beaucoup  de  rendre  des  soins  à  cette  belle,  et  personne  n'y 
trouvait  à  redire,  attendu  qu'il  était  à  marier,  elle  veuve,  et  de 
plus,  qu'ils  étaient  cousins. 

En  arrivant  sur  le  plateau  de  Franchard  toute  cette  belle  com- 
pagnie s'exclama  sur  la  vue  admirable  qu'on  découvrait  de  là.  Les 
dames  mirent  pied  à  terre  et  allèrent  se  reposer  dans  le  jardin  de 
l'ermite.  Un  goûter  composé  de  gâteaux,  de  fruits  à  la  glace,  et 
de  chocolat  d'Espagne,  leur  fut  servi,  et  le  Roi  et  Mademoiselle 
donnèrent  l'exemple  d'un  appétit  tout  bourbonnien.  Pendant  le 
goûter  les  vingt-quatre  violons  du  Roi  jouèrent  leurs  plus  agréables 
concertos,  et  lorsque  Louis  XIV  se  leva  de  table,  Marie  Mancini 
proposa  de  danser. 

j^ — Danser  ici  !  s'écria  Mademoiselle.  Oh  non,  c'est  trop  près 
de  la  chapelle  ;  cela  scandaliserait,  l'ermite.  Allons  plutôt  nous 
promener  sous  bois  :  allons  voir  la  Roche  qui  pleuré. 

—  Ma  cousine  parle  d'or,  dit  le  Roi  :  Pourrezvous  marcher 
madame  ?  ajouta-t-il  en  s'adressant  à  la  comtesse  de  Soissons, 

—  Certainement,  Sire,  l'exercice  à  pied  m'est  fort  bon  :  Mais  où 
est  donc  l'ermite  ? 

(à  suivre) 


NOTES  &  RENSEIGN  EMENTS  BIBL!06RAPHIQU  ES 

POUR    AIDER     LES    ECCLÉSIASTIQUES   A   COMPOSER    ET 
A    COMPLÉTER    LEUR   BIBLIOTHEQUE 


L'A»ii  du  Clergé  commence  aujourd'hui  sous  ce  titre  la  publication  d'un  travail  qui,  nous 
l'espérons,  intéressera  nos  lecteiTB  et  contribuera  à  rendre  notre  Revue  de  plus  en  plus  digue 
de  la  faveur  et  de  la  confiance  qu'on  lui  accorde. 

Nous  nous  sommes  toujours  fait  un  devoir  et  un  plaisir  de  signaler  ici  les  ouvrages  nouveaux 
qui  méritaient  l'attention  du  clergé  ;  et  nous  étions  heureux  aussi  de  répondre  aux  demandes 
de  renseignements,  et  de  dire  franchement  notre  avis  sur  lee  livres  au  sujet  desquels  on  nous 
con-'ultait.  Mais  depuis  longtemps  nous  pensions  qu'il  serait  très  avantageux  à  nos  confrères, 
et  particulièrement  a  ceux  qui  ont  à  composer  leur  bibliothèque,  d'avoir  d'avance  et  d'une 
façon  complète  toutes  les  indications  et  appréciations  capables  de  les  éclairer  sur  les  ouvrages 
à  lire,  à  acheter.  D'ailleurs  plusieurs  de  nos  lecteurs  nous  avaient  sollicités  d'entreprendre  ce 
travail  et  de  le  publier  dans  VAmi-  Nous  ne  nous  étions  pas  refusés,  nous  nous  étions  presque 
engagés  à  satisfaire  ce  désir  de  nos  abonnés.  Il  nous  est  enfin  donné  de  réaliser  notre  projet.  Le 
collaborateur  qui  a  bien  voulu  accepter  cette  tâche  a  toute  notre  confiance  :  nous  lui  ouvrons 
nos  colonnes  dans  uue  large  mesure,  et  nous  espérons  que  nos  amis  liront  ses  indications  avec 
intérêt  et  profit. 


Les  notes  et  renseignements  que  IM- 
mi  du  Clergé  nous  charge  de  donner  à 
ses  lecteurs  seront  très  ulil-s,  ce  nous 
semble,  au.-î  élèves  de  nos  grands  sémi- 
naires qui  peuvent  et  doivent  de  bonne 
heure,  et  surtout  ilans  leur  dernière  an- 
née de  théologie,  se  préparer  une  biblio- 
thèque et  la  composer  de  livres  bien 
choisis.  Ce  choix  est  difBcile  à  faire,  et 
il  est  d'autant  p!u>  important  que  les 
ressources  financières  de  nos  jeunes 
clercs  sont  très  restreintes  ;  et  pour  eux , 
par  conséquent,  en  fait  de  livres, la  qua- 
lité doit  compenser  la  quantité.  Sans 
doute  leurs  maiires  les  guideront  dans 
cette  sélection  :  inais  il  leur  sera  très 
avantageux  d'avoir  par  écrit  des  con- 
seils, qu'ils  pourront  toujours  faire  con- 
trôler ;  comme  aussi  il  leur  sera  très 
utile  de  connaître,  par  des  comptes-ren- 
dus désintéressés  et  dignes  de  confian- 
ce, une  série  de  différents  ouvrages  par- 
mi lesquels  ils  pourront  choisir  ceux 
qui  conviennent  le  mieux  à  leur  trempe 
d'esprit  et  à  leur  caractère. 

Ces  noies  et  renseignements  s'adres- 
sent également  aux  prêtres  déjà  engagés 
dans  les  fonctions  du  saint  ministère. 
Tous,  et  surtout  les  plus  jeunes,  senti- 
ront inévitablement  le  besoin  de  com- 
pléter de  plusen  plus  leur  bibliothèque. 
A  mesure  qu'on  s'éloigne  des  leçons  du 
séminaire,  et  quand  les  difficultés  se 
présentent  plus  nombreuses  et  plus  sé- 
rieuses, et  alors  que  l'ignorance  des 
peuples  s'accroit  chaque  jour,  l'étude 
est  plus  indispensable,  et  plus  que  ja- 
mais il  faut  faire  mentir  le  dicton  :  Fi- 
nis sludiorum,finis  laborum.  Il  est  donc 
important  de  rendre  cette  étude  plu-  fa- 
cile et  plus  attrayante  à  ceux  qui  se- 
raient davantage  exposés  à  se  laisser 
trop  absorber  par  les  occupations  exté- 
rieures du  ministère.  C'est  par  des  ou- 
vrages bien  faits,  qui  auront  parfois 
l'attrait  de  la  nouveauté  et  de  l'origina- 


lité, qu'en  rattachera  au  travail  ùe  ca- 
binet ceux  qui  seraient  tentés  de  le  né. 
gliger. — Il  en  doit  être  ainsi  pour  la 
piété  :  toute  une  collection  do  livres 
bien  choisis  devra  faciliter  et  assurer  la 
fidélité  à  l'ensemble  des  exercices  de 
pieté  qui  ont  été  au  séminaire  le  moyen 
de  nous  sanctifier,  de  nous  juslifier,  et 
que  nous  ne  pourrions  délaisser  sans 
danger.  In  œternum  non  oblivicar  jus- 
tificationes  tuas,  quia  in  ipsis  vivifi- 
casti  me. 

Mais  outre  ces  deux  obligations  es- 
sentielles, le  travail  et  !a  prière,  dont 
notre  catalogue  doit  favoriser  l'accom- 
plissement, c'est  encore  un  devoir  pour 
le  prêtre  d'éclairer  les  fidèles  sur  les  li- 
vres à  lire,  qu'il  s'agisse  de  le>ir  instruc- 
tion, ou  plus  immédiatement  de  leur 
sanctication.  Quels  services  il  rendrait 
à  ses  paroissiens,  la  curé  qui  saurait 
leur  indiquer  les  livres  d'étude,  de  piélé, 
de  lecture  l^s  plus  capables  de  les  éclai- 
rer et  de  les  édifier  suivant  leurs  besoins 
leurs  conditions,  leurs  dispositions!  Ce 
serait,  tout  à  la  fois,  leur  épargner  les 
iaconvénienls  des  livres  moins  bons, 
des  livres  superficiels  et  inutiles,  des 
livres  dangereux. 

Ceux  de  nos  confrères  qui  croiraient 
avoir  déjà  dans  leur  bibliothèque  tous 
les  ouvrages  nécessaires  à  leurs  études 
et  \  leurs  exercices  de  piété,  trouveront 
dans  notre  travail  les  renseignements 
sur  les  nouveautés  capables  de  les  in- 
téresser. Il  est  de  ces  publ  cations  ré- 
cenle.i,  qiii  méritent  l'attention  du  cler- 
gé, et  qu'il  n'est  pas  permis  d'ignorer, 
soit  qu'elles  répondent  à  de  nouvelles 
exigences  des  temps  actuels  et  aident  à 
faire  face  à  de  nouveaux  besoins,  soit 
qu'elles  se  distinguent,  dans  l'exposé 
de  la  vérité,  par  un  cachet  de  bonne  ori- 
ginalité :  non  nova,  sed  nove.  Du  reste, 
en  signalant  et  appréciant  ainsi  les  ou- 
vrages nouveaux,  nous  mettrons  nos 


64 


LE  PROPAGATEUR 


confrères  au  courant  du  mouvement 
intellectuel,  et  leur  permettrons  d'en- 
richir leur  bibliothèque  des  livres  qui 
méritent  d'y  figurer. 

La  bibliothèque  d'un  ecclésiastique 
peut  et  doit  comprendre,  ce  nous  sem- 
ble, cinq  ou  six  séries  ;  c'est  ainsi  que 
l'entend  une  librairie  catholique  qui 
vient  de  publier  un  catalogue  destiné 
au  clergé.  Ce  catalogue,  réidgé  très  mé- 
thodiquement, contient  dans  ses  116 
pages  in- 16,  un  nombre  considérable  de 
livres  "  dont  les  ecclésiastiques  peuvent 
avoir  besoin  pour  eux-mêmes,  ou  qu'ils 
peuvent  conseiller  aux  fidèles." 

Voici  la  division  suivie  dans  ce  cata- 
logue. La  première  série  comprend I  les 
livres  de  piété  pour  les  ecclésiastiques; 
—  la  2e  série  donne  les  livres  d'étude, 
en  réservant  toutefois  —  pour  la  3e  sé- 
rie les  ouvrages  qui  doivent  aider  le 
prêtre  à  remplir  ses  fondions  de  pré- 
dicateur et  de  catéchiste  — La  4e  série 
est  consacrée  à  une  première  catégorie 
d'ouvrages  à  conseiller  aux  fidèles  ;  ce 
sont  les  ouvrages  de  méditations,  et  des 
livres  de  lecture  pour  leur  instruction 
religieuse  et  leur  édification. —  La  5  sé- 
rie reuferme  aussi  des  ouvrages  desti- 
nés aux  fidèles,  mais  particulièrement 
ceux  qui  peuvent  et  nous  semblent  de- 
voir composer  une  bibliothèque  parois- 
siale.— Nous  ne  renonçons  pas  à  ajou- 
ter une  6e  série  pour  les  ouvrages  d'é- 
tude et  lie  science  que  j'appellerai  pro- 
fanes, parce  qu'elle  ne  rentre  pas  né- 
cessairement dans  le  cadre  des  sciences 
ecclésiastiques,  mais  qui  seront  pour 
quelques-uns  de  nos  confrères  des  étu- 
des d'agrément,  et  qui  surtout  seraient 
pour  tous  un  moyen  d'en  imposer  aux 
gens  du  monde,  un  moyen  d'entrer  en 
relation  avec  eux  en  nous  plaçant  sur 
leur  terrain,  un  moyen  par  conséquent 
d'exercer  une  salutaire  influence  autour 
de  nous. — Ces  différentes  séries  compor- 
tant des  subdivisions  que  nous  indique- 
rons au  moment  voulu. 

Pour  chaque  subdivision,  nous  au- 
rons à  inscrire  un  plus  ou  moins  grand 
nombre  d'ouvrages  :  nous  en  donnerons 
d'abord  l'énumératipn,  en  indiquant 
pour  chacun  le  titre,  l'édition,  le  nom- 
bre de  volumes,  le  format  et  le  prix  ; 
puis  dans  un  article  de  critique,  nous 
ferons  connaître,  selon  la  mesure  du 
possible,  le  contenu  et  la  valeur  des 
ouvrages  énoncés,  pour  aider  nos  con- 
frères à  faire  leur  choix.  Nous  ne  nous 
flattons  pas  que  l'énumération  sera 
complète  et  comprendra  tous  les  livres 


qui  mériteraient  d'être  signalés  ;  enco- 
re moins  pouvons-nous  espérer  que  no- 
tre appiéciation  de  l'ouvrage  sera  ac- 
ceptée et  ratifiée  par  tous  nos  lecteurs. 
Un  livre  qui  plait  aux  uns  peut  ne  pas 
plaire  à  d'autres.  Tant  à  cause  de  la 
variété  que  le  Créateur  met  dans  ses 
œuvres,  que  par  suiie  de  l'éducation  et 
des  habitudes,  les  intelligences  ont  des 
exigences  différentes  et  des  goûts  divers. 
C'est  pourquoi  nous  indiquons  sous 
chaque  titre  plusieurs  ouvrages  :  nous 
voulons  donn-r  à  nos  confrères  la  fa- 
culté de  choisir,  et  leur  laisser  la  res- 
ponsabilité de  ce  choix,  tout  en  le  leur 
facditant  par  nos  comptes-rendus. 

11  nous  est  venu  à  la  pensée  de  donner 
aussidans  nos  indications  bibliographi- 
ques le  nom  de  l'éditeur  de  l'ouvrage  : 
ce  serait  permettre  à  tous  de  demander 
directement  et  d'avoir  peul-êtr-'.  plus^ 
promptement  l'ouvrage  désiré.  Mais  cet 
avantage,  si  avantage  il  y  a,  nous  sem- 
ble infiniment  moindre  que  l'inconvé- 
nient de  la  centralisation.  Chacun  cons- 
tate, et  les  esprits  sérieux  déplorent 
cette  tendance  de  Pans  à  s'emparer  de 
tous  monopoles  de  production  ou  de 
vente  :  le  commerce  et  l'industrie  de  la 
province  sont  en  souffrance.  Il  nous 
semble  que  le  clergé  doit  s'associer  aux 
efforts  qui  se  font  en  faveur  de  la  décen- 
tratisalion.  Que  chacun  de  nous  fasse 
travailler  et  vivre  ceux  qu'il  connaît, 
ceux  avec  qui  il  a  des  rapports  plus  fré- 
quents, ceux  qu'il  sait  être  honnêtes  et 
bons  catholiques.  Que  sont  les  courtiers 
qui  se  présentent  à  nous,  et  que  sont  les 
patrons  qu'ils  représentent,  le  savons- 
nous  ?  Les  personnes  que  n  ous  trouvons 
sur  place,  et  que  nous  jugeons  dignes 
d'intérêt  et  de  confiance,  n'abuseront 
pas  contre  nous  des  profits  que  nous 
leur  aurons  permis  de  réaliser. 

Pour  ce  qui  regarde  la  question  des 
livres,  nous  sommes  en  droit  de  suppo- 
ser qu'il  existe  dans  chaque  ville  un  peu 
importante.ao  chef-lieu  du  déparlement, 
pu  au  chef-lieu  du  diocèse,  un  libraire 
parfaitement  au  courant  de  la  librairie 
ecclésiastique,  et  qui  mérite  en  même 
temps  la  confiance  des  catholiques.  De- 
mandez-lui les  ouvrages  que  vous  dési- 
rez, il  vous  les  fera  parvenir  très  promp- 
tement, et  peut-être  même  vous  fera-t- 
il  bénéficier  d'une  partie  de  la  remise 
que  les  éditeurs  accordent  aux  librai- 
res :  en  tout  cas  vous  aurez  fait  un  acte 
de  patriotisme  éclairé  et  un  acte  de 
charité  très  sacerdotale. 

(EKlrait  de  l'Ami  du  Clergé.) 


LE    PROPAGATEUR 

Volume   IV,  1er  Avril,  1893,  Numéro  3 

A.JJ    I.EOTEXJR 

Notre  établissement  est  devenu  la  proie  des  flammes 
dans  la  nuit  du  20  au  21  mars  et  notre  librairio  est 
détruite  en  grande  partie.  Nos  pertes  sont  énormes  car 
presque  tout  notre  assortiment  de  livres,  de  papeterie  et 
d'articles  religieux  a  été  brûlé  ou  noirci  par  la  fumée. 
L'eau  a  aussi  beaucoup  endommagé  les  marchandises  que 
nous  avons  pu  sauver  des  flammes. 

Ge  triste  événement  n'interrompra  cependant  pas 
notre  commerce  et  les  réparations  à  la  bâtisse  sont 
déjà    commencées. 

Nous  pourrons  bientôt  installer  le  nouvel  assortiment 
que  nous  attendons  d'Europe.  Un  de  nos  associés,  M. 
Giroux,  partira  ces  jours-ci  pour  la  France  afin  de  faire 
des  achats  considérables. 

Dans  quelques  semaines  nous  pourrons  ojffrir  à  nos 
clients  un  magnifique  assortiment  de  livres  de  théologie, 
d'histoire,  de  littérature,  de  sciences,  etc. 

En  attendant  notre  nouvelle  installation,  nous  offrons, 
à  un  rabais  considérable,  tout  notre  fond  de  livres,  de  pa- 
peterie, d'articles  religieux,  de  tapisserie,  etc. 

Nous  profitons  de  la  circonstance  pour  présenter  nos 
plus  sincères  remerciements  au  clergé  et  à  nos  autres 
clients  pour  leur  encouragement  passé. 

Nous  sollicitons  de  nouveau  leur  patronage. 

Les  nombreuses  marques  de  sympathie  qui  nous  ont  été 
prodiguées  dans  notre  malheur  nous  ont  été  très  sensibles 
et  nous  en  garderons  une  éternelle  reconnaissance. 

CADIEUX  &  DEROME. 

5 


BULLETIN 

24  mars  1893. 

^*,  Les  lecteurs  du  Propagateur  connaissent  tous  le  journal  la 
Croix  pubUé  à  Paris.  Ce  journal  est  l'un  des  plus  vaillants  défen- 
seurs des  droits  du  St  Siège  et  l'un  des  plus  puissants  et  actifs  pro- 
pagateurs en  France  des  principes  religieux  et  de  toutes  les  saines 
doctrines  sociales.  Il  combat  sans  trêve  ni  merci,  avec  le  plus 
grand  courage  et  des  succès  toujours  croissants,  toutes  les  perni- 
cieuses doctrines  de  l'école  révolutionnaire  et  les  néfastes  influen- 
ces de  la  franc-maçonnerie,  de  la  juiverie  et  de  la  libre  pensée. 

Voici  le  programme  de  ce  journal  qui  a  pour  auxiliaires  dans  les 
bons  combats  I'Univers,  le  Monde  et  un  grand  nombre  d'autres 
journaux  catholiques  dévoués. 

PROGRAMME. 

Liberté  de  l'Eglise  et  de  la  France. 

Le  Pape  indépendant  et  arbitre  entre  les  peuples  pour  assurer  la  paix  et  dimi- 
nuer les  charges  militaires  qui  ruinent  l'Europe. 

La  suppression  des  lois  scolaires  qui  enlèvent  aux  communes  et  aux  familles 
le  droit  de  choisir  les  maîtres  d'école. 

La  religion  dans  l'école  ;  la  religion  aux  enfants  des  pauvres  aussi  bien  qu'aux 
enfants  des  riches. 

Les  Sœurs  dans  les  hôpitaux. 

Législation  favorisant  les  intérêts  du  peuple  et  réprimant  l'agiotage  et  la 
juiverie. 

Lois  poui-  assurer  la  prospérité  de  l'agriculture. 

Création  d'institutions  économiques,  de  nature  à  améliorer  le  sort  de  l'ouvrier. 

Suppression  de  la  banqueroute  que  préparent  nécessairement  les  emprunts  et 
le  gaspillage  de  notre  argent. 

Ce  programme  est  celui  qui  est  adopté  par  les  catholiques  pour 
les  prochaines  élections  générales  de  la  dhambre  des  députés 

Gomme  catholiques  et  amis  dévoués  de  la  France,  notre  bien 
aimée  mère  patrie,  nous  applaudissons  de  toutes  nos  forces  à  ce  pro- 
gramme et  nous  en  souhaitons  la  prompte  et  définitive  réalisation. 

*** 

*  Il  parait  bien  avéré  aujourd'hui  que  la  révolution  du  14 
janvier  aux  îles  d'Hawaï  est  le  fait  des  intrigues  de  quelques  amé- 
ricains. Il  y  a  peut-être  quelques  natifs  qui  y  ont  participé,  mais  ils 
sont  en  très  petit  nombre.  Ainsi  la  reine  Lydia  Kamakeha  Liliuo- 
kalani  n'est  descendue  du  trône  que  grâce  aux  étrangers  qui 
veulent  l'annexion  aux  Etats-Unis.  Mais  cette  annexion  qui,  dans 
l'esprit  des  révoltés,  devait  être  l'œuvre  de  quelques  jours  est  in 
définiment  retardée.  Le  nouveau  président  G leveland  a  retiré  le 
projet  de  traité  qui  était  au  Sénat  américain  et  il  envoie  aux  îles 
une  commission  chargée  de  s'enquérir  de  tous  les  faits  relatifs  à 


LE  PROPAGATEUR  67 


la  révolution,  de  ses  causes  et  des  aspirations  des  habitants.  Cette 
commission  doit  surtout  constater  qnels  sont  les  sentiments  des 
natifs  car  on  prétend  que  l'immense  majorité  de  ces  derniers,  sinon 
la  totalité,  est  opposée  au  changement  de  régime.  On  dit  que 
le  président  a  agi  ainsi  parcequ'il  est  outré  de  la  manière  indigne 
dont  on  s'y  est  pris  pour  parvenir  à  l'annexion. 

La  reine  Liliuokalani  qui  vient  d'être  détrônée  est  née  à  Hono- 
lulu  le  2  septembre  183S  et  le  10  septembre  1862  elle  s'est  mariée 
avec  un  américain  du  Massachusetts.  Les  îles  sont  actuellement 
gouvernées  par  un  gouvernement  provisoire  sous  la  présidence 
d'un  Hawaïen  de  naissance  S.  B.  Djle,  partisan  de  l'annexion  aux 
Etats-Unis. 

Les  îles  d'Hawai  ou  Sandwich  sont  situées  dans  l'Océan  Pacifi- 
que sur  la  route  de  Vancouver  à  Sydney  (Australie)  et  à  Auckland 
(Nouvelle  Zélande).  Elles  sont  au  nombre  de  douze  dont  huit  seu- 
lement sont  habitées. 

Les  principales  sont  Hawaï,  Maoui,  Oahou  et  Kaouaï.  Le  siège 
du  gouvernement  est  à  Honolulu  dans  l'ile  d'Oahou.  11  y  a  deux 
ans  la  population  totale  était  de  90,000  âmes.  Sur  ce  nombre  on 
comptait  en  chiffres  ronds  35,000  Kanaques  purs,  8000  Kanaques 
mêlés,  9000  Portugais,  15,000  Chinois  et  12,000  Japonais.  Le  sur- 
plus de  la  population  se  composait  d'Américains,  d'Anglais,  d'Al- 
lemands et  de  diverses  autres  nationalités. 

Les  missionnaires  catholiques  des  îles  sont  les  Pères  de  la  Con- 
grégation du  Sacré-Cœur  de  Jésus  et  Marie,  de  Picpus.  Les  catho- 
liques sont  pour  la  plupart  des  Kanaques,  et  des  Portugais.  11  y  a 
un  vicaire  apostolique  dont  la  résidence  est  à  Honolulu.  C'est  Mgr 
G.  P.  Ropert.  Il  a  été  sacré  à  San  Francisco  le  25  septembre  der 
nier.  Les  églises,  chapelles  et  autres  lieux  destinés  au  culte  sont 
au  nombre  de  100. 

*  * 

,*,  Les  Irlandais  de  Montréal  ont  célébré  leur  fête  nationale  le 
17  de  ce  mois.  Le  beau  temps  a  favorisé  la  procession  qui  a  eu 
lieu  comme  les  autres  années.  La  fête  religieuse  a  été  célébrée  à 
l'église  Saint-Patrice.  Mgr  de  Montréal  a  officié  et  un  religieux 
irlandais  de  New-York,  le  père  Doyle,  Pauliste,  a  fait  le  sermon 
de  circonstance. 

L'Irlande  n'est  malheureusement  pas  encore  délivrée  du  joug 
de  fer  qui  pèse  sur  elle  depuis  longtemps,  mais  l'heure  de  la  déli- 
vrance est  peut-être  proche.  En  effet  le  bill  du  Home  Rule  a  été 
présenté  aux  communes  anglaises  qui  le  voteront  probablement, 
car  la  majorité  de  M.  Gladstone  est  suffisante  pour  en  assurer  la 
passation. 

Malheureusement  la  chambre  des  Lords  est  mal  disposée  et  un 
grave  conflit  paraît  inévitable  entre  les  deux  chambres  du  Parle- 
ment. De  plus  les  fanatiques  orangîstes  de  l'Ulster  paraissent  dé- 
terminés à  résister  à  l'établissement  d'un  gouvernement  autonome 
et  ils  menacent  d'avoir  recours  aux  armes.  Espérons  cependant  que 


68  LE  PROPAGATEUR 


toutes  les  difScultés  seront  surmontées  et  qu'à  la  prochaine  Saint 
Patrice  l'Irlande  se  gouvernera  elle-même. 


Erin  go  bragh 


*** 


*  Le  sacre  de  Monseigneur  Decelles,  évêque  de  Druzipara, 
coad*juteur  de  St  Hyacinthe,  a  eu  lieu  le  9;mars  dans  la  cathédrale 
de  Saint  Hyacinthe.  Le  prélat  consécrateur  était  Mgr  l'archevêque 
de  Montréal.  Le  nouvel  évêque  avait  pour  assistants  Mgr  Gravel, 
évêque  de  Nicolet,  et  Mgr  Raciue,  évêque  de  Sherbrooke. 

Le  grand  vicaire  O'Donnell,  curé  de  Saint-Denis,  a  fait  le  sermon. 

Deux  archevêques  et  sept  évêques  assistaient  à  la  cérémonie  qui 
a  été  très  imposante. 

L'évêque  actuel,Mgr  Moreau,  est  le-quatrième  évêque  du  diocèse 
de  Saint-Hyacinthe  qui  a  été  crée  en  1852  par  le  pape  Pie  IX.  Ses 
prédécesseurs  ont  été  Mgr  Jean  Charles  Prince,  Mgr  Joseph  La- 
rocque  et  Mgr  Charles  Larocque. 

Le  diocèse  de  Saint  Hyacinthe  comprend  les  comtés  de  Bagot, 
Iberville,Missisquoi,  Richelieu, Rouville  et  Saint-Hyacinthe  et  une 
partie  des  comtés  de  Brome,  Shefford  et  Verchères.  La  cité  de  St- 
Hyacinthe  qui  est  la  ville  épiscopale,  est  située  sur  les  bords  de 
l'Yamaska,  au  centre  d'une  région  agricole  très  prospère.  Elle 
contient  une  population  industrieuse,  des  manufactures  florissantes 
et  plusieurs  établissements  d'éducation  et  de  charité.  Deux  che- 
mins de  fer,  le  Grand  Tronc  et  une  branche  du  Pacifique,  la  met- 
tent en  communication  avec  tous  les  points  du  pays.  Elle  est  le 
chef  lieu  du  district  judiciaire  de  Saint-Hyacinthe  et  du  comté  du 
même  nom.  Elle  doit  surtout  sa  célébrité  à  son  collège  d'où  sont 
sortis  une  foule  d'hommes  éminents  et  qui  a  eu  pour  professeurs 
des  savants  distingués  comme  les  abbés  Desaulniers  et  Raymond. 

/^  Les  difficultés  financières  entre  le  gouvernement  fédéral  et 
les  gouvernements  de  Québec  et  d'Ontario  n'ont  jamais  été  réglées 
définitivement.  Une  commission  d'arbitrage  chargée  de  ce  règle- 
ment a  été  nommée  dernièrement  et  elle  a  commencé  à  siéger  le 
1*7  mars.  La  prochaine  séance  aura  lieu  le  18  avril.  Les  arbitres 
sont  le  juge  Burbridge  pour  le  gouvernement  fédéral,  le  juge 
Gasault  pour  le  gouvernement  de  Québec,  et  le  juge  Boyd  pour 
le  gouvernement  d'Ontario. 

Les  avocats  des  divers  gouvernements  sont  M.  Hogg,  pour  le 
gouvernement  fédéral,  M.  Girouard,  député  fédéral  de  Jacques- 
Cartier,  et  M.  Hall,  trésorier  provincial,  pour  le  gouvernemeut  de 
Québec,  et  MM.  Irvine  et  Harcourt,pour  le  gouvernement  d'Ontario. 

La  commission  d'arbitrage  a  été  nommée  en  vertu  de  la  section 
142  de  VActe  de  r  Amérique  Britannique  du  Nord,  1867  ^1). 

(l)  Statut  Impérial  30  et  31  Vict.  Cap  3. 


LE  PROPAGATEQR  69 


,*,  Les  législatures  de  la  Nouvelle-Ecosse,  du  Nouveau-Bruns- 
wick  et  de  l'île  du  Prince-Edouard  sont  actuellement  en  session 
L'ouverture  de  la  session  a  eu  lieu  le  8  mars  dans  l'île  du  Prince 
Edouard  et  le  9  mars  au  Nouveau-Brunswick.  Celle  de  la  Nouvelle- 
Ecosse  avait  été  ajournée  le  1er  février,mais  elle  a  été  reprise  le  16 
mars. 


* 
*  * 


Sont  décédés. 


1°  Aux  Etats-Unis  R.  M.  Bishop,  ancien  gouverneur  de  l'Ohio, 
et  0.  M.  Halch,  ancien  secrétaire  d'état.  M.  Hatch  était  le  grand 
ami  du  président  Lincoln. 

2°  Madame  Mowatt,  femme  de  Sir  Oliver  Mowatt,  premier 
ministre  d'Ontario.  Elle  était  âgée  de  68  ans. 

3®  A  Londres  l'honorable  Hugh  Nelson,  ex  lieutenant  gouver- 
neur de  la  Colombie  Britannique.  M.  Nelson  est  né  en  Irlande  le 
25  mars  1830.  Il  a  été  député  de  New-Westminster  à  la  législature 
de  la  Colombie  Britannique  avant  la  Confédération.  Il  a  représenté 
la  même  division  aux  Communes  après  l'entrée  de  la  Colombie 
dans  la  Confédération.  Il  a  été  nommé  sénateur  en  l6l9  et  lieute- 
nant gouverneur  en  1887. 

A^  M.  l'abbé  Joseph  Nérée  Gingras,  curé  de  Saint-Gervais,  à 
l'âge  de  68  ans.  M.  1  abbé  Gingras  est  l'un  des  prêtres  qui  ont  été 
envoyés  aux  Illinois  après  l'apostasie  de  Chiniqay.  Son  apostolat 
fut  couronné  de  succès  et  il  eut  la  joie  de  ramènera  la  foi  de  leurs 
pères  un  grand  nombre  des  nôtres  qui  avaient  suivi  Chiniquy 
dans  son  schisme. 

5°  Hypolite  Adolphe  Taine,  membre  de  l'Académie  Française 
et  écrivain  de  renom.  Il  est  l'auteur  d'un  grand  nombre  d'ouvrages 
remplis  de  doctrines  falalitses. 

6o  Son  Eminence  Charles  Philippe  Place,  Cardinal  prêtre  et 
archevêque  de  Rennes.  Il  est  né  à  Paris  le  14  février  1814.  Ses 
études  classiques  étant  terminées,  il  étudia  le  droit,  prit  ses  degrés 
et  il  débuta  dans  la  diplomatie  comme  secrétaire  d'embassade. 
Quelques  années  plus  tard  il  entra  dans  l'état  ecclésiastique.  Il  fut 
successivement  vicaire  général,  supérieur  de  séminaire,  président 
de  l'œuvre  des  Ecoles  d'Orient  et  auditeur  de  Rote.  Il  fut  nommé 
évêque  de  Marseille  en  1866,  archevêque  de  Rennes  en  18*78  et 
Cardinal  en  1886, 

Mgr  Place  suivit  les  errements  de  Mgr  Dupanloup  et  il  combat- 
tit avec  ardeur  dans  les  rangs  des  adversaires  de  la  définicion  du 
dogme  de  l'infaillibilité  pontificale.  Mais  après  la  proclamation  du 
dogme  il  se  soumit  comme  tous  les  bons  catholiques.  Il  a  rempli  les 
devoirs  de  sa  charge  avec  zèle  et  énergie  et  l'église  de  France  doit 
être  fière  de  lui. 


70  LE  PROPAGATEUR 


7°  Jules  François  Camille  Ferry,  président  du  Sénat  français 
et  ancien  premier  ministre  de  la  République.  Il  est  né  à  Saint-Dié, 
dans  le  département  des  Vosges,  le  5  avril  1832  et  il  a  été  admis 
au  barreau  en  1854.  Il  a  été  quelque  temps  journaliste. 

Pendant  sa  vie  publique  M.  Ferry  a  été  membre  du  corps  légis- 
latif sous  l'empire,  membre  du  gouvernement  de  la  défense  natio- 
nale, après  la  révolution  du  4  septembre  1870,  et  député,  ambassa- 
deur, ministre  et  sénateur  sous  la  république.  Il  était  l'un  des 
candidats  à  la  présidence  de  la  république  en  1887. 

Le  président  du  sénat,  M.  Le  Royer,  ayant  donné  sa  démission, 
M.  Ferry  a  été  élu  pour  le  remplacer.  L'élection  a  eu  lieu  dans 
la  séance  du  sénat  du  24  février  dernier.  Sur  229  votes  le  nouveau 
président  en  a  eu  148. 

Jules  Ferry  a  été  élevé  dans  la  religion  catholique,  mais  il  a 
apostasie  après  son  mariage.  Il  a  été  l'un  des  plus  odieux  persé- 
culeurs  des  ordres  religieux  en  France,  l'un  des  plus  fanatiques 
laïcisateurs  et  l'auteur  des  infâmes  lois  scolaires  actuelles  et  no- 
tamment de  l'ignoble  article  sept  qui  a  eu  un  immense  retentisse- 
ment dans  le  monde  entier. 


Ont  été  nommés 


1^  Administrateur  de  la  Province  de  Québec,  Sir  Alexandre 
Lacoste,  juge  en  chef  de  la  Cour  du  Banc  de  la  Reine.  Il  remplace 
le  lieutenant-gouverneur  Ghapleau  qui  a  obtenu  un  congé  de 
trois  mois. 

2°  Juge  de  la  cour  du  comté  deQueen's,îledu  Prince-Edouard, 
M.  Macleod. 

3°  Juge  de  la  cour  du  comté  de  Welland,  Ontario,  W.  Fitzge- 
rald, G.  R.  de  London. 

* 

Dans  la  nuit  du  20  au  21  de  mars  l'établissement  de  messieurs 
Cadieux  et  Derome  est  devenu  la  proie  des  flammes. 

Le  directeur  du  journal  Mr.  Derome  a  été  presqu'asphyxié  dans 
son  lit,  et  ce  n'est  que  par  une  espèce  de  miracle  qu'il  a  pu  s'échap- 
per sain  et  sauf. 

Nous  sympathisons  avec  nos  amis  dans  le  malheur  qui  vient 
de  les  frapper  et  nous  souhaitons  que  ce  triste  événement  n'abatte 
pas  leur  courage.  Leur  établissement  redeviendra  bientôt,  nous 
l'espérons,  plus  prospère  qu'autrefois. 

La  publication  du  journal  ne  sera  pas  interrompue. 

Alby. 


LA  VOIE  DE  LA  PAIX  INTERIEURE 

DÉDIÉE    A 

NOTRE-DAME    DE    LA    PAIX 
Par  le   P.  »E  1.  E  H  £  HT 

de  la  compagnie  de  Jésus. 
1  voL  in.l2 Prix  :  75  cts 

L'article  qnl   sait   est  extrait  de  ce  livre. 

I>e  la  conduite  pleine  d'amour  que  la  divine  pro- 
vidence tient  envers  les  homiues,  et  du  bon- 
lieur  de  ceux  qui  se  soumettent  «romnie  ils 
doivent  â  sa  conduite. 

Rien  ne  se  passe  dans  l'univers  que  Dieu  ne  le  veuille,  que  Dieu 
ne  l'ordonne  ;  et  cela  doit  s'entendre  absolument  de  toutes  choses, 
excepté  le  péché.  Rien,  dit  saint  Augustin,  n'arrive  par  hasard 
dans  tout  le  cours  de  notre  vie  ;  Dieu  intervient  partout.  Je  suis 
le  Seigneur.,  dit-il  lui-même  par  la  bouche  d'Isaïe  ;./e  suis  le  Seigneur, 
et  il  rCen  est  point  d'autre  :  c^est  moi  qui  forme  la  lumière  et  qui  crée 
les  ténèbres,  qui  fais  la  paix  et  qui  crée  les  maux.  Cest  moi,  avait-il 
dit  auparavant  par  Moïse,  c'est  moi  qui  fais  mourir.,  et  c'est  moi  qui 
fais  vivre  ;  c'est  moi  qui  blesse,  et  c'est  moi  qui  guéris.  Le  Seigneur 
ôte  et  donne  la  vie,  est-il  dit  encore  dans  le  cantique  d'Anne,  mère 
de  Samuel,  il  conduit  au  tombeau  et  il  en  retire  ;  le  Seigneur  fait  le 
pauvre  et  le  riche,  il  abaisse  et  il  élève.  Arrivera-t-it  quelque  mal, 
dit  Amos,  qtii  ne  vienne  du  Seigneur  ?  Oui,  dit  le  Sage,  les  biens  et 
les  maux,  la  vie  et  la  mort,  la  pauvreté  et  les  richesses  viennent  de 
Dieu. 

Vous  allez  dire,  peut-être,  que  cela  ne  doit  s'entendre  que  des  ma- 
ladies ou  de  la  mort,  du  froid  ou  du  chaud,  et  des  autres  accidents 
produits  par  des  causes  dépourvues  de  liberté,  et  non  de  ce  qui 
dépend  de  la  volonté  de  l'homme  ;  car,  m'objecterez-vous,  quand 
quelqu'un  parle  de  moi,  qu'il  me  ravit  mes  biens,  qu'il  me  persé- 
cute, qu'il  me  frappe,  comment  attribuer  cette  conduite  à  la  volonté 
de  Dieu,  lui  qui  ne  veut  pas  que  l'on  me  traite  de  la  sorte,  que 
l'on  me  fasse  injure  ;  qui,  au  contraire,  le  défend  ?  On  ne  peut 
donc,  concluez-vous,  s'en  prendre  qu'à  la  volonté  de  l'homme, 
qu'à  son  ignorance,  ou  à  sa  malice. — C'est  en  vain,  vous  répon- 
drai-je,  que  vous  voudriez  vous  prévaloir  de  ce  raisonnement,  pour 
vous  défendre  de  vous  abandonner  à  la  Providence  divine  ;  car 
Dieu  lui  même  s'est  expliqué  ;  sur  sa  parole,  laquelle  ne  peut  être 
que  la  vérité  même,  nous  devrons  croire  que,  dans  ces  sortes 
d'événements,  aussi  bien  que  dans  tous  les  autres,  rien  n'arrive 
que  par  ses  ordres.  Voici  comment  il  s'exprime  :  Je  punirai,  disait- 
il  à  David,  je  punirai,  par  vos  propres  enfants,  l'adultère  et  l'homicide 


72  LE  PROPAGATEUR 


que  vous  avez  commis^  je  ferai  sortir  de  votre  maison  les  instruments 
de  ma  justice,  je  prendrai  vos  femmes  à  vos  yeux,  je  les  donnerai  à 
gui  vous  est  le  plus  proche^  et  il  en  abusera. 

Or,  je  vous  le  demande,  Dieu  pouvait-il  se  déclarer  plus  ouver- 
tement l'auteur  des  maux  qu'Absalon  fit  souffrir  à  son  père  ? 

Cependant  les  Juifs  aussi  chancelèrent  dans  cette  croyance,  à 
l'occasion  de  leur  captivité  et  de  leurs  maux,  qu'ils  attribuaient 
plutôt  à  leur  fortune  et  à  d'autres  causes  qu'à  la  volonté  de  Dieu  ; 
mais  le  Prophète  les  reprit  en  ces  termes  :  Qui  est  celui  qui  a  dit 
qu'une  chose  se  fit  sans  que  le  Seigneur  l'eût  commandée  ?  Est-ce  que 
les  biens  et  les  maux  ne  sortent  pas  de  la  bouche  du  Très-Haut  ?  Nous 
avons  agi  injustement,  nous  nous  sommes  attiré  la  colère  du  Seigneur , 
c'est  pour  cela  qu'il  est  devenu  inexorable. 

Si  donc  on  noircit  notre  réputation,  si  on  ravit  notre  bien,  si  on 
brûle  notre  maison,  si  on  nous  donne  un  soufilet  ;  enfin,  de  quel- 
que manière  que  l'on  nous  outrage,  attribuons  tout  à  la  volonté 
de  Dieu  :  ce  sont  des  coups  de  sa  main,  des  mesures  de  sa  Provi- 
dence. 

Cependant,  me  direz-vous,  il  y  a  péché  dans  toutes  ces  actions  : 
comment  donc  Dieu  les  veut-il  ?  Comment  y  prend-il  part,lui  qui, 
étant  la  sainteté  par  essence,  ne  peut  avoir  rien  de  commun  avec 
le  péché  ?  — Je  réponds  qu'il  faut,  dans  l'action  de  l'homme  dont 
vous  vous  plaignez,  distinguer  deux  choses  :  l'une,  le  mouvement 
ou  l'acte  extérieur  ,  l'autre,  le  dérèglement  de  la,  volonté,  qui 
s'écarte  de  ce  que  les  commandements  de  Dieu  prescrivent.  Ainsi, 
si  cet  homme  frappe  ou  s'il  médit,  c'est,  d'une  part,  le  mouvement 
du  bras  ou  de  la  langue,  et,  d'autre  part,  l'intention  qui  accom- 
pagne ce  mouvement  :  or,  le  péché  n'est  pas  dans  le  mouvement, 
et  c'est  pourquoi  Dieu  en  peut  être  et  en  est  effectivement  l'auteur  ; 
car  l'homme,  ni  aucune  autre  créature  n'a  ni  l'être,  ni  le  mou- 
vement de  lui-même,  mais  de  Dieu,  qui  agit  en  lui  et  par  lui. 
Quant  à  la  malice  de  l'intention,  elle  est  toute  de  l'homme,  et  c'est 
là  seulement  qu'est  le  péché,  auquel  Dieu  n'a  aucune  part,  mais 
qu'il  permet  pour  ne  pas  porter  atteinte  au  libre  arbitre. 

Dieu  ne  participe  donc  à  nos  œuvres  que  pour  en  former  l'être  ; 
il  ne  va  pas  plus  loin,  il  reste  absolument  étranger  à  la  malice 
qui  s'y  rencontre,  et  qui  ne  prend  sa  source  qu'en  nous.  11  veut 
vous  priver  de  votre  honneur  et  de  votre  fortune,  dont  vous  abu- 
siez ;  mais  il  ne  participe  en  rien  au  péché  du  médisant  ou  du 
voleur  qui  vous  les  ravit.  Un  exemple  va  rendre  la  chose  plus 
sensible  :  un  juge,  par  un  équitable  jugement,  condamne  à  mort 
un  criminel  ;  mais  l'exécuteur  se  trouve  être  l'ennemi  particulier 
de  ce  criminel  ;  et  au  lieu  de  n'exécuter  la  sentence  que  par  devoir, 
il  le  fait  par  haine,  par  esprit  de  vengeance...  Il  est  évident  que 
le  juge  ne  trempe  en  aucune  façon  dans  le  péché  de  l'exécuteur  ; 
il  n'entend  point  que  ce  péché  se  commette,  mais  seulement  que 
la  justice  se  fasse.  De  même,  Dieu  ne  contribue  pas  absolument 
en  rien  à  la  malice  de  cet  homme  qui  vous  déshonore  ou  qui  vous 
vole  ;  sa  malice  est  son  fait  particulier.  Dieu  veut,  disions-nous, 
vous  humilier  ou  vous  dépouiller  de  vos  biens  pour  vous  délivrer 


LE  PROPAGATEUR  73 


de  vos  vices  et  vous  porter  à  la  vertu,  et  ce  dessein,  digne  de  sa 
bonté,  qu'il  pourrait  exécuter  par  mille  autres  moyens,  n'a  rien 
de  commun  avec  le  péché  de  l'homme  qui  lui  sert  d'instrument. 
Et,  au  fait,  ce  n'est  pas  son  péché  qui  vous  humilie,  qui  vous  ap- 
pauvrit, c'est  la  perte  de  votre  réputation,  la  perte  de  votre  bien  ; 
le  péché  ne  nuit  qu'au  médisant  ou  au  voleur  qui  s'en  rend  cou- 
pable. C'est  ainsi  que  nous  devons  séparer  ce  que  Dieu  opère  par 
les  hommes  et  ce  que  la  volonté  de  l'homme  y  ajoute. 

Saint  Grégoire  nous  propose  la  même  vérité  sous  un  autre  jour  : 
un  médecin  ordonne  une  application  de  sangsues  ;  ces  insectes  ne 
sont  occupés,  en  tirant  le  sang  du  malade,  que  de  s'en  rassasier 
et  de  le  sucer,  s'ils  le  pouvaient,  :"usqu'à  la  dernière  goutte.  Cepen- 
dant l'intention  du  médecin  n'est  que  d'ôter  ce  que  le  malade  a 
de  mauvais  sang,  et  de  le  guérir  par  ce  moyen.  11  n'y  a  donc  rien 
de  commun  entre  ce  que  veulent  les  sangsues  et  ce  que  le  mé- 
decin se  propose  en  se  servant  d'elles.  Or,  Dieu  se  sert  des  hommes 
comme  le  médecin  se  sert  des  sangsues.  Le  malade  ne  se  fait 
aucune  peine  de  leur  avidité,  il  ne  les  envisage  nullement  comme 
malfaisantes  ,  il  cherche,  au  contraire,  à  surmonter  la  répugnance 
que  leur  laideur  lui  fait  éprouver,  et  même  il  protège,  il  favorise 
leur  action,  sachant  bien  qu'elles  n'agiront  qu'autant  que  le  mé- 
decin le  reconnaîtra  utile  à  sa  guérison.  De  même  aussi  devons- 
nous  ne  pas  nous  arrêter  aux  passions  de  ceux  à  qui  Dieu  a  donné 
pouvoir  d'agir  sur  nous,  ne  pas  nous  mettre  en  peine  de  leurs  in- 
tentions malveillantes,  et  nous  préserver  de  toute  aversion  contre 
eux,  sachant  bien  que,  quelles  que  soient  leurs  vues  particulières, 
ils  ne  sont  toujours,  à  notre  égard,  qu'un  instrument  de  salut 
dirigé  par  la  main  d'un  Dieu  d'une  bonté,  d'une  sagesse  et  d'une 
puissance  infinies,  qui  ne  leur  permettra  d'action  qu'autant  qu'elle 
nous  sera  utile.  Notre  intérêt  devrait  donc  nous  porter  à  accueillir 
plutôt  qu'à  repousser  leurs  atteintes,  puisqu'elles  ne  sont  vérita- 
blement que  les  atteintes  de  Dieu  même.  Et  il  en  est  ainsi  de 
toutes  créatures  quelconques  :  elles  ne  sauraient  agir  sur  nous, 
si  le  pouvoir  ne  leur  en  était  donné  d'en  haut. 

Cette  doctrine  a  toujours  été  familière  aux  âmes  vraiment  éclai- 
rées de  Dieu.  Nous  en  avons  un  exemple  célèbre  dans  le  saint 
homme  Job.  Il  a  perdu  ses  enfants  et  ses  biens,  il  est  tombé  de  la 
plus  haute  fortune  dans  la  misère  la  plus  profonde,  et  il  dit  :  Le 
Seigneur  m'avait  tout  donnée  le  Seigneur  m'a  tout  ôté,  il  n'est  arrivé 
que  ce  qu'il  lui  a  plu  ;  que  le  nom  du  Seigneur  soit  béni.  Vous  voyez, 
dit  saint  Augustin,  que  cet  homme  avait  bien  compris  ce  grand 
secret  ;  il  ne  dit  pas  :  Le  Seigneur  m'avait  donné  mes  enfants  et 
mes  biens,  et  le  démon  me  les  a  ôtés  ;  mais,  c'est  lui  qui  me  les 
avait  donnés,  c'est  lui  qui  me  les  a  ôtés,  cela  s'est  fait  comme  il 
a  plu  au  Seigneur,  et  non  comme  il  a  plu  au  démon.  L'exemple 
de  Joseph  n'est  pas  moins  remarquable  :  ses  frères  l'ont  livré  par 
malice,  et  cependant  ce  saint  patriarche  attribue  tout  à  la  provi- 
dence de  Dieu  ;  il  s'en  explique  même  à  plusieurs  reprises  :  Cest 
le  Seigneur,  dit-il,  qui  jn'a  envoyé  en  Egypte...  c'est  lui  qui  m'a  fait 
venir  ici  avant  vous,  pour  vous  conserver  la  vie...  Ce  n'est  point  par 


74  LE  PROPAGATEUR 


votre  conseil  que  fai  été  envoyé  ici,  mais  par  la  volonté  de  Dieu.  Da- 
vid, poursuivi  et  outragé  par  Séméi,  ne  voit  également,  dans  la 
conduite  de  ce  sujet  rebelle,  que  l'action  de  cette  même  Providence; 
et  lorsque,  par  deux  fois,  il  arrête  l'indignation  de  ses  fidèles  ser- 
viteurs, il  leur  dit  :  Laissez-le  faire,  car  le  Seigneur  lui  a  ordonné 
de  maudire  David.  Laissez-le  faire  ;  laissez-le  me  maudire,  selon 
l'ordre  qu'il  en  a  reçu  du  Seigneur.  Et  notre  Sauveur,  le  Saint  des 
saints,  descendu  du  ciel  pour  nous  instruire  par  ces  paroles  et  par 
ses  exemples,  ne  dit-il  pas  à  saint  Pierre,  qui,  poussé  par  un  zèle 
indiscret,  voulait  le  détourner  du  dessein  qu'il  avait  de  souffrir 
et  empêcher  que  les  soldats  ne  missent  la  main  sur  lui  :  Ne  voulez- 
vous  pas  que  je  boive  le  calice  que  mon  père  m'a  donné  '^  Ainsi,  il 
attribuait  les  outrages  et  les  douleurs  de  sa  Passion  non  aux  Juifs 
qui  l'accusaient,  à  Judas  qui  le  trahissait,  à  Pilate  qui  le  condam- 
nait, aux  bourreaux  qui  le  tourmentaient,  aux  démons  qui  exci- 
taient ces  malheureux  à  cet  horrible  crime,  quoiqu'ils  fussent  les 
causes  immédiates  de  ses  souffrances  ;  m.ais  à  Dieu,  à  Dieu  consi- 
déré, non  pas  sous  la  qualité  rigoureuse  de  juge,  mais  sous  celle 
de  père,  à  qui  il  exprime  une  tendre  affection. 

N'attribuons  donc  jamais  ni  aux  démons  ni  aux  hommes,  mais 
à  Dieu,  comme  à  leur  vraie  source,  nos  pertes,  nos  déplaisirs,  nos 
aflictions,  nos  humiliations  ;  autrement,  ce  serait  faire,  comme 
le  chien,  qui  décharge  sa  colère  sur  la  pierre,  sans  prendre  garde 
au  bras  qui  la  lui  a  jetée.  Ainsi,  prenez  garde  de  dire  :  Un  tel  est 
cause  du  malheur  que  j'ai  éprouvé,  il  est  cause  de  ma  ruine.  Vos 
maux  sont  l'ouvrage,  non  de  cet  homme,  mais  de  Dieu  ;  et  ce  qui 
doit  vous  rassurer,  c'est  que  ce  Dieu,  souverainement  bon,  procède 
à  tout  ce  qu'il  fait  avec  la  plus  profonde  sagesse,  et  pour  des  fins 
saintes  et  sublimes. 

Toutes  ses  œuvres,  disent  plusieurs  saints  docteurs,  sont,  eu  égard 
aux  circonstances,  si  accomplies,  qu'elles  ne  sauraient  l'être  da- 
vantage ;  et  si  bonnes,  qu'elles  ne  sauraient  être  meilleures.  Aussi 
devons-nous,  suivant  saint  Basile,  nous  bien  pénétrer  de  cette 
pensée^  que  nous  sommes  l'ouvrage  d'un  bon  ouvrier,  et  qu'il 
nous  dispense  et  nous  distribue,  avec  une  providence  très  sage, 
toutes  choses,  grandes  et  petites,  en  sorte  que  rien  ne  nous  arrive 
contre  sa  volonté,  rien  qui  soit  mauvais,  rien  même  que  l'on 
puisse  concevoir  meilleur.  Les  œuvres  du  Seigneur  sont  grandes, 
dit  le  Roi-Prophète,  elles  S07it  admirablement  ordonnées  selon  ses 
volontés  ;  et  c'est  particulièrement  dans  cette  juste  proportion  entre 
les  moyens  et  la  fin  qu'il  se  propose,  que  sa  sagesse  éclate.  Elle 
atteint  avec  force  depuis  une  extrémité  jusqu'à  Vautre,  et  elle  dispose 
tout  avec  douceur  Elle  gouverne  les  hommes  avec  un  ordre  admi- 
rable ;  elle  les  mène  à  leur  bonheur  fortement,  cependant  sans 
violence,  sans  contrainte,  avec  suavité,  et  non  seulement  avec 
suavité,  mais  encore  avec  circonspection.  0  Dieu,  dit  le  Sage, 
comme  vous  êtes  le  dominateur  souverain,  vous  êtes  lent  et  tranquille 
dans  vos  jugements,  et  vous  nous  gouvernez  avec  une  grande  réserve. 
Vous  êtes  doué  d'une  puissance  infinie  à  laquelle  rien  ne  peut 
résister  ;  cependant  vous  n'usez  point  envers  nous  de  l'autorité 


LE  PROPAGATEUR  75 


absolue  de  ce  souverain  pouvoir  ;  vous  nous  traitez  avec  une 
extrême  bonté  ;  vous  daignez,  vous  accommodant  à  notre  nature, 
placer  chacun  de  nous  dans  la  condition  la  plus  propre  à  nous 
faire  opérer  notre  salut.  Vous  ne  disposez  même  de  nous  qu'avec 
révérence,  que  comme  de  vos  images  vivantes  et  de  personnes 
d'une  noble  origine,  auxquelles  on  ne  commande  point  d'un  ton 
absolu,  comme  à  des  esclaves,  mais  avec  des  termes  de  civilité  et 
d'honneur.  Vous  n'agissez  sur  coup,  dit  l'illustre  Gantacuzène, 
qu'avec  la  même  circonspection  que  l'on  met  à  toucher  un  riche 
vase  de  cristal  que  l'on  a  peur  de  rompre.  S'il  laut,  pour  notre 
bien,  nous  affliger,  nous  envoyer  quelque  maladie,  nous  faire 
souffrir  quelque  perte,  nous  livrer  à  la  douleur,  vous  y  procédez 
avec  égard,  avec  déférence  pour  notre  condition.  C'est  ainsi  qu'un 
chirurgien,  qui  est  obUgé  de  faire  l'amputation  d'un  membre  à 
un  seigneur  de  marque,  redouble  d'attention  pour  ne  lui  faire  en- 
durer que  le  moins  de  douleur  qu'il  peut,  et  qu'autant  seulement 
qu'il  est  nécessaire  pour  la  guérison  ;  il  ne  touche  qu'avec  respect 
la  partie  malade,  à  cause  de  la  dignité  de  la  personne  ;  de  même 
Dieu  nous  traite  comme  des  créatures  nobles,  qui  sont  en  grande 
considération  devant  lui  ;  il  met,  avec  une  grande  délicatesse, 
l'appareil  sur  nos  blessures,  et  il  adoucit  autant  que  possible 
l'amertume  des  remèdes. 

Enfin,  Dieu  n'agit  sur  nous  que  pour  des  fins  très  nobles  et 
très  saintes,  que  pour  sa  gloire  et  notre  propre  bien,  notre  per- 
fection. Souverainement  bon  et  la  bonté  même,  il  cherche  à 
perfectionner  toutes  ses  créatures,  en  les  attirait  à  lui,  en  leur 
imprimant  les  caractères  et  les  rayons  de  sa  divinité,  autant  qu'elles 
en  sont  susceptibles  ;  et  parce  qu'il  nous  aime  infiniment  et  in- 
comparablement plus  que  tous  ses  autres  ouvrages,  comme  le  plus 
excellent,  son  amour,  aussi  bien  que  sa  bonté  le  porte  à  ne  rien 
opérer  autour  de  nous  que  pour  notre  propre  avantage  ;  et  le  gant 
est  moins  ajusté  à  la  main  et  le  fourreau  à  l'épée,  que  ce  qu'il 
ordonne  ne  l'est  à  notre  force  et  à  notre  portée  ;  de  telle  sorte 
que  tout  puisse  concourir  à  notre  avancement,  si  nous  voulons 
coopérer  aux  vues  de  sa  providence. 

Ne  nous  troublons  donc  point  dans  les  adversités  dont  nous 
sommes  quelquefois  assaillis,  puisque  nous  savons  que,  destinées 
à  produire  en  nous  des  fruits  de  salut,  elles  sont  soigneusement 
mises  en  rapport  avec  nos  besoins  par  la  sagesse' de  Dieu  même, 
qui  leur  donne  des  bornes  comme  il  en  donne  à  la  mer.  Il  semble 
quelquefois  qu'elle  va,  dans  sa  furie,  inonder  des  contrées  entières, 
et  cependant  elle  respecte  les  limites  de  son  rivage,  elle  vient  briser 
la  fureur  de  ses  flots  contre  un  sable  mouvant.  Ainsi  il  n'est  aucune 
tribulation,  aucune  tentation  à  laquelle  Dieu  n'ait  marqué  des  li- 
mites, afin  qu'elle  serve,  non  pas  à  nous  perdre,  mais  à  nous  sauver 
Elles  entrent,  en  effet,  d'une  manière  essentielle  dans  l'ensemble 
des  moyens  de  salut  qui  nous  sont  offerts.  Dieu  est  fidèle,  dit  l'A- 
pôtre, il  ne  nous  enverra  pas  de  tribulations  au-dessus  de  nos  forces 
mais  il  est  nécessaire  qu'il  nous  en  envoie  ;  si  vous  refusiez  de  les 
recevoir,  vous  seriez  ennemi  de  vous-même  ;  vous  êtes  comme  un 


76  LE  PROPAGATEUR 


bloc  de  marbre  entre  les  mains  du  sculpteur  :  il  faut  qu'il  fasse 
sauter  des  éclats,  qu'il  taille,  qu'il  polisse  pour  en  faire  une 
belle  statue.  Dieu  veut  faire  de  vous  son  image  :  pensez  seu- 
lement à  vous  bien  tenir  entre  ses  mains  pendant  qu'il  travaille 
sur  vous  ;  soyez  assuré  qu'il  ne  donnera  aucun  coup  qui  ne  soit 
nécessaire  à  ses  desseins,  et  qui  ne  tende  à  votre  sanctification  ; 
car,  comme  dit  saint  Paul,  la  volonté  de  Dieu  est  notre  sanctification. 
C'est  là  la  fln  qu'il  se  propose  dans  toute  la  conduite  qu'il  tient  à 
notre  égard.  Ob  !  que  n'opèrerait-il  pas  en  nous  pour  son  bonneur 
et  pour  notre  bien,  si  nous  le  laissions  faire  ?  C'est  parce  que  les 
cieux  ne  font  aucune  résistance- aux  impressions  des  intelligences 
qui  le  gouvernent,  que  leurs  mouvements  sont  si  magnifiques,  si 
réglés,  si  utiles,  qu'ils  publient  si  bautementla  gloire  de  Dieu,  et 
que,  par  leurs  influences  el  par  la  succession  invariable  des  jours 
€t  des  nuits,  ils  conservent  l'ordre  dans  tout  l'univers.  S'ils  résis- 
taient à  ces  impressions,  et  si,  au  lieu  de  suivre  le  mouvement  qui 
est  donné,  ils  en  suivaient  un  autre,  bientôt  ils  tomberaient  dans 
le  plus  étrange  désordre,  et  y  entraîneraient  tout  l'univers  avec 
«ux.  Il  en  est  de  même  lorsque  la  volonté  de  l'bomme  se  laisse 
gouverner  par  celle  de  Dieu  ;  alors  tout  ce  qui  est  dans  ce  petit 
monde,  toutes  les  facultés  de  son  âme,  tous  les  membres  de  son 
corps  sont  dans  la  plus  parfaite  harmonie.  Mais  bientôt  il  tombe 
dans  un  désordre  extrême,  lorsque  sa  volonté  s'écarte  de  celle  de 
Dieu. 

C'est,  en  effet,  une  des  vérités  les  mieux  établies,  que  notre  per- 
fection consiste  dans  la  conformité  de  noire  volonté  à  celle  de 
Dieu.  Plus  nous  sommes  soumis  aux  desseins  qu'il  a  sur  nous 
plus  nous  avançons  ;  si  nous  résistons,  nous  retournons  en  arrière. 
Sainte  Thérèse,  l'une  des  lumières  de  son  siècle,  disait  en  parlant 
à  ses  filles  :  "Celui  qui  s'applique  à  l'oraison  doit  uniquement  se 
"  proposer  de  mettre  tous  ses  soins  à  conformer  sa  volonté  à  celle 
"de  Dieu.  Soyez  assurées,  continuait  cette  sainte,  que  c'est  dans 
"  cette  conformité  que  consiste  la  plus  haute  perfection  que  nous 
"  puissions  acquérir,  que  celui  qui  y  travaillera  avec  le  plus  de 
"  soin  sera  favorisé  des  plus  grands  dons  de  Dieu,  fera  les  plus 
"  rapides  progrès  dans  la  vie  intérieure.  Ne  croyez  pas  qu'il  y  ait 
"  d'autres  secrets  ;  c'est  en  ce  point  que  tout  notre  bien  consiste.  " 
On  rapporte  que  la  bienheureuse  Soncino,  très  sainte  religieuse  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique,  fut  en  vision  transportée  dans  le  ciel, 
pour  y  considérer  la  félicité  des  bienheureux.  Elle  y  vit  leurs 
âmes  mêlées  parmi  les  chœurs  des  Anges,  selon  le  degré  de  leurs 
mérites,  et  elle  en  remarqua,  parmi  les  Séraphins,  quelques-unes 
qu'elle  avait  connues  sur  la  terre  :  et  comme  elle  demandait  pour- 
quoi elles  étaient  élevées  à  un  si  haut  degré,  on  lui  répondit  que 
c'était  à  cause  de  la  conformité  et  de  l'union  parfaite  qu'elles 
avaient  eues  de  leur  volonté  à  celle  de  Dieu.  Or  si  celte  conformité 
élève,  dans  le  ciel,  les  âmes  au  plus  haut  degré  de  gloire,  qui  est 
celui  des  Séraphins,  il  faut  nécessairement  conclure  qu'elle  les 
élève  ici-bas  au  plus  haut  degré  de  grâce,  et  qu'elle  est  le  fonde- 
ment de  la  perfection  la  plus  sublime  oii  l'homme  puisse  atteindre. 


LE  PROPAGATEUR  77 


La  soumission  de  sa  volonté  est  en  effet  le  sacrifice  le  plus  agré- 
able et  le  plus  glorieux  à  Dieu  que  l'homme  puisse  lui  offrir  ;  c'est 
l'acte  le  plus  parfait  de  la  charité,  la  plus  noble  et  la  plus  méritoi- 
re de  toutes  les  vertus,  et  il  est  hors  de  doute  que  par  cette  sou- 
mission il  acquiert  à  chaque  instant  des  trésors  inestimables,  et 
qu'en  peu  de  jours  il  recueille  plus  de  richesses  que  d'autres  en 
plusieurs  années  et  par  beaucoup  de  travail.  L'histoire  célèbre 
d'un  saint  religieux  en  offre  un  exemple  remarquable.  Ce  saint 
homme  ne  différait  nullement  des  autres  dans  les  choses  extérieu- 
res, et  cependant  il  avait  atteint  un  si  haut  degré  de  perfection  et 
de  sainteté,  que  le  seul  attouchement  de  ses  babits  guérissait  les 
malades.  Son  supérieur  lui  dit  un  jour  qu'il  s'étonnait  fort  que,  ne 
jeûnant,  ne  veillant,  ne  priant  pas  plus  que  les  autres  religieux  qui 
habitaient  le  monastère,  il  fit  tant  de  miracles,  et  qu'il  désirait  en 
savoir  la  cause.  Le  bon  religieux  lui  répondit  qu'il  en  était  encore 
plus  étonné  que  lui,  qu'il  n'en  savait  point  la  raison;  que,  s'il 
pouvait  en  deviner  une,  c'était  qu'il  avait  toujours  pris  grand  soin 
de  vouloir  ce  que  Dieu  voulait,  et  que  Dieu  lui  avait  fait  la  grâce 
de  perdre  et  de  fondre  tellement  sa  volonté  dans  la  sienne,  qu'il 
ne  faisait  rien  sans  son  mouvement,  soit  dans  les  grandes,, 
soit  dans  les  petites  choses.  "  La  prospérité,  lui  dit-il,  ne 
m'élève  point,  l'adversité  ne  m'abat  point,  car  je  prends  tout 
indifféremment  de  sa  main,  sans  rien  examiner  ;  je  ne  demande 
point  que  les  choses  se  fassent  comme  je  pourrais  naturellement 
le  désirer,  mais  absolument  comme  il  le  veut  ;  et  toutes  mes  priè- 
res tendent  à  ce  but,  que  sa  volonté  s'accomplisse  parfaitement  en 
moi,  et  en  toutes  les  créatures. —  Eh  quoi  !  mon  Père,  lui  dit  son 
supérieur,  ne  fûtes-vous  pas  ému,  l'autre  jour,  quand  un  de  nos 
ennemis  brûla  notre  grange,  avec  le  blé  et  le  bétail  qui  y  étaient 
pour  notre  provision  ? — Non,  mon  Père,  lui  répondit-il  ;  au  con- 
traire, ma  coutume  est  de  rendre  grâce  à  Dieu  dans  de  semblables 
accidents,  par  la  ferme  croyance  que  j'ai  qu'il  les  permet  pour  sa 
gloire  et  pour  notre  plus  grand  bien  :  c'est  pourquoi  je  ne  m'in- 
quiète point  si  nous  avons  peu  ou  beaucoup  pour  notre  entretien, 
parce  que  je  sais  que,  si  nous  avons  confiance  en  lui,  il  pourra 
aussi  bien  nous  nourrir  avec  un  morceau  de  pain  qu'avec  un  pain 
entier  ;  de  cette  manière,  je  suis  toujours  content  et  joyeux,  quoi 
qu'il  arrive."  L'abbé,  dans  l'admiration  d'une  conformité  et  d'une 
confiance,  si  parfaites,  cessa  de  s'étonner  de  voir  ce  religieux 
opérer  des  miracles. 

La  conformité  de  notre  volonté  à  celle  de  Dieu  ne  se  borne  point 
à  opérer  notre  sanctification  ;  elle  a  encore  l'effet  de  nous  rendre 
beureux  dès  ici-bas  ;  c'est  par  elle  que  l'on  acquiert  le  plus  parfait 
repos  qu'il  soit  possible  de  goûter  dans  cette  vie  ;  c'est  le  moyen 
de  faire  de  la  terre  un  paradis.  Alphonse  le  Grand,  roi  d'Aragon 
et  de  Naples,  prince  très  sage  et  très  instruit,  avait  bien  compris 
cette  vérité  ;  on  lui  demandait  quelle  était  la  personne  qu'il  croyait 
la  plus  heureuse  dans  ce  monde  :  "  Celle,  répondit  le  prince,  qui 
s'abandonne  entièrement  à  la  conduite  de  Dieu,  et  qui  reçoit  tous 
les  événements  heureux  ou   malheureux  comme  venant  de   sa 


78  LE  PROPAGATEUR 


main.  "  Dieu  dit,  par  Isaïe  :  Si  tu  eusses  été  fidèle  à  mes  comman- 
dements^ ton  âme  eût  nagée  dans  un  fleuve  de  paix.  Eliphaz  disait  à 
Job  :  Soumetlez-vous  à  Dieu.,  et  vous  habiterez  un  royaume  de  paix  ; 
le  Tout-Puissant  se  déclarera  contre  vos  ennemis,  et  remplira  votre 
cœur  de  délices.  Ce  fut  encore  ce  que  chantèrent  les  saints  Anges 
à  la  naissance  du  Sauveui-  :  Gloire  à  Dieu  au  plus  haut  des  deux, 
et  paix  sur  la  terre  aux  hommes  de  bonne  volonté.  Qaels  sont  ces 
hommes  de  bonne  volonté,  sinon  ceux  qui  ont  une  volonté  confor- 
me à  celle  qui  est  souverainement  bonne,  je  veux  dire  la  volonté 
de  Dieu  ?  Autrement  elle  serait  infailliblement  mauvaise. 

Et  en  effet,  pour  que  nous  jouissions  de  cette  heureuse  paix,  de 
cette  paix  qui  surpasse  tout  sentiment,  il  faut  que  rien  ne  s'oppose 
à  ce  que  nous  voulons,  que  tout  succède  selon  nos  vues  ;  et  qui 
peut  prétendre  avec  bonheur  que  celui-là  seul  dont  la  volonté  est 
toute  conforme  à  la  volonté  de  Dieu  ?  Tout  ce  qu'il  veut  s'exé- 
cute en  tout  point,  car  rien  n'arrive  que  Dieu  ne  le  veuille  et  que 
di-même  par  conséquent  ne  le  veuille  aussi. 

Pour  moi,  dit  l'éloquent  Salvien,  je  crois  qu'il  n'est  personne 
au  monde  plus  heureux  que  les  justes,  à  qui  il  n'arrive  que  ce 
qu'ils  désirent.  — Oui,  mais  ils  sont  humiliés,  méprisés.  — Ils  le 
veulent  être.  — Ils  sont  pauvres.  — Ils  se  plaisent  dans  la  pauvreté  : 
ils  sont  donc  toujours  bienheureux  ;  car  fussent-ils  dans  les  plus 
grandes  amertumes,  ils  ne  sauraient  être  ni  plus  heureux  ni  plus 
contents,  dès  qu'ils  sont  dans  l'état  où  ils  veulent  être.  Tout  ce 
qui  arrivera  au  juste,  dit  le  Sage,  ne  le  contristera  point.,  n'altérera 
point  la  sérénité  de  son  âme,  parce  que  rien  ne  lui  arrive  contre 
son  gré. 

Ce  n'est  pas  que  dans  cet  état  l'homme  ne  ressente  aucune  douleur; 
mais  ce  qu'il  soufTre  se  passe  dans  la  partie  inférieure,  et  ne  s'élève 
pas  jusqu'à  celle  où  l'esprit  repose.  Il  en  est  des  âmes  soumises 
comme  de  Notre-Seigneur,  qui,  déchiré  de  coups  et  attaché  à  un 
gibet  ne  laissait  pas  d'être  bienheureux.  Noyé  dans  l'abîme  de 
tous  les  maux  qu'il  est  possible  de  souffrir  en  ce  monde,  il  était 
cependant  comblé  d'une  joie  infinie. 

On  ne  peut  toutefois  disconvenir  qu'il  n'y  ait  dans  notre  nature 


grâce  que 

proie  à  de  pareils  maux,  et  cependant  bien  heureux  ;  mais  ce  mi- 
racle sera  toujours  infailliblement  accordé  aux  sacrifices  de  qui- 
conque voudra  se  dévouer  à  l'accomplissement  en  toutes  choses  de 
la  volonté  divine,  car  il  est  de  l'honneur  et  de  la  gloire  de  Dieu 
que  ceux  qui  s'attachent  généreusement  à  son  service  soient  con- 
tents de  leur  sort. 

On  me  demandera  peut-être  comment  expliquer,  s'il  en  est  ainsi, 
ce  discours  de  Notre-Seigneur  Jésus  :  Si  quelqu^un  veut  venir  après 
moi,  qu'il  renonce  à  soi-même^  qu'il  se  charge  de  sa  croix  et  qu'il  me 
suive.  Je  réponds  que  si  ce  divin  maître  exige  ici  que  ses  disciples 
se  renoncent  et  qu'ils  portent  la  croix  à  sa  suite,  ailleurs  il  s'engage, 
et  avec  serment,  à  leur  donner  par  un  miracle  de  sa  toute-puissance, 


LE  PROPAGATEUR  79 


outre  la  vie  éternelle,  le  centuple,  dès  ici-bas,  de  toutes  les  choses 
auxquelles  ils  renonceront  pour  lui  plaire  ;  et  de  plus  il  s'oblige 
à  soulever  le  fardeau  de  sa  croix,  jusqu'à  ce  qu'il  devienne  léger  ; 
car  il  ne  se  borne  point  à  dire  que  son  joug  est  doux,  il  ajoute 
que  son  fardeau  même  est  léger.  Lors  donc  que  nous  n'expéri- 
mentons pas  la  douceur  du  joug  de  Jésus,  ni  l'allégement  du  far- 
deau de  la  croix  qu'il  nous  impose,  c'est  nécessairement  que  nous 
n'avons  pas  encore  bien  pris  sur  nous,  que  nous  n'avons  pas 
complètement  renoncé  à  toutes  nos  vues  humaines  pour  ne  plus 
apprécier  les  choses  que  par  la  lumière  de  la  foi  :  lumière  divine 
qui  nous  fait  bénir  Dieu  de  tout,  ainsi  que  saint  Paul  nous  apprend 
qu'il  Vexige  de  nous,  et  qui  serait  le  principe  de  cette yo/e  ineffable 
que  ce  grand  apôtre  nous  recommande  d'avoir  en  tout  temps. 

Thaulère,  pieux  et  savant  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Domini- 
que, rapporte  un  exemple  remarquable  de  l'application  de  cette 
doctrine.  Il  désirait  ardemment  de  faire  des  progrès  dans  la  vertu 
et  ne  se  fiant  pas  sur  son  savoir,  il  demandait  à  Dieu,  déjà  depuis 
huit  ans,  avec  autant  de  ferveur  que  d'humilité,  qu'il  voulût  bien 
lui  faire  trouver  quelqu'un  de  ses  serviteurs  qui  lui  enseignât  la 
voie  la  plus  sûre  et  la  plus  prompte  pour  se  rendre  agréable  à  ses 
yeux.  Un  jour  qu'il  ressentait  ce  désir  plus  vivement  encore  et 
qu'il  pressait  Dieu  avec  une  extrême  ardeur  de  l'exaucer,  il  en- 
tendit une  voix  qui  lui  dit  ;  "  Sors,  etva-t-en  sur  les  marches  de 
l'église,  tu  y  trouveras  celui  que  tu  cherches,  "  Il  part  aussitôt  ; 
mais  arrivé  au  lieu  indiqué,  il  n'aperçoit  qu'un  mendiant,  couvert 
de  pauvres  haillons,  les  pieds  nus  et  fangeux,  d'un  aspect  digne  de 
compassion,  et  qui  semblait  devoir  être  plus  occupé  d'obtenir  des 
secours  pour  ses  nécessités  corporelles,  que  propre  à  donner  des 
avis  pour  la  conduite  spirituelle.  Cependant  Thaulère  l'aborde,  en 
lui  souhaitant  le  bonjour.  "  Je  vous  rends  grâces  de  votre  saluta- 
tion, lui  répond  le  mendiant  ;  mais  je  ne  me  souviens  pas  d'avoir 
jamais  eu  de  mauvais  jour.  —  Eh  bien,  reprend  Thaulère,  je  sou- 
haite que  Dieu  ajoute  aux  bonsjours  que  vous  n'avez  cessé  d'avoir 
toute  sorte  de  bonheur. — Je  vous  remercie,  répliqua  le  mendiant; 
mais  sachez  que  je  n'ai  jamais  été  infortuné,  qu'il  ne  m'est  arrivé 
en  toute  ma  vie  aucune  disgrâce.  —  Plaise  à  Dieu,  mon  frère,  lui 
dit  Thaulère  étonné,  qu'avec  tous  les  biens  que  vous  possédez,  vous 
parveniez  encore  à  l'éternelle  félicité  I  Mais  j'avoue  que  je  ne  pé- 
nètre pas  bien  le  sens  de  vos  paroles. — Je  vous  étonnerai  bien  da- 
vantage, lui  répond  le  mendiant,  si  j'ajoute  que  je  n'ai  jamais  été 
et  que  je  ne  suis  point  sans  félicité.-— Je  conviens,  reprit  Thaulère, 
que  votre  langage  me  surprend  ;  il  est  fort  obscur  pour  moi  : 
veuillez,  je  vous  prie,  me  parler  clairement."  Alors  le  mendiant 
s'expliqua  de  la  sorte  :  "  Je  vous  ai  dit  que  je  n'ai  jamais  eu  de 
mauvais  jours,  et  en  effet,  les  jours  ne  sont  mauvais^que  quand  ils 
ne  sont  point  employés  à  rendre  à  Dieu,  par  notre  soumission,  la 
gloire  que  nous  lui  devons  ;  ils  sont  toujours  bons  si  nous  les  con- 
sacrons à  le  louer,  quelque  chose  qui  nous  arrive  ;  et  nous  le  pou- 
vons toujours  avec  sa  grâce.  Je  suis,  comme  vous  le  voyez,  un 
mendiant  infirme  et  réduit  à  une  extrême  pauvreté.    Je  chemine 


80  LE   PROPAGATEUR 


par  le  monde  sans  appui,  sans  retraite,  et  j'endure  bien  des  misères 
par  les  chemins.  Que  si,  ne  trouvant  pas  d'aumônes,  je  souffre  la 
faim,  j'en  loue  Dieu.  Si  la  pluie,  la  grêle,  les  vents  me  tourmen- 
tent ;  si,  pour  aller  presque  nu,  le  froid  me  saisit  et  me  fait  souffrir, 
j'en  rends  grâces  à  Dieu,  Suis-je  méprisé  des  hommes  comme  un 
pauvre  misérable,  j'en  bénis  sa  majesté  divine.  Enfin,  tout  ce  que 
je  ressens  de  rude  et  de  contraire  aux  sentiments  de  la  nature,  et 
soit  que  les  hommes  me  fassent  bon  accueil  et  qu'ils  me  rebutent, 
tout  m'est  un  sujet  de  louer  Dieu,  et  je  tiens  ma  volonté  assujettie 
à  la  sienne,  bénissant  de  tout  son  saint  nom.  C'est  ainsi  que  le 
jour  est  bon  pour  moi  ;  car  ce  ne  sont  pas  les  adversités  qui  rendent 
le  jour  mauvais,  mais  notre  impatience,  laquelle  provient  de  ce 
que  notre  volonté  est  rebelle,  au  lieu  d'être  toujours  soumise  et  de 
s'exercer  comme  elle  le  doit  à  louer  et  honorer  Dieu  conti- 
nuellement. 

"  J'ai  ajouté  que  jamais  je  n'ai  été  infortuné,  que  jamais  il  ne 
m'est  arrivé  de  disgrâce,  et  vous  allez  vous-même  juger  que  je  n'ai 
rien  dit  qui  ne  soit  exact.  N'est-il  pas  vrai  que  nous  nous  estimons 
tous  très  heureux  lorsque  les  choses  qui  nous  arrivent  sont  si  bon- 
nés,  si  favorables,  qu'il  nous  serait  impossible  de  rien  souhaiter  de 
mieux,  de  plus  avantageux  ?  Eh  bien,  mon  frère,  tel  que  vous  me 
voyez,  je  jouis  toujours  de  ce  bonheur.  Cela  vous  étonne  ?  Gepen- 
pendant  ce  que  je  dis  est  très  vrai,  et  vous  allez  le  comprendre. 
Rien  ne  ne  nous  arrive,  comme  vous  le  savez,  que  Dieu  ne  le 
veuille,  et  ce  qu'il  veut  est  toujours  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  pour 
nous.  Or  il  suit  de  là  que  je  dois  m'eslimer  heureux,  quelque 
chose  que  je  reçoive  de  Dieu  ou  que  Dieu  permette  que  je  reçoive 
des  hommes.  Et,  en  effet,  comment  ne  serais-je  pas  heureux,  con- 
vaincu,  comme  je  le  suis,  que  ce  qui  m'arrive  est  précisément  ce 
qu'il  y  avait  pour  moi  de  plus  favorable  et  de  plus  à  propos  ?  " 

Thaulère,  tout  émerveillé  de  la  profonde  sagesse  de  ce  mendiant, 
le  pria  de  lui  dire  comment  il  mettait  en  pratique  cette  admirable 
doctrine  qui  le  rendait  si  heureux.  "  C'est,  lui  répondit-il,  en  vivant 
avec  Dieu  comme  un  fils  avec  un  père  qui  aime  ses  enfants.  Je 
n'oublie  jamais  que  ce  Père  sage  et  puissant  sait  ce  qui  leur  con- 
vient le  mieux,  et  qu'il  ne  manque  pas  de  le  leur  donner.  Ainsi, 
que  ce  qui  m'arrive  répugne  aux  sentiments  de  l'homme  extérieur 
ou  qu'il  les  flatte,  qu'il  renferme  de  la  douceur  ou  de  lamertume, 
qu'il  procure  aux  yeux  des  hommes  de  l'honneur  ou  de 
l'infamie,  et  qu'il  profite  à  la  santé  ou  qu'il  lui  nuise,  je  le  reçois 
comme  une  chose  qui  m'est  alors  plus  convenable  qu'aucune  autre, 
et  j'en  demeure  beaucoup  plus  satisfait  que  je  ne  le  serais  de  tout 
ce  qui  pourrait  m'arriver  par  une  autre  voie.  C'est  ainsi  que  tout 
ce  qui  m'arrive  est  bonheur,  et  qu'il  n'est  rien  dont  je  ne  rende 
grâces  à  Dieu» 

—  Veuillez  maintenant,  lui  dit  Thaulère,  m'expliquer  votre 
troisième  réponse  :  que  vous  n'êtes  point  sans  félicité.  Cette  expli- 
cation, je  l'avoue,  ne  me  parait  pas  facile. — Cependant  j'espère, 
reprit  le  mendiant,  qu'il  me  sera  aisé  de  vous  satisfaire.  Vous 
conviendrez  avec  moi,  continu  a- t-il,  qu'on  tiendrait  bien  heureuse 


LE  PROPAGATEUR  81 


une  personne  dont  toutes  les  volontés  s'accompliraien  t  sans  obstacle, 
dont  les  désirs  seraient  toujours  satisfaits.  Sans  doute  il  n'y  a 
point  d'homme  qui  puisse,  en  vivant  selon  les  maximes  du  monde, 
arriver  à  cette  félicité  parfaite  ;  c'est  aux  habitants  du  ciel,  con- 
sommés  dans  l'union  de  leur  volonté  avec  celle  de  Dieu,  qu'il 
est  réservé  de  posséder  une  telle  béatitude  ;  mais  il  faut  que  vous 
sachiez  que  nous  sommes  appelés  à  y  participer  dès  ici-bas  ;  et 
c'est  au  moyen  delà  conformité  de  notre  volonté  à  celle  deDieu  qu'il 
nous  est  donné  d'y  atteindre.  La  pratique  de  celte  conformité  est,  en 
effet,  toujours  accompagnée  d'une  paix  délicieuse,  qui  est  comme 
un  avant-goût  du  bonheur  céleste  ;  et  cela  ne  peut  être  autrement  : 
car  celui  qui  ne  veut  que  ce  que  Dieu  veut,  ne  rencontre  plus  au- 
cun obstacle  à  sa  volonté  ;  tous  ses  désirs  n'ayant  rien  que  de  con- 
forme au  bon  plaisir  de  Dieu,  ne  sauraient  manquer  d'être  satis- 
faits. Cette  personne  est  donc  bienheureuse.  Or,  c'est  là  la  béati- 
tude que  je  possède,  c'est  là  ce  qui  fait  toute  ma  joie.  Je  prends  à 
tout  ce  que  Dieu  fait  un  goût  particulier  cent  fois  plus  délectable 
que  celui  d'une  personne  dont  tous  les  appétits  sont  pleinement 
satisfaits." 

Cette  explication  pénétra  Thaulère  d'une  nouvelle  admiration 
de  la  haute  sagesse  de  ce  mendiant. 

'^  Nous  pouvons  non, seulement  soulager  nos  maux,  dit  le  Père 
du  Sault,  mais  encore  les  changer  en  des  biens  inestimables  par 
la  seule  pensée  delà  providence  de  Dieu,  qui  nous  gouverne. 
Nous  pouvons  rendre  nos  nécessités,  nos  inclinations  non  seule- 
ment satisfaites,  mais  encore  remplies  et  comblées  de  joie,  si  nous 
considérons  le  coeur  et  les  entrailles  de  ce  Père  de  miséricorde, 
qui  n'a  pas  épargné  son  propre  Fils  pour  notre  salut,  et  qui  pro- 
teste qu'en  tout  ce  qu'il  fait  et  en  tout  ce  qu'il  nous  donne  ou  qu'il 
ordonne  de  nous,  il  a  toujours  notre  bien  devant  les  yeux,  et  si 
nous  regardons  aussi  la  charité  infinie  de  ce  Fils  divin,  qui  s'est 
offert  si  librement  pour  nous  jusqu'à  se  rassasier  d'opprobres  et 
d'ignominies  aussi  bien  que  de  fiel  et  de  vinaigre,  jusqu'à  s'anéan- 
tir sur  un  poteau  infâme  dans  la  honte  et  dans  la  douleur,  pour 
nous  acheter  la  gloire  par  ses  confusions,  et  la  joie  par  ses  angois- 
ses. Prenant  donc  des  mains  de  ce  grand  Dieu  les  maux  que  nous 
souffrons,  n'est-ce  pas  un  beau  moyen  d'être  toujours  contents  et 
toujours  heureux  au  plus  fort  même  de  nos  souffrances?  Saurions 
nous  douter  qu'un  Dieu  si  plein  de  bonté  et  d'amour  envers  nous 
ne  veuille  procurer  notre  bien,  et  que  ses  coups  ne  nous  soient 
des  coups  de  grâce  et  de  faveur,  si  nous  savons  bien  les  prendre  ? 
Quel  plus  grand  contentement  à  une  âme  bien  faite  que  de  rece- 
voir les  livrées  de  son  Epoux  et  de  son  Roi  quand  il  l'en  veut  ho- 
norer, et  de  l'entendre  lui  dire  ces  amoureuses  paroles  : 

"  Ma  chère  créature,  tu  sais  que  je  suis  ton  Créateur,  ton  Sau- 
veur et  ton  Dieu  ;  tu  sais  que  je  tiens  ton  coeur  et  ton  corps  entre 
mes  mains,  que  je  te  donne  l'air  que  tu  respires  et  le  pain  que  tu 
manges,  que  j'emploie  les  éléments,  les  astres  et  les  Anges  à  ton 
service,  et  que  c'est  pour  toi  que  j'ai  créé  le  ciel  et  la  terre  avec 
tous  les  ornements  qui  les  environnent.  Encore  n'est-ce  pas  assez: 

6 


82  LE  PROPAGATEUR 


tu  sais  que  je  t'aime  jusqu'à  m'être  fait  un  ver  de  terre  pour  toi, 
jusqu'à  être  né  dans  une  étable  et  mort  sur  une  croix,  chargé  de 
toutes  les  peines  que  tu  avais  justement  méritées  par  tes  péchés. 
Et  après  tout  cela  pourrais-tu  bien  penser  que  je  te  voulusse  du 
mal  ?  Après  t'avoir  lavé  daus  mon  sang,  après  t'avoir  nourri  de 
ma  chair,  après  t'avoir  donné  mon  corps,  mon  âme,  ma  vie  et  ma 
divinité,  que  pouvais-tu  plus  attendre  de  moi,  et  quels  plus  grands 
témoignages  t'eussé-je  pu  jamais  donner  de  mes  bonnes  volontés 
que  ceux  que  tu  en  as  reçus  ? 

"  Ne  t'imagine  donc  pas  que  lesafliclions  que  tu  souffres  soient 
les  effets  de  ma  haine,  ou  que  je  te  les  envoie  pour  t'opprimer  et 
t'accabler  sous  le  faix  ;  je  te  les  donne  avec  autant  d'affection  que 
je  t'ai  donné  l'être,  et  de  ces  mêmes  mains  qui  se  sont  laissé  clouer 
pour  toi  sur  la  croix.  S'il  a  fallu  que  moi,  qui  suis  ton  Maître  et 
ton  Seigneur,  je  sois  entré  dans  ma  gloire  par  la  porte  des  souf- 
frances ;  crois-tu  l'en  pouvoir  ouvrir  une  plus  assurée  ?  Ne  vois- 
tu  pas  que  les  hommes  achètent  les  biens  temporels  au  prix  de 
leurs  sueurs  et  au  péril  de  leur  vie,  et  que  les  couronnes  de  la 
terre  ne  se  donnent  qu'à  ceux  qui  ont  préalablement  combattu  et 
remporté  la  victoire  ?  et  penses  tu  que  les  biens  éternels  ne  doivent 
pas  coûter  autant  que  les  périssables,  et  que  les  couronnes  du  pa- 
radis ne  soient  aussi  précieuses  que  celles  des  -théâtres  et  des 
tournois  ?  Si  tu  participes  à  mes  douleurs,  tu  participeras  à  ma 
joie  ;  et  si  tu  es  le  compagnon  de  mes  peines,  tu  le  seras  de  ma 
gloire,  et  non  pas  autiement. 

"  Si  je  savais  quelque  chose  de  meilleur  que  les  souffrances,  ne 
doute  pas  que  je  ne  t'en  fisse  part,  et  que  je  ne  l'eusse  voulu  choisir 
pour  moi-même,  lorsque  je  vins  habiter  sur  la  terre  parmi  les 
hommes  ;  mais  ne  voyant  rien  de  plus  assuré  et  de  plus  avantageux 
pour  arriver  au  comble  de  tous  les  biens,  je  te  les  donne  de  la 
même  main  que  je  les  ai  prises  pour  moi-même.  C'est  moi  qui 
fais  naître  celte  difficulté  dans  les  affaires,  c'est  moi  qui  te  pré- 
sente ce  calice  à  boire,  et  ne  l'en  prends  point  à  d'autres  :  cette 
disposition  est  la  mienne  seule  ;  n'accuse  point  la  fortune,  ce  serait 
contre  ta  conscience  :  car  lu  sais  bien  que  rien  ne  m'est  casuel, 
et  que  dans  mon  gouvernement  le  hasard  n'a  point  lieu  ;  n'accuse 
point  les  astres  ni  les  éléments  :  ce  sont  des  créatures  innocentes 
que  je  tiens  entre  mes  mains  comme  des  instruments  pour  en 
faire  tout  ce  qu'il  me  plaît  ;  naccuse  point  les  hommes  ni  les  dé- 
mons :  leur  mauvaise  volonté  ne  peut  te  nuire,  et  leur  puissance 
est  à  moi  ;  ils  ne  sauraient  s'en  servir  qu'autant  qu'il  me  plaît  ; 
et,  malgré  leurs  desseins,  il  faut  qu'ils  attendent  mes  ordres  et 
mon  congé  lorsqu'ils  la  veulent  employer.  C'est  donc  à  moi  seul 
que  tu  dois  attribuer  tous  les  coups  que  lu  reçois  des  créatures  ; 
tes  maladies,  tes  nécessités,  les  rebuts,  tes  pertes  viennent  de  Celui- 
là  même  qui  t'a  créée,  et  qui  te  porte  écrite  dans  son  cœur  et  dans 
ses  mains.  Ce  sont  les  caresses  que  mon  Père  céleste  a  coutume 
de  faire  à  ses  meilleurs  enfants  ;  ce  sont  les  épines  de  ma  cou- 
ronne et  les  reliques  de  ma  croix,  qu'il  leur  distribue  comme  à 
ses  favoris  ;  c'est  dans  ce  calice  qu'il  m'a  fait  boire  à  longs  traits^ 


LE  PROPAGATEUR  83 


et  plus  que  tous  les  autres  ensemble,  parce  que  j'étais  le  premier 
et  le  plus  chéri  de  ses  enfants.  " 

Qui  est-ce  qui  ne  répondra  sur  le  champ  a  ces  divines  paroles  ? 
"  0  mon  Père  !  ô  mon  Seigneur  et  mon  Dieu  !  qu'il  soit  fait  selon 
votre  bon  plaisir,  à  la  bonne  heure  ;  je  n'ai  rien  plus  à  cœur  que 
de  suivre  vos  mouvements,  votre  conduite.  Puisque  vous  voulez 
que  je  souffre,  je  veux  aussi  souffrir  ;  et  puisque  vous  avez  ordon- 
né que  ce  fût  de  cette  façon,  et  non  pas  de  toute  autre  qui  m'eût 
été  plus  aisée,  j'y  consens  ;  oui,  mon  Seigneur,  j'y  consens  avec 
une  parfaite  conformité  de  ma  volonté  à  la  vôtre  ;  je  vous  bénis 
et  je  vous  loue  de  tout  mon  cœur  de  ce  qu'il  vous  plaît  ainsi.  J'ai 
uue  si  grande  confiance  en  votre  bonté  et  en  cet  amour  infini  dont 
vous  m'avez  donné  toutes  sortes  de  preuves,  qu'elle  ne  laisse  point 
en  mon  esprit  de  pensées  pour  contredire  les  vôtres  et  pour  me 
persuader  autre  chose  que  ce  que  vous  me  voulez.  Je  crois  que, 
comme  vous  m'avez  créée  pour  m'élever  au  comble  de  tous  les 
biens,  vous  me  conservez  aussi  dans  ce  même  dessein,  et  que  tout 
ce  que  vous  me  donnez,  soit  richesses,  soit  pauvreté,  soit  honneur, 
soit  opprobre  ;  soit  santé,  soit  maladie,  je  crois  que  tout  cela  n'est 
qu'une  disposition  de  votre  Providence,  qui  me  conduit  doucement 
à  cette  haute  fin.  Mais  lors  même  que  je  ne  serais  pas  créée  pour 
un  SI  grand  bien,  encore  ne  saurais-je  avoir  d'autre  volonté  que 
la  vôtre  ;  puisque  c'est  en  cela  seul  que  je  mets  tout  mon  bien,  et 
que  sans  cela  il  me  semble  qu'il  ne  peut  y  avoir  aucun  bieu.  C'est 
mon  paradis  que  de  faire  tout  ce  que  vous  voulez  que  je  fasse;  et 
ce  me  serait  un  enfer  pire  que  celui  des  damnés  que  de  vivre  à 
ma  guise,  sans  avoir  eu  les  ordres  et  l'aveu  de  votre  Majesté." 

Tels  sont  les  sentiments  des  âmes  qui  se  laissent  conduire  à  la 
providence  de  Dieu,  avec  cette  persuasion  qu'elle  est  la  première 
et  la  principale  cause  de  toutes  les  révolutions  qui  arrivent  au 
monde  ;  que  c'est  elle  qui  règle  les  saisons  et  les  années,  qui  nous 
envoie  l'abondance  et  la  stérilité,  la  pluie  et  le  beau  temps,  l'hon- 
neur et  les  opprobres,  et  qui  manie  absolument  tous  les  tenants 
et  aboutissants  de  nos  affaires,  pour  leur  donner  le  pli  et  la  forme 
qu'il  lui  plaît.  Pourraient-elles  penser  que  ce  qui  part  d'une  si 
bonne  main  leur  puisse  faire  mal  ?  "Dieu  est  si  bon,  disent  les 
saints  Pères,  qu'étant  le  seul  qui  n'a  besoin  de  rien  pour  lui,  il 
produit  continuellement  hors  de  lui  une  infinité  de  biens.  Il  est 
si  magnifique,  qu'il  élève  toutes  choses  à  la  perfection  par  la  sur- 
abondance inimitable  et  inaccessible  de  ses  libéralités.  "  C'est 
ainsi  que  parle  saint  Denis.  Philoa  le  Juif  ajoute  qae  "  Dieu  ne 
se  lasse  jamais  de  bien  faire,  et  qu'il  n'en  laisse  passer  aucune 
occasion.  "  Que  pouvons-nous  donc  appréhender  de  mauvais  en 
ce  qu'il  fait  ?  ou  plutôt,  quel  bien  n'en  devons-nous  pas  attendre  ? 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  L.  B  T 


SOCIÉTÉS.— ENREGISTREMENT.— PÉNALITÉS. 

Première  question. — Quelles  sont  les  sociétés  dont  l'enregistremenl  est  reguis 
par  la  loi  ?  Dans  quel  temps  et  dans  quel  endroit  cet  enregistrement  doit-il  se 
faire,  et  à  quoi  s'expose  l'associé  qui  néglige  de  le  faire  ? 

Un  commis 

Réponse. — 1°  Toutes  les  sociétés  qui  sont  contractées  pour  des 
fins  de  commerce,  de  manufacture  ou  de  mécanique,  ou  pour  la  cons- 
truction de  chemins,  écluses,  ponts  ou  autres  travaux,  ou  pour  la  co- 
lonisation, l'établissement  ou  la  vente  des  terres,  (S.R.  P.  Q.  Art.  5635) 
doivent  être  enregistrées.  Cet  enregistrement  doit  se  faire  au 
moyen  d'une  déclaration  qui  doit  contenir  les  noms,  prénoms, 
qualité  et  résidence  de  chaque  associé  ainsi  que  la  raison  sociale. 
Cette  déclaration  doit  être  signée  par  tous  les  associés.  Si 
un  associé  est  absent  de  la  Province,  la  déclaration  doit  être  signée 
pour  lui  par  ses  co-associés,  en  vertu  d'une  autorisation  spéciale. 

La  déclaration  doit  mentionner  depuis  quel  temps  la  société 
existe  et  comporter  que  les  personnes  y  dénommées  sont  les  seuls 
membres  de  la  société  (Art.  5635,  §  3.) 

2°  La  déclaration  dont  je  viens  de  parler  doit  être  enregistrée 
dans  les  soixante  jours  après  la  formation  de  la  société.  Cet  enre- 
gistrement doit  être  fait  au  greffe  de  la  Cour  Supérieure  du  district 
et  au  bureau  d'enregistrement  du  comté  du  siège  des  affaires 
sociales. 

3°  Si  la  déclaration  n'est  pas  enregistrée  dans  le  délai  fixé, 
chaque  associé  est  passible  d'une  amende  de  deux  cents  piastres. 
Les  poursuites  en  recouvrement  de  ces  amendes  peuvent  être  ins- 
tituées par  toute  personne  quelconque  conjointement  en  son  nom 
et  au  nom  de  Sa  Majesté,  ou  au  nom  de  sa  Majesté  seule. 

Deuxième  question. — Est-il  vrai  que  tous  ceux  qui  font  le  commerce  seuls, 
pour  leur  propre  compte  sont  astreints  aux  mêmes  formalités  que  les  sociétés  et 
sous  les  mêmes  peines  ? 

Un  commis. 

Réponse. — Chacun  est  libre  de  faire  le  commerce  à  son  gré, 
sans  aucune  entrave  et  sans  être  astreint  à  quelque  formalité  que 
ee  soit,  pourvu  qu'il  fasse  ce  commerce  seul  et  en  son  seul  nom. 

Si,  cependant,  un  individu,  quoiqu'il  fasse  le  commerce  seul,  se 
sert  d'une  raison  sociale,  (v.  g.  Louis  Mailleux  et  compagnie]  ou  de 
tout  mot  ou  de  toute  phrase  indiquant  une  pluralité  de  membres 
(Ar     )636),  il  est  astreint  aux  mêmes  formalités  que  les  sociétés, 


LE  PROPAGATEUR  85 

dans  les  mêmes  délais  et  sous  les  mêmes  pénalités.  Ainsi,  sous 
peine  de  payer  une  amende  de  deux  cents  piastres,  il  doit,  dans 
les  soixante  jours  de  la  date  de  l'emploi  pour  la  première  fois  de 
la  raison  sociale,  faire  enregistrer  une  déclaration  au  greffe  de  la 
Cour  Supérieure  du  district  et  au  bureau  d'enregistrement  du 
comté  de  sa  place  d'affaires.  Cette  déclaration  doit  contenir  ses 
nom,  prénoms,  qualité  et  résidence  et  la  raison  sociale.  Elle  doit 
de  plus  mentionner  qu'aucune  autre  personne  n'est  associée  avec 
le  déclarant. 

Voici  la  formule  oflBcielle  de  cette  déclaration. 

Province  de  Québec} 

District  de J  

Je de dans (mettez  votre 

qualité),  certifie  par  les  présentes  que  je  fais  et  que  f  entends  faire 

commerce  comme  (épicier  ou  mercier,  etc.),  à district 

de sous   la  raison  sociale  de   et   qu'aucune 

autre  personne  n'est  associée  avec  moi. 

(signature) 

(date) 


TYPOGRAPHES 
On  lit  dans  les  journaux  de  Montréal  : 

JU&EMENT   IMPORTANT 

La  cour  des  Magistrats  vient  de  rendre  une  décision  qui  intéresse  les  typogra- 
phes. Le  juge  Barry,  considérant  que  la  typographie  est  un  art  et  qu'il  faut  une 
certaine  culture  intellectuelle  pour  l'exercer,  a  décidé  que  les  typographes  ne 
sont  pas  de  simples  ouvriers  dont  les  gages  peuvent  être  saisis  d'avance. 

Ainsi  dans  l'opinion  de  la  cour  des  Magistrats  de  Montréal,  le 
typographe  n'est  pas  un  ouvrier  operarius  dans  le  sens  de  l'article 
5931  des  Statuts  Refondus  de  la  Province  de  Québec.  En  vertu  du 
cinquième  paragraphe  de  cet  article,  les  gages  et  salaires  des 
ouvriers  sont  insaisissables  jusqu'à  concurrence  des  trois  quarts. 
"  Mais^  "  ajoute  l'article,  "  dans  ce  cas,  la  saisie-arrêt  est  tenante 
"  aussi  longtemps  que  l'engagement   ou  le  contrat  continue" 

Sur  cette  question  voyez  le  Propagateur,  No  du  1er  novembre 
1892,  vol.  3,  page  535. 


86  LE  PROPA.GATEUR 


TRIBUNAUX  FRANÇAIS 

LA   VENTE   DES   JOURNAUX 

Le  tribunal  correctionnel  de  Bourg  a  condamné  à  un  mois  de 
prison  un  vendeur  de  journaux,  pour  défaut  de  payement  d'une 
somme  de  400  fr,  provenant  de  la  vente  d'un  journal  de  Lyon.  Ce 
défaut  de   payement  a  été  considéré  comme  une  escroquerie. 

Cette  décision  est  intéressante  au  point  de  vue  de  la  jurispru- 
dence en  matière  de  presse.  .  — La  Croix. 


AVIS  AUX  PLAIDEURS 

En  décembre  dernier  la  dépêche  suivante  a  été  envoyée  à  la 
presse. 

UN   PROCÈS   FIN   DE   SIÈCLE   POUR    UNE   SOMME   DE    50    FRANCS 

Paris,  27  décembre  1892. — La  cour  d'appel  vient  de  trancher  en  dernier  res- 
sort un  procès  qui  était  né  avec  le  siècle.  Le  premier  conflit  judiciaire  date,  en 
effet,  de  1801.  Le  comble,  comme  on  dit,  est  qu'il  s'agit,  dans  ce  long  débat,  de 
la  propriété  d'un  terrain  vague  situé  entre  les  bâtiments  d'une  ferme  et  estimé 
au  maximum  de  50  francs. 

Trois  générations  d'adversaires  se  sont  succédées  dans  la  lutte.  Adversaires 
d'ailleurs  bien  différenls.  D'un  côté  l'opulente  famille  des  Grignon  de  Montigny, 
alliés  aux  vicomtes  d'Abancourt  et  tenant  directement  leurs  droits  sur  le  terrain 
litigieux  des  seigneurs  de  Bapaume.  Ue  l'autre,  de  simplps  paysans,  MM.  Leroy, 
mais  des  paysans  ayant  pour  la  terre  cet  amour  tenace  qu'à  dépeint  le  roman 
d'Emile  Zola. 

Trois  fois  battus  lorsqu'ils  invoquaient  la  possession,  en  1801,  en  1861,  en  1881, 
ils  ne  se  sont  pas  découragés  ;  et,  en  1884,  ayant  retrouvé  d'anciens  titres  d'ac- 
quisitions, ils  réclamèrent  devant  le  tribunal  de  Ghâteaudun,  la  propriété  du 
fameux  terrain. 

Le  tribunal,  puis  la  cour,  déclarèrent  qu'ils  fournissaient  un  commencement  de 
preuve,  mais  que,  cette  preuve  n'étant  pas  suffisante,  ils  avaient  à  la  compléter. 

Infatigables,  les  Leroy  reprirent  leurs  recherches.  Enfin  ils  découvrirent,  un 
acte  d'achat  du  24  mars  1743,  passé  par  leurs  auteurs  devant  le  tabellion  royal 
de  ThiviUe.  C'était  l'arme  tant  cherchée  !  Cette  fois  le  tribunal  de  Châteaudun 
leur  donna  complètement  gain  de  cause.  Les  de  Montigny  firent  appel  et  saisirent 
la  cour  de  Paris,  qui  a  définitivement  attribué  aux  opiniâtres  paysans  le  lopin 
de  terre  d'une  valeur  de  cinquante  francs  ! 


NOUVEAUTÉ 


A  une  supérieure  religieuse  au  sujet  d'un  récant 
décret  pontifical,  seconde  édition  revne  etaugementée  par  l'auteur 
Lettre  du  R.  P.  Franco  de  la  compagnie  de  Jésus,  seule  traduction 
française  avec  autorisation  de  l'auteur,  par  M.  l'abbè  A.  E.  Gautier, 
du  clergé  de  Bordeaux,  docteur  endroit  canonique.  In-12...  40  cts 


LE  CATHOLIQOE  DANS  LE  HD 


ENTRETIENS  FAMILLIERS 
D'UN  PERE  AVEC  SES  ENFANTS  SUR  LA  RELIGION 

PAR 

Jean    BOS^CO,    Prêtre 

Traduit,  de  Vllalien 
1  vol.   in-l2 , Prix  :  75  cts 


Le  Père  de  famille  ou  l'ami  'le  la  jeunesse,  dont  nous  voulons  parler  ici,  élait 
un  Jbon  chrétien,  honnête  citoyen  d'une  ville  imporlanle  de  l'Italie.  Il  tenait  de 
la  nature  un  bon  caractère  et  un  goût  très  décidé  pour  l'étude,  à  laquelle  il  s'é- 
tait adonné  avec  autant  d'ardeur  que  de  sérieux.  Après  avoir  avec  succès  termi- 
né ses  cours  de  littérature,  de  philosophie  et  de  jurisprudence,  il  devint  un  avo- 
cat célèbre,  et  parviut  à  la  haute  situation  de  Président  du  premier  tribunal  de 
l'Etat.  Il  n'en  élait  pas  moins  zélé  dans  l'accooiplissement  de  ses  devoirs  ;  il 
trouvait  moyen  de  lire  de  bons  livres  et  des  journaux  respectables  et  s'était 
fait  un  bagage  de  connaissances  morales  et  religieuses,  qui  lui  avaient  conquis 
l'estime  et  l'affection  universelles.  Il  avait  obtenu  la  permission  de  lire  et  de 
garder  des  livres  interdits,  mais  il  n'en  voulut  jamais  user. — "  J'ai  demandé 
cette  autorisation,  disait-il,  parce  qu'ainsi  le  veut  l'Eglise,  maisje  ne  me  mettrai  à 
la  lecture  des  ouvrages  qu'Elle  défend,  que  lorsque  j'aurai  épuisé  tous  les  bons!-' 
—  Il  fuyait  comme  la  peste  la  mauvaise  presse  de  tous  [genres,  et  pour  ne  pas 
rester  étranger  à  ces  connaissances  indispensables  à  qui  veut  vivre  dans  le  monde 
il  choisissait  parmi  les  journaux,  pour  les  parcourir,  ceux  que  la  pureté  du  style 
et  la  fermeté  des  principes  religieux  recommandaient  aux  personnes  prudentes. 
— Un  soir,  unjde  ses  amis  lui  apportait  un«  feuille  oîi  l'on  censurait  les  préceptes 
de  l'Eglise  ;  '*  Ceci  est  à  brûler,  lui  dit-il,  sans  hésiter,  je  ne  veux  pas  de  cette 
peste  dans  ma  famille  ;  un  mauvais  journal  dans  une  maison  est  comme  une 
source  intarissable  de  poison."  —  Il  lisait  au  contraire  avec  plaisir  les  Saintes 
Ecritures  l'histoire  Ecclésiastique,  pt  les  auteurs  les  plus  sûrs  en  matière  de  phi- 
losophie, de  controverse,  touchant  aux  fondements  de  la  Foi  Catholique.  "  Je 
tiens  pour  certain,  répétait-il  volontiers,  que  l'on  ne  saurait  être  un  avocat  sé- 
rieux, sans  être  bon  chrétien  ". — Il  aimait  son  Curé,  aimait  à  assister  aux  ins- 
tructions du  Dimanche,  surtout  aux  catéchismes  raisonnes.  Il  avait  dans  son 
pasteur  un  modèle  de  charité  et  de  vie  chrétienne.  Ils  se  visitaient  souvent  et 
le  sujet  ordinaire  de  leurs  entretiens  était  les  erreurs  que  l'on  répand  au  sein  de 
la  société  civile  sur  le  compte  de  ia  religion.  "  Comment  n'être  pas  profondément 
affligé,  l'entendil-on  souvent  s'écrier,  de  voir  tant  de  grandes  intelligences  se 
perdre  dans  les  fausses  thèses  de  la  politique,  et  épuiser  leur  talent  à  la  diffusion 
des  idées  matérialistss,  qui  s'attachent  exclusivement  à  notre  pauvre  corps,  ou- 
blieusesde^la  plus  noble  partie  de  notre  être,  de   l'âme  et  de  son  salut  éternel  !  " 


LE  PROPAGATEUR 


La  divine  Provi  Jence  lui  avait  oclroyé  une  nombreuse  famille,  qu'il  s'efforçait, 
avec  la  dernière  sollicitude,  d'instruire  dans  la  foi,  dans  la  bonne  éducation  et 
éans  les  lettres.  "  Je  désire,  disait-il  fréquemment,  que  chacun  de  mes  fils  choi- 
sisse la  carrière  à  laquelle  il  se  sentira  appelé  et  oti  il  croira  trouver  les  meilleures 
conditions  d'une  heureuse  vie." 

Il  touchait  à  la  cinquantaine,  quand,  rendu  à  un  repos  honoré  par  l'abandon 
de  sa  charge.  11  tourna  toutes  ses  facultés  au  bien-être  spirituel  et  temporel  des 
siens. — Une  grande  pensée  ne  cessait  toutefois  de  le  poursuivre  :  l'avenir  de  ses 
enfants  après  lui  ! 

11  avait  vu  avec  amertume  nombre  de  ses  amis,  après  biens  des  années  d'une 
vie  honorable,  se  laisser  fasciner  parles  idées  du  jour,  tomber  dans  l'indifférence 
religieuse,  et  en  venir  parfois  jusqu'à  l'hostilité.  Ses  anxiétés  grandissaient  en- 
core à  la  vue  de  tant  de  jeunes  hommes,  camarades  de  ses  fils,  tournant  le  dos  à 
l'Eglise,  dès  leurs  premiers  pas  dans  le  monde,  devenant  le  scandale  du  pays,  la 
désolation  de  leur  propre  foyer.  "  Dieu  veuille,  disait-il  un  jour  à  ses  amis,  Dieu 
veuille  qu'une  si  profonde  disgrâce  ne  soit  le  partage  d'aucun  de  mes  fils  !  " 

Plongé  dans  ces  pensées  un  jour  que  ses  enfants  étaient  tous  réunis  autour  de 
lui,  il  en  vint  à  leur  parler  en  ces  termes.  "  Je  vois  bien,  ch':'rs  enfants,  que  mes 
années  s'écoulent  rapides  comme  l'éclair  :  que  je  le  veuille  ou  non,  que  j'y  songe 
ou  non,  je  me  trouve  bientôt,  et  v»us  le  voyez,  au  terme  de  la  vie.  Il  est  juste  que 
chicun  paie  son  tribut  à  la  nature  ;  on  n^  naît  que  pour  mourir  :  et  là  n'est  pas 
le  sujet  de  mes  angoisses  !...  Celle  qui  traverse  mon  cœur,  ô  mes  chers  fils,  est  de 
devoir  vous  laisser  dans  des  temps  si  périlleux  pour  votre  âge,  au  sein  de  tant 
de  dangers  qui  vont  assiéger  vos  âmes.  Trompés  par  les  séductions  mondaines 
ne  vous  laisserez  vous  pas  entraîner  par  cette  violence  à  quelque  excès,  à  quel- 
que erreur  qui  puisse  irréparablement  compromettre  votre  salut  ?  " 

Son  fils  aine  lui  répondit  au  nom  de  s^^s  frères  :  "  Vos  paroles,  ô  mon  Père, 
sont  bien  faites  pour  émouvoir  nos  cœurs,  et,  tout  jeunes  que  nous  soyons,  bien 
des  occasions  nous  ont  démontré  que  ce  monde  est  plein  de  périls,  mais  ne  crai- 
gnez pas  pour  nous.  Nous  avons  été  solidement  établis  dans  notre  sainte  Foi, 
par  nos  maîtres,  Vos  exemples  nous  en  ont  appris  la  pratique,  et  par  la  lecture 
des  bons  livres,  l'assiduité  aux  instructions  religieuses  de  notre  Curé,  nous  ap- 
puyant sans  cesse  sur  vous,  nous  avons  confiance  de  persévérer  dans  le  sentier 
du  bien,  et  d'éviter  tout  ce  qui  pourrait  porter  atteinte  à  nos  âmes." 

Le  Père, — Il  est  vrai  que  l'éducation  reçue  .l'amour  et  la  soumission  que  vous 
m'avez  toujours  montrés,  me  donnent  bon  espoir  pour  votre  avenir.  Mais,  quand 
j'aurai  fermé  \hs,  yeux 

Le  Fils. — Que  Dieu  vons  gar.le  et  vous  conserve  encore  de  longues  années  à 
notre  amour  !  ô  mon  cher  Père.  Quand  il  plaira  au  Seigneur  de  vous  rappeler  à 
Lui,  nous  garderons  gravés  dans  le  cœur  vos  conseils  paternels  et  pleins  d'amour, 
qui  sont  notre  trésor,  et  nous  ne  cesserons  de  les  pratiquer  constamment. 

P._G'est  précisément  afin  de  vous  prémunir  contre  les  périls  du  temps,  que 
j'ai  retracé  les  grandes  lignes  et  les  fondements  de  notre  Religion  Catholique' 
sous  forme  d'entretiens  familiers.  Ce  sera  là  mon  testament  !  et  vous,  en  les  lisant 
et  les  relisant,  vous  vous  souviendrez  de  moi  et  des  maximes  que  je  vous  aurai 
laissées  avant  de  partir  pour  l'éternité.  Ainsi,  avec  l*aide  de  Dieu,  vous  échappe- 


LE  PROPAGATEUR 


89 


rez  aux  embûches  de  vos  ennemis  spirituels,  et  vous  vous  garderez  de  ces  dou- 
loureuses ciiules  où  sont  tombés  tant  de  vos  amis.  Ainsi  vous  jouirez  d'une  vie 
heureuse  et  honnête. 

F. — Nous  vous  écouterons,  mon  Père,  avec  la  plus  vive  attention,  et  ce  sera  pour 
nous  un  bien  précieux  héritage,  qui  allégera  pour  nos  cœurs  la  douleur  de  la  vie 
après  vous.  Et  si  vous  le  permettez,  nous  vous  ferons  quelques  questions  pour 
éclairer  davantage  certains  points  qui  pourraient  dépasser  nos  intelligences. 

P. — Il  en  sera  ce  que  vous  voudrez,  chers  enfants.  Et  comme  je  désire  vous 
donner  une  idée  claire  de  ce  que  je  veux  traiter  ;  comme  aussi,  il  faut  avant  tout 
vous  en  prévenir,  dans  le  monde  vous  rencontrerez  des  personnes  ignorantes, 
vivant  dans  l'erreur,  et  se  refusante  admettre  la  vérité  de  notre  Sainte  Religion, 
nous  diviserons  ces  entretiens  en  trois  parties  : 

Dans  la  première,  nous  traiterons  des  fondements  de  l'Eglise  Catholique,  à  la- 
quelle Dieu  a  confié  le  dépôt  de  la  foi  et  des  vérités  révélées  : 

Dans  la  seconde,  nous  examinerons  les  croyances  de  ceux  qui  vivent  hors  de 
l'Eglise  Catholique  : 

Dans  la  troisième,  nous  passerons  en  revue  les  objections  et  les  arguments 
dont  se  servent  le  plus  ordinairement  aujourd'hui  les  ennemis  de  la  foi  pour  la 
déraciner  des  âmes. 

El,  comme  toute  action  et  toute  parole  doivent  commencer  par  Dieu,  et  se 
rapporter  à  lui  ;  ainsi  implorerons  nous,  avant  tout,  son  aide  et  sa  lumière. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

PREMIÈRE    PARTIE 
des  fondements  de  la  Religion  Catholique  el  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ 


Premier  ENTRETIEN. — Dieu  créateur — 
Argument  métaphysique. 

Deuxième  entretien. — Argument  phy- 
sique. 

Troisième  entretien. — Argument  mo- 
ral. Croyance  générale  à  l'existence 
de  Dieu. 

Quatrième  entretien. — Nécessité  d'u- 
ne Religion. 

Cinquième  entretien. — Nécessité  d'u- 
ne Révélation. 

Sixième  entretien. — Véracité  des  Li- 
vres de  TAncien  Testament. 

Septième  entretien. — Divinité  diS  Li- 
vres de  l'Ancien  Testament. 

Huitième  entretien. — Histoire  de  la 
Religion  et  Prophéties  relatives  au 
Messie,  depuis  Adam  jusqu'à  David. 

Neuvième  entretien.  —  Prophéties  et 
histoire  de  la  Religion  depuis  David 
jusqu'au  Messie. 

Dixième  entretien. — Prophéties  véri- 
fiées dans  la  personne  de  J. -Christ. 


Onzième  entretien. — L'évangile. 
I>0DziÈME  entretien.     -  Jésus-Christ, 

vrai  Dieu  et  vrai  homme. 
Treizième  entreti"n. — Résurrection  et 

Ascension  de  J.-C.  Preuves  certaines 

de  sa  Divinité. 
Quatorzième  entretien— Aperçu   sur 

les  Juifs. 
Quinzième  entretien. — Les  Juifs  at- 

tenJent  inutilement  le  Messi-^. 
Seizième  entretien. — Propagation  du 

Christianism-r! 
Dix-Septième  entretien. —  Fondation 

i".  l'Eglise  de  J.-C. 
Dix-HDiTiiMB  entretien. — Du  Chef  vi- 
sible 'le  l'Eglise  di  Jés  ;s-Ghrist. 
Dix-Neuvième  entretien.  —  Visibilité 

de  l'Eglise  de  J.-C. 
Vingtième  entretien. — Caractères  de 

l'Eglise  de  J.-C. 
Vingt  et  unième  entretien. — L'Eglise 

Romaine  a  le  caractère  de  l' UNITÉ. 
Vingt-deuxième    entretien.  —  Seule 
l'EgUse  Romaine  est  S.\INTE. 


90 


LE  PROPAGATECR 


Vingt-troisième    entretien.  —  Seule 
l'Eglise  Romaine  est  CATHOLIQUE. 

Vingt-quatrième   entretien.  —  Seule 
'Eglise  Romaine  est  APOSTOLIQUE. 


Vingt-cinquième  entretien. — La  Hié 
rarchie  Ecclésiastique. 

Vingt-sixième  entretien.  —  Autorité 
des  Conciles. 


SECONDE    PARTIE 


Croyances  et  sectes  existant  encore  aujourd'hui  et  qui,  à  diverses  époques,  se 
séparèrent  de  VEglise  Catholique 


Premier  entretien. — Le  Mahomélisme 
Deuxième  kntretien.  —  Schisme    des 

Grecs. 
Troisième  entretien.  —  Origines  des 

Vaudois, 

Quatrième  ENTRETiEN.-Suite  du  même 
sujet. 

Cinquième  entretien.  —  Mauvaise  foi 

des  ministres  Vaudois. 
Sixième  entretien.  —  Séparation  des 

Vaudois  d'avec  l'Eglise  Catholique. 

Huitième  entretien. — Luther. 

Neuvième  entretien. — Incertitudes  de 
Luther  et  ses  sentiments  envers  l'E- 
glise Catholique. 


Dixième  entretien. — La  Hiérarchie  de 

Marlin  Luther. 
Onzième  entretien. — Calvin. 
Douzième  entretien.  —  Bèze  disciple 

de  Calvin. 

Treizième  entretien.  —  Du  Schisme 
Anglican. 

Quatorzième  entretien.  —  Union  des 
Anglais  avec  les  Prolestants  et  les 
Vaudois. 

Quinzième  entretien.  —  Les  prédica- 
teurs de  la  Réforme  n'avaient  pas  la 
mission  divine. 

Seizième  ENTRETiEN.-Eglise  Orthodoxe 
de  Russie. 


TROISIÈME  PARTIE 
Invariabilité  de  la  Doctrine  Chrétienne 


Premier  entretien. — L'Eglise  Catholi- 
que n'a  jamais  rien  changé  aux  dog- 
mes enseignés  par  les  Apôtres. 

Deuxième  ENTRETiEN.^Lee  prolestants 
ne  peuvent  indiquer  un  seul  dogme 
des  Apôtres  qui  ait  été  altéré  par 
l'Eglise  Romaine  — Aveux  convain- 
cants de  leurs  propres  auteurs  sur 
ce  point. 

Troisième  entretien. — Les  définitions 
dogmatiques,  qu'en  divers  temps 
prononce  l'Eglise  Catholique,  sont 
de  simples  déclarations  et  non  de 
nouveaux  dogmes  de  foi 

Quatrième  entretien. —  L'Eglise  Ca- 
thoUque  n'augmente  jamais  le 5  Ar- 
ticles de  foi. 

Cinquième  entretien. — LesProt estants 
ont  renouvelé  les  erreurs  condam- 
nées par  l'Eglise  primitive. 

Sixième  ENTRETiEN.-Conlinuation  de  la 


comparaison  des  prolestants  avec  le& 
anciens  hérétiques. 

Septième  entretien. —  Erreur  fonda- 
mentale. 

Huitième  entretien.  —  Inutilité  de  la 

défense  du  Jugement  Personnel. 
Neuvième  entretien. — Contradictions. 
Dixième  entretien. — Une   conséquen- 
'    ce  involontaire. 

Onzième  entretien. — Une  impudente 
audace  de  la  Papesse  Evangélique. 

Douzième  Entretien. — Les  Variations 
Protestantes. 

Tteizième  entretikn. — Confusions  pro- 
testantes. 

Quatorzième  entretien. — Labyrinthe 
oij  se  perdent  les  ministres  protestants 

Quinzième  entretien. — Calomnies  con- 
tre l'Eglise  Romaine. 

Seizième  entretien.— Deux  mots  aux 
ministres  Protestants. 


L'ERMITE  DE  FRANCHARD 


(^suite) 

—  Nous  le  ferons  appeler  plus  tard,  dit  le  Roi  :  Allons  voir 
cette  roche  à  cœur  tendre,  cette  roche  qui  pleure. 

Ils  y  allèrent,  puis  madame  la  comtesse  de  Soissons  eut  fan- 
taisie de  se  promener  dans  la  gorge  de  Franchard,  parmi  les  roches 
éboulées  et  les  ravins  fleuris  d'ajoncs  et  de  bruyère.  Ses  sœurs, 
Louis  XIV  et  plusieurs  autres  personnes  la  suivirent  et  la  dépas- 
sèrent bientôt  dans  cette  course  aventureuse,  mais  Monsieur, 
Mademoiselle,  le  comte  de  Neverly,  madame  de  Ghazelles,  made- 
moiselle de  Vandy  et  la  petite  demoiselle  de  Fouilloux,  préférèrent 
rentrer  dans  le  jardin  de  l'ermite,  et  firent  porter  des  pliants  sous 
une  tonnelle  couverte  de  vigne,  d'où  l'on  découvrait  toute  la  gorge 
de  Franchard,  et  au  delà,  un  grand  horizon  boisé.  Là,  tout  en 
agitant  de  grands  éventails  pour  chasser  les  moustiques  féroces 
si  communs  dans  la  forêt  de  Fontainebleau,  les  dames  s'amusèrent 
à  regarder  paraître  et  disparaître  parmi  les  rochers  de  Franchard 
les  élégants  personnages  de  la  suite  du  Roi. -C'était  parmi  eux,  à 
qui  monterait  le  plus  haut  et  le  plus  vite.  Les  dames  rivalisaient 
d'intrépidité  avec  les  gentilshommes. 

—  Mais  je  crois  que  la  comtesse  de  Soissons  devient  folle,  s'écria 
Mademoiselle.  N'est-ce  pas  elle  que  je  vois  là  bas,  debout  sur  ce 
rocher  pointu,  et  agitant  une  branche  d'arbre  ? 

—  Non,  c'est  Mademoiselle  Hortense,  dit  M.  Graston  de  Neverly, 
je  reconnais  sa  jupe  couleur  de  rose.  Mademoiselle  Marie  est  un 
peu  au  dessous  d'elle. 

—  Mon  frère  n'en  est  pas  loin,  alors,  dit  Monsieur,  je  le  gagerais. 

—  Fi,  mon  cousin  !  dit  Mademoiselle  :  vous  devenez  mauvaise 
langue. 

—  Vous  n'auriez  pas  bonne  grâce  à  me  gronder,  ma  cousine. 
Pas  plus  tard  qu'hier  soir  je  vous  ai  entendue  dire  à  madame  de 
Ghazelles  ici  présente  :  que  cette  petite  Mancini  est  donc  insuo- 
portable  de  parler  à  l'oreille  du  Roi  comme  elle  le  fait  !  Si  j'étais 
à  la  place  de  la  Reine,  je  sais  bien  ce  qu'il  lui  en  coûterait.  Est- 
ce  vrai,  madame  de  Ghazelles  ? 

—  Je  ne  me  souviens  pas  bien,  dit  la  jeune  dame  en  rougissant. 

—  Mentez,  mentez,  madame,  s'écria  le  jeune  prince,  cela  vous 
va  si  bien  de  rougir  !  vrai,  si  vous  ôtiez  ce  vilain  bandeau,  vous 
auriez  l'air  d'avoir  quinze  ans.  Que  vous  êtes  charmante,  et  que 
je  suis  content  de  vous  avoir  fait  mentir  ! 

Toute  la  compagnie  riait,  et  madame  de  Ghazelles  prit  le  parti 
de  rire  comme  les  autres. 


92  LE  PROPAGATEUR 


—  Monsieur  a  très  grand  tort  de  se  réjouir  parce  que  vous  avez 
commis  un  péché,  madame,  dit  Mademoiselle,  mais  quand  au 
bandeau,  je  suis  de  son  avis.  Pourquoi  le  portez-vous  encore  ? 
votre  deuil  est  fini,  archi-fini,  et  on  sait  bien  que  vous  n'êtes  pas 
précisément  au  désespoir  d'être  veuve  ? 

—  Sans  compter,  murmura  mademoiselle  de  Fouilloux,  que  je 
connais  quelqu'un  qui  ne  laissera  pas  durer  trop  longtemps  ce 
veuvage. 

—  Que  dites-vous  là,  Fouilloux  ?  s'écria  la  princesse  :  une 
sottise,  bien  sûr  ;  je  la  devine.  Vous  dites  que  madame  de  Gha- 
zelles  se  remariera.  Point  du  tout  :  je  compte,  au  contraire,  qu'elle 
viendra  habiter  avec  mademoiselle  de  Vandy,  monsieur  de  Ne- 
verly  et  moi,  sans  compter  bien  d'autres  personnes  de  mérite, 
l'ermitage  où  je  veux  me  retirer. 

—  Voire  Altesse  Royale  veut  se  faire  ermile,  et  moi  aussi! 
s'écria  Gaston  de  Neverly.  Ah  î  je  le  veux  bien,  mais,  d'honneur, 
en  voici  la  première  nouvelle. 

—  Que  vous  êtes  étourdi,  monsieur!  Gomment,  vous  avez 
oublié  cette  soirée  que  nous  passâmes  au  Luxembourg,  l'hiver 
dernier,  en  revenant  de  la  foire  Saint-Germain,  et  les  beaux  projets 
que  nous  fîmes  avec  mademoiselle  de  Vandy,  Préfontaine  et 
Segrais  ? 

—  Je  crois,  en  effet  me  rappeler  quelque  chose dit  Neverly 

en  ayant  l'air  de  réfléchir  :  Oui,  c'est  cela.  Il  était  question  d'ha- 
biter la  campagne  toute  l'année,  de  se  promener,  de  faire  de  la 
musique,  des  vers,  des  peintures,  des  tapisseries,  de  danser,  aussi, 
je  crois,  sans  compter  la  chasse,  le  jeu,  la  comédie  et  toute  espèce 
de  divertissements  honnêtes.  Mais  il  y  avait,  quelque  chose  de 

défendu,  sous  peine  d'exil  éternel,  quelque  chose ma  foi,  j'ai 

oublié  quoi. 

^ —  Votre  mémoire  est  courte,  monsieur,  puisque  vous  oubliez 
justement  l'essentiel.  Hé  !  bien,  je  voulais  que  dans  le  séjour  où 
je  projette  de  réunir  mes  amis  et  de  passer  avec  eux  toute  ma  vie, 
je  voulais  qu'il  ne  fût  jamais  question  ni  de  galanterie,  m  de  ma- 
riage, et  que  l'on  vécut  comme  vivent  des  frères  et  des  sœurs, 
dans  le  paisible  et  honnête  commerce  de  l'amitié  la  plus  pure. 

—  Dans  quel  pays  sera  établie  cette  sublime  communauté  ?  de- 
manda Neverly  de  l'air  le  plus  sérieux  qu'il  put  prendre. 

—  Mais à  Saint-Fargeau  peut  être,  au  château  d'Eu,  ou  à 

Ghampigny  ;  peu  importe.  L'essentiel,  c'est  la  règle.  Qu'en  dites- 
vous,  mon  cousin  ? 

^ — Hélas,  ma  cousine,  la  règle  est  admirable,  mais  si  vous  rem- 
plissez le  noviciat,  je  m'étonnerai,  et  si  quelqu'un  fait  profession, 
je  Tirai  dire  à  Rome. 

Mademoiselle  piquée,  allait  répondre,  lorsque  mademoiselle  de 
Vandy,  pour  faire  diversion,  s'écria  : — Je  viens  de  voir  l'ermite 
fermer  ses  volets.  Pourquoi  donc  cet  incivil  personnage  ne  vient- 
il  pas  saluer  Mademoiselle  ? 

— G'est  ce  que  je  vais  aller  lui  demander,  si  Son  Altesse  Royale 
le  veut  bien,  dit  Neverly. 


LE  PROPAGATEUR  93 

—  J'y  veux  aller  moi  même,  dit  la  princesse,  qui  ne  pouvait 
rester  tranquille  une  heure  de  suite.  Je  le  consulterai  sur  mes 
projets  d'ermitage. 

Elle  se  leva,  Neverly  lui  présenta  la  main,  et  marchant  d'un 
pas  délibéré,  la  princesse  alla  frapper  à  la  porte  de  l'ermite. 


—  Ouvrez  !  dit  Neverly,  ouvrez  à  Son  Altesse  Royale,  Made- 
moiselle de  Montpensier. 

L'ermite  ouvrit,  et  s'effaçant  pour  laisser  eî:trer  ses  hôtes,  re 
ferma  ensuite  la  porte  derrière  eux,  présenta  un  siège  à  la  princesse, 
et  se  tint  debout  et  incliné  devant  elle,  en  silence. 

Les  volets  étaient  presque  fermés,  et  ce  ne  fut  qu'au  bout  d'un 
instant  que  les  yeux  de  la  princesse,  s'accoutumant  à  l'obscurité, 
distinguèrent  les  détails  de  l'ameublement  de  la  cellule. 

Elle  ne  contenait  qu'un  grabat  fort  étroit,une  table  de  chêne  brut, 
un  bahut,  deux  escabeaux  et  un  crucifix.  Sur  le  rebord  de  la 
cheminée  à  hotte,  était  posé  entre  deux  bouquets  blancs  une  petite 
statuette  de  la  Vierge,  et  un  livre  ouvert  sur  la  table,  quelques 
papiers  et  une  écritoire  de  plomb,  témoignaient  des  goûts  studieux 
de  l'ermite.  Aux  solives  du  plafond  étaient  suspendues  des  guir- 
landes de  plantes  séchées,  et  l'air  de  la  cellule,  imprégné  de  leur 
parfum,  était  frais  et  agréable  à  respirer. 

—  Je  n'ai  pas  voulu  visiter  la  chapelle  sans  vous,  mon  frère,  dit 
la  princesse,  et,  lasse  d'attendre  qu'il  vous  plût  de  vous  monirer, 
je  suis  venue  vous  chercher.  Pourquoi  donc  vous  cachez-vous 
ainsi  ?  Savez-vous  que  c'est  peu  gracieux  ? 

—  Je  prie  Mademoiselle  de  me  pardonner,  dit  l'ermite  très  bas; 
j'ai  dit  adieu  au  monde,  j'ai  choisi  la  vie  cachée,  et  je  suis  devenu 
presque  muet  à  force  d'avoir  gardé  le  silence. 

Au  son  de  la  voix  de  l'ermite,  Neverly  avait  tressailli.  Il  fit  un 
pas  en  avant,  et  tâcha  d'apercevoir  le  visage  de  frère  Sylvain.  Mais 
l'ermite  avait  rabattu  son  capuchon  et  se  tenait  dans  l'ombre. 

—  Il  y  donc  bien  longtemps  que  vous  êtes  Ici,  mon  frère. 

—  Il  y  a  sept  ans,  princesse. 

—  Sept  ans  seulement  ?  Mais,  à  Fontainebleau,  j'ai  entendu 
parler  de  l'ermite  de  Franchard  dans  ma  petite  enfance. 

—  L'ermite  qui  m'a  précédé  ici,  Mademoiselle,  est  moit  il  y  a 
six  ans,  presque  centenaire.  J'avais  passé  une  année  avec  lui. 
Depuis  sa  mort  ;  j'ai  vécu  seul. 

—  Et  le  temps  ne  vous  dure  pas  ? 

—  Non,  Mademoiselle. 

—  C'est  étrange.  Voulez-vous  me  conduire  à  la  chapelle  ? 

—  Je  n'ai  qu'une  porte  à  ouvrir  pour  cela,  dit  l'ermite. 

Il  s'avança  vers  le  fond  de  la  cellule,  et  la  porte  qu'il  ouvrit 
laissa  entrer  un  rayon  de  soleil  qui  illumina  la  chambre. 

La  chapelle  était  petite,  fort  simple,  mais  tenue  avec  soin.  A 
droite  de  l'autel,  et  devant  une  statue  de  Notre-Dame  des  Bois, 
brûlait  une  lampe  d'argent. 

La  princesse  s'agenouilla,  ses  deux  compagnons  l'imitèrent,  puis, 


94  LE  PROPAGATEUR 


après  une  courte  oraison,  l'ermite  ayant  ouvert  la  porte  de  l'exté- 
rieur, se  tint  près  du  seuil,  comme  s'il  attendait  le  départ  de  la 
princesse. 

zr Mademoiselle  sortit,  un  peu  déconcertée  par  le  mutisme  de 
l'ermite,  et  Neverly,  en  passant  devant  lui,  s'approcha  de  son 
oreille,  et  murmura  ces  mots  : — ou  tu  es  Henri  d'Aiguebelle,  ou 
tu  es  son  ombre  ! 

L'ermite  se  détourna  vivement,  et  rentra  dans  sa  cellule  sans 
répondre  un  seul  mot. 


Un  page  du  Roi  venait  d'entrer  dans  le  jardin  de  l'ermite, 
porteur  d'un  message  verbal  de  sa  Majesté.  Louis  XIV  ordonnait 
aux  violons  d'aller  le  retrouver  au  bas  de  la  gorge  de  Franchard 
et  il  priait  Monsieur  et  Mademoiselle  de  venir  l'y  rejoindre.  Le 
soleil  allait  bientôt  se  coucher,  et  la  princesse  qui  craignait  fort 
d'être  surprise  par  la  nuit,  hésita  et  fit  mine  de  refuser  l'invitation 
du  Roi,  mais  Monsieur  lui  assura  qu'il  voyait  fort  bien  l'endroit 
où  était  son  frère,  et  qu'on  y  arriverait  en  dix  minutes. 

L,e  chemin  n'était  pas  long,  en  effet,  mais  si  accidenté  que 
mademoiselle  de  Vandy  tomba  trois  fois,  Monsieur  quatre,  et 
que  Mademoiselle  en  eût  fait  autant,  sans  l'appui  du  bras  de  Ne- 
verly. Enfin,  on  arriva  près  du  jeune  Roi.  Les  violons  jouaient 
un  passe-pied,  et  toute  la  jeunesse  dansait  sur  le  gazon,  dans  un 
petit  cirque  naturel  formé  par  des  rochers,  vraie  salle  de  danse 
construite  à  l'usage  des  fées.  Les  dames  avaient  ôté  leurs  chapeaux 
à  plumes,  et  mis  des  fleurs  et  des  papillons  dans  leurs  cheveux. 
Ces  jolis  œillets  pourprés  que  la  forêt  de  Fontainebleau  produit 
en  abondance,  ressortaient  à  merveille  dans  les  boucles  brunes 
de  Mlles  Mancim,  et  les  blondes  s'étaient  couronnées  de  margue- 
rites et  de  campanules  azurées.  Chaque  cavalier  portait  à  la 
boutonnière  de  son  pourpoint  un  bouquet  de  fleurs  semblables  à 
celles  de  la  belle  qu'il  conduisait,  et  les  derniers  rayons  du  soleil 
teintaient  d'un  or  rosé  les  arbres,  les  rochers,  les  musiciens  et  les 
danseurs.  Les  nouveaux  arrivés  se  mêlèrent  à  la  danse,  mais  ce 
ne  fut  que  pour  quelques  instants.  Le  soleil  disparut  sous  un  nu- 
age, le  crépuscule  tomba  rapidement,  et  il  fallut  remonter  à  l'er- 
mitage par  un  sentier  de  chèvres,  où  l'on  faisait  presqu'autant  de 
glissades  que  de  pas. 

Lorsqu'on  y  arriva,  la  nuit  était  close,  mais  la  tente  illuminée 
attendait  les  convives,  et  un  souper  splendide  répara  leurs  forces 
et  ranima  leur  gaité- 


—  Est-il  vrai,  ma  cousine,  demanda  le  Roi  à  Mademoiselle,  est 
il  vrai  que  vous  avez  vu  l'ermite  ? 

—  Oui,  sire,  et  je  puis  assurer  que  cest  un  ermite  bien  peu 
sociable,  et  qui  ne  dit  presque  rien.  11  reste  la  tête  couverte  d'un 
vilain  capuchon  ;  on  ne  voit  de  son  visage  qu'une  barbe  effroyable  ; 
c'est  un  ours,  et  un  ours  mal  léché. 


LE  PROPAGATEUE  95 


—  En  ce  cas,  dit  Olympe  Mancini,  je  ne  le  veux  point  voir. 

—  Pourtant,  dit  le  Éoi,  je  serais  fâché  d'être  venu  ici  sans  lui 
faire  quelque  présent.  Il  doit  être  fort  pauvre,  cet  ermite.  M.  de 
Neverly,  allez  le  trouver,  je  vous  prie,  demandez  lui  ce  dont  il  a 
besoin  pour  lui  ou  pour  sa  chapelle,  je  le  lui  enverrai  demain. 

Neverly  s'empressa  d'obéir  au  Roi,  et,  sortant  de  la  tente,  tra- 
versa le  jardin  ;  une  faible  lumière  éclairait  la  cellule  de  l'ermite 
et  filtrait  entre  les  volets  presque  fermés.  Neverly  se  haussant 
sur  la  pointe  des  pieds,  appliqua  son  œil  à  cette  ouverture,  et 
regarda  dans  la  cellule.  L'ermite  lisait  à  la  lueur  d'une  petite 
lampe,  et  son  capuchon,  rejeté  en  arrière,  laissait  voir  son  visao-e. 

—  C'est  lui  !  se  dit  Neverly  :  je  n'en  puis  plus  douter.  Il  alla 
frapper  à  la  porte.  L'ermite  éteignit  sa  lampe,  vint  ouvrir,  et  se 
tint  sur  le  seuil  sans  prier  M.  de  Neverly  d'entrer. 

Celui-ci  fit  la  commission  du  Roi. 

—  Dites  à  Sa  Majesté  que  je  lui  rends  mille  grâces  :  je  n'ai 
besoin  de  rien,  et  la  chapelle  est  pourvue  de  tout  le  nécessaire. 

—  Mais,  mon  frère,  le  Roi  sera  mécontent  de  vous  si  vous  ne 
répondez  à  ses  bontés  que  par  un  refus  tout  sec.  Votre  jardin  a 
été  gâté  ;  il  est  juste  que  vous  en  soyez  dédommagé. 

—  Hé  bien,  monsieur,  priez  Sa  Majesté  défaire  murer  les  portes 
de  la  vieille  abbaye,  afin  qu'elle  ne  soit  plus  hantée  par  les  vaga- 
bonds et  les  braconniers. 

—  Je  le  dirai,  mon  frère,  mais  de  grâce,  ne  faites  pas  plus  long- 
temps semblant  de  ne  pas  me  connaître.  Vous  êtes  Henri  d'Aigue- 
beHe,  mon  ami,  mon  compagnon  d'autrefois  ! 

Mais  frère  Sylvain  avait  déjà  refermé  la  porte,  et  Neverly 
approchant  sa  bouche  du  trou  de  la  serrure,  lui  dit  :  — Je  revien- 
drai, frère  Sylvain,  et  bon  gré  mal  gré,  je  saurai  tout  demain. 


Lorsque  Neverly  reprit  sa  place  à  table,  le  Roi  ne  songeait  déjà 
plus  à  l'ermite.  Il  parlait  de  musique,  et  discutait  avec  la  comtesse 
de  Soissons  sur  la  beauté  d'un  air  que  LulU  avait  composé  depuis 
peu  sur  des  paroles  de  Racan.         .  j»]^]^ 

—  Je  n'ai  entendu  cet  air  qu'une  fois,  disait  le  Roi,  mais  il 
m'a  paru  languissant  et  plus  triste  qu'il  ne  conviendrait  aux  pa- 
roles. Je  crois,  madame,  que  vous  le  jugez  trop  favorablement. 
Baptiste,  cette  fois  est  resté  au-dessous  de  lui-même. 

—  De  quel  air  est-il  question  ?  demanda  Neverly  à  Mme  de 
Chazelles. 

De  celui  que  je  vous  chantai  le  mois  dernier  à  Paris,  monsieur. 

—  Sire,  s'écria  Neverly,  permettez-moi  de  plaider  pour  Lulli. 
Ne  le  condamnez  pas  avant  d'avoir  entendu  cet  air  chanté  par 
Mme  de  Chazelles,  et  permettez-moi  de  l'accompagner. 

Tirant  alors  de  sa  poche  un  petit  luth,  merveilleux  instrument 
qu'il  avait  rapporté  d'Italie,  le  jeune  gentilhomme  l'accorda  pres- 
tement, et,  sur  la  demande  du  Roi,  la  jeune  veuve  chanta  d'une 
belle  voix  de  contralto  : 


96  LE  PROPAGATEUR 

O  bienheureux  celui  qui  peut  de  sa  mémoire 
Effactr  pour  jamais  les  vains  pensers  de  gloire, 
Dont  l'inutile  soin  traverse  nos  plaisirs, 
Et  qui  loin  retiré  de  la  foule  importune 
Vivant  dans  sa  maison  content  de  sa  fortune, 
A,  selon  son  pouvoir,  mesuré  ses  désirs  ! 


Agréables  déserts,  séjour  de  l'innocence 

Où  loin  des  vanités  de  la  magnificence 

Commence  mon  repos  et  finit  mon  tourment: 

Vallons,  fleuvp,  tochers,  plaisante  solitude,  * 

Si  vous  fûtes  témoins  de  mon  inquiétude 

Soyez-le  désormais  de  mon  contentement. 

Dès  qu'elle  eut  fini,  un  concert  de  louanges  et  d'applaudissements 
récompensa  la  belle  chanteuse,  et  Neverly,  se  hâta  d'écarter  le 
rideau  de  la  tente  et  de  regarder  du  côté  de  l'ermitage.  Il  vit  que 
la  fenêtre  en  était  ouverte,  et  le  clair  de  lune  lui  montra  la  tête 
de  l'ermite,  qui  semblait  écouter  encore. 

Un  page  vint  parler  bas  au  Roi. — Mesdames,  dit  Louis  XIV,  on 
m'avertit  que  les  calèches  sont  prêtes,  et  que  le  tonnerre  commence 
à  gronder  dans  le  lointain.  Nous  ferons  prudemment  de  retourner 
au  château,  je  crois. 

—  Déjà,  s'écria  Marie  Mancini  :  il  est  à  peine  dix  heures.  Ce 
serait  très  beau  un  orage  à  Franchard  1 

—  Grand  merci  1  dit  Mademoiselle  :  j'aime  mieux  le  voir  de 
ma  chambre  de  Fontainebleau.  Partons  vite,  vite.  Ces  grands 
arbres  attirent  la  foudre,  et  un  coup  de  vent  suffirait  pour  enlever 
cette  tente  légère. 

Quelques  minutes  après,  toutes  les  dames  étaient  en  voiture,  le 
Roi  et  sa  suite  à  cheval,  les  pages  portant  des  torches  éclairaient 
la  marche,  et  tandis  que  carrosses  et  cavaliers  s'éloignaient,  les 
vingt-quatre  musiciens  s'entassaient  dans  trois  carosses,  les  servi- 
teurs se  hâtaient  d'emballer  la  vaisselle  d'argent  et  d'expédier  les 
reliefs  du  souper,  et,  tout  eu  vidant  les  derniers  llacons,  rechar- 
geaient les  mulets  et  remplissaient  un  chariot  des  meubles  et  des 
ustensiles  apportés  le  matin.  Le  ciel  se  couvrait,  et  ces  rafales  de 
vent  qui  précèdent  les  orages,  commençaient  à  courber  la  cîme 
des  arbres  et  de  la  forêt. 

(à  suivre) 

Mme  Julie  Lavbrgne. 


LE    PROPAGATEUR 

Volume   IV,  15  Avril,  1893,  Numéro  4 

BULLETIN 


'      '  10  avril  1893. 

*,*  Dernièrement  N.  S.  P.  le  Pape  a  adressé  aux  évêques  de  la 
province  ecclésiastique  de  Venise  une  lettre  dans  laquelle  il  con- 
damne une  fois  de  plus  le  mariage  civil.  Cette  lettre  a  été  écrite  à 
l'occasion  d'un  projet  de  loi  présenté  aux  chambres  par  le  gouver- 
nement italien.  Ce  projet  de  loi  donne  la  prééminence  au  mariage 
civil  sur  le  mariage  religieux  et  en  ordonne  l'antériorité.  Il  sépare 
deux  choses  qui  doivent  être  étroitement  unies.  En  effet  le  maria- 
ge est  un  sacrement  et  le  contrat  ne  peut  pas  être  séparé  de  ce  sa- 
crement. "  Une  loi  civile  qui,  supposant  le  sacrement  divisible  du 
"  contrat  de  mariage  pour  les  catholiques,  prétend  en  régler  la 
"  validité,  contredit  la  doctrine  de  l'Eglise,  usurpe  ses  droits  in- 
"  aliénables,  et,  dans  la  pratique,  met  sur  le  même  rang  le  concu- 
"  binage  et  le  sacrement  de  mariage,  ou  les  sanctionne  l'un  et 
*'  l'autre  comme  également  légitimes  (l).  " 

Le  pape  attribue  ce  projet  de  loi  à  l'influence  de  la  secte  maçon- 
nique qu'il  traite  de  secte  maudite  dont  les  desseins  sont  toujours  et 
partout  les  mêmes,  c'est-à-dire  directement  hostiles  à  Dieu  et  à  l'Eglise, 

Voici  la  manière  dont  il  juge  cette  législation  impie  : 

Bref,  voici  le  jugement  que  l'on  doit  porter  sur  le  nouveau  projet  de  loi  dont 
Nous  Nous  occupons,  il  usurpe  les  droits  de  l'Eglise,  entrave  son  action  salu- 
taire, et  en  resserre  toujours  plus  les  chaînes^  au  grave  détriment  des  âmes.  Il 
lèse  la  juste  liberté  des  citoyens  et  des  fidèles,  favorise  et  sanctionne  les  unions 
illégitimes,  ouvre  la  voie  à  de  nouveaux  scandales  et  à  des  désordres  moraux. 
Il  trouble  la  paix  des  consciences  et  rend  plus  aigu  le  conQit  entre  l'Eglise  et 
l'Etat  ;  conflit  absolument  contraire  à  l'ordre  établi  par  le  Créateur,  conflit  juste- 
ment  blâmé  et  déploré  par  tous  les  esprits  honnête  s  et  dont,  assurément,  l'Eglise 
ne  fut  jamais  la  véritable  cause. 

*/  Dans  le  cours  de  mars,  des  élections  générales  ont,  eu  lieu  en 
Espagne.  Le  gouvernement  libéral  a  obtenu  une  grande  majorité 
pour  les  deux  chambres,  mais  sa  majorité  est  bien  plus  considéra- 
ble à  la  chambre  populaire  qu'au  Sénat.  Les  parties  se  divisent  en 
conservateur,  libéral,  républicain  ou  libéral  avancé  et  Carliste. 
Madrid,  la  capitale,  a  élu  six  républicains  et  deux  ministériels. 

Parmi  les  républicains  élus  se  trouve  M.  Salraeron,  ancien  pré- 
sident de  la  république. 

(I)  Lettre  de  N.  S.  P.  le  Pape  Pie  IX  au  roi  de  Sardaigue,  en  date  du  19 
septembre  1852. 

7 


98  LE  PROPAGATEUR 


Le  sénat  se  compose  de  1>0  membres  à  vie  et  de  180  membres 
élus. 

*/  Les  Gortès  du  Portugal  se  sont  réunies  le  deux  janvier  et  le 
roi  a  ouvert  personnellement  la  session. 

Le  21  février  le  ministère  a  donné  sa  démission  parce  que  les 
Gortès  ne  voulaient  pas  adopter  sa  politique  fmancière.  Un  nou- 
veau cabinet  a  été  formé  le  22  février. 

En  voici  la  composition  : 

Présidence  du  conseil  et  affaires  étrangères  :  M.  Hintze  Ribeiro. — Intérieur  :  M. 
Franco  Castello  Branco. — Justice  :  M.  Antenio  AzeveJo. — Guerre  :  M.  le  colonel 
Pimentel  Pinlo. — Finances:  M.  Fuschini.— Marine  :  M.  le  capilaine.de  vaisseau 
Neves  Ferreira. — Travaux  publics  :  M.  BernarJino  Machalo. 

Le  principal  article  du  programme  du  nouveau  gouvernement 
est   l'établissement  de  la  responsabilité  ministérielle. 

Quelques  jours  avant  la  chute  du  dernier  cabinet,  le  ministre 
des  affaires  étrangères,  Mgr  de  Gouveia,  évêque  de  Betbsaïde  avait 
donné  sa  démission.  "  Cette  démission,"  dit  VUnivers,  "  avait  été 
"  exigée  par  l'Angleterre  qui  voyait  dans  ce  prélat  le  principal  obs- 
"  tacle  à  ses  revendications  relatives  à  la  délimitation  de  frontière 
"  du  Maniraland  au  nord-est  du  Gapland  (1)  " 

*^*  Dans  le  procès  de  corruption  touchant  les  affaires  du  Pana- 
ma, qui  s'est  terminé  le  21  mars  devant  la  cour  d'assises  de  Paris, 
trois  des  accusés  ont  été  trouvés  coupables.  Ge  sont  MM.  Baïhaut, 
ancien  ministre,  accusé  de  s'être  vendu,  Charles  de  Lesseps,  accusé 
d'avoir  acheté  l'influence  de  Baïhaut  et  Blondin,  accusé  d'avoir 
servi  d'intermédiaire  entre  le  vendeur  et  l'acheteur. 

Baïhaut  a  été  condamné  à  cinq  ans  de  prison,  à  la  dégradation 
civique  (2)  et  à  750,000  francs  d'amende,  Blondin  a  été  condamné 
à  deux  ans  de  prison  et  de  Lesseps  a  été  condamné  à  un  an  de  la 
même  peine. 

Les  jurés  devaient  répondre  à  38  questions  qui  leur  ont  été  sou- 
mises par  le  tribunal. 

Les  accusés  Béral,  Dugué  de  la  Fauconnerie,  Gobron,  Proust, 
Fontane  et  Sans-Leroy  ont  été  acquittés. 


*/  Le  successeur  de  Jules  Ferry  à  la  présidence  du  sénat  fran- 
çais est  M.Challemel-Lacour,écrivain,  journaliste  et  ancien  ambas- 
sadeur à  Londres.  Il  est  entré  en  fonctions  le  28  mars. 

Son  discours  d'installation  est  considéré  comme  très  important 
vu  les  circonstances  dans  lesquelles  se  trouve  la  France.  Voici  les 

(1)  Les  possessions  portugaises  sur  la  côte  orientale  d'Alrique  sont  voisines  des 
possessions  anglaises. 

(2)  Voir  à  la  Partie  Légale  en  quoi  consiste  en  France  la  dégradation  civique 


LE  PROPAGATEUR  99 


parties    les    plus  saillantes    de   ce  dicouis,   transmises  par    le 
télégraphe  : 

La  France  trou vera^d ans  le  sénat,  la  plus  sùre  sauvegarde,  contre  les  agitations 
renouvelées  de  temps  en  temps  par  les  partis,  qui  espèrent  les  laire  tourner  à 
leur  avantage. 

Le  sénat,  pénétré  des  mouvements  qui  se  manifestent  maintenant  dans  les  con- 
ditions économiques  et  morales  de  la  société,  a  le  devoir  de  soutenir  le  gouver- 
nement dans  l'accomplissement  de  sa  tâche  au  sujet  de  ces  conditions. 

Quelques  jours  avant  son  élection  à  la  présidence  du  sénat,  M. 
Challemel-Lacour  a  été  élu  membre  de  l'académie  française  en 
remplacement  de  Renan. 

* 

*/  Le  30  mars  le  ministère  français  Ribot  est  tombé  sur  une 
question  d'alcool.  Quelques  jours  auparavant  il  avait  obtenu  une 
grande  majorité  sur  une  question  directe  de  confiance. 

Par  un  vote  de  247  voix  contre  242,  la  chambre  des  députés  a 
décidé,  malgré  le  gouvernement  que  l'article  de  la  loi  des  finances 
concernant  la  réforme  de  la  vente  des  boissons  restera  partie  inté- 
grante de  cette  loi.  Le  sénat  avait  proposé  de  retrancher  cet  article 
et  le  gouvernement  avait  accepté  cette  proposition. 

On  prétend  que  la  question  des  boissons  n'est  que  le  prétexte  du 
vote  donné  par  la  chambre.  La  vraie  cause  de  la  chute  du  minis- 
tère serait  le  désir  de  la  majorité  d'étouffer  l'afî'dire  de  Panama 
dans  laquelle  une  grande  partie  de  la  représentation  nationale 
court  le  risque  de  sombrer. 

Le  président  Carnot  a  chargé  M.  Méline,  anciea  ministre  de 
l'Agriculture  et  ancien  président  de  la  chambre  des  députés,  de 
former  un  nouveau  ministère.  M.  Méline,  n'ayant  pas  réussi,  cette 
tâche  difficile  a  été  confiée  à  M.  Dupuy,  ministre  de  l'Instruction 
pubhque  dans  le  cabinet  Ribot.  Voici  la  composition  du  nouveau 
cabinet  que  M.  Dupuy  a  enfin  réussi  à  former  ; 

M.  Dupuy,  premier  et  ministre  de  l'intérieur. — Pau!  Louis  Peytral,  ministre 
des  finances. — Sénateur  Eugène  Guérin,  ministre  de  la  justice. — Raymond  Poin- 
carré,  minisire  de  l'instruction  publique. — Louis  Terder,  ministre  du  commerce. 
— Amiral  Rieunier,  ministre  de  la  marine. — Jules  Develles,  ministre  des  affaires 
étrangères. — François  Viette,  ministre  des  travaux  publics. — Ginéral  Loizillon, 
ministre  de  la  guerre. — Albert  Viger,  ministre  de  l'agriculture. 

Six  membres  du  cabinet  Ribot  font  partie  du  nouveau  ministère. 
Ce  sont  messieurs  Dupuy,  Rieunier,  Develles,  Viette,  Loizillon  et 
Viger.  Les  nouveaux  ministres  sont  messieurs  Peytral,  député  des 
Bouches-du-Rhône,  Guérin,  sénateur,  Poincarré,  député  de  la 
Meuse,  et  Terrier  député  d'Eure  et  Loir. 

Ce  cabinet  est  le  trentième  depuis  l'établissement  de  la  troisième 
république. 

*** 
%*  L'ouverture  de  la  session  de  la  législature  d'Ontario  a  eu 
lieu  le  4  avril.  C'est  la  troisième  session  de  la  septième  législature 
de  cette  province.  Elle  se  tient  dans  '^les  nouvelles  bâtisses  parle- 


100  LE  PROPAGATEUR 


mentaires.  Le   discours  du  trône  s'occupe   surtout  de  questions 
agricoles. 

*/  La  prorogation  des  chambres  fédérales  a  eu  lieu  le  premier 
avril.  La  session  durait  depuis  le  26  janvier  dernier.  Cette  session 
était  la  troisième  du  septième  parlement  du  Canada.  Le  discours 
du  trône  fait  allusion  au  tribunal  d'arbitrage  de  la  mer  de  Behring 
qui  siège  actuellement  à  Paris,  au  traité  de  commerce  avec  la 
France  dont  la  ratification  est  remise  à  la  prochaine  session  et  à 
l'exposition  universelle  de  Chicago.  Le  gouverneur  profite  de  la 
circonstance  pour  faire  officiellement  ses  adieux  au  Canada  vu 
que  son  terme  d'office  expire  bientôt. 

C'est  avec  un  profond  regret  dit-il,que  je  vois  approcher  le  terme  de  mon  séjour 
officiel  au  Canada  et  que  je  constate  que  selon  toute  probabilité.ii  me  faudra  bien- 
tôt vous  quitter.  Dans  la  prévision  de  cet  événement,  je  saisis  cette  occasion  de 
vous  déclarer  tout  l'intérêt  que  je  porte  à  ce  qui  concerne  le  bien-être  du  Canada 
et  la  sincère  affection  que  j'éprouve  pourtous  les  habitants  de  ce  pays,  qui  n'ont 
jamais  manqué  de  prouver  leur  loyauté  à  la  personne  ni  au  trône  de  notre  souve- 
raine, et  leur  amitié  et  leur  considération  envers  son  représentant.  Toujours  j'au- 
rai le  plus  grand  souci  du  bien-être  et  de  la  prospérité  de  ceux  parmi  lesquels  j'ai 
passé  cinq  années  de  ma  vie  au  Canada  ;  je  demande  au  Tout-Puissant  de  vous 
bénir  dans  toutes  vos  entreprises. 

Parmi  les  principaux  événements  de  la  courte  session  qui  vient 
de  finir  je  mentionnerai  les  divers  votes  de  no7i  confiance  proposés 
par  l'opposition  :  le  débat  sur  les  écoles  du  Manitoba,  le  débat  pro- 
voqué par  le  discours  que  le  contrôleur  des  Douanes,  Wallace,  a  fait 
contre  le  Home  Rule  dans  un  banquet  orangiste  à  Kingston,  la  re- 
mise à  une  autre  session  de  la  ratification  du  traité  de  commerce 
avec  la  France,  le  vote  sur  les  accusations  de  M.  Edgar  contre  Sir 
A.  P.  Caron,  ministre  des  Postes,  les  accusations  portées  contre 
certains  juges  de  la  province  de  Québec  par  M.  Tarte,  député  de 
rislet,  etc. 

Depuis  plusieurs  années  l'adresse  en  réponse  au  discours  du 
trôneétait  généralement  adoptée  sans  débats.  Cette  année,  l'oppo- 
sition est  revenue  à  l'ancien  usage  et  son  chef,  M.  Laurier,  a 
proposé  une  motion  en  amendement.  Cette  motion  affirmait 
la  nécessité  de  réduire  les  taxes  et  regrettait  que  cette  nécessité 
n'ait  pas  été  mentionnée  dans  le  discours  du  trône.  Cette  mo 
tion  qui  est  l'équivalent  d'une  motion  directe  de  non  confiance, 
a  été  repoussée  par  un  vote  de  103  voix  contre  53. 

Pendant  le  cours  de  la  session  le  premier  ministre  est  parti  pour 
la  France  afin  d'assister  à  la  commission  d'arbitrage  chargée  de 
régler  la  question  de  la  mer  de  Behring. 

A  la  veille  du  départ  d'un  gouverneur  les  chambres  ont  coutu- 
me de  lui  présenter  une  adresse,  mais  cet  usage  n'a  pas  été  suivi 
cette  année.    Les  raisons  de  cette  abstention  ne  sont  pas  connues. 

Albt. 


LES  CONSTITOTIONS  m  CONCILE  Dn  VATICAN 

LA  CONSTITUTION  DE/  FILIUS 

Fait  de  la  Révélation. 

I 

La  Saiate  Eglise  notre  Mère  tient  et  enseigne...  qne  néanmoins  il  a  plu  à  la  sa- 
gesse el  à  la  bonté  de  Dieu  de  se  révéler  lui-môme  et  les  éternels  décrets  de  sa  vo- 
lonté, au  genre  humain, par  une  autre  voie.et  cela  par  une  voie  surnaturelle.  C'est 
ce  que  dit  l'Apôtre  :  Après  avoir  parlé  autrefois  à  nos  pères  à  plusieurs  reprises 
«t  de  plusieurs  manières  par  les  prophètes  ;  pour  la  dernière  fois,  Dieu  nous  a 
parlé  de  nos  jours  par  son  Fils.  Hebr.  i,  1,  2  (1). 

Après  avoir  rappelé  que  Dieu  peut  être  connu  à  la  lumière 
naturelle  de  la  raison  humaine,  le  Concile  enseigne  que  néan- 
moins il  s'est  manifesté  au  genre  humain  d'une  manière  surnatu- 
relle par  la  révélation  chrétienne. 

Six  amendements  furent  proposés,  en  première  lecture,  sur  le 
texte  que  nous  venons  de  transcrire. 

Deux  furent  adoptés  sur  l'avis  conforme  de  la  Députation  de 
la  Foi.  Le  premier  demandait  que  l'opposition  entre  cette  fin  du 
paragraphe  relative  au  fait  de  la  révélation  et  le  commencement 
du  même  i  aragraphe  relatif  à  notre  connaissance  naturelle  de 
Dieu,  fut  marquée  par  l'adverbe  attamen,  au  lieu  de  l'être  seule- 
ment par  V aàverhe  autem  que  portait  le  sc/iema.  Le  second  deman 
dait  que  les  paroles  de  l'épître  aux  Hébreux  fussent  citées  formel- 
lement et  textuellement,  au  lieu  d'être  simplement  enchâssés  dans 
le  texte,  comme  le  schéma  le  proposait  (2). 

Les  autres  amendements  furent  écartés.  Trois  d'entre  eux 
demandaient  qu'on  ajoutât  au  texte  des  développements  qui  furent 
jugés  inutiles  (3). 

Un  autre  amendement  voulait  la  suppression  des  mots  et  boni- 
taîi  dans  l'indication  des  raisons  qui  avaient  déterminé  Dieu  à 
révéler.  Son  auteur  craignait  que  la  rédaction  proposée  ne  tranchât 
la  question  de  savoir  si  l'élévation  de  l'homme  à  une  fin  sur- 
naturelle a  été  un  pur  effet  de  labonté  de  Dieu  ou  si  elle  était 
demandée  par  sa  sagesse  (4;.  Il  lui  fut  répondu  par  Mgr  Gasser, 
au  nom  de  la  Députation  de  la  Foi  (5),  que  cette  question  n'était 
pas  en  cause  pour  le  moment,  qu'il  s'agissait  d3  la  révélation  de 
l'Ancien  et  Nouveau  Testament  et  que  cette  révélation  devait 
certainement  être  attribuée  à  la  sagesse  et  à  la  bonté  de  Dieu. 

Voici  comment  Mgr  Gasser  expose  dans  le   même  rapport  le 

(1)  Eadem  sancta  mater  Ecclesia  tenet  et  docet...  ;  attamen  placuisse  ejua 
sapienlise  et  bonitati,  alla,  eaque  surnaturali  via,  se  ipsum  ac  aeierna  voluntatis 
suse  décréta  humano  generi  revelare,  dicente  Apostolo  :  Mullifariam,  multisque 
modis  olim  Deus  loquens  palribus  in  prophetis  :  novissime,  diebus  islis  loculus 
est  nêbîs  in  Filio   Hebr.  i,  1,2.  (Constilut.  Dei  Filus,  cb.  n). 

(2)  Acta  Concilii  Valicani,  col.  121,  133  et  134;  amendements  12  et  16. 

(3)  Ibid.,  col.  121,  13Î,  133  et  134  ;  amendements  6,  14  et  15. 

(4)  Acia  Concilii  Valicani,  col.  121,  amendement  13. 

(5)  Ibid.,  col.  133.  Les  auteurs  de  cet  amenlement  13  et  de  l'amendement  15 
le  s  reproduisirent  sous  forme  de  réserves  (réserves  54  et  55,  à  la  dernière  lec- 
ture ;  mais  le  Concile  ne  revint  point  sur  son  vote.  [Ibid.,  tiol.  225  et  235.) 


102  LE  PROPAGATEUR 


contenu  du  passage  de  la  Constitution  Dei  Filius  que  nous  avons  mis 
sous  les  yeux  de  nos  lecteurs. 

"Après  sa  déclaration  su  I  la  connaissance  naturelle  de  Dieu^ 
notre  premier  paragraphe  passe  au  fait  de  la  révélation  positive 
et  surnaturelle.  En  premier  lieu,  il  marque  la  cause  d'où  descend 
cette  révélation  surnaturelle  :  c'est  le  bon  plaisir  de  la  sagesse  et 
de  la  bonté  de  Dieu.  En  second  lieu,  il  marque  le  moyen  par 
lequel  celte  révélation  nous  est  faite  :  ce  moyen  est  une  voie  sur- 
naturelle. Ensuite  il  propose  la  matière  qui  constitue,  en  général 
bien  entendu,  cette  révélation  surnaturelle.  C'est  la  manifestation 
de  Dieu  lui-même  et  des  éternels  décrets  de  sa  volonté..."  Nous 
nous  permettons  d'ajouter  un  autre  point  que  Mgr  Casser  ne  releva 
point,  mais  qui  est  indiqué  par  le  Concile,  c'est  le  sujet  auquel 
s'adresse  celte  révélation  :  ce  sujet,  c'est  le  genre  humain  à  qui 
la  révélation  est  faite.  "  Enfin,  poursuit  Mgr  Casser,  pour  confir- 
mer cette  déclaration  relative  au  fait  de  la  révélation  et  signaler 
en  même  temps  le  développement  de  cette  révélation,  on  cite  le 
passage  de  l'épître  de  saint  Paul  aux  Hébreux,  où  il  est  dit  que 
Dieu  a  parlé  à  plusieurs  reprises  à  nos  pères  par  les  prophètes, 
ce  qui  regarde  l'Ancien  Testament,  et  que  pour  la  dernière  fois, 
il  nous  a  parlé  par  son  Fils,  ce  qui  regarde  la  révélation  du 
Nouveau  Testament  (1). 

Ainsi  les  assertions  qui  entrent  dans  cette  déclaration  du  Concile 
se  rapportent  à  six  points  :  P  La  cause  du  fait  de  la  révélation  ; 
2°  son  mode  ;  3°  son  objet  ;  4^   le  sujet  auquel  elle   s'adresse  ; 
5""  le  fait  de  la  révélation  de  l'Ancien  Testament  ;  6^*  le  fait  de  la. 
révélation  du  Nouveau  Testament. 

Nous  allons  parcourir  ces  six  points,  en  étudiant  pour  chacun 
d'eux  le  texte  de  notre  Constitution. 

II 

lo  Cause  du  fait  de  la  Révélation.  — Il  a  plu  à  la  sagesse  et  à  la 
bonté  de  Dieu  de  révéler,  placuisse  ejus  sapientix  et  bonitali...revelare. 
On  appelle  en  général  révélation,  la  manifestion  d'une  vérité.  La 
révélation  chrétienne  a  Dieu  même  pour  auteur.  Il  en  résulte  que 
les  vérités  manifestées  par  cette  révélation  sont  garanties  par 
l'autorité  de  Dieu  qui  les  a  manifestées  et  qu'elles  sont  crues  à 
cause  de  cette  autorité.  Notre  Concile  ne  s'arrête  pas  à  ce  point 
sur  lequel  il  reviendra  en  exposant  la  nature  de  la  foi.  Il  n'insiste 
pas,  du  reste,  sur  cette  assertion  que  la  révélation  a  Dieu  même 
pour  auteur  ;  il  se  contente  de  la  rappeler  en  disant  que  c'est 
Dieu  qui  a  fait  au  genre  humain  la  révélation.  Il  insiste  davantage 
sur  les  causes  qui  ont  déterminé  Dieu  à  révéler.  Il  insinue  tout 
d'abord  que  Dieu  n'y  était  contraint  par  aucune  nécessité,  ni 
obligé  par  aucun  devoir,  mais  il  l'a  fait  très  librement,  parce  que 
cela  lui  a  plu,  placuisse.  Celte  liberté  absolue  où  Dieu  était  de 
faire  ou  de  ne  pas  faire  la  révélation  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament  au  genre  humain,  découle  du  caractère  surnaturel 
de  celte  révélation  ;  car  un  don  surnaturel  n'est  pas  dû  à  la  nature  r 
c'est  un  bienfait  qui  dépend  du  bon  plaisir  de  Dieu. 

(1)  Âcta  Concild  Valicani,  co!.  127  el  128. 


LE  PROPAGATEUR  103 


Bien  qu'elle  soit  l'effet  d'une  libre  détermination  de  Dieu,  cette 
révélation  n'a  pourtant  pas  été  faite  sans  raison.  Elle  convenait  à 
la  sagesse  de  Dieu  et  à  sa  bonté,  sapientix  et  bonitati.  Elle  convenait 
à  la  sagesse  divine  ;  car  cette  révélation  était  nécessaire,  d'une 
nécessité  morale  pour  le  bien  naturel  de  l'homme  et  d'une  né- 
cessité absolue  pour  notre  élévation  à  une  fin  surnaturelle  :  nous 
le  verrons  dans  nos  prochains  articles.  Cette  révélation  convenait 
à  la  bonté  de  Dieu  ;  car  Dieu  n'était  pas  tenu  de  la  faire  et  il  s'y 
est  déterminé  pour  notre  bien. 

Nous  dirons  en  quel  sens  il  est  vrai  que  la  révélation  nous  était 
nécessaire  et  comment  néanmoins  Dieu  n'était  point  tenu  de  nous 
la  faire. 

2°  Mode  de  la  révélation.  C'est  un  autre  mode  que  notre  moyen 
naturel  de  connaître  Dieu,  alidy  et  c'est  un  mode  surnaturel,  eâque 
supernaturali  via.  Le  surnaturel  est  ce  qui  dépasse  les  ressources 
naturelles,  les  droits  et  les  exigences  de  toute  nature  créée  ou 
possible. 

Or  la  révélation  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  avait  ca 
caractère.  D'abord  cette  révélation  dépassait  les  ressources  natu- 
relles, les  droits  et  les  exigences  de  la  nature  humaine  ;  car  elle 
manifestait  la  vérité  aux  hommes,  par  des  moyens  que  nous  ne 
possédons  pas  en  vertu  de  notre  nature  et  que  nous  ne  trouvons 
pas  dans  la  création.  En  effet,  elle  fut  tantôt  externe  et  tantôt 
interne,  c'est-à-dire  qu'elle  fut  faite,  tantôt  par  des  signes  extérieurs, 
et  tantôt  sans  signes  extérieurs.  Or,  quand  elle  fut  externe,  les 
signes  qui  l'exprimaient  furent  produits  par  Dieu  en  dehors  des 
lois  de  la  nature  et  constituaient  des  miracles  :  telle  fut  l'apparition 
à  Moïse  dans  le  désert  du  buisson  qui  ne  se  consumait  point. 
Quand  cette  révélation  fut  interne,  elle  fut  manifesté  par  Dieu  à 
ses  prophètes  inspirés,  d'une  façon  mystérieuse  qui  ne  rentrait 
point  dans  les  lois  psychologiques,  suivant  lesquelles  la  vérité  se 
manifeste  naturellement  à  nous.  Ces  prophètes  avaient  la  certitude 
que  Dieu  leur  parlait  et  leur  demandait  leur  adhésion,  et  cette 
certitude  mise  par  Dieu  en  leur  âme  ne  s'appuyait  sur  aucune 
évidence  naturelle,  ni  sur  aucune  preuve  de  raison.  Qu'elles 
fussent  externes  ou  internes,  les  révélations  faites  par  Dieu  dans 
l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament,  dépassaient  donc  les  ressources 
naturelles  et  les  droits  de  toute  nature  créée  ou  possible.  Elles 
apportaient  en  effet  aux  hommes  une  certitude  fondée  sur  l'auto- 
rité même  de  Dieu  et  sur  sa  véracité  infinie.  Or  une  intelligence 
n'a  d'autres  ressources  naturelles  que  ses  propres  lumières  ;  elle 
n'a  droit  d'arriver  à  la  vérité  que  par  ses  propres  lumières.  Au- 
cune intelligence  créée,  existante  ou  possible,  n'a  donc  droit  à 
connaître  la  vérité  comme  elle  a  été  manifestée  au  genre  humain 
dans  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament.  Nous  connaissons  en 
effet  les  vérités  révélées  dans  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament 
non  pas  à  la  lumière,  ni  sur  le  témoignage  d'une  intelligence 
finie  et  créée,  mais  à  la  lumière  et  sur  le  témoignage  de  Dieu 
lui-même.  Les  révélations  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament 
ont  donc  été  faites  d'une  manière  absolument  surnaturelle. 


104  LE  PROPAGATEUR 


3"  Objet  de  la  révélation.  C'est  Dieu  et  les  éternels  décrets  de  sa 
volonté,  seipsum,  xternaque  voluntatis  sum  décréta.  \°  G^est  Dieu, 
ou  l'être  absolument  nécessaire  et  qui  ne  pourrait  ne  pas  être  ; 
2°  Ce  sont  des  choses  contingentes,  qui  auraient  pu  ne  pas  être  ; 
mais  qui  ont  été,  sont  ou  seront,  parce  que  de  toute  éternité  Dieu 
a  voulu  qu'elles  soient  :  tel  est  le  fait  de  notre  création,  celui  de 
notre  élévation  à  l'état  surnaturel,  celui  de  l'incarnation  de  Jésus- 
Christ,  celui  du  jugement  général  et  du  bonheur  éternel  des  saints. 

4°  Sujet  auquel  la  révélation  s'adresse.  C'est  le  genre  humain 
lout  entier,  generi  humano.  On  distingue  les  révélations  privées 
qui  ne  s'adressent  et  ne  s'imposent  qu'à  quelques  personnes,  des 
révélations  publiques  qui  s'adressent  et  s'imposent  à  une  grande 
société  ou  au  genre  humain  tout  entier.  Les  révélations  dont  le 
concile  parle  sont  des  révélations  publiques  qui  s'adressent  à  tout 
le  genre  humain  et  s'imposent  à  la  foi  de  tous  les  hommes.  Si  on 
nous  objectait  que  la  révélation  judaïque  ne  s'adressait  qu'au 
peuple  juif,  nous  répondrions  qu'elle  ne  s'adressait  peut-être  qu'au 
peuple  juif  avant  la  venue  du  Messie,  mais  que  depuis  la  ve  nuede 
Jésus  Christ  elle  s'impose  à  la  foi  de  tous  les  hommes,  attendu 
qu'elle  a  été  promulguée  pour  tous  les  hommes  en  même  temps 
que  l'Evangile. 

5°  Fait  de  la  révélation  dans  l'Ancien  Testament.  Le  concile  affirme 
ce  fait  en  se  servant  du  texte  de  saint  Paul  aux  Hébreux  (1)  :  Dieu 
a  parlé  aux  hommes  dans  l'Ancien  Testament  olim  loquens  patribus 
nostris.  Ce  texte  marque  en  même  temps  les  caractères  de  ces 
anciennes  révélations  par  comparaison  avec  ceux  de  la  révélation 
du  Nouveau  Testament. 

Les  révélations  de  l'Ancien  Testament  ont  été  faites  à  plusieurs 
reprises,  multifariam  et  par  portions  incomplètes,  comme  le  grec 
le  marque  plus  clairement,  polumerôs.  Elles  s'échelonnèrent  en 
effet  à  travers  des  milliers  d'années,  apportant  au  genre  humain, 
tantôt  une  vérité  tantôt  une  autre.  —  Elles  ont  été  faites  de  plu- 
sieurs manières,  multisque  modis  :  par  des  figures  et  des  inspirations, 
par  des  visions,  des  apparitions  d'anges  et  des  songes.  Dieu  s'y 
manifestait  au  moyen  de  ses  anges  (Hebr.  n,  2)  sous  des  forme? 
diverses  :  à  Abraham  sous  la  forme  de  voyageur,  à  Moïse  dans  le 
buisson  ardent,  à  Isaïe  sur  un  trône  élevé  au  milieu  des  séraphins, 
à  Jérémie  sous  la  figure  d'une  verge  qui  veille  et  d'une  chaudière 
bouillante,  à  Ezéchiel  sur  le  char  des  chérubins,  a  Daniel  sous 
l'aspect  de  l'ancien  des  jours  entouré  de  millions  de  serviteurs, 
à  Osée,  à  Joël,  à  Zacharie  sous  d'autres  figures. — Les  révélations 
de  l'Ancien  Testament  ont  été  faites  immédiatement  aux  prophètes, 
in  prophetis.  Aujourd'hui  nous  appelons  communément  prophètes 
ceux  qui  annoncent  l'avenir  ;  l'Ecriture  donne  ce  nom  à  tous  ceux 
à  qui  Dieu  fait  des  révélations  ;  pour  saint  Paul,  il  veut  ici  attirer 
notre  attention  sur  ce  point  :  que  les  voyants  ou  prophètes  de 
l'Ancien  Testament  étaient  tous  de  simples  hommes. 

J.  M.  A.  Vacant, 
Professeur  au  Grand  Séminaire  de  Nancy. 

(1)  Voir  le  lumineux  commentaire  que  le  savant  P.  Corluy    a   donné   de  ce 
texte  dans  le  Prêtre. 


ZOUAVIANA 

ETAPE  DE  VINGT-CINQ  ANS 

1868-1893 

Lettres  de  Rome,  Souvenirs  de  voyages,  Etudes,  etc. 

PAR 

«USTATE  A.  DROIiET, 

ancien  zouave  pontifical^ 

commandeur  de  Vordre  militaire  de  Saint -Grégoire-le-Grand, 

chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

1  beau  vol.  in-12  de  460  pages,' orné  de  magnifiques  photogravures. 
Prix  :  $1.00,  par  poste  ;  $1.10. 


Nous  publions  à  la  suite  de  cet  ouvrage  des  extraits  de 
divers  journaux  de  la  province  de  Québec. 

La  Presse,  XI  février. 

Telle  est  le  titre  d'un  livre  charmant  qui  vient  de  paraître  and 
which  has  corne  to  stay.  L'auteur  y  a  réuni  des  fantaisies  littéraires 
de  sa  jeunesse,  car  au  cours  de  ses  nombreux  voyages,  il  a  rare- 
ment négligé  de  communiquer  ses  impressions  aux  journaux  de 
Montréal,  qui  s'empressaient  de  les  solliciter.  Et  comme  la  plus 
forte  partie  de  ces  lettres  sont  datées  de  Rome  durant  le  séjour 
des  Zouaves  Canadiens  dans  la  ville  éternelle,  il  a  eu  la  bonne 
fortune  de  tomber  sur  le  joli  nom  de  Zouaviana.  Voila  un  volume 
qui  arrive  à  point  pour  le  vingt-cinquième  anniversaire  du  départ 
de  nos  jeunes  braves  et  qui  sera  loin  de  déparer  la  fête  de  diman- 
che prochain  ;  car,  il  n'y  pas  à  dire,  ce  livre  fourmille  d'esprit  et 
de  bonne  humeur.  De  la  verve,  du  style,  des  renseignements  à 
pleines  lignes,  de  l'orthodoxie  très  pure,  des  gaîtés  innocentes  que 
la  mère  peut  confier  à  sa  fille,  c'est  Zouaviana  en  dix  mots. 

On  prend  ce  livre  avec  l'indifférence  ordinaire  de  l'acheteur  qui 
acquiert  le  nouveau  venu,  tout  simplement  parce  qu'il  est  nou- 
veau. Mais  du  moment  qu'on  a  goûté  de  celui-ci,  c'est  fini,  il  faut 
aller  jusqu'au  bout.  J'oserai  dire,  par  opposition  d'effets,  qu'il 
règne  dans  ces  pages  un  abandon  si  charmant  qu'on  ne  peut  les 
abandonner.  Votre  temps  est  limité  ;  mille  affaires  vous  appellent 


106  LE  PROPAGATEUR 


ailleurs  et  vous  faites  la  concession  d'une  autre  page  tout  au  plus^ 
mais  comme  dans  les  contes  des  Mille  et  une  7iuils,  c'est  toujours 
dans  le  plus  beau,  et  il  faut  en  savoir  la  suite.  C'est  ainsi  que  vous 
vous  laissez  entraîner  de  chapitre  en  chapitre,  jusqu'à  ce  que  vous 
vous  soyez  aperçu  que  le  temps  a  passé  bien  vite.  Je  ne  vous  ga- 
rantis pas  que  vous  ne  le  lirez  pas  une  seconde  fois  avec  le  même 
plaisir.  C'est  un  des  griefs  personnels  que  je  nourris  contre  ce 
livre  entraînant.  Et  même  au  premier  abord,  on  ne  se  rend  pas 
compte  de  tout  ce  qu'il  contient.  On  voit  bien  que  l'auteur  ne 
pose  pas,  que  c'est  gai,  que  c'est  bien  dit,  qu'il  y  a  des  informa- 
tions nombreuses,  et  l'on  croit  très  sincèrement  que  c'est  tout. 
Mais  c'est  en  le  relisant  que  l'on  savoure  toute  la  finesse  du  cau- 
seur, que  l'on  y  trouve  des  coups  de  pinceau  exquis,  dissimulés 
dans  un  coin,  des  perles  qui  ne  s'étaient  pas  plus  montrées  à  pre- 
mière vue  que  ces  étoiles  qu'il  faut  aller  découvrir  dans  le  fond 
du  firmament.  Le  langage  y  est  rapide,  imagé,  pétillant  d'esprit. 
Il  nous  mène  tambour  battant  à  travers  toutes  espèces  de  décors 
saisissants.  Et,  chose  à  noter,  ce  genre  alerte  n'exclut  nullement 
le  fond  sérieux  et  instructif. 

L'auteur  n'écrit  pas  seulement  de  sa  plume,  mais  aussi  de  son 
cœur.  Ce  qu'il  dit,  il  l'a  vécu  ;  en  sorte  que  la  sincérité  y  règne 
d'un  bout  à  l'autre.  Le  talent  du  laisser  aller,  du  naturel  aimable, 
est  peut-être  le  plus  rare  en  littérature.  Zouaviana  a  été  taillé  en 
pleine  bonhomie.  Quoi  de  plus  joli  que  cette  simple  anecdote  sur 
le  regretté  Mgr  Labelle,  alors  curé  de  Lacolle,  pendant  que  M. 
Drolet  y  tenait  garnison  durant  l'invasion  fénienne  ! 

Dans  le  genre  descriptif,  M.  Drolet  a  peu  d'égaux.  Je  voudrais 
pouvoir  citer  au  long  son  récit  de  la  célébration  de  la  Saint-Jean- 
Baptiste  à  Rome. 

Dans  un  autre  ordre  dïdées,  rien  de  touchant  comme  les  pages 
qu'il  dédie  à  Paquet,  zouave  canadien,  revenu  au  Canada  avec  ses 
camarades,  après  la  prise  de  Rome,  mais  attiré  irrésistiblement  de 
nouveau  vers  le  Saint-Père. 

Il  y  a  peu  d'événements  importants  concernant  le  Canada  en 
Europe  auxquels  M.  Drolet  n'ait  pas  assisté,  et  son  livre  renferme 
sur  ce  point  des  renseignements  précieux,  qui  auraient  certaine- 
ment été  perdus  sans  lui.  Prenez,  par  exemple,  le  couronnement 
du  livre  de  M.  Fréchelte  par  l'Académie  Française. 

Le  livre  de  M.  Drolet  contient  une  partie  qui  a  trait  à  la  haute 
politique.  Je  ne  m'arroge  pas  le  droit  d'y  toucher  ;  mais  j'y  trouve 
une  page  bien  éloquente  sur  une  des  questions  du  jour,  le  Conseil 
Législatif. 

Je  ne  prétends  pas  avoir  analysé  Zouaviana,  j'ai  voulu  tout  sim- 
plement attirer  l'attention  sur  un  bon  livre.  Je  suis  à  me  deman- 
der si  l'auteur  ne  devrait  pas  en  faire  une  seconde  édition  en  deux 
'volumes  différents.  L'un  contiendrait  des  lettres  de  Rome  et  ses 
récits  de  voyage  ;  l'autre  ses  études  politiques. 

Le  premier  volume  ferait  si  bonne  figure  dans  la  bibliothèque 
d'une  femme  de  goût,  dans  les  distributions  de  prix  surtout,  où 
l'on  tâche  maintenant  de  substituer  des  ouvrages  utiles  aux  mille 
riens  qui  nous  viennent  d'outre-mer. 


\ 


LE  PROPAGATEUE  lOT 


La  partie  matérielle  de  Zouaviana  est  superbe.  C'est  peut-être  le 
plus  bel  ouvrage  qui  soit  sorti  des  presses  de  monsieur  Eusèbe 
Senécal.  Le  volume  a  466  pages,  et  il  contient  quatre  gravures 
bien  faites  :  le  portrait  de  Pie  IX,  le  portrait  de  Léon  XIII,  le 
groupe  des  Zouaves  Canadiens  au  camp  d'Annibal  et  le  groupe 
des  oÊQciers  du  régiment  au  camp  d'Annibal. 

M.  Drolet  signe  :  Soldat  dans  les  Lettres,  sergent  aux  Zouaves 
Pontificaux. 

Arthur  Dansereau. 
Moiftréal,  16  février  1893. 


U Etendard,  17  février  1893. 

Tel  est  le  titre  d'un^ouvrage  très  intéressant  que  vient  de  publier 
M.  G.  A.  Drolet,  ancien  sous  officier  aux  zouaves  pontificaux.  Style 
vif,  alerte,  toujours  élégant,  heureuse  variété  des  sujets,  passant 
des  plus  joyeuses  réminiscences  du  régiment  aux  plus  graves 
questions  sociales,  commerciales  ou  politiques,  jolies  photogravu- 
res, impression  de  luxe,  beau  papier,  tout  contribue  à  faire  de  cet 
ouvrage  un  bijou. 

Les  zouaves  et  leurs  nombreux  amis  voudront  se  procurer  la  sa- 
tisfaction de  lire  ces  pages  toutes  empreintes  de  la  plus  charmante 
humeur  et  de  l'esprit  du  meilleur  aloi. 

Avec  la  permission  de  l'auteur  nous  en  donnerons  sous  peu 
plusieurs  extraits. 

L'ouvrage  est  en  vente  chez  MM,  Cadieux  &  Derome,  libraires, 
rue  Notre-Dame. 

L'Etendard. 


La  Minerve,  18  février  1893: 

Notre  collaborateur,  Charles  Durand  signalait,  il  y  a  quelque 
i,emps,  l'apparition  prochaine  d'un  livre  que  M.  Gustave  Drolet, 
ancien  zouave,  devait  publier  sous  le  titre  bien  trouvé  de  Zouaviana, 

Ce  livre  qui  couvre  près  de  500  pages,  vient  de  paraître,  et  a  la  plus 
coquette  apparence  possible,  la  forme  et  le  fond  se  disputant  à  qui 
l'emportera.  Ce  n'est  pas  seulement  un  récit  pittoresque,  imagé, 
pris  sur  le  vif  du  glorieux  mouvement  des  zouaves,  ainsi  qu'on 
pouvait  le  croire,  d'après  le  rapide  aperçu  esquissé  par  Charlea 
Durand,  quoique  ce  récit  ^oit  bien  la  pièce  principale  ;  mais  c'est 
tout  un  volume  de  mélanges,  dans  lequel  l'auteur  a  rassemh'é  les 
meilleurs  morceaux  qu'il  a  publiés  depuis  quelques  années  dans 
les  journaux  ou  les  revues.  Une  vraie  mosaïque  romaine  !  a  dit  avec 
raison  Charles  Durand.  C'est  ainsi  qu'à  côté  des  lettres  de  Rome 
et  de  Naples,  d'un  journal  de  voyage  de  Marseille  à  Smyrne,  de 
piquants  souvenirs  militaires  dans  lesquels  ''  les  chiens  du  régi- 
ment "  ont  plus  qu'une  mention  honorable,  voire  même  tout  un 
chapitre,  l'on  trouve  bien  des  choses  qui  n'ont  aucun  rapport  avec 
la  zouaverie,  et  elles  n'en  sont  pas  moins  intéressantes,  sous  les- 


108  LE  PROPAGATEUR 


titres  les  plus  divers  :  Nos  Volontaires^  le  65e  bataillon^  Messire  La- 
belle  et  la  colonisation,  Auguste  Achintre^  Conseils  à  ma  fille.  Révision 
de  la  Constitution^  Projet  de  réforme  des  impôts  dans  la  province  de 
Québec,  Canada,  France,  Angleterre,  etc.,  etc.  Il  y  en  a  pour  tous  les 
goûts,  même  pour  ceux  qui  savourent  les  plus  substantiels,  .et  si 
l'on  n'est  pas  toujours  de  l'avis  de  M.  Drolet,  l'on  ne  peut  s'empê- 
cher d'admirer  l'allure  franche,  sympathique  et  gauloise  qui  ca- 
ractérise sou  style.  Quani  l'auteur  dépose  son  sabre,  l'on  tombe 
sur  plus  d'un  chapitre  qui  sent  l'écoiiomiste,  le  patriote,  l'homme 
pénétré  des  meilleures  moyens  à  prendre  pour  améliorer  la  situa- 
tion politique  et  économique  d'un  pays  qui  lui  est  cher. 

L'ouvrage  est  illustré  de  quatre  superbes  gravures  représentant 
Pie  IX,  Léon  XIII,  les  Zouaves  et  les  officiers  canadiens  au  camp 
d'Annibal,  le  16  août  1858.  L'exécution  typographique  est  irré 
prochable  et  fait  le  plus  grand  honneur  à  l'établissement  de  M.  Se- 
nécal.  Si  l'on  ajoute  du  papier  de  luxe  l'on  se  trouve  en  présence 
d'un  des  plus  jolis  ouvrages  qu'ait  produits  la  littérature  cana- 
dienne. Nous  en  conseillons  la  lecture.  Elle  intéressera  et  mstruira. 

La  Minerve. 


Le  Monde,  18  février  1893. 

J'ai  voulu  revenir  sur  les  routes  laissées, 

Revivre  une  heure  encore  dans  les  heures  passées... 

M.  Gustave  Drolet  n'aurait  pu  trouver  pour  son  beau  livre  une 
épigraphe  plus  expressive,  s'il  n'eut  eu  déjà  Aime  Dieu  et  va  ton 
chemin^  qui  est  au  zouave  ce  qu'était  aux  chevaliers  d'un  autre 
âge  :  Dieu,  mon  Roy  et  ma  Dame. 

Zouaviana, — quel  joli  titre  I  — c'est  vingt-cinq  ans  de  souvenirs  ; 
c'est  cinq  cents  pages  émues,  graves  ou  pinsonnantes  ;  c'est  le 
groupement  en  un  cadre,  à  la  fois  riche  et  gai,  de  compagnons 
d'armes  disséminés  un  peu  partout,  d'événements  qui  attendaient 
leur  historien. 

J'ai  un  grand  faible  pour  ceux  qui  n'écrivent  pas  comme  les 
autres,  qui  ne  reculent  point  devant  un  mot  à  créer,  une  locution 
inédite,  une  tournure  hardie.  J'abhore  le  décadentisme,  mais  je 
prends  en  pitié  ceux  que  l'Académieet  son  code  lexicologique  gèlent. 

Dès  les  piemières  pages  de  Zouaviana,  je  constate  avec  bonheur 
que  M.  Drolet  est  de  la  tribu  des  oseurs,  qu'il  énonce  d'une  façon 
gaie,  alerte,  pittoresque  ce  qui  mijote  dans  une  cervelle  bien  meu- 
blée. Tout  son  livre  est  écrit  pour  se  faire  lire  sans  fatigue,  avec 
invite  de  passer  sans  halte  d'un  chapitre  à  l'autre. 

J'y  trouve,  d'abord,  un  chapitre  très  égayant.  Gela  se  passe  en 
1864.  M.  Drolet  commande  une  compagnie  de  volontaires  dont 
tout  l'attirail  guerrier  consiste,  individuellement,  en  une  piire  de 
souliers  de  bœuf,  et  qui  a  pour  trompette,  pour  Bibi  Tapin,  rien 
moins  que  ce  bon  et  regretté  Mgr  Labelle,  alors  curé  de  Lacolle. 
Ce  chapitre  est  d'une  gaîté  vraiment  zouavianesque. 


LE  PROPAGATEUR  109 


Les  Fragments  d'un  journal  de  zouave,  les  Lettres  de  Rome  et 
autres  chapitres  consacrés  aux  événements  du  voyage  et  du  séjour 
là-bas  seront  lus  et  relus  par  ceux-là  mêmes  qni  n'en  étaient  pas. 
Les  anecdotes  fourmillent,  l'esprit  d'observation  est  vraiment 
remarquable. 

Un  chapitre  est  consacré  aux  zouaves-colons  ;  un  autre  aux  tra- 
ditionnels "  chiens  du  régiment,"  et  je  retrouve  la  boutade  de 
Toussenel  :  Plus  on  apprend  à  connaître  les  Italiens,  plus  on  apprend 
à  estimer  son  chien  ;  un  troisième  à  l'œuvre  de  Mgr  Labelle  ;  un 
quatrième  à  ce  brillant  météore  qui  s'appela  Auguste  Achintre,  et 
ainsi  de  suite.  C'est  une  longue  procession  de  pièces  d'un  éclectis- 
me et  d'une  originalité  dignes  d'être  parrainés  parles  plus  souples 
chroniqueurs  fin-de-siècle. 

Je  regrette  d'avoir  reçu  Zouaviana  quelques  heures  seulement 
avant  la  publication  de  ce  numéro.  Il  m'aurait  plu  de  faire  con- 
naître les  deux  aspects  si  différents  du  genre  de  M.  Drolet  :  l'un 
en  publiant  le  chapitre  désopilant  :  Comment  Swatters  perdit  la 
GRACE,  et  l'autre  en  reproduisant  en  entier  les  Conseils  a  ma  fille. 

Je  me  console  toutefois,  car  j'ai  la  certitude  que  Zouaviana  sera 
tôt  ou  tard  dans  toutes  les  bibliothèques. 

Qu'on  prenne  ma  parole  :  ce  livre  n'est  ni  guindé,  ni  dogmati- 
que, ni  d'un  intérêt  limité  aux  zouaves.  Il  est  de  complexion  qui 
plaira  à  tous.  Les  récits  militaires  du  général  Amber  ne  sont-ils 
pas  lus  autant  dans  les  boudoirs  qu'aux  mess  ?  Les  ouvrages  de 
Loti  ne  captivent-ils  pas  —  presque  à  l'excès  —  des  gens  qui  ne 
connaissent  de  la  mer  que  la  complainte  du  Petit  Mousse  ? 

Qui  est  plus  blasé  en  lectures  que  le  journaliste  ?  Et,  pourtant, 
j'avoue  que  Zouaviana,  dont  je  ne  connais,  ma  foi,  l'auteur  que  de 
nom,  m'a  absorbé,  rafraîchi,  enthousiasmé,  remis  de  l'abrutisse- 
ment réel  où  me  tenait  l'imbroglio  municipal. 

Au  premier  regard,  j'ai  cru  que  Zouaviana  avait  eu  pour  éditeur 
Dentu  ou  Charpentier.  Tout,  depuis  le  couvert  jusqu'à  la  disposi- 
tion des  matières,  depuis  le  papier  velouté  jusqu'au  choix  des  ca- 
ractères, tout  m'a  fait  songer  à  ces  belles  éditions  qui  nous  viennent 
de  Paris  et  coûtent  si  cher. 

Je  clos  rapidement  —  Au  sortir  de  la  lecture  de  Zouaviana,  de 
ces  pages  tantôt  gaies,  tantôt  émotionnantes,  je  me  redis  pour  la 
centième  fois  qu'elles  sont  profondément  vraies  ces  paroles  de 
Brunetières  : 

L'histcire  de  notre  vie  ne  se  compose  pas  de  la  totalité  des  jours  que  nous 
avons  vécus  mais  seulement  des  heures  lumineuses  ou  tristes  qu'ils  contiennent- 

MisTiGRis  (G.  Voyer). 


L'Opinion  Publique,  le  24  février  1893 

Comme  les  livres  nouveaux  sont  rares  parmi  nous  I  Et  combien 
plus  rares  sont  les  livres  nouveaux  et  intéressants  1  Pour  une  fois, 
nous  voilà  servis  à  souhait  :  Zouaviana  est  un  livre  charmant,  ua 


110  LE  PROPAGATEUR 


livre  intelligent,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  un  livre  où  le  cœur 
et  l'esprit  se  plaisent  et  sur  lequel  l'œil  se  repose  avec  plaisir.  Car 
l'auteur  a  eu  le  talent  de  confier  son  manuscrit  à  un  imprimeur 
qui  est  un  artiste  et  qui  a  fait  de  ce  volume  un  objet  d'art. 

L'auteur,  M.  Gustave  Drolet,  est  un  des  hommes  les  plus  ai- 
mables et  les  plus  estimés  de  Montréal.  Gai  causeur,  très  rensei- 
gné, ayant  voyagé  et  lu  beaucoup,  comptant  parmi  ses  amis  per- 
sonnels presque  tout  ce  que  notre  belle  province  française  a 
produit  d'hommes  en  vue,  M.  Drolet,  qui  fait  de  la  littérature 
comme  un  vétéran  de  la  plume,  qui  fait  du  journalisme  chaque 
fois  que  l'occasion  lui  fournit  un  sujet  digne  de  son  attention,  qui 
suit  religieusement  les  choses  de  son  pays,  ne  pouvait  mieux  faire 
que  de  réunir  en  un  volume  des  éciits  de  différentes  époques  et 
de  les  relier  ensemble  et  compléter  par  des  notes,  des  articles  et 
des  aperçus  nouveaux  sur  des  sujets  assez  vieux  pour  qu'on  les 
évoque  et  assez  vivants  pour  qu'on  prenne  toujours  plaisir  à  y 
revenir. 

M.  Drolet  débute  par  de  gais  souvenirs  de  jeunesse,  racontés 
d'un  style  allègre  et  entraînant.  Voici  comment  îl  décrit  la  joie 
chez  les  jeunes  de  mettre  bas  le  costume  civique  et  de  le  remplacer 
par  l'uniforme  : 

"  Échanger  le  rond  de  cuir  et  les  manches  de  lustrine  pour  l'épée,  les  galons 
d'or,  les  couronnes  et  les  étoiles  !  C'est  le  rêve  de  tous  les  pékins.  De  même  que 
les  marins,  au  retour  d'une  longue  et  pénible  croisière,  s'empressent,  en  arrivant 
dans  un  port,  de  louer  des  chevaux  de  selle  pous  montrer  aux  terriens  que  ce 
n'est  pas  si  malin,  après  tout,  de  monter  à  cheval  ou  d'en  tomber,  de  même  le 
gratte-papier  saisit  avec  empressement  toute  occasion  que  lui  offre  l'Etat  de  re- 
vêtir un  uniforme,  puis  de  se  pavaner  d'un  air  conquérant  devant  ses  collègues." 

Viennent  ensuite  des  récits  de  voyage  et  des  lettres  romaines  au 
cours  desquels  les  zouaves  et  les  milliers  de  Canadiens  qui  les  ont 
suivis  à  cette  époque  dans  leurs  diverses  étapes  retrouveront  bien 
des  faits  oubliés  et  bien  des  anecdotes  qui  ne  seront  pas  sans 
charmes  pour  eux. 

Il  faut  lire  les  chiens  du  régiment  pour  passer  un  bon  quart 
d'heure.  Et  si  l'on  a  l'occasion  de  s'attarder  dans  ce  livre  captivant, 
avec  quel  plaisir  ne  parcourt-on  pas  le  récit  anecdotique  de  la 
campagne  du  Nord-Ouest  en  1885,  terminé  par  ce  beau  témoignage, 
si  mérité,  au  65e  bataillon  : 

Pendant  toute  la  campagne,  le  65ème  s'est  montré  esclave  de  la  consigne,  fidèle 
observateur  de  la  loi  :  sans  discuter  les  griefs  des  Métis,  la  justice  ou  l'injustice 
des  réclamations  des  insurgés,  nos  boys  se  sont  conduits  en  soldats  sérieux,  ne 
raisonnant  jamais,  ayant  coniiance  dans  leurs  chefs  et  ne  connaissant  rien  en 
dehors  de  la  discipline  militaire." 

M.  Drolet  n'a  pas  oublié  les  disparus.  Achintre  a  ses  pages,  dans 
ce  volume,  des  pages  émues  oîi  son  portrait  fidèle  est  tracé  sous 
le  coup  de  la  perte  récente  d'un  ami  plus  qu'ordinaire,  Dunn  n'est 
pas  oublié  non  plus,  et  les  fameuses  paroles  de  Pie  IX  à  notre 
éminent  et  regretté  journaliste  y  sont  en  toutes  lettres.  Que  d'au 


LE  PROPAGATEUR  111 


très  aussi,  qu'il  serait  long  de  nommer  ici,  mais  dont  le  souvenir 
est  toujours  le  bienvenu  dans  nos  mémoires  ! 

En  1888,  M.  Drolet  est  retourné  à  Rome  à  l'occasion  du  jubilé 
de  Léon  XIIL  II  raconte  en  détail  l'offrande  des  décorés  des 
ordres  équestres  pontificaux,  dont  M.  Ghapleau  était  un  des  pré- 
sidents d'honneur,  avec  le  duc  de  Norfolk  et  le  général  de  Charette. 

Y  a-t-il  dans  l'histoire  de  l'armée  française  un  nom  de  général 
plus  sympathique  aux  Canadiens  que  celui  du  général  Lamoriciè- 
re  ?  Voici,  à  son  sujet,  une  anecdote  qu'il  convient  de  rappeler  : 

Ua  soir  brumeux  et  sombre,  un  étranger  frappait  à  la  porte  du  château  de 
Prouzelfes.  Ce  voyageur  mystérieux  fut  introduit  ea  présence  du  maître  de  la 
maison  et  lui  tint  à  peu  près  ce  discours  :  "  Général,  je  suis  délégué  vers  ^ous 
par  Notre  Saint  Père  le  Pai  e,  pour  faire  appel  à  votre  grand  cœur  de  chrétien. 
Je  suis  chargé  de  vous  exposer  la  situation  critique  du  père  commun  des  tiièles. 
La  révolution  et  les  loges  maçonniques  font  rage  pour  dépouiller  le  Saint-Siège 
du  domaine  de  l'Eglise,  et  nul  mieux  que  vous,  général,  ne  saurait  enrayer  ce 
mouvement  et  tenir  tête  à  l'orage  ;  le  voulez-vous  ?  " 

L'illustre  général  de  Lamôricière,  se  levant,  tendit  la  main  à  Mgr  de  Mérode, 
l'ambassadeur  du  Saint-Père  fX  lui  du  ;  "  Monseigneur,  quaad  le  père  a  parlé,  il 
ne  reste  au  fils  qi'une  chose  à  faire,  obéir.  Voilà  uae  cause  pour  laquelle  j'aime- 
rais biea  à  mourir.  Qaand  faut-il  partir  ?  "  Il  partit  b  leademain. 

Deux  autographes  se  trouvent  au  bas  de  deux  excellents  por- 
traits de  deux  papes,  Pie  IX  et  Léon  XIII.  Tous  deux  disent  de 
très  belles  choses  dans  une  très  mauvaise  écriture-  Il  ne  faudrait 
pas,  cependant,  que  nos  collèges  classiques  prissent  ceci  comme 
un  encouragement  à  cultiver  la  mauvaise  calligraphie  pour  la- 
quelle ils  sont  très  haut  cotés. 

Je  voudrais  pouvoir  continuer  cet  aperçu  des  sujets  nombreux 
abordés  par  l'auteur.  C'est  à  peine  si  j'ai  parlé  du  quart  du  volume. 
11  vaut  autant,  d'ailleurs,  ne  pas  gâter  le  plaisir  que  tous  auront 
à  lire  ce  beau  livre  dans  les  loisirs  et  le  confort  de  leur  home.  Je 
voulais  seulement  le  signaler  au  public  comme  un  de  ces  livres 
qui  ne  doivent  pas  se  trouver  "  dans  toutes  les  bibliothèques  " 
mais  qui  doivent  se  trouver  sur  la  table  de  lecture  de  chacun. 

Ce  livre  ouvre,  à  M.  Drolet,  toutes  grandes  les  portes  de  la  Soci- 
été Royale  du  Canada,  pour  une  prochaine  admission. 

L.H.  Taché 


UElecteur.  28  février  1863. 

Sous  le  titre  de  Zouaviana,  M.  Gustave  Drolet  vient  de  publier 
un  beau  et  très  intéressant  livre.  L'auteur  et  l'imprimeur  ont  droit 
à  toutes  les  félicitations,  car  si  le  livre  est  bien  écrit  la  partie  ty- 
pographique, de  son  côté,  ne  laisse  rien  à  désirer.  Un  cadre 
luxueux  ne  dépare  pas  un  tableau  de  maître. 

Les  chapitres  étant  placés  dans  l'ordre  de  date  où  ils  ont  été 
écrits,  au  lieu  d'être  classés  suivant  le  genre  des  sujets  qui  y  sont 
traités,  de  prime-abord  ce  livre  semble  être  un  peu  fait  à  la  diable. 
Mais  après  vous  avoir  attiré  par  ses  allures  un  peu  fantastiques,  il 


112  LE  PROPAGATEUR 


vous  attache  bientôt  par  son  air  de  bonne  compagnie.  Il  personni- 
fie l'auteur,  un  exubérant,  un  peu  bruyant  même  à  l'occasion, 
mais  d'une  tenue  toujours  irréprochable. 

Sa  formidable  barbiche  grisonnante,  sa  carrure  martiale  appuyée 
d'un  léger  embonpoint  bien  pardonnable  donne  à  M.  Gustave 
Drolet  la  mine  d'un  colonel  de  cavalerie  de  race,  pas  RamoUo  du 
tout.  Mais,  sous  cette  tête  d'oflQcier  supérieur,  bat  le  cœur  d'un 
tout  jeune  sous-lieutenant  d'infanterie  légère. 

Bienveillant  pour  tout  le  monde,  loyal  à  sis  amis,  il  a  l'âme 
compatissante  et  la  bourse  toujours  ouverte.  Combien  de  fois, 
pendant  mon  séjour  à  Paris,  n'ai-je  pas  eu  occasion  de  faire  appel 
à  sa  générosité,  ainsi  qu'à  celle -d'Alfred  Thibaudeau,  un  autre  ex- 
cellent cœur,  pour  des  compatriotes  dans  l'embarras  ? 

On  était  en  1864,  les  Féniens  menaçaient  d'envahir  nos  foyers. 

Le  voilà  campé  à  LacoUe,  à  la  tête  de  la  10^  compagnie  du  3e 
bataillon  des  forces  volontaires,  rêvant  de  mettre  en  pratique  de 
savants  mouvements  de  stratégie  militaire  qui  devaient  avoir  com- 
me conséquence  inévitable  l'anéantissement  complet  de  l'armée 
fénienne.  Cependant  une  chose  essentielle  manque  à  son  bonheur. 
C'est  un  clairon  qui  lui  permettrait  de  rallier  en  cas  d'alerte,  ou 
pour  les  besoins  du  service,  ses  hommes  éparpillés  un  peu  partout 
dans  le  village.  Un  jour  ses  vœux  faillirent  être  exaucés,  voici 
comment  : 

Pendant,  dil-il,  que  je  mijotais  dans  ma  petite  caboche,  un  plan  dont  la  réali- 
sation devait  éclipser,  môme  les  fameux  exploits  du  grand  Iberville,  on  frappa 
à  ma  port»^.  Mon  ordonnance  introduisit  M.  le  curé  de  Lacolle. 

Messire  Labelle,  sans  avoir  les  prop'Ttions  immenses  qu'il  lui  faut  maintenant, 
pour  loger  convenablement  son  grand  cœur  d'apôtre,  était  cependant  déjà  un 
fort  joli  commencement  de  curé.  Son  esprit  était  toujours  en  travail  ;  les  gran- 
des comme  les  petites  misères  l'intéressaient. 

Messire  Labelle,  que  nous  avions,  en  arrivant  à  Lacolle,  bombardé  aumônier 
des  troupes  de  Sa  Majesté,  port  dt  un  intérêt  paternel  aux  soldats  de  ma  com- 
pagnie. Il  venait  me  faire  une  proposition.  Il  n'y  avait  que  lui  pour  avoir  de 
ces  idées-là. 

Capitaine,  me  dit-il,  je  sais  que  vous  n'avez  pas  de  bugler,  ni  bugle,  vous 
devez  souffrir  beaucoup,  dans  le  service,  de  la  privation  de  cet  instrument  aussi 
sonore  que  guerrier,  .fe  passais  jadis  pour  avoir  un  joli  talent  sur  le  cornet  à 
piston  dans  la  musique  du  collège  de  Ste-Thérèse,  lorsque  je  faisais  mes  études 
dans  cette  maison. 

Un  ancien  piston  peut  bien  bugler,  je  suppose.  Or,  je  pars  pour  Montréal,  et 
si  ça  vous  est  agréable,  je  vais  acheter  un  bugle,  je  rattrapperai  mon  embou- 
chure d'autrefois,  j'apprendrai  vos  sonneries,  puis  je  marcherai  en  tête  de  voire 
compagnie  et  je  vous  sonnerai  l'école  des  tirailleurs. 

Je  ne  pouvais  en  croire  mes  oreilles,  l'attendrissement  me  gaguait.  J'étais  vé- 
ritablement ému  de  voir  ce  bon  curé,  venant  ainsi  naïvement,  franchement,  sans 
se  douter  des  sourires  que  ne  manquerait  pas  de  soulever,  sur  son  passage,  un 
prêtre  de  sa  corpulence  sonnant  du  clairon  à  la  tête  d'une  compagnie  de  soldats, 
venant  ainsi,  dis-je  offrir  ses  bons  services,  pour  nous  tirer  d'embarras.  Je  re- 
merciai M.  Labelle  bien  cordialement,  et  cherchai  à  le  dissuader,  mais  il  l'avait 
dans  la  lêie,  et  il  partit  pour  Montréal. 

Un  soir,  j'étais  occupé  à  écrire,  lorsque  j'entendis  résonner  une  éclatante  fan- 
fare, qui  faisait  trembler  les  vitres  de  mon  logement.  Je  me  hâtai  de  sortir  pour 
voir  ce  qui  se  passait.  C'était  monsieur  le  curé  Labelle,  assis  dans  sa  voiture,  ar- 
rêtée devant  ma  porte,  au  retour  de  la  gare  :  il  me  donnait  une  sérénade  !  Il  avait 


LE  PROPAGATEUR  113 


découvert  à  Montréal  le  plus  immense  clairon  à  clefs,  en  cuivre  rouge,  que  j'ai 
jamais  vu.  C'était  un  instrument  monumental  qui  devait  dater  d'avant  la  cession. 
Il  fallait  les  vastes  poumons  et  les  fortes  lèvres  du  curé,  pour  en  tirer  les  sons 
éclatants  qui  avaient  attiré,  outre  mon  attention,  tous  les  enfants  et  une  partie 
des  habitants  du  village. 

A  partir  de  ce  jour,  Messire  Labelle  pratiqua  consciencieusement  les  diverses 
sonneries  de  l'infanterie  légèie,  même  les  marches  militaires.  Un  beau  soir  il 
m'informa  triomphalement  qu'avec  encore  quelques  heures  de  pratique,  il  serait 
prêt  à  commencer  son  service. 

Hélas  !  trois  fois  hélas  !  deux  jours  après,  une  malheureuse  clef  de  sa  trompette 
en  se  détraquant,  entraîna  la  perle  totale  de  cet  instrument  dont  nous  reverrons 
peut-être  le  modèle  à  la  bouche  des  anges  qui  nous  sonneront  la  retraite,  au 
jugement  dernier  ;  "  Tuba  mirum  spargens  sonum  !  " 

Dans  les  chapitres  intitulés  Fragments  d'un  journal  de  voyage  et 
Souvenirs  de  voyage^  particulièrement  enlevés,  il  y  a  de  fort  jolies 

descriptions,  et  aussi de  bien  bonnes  blagues.  Par  exemple,  la 

triste  aventure  qui  est  arrivé  à  l'auteur  chez  un  figaro  d'Andros, 
pendant  le  voyage  qu'il  faisait  en  Orient  à  la  recherche  d'une 
position  sociale,  est  à  lire. 

•  Cet  extrait  d'une  lettre  de  l'auteur  à  son  ami,  M.  le  juge  de 
Montigny,  a  un  certain  cachet  qui  ferait  croire  que.. .l'histoire  en 
question  est  née  sur  les  bords  de  la  Garonne  plutôt  que  dans  une 
station  thermale  de  la  Savoie. 

11  donne  parmi  de  très  bons  avis  à  sa  fille  Mademoiselle  Juliette, 
l'excellent  et  très  spirituel  conseil  qui  suit  : 

Etudie  les  arts  d'agréments,  si  tu  le  désires.  Il  te  faut  une  banne  éducation  ; 
mais  ne  ruine  pas  ta  santé,  pour  sortir  graduée  comme  les  autres,  si  tu  ne  peux 
être  diplômée  qu'à  ce  prix.  Etudi-i  le  dessin,  situ  le  veux,  mais  n'aie  jamais  que  de 
bons  dessins  ;  étudie  la  peinture,  mais  ne  l'exerce  jamais  sur  ton  visage  ;  étudie 
la  musique,  mais  ne  lutte  pas  avec  un  exercice  de  piano  pendant  que  ta  mère  est 
aux  prises  avec  le  poêle  de  cuisine. 

On  trouve  des  aperçus  nouveaux  dans  le  chapitre  snr  la  révision 
de  la  constitution  el  un  projet  de  reforme.  Entre  autres,  dans  le 
premier  de  ces  deux  chapitres,  un  projet  prototype  de  Sénat  et  de 
Conseil  législatif  qui,  s'il  était  mis  à  exécution, "ferait  de  ces  deux 
branches  un  peu  surannées  de  notre  système  constitutionnel,  des 
parangons  de  chambres  hautes. 

Dans  Zouaviana,  M.  Gustave  Drolet  a  abordé  tous  les  genres  et 
traité  avec  succès  un  peu  tous  les  sujets.  Pour  son  coup  d'essai, 
il  s'est  révélé  écrivain  de  haute  marque.  Il  n'a  plus  le  droit  main- 
tenant de  signer  "  Soldat  dans  les  lettres  "  comme  il  l'a  fait  au 
bas  de  la  préface  de  son  livre,  car  il  a  gagné  ses  épauiettes  à  la 
pointe  de  la  plume. 

Paul  de  Cazes. 


It'année  clirétienne  ou  considérations  sur  les  principales 
fêtes  du  cycle  liturgique,  par  Don  Sarda  y  Salvany,  traduit  de 
l'Espagnol  par  M.  l'abbé  A.  Thiveaud,  ancien  directeur  de  grand 

séminaire,  l  vol,  in-12 88  cts 

8 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  L.  B  Y 

ACTES  NOTARIÉS 

A  la  demande  de  quelques  notaires  nous  reproduisons  la  nouvelle 
loi  concernant  les  actes  notariés. 

Sanctionnée  le  27  février  dernier  celte  loi  sera  en  vigueur  le 
soixantième  jour  après  celui  de  sa  sanction  (1).  En  conséquence 
le  28  avril  courant  les  notaires  devront  commencer  à  se  servir  de 
témoins  pour  les  actes  dans  lesquels  quelque  partie  ne  pourra  pas 
signer,  soit  par  ignorance  soit  pour  toute  autre  raison. 

ACTE  POUR  AMENDER  l'aRTICLE  1208  DU  CODE   CIVIL,  RELATIVEMENT 
AUX   ACTES   NOTARIÉS 

SA  MAJESTÉ,  par  et  de  l'avis  et  du  consentement  de  la  Législature  de  Qué- 
Jîec,  décrète  ce  qui  suit  : 

1.  L'Article  1208  du  Code  Civil,  tel  que  contenu  dans  l'article  5806  des  Statuts 
Réfondus,  est  remplacé  par  le  suivant  : 

"  1208.  Un  acte  notarié  reçu  devant  un  Notaire  est  authentique  s'il  est  signé 
par  toutes  les  parties. 

Si  les  parties  ou  l'une  d'elles  sont  incapables  de  signer,  il  est  nécessaire,  pour 
que  l'acte  soit  authentique,  que  le  consentement  donné  à  l'acte  par  chaque  partie 
qui  ne  sait  ou  ne  peut  signer,  soit  reçu  en  la  présence  d'un  témoin  qui  signe. 

Les  témoins  peuvent  être  de  l'un  ou  l'autre  sexe,  âgés  d'au  moins  vingt  et  un 
ans.sains  d'esprit,  n'être  pas  intéressés  dans  l'acte,  ni  morts  civilement,  ni  réputés 
infâmes  en  loi.  Les  aubains  et  les  femmes  sous  puissance  de  mari  (excepté  celles 
des  Notaires  recevant  l'acte)  peuvent  servir  de  témoins  aux  actes  notariés. 

Cet  acte  est  sujet  aux  dispositions  contenues  dans  l'article  qui  suit  et  à  celles 
qui  ont  rapport  aux  testaments.  Il  ne  s'applique  pas  aux  cas  mentionnés  en  l'ar- 
ticle 2380,  où  un  seul  notaire  suffit." 

2.  L'Article  3652  des  Statuts  Réfondus  est  abrogé. 

3.  L'Article  3645  des  Statuts  est  abrogé  et  remplacé  par  le  suivant. 

'•  3645.  L'acte  notarié  doit  énoncer  le  nom,  la  qualité  officielle,  le  lieu  d'affaires 
et  la  signature  du  notaire  qui  le  reçoit  ;  les  noms,  la  qualité  et  la  demeure  des 
parties  avec  désignation  des  procurations  ou  mandats  produits  ;  la  présence,  le 
nom,  la  qualité  officielle  et  le  lieu  d'affaires  du  notaire  assistant  ;  la  présence,  les 
noms,  la  qualité  et  la  demeure  des  témoins  requis  ;  le  lieu  où  l'acte  est  reçu,  le 
numéro  de  la  minute,  la  date  de  l'acte,  la  lecture  de  l'acte  faite  aux  parties  ;  la 
signature  du  ou  des  Notaires  et  des  témoins,  et  des  parties,  ou  leurs  déclarations 
qu'elles  ne  peuvent  signer  et  la  cause  de  cette  incapacité." 


LA  SAISISSABILITE 

DES     PENSIONS    ECCLÉSIASTIQUES. 

On  lit  dans  le  Journal  des  Débats  : 

"  La  le  chambre  du  tribunal  civil  de  la  Seine  vient  de  rendre 
"  en  cette  matière  une  importante  décision. 

"Un  sieur  Fouquier,  créancier  de  M.  l'abbé  Sisson  d'une  somme 
"  de  7,000  fr.,  montant  de  condamnations  prononcées  à  son  profit 
'*  par  jugement  du  tribunal  de  commerce  de  la  Seine,  avait  formé 
"  opposition,  entre  les  mains  de  l'archevêque  de  Paris,  sur  lapen- 
"  sion  de  4,000  fr.  que  celui-ci  sert  à  l'abbé  Sisson. 

"  L'abbé  Sisson  demandait  la  nullité  de  cette  opposition,  tant  à 
''  raison  du  caractère  d'insaisisabilité  que  des  lois  spéciales  au- 

(l)  S.  R.  P.  Q.  Art.  5770,  No  2. 


LE  PROPAGA.TEUK  115 


"  raient  attaché  aux  pouvoirs  ecclésiastiques,  que  de  la  uature 
"  même  de  sa  pension,  qui  lui  aurait  été  servie  à  titre  d'aliments. 
"  Mais  le  tribunal,  sur  les  plaidoiries  de  Maîtres  Davrillé  des 
"  Essards  et  Lal)ée,a  déclaré  la  saisie-arrêt  valable  par  un  jugement 
"  dont  voici  les  principaux  attendus  : 

Attendu  que  la  déclaration  du  roi,  du  7  janvier  1779,  qui  consacre  le  principe 
de  l'insaisissabilité  des  pensions  servies  par  l'Etat  ne  saurait,  ainsi  que  le  prétend 
à  tort  l'abbé  Sisson,  s'appliquer  aux  pouvoirs  ecclésiastiques  ; 

Qu'à  cette  époque,  en  effet,  le  clergé  subvenait  lui-même,  au  moyen  de  ses 
biens  personnels,  aux  frais  du  culte  et  au  traitement  de  ses  ministres,  sans  aucune 
participation  de  l'Etat  ; 

Attendu  que  les  pensions  ecclésiastiques  ont  été  créées  et  organisées  par  les 
décrets  des  28  juin  1853,  et  27  mars  1860  ; 

Qu'aucun  de  ces  textes  ne  reproduit  le  principe  d'insaisissabilité  proclamé 
pour  les  pensions  civiles  dans  l'article  26  de  la  loi  du  9  juin  1853,  et  qu'on  ne 
saurait,  à  raison  de  ce  sjlence,  l'étendre,  par  voie  d'analogie,  aux  pensions  ecclé- 
siastiques ; 

Attendu,  au  surplus,  que  les  décrets  précités  n'ont  trait  qu'aux  seules  pensions 
ecclésiastiques  servies  par  l'Etat,  et  ne  s'appliquent  pas  aux  pensions  allouées, 
comme  dans  l'espèce  actuelle,  conformément  au  décret  du  13  thermidor  an  XIII, 
par  l'autorité  diocésaine,  au  moyen  des  ressources  qui  lui  sont  propres  et  qui 
sont  alimentées  par  le  produit  de  la  location  des  chaises  dans  les  églises  du 
diocèse  : 

Que  la  pension  servie  à  l'abbé  Sisson  est  donc,  à  ce  premier  point  de  vue, 
cessible  et  saississable 

'•  Le  tribunal,  toutefois,  a  réduit  au  quart  les  eôets  de  l'opposi- 
•'  tion,  en  décidant  que  les  trois  autres  parts,  soit  3,000  fr.,  étaient 
"  nécessaires  à  l'abbé  Sisson  pour  subvenir  à  ses  besoins." 

Note  èditoriale. — Dans  notre  droit,  en  vertu  de  l'article  628  du 
code  de  Procédure  civile,  tel  qu'il  est  reproduit  par  l'article  5931 
des  Statuts  Refondus  de  la  Province  de  Québec,  sont  insaisissables  : 

3.  Le  casuel  et  les  honoraires  dûs  aux  ecclésiastiques  et  ministres 
du  culte^  à  raison  de  leurs  services  actuels  et  les  revenus  des  titres 
cléricaux. 


LA  DEGRADATION  CIVIQUE   EN  FRANGE 

On  lit  dans  la  Croix  du  25  mars  : 

"  A  propos  de  la  dégradation  de  M.  Baïhaut,  bien  des  personnes 
"  ont  désiré  savoir  ce  que  c'était  au  juste  que  la  dégradation  civi- 
"  que.  Voici  en  quoi  consiste  celte  peine  : 

1.  Dans  la  destitution  et  l'exclusion  des  condamnés  de  toutes  fonctions,  em- 
plois ou  offices  publics  ; 

2.  Dans  la  privation  du  droit  de  vote,  d'élection, d'éligibilité  et,  en  général,  de 
tous  les  droits  civiques  et  politiques,  et  du  droit  de  porter  aucune  décoration  : 

3.  Dans  l'incapacité  d'èlre  juré,  expert,  d'être  employé  comme  témoin  dans 
des  actes  et  de  déposer  en  justice  autrement  que  pour  y  donner  de  simples  ren- 
seignements ; 

4.  Dans  l'incapacité  de  faire  partie  d'aucun  conseil  de  famille  et  d'être  tuteur, 
curateur,  subrogé-luteur  ou  conseil  judiciaire,  si  ce  n'est  de  ses  propres  enfants, 
et  sur  l'avis  conforme  de  la  famille  ; 

5.  Dans  la  privation  du  droit  de  port  d'armes,  du  droit  de  faire  partie  de  la 
garde  nationale,  de  servir  dans  les  armées  françaises,  de  tenir  école  ou  d'ensei- 
gner, et  d'être  employé  dans  aucun  établissement  d'instruction  à  titre  de  profes- 
seur, maître  ou  surveillant. 


116  LE  PROPAGATEUR 


LE  REPOS  DU  DLViANGHE 

Deux  cents  barbiers  et  coifîeurs  ont  passé  devant  le  tribunal 
correctionnel  de  Francfort  pour  infraction  au  repos  dominical. 
Tous  ont  été  condamnés  à  deux  marks  d'amende,  et  un  mark  et. 
vingt  pfennings  de  frais.  — La  Oroix, 

VOITURES  LE  DIMANCHE 
Les  journaux  publient  la  dépêche  suivante  : 

Toronto,  30  mars  1893. — Une  désagréable  surprise  vient  d'être  causée  dans 
cette  ville  par  une  tentative,  de  la  -part  des  puritains,  pour  faire  appliquer  de 
nouveau,  dans  toute  leur  rigueur,  les  anciennes  lois  du  dimanche. 

Un  cocher  du  nom  de  Charles  Brown,  au  service  d'un  des  loueurs  de  voitures 
les  plus  connus  de  Toronto,  a  été  condamné  par  le  juge  de  police  Baxter  à  $2.00 
d'amende,  et  à  défaut  de  paiement,  à  dix  jours  de  prison  pour  avoir  conduit  une 
femme  en  voiture,  un  de  ces  derniers  dimanches,  dans  les  rues  de  la  ville.  Cet 
incident  a  causé  d'autant  plus  d'émotion  qu'une  foule  de  gens,  à  Toronto,  ont 
l'habitude  non  seulement  de  se  promener  en  voiture  le  dimanche»,  lorsque  le 
temps  est  beau  ;  mais  aussi  de  se  faire  conduire  en  voiture  à  l'égUse  ou  au 
temple. 

L'ERMITE  DE  FRANCHARD 


{suite  et  fin) 

Fatigué  d'être  resté  enfermé  presque  tout  le  jour,  l'ermite  s'était 
promené  quelques  instants  dans  sou  jardin.  Il  rentra,  pria  Dieu, 
et  s'étendit  sur  son  lit  de  fougère.  Mais  le  sommeil  ne  vint  pas. 
Il  croyait  toujours  entendre  la  belle  voix  qu'il  avait  écoutée  deux 
heures  auparavant,  et,  cette  voix,  il  la  reconnaissait.  Pauvre  Syl- 
vain !  il  l'avait  entendue  jadis,  alors  qu'heureux  fiancé  de  Diane 
de  Malnove,  il  passait  de  longues  heures  à  faire  de  la  musique 
avec  elle  et  sa  mère,  tantôt  guidant  leur  barque  sur  les  flots  de 
l'Oise,  tantôt  assis  à  leurs  pieds  dans  Je  grand  salon  du  château  de 
Malnove. 

— Que  m'importe  cette  voix  ?  se  disait-il,  quand  même  ce  serait 
elle  qui  fut  venue  là,  elle,  qui  m'a  trahi,  oublié,  elle  qui  est  depuis 
sept  ans  la  femme  d'un  autre  ?.,.  Je  n'y  dois  plus  penser.  Syrène 
perfide,  elle  a  brisé  toutes  mes  espérances,  je  ne  lui  dois  que  le  mé 
pris,  et  je  croyaisl'  avoir  oubliée.  Et  ce  Neverly  1  va-t-il  encore  reve- 
nir ranimer  les  souvenirs  du  passé.  Je  ne  l'attendrai  pas.  Demain,  je 
partirai  :  j'irai  me  cacher  aux  Gamaidules,  jusqu'à  ce  que  la  cour 
s'éloigne  de  Fontainebleau.  Mais  qui  me  délivrera  de  ce  chant,  de 
cette  voix  imaginaire  ? 

Il  se  leva,  sortit  et  monta  sur  un  rocher  très  élevé,  espérant  que 
le  vent  de  la  nuit  rafraîchirait  son  front  brûlant.  De  là  l'ermite 
contempla  les  nuages  sillonnés  d'éclairs  qui  cachaient  de  plus  en 
plus  l'azur  du  ciel.  Un  grand  silence  régnait  dans  la  forêt. 

Tout  à  coup,  dans  la  direction  de  Fontainebleau,  frère  Sylvairt 


LE  PROPAGATEUR  117 


aperçut  une  lueur,  el  une  flamme  qui  s'élevait.  Elle  grandit  ra- 
pidement, des  gerbes  d'étincelles  jaillirent,  et  des  cris  lointains 
se  firent  entendre.  Le  feu  était  à  la  forêt.  L'ermite  redescendit  à 
la  hâte  vers  sa  maison,  prit  une  hache  et  courut  dans  la  direction 
de  l'incendie.  11  n'y  avait  plus  personne  à  Franchard,  mais,  à 
mesure  qu'il  avançait  sur  le  chemin  de  Fontainebleau,  il  entendait 
des  appels,  des  sonneries  de  cor,  des  coups  de  sifflets,  des  cris  :  au 
feu  !  l'alarme  était  donnée  et  tous  les  gardes  des  environs  couraient 
vers  l'incendie. 

A  un  carrefour  l'ermite  rencontra  Hubert,  qui  se  hâtait,  traînant 
une  petite  pompe  sur  un  chariot.  L'ermite  s'y  attela  avec  lui,  et 
Hubert  s'écria  : —  Ces  étourdis  de  pages  auront  jetée  une  torche 
dans  le  taillis.  Si  c'est  à  l'Epine,  il  y  a  une  mare  tout  auprès,  mais 
si  c'est  sur  la  hauteur,  il  faudra  bien  jouer  de  la  hache.  Où  est  le 
feu  ?  cria-t-il  à  un  homme  à  cheval  qui  accourait. 

—  A  l'Epine,  cria  le  garde,  je  vais  chercher  la  pompe  d'Hubert. 
— La  voici,  en  avant  ! 

Ils  couraient  à  perdre  haleine.  La  lueur  de  l'incendie  grandissait, 
et  illuminait  les  profondeurs  des  bois.  Les  oiseaux  de  nuit  jetaient 
des  cris  lugubres,  les  cerfs  et  les  biches  s'enfuyaient,  franchissant 
rapidement  les  buisssons  et  passaient  tout  près  des  hommes  sans 
paraître  les  voir,  tant  de  frayeur  affolait  ces  pauvres  bêtes. 

Bientôt,  Hubert  et  l'ermite  arrivèrent  en  présence  du  feu.  Il 
couvrait  déjà  près  d'un  arpent  de  taillis,  et  plus  de  deux  cents 
hommes  accourus  de  Fontainebleau,  abattaient  des  arbres  et  tâ- 
chaient d'isoler  l'incendie.  Dne  mare  était  auprès.  Hubert  se  hâta 
de  placer  sa  petite  pompe,  et  réussit  à  lancer  quelques  jets  d'eau, 
tandis  que  l'ermite,  d'un  bras  vigoureux,  abattait  de  jeunes  bou 
leaux.  Le  tumulte  était  grand  :  il  arrivait  sans  cesse  des  secours, 
mais  la  flamme  allait  encore  plus  vite  que  la  hache,  et  les  crépi- 
tements de  l'incendie  augmentaient. 

Un  juron  effroyable  échappa  au  brave  Hubert  ;  — plus  d'eau  ! 
s'écria-t-il,  et  je  n'ai  pas  de  cognée  1  encore  une  heure  et  tout  ce 
quartier  de  forêt  sera  perdu.  Et  dire  qu'il  toune  si  fort,  et  qu'il 
ne  tombe  pas  une  goutte  d'eau  !  Dites  donc  au  bon  Dieu  de  faire 
pleuvoir,  Sylvain  ! 

—  Gela  commence,  dit  l'ermite. 

En  effet,  un  effroyable  coup  de  tonnerre  retentit,  et  une  pluie 
diluvienne  tomba.  Tout  près  de  là  était  une  grotte  :  Hubert  y 
entraînait  l'ermite  en  lui  disant; — A  quoi  sert  de  nous  mouiller? 
quisque  le  ciel  s'en  mêle,  laissdns-le  faire  et  regardons. 

Les  flammes  luttèrent  encore  une  demi-heure,  mais  la  pluie 
triompha  enfin  de  l'incendie,  et  aux  premières  lueurs  du  jour, 
quelques  tourbillons  de  fumée  marquaient  seuls  les  places  où  le 
feu  couvait  encore.  Mais  il  avait  dévoré  plus  de  deux  arpenls  de  la 
forêt,  et  de  nombreux  arbres  abattus  étendaient  leurs  rameaux 
flétris  autour  d'un  grand  espace  couvert  de  cendres  et  de  charbons 
à  demi  éteints. 

Hubert  était  retourné  chez  lui  ;  quelques  gardes  erraient  sur  le 
•lieu  de  l'incendie,  armés  de  bêches,  et  recouvraient  de  terre  les 


118  LE  PROPAGATEUR 


endroits  encore  incandescents.  — L'ermite,  vaincu  par  la  fatigue, 
s'était  endormi  dans  la  grotte. 

Vers  six  heures,  un  cavalier  parut  à  la  lisière  du  bois.  C'était 
Gaston  de  Neverly.  Jl  venait,  en  curieux,  demander  des  nouvelles, 
et  constater  les  ravages  du  feu.  Il  interrogea  les  gardes  présents, 
et  leur  annonça  que  le  Roi  ne  tarderait  pas  à  venir,  et  les  récom- 
penserait de  leurs  peines. 

— Prévenez  vos  camarades,  dit-il,  pour  sûr  il  y  aura  ce  matin 
bonne  distribution  de  pistoles  ;  peu  s'en  est  fallu  que  le  Roi  ne 
vint  cette  nuit  ;  il  montait  à  cheval  lorsque  la  pluie  a  commencé. 

—  Heureuse  aventure!  dit  le  garde,  jamais  pluie  ne  tomba 
plus  à  propos.  Mais  quelle  imprudence  que  celle  de  courir  en  forêt 
avec  des  torches  1  Dieu  veuille  que  l'accident  de  cette  nuit  serve 
de  leçon  !  Sa  Majesté  fera  bien  de  nous  gratifier,  nous  avons  ru- 
dement travaillé  tous,  sans  compter  l'ermite,  et  les  piqueurs  du  Roi. 

—  L'ermite  était  là  ? 

—  Certainement,  et  il  a  coupé  à  lui  seul  plus  de  vingt  arbres. 
Frère  Sylvain  a  dû  être  bûcheron  dans  sa  jeunesse,  pour  sûr,  maïs 
il  était  si  fatigué  qu'il  n'est  pas  retourné  chez  lui.  Il  dort  là,  dans 
cette  grotte. 

—  Gardez-moi  mon  cheval,  je  vous  prie,  dit  Neverly  en  mettant 
un  écu  dans  la  main  du  garde,  et  emmenez-le  là-bas,  vers  ce 
chêne.  Je  veux  parler  à  frère  Sylvain. 

Il  mit  pied  à  terre,  et,  marchant  sans  bruit,  s'avança  vers  la 
grotte. 

» 
Couché  sur  un  amas  de  feuilles    sèches  frère  Sylvain  dormait 

profondément.  Son  chapelet  était  enroulé  autour  de  ses  mains 

croisées  sur  sa  poitrine,  et  sa  tête  aussi  pâle  et  immobile  que  celle 

d'une  statue. 

Neverly  s'assit  sur  une  pierre,  à  côté  de  lui,  et  le  contempla 
quelques  instants.  —  Le  voilà  donc,  se  dit-il,  cet  Henri  d'Aiguë- 
belle,  qui  semblait  destiné  à  parcourir  une  si  brillante  carrière  ! 
Qui  aurait  prédit  qu'un  chagrin  d'amour  aurait  fait  de  lui  un  mi- 
sérable ermite,  eût  passé  pour  fol.  Et  le  voilà  cependant,  revêtu 
d'un  froc,  mais  il  doit  bien  s'être  repenti  déjà  de  son  extravagance, 
et  je  prétends  le  tirer  de  là  lestement.  Allons,  frère  Sylvain,  ré- 
veillez-vous, debout  !  debout  ! 

Frère  Sylvain  ouvrit  les  yeux  en  tressaillant. 

— Qui  m'appelle  ?  dit-il. 

— Ton  compagnon  d'autrefois,  ton  meilleur  ami,  toujours  Gaston 
de  Neverly  !  Embrasse  moi  :  n'essaie  plus  de  te  cacher.  Je  t'apporte 
de  bonnes  nouvelles,  morbleu,  et  j'espère  bien  qu'elles  te  feront 
jeter  le  froc  aux  orties. 

—  Gaston,  dit  le  frère,  je  suis  heureux  de  vous  revoir,  mais  si 
vous  m'aimez,  si  vous  ne  voulez  pas  m'obliger  à  m'expatrier,  ne 
dites  à  personne  qui  je  suis,  laissez-moi  vivre  en  paix  à  l'ombre 
de  ces  bois.  J'ai  trop  souflertdans  le  monde  pour  y  rentrer  jamais. 

—  Quelle  folie  1  Quoi,  parce  que  ma  belle  cousine  Diane  a  cédé 
aux  ordres  de  ses  parents,  et  pour  terminer  un  grand  procès,  accom- 


LE  PROPAGATEUR  119 


moder  les  affaires  de  sa  famille,  et  devenir  marquise  de  Chazelles, 
a  oublié  ses  promesses  d'enfant  ?  Mais  sur  cent  jeunes  filles,  cent 
eussent  fait  comme  elle.  Il  fallait  l'oublier,  essayer  d'en  aimer 
une  ou  deux  autres. 

—  On  n'aime  qu'une  fois  comme  je  l'ai  aimée,  dit  l'ermite. 

—  Et  tu  l'aimes  encore  ? 

—  Non,  grâce  à  Dieu. 

— L'as-tu  entendu  chanter,  hier  soir  ? 

— Tais-toi,  Gaston  :  je  croyais  m'être  trompé.  C'était  donc  elle  ? 

— Oui,  c'était  Diane.  Elle  est  veuve,  elle  est  libre.  Elle  s'est  re- 
pentie bien  des  fois  de  t'avoir  trahi.  Elle  a  été  bien  malheureuse 
avec  Chazelles.  Enfin,  il  a  eu  l'esprit  de  mourir,  la  laissant  son 
héritière.  Elle  n'a  pas  d'enfants,  elle  est  toujours  aimable,  et  si  tu 
veux,  je  te  réponds  d'elle.  Une  aventure  comme  la  tienne  est  pour 
la  charmer  :  toute  la  cour  en  parlerait,  et  Mlle  de  Scudéry  en 
ferait  un  roman, 

— Vous  avez  toujours  été  un  peu  fou,  Gaston.  Mais  si  je  l'ai  été 
aussi,  je  ne  le  suis  plus.  Ne  me  parlez  plus  de  cette  personne. 

— Soit,  mais  contente  un  peu  ma  curiosité.  Je  te  croyais  en  Po- 
logne. Ta  sœur  le  disait.  Elle  prend  soin  de  tes  biens,  et  t'attend 
toujours  à  Aiguebelle.  N'y  retourneras  tu  pas  ? 

—Jamais  :  j'ai  trouvé  mieux  que  le  monde  ne  peut  m'offrir. 
Mais  tu  ne  me  comprendrais  pas.  Adieu,  je  vais  retourner  à 
Franchard. 

— J'y  retournerai  aussi,  s'écria  Gaston,  et  je  te  persécuterai  jus- 
qu'à ce  que  tu  renonces  à  ta  folie.  Ecoute,  si  tu  as  fait  des  vœux, 
le  Pape  peut  t'en  relever.  Il  y  aura  bientôt  une  guerre,  dit-on. 
Nous  irons  nous  battre  contre  les  Espagnols,  le  Roi  te  distinguera... 

Frère  Sylvain  était  sorti  de  la  grotte,  et  sans  écouter  Gaston 
regardait  les  arbres  abattus  et  noircis  par  le  feu. 

—  Pauvres  arbres  !  dit-il,  hier  encore  si  beaux,  si  verdoyants  1 
Et  c'est  moi  qui  vous  ai  brisés  pour  empêcher  les  flammes  de 
s'étendre  plus  loin,  moi,  qui  vous  aimais  tant  1  ô  mon  Dieu,  à 
l'aspect  de  ces  ruines  passagères  que  le  printemps  relèvera  si  vite, 
je  sens  mon  cœur  se  serrer  douloureusement.  Et  j'irais  chercher 
les  champs  de  bataille,  je  rentrerais  dans  ce  monde  égoïste  et 
perfide,  où  l'on  fait  litière  des  promesses  les  plus  samtes,  des  affec- 
tions les  plus  dévouées  !  j'irais  livrer  aux  risées  des  courtisans  les 
douleurs  de  ma  jeunesse,  et  les  consolations  incompréhensibles 
pour  eux,  que  Dieu  me  donne  dans  ces  déserts  ?  Ne  l'espérez  pas, 
Gaston  :  promettez-moi  que  vous  ne  nommerez  à  personne  l'ermite 
de  Franchard. 

— Je  te  donne  ma  parole  d'honneur  ;  mais  à  une  condition  :  pro- 
mets-moi de  réfléchir  à  ce  que  je  t'ai  dit,  et  demain,  si  tu  veux 
donner  suite  à  mes  projets,  si  tu  me  permets  de  parler  de  toi  à  Mme 
de  Chazelles,  viens  ici  à  six  heures  du  soir.  J'y  serai.  Aimes-tu 
mieux  que  j'aille  a  l'ermitage  ? 

— Non,  dit  frère  Sylvain  :  je  préfère  que  vous  veniez  ici.  Adieu. 

Il  partit,  et  Gaston,  remontant  à  cheval,  retourna  au  château  de 
Fontainebleau. 


120  LE  PROPAGATEUR 


Un  peu  avant  l'heure  du  dîner  du  Roi,  Gaston  aperçut  de  loin, 
dans  la  cour  des  Fontaines,  madame  de  Chazelles  et  sa  suivante, 
qui  s'amusaient  à  jeter  du  pain  au  carpes, 

11  alla  saluer  la  belle  veuve,  qui  l'accueillit  fort  bien,  et  ce  Gas- 
ton, qui  était  grand  causeur,  et  ne  pouvait  garder  le  moindre  se- 
cret, crut  ne  pas  manquer  à  sa  parole  en  racontant  à  madame  de 
Chazelles  l'histoire  de  Termite,  avec  la  précaution  de  changer  les 
noms.  Il  mit  l'aventure  sur  le  comte  d'un  ermite  italien  du  quin- 
zième siècle,  et  assura  l'avoir  lue  dans  un  vieux  bouquin  dont  la 
dernière  page  manquait. 

— Je  voudrais  deviner  la  fin  de  l'histoire,  dit-il,  mais  je  n'ai  pas 
a-sez  d'esprit  pour  cela.  Gomment  pensez-vous  qu'elle  ait  fini, 
madame  ? 

—  Mais  je  ne  sais,  en  vérité.  C'est  bien  un  peu  ridicule  d'épouser 
un  défroqué  ;  pourtant  cet  ermite  est  intéressant,  et  la  dame  avait 
fort  à  réparer  envers  lui,  puisqu'elle  lui  avait  fait  tant  de  chagrin. 

—  Qu'auriez-vous  fait  à  sa  place,  madame  ? 

—  Moi  !  oh,  pour  sûr,  je  l'aurais  laissé  dans  son  ermitage,  mais 
je  n'ai  pas  le  cœur  tendre,  vous  le  savez,  ajouta-t-elle  en  riant. 
C'est  pour  cela  que  Mademoiselle  me  trouve  si  fort  à  son  gré.  La 
voici  qui  vient.  Adieu,  mon  cousin.  Et  elle  traversa  la  cour  des 
Fontaines  d'un  pas  si  leste  et  si  gracieux  que  Neverly  se  dit  :  — 
sot  que  je  suis  !  je  ferai  bien  mieux  de  parler  pour  moi  que  pour 
autrui.  Mais  je  me  suis  trop  avancé  pour  reculer.  J'irai  ce  soir 
au  rendez- vous, 

*  • 

C'était  l'heure  d'or  ;  les  rayons  du  soleil  déclinant  perçaient 
l'épaisseur  du  feuillage,  et  la  forêt,  rafraîchie  par  l'orage  de  la 
veille,  était  plus  belle  et  plus  parfumée  que  jamais.  Neverly,  en 
retard,  pressait  son  cheval,  et  courait  au  galop  sous  les  futaies 
sonores. 

En  arrivant  à  la  grotte,  il  s'écria  :  personne  1  un  homme  assis  à 
terre,  sous  un  buisson  de  genévrier,  se  leva.  C'était  Hubert. 

— Vous  cherchez  frère  Sylvain,  monsieur,  dit-il,  il  ne  viendra 
pas.  Il  est  parti  en  voyage,  pour  plusieurs  mois,  mais  il  m'a  remis 
ceci  pour  vous. 

Gaston  prit  la  lettre,  remercia  Hubert,  et  lui  donna  une  bonne 
étrenne.  Au  fond,  il  était  charmé  que  1  ermite  ne  fut  pas  vetiu. 

Il  repartit  au  galop,  s'arrêta  dans  une  clairière,  et,  laissant  son 
cheval  broutiller  le  feuillage,  lut  la  missive  de  frère  Sylvain. 

"Lorsque  vous  lirez  cette  lettre,  écrivait  l'ermite,  j'aurai  quitté 
l'asile  où  j'ai  trouvé  une  paix  profonde,  et  des  joies  que  je  vous 
souhaite  de  connaître  un  jour.  J'y  reviendrai,  lorsque  le  départ 
de  la  cour  m'assurera  de  n'être  plus  troublé  dans  ma  solitude.  Je 
vous  remercie  de  votre  amitié,  bien  que  les  marques  qu'il  vous  a 
plu  de  m'en  donner  n'aient  pas  été  telles  que  je  les  eusse  souhai- 
tées. Je  prierai  pour  vous  et  pour  la  personne  dont  vous  m'avez 
parlé.  S'il  vous  plaît  de  vous  embarquer  avec  elle  sur  les  flots 
changeants  de  la  vie  mondaine,  que  Dieu  vous  protège  et  vous 
conduise  au  port  ! 


LE  PROPAGATEUR  121 


"  J'y  suis  déjà  :  ma  nef  n'affrontera  plus  les  tempêtes.  La  prière, 
l'étude,  la  contemplation  des  œuvres  de  Dieu,  me  rendent  heureux 
dans  la  solitude.  La  forêt  m'est  devenue  comme  une  patrie,  et 
Dieu  parle  à  mon  cœur  dans  le  silence  des  bois. 

*'  Adieu  donc  ;  ne  vous  souvenez  plus  de  moi  que  comme  on  se 
souvient  des  morts  qu'on  a  aimés  et  qui  nous  attendent  dans  un 
monde  meilleur. 

Frère  Sylvain." 

* 

Quelques  semaines  après,  le  Roi,  avant  de  quitter  Fontainebleau, 
signa  le  contrat  de  mariage  de  Gaston  de  Neverly  et  de  madame 
de  Chazelles,  au  grand  déplaisir  de  Mademoiselle,  qui  comptait  sur 
eux  pour  en  faire  des  ermites  à  sa  façon.  Ils  firent  assez  bon  mé- 
nage pendant  cinq  ou  six  mois,  puis  la  légèreté  de  l'un  et  les  capri- 
ces de  l'autre  amenèrent  des  brouilleries  qui  déplurent  à  Made- 
moiselle. Congédiés  par  cette  princesse,  monsieur  et  madame  de 
Neverly  s'en  allèrent  en  province,  et  s'y  ennuyèrent  honnêtement 
jusqu'à  la  fin  de  leurs  jours. 

Quand  à  l'ermite,  il  revint  à  Franchard  et  n'en  sortit  plus. 
Comme  son  prédécesseur  il  vécut  près  d'un  siècle,  et  sa  robuste 
vieillesse  ressemblait  à  celle  des  grands  chênes  de  la  forêt  de 
Fontainebleau. 

Personne  après  lui  ne  vint  habiter  son  ermitage,  et  s'il  s'est 
rencontré  de  nos  jours  un  homme  assez  passionné  delà  forêt  pour 
consacrer  sa  vie  et  sa  fortune  à  en  multiplier  les  sentiers,  si  les 
peintres  et  les  poètes  en  retracent  à  l'envie  les  beautés  sévères  ou 
charmantes,  personne,  comme  le  frère  Sylvain,  ne  l'a  plus  assez 
aimée  pour  en  faire  sa  demeure  et  son  tombeau,  personne  n'a  joui 
comme  lui  de  la  solitude  de  ces  déserts  et  de  ces  mystérieuses 
harmonies  qui  résonnent  doucement  et  toujours  sous  les  ombrages 
de  Fontainebleau.  Le  temps  des  ermites  est  passé. 

Mme  Julie  Lavergne. 


lE  MISSIONNIIIIIE  OES  ENFANTS 

Par  le  R.  P.  FURNISS 

de  la  congrégation  du  T.  S.  Rédempteur 

OUVRAGE    TRADUIT    DE   L'ANGLAIS 

PAR  UN  PÈRE  DE  LA  MÊME  CONGREGATION 

Deuxième  édition  revue  avec  soin 

1  vol.  in-8 Sl.OO 


MAEIE 


SECOURS    PERPETDEL   DES   HOMMES 

D'APRÈS  LES  LIVRES  SAINTS, 

AVEC   L'HISTOIRE  DE   L'IMAGE    ET  DU  CULTE    DE 

NOTRE-DAME  DU  PERPETUEL  SECOURS 

Par    le  Père    Henri    Saintrain,  Rédemptoriste 

Deuxième  édition  revue  avec  le  plus  grand  soin. 

1  vol.  in-12 .- 63  cts 

TABLE  ANALYTIQUE 
Introduction. 

LIVRE  PREMIER 

POISSANCE   ET   RICHESSE   DE    MARIE 

Démontrées  1°  par  ses  grandeurs,  2»  par  sa  sainteté,"  3°  par  sa  qualité  de  Goré- 
demptrice,  4°  par  trois  faits  de  l'Evangile. 

JUarie  étant  de  toute  façon  la  plus  élevée  des  créatures,  en  est  nécessairement  la 

plus  puissante. 

I. 


Marie,  Fille,  Epouse  et  Mère  de 
Dieu.  Par  sonimmaculée  Conception, 
Marie  est  la  Fille  de  Dieu  d'une  ma- 
nière qui  lui  est  propre  ;  par  le  mys- 
tère  de  l'Incarnation,  elle  est  devenue 
Epouse  et  Mère  de  Dieu.  Dieu  se  doit 
à  lui-même  de  lui  communiquer  un 
pouvoir  en  rapport  avec  cette  subli- 
me dignité. 

II.  Marie,  la  grande  affaire  des  si4- 
CLES.  Grandeur  de  Marie  dans  les 
siècles  qui  ont  précédé  sa  naissance. 
1.  Le  Char  de  Triomphe,  ou  Marie 
attendue  et  désirée  du  ciel,  de  la  ter- 
re, et  redoutée  de  l'enfer.  2.  L'Auré- 
ole, ou  Marie  annoncée  par  les  sym- 
boles et  les  figures.  3.  Le  Cortège,  ou 
Marie  préfigurée  par  les  femmes  les 
plus  illustres  de  l'anmen  Testament. 
—  Ainsi  associée  au  Messie  dans  les 
figures  et  les  ombres  de  la  Loi,  Marie 
doit  participer  à  sa  puissance  sous 
le  règne  de  la  Grâce. 

III.  Marie,  Reine  des  saints.  (I)  Puis- 
sance de  la  sainteté. Sainteté  de  Marie. 

IV.  Marie,  Reine  des  saints.  (II).  Con- 
tinuation. Détail  des  vertus  de  Marie. 

V.  La  Corédemptrice.  (I)  Marie  dispo- 
SE  d'un  grand  pouvoir  en  notre  faveur 
parce  qu'elle  a  contribué  à  bous  ra- 
cheter comme  Eve  avait  contribué  à 
nous  perdre.    Elle  a  consenti  au  sa- 


crifice de  son  Fils.  Marie  sur  le  Cal- 
vaire. Femme,  voilà  votre  fils. 
VI.  La  Corédemptrice.  (II)   De  plus, 
elle  a  été  Victime  conjointement  avec 
Jésus.  Prophétie  de  Siméon. 

VU.  Le  Canal  des  grâces,  Marie  a  mé- 
rité par  ses  douleurs  d'être  la  distri- 
butrice des  grâces  de  la  Rédemption. 
Tableau  de  sa  vie  afQigée. 

VIII.  Un  Dieu  pour  débiteur.  Riches- 
ses accordées  à  Marie,  en  retour  des 
services  rendus  par  elle  aux  trois 
personnes  divines.  La  13e  station  du 
Chemin  de  la  croix. 

IX.  L'iLLUMiNATrice  (I).  1er  Fait  qui  a 
révélé  la  puissance  de  Marie.  L'in- 
carnation du  Verbe.  Je  vous  salue, 
6  Pleine  de  Grâce  !  — Voici  la  ser- 
vante du  Seigneur. — Et  le  Verbe  se 
fit  chair. 

X.  L'ILLUMINATRICE  (II).  2e  Fait  qui  a 
révélé  la  puissance  de  Marie.  Sa  pa- 
role sanctifie  le  Précurseur  et  le  sacre 
prophète. 

XI.  L'Illuminatrige  (III).  Suite  du 
précédent. 

XII.  La  nouvelle  Eve.  3e  Fait  qui  a 
révélé  la  puissance  de  Marie.  Noces 
de  Gana.  L'incréduUté  d'Eve  avait 
amené  le  divorce  entre  Dieu  et  l'hu- 
manité ;  la  foi  de  Marie  unit  l'Eglise 
au  divin  Epoux. 


LE  PROPAGATEUR 


123 


LIVRE  SECOND— BONTÉ  de  marie 


I.  Notre  Mère.  La  femme  dans  la  fa- 
mille humaine.  La  Mère.  Marie  est 
notre  Mère,  comme  nouvelle  Eve  et 
comme  Mère  de  Jésus-Christ.  Témoi- 
gnages de  la  Genèse  et  de  l'Apoca- 
lypse. 

II.  Notre  Scedr.  Parabole.  Le  regard 
compatissant  de  la  Reine  du  ciel  vers 
la  terre.  Son  regard  suppliant  vers 
Jean. 

III.  Notre  Médiatrice.  L'homme  cou- 
pable a  besoin  d'un  médiateur  auprès 
de  Dieu.  Jésus  unique  Médiateur  de 
justice.  Mais  nous  l'offensons  aussi, 
et  nous  avons  besoin  d'un  autre  mé- 
diateur auprès  de  lui.  Ce  sera  une 
Femme.  Caractère  de  la  femme,  puis- 


sance de  ses  larmes.  Médiation  de 
Marie,  glorieuse  à  Dieu,  utile  à 
l'homme. 

IV.  Le  Cœur  le  plus  aimant.  Educa- 
tion du  Cœur  Marie  à  Nazareth.  Le 
réveil  de  l'Enfant  Jésus. 

V.  Le  Coeur  le  plus  profond.  L'amour 
maternel.  Dans  cet  amour,  une  nuan- 
ce} plus  délicate.  AfSnilô  entre  la 
douleur  et  la  tendresse.  Testament 
de  Jésus. 

VI.  Le  CœuR  le  plus  large.  Marie  à 
l'école  de  Jésus. 

VII.  Le  Cœur  le  plus  constant.  En- 
core l'amour  maternel.  Marie  pen- 
dant la  passion  de  son  Fils.  Le  juge- 
ment de  Salomon. 


LIVRE  TROISIÈME 

DES  GRACES  PRINCIPALES  QUE  NOUS  DEVONS  ATTENDRE  DU  PERPÉTUEL  SECOURS  DE  MARIE 
I 


La  MÈRE  DE  NOTRE  FOI.  Importance 
de  la  foi  dans  la  vie  chrétienne.  Dan- 
gers que  court  la  foi  à  notre  époque. 
Marie  est  notre  Mère  par  la  foi.  Elle 
est  la  Mère  de  notre  foi.  Le  Magni- 
ficat. Accomplissement.  A  ceux  qui 
ne  croient  plus. 

II.  La  Mère  de  la  sainte  espérance. 
Marie  nous  rassure  contre  la  crainte 
excessive.  Elle  est  elle-même  noire 
espérance. 

III.  La  Mère  du  bel  amour  (l).  Néces- 
sité de  l'amour  de  Dieu.  Marie  en  a 
inauguré  le  règne  sur  la  terre.  Elle 
nous  aide  dans  nos  luttes  avec 
l'amour-propre. 

IV.  La  Mère  du  bel  amour  (II).  Né- 
cessité de  l'amour  envers  Jésus, 
Dieu  et  Homme.  Amabilité  de  Jésus 
contemplé  entre  les  bras  de  sa  Mère. 
Empressement  de  Marie  à  nous  ob- 
tenir l'amour  de  Jésus. 

V.  La  Mère  de  l'h«mme  nouveau. 
Beauté  de  la  chasteté.  Difficultés. 
C'est  le  domaine  propre  de  Marie. 

VI.  La  Mère  des  vierges.  Beauté  de 
la  virginité.  Marie  est  la  Mère  des 
vierges.  Sa  tendresse  pour  les  âmes 
vierges.  Saint  Jean.  Saint  Luc. 
Saint  Joseph. 

VII.  La  Sulamite.  Marie  notre  modèle 


et  notre  secours  dans  les  sécheresses 
et  les  dégoûts.  Perte  de  l'Enfant 
Jésus. 

VIII.  Mara.  Marie,  noire  secours  dans 
les  peines  d'esprit,  les  scrupules,  les 
tentations  et  les  angoisses  de  la  vie  in- 
térieure. La  prière  du  soir  à  Nazareth 

IX.  L'Amie  des  pauvres.  La  pauvreté. 
Les  pauvres  sont  chers  à  Marie,parce 
qu'elle-même  fut  pauvre.  Tableau  de 
la  pauvreté  de  Marie.  La  fuite  en 
Egypte. 

X.  La  Patronne  de  la  famille.  Com- 
bien la  famille  est  déchue  de  nos 
jours.  Le  remède  doit  venir  de  la 
femme.  Marie,  modèle  et  secours  de 
la  femme  chrétienne.  Devoirs  de 
l'épouse  étudiés  en  Marie.  La  ma- 
ternité et  ses  devoirs  L'enfant.  Im- 
portance de  son  éducation  par  la 
mère.  Marie  vient  encore  ici  au  se- 
cours de  la  mère. 

XI.  L'Espérance  des  malades.  Nos 
maladies  viennent  du  péché.  Com- 
bien il  est  utile  de  recourir  à  Marie 
dans  nos  souffrances. 

XII.  La  grande  heure  de  Notre-Dame 
DU  Perpétuel  Secours.  Combien 
l'heure  de  la  mort  est  redoutable. 
Le  grand  signe  de  l'Apocalypse. 
Explication. 


APPENDICE— PREMIÈRE  SECTION 

histoire  de  l'image  de  NOTRE-DAME  DU  PERPÉTUEL  SECOURS  ET  DE  SON  CULTE. 

DEUXIÈME    SECTION 

CHOIX  d'exemples     DE    FAVEURS  OBTENUES  PAR  l'iNVOCATION  DENOTRE-DAME  DD 
PERPÉTUEL   SECOURS 

1.  Rome.— II.  Itahe. — III.  Sicile. — IV.  France,— V.  Espagne. — VI.  Autriche. 
—VII.  Belgique.— VIII.  Hollande.— IX.  Westphalie.— X.  Angleterre,  Ecosse, 
Irlande. — XI.  Amérique. 


NOTES  &  RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

POUR    AIDER     LES    ECCLÉSIASTIQUES   A    COMPOSER   ET 
A   COMPLÉTER    LEUR    BIBLIOTHÈQUE 


PREMIERE  PARTIE 
Livres  de  piété  pour  les  ecclésiastiques 


Exerce  ieipsumad  pietatem...  pietas 
ad  omnia  ulilis  est  promissionem  ha- 
bens  vilœ,  quœ  nunc  est,  et  futurœ 
(I  Tim.  IV,  7,  8).  Que  celte  exhortation 
et  cet  enseignement  de  saint  Paul  à  son 
disciple  Tiraothée  nous  remettent  en 
mémoire  tout  ce  que  nous  savons  sur 
la  nécessité  de  la  piété,  sur  l'obligation 
qu'a  le  prêtre  d'être  pieux  et  sur  la  fi- 
délité que  nous  devons  à  nos  exercices 
de  piété.  Ces  jusii/îcalions  qui  ont  été 
pour  nous,  pendant  nos  années,  d'édu- 
cation cléricale,  la  source  de  la  vie,  un 
moyen  de  sanct'fication  et  d'affermisse- 
ment dans  le  bien,  nous  n'irons  pas  les 
négliger,  encore  moins  les  abandonner, 
alors  que  nous  sommes  plus  entourés 
de  dangers,  plus  exposés  à  la  dissipa- 
tion, et  plus  obligés  que  jamais  à  nous 
sanctifier  pour  mieux  sanctifier  les  au- 
tres, à  nous  unir  plus  étroitement  à 
Dieu  pour  être  les  instruments  plus  di- 
gnes et  plus  puissants  de  son  action 
sur  les  âmes. — Les  exercices  de  piété 
forment  cette  chaîne  qui  doit  nous  éta- 
blir et  nous  unir  dans  une  union  plus 
intimes  avec  Dieu.  Tous  les  anneaux 
de  cette  chaîne  sont  indispensables  ;  il 
suffira  sans  doute  de  notre  expérience 
personnelle  pour  nous  en  convaincre  : 
n'avons  nous  pas  constaté  que  la  né- 
gligence qui  commence  par  atteindre 
une  seule  de  nos  obligations,  finit  tou- 
jours par  se  généraliser  ?  C'est  un  puis- 
sant motif  pour  tout  prêtre  de  ne  rien 
négliger.  Ce  nous  sera  aussi  une  raison 
d'apporter  le  plus  grand  soin  dans  la 
désignation  et  l'appréciation  des  ouvra- 
ges qui  doivent  nous  faciliter  la  persé- 
vérance dans  la  vie  de  prière. 

Nos  exercices  de  piété  dans  le  monde 
ne  seront  pas  autres  que  ceux  du  sé- 
minaire. Un  saint  évoque  d'Amiens, 
Mgr  de  la  Motte,  avait  coutume  de  dire 
que  les  meilleurs  prêtres  et  les  meilleurs 
religieux  qu'il  eut  connus  étaient  ceux 
qui  avaient  conservé  l'habitude  de 
vivre  en  séminaristes  et  en  novices.  La 
Méditation,  l'Examen  particulier,  la 
Visite  au  Saint-Sacrement,  la  Lecture 
spirituelle,  tels  sont,  avec  le  Saint- 
Sacrifice  de  la  Messe,  le  Saint-Office, 
et  d'autres  prières  vocales,  tels  sont 
les  exercices  que  les  Saints-Pères  et 


les  Maîtres  de  la  vie  spirituelle  impo- 
sent au  prêtre  comme  moyen  de  sanc- 
tification et  de  persévérance.  Les  graves 
personnages  du  xvii»  siècle  qui  ont 
tant  contribué  au  renouvellement  du 
clergé  par  leurs  prédications,  par  leurs 
écrits,  par  la  fondation  des  Séminaires, 
ont  tous  proclamé  la  nécessité  de  cha- 
cun de  ces  exercices. 

La  division  de  cette  première  partie 
de  notre  catalogue  oiî  nous  allons  don- 
ner les  livres  de  piété  destinés  aux 
Ecclésiastiques,  est  donc  tout  indiquée. 
Nous  commençons  par  les  Recueils 
de  Méditations  A  la  Sainte  Messe, 
qui  suit  la  Méditation,  nous  ratta- 
chons la  Visite  au  Saint-Sacrement, 
qu'on  a  appelée  la  Messe  du  soir.  Il 
sera  ensuite  question  du  saint  office, 
ou  plutôt  des  ouvrages  qui  nous  aide- 
ront  à  le  bien  comprendre  et  à  le 
bien  réciter.  La  quatrième  série  sera 
consacrée  à  l'Examen  particulier  ;  la 
cinquième,  à  la  Lecture  spirituelle. 
Mais  nous  réserverons,  pour  les  deux 
séries  suivantes,  deux  catégories  d'ou- 
vrages ;  l'une,  avec  le  titre  Directoire, 
contiendra  ceux  qui,  par  des  conseils 
et  des  instructions  plus  pratiques,  doi- 
vent diriger  le  Prêtre  dans  sa  vie  pu- 
blique ou  sa  vie  privée  ;  la  suivante 
comprendra,  sous  le  titre  Direction, 
ceux  qui  peuvent  contribuer  à  former 
le  Directeur  des  âmes.  La  huitième 
série  renfermera  les  "  Recueils  de  pri- 
ères. "  Dans  la  neuvième  série,  nous 
indiquerons  les  ouvrages  qui  se  ratta- 
chent à  cette  grande  dévotion  des  In- 
dulgences, dévotion  si  précieuse  et  qui 
doit  être  si  chère  au  Prêtre.  Puis  enfin, 
dans  la  dixième  série,  que  nous  intitu- 
lerons Varia,  nous  signalerons  un  cer- 
tain nombre  d'ouvrages  qui,  par  la 
variété  des  matières  qu'on  y  trouve, 
peuvent  être  utilisés  pour  plusieurs 
de  nos  exercices  de  piété. 

Benvelet,  Méditations  sur  les  principales 
vérités  chrétiennes  et  ecclésiastiques,  pour 
les  dimanches,  fêtes  et  autres  jours  de  l'an- 
née, par  M.  Beuvelet.  Nouvelle  édition,  par 
des  prêtres  de  l'Immaculée-Conception  de 
Saint-Dizier.  3  voL  in-8  écu  d'environ  550  p, 
chacun $3.00 

Brancberean.  Méditations  à  Vusage  des 
élèvesdes  grands  séminaires  ei  des  prêtres, 


LK  PROPAGATEUR 


125 


par  L.  Branchereau,  supérieur  du  Grand, 
Séminaire  d'Orléans .  4  vol.  in-12  de  63O 
548,  492,  530  pages $4.00 

Bronctaain.  Jféditati'ons  pour  tous  les  jours 
de  l'année,  composées  d'après  Us  écrits  de 
saint  Alphonse  de  Liguori,  docteur  de  l'E- 
gli3e,ài'uso(/e  des comnmnautés religieuses, 
des  ecclésiastiques,  et  de  toutesles  âmes  qui 
tendent  à  la  perfection  .  par  le  P.  L.  Bron- 
chain,  de  la  Congrég.  du  T. -S.  Eédempteur, 
3  vol.  in-12, $2.00 

Cbaig^on.  Nouveau  cours  de  méditations 
sacerdotales,  ou  le  Prêtre  sanctifié  par  la 
pratique  de  l'oraison,  par  le  B.  P.  Chaignon, 
S.  J.  12e  édition,  revue  et  augmentée.  5  vol. 
in-12 $4.00 

Décrouille.  Méditations  sacerdotales  sur 
la  messe  de  chaque  jour,  par  M.  Décrouille, 
curé  au  diocèse  d'Arras.  5  vol.  in-12.  .  .$3.00 

Hamon.  2Iéditationsà  Vusage  du  clergêet 
des  fidèles  pour  totis  les  jours  de  Vannée  ; 
par  M.  Hamon,  curé  de  Saint-Sulpice.  22e 
édition,  revue,  corrigée,  augmentée,  et  enri- 
chie d'une  table  analytique  des  matières. 
3  vol.  in-12 $2.35 

Ponte  (Ven.  P.  Lud.  de,  S.J.)Meditationea 
de  praecipuis  fi.Jei  nostrae  mysteriis,  de  His- 
panico  in  Latinum  translatas  a  Melchicre 
Trevinnio,  S.  J.  Da  novo  editae  cura  Augus- 
tini  Lehmkuhl,  S.  J.  Cum  duabus  appendi- 
cibus.  Cum  approb.  Eevmi  Archiep.  Frib. 
et  Super.  Ordinis.  Six  vol.  in-13.  (CLXXIV 
et  2554  p.; $4.25 

I<e  même.  Traduction  française,  avec  no- 
tes, par  une  société  d'ecclésiastiques.  10e  édi- 
tion US92),  revue  avec  soin  sur  l'édition 
prin/:eps.  4  vol.  in-12 $3.00 

Benre  (1')  du  3Iatin,  ou  Méditations  sacer- 
dotales, avec  introduction  par  M.  l'abbé  Elie 
Méric,  professeur  à  la  Sorboune.  Un  vol. 
in-à  de  480  p $1.00 

Exercices  spirituels  de  saint  Ignace  de 
Loyola  ;  annotés  par  le  Révérend  Père  Root- 
haan,  général  de  la  Compagnie  de  Jésu.s,  et 
traduits  sur  le  texte  espagnol,  parle  P.  Pier- 
re Jennesseaux  de  la  même  Compagnie,  12e 
édition,  corrigée  et  augmentée  de  deux  let- 
tres de  saint  Ignace,  et  de  l'opuscule  duR.P. 
Boothaan  sur  la  manière  de  méditer.  In-12. 

$0.75 

Debrosse  et  Aag^ry.  Retraite  spiritiielle 
selonla  méthode  de  saint  Ignace,  à  l'usage 
des  ecclésiastiques,  des  religieux  et  des  sé- 
culier3,par  les  P.  P.R.  Debrosse  et  H.  Augry 
de  la  Compagnie  de  Jésus.  5e  édition  is-12. 

$0.75 

l<Oluier.  Instruction  pratique  de  théologie 
mystique,  ou  méthode  facile  et  usueUe  pour 
faire  les  exercices  spirituels  de  saint  Ignace 
avec  d'autres  exercices  pour  quatre  récollec- 
tions de  trois  jovirs,  ouvrage  destiné  particu- 
lièrement aux  prêtres  et  à  ceux  qui  se  prépa- 
rent an  sacerdoce,  par  le  R.  P.  Tobie  Lohner, 
S.  J.  (Traduit  pour  la  première  fois  par  M. 
l'abbé  Dnfour).  2  vol.  in-12,  de  400-470  p. 

$1.50 

Tanner.  L'école  du  prêtre,  par  le  E.  P" 
Tanner,  abbé  de  N.-D.  des  Ermites  à  En- 
siedeln,  suivie  d'un  examen  à  l'usage  du 
clergé,  par  l'abbé  Bénard.  3e  édition,  dédiée 
à  S.  E.  le  Cardinal  Donnet,  et  recommandée 
au  clergé  de  leurs  diocèses  par  NN.  SS.  les 


archevêques  d'Aix,  de  Bordeaux,  de  Rouen 
et  de  Toulouse,  et  les  évêques  d'Autun,  de 
Dijon,  de  Montpellier,  d'Orléans,  de  Poitiers, 
de  Rodez,  de  Saint-Dié,  etc.  2  vol.  grand 
in-12,  de  444-534  p $i.50 

Taluy.  Manuel  du  prêtre  en  retraite,  con- 
tenant :  lo  un  Directoire  pour  la  retraite  ec- 
clésiastique ;  2o  un  chois  de  méditations  et 
de  considérations  pour  une  retraite  particu- 
lière ;  3o  une  série  d'exercices  pour  une  re- 
traite de  chaque  mois,  par  le  R.  P.  Benoit 
Valuy,  S.  J.  Ile  édition.  1  vol.  de  450  p.$0.50 

Ii«S  vérités  éternelles,  méditations  sur  les 
fins  dernières,  à  l'usage  du  clergé.  In-12, 360  p 

$0.25 

BoDChase.  Pratique  des  vertus,  méthode 
pour  travailler  à  la  perfection  au  moyen  d'un 
exercice  de  vertu  ehaque  jour,par  le  P.  Fr, 
Bouchage  de  la  Congrégation  du  Très-Saint- 
Eédempteur.  3  vol.  grd  iii-8- $3.75 

Bonrgoing.  Méditations  sur  les  Vérités 
et  Excellences  de  Jés  iS-Cltrist  Notre-Sei- 
gneur,  recueillies  de  ses  mystères,  cachées 
en  ses  états  et  grandeiu-s,  prêchées  par  Itu 
sur  la  terre,  et  communiquées  à  ses  Saints, 
par  le  R.  P.  Bourgoing,  troisième  supérieur 
général  de  l'Oratoire.  32e  édition,  revue  avec 
soin,  et  enrichie  de  sommaires  pour  la  pré- 
paration de  la  méditation  par  le  R.  P.  In- 
gold,  4  vol.  in-18 $2.6» 

Probatlon  stirVhumanité,  Ce  petit  volume 
in-18,  de  300  pages,  contient  30  méditations 
sur  l'humilité,  et  expose,  dans  un  style  sim- 
ple, sous  les  titres  :  Besoin  d'être  humble. 
Baisons  d'être  humble,  Jésus  humble,  Guide 
de  l'âme  humble  avec  Marie  humble,  les  ré- 
flexions et  considérations  les  plus  solides  sur 
cette  importante  vertu. $0.3S 

Bacuez.  Munuel  du  séminariste  en  vaean' 

ces,  ou  sujets  d'oraisons  et  d'exaaens  par- 
ticuliers pour  les  jeunes  ecclésiastiques  dans 
le  monde,  par  M.  l'abbé  Bacuez,  directeur 
au  séminaire  de  Saint-Sulpice.  1  vol.  in-32, 
nouvelle  édition $0.40 

Si  sainte  Thérèse  garantissait  le  ciel 
à  ceux  qui  consacreraient  avec  persé- 
vérance un  quart  d'heure  chaque  jour 
à  l'oraison  mentale,  l'expérience,  non 
moins  que  l'autorité,  nous  obligent  à 
voir  dans  la  Méditation  un  moyen  de 
sanctification  sacerdotale,  aussi  efficace 
qu'indispensable.  C'est  le  premier  de 
nos  principaux  exercices  de  piété,  dans 
l'ordre  chronologique  ;  c'est  aussi  le 
plus  important,  par  l'heureuse  et  né- 
cessaire influence  cju'il  doit  avoir  sur 
tous  les  autres.  Choisissons  donc  avec 
soin  l'ouvrage  qpii  nous  fournira  chaque 
matin  le  sujet  de  nos  pieuses  réflexions. 

Les  recueils  de  méditations  sont  de 
deux  sortes  :  les  uns  sont  complets, 
c'est-à-dire  contiennent  un  cours  com- 
plet de  spiritualité,  et  renferment  des 
méditations  sur  tous  les  devoirs  de  la 
vie  chrétienne  et  ecclésiastique  ;  d'au- 
tres recueils  nous  otTrent  des  sujets 
d'oraison  pour  des  circonstances  par- 


126 


LE  PROPAGATEUR 


ticulières,  par  exemple,  pour  des  retrai- 
tes, pour  telle  é\)oqae  de  l'année,  ou 
sont  consacrés  à  telle  ou  telle  vertu,  à 
telle  ou  telle  obligation  du  chrétien  ou 
du  prêtre.  Ces  deux  catégories  peuvent, 
et  même  doivent  être  représentées  dans 
toute  bibliothèque  ecclésiastique,  et 
c'est  pourquoi  nous  les  distinguons  et 
séparons  dans  l'énumération  donnée 
plus  haut. 

Ces  recueils  de  méditations  se  dis- 
tinguent en  second  lieu  par  la  méthode 
d'oraisons  adoptée  par  l'auteur.  Nom- 
breuses sont  les  diverses  méthodes  de 
prière  que  les  écrivains  approuvés 
nous  donnent.  Mais  si  nous  les  exami- 
nons attentivement,  nous  dit  le  P  Fa- 
ber,  dans  son  livre  du  Progrès  de  l'âme, 
nous  verrons  qu'elles  peuvent  se  rédui- 
re à  deux,  que  nous  désignerons  sous 
les  noms  de  "  Méthode  de  saint  Ignace, 
et  Méthode  de  saint  Sulpice.  "  Nous 
n'avons  pas  à  décrire  ici  ces  deux  mé- 
thodes :  c'est  au  titre  Lecture  spirituelle, 
que  nous  indiquerons  les  ouvrages  à 
lire  sur  ce  sujet.  Gontentons-nous  de 
signaler  ici,  d'après  le  même  auteur 
les  avantages  de  chaque  méthode. 
"  Celle  de  saint  Ignace  s'adapte 
mieux  aux  habitués  de  l'esprit 
contemporain,  elle  convient  à  un 
plus  grand  nombre  de  personnes, 
elle  peut  s'enseigner  comme  un  art; 
enfin  presque  tous  les  Uvres  de  médi- 
tations sont  basés  sur  elle.  "  La  mé- 
thode de  saint  Sulpice  "  est  fidèlement 
calquée  sur  les  traditions  des  anciens 
Pères  et  des  Saints  du  désert  ;  ensuite 
elle  subvient  aux  besoins  de  ceux  qui, 
d'un  côté,  ne  peuvent  suivre  la  méthode 
de  saint  Ignace,  et,  de  l'autre,  n'ont 
pas  d'aptitude  à  ce  qu'on  appelle  la 
prière  afTective  ;  enfin,  elle  convient 
mieux  à  ceux  qui  sont  fréquemment 
interrompus  dans  le  cours  de  leur  mé- 
ditation, en  tant  qu'elle  est  une  œuvre 
complète  à  quelque  endroit  qu'on  l'in- 
terrompe, tandis  que  toute  la  force  de 
la  méthode  de  saint  Ignace  réside 
dans  la  conclusion.  "  On  ne  saurait, 
du  reste,  établir  de  comparaison  entre 
ces  deux  systèmes,  "  parce  que,  dit  le 
P.  Faber,  l'un  et  l'autre  respirent  éga- 
lement la  sainteté,  parce  que  l'un  et 
l'autre  ont  produit  des  saints,  et  que 
l'usage  de  l'un  ou  de  l'autre  est  une 
affaire  de  choix  et  de  vocation.  " 

Au  point  de  vue  du  développement 
donné  par  les  auteurs  à  leurs  thèmes 


de  méditation,  nous  distinguons  aussi 
deux  genres  différents  d'ouvrages  :  les 
uns  nous  présentent,  comme  matière  à 
nos  réflexions,  sous  deux  ou  trois  points 
dans  un  style  concis,  un  petit  nombre 
de  pensées  fortes  et  suggestives,  qui 
peuvent  assurément  nous  occuper  pen- 
dant toute  la  durée  ordinaire  de  la  mé- 
ditation, mais  qui  imposent  un  travail 
personnel  pour  saisir  et  développer  les 
vérités  énoncées  pour  s'approprier  les 
affections  et  résolutions  simplen".ent  in- 
diquées. Il  est  des  auteurs  au  contraire, 
qui,  par  le  développement  qu'ils  don- 
nent au  sujet  de  méditation,  semblent 
dispenser  de  ce  travail  personnel  :  la 
vérité  à  considérer  se  trouve  exposée, 
expliquée  et  prouvée  longuement  ;  on 
présente  toutes  faites  les  formules  des 
actes  affectifs  qui  doivent  suivre  la 
considération  ;  les  conclusions  prati- 
ques sont  très  détaillées  ;  on  y  trouve 
aussi  les  formules  des  prières  qui  ac- 
compagnent réflexions  et  affections.  Il 
ne  reste,  si  l'on  veut  mettre  à  profit  le 
texte  qui  nous  est  fourni,  qu'à  faire 
siennes  toutes  ces  formules.  On  a  don- 
né à  cette  sorte  de  méditations  le  nom 
de  Lecture  méditée.  Il  ne  nous  appar- 
tient pas  de  dire  quel  genre  est  préfé- 
rable  :  chacun  de  nos  lecteurs  jugera 
que  le  travail  de  réflexion  qu'imposera 
les  premiers,  est  de  la  plus  grande  uti- 
lité ;  mais  tous  les  esprits  n'en  sont  pas 
capables  ;  et  ceux-là  même  qui  en 
pourraient  tirer  un  grand  profit,  feront 
bien  de  recourir  quelquefois  aux  Lec- 
tures méditées,  quand  par  exemple  de 
trop  vives  préoccupations,  ou  une  trop 
grande  fatigue,  ne  leur  permettraient 
pas  une  attention  assez  soutenue,  une 
application  assez  intense. 

Enfin  nous  aurons  à  distinguer  les 
auteurs  qui  suivent  Vordre  logique,  de 
ceux  qui  suivent  l'ordre  chronologique. 
Ceux-ci  assignent  pour  chaque  époque 
liturgique,  ou  même  pour  chaque  jour 
de  l'année,  un  sujet  de  médiation  en 
rapport  avec  les  mystères  ou  fêtes  de  ce 
temps  ou  de  ce  jour  ;  ceux-là  se  confor- 
ment pour  la  suite  de  leurs  médilations, 
à  la  suite  logique  des  vérités  qui  doivent 
nous  sanctifier  en  nous  éloignant  de 
plus  en  plus  du  péché  et  en  nous  unis- 
sant toujours  plus  étroitement  à  Dieu; 
quelques-uns  de  ces  derniers  donnent 
aUssi  des  méditations  spéciales  pour  les 
dimanches  et  principales  fêtes  de 
l'année.    (Exlrail  de  V Ami  du  Clergé.) 


Livres  Endommagées 


Barbier,  (M.  l'abbé). — Cours  d'ins-  j 
TRDCTioNS  PASTORALES.  3  vol.in-8  |2.63 
réduit  à  $1.00. 

^Barthe  et  Fabre,  (les  l'abbés).— 
Catéchisme  du  catéchiste  ou  explica- 
tions raisonnée  de  la  doctrine  chrétien- 
ne. 2  vol.  in-12  $2.00  réduit  à  10.75. 

Berseaux,  (M.  l'abbé). — Liberté  et 
libéralisme  ou  l'état  chrétien.  1  vol. 
in-8  $1.25  réduite  $0.50. 

Bonald  (A.). — Institiones  theolo- 
sic^  ad  usum  seminariorum,  6  vol. 
in-12,  $3.50  réduit  à  $1.00. 

Bouix,  (M.  l'abbé). — Tracta tds  de 
CoNciLio  provinciali.  1  vol.  in-8  $1.75 
réduit  à  $0.50. 

— Tractatus  db  CAPiTULis.l  vol.  in-8 
$1.75  réduit  à  $0.50. 

— Tractatos  de  jure  litdrgico.  1  vol. 
in-8  $1.75  réduit  à  $0.50. 

Couturier  (R.  P.),  S.  J. — Histoire 
DE  l'ancien  testament  rédigée  pour 
l'instruction  et  l'édification  des  fidèles. 
2  vol.  in-8  $2.50  réduit  à  $1.00. 

Capecelatro  (le  Cardinal). — Expo- 
sition de  la  doctrine  catholique. 
2  vol.  in-8  $2.00  réduit  à  $0.75. 

Chevalier,  (M.  l'abbé). — (Conféren- 
ces SUR  LE    SAINT    EVANGILE.     1  VOl  grd 

in-8  $0.90  réduit  à  $0.25. 

Craisson. — Elementa  juriscanoni- 
ci.  2  vol.  in.l2  $1.50  réduit  à  $0.75. 

D'Aoste,  (R.  P.) — Conférences  ec- 
clésiastiques préchées  dans  un  grand 
nombre  de  diocèses  à  propos  des  re- 
traites pastorales.  2  vol.  in-8  $3.00  ré- 
duit à  $1.00. 

De  Rivières,  (l'abbé). — Manuel  de 
LA  SCIENCE  pratique  du  prêtre  dans  le  mi- 
nistère, 1  vol.  in-8  $1.88  réduit  à  $0.75. 

Desorges,  (M.  l'abbé). — Théologia 
UNivERSA  dogmatica  uempe  et  moralis 
auctoribus  P.  Thoma  ex  Chfirmes  et 
Abbate  Desorges.  7  voi.in-12  $5.25  ré- 
duit à  $1.50. 

— L'église  et  les  sociétés  modernes 
1  vol.  in-8  $1.00  réduit  à  $0.25. 

Dubillard  (B.  P.). — Pr^lectiones 
THEOLOGIE  dogmaticBB  ad  methodum 
scholasticam   redactae   quas  habet  in 


seminario  Bisunlino.  4  vol.  in-8  $5.00 
réduit  à  $1.50. 

Falise,  (M.  l'abbé). —  Cérémonial 
romain  et  cours  abrégé  de  liturgie  pra- 
tique. 1  vol.in-8  $1.25  réduit  à  $0.50. 

Gautrelet,  (R.P.)  S.  J.— La  franc- 
maçonnerie  et  la  révolution.  1  fort  vol. 
m-8  $1.88,  réduit  à  $0.50. 

— Le  prêtre  et  l'autel,  méditations 
pour  servir  de  préparation  au  saint  sa- 
crifice de  la  messe.  1  vol.  in-12  $0.88 
réduit  à  $0.25. 

Ginther,  (M.  l'abbé).  —  La  mère 
d'amour  kt  de  douleur  donnée  pour 
mère  â  tous  les  fidèles  par  Jésus-Christ 
mourant  sur  !a  croix.  2  vol.  in-8  $2.50 
réduit  à  $0.75. 

Grosse,  (M.  l'abbé). — Cours  de  r 
ligion  d'après  l'ouvrage  allemand  du 
R.  P.  Wilmers,  S.  J.  6  vol.  in-8,  $10.00 
réduit  à  $2.50. 

Herblot. — Sermons,  5ème  édition, 
3  vol.;in-8  $4.00  réduit  à.$1.25. 

Jouve,  (M.  l'abbé). — La  pieuse  con- 
ganiste  ou  instructions  simples  et  pra- 
tiques à  l'usage  des  associations  en 
l'honneur  de  la  très  sainte  Vierge' 
2  vol.  in-12  $1.88  réduit  à  $0  90. 

Laroche, (M.  l'abb '^) . — Instructions 
sur  les  principales  fêtes  de  Notre  Sei- 
gneur et  de  la  sainte  Vl-'rge.  1  vol.  in-8 
$0.75  réduit  à  $0.25. 

Lavy  (K.  P.) — Conférences  sur  la 
théologie  de  Saint  Thomas  d'Aquin.  2 
vol.  in-12  $1.75  réduit  à  $0.50. 

Le  Canu,  (M.  l'abbé).— Conféren- 
ces de  dogme  et  de  morale.  3  vol.  in-8 
$2.50  réduit  à  $1.00, 

Lesserteuj,  (M.  l'abbé).  —  Saint 
Thomas  et  la  prédestination,  l^vol.  in-8 
$1.25  réduit  à  $0.50. 

Le  Vavasseur,  (R.  P.).— Les  fonc- 
tions pontificales  selon  l'^rit  romain. 
2  vol.  in- 12  $2.00  réduit  à  $0.75. 

Libératore,  (R.P.),  S.  J.— Le  droit 
PUBLIC  de  l'église,  1  vol.  in-8  $1.50 
réduit  à  $0.75. 

Lohner  (R.  P.  Tobie),  S.  J._Ma- 
NUEL  DU  PRÉDICATUUR.  3  vol.  in-12  $1.88 
réduit  à  $0.50. 


128 


LE  PROPAGATELR 


Luche,  (M.  l'abbé).-  Le  catéchis- 
MR  DE  JRoDEz  expliqué  en  forme  de  prô- 
nes. 3  vol.  in-8  $4.00  réduit  à  $1.50. 

Marchand.  (Jacques).— La  ver&e 
FLECRiE  d' AARON,suivie  des  conférences 
ecclésiastiques  et  de  la  tiare  sacrée. 
1  vol.  in-8  $1-50  réduit  à  |0.50. 

— Le  candélabre  mystique  orné  de 
sept  lampes  ou  traité  des  sept  sacre- 
ments. 2  forts  vol.  in-8  $3  réduit  à  $1. 

— Le  jardin  des  pasteurs  des  ames. 
4  forts  vol.  in-8  $6.00  réduit  à  $2.00. 

— Le  rational  des  prédicateurs  de 
l'évangile  ou  Homélies  sur  les  évan- 
giles de  chaque  dimanche  et  des  prin- 
cipales fêtes  de  l'année.  j_ 4  forts  vol. 
in-8  $6.00  réduit  à  $2.00. 

Martin  (M.  l'abbé).— Béatitudes  et 
sujets  rares.  1  vol.  grd  in-8  $1.50  réduit 
à  $0.50. 

— Sermons  historiques  pour  les  di- 
manches et  les  fêtes.  1  vol.  grand  in-8 
$1.50  réduit  à  $0.50. 

Pluot,  (M.  l'abbé). —  Retraite  pas- 
cale. 1  vol.  in-12  $0.88  réduit  à  $0.25. 

Pierret,  (M.  l'abbé). — Conférences 
adressées  aux  mères  chrétiennes.  Les 
devoirs  et  les  vertus  des  épouses.  1  vol. 
in-12  $0.88  réduit  à  $0.30. 

Piller,  (R.  P.)  ■ —  Liturgia  romana 
Manuale  Rituum,  etc,  etc.  1  vol.  in-8 
$1.25,  réduit  à  $0.50. 

Begnaud,  (M-  l'abbé). — L'enchéri- 
DiON  DU  CATÉCHISTE.  Avis,  homélies, 
histoires,  prières,  etc,  etc,  pour  la  pre- 
mière communion.  1  vol.  in-12  $1.00 
réduit  à  $0.25. 

Bomain  (Georges). — La  question 
PROTESTANTE  jigée  par  le  bon  sens  la 
bible  ei  les  faits,  lettres  à  un  protestant 
l  vol.  in-8  $1.50  réduit  à  $0.50. 

Saintrain,  (R.P.). — Le  rédempteur 
sa  préexistence,  son  avènement,  ses 
enseignements,  ses  institutions,  ses 
souffrances  et  ses  gloires  d'après  les 
livres  saints.  1  vol.  in-8  $1.50  réduit  à 
$0.50. 


Sauvé  (Mgr). — Le  pape,  son  autori- 
té suprême  son  magistère  infailhbleet 
le  concile  du  Vatican,  l  vol.  in-8  $1.88 
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Schouppe,  (R.  P.).— Cursus  scrip- 
TnR.«  Sacrae.  2  vol.  in-8  $2  réduit  à  $  l . 

—Cours  abrég4  de  religion  ou  véri- 
té et  beauté  de  la  religion  chrétienne. 
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fêtes  de  toute  l'année,  explication  du 
texte  sous  forme  d'Homélies.  2  vol.  in- 
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— Evangilia  de  communi  sanctqrum, 
etc.  1  vol.  in-8.  (légèrement  mouillé). 
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Sibillat,  (M.  l'abbé). — ^Trésor  his- 
torique de  la  publication,  recueil  spé- 
cial de  nouveaux  traits  d'histoires,  de 
paroles  remarquables,  de  comparaison 
et  d'allégories  choisis  avec  le  plus 
grand  soin.  2  vol.  in-12  $1.50  réduit  à 
$0.50. 

Thiébault  (M.) — Homélies  sur  les 
EVANGILES  dos  dimanches  et  des  princi- 
pales fêtes  de  l'année.  2  vol.  in-8 
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Tilloy  (M.  l'abbé). — Cours  de  con- 
FÉRENCES  religieuses.  2  vol.  in-12  $2.00 
réduit  à  $0.50. 

Vallet,  (M.  l'abbé)  S.  S.— Pr^lkc- 
TioNEs  PHiLosoPHiCiB  ad  meulem  S. 
Thomae  Aquinatis.  2  vol.  in-12  $1.75 
réduit  à  $0.7  5. 

Ventura  (R.  P.)- —  Beautés  de  la 
FOI.  3  vol.  in-8  $4.00  réduit  à  $1.50. 

Virel,  (M.  l'abbé). — Cours  d'instruc- 
tions paroissiales  sur  toutes  les  parties 
de  la  doctrine  chrétienne  et  sermons 
détachés.  2  vol.  in-12  $1.50  réduit  à 
$0.50. 

5  contins  en  plus  par  volume 
pour  en  payer  le  port. 

N-  B.— JLes  livres  annoncé» 
pins  hant.sont  tons  com- 
plets et  1res  pen  endom- 
magés. 


LE    PROPAGATEUR 

Volume   IV,  1er  Mai,  1893,  Numéro  5 

BULLETm 

21  Avril,  1893. 

*,*  On  lit  dans  La  Croix  : 

Les  chrétiens  qui  s'enrôlent  dans  la  ligue  de  l'Ave  Maria  veulent  obtenir  par 
la  prière  et  selon  leurs  moyens  par  l'action  : 

L'indépendance  du  Pape  ; 

La  suppression  des  lois  scolaires  qui  enlèvent  aux  communes  et  aux  familles 
le  droit  de  choisir  les  maîtres  des  écoles  : 

La  suppression  des  lois  mililaires  qui,  par  impiété  et  sous  de  faux  prétextes 
d'amour  de  la  patrie,  envoient  le  prêlre  à  la  caserne  ; 

La  liberté  de  V Eglise  dans  son  culte  et  la  charité,  notamment  aux   hôpitaux  ; 

L'élection  de  députés  catholiques. 

Une  sage  administration  des  deniers  publies  qui  empêche  les  impôts  et  la  runie. 

De  ces  points  seuls  découleront  la  prospérité  morale  et  matérielle  du  pays. 

Les  ligueurs  n'ont  aucune  prière  obhgaioire,  mais  ils  prient  beaucoup. 

Le  premier  article  du  programme  de  la  ligue  de  VAve  Maria  est 
l'indépendance  du  Pape.  Depuis  quelques  mois  des  Vœux  pour 
l'indépendance  du  chef  de  l'église  sont  émis  dans  tous  les  congrès 
catholiques  et  cela  dans  tous  les  pays  du  monde.  Même  en  Autri- 
che^ au  sein  de  la  Triple  AUiance,  dans  toutes  les  classes  de  la  so- 
ciété, même  dans  les  cercles  politiques,  on  se  prononce  hautement 
.et  sans  restriction  en  faveur  de  cette  indépendance  si  nécessaire 
ïpour  que  le  Pape  puisse  remplir  avec  plus  de  facilité  et  d'efficacité 
sa  mission  dans  le  monde. 

D'où  \iendronl  les  secours  qui  délivreront  le  Pape  de  sa  prison  ? 
Quelle  est  la  nation  qui  par  ses  antécédents  est  plus  obligée  que 
toutes  les  autres  à  faire  cet  acte  de  justice  et  de  réparation  ?  C'est 
la  France  cette  noble  nation  à  qui  la  Papauté  doit  surtout  l'éta- 
blissement de  son  pouvoir  temporel  et  son  rétabhssement  lorsque 
les  vicissitudes  politiques  ont  obUgé  les  papes  à  fuir  la  ville  éter- 
nelle. 

La  ligue  de  VAve  Maria  comprend  la  mission  providentielle  de  la 
France,  et  on  dirait  qu'en  inscrivant  l'indépendance  du  Pape  en 
tête  de  son  programme  elle  a  eu  des  pressentiments  prophétiques, 
Et  qui  sait  si  dans  un  avenir  prochain  ces  pressentiments  prophé- 
tiques ne  deviendront  pas  la  réalité,  et  si  l'on  ne  verra  pas  les 
armées  de  France, prenant  encore  une  fois  les  chemins  d'Ita- 
lie  aller  combattre  pour  le  rétablissement  du  pouvoir  tem- 
porel ? 

*/  Depuis  l'abdication  du  roi  Milan  en  faveur  de  son  fils 
Alexandre  premier,  c'est-à-dire  depuis  le  6  mars  lb89,  la  Servie 
était  gouvernée  par  des  régents.  Alexandre  ne  devait  commencer 

9 


130  LE  PROPAGATEUR 


à  gouverner  qu'à  sa  majorité  fixée,  par  la  loi  du  pays,  à  l'âge  de 
18  ans  accomplis.  Il  n'atteindra  cette  majorité  légale  que  le  14 
août  1894,  car  il  est  né  le  14  août  1876  !  Nonobstant  cette  date  re- 
culée Alexandre  vient  de  faire  un  coup  d'état  qui  le  place  dès 
maintenant  à  la  tête  des  affaires.  A  minuit  le  14  avril,  pendant  un 
banquet,  il  a  proclamée  sa  majorité,  déclarant  qu'il  prenait  pos- 
session du  gouvernement,  et  il  a  fait  arrêter  les  régents  et  leurs 
ministres.  Ce  coup  d'état,  préparé  par  les  conseillers  du  roi,  a  été 
fait  avec  la  connivence  de  l'armée. 

Après  le  coup  d'état  le  roi  a  renvoyé  les  ministres  qui  avaient 
été  nommés  par  les  régents,  formé  un  nouveau  cabinet  ayant  M. 
Dokitch  a  sa  tête,  dissous  le  parlement  skouptshma  et  ordonné  de 
nouvelles  élections.  Ces  élections  se  feront  le  30  avril. 

Le  pays  a  accepté  le  nouvel  ordre  de  choses  et  la  paix  n'a  pas 
été  troublée.  Les  régents  ont  été  remis  en  liberté. 

Alexandre  est  le  fils  de  Milan  et  de  la  reine  Nathalie.  Les  chica- 
nes et  le  divorce  de  ces  deux  époux  ont  eu  un  retentissement 
scandaleux  il  y  a  quelques  années.  Ils  se  sont  réconciliés  il  y  a 
quelques  semaines,  et  cette  réconciliation  a  mis  dans  un  grand 
embarras  le  synode  schismatique  qui  avait  prononcé   le  divorce. 

Le  roi  a  une  liste  civile  de  $1,200,000.00.  Les  finances  de  la 
Servie  sont  dans  un  bien  triste  état  et  sa  dette  publique  est  énor- 
me. Elle  entretient  une  armée  de  30,000  hommes. 

*/  A  la  date  du  23  mars  le  comte  de  Paris  a  adressé  aux  pré- 
sidents des  comités  monarchiques  de  France  une  lettre  dans 
laquelle  il  trace  à  ses  partisans  la  ligne  de  conduite  politique 
qu'ils  doivent  suivre  dans  les  circonstances  actuelles.  11  flétrit  les 
menées  sectaires  des  gouvernants  et  les  hontes  du  Panama,  et  il 
déplore  l'état  général  des  affaires  de  la  République.  Il  dit  que  la 
monarchie  seule  peut  donner  à  la  France  un  gouvernement,  fori 
et  stable,  uniquement  préoccupé  du  bien  public,  qui  mettra  un  terme 
au  trouble  moral  dont  elle  souffre,  et  la  préservera  des  troubles  maté- 
riels dont  elle  n'est  peut-être  pas  à  fabri. 

Il  ne  fait  aucune  allusion  à  la  lettre  du  pape,  qui  recommande 
la  franche  acceptation  du  légime  établi  en  travaillant  toutefois  à 
réformer  sa  mauvaise  législation,  mais  il  recommande  à  ses  par- 
tisans de  tendre  la  main  à  tous  les  honnêtes  gens  qui  veulent 
travailler  dans  les  intérêts  de  la  défense  sociale  et  de  la  liberté  reli- 
gieuse. 

Cette  lettre  se  termine  par  les  paroles  suivantes,  qui  doivent 
trouver  un  écho  dans  le  cœur  de  tous  les  vrais  amis  de  la  France, 
à  quelque  parti  qu'ils  appartiennent.  "  Dieu  ne  permettra  pas  que 
la  France  cette  nation  si  glorieuse  et  si  fière,  s'abandonne  et  s'oublie 
dans  un  irrémédiable  affaissement.'" 

te!!  L'été  dernier,  un  autre  prétendant  au  trône  de  France,  don 
Carlos,  de  la  branche  des  Bourbons  d'Espagne,  a  aussi  adressé  un 
manifeste  à  ses  partisans.  Dans  ce  manifeste  il  déclare  donner  son 
adhésion  à  la  politique  du  Souverain  Pontife,  sans  renoncer 
toutefois  expressimeiit  à  ses  droits. 

\ 


LE  PROPAGATEUR  131 


Don  Carlos,  on  le  sait,  se  prétend  l'héritier  légitime  du  comte 
de  Ghambord,  le  clief  de  la  maison  de  France  !  Il  compte  un 
certain  nombre  de  partisans  parmis  les  royalistes  français  (^) 

*/  La  législature  de  la  Colombie  Britannique  a  été  prorogée  le 
12  avril  et  celle  du  Nouveau  Brunswick  a  été  prorogée  le  15. 

L'accord  est  loin  d'être  parfait  dans  la  Colombie  Britannique  et 
elles  est  menacée  de  sécession. 

L'ile  de  Vancouver  formerait  une  province  et  la  terre  ferme  en 
formerait  une  autre. 

Au  Nouveau  Brunswick  les  finances  sont  en  très  mauvais  état, 
et  la  dette  publique  augmente  considérablement  tous  les  ans. 

"^^  Une  nouvelle  association  agricole  a  été  fondée  en  janvier 
dernier.  Elle  se  nomme  Le  syndicat  des  cultivateurs  de  la  province 
de  Québec.  Le  but  de  cette  société  est  de  favoriser  l'agriculture  et 
de  travailler  à  son  amélioration  et  à  ses  progrès. 

Elle  sera,  dit  un  journal,  l'intermédiaire  entn-.  les  cultivateurs  et  les  marchands 
et  fabricants  de  gros  de  tout  oulil  ou  produit  agricole,  les  marchands  de  grains 
et  graines  de  semence,  d'engrais  chimiques  ;  elle  s'occupera  de  trouver  des  mar- 
chés  pour  les  produits  agricoles. 

La  première  assemblée  générale  des  membres  a  eu  lieu  à  Québec 
le  12  avril.  Cette  assemblée  a  procédé  à  l'élection  des  officiers. 
Voici  le  résultat  de  cette  élection  : 

Président  hono'-aire.  Son  Eminence  le  cardinal  Taschereau  ;  président  actif 
Sa  Grandeur  Mgr  Bégin  ;  vice-président,  M.  Robert  Ness,  membre  du  Conseil 
d'agriculture  ;  secrétaire-trésorier,  Dr  J.  A.  Coulure,  D.  M.  V.  ;  directeurs  MjVJ. 
J.  G.  I  hapais,  assist-commissaire  de  rindustrîe-lailière  de  la  Province,  J.  de  L." 
Taché,  R.  Ness,  L.J.  A.  Marsan,  Jos  Girard,  M.  P.P.,  Rév.  M,  Monlminv.  Dr  Qn- 
gnon,  membres   du  conseil   d'agriculture,  0.  E.  Dallaire,  conférencier" agricole. 

Le  Conseil  d'administration  se  compose  de  Sa  Grandeur  Mgr  Bégin,  Mil.  v" 
Chàteauvert,  M.  P.P.  président  de  la  Chambre  de  Commerce,  V.W.  Larue  N.P. 
N.  Garneau,  négociant,  R.  Audet,  de  la  maison  Thibaudeau  &  Frère,  E.  A.  Bar- 
nard,  secrétaire  du  Conseil  d'agriculture,  Dr  J.  A.  Couture,  secrétaire-général. 


*   * 


Sont  élus 


1°  Député  fédéral  de  Middlesex-sud,  Ontario.  M.Robert  Boston- 
libéral.  Il  remplace  M.  James  Armstrong  décédé  le  26  janvier  der- 
nier. M.  Armstrong  appartenait  aussi  au  parti  libéral.  La  division 
électorale  de  Middlesex-sud  a  été  établie  par  l'acte  de  redistribu- 
tion de  1882.  M.  Armstrong  l'a  toujours  représentée.  En  1882  il 
était  élu  par  866  voix  de  majorité,  en  1887  par  414  voix  et  an  1891 
par  624  voix.  Dans  la  dernière  élection  la  majorité  de  M.  Boston  a 
été  de  661  voix. 

(1)  Voir  le  Propagateur,  No  du  15  octobre  1892,  page  481.  II  y  est   queslioa 
du  manifeste  d'un  autre  prétendant  le  prince  Victor  Napoléon. 


132 


LE  PROPAGATEUR 


2°  Député  fédéral  de  la  division  électorale  de  Vaudreuil,  M» 
Henri  Stanislas  Harwood  arpenteur  et  cultivateur.  Il  est  libéral 
et  il  remplace  le  député  conservateur  M.  Hugh  McMillan  dont 
l'élection  a  été  annulée.  La  majorité  de  M.  Harwood  dépasse  200 
voix.  Son  adversaire  était  M  Chevrier,  conservateur. 


*^* 
* 


Sont  décédés. 


\°  Madame  Mackenzie,  veuve  de  l'Hon  Alexander  Mackenzie 
ancien  premier  Ministre  du  Canada. 

2°  Madame  Amédée  Thierry,  veuve  du  célèbre  historien  fran- 
çais. 

3°  Son  Eminence  le  cardinal  Achille  Apolloni,  cardinal-diacre. 
Il  est  né  à  Anagni  le  13  mai  1823.  Il  a  été  créé  cardinal  dans  le 
consistoire  du  24  mai  1889. 

4°  Alfred  Mame,  le  chef  du  célèbre  établissement  d'impri- 
merie et  de  librairie  de  Tours,  en  France.  Il  était  âgé  de  82  aas. 
Il  y  a  dans  ce  pays  une  énorme  quantité  de  livres  publiés  par  la 
librairie  Mame.  Le  seul  nom  de  Mame  était  une  recommandation 
et  ses  livres  étaient  mis  sans  crainte  entre  les  mains  de  la  jeunesse. 

5°  Le  général  d'Anthouard,  doyen  de  l'armée  française  à  l'âge 
de  96  ans.  Il  a  combattu  à  Waterloo  et  il  a  fait  les  campagnes 
d'Espagne  et  d'Afrique. 

G°  Nelson  Lucie r,  député  canadien  français  de  Nashua  à  l'as- 
semblée législative  du  New  Hampshire  Etats  Unis.  Il  n'était  âgé 
que  de  32  ans. 

7o  W.  D.  Ardagh,  juge  de  la  Cour  de  Comté,  de  Winnipeg,  Ma- 
nitoba.  Il  été  frappé  de  mort  subite  dans  la  rue  à  Hoboken  N.  Y. 
Il  venait  de  descendre  du  paquebot  qui  l'avait  ramené  d'Europe. 

8o  Sir  George  Prévost,  à  l'âge  de  91  ans.  Il  était  le  fils  unique 
du  célèbre  Sir  George  Prévost,  cet  homme  juste  qui  fut  gouver- 
neur du  Canada  de  1811  à  1815. 

y°  Manuel  Gonzalez,  ancien  président  du  Mexique  de  1880  à 
1884.  [l  était  gouverneur  de  l'étatdeGuanajuato.  En  considération 
des  services  qu'il  avait  rendus  en  réprimant  les  mouvements  sédi- 
tieux dans  le'  Nord-Ouest  Mexicain,  le  congrès  lui  conféra  le  titre 
de  "  Pacificateur  de  l'Occident  "  Gonzalez  avait  73  ans. 

10°  L'Hon.  John  Roche,  conseiller  législatif  pour  la  division 
de  Stadacona.M.  Roche   était  commerçant  de  bois  et  âgé  de  68  ans. 

Alby. 


Dubillard  (B.  P.). — Pr^lectiones 
THEOLOGIE  dogmalicœ  ad  methodum 
scholasticam  redaclae  quas  habet  in 
fceminario  Bisunlino.  4  vol.  in-8  $5.00 
réduit  à  f  1.50. 


Desorges,  (M.  l'abbé). — Théologia. 
UNivERSA  DOGMATicAnempe  et  moraiis 
auctoribua  P.  Thoma  ex  Charmes  et 
Abbate  Desorges.  7  voi.in-lî  $5.25  ré- 
duit à$>1.50. 


V 


LE  DIABLE  mjl¥  SIECLE 

Il  se  publie  actuellement  en  France  un  livre  du  plus  haut  intérêt 
pour  toutes  les  classes  de  la  société  mais  particulièrement  pour  les 
cla.sses  dirigeantes.  Ce  livre  est  appelé  adonner  la  clef  de  tous  les 
grands  événements  politiques  de  notre  époque,  de  ces  événements 
imprévus,  qui  viennent  a  tout  moment  dérouter  les  calculs  des 
puissants  et  des  hommes  d'Etat.  Cet  ouvrage  à  pour  litre  Le 
Diable  au  XIXe  siècle  ;  jamais  titre  na^plus  été  approprié  a  un 
livre.  C'est  l'histoire  de  l'action  de  Satan  sur  le  monde  actuel  par 
le  moyen  des  sociétés  secrètes.  Rien  de  semblable  n'a  encore  été 
écrit  jusqu'ici  sur  le  rôle  que  joue  la  franc-maçonnerie,  sous  l'ins- 
piration de  Lucifer  et  de  ses  légions  lancées  contre  l'éghse  de 
Jésus-Christ. 

Il  est  très  probable  que  tous  les  chefs  des  loges  maçonniques 
vont  faire  leur  possible  pour  empêcher  la  circulation  de  ce  livre 
et  sa  diffusion  dans  la  société  parce  que  les  révélations  qui  y  sont 
faites  sont  des  coups  de  massue  sur  cette  infernale  association.  Ce 
sera  donc  œuvre  de  bon  catholique  et  de  fils  dévoué  de  l'église 
que  de  chercher  à  le  faire  connaître.  Déjà  à  Montréal  plus  de 
cent  personnes  l'ont  demandé.  Les  quelques  exemplaires  reçus 
chez  Cadieux  et  Derome  se  sont  vendus  immédiatement.  J'ai  eu 
l'avantage  de  m'en  procurer  un  et  je  déclare  que  jamais  livre  ne 
m'a  plus  intéressé. 

L'auteur  de  l'ouvrage  est  le  Dr  Bataille  de  Paris.  Cet  homme  placé 
dans  des  circonstances  exceptionnelles  a  pu  pénétrer  jusqu'au  fond 
des  loges  les  plus  ténébreuses  et  saisir  les  mystères  de  leurs  arcanes. 

Jeune  médecin  employé  dans  la  marine  française,  il  conçut  un 
jour  l'idée  de  se  vouer  à  la  mission  extraordinaire  de  pénétrer  dans 
les  secrets  des  arrières  loges  maçonniques.  Chose  extrêmement 
difficile  et  dangereuse.  Ayant  fait  part  de  ce  projet  à  un  religieux 
il  n'en  fut  pas  détourné.  Dieu  pour  le  bien  de  la  religion  semble 
l'avoir  protégé  miraculeusement.  Après  douze  années  de  persévé- 
rance le  Dr  Bataille  amis  la  main  sur  tous  les  documents  les  plus 
authentiques  du  but  poursuivi  par  la  Franc-Maçonnerie  et  c'est  ce 
but  inavoué  qu'il  fait  connaître  dans  son  livre. 

Ce  livre  écrit  dans  un  style  charmant  est  tout  palpitant  d'intérêt . 
Il  nous  décrit  des  scènes  qui  font  frémir  d'horreur.  Le  aernier  mot 
des  arrières  loges  c'est  le  culte  de  Satan  et  la  Franc-Maçonnerie 
est  l'église  de  Lucifer  préparant  le  règne  de  VAiite-Christ. 

G.  DuGAS,  prêtre. 


LE   DIABLE 

^^U    XIXe    SIECLE 

^  OU  LES  MYSTERES  DU  SPIEITISME 
MAGNÉTISME  OCCULTE,  CABALE  MODERNE 

MAGIE  DE    LA    ROSE -CROIX 

PALLADIUM  E.\  N/.,  THEURSIE  0PTIMAT3,  PRATIQUES  SATANIQUES  ,etc„ 

RÉCITS  D'UN  TÉMOIN 

Par  le  Docteur  BATAir<L.I] 

Parait  une  livrasion  chaque  mois  de  80  pages  in-4,  illustrées, 

Six  Iwraisons  sont  en  vente.  V ouvrage  en  contiendra  environ  douze. 

Prix  pour  chaque  livraison     ...      25  centiuN 


AVANT-PROPOS 
Coulideuces  d'un   Occultiste 

Médecin  de  la  Compagnie  des  Messageries  Maritimes,  sur  les 
paquebots  de  laquelle  j'ai  fait  la  plus  grande  partie  de  ma  carrière 
et  passé  tout  au  moins  ma  vie  entière  d'âge  mûr,  je  me  trouvais 
en  18'>Û  sur  la  ligne  de  Marseille  au  Japon. 

Le  lecteur  connaît  ces  admirables  œuvres  de  l'industrie  mari- 
time française,  ces  bateaux  qui  ne  mesurent  pas  moins  de  152 
mètres  de  long  sur  14  et  même  1 5  mètres  de  large,  et  dans  lesquels 
rien  ne  manque  au  point  de  vue  du  confort  et  de  la  sécurité  des 
passagers.  Ce  sont  de  véritables  hôtels  flottants,  de  colossale  di- 
mension, possédant  toutes  les  commodités  des  hôtels  ordinaires 
de  terre,  et  à  bord  desquels  on  se  doute  souvent  à  peine  que  l'on 
navigue  en  plein  Océan,  tant  leur  stabilité  est  grande  et  tant  leurs- 
mouvements  sont  doux. 

Cette  courte  description  permet  de  comprendre  l'affluence  vrai- 
ment extraordinaire  des  passagers  de  tous  pays  et  de  toute  sorte 
qui  s'y  rencontrent,  s'y  coudoient,  s'y  connaissent  aujourd'hui, 
aux  hasards  d'une  traversée,  ou  s'y  oublient  demain  dès  le  débar- 
quement, au  terme  du  voyage. 

Soldats  allant  au  Tonquin  pour  la  conquête  de  la  terre  et  des 
corps,  missionnaires  les  précédant  ou  les  suivant  pour  la  conquête 
d'âmes  à  Dieu,  fonctionnaires  de  toute  sorte,  gens  de  toute  natio- 
nalité, tels  sont  les  passagers  irréguliers  et  intermittents  de  cette 
ligne,  qui  passent  une  fois  et  ne  reviennent  guère.  Mais,  par  contre,, 
il  en  est  d'autres  que  l'on  revoit  périodiquement,  que  l'on  retrouve 
toujours  les  mêmes,  et  avec  lesquels  à  la  longue  une  sorte  d'inti- 
mité s'établit. 


LE  PROPAGATEUR  135 


Ceux-ci,  le  maître-d'hôtel,  qui  les  reçoit  à  leur  arrivée  à  bord, 
les  reconnaît  et  les  salue  d'un  signe  de  tête  respectueusement 
familier  ;  à  peine  installés,  ils  vont  tout  de  suite  rendre  un  bout 
de  visite  aux  officiers  qu'ils  connaissent,  au  docteur  plus  particu- 
lièrement, que  sa  spécialité  et  la  liberté  dont  il  jouit  mettent 
encore  plus  en  rapport  avec  eux.  De  ce  nombre,  sont  les  gros 
acheteurs  de  bibelots  d'Extrême-Orient,  et  surtout  les  graineurs, 
voyageurs  et  représentants  des  grandes  maisons  de  soie,  des  gran- 
des filatures  d'Italie,  qui,  toutes  les  années,  aux  mêmes  époques, 
montent  au  Japon  acheter  pour  le  compte  de  leurs  m.aisons  les 
graines  ou  oeufs  de  vers  à  soie,  ainsi  nommées  à  cause  de  leur 
aspect,  et  qu'ils  rapportent,  soigneusement  collées  sur  des  cartons 
étages  les  uns  sur  les  autres,  au  moyen  de  supports  qui  les  sé- 
parent dans  les  grandes  caisses  arrimées  aussi  avec  le  plus  grand 
soin.  Ces  graineurs  et  leur  chargement  constituent  une  riche  cli- 
entèle pour  la  Compagnie,  dont  ils  sont  en  quelque  sorte  les 
habitués  réguliers. 

Une  rapide  énumération  des  escales  par  lesquelles  le  Courrier 
de  Chine  passe  et  auxquelles  il  s'arrête,  et  le  lecteur  aura  toutes  les 
données  nécessaires  pour  comprendre  l'important  récit  qui  suivra. 

Partant  de  Marseille,  le  paquebot  s'arrête,  ou  du  moins  s'arrê- 
tait à  l'époque,  à  Naples,  Port-Saïd,  Suez,  Adeu,  Pointe  de-Galle  ; 
là,  il  trouve  une  annexe  qui  prend  ses  marchandises  et  ses  passa- 
gers à  destination  de  Pondichéry,  Madras  et  Calcutta  ;  puis,  il 
continue  sa  traversée  pour  Singapore,  passant  près  de  l'archipel 
de  Java,  les  Célèbes,  les  Moluques,  pour  s'arrêter  à  Saigon  et 
suivre  pour  Hong-Kong,  Shang'-Haïet  par  annexe  encore  de  Hong- 
Kong  à  Yokohama. 

Or  donc,  j'étais  à  ce  moment  le  médecin  de  VAnadyr^  un  des 
beaux  spécimens  de  la  flotte  de  la  Compagnie  ;  le  paquebot  rentrait 
de  Chine  en  pleine  mousson  de  Surouâ,  c'est-à-dire  en  juin.  Nous 
étions  arrivés  le  matin  à  Pointe-de-Galle,  au  sud  de  l'île  de  Ceylan, 
cette  admirable  partie  de  l'Inde  où  la  tradition  orientale  place  le 
paradis  terrestre,  dont,  par  lenr  faute,  pour  avoir  suivi  la  mauvaise 
inspiration  du  démon,  nos  premiers  parents,  Adam  et  Eve,  furent 
chassés  (1). 

(1)  En  réalité,  remplacement  du  Paradis  terrestre  est  resté  en  discussion.  La 
Genèse  (chap.  ii,  v.  10-14),  rapporte  qu'il  était  arrosé  par  quatre  fleuves  :  le 
Physon  (Oyras),  le  Géhon  (A.,  axe),  l'Euprate  et  le  Tigre.  La  plupart  des  Orien- 
taux le  placent  dans  l'ile  de  Ceylan.  si  merveilleuse  comme  nature,  aujourd'hui 
encore  un  des  plus  beaux  pays  du  globe.  Quelques  auteurs  l'ont  cherché  dans 
la  Palestine.  Hupt  dit  au'il  était  situé  dans  la  région  où  se  joignent  1*^  Tigre  et 
l'Euphrate,  près  du  golphe  Persique.  EnQn,  un  grand  nombre  de  théologiens 
pensent  que  son  emplacement  se  trouvait  dans  la  région  où  naissent  ces  deux 
fleuves  en  Arménie,  près  du  mont  Ararat.  ~  L'origine  de  la  tradition  orientale 
paraît  être  l'existence  du  fameux  Pic  d'Adam,  haute  montagne  de  l'ile  de  Ceylan, 
pic  qui  a  2,262  mètres  d'altitude,  et  où  l'on  voit,  sur  une  pierre,  au  sommet,  une 
trace  de  pied  gigantesque,  que  les  Cynghalais  ont  de  tout  temps  attribuée  au 
premier  homme.  Il  est  bon  d'ajouter  que  les  Indiens  disent,  de  leur  côté,  que 
celte  tiace  provient  de  Bouddha,  qui,  après  ses  métamorphoses,  s'envola  de  là 
pour  aller  au  ciel.  Quand  aux  rares  chrétiens  du  pays,  ils  croient  que  cette 
empreinte  a  été  laissée  pir  saint  Thomas.  Le  Pic  Adam,  très  vénéré,  se  trouva 
ainsi  être  un  lieu  de  pèlerinage  pour  trois  religions. 


136  LE  PROPAGATEUR 

Paresseusement  étendu  sur  ma  chaise  longue,  à  l'arrière  du 
paquebot,  je  songeais  précisément  à  toutes  ces  curieuses  phases 
de  l'histoire  de  l'humanité  primitive,  avec  ses  catastrophes,  ses 
événements  étranges,  surnaturels, —  témoins  peut-être,  pensais-je, 
de  la  lutte  entre  l'archange,  chef  des  milices  de  Dieu,  et  l'esprit 
du  mal, —  lorsque  je  vis  s'approcher  de  moi  le  premier  maître 
d'hôtel,  sa  casquette  à  la  main,  qui  me  dit  : 

—  Docteur,  les  passagers  de  Galle  montent  à  bord. 

Je  dirai,  entre  parenthèses,  que,  à  toutes  les  escales,  le  docteur, 
sans  en  avoir  l'air,  inspecte  un  à  un  les  nouveaux  passagers,  afm  de 
signaler  au  commandant  ceux  qu'il  reconnaît  à  première  vue  trop 
malades  pour  supporter  la  traversée,  de  telle  sorte  que,  d'accord 
avec  l'agent,  le  commandant  puisse  s'opposer  à  leur  embarquement. 

Au  moment  même  où  le  maître  d'hôtel  me  parlait,  et  alors  que 
j'allais  me  lever,  je  me  sentis  frapper  par  derrière,  sur  l'épaule, 
un  petit  coup  familier. 

Je  me  retournai,  et  comme  je  ne  reconnaissais  pas  tout  de  suite 
l'homme,  il  s'en  aperçut,  et,  avec  une  légère  contraction  de  con- 
trariété du  sourcil,  rapide,  mais  que  je  remarquai  néanmoins,  se 
nomma  : 

—  Gaétan 0  Garbuccia. 

Tout  aussitôt,  la  mémoire  me  revint. 

—  Eh  !  fis  je,  excusez-moi,  je  vous  en  prie,  mon  cher  monsieur 
Garbuccia  ;  mais  je  ne  vous  remettais  pas... 

—  Ah  !  c'est  que  j'ai,  en  effet,  bien  changé  depuis  la  saison  der- 
nière, reprit-il. 

Et  sur  sa  figure  passa  instantanément  comme  le  reflet  d'une 
immense  douleur  profondément  coaitenue. 

—  Mais  non,  mais  non,  fis-je  avec  cette  bonhomie  un  peu  vague 
et  amicale  du  médecin  qui  cherche  quand  même  à  rassurer 
d'abord  tout  le  monde. 

En  vériié,  mon  homme  était,  ma  foi,  horriblement  changé  ;  et 
j'avoue  que,  s'il  ne  m'avait  pas  dit  son  nom,  je  ne  l'eusse  certaine- 
ment pas  reconnu.  Je  le  regardais,  silencieux,  me  rappelant  main- 
tenant ce  gaillard  grajid  et  solide,  cette  manière  d'hercule,  aux 
traits  vigoureux,  aux  yeux  et  à  la  chevelure  noirs,  avec  son  nez 
busqué  d'un  audacieux  dessin  et  sa  grande  bouche,  l'homme  aux 
cravates  rouges  enfin  ei  aux  gilets  bleus,  aux  pantalons  à  pied 
d'éléphant,  aux  monstrueuses  breloques;  le  véritable  Italien  de 
corps  et  de  costume  que  j'avais  connu  quelques  voyages  aupa- 
ravant etqui  m'avait  donné,  je  me  le  rappelais  bien  à  présent,  tant 
de  tintouin,  au  cours  de  la  dernière  traversée  qu'il  avait  faite 
avec  moi. 

Tous  les  malheurs  lui  étaient  arrivés,  en  effet,  comme  par  un 
hasard  inexplicable.  Il  avait  eu,  d'abord,  une  violente  attaque  de 
coliques  néphrétiques  ou  coliques  de  miserere,  qui  l'avait  tenu 
huit  jours  couché  dans  sa  cabine,  en  proie  à  d'épouvantables  dou- 
leurs ;  puis,  le  jour  niême  de  sa  première  montée  sur  le  pont,  une 
poulie,  chose  qui  n'arrive  jamais,  lui  était  tombée  sur  l'épaule,  et 
il  avait  fallu  vraiment  sa  force  et  sa  résistance  extraordinaire  pour 


LE  PROPAGATEUR  137 


qu'elle  ne  la  lui  eût  pas  brisée  ;  enfin,  un  soir,  en  descendant  en 
cuFieux  visiter  la  machine,  il  avait  dégringolé  tout  de  son  long, 
dans  la  cage  de  fer,  d'où  on  l'avait  relevé  avec  je  ne  sais  plus 
combien  de  contusions  :  c'était  vraiment,  on  l'avouera,  jouer  de 
malheur.  Et,  pendant  que  rapidement  devant  moi  défilaient  ces 
souvenirs,  je  voyais,  devant  moi  aussi,  l'ancien  hercule,  mainte- 
nant amaigri,  dèjeté,  blanchi,  presque  un  vieillard,  l'aspect  mé- 
lancolique et  douloureux,  la  voix  blanche  et  tremblée,  contrastant 
singulièrement  avec  l'ancien  clairon  qu'il  possédait  dans  le  larynx, 
avec  lequel  il  riait  si  fort,  sacrant  et  jurant  à  pleine  voix,  à  s'en 
boucher  les  oreilles,  et  à  s'enfuir  d'épouvante  et  de  scandale. 

Quelques  mois  avaient  sufB,  et  le  joyeux  drille  était  devenu 
un  squelette.  Que  pouvait-il  s'être  passé,  pour  amener  un  tel 
changement  ?  j'en  demeurais  abasourdi. ..Et  lui,  dans  ces  rapides 
moments,  me  regardait  aussi,  me  disant  enfin  : 

—  Ah  !  mon  bon  docteur,  vous  n'êtes  pas  changé,  vous  !  et  du 
plus  loin  que  je  vous  ai  aperçu,  à  plus  de  cent  mètres  du  bord, 
je  vous  ai  tout  de  suite  reconnu.  Gela  m'a  fait  plaisir  ;  je  vous 
dois  tant  de  reconnaissance  ;  et  qui  sait  ?  c'est  peut-être  la  Pro- 
vidence qui  vous  met  encore  une  fois  sur  mon  chemin  !... 

Il  hésitait  en  disant  ces  dernières  paroles,  qui  semblaient  sortir 
péniblement  et  comme  en  un  gros  effort. 

J'avoue  que  véritablement  j'étais  intrigué,  et  je  ressentais  en 
moi  un  sentiment  que  je  m'explique  moi-même  difficilement, 
sentiment  fait  de  commisération  plus  grande  peut-être  que  d'ha- 
bitude, et  d'une  curiosité  qui  s'allumait  et  me  surprenait,  moi  en 
général  assez  indifférent  et  blasé  par  profession. 

—  Mais,  au  fait,  lui  dis-je,  expliquez  moi  donc  comment  il  se 
fait  que  je  vous  trouve  cette  fois  venant  de  Calcutta  ?  Vous  n'ap- 
partenez donc  plus  à  la  grande  compagnie  de  soie  VAratria  ? 

Ce  détail  me  revenait,  en  efi"et,  tout  à  coup  à  la  mémoire.  Les 
graineurs  de  vers-à-soie  n'ont  aucune  raison  pour  se  détourner 
de  leur  route,  transborder,  et  aller  à  Calcutta,  où  ils  n'ont  rien 
à  faire. 

—  Ah  1  me  répondit-il  en  soupirant,  tandis  que  son  œil  fi.xé  sur 
le  pont,  mélancolique,  semblait  perdu  dans  ses  réfiexions  ;  ah  ! 
vous  ne  savez  donc  pas,  docteur  ?...Ah  !  que  d'ennuis,  que  de 
chagrins  depuis  la  saison  dernière  !... 

Et,  comme  je  paraissais  étonné  : 

—  Oui,  continua-t-il,  ce  sont  ces  maudits  Japonais,  qui,  malicieux 
comme  des  singes,  ont  eu  l'idée  de  se  passer  d'abord  de  notre 
intermédiaire  et  même  ensuite  de  celui  de  nos  maisons.  Depuis 
longtemps  déjà,  ils  sont  venus  eux-mêmes  offrir  et  vendre  leurs 
marchandises,  leurs  graines,  qu'ils  apportaient,  se  faisant  ainsi 
directement  courtiers-graineurs,  et  cela,  bien  entendu,  vous  le  com- 
prenez, au  détriment  de  votre  serviteur  et  Je  ses  collègues.  Du 
coup,  nous  avons  presque  tous  perdu  nos  situations  acquises  par 
vingt  années  de  travail,  et  moi,  dans  cette  affaire,  j'ai  été  plus 
particulièrement  touché.  Ma  compagnie  m'avait  conservé,  bien 
entendu  avec  une  grosse  diminution  d'appointements  ;  mais  cela 


138  LE  PROPAGATEUR 


allait  encore,  parce  que,  profitant  des  bonnes  années  j'avais  su  éco- 
nomiser et  laisser  dans  la  maison  une  centaine  de  mille  francs,  dont 
elle  me  servait  un  bon  intérêt.  Patatrac  !  voilà  que  tout  à  coup 
mes  Japonais  se  mettent  à  faire  concurrence  directe  à  nos  patrons, 
à  nos  compagnies  ;  ils  viennent  établir,  en  Italie  môme,  des  mai- 
sons concurrentes,  et  assassinent  le  marché  par  des  rabais  extra- 
ordinaires... Là-dessus,  c'était  fatal,  en  deux  saisons,  faillite  sur 
faillite  ;  les  unes  après  les  autres,  les  compagnies  italiennes  fer- 
ment leurs  comptoirs,  suspendent  leurs  paiements,  et,  du  jour  au 
lendemain,  je  me  trouve  pris  dans  la  faillite  de  VAralria^  qui  laisse 
un  passif  énorme,  cinquante  à  soixa-nte  millions. ..Ruiné,  docteur  ! 
ruiné  du  jour  au  lendemain,  je  le  répète,  et  obligé,  à  quarante- 
cinq  ans,  de  recommencer  toute  ma  vie  ! 

Et,  en  racontant,  Garbuccia  secouait  la  tête  lamentablement, 
courbant  les  épaules,  comme  si  un  poids  considérable  eût  pesé 
sur  elles. 

—  Alors,  continua-t-il,  j'ai  du  me  débrouiller  comme  j'ai  pu,  et 
je  suis  entré  dans  une  maison  de  bibelots. ..Je  voyage  maintenant 
dans  l'Inde  pour  y  chercher  les  étoffes,  les  cuivres,  en  un  mot^ 
les  différentes  curiosités  du  pays.. .Mais  cela  ne  va  pas  ;  on  ne  dé- 
couvre plus  rien,  tout  est  vieux,  connu,  archiconnu  ;  et  j'ai  grand' 
peur  de  trouver,  en  rentrant,  ma  nouvelle  maison  en  liquidation 
aussi.  Alors,  ce  sera  encore  une  fois  à  recommencer... 

A  ce  point  de  son  récit,  Garbuccia  s'arrêta,  hésitant  ;  il  semblait 
qu'il  avait  encore  quelque  chose  à  dire,  mais  qu'il  se  demandait 
s'il  ne  devait  point  plutôt  en  rester  là... 

Je  comprenais  maintenant  les  changements  physiques  survenus 
chez  Garbuccia.  Cet  homme,  que  je  connaissais  matériel  avant 
tout,  jouisseur,  si  on  peut  se  servir  de  ce  terme,  s'était  écroulé 
lorsque  le  côté  matériel  de  la  vie,  "l'argent,  lui  avait  fait  défaut  ; 
n'ayant  ni  famille,  ni  femme,  ni  enfants,  ni  affection  quelconque, 
il  errait  à  présent  comme  une  âme  en  peine,  et  voyait  la  misère 
peut-être,  l'horrible  misère,  approcher  pour  saisir  le  vieillard.  Et 
voilà,  pensais-je,  à  quelle  situation  aboutit  la  vie,  lorsque  l'on  ou- 
blie l'âme  pour  ne  penser  qu'au  corps. ..J'avoue  que  j'étais,  sinon 
ému,  du  moins  saisi  du  spectacle  de  cet  écroulement. 

—  Ah  !  mon  cher  monsieur  Garbuccia,  lui  dis-je,  je  vous  plains 
bien  sincèrement,  et  de  tout  mon  cœur... 

—  Je  le  sais,  docteur,  interrompit-il,;  et  si  je  me  suis  laissé  aller 
ainsi  devant  vous,  c'est  que  vous  me  connaissez  bien,  c'est  que 
vous  m'avez  si  bien  soigné,  et  que  j'ai  pour  vous,  croyez-le  bien, 
une  très  grande  estime  et  une  très  grande  sympathie. 

—  Je  comprends  maintenant,  repris-je,  que  vous  avez  un  peu 
changé  ;  il  y  a  en  effet,  de  quoi  bouleverser  un  homme  ;  perdre 
comme  cela  d'un  coup  et  fortune  et  situation,  c'est  dur  !... 

—  Ah  !  interrompit-il  encore  une  fois,  mais  à  demi-voix,  et  ea 
regardant  tout  autour  de  lui  de  peur  que  quelqu'un  n'entendit... 
Ah  !...s'il  n'y  avait  que  cela  !... 

—  Mais  qu'y  a-t-il  donc  encore,  monsieur  Garbuccia  ? 
Vraiment,  je  ne  comprenais  plus. 


LE  PROPAGATEUR  139 


Il  fit  un  violent  effort,  releva  la  tête,  passa  sa  main  sur  son  front 
comme  pour  en  chasser  les  idées  noires  qui  l'obsédaient  ;  puis  il 
balbutia  : 

—  Non,  je  n'ai'rien  dit,  je  me  suis  trompé...  Pardonnez-moi, 
docteur,  je  rêvais... D'ailleurs,  fit-il  plus  lentement  et  comme  re- 
pris de  la  pensée  qui  le  hantait  ;  d'ailleurs,  vous  ne  comprendriez 
pas  !... 

Ace  moment,  notre  conversation  fut  interrompue  ;  des  gens 
allaient  et  venaient  sur  le  pont  ;  je  quittai  donc  mon  homme  pour 
aller  inspecter  mes  passagers,  en  lui  disant  : 

—  A  ce  soir,  monsieur  Garbuccia,  à  ce  soir. 

h'Anadyr  devait  précisément  partir  le  soir  même,  tard,  dès  que 
l'on  aurait  fait  le  charbon.  Un  instant  encore,  je  pensai  à  Garbuc- 
cia, en  le  regardant  descendre,  voûté,  par  l'échelle  des  premières. 
Puis,  je  repris,  comme  d'habitude,  le  cours  de  mes  occupations. 

L'embirquement  du  charbon,  la  nuit,  à  bord  d'un  paquebot, 
est  un  tableau  curieux,  mais  sale  et  bruyant.  Une  poussière  abo- 
minable et  noire,  qui  pénètre,  tant  elle  est  fine,  jusque  dans  les 
tiroirs  des  meubles,  se  répand  dans  toute  l'atmosphè'e,  pendant 
que  le  bruit  du  charbon  qui  tombe  dans  les  soutes  résonne  sans 
discontinuer,  faisant  en  quelque  sorte  vibrer  tout  entier  le  biteau 
en  fer.  Cela  est  parfois  insupportable,  insoutenable,  suri  ont  dans 
ces  parages  de  l'Inde  où  il  fait  une  chaleur  humide  constante  et 
où  la  quantité  d'électricité  répandue  dans  l'air  vous  énerve  déjà 
à  votre  insu.  Il  y  a  là  de  quoi  rendre  malade  et  surexciter  les  nerfs 
de  bien  des  gens,  pour  peu  qu'ils  soient  un  peu  prédisposés.  Heu- 
reusement, cela  ne  dure  que  quelques  heures.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  nuit  du  charbon  est  une  nuit  perdue  pour  le  sommeil. 

La  fin  de  la  journée  s'était  écoulée  monotone  ;  peu  de  passagers 
avaient  paru  au  dîner  du  soir,  et  je  n'avais  plus  revu  mon  Gar- 
buccia. Vers  les  huit  heures,  les  mahonnes,  bateaux  à  charbons, 
avaient  accosté  le  bord,  et  l'embarquement  avait  commencé.  Moi, 
pour  échapper  autant  que  possible  à  la  poussière,  je  me  réfugiais 
en  ces  occasions  sur  la  passerelle,  qui  est  en  général  élevée  au- 
dessus  du  pont,  où  l'on  a  plus  d'air  que  sous  les  tentes  de  l'arrière, 
et  où  l'on  a  de  plus  le  grand  avantage  d'être  seul,  et  de  pouvoir  s'é- 
tendre à  sa  guise  dans  son  fauteuil. 

J'étais  donc  sur  la  passerelle  ;  il  pouvait  être  environ  onze 
heures,  et  je  rêvais  éveillé,  essayant,  au  milieu  du  bruit  affreux, 
de  faire  comme  tous  les  soirs  la  récapitulation  mentale  des  faits 
de  ma  journée.  Justement,  j'en  arrivais  à  l'incident  Garbuccia, 
lorsque  mon  infirmier  parut  en  haut  de  l'échelle,  me  disant  : 

—  Docteur,  un  passager  vous  demande  ;  il  m'a  dit  de  vous  don- 
ner son  nom,  M.  Cnrhuccia,  que  vous  connaissez,  prétend-il... 

Je  fis  un  haut  le-corps  dans  mon  fauteuil  ;  la  bizarrerie  de  la 
coïncidence  me  frappa.  Décidément,  pensai-je,  ce  Garbuccia  me 
hanta  aujourd'hui  d'une  façon  singulière. 

—  Bien,  fis-je  à  l'infirmier,  j'y  vais. 

On  a  beau  faire  et  beau  dire,  il  y  a  des  choses  qui  doivent  arri- 
ver. En  vertu  de  quelle  loi,  de  quelle  volonté  de  la  Providence  T 


140  LE  PROPAGATEUR 


Cela  est  difûcile  à  comprendre  et  à  déterminer.  Mais,  vraiment, 
j^étais  pour  l'instant,  à  mille  lieues  de  me  douter  de  ce  que  j'allais 
apprendre  et  des  conséquences  qui  allaient  en  résulter  pour  moi. 

Je  me  levai  et  descendis  sur  le  pont  et  de  là  dans  la  batterie,  où 
mon  infirmier  m'attendait  pour  m'indiquer  le  numéro  de  la  ca- 
bine occupée  par  le  passager  malade  :  le  numéro  27-28.  Je  m'y 
rendis  immédiatement. 

Carbuccia  était  assis  sur  la  couchette  supérieure  ;  car  les  cabi- 
nes de  première  classe  contiennent  deux  couchettes  seulement, 
superposées  l'une  sur  l'autre.  Il  faisait  dans  la  cabine  une  chaleur 
insupportable,  le  sabord  étant  fermé  à  cause  de  la  poussière  ;  on 
embarquait  justement  le  charbon  de  ce  côté-là,  et  la  roulée  des 
morceaux  contre  la  tête  des  manches  de  descente  dans  les  soutes 
laissait  entendre  une  musique  enragée.  Carbuccia  se  tenait  la 
tête  des  deux  mains. 

—  Ah  !  béni  soyez-vous,  docteur  1  s'écria-t-il  du  plus  loin  qu'il 
m'aperçut  ;  venez  à  mon  secours,  ma  tête  éclate,  je  suis  horrible- 
ment énervé... 

Et  tout  à  coup  il  se  mit  à  fondre  en  larmes. 

—  Voyons,  voyons  monsieur  Carbuccia,  fls-je  ;  vous  savez  bien 
que  c'est  le  charbon,  et  puis  l'électricité  de  l'air  ;  cela  fait  tou- 
jours cet  etfet  là.  Dans  une  heure,  tout  sera  termmé,  nous  serons 
à  la  mer,  on  respirera. 

Mais  lui  ne  m'écoutait  pas  ;  il  pleurait  de  plus  belle,  répétant  : 
— ^^Que  je  suis  donc  malheureux  !  que  je  suis  donc  malheureux  1 
Décidément,  il  y  avait  chez  mon  Italien  quelque  chose  de  grave 

sous  roche  et  autre  chose  encore  que  ce  qu'il  m'avait  dit.    Je  me 

demandai  rapidement  : 

—  Dois-je  comme  médecin  chercher  à  savoir,  aller  plus  loin, 
provoquer  des  confidences  ?  ou  faut-il  simplement  passer  outre, 
ordonner  un  calmant  quelconque,  et  ne  plus  m'occuper  que  du 
malade  et  non  de  l'homme  ?...Baste,  pensai-je,  dans  quelques 
jours,  il  débarquera,  et  qui  sait  si,  étant  donné  l'état  dans  lequel 
il  me  parait,  je  le  reverrai  jamais  ?... 

On  eût  dit  qu'il  devinait  ce  que  je  roulais  dans  ma  tête  ;  car, 
brusquement,  il  sauta  en  bas  de  sa  couchette,  vint  à  moi,  et,  me 
serrant  les  mains  dans  les  siennes  que  je  sentis  brûlantes  : 

—  Docteur,  docteur,  balbutia-t-il,  ne  m'abandonnez  pas!... 
Vous  avez  toujours  été  bon  pour  moi,  je  n'ai  que  vous  à  qui  je 
puisse  me  confier  dans  la  situation  où  je  me  trouve  ;  je  vous  dirai 
tout,  mon  cœur  déborde,  j'ai  besoin  de  parler,  de  m'épancher,  de 
dépeindre  à  quelqu'un  toute  l'horreur  de  ma  situation. ..Voilà 
huit  jours  que  je  me  consume  à  petit  feu,  que  je  me  dévore  ;  je 
sens  que,  si  je  ne  parle  pas,  je  deviendrai  fou... 

Et  il  m'embrassait  les  mains,  qu'il  inondait  de  ses  larmes. 

—  Voyons,  voyons,  monsieur  Carbuccia,  dis  je  alors  ;  voyons, 
voyons,  calmez-vous.. .Tenez,  voulez-vous  ?  montez  avec  moi  sur 
la  passerelle  ;  nous  y  serons  bien  seuls,  bien  à  notre  aise  ;  le  grand 
air  dissipera  votre  mal  de  tête,  et  vous  serez  plus  calme  pour  causer. 

Certes,  je  commençais  à  être  sérieusement  inirigaé  j  je  ne  sais 


LE  PROPAGATEUR  141 


quel  instinct  secret  me  poussait  aussi' à  écouter  cet  honame  et  me 
disait  que  de  cette  conversation  sortirait  pour  moi  quelque  chose 
d'inattendu  et  de  grave  importance. 

Nous  montâmes  sur  le  pont  et  de  là  sur  la  passerelle,  lui  me 
suivant,  la  tête  penchée,  comme  abîmé  dans  ses  reflections.  Ar- 
rivé là,  je  le  priai  de  s'asseoir  à  côté  de  moi  sur  ma  chaise  longue, 
qui  nous  servait  de  canapé. 

—  Et  maintenant,  lui  dis-je,  que  nous  sommes  seuls,  monsieur 
Garbuccia,  racontez-moi,  librement,  tout  ce  que  vous  voudrez  ; 
cela  vous  soulagera,  cela  vous  fera  du  bien  ;  d'ici  là,  le  charbon 
sera  terminé,  et  vous  irez  vous  coucher  bien  tranquillement. 

Il  eut  comme  un  frémissement,  un  frisson  général  de  tout  l'être  ; 
puis,  me  regardant  bien  en  face,  il  me  dit  à  brûle-pour-point  : 

—  Aurez-vous  le  courage,  mon  bon  docteur,  d'écouter  jusqu'au 
bout  un  homme  décidé  à  tout  dire  ? 

—  Ma  foi,  répondis  je  en  riant  et  croyant  qu'il  faisait  simple- 
ment allusion  à  la  longueur  quelconque  d'un  récit  de  ses  revers 
de  fortune  qu'il  allait  m'entreprendre,  ma  foi,  oui. ..Vous  n'en 
avez  pourtant  pas  jusqu'à  l'aube  ? 

—  Peut-être  bien,  fit-il,  et  peut-être  davantage. 

—  Bigre  !  repliquai-je  sans  pouvoir  retenir  cette  exclamation... 
Enfin,  allez-y  toujours. 

Alors,  après  un  nouveau  frisson,  une  courte  hésitation  comme 
la  dernière  trace  d'une  lutte  intérieure  qui  se  livrait  en  lui  : 

—  Docteur,  fit-il  eu  se  levant  tout  à  coup,  docteur,  je  suis 
damné  !... 

Et,  poussant  un  soupir  prolongé,  il  chancela  sur  ses  jambes, 
prêt  à  se  trouver  mal.  J'eus  juste  le  temps  de  le  retenir.  Encore 
une  fois,  ses  larmes  débordèrent,  le  suffoquant.  Je  le  couchai  sur 
la  chaise  longue,  et  il  resta  là  un  moment,  étendu,  comme  sans 
connaissance,  avec  des  sanglots  contenus  dans  la  gorge. 

Moi,  je  le  regardais,  ne  pensant  même  plus  à  la  syncope  ;  j'étais 
littéralement  abasourdi...  Garbuccia,  le  sceptique,  l'athée  Garbuc- 
cia, racontant  qu'il  était  damné,  et  se  trouvant  mal  à  cette  idée  et 
à  cet  aveu,  voilà  par  exemple  qui  me  surpassait  !... Gomment  I  cet 
homme  qui,  il  y  a  quelque  temps  à  peine,  ne  croyait  ni  à  Dieu 
ni  à  diable,  avec  lequel  j'avais  eu,  sur  des  questions  religieuses 
et  de  foi,  des  conversations  dans  lesquelles  il  s'était  toujours  mo- 
qué de  moi  et  m'avait  doucement  raillé  de  ce  qu'il  appelait  ma 
superstitieuse  crédulité,  cet  homme  se  disait  damné  ?.. .Décidé- 
ment, ou  il  était  subitement  devenu  fou, — on  a  vu  de  ces  exemples, 
— K)u  bien  alors  il  s'était  réellement  passé  en  lui  des  choses  extra- 
ordinaires. Le  cas  devenait  intéressant  pour  le  médecin,  et  je  me 
promis  de  provoquer  maintenant  ses  confidences  et  de  tout  savoir, 
pensant  avoir  affaire  à  un  beau  cas  de  suggestion  et  à  une  belle 
observation  d'hallucination  démoniaque  à  publier  dans  les  jour- 
naux de  médecine.  Mais  je  n'eus  pas  à  l'interroger.  Presqu'aussi- 
tôt  il  revint  à  lui,  calmé  par  cette  dernière  crise,  les  nerfs  déten- 
dus, absolument  décidé,  cela  se  voyait  dans  son  regard. 

—  Vous  me  croyez  fou,  n'est-ce  pas,  docteur  ?  articula-t-il  très 
nettement. 


142  LE  PROPAGATEUR 


Et,  comme  je  ne  répondais  pas  : 

—  Je  l'étais,  poursuivit-il,  mais  maintenant  je  ne  le  suis  plus. 
Vous  m'avez  connu  fou  ;  à  présent,  trop  tard  malheureusement 
pour  moi,  je  suis  sage,  puisque  je  me  rends  .compte  de  ma  folie 
de  jadis  ;  et,  je  vous  en  prie  encore,  écoutez-moi... Tenez,  ajouta-t-il 
en  me  tendant  son  bras,  vous  pouvez  prendre  mon  pouls,  vous 
verrez  si  je  suis  calme. 

Et  il  commença  : 

—  Vous  savez,  mon  bon  docteur,  quel  métier  je  faisais;  nous 
nous  sommes  assez  souvent  vus,  et  je  vous  dois  assez  de  reconnais- 
sance pour  ne  rien  vous  cacher.  Un  jour,  il  y  a  de  cela  cinq  ans, 
à  bord  de  ce  môme  Anadyr  sur  lequel  nous  sommes,  un  de  mes 
collègues  me  dit  : 

" —  Ah  ça  1  diable,  Carbuccia,  mais  vous  n'êtes  donc  pas  maçon  ? 

" — Maçon,  qu'est-ce  que  c'est  que  cela  ? 

" — Eh  !  mon  cher,  maçon,  franc  maçon  I 

" — Ah  !  non,  par  exemple  !...Ge  sont  des  farceurs,  paraît-il,  que 
tous  ces  gens-là,  et  je  n'ai  pas  envie..." 

Mon  camarade  m'interrompit  : 

" — Vous  avez  tort,  Carbuccia,  de  parler  comme  cela  des  choses 
que  vous  ne  connaissez  pas.  La  maçonnerie  est  une  institution 
des  plus  sérieuses  et  j'ajoute  des  plus  indispensables  pour  ceux 
qui,  comme  vous,  voyagent  et  ont  besoin,  dans  tous  les  pays  du 
monde,  de  trouver  des  amis,  des  clients,  bref,  de  se  créer  des  re- 
lations pour  faire  des  affaires.  " 

Il  se  mit  alors  à  me  raconter  que,  dans  le  monde  entier,  la 
franc  maçonnerie  avait  des  affiliés,  que  l'un  des  principes  de  cette 
société  était  de  se  porter  secours,  de  s'entr'aider  les  uns  les  autres, 
et  que  rien,  en  définitive,  n'était  plus  profitable  que  de  se  faire 
franc-maçon. 

Je  l'écoutais  à  peine,  riant  sous  cape  de  le  voir  si  enflammé 
pour  cette  société,  et,  au  surplus,  je  refusai  net  de  me  laisser  con- 
vaincre, lorsqu'il  m'eût  dit  qu'il  fallait,  pour  en  faire  partie,  subir 
des  épreuves,  passer  par  diverses  fihères,  mettre  en  un  mot  un 
temps  infini  pour  arriver  à  des  grades  élevés. 

Il  eut  beau  revenir  plusieurs  fois  à  la  charge,  au  cours  de  la 
traversée  que  nous  fîmes  ensemble  ;  je  finis  par  l'envoyer  pro- 
mener. 

Hélas  !  pourquoi  n'ai-je  pas  persisté  dans  cette  bonne  voie  ?... 

Mais,  voilà  qu'à  Naples  où  je  demeure,  et  où  il  me  quitta,  je  fis, 
par  le  plus  grand  des  hasards,  connaissance  d'un  de  mes  voisins 
du  25  de  la  strada  San-Biagio  de  Librae,  un  original,  du  nom  de 
Giambattista  Peisina,  qui  se  disait  et  s'intitulait  pompeusement, 
et  faussement,  je  le  croyais  au  moins  à  cette  époque  :  Très  illustre 
souverain,  grand  commandeur  et  grand-maître  général,  grand 
Hiérophante  du  Souverain  Sanctuaire  de  l'antique  et  primitif  rite 
oriental  de  Memphis  et  Misraïm... Excusez  du  peu  !... 

Et,  comme  je  riais,  moi,  à  l'énumération  de  cette  charretée  de 
titres  : 

—  Je  riais  aussi  en  ce  temps-là,  dit  gravement  Carbuccia,  au- 
jourd'hui, je  ne  ris  plus. 


LE  PROPAGATEUR  143 


Et  il  reprit  : 

—  Peisina,  il  faut  le  dire,  ne  jouissait  pas  d'une  excellente  répu- 
tation dans  le  quartier  ;  on  ne  savait  pas  au  juste  quels  étaient 
ses  moyens  d'existence  ;  il  montait  chez  lui  du  matin  au  soir  une 
foule  de  gens  dont  la  plupart  avaient  de  bien  vilaines  figures  ; 
mais,  somme  toute,  on  ne  disait  pas  trop  grand'chose  sur  son 
compte,  comme  si  on  en  avait  eu  peur. 

Au  demeurant,  Peisina,  d'aspect  austère  et  grave  en  apparence, 
était,  dans  le  privé,  un  bon  vivant,  ne  dédaignant  pas  la  bouteille 
et  ayant  le  mot  pour  rire  ;  il  se  gobergeait  finement,  mangeant 
bien  et  buvant  sec,  à  la  gloire  du  grand  architecte  de  l'univers, 
disait-il,  pour  narguer  les  jésuites,  mais  eu  plus  qu'eux,  ajoutait-il, 
à  sa  santé.  "" 

Un  jour,  entre  deux  vins,  je  lui  racontai,  en  manière  de  plai- 
santerie, la  tentative  d'embauchage  dont  j'avais  été  l'objet  de  la 
part  de  mon  camarade.  Alors,  il  devint  sérieux  aussitôt,  reprenant 
mot  pour  mot  l'antienne  de  l'autre,  avec  les  mêmes  termes,  les 
mêmes  phrases  :  on  eût  presque  dit  que  tous  deux  récitaient  une 
leçon  apprise  par  cœur. 

Seulement  il  ajouta  : 

'' — Votre  ami  est  un  nigaud  ;  mais,  à  vous  qui  êtes  un  homme 
intelligent,  on  peut  tout  dire.  Nous  laissons, — et  il  appuyait  sur 
le  mot  nous, — nous  laissons  dans  les  grades  inférieurs  et  nous 
soumettons  à  des  épreuves  les  gens  dont  nous  doutons,  qui  ne 
paraissent  pas  mûrs  pour  la  lumière  ;  mais  vous,  qui  êtes  mon 
très  illustre,  très  recommandable  et  très  génial  ami,  je  vous  le 
dis,  sous  le  sceau  du  secref,  si  vous  le  désirez,  je  puis,  moi,  en 
qualité  de  très  illustre  souverain  grand-maîlre  (ici  toute  l'enfilée 
de  titres  qu'il  débita  sans  reprendre  haleine),  je  puis,  moi,  d'un 
seul  coup,  vous  initier  à  un  degré  très  avancé  de  nos  sublimes  et 
impénétrables  mystères  '....Voulez-vous  la  troisième  classe  et  être 
trente-cinquième  ?  fit-il  en  passant  la  main  dans  sa  barbe. 

'' — Ma  foi,  oui,  fis-je  sans  même  réfléchir  ;  ma  foi,  oui. 

Gela  m'avait  en  quelque  sorte  échappé.  Il  me  prit  au  mot  ajou- 
tant : 

*' —  Avez-vous  les  métaux  ? 

'•—Plaît-il?"  fis-je. 

Il  reprit,  scandant  la  phrase  :  " — ^Avez-vous  les  métaux  ? 

Et,  comme  je  ne  comprenais  pas,  il  m'expliqua  : 

" — Cela  vous  coûtera  deux  cents  francs. ..Vous  comprenez? 
fit-il,  les  frais  de  diplôme,  le  tronc  de  la  veuve,  la  maçonnerie 
avant  tout  société  de  bienfaisance,  centralisant  l'argent  pour  des 
<Euvres..."  et  autres  phrases  en  baudruche,  dont  il  avait  plein  la 
bouche. 

" — Et  pour  deux  cents  francs,  alors,  je  serai  d'emblée,  comment 
dites-vous  ?.. .trente-cinquième  ?...Je  saurai  tous  les  secrets  ?... 

" — Parfaitement,  répliqua  Peisina  ;  et  vous  aurez  le  titre  de 
-Grand  Commandeur  du  Temple.  " 

Je  ne  savais  pas  au  fond  si  je  devais  rire  ou  me  fâcher.  Mais 
qu'était-ce  que  l'argent  à  cette  époque  pour  moi  ?...Je  me  dis  : 


144  LE  PROPAGATEUR 


Qu'est-ce  que  tu  risques  après  tout  ?  Deux  cents  francs,  ce  n'est 
pas  trop  cher  vraiment,  même  si  tu  es  mystifié... Séance  tenante, 
nous  nous  rendîmes  chez  Peisina  ;  et  là,  dans  une  sorte  de  salon 
spécial,  il  m'apprit  à  marcher,  à  faire  les  gestes  et  à  prononcer 
différents  mots  et  différentes  phrases,  tous  ces  fameux  secrets  de 
jadis,  aujourd'hui  secrets  de  polichinelle  ;  et,  en  fin  de  compte,  il 
me  délivra  un  diplôme,  signé  de  son  plus  beau  parafe,  ainsi  que 
les  insignes  de  mon  grade. 

En  deux  heures  à  peine,  j'étais  un  Grand  Commandeur  des  plus 
initiés. 

Il  est  facile  de  voir  par  là  que  ce  Giambattista  Peisina  était  un 
malin,  qui  avait  trouvé  le  moyen  de  se  faire  de  bonnes  petites 
rentes,  grâce  à  ce  commerce  de  diplômes  maçonniques  ;  mais,  il 
était  réellement  un  des  gros  bonnets  de  l'association,  et  il  avait 
vraiment  le  droit  de  conférer  des  grades,  même  sans  les  épreuves 
usuelles. 

J'étais  donc  parfaitement  initié  ;  le  signor  Peisina  m'avait  fait, 
à  plusieurs  reprises,  répéter  mots,  gestes  et  marche,  afin  que  je 
n'eusse  pas  l'air  trop  emprunté  lorsque  je  voudrais  m'en  servir. 

'' —  Et  maintenant,  ajouta-t-il,  lorsque  tout  fut  fini,  moyennant 
un  abonnement  de  quinze  francs  par  an,  que  vous  paierez  en 
qualité  de  membre  actif  de  l'Aréopage  de  Naples,  je  vous  com- 
muniquerai régulièrement  les  mots  d'ordre  et  de  passe  qui  vous 
sont  indispensables,  et  vous  pourrez  ainsi  vous  présenter  partout 
comme  membre  de  nos  illustres  loges,  chapitres  et  conseils  philo- 
sophiques. " 

J'étais,  je  vous  l'avoue,  enchanté,  et  lui  aussi,  paraît-il. 

Et  me  voilà  allant  dans  les  temples  interdits  aux  profanes,  fré- 
qAientant  les  frères  ;  et  ma  foi,  j'ai  vu  chez  eux  des  choses  amu- 
santes, cocasses  mêmes  ;  j'y  ai  fait  d'innombrables  connaissances 
très  distinguées,  dont  la  plupart  ont  fini  par  m'emprunter  de 
l'argent,  qui,  par  parenthèse,  ne  in'a  jamais  été  rendu.  Quant  à 
avoir  fait  des  affaires  grâce  à  la  maçonnerie,  ça,  c'est  une  autre 
paire  de  manches  !... 

Mais  voilà  qu'un  jour,  je  me  le  rappelle  comme  si  c'était  hier, 
un  collègue,  maçon  d'une  loge  de  Calcutta,  mais  qui  avait  été 
initié  au  rite  de  Memphis,  à  Withinglon,  près  de  Manchester,  en 
Angleterre,  me  témoigna  son  éto^nement  de  ne  pas  me  voir  croître 
en  grades  et  en  sagesse  maçonniques,  suivant  le  jargon  en  usage, 
et  de  me  retrouver  toujours  simple  Grand  Commandeur  du  Temple, 
lorsqu'il  y  a  tant  d'autres  grades  des  plus  intéressants  à  conquérir. 

En  deux  mots,  il  réussit  à  piquer  ma  curiosité,  et  cela,  avec  des 
phrases  apprises  comme  une  leçon,  je  l'ai  compris  depuis  lors, 
des  phrases  faisant  partie,  comme  celles  de  mon  autre  camarade 
et  de  Peisina,  d'un  tout,  f''une  sorte  de  boniment,  d'attrape-nigaud, 
soigneusement  étudié  et  fait  dans  le  but  de  faire  des  recrues  et  de 
stimuler  les  gens  qui  désirent  s'initier  davantage. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  réussit  à  me  faire  tomber  dans  son  panneau, 
en  me  parlant  de  scéances  extrêmement  curieuses,  auxquelles  on 
peut  assister  dès  que  l'on  passe  dans  la  maçonnerie  cabalistique 
ou  maçonnerie  occulte. 


LE  PROPAGATEUR  14i 


Le  boniment  est  tellement  bien  fail,  qu'il  devient  pour  vous 
obsédant,  qu'il  hante  votre  cerveau.  En  fin  de  compte,  je  fas  pris 
et  me  laissai  attraper  comme  bien  d'autres  l'ont  été  avant  moi, 
comme  bien  d'autres  le  seront  encore  après  ;  et  me  voilà  aspirant 
à  la  connaissance  de  nouveaux  secrets. 

Du  reste,  je  dois  dire  que  mes  nouveaux  frères  cabalistes  ne 
m'ont  pas  laissé  trop  attendre.  On  m'a  fait  grâce  des  initiations 
aux  36e,  37e,  38e  et  39e  degrés,  et  je  fus  reçu  d'emblée  au  quaran- 
tième grade,  Sublime  Philosophe  Hermétique.  Il  est  vrai  que,  bien 
que  n'ayant  subi  que  les  épreuves  de  ce  dernier  grade,  j'avais,  par 
contre,  subi  toutes  les  épreuves  à  ma  bourse  ;  et,  comme  me 
l'avait  fait  déjà  pressentir  Peisina,  on  m'avait  fréquemment  de- 
mandé si  j'avais  les  métaux  ?...et  on  s'était  assuré  que  je  les  avais. 

Dire  que  je  donnais  l'argent  avec  plaisir,  serait  exagérer.  Les 
affaires  alors  allaient  déjà  mal,  la  roue  de  la  mauvaise  fortune 
commençait  à  tourner,  les  premières  secousses  de  la  catastrophe 
finale  étaient  pressenties  par  moi  ;  et  comme  à  chaque  grade 
nouveau  il  s'agissait  d'assez  fortes  sommes  pour  frais  de  diplômes, 
de  tronc  des  œuvres,  etc.,  etc.,  vous  voyez,  docteur,  que,  si  j'ai 
mal  tourné,  j'y  ai  mis  le  prix.  Je  protestais  donc  chaque  fois  dans 
mon  for  intérieur  ;  mais,  que  voulez-vous  ?  une  fois  engrené  dans 
la  machine,  une  fois  le  doigt  pris,  le  corps  y  passe,  et  l'âme  avec 
naturellement  ;  il  semble  que  c'est  comme  au  jeu,  plus  on  perd, 
plus  on  s'acharne  à  la  déveine,  plus  on  s'enfonce  ;  quelque  chose 
de  maudit  vous  cloue  à  ce  tapis  vert,  que  l'on  sait  très  bien  être 
le  linceuil  de  votre  ruine,  de  votre  désespoir  et  de  votre  infamie... 

Carbuccia  m'avait  fait  cette  première  partie  de  son  récit,  tout 
d'une  haleine,  tout  d'un  trait,  ei  sans  fatigue  apparente  ;  il  avait, 
on  eût  dit,  retrouvé  pour  un  instant  sa  voix  sonore  et  claire,  qui 
m'arrivait  en  plein  dans  l'oreille  au  milieu  du  fracas  assourdissant 
du  charbon.  J'étais  vivement  intéressé  par  ces  détails  vivants,  qui 
dépeignaient  si  bien  une  société  dont  j'entendais  souvent  parler, 
dont  je  voyais  les  échantillons  de  toute  nature  parmi  mes  passa- 
gers, aux  obsessions  de  certains  desquels  j'avais  été  moi-même 
bien  souvent  en  butte  ;  car  on  tenta  maintes  fois  de  m'embrigader. 

Maintenant,  Carbuccia,  baissait  la  voix,  parlant  plus  bas,  de 
peur  que  le  vent  ne  transportât  ses  paroles  et  qu'une  autre  oreille 
que  la  mienne  pût  les  recueillir.  Le  bruit  du  charbon  diminuait, 
d'ailleurs,  d'intensité. 

A  ma  demande  et  à  mon  invitation  de  se  reposer  un  instant 
avant  de  continuer,  il  répondit  que  non,  disant  qu'il  n'était  pas 
fatigué  le  moins  du  monde,  et  précipitant  au  contraire  son  débit, 
comme  s'il  avait  craint  que  nous  fussions  tout  à  coup  dérangés 
par  quelque  importun,  que  quelque  chose  d'inattendu  vînt  l'ar- 
rêter, nous  surprendre  et  l'empêcher  d'aller  jusqu'au  bout. 

Il  s'était  légèrement  rapproché  de  moi  ;  et,  malgré  la  nuit 
épaisse,  je  voyais  sa  silhouette  se  dessiner  sur  le  blanc  de  la  toile 
de  la  passerelle. 

— A  peine,  continua-t-il,  fus-je  reçu  Sublime  Philosophe  Her- 
métique, que  de  tous  côtés  on  m'envoya  des  convocations  avec 

1 


146  LE  PROPAGATEUR 


prière  d'assister  à  des  réunions  de  sociétés  plus  ou  moins  maçon- 
niques ;  c'est  ainsi  que  je  fis  connaissance  des  Frères  du  Palladium 
Réformé  Nouveau  uu  Société  des  Ré-Thé urgistes  Optimates,  dont 
le  directoire  central  est  à  Gharleston,  dans  l'Amérique  du  Nord, 
sous  la  haute  autorité  du  général  Albert  Pike.  > 

Gomme  je  manifestais  mon  étonnement  de  tous  ces  noms 
baroques  : 

—  Oh  !  ce  n'est  encore  rien,  me  dit  Garbuccia,  et  vous  n'avez 
encore  rien  entendu.  Dans  le  cours  du  voyage,  nous  aurons  le 
temps  de  recauser  de  tout  cela,  et  je  vous  mettrai  au  courant,  je 
l'espère,  si  toutefois  cela  peut  -vous  intéresser,  et  si  vous  vous 
sentez  assez  fort  pour  ne  pas  vous  laisser  tenter  de  connaître  de 
près  ces  niaiseries,  au  bout  desquelles  on  finit  par  arriver  à  une 
monstruosité. 

iï  — Pour  cela,  mon  cher  monsieur  Garbuccia,  que  votre  consci- 
ence se  rassure  1... Moi,  je  suis  cuirassé  contre  ces  sottises-là,  et 
cela  m'étonnerait  fort  si  jamais  vos  frères  me  pinçaient  dans  leurs 
filets.  Permettez-moi  de  vous  le  dire,  d'ailleurs  ;  ils  n'attrapent 
jamais  que  les  naïfs,  ceci  dit  sans  vous  fâcher. 
— Vouscroyezcela,moncherdocteur?... Eh  bien, détrompez-vous... 

—  G'est  vrai,  aux  naïfs,  il  faut  ajouter  les  coquins,  ajoutai-je, 
mais  je  vous  estime  encore  assez,  monsieur  Garbuccia,  pour  vous 
classer  dans  la  première  caîégorie  des  victimes  des  sectes  en 
question. 

Garbuccia  ne  répliqua  pas,  courba  la  tête,  et  reprit  son  récit  : 

—  Ges  Ré-Théurgistes  Optimates  tiennent  des  réunions  palla- 
diques  spirites  ;  ils  se  livrent  à  toutes  les  manoeuvres  défendues 
par  l'Eglise  et  à  une  masse  d'opérations  occultes  :  tables  tournantes 
et  parlantes  ;  enfin,  évocations. 

Je  souris  légèrement  à  ce  que  je  considérais  comme  une  bille- 
vesée. Garbuccia  s'en  aperçut  dans  l'obscurité. 

—  Ne  riez  pas,  docteur,  dit-il  ;  cela  est  plus  certain  et  malheu- 
reusement plus  sérieux  que  vous  ne  le  croyez  et  qu'on  ne  le  croit. 
Il  y  a,  à  l'égard  de  tous  ces  maléfices,  un  scepticisme  que  je  m'é- 
tonne de  rencontrer,  alors  que  cependant  dans  toute  l'Europe, 
dans  le  monde  entier,  il  ne  se  passe  pas  un  jour,  peut-être  pas 
une  heure,  sans  que  quelque  part  quelqu'un  ne  maléficie,  seul  ou 
en  compagnie  de  gens  comme  lui  abandonnés  de  Dieu. ..Tenez,  en 
ce  moment,  à  l'heure  où  nous  E)arlons...Mais  écoutez  la  fin,  et 
vous  saurez  tout... 

Dans  la  première  période  de  ma  fréquentation  des  réunions 
palladiques  spirites,  j'assistai  à  de  nombreuses  évocations  ;  mais 
je  m'aperçus  vite,  la  supercherie  était  d'ailleurs  grossière,  que  les 
apparitions  de  fantômes  évoqués  étaient  produites  par  des  projec- 
tions assez  habilement  faites,  mais  pas  assez  pourtant  pour  que  le 
truc  échappât  à  l'œil  de  l'observateur. 

Gependant,  je  ne  dis  rien,  pensant  que  c'était  la  répétition  de 
toutes  les  comédies  qui  m'avaient  été  précédemment  données  en 
spectacle  dans  les  loges  maçonniques  ;  il  est  bon  de  savoir,  en 
effet,  que  les  Ré-Théurgistes  Optimates  appartiennent  presque  tous 


LE  PROPAGATEUR  147 


à  la  franc  maçonnerie,  dont  les  rituels  ont  servi  de  modèle  à  un 
grand  nombre  des  leurs  ;  cette  secte  est  une  autre  maçonnerie, 
plus  occulte,  plus  perverse,  plus  criminelle  que  l'autre,  et  ayant 
surtout  un  caractère  plus  nettement  diabolique. 

Mais,  voilà  qu'un  beau  jour,  le  grand-maître  d'une  réunion  pal- 
ladique,  à  laquelle  je  m'étLiis  fait  mscrire,  me  dit,  alors  que  nous 
étions  en  séance  : 

"• —  Frère  Carbuccia,  vous  vous  croyez  peut-être  des  nôtres  ? 
Vous  vous  imaginez  avoir  été  réellement  initié  aux  mystères  de 
la  cabale  et  de  la  magie  ?...Eti  bien  !  non. ..Tout  ce  que  vous  avez 
vu  jusqu'à  présent  n'était  que  de  la  fantasmagorie,  de  la  simulation, 
des  chimères,  des  apparences  vaines  et  trompeuses... 

"—Pardon,  répondis-je,  je  m'en  étais  fort  bien  aperçu  ;  mais 
j'étais  trop  poli  pour  vous  le  dire. 

" — Or  ça,  reprit  le  grand-maître,  nous  vous  avons  étudié  avec 
soin,  depuis  que  vous  nous  fréquentez,  et  nous  comprenons  que 
vous  êtes  un  homme  sur  qui  l'on  peut  compter. ..Nous  allons  donc 
aujourd'hui  vous  donner  la  véritable  initiation  des  Mages.  \'ous 
êtes  digne  de  pénétrer  nos  arcanesetde  voirfaceàface  la  réahté... 
Vérifiez  vous-même  la  salle  maintenant  ;  aucun  appareil  n'est 
dissimulé,  vous  pouvez  le  constater.  " 

Et  l'on  me  fit  faire  une  visite  minutieuse  du  local. 

Alors,  après  toute  une  séance  de  spiritisme,  en  dernier  lieu,  oa 
évoqua  Voltaire  et  Luther.  A  un  moment  donné,  dans  le  silence 
de  l'obscurité,  je  vis  très  distinctement  deux  silhouettes,  comme 
des  ombres,  comme  des  fantômes,  apparaître,  aller  et  venir  dans 
la  salle  au  milieu  de  nous,  à  peu  de  distance  du  sol,  sans  le  tou- 
cher ;  mais  ces  esprits  ne  répondirent  pas  aux  questions  que  le 
grand-maître  leur  adressait  et  s'évanouirent,  s'effaçant  graduel- 
lement comme  une  vapeur  légère,  ainsi  que,  du  reste,  ils  étaient 
apparus. 

Je  fus  assez  vivement  impressionné,  et,  cependant,  au  fond,  je 
doutais  encore.  Les  trucs  n'avaient-ils  pas  été  mieux  dissimulés 
que  d'habitude  ?  Voilà  ce  que  je  me  demandais... J'assistai  ainsi  à 
de  nombreuses  évocations  du  même  genre,  et  toujours  d'êtres 
humains  trépassés. 

Je  finis,  je  dois  le  dire,  par  prendre  l'habitude  de  ces  coupables 
pratiques  ;  j'essayai  de  me  bien  pénétrer  de  toutes  les  cérémonies 
d'invocation,  de  toutes  les  formules,  et  puisque,  pensai-je  mes 
frères  en  théurgie  ont  le  pouvoir  d'évoquer  des  trépassés,  de 
conjurer  des  sorts,  je  vais  à  mon  tour  me  servir  de  ces  moyens, 
pour  essayer  de  rétablir  ma  fortune,  devenir  riche,  être  heureux. 

Cependant,  tout  cela  avait  un  peu  ébranlé  mes  convictions 
d'athée,  de  libre-penseur,  d'homme  ne  croyant  à  rien.  S'il  y  a 
réellement  quelque  chose  après^  me  disais-je,  n'y  aurait-il  pas 
réellement  aussi,  comme  l'affirment  les  catholiques,  un  enfer,  et 
par  conséquent  un  Dieu  bon  et  miséricordieux,  mais  terrible  aussi  ? 
Alors  ?...Mais  quel  est  le  roi  du  ciel  et  quel  est  le  roi  de  l'enfer?... 
Cela  ne  m 'apparaissait  pas  bien  clairement,  à  raison  surtout  des 
thèses  étranges  que  j'avais  entendu  soutenir  par  les  conférenciers 
de  nos  sociétés  d'occultistes.  (à  suivre) 


LE 


--]\f]\T 


DE  LA  CAMPAGNE 
COURS  D'INSTRUCTIONS  SIMPLES  ET  PRATIQUES 

POUR     LES    MISSIONS,    LES    RETRAITES    LES     CONGRÉGATIONS 
L'ADORATION  PERPÉTUELLE  ET  LA  PREMIÈRE  COMMUNION 

Par   I^'ABBÉ  JOÏJVE 

Ancien  miasionnaire  apostolique  à  Notre-Dame  du  Laus 
Actuellement   curé   archiprêtre  à  Savines   (Hautes  -  Alp  s) 

EDITION  REVUE,  CORRIGÉ  ET  ACGMEXtSe 

4  volumes  in-12.  Prix  :  83.50  réduit  à S1.75 

li'artiele  qni  sait  est  extrait  de  ce  livre. 

MARIE  MERE  DE  DIEU 

Qui  creavit  me  requievit  in  taber- 
naculo  meo. 

Celui  qui  m'a  créé  a  reposé  dans 
ma  demeure.  (Ecclesiast.,  xxiv,  12.) 

Pourquoi  ce  concert  unanime  de  tous  les  siècles  et  de  tous  les 
peuples  pour  honorer  la  sainte  Vierge  Marie?  Il  est  question  d'elle 
dès  le  berceau  du  genre  humain.  Dieu  console  nos  premiers  parents 
en  leur  annonçant  Marie  dans  cette  femme  qui  devait  un  jour 
écraser  la  tête  du  serpent,  c'est-à-dire  vaincre  le  démon.  Elle  est 
annoncée  par  un  grand  nombre  de  tigures  de  l'ancienne  loi  ;  elle 
est  prédite  par  les  patriarches  et  les  prophètes,  et  avant  d'être 
honorée  par  les  disciples  de  l'Evangile,  par  les  chrétiens,  elle  reçoit 
des  hommages  même  chez  les  païens  qui  élevaient  un  autel  à  la 
Vierge  qui  devait  enfanter.  Témoin  l'église  de  Chartres  où  l'on 
voit  une  Vierge  honorée  par  les  Druides. 

Dans  tout  l'univers  catholique  on  l'honore  d'un  culte  particulier. 
Partout  on  célèbre  en  son  honneur  des  fêtes  nombreuses,  partout 
des  églises  et  des  autels  lui  sont  dédiés.  Encore  une  fois,  pourquoi 
ce  concert  unanime  de  louanges  en  l'honneur  de  la  Vierge  Marie  ? 
Pourquoi  tant  de  prières  lui  sont-elles  adressées  ?  Pourquoi  a-t-on 
en  elle  tant  de  confiance  ?  Le  voici,  mes  frères  :  Nous  honorons 
Marie  parce  que  Dieu  lui-même  l'a  honorée  le  premier  ;  c'est  lui 
qui  Ta  élevée  au  faîte  des  honneurs,  au  comble  de  la  gloire  en  la 
choisissant  pour  être  la  mère  de  son  divin  Fils.  C'est  ce  titre  qui 
met  la  sainte  Vierge  au-dessus  de  toutes  les  créatures  et  qui  lui 
assure  le  respect  et  les  bénédictions  de  tout  l'univers  catholique  ; 
disons  mieux,  du  Ciel  et  de  la  terre.  Car  aucune  créature  n'a 
jamais  pu  dire  au  Sauveur  du  monde  :  Vous  êtes  mon  Fils,  et  je 
vous  aime  comme  tel;  et  le  Sauveur  du  monde  n'a  jamais  pu  dire 
à  quelque  autre  qu'à  la  sainte  Vierge  :  Vous  êtes  ma  vraie  Mère 
et  par  conséquent  vous  êtes  toute  à  moi  comme  à  votre  Fils  unique, 


X 


LE  PROPAGATEUE 


et  je  suis  à  vous  comme  à  la  seule  créature  à  qui  je  dois  ma  nais- 
sance temporelle. — C'est  de  ce  glorieux  privilège  de  Marie  que  je 
veux  vous  entretenir  aujourd'hui  afin  d'accroître  votre  respect, 
votre  amour  et  votre  confiance  envers  la  mère  de  Dieu.  Honorez- 
moi  de  votre  bienveillante  attention. 

Le  moment  que  Dieu  avait  marqué  de  toute  éternité  pour  la 
réparation  du  genre  humain  étant  arrivé,  le  Tout-Puissant,  dit 
l'Evangile,  envoya  l'ange  Gabriel  vers  la  Vierge  Marie,  fiancée  à 
im  homme  qui  s'appelait  Joseph,  afin  de  lui  annoncer  que  c'était 
dans  son  sein  virginal  que  le  Verbe  Eternel  devait  s'incarner,  et 
accomplir  le  grand  mystère  du  salut,  qui,  depuis  plus  de  quatre 
mille  ans,  était  l'attente  et  l'espérance  de  toutes  les  nations.  Le 
messager  céleste  étant  entré  dans  la  modeste  habitation  où  elle 
■était  en  prières,  lui  dit  en  s'inclinant  respectueusement:  Je  vous  sa- 
lue, le  Seigneur  est  avec  vous  ;  vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes. 
Marie,  à  cet  éloge  inouï,  ne  sait  plus  ce  que  signifie  un  tel  salut  ; 
sa  modestie  se  trouble,  sa  pudeur  s'alarme.  Ne  craignez  point,  lui 
dit  aussitôt  l'envoyé  du  Ciel;  je  viens  vous  annoncer  que  vous 
avez  été  choisie  pour  être  la  mère  du  Messie,  du  grand  libérateur 
du  genre  humain. — Marie  a  fait  vœu  de  virgi.iité  perpétuelle.  Elle 
ne  veut  point  manquer  à  sa  promesse.  Cette  vertu  lui  est  plus 
chère  que  le  titre  de  mère  de  Dieu  qu'elle  va  acquérir.  Aussi, 
avant  de  donner  son  consentement  elle  veut  avoir  l'assurance  que 
sa  virginité  ne  souffrira  aucune  atteinte.  Quomodo  fiet  istud^  quo- 
niam  virum  non  cognosco  ?  Rassurez-vous,  répond  le  messager 
céleste,  rassurez-vous,  le  Saint-Esprit  descendra  en  vous,  et  la  vertu 
du  Très  Haut  vous  couvrira  de  son  ombre.  C'est  pourquoi  celui  qui 
naîtra  de  vous  sera  sainL  et  il  sera  appelé  le  Fils  de  Dieu.  C'est-à- 
dire  :  Vous  concevrez  par  miracle,  par  un  prodige  inouï  ;  ce  sera 
la  toute  puissance  de  Dieu  qui  vous  rendra  féconde  ;  vous  serez 
à  la  fois  mère  et  vierge  sans  tache,  parce  qu'il  n'y  a  rien  d'impos- 
sible à  Dieu. 

Rassurée  par  les  paroles  de  l'Ange,  Marie  s'humilie  devant 
Dieu,  devant  l'Ange  et  devant  les  hommes.  Elle  prononce  ces  pa- 
roles qui  font  descendre  le  Verbe  divin  du  ciel  en  terre,  ces  paroles 
qui  assurent  le  salut  du  genre  humain  :  Je  suis  la  servante  du 
Seigneur,  qu'il  me  soit  fait  selon  votre  parole  ;  Ecce  ancilla  Domini, 
fiât  mihi  secundum  verbum  tuum.  Et  au  même  instant  le  Verbe  est 
fait  chair  :  et  Verbum  caro  factum  est.  Et  il  a  habité  parmi  nous  : 
€t  habitavit  in  nobis.  Oui,  au  même  instant  l'adorable  Trinité  forma 
du  très  pur  sang  de  Marie  le  corps  de  Jésus-Christ  ;  elle  créa  son 
âme  qu'elle  unit  au  corps  du  Fils  de  Dieu  ;  et  le  Fils  de  Dieu,  afin 
de  devenir  notre  Sauveur,  unit  ce  corps  et  cetteâme  àsa  personhe 
divine,  et  au  même  instant  Marie  devint  la  mère  de  Jésus  Christ, 
Mère  de  Dieu.  Quelle  gloire  pour  la  sainte  Vierge  !  Quelle  conso- 
lation pour  nous  d'avoir  une  protectrice  si  puissante  !...  Marie  est 
mère  de  Dieu,  donc  celui  que  le  ciel  et  la  terre  ne  peuvent  con- 
tenir demeure  enfermé  oendant  neuf  mois  dans  son  chaste  sein. 
Elle  met  au  monde,  elle'enfante  dans  le  temps  celui  qui  existe  de 
toute  éternité  :  Le  Fils  de  Dieu  devient  le  Fils  de  Marie  ;  une  pure 


150  LE   PROPAGATEUR 


créature  devient  la  mère  de  son  Créateur.  Celui  qui  commande 
aux  vents  et  à  la  tempête,  celui  de  qui  dépend  l'univers  entier,  qui 
fait  trembler  le  ciel  et  la  terre  par  sa  seule  présence  vient  se  sou- 
mettre à  Marie,  il  veut  naître  d'elle,  il  veut  dépendre  d'elle,  il  veut 
lui  ï>béir. — Marie  est  devenue  Mère  de  Dieu,  elle  le  met  au  monde, 
elle  le  porte  dans  ses  bras,  le  presse  sur  son  sein,  le  nourrit  de  sou 
lait  et  a  le  bonheur  de  vivre  avec  lui  pendant  trente-trois  ans,  de 
jouir  ainsi  de  sa  divine  présence,  et  de  recevoir  dans  ses  entre- 
tiens familiers  avec  lui  les  communications  les  pins  intimes. 

L'Ange  avait  dit  à  Marie  :  Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les 
femmes  !  Quelle  est,  en  effet,  celle  qui  peut  lui  être  comparée  ? 
Qui  a  été  heureux  autant  qu'elle  ?  Il  en  est  qui  ont  donné  le  jour 
à  des  hommes  illustres,  à  des  savants,  à  de  profonds  politiques,  à 
des  princes,  à  des  rois,  à  des  empereurs  célèbres.  Il  en  est  qui  ont 
donné  le  jour  à  des  hommes  qui  ont  fait  trembler  l'univers  par 
leurs  victoires  et  leurs  conquêtes,  ou  bien  qui  ont  laissé  une 
mémoire  digne  d'éternelles  bénédictions  à  cause  des  bienfaits 
dont  ils  ont  comblé  leurs  semblables.  Mais  Marie  les  a  toutes  sur- 
passées :  Multx  filiœ  congregaverunt  diviliaSy  lu  verô  supergressa  es 
universas.  Oui,  Marie  estau-dessus  de  touies,  parce  qu'elle  est  mère 
de  Dieu.  Disons-lui  donc  avec  l'Ange  :  Vous  êtes  bénie  entre 
toutes  les  femmes.  Disons-lui  avec  l'Eglise  catholique  :  Vous  êtes 
heureuse.  Vierge  Marie,  parce  que  vous  avez  porté  le  Seigneur, 
le  Créateur  du  monde,  vous  avez  engendré  Celui  qui  vous  a  créée 
et  vous  demeurerez  toujours  Vierge  :  Beala  es  Virgo  Maria^  quœ 
Dominum  porlasti  Creatorem  mundi  ;  genuisti  qui  te  fccil  et  in  seternum 
permarisisli.  Virgo.  Oui  vous  seule,  ô  Marie,  vous  seule  êtes  mère 
de  Dieu  ;  vous  seule  étant  mère  vous  demeurez  vierge  avant, pen- 
dant et  après  votre  enfantement.  Le  Tout-Puissant  a  opéré  en  vous 
de  grandes  choses,  c'est  pourquoi  toutes  les  générations  vous 
appelleront  bienheureuse. — En  effet,  mes  frères,  Marie  a  toujours 
été  honorée  comme  mère  de  Dieu.  L'Évangile  la  nomme  mère  de 
Jésus-Chris.  Sainte  Elisabeth,  mère  de  saint  Jean-Baptiste  l'ap- 
pelle la  mère  de  son  Seigneur  et  de  sou  Dieu. 

Depuis  les  premiers  temps  du  Christianisme  on  l'a  invoquée  sous 
ce  titre.  Au  cinquième  siècle,  l'hérétique  Nestorius  refusait  à  la 
sainte  Vierge  le  titre  de  Mère  de  Dieu,  mais  partout  on  crie  à  la 
nouveauté,  à  l'hérésie.  De  toute  part  éclatent  des  murmures.  Un 
concile  s'assemble.  Deux  cents  évêques  sont  réunis  dans  une  église 
dédiée  à  Marie.  Ils  délibèrent  et  éonsultent  les  divines  Écritures; 
ils  interrogent  la  foi  de  ceux  qui  les  ont  précédés  ;  ils  déposent 
que  tout  atteste  que  Marie  est  mère  de  Dieu  ;  l'héritique  est  donc 
condamné  ;  on  le  dépose  de  sa  charge,  on  le  prive  de  sa  dignité 
épiscopale.  Le  peuple  d'Éphèse  où  se  tenait  le  Concile  environne 
depuis  le  matin  jusqu'au  soir  la  basilique  oui  les  évêques  sont  as- 
semblés ;  il  attend  leur  décision  avec  la  plus  grand  anxiété,  tant 
était  grand  le  zèle  qui  l'animait  pour  la  gloire  delà  mère  de  Dieu. 
Un  évêque  lui  annonce  la  décision  des  Pères  du  Concile  :  Nesto- 
rius est  condamné,  Marie  est  maintenue  dans  son  titre  de  mère  de 
Dieu.  Aussitôt  la  ville  retentit  d'applaudissements  et  de  cantiques 


LE  PROPAGATEUR  151 


d'allégresse  et  le  peuple  comble  les  évêquesde  bénédictions  baise 
leurs  mains  et  leurs  vêtements,  brûle  des  parfums  sur  leur  passage, 
les  conduit  chez  eux  en  triomphe,  allume  d'innombrables  flam- 
beaux pour  attester  la  joie  universelle  ;  eu  un  mot  le  peuple 
d'Ephèse  et  les  étrangers  accourus  de  toutes  les  villes  de  l'Asie 
n'ont  qu'une  voix  pour  faire  l'éloge  de  Marie  et  l'acclamer  mère 
de  Dieu. 

Depuis  lors  mes  frère,  on  n'a  point  cessé  de  donner  ce  titre  à  la 
sainte  Vierge  ;  depuis  lors  on  l'a  constamment  priée  et  invoquée 
comme  mère  de  Dieu.  Disons-hii  donc  tous  les  jours  av«c  l'Église 
et  avec  les  sentiments  d'une  filiale  confiance  :  Sainte  Marie,  mère 
de  Dieu,  priez  pour  nous,  pauvres  pécheurs,  maintenant  et  à 
l'heure  de  noire  mort. 

D'où  vient,  mes  frères,  que  la  sainte  Vierge  a  été  choisie  de  pré- 
férence à  toutes  les  femmes  pour  devenir  la  mère, de  Dieu  ?  Qu'est- 
ce  qui  a  pu  attirer  sur  elle  les  regards  d  u  Fils  de  l'Éternel  ?  Laissons 
répondre  saint  Bernard  :  Marie  a  plu  à  Dieu  par  sa  virginité  ;  elle 
a  co'içu  par  son  humilité  :  Vtrginitate  placuit^  humilitate  concepit. 
Telles  sont  les  deux  vertus  qui  ont  mérité  à  la  sainte  Vierge  de 
devenir  mère  de  Dieu.  Elle  a  été  pure  et  chaste  toujours.  Elle  se 
trouble  à  la  vue  d'un  Ange  ;  elle  ne  consent  à  devenir  mère  de 
Dieu  qu'à  la  condition  de  rester  toujours  vierge.  Cet  amour  de 
Marie  pour  la  pureté  attire  les  regards  de  Dieu  sur  elle.  C'est 
parce  qu'elle  est  chaste  que  le  Fils  la  prend  pour  sa  mère  et  le 
Saint-Esprit  pour  son  épouse. 

Si  nous  voulons  que  Dieu  soit  , aussi  avec  nous  par  sa  grâce  ;  si 
nous  désirons  recevoir  dignement  Jésus-Christ  dans  la  sainte 
Communion  ;  si  nous  prétendons  régner  un  jour  dans  le  Ciel, 
imitons  la  pureté  de  Marie.  Et  pour  cela,  évitons  avec  une  atten- 
tion extrême  tout  ce  qui  pourrait  blesser  cette  belle  vertu.  Résis- 
tons promptement  à  toute  pensée,  à  tout  sentiment,  à  tout  regard, 
à  toute  parole  qui  lui  soit  contraire.  Mortifions  sans  cesse  nos  sens 
et  nos  passions.  Défions-nous  de  nous-mêmes.  Fuyons  soigneuse- 
ment toutes  les  occasions,  tous  les  dangers  où  cette  vertu  céleste 
pourrait  être  exposée.  Craignons  souverainement  la  séduction  du 
monde  et  de  ses  plaisirs.  En  un  mot,  respectons  la  sainteté  de  notre 
corps  et  de  notre  âme  qui  sont  les  temples  du  Saint-Esprit. 

Avec  la  virginité,  Marie  possédait  l'humilité,  mais  une  humilité 
sans  égale.  A  mesure  que  l'Ange  l'exalte,  elle  ne  veut  être  que  la 
servante  du  Seigneur.  Efforçons-nous  de  l'imiter  dans  son  humi- 
lité si  profonde.  Mais  pour  pratiquer  comme  elle  une  humilité 
véritable  et  sincère,  ce  n'est  pas  assez  de  reconnaître  que  nous 
n'avons  rien,  que  nous  ne  somme  rien  de  nous-mêmes,  que  tout 
ce  que  nos  possédons  vient  de  Dieu.  Tout  cela  n'est  encore  que 
l'humili'.é  de  l'esprit.  La  véritable  humilité  est  celle  du  cœur,  qui 
consiste  dans  les  effets.  Voici  donc  en  quoi,  dans  la  pratique,  nous 
devons  imiter  l'humilité  de  la  sainte  Vierge.  Acceptons  avec  sou- 
mission les  humiliations  quand  il  plaira  au  Seigneur  de  nous  en 
envoyer.  Regardons-nous  comme  indignes  de  toute  distinction  et 
de  toute  préférence.  Ne  nous  plaignons  jamais  quand  on  manquera 


152  LE  PROPAGATEUR 

d'attention  et  d'égards  envers  nous.  Fuyons  les  louanges  et  conten- 
tons-nous de  les  mériter,  ne  parlons  de  nous  qu'avec  réserve  et 
modestie.  Ne  méprisons  personne  et  parlons  avantageusement  de 
tous,  parce  qu'il  y  a  dans  chacun  quelque  chose  de  bon  à  louer. 
En  pratiquant  ainsi  l'humilité  et  la  pureté,  nous  mériterons  d'être 
un  jour  associés  à  la  gloire  de  Marie  dans  le  Ciel.  Amen. 

L'Abbé  Jouve. 

'  PARTIE.  LEGALE 

Rédacteur  :  A  1.  B  Y 


LOTERIES,   ETC. 

Question. — Je  suppose  que  les  loteries  sont  permises.  En  vendant  un  billet 
de  loterie  eu  de  tirage  au  sort  que  vpnd-on  ? 

Quid  si  le  billet  est  déjà  sorti  de  l'urne  et  donne  droit  à  un  lot  ? 

Etudiant  en  droit. 

Réponse. — Je  réponds  à  votre  question  telle  que  rédigée,  c'est-à- 
dire  dans  id  supposition  que  les  opérations  de  loteries  sont  légales. 
Si  elles  sont  défendues  il  n'y  a  pas  matière  à  contrat,  car  on  ne 
peut  pas  vendre  validement  une  chose  prohibée. 

En  vendant  un  billet  de  loterie  on  vend  simplement  l'espérance 
que  l'on  a  de  gagner  quelque  chose  au  tirage.  Cette  vente  est  va- 
lide car  on  peut  vendre  des  choses  futures  et  même  une  simple 
espérance  (1).  Les  auteurs  donnent  comme  exemple  d'une  vente 
semblable  la  vente  que  l'on  ferait  d'un  coup  de  filet.  Cette  vente 
comprend  le  poisson  que  l'on  prendra  dans  ce  coup  de  filet.  Elle 
est  valide  même  si  on  ne  prend  aucun  poisson,  car  la  simple  espé- 
rance d'en  prendre  sufiBt  pour  donner  l'existence  au  contrat. 

De  ce  que  je  viens  de  dire,  il  suit  que  si  vous  vendez  un  billet 
de  loterie  dans  l'ignorance  où  vous  êtes  que  ce  billet  est  déjà  sorti 
de  l'urne  et  a  gagné  un  lot  quelconque,  cette  vente  est  nulle.  Vous 
n'avez  voulu  vendre  et  votre  acheteur  n'a  voulu  acheter  que  la 
chance  à  courir  ou  l'espérance  d'avoir  quelque  chose,  et  non  la 
réalisation  déjà  opérée.  Dans  ce  cas  il  n'y  a  pas  de  véritable  con- 
trat intervenu  entre  vous  et  vous  êtes  simplement  obligé  ds  rem- 
bourser à  votre  acheteur  le  prix  qu'il  vous  a  payé. 

Il  y  a  deux  ans  une  question  semblable  s'est  présentée  en  France 
et  elle  a  été  jugée  en  faveur  du  vendeur. 

Voici  ce  que  publie  à  ce  sujet  un  journal  de  Paris,  La  Croix  : 

LE  GROS  LOT 

Le  29  juin  1891,  quelques  heures  après  le  tirage  des  bous  de  l'Exposition,  M. 
Sainl-Omer  vendait  un  de  ses  bons,  le  w  491  197,  ignorant  qu'il  venait  de  gagner 
le  gros  lot  de  100,000  francs. 

Le  bon,  dans  ses  pérégrination^,  arriva  dans  les  mains  d'un  Portugais,  M. 
Moreira  da  Silva,  qui  en  fit  toucher  le  montant  par  son  banquier. 

Apprenant  quelle  chance  il  avait  laissé  échapper,  M.  Saiut-Omer  a  /dit  assi- 

(1)  F.  F.  L.  8,  g  1,  d«  conlr  empl. 


LE  PROPAGATEUR  153 


gner  en  restitution  le  banquier  et  les  héritiers  de  M.  da  Silva,  offrant  de  leur 
rt^mettre  soit  le  prix  du  bon  qu'ils  ont  acquitté,  soit  un  autre  bon  non  amorti  de 
l'Exposition. 

La  Ire  Chambre  du  tribunal  de  la  Seine  a  condamné  le  banquier,  le  père  el  la 
Teuve  de  M.  da  Silva,  à  payer  au  demandeur  conjointement  et  solidairement  la 
«omme  de  100,000  francs  qu'ils  ont  indûment  touchée,  avec  les  intérêts  de  droit. 

A.  propos  de  la  vente  d'an  coup  de  filet  dont  je  parle  plus  haut, 
je  vous  citerai  le  passage  suivant  de  Pothier,  Vente,  No  6,  dans  le- 
quel cet  auteur  fait  l'application  des  principes. 

Des  Milésiens  se  trouvant  dans  l'ile  de  Cos.avaient  acheté  de  quelques  pêcheurs 
leur  coup  de  fil-t  ;  ces  pêcheurs  péchèrent  un  trépied  d'or  ;  les  acheteurs  le  pré- 
tendirent. On  doit  décider  qu'ils  étaient  mal  fondés  ;  les  vendeurs  et  les  acheteurs 
n'avaient  entendu  vendre  ou  acheter  que  le  poisson  qui  serait  pris  :  le  trépied 
d'or  auquel  aucune  des  parties  contractantes  n'avait  pensé,  ne  faisait  donc  pas 
partie  du  marché  ;  el  c'est  une  bonne  fortune  dont  les  pêcheurs  seuls  doivent 
profiter. 

SUBSTITUTION  DE  BIENS  MEUBLES. 

QtJESTiON. — Pur  son  dernier  testament  fait  sous  l'empire  de  la  coutume  de 
Pans,  Jérôme  Vincent  a  légué  la  somme  de  vingt-deux  mille  piastres  à  son 
fiîs  Bonaventure  Vincent  Pt  il  a  substitué  cette  somme  en  faveur  Ces  enfants  du 
légataire.  Ce  dernier  devait  faire  emploi  de  la  somme  léguée  et  les  intérêts 
devaient  lui  être  payés  sa  vie  durant.  L'emploi  a  été  fait.  Jérôme  Vincent  est 
mort  le  29  Juillet  1866,  trois  jours  avant  la  mise  en  vigueur  du  code  civil.  [^) 
Bonaventure  Vincent  t-st  décédé  il  y  a  quelques  semaines  et  il  a  laissé  un  testa- 
ment par  lequel  il  partage  inégalement  entre  ses  cinq  enfants  la  somme  substituée 
par  son  père. 

Les  appelés  lésés  par  le  testament  du  grevé  peivent-ils  demander  le  partage 
égal?  En  d'autres  termes,  les  substitutions  de  biens  mobiliers,  antérieures  au 
code  civil,  sont-elles  valides  ? 

L.  J.  Notaire  à  X... 

Réponse. — Le  code  civil,  article  931,  déclare  que  les  biens-meu- 
l)les,  corporels  et  incorporels,  peuvent  être  l'objet  des  substitutions 
comme  les  immeubles.  La  différence  qui  existe,  en  matière  de 
substitution,  entre  les  deux  catégories  de  biens,  résulte  de  leur  na- 
ture. Les  immeubles  restent  toujours  les  mêmes  et,  ayant  une  as- 
siette fixe,  doivent  être  conservés  en  nature.  Les  meubles  corporels 
au  contraire,  pouvant  facilement  disparaître,  doivent,  en  général, 
(2)  être  vendus  publiquement  et  letir  prix  doit  être  employé  aux  fins 
de  la  substitution.  Il  en  est  de  même  de  l'argent  et  des  créances,  il 
doit  aussi  en  être  fait  emploi  aux  fins  de  la  substitution. 

L'article  931  est  présente  par  les codificateurs  comme  droit  ancien 
•car,  dans  leur  opinion,  les  substitutions  de  biens  meubles  étaient 
permises  avant  le  code.  Cette  opinion  est  partagée  par  un  grand 
nombre  de  jurisconsultes  distingués.  Le  contraire  vient  cependant 
d'être  jugé  par  la  cour  Supérieure  à  Montréal  dans  la  cause  de 
Stewart  et  al,  vs.  La  Banque  Molson,  et  dans  la  cause  de  Massue 
vs.  Massue.  (3)  Dans  la  première  cause,  le  juge Taschereau,  et  dans 
la  seconde  cause,  le  juge  Mathieu,  ont  jugé  : 

(1)  Le  code  Civil  est  entré  en  vigueur  le  1er  août  1866. 
(2)  Ils  peuvent  cependant  être  assujetiis  à  une  disposition  difrérente.(C.G.  art. 93 1) 

1.3)  Dans  la  première  cause  il  s'agit  de  640  parts  ou  actions  de  la  banque  xMol- 
son  léguées  par  un  père  à  son  fils  (avec  substitution  en  faveur  de  ses  enfants)  e 
subséquemment  aliénés  par  le  légataire. 

Dans  la  seconde  cause  il  s'agit  d'une  grande  fortune. 


154  LE  PROPAGATEUR 


Que,  avant  la  promulgation  du  code  civil,  les  subslilulions  de  biens 
mobiliers  n'étaient  pas  permises. 

La  première  de  ces  deux  causes  a  été  jugée  le  6  octobre  1892  et 
et  Ja  seconde  a  été  jugée  le  6  avril  1893.  Il  y  a  appel  dans  ces  deux 
causes,  et  il  est  probable,  vu  leur  grande  importance,  qu'elles  se- 
ront portées  jusqu'au  conseil  privé. 

Par  ce  qui  précède  vous  voyez  qu'il  est  impossible  de  répondre 
catégoriquement  à  votre  question.  Que  vos  clients  acceptent  sous 
protêt  le  montant  porté  au  testament  de  leur  père,  et  qu'ils  se  ré- 
servent le  droit  de  réclamer  plus  tard  le  partage  égal.  Ils  ont  trente 
ans  pour  faire  cette  réclamatian.  (G.  G.  art.  2242). 

VENTE  D'IMMEUBLES,  DROITS 
Dans  la  cause  de  Ghoquelte,  demandeur, 

vs. 

Lavergne,  défendeur, 
et 
Le  Procureur-Général,  intervenant, 
La  cour  supérieure  à  Montmagny,  (PelletierJuge),  a  jugé  ; 
Que  le  statut  (1)  de  Québec  de  1892,  55-56  Victoria,  chapitre  17, 
est  constitutionnel,  et,  qu'en  conséquence,  le  gouvernement  a  droit 
de  prélever  un  et  demi  pour  cent  sur  le  prix  de  vente  des  immeubles. 
Gette  action  a  été  intentée  par  M.  Ghoquette,  député  du  comté 
de  Montmagny,  contre  le  régistrateur  (2)  du   comté   pour   le   con- 
traindre d'enregistrer  un  contrat  de  vente  sans  le  payement  préa- 
lable de  la  taxe  de  un  et  demi  pour  cent  sur  le  prix  porté  au  con- 
trat. Le  régistrateur  a  refusé  de  faire  l'enregistrement  et  la  cour 
l'a  approuvé  en  renvoyant  l'action. 


TRIBUNAUX  FRANÇAIS 

LE   DROIT  d'accroissement    (3) 

Nous  lisons  dans  la  Semaine  du  Fidèle  du  Mans  : 

La  congrégation  des  sœurs  de  la  Providence  de  RullIé-sur-Loir  vient  d'obtenir 
gain  de  cause  dans  l'aira'riî  du  droit  d'accroissement  devant  le  tribunal  de  Ven- 
dôme. Par  jugement  rendu  en  date  du  23  février,  le  tribunal  a  annulé  les  contrain- 
tes et  déclaré  que  l'impôt  ne  pouvait  être  exigé  que  dans  un  paiement  unique. 

Gette  décision,  qui  ne  détruit  pas  l'impôt  d'accroissement,  apporte  cependant 
une  certaine  atténuation  dans  l'application  d'une  loi  fiscale  destinée,  comme  on 
le  sait,  à  ruiner  les  communautés  religieuses. 

En  présence  de  cette  décision  nouvelle,  le  fisc  consentira-t-il 
enfin  à  comprendre  qu'il  devrait  bien  mettre  un  terme  à  des  exac- 
tions qui  ne  peuvent  plus  s'expliquer,  si  ce  n'est  par  un  odieux 
parti  pris  de  persécution. — L'Univers. 

(1)  Intitulé  :  Loi  relative  aux  droits  sur  les  successions  et  les  transports  d'im- 
meubles. 

(2)  Conservateur  des  hypothèques. 

(3)  Voyez  le  Puopagatehr  vol.  3,  No  du  1er  décembre   1892,  page  579. 


LE     CATECHISTE 

AU  XIX'  SIECLE 

Par  L'Auteur  du  Manuel  Complet  du  Misssionnaire 

2  volumes  in-8 Prix  :  50  cts  au  lieu   de   $1.00 

TABLE  DES  MATIÈRES 


DU  PREMIER  VOLUME 

I.VTRODDCTION. DiRECTOIIîE. 

OUVERTURE  DES  CONFÉRENCES. 

g  l.  Nécessité  de  connaître  et  <le  remplir  son  devoir.  —  ^2.  Plan   des  Confé- 
rences.—  g  3.  L-s  vérités  loadamentales. 

PREMIERE  PARTIE. 

Le  Credo  ou  les  vérités  à  croire. 


CHAPITRE  [. 

HARMONIE  DE  LA  FOI   ET  DE  LA  RAISON. 

Art.  I.  La  cerlitud'^.  —  Art.  2.  La 
Foi.  —  Combien  elle  est  raisonnaole. — 
Sottise  de  c^^ux  qui  veulent  savoir  le 
pourquoi  de  tout.  —  Art.  3.  La  néces- 
sité et  le  fait  lie  la  Révélation. —  La 
religion  naturelle  de  M.  .lulés  Simon. 
Le  dilemme.  —  Art.  4.  L'Eglise,  insti- 
tuée pour  être  la  gardienne  infaillible 
du  dépôt  de  révélation.  —  Art.  5.  Avan- 
tage de  la  Foi.  —  Art.  6.  Ce  qu'il  faut 
penser  des  impies.  —  lis  ne  sont  ni 
esprits  forts  ni  penseurs  libres.  Ils  sont 
les  fléaux  de  l'humanité  ; — des  copistes 
de  leurs  devanciers.  —  L'orgueil  et  la 
déraison  de  ces  misérables  peints  par 
Bossuet  — Appendice,  Le  Rationalisme 
démasqué.  —  L'idole  des  rationalistes. 

—  Le.*-  maux  du  Rationalisme.  —  Com- 
ment guérir  les  maux  du  Rationalisme. 

—  Les  Comités  catholiques. 

CHAPITRE  II. 

EXPLICATION  ABRÉGÉE  DU  CREDO. 

§  1.  Précis  de  ^Hisloi^e  de  la  Religion 
avant  la  venue  de  Jésus-Christ. — g  2.  Ce 
que  c'est  que  le  Credo.  —  g  3.  Explica- 
tion sommaire  du  Symbole.  —  §  4.  Ex- 
plication du  premier  article  du  Symbole 
(qui  regarde  le  Père).  — g  5.  Explication 
des  articles  du  Symbole  qui  regardent 
Jésus-Christ,  Fils  de  Dieu.  —  Second 
article.  — Troisième  article  du  Sym- 
bole.— Quatrième  article. — Cinquième 
article  —  Sixième    article.  —  Septième 


article.  —  ^6.  Explication  des  articles 
du  Symbole  qui  regardent  le  Saint- 
Esprit.  —  Huitième  arlicl?. — Neuvième 
article.  —  Dixième  article. —  Onzième 
article.  — Deuxième  article. 

CHAPITRE  IIL 

DIEtI  ET     SES   PERFECTIONS. 

Art.  1  Dieu  premier  être.  —  Art.  2. 
Dieu  est  un  esprit.  — Art.  3.  Dieu  est 
éternel.  —  Art.  4.  Dieu  est  infiniment 
parfait.  —  Art.  5.  Suite  d^^s  perfecUons 
de  Dieu  —  Art.  6  La  nature  divine 
ou  la  Divinité. 

Chapitre  IV.  —  dieu  créateur. 
CHAPITRE  V. 

les  ANGES. 

Art.  l.  Création  des  Anges.  —  Art. 
2,  Les  bons  et  les  mauvais  Anges.  — 
Art.  3.  L'Ange  Gardien  et  le  Démon. 
—  Art.  4.  Nos  devoirs  envers  notre 
Ange  gardien. 

CHAPITRE  VL 

LES  HOMMES, 

Art.  1.  Création  de  l'Homme.  —  P 
L'œuvre  de  six  jours.  —  2°  Preuves  de 
la  Création  par  l'Ecriture  Sainte.  —  3* 
Preuves  de  la  Création  par  la  raison. 
Contemplation  des  merveilles  de  la 
Nature. — Art.  2.  Dieu  eut  noire  Con- 
servateur. —  Art.  3.  dieu  est  noire 
Souverain  Maître-  —  Art.  4.  Dignité  de 
l'Homme  —  1°  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
grand  dans  l'Homme,  c'est  son  âme. — 


156 


LE  PROPAGATEUR 


2»  L'Homme  est  un  être  libre, — 
3"  L"Homme  est  supérieur  au  soleil, 
aux  )i]anles,  aux  animaux. — 4"  L'Hom- 
me a  des  traits  de  ressemblance;  avec 
Dieu. —  Art.  5.  Le  but  pour  lequel 
THnnime  a  été  créé  {ou  Fin  de  l'Homme. 

—  1°  Pourquoi  Dieu  a  créé  l'Homme. 

—  2»  Le  veritubit)  honneur.  —  Art.  6. 
Les  deux  vies  de  V Homme.  —  Art.  7. 
Les  fins  dernières.  —  1°  Ce  que  c'est 
que  les  lins  dernière?. — 2»  L'immor- 
talité de  l'âme  et  la  mortalité  du  corps. 

—  3"  Le  jugement  particulier  et  le  ju- 
gement général.  —  4°  Le  ''^iel.  — r  5° 
L'Enl'er.  —  6»  Le  Purgatoire.  —  7»  La 
pensée  du  Ciel.  —  8"  Le  vrai  bonheur. 

—  Abandon  à  la  divine  Providence. — 
^0  Les  huit  béatiludes. 

CHAPITRE  VIL 

PÉCHÉ     ORIGINEL.  —  PROMESFE    d'DN 
SAUVEUR. 

Art.  1.  La  grande  famille  humaine. 

—  Art.  2.  Le  péché  originel.  — Art.  3. 
Giâce  de  préservation  accordée  à  la 
sainte  Vierge.  —  Art.  4.  Fiomesse  d'un 
Sauveur.  — Art.  5.  La  vraie  Religion. 

—  Art.  6,  Les  séductions  du  Démon. — 
Art.  7.  Les  principaux  mystères  de  la 
Religion. 

CHAPITRE  VIII. 

MYSTÈRE  DE  LA  SAINTE  TRINITÉ 

Art.  1.  Unité  de  Dieu.  —  Af.  2.  Les 
trois  personnes  en  Dieu.  —  Art.  3.  Sur 
le  nom  de  chacune  des  personnes  de  la 
Sainte  Trinité.  —  Art.  4.  Nous  devons 
croire  fermement  le  mystère  de  la 
Sainte  Trinité. 

CHAPITRE  IX. 

MYSTÈRE    DE   L"iNCARNATI0N. 

Art.  1.  Jésus-Christ  est  Dieu  et  Fils 
unique  deDitu.  —  An.  2,  Signification 
du  nom  de  Jésus-Christ. — Art.  3.  Jésus- 
Christ  est  notre  Maître.  —  Art,  4.  Com- 
ment Jésus-Cbrist  s'est  incarné,  —  Art.  ' 
5.  Les  deux  natures  et  l'unité  de  per- 
sonne en  Jésus-Christ.  —  Art.  6.  Jésus- 
Christ,  en  tant  qu'homme,  n'a  point  de 
père.  —  Art.  7.  La  Mère  de  Jésus.  — 
Culte  qui  lui  est  dû.  —  Art.  8.  Foi  au 
mystère  de  l'in^  arnalion.  —  Art.  9.  Il 
est  très  avantageux  de  penser  souvent 
au  mystère  de  l'Incarnation. 

CHAPITRE   X. 

VIE   C-i-CHÉE   DE   JÉSUS. 

Art.  l.    Annonciation  (25   mars,) — 


Art.  2.  Visitation,  dans  laquelle  Jusus- 
Christ  sanctifie  son  Précurseur  (2  juil- 
let).—  Art.  3.  La  naissance  de  Jésus- 
Christ  ou  Noël  (25  décembre).  —  Art  4. 
La  Circoncision  (  I  er  janvier).  —  Art.  5. 
Adoration  des  Mages  (  Epiphanie,  6 
janvier). —  Art.  6.  Préseniution  de 
Jésus  au  Temple  (la  Chandeleur,  2 
février).  —  Art.  7.  Fuite  en  Egypte. — 
Art.  8.  Jésus  à  Nazareth.  —  Art.  9. 
Baptême  et  jeûne  de  Jesus-Chrisl. 

CHAPITRE.  XI. 

VIE  PUBLIQUE  DE   JÉSUS-CHRIST. 

Art.  l.  La  Divinité  de  Jésu?-Christ 
prouvée  par  ses  miracles.  —  Art.  2.  Les 
miracles  des  Apôtres  sont  aussi  une 
preuve  de  la  divinité  d«  Jésus-Christ. 

—  Art.  3.  La  Divinité  de  Jésus-Christ 
prouvée  par  le  témoignage  même  de 
ceux  qui  avaient  intérêt  à  nier  s-is  mi- 
racles et  les  miracles  des  Apôtres. 

CHAPITRE  XII. 

MYSTÈRE   DE    LA   RÉDEMPTION. 

Art.  1.  Ce  que  c'est  que  1"^  mystère 
de  la  Rédemption. — Art.  2.  L«s  mérites 
de  Jes-us-Clinst.  —  Art.  3.  L'œuvre  de 
notre  Rédemption  est  complète.  —  Art. 
4.  Malheur  de  ceux  qui  ne  profitent  pas 
des  mérites  de  Jésus-Chri-t.  —  Art.  5. 
Détails  sur  l'^s  souffrances  et  la  mort 
de  Jésus-Christ.  —  Art.  G.  L' Ensevelis- 
sement de  Jéi-us-Chrisl.  —  Art.  7.  Jésus 
dans  les  Limbes. 

CHAPITRE  XIII. 

VIE   GLORIEUSE    DE   JÉSUS-CHRIST. 

Art    I.  Résurrection  lie  Jèsu^-Christ. 

—  Art.  2.  Ascension  de  Jésus-Christ  au 
C;el. — An.  3.  Jésus  médiateur. 

CHAPITRE  XIV. 

VIE  EDCHARISTIQUii  DE  JÉSUS-CHIUST. 

Art.  I  Ce  que  c'est  que  l'Eucharistie. 

—  Art.  2.  Naissance  et  immolation  de 
Jésus  eucharistique.  —  Art.  3.  La  ma- 
nière dont  Jésus-Christ  est  présent 
dans  l'Hostie  et  dans  le  vin  consacrés. 

—  La  Messe  est  aussi  lar-^presentaiion 
du  sacrifice  de  la  Croix.  —  Art.  4.  Mer- 
veilleux bienfaits  de  Jésus  dans  la 
sainte  Euchar-siie, 

CHAPITRE  XV. 

DERNIER   AVÈNEMENT  DE   JÉSUS-CHRIST. 

CHAPITRE  XVI. 
l'aqtion  du  saint-esprit. 
Art.  1.  La  Pentecôte. —  Art.  2.  Action 
du  Saint-E=prit  dans  les  âmes.  —  Art. 


LE  PROPAGATEUR 


157 


3.  L'Eglise.  —  §  1.  Nécessité  d'une 
autorité  doclrinale.  —  g  2.  Fondation 
de  l'Eglise  chirgée  d'enseigner  la  doc- 
trine de  Jésus-Christ.  —  g  3.  Les  mem- 
bres de  l'Eglise.  —  Contre  les  prêtres 
intrus.  —  g  4.  Hors  de  l'Eglise,  point 
de  salut.  —  g  5.  Comment  un  Chrétien 
peut  s'assurer  qu'il  est  dansl'Eghse  de 
Jésus-Christ. —  1.  L'Eglise  de  Jésus- 
Christ  doit  être  visible.  —  2.  Elle  est 
une,  sainte,  catholique,  apostolique. — 
3,  Ces  caractères  se  trouvent  seule- 
ment dans  l'Eglise  dont  le  ch»^f  est  1« 
Pape,  successeur  de  saint  Pierre  à 
Rome.  —  ^6.  Infaillibilité  de  l'Eglise. 
—  g  7.  Infaillibilité  personnelle  du 
Pape.  —  g  8.  Perpétuité  de  l'Eglise  de 
Jésus.Christ.  —  §  9.  Devoirs  et  droits 
des  Caiholiqaf^s.  —  g  10-  Faits  dénatu- 
rés par  la  mauvaise  foi  (Galilée,  l'In- 


quisition, Ips  Jésuites).  —  §  U.  V Eglise 
devant  l'Humanité.  —  1.  L'Eglise  et 
l'autorité.  —  2.  Les  droits  de  l'Homme. 

—  3.  La  Souveraineté  du  peuple  est 
un  leurra.  —  4.  La  vraie  liberté.  — 
5.  Ce  qu'il  faut  penser  de  la  liberté 
absolue  de  la  presse.  —  6.  La  tolérance 
religieuse.  —  7.  L'Egalité  chimérique. 

—  8.  L'Eglise  et  la  civilisation.  —  9.  Le 
vrai  progrès.  —  10.  Droits  de  l'Eglise 
sur  i'insiruclion  chréli.'nne  de  la  jeu- 
nesse. —  11.  Le  pouvoir  temporel  des 
Papes.  —  12.  Le  Syllabus.  —  13.  Plans 
de  conférences  sur  l'Histoire  Ecclé- 
siastique. —  Art.  4.  La  Communion 
des  Saints.  —  Art.  5.  Suite  de  la  Com- 
munion des  Saints.  —  Art.  6.  Action 
du  Saint-Ep|irit  iians  la  rémission  des 
péchés  la  résurrection  de  la  chair  et  la 
vie  éternelle, 


FIN  DE  LA  TABLE  DU  PREMIER  VOLUME. 

SECOND  VOLUME 

DEUXIEME  PARTIE. 

Les  commandements  de  Dieu  et  de  l'Eglise  ou  les  actes  de  vertus  que 
Dieu  demande  de  nous. 


CHAPITRE  I 

NOTIONS  PRÉLIMINAIRES 

Art.  1.  Actes  humains. — Art.  2.  La 
Conscience. — Art.  3.  Les  Lois. — g  l. 
La  loi  divine.  Révélation  primilive. — 
g  2.  La  loi  humaine. — g  3.  Les  com- 
mandemenls  de  Dieu. — |  4.  Les  com- 
mandements de  l'Eglise.  Le  fondement 
des  préceptes  divins.  Le  droit  des  gens. 
— g  5.  Le  péché. 

CHAPITRE  II. 

EXPOSITION  ABRÉGÉE  DES  DEVOIRS  ET  DES 
PÉCHÉS  OPPOSÉS  ADX  DEVOIRS. 

Art.  1.  Devoirs  envers  Dieu. — g  1. 
Premier  commandement  de  Dieu. — 1" 
Adoration. — 2"  Foi. — 3"  Espérance. — 
4»  Charité.  —  g  2.  Deuxième  com- 
mandement de  Dieu.  —  1"  Respect 
dû  à  Dieu.  —  2»  Respeet  dû  à  ce 
qui  est  consacré  à  Dieu.  —  g  3.  3" 
commandement  de  Dieu  ;  1'  et  2» 
commandement  de  l'Eglise. — g  4.  3e  et 
4e  commandement  de  l'Eglise. — Art.  2. 
Devoirs  envers  les  représentants  de  Dieu 
(4e  commandement  de  Dieu). — Art.  3. 
Devoirs  le  prochain  (Ir,  5e,  7e,  8e,  et 
10e  commandement  de  Dieu). — Art.  4. 
Devoirs  envers  soi-même  (  Ir,  5e,  6e,  9e 
et  10e  commandement  de  Dieu  ;  3e,  4e, 
5e,  et  6e  de  l'Eglise). — Art.  5.  Devoirs 


d'Etal. — Devoirs  réciproques  des  pères 
et  mères. — Devoirs  des  parents  envers 
leurs  entants. — Devoirs  des  maîtres. — 
Devoirs  des  supérieurs  civils.— Devoirs 
d'un  écolier.  —  Notes  explicatives.— 1° 
Sur  les  devoirs  envers  Dieu.  Définitions. 
— L'Adoration. — Le  culte  d-s  Saints. — 
Le  blasphème.  Le  serment.  Le  serment 
des  francs-maçons. — La  loi  du  Diman- 
che.— 2'  Sur  les  devoirs  envers  les  re- 
présentants de  Dieu.  Le  tutoiement. — 
3*'  Sur  les  devoirs  envers  le  prochain. 
Définitions. — Dilf'^rentes  manières  de 
scandaliser. — Mensonge. — Vains  soup- 
çons, médisance,  calomnie. — Vol. — 4" 
Sur  les  devoirs  envers  nous-mêmes. 
Loi  de  l'Abstinence. — Fausses  excuses. 
— Nécessité  de  fuir  les  occasions  du 
péché.|5.  Sur  les  devoirs  d'état. Devoirs 
des  parents. — Devoirs  des  maîtres  et 
des  serviteurs.  Devoirs  des  supérieurs 
civils. — Le  ministère  pastoral. — Art  6. 
Les  Conseils.  Utilité  des  Ordres  reli- 
gieux. 

CHAPITRE  IIL 

LES    VERTUS. 

Art.  1.  Principes  généraux.— l  1. 
Notion  de  la  vertu. — g  2.  Vertus  hu- 
maines, vertus  chrétiennes. — Art.  2. 
Vertus  théologales. — g  I.  Leur  objet. — 


158 


LE  PROPAGATEUR 


2  2.  Coasidérati  ms  sur  la  foi. — g  3  Con- 
sidérations sur  r Espérance. — g  4.  Con- 
sidérations sur  la  Charité  envers  Dieu. 
— §  5.  Considérations  sur  la  charité 
envers  le  prochain. — Art.  3.  Vertus  car- 
dinales. Définition  et  division. — La 
Prudence. — La  Justice. — La  Force. — 
La  Tempérance. 

CHAPITRE  IV. 

LES    VICES. 

Notions  générales.  — L'Orgueil. — 
L'Avance. — La  Luxure. — L'Envie. — 
La  Gourmandise. — La  Colère. — La  Pa- 
lesse. 


CHAPITRE  V. 
l'imitation  de  jésos-christ. 
Art.  1.  Obligation  d' imiter  Jésus- 
Christ. — Art.  2.  Vertus  dont  Jésus- 
Christ  nous  a  donné  l'exemple. — 1° 
Dans  sa  Naissance. — 2»  Dans  sa  Cir- 
concision.— 3°  Dans  sa  Présentation 
au  Temi)le. — 4°  Dans  sa  fuite  en  Egyp- 
te.—5°  A  Nazareth.— 6°  Au  Temple 
de  Jérusalem. — 7"  Dans  son  Bapiôme. 
8"  Dans  sa  retraite  au  désert. — 9"  Au 
Jardin  fies  Olives. — 10"  Chez  Caiphe. 
—  11»  Chez  Hérode.— 12°  Devant  Pi- 
late. — 13»  Sur  la  route  du  Calvaire. — 
14°  Sur  la  Croix. 


TROISIEME  PARTIE. 


CHAPITRE  1. 

LA    GRACE. 

Art.  1.  Ce  que  c'est  que  la  grâce  de 
Dieu. — Art.  2.  La  Grâce  sanctifiante, 
§  l.  Nécessité  et  admirables  effets  de  la 
Grâce  sanctifiante. — g  2.  Vaieur  d'un 
acte  de  vertu  fait  en  état  de  Grâce. — 
I  3.  Accroissement,  affaibUssement, 
perte  de  la  grâce  sanctifiante. — Art.  3. 
Grâce  auxiliaire  (ou  actuelle).— l  1. 
Nécessité  de  la  Grâce  auxiliaire. — g  2. 
Moyens  par  lesquels  Dieu  nous  donne 
la  Grâce  auxiliaire. — l  3.  De  la  Cor- 
respondance et  de  la  résistance  à  la 
Grâce. 

CHAPITRE   II. 

LhS  SACREMENTS. 

Des  Sacrements  en  général. — Le  Bap- 
tême.— Le  signe  de  la  Croix. — La  Con- 
firmation.— Les  dons  du  Saint-Esprit. 
Les  sept  inspirations  contraires  du  Dé- 
mon.— L'Eucharistie. — Ruses  du  Dé- 
mon pour  éloigner  de  la   Communion 


fréquente.  La  Pénitence. — Examen  a- 
brégé. — Contrition. — Confession. — Ru- 
ses du  Démon  pour  faire  cacher  les  pé- 
chés.— 5a/i5/'ac/«on.Indulgences. — Dia- 
lologuessur  le  sacrement  de  Péniten- 
ce. — L'Extrême-Otiction. — L'Ordre.  — 
Le  Mariage. — Sur  la  vocation. 
CHAPITRE  III. 

LA  PRIÈIIE. 

§  1.  C-i  que  c'est  que  la  prière. — §  2. 
Nécessité  de  la  prière  — g  3.  Que  faut- 
il  demander? — §4.  Comment  faut-il 
prier? — g  5.  La  mé  iitation. — g  6.  Ex- 
plication du  Pater. — g  7.  Explication 
de  VAve. — g  8.  La  Sainte  Messe.  Ma- 
eière  d'y  assister. — g  9.  Les  œuvres  de 
miséricorde. 

CHAPITRE  IV 

LES  PRINCIPALES    FÊTES  DE    L'aNNÉE 

CHAPITRE  V 

POI.NTS  LES  PLUS  IMPORTANTS  KE.NFERMES 
DANS  LA  TROISIÈME  PARTIE 

CHAPITRE  VI 

PETIT   CATÉCHISME    HISTOBIQUE 


ARTICLES  ADDITIONNELS. 


l.Devoirs  des  maUres  chrétiens  surtout 
au  XlXe  sièle.  — g  l.  Nécessité  de  faire 
concorder  avec  l'instruction  religieuse 

les  autres  parties  de  l'enseignement. 

2  2.  La  Conciliation.  —  II.  Additions 
aux  preuves  de  la  vraie  Religion.— las- 
traction  des  Juifs  et  des  idolâtres. — 
Jésus-Christ  a  réalisé  dans  sa  personne 
toutes  les  prophéties  relatives  au  Me.=;- 
sie. — Le  courage  des  Martyrs. — Preu- 
ves sur  lesquelles  repose  la  divinité  du 
Christianisme  considérées  dans  leur 
ensemble. — Les  Schismatiques. — Rien 
de  nouveau  dans  l'enseignement  dog. 
matique  de  l'Eghse.  —  La  soumission 

FIN  DE  LA  TABLE 


due  aux  décisions  de  l'Eglise. — L'unité 
de  l'Eglise. — Explication  delà  maxime 
Hors  de  l'Eglise,  point  de  salut. —  Fé- 
condité de  l'Eglise.  —  Triomphes  de 
l'Eglise. — Prqphéties  de  la  très  sainte 
vierge  Marie. 

m,  Dialogue  sur  la  vie  chrétienne. 
— ÏV.  Dialogues  familiers  sur  divers 
points  de  dogme  et  de  morale. — V.  Les 
Cantiques. — VI.  Manière  d'entendre 
la  Messe,  d'après  samt  Liguori. — Le 
Rosaire  des  paroisses. — Exercice  du 
Chemin  de  la  Croix. — Les  aspirations 
d'une  âme  chrétienne. 

DU  SECOND  VOLUME. 


NOTES  &  RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

POUR    AIDER     LES    ECCLÉSIASTIQUES   A   COMPOSER   ET 
A   COMPLÉTER   LEUR   BIBLIOTHÈQUE 


PREMIERE  PARTIE 
Livres  de  piété  pour  les  ecclésiastiques 


Beuvelet  donne  sous  le  litre  de  Mé- 
ditations de  la  vie  chrétienne  :  les  véri- 
tés de  la  Vie  purgative,  celles  de  la  Vie 
illumtnalive,  et  en  troisième  lieu  des 
méditaiions  pour  chacune  des  princi- 
pales fêtes  de  l'année  (mystères  des 
saints). —  Les  Méditations  de  la  Vie 
ecclésiastique,  qui  forment  la  seconde 
partie,  ont  pour  objet  :  lo  l'excellence 
et  la  grandeur  de  l'étal  ecclésiastique, 
et  les  dispositions  requises  pour  y  entrer 
dignement  (entr'autres  la  vocation  et 
l'esprit  ecclésiastique)  ;  2o  la  tonsure, 
c'est-à-dire  son  mérite,  ses  cérémonies, 
les  dispositions  qu'elle  exige  et  les 
obligations  qu'elle  impose  :  3o  le  sacre- 
ment de  l'Ordre,  et,  en  particulier,  les 
ordres  mineurs  ;  4o  les  ordres  majt^urs, 
et,  en  particulier,  le  sous-diaconat,  dont 
on  examine  l'excellence,  les  fonctions 
et  les  obligations  ;  5o  le  diaconat  ;  60  la 
prêtrise  (excellence,  fonctions  et  ver- 
tus) :  7o  "  les  moyens  pour  s'acquitter 
dignement  de  toutes  les  obligations 
d'un  ecclésiastique  et  acquérir,  conser- 
ver et  accroître  les  vertus  qui  y  sont 
nécessaires  :  "  80  les  devoirs  et  obliga- 
tion d'un  curé.  Beuvelet  a  ensuite, 
pour  tous  les  dimanches  de  l'année, 
des  méditations  prises  sur  l'évangile  du 
jour,  et  "  spécialement  dressées  "  pour 
les  ecclésiastiques.  Il  termine  par  cin- 
quante-et-une  méditations  qui  com- 
prennent en  abrégé  toutes  les  obliga- 
tions de  la  vie  chrétienne  et  ecclésias- 
tique. 

Nos  lecteurs  peuvent  juger,  par  cette 
énumération,  combien  est  complet  le 
"Recueil"  de  Beuvelet.  Nous  voudt  ions 
pouvoir  dire  et  faire  accepter  tout  le 
bien  que  nous  en  pensons.  Et  d'abord, 
il  a  le  mérite,  à  nos  yeux,  d'être  en 
dehors  de  toute  méthode  d'oraison  ;  il 
laisse  à  l'esprit  la  plus  grande  liberté, 
et  on  peut  lui  appliquer  l'une  ou  l'autre 
méthode.  Ce  qui  nous  rend  aussi  très 
recommandable  cet  ouvrage,  c'est  la 
brièveté  de  ses  thèmes  d'oraison,  briè- 
veté qui  ne  sent  pas  la  pauvreté.  Car 
les  vérités  que  Beuvelet  offre  à  nos  ré- 
flexions sont  très  principales,  très 
substantielles,  très  suggestives  ;  elles 
sont  entourées  d'explications,  de  con- 
sidérations rationnelles,   d'arguments 


d'autorité  qui,  présentés  aussi  avec 
clarté  ei  concision,  produisent  dans 
l'âme  lumière,  chaleur  et  force.  L'esprit 
n'a  pas  du  peine  à  se  nourrir  de  la  doc- 
trine ainsi  exposées  à  s'en  pénétrer, 
pour  faire  ensuite  agir  ces  vérités  sur 
la  volonté,  et  nous  amener  à  des  con- 
clusions pratiques  et  à  des  résolutious 
fortement  assises  et  puissamment  mo- 
tivées. Nous  avons  parlé  d'arguments 
d'autorité  :  ce  sont  les  textes  d'Ecriture, 
ou  des  Pères,  ou  des  Conciles,  qui 
nombreux  et  bien  choisis,  encadrés 
dans  le  texte  de  l'auteur  ou  ajoutés  à 
la  suite,  enrichissent  singulièrement  le 
thème  de  l'oraison,  et  lui  donnent  une 
onction  qui  pénètre  toutes  les  facultés 
de  notre  âme. 

Personne  ne  songera  à  faire  un  repro- 
che à  Beuvelet  et  à  ses  méditations 
d'être  du  dix-septième  siècle  ;  c'est  un 
titre  de  plus  à  notre  respectueuse  at- 
tention qu'il  ait  appartenu  au  grand 
siècle,  qu'il  ait  fait  partie  de  cette 
pléiade  de  saints  prêtres  comme  les 
Vincent-de-Paul,  les  Olier,  les  BéruUe, 
les  Condrien,  les  Bourdoise,  etc.,  et 
qu'il  ait  contribué  avec  eux  à  promou- 
voir la  sanctification  du  clergé  séculier. 
Sur  ce  sujet,  de  la  sainteté  du  prêtre, 
on  n'a  rien  dit  de  plus  persuasif,  de 
plus  fort,  de  plus  complet  que  ce  qu'ont 
écrit  et  prêché  les  Olier,  les  Tronson, 
etc.  Nous  trouvons  dans  leurs  ouvrages 
des  tournures  de  phrases  vieillies,  des 
expressions  surannées;  nous  recon- 
naissons que  certains  sujets  de  médi- 
tation de  Beuvelet  n'ont  plus  de  raison 
d'être  ;  mais  ces  imperfections,  légères 
et  d'ailleurs  très  rares,  ne  doivent  pas 
nous  émouvoir  et  nous  empêcher  d'ap- 
précier à  leur  juste  valeur  des  écrits 
dont  le  fond  est  si  solide  et  si  riche. 
Du  reste,  les  éditions  récentes  de  Beu- 
velet ont  subi  quelques  modifications 
nécessaires:  celle  des  prêtres  de  Saint 
Dizier,  que  nous  signalons  de  préféren- 
ce à  celle  retouchée  par  M.  Vernier, 
n'enlève  rien  au  mérite  de  l'ouvrage. 
Et  toutefois  qu'on  nous  permette  de 
préférer  les  éditions  originales,  qu'on 
trouve  dans  les  librairies  anciennes; 
en  cela  nous  partageons  quelques  peu 
le  goût  naïf  et  simple  de  ce  bon  parois- 


160 


LE  PROPAGATEUR 


sien  qui  déclarait  un  jour  n'aimer  point 
les  livres  modernes  et  leur  préférer 
ceux  où  les  5  ressemblent  aux  f. 

Les  méditations  de  M.  Branchereau 
forment  un  cours  complet  à  l'usage  des 
élèves  des  grands  séminaires  et  des 
prêtres.  Elles  embrassent  d'abord  les 
vérités  fondamentales,  les  vertus  et  les 
exercic-^s  qui  remplissent  lajournée  du 
prêire.  La  4e  partie  comprend  les  médi- 
tations pour  les  fêtes  de  Noire-Seigneur 
celles  de  U  Sainte- Vierge  et  des  saints  ; 
la  5e  est  spécialement  réservée  à  la 
vocation  ecclésiastique,  au  séminaire', 
aux  ordinations,  aux  grandeurs  et 
fonction-  du  sacerdoce.  Ces  cinq  par- 
ties, qui  formpnt  quatre  volumes  in-12 
de  plus  de  500  pnges  chacun,  ne  con- 
tiennent que  214  sujets  de  méditation  ; 
c'esi  dire  que  pour  la  longueur  et  les 
développement^,  ils  ne  laissent  rien  à 
désirer.  Ils  so:it  rédigés,  nous  dit 
l'auteur  dans  la  préfac'^,  d'après  la 
méthode  "  que  donne  M.  Olier  dans  sa 
Jouimée  chrétienne,  et  qu'expose  en 
détail  le  Manuel  de  pièce  à  l'usage  des 
sémirair'-s,  et  que  l'on  suit  dans  toutes 
les  maisons  dirigées  par  la  Compagnie 
de  Saint-Sulpice.  "  Il  y  a  donc  trois 
points  disdncts  pour  chaque  médita- 
tion :  l'adoration,  les  considérations, 
les  atfeciions  et  résolutions.  C'est  le 
second  point  qui  occupe  le  plus  de 
place,  car  si  l'auteur  reconnaît  que  la 
méditation  est  à  la  fois  un  exercice  de 
l'eiprit  et  du  cœur,  et  que  les  affections 
et  autres  actes  de  la  volonté  y  ont  une 
place  nécessaire  et  qu'elles  sont  même 
le  but  indispensable  de  l'oraison.il  exige 
que  par  des  considérations  approfondies 
sur  le  sujet  proposé,"  nous  formions  en 
nous  cette  conviclion  intime  et  forte  qui 
est  le  fondement  nécessaire  des  résolu- 
tions efficaces.  "  "  Pénétré  de  cette  pen- 
sée, ajoute  M.  Branchereau,  nous  nous 
sommes  appliqué  à  donner  à  nos  mé- 
ditations le  caractère  doclrinal  qui  con- 
vient tout  spécialement  à  des  médi- 
tations ecclésiastiques.  "  La  haute 
le  situation  de  l'auteur  et  l'expérience 
acquise  dans  le  ministère  qu'il  exerce 
depuis  tant  d'années  nous  garantissent 
une  doctrine  exacte  et  sûre,  des  appli- 
cations justes  et  pratiques.  Nous  ne 
dirons  rien  du  style,  qui  sous  la  plume 
de  M  Branchereau,  ne  peut  être  que 
très  correct  et  très  élégant.  Faisons 
remanjuer  en  finissant  les  "  sommaires 
pour  la  veille  au  soir  ;  ils  sont  un  résu- 
mé très  concis,  mais  très  méthodique 


et  très  complet  de  la  méditation,  et  par 
suite  ils  seront  aisément  retenus  et 
faciliteront  singulièrement  la  prépara- 
tion moins  éloignée  à  l'oraison  du 
lendemain. 

Les  trois  volumes  du  P.  Bronchain  ne 
sont  pas  destinés  uniquement  au  clergé, 
ils  sont  adressés  à  toutes  les  âmes  qui 
aspirent  à  la  perfection. — L'auteur  ne 
s'est  pas  proposé,  pour  la  suite  de  ses 
méditations,  un  ordre  logique  ;  on  en 
éprouve  tout  d'abord  une  impression 
défavorable  ;  mais  elle  ne  tarde  pas  à 
disparaître,  à  cause  des  qualités  sé- 
rieuses de  cet  ouvrage  et  des  avantages 
que  présente  l'ordre  adopté. 

Les  sujets  d'oraison  donnés  parle  P. 
Bronchain  sont,  en  elfet,  d'une  rédac- 
tion parfaite  ;  deux  points  pour  chaque 
méditation  ;  dans  chaque  point  un 
exposé  clair  et  succinct  de  la  vérité  ou 
du  mystère  que  nous  devons  méditer, 
et  une  application  faite  à  nous-même 
des  leçons  pratiques  que  contient  cette 
vérité  ou  ce  mystère,  et  enfin  une  invo- 
cation ou  prière.  Au  commencement 
de  chaque  méditation,  sous  le  titre 
Préparation,  l'auteur  indique  briève- 
ment les  pensées  qui  seront  l'objet  de 
nos  réflexions,  et  fait  ressortir  très  uti- 
lement l'importance  de  celle  médita- 
tion, en  signalant  le  fruit  qu'on  en  doit 
retirer.  L'onire  chronologique  suivi 
par  le  P.  Bronchain,  et  la  grande  place 
qu'il  donne  au  méditaiions  sur  les 
mystères  du  temps,  permettra  à  ceux 
qui  utiliseront  ce  recu'il,  de  vivre  da- 
vantage de  la  vie  de  l'Eglise,  en  entre- 
tenant en  eux  les  sentiments  corres- 
pondant à  ces  mystères.  D'aileurs,  ces 
méditations,  avec  celles  qui  sont  assi- 
gnées pour  les  fêtes  de  la  Sainte-Vierge 
et  des  principaux  saints,  avec  celles 
aussi  que  l'auteur  appelle  suplémen- 
taires  et  qui  ont  pour  objet  les  grandes 
vérités  du  salut,  les  vertus  et  les  obli- 
gations du  chrétien,  embrassent  très 
certainement  toute  la  doctrine  sur  la 
spiritualité  ;  quelques-unes  se  rappor- 
tent à  certaines  obligations  spéciales 
au  prêtre.  Aussi,  tout  en  avouant  que 
ce  cours  de  méditations  peut  être 
avantageusement  ulili'-é  par  les  fidèles, 
et  devra  leur  être  conseillé,  nous  cro- 
yons que  les  ecclésiastiques  pourront 
également  en  faire  leur  profit;  nous 
les  leur  recommandons,  tant  à  cause 
de  la  brièveté  de  leur  rédaction  qu'à 
cause  des  fortes  pensées  qui  y  sont 
proposées.  (à  suture) 


LIVRES  DE  BIBLIOTHEQUES 


Volumes  de  15  cts  pour  5  cts 


La  grande  comète  de  1882. 

La  nature,  la  race,  la  santé,  par 
F.  A.  Baillargé,  pire. 

Une  mine  de  pierre,  par  R.  P.  Z. 

Laçasse,  O.  M.  I. 

Talant  15  cts  redutt  7  cts    1 

Aller  et  retour  par  A.  Mazure.       | 


Le  Détroit  et  la  Baie  d'Hodson, 

par  G.  F.  Baillargé. 

Mgr  Bourget,  çà  et  là,  par  Jeaa- 
Baplisie. 


La  Vierge  de  Walcourt,  par  G. 

da  Jardinet. 


De  l'éducation  des  filles  ;par  A.  Mazure.  20  cts  réduit  à  10  cts 
Tolunies  de  25  cts  pour  lâ|^  cts,   deux  pour  â5  cts 


Nos  hommes  forts,  par    A.  N. 

Montpeùt. 

Si  les  canadiennes  le  voulaient 

parLaure  Gonan. 

Vie  de  M.  Pierre  Ls  Billaudèle, 

Trois  légendes  d3  mon  pays, 
par  J.  G.  Taché. 

La  première  canadienne  du  N- 
Ouest,  par  l'abbé  Dugas. 

Soirées  de  l'ouvrier,  par  flippo- 
lyle  Violeau. 

Cinquante  proverbes,  par  E.  de 

Margene. 


Les  Sablons,  par  J.  G.  Taché. 
'  Mgr  Ignace  Bourget,  A.  Leblond 
de  Brumath. 

Le  héros  de  Chateauguay,  par  L 
0.  David. 

Nos  grand'mères,  par  N.  Bourassa 

Les  voyageurs  canadiens,  par 
Gaston  P.  Labat. 

Vie  de  M.  Dominique  Granet. 

Nouvelles   Histoires  par  E.  de 
Margerie. 

Un  mot  sur  le  théâtre,  par  Uq 
moraliste. 

La  Corée,  par  Paul  Tournafond. 


Tolunies  de  30  cts  réduits  â  15  cts 


Henri  Achard,  par  A.  Berthe. 
André  le  mineur,    "         " 
La  Mothe  Friars  par  G.  Guenot 
Le  maître  de  Hongrie,  "    " 
Sigismer  ou  la  marche  des  Francs 
par  G.  Guenot. 

Le  Kalifah  d&s  Bémi  Salem,  par 
G.  Guenot. 

Le  baron  de  Moncowo,  par  G. 

Guenot. 

Le  roi  de  la  mer,  par  [G.  Guenot. 
Le  grenadier  de  la  garde,    " 
Koger  d'Entragues,     "       " 


Les  abeilles  d'or,         "       " 
Warderick    ou    le    servage     au 

VlIIme  siècle,  par  G.  Guenot. 
Le  transfuge,   "       " 
Le  comte  de  Saint  Yon   "    " 
Le  fédéré  ou  de  Paris  à  la  Nvelle 

Gaiédonie,  par  G.  Guenot. 
Nouveau  Manuel,     de    civilité 

chrétienne,  par  Th.  Menard. 
Lalégalité  (dialogueparL.  Veuillol 
Cléricale,  par  Gl  de  Chandeneux. 
La  vengeance  de  Geneviève  par 

Glaire  de  Ghandeneux. 


162 


LE  PROPAGATEUR 


Volumes  à  S&  cts  réduit  â  SO  cts 


Pied-léger,  par  G.  D'Arvor 
Vatandono,     "       " 
Louise  et  Hélène,  "     " 
Berthe,  ou  la  fille  du  banquier  par 
G.  d'Arvor. 

Amélie,  ou  Dieu  fait  bien  toute 
chose,  par  G.  D'Arvor. 

Procrius,  ou  les  martyrs  d'Agen, 
par  G.  D'Arvor. 

Pauvre  Claude,       "  "    , 

La  dette  de  Roger,  "  " 

Alfred  de  Kerjean,    "  " 
Sarah,  ou  la  suivante  de  la  mar- 
quise, par  Monlf'jurnier. 

Calby,  ou  les  massacres  de  Sep- 
tembre,.par  F.'A.  de  Boaça. 

Mary  et  Mi-ka,  par  Michol  Auvray^ 

Sœur  Mirane        "  " 

Les  vacances  de  Madeleine  par 


Michel  Auvray. 

Trésor  héraldique,  !par  A.  de  la 
Porte. 

Les  nébuleuses,  par  A.  Guillemin. 

La  conversion  d'un  franc-maçon 

par  L.  Morrisson  Lacombe 

Conseil  aux  ouvriers,  par  Th. 
H.  Barreau. 

La  question  du  travail,  entre 
patrons  et  ouvriers.  l'Abbé  Loriot. 

Le  son,  notions  d'acoustique,par 
Guillemin. 

Le  robinson  de  Paris,  par  C.  de 
Lalaing 

De  la  charité,  dans  les  conver- 
sations, par  le  B.  P.  Huguet. 

Méthode  de  coupe  et  d'assem- 
blage, par  Mme  G.  Schéfer. 

Le  savoir  faire  ei  le  savoir  vivre, 
par  Clarisse  Juranvilie. 


Tolumes  de  50  cts  réduits  â  25  ctn 


La  ferme  du  muiceron,  par  Ma- 
rie Rheil. 

La  conversion  d'un  maréchal 
de  France,  par  J.  Lémann. 
Les  échos  de  ma  lyre,  par  A.  De- 

voille. 

Les  ouvriers,  par  A  Devoille. 

Les  mésaventures  de  Jean  Paul 
Chopparl,  par  Louis  Desnoyers. 

La  légion  étrangère,  par  le  Lapt. 
Blanc 

Le  saint  de  neige,  par  Etienne 
Marcel. 

L'Empire  du  dragon  souvenirs 
d'Asie,  par  Dr  Karl  May. 

Le  flls  du  chasseur  d'ours,  par 

Dr  Karl  May. 

Nos  petits  camarades,  par  Marie 
Maréchal. 

Les  enfants  d'aujourd'hui,  par 

une  mère  de  famille. 
Néridah,  par  Wilfrid  de  Fonvielle. 

Le  véritable  langage  des  fleurs, 

par  Anais  de  Neuville. 

Sous  le  grand  hêtre,  par  Auguste 
Snieders. 

Bonjours  Philippe,  par  Auguste 
Snieders. 
;i,['L'Hydraulique,  par  E.  Marzy. 


Les  mémoires  de  Finette,  par 

L.  Hameau. 

Les  mémoires  d'un  passereau, 

par  Tchéré. 

Les  jeudis  de  Germaine  et    de 

Marinette,  par  Marie  Gassan. 

La  falaise  de  Mesnil-Val,  par 

J.  Chantrel. 
Les  deux  clochers,par  J.Chantrel. 

La  politique  d'un  villageois,  par 

André  Barbes. 

La  famille  Kersanne,  par  Mme 
Louise  Dorvai. 

Nouvelles  et  récits  villageois,  par 
Jean  Lander. 

La  redoute  du  Capt.  Emporte- 
pièce,  par  Gondry  du  Jardinet. 

Le  centenaire  de  1789,  par  E. 
D'Argill. 

La  petite  chouannerie,  A  D.  Rio. 

Geneviève',  par  M.  A.  Neiiement. 

L'Epave,        " 

Mes  souvenirs,  par  Elizabeih  de 
Bonnefond. 

Firmin,  M.  de  Mariés. 

Joies  et  tristesses  de  la  mer,  par 

Faucher  de  St  Maurice. 

Vie  de  Melle  Mance,  par  Adrien 
Leblond. 


LE  PROPAGATEUR 


163 


Tolumes  de  50  cts  réduit»  à  25  ets— SUITE 


Villemarie.  Petites  fleurs  religieu- 
ses (lu  vieux  Montréal, 

Vie    de    Madame    Barat,    par 

Alexandre  Brunel. 

Vie  de  monsieur  Olier,  par  P. 
A.  de  Lanjuère. 

La  littérature  au  Canada  en 
1890,  par  F.  A.Baillargé  Pire. 

Entre  nous,  Causeries  du  Samedi 
par  Léon  Ledieu. 

Petites  fantaisies  littéraires,  par 
Georges  Lemay. 

Gustave,  ou  un  héros  canadien, 
par  A.  Thomas. 

Voyage  du  R.  P.  Emmanuel 
Crespel,  par  Louis  Crespei. 

Vie  de  Mlle  IjeBer. 


La  santé  pour  tous,  par  Dr  S. 

Lâcha  pelle. 

Justice  aux  canadiens-français, 

par  Vte  de  Bouthillier  Chavigny. 

Noces  d'or  de  la  St-Jean-Bap- 
tiste,  par  P.  Ph.  Gharetle. 

Cours  de  littérature  par  une  reli- 
gieuse Ursuline. 

Education  des  jeunes  filles  par 
la  Comtesse  Drohojowska. 

Les  fruits  d'or  du  pensionnat, 

par  Félix  Bonnal. 

Traité  élémentaire  de  botani- 
que, par  l'Abbé  L.  Provancher. 

La  famille  et  ses  traditions,  par 
Alex  Brunel. 

L'année  scientifique,  et  Indus- 
trielle, i)ar  Louis  Figuier. 


Volnmes  de  68  cts  réduits  â  30  cts 


Suzanne,  par  Lia  Cresseden. 
Chêne  et  roseau,  i)ar  V  Vaitier. 
Le  jonc  d'or,  par  Louise  de  Lorlal. 
La  cellule  de  Françoise,    "    " 
Miss  Adda,  par  Marie  Pierre. 

Alba  la  Japonaise,  par  Camille 
d'Arvor. 

Madeleine  Romain,  par  Marthe 
Lachèze. 

Rimes  cléricales.  Histoires  et  lé- 
gendes, par  l'abbé  L.  Briault. 

Le  premier  violon,  Mme  Anna 
Pinot. 
Charmant,  Meile  Louise  Mussat. 

Cours  de  sens  commun,  par  l'ab- 
bé P.  D.  Richaudeau. 

Travaux    manuels  et  économie 

domestique,  par  Mme  Schéfer. 

Les  Eoirées  du  pensionnat,  par 

trnest  \  i.i.. 

Dix-huït  cents  fi:ancs  de  rente, 

par  Pierre  U'i  Château. 

Les  maurénal,  par  la  Comtesse  de 
la  liochère. 


Berthe  d'Altemart,par  Marie  Curo 

Les  soirées  de  la  famille,  par 

Ernest  Via!, 

Premiers  récits  d'un  natura- 
liste, pfti"  J  D'Arsac. 

Les  habitants  de  l'air,  J.  DArsac. 

Ciel  et  terre  (Promenades  dans 
l'espace)  par  J.  D'Arsac. 

Le  monde  des  poissons  et  des  rep- 
tiles, par  J.  D'Arsac. 

Le  monde  des  mammifères,  par 
J.  D'Arsac. 

Dans  le  Royaume  aérien,  par 
J.  D'Arsac. 

Bêtes  soumises,  bêtes  guerri- 
ères, par  J.  D'Arsac. 

Jje  livre  d'or  ou  la  science  de 
l'homme,  par  J.  D'Arsac. 

Dans  les  entrailles  de  la  terre. 

par  J.  D'Arsrac. 

Les  phénomènes  de  la  vie  vé- 
gétale, par  J.  D'Arsac. 

Mgr  Provencher  et  les  missions 
delà  Rivière  Rouge,  par  l'abbé  Dugas. 


Volumes  de  75  cts  réduits  à  38  cts  3  pour  75  cts 

La  cassette  du  Baron  du  Faoué-  Le  brigand  delà  Cornouaille,par 
die,  par  Camille  d'Arvor.  Louis  Moreau. 

Le  récit  de  Catherine,  par  Cela-  Un  oncle  à  héritagcpar  S  Blandy 
nie  Carissan.  .      La  dette  de  Zéena,  p^r  S  Blandy 

La  vie  en  plein  air,  par  V  Vattier.   |     Paille  et  Grain,  par  André  Le  Pas. 


164 


LE  PROPAGATEUR 


Tolumes  de  75  cts  réduits  â  38  cts  2  pour  75  cts 


Les  neveux  de  la  chanoinesse, 

par  Tony  Lix. 

Les  savoyardes,  par  Charles  Buet. 

L'Héritier    des   Montveil,    par 

Melle  Guerrier  du  Haupt. 

L'Institution  Leroux,  par  Melie 
Guerrier  du  Haupt. 

Un  roman  dans  une  cave,  par 

Clair  de  Chandeneux. 

Un  souvenir  de  famille,  p^r  M. 

L'abbé  Daix. 

Vingt  millions  de  rente,  par  V 

Vatlier. 

La  jeunesse  de  Fanny  Kemble, 

par  Mme.  Craven. 

Les  inconséquences  de   John 
Bull,  par  L  Nemours  Godrè. 

Variétés,  éducation  et  morale, 

par  Emmeline  Raymond. 

La  béate,  par  Aimé  Giron. 

Yvonne  Trois-Etoiles,  par  Com- 
tesse Piostopchine. 

De  l'éducation  chrétienne  des 
filles,  par  M.  L'Abbé  de  Clèves. 

L'expiation  de  lady  Culmore, 

par  Berihe  Neuliès. 

Le  darwinisme   et   l'origine    de 
l'homme,  par  l'Abbé  A.  Lecomte. 

A  tire  d'aile,  (Poésies)  par  René 
des  Ghenais. 

Nouveau-traité  de  la  narration, 

2  vols,  par  Alp,  Presse  Monlval. 

Les  anciens  Canadiens,  2  vols, 
par  P.  A.  de  Gaspé. 

Question  d'histoire  littéraire, 

par  Abbé  Victor  Charland. 

Nouvelle  méthode   de  coupe, 

par  Alice  Guerre. 


Petites  pages  d'histoire, 

Prince  Henri  de  Valoie. 


par  le 


Jean  Courtebarbe,  par  J  Protche 
de  Viville. 

La  statue  grecque  de  Pibur,  par 

Melle  Alp  Karr. 

Mabel  Stanhope,    par  Melle  Alp 
Karr 

Voyage  à  la  Côte  orienentale 
d'Afrique,  par  Mgr.  Gaume. 

La  dernière  des  ravaudeuses, 

par  Vie  Henri  du  Mesnil. 

Csecilia.  Une  héroine  des  Cata- 
combes, par  L'Abbé  Périgaud. 

Les  principes  de  89,  par  F.  Breites. 

Marthe  de  Lurtzen,par  L  Théver. 

Souvenirs  d'une  pensionnaire, 

par  Mélanie  Van  BiervUet. 

De  l'éducation  dans  les  Pen- 
sionnats, par  Melanie  Van  Biervliel. 

Le  comte  de  Triazek;  par  Antonio 
Dupuy. 

L'Oasis  Juvenilia,  par  E.  Meunier . 

Mademoiselle     Sous-Plio  c  en 

Charps   d'Héricault. 

Roseline,  par  A.  Frank 

Rosés  et  rubans,  par  Bne  Marti- 
neau  des  Ghesney. 

Maître    le    tianec,    par   Marthe 
Lachèse. 

En  Egypte  et  en  Palestine,  par 

un  pélenn  Lyonnais. 

Au  delà  du  Khin,  par  Lucien  Vi- 
gneron. 

Françoise  de  Souvigny,  par  Félix 

Clément. 

Le  Château  de  Byrogues,  Paul 
Itorel. 


Volumes  de  8$  ets  réduits  â  40  ets 


■  Souvenirs  des  Zouaves  pontifi- 
caux 1861  et  1862,  par  F.  C.  Chauff 
de  Kerguenec. 

Claude  de  France,  par  M.  R.  de 

Magnienville. 

Explorations  et  missions  dans 
l'Afrique  Equatoriale,  par  Florentin 
Louot. 

La  morale  de  la  richesse,  par 

Antoine  Rondelet. 

;  Mon. voyage  au;  pays  des  chî^ 

mères,;  par  Anlonin  Rondelet. 


Le  Tonkin  et  la  Cochinchine, 

par  Eugène  Veuiliot. 

Moïse  et  Darwin.  L'homme  de  la 
Genèse  comparé  à  l'homme  singe,  par 
Dr.  Constantin  James. 

Les  Jésuites  dans  l'Amérique 
du  Nord,  par  F.  Parkman. 

La  fin  d'un  monde,  par  E.  Dru- 
mont, 

Gouvernement  d'une  famille 
chrétienne,  par  l'abbé  H.  Chaumont. 


LE  PROPAGATEUR 


165 


Toliinie!9  de  Çl.OO  réduits  à  50  et» 


Les   familles  et   la  société  en 

France  avanl  la  révolution,  par   Chs, 
de  Ribbe. 

Souvenir  d'une    amie,    2   vols. 
Une  religieuse  Ursuline. 

De  l'Atlantique  au  Pacifique, 

par  le  Baron  Etienne  Huot. 

Grammaire  du  Blason,  par  C. 
Simon. 

Le  cabinet  de  toilette,  (Toile)  par 
Baronne  Staffe. 

Curiosités  Zoologiques  (rel)  par 
D.  Sachot. 

Jacques  et  Marie,  par  Nap.  Bou- 
rassa. 


La   Baie  d'Hudson,   par  J. 

Proulx  Ptre. 


B. 


Théorie    pratique  du  billard, 

valant  Sl.'25  par  E.  Graveleuse. 

Famille  et  collège,  par  Henri 
Gras. 

Incompris,  par  Miss  Montgomery, 
valant  S  1.50. 

Les  Patriotes  de  37-38,  par  L.  0. 
David. 

Histoire  populaire  de  Montréal 
par  A.  Leblond  Brumath. 

Un  pèlerinage  au  pays  de  l'é- 
vangeline.  par  l'Abbe  H. H.  Casgrain. 

Vingt  années  de  missions,  dans 
le  N.  O.  par  Mgr  Alex.  Tache. 

Les  victimes  de  la  Mamertine, 
par  Kv.  A.  J.  O'Reiliy. 
Les  poètes  illustres,  par  Frédéric 


André. 

Histoire  populaire  du  Canada,  par  J.  de  Baudoncourt.  Valant  51.25, 
Les  canadiens  de  l'Ouest,  î  vol.  par  Joseph  Tassé.  Valant  $2.00  pour  $1.00 


Livres  endommagés 


Après  le  catéchisme,  cours  d'in- 
structions religieuses,  par  l'auteur  des 
paillettes  d'or.  In-18,  55  cts  réduit  à 
25  cts. 

Treize  cantiques  à  sain  t  Joseph 

publiés  et  mis  en  musique  à  1,  2  ei  3 
voix  avec  accompagnement,  par  le  R. 
P.  Deleval.  40  cts  réduit  à  20  cts. 

Traité  canonique  et  pratique 

du  Jubilé,  par  J.  Loiseaux.  1  fort  vol. 
in-!2,  SI. 00  réduit  à  25  cts. 

L'ami  du  clergé,  revue  de  toutes 
les  questions  ecciésiasliqu'^s.  Tome 
sixième  in-4,  $2.00  réduit  à  81.00. 

Cours  d'histoire  ecclésiastique 

à  l'usage  des  grands  séminaires,  par 
M.  l'abbé  Rivaux.  9me  édition,  3  vol. 
in-8  reliés  (absolument  sans  dommage) 
$5.00  réduit  à  S2.50. 

Explication  des  quinze  mystères 
du  rosaire,  par  M.  l'abbé  Bletton.  .3  vol. 
in-18,  $1.00  réduit  à  50  cls. 

Retraite  de  huit  jours  pour  se  pré- 
parer à  la  profession  religieuse.  1  vol. 
in- If,  40  cts, réduit  à  20  cts. 

Examens  particuliers  sur  divers 
sujets  propres  aux  laïques  qui^veulent 
s'avancer  dans  la  perfection,  :;par  M. 
Tronson.  1  vol.  in-l2,  SOctsreduit  15c. 


Bonald  (A.). — Lvstitutiones  theo- 
LOGiCiE  ad  usum  seminariorum  6  vol. 
in-12,  S3.50  réduità  Sl.OO. 

Bouix,  (M.  l'abbé). — Tractatds  de 
CoNCiLio  provinciali.  1  vol.  in-8  $1.75 
réduit  à  $0.50. 

Saintrain,  (R.P.). — Le  rédempteur 
sa .  préexistence,  son  avènement,  ses 
enseignements,  ses  institutions,  ses 
souffrances  et  ses  gloires  d'après  les 
livres  saints.  1  vol.  m-8  S  1.50  réd.  à50. 

Fleurs  de  la  première  communion, 
souvenirs  et  récits  d'un  catéchiste,  par 
M.  l'abbé  Lolh.  1  fort  vol.  in-12,  $1.00 
réduit  à  50  cts. 

Atlas  des  missions  catholiques, 
vingt  cartes  teintes,  avec  texte  expli- 
catif, par  le  R.  P.  Werner  S.  J.  In-4, 
$1.75  réduit  à  75  cts. 

Méthode  élémentaiie  de  plain. 
chant  romain,  par  Edmond  McMahon- 
In-18  20  cls  réduit  à  10. 

Paillettes  d'or  (L'auteur  des)  Le 
petit  livre  des  supérieures  40  cts  réd. 
à  25.  La  science  du  ménage  20  cts 
réduit  à  10-  Le  livre  des  gardes  ma- 
lades 40  cls  réduit  à  20.  De  la  prière 
25  cls  réduit  à  13. 


166 


LE   PROPAGATEUR 


SIECLE  DE  LOUIS  XIV,  par  Vol- 
taire, 75  cls.  réduit  â  25. 

TRAITÉ  ELEMENTAIRE  .le  Cos- 
mographie.par  J.  Pichot,S;i.50  red  à  75 

NOUVELLE  MYTHOLOGIE  dédiée 
aux  jeunes  filles,  par  Mme  Bourdon, 
50  cts.  Léduit  à  20. 

G  HIST.  DE  FRANCE,  mise  à  la  portée 
des  enfants,  par  G.  Bélèze,  45  cls. 
réduit  à  10. 

HIST.  NATURELLE,  mise  à  la  por- 
tée de  la  jeunesse,  par  G.  Bélèze,  45  cts. 
réduit  à  10. 

CAHIERS  D'HIST.  naturelle,  par 
Milne  Edwards,  40  cts.  réduit  à  15. 

ELEMENTS,  par  Emile  Bouant, 
35  cts.  réduit  à  15. 

COURS  ELEMENTAIRE  de  géolo- 
gie, par  M.  J .  Gosselet,  75  cts.  red.  à  25. 

LEÇONS  PRIMAIRES,  de  sciences 
physiques  et  naturelles,  par  Ad.  Eocil- 
lon,  40  cts.  réduit  à  10. 

HIST.  SAINTE,  avec  gravures,  par 
M  l'Abbé  Bernard  cours  élém.  25  cls. 
réduit  à  10.  Moyen  45  cls.  réduit  à  20 
Supérieur,  50  cts.  réduit  à  20. 

NOUVELLE  HIST.  SAINTE,  à  l'u- 
sage du  jeune  âge,  35  cts.  réduit  à  10. 

HIST.  DE  l'EGLISE  CATHOLIQUE 
par  L,  Jaunay,  70  cts.  réduit  â  20. 

TRESOR  SCIENTIFIQUE  des  écoles 
primaires,  par  Jules  Conan,  45  cls 
réduit  à  20. 

LE  PETIT  LIVRE  du  jeune  fron- 
çais, par  Arthur  Lotb,  40  cts.  réd.  à  15. 

JOSEPH,  RUTH,  TOBIE,  ainsi  que 
Fables,  par  Henri  Congnet,  75  cls 
réduit  à  25. 

RÉSUMÉ  DE  L'HLSTOIRE  romaine 
par  l'Abbé  P.  Mury,  50  cts.  réduit  à  15' 

PETIT  TRAITE  DE  cosmographie" 
par  M.  Desdouils,  30  cts.  réduit  à  10.    ' 

FABLES,  choisies  de  Florian,  \)à^ 
M.  Desdouils,  10  cts.  réduit  à  5. 

COURS  DE  LITTERATURE  des 
classes  d'humanités,  par  Abbé  Jean- 
maire,  75  cts.  réduit  à  25. 


GEOGRAPHIE  de  la  terre  moins 
l'Europe,  par  L.  Grégoire,  60  cts. 
réduit  à  25. 

ZOOLOGIE,  par  P.  Maisonneuve, 
$1.50  réduit  à  75, 

3ème  LIVRE  DE  LECTURE  à  l'u- 
sage des  jeunes  filles,  par  G  Juranville 
40  cts,  réduit  â  20. 

COURS  ELEM.  de  gymnastique  sco- 
laire,par  Oscar  Henrion,20  cts.  réd.  à  5. 

LECTURE  INTUITIVES,  avec  le- 
çons de  choses,  leçons  de  mots,  par  M. 
Georges  et  L.  Froncet,  25  cts.  réd.  à  10. 

150  LECTURES  littéraires  en  prose 
et  en  vers,  par  P.  C.  Turgan,  35  cts. 
réduit  à  10. 

DE  LA  CONNAISSANCE  de  Dieu, 
par  Bossuet,  45  cts.  réduit  a  15. 

DE  L'EXISTENCE,  et  des  attributs 
de  Dieu,  par  Fénélon,  45  cts.  red.  à  20. 

NOUVEAU  COURS  d'histoire,  par 
Abbé  Courval,  $1,00  réduit  à  25. 

GRAMMAIRE  enfantine,  par  Claude 
Auge,  25  cts.  réduit  à  10. 

2ème  LIVRE  de  grammaire,  par 
Claude  Auge,  25  cts.  réduit  à  10. 

Sème  LIVRE  d-i  grammaire,  par 
Claude  Auge,  45  cts.  réduit    à,  20. 

NOUVEAU  COURS  D'HISTOIRE» 
ancienne  classe  de  6ème,  par  M.  Gi- 
rard, 50c.  pour  15. 

NOUVEAU  COURS  D'HISTOIRE 
dé  France,  classe  de  Sème,  7ème,  par 
M.  Girard,  50c.  réduit  à  15. 

NOUVEAU  COURS  D'HISTOIRE 
de  France,  cours  élémentaire,  par  M. 
Girard,  30c.  réduit  à  10. 

NOUVEAU  COUHS  D'HISTOIRE 
de  France,  cours  moyen,  par  M.  Gi- 
rard, 60c.  réduit  à  20. 

NOUVEAU  COURS  D'HISTOIRE 
de  France,  cours  supérieur,  par  M.  Gi- 
rard, 90c.  réduit  à  25. 

HISTOIRE  SAINTE  suivie  d'un 
abrégé  de  l'Histoire  ecclésiastique,  par 
M.  Victor  Boreau,  60c.  réduit  à  20. 


LE  PROPAGATEUR 


167 


HTSTOIREABRÉGÊE  DE  LARE- 
LiGiON,par  M.  Lhomond,  25c.  réd.  à  10. 

ABRÉGÉE  DE  L'HISTOIRE  STE, 
par  le  Dr  J.  Shuster,  20c.  réduit  à  5. 

FABLES  AMUSANTES,  par  M. 
Perrin,  20c.  réduit  à  10. 

FABLES  CHOISIES  DE  PHÈDRE, 
par  G.  Darras,  45c.  réduit  n  15. 

PETIT  TRESOR  LITTERAIRE  des 
fnf-ints,  par  M.  Georges,  15c.  réd.  à  5. 

MASSILLON,  petit  carême  20ct?.ré- 
duità  10. 

PETIT  CARÊME  de  Maasillon  avec 
notes, par  Abbé  Drioux,  35cts.  red.  à  15. 

MONADOLOGIE,  par  Leibaitz, 
40  cts.  réduit  à  15. 

MANUEL  DE  GÉOMÉTRIE,  parE. 
Catalan,  63  cts.  réd*<it  à  20. 

MANUEL  DE  MECANIQUE,  par  E. 
Catalan,  38  cts.  réduit  15. 

ZOOLOGIE  DES  ECOLES,  par  Mme 
Pape  Carpentier,  35  cts.  réduit  15. 

2ème  LIVRE  DE  RECITATION,  et 
de  morale,  par  Mme  Pape-Carpentier, 
25  cts.  réduit  à  10. 

COURS  ELEMENTAIRE  de  Cosmo- 
graphie,  par  J.  F.  A.  Dumouchel,  30  cts. 
réduit  à  10. 

TRAITÉ  de  Géologie,  par  J.  B. 
Lpgrain,  25  cts.  réduit  à  15. 

TRAITÉ  d'Astronomie,  par  Dr.  Th. 
Olivier,  30  cts.  réduit  à  15. 

TRAITÉ  de  Mécanique,  par  J.  B.  Le- 
grain,  30  cts.  réduit  à  15. 

EPITRES  ET  EVANGILES  des 
dimanches  et  fêtes,  30  cts.  réduit  à  10. 

EPITRES  ET  EVANGILES  des 
dimanches  et  fêtes,  Cart,  10  cts. 
réduit  à  5. 

COURS  DE  ST^  LE  épistolaire,  par 
l'Abbé  A.  J.  Delbos,  50  cts.  réd.  à  20. 

DICTÉES  CURIEUSES.par  Clarisse 
Juranville,  45  cts.  réduit  à  20. 

DICTÉES    AMUSANTES,  par  Cla- 
risse Juranville,  45  cts.  réduit  à  20. 
DICTÉES  RÉCRÉATIVES,  par  Cla- 


risse Juranville,  45  cts.  réduit  à  20. 

KEEPSAKE  DIDACTIQUE,  par  L. 
Célestin,  30  cts.  réduit  à  10. 

GYMNASTIQUE  intellectuelle,  par 
P.  Larousse,  30  cts.  réduit  à  10. 

LES  BOUTONS,  par  P.  Larousse, 
30  cts.  réduit  à  10. 

LES  BOUTONS,  livre  du  maître, 
par  P.  Larousse,  50  cts.  réduit  à  20. 

LES  FLEURS  ET  LES  FRUITS, 

par  P.  Larousse,  30  cts.  réduit  à  10. 

RACINE,  Critique  idéale  et  catholi- 
que. 2  vol.  par  A.  Charaux,  $1.25 
réduit  à  50. 

ÉLÉMENTS  d'économie  politique 
par  P.  Guillemenot,  63  cts.  réduit  à  20 

LA  LOGIQUE  de  Port-Royal,  par  A 
Fouillée,  75  cts.  réduit  à  25.  " 

ELEMENTS  DE  PHILOSOPHIE, 
par  M.  Alph.  Aulard,  $1-13  réduit  50. 

ORAISON  FUNÈBRE  de  Louis  de 
Bourbon,  par  Bossuet,  15  cts  réduit  5. 

LA  CITOLÉGIE.  Nouvehe  méthode, 
de  lecture,  par  H.  A.  Dupont,  15  cts. 
réduit  à  5. 

COURS  ABRÉGÉ  d'histoire  Anci- 
enne, par  A.  Drioux,  30  cts  réduit  à  10. 

GUIDE  DU  CORRECTEUR,  par  A. 
Tassis,  30  cls  réduit  à   15. 

NOUVEAU  DICTIONNAIRE  fran- 
çais, Chs.  Baillargé,  $1.00  réduit  à  50. 

DICT.  DES;VERBES,  irréguliers  et 
défectifs,  pas  F.  A.  Baillargé  pire,  25 
cts  réduit  à  5. 

VOL  DES  ARAIGNÉES.  La  cave 
des  apiculteurs,  par'Mme  C.  Lavergae, 
50  cts  réduit  à  20. 

MANUEL  DES  ÉTUDES  primaires, 
par  Clerec  &  Heissat  60  cts  réduit  à  20. 

MANUEL  DES  ÉTUDES  primaires. 
Cours  de  géographie,  par  Cli.'rec  à 
Heissat,  25  cls  r-jduit  à  5. 

XÉNOPHON.  Entretiens  mémora- 
bles de  Socrate,  par  l'abbé  Queatia, 
60  cts  réduit  à  15. 

QUINTI  HORATIl  flacci,  par  H.  T. 
60  cts  réduit  à  20. 
l 


168 


LE  PROPAGATEUR 


EXERCICES  sur  les  difficultés  de  la 
langue  anglaise,  par  G.  Fleming,  75  cts 
réduit  à  20. 

THE  YOUNG  LADIES'  reader,  par 
M.  J.  Sadlier,  75  cts  réduit  à  25. 

GAGE  &  Co's  Canadian  History,par 
J.  L.  Hughes,  20  cts  réduit  à  5. 

GAGE  &  Co's  HEALTH  IN  THE 
HOUSE,  par  Buckton,  60  cts  réduit  15* 

W.  ANDERSONS  commercial  cor- 
respondence,  88  cts  réduit  à  25. 

COURS  D'HISTOIRE  de  France, 
par  J  d'Arsac,  2  vol.  cartonnés,  $2.00 
réduit  à  $1.00. 

HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE 

française,  par  d'Arsac,  f  1.00  réd.  à  50. 

QUESTIONS  DU  BACCALAURÉAT 
Rhétorique  et  Philosophie,  2  vol.  car- 
tonnés f  1.50  réduit  à  75. 

L'ART  DU  CONFISEUR  Moderne, 
par  Duval,  $1.15  réduit  a  90. 

LA  BONNE  ET  PARFAITE  Guisi- 
nière,  par  Croisette,  50  cts.  réd.  à  25. 

NOUVEAU  MANUEL  DE  LA  Cui- 
sinière, Bourgoise,  40  cts.  réd.à  20. 

LES  RECETTES  DE  FAMILLE,  par 
M.  LePrieur,  50  cts.  réduit  à  25. 

L'ART  D'ACOMÛDER  LES  RESTES 
35  cts.  réduit  à  20. 

LE  LIVRE  DES  SOUPES  et  des 
potages,  50  cts.  réduit  à  25. 

MÉTHODE  DE  CULTIVER  LES 
Melons  Loisel,  35  cts.  réduite  15, 

NOTIONS  USUELLES  DE  Médecine 
Vétérinaire,par  Samson,  35cls.  rd.  à  15. 

LES  ANIMAUX  DOMESTIQUES, 
par  Lefourd,  35  cts.  réduit  à  15. 


FIRST  LESSONS  in  french,  by 
Greene,  65  cts  réduit  à  20. 

INTRODUCTION  to  English  His- 
tory,  by  Greene,  30  cts  réduit  à  10, 

NOUVEL  ATLAS  de  géographie, 
par  Drioux  &  Leroy,  $2,40  réduit  à  50. 

LE  JEUNE  AGE  illustré.  Journal 
pour  les  enfants,  $2.50  réduit  à  $1,00. 

CONTES  &  HISTOIRES  pour  les 
enfants,  cartonné  toile,  $2.00  réduit  75- 

LE  PETIT  DR.  GALL,  ou  l'art  de 
connaître  les  hommes  par  la  Phrénolo- 
gie,  35  cts.  réduit  à  20. 

LA  BOITE  A  ESPRIT,  15  cts. 
réduit  à  5. 

GUIDE  DU  PARFAIT  JARDINIER 
par  Hocquart,  $1.00  réduit  à  50c. 

LE  NOUVEAU  PARIS,  Guide  de 
l'étranger,  35  cts.  à  20. 

ENSEIGNEMENT  PRATIQUE  pour 
les  salles  d'Asile,  par  Mme  Pape  Car- 
pentier,  $1.50  réduit  à  75c. 

MANUEL  DES  SALLES  D'ASILE 
par  Mde  Galti  de  Gannond,  50  cts. 
réduit  à  25, 

CHANSONS  A  L'USAGE  des  Salles 
d'Asile,  20  cts.  réduit  à  10. 

GYMAASTIQUE  DES  Délies,  par 
L'Aisni,  $1.00  réduit  à  50. 

L'ART  DE  LA  DICTION,  par 
l'Abbé  Bourgain,  63  cts.  réduit  à  35. 

ÉLÉMENTS  D'ÉCONOMIE  Politi- 
que,par  Guilmeneaui,  63  cts.  réd.  à  35, 

'  MÉCANIQUE  ET  COSMOGRAPHIE 
par  Dufailly,  relié  $2.00  réduit  à  $1.00 


Ijivres  endommagés 


Petit  catéchisme  liturgique  à 

j'usage  des  maisons  d'éducation.  In- 18 
10  cts  réduit  à  5. 

Prônes,  sermons  et  Homélies 

d'après  les  prédicateurs  bontemporains 
avec  préface  et  traits  historiques,  par 
M.  l'abbé  Pluot.  1  vol.  grd  in-8,  $1.50 
réduit  à  50  cts. 


Quelques  règles  canoniques  sur 

la  conduite  spiritueiie  des  religieuses, 
In-12,  25  cts  réduit  à  10. 

Théologie  dogmatique  ou  expo- 
sition des  preuves  et  des  dogmes  de  la 
religion  catholiquo,  par  le  Cardinal 
Gousset,  2  forts  vol.  in-8,  $3.50  réd. 
à  $2.00, 


LE    PROPAGATEUR 

Volume   IV,  15  Mai,  1893,  ,Naméro  6 

BULLETIN 


5  mai  1893. 

*^*  Il  est  probable  que  la  commission  internationale  d'arbitrage, 
chargée  de  régler  )a  question  des  pêcheries  de  la  merde  Behring, 
ne  terminera  pas  ses  travaux  avant  quelques  semaine?.  11  faut 
espérer  que  cette  délicate  question  sera  réglée  selon  les  règles  de 
la  justice  et  de  l'équité.  On  peut  même  prévoir  d'une  manière 
certaine  une  solution  satisfaisante  si  tous  les  arbitres  sont  animés 
des  sentiments  que  leur  président  a  exprimés  en  prenant  possession 
de  son  siège.  Voici  les  paroles  que  ce  monsieur  a  prononcées 
dans  cette  occasion. 

"  Puisse  la  divine  Providence  de  qui  relèvent  toutes  les  actions  des  hoiiimes 
"  nous  donner  la  force  et  nous  inspirer  la  sagesse  nécessaires  pour  accomplir 
"  notre  difBcile  mission  et  pour  marquer  ainsi  une  étape  vers  la  réalisation  de 
"  la  parole  pleine  de  consolation  et  d'espoir  de  Celui  qui  a  dit  :  Bienheureux  les 
"  pacifiques  car  la  lerre  leur  appartiendra. 

Dans  les  sphères  officielles  de  France  on  n'est  plus  habitué  à 
entendre  ainsi  prononcer  le  nom  de  Dieu.  Aussi  ces  paroles  si 
dignes,  prononcées  dans  une  circonstance  officielle,  par  un  fran- 
çais (1)  ayant  un  caractère  officiel,  ont-elles  excité  la  rage  des 
sectaires.  Le  journal  juif  là  Lanterne  y  trouve  même  une  violation 
de  la  Constitution  du  pays  et  un  véritable  abus  de  confiance. 

Les  journaux  catholiques  de  France,  ï Univers  entr'autres,  ont 
fait  bonne  justice  de  ces  inepties. 

:k 

*,*  Des  événements  d'une  extrême  gravité  ont  eu  lieu  en  Bel- 
gique. La  Constituante  chargée  de  réviser  la  constitution  s'est 
prononcée  contre  le  suffrage  uiùversel  et  elle  a  rejeté,  par  un 
vote  de  115  contre  26  et  3  abstentions,  une  proposition  en  ce  sens 
faite  par  M.  Janson.  Cette  action  de  l'assemblée  constituante  a 
soulevé  les  masses  déjà  surexcitées.  La  grève  générale  a  été  dé- 
crétée par  les  meneurs  socialistes  et  des  émeutes  terribles  ont  eu 
lieu  en  plusieurs  endroits.  Il  y  a  eu  des  tués  et  un  grand  nombre 
de  blessés.  L'état  de  siège  a  été  proclamé  dans  la  capitale.  Un 
moment  on  a  craint  une  grande  révolution  et  l'occupation  mili- 
taire du  pays  par  les  armées  de  r  Allemagne.  Dans  cet  état  de 
choses  le  gouvernement  a  adopté  le  principe  du  suffrage  universel 
avec  pluralité  de  votes  et  il  s'est  rallié  à  la  proposition  faite  en  ce 
sens  par  M.  Nyssens,  professeur  à  la  faculté  de  Louvain.    Il  a  fait 

(1)  Le  président  de  la  cammission  est  le  barOn  de  Gourcel,  ancien  ambassa- 
deur de  France  à  Berlin. 

11 


170  LE  PROPAGATEUR 


de  celte  proposition  une  question  de  cabinet  et  la  Constituante  a 
enfin  cédé.  Par  119  voix  contre  14  et  12  abstentions,  elle  a  adopté 
la  proposition  de  M.  Nyssens,  et  le  sénat  a  ratifié  cette  décision 
par  un  vote  de  62  contre  1  et  14  abstentions.  A  la  suite  de  ce  vote 
le  calme  s'est  rétabli.  L'article  de  la  constitution  qui  vient  d'être 
révisé  est  l'article  47, 
En  vertu  du  changement  adopté,  ont  droit  de  vote  : 

1»  Tout  citoyen  âgé  de  25  ans  et  résidant  dans  une  commune  depuis  un  an. 

2°  Tout  citoyen  âgé  de  35  ans,  marié  ou  veuf,  et  payant  à  l'état  un  impôt  mi- 
îiimum  de  cinq  francs. 

3*  Tout  citoyen  âgé  de  25  ans  et  ayant  des  immeubles  valant  au  moins  2000 
francs  ou  possédant  iOO  francs  de  rente  sur  Tétat. 

4°  Tout  citoyen  âgé  de  25  acs,  possédant  une  instruction  supérieure  et  por- 
teur dun  diplôme  qui  le  constate. 

Personne  cependant  ne  peut  disposer  de  plus  de  trois  votes,  tt  le  vote  est 
obligatoire. 

L'adoption  du  suffrage  plural  fait  triompher  les  meneurs  socia- 
listes. En  le  votant  les  chambres  ont  obéi  à  la  force  brutale  ;  et, 
avant  longtemps,  la  force  obtiendra  encore  plus,  c'est-à  dire  le 
suffrage  uiversel  pur  et  simple.  Or  le  suffrage  universel  est  une 
arme  dangereuse  lors  qu'elle  est  mise  dans  les  mains  des  masses 
ignorantes  et  fanatisées. 

*/  Le  roi  et  la  reine  d'Italie  ont  célébré  leurs  noces  d'argent  il 
y  a  quelques  jours.  L'empereur  d'Allemagne  était  présent.  Il  avait 
bien  voulu  donner  cette  marque  d'amitié  à  son  bon  ami  ou  plutôt 
à  sa  bonne  dupe^  le  roi  d'Italie,  par  la  g  âce  de  la  révolution  et 
des  sociétés  secrètes. 

L'enthousiasme  n'était  qu'officiel  et  n'a  pas  été  même  l'ombre 
de  l'enthousiasme  véritable  qui  existait  lors  des  fêtes  jubilaires 
du  pape  le  spolié  de  rinlrus  qui  règne  à  Rome.  Une  chose  digne  de 
remarque  c'est  que  d'un  côté  l'empereur  d'Autriche  se  faisait  re- 
présenter aux  fêtes  par  l'archiduc  Rénier,  oncle  du  roi  d'Italie  et 
que,  de  l'autre  côté,  il  réprimait  toutes  les  manifestations  des  pro- 
vinces (de  langue  italienne)  de  la  monarchie  autrichienne.  C'est  là 
une  preuve  palpable  que  la  triple  alliance  n'est  pas  édifiée  sur  des 
bases  bien  solides. 

Que  Dieu  veuille  que  cette  alliance  hybride  s'écroule  bien- 
tôt sous  la  réprobation  universelle.  Nous  le  souhaitons  de  toutes 
nos  forces  dans  l'intérêt  de  la  Papauté  et  dans  l'intérêt  de  la  France. 

*** 

**  Dans  les  Communes  d'Angleterre,  la  deuxième  lecture  du 
bill  du  Home  Rule  a  été  volée  par  une  majorité  de  43  voix  (l). 

Dans  les  débats  qui  ont  précédé  cette  lecture,  M.  Russell  [qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  sir  Charles  Russell,  procureur  général  dans 
le  cabinet  Gladstone,)  député  de  Tyrone  sud,  a  renouvelé  ses  fana- 
tiques attaques(l)contre  la  province  française  et  catholique  de  Qué- 

(1)  347  voix  pour  le  bill  et  304  contre. 

(2)  Voir  le  Propagateur  du  premier  mars,  page  3. 


LE  PROPAGATEUR  171 


bec  qu'il  représente  comme  courbée  sous  le  joug  du  clergé  etc.  M 
Blake  a  pris  notre  défense  et  il  nous  a  noblement  vengés  des  im- 
putations injurieuses  du  fougueux  député.  Il  a  parlé  avec  élo- 
quence de  notre  tolérance  et  de  notre  générosité  à  l'égard  de  la 
minorité  protestante  de  la  province. 

Les  orangistes  de  l'Ulster  ont  tenu  des  assemblées  séditieuses 
et  ils  ont  menacé  d'avoir  recours  aux  armes,  si  le  biil  devient  loi. 
Heureusement  que  les  Communes  ne  se  sont  pas  émues  des  mena- 
ces des  énergumènes  et  qu'elles  sont  bien  déterminées  à  passer 
outre  et  à  rendre  à  l'Irlande  catholique  la  justice  qu'elle  réclame 
depuis  si  longtemps. 

11  ne  faut  pas  croire  que  l'Ulster  s'oppose  en  masse  à  l'adoption 
du  Home  Rule^  car  cette  partie  de  l'Irlande  compte  un  bon  nombre 
de  catholiques  qui  sympathisent  avec  leurs  frères  des  autres  pro- 
vinces. Il  y  a  même  dans  l'Ulster  beaucoup  de  protestants  qui 
désirent  les  changements  politiques  demandés  par  les  catholiques, 
et  ils  ont  télégraphié  en  ce  sens  à  M,  Gladstone. 

Je  termine  cet  article  par  ce  portrait  de  l'Orangiste  que  fait  un 
journal  protestant  irlandais  de  Lowell.  Massachusetts,  le  ^'■Sunday 
Arena  ". 

"  The  orangeman  is  a  rara  ayii  ;  aa  Irishman  who  hâtes  Ireland;  a  slave 
"  ^ho  loves  his  chaiDS  and  slripes;  a  Christian  who  despises  Ihe  leaching  of 
"  Christ  ;  a  palriol  who  clamors  for  bad  laws  for  his  country,  and  who  glories 
"  in  Ihe  oppression  of  his  fellow  countrymea  and  Ihe  humiliation  of  his  mother- 
"  land." 

Un  journal  prétend  qu'il  y  a  80.000  orangistes  dans  toute  l'Ir- 
lande. Sur  ce  nombre  éd.OOO  résident  dans  l'Ulster. 

* 

*^*  La  revue  de  la  flotte  internationale,  à  l'occasion  des  fêtes  co- 
l^biennes,  a  eu  lieu  le  27  avril  dans  le  port  de  New  York.  Elle  a 
été  faite  par  le  président  Cleveland  en  présence  de  foules  immenses. 

11  y  avait  là  des  vaisseaux  de  guerre  de  la  France,  de  l'Allema- 
gne, de  l'Espagne,  de  l'Italie,  du  Brésil,  de  la  Hollande  et  de  la  ré- 
publique Argentine.  On  remarquait  surtout  trois  petits  vaisseaux 
qui  sont  la  reproduction  exacte  de  la  Santa  Maria  de  la  Pinta  et  de 
la  Nina,  les  trois  caravelles  qu'avait  Christophe  Colomb  dans  son 
voyage  de  découverte.  Ces  caravelles  doivent  bientôt  remonter  le 
Saint-Laurent  en  route  pour  Chicago. 

*,*  Le  premier  de  mai  le  président  Cieveland  a  ouvert  solennel- 
lement l'exposition  de  Chicago.  L'inauguration  des  bâtisses  avait 
eu  lieu  le  21  octobre  dernier. 

Les  terrains  de  l'exposition  sont  situés  sur  les"  bords  du  lac  Mi- 
chigan,  à  sept  ou  huit  milles  du  centra  de  la  ville.  On  dit  qu'il 
y  a  50.000  exposants  et  que,  outre  les  Etats-Unis,  il  y  a  50  nations 
el  37  colonies  qui  prennent  part  à  cette  exposition. 

*/  Dans  le  mois  d'avril  des  tempêtes  épouvantables  se  sont  dé- 


172        /  LE  PROPAGATEUR 


chaînées  sur  l'ouest  américain,  renversant  tout  sur  leur    passage. 

Des  villages  entiers  ont  été  détruits  et  les  dommages  à  la  pro- 
priété sont  énormes.  Ce  qui  est  plus  triste  ce  sont  les  nombreuses 
pertes  de  vies  causées  par  ces  ouragans.  Quant  au  nombre  des 
blessés,  il  est  incalculable. 

Par  bonheur  ces  tempêtes  ne  se  sont  pas  étendues  ici,  car  nous 
aurions  eu  à  déplorer  des  dommages  pires  que  ceux  que  nous 
avons  éprouvés  l'été  dernier. 

*/  Dans  le  cours  d'avril  des  tentatives  d'assassinat  ont  été  fai- 
tes contre  son  Eminence  le  Cardinal  Vaszary,  primat  de  Hongrie, 
contre  le  roi  de  Portugal  et  contre  monsieur  Gladstone.  Heureu- 
sement que  ces  tentatives  criminelles  n'ont  pas  réussi.  L'auteur 
de  l'attentat  contre  le  roi  de  Portugal  st  un  fou.  C'est  aussi  un 
fou,  exalté  par  les  discours  incendiaires  des  adversaires  du  Home 
Rule,  qui  a  tenté  d'assassiner  M.  Gladstone.  Quant  à  l'attentat 
contre  le  Cardinal  Vaszary,  il  a  été  commis  par  un  domestique 
congédié.  Le  secrétaire  du  Cardinal,  M.  l'abbé  Kohi,  a  été  grave- 
ment blessé. 

* 
*,*  La  compagnie  de  publication  du  Canada  Revue  a  intenté  une 
action  en  dommages,  au  montant  de  850,000.00,  contre  monsei- 
gneur Edouard  Charles  Fabre,  archevêque  catholique  Romain  de 
Montréal.  Celte  action  a  pour  cause  le  mandement  par  lequel  l'ar- 
chevêque a  condamné  le  Canada  Revue  et  en  a  interdit  la  lecture 
dans  son  diocèse.  Cette  audacieuse  tentative  d'empêcher  un  évêque 
de  remplir  les  devoirs  de  sa  charge  cause  une  grande  indignation 
parmi  les  catholiques.  Elle  a  de  l'éctio  parmi  les  mangeurs  de  prêtres. 

*  • 

*,*  Le  1er  mai,  20e  anniversaire  de  la  consécration  épiscopale 
de  Mgr  Fabre,  les  citoyens  catholiques  de  Montréal  se  sont  réunis 
en  grand  nombre  dans  la  cathédrale  et  ont  présenté  à  Sa  Grandeur 
des  adresses  de  félicitations.  Ils  ont  protesté  en  même  temps  contre 
les  poursuites  scandaleuses  du  Canada  Revue^  et  stigmatisé  en 
termes  énergiques  son  odieuse  conduite.  La  magistrature,  le  mi- 
nistère fédéral,  le  ministère  provincial,  le  Sénat,  les  Communes 
le  Conseil  législatif,  l'Assemblée  législative,  le  conseil  de  ville,  les 
professions  libérales  et  toutes  les  autres  clas-es  de  la  société 
avaient  des  représentants  dans  celte  importante  assemblée. 

Cette  grande  manifestation  des  citoyens  de  sa  ville  épiscopale, 
parmi  lesquels  on  remarquait  le  premier  ministre  de  la  province 
et  le  maire  de  la-cité,  doit  être  une  consolation  pour  le  prélat  dans 
les  tribulations  qui  l'assiègent. 

* 

*,*  La  question  des  aliénés  qui  a  causé  tant  de  trouble  au  gou- 
vernement provincial,  est  définitivement  réglée.  Les  révérendes 
sœurs  Grises  de  Québec  ont  acheté  l'Asile  de  Beauport  et  tout  le 


LE  PROPAGATEUR  173 


mobilier  moyennant  la  somme  de  quatre  cent  vingt  cinq  mille 
piastres. 

L'agile  de  Biauport  étai«t,  parait-il,  très  bien  tenu.  Nous  approu- 
vons cependant  ce  changement  de  régime,  car  c'est  un  fait  indé- 
niable qu'il  n'y  a  personne  au  monde  comme  une  sœur  de  charité 
pour  prendre  soin  des  malheureux. 

Les  sœurs  ont  de  suite  fait  avec  le  gouvernement  un  contrat  par 
lequel  elles  s'engagent  à  prendre  soin  des  aliénés  moyennant  le 
payement  annuel  de  la  somme  de  cent  piastres  par  patient.  Cet 
engagement  est  contracté  pour  dix  ans. 

Le  gouvernement  se  réserve  le  contrôle  médical  de  l'établisse- 
ment. 


* 


%*  La  législature  de  la  Nouvelle-Ecosse  a  été  prorogée  le  28 
arriL  Les  principales  mesures  de  la  session  sont  le  bill  concernant 
les  mines  de  charbon,  et  le  bill  d'incorporation  du  syndicat  qui 
doit  les  exploiter. 


*,*  Sont  nommés  : 

l*'  Conseiller  législatif  pour  la  division  de  Stadacona,  M.  John 
Sharples,  marchand  de  bois.  Il  remplace  il  John  Roche  décédé 
dernièrement. 

2°  Payeur  en  chef  pour  le  département  des  Canaux,  M.  Hugh 
McMillan,  ancien  député  fédéral  de  Vaudreuil. 

*,*  Sont  décédés  : 

P  Son  Eminence  le  cardinal  Louis  Gioriani,  archevêque  de 
Ferrare.  Il  est  né  à  Godifiiime  le  13  Octobre  1822.  Il  a  été  ordonné 
prêtre  le  19  septembre  1846,  sacré  évêque  le  6  mars  1»71,  nommé 
archevêque  de  Ferrare  le  22  Juin  1877  et  créé  cardinal  le  14  mars 
1887.  C'était  un  savant  et  un  littérateur  distingué. 

2"  Son  Eminence  le  cardinal  Louis  Sepiacci.  Il  est  né  à  Casti- 
glione  le  12  Septembre  1835  et  il  a  été  créé  cardinal  le  14  décem- 
bre 1891. 

3*=*  Mgr.  Hugh  Conway,  évêque  de  Killala,  Irlande. 

4°  Mgr.  Félix  Nicholas  Joseph  Midon,  évêque  d'Osaca,  Japon. 
Il  est  né  à  Bonvillier,  département  de  la  Meurtre,  France,  le  7  mai 
1840.  Il  a  été  ordonné  prêtre  le  21  mai  1864.  Le  3  août  1870  il 
quitta  le  Séminaire  des  Missions  étrangères  pour  les  missions  du 
Japon.  En  1888  il  fut  nommé  évêque  titulaire  de  Césaropolis  et 
vicaire  apostolique  du  Japon  central,  et  en  1891  il  fut  nommé 
évêque  d'Osaca. 

L'évêché  d'Osaca  est  situé  dans  le  centre  du  Japon.  "  Il  s'étend," 
dit  rU/iivers  ''  depuis  le  lac  Biwa  et  les  confins  des  provinces 
Tetchyden,  Mino  et  Ovvari  jusqu'aux  plages  occidentales  de  la 
grande  île  de  Nippon,  en  y  comprenant  aussi  l'île  Chicorou  et  les 
autres  adjacentes." 


174  LE  PROPAGATEUR 


5^  M.  Charles  Faider,  jurisconsulte  et  ancien  ministre  de  la  jus- 
tice en  Belgique.  Il  était  âgé  de  82  ans. 

6o  L'hon.  J.  Ballance,  premier  ministre  de  la  Nouvelle-Zélande. 
Il  était  en  même  temps  trésorier  de  la  colonie  et  commissaire  du 
commerce  et  des  douanes. 

7°  L'amiral  français,  François  Edmond  Paris,  savant  et  marin 
distingué.  Il  était  natif  de  Brest.  En  1826,  étant  enseigne  de  vais 
seau,  il  fit  sur  VAstrolabe  le  voyage  de  circumnavigation  avec  le 
célèbre  Dumont  D'Urville.  Il  était  membre  de  l'académie  des 
sciences  et  l'auteur  d'un  grand  nombre  d'ouvrages  concernant  la 
marine. 

8**  M.  Esquirou  de  Parieu,  membre  de  l'Institut,  et  ancien  mi- 
nistre de  l'instruction  publique  en  France.  C'est  sous  son  minis- 
tère, sous  la  deuxième  république,  que  fut  votée,  le  15  mars  1850, 
la  loi  de  la  liberté  de  l'enseignement  secondaire  à  laquelle  il  a  at- 
taché son  nom  M.  de  Parieu  est  né  le  13  avril  1815.  Il  était  avocat. 
Il  fut  député  à  la  Constituante  chargée  de  préparer  la  Constitution, 
député  à  l'assemblée  législative  sous  la  deuxième  république  et 
sénateur  sous  la  république  actuelle.  Ecrivain  et  économiste,  il  a 
publié  plusieurs  ouvrages  de  droit,  d'histoire  et  d'économie 
politique. 

9°  M.  Charles  de  Mazade,  membre  de  l'académie  française.  Il 
avait  remplacé  le  comte  Franz  de  Champagny. 

10°  Le  très  honorable  Edward  Henry  Stanley,  comte  de  Derby, 
le  frère  aîné  de  notre  Gouverneur  général,  lord  Stanley  de  Preston. 
Il  est  né  à  Knowsley  le  21  juillet  1826,  et  il  a  fait  ses  études  au 
collège  de  la  Trinité  à  Cambridge.  Il  a  fait  partie  des  diverses 
administrations  de  Lord  Derby,  son  père,  en  qualité  de  sous- 
secrélaire  des  affaires  étrangères,  de  secrétaire  d'état  pour  l'Inde 
et  de  secrétaire  d'état  pour  les  affaires  étrangères. 

En  1874  il  eut  le  même  portefeuille  dans  le  cabinet  Disraeli. 
En  1880  il  abandonna  le  parti  conservateur  et  en  1882  il  fit  partie 
du  cabinet  Gladstone  comme  secrétaire  d'état  pour  les  colonies. 
Lord  Derby  ne  laisse  pas  d'enfants,  et  le  gouverneur  général  du 
Canada  succède  à  son  litre  et  à  son  immense  fortune.         Alby. 


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AVANT-PROPOS 
Confideuees  d'un  Occultiste 

[suite  et  fin) 

Mais  n'anticipons  pas.  Je  me  borne  à  vous  indiquer,  mon  cher 
docteur,  quel  était,  dès  ce  moment,  le  trouble  de  ma  conscience^ 
et  j'arrive  au  plus  important,  c'est-à-dire  au  fait  inouï,  épouvan- 
table, dont  depuis  huit  jours  je  suis  absolument  bouleversé 

Ici,  j'arrêtai  mon  Garbuccia. 

— Vous  allez,  je  le  vois,  lui  dis-je,  me  raconter  des  faits  graves, 
des  choses  qu'un  chrétien  ne  doit  pas  entendre  sans  horreur,  et 
si,  comme  je  n'en  doute  pas,  à  voir  la  netteté  de  votre  récit,  sa 
simplicité,  ainsi  que  la  conviction  qui  en  résulte,  vous  allez  plus 
loin,  si  vous  pénétrez,  en  un  mot,  dans  le  domaine  des  idées  que 
la  religion  nous  défend  d'aborder  témérairement,  je  ne  puis  plus 
vous  écouter.. .C'est  à'un  prêtre  qu'il  faut  aller  confesser  cela,  c'est 
à  ses  pieds  qu'il  faut  aller  vous  jeter  ;  quant  à  moi,  je  n'ai  ni  qua- 
lité ni  envie  de  recueillir  des  confidences  sur  de  tels  sujets. ..Je  ne 
vous  le  cache  pas,  j'avais  tout  à  l'heure  grand  désir  de  tout  savoir; 
mais  maintenant,  au  fur  et  à  mesure  que  vous  avancez  dans  votre 
récit,  je  sens  que  je  vais  apprendre  des  choses  qui  me  troublent 
déjà  sans  que  je  les  connaisse  ;  ma  conscience  de  clirétien  se  ré- 
volte, et  je  me  demande  si  vous  écouter  seulement  ne  me  rend  pas 
votre  complice  jusqu'à  un  certain  point... Car,  enfin,  ce  n'est  pas 
au  médecin  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  que  vous  racontez 
cela  ;  je  ne  suis  donc,  en  aucune  façon,  tenu  vis  à-vis  de  vous  au 
secret  professionnel,  et  je  ne  sais  si  je  résisterai,  moi,  à  l'envie  de 
tout  racouler  à  mon  tour,  de  publier  ce  que  vous  medites,de  point 
en  point  et  mot  à  mot,  afin  de  faire  connaître  au  monde   entier 


176  LE  PROPAGATEUR 


des  faits  peu  connus  et  en  grande  partie  ignorés,  afin  que  la  di- 
vulgation de  ces  exécrables  pratiques  mette  en  garde  et  contribue 
à  sauver  des  âmes  sur  le  seuil  de  ce  précipice  dans  lequel  vous 
êtes  tombé,  dans  lequel,  je  le  pressens,  vous  avez  roulé  jusqu'au 
fond... 

—  Oh  1  dit  alors  Garbuccia,  quelle  merveilleuse  idée  vous  avez 
là,  docteur  !...Oui,  c'est  cela,  il  faudra  publier  mon  récit,  il  faudra 
raconter  tout  un  j^ur,  dévoiler,  comme  vous  le  dites,  au  monde 
entier,  l'œuvre  des  maléfices.  Je  vous  y  aiderai  de  tout  mon 
pouvoir,  en  vous  mettant  au  courant  de  tout  ce  que  fai  vu,  fait 
et  observé.  Et,  à  ce  titre,  vous  devez,  vous  médecin,  en  l'absence 
de  prêtre  à  bord,  entendre  et  recevoir,  non  ma  confession,  mais 
mon  aveu,  ma  déclaration  sincère  et  solennelle. ..Gela  peut  vous 
paraître  étrange,  peut  être,  que  je  me  livre  ainsi  à  vous  ;  mais  je 
vous  connais,  je  vous  estime,  j'ai  confiance  absolue  en  vous  ,  vous 
avez  sauvé  une  fois  déjà  ma  vie  matérielle,  sauvez  ma  vie  spiri- 
tuelle, écoutez-moi '....L^^  prêtre,  j'en  ai  peur..  Oh  1  non,  s'empressa-t- 
il  de  se  reprendre,  voyant  que  je  faisais  un  mouvement. ..Oh  !  non, 
pas  comme  vous  pensez,  mais  par  timidité,  par  horreur  de  moi... 
Pensez,  depuis  ma  première  communion,  qui  fut,  il  est  vrai,  ex- 
cellente, depuis  mon  enfance,  par  conséquent,  j'ai  perdu  l'habitude 
du  prêtre,  et  jamais  je  n'oserai  raconter  à  cet  homme,  malgré  le 
caractère  sacré  dont  il  est  revêtu,  peut-être  même  à  cause  de  ce 
caractère,  ce  que  je  vous  dis  à  vous  avec  confiance,  avec  soulage- 
ment...Je  vous  le  répèle,  je  vous  connais,  vous  êtes  pour  moi 
comme  un  frère,  un  père,  je  n'ai  ni  honte,  ni  amour-propre  avec 
vous..  Enfin,  si  vous  ne  m'écoutez  pas,  jamais  peut  être  je  ne  dirai 
rien  à  personne  ;  ces  secrets  terribles  mourront  avec  moi,  et 
l'œuvre  mauvaise,  non  dévoilée,  continuera  son  ténébreux  chemin.. 

11  parlait  ainsi,  me  pressant,  avec  le  ton  d'un  enfant  qui'supplie, 
d'un  malheureux  qui  implore,  et  j'étais  vraiment  ému 

Au  demeurant,  ma  décision  fut  vite  prise  ;  son  dernier  argument 
m'ébranla. 

—  Eh  bien,  lui  dis-je,  si  vous  me  promettez  formellement  d'a- 
chever votre  retour  à  Dieu,  de  le  légaliser  en  quelque  sorte  en 
allant  vous  confesser,  si,  en  un  mot,  vous  me  promettez  d'une 
façon  expresse  de  faire  votre  paix  définitive  avec  la  religion  chré- 
tienne, alors  je  consens  à  vous  écouter,  et  je  verrai  ensuite  ce  que 
j'aurai  à  faire. 

—  Je  vous  le  jure,  fit-il  simplement. 

—  Parlez,  lui  répondis-je  ;  — et  je  fis  un  signe  de  croix. 

—  Lors  de  mon  dernier  voyage  à  Galcutta,  j'allai,  suivant  mon 
habitude,  voir  mes  frères  les  Ré-Théurgistes  Optimales.  Cette 
fois,  je  trouvai  le  grand-maître  et  ses  acolytes  en  grand  mouve- 
ment. On  avait,  paraît-il,  reçu  quelques  jours  auparavant,  un 
nouveau  rituel  de  cérémonies  magiques,  composé  par  Albert  Pike  ; 
il  n'était  question  que  de  cela,  je  comprenais,  à  certaines  phrases 
échappées  au  grand-maître  et  à  certains  préparatifs,  qu'il  allait  y 
avoir  une  séance  extraordinaire.  Elle  était  seulement  retardée 
par  ce  fait,  que  l'on  n'avait  pas  à  Galcutta,  certaines  choses, —que 


LE  PROPAGATEUR  177 


l'on  ne  m'indiquait  pas, — absolument  indispensables  pour  le 
cérémonial. 

Les  choses  en  question  ne  se  firent  d'ailleurs  pas  attendre  ;  le 
frère  Georges  Shekleton,  qu'on  avait  envoyé  exprès  les  chercher 
en  Chine,  seul  endroit  du  globe  où  l'on  pût  ies  trouver,  devait 
arriver  le  lendemain  par  nu  paquebot  de  la  Peninsular  and  Orien- 
tal, venant  de  Shang-Haï  et  Hong-Kong.  Le  paquebot  attendu  ar- 
riva, en  effet,  le  lendemain. 

Le  grand-maître  se  rendit  à  bord  à  la  rencontre  du  frère  Shek- 
leton,  et  tons  deux  nous  arrivèrent,  portant  en  grande  pompe  une 
petite  caisse  de  bois  blanc,  conlenani  ce  que  Albert  Pike  avait 
déclaré  indispensable  pour  la  réussite  de  l'opération  magique 
tant  désirée. 

La  caisse  fut  ouverte  devant  nous  tous,  dans  la  salle  de  nos 
réunions  ;  elle  contenait  ... —  et  ici  Carbuccia  frissonna  et  sa  voix 
s'altéra  subitement,  —  elle  contenait,  conlinua-t-il,  trois  canes  de 
missionnaires,  tout  récemment  morts  victimes  de  la  foi,  dans  la 
basse  Chine. 

" — Frères,  nous  dit  le  grand-maître,  notre  frère  Shekleton  a 
justement,  et  parfaitement  accompli  la  mission  d'honneur  dont 
nous  l'avions  chargé...  Il  a  vu  là  bas  nos  frères  les  adeptes  de  la 
maçonnerie  cabalistique  chinoise,  et,  grâce  à  eux,  il  a  pu  se  pro- 
curer les  trois  crânes  que  vous  voyez. ..Ce  sont  trois  crânes  de  pères 
des  missions  du  Kouang  Si,  que  nos  frères  chinois  ont  eux-mêmes 
suppliciés,  après  leur  avoir  infligé  des  souffrances  qui,  si  terribles 
qu'elles  pussent  être,  étaient  encore  au-dessous  de  celles  que  mé- 
ritaient ces  infâmes  propagateurs  de  la  superstition  romaine  (l) 
Leurs  crânes  avaient  été  envoyés  au  Tac-Taï  de  la  région,  pour 
servir  aux  usages  profanes  que  vous  savez  (2).  Noire  frère  le  Tao- 
Taï  a  bien  voulu  nous  les  céder,  à  la  demande  de  notre  respectable 
aréopage  ;  et  voici  son  cachet,  qui  ne  nous  permet  pas  de  sus- 
pecter leur  authenticité.  '' 

En  prononçant  ces  mots  d'une  voix  joyeuse,  le  grand-maître 

(1)  Il  est  à  présumer  qu'il  s'dgit  là  de  quelque  massacre  de  pères  jésuites,  les 
missionnaires  les  plus  détestés  par  les  mandarins.  Ces  massacres  sont,  du  reste, 
fréquents  ;  mais  ce  qui  est  le  plus  honteux,  c'est  que  l-^s  gouvernements  euro- 
péens les  tolèrent  et  n'en  denandent  janoais  réparation. 

(2)  Le  TiO-Taï  est  un  fonctionnaire  de  premier  ordre,  un  gouverneur.  Les 
usages  profanes,  auxquels  il  est  fait  allusion,  sont  immondes  :  après  un  massacre, 
les  Chinois  jettent  dans  un  carrefour  les  tôles  coupées  des  victimes,  et  la  popu- 
lace va  uriner  sur  ces  débris  humains.  Après  le  grand  massacre  qui  eut  lieu  à 
Tien-Tsin,  le  21  juin  1870,  ei  dans  lequel  le  consul  de  France,  M.  Fontanier, 
périt  au  milieu  des  missionnaires  et  des  sœurs  de  charité,  la  tête  du  consul  de- 
meura très  longtemps,  sur  une  des  principales  places  publiques  de  la  ville,  su- 
bissant ces  ignobles  outrages  posthumes.  Ces  abominations  sont  de  notoriété 
publique,  d  que  tout  1^;  monde  sait  aussi  en  Chine,  c'est  que  le  Tao-Taï  de 
Tien-Tsin  qui  a  présidé  au  massacre  de  1870  n'est  autre  que  le  marquis  Tseng  ; 
ainsi,  non  seulement  l'assassinat  da  consul  Fontanier  n'a  jamais  ét-^  vengé,  mais 
l'homme  qui  a  approuvé,  encouragé,  couvert  les  massacreurs,  l'homm'?  qui  a 
fait  exposer  la  tète  de  la  victime,  comme  il  vient  d'être  dit,  est  devenu  l'ambas- 
sadeur de  la  Chine  auprès  du  gouvernement  français,  agréé  par  le  gouverne- 
ment français  ! 


178  LE  PROPAGATEUR 


nous  montrait,  en  effet,  un  grand  papier  de  riz,  au  dragon  impérial 
à  cinq  greffes,  que  seuls  peuvent  employer  les  hauts  fonctionnaires, 
et  qui,  trouvé  dans  la  main  d'un  homme  ordinaire,  lui  vaut  son 
arrêt  de  mort  immédiat.. .11  n'y  avait  donc  pas  à  douter. 

J'eus,  poursuivit  Carbuccia,  toutes  les  peines  du  monde  à  ne 
pas  réprimer  un  sentiment  d'horreur.  Mais  j'étais  trop  engagé,  je 
le  compris  alors.  Il  me  sembla  que,  si  je  manifestais  le  désir  de 
me  retirer  de  la  séance,  j'étais  perdu  ;  et  il  me  fallut  assister  à 
une  épouvantable  scène,  digne  de  vrais  sauvages  ! 

On  disposa  les  trois  têtes  sur, une  table.  Le  maître  des  cérémo- 
nies nous  fit  ranger  autour,  en  formant  un  triangle  dont  la  pointe 
était  à  l'orient  de  la  salle.  Puis,  le  grand-maître,  prenant  un  poig- 
nard, qui  est  le  bijou  suspendu  au  cordon  du  rite  palladique,  se 
détacha  de  la  chaîne  triangulaire  des  assistants,  s'avança  vers  la 
table,  et  donna  un  coup  de  l'arme  d'acier  dans  chacun  des  trois 
crânes  en  disant  en  anglais  :  "  Maudits  soient  Adona'i  et  son  Christ  t 
Béni  soit  Lucifer  !  " 

Il  nous  fallut,  bon  gré,  mal  gré,  l'imiter  chacun  à  notre  tour. 

Après  quoi,  les  trois  crânes  étant,  comme  vous  le  pensez,  dans 
un  état  lamentable,  les  débris  en  furent  jetés  au  sein  d'un  brazier^ 
qui  brûlait  au  pied  du  Baphomet,  dominant  l'orient  (1). 

On  éteignit  alors  toutes  Jes  lumières,  sauf  une  seule,  qu'un 
chevalier  grand-expeit  tenait  devant  le  grand-maître,  pour  lui 
permettre  de  lire  sur  le  rituel  d'Albert  Pike  ;  le  grand-maître  lut 
une  formule  d'évocation  que  je  n'avais  jamais  entendue  ;  c'était 
un  appel  direct  à  Lucifer. 

Je  me  demandais,  très  inquiet,  ce  qui  allait  arriver. 

La  salle,  je  l'avais  remarqué,  n'était  pas  disposée  comme  du 
temps  des  premières  apparitions  fantasmagoriques  qu'on  m'avait 
fait  voir  ;  et  je  comprenais  bien,  mais  trop  tard,  que  les  pseudo- 
apparitions  par  projections  oxhydriques  étaient  pour  familiariser 
les  timides  avec  ces  pratiques.  Le  sol  n'était  pas  parqueté,  mais 
dallé  au  ciment  par  carreaux  alternativement  blancs  et  noirs, 
comme  un  damier  ;  l'orient,  surélevé  de  trois  marches,  plus  quatre 
marches  à  l'autel  du  Baphomet,  était  construit  en  granit,  en  gros- 
ses pierres  massives.  J'insiste  sur  ces  détails,  pour  vous  montrer 
que  j'ai  vu,  docteur,  que  j'allais  assister  à  une  apparition  réelle, 
qu'aucune  trappe  n'existait  nulle  part,  qu'aucune  supercherie 
n'était  possible. 

Le  grand-maître  termina  son  évocation  par  des  mots  auxquels 
je  n'ai  rien  compris,  des  mois  qui  doivent  être  hébreux  ou  de 
quelque  langue  inconnue  ;  mais  j'incline  pour  l'hébreu.  Au  sur- 
plus, je  n'eus  pas  le  temps  de  réfléchir  beaucoup  sur  ce  point. 

Il  avait  à  peine  terminé,  et  il  venait,  nous  tous  l'imitant  selon 
l'usage,  d'ouvrir  les  bras,  les  mains  tendues  comme  pour  souhaiter 

(1)  Plus  loin,  lorsque  je  raconterai  les  visites  personnelles  que  j'ai  faites  au 
sein  des  sociétés  d'occultistes,  je  décrirai,  avec  plus  de  détails  que  ceu.x.  donnés 
ici  par  Girbuccia,  l'iniérieur  des  temples  secrets,  vraiment  sataniques,  des  Ré- 
Théurgisles  Optimates  ;  je  donnerai,  en  outre,  toutes  les  explications  nécessaires 
relatives  au  Baphomet  et  à  tout  le  reste. 


LE  PROPAGATEUR  179 


la  bienvenue,  qu'un  vent  violent  souffla  dans  la  salle,  malgré  que 
les  portes  restassent  fermée.--.  On  entendit  aussitôt  un  mugisse- 
ment souterrain,  effrayant  ;  le  flambeau  du  grand-maître  s'éteig- 
nit de  kii-même,  et  nous  demeurâmes  dans  la  plus  complète  obs- 
curité. Alors,  ce  fut  un  fracas  épouvantable,  dont  il  est  impossible 
de  se  faire  une  idée.  En  outre,  le  sol  tremblait  par  fortes  secous- 
ses ;  il  semblait  que  la  maison  allait  s'écrouler  sur  nos  têtes.  Je 
m'attendais  à  être  enseveli  vivant  sous  les  décombres.  Il  n'en  fut 
rien.  Un  formidable  coup  de  tonnerre  éclata,  ei  la  salle  fut  bril- 
lamment éclairée,  plus  vivement  que  s'il  y  avait  eu  des  milliers 
et  des  milliers  de  bougies.  Ce  n'était  pas  une  lumière  semblable 
à  celle  produite  par  des  lampes  électriques  ;  c'était  vraiment  une 
lumière  comme  on  n'en  voit  jamais,  tenant  le  milieu  entre  le  rou- 
ge et  le  blanc,  ni  rouge,  ni  blanche,  bref  une  lumière  indéfinissable. 

Tous  nos  regards  étaient  tournés  vers  l'orient,  où  le  trône  du 
grand-maître  était  vide,  le  grand-maître  se  tenant  auprès,  à  gauche, 
nous  tournant  le  dos. 

Tout  à  coup,  cinq  ou  six  secondes  seulement  après  la  brusque 
illumination  de  la  salle,  sans  aucune  transition,  sans  la  moindre 
formation  d'un  fantôme  d'abord  indéfini  et  puis  prenant  corps  peu 
à  peu,  tout  à  coup,  c'est  le  seul  cas  où  ce  terme  a  vraiment  lieu 
d'être  employé,  un  être  humain  fut  vu  par  nous  tous,  assis  sur 
le  trône  du  grand-maître.  L'apparition  avait  été  d'une  instantané- 
ité absolue. 

Le  grand-maître  tomba  à  genoux,  et  nous  fîmes  comme  lui. 

Pour  mon  compte,  je  vous  assure  que  j'avais  mes  yeux  fixés  à 
terre,  et  que  je  tremblais  trop  pour  oser  les  lever  vers  l'orient. 

Au  bout  de  quelques  instants,  qui  m'ont  paru  des  siècles,  j'en- 
tendis une  voix  qui  nous  disait  : 

" — Relevez- vous,  mes  enfants  ;  prenez  place,  et  n'ayez  aucune 
crainte.  " 

On  obéit.  Nous  nous  assîmes  sur  nos  sièges,  le  grand-maître 
un  fauteuil  auprès  du  chevalier  chancelier. 

Je  regardais  alors  l'esprit  apparu.  A  toutes  les  précédentes  évo- 
cations, auxquelles  j'avais  pris  part,  lorsque  l'esprit  évoqué  avait 
bien  voulu  apparaître,  c'était  toujours  un  fantôme  aux  formes 
plus  ou  moins  vaporeuses,  un  être  fluidique,  essentiellement  im- 
palpable. Cet  esprit,  au  contraire,  était  bien  un  être  comme  vous 
et  moi,  en  chair  et  en  os,  mais  au  corps  véritablement  rayonnant. 
Au  théâtre,  parfois,  on  accompagne  d'un  jet  de  lumière  oxhydri- 
que le  principal  personnage  qui  est  en  scène  ;  néanmoins,  le  truc 
est  facile  à  apercevoir,  attendu  que  la  lumière,  dirigée  d'un  point 
quelconque  sur  l'artiste,  va  en  s'élargissant  vers  lui  dans  la  forme 
d'un  compas  à  peine  ouvert  ;  la  lumière  tombe  sur  l'homme  et 
l'éclairé.  Loin  de  là,  l'esprit  qui  venait  de  nous  apparaître,  était 
lui-même  le  centre  de  la  lueur,  le  foyer  lumineux  éclairant  la 
salle.  Il  n'y  avait  pas  à  douter  ;  nous  étions  bien  en  présence  de 
Lucifer  en  personne. 

Lorsqu'il  se  montre,  est-il  toujours  comme  je  l'ai  va  ?...Gela,  je 
l'ignore.. .Ce  jour  là,  il  avait  les  traits  d'un  homme  de  trente-cinq 


180  LE  PROPAGATEUR 


à  trente  huit  ans  ;  de  haute  stature  ;  sans  barbe  ni  moustache  ; 
plutôt  maigre  que  gras,  mais  nullement  osseux  ;  la  physionomie 
fine,  distinguée  ;  je  ne  sais  quelle  mélancolie  dans  le  regard  ;  un 
sourire  nerveux  pUssant  le  coin  de  ses  lèvres.  Il  était  nu,rd'une 
peau  blanche  légèrement  rosée,  merveilleusement  découplé,  com- 
me une  statue  d'Apollon. 

Il  nous  dit,  en  excellent  anglais,  d'une  voix  vibrante,  dont  je 
me  sens  encore  remué  au  fond  de  l'âme  : 

" — Mes  enfants,  la  lutte  est  rude  contre  mon  éternel  ennemi, 
mais  ne  vous  laissez  jamais  envahir  par  le  découragement  ;  le 
triomphe  final  est  à  nous. ..Je  suis  heureux  de  me  sentir  aimé 
dans  cet  asile  où  ne  pénètrent  que  des  humains  dignes  de  moi  ; 
et  je  vous  aime  bien,  moi  aussi. ..Je  vous  protégerai  contre  vos 
adversaires  ;  je  vous  donnerai  la  réussite  dans  toutes  vos  entre- 
prises, et  je  vous  réserve  des  joies  immenses  et  sans  fin  pour  le 
jour  où  vous  aurez  accompli  votre  lâche  sur  cette  terre  et  où  vous 
réunirez  à  moi. ..Mes  élus,  à  moi,  sont  innombrables  ;  les  étoiles 
qui  scintillent  au  firmament,  les  astres  que  vous  apercevez  et  ceux 
que  vous  ne  voyez  pas,  sont  moins  nombreux  que  les  phalanges 
qui  m'entourent  dans  la  gloire  de  mon  domaine  éternel... Travail- 
lez, travaillez  sans  cesse  à  affranchir  l'humanité  de  la  superstition  ; 
je  bénis  vos  efforts  ;  n'oubliez  jamais  la  récompense  qui  vous  est 
promise... Surtout,  ne  redoutez  pas  la  mort,  qui  sera,  pour  vous, 
l'entrée  dans  la  félicité  impérissable  de  mon  empire. ..Enfin,  mul- 
tipliez vous  en  ce  monde-ci,  et  aimez-moi  toujours,  comme  je  vous 
affectionne,  ô  mes  enfants  bien-aimés  !..." 

Après  ces  paroles,  il^e  leva  du  trône,  vint  au  grand  maître  et 
le  regarda  bien  fixement  dans  les  yeux,  puis  aux  autres  dignitai- 
res qui  étaient  à  l'orient,  s'arrêtant  devant  chacun  à  tour  de  rôle 
et  le  regardant  de  même.  Nous  étions  muets.  Il  descendit  ensuite 
les  degrés  de  l'estrade.  Instinctivement,  nous  allions  nous  lever  ; 
mais,  de  la  main,  il  nous  fit  signe  de  demeurer  sur  nos  sièges. 
Il  parcourut  alors  la  salle  ;  chacun  de  nous  fut  l'objet  d'un  rapide 
exHmen  de  sa  part. 

Quand  il  fut  devant  moi,  il  plongea  son  regard  dans  le  mien 
comme  s'il  cherchait  à  lire  au  plus  profond  de  ma  pensée.  Il  me 
sembla  qu'il  eut  une  sorte  d'hésitation  à  mon  égard.  Il  avait  souri 
à  mon  voisin  de  gauche  ;  mais,  en  me  regardant,  moi,  il  contracta 
l'arcade  sourcilière,  resta  pensif  un  instant,  et  je  ne  sais  quel 
rictus  bizarre  tordit  sa  bouche  ;  j'aurais  donné  dix  années  de  ma 
vie  pour  être  à  ce  moment  à  mille  lieues  de  Calcutta  !...Si  j'avais 
été  debout,  mes  jambes  ne  m'auraient  certainement  pas  supporté. 
Enfin,  il  passa  à  mon  voisin  de  droite,  et  je  me  sentis  soulagé. 

Lorsqu'il  eut  fait  le  tour  de  toute  l'assistance,  il  revint  au  milieu, 
nous  embrassa  tous  d'un  rapide  coup  d'ceil  circulaire,  et  se  diri- 
gea droit  vers  mon  compagnon  de  gauche  ;  c'était  lui  qui  avait 
rapporté  de  Shang-liaï  les  trois  crânes  de  missionnaires. 

If  s'approcha  très  près  et  lui  dit  : 

" —  Donne  moi  tes  mains.  " 

L'autre  les  lui  tendit  ;  il  les  prit  dans   les  siennes  ;  mon  voisin 


LE  PROPAGATEUR  181 


eut  comme  une  secousse  électrique  ;  il  poussa  un  grand  cri,  qui 
n'avait  rien  d'humain  ;  et  subitement,  Lucifer  disparut,  la  salle 
étant  à  l'instant  même  plongée  dans  l'obscurité. 

Les  frères  servants  rallumèrent  les  flambeaux.  Nous  vîmes  alors 
que  noire  camarade  qui  avait  touché  l'apparition  était  immobile 
sur  sou  siège,  le  dos  calé  contre  le  dossier,  la  tête  rejetée  en  arri- 
ère, les  yeux  fixes,  démesurément  ouvert.  On  l'entoura,  il  était 
mort. 

Le  grand-maître  prononça  ces  quelques  mots  d'uue  voix  lente 
et  solennelle  : 

" — Gloire  immortelle  à  notre  frère  Shekleton  !  c'est  lui  que 
notre  Dieu  tout-puissant  a  choisi  1  " 

Je  n'entendis  pas  davantage  ;  mes  forces  m'abandonnèrent  ;  je 
m'évanouis.  J'ignore  comment  s'est  terminée  la  séance. 

Quand  je  repris  mes  sens,  j'étais  dans  une  chambre  où  l'on 
m'avait  transporté.  Trois  de  mes  compagnons  me  prodiguèrent 
leurs  soins.  Enfin,  grâce  aux  sels,  aux  frictions,  je  revins  com- 
plètement à  moi  ;  je  pus  marcher,  et  je  fis  demander  une  voiture, 
un  ticka  garry,  pour  me  reconduire  à  mon  hôtel. 

L'un  des  officiers  du  rite  me  dit  en  riant,  lorsque  je  les  quittai  : 

" — Au  revoir,  frère  Carbuccia,  au  revoir  ;  mais,  la  prochaine 
fois,  il  faudra  être  moins  impressionnable  !  " 

Carbuccia  avait  fini  son  récit  ;  maintenant  il  se  taisait,  et  moi 
aussi.  Pendant  tout  le  temps  qu'avait  duré  notre  conversation, 
ou  plutôt  son  monologue,  nous  avions  tous  deux  oublié  où  nous 
étions,  le  bateau,  même  le  bruit  du  charbon  à  présent  terminé 
sans  que  nous  nous  en  fussions  aperçus  ;  et,  dans  le  grand  silence 
de  la  nuit  des  tropiques,  la  lune  se  levait,  rouge  à  l'horizon,  et  au 
loin,  à  travers  les  solitudes,  pa'-dessus  les  cimes  des  arbres,  par- 
venaient jusqu'à  nous,  comme  pour  nous  rattacher  encore  à  la 
scène  diabolique,  les  cris  aigus,  lamentables  et  prolongés,  qui 
durent  toute  la  nuit,  poussés  dans  les  campagnes  par  les  Indiens, 
lesquels  s'imaginent  chasser  ainsi  des  environs  de  leur  demeure 
les  esprits  malfaisants. 

Cependant,  Carbuccia  n'en  pouvait  plus  ;  il  était  à  bout  de  for- 
ces, calmé  tout  de  même  et  délivré  comme  d'une  oppression,  d'un 
cauchemar,  par  ces  aveux.  Moi-même,  j'étais  fortement  impression- 
né ;  il  me  semblait  que  l'air  me  frôlait  et  qu'un  soufile  me  passait 
sur  la  figure.  Encore  une  fois  je  me  signai. 

Puis,  nous  descendîmes  ;  Carbuccia  me  souhaita  le  bonsoir  ;  il 
titubait  comme  un  homme  ivre  ;  il  tomba  comme  un  plomb,  tout 
habillé,  sur  sa  couchette,  et  s'endormit  instantanément.  C'était 
la  crise  du  sommeil,  heureusement. 

Quant  à  moi,  rentré  dans  ma  cabine,  il  me  fut  impossible  de 
fermer  l'œil. 

Je  passai  et  repassai  dans  ma  tête  ce  que  m'avait  conté  l'ex- 
graineur  ;  j'en  pesais  les  idées,  me  rappelais  la  simplicité  de  son 
récit,  sa  tranquillité  en  me  racontant.  On  n'imagine  pas  ces  choses, 
pensai-je,  quand  on  ne  les  a  pas  réellement  vues.  L'hallucination 
montre  toujours  des  choses  extraordinaires,  montre  des  monstres. 


182  LE  PROPAGATEUR 


des  apparitions  aux  formes  bizarres  ou  gigantesques,  amplifie  tout, 
exagère  tout  ;  c'est  ce  qui  la  caractérise.  Ici,  au  contraire,  tout 
est  simple  ;  et  si  ce  n'était  monstrueux  en  soi  par  le  diabolisme 
du  fait,  s'il  ne  s'agissait  pas  du  prince  des  ténèbres,  on  croirait 
avoir  écouté  la  narration  d'un  incident  très  ordinaire  de  la  vie. 

En  résumé,  ce  qui  me  frappait,  moi  habitué  à  entendre  des  sor- 
nettes, des  choses  étranges,  biscornues,  enfantées  par  des  cerveaux 
malades  des  visionnaires,  c'était  cette  absence  même  de  mise  en 
scène,  dont  les  hallucinés  sont  coutumiers  et  entourent  ce  qu'ils 
croient  avoir  vu. 

Il  n'y  avait  pas  à  s'y  méprendre  ;  du  reste,  on  ne  trompe  pas 
un  médecin.  Cet  homme  avait  réellement  vu,  avait  réellement 
assisté  à  la  scène  qu'il  venait  de  me  raconter.  La  naïveté  de  son 
récit  était  pour  moi  la  preuve  la  plus  convaincante  de  sa  véracité. 

Quel  intérêt,  d'ailleurs,  me  demandais-je  aussi,  a-t-il  à  tromper 
quelqu'un  qui  en  définitive  ne  lui  est  rien  et  ne  peut  lui  servir 
à  rien  ?...Carbuccia  est  un  homme  fini,  usé  par  les  malheurs  qu'il 
a  subis  ;  il  sait  bien,  il  sent  bien  qu'il  s'en  va  ;  de  cet  excès  de  mal 
chez  lui  est  né  un  grand  bien  ;  maintenant  il  croit  à  Dieu  et  veut 
se  réconcilier  avec  lui. ..Dans  ses  impénétrables  desseins,  qu'il 
faut  toujours  admirer,  c'est  précisément  en  tolérant  les  plus  ter- 
ribles agissements  de  l'esprit  du  mal,  que  Dieu  a  permis  qu'une 
âme  lui  fût  ramenée. 

Et  plus  je  réfléchissais,  plus  j'essayais  de  me  démontrer  que  mon 
Italien  était  un  halluciné,  plus  je  me  convainquais  au  contraire 
davantage  que  c'était  un  malheureux,  un  grand  criminel,  mais 
non  un  fou,  plus  quelque  chose  me  disait,  me  criait,  m'obsédait, 
me  faisait  comprendre  que  ce  que  je  venais  d'entendre  n'était  pas 
inventé. 

J'en  éiais  là  de  mes  réflexions  d'insomnie,  lorsque  tout  à  coup 
je  sentis  comme  une  commotion  sur  mon  cerveau.  Je  me  levai 
brusquement,  assis  sur  ma  couchette,  la  sueur  froide  au  front  ; 
l'idée  venait  de  me  surgir  de  m'assurer  par  moi-même  de  la  vérité 
de  tout  cela,  de  descendre  dans  l'abîme,  moi  aussi,  mais  en  me 
promettant  bien  toutefois  de  ne  jamais  me  prêter  personnellement 
à  aucune  pratique  diabolique.  Le  rôle  que  je  m'assignai  fut  celui 
de  témoin,  de  simple  témoin,  faisant  serment  dans  mon  cœur  de 
refuser  mon  concours  à  tout  acte  contraire  à  ma  foi,  s'il  m'était 
demandé,  et  quels  que  soient  les  dangers  que  mon  refus  pourrait 
me  faire  courir. 

Dès  que  cette  idée  m'eut  saisi,  elle  ne  m'abandonna  plus. 

"Je  serai,  dis-je,  l'explorateur,  et  non  le  complice  du  satanisme 
moderne.  " 

Le  reste  du  voyage,  on  le  comprend,  ne  fut  qu'une  longue  suite 
de  conversations  avec  Garbuccia,  à  qui  je  fis  répéter  cent  et  cent 
fois  les  mêmes  histoires,  qu'après  l'avoir  quitté  j'écrivais  pour 
plus  de  sûreté.  Je  me  fis  aussi  donner  par  lui  de  nombreux  ren- 
seignements, principalement  ceux  qui  étaient  de  nature  à  m'aider 
à  pro  éder  à  mon  enquête. 

A  Naples,  je  fis  la  connaissance  du  signor  Peisina,  le  grand 


LE  PROPAGATEUR  183 


hiéropiianle  italitin'da  rite  deMimphis.  laforaié  comme  je  l'éoais, 
il  me  fut  facile  de  le  convaincre  que  j'étais  déjà  au  courant  des 
pratiques  cabalistiques  ;  aussi  n'tiésita-t-il  point  à  m'octroyer, 
d'autant  plus  aisément,  du  reste,  que  je  ne  marchandai  pas,  un 
diplôme,  avec  les  insignes,  non  pas  du  35e  grade  oriental,  mais 
bien  du  90^.  Je  fus  donc,  moyennant  cinq  cents  francs,  créé  Sou- 
verain Grand  Maître  ad  Vilam,  sans  avoir  d'épreuves  à  subir,  et 
surtout  sans  avoir  de  serment  à  prêter  au  prétendu  divin  Grand 
Architecte,  —  ce  qui  était  pour  moi  l'essentiel. 

Grâce  à  ce  diplôme  et  à  ces  insignes,  grâce  aussi  à  l'enseignement 
des  signes  de  reconnaissance  et  des  mots  de  passe,  donné  partie 
par  Garbuccia,  partie  par  Peisina,  j'ai  donc  pu  pénétrer  dans  les 
arrière-loges  et  de  là  dans  des  réunions  d'occultistes,  interdites 
même  aux  frans-maçons  vulgaires  ;  et  ce  que  je  vais  raconter,  je 
l'ai,  soit  recueilli  de  la  bouche  de  lucifériens  qui  n'avaient  aucun 
motif  de  che  rcher  à  me  tromper,  soit  vu  moi-même,  de  mes  yeux  vu. 
g^.'La  fin  de  mon  récit  montrera  que  Garbuccia  s'est  définitivement 
réconcilié  avec  Dieu. 

Docteur  BATAILLE. 


Paris,  29  se;  leoibre  1892,  fêle  de  saint  Michel. 


LES  GONSTITOTIONS  M  CONCILE  DD  MICAN 

LA   CONSTITUTION  DEI  FILIUS 

Fait  de  la  Kévélation. 

6®  Fait  de  la  révélation  dans  le  Nouveau  Testament.  A  tous  les 
points  de  vue  que  saint  Paul  vient  de  signaler,  la  révélation  du 
Nouveau  l'emporte  sur  celle  de  l'Ancien.  Elle  a  été  faite  en  une 
seule  fois  et  d'une  façon  complète.  Dieu  s'y  est  manifesté  d'une 
seule  manière,  non  plus  par  de  simples  envoyés,  mais  en  la  per- 
sonne de  son  propre  Fils.  Enfin  cette  révélation  est  venue  éclairer 
d'une  façon  définitive  non  plus  un  seul  peuple,  mais  tout  le  genre 
humain,  novissime,  locutus  est  nabis  in  Filio. 

Nécessité  de  la  Révélation  au  point  de  vue  de  la  religion  naturelle. 

On  doit,  il  est  vrai,  attribuer  à  ceUe  divine  révélation  que  les  poiats  qui,  dans 
les  choses  divines,  ue  sont  par  eux-mêmes  inaccessibles  à  la  raison  humaine, 
puissent  aussi  dans  la  condition  présente  du  genre  humain  être  connus  de  tous 
sans^difBculté,  avec  une  ferme  certitude  et  à  l'exclusion  de  toute  erreur.  Ce  n'est 
pas  pourtant  pour  cette  raison  que  la  révélation  doit  être  déclarée  absolument 
nécessaire  (l). 

I 

'*  Le  second  paragraphe  du  second  chapitre  traite  delà  nécessité 

(I)  Huic  divinae  revelationi  tribuendum  quidem  est,  ut  ea,  quse  in  rébus  divi- 
nis  humanee  ralioni  per  te  impervia  non  sunt,  in  preesenti  quoque  generis 
humani  condilione  ab  omniûus  expedite,  firma  cerlitudine  et  nullo  admixto 
errore  cognosci  possint.  Non  hac  lamen  de  causa  revelatio  absolule  nécessaria 
discenda  est.  {Oonslit,  Dei  Filius,,  cap.  2.) 


184  LE  PROPAGATEUR 


de  la  révélation,  dit  Mgr  Gasser,  dans  le  rapport  qu'il  présenta  au 
nom  de  la  Députation  de  la  foi  (2)  sur  celle  partie  de  la  Constitu- 
tion Dei  Fllius...  Il  y  est  donc  question  de  la  nécessité  de  la  révé- 
lation, et  cela  à  deux  points  de  vue  :  1**  relativement  à  notre 
connaissance  naturelle  de  Dieu,  et  2°  relativement  à  l'ordre  surna- 
turel. Pour  ce  qui  regarde  la  nécessité  de  la  révélation  dans  l'ordre 
naturel,  le  texte  enseigne  qu'elle  n'est  pas  absolument  nécessaire, 
comme  le  montre  cette  affirmation  qui  commence  la  seconde  partie  : 
Ce  vUest  pas  pourtant  pour  celte  raison  que  la  révélation  doit  être  dé- 
clarée absolument  nécessaire.  Ainsi,  tout  en  déclarant  qu'elle  n'est 
pas  d'une  nécessité  absolue,  on'enseigne  pourtant,  que  la  révélation 
est  d'une  nécessité  morale  ou  relative.  En  ce  qui  regarde  la 
révélation  qu'on  appelle  formelle  (3)  ou  la  révélation  des  supra- 
sensibles,  comme  nous  disons  en  allemand  en  distinguant  le  supra- 
sensible  du  surnaturel,  le  texte  enseigne  donc  qu'elle  est  d'une 
nécessité  morale,  c'est-à-dire  d'une  nécessité  qui  ne  tient  pas  à 
l'objet,  attendu  que  l'objet  est  ce  qui  dans  les  choses  divines  n'est 
pas  inaccessible  à  la  raison  humaine  ;  celte  nécessité  tient  donc  au 
sujet,  c'est-à-dire  à  l'homme  dans  la  condition  présente  du  genre 
humain.  11  s'agit,  en  outre,  non  de  la  puissance  même  active 
de  connaître  Dieu,  mais  d'une  connaissance  actuelle  de  Dieu  par 
notre  entendement,  et  d'une  connaissance  de  Dieu  à  laquelle  tous 
arrivent  sans  difficulté,  c'est-à-dire  sans  un  long  retard  et  sans  de 
longues  recherches,  avec  une  ferme  certitude,  même  pour  ceux 
qui  sont  à  peine  capables  de  saisir  les  preuves  fournies  par  la  raison, 
enfin  d'une  connaissance  sans  mélange  d'erreur.  Pour  arriver  à 
cette  connaissanc  actuelle  remplissant  ces  conditions  par  des  mo- 
yens purement  naturels,  l'homme  tel  qu'il  est  présentement,  ren- 
contre tant  et  de  si  grands  obstacles,  que  la  révélation  surnaturelle 
peut  être  regardée  comme  moralement  nécessaire.  " 

Comme  le  concile  n'a  pas  changé  un  seul  mot  au  texte  du  projet 
dont  nous  venons  d'entendre  l'interprétation,  nous  avons  dans  le 
rapport  de  Mgr  Gasser,  le  vrai  sens  de  ce  pas^ge  de  notre  consti- 
tution. 

II 

On  peut  donc  distinguer  dans  ^ce  passage  les  trois  assertions 
suivantes  : 

Première  assertion. — Les  hommes  qui  ont  reçu  la  révélation 
chrétienne  connaissent  tous ,  facilement,  c'esl-k-dire  sans  long  retard 
et  sans  recherches  pénibles,  avec  une  ferme  certitude,  et  sans  mé- 
lange d'erreurs,  les  principales  vérités  relatives  aux  choses  divines, 
qui  ne  sont  pas  inaccessibles  à  la  raison. 

Un  amendement  voulait  qu'on  marquât  que  ces  vérités  sont 
relatives  à  Dieu  et  à  la  loi  naturelle  ;  mais  le  concile  préféra  garder 

('2)  Acla  Goncilii  Vaticani,  col.  134  et  135. 

(3)  L'S  théologiens  dislinguenl  la  révélation /brme//g  qui  nous  manifeste  sur- 
nalurellemenl  des  vérités  ilonl  la  connaissance  n'est  pas  au-dessus  des  forces 
naturelles  de  notre  raison,  et  la  révélation  matérielle  qui  apourobjet  des  vérités 
qui  dépassent  la  portée  naturelle  de  notre  intelligence. 


LE  PROPAGATEQR  185 


la  formule  plus  générale  que  la  Dépulalion  de  la  foi  avait  adopté 
dans  son  projet  (1). 

Est-ce  par  un  acte  de  foi,  est-ce  à  la  lumière  de  la  raison  que  tous 
les  fidèles  ont  cette  connaissance  facile,  certaine  et  entièrement 
vraie  de  Dieu  ?  Notre  texte  ne  le  dit  pas  et  cette  question  soulève 
des  difiicultés  que  nous  examinerons  en  étudiant  plus  loin  l'acte 
de  foi. 

Ce  que  le  Concile  affirme,  c'est  que  la  connaissance  de  Dieu 
qu'il  vient  de  déclarer  possible  à  la  lumière  de  la  raison,  est  possé- 
dée en  fait  dans  des  conditions  exceptionnellement  avantageuses 
par  tous  ceux  qui  ont  reçu  la  révélation  chrétienne. 

Deuxième  assertion. — C'est  à  cette  révélation  qu'on  doit  attribuer 
que  tous  les  fidèles  puissent  avoir  cette  connaissance,  même  dans 
la  condition  présente  du  genre  humain. 

Ces  vérités  prises  objectivement  ne  dépassent  pas  la  lumière 
naturelle  de  la  raison;  mais  si  les  hommes,  tels  qu'ils  sont  présen- 
tement, n'avaient  que  cette  lumière  naturelle,  ils  ne  pourraient 
connaître  ces  vérités  comme  ils  les  connaissent  à  l'aide  de  la  révé- 
tion  chrétienne.  C'est  donc  à  cette  révélation  qu'ils  doivent  de  les 
connaître  de  cette  manière. 

Un  amendement  demanda  qu'on  exprimât  que  ce  besoin  de  la 
révélation  était  la  suite  du  péché  originel;  un  autre,  qu'on  ne  fit 
pas  allusion  par  le  mot  quoque  aux  divers  états  dans  lequel  le 
genre  humain  aurait  pu  se  trouver.  Ces  amendements  furent 
rejetés  (2). 

Troisième  assertion. — Ce  besoin  que  les  hommes  ont  de  la  révé- 
lation ne  la  rend  pas  absolument  nécessaire;  mais  puisqu'elle  est 
indispensable  aux  hommes,  en  un  certain  sens,  elle  est  donc  d'une 
nécessité  morale. 

Comme  les  créatures  auraient  pu  ne  pas  exister,  ce  qui  est 
nécessaire  en  elles  et  pour  elles  est  nécessaire  hypothétiquement 
en  vue  d'une  fin.  Une  chose  sans  laquelle  il  nous  serait  absolu- 
ment impossible  d'arriver  à  une  fin,  nous  est  absolument  nécessaire 
pour  cette  fin.  C'est  ainsi  que  la  révélation  chrétienne  nous  est 
absolument  nécessaire  pour  notre  fin  surnaturelle. 

Mais  cette  révélation  est-elle  de  même  absolument  nécessaire 
pour  que  les  hommes  puissent  tous  parvenir  à  une  connaissance 
facile,  certaine  et  complètement  vraie  des  vérités  d'ordre  naturel 
sur  Dieu  ?  Le  concile  répond  qu'il  n'en  est  pas  ainsi.  Cette  réponse 
est  la  conséquence  de  la  première  déclaration  de  notre  second 
ehapitre,  savoir  que  Dieu,  principe  et  fin  de  toutes  choses,  peut 
être  connu  avec  certitude  à  la  lumière  naturelle  de  la  raison  au 
moyen  des  créatures.  Il  résulte,  en  effet,  de  cette  déclaration  que 
pris  en  général,  les  hommes  en  possession  de  leur  raison  ne  sont 
pas  dans  l'impossibilité  absolue  de  connaître  Dieu  avec  certitude, 
et  que  par  conséquent  cette  connaissance  est  possible  absolument 
parlant  sans  le  secours  de  la  révélation,  ou  en  d'autres  termes  que 
ce  secours  n'est  pas  absolument  nécessaire. 

(1)  Acta  Concilii  Valicani,  col.  122  et        ,  amendement  19. 

(2)  Acla  Concilii  Valicani,  col.  122  et  t36        ;  amendemeDis  20a  20b<:t2l. 

12 


186  LE  PROPAGATEUR 


Le  Comité  n'en  regarde  pas  moins  la  révélation  comme  néces- 
saire pour  la  connaissance  telle  qu'il  la  décrit.  En  déclarant  que 
la  révélation  n'est  pas  absolument  nécessaire  pour  cette  connais- 
sance, il  insinue,  en  efiet,  qu'elle  est  nécessaire  non  pas  absolu- 
ment, sans  doute,  mais  d'une  antre  manière.  Il  l'insinue  encore 
en  enseignant  comme  une  vérité  qu'on  doit  admettre,  tribuenda^ 
que  sans  la  révélation  les  hommes  ne  pourraient  connaître  tous 
facilement,  certainement  et  sans  mélange  d'erreur  les  vérités  reli- 
gieuses d'ordre  naturel. 

Il  convient  pourtant  de  remarquer  que  le  Concile  n'a  pas  affirmé 
formellement  que  la  révélation  chrétienne  fut  moralement  néces- 
saire pour  cette  connaisance  des  vérités  naturelles.  Nous  verrons, 
en  effet,  en  finissant,  que  si  un  secours  était  moralement  nécessaire 
à  l'homme  pour  citte  connaissance,  il  n'était  point  nécessaire  que 
ce  secours  fut  la  révélation  chrétienne.  Mais  le  rapporteur  de  la 
Députation  de  la  Foi  a  traduit  la  pensée  insinuée  par  les  déclara- 
tions du  Concile.  Pour  arriver  à  cette  connaissance,  a-t  il  dit  (1), 
l'homme  tel  qu'il  est  présentement  rencontre  tant  et  de  si  grands 
obstacles  qu'on  peut  dire  que  la  révélation  surnaturelle  est  mora- 
lement nécessaire. 

Un  amendement  renouvelé  à  chaque  lecture  proposait  des 
formules  qui  évitaient  de  dire  que  la  révélation  n'était  d'une  néces- 
sité absolue  que  pour  la  fin  surnaturelle  et  qui  permettait,  par 
conséquent,  de  penser  que  la  révélation  était  absolument  néces- 
saire pour  que  les  hommes  parviennent  à  l'usage  de  la  raison  ; 
que  cependant  si  Téducation  est  absolument  nécessaire,  la  révéla- 
lion  a  été  absolument  pour  que  le  premier  homme  connût  ce  que 
nous  savons  de  Dieu  à  la  lumière  de  la  raison.  Mgr  Casser  répondit, 
au  nom  de  la  Députation  de  la  Foi,  qu'on  n'entendait  point  déter- 
miner ce  qui  est  ou  non  nécessaire  à  l'homme  pour  arriver  à  l'usage 
de  la  raison,  mais  seulement  ce  qui  est  nécessaire  à  l'homme  usant 
de  sa  raison  pour  connaître  la  vérité  sur  Dieu. 

L'auteur  de  l'amendement  ajoutait  qu'au  sentiment  des  meil- 
leurs a,  ologistes,  la  révélation  est  absolument  nécessaire  pour 
savoir  quel  culte  on  doit  rendre  à  Dieu,  et  par  quel  moyen  les 
pécheurs  peuvent  obtenir  leur  pardon.  Mgr  Casser  lui  fit  observer 
que  le  concile  ne  déterminait  pas  si  la  solution  de  ces  deux  ques- 
tions est  oui  ou  non  à  la  portée  de  la  raison  humaine,  qu'il  décla 
rait  seulement  que  la  révélation  n'est  pas  absolument  nécessaire 
pour  manifester  aux  hommes  les  vérités  qui  ne  dépassent  pas  notre 
portée  naturelle  (2). 

[\)  Acla  Concilii  l'ahcani,  col.  136.  Le  proçès-verbal  delà  18»  séance  de  1& 
Dèpuiation  de  la  Foi  où  noire  paragraphe  fut  élaboré  porte  :  "  Tous  l^s  pères 
pensaient  qu'il  fallait  garder  le  texte  du  second  paragraphe  excepté  un,  qui 
demandait  qu'on  rédigeât  la  première  période  de  minière  à  ne  pas  rejeter  le 
sentiment  qui  regardai  la  révélation  comme  absolument  nécessaire  pour  la  con- 
naissance des  vérités  de  l'ordre  naturel,  prises  da-is  leur  ensemble,  et  un  autre 
qui  voulait  qu'on  déclarât  formellement  que  la  rérélation  est  moralement  néces- 
«^aire  pour  les  vérités  de  l'ordre  naturel.  ''  Ibid,  col.  1672. 
"  (ly  Acla  Concilii  Vaticani,  col  122,  136,  225,  238,  239,  amendement  18  et 
réserves  55  bis  et  56. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  1^  B  Y 


BONNE  FOI. 

QUESTION. — Dans,  la  prescripUou  de  quelle  manière  peut-on  établir  la  bonne 
foi  de  celui  qui  l'mvo  que  ? 

Clerc  notaire. 

RÉPONSi; — Sauf  les  circonstances  exceptionnelles  dans  lesquelles 
la  mauvaise  foi  apparaît  d'une  manière  indéniable  (1),  la  bonne 
foi  est  toujours  présumée.  C'est  à  celui  qui  prétend  que  quelqu'un 
était  de  mauvaise  foi  à  faire  la  preuve  de  cette  mauvaise  foi. 

La  bonne  foi  est  la  croyance  sincère  et  absolue  que  l'on  a  acquis 
la  propriété  d'une  chose  justa  opinio  quœsiti  dominii.  (Pothier, 
Pandectes,  Livre  41,  Titre  3,  No  77.) 

Pour  que  cette  bonne  foi  ait  lieu  "il  faut,  dit  Troplong,  "  1° 
ignorer  qu'un  autre  que  celui  qui  vous  transmet  la  chose  en  est 
propriétaire  ;  2''  être  convaincu  que  celui  qui  vous  la  transmet 
avait  droit  et  la  capacité  de  l'aliéner  ;  3^*  la  recevoir  par  un  con- 
trat pur  de  fraude  et  de  tout  autre  vice.  ("Prescription,  No  915.) 

Dans  notre  droit  canadien  actuel  il  suffît  pour  la  prescription 
que  la  bonne  foi  de  l'acquéreur  ait  existé  au  moment  de  son  ac- 
qui«ition.  (G.  G.  Art.  2253.)  Nous  avons  adopté  la  doctrine  du  droit 
romain  et  celle  du  code  Napoléon  (2). 

Notre  ancien  droit  français,  au  contraire,  avait  adopté  les  dis- 
positions du  droit  canon  qui  exige  que  la  bonne  foi  continue  pen- 
dant tout  le  temps  requis  pour  prescrire. 


PRESCRIPTION 

QcESTiON.j —  Est-ce  que  le  principe  ihéologique,  en  vertu  duquel  la  prescrip- 
tion d'un  immeuble  jpeut  s'effectuer  après  dix  années  de  possession,  avec  bon 
titre  et  de  bonae  foi,  (le  maitre  du  dit  inimeuble  étant  présent  pendant  tout  le 
temps  requis  pour  la  prescription,)  est  reconnu  par  la  jurisprudence  de  la  Pro- 
vince de  Québec. 

votre  J.  F.  G.  St.  Jos.  de  M. 

Réponse. — Voyez  l'article  5onne /bi  qui  précède.  Il  contient  la 
réponse  à  votre  question.  J'ajouterai  cependant  qu'il  n'est  pas 
nécessaire  que  le  maitre  de  l'immeuble  réside  dans  la  province 
pour  que  la  prescription  ait  lieu.  L'article  2232  du  code  civil  dit 
que  la  prescription  court  contre  les  absents  comme  contre  les  présents 
et  par  le  même  temps.  C'est  aussi  la  disposition  de  l'article  2251  du 
même  code. 

Avant  le  code  an  ne  pouvait  prescrire  contre  les  abeents  que 
par  une  possession  de  20  ans.  Si  le  maître  avait  été  absent  pendant 
une  partie  du  temps  il  fallait  doubler  les  années  d'absence.  Ainsi 
par  exemple,  si  le  maître  avait  été  absent  5  ans  ou  ne  pouvait 
prescrire  que  par  15  ans.  C'est  ce  qu'exprime  le  projet  du  code, 
art.  93  du  titre  de  la  prescription.  "  Si  le  propriétaire  a  élé  successi- 
vement présent  ei  absent.,  il  faut  pour  compléter  les  dix  ans  compter 
deux  années  d'absence  pour  chaque  année  de  présence  qui  manque.  " 

(1)  Il  y  a  des  circonstances  de  fait  tellement  indicatives  d-i  la  mauvaise  foi, 
que  lemr  existence  non  contestée  dispense  de  toute  autre  preuve  celui  qui  l'ar- 
ticule. (Troplong,  Prescription,  No  929.) 

(2)  Art.  2269. 


188  LE  PROPAGATEUR 


SUCCESSIONS.  TAXES. 

QUESTION.  Qui  doit  payer  la  taxe  due  au  gouvernement  provincial  dans  le  cas 
de  legs  particulier  ?  Est-ce  l'héritier  ou  le  légataire  particulier  ?  Notaire. 

RÉPONSE.  Celte  taxe  doit  être  payée  par  le  légataire  particulier, 
car  c'est  à  lui  seul  que  le  legs  profite.  La  taxe  est  une  charge  de 
ce  legs,  celui  qui  a  l'émokmient  doit  supporter  la  charge.  L'héritier, 
ou  le  légataire  universel,  ne  doit  payer  la  taxe  que  sur  la  balance 
d'actif  net  qui  n'a  pas  été  transmise  par  les  legs  particuliers.  Ain- 
si si,  déduction  faite  des  dettes,  la  succession  a  une  valeur  de 
$10,000.00  et  qu'il  y  ail  des  legs-  particuliers  jusqu'à  concurrence 
de  $5,000,00,  le  légataire  universel  payera  la  taxe  sur  $5,000,00 
et  chaque  légataire  particulier  la  payera  sur  le  montant  de  son  legs. 

Cette  taxe  n'est  pas  imposée  uniformément.  Elle  varie  de  1^/^ 
à  8°/o  suivant  le  degré  de  parenté  qui  existe  entre  le  défunt  et  les 
héritiers  ou  légataires.  Si  le  légataire  est  un  étranger  la  taxe  s'é- 
lève à  lO'^^o- 

La  question  du  payement  de  la  taxe  par  le  légataire  particulier 
est  controversée.  Plusieurs  prétendent  que  cette  taxe  doit  être 
payée  par  l'héritier  et  que  le  légataire  particulier  doit  avoir  la 
délivrance  de  son  legs  en  entier.  Je  ne  trouve  rien  dans  le  Sta- 
tut (1)  qui  puisse  autoriser  une  semblable  interprétation.  Au  con- 
traire le  texte  me  pai  ait  clair  et  exempt  d'ambiguité. 
LA  CONFESSION  A  DU  BON 

On  lit  dans  un  journal  anticlérical  de  Bruxelles  : 

Un  vol  avait  été  commis,  il  y  a  quelques  jours  au  préjudice  de  M.  X.,  à  Saint- 
josse.ten  Noode,  et  une  enquête  avait  été  ouverte.  Avant-hier,  un  Père  jésuite, 
à  qui  le  coupable  était  allé  confier  ses  fautes  est  venu  rendre  à  M.  X.,  les  objets 
qui  lui  avaient  été  volés  et  que  le  malfaiteur  avait  remis  au  Père. 

La  police,  prévenue,  interrogea  le  jésuite,  qui  refusa  de  parler.  Procès-verbal 
a  été  dressé  à  sa  charge  pour  refus  de  témoigner. 

Le  prêtre,  qui  en  invoquant  le  secret  professionnel  a  fait  son 
devoir  de  prêtre  sera  condamné  à  100  francs  d'amende.  [La  Croix). 

VARIÉTÉ 
UEglise  et  le  droit  pénal. 

L'action  de  l'Eglise  sur  les  différentes  branches  du  droit,  notamment  sur  le 
droit  criminel,  a  été  i  rofonde. 

Ordalies,  épreuves  par  le  feu,  par  l'eau,  par  le  cadavre,  etc.,  condamnées  dès 
le  vin«  siècle,  en  dernier  lieu  au  Concile  de  Lalran,  en  1215,  et  de  Palencia,  en 
1322  ;  Combat  judiciaire,  repoussé  dès  la  mise  en  vigueur  de  cette  pratique  bar- 
bare, par  l'éloquent  archevêque  de  Vienne,  saint  Avit,  par  le  troisième  Concile 
de  Valence,  par  les  Papes  Nicolas  1er  et  Alexandr-i  IL  ;  torture,  énergiquement 
combattue  par  les  Souverains  Pontifes,  comme  elle  l'avait  été  par  saint  Augus- 
tin ;  institition  des  promo/tjwn  d'oy^cta/z7e5,  précurseurs  du  ministère  public; 
preuve  testimoniale,  en  usage  dans  les  cours  de  chrétienté,  bien  avant  que  ki 
loi  régulière  l'eût  adoptée  ;  droit  d'appel,  organisé  dans  les  tribunaux  ecclésias- 
tiques,  alors  qu'il  était  inconnu  dans  les  autres  jurididictions  ;  première  notion 
des  circonstances  atténuantes,  énoncée  dans  les  décrétales  d'Alexandre  III  ; 
beaucoup  d'autres  mesui  es  salutaires  sont  dues  à  l'influence  de  la  législation 
canonique. 

A  l'Eglise,  revient  l'honneur  d'avoir  imprimé  à  la  pénalité  le  caractère  qui 
lui  appartient,  en  substituant  l'idée  de  justice,  d'expiation  à  toute  pensée  de 
vengeance,  en  rejetant  par  respect  pour  la  dignité  humaine,  la  flagellation  pu- 
blique, la  marque,  le  carcan,  le  pilori,  en  demeurant  fidèle  à  l'esprit  du  droit 
de  grâce,  introduit  dans  la  société  civile  par  Constantin,  sous  l'inspiration  re- 
ligieuse.      Avril  93.  (Semaine  religieuse  de  Toulouse.) 

(l)  55-56  Vict.  Chap  18. 


mu  Ë  PfflM  MIS  SES  PIEOICATIOUS 

CHOIX  ET  DÉVELOPPEMENTS  DES  SUJETS 

Par  m.   I^'ABBÉ   I>0UBL.E:X 

Chanoine  d'Arras,  auteur  de  Saint-Paul,  Jésxis-Chrisl,  le  Psau  nés  étudiés 
en  vue  de  la  Prédication,  Conférences  aux  Dames  du  Mondes,  etc. 

2  forts  vol.  in-S Prix  :  S3.00 

TABLE    DES   MATIÈRES 


Inlroduclion. — Importance  capitale 
du  ministère  de  la  Prédication. — Ses 
qualités.  —  Ses  défauts  ordinaires. — 
Conditions  spéciales  de  la  Prédication 
contemporaine. — Idée  da  présent  ou- 
vrage. 

La  Religion  le  tout  de  Vhomme. — La 
Religion  seule  possède  la  solution  de 
nos  destinées. — La  Religion  est  pour 
l'homme  :  la  nécessité  de  sa  condition  ; 
l'assurance  de  son  salut  éternel  :  la  sa- 
tisfaction de  ses  besoins  les  plus  im- 
périeux. 

La  Religion  comme  nécessité  pres- 
sante.—  Notre  société  contemporaine 
est  malade  :  son  mal  est  profond,  il 
serait  désespéré  sans  la  Religion. 

Comment  Dieu  a  constitué  la  société 
et  comment  Jésus-Christ  l'a  relevée  de 
ses  ruines. — Comment  les  vices  con- 
temporains la  replongent  dans  une  dé- 
gradation et  une  décadence  nouvelles. 
— En  dehors  de  la  Religion  rien  ne 
peut  la  guérir.  La  Religion  possède 
tous  les  éléments  de  vie  et  de  progrès. 

La  Religion  comme  nécessité  univer- 
selle.— La  Religion,  faite  pour  nous 
tous,  nous  oblige  tous  également. —  Il 
est  donc  déraisonnable  que,  dans  une 
même  famille,  les  uns  se  croient  obligés 
aux  pratiques  religieuees,  les  autres 
s'en  prétendent  affranchis.— Il  est  dé- 
déraisonnable que,  dans  une  même 
société,  une  classe  y  soit  liée,  une  au- 
tre classe  s'en  déclare  libérée. 

Nos  convictions  religieuses. — Elles 
seules  décident  de  la  direction  de  toute 
notre  vie.  Leur  origine.  Nos  vérités 
religieuses  nous  viennent  directement 
de  Dieu.  Leur  nature.  Nos  vérités  re- 
ligieuses sont  sublimes.  Nos  vérités 
religieuses  sont  formidables.  Nos  vé- 
rités religieuses  sont  suaves.  Leurs 
conséquences.  Nos  vérités  religieuses 
demandent  de  nous  :  l'adoration  :  la 
protection  :  l'obéissance. 

La  foi  étudiée  dans  sa  nécessité. — 
lia  foi  renferme  la  solution  de  toute 


la  destinée  éternelle  de  l'homme. — La 
foi  nous  est  nécessaire  d'une  nécessité 
de  nature. — La  foi  nous  est  nécessaire 
d'une  nécessité  de  grandeur. — La  foi 
nous  est  nécessaire  d'une  nécessité 
d'expiation. — La  foi  nous  est  néces- 
saire d'une  nécessité  d'épreuve. 

La  foi  étudiée  dans  ses  prérogatives. 
— Dans  sa  profondeur.  Elle  est  reine 
et  dominatrice  dans  tous  les  royaumes 
de  la  vérité. — Elle  aide  puissamment 
la  raison  dans  la  recherche  des  vérités 
naturelles. — Dans  l'ordre  surnaturel, 
elle  seule  a  accès.  Dans  son  universa- 
lité. La  foi  embrasse  tous  les  tecnps. — 
La  foi  rassemble  et  confond  toutes  les 
intelligences. — La  foi  fonde  le  royaume 
universel  des  âmes.  Dans  son  indes- 
tructibilitè.  La  foi  n'a  été  renversée  par 
aucun  adversaire. — La  foi  les  a  tous 
renversés.  Dans  sa  fécondité.  Toutes 
les  merveilles  chrétiennes  jaillissent 
de  la  foi. 

La  divinité  de  Jésus- Christ.—'Le  fait. 
— Jésus-Christ  est  Dieu.  Jésus-Christ 
est  vivant  comme  Dieu.  Jésus-Christ 
est  puissant  comme  Dieu.  Jésus-Christ 
est  créateur  comme  Dieu.  Jésus-Christ 
en  tout  se  montre  Dieu. — Jésus-Christ 
est  Homme-Dieu.  Jésus-Christ  est  venu 
racheter  le  monde  coupable.  Comme 
Rédempteur  Jésus-Christ  a  voulu  souf- 
frir. Raisons  profondes.  Les  corollaires. 
— La  divinité  de  Jésus-Christ  tranche 
la  ques'ion  des  Religions. — La  divinité 
de  Jésus-Christ  décide  de  la  direction 
de  toute  la  vie  humaine. — La  divinité 
de  Jésus-Christ  assure  toute  notre  des- 
tinée future. 

La  réalité  et  les  caractères  du  règne 
de  Jésus-Christ. —  La  ré&lilé.  —  Cette 
royauté  ne  peut  pas  ne  pas  exister,  tant 
les  titres  de  l'Homme-Dieu  à  la  possé- 
der sont  nombreux  et  inviolables. — En 
fait  cette  royauté  existe.  Jésus-Christ 
est  roi  d'un  vaste  empire.  Jésus-Christ 
commande.  Jésus-Christ  triomphe.  Jé- 
SQS-Christ  gouverne.  Jésus  Christ  est 
roi  plein  de  muniticpnce.  Les  caraclè- 


190 


LE  PROPAGATEUR 


res. — Le  règne  de  Jésus-Christ  es-t  un 
règne  voilé. — C'est  un  règne  forte  t 
vigoureux. — C'est  un  règne  plein  de 
suavité  et  de  douceur. 

Les  trois  règnes  de  Jésus-Chrisl. — 
Nous  pouvons  distinguer  trois  phases 
différentes  dans  le  règne  de  Jésus- 
Christ. — Ce  fut  un  règne  d'extraordi- 
naire puissance,  quand,  aux  jours  de 
son  Incarnaiion,  il  fil  la  conquête  du 
monde. — C'est,  depuis,  un  règne  voilé, 
dissimulé  sous  un  mystérieux  silence 
et  une  apparente  faiblesse.  Règne  de' 
bienfaisance  et  de  sanctification. — Ce 
sera,  à  la  fin  des  temps,  lors  du  second 
Avènement  de  Jésus-Christ,  un  règne 
de  gloire. 

La  divine  Passion.— 'Vidée  la  plus 
profonde  et  la  plus  vraie  que  nous 
puissions  nous  faire  de  la  Passion  de 
i'Homme-Dieu,  c'est  qu'elle  fut  le  com- 
bat solennel,  l'éclatante  victoire  de 
l'Homme  Nouveau  sur  le  péché,  du 
Second  Adam  sur  l'Enfer.  Premier 
triomphe,  à  Gethsemani,  quand  l'Hom- 
me-Dieu  pleurant  le  péché  jusqu'au 
sang  en  efface  la  trace  maudite  et 
apaise  la  justice  du  Très-Haut.  Second 
triomphe,  dans  Jérusalem,  quand 
l'Homme-Dieu,  en  se  livrant  au  péché, 
en  recevant  ses  coups  épouvantables, 
en  découvre  par  là  même  la  malice  et 
en  révèle  au  grand  jour  toute  la  laideur. 
Troisième  triomphe,au  Calvaire,  quand 
l'Homme-Dieu  réconciliant  le  ciel  et 
la  terre,  Dieu  à  l'homme,  consomme 
ainsi  la  giande  œuvre  de  sa  Rédemp- 
ion. 

Jésus-Chrisl  vivant  dans  VEglise. — 
Jésus-Christ  est  comme  revêtu  d'un 
corps  mystique  qui  est  l'Eglise  ;  ou 
plutôt  il  pénètre  ce  corps,  il  l'anime,  il 
le  fait  vivre  rie  sa  propre  vie. — De  là 
cette  sublime  définition  de  l'Eglise  : 
C'est  Jésus-Christ  même  vivant  au 
milieu  du  monde.  De  là  encore  celte 
conséquence  que  la  vie  de  l'Homme- 
Dieu  sur  la  terre,  aux  jours  de  son  In- 
carnation, sera  réproduite  par  l'Eglise, 
durant  le  cours  des  siècles,  dans  ses 
grands  traits.  De  là  cette  indestructi- 
ble force  dans  une  apparente  faiblesse. 
— De  là  celte  suite  de  bienfaits  qui 
sont  le  salut  du  monde. 

Dieu  dans  l'Ecole. — Importance  im 
mense  d'une  première  éducation  chré- 
tienne.— Importance  pour  tous. — Im- 
portance plus  grande  encore  pour  la 
classe  des  pauvres  et  des  travailleurs. 


— Les  bienfaits  qui  découlent  de  l'Ecole 
chrétienne  sont  donc  considérables, 
(rrâce  à  l'Ecole  chrétienne,  la  FamUle, 
la  Société,  l'Eglise  sont  sauvegardées 
dans  leurs  droits  et  dans  leur  prospéri- 
té. L'Ecole  chrétienne  réclame  toute 
l'énprgie  et  exige  les  sacrifices  des  ca- 
tholiques. 

Les  ennemis  de  Jésus-Chrisl. — Etran- 
ge mystère  que  l'Homme-Dieu  Sauveur 
du  monde  ait  des  ennemis  ! — Néan- 
moins, quand  on  scrute  ce  mystère  on 
en  découvre  la  posiibililé  ;  la  conve- 
nance, le  lerme  final. — Il  fut  naturel 
que,  venant  réformer  une  humanité 
perdue  de  vices,  Jésus-Christ  y  trouvât 
de  haineuses  oppoi-iiions.  —  D'autre 
part,  il  convenait  à  Dieu  comme  à 
l'homme,  comme  à  Jésus-Christ,  comme 
à  l'Eglise,  que  l'œuvre  de  la  Rédemp- 
tion rencontrât  des  adversaires. — Tout 
est  provisoire  dans  la  situation  actuelle 
de  l'Eglise  ;  tout  y  est  coordonné  en 
vue  du  triomphe  final  de  Jésus-Christ 
sur  ses  ennemis. 

La  sanctiftcation  véritable. — Il  y  a 
une  notion  générale  de  la  Sainteté  ; 
il  y  a  un  fonds  commun  de  Sainteté 
oîi  doivent  indistinctement  puiser  tous 
les  élus  de  Dieu  ;  il  y  a  des  fondamen- 
tales conditions  sans  lesquelles  la  Sain- 
teté, à  aucun  degré,  ne  peut  plus  exis- 
ter. Premièrement  pour  être  saint  il 
faut  imiter  Dieu.  Il  est  une  imitation 
plus  générale  de  Dieu.  11  est  une  imi- 
tation de  Dieu  toute  spécialisée  en 
Jésus-Christ. —  Deuxièmement  il  faut 
s'unir  à  Dieu.  Dieu  fait  tout  pour  réa- 
liser celte  union.  L'homme,  pour  elle, 
doit  tout  faire  à  son  t  ;ur.— Troisième- 
ment il  faut  se  séparer  des  ennemis  de 
Dieu.  Sentiment  et  conduite  des  chré- 
tiens à  l'égard  du  monde. 

Amour  de  Dieu. — Tout,  au  ciel  et 
sur  la  terre,  dans  le  temps  et  dans 
l'éternité  se  concen're  et  se  consomme 
dans  l'amour  de  Dieu.  —  Première 
question  :puis-je aimer  Dieu? — Deuxi- 
ème question  :  dois-je  aimer  Dieu  ? — 
Troisième  question  :  pourquoi  n'aimé- 
je  pas  Dieu  ? 

Amour  du  prochain. — Dieu  n'a  pas 
livré  aux  caprices  de  noire  nature  dé- 
chue le  trésor  du  cœur,  de  Dieu  a  légi- 
féré sur  l'amour  que  nous  devons  nous 
porter  les  uns  aux  autres. — Dieu  nous 
oblige  à  l'amour  du  prochain  comme 
à  un  amour  de  famille. — Dieu  nous  y 
oblige  comme  à  un  amour  de  fraternité. 


LE  PROPAGATEUR 


191 


— Dieu  nous  y  oblige  comme  à  un 
amour  de  commisération. — Dieu  nous 
y  oblige  comme  à  un  amour  de  con- 
quête. 

La  famille  dans  son  type  éternel. — 
Dieu  qui,  à  profusion,  répand  dans  la 
nature  les  images  de  l'Adorable  Trinité, 
n'en  a  nulle  part  tracé  une  aussi  frap- 
pante ressemblance  que  dans  la  famille. 
La  famille  est  sa  parfaite  image  dans 
sa  vie  intime. — La  famille  est  sa  par- 
faite image  dans  ses  œuvres  au  dehors. 

La  famille  dans  sa  divine  image  sur 
la  terre. — A  Nazareth,  l'Homme-Dieu 
refait  la  famille.  La  famille  aura  donc 
pour  image  sur  la  terre  le  divin  intéri- 
eur de  Nazareth. — Dieu  dans  la  famille. 
Il  en  était  le  chef  à  Nazareth.  Il  en 
doit  être  le  chef  parmi  nous. — Le  devoir 
dans  la  famille.  Gomment  on  le  com- 
prenait à  Nazareth.  Gomment  le  doit 
comprendre  la  famille  chrétienne. — La 
souffrance  dans  la  famillp.  Perfection 
des  divines  souffrances.  Sanclitication 
des  nôtres. 

Influence  de  la  littérature  contempo- 
raine sur  la  famille. — Tout  ce  que 
comprend  ce  mot  :  littérature  contem- 
poraine.— Elle  a  déchristianisé  la  famil- 
le.— Elle  a  flétri  et  abaissé  la  famille. 
Elle  en  flétrit  les  membres.  Elle  y 
abaisse  les  idées. 

Le  mariage. — Le  mariage  dans  son 
excellence.  Excellence  de  son  origine  : 
de  son  type  divin  :  de  sa  grâce  sacra- 
mentelle :  de  sa  mission. — Le  mariage 
dans  sa  législation  divine.  Législation 
nécessaire.  Législation  réellement  ex- 
istante. — Le  mariage  dans  ses  impres- 
criptibles droits. 

Les  devoirs  dans  le  mariage. — La 
fécondité  dans  le  mariage. — L'union 
dans  le  mariage. — La  Religion  dans  le 
mariage. 

Préparation  lointaine  au  mariage: 
— L'éducation  première  influe  grande- 
ment sur  la  prospérité,  la  noblesse,  la 
sainteté  future  du  mariage. — Comment 
il  faut  être  préparé  quant  à  la  vie  en 
commun. — Comment  il  faut  être  pré- 
paré quant  au  lien  à  contracter. — Com- 
ment il  faut  être  préparé  quant  au 
sacrement  à  recevoir.  —  Gomment  il 
faut  être  préparé  quant  à  la  mission  à 
remplir. 

La  mère  chrétienne  et  Jésus-Christ. 
—  Admirables  lien=,  rapports  saisis- 
sants, entre  la  mère  chrétienne  et  Jésus- 


Christ. — Mystérieuses  similitudes  entre 
la  mère  chrétienne  et  Jésus-Christ. — 
Admirables  aptitudes  de  la  mère  chré- 
tienne à  comprendre  et  à  gcùler  Jésus- 
Christ.— La  mère  chrétienne  a  besoin 
de  Jésus-Christ.  Jésus-Christ  daigne 
avoir  besoin  de  la  mère  chrétienne. 

Les  fléaux  de  la  maternité  chrétienne. 
—  Trois  formidables  maux  se  sont 
abattus  sur  notre  société  contemporai- 
ne, trois  maux  qui  dévastent  la  famille, 
trois  maux  qui  exigent  de  la  mère  chré- 
tienne la  plus  énergique  réaction. — Le 
matérialisme  contemporain  a  chassé 
Dieu. — Le  sensualisme  contemporain 
a  chassé  le  devoir. — L'esprit  révolution- 
naire a  chassé  l'aulorité. 

Le  divorce. — Le  divorce  devant  l'au- 
torité et  les  lois  divines. — Le  divorce 
dans  ses  honteuses  origines,  dans  ses 
fauteurs,  lians  ses  législateurs. —  Le 
divorce  dans  ses  suites  désastreuses  ; 
sur  le  mariage  .ui-même  :  sur  les  époux . 
sur  l'enfant  :  sur  la  société. 

La  vie  inutile. — Esquisse  de  la  vie 
inutile. — Ce  que  doit  être  toute  vie 
ici-bas. — En  regard  la  honteuse  trahi- 
son de  la  vie  inutile.  Flétrissure  de  la 
vie  inutile. — Elle  outrage  Dieu  dans 
son  domaine  souverain. — Elle  outrage 
Dieu  dans  ses  dons  magnifiques. — Elle 
outrage  Dieu  dans  sa  conduite  et  ses 
exemples. 

La  vie  frivole. —  La  vie  frivole  est  un 
attentat  contre  nos  divines  grandeurs. 
— La  vie  frivole  est  un  attentat  contre 
les  rigueurs  néces-saires  de  la  vie  chré- 
tienne.— La  vie  frivole  est  un  attentat 
contre  notre  destinée  présente  et  future. 

U inconduite  par  rapport  à  V indivi- 
du.— Elle  accumule  les  ruines  dans 
l'être  divin  qui  est  en  l'homme. — Elle 
accumule  les  ruines  dans  l'être  humain. 
— Elle  tue  les  natures  d'élite.  En  toutes 
indistinctement  elle  tarit  U  s  sources 
mêmes  de  la  vie.  Elle  flétrit  et  altère 
toutes  les  puissances  de  l'âme  et  du 
corps. — Elle  accumule  les  ruines  dans 
l'ôlre  social.  Par  ce  qu'elle  enlève  à 
la  société.  Par  ce  qu'elle  iniroduit  dans 
la  société. 

L  inconduite  par  rapport  à  la  fa- 
mille.— Grandeur  de  la  famille.  Dans 
l'ordre  naturel.  Daus  l'ordre  surnaturel 
et  divin. — L'inconduite  destructrice  de 
la  famille.  L'inconduite  y  étouffe  toute 
religion.  L'inconduite  y  détruit  le  bon- 
heur. L'iuconduite  y  dissout  l'union. 
L'inconduite  y    corrompt    l'exemple. 


192 


LE  PROPAGATEUE 


L'inconduite  y  flétrit  l'honneur.    L'in- 
conduite  y  épuise  les  ressources. 

L'inconduite  par  rapport  à  la  SO' 
ciété. — L'inconduite  détruit  la  prospé- 
rité matérielle  d'une  société.  Ravages 
causés  par  l'inconduite  des  hautes 
classes.  Ravages  causés  par  l'incon- 
duite dans  les  classes  inférieures. — 
L'inconduite  tue  la  religion  dans  uue 
société.  Un  peuple  qui  veut  vivre  doit 
être  un  peuple  religieux.  Un  peuple 
qui  veut  être  religieux  doit  être  un 
peuple    vertueux. 

Le  soin  des  pauvres. — Le  soin  des 
pauvres  œuvre  éminente  si  nous  consi- 
dérons Dieu.  Dieu  dans  ce  qu'il  à  fait 
Lui-môme  pour  les  pauvres,  Dieu  dans 
ce  qu'il  exige  que  l'on  fasse  aux  pauvres. 
— CEuvre  éminente  si  nous  considé- 
rons le  pauvre.  Le  pauvre  dans  ses 
douleurs  physiques.  Le  pauvre  dans 
ses  détresses  morales. — OËavre  émi- 
nente si  nous  considérons  la  société. 
Question  sociale  efirayante.  A  cette 
question  deux  seules  solutions.  La 
solution  révolutionnaire  qui  mène  à 
l'ahime.  La  solution  catholique  qui  est 
le  salut. 

L aumône  catholique- — Le  point  de 
départ  de  l'aumône  calholique.  Idée 
d'une  grande  mission.  Idée  d'une 
grande  noblesse. — La  méthode  de  l'au- 
mône catholique.  Jugeons  de  ces  trois 
manières  de  faire  l'aumône  :  manière 
officielle  :  manière  moderne  :  manière 
cathohque. 

Les  divines  harmonies  de  Vaumône. 
-—Dieu,  ayant  dessein  de  sauver  le 
riche  par  le  pauvre  et  le  pauvre  par  le 
riche,  leur  laissa  à  l'un  envers  l'autre 
de  mutuels  besoins.— Besoin  mutuel 
d'honneur.  Le  riche  est  l'honneur  du 
pauvre.  Le  pauvre  l'honneur  du  riche. 
— Besoin  mutuel  de  lumière.  C'est  le, 
riche  qui  doit  venir  instruire  le  pauvre. 
C'est  le  pauvre  dont  la  misère  est  la 
révélation  nécessaire  au  riche. — Besoin 
mutuel  de  fortune.  Que  le  pauvre  est 
malheureux  sans  l'or  du  riche  !  Que 
le  riche  est  pauvre  sans  les  biens  que 
iiii  vaut  l'aumône. 

De  V éducation  du  cœur. — La  bonne 
éducation  à  donner  au  cœur.  Impor- 
tance du  cœur.  Les  deux  maîtres  du 
cœar  :    Dieu  :  le  monde.    Déplorable 


éducation  que  le  monde  donne  au  cœur* 
MagniQque  éducation  que  la  Religion 
donne  au  cœur. — Puissance  du  cœur 
quand  il  a  reçu  la  vraie  éducation.  Le 
cœur  dans  les)  grandes  œuvres  chréj 
tiennes.  Le  cœur  au  sein  de  la  famille. 

L'oubli  de  Dieu. — L'oubli  de  Dieu  : 

■   violation  du  plus  sacré  des  devoirs. — 

L'oubli  de  Dieu  :   perte  des  plus  hauts 

intérêts  :  intérêts  du  temps  :  intérêts  de 

l'éternité. 

Vie  surnaturelle  opposée  au  matéria- 
lisme contemporain. — Le  naturalisme  : 
mal  désastreux  :  mal  moderne.  Erreur 
qui  enfante  toutes  les  autres  et  dévaste 
la  destinée  humaine. — Erreur  qui  nie 
!e  plus  impérieux  besoin  de  noire  na- 
ture. Dieu  nous  a  créés  pour  l'infini  :  le 
naturalisme  en  nous  y  arrachant  nous 
muiile  et  nous  ravage. — Erreur  qui  re- 
pousse la  seule  force  vraiment  efllcace 
de  noire  vertu.  —Erreur  qui  foule  aux 
p.eds  les  plus  essentiels  de  nos  devoirs. 
Le  surnaturel  peut  seul  assouvir  nos 
aspirations,  soutenir  notre  vertu,  assu- 
rer notre  destinée  éternelle. 

Le  refus  d'apercevoir  Dieu. — De  tous 
les  outrages  dont  l'homme  peut  se  ren- 
dre coupable  envers  la  Majesté  divine, 
le  plus  sanglant  rst  peut-être  celui  du 
délaissement  dédaigneux. — Or,  c'est  là 
l'outrape  spécial  à  notre  société  con- 
temporaine. Lo  grand  mal  de  notre 
sosiété.  Elle  refuse  de  voir  Dieu.  Elle 
s'obsline  à  repousser  Dieuel  ne  le  veut 
trouver  nulle  part  Le  grand  devoir  des 
catholiques.  Ils  doivent,  par  une  réac- 
tion puissante,  voir  et  adorer  Dieu  par- 
tous.  Le  voir  dans  sa  création.  Le  voir 
dans  les  grands  actes  de  sa  justice.  Le 
voir  dans  la  continuité  de  ses  bienfaits. 

La  science  divine  opposé  -■  h  l'oubli 
de  Dieu. — La  science  divine  fait  tout  à 
la  fois  :  la  grandeur  de  l'homme  :  la 
force  de  l'homme  ;  la  joie  de  l'homme. 
— La  grandeur  de  l'homme.  En  dehors 
d'elle  l'intelligence  humaine  est  arrêtée 
par  d'iniranchissanles  barrières. — La 
force  de  l'homme.  En  dehors  d'elle  la 
vertu  de  l'homme  se  brise  à  d'infran- 
chissables écueils.  — La  joie  de  l'hom- 
me. En  dehors  d'elle  le  bonheur  de 
l'homme  est  anéanti  par  d'invincibles 
calamités. 

L'abstention  des  pratiques\religieuses. 
— Un  culte,  des  pratiques  religieuses 


LE    PROPAGATEUR 


193 


sont  exigés.  De  là  la  fausseté  el  le  dan- 
ger de  celle  prétendue  religion  idéale 
qui  veut  aller  à  Dieu  sans  dogmes  ni 
culle  p'écis. — Un  seul  culte,  une  reli- 
gion unique  sont  les  véritables. — Dieu 
es  a  marqué'î  de  tels  signes  qu'il  est 
impossible  de  s'y  méprendre. 

Les  obstacles  à  la  pratique  de  la  Reli- 
gion.— Premier  obstacle  :  une  incré- 
dulité décevante.  De  tout  temps  l'hu- 
manilé  déchue  a  tenté  d'échapper  à 
l'obligation  que  la  véritable  Religion 
impose.  Les  tentatives  contemporaines. 
— Second  obstacle:  les  passions.  Nos 
passions,  qui  exigeraient  contre  leurs 
saillies  les  forces  religieuses,  sont,  tout 
au  contrair*^,  ardentes  à  repousser  la 
Religion. — Troisième  obstacle  :  le  tu- 
multe des  affaires  et  les  mille  distrac- 
tions de  k  vie. 

Les  prérogatives  de  la  religion. — Il  y 
a  pour  nous  dans  la  religion,  tout  à  la 
fois  :  —  une  transcendante  lumière.  La 
où.  l'incrélule  se  voit  arrêté  devant 
d'insondables  abîm'js,  nous  poursui- 
vons une  route  inondée  de  clartés.— 
Une  invincible  force.  Indispensable 
nous  est  la  force  durant  notre  vie  en- 
tière. Seule  la  religion  peut  nous  en 
donner  la  plénitude. 
Une  ineffable  joie.  Les  douleurs  hu- 
maines nous  assiègent  de  toutes  parts. 
La  Religion  peut  seule  les  adoucir 

Divinité  de  l'Eglise  catholique. — 
Qu'est-ce  que  l'Egiise  ?  L'Eglise  est  le 
corps  mystique  de  Jésus-Christ.  Elle 
est  pour  ainsi  parler,  Jésus-Christ  con- 
tinué, Jésus-Christ  vivant  et  agissant 
au  milieu  du  monde. — Elle  est  donc 
divine.  La  grande  preuve  de  sa  divinité 
est  sa  vie  elle-même  :  vie  surhumaine, 
vie  inextinguible,  vie  victorieuse.  Tout 
meurt  sauf  l'Eglise.  Les  corollaires  de 
la  divinité  de  l'Eglise  catholique  sont 
de  la  plus  haute  importance. 

La  Parole  sainte. — L'efficacité  mer- 
veilleuse de  la  Parole  sainte,  les  effets 
puissants  qu'elle  ne  manque  pas  de 
produire  en  uous  quand  nous  l'écoutons 
convenablement. — Les  obstacles  que 
trop  souvent  nous  lui  opposons. — Les 
sacrifices  qu'elle  commande  et  auxquels 
nous  devons  généreusement  souscrire. 

Le  Péché.— Il  y  a  dans  le  péché  une 
affreuse  puissance  de  dévastation,  et 
celte  dévastation  nous  en  suivons  les 
traces  au  ciel,  sur  la  terre,  dans  l'être 
humain  tout  entier,  au  Calvaire,    dans 


le  gouffre  infernal. — Il  y  a  dans  le  pé- 
ché une  affreuse  malice.  Le  péché 
s'attaque  à  un  Dieu.  Le  péché  entre- 
prend des  attentats  de  toute  sorte  con- 
tre Dieu. — Il  y  a  dans  le  péché  un 
affreux  état.  Etat  de  disgrâce,  de  dé- 
pouillement, de  damnation. 

La  chute  d'une  âme. — Une  âme  qui 
tombe  n'est  certes  pas  une  âme  qui  se 
perd  irrémédiablement  :  la  conversion 
s'ouvre  à  elle  et  le  pardon  lui  est 
promis.  Mais  il  est  des  âmes  qui  se 
perdent  pour  toujours  et  c'est  cette 
affreuse  et  éterneile  chute  dont  il  est 
ici  question. — Comment  se  prépare  et 
se  consomme  celle  chute — Ce  qu'est 
celte  chute.  Quels  en  sont  les  carac- 
tères? Dans  quel  état  de  perdition  sans 
espoir  précipite-t-elle  le  pécheur  impé- 
nitent et  obstiné  à  repousser  la  divine 
miséricorde. 

La  conscience. — Grandeur  toute  divi 
ne  de  la  conscience.  Par  elle  plus  que 
par  les  autres  parties  de  notre  être 
spirituel,  nous  retenons  la  ressemblance 
de  Dieu.  Rôle  immense  de  ia  conscience 
dans  la  vie  de  l'homme  :  dans  la  vie  du 
chrétien. — Culture  de  conscience,  cul- 
ture générale,  culture  particulière. 

La  confession  :  sa  pratique.  —  Les 
qualités  d'une  confession  bien  faite. — 
Elle  doit  être  sereine.  Quel  mal  pro- 
duisent dans  une  âme  les  vaines  ter- 
reurs de  la  confession. — Elle  doit  être 
pénétrante,  et  non  légère  ni  superfi- 
cielle ;  pénétrante  dans  la  contrition 
qui  la  précède,  l'aveu  qui  l'accompa- 
gne. In  satisfaction  et  le  changement 
qui  la  suivent. — Elle  doit  être  attentive 
Importance  des  paroles  d'un  sage  et 
hîbile  directeur. —  Elle  doit  être- effi- 
cace. 

La  confession  :  son  excellence.  — 
Grandeur  de  la  confession.  Elle  est 
divine.  Voulue  de  Dieu  :  instituée  par 
Dieu:  victorieusement  imposée  et 
maintenue  f)ar  Dieu. — Suavité  de  la 
confession.  Elle  est  pour  nous  la  source 
de  tous  les  biens.  Les  biens  de  l'éter- 
nité. Les  biens  du  temps. — Puissance 
de  la  confession.  Une  éclatante  expé- 
rience la  monire.  Le  raisonnement  s'en 
rend  compte. 

UEuchanslie  suprême  triomphe  de 
Dieu- — Triomphe  de  la  force,  de  la 
bonté,  de  la   gloire  de  Dieu. —  De  la 


194 


LE  PROPAGATEUK 


force.  Dieu,  dans  l'Eucharistie  triom- 
phe de  la  nature,  de  rhcmtne,  de  lui- 
même. — De  la  bonté.  L'Eucharistie 
nous  donne  le  Dieu  de  l'Incarnation, 
le  Dieu  de  la  Rédemption,  le  Dieu  de 
la  SanctiQcalion.,— Delà  gloire.  Subli- 
me desnn  de  Dieu  :  déifier  ses  créatures 
raisonnables.  L'Eucharistie  magnifique 
conronnement  de  cette  grande  œuvre 
de  Dieu. 

Le  Sainl-Sacrifice  de  la  messe.  —  Ce 
que  c'est  que  la  Messe.  La  Messe  est 
un  Holocauste. — La  Messe  est  l'Holo- 
causte, le  sacrifice  d'un  Homme-Dieu. 
La  messe  est  le  même  sacrifice  que 
celui  de  la  Croix,  offert  sous  un  rite 
nouveau. 

Quel  grande  et  sublime  chose  est  la 
Messe. — La  Messe  est  la  grande  œuvre 
de  Dieu,  la  consommation,  sur  la  terre 
de  toute  son  œuvre  de  l'Incarnation,  de 
la  Rédemption,  de  la  Sanctification. — 
La  messe  doit  être  notre  grande  œuvre 
à  nous-mêmes. 

Le  Saint- Viatique. — Le  Saint- Viati- 
que admirablement  approprié  à  toutes 
les  circonstances  de  la  mort.— Dans  la 
mort,  détresse  suprême  :  dans  le  Saint- 
Viatique  suprême  et  universel  bien.  — 
Dans  la  mort,  danger  redoutable  ;  dans 
le  Saint- Viatique,  toute  puissante  as- 
sistance.—  Dans  la  mort,  œuvre  de 
glorieux  héroïsme  :  dans  le  Saint-Via- 
que,  grâce  d'élévation,  d'énergie,  de 
magnanimité. 

La  piété  :  excellence. — E.xcellence  si 
nous  considérons  Dieu.  Dieu  en  lui- 
même  :  Deus  carilas  esl.  Dieu  dans 
toutes  ses  œuvres:  toutes  ont  eu  pour 
but  de  faire  naître  en  nous  la  pitié. — 
Excellence,  si  nous  nous  considérons 
nous-mêmes.  La  piété  met  le  sceau  à 
notre  surnaturelle  grandeur.  La  piété 
c'est  la  compagne  riche,  suave  et' 
féconde  de  notre  vie  tout  entière.  La 
piété  est  la  seule  consolatrice  efDeace 
de  nos  douleurs. 

Lapiété  :'sa  pratique. — Les  illusions 
de  certaines  personnes  pieuses  par 
rapport  a  la  pieté. — Les  déloyautés  des 
âmes  mondaines  par  rapport  à  la  piété. 
La  conduite  droite,  lumineuse,  éner- 
gique des  âmes  sainteè  par  rapport  à 
à  la  piété. 


Le  rôle  de  la  prière. — Son  rôle  est  de 
nous  élever.  Notre  vocation  de  chré- 
tien est  sublime.  Mais,  d'autre  part, 
nos  sens,  le  monde,  l'enfer  conjurés 
ensemble,  s'efforcent  de  nous  exprimer. 
La  prière  seule  aura  la  puissance  de 
nous  tenir  élevés. — Le  rôle  de  la  prière 
est  de  nous  fortifier.  A  côté  de  luttes 
incessantes,  en  face  de  détress'  s  uni- 
verselles, nous  constatons  en  nous  une 
lamentable  impuissance,  La  prière 
nous  est  à  elle  seule  toute  assistance, 
toute  protection. — Le  rôle  de  la  prière 
est  de  nous  consoler,  La  douleur  chez 
les  mondains  et  sans  allégement.  La 
douleur  chez  ceux  qui  prient  est  rem- 
pli d'onction,  de  force,  de  lumière. 

Sur  les  difficultés  de  la  prière.  —  Il 
faut  soigneusement  distinguer  les  diffi- 
cultés que  subissent  les  âmes  pieuses  et 
celles  que  mérites  les  âmes  lièdes  tt 
mondaines. — Pour  les  âmes  pieuses,  il 
y  a  tout  à  la  fois  dans  ces  difficultés  : 
une  dette  de  nature  :  un  tout  miséri- 
cordieux châtiment  ;  une  fructueuse 
épreuve. — Qeant  aux  âmes  tièdes  et 
mondaines,  leurs  difficultés  dans  la 
prière  sont  un  pronostic  alarmant. 
C'est  que  leur  foi  s'éteint.  C'est  que 
leur  vigueur  chrétienne  dépérit.  C'est 
que  leur  tenue  même  n'a  plus  la  dignité 
chrétienne  voulue. 

Le  birinfait  des  retraites. — La  retrai- 
te est  le  retour  d'un  ami.  L'ami  céleste. 
Jésus,  que  dans  le  cours  du  temps 
nous  éloignons  par  notre  dissipation, 
notre  indifférence,  notre  manque  de 
foi,  notre  paresse. — La  retraite,  c'est 
la  réparation  d'une  ruine.  Ruine  muU 
tiple  que  subit  toute  âme  en  ce  monde 
et  qu'il  est  essentiel  de  relever. — La 
retraite  c'est  la  préparation  de  l'avenir. 
Peut-être  l'avenir  éternel.  En  tout  cas 
l'avenir  que  Dieu  nous  réserve  encore 
ici-bas. 

La  vie  molle.. — La  vie  efféminée,  la 
vie  de  paresse,  de  bien-être  et  de  plai- 
sir ruine  en  nous  le  christianisme  tout 
entier. — Impossible,  avec  cette  vie,  de 
nous  élever  à  Dieu. — Impossible  de 
nous  donner  à  Dieu  et  d'accepter  que 
Dieu  se  donne  à  nous. — Impossible  de 
fournir  la  carrière  de  pénitence  exigée 
de  nous. — Impossible  de  nous  astrein- 
dre aux  règles  de  la  j)rudence  chré- 
tienne et  de  fuir  les  dangers  qui  com- 
promettent le  salut. 


LE  PROPAGATEUR 


19c 


La  vie  sensuelle. — Il  y  a^  Jans  la  vie 
sensuelle,  un  attentat  contre  Dieu  et 
un  attentat  contre  l'homme. — Un  atten- 
tat contre  Dieu.  La  vie  des  sens  détruit 
dans  le  chrétien  toute  l'œuvre  de  la 
rédemption  et  de  la  glorification  divi- 
nes. Aussi  Dieu  se  montre-t-il  sans 
pitié  contre  cette  vie  grossière  et  impie. 
Un  attentat  contre  l'homme.  La  vie 
des  sens  intercepte  sa  future  destinée. 
La  vie  des  sens  intercepte  sa  fortune 
destinée.  La  vie  des  sens  ravage  sa 
Tie  présente. 

La  vie  sérieuse.  —  C'est  la  seule 
agréée  de  Dieu.  C'est  la  seule  qui  ho- 
noreDieu  comme  Créateur  de  noire  être 
naturel  et  de  notre  être  divin.  Aussi 
Dieu,  en  Jésus-Christ,  a-l-il  promulgué 
cette  vie  et  en  a-t-il  donné  le  modèle. 
La  seule  heureuse.  La  vie  de  disslpa- 
et  de  plaisirs  devient  fatalement  une 
tortur^'.  La  vie  sérieuse  au  contraire 
renferme  tousjles  éléments  du  bonheur. 
lia  seule  féconde.  Féconde  :  pour  l'in- 
dividu :  la  familiej  la  Société. 

Les  saints. — Dieu  a  créé  les  Saints 
pour  Lui-mêm»^.  Dieu  a  créé  les  Saints 
pour  nous. — Dieu  les  a  créés  pour  sa 
gloire.  Les  Saints  la  procurent  ;  les 
Saints  la  vengent  des  attaques  de  ses 
ennemis.  Dieu  les  a  créés  pour  son 
cœur.  En  regar  i  de  la  grossière  insen- 
sibilité de  la  foule  contemplons  les 
ardeurs  des  Saints. — Dieu  a  créé  les 
Saints  pour  nous.  Gomme  nos  illumi- 
nateurs.  Comme  nos  défenseurs.  Com- 
me nos  excitateurs. 

Le  vrai  catholique. — Méconnu  du 
monde,  le  vrai  catholique  offre  au  re- 
gard impartial  :  .une  étonnante  gran- 
deur d'âme  :  une  étonnante  force  de 
caractère:  une  étonnante  sagesse. — 
Grandeur  d'âme.  Tout  ce  qui  est  borné, 
caduc,  fugitif,  il  le  répudie.  —  Tout  ce 
qui  est  vaste,  éternel,  infini,  il  le  re- 
cherche avec  ardeur.  —  Force  de 
caractère  :  Fils  de  l'Eglise,  il  obéit  au 
traditions  d'énergie  qu'il  tient  de  sa 
Mère.  Energie  :  dans  le  devoir  :  dans 
la  douleur  :  dans  la  résistance  aux 
passions. — Sagesse  :  Sagesse  à  com- 
prendre sa  destinée.  Sagesse  à  prendre 
les  moyens  d'y  atteindre. 

La  femme  chrétienne. — Odieusement 
tyranisée  et  avilie  delà  Société  païenne 
la  femme  a  été  magnifiquement  relevée 
et  gloriQée  par  Jésus-Christ. — Glorifiée 
en  Marie. — Glorifiée  dans  les  Saintes 


femmes. — Glorifiée  par  le  martyr. — 
Glorifiée  par  la  vie  religieuse.— Glori- 
fiée au  milieu  du  monde.— bloriflée  à 
tous  les  postes  du  dévouement.  Glorifiée 
dans  l'honneur  et  le  respect  universel. 

Relevée  et  ennoblie,  la  femme  reçut 
de  Jésus-Christ  et  de  l'Eglise  les  plus 
belles  et  les  plus  fécondes  missions.^ 
L'épouse.  -La  mère. — La  maîtresse  de 
maison. — La  femme  et  les  œuvres 
catholiques. 

La  vie  religieuse. — La  vie  religieuse 
dans  ses  rapports  avec  Dieu. — Elle  est 
un  don.  Don  mutuel  de  l'âme  à  Dieu 
et  de  Dieu  à  l'âme.  Dom  plus  complet: 
plus  nécessaire  :  plus  facile. — Elle  est 
une  transfiguration.  Le  religieux  re- 
produit Jésus-Christ.  Jésus-Christ  : 
o'jéissant  :  pauvre  ;  vierge. — Elle  est 
une  immolation.  Immolation  :  du  mon- 
de :  de  la  nature  :  de  la  vie. — La  vie 
religieuse  dans  ses  rapports  avec  le 
monde.  La  vie  religieuse  a  une  mission 
sociale.  Elle  s'est  appliquée  aux  plus 
fécondes  œuvres.  Elle  est  plus  particu- 
lièrement vouée  à  l'éducation  de  la 
jeunesse.  La  vie.  religieuse  dans  ses 
rapports  avec  la  famille.  Iniques  récri- 
minations.— Réalité  et  vérité.  La  vie 
religieuse  réserve  pour  la  famille  :  un 
immuable  amour  :  une  assistance  pré- 
cieuse :  une  puissance  unique  de  con- 
solation. 

La  douleur. — En  dehors  des  lumières 
chrétiennes,  la  douleur  reste  un  obscur 
et  effroyable  problème. — La  lumière 
chrétienne  éclaire  la  douleur.  Elle  en 
montre  l'origine,  la  nécessité,  la  béné- 
tion.  La  douleur  comme  expiation.  La 
douleur  romme  formation.  La  douleur 
comme  future  glorification. — La  grâce 
chrétienne  nous  sauve  des  dangers  de 
la  douleur.  Danger  d'y  demeurer  iner- 
tes et  stériles.  Danger  d'y  délaisser 
tout  sentiment  de  religion.  Danger 
d'irritation,  de  désespoir,  de  blas- 
phème. 

Les  Saintes  Plaies. — Mot  bien  extra- 
ordinaire de  saint  Paul  en  face  de 
l'homme-Dieu,  livide  et  déchiré  :  "  il 
convenait,  dit-il,  qu'il  en  fût  ainsi!" 
Les  Divines  plaies  par  rapport  à  Dieu. 
Elles  Lui  sont  une  réparation  de  l'of- 
fense du  péché.  Réparation  digne  :  de 
sa  Majesté  :  de  sa  Justice  :  de  sa  Bonté  : 
de  sa  Sagesse.    Les  Divines  plaies  par 


196 


LE  PROPAGATEUR 


rapport  à  l'homme.  L'homme  y  trouve 
tout  ce  qui  assure  le  salut.  Il  y  trouve: 
le  repentir  :  le  frein  :  l'héroïsme.  Les 
Divines  plaies  par  rapport  à  l'Eglise. 
Par  elles  le  plus  grand  des  mystères 
est  conservé  ;  la  Passion  continuée  dans 
les  pauvres,  les  malades,  les  meurtris. 
— Par  elles  les  âmes  saintes  trouvent 
le  courage  de  se  vouer  au  plus  repous- 
sant de  tous  les  ministères  de  la  charité. 

La  force  chrétienne. — Sa  nécessité. 
Ses  sources. — Sa  nécessité.  Nécessité 
de  vocation.  Nécessité  d'éducation. 
Nécessité  de  préservation. — La  force 
chrétienne  a  sa  source  en  Dieu.  La 
force  chrétienne  exige  un  constant 
exercice. 

Les  ennemis  de  Dieu. —  Deux  con- 
duites de  Dieu  sur  ses  ennemis  endur- 
cis, oblinés,  impénitents  :  Dieu  fait 
servir  leur  perversité  à  ses  desseins, 
mais  après  les  avoir  pleures  et  suppliés 
avec  une  toute  extraordinaire  patience. 
— Les  pécheurs  endurcis  servent  à 
exalter  l'éternité  de  Dieu  :  la  puis?  ce 
de  Dieu  :  le  futur  triomphe  de  Dieu  :  au 
dernier  jour. -Mais  avant  qu'ils  devien- 
nent ainsi  les  instruments  de  sa  justice, 
De  sa  justice  Dieu  les  a  longuement 
pleures.  Jésus-Christ  pleure  :  l'âme 
qui  s'éloigne  :  l'âme  qui  devient  péche- 
resse: ^  l'âme  pécheresse  qui  devient 
audacieuse  dans  le  mal:  l'âme  qui  se 
fait  opiniâtre  et  désespérée. 

Douceur  :  son  héroïque  acquisition. 
— Les  contrefaçons  de  la  douceur,  au 
lieu  de  mortifier  la  nature.  La  flattent 
et  la  servent  ;  mais  la  douceur  chré- 
tienne est  chose  haute,  ardue,  divine. 
La  douceur  chrétienne  repose  sur 
l'immolation  de  soi. 
—La  douceur  chrétienne  s'alimente  à 
la  grâce  et  à  la  lumière  d'un  Dieu 
•"  doux  et  humble.  " — La  douceur  chré- 
tienne ne  se  soutient  que  par  de  tout 
surnaturels  motifs. 

Douceur  :  sa  royale  domination.-^ 
Dieu  qui  se  plait  à  tirer  des  plus  faibles 
choses  ses  plus  vastes  elfets,  a  voulu 
attacher  à  la  frôle  et  inoITensive  dou- 
-ceur,  la  domination  universelle.  Dieu 
la  fait  reine  sur  la  terre.  Dieu  la  fait 
reine  dans  le  ciel. — Sur  la  terre.  Si  la 
domination  nous  est  toujours  délicieuse, 
souvent  nécessaire,nous  n'avons  jamais 
su  la  vraie  manière  de  nous  l'assurer. 
Dieu  seul  pouvait  nous  la  révéler — Au 
ciel.  Tout  y  est  accordé  à  1'"  Agneau 
immolé  ",  à  celui  qui  personnifie  divi- 
nement la  douceur.  "Les  doux"  seront 
associés  à  cette  toute  puissance. 


Du  bon  gouvernement  de  la  langue. 
^Mystérieuse  grandeur  de  la  langue.— 
Grandeur  dans  ses  missions. — Gran- 
deur dans  sa  formidable  puissance. 
Puissance  de  vie.  Puissance  de  mort. 
Règles  du  gouvernement^chrétien  de  la 
langue. — Ce  qu'il  faut  dire. — Quand  il 
le  faut  dire.— Gomment  il  le  faut  dire. 

Le  Sacré-Cœur. — Ce  que  donne  le 
Sacré-Cœur. 

Ce  qu'exige  le  Sacré-Cœur. — Ce  qu'il 
donne.  Don  immense.  Don  méconnu. 
Don  repoussé. —  Ce  qu'il  exige.  Ses 
exigences  comme  amour.  Ses  exigences 
comme  Royauté.  Ses  exigences  comme 
Sainteté. 

Immaculée-Conception.  —  Proclama- 
tion de  ce  dogme.  Substance  de  ce 
dogme. — Proclamation  de  ce  dogme. 
Combien  elle  était  légitime  Combien 
elle  fut  opportune. — Substance  de  ce 
dogme.  Marie  exempte  du  péché  origi- 
nel a  été:  le  Triomphe  du  Père: 
l'Amour  du  Fils  le  chef-d'œuvre  du 
Saint-Esprit. 

La  Papauté. — La  Papauté  dans  les 
merveilles  de  son  histoire  et  de  sa  domi- 
nation.— De  son  histoire.  Sa  naissance  ; 
ses  débuts  :  ses  triomphes:  ses  appa- 
rentes défaites. — Sa  domination.  La 
plus  irréalisée.  La  plu^  dénuée.  La 
plus  interminable.  La  Papauté  dans  ses 
bienfaits. — Bienfaits  de  l'unité. — Bien- 
faits de  la  vérité. — Bienfaits  de  la  vertu. 

La  Résurrection  de  nos  corps. — Les 
inébranlables  fondements  de  ce  dogme. 
— Il  repose  sur  de  formelles  promesses. 
Il  repose  sur  l'inébranlable  fondement 
qui  est  Jésus-Christ, — Il  reposa  sur  les 
gages  déjà  donnés  par  Dieu  à  nos 
coips. — Il  repose  sur  les  œuvres  de  ces 
corps  et  la  Justice  divine. 

Le  Dimanche — Le  Dimanche  consa" 
crè  par  de  divins  souvenirs  et  de 
sublimes  prophéties. — Le  Dimanche  lié 
par  d'étroites  obligations. — Le  Diman- 
che signalé  par  d'immenses  bienfaits. 

Idées  et  développements  divers. — Le 
sommeil  d'une  âme.  —  Sommeil  de 
sainteté. — Sommeil  de  fragilité.— Som- 
meil d'insensibilité.  Le  délai  de  la 
conversion.  Combien  il  est  ordinaire. 
Combien  il  est  insensé.  Combien  il  est 
dangereux.  Le  règne  du  péché  dans  le 
monde.  A  quelles  effroyables  et  mul- 
tiples dévastations  l'on  peut,  par  toute 
la  terre,  suivre  les  traces  du  monstre. — 
La  malice  intrinsèque  du  pché. — La 
fin  dernière  du  péché. — Le  Jugement. 


L'ANNÉE    CHRETIENNE 

OU  CONSIDÉRATIONS  SUR  LES 
PRINCIPALES  FETES  DU  CYCLE  LITURGIQUE 

Par  DOX  SABDA  T  SAI.VANY 

Traduit  de  l'Espagnol  par  M.  l'abbé  A.  Thiveaud 

ancien  directeur  de  grand  séminaire 

1  vol.  in-12 Prix  :  88  cts 

En  offrant  au  public  VAwiée  Chrétienne  de  Dom  Sarda,  nous  n'avons  point 
la  prétention  de  combler  une  lacune,  de  faire  une  œuvre  nouvelle.  Le  nombre 
est  grand,  en  effet,  des  ouvrages  écrits  sur  le  même  sujet  par  le  Père  Croiset,  Je 
comte  de  Walsh,  Dom  Guéranger  et  cent  autres. 

Toutefois,  le  livre  de  Oom  Sarda  se  distingue  par  un  caractère  particulier 
d'actualité  qu'on  chercherait  vainement  ailleurs  et  qui  lui  assure,  nous  osons 
l'espérer,  en  deçà  comme  au  delà  des  Pyrénées,  un  accueil  favorable,  un  succès 
mérité. 

Le  dogme,  il  est  vrai,  ne  change  point,  et  la  morale  est  immuable,  comme  le 
Dieu  qui  en  est  l'auteur;  "  la  vérité  demeure  éternellement  ".  Aussi  bien  le 
docte  théologien  et  mystique  espagnol  s'est-il  appliqué  à  réaliserl'adage  antique  : 
"  Nonnova,  sed  7iove  " .  11  a  dit  d'une  façon  neuve  des  choses  et  des  vérités 
anciennes.  Il  a  approprié  les  enseignements  de  la  foi  au.\-  besoins  et  aux  exi- 
gences de  notre  époque.  Et  de  plus,  en  même  temps  qu'il  expose  la  doctrine 
catholique  avec  la  netteté  n'un  théologien,  la  concision  d'un  philosophe  et  la 
verve  d'un  polémiste,  il  réfute  d'une  façon  magistrale  et  victorieuse  les  objections 
les  plus  répandues. 

Un  simple  coup  d'oeil  jeté  sur  le  sommaire  de  quelques  chapitres  sufQrait  à 
donner  une  idée  du  genre  adopté  par  Uom  Sarda,  et  à  inspirer  le  désir  de  lire  et 
de  méditer  son  Année  Chrélienne.  Se  propose-t-il  de  raconter  l'origine  des  fêtes 
chrétiennes,  de  montrer  leur  efficacité  comme  cathéchisme  d'instruction  popu- 
laire ?  Aussitôt  son  âme  d'apôtre  llétrit  les  efforts  des  sectaires  qui  travaillent 
à  réduire  le  nombre  de  ces  fêtes  et  de  la  franc-maçonnerie  qui  tend  à  les  sécula 
riser. 

Parle-t-il  de  la  fête  des  Chaînes  de  saint  Pierre?  A  l'instant  il  se  met  en 
présence  du  drame  éternel,  de  la  lutte  incessante  de  l'enfer  contre  l'Eglise.  Et 
cette  Église,  toujours  combattue,  il  la  montre  sans  cesse  victorieuse. 

Si  quelqu'un  se  levait  pour  mettre  en  doute  l'opportunité  d'une  pareille  publi- 
cation, nous  répondrions  par  la  parole,  partout  tt  toujours  vraie,  de  l'Esprit 
Saint  :  "  Craignez  Dieu  et  observez  ses  commandements  ;  car  c'est  là  tout 
l'homme  " 

Quel  moment,  du  reste,  plus  favorable  pour  affirmer  la  vérité  catholique,  que 
celui  oii  l'on  a  osé  écrire  un  livre  intitul  :  "  Comment  finissent  les  dogmes  "  ? 
Les  dogmes  ne  finissent  point  :  ils  survivent  à  leurs  iasulteurs  dont  ilsToient  ou 
le    repentir  etle  pardon   ou  l'endurcissement  et  la  perte  irréparable. 

A  ceux  qui  vivent  dans  l'oubli  de  Dieu  et  dans  le  mépris  de  sa  loi,  Dom  Sarda 
semble  dire  ;  "  Est-ce  trop  de  fierté  à  un  Dieu  de  ne  confesser  que  ceux  qui  le 
confessent  et  de  renier  ceux  qui  le  renient  "  ? 

A  ceux  qui  n'osent  pas  manifester  au  dehors  les  sentiments  rehgieux  qu'ils 
refoulent  dans  le  sanctuaire  secret  de  l'âme,  il  parait  jeter  ce  défi  plein  d'une 
légitime  indignation  :  "  Est-ce  que  la  pratique  ostensible  du  christianisme  exige 
un  courage  trop  héroïque?  Est-ce  que  Dieu  aurait  préparé  son  ciel  pour  les 
timides  et  les  lâches  "  ? 

A  ceux,  enfin,  qui  craignent  qu'il  ne  soit  pas  possible  de  rendre  en  même 
temps  à  César  ce  qui  appartient  à  César  et  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu,  il  fait  cette 
intrépide  réponse  ;  "  L'accomplissement  du  devoir  religieux  peut-il  faire  ombrage 
aux  puissances  de  la  terre?  porter  préjudice  aux  inléiê.s  matériels"  ?  Poser  ces 
questions,  c'est  les  résoudre. 


198 


LE  PROPAGATEUR 


L'auieur  de  ['Année  Chrétienne  est  de  la  famille  de  ceux  qui  croient  et  espè- 
rent ;  il  est  de  la  race  des  vaillants  et  des  forts.  Et,  dans  l'ardeur  de  son  zèle,  il 
brûle  du  désir  d'affermir  et  d'étendre  le  règne  de  Dieu  sur  la  terre. 

Quiconque  lira  ces  pages  y  trouvera  une  lumière,  une  grâce  et  une  force  ;  une 
lumière  pour  son  esprit,  une  grâce  pour  son  cœar  et  une  force  pour  sa  volonté. 
Sa  foi  en  sortira  plus  vive,  son  espérance  plus  inébranlable,  sa  charité  plus 
généreuse.  Il  marchera  d'un  pas  plus  ferme  dans  la  voie  de-;  divins  cornmande- 
ments  ;  il  trouvera  le  salut.  A.  THIVEA.UD,  prêtre. 

KOTES&RENSEIGJNEMKNTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

POUR   AIDER     LES    ECCLÉSIASTIQUES   A   COMPOSER    ET 
A    COMPLÉTER    LEUR   BIBLIOTHÈQUE 


PREMIERE  PARTIE 
livres  de  piété  pour  les  ecclésiastiques 

1.    MÉDITATIONS,    SUHe 


L'auteur  a  eu  la  bonn3  pensée  de 
donner  au  commencement  du  1er  vo- 
lume un  résumé  de  la  méthode  d'orai- 
son d'après  saint  Alphonse.  A  la  fin  de 
chaque  volume,  il  fixe  l'ordre  du  jour 
pour  les  retraites  annuelle  et  mensuelle, 
et  il  indique  les  méditations  qui  pour- 
raient servir  chaque  jour  dans  une 
retraite  de  3,  5,  6,  10  et  15  jours.  Enfin 
on  a  placé  à  la  fin  du  3»  volume  une 
table  alphabétique  qui  permettra  de 
de  trouver  facilement  les  méditations 
sur  le  sujet  donné.  L'ouvrage  du  même 
auteur,  intitulé  :  L'âme  sanctifiée  par 
la  médition  quotidienne,  et  dont  nous 
nous  occuperons  dans  la  4e  partie  de 
notre  catalogue,  est  le  résumé  de  celui 
que  nous  venons  d'analyser  et  d'ap- 
précier. 

Avec  le  P.  Ghaignon,  nous  revenons 
au  genre  Lecture  méditée,  et  nous  arri- 
vons à  la  méthode  de  saint  Ignace. 
Cette  méthode  se  trouve  exposée  dans 
V Introduction  de  l'ouvrage,  d'après 
l'opuscule  :  De  ralione  medilandi,  du 
R.  P.  Roothaan,  général,  de  la  (Jompa- 
gnie  de  .lésus.  Les  méditations  du  P. 
Ghaignon  sont,  dans  la  Ire  partie,  le 
développement,  et  pour  ainsi  dire  le 
commentaire  des  Exercices  spirituels 
de  saint  Ignace,  appropriés  aux  besoins 
et  obligations  du  prêtre.  En  consé- 
quence, cette  première  partie  expose 
dans  la  ire  section  les  vérités  relatives 
à  la  première  semaine  des  Exercices  : 
lo  sur  la  tin  de  l'homme  et  du  prêtre, 
sur  l'obligation  de  sainteté  imposée  au 
prêtre  et  les  moyens  généraux  de  sanc- 
tification Recueillement,  exercices  de 
piété,  et  particulièrement  l'office  divin, 
le  saint  sacrifice  de  la  messe,  la  pensée 
de  rèlernité)  ;  lo  sur  le  péché  (sa  gra- 


vité, spécialement  dans  le  prêtre),  ses 
causes  (passion,  orgueil,  etc.),  et  sur  le 
péché  véniel  et  la  tiédeur  ;  3o  sur  les 
remèdes  du  péché  (méditation  des  fins 
dernières,  mort,  jugement  et  enfer)  ; 
4o  sur  le  retour  à  Dieu  (dont  l'enfant 
prodigue  et  saint  Pierre  nous  donnent 
l'exemple).  La  seconde  section  de  la 
première  partie  envisage  la  sanclifica- 
lion  du  prêtre  dans  ses  progrès  et  sa 
consommation,  et  commente  les  vérités 
qui  se  rapportent  au  trois  dernières 
semaines  des  Exercices  de  saint  Ignace 
c'est-à-dire  à  la  connaissance  et  imita- 
tion de  Jésus-Christ.  Après  avoir  ex- 
pliqué deux  dispositions  nécessaires 
pour  se  mettre  à  la  suite  de  Jésus,  à 
savoir  l'esprit  de  foi  et  l'esprit  de  sacri- 
fice, et  après  avoir  aussi  prouvé  l'obli- 
gation que  nous  avons  d'imiter  Notre- 
fSeigneur,  l'auteur  étudie  les  vertus 
spéciales  dont  le  Sauveur  nous  donne 
l'exemple  1»  dans  les  mystères  de  son 
Incarnation  et  de  sa  vie  cachée  (humi- 
lité, chasteté,  esprit  de  pauvreté, 
mortification,  obéissance)  ;  2°  dans  sa 
vie  publique  (ou  vie  apostolique  :  motifs 
et  qualités  du  zèle  sacerdotal,  et  vertus 
à  pratiquer  dans  les  différentes  fonc- 
tions du  ministère)  ;  3»  dans  sa  vie 
souffrante  (patience  au  milieu  des 
peines  et  des  tribulations  du  ministère 
apostolique),  4»  dans  sa  vie  glorieuse 
(gage  du  bonheur  réservé  au  saint 
prêtre,  et  modèle  de  la  vie  apostotique 
et  de  cette  union  avec  Dieu  qui  est  la 
consommation  de  la  véritable  sainteté). 
La  deuxième  partie,  qui  occupe  les 
4e  et  5e  volumes,  comprend  les  médi- 
tations qui  se  rapportent  soit  au  Propre 
du  temps,  soit  aux  principales  fêtes  de 
la   Sainte- Vierge  et  des  saints,  dant 


LE  PROPAGATEUR 


199 


les  trois  grandes  divisions  de  l'année 
liturgique  :  Avenl  et  Noël,  Carèaoe  et 
temps  pascal,  temps  de  la  Pentecôte. 

Nos  lect';'urs  constateront  par  cette 
analyse  que  le  cadre  da  P.  Chaigon 
est  vaste  et  complet  ;  nous  avons 
reconnu  noas-même  qu'il  est  bi^n  rem- 
pli, par  des  méditations  suffisamment 
nombreuses,  ayant  toujours  pour  sjjet 
des  vérités  plus  fondamental*?s  et  plus 
importantes,  se  succédant  dans  un 
ordre  logique,  facilitant  l'enchaînement 
des  idées  et  des  résolutions,  et  vérifiant 
ain^i  ce  qui  est  dit  au  Ps.  83  :  "  Ascen- 
gionesin  corde  suo  disposuit."  Chaque 
sujet  est  traité  avec  le  même  esprit 
méthodique;  "  mais  avec  un  luxe  de 
développements,  dit  un  auteur,  qui 
laisse  irop  peu  d'initiative  à  l'esprit, 
ou,  si  l'on  prc-fère,  mu  travail  personnel, 
il  fait  et  dit  presque  tout.  "  Cet  incon- 
vénient, il  est  vrai,  est  plutôt  un  avan- 
tage pour  ceux  qui,  pour  une  raison 
ou  pour  une  autre,  ne  sont  pas  capables 
de  ce  travail  personnel  ;  et  il  peut  ôtra 
atténué  pour  les  autres  en  n'utilisant 
qu'un  point  d'une  trop  longue  médita- 
tion.. Au  reste  la  faveur  dont  les  mé- 
ditations du  P.  Chaignon  jouissent 
auprès  du  clergé  nous  interdit  d'insis- 
ter trop  longuement  sur  ce  reproche. 
Nous  pourrions  de  môme  signaler  et 
regretter  dans  la  réJaction  de  ces 
méditations  le  style  et  le  genre  du 
prédicateur  :  le  P.  Chagnon  a  trop 
prêché  de  retraites  ecclésiastiques  pour 
que  ses  méditations  ne  ressemblent 
pas  un  peu  à  des  prédications,  par  la 
manière  dont  il  expose  la  vérité  et  dont 
il  formule  et  présente  les  exhortations 
qu'il  adresse  au  cœur  et  à  la  volonté. 
Mais  ici  encoie  ceux  qui  ac:eptenl 
d'être  dispensés  du  travail  des  réfle- 
xions et  affections  personnelles  deman- 
dent à  être  ainsi  éclairés,  à  être  ainsi 
exhortés  ;  et  le  P.  Chaignon  obtiendra 
ce  double  résultat,  une  vue  claire  de 
vérité  et  des  sentiments  sincères  et 
efficaces,  plus  sûrement  que  M.  Bran- 
chereau,  gui  est  aussi  très  clair  et  très 
lumineux,  mais  qui  est  trop  aride  et 
manque  d'onciion. 

A  la  fin  de  chaque  volume  du  P, 
Chaignon  se  trouvent,  avec  la  prière 
du  matin  en  usage  dans  les  séminaires 
de  Saint-Sulpice,  les  prières  qu'on  a 
coutume  de  faire  après  l'oraison,  et  les 
Direclio  inlentionis  ante  missam  et 
Graliarum  aclio  posl  missam.  Le  3« 
volume  a  de  plus,  1"  un  appendice  sur 


les  retraites  ecclésiastiques  ;  2°  un 
choix  de  sujets  dé  méditations  ou  de 
considérations  pour  trois  retiailes  de 
six  jours  ;  3°  quelques  réflexions  sur  la 
retraite  du  mois,  avec  la  méthode  don- 
née par  le  P.  de  Lehen,  dans  son  livre  : 
Voie  de  la  paix  intérieure.  Ces  addi- 
tions seront  bien  accueillies  par  ceux 
de  DOS  confrères  qui  donneront  leur 
préférence  au  P.  Chaignon. 

DÉcRouiLLE.  Si  l'on  veut  connaître 
ce  que  reuf-rment  les  cinq  volunoes  de 
M.  Décrouille,  il  suffit  de  lire  VAvis  qui 
est  au  commencement  de  l'ouvrage  ; 
l'auteur  nous  y  avertit  qu'il  nous  donl 
ne:  l»  une  méditation  (qu-'lquefois 
deux)  particulière  sur  chaque  messe 
des  dimanches  et  des  fériés  d-^  l'année 
ecclésiastique;  2»  une  méditation,  spé- 
ciale aussi  pour  la  fête  des  saints  qui 
ont  une  messe  propre,  et  même  pour 
la  plupart  des  saints  qui  n'ont  d'autre 
messe  que  celle  du  commun  ;  3»  une 
ou  plusieurs  médilaiions  sur  chaque 
messe  du  commun  des  saints  (pour  les 
fêles  des  saints  qui  n'ont  pas  de  médi- 
tation particulière)  ;  4"  deux  médita- 
tions sur  chaque  messe  votive  concédée 
par  Léon  XIII  pour  les  jours  de  la 
semaine.  "  Pour  1 1  disposition  respec- 
tive des  dima-iches  et  des  fêtes  de 
saints,  on  a  suivi  à  peu  près  l'ordre 
adopte  par  Dom  Guéranger  dans  son 
Année  liturgique."  Les  méditations 
qui  y  répondent  remplissent  les  quatre 
premiers  volumes,  un  pour  chaque 
saison  comme  pour  le  bréviaire  ;  le 
cinquième  volume  renferme  l--s  médi- 
taliont  sur  le  Commun  des  saints  et 
sur  les  messes  votives.  Au  commen- 
cement de  chacun  des  temps  liturgi- 
ques, l'auteur  a  placé  une  in'roduction 
qu'il  sera  très  utile  de  lire  our  mieux 
comprendr  i  les  méditations  et  les  faire 
plus  fructueusement  ;  elle  rappelle  l'es- 
prit de  l'Eglise  en  la  saison  qui  va 
s'ouvrir,  et  indique  le  travail  spirituel 
que  le  prêtre  doit  particulièrement 
s'imposer  pendant  cette  période.  M. 
Décrouille  a  rem  irqué  qu'à  ce  point  de 
vue,  l'Avent  se  rapportait  à  la  voie 
purgative,  et  devait  par  conséquent 
provoquer  des  efl'orls  pour  1 1  destruc- 
tion du  péché  ;  que  les  mystères  célé- 
brés par  l'Eglise  depuis  Noël  jusqu'à 
la  Pentecôte  nous  faisaient  entrer  dans 
la  voie  illuminalive,  et  nous  invitaient 
et  aidaient  à  reproduire  en  nous  les 
vertus  de  Jésus-Christ  ;  tandis  que  le 
temps  qui  suit  la  Pentecôte  appartenait 


200 


LE   PROPAGATEUR 


à  la  voie  unilive.  A  la  tin  de  chaque 
volume  on  trouve  les  prières  liturgi- 
ques :  Prœparalio  ad  missam  et  Gra- 
iianim  aclio. 

L'auteur  nous  avertit  dans  la  préface 
que  la  méthode  de  ses  médilaiions  ett 
celle  de  saint  Ignace.  Pour  chaque 
sujet,  nous  avons  :  1"  le  Prélude  (re- 
préstnlation  et  demande)  ;  2"  en  second 
lieu,  deux  ou  trois  points,  c'est-à-dire 
deux  ou  trois  "vérilés  distinctes,  et  pour 
ehacune,  considération,  application, 
affections  ;  3°  à  la  lin  les  résolution?  et 
deux  recommandations,  en  rapport 
avec  le  sujet  de  l'oraison,  pour  la  pré- 
paration à  la  sainte  mtsse  et  pour 
l'action  de  grâces.  Et  tout  cela  est 
rédigé  dans  un  style  sobre  et  concis; 
les  pensées  qui  sont  offertes  à  nos 
réflexions  sontfortes  et  prétentées  d'une 
manière  originale  et  saisissante.  Mais 
ce  vu'ii  y  a  de  particulier  et  de  nou\  eau 
dans  ce  cours  de  méditations,  c'est  le 
sujet,  qui  est  emprunté  à  la  messe  de 
chaque  jour,  et  l'auteur  le  développe 
par  les  paroles  mêmes  de  la  liturgie,  et 
par  quelques  citations  liiées  du  bré- 
viaire, coordonnant  ainsi,  comme  le 
lui  a  écrit  Mgr  l'évêque  d'Arras,  ''les 
trois  actes  principaux  de  la  vie  sacer- 
dotale :  la  méd; talion,  la  récitation  du 
bréviaire  et  la  sainte  messe."  Si  la 
méditation  est  en  général  une  néces- 
saire et  excellente  prfparation  à  la 
célébration  du  saint  sacrifice,  que  dire 
de  la  méditation  laite  avec  M.  De- 
crouïlle  ?  Lts  réflexions  et  les  affections 
qui  auront  composé  l'oraison,  se  pré- 
senteront de  nouveau  à  l'esprit  tt  au 
cœur,  à  mesure  que  les  paroles  médi- 
tées reviendror;t  sur  les  lèvres  du  prêtre 
pendant  la  sainte  messe,  et  l'attention, 
la  ferveur  sera  ainsi  entretenue,  rei.ou- 
veiée  et  ravivée  à  chaque  instant.  Quel 
grand  bien  en  lésulttra  pour  lame! 
Et  de  même  la  récitation  de  l'office 
divin  ramènera  fréquemment  noire 
esprit  à  la  méditation  et  à  la  messe  du 
matin,  pour  ranimer  dans  notre  ùme 
les  mêmes  bons  sentiments  et  y  entre- 
tenir les  mêmes  dispositions.  Aussi  de 
tous  les  prêtres  que  nous  savons  avoir 
pratiqué  l'ouvrage  qui  nous  occupe,  il 
n'en  est  aucun  qui  n'en  fasse  l'éloge 
et  ne  s'applaudisse  de  le  suivre.  D'ail- 
leurs, le  succès,  bien  vile  établi,  de  ces 
méditations,  consacre  les  appréciations 
flatteuses  de  plusieurs  membres  émi- 
nenls  du  clergé,  et  constitue  à  nos  yeux 
la  meilleure  des  recommandations. 

Les  médilaiions  de  M.  Hamon  sont 
trop  répandues  et  trop  connues  pour 
qu'il  sort  nécessaire  de  leur  consacrer 


un  long  article.  Suivant  très  exacte- 
ment les  fêles  de  la  liturgie,  elles  offrent 
l'avantage,  comme  les  précédentes,  de 
provoquer  les  réflexions  et  les  senti- 
ments que  l'Eglise  elle-même  s'efforce 
de  nous  suggérer  et  de  nous  inspirer 
aux  différents  temps  de  l'année.  L'é- 
vangile du  dimanchs  a  toujours  sa 
méditation  ;  et  souvent  la  semaine 
entière  est  consacrée  a  le  commenter  ; 
d'autr-es  fois,  ce  sont  les  mystères  du 
Sauveur  qui,  suivant  le  propre  du 
temps  fournissent  le  sujet  de  l'oraison. 
Les  principaux  saints  ont  aussi  leurs 
méditations,  renvoyées  à  la  lin  de  cha- 
que volume.  Comme  son  confrère  M. 
Branchereau,  M.  Hamon  s'adresse  sur- 
tout à  l'intelligence,  lui  proposant  de 
bonnes  et  salutaires  pensée?,  mais 
laissant  à  chacun  toute  la  charge  des 
affections  jersonnelles  ;  on  a  pu,  à 
cause  de  cela,  reprocher  à  M.  Hamon 
d'être  trop  aride  et  de  manquer  d'onc- 
tion ;  j'admettrais  ce  reproche  si  ces 
méditations  étaient  exclusivement  à 
l'usage  des  fidèles,  et  j'y  ajouterais 
même  le  regret  d'une  trop  grande  con- 
cision et  brièveté.  Car  généralement 
les  fidèles  ont  besoin  d'être  aidés  et 
guidés  par  une  exposition  plus  com- 
plète de  la  vérité,  et  par  l'indication 
plus  détaillée  des  afftctions  et  résolu- 
tions que  préparent  et  exigent  les  con- 
sidérations; il  est  même  à  souhaiter 
que  des  exhortations,  courtes  mais 
pressantes,  aident  à  la  naissance  et  à 
la  vivacité  des  sentiments  et  disposi- 
tions que  les  réflexions  doivent  pro- 
duire dans  la  volonté.  Mais  on  ne  doit 
pas  exiger  tout  cela  dans  les  médita- 
tions destinées  au  clergé;  on  est  en 
droit  de  supposer  qu'un  ecclésiastique 
peut  se  contenter,  comme  thème  d'orai- 
son, de  quelques  fortes  pensées, 
exposées  nettement  et  brièvement.  Il 
lui  faudra  saus  dcule  un  travail  per- 
sonnel plus  considérable,  soit  pour 
rendre  la  vérité  plus  éclatante,  soit 
pour  la  féconier  et  la  faire  agir  sur  la 
volonté  ;  mais  c'est  là  un  travail  dont 
personne  ne  méconnaitra  les  avanta- 
ges ;  que  chacun  de  nous  souhaite  d'en 
être  capable  et  en  goûte  les  heureux 
fruits.  Si  pour  celte  raison,  les  médi- 
tations de  M.  Hamon  peuvent  être 
profitables  au  clei-gé,  elles  ne  sauraient 
lui  suffire.  En  effet,  l'auteur  ne  pouvait 
pas,  dans  un  ouvrage  à  l'usage  des 
fidèles,  envisager  directement  toutes 
les  obligations  spéciales  au  prêtre,  ni 
par  conséquent  les  traiter  avec  assez 
d'ampleur  et  de  détail. 


LE    PROPAGATEUR 

Volume   IV,  1er  Juin,  1893,  Numéro  7 

BULLETIISI 


22  Mai  1893. 

V  Depuis  longtemps  les  sectaires  et  les  sociétés  secrètes  cher- 
chent à  implanter  leurs  fanest^es  doctrines  en  Hongrie.  Les  catho 
llques  sont  en  butte  à  leurs  persécutions  et  on  cherche  même  à 
leur  imposer  le  mariage  civil.  Heureusement  que  l'épiscopat 
hongrois  est  à  la  hauteur  de  sa  mission  et  qu'il  la  remplit  avec 
le  zèle  et  la  vigilance  du  bon  pasteur  qui  veille  sur  son  troupeau. 
Les  catholiques  revendiquent  leurs  droits  avec  courage  et  fermeté. 
Ils  n'ont  heureusement  recours  qu'aux  moyens  constitutionnels, 
malgré  les  sourdes  menées  de  leurs  ennemis  qui  voudraient  les 
pousser  aux  excès  et  aux  violences. 

Réunif:  dernièrement  en  assemblée  plénière  dans  la  ville  de 
Komorn,  ils  ont  passé  à  l'unanimité  la  résolution  suivante  qui 
indique  l'esprit  qui  les  anime  dans  les  luttes  qu'ils  soutiennent. 

L'assemblée  calholique  de  Komorn  exprime  à  Tunanimité  son  désir  de  voir 
maintenir,  sur  une  base  équitable,  la  paix  entre  l'Eglise  et  TEtat.  Gomme  fidèles 
de  la  Sainte  Eglise,  nous  voulons  donner  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu,  et  comme 
citoyens  nous  donnerons  à  l'Etat  ce  qui  e.-t  à  l'Etat,  persuadés  que  nous  som- 
mes que  si  ce  dernier  se  tient  dans  les  attributions  de  sa  sphère,  il  n'y  aura 
jamais  lutte  entre  les  devoirs  civils  et  les  devoirs  religieux. 

* 

*^*  Les  élections  municipales  pour  les  80  quartiers  de  Paris  ont 
eu  lieu  les  dimanches  16  et  23  avril.  Ces  élections  se  sont  faites 
principalement  sur  la  question  de  la  réintégration  des  sœurs  de 
charité  dans  les  hôpitaux  d^où  elles  ont  été  ctiassées  par  la  laïcisa- 
tion à  outrance.  Malheureusement  il  y  a  encore  trop  d'éléments 
malsains  dans  Paris  et  les  mauvaises  passions  y  ont  encore  trop 
d'empire.  Les  hommes  de  désordre  l'ont  encore  emporté  et  pendant 
trois  autres  années  ils  vont  régir  à  leur  manière  les  affaires  de  la 
grande  ville  (1). 

"  Paris  ".  dit  ironiquement  l' Univers,  était  conient  de  son  conseil  municipal  ! 
Il  faut  le  croire,  puisqu'il  le  maintient  à  l'Hôtel  de  Ville. 

Paris  se  trouve  honnêtement,  sagement,  habilement  administré.  Il  veut  que 
cela  continue.  Il  sera  satisfait.  Le  gaspillage  des  deniers  publics,  (2)  la  désorga- 
nisation des  éooles,  de  l'assistance  et  des  hôpitaux,  la  corruption  et  le  désordre 
en  tout  genre  vont  s'accroître;  les  grands  travaux  nécessaires  à  l'embellissement 
et  à  l'assainissement  de  la  capitale  resteront  machevés. 

(1)  Le  budget  de  Paris  est  de  700  millions  de  francs 

(2)  Les  rapports  officiels  constatent  qu'il  y  a  cette  année  un  déficit  de  sepl 
millions  de  francs.  (Note  de  la  rédaction.) 

13 


202  LE  PROPAGATEUR 


La  position  est  cependant  moins  mauvaise  qu'elle  ne  l'était 
dans  le  dernier  conseil  ;  elle  s'est  un  peu  amélioi  ée.  En  effet  les 
partisans  de  la  réintégration  seront  au  nombre  de  18  et  ils  n'étaient 
que  14  dans  le  conseil  précédent.  Le  nombre  de  voix  données  aux 
candidats  catholiques  et  à  leurs  alliés  dépasse  120,000,  ce  qui  est 
une  augmentation  de  plus  de  80,000  car  ils  n'avaient  réuni  que 
34,000  voix  en  1«90.  Ce  changement  considérable  va  peut-être 
diminuer  l'audace  et  l'arrogance  des  sectaires  et  leur  apprendre 
qu'ils  doivent  mettre  un  terme  à  leurs  vexations. 

La  majorité  du  conseil  se  compose  de  républicains  opportunistes, 
de  radicaux-socialistes,  de  possibilisles  broussistes,  de  possibilistes 
allemanistes,  de  blanquistes  et  d'autres  istes  ejusdemfarinœ.  Parmi 
les  80  conseillers  il  y  a  dix  journalistes,  vingt  quatre  avocats,  des 
médecins,  des  négociants,  des  ouvriers  etc. 

Dans  une  ville  comme  Paris  dont  la  population  atteint  près  de 
3  millions  d'habitants,  il  y  a  bien  des  misères  humaines  à  soula- 
ger. Et,  par  une  étrange  aberration  qui  n'a  pour  cause  que  la 
haîne  de  la  religion,  on  préfère  les  soins  mercenaires  aux  soins  de 
celles  qui  ont  tout  sacrifié,  famille,  joies,  plaisirs,  position,  pour 
servir  Dieu  et  le  prochain.  On  préfère  ce  que  le  grand  Napoléon 
appelait  un  dévouement  de  location  à  la  charité  de  vocation^  on  pré- 
fère les  infirmières  qui  soignent  pour  de  l'argent,  aux  infirmières 
qui  soignent  pour  l'amour  de  Dieu. 

* 

**  L'Allemagne  est  en  pleine  lutte  électorale,  Lebill  de  l'armée 
ayant  été  rejeté  sur  une  division  de  210  voix  contre  162,  l'empe- 
reur a  immèdiaiemeni  dissous  le  Reichstag  et  ordonné  de  nouvel- 
les élections.  Elles  auront  lieu  le  15  juin.  Le  gouvernement  veut 
vaincre  coûte  que  coûte  et  il  ne  reculera  devant  aucuns  moyens 
pour  parvenir  à  son  but.  On  craint  même  un  coup  d'état  car 
l'empereur  est  surexcité  et  on  sait  que  chez  lui  la  passion  l'emporte 
sur  le  jugement. 

Les  élections  vont  se  faire  presqu'uniquement  sur  la  question 
de  l'augmentation  de  l'armée.  Les  partisans  du  gouvernement 
poussent  le  cri  d'alarme  et  font  appel  au  chauvinisme  des  popula- 
tions à  qui  ils  persuadent  que  la  France  et  la  Russie  se  préparent 
à  envahir  l'Allemagne. 

Les  partis  sont  nombreux  en  Allemagne.  11  y  en  a  huit  sur  les 
rangs  dans  la  présente  lutte.  Les  socialistes  paraissent  être  les  plus 
forts.  Si  le  parti  catholique,  ou  du  centre^  ne  se  divise  pas,  il  pour- 
ra probablement  tenir  la  balance  du  pouvoir  et  obtenir  bien  des 
réformes. 

*^* 
* 

*,*  Le  congrès  brésilien  est  en  session  depuis  le  3  mai.  Le  pré- 
sident Peixotta  dans  son  message,  annonce  l'entreprise  prochaine 
de  travaux  publics  qui  devront  avoir  pour  effet  d'attirer  les  im- 
migrants. Il  constate  que  la  situation  financière  de  la  république 
s'est  améliorée  et  il  exprime  sa  confiance  dans  le  maintien  de  la 
paix. 


LE  PROPAGATEUR  203 


A  propos  du  Brésil,  La  Croix  de  Paris  donne  les  renseignements 
qui  suivent.  Ils  sont  relatifs  aux  affaires  religieuses  de  ce  pays. 

Les  journaux  du  Brésil  publient  la  bulle  apostolique  qui  réorganise  la  hiérar 
chie  ecclésiastique  dans  ce  pays. 

Léon  XIII  partage  le  Brésil  en  deux  provinces  :  celle  Nord,  métropole 
Bahia  ;  celle  du  Sud,  métropole  Rio-de-Janeiro. 

La  province  de  Bahia  comprendra  les  anciens  diocèses  deBelem,  Para,  Saint- 
Louis,  Fortaleza,  Olinda,  Goyaz,  et  les  nouveaux  diocèses  de  Manaos  et  de 
Parahyba. 

Celle  de  Rio  comprendra  les  évêchés  de  Saint-Pierre-de-Rio-S-rande,  Saint- 
Paul,  Marianha,  Diamantina,  Cuyaba,  et  deux  nouveaux  diocèses  qui  seront 
bientôt  fondés. 

Cet  acte  du  grand  Pape  assurera  la  pacification  religieuse  dans  ce  pays,  nous 
en  avons  le  ferme  espoir. 

* 

*/  Le  chapitre  général  des  Oblats  de  Marie  Immaculée,  réuni 
à  Paris,  le  11  de  ce  mois,  a  élu  supérieur  de  la  congrégation  le  T. 
R.  Père  Jean-Baptiste  Louis  Soulier,  en  remplacement  du  T.  K. 
Père  Joseph  Fabre,  décédé  il  y  a  quelques  mois.  Le  R.  P.  Soulier 
est  né  en  1826  dans  le  diocèse  de  Tulle,  département  de  la  Gorrèze. 

Membre  de  la  congrégation  des  Oblats  depuis  quarante  cinq  ans, 
assistant-général  depuis  plusieurs  aimées  déjà,  visiteur  à  différen- 
tes reprises  de  toutes  les  maisons  de  son  Ordre  répandu  dans  le 
monde  entier,  ce  vénérable  religieux  connaît  parfaitement  les 
besoins  et  ks  ressources  des  diverses  provinces.  Une  aussi  longue 
expérience  unie  à  une  grande  science  et  à  une  piété  remarquable 
promettent  donc  une  administration  prudente,  éclairée,  féconde 
en  œuvres. 

La  Semaine  Religieuse  de  Montréal. 

Note  de  la  rédaction. —  Le  Supérieur  général  des  Oblats  est  élu  à 
vie.  Le  R.  P.  Soulier  est  le  troisièmesupéiieur  général  de  l'ordre. 
Le  premier  supérieur  a  été  Mgr  de  Mazenod,  évoque  de  Marseille, 
le  fondateur. 

%*  Le  25  avril  le  diocèse  de  la  Nouvelle-Orléans,  Louisiane, 
célébrait  le  centenaire  de  sa  fondation.  C'est  le  25  avril  1793  que 
ce  diocèse  fut  établi.  La  Louisiane  faisait  alors  partie  du  diocèse 
de  la  Havane.  Au  commencement  elle  était  sous  la  juridiction  de 
l'évêque  de  Québec  dont  l'immense  diocèse  s'étendait  de  la  baie 
d'Hudson  au  golfe  du  Mexique.  Le  diocèse  de  la  Nouvelle-Orléans, 
aujourd'hui  siège  d'un  archevêché,  est  le  deuxième  diocèse  qui  a 
été  établi  aux  Etats-Unis. 

La  fête  a  été  splendide.  Il  y  avait  là  un  cardinal,  23  archevêques 
et  évêques,  des  dignitaires  d'ordres  religieux,  un  grand  nombre 
de  prêtres  et  une  grande  foule  de  fidèles.  Etaient  aussi  présents 
le  lieutenant-gouverneur  de  la  Louisiane,  des  sénateurs,  des  dé- 
putés, le  maire  de  la  ville  et  presque  tous  les  fonctionnaires  civils 
et  municipaux.  Le  diocèse  de  Montréal  y  était  représenté  par  M.  le 
chanoineBruchési,et  celui  de  St-Hyacinthe  par  le  révérend  père  Ha- 
ge,  dominicain.   Ce  dernier  a  même  prêché  pendant  la  messe  solen- 


204  LE  PROPAGATEUR 

nelle  qui  a  été  chantée  par  Mgr,  Jansens,  archevêque  de  la 
Nou\elle-Orléans. 

Au  banquet  qui  suivit  la  cérémonie  religieuse,  son  Eminence, 
le  Cardinal  Gibbons,  répondant  à  Ja  santé  lu  "  Saint  Père,  "  a 
parlé  en  termes  enthousiastes  des  deux  hommes  les  plus  remar- 
quables qui  fixent  aujourd'hui  l'attention  de  l'univers  entier, 
Léon  XIll,  le  chef  spirituel  de  250  millions  d'hommes,  et  Glad- 
stone, le  premier  ministre  du  vaste  empire  sur  lequel  le  soleil  ne 
se  couche  jamais. 

Le  soir  une  grande  assemblée  catholique  s'est  tenue  devant  la 
cathédrale.  Elle  était  présidée  par  le  cardinal  Gibbons  et  Mgr. 
Jansens.  Des  discours  ont  été  prononcés  par  le  sénateur  White 
en  anglais,  et  par  le  lieutenant-gouverneur  Parlange  en  français. 
Ce  dernier  a  parlé  avec  éloquence  de  nos  missionnaires  et  de  nos 
découvreurs  qui  furent  les  pionniers  de  la  religion  et  de  la  civi- 
lisation sur  le  sol  de  la  Louisiane. 

*  *  L'élection  d'un  député  pour  représenter  le  district  électoral 
de  l'île  de  Vancouver,  Colombie  britannique,  aux  Communes  du 
Canada  a  eu  lieu  le  2  mai.  M.  Andrew  Haslan,  maire  de  Nanaimo 
a  été  élu.  Il  est  conservateur  et  partisan  de  la  fédération  impériale. 
M.  Haslan  remplace  M.  David  William  Gordon,  décédé  dernière- 
ment. M.  Gordon  était  aussi  conservateur. 

Sont  décédés  : 

P  E.  R.  Johnson,  shérif  du  district  de  St  François.  Il  a  été 
frappé  de  mort  subite,  comme  son  prédécesseur,  M.  Webb. 

2°  Le  prince  Georges  Victor,  souverain  de  la  principauté  de 
Waldeck,  Allemagne.  Cette  principauté  n'a  qu'une  superficie  de 
433  milles  carrés  et  une  population  de  56,575  habitants. 

3°  Le  comte  de  Schimmel-penninck  van  Nijenhins,  ancien 
ministre  des  finances  de  Hollande.  Il  était  âgé  de  72  ans. 

4°  M.  Jousset,  maire  de  Pléchâtel,  déparlement  d'Ille-et  Vilaine, 
arrondissement  de  Redon,  France.  Il  était  maire  de  sa  commune 
depuis  50  ans  et  conseiller  municipal  depuis  55  ans.  Il  est  proba- 
blement le  seul  homme  qui  ait  été  maire  d'un  même  endroit 
pendant  un  demi-siècle  sans  aucune  interruption. 

Le  département  d'IUe-et-Vilaine  (partie  de  la  Bretagne)  est  la 
patrie  de  Jacques-Cartier,  de  Duguay-Trouin,  de  Chateaubriand, 
de  Lamenais  et  de  plusieurs  autres  hommes  célèbres. 

5°  Le  célèbre  chansonnier  Gustave  Nadaud.  Il  était  âgé  de  73 
ans.  Sa  chanson  du  Gendarme  est  connue  partout.  Je  l'ai  entendue 
chanter  en  maints  endroits,  dans  la  Province  de  Québec. 

Nadaud  esfmort  en  chrétien.  Son  ami,  Mgr.  Fabre,  évêque  de 
la  Réunion,  lui  a  administré  les  derniers  sacrements. 

6o  M.  l'abbé  Shorderet,  chanoine  à  Fribourg  en  Suisse.   Il  était 


LE  PROPAGATEUR  205 


l'ami  des  pauvres  et  des  délaissés.  Plein  de  zèle  pour  la  diffusion 
des  bons  principes,  il  a  fondé  dans  son  pays  plusieurs  journaux 
catholiques  importants.  Il  a  aussi  fondé  ïœuvre  de  Sl-Paul  qui  est 
une  œuvre  de  propagation  de  la  presse  catholique. 

A  l'occasion  du  décès  de  cet  homme  de  bien  les  français  qui 
habitent  Fribourg  ont  publié  la  note  suivante  reproduit  par 
V  Univers. 

Nous  ne  pouvons  oublier  que  M.  le  chanoÏQe  Schorderet  fat  l'un  des  princi- 
paux et  des  plus  actifs  organisateurs  des  secours  aux  sol  lats  français  de  l'armée 
de  l'Est,  pendant  leur  internement,  en  1871.  Non  coûtent  de  desservir,  comme 
aumônier,  l'ambulance  de  la  Pro/idence  dont  il  s'étail  spécialement  chargé,  il 
ne  cessa  d"étendre  sa  sollicitude  à  tous  nos  malheureux  internés.  Son  dévoue- 
ment méritait  un  témoignag-i  officiel  d-i  r^conaaissaace  de  la  part  des  repré- 
sentants de  la  France,  et  au  nom  de  l'armée  de  l'Eit  il  reçut  une  médaille  avec 
diplôme.  Bien  des  fois,  plus  tard,  il  a  donné  des  témoignages  de  sympathie  à 
notre  Société,  à  nos  compatriotes  et  à  notre  pays. 

7®  Son  Eminence  le  Cardinal  Thomas  Zigliara,  évêque  de 
Frascati  et  préfet  de  la  Congrégation  des  Etudes.  Il  était  domini- 
cain. Le  Cardinal  Zigliara  est  né  à  Bonifacio,  en  Corse,  le  29  Oc- 
tobre 1833  et  il  a  été  créé  cardinal  le  12  mai  1879.  C'était  un 
savant  et  il  a  été  longtemps  professeur  de  philosophie.  Son  manuel 
intitulé  Summa  Philosophica  est  suivi  dans  plilsieurs  collèges  de 
la  province. 

8°  Le  Dr.  Charles  Alexandre  Lesage,  ancien  député  fédéral  de 
Dorchester,  Québec.  11  est  né  en  1843.  Il  a  fait  ses  études  médi- 
cales à  l'Université  Laval. 

Il  était  conservateur  en  politique. 

Alby. 

LES  CONSTITUTIONS  PII  CONCILE  DU  VATICAN 

LA  CONSTITUTION  DE/  FILIUS 

Nécessité  de  la  Révélation  au  point  de  vue  de  la  religion  naturelle. 

III 

Il  nous  reste  à  montrer  que  ces  trois  assertions  du  Concile  sont 
vraies. 

l'*  Est-il  vrai  qu'au  moyen  de  la  révélation  chrétienne  les  hom- 
mes peuvent  tous  connaître  facilement,  avec  une  ferme  certitude 
et  sans  aucun  mélange  d'erreur  les  principales  vérités  religieuses 
qui  ne  sont  pas  au-dessus  de  la  portée  de  la  raison  ? 

Oui  ;  c'est  un  fait  d'expérience.  Visitez  le  catéchisme  de  n'im- 
porte quelle  paroisse  catholique.  Interrogez  les  enfants  qui  s'y 
préparent  à  leur  première  communion,  vous  en  rencontrerez  bien 
peu  qui  n'aient  cette  connaissance. 

2°  Est-il  vrai  que  ce  résultat  ne  serait  pas  obtenu  sans  la  révé- 
lation chrétienne  ?  Oui  encore  et  les  théologiens  l'établissent  par 
deux  preuves  principales. 


206  LE  PROPAGATEUR 


La  première  preuve  est  historique.  Elle  a  été  surtout  développée 
par  les  apologistes  du  dix-huitième  et  du  dix-neuvième  siècle, 
comme  Lelaud.  Nouvelle  démonstration  évangèlique  (Migne,  Démons- 
trations évangéliques^  t.  Vil)  et  Dœlinger,  Paganisme  et  Judaïsme. 
Elle  consiste  à  montrer  que  les  peuples  payens  se  sont  trompés 
grossièrement  sur  Dieu  et  la  religion,  et  que  les  philosophes  du 
plus  grand  génie  ont  été  incapables  d'instruire  ces  peuples  d'une 
façon  convaincante  et  pratique. 

La  seconde  preuve  est  fondée  sur  l'étude  de  la  nature  humaine. 
Cette  seconde  preuve  avait  déjà  été  mise  en  lumière  par  saint 
Augustin,  de  Utilitate  credendi;  mais  elle  a  été  surtout  développée 
par  saint  Thomas  d'Aquin,  qui  nous  apprend  qu'il  en  avait  trouvé 
en  partie  les  éléments  dans  Aristote  (/,  Cont.  Gent.  ch.  4)  et  dans 
Maimonides  (de  Veritate,  q.  14,  a.  10).  C'est  la  preuve  de  saint 
Thomas  qui  a  inspiré  le  Concile  du  Vatican,  comme  le  montrent 
les  références  du  premier  projet  de  notre  Constitution  (1)  et  la 
similitude  des  expressions  adoptées  par  le  Concile  avec  les  termes 
dans  lesquels  le  Docteur  Angélique  formule  son  argument,  soit 
dans  ses  Questions  sur  la  Vérité  (q.  14,  a.  10),  soit  dans  sa  Somme 
contre  les  Gentils  (liv.  I,  c.  4)  soit  dans  sa  Somme  Théologique  (2a. 
2a?.  q.  2,  a.  4). 

Il  y  aurait  trois  inconvénients,  dit  le  grand  docteur,  à  ce  qu'on 
cherchât  à  connaître  sans  autre  secours  que  la  raison  les  vérités 
qui  lui  sont  accessibles. 

Le  premier  inconvénient,  c'est  que  peu  d'hommes  parviendraient 
ainsi  à  la  connaissance  de  Dieu,  soit  faute  d'une  intelligence  sulfi.- 
sante,  soit  faute  de  loisirs,  soit  faute  de  courage  pour  entreprendre 
et  mener  à  bonne  fin  cette  étude. 

Le  second  inconvénient,  c'est  que  le  petit  nombre  de  ceux  qui 
pourraient  arriver  ainsi  à  cette  connaissance,  n'y  parviendraient 
qu'après  un  long  temps,  soit  à  cause  de  la  profondeur  des  vérités 
en  question,  soit  à  cause  des  connaissances  nombreuses  que  cette 
recherche  présuppose,  soit  à  cause  que  les  jeunes  gens  n'ont  pas 
le  calme  et  la  sagesse  qu'elle  exige. 

Le  troisième  inconvénient,  c'est  qu'il  se  mêlerait  des  erreurs  à 
cette  connaissance,  de  sorte  qu'elle  resterait  douteuse  pour  beau- 
coup d'hommes.  Il  était  donc  nécessaire  que  nous  fussions  menés 
à  cette  connaissance  par  le  chemin  de  la  foi,  de  sorte  que  tous 
pussent  facilement  participer  à  la  connaissance  de  Dieu,  et  cela 
sans  être  exposés  au  doute  et  à  l'erreur,  ut  sic  omnes  de  facili  possent 
divinse  cognitionis  participes  esse  et  absque  dubitatione  et  errore 
(r  Cont.  Gent.  cap.  4). 

On  voit  que  le  Concile  du  Vatican  a  reproduit  presque  textuel- 
lement la  conclusion  du  Docteur  angélique,  conclusion  si  bien 
prouvée  par  les  raisons  que  le  grand  docteur  développe  et  que  nous 
n'avons  fait  qu'indiquer. 

3°  Est-il  vrai  que  pour  les  raisons  qui  viennent  d'être 
rappelées  la  révélation  est  nécessaire,  mais  non  d'une  absolue 
nécessité  ? 

Quelle  soit  nécessaire,  cela  résulte  de  ce  que  pratiquement  les 


LE  PROPAGATEUR  207 


hommes  ne  peuvent  sans  elle  connaître   Dieu,  suffisamment  et 
facilement. 

Mais  cette  nécessité  n'est-elle  pas  absolue  ?  Non  ;  car  cette  con- 
naissance ne  dépasse  pas  la  lumière  naturelle  de  la  raison,  ainsi 
que  nous  l'avons  vu  ;  elle  n'est  donc  pas  absolument  impossible  à 

(l)  Acla  Concilii  Vaticani,  col.  524. 
un  homme  ;  or  ce  qui  n'est  pas  absolument  impossible  à  un  homme 
n'est  pas  non  plus  absolument  impossible  à  d'autres  hommes. 

Il  en  résulte  que  cette  nécessité  de  la  révélation  n'est  pas  une 
nécessité  absolue.  C'est  donc  une  nécessité  morale. 

Seulement  cette  nécessité  morale  ne  suffit-elle  pas  pour  que  la 
révélation  soit  due  à  la  nation  humaine,  et  par  conséquent  pour 
qu'elle  ne  soit  pas  surnaturelle  mais  naturelle  ?  le  Père  Ventura, 
attaché  comme  on  le  sait  au  traditionalisme,  le  prétendait  (La  Tra- 
dition, ch.  VI,  44),  cité  par  Zigliara,  Essai  sur  les  principes  du  tradi- 
tionalisme^ n.  97. 

Le  cardinal  Zigliara  [ibid)  lui  répondit  que  tous  les  hommes  ont 
la  puissance  physique  de  connaître  Dieu  à  l'aide  de  la  raison,  telle 
que  nous  la  possédons  dans  notre  état  présent,  que  Dieu  pouvait, 
par  conséquent,  nous  laisser  dans  cet  état,  sans  nous  donner  la 
révélation. 

Mais  nous  préférons  de  beaucoup  la  solution  que  le  cardinal 
Franzelin  {de  divina  Traditione,  p.  m,  cap.  ni,  §iv)  donne  à  cette 
question,  conformément  à  la  doctrine  de  Suarez  et  de  Kipalda. 
Suivant  lui  les  secours  moralement  nécessaires  au  genre  humain 
pour  connaître  Dieu  facilement  et  sans  mélange  d'erreur,  devaient 
lui  être  donnés  par  la  Providence  divine,  étani  posée  la  création  ; 
par  conséquent  ces  secours  auraient  été  naturels,  si  Dieu  nous 
avait  laissés  dans  l'état  de  nature;  mais  du  moment  que  Dieu  nous 
a  appelés  à  une  fin  surnaturelle  et  accordé  pour  l'atteindre  le  se- 
cours surnaturel  de  la  révélation,  ce  secours  surnaturel  plus 
abondant  remplace  les  secours  naturels  qui  nous  étaient  morale- 
ment nécessaires  et  qui  nous  auraient  été  donnés  par  Dieu  dans 
l'état  de  nature  pure.  Il  n'était  donc  pas  moralement  nécessaire 
pour  cette  connaissance  d'ordre  naturel  que  Dieu  nous  donnât  une 
révélation  surnaturelle  ;  à  plus  forte  raison  n'était-il  point  néces- 
saire qu'il  nous  révélât  tous  les  dogmes  du  christianisme.  Mais 
il  était  moralement  nécessaire  que  Dieu  nous  aidât  par  un  secours- 
En  fait  ce  secours  a  consisté  dans  la  révélation  chrétienne. 

La  révélation  chrétienne  nous  est  donc  moralement  indispen- 
sable même  pour  la  connaissance  parfaite  des  vérités  naturelles 
sur  Dieu.  Néanmoins  elle  reste  une  lumière  surnaturelle  à  laquelle 
nous  n'avions  pas  droit. 

J.-M.-A.  Vacant, 
Professeur  au  Grand  Séminaire  de  Nancy. 

Méditatioiis  pour  tous  les  jours  de  l'année,  d'après 
la  doctrine  et  l'esprit  de  saint  Alphonse  de  Liguori  docteur  de 
l'église,  à  l'usage  de  toutes  les  âmes  qui  aspirent  à  la  perfection, 
prêtres,  religieux  et  laïques,  par  le  R.  P.  Bronchain,  rédemptoriste. 
3  vol.  in-12,  $2.00  reliés  82.75. 


iBiîiïlis  mnm 


n 


h 


SUR  LA  MESSE  DE  CHAQUE  JOUR 
Par   K.  0ËCKOUIL.1.E, 

Prètrf^,  du  d:Ocèse  d'iVrras 

5  vol.  in-12 Prix  :  $3.00,  reliés  S4.25 


INTRODUCTION   GÉNÉRALE 

Il  nous  paraît  utile  de  placer  en  tête  de  ces  méditations  Sacer- 
dotales quelques  explications  sur  le  Chemin  de  la  Perfection  et 
sur  l'Oraison  mentale,  ou  Méditation,  qui  est  le  meilleur  secours 
pour  y  avancer  sûrement.  Ces  explications  feront  comprendre  le 
but  que  nous  nous  sommes  proposé  en  composant  ce  Cours  de 
Méditations,  et  la  marche  que  nous  y  avons  suivie.  Elles  aideront 
peut-être  ceux  qui  les  liront  attentivement  à  retirer  plus  de  fruit 
de  leur  méditation  quotidienne. 


LE   CHEMIN    DE   LA   PERFECTION 

Ce  n'est  qu'au  Ciel  que  nous  aurons  atteiat  ce  terme  de  la  Per- 
fection vers  lequel  nous  tendons:  c'est  là  seulement  que  nous 
connaîtrons  et  aimerons  Dieu  parfaitement,  que  nous  le  verrons 
tel  qu'il  est  et  face  à  face  ;  là  seulement  tous  les  battements  de 
notre  cœur  seront  sans  interruption  dirigés  vers  Lui  ;  l'infirmité 
humaine  ne  nous  permet  pas  ici-bas  de  toujours  penser  à  Dieu,  de 
toujours  être  mû  vers  Lui  par  l'amour. 

Mais  si,  sur  la  terre,  la  perfection  absolue  désespère  nécessaire- 
ment nos  efforts,  nous  pouvons  y  arriver  à  une  perfection  relative, 
et  c'est  sur  le  chemin  qui  y  conduit  que  nous  allons  jeter  un  coup 
d'oeil. 

Voyons  d'abord  comment  Dieu  arme  et  approvisionne  le  Chré- 
tien qui  doit  voyager  dans  le  Chemin  de  la  Perfection. 

Il  l'y  introduit  au  jour  de  son  Baptême.  Dès  ce  jour-là,  en  même 
temps  qu'il  purifie  son  âme,  Il  Tenrichit  de  la  Grâce  sanctifiante  ; 
et  cette  grâce  n'est  pas  un  simple  ornement  ;  c'est  une  vie  nouvelle 
surajoutée  à  la  vie  naturelle  de  l'âme,  et  qui  constitue  son  être 
surnaturel. 

Ce  n'est  pas  tout:  pour  produire  ses  opérations,  l'âme  se  sert 
des  facultés  que  Dieu  lui  a  données  :  de  son  intelligence,  de  sa 
mémoire,  de  sa  volonté;  de  même,  pour  que  cet  être  surnaturel 
puisse  agir,  il  lui  faut  comme  des  facultés  particulières.  Dieu 
ajoute  donc  à  la  Grâce  sanctifiante  les  Vertus  Théologales  et  Car 
dinales  ;  il  les  infuse  dans  l'âme  en  même  temps  que  la  Grâce,  et 
elles  y  croissent  avec  elle. 

De  plus,  pour  que  ces  Vertus  produisent  des  actes  surnaturels, 


LE  PROPAGATEUR  209 


Dieu  agit  Lui-même  sur  l'âme,  par  les  touches  ou  impulsions  de 
son  Esprit,que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  Grâces  actuelles.  11  arrive 
alors  que  râme,divinement  éclairée  et  excitée,  quoique  laissée  libre, 
met  les  Vertus  infuses  en  exercice  et  leur  fait  produire  tantôt  des 
actes  surnaturels  de  Foi,  ou  d'Espérance,  ou  de  Charité,  qui  se 
rapportent  directement  à  Dieu;  tantôt  des  actes  surnaturels  de 
Prudence,  de  Force,  de  Tempérance  ou  de  Justice,  qui  ont  un 
rapport  direct  avec  le  prochain. 

Dieu  étend  plus  loin  sa  libéralité  envers  ce  voyageur  introduit 
dans  le  Chemin  de  la  Perfection  :  sur  sa  route,  il  rencontrera,  à 
certains  jours,  des  obstacles  plus  grands  ;  à  mesure  qu'il  avancera, 
son  attitude  devra  être  plus  surhumaine,  et  ses  actes  dépasser  de 
plus  en  plus  la  mesure  ordinaire.  A  la  Grâce  et  aux  Vertus,  Dieu 
ajoute  les  sept  Dons  du  Saint-Esprit,  qui  sont  autant  d'énergies 
déposées  dans  l'âme  pour  l'aider  à  obéir  promptement  et  facile- 
ment aux  impulsions  divines,  surtout  dans  les  circonstances  où  il 
faut  davantage  s'élever  au-dessus  de  la  nature.  A  l'aide  de  ces 
Dons,  le  chrétien  pourra  accomplir,  non  seulement  des  actions 
surnaturelles,  mais  des  actes  surnaturellement  héroïques  de  vertu. 

Il  est  donc  armé  et  approvisionné  par  Dieu  pour  toutes  les 
occurrences  :  quand  il  faudra  faire  une  action  bonne  surnaturel- 
lement, mais  non  héroïque,  il  trouvera  en  son  âme,  avec  la  Grâce 
sanctifiante  :  lo  la  Vertu  théologale  ou  morale  au  moyen  de 
laquelle  doit  être  produit  cet  acte  ;  2o  la  Grâce  actuelle,  ou  motion 
du  Saint-Esprit,  qui  doit  éclairer  et  fortifier  son  âme  et  l'aider  à 
mettre  cette  vertu  en  exercice.  Quand  il  faudra  accomplir  une 
action  surnaturelle  et  héroïque,  il  y  trouvera  :  lo  le  Don  du  Saint- 
Esprit  in  habitu  qui  inclinera  les  puissances  de  son  âme  à  obéir 
aux  motions  divines  ;  2o  le  Don  du  Saint-Esprit  in  actu,  ou  Grâce 
actuelle  plus  forte,  qui  l'éclairera  et  le  poussera  à  accomplir  faci- 
ment  l'action  dont  il  s'agit. 

Ainsi  revêtu  de  l'armure  de  Dieu,  le  voyageur  engagé  dans  le 
Chemin  de  la  Perfection  ne  doit  pas  tester  immobile.  Le  Royaume 
des  Cieux  souffre  violence,  et  ce  sont  ceux  qui  font  de  sérieux 
efforts  qui  y  parviennent.  La  palme  l'attend  au  bout  de  la  carrière  : 
"  Courez  donc,  dit  saint  Paul,  si  vous  voulez  la  cueillir".  Car  il 
s'agit  de  devenir  parfait  comme  Dieu  môme  est  parfait.  Non  pas 
sans  doute,  que  nous  puissions  prétendre  à  devenir  aussi  parfaits 
que  Lui  ;  mais  nous  devons  nous  appliquer  à  accomplir,  avec  son 
secours,  tes  mêmes  opérations  qui  eonstituent  la  perfection  de 
Dieu.  Le  père  éternel  qui  se  connaît,  et,  se  connaissant,  produit 
son  Fils  ;  le  Père  et  le  Fils  s'aiment  d'un  amour  infini,  et  cet 
amour  réciproque  produit  le  Saint  Esprit.  Au  chrétien  voyageur 
d'avancer  toujours  dans  la  connaissance  et  dans  l'amour  de  Dieu, 
et  ainsi  d'adhérer  de  plus  en  plus  au  Seigneur  en  devenant  un 
même  Esprit  avec  Lui. 

Qu'on  le  comprenne  donc  :  on  n'a  pas  atteint  la  Perfection  que 
Dieu  attend  de  nous,  quand  on  s'est  maintenu  dans  l'état  de  grâce 
par  l'observation  dos  préceptes  et  la  conservation  de  cette  Charité 
qui,  nous  faisant  aimer  Dieu  par-dessus  tout,  nous  inspira  l'hor- 


210  LE  PROPAGATEUR 


reur  du  péché  mortel,  destructeur  de  l'amité  de  Dieu.  Ce  n'est  là 
que  la  Perfection  infime  et,  pour  ainsi  dire,  initiale.  Tl  faut  avancer, 
et  s'efforcer  d'arriver,  d'abord  à  celte  Perfection  moî/enne,  qui  nous 
fait  fuir  avec  horreur  les  péchés  véniels  dont  le  propre  est  de 
refroidir  l'amitié  divine,  et,  ensuite,  à  cette  Perfection  supérieure, 
qui  ne  recule  même  pas  devant  l'observation  des  conseils,  toutes 
les  lois  qu'ils  sont  des  moyens  pour  nous  avancer  dans  l'amour. 

Car  c'est  un  axiome  reconnu  unanimement  par  tous  ies  Mysti- 
ques, que,  dans  le  Chemin  de  la  Perfection,  on  ne  peut,  de  parti 
pris,  rester  immobile  :  In  via  Dei,  non  progredi,  regredi  est,  Celui 
qui  n'avance  pas  recule. 

Examinons  maintenant  les  différentes  étapes  de  ce  chemin. 

Il  y  en  a  trois,  qu'on  nomme  ordinairement  les  trois  Voies  :  la 
Voie  Purgative^  V Illumina tive,  et  VUnitive  ;  ou  encore,  il  y  a,  sur  ce 
chemin,  trois  espèces  de  voyageurs  :  il  y  a  les  Commençants^  les 
Progressants  et  les  Parfaits. 

Inutile  de  remarquer  que  ce  Chemin  est  tout  intérieur,  et  qu'on 
y  marche  par  l'accroissement  de  la  vie  surnaturelle. 

Dans  la  première  voie,  ou  celle  des  commençants,  qui  est  comme 
la  première  étape  dans  le  Chemin  de  la  Perfection,  l'âme  exclut 
tout  ce  qui  est  incompatible  avec  la  Charité  ;  elle  s'éloigne  déplus 
en  plus  du  péché  ;  elle  s'applique  à  arrêter  les  mouvements  désor- 
donnés de  la  concupiscence  qui  pourraient  l'y  ramener  :  Deformata 
studet  reformare. 

Dans  la  seconde,  ou  celle  des  progressants,  on  travaille  à  forti- 
fier et  à  augmenter  la  Charité  par  la  pratique  des  vertus  dont 
Jésus  nous  offre  le  modèle,  et  pour  la  reproduction  desquelles  il 
nous  donne  la  grâce  particulière  qu'il  nous  a  acquise  :  Reformata 
conformare. 

Dans  la  troisième,  ou  celle  des  parfaits,  l'âme  purifiée  de  ses 
fautes,  maîtresse  de  ses  passions,  ornée  des  vertus  chrétiennes,  vit 
comme  une  étrangère  au  milieu  des  créatures,  adhère  à  Dieu  seul, 
s'unit  à  Lui  par  la  Charité,  confond  sa  volonté  avec  la  volonté 
divine,  s'abandonne  à  Dieu,  son  uniqne  amour,  dans  l'adversité 
comme  dans  la  prospérité  :  Conformata  transformare. 

Chacune  de  ces  trois  voies,  ou  de  ces  trois  vies  se  distingue,  non 
par  le  degré  de  charité  de  ceux  qui  s'efforcent  d'y  avancer,  mais 
par  le  genre  prédominant  de  leur  travail.  Ainsi,  si  l'on  s'apphque 
surtout  à  faire  mourir  la  concupiscence  et  à  détruire  les  racines 
du  péché,  on  est  dans  la  Voie  purgative  ;  si  l'on  s'applique  à  repro- 
duire les  vertus  du  divin  Modèle,  à  grandir  avec  Lui  pour  arriver 
à  l'âge  parfait  du  Christ,  on  est  dans  la  Voie  illuminative  ;  si,  enfin, 
on  s'applique  à  agir  toujours  par  le  motif  de  la  Charité,  à  laisser 
l'Esprit  de  Jésus  prendre  la  direction  de  tous  les  mouvements  de 
l'âme,  on  est  dans  la  Voie  unitive. 

L'Eglise  veut  que  ses  enfants  croissent  chaque  jour  dans  la  con- 
naissance et  dans  l'amour  de  Dieu;  elle  veut  les  conduire  tous 
aussi  près  que  possible  de  la  Perfection  sur  la  terre  ;  elle  voudrait 
les  voir  commencer  ici-bas  la  vie  divine  du  Ciel.  Dans  ce  but,  elle 
les  fait  passer  chaque  année  successivement  par  la  Voie  purgative 


LE  PROPAGATEUR  211 


pendant  l'Avent,  par  la  Voie  illuminative  depuis  Noël  jusqu'à  la 
Pentecôte,  par  lo  Voie  unitive  au  Temps  après  la  Pentecôte. 

Quand  une  année  liturgique  est  terminée,  l'Eglise  recommence 
le  Cycle,  et  remet  tous  ses  enfants,  même  ceux  qui  l'ont'  suivie 
jusqu'à  la  Voie  unitive,  aux  exercices  de  la  Vie  purgative,  quand 
revient  le  Temps  de  l'Avent. 

Mais  c'es  le  vœu  de  l'Eglise  que,  pour  continuer  d'avancer  dans 
le  Chemin  de  la  Perfection,  les  âmes  qui  ont  vécu  de  la  Vie  uni- 
tive, au  Temps  après  la  Pentecôte,  n'abandonnent  pas  complète- 
ment l'application  à  l'union  divine  pendant  l'Avent.  De  même, 
depuis  Noël  jusqu'à  la  Pentecôte,  on  continue  aussi  quelques 
exercices  de  la  Vie  purgative,  surtout  pendant  le  Carême,  où  ils 
semblent  même  redevenir  prédominants. 

Avons-nous  le  droit  de  rester  sourds  à  l'appel  de  notre  Mère,  et 
de  ne  pas  faire  tous  nos  efforts  pour  avancer,  sous  sa  direction, 
dans  le  Chemin  de  la  Perfection?  Non  ;  nous  ne  le  pouvons  ni 
comme  chrétiens,  ni  comme  prêtres. 

Comme  chrétiens,  nous  avons,  dans  notre  Baptême,  renoncé, 
non  seulement  au  péché,  mais  au  monde  et  à  ses  pompes,  qui  sont 
autant  d'artifices  dont  le  Démon  se  sert  pour  nous  perdre;  nous 
avons  promis  de  nous  attacher  à  Jésus-Christ  pour  toujours;  ce 
n'est  qu'en  tendant  à  la  Perfection  que  nous  pourrons  tenir  nos 
promesses.  Comment,  en  effet,  sans  efforts  continuels  vers  la  Per- 
fection, pratiquer  le  renoncement  ;  vivre  dans  le  monde  comme  si 
nous  n'en  étions  pas;  brûlei  de  Charité  au  point  d'être  disposés  à 
tout  laisser  plutôt  que  de  perdre  l'amitié  de  Dieu  ?  Comment 
revêtir  Notre-Seigneur  Jésus-Christ?  Gomment  surtout  accomplir 
le  précepte  :  Estote  perfecto^  sicut  et  Pater  vester  cœlestis  perfectus 
est?  (Matth.,  V.  48).  Ne  nous  faisons  pas  d'illusion:  le  Baptême 
nous  oblige  à  tout  cela  ;  par  conséquent,  à  avancer  dans  le  Chemin 
de  la  Perfection. 

Et  puis,  nous  sommes  prêtres  ;  et  ce  n'est  pas  seulement  l'encens 
et  le  pain  que  le  prêtre  de  Jésus-Christ  offre  à  Dieu  ;  c'en  serait 
pourtant  déjà  assez  pour  l'obliger  à  être  saint;  il  consacre  et  il 
offre  le  Corps  et  le  Sang  du  Seigneur.  Il  y  a  même  pour  lui  une 
perfection  d'état  qui  est  comme  le  point  "de  départ  d'où  il  doit 
s'élancer  dans  ce  Chemin  de  la  Perfection;  ce  point  de  départ  est 
plus  élevé  que  celui  des  simples  fidèles  :  Ex  hominibus  assumptus 
(Hebr.  v,  1);  il  est  même  plus  élevé  que  celui  des  simples  reli- 
gieux ;  son  état  n'est  pas  le  status  perfectionis  acguirendx  ;  le  prêtre, 
surtout  s'il  est  pasteur  des  âmes,  est  dans  un  état  de  perfection 
déjà  acquise  :  Status  perfectionis  acquisitx.  Voici  ce  que  dit  le  Saint 
Concile  de  Trente  de  tous  les  clercs  :  Nil  nisi  grave,  moderalum  ac 
religione  plénum  prse  se  ferant  ;  levia  etiam  delicta,  qux  in  ipsis  ma- 
xima  forent^  effugiant.  Et,  si  le  point  de  départ  est  plus  élevé  pour 
nous  que  pour  les  simples  fidèles  et  même  que  pour  les  religieux, 
n'est-il  pas  évident  que  nous  n'avons  pas  le  droit  de  rester  station- 
naires,  ce  qui  nous  exposerai  ta  reculer  :  que  nous  devons  nous 
appliquer  à  mettre  en  exercice  les  Vertus  et  les  Dons  que  Dieu  a 
déposés  en  nos  âmes  ?   Le  peuple  fidèle  n'a-t-il  pas  les  yeux  fixés 


212  LE  PROPAGATEUR 


sur  nous?  Est-ce  sans  raison  que  l'Evangile  nous  appelle  le  Sel  de 
la  terre  et  la  Lumière  du  monde  ?  (Math.,  v,  13,  14.) 

II 

MOYENS   d'avancer  DANS  LE  CHEMIN  DE  LA  PERFECTION 

Nous  voici  munis  par  Dieu  d'armes  et  de  provisions  pour  mar- 
cher dans  le  Chemin  de  la  Perfection  ;  Dieu  et  l'Eglise  nous  invi 
tent  à  y  avancer  ;  l'Eglise  s'offre  même  à  nous  guider.  Quels  sont 
les  secours  offerts  et  recommandés  par  Dieu  et  par  l'Eglise  à  notre 
faiblesse  souvent  défaillante  ? 

C'est  d'abord  la  sainte  Communion;  elle  est  le  moyen  divinement 
établi  pour  soutenir  l'â.ne  et  la  conduire  à  la  Vie  d'union. 

Elle  nous  unit  substantiellement,  et  même  physiquement  à 
Jésus-Christ,  tant  que  les  saintes  espèces  demeurent  intègres  en 
nous  ;  et,  quand  la  présence  sacramentelle  a  disparu,  elle  nous 
laisse  unis  encore  intimement  à  Jésus  en  nous  laissant  sa  vie  et 
son  Esprit:  In  me  manet  et  ego  in  illo  (Joan,  vi,  57).  Elle  est  aussi 
la  nourriture  de  l'âme;  elle  est  le  Lait  eucharistique  qui  doit  nous 
faire  grandir  ici-bas,  et  nous  fortifier  dans  la  marche  vers  la  Patrie, 
où  nous  atteindrons  enfin  la  plénitude  parfaite  de  l'âge  du  Christ. 
C'est  par  elle  surtout  que  Notre-Seigneur  se  fait  la  Voie,  nous  for- 
çant, pour  ainsi  dire,  à  avancer  de  jour  en  jour,  par  Lui  et  avec 
Lui,  vers  Lui,  qui  est  la  reproduction  splendide  et  humanisée  de 
la  Perfection  du  i*ère  Céleste. 

Or,  la  Communion  devient  le  pain  quotidien  du  prêtre  à  la 
Messe.  Comment  le  prêire  n'avancerait  il  pas?  A  moins  pourtant 
que,  sous  l'empire  de  la  routine,  il  ne  discerne  plus  le  Corps  du 
Sauveur  ;  ou  que,  peu  soucieux  du  progrès  spirituel,  il  ne  s'é- 
prouve plus  lui-même  avant  de  le  recevoir... 

La  communion  est  donc  destinée  à  nous  conduire  aux  sommets 
de  la  Vie  unitive.  Les  demandes  que  l'Eglise  met,  presque  chaque 
jour,  sur  les  lèvres  du  célébrant  à  la  Postcommunion,  l'attestent 
clairement. 

Puis,  nous  avons  V Office  divin. 

Le  monde,  au  milieu  duquel  nous  sommes  forcés  de  nous  trouver 
chaque  jour,  nous  présente  fatalement  les  attraits  séducteurs  de  la 
bagatelle  qui  passe  ;  il  tend  à  fasciner  toutes  nos  facultés  en  les 
tenant  toujours  occupées  de  lui.  Si  nous  n'y  prenons  garde,  notre 
âme  se  dissipe  ;  elle  ouvre  ses  avenues  à  l'esprit  du  monde,  ei 
éprouve  chaque  jour  un  nouveau  déchet  de  vie  surnaturelle. 
L'Office  divin  vient  arrêter  cette  dissipation,  et  fermer  les  portes  à 
l'invasion  de  cet  esprit  destructeur  de  la  Perfection  ;  sept  fois  par 
jour,  il  oblige  le  prêtre  à  ouvrir  ses  lèvres  pour  dire  à  Dieu  les 
louanges  de  l'Eglise  militante  ;  il  remet  sous  les  yeux  de  cet  am- 
bassadeur des  fidèles  les  sentiments  de  Notre-Seigneur,  tels  que 
l'Esprit  de  Dieu  les  a  révélés  dans  la  sainte  Ecriture  ;  il  les  lui  fait 
exprimer  comme  s'ils  étaient  les  siens  ;  ou  bien  si  c'est  la  fête 
d'un  Saint,  il  lui  raconte  sa  vie  et  l'excite  à  en  prendre  les  senti- 
ments; et  ainsi,  versant  au  prêtre  chaque  jour  l'Esprit  qui  se  fait 


LE  PROPAGATEUR  213 


le  soutien  et  le  guide  du  voyageur  dans  le  Chemin  de  la  Perfec- 
tion, il  l'aide  merveilleusement  à  y  faire  des  progrès  :  lUiciter  quo 
ostendam  illi  salutare  Dei  (Ps.  xlix,  23). 

Dans  l'intenlion  de  l'Eglise,  l'Office  divin  est  donc  le  complé- 
ment de  la  communion  eucharistique  qui  nous  a,  dès  le  matin, 
infusé  les  inclinations,  le  caractère,  la  vie  divine  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ. 

Enfin,  nous  avons  VOraison,  que  saint  Augustin  appelait  l'E- 
chelle qui  conduit  à  Dieu  :  Deitatis  scala.  (Serm.  22  ad  fr.  erem.) 
Car  l'Oraison  joue  un  grand  rôle  dans  notre  vie  spiritulle. 

C'est  elle  qui  nourrit  notre  âme  et  l'empêche  de  défaillir.  Notre 
âme  ;  en  effet,  vit  du  Verbe,  de  la  Parole  de  Dieu  :  In  omni  verbo 
qvod  procedit  de  ore  Dei  (Math.,  4).  Or,  ce  Verbe,  pour  devenir 
nourriture  de  l'âme,  doit  être  retenu  par  la  mémoire,  retourné  en 
tous  sens  et  comme  broyé  par  l'intelligence  ;  et  les  sucs  nutritifs 
doivent  en  être  extraits  par  la  volonté  :  c'est  précisément  l'œuvre 
de  la  Méditation  ou  Oraison  Mentale. 

C'est  par  l'Oraison  que  la  Charité  se  réchauffe  et  s'allume  :  Con- 
caluit  cor  meum  intra  me,  et  in  meditatione  meâ  exardescet  ignis  (Ps. 
xxxvni,  4).  Quel  est  ce  feu  apporté  par  Notre-Seigneur  à  la  terre, 
qu'il  veut  voir  brûler  dans  toutes  les  âmes,  et  qui  est  attisé  par  la 
Méditation?  C'est  bien  la  Charité,  cette  Charité  qui  consume 
toutes  les  âmes  soucieuses  de  leur  perfection. 

N'est-ce  pas  aussi  dans  l'Oraison  que  nous  apercevons  ces 
lumières  que  Dieu  projette  en  notre  âme  ;  que  nous  sentons  ces 
touches  par  lesquelles  II  veut  la  mouvoir  ;  que  nous  apprenons  à 
correspondre  à  ces  grâces  actuelles  destinées  à  mettre  en  mouve- 
ment les  Vertus  et  les  Dons,  et  à  nous  faire  produire  cette  série 
d'actes  surnaturels  qui  constituent  l'avancement  dans  le  Chemin 
tout  intérieur  de  la  Perfection  ? 

La  Messe,  l'Office  divin  et  la  Méditation  ;  voilà  donc  les  trois 
principaux  ressorts  de  notre  vie  spirituelle. 

Il  nous  reste  à  examiner  maintenant  si  ce  n'est  pas  le  vœu  de 
l'Eglise  et  l'intérêt  du  prêtre  qu'ils  se  soutiennent  et  se  fortifient 
mutuellement. 

III 

LA  MESSE,  LE  BRÉVIAIRE  ET  LA  MÉDITATION  EXERCENT  l'uN  SUR  l'aUTRE 
UNE    INFLUENCE  RÉCIPROQUE     • 

D'abord,  dans  la  vie  ordinaire  du  prêtre,  ces  trois  actes  se  tou- 
chent, se  succédant  presque  immédiatement;  ils  occupent  les 
premières  heures  de  la  journée,  et  semblent  compléter  mutuelle- 
ment leur  action  surnaturelle. 

Plus  habituellement,  la  Méditation  précède  la  sainte  Messe  : 
c'est  à  la  première  heure  de  la  journée,  quand  l'esprit  n'est  pas 
encore  préoccupé  des  embarras  quotidiens  de  la  vie,  que  l'âme 
peut  le  mieux  se  rendre  compte  du  progrès  qu'elle  a  fait  ou  du 
déchet  qu'elle  a  subi  ;  alors  elle  peut  déployer  plus  de  force  à  atli- 
gOr  le  feu  de  la  Charité  :  Mane  oratio  mea  prœveniet  te  (Ps.  lxxxvii. 


^14  LE  PROPAGATEUK 


14).  Cor  suum  tradeù  ad  vigilandum  diluculo,  ad  Dominum  qui  fecit 
illum^  et  in  conspectu  Altissimi  deprecabitur  (Eccli.,  xxxix,  1).  La 
Méditation,  faite  aiûsi  le  matin,  imprime  à  nos  pensées  une  direc- 
tion qu'elles  devront  s'efforcer  de  conserver  pendant  la  journée 
tout  entière;  elle  nous  montre  la  ligne  de  conduite  que  notre 
volonté  devra  suivre  ;  elle  fait  jaillir  ds  notre  cœur  la  prière  qui 
doit  attirer  les  grâces  efficaces  destinées  à  soutenir  nos  résolutions  j 
elle  nous  indique  de  quel  côté  devront,  à  toutes  les  heures  du  jour 
se  tourner  les  aspirations  de  notre  être  surnaturel. 

Puis,  vient  la  Sainte  Messe  qui,  si  elle  suit  immédiatement  la 
Méditation,  doit  en  être  le  couronnement  et  le  véritable  complé- 
ment, en  apportant  à  l'âme  la  Source  des  grâces  et  le  Foyer  de  la 
Charité  ;  la  Sainte  Messe,  où  l'Eglise  nous  présente,  dans  l'Introït, 
l'Epitre  et  l'Evangile,  de  fortes  lectures  dont  elle  désire  inculquer 
les  leçons  dans  nos  âmes  ;  dans  les  Collectes,  Secrètes  et  Postcom- 
munions, des  formules  de  prières  où  elle  demande  avec  nous  et 
pour  nous  des  grâces  en  rapport  avec  les  idées  dominantes  de  ces 
lectures. 

Or,  qu'arrive-t-il  trop  souvent?  Les  maximes  de  la  Vie  chré- 
tienne rappelées  par  l'Eglise  dans  les  lectures  de  la  Sainte  Messe, 
se  trouvant  en  dehors  du  cours  où  nos  pensées  ont  été  lancées  par 
la  Méditation,  l'Introït,  l'Epitre  et  l'Evangile  sont  lus  sans  atten- 
tion et  sans  profit  ;  et  les  belles  prières,  qui  sollicitent  les  grâces 
par  lesquelles  nous  pourrons  mettre  ces  maximes  en  pratique, 
sont  récitées  sans  dévotion  et  sans  ferveur. 

Voici  la  fête  d'un  Saint  :  de  saint  François  d'Assise,  par  exemple. 
Vous  avez  fait  votre  Méditation,  sans  vous  occuper  de  la  fête  que 
célèbre  l'Eglise,  sur  l'amour  du  prochain,  je  suppose.  Avec  quelle 
dévotion  et  avec  quel  désir  d'être  exaucé  allez-vous  réciter  cette 
demande  de  la  Collecte  :  Tribue  nobis  terrena  despicere,  etcœkstium 
donorum  semper  participatione  gaudere  f  Quel  intérêt  prendrez- 
vous  aux  lectures  de  l'Epitre  et  de  l'Evangile  qui  exaltent  la  7ioit- 
velle  créature  de  Jésus-Christ^  et  rabaissent  comme  il  convient  les 
grandeurs  humaines  ? 

La  sainte  Messe  est  terminée,  vous  faites  votre  Action  de  grâces  j 
puis,  vous  prenez  votre  Bréviaire,  pour  réciter  vos  petites  Heures. 
"Trois  fois,  à  Tierce,  à  Sexte  et  à  None,  vous  redites  la  Collecte  de 
la  Messe;  au  capitule  de  chaque  petite  Heure,  presque  tous  les 
jours,  vous  redites  les  paroles  de  l'Epitre.  Quel  rapport  ces  formu- 
les liturgiques  ont-elles  avec  les  demandes  que  vous  avez  faites  le 
matin  à  la  Méditation  ?  Quelle  sera,  par  suite,  votre  ferveur  en  les 
récitant  ?... 

Ou  bien,  si  vous  vous  laissez  pénétrer  par  les  pensées  que  la 
sainte  Liturgie  vous  rappelle,  et  si  vous  sollicitez  ardemment  les 
grâces  demandées  par  l'Eglise  dans  les  Oraisons  de  la  Messe  et  du 
Bréviaire,  que  deviennent  les  pensées  de  la  Méditation,  et  les  affec- 
tions, en  rapport  avec  ces  pensées,  qui  devaient  imprimer  la  direc- 
tion à  votre  vie  surnaturelle  pendant  la  journée  tout  entière  ? 

,  Je  sais  bien  qu'on  peut  revenir  au  "bouquet  spirituel"  et  aux 
résolutions  de  la  Méditations  après  la  Sainte  Messe  et  l'Office 


LE  PROPAGATEUR  215 


divin  ;  mais  ce  retour  peut  paraître  difficile  et  peu  de  prêtres  affir- 
meront qu'ils  l'opèrent. 

11  y  a  déjà  plus  de  trente  ans  que,  dans  sa  Préface  générale,  qui 
sert  d'introduction  à  son  admirable  Année  Liturgique^  Dom  Gué- 
ranger  se  plaignait  de  voir  la  prière  liturgique  trop  peu  comprise 
et  trop  délaissée  :  "  Assez  longtemps,  disait-il,  on  a  cherché  l'esprit 
de  prière  et  la  prière  elle-même  dans  des  méthodes,  dans  des 
livres  qui  renferment,  il  est  vrai,  des  pensées  louables,  pieuses 
même,  mais  des  pensées  humaines;  cette  nourriture  est  vide,  car 
elle  n'initie  pas  à  la  prière  de  l'Eglise;  elle  isole  au  lieu  d'unir." 
Ce  reproche  que  le  grand  litiirgiste  adressait  aux  fidèles  qui  se 
livrent  à  des  dévotions  particahères  pendant,  la  célébration  du 
Saint-Sacrifice,  ne  retombe-t-il  pas,  en  partie  du  moins,  sur  les 
prêtres  qui  ne  s'intéressent  pas  aux  demandes  quotidiennes  de 
l'Eglise,  et  ne  cherchent  même  à  comprendre  ni  ses  lectures,  ni 
ses  formules  de  prière?  Il  écrivait  encore  :  *'  La  prière  de  l'Eglise 
et  la  plus  agréable  à  l'oreille  et  au  cœur  de  Dieu,  et,  partant,  la 
plus  puissante.  Heureux  donc  celui  qui  prie  avec  l'Eglise,  qui 
associe  ses  vœux  particuliers  à  ceux  de  cette  Epouse,  chérie  de 
l'Epoux  et  toujours  exaucée!  "  N'invitait-il  pas,  par  là-même,  tous 
les  prêtres  à  choisir  pour  sujets  de  leurs  méditations  les  princi- 
pales vérités  contenues  dans  les  lectures  liturgiques  de  la  Sainte 
Messe,  et  à  demander,  dans  l'OraisoQ  mentale  qui  la  précède  ou  la 
suit,  ce  que  l'Eglise  demande  à  Dieu  ce  jour-là? 

Dans  son  Atiîiée  Liturgique,  Dora  Guéranger  a  révélé  les  trésors 
de  science  et  de  piété  qui  se  trouvent  dans  les  formules  liturgiques 
de  l'Eglise.  A  combien  de  prêtres  et  de  fidèles,  il  a  communiqué 
l'amour  de  la  prière  faite  en  uni^n  avec  l'Epouse  du  Christ  !  Mais 
Dom  Guéranger  n'a  cru  devoir  expliquer  que  la  Liturgie  des 
Dimanches  et  des  principales  fêtes,  et  ses  incomparables  commen- 
taires forment  un  Livre  de  Lectures  spirituelles,  et  non  un  Cours 
de  Méditations. 

Encouragé  par  des  prêtres  pieux,  nous  avons  eu  la  hardiesse 
d'essayer  d'être  utile  à  nos  frères  dans  le  sacerdoce  en  leur  offrant 
un  Cours  complet  de  Méditations  Sacerdotales  sur  le  Propre  de  la 
Messe  de  chaque  jour.  Le  sujet  de  la  méditation  y  est  toujours 
choisi  de  manière  à  être  rappelé  à  la  Messe  et  au  Bréviaire,  e^  à 
devenir,  comme  uécessairement,  la  pensée  dominante  de  la  jour- 
née; les  affections  qui  y  sont  suggérées  seront  forcément  répétées 
tout  le  long  du  jour,  alors  qu'on  récitera  soit  à  la  Messe,  soit  au 
Bréviaire,  les  Oraisons  de  l'Office;  le  souvenir  et  la  pratique  des 
résolutions  seront  assurés  par  les  grâces  que  l'Eglise  aura  deman- 
dées avec  nous  à  la  Messe,  et  que  nous  continuerons  à  demander 
à  l'Action  de  grâces  et  pendant  la  récitation  des  Petites  Heures.  Le 
fruit  de  la  Méditation  sera,  croyons-nous,  bien  moins  exposé  à  être 
perdu  :  Funiculus  triplex  difficile  rumpitur  (Eccle.,  iv,  12). 

Et,  en  ce  qui  concerne  la  célébration  de  la  Sainte  Messe,  l'Introït, 
l'Épitre,  le  Graduel,  l'Évangile,  l'Offertoire,  la  Communion,  rap- 
pelant les  principales  pensées  de  la  Méditation,  seront  lus  avec 
plus  d'attention  et  de  piété  ;  les  Collectes,  Secrètes  et  Postcommu- 


216  LE  PROPAGATEUR 


nions,  demandant  des  grâces  qui  doivent  assurer  nos  résolutions, 
seront  récitées  avec  plus  de  dévotion;  la  Messe  sera  célébrée  avec 
plus  de  profit  pour  le  prêtre,  et  peut-être  même  avec  plus  d'édifi- 
cation pour  les  fidèles. 

Pour  ce  qui  est  la  récitation  de  l'Office  divin,  nous  serons,  pour 
ainsi  dire,  forcés  de  lire  attentivement  les  Leçons  des  Nocturnes, 
puisque  nous  y  trouverons  la  vie  du  Saint  et  l'explication  de 
l'Évangile,  qui  formeront  le  sujet  de  notre  Méditation  du  lende- 
main ;  chaque  fois  que  nous  réciterons  la  Collecte,  nous  sollicite- 
rons la  grâce  que  notre  méditation  nous  a  fait  concevoir  le  désir 
d'obtenir  ;  et  le  psaume  cxvlii  des  petites  Heures,  dons  nous  don- 
nons à  la  fin  de  chaque  volume  une  explication  générale,  strophe 
par  strophe,  paraîtra  merveilleusement  adapté  à  notre  sujet  d'orai- 
son, et  ne  sera  plus  récité"  avec  la  routine  que  tant  de  prêtres 
déplorent  sans  savoir  comment  s'en  corriger.  L'âme  goûte  alors 
dans  la  joie  la  réalisation  de  cet  oracle  de  la  Sagesse,  concernant 
la  parole  de  Dieu  :  Non  habet  amaritudinem  conversalio  ejus,  nec 
tœdium  convictus  illius,  sed  Ixtitiam  et  gaudium.  (Sa p.  vni,  16). 

'*  Que  l'âme,  s'écrie  Dom  Guéranger,  que  l'âme,  épouse  du 
Christ,  prévenue  des  désirs  de  l'Oraison...  approche  et  boive  cette 
eau  limpide  qui  jaillit  jus qu'' à  la  vie  éternelle,  car  celte  eau  émane 
des  fontaines  même  du  Sauveur,  et  l'Esprit  de  Dieu  la  féconde  de 
sa  vertu,  afin  qu'elle  soit  douce  et  nourrissante  au  Cerf  altéré  !  " 

IV 

QUELQUES   EXPLICATIONS    SUR  LA   MÉTHODE   d'ORAISON   QUE   NOUS   AVONS 

ADOPTÉE 

Sans  avoir  la  prétention  de  nous  ériger  en  juge  sur  la  valeur 
respective  des  deux  grandes  méthodes  d'oraison  :  celle  de  saint 
Ignace  et  celle  de  saint  Sulpice,  nous  nous  sommes  arrêté  à  la 
première,  parce  qu'elle  nous  a  paru  convenir  à  un  plus  grand 
nombre  d'âmes,  et  se  prêter  plus  facilement  aux  opérations  de  nos 
différentes  facultés. 

Conformément  à  la  Méthode  de  saint  Ignace,  nous  plaçons  donc 
ordinairement  deux  Préludes  avant  le  corps  de  la  Méditation.  Dans 
le  premier  prélude,  nommé  aussi  :  Composition  de  lieu,  on  s'efforce 
de  voir  une  scène  de  la  vie  du  Sauveur,  ou  du  Saint  du  jour,  qui 
mette  bien  en  relief  la  vertu  sur  laquelle  on  veut  méditer  ;  ou 
bien,  on  se  met  par  la  pensée,  au  miheu  de  leurs  auditeurs  pour 
recueillir  leurs  paroles.  Dans  le  second,  on  demande  une  grâce 
spéciale  en  rapport  avec  les  fruits  que  l'on  veut  retirer  de  la  médi- 
tation. Tout  ce  préambule  ne  doit  pas,  pour  l'ordinaire,  durer  plus 
de  trois  ou  quatre  minutes. 

Puis  vient  le  Corps  de  la  Méditation.  Il  se  compose  de  trois  parties  : 
les  Considérations,  les  Applications,  les  Affections. 

Dans  les  Considérations,  on  expose  plus  longuement  que  dans  le 
premier  Prélude  l'enseignement  tombé  des  lèvres  du  Sauveur,  ou 
proposé  par  l'Eglise  ;  ou  bien,  l'on  rappelle  avec  plus  de  dévelop- 
pements les  traits  de  la  vie  du  Saint,  où  se  manifeste  mieux  la 
vertu  sur  laquelle  on  médite. 


LE  PROPAGATEUR  217 


Dans  les  Applications,  l'âme  réfléchit  sur  les  vérités  exposées 
dans  les  Considérations,  jusqu'à  ce  qu'elle  en  ait  acquis  une  con- 
viction vive  qui  puisse  influer  sur  la  conduite  ;  puis,  elle  recherche 
si  elle  a,  dans  le  passé,  conformé  sa  vie  à  ces  vérités,  et  quels 
moyens  elle  pourra  prendre  pour  mieux  faire  à  l'avenir. 

Dans  les  A^ections,  qui  constituent,  à  parler  proprement,  VOraison 
Mentale,  l'âme  se  tourne  tout-à-fait  vers  Dieu  pour  le  remercier  de 
l'avoir  tant  de  fois  pressée  de  pratiquer  la  vertu  sur  laquelle  elle 
médite  ;  pour  lui  demander  pardon  d'être  si  souvent  restée  sourde 
à  son  appel  ;  pour  le  supplier  de  vouloir  bien  lui  continuer  ses 
grâces  à  l'avenir.  Si  c'est  la  fête  d'un  Saint,  elle  a  recours  à  son 
intercession  pour  obtenir  plus  sûrement  la  faveur  qu'elle  implore. 
C'est  ici  la  partie  la  plus  importante  de  la  Méditation  :  ici  l'âme 
entre  en  relation  intime  avec  Dieu.  Il  peut  être  permis  à  certaines 
personnes  de  passer  légèrement  sur  les  Considérations  et  même 
sur  les  Applications,  quand  elles  connaissent  déjà  et  apprécient 
l'importance  de  la  vérité  sur  laquelle  elles  méditent;  on  ne  doit 
jamais  passer  légèrement  sur  les  AS'ections.  C'est  dans  cette  partie 
de  la  Méditation  que  l'âme  témoigne  à  Dieu  tous  ses  sentiments 
de  reconnaissance  ou  de  confusion,  d'amour  ou  de  crainte;  qu'elle 
lui  présente  ses  demandes  en  toute  sincérité  et  en  toute  confiance. 

Nous  ne  faisons,  en  général,  dans  chaque  méditation,  qu'indi- 
quer brièvement  les  différentes  Affections  auxquelles  l'âme  peut 
se  livrer.  Chacun  devra  s'efforcer  de  les  développer  avec  son  cœur. 

Enfin,  pour  terminer  chaque  point,  ou  du  moins  pour  terminer 
la  Méditation,  il  faut  prendre  des  Résolutions. 

Une  méditation  sans  résolutions  est  ordinairement  une  médita- 
lion  sans  fruit.  Rien  n'empêche  d'en  prendre  d'autres  que  celles 
qui  sont  indiquées  dans  ce  livre;  l'essentiel  et  qu'elles  soient: 
1°  pratiques  ;  c'est-à-dire  capables  d'améliorer  notre  vie;  2^  parti- 
culières; c'est-à-dire  portant  sur  un  cas  déterminé  qui  pourra  se 
présenter  pendant  la  journée,  ou,  du  moins,  sur  un  moyen  précis 
de  pratiquer  la  vertu  sur  laquelle  on  vient  de  méditer. 

Pour  conclure  la  Méditation,  on  recueille  les  Résolutions  que 
l'on  a  prises  à  la  fin  de  chaque  point  ;  on  en  fait  comme  un  faisceau 
que  l'on  présente,  dans  un  Colloque,  à  Notre-Seigneur,  à  la  Sainte- 
Vierge,  ou  au  Saint  dont  on  va  lire  la  Messe  ;  on  leur  témoigne 
l'impuissance  où  l'on  est  d'y  être  fidèle  saus  une  grâce  toutà-fait 
spéciale,  et  on  la  leur  demande. 

Mais  qu'il  soit  toujours  bien  entendiî  que  l'Oraison  est  un  don 
de  l'Esprit-Saint  ;  que,  dans  cette  science.  Il  est  le  premier,  sinon 
le  seul  véritable  maître  :  Unctio  ejus  docet  nos  de  omnibus.  (I  Joann. 
II,  27).  C'est  donc  à  Lui  plus  qu'aux  explications  des  méthodes 
qu'il  faut  recourir  pour  y  faire  des  progrès.  C'est  Lui,  d'ailleurs, 
qui  agit  sur  nos  facultés  pour  nous  aider  à  bien  faire  Oraison  ; 
sur  notre  mémoire  pour  nous  rappeler  les  faits  ou  les  vérités  con- 
tenues dans  les  Considérations;  sur  notre  intelligence  pour  nous 
faciliter  les  Applications  ;  et  surtout  sur  notre  cœur  et  notre  vo 
lonté  pour  en  faire  jaillir  les  Affections  et  nous  suggérer  les 
Résolutions  qu'il  faut  prendre.    C'est  donc  par  la  prière  à  l'Esprit 

14 


218  LE  PROPAGATEUR 


Saint,  au  commencement  de  chaque  Méditation,  par  la  dévotion 
habituelle  à  cet  incomparable  Maître  de  la  vie  spirituelle  que  nous 
ferons  des  progrès  dans  cet  art  si  difficile  de  l'Oraison,  et  partant, 
dans  ce  Chemin  de  la  Perfection  où  notre  qualité  de  Chrétiens  et 
de  Prêtres  nous  oblige  à  avancer  chaque  jour. 

Après  chaque  Méditation,  nous  avons  indiqué  une  pensée  pieuse 
destinée  à  relier  l'Oraison  à  la  Messe,  et  qui  occupera  utilement 
l'esprit  du  prêtre  jusqu'au  moment  de  la  célébration  du  Saint- 
Sacrifice  ;  de  même,  après  chaque  méditation,  nous  avons  donné 
un  texte  ou  une  idée  qui  aidera'à  faire  de  l'Action  de  grâces  la 
continuation  de  l'Oraison  du  matia,  et  à  solliciter  de  nouveau  les 
secours  nécessaires  pour  tenir  les  Résolutions.  Nous  avons  placé, 
à  la  fin  de  chaque  volume,  un  Tableau  qui  donne  le  sens  général  de 
chacune  des  22  strophes  qui  composent  le  Psaume  1 18  des  petites 
Heures.  A  la  fin  du  dernier  volume,  nous  reproduisons  le  Psaume 
118  tout  entier,  en  accompagnant  chaque  verset  d'une  pensée 
capable  d'exciter  la  piété  de  celui  qui  récite  le  Saint  Bréviaire. 
On  pourra  trouver  chaque  jour  un  rapport  admirable  entre  les 
pensées  principales  de  la  Méditation  et  le  sens  d'un  ou  de  plusieurs 
des  versets  et  même  des  struphes  de  ce  Psaume.  Les  Petites  Heu- 
res seront  mieux  récitées  et  nous  aideront  aussi  à  tenir  nos  Réso- 
lutions. La  Méditation  s'emparera  ainsi  des  premières  heures  de 
la  journée,  et  laissera  dans  notre  âme  une  impression  profonde 
que  nos  occupations  ultérieures  feront  plus  difficilement  dispa- 
raître. 

V 

QUELQUES    MOTS   SUR   NOTRE    MANIÈRE    DE    TRAITER    LES    SUJETS   DE 
MÉDITATIONS 

En  choisissant  pour  thèmes  de  nos  Méditations  les  paroles  de  la 
Liturgie  de  chaque  jour,  nous  n'avons  pu  suivre  un  ordre  logique 
dans  la  suite  des  sujets  que  nous  traitons  ;  il  fallait,  surtout  aux 
jours  des  Fêtes  des  Saints,  choisir  le  sujet  qui  se  rapportait  le 
mieux  à  la  vertu  dominante  du  Saint  et  aux  paroles  de  la  Sainte 
Liturgie. 

On  trouvera  aussi,  de  temps  en  temps,  des  divisions  que  la  Logi- 
que voudrait  plus  nettes  ou  plus  naturelles.  Mais  qu'on  veuille 
bien  se  rappeler  que  nous  devions  prendre,  non  seulement  nos 
sujets  de  Méditations,  mais  les  divisions  de  ces  sujets,  dans  les 
paroles  de  la  Sainte  Messe  et  surtout  de  l'Epître  et  de  l'Evangile; 
et  que  nous  ne  pouvions  consulter  uniquement  les  exigences  de  la 
Logique,  pour  les  divisions  non  plus  que  pour  le  choix  des  sujets. 

Parfois  aussi,  si  nous  n'avions  été  arrêté  par  les  exigences  d'un 
texte  qu'il  fallait  commenter  de  manière  à  en  relier  le  sens  à  celui 
du  texte  qui  précédait  ou  qui  suivait,  la  doctrine  aurait  été  plus 
clairement  exprimée;  mais  nous  pensons  que  le  lecteur  trouvera, 
dans  la  parole  même  de  Dieu  ou  de  la  Sainte  Liturgie,  dont  nous 
avons  tenu  à  respecter  le  sens,  une  lumière  et  une  onction  qui 
compenseront  surabondamment  la  clarté  d'exposition  que  nous 
aurions  voulue  quelquefois  plus  complète. 


LE  PROPAGATEUR  219 


Les  sujets  de  Méditations  ont  été  exposés  aussi  brièvement  et 
aussi  succinctement  que  possible.  Dans  les  Applications  et  les 
Affections,  nous  ne  faisons  môme  quelquefois  qu'indiquer  d'un  mot 
l'exercice  pieux  auquel  le  lecteur  doit  se  livrer.  Nous  avons  craint 
de  donner  lieu  à  l'abus  qu'engendrent  trop  souvent  les  longues 
méditations;  elles  deviennent,  pour  beaucoup,  de  simples  lectures 
spirituelles,  en  ce  qu'elles  ne  laissent  presque  rien  à  l'initiative  de 
celui  qui  médite.  Nous  indiquons  le  travail  auquel  doit  se  livrer 
le  lecteur,  avec  le  concours  de  l'Esprit  de  prière  ;  mais  nous  ne 
faisons  pas  ce  travail  pour  lui.  Pour  peu  qu'il  s'applique  à  faire 
les  exercices  que  nous  indiquons  à  chaque  méditation,  il  trouvera 
facilement  à  occuper  son  esprit  et  son  cœar  pendant  une  demi- 
heure. 

IV  • 

LES  PRINCIPALES  SOURCES  OU  NOUS  AVONS   PUISÉ 

Gomme  la  nature  de  cet  ouvrage  nous  imposait  l'obligation 
périlleuse  de  toucher  à  une  foule  de  questions  de  dogme,  de  mo- 
rale et  surtout  de  spiritualité,  nous  ne  nous  sommes  permis  de  rien 
avancer  de  nous-même,  et  nous  nous  sommes  efforcé  de  n'énoncer 
que  des  maximes  approuvées  par  les  Maîtres  de  la  Vie  spirituelle. 
Nous  avons  surtout  consulté  :  l'Année  Liturgique  de  Dora  Guéran- 
ger,  qui  nous  a  fourni  le  plan  général  de  cet  ouvrage,  et  nous  a 
indiqué  l'esprit  de  l'Eglise  aux  Dimanches  et  aux  principales 
fêtes  ;  V  Année  chrétienne  du  P  Croisât,  si  estimée  au  siècle  dernier  ; 
la  Theologia  Mystica  de  Schram  ;  les  Notes  on  doctrinal  and  spiritual 
subjccts  du  P,  Faber  ;  la  Triplex  Exposilio  du  P.  Bernardin  de  Pic- 
quigny  ;  le  traité  de  la  Vie  et  des  Vertus  chrétiennes  de  Mgr  Gay  ; 
et  surtout  Cornélius  à  Lapide  et  Saint  Thomas.  Puissions-nous  avoir 
bien  saisi  et  clairement  exposé  la  doctrine  de  ces  grands  maîtres  ! 

Nous  demandons  au  Père  des  lumières,  auteur  de  tout  don  par- 
fait, qu'il  daigne  bénir  ces  pages  écrites  sous  son  œil  et  pour  sa 
gloire.  Puissent  nos  modestes  efforts,  fécondés  par  la  grâce  divine, 
aider  les  prêtres  à  vivre  de  la  vie  de  l'Kglise,  à  progresser  dans  le 
Chemin  de  la  Perfection,  et  à  y  faire  avancer  les  âmes  soumises  à 
leur  conduite  1 


néditations  sur  les  vérités  et  ex«;elleuces  de 
Jésns-Clirist  IS'otre  Seigueur,  recueillies  de  ses  mystères, 
cachées  en  ses  états  et  grandeurs,  prêchées  pir  lui  sur  la  terre  et 
communiquées  à  ses  Saints,  par  le  R.  P.  Bourgoing,  supérieur  de 
l'oratoire.  32me  édition,  3  vol.  in-18,  $2.63  réduit  à  $1.25. 

(En  très  bon  ordre.) 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  1^  B  Y 


MARIAGE  DE  MINEUR  — AUTORISATION 

Question. — L'autorisation  donnée  par  le  juge,  sur  avis  du  conseil  de  famille,  à 
un  tuteur  de  consentir  au  mariage  de  son  pupille  peut-elle  être  générale  ou 
faut-il  absolument  qu'elle  soit  spéciale? 

Un  tuteur 

Réponse. — II  faut  une  autorisation  spéciale  de  consentir  au 
mariage  du  pupille  avec  une  personne  déterminée.  La  simple 
autorisation  générale  de  consentir  au  mariage  du  pupille  est  nulle. 

Il  ne  faut  pas  laisser  le  tuteur  libre  de  consentir  à  un  mariage 
qui  pourrait  être  déshonorant. 

La  personne  que  le  mineur  veut  épouser  doit  être  nommée  afin 
que  le  conseil  de  famille  puisse  agir  avec  connaissance  de  cause. 
C'est  aussi  avec  parfaite  connaissance  de  cause  que  le  juge  doit 
agir. 

On  m'a  dit  que  cette  question  s'est  présentée  dans  le  district  de 
Richelieu  il  y  a  longtemps.  Un  avis  de  conseil  de  famille  portait 
que  les  parents,  ayant  prêté  serment,  pris  communication  de  la 
déclaration  du  tuteur,  et  mûrement  délibéré,  ont  élé  unanimement 
d'avis  que  le  dit  A.  B.  tuteur  soit  autorisé  à  consentir  au  mariage  du 
dit  C.  D.  son  pupille. 

La  déclaration  préalable  du  tuteur  mentionnait  aussi  simple- 
ment que  le  mineur  désirait  contracter  mariage  sans  nommer  la 
jeune  fille. 

La  requête  pour  homologation  de  cet  étrange  avis  fut  renvoyée 
par  le  juge  T.  J.  J.  Loranger. 


AGEJSTTS  D'IMMEUBLES. 

Décision  importante  en  leur  faveur. 

Le  31  décembre  dernier,  la  Cour  Supérieure  à  Montréal.  (Jette,, 
juge). 

Re, 

Gareau  , 

vs 
Champagne 

A  JUGÉ  :  Que  les  agents  dHmmeuhles^  chargés  de  vendre  des  pro- 
priétés ont  droit  a  leur  commission  s'ils  trouvent  un  acquéreur  dans 
le  délai  fixé  par  la  convention,  quoique  le  propriétaire  ait  vendu  lui- 
même  avant  l'expiration  de  ce  délai. 

Les  faits  de  la  cause  sont  ceux-ci. 

Le  nommé  Champagne  avait  chargé  l'agent  d'immeubles  R 
Gareau  de  vendre  pour  lui  une  certaine  propriété  située  dans  la 


LE   PROPAGATEUR  221 


cité  de  Montréal.  G-areau  trouva  un  acquéreur  avant  l'expiration 
du  délai  fixé,  mais,  dans  l'intervalle,  la  propriété  avait  été  vendue 
par  le  propriétaire  lui  même.  Gareau  intenta  alors  contre  Cham- 
pagne, une  action  par  laquelle  il  réclamait  le  montant  de  sa  com- 
mission de  même  que  s'il  eût  fait  la  transaction  pour  son  mandant 
et  il  eut  gain  de  cause. 

Cette  décision  est  conforme  aux  règles  qui  régissent  le  mandat 
salarié. 

Une  décision,  dans  un  cas  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec  le 
cas  rapporté  plus  haut,  a  été  rendue  dernièrement,  par  la  Cour 
Supérieure  à  Montréal  (Ouimet  juge)  en  faveur  de  Cradock  Simp- 
son, agent  d'immeubles,  contre  le  nommé  Hood. 


EFFETS  DE  LA  SÉPARATION  D3  CORPS. 
On  lit  dans  l'Electeur  du  16  Mai. 

La  France  vient  d'être  dotée  d'une  loi  adoptée  le  6  février  dernier  qui  modifie 
entièrement  la  situation  de  la  femme  mariée  en  cas  de  séparation  de  corps. 

La  grande  innovation  est  celle-ci  :  la  femme  séparée  de  corps  reprend  le  plein 
exercice  de  sa  capacité  civile  ;  elle  n'a  plus  besoin  de  recourir  à  l'autorisation 
de  son  mari  en  aucun  cas,  ni  même  à  celle  de  la  justice.  Elle  a  désormais  un 
domicile  légal  autre  que  celui  de  son  mari,  et  elle  peut  se  faire  autoriser  à  ne 
plus  porter  le  nom  de  son  mari  et  faire  mlerdire  à  celui-ci  de  joindre  son  nom 
au  sien. 

Note  de  la  rédaction. — Dans  la  province  de  Québec,  la  femme 
séparée  de  corps  a  le  droit  de  se  choisir  un  domicile  autre  que 
celui  de  son  mari  ^C.  C.  Art.  207).  Elle  ne  jouit  cependant  pas  de 
la  plénitude  de  ses  droits  civils  comme  les  filles  et  les  veuves 
majeures,  car  elle  n'a  sur  ses  biens  qu'un  pouvoir  d'administration. 
S'il  s'agit  de  l'aliénation  de  ses  immeubles,  elle  a  besoin  de  l'au- 
torisation de  son  mari.  Si  le  mari  refuse  l'autorisation  demandée, 
il  faut  celle  du  juge  (S.  R.  P.  Q.  art.  5788  (1).  ) 

La  femme  séparée  de  corps  continue  à  porter  le  nom  de  son 
mari,  et  les  tribunaux  n'ont  pas  le  pouvoir  de  l'autoriser  à  ne 
j)lus  le  porter. 


INJURES DROIT  D'ACTION. 

Cour  Supérieure,  Montréal. 

Pagnuelo,  juge. 

Payeur  v«.  Brien. 

Jugé  :  Que  tout  citoyen  a  un  droit  d'action  pour  injures  faites 
à  sa  femme  ou  à  ses  enfants. 

(1)  Cet  art.  5788  est  le  nouvel  art.  210  du  code  civil. 


222  LE  PROPAGATEUR 


TRIBUNAUX   FRANÇAIS 


LE  DROIT  D- ACCROISSEMENT  (l) 

L"  tribunal  dfc  Vendôme,  par  jugement  du  23  lévrier,  donne  gain  de  cause 
aux  Sœurs  de  la  Providence  de  Ruillé-sur-Loir,  dans  une  aiïaire  de  droit  d'ac- 
croissement 11  a  annulé  les  contraintes  et  déclaré  que  l'impôt  ne  pouvait  être 
exigé  que  dans  un  payement  unique.    ■ 

Nous  espérons  que  les  tribunaux  auront  bientôt  le  courage  d'envoyer  aux 
galères  les  voleurs  des  biens  des  pauvres  et  des  religieux. 

La  Croix 


CAFÉ  FALSIFIÉ 

Un  in  lustriel  de  Dijon  a  été  condamné  à  50  francs  d'amende  pour  avoir 
vendu  du  café  de  gland  doux  composé  qui  ne  contenait  aucun  élément  de  gland, 
et  avoir  donné  à  cette  matière  la  forme  de  véritables  grains  de  café,  en  repro- 
duisant même  la  rainure  caractéristique  qui,  même  après  torréfaction,  reste 
d'une  couleur  différente  de  celle  du  grain,  par  suite  de  l'enrobage  d'une  solu- 
tion de  gomme. 

La  Croix 


QUESTION  ECCLÉSIASTIQUE  DE  DROIT 

Le  31  janvier,  la  cour  de  cassation  a  rendu  l'arrêt  suivant  dans 
une  affaire  d'école  au  profit  de  la  raense  épiscopale  de  Grenoble  : 

La  cour,  ouï  M.  le  conseiller  Faure-Biguet,  en  son  rapport  ;  MM.  Sabatier  et 
Lesage,  avocats,  en  leurs  observations  respectives,  et  M.  l'avocat  général  Des- 
jardins en  ses  conclusions  ;  après  en  avoir  délibéré  en  chambre  du  conseil  ; 

Vu  le  moyen  vmique  du  pourvoi, 

Vu  l'art.  900  du  code  civil, 

Attendu  que  la  loi,  sans  définir  les  attributions  des  évêchés  ou  menses  épis 
copales,  s'est  bornée  à  placer  ces  établissements  ecclésiastiques  sous  la  tutelle 
et  le  contrôle  du  gouvernement  qui  les  habilite,  lorsqu'il  y  a  lieu,  à  recevoir  les 
libéralités  sous  les  clauses  et  conditions  dont  il  juge  convenable  d'autoriser 
l'acceptation  ;  que,  sans  doute,  et  malgré  l'autorisation  administrative,  les  tri- 
bunaux civils  peuvent  connaître  de  tous  les  vices  dont  la  donation  ou  le  legs 
serait  entaché  ;  — qu'ils  le  peuvent,  notamment,  dans  le  cas  où  la  cause  de  la 
libéralité  serait  illicite,  mais  qu'on  ne  saurait  considérer  comme  telle,  ainsi  que 
l'arrêt  attaqué  le  fait,  une  condition  qui  n'est  contraire  à  aucune  loi  ; 

Attendu  que,  dans  l'espèce,  un  décret  du  9  juin  1847  a  autorisé  l'évèque  de 
Grenoble  à  accepter  pour  lui  et  pour  ses  successeurs  le  legs  à  lui  fait  par  la 
demoiselle  Garnier,  à  charge  de  pourvoir  à  l'entretien  de  diverses  écoles  pri- 
maires dans  les  termes  précisés  par  le  testament  ;  que  la  cour  d'appel  a  décidé 
néanmoins  que  la  condition  susdite  était  illicite,  par  le  seul  motif  que  son  sujet 
serait  en  dehors  des  attributions  de  la  mense  et  excéderait  sa  capacité  ; —  que, 
par  voie  de  conséquence,  elle  a  déclaré  que  le  legs  était  nul  ;  — qu'en  statuant 
ainsi,  l'arrêt  attaqué  afaussement  appliqué  et,  par  suite,  violé  l'art.  900  ci-dessus 
visé  ; 

Par  ces  motifs,  casse...,  renvoie  devant  la  cour  d'appel  de  Chambéry. 

L' Univers 
(1)  Voyez  le  No  du  1er  décembre  1892,  page  579  du  vol.  3. 


PREPARATION  AU  GRAND  JOUR 

Ou  instructions  simples  et  pratiques  pour  la  Première  Communion 

Formant  la  matière  de  trois  Retraites 
Par  PAbbé  JOUVE 

Chanoine  titulaire  de  la  cathédrale  de  Gap,  ancien  archiprêtre  de  Savines 
1  vol.  in-1'2 Prix  88  cts. 

Un  grand  nombre  de  prêtres,  connaissant  la  simplicité  du  style  de  mon  Mis- 
sionnaire de  la  campagne,  et  de  mes  autres  ouvrages,  m'ont  vivement  engagé  à 
composer  dans  le  même  genre  un  cours  d'insiruclions  variées,  jjropres  â  préparer 
les  enfants  à  la  plus  importante  action  de  la  vie  :  la  première  communion. 

Désireux  de  leur  être  agréable,  et  aussi  par  affeclion  pour  les  enfants  que 
Jésus  m'a  appris  à  aimer,  j'ai  écrit  ce  petit  ouvrage  en  m'accommodant  à  leur 
langage  simple  et  familier.  * 

Tout  ce  qu'on  y  trouvera  de  bon,  on  devra  l'attribuer  aux  nombreux  auteurs 
dont  je  me  suis  inspiré  :  pour  moi,  je  n'ai  d'autre  mérite  que  celui  d'avoir  coo- 
péré à  préparer  l'âme  de  ces  petits  anges  de  la  terre  pour  en  faire  le  tabernacle 
digne  du  grand  Dieu  qui  va  les  visiter  et  habiter  en  eux. 

L'expérience  le  prouve  que  rien  n'est  plus  difficile  que  de  captiver  l'attention 
des  enfants  pendant  une  demi-heure.  C'est  pourquoi,  pour  les  obliger  à  suivre 
les  instructions,  je  me  suis  efforcé  de  les  rendre  accessibles  à  leur  intelligence 
en  les  émaiilant  de  comparaisons  et  de  traits  historiques  qui  ne  manqueront  ni 
d'intérêt,  ni  de  charme. 

Ce  nouveau  livre  renferme  trois  retraites  complètes  de  quatre  jours.  Dans  leur 
ensemble,  elles  contiennent  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  propre  à  éclairer  l'esprit  et 
à  toucher  le  cœur  des  enfants  pour  les  aider  à  faire  saintement  leur  première 
communion  et  leur  apprendre  à  en  conserver  les  fruits. 

On  trouvera  pour  chaque  jour  de  la  retraite  des  avis,  une  méditation,  deux 
instructions,  une  lecture,  un  examen  détaillé  sur  les  Commandements  de  Dieu, 
de  l'Eglise,  les  péchés  capitaux  et  les  devoirs  d'état. 

Le  prédicateur  pourra  suivre  intégralement  celle  des  retraites  qu'il  lui  plaira, 
ou  faire  un  choix  parmi  les  sujets  traités  dans  le  volume. 

Voici  l'horaire  ou  l'ordre  des  exercices  de  chaque  jour  de  là  retraite  : 

Premier  jour  :  On  en  fera  l'ouverture  le  mercredi  matin  par  la  prière,  l'in- 
struction et  la  sainte  Messe,  vers  les  9  heures.  —  Les  jours  suivants  on  fera  la 
prière  et  la  méditation  avant  la  messe  qui  se  dira  vers  les  7  heures. — A  9  heures, 
instruction,  et  le  reste  comme  au  prenàer  jour. — A  II  heures,  examen  de  cons- 
cience.—  A  deux  heures  de  l'après-midi,  chapelet  et  lecture  de  piété. — A  quatre 
heures,  sermon  et  avis. — On  suivra  le  même  ordre  les  jours  suivants. 

Dimanche  matin. — Allocution  après  l'évangile  sur  la  première  communion. — 
Allocution  après  la  sainte  communion. — Dimanche  soir ,àvêpr es  :  Renouvellement 
des  promesses  du  baptême  ;  Consécration  à  la  sainte  Vierge  et  avis  aux  parents. 

Lundi  malin. — Messe  et  allocution  sur  la  persévérance. 

OBSERVATIONS  GÉNÉRALES. 

Dans  une  retraite  quelconque  et  surtout  dans  une  retraite  prôchée  à  des  en- 
fants, il  est  utile  et  même  nécessaire  de  donner  des  avis  pratiques  avant  ou 
après  chaque  réunion.  Plusieurs  des  jeunes  auditeurs,  incapables  de  suivre  les 
raisonnements  d'une  instruction,  comprennent  et  retiennent  parfaitement  les  avis. 

L'expérience  prouve  aux  prédicateurs  d'exercices  spirituels,  tels  que  :  re- 
traites, missions,  jubilés,  que  leurs  instructions  ne  produisent  que  des  fruits 
médiocres,  si  l'on  ne  les  fait  pas  suivre  des  avis  pratiques. 

Nous  allons  essayer  de  donner  quelques  modèles  pour  servir  à  ceux  qui  sont 
chargés  de  préparer  les  enfants  à  l'action  subhme  de  leur  première  communion. 
Le  prédicateur  pourra  les  modifier  ou  les  remplacer  selon  les  besoins  de  son 
auditoire. 


LA  DERNiERE  SONATE 


A  NOËL  EAVERGNE 


Comincio  egli  allor  si  dolcemcnle. 
Che  la  dolcezza  ancor  den'ro  nn  suona. 
Dante,  Purg.,  canlo  II. 

I 


Paris. — 1716. 

C'était  la  première  nuit  que  le  pauvre  petit  musicien  passait  à 
Paris.  Il  ne  connaissait  encore  de  la  grande  ville  que  le  bruyant 
et  malpropre  faubourg  Saint  Jacques,  et  la  figure  bourrue  d'Hé^ 
noch,  l'hôtelier,  qui,  le  voyant  arriver  à  pied,  portant  pour  tout 
bagage  un  petit  paquet  de  hardes  et  un  méchant  violon,  lui  avait 
fait  servir  un  maigre  souper  et  donné  pour  logis  la  plus  étroite 
de  ses  mansardes.  Le  jeune  voyageur  lui  était  cependant  recom- 
mandé ;  mais,  ce  soir-là,  Hénoch  était  de  fort  mauvaise  humeur. 
Un  de  ses  locataires,  parti  sans  payer  son  écot,  avait,  de  plus, 
dérobé  quelques  pièces  de  linge,  et  l'arrivée  d'un  riche  chaland 
eût  seule  pu  dérider  le  front  soucieux  du  vieil  hôtelier. 
;„  Le  pauvre  enfant  comptait  sur  une  meilleure  réception.  Son 
parrain  le  ménétrier  lui  avait  dit  :  ''  Quand  mon  compère  Hénoch 
aura  lu  ma  lettre,  il  te  traitera  comme  un  neveu.  "  Et  le  résultat 
de  cette  lecture  avait  été  si  différent  de  ce  qu'il  espérait,  que  Louis 
ne  pouvait  s'empêcher  de  penser  :  "  S'il  en  est  de  même  des  lettres 
que  je  dois  remettre  à  M.  le  curé  de  Saint-Eustache  et  au  grand 
violoniste  du  roi,  je  pourrai  bientôt  reprendre  le  chemin  de  mon 
village.  " 

Au  village,  hélas  !  personne  ne  l'attendait.  Ses  parents  étaient 
morts,  et  son  parrain  et  son  curé,  bien  disposés  pour  lui,  mais 
hors  d'état  d'assurer  son  avenir,  lui  avaient  dit  :  "  Va  chercher 
fortune  à  Paris.  Ta  belle  voix  et  ton  violon  peuvent  te  mener 
loin.  M.  le  curé  de  Saint-Eustache  t'accordera  peut-être  une  place 
d'enfant  de  chœur,  et  si  le  célèbre  musicien  André  Lebert  veut 
bien  te  donner  des  leçons  par  charité,  tu  deviendras  riche  com- 
me lui.  " 

Le  bon  curé  lui  donna  des  lettres  de  recommandation  pour  ces 
personnages,  qu'il  ne  connaissait  que  de  réputation  ;  le  parrain 
composa  laborieusement  une  épitre  pour  son  ami  Hénoch,  hô- 
telier, rue  Saint-Jacques,  et.  muni  de  ces  trois  missives,  d'un 
léger  bagage  et  d'une  bourse  plus  légère  encore,  Louis  franchit  à 
pied,  comme  il  put,  les  vingt  lieues  qui  le  séparaient  de  Paris. 

Bien  souvent,  au  village,  Torpheliu  s'était  cru  seul  ;  mais  com- 
bien cette  solitude  était  peuplée  en  comparaison  de  celle  où  il  se 
trouvait  maintenant  !  A  Viry,  il  n'avait  pas  de  parents,  mais  de 
nombreux  amis  :  toutes  les  maisons  lui  étaient  ouvertes,  et  son 
petit  violon  les  réjouissait. — Tout  cela  était  passé  :  une  nouvelle 
vie  allait  commencer  pour  Louis,  et  s'annonçait  triste  et  difiQcile 


LE  PROPAGATECR  2^0 


Aussi,  malgré  la  fatigue  du  voyage,  iî  av-i/.  b^  1 1  s^i  re.  :■  ::;.^r 
sur  soQ  grabat,  fermer  !e5  yeus,  dire  50":  :.  '  .■e;  ;  ie  îo.il  r.^iL 
ne  venait  f  aï.  La  chaleur  était  éto  i  m'ir.^îr-i^.    De 

guerre  lasse,  l'enfant  remit  ses  vèc:-  -.  sa^seoir  mr  le 

bord  de  la  fenêtre. 

De  ce  poste  élevé  il  dominait  de  vastes  jardins,  éclairés  par  la 
pâle  lueur  des  étoiles.  Les  bruits  de  la  i-r^nie  ville  s'amortissaient 
peu  à  p3u,  les  lumières  s'éteignaient  a  a  :c  f-enêtres,  et  bientôt,  de 
toutes  celles  que  Louis  pouvait  apercevoir,  une  seule  resta  éclairée. 
Elle  s'ouvrait  sur  un  balcon,  au  premier  étage  d'une  petite  maison 
séparée  de  celle  d'Hénoch  par  un  jardin. 

Machinalement,  les  yeux  de  Louis  se  fixèrent  sur  cette  croisée 
ouverte.  Un  homme  était  accoudé  an  balcon.  Il  rentra,  et,  quel- 
ques instants  après,  les  sons  d'nn  rioloa  s'échappèrent  de  la  pièce 
éclairée. 

La  perfection  de  l'instrument  et  l'habileté  de  celui  quienjoaait, 
rendaient  cette  musique  si  belle,  que  Louis  n*osait  respirer. — 
Après  une  introduction  savante,  le  ▼iolon  Joua  une  mélodie  simple 
et  gracieuse,  puis  il  se  tut.  Louis  attenit  longtemps,  espérant 
qu'il  jouerait  encore.  Le  violon  garda  >.  silence,  et,  presque  sans 
y  penser,  l'enfant  se  mit  à  chanter,  et  r-.f'vd,  comme  un  écho  fidèle, 
l'air  qu'il  venait  d'entendre  pour  la  première  fois. 

Le  violoniste,  dès  qu'il  l'entendit,  parut  sur  le  balcon,  resta  im- 
mobile tant  que  Louis  chanta,  et,  dès  qu'il  eut  fini,  s'écria  :  "Qui 
chante  ainsi  ?  répondez  moi  !  "  Et  il  dit  cela  d'une  voix  si  émue, 
que  l'enfant  eut  peur,  et  ne  répondit  riej. 

"  Ce  monsieur  a  sans  doute  pensé  que  je  me  moquais  de  lui  ! 
se  dit-il  ;  et,  efîarouché  comme  un  oiseau,  le  pauvre  garçon  quitta 
la  fenêtre,  se  recoucha,  et  finit  par  i^endormir. 

Le  lendemain,  il  se  ^eva  de  boone  heure  et  descendiL  Mais, 
avant  d'être  au  bas  de  l'escalier,  il  entendit  la  voix  grondeuse 
d'fténoch  qui  répondaft  à  quelqu'un  : 

''Non,  monsieur,  c'est  une  erreur.  Personne  chez  moi  ne  se 
permettrait  de  troubler  le  repos  des  voisins.  " 

"  Mais,  monsieur,  "  disait  une  autre  voii,  "les  voisins  ne  se 
plaignent  pas.  Mon  maître  voudrait  simplement  savoir  quelle  est 
la  jeune  fille  qui  a  chanté  cette  nuit  chez  vous.  " 

"  Il  n'y  a  pas  déjeune  fille  ici,"r^ri:  l'irascible  Hénoch.  *"  Pour 
qui  me  prenez-vous  ?  Je  loge  des  élodi^r.':;  :  ma  maison  est  hon- 
nête, et  je  n'ai  que  des  servantes  d'ar.  .eclable  :  Dorothée 

a  plus  de  cinquante  ans,  et  Gothon,  ;. -qoiuie.    Passé  dix 

heures,  je  ferme  ma  porte,  et  personne  ne  chante  ici.  " 

"  Pourtant,  monsieur,  mon  maître  est  sûr  que  la  belle  voix 
qu'il  a  entendue  cette  nuit  partait  d'une  de  vos  mansardes.  " 

"Votre  maître  a  rêvé  :  laissez-moi  I    '   '•   '' 

Louis  s'était  approché  timidement  c  interlocuteurs,  et, 

encouragé  par  l'honnête  et  bienveilia:.:^  ^i^ysionomie  du  vieux 
domestique  qui  parlait  à  l'hôte,  il  essaya  de  placer  son  mot  dans 
la  conversation. 


226  LE  PROPAGATEUR 


"  C'est  moi  qui  ai  chanté,  "  dit-il  ;  "  mais  je  ne  le  ferai  plus,  si 
cela  ennuie  les  voisins.  " 

"  Là  !  "  s'écria  Hénoch,  •'  ne  voilà-t-il  pas  un  beau  début  I  A 
peine  ce  galopin  a-t-il  passé  quelques  heures  chez  moi,  et  il  va 
m'attirer  des  désagréments.  " 

"  Vous  n'en  aurez  aucun,  monsieur  Hénoch,  "  dit  le  vieux  do- 
mestique :  "  mon  maître  a  été  charmé  de  la  jolie  voix  de  votre 
petit  locataire  ;  il  désire  le  voir  et  le  faire  chanter  chez  lui. 
Veuillez  me  suivre,  mon  petit  ami.  Vous  n'aurez  point  à  vous 
en  repentir.  " 

Il  emmena  l'enfant,  et,  cinq  minutes  minutes  après,  Louis  était 
introduit  dans  le  salon  du  violoniste. 

Celui-ci  paraissait  âgé  d'environ  soixante  ans.  Il  était  de  taille 
moyenne,  mince  et  nerveux  ;  son  visage  était  noble,  sa  voix  sym- 
pathique. A  l'entendre,  à  voir  l'élégance  et  la  vivacité  de  ses 
mouvements,  on  lui  eût  donné  quarante  ans  ;  mais  ses  traits 
amaigris  et  fatigués  révélaient  son  âge. 

•*  Voici  le  chanteur  de  la  nuit  dernière,  "  dit  le  vieux  domes- 
tique en  introduisant  Louis  et  se  retirant  discrètement. 

Louis,  tout  déconcerté,  se  tenait  debout,  son  chapeau  à  la  main. 

Le  musicien  iettant  sa  plume  et  repoussant  son  fauteuil,  s'avan- 
ça vivement  vers  lui,  le  regarda  un  instant  et  lui  dit  : 

"  Est-ce  toi  qui  as  chanté  ? 

"Oui,  monsieur.  " 

"  Bien  vrai  ?  J'aurais  gagé  que  c'était  une  femme.  Chante  encore, 
chante  tout  de  suite.  " 

"  Que  voulez-vous  que  je  chante  ?  "  dit  Louis. 

•'Ce  que  tu  voudras.  Qu'as-tu  chanté  cette  nuit  ?  " 

"  L'air  que  jouait  le  violon.  Il  était  si  beau  1  Oh  1  si  seulement 
j'entendais  les  trois  premières  notes,  tout  me  reviendrait  à  la 
mémoire  !  " 

Le  musicien  saisit  son  violon  :  à  peine  eut-il  commencé  l'air, 
que,  Louis  le  continuant,  il  se  mit  à  l'accompagner  doucement, 
et,  quand  il  eut  fini,  s'écria  :  "Qui  es-tu  ?  que  veux-tu,  mon  petit? 
Tout  ce  que  je  puis  donner,  je  le  donnerais  pour  te  garder  avec 
moi.  Réponds  moi  :  qui  es-tu  ?  " 

Louis,  en  peu  de  mots,  raconta  son  histoire.  Quand  il  en  vint 
à  parler  de  ses  lettres  de  recommandation,  le  musicien  voulut  les 
voir,  et  fit  un  cri  de  surprise  et  de  joie.  "  Celle-ci,  "  dit-il  à  Louis, 
"  est  arrivée  à  son  adresse  :  je  suis  André  Lebert,  ancien  premier 
violon  du  roi. — Quant  à  la  lettre  qui  est  destinée  à  M.  le  curé  de 
Saint-Eustache,  ne  la  porte  pas.  Tu  as  mieux  à  faire  que  d'entrer 
à  la  maîtrise.  Reste  avec  moi  :  je  te  ferai  instruire  ;  je  t'appren- 
drai tout  ce  que  je  sais,  je  ne  te  laisserai  manquer  de  rien.  Mais 
tu  ne  chanteras  que  pour  moi  seul,  entends-tu  ?  Acceptes-tu  ces 
conditions  ?  " 

"  Oui,  monsieur,  "  dit  Louis  résolument. 

"  Hé  bien  !  c'est  entendu.  Ton  curé  m'écrit  que  tu  es  un  excel- 
lent enfant.  Reste  tel,  et,  avec  l'aide  de  Dieu,  je  ferai  de  toi  un 
grand  musicien,  " 


LE  PROPAGATEUR  227 


Six  mois  nprè?,  Louis  écrivait  au  curé  de  son  village  : 

Paris,  15  octobre  1716. 
"  Monsieur  le  curé, 

"  Grâce  à  votre  recommandation,  je  suis  le  plus  heureux  enfant 
du  monde  :  M.  Lebert  m'a  non  seulement  pris  pour  élève,  mais  il 
me  traite  en  fils.  Il  m'a  donné  une  jolie  chambre  près  de  la  sienne, 
je  suis  habillé  comme  un  gentilhomme,  j'ai  des  maîtres  de  toute 
sorte,  et  j'étudie  avec  beaucoup  de  soin  pour  faire  plaisir  au  bon 
M.  Lebert  ;  mais  les  leçons  que  j'aime  le  mieux,  sont  celles  qu'il 
me  donne.  Quel  musicien,  monsieur  le  curé  !  Non,  rien  ne  peut 
vous  exprimer  le  bonheur  que  j'éprouve  à  l'entendre.  Quant  à 
lui,  sa  plus  grande  joie  est  de  me  faire  chanter,  le  soir,  quand 
nous  sommes  seuls.  Il  s'assied  à  l'autre  bout  du  salon,  tire  un 
médaillon  de  son  sein,  et  le  regarde  pendant  que  je  chante.  Sou- 
vent il  pleure  en  m'écoutant,  mais  il  dit  que  cela  lui  fait  plaisir. 
Quand  j'ai  fini,  il  m'embrasse  sur  le  front  et  me  fait  signe  d'aller 
me  coucher. 

"Trois  fois  par  semaine,  quelques  amateurs  de  musique  vien- 
nent chez  nous  jouer  des  morceaux  d'ensemble.  Bientôt,  j'espère, 
je  pourrai  y  faire  ma  partie.  Le  reiste  du  temps  nous  vivons  très 
solitaires,  mais  je  ne  m'ennuie  jamais.  Le  jardin  et  la  volière 
pleine  d'oiseaux  rares,  que  j'ai  demandé  à  soigner  pour  aider  le 
vieux  Jean-Baptiste,  suffisent  à  occuper  mes  récréations. 

"Je  n'ai  point  oublié  vos  bons  conseils,  monsieur  le  curé.  Du 
reste,  je  n'ai  qu'à  imiter  mon  cher  maître  pour  vivre  en  bon  chré- 
tien. Nous  allons  tous  les  jours  à  la  messe  chez  nos  voisines  les 
dames  carmélites,  et  M.  Lebert  ne  permet  pas  aux  personnes  qu'il 
reçoit  le  moindre  mot  contre  la  religion. 

"  C'est  à  vous,  monsieur  le  curé,  que  je  dois  tout  mon  bonheur  : 
aussi,  croyez-le  bien,  je  suis  et  serai  toujours,  avec  tout  le  respect 
et  la  reconnaissance  imaginables, 

"  Votre  très  dévoué  serviteur, 

"  Louis  Deschamps.  " 
II 

1717.  —  VERSAILLES. 

Une  année  se  passa  ainsi.  M.  Lebert  s'attachait  de  plus  en  plus 
à  son  jeune  élève,  dont  le  caractère  aimable  et  les  rapides  progrès 
faisaient  sa  joie  et  son  orgueil.  La  fête  de  Louis  approchait  ;  il 
lui  dit  : 

"Que  veux-tu  que  je  te  donne  pour  ta  fête,  petit  ?  " 

"Je  suis  si  comblé  de  vos  bontés,  monsieur,  que  je  ne  devrais 
rien  souhaiter,  et  pourtant..." 

"  Parle  donc,  "  dit  son  maître. 

"  Hé  bien  !  j'ai  grand  désir  de  voir  Versailles  avec  vous,  cher 
maître.  " 

"Je  n'y  suis  pas  retourné  depuis  la  gaort  du  roi  Louis  XIV,  " 
dit  Lebert  ;  "  mais  je  reverrai  le  parc  avec  plaisir.  Nous  irons 
ensemble,  mon  enfant.  "  (à  suivre) 


eaiGiEiisE 


AU    SCJET 

D'UN  RECENT  DECRET  PONTIFICAL 

SECONDE   EDITION 
P.evue  el  augmcnUe  par  V auteur 

LETTRE 
Du  R.  P.  SECONDO  FRANCO  de  la  Gie  de  Jésus 

SfUle  iraduciion  française  avec  autorisation  de  l'Auteur 
Par  l'Abbé  A.-E  Gautier 

Du  clergé  de  Bordeaux.  Docteur  en  droit  canonique 

^  ^'ol-  i"-12 Prix  40  cts. 

Ma  Révérende  Mère. 

Votre  Révérence  m'écrit  que  le  Décret  du  Souverain  Pontife  promulgué  der- 
nièrement par  l'intermédiaire  de  l'Eminentissime  Cardinal,  Préfet  de  la  S.  Con- 
grégation des  Evêques  et  Réguliers  vous  a  jetées,  vous  et  quelou-^s-unes  de  vos 
Religieuses,  dans  une  sorte  de  trouble.  Cependant,  animées'  du  plus  grand 
désir  de  vous  conformer  pleinement  à  la  volonté  du  Vicaire  de  Jésus-Christ, 
vous  voudriez  beaucoup  que  je  vous  donnasse  quelqu'explication  à  ce  sujet. 

En  vente,  le  Décret  est  si  clair  qu'il  suffit  de  le  prendre  à  la  lettre  pour  en 
tirer  le  sens  vrai.  Il  est  si  péremptoire  qu'il  n'exige  autre  chose  pour  être  obser- 
ve pleinement  que  cette  docilité  absolue  qui  est  due  aux  actes  du  Saint-Siège 
Apostolique,  et  les  services  qu'il  doit  rendre  sont  si  grands,  que,  pour  le  rece- 
voir à  bras  ouverts,  il  suffit  de  le  bien  entendre. 

Néanmoins,  l'importance  des  questions  en  elles-mêmes  et  le  désir  si  légitime 
que  vous  m'exprimez  me  persuadent  facilement  que  je  ne  puis  vous  refuser  cette 
satisfaction.  f:e  n'est  pourtant  pas  un  traité  sur  cette  matière  que  j'écrirai  •  je 
n  en  aurais  pas  le  temps  et  je  n'en  ai  nullement  l'intention.  Aussi  bien,  ne  crois- 
je  pas  cela  nécessaire,  .le  me  formerai  à  vous  indiquer  en  peu  de  mots  ce  que 
le  Vicaire  de  J.-C.  a  décrété,  et  par  suite  ce  qu'il  y  a  à  faire.  Je  m'acquitterai 
dautant  plus  volontiers  de  cette  tâche  que  cet  opuscule,  j'en  ai  la  confiance 
pourra  être  de  quelqu'ulilité  à  d'autres  Communautés  religieuses  placées  dans 
les  mêmes  conditions  que  la  vôtre.  Je  ferai  en  sorte  d'être  bref  et  clair  ;  et  après 
avoir  expose  ce  que  renferme  le  Décret,  je  le  mettrai  en  lumière  par  l'autorité 
des  graves  théologiens  qui  ont  traité  celte  question.  J'exposerai  enfin  quelques- 
unes  des  raisons  qui  en  démontrent  la  sagesse.  Sans  doute  ces  deux  choses  ne 
sont  nullement  nécessaires  puisque  l'autorité  du  Siège  Apostolique  qui  l'intime 
doit  tenir  lieu  de  toute  raison  ;  mais  elles  au-ont  pour  heureux  résultat  de  pro- 
curer un  plus  grand  contentement  et  allégement  à  qui  doit  obéir 

^.    .  S.  F.  s.j. 

Très  Révérende  Mère. 
Afin  de  procéder  avec  ordre  dans  cet  écrit,  voici  ce  que  je  ferai.    Je  repro- 
duirai d  abord  le  Décret  tel  qu'il  est  émané  de  la  S.  Congégaiion  des  Evêques 
et  Réguliers,  avec  la  traduction  littérale  en  regard.  Ensuite  le  reprenant  partie 
par  partie,  j'en  exposerai  le  sens  obvie  qui  doit  suffire  pour  sa  mise  en  pratique 

Enfin,  des  dispositions  prises,  je  tirerai  quelques  raisons  qui  aideront  à  rendre 
ia  volonté  plus  prompte  grâce  à  la  satisfaction  qu'elles  ne  peuvent  manquer 
de  causer  à  l'esprit. 

Que  le  doux  Cœur  de  Jésu^e  serve  de  guide  à  moi  en  écrivant  et  à  votre 
Keverence  en  pesant  ce  que  contiendra  ce  petit  écrit. 

S.  F.  s.l 


NOTES  &  REXSEIG.\E)IL\TS BIBLIOGRAPHIQUES 

POUR    AIDER    LES    ECCLÉSIASTIQUES   \   COiTPOsER   ET 
A    COMPLÉTER    LEUR    BIBLIOTHÈQUE 


PREiilERE  PABTIE 
livres  de  piélé  povir  les  ecclésiastiques 


1.    iiZDITATrO: 

Les  méditations  du  vénérable  P. 
Louis  Dc  Pont,  ont,  à  beaucoup  de 
litres,  le  droit  d'être  mentionnées  et 
recommandées  dans  VAmi  du  clergé. 
L'auteur  se  distingua  à  la  fia  du  xvi« 
siècle  et  au  commencement  rlu  ivii* 
dans  la  Compagnie  de  Jésus  par  son 
profond  savoir  tt  sa  haute  sainteté. 
Les  grâces  extraordinaires  que  Dieu 
lui  accorda  et  les  grands  fruits  qu"i. 
produisit  dans  les  âmes  par  ses  entre- 
tiens et  par  sa  direction  suffiraient  à 
nous  convaincre  que  ses  Méditalions 
ont  dû  perpétuer  et  généraliser  son 
heureuse  et  salutaire  influence.  Dès 
1611,  elles  étaient  traduites  de  l'espa- 
gnol en  latin  ;  et  plusieurs  édiiioas 
latines  se  sont  succédées  depuis  :  la 
dernière,  que  nous  a  donnée  le  P. 
Lehmkuhi,  a  été  revisée  avec  soin  et 
pour  le  texte  même  et  pour  les  citations 
de  la  sainte  Ecriture  et  des  Pères.  De 
bonne  heure  aussi,  il  y  eut  des  traduc- 
tions françaises  de  ces  "très  excellentes 
méditalions."  La  première  qui  est  de 
1610,  et  qui  servit  pour  une  édition 
imprimée  en  16-8,  était  très  imparfaite  ; 
elle  renfermait  beaucoup  d'expressions 
qui  seraient  inintelligibles  pour  nous. 
Mais  celle  de  1682  s'est  conservée  et 
n'a  eu  besoin  <:[ue  de  quelques  retou- 
ches pour  être  présentée  au  public 
dans  celte  dixième  édition  que  nous 
indiquons  à  nos  lecleurs.  Le  temps  a 
donc  confirmé  le  mérite  des  méditations 
du  vénérable  du  Pont,  au  lieu  de  les 
ensevelir  dans  Touba  a%-ec  lant  d'au- 
tres ouvrages.  Il  nous  faut  néanmoins 
les  faire  connaître  davantage  pour  les 
faire  mieux  apprécier. 

Les  six  parties  qui  composent  ce 
recueil  sont  ordonnées  à  la  vie  purga- 
tive, à  la  vie  iUuminaiiie,  et  à  la  \ie 
uniliie.  —  La  première  partie,  après 
une  préface  sur  la  pureté  de  cœur  qui 
est  la  fin  des  méditations  de  la  vie 
purgative,  donne  tout  d'abord  la  médi- 
tation fondamentale  sur  la  fin  de  F  hom- 
me ;  puis  viennent  les  méditalions  sur 
je  péché  en  général  et   sur  les  fins 


suile 
darnj^^s  ;  celles  qui  snivent  visent  à. 
une  entière  mortiJScatioa  des  vices  et 
des  fassions  déréglées,  et  ont  pour 
ohjeli  F  les  sept  péchés  capitaux,  les 
dit  commandements  de  Dieu,  les  cinq 
seosextérienr-,  et  les  puissances  inlé- 
ri'T  -r:         ■  "     "-samen  de  cons- 

c  r  -  Pênitenie,  la 

"=  .  .  o  les  peines  du 

leaxième,  troisième 

r.  ^--- ......es  comprennent  les 

méditations  de  la  vie  illuminative.  Elles 
ont  pour  but  l'imitation  de  Notre- 
Seigneur,  et  pour  objet  les  mystères 
de  noire  Sauveur  dans  son  Incarnation 
et  sa  vie  cachée,  dans  sa  \ie  publiqie, 
dans  sa  passion  et  sa  mort.  —  La  vie 
glorieuse  de  Jésus-Christ,  et  un  fonde- 
ment dans  la  connaissance  plus  apim>- 
fondie  de  la  Divinité,  des  trois  person» 
nés  divines,  les  perfections  de  Dieu*et 
de  "  ses  bienfaits  soit  naturels  soit 
surnaturels  :  aussi  tel  est  l'objet  des 
médiations  de  la  cinquième  et  de  la 
sixième  parties.  —  L'œuvre  du  Père 
du  Pont  est  donc  complète.  On  a  dit, 
avec  raison,  que  c'étaient  les  exercices 
de  saint  Ignace  étendus  et  expliqués. 
C'est  aussi  la  méthode  de  saint 
Ignace  qu'on  a  suivie  dans  la  rédaction 
ds  ces  méditations  (on  la  trouvera 
exposée  et  développée  dans  la  Préface^ 
qui  est  un  ^Tai  traité  de  l'oraison  men- 
tale, comprenant  56  pages  in-î2  d"un 
texte  très  serré), — Les  vérités  proposées 
avec  toute  la  force  et  la  richesse  qu'on 
peut  attendre  d'ua  savant  théolc^en, 
et  les  applications  très  détaillées  qu'in- 
diqae  l'auteur  prouvent  de  sa  part  une 
longne  expérience  dans  la  conduite  des 
âmes. — Nous  avons  élé  d'abord  surpris 
et  effrayés  de  la  longueur  des  dévelop- 
pemoits  que  le  P.  du  Pont  a  donnés  à 
ses  méditdtions  :  certaines  comportent 
cinq,  six  points,  ou  remplissent  cinq, 
six  pages  :  quelques-unes  vont  jusqu'à 
neof  points,  ou  neuf  pages.  Mais  le 
traducteur  nous  a  répondu  (et  nous 
avwis  admis  ses  réponses):  !•  quun 
discours  n'est  jamais  trop  long,  qui  n'a 
rien  que  de  très  utile  :    2»  que  rien 


230 


LE  PROPAGATEUR 


n'oblige  à  parcourir  tous  ces  points  : 
si  dans  un  seul,  on  trouve  assez  de 
matière  pour  s'entretenir  avec  Dieu, 
qu'on  s'y  arrête  ;  du  reste  chaque  point, 
par  les  considérations  toutes  différentes 
qu'il  contient,  est  une  méditation  com- 
plète, 3»  qu'une  méditation  un  peu 
ample  et  rai&onnée  offre  un  avantage 
considérable  pour  une  infinité  de  per- 
sonnes, qui  peu  capables  au  commen- 
cement de  faire  d'elies-même-  les 
réflexions  nécessaires,  peuvent,  en 
lisant  lentement  et  en  s'appropriant  les 
pensées  et  affections  de  l'auteur,  s'ac- 
coutumer à  méditer,  et  faire  à  la  lin 
toutes  seules,  avec  les  lumières  du 
Saint-Esprit,  ce  qu'elles  ne  faisaient 
d'abord  qu'avec  le  secours  d'un   livre. 

D'ailleurs  nous  lisons  dans  la  préface 

que  cet  ouvrage  a  été  composé  non 
seulement  pour  l'oraison,  mais  aussi 
pour  la  lecture  spirituelle,  "  une  des 
plus  nobles  et  des  plus  utiles  exercices 
de  piété,  "  et  qu'on  p-.urra  également 
l'utiliser  pour  des  exhortations  et  des 
conférences.  C'est  vraiment  une  mine 
féconde  et  inépuisable  à  exploiter. 

Ce  qu'on  devra  surtout  chercher,  ce 
qu'on  trouvera  avec  joie  et  profit  dans 
les  méditations  du  P.  du  Pont,  c'est 
une  explication  fort  nette  et  très  com- 
plète, d'après  le  sens  le  plus  univer- 
sellement reçu  et  approuvé  des  saints 
Pér.s,  des  quatre  Evangiles  et  de  la 
plus  grande  partie  des  actes  des  apô- 
tres. Etudier  et  considérer,  dans  la 
méditation,  avec  un  guide  aussi  éclairé 
et  aussi  pieux  que  noire  vénérable 
auteur,  c'est  assurément  le  moyen  de 
se  procurer  les  plus  vives  lumières  sur 
la  vie  et  la  doctrine  de  Notre-Seigneur 
et  de  goûter  et  d'accepter  avec  amour 
ses  enseignements  et  ses  exemples. 
C'est  à  ce  point  de  vue  que  cet  ouvrage 
se  recommande  tout  spécialement  à 
nos  confrères. 

■  Nous  n'exprimerons,  en  finissant, 
que  deux  regrets.  Nous  demanderons 
aux  éditeurs  pourquoi  ils  n'ont  pas 
emprunté  à  l'édition  française  de  1628 
et  reproduit  dans  leur  nouvelle  édition 
la  "  Table  des  Méditations  sur  les 
Evangiles  des  dimamches  et  fêtes  de 
toute  l'année  selon  l'usage  de  l'Eglise 
romaine  ?  "  Pourquoi  aussi,  en  faveur 
du  clergé,  n'ont-ils  pas  donné  en  latin 
les  citations  de  la  sainte  Ecriture  et 
des  Pères,  soit  en  les  insérant  dans  le 
texte,  soit  en  les  renvoya  it  au  bas  de 
la  page'?    Ils  auraient  pu  mettre  à  l'é- 


dition si  correcte  et  si  vantée  du  P. 
Lehmkuhl. 

Les  abonnés  de  ['Ami  du  clergé  con- 
naissent déjà,  le  recueil  de  méditations 
intitulé  I'Heure  du  matin  :  il  leur  a  été 
signalé  plusieurs  fois  à  la  3«  ou  4«  page 
de  la  couverture  de  notre  chère  Revue  ; 
et  plusieurs  de  nos  confrères  se  sont 
sans  doute  procuré  cet  ouvrage  qu'on 
leur  recommandait  "  d'une  manière 
toute  particulière  "  et  qu'on  leur  disait 
"  de  réelle  valeur,  et  capable  de  faire 
grand  bien  ''  Nous  voudrions  justifier 
cet  éloge  et  faire  apprécier  ce  livre 
commu  il  le  mérite.  —  Disons  d'abord 
que  l'aut'^ur  nous  semble  avoir  parfai- 
tement satisfait  à  un  desideratum,  et 
qu'il  nous  a  donné,  ce  qu'on  ne  trouve 
guère,  un  ouvrage  "  renfermant  des 
trésors  inappréciables  sur  le  sacerdoce, 
son  excellence,  ses  vertus  et  ses  devoirs, 
en  forme  de  Méditations  courtes,  sim- 
ples, subslanlielles  et  pratiques,  et  par 
suite  à  faire  réfléchir  et  à  faire  prier.  " 
— Pour  nous  procurer  une  haute  idée 
du  sacerdoce,  l'auteur  nour  fait  méditer 
sur  les  appels  de  Dieu,  sur  la  clérica- 
lure,  sur  les  ordres  mineurs  et  majeurs, 
et  surtout  sur  la  prêtrise  et  la  fin  qu'elle 
nous  impose,  et  les  pouvoirs  qu'elle 
nous  confère  :  c'est  nous  remettre 
devant  les  yeux  le  nombre  et  la  gran- 
deur des  grâces  reçues,  les  engage- 
ments contractés  et  les  motifs  de  les 
remplir.  —  Après  avoir  considéré  dans 
la  méditation,  c'est-à-dire  sous  le  regard 
de  Dieu  et  l'influence  de  sa  grâce,  on 
peut  envisager  avec  courage  et  con- 
fiance les  devoirs  du  prêtre,  qui  fond 
l'objet  du  second  livide.  Ces  devoirs, 
c'est  premièrement  la  sainteté,  la  sain- 
teté pour  le  bon  e.xemple,  la  sainteté 
par  l'exemption  du  péché  mortel,  et 
par  la  lutte  contre  le  péché  véniel  ; 
c'est  ensuite,  dans  le  détail,  la  science 
qu'il  faut  acquérir  par  l'étude  ;  c'est  le 
zèle  des  âmes,  zèle  sans  tiédeur  ;  c'est 
la  prédication,  l'administration  des  sa- 
crements de  Pénitence,  d'Eucharistie, 
d'Extrême-Onclion  ;  il  y  a  aussi  pour 
le  prêtre  des  devoirs  spéciaux  envers 
les  pauvres  et  envers  les  enfants.  Ces 
devoirs,  l'auteur  nous  en  fait  considérer 
l'importance,  la  nécessité  et  les  diffé- 
rents moyens  de  les  accomplir  totale- 
ment el  eflicacement  :  il  consacre  de 
trois  à  sept  méditations  à  chacune  de 
ces  obligations  ;  et  ces  méditations, 
nous  le  répétons,  sont  courtes,  simples, 
substantielles,  elles   sont  aussi  prati- 


LE  PROPAGATEUR 


231 


ques,  et  d'une  manière  particulière- 
ment intéressante.  Le  choix  des  vérités 
qu'il  rappelle,  et  des  conseils  qu'il 
donne  et  des  applications  qu'il  fait,  est 
inspiré  par  le  sentiment  des  besoins  de 
notre  époque  :  il  signale  les  dangers  et 
les  exigences  créés  par  les  temps  diffi- 
ciles où  nous  vivons  ;  il  indique  les 
"moyens  auxquels  il  faut  recourir  pour 
triompher  des  obstacles  qui  entravent 
maintenant  le  ministère  du  prêtre. — 
C'est  avec  le  même  mérite  d'opportu- 
nité qu'ont  été  rédigées  les  méditations 
du  troisième  livre,  sur  les  vertus  du 
prêtre,  chasteté,  humilité,  boulé,  cha- 
rité envers  le  prochain  et  parliculière- 
ment  envers  les  confrères,  morliflca- 
tion  ;  tell  s  sont  les  vertus  que  notre 
auteur  nous  propose  d'étudier  et  de 
méditer,  comme  étant  celles  qui  nous 
rendront  le  plus  conformes  à  Jésus  et 
le  plus  capables  de  travailler  efficace- 
ment au  salut  des  âmes.  Un  chapitre 
est  consacré  à,la  nécessité  et  aux  mo 
yens  de  combattre  la  passion  dominan- 
te :  quatre  méditations  ont  pour  objet 
"  la  vie  cachée  en  Dieu  avec  Jésus- 
Christ;"  et  enfin  l-es  deux  dernières 
méditations  nous  disent  d'une  façon 
délicieuse  ce  que  doit  être  la  chambre 
du  prêtre  :  une  solitude,  un  temple,  un 
ciel,  et  ce  qu'il  faut  fdire  pour  qu'il  en 
soit  ainsi.  —  Que  dirons-nous  du  qua- 
trième livre  ?  Qu'il  nous  a  fait  le  plus 
grand  bien,  et  que  nous  avons  éprouve 
une  grande  joie  à  revoir,  dans  l'oraison, 
tout  ce  qui  nous  avait  été  enseigné  et 
ce  que  nous  avions  lu  sur  le  règlement, 
et  sur  l'importance  et  la  nécessite  de 
nos  différents  exercices  de  piéle,  et  sur 
le  moyen  de  les  bien  faire.  Aucun  n'a 
été  oublié  :  oraison,  sainte  messe,  office 
divin,  lecture  spirituelle,  visite  au 
Saint-Sacrement,  chapelet,  examen  de 
conscience,  confession  ;  et  rien  de  plus 
solide  et  de  plus  sage  et  de  plus  oppor- 
tun que  les  enseignements  et  conseils 
qui  nous  sont  donnés  sur  cette  matière 
si  importante.  D'aillaurs,  ici  comme 
dans  les  autres  parties  de  l'ouvrage, 
les  textes  de  l'Ecriture  et  des  Pères  et 
et  les  exemples  des  Saints  sont  invo- 
qués dans  une  large  mesure,  et  com- 
muniquent aux  méditations  de  l'Heure 
du  malin  une  lumière  qui  convainc 
l'esprit  et  une  onclion  qui  pénètre  la 
volonté.  Dans  le  dernier  chapitre,  notre 
auteur  nous  entrelient  et  de  la  retraite 
annuelle  et  de  la  retraite  du  mois  : 
dans  un  appendice,  il  donne  le  Direc- 


toire de  la  retraite  mensuelle  ;  et  il 
termine  son  ouvrage  par  douze  médita- 
tions sur  les  grandes  vérités  de  la  reli- 
gion, c'esl-à-dire  sur  les  fins  dernières. 
Ce  sont  ces  méditations  qui  doivent 
surtout  servir  pour  les  retraites  :  et  il 
est  bon  d'y  recourir  en  d'autres  ttmps  : 
"  Memorare  novissima  tua,  et  in  aster- 
num  non  peccabis.  " 

Avec  VH':ure  du  matins  finit  la  caté- 
gorie des  Recueils  complets  de  médita- 
lioa.  Nous  avons  signalé  ceux  qui 
nous  semblaient  dignes  de  l'être  ;  nous 
les  avons  analysés  et  appréciés  assez 
ionguement.  Il  nous  a  paru  que  nous 
devions  nous  étendre  ainsi  pour  faire 
connaître  suffi3amm"nl  le  contenu  et 
le  genrd  de  l'ouvrage  :  c'est  ce  que 
nous  aimons  nous-mème  trouver  dans 
un  compte-rendu  ;  c'est  ainsi  que  nous 
comprenons  un  article  bibliographique. 
Que  si  quelques-uns  de  nos  lecteurs 
désirent  plus  que  des  renseignements 
qui  leur  permettent  de  faire  eux-mêmes 
leur  choix,  s'ils  nous  demandent  d'in- 
diquer nos  préférences,  de  choisir  pour 
eux,  voici  c^  que  nous  croyons  pouvoir 
ajouter. 

Nous  ne  condamnons  pas  absolu- 
m-:;nt,  au  sujet  de  l'auteur  qui  nous 
fournit  nos  thèmes  de  méditation,  la 
variété  et  le  changement  :  car  nous 
n'osons  pas  affirmer  quMl  y  a  un  auteur 
assez  complet  pour  satisfaire  à  tous  les 
besoins,  à  toutes  les  exigences  des 
différents  sujets  el  des  différentes  situa- 
tions ;  ou  que  cet  aut-'ur  devra  plaire 
toujours,  et  qu'il  n'y  aura  pas  quelque- 
fbis  un  véritable  profit  à  quitter,  défini- 
tivement ou  momentanément,  un 
ouvrage  pour  un  autre.  Mais  nous 
recommandons  instamment  à  nos  con- 
frè.es,  et  surtout  aux  plus  jeunes,  de 
s'attacher  d'une  manière  toute  par- 
ticulière à  un  Recueil  très  complet 
qu'ils  auront  choisi  conforme  a  leur 
trempe  d'esprit  et  à  leur  caractère, 
auquel  ils  demanderont  habituellement 
leur  sujet  d'ora;son  en  suivant  l'ordre 
de  l'auteur,  et  qu'ils  ne  délaisseront 
que  provisoirement  pour  faire  face  à 
certains  besoins  du  moment,  pour  mé- 
diter par  exemple,  d'après  un  ouvrage 
spécial,  sur  telle  et  telle  vertu,  telle 
ou  telle  obligation,  —  Ces  recueils  très 
complets  qui  comprennent  à  la  fois  et 
une  série  de  méditations,  dans  un  ordre 
logique,  sur  toutes  les  vérités  de  la 
spiritualité  chrétienne  et  ecclésiastique, 
et  des  méditations  pour  les  principales 


232 


LE  PROPAGATEUR 


fêtes  de  l'année  et  sur  les  principaux 
saints,  sont  au  nombre  de  trois  :  Bua- 
velel,  Branchereau,  Chaignon.  El  nous 
inclinons  à  croire  (|ue  ces  trois  auteurs 
se  partagent  la  faveur  des  Grands- 
Séminaires  en  France. 

Si  donc  nos  jeunes  confrères  ont 
constaté  que  Fauteur  suivi  dans  leur 
Grand-Séminaire  les  a  puissamment 
aidés  à  faire  de  bonnes  méditations, 
qu'ils  lui  demeurent  fidèles  :  il  conti- 
nuera à  être  pour  eux  une  mine  d'au-' 
tant  plus  facile  à  exploiter  qu'ils  la 
connaîtront  mieux  et  qu'ils  seront  plus 
familiarisés  avec  les  pensées  et  les 
procéflés  de  l'auteur.  Si  on  gagne 
beaucoup  à  relire  plusieurs  fois  un  bon 
livre,  parce  qu'une  lecture  subséquente 
nous  montre  toujours  une  nouvelle 
vérité,  un  nouveau  point  de  vue,  une 
nouvelle  conséquence  qui  nous  avait 
échappé  jusque-là,  à  plus  forte  raison 
cela  est-il  vrai  de  la  méditation  qui 
nous  fait  scruter,  avec  toutes  les  res- 
sources de  la  nature  et  avec  les  secours 
de  la  grâce,  un  texte  ordinairement 
riche  dfjà  par  lui-même,  et  enrichi  de 
plus  par  les  citations  de  la  sainte 
Ecritudre,  des  Pères,  des  Saints,  des 
Conciles.  —  Si  au  contraire,  cher  lec- 
teur, l'ouvrage  qui  vous  a  fourni  pen- 
dant quatre  ou  cinq  années  le  thème 
de  vos  méditations  vous  a  paru  trop 
court,  trop  doctrinal  et  pas  assez 
onctueux,  profitez  de  votre  expérience. 
Laisf  ez  Beuvelet  pour  Branchereau  ou 
Chaignon  :  ceux-ci,  nous  l'avons  dit, 
sont  plus  développés,  celui-là  est  très 
concis  et  exige  ^p  travail  personnel, 
très  profitable  assurément,  mais  diffi- 
cile à  certains  esprits.  Si  vous  croyez 
avoir  besoins  de  ces  longs  développe- 
ments que  donnent  Branchereau  et 
Chaignon  à  leurs  sujets  de  méditations, 
choisissez  l'un  ou  l'autre  :  si  Branche- 
reau pi-ndant  vos  années  de  séminaire 
vous  a  paru  trop  sec,  trop  aride,  prenez 
Chaignon,  qui  comme  nous  l'avons  vu, 
développe  aussi  longtemps  les  actes 
de  la  volonté  que  les  réflexions  de  l'in- 
telligence. Mais  si  d'autre  part  vous 
vous  êtes  reconnu  assez  de  facilité  pour 
ce  travail  de  réflexions  et  d'affections 
personnelles,  conservez  ou  essayez 
Beuvelet.  Nous  vous  souhaitons  qu'il 
reste  ou  qu'il  devienne  le  manuel 
ordinaire  de  vos  méditations. 

Nous  avons  dit  :  manuel  ordinaire  ; 
car,  encore  une  fois,  nous  admettrons 
facilement  qu'il  peut  être  très  avanta- 


geux pour  l'âme  (comme  pour  le  corps) 
de  changer  de  régime,  et  de  prendre 
quelquefois  une  nourriture  autrement 
préparée,  c'est-à-dire  des  enseignements- 
présentes  d'une  manière  différente, 
nouvelle,  et  qui  pour  cela  même  sera 
plus  saisissante.  Pour  cette  raison, 
nous  vous  engageons  à  échanger  pour 
un  temps  Beuvelet  pour  V Heure  dut 
malin  :  ces  deux  ouvrages  appartien- 
nent du  reste  à  la  même  catégorie,  celle 
des  méditations  courtes  et  substan- 
tielles, et  ce  dernier  oAre  des  avantages 
spéciaux,  mentionnés  plus  haut,  qui 
le  rendent  digne  d'être,  l'espace  d'une 
année,  le  suppléant  intérimaire  de 
Beuvelet.  —  D'après  ce  que  nous  avons 
dit  des  Méditations  sacerdotales  de 
Décrouille,  elles  ne  font  pas  double 
emploi  avec  celles  de  Beuvelet,  de 
Branchereau,  ou  de  Chaignon  :  elles 
peuvent  nous  aider  beaucoup  à  nous 
renouveler  dans  la  ferveur  de  notre 
première  messe  ;  elles  sont  du  reste 
suffisamment  riches  de  iJonnes  pensées 
et  de  bonnes  applications  ;  elles  ne  sont 
ni  trop  longues  ni  trop  brèves:  autant 
de  raisons  pour  qu'elles  aussi  se  subs- 
tituent dans  une  certaine  mesure,  pour 
un  certain  temps,  au  manuel  ordinaire. 
— Le  V.  Père  du  Pont  est  complet,  très 
riche,  très  fort  et  très  méthodique  en 
ce  qui  regarde  les  vérités  de  la  triple 
î  vie,  purgative,  illuminative  et  unilive  : 
mais  il  n'a  rien  de  spécial  pour  la 
liturgie,  les  fêtes  de  Notre-Seigneur, 
de  la  sainte  Vierge  et  des  saints,  et 
c'est  pour  cela  que  nous  ne  l'avons 
pas  rangé  parmi  les  Recueils  1res  com- 
plels  :  mais  il  sera,  si  l'on  veut,  le  très 
utile  complément  soit  de  Décrouille, 
soit  de  Hamon,  soit  de  Bronchain, 
ceux-ci  étant,  pour  ainsi  dire,  liturgi- 
ques, et  nous  donnant  tout  lé  néces- 
saire sur  le  propre  du  temps  et  le 
propre  des  saints.  Mais,  de  plus,  le 
Père  du  Pont,  dans  les  2%  3«,  4«,  5«, 
parties  de  son  ouvrage,  nous  offre  sur 
les  Mystères  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  sur  sa  vie  cachée,  sa  vie  publi- 
que, sa  vie  souffrante  et  sa  vie  glorieuse 
en  un  mot  sur  tout  l'Evang'le,  une 
série  de  méditations  qu'on  ne  trouvera 
peut-être  pas  ailleurs,  aussi  solides, 
aussi  complète  ;  et  à  ce  titre  l'ouvrage 
du  P.  du  Pont  me  parait  mériter  la 
môme  faveur  que  Décrouille  et  l'Heure 
du  matin,  celle  de  pouvoir  remplacer 
pour  un  temps  l'auteur  choisi  pour 
manuel  ordinaire. 


LE    PROPAGATEUR 

Volume   IV,  15  Juin,  1893,  Numéro  8 

BULLETIN 


8  juin  1893. 

*/  Nous  publions  les  deux  dépêches  suivantes  adressées  à  la 
Croix.  Elles  sont  relatives  au  Congrès  Eucharistique  db  Jérusalem 
L'une  parle  de  l'entrée  du  légat  à  Jérusalem,  et  l'autre  annonce 
la  fin  des  travaux  du  Congrès.  Nous  pourrons  probablement 
donner  des  détails  dans  le  prochain  numéro. 

Jérusalem,  14  mai,  4  h  soir 

L'entrée  du  Légat  a  élé  splendide  :  elle  s'est  effectuée  selon  le  pontifical,  à 
cheval  et  sous  un  dais.  Elle  dépasse  immensément  en  beauté,  la  réception  mém'o- 
rable  de  l'empereur  d'Autriche  en  1863.  Quelques  prélats  dissidents  saluent  en 
dehors  de  la  ville  le  cardinal  qui  porte  ses  ornements  pontificaux.  Le  consul 
français  et  tout  le  personnel  du  consulat  en  grande  tenue  représentent  le  pro- 
tectorat. Les  délégués  des  consulats  de  toutes  l-is  puissances  sont  présents.  Les 
autorités  et  l'armée  turque,  avec  deux  généraux,  les  officiers  de  la  marine  fran- 
çaise, font  escorte  avec  la  population  entière. 

Le  patriarche  reçoit  le  légat  à  la  porte  de  Jérusalem,  avec  cinquante  évoques 
tout  son  clergé,  les  communautés,  et  des  pèlerins  de  toutes  les  nations.  ' 

De  toutes  parts  s'élèvent  des  acclamations  enthousiastes  :  "  Vive  Léon  XIII  ! 
Vive  le  Légat  !  "  On  se  rend  en  procession  solennelle  au  Saint  Sépulcre,  où  l'on 
chante  le  Te  Deum 

L'impression  est  immense.  Grande  journée  pour  l'Eglise  et  pour  la  France 
Ordre  parfait.  .  y.  de  P.  Bailly. 

Jérusalem,  21  mai  5  h.  soir 

Le  Congrès  a  été  couronné  admirablement  samedi  par  un  magnifique  discours 
du  cardinal  légat  et  par  les  acclamations  Hturgiques  aux  prélats  chantées  par 
les:religieeux  de  l'Assomption.  Ensuite  a  eu  lieu  une  splendide  procession  du 
Saint-  Sacrement  à  Saint-Etienne.  A  minuit,  chant  des  matines  de  la  Pentecôte 
sous  la  grande  tente,  au  mont  Sion,  près  du  Cénacle.  Messes  innombrables.' 
Jubilation  universelle. 

Bailly 
* 

*/  Les  élections  générales  de  l'empire  d'Allemagne  ont  lieu  le 
15  de  ce  mois.  Encore  quelques  jours  et  nous  saurons  si  le  milita- 
risme l'a  emporté  et  si  ce  fléau  va  continuer  à  appauvrir  le  pays 
par  les  charges  écrasantes  dont  il  est  la  cause.  L'agitation  est  con- 
sidérable et  chaque  parti  fait  des  efforts  inouis  pour  le  triomphe 
de  ses  idées.  Les  socialistes  notamment  déploient  une  activité  ex- 
traordinaire et  ils  espèrent  augmenter  considérablement  le  nombre 
de  leurs  députés.  Ils  étaient  37  dans  le  dernier  Reichstag  et  ils 
prédisent  qu'ils  seront  75  après  les  nouvelles  élections. 

15 


234  LE  PROPAGATEUR 


Si  les  apparences  ne  sont  pas  trompeuses,  le  gouvernement  sera 
défait.  Les  divers  états  de  l'empire  se  défient  de  la  Prusse  et  de  son 
hégémonie.  (1)  La  prééminence  qu'ils  lui  ont  donnée  au  lende- 
main de  la  guerre  franco  prussienne, dans  l'enthousiasme  ir- 
réfléchi de  la  victoire, leur  inspire  des  craintes  sérieuses.    Il 

est  probable,  disent  les  dépêches,  que  plusieurs  d'entre  eux  profi- 
teront de  la  circonstance  pour  secouer  le  joug  de  fer  qui  se  fait 
sentir  plus  pesant  de  jour  en  jour. 

Le  spectre  de  la  France,  prête  à  envahir  les  provinces  annexées 
n'inspire  plus  les  mêmes  terreurs.  Les  populations  commencent  à 
s'apercevoir  que  cette  invasion  est  plus  problématique  que  jamais 
et  que  celte  nouvelle  est  une  pure  invention  de  la  Prusse  et  de  son 
souverain. 

Ainsi  tout  fait  présager  une  défaite  pour  le  gouvernement  et  un 
affront  pour  Guillaume. 

Nous  avons  hâte  de  voir  si  le  Centre  (2)  va  se  diviser  et,  par 
conséquent,  annihiler  son  influence,  ou  si,  fier  de  son  glorieux 
passé,  il  va  rester  uni  comme  aux  jours  de  Windthorst.  Dans  ce 
cas  il  pourra  combattre  efficacement  les  mesures  tyranniques,  et 
obtenir  le  redressement  des  torts  et  le  rappel  des  loi  persécutrices. 

* 

*,*  Aux  dernières  élections  du  barreau  delà  province  de  Québec 
ont  été  élus  : 

\o  Bâtonnier  général,  l'honorable  Thomas  Chase  Casgrain, 
avocat  de  Québec,  et  procureur-général  dans  le  ministère  Taillon. 

2^  Secrétaire  général,  M.  W.  C.  Languedoc,  C.  R.  avocat  à  Québec. 

*,*  En  Italie  la  chambre  des  députés,  à  une  majorité  de  5  voix, 
a  rejeté  le  budget  de  la  justice.  La  mesure  ministérielle  a  réuni 
133  votes  et  138  votes  l'ont  repoussée. 

Le  ministère  a  alors  donné  sa  démission  que  le  roi  a  refusé 
<3'accepter.  Après  bien  des  pourparlers  et  une  grande  hésitation 
l'ex-premier  ministre  Giolitti  a  enfin  consenti  à  former  une  nou- 
velle administration. 

Elle  est  composé  comme  suit  : 

Président  du  conseil  et  ministre  de  l'intérieur,  Giovanni  GioliUi. — Ministre 
des  affaires  étrangères,  Benedetto  Brin.  —  Finances,  Sénateur  Gagliardo.  —  Jus- 
tice et  affaires  ecclésiastiques,  Sénateur  Canonico.  —  Guerre,  Général  Luigi 
Pelloux.  —  Marine,  Amiral  Racchia. —  Commerce,  industrie  et  agriculture,  Piè- 
tre Lacava. —  Instruction  publique,  Ferdinand©  Martini.  —  Travaux  publics, 
Francesco  Genala.  —  Postes  et  télégraphes,  Camillo  Finocchiaro-Aprile.  —  Tré- 
sorier, Bernardino  Grimaldi. — 

(1)  La  victoire  du  gouvernement  sera  le  triomphe  de  la  Prusse,  et  sa  défaite 
sera  l'amoindrissement  de  son  influence. 

A  l'exception  des  vieilles  provinces  prussiennes,  des  provinces  rhénanes  et  de 
la  Saxe,  tous  les  états  ont  volé  contre  la  loi  militaire  dans  le  dernier  Reichstag, 
La  députalion  de  la  Bavière  n'a  donné  qu'un  vote  pour  la  loi  et  34  contre. 

(2)  Dans  le  manifeste  qu'il  a  publié,  il  se  déclare  contre  la  loi  mihtaire. 


LE  PROPAGATEUE  235 


*/  La  législature  de  la  province  d'Ontario  a  été  prorogée  sa- 
medi, le  27  mai.  Elle  siègait  depuis  le  4  avril.  La  principale  me- 
sure de  la  session  est  une  loi  concernant  le  commerce  des  liqueurs 
fortes.  En  vertu  de  cette  loi  la  question  de  la  prohibition  de  ce 
commerce  sera  soumise  à  un  plébiscite.  Pourront  voter  dans 
cette  circonstance  les  gens  ayant  droit  de  vote  aux  élections  par- 
lementaires et  les  veuves  et  filles  ayant  droit  de  vote  aux  élections 
municipales.  La  votation  se  fera  en  janvier  prochain. 

Le  gouvernement  doit  faire  décider,  le  plutôt  possible,  si  une 
législature  provinciale  a  le  droit  constitutionnel  de  prohiber  le  com- 
jiierce  des  boissons  enivrantes. 

•■,*  La  société  Royale  du  Canada,  réunion  de  savants,  d'histo- 
riens et  de  littérateurs,  a  eu  son  assemblée  annuelle  à  Ottawa  à  la 
fin  de  mai.  Les  officiers  suivants  ont  été  élus  pour  former  le  bu- 
reau central  de  direction  : 

1°  Président,  le  Dr  George  Dawson  ;  2°  Vice-président,  M.  J  M- 
Lemoine  ;  3°  Seciétaire-général,  M.  J.  G.  Bourinot  ;  4°  Trésorier, 
•M.  le  professeur  Selwyn. 

La  section  française  a  nommé  : 

l''  Président,  M.  le  sénateur  Joseph  Tassé,  rédacteur  en  chef  de 
la  Minerve  ;  2°  Vice-président,  M.  l'abbé  Verrault,  princi[al  de  l'é- 
cole normale  Jacques-Cartier,  à  Montréal  ;  3°  Secrétaire,  M.  J.  E. 
Roy,  notaire  à  Lévis.  M.  Roy  est  aussi  membre  de  la  chambre  des 
notaires  et  secrétaire  de  la  commission  de  législation  de  cette 
chambre. 

Mgr  Obrien,  archevêque  catholique  d'Halifax,  Nouvelle-Ecosse, 
le  Dr  N.  E.  Dionne,  journaliste  et  bibliothécaire  de  la  législature 
de  Québec,  et  le  Dr  S.  E.  Dawson,  imprimeur  de  la  Reine,  ont  été 
nommés  membres  de  la  société.  , 


Sont  nommés 


P  Gouverneur-Général  du  Canada,  Lord  Aberdeen.  Cette 
nomination,  qui  avait  été  erronément  annoncée  dans  le  cours  de 
l'hiver  dernier  (l),  est  enfin  confirmée  officiellement.  Lord  Aber- 
deen a  siégé  comme  conservateur  à  la  chambre  des  Lords,  mais 
il  a  adopté  plus  tard  le  parti  libéral. 

Le  gouverneur  actuel,  lord  Derby,  ci-devant  baron  Stanley  de 
Preston,  a  été  nommé  en  1888. 

2°  Commandant  des  forces  du  Canada,  le  major  général  Alex- 
ander  Montgomery  Moore.  Il  remplace  Sir  John  Ross.  Le  nouveau 
commandant  est  entré  dans  l'armée  en  1850  avec  le  grade  de 
second  lieutenant.  Il  a  été  promu  au  grade  de  major  général  en  1884. 

(1)  Voir  Vol.  3,  No.  24,  page  739. 


236  LE  PROPAGATEUR 


3°  Juge  de  la  Cour  de  comté  de  l'Ouest  du  Manitoba,  M.  T.  D^ 
Cumberland,  avocat  de  Winnipeg.  Il  remplace  le  juge  Walker». 
Ce  dernier  remplace  à  Winnipeg  le  juge  Ardagh  décédé  derniè- 
rement. 

4°  Conseil  de  la  Reine,  M.  George  Duval,  rapporteur  ofiBciel 
de  la  Cour  Suprême  du  Canada. 

5°  Recorder  de  la  ville  de  Longueuil,  Alexandre  Jodoin,  avocat. 
M.  Jodoin  est  né  à  LongueuiL  H  a  fait  ses  études  classiques  au 
séminaire  de  Québec,  et  ses  études  légales  à  l'Université  Laval  à 
Montréal.  M.  Jodoin  est  un  ancien  journaliste.  En  collaboration 
avec  monsieur  Joseph  Louis  Vincent,  percepteur  du  revenu  in- 
térieur, il  a  écrit  une  histoire  de  sa  ville  natale. 

* 

*/  Sont  décédés  : 

1°  Mgr  François  de  Salles  Albert  Leuillieux, —  archevêque  de 
Chambéry,  Savoie.  Il  est  né  à  St  Orner,  département  du  Pas-de- 
Calais,  le  17  décembre  1823.  Il  a  fait  ses  études  classiques  à  St 
Orner  etàArras  et  ses  études  théologiquès  au  séminaire  Saint  Sul- 
pice.  Mgr.  Sibour,  archevêque  de  Paris,  l'ordonna  prêtre  le  2â 
décembre  1848.  11  fut  nommé  évêque  de  Carcassonne  en  1873, 
étant  alors  curé  de  St  Nicolas  de  Boulogne  sur  Mer,  et  il  fut  sacré 
par  Mgr.  de  la  Tour  d'Auvergne.  Il  devint  archevêque  de  Cham- 
bérven  1881. 

2°  Mgr.  Jean  Natalis  François  Gonindard,  archevêque  de  Reunes,, 
département  d'Ile-et-Vilaine,  France.  Il  est  mort  subitement  dans 
la  cour  de  la  gare  de  Rennes.  Il  venait  de  donner  la  confirmation 
dans  les  environs  de  sa  ville  épiscopale.  Il  n'était  archevêque  de 
Eennes  que  depuis  le  5  mars  dernier,  ayant  remplacé  le  cardinal 
Place  dont  il  était  coadjuteur,  avec  future  succession,  (iepuis  le 
17  mai,  1887.  Il  est  mort  le  17  mai,  juste  six  ans  depuis  sa  nomi- 
nation comme  coadjuteur. 

Mgr.  Gonindard  est  né  à  Perreux,  département  de  la  Loire  le 
31  décembre  1837. 

Il  fit  ses  études  au  petit  Séminaire  de  Montbrison  et  il  fut  or- 
donné prêtre  en  1861  et  nommé  évêque  de  Verdun  le  31  décembre 
1884.  Voici  ce  que  dit  la  "  Croix  "  de  cet  homme  distingué  : 

«•  Orateur,  écrivain,  adminislrateur  paternel,  doué  d'une  inépuisable  charité, 
il  était  l'homme  de  tous  et  surtout  l'homme  des  petits  et  des  humbles.  Personne 
mieux  que  lui  ne  savait-aller  au  peuple" 

3*>  M.  Seismit-Doda,  ancien  ministre  des  finances  d'Italie.  Il 
faisait  partie  du  ministère  Crispi  en  1890.  Il  en  fut  expulsé  par  ce 
que,  dans  un  banquet,  il  n'avait  pas  protesté  contre  certaines 
manifestations  irrédentistes. 

40  A  Londres  Mgr  (Lord)  Petre,  prélat  de  la  maison  du  pape.  Il 
faisait  partie  de  la  chambre  des  Lords. 

Il  était,  dit  La  Croix,  le  seul  prêtre  qui,  depuis  la  prétendue  Réforme,  siégeât 
au  Parlement.  Il  a  créé  en  Angleterre  de  nombreuses  institutions  d'enseigne- 
ment et  de  bienfaisance. 


M 


LE  PROPAGATEUR  237 


5®  M.  François  Xavier  Valade,  notaire  et  ancien  inspecteur  d'é- 
coles. M.  Valade  est  né  à  Terrebonne  le  8  octobre  18J3.  Comme 
beaucoup  d'autres  hommes  distingués  il  fat  instituteur  dans  sa 
.jeunesse.  Nommé  plus  tard  inspecteur  d'écoles  il  en  a  rempli  les 
fonctions  pendant  plus  de  40  ans. 

6°  M.  D.  Gorey  rédacteur  du  "  Bedford  Times." 

7*^  Mr  Charles  François  Gauthier,  à  l'âge  de  114  ans  et  10  mois. 
Il  était  l'homme  le  plus  âgé  du  Canada.  En  1837  il  a  combattu  à 
St  Charles  du  Richelieu.  Il  est  mort  dans  celte  paroisse  il  y  a 
quelques  jours. 

8*^  M.  E.  S.  Darche,  conservateur  des  hypothèques  (régistrateur) 
du  comté  de  Wolfe. 

2'^  A  St  Boniface,  Manitoba,  Reine  Lagimodière  à  l'âge  de95  ans. 
Elle  est  la  première  personne  de  race  blanche  qui  soit  née  au 
Manitoba. 

10  François-Xavier  Archambault,  avocat  et  conseil  de  la  Reine. 
Il  est  né  à  St  Vincent  de  Paul  an  1842  et  il  a  étudié  au  séminaire 
de  Ste-Thérèse.  Il  a  été  admis  au  barreau  en  1863. 

M.  Archambault  a  représenté  le  comté  de  Vaudreuil  dans  l'as- 
semblée législative  de  Québec. 

Alby. 


Histoire  da  Bréviaire  romain,  par  Pierre  Batiffol, 

du  clergé  de  Paris,  docteur  es  lettres.  Paris,  1893,  in-l2  de  xiv- 
356  p.  —Prix  :  88  cts. 

Par  "  Breviarium  "  on  entend  la  rédaction  concise,  restreinte,  unifiée,  d'élé- 
ments nombreux  puisés  à  diverses  sources.  Ecrire  VHisloire  du  Bréviaire 
romain,  ou  du  bréviaire  de  l'oEQce  canonique  romain,  suppose  donc  la  connais- 
sance préalable  des  principes  constitutifs  de  cet  office,  tant  dans  leur  formation 
évolutionnelle  que  dans  le  détail  précis  de  leurs  pariies.  C'est  ce  qui  nous  vaut 
tout  d'abord  dans  l'ouvrage  de  M.  l'abbé  Batiffol  un  exposé  aussi  intéressant 
que  savant  de  la  genèse  des  heures  canoniques.  Marchant  sur  les  traces  des 
cardinaux  Bona  et  Tommasi,  des  Thomassin,  des  Mabillon  et  des  Duchesne, 
l'auteur  reconstitue  sous  nos  yeux,  avec  une  sûrelé  de  touche  et  une  lucidité 
prestigieuses,  les  antiques  réunions  chrétiennes  où  nos  pères  dans  la  foi  louaient 
ensemble  le  Seigneur  "  in  hymnis  et  canticis.  "  Aux  vigiles  dominicales  nées 
de  la  grande  vigile  pascale,  s'ajoutèrent,  sous  de  pieuses  influences,  dès  le 
second  siècle,  les  anniversaires  des  martyrs.  Les  prières  des  premiers  ascètes, 
perdant  ensuite  leur  caractère  privé,  ne  tardèrent  pas  à  développer  encore  le 
cycle  quotidien  de  la  prière  publique,  et  l'on  eut  ainsi  :  "  Vêpres,  nocturne, 
laudes,  tierce,  sexte  et  none  "  par  l'adjonction  de  leurs  oraisons  diurnes  à  l'offi- 
ce primitif  de  la  vigile.  L'origine  des  deux  autres  heures,  prime  et  compiles,  se 
retrouve  dans  les  usages  des  maisons  monastiques.  Telle  est  la  part  respective 
de  l'ancienne  Eglise  et  du  monachisme  dans  la  constitution  de  l'office. 


■m 
238  LE  PROPAGATEUR 

Le  clergé  de  chaque  titre  presbytéral  romain  célébrait  quotidiennement  les 
vigiles  et  suffisait  à  ce  devoir  el  aux  besoins  quasi  paroissiaux  qu'il  avait  h 
satisfaire  ;  des  monastères  basilicaux  furent  postérieurement  fondés  dans  le- 
but  de  le  suppléer  dans  la  psalmodie.  L'érection  de  ces  monastères  d'un  genrer 
spécial  fut  d'abord  réservée  aux  églises  situées  hors  les  murs  et  ne  remonte  guère 
qu'au  vue  siècle  pour  les  basiliques  inlra  muros.  Par  eux  s'accomplit  unel^nte 
mais  considérable  révolution  liturgique,  résultant  de  la  juxtaposition  des  heiires 
monastiques  à  l'office  traditionnel  des  clercs.  Leur  action  fut  immense,  et  la 
"  scola  "  de  Saint-Pierre,  en  conséquence  de  l'admiration  attachée  à  la  perfection 
de  ses  chants,  noa  moins  qu'en  raison  des  privilèges  résultant  de  la  dévotion 
universelle  envers  l'Apôtre,  devint  comme  la  source  autorisée  de  l'office  ecclé- 
siastique.— Nous  n'avons  pas  craint  d'entrer,  à  la  suite  de  M.  BatifFol,  dans 
quelques  détails,  car  il  importait  de  bien  faire  ressortir  la  formation  de  cet 
office  romain  que  les  moines  anglo-saxons  répandirent  dans  toutes  leurs  missions 
et  que  les  rois  carolingiens  favorisèrent  exclusivement.  L'auteur  en  fait  plus 
loin  une  minutieuse  analyse  :  Office  commun  du  temps,  éléments  et  distribution 
de  la  psalmodie,  leçons,  répons  ;  Fêles  du  temps  et  stations  ;  Offices  des  saints, 
fêtes  majeures  et  fêtes  mineures  (avec  les  transformations  signilicatives  du  férial), . 
et  calendrier  sanctoral  romain.  C'était  là  un  ensemble  admirable,  où  Rome 
"avait  mis  le  meilleur  de  sa  littérature  et  de  son  histoire  ;  la  marque  de  sa  piété 
directe  et  simple  ;  de  son  esthétique  restée  sensible  aux  compositions  sobres,,, 
larges  et  harmonieuses,  de  sa  langue  brève,  claire,  concrète,  bibhque  de  lexique,, 
hiéronymienne  de  tour,  rythmique  de  nombre. ..enfin  et  surtout  de  sa  cantilène... 

Jusque  vers  la  fin  du  xiie  siècle,  l'office  romain,  tel  qu'il  existait  à  Rome  à 
l'époque  de  Gharlemagne,  ne  subit  pas  de  notable  modification.  M.  Batiffol  en 
fournit  la  preuve  au  moyen  d'une  argumentation  assez  subtile,  dans  les  détails 
de  laquelle  nous  ne  pouvons  entrer  ici,  mais  dont  les  conclusions  sont  de  la  plus 
grande  vraisemblance.  Peu  à  peu  un  office  moderne  s'est  constitué  pourtant, 
transformation  ultramontaine  de  l'office  romain  du  viiie  siècle,  et,  pour  en  faci- 
liter la  récitation,  on  conçut  l'idée  d'un  volume  portatif  qui  réunirait  les  divers 
extraits  tirés  des  nombreux  livres  contenant  les  parties  de  la  prière  ecclésiastique. 
Ce  fut  Innocent  III  qui  entreprit  au  xiue  siècle  cette  utile  compilation  ;  les  Mi- 
neurs s'en  servirent  depuis  Grégoire  IX  et,  la  popularisant  de  plus  en  plus 
contribuèrent  par  leur  exemple,  sous  Nicolas  III,  à  la  faire  adopter  de  la  curie 
romaine  elle-même.  Il  faudrait  maintenant  relever  avec  l'auteur  les  fades  tenta- 
tives des  humanistes,  désireux  de  donner  au  style  rude  et  massif  de  cette  pre- 
mière œuvre  quelque  chose  de  la  langue  précieuse  qu'ils  affectionnaient,  con- 
stater les  retours  en  arrière,  les  corrections  historiques,  les  modifications  litur- 
giques amenées  par  l'introduction  de  nouveaux  offices  de  saints,  étudier  la 
tentative  hardie  de  Quinonez,  les  bréviaires  gallicans,  les  travaux  de  la 
Congrégation  de  réforme  instituée  par  Benoit  XIV  ;  le  même  intérêt  puissant  se 
maintient  ou  plutôt  s'accentue  à  chaque  page.  Nous  ne  ferons  pas  à  M.  Batiffol 
le  reproche  de  ne  pas  avoir  conclu  :  il  se  défend,  sans  doute,  d'avoir  fait  autre 
chose  qu'une  œuvre  d'archéologue  ou  d'historien  littéraire  ;  ma'S  sa  réserve 
vouflue,  sa  prudence  bien  compréhensible  dans  d'aussi  délicates  questions,  ne 
l'ont  pas  empêché  de  témoigner  une  estime  significative  pour  les  vieux  éléments 
romains  conservés  dans  le  bréviaire  du  concile  de  Trente  et  de  laisser  entrevoir,, 
avec  une  transparence  suffisante,  ses  appréciations  personnelles  sur  divers 
points  et  en  particulier  sur  la  quasi  disparition  des  offices  de  férié.      G.  Péries» 


DON  SARDA  Y  SALVANY 

LE  MAlT  SOCIAL 

SES  CAUSES -SES  REMEDES 

MÉLANGES    ET    CONTROVERSES    SUR     LES    PRINCIPALES    QUESTIONS    RELI- 
GIEUSES ET  SOCIALES  DD  TEMPS  PRÉSENT 


Seule  traduction  française  autorisée 
3  voL  in-12 Prix  S1.88- 

I.*artlcle  qnl  suit  est  extrait  de  ce  livre. 

LES  MAUVAIS  JOURNAUX 

Je  crois,  ami  lecteur,  que  si  Salan  avait  dû  s'incarner  d'une 
façon  digne  de  sa  perversité  et  de  sa  haine  pour  Dieu  et  pour  le 
genre  humain,  il  se  serait  incarné  dans  un  mauvais  journal.  En 
parcourant  par  l'imagination  tout  le  mal  que  l'enfer  a  vomi  sur 
la  face  de  la  terre  depuis  le  péché  d'Adam  jusqu'aux  blasphèmes 
du  temps  présent,  je  ne  rencontre  rien  de  si  diaboliquement  cor- 
rupteur qu'un  journal  impie.  Ainsi  doivent  également  l'avoir 
compris  les  ennemis  de  notre  foi  et  de  la  félicité  de  l'homme, 
puisqu'ils  se  sont  mis  dès  la  première  heure  à  inonder  le  monde 
de  ce  funeste  poison.  Ce  genre  abonde,  et  de  même  que  ceux-là 
ne  sont  pas  les  seuls  voleurs  qui  vont  en  prison,  puisqu'il  en  est 
beaucoup  qui  s'en  vont  triomphants  à  travers  les  rues  et  les  places 
publigues,  ainsi  n'est  pas  seulement  votre  ennemi,  et  l'ennemi  de 
votre  foi,  le  journal  prohibé  par  l'Eglise,  mais  vous  en  tenez  chaque 
jour  un  grand  nombre  entre  vos  mains,  qui  méritent  votre  exécra- 
tion. Je  vais  donc  vous  parler  des  mauvais  journaux  en  généraL 

Le  journal  se  réduit  à  quatre  pages  environ  de  papier,  bien  ou 
mal  écrites,  plus  ou  moins  bien  imprimées,  qui  pénètrent  chaque 
matin  au  foyer,  dans  l'atelier  ou  dans  le  magasin  de  trois,  quatre 
ou  cinq  mille  fils  du  peuple.  Le  journal  est  donc  un  hôte  que  vous 
admettez  tous  les  jours  dans  votre  maison,  pour  vivre  avec  lui 
depuis  le  matin  jusqu'au  soir,  et  avec  lequel  votre  femme,  vos  fils 
et  vos  subordonnés,  conversent  familièrement.  C'est  un  inconnu 
auquel  vous  ouvrez  chaque  jour  votre  porte,  afin  que,  une  fois 
entré,  il  dit  ce  qu'il  lui  plaira,  il  enseigne  ce  qui  convient  ou  ne 
convient  pas,  il  instruise  ou  démoralise,  sans  que  personne  l'en 
empêche.  Cet  inconnu  peut  raconter  aujourd'hui  à  votre  fille  une 
anecdote  (scandaleuse)  qui  ravira  à  son  cœur  l'innocence,  et  lui  fera 
monter  au  front  la  rougeur  de  la  honte.  Il  peut  apprendre  à  votre  fils 


240  LE  PROPAGATEUR 


à  mépriser  Dieu,  à  ridiculiser  le  prêtre  et  à  secouer  le  joug  des 
saints  devoirs  de  la  famille.  Il  représentera  parfois  à  votre  subor- 
donné, comme  une  chose  nécessaire,  l'émancipation  de  l'ouvrier 
et  l'extermination  des  tyrans  qui,  comme  vous,  ont  le  tort  impar- 
donnable d'être  plus  riche,  ou  plus  industrieux  que  lui.  Il  prêchera 
enfin,  ce  qui  tournera  à  son  profit  en  vers  ou  en  prose,  dans  les 
articles  légers  ou  graves,  dans  un  conte,  dans  une  histoire  et 
même  dans  les  annonces,  car  le  diable  est  si  habile  qu'il  va  jus- 
qu'à savoir  tirer  partie  de  tout.  Et  vous  vous  reposerez  en  paix, 
persuadé  que  vous  avez  procuré  aux  vôtres  une  éducation  excel- 
lente, que  l'on  récite  le  Eosaire  dans  votre  maison,  que  l'on  va  à 
la  messe  les  jours  d'obligation,  et  que  l'on  observe  tous  les  pré- 
ceptes du  décalogue.  Et  vous  ne  soupçonnerez  pas  d'où  vient  à 
votre  fils  cette  fièvre  d'insubordination,  ou  ce  langage  inconvenant 
qui  a  choqué  votre  oreille,  et  à  votre  fille  cette  désinvolture  et 
cette  légèreté  d'allures  qui  la  rendent  si  différente  de  sa  mère  ? 
Malepeste  de  ceux  qui  ont  la  vue* courte  I  Vous  examinerez  avec 
diligence  quels  sont  les  compagnons  de  jeux  de  votre  enfant,  ou 
bien  la  société  que  fréquente  votre  fille  et  vous  ne  prenez  pas 
gai  de  à  ces  quatre  pages  de  papier  qui  s'introduisent  cauteleuse- 
ment  sous  votre  porte,  et  peuvent  être  la  véritable  cause  de  tous 
vos  chagrins  !  Un  mauvais  journal  offre  tous  ces  dangers  :  Mais 
comment,  me  direz-vous,  un  tel  mal  peut-il  en  venir  à  paraître 
insignifiant  ?  C'est  bien  simple.  Avez-vous  entendu  parler  du  pro- 
verbe qui  dit  que  la  goutte  d'eau  creuse  la  pierre  ?  Eh  bien,  le 
mauvais  journal  est  aussi  une  goutte  ;  mais  une  goutte  de  poison 
corrosif,  capable  de  faire  une  brèche  dans  les  cœurs  les  mieux 
trempés,  surtout  s'ils  ne  sont  pas  prévenus  contre  lui  ;  c'est  une 
goutte,  mais  une  goutte  qui  tombe  continuellement  chaque  jour, 
à  chaque  instant.  Mesurez  ses  efî'ets,  sachant  que  la  constance  dans 
le  bien  comme  dans  le  mal  opère  toujours  des  prodiges.  Et  si  le  jour- 
nal, pour  mauvais  qu'il  soit,  sait  se  présenter  avec  les  attraits  et 
les  grâces  d'une  belle  littérature,  il  est  alors  la  goutte  de  venin 
sucrée  qu'avaleront  non  seulement  avec  facilité,  mais  même  avec 
délices,  tous  ceux  qui  dans  le  monde,  ont  l'habitude  de  ne  se  laisser 
guider  par  d'autre  critère  que  celui  du  goût  sensible,  et  ils  sont 
innombrables  ! 

On  est  saisi  d'épouvante  en  pensant  avec  quelle  légèreté  s'ou- 
vrent les  portes  d'une  maison  honnête  à  cet  ennemi  domestique, 
silencieux,  auteur  de  la  plupart  des  désastres  moraux  que  nous 
déplorons  dans  la  société  et  dans  la  famille.  On  est  justement  ir- 
rité par  l'indifïërence  glaciale  avec  laquelle  des  pères  trop  faibles 
voient  dans  les  mains  de  leurs  enfants,  ou  dans  l'atelier  de  leurs 
subordonnés,  ces  pages  empoisonnées,  dans  lesquelles  on  enseigne 
le  mépris  de  tout  ce  qui  est  respectable,  depuis  la  suprême  auto- 
rité de  Dieu  jusqu'à  celle  de  ses  plus  humbles  délégués  sur  la 
terre  !  Et  quelle  que  soit  l'observation  qui  soit  faite  à  ce  sujet  on 
répond  avec  la  plus  grande  tranquillité,  et  parfois  avec  un  bruyant 
éclat  de  rire  :  "  Oh  !  c'est  un  journal  !  "  Qui  va  faire  cas  des  jour- 
naux ?  Ne  soyez  pas  intolérant  !  " 


LE  PROPAGATEUR  241 


Vous  êtes,  ami  lecteur,  un  de  ces  hommes  à  courte  vue  à  qui 
j'ai  entendu  tenir  ce  langage.  Vous  avez  journellement  ouvert  la 
porte  de  votre  maison  à  quelqu'une  ou  à  quelques-unes  de  ces 
feuilles  mensongères,  propres  à  empoisonner  le  cœur  de  vos  en- 
fants, de  ces  enfants  que  vous  auriez  pourtant  voulu  conserver  si 
purs  et  innocents.  El  non  seulement  vous  leur  avez  ouvert  la 
porte,  mais  de  plus,  vous  les  avez  payés  pour  qu'ils  vinssent  exercer 
parmi  les  vôtres,  leur  criminel  office  de  corrupteurs.  Malheureux  ! 

'*  Mais,  m'objecterez-vous,  en  analhématisant  les  mauvais  jour- 
naux, vous  paraissez  lancer  votre  excommunication  majeure  contre 
tous  les  journaux  indistinctement.  Cette  espèce  de  productions 
abonde,  avez-vous  dit  ;  comment  donc  puis-je  distinguer  celui  qui 
est  bon  de  celui  qui  est  mauvais?  A  quel  signe  peut-on  discerner 
ce  genre  de  contrebande  ?  Celte  question  ou  ces  questions,  ami 
lecteur,  arrivent  fort  à  propos.  Prenez  un  peu  patience,  et  je  vais 
vous  dire  à  ce  sujet,  dans  cette  entretien,  des  choses  curieuses. 
Vous  y  verrez  une  peinture  exacte  et  caractéristique  des  mauvais 
journaux  contre  lesquels  vous  devez  vous  tenir  en  garde,  comme 
contre  le  démon  lui-même  qui  vous  vient  avec  eux  sous  les  dehors 
de  ce  papier. 

II 

Je  viens  de  vous  promettre  quelques  signes  qui  vous  aideront  à 
distinguer  facilement  les  bons  journaux  des  mauvais.  C'est  là  une 
tâche  importante  et  d'une  nécessité  urgente,  au  temps  où  nous 
vivons,  mais  en  même  temps,  une  tâche  ennuyeuse  jusqu'à  un 
certain  point,  dégoûtante  et  pénible,  selon  le  point  de  vue  sous 
lequel  on  la  considère.  Je  vois  plus  de  quatre  lecteurs,  faire  un 
geste  négatif,  assombrir  leur  front,  et  se  plaindre  qu'au  journaliste 
(car  je  le  sais,  bien  qu'indigne),  se  constitue  l'accusateur  de 
quelques-uns  de  ses  collègues,  en  les  dénonçont  à  l'opinon  publi- 
que comme  suspects,  et  en  excitant  contre  eux  l'indignation  des 
gens  honnêtes. 

L'inspectation  est  terrible,  et,  à  elle  seule,  elle  sufiirait  pour  me 
faire  déposer  à  l'instant  la  plume  comme  si  elle  brûlait  mes  doigts, 
si  je  n'étais  très  persuadé  que  la  honteuse  qualification  de  déla- 
teur ne  m'atteint,  ni  directement,  ni  indirectement. 

Elle  ne  m'atteint  pas,  puisque  je  ne  désignerai  pas  les  personnes, 
je  ne  nommerai  même  pas  les  journaux.  Si,  par  malheur  quel- 
qu'un se  trouve  compris  parmi  ceux  que  je  réprouverai  comme 
détestables,  qu'il  demeure  constaté  que  ce  n'est  pas  sur  moi  que 
doit  en  retomber  la  faute.  Il  dépend  d'eux  de  ne  pas  tomber  sous 
la  censure  de  ceux  qui,  comme  moi,  réprouvent  franchement  ce 
qui  mérite  d'être  réprouvé. 

Les  mauvais  journaux  se  divisent  en  deux  classes  :  ceux  qui 
sont  effrontément  mauvais,  et  ceux  qui  le  sont  hypocritement. 
La  première  classe  est  peu  nombreuse,  et  pour  bien  des  motifs, 
elle  est  la  moins  redoutable.  La  seconde  est  nombreuse,  et,  a  di- 
vers points  de  vue,  est  la  plus  funeste. 

J'appelle  journaux  imprudemment  mauvais  ceux  qui,  ouver- 


242  LE  PROPAGATECR 


tement  et  sans  déguisement,  manifestent  leur  plan,  leur  intention 
de  combattre  la  religion  et  la  morale.  Ces  journaux  d'ordinaire 
nient  l'existence  de  Dieu,  s'attaquent  au  Christ  et  à  l'Église  ;  en 
religion,  ils  sont  habituellement  athées  ;  en  morale,  sensualistes^ 
en  politique,  démagogues  ;  en  économie,  apôtres  du  socialisme. 
La  haine  de  Dieu  et  de  la  société  est  ordinairement  le  mobile 
secret  qui  inspirent  leurs  articles,  qui  distille  le  poison  ;  l'obscé- 
nité et  le  scandale  sont  le  plus  souvent  la  pâture  qu'ils  servent  à 
leurs  lecteurs.  On  ne  sait  pas  au  juste  s'ils  corrompent  les  mœurs- 
pour  déroger  les  intelligences,  ou  au  contraire,  s'ils  pervertissent 
les  intelligences  en  vue  de  corrompre  les  mœurs  :  Ainsi  voit-oa 
marcher  ensemble  l'erreur  et  l'immoralité. 

Cette  catégorie  n'inspire  pas  de  sympathie  ;  sa  perversité  inspire 
de  la  répugnance,  même  aux  plus  impies.  Ceux  qui  entreprennent 
de  combattre  la  Religion  et  la  Morale  avec  de  telles  armes  se 
montrent  de  vrais  apprentis  dans  le  métier  ;  ordinairement  ce  sont 
de  jeunes  hommes  inexpérimentés,  ou  des  vieillards  que  la  fureur 
aveugle,  au  point  de  leur  faire  ignorer  les  notions  les  plus  vul- 
gaires de  la  stratégie.  Ils  ont  coutume  de  paraître  seulement  aux 
époques  des  bouleversements  publics  ;  ils  n'écrivent  pas  pour  en- 
gager une  discussion,  pour  fournir  matière  à  une  lecture  calme 
et  reposée,  mais  pour  produire  présentement  une  impression  pro- 
fonde, ou  pour  exhaler  une  colère  longtemps  comprimée.  On  les 
connaît  même  à  leur  titre,  l'équivoque  n'est  pas  possible.  Leur 
existence  est  ordinairement  courte,  après  avoir  épuisé  le  diction- 
naire des  insultes  et  des  imprudences  honteuses,  ils  s'en  vont 
comme  les  serpents,  dans  l'antre  d'où  ils  sont  sortis,  sans  laisser 
après  eux  aucun  vestige  de  leur  passage. 

Qui  n'a  pas  eu  la  douleur  de  rencontrer  quelqu'iui  ou  quelques- 
uns  de  ces  journaux,  dans  ces  dernières  années  ?  Qui  ne  les  a  pas 
lus  avec  un  véritable  frémissement  d'indignation,  comme  si  le 
poison  que  distillent  leurs  colonnes  devait  donner  la  mort  par  son 
seul  contact  ?  Toutefois  on  voit  circuler  parmi  nous  de  tels  mons- 
tres de  perversité,  qui  s'introduisent  de  préférence  dans  l'atelier 
du  pauvre,  parcequ'ils  savent  qu'il  y  a  là  une  victime  moins  en 
garde  contre  eux,  et  qu'ils  remporteront  par  conséquent  plus  sûr- 
ement la  victoire. 

Déchirez,  déchirez,  fils  du  peuple,  la  page  impie  qui  vous  dit  ce 
que  jamais  dans  votre  vie  vous  ne  voudriez  faire  entendre  à  vos  fils 
ou  à  votre  femme  !  Déchirez  l'infâme  papier  qui  s'efforce  de  vous 
rendre  heureux  en  vous  prêchant  la  haine  comme  l'unique  senti- 
ment digne  de  votre  cœur  !  J'ai  promené  mon  regard  avec  horreur 
sur  ces  productions  infernales,  et  je  n'ai  pas  pu  trouver  d'autre 
parole  pour  résumer  ces  abominables  doctrines  que  celle-ci  :  c'est 
la  prédication  de  la  haine.  Abhorrer  Dieu,  parce  qu'il  met  un 
frein  à  ma  cruelle  envie  ;  abhorrer  l'Eglise,  parce  qu'elle  me  parle 
de  Dieu  ;  abhorrer  l'autorité,  parce  qu'elle  m'oblige  à  obéir  à  la 
loi  ;  abhoi'rer  les  riches,  parce  que  je  n'ai  pas  su  ou  je  n'ai  pas  pu 
me  ranger  parmi  eux  ;  abhorrer  en  un  mot  tout  ce  qui  surpasse 
d'une  ligne  l'humble  niveau  de  mes  sentiments  abjects.    Et  tout 


LE  PROPAGATEUR  24$ 


cela,  sous  prétexte  de  dignité,  d'émancipation  sociale  et  de  je  ne 
sais  combien  d'autres  choses  !  Et  par  là,  on  prétend  élever  le  peuple, 
l'éclairer,  l'ennoblir,  le  délivrer,  l'émanciper  !  Faux  apôlres  ! 
Regardez  votre  œuvre  !  Voyez  les  peuples  modernes  sans  Dieu  et 
sans  loi,  s'entre  déchirant  eux-mêmes  les  entrailles,  dans  l'aveugle 
délire  du  désespoir  provoqué  par  tant  d'années  de  lectures  subver- 
sives !  Et  le  bélier  qui  a  réussi  à  ébranler  jusque  dans  ses  fonde- 
ments l'édifice  du  pouvoir,  c'est,  n'en  douiez  pas,  en  premier  lieu^ 
le  journalisme. 

Mais  le  journalisme  impudent  n'est  pas  le  seul  qui  mérite  d'être 
aussi  justement  flétri  ;  en  raison  de  son  grand  degré  de  perversité,, 
le  journalisme  hypocrite  encourt  une  réprobation  encore  plus 
grande. 

III 

Le  journal  mauvais  par  excellence  est  le  journal  hypocrite 
Cette  catégorie  abonde  ;  signe  évident  que  l'ennemi  a  connu  depuis 
longtemps,  que  c'est  là  l'arme  la  plus  puissante  dunt  il  puisse  se 
servir  contre  la  vérité.  Le  journal  impie  est  rejeté  avec  dédain  ou 
indignation  par  l'homme  que  les  passions  ou  les  erreurs  n'ont  pas 
encore  entièrement  corrompu  ;  d'où  il  résulte  qu'en  règle  générale, 
le  journal  ouvertement  mauvais  réussit  à  peine  à  porter  atteinte 
à  la  morale  et  aux  saines  croyances. 

Il  n'en  est  pas  ainsi  du  journal  hypocrite.  C'est  un  piège  conti- 
nuellement tendu  contre  les  gens  de  bien  ;  ce  sont  des  embûches 
perfides,  cachées  à  l'ombre  de  phrases  modérées,  et  qui  sait  ?  peut- 
être  même  empreintes  de  dévotion  et  de  componction.  C'est  une 
arme  chargée  avec  une  poudre  sourde  qui  frappe  et  tue  sans  bruit, 
sans  que  la  victime  ait  pu  se  mettre  en  garde  ;  et  ce  qui  est  pis 
encore,  fréquemment,  sans  que  la  victime  s'aperçoive  du  préjudice 
dont  elle  a  soufl'ert.  L'efi'et  du  journal  hypocrite  est  lent  à  la  mode 
de  certains  poisons  qui  débilitent  insensiblement,  et  donnent  au 
préjudice  qu'ils  causent,  toutes  les  apparences  d'une  infirmité 
naturelle.  Le  malheureux  qui,  de  bonne  foi,  absorbe  journellement 
la  potion  funeste  que  lui  administre  cauteleusement,  de  son  bureau 
de  rédaction,  un  ennemi  sagace,  sent  s'afî'aiblir  insensiblement  ses 
croyances  ;  la  ferveur  des  anciens  jours  lui  paraît  une  exagération 
fémimine  ;  les  généreux  élans  de  l'âme  chrétienne  lui  semblent 
des  traits  de  grossière  intolérance.  L-3  malheureux  ne  réussit  pas 
à  voir  la  main  criminelle  qui  vient  éteindre  dans  son  cœur  tout  le 
feu  des  convictions  qui  sont  le  meilleur  héritage  des  aïeux,  afin 
de  mettre  à  la  place  une  certaine  condescendance,  (ce  mot  est 
aujourd'hui  fort  à  la  mode),  envers  ou  opinions^  un  certain  juste 
milieu,  comme  un  critère  excellent  dans  toutes  les  polémiques; 
certains  égards  pour  les  droits  de  la  libre-pensée,  qui  ne  s'accor- 
dent pas  très  bien  avec^la  charité  évangélique  qui  commande,  il  est 
vrai,  d'aimer  ses  adversaires,  mais  aussi  d'abhorrer  cordialement 
leurs  pernicieuses  erreurs,  de  détester  et  de  combattre  ces  erreurs, 
sans  trêve  aucune  :: 

La  société  actuelle  empoisonnée  par  l'influence  des  journaux 


244  LE  PROPAGATEUR 


hypocrites,  leur  doit,  amis  lecteurs,  sa  décadence  morale,  son 
manque  de  convictions  sincères,  sa  profonde  indifférence  pour 
tout  ce  qui  n'est  pas  question  d'intérêts  matériels.  Ah  1  Plût  au 
ciel  que  tous  les  journaux  ùostiles  à  la.vérité  imprimassent  chaque 
jour  en  tête  de  tous  leurs  numéros  le  mot  satanique  :  "Guerre  à 
Dieu  !  "  que  quelques-uns  seulement  ont  eu  la  loyauté  de  pronon- 
cerlQue  d'esprits,  aujourd'hui  traîtreusement  séduits,  déchireraient 
avec  horreur  l'article  impie  qu'ils  dévorent  sans  scrupule  1 
Pourquoi  nos  ennemis  n'ont-ils  pas  pour  le  mal  la  loyauté  que 
nous  avons  pour  le  bien. 

Pourquoi? — Voulez- vous  le  savoir,  ami  lecteur  ?  —  Je  vous  l'ai 
démontré  clairement  tout  à  l'heure  :  parce  que  le  diable,  qui  est 
très  actif,  quoique  très  vieux,  est  meilleur  stratégiste  que  cent  et 
plus  de  Mollke. 

—  Je  suis  un  homme  de  progrès,  direz-vous,  de  progrès  sur 
toute  la  ligne,  et  je  ne  m'en  cache  pas  ;  et  avec  votre  avertissement 
vous  me  placez  dans  une  situation  fort  embarrassante.  Si  l'ennemi 
s'en  va  ainsi,  se  glissant  partout  avec  cette  activité  et  cette  astuce, 
il  en  résultera  que  nous,  les  fils  du  peuple,  devront  user  toujours 
d'une  grande  circonspection,  et  ne  pourrons  jamais  nous  défendre 
d'un  sentiment  de  légitime  défiance,  lorsqu'il  s'agira  de  tendre  la 
main  à  un  journal  qui  ne  portera  pas  l'estampille  de  l'autorité 
ecclésiastique.  Les  temps  sont  bien  choisis  pour  la  censure  et  le 
contrôle!  Les  journaux  s'écrivent  à  la  vapeur;  c'est  à  la  vapeur 
qu'on  me  les  vend,  on  me  les  donne  sur  les  places  publiques  ou 
les  promenades  ;  je  les  lis  de  même  à  la  vapeur,  sans  avoir  le  temps 
de  prendre  de  sérieux  renseignements.  Et  puis,  si' le  poison  y  est 
si  délayé,  et  y  a  un  goiit  si  suave,  qui  pourra  bien  m'en  préserver, 
car  je  n'ai  ni  un  palais  très  sensible,  ni  un  odorat  très  fin? 

— Vous  voulez  décidément,  lecteur  naïf,  quelques  règles  prati- 
ques pour  discerner,  dans  la  mesure  du  possible,  les  ennemis  des 
amis,  dans  ce  champ  de  bataille  de  la  pressée  quotidienne?  A  la 
grâce  de  Dieu,  je  vais  donc  être  franc,  et  comme  dit  la  chanson  : 
'"  A  qui  Dieu  se  donne,  que  saint  Pierre  le  bénisse  ". 

IV 

Qui  est  capable  de  faire  la  description  du  journal  hypocrite? 
Qui  pourra  se  rappeler,  pour  en  présenter  la  liste,  les  mille  et  un 
masques,  déguisements  ou  travestissements,  que  l'on  emploie 
chaque  jour  pour  séduire  les  imprudents  et  obtenir  parmi  eux  un. 
certain  crédit  d'honneur,  une  certaine  réputation  catholique,  qui 
permette  à  ce  journal  de  s'introduire  comme  un  ami,  là  où  préci- 
sément il  désire  exercer,  sur  une  plus  grande  échelle,  sa  funeste 
influence  ?  Qui  pourra  énumérer  les  ferventes  protestations  de 
religon  à  toute  épreuve,  de  soumission  à  l'Église,  de  respect  à  son 
chef,  qui  constituent  parfois  le  masque  de  ses  sinistres  intentions  ? 
Je  vais  vous  décrire,  lecteur  très  désireux  d'être  renseigné,  deux 
types  de  cette  famille  infernale.  Vous  verrez  réunis  en  eux  les 
traits  et  signes  distinctifs  qui  caractérisent  tous  les  autres. 


LE  PROPAGATEUR  245 


Comme  dans  toutes  les  branches  de  l'industrie  humaine,  il  y  a 
les  journaux  obscènes  et  les  journaux  habiles.  Le  journal  hypo- 
crite-obcène  se  reconnaît  à  une  lieue;  à  chaque  pas  qu'il  fait,  il 
soulève,  par  une  inadvertance,  un  coin  quelconque  de  son  masque 
et  découvre  ce  qu'il  en  est  au  fond. 

Le  journal  hypocrite  habile  est  plus  réservé  ;  rarement  il  se 
laisse  surprendre  ;  il  faut  prendre  bien  des  précautions,  l'observer 
longtemps  et  avec  grande  attention,  en  s'appliquant  à  l'étudier 
dans  tous  ses  détails,  pour  parvenir  à  le  connaître  à  travers  son 
déguisement. 

Voyez  le  journal  hypocrite,  obcène  I  II  annonce  en  tête  de  son 
numéro  les  Quarante-Heures,  la  cour  de  Marie,  et  les  saints  du 
Calendrier.  Il  a  sa  section  d'annonces  religieuses,  et  il  insère  fré- 
quemment les  descriptions  des  exercices  du  culte  les  plus  extraor- 
dinaires. Cest  là  le  vernis,  le  masque,  la  robe  de  moine  qui  le 
couvre.  Voulez-vous  voir  le  visage  véritable,  et  les  petites  cornes 
de  Satan  qui  se  cache  sous  le  noir  capuchon  ?  Lisez  la  petite 
gazette,  les  correspondances,  les  articles  de  fond,  toujours  à  la 
recherche  d'anecdotes  capables  de  nuire  à  la  réputation  d'un 
ministre  des  autels,  lisez  ces  éloges  continuels  pour  toute  disposi- 
tion légale  tendant  à  diminuer  la  légitime  influence  de  l'Eglise 
sur  la  société  ;  dans  tout  conflit  entre  l'Eglise  et  la  Révolution,  ce 
journal  approuvera  toujours  la  Eévolution  et  blâmera  les  excès 
(c'est  le  mot  qu'il  emploie),  de  l'Église.  Avocat  infatigable  du 
mariage  civil,  que  l'Église  a  condamné  ;  champion  décidé  de 
l'inique  désamortisation  qui  tend  à  avilir  l'œuvre  de  Dieu  ;  ennemi 
furieux  des  Ordres  religieux,  qui  sont  la  prunelle  des  yeux  du 
catholicisme,  il  n'y  a  pas  de  fausse  nouvelle  qu'il  n'invente,  de 
scandale  qu'il  ne  publie,  de  calomnie  qu'il  n'accueille  contre  eux 
dans  ses  colonnes  impudentes.  Un  de  ces  journaux  diffama  un 
jour  dans  une  correspondance  deux  illustres  communautés  de 
Paris.  Si  ce  qui  était  dit,  dans  cette  page  immonde,  de  femmes 
illustres  et  d'hommes  distingués,  avait  été  dit  de  la  mère,  de 
l'épouse,  des  filles  du  journaliste,  celui-ci  aurait  déclaré  un  duel 
à  mort  à  l'auteur  d'une  si  grossière  vilenie.  Mais  comme  l'insulteur 
est  un  journaliste,  et  comme  ceux  qui  sont  outragés  portent  l'habit 
religieux,  celui  qui  écrivit  cette  noire  calomnie,  parcourait  tran- 
quillement et  sans  vergogne  les  rues,  comme  le  faisaient  les  autres 
hommes  honnêtes.  Au  nom  de  la  morale  universelle  ou  révolu- 
tionnaire, au  nom  de  la  décence  publique,  au  nom  du  droit  de 
chacun  à  sa  réputation,  je  le  dis  aujourd'hui  à  haute  voix,  pour 
que  tous  m'entendent  et  pour  enlever  l'illusion  à  beaucoup  de 
lecteurs  crédules,  les  Quarante-Heures,  le  saint  du  jour,  la  visite 
de  la  cour  et  les  annonces  religieuses  d'un  journal  qui  se  conduit 
ainsi,  ne  sont  qu'un  masque  honteux  dissimulant  mal  la  haine  la 
plus  féroce  contre  le  cathohcisme. 

S'il  en  était  autrement,  qu'on  me  le  dise  franchement  et  loyale- 
ment, pourrait-on  être  catholique  et  épier,  guetter,  saisir  à  toute 
heure  toutes  les  occasions  de  vilipender  le  catholicisme  et  de  lui 
aire  une  guerre  à  mort?    Peut-on  être  catholique  et  provoquer 


246  LE  PROPAGATEUR 


tout  le  jour  à  l'assaut  de  l'Eglise  de  Dieu  ?  Peut-on  être  catholique 
et  vivre  journellement  à  côté  de  ses  ennemis  dans  cette  lutte  cruelle 
•qu'elle  soutient  en  ce  moment  d'un  bout  à  l'autre  de  l'Europe? 
Peut  on  être  catholique  et  tourner  en  ridicule  la  convocation  du 
Saint-Concile  avant  sa  réunion,  se  railler  de  sa  suprême  autorité, 
une  fois  qu'il  est  réuni,  et  déclarer  une  guerre  sans  merci  à  ses 
décisions,  lorsqu'elles  sont  promulguées  ?  Peut-on  être  catholique 
dans  ces  conditions  ?  La  chose  est  possible  ;  mais  ce  catholicisme 
n'est  pas  le  nôtre,  ce  n'est  pas  celui  du  Pape,  ce  n'est  pas  celui  de 
Jésus-Christ. 

L'inhabilité  de  quelques-uns  de  nos  confrères  sur  ce  point  parti- 
culier dépasse  presque  les  limites  du  croyable.  Dans  la  semaine 
sainte,  pour  se  conformer  au  sentiment  qui  domine  en  ces  jours 
de  religion,  ils  entonnent  des  chants  plaintifs  sur  la  mort  du 
Sauveur,  et  consacrent  des  articles  lugubres  à  sa  sainte  Passion, 
dans  ces  mômes  colonnes  où,  quelques  jours  auparavant,  ils  ont 
outragé  l'église  fondée  au  prix  du  sang  très  précieux  répandu  par 
€6  même  Sauveur  dans  celte  même  Passion.  Satan  prépare  ses 
armes  à  la  vue  d'une  telle  piété  et  d'une  ferveur  si  extraordinaire. 
Je  désire  rappeler  ici  un  souvenir  qui  convient  à  mon  sujet  comme 
un  cierge  à  un  autel.  Lorsque  Satan,  dans  les  vies  des  Pères  du 
désert,  se  transformait  en  austère  solitaire,  pour  séduire  ces  insi- 
gnes pénitents,  il  le  faisait  avec  accompagnement  de  mille  prodiges 
merveilleux  ;  il  priait  avec  eux,  et  même  parfois,  il  mêlait  sa  voix 
à  leur  mystique  psalmodie.  Mais  rarement  ces  hommes  de  sainte 
mémoire  se  laissaient  tromper.  Ils  prononçaient  le  nom  de  Jésus; 
«t  à  cette  puissante  invocation,  Satan  perdait  le  calme,  et  s'en  allait 
la  queue  entre  les  jambes,  remplissant  la  solitude  de  ses  terribles 
rugissements.  Nous  avons,  nous  catholiques,  de  l'heure  actuelle, 
nous  avons  une  parole  puissante  pour  arracher  le  masque  de  Satan, 
quand  il  se  présente  à  nous  sous  le  dehors  du  journaliste  catholi- 
que. Jetons-lui  à  la  face  le  mot  pape.  Cette  sainte  parole  lui  brûle 
la  peau,  comme  l'eau  bénite.  Vous  le  verrez  entrer  en  fureur,  perdre 
à  l'instant  contenance,  s'échapper  en  blasphèmes  révolutionnaires. 
Vous  avez  alors  atteint  votre  but;  vous  avez  découvert,  comme 
dit  la  chanson,  "que  sous  la  bure  il  y  a  le  moine".  Vous  avez 
■déjoué  le  plan  d'un  hypocrite  honteusement  déguisé. 

Voilà  le  journaliste  qui  se  déguise  avec  habileté. 

V 

Je  vous  ai  fait  connaître  les  pièges  et  les  coquineries  du  journa- 
liste hypocritement  mauvais  ;  combien  de  fois  aurez-vous  eu 
l'occasion  de  voir  en  actes  les  observations  que  j'ai  faites  à  ce 
«ujet  ? 

Ce  n'est  plus  de  lui  que  je  vais  parler  maintenant. 

Laissons  en  paix,  après  en  avoir  tracé  un  portrait  convenable, 
les  journaux  hypocritement  mauvais.  Je  veux  m'occuper  du 
journal  hypocrite  habile.  11  est  difQcile  d'en  faire  le  portrait,  bien 
qu'on  lui  applique  cent  fois  l'appareil  photographique.  Il  change 
si  facilement  et  si  fréquemment,  il  prend  des  attitudes  si  variées, 


N, 


LE  PROPAGATEUR  247 


■qu'on  ne  sait  par  où  le  saisir.  Il  faut  le  prendre  à  ['improviste,  et 
cela  réussit  très  rarement,  parce  qu'il  est  habile.  Aussi  peut-on  le 
reproduire  difficilement  d'une  façon  exacte  ;  il  suffira  de  pouvoir 
saisir  quelqu'un  de  ses  traits  les  plus  saillants,  dont  on  se  servira 
■comme  d'un  signalement  qui  permettra  de  le  reconnaître.  —  En 
premier  lieu,  le  masque  du  journal  hypocrite  habile  est  ordinai- 
rement la  modération.  Voyez  ;  il  est  modéré,  réservé  et  poli, 
jusque  dans  la  défense  de  sa  foi,  que  les  ennemis  attaquent  avec 
frénésie  et  fureur.  Dans  l'assaut  d'une  forteresse  attaquée,  il  ne  se 
placerait  pas  du  côté  des  assiégeants  ;  non  jamais;  il  se  bornerait 
à  recommander  le  calme,  la  modération  et  la  réserve  aux  combat- 
tants. Chez  les  premiers,  il  ne  blâmerait  pas  la  cruauté  de  l'attaque  ; 
ne  sont-ils  pas  dans  le  droit  et  la  légalité  ?  Mais  chez  les  assegés, 
il  taxera  la  vigueur  de  la  défense  d'exécrable  folie.  Peu  de  temps 
avant  la  dernière  révolution,  une  revue  voyait  le  jour  en  Espagne. 
Elle  était  magistralement  pensée  et  magistralement  écrite.  Des 
aigles,  au  regard  très  sûr,  virent  en  elle,  à  travers  ses  habiletés,  la 
haine  la  plus  profonde  contre  le  catholicisme.  Ils  ne  se  trompèrent 
pas.  Lorsque  la  Révolution  éclata,  les  auteurs  de  ces  articles  pru- 
dents, furent  ceux  qui  arrachèrent  les  premières  larmes  à  l'Église 
d'Espagne.  Ils  étaient  hypocrites  habiles.  En  second  lieu,  le  type 
que  je  signale  à  la  honte  et  à  la  réprobation,  a  ordinairement  une 
parole  douce  ou  aigre,  qui  donne  la  clef  de  toutes  ses  opérations 
et  le  secret  de  tous  ses  exercices  d'équilibre.  Cette  parole  douce, 
aimable,  accommodante,  est  la  grande  parole  du  jour,  la  grande 
parole  du  siècle,  la  parole  qui  résume  tout  le  système  philosophi- 
que de  certaines  gens.  Cette  parole  n'est  pas  un  nom,  ni  un  verbe  ; 
-c'est  une  simple  conjonction  qu'aucun  grammairien  réactionnaire 
n'aurait  cru  devoir  être  appelée,  avec  le  temps,  à  jouer  un  rôle  si 
important.  Cette  parole  magique  c'est  le  mais. 

Un  mais,  servi  à  propos  et  avec  habileté,  est  un  admirable  condi 
ment  avec  lequel  on  se  tire  de  toutes  les  difficultés  et  qui  contente 
tout  le  monde.  Avec  lui,  on  peut  non  pas  comme  Janus,  avoir 
seulement  deux  faces,  mais  en  avoir  cent  ;  ce  que  la  mythologie 
n'avait  jamais  imaginé.  Avec  un  bon  mais,  on  unit  des  choses  en 
apparence  perpétuellement  irrécoaciliables,  telles,  que  l'esprit 
•catholique  et  l'esprit  révolutionnaire;  l'amour  de  l'Église  et  l'en- 
thousiasme pour  ses  oppresseurs,  etc.  !  On  peut  dire  comme  on  le 
faisait,  il  n'y  a  pas  longtemps  :  le  pape  est  dans  son  droit  de  convo- 
quer le  Concile,  mais  il  ne  connaît  pas  que  les  temps  ne  sont  pas 
à  cela,  La  conduite  de  Victor-Emmanuel  est  une  indignité; 
■mais  le  non  possumus  du  Pape  est  un  entêtement.  L'Église  a 
■été  la  grande  civilisatrice  du  monde,  mais  ;  dans  le  siècle 
actuel,  elle  ne  devrait  pas  s'opposer  au  courant  des  idées. 
L'unité  catholique  est  un  grand  bien,  mais  nous  ne  voulons  pas 
pour  cela  l'intolérance.  Qui  n'a  pas  lu  ces  phrases  ou  d'autres 
semblables?  qui  ne  connaît  un  ou  plusieurs  de  ces  journaux  5a^«5, 
qui  s'érigent  en  aimables  entremetteurs  entre  l'Église  et  Satan,  en 
faisant  la  leçon  à  l'une  et  à  l'autre,  et  en  se  lamentant  d'une  façon 
mélodramatique  de  ce  que,  par  suite  du  mépris  que  Ton  fait  de 


248  LE  PROPAGATEUR 


leurs  sages  conseils,  il  en  résulte  un  préjudice  pour  la  foi,  qu'ils 
défendraient  indubitablement  mieux  que  ceux-là  même  qui  ont 
mission  de  la  défendre  ?  Qu'est-ce  qu'un  catholicisme  avec  des 
wa/s,  sinon  un  catholicisme  mutilé?  Et  qu'est-ce  qu'un  catholi- 
cisme mutilé,  sinon  un  catholicisme  faux  ?  Maudit  mais,  grand 
récéleur  de  trahisons  et  d'apostasies  1 

En  troisième  lieu,  le  journal  hypocrite  habile  a  coutume  d'avoir 
grande  horreur  de  s'appeler  simplement  catholique.  Il  ne  lui 
importe  pas  qu'on  l'appelle  catholique  ;  à  la  condition  qu'on  ajoute 
quelque  qualificatif  qui  diminue  ou  tempère  la  force  et  la  crudité 
de  cette  parole.  Ainsi  en  va-t-il  avec  ceux  qui  jamais  ne  se  laissent 
appeler  simplement  catholiques,  mais  catholiques  libéraux,  catho- 
liques éclairés?  etc.  Notez-le  bien.  Ils  se  sont  donc  fixés  dans  cette 
singularité,  qui  n'en  est  pas  moins  un  fait  très  important.  Quelle 
peut  être  la  cause  de  cette  persistance  opiniâtre  à  s'approprier  un 
nom  distinct  de  celui  des  autres  catholiques?  Comme  je  pourrais 
m'étendre  sur  cette  particularité  !  Qu'il  demeure  constant  seule- 
ment qu'il  n'y  a  qu'un  catholicisme.  Celui  qui,  en  dehors  de  cette 
devise  qui  dit  tout,  veut  se  distinguer  en  religion,à  la  faveur  d'une 
autre  devise,  se  rendra  nécessairement  suspect  à  ses  frères.  Il 
donne  le  droit  de  douter  s'il  tient  la  même  foi  que  tous  les  autres^ 
celui  qui  refuse  de  s'appeler  simplement  du  même  nom  qu'eux. 

C'est  une  grande  désolation  de  voir  souvent  se  présenter  à  nous, 
enveloppés,  dans  ce  groupe  odieux,  non  seulement  les  hypocrites, 
mais  encore  leurs  victimes;  non  seulement  les  séducteurs,  mais 
ceux  qu'ils  ont  séduits. 

En  effet,  il  arrive  fréquemment  qu'avec  la  meilleure  bonne  foi, 
plusieurs  dont  il  est  impossible  de  suspecter  la  droiture  des  inten- 
tions, font  cause  commune  avec  les  hypocrites  habiles.  Instruments 
inconscients  d'une  vaste  conspiration  antichrétienne,  ils  font 
preuve,  à  certains  moments,  d'un  véritable  amour  pour  la  sainte 
cause  que  nous  défendons,  et  ils  se  battent  en  braves  pour  elle. 
N'est-il  pas,  par  là  même,  plus  étonnant  de  les  voir  séparés 
en  d'autres  circonstances  du  courant  vraiment  catholique,  et 
misérablement  mêlés  à  la  foule  de  ses  ennemis  ?  N'est-ce  pas 
l'histoire  de  quelques  hommes  célèbres  dont  on  ne  sait  pas,  d'une 
façon  précise,  si  les  services  qu'ils  ont  rendus  à  l'Eglise  catholique 
l'emportent  sur  la  joie  qu'ils  ont  procurée  à  ses  ennemis  ?  La 
bonne  foi  pourra  excuser  leurs  âmes  devant  le  tribunal  terrible 
de  Dieu,  mais  elle  n'aura  pas  été  moins  dangereuse  pour  les  âmes 
de  leurs  proches  que  la  fureur  des  ennemis  les  plus  décriés.  Gar- 
dez-vous des  uns  et  des  autres,  ô  mon  peuple  !  les  traits  que  je  vous 
ai  cités  vous  aideront  à  ne  pas  tomber  dans  le  piège.  Souvenez- 
vous,  à  toute  lieure,'pour  votre  profit  et  pour  celui  de  vos  fils,  que 
le  journal  impie,  qu'il  appartienne  au  groupe  des  imprudents,  ou 
à  celui  des  hypocrites  habiles  ou  honteux,  est  toujours  votre  pire 
ennemi.  C'est  l'arme  privilégiée  de  Satan  dans  le  siècle  présent  ; 
c'est  le  grand  conducteur  de  toute  l'électricité  infernale  qui  agite 
le  monde  à  l'heure  présente.  Que  les  journaux  impies  disparais- 
sent, et  le  mal  aura  perdu  en  un  instant,  ses  apôtres  les  plus 


LE  PROPAGATEUR  249 


intrépides;  la  société  civile,  ses  plus  paissants  agitateurs,  et  la 
famille  chrétienne,  le  bélier  qui  sans  cesse  la  sape,  et  finira  par  la 
détruire.  Tel  est  le  motif  pour  lequel  j'ai  consacré  les  paragraphes 
qui  précèdent  à  cette  importante  matière. 


VIENT  DE  PARAITRE  : 

LES  SUBLIMITES  DE  LA  PRIERE 

Par  M.  l'abbé  Bolo 
1  vol.  in.t2 Prix  63  cts. 

Extrait  de  l'Echo  de  N.-D.  de  la  Garde  (Semaine  religieuse  de  Marseille)  : 

"  Un  nouveau  livre  de  l'abbé  Bolo  !  L'annonce  seule  est  un  événement  dans 
notre  monde  religieux.  Critiques  et  admirateurs  se  demandent  aussitôt  ce  que 
sera  ce  nouveau-né. 

Il  est  facile  de  s'édifier  sur  ce  point,  en  lisapt  l'ouvraga  aujourd'hui  paru  : 
Les  Sublimilés  de  la  Prière.  Le  sujet  paraît  de  prime  abord  d'une  élévation  peu 
accessible  à  certains  esprits.  Mais  le  style  enchanteur  qui  revêt  ces  graves  vérités 
les  fera  pénétrer  où  ne  vout  point  les  ouvrages  mystiques  ordinaires.  C'est  un 
charme  de  suivre,  sous  un  scintillement  perpétuel,  la  pensée  toujours  sûre,  théo- 
logique et  cependant  originale  de  l'auleur.  Après  l'avoir  lu,  on  connaît  la 
doctrine  catholique  sur  la  prière  sans  avoir  passé  par  l'ennui  d'une  étude  didac- 
tique. 

Les  premiers  chapitres,  Dieu,  l'âme,  donnent  la  vraie  notion  très  douce,  très 
consolante  de  la  prière,  conversation  parfois  silencieuse,  mais  toujours  amicale 
entre  le  Seigneur  et  sa  créature.  Toujours  nous  dit  quand  et  comment  il  faut 
prier.  Avec  le  chapitre  suivant,  on  entre  en  plein  dans  la  haute  philosophie  de 
la  prière:  on  sait  le  comment  et  le  pourquoi  de  sa  Toute-puissance. 

Les  dernières  pages,  les  plus  agréables  et  les  plus  saisissantes,  seront  particu- 
hèrement  goûtées  des  âmes  chrétiennes.  La  prière  en  famille,  la  prière  nalionale, 
la  prière  de  l'Eglise,  offrent  des  développements  d'une  fraîcheur,  d'une  piété 
d'une  poésie  ravissantes. 

Il  suffira  de  les  îivoir  indiqués  pour  que  chacun  veuille  s'en  délecter  et  s'en 
édifier. 

Ajoutons  que  le  livre  est  un  filial  hommage  de  l'auteur  à  ce  prêtre  éminent 
dont  la  mémoire  ne  périra  pas,  M.  Dazincourt..." 

D.  CASTELLAN, 
Rédacteur  de  l'Écho  de  Notre-Dame  de  la  Garde. 

*•■...  Si  les  lèvres  de  tant  de  baptisés  n'avaient  pas  commencé  par  oublier  la 
prière,  leur  intelligence  n'aurait  pas  perdu  la  lumière  d'en  haut,  et  leur  cœur 
n'aurait  point  désappris  l'amour.  "  Telle  est  la  pensée  qui  a  inspiré  à  l'abbé 
Bolo  l'œuvre  qu'il  offre  aujourd'hui  au  public.  Il  est  impossible  de  donner  une 
idée  complète  de  tout  ce  que  ce  livre  renferme  de  beau,  de  bon,  de  consolant, 
d'édiflant.  C'est  à  la  fois  un  poème,  un  traité  de  théologie,  un  bouquet  de  fleurs 

16 


250  LE  PROPAGATEUR 


cueillies  dans  le  parterre  de  l'Ecriture  sainte  et  de  la  Patrologie,  une  série 
d'aperçus  surprenants  par  leur  nouveauté  et  leur  profondeur.  La  prière  est 
sublime  dans  son  origine,  son  mouvement,  son  essence.  La  prière  est  Dieu. 
L'âme  qui  prie  est  divine  ou  le  devient.  "  Haute  comme  Dieu,  profonde  comme 
le  cœur,  la  prière  doit  être  large  comme  le  monde  et  longue  comme  l'éternité.  " 
Elle  est  la  force  de  l'homme  et  la  faiblesse  de  Dieu.  Elle  est  le  trésor  et  le  salut 
de  la  famille.  Elle  est  la  vigueur  des  nations  :  "  La  pensée  de  la  patrie  qui  se 
gouverne  est  dans  les  parlements,  le  smg  delà  patrie  qui  bouillonne  est  sous  les 
étincelants  uniformes,  le  cœur  de  la  patrie  qui  bat  est  dans  la  poitrine  du  peuple, 
le  rêve  de  la  patrie  qui  aspire  aux  gloires  sans  mesure  s'envole  sur  l'âme  des 
poètes,  mais  l'âme  de  la  patrie  qui  scelle  avec  Dieu  l'alliance  contre  laquelle  ne 
peuvent  rien  les  conjurations  ennemies,  est  sur  les  lèvres  de  ceux  qui  prient, 
dans  les  yeux  qui  regardent  en  haut...  "  La  prière  de  l'Église  est  la  prière  idéale 
et  parfaite  :  "  Si  l'âme  du  Ressuscité  s'émeut  aux  vibrations  venues  des  lointains 
rivages  de  ce  monde,  s'il  prêle  encore  l'oreille  à  l'hosanna  de  la  foule  en  délire, 
quelle  voix  plus  aimante,  plus  aimée  et  plus  pure  que  celle  de  l'Église, 
peut  atteindre  plus  directement  et  remuer  plus  profondément  son  cœur?  "  Telles 
sont  les  idées  que  parcourt  successivement  le  brillant  auteur,  avec  cette  magie 
de  style  que  le  grand  public  connaît  déjà.  A  ce  dernier  point  de  vue  nous  ne 
pouvons  que  citer  l'appréciation  d'un  critique  délicat,  qui  écrivait  tout  récem- 
ment, à  propos  des  Sublimiiés  de  la  prière,  "  ...  le  grand  écrivain  a  traité  son 
sujet  comme  il  méritait  de  l'être,  c'est-à-dire  d'une  manière  sublime.  Certains 
chapitres  respirent  ce  quelque  chose  de  céleste  qui  ne  se  rencontre  que  dans  les 
livres  des  saints,  notamment  dans  Vlmilalion  de  Jésus-Chrisl.  Le  début  de 
l'ouvrage  présente  un  phénomène  très  remarquable  que  je  ne  saurais  com- 
ment qualifier  dans  son  genre.  J'appellerai  cela  du  wagnérisme  littéraire,  Ceux 
qui  liront  verront  si  mon  expression  est  juste;  mais  s'ils  s'y  connaissent,  ils 
seroni  sûrement  ravis  de  la  mystérieuse  poésie  que  renferment  ces  pages...  " 


L'abbé  E.  EVESQUE. 


OUVRAGES  DE  M.  L'ABBE  KNEIPP 

Ma  cure  d'eau,  ou  Hygiènt  et  médication  pour  les  guérisons  des  maladies 
et  la  conservation  de  la  santé.  39me  édition.  1  fort  volume  in-12 88  cts. 

Vivez  ainsi  ou  avis  et  conseils  pratiques  pour  vivre  en  bonne  santé  et  guérir 
les  maladies  20me  édition.  1  vol.  in-12 88  cts. 

Comment  il  faut  vivre,  avertissements  et  conseils  s'adressant  aux  malades 
€t  aux  gens  bien  portants  pour  vivre  d'après  une  hygiène  simple  et  raisonnable 
et  une  thérapentique  conforme  à  la  nature,  5me  édition,  i  vol.  in-12 88  cts. 

Courtes  instructions  pour  donner  d'une  manière  pratique,  exacte  et  précise, 
les  applications  d'eau,  ofTusions,  maillots  et  Bains  de  Vapeur.  In-8 40  cts. 

Manuel  pratique  et  raisonné  du  système  Hychoihèrapique  (Nuens).  1  vol, 
in-12 ■ 40  cts. 

Médication  interne  de  l'abbé  Kneipp.  Régime,  Hygiène  Alimentaire  et 
plantes  médicinales.    1  vol.  in-12 50  cts. 

Soins  à  donner  aux  enfants  dans  l'état  de  santé  et  dans  l'état  de  maladie 
ou  conseils  sur  l'hygiène  et  la  médicine  de  l'enfance  8me  mille.  1  vol.  in-12  50  cts. 

Conférences  populaires  de  M.  le  Curé  Kneipp  sur  les  douches,  Maillots, 
bains  et  ablutions  avec  plusieurs  illustrations.  Instruction  exacte  pour  bien  em- 
ployer la  cure  d'eau.   1  vol.  in-12 30  cts. 

Un  curé  Allemand  extraordinaire.  Etude  sur  M.  l'abbé  Kneipp  par 
A  Kannengieser.  In-12 15  cts. 


NOTRE    TEMPS 

SES  QUALITÉS  ET  SES  TRAVERS 

d'après 

LES  FABLES  DE  LA  FONTAINE 

Par  Mgr  Gilly,  Evêque  de  Nimes 
1  vol.  in-8 Prix  St.OO 

CONSEIL  TENU  PAR  LES  RATS 


A  qui  croirait  que  notre  temps  excelle  par  le  nombre  de  gens 
avides  de  donner  des  conseils  ou  par  le  nombre  des  assemblées 
délibérantes 

Qui  pour  néant  se  sont  ainsi  tenus, 

il  convient  de  rappeler  la  Fable  du  "  Conseil  tenu  par  les  rats  ". 
Elle  est  pleine  de  naturel  et  de  vérité;  elle  s'applique  à  une  foule 
de  situations  de  notre  âge  : 

Ne  faut-il  que  délibérer  ? 

La  cour  en  conseillers  foisonne, 

Est-il  besoin  d'exécuter? 

L'on  ne  rencontre  plus  personne. 

Que  de  Rodillards  se  sauvent,  parce  qu'après  avoir  convenu 
■qu'il  leur  faut  attacher  le  grelot: 

L'un  dit,  je  n'y  vais  point,  je  ne  suis  pas  si  sot. 
L'autre,  je  ne  saurais.  Si  bien  que,  sans  rien  faire, 
On  se  quitta  ! 

Chaque  jour  voit  se  former  de  nouveaux  conseils.  Je  ne  parle 
pas  de  ceux  qui  veillent  aux  intérêts  de  la  commune  ou  du  dépar- 
tement ;  moins  encore  des  conseils  d'arrondissement  dont  la  plupart 
-{août  1892)  viennent  de  se  déclarer  inutiles.  Je  parle  de  ces  comités, 
de  ces  congrès,  de  ces  assemblées  si  nombreuses,  dont  il  est  question, 
sans  cesse,  dans  les  journaux,  qui  se  forment,  se  réunissent,  se 
tiennent  pour  discuter  de  graves  intérêts,  et  qui  n'aboutissent 
jamais  à  rien. 

Un  grand  nombre  de  ces  conseils  —  comprenons  les  tous  sous 
ce  nom  générique  — se  composent  de  gens  qui  sont  tous  d'accord 
-entre  eux.  Ils  s'y  rendent,  la  plupart  du  temps,  pour  "  placer  un 
•discours  ",  qu'ils  ne  peuvent  prononcer  ailleurs.  On  les  applaudit  ; 


252  LE  PROPAGATEUR 


on  imprime  leurs  harangues,  en  plusieurs  colonnes  de  journaux, 
de  revues  ou  de  brochures,  autant  de  "tombereaux  de  lieux 
communs  ",  comme  disait,  si  je  ne  me  trompe,  Louis  Veuillot,  à 
propos  des  six  discours  que  l'on  "  déchargea  "  sur  une  tombe 
devenue  célèbre,  malgré  cela.  Que  de  temps,  de  mots  et  d'encre 
perdus  ! 

*'  Les  assemblées  délibérantes  ne  font  jamais  rien,  disait  un 
homme  d'esprit;  ou,  si  elles  font  quelque  cnose,  elles  le  font  mal." 
Ce  jugement  paraît  sévère;  c'est  pourtant  celui  du  bon  La 
Fontaine  :       . 

J'ai  maints  chapitres  vus 
Qui  pour  néant  se  sont  ainsi  tenus. 
Chapitres,  non  de  rais,  mais  chapitres  de  moines, 
Voire  chapitres  de  chanoines  ; 

Même  quand  on  peut  dire  d'eux  ce  qu'il  a  dit  du  conseil  tenu 
par  les  rats,  dans  lequel  régna  un  touchant  accord  : 

Chacun  fut  de  l'avis  de  monsieur  le  Doyen. 

Mais  il  y  a  des  donneurs  de  conseils  bien  plus  redoutables  et 
bien  plus  dangereux  que  ceux  qui  siègent  dans  les  assemblées:  ce 
sont  les  journalistes  On  se  fait  aujourd'hui  journaliste,  à 
quelques  honorables  exceptions  près,  quand  on  ne  sait  plus 
que  devenir,  souvent  quand  on  s'est  vu  condamner  à  l'inactivité 
pour  incapacité  notoire.  Puis,  une  fois  assis  dans  cette  chaire 
immense,  qui  a  la  puissance  de  porter  la  pensée  et  la  parole 
jusqu'aux  extrémités  d'un  département,  d'une  région  ou  même  d'un 
pays,  on  oubUe  qu'on  ne  sait  rien  et  l'on  se  persuade  que  l'on  sait 
toute  chose.  Que  de  science  ne  faudrait-il  pas,  à  un  vrai  journaliste, 
pour  remplir  conscienciusement  son  devoir  ! 

Il  parle  religion,  politique,  science,  morale,  affaires,  industrie, 
que  sais-je  encore  ?  Le  journal  touche  à  tout  et  n'hésite  sur  rien. 
Et  pour  avoir  une  compétence  aussi  universelle,  à  quelles  études, 
nombreuses  et  compliquées  ne  devrait  on  pas  s'appliquer  1  Quand 
on  songe  à  l'influence  que  le  journal  exerce  sur  l'opinion  publique, 
on  est  effrayé  de  la  responsabilité  que  cou  tracte  celui  qui  le  rédige. 
Y  pensent-ils  seulement?  La  plupart  font  un  métier,  un  métier 
qui  leur  rapporte,  et  rien  de  plus. 

Le  peuple  dit  :  '<  Telle  chose  est  imprimée  ;  donc  elle  est  vraie." 
Combien  sont  rares  les  sages  qui  osent  avancer  que  "  le  papier 
porte  tout  ce  qu'on  lui  confie  ",  la  vérité  ainsi  que  le  mensonge  ! 
Et  ceux-ci  même  deviennent  à  la  longue  les  esclaves  intellectuels 
du  journal  qu'ils  lisent.  Vous  vous  apercevez  qu'un  homme,  même 
un  homme  d'esprit,  a  changé  d'opinion  sur  tel  ou  tel  objet;  tâchez 
de  savoir  s'il  n'a  pas  changé  de  journal.  C'est  presque  toujours 
ainsi.  Il  est  si  commode  de  n'avoir  pas  à  penser  soi-même  et  de  se 
faire,  sans  effort  de  réflexion,  une  manière  de  voir  !  on  la  trouve 
toute  faite  dans  le  journal;  pourquoi  ne  l'y  prendrait-on  pas  ?    A 


LE  PROPAGATEUR  253 


quoi  bon  s'informer  d'où  elle  vient,  quelle  est  la  valeur  intellec- 
tuelle et  morale  de  celui  qui  pense  pour  nous?  A-t-il  pensé 
seulement  ?  Souvent  le  temps  lui  a  manqué.  Un  événement  se 
produit;  le  journaliste  doit  le  juger  sur  l'heure. 

Il  faut  avoir,  dans  sa  situation,  de  l'esprit  et  du  bon  sens,  chaque 
jour,  à  chaque  instant  du  jour  :  "  Leur  plume  les  a  poussés,  écri. 
vait,  à  ce  propos,  un  penseur  ;  je  sais  ce  que  je  dis  :  leur  plume  les 
a  poussés  dans  ce  sens,  elle  aurait  pu  les  pousser  dans  un  autre.  " 
Et  vous  vous  faites  les  esclaves  de  l'homme  que  sa  plume  pousse 
ainsi  !  Et  cet  homme,  qui  sait  quelle  est  sa  puissance,  prend 
allègrement  la  responsabilité  de  devenir  votre  maître,  quand  lui- 
même  ne  sait  pas  le  premier  mot  de  la  science  qu'il  vous  explique  1 
Avouez  que  ce  sont  là,  de  part  et  d'autre,  deux  grandes  aberrations. 

On  est  excessif,  en  France  ;  on  se  jette  résolument  du  côté  d'où 
peuvent  venir  l'influence  et  l'argent,  et  l'on  va  jusqu'au  bout.  On 
s'est  montré  excessif  dans  l'industrie,  et  on  a  abandonné  les  champs 
pour  entrer  dans  une  carrière  où  l'on  espérait  gagner  davantage. 
On  a  trop  produit  dans  ce  sens,  et  c'est  de  là  qu'est  venue  la  crise 
industrielle  qui  nous  travaille.  On  s'est  aperçu  que  la  culture  de 
la  vigne  donnait  de  beaux  résultats;  on  a  transformé  la  culture  de 
départements  et  de  régions  entières:  dans  quelques  années, — cela 
commence  déjà,  —  le  vin  sera  à  vil  prix  et  produira  un  intérêt  à 
peine  rémunérateur.  Il  en  a  été  de  même  du  journalisme.  Chaque 
ministre,  chaque  conseiller  général  a  voulu  avoir  son  journal  ; 
bonne  affaire  pour  les  plumitifs  déclassés  de  troisième  ou  quatrième 
ordre;  mauvaise  affaire  pour  le  peuple,  qui  se  trouve  livré  à  la 
merci  des  gens  incompétents  et,  parfois,  peut-être,  à  des  trafiquants 
de  prose  d'une  honnêteté  douteuse. 

La  France  n'est  pas  plus  mûre  pour  les  excès  du  journalisme 
qu'elle  ne  l'est  hélas  I  pour  les  institutions,  fondées  sur  la  liberté, 
qu'elle  a  prétendu  se  donner,  ou,  pour  mieux  dire,  qu'elle  a  reçues, 
toutes  faites,  de  quelques-uns  de  ses  fils,  plus  audacieux  que 
prévoyants,  en  des  jours  malheureux.  Ils  n'ont  pas  compris  que 
ces  institutions  devraient  être  préparées,  de  longue  main,  par  des 
progrès  constants  et  tranquilles,  accomplis  lentement  dans  lé  sens 
de  ia  liberté.  En  Angleterre,  le  journalisme  n'a  ni  la  même 
influence  ni  le  même  crédit.  Les  journaux  que  l'on  y  publie  ne 
trouvent  pas,  chez  le  peuple,  la  même  créance.  Ils  sont  plus  longs, 
plus  volumineux,  moins  passionnés,  moins  empreints  surtout 
d'intérêt  personnel.  Malgré  cela,  le  peuple  anglais  les  lit  peu,  et 
surtout  ne  leur  permet  pas  de  former  son  jugement.  On  peut  même 
dire  que  le  petit  peuple  ne  lit  presque  pas  le  journal  et  que,  au 
lieu  d'en  faire,  comme  en  France,  sa  préoccupation  quotidienne 
et  principale,  s'il  le  lit  quelquefois,  c'est  sans  y  attacher  l'impor- 
tance que  nous  lui  donnons.  Ici,  l'ouvrier,  avant  d'aller  à  l'atelier, 
a  lu  son  journal.  Il  le  repasse  dans  son  esprit,  dont  le  travail 
matériel  et  souvent  mécanique  est  loin  d'absorber  les  forces 
intellectuelles.  Il  s'en  nourrit  par  la  méditation  au  moins  autant 
que  pour  la  lecture.  Il  le  discute  avec  ceux  qui  travaillent  près 
<delui;  il  devient  le  propagateur  des  idées  des  journalistes,  et 


254  LE  PROPAGATEUR 


tandis  que  ces  idées  n'ont  souvent  fait  que  traverser,  sans  y  prendre' 
de  consistance,  l'esprit  de  celui  qui  les  a  revêtues  de  sa  prose» 
l'ouvrier  leur  donne,  dans  sa  pensée,  une  profondeur  qui  se  creuse- 
par  l'élaboration  à  laquelle  ils  les  soumet. 

Le  journaliste  devient  ainsi  véritablement  le  maître  de  la  France. 
Le  chef  de  l'État,  les  ministres,  les  membres  de  nos  grandes  assem- 
blées parlementaires  et  légiférantes,  reçoivent  de  lui  la  plupart 
de  leurs  inspirations.  On  compte  avec  la  puissance  du  journal^ 
comme  on  compterait  avec  la -force  la  plus  respectable  et  la  plus 
digne  d'être  obéie.  C'est  le  journal  qui  prépare  les  projets  de  loi 
et  les  grandes  résolutions.  C'est  lui  qui  encombre  l'esprit  de  tous- 
d'idées  qui  sont  loin  de  répondre  toujours  à  la  vérité  et  à  la  justice. 

Quelqu'un  a  dit,  pour  marquer  à  sa  manière  la  puissance  du 
journaliste  que  "si  saint  Paul  revenait  en  ce  monde,  il  se  ferait 
journaliste.  "  Je  ne  partage  pas  cette  manière  de  voir.  Je  crois, 
que  si  saint  Paul  revenait  en  ce  monde,  il  recommencerait  son 
œuvre  d'apostolat  telle  qu'il  la  fit.  Il  faut  poser,  à  la  base  des. 
esprits,  des  notions  substantielles  concernant  le  vrai,  le  beau  et  le- 
bien.  Quand  ils  les  posséderont,  ils  seront  à  même  de  juger  ce  qui 
n'a  que  les  couleurs  de  ces  perfections,  et  de  résister  à  l'influence 
— je  devrais  dire  :  au  joug  —  que  l'on  fait  peser  sur  eux,  chaque- 
jour,  sans  autorité.  Il  en  est  des  longs  journaux,  comme  des  longs 
romans  :  leur  lecture  engage  à  la  lecture  des  mauvais  ;  et  qui  ne 
sait  que  les  mauvais  conseils  ont,  sur  la  plupart  des  gens,  plus 
d'influence  que  les  bons  ? 

Il  y  a  encore  beaucoup  d'autres  conseillers  contre  lesquels 
rhomme  qui  veut  rester  maître  de  lui-même,  doit  se  tenir  en 
garde.  Une  foule  énorme  de  gens,  qui  n'ont  pas  su  se  conduire 
eux-mêmes,  prennent  à  tâche  de  conduire  les  autres.  Il  n'y  a  pas 
de  conseillers  plus  abondants  et  plus  insinuants  que  les  hommes- 
et  les  femmes  à  qui  l'on  pourrait  légitimement  reprocher  de  graves 
fautes  de  conduite.  Ils  ont,  eux  aussi,  des  chaires;  ils  en  élèvent 
au  sein  de  toutes  les  sociétés  qu'ils  fréquentent,  de  tous  les  groupes 
qui  se  forment  près  d'eux.  Un  paresseux  est  toujours  très  éloquent, 
et  encore  plus  persuasif,  auprès  des  simples  surtout,  qui  sont  incon- 
testablement les  plus  nombreux,  quand  il  exalte  les  avantages  de 
tel  ou  tel  perfectionnement.  A  l'entendre,  le  travail  n'a  jamais  été 
compris  avant  lui;  les  procédés  du  travail  sont  très  défectueux  ; 
ceux  qu'il  indique  sont  infiniment  meilleurs;  ils  suppriment  une 
bonne  partie  de  la  peine  attachée  au  travail.  Voyez-le  à  l'oeuvre, 
avant  d'accepter,  sur  la  foi  de  son  discours,  les  conseils  qu'il  vous 
donne.  Cherchez  les  résultats  qu'il  obtient,  avant  de  vous  engager 
dans  la  voie  qu'il  prétend  vous  ouvrir.  Vous  trouverez,  à  la  longue, 
les  instincts  de  paresse  qui  le  dévorent,  et  qui  l'empêchent  de  rien 
produire.  Il  en  est  de  même  de  tous  les  autres  vices  de  ces  ambi- 
tieux conseillers,  que  l'on  trouve  partout  et  que  l'on  entend 
partout.  Celui-là  seul  est  capable  de  leur  résister  qui  porte  en  soi 
des  lumières  suffisantes,  et  une  tranquilité  d'esprit  capable  de  ne 
point  se  laisser  tromper  par  d'audacieux  et  vides  discours,  par  d'as- 
tucieux et  de  perfides  conseils. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  ALBY 


ALIMENTS.— BELLE-FILLE. 

Question. — Le  man  de  ma  sœur  est  mort,  il  y  a  quelque  temps,  et  cette  der- 
nière est  resiée  dans  l'indigence.  Il  n'y  a  pas  d'enfants  du  mariage.  Ma  sœur 
peut-elle  réclamer  des  aliments  de  son  beau-père  qui  est  très  riche  ? 

Valère  M 

Réponse. — Quoique  le  beau-père  de  votre  sœur  jouisse  d'une 
grande  fortune  et  quoique  votre  sœur  soit  dans  le  besoin,  elle  n'a 
malheureusement  aucun  droit  aux  aliments.  Si  elle  avait  des 
enfants  de  son  mariage,  son  beau-père  (aïeul  de  ces  enfants)  serait 
obligé  de  lui  fournir  les  aliments  qu'elle  réclame,  mais  cette  obli- 
gation n'existe  pas  dans  le  cas  actuel. 

Eu  vertu  des  articles  167  et  168  du  code  civil  les  gendres  et 
belles-filles  (brus)  doivent  des  aliments  à  leur  beau-père  et  à  leur 
belle-mère,  et  réciproquement,  les  beaux-pères  et  les  belles-mères 
*doivent  également  des  aliments  à  leurs  gendres  et  belles-filles. 
Mais  l'obligation  imposée  par  ces  articles  cesse  lorsque  l'époux  qui 
produisait  l'affinité  et  les  enfants  de  son  union  avec  l'autre  époux 
sont  décédés.  Ainsi  dans  le  cas  de  votre  sœur  il  n'y  a  pas  d'enfants 
du  mariage,  et  son  mari,  —  c'est-à-dire  celui  qui  produisait 
l'affinité  avec  le  beau-père,  —  est  décédé.  Le  beau-père  est 
donc  déchargé  de  l'obligation  dont  il  serait  tenu  si  son  fils  vivait 
encore. 


AFFAIRES  MUNICIPALES 

DISTRICT  DE  BEDFORD. — COUR   SUPERIEURE. 

La   Corporation  du  Canton  de  Shefford,  demanderesse. 

vs. 

Thomas  Slack,  défendeur. 
•    Présent  M.  le  juge  Lynch, 

Conseils  municipaux. — Cautions. — Surveillance. 

Jugé  :  Que  les  cautions  d'un  secrétaire-trésorier  de  municipalité 
ne  sont  pas  responsables  des  déficits  dans  les  comptes  du  secrétaire 
si  le  conseil  n'a  pas  exercé  sur  lui  une  surveillance  suffisante. 

Les  faits  de  la  cause  sont  rapportés  dans  l'article  suivant  publié 
par  divers  journaux. 

UNE  DÉCISION  IMPORTANTE  PAR  M.  LE  JUGE  LYNCH. 

La  caution  n'est  pas  obligée  de  combler  le  déficit. 

M.  le  juge  Lynch  vient  de  rendre  une  décision  importante  qui  intéresse  d'une 
manière  particulière  les  municipalités  de  la  province  de  Québec. 


256  LE  PROPAGATEUR 


En  1885  Edyard  Slack  fut  nommé  secrétaire-trésorier  de  la  municipalité  du 
canton  de  Shefford  et  donna  comme  ses  cautions  Thomas  Slack  qui  hypothéqua 
ses  propriétés  pour  deux  mille  piastres  à  cette  Qn,  En  1889,  le  secrétaire-trésorier 
dans  les  comptes  duquel  Ton  trouva  un  déficit  de  cinq  mille  piastres,  fut  démis 
de  ses  fonctions  et  logé  en  prison  et  son  frère  fut  par  la  suite  poursuivi  par  la 
corporation  de  Shefford  comme  caution.  Il  se  défenilit  et  plaida  défaut  de  sur- 
veillance et  négligence  de  la  part  du  conseil  municipal  vis-à-vis  son  secrétaire, 
et  la  cour  lui  a  donné  raison  en  déboulant  l'action  contre  lui.  Il  fut  prouvé  que 
l'audition  des  comptes  du  trésorier  était  négligemment  faite  chaque  année  par 
des  auditeurs  non  assermentés  qui  ne  prenaient  pas  la  peine  de  vérifier  si  la  ba- 
lance en  mains  était  véritablement  en  la  possession  du  trésorier,  que  de  plus 
de  fortes  sommes  qui  auraient  dû  être  placées  à  intérêt  quelque  part  étaient 
laissées  entre  les  mains  du  trésorier  sans  contrôle  aucun.  Ce  jugement  est  une 
leçon  pour  les  conseils  municipaux  dont  ils  devront  profiter. 


CAUSE  GELEBEE 

La  compagnie  de  publication  du  Canada-Revue^  demanderesse. 

vs 
Mgr  Edouard  Charles  Fabre,  archevêque  de  Montréal,  défendeur. 

Par  cette  action  la  compagnie  demanderesse  réclame  du  défen- 
deur des  dommages  au  montant  de  $50,000.00. 

Elle  prétend  que  la  lettre-circulaire  que  le  défendeur  a  adressée  à 
son  clergé,  et  par  laquelle  il  interdit  la  lecture  du  Canada  Revue,  lui 
a  causé  des  dommages  jusqu'à  concurrence  du  montant  réclamé. 

Voici  le  plaidoyer  en  réponse  à  l'action  de  la  demanderesse,  que 
les  avocats  de  Mgr  Fabre  ont  produit  en  cour  supérieure,  lundi,  le 
5  juin  courant. 

Le  défendeur,  pour  réponse  à  cette  action,  dit  : 

Que  toutes  les  allégations  de  la  déclaration  qui  ne  sont  pas  conformes  à  ce 
qui  sera  ci-après  expressément  admis,  sont  fausses  et  mal  fondées. 

Qu'il  est  spécialement  faux  que  le  défendeur  ait  fait  publier  par  des  journaux 
de  la  cité  de  Montréal  le  texte  de  la  lettre-circulaire  reproduite  dans  la  déclaration. 

Que  le  défendeur,  en  adressant  la  dite  lettre-circulaire  du  1 1  novembre  1892 
au  clergé  de  son  diocèse,  a  agi  dans  l'exercice  légitime  de  ses  fonctions  et  de 
ses  pouvoirs  comme  archevêque  catholique  romain  et  premier  pasteur  du  diocèse. 

Que  la  dite  lettre-circulaire  a  été  adressée  au  clergé  catholique  romain  du  dio- 
cèse et  a  été  lue  et  pubUée  à  la  réunion  des  fidèles  soumis  à  la  juridiction  du 
défendeur,  d'après  les  ordres  de  ce  dernier  dont  le  devoir  est  de  protéger  ses 
diocésains  contre  la  lecture  de  livres  et  publications  périodiques  qu'il  juge 
contenir  des  doctrines  ou  avoir  des  tendances  contraires  aux  enseignements  et 
à  la  discipline  de  l'Eglise  catholique  romaine  et  qu'en  cette  matière  sa  juridic- 
tion est  exclusive  et  indépendante  des  tribunaux  civils. 

Que  la  dite  circulaire  a  été  publiée  dans  des  circonstances  qui  eu  font  une 
communication  privilégiée. 

Que  les  matières  contenues  et  mentionnées  dans  la  dite  circulaire  étaient  du 
domaine  purement  religieux  et  ecclésiastique  ;  que  le  défendeur  s'est  acquitté 
du  devoir  ci-dessus  sans  malice  et  avec  la  modération  que  lui  permettaient  les 
circonstances  et  l'intérêt  de  son  diocèse. 

Que  si  la  demanderesse  a  subi  des  dommages,  à  raison  de  la  dite  lettre-cu'cu- 
laire,  ce  que  le  défendeur  nie,  ce  dernier  n'en  est  nullement  responsable. 

Qu'en  conséquence,  l'action  de  la  demanderesse  est  mal  fondée. 


LE  PROPAGATEUR  257 


Pourquoi  le  défendeur  conclut  au  renvoi  de  la  présente  action  avec  dépens 
•distraits  aux  soussignés. 


LE   SYNDICAT  OU  LA  MORTl 

La  Cour  d'appel  de  Chambéry  vient  de  rendre  un  arrêt  impor- 
tant. 

Il  s'agissait  de  savoir  si  un  ouvrier  avait  le  droit  d'obtenir  des 
•dommages-intérêts  d'un  syndicat  ouvrier,  pour  le  préjudice  que 
lui  avait  causé  ce  syndicat  en  le  faisant  renvoyer  par  son  patron, 
sous  menace  d'une  grève  générale,  en  lui  fermant  l'entrée  des 
autres  usines  où  travaillent  des  ouvriers  syndiqués. 

Le  tribunal  de  Bourgoin  et  après  lui  la  Cour  de  Grenoble  dé- 
boutèrent le  plaignant,  en  admettant  que  le  syndicat  (syndicat  des 
ouvriers  imprimeurs  sur  étoffes  de  Jallieu,  à  Bourgoin)  n'avait 
fait  qu'user  légalement  du  droit  de  coalition. 

Cet  arrêt  fut  cassé  par  la  Cour  de  cassation,  qui  renvoya  l'affaire 
devant  la  Cour  de  Chambéry.  Celle-ci  a  alloué  à  l'ouvrier  2000 
francs  d'indemnité  en  réparation  du  préjudice  à  lui  causé  par  le 
syndicat. 

Autrefois  on  disait  ;  la  liberté  ou  la  mort  ! — La  Croix. 


LA  DERNIERE  SONATE 

A  NOËL  LAVERGNE 


(suite  et  fin.) 

Le  25  août,  de  grand  matin,  par  le  plus  beau  temps  du  monde, 
le  maître  et  l'élève  partirent  dans  un  carrosse  de  louage.  Ils  pas- 
sèrent toute  la  journée  à  visiter  Trianon,  le  parc  et  les  apparte- 
ments royaux.  Louis  XV  habitait  alors  Vincennes.  M.  Lebert  fut 
rencontre  et  salué  par  un  grand  nombre  de  personnes  de  la  cour 
du  feu  roi,  et  plusieurs  d'entre  elles  l'invitèrent  à  dîner  ;  mais  il 
sut  éluder  toutes  ces  politesses,  et  dîna  et  soupa  à  l'hôtel  des  Armes 
de  France.  Après  souper,  il  dit  à  Louis  : 

**  Si  tu  n'es  pas  trop  fatigué,  nous  allons  retourner  sur  la  ter- 
rasse du  château.  On  ne  connaît  pas  Versailles,  si  l'on  n'a  pas  vu 
le  coucher  du  soleil  du  haut  de  l'escalier  de  marbre.  C'est  l'ac- 
•compagnement  obligé,  le  final  de  cette  grande  symphonie  que  Le 
Nôtre  a  écrite  avec  des  pierrres,  des  eaux,  des  arbres  et  des  fleurs, 
à  la  louange  du  grand  Roi." 

Ils  allèrent  s'asseoir  au  centre  du  large  escalier  qui  fait  face  au 
parterre  de  Latone  et  au  tapis  vert.   Le  parc  était  presque  désert. 


258  LE  PROPAGATEUR 


Les  préparatifs  du  feu  d'artifice  que  l'on  devait  tirer  pour  la 
fête  du  roi  et  les  parades  de  la  foire  Saint-Louis  avaient  attiré  sur 
la  place  d'armes  tous  les  désœuvrés  de  Versailles,  et  quelques 
groupes  de  promeneurs  animaient  seuls  la  solitude  des  jarains. 

Au  delà  du  grand  canal,  brillant  comme  une  nappe  d'or  fondu 
entre  les  sombres  forteresses  de  verdure  qui  ombragent  ses  bords, 
la  plaine  de  Gallie  se  confondait  avec  un  léger  rideau  de  nuages 
simulant  des  collines.  Le  soleil  s'abaissait  avec  rapidité,  inondant 
de  pourpre  les  nuées  amoncelées  par  un  faible  vent  d'ouest  ;  et, 
à  mesure  qu'il  descendait  vers  l'horizon,  les  vitres  du  palais  s'il- 
luminaient de  reflets  éblouissants. 

"  Que  c'est  beau  !  "  dit  Louis  à  voix  basse,  comme  s'il  eût  craint 
de  troubler  le  majestueux  silence  du  parc. 

"  Oui,  "  dit  le  maître,  "  mais  ce  serait  bien  plus  beau  encore  si 
nous  avions  de  la  musique.  Vois,  Louis,  cet  immense  parterre. 
Les  rampes,  les  charmilles  et  les  futaies  qui  l'entourent,  en  font 
une  admirable  salle  de  concert.  La  voix  d'un  enfant  y  retentit 
comme  dans  une  église.  Tiens,  va  te  cacher  derrière  cet  oranger, 
et  chante-moi  VAgnus  Dei  de  la  messe  royale  de  Dumont.  Si  quel- 
qu'un s'approche,  tu  te  tairas.  " 

Louis  obéit.  Sa  voix  s'éleva  si  fraîche  et  si  pure,  qu'elle  sem- 
blait à  son  maître  plus  belle  que  jamais. 

Les  promeneurs  s'arrêtèrent  comme  pétrifiés.  Dès  qu'il  eut  fini, 
Louis  se  glissa  le  long  des  charmilles  et  rejoignit  M.  Lebert  sans 
avoir  été  remarqué.  Celui-ci  lui  tendit  la  main. 

"Merci,  mon  enfant  !  "  lui  dit-il.  "0  Louis,  tu  ne  peux  pas 
savoir  ce  que  tu  viens  de  réveiller  en  moi  !  C'est  ici,  à  cette  place 
même,  que  j'entendis  pour  la  dernière  fois  une  voix  angélique... 

Oui,  "  continua-t-il  comme  se  parlant  à  lui-môme,  "  c'est  là  que 
je  la  vis  pour  la  dernière  fois,  belle  et  blanche  comme  une  de  ces 
statues  de  marbre.  Elle  chantait  les  yeux  levés  au  ciel.  En  la 
regardant,  en  l'écoulant,  je  comprenais,  je  goûtais  les  joies  du 
paradis.  Mais  son  père  me  dit  tout  bas  en  pleurant  :  "  Cette  voix-là 
n'est  pas  faite  pour  le  monde  I  " 

Le  visage  du  musicien  exprimait  une  telle  douleur  tandis  qu'il 
parlait  ainsi,  que  Louis  en  fut  alarmé,  et  s'efforça  de  le  distraire. 

"  Cher  maître,  "  dit-il,  "  écoutez  donc  ces  personnes  qui  vien- 
nent de  s'asseoir  près  de  nous.  " 

"  Quelle  merveilleuse  voix  a  cette  jeune  fille  !  "  disait  un  hom- 
me élégamment  vêtu.  "  L'avez-vous  vue,  madame  la  comtesse  ?  " 

"  Non,  "  répondit  une  dame,  "  mais  mon  fils  la  cherche,  et 
finira  bien  par  la  dépister.  Qui  peut-elle  être  pour  oser  ainsi  chan- 
ter dans  le  parc  ?  Ce  n'est  pas  assurément  une  fille  des  rues.  Sa 
voix,  sa  prononciation,  ont  une  pureté,  une  distinction  parfaites.  "^ 

"  Je  gage  que  c'est  un  garçon,  "  dit  un  troisième  interlocuteur. 
Une  jeune  fille  ne  prononcerait  pas  si  bien  le  latin.  Ce  doit  être 
un  enfant  de  chœur.  " 

"  Une  voix  comme  celle-là  serait  célèbre  si  on  l'avait  une  fois 
entendue  en  public,  "  reprit  la  dame. 


LE  PROPAGATEUR  259 


Ils  continuèrent  à  se  livrer  à  différentes  conjectures  ;  et,  voyant 
son  maître  sourire,  Louis  dit  : 

"  Permettez-moi  d'aller  me  cacher  dans  le  bosquet,  près  de  la 
statue  de  l'Aurore.  Bien  fin  qui  m'y  trouvera  1  Je  vais  les  intri- 
guer comme  il  faut.  " 

"  Va  !  "  dit  Lebert. 

Louis  s'élança  dans  le  bosqaet  avec  toute  la  vivacité  de  son  âge, 
et  attendit  quelques  instants.  La  lune  se  levait,  et  montrait  la 
moitié  de  son  disque  au  dessus  du  château,  semblable  à  une  reine 
qui  parait  au  balcon  de  son  palais. 

Louis,  enivré  d'éloge?,  enthousiasmé  par  la  beauté  du  spectacle 
qu'il  avait  sous  les  yeux,  chanta  un  grand  air  de  l'opéra  à'Atys, 
et  sa  voix  retentit  avec  un  éclat  merveilleux.  A  peine  l'air  fut-il 
terminé,  que  des  applaudissements  et  des  acclamations  s'élevèrent. 
Les  promeneurs  s'étaient  peu  à  peu  groupés,  et  un  rassemblement 
de  plus  de  deux  cents  personnes  lui  barrait  le  chemin.  Au  lieu 
de  sortir  du  bosquet,  il  s'y  enfonça,  fit  un  grand  détour,  escalada 
la  charmille,  et  revint  essoufflé  près  de  son  maître,  tandis  que  ses 
admirateurs  fouillaient  le  bosquet  en  tout  sens  pour  découvrir 
le  chanteur  disparu. 

"Allons-nous-en,  "  fit  brusquement  LeberL  Tout  le  long  du 
chemin  ils  entendirent  parler  du  chanteur. 

"C'est  un  prodige,  "  disait-on  ;"  cet  enfant  gagnera  ce  qu'il 
voudra  au  théâtre.  " 

"A  Dieu  ne  plaise  !  "  reprit  une  dame,  "  il  vaudrait  bien  mieux 
pour  lui  chanter  à  la  chapelle  du  roi.  " 

"Goûte  que  coûte,  "  disait  un  autre  personnage,  "je  le  décou- 
vrirai, et  je  lui  ferai  de  telles  offres  qu'il  n'y  saura  résister,  fût-il 
gentilhomme.  " 

Louis  s'amusait  de  ces  propos  ;  mais  son  maître  en  paraissait 
peiné  et  impatienté,  et  pressait  de  plus  en  plus  le  pas.  Une  jolie 
petite  fille  courut  après  eux,  et  dit  à  Louis  en  lui  donnant  une 
rose  : 

"Vous  avez  bien  chanté,  monsieur  Louis  :  voilà  pour  votre  peine.' 

"Vous  me  connaissez,  mademoiselle  ?  "  dit  Louis  surpris. 

"  Gertainement,  "  dit  la  fillette.  "Je  suis  la  petite  fille  du  maître 
de  l'hôtel  des  Armes  de  France  ,  je  me  promène  avec  papa,  et 
je  vous  ai  bien  vu  jouer  à  cache-cache  pour  faire  endêver  les 
curieux.  " 

"  Puisqu'il  en  est  ainsi,  "  dit  Lebert,  "  nous  retournerons  cou- 
cher à  Paris.  " 

Il  fit  atteler,  paya  son  écot,  et  monta  en  voiture,  suivi  de  Louis 
stupéfait. 

A  peine  le  carrosse  eut-il  franchi  l'avenue,  que  Louis  s'aperçut 
que  son  maître  pleurait. 

"  Qu'avez-vous,  monsieur  ?"  lui  dit-il  :"  aurais-je  eu  le  mal- 
heur de  vous  affliger  ?  " 

"  Ingrat  !  "  dit  Lebert,  "  tu  m'avais  promis  que  tu  ne  chanterais 
jamais  que  pour  moi.  " 

"  G'est  vrai,  "  répondit  Louis  ;  "mais  ce  soir  vous  m'avez  dit 


260  LE  PROPAGATEUR 


de  chanter  une  première  fois,  ef,  la  seconde,  vous  m'en  avez  donné 
la  permission.  Ce  sera  la  dernière,  si  vous  le  voulez.  Tous  les 
applaudissements  du  monde  ne  pourraient  me  consoler  de  vous 
avoir  déplu  un  seul  instant.  " 

"  Tu  parles  ainsi,  "  dit  le  pauvre  Lebert,  "  mais  tu  me  quitteras." 

"  Jamais  !  "  s'écria  Louis,  "  jamais  sur  mon  honneur  !  Vous 
êtes  un  père  pour  moi  :  je  vous  dois  tout.  Je  n'ai  que  ma  voix 
pour  vous  témoigner  ma  reconnaissance.  Imposez-lui  un  silence 
éternel,  si  vous  voulez  ;  mais  ne  doutez  pas  de  mon  affection,  de 
mon  respect  pour  vous.  " 

"  0  Louis  !  "  dit  le  musicien,  "  ne  me  quitte  pas  !  Tu  chantes 
comme  celle  qui  m'a  abandonné  !  " 

Et,  pressant  sur  sa  poitrine  la  tête  du  jeune  garçon,  il  la  couvrit 
de  baisers  et  de  larmes. 

Louis  ne  lui  fit  pas  de  questions  :  il  respecta  son  secret,  et  plu- 
sieurs années  s'écoulèrent  sans  que  le  maître  et  l'élève  fissent 
aucune  allusion  à  ce  qui  s'était  passé  ce  soir-là. 

III 

«   1727.  —  LE    CARMEL. 

Louis  était  devenu  un  grand  et  beau  jeune  homme,  que  son 
talent  de  violoniste  rendait  déjà  célèbre.  Il  aurait  été  bien  heureux, 
s'il  n'eût  vu  la  santé  de  son  maître  décliner  de  jour  en  jour.  Le 
pauvre  André  Lebert  ne  quittait  plus  son  fauteuil.  Il  exigeait  que 
son  élève  allât  quelquefois  dans  le  monde  ;  mais  Louis  n'y  trou- 
vait aucun  plaisir  depuis  que  son  père  adoptif  ne  l'accompagnait 
plus. 

Une  nuit,  il  rentrait  tard,  étant  allé,  sur  l'ordre  formel  de  Le- 
bert, à  un  concert  chez  la  princesse  de  Conti.  Il  trouva  le  vieux 
•Jean  qui  l'attendait  : 

.„  "  Monsieur  n'est  pas  bien,  "  lui  dit  le  fidèle  serviteur.  "  Il  vous 
a  demandé  deux  fois.  " 

Louis  entra  vite.  Il  vit  Lebert  assis  dans  son  grand  fauteuil,  le 
visage  empourpré  par  la  fièvre. 

"  Mon  enfant,  "dit  Lebert,  "je  crois  que  je  ne  tarderai  pas  à 
aller  entendre  la  musique  des  anges.  Je  veux  te  dire  quelque 
chose. —  Mais,  d'abord,  donne-moi  mon  violon.  Ecoute  bien  ce  que 
je  vais  te  jouer.  Tu  auras  à  le  répéter  bientôt,  et  je  veux  savoir  si 
tu  le  comprends.  " 

"  Mon  père,  "  dit  Louis,  "  vous  êtes  trop  fatigué.  i*ermettez  que 
je  vous  aide  à  vous  mettre  au  lit.  Demain  je  vous  écouterai.  Vous 
savez  que  je  n'ai  pas  de  plus  grand  bonheur.  " 

"  Ecoute-moi  tout  de  suite,  je  le  veux  !  Donne-moi  mon  violon. 
Pas  celui-là  1  mon  violon  de  Crémone.  " 

Louis  n'osa  résister.  Le  musicien  se  leva,  et  joua  une  sonate 
que  jamais  Louis  n'avait  entendue.  Celui-ci  oublia  l'heure  avan- 
cée, sa  fatigue,  les  douloureuses  inquiétudes  que  lui  donnait  l'état 
de  son  maître  :  il  oublia  tout  en  écoutant  cette  musique  d'une 
idéale  beauté.  La  sonate  finie,  Lebert  le  toucha  légèrement  de 
■son  archet,  et  lui  dit  : 


LE  PROPAGATEUR  261 


"As-tu  compris  ?  Traduis-moi  cette  sonate.  Que  raconte-t-elle  ?  " 

"  D'abord,  "  dit  Louis,  "  c'est  le  chant  de  l'espérance,  la  joie  de 
la  jeunesse,  l'élan  de  l'enthousiasme  ;  — puis  vient  un  adieu, 
encore  mêlé  d'espoir  ;  —  une  tempête,  un  long  exil  ;  — Puis  un 
retour,  joyeux  d'abord,  mais  suivi  d'un  coup  de  foudre  ;  —  et 
enfin,  les  déchirants  regrets  du  bonheur  perdu.  " 

*'  Tu  as  compris  ;  est-ce  beau  ?" 

"  Oui,  "  dit  Louis,  "  c'est  admirablement  beau,  mais  il  y  man- 
que quelque  chose.  " 

"Quoi  ?  dis-le  vite.  " 

"■  Il  y  manque  la  prière,  le  fiât  du  chrétien,  qui,  de  son  cœur 
brisé,  doit  faire  un  holocauste  à  Dieu,  et  dire  :  Que  son  nom  soit 
béni  !  " 

"  Uh  !  "  s'écria  Lebert,  "je  ne  puis,  je  ne  puis  !  " 

Et  il  s'évanouit. 

A  partir  de  cette  nuit,  le  déclin  fat  rapide.  Un  jour  il  appela 
Louis,  lui  remit  un  manuscrit,  et  lui  fit  signe  de  prendre  le  violon 
de  Crémone  et  d'en  jouer.  Le  jeune  homme  obéit,  non  sans  éton- 
nement,  car  jamais  son  maître  n'avait  permis  à  personne  de  tou- 
cher à  ce  violon.  Le  manuscrit  contenait  la  sonate.  Louis  la  dé- 
chiffra rapidement  des  yeux,  et  joua  avec  tout  son  talent. 

"  G'ftst  bien,  "  murmura  le  vieux  musicien,  "  très  bien.  Promets- 
moi  d'exécuter  toutes  mes  dernières  volontés,  toutes,  entends-le- 
bien  !  " 

"  Sur  mon  salut,  "  dit  Louis,  ''  je  vous  le  promets.  " 

La  nuit  suivante,  le  malade  s'endormit,  bercé  comme  un  enfant 
par  les  chants  de  Louis.  Un  peu  avant  de  se  laisser  aller  au 
sommeil,  il  lui  dit  : 

"  Mon  ami,  tu  n'as  plus  sa  voix  !  —  Oh  !  que  j'ai  souffert  en  en- 
tendant se  briser  une  à  une  les  cordes  de  cette  lyre  que  tu  portais 
en  loi  !  — J'aime  ta  voix  d'homme  pourtant  :  elle  est  belle  et  mé- 
lodieuse. —  Mais,  au  ciel,  j'entendrai  l'autre  !  " 

Il  ferma  les  yeux,  et  s'endormit.  Heureux  de  le  voir  si  calme,. 
Louis  laissa  retomber  le  rideau  et  s'assit  à  quelques  pas  du  lit. 
Quand  le  jour  parut,  il  regarda  son  maître,  et  vit  qu'il  était  mort. 

La  douleur  de  Louis  fut  profonde.  Agenouillé  près  de  sonbien- 
aimé  maître,  il  cherchait  encore,  plusieurs  heures  après  sa  mort, 
à  réchauffer  ses  mains  glacées.  Jean,  tout  en  larmes,  vint  le  sup- 
plier à  voix  basse  de  passer  dans  la  pièce  voisine. 

"  Maître  Amelot  veut  absolument  vous  parler,  "  dit-il.  Allez, 
monsieur  Louis.  Je  veillerai  près  de  mon  pauvre  maître.  " 

Louis  se  releva,  et  marcha  en  chancelant  jusque  dans  le  salon, 
où  l'attendait  Me.  Amelot,  le  notaire,  ami  du  défunt,  et  que  Louis 
connaissait '-bien,  car  le  brave  homme  était  grand  mélomane  et 
venait  souvent  faire  sa  partie  de  violoncelle  chez  Lebert. 

"  Monsieur  Louis,  "  dit-il  '*  asseyez-vous.  Vous  êtes  pâle  comme- 
un  mort.  Je  viens  pour  vous  faire  lire  le  testament.  " 

"  Rien  ne  presse,  monsieur,  "  répondit  Louis  :  "  mon  cher  et 
vénérable  maître  vient  à  peine  d'expirer.  Dans  quelques  jours 
nous  penserons  à  cela.  " 


262  LE  PROPAGATEUR 


"  Monsieur  Louis,  "dit  le  notaire,  "  vous  êtes  légataire  uni- 
versel :  je  connais  le  testament.  Mais  il  contient  certaines  clauses 
qui  doivent  être  exécutées  aujourd'hui  même.  Elles  sont  bizarres, 
je  dois  vous  l'avouer  ;  mais  votre  devoir  est  de  les  accomplir.  Mon 
respectable  ami  Lebert  avait  quelque  chose  d'exalté,  de  singulier 

Enfin,  vous  le  savez,  tous  les  grands  musiciens  sont  un  peu 

fous. — Je  vous  demande  bien  pardon  de  m'exprimer  ainsi.  " 

"  Je  vous  pardonne  d'autant  plus  aisément,  monsieur,  "  dit 
Louis  en  souriant  faiblement,  "  que  vous  êtes  bon  musicien  vous- 
même.  Je  ferai,  du  reste,  ce  que  vous  me  direz.  " 

♦'  J'ai  amené  des  témoins,  "  dit  le  notaire  :  "  Nous  allons  tout 
de  suite  ouvrir  le  testament.  " 

Après  les  dispositions  qui  assuraient  à  Louis  la  fortune  entière 
du  musicien,  léguaient  au  fidèle  Jean  une  rente  viagère,  et  spéci- 
fiaient différents  legs  pieux  et  charitables,  André  Lebert  avait 
ajouté  ces  mots  : 

"Je  prie  mon  fils  adoptif  Louis,  et,  au  besoin,  je  lui  ordonne, 
d'aller,  le  jour  même  de  ma  mort,  au  parloir  des  religieuses  cai- 
mélites  de" la  rue  Saint- Jacques,  et  d'y  demander  la  mère  Angéli- 
que de  Sainte-Cécile.  Dès  qu'il  sera  en  sa  présence,  il  lui  jouera, 
sur  mon  violon  de  Crémone,  ma  dernière  sonate,  celle  qu'il  connaît 
seul,  et,  quand  il  aura  fini,  il  me  recommandera  aux  prières  de 
la  révérende  mère. 

"Si  Louis  ne  veut  pas  ou  ne  peut  pas  remplir  cette  condition,  j'or- 
donne que  mon  violon  de  Crémone  et  tous  mes  manuscrits  soient 
brûlés  dans  les  vingt-quatre  heures  qui  suivront  ma  mort. 

"  Si  Louis  m'obéit,  tous  ces  objets  lui  appartiendront,  et  la 
bénédiction  de  son  vieux  maître  y  demeurera  attachée.  " 

"  Assurément,  "  dit  Louis,  "  quand  même  je  ne  serais  pas  me- 
nacé de  perdre  une  partie  si  précieuse,  la  plus  précieuse  même,  à 
mes  yeux,  de  l'héritage,  j'obéirais,  par  respect  pour  mon  cher 
maître,  —  Mais,  que  va  penser  cette  religieuse  ?  Je  ne  la  connais 
pas.  Jamais  M.  Lebert  ne  m'a  parlé  d'elle.  " 

"  Peu  importe  !  "  dit  le  notaire.  "  A  deux  heures  je  viendrai 
vous  chercher  pour  aller  au  Garmel.  D'ici  là  je  ferai  demander 
une  audience  à  madame  la  supérieure.  " 

En  attendant  l'heure,  Louis  et  Jean  s'occupèrent  à  ensevelir  le 
mort.  Pour  la  première  fois  Louis  vit  de  près  le  médaillon  fermé 
que  M.  Lebert  portait  toujours  sur  lui.  ïl  n'osa  l'ouvrir  ;  mais  Jean, 
moins  scrupuleux,  fit  jouer  le  ressort,  et  lui  dit  : 

"  Regardez  cette  figure  d'ange.  " 

Louis  y  jetta  un  coup  d'œil,  et  fut  tenté  de  garder  ce  portrait. 

'^  Jean,  "  dit-il,  "  M.  Lebert  vous  a-t-il  quelquefois  parlé  de  ce 
médaillon  ?  " 

"Oui,  "  dit  le  vieillard,  "  il  m'a  dit,  il  n'y  a  pas  huit  jours, 
qu'il  voulait  l'emporter  dans  la  tombe.  " 

"  Nous  lui  obéirons,  "  dit  Louis,  11  referma  le  médaillon,  et  se 
mit  en  prières. 


LE  PROPAGATEUR  263 

A  deux  heures,  le  ponctuel  notaire  arriva.  Louis  prit  le  violon, 
le  manuscrit,  s'enveloppa  d'an  manteau,  et  suivit  son  guide. — 
Son  cœur  était  douloureusement  oppressé,  et  il  ne  se  sentait  pas 
disposé  à  causer  ;  mais  le  bon  M.  Araelot  était  bavard. 

"  Croiriez  vous,  "  dit-il,  "  que  ces  nonnes  m'ont  fait  des  diffi- 
cultés à  n'en  pas  finir  ?  Madame  la  supérieure  prétendait  que 
c'était  contraire  à  la  règle  de  faire  de  la  musique  profane  dans 
les  parloirs, — que  la  mère  Angélique  de  Sainte-Cécile  tenait  à 
la  règle  plus  qu'à  l'air  qu'elle  respire,  et  ceci,  et  cela.  —  Il  a  fallu 
que  je  montre  le  testament  à  cette  béguine,  que  j'insiste,  assurant 
que  ce  serait  vous  ruiner  que  de  vous  priver  de  la  possession  de 
ces  manuscrits,  de  ce  violon, ...que  sais-je  ?  —  Enfin,  j'ai  pleuré 
misère  pour  vous,  mon  cher  ami.  C'était  le  seul  moyen  d'obtenir 
grâce.  J'ai  réussi  :  ces  dames  vont  venir.  " 

"  Et  cette  mère  Angélique,  qui  est-elle  ?  "  demanda  Louis. 

"  C'est  la  fille  de  défunt  Dumont,  maître  de  chapelle  du  roi 
Louis  XIV.  Dumont  était  un  peu  parent  de  notre  ami  Lebert,  et 
lui  avait  promis  sa  fille  en  mariage  ;  mais  Lebert  fit  un  voyage  à 
Rome,  et,  au  retour,  à  la  suite  d'un  naufrage,  fut  pris  par  les 
corsaires  d'Alger.  11  resta  deux  ans  captif,  sans  pouvoir  donner 
de  ses  nouvelles,  et  on  le  crut  mort.  Racheté  par  les  pères  de  la 
Merci,  il  revint  en  France,  mais  y  trouva  bien  du  changement. 
Dumont  et  sa  femme  étaient  morts,  et  leur  fille  s'était  faite  carmé- 
lite. Lebert  faillit  en  mourir  de  douleur.  Son  aventure  fit  du  bruit. 
Ses  amis  de  Rome  et  le  roi  lui  même  demandèrent  au  Pape  d'an- 
nuler les  vœux  de  la  jeune  fille,  et  le  Saint-Père  le  voulait  bien  ; 
mais  elle  refusa,  disant  qu'elle  s'était  donnée  à  Dieu  de  son  plein 
gré,  tandis  que  ses  anciennes  promesses  à  son  fiancé  lui  avaient 
été  arrachées  par  les  instances  de  ses  parents.  Elle  ne  voulait 
jamais  le  revoir,  et  lui  envoya  seulement  quelques  souvenirs  de 
famille  :  des  instruments  de  musique,  je  crois,  et  des  portraits. 
Elle  fut  généralement  blâmée  de  tant  de  dureté,  et,  pendant  quel- 
ques jours,  on  ne  parla  que  d'elle  et  de  son  malheureux  fiancé  à 
la  ville  et  à  la  cour.  Puis  on  l'oublia.  Je  croyais  que  mon  ami 
l'avait  oubliée  aussi  depuis  longtemps.  Son  testament  m'a  dé- 
trompé. —  On  vient,  je  crois.  " 

En  effet,  une  porte  venait  de  s'ouvrir,  et  deux  ombres  apparurent 
derrière  le  rideau  noir  de  la  grille  du  parloir. 

"  Voici  la  mère  Angélique  de  Sainte  Cécile,  "  dit  la  supérieure  : 
*'  vous  pouvez  commencer,  monsieur  le  musicien.  " 

Louis  préluda  d'une  main  tremblante  ;  puis  il  joua  toute  la  so- 
nate, sans  que  le  plus  léger  bruit  vint  l'interrompre.  Maître 
Amelot,  la  tête  dans  ses  mains,  écoutait,  immobile  comme  les  re- 
ligieuses. Louis  avait  fini.  Il  étendait  le  bras  pour  poser  son 
archet,  quand,  à  sa  profonde  surprise,  il  sentit  frémir  les  cordes 
du  violon.  Une  prière,  la  plus  suppliante,  la  plus  plaintive  que 
l'on  pût  imaginer,  fût  chantée  par  l'instrument,  qui  semblait  pal- 
piter dans  la  main  de  Louis  épouvanté  ;  — puis  tout  rentra  dans 
le  silence. 


264  LE  PROPAGATEUR 


Une  des  ombres  s'approcha  du  rideau,  s'appuya  fortement  contre 
la  grille  comme  pour  ne  pas  tomber,  et  dit  d'une  voix  si  douce  et 
si  tremblante,  qu'elle  semblait  venir  d'un  autre  monde  : 

"  Ame  qui  m'as  tant  aimée  et  qui  fut  jalouse  de  Dieu  !  je  sais  ce 
que  tu  souffres  pour  m'avoir  préférée  à  lui.  —  Je  te  promets  de 
faire  et  de  souffrir  pour  ta  délivrance  ce  qu'une  carmélite  peut 
faire  et  souffrir  en  ce  monde.  Bientôt,  j'espère,  nous  nous  rever- 
rons en  paradis.  " 

Les  religieuses  disparurent,  et  le  notaire  ramena  chez  lui  le 
pauvre  Louis,  tremblant  de  Iqus  ses  membres,  et  qui  délira  toute 
la  nuit. 

Le  temps  adoucit  son  effroi  et  sa  douleur.  li  voyagea  pendant 
plusieurs  années,  et  obtint  de  brillants  succès.  —  Dans  toutes  les 
grandes  villes  de  l'Europe,  il  donna  des  concerts  et  fut  souvent 
admis  en  présence  des  souverains  ;  mais  jamais  il  ne  manquait 
d'aller  dans  les  couvents  où  l'on  voulait  bien  le  recevoir,  jouer  la 
dernière  sonate  de  son  maître  et  demander  des  prières  pour  lui. 
Le  violon  de  Crémone  ne  le  quittait  jamais,  mais  il  n'osait  s'en 
servir  que  pour  jouer  la  sonate.  Chaque  fois  il  espérait  entendre 
encore  les  mystérieux  accents  qui  l'avaient  si  fort  effrayé  chez  les 
carmélites.  —  Toujours  déçu  dans  son  attente,  il  finit  par  croire 
qu'il  s'était  laissé  aller  à  une  allusion. 

Un  soir,  —  c'était  le  21  novembre,  veille  de  Sainte-Cécile, — 
Louis  était  seul  dans  sa  chambre,  à  Vienne,  et  copiait  un  manus- 
crit de  son  maître.  Le  violon  de  Crémone  était  suspendu  à  quelques 
pas  de  lui.  Il  l'entendit  chanter,  d'abord  la  prière,  puis  une  hymne 
triomphale,  dont  les  notes  montèrent,  en  s'affaibhssant  peu  à  peu, 
jusq'aux  dernières  limites  des  sons  élevés.  —  Puis  un  craquement 
se  fit  entendre:  l'âme  du  violon  venait  de  se  briser. 

Quinze  jours  après,  Louis  reçut  une  lettre  de  son  vieil  ami  le 
notaire,  qui  lui  apprenait  la  mort  de  la  mère  Angélique. 

'•La  bonne  religieuse."  écrivait-il,  "a  parlé  de  vous  à  ses 
derniers  moments  ;  elle  a  prié  la  supérieure  de  vous  transmettre 
ses  paroles.  — Celle-ci  me  les  a  transcrites  textuellement  :  ''  Dites 
"  à  M.  Louis  que  l'âme  de  son  maître  est  enfin  délivrée  et  entrera 
"  avec  la  mienne  dans  les  chœurs  célestes,  ce  soir  !  " 

C'est  le  21  novembre,  vigile  de  la  fête  de  sainte  Cécile,  que  la 
mère  Angélique  est  morte.  On  l'a  trouvée  revêtue  d'un  cilice  en 
mailles  de  fer,  et  ses  compagnes  disent  que  c'est  un^  sainte,  etc. 

Louis  revint  en  France  et  se  fixa  à  Versailles,  où  il  épousa  la 
fille  de  l'hôte  des  Armes  de  France.  Il  ne  voulut  jamais  permettre 
que  l'on  essayât  de  réparer  le  violon  de  Crémone.  Fidèles  à  ses 
ordres,  ses  arrière-petits-enfants  conservent  encore  l'instrument 
brisé  et  le  souvenir  de  sa  merveilleuse  histoire. 


Etude  snrle  Sacré-Cœur  par  le  Rev  P  Letierce  S.  J.  2  beaux 
volumes  in-8  $2.50 


LE    PROPA^GATEUR 


Volume   IV,  IJuillet,  1893,  Numéro  9 


BULLETIN 


8  juin  1893. 

*,*  La  question  des  écoles  calholiqueg  aux  Etats-Unis  n'est  pas 
encore  définitivementréglée  ;  on  sait  que,  relativement  à  ces  écoles, 
il  y  a  de  graves  divergences  d'opinions  parmi  les  évoques  de  ce 
pays.  Les  uns  approuvent  chaleureusement  le  plan  de  Mgrireland, 
archevêque  de  St  Paul;  d'autres  y  sont  fortement  opposés.  On  dit 
qu'entre  ces  deux  opinions  extrêmes  il  y  en  a  une  autre  qui  tient 
le  juste  milieu^  et  qu'elle  a  pour  principal  partisan  son  Eminence 
le  cardinal  Gibbons,  archevêque  de  Baltimore.  J'ignore  qu'elle  est 
cette  opinion  ainsi  qualifiée  ^us/e  milieu. 

Les  bruits  les  plus  contradictoires  circulent  depuis  plusieurs 
semaines  et  le  télégraphe  nous  envoie  tous  les  jours  des  nouvelles 
à  sensation. 

Enfin  les  dernières  dépêches  annoncent  que  des  lettres  ont  été 
reçues  de  Eome  et  que  ces  lettres,  signées  par  N.  S.  P.  le  Pape,  (l  ) 
règlent  la  question  controversée.  Elles  sont  dit-on,  entre  les  mains 
du  cardinal  et  elles  seront  publiées  bientôt.  Quelqu'elles  soient, 
chacun  aura  le  devoir  de  s'y  soumettre,  et  elles  feront  disparaître 
le  malaise  et  l'anxiété  qui  existent. 

*** 

*,*  Il  y  a  quelques  jours  les  journaux  ont  publiée  une  lettre 
extrêmement  importante  écrite  par  Mgr  Alexandre  Taché,  arche- 
vêque de  St  Boniface.  Cette  lettre,  qui  porte  la  date  du  20  avril 
1893  n'a  été  livrée  à  la  publicité  que  le  14  juin.  Elle  traite  au 
long  la  question  des  écoles  du  Manitoba.  C'est  un  éloquent  plai- 
doyer en  faveur  des  droits  des  catholiques,  droits  si  odieusement 
foulés  aux  pieds  par  une  majorité  fanatqiue. 

Dans  cette  lettre  Mgr  Taché  prouve  péremptoirement. 

\°  Que  les  catholiques  de  la  province  du  Manitoba  ont  le  droit 
absolu  d'avoir  leurs  écoles  séparées.  Les  usages  et  coutumes  du 
pays  et  la  loi  écrite,  antérieure  à  la  législation  tyrannique  du 
cabinet  Greenway,  sont  en  leur  faveur.  Ce  sont  cette  loi  et  ces 
coutumes  et  usages  qui  ont  été  méconnus  par  le  conseil  privé 
d'Angleterre  dans  le  jugement  qu'il  a  rendu  l'année  dernière.  (1) 

(1)  Il  y  a  quelques  moid  tous  les  évoques  des  Etats-Unis  ont  reçu  de  N.  S.  P« 
le  Pape  "une  lettre  par  laquelle  il  ordonne  à  chacun  d'eux  de  lui  faire  connaîtra 
quelle  est,  en  conscience,  son  opinion  personnelle  sur  la  questions  des  écoles, 

(1)  Re  Barrell  vs.  La  ville  de  Winnipeg. 

17 


■268  LE  PROPAGATEUR 


2°  Que  les  écoles  publique^  actuelles  du  Manitoba  ne  sont  que 
la  eontinuation  des  écoles  publiques  protestantes  établies  antérieu- 
rement. Ainsi  on  oblige  les  caLholiques  de  contribuer  au  soutien 
d'écoles  où  l'on  donne  une  instruction  religieuse  diamétralement 
opposée  à  l'enseignement  de  leur  église. 

Chaque  fois  que  Mgr  Taché  a  revendiqué  les  droits  des  catho- 
liques du  Manitoba,  il  a  été  en  butte  aux  insultes  et  aux  attaques 
des  fanatiques.  On  l'a  accusé  avec  rage  d'être  un  traître  et  de 
manquer  de  loyauté  à  la  couronne  britannique.  Voici  la  noble 
réponse  qu'il  fait  à  ses  accusateurs  à  la  fin  de  sa  lettre. 

Je  suis  chrétien  1 

Par  suite,  je  jorte  mes  aspirations  plus  haut  que  la  terre,  à  laquelle  mon  âme 
abamlonnera  bientôt  mu  dépouille  mort^-Ue.  En  d<5sirant  le  Ciel,  ma  vraie 
patrie,  ma  foi  se  for  tilie  en  la  Sainte  Eglise  de  Jèsus-Chrièt,  comme  la  voie  qui 
y  mène. 

Je  donne  donc  mon  allégeance  à  cette  Sainte  Eglise,  acceptant  ses  enseigne- 
ment?, qui  veulent  que  j'aime  Dieu  avant  tout  et  mon  prochain  comme  moi-même 
pour  Tamour  de  Dieu.  Ces  enseignepienl«ï  qui  me  disent  de  faire  du  bien  à  ceux 
qui  me  font  du  mal  et  de  faire  aux  autres  comme  je  voudrais  que  l'on  me  fit  à 
moi  même. 

Je  suis  catholique! 

Mon  allégeance  à  l'Eglise  dans  l'ordre  spirituel  me  trace  aussi  mes  devoirs  dans 
l'ordre  civil  ou  politique.  Le  soleil  du  Canada  a  écloiré  mon  berceau,  j'espère 
qu'il  luira  sur  ma  tombe,  mes  ancèires  sont  nés  au  Canada  depuis  six  généra- 
tions. Le  <  anaJa  est  ma  patrie.  Je  n'en  ai  jamais  eu  et  n'en  veut  pas  avoir 
d'autre 

Je  suis  canadien  ! 

Manitoba  et  le  Nord-Ouest  ont  ma  vi-e,  mon  travail  et  mon  affection  depuis 
près  d'un  demi-siècle,  et  ils  l'auront  jusqu'à  mon  dernier  soupir.  Ja  suis  né  et 
j'ai  vécu  dans  les  possessions  britanniques.  Mon  allégeance  est  donc  à  la  cou- 
ronne d'Angleterre,  et  ma  conscience  et  mon  cœur  repoussent  tout  oe  qui  serait 
contraire  à  mes  obligations. 

Je  suis  sujet  anglais  ! 

Je  suis  heureux  de  vivre  sous  la  protection  du  glorieux  drapeau  qui  symbolise 
l'empire.  Est-ce  être  traître  à  cet  allégeance  de  désirer  que  la  douce  brise  de  la 
liberté  fasse  flotter  ce  noble  étendard  du  côté  de  mes  coreligionnaires  comme 
du  côté  de  mes  autres  compatriotes,  pour  que  tous,  eux  comme  nous,  et  nous 
comme  eux,  jouissions  de  la  protection  et  de  l'impartialité  que  nous  avons  droit 
d'attendre  eu  retour  de  notre  allégeance, 

(Sig.)  Alex. 

Arch.  de  St-Boniface, 

O.  M.  I. 


Si  Boniface,  20  avril  1893. 


*/  Le  parti  libéral  du  Canada  a  tenu  une  grande  convention  à 
Ottawa  les  20  et  21  juin.  Cette  convention  avait  été  convoquée 
par  le  chef  du  parti,  M.  Laurier.  Il  y  avait  des  délégués  de  toutes 
les  parties  de  la  Puissance.  Etaient  aussi  présents  les  premiers 
ministres  d'Ontario,  de  la  Nouvelle-Ecosse,  du  Nouveau-Bruns- 
wick  et  de  l'ile  du  Prince-Edouard,  ainsi  que  M.  Marchand,  le  chef 
de  l'opposition  dans  la  législature  de  Québec.  Cette  convention  a 
passé  des  résolutions  concernant  plusieurs  des  grandes  questions 


LE  PROPAGATEUR  267 


politiques  du  jour.  Elle  s'est  prononcée  notamment  en  faveur  de 
•cliangements  radicaux  dans  le  tarif  et  en  faveur  de  la  réciprocité 
•commerciale  avec  les  Etats-Unis. 

Les  journaux  libéraux  disent  que  cette  convention  a  eu  un 
immense  succès  et  qu'elle  aura  pour  principal  résultat  la  chute 
prochaine  du  gouvernement  Thompson. 

«^* 

*,*  L'année  dernière,  400e  anniversaire  de  la  découverte  de 
notre  continent,  le  gouvernement  espagnol  a  fait  construire  trois 
petits  navires  en  souvenir  des  navires  qui  portaient  Christophe 
Colomb  vers  les  rivages  d'Amérique.  Ces  caravelles,  construites 
sur  le  modèle  des  caravelles  de  Colomb  di  et  portant  le  même 
nom,  la  Santa  Maria,  la  Pinta  et  la  Nina,  figurèrent  à  (la  place 
d'honneur  dans  les  fêtes  d'octobre  en  Espagne.  Des  navires  de 
guerre  de  plusieurs  nations  leur  firent  escorte  à  leur  sortie  du 
port  de  Palos  et  dans  toutes  les  manifestations  qui  suivirent. 

Ces  caravelles  ont  figuré  à  New-York  dans  la  grande  revue 
navale  du  27  avril  dernier  et  elles  sont  actuellement  en  route  pour 
l'exposition  colombienne  de  Chicago.  En  remontant  le  St-Laurent 
elles  ont  été  l'occasion  de  belles  fêtes  et  leurs  équipages  ont  été 
l'objet  de  manifestations  amicales  et  sympathiques,  notamment  à 
Québec  et  à  Montréal.  Dans  les  ports  de  ces  deux  villes  elles  ont 
été  reçues  au  bruit  du  canon  et  des  sifDlets  des  bateaux  à  vapeur 
et  aux  acclamations  enthousiastes  d'une  immense  foule  de  citoyens. 

A  la  clôture  de  l'exposition  le  gouvernement  américain  prendra 
possession  de  ces  caravelles,  le  gouvernement  espagnol  lui  en 
ayant  fait  don. 

* 

",*  Le  couvent  de  Villa  Maria,  l'un  des  plus  vastes  et  des  plus 
beaux  établissements  religieux  de  l'Amérique,  est  devenue  la  proie 
des  flammes  le  b  juin.  Ce  couvent  était  situé  sur  le  versant 
ouest  de  la  montagne  de  Montréal,  dans  la  municipalité  de  Notre 
Dame  de  Grâces,  à  quelques  milles  de  la  ville.  Il  appartenait  à 
la  Congrégation  de  Notre  Dame  de  Montréal  et,  depuis  1880,  il 
était  devenu  le  principal  établissement  [Maison  J/èrf]  de  cette  floris- 
sante et  célèhre  communauté.  Il  contenait  aussi  le  Noviciat.  La 
chapelle  de  Notre  Dame  du  Rosaire  n'a  pas  été  épargnée.  Elle 
faisait  partie  de  l'établissement  et  elle  était  une  des  plus  belles 
du  Canada.  Elle  était  plus  vaste  que  beaucoup  de  nos  églises  de 
campagne. 

Les  pertes  causées  par  cet  incendie  dépassent  un  million  de 
piastres  et  le  montant  des  assurances  ne  s'élève  qu'à  cent  mille 
piastres. 

Un  a  réussi  à  sauver  Monkland,  l'ancienne  résidence  dee  gou- 
verneurs du  Canada,  et  les  bâtisses  voisines  qui  servaient  d«  pen- 
sionnat. 

(1)  Elles  en  sont  même  la  reproduction  parfaitement  exacte. 


268  LE  PROPAGATEUR 


Les  flammes  ont  respecté  les  restes  de  la  vénérable  Marguerite 
Bourgeois  (l),  la  fondatrice  de  la  communauté.  Il  en  est  de  même 
de  la  croix  de  bois  plantée  sur  sa  tombe.  Cette  préservation  inouïe 
doit  être  une  grande  consolation  pour  les  religieuses  dans  l'épou- 
vantable malheur  qui  les  frappe. 

La  Sœur  Bourgeois  est  née  à  Troyes,  en  Champagne,  en  1620, 
et  elle  est  morte  à  Montréal  en  1700.  Elle  fut  d'abord  enterrée 
dans  la  vieille  église  de  la  Place  d'Armes,  transportée  plus  tard  au 
couvent  actuel  de  la  rue  St  Jean-Baptiste  et  enfin  à  Villa  Maria. 
Cette  dernière  translation  a  eu  lieu  il  y  a  quelques  années. 

La  maison-mère  qui  vient  de  brûler  est  la  troisième  que  le  feu 
détruit  depuis  la  fondation  de  la  communauté.  Le  premier  incendie 
a  eu  lieu  en  1683  et  le  deuxième  en  1768.  Deux  religieuses  périrent 
dans  l'incendie  de  1683,  et  un  courageux  pompier,  Alexandre 
Dufour,  a  trouvé  la  mort  dans  l'incendie  du  8  juin.  Les  sœurs  se 
sont  généreusement  chargées  de  l'éducation  de  ses  enfants. 

Après  chaque  incendie,  les  sœurs  ont  pu  reconstruire  leur  cou- 
vent.La  première  fois,  elles  n'avaient  que  quarante  sous  lorsqu'elles 
ont  commencé  à  bâtir  (1).  Espérons  que  celle  fois  encore  elles 
pourront  relever  leur  éiablissement  de  ses  ruines. 

Dans  cet  incendie  désastreux  les  sœurs  ont  fait  d'autres  pertes 
qui  sont  malheureusenient  irréparables.  Les  écrits  de  leur  fon- 
datrice, les  annales  de  la  communauté,  leurs  archives  et  un  grand 
nombre  de  documents  précieux  sont  détruits. 

* 

*  *  Deux  jours  après  l'incendie  de  Villa  Maria,  c'est-à-dire  le  10 
juin  l'église  et  le  presbytère  de  la  Longue  Pointe  sont  aussi 
devenus  la  proie  des  flammes. 

L'intérieur  de  l'église  était  fait  sur  le  modèle  de  l'intérieur  de 
la  Sainte  Chapelle  de  Paris. 

C'est  dans  un  ancien  presbytère  de  la  Longue  Pointe,  sur  le  site 
même  du  presbytère  incendié,  que  commencèrent  en  1765,  les 
classes  de  cette  institution  qui  est  devenue  le  célèbre  collège  de 
Montréal. 

L'église  de  la  Longue  Pointe,  "dit  La  Presse",  a  été  construite  en  1726. 
C'était  un  des  plus  anciens  monuments  religieux  du  pays.  Le  chemin  de  la  croix 
était  unique  dans  son  genre  et  le  plus  beau  du  Canada.  Cette  église  a  été  cons- 
truite par  quelques-uns  des  premiers  navigateurs  qui  ont  remonté  le  cour;  du 
Saint-Laurent.  Pendant  un  siècle,  elle  a  salué  l'arrivée  des  voyageurs  qui  venus 
de  Québec  en  canut,  ne  manquaient  jamais  d'aller  s'agenouiller  au  pied  de 
l'autel,  remercier  Dieu  d'avoir  échappé  aux  dangers  qu'oll'rait  la  traversée  du 
lac  St-Pierre. 

Nos  matins  éprouveront  un  serrement  de  cœur  en  voyant  un  amas  de  ruines 
à  l'endroit  oîi  s'élevait  cette  église,  qu'ils  consiiJéraienl  comme  la  leur. 

(I)  On  sait  que  le  procès  de  béatification  de  cette  femme  illustre  est  com- 
mencé à  Rome. 

(i)  Voici  ce  qu'écrit  à  ce  sujet  la  sœur  Juchereau  : 

"  Elles  étaient  si  pleines  de  confiance  en  Dieu  qu'elles  commencèrent  à  bilir 
''  n'ayant  que  40  sols.  Leur  espérance  ne  fut  pas  trompée,  car  avec  si  peu  de 
"  fonds, la  Providence  leur  aida  si  bien  qu'elles  ont  élevé  une  des  plus  florissantes 
"  Communautés  du  Canada,  dont  la  bonne  odeur  se  répand  dans  tout  le  pays." 


LE  PROPAGATEUR  269 


Outre  son  magnifique  chemin  de  croix,  leguse  incendiée  oossé- 
dait  trois  tableaux  de  maîtres.  Ils  représentaient  la  Sainte  Vierge, 
St-Joseph  et  St  Prançois d'Assise,  le  pairon  de  la  paroisse 

* 

*/  Le  révérend  père  P.  D.  Lajoie,  supérieur  général  des  Clercs 
de  St-Viateur,  est  actuellement  au  milieu  de  nous.  Il  vient  en 
Amérique  pour  visiter  les  maisons  de  son  ordi-e.  Il  réside  actuel- 
lement à  Vourles  dans  le  voisinage  de  Lyon,  France. 

C'est  à  Vourles  que  se  trouve  le  principal  établissement  de 
l'ordre.  Le  père  Lajoie  est  canadien.  Il  a  été  autrefois  curé  de 
Juliette  et  supérieur  des  Clercs  de  St-Viateur  du  Canada. 

C'est  la  première  fois,  je  crois,  qu'un  ordre  religieux  européen 
choisit  un  canadien  comme  supérieur  général. 

* 

*^*  La  Saint-Jean-Baptiste  a  été  célébrée  à  Montréal  avec  beau- 
coup d'éclat.  Outre  les  fêtes  du  parc  Sohmer,  nous  avons  eu  un 
banquet  et  un  concert-promenade  dans  les  salles  du  monument 
national,  l'inauguration  solennelle  d-?  ce  monument,  des  illumi- 
nations magnifiques,  et  une  grande  procession  des  sociétés 
nationales.  La  partie  religieuse  de  ces  fêtes  a  été  une  messe 
solennelle  célébrée  à  l'église  Noire-Dame. 

Beaucoup  de  Canadiens  des  Etats-Unis  poussés  par  le  patrio- 
tisme, sont  venus  pour  assister  à  ces  fêtes  de  la  nationalité  à 
laquelle  ils  se  font  gloire  d'appartenir.  Il  y  avait  aussi  d'autres 
membres  de  la  grande  famille  française,  des  français  de  la  vieille 
France,  étonnés  et  charmés  de  retrouver  au  fond  de  l'Amérique 
du  Nord  la  religion,  les  usages  et  la  langue  de  leur  patrie. 

Un  grand  congrès  des  sociétés  canadiennes  françaises  a  été 
tenu  dans  la  graude  salle  du  monument  national.  On  y  a  discuté 
plusieurs  des  grandes  questions  qui  intéressent  la  race  française, 
notamment  l'émigration,  les  écoles  séparées,  lu  langue  française 
et  l'union  des  sociétés  nationales  d'Amérique. 

Il  a  été  impossible  de  faire  coïncifier  cecte  fête  avec  la  célébra- 
tion du  250e  anniversaire  de  la  fondation  de  Montréal,  car  le 
monument  de  Maisonneuve,  son  fondateur,  n'est  pas  encore  ter- 
miné. 

C'est  le  18  mai  1892  que  tombait  ce  250e  anniversaire  mais  sa 
céiébratiou  a  été  renvoyée  à  cette  année,  en  juin,  et,  vu  les  cir- 
constances, elle  est  malheureusementencore  renvoyée  à  plus  tard. 

Alby. 


l<es  exercices  spirituels  de  S^iaiiit  Iguace,  disposés 
pour  une  retraite  de  huit  jours,  par  le  R.  P.  Bellecius  de  la 
compagnie  de  Jésu?,  avec  la  retraite  de  trois  jours  du  même 
auteur. — 1  volume  in  12 Prix  :  75  cls 


LE  DIABLE  AU  Xir  SIECLE 

OU  LES  MYSTERES  DU  SPIRITISME 

MAGIfâÉSME  OCCDLTE,  CABALE  MODERNE,  FBANC-MAÇONNERIE   LUCIFERIENNE,  ANARCHlEr. 

ET  NIHILISME,  PALLADIUM  R.'.  N.*.,    MAGIE  DES  ROSE-CROIX, 

PRATIQUES  SATANIQUES,  ETC.,  ETC. 

RECITS  D'UN  TEMOIN  PAR  LE  DOCTEUR  BATAILLE 


liN  GttJRS  DE  PUBLICATION  DEPUIS  LE  1"  DÉCEMBRE  1892,  ÉDITION 

ILLUSTRÉ  DE  DESSINS  INÉDITS 
Chat/ue  mois  :  Un  fascicule  de  10  Uvraiso7is[dtO  pages,  8  gravures)2bcts. 

li'ouvrage  eutier   anra  de  10  à  12  fascicules 


Voilà,  certainement,  un  ouvrage  tout  à  fait  exceptionnel,  et  à  la 
publication  duquel  il  était  difficile  de  s'attendre 

Il  y  a  longtemps  que  ceux  de  nos  Evoques  qui  se  sont  occupés 
spécialement  de  la  question  maçonnique,  disent,  et  avec  eux  tous 
les  théologiens  :  "  Il  existe,  à  coup  sûr,  une  direction  unique  de 
la  franc-maçonnerie,  et  c'est  avec  raison  que  la  voix  infaillible  de 
Rome  dénonce  l'organisation  des  diflFérenls  rites  de  cette  secte  dans 
nne  seule  main,  sous  l'inspiration  directe  de  Satan  ".  Mais  où  réside 
ce  directeur  suprême?  Quelles  preuves  matérielles  pourrait-on 
fournir  de  l'intervention  de  l'archange  déchu  dans  les  crimes 
sociaux  perpétrés  et  accomplis  par  la  franc-maçonnerie  ? 

A  ces  questions,  nulle  réponse  ne  semblait  devoir  être  faite  de 
longtemps.  Les  auteurs  qui  combattent  la  secte  n'avaient  signalé 
jusqu'à  présent  que  des  indices  vagues  ;  et  pourtant,  tous  les 
catholiques  sentaient  que,  malgré  la  divergence  apparente  des 
rites,  on  était  en  présence  d'une  unité  d'action  et  d'une  organisa- 
tion émanant  du  prince  des  démons,  se  manifestant  en  personne  à 
ses  élus,  leur  dictant  ses  volontés,  leur  traçant  le  plan  d'altaque- 
contre  l'Eglise. 

Il  est  facile  de  comprendre,  en  effet,  que  les  sectaires  qui  ont 
roulé  jusqu'au  fond  de  l'abîme,  qtii  se  sont  liés  irrévocablement  à 
l'esprit  des  ténèbres,  en  parfaite  connaissance  de  cause,  qui  ont,, 
pour  dire  le  mot,  donné  sciemment  leur  âme  au  diab'e,  ne  sont 
guère  destinés  à  un  retour  au  bien,  et  ce  n'est  pas  d'eux  qu'on 
peut  attendre  la  production  de  la  vérité.  Aucun  des  francs-maçons 
convertis,  dont  les  ouvrages  ont  apporté  des  documents  déjà  pré- 
cieux, en  ces  dernières  années,  n'était  tombé  dans  le  satainsme 
pratiquant,  dans  le  commerce  avec  les  mauvais  esprits.  Plusieurs 
indiquaient  l'existence  d'une  certaine  maçonnerie  Inciférienne, 
dite  palladique,  se  greliant  sur  tous  les  rites  et  les  dirigeant  :  mais 
c'était  tout.  Paul  Rosen,  Adolphe  Ricoux  et  deux  ou  trois  autres 
anti-maçonniques  affirmaient,  mais  sans  donner  de  détails,  que  le 
centj-e  de  la  franc-maçonnerie  universelle  est  à  Gharleston,  com- 


LE  PROPAGATEUR  271 

mandant  à  quatre  directoires,  situés  à  Naples,  Calcutta  Boston  et 
Montevideo,  lesquels  groupent  les  forces  des  suprêmes  conseils  et 
grands  orients  des  cinq  parties  du  monde.  Di  son  côté,  Léo  Taxil 
publiait  naguère,  à  propos  des  soeurs  maçonnes,  deux  rituels  pal- 
ladiques.  soulevant  un  coin  du  voile  du  satanisme  pratiquant,  dans 
la  secte  excommuniée  par  Léon  XIII.  Enfin,  le  courageux  etérudit 
évêque  de  Port-Louis.  Mgr  Meurin,  qui  s'est  livré  à  des  recherches 
minutieuses  sur  la  franc-maçonnerie,  écrivait  tout  récemment  ces 
lignes:  "  La  franc-maçonnerie  est  une  sur  tout  le  globe,  sous  des 
formes  iunombrables,  mais  sous  la  direction  suprême  du  Souve- 
rain Pontife  de  Charleston  ;  c'est  là  une  vérité  absolue.  Gharleston 
est  la  Rome  provisoire  de  la  synagogue  de  Satan.  Le  grand  maître 
du  suprême  conseil  de  Charleston  est  son  pape,  le  Vicaire  du  Luci- 
fer sur  la  terre,  aspirant  à  résider  un  jour  dans  la  véritable  Rome. 
Le  grand  collège  des  Maçons  Emérites  est  son  sacré  collège  de 
cardinaux  ;  les  souverains  commandeurs  des  suprêmes  conseils  ou 
des  grands  orients  dans  le  monde  sont  ses  patriarches,  archevêques 
et  évêques:  les  vénérables  des  loges,  ses  curés;  les  maçons  sont 
ses  fidèles;  les  loges,  ses  églises  et  ses  chapelles.  Les  tenues  des 
loges  sont  le  culte  plus  ou  moins  luciférien;  les  réunions  solsti- 
ciales,  les  grandes  fêles  du  culte;  et  enfin  le  Palladium  est  le 
tabernacle,  ou  plutôt  l'arche  d'alliance  entre  Jéhovah  Lucifer  et 
son  peuple  élu  maçonnique"  Puis,  parlant  du  sanctuaire  de  Char- 
leston où  l'idole  du  Bapbomet,  ou  Palladium, est  sous  la  garde  de 
francs  maçons  choisis,  Mgr  Meurin  ajoutait  :  "  Nous  ne  douions  pas 
que  satan  se  fait  voir  eu  communique  'personnellement  avec  son  premier 
remplaçant  et  ses  adjoints,  leur  faisant  savoir  tout  ce  qu'il  voudra 
commander  aux  enfants  de  la  veuve.  "  Enfin,  l' évêque  de  Port- 
Louis  citait  deux  exemples  absolument  authentiques  d'apparitions 
de  Lucifer  aux  chefs  de  la  franc-maçonnerie,  à  une  époque  peu 
éloignée. 

Au  monent  même  où  Mgr  Meurin  écrivait  ces  lignes,  avant 
même  que  son  volume  fut  mis  sous  presse,  un  médecin  de  la 
Compagne  des  Messageries  maritimes,  M.  le  docteur  Baltaihe,  se 
préseniait  chez  les  directeurs  d'une  maison  d'édition  catholique  et 
disait: 

Depuis  onze  ans,  j'ai  étudié  de  près  la  franc-maçonnerie  jusqu'en 
ses  plus  hauts  grades;  j'ai  tout  vu,  je  connais  tout.  Un  hasard 
providentiel  m'a  mis  sur  la  trace  du  satanisme,  qui  constitue  la 
véritable  direction  de  cette  secte.  Après  avoir  confié  mon  projet  à 
un  prêtre,  je  me  suis  procuré  le  moyen  de  pénétrer,  non  seule- 
ment dans  les  loges,  mais  même  dans  les  plus  secrètes  arrières- 
loges.  J'ai  connu  personnellement  Alb?rt  Pike,  le  souverain-pontife 
de  la  maçonnerie  universelle  ;  je  fais  partie  de  son  aréopage  palla- 
dique  même,  le  Lotus  de  Charleston.  Je  connais  personnellement 
Adriano  Lemmi,  le  grand-maître  de  la  franc-maçonnerie  italienne 
et  le  grand  chef  d'action  politique  de  la  secte.  Je  connais  le  ban- 
quier juif  de  Berlin,  banquier  des  arrière-loges  et  de  la  Triple- 
Alliance.  Les  portes  des  quatre  directoires  suprêmes  du  globe 
m'ont  été  ouvertes  pendant  onze  ans.  J'ai  pénétré  partout.  Albert 


272  LE  PROPAGATEUR 


Pike  n'a  même  conféré  le  grade  palladique  de  Hiérarque,  qui 
donue  le  droit  d'ordonner  une  vengeance,  un  meurtre,  au  profit 
de  la  franc-maçonnerie.  Je  vous  apporte  un  ouvrage  unique,  un 
manuscrit  tel  que  jamais  auteur  n'en  a  écrit  le  pareil,  un  livre  de 
révélations  qui  confondra  pour  toujours,  en  la  démasquant,  la 
malice  des  sectaires  francs  maçons  et  lucifériens;  car  moi,  je 
metterai  les  noms  en  toutes  lettres...  Voulez-vous  publier  cet 
ouvrage  ?  Voulez-vous  me  permettre  de  dévoiler  les  complots  les 
plus  odieux  qui  ont  été  ourdis  ?  car  on  a  même  comploté  l'assassi- 
nat de  Léon  XIIl...  Je  ne  suis  pas  un  franc-maçon  expulsé  des 
loges,  animé  par  la  rancune  et  ayant  des  tendances  à  exagérer... 
Nun,  je  suis  entré  dans  la  secte  par  ruse,  avec  le  dessein  bien 
arrêté  de  faire  une  enquête  pour  la  faire  connaître,  une  fois  ter- 
minée ;  j'ai  été  servi  par  un  concours  heureux  de  circonstances 
que  je  qualifie  de  providentielles.  Je  n'ai  jamais  failli  à  ma  foi  de 
chrétien  ;  et  ma  vie  a  déjà  été  en  danger,  lorsque  les  chefs  du  pal- 
ladisme,  un  jour  que  je  me  suis  opposé  à  un  assassinat,  ont  com- 
mencée me  suspecter  ;  si  je  suis  vivant,  ce  n'est  point  par  leur  faute... 
J'ai  vu  de  près  le  satanisme  maçonnique,  j'ai  été  le  témoin  de  ses 
pratiques  abominables.  Je  puis  attester  que  la  direction  même  de 
la  secte  est  entre  les  mains  d'hommes  communiquant  personnelle- 
ment avec  Lucifer.  Je  ne  recevrai  aucun  démenti  ;  car  je  citerai 
les  noms  propres,  les  lieux,  les  dates,  les  circonstances,  avec  les 
détails  les  plus  caractéristiques  et  les  plus  précis. 

Les  éditeurs,  après  avoir  pris  conseil,  ont  accepté. 

Tel  est  l'ouvrage  dont  la  publication  a  commencé  depuis  le  1er 
décembre  1892  ;  et  l'on  peut  dire  que  les  premiers  fascicules  parus 
ont  valu  à  l'auteur  et  aux  éditeurs  une  véritable  avalanche  de 
lettres  de  chaleureuses  félicitations.  "  Courages  !  écrit-on  de 
toutes  parts  ;continuez,  ne  vous  laissez  pas  intimider;  le  service 
que  vous  rendez  à  l'Eglise  est  inappréciable  ;  jamais  pareil  ouvra- 
ge n'avait  été  publié:  c'est  vous  qui  écraserez  la  franc-maçonne- 
rie !"  Toute  la  correspondance  qui  pleut  chez  l'auteur  et  chez  les 
éditeurs  est  dans  ce  ton. 

Le  fait  est  que  de  semblables  révélations  ne  pouvaient  pas  être 
soupçonnées. 

L'auteur  raconte  simplement  les  faits,  en  les  flétrissant  au- 
passage  par  quelques  mots  bien  sentis.  C'est  un  véritable  kaléi- 
doscope du  satanisme  maçonnique  qui  se  déroule  rapidement  sous 
les  yeux  du  lecteur.  Le  docteur  Bataille  dédaigne  le  spiritisme  des 
salons,  passe-temps  déjà  dangereux,  mais  banal  en  somme  ;  les 
tables  tournantes  sont  des  balivernes  auprès  des  manifestations 
directes  des  démons  dans  les  arrière-loges. 

11  raconte  comment  sa  curiosité  a  été  éveillée.  Un  de  ses  pas- 
sagers, à  bord  du  Courrier  de  Chine,  sollicite  ses  soins,  en  juin 
1880  ;  cet  homme  est  en  proie  à  une  obsession  ;  le  docteur  lui  a 
déjà  sauvé  la  vie  ;  n'y  tenant  plus,  il  avoue  au  médecin,  dans  une 
crise  de  sanglots,  qu'il  s'est  laissé  entraîner  aux  manœuvres 
occultes  de  la  secte  maçonnique,  et  qu'il  a  vu  Satan  face  à  face  il 
y  a  huit  jours,  dans  une  assemblée  du  Palladium.    Le  prince  des 


LE  PROPAGATEUR  273 


démons,  dont  chaque  apparition  coûte  la  vie  à  l'un  des  assistants, 
a  choisi  son  voisin  ;  lui,  Garbuccia  (c'est  son  nom)  qui  ignorait 
cette  condition  de  la  réussite  de  l'évocation,  est  encore  sous  le 
coup  de  la  plus  vive  terreur  à  la  pensée  qu  il  aurait  pu  être  la 
victime  préférée.  Le  docteur  réconforte  Garbuccia,  le  soigne,  et 
obtient  d'autres  aveux.  Dès  lors,  une  idée  le  hante  :  pénétrer  dans 
1-a  maçonnerie,  afin  de  tout  voir,  pour  tout  démasquer.  Et  il  se 
voue  à  cette  mission  courageuse. 

Il  a  appris  de  son  confident  l'existence  d'un  haut  dignitaire  de 
la  secte  (le  docteur  Bataille  donne  son  nom  et  son  addresse),  qui 
fait  commerce  de  diplômes  maçonniques  et  confère  les  plus  hauts 
grades,  moyennant  une  somme  de  cinq  cents  francs.  Il  achète 
donc  à  prix  d'argent  son  droit  d'entrée,  pénétrant  du  premier  coup 
dans  les  arrières-loges,  après  une  étude  approfondie  des  rituels  à 
laquelle  il  se  livre  pour  ne  pas  être  pris  au  dépourvu. 

Ici,  se  place  l'épisode  très  touchant,  relatif  à  la  communication 
que  le  docteur  B  itaille  fait  de  son  projet  à  M.  l'Abbé  Liugier, 
aumônier  de  l'hôpital  où  il  a  d'abord  été  interne  et  qui  est  resté 
sou  directeur  de  conscience.  Le  bon  vieux  prêtre  tremble  pour  le 
jeune  docteur  ;  mais  il  n'ose  le  contrecarrer,  tant  sa  décision  est 
bien  prise.  Ils  vont  ensemble  en  pèlerinage  à  l'un  des  sanctuaires 
les  plus  vénéi'és  du  midi,  et  le  docteur  s'embarque  pour  cette  ex- 
cursion dansle  satanisme  moderne,  emportant  une  médaille  bénie 
et  indulgenciée  de  Saint  Benoit. 

La  première  scène  de  palladisme  à  laquelle  le  docteur  assiste 
est  horrible.  En  sa  double  qualité  de  frère  et  de  médecin,  il  est 
accaparé  par  des  lucifériens  qui  ont  besoin  de  ses  services  ;  on  le 
conduit  auprès  d'une  femme  sur  le  point  de  mourir  ;  on  le  con- 
sulte pour  savoir  si  elle  est  irrémédiablement  perdue  ;  il  répond 
oui,  car  la  femme  agonisait,  et  il  s'apprêtait  à  l'assister,  quoique 
inutilement,  jusqu'au  dernier  soupir.  Mais  alors,  ces  fanatiques 
brûlent  cetie  malheureuse,  sans  attendra  sa  mort,  pour  le  motif 
qu'elle  s'était  vouée  à  l'esprit  du  feu.  Force  est  au  docteur  de 
contempler  ce  spectacle  épouvantable,  sous  peine  de  se  trahir. 

Dans  cet  ouvrage  sans  précédent  les  épisodes  sont  multiplies.  Le 
docteur  Bataille,  narrant  sa  première  enquête,  en  éclaireur  dans 
l'occultisme,  montre  le  Temple  Mac-Benac  ,où  la  pourriture 
humaine  est  érigée  en  principe  j  c'est  l'atrocité  dans  le  palladisme  ; 
Belzébuth  est  évoqué,  et  les  pratiques  auxquelles  on  a  recours 
pour  faire  apparaître  l'esprit  font  frémir,  à  la  seule  lecture. 

Le  docteur  Bataille  se  rend  ensuite  au  directoire  suprêma  de 
Galcutta,  qui  régit  toutes  les  loges  et  arrière-loges  d'Asie  et 
d'Océanie.  G'est  là  qu'il  est  affilié  au  Palladium,  à  la  suite  d'une 
épreuve  qui  n'a  rien  de  commun  avec  les  comédies  grotesques  des 
loges  européennes.  Il  se  lie  avec  Walder,  Tex-pasteur  protestant, 
dont  la  fille  est  bien  connue  à  Paris  dans  le  monde  occultiste,  et 
qui  est  lui-même  un  des  lieutenants  d'Albert  Pike. 

Admis  régulièrement  aux  mystères  lucifériens,  il  assiste  à  l'un 
■des  phénomènes  les  plus  étonnants  du  satanisme  indien  :  un  fakir 
se  momifiant   devant  une  nombreuse  assistance  et  enterré  pour 


274  LE  PROPAGATEUR 


être  ressuscité  au  bout  de  trois  ans;  le  docteur  expose  que  ce  phé- 
nomène, appelé  scientifiquement  Vabiose,  a  déjà  été  constaté,  mais- 
sans  pouvoir  être  expliqué.  Tandis  que  ses  confrères  en  font  un 
cas  d'hypnotisme  et  de  catalepsie,  notre  docteur  y  voit  l'action  sata- 
nique.  La  description  du  phénomène  est  par  lui  tout  à  fait  détail- 
lée. Il  constate  aussi  uue  disparition  instantanée  de  dévasdase  {weS' 
taie  luciférienne).  Il  assiste  à  une  messe  en  l'honneur  de  Lucifer,, 
où  la  parodie  de  la  liturgie  catholique  est  vraiment  monstrueuse  ; 
il  n'y  a  pas  de  perversité  humaine  qui  ait  pu  imaginer  semblables 
abominations  !  du  reste,  la  présence  du  démon  se  manisfeste  au 
cours  de  la  cérémonie  d'une  façon  indiscutable. 

Dans  ce  compte  rendu  nous  passons  forcément  bien  des  épiso- 
des, pourtant  fort  intéressants.  Signalons  néanmoins  le  sabbat  pal- 
laùiqut;  iUuien  dans  la  plaine  de  Dappah.  Cette  plaine,  située  sur 
les  rives  du  Gange,  est  le  charnier  ou  sont  jetés  les  cadavres  de 
parias.  Les  luciférien?,  anglais  et  hindous,  forment  la  chaîne  ma- 
gique, en  se  mêlant  aux  cadavres,  et  c'est  là  une  scène  à  donner 
le  cauchemar. 

Epouvanté parces  infamies,  le  docteur  est  surle  point  de  renoncer 
à  son  enquête  ;  il  persiste,  toutefois;  car,  s'il  se  retirait,  il  ne  pour- 
rait pas  prendre  copie  des  documents  qui  l'intéressent  et  qu'il  veut 
mettre  au  jour.  Il  profite  donc  de  son  séjour  à  Calcutta  pour  se  faire 
communiquer  les  pièces  les  plus  importantes  des  archives  du  direc- 
toire maçonnique. 

De  Calcutta,  l'auteur  passe  à  Singapore.Ici,  il  nous  fait  assister 
à  une  initiatiou  de  Maîtresse  Templière,  grade  essentiellement 
satanique  :  et  la  récipiendaire  n'est  autre  que  la  sœur  de  Miss 
Mary.  Cette  scène  se  passe  dans  un  temple  protestant  presbytérien, 
transformé,  dès  la  nuit  venue,  en  sanctuaire  des  sectateurs  de 
Lucifer.  A  ce  prospos.  l'auteur  indique  les  signes  auxquels  se  re- 
connaît la  présence  du  prince  des  ténèbres  dans  une  assemblée  de 
ses  élus,  et  alors  qu'il  demeure  invisible. 

Enfin,  le  docteur  Bataille  nous  emmène  à  Shang-Hai,  montre  la 
secte  chinoise  qui  est  reliée  à  la  franc-maçonnerie,  toujours  parle' 
palladisme  ;  et  ce  chapitre-là  est  un  des  plus  curieux.  On  voit  com- 
ment toutes  ces  sectes  se  tiennent  :  on  touche  du  duigt  l'unité  de 
direction,  émanant  du  suprême  conseil  de  Charleston  ;  on  constate 
les  phénomènes  du  spiritisme  luciférien,  que  l'auteur  va  nous- 
montrer  ensuite  reproduits  exactement  dans  les  arrière-loges- 
d'Europe  et  d'Amérique. 

Tout  ce  qui  vient  d'être  résumé  ici  donne  la  première  partie  de 
l'ouvrage,  laquelle  est  intitulée  :  En  éclaireur  dans  l'occultisme. 

Et  cela  est  raconté  dans  un  style  simple,  à  la  portée  de  tout  le  mon- 
de. En  outre,  l'ouvrage  est  écrit  on  ne  peut  plus  honnêtement,, 
malgré  les  difficultés  du  sujet.  Le  docteur  Bataille  possède,  au 
plus  haut  degré,  l'art  infiniment  délicat  de  ne  se  faire  compren- 
dre, dans  certains  cas,  que  des  personnes  d'âge  mur,  sans  éveiller 
aucunement  des  curiosités  malsaines;  il  respecte  ses  lecteurs,  tout 
en  les  éclairant:  son  livre  peut  être  oublié  sans  danger  sur  la  table 
autour  de  laquelle  se  réunit  la  famille  :  sa  lecture  ne  provoquera> 


LE  PROPAGATEUR  27» 


chez  les  jeunes  gens,  aucune  de  ces  questions,  auxquelles  un  père 
chrétien  est  toujours  embarrassé  de  répondre. 

Tout  en  offrant  l'agrément  d'une  histoire  de  voyage,  celte  pre- 
mière partie  donne  d'innombrables  aperças  sur  la  maçonnerie 
européenne  et  ses  principaux  chefs  secreis. 

Sauf  à  y  revenir  avec  grands  détails  dans  les  chapitres  suivants,  le 
docteur  nous  montre,  comme  occultistes,  des  personnages  fort  con- 
nus en  France  :  ce  sont  Floquet,  Emmanuel  Arago,  Glovis  Hugues, 
les  Walder,  Yves  Guyot,  Jules  Lermina.  Parmi  les  étrangers  qu'il 
cite  et  avec  qui,  il  a  été  en  relations  figurent  des  noms  dont  la  noto- 
riété est  venue  jusque  chez  nous  :  le  député  radical  Bovio.  Adriano 
Lemmi,  le  docteur  Riboli,  médecin  de  Garibaldi,Crispi  lui-même, 
Louis  Ruchonnet,  le  vice-président  actuel  de  la  République  Suisse. 

L'auteur  n'a  pas  été  seulement  témoiu  occulaire  :  il  a  recueilli, 
en  outre,  des  documents  et  des  témoignages  sur  les  faits  du  passé  ; 
c'est  ainsi,  par  exemple,  que,  dans  son  chapitre  intitulé  Preuves  des 
apparitions  de  Satan,  il  fait  assister  le  lecteur,  d'après  un  récit  très 
circonstancié  du  docteur  Riboli,  à  la  préparation  de  l'envahisse- 
ment sacrilège  de  Rome  et  des  états  pontificaux  en  1870.  Dans  un 
conciliabule,  auquel  Grispi  prend  part  avec  d'autres  chefs  franc- 
maçons  occultistes,  le  général  Cadorna,  prêtre  apostat,  consa- 
cre un  morceau  de  pain  et  lejetedansun  brasier:  l'assistance  dit, 
après  le  colonel  Cucchi  :  "  Que  par  ce  symbole,  Lucifer  reçoive 
notre  hommage  !  "  Et  aussitôt  le  prince  des  démons  paraît  et  en- 
courage ses  adeptes  dans  leur  projet.  "  Le  moment  est  venu.  "  dit- 
il.  Et  l'auteur  raconte  les  intrigues  secrètes  qui  ont  suivi  ce  conci- 
liabule, les  nombreuses  entrevues  de  Cucchi  avec  Bismarck.  Ca- 
dorna mis  à  la  tête  des  troupes  de  l'usurpateur  piémontais  et  pé- 
nétrant dans  la  Ville-Sainte  par  la  brèche  de  la  Porta  Pia.  Tous  les 
dessous  lucifériens  d'un  crime  historique  sont  ainsi  dévoilés. 

Dans  la  seconde  partie  de  son  ouvrage,  le  docteur  Bataille  di- 
vulguera l'organisation  supérieure  de  la  franc-maçonnerie,  le  fonc- 
tionnement des  directoires,  des  missions  secrètes,  la  diplomatie  lu- 
ciférienne.  Il  présentera  au  lecteur  le  pape  de  la  secte  ;  il  montre- 
ra le  lieu  maudit  où  Satan  confère  régulièrement  avec  son  Vicaire,, 
selon  l'expression  de  Mgr  Meurin. 

Puis,  viendront  les  chapitres  consacrés:  au  laboratoire  cabalisti- 
que de  Gibraltar  ou  se  fabriquent  les  poisons  maçonniques  ;  au 
grand-maître  Lemmi.  en  conspiration  permanente  contre  le  Vati- 
can ;  au  magnétisme  occulte  des  arrière-loges;  à  la  nécromancie 
contemporaine  ;  à  la  grande-maîtresse  Sophie  Walder,  cette  aven 
turière  dont  le  rôle  n'a  pu  être  expliqué  par  aucun  des  auteurs  qui 
ont  eu  à  parler  d'elle,  cette  créature  étrange  dont  les  franc-maçons 
lucifériens  font  une  sorte  de  déesse,  qui  a  la  haute  main  sur  toutes 
les  loges  palladiques  de  France,  Belgique  et  Suisse,  cette  personna- 
lité énigmatique  que  certaines  dames  de  la  haute  société  parisien- 
ne, se  vouant  au  spiritisme,  reçoivent  chez  elles,  et  que  le  docteur 
Bataille  accuse,  entre  autres  choses,  d'être  le  trait-d'union  secret 
entre  la  franc-maçonnerie  et  les  anarchistes,  à  qui  elle  a  maintes 


276  LE  PROPAGATEUR 


fois  fait  passer  des  fonds  de  propagande,  fournis  par  le  trop  fameux 
Cornélius  Herz,  autre  franc-maçon  et  luciférien  aussi. 

En  un  mot,  le  docteur  Bataille  fera  la  lumière  la  plus  complète, 
en  homme  qui  a  vu  de  près  ces  monstrueuses  infamies.  Il  dira 
aussi  dans  quelles  conditions  tragiques  son  enquête  a  été  close  et 
comment  il  a  été  préservé  de  la  vengeance  des  sectaires  dont  il 
brave  la  fureur,  et  qui,  maintenant,  démasqués,  n'auront  plus  qu'à 
se  renfermer  dans  le  mutisme  des  coupables  endurcis  pris  sur  le 
fait. 

On  voit,  par  ce  rapide  aperç-u,  quel  intérêt  puissant  s'attache  à 
l'œuvre  du  docteur  Bataille,  œuvre  vécue,  s'il  en  fût  une,  œuvre 
d'une  utilité  sur  laquelle  il  serait  superflu  d'insister,  et  qui  reste- 
ra comme  le  plus'  formidable  réquisitoire  qui  ait  jamais  été  for- 
mulé contre  l'infernale  franc-maçonnerie. 

L'ouvrage  formera,  en  tout  de  cent  à  cent-vingt  livraisons  ;  soit 
un  grand  volume  in-octavo  jésus  d'environ  mille  pages,  publié  par 
fascicules  mensuels  de  10  livraisons  à  25  cls.  Nous  faisons  conaî- 
tre  (en  tête  de  cette  notice)  le  mode  d'abonnement.  A*  la  fin  de  la 
publication,  les  abonnés  recevront  une  belle  couverture  coloriée  ; 
ainsi  que  les  feuilles  de  frontispice,  pour  le  brochage  du  volume. 

Les  souscriptions  sont  reçues  chez  Gadieux  et  Derome. 

LE  TRIOMPHE  DE  LOURDES 

PAR  •  •  • 
Cinquième  édition  12  volume  in-13.    Prix 8S  ets 

La  Librairie  Victor-Havard,  à  Pai-is,  publie  un  livre  anonyme, 
le  Triomphe  de  Lourdes^  qui  a  fait  grand  bruit,  même  avant  son 
apparition. 

Les  uns  prétendent  qu'il  est  écrit  par  un  religieux  illustre  ;  les 
autres,  au  contraire,  qu'il  est  d'un  personnage  connu,  converti 
pendant  le  pèlerinage  national.  Ce  qui  ferait  admettre  cette  der- 
nière version,  c'est  que  le  livre  dont  nous  recevons  aujourd'hui 
les  premières  épreuves,  renferme  les  documents  les  plus  extra- 
ordinaires sur  les  manœuvres  employées  par  la  franc-maçonnerie 
pour  détruire  l'œuvre  de  Lourdes,  et  les  détails  les  plus  minutieux 
sur  le  voyage  et  les  pensées  intimes  de  M.  Zola. 

Parlant  de  la  Grotte,  l'auteur  s'exprime  ainsi  : 

Et  une  fois  qu'on  l'aura  vue  celte  Grotte,  joliment  enguirlandée  de  lierre, 
illuminée  de  cierges  vacillants  au  souffle  de  la  brise  de  Gave,  on  voudra  y  revenir. 

Allons  à  la  Grotte  ! 

Telle  est  la  phrase  que  le  pèlerin  et  le  touriste  répètent,  pendant  leur  séjour 
à  Lourdes. 

Il  y  a  dans  cette  niche  visitée  par  la  Vierge,  un  mystérieux  aimant  qui  attire 
les  âmes. 

On  pleure,  en  quittant  Lourdes,  comme  on  pleure  en  quittant  sa  patrie  ;  et, 
si  l'on  pouvait  voir  une  âme,  oq  verrait  que  la  Grotte  en  est  tapissée. 

Et  pendant  l'hiver,  quand  elle  est  solitaire,  elles  doivent  voltiger  sur  les  ailes 
du  souvenir  et  chanter,  comme  les  anges  au-dessus  de  la  crèche  du  Sauveur, 
le  Gloria  in  excelcis  de  leur  reconnaissance  et  de  leur  amour. 

L'ouvrage  fourmille  d'anecdotes  sur  Bernadette  et  Mgr  Peyra- 
male. 


i.T^ 


LE  PROPAGATEUR  277 


En  voici  une  bien  inédite.  On  sait  qu'après  avoir  ordonné  la 
fermeture  de  la  Grotte,  l'Empereur  revint  sur  sa  première  décision. 

L'auteur  va  nous  donner  le  motif  de  ce  changement  :  -  >  i.TII 

Les  Evangiles  nous  racontent  que,  pendant  le  procès  de  Jésus,  la  femme'  de 
Ponce-Pilate,  qui  avait  eu  un  songe,  envoya  un  esclave  à  son  mari  pour  le  sup- 
plier de  ne  pas  livrer  le  Juste  à  la  mort  de  la  croix.  L'impératrice  Eugénie  avait 
eu  plus  qu'un  song-:",  au  sujet  de  l'arbitraire  exercé  à  Lourdes  pir  l'autorilé 
impériale.  Une  nuit,  le  petit  prince  impérial  fut  pris  de  suflocations  qui  ressem- 
blaient, à  s'y  méprendre,  aux  râles  atfreux  du  croup.  Avant  d'appeler  le  mé- 
decin, l'Impératrice  courut  réveiller  une  de  ses  demoiselles  d'honneur,  qui  nous 
a  certifié  le  fait,  pour  lui  demander  une  herbe  de  la  Grotte  envoyée  par  l'abbé 
Peyramale,  avec  qui  elle  était  en  correspondance  suivie. 

La  dame  d'honueur,  qui  était  alors  demoiselle  d'honneur,  dit  à  l'Impératrice: 

"  Il  faut  faire  un  vœu,  si  le  prince  guérit  subitement,  vous  devrez  obtenir  de 
l'Empereur  l'ordre  de  faire  ouvrir  la  Grotte  de  Lourdes.  " 

L'Impératrice  promit. 

Le  mal  avait  subitement  empiré.  Le  médecin  du  palais,  mandé  en  toute  hâte, 
conseilla  de  réveiller  l'Empi-reur. 

L'Impératrice  approcha  l'herbe  de  la  Grotte  de  Lourdes  des  lèvres  du  petit 
malade,  et  se  mit  à  genoux  au  pied  de  son  lit.  Quand  elle  se  releva,  le  prince 
était  sauvé. 

L'Empereur  n'apprit  l'événement  que  le  lendemain  par  l'abbé  Laisne,  aumô- 
nier des  Tuileries.  Avant  même  d'avoir  vu  l'Impératrice,  il  avait  tait  télégraphier 
au  préfet  de  Tarbes  d'ouvrir  la  Grotte  de  Lourdes  et  de  ne  plus  tracasser  Ber- 
nadette. 

On  sait  que  Bernadette  répondait  avec  un  à-propos  charmant  : 

"  Tu  étais  peut-être  malade  le  jour  cii  tu  as  vu  la  Sainte  Vierge,  lui  demanda 
le  commissaire  de  police  après  la  première  apparition  ?  "  "  Oh  !  monsieur,  ré- 
pondit la  petite  voyante,  ce  n'est  pas  avec  mon  asthme  que  je  vois  la  dame, 
c'est  avec  mes  deux  yeux.  " 

Le  docteur  Voisin  ayant  prétendu  que  Bernadette  était  enfermée 
comme  folle  à  Nevers,  l'évêque  du  diocèse  autorisa  un  voyageur 
illustre  à  se  rendre  compte  par  lui-même  de  la  fausseté  de  cette 
nouvelle. 

"  Il  allait  se  retirer,  persuadé  non  seulement  que  Bernadette  n'était  pas  folle, 
mais  qu'elle  était  douée  d'un  rare  bon  sens,  quand  il  lui  prit  la  fantaisie  d'adres- 
ser une  dernière  question. 

Le  médecin  se  souvenant  que  l'on  avait  écrit  que  Bernadette  était  mise  au 
secret  dans  son  couvent,  lui  dit  :  "  Ma  sœur,  on  affirme  daas  le  monde  que  l'on 
vous  cache  ici  bien  des  choses.  " 

"  Oui,  monsieur,  répondit  Bernadette,  Ici  on  me  cache  mes  défauts.  " 

L'abbé  Peyramale  n'avait  pas  moins  d'esprit. 

Un  jour  un  savant  astronome  voulait  l'embarrasser  au  sujet  de  l'existence 
du  paradis. 

—  Mais  enfin,  où  le  placez-vous  votre  ciel,  demandait  le  grand  homme  d'un 
air  narquois  ? 

—  Ce  n'est  pas  l'espace  qui  manque,  mon  bon  ami.  Vous  reconnaissez  que 
les  planètes  sont  habitées,  n'esi-ce  pas  ? 

—  Certainement. 

—  Par  qui  ? 

—  Nous  l'ignorons. 

—  Alors  je  suis  plus  savant  que  vous.  Je  suis  certain  que  le  ciel  existe.  Peut-, 
être  dans  une  de  ces  planètes.  Quant  aux  habilants,  je  les  connais  moi,  ce  sont 
les  humbles  et  non  les  orgueilleux  qui,  ne  connaissant  rien  de  la  création,  vou- 
draient tout  connaître  du  Créateur. 

Ils  me  représentent  un  muet  se  faisant  professeur  de  langues  étrangères. 
L'auteur  nous  apprend  que  Léon  XIII  a  une  dévotion  particuli- 
ère à  Notre-Datne  de  Lourdes. 


I 


^78  LE  PROPAGATEUR 


z.  Amsi  pouvait-il  répondre  à  ua  prélat  qui  lui  exprimait  son  iHécontent»ment 
'en  le  voyant  s'obstiner  à  ne  pas  couvrir  de  sa  haute  approbation  un  autre  pè- 
lerinag'^  :  "  Si  Notre-Dame  île  X...me  ferme  les  portes  du  ciel,  Notre-Dame  de 
Lourdes  me  les  ouvrira  bien  gran  les.  " 

L'écrivain,  après  avoir  analysé  les  grand  miracles  de  1892  et 
réfuté  les  arguments  de  la  libre  pensée,  nous  fait  assister  aux 
moindres  détails  de  la  transformation  de  M.  Zola, 

Un  auteur  célèbre  est  parti  pour  Lourdes  avec  Vidée  bien  arrêtée  de  faire 
sombrer  dans  son  encrier  la  peiite  nacelle  qui  portait  les  superstitions  de  quel- 
ques catholiques. 

Cet  auteur,  M.  Zola,  nouveau  saint  Paul,  a  été  renversé  sur  le  chemin  de 
Lourdes,  et  aussitôt  le  question  des  miracles  a  changé  de  phase. 

Le  sourire  a  fait  place  à  la  discussion.  Gonnme  nous  sommes  surtout  en  France, 
des  moutons  de  Panurge,  la  phrase  de  l'auteur  de  Pot-Bouille  est  devenue  la 
phrase  du  jour.  "  Oui,  il  est  certain  qu'il  se  passe  à  Lourdes  des  choses  extra- 
ordinaires. " 

Dans  les  questions  religieuses,  il  n'y  a  qu'un  pas  de  l'extraordinaire  au 
surnaturel. 

Le  hasard  a  voulu  que  j'allasse  m'établir  à  Lourdes  cet  été  et  j'ai  pu  y  suivre 
pas  à  pas  les  diverses  phases,  je  ne  dirai  pas  encore  de  la  conversion  de 
M.  Zola,  mais  de  sa  transformation. 

En  apparence  le  mot  est  le  môme,  mais  en  réalité  il  ne  se  ressemble  pas.  On 
peut  être  transformé  et  ne  pas  se  convertir.  La  conversion  tient  à  des  questions 
de  milieu  et  même  d'mtérêt.  C'est  ainsi  que  la  reine  d'Angleterre  est  transformée 
au  point  de  vue  catholique  et  ne  peut  pas,  par  raison  d'Etat,  être  convertie  of- 
ficiellement. 

Il  en  est  de  même  pour  M.  Zola.  Nous  espérons  le  prouver  avec  impartialité. 

Et  l'auteur  le  prouve  dans  un  ouvrage  remarquable  qui  ne 
manquera  pas  de  susciter  les  polémiques  de  la  presse  anti-religieuse. 

Jusqu'à  ce  jour,  on  nous  avait  raconté  dans  un  style  émouvant 
l'histoire  des  apparitions  de  Lourdes,  mais  jamais  une  thèse  scien- 
tifique et  théologique  n'avait  été  dressée  sur  la  possibilité  et  la 
réalité  des  miracles. 

Cette  lacune  vient  d'être  comblée  par  l'auteur  du  Triomphe  de 
Lourdes^  le  livre  si  remarquable  que  publie  la  librairie  Victor- 
Harvard. 

La  magistrale  préface  qui  ouvre  le  livre  porte  comme  titre  : 
Nos  deux  patries.  Ce  sont  bien  les  plus  purs  accents  d'un  patrio- 
tisme ardent  unis  aux  plus  nobles  élans  d'une  foi  religieuse  in- 
telligemment comprise  qui  se  détachent  de  ces  pages  dues  à  la 
plume  d'un  maître  de  la  chair  chrétienne. 

L'auteur  du  Triomphe  de  Lourdes  se  montre  à  son  tour  un  poète 
délicieux  dans  les  descriptions  de  ses  riants  paysages,  dans  l'émou- 
vante évocation  des  grandioses  cérémonies  et  dans  les  pages  vi- 
vantes consacrées  à  l'évocation  des  deux  grandes  figures  de 
Lourdes  :  celles  de  Bernadette  et  du  bon  abbé  Peyramale. 

L'auteur  n'esquive  pas  la  discussion,  et  c'est  avec  l'abondance 
et  l'éloquence  des  preuves  qu'il  fait  bonne  justice  des  arguments 
•de  Jean-Jacques  Rousseau  et  de  Renan  contre  les  miracles  en 
général,  et  des  prétentions  de  la  libre  pensée  contemporaine  re- 
présentée par  M.  Zola,  contre  les  miracles  de  Lourdes  en  particulier. 

Ce  livre  est  bien  nommé.  Il  est  véritablement  :  Le  Triomphe  de 
Lourdes. 


L'ABBE  COMBALOT 


MISSIONNAIRE  APOSTOLIQUE 


L'ACTION  CATHOLIQUE  DE  1820  A  1870 

PAR 

Mgr  RICARD 

PRÉLAT  DE  LA  MAISON  DE  SA  SAINTETÉ,  VICAIRE 

GÉNÉRAL  HONORAIRE  D'ÂIX 

Avec  nn  Portrait  de  l'Abbé  Combalot 

ET  ÏÏNE  PREFACE 
DE  Mgr  DE  CABRIÈRES,  ÉVÊQUE  DE  MONTPELLIER 

ET  DES  LETTRES    APPROBATIVES 

de  NN.SS.  les  Archevêques  de  Marseilles,  Aix,  Chambéry,  Grenoble, 
Avignon,  Valence,  Coutances,  Cap  et  Séez 

NOUVELLE  EDITION 

3e  MILLE 


1  fort  Tolnnie  in-13.    Prix $1.00 

LETTRE-PRÉFACE 

DE   MONSEIGNEUR   l'ÉVÊQUE  DË   MONTPELLIER. 

Le  4  septembre  1891, 
à  Cabrières,  par  Bezonce  (Gard) 

Monseigneur, 

Je  viens  de  lire,  avec  le  plus  vif  intérêt,  votre  nouveau  travail, 
consacré  à  retracer  la  noble  et  féconde  carrière  de  M.  l'abbé 
Combalot,  ainsi  que  les  diverses  phases  de  VAction  catholique  de 
1820  à  1870. 

Vous  avez  vraiment  le  don  de  rendre  votre  récit  vivant  ;  et, 
grâce  à  cet  attrait,  augmenté  encore  par  l'importance  des  souvenirs 
que  vous  rappelez,  il  n'est  pas  facile  de  se  détacher  de  vos  livres, 
une  fois  qu'on  les  a  commencés.  Celui-ci  me  parait  meilleur  encore 
que  ses  frères  aines.  Il  est  plus  riche  de  documents,  il  est  dès  lors 
d'une  exactitude  historique  encore  plus  irréprochable  ;  enfin,  votre 
héros,  sans  être  l'égal  du  P.  Lacordaire,  de  M.  de  Montalembert, 
du  malheureux  Lamenais,  me  paraît  supérieur  à  Mgr  de  Salinis 


280  LE  PROPAGATEUR 


et  à  l'abbé  Rohrbacher.  Il  a  des  pages  d'une  éloquence  saisissante, 
de  véritables  traits  de  génie,  et  surtout  des  accents  de  foi  et  de 
piété  qui  émeuvent  délicieusement  le  cœur,  autant  qu'ils  charment 
l'esprit. 

Comme  vous  me  le  faisiez  prévoir,  en  m'envoyant  votre  volume, 
je  me  suis  retrouvé  là  tout  à  fait  en  pays  de  connaissance.  De 
1851  à  1859,  pendant  que  je  tenais,  —  bien  imparfaitement,  hélas  ! 
—  au  collège  libre  de  l'Assomption,  la  place  du  R.  P.  d'Alzon, 
obligé  de  prendre  quelque  repos,  j'ai  vu  souvent  et  longtemps  *'  le 
Père  Gombalot",  comme  nous  aimions  à  l'appeler.  J'ai  admiré 
son  zèle,  son  goût  pour  les  fortes  études  théologiques,  sa  piété 
ardente  et  naïve,  sa  dévotion  filiale  envers  la  Très-Sainte  Vierge, 
son  amour  de  l'Eglise,  son  obéissance  envers  le  Pape  !  J'ai  entendu 
aussi  quelques-unes  de  ses  apostrophes  violentes  contre  les  enne 
mis  de  Dieu.  Il  m'a  parlé,  avec  une  admiration  touchante,  de  cette 
œuvre  de  l'Assomption,  suscitée  par  lui,  et  dont  les  événements 
l'avaient  séparé,  sans  l'en  détacher.  Je  savais  aussi  combien  il 
avait  aimé  la  famille  d'Alzon  et  les  beaux  ombrages  de  Lavagnac, 
sous  lesquels  vous  le  représentez,  étudiant  ou  préparant  ses 
sermons.  Même,  j'étais  allé  le  revoir  à  l'Évèché  de  Montpellier,  ne 
pouvant  soupçonner  alors  les  destinées  qui  m'appelleraient,  un 
jour,  à  succéder  à  Mgr  Thibaut.  Je  vous  remercie  d'avoir  rapporté 
plusieurs  paroles  et  plusieurs  faits,  qui  font  grand  honneur  à  mon 
prédécesseur.  Que  Mgr  Thibault  eût  été  plus  heureux,  avec  sa 
riche  nature,  sa  foi  sincère  et  ses  nombreuses  qualités,  si  M. 
Gombalot  eut  été  toujours  son  commensal  et  son  confident  ! 

Peut-être  voudriez  vou:^,  Monseigneur,  que  je  signale  moi-même 
à  vos  lecteurs  les  rapprochements  qu'il  y  aurait  à  faire  entre  notre 
époque  et  celle  où  s'est  épanouie  la  vie  si  apostolique  et  si  méri- 
toire de  M.  Gombalot?  Mais  pourquoi  ne  pas  leur  laisser  le  plaisir 
de  les  faire  eux-mêmes  ?  Et  qui  sait  d'ailleurs  si  mes  appréciations, 
mes  opinions,  mes  conclusions  seraient  celles  qui  conviendraient 
au  plus  grrind  nombre  de  ceux  à  qui  votre  livre  peut  être  utile? 
On  parlf  aujourd'hui  du  besoin  que  l'on  a  d'hommes  nouveaux; 
et  je  serai  bientôt,  si  je  n'y  suis  déjà,  parmi  les  hommes  anciens. 
Mes  idées  sont  plus  vieilles  que  moi,  et  je  leur  demeure  fidèle  par 
conviction  plus  encore  que  par  honneur. 

Que  les  catholiques  militants  prennent  donc  pu  mains  votre 
livre  :  ils  y  trouveront  à  s'instruire  et  à  s'édifier.  Ils  verront  quels 
sacrifices  on  doit  faire  à  ses  croyances,  et  combien  il  importe  d'uni»- 
à  la  venu  la  dignité  et  la  fermeté  du  caractère.  Ils  verront  aussi 
que  toutes  les  époques  ont  leurs  dilhcultés  et  leurs  tristesses,  et 
qu'il  faut  savoir  gré  aux  hommes,  après  qu'ils  se  sont  trompés, 
d'avoir  eu  le  courage  de  le  reconnaître. 

Votre  livre,  Monseigneur,  est  donc  un  livre  utile,  par  lui-même 
et  par  les  réflexions  dont  il  jettera  la  semence. 

Agréez,  s'il  vous  plaît,  mes  respectueux  et  dévoués  hommages. 

j  Fr.  Marie-Anatole  de  Gabrières, 
ÉvÈQUE  DE  Montpellier 


LE  PROPAGATEUR  281 

LETTRE  DE  Mgr  GOUTHE-SOULARD 

ARCHEVÊQUE  d'aIX,  ARLES  ET  EMBRUN. 

Aix,  le  25  octobre  I89L 

Cher  seigneur  et  digne  ami, 

Malgré  mes  nombreuses  occupations  de  ces  jours-ci,  j'ai  continué 
la  lecture  de  votre  Vie  de  l'abbé  Combalot. 

J'en  étais  à  son  emprisonnement  à  Sainte-Pélagie,  quand  j'ai 
reçu  la  citation  à  comparaître  le  24  novembre  devant  la  Cour 
d'Appel  de  Paris,  siégeant  correctionnellement.  Un  ami  qui  étaiC 
présent  s'écria  :  Ah!  si  cette  page  était  prophétique  !... 

Vous  êtes  un  vrai  charmeur.  Quand  on  a  pris  vos  livres,  on  ne 
veut  plus  les  quitter  ;  la  dernière  page  arrive  trop  ^tôt.  On  les 
retient,  parce  qu'on  les  lit  avec  plaisir.  Les  récits  s'enchaînent 
sans  effort  et  sans  peine,  et  vont  droit  leur  chemin. 

Vous  montrez  M.  Combalot  tel  qu'il  est  :  grand  talent,  vaillant 
courage,  prédicateur  infatigable,  noble  cœur  et,  pardessus  tout, 
prêtre  dévoué  à  Dieu,  à  l'Église  et  à  son  pays,  vous  le  faites 
connaître. 

Le  clergé  vous  en  sera  reconnaissant,  et  vous  le  témoignera  en 
le  lisant  et  surtout  en  l'imitant. 

Recevez,  bien  cher  Seigneur  et  ami  dévoué,  la  nouvelle  assu- 
rance de  mes  sentiments  affectueux  en  N.-S. 

-{-  Xavier,  Archevêque  d'Aix. 
LETTRE  DE  Mgr  FAVA 

ÉVÊQUE  DE  GRENOBLE. 

Evin-Malmaisoa,  le  15  septembre  1891. 
Cher  seigneur  et  ami^ 

Je  viens  d'achever  la  lecture  de  votre  ouvrage  :  La  Vie  de  l'abbé 
Combalot.  Il  arrive  à  son  heure,  et  nul  mieux  que  votre  héros  ne 
saurait  servir  de  guide  aux  catholiques  militants  de  nos  jours. 

La  France  se  meurt,  ainsi  que  l'Europe  tout  entière,  faute  de 
principes  chrétiens,  par  cette  raison  que  notre  société,  devenue 
rationaliste  avec  le  Libre-Examen  protestant,  répudie  l'Église  Catho 
lique,  seule  capable  d'enseigner  avec  autorité  le  christianisme.  Or. 
l'abbé  Combalot  est  le  grand  apôtre  de  Jésus-Christ  dans  les  temps 
modernes.  Jésus,  Marie,  le  Pape,  l'Église,  cesquatres  noms  jaillis- 
saient de  ses  lèvres  et  de  son  cœur  brûlant  d'amour,  avec  des 
accents  vainqueurs.  D'autres,  sans  doute,  brillèrent  plus  que  lui  : 
comme  orateurs,  personne  ne  fut  apôtre  comme  lui  ;  il  était, 
comme  Etienne,  rempli  de  l'esprit  de  Dieu. 

18 


282  LE  PROPAGATEUR 


Gomme  vous  le  dites,  cher  Seigneur,  il  était  né  au  pays  des 
Alpes,  où  planent  les  aigles  dont  il  respirait  l'air,  de  parents  chré- 
tiens, en  un  foyer  embaumé  de  foi  et  d'amour  de  Dieu,  où  quatorze 
enfants  composèrent  la  couronne  du  père  et  de  la  mère.  Amené 
par  une  de  ses  tantes  à  Saint-Antoine,  il  y  grandit  à  l'ombre  de  la 
basilique  abbatiale,  merveille  du  Dauphiné,  de  sorte  que  sa  jeune 
âme  s'éveilla  au  sein  de  tous  les  spectacles  qui  pouvaient  la  former 
et  la  grandir.  Il  garda  toute  sa  vie  quelque  chose  de  l'âpreté  de 
ces  solitudes  et  de  ces  monts  où  s'écoulèrent  ses  premières  années. 
Du  petit  séminaire  de  la  Côte-Saint-André,  il  passa  au  grand 
séminaire  de  Grenoble,  y  devint  pi-être  et  professeur.  Il  en  sortit 
pour  entrer  au  noviciat  des  Jésuites,  qui  ont  discipliné  ce  tempé- 
rament de  feu  sans  en  éteindre  la  flamme.  Sa  vocation  n'était  point 
là:  comme  un  condor,  avez-vous  dit  parfaitement,  il  lui  fallait  les 
tempêtes.  Il  portait  en  lui,  corps  et  âme,  tout  ce  qu'il  fallait  pour 
les  affronter  hardiment,  et  sa  voix  puissante  dominait  les  foules. 

L'abbé  Gombalot  avait  déjà  subi  à  distance  l'influence  de  Lamen- 
nais, alors  qu'il  professait  au  séminaire  :  il  se  rendit  à  laChesnaie. 

Cher  Seigneur,  vous  avez  montré  votre  héros  fasciné  un  instant 
par  cet  homme,  dont  Frayssinous  disait  :  "  Il  possède  un  genre 
d'éloquence  qui  réveillerait  un  mort.  "  Mais  il  sut  l'abandonner, 
quand  il  aperçut  l'erreur.  Là  cependant,  il  s'était  lié  avec  l'élite 
des  esprits  d'alors. 

En  1828,  l'abbé  Gombalot  prêche  le  carême  à  la  cathédrale  de 
Grenoble.  "Ce  fut  un  long  triomphe  de  parole,  d'afHuence  et  de 
retours  à  Dieu.  Il  n'avait  que  trente  et  un  ans..."  En  1830,11 
paraissait  dans  la  chaire  des  Tuileries,  portant  la  parole  devant 
Charles  X,  avec  la  sainte  indépendance  d'un  prêtre  de  Jésus-Christ. 
Il  parcourait  la  France,  parlant  en  tous  lieux,  avec  la  foi  et  la 
charité  d'un  envoyé  de  Dieu,  multipliant  sous  ses  pas  plus  encore 
les  conversions  que  les  ovations.  Le  gouvernement  de  Louis 
Philippe  eut  peur  de  sa  grande  parole  et  le  fit  surveiller,  ainsi  que 
ses  nombreux  amis  dont  était  Louis  Veuillot.  C'est  assez  dire  que 
l'abbé  Gombalot  se  montrait  franchement  ultramontain. 

Tous  les  détails  que  vous  donnez  ensuite,  cher  Seigneur,  sur  les 
rapports  de  l'abbé  avec  Mgr  Afî"re,  sont  du  plus  haut  intérêt.  Votre 
chapitre  vie,  intitulé  :  Le  Missionnaire^  révèle  à  tous  le  secret  des 
triomphes  oratoires  de  l'apôtre  et  les  conversions  que  Dieu  opéra 
par  lui;  votre  chapitre  vu»  dit  la  bonté  paternelle  de  Grégoire 
XVI  à  son  égard,  dans  un  voyage  à  Rome,  dont  le  récit  est  rempli 
de  détails  fort  instructifs;  votre  chapitre  vine,  intitulé  :  Contre  le 
monopole  universitaire^  décrit  le  combat  fameux  qu'il  soutint  avec 
Montalembert  pour  la  liberté  d'enseignement.  Là  se  trouve  ce 
mot  terrihle  tombé  de  la  bouche  de  Louis-Philippe,  disant  à  l'abbé 
Gombalot:  "Vous  avec  raison,  monsieur,  l'Université  nous 
conduit  à  l'anthropophagie."  Il  faut  lire  ces  pages  brûlantes,  pour 
savoir  à  quelle  hauteur  s'élevait  dans  l'héroïsme  l'apôtre  de  Jésus- 
Christ  et  le  prêtre  sauveur  des  âmes.  Gela  sent  la  poudre,  et  il 
fallut,  dites-vous,  que  Montalembert  et  Louis  Veuillot  modérassent 
les  coups  du  terrible  combattant.   N'importe  1  un  mémoire  q.u'il 


LE  PROPAGATEUR  283 


publia  lui  attira  un  procès,  et  lui  valut  4,000  francs  d'amende  et 
quinze  jours  de  prison  ;  mais  aussi  un  double  triomphe  de 
parole:  celui  de  M.  Henry  de  Riancey  et  le  sien  propre.  Qui  voudra 
contempler  l'Aigle  des  Alpes  enchaîné  à  Sainte-Pélagie  n'aura 
qu'à  lire  votre  chapitre  xe.Le  xi^,la  fin  d'un  règne^vienl  naturellement 
après  les  persécutions  suscitées  à  l'Eglise,  à  ses  ministres.  C'est 
dans  les  pages  du  xn^  que  l'abbé  Gombalot  sonne  la  marche  en 
avant  et  fait  appel  à  l'épiscopat  français  contre  le  socialisme  et  en 
faveur  d'une  vraie  liberté  d'enseignement. 

"Ces  appels,  dites-vous,  partaient  d'un  cœur  dévoré  du  zèle  de 
la  maison  de  Dieu."  C'était  le  même  sentiment  qui  lui  dictait  ces 
mots:  "Le  clergé  catholique  a  reçu  de  N.-S.  Jésus-Christ  le 
*'  pouvoir  d'intervenir  dans  les  affaires  séculières,  dans  les  choses 
'•  de  la  politique,  et  il  ne  peut  ni  ne  doit  demeurer  étranger  aux 
"  erreurs,  aux  systèmes  et  aux  passions  qui  divisent  et  troublent 
"  le  monde  social  et  politique."  Mgr  Pie  n'acceptait  pas  que  "les 
prêtres  dussent  s'éloigner  du  théâtre  où  se  joue,  pour  le  maUieur 
des  nations,  la  terrible  tragédie  de  leurs  destinées.  "  L'abbé  Gom- 
balot reprend  cette  idée  et  la  fait  sienne,  en  la  revêtant  de  sa 
forme  imagée.  "Je  dis  à  mon  tour,  écrit-ii,  que  les  nations  mo- 
"  dernes  ont  à  choisir  entre  le  catholicisme  et  l'état  sauvage.  "  Il 
faut  lire  ces  pages  vibrantes  de  foi  et  d'amour  :  amour  de  Dieu, 
amour  de  la  patrie.  Cependant  l'ardeur  dn  combat  entraîne  si  loin 
le  grand  lutteur,  que  Louis  Veuillot  lui-même  crut  devoir  l'avertir, 
Il  s'arrêta,  mais  en  écrivit  au  Pape. 

Toutes  ces  choses,  cher  Seigneur,  sont  dites  avec  la  clarté  et  la 
sûreté  que  l'on  exige  de  l'histoire  sage  et  sans  faiblesse  pojr  un 
héros. 

Votre  chapitre  xiv-  :  Sous  r Empire,  est  fort  instructif  aussi.  Le 
xve  dit  son  immense  amour  par  Marie.  Le  xvi",  Pro  Deo  el  Ecclesia 
nous  montre  Napoléon  III  irrité  des  sermons  deCombalot  et  Mgr 
Darboy  interdisante  l'apôtre  les  prédications  à  Paris...  Pie  IX 
l'encourage.  Votre  chapitre  xvni^  montre  votre  infatigable  héros 
prêchant  le  carême  à  Rome,  sur  les  désirs  du  Souverain  Pontife, 
pendant  le  Concile.  La  fin  de  l'Empire  est  le  titre  et  le  sujet  du 
xviije  chapitre.  Viennent  ensuite  la  Rentrée  à  Paris  et  La  fin  de 
Vapôtre. 

Nous  avons  lu,  cher  Seigneur,  votre  livre  tout  entier,  avec 
intérêt,  grande  édification,  parfois  avec  ravissement.  Il  no  as  a 
révélé  l'apôtre  des  temps  modernes,  nouveau  Brydaine  ;  et  tous 
ceux  qui  vous  liront  se  plairont,  je  p^nse  comme  moi,  à  vous 
remercier  de  votre  savant  et  consciencieux  labeur. 

Vous  avez  dit,  quand  il  l'a  fallu,  les  ardeurs  excessives  de  votre 
cher  abbé  Combalot,  que  vous  aimez  à  juste  titre  et  que  savez 
faire  aimer.  Il  le  mérite,  parce  que  lui-même  a  su  s'oublier  poui^ 
Dieu  et  pour  les  âmes. 

Merci  donc  et  tout  Vôtre  en  N.-S. 

\  Amand-Joseph,  Évêque  de  Grenoble^ 


I 


DE  LA  RICHESSE 


DANS    LES 


SOCIETES  CHRETIENNES 

Par  3Ï.  Charles  Périii 

Correspondant  de  l'Institut  de  France 

TROISIÈME  ÉDITION,  REVUE  ET  CORRIGÉE 

3  vol  in-12 Pnx$2.63 

li'article  qni  snit  est  extrait  de  ce  livre. 

I.  De  toutes  les  passions  de  notre  temps,  la  passion  des  richesses 
est  peut-être  la  plus  impérieuse  et  la  plus  générale.  En  elle  se 
résument  tous  les  mauvais  instincts,  toutes  les  aspirations  désor- 
données et  coupables  qui,  depuis  un  siècle,  inquiètent,  ébranlent, 
abaissent  nos  sociétés.  Des  causes  politiques  et  des  causes  sociales 
ont  concouru  à  lui  donner  naissance  et  l'ont  sans  cesse  entretenue 
et  développée.  Tandis  qu'un  sentiment  démocratique  mal  entendu 
travaillait  à  effacer  toutes  les  grandeurs,  au  milieu  du  nivellement 
général,  une  seule  supériorité  résistait  à  tous  les  efforts,  à  raison 
de  son  caractère  matériel  et  essentiellement  positif,  la  supériorité 
des  richesses.  Impuissant  à  détrôner  la  richesse,  l'orgueil  démo- 
cratique prétend  s'y  élever,  et  de  là  cette  âpre  poursuite  de  la 
fortune  à  laquelle  se  livrent  les  vanités  aristocratiques,  toujours 
vivantes  même  au  sein  de  ladém.ocratie  la  plus  exclusive.  Chacun 
aujourd'hui  veut  être  riche,  parce  que  la  richesse  est  la  seule 
distinction  incontestée  et  la  seule  influence  toujours  obéie  dans 
nos  sociétés  égalitaires. 

Mais,  outre  cette  raison  politique,  il  y  a  des  raisons  plus  pro- 
fondes, lesquelles  tiennent  à  la  maladie  aui  travaille  les  âmes 
depuis  un  siècle. 

L'homme  s'est  séparé  de  Dieu.  Rejetant  toute  autre  loi  que  la 
loi  de  sa  raison,  proclamant  la  souveraineté  de  la  nature,  c'est-à- 
dire  sa  souveraineté  à  lui-même  qui  est  le  roi  de  la  nature,  il  a, 
par  une  conséquence  inévitable,  abjuré  tout  principe  de  sacrifice 
et  pris  pour  règle  la  légitimité  de  toutes  ses  convoitises.  Déchu  de 
la  vie -spirituelle,  dans  laquelle  l'union  avec  Dieu  complaît  ses 
aspirations  les  plus  hautes,  force  lui  a  été  de  chercher  dans  le 
monde  des  sens  une  satisfaction  à  ses  instincts  innés  de  grandeur 
et  de  progrès.  Mais,  en  mettant  sa  grandeur  dans  l'ordre  matériel 
il  abdiquait,  avec  la  dignité  de  sa  destinée,  le  principe  même  de 
sa  souveraineté.  Alors  qu'il  croyait  être  à  lui-même  son  seul 
maître,  il  n'était  plus  qu'un  esclave,  et  le  naturalisme,  au  lieu  de 
l'affranchissement  qu'il  lui  promettait,  ne  lui  avait  donné  que  la 
plus  abjecte  des  servitudes  :  la  servitude  des  appétits  de  la  matière. 


LE  PROPAGATEUR  285 


II.  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  passion  des  richesses 
apparaît  dans  le  monde  avec  le  caractère  d'un  fait  général  et  d'un 
péril  sérieux.  D'ordinaire,  aux  périodes  de  grande  énergie  morale 
et  de  grande  expansion  intellectuelle  succèdent  des  périodes 
d'amollissement  et  de  corruption,  dans  lesquelles  les  richesses, 
fruits  des  conquêtes  accomplies  dans  l'ordre  moral,  font  oublier  à 
l'homme  les  véritables  conditions  de  son  perfectionnement,  et  le 
précipitent  vers  la  décadence,  par  l'effet  même  de  ses  progrès  et 
par  l'abus  qu'il  fait  des  forces  dont  ses  progrès  l'ont  pourvu.  Les 
sociétés  modernes  ont  eu  plus  d'une  fois  à  lutter  contre  des  difQ- 
cultés  de  ce  genre  et,  grâce  à  la  vigueur  du  principe  chrétien, 
elles  les  ont  surmontées.  La  passion  des  richesses  a  de  nos  jours 
des  caractères  plus  graves  :  elle  se  présente  avec  la  force  d'un 
principe  et  d'une  doctrine.  N'a-t-on  pas  tenté  de  faire  de  la  passion 
du  bien-être  le  mobile  dernier  de  l'activité  humaine,  et  ne  s'est-il 
pas  trouvé  des  écrivains  pour  fonder  sur  ce  principe  la  théorie  du 
progrès,  et  pour  en  déduire  tout  le  systèm.e  des  relations  sociales? 
La  richesse  a  parmi  nous  ses  sectateurs,  souvent  fanatiques;  elle 
a  même  ses  adorateurs,  Ies|uelsont  formulé  les  règles  de  son 
culte  et  tracé  le  plan  de  ses  temples.  Qu'est-ce  que  le  phalanstère, 
sinon  le  sanctuaire  où  doit  être  pratiquée  la  religion  du  bien-être, 
avec  ses  dernières  et  rigoureuses  conséquences  ? 

En  s'emparant  des  cœurs,  la  passion  des  richesses  en  bannit 
toute  énergie  et  toute  générosité  ;  elle  les  rend  indifférents  à  tous 
les  grands  intérêts  de  l'humanité;  l'utile  prend  la  place  du  noble 
et  du  juste  ;  les  bissesses,  les  déloyautés,  les  iniquités,  sont  froide- 
ment acceptées,  pourvu  qu'elles  conduisent  au  succès.  On  ne  se 
sent  plus  la  force  de  prendre  parti  pour  le  droit  contre da  spolia- 
tion, et  s'il  faut,  pour  la  défense  du  droit,  risquer  quelque  chose 
de  son  repos,  de  son  bien-être,  on  le  laissera  tranquillement 
immoler.  Non  seulement,  on  ne  sait  plus  se  sacrifier  pour  la 
justice,  mais  on  ne  sait  plus  même  s'indigner  contre  ceux  qui  la 
violent  ;  elles  sont  rares  aujourd'hui,  ces  âmes  fortement  trempées 
dans  la  vertu  chez  lesquelles  l'amour  passionné  de  la  vérité  et  de 
la  justice  suscite  de  généreuses  protestations  contre  l'abaissement 
et  la  lâcheté  de  la  foule. 

Les  idées  s'avilisent  avec  les  sentiments;  l'idéal  fait  place  au 
réalisme;  tout,  dans  la  politique  comme  dans  les  lettres,  comme 
dans  les  arts,  offre  le  caractère  de  la  spéculation.  La  société,  prise 
en  masse,  n'a  plus  qu'une  pensée  et  qu'une  affection  :  le  repos  dans 
le  bien-être. 

Une  modération  étudiée  et  pleine  d'orgueil  est  un  des  traits 
caractéristiques  des  sociétés  livrées  à  ce  culte  de  la  richesse.  On 
affecte  de  voir  en  toutes  choses  le  sérieux  et  le  solide,  et  l'on  fait 
profession  de  tout  soumettre  aux  calculs  d'une  rigoureuse  sagesse. 
On  se  montre  trè«  fier  de  ce  prétendu  triomphe  de  la  raison, 
toujours  maîtresse  d'elle-même  et  attentive  à  écarter  de  la  vie  tout 
ce  qui  peut  en  troubler  la  quiétude.  On  ne  voit  pas  que  cette 
réserve  et  ce  soin  de  garder  en  tout  une  froide  mesure  ne  sont 
autre  chose  que  mollesse  et  impuissance.     C'est  bien  là  "cette 


286  LE  PROPAGATEUR 


sollicitude  du  siècle  et  cette  tromperie  des  richesses  qui  étouffent 
la  sagesse  "  et  qui  conduisent,  par  le  chemin  des  faciles  prospé- 
rités, à  la  plus  profonde  et  à  la  plus  incurable  nullité. 

Dans  une  société  qui  fait  du  bien  être  sa  principale  affaire,  toute 
sollicitude  sérieuse  pour  l'avenir  disparaît,  en  même  temps  que 
tout  respect  véritable  pour  le  passé.  Qu'importe  au  matérialiste 
ce  qui  n'est  plus  ou  ce  qui  n'est  pas  encore  ?  Peut-il  avoir  d'autre 
préoccupation  que  les  jouissances  du  moment  présent,  les  seules 
dont  il  soit  assuré  et  les  seules  qui  le  touchent  ?  La  tradition  n'est 
pour  lui  que  le  souvenir  importun  de  principes  et  de  mœurs  qui 
le  condamnent;  l'avenir,  qu'un  fantôme,  propre  seulement  à  altérer 
la  sérénité  de  ses  joies  égoïstes.  De  là  le  radicalisme  et  de  là  aussi 
l'individualisme,  ces  maladies  mortelles  du  corps  social,  qui  ne 
sont  en  réalité  que  les  symptômes  divers  d'un  même  mal  :  l'oubli  ' 
des  choses  de  l'âme  pour  les  choses  des  sens. 

IIL  Quand  les  hommes  vievront  ainsi  dédaigneux  du  passé  et 
insouciants  de  l'avenir,  ils  vivront  aussi,  dans  le  présent,  dédai- 
gneux et  insouciants  les  uns  des  autres.  Chacun  chez  soi,  chacun 
pour  soi,  telle  sera  la  règle  de  leurs  mœurs.  Et,  avec  de  telles 
mœurs,  on  les  verra  flotter  dans  un  malaise  et  une  mobilité  per- 
pétuels, impuissants  à  rien  édifier  et  à  rien  faire  durer,  parce  que 
la  solidarité  et  l'association  sont  les  lois  de  l'existence  et  du 
progrès  de  l'humanité,  et  que  ce  n'est  qu'en  nous  appuyant  les  uns 
les  autres,  par  l'affection  mutuelle  et  le  sacrifice  réciproque,  qu'il 
nous  est  donné  d'élever  et  d'affermir  notre  vie.  Tout  reposera  sur 
le  tien  et  le  mien  ;  la  stricte  justice  sera  seule  invoquée  pour 
régler  les  rapports  des  hommes.  La  charité,  qui  implique  le 
sacrifice  et  l'humilité,  sera  déclarée  superflue  et  repoussée  comme 
incompatible  avec  la  dignité  humaine.  La  sécheresse  orgueilleuse 
et  l'indifférence  hautaine  formeront  le  caractère  dominant  des 
relations  sociales.  Mais  alors  que  seront  devenues  la  liberté, 
l'égalité,  la  fraternité,  qu'invoquent  sans  cesse  les  docteurs  du 
matérialisme  ?  Elles  auront  péri  sous  le  niveau  du  communisme, 
ou  bien  elles  resteront  écrasées  sous  la  plus  dure  et  la  plus  inso- 
lente de  toutes  les  dominations,  sous  la  domination  des  enrichis. 

Et  la  richesse,  cette  idole  à  laquelle  on  aura  sacrifié  tous  les  vrais 
biens  et  toutes  les  hautes  aspirations  de  la  vie  humaine,  que 
deviendra-t-elle  ?  Elle  ira  s'atnoindrissant  et  se  consumant  au 
milieu  de  l'impuissance  universelle.  Gomnient,  en  effet,  pourrait- 
croître  et  se  conserver,  dans  un  monde  où  toutes  les  lois  naturelles 
de  l'activité  humaine  seraient  méconnues?  Si  elle  résiste,  ce  ne 
sera  que  pour  un  temps,  dans  les  mains  de  quelques  privilégiés, 
assez  forts  pour  asseoir  leur  prospérité  sur  l'exploitation  des  masses 
et  sur  la  misère  universelle. 

Ces  prévisions  et  ces  appréhensions  s'imposent  irrésistiblement 
aujourd'hui  à  tout  homme  qui  réfléchit.  Le  problème  apparaît 
chaque  jour  plus  nettement  dans  les  faits,  et  il  est  impossible,  si 
peu  qu'on  étende  ses  regards  au  delà  du  moment  présent,  de  ne 
pas  comprendre  la  nécessité  de  lui  donner  une  solution. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  1.  B  Y 


JURISPRUDENCE 

Cour  Supérieure,  Montréal. 
R  de  Ghirée, 

Demandeur 
vs. 
M.  A.  Hayes, 

Défendeur 
(Mathieu,  juge.) 
Bail —  Annulation  —  Dommages. 
JDGÉ.  —  Que,  si  au  temps  fixé  par  le  bail,  le  locateur  ne  met  pas 
le  locataire  en  possession  des  lieux  loués,  ce  retard  est  une  cause 
d'annulation  du  bail  et  donne  lieu  à  des  dommages  en  faveur  du 
locataire. 

Faits  —  Par  le  bail  d'une  maison  en  construction,  le  défendeur 
s'était  obligé  envers  le  demandeur  à  terminer  les  travaux  et  à  livrer 
cette  maison  le  premier  de  mai.  Elle  devait  alors  être  prête  pour 
occupation.  Les  travaux  n'étant  pas  alors  terminés,  le  demandeur 
intenta  une  action  en  résiliation  du  bail  et  il  réclama  des  domma- 
ges qui  furent  fixés  par  la  cour  à  la  somme  de  trente  huit  piastres.  (1) 


CAUSE  CÉLÈBRE  (2) 
La  compagnie  de  publication  du  Canada-Revue,  demanderesse. 

vs 

Mgr  Edouard  Charles  Fabre,  archevêque  de  Montréal,  défendeur. 

Dans  cette  cause  la  demanderesse  a  fait  deux  motions  en  réponse 
au  plaidoyer  du  défendeur 

Par  la  première  motion,  elle  demande  des  déclarations  plus  ex- 
phcites.  Par  la  seconde  motion,  elle  demande  que  le  défendeur  soit 
forcé  d'adopter  un  seul  moyen  de  défense,  les  deux  moyens  qu'il 
invoque  étant  incompatibles. 

Ces  deux  motions  ont  été  rejetées  par  le  jugement  suivant  (Gill, 
juge)  en  date  du  16  juin. 

1ère  motion — AUendu  que  la  motion  de  la  demanderesse  est  à  l'effet  de  forcer 
le  défendeur  à  déclarer  plus  explicitement  i^elles  sont  les  circonstances  qu'il 
invoque  dans  son  plaidoyer  comme  lui  ayant  permis  d'agir  comme  il  l'a  fait  : 

(1)  1 1  y  a  quelques  jours,  Re  La  Compagnie  Générale  des  Bazars,  vs  La  succes- 
sion F.  X.  Beaudry.  Dans  une  action  en  dommages,  fondée  sur  le  retard  apporté 
à  la  mise  en  possession  des  magasins  loués,  le  Juge  Doherty  a  accordé  à  la 
demanderesse  des  dommages  au  montant  de  $1493.00  La  demanderesse  récla- 
mait  simplement  des  dommages  et  non  l'annulation  de  son  bail. 

|2)  Voir  le  dernier  numéro,  page  256. 


288  LE  PROPAGATEUR 


Considérant  qu'en  lisant  le  dit  plaidoyer  en  rapport  avec  la  déclaration,  il  est 
clair  que  ces  circonstances  ne  peuvent  être  que  celles  auxquelles  réfère  la  circu- 
Jyire  incriminée,  reproduite  en  entier  dans  la  déclaration,  et  que  cette  allégation 
du  plaidoyer  indique  suffisamment  à  la  demanderesse  quels  peuvent  être  les  faits 
que  le  défendeur  offrira  en  preuve  au  soutien  de  sa  défense  ; 

Rejette  la  dite  motion  avec  dépens. 

2ème  motion  —  Attendu  que  la  motion  de  la  demanderesse  est  à  l'elîet  de 
forcer  le  défendeur  à  opter  entre  deux  moyens  de  défense  contenus  dans  un 
même  plaidoyer,  parce  que  ces  dits  moyens  seraient  incompatibles. 

Attendu  que  ces  dits  moyens  prétendus  incompatibles  seraient  dans  l'alléga- 
tion du  défendeur  que  le  fait  qu'on  lui  reproche  comme  dommageable  à  la 
demanderesse  n'est  que  l'accomplissement  de  son  devoir  comme  évêque,  qu'il  a 
agi  en  cela  avec  modération  et  ^ans  malice,  et  qu'en  matière  de  discipline  l'église 
catholique  ne  relève  pas  des  tribunaux  civils. 

Considérant  que  ces  énoncés  auxquels  se  réduisent  les  allégations  visées  par 
la  motion  n'ont  rien  d'incompatible  entre  eux  comme  moyens  de  défense. 
Rejette  la  dite  motion  avtc  dépens. 


ERREUR  JUDICIAIRE 
Les  journaux  publient  l'article  suivant  à  la  date  du  19  juin. 

CONDAMNÉ 

POUR  LE  MEURTRE  d'uN  HOMME  VIVANT 

Une  dépèche  de  Galveston  (Texas)  annonce  qu'il  vient  de  se  produire  une 
erreur  judiciaire  sans  précédent  dans  cet  Eiat  et  qui  embarrasse,  parait-il,  beau- 
coup la  justice. 

Après  un  procès  qui  causa  une  certaine  sensation  dans  la  région,  un  individu 
du  nom  de  Peter  Meggs,  convaincu,  sur  de  simples  présomptions,  devant  la  cour 
du  comté  de  Grimes,  à  Anderson,  d'avoir  assassiné  un  nommé  Michael  Ferry  qui 
avait  myslérjeusement  disparu, fut  condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité,  et 
envoyé  au  pénitencier  de  l'Etat,  à  Hunlsville,  pour  y  subir  sa  peine.  Pendant 
ce  temps,  Ferry  se  livrait  à  tout'^s  sortes  de  méfaits  dans  une  autre  partie  de 
l'Etat,  et,  flnalemenl,  sétant  fait  condamner  à  quelques  années  de  travaux,  il  a 
été  envoyé  dans  le  même  pénitencier  oii  était  Meggs,  son  prétendu  assassin. 

Meggs  et  Ferry  se  sont  reconnus  aussitôt.  Mais  ce  dernier  ne  pouvant  témoi- 
gner en  jnsiice  à  cause  de  sa  condamnation,  Meggs  n'a  pas  encore  pu  se  faire 
libérer,  bien  qu'aucun  doute  ne  soit  possible  sur  l'identité  de  Ferry.  Le  cas  ne 
setant  jamais  présenté  au  Texas,  les  magistrats  de  cet  Etat  ne  savent  que  faire. 
L'affaire  cependant  a  été  portée  par  des  avocats  de  Galveston  devant  le  gouver- 
neur de  l'Etat,  M.  Hogg,  qui,  pour  réparer  l'erreur  judiciaire  dont  Meggs  a  été 
la  victime,  le  graciera  probablement  dans  le  plus  bref  délai  possible. 


EXERCICES  SPIRITUELS 


DE 


SAINT  IGNACE  DE  LOYOLA 

ANNOTÉS    PAR 

liC  K.  F.  KOOTHAAÎir, 

général  de  la  compagnie  de  Jésus,  et  traduits  par 

Le  R.  P.  JENNESSEAUX,  de  la  même  compagnie 

13e  édition. — 1  volume  in-12 Prix  :  75  cts 


LE  COUCHER  DU  SOLEIL 

A  MES  ENFANTS  FRÉDÉRIC  ET  ROSE  CHOCHOD-LAVERGNE 

C'était  en  novembre  1709,  pendant  cette  désastreuse  campagne 
de  Flandre  où  Lille  dùl  capituler,  malgré  l'héroïque  défense  du 
maréchal  de  Boufilers.  Les  rigueurs  de  l'hiver  commençaient  à 
se  faire  sentir,  et  menaçaient  de  nouveaux  malheurs  la  France 
épuisée  par  la  triple  guerre  qu'elle  soutenait  en  Espagne,  en  Italie 
et  en  Flandre.  La  misère  était  grande  dans  tout  le  royaume,  et 
de  nouvelles  infortunes  venaient  chaque  jour  accabler  Louis  XIV. 
—  Il  les  subissait  avec  une  admirable  fermeté,  et  rien  n'était  plus 
grand  que  ce  vieux  monarque  contre  lequel  touie  l'Europe  se  li- 
guait, et  qui  restait  inébranlable  au  milieu  de  cette  tempête  furi- 
euse où  sombraient  sa  gloire  et  son  bonheur  passé. 

Une  seule  personne,  peut-être,  connaissait  les  douleurs  intimes 
•du  Roi  :  Madame  de  Maintenon  seule  osait  lui  en  parler  quelque- 
fois.—  Avec  cette  amie  profondément  dévouée,  avec  cette  épouse 
au  cœur  viril,  Louis  XIV  redevenait  homme,  et  se  départait  de 
cette  impassible  majesté  qui  semblait  faire  de  lui  un  être  supérieur 
à  l'humanité. 

Mais  cette  confiance  était  chèrement  achetée  ;  et  si  Madame  de 
Maintenon  eût  laissé  voir  ce  qu'elle  éprouvait  elle-même,  si  elle 
€ût  cessé  un  instant  de  commander  impérieusement  à  son  propre 
coeur  et  de  cacher  ses  souffrances  physiques  et  morales,  Louis  XIV 
ne  l'eût  plus  jugée  digne  de  lui  servir  d'appui. 

Aussi  la  contrainte  où  elle  vivait  était-elle  la  plus  grande  et  la 
plus  pénible  du  monde,  et  ne  trouvait-elle  de  repos  et  de  soulage- 
ment qu'à  Saint-Cyr.  Là,  au  milieu  dts  enfants  et  des  jeunes 
filles,  entourée  des  dames  de  Saint-Louis,  qu'elle  se  plaisait  à 
diriger,  cette  reine  sans  couronne  aurait  pu  oublier  parfois  les 
malheurs  de  la  France,  sans  l'appréhension  continuelle  où  elle 
était  d'apprendre  la  mort  de  quelque  gentilhomme,  père  ou  frère 
d'une  demoiselle  de  Saint  Cyr.  Et  il  ne  se  passait  pas  de  semaine 
où  elle  n'eût  la  mission  d'annoncer  de  funestes  nouvelles  et  d'es- 
suyer les  larmes  de  quelques  pauvres  jeunes  filles. 

Ce  jour-là,  25  novembre  1709,  elle  avait  dû  apprendre  aux  de- 
moiselles d'Aubig  y  la  mort  de  leur  père  tué  au  siège  de  Lille  ; 
et  les  trois  pauvres  orphelines,  dont  l'aînée  n'avait  pas  seize  ans, 
pleuraient  l'une  dans  ses  bras,  les  autres  à  ses  genoux,  quand 
Mme  de  Glapion  entra  et  remit  à  Madame  de  Maintenon  uu  billet 
du  Roi. 

•'J'ai  changé  de  résolution  pour  majournée,"  écrivait LouisXIV  : 
"Je  n'irai  point  à  Saint-Germain.  Après  la  chasse,  je  me  rendrai 
à  la  porte  de  Saint-Cyr  du  côté  du  parc,  et  j'y  ferai  traîner  mon 
^rand  carrosse.  Nous  nous  promènerons  ensemble  dans  le  pjarc, 
et  nous  n'irons  point  à  Tnanon.  " 

Mme  de  Glapion,  en  donnant  le  billet  à  Madame  de  Maintenon, 
lui  dit  : 


290  LE   PROPAGATEUR 


—  Le  piqueiir  qui  a  apporté  la  lettre  de  Sa  Majesté,  Madame, 
m'a  priée  de  vous  dire  qu'il  aurait  dû  vous  la  remettre  il  y  a  une 
heure,  mais  son  cheval  s'est  déferré  en  chemin.  Il  m'a  avertie  que 
le  carrosse  du  Roi  sera  à  la  grille  dans  dix  minutes. 

Madame  de  Maintenon  mit  à  la  hâte  une  mante  fourrée  sur  sa 
robe  de  damas  feuille  morte,  se  lava  les  yeux,  et  appliqua  un  peu 
de  rouge  sur  ses  joues  pâles. 

—  Voit-on  que  j'ai  pleuré  ?  dit-elle  à  la  petite  d'Aubigny. 

—  Oh  !  non,  Madame,  dit  l'enfant,  yous  êtes  bien  belle  encore. 
Le  Eoi  sait-il  que  mon  papa  est  mort  ? 

—  Hélas!  oui,  ma  mignonne.  Il  aura  soin  de  vous  et  de  vos 
sœurs.  Ayez  bon  courage,  mes  pauvres  enfants.  Pleurez,  c'est 
votre  droit.  Pour  moi,  je  dois  toujours  sourire  ;  et  pourtant,  Dieu 
le  sait,  j'ai  la  mort  dans  l'âme. 

Elle  prit  ses  gants,  son  manchon,  et,  suivie  de  quelques  dames, 
elle  traversa  la  cour  Verte  et  les  jardins  aussi  rapidement  que  le 
lui  permettaient  ses  soixante-quatorze  ans. 

Le  Eoi  et  sa  suite  arrivèrent  en  même  temps  qu'elle  à  la  grille 
du  jardin,  du  côté  de  Gallie.  — Louis  XIV  descendit  de  cheval,  et 
salua  Madame  de  Maintenon  avec  cette  politesse  majestueuse  qui 
donnait  un  prix  sans  égal  à  ses  moindres  gracieusetés.  Son  grand 
carrosse  était  près  de  là,  attelé  de  six  chevaux  blancs. 

—  Vous  plairait-il  marcher  un  peu.  Madame  ?  dit-il  :  le  temps 
est  admirable.  Si  vous  le  voulez  bien,  le  carrosse  ira  nous  atten- 
dre  à  la  grille  royale. 

—  Assurément,  dit  Madame  de  Maintenon,  cela  me  fera  grand 
plaisir. 

Et,  d'un  signe  congédiant  sa  suite,  le  Roi  offrit  la  main  à 
Madame  de  Maintenon  et  s'achemina  dans  la  direction  de  la  grille 
royale,  suivi  à  vingt  pas  par  un  officier  aux  gardes,  M.  de  Fontenay, 
dont  la  consigne  était  de  ne  pas  perdre  le  Roi  de  vue. 

Madame  de  Maintenon  se  mit  à  parler  de  la  beauté  de  la  soirée, 
d'un  nouveau  chant  que  l'on  étudiait  à  Saint-Gyr,  et  de  quelques 
autres  choses  indifférentes  ;  mais  le  Roi  paraissait  préoccupé,  et 
plus  inamusable  que  jamais.  11  ne  répondait  que  par  monosyllabes, 
et,  malgré  tout  son  esprit,  Madame  de  Maintenon  ne  savait  plus 
que  dire.  Elle  s'efforçait  de  marcher  d'un  pas  égal  à  celui  du 
Roi,  mais  la  tâche  était  difficile  :  Louis  XIV,  doué  d'une  activité 
peu  commune,  marchait  comme  un  jeune  homme,  et  son  pas 
agile  et  ferme  eût  lassé  de  plus  solides  piétons  que  Madame  de 
Maintenon,  chaussée  d'ailleurs  de  mules  de  velours  à  semelles 
fort  minces.  Préoccupé,  le  Roi  pressait  de  plus  en  plus  le  pas, 

—  Est-il  vrai,  Madame,  que  ce  matin,  sur  la  route  de  Saint-Cyr, 
on  a  jeté  dans  votre  carrosse  le  cadavre  d'un  enfant  mort  de  faim  ? 

—  Non,  Sire  :  il  n'était  qu'évanoui.  De  prompts  secours  l'on 
ranimé.  C'est  une  heureuse  aventure  pour  lui,  car  je  le  garderait 
et  je  le  ferai  bien  élever. 

Mais  le  souvenir  de  l'horrible  impression  qu'elle  avait  recsentie 


LE  PROPAGATEUR  291 


le  matin  en  voyant  tomber  dans  son  carrossse  le  petit  malheureux 
qui  semblait  mort,  fit  tressaillir  et  chanceler  Madame  de  Maintenon. 
Elle  pâlit  sous  son  rouge  et  faillit  s'évanouir. 

Qu'avez-vous  ?  dit  le  Eoi.  Je  vous  ai  fait  marcher  trop  vite, 
n'est-ce-pas  ?  Asseyez-vous  là. 

Et,  la  soutenant,  il  la  fit  asseoir  sur  les  marches  d'une  croix  de 
pierre  qui  s'élevait  au  détour  du  chemin  et  que  l'on  appelait  la 
croix  de  Gallie. 

—  Voulez-vous  que  j'appelle  quelqu'un  ?  dit  le  Roi  inquiet. 
Madame  de  Maintenon  lui  fit  signe  que  non,  et,  tirant  de  sa 

poche  un  flacon,  elle  le  respira,  s'essuya  le  front,  et  reprit  peu  à 
peu  son  calme  apparent. 

—  Ce  n'est  rien,  dit-elle  ;  mais  Votre  Majesté  a  des  jambes  de 
quinze  ans,  et  j'ai  perdu  les  miennes.  Marchons  :  il  fait  trop  froid 
pour  s'arrêter  longtemps. 

—  Non,  reposez-vous  encore  un  peu.  Je  ne  suis  pas  pressé. 
Et  il  s'assit  près  d'elle  au  pied  de  la  croix. 

Le  soleil,  près  de  se  coucher,  était  environné  de  nuages,  et  un 
silence  profond  régnait  dans  la  campagne.  —  On  entendit  des  voix 
qui  s'approchaient,  et  bientôt  un  groupe  de  trois  personnes  qui 
venait  de  la  ferme  de  Gallie,  et  que  la  haie  avait  cachée  jusque-là, 
parut  devant  le  Roi.  Les  trois  nouveaux  venus  le  reconnurent, 
et  s'arrêtèrent,  fort  intimidés,  n'osant  ni  avancer  ni  reculer. 

L'un  d'eux  était  un  grand  jeune  homme,  portant  l'uniforme  du 
régiment  d'Artois,  et  dont  la  tête  était  entouré  d'un  bandeau  ;  les 
autres,  deux  belles  filles,  dont  l'une  ressemblait  parfaitement  au 
jeune  soldat. 

—  Approchez,  enfants,  dit  le  Eoi.  Est-ce  que  je  vous  fais  peur  ? 
Où  allez-vous  ? 

—  A  celte  croix  que  voilà,  Sire,  dit  le  jeune  homme.  C'est  ici 
que  je  dois  dire  adieu  à  ma  sœur  et  à  Rose.  Nos  parents  leur  ont 
permis  de  m'y  accompagner.  Puis  j'irai  de  là  à  Saint-Cyr,  où  mon 
capitaine  m'attend,  et  demain  matin  nous  partirons  pour  rejoindre 
notre   régiment,  qui  est  en  Espagne. 

—  Vous  étiez  en  congé  ?  vous  avez  été  blessé  ? 

—  Oui,  Sire,  à  la  bataille  d'Oudenarde,  le  11  juillet.  Je  suis 
venu  me  guérir  chez  mes  parents,  et  mon  congé  est  fini. 

—  Est-il  bien  guéri  ?  —  demanda  le  Roi  à  la  sœur  du  soldat. 

—  Oh  1  non.  Sire  !  dit-elle  :  sa  blessure  est  à  peine  fermée,  et, 
s'il  était  comme  bien  d'autres,  il  demanderait  une  prolongation 
de  congé.  Mais  Denys  veut  aller  se  battre,  et  mon  père  qui  est 
ancien  militaire,  dit  tout  comme  lui. 

—  Il  a  raison,  dit  le  Roi.  Tenez,  mon  brave,  voilà  pour  vos  frais 
de  campagne. 

Et  il  lui  donna  quelques  louis. 

—  Sire,  dit  Madame  de  Maintenon,  ce  pauvre  enfant  n  est  pas 
en  état  de  partir.  N'y  a-t-il  pas  eu  assez  de  jeunes  gens  moisson- 
nés ?  —  HéJas  donnez-moi  celui  ci  I  Je  vois  aans  les  yeux  de  Rose 
qu'elle  n'en  serait  point  fâchée. 


292  LE  PROPAGATEUR 


—  Gomme  il  vous  plaira,  Madame.  Je  ferai  donner  à  Denys  un 
■congé  définitif  pour  l'amour  de  vous. 

—  Hé  bien  ?  s'écria  Madame  de  Maintenon,  vous  ne  répondez 
pas,  Denys  ? 

—  Madame,  dit  le  jeune  homme,  ma  sœur  se  trompe.  Je  suis 
guéri,  je  puis  me  battre.  La  France  est  vaincue  en  ce  moment  : 
il  lui  faut  des  soldats. 

—  Il  y  en  a  bien  d'autres  !  s'écria  la  sœur  en  pleurant  :  songe 
à  Rose,  ta  promise  1  N'as-tu  pas, déjà  donné  ton  sang  ? 

Et,  l'enJaçant  de  ses  bras,  elle  semblait  vouloir  l'enchaîner  à 
jamais. 

Le  pauvre  Denys  hésitait  : 

—  Rose,  dit-il,  que  feriez-vous  à  ma  place  ? 

—  Je  pai-tirais  1  dit  la  jeune  fille. 

Et  son  visage  devint  blanc  comme  du  marbre. 

—  Adieu,  Rose  !  priez  pour  moi.  Adieu,  et  merci.  Madame  !  — 
Adieu,  Sire  !  C'est  pour  la  France  I  Vive  le  Roi  ! 

Il  paitit  à  grands  pas,  et,  tant  qu'on  put  l'apercevoir,  il  ne  se 
retourna  point. 

Les  deux  jeunes  filles  se  prirent  la  main  et  s'en  allèrent  en 
pleurant. 

Louis  XIV  regarda  Madame  de  Maintenon  et  lui  dit  : 

—  Voici  une  étrange  fille,  et  qui  n'aime  guère  son  fiancé,  je  pense. 

—  Sire,  vous  vous  trompez.  Les  seules  véritables  affections, 
sont  celles  qui  ne  sacrifient  jamais  le  devoir  et  l'honneur.  Heureux 
qui  est  aimé  ainsi. 

A  peine  ces  mots  lui  eurent-ils  échappé,  qu'elle  se  troubla,  crai- 
gnant d'avoir  offensé  le  Roi.  Mais  Louis  XIV  ne  semblait  pas 
l'avoir  entendue.  Les  yeux  fixés  sur  l'occident,  il  regardait  les 
nuages  qui  s'avançaient  en  masses  énormes  et  semblaient  accourir 
à  l'envi  pour  anéantir  la  mourante  splendeur  du  soleil   couchant. 

—  Ainsi  finit  mon  régne,  dit  Louis  XIV,  ainsi  s'obscurcit  l'éclat 
de  ma  puissance,  et  les  infortunes  accablent  le  déclin  de  ma  vie. 
Que  deviendra  le  royaume  de  France,  que  j'avais  espéré  rendre 
si  puissant  et  si  glorieux  ? 

—  Sire,  dit  Madame  de  Maintenon,  après  les  ténèbres  reviendra 
la  lumière  :  vons  reverrez  de  meilleurs  jours,  et  l'astre  delà  France 
resplendira  de  nouveau. 

Les  nuages  cachèrent  tout  à  fait  le  soleil  ;  et,  levant  les  yeux 
plus  haut,  le  Roi  regarda  l'azur  profond  du  ciel.  Un  petit  nuage 
égaré  s'y  dessinait  avec  la  netteté  d'une  camée.  Sa  forme  se  pré- 
cisa peu  à  peu,  et  il  prit  l'aspect  d'une  tète  couronnée. 

Les  yeux  de  Madame  de  Maintenon  suivirent  la  direction  de 
-ceux  du  Roi,  et  un  cri  involontaire  lui  échappa.  Dans  ce  profil 
aérien  elle  avait  reconnu,  comme  lui,  les  traits  de  la  défunte 
Reine,  Marie-Thérèse  d'Autriche. 

De  grosses  larmes  coulaient  sur  le  visage  de  Louis  XIV. 

—  Sire,  dit  Madame  de  Maintenon,  la  Reine  est  au  ciel. — Soyez 
aussi  bon  chrétien  que  vous  êtes  grand  Roi. 

—  0  mon  Dieu  !  dit  le  Roi,  vous  seul  savez  combien  de  pleurs 


LE  PROPAGATEUR 


29a 


je  lui  fis  répandre  !  —  Ayez  pitié  de  la  France,  que  j'ai  perdue 
par  mes  péchés  ;  ne  frappez  que  moi,  épargnez  mon  peuple.  Et 
vous,  douce  Reine,  qui  avez  su  souffrir  et  mourir  en  silence^ 
Marie-Thérèse,  priez  pour  moi  ! 

:  '^Un  coup  de  vent  divisa  les  uua2;es,  dont  les  flocons  légers  se 
dispersèrent  dans  l'espace. 

Le  Roi,  raffermissant  sa  voix,  appela  Fontenay. 

—  Monsieur   de   Fontenaye,   dit-il,  veuillez  faire  avancer  le 
carrosse. 

Et,  quelques  minutes  après,  Loviis  XIV  et  Madame  de  Maintenon 
rentraient  au  château  de  Versailles. 


KOTES&fiENSEIGJS'EMKNTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

POUR   AIDER    LES    ECCLÉSIASTIQUES   A   COMPOSER  ET 
A   COMPLÉTER   LEUR  BIBLIOTHÈQUE 


Après  les  cours  complets  de  Médita- 
tions, nous  avons  annoncé  les  recueils 
qui  ne  nous  offrent  des  sujets  d'oraison 
que  pour  des  circonstances  spéciales, 
ou  sur  une  obligation  ou  une  venu 
déterminée  ;  nous  avons  donné  la  pre- 
mière plaoo  à  ceux  qui  nous  doivent 
servir  pour  des  retraites.  Il  est  vrai 
que  les  auteurs  des  recueils  complets 
ont  indiqué,  dans  des  plans  de  retraite, 
quelles  méditations  on  pourrait  choisir 
pour  ces  jours  de  grand  recueillement. 
Mais  il  est  bon  de  s'aider  de  livres 
spéciaux,  de  ceux  surtout  où  l'on  trouve 
toutes  les  indications  nécessaires,  les 
avis  et  les  conseils  sur  la  manière  de 
bien  faire  une  retraite  en  même  temps 
que  la  matière  des  différents  exercices 
qui  la  doivent  composer. 

Nous  signalons  en  premier  lieu  les 
Exercices  spirituels  de  saint  Ignace. 
Saint  François  de  Sales  a  dit  de  ce 
livre,  "  qu'il  a  fait  plus  de  conversions 
qu'il  ne  contient  de  lettres.  "  En  faut-il 
davantage  pour  le  faire  ^apprécier,  et 
pour  donner  une  estime  singulière  du 
texte  même  du  saint  auteur?  L'Esprit 
de  Dieu  qui  guide  les  saints  dans  leurs 
écrits  comme  dans  leurs  actions,  atta- 
che à  leurs  enseigaements  une  efQca- 


cité  spéciale  et  leur  donne  d'éclairer  et 
d'émouvoir  plus  vivement  les  âmes,  et 
de  les  convertir.  C'est  bien  le  texte  des 
Exercices  spirituels,  que  le  P.  Jennes- 
seaux  nous  présente,  traduit  sur  le 
texte  espagnol  ;  les  annotations  du  R. 
P.  Roothaan  ainsi  que  son  opuscule 
sur  sa  manière  de  méditer  aideront  à 
comprendre  et  à  utiliser  les  conseils  et 
les  enseignements  de  saint  Ignace. 

Disons  quelque  chose  du  livre  môme 
de  ce  grand   saint.    Il  commence  par 
des  "  observations   importantes  pour 
l'ialelligence    parfaite    des     exercices 
spirituels,  et  très  utiles  tant  pour  celui 
qui  les  dirige  que   pour   celui  qui  les 
fait.  "    Elles  nous  font  connaître  ce 
qu'on  entend  par  exercices  spirituels, 
combien  de  parties  ils  comprennent,, 
quelles  dispositions  on  doit  y  apporter, 
quels  obstacles  peuvent  se  rencontrer, 
et  comment  on  doit  les  surmonter. 

Les  exercices  se  divisent  en  quatre 
parties,  dont  chacune  est  affectée  à  une 
semaine  particulière. 

Le  commencement  et  en  même  temps 
le  rendement  de  tous  les  exercices,  est 
la  méditation  sur  la  fin  de  l'homme. 
De  celte  fin  qui  consiste  à  aimer  Dieu 
en  ce   monde   pour    le  posséder   ea 


294 


LE  PROPAGATEUR 


l'autre,  résulte  la  nécessité  de  détruire 
en  nous  le  péché  et  d'en  concevoir  une 
grande  horreur  par  la  considération  de 
sa  grièveté  et  des  châtiments  dont 
Dieu  l'a  puni  ;  ce  qui  est  l'objet  des 
autres  méditations  de  la  première 
semaine.  Mais  il  est  encore  d'autres 
moyens  et  d'autres  pratiques  qu'il  faut 
employer  dans  le  même  but,  pendant 
le  cours  des  exercices,  et  qu'il  est  bon 
d'indiquer  dès  le  début  :  ce  sont 
entr'aulres,  l'examen  particulier,  l'exa- 
men général  de  conscience,  la  confes- 
sion générale,  et  la  communion.  Saint 
Ignace  donne  sur  ces  différents 
actes  quelques  explications  et  conseils  : 
puis,  avant  de  passer  à  la  seconde 
semaine,  il  ajoute  une  série  d'avis  très 
utiles  sur  la  manière  de  se  comporter 
dans  le  cours  de  la  journée,  surtout  au 
point  de  vue  du  recueillement  et  de  la 
pénitence. 

Il  ne  suffit  pas  de  détruire  en  nous 
le  péché,  pour  atteindre  notre  fin,  il 
nous  faut  aussi  suivre  Jésus-Christ  tt 
pratiquer  les  vertus  qu'il  nous  a  ensei- 
gnées par  son  exemple  et  par  sa 
doctrine  :  c'est  en  cela  que  consiste  le 
règne  de  Jésus-Christ,  sur  lequel  saint 
Ignace  nous  fait  méditer  au  début  de  la 
seconde  semaine  ;  par  suite  les  autreg 
méditations  de  celte  seconde  semaine  ; 
et  même  celks  de  la  troisième,  auront 
pour  objet  les  mystères  de  la  vie  du 
Sauveur. 

Celte  imitation  de  Jésus-Christ  est 
une  obligation  commune  à  tous  les 
chrétiens  ;  mais  Dieu  appelle  en  outre 
chacun  de  nous  à  un  genre  de  vie 
particulier  qu'il  importe  de  connaître 
et  de  choisir  sous  la  lumière  et  l'inspi- 
ration de  la  divine  bonté.  Saint  Ignace 
nous  prépare  à  cette  élection  par  la 
méditation  sur  les  deux  étendards,  et 
par  celle  des  trois  différentes  classes 
dans  lesquelles  il  parait  qu'on  peut 
répartir  tous  les  hommes.    Sous  quel 


étendard  et  dans  quelle  classe  vou- 
drons-nous  nous  ranger? 

Il  faudra  aussi,  avant  de  commencer 
"  la  matière  des  élections,  "  considérer 
les  trois  degrés  de  l'humilité  et  de  la 
conformité  à  la  volonté  de  Dieu,  et 
bien  se  convaincre  qu'on  ne  se  doit 
déterminer  dans  son  choix  que  par  le 
pur  motif  d'arriver  plus  sùr-^ment  à  sa 
fin. 

Après  être  parfaitement  entré  dans 
ces  dispositions,  l'on  devra  prendre 
une  connaissance  exacte  des  choses 
entre  lesquelles  il  faut  choisir  et  de% 
trois  temps  propres  à  faire  un  bon 
choix. 

Saint  Ignace,  ayant  posé  et  expliqué 
tous  ces  préliminaires,  donne  deux 
méthodes  pour  faire  une  bonne  et  sage 
élection  ;  et  il  conclut  la  seconde 
semaine  en  indiquant  à  ceux  qui  ont 
déjà  embrassé  irrévocablement  un  état, 
comment  ils  doivent  néanmoins  à  l'aide 
des  mêmes  exercices  opérer  une  réfor- 
me dans  leur  vie. 

Ce  sont  les  derniers  jours  de  la  vie  du 
Sauveur,  depuis  la  cène  jus-iu'à  sa 
mort,  qui  sont  l'objet  des  méditations 
de  la  troisième  semaine  :  rien  de  plus 
propre  à  nous  déterminer  aux  efforts 
que  nécessite  l'acquisition  des  vertus, 
rien  de  plus  capable  de  nous  détacher 
complètement  et  de  nous  faire  mourir 
à  nous-même.  C'est  à  cette  semaine 
que  le  saint  auteur  trace  en  détail  les 
règles  de  la  tempérance,  cette  vertu 
étant  très  utile  et  même  indispensable 
au  complet  renoncement,  à  la  parfaite 
abnégation. 

La  vue,  la  méditation  de  la  gloire 
que  Jésus  s'est  acquise  par  ses  souf- 
frances et  sa  mort,  devra  nous  remplir 
d'une  sainte  joie,  nous  détacher  de 
plus  en  plus  des  créatures  pour  nous 
attacher  aux  espérances  que  nous  con- 
firme Jésus  résuscité,  et  notre  âme 
sera  ainsi  plus  disposée  à  entrer  dans 
une    amitié  parfaite  et   une  parfaite 


LE  PROPAGATEUR 


295 


tribulioa  des  aumônes,  fait  quelques 
remarques  importantes  sur  les  scru- 
pules qu-!  le  dètnon  j  Ute  dans  une  âme, 
et  indique  le.^  rt'^gles  qu'il  faut  observer 
pour  être  toujours  d'accord  avec 
l'Eglise  catholique. 

Tel  est  ce  livre  des  Exercices  spiri- 
tuels ;  ce  qu'en  a  dit  saint  François  de 
Saies,  et  l'estime  en  laquelle  l'Eglise 
l'a  toujours  eu,  nous  obligeait  à  le 
faire  connaître  tel  qu'il  est  sorti  des 
mains  de  son  saint  auteur.  Nous  trou- 
verons dans  les  ouvrages  que  nous 
allons  examiner  le  même  fond  de  véri- 
tés et  de  conseils,  avec  quelques  déve- 
loppements en  plus,  avec  des  indica- 
tions plus  nombreuses  et  présentées 
dans  un  ordre  plus  méthodique  ;  mais 
ils  n'auront  sans  doute  jamais  droit  à 
l'éloge  que  le  saint  évoque  de  Genève 
a  fait  du  travail  du  saint  fondateur  de 
la  Compagnie  de  Jésus. 


C  union  avec  Dieu,  qui  est  la  vraie  sain- 
teté et  le  but  de  notre  vie  ici-bas.  Les 
mystères  de  la  vie  glorieuse  du  Sauveur 
et  l'amour  de  Dieu,  voilà  donc  l'objet 
des  méditations  de  la  qualrième  se- 
maine. 

La  plupart  de  ces  méditations  sur 
les  mystères  de  la  vie  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  ont'été  renvoyée* 
à  l>i  fin  des  exercices  spirituels. 

Saint  Ignace,  sur  la  fin  de  son  ou- 
vrage, explique  trois  manières  de  prier, 
et  donne  deux  séries  de  règles  pour 
"  discerner  les  mouvements  divers 
qu'excitent  dans  nos  âmes  les  diffé- 
rents esprits,  afin  d't  nous  mettre  en 
état  de  suivre  les  uns  et  d^  rejeter 
les  autres,  "  l'une  de  ces  séries  conve- 
nant plus  particulièrement  à  la  pre- 
mière semaine,  l'autre  se  rapportant 
surtout  à  la  seconde  semaine.  Il  trace 
ensuite  les  règles  à  suivre  dans  la  dis- 


Introdnctioii  â  la  vie  spritaelle,  par  des  exei-cices  dis- 
posés pour  la  méditation  et  la  lecture,  selon  la  méthode  de 
S  Ignace,  pas  le  R.  P.  Jacques  Masénius  de  la  compagnie  de 
Jésus.  Ouvrage  traduit  pour  la  première  fois  du  lalinenfran 
çais,    par  l'Abbé  Z.  G  Jourdain,   aumônier  du  Bon-pasteur 

d'Amiens.  1  fort  vol.  in-12 $1.00 

Ce  n'est  pas  à  nous,  cher  lecteur,  à  vous  parier  des  choses  de  Ja 
vie  spirituelle.  C'est  à  notre  auteur  ;  lisez-le  et  vous  verrez  qu'il 
s'en  acquitte  en  véritable  Maître.  Ce  qui  nous  revient  à  nous,  c'est 
de  vous  faire  connaître  Tauteur  que  nous  vous  présentons  et  de 
vous  dire  pourquoi  nous  avons  édité  ce  livre  tel  que  nous  vous 
l'offrons.  En  lisant  l'Introduction  pratique  de  théologie  mystique  du 
PLoHNER,  grand  auteur  ascétique  de  la  Compagnie  de  Jésus,  notre 
attention  fut  attirée  par  ces  mots,  qu'il  a  mis  à  la  fin  de  sa  dernière 
Récollection  :  "  Si,  dit-il,  les  six  méditations  que  nous  avons  don- 
nées ici,  n'ont  pas  d'attrait  pour  vous,  il  sera  bon  d'en  choisir  six 
autres  appropriées  au  même  dessein,  soit  dans  Abelly  (Sacerdos 

christianus),  soit  dans  les  Exercices  du  P.  Jacqties  Masénius Des 

Exercices  de  Masénius  vous  pourrez  prendre,  etc.  " 

Cette  manière  de  parler  indique  des  livres  bien  connus  et  esti- 
més. Nous  connaissions  le  Sacerdos  christianus  d'AbelJy,  mais  le 
livre  du  P.  Masénius  était  inconnu  en  France.  Nous  l'avoi'is  cher- 
ché et,  quand  nous  l'avons  eu,  nous  avons  constaté  qu'il  répondait 
à  un  excellent  dessein,  à  un  véritable  besoin,  et  qu'il  serait  de 
toute  utilité  aux  personnes  qui  désirent  pratiquer  le  saint  exercice 
de  la  méditation.  Vous  en  jugerez. 

Jacques  Masen  (Masénius)  naquit  en  1606,  à  Dalhera,  diocèse  de 
Liège.  Il  entra  dans  la  Société  de  Jésus  en  1629.  Après  avoir  pro- 
fessé pendant  quatorze  ans  les  belles-lettres  au  collège  de  Cologne 
il  remplit  plusieurs  charges  dans  la  Compagnie  et  mourut  à  Co- 
logne, en  1686,  dans  les  plus  grands  sentiments  de  piété. 


296  LE  PROPAGATEUR 

C'était  un  travailleur  infatigable.  Quand  on  connaît  l'ordre  qui 
préside  aux  études  dans  la  Société  de  Jésus,  on  peut  se  faire- 
une  idée  de  l'étendue  des  connaissances  qu'il  dut  acquérir  pendant 
cinquante-sept  ans  qu'il  y  vécut.  Il  fut  un  brillant  littérateur,  un 
remarquable  controversiste  et  un  grand  ascétique. 

Nous  n'établirons  pas  ici  la  liste  assez  longue  des  ouvrages  qu'il 
composa.  Mais  il  vous  sera  sans  doute  agréable,  cher  lecteur,  que 
nous  vous  disions  quelques  mots  de  celui  dont  nous  vous  donnons 
la  traduction. 

Ce  livre  parut  pour  la  première  fois  en  1651,  avec  le  titre  :  Dux 
vise  per  exercitia  spiritualia  communia  omnibu$,  et  propria  ecclesias- 
ticis.  L'ouvrage  fut  immédiatement  reconnu  de  très  grande  valeur 
et  réimprimé  souvent,  en  tout  ou  en  partie.  Le  P.  Man^énius  per- 
fectionna cette  œuvre,  et  nous  la  voyons  publiée  en  1666,  avec  le 
titre  de  Dux  viœ  ad  vitam  puram,  piam,  perfectam,  per  exercitia  spi- 
ritualia mecHtationi  simul  et  lectioni  accommodatus  :  juxta  normam 
sacrorum  Exercitiorum  D.  Ignatii  de  Loyola  formatus. 

L'ouvrage  ainsi  amélioré  eut  de  nombreuses  éditions.  Il  est  di- 
visé en  quatre  parties  :  La  première  renferme  les  Prolégomènes, 
qui  forment  un  excellent  petit  traité  de  la  méditation.  La  deuxiè- 
me comprend  le  développement  des  Exercices  de  S.  Ignace  en 
trente-trois  méditations  dans  lesquelles  on  trouve  tout  au  long  les 
considérations,  les  affections,  les  colloques  et  les  résolutions,  le 
tout  assez  étendu  pour  que  ctiacun  des  points  puisse  servir  à  lui 
seul  pour  une  méditation.  En  sorte  que  le  tout  formerait  bien 
cent  méditations  ;  et,  comme  presque  toutes  ces  méditations  sont 
de  celles  qu'on  doit  répéter  souvent,  notre  livre  vous  fournira 
des  méditations  pour  une  grande  partie  de  l'année.  Les  affections 
et  les  colloques,  quoique  découlant  des  considérations,  pourraient 
au  besoin  servir  de  méditations,  car  c'est  un  travail  admirable  où 
l'âme  s'épanche  devant  Dieu  dans  les  plus  nobles  sentiments,  en 
empruntant  les  paroles  de  l'Ecriture  et  des  Pères.  L'auteur  amis 
en  marge  des  pages,  des  sommaires  indiquant  la  suite  des  idées,, 
pour  les  personnes  qui,  se  suffisant  elles-mèaies,  n'ont  pas  besoin 
de  recourir  aux  développements.  Dans  notre  traduction,  nous 
avons  mis  ces  sommaires,  en  peiits  caractères  en  tête  des  points, 
des  affections  et  des  colloques,  et  en  les  faisant  concorder  avec  les 
développements  au  moyen  de  chiffres  romains  bien  visibles. 

Dans  toute  cette  partie  du  livre,  on  trouve  en  note  la  traduction 
du  texte  des,  Exercices  de  S.  Ignace  correspondant  à  la  méditation 
développée.  Le  méditant  qui  se  suffit  à  lui-même  pour  les  déve- 
loppements, a  là  encore  un  sujet  excellent. 

La  troisième  partie  de  l'ouvrage  est  un  traité  de  l'élection^  ou 
choix  d'un  état  de  vie,  en  six  chapitres. 

La  quatrième  partie  comprend  huit  méditations  spéciales  aux 
ecclésiastiques. 

Les  citations  de  l'Écriture  et  des  Pères  sont  bien  choisies    et 
abondantes  dans  tous  le  cours  de  l'ouvrage.  La  traduction  de  ces 
citations  fait  partie  du  texte  courant  et  l'original  latin  a  été  mis  en 
note  au  bas  des  pages. 


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des  petits  (ie  édilion).  3  vol.  in-12. 
Prix S-2.50 

6»  La  Pieuse  Congréganiste  de  la 
ville  et  de  la  canapagne  (4e  édi- 
tion) 2.  vol.  in-12.    Prix S  1.88 

T"  Préparation  au  grand  jour  (4e 
édilion)  l  vol.  ln-12.    Prix 88c. 


i"  Le  Missionnaire  de  la  cam- 
pagne (9e  édilion,  18e  millle.) — 4 
vol.  in-12.  Prix S3.50 

2»  Dominicales  du  Curé  de  cam- 
pagne (Te  édilion).  3  vol.  in-12. 
Prix $2.50 

3»  Instructions  sommaires  sur  la 
Doctrine  chrétienne  (3e  édilion) 
2  vol.  in-12.  Prix §1.88 

L'œuvre  de  M.  l'Abbé  JDUVE  s'est  considérablement  accrue  depuis  !e  jour 
oîi  il  y  a  donné  au  clergé  son  remarquable  ouvrage  du  Missionnaire  de  la 
Campagne.  Le  septième  ouvrage  que  je  vi^ns  de  publier  avec  grand  succès 
sous  le  iiire  de  Préparation  au  grand  jour,  et  les  six  autres  qui  ont  paru 
dans  le  courant  de  ces  dernières  années,  se  signalent  entre  tous,  non  seulement 
par  une  facilité  et  une  clarté  i!e  style  particuliers,  mais  encore  par  une  unité 
d'idées  et  de  direction  éminemment  phatiqde. 

Encouragé  par  les  éloges  unanimes  que  je  reçois  journellement  et  convaincu 
de  plus  en  plus,  par  leur  vente  rapide,  que  ces  publications  nouvelles 
répondent,  comme  l'a  dit  avec  tant  d'autorité  Mgr  l'Evêque  de  Gap,  à  des 
besoins  nouveaux,  je  les  présente  en  toute  confiance  à  MM.  les  ecclé- 
siastiques désireux  d'avoir  toujours  sous  la  main  des  livres  essentiellement 
utiles.  Ceux  qui  les  posséderont  se  félieileront  souvent  d'une  aussi  heureuse 
acquisition,  et  les  recommanderont  à  leurs  vénérés  confrères.  C'est  par  milliers 
du  reste,  que  je  compte  déjà  ses  propagateurs  volontaires.  Je  prie  ceux  d'entre 
eux  qui  me  feront  l'honneur  de  hre  ces  quelques  lignes  d'agréer  mes  nouveaux 
et  sincères  remerciements. 

Les  sept  ouvrages  de  M-  l'abbé  Jouve,  annoncés  ci-haut  composent  donc 
véritablement  une  Bibliothèque  pratique  d'une  grande  utilité  pour  l'exercice 
du  saint  ministère. 


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Exercices  de  piété  ;  4°  l'Année  liturgique  ;  5°  les  Mystèrs  de  la 
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Voici  la  coaclusioa  d'une  élude  approfondie  que  V  Univers  a.  publiée  sur  ce 
remarquable  travail. 

"  Les  prédicateurs  trouveront  dans  l'ouvrage  du  P.  Longhaye  d'excellents 
conseils,  qui  leur  apprendront  l'art  de  faire  un  sermon  et  de  le  dire,  sans  paraître 
apporter  en  chaire  une  disserlion  d'école  et  réciter  une  leçon  apprise.  Pour  ceux 
qui  voudront  pousser  plus  à  foad  cette  étude  particulière,  ils  trouveront  dans 
un  autre,  et  non  moinsjrenaarquable  ouvrage  du  P  Longhaye,  La  Théorie  des 
Belles  Lettres,  le  complément  de  ces  conseils  aussi  judicieux  que  pratiques  sur 
la  composition,  le  siyle  et  la  diction.  Nous  sommes  persuadé  que  ceux  qui  les 
suivront  y  trouveront  la  vraie  règle  de  la  prédication  et  se  formeront  sûrement, 
avec  un  tel  guide,  à  cette  véritable  éloquence  chrétienne  qui  a  sa  source  et  sou 
objet  dans  l'Evangile,  qui  parle  de  Jésus  Christ  aux  âmes,  non  en  style  factice, 
mais  en  langage  d'homme  de  Dieu,  et  qui  parle  avec  tant  de  conviction  et  de 
vérité  que  chez.'  elle  le  débit,  au  lieu  d'être  une  mécanique  monotone  de*  parole 
qui  a  sa  formule  dans  le  ion  prédicateur  est  l'expression  naturelle  de  l'âme.  Et 
nous  souhaitons  par-dessus  tout  que  cet  ouvrage,  qui  est  d'un  maître  en  la  parole 
comme  en  littérature,  devienne  classique  dans  les  séminaires.  Nous  n'en  con- 
naissons pas  qui  puisse  mieux  servir  à  l'appenlissage  et  à  la  réforme  de  la  prédi- 
cation. Arthur  Loth. 

Le  mérite  de  ce  nouvel  ouvrage  du  R.  P.  Longhaye  est  grand.  Encore  bien  que 
la  théorie  y  tienne  sa  place,  on  peut  dire  de  ce  Uvre  qu'il  est  avant  tout  pratique. 
C'est  vraiment  un  manuel  du  prédicateur. 

Nous  voudrions  voir  ce  livre  substantiel,  éloquent,  sacerdotal,  entre  les  mains 
de  tous  les  ecclésiastiques,  à  commencer  par  les  élèves  de  nos  séminaires, 

Jean  Vaddon. 

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fAme    et  les  choses  dans  la  parole 

Par  le  R.  P.  LONGHAYE,  de  la  compagnie  de  Jésus 

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LE    PROPAGATEUR 


Volume    IV,  15  Juillet,  1893,  Numéro  10 


BULLETIN 


6  juillet  1893. 

%•  J'ai  déjà  parlé  (1)  du  congrès  eucharistique  de  Jérusalem  qui 
a  eu  un  succès  dépassant  toutes  les  espérances.  Je  reproduis  à  ce 
sujet  la  fin  d'une  corr  .spondance  de  la  Croix.  Plus  tard  je  tâcherai 
de  reproduire  les  paroles  officielles  du  Cardinal  légat  (2). 

La  conclusion  qu'on  rencontre  sur  toutes  les  lèvres  est  celle-ci  : 

Le  Congrès  eucharistique  a  dépassé  toutes  les  espérances.  C'est 
un  immense  événement;  il  ne  peut  manquer  d'avoir  ultérieure- 
ment des  conséquences  très  importantes  pour  les  relations  reli- 
gieuses de  l'Occident  et  de  l'Orient.  Il  a  beaucoup  appris  aux 
Latins  par  les  Eglises  orientales,  et  il  a  donné  à  celles-ci  une  dila- 
tation et  un  élan  singulier.  Il  est,  au  point  de  vue  de  l'union  et 
du  retour  possible  de?  orthodoxes,  une  semence,  une  préparation 
précieuse.  On  a  compté  jusqu'à  trente  prêtres  des  EgUses  ortho- 
doxes assistant  aux  réunions  du  Congrès. 

La  province  de  Québec  avait  ses  représentants  au  Congrès. 
Malheureusement  leurs  rapports,  moins  un,  n'oni  pas  été  lus,  car, 
pour  obtenir  ce  privilège  il  fallait  les  transmettre,  pour  examen, 
quelque  temps- d'avance,  ce  qui  n'a  pas  été  fait.  L'inobservation 
de  cette  formalité  a  privé  le  congrès  de  plusieurs  rapports  précieux 
écrits  par  des  littérateurs  distingués. 

Le  seul  rapport  canadien  qui  a  été  lu,  ayant  été  soumis  d'avance 
au  comité,  est  celui  de  M.  le  docteur  Jacques,  délégué  de  l'Adora- 
tion nocturne  de  Montréal.  Ce  rapport  a  fait  une  telle  impression 
sur  le  congrès  qu'aussitôt  après  sa  lecture,  le  président  Mgr 
Doutreloux,  évêque  de  Liège,  s'est  levé  pour  manifester  son  admi- 
ration et  féliciter  l'auteur. 

Le  rapport  de  M.  Jacques  a  eu  les  honneurs  de  la  reproduction 
dans  le  Moniteur  de  Rome.  Ce  journal  écrit  ce  qui  suit  en  tète  du 
rapport. 

"  Il  y  a  quelques  jours,  le  Moniteur  de  Rome  annonçait  que  le 
"  rapport  le  plus  intéressant  qui  ait  été  lu  au  Congrès  Eucharisti- 
"  que,  par  un  laïque,  était  celui  de  M.  le  docteur  Jacques,  délégué 
"  de  l'Adoration  nocturne  de  Montréal  (CanadaJ  Ayant  pu  nous 
"  procurer  ce  rapport,  nous  sommes  heureux  de  le  reproduire 
"  in-exienso,  assurés  qu'il  sera  goûté  de  nos  lecteurs.  " 

(1)  No  8,  page  233. 

(2>  Son  rapport  à  N.  S.  P.  le  Pape  n'est  pas  encore  publié, 

19 


302  LE  PROPAGATEUR 


De  ce  rapport  je  ne  ferai,  faute  d'espace,  que  l'extrait  suivant. 

"  Montréal  possède  un  grand  nombre  de  communautés  religieuses  d'hommes 
et  de  femmes,  dont  les  différents  membres  vont  dans  toute  l'Amérique  porter  la 
bonne  semence  dont  la  Providence  les  a  chargés.  (Jette  magnifique  cité  renferme 
en  outre  une  foule  de  confréries  et  autres  associations  pieuses,  qui  toutes  ensem- 
ble, contribuent,  chacune  à  leur  manière,  à  l'aider  à  remplir  sa  mission  provi- 
dentielle :  la  propagation  de  la  loi  en  Amérique.  C'est  la  Home  du  Canada,  la 
Jérusalem  des  Terres  Nouvelles,  et  je  le  répète  la  ville  eucharistique  par  excel- 
lence de  l'Amérique. 

-  * 

*/  La  question  des  écoles  catholiques  aux  Etats-Unis  est  déflni- 
tive*ment  réglée.  La  lettre  encyclique  de  Notre  Saint  Père  le  Pape 
à  l'épiscopat  de  ce  pays  vient  d'être  publiée.  Celte  lettre  tranche 
la  question  dans  le  sens  des  décrets  du  troisième  Concile  de  Balti- 
more. En  conséquence  les  écoles  catholiques  devront  être 
multipliées  autant  qu'il  sera  possible. 

Après  avoir  fait  allusion  aux  discussions  antérieures  et  aux 
divergences  d'opinions  qui  existaient,  le  Souverain  Pontife  termine 
par  la  décision  suivante. 

Toutefois,  atin  qu'il  n'existe  plus  à  l'avenir,  dans  une  affaire  d'une  aussi  grave 
impoi tance,  aucun  sujet  de  doute  et  aucune  divergence  d'opinions,  comme  Nous 
l'avons  déjà  déclaré  dans  notre  lettre  du  23  mai  de  l'année  dernière,  adressée  à 
Nos  Yénérables  Frères  l'Archevêque  et  lesBvêquesde  la  province  ecclésiastique 
de  New-York,  ainsi  de  nouveau  Nous  déclarons,  autant  qu'il  en  est  besoin,  que 
l'on  doit  fidèlement  observer  les  décrets  que,  conformément  aux  directions  du 
Sainl-Siège,  les  Conciles  de  Baltimore  ont  formulés  louchant  les  écoles  parois- 
siales, ainsi  que  tout  ce  qui  a  été  prescrit  touchant  la  même  question  par  les 
Pontifes  romams,  soit  directement,  soit  par  les  Sacrées  Congrégations. 

A  midi  aujourd'hui,  le  canon  de  l'île  Ste  Hélène  annonçait  à  la 
ville  de  Montréal  le  mariage  de  l'héritier  de  la  couronne  d'Angle- 
terre avec  la  princesse  Victoria  Mary  de  Teck.  Cet  heureux  événe- 
ment cause  une  joie  immense  dans  tout  l'empire  britannique,  en 
Anglëtej  re  plus  particulièrement. 

Les  anglais  se  réjouissent  avec  raison  de  ce  que  l'héritier  de 
Je'arroiait  choisi  sa  femme  dans  leur  pays  au  lieu  d'aller  la 
demander  à  l'étranger. 

La  princesse  May  (c'est  le  nom  qu'on  lui  donne  généralement) 
était  digne  par  ses  vertus  et  ses  qualités,  par  ses  grâces  et  sa 
beauté,  d'attirer  les  regards  du  futur  souverain  d'Angleterre. 
L'immense  popularité  dont  elle  jouit  la  suivra  plus  tard  sur  le 
trône  dont  elle  sera  le  plus  bel  ornement. 

Comme  les  choses  ont  changé  depuis  un  an  et  combien  d'événe- 
ments imprévus  sont  arrivés  ! 

L'année  dernière  le  peuple  anglais  saluait  avec  enthousiasme 
les  fiançailles  de  la  princessi  avec  le  fils  aîné  du  prince  de  Galles, 
^infortuné  duc  de  Glarence  mort  quelques  jours  avant  la  date 
fixée  pour  son  mariage,  (1)  et  cette  année  il  acclame  encore  plus 

(1)  Le  mariage  était  fixée  au  27  février  1892  et  le  duc  de  Ciarence  est  mort  le- 
14  janvier. 


LE  PROPAGATEQR  303 


chaleureusement  le  mariage  de  la  même  princesse  avec  le  frère 
de  son  premier  fiancé. 

Le  duc  d'York  (prince  Georges  de  Galles,  est  le  second  fils  du 
prince  de  Galles,  et,  advenant  le  décès  de  ce  dernier  et  celui  de  la 
reine  Victoria,  il  sera  roi  du  royaume  uni  de  la  grande  Bretagne 
et  d'Irlande  et  empereur  des  Indes. 

II  est  âgé  de  28  ans,  étant  né  le  3  juin  1865.  Il  est  marin  et  il 
sert  dans  la  marine  anglaise  depuis  très  longtemps.  La  |.,rincesse 
May  est  âgée  de  26  ans  ({').  Elle  est  née  et  elle  a  été  élevée  en 
Angleterre.  Son  père  est  le  duc  François  Paul  Louis  Alexandre  de 
Teck  et   sa  mère  est  la  princesse  Mary  Adélaïde  de  Cambridge. 

Le  mariage  a  eu  lieu  dans  la  chapelle  royale  du  palais  de  St- 
James.  C'est  dans  celte  même  chapelle  qu'eut  lieu  le  mariage  de 
la  reine  Victoria  avec  le  prince  Albert  de  Cobourg.  ;;; 

Les  citoyens  du  vaste  empire  britannique  font  aujourd'hui  des 
vœux  pour  le  bonheur  de  leurs  futurs  souverains.  Puissent  ces 
vœux  se  réaliser  ! 

%*  Une  dépêche  de  Berlin  en  date  de  3  juillet  donne  le  résultat 
suivant  comme  étant  celui  des  dernières  élections  dans  l'empire 
d'Allemagne. 

Division 

1  Cléricaux 82 

2  Démocrates  socialistes 45 

3  Conservateurs 77 

4  Conservateurs  libres  ("ou  parti  de  l'empire) 25 

5  Libéraux  nationaux 52 

6  Guelfes 8 

7  Alsaciens 12 

8  Antisémites 17 

9  EadicauxRichtéristes 23 

10  Radicaux  unionistes 12 

11  Polonais i9 

12  Cléricaux  indépendants Il 

13  Ligue  des  paysans  bavarois 2 

14  Démocrates  de  l'Allemagne  du  sud 11 

15  Danois 1 


397 


On  voit  par  celte  division  qu'il  y  a  une  énorme  différence  entre 
les  groupes  parlementaires  allemands,  et  nos  propres  groupes 
parlementaires  qui,  généralement,  se  réduisent  à  deux,  le  parti 
ministériel  (conservateur  ou  libéral)  et  le  parti  de  l'opposition. 

Il  faut  que  les  hommes  politiques  connaissent  bien  la  tactique 
parlementaire  pour  pouvoir  réunir  eu  deux  masses  compactes  ces 
diverses  fractions  dont  chacune  poursuit  un  but  parfaitement 
défini  et  dont  les  opinions  sont  diamétralement  opposées. 

(1)  Elle  est  né  le  26  mai  1867. 


304  LE  PROPAGATEUR 


Les  élections  qui  viennent  d'avoir  lieu  étaient  les  neuvièmes 
élections  générales  de  l'empire  allemand.  Les  socialistes  ont  gagné 
plusieurs  sièges  et  les  votes  donnés  en  leur  faveur  ont  augmenté 
considérablement  même  dans  les  circonscriptions  où  ils  ont  été 
battus.  La  plaie  du  socialisme  s'étend  d'une  manière  tellement 
alarmante  qu'un  journal  demande  sï  dans  un  laps  de  temps  assez 
rapproché  r Allemagne  presque  toute  entière  ne  sera  pas  socialiste. 

* 

*  J'  Le  Congrès  des  Etats-Unis  est  convoqué  pour  le  7  août  pro- 
chain. Il  siégera  pour  la  première  fois  depuis  que  M.  Gleveland  a 
pris  possession  du  siège  présidentiel. 

Voici  la  dépêche  qui  annonce  cette  nouvelle. 

Washington,  1  Juillet  1893.  — Le  président  Cl-iveland  a  lancé  une  proclama- 
tion pour  convoquer  le  congrès  le  7  août  prochain. 

Le  motif  (le  c-itle  convocalion  hâ'.ive  est  la  situation  financière  inquiétante 
créée  aux  Etats-Unis  par  la  loi  Sherman,  laquelle  est  destinée  à  empêcher  le 
monnoyage  lihre  de  Targenl  ou  tout  au  moins  de  !•;  limiter. 

* 

*  *  Un  grand  désastre  maritime  vient  d'avoir  lieu  dans  la  Médi- 
terranée, aux  environs  de  Tripoli.  Le  vaisseau  de  guerre  anglais 
Victoria  a  sombré  dans  une  collision  avec  le  Camperdown,  autre 
vaisseau  de  guerre  anglais  commandé  par  le  contre  amiral  Albert 
H.  Markham. 

L'accident  est  arrivé  dans  une  manœuvre  qui  n'a  pas  été  exécu- 
tée assez  promptement.  Le  vice-amiral  Markham  va  être  traduit 
devant  une  ceur  martiale. 

Près  de  420  hommes  ont  péri.  Parmi  eux  se  trouve  le  vice- 
amiral  Sir  George  Tryon,  commandant  en  chef  de  l'escadre  de  la 
Méditerranée.  Ce  brave  officier  est  resté  au  poste  d'honneur  jusqu'à 
la  fin  et  il  est  mort  victime  du  devoir. 

Ce  terrible  naufrage  a  jeté  la  consternation  en  Angleterre  et  a 
plongé  un  grand  nombre  de  famillc's  dans  le  deuil.  Tous  sympa- 
thisent avec  elles  dans  le  malh-ur  qui  les  frappe. 

M.  Gladstone,  dans  la  chambre  des  Communes,  et  le  comte 
Spencer,  dans  la  chirabre  des  Lords,  se  sont  faits  l'écho  du  senti- 
ment général  et  ont  déploré,  en  termes  émus,  la  fin  prémalarée 
des  braves  marins  morts  au  service  du  pays.  Le  vice-amiral  Sir 
George  Tryon  K.  C.  B.  était  âgé  de  60  ans.  Il  a  servi  dans  la  guerre 
de  Crimée  en  1854  et  dans  la  guerre  d'Abyssinie  en  1861  II  a  été 
nommé  au  commandement  de  l'escadre  de  la  Méditerranée  en  1891, 

Les  annales  maritimes  d'Angleterre  mentionnent  plusieurs 
autres  naufrages  de  vaisseaux  de  guerre,  entre  autres  celui  du 
Royal  George  en  1782  et  celui  du  cuirassé  le  Captain  en  1870.  Le 
premier  naufrage  eut  lieu  près  de  Portsmoulh  Angleterre.  L'équi- 
page entier  périt  dans  ce  naufrage.  Le  Royal  George  portait  108 
canons  et  il  était  commandé  par  le  contre  amiral  Kempenfeldt. 

Le  naufrage  du  Captain  eut  lieu  dans  la  baie  de  Biscaye  le  6 
septembre  1870.  L'équipage  se  «composait  de  plus  de  500  hommes 
qui,  sauf  18,  périrent  tous.  Alby. 


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EST    DIVISÉE    EN    SIX    PARTIES 

DIEU,  RELIGION,  MORALE,   MIRACLES,  JESUS-CHRIST, 
LE  PAPE,  L'INFAILLIBILITÉ 

PREMIERE  SERIE  :  15  volumes  in-8, 

Le  symbole  et  le  dogme 

I.  L'indifférence  en  matière  religieuse  ;  L'instruction  religieuse;  la  parole  de 
Dieu.  —  n.  L'existence  et  les  attributs  de  Dieu. —  IIJ.  Les  attributs  de  Dieu 
(suite)  ;  la  Trinité  ei,  l-^s  Anges.  —  IV.  La  Création.  —  V.  L'homme.  —  VI.  Le 
Péché  originel  ;  La  Révélation.  —  VIL  La  Révélation  (suite)  ;  La  Divinité  de 
Jésus-Christ.  —  VIIL  La  Divinité  de  Jésus-Christ  (suite).  —  IX.  La  Divinité  de 
Jésus-Christ  (2°  suite). —  X.  L'Eglise.  —  XL  L'Eglise  (suite).  — XIL  La  Pa- 
pauté.— Xin.  L'Eglise  dispersée;  Les  Conciles;  Communion  des  Saints. — XIV. 
Les  vérités  du  salut;  La  lin  de  l'homme;  Le  service  de  Dieu;  La  mort;  Le 
jugement  particulier.  —  XV.  Lrs  vérités  du  salut  (suite  ;  La  Résurrection  dts 
corps  ;  Le  jugement  général  ;  L'Enfer  ;  le  Ciel. 

DEUXIEME  SERIE  ;  15  volumes  in-8, 

La  morale  ou  les  commandements  de  Dieu  et  de  l'Eglise 

1,  Excellence  de  la  morale  chrétienne  :  Loi  divine  ;  Loi  naturelle  ;  Loi  écrite  ; 
Loi  évangélique.  —  II.  La  foi  et  l'incrédulité.  —  II.  L'Espérance  .et  la  Charité 
envers  Dieu.  —  IV.  La  Charité  envers  le  prochain  en  général  et  envers  bs  pau- 
vres en  particulif  r.  —  V.  La  Charité  envers  les  ennemis  ;  La  vertu  de  Religion. 
— VI.  La  venu  de  Religion  (suite)  ;  Le  culte  des  saints;  Le  culte  de  la  cro  x  ; 
Le  jurement  et  le  blasphème  ;  Le  dimanche. — VII.  La  vertu  de  Religion  (2«  suiv-J  ; 
Le  dimanche  (suite)  ;  La  Famille. — VIII.  La  Famille  (suite)  ;  L'homicide;  Le 
suicide;  Le  duel  ;  Le  scandale  ;  Le  bon  exemple  ;  La  propriété.  —  IX.  La  pro- 
priété (suite);  L'injustice  et  la  restitution;  Le  mensonge  ;  La  réputation  du 
prochain;  La  médisance  et  la  calomnie;  Les  vertus  chrétiennes;  Les  vertus 
cardinales. — X.  Les  vertus  chrétiennes  (suite).  —  XI.  Les  vertus  chrétiennes 
(2"  suite)  ;  Les  péchés.  —  XII.  Les  péchés  (suite)  ;  Les  péchés  capitaux.  —  XIII. 
Les  péchés  (2«  suite)  ;  Suite  des  péchés  capitaux  :  La  conscience.  —  XIV.  Les 
choses  dangereuses  ;  Les  passions  ;  Les  tentations  ;  Le  monde  ;  Les  divertisse- 
ments du  monde  ;  Les  mauvaises  ce mpagnies;  Les  bals  ;  Les  spectacles;  Les 
cabarets  ;  Le  jeu  ;  Les  mauvais  livres  et  les  bons  livres.  — XV.  Les  choses  dange- 
reuses (suite)  ;  La  prospérité  ;  Les  richesses;  La  pauvreté  ;  Les  épreuves  ;  Les 
misères  de  la  vie  ;  Les  afflictions;  Les  souffrances  ;  La  guerre  ;  Les  calamités 
publiques  ;  Les  malheurs  de  la  France. 


306  LE  PROPAGATEUR 


TROISIEME  SERIE  :  9  volumes  in-S, 

La  prière  et  les  sacrements 

I.  La  prière  ;  L'Oraison  dominicale.  —  H.  La  grâce  ;  Les  sacrements  en 
général  ;  Le  Baptême;  La  Confirmation.  —  III.  La  Pénitence;  La  vertu  de  péni- 
tence; le  Sacrement  de  Pénitence.  —  IV.  L'Eucharistie;  instructions  sur  le 
dogme  de  la  présence  réelle;  La  Communion;  la  fréquente  Communion;  La 
Communion  pascale.  —  V.  L'Eucharistie  (suite)  ;  Le  saint  sacrifice  de  la  messe  ; 
Instructions  sur  les  cérémonies  delà  messe;  La  i)remière  communion. — VI. 
L'Eucharistie  (ï'  suit«^)  ;  Nouvelles  études  sur  l'Eucharistie  ;  Les  œuvres  eucha- 
ristiques. —  VII.  L'Eucharistie  (3»  suite)  ;  Les  œuvres  eucharistiques  (suite)  ; 
Bibliothèque  eucharistique  ;  Sujets  divers  sur  l'Eucharistie  ;  Modèles  d'adoration. 

—  VIII.  L'Extrême-Onction;  L'Ordre;  Le  célibat  ecclésiastique.  —  IX.  Le 
Mariage;  Appendice  sur  l'Eucharistie. 

QUATRIEME  SEftlE  :  13  volumes  in-8, 

Les  fêtes  de  Notre-Seigneur.  —  Les  fêtes  de  la  Sainte  Vierge.  —  Les 

Panégyriques  des  Saints 

I.  Le  mystère  de  l'Incarnation  ;  La  naissance  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ 
ou  Noël.  —  II.  La  fête  de  la  Circoncision  ;  Instructions  sur  le  jour  de  l'an;  Ins- 
tructions sur  le  saint  nom  de  Jésus  ;  La  fêle  de  l'Epiphanie  ;  La  fuite  en  Egypte, 

—  III.  L'enfance  et  la  vie  cachée  de  Jésus-Christ;  La  fètM  de  la  Transfiguration; 
La  fête  de  Pâques  ;  La  fête  de  l'Ascension  ;  La  fêle  du  Saint-Sacrement.  -^  IV. 
Les  visites  au  Saint-Sacremenl  ;  L'adoration  perpétuelle  du  Saint-Sacrement; 
La  fête  du  Sacré-cœur  de  Jésus  ;  La  dévotion  au  Sacré-Cœur  iie  Jésus. — V.  Pra- 
tiques en  l'honneur  du  Sacré-Cœur  de  Jésus;  Li  tête  du  précieux  sang  ;  L'in- 
vention de  la  sainte  Croix  ;  L'exaltation  de  la  sainte  Croix  ;  La  fêle  de  la  dédicace  ; 
Les  cloches  ;  La  langue  de  l'Eglise  ;  La  musique  de  l'Eglise  ;  Les  églises  ou  les 
temples  de  la  religion  catholique;  Les  éghses  de  Rome;  Les  principales  églises 
de  France.  —  VI.   Les  fêtes  de  la  Sainte  Vierge  ;    Du  culte  de  la  Sainte  Vierge. 

—  VII.  Les  fêtes  de  l'Immaculée  Conception  ;  Li  fêle  de  le  Nativité  de  la  Sainte- 
Viergj  ;  La  fête  du  saint  nom  de  Marie  ;  La  fête  de  Ja  Présentation  delà  Sainte 
Vierge  et  de  llncarnation  du  Fils  de  Dieu  ;  La  fête  de  la  Visitation  de  la  Sainte 
Vierge  et  de  la  Présentation  de  Jésus-C-hrist  au  temple.  —  VIII.  Suite  de  la 
Purification  de  la  Sainte  Vierge  ;  La  fête  de  la  Compassion  de  la  Sainte  Vierge  ; 
L'Assomption  de  la  Sainte  Vierge  ;  Fête  du  très  s-aint  et  immacuié  Cœur  de 
Marie  ;  Noire-Dame  du  Sacré-Cœur.  —  IX.  Dévotions,  prières  et  pratiques 
diverses  en  l'honneur  de  la  très  Sainte  Vierge.  —  X.  Les  Panégyriques  des 
Saints  ;  Depuis  le  2  Janvier  jusqu'au  19  Mars  ;  La  fête  de  Saint-Josej)h.  —  XI. 
Suite  de  la  dévotion  à  Saint  Joseph  ;  Panégyrique  des  Saints  (suite)  ;  Depuis  le 
2  Avril  jusqu'au  29  Juin  inclusivement.  —  XII.  Les  Panégyriques  des  Saints 
{'îuite)  ;  Du  7  juillet  au  28  août.  —  XIII.  Panégyrique  du  purgatoire  ;  Appendice 
sur  la  fêle  du  Sainl-Sacremenl;  L'Office  du  Sainl-Sacrement  ;  Appendice  sur  la 
dévotion  à  la  Sainte  Vierge. 

CIx\QUIEME  SERIE:  12  volumes  in-8, 

Homélies  et  Frônes  sur  les  Épitres  et  les  Évangiles  des  Dimanches 

de  l'Année 

I.  Le  temps  de  l'Avent  ;  instructions  sur  l'Epi  ire  et  sur  l'Evangile  de  chaque 
Dimanche.  —  II.  Le  t^mps  de  Noël  ;  id.  —  III.  Le  temps  de  la  Septuagésime  ; 
id.  —  IV.  Le  temps  de  Carême  ;  id.  —  V.  Le  temps  de  Carême  (suite)  ;  id. — VI.  Le 
temps  d-"  la  Passion  et  de  la  semaine  sainte.  —  VIL  Le  tem:)s  de  Pâques  ;  id.  — 
VIII,  IX,  X,  XI  et  XII.  Le  temps  de  la  Panlecôle;  Instructions  sur  l'Epitre  et 
sur  l'Evangile  de  chaque  Dimanche. 


LE  PROPAGATEUR  307 

ISIX!£M£  SI:RI£  :  7  volumes  m-8, 
Sujets  Divers 

I.  Inslruciions  sur  les  principaux  événements  et  sur  les  principaux  person- 
nages de  l'Ancien  el  du  Nouveau  Testament  ;  Première  partie  :  22  homélies  sur 
l'Ancien  Testament  ;  Seconde  partie  :  Vérités  des  faits  évangéliqnes  ;  Gonsi- 
déraiions  sur  la  personne  adorable  de  Noire-Seigneur  Jésus-Christ.  Instruction 
sur  chacune  des  circonstances  de  la  Passion  de  Notre-rfeigueur  Jésus-Christ. — 
II.  Le  nouveau  Testament  (suite);  Considérations  sur  chacune  des  circonstances 
de  la  Passion  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  (suite);  Instructions  sur  la  Passion; 
Sermon  sur  la  montagne  ;  Les  Béatitudes  de  l'Evangile;  Les  Paraboles  de  l'Evan- 
gile; L-^s  Femmes  de  l'Evangile.  —  III.  Les  ordres  religieux  et  le?  congrégations 
religieuses  ;  Première  partie  :  Apologie  de  la  vie  religieuse;  Deuxième  partie  : 
Instructions  sur  la  vie  religieuse  ;  Troisième  partie  :  Instructions  pour  les  céré- 
monies de  vêture  et  de  profession  religieuse.  —  IV.  Instructions  pour  les  difFé- 
renls  âges,  les  différents  sexes  et  les  différents  états.  —  V.  Sujets  de  circonstance. 
—  VI.  Idem.  —  VIL  Questions  sur  l'Eglise  ou  ayant  rapport  à  l'Eglise. 

72»  et  dernier  vol.,  table  générale,  table  analyt,  el  table  alph.  des  auteurs. 


Voilà  des  thèmes  sur  lesquels  l'antiquité  aussi  bieuque  le  moyen 
âge  et  les  temps  modernes  ont  produit  quantité  de  volumes,  sans 
se  mettre  d'accord,  et  que  cependant  Jésus-Christ,  notre  divin 
Maître,  a  résumés  en  ces  simples  préceptes;  Aime  Dieu  par-dessus 
tout;  aime  ton  prochain  comme  toi-même;  fais  même  du  bien  à  tes 
ennemis.  Rendez  à  César  ce  qui  appartient  à  César,  et  à  Dieu  ce 
qui  appa/rtient  à  Dieu. 

Ce  que  Jésus-Christ  a  défini  en  si  peu  de  mots,  d'une  manière 
si  claire  et  si  précise,  le  chanoine  Henry  l'a  commenté  en  soixante- 
douze  volumes  qui  constituent  la  Bibliothèque  sacrée^  ou  Magnifi- 
cences de  la  religion.  Ce  que  les  prophètes,  les  philosophes  et  les 
docteurs  de  tous  les  temps  nous  ont  légué  de  mieux  est  en  quelque 
sorte  condensé  dans  cet  collection  qui  vient  on  ne  peut  plus  à 
propos  au  moment  où  le  chef-d'œuvre  de  la  création,  c'est-à-dire 
l'homme,  que  Dieu  avait  créé  à  son  image,  tend  a  un  abaissement 
moral  sous  le  couvert  du  prétendu  progrès  scientifique  et  du  bien- 
être  physique;  comme  si  la  véritable  science  n'était  pas  l'affirma- 
tion de  ce  que  nos  demi-savants  nient,  comme  si  la  véritable 
perfection  de  l'homme  n'était  pas  le  mépris  de  ce  que  les  hommes 
sans  foi  considèrent  comme  l'idéal  du  bonheur  et  la  fin  de  l'homme; 
les  jouissances  matérielles  et  le  matérialisme  qui  le  ravale  au 
niveau  de  la  brute.  Il  est  vrai  que  l'homme  tout  à  fait  matérialiste 
et  sans  aucune  idée  religieuse  n'est  (Qu'une  discordance  dans  l'har- 
monie universelle,  une  sorte  de  monstruosité  ne  pouvant  produire 
souche,  heureusement,  comme  tous  ces  phénomènes  contre  nature 
qui  se  produisent  de  temps  à  autre,  par  une  cause  en  dehors  des 
lois  ordinaires. 

En  elFet,  nier  l'existence  de  Dieu  c'est  se  classer  dans  une  de  ces 
monstruosités  à  laquelle  il  manque  certaines  facultés  de  la  raison 
qui  distingue  justement  l'homme  des  autres  êtres  de  la  création. 

L'histoire  et  les  exemples  de  tous  les  jours  nous  prouvent  que 
es  individus  et  les  Etats  sans  religion  sont  esclaves  de  leurs 


308  LE  PROPAGATEUR 


passions  et  ressemblent  à  un  navire  en  pleine  mer,  sans  boussole 
et  sans  gouvernail,  livré  aux  caprices  du  hasard,  pour  leur  propre 
malheur  et  celui  de  la  société  dont  ils  deviennent  le  fléau. 

Il  est  permis  à  un  aveugle  de  douter  de  la  lumière  et  de  la 
variété  des  couleurs,  comme  il  est  permis  à  un  sourd  de  douter 
de  l'harmonie  et  de  la  mélodie  des  sons;  mais  il  n'est  pas  permis 
à  l'homme  de  nier  l'existence  de  Dieu,  sans  reconnaître  qu'il  lui 
manque  le  soufQ.e  divin  dont  le  Créateur  l'a  doué,  quand  il  l'a 
destiné  à  dominer  sur  la  terre  et  à  l'y  représenter  par  la  raison. 
Il  nierait  en  effet  sa  propre  existence  ainsi  que  celle  de  Tunivers 
entier. 

Reconnaître  Dieu,  c'est  reconnc'iître  une  religion  avec  son  culte, 
ses  dogmes,  sa  morale,  ses  miracles  et  son  chef.  En  effet,  on  doit 
à  Dieu  les  hommages  de  souverain  Maître. 

Notre  propre  existence  et  tout  ce  que  nous  voyons  est  pour  nous, 
mortels,  mystère  et  l'effet  d'un  miracle  ;  Dieu,  par  conséquent, 
que  nous  ne  voyons  que  dans  ses  œuvres,  est  encore  un  plus 
grand  mystère  sans  que  nous  puissions  nier  raisonnablement  son 
existence. 

Aucune  communauté  sociale  ne  pouvant  se  gouverner  sans 
chef,  il  est  donc  indispensable  que  nous  ayons  notre  chef  spirituel 
qui  nous  instruise  dans  notre  religion  et  nos  devoirs.  Nous, 
catholiques,  nous  reconnaissons  comme  chef  Jésus  Christ,  notre 
divin  Maître,  qui  nous  a  laissé  pour  le  représenter  saint  Pierre  et 
ses  successeurs,  les  papes. 

Pour  suivre  le  droit  chemin  dans  toutes  les  conditions  de  la  vie 
nous  n'avons  qu'à  nous  conformer  aux  préceptes  de  Notre-Seigneur. 
Eh  bien  !  celui  qui  veut  s'instruire  et  s'édifier  sur  tous  les  grands 
problèmes  religieux  et  sociaux  n'a  :iu'à  choisir  le  sujet  qui  l'inté- 
resse, dans  les  soixante-douze  volumes  de  la  Bibliothèque  sacrée  ou 
les  Magnificences  de  la  religion. 

Savants  comme  ignorants,  croyants  et  incroyants  y  trouveront 
de  quoi  s'édifier,  ainsi  que  la  solution  de  leurs  préoccupations  sur 
toutes  les  questions  religieuses,  morales  et  sociales. 

La  première  série,  de  quinze  volumes,  traite  du  Symbole  et  du 
dogme.  La  deuxième,  de  quinze  volumes  également,  traite  de  la 
morale  ou  des  commandemen  ts  de  Dieu  ou  de  l'Eglise.  La  troisième, 
de  neuf  volumes,  traite  de  la  prière  et  des  sacrements.  La  qua- 
trième, de  treize  volumes,  traite  des  fêtes  de  Notre-Seigneur,  des 
fêtes  de  la  sainte  Vierge,  des  panégyriques  des  saints.  La  cinquième 
de  douze  volumes,  contient  des  homélies  sur  les  Epitres  et  les 
Evangiles  des  dimanches  de  touie  l'année.  La  sixième,  sept  volu- 
mes, donne  des  sujets  divers. 

Presque  chaque  volume  de  chaque  série  a  son  existence  propre 
se  rapportant  au  titre  indiqué  en  tête  du  volume,  et  fournit  aux 
prêtres  les  matériaux  de  toutes  les  solutions  religieuses  dans 
l'exercice  de  leur  ministère,  pour  tout  le  cycle  de  l'année  liturgi- 
que,  et  aux  conférenciers  les  matériaux  pour  les  sujets  qui  les 
préoccupent. 


liE  DISCERNEE  E  NT 

DES  ESPRITS 

POCR  LE  BON  REGLEMENT  DE  SES  PROPRES  ACHONS  ET  DE  CELLES  D'ADTRCI 

OUVRAGE    SPÉCIALEMENT     UTILE    AUX     DIRECTEURS     DES    AMES 

Par   le   P.   J.   B.   SCARAMELLI, 

de  la  compagnie  d'i  Jésus 

Traduit  pour  la  première  fois  de  l'italien  en  français 

Par    Mr  A.   BRASSEVIX 

chanoine    de    la    calh^-d'al^   de    Marseille. 

1  volume  in-12 Prix  :  S0.75. 


1.  La  voie  que  nous  suivons  dans  le  pèlerinage  de  notre  vie,  dit 
le  Sage,  semble  quelquefois  droite,  et  cependant  elle  est  mauvaise. 
Il  semble  qu'elle  conduit  à  la  vie  éternelle,  mais  elle  aboutit  à  la 
mort  et  à  la  perdition  :  //  est  une  voie  qviparait  droite  à  Chomme^  et 
ses  issues  conduisent  à  la  mort.  Ce  qu'il  ajoute  dans  les  chapitres 
suivants  doit  nous  faire  craindre  encore  davantage  au  sujet  de  nos 
actions:  Toute  voie  de  V homme  lui  parait  droite;  mais  le  seigneur 
pèse  les  cœurs.  Cornélius  à  Lapide  dit  que  ces  paroles  :  Toute  voie  de 
l'homme^  doivent  s'entendre  de  l'homme  de  bien  qui,  examinant 
soigneusement  ses  actes,  n'y  découvre  rien  de  mal  ;  mais  Dieu  qui, 
avec  un  regard  très  limpide,  pénètre  le  fond  de  nos  cœurs,  ne  les 
reconnaît  pas  bons,  à  cause  de  quelque  affection  dépravée  ou  de 
quelque  mauvaise  intention  dont  il  les  voit  entachés. 

2.  C'est  pourquoi  l'Apôtre  nous  répète  tant  d'examiner  toutes 
nos  œuvres  et  de  chercher  exactement  si  le  principe  d'où  elles 
tirent  leur  origine  est  bon  ou  mauvais,  afin  que  les  trouvant  bon- 
nes à  la  lumière  d'un  juste  dicernement,  nous  nous  y  attachions, 
ou  que  nous  les  rejetions  si  nous  y  apercevons  quelque  apparence 
de  mal  :  Eprouvez  tout;  retenez  ce  qui  est  bon.  Abstenez-vous  de  toute 
apparence  de  mal.  Si  ce  discernement  manque,  dit  S.  Bernard,  toute 
vertu  perd  son  lustre  et  se  change  en  un  vice  abominable  ;  parce 
que  la  discrétion  est  la  vertu  qui  modère  les  affections,  règle  les 
bonnes  mœurs,  dirige  toutes  les  vertus  et  leur  donne  à  toutes  la 
règle,  le  mode,  la  dignité,  la  fermeté.  Il  est  donc  nécessaire,  comme 
le  déclare  le  même  saint,  que  celui  qui  parcourt  la  voie  de  la  per- 
fection chrétienne  ait  toujours  en  main  le  flambeau  lumineux  d'un 
sage  discernement,  s'il  veut,  sans  trébucher  à  chaque  pas,  acquérir 
les  vertus  dont  la  discrétion  est  la  mère. 

3.  Tout  cela  s'accorde  très  bien  avec  la  décision  donnée  par  le 
premier  père  des  moines,  S.  Antoine,  décision  adoptée  par  tous  les 
pères  d'Egypte.  S'étant  réunis  en  conférence  pour  examiner  celle 
des  vertus  qui  méritait  la  première  place,et  ayant  donné  chacun  des 
avis  différents  les  uns  des  autres  et  même  contradictoires,  le  saint 
abbé  se  leva  et  conclut  qu'entre  toutes  les  vertus  la  discrétion  doit 
avoir  la  prééminence,  parce  qu'elle  est  la  mère,  la  gardienne  et  la 


310  LE  PROPAGATEUR 


régulatrice  de  toutes  les  autres.  C'est  elle  qui  coudait  en  toute  sé- 
curité les  âmes  à  Dieu,  les  fait  monter  aux  sommets  les  plus  élevés 
de  la  perfection.  Si  elle  manque,  il  arrive  que  plusieurs  , malgré 
des  efforts  incessants,  ne  parviennent  jamais  à  cette  hauteur. 

4.  Je  ne  puis  donc  rien  faire  de  plus  utile  pour  celui  à  qui  mon 
petit  livre  parviendra,  que  de  lui  présenter  un  corps  de  règles  ca- 
pables delui  faire  discerner  la  qualité  de  son  esprit;  je  veux  dire 
de  lui  faire  connaître  quel  est  le  guide  de  ses  pensées  et  de  ses 
affections,  si  c'est  le  démon,  l'amour-propre,  ou  Dieu.  En  effet,  ou 
il  sera  un  homme  spirituel:  dans  ce  cas,  il  pourra,  au  moyen  du 
discernement,  se  précautiouner  contre  les  tromperies  et  régler 
toutes  ses  actions  de  façon  qu'il  parcoure  avec  rapidité  et  en  toute 
sécurité  la  voie  de  la  perfection  conformément  à  la  doctrine  des 
saints.  Ou  bien  il  sera  un  homme  du  monde  :  en  ce  cas,  s'il  ne 
veut  pas  dévier  du  droit  sentier  qui  conduit  à  la  vie  éternelle,  il  lui 
sera  d'un  puissant  intérêt,  comme  le  dit  S.  Laurent  Justinien,  de 
connaître  les  ruses  dont  se  sert  le  démon  pour  le  tromper  inté- 
rieurement. 

5.  Mais  je  crois  que  ce  livre  s'adresse  plus  aux  directeurs  des 
âmes  qu'aux  autres  personnes;  parce  que  si  le  discernement  des 
esprits  est  utile  à  tous,  il  est  nécessaire  aux  directeurs  spirituels, 
en  raison  môme  de  leur  office.  S.  Bernard  dit  que  la  vertu  de  dis- 
crétion n'est  le  partage  que  du  petit  nombre.  C'est  pour  cela  que 
nous  devons  soumettre  notre  propre  esprit  au  jugement  de  nos 
pères  spirituels,  leur  obéir,  et  ne  faire  ni  plus  ni  moins  que  ce 
qu'ils  nous  imposent,  suppléant  ainsi  à  la  discrétion  qui  nous 
manque  par  celle  qui  doit  se  trouver  chez  eux.  Ajoutez  à  cela  que 
celui  qui  possède  cette  rare  vertu  ne  doit  pas  s'en  prévaloir  pour 
diriger  son  propre  esprit  ;  mais  il  doit  se  soumettre  à  la  discrétion 
de  son  directeur  privé,  tant  parce  que  personne  n'est  bon  juge  dans 
sa  propre  cause,  que  parce  que  Dieu,  dans  sa  providence  actuelle, 
veut  que  l'homme  ne  se  dirige  pas  par  lui-même,  mais  soit  dirigé 
par  un  autre  que  lui.  Etant  donc  admis  que  c'est  particulièrement 
aux  directeurs  des  âmes  que  compète  le  véritable  discernement  des 
esprits,  c'est  à  eux  que  s'adresse  tout  spécialement  le  présent  ou- 
vrage. 

EXERCITIA 

SPIRITUALIA 

PER 

MEDITATIONEM  ET  USUM  SS.  ROSARII 
BEATISSIMiE  VIRaiNIS  MARI.^ 

AUOTORE 

Fr.  A.    M.  PORTJfïA:¥S.  Ordinis  Fralrum   Prœdicnlorum. 
Pretium  12  (312  pag.) 50  cts 


LA  RELIGION  DE  COMBAT 


PAR 


L.'ABISi:  JOISEPH  I^E.UAÎiriir 

1  fort  volume   in-8 ■ Piix  :  §1.88 

I>'article  qui  suit  est  extrait  de  ce  livre. 


I 

Une  apologie  du  catholicisme  sous  une  forme  un  peu  beiliqueu- 
•se  ne  déplaira  pas  au  public.  Les  temps  la  réclament. 

Religion  de  prière,  de  pardon,  de  paix,  de  fraternité,  le  catholi- 
cisme est  aussi  la  religion  du  combat. 

Ce  nom  n'est  pas  une  nouveauté.  L'Eglise  sur  terre  n'est-elle 
pas  appelée  militante  ?  Elle  est  le  camp  militaire  du  Dieu  des  ar- 
mées. Elle  combat  les  erreurs,  les  vices,  l'orgueil,  la  barbarie.  Elle 
ordonne  à  tous  ses  enfants  de  faire  comme  elle  ;  de  transporter 
dans  leur  for  intérieur,  d'abord,  la  latte  contre  leurs  passions;  puis 
de  l'aider,  en  tous  lieux,  dans  sa  douloareuse  mais  superbe  lutte. 
Léon  XIII  le  rappelait  hier,  en  généralissime  du  Roi  du  Ciel  : 

U Eglise^  société  parfaite,  très  supérieure  à  toute  autre  société^  a  reçu 
de  son  Auteur  le  mandat  de  combattre  pour  le  salut  du  genre  humain^ 
comme  une  armée  rangée  en  bataille... 

A  sa  garde  ont  été  confiés  Vhonneur  de  Dieu  et  le  salut  des  hom- 
■mes\.. 

Les  chrétiens  sont  nés  pour  le  combat 

La  Religion  de  combat  n'est  donc  pas  une  chose  nouvelle  ;  mais 
la  mettre  en  relief  sous  cet  aspect  serait  une  manière  nouvelle  de 
présenter  l'apologie  de  la  ReligiontlVon  nova,  sed  novè. 

Nous  l'avons  essayé. 

Ce  relief  à  donner  à  la  grande  combattante  nous  a  semblé  trou- 
ver son  encouragement  dans  une  leçon  venue  du  ciel  en  des  temps 
.qui  rappellent  les  nôtres. 

La  persécution  allait  s'ouvrir  contre  les  chrétiens,  pour  durer 
trois  siècles.  Le  diacre  Etienne  avait  été  cité  devant  le  Sanhédrin. 
Les  membres  de  ce  Grand  Conseil  avaient  écouté  avec  rage,  et  en 
grinçant  des  dents,  le  plus  beau  résumé  qui  ait  jamais  été  fait  du 
peuple  d'Israël  comme  préparateur  du  Christ.  A  la  péroraison, 
Etienne,  rempli  du  Saint-Esprit,  s'écria  :  Je  vois  les  deux  ouverts  et 
le  Fils  de  l'homme  qui  est  debout  à  la  droite  de  Dieu  !  Ses  auditeurs 
endurcis  le  lapidèrent. 

Mais  le  saint  diacre  avait  eu  le  temps  de  contempler  et  d'annon- 
cer à  l'Église  de  Dieu  ce  spectacle,  à  jamais  fortifiant  pour  elle: 
le  Fils  de  l'homme,  naguère  méprisé  et  condamné,  désormais  en- 
vironné delà  puissance  divine,  dans  la  majesté  de  Dieu,  et  debout  ! 
^'  Il  était  debout,  dit  saint  Grégoire  le  Grand,  parce  que  se  tenir 
debout  est  l'attitude  qui  convient  à  un  combattant  et  à  celui  qui 
porte  secours.  " 


312  LE  PROPAGATEUR 


Voilà  quelle  fut  (et  elle  demeure  !)  l'attitude  du  Christ,  dans  le 
péril  de  son  Eglise. 

Voilà  quelle^est  présentement,  en  union  avec  son  Chef  invisible 
l'attitude  de  l'Eglise,  dans  le  péril  de  la  civilisation  et  de  la  socié- 
té. La  civilisation  et  la  société  sont  menacées,  et  l'Église  est  debout  ! 
Debout  doivent  être  également  tous  les  enfants  de  l'Église  I  En  cé- 
lébrant cette  attitude  sous  la  belle  dénomination  des  enfants  de  lu- 
mière, l'apologie  rendra  donc  service.  La  Religion  des  enfants  de 
lumière  est,  avee  eux,  à  genoux  pour  prier,  assise  pour  enseigner, 
et  debout  pour  combattre  ! 

.  II 

Quel  est  donc  l'adversaire  ? 

A  la  faveur,  soit  de  la  dissimulation  dont  il  s'est  enveloppé,  soit 
de  la  peur  qu'il  inspire,  son  nom,  jusqu'à  ce  jour,  n'a  pas  été 
authentiquement  formulé;  ou  bien  on  ne  l'a  prononcé  qu'à  voix 
basse.  Mais  l'heure  est  venue  de  le  jeter  dans  le  public  et  d'adju- 
rer tous  le?  échos  restés  fidèles  de  le  répéter: 

L'Apostasie  I 

"  Cette  dénomination  est  bien  vague,  bien  abstraite,  "  affecte- 
ront de  dire,  pour  donner  le  change,  l'impiété,  la  légèreté  et  l'in- 
différence ;  et  elles  ajouteront  cette  interrogatoire  maligne  :  "  Par 
l'apostasie,  entendez-vous  la  Republique  en  France  ?  " 

Nous  répondons  clairement  : 

Toutes  les  formes  de  gouvernement  sont  bonnes.  Léon  XIII  vous 
Fa  dit.  Mais  l'apostasie  peut  les  dénaturer  toutes.  République  catho- 
lique, République  apostate,  le  choix  est  à  faire.  Elle  est  catholique  à 
l'Equateur,  très  respectueuse  pour  le  catholicisme  aux  Etats-Unis, 
mais  elle  est' en  France  ce  que  nous  voudrions  qu'elle  ne  fût  pas. 
Il  y  a  quelques  années,  l'illustre  député  du  Finistère,  Monseignear 
Freppel,  adressait  à  la  majorité rhostile  du  Parlement  ce  vif  et  pa- 
triotique reproche  :  Vous  pouvez  faire  apostasier  la  République^  vous 
ne  ferez  pas  apostasier  la  France  ! 

L'adversaire  n'est  donc  nullement  la  forme  de  gouvernement, 
mais  bien  l'apostasie  qui  déflore,  dénature  et  envenime  la  forme 
de  gouvernement. 

De  ce  monstre-là,  ô  douce  Religion  catholique,  n'attends  ni  trê- 
ve ni  merci.  LhCo  "0.'iTi[  ; 

Le  croirait-on  ?  on  a,  un  jour,  réussi  à  persuader  Caïphe  : 

Le  rusé  et  cruel  Président  se  trouvait  encore  à  la  tète  du  Grand 
Conseil  qui  allait  juger  les  apôtres  coupables  d'avoir  enseigné  au 
nom  de  Jésus  et  d'avoir  miraculeusement  guéri  des  malades.  On 
délibérait  de  les  faire  mourir.  Mais  un  docteur  de  la  Loi,  Gamaliel, 
qui  faisait  partie  du  Grand  Conseil,  se  leva  et  dit  :  "  Voici  mon 
avis.  Ne  vous  mêlez  point  de  ce  qui  regarde  ces  gens  là  et  laissez- 
les  ;  car  si  leur  entreprise  vient  des  hommes,  elle  se  détruira  ;  mais 
si  elle  vient  de  Dieu,  vous  ne  pourrez  la  détruire,  et  vous  seriez  en 
danger  de  combattre  contre  Dieu  même." 

Caïphe  présidait,  il  fut  donc  persuadé  comme  les  autres. 

Ce  qu'on  a  obtenu  de  Caïphe,  qu'on  renonce  à  l'obtenir  des  Con- 


LE  PROPAGATEUR  313 


seils  maçonniques  et  de  leurs  présidents,  qui  savent  que  la  mort 
du  catholicisme  a  éié  décidée  et  qui  ontreçu  l'ordre  d'y  coopérer 
Tons  les  Gamaliels  seraient  impuissants  ! 

Oui,  certes,  on  serait  tenté  de  leur  dire,  en  renouvelant,  sous 
une  autre  forme,  l'avis  du  pacifique  et  bienveillant  dpcteur  de  la 
Loi  : 

"  Laissez,  au  moins,  aux  catholiques  le  droit,  commun  ;  la  récla- 
mation est  bien  modeste  !  Si  leur  vieux  christianisme,  qui  vous 
déplaît  tant,  n'est  plus  utile  à  la  société,  il  se  détruira  de  lui-même  ; 
sinon,  gardez-vous  de  le  détruire,  car  vous  mettriez  en  danger  la 
société  humaine.  " 

Ils  n'écouteraient  pas  !  Ils  laisseraient  plutôt  s'effondrer  la  so- 
ciété. 

Ou  ne  peut  pas  leur  dire,  non  plus,  comme  fit  Gamaliel:  Vous 
seriez  en  danger  de  combattre  contre  Dieu  même... 

C'est  ce  qu'ils  font,  ce  qu'ils  veulent:  combattre  contre  Dieu! 
On  voit  par  là  combien  l'effroyable  Caïphe  est  distancé. 

Il  ne  reste  donc  qu'une  ressource  :  combattre  soi  même. 

Et  qu'on  comprenne  jusqu'à  quel  point  laR'^ligion  est  contrain- 
te de  se  montrer  combattante.  Que  veut  dire  le  mot  Religion  ?  Il 
signifie  lien:  le  lien  qui  unit  l'homme  à  Dieu.  Or,  c'est  ce  lien  qu'on 
veut  couper,  briser,  mettre  en  pièces  partout.  Déjà  il  est  brisé  dans 
les  administrations,  dans  les  écoles,  dans  les  hôpitaux,  à  l'armée 
dans  les  prétoires  de  la  justice  :  plus  de  Dieu,  plus  de  lien,  plus  de 
religion... 

Et  la  Religion  n'aurait  pas  le  droit  de  se  hérisser  comme  la  poule 
à  q^i  l'on  arrache  ses  petits  en  cherchant,  de  plus,  à  lui  casser  les 
ailes  ? 

"  Halte  là  I  dit-elle,  je  suis  la  Religion  de  combat  !  " 

III 

Son  intervention  est  d'autant  plus  secourable  qu'elle  est  l'uni- 
que combattante,  pour  conjurer  le  péril  social. 
Quelle  est,en  effet  l'atti  tude  de  la  religion  protestante,de  la  religion 
juive,  et  des  autres  sociétés  religieuses  ?  Le  silence,  la  peur  et,  par 
certains  endroits,  la  connivence.  Il  y  a  de  belles  âmes,  de  nobles 
cœnrs,  parmi  les  protestants  et  les  Israélites  qui  déplorent  la  guer- 


Mole:te-t-on  les  rabbins,  les  ministres  protestants?  A-ton  fermé 
une  seule  synagogue,  un  seul  temple?  Toutes  les  rigueurs  sont 
réservées  , recherchées,  savamment  échelonnées,  pour  la  religion 
catholique,  parce  qu'on  sent  bien  qu'elle  seule  possède  ce  qu'il  faut 
pour  organiser  la  résistance. 

Et  c'est  vrai  ! 

Elle  seule  versera  dans  les  veines  des  peuples  de  l'Europe  le  re 
mède  qui  convient  à  leur  constitution  si  profondément  atteinte; 

Elle  seule  amènera  les  courages,  en  disant  comme  disait  autre 
fois  au  prophète  qu'il  envoyait  :  fairendu  ton  visage  plus  ferme  que 


314 


LE  PROPAGATEUR 


leur  visage^  et  ton  front  plus  dur  que  leur  front.  Je  t^ai  donné  un  front 
de  pierre  et  de  diamant.  Ne  crains  pas,  et  n'aie  point  peur  devant 
eux. 

Elle  seule  rendra  la  France  capable  d'étonner  et  de  déconcerter 
l'apostasie  par  une  vigueur  de  résistance  qui  rappellera  un  des 
n'.iracles  les  plus  admirés  du  ive  siècle. 

La  vierge  Lucie,dont  le  nom  signifie /î//e  de  la  /wmtère  illustre  par 
sa  naisi^ance  et  sa  piété,  avait  été  dénoncée  comme  chrétienne  au 
préfet  de  Syracuse.  Celui-ci,  l'ayant  appelée  devant  sou  tribunal, 
essaya  par  des  promesses  et  des  menaces,  mais  inutilement,  de  lui 
faire  adorer  les  idoles.  Elle  répondait  avec  une  foi  vive  et  une 
merveilleuse  présence  d'esprit.  Le  préfet  fit  ce  cruel  jeu  de  mots  : 
La  langue  se  taira  quand  le  fouet-  parlerai  Et  pour  l'affliger  plus 
amèrement,  il  ordonna  qu'on  la  conduisit  d'abord  dans  un  lieu 
infâme.  La  vierge  reprit:  Si  je  suis  déshonorée  malgré  moi.,  cette  vio- 
lence que  f  aurai  soufferte  doublera  le  prix  et  le  mérite  de  ma  virgini- 
té. Les  exécuteurs  el  les  gardes  voulurent  l'entraîner;  mais  alors, 
quoi  qu'on  fit,  il  ne  fut  pas  possible  de  la  mouvoir  et  de  l'arracher 
du  lien  ou  elle  se  trouvait.  Dieu  le  permettant  ainsi.  6b/onne  m?no- 
bile  étiez-vous  ,  ô  Lucie,  épouse  du  Christ,  alléluia  ! 

Ainsi  chante  l'Église,  au  jour  de  sa  fête. 

0  France,  toi  aussi,  comme  la  noble  chrétienne  des  premiers 
siècles,  tu  es  d'illustre  origine  et  fille  de  lumière  ;e[  voici  qu'on  t'a 
saisie  comme  elle,  pour  te  précipiter  aux  pieds  des  idoles,  et  te  dés- 
honorer !  Mais  le  miracle  de  résistance  qui  transforme  en  colonne 
immobile  est  devenu  familier  dans  l'Église.  La  religion  catholique 
apprend  à  se  raidir  contre  les  obstacles  et  les  difficultés  qui  raena- 
cent  lafoi.  0  France,  noble  France,  tu  tiendras  ferme,  tu  te  raidi- 
ras contre  l'apostasie.  Tu  te  raidis  déjà:  Vous  ne  ferez  pas  aposta- 
sier  la  France  ! 

Puisse  ce  livre  qui  a  demandé  son  souffle  à  la  vérité,  à  la  cha- 
rité et  à  la  justice,  obtenir  cette  précieuse  récompense  de  contri- 
buer, en  France  et  ailleurs,  à  l'organisation  des  volontés  et  des 
forces  catholiques  I 

Et  s'il  avait  la  bonne  fortune  de  s'égarer  dans  des  mains  peu  fa- 
vorables à  la  Religton,  puisse-t-il  suggérer  à  son  lecteur  une  réso- 
lution semblable  à  celle  qu'exprimait  ainsi  un  membre  de  la  Con- 
vention :  Je  suis  las  de  la  portion  de  tyrannie  que  je  suis  contraint 
d'exercer. 


Xj^    B  E  T  jB 

COMPARÉE  A  LHOMME 
Par  le  R  F.  J.  de  Bonniot 

de  la  compagaie  de  Jésus 
1  vol.  in-8 Prix  :  81.50 


PAR 

L.e  Dr  Georges    Subbled 

lauréat    de  1  'Académie   de   médecine 

membres  de  la  Société  de  Sl-Luc 
1  vol.  in-12 Prix  :  63  cts 


CORPS  ET  AME 

ESSAIS  SUR  LA 
PHILOSOPHIE   DE  S.  THOMiAS 

Far  M.  J.  O^KDAIK 

Profeseur  libre  de  philosophie 

à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  à  la  Sorbonne. 

1  vol.  in-12 Prix  88  cls. 

Notre  siècle,  sur  son  déclin,  semble  de  plus  en  plus  oublier  ce 
qui  fait  la  noblesse  et  la  supériorité  caractéristiques  de  la  nature 
biumaine,  je  veux  dire  l'intelligence  qui  s'élève  au  dessus  du  temps 
et  de  l'espace  dans  le  domaine  de  l'absolu,  et  la  volonté,  inclinée 
au  bien,  mais  libre  de  choisir  tel  bien  à  son  gré. 

Raison  et  liberté  sont  encore  sur  toutes  les  lèvres,  mais  il  n'est 
pas  besoin  d'être  très  perspicace  pour  voir  que  de  jour  en  jour  de- 
viennent moins  nombreux  les  esprits  convaincus  de  la  réalité  de 
ces  facultés  maitt'esses. 

Nous  avons  fait  du  chemin  depuis  cent  ans  sur  la  pente  du 
doute  et  de  la  négation.  La  lutte  n'est  pas  seulement  entre  le 
surnaturel  et  la  libre  nature  ;  c'est  la  dignité  même  de  l'homme 
naturel  qui  est  en  péril 

Quel  est  le  mot  qui  tourne  les  têtes  et  imprime  les  opinions  di- 
rigeantes ?  N'est  ce  pas  :  évolution  ? 

Ne  prétend-on  pas  savoir  que  de  l'indétermination  et  du  devenir 
évolue  l'univers,  avec  ses  perpétuels  mouvements  et  son  progrès 
illimité  ? 

L'atome  primordial,  le  cristal  aux  formes  géométriques,  la  plan- 
te presque  animal,  l'animal  presque  humain,  l'homme  encore  ani- 
mal, voilà  des  étapes  de  cette  évolution  qui  transforme  ce  qui  n'est 
pas  en  ce  qui  est,  ce  qui  est  moins  en  ce  qui  est  plus  ;  et  cette  trans- 
formation qui  fait  de  l'être  avec  du  néant,  a  définitivement  détrôné, 
dit-on,  la  création  trop^miraculeuse  qu'on  attribuait  jadis  à  un  Etre 
premier,  absolument  Être. 

Que  faut-il  penser  de  ce  mouvement  qui  emporte  l'esprit  con- 
temporain ?  N'est-ce  qu'un  entraînement  dans  l'obscur,  une  chute 
dans  l'inintelligible  ? 

Malgré  tout  nous  estimons  qu'un  peu  de  vérité  se  cache  sous  ces 
ténèbres,  mais  que  le  grand  tort  de  notre  époque  est  de  trop  vou- 
loir faire  du  nouveau,  de  s'obstiner  à  mal  connaître  la  tradition 
lumineuse  qui  a  fait  passer  les  vérités  pbilosophiques  depuis  l'anti- 
quité jusqu'aux  âges  chrétiens,  en  les  dégageant  de  plus  eu  plus  de 
l'ombre  qui  les  enveloppait. 

Evolution  n'est  point,  à  notre  avis,  un  mot  vide  qu'il  faille  ban- 
nir du  langage  métaphysiqne.  C'est  uu  terme  qui  a  besoin  d'expli- 
cation. 

Au  risque  de  paraître  suranné,  nous  osons  dire  que  c'est  eu  re-* 
montant  au  treizième  siècle,  en  plein  moyen  âge,  que  nous  avons 
trouvé  l'évolution  expliquée  dans  un  système  de  philosophie  reli- 


316  LE  PROPAGATEUR 


gieuse,  où  vivent  harmonieusement  unies  les  plus  profondes  con- 
ceptions de  la  philosophie  grecque  et  les  plus  hautes  inspirations 
du  christianisme. 

Ce  système,  c'est  celui  de  saint  Thomas,  disciple  de  Platon  par 
sai.it  Augustin,  et  d'Aristote  par  Alberl-le-Grand,  disciple  avant 
tout  du  Christ,  Homme-Dieu,  Personne  unique,  où  le  théologien 
et  le  philosophe  contemplent  à  la  fois  les  perfections  infinies  de 
l'Essence  divine  et  les  étonnantes  puissances  de  la  nature  hu- 
maine. 

Nous  avons  le  vif  désir  de  faire  goûter  aux  âmes  sincères  de  notre 
temps  ce  que  nous  avons  saisi  de  substantiel  dans  cette  philoso- 
phie. Nous  voudrions  surtout  amener  à  saint  Thomas  de  nouveaux 
disciples,  qui  eussent  le  courage, de  le  consulter  lui-même  directe- 
ment dans  les  ouvrages  qu'il  a  laissés,  de  vivre  intimement  avec 
lui  pour  se  former  à  son  école.  Quel  maître  !  Quelle  loyauté  à  écou- 
ter les  objections,  à  les  rechercher  même  I  Quelle  netteté  et  quelle 
force  dans  l'exposition  de  sa  doctrine  I  Quelle  sûreté  dans  la  répli- 
que !  Et  par  dessus  tout,  quelle  hauteur  de  vues,  quelle  largeur 
d'esprit,  quel  amour  simple  et  naïf  de  la  vérité  ! 

Ce  volume  d'essais  ne  donnera  qu'un  aperçu  de  l'enseignement 
de  saint  Thomas.  Mais  nous  souhaitons  qu'il  en  fasse  désirer,  com- 
mencer même  l'étude  personnelle  et  approfondie:  comme  après 
avoir  vu  l'architecture  extérieure  d'une  cathédrale,  on  pénètre  à 
l'intérieur,  on  jette  un  regard  d'ensemble  sur  les  beautés  des  nefs, 
des  chapelles,  des  piliers  et  des  voûtes,  ou  s'efforce  d'atteindre  à 
l'idéal  qu'a  voulu  traduire  en  pierre  le  génie  de  l'artiste  ;  puis  on 
sort  recueilli,  renvoyant  à  d'autres  visites,  à  d'autres  méditations, 
l'examen  plus  attentif  des  détails,  la  considération  plus  contem- 
plative de  l'idée. 

Si  ce  livre  est  de  quelque  utilité  à  ses  lecteurs,  qu'ils  en  soient 
reconnaissants  à  saint  Thomas  lui-môme  :  c'est  vraiment  à  lui 
qu'ils  le  doivent.  J.  Gardair. 


L'AME  ET  LA  PHYSIOLOGIE 

JPar  le  K.  P.  J.  I>E  BO]«:RriOT 

DE    LA    COMPAGNIE   DE   JÉSUS 

1  fort  vol.  in-8 Prix  :  $1.75 

La  physiologie,  qui  a  fait  de  nos  jours  de  grands  progrès,  esl  devenue,  entre 
les  mdins  de  savants  téméraires,  un  instrument  de  mal.  Le  matérialisme  s'affi- 
che aujourd'hui  avec  une  impudfnce  qu'il  ne  connut  jamais  :  l'abus  de  la  phy- 
siologie en  est  la  cause  première.  L'ouvrage  que  nous  olTrons  au  public  a  pour 
but  de  rendre  à  celte  science,  en  tant  qu'il  touche  à  la  vie  mentale  de  l'homme, 
sa  légitime  portée.  Les  fonctions  organiques  où  les  sophistes  renferment  les 
opérations  de  l'âme  et  l'âme  elle-même,  ne  sont  que  des  conditions  d'opérations 
qui  dans  leur  fond  n'ont  rien  do  matériel.  C'est  ce  que  l'auteur  démontre  sans 
peiné  et,  croyons-nous,  avec  c'arté,  en  poursuivant  le  sophime  sous  toutes  ses 
formes  et  sans  miséricorde.  Rien  de  semblable  n'a  été  publié  jusqu'ici  sur  ce 
grave  sujet.  C'est  dire  assez  combien  il  se  recommande  à  tous  les  esprits  qui 
s'intéressent  à  la  science  et  à  la  vérité  chrétienne. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  L.  B  Y 


NOTES 

La  cour  des  magistrats  de  Montréal  a  cessé  d'exister.  Le  gouver- 
nement provincial  l'a  aboli  par  un  arrêté  en  Conseil  en  date  da  23 
juin.  Une  loi  de  la  dernière  session  de  Québec  autorise  le  gouver- 
nement à  agir  ainsi.  Cette  cour  de  magistrats  avait  été  établie  par 
le  gouvernement  Mercier  et  elle  avait  juridiction  dans  les  causes 
dont  le  montant  n'excédait  pas  cinquante  piastres.  Toutes  ces 
causes  seront  désormais  jugées  par  la  cour  de  circuit. 

Dans  les  lieux  où  il  existe  une  cour  des  Commissaires^  cette  cour 
a  juridiction  dans  les  causes  dont  le  montant  n'excède  pas  vingt 
cinq  piastres  si  toutefois  la  demande  esl  d'une  nature  purement per- 
sonnelle  et  mobilière  résultant  d'un  contrat  ou,  quasi-contrat.  (1) 

Le  nouveau  code  criminel  est  en  vigueur  depuis  le  commence- 
ment du  mois  de  juillet.  Ce  code  modifie  les  anciennes  lois  crimi- 
nelles ainsi  que  la  procédure.  Il  est  vivement  critiqué  par  le  juge 
Taschereau,  de  la  cour  Suprême. 

Les  loteries  sont  prohibées,  et  les  infractions  aux  dispositions  qui 
les  concernent  sont  punies  très  sévèrement. 


On  lit  dans  VUnivers  du  8  Janvier  1893. 

Quaml  on  voudra  faire  de  sérieuses  réformes  daus  nos  lois,  et  ne  pas  s'en  te  • 
nir  seulement  aux  formules  plus  ou  moins  vides,  il  sera  bon  de  repasser  la  série 
des  jugements  rendus  en  vertu  de  nos  codes.  C'est  dans  leur  application  aux 
faits  qu'on  peut  mieux  reconnaître  les  défauts  des  lois.  Que  d'injustes  sentences 
légalement  rendues!  Que  de  violations  de  droits  au  nom  des  loi^!  Que  d'abus 
sanctionnés,  de  torts  causés,  d'injustices  consacrées  par  la  raison  de  légalité  ! 
Les  circonstances  de  jugements  révèlent  souvent  mieux  que  des  critiques  théori- 
ques le  vice  de  la  loi. 

Que  l'on  examine  par  exemple,  notre  législation  pénale  du  vol  :  à  première 
vue  elle  paraîtra  n'offrir  rien  que  de  rationnel  et  de  juste;  volontiers,  on  la  pro- 
clamerait parfaite.  Et  c'est  assurément  l'idée  qu'en  ont  eue  ses  auteurs.  Et  pour- 
tant que  d'excès  d'un  coté,  que  de  lacunes  de  l'autre  !  Que  de  petits  larcins  ri- 
goureusement châiiés  et  de  grands  vols  laissés  impunis  !  Le  fait  est  qu'en  vertu 
de  notre  loi  pénale,  les  plus  grands  détourneurs  du  bien  d'autrui,  entrepreneurs 
de  Panama  et  autres  affaires  du  môme  genre,  accapareurs  de  métaux,  spécula- 
teurs de  Bourse,  ont  toute  chance  d'éviter  la  police  correctionnelle,  et  que  de 
pauvres  meurt-de-faim  sont  impitoyablement  punis  pour  les  plus  meuus  mé- 
faits. 

Hier  encore,  d'après  le  PelU  Journal,  la  chambre  des  appels  correctionnels  de 
Paris  confirmait  une  condamnation  à  dix  mois  de  prison  prononcée  par  le  tribu- 
nal correctionnel  de  Pontoise  contre  un  vieillard  de  soixante-dix  ans,  qui  avait 
■dérobé  dans  un  champ,  trois  carottes  el  un  chou.  Son  cas  était  celui  de  beau- 

(l)  Code  de  Procédure  civile  art  1188. 

20 


318  LE   PROPAGATEUR 


coup  de  malheiJrfcux  comme  lui.  Epuisé  par  la  faim,  ne  pouvant  avoir  recours  à 
personne,  il  avait  pris  de  quoi  se  faire  une  soupe,  et  la  soupe  mangée,  il  élait 
venu  honnêtement  se  constituer  prisonnier. 

Dix  mois  de  pnson  pour  trois  carottes  et  un  chou,  c'est  b^^aucoup,  lorsqu'il  y 
a  tant  d'impunité  pour  les  vols  en  grand  !  Mieux  eût  valu  pour  le  pauvre  vieux 
pouvoir  prendre  dans  la  caisse  complaisante  du  Panama,  que  dans  le  champ  du 
paysan  intraitable. 

Est-ce  juste,  ce  jugement?  La  loi  qui  oblige  à  condamner  un  voleur  de  cegen- 
re  est-elle  équitable?  Il  a  dû  en  coûter  aux  juges  de  Pontoise  et  de  Paris,  qui 
sont  hommes,  d'appliquer  à  un  de  leurs  sembla'des,  à  un  malheureux  vieillard, 
qui  avait  l'excuse  de  l'inanition,  une  loi  aussi  rigoureuse,  y  eût-il  même  des  anté- 
cédents à  la  charge  de  l'inculpé.  Notre  code  pénal  a  toute  la  dureté  pharisaïque 
de  la  lettre.  C'est  le  défaut  général  de  notre  législation,  d'être  une  loi  écrite,  ab- 
solue dans  les  termes,  ne  laissant  rien  à  l'équité  au  juste  arbitaire.  C'est  l'incon- 
vénient de  toute  loi  codifiée,  qui  n'a  point  pour  correctif  le  pouvoir  d'interpré- 
tation du  juge. 

Ce  défaut  est  grave,  surtout  en  matière  pénale.  La  conscience,  la  nature  pro- 
testent contre  l'application  d'une  loi  qui  punit  de  Jix  mois  de  prison  un  vieillard, 
fût-il  récidiviste,  pour  avoir  dérobé  quelques  légumes  nécessaires  à  sa  vie.  La 
loi  est  mal  faite,  la  loi  est  injuste.  Nos  fiers  Lycurgues  napoléoniens  ont  préten- 
du se  passer  de  l'Église  dans  leur  oeuvre  législative  ;  ils  ont  voulu  faire  une  loi 
à  '-UX,  une  loi  laïque.  S'ils  avaient  consulté  la  théologie,  la  nature  même,  ils 
eussent  introduit  tout  au  moins  dans  leur  législation  du  vol  l'exception  de  la 
faim.  Au  regard  de  la  loi  religieuse,  plus  raisonnable,  j'ius  humaine  que  la  loi 
civile,  il  n'y  a  point  de  vol  dans  le  cas  d'extrême  nécessité.  Un  malheureux  a  le 
droit  de  prendre  un  pain,  quelques  légumes,  pour  s'empêcher  de  mourir  de  faim, 
G'cït  le  bon  sens,  c'est  la  nature,  c'est  la  justice. 

Dans  une  civilisation  comme  la  nôtre,  il  est  honteux,  abominable,  que  des  êtres 
humains  soient  exposés  à  mourir  de  faim.  Il  est  plus  indigne  encore  d'une  socié- 
té civilisée  qu'un  fait  de  nécessité  comme  celui  qui  vient  d'être  jugé  à  Pontoise 
et  à  Paris  soit  si  barbarement  puni  sous  le  nom  de  vol.  Voilà  une  réforme  ur- 
gente à  introduire  dans  le  code  pénal.  Pour  être  rendue  équitable,  humaine, 
surtout  en  un  temps  où,  malgré  l'assistance  publique,  tant  de  pauvres  gens 
sont  exposés  à  mourir  de  faim,  notre  loi  tur  le  vol  devra  être  mise  au  plus  tôt 
en  rapport  avec  la  loi  religieuse  et  la  loi  naturelle.  Il  faut  permettre  aux  juges 
d'êtres  hommes.  arthcrloth. 

Note  de  la  rédaction.  —  Les  inconséquences  du  code  pénal  de  la 
France,  signalées  dans  l'article  précèdent,  existent  dans  notre  légis- 
lation pénale.  Dans  bien  des  caslespe>nes  ne  sont  pas  proportion- 
nées aux  offences.  On  punira  avec  une  extrême  sévérité,  des  infrac- 
tions légères,  et  on  infligera  une  légère  punition  à  des  offenses 
graves.  Le  pauvre  affamé  qui  a  pris  quelques  comestibles  à  la  de- 
vanture de  l'épicier  ira  passer  quelques  mois  en  prison  ;  et  l'escroc 
en  habit  fin  qui  vous  a  escamoté  des  milliers  de  piastres  en  sera 
quitte  pour  une  légère  amende. 

Ainsi  le  veut  la  loi.  On  en  a  eu  un  exemple  frappant,  il  y  a  quel- 
ques mois,  dans  la  célèbre  cause  Sheppard. 


LES  CONFESSIONS 


DE 


SAINT  AUGUSTIN 

ÉVÊQUE  D'HIPPONE 

PRÉCÉDÉES 

DE  SA  VIE  PAR  S.  POSSIDIUS 

ÉVÊQUE  DE  CALAME,  SON  DISCIPLE  ET  SON  AMI 
TRADUCTION  NOUVELLE 

PAR  L..  .71  O  R  JC  A  V 

Ouvrage  couronné  par  V  Académie. 
1  fort  vol.  in-12 ...Prix  :  81.00 

Saint  Augustin  a  dit  iui-raème  :"  Les  treize  livres  de  mes  Con- 
fessions gloriûeni  Tiieu.  dans  le  souvenir  de  mes  péchés  et  la  re- 
connaissance de  ses  grâces.  Ils  élèvent  vers  lui  l'esprit  et  le  cœur 
des  hommes  :  telle  a  été  du  moins,  leur  action  sur  moi,  quand 
je  les  écrivais  ;  telle  elle  est  encore  quand  je  les  lis.  Que  les  au- 
tres en  peuseni  ce  qu'ils  voudront,  mais  je  sais  qu'ils  ont  plu  et  plai- 
sent beaucoup  à  plusieurs  de  nos  frères.  Une  longue  expérience  a 
confirmé  ce  témoignage.  Ce  livre  unique,  de  toutes  les  œuvres  de 
l'évoque  d'Hippone  la  plus  originale  et  la  plus  touchante,  rappelle 
le  grain  de  sénevé  de  l'Évangile.  Semé  dans  l'humilité,  arrosé  des 
larmes  ae  la  pénitence,  il  est  devenu  ce  grand  arbre  qui,  depuis 
tant  de  siècles,  n'a  cessé  de  rapporter  au  Père  de  famille  des  fruits  de 
repentir, de  bonnes  œuvres  et  de  spiritualité.  Quatorze  cents  ans  que 
ce  livre  a  traversés  ne  lui  ont  rien  fait  perdre  de  sa  vie  et  de  son 
action  sur  les  âmes.  Il  a  inspiré  V Imitation  et  les  plus  belles  pages 
mystiques  du  moyen  âge  ;  il  a  parlé  au  cœur  de  sainte  Thérèse  il 
a  remué  nos  pères,  et  jusques  en  nos  jours  attiédis  bien  des 
âmes  languissantes  sont  venues  à  sa  lumière  et  à  sa  chaleur. 
Et  c'est  là,  redisons  le  toujours,  l'incomparable  supériorité  des 
moniiments  de  la  foi  chrétienne  sur  les  ouvrages  même  les  plus 
accomplis  de  l'antiquité.  Ces  rhefs-d'œuvre  de  l'ancien  monde, 
dictés  dans  les  langues  les  plus  merveilleuses  peut-être  que  les 
hommes  aient  jamais  parlées,  peuvent  élever  l'esprit  par  le  sen- 
timent de  l'admiration,  souvent  même  donner  à  l'âme  un  élan  gé 
néreux,  une  certaine  exaltation  héroïque;  mais  ils  ne  sauraieni 


320  LE  PROPAGATEUR 


s'emparer  de  la  volonté  pour  la  tourner  tout  entière  au  bien.  Leur 
lecture  n'a  jamais  fait  un  sage,  dans  la  sévère  acception  du  mot.  Qui 
a  changé  de  vie,  qui  est  revenu  à  Dieu  après  une  lecture  de  Platon 
ou  de  Cicéron  ?  Aucun  de  ces  livres,  en  effet,  n'enseigne  à  l'homme 
à  désapprendre  sa  volonté  pour  apprendre  celle  de  Dieu.  C'est 
là  toute  la  religion,  car  c'est  là  tout  l'homme. 

"Saint-Augustin,  dit  un  de  nos  vieux  prédicaleurs.a  été  si  humble 
de  cœur  que,  pour  se  rendre  vil  et  méprisable,  il  a  fait  sa  con- 
fession  générale  publiquement,  en  plein  théâtre,  à  tous  les  peuples 
qui  estoient  lors  et  qui  seront  jusques  à  la  fin  des  siècles.  "  Mais 
cette  onfessiou  d'un  homme  est  aussi  la  confession  de  tous  les 
siècles.  Dans  ce  portrait  sincère  qu'il  trace  de  lui-même,  nous  nous 
reconnaissons  tous  ;  nous  reconnaissons  l'homme  pécheur  et  dé- 
chu. Gomme  nous  il  a  péché,  comme  nous  il  s'est  trompé,  ce  doc- 
teur de  l'Église,  ce  Père,  ce  maître  de  tous  les  prédicateurs  d'e 
l'Evangile,  comme  l'appelle  Bossuet  ;  il  a  passé  par  l'hérésie  et  par 
le  doute  :  il  a  même  désespéré  de  trouver  la  Vérité.  Ses  erreurs  au- 
torisaient ses  égarements  ;  il  ne  ménageait  ni  son  âme,  ni  son  in- 
telligence, ni  sa  vie  dans  l'intempérance  de  ses  passions.  Lui,  qui 
devait  si  humblement  plier  sa  tête  au  joug  léger  du  Christ,  il  goû- 
tait toute  la  liberté  des  rebelles  ;il  était  l'un  de  ces  fugitifs  de  l'é- 
ternelle Providence  qui  s'égarent  dans  toutes  les  illusions  de  l'a- 
mour-propre  et  de  la  vaine  sagesse.  Et  cependant  ses  jours  s'écou- 
laient, ses  pensées  se  dissipaient  en  tourmentant  son  cœur  ;  et  dans 
ces  neuf  années  de  folies,  d'erreurs  et  d'incertitudes,  remettant  à 
chaque  lendemain  pour  vivre  en  Dieu,  ne  remettant  jamais  pour 
mourir  en  lui-même,  il  ne  savait  à  laquelle  de  ces  deux  volontés, 
aux  prises  dans  son  âme,  il  finirait  par  appartenir.  Mais  la  grâce 
veille  et  n'épargne  rien  pour  gagner  ce  pécheur  prédestiné  à  la 
défendre.  Fidèle  à  son  élu,  dès  le  berceau,  les  ailes  étendues  sur 
lui,  elle  plane  et  sur  son  enfance  et  sur  sa  jeunesse  ;  elle  le  suit  en 
tous  lieux,  l'attirant  partout,  deCarthage  à  Rome,  de  Rome  à  Mi- 
lan ;  elle  verse  l'amertume  sur  ses  joies  les  plus  douces,  pour  l'a- 
mener à  des  joies  exemptes  d'amertume;  elle  le  presse  parles  af- 
flictions de  l'âme,  par  les  angoisses  de  l'esprit,  par  les  récits  de  Sim 
plicianus,  par  l'éloquence  et  la  sainteté  d'Ambroise,  parles  larmes 
de  Monique,  "  ce  sang  du  cœur",  qui  marquait  la  place  d'où 
tant  de  maternelles  prières  montaient  sans  cesse  à  Dieu.  Justice 
aimable,  elle  n'appuie  la  main  sur  ses  mortelles  blessures  que  pour 
raviver  en  lui  les  blessures  de  l'aqiour  divin  ;  elle  le  précipite  en- 
fin dans  cette  salutaire  agonie  où  il  meurt  à  sa  propre  mort,  pour 
ressusciter  à  cette  voix  du  ciel  ;  Prends,  lis  !  prends^  lis  !  Et  le  voi- 
là tout  changé,  il  ne  se  reconnaît  plus.  Tout  ce  que  soudain  il  est 
de  Bien  lui  laisse  à  peine  concevoir  ce  que,  tout  à  l'heure  encore, 
il  était  de  Mal.  Quelle  liberté  nouvelle  que  ce  joug  du  Christ  1 
Quelles  délices  que  cette  absence  des  vaines  délices  I  Et  son  pre- 
mier cri  de  délivrance  est  un  cri  d'amour,  ce  cri  d'une  âme  qui 
respire  déjà  l'air  du  ciel:  Que  je  vous  ai  aimée  tard,  beauté  si  an- 
cienne, beauté  si  nouvelle  1  que  je  vous  ai  aimée  tard  !  Malheur 
au  temps  passé  loin  de  votre  amour  1  Et  après  avoir  tracé  l'immor- 


LE  PROPAGATEUR  32 1 


tel  tableau  de  ces  derniers  combats  terminés  par  sa  conversion  et 
son  baptême  ;  quand,  pour  achever  son  détachement  de  toute  af- 
fection terrestre,  le  Seigneur  lui  a  retiré   cette  sainte  mère  qui 
n'aplus  rien  à    faire   ici-bas,   puisqu'elle  a  enfanté  de  nouveau^ 
enfanté  à  la  vie  éternelle  "  ce  fils  de  tant  de  larmes  "  ;   lui, 
dans  le  sublime  apaisement  de  toute  son  âme,   examine  devant 
Dieu  ce  qu'il  est  et  ce  que  la  miséricorde  divine  a  fait  de  lui.  Et 
ici,  qui  n'admirerait,  avec  une  sorte  de  surprise,  l'originalité  pro- 
fonde de  ses  pensées  et  de  son  langage  ?  *'  Soit,  dit  l'ancien  traduc- 
teur, que  portant  cette  veuë,  que  la  nature  et  l'Esprit  saint  avoient 
rendue  si  claire  et  si  pénétrante,  jusques  dans  les  replis  les  plus 
cachez  de  son  âme  pour  y  découvrir  les  moindres  défauts  et  les 
moindres  foiblesses  qui  pou  voient  y  estre  restées,  et  qu'examinant 
sa  nouvelle  vie  avec  une  sévérité  de  censeur,  après  avoir  condam- 
né sa  vie  ancienne  avec  une  rigueur  du  juge,  il  dépeigne  en  luy- 
mesme  sans  y  penser  l'un  des  plus  excellents  modelles  de  la  vertu 
et  de  la  perfection  chrétienne,  en  faisant  voir  combien   ces  trois- 
sources  empoisonnées  de  tous  les  péchez  des  hommes,  le  désir  de 
la  volupté,  la  curiosité  de  sçavoir,  et  l'amour  de  la  grandeur  et  de 
la  gloire,  estoient  taries  dans  son  cœur  ;  soit  enfin  que  pour  nous 
apprendre  ce  qui  pouvoit  occuper  cette  grande  ame  que  nulle  créatu- 
re n'occupoit  plus,  il  nous  fasse  partde  ses  chastes  et  innocentes  dé- 
lices, comme  il  les   nomme  luy-mesme,  c'est-à-dire  de  celte  heu- 
reuse familiarité  qu'il  avoit  avec  Dieu  dans  ses  Ecritures,  en  tra- 
vaillant, à  y  découvrir  les  trésors  ineffables  qui  y  sont  cachez,  et  se 
nourrissant  avec  une  sainte  avidité  de  cette  manne  céleste,  il  im- 
prime de  cette  sorte  cet  esprit  d'amour  et  de  charité  qui  est  l'ame 
de  la  loy  nouvelle,  qui  semble  que  ce  soit  l'amour  mesme  qui  nous 
parle  par  sa  bouche,  et  qui  enseigne  à  tous  les  hommes  quel  est  le 
bonheur  d'aimer  Geluy  qu'on  ne  sçauroit  ne  point  aimer  sans  se 
renilre  misérable  en  cela  mesme  qu'on  ne  l'aime  point," 

Mais  plus  ce  livre  est  admirable,  plus  il  est  difficile  d'un  repro- 
duire la  beauté,  l'élan,  l'originalité, 

"  Une  traduction  sincère  et  animée  de  cet  ouvrage  était  un  livre 
qui  nous  manquait,  "  a  dit  M.  Villemain,  en  parlant  de  la  version 
dont  nous  offrons  aujourd'hui  la  réimpression  au  public.  Depuis  le 
temps  où  l'éloquent  écrivain  s'exprimait  ainsi,  cet  ouvrage  a  obte- 
nu plusieurs  éditions,  et  chacune  d'elles  a  été  pour  l'auteur  l'occa- 
sion de  soumettre  son  travail  à  une  révision  sévère.  Il  a  pensé 
qu'on  lui  saurait  quelque  gré  d'ajouter  aux  Confessions  la  vie  du 
grand  évêque  d'Hippoue,  écrite  par  son  disciple  et  son  ami,  saint 
Possidius.  Ce  monument  précieux  n'avait  jamais  été  traduit.  Le 
saint  évêque  de  Galame  ne  possède  plus  peut-être  le  sens  de  la  belle 
latmité,  mais  il  écrit  avecune  simplicité  rare  et  toute  chrétienne. 
Humblement  désintéressé,  il  ne  songe  qu'à  transmettre  à  la  pos- 
térité et  à  l'Eglise  le  souvenir  de  l'homme  incomparable  avec  le- 
quel il  a  vécu  quarante  ans,  qu'il  a  aimé  et  admiré,  qu'il  a  vu 
mourir.  Ce  vénérablerécit,  réuni  aux  Confessions,  e-era,  .sans  doute, 
au  jugement  d'un  grand  nombre  de  lecteurs,  la  plus  vraie  et  la 
plus  touchante  de  toutes  les  Histoires  de  saint  Augustin. 


L'ESPRIT  DE  S.  FRANÇOIS  DE  SALES 

A  l'usage 
des  personnes  pieuses  vivant  dans  le  monde. 

PAR 

li'ABBÉ   €L.-IO]y.   BlUS^OI^ 

Vicaire  gpnéral  el  honoraire  dp  Montauban 

Quatrième  Edition  Revue. 

1  vol.  in-18 ; Prix  $0.88 

li'article  qni   sait   est  extrait  de  ce  livre. 

DES  TENTATIONS 

Ce  n'est  pas  après  les  gens  de  la  maison  que  les  chiens  aboient, 
c'est  après  les  étrangers.  Di  môme,  le  démon  se  met  peu  en  peine 
de  solliciter  au  mal  ceux  qui  sont  à  lui  ;  c'est  aux  autres  qu'il  s'a- 
dresse. Q.iand  il  presse,  quand  il  tourmente  uiieâme,  on  peut  être 
sûr,  généralement  parlant,  qu'elle  luiest  étrangère,  qu'elle  est  son 
ennemie.  Plus  la  tentation  est  violente,  plus  elle  dénote  de  vertu 
dans  la  personne  attaquée.  Le  tentateur  ne  dirige  de  puissants  ef- 
forts que  contre  les  plus  capables  d'opposer  une  forte  résistance. 
i>4Si  nous  savions  faire  un  bon  usag-e  des  tentations,  disait  le  Bien- 
heureux, nous  les  souhaiterions  en  quelque  sorte,  nous  les  provo- 
querions presque,  plutôt  que  de  les  redouter  :  mais,  parce  que  de 
tristes  chutes  nous  ont  fait  connaître  à  la  fois  notre  faiblesse  et 
notre  lâcheté,  nous  avons  bien  raison  de  dire  :  Et  ne  nous  iniuisez 
pas  en  tentation. 

Si,  au  moins,  à  la  défience  de  nous-mêm3s,  défiance  malheureu- 
sement trop  justifiée,  nous  joignions  une  grande  confiance  en  Dieu, 
plus  fort  pour  nous  faire  triompher  de  la  tentation  que  nous  ne 
sommes  faibles  pour  y  succomber,  notre  courage  irait  grandissant 
à  mesure  que  diminueraient  nos  appréhensions.  Nous  dirions  avec 
le  Prophète:  O'est  par  vous,  Seigneur.,  que  nous  serons  délivrés  de  la 
tentation  ;  par  vous  que  nous  surmonterons  tous  les  obstacles  du  salut. 
Avec  vous,  nous  marcherons  sans  crainte  sur  l'aspic,  surlle  basilic,  nous 
foulerons  aux  pieds  le  lion  et  le  dragon. 

Comme  les  grandes  tentations  nous  font  connaître  la  grandeur  de 
notre  courage  el  celle  de  notre  fidélité  à  Dieu,  elles  nous  appren- 
nent de  même  à  manier  les  armes  spirituelles  de  notre  milice, 
comme  dit  saint  Paul,  contre  les  attaques  de  nos  ennemis  invisi- 
bles. C'est  alors  que  notre  âne,  couverte  du  bouclier  de  la  grâce, 
leur  parait  terrible  comme  un^  armée  rangée  en  bataill:!  C'est  alors 
que  nous  faisons  de  plus  gr.aids  progrès  dans  la  vertu. 

Il  y  a  des  personnes  qui  croient  tout  perdu  parce  qu'elle  ont  des 
pensées  de  blasphème,  d'impiété.  Elles  s'imaginent  alors  qu'elles 
n'ont  plus  ni  religion  ni  foi.  Cependant,  tant  que  ces  pensées  dé- 
plaisent, elles  ne  peuvent  naire.  G  3  sont  des  vents  impétueux  dont 
les  secousses  affermissent  l'arbre,  au  lieu  de  l'ébranler.  Il  faut  en 
dire  autant  des  tentations  d'impureté  et  de  toutes  les  autres,  quel- 
les qu'elles  soient.  La  maxime  est  générale.  Parce  que  vous  étiez 
agréable  à  Dieu,  dit  l'ange  à  Tobie,  il  a  été  nécessaire  que  vous  fassiez 
éprouvé  par  la  tentation. 


UN  AIDE  DANS  LA  DOULEUR 

PAR 

L'auteur  des  Avis  Spirituels 

SEPTIEME  EDITION 
1  voL  in-18.  Prix S5  cts. 

li'article  qui  snit  est  extrait  de  ce  livre. 


Payer  un  a-compte  quotidien  sur  nos  dettes  envers 
la  justice  divine. 

Depuis  votre  baptême,  toute  privation  de  la  grâce  a  été  volontaire 
de  votre  part.  Il  est  donc  utile  pour  le  bien  de  votre  âme,  que 
Dieu  vous  plonge  dans  le  bain  salutaire  de  la  pénitence,  et  vous 
y  jette  tête  baissée. 

Pensez  moin;  à  vos  épreuves  et  un  peu  plus  à  vos  dettes  envers 
Dieu  I  Les  saints,  pressés  de  s'acquitter  complètement  en  ce  monde, 
s'estimaient  heureux  de  pouvoir,  par  leurs  souffrances,  présenter 
chaque  jour  un  à-compte  à  la  justice  divine  :  "  Mon  Père,  disait 
un  Lazariste  à  l'illustre  Vincent  de  Paul,  vos  maux  sont  vraiment 
par  trop  pénibles  1  "  —  "  Gomment,  répondit  le  Saint,  appelez-vous 
pénibles  les  souffrances  voulues  de  Dieu,  qui  aident  un  pauvre 
pécheur  à  expier  ses  péchés  ?"  —  Vos  souffi'ances  viennent  donc 
très  à  propos  ;  car  vous  n'avez,  je  suppose,  pas  moins  de  dettes 
envers  Dieu  que  saint  Vincent  de  Paul  ?  Ne  feriez-vous  pas  mieux, 
au  lieu  de  vous  plaindre,  de  dire  avec  le  prophète  :  "  5lon  Dieu, 
n'entrez  pas  en  jugement  avec  moi,  ne  vous  souvenez  pas  des 
péchés  de  ma  jeunesse.  "  —  Que  ne  mérite  pas  sur  la  terre  un  seul 
péché  mortel,  quand  Dieu  juge  qu'un  éternel  enfer  lui  est  dû  -^ 

Recevez  humblement  le  triste  salaire  de  vos  péchés  ;  et  le  soir 
déposez  vos  peines  et  vos  souffrances  du  jour  entre  les  mains  de 
voire  Ange  gardien,  comme  un  à-compte  sur  vos  dettes.  Après 
avoir  tant  offensé  Dieu,  inclinez-vous  sous  sa  main  qui  vous  punit 
justement.  Saint  Paul  de  la  Croix  (fondateur  des  Passionnistes) 
disait  à  propos  de  noire  insouciance  à  tirer  profit  de  nos  souffran- 
ces :  "•  Quand  même,  je  pourrais  me  soustraire  aux  coups  de  la 
justice  divine,  je  ne  le  ferais  pas  par  soumission  à  la  volonté  de 
Dieu.  D'ailleurs  mes  peines  me  sont  très-utiles  pour  racheter  le 
passé.  " 

Dites  comme  saint  Augustin  satisfait  d'effacer  ses  péchés  : 
*'  Seigneur,  coupez,  brûlez,  en  ce  monde,  mais  épargnez-moi  dans 
l'autre  ! — Oui,  Seigneur,  vous  ne  me  traitez  pas  comme  le  mé- 
ritent mes  péchés,  voilà  pourquoi  je  veux  souffrir  patiemment  et 
endurer  tout  ce  qui  m'arnvera  de  fâcheux.  "  —  Bienheureux  serez- 
vous  d'envisager  ainsi  vos  souffrances,  et  d'en  tirer  plus  d'espoir 
de  votre  salut  ! 


L  '  A  U  E  O  E  E 

AU  GÉNÉRAL  ET  A  Mme  DESAINT  DE  MARTHILLE 

Tout  le  plaisir  des  jours  est  en  leurs  matinées. 


MALHERBE 


Le  premier  jour  de  mars  1764,  un  joyeux  soleil  éclairait,  le  parc 
de  Versailles  :  les  premèires  violettes,  soulevant  les  feuilles  sèches 
et  l'herbe  renaissante,  répandaient  déjà  leurs  parfums,  et  semblaient 
vouloir  regarder  le  ciel  bleu  et  guetter  l'arrivée  du  printemps. 

Un  petit  groupe  de  promeneurs,  composé  de  quatre  personnes, 
descendait  la  belle  allée  verte  qui  mène  du  bassin  de  Neptune  à 
la  grille  de  Trianon.  C'était  une  famille  allemande  de  l'aspect  le 
plus  patriarcal.  Le  père  et  la  mère  se  donnaient  le  bras  et  avaient 
tous  deux  de  belles  et  honnêtes  figures.  Leurs  deux  enfants  cou- 
raient devant,  alertes  et  gais  comme  des  oiseaux.  La  fillette,  âgée 
de  treize  ans,  était  charmante  sous  son  petit  capuchon  de  velours 
bleu  bordé  de  cygne  ;  mais  son  frère,  de  quatre  ans  plus  jeune, 
paraissait  encore  plus  joli  et  plus  éveillé  qu'elle.  Ils  jouaient,  cou- 
raient, babillaient  :  c'était  à  qui  montrerait  le  plus  de  grâce  et  de 
gentillesse. 

—  Léopold,  dit  la  mère,  êtes-vous  sûr  que  c'est  bien  à  neuf 
heuiesque  meinherr  Heinrich  nous  a  donné  rendez-vous  à  la 
grille  du  petit  Trianon  ? 

—  Oui,  ma  chère  femme.  Nous  sommes  d'une  demi-heure  en 
retard  ;  mais,  Dieu  merci,  Heinrich  est  Allemand  :  il  nous  atten- 
dra. Si  c'était  un  de  ces  étourdis  de  Français,  toujours  pressés  et 
impatients,  il  aurait  déjà  quitté  la  place. 

—  Je  vois  là-bas  Heinrich,  mon  ami  Heinrich  !  s'écria  le  petit 
garçon. 

Il  se  mit  à  courir  et  alla  se  jetter  dans  les  bras  d'un  personnage 
qui  venait  d'apparaître  au  bout  de  l'allée. 

—  Vous  voilà  donc  enfin,  Wolfgang  Mozart  !  dit  le  bon  gros 
Heinrich,  homme  d'une  cinquantaine  d'années,  vêtu  de  la  livrée 
royale,  et  qui  était  valet  de  chambre  de  ladauphine  Marie-Josèphe 
de  Saxe.  Savez-vous,  mon  enfaiit,  que  je  commençais  à  bien 
m'ennuyer  ?  Qui  vous  a  doic  retardé  ainsi  ? 

—  Ce  sont  les  gens  de  notre  auberge,  dit  le  petit  Mozart  :  ils  se 
couchent  si  tard,  qu'on  ne  peut  les  faire  lever,  et  maman  n'a  point 
voulu  permettre  que  nous  partions  avant  d'avoir  déjeuné,  Marie- 
Anna  et  moi.  Quant  à  papa  et  maman,  ils  jeûnent,  à  cause  du 
carême..  C'est  plus  vite  fait. 

—  A  la  bonne  heure  !  mais  c'est  que  je  voudrais  bien  vous  faire 
visiter  les  serres  avant  le  moment  où  le  Roi  y  vient. 


LE  PROPAGATEUR  325 


—  Oh  !  le  Roi  m'a  tellement  caressé  hier,  que,  bien  sûr,  il  serait 
enchanté  de  me  revoir.  Sais-tu  bien,  mon  ami  Heinrich,  que  la 
Reine  m'a  embrassé  ?  Elle  a  donné  à  Nanerl  des  boucles  d'oreilles 
en  perles  fines.  Et,  vois  donc  ma  nouvelle  montre  !  Elle  sonne. 
C'est  Mme  de  Tessé  qui  m'en  a  fait  présent,  en  récompense  des 
sonates  que  je  lui  ai  dédiées. 

—  Meinherr  Heinrich,  dit  Nanerl,  qui  avait  rejoint  son  frère, 
•voyez  donc  la  bague  que  Madame  Victoire  m'a  donnée  hier  ! 

Mais,  Mozart  et  sa  femme  arrivant,  les  enfants  se  retirèrent 
discrètement,  et  laissèrent  leurs  parents  causer  avec  Heinrich. 

—  Eh  bien  !  dit  celui-ci  après  les  premiers  compliments,  il  paraît 
que  vos  succès  vont  toujours  croissant.  Il  n'est  bruit  à  la  cour  que 
du  talent  de  vos  enfants.  Cela  me  fait  bien  plaisir  ;  et  puis,  voyez- 
vous,  ce  qui  me  charme  surtout,  c'est  de  voir  ces  chers  petits  si 
bons,  si  sages  et  si  naïfs.  Toute  cette  gloire  ne  les  étourdit  pas. 
Ils  restent  aussi  simples  que  je  les  ai  connus  à  Salzbourg. 

—  C'est  la  vérité,  dit  Léopold  Mozart,  et  j'en  rends  grâces  au 
bon  Dieu.  Il  y  là  quelque  chose  d'aussi  surprenant  que  leur  talent 
précoce.  En  rentrant  le  soir  chez  nous,  comblé  de  cadeaux,  de 
louanges  et  d'applaudissements,  savez-vous  ce  que  fait  Woferl  ? 
Après  la  prière,  il  nous  baise  la  main  à  sa  mère  et  à  moi,  il  em- 
brasse sa  sœur  ;  tous  deux  nous  demandent  notre  bénédiction,  puis 
ils  chantent  une  petite  mélodie  que  Woferl  a  composée  à  l'âge  de 
quatre  ans,  et  il  s'endort,  disant  qu'il  ne  veut  rêver  qu'au  bon 
Dieu,  à  la  musique  et  à  nous  trois. 

— ^Cher  enfant  !  dit  le  bon  Heinrich  tout  attendri,  que  Dieu  le 
conserve  ainsi  !  Hélas  !  il  doit  voir  à  Paris  et  à  la  cour  bien  des 
choses  qui  pourraient  lui  enlever  cette  fleur  d'innocence  et  de  pié- 
té. Je  le  regardais  de  loin  le  soir  où  il  joua  du  clavecin  devant  le 
Roi,  et  son  visage  et  celui  de  sa  sœur  différaient  tellement  de  ceux 
qui  les  entouraient,  que  je  croyais  voir  deux  anges  parmi  une 
troupe  de  comédiens. 

—  Vous  dites  vrai,  meinherr  Heinrich,  dit  Mme  Mozart.  Quels 
masques  on  voit  dans  ce  pays-ci  !  C'est  leur  faire  trop  d'honneur 
que  de  les  appeler  des  visages.  Hommes  et  femmes  sont  peints 
comme  des  poupées  de  Nuremberg,  et  leurs  yeux  faux,  leurs  sou- 
rires compassés,  leurs  mouvements  mécaniques,  font  mal  à  voir. 
Il  n'y  a  que  la  Reine  et  la  Dauphine  qui  aient  des  figures  chré- 
tiennes. Mais  aussi  c'est  qu'elles  parlent  allemand  ! 

—  Vous  pourriez  bien,  Madame,  y  ajouter  Mesdames  de  France  : 
ce  sont  de  saintes  princesses. 

—  Je  n'en  doute  pas,  reprit  Mme  Mozart  ;  mais  elles  sont  si  ré- 
servées, si  fières,  si  timides,  qu'elles  me  glacent.  Madame  Louise 
semble  plus  aimable  que  ses  sœurs  ;  mais  elle  se  tient  au  rang  de 
petite  cadette,  toujours  cachée  derrière  Madame  Adélaïde.  Oh  î 
que  c'était  plus  joli  à  la  cour  de  Vienne,  l'année  dernière  !  imagi- 
nez-vous, Heinrich,  que  l'imépratrice  prenait  Woferl  sur  ses  ge- 
noux. Il  l'embrassait  comme  s'il  eût  été  son  fils,  et,  le  croirlez-vous  ? 
il  lui  demanda  un  beau  matin  une  des  archiduchesses  en  mariage  ? 

—  Oh  !  voilà  qui  est  trop  fort  !  s'écria  Heinrich  en  riant. 


326  LE  PROPAGATEUR 


—  C'est  exact,  dit  Léopold  Mozart.  L'emepreur  avait  fait  signe 
à  Wolfgang  de  se  mettre  au  clavtciii.  11  y  courut  ;  mais-  glissant 
sur  le  parquet,  il  tomba  tout  de  son  long.  Une  des  archiduchesses, 
enfant  de  sept  ans  comme  lui,  s'élança  pour  l'aider  à  se  relever, 
et  lui  demanda  s'il  ne  s'était  pas  fait  mal,  d'un  air  si  gracieux, 
qu'il  s'écria  :  "  Vous  êtes  bien  aimable,  Madame  !  je  veux  vous 
épouser  !  "  Et  il  fit  le  jour  même  sa  demande  à  l'impératrice.  Vous 
devinez  aisément  combien  cette  équippée  divertit  la  famille  im- 
périale I 

En  causant  ainsi,  l'on  était  arrivé  près  des  serres  de  Trianon, 
et  Heinrich  dit  à  ses  amis  : 

—  Vous  ferez  bien  d'ôter  vos  pardessus,  car  il  fait  très  chaud 
dans  les  serres.  Songez  aue  1- s  fraises  et  les  ananas  y  mûrissent 
l'hiver  ! 

Ils  entrèrent,  et  furent  éblouis  par  la  beauté  des  serres  royales. 
Elles  n'élaientpas  si  grandes  que  celles  que  M.  Rohault  de  Fleury 
a  construites  de  nos  jours  au  jardin  des  Plantes,  et  où  s'abritent 
encore  quelques  débris  précieux  des  collections  royales  ;  mais 
elles  étaient  élégamment  disposées,  remplies  de  fleurs  éblouissan- 
tes, et  les  raisins  et  les  cerises  y  mûrissaient  ensemble,  mêlés  aux 
caféiers  chargés  de  fruit.  Des  oiseaux  du  Bengale  et  de  l'Amérique, 
enfermés  dans  des  volières  dorées,  retrouvant  la  température  et 
et  les  parfums  de  leurs  pays,  chantaient  tous  ensemble,  et  mer- 
veilleusement. 

Léopold  Mozart,  sa  femme  et  sa  fille  se  mirent  à  regarder  les 
fleurs  ;  mais  le  petit  Mozart  resta  près  des  oiseaux,  et  ne  voulut 
regarder  qu'eux.  Ces  ramages  inconnus,  ce  concerto  du  Paradis 
terrestre,  comme  il  l'appelait,  le  charmaient  tellement,  qu'il  était 
encore  immobile  à  la  même  place,  lorsque  sa  sœur,  une  demi- 
heure  après,  accourut  tout  essoufflée  du  bout  de  la  serre,  qui  était 
fort  longue,  et  lui  dit  : 

—  Viens  vite,  Woferl  !  le  Roi  est  là-bas,  et  il  te  demande. 

—  Tais  toi,  dit  Mozart,  écoute  1 

Un  petit  bengali,  plus  familier  que  les  autres,  s'était  approché 
de  lui  et  chantait.  Jl  chantait  si  bien,  que  Nauerl,  oubliant  que 
le  Roi  l'attendait,  resta  près  de  son  frère,  attentive  et  charmée. 

.  Louis  XV,  en  effet,  venait  d'entrer  dans  la  serre  par  la  porte 
opposée  à  celle  dont  Heinrich  s'était  fait  donner  la  clef.  Il  était 
accompagné  de  Claude  Richard  son  jardinier  favori,  du  vieux 
duc  de  Richelieu,  fardé,  musqué,  pincé  comme  une  vieille  coquette, 
et  de  trois  ou  quatre  courtisans. 

Le  Roi  parut  un  peu  surpris  en  apercevant  la  famille  Mozart  ; 
mais,  reprenant  tout  de  suite  un  air  affable,  il  parla  à  Léopold  et 
lui  demanda  où  était  son  fils.  Nanerl  partit  pour  aller  chercher 
Wolfgang,  et  Claude  Richard,  un  pue  ennuyé  de  voir  l'attention 
du  Roi  se  détourner  de  ses  fleurs,  se  hâta  de  lui  dire  : 

—  Jl  y  a  du  nouveau  à  Trianon,  Sire  :  un  de  ces  arbustes  de  la 
Caroline  que  mon  fils  Antoine  rapporta  d'Espagne  l'année  der- 
nière, vient  de  fleurir  pour  la  première  fois.  Si  Votre  Majesté 
daigne  venir  de  ce  côté,  elle  le  verra. 


LE  PROPAGATEUR  327 


Le  Roi  s'avança  dans  la  direction  que  lui  désignait  Richard,  et 
se  trouva  bientôt  près  d'un  assez  joli  arbuste,  à  feuilles  ovales,  à 
bois  odoriférant,  couvert  de  fleurs  ressemblant  à  de  petites  ané- 
mones d'im  rouge  obscur,  et  qui  répandait  un  parfum  singulier. 

Louis  XV  en  fit  compliment  à  Richard. 

— C'est  une  conquête,  dit-il,  une  fiche  de  consolation  pour  les  co- 
lonies que  j'ai  perdues  l'an  dernier,  quand  Choiseul  m'a  fait  signer 
le  traité  de  Paris.  C'est  dommage,  mon  vieux  Richard,  que  tu  ne 
sois  pas  mon  premier  ministre.  — Mais  bast  !  après  moi  le  déluge  1 
ajouta-t-il  aparté.  —  Gomment  appelles-tu  cet  arbuste  ? 

—  M.  de  Jassieu  l'appelle  calycanthus  /loridas,  Sire  ;  mais  il 
faudrait  donner  à  cette  fleur  un  nom  français,  et  j'espère  que 
Votre  Majesté  voudra  bien  en  être  le  parrain. 

—  Je  suis  peu  inventif,  Richard,  On  pourrait  l'appeler  l'arbre 
aux  anémones  ;  mais  c'est  long,  et  ce  nom  ne  caractérise  p  is  le 
parfum  de  cette  fleur.  Elle  sent  la  po.nme,  la  fraise,  l'ananas.  Ne 
semble-telle  pas  digne  de  couronner  Pomone  et  de  porter  sou  nom  ? 
Qu'en  dites  vous,  Monsieur  de  Richelieu  ? 

—  Oh  !  Sire,  s'écria  le  duc  en  minaudant,  Pomone  est  furieuse- 
ment vieille  !  La  belle  dime  qui  en  portait  le  costume  au  dernier 
bal  de  la  cour,  mérite  bien  mieux  que  cette  antique  déesse  de 
donner  son  nom  à  une  jolie  fleur.  Je  propose  de  nommer  celle-ci 
Pompadoura. 

—  Charmant  !  délicieux  !  adorable  !  s'écrièrent  en  chœur  les 
courtisans. 

Claude  Richard  seul  re  dit  rien,  et  fit  semblant  d'être  fort  oc- 
cupé à  relever-  un  pot  de  fleurs  que  le  duc  de  Richelieu  venait  de 
renverser  en  pirouettant. 

—  Allons  !  dit  le  Roi,  c'est  adopté. 

Il  cueillit  une  petite  branche  fleurie,  la  mit  à  sa  boutonnière, 
et  continua  à  visiter  la  serre. 

Léopold  Mozart,  sa  femme  et  Heinrich  se  tenaient  à  distança 
respectueuse. 

—  Mais  enfin,  dit  le  Roi,  où  est  donc  le  petit  musicien  ? 

—  Le  voilà,  près  des  oiseaux.  Sire. 

—  Chut  !  j-^  veux  le  surprendre. 

Et,  d'un  signe  arrêtant  sa  suite,  Louis  XV  s'avança  sur  la  pointe 
du  pied,  et,  se  glissant  derrière  un  massif  de  camélias,  ii  écouta 
la  conversation  des  deux  enfants. 

Le  petit  bengali  ne  chantait  plus. 

—  Recommence  donc,  petit  oiseau  !  bis  !  bis  !  — lui  disait  en 
vain  Nanerl  de  sa  douce  voix. 

—  Il  est  fatigué,  ma  sœur.  Voudrais-tu  qu'il  chantât  jusqu'à 
en  mourir  ?  C'est  bon  pour  les  hommes,  ces  folies-là.  Quelle  jolie 
sonatine  il  m'a  dictée  !  Je  veux  l'écrire.  Prête-moi  ton  crayon 
d'or,  Nanerl. 

—  Le  voici,  mais  je  n'ai  pas  de  tablettes. 

—  C'est  bien  dommage  ;  mais  je  me  souviendrai.  0  Nanerl  !  si 
le  Roi  voulait  bien  me  donner  ce  petit  oiseau,  que  je  serai  content  ! 

—  Gela  ne  te  servirait  de  rien,  Woferl.  M.  Richard  disait  tout 


328  LE  PROPAGATEUR 


à  l'heure  à  maman  que  les  bengalis  ne  pouvaient  vivre  qu'en 
serre  chaude.  Tu  ne  voudrais  pas  causer  la  mort  de  ce  joli  petit 
oiseau  ? 

—  Oh  !  non  !  Après  tout,  les  rossignols  de  Salzbourg  le  valent 
bien  :  ils  sont  libres  et  heureux.  Et  toi,  Nanerl,  as-tu  composé 
quelque  chose  ? 

—  Oui,  mon  frère.  Il  y  a  là-bas  une  rose  jaune  panachée  de 
rouge,  qui  m'a  inspiré  un  bien  joli  menuet.  Je  te  le  jouerai  en 
en  rentrant  à  la  maison. 

—  Vous  n'aurez  pas  besoin  d'aller  si  loin,  dit  le  Roi  en  se  mon- 
trant tout  coup  :  venez  avec  moi  dans  le  salon  de  musique,  mes 
petits  amis  :  je  veux  avoir  Tétrenne  du  menuet  de  la  Rose  et  de 
la  sonate  du  Bengali. 

Et,  prenant  les  enfants  par  la  main,  le  Roi  rejoignit  sa  suite 
et  emmena  toute  la  compagnie  au  salon  de  musique. 

C'était  cet  élégant  pavillon  octogone  qui  fait  perspective  au 
château  du  petit  Trianon,  et  dont  quatre  façades  prolongées  en 
avant  forment  quatre  petits  salons,  qui  communiquent  avec  la 
pièce  principale  et  s'ouvrent  aussi  par  de  grandes  portes  vitrées 
sur  les  quatre  perrons  qui  les  relient.  Ce  pavillon,  couronné  d& 
balustres  et  de  statues,  était  alors  tout  nouvellement  construit,  e* 
le  pavé  en  marbre  de  compartiment,  les  boiseries  sculptées,  les- 
hautes  glaces  et  le  plafond  peint  à  fresque  que  nous  voyons 
à  présent  rongés  par  le  temps  et  l'humidité,  brillaient  alors  de 
tout  leur  éclat.  Au  moment  d'entrer,  on  entendit  dans  l'intérieur 
du  pavillon  les  sons  d'un  clavecin. 

—  Oh  !  dit  le  petit  Mozart,  il  y  a  dans  ce  beau  petit  château  un 
musicien  aussi  matinal  que  nous.  Serait  ce  la  Reine  ? 

Ils  entrèrent,  suivant  le  Roi.  Une  dame  encore  jolie,  très-fardée, 
habillée  tout  en  dentelle  et  tafletas  lilas,  avec  des  nœuds  de  ruban 
vert  d'eau  et  une  parure  de  perles,  était  assise  au  clavecin.  Elle 
se  leva,  fit  une  profonde  révérence,  et  le  Eoi  la  salua  d'un  air 
assez  familier.  En  deux  mots  il  lui  conta  la  conversation  des  deux 
enfants,  et  dit  à  la  petite  fille  de  jouer  son  menuet.  Sans  hésiter 
le  moins  du  monde,  Marie-Anna  improvisa  un  menuet  charmant. 
On  l'applaudit  fort,  et  la  belle  dame  lui  donna  une  bonbonnière 
de  vermeil  remplie  de  pralines. 

—  Au  tour  du  petit  Mozart  !  dit  le  Roi. 

Mozart  se  percha  sur  le  tabouret.  Il  était  petit  pour  son  âge,  et 
son  petit  doigt  avait  bien  du  mal  à  arriver  à  toucher  l'octave  ; 
mais  son  jeu  délicat,  agile  et  expressif,  n'en  était  que  plus  mer- 
veilleux. 

—  Je  vais  jouer  le  Bengali,  dit-il. 

Et,  sans  faire  ni  contorsions  ni  grimaces,  aussi  tranquille  et 
simple  qu'un  petit  oiseau  qui  chante  seul  au  fond  des  bois,  Mozart 
préluda  en  sol  mineur  et  joua  une  petite  sonate  si  mélodieuse^ 
que  ses  auditeurs  ravis  n'osaient  respirer. 

Quand  il  s'arrêta,  tous  s'écrièrent  ;  Déjà  !  et  Louis  XV,  ôtant 
une  bague  de  son  doigt,  la  donna  à  Mme  Mozart  en  lui  disant  : 

—  Votre  fils  est  un  prodige.  Madame. 


LE  PROPAGATEUR  329 


—  Vraiment  !  dit  la  belle  aame,  je  n'avais  pas  l'idée  d'une  tel'e 
facilité  d'improvisation.  Mais,  mon  petit,  les  fleurs  ne  vous  inspi- 
rent elles  pas  ?  De  même  que  votre  sœur  a  fait  le  menuet  de  la 
Rose,  ne  pourriez-vous  en  composer  un  sur  cette  fleur-ci  ? 

Elle  montrait  la  branche  de  pompadoura  que  le  Roi  venait  de 
lui  donner. 

Mozart  ouvrait  de  grands  yeux,  ne  comprenant  pas  très  bien. 
Son  père  lui  traduisit  ce  qu'avais  dit  la  marquise.  Mozart  regarda 
la  fleur  d'un  air  un  peu  dédaigneux. 

—  D'après  une  belle  fleur,  dit-il,  je  pourrais  composer  ;  mais 
«elle-ci  n'est  ni  belle  ni  jolie. 

—  Elle  a  son  parfum,  dit  Nanerl. 

Mozart  prit  la  fleur,  la  sentit  un  instant,  puis  s'écria  dans  son 
mauvais  français  : 

—  Oh  !  la  vilaine  fleur  !  D'abord  elle  a  un  parfum  de  fraise, 
puis  d'ananas,  puis  de  melon  ;  mais,  au  bout  d'une  minute,  et  si' 
peu  qu'on  y  touche,  elle  exhale  une  odeur  de  pomme  gâtée.  Fi  ! 
je  n'en  veux  plus. 

Et  il  jeta  la  fleur  sur  une  table  en  faisant  une  grimace  significa- 
tive. La  marquise  s'était  détournée,  et  paraissait  tout  occupée  à 
feuilleter  un  cahier  de  musique. 

—  Woferl,  dit  tout  bas  Léopold,  joue  un  air  de  chasse. 

Mozart  obéit,  et,  la  fanfare  finie,  ils  prirent  congé  du  Roi.  Ce- 
lui-ci embrassa  les  enfants,  et  Mozart,  naïvement,  s'avança  vers 
la  marquise  pour  l'embrasser  aussi  ;  mais  elle  se  recula  d'un  air 

hautain. 

Tout  en  reprenant  le  chemin  de  Versailles,  le  petit  maestro  dit 
à  son  père  : 

—  Le  roi  Louis  XV  est  presque  aussi  aimable  que  notre  empe 
reur  ;  mais  qui  est  donc  cette  belle  madame  si  fière  ?  L'impératrice 
Marie-Thérèse  m'embrassait,  la  reine  de  France  aussi,  et  celle-là 
se  trouve  trop  grande  dame  pour  les  imiter.  Qui  donc  a-t-elle 
épousé  ? 

Léopold  Mozart  eut  recours  à  sa  tabatière,  et  Nanerl  le  tira 
d'embarras  en  disant  à  son  frère  : 

—  C'est  une  sotte,  et  voilà  tout.  N'y  pense  plus  Woferl.  Viens 
m'aider  à  cueillir  des  violettes  pour  maman.  Vois,  le  gazon  en 
est  tout  bleu. 

Le  soir  de  ce  même  jour,  la  famille  Mozart,  après  avoir  fait  de 
la  musique  chez  Mme  de  Tessé  pendant  toute  l'après-midi,  venait 
de  finir  la  collation  ûu  soir  à  l'auberge  de  la  Croix  blanche,  rue  de 
la  Paroisse.  Il  était  nuit  heures  passées,  et  Mme  Mozart  parlait 
déjà  d'envoyer  les  enJanls  se  coucher,  lorsque  le  bon  Heinrich 
entra. 

—  Vite  !  vite  1  s'écria-t-il  :  il  faut  venir  tout  de  suiet  au  château. 
Par  extraordinaire,  Mgr  le  Dauphin,  ainsi  que  Mme  la  Dauphine, 
ont  pu  se  dispenser  d'aller  au  jeu  de  la  Reine,  et  ils  passent  la 
soirée  chez  eux  avec  leurs  enfants.  On  joue  aux  petits  jeux,  et 
M.  le  comte  de  Provence,  ayant  gagné  une  discrétion  à  Mme  la 
Dauphine,  exige  qu'ofti  lui  fasse  entendre  ce  soir  même  le  petit 


330  LE  PROPAGATEUR 


Mozart,  sur  l'orgue,  à  la  chapelle.  Venez  vite  !  vous  serez  content. 
Chez  notre  tonne  princesse  vous  pourrez  vous  croire  encore  à 
Vienne. 

Ils  se  hâtèrent  de  descendre,  prirent  place  dans  des  chaises  à 
porteurs  dont  Heinrich  s'était  précautionné,  et  quelques  minutes 
après  ils  arrivaient  chez  le  Dauphin,  dont  l'appartement  était  si- 
tué au  rez-de-chaussée,  sous  celui  de  la  Reine,  et  donnait  sur  le 
parterre  du  Midi.  C'était  là  qu'avait  habité  jadis  le  grand  Dauphin, 
père  du  duc  de  Bourgogne  et  de  Philippe  V  roi  d'Espagne,  et  dont 
toute  la  vie,  de  même  que  celle  du  fils  de  Louis  XV,  fut  résumée 
par  ces-  mots  :  fils  de  roi,  père  de  roi,  jamais  roi. 

Louis  de  France  et  sa  femme,  l'aimable,  savante  et  pieuse 
MarieJosèphe  de  Saxe,  vivaient  dans  la  plus  douce  union,  Tout 
occupés  de  leurs  enfants,  charitables,  bienveillants,  pas^ionllés 
pour  l'étude  et  la  musique,  ils  donnaient  à  la  cour  l'exemple  des 
plus  aimables  vertus.  Mais  les  courtisans  se  moquaient  d'eux,  et 
n'avaient  pour  ces  princes  qu'un  respect  apparent,  imposé  par  la 
crainte  du  Roi.  Plus  d'une  fois,  quand  les  croisées  enlr'ouvertes 
de  l'appartement  de  la  Dauphine  laissaient  s'échapper  dans  le  parc 
les  sons  de  son  clavecin  accompagnant  sa  belle  voix  et  celle  du 
Dauphin,  qui  chantaient  des  motets  de  Dumont  ou  de  PalesLrina, 
les  désœuvrés  errant  sur  les  terrasses  du  palais  haussèrent  les 
épaules  en  se  disant  ;  Entendez-vous  ces  sacristains  ? 

Au  moment  oii  la  famille  Mozart  fut  introduite,  la  Dauphine 
tenait  sur  ses  genoux  l'aînée  de  ses  filles,  Madame  Glotilde,  future 
reine  de  Sardaigne,  alors  âgée  de  quatre  ans.  Madame  Elisabeth, 
plus  petite  encore,  était  déjà  couchée. 

Marie-Josèphe  de  Saxe,  sans  être  belle,  plaisait  par  l'exfression 
intelligente  et  douce  de  son  visage  et  ses  manières  aussi  dignes 
que  gracieuses.  Le  Dauphin,  grand,  bien  fait,  et  ressemblant  au 
Roi,  ne  sentait  pas  encore  les  atteintes  de  la  maladie  qui  devait 
l'enlever  l'année  suivante  ;  et  pourtant  sa  belle  figure  était  déjà 
empreinte  de  cette  liistesse  prophétique,  ombre  avant-courrière 
qui  s'étend  presque  toujours  sur  les  fronts  à  qui  sera  refusée  la 
couronne  des  cheveux  blancs. 

Assis  près  de  la  Dauphine,  il  jouait  avec  ses  trois  fils,  beaux 
enfants,  âgés  alors  de  dix,  neuf  et  sept  ans,  et  qui  tous  trois  de- 
vaient régner  sur  la  France  :  le  doux  et  pacifique  duc  de  Berry, 
qui  fut  Louis  XVI  ;  le  studieux  et  spirituel  comte  de  Provence, 
et  l'étourdi  comte  d'Artois,  dont  les  malicieuses  espiègleries  étaient 
déjà  célèbres  à  la  cour. 

En  voyant  entrer  le  petit  Mozart  et  sa  sœur,  les  jeunes  princes 
jetèrent  un  cri  de  joie,  et  le  comte  d'Artois  proposa  immédiate- 
ment une  partie  de  colin-maillard,  La  Dauphine  s'y  opposa, 

—  Mes  enfants,  dit-elle,  vous  devez  vous  retirer  à  neuf  heures  ; 
il  en  est  bientôt  huit  et  demie  :  nous  aurons  à  peine  le  temps 
d'aller  à  la  chapelle  et  d'entendre  Mozart. 

—  0  maman  Dauphine  !  s'écria  le  comte  d'Artois,  vous  seriez 
une  princesse  parfaite,  si  vous  ne  saviez  pas  toujours  l'heure  qu'il 
est.  Vous  êtes  vraiment  trop  ponctuelle  et  trop  sévère. 


LE  PROPAGATEUR  331 


—  Fi,  mon  frère  !  dit  le  duc  de  Berry  :  est-ce  ainsi  que  l'on  parle 
à  maman  Dauphine  ?  Uin 

Mais  la  Dauphine  ne  les  écoutait  pas.    Tandis  que  le  Daupars 
accueillait  Léopold  Mozart  et  sa  femme,  elle  faisait  babiller  1ère 
enfants  en  allemand,  et  les  accents  de  sa  langue   maternelle 
jouissaient  la  bonne  princesse. 

—  Allons  à  la  chapelle,  dit  le  Dauphin  en  se  levant.  Je  suis  au 
supplice  lorsque  j'entends  faire  de  la  musique  au  milieu  du  bruit 
des  conversations.  Je  vais  enfin  jouir  de  Mozart  dans  un  silence 
et  un  lieu  dignes  de  son  talent. 

11  donna  ses  ordres,  et,  offrant  la  main  à  la  Dauphine,  le  prince 
sortit  du  salon,  précédé  par  deux  valets  portant  des  flambeaux,  et 
suivi  par  Mme  de  Marsan  qui  donnait  la  main  à  Madame  Glotilde, 
les  trois  jeunes  prince,  le  duc  de  la  Vanguyon  leur  gouverneur, 
la  famille  Mozart,  et  le  bon  Heinrich  qui  fermait  les  portes.  Le 
prince  et  la  princesse  traversèrent  un  dédale  de  galeries,  de  vesti- 
bules et  d'escaliers,  et  arrivèrent  enfin  sur  les  tribunes  de  la  cha- 
pelle royale. 

Heinrich  alluma  les  torchères  de  la  tribune  de  l'orgue.  Tout  le 
reste  de  l'édifice  était  à  peine  éclairé  par  la  lune  naissante  ;  et  les 
élégants  pilastres,  les  splendides  peintures,  tonte  la  décoration 
aussi  riche  qu'harmonieuse  de  la  plus  belle  chapelle  qui  existe, 
se  perdaient  dans  les  ombres  de  la  nuit.  :  ;■; 

Les  valets  allèrent  chercher  deux  fauteuils  à  la  tribune  du  Roi, 
et  les  apportèrent  près  de  l'orgue.  Mme  de  Mackau,  le  duc  de  la 
Vauguyon  et  les  jeunes  princes  prirent  les  pliants.  Léopold  Mozart, 
s'approchant  de  l'orgue,  fit  une  exclamation.  Le  clavier  était  fer- 
mé :  impossible  de  l'ouvrir  ! 

—  Quel  ennui  !  dit  la  Dauphine.  Il  faut  aile."  demander  la  clef 
à  l'organiste.  Cù  demeure-t  il  ? 

—  Aux  Menus-Piaisirs,  dit  Heinrich.  J'y  vais  courir. 

—  Attendez  1  s'écria  le  duc  de  Berry  :  il  y  a  un  autre  moyen. 
Et,  tirant  de  sa  poche  un  petit  tournevis  dont  il  se  servait  avec 

une  remarquable  aaresse,  le  jeune  prince,  en  cinq  minutes,   dé- 
monta la  serrure  dorée  et  ouvrit  l'orgue. 

—  Voilà  un  étrange  talent,  et  que  je  ne  vous  connaissais  pas, 
Berry.  dit  la  Dauphine.  Un  fils  de  France  qui  crochète  les  serrures  ! 

—  Distinguo,  msim'dn,  s'écria,  le  comte  de  Provence  :  Berry  l'a 
dévissée,  et  non  point  crochetée.  C'est  bien  différent  !  Grâce  à  lui, 
nous  entendrons  Mozart. 

—  Que  faut-il  jouer,  Altt  sses  ?  demanda  Wolfgangen  s' asseyant 
à  l'orgue,  tandis  que  son  père  essayait  le  soufUet. 

—  Un  air  à  danser  !  dit  le  comte  d'Artois  :  je  n'aime  que  ceux- 
là,  moi  ! 

—  Y  pensez-vous  ?  à  l'église  !  s'écria  la  Dauphine.  Je  vais  vous 
envoyer  coucher,  Artois,  si  vous  dites  un  mot  de  plus.  Meine  liebe 
Wolfgang,  ajouta-t  elle  en  s'adressant  à  Mozart,  improvisez  une 
belle  prière  à  la  sainte  Vierge. 

—  Je  veux  bien,  dit  Mozart,  mais  à  une  conditon  :  c'est  que  l'Oii 
tiendra  devant  moi  V Angélus  que  voici  ! 


332  LE  PROPAGATEUR 


Et  il  désignait  Mme  GLolilde.  Mme  de  Marsan  s'approcha,  et 
tint  près  de  l'orgue  la  petite  princesse  vêtue  de  blanc,  et  dont 
l'augélique  sourire,  les  yeux  d'azur  et  la  blonde  chevelure  ravis- 
saient tous  les  regards.  Mozart,  les  yeux  fixés  sur  elle,  joua  une 
mélodie  d'une  douceur  et  d'une  grâce  infinies.  Le  Dauphin  pleu- 
rait en  l'écoutant,  les  petits  princes  eux-mêmes  ne  bougeaient  pas, 
et  ce  ne  fut  que  lorsque  la  dernière  vibration  de  l'orgue  se  fut 
évanouie,  que  l'incorrigible  comte  d'Artois  s'écria  : 

—  C'est  charmant  !  mais  je  voudrais  quelque  chose  de  plus  gai. 
Allons,  Mozart,  regarde-moi,  et  fais  une  chanson  qui  me  ressemble. 

Mozart  se  pencha  vers  sa  sœur  et  lui  dit  tout  bas  : 
2',  — J'ai  envie  de  leur  jouer  :  Dodo^  V enfant  do.   Je  tombe  de  som- 
meil et  de  fatigue.  Donnez-moi  donc  une  idée,  Nanerl. 

—  Rappelle-toi,  lui  dit  sa  sœur,  nos  soirées  de  Vienne,  et  la  belle 
petite  archiduchesse  que  tu  voulais  épouser. 

—  J'y  suis  !  s'écria  Mozart. 

Et,  se  tournant  vers  les  princes,  il  leur  dit  : 

—  Ecoutez  bien.  Altesses  royales  !  je  vais  vous  jouer  une  petite 
sonate  qui  s'appelle 

Marie-Antoinette  d'Autriche  ! 
Et  ce  fut  ce  soir-là  que  Louis  X'VI  enfant  entendit  prononcer 
pour  la  première  fois  le  nom  de  celle  qui  devait  partager  son  trô- 
ne et  son  martyre. 

.•;;  Tant  il  est  vrai  que,  dans  l'histoire  comme  en  la  saison  d'été, 
uneifraîche  et  paisible  auroi-e  commence  souvent  un  jour  qui  doit 
finir^dans  la  tempête  et  d'horribles  ténèbres  ! 


LE  CIEL 


Par  le  R.  P.  DB.EXÊUUS,  de  la  cie  de  jésds 

OUVRAGE  ASCÉTIQUE    POUVANT    SERVIR    DE   LECTURE   DANS   LES 

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TRAnriT  PAR  THgr  BEL<£T 

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TABliE.  —  LIVRE  L  —  CHAPriBB  1er.  latroductioa.  —  H.  Maximes  propres  à  mieux  faire 
comprendre  la  béatitude.  — ILI  et  IV  Muximës  à  l'usage  de  l'&mo  aspirant  au  ciel.  —  V.  La 
pensée  du  ciel  est  un  remède  h  tous  les  maux.  VI.  Il  faut  chaque  jour  renouveler  la  pensée  du 
ciel. — VII.  Comment  il  faut  ohaciue  jour  réveiller  en  noua  cette  pensée. — VIII.  Du  nom  de 
Demeure  que  l'Écriture  donne  iw  ciel. — IX.  A  quel  prix  il  faut  se  procurer  le  ciel, — ^X.  Pourquoi 
nos  désirs  du  ciel  sont  si  l»nguisBants  ;  motifs  de  combattre  cette  langueur. 

lilVHE  II.  —  Chap.  I.  Première  joie  des  bienheureux  dans  la  ciel  :   Volupté  de  la  vue  —  II. 

Volupté  de  la  langue  et  du  goût.  — III.  Joie  de  IJodorat.  — IV.  Volupté  du  tact.  —  V.  Volupté  de 

l'oaïe. VI.  Joies  des  quatre  propriétés  dos  corps  glorieux. VIL    Joie  de  l'Intelligence,  de 

la  volonté  et  de  la  mémoire. — VIII.  Joie  provenant  du  lieu  delà  béatitude. — ^IX.  Joie  de  la 
société  céleste.  X.  Joie  provenant  do  l'afauonco  de  toutes  les  délices. — XI.  Volupté  qui  résulte 
de  l'aocompUssemeut  de  tous  nos  désirs.  — XII  Joie  provenant  de  l'assurance  de  jouir  éternelle- 
ment du  bonheur.  — XUI.  Joie  des  auréoléB.  —  XIV.  Joie  résultant  de  la  vision  de  Dten.  — XV 
La  vision  de  Dieu  est  le  plut  grand  de  tous  les  biens.  — XVI.  Dernière  explication  de  la  visioti 
de  Dieu.  —  Ce  que  nous  verrons  en  Dieu.  — XVII.  Eternité  des  joies.  —  Conclusion. 


LE  PROPAGATEUR  333 

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Gomme  son  dîné,  le  Livre  d'or  des  âmes  pieuses,  ce  nouveau  livre  de  M.  l'abbé 
Desbos  va  obienir  les  sulfrages  que  lui  souhaitent  nos  pieux  et  doctes  évèques. 
Ce  précieux  manuel  de  piété  et  de  science  religieuse'  n'esi-il  pas,  en  elTet,  le  com- 
plément indispensable  du  premier  ?  Les  âmes  d'élites  qui  désirent  toujours  s'ins- 
truire et  se  perfectionner  dans  la  science  du  salut  seront  charmées  d'y  trouver, 
sous  une  forme  agréable  de  méditations  et  de  sermons,  la  suave  et  forte  doctrine 
des  chefs-d'œuvre  qu'elles  aiment  tant  à  lire,  mais  qu'elles  ne  peuvent  pas  faci- 
lement se  procurer. 

Si  tous  les  prêtres  comprenaint  l'utilité  de  cet  ouvrage,  comme  un  grand  nom- 
bre  nous  l'ont  déjà  prouvé,  il  deviendrait  bientôt  un  7iouveau  Gofjiné  enire  les 
mains  des  pasteurs  des  iidèles,  Go/fmé  plus  complet  et  plus  approprie  aux  besoins 
des  temps  présents.  La  lettre  suivante,  qui  résume  à  elle  seule  d'une  manière 
parfaite  toutes  celles  que  nous  avons  déjà  reçaes,  en  est  la  preuve  la  plus  évidente 
Que  le  vénéré  signataire,  dont  nou^  ne  pouvons  donner  le  nom  par  discrétion, 
nous  pardonne  de  livrer  ainsi  sa  courle  lettre  à  la  publicité  :  •'  Merci  à  l'auteur 
el  à  l'éditeur  du  QUART  DHEUUE  DU  CHRETIEN.  Le  temps  pascal 
ne  m'a  pas  permis  de  parcourir  assez  ce  beau  livre  pour  en  faire  l'éloge 
mérité.  Mais  ce  que  f  en  ai  vu  7ne  ravit  d'admiralion  cl  dereconnaissunce.  C'est 
un  prodige  de  typographie.  Cet  admirable  volume  (qui  est  un  livre  de  poche)  par- 
faitement imprimé,  contient  largumml  la  matière  de  quatre  volumes. — Quant  au 
fond,  un  strmon  choisi  pour  chaque  dimanche  et  fêle  de  l'année  avec  l'o/fice  du 
jour,  etc.  C'est  une  bibliothèque  chrétienne  el  morne  ecclésiastique.  Donc,  je 
voudrais  voir  ce  bel  ouvrage  aux  mains  de  tous  mes  confrères  el  de  tous  les  bons 
chrétiens.  Aussi  je  viens  déjà  de  le  recommander  autour  de  moi. 

"  Agréez,  etc.,  B ,chan.,  curé-doyen  du  Gd  F.  (Ile-et-Vilaine)." 


LE  PROPA&ATEUR 


335 


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Par  L.  BRANCHEREAU,  supérieure  du  grand  séminaire  d  Orléans 

Elles  ont  pour  objei  :  1»  Les  Vérités  fondamentales  ;   '2°  les  Vertus;  3° les 

Exercices  de  piété  :  4°  l'Année  liturgique  ;  5»  les  Mystèrs  de  la 

Sainte  Vierge  ,  t)»  les  Saints  ;  1"  l'Etat  ecclésiastique. — '^èms.  édition 

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TABLE  DES  MATIÈRES 

LrvKE  PEBMTER  :  Les  appels  de  Dieu.  —  La 
vocation.  —  La  cléricature. — Des  ordres  mi- 
neurs». —  Du  sousdiaconat. — Du  diaconat. — Du 
sacerdoce.  —  La  couronne  .sacerdotale.  —  Du 
pouvoir  de  célébrer  le  saint  sacrifice. — La 
messe  sacrilège.  —  Du  pouvoir  de  remettre  les 
péchés.  —  Du  confesseur.  —  Du  directeur.  — 
De  la  fin  du  prêtre. 

LrvEE  DEUXIÈME  :  De  la  sainteté.  —  Du  bon 
exemple.  —  Du  péché  mortel.  —  Du  péché 
véniel. — De  la  science. — Des  dangers  de 
l'oisiveté  pour  le  prêtre.  —  De  l'emploi  du 
temps.  —  Du  zèle  des  âmes.  — De  l'état  de  tié- 
deur. —  Devoir  d'annoncer  la  parole  de  Dieu. 
—  Du  devoir  d'administrer  les  sacrements. — 
Devoirs  du  prêtre  par  rapport  au  sacrement  de 


pénitence. — Devoirs  par  rapport  à  l'Eucharistie 

—  Devoirs  par  rapport  au  sacrement  de  l'Ex- 
trême-onction. — ^^  Devoirs   envers  les  pauvres. 

—  Devoirs  envers  les  entants. 

LrvKE  THOisiÈME.  —  De  la  chasteté.  ^  De 
l'humilité.  —  De  la  bonté.  — De  la  charité  eu- 
vers  le  prochain.  —  De  la  charité  l'ratemelle. 

—  Quelques  défauts  opposés  à  la  charité De 

la  mortilicatiou. — De   la  passion  dominante. 

—  De  la  vie  cachée.  —  Une  chambre. 

LivEE  yrATRiÈsiE.  —  D'un  règlement  dévie. 

—  De  l'oraison. —  De  la  sainte  messe. — De 
l'Office  divin.  —  De  la  lecture  spirituelle.  — De 
la  visite  au  Saint  Sacrement.  —  Du  chapelet. — 
De  l'examen  de  conscience. — De  la  confession 
du  prêtre. — Des  retraites. 

Appendice. — Méditations  sur  les  grandes 
vérités  de  la  religion. 


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LE    PROPAGATEUR 


Volume   IV,  1er  Août,  1893,  Numéro  11 


BULLETIN 


24  juillet  1893. 

*/  Mgr  Antoine  Racine,  évêque  de  Sherbrooke,  est  mort  le  17 
juillet  courant  après  une  maladie  de  quelques  jours.  Jusqu'au  der- 
nier moment  il  a  rempli  avec  zèle  les  devoirs  de  sa  charge  pasto- 
rale. 

Celte  mort  est  une  lourde  perte  pour  le  diocèse  qu'il  a  si  bien 
administré,  c'est  aussi  une  grande  perte  pour  l'église  du  Canada 
dont  il  était  l'un  des  plus  dignes  pasteurs. 

Patriote  ardent,  Mgr  Racine  a  été  un  apôtre  dévoué  de  la  colo- 
nisation. On  lui  doit  en  partie  l'établissement  d'un  grand  nombre 
des  nôtres  dans  les  Cantons  de  l'est.  Il  a  combattu  avec  ardeur  et 
énergie  l'émigralion  qui  cause  à  notre  province  des  maux  incal- 
culables  et  la  prive  des  services  d'un  nombre  énorme  de  dignes 
citoyens, 

Mgr  Racine  était  âgé  de  71  ans  et  quelques  mois.  Il  est  né  à  St- 
Ambroise  de  la  Jeune  Loretta  le  22  janvier  1822.  Il  a  fait  ses  études 
classiques  et  théologiques  au  séminaire  de  Québec,  et  il  a  été  or- 
donné prêtre  le  12  septembre  1844.  Il  a  été  successivement  vicaire 
à  la  Maibaie  et  curé  de  Stanfold,  de  St  Joseph  de  la  Beauce  et  de 
l'église  Si  Jean  Baptiste  à  Québec.  Lors  de  la  création  du  diocèse  de 
Sherbrooke  il*  fut  choisi  comme  son  premier  évêque  et  il  fut  sacré 
le  18  octobre  1874. 

Mgr  Antoine  Racine  était  le  frère  du  premier  évêque  de  Chi- 
coutimi,  Mgr  Dominique  Racine,  décédé  il  va  quelques  années. 

* 

*.*  Le  gouverneur  général,  lord  Derby,  a  définitivement  laissé 
le  Canada.  Il  est  parti  de  Québec,  la  semaine  dernière,  par  le 
paquebot  Sardinian  de  la  ligne  Allan.  Son  remplaçant,  lord 
Aberdeen,  ne  viendra  iciqu't  n  septembre.  En  attendant  son  arrivée, 
le  commandant  des  forces,  le  lieutenant  générai  Montgomery- 
Moore,  agira  en  qualité  d'administrateur.  Il  a  prêté  serment  comme 
tel. 

Lord  Derby  appartient  au  parti  conservateur  anglais  dont  le 
chef  actuel  est  lord  Salisbury,  ex-preraier  ministre.  Lord  Aberdeen 
est  un  libéral  home  ruler  et  M.  Gladstone  est  son  chef  et  son  ami 
particulier. 

21 


338  LE  PROPAGATEUR 


Lord  Derby  était  estimé  et  respecté.  11  a  rempli  ses  fonctions 
avec  dignité  et  impartialité.  Il  en  sera  de  même  de  lord  Aberdeen 
si  on  en  juge  par  ses  antécédents.  Lorsqu'il  était  vice-roi  d'Irlande 
sa  popularité  était  immense  et  les  Irlandais  le  regrettent  encore. 

* 

*/  Enfin,  grâce  au  vote  polonais,  l'empereur  Guillaume  l'a 
emporté.  Le  projet  de  loi  consacrant  l'augmentation  de  l'armée  est 
devenu  loi.  Une  majorité  de  16,  l'a  décidé  ainsi  (1).  Cette  majorité 
s'est  prononcée  en  faveur  d'une  mesure  qui  fera  peser  de  bien 
lourdes  charges  sur  la  nation  allemande  déjà  si  criblée  de  taxes  et 
si  appauvrie  malgré  les  milliards  arrachés  à  la  France.  Le  règne 
du  militarisme  va  continuer  et -la  paix  de  l'Europe  est  menacée. 

Dans  celte  circonstance  solennelle  le  centre  a  suivi  son  ancienne 
politique  et  il  a  voté  en  masse  contre  le  gouvernement. 

Voici  la  division  qui  a  eu  lieu  lors  de  la  seconde  lecture  du  bill. 
La  majorité  du  gouvernement  a  été  alors  de  11  voix. 

Pour  le  bill  : 

Polonais 18 

Radicaux  unionistes 13 

Anti-sémites 10 

Libéraux-nationaux 52 

Conservateurs-libres 27 

Conservateurs 68 

Cléricaux 2 

Indépendants « 

Total  198 

Contre  le  bill  : 

Cléricaux 91 

Démocrates  socialistes 43 

Alsaciens 8 

Radicaux  Richtéristes 22 

Démocrates  allemands  du  sud 10 

Guelfes 4 

Indépendant»' 9 

,     Total  187 

Aveuglés  par  leur  haine  contre  la  Russie  (2)  et  oublieux  de  ce 
qu'ils  doivent  à  la  France,  les  Polonais  ont  voté  comme  un  seul 
homme  pour  ce  bill  néfaste  qui,  personne  n'en  doute,  est  dirigé 
contre  ces  deux  puissances. 

(1)  Les  dépêches  de  Berlin  se  contrediseat.  Suivant  quelques  uns  la  mojorilé 
est  de  16  voix  et,  suivant  les  autres,  elle  n'esl  que  de  10. 

(2)  Dans  le  dernier  Reichstag,  à  la  séance  du  6  mai  1893,  les  députés  Polonais 
avait  déjà  déclaré  qu'ils  voleraient  le  bill  en  haine  delà  Russie. 


LE  PROPAGATEUR  339 

*,*  Depuis  quelques  semaines  on  a  célébré  dans  la  province 
plusieurs  cinquantenaires  et  autres  anniversaires  remarquables, 
je  citerai  notamment. 

1o  A  Québec,  le  16  mai,  les  noces  d'or  sacerdotales  de  Mgr 
Cyprien  Tanguay,  l'auteur  du  Dictionnaire  généalogique  des 
familles  canadiennes.  Cette  œuvre  de  bénédictin  n'est  pas  encore 
terminée. 

Mgr  Tanguay  est  âgé  de  74  ans.  Deux  de  ses  confrères  déclasse 
ont  servi  la  messe  du  cinquantenaire.  G-3  sont  M.  Laçasse,  profes- 
seur à  l'école  normale  Laval,  et  M.  Fournier,  ancien  employé  de 
la  corporation  de  Québec. 

2o  A  Québac,  le  cinquantenaire  de  professoral  de  messieurs 
François-Xavier  Toussaint  et  Napoléon  Laçasse,  professeurs  à 
Fécole  norm^Ue  Laval.  Ces  vétérans  de  l'enseignement  out  été 
l'objet  de  démonstrations  très  sympathiques. 

3o  Le  deuxième  centenaire  de  la  fondation  de  l'Hôpital  Général 
de  Québec.  Ce  deux  centième  anniversaire  a  été  célébré  par  un 
triduura  solennel  les  16,  17  et  IS  mai. 

L'Hopital-Général  a  été  fondé  par  monseigneur  de  S--Valier, 
deuxième  évêque  de  Qiébec,  avec  .e  concours  des  sœjrs  hospita- 
lières de  i'Hôtel-Dieu  de  Qiiébic.  Les  premières  religieuses  qui 
quittèrent  l'HôLel-Dieu  pjur  la  nouvelle  institation  furent  les 
religieuses  de  chœur  Louise  Soumande,  M.  Mirguerite  Biurdon, 
et  Geneviève  Gosselin,  et  la  sœur  converse  Migdeleine  Bacon. 
La  communauté  fut  installée  dans  le  couvent  de  Notre-Dame  des 
Anges.  {\) 

Les  Récollets  avaient  vendu  ce  couvent  à  Mgr  de  St  Valier, 

L'Hôpital  Général  prend  soin  des  vieillards  infirmes. 

4o  A  Montréal,  le  cinquantenaire  de  la  fondation  de  la  commu- 
nauté des  sœurs  de  La  Providence.  A  l'occasion  de  ce  cinquante- 
naire il  y  a  eu,  les  5,  6  et  7  juin,  un  triduum  dans  la  nouvelle 
maison-mère  de  la  rue  Ste  Catherine,  paroisse  de  St  Vincent  de 
Paul  de  Montréal. 

Mgr  l'archevêque  de  Montréal,  trois  évêques,  les  supérieurs  de 
plusieurs  établissements  religieux  et  un  grani  nombre  de  prêtres 
et  de  laïques  ont  assisté  à  ce  triduum. 

La  communauté  des  sœurs  de  la  Providence  a  été  fondée  par 
madame  veuve  Jean-Ble  Gamelin,  née  Emélie  Tavernier.  Elle  a 
été  érigée  canoniquement  par  Mgr  Bourget  en  184i.  Elle  comp- 
tait alors  les  sept  religieuses  suivantes,  Emélie  Taveruie;',  supé- 
rieure, Agathe  Seney,  Justine  Michon,  Madeleine  Durand,  Mar- 
guerite Thibodeau,  Victoire  Larocque  et  Emélie  Garon. 

L'humble  ordre  fondé  par  la  mère  Gamelin  est  devenu  une 
florissante  communauté.  Elle  possède  l'Hospice  St  Jean  de  Dieu, 
à  la  Longue  Pointe,  le  splendide  éiablisgeraent  des  sourdes-muettes, 

(l)  Jusqu'au  1701  lacomaïuQautéfatsoas  ladèpenlanjedel'flôlel-Diea.  C'est 
alors  que  la  séparation  devint  définitive. 


340  LE  PROPAGATEUR 


sur  la  rue  St  Denis,  et  un  grand  nombre  de  missions  dontciuelques 
unes  au  Chili  et  aux  Etats-Unis. 

Les  sœurs  de  la  Providence  s'occupent  de  toutes  sortes  d'œuvres 
de  charité  et  même  d'enseignement. 

5o  Le  soixantième  anniversaire  de  la  fondation  du  collège  de 
l'AsPoraption,  et  les  noces  d'or  sacerdotales  de  son  supérieur,  M. 
l'abbé  F.  Dorval. 

M.  Dorval  est  supérieur  du  collège  de  l'Assomption  depuis  27 
ans.  (1)  Il  est  aussi  curé  de  la  paroisse  du  même  nom.  11  est  né 
dans  cette  paroisse  et  il  a  été  l'un  des  premiers  élèves  du  collège. 
Il  est  aussi  le  premier  prêtre  qui  y  ait  reçu  l'ordination.  Le  collège 
de  l'Assomption  a  été  fondé  par  un  ancien  curé  de  la  paioisse,  M. 
l'abbé  François  Labelle,  et  par  deux  laïques,  le  docteur  Jean 
Baptiste  Meilleur,  le  premier  surintendant  de  l'éducation  dans  la 
province  de  Québec,  et  le  docteur  Charles  Cazeneuve.  ha.  Semaine 
Religieuse  de  Montréal,  rédigée  par  M.  le  chanoine  Alfred  Archam- 
beault,  un  enfant  de  l'Assomption  et  un  ancien  élève  de  son 
collège,  dit  que  :  la  part  revenant  à  chacun  des  fonclatfurs  dans  cette 
création  peut  être  résumée  en  qudques  mots.  M.  le  docteur  Meilleur 
apporta  ridée.  M.  le  curé  Labelle^  les  moyens,  M.  le  docteur  Cazeneuve 
les  conseils.  De  cette  association  de  dévouement  est  sorti  le  collège  de 
V  Assomption. 

Les  fêtes  du  soixantième  anniversaire  ont  duré  trois  jours,  les 
13,  14  et  15  juin.  Elles  ont  été  très  belles  et  pins  de  800  anciens 
élèves  y  ont  pris  part.  Mgr  l'aichevêque  de  Montréal  était  présent 
et  il  a  nommé  M.  l'abbé  Dorval  chanoine  honoraire. 

Dans  les  diverses  réunions  qui  eurent  lieu  pendant  ces  fêtes, 
bien  des  discours  ont  été  prononcés,  et  les  orateurs  ont  été  unani- 
mes à  se  prononcer  en  faveur  des  fortes  éludes  classiques  qui,  dit 
l'un  d'eux  (2),  forment  les  caractères  et  font  les  hommes. 

Alby. 

(1)  11  vifnl  (1h  doiinor  sa  démission. 

(2)  M.  Laurier,  le.  chef  de  l'opposition  libérale  au  P.irlemenl  d'Oitawa. 


Denxiâme  partie  de  I^E  COMBAT  DE  L.A  FOI,  de  la  page  346 

LA  FOI  ET  SES  VICTOIRES 

TOME    PREMIER 

LE    COMTE    SCHÛUWALOFF — DONOSO    CORTÈS    LE    GÉNÉRAL    DE    LA    MORIGIÈRE 
TOME    DEUXIÈME 

JOSEPH  DROZ  —  FRÉDÉRIC  BASTIAT  ALEXIS  DE  TOCQUEVILLE  —  FRÉDÉRIC  LE  PLAY 

2  vol.  3e  édition.  In-12 ■ Prix  :  $1.88 

Ceux  qui  ont  lu  du  Doute  et  ses  victimes  demandaient  comme  complément,  le 
tableau  des  âmes  illustres  revenues  à  la  foi.  L'auteur,  après  en  avoir  fait  d'abord 
le  sujet  de  conférences  apologétiques,  les  donne  au  public  sous  celte  forme  ora- 
toire, qui  est  celle  de  l'éloquence  au  service  de  l'histoire,  de  la  philosophie  et  de 
la  religion. 

Trois  hommes  remplissent  le  premier  volume  ;  ce  sont  trois  études  1res  com- 
plètes prises  au  cœur  même  de  notre  temps  sur  lequel  elles  jettent  une  vive  clarté. 

Dans  le  second  volume,  l'auteur  a  chosi  quatre  maîtres  distingués  de  la  science 
sociale,  dont  la  conclusion  pratique  de  leurs  travaux  ne  porte  pas  uniquement 
sur  leur  propre  personne,  mais  sur  la  société  tout  entière. 


ORIGINE  DE  L'EGLISE 


li  1  i  l-S.  J 


Par  l.'ABB£  C.  FOU  AU» 

SEPTIÈME     ÉDITION,    REVUE    ET    CORRIGÉE 

2  vol.  in-12 Prix:  $2.00 

I< 'article  qal   sait   est  extrait  de  ce  livre. 


Cette  vie  de  Jésus  est  un  acte  de  M.  Notre  dessein  n'est  pas  d'y 
poursuivre  la  controverse  qui  depuis  le  commencement  du  siècle 
partage  les  esprits  ;  nous  ne  voulons  que  faire  mieux  connaître  et 
aimer  le  Sauveur.  L'heure  est  propice  ;  car  les  Évangiles,  contre- 
dits sur  mille  points,  ont  triomphé  de  la  critique.  L'attaque,  comme 
la  défense,  paraît  épuisée.  Que  reste  t-il,  sinon  d'user  des  témoi- 
gnages inspirés,  d'en  tirer  le  récit  des  actes  de  Jésus,  et  par  là  de 
montrer  que  celui  dont  on  annonçait  la  mort  est  vivant  et  la  vie 
même  ?  A  la  vérité,  nombre  d'auteurs  ayant  déjà  suivi  celte  voie, 
refaire  après  eux  une  Vie  du  Sauveur  peut  sembler  superflu, 
Notre  excuse  est  dans  la  sublimité  du  sujet,  qu'aucune  étude  n'em- 
brassera entièrement,  car  la  divinité  du  Christ  est  l'objet  d'éter- 
nelles contemplations,  et,  à  chaque  âge,  son  humanité  paraissant 
sous  une  nouvelle  face  veut  une  différente  peinture.  De  là  les 
histoires  qui,  tour  à  tour,  ont  tracé  son  image,  et  dont  il  suffira  de 
rappeler  le  propre  caractère  pour  faire  entendre  ce  qu'elles  laissent 
à  acconaplir. 

Les  Évangiles,  exposés  par  les  pasteurs,  suffirent  à  la  foi  des 
premiers  chrétieùs.  Les  jours  mortels  du  Seigneur,  les  lieux  et  les 
temps  de  ses  prodiges  étaient  encore  trop  vivants  dans  les  esprits 
pour  qu'on  en  ramenât  le  souvenir.  C'est  en  mourantpour  lui  que 
ces  générations  héroïques  annonçaient  Jésus.  Toutefois  l'erreur 
s'efforçait  déjà  de  défigurer  le  divin  Maître,  et  les  évangiles  apo- 
cryphes montrent  jusqu'où  elle  avait  dessein  de  le  ravaler.  Pour 
dissiper  ces  rêveries,  il  n'y  avait  qu'à  leur  opposer  les  témoins  des 
actes  du  Christ.  C'est  à  quoi  se  réduisirent  Tatien  de  Syrie  au 
deuxième  siècle,  Ammonius  au  troisième,  Eusèbe  de  Césarée  au 
quatrième.  Disposant  dans  l'ordre  des  temps  les  récits  évangéli- 
ques,  ils  en  firent  une  harmonie. 

Quelques  Pères  suivirent  cet  exemple,  mais  la  plupart  d'entre 
eux  s'appliquèrent  plutôt  à  interpréter  la  doctrine  du  Sauveur,  et 
ce  fut  seulement  au  moyen  âge  qu'on  commença  à  composer  des 
Vies  de  Jésus.  Môme  en  ce  temps-là  les  historiens  méditent  plus 
qu'ils  ne  racontent  ;  qu'on  lise  là  Chaîne  d'or  de  saint  Thomas, 
les  pieuses  Élévations  attribuées  au  docteur  Séraphique,  les  pages 
austères  de  Ludolphe  de  Charlreux  ;  il  semble  que  ces  hommes, 
pour  qui  le  corps  n'est  plus  rien,  n'aperçoivent  le  Seigneur  que 
dans  la  lumière  du  Thabor.    Giotto  a  peint  sur  les  murailles  d'As- 


342  LE   PROPAGATEUR 


sise  ce  Christ  transfiguré,  et  nous  l'y  voyons  tel  que  le  moyen 
âge  l'adorait,  laissant  percer  à  travers  ses  membres  les  rayons  de 
la  divinité,  la  tête  couronnée  de  gloire  sous  les  fouets  des  bour- 
reaux comme  dans  le  triomphe  de  la  Bésurrection.  C'est  là  l'image 
qui  convenait  aux  siècles  de  foi  et  de  charité,  plus  occupés  d'imiter 
ce  modèle  que  de  le  mettre  dans  tout  son  jour. 

Dans  les  âges  suivants,  la  Vie  de  Jésus  prit  une  forme  plus  doc- 
trinale. Jansénius  de  Gand,  Salméron,  Tillemont,  Calmet,  enri- 
chirent leurs  commentaires  de  trésors  d'érudition  ;  malheureuse- 
ment ils  n'ont  pas  fondu  leurs  recherches  dans  un  récit  qui  rendît 
au  naturel  la  vie  du  Sauveur.  Le  P.  de  Ligny  mit  à  profit  les 
travaux  de  ses  devanciers  ;  comme  eux  toutefois,  négligeant  les 
règles  de  l'art,  il  se  contenta  de  disposer  par  ordre  chronologique 
les  textes  de  l'Évangile,  et  d'y  insérer  les  gloses  nécessaires  pour 
rattacher  les  citations.  Même  après  lui,  il  reste  à  écrire  une  his- 
toire de  Jésus-Christ 

Mais  tandis  que  ces  interprètes  ramassaient  dans  leurs  ouvrages 
la  tradition  de  dix-huit  siècles,  la  Réforme,  après  avoir  renversé 
en  Allemagne  la  foi  de  nos  pères,  commençait  à  ébranler  son 
propre  fondement.  Les  livres  saints,  longtemps  respectés,  se  virent 
à  leur  tour  assaillis  par  l'erreur  ;  aulnenticité,  véracité,  inspiration, 
tout  fut  mis  en  doute.  Strauss  en  vint  à  faire  de  Jésus  un  person- 
nage fabuleux,  Baur  à  regarder  l'Évangile  comme  une  légende 
reposant  sur  un  fond  historique,  mais  imaginaire  dans  ses  prodi- 
ges. Une  entreprise  si  hasardée  sur  d'antiques  croyances  n'était 
pas  pour  séduire  le  génie  français,  amoureux  de  la  clarté  ;  il 
fallut  l'art  et  l'imagination  de  M.  Renan  pour  donner  quelque 
lustre  à  ces  inventions. 

Le  succès  ne  dura  guère.  L'Angleterre,  toujours  grave  dans  sa 
science,  traitait  de  roman  l'oeuvre  qui  nous  étonnait.  L'Allemagne 
souriait  de  nous  voir  prer.dre  pour  le  dernier  mot  de  l'exégèse 
des  théories  léfulées  chez  elle.  Aujourd'hui  que  resle-t-il  de  ce 
scandale  ?  Nulle  docliine,  nulle  école  nouvelle  ;  un  nom  de  plus 
à  joindre  aux  Celse,  aux  Marcion,  à  tous  ceux  qui  depuis  dix-huit 
siècles  attaquent  la  divinité  de  Jésus.  Comme  tant  d'autres,  ce 
dernier  assaut  a  été  vain  et  la  fiction  s'est  évanouie,  mais  pour 
faire  place  à  des  théories  plus  redoutables  parce  qu'elles  sont  plus- 
spécieuses. 

Dédaignant  la  tradition  qui  les  eût  éclairés,  des  interprètes  té- 
méraires ont  voulu  reconnaître  dans  les  Évangiles  des  enseigne- 
ments apostoliques  grossis  de  nouveaux  textes  au  cours  des  années, 
A  leur  sens,  ces  livres  saints  ne  sont  donc  pas  une  histoire  faite 
d'original,  mais  une  compilation  successive  de  récits  ;  et  rien  de 
plus  ingénieux,  mais  aussi  de  plus  arbitraire  que  les  hypothèses 
variées  à  l'infini  pour  discerner  les  premiers  linéaments  de  l'ou- 
vrage que  nous  avons  entre  les  mains.  On  voit  où  visent  ces 
novateurs  :  refusant  aux  Évangiles  une  date  assurée,  ils  en  ruinent 
par  là  l'autorité  ;  car  quelle  créance  accorder  à  des  mémoires  con- 
fus sortis  de  mille  mains  et  dans  les  temps  les  plus  divers  ?  Ce 
point  accordé,  c'en  était  fait  de  toute  certitude  sur  la  vie  de  Jésus.. 


LE  PROPAGATEUR  343 


Aussi,  tout  ce  qui  portait  un  cœur  chrétien  s'est-il  levé  pour  dé- 
fendre la  parole  sainte.  Des  prodiges  d'érudition  ont  été  accomplis, 
et  l'Église  protestante,  d'où  le  mal  est  parti,  n'a  pas  été  la  dernière 
à  la  conjnrer.  Au  nom  du  libre  examen  lui-même,  la  vérité  de 
meure  du  côté  de  la  tradition,  nos  Évangiles  sont  bien  l'œuvre 
de  ceux  qui  ont  vu  le  Maître  ou  entendu  ses  apôtres.  Écrits  au 
souffle  de  Dieu,  indépendants  l'un  de  l'autre,  ils  présentent  un 
éclat  de  vérité  que  rien  ne  p^ut  obscurcir. 

On  nous  pardonnera  de  ne  point  reproduire  ici  les  preuves  qui 
mettent  hors  de  doute  l'authenticité  et  la  véracité  de  ces  témoig- 
nages :  un  volume  ti'y  suffirait  pas.  Le  plus  sage  est  de  renvoyer 
aux  apologistes,  qui  les  ont  victorieusement  défendus,  et  de  pour- 
suivre le  dessein  que  nous  avons  indiqué  plus  haut  :  tirer  de 
l'Évangile  une  histoire  de  Jésus  et  rapprocher  les  quatre  témoins 
sacrés,  afin  de  montrer  comment  leurs  récits,  divers  de  forme, 
d'intention,  d'origine,  s'expliquent  et  se  confirment.  Pour  atteindre 
ce  but,  voici  quels  guides  nous  suivrons  : 

Le  premier  et  le  plus  sûr  de  tous  est  l'Évangile.  Nous  le  pos- 
sédons dans  la  langue  même  qu'employèrent  les  historiens  sacrés, 
et  il  faut  le  lire  sous  cette  forme  originale  pour  en  sentir  tout  le 
charme  ;  mais  il  convient  aussi  de  ne  pas  négliger  les  versions  qui 
ont  été  composées  dès  les  premiers  jours,  car  en  même  temps 
qu'elles  éclairent  le  sens  du  texte,  elles  permettent  de  décider  entre 
les  variantes.  Nul  ignore,  en  effet,  qu'il  ne  reste  plus  de  manuscrits 
grecs  des  trois  premiers  siècles,  et  qu'ainsi  les  plus  anciens  exem- 
plaires ne  sont  que  des  copies  faites  trois  cents  ans  après  le  temps 
où  vivaient  les  évangelistes.  Durant  cette  longue  transmission, 
les  leçons  diverses  se  sont  multipliées  ;  or,  pour  assurer  la  vraie, 
aucune  autorité  ne  vaut  les  traductions  écrites  par  les  disciples 
des  apôires,  car  elles  reflètent  les  Évangiles  grecs  tels  qu'ils  étaient 
à  l'origine  de  l'Église. 

Sur  cette  question  il  importe  également  de  consulter  les  pre- 
miers Pères,  leur  prédication  n'étant  qu'un  commentaire  de  la 
Bonne  Nouvelle,  reproduit  l'Évangile  presqa'en  entier,  et  par 
suite,  nous  retrouvons,  dans  leurs  homélies,  autant  de  tex'es  an- 
térieurs à  ceux  que  nous  possédons.  Mais  c'est  principalement 
pour  l'explication  de  la  parole  sainte  qu'ils  demeureront  toujours 
nos  maîtres.  Nulle  recherche,  nulle  science,  si  profonde  soit-elle, 
ne  nous  rendra  ce  qu'ils  avaient  alors  :  le  monde  tel  que  Jésus 
l'avait  connu,  le  même  aspect  des  lieux  et  des  choses,  et  surtout 
l'entretien  des  fidèles  qui,  ayant  vécu  près  des  apôtres,  pouvaient 
rapporter  leurs  instructions.  Ces  circonstances  réunies  donnent 
à  l'autorité  des  Pères  un  tel  éclat,  que  les  théologiens  protestants 
eux-mêmes  en  ont  été  frappés.  Ils  l'avouent  :  "  S'écarter  d'un 
sentiment  commun  parmi  eux,  c'est  une  folie  et  une  absurdité, 
c'est  lutter  contre  l'élan  invincible  d'un  torrent.  "  Nous  employons 
à  dessein  les  expressions  de  Waterland  et  de  Bull  :  dictées  pa"r  le 
libre  examen,  elles  ne  sont  pas  moins  rigoureuses  que  les  règles 
du  concile  de  Trente. 

Nous  veillerons  donc  à  suivre  exactement  la  tradition  en  inter- 


344  LE  PROPAGATEUR 


prêtant  les  paroles  du  Sauveur,  qui  sont  le  fondement  inébranlable 
du  dogme  chrétien.  Nulle  place  ici  pour  les  nouveautés,  car  la 
vérité  est  immuable.  Mais  il  ne  sufflt^pas,  dans  une  Vie  du  Christ, 
d'exposer  la  doctrine  évangélique  ;  il  faut  décrire  les  lieux  où 
s'écoulèrent  les  jours  du  Sauveur,  demander  à  l'histoire  contem- 
poraine quelles  pensées  occupaient  les  esprits,  quels  hommes  en- 
touraient Jésus.  Sur  tous  ces  points  les  Évangiles  sont  sobres  de 
détails  ;  éciits  pour  des  lecteurs  qui  avaient  sous  les  yeux  la  vie 
de  l'Orient,  ils  font  constamment  allusion  à  des  coutumes  diffé- 
rentes des  nôtres,  et  supposent  familières  des  moeurs  auxquelles 
nous  sommes  plus  ou  moins  étrangers.  C'est  ce  monde  évanoui 
qu'il  convient  de  ranimer,  pour  que  l'Évangile  soit  compris  comme 
il  le  fut  au  temps  de  son  appaTition. 

Or  il  semble  que  tout  soit  mûr  pour  cette  restauration  du  passé* 
Jamais  l'Orient  ne  fut  mieux  connu  ;  les  paraphrases  araméennes, 
les  traditions  contenues  dans  le  Talmud  et  les  écrivains  juifs  ont 
été  longuement  étudiées  ;  l'Egypte  et  l'Assyrie,  qui  laissèrent  en 
Judée  de  si  profonds  vestiges,  révèlent  enfin  le  secret  de  leurs 
institutions  ;  en  un  mot,  la  science  des  antiquités  hébraïques  est 
devenue  aussi  complète  et  aussi  lumineuse  que  l'archéologie  de 
la  G-rèce  et  de  Rome.  En  même  temps,  de  savants  travaux  de 
chronologie,  appuyés  sur  les  calculs  astronomiques,  fixent  les 
dates,  les  mois  et  les  jours.  Qui  ne  voit  les  facilités  que  procurent 
de  si  vastes  études  ?  Nous  ne  pouvons  donner  ici  le  long  détail 
des  auteurs  auxquels  nous  sommes  redevable.  Une  liste  de  ceux 
que  nous  avons  étudiés  se  trouve  en  tête  de  ce  volume  et  montre 
que  nous  avons  beaucoup  emprunté  à  l'Allemagne  et  à  l'Angle- 
terre. Toutefois,  quelle  que  fût  notre  estime  pour  nos  devanciers, 
nous  avons  été  fidèles  à  remonter  aux  sources  et  à  ne  rien  accepter 
que  sur  de  graves  témoignages. 

Un  précieux  avantage  est  venu  se  joindre  à  tant  d'autres  et  nous 
à  permis  de  faire  mieux  connaître  les  lieux  où  vécut  le  Sauveur. 
Entourés  d'amis  qui  nous  prêtaient  un  concours  aussi  intelligent 
qu'afî'ectueux,  nous  avons  parcouru  la  terre  sainte  "  de  Dan  à 
Bersabée,  "  de  Gaza  à  Tyr  et  au  Liban,  suivant  le  Maître  pas  à 
pas,  aux  collines  témoins  d^j  sa  naissance,  dans  le  pays  de  mort 
où  il  fut  tenté,  sur  les  rives  du  lac  qu'il  aima.  Partant  nous  avons 
retrouvé  le  monde  vu  par  Jésus  :  les  cités,  les  portes  se  fermant 
dès  que  l'unique  flambeau  s'allume  pour  éclairer  la  maison  ;  les 
troupes  de  chiens  parcourant  les  rues  désertes  et  léchant  les  plaies 
du  mendiant  étendu  au  seuil  du  riche  ;  les  noces  avec  leur  pompe, 
la  salle  du  lestin,  les  convives  couchés  sur  la  pourpre  et  le  fin  lin  ; 
les  deuils  bruyants  menés  au  son  de  flûtes  et  des  lamentations  ; 
à  l'entrée  des  villes,  les  aveugles  répétant  une  plainte  monotone, 
les  lépreux  montrant  leur  plaies  avec  des  cris  déchirants  ;  au  dé- 
sert de  Jéricho,  le  sentier  courant  sur  les  collines  sauvages,  et  le 
Bédouin,  aux  yeux  creusés  par  la  faim,  épiant  aujourd'hui  comme 
alors  le  voyageur  qui  tombera  sous  ses  coups.  Ces  scènes  sont 
toutes  dans  l'Évangile  indiquées  d'un  mot,  d'un  Irait  :  vues  à  la 
lumière  de  l'Orient,  elles  recouvrent  leur  premier  éclat. 


LE  PROPAGATEUR  345 


Il  nous  reste  à  dire  quelles  règles  nous  avons  suivies  pour  éta- 
blir l'enchaînement  du  récit.  Saint  Luc  en  donne  l'ordre  pour 
l'enfance  de  Jésus  ;  saint  Jean,  pour  les  débuts  du  ministère,  et  ce 
dernier  va  parfois  jusqu'à  marquer  les  jours  et  les  heures.  Mal- 
heureusement son  témoignage  fait  défaut  pour  toute  la  vie 
publique,  ou  du  moins  ne  fournit  que  des  incidents  choisis  avec 
Je  dessein  manifeste  de  mettre  en  relief  la  divinité  du  Sauveur. 
C'est  dans  les  synoptiques  qu'il  faut  découvrir  la  suite  des  faits. 
Or  nulle  recherche  n'est  plus  délicate  ;  car  les  Évangiles,  comme 
l'indique  leur  nom,  sont  une  Bonne  Nouvelle,  une  prédication,  où 
les  apôtres  s'appliquent  non  à  donner  un  récit  complet  et  des 
dates  précises,  mais  à  montrer  Jésus  tel  qu'ils  l'adorent  :  saint 
Matthieu  comme  le  Messie  Roi,  saint  Marc  comme  le  Fils  de  Dieu, 
saint  Luc  comme  le  Sauveur  du  monde.  Chacun  d'eux,  occupé  de 
l'objet  qu'il  a  en  vue,  ne  raconte  que  ce  qui  revient  plus  particu- 
lièrement à  son  dessein. 

Saint  Matthieu  sacrifie  même  résolument  la  chronologie  pour 
rapprocher  des  prodiges  accomplis  en  diverses  circonstances,  des 
paraboles  que  le  Christ  ne  proposa  sans  doute  pas  au  même  temps. 
Le  but  de  l'Évangéliste,  en  assemblant  les  discours,  les  miracles, 
les  paraboles  du  Sauveur,  est  de  ramasser  ces  rayons  de  lumière 
épars  dans  la  vie  de  Jésus  et  de  les  rendre  ainsi  plus  glorieux. 

Saint  Marc  et  saint  Luc  n'ont  pas  négligé  à  ce  point  la  succes- 
sion des  faits,  ce  dernier  même  marque  en  termes  exprès  qu'il  a 
dessein  de  s'y  conformer.  "  Comme  plusieurs,  dit-il  en  son  prolo- 
gue, ont  entrepris  de  composer  le  récit  des  choses  qui  sont  crues 
parmi  nous,  selon  que  nous  les  ont  transmises  ceux  qui,  dès  le 
commencement,  les  ont  vues  eux-mêmes  et  ont  été  les  ministres 
de  la  parole,  j'ai  eu  moi-même  aussi  la  pensée,  après  avoir  suivi 
exactement  toutes. ces  choses  depuis  leur  origine,  de  vous  les  ra- 
conter par  ordre,  très  excellent  Théophile,  afin  que  vous  recon- 
naissiez la  vérité  de  ce  qui  a  été  enseigné.  "  Ces  paroles  indiquent 
clairement  que  saint  Luc  veut  laisser  à  Théophile  non  seulement 
un  témoignage  authentique  de  la  prédication  des  apôtres,  mais 
une  œuvre  qui  s'accorde  avec  les  règles  de  l'histoire.  Aussi,  pour 
lui  assurer  une  entière  créance,  rappelle-t-il  qu'il  a  étudié  soigneu- 
sement les  faits,  qu'il  les  expose  depuis  l'origine,  avec  exactitude, 
et  dans  l'ordre  où  iU  se  sont  accomplis.  C'est  donc  lui  qui  sera 
notre  guide  pour  disposer  les  événements  racontés  par  les  trois 
synoptiques,  et  nous  le  suivrons  avec  d'autant  plus  de  confiance 
que  son  récit  s'ajuste  ordinairement  avec  celui  de  saint  Marc. 

Nous  savons  trop  quelles  difficultés  présente  cette  discussion 
des  temps  pour  prétendre  imposer  l'arrangement  que  nous  avons 
adopté  dans  la  Vie  du  Seigneur.  L'important  était  de  marquer 
aux  événements  principaux  une  date  certaine,  car,  qu'il  faille 
mettre  quelques  semaines  plus  tôt  ou  plus  tard  tel  miracle,  telle 
parole  du  Maître,  cette  diversité  touche  peu  la  suite  de  son  histoire 
Pour  les  moindres  faits,  dont  l'ordre  demeure  sujet  de  contestation 
nous  avons  dû  nous  réduire  au  parti  le  plus  vraisemblable,  indi- 
quant dans  les  notes  et  l'Appendice  les  raisons  qui  appuient  notre 
sentiment. 


346  LE  PROPAGATEUR 


Quelque  soin  que  des  amis  dévoués  aient  pris  de  corriger  ce 
travail,  plus  d'une  erreur,  sans  doute,  nous  est  échappée,  et  l'oeuvre 
demeure  indigne  du  sujet.  Nous  ne  trouvons  d'assurance  que 
dans  notre  fidélité  à  la  tradition,  dont  la  voix,  plus  éloquente  de 
siècle  en  siècle,  est  sans  rivale  pour  commenter  les  actes  du  Sau- 
veur. Plaise  à  Dieu  qu'en  passant  sur  nos  lèvres,  elle  n'ait  rien 
perdu  de  sa  force  !  Que  sa  vertu  touche  les  cœurs  et  y  ranime  la 
foi  en  Jésus  !  Plus  que  jamais  l'aide  de  ce  Maître  divin  est  néces- 
saire, car  les  dernières  années  du  siècle  deviennent  menaçantes. 
Un  secret  ébranlement  alarme  les  plus  fermes  ;  la  licence  apparaît 
dans  les  esprits,  la  division  dans  la  société  ;  le  Christ  n'est  plus 
là  pour  consoler  les  misérables,- et  ceux-ci,  ployés  sous  le  joug,  le 
secouent  avec  colère  ;  riches  et  puissants  invoquent  un  sauveur. 
De  sauveur,  il  n'y  en  a  d'autre  que  Jésus.  A  lui  est  attaché  ce  que 
le  monde,  ce  que  notre  patrie  garde  encore  d'espérance.  Affaiblie, 
partagée,  pressée  de  toute  part,  elle  se  relèvera  le  jour  où  ses 
enfants  unis  au  Christ  n'aurontqu'un  cœur  et  qu'une  âme.  Puissent 
nos  humbles  efforts  n'être  pas  inutiles  à  une  régénération  que 
tous  les  vœux  appellent  I  C'est  l'unique  fin  de  ce  livre  et  la  seule 
gloire  que  nous  lui  souhaitions. 


Mgr  BAUNARD 

RECTEUR  DES  FACULTÉS  CATHOLIQUES  DE  LILLE 


LE    COMBAT    DE   LA   FOI 

ETUDES  BIOGRAPHIQUES  ET  APOLOGÉTIQUES 


LE  DOUTE  ET  SES  VICTIMES 

DANS  LE  SIECLE  PRESENT 
8e  édition  augmentée.  In-1 Prix:  95  cls 

Mgr  Baunard  en  racontant  les  œuvres,,  la  vie  et  la  morl  des  plus  illustres- 
victimes  du  doute,  ce  mal  de  notre  époque,  s'est  proposé  d'offrir  une  série  de 
récits  intéressants  ou  instructifs  ;  il  a  voulu  que  la  peinture  de  ces  déplorables 
égarements  pût  devenir  un  avertissement  salutaire  pour  ceux  qui  sont  sur  la 
pente  fatale  du  doute.  Il  fait  comparaître  Jouffroy,  Maine  de  Biran,  SanlaRosa, 
Georges  Farcy,  Victor  Cousin,  Scherer,  lord  Byron,  Schiller,  Léopardi,  Alfred 
de  Musset,  Hégésippe  Moreau,  etc.  Ces  vies  intimes,  retracer  avec  une  sincérité 
et  une  émotion  qui  gagnent  le  lecteur,  sont  précédées  d'une  brillante  introduc- 
tion, oîi  sont  exposés  avec  un  rare  talent  d'analyse  la  nature  du  doute,  ses 
causes  et  ses  effets.  Voir  Vautre  partie  à  la  page  840) 


LES  ORIGINES  DE  L'EGLISE 

SAINT    PIERRE 

ET 

LES  PREMIÈRES  ANNÉES  DU  CHRISTIANISME 

Par  L'ABBÉ  C.  POUARD 

PROFESSEUR    HONORAIRE    DE    LA    FACULTÉ    DE    THÉOLOGIE    DE    ROUE.N 

TROISIEME  EDITION,  REYÏÏE  ET  CORRIGEE 
1  vol.  in-l2 Prix:  $1.0a 

L'article  qui  snit  est  extrait  de  ce  livre. 

Le  titre  de  ce  livre  n'est  pas  celui  que  nous  lui  destinions.  Dans 
notre  premier  dessein,  le  nom  de  S.  Paul  eût  dominé  sur  tout  le 
récit  des  origines  chrétiennes;  nous  voulions  témoigner  par  laque 
le  grand  apôtre  avait  eu,  dans  cette  constitution,  une  telle  prépon- 
dérance, que  l'histoire  de  l'Eglise  naissante  était  aussi  la  sienne. 
Mais  a  mesure  qu'avançait  l'ouvrage,  une  autre  figure,  se  substi- 
tuant à  celle  que  nous  nous  efforcions  de  crayonner,  se  formait, 
pour  ainsi  dire,  des  traits  même  de  la  première.  La  place  destinée 
à  l'apôtre  des  gentils,  le  chef  des  Douze  était  venu  l'occuper. 

Pierre,  en  effet,  tient  le  principal  rôle  durant  ce  premier  âge  de 
l'Église;  il  dirige  le  collège  apostolique,  il  agit,  décide,  organise. 
Ministre  de  l'Esprit  divin,  il  va  où  le  pousse  le  souffle  d'en  haut, 
souvent  aveugle,  parfois  résistant  d'instinct  comme  sur  la  terrasse 
de  Joppé,  mais  enfin  cédant  à  l'ordre  du  Maître  et  se  rendant  à  la 
grâce.  Par  Pierre,  quinze  ans  environ  après  la  Pentecôte,  Jésus  a 
constitué  l'Église  dans  ses  parties  essentielles.  Le  corps  possède 
tous  ses  organes,  qui  ne  feront  désormais  que  se  développer  :  l'E- 
vangile prêché  par  les  apôtres  ;  la  hiérarchie  fondée  ;  les  diacres, 
le  sacerdoce  établis  dans  les  diverses  communautés  ;  l'épiscopat 
distinct  à  Jérusalem,  à  Rome  même;  la  fraction  du  pain,  autour 
de  laquelle  se  concentrera  toute  la  liturgie;  les  sacrements,  le 
baptême,  la  confirmation,  l'ordre;  enfin  l'Église  détachée  de  la 
Synagogue.  Le  principal  de  l'œuvre  nous  apparaît  achevé  avant 
que  Paul  ne  commence-  Loin  de  primer  alors,  Saul  de  Tarse  n'est 
qu'un  simple  laïque,  méditant  les  révélations  du  Seigneur  ;  s'il 
parle  devant  les  synagogues  de  Damas  et  de  Jérusalem,  c'est  par 
occasion  seulement  et  en  subalterne.  Il  demeure  dans  cette  situa- 
tion inférieure,  les  sept  ou  huit  années  qui  suivent  sa  conversion 
(de  37  à  45),  jusqu'au  jour  où  les  anciens  d'Antioche,  lui  imposant 
les  mains,  le  livrent  à  la  grâce.  Pierre  est  donc  tout  dès  la  nais- 
sance du  christianisme,  et  son  nom  devait  être  mis  en  tête  d'une 
étude  sur  les  Origines  de  l'Église. 

Les  Actes  sont  notre  principale  source  pour  l'histoire  des 
premières  années.  Toutefois  nous  ne  sommes  pas  réduits  à  ce  seul 
document,  car  sur  plusieurs  faits,  dont  le  texte  sacré  ne  touche 
qu'un  mot,  les  Talmudistes,  Josèphe,  Philon,  les  historiens  de  la 


348  LE  PROPAGATEUR 


Grèce  et  de  Rome  ajoutent  à  i'esquisse  de  S.  Luc  mainte  circons- 
tance et  de  précieux  détails  ;  nous  y  aurons  souvent  recours. 

En  ce  qui  concerne  proprement  le  prince  des  apôtres  il  fant 
convenir  qu'après  sa  miraculeuse  délivrance  de  la  prison  de  Jéru- 
salem, son  ministère  est  peu  connu.  S.  Luc  le  montre  présent  au 
concile  de  Jérusalem,  S.  Paul  raconte  la  discussion  qu'il  eut  avec 
lui  à  Antioche  :  là  se  bornent  les  témoignages  inspirés.  Tout  incer- 
taines que  sont  les  traditions  sur  lesquelles  s'appuie  la  suite  de 
son  histoire,  nous  n'avons  pas  laissé  de  les  recueillir,  parce  que, 
au  milieu  de  renseignements  moins  assurés,  deux  traits  nous 
semblent  dignes  de  foi  :  l'un,  que  S.  Pierre  fit  de  Rome  le  siège 
principal  de  son  apostolat,  l'autre,  qu'il  parut  en  cette  ville  dès  le 
règne  de  Claude. 

Sur  ce  dernier  point,  la  critique  moderne  est  dédaigneuse  à 
l'excès.  Ce  prompt  voyage  de  l'apôtre,  mentionné  par  Eusèbe  et  S. 
Jérôme,  devient  pour  certains  auteurs  ''  un  malheureux  système 
qui  ne  peut  plus  avoir  un  seul  défenseur  raisonnable".  A  ces 
décisions  dogmatiques,  il  nous  sera  permis  d'opposer  les  vingt  cinq 
années  de  pontificat  de  S.  Pierre  inscrites  dès  la  fin  du  ne  siècle 
sur  les  catalogues  pontificaux  de  l'Église  romaine,  le  souvenir 
d'une  double  venue  de  l'apôtre  à  Rome,  conservé  en  même  temps 
par  la  liturgie  et  les  monuments  archéologiques,  tout  un  ensemble 
de  traditions  dont  nos  adversaires  ne  peuvent  expliquer  l'origine, 
et  qui  appuient  la  chronologie  adoptée  par  les  historiens  du  ive  et 
du  ye  siècle.  Rejeter  ces  raisons  parce  que,  prise  séparément,  elles 
ne  suffisent  pas  à  lever  tous  les  doutes,  c'est  fausser  les  règles  de 
la  critique.  De  simples  indices,  des  témoignages  vagues  ou  mêlés 
d'erreurs,  mais  visant  tous  au  même  point,  peuvent,  lorsqu'on  les 
rapproche,  s'éclairer,  s'épurer,  se  fortifier  l'un  l'autre  ;  dispersés, 
ce  n'étaient  que  des  lueurs,  en  faisceau  ils  jettent  de  vraies  clartés. 
L'essentiel  était  de  ne  point  attribuer  à  une  induction,  si  autorisée 
qu'elle  paraisse,  la  même  certitude  qu'aux  événements  attestés  par 
des  contemporains  :  nous  n'avons  pas  failli  à  ce  devoir. 

Quelque  opinion  que  l'on  tienne  sur  le  commencement  du  pon- 
tificat romain,  les  traditions  alléguées  plus  haut  indiquent  au 
moins  que  Pierre  eut  deux  centres  principaux  d'action  :  Jérusalem 
avant  la  dispersion  des  apôtres,  Rome  dans  les  années  qui  suivirent. 
Cette  conclusion,  que  nulle  critique  modérée  ne  rejettera,  nous  a 
permis  de  ne  pas  laisser  le  ministère  de  l'apôtre  brusquement 
interrompu  par  son  emprisonnement,  mais  de  montrer  où  l'Esprit 
de  Dieu  tourna  les  regards  de  Pierre  et  guel  monde  nouveau 
s'ouvrit  alors  devant  lui.  Nous  nous  sommes  restreint  à  ces  vues 
générales,  renvoyant  en  leur  temps  les  rares  incidents  de  son 
apostolat  qui  sont  connus,  et  dont  le  détail  est  intimement  mêlé  à 
la  vie  de  S.  Paul. 

L'Église  de  Jérusalem  sous  les  apôtres,  l'établissement  dans 
Rome  du  siège  de  Pierre,  tel  est  donc  le  double  sujet  qui  partage 
ce  livre.  Dans  la  dernière  moitié  du  volume,  la  nécessité  d'exposer 
impartialement  l'état  religieux  et  moral  de  l'empire  romain,  que 
nos  contemporains  défigurent,  nous  a  contraint  de  faire  œuvre 


LE  PROPAGATEUR  349 


d'apologiste  plutôt  que  d'historien.  Notre  lâche  était  plus  aisée 
pour  la  première  partie,  S.  Luc  ayant  laissé  de  l'Église  à  Jérusalem 
un  tableau  dont  les  traits  et  le  coloris  restent  vivants.  Les  rationa- 
listes, à  la  vérité,  prétendent  n'y  voix  qu'un  assemblage  de  mor- 
ceaux sans  valeur  historique  ;  mais  il  suffira  d'étudier  l'origine  et 
la  composition  de  l'œnvre,  pour  comprendre  que  leur  défiance  est 
le  résultat  de  préventions,  non  la  conséquence  d'un  examen 
sérieux. 

L'auteur  des  Actes  rappelle  en  commençant  qu'il  a  donné  "  un 
premier  discours  de  tout  ce  que  Jésus  a  fait  et  enseigné".  Nul 
doute  que  l'ouvrage  ainsi  désigné  ne  soit  notre  troisième  Évangile, 
car  les  deux  livres,  dédiés  également  à  Théophile,  gardent  une 
telle  conformité  de  style  et  de  pensées,  que  les  critiques  les  plus 
méfiants  n'hésitent  point  à  y  reconnaître  la  même  main.  L'écrivain 
des  Actes  ne  se  déclare  pas  seulement  évangéliste  ;  au  cours  de 
son  récit,  il  se  range  parmi  les  compagnons  de  S.  Paul,  et  en  usant 
constamment  du  mot  "  nous  "  à  partir  du  xvie  chapitre,  il  se  donne 
pour  témoin  des  faits.  Quant  à  son  nom,  s'il  n'est  p:is  écrit  dans 
les  Actes,  nous  le  connaissons  d'après  les  traditions,  et  le  litre 
donné  au  troisième  Évangile  par  tous  les  manuscrits.  Ce  nom  est 
Lucanus  ou  Lucas,  et  il  désigne  le  personnage  chrétien  dont  les 
lettres  de  S.  Paul  louent  par  trois  fois  le  dévouement.  "Luc,  le 
médecin,  notre  très  cher  frère.  "  (Goloss.,  iv,  14.)  "  Luc  est  seul 
avec  moi.  "  ill  Tim.,  iv,  11.)  "  Epaphras...  vous  salue  avec  Marc, 
Aristarque,  Démas  et  Luc,  qui  sont  mes  aides  et  mes  compagnons." 
(Philem.,  23,  24.)  Nos  adversaires  eux-mêmes  reconnaissent  la 
légitimité  de  ces  déductions  ;  pour  eux  comme  pour  nous  "  l'au- 
teur du  troisième  Evangile  et  des  Actes  est  bien  réellement  Luc^ 
disciple  de  Paul  ". 

L'histoire  possède  donc  sur  les  origines  de  l'Eglise  le  témoignage 
d'un  contemporain,  homme  grave,  instruit,  mêlé  aux  faits  qu'il 
raconte,  aux  personnes  dont  il  cite  les  paroles  et  les  actes  Nous 
ne  pouvions  souhaiter  à  notre  foi  de  fondement  plus  solide  ;  aussi 
rien  n'est  omis  pour  l'ébranler,  et  ruiner  du  même  coup  l'autorité 
du  récit.  On  s'efforce  surtout  de  retarder  le  plus  possible  l'année 
où  le  livre  fut  écrit  :  ingrat  labeur,  car,  aux  yeux  de  tout  homme 
non  prévenu,  les  Actes  portent  équivalemment  leur  date.  Après 
avoir  conduit  à  Rome  S.  Paul  captif,  ils  terminent  par  ces  mots: 
'•  Paul  ensuite  demeura  deux  ans  entiers  dans  un  logis  qu'il  avait 
loué,  où  il  recevait  tous  ceux  qui  le  venaient  voir,  prêchant  le 
royaume  de  Dieu,  et  enseignant  ce  qui  regarde  le  Seigneur  Jésus- 
Christ  avec  toute  liberté,  sans  que  personne  l'en  empêchât.  "  Les 
deux  années  que  l'apôtre  passa  ainsi,  presque  libre,  sous  la  sur- 
veillance d'un  soldat  romain,  vont  de  52  à  64.  Ce  fut  alors  que  S. 
Luc  acheva  d'écrire  les  Actes;  on  ne  s'expliquerait  pas  autrement 
qu'il  n'eût  rien  dit  des  événements  qui  suivirent,  en  particulier  de 
la  mort  de  l'apôtre,  survenue  quatre  années  plus  tard, 

Rien  ne  montre  mieux  la  force  de  cet  argument  que  les  pitoya- 
bles raisons  alléguées  pour  expliquer  d'autre  manière  le  brusque 
dénouement  des  actes.  Les  uns  imaginent  que,  Théophile  habitant 


350  LE  PROPAGATEUR 


Rome,  il  devenait  superflu  de  lui  raconter  ce  qui  se  passa  ensuite 
dans  cette  ville  et  sous  ses  yeux.  Pour  certains  exégètes,  le  récit 
finit  à  l'arrivée  de  l'apôtre  dans  la  capitale  du  monde,  parce  qu'à 
ce  moment  se  trouve  accomplie  la  prédiction  que  l'Evangile  serait 
prêché  "•'  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  ",  ou  encore  cette  parole 
du  Seigneur  :  ''  Paul,  ayez  bon  courage,  car  de  même  que  vous 
avez  rendu  témoignage  de  moi  dans  Jérusalem,  il  faut  aussi  que 
vous  me  rendiez  témoignage  dans  Rome."  Les  plus  avisés  renon- 
cent à  de  telles  puérilités.  Ayant  posé  que  toute  prophétie  est 
impossible,  et  trouvant  la  ruine  de  Jérusalem  annoncée  dans 
l'Évangile  de  S.  Luc,  ils  en  concluent  que  ce  livre  n'a  paru 
qu'après  l'an  70,  et  les  Actes  au -plus  tôt  vers  72.  Mais  là  encore 
l'historien  se  trouve  trop  près  des  événements  pour  qu'il  soit  facile 
d'ôter  toute  valeur  à  son  témoignage,  comme  on  se  le  propose  en 
réalité.  Force  est  donc  de  reculer  la  composition  des  Actes 
jusqu'en  8(1,  afin  de  mettre  un  demi-siècle  entre  les  premières 
années  de  l'Église  et  le  moment  où  S.  Luc  écrivait  :  au  gré  de  nos 
critiques,  la  formation  d'une  légende  ne  demande  que  ce  laps  de 
temps.  Les  seuls  arguments  apportés  pour  appuyer  le  ckoix  de 
cette  date  sont  des  raisons  de  convenance  :  l'esprit  du  livre  répon- 
dant au  règne  des  Fiaviens,  le  calme  de  ces  jours  se  reflétant  dans 
un  récit  doux,  placide,  indulgent  à  tous.  On  nous  permettra  de 
n'attacher  qu'une  médiocre  importance,  à  ces  rapprochements: 
des  raisons  de  convenance,  qui  ne  le  sait  ?  il  n'est  rien  que  ne 
puisse  tirer  un  esprit  inventif. 

Les  attaques  de  nos  adversaires  ne  portent  pas  également  sur 
toutes  les  parties  du  livre  ;  ils  ont  surtout  en  vue  les  Actes  de 
Pierre  (du  chapitre  i  au  chapitre  xii  inclusivement)  qu'ils  rejettent, 
tandis  qu'ils  gardent  ceux  de  Paul,  l'ouvrage  leur  paraissant  plus 
croyable  à  mesure  qu'il  s'approche  de  la  fin.  Pour  justifier  une 
distinction  si  arbitraire,  on  prétend  que  S.  Luc  connaissait  mal  la 
Palestine  et  le  monde  juif;  qu'il  en  parle  sans  exactitude,  par  ouï- 
dire,  mêlant  l'histoire  aux  légendes,  dans  une  confusion  inextri- 
cable. C'est  oublier  que  l'écrivain,  accompagnant  Paul  lors  de  son 
dernier  voyage  à  Jérusalem,  demeura  près  de  lui  à  Gésarée,  durant 
les  deux  années  de  captivité  que  l'apôtre  y  passa,  et  que  là,  selon 
toute  apparence,  il  recueillit  les  faits  contenus  dans  les  douze 
premiers  chapitres  des  Actes.  Quelque  jeunesse  qu'on  prête  en  ce 
temps  à  S.  Luc,  il  n'est  pas,  comme  on  l'insinue,  d'une  autre  géné- 
ration que  les  fondateurs  du  christianisme,  car  il  a  vu  à  Jérusalem 
Jacques  le  "  frère  du  Seigneur",  à  Gésarée  le  diacre  Philippe,  à 
Rome  S.  Pierre.  Ge  qu'il  n'a  pas  eu  sous  les  yeux,  son  maître, 
Paul,  le  sait  d'original.  Lui-même  d'ailleurs  a  pu  tout  apprendre 
des  acteurs  qui  ont  joué  le  principal  rôle  dans  les  scènes  qu'il 
raconte.  Pierre  lui  a  révélé  les  commencements  de  l'Église  de 
Jérusalem,  ses  prédications  aux  Juifs,  la  conversion  de  Gorneille. 
"  Reçu  à  Gésarée  dans  la  demeure  de  Philippe  l'évangéliste,  l'un 
des  sept. ..demeurant  plusieurs  jours  près  de  lui,  l'auteur  des  Actes 
a  entendu  de  sa  bouche  le  récit  des  missions  de  Samarie,  le  baptême 
de  l'eunuque  éthiopien.    De  S.  Paul,  il  tient  le  reste  des  événe- 


LE  PROPAGATEUR  351 


menls  qui  remplissent  la  première  partie  de  sou  livre  :  le  jugement 
et  le  martyre  d'Etienne  auxquels  Saul  avait  pris  part,  la  conversion 
de  l'apôtre  que  ce  dernier  racontait  souvent.  Si,  puisant  à  de  telles 
sources,  Luc  n*a  pu  démêler  la  vérité  des  fables  qui  la  troublent 
c'est  à  désespérer  de  toute  certitude. 

Il  est  vrai  qu'on  soupçonne  l'auteur  d'accommoder  l'histoire  à 
ses  vues,  d'en  faire  œuvre  de  parti.  D'après  cette  supposition  l'Église 
était  alors  partagée  en  deux  factions  :  d'un  côté  Pierre  etlesjudai- 
sants  obstinés  aux  pratiques  légales,  de  l'autre  les  sectateufs  de 
Paul  ardents  à  secouer  le  joug.  Luc  s'efforçait  de  concilier  ses 
frères,  de  leur  persuader  que,  sous  d'apparentes  discordes,  ils  n'a- 
vaient qu'un  cœur  et  qu'une  âme  :  tout  incident  qui  ne  revient 
point  à  ce  dessein  est  par  lui  supprimé  ou  défiguré.  La  suite  de 
notre  récit  montrera  ce  que  pèsent  ces  rêveries,  mais  dès  mainte- 
nant il  est  facile  d'opposer  que  l'auteur  des  Actes,  loin  de  cacher 
les  dissensions  de  l'Eglise,  en  relève  au  contraire  des  traits  nom- 
breux. C'est  lui  qui  nous  expose  le  mieux  ces  divisions,  qui  en 
marque  l'origine  et  les  développements. 

Dès  les  premiers  chapitres,  les  causes  du  partage  se  découvrent 
dans  l'attachement  des  chrétiens  de  Jérusalem  au  mosaïsnie.  Tous 
étant  Israélites,  continuent  à  regarder  l'observation  de  la  Loi 
comme  une  condition  essentielle  du  salut.  Vainement  Etienne  leur 
fait  entendre  le  cri  d'affranchissement  ;  vainement  Pierre  lui-même 
proclame,  au  nom  de  Dieu,  que  gentils  et  juifs  ont  les  mêmes 
droits  au  royaume  des  cieux,  l'aversion  pour  les  incirconcis  n'en 
demeure  pas  moins  au  fond  des  cœurs.  L'esprit  dominant  dans 
l'Église  de  Jérusalem  est  non  seulement  de  conserver  l'extérieur 
de  la  religion  d'Israël,  mais  d'y  assujettir  les  nouveaux  fidèles. 
Les  Actes  en  donnent  preuve  sur  preuve  :  les  chrétiens  de  la  cité 
sainte  surveillant  Antioche  et  les  conversions  de  païens  qui  s'y 
multiplient;  plus  tard,  quelques  fanatiques  d'entre  eux  venant  en 
cette  ville,  ''  y  troublant  tout  par  leurs  discours,  renversant  les 
âmes,  "  au  point  que  Paul  et  Barnabe  sont  contraints  "  de  s'élever 
fortement  à  l'encontre  ",  et  finissent  par  obtenir  du  collège  aoos- 
tolique  la  condamnation  de  la  doctrine^  sans  circoncision  point 
de  salut.  Désavoués  par  les  chefs  de  l'Église,  les  judaïsants  gar- 
dent du  moins  pour  eux  ce  qu'ils  ne  peuvent  imposer  à  leurs 
frères  de  la  gentilité.  "Ils  se  multiphent  par  milliers  et  restent 
tous  zélés  pour  la  Loi,"  dit  l'évêque  de  Jémsalem  parlant  de  son 
troupeau  :  on  le  voit,  sauf  quelques  pratiques  nouvelles  et  la  foi 
en  Jésus,  tout  y  demeurait  juif  d'aspect  et  de  sentiments.  Aussi, 
quand  vers  59  Paul  vint  dans  la  cité  sainte,  S.  Jacques  le  conjura- 
t  il  de  ménager  les  scrupules  des  fidèles.  Entouré  de  ses  prêtres, 
il  l'avertit  qu'on  l'accusait  "de  renoncer  à  Moïse,  de  combattre  la 
circoncision  et  les  coutumes  reçues",  et  il  obtint  que  l'apôtre  des 
gentils  se  purifierait  solennellement  dans  le  temple.  S.  Luc  mar- 
que, par  ces  derniers  traits,  à  quel  point  fut  portée  la  division  entre 
les  zélateurs  de  Jérusalem  et  le  commun  des  chrétiens  ;  mais  ce 
n'est  pas  chez  les  apôtres  qu'apparait  le  partage  ;  s'élevant  au-dessus 
des  discussions,  ils  n'interviennent  que  pour  tout  concilier,  tout 
finir. 


352  LE  PROPAGATEUR 


Telle  est  dans  les  Actes  la  peinture  de  ces  diflPérends.  Pour  aller 
plus  loin,  et  nous  montrer  l'Église  entière,  troupeau  comme 
pasteurs,  divisée  en  factions  ennemies,  il  faut  dénaturer  les  faits, 
abuser  de  quelques  mots  de  S.  Paul,  qu'explique  l'ardeur  de  la 
controverse  ;  il  faut  oublier  qu'au  fort  de  ces  débats,  l'apôtre,  loin 
de  rompre  avec  Jérusalem,  quête  en  tous  lieux  pour  cette  même 
Église  ;  il  faut  enfin  ne  voir  en  S.  Luc  qu'un  de  ces  esprits  préve- 
nus qui  défigurent  les  faits  sans  scrupule,  pour  les  adapter  à  leurs 
théories.  Certes,  il  aurait  pu  prendre  l'histoire  de  ce  biais,  atténuer 
les  dissensions  de  l'Église,  ou  bien  les  colorer  adroitement  à  nos 
yeux:  rien  de  tel  en  ses  récits,  nous  le  voyons.  Tout  au  contraire, 
la  simplicité  avec  laquelle  ilannonce  son  dessein  d'être  précis 
devient  une  garantie  de  bonne  foi,  car  faire  montre  d'exactitude 
quand  on  raconte  aux  contemporains  des  faits  importants  et 
publics,  c'est  éveiller  leur  attention,  et  appeler  une  critique  plus 
sévère.  S.  Luc,  décidé  à  tromper  et  assez  fin  pour  y  réussir,  n'eût 
pas  commis  cette  imprudence.  Le  temps  d'ailleurs  était-il  aux 
artifices  de  langage,  où  nous  excellons  aujourd'hui?  Dans  tout  le 
Nouveau  Testament,  Paul,  Jacques,  Jude,  Jean  parlent  sans 
détours  ni  déguisement;  il  en  va  de  même  pour  S.  Lucie  tondes 
Actes  décèle  une  âme  sincère,  honnête  plus  qu'habile. 

Nos  adversaires  sentent  si  bien  l'impossibilité  de  refuser  ainsi 
toute  créance  au  texte  sacré,  qu'ils  y  font  les  deux  parts  indiquées 
plus  haut,  et  qu'ils  consentent  même  à  voir  dans  les  derniers 
chapitres  ''  les  seules  pages  vraiment  historiques  que  nous  ayons 
sur  les  origines  chrétiennes  ".  L'unique  motif  de  cette  distinction, 
bien  qu'on  ne  l'avoue  guère,  c'est  que  les  miracles  abondent  au 
début  du  livre,  et  que  la  critique  moderne  les  rejette  en  principe. 
Mais  une  telle  prévention  n'ébranle  pas  seulement  les  premiers 
chapitres,  elle  ruine  l'ouvrage  entier,  car  le  récit  des  missions  de 
S.  Paul  n'est  pas  moins  rempli  de  prodiges.  Les  Epilres  mêmes 
de  l'apôtre,  qu'on  oppose  à  la  narration  de  Luc  comme  des  docu- 
ments supérieurs  et  d'une  sincérité  incontestable,  que  deviennent- 
elles  avec  cette  règle  de  critique?  S.  Paul  y  pairie,  aux  G-alates,  de 
ses  révélations  ;  aux  Romains,  des  miracles  qu'il  a  opérés  en  tous 
pays  depuis  Jérusalem  jusqu'à  l'Illyrie  ;  aux  Goruithiens,  des 
signes  divins  qui  éclatent  journellement  dans  chaque  (  hrétienlé, 
prophéties,  guérisons,  dons  des  langues.  Aussi  bien  que  l'auteur 
des  Actes,  l'apôtre  voyait  des  merveilles  dans  l'Église  naissante. 
Si  cettte  foi  ne  l'a  pas  empêché,  on  nous  le  concède,  de  parler  en 
historien,  quelle  raison  de  refuser  au  disciple  ce  que  l'on  accorde 
au  maître  ? 

S.  Paul  d'ailleurs  a  pris  soin  d'autoriser  l'œuvre  de  son  évangé- 
liste.  Au  temps  où  ce  dernier  achevait  les  Actes,  l'apôtre  écrivait 
sa  lettre  â  Philémon  ;  il  y  nomme  Luc  comme  travaillant  près  de 
lui,  sous  ses  yeux.  Il  a  donc  lu  le  récit  des  origines  chrétiennes  et 
l'a  approuvé.  A  sa  suite,  toute  la  tradition  l'a  reçu  comme  l'ex- 
pression de  la  vérité,  comme  la  parole  même  de  l'apôtre  des 
gentils.  "Ce  que  Paul  nous  fait  connaître  sur  les  douze,  dit  S. 
Irénée,  et  ce  que  Luc  en  atteste,  s'accorde  de  tout  point,  et  n'est 
pour  ainsi  dire  que  le  même  témoignage.  " 


LE  PROPAGATEUR  353 


Il  serait  facile  de  prolonger  cette  démonstration;  mais  les 
raisons  qui  précèdent  suffisent  à  qui  les  embrasse  d'ensemble,  d'un 
regard  non  prévenu,  en  simplicité  et  droiture  d'âme.  Qu'elles  ne 
touchent  point  certains  esprits,  attachés  aux  seules  vues  de  détail, 
ardents  à  soulever  la  poussière  afin  de  tout  obscurcir,  nous  n'en 
serons  pas  étonnés.  Dans  le  domaine  de  l'histoire  il  y  a  des  préju- 
gés qui  aveuglent  à  l'égal  des  passions.  '•  Obscuratum  estinsipiens 
cor  eorum,  "  dit  l'apôtre.  A  ces  hommes  plus  préoccupés  de  nier 
le  surnaturel  que  de  discuter  l'authenticité  des  Actes,  nous  nous 
contenterons  de  rappeler  la  parole  du  seul  témoin  qu'ils  veuillent 
entendre  sur  nos  origines,  le  seul  qui  à  leurs  yeux  ait  autorité.. 
Paul  a  prévu  qu'on  abuserait  de  sa  prédication,  comme  le  font 
nos  "  douleurs  de  miracles,  "  qu'on  la  transformerait  en  une- 
semence  de  mort.  Avec  une  compassion  généreuse,  il  a  demandé 
merci  pour  ces  ouvriers  d'erreur;  mais  en  même  temps  il  leur  a 
prédit  la  victoire  de  la  foi  qu'ils  attaquent  vainement:  '^  Grâces 
soient  rendues  au  Dieu  qui  nous  fait  triompher  en  Jésus-Christ, 
et  qui  répand  par  nous  en  tous  lieux  la  connaissance  de  son  nom 
comme  un  parfun,...  parfum  de  mort  pour  les  uns,  de  vie  pour  les 
autres...  Car  nous  ne  sommes  pas  comme  plusieurs  qui  corrom- 
peut  la  parole  de  Dieu  :  nous  la  prêchons  en  toute  sincérité  de  la 
part  de  Dieu,  devant  Dieu,  dans  le  Chrisl.  " 


L'EGLISE    CATHOLIQUE 

ET 

LA  LIBERTE  AUX  ETATS-UNIS 

Par  L.e  Ticomte  de  MEAUX 

1  volume  in-12 Prix:  88  cts 

LETTRE  DE  S.  EM.  r,E  CARDINAL  GIBBONS  A  L'AUTiiUR 
Cher  Monsieur,  Baltimore,  27  décembre  1892. 

J'ai  lu  avec  un  vif  inlérêl  aussi  bien  qu'avec  un  réel  profit  ce  que  vous  avez 
écrit  sur  la  situation  sociale  et  religieuse  des  États-Unis.  Vos  pages  sur  la  diver- 
sité des  cuUes  m'ont  particulièrement  satisfait.  Ces  études  dénotent  une  amp'eur 
de  vues,  une  profondeur  de  connaissances  vraiment  surprenantes  chez  un  étran- 
ger. Elles  ont  été  rarement  égalée?,  même  par  les  écrivains  américains,  pour 
l'exactitude  des  informations  et  la  justesse  des  appréciations,  et  ne  pouvaient 
venir  que  d'un  penseur  pareillement  capable  d'observer  et  de  généraliser.       _:;, 

Elles  seront  comparées  sans  désavantage  aus  travaux  de  votre  illustre  compa- 
triote Tocquevilie,  qui  a  si  bien  décrit,  il  y  a  soixante  ans,  nos  institutions 
politiques  et  sociales  et  qu'on  cite  encore  aujourd'hui  avec  admiration. 

Je  suis  heureux  d'apprendre  que  vous  allez  publier  ces  pages  en  volume,  et  je 
suis  sur  qu'elles  seront  lues  en  Amérique  avec  autant  de  plaisir  qu'en  France  et 
en  Europe.  11  nous  tst  avantageux,  comme  le  dit  le  poète  Burns,  "  de  nous  voir 
"  nous-même,  comme  les  autres  nous  voient,  "  surtout  quand  il  se  rencontre, 
pour  nous  regarder,  un  esprit  philosophique,  et,  peur  nousdépeinJre,  une  plume 
impartiale  et  bienveillante  aussi  affranchie  des  préjugés  défavorables  que  peu 
disposée  aux  éloges  immérités.       J.  Card.  Gibbo.ns,  Archevêque  de  Baltimore. 

22 


LES  ORIGINES  DE  L'ÉGLISE 

SAINT      PAUL 

SES  MISSIONS 

Par  L.'ABBÉ  €.  FOUAKD 

1  fort  vol.  in-8 Prix  :  81.88 

li'article  qui  sait  efst  extrait  de  ce  livre- 

Nous  avons  recueilli  dans  notre  précédent  volume  ce  que  l'on 
connaît  des  premières  années  du  christianisme  (de  l'an  30  à  45). 
L'Église  s'y  est  montrée  à  nous  naissant,  se  développant  sous  La 
main  des  apôtres,  de  Pierre  surtout,  leur  chef  et  leur  guide.  Mais 
le  bref  récit  des  Actes,  et  les  traditions,  rares  ou  incertaines  sur 
ces  origines,  ne  nous  ont  fourni  qu'une  peinture  indécise  en  bien 
des  points.  L'âge  suivant  (45  à  62)  se  présente  dans  un  jour  autre- 
ment vif.  La  narration  de  saint  Luc,  à  partir  du  XI11«  chapitre 
des  Actes,  cesse  d'être  le  mémorial  de  Pierre  pour  devenir  celui 
de  Paul;  le  premier  s'efface  du  récit  inspiré  pour  laisser  la  haute 
main  à  son  frère  d'apostolat  dans  la  lutie  contre  le  judaïsme. 

Les  péripéties  de  ce  combat  formant  presque  exclusivement  le 


parce  qae  la  partie  des  Actes  où  elles  sont  racontées  et  les  lettres 
de  S.  Paul  qui  s'y  rattachent  oui  la  rare  fortune  d'être  tenues  pour 
authentiques  par  les  critique»  lec  plus  outrés,  C'est  donc  en  pleine 
lumière  de  l'histoire  que  se  dérouleront  les  événements  décrits 
dans  ce  volume.  On  verra,  d'après  ces  témoignages  irrécusables,  ce 
qu'étaient,  une  vingtaine  d'années  après  la  mort  de  Jésus,  la  foi  à 
ce  divin  Sauveur,  sa  doctrine,  son  Ei^lise,  tout  le  christianisme. 

La  seule  réserve  que  nos  adversaires  opposent  à  la  vérité  des  faits 
racontés  par  saint  Luc  touche  les  miracles,  estimés  par  eux  inac- 
ceptables. Nous  avons  dit  dans  notre  préface  de  Saine  Pierre  ce 
que  nous  pensons  de  cerejei  arbitraire  :  nous  n'y  reviendrons  pas. 
Quant  aux  six  lettres  écrites  par  l'apôtre  durant  ces  dix-sept  années 
quatre  d'entre  elles,  les  Epîlres  aux  Corinthiens,  aux  Galates,  aux 
Komains,  sont  hor;  de  conteste  :  les  deux  autres,  adressées  à  l'é- 
glise de  Thessalonique,  ne  prêtent  qu'à  des  objections  si  futiles 
que  s'y  arrêter  est  superflu,  de  l'aveu  même  des  rationalistes.  On  en 
trouvera  le  détail  et  la  facile  réfutation  daus  tous  les  traités  d'exé- 
gèse. 


LE  PROPAGATEUR  355 


L'authenticité  de  cesEpitres,  mise  hors  de  doute,  est  de  consé- 
quence pour  notre  récit,  car  si  la  suite  des  faits  n'y  apparaît  pas 
comme  les  Actes,  mieux  qu'en  ceux-ci  le  caractère  de  Paul  s'y  dé- 
couvre au  vif.  Mous  puiserons  doue  beaucoup  dans  les  lettres  de 
l'apôtre,  sans  les  citer  intégralement  toutefois,  certains  passages  ne 
pouvant  êtres  compris  qu'à  l'aide  de  commentaires  qui  ralenti- 
raient l'histoire.  Pour  parer  à  de  telles  omissions,  et  mettre  nos 
lecteurs  en  mesure  d'y  suppléer  eux-mêmes,  nous  leur  indique- 
rons ici  quelques  causes  des  obscurités  qu'ils  rencontreront  en  ces 
écrits. 

La  principale  vient  du  génie  même  de  l'apôtre,  surabondant  de 
fécondité,  d'une  fougue  qui  ne  souffrait  ni  délai  ni  entraves.  Sa 
pensée,  anssi  prompte  que  puissante,  embrassait  à  la  fois  toutes  les 
faces  de  la  vérité,  sans  se  borner  à  la  principale.  L'effort,  pour  ex- 
primer l'idée  dans  cette  plénitude,  enfantait  la  phrase  telle  que 
nous  la  trouvons  dans  les  Epitres,  coupée,  chargée  d'incidentes  qui 
ont  le  même  relief  que  le  trait  capital,  de  développements  qui  dé- 
roulent et  font  oublier  le  point  de  départ.  Appliquer  à  de  telles 
œuvres  nos  règles  d'analyse,  y  chercher  un  oidre  méthodique,  un 
juste  équilibre  des  parties,  est  un  soin  aussi  laborieux  qu'inutile. 
L'unique  moyen  de  les  bien  entendre  est  de  les  prendre  pour  ce 
qu'elles  sont,  la  parole  d'un  homme  de  l'Orient  recueillie  telle  qu'il 
l'improvisait.  S.  Paul,  eu  effet,  n'écrivait  pas  lui  même;  il  dictait 
ses  Epitres,  et  se  contentait  d'ajouter  à  la  fin  quelques  mots  :  "Je 
vous  salue  ici  de  ma  propre  main,  moi,  Paul.  C'est  là  mon  seing 
dans  toutes  mes  lettres  ,  j'écris  ainsi  :  la  grâce  de  Noire-Seigneur 
Jésus-Christ  soit  avec  vous  tous.  Amen  .'" 

La  lettre  achevée,  l'apôtre  la  relisait,  sans  regard  aux  fautes  de 
style,  aux  phrases  enchevêtrées  ou  brusquement  rompues.  Loin 
d'être  choqué  d'incessantes  répétitions,  il  se  plaisait  à  voir  le  même 
mot  ramener  et  inculquer  sa  pensée  maîtresse  ;  il  relisait  comme 
il  dictait,  trop  plein  du  fond  pour  songer  à  la  forme.  Quelques  no- 
tes jetées  en  marge  paraissent  les  seules  corrections  à  imaginer  :  ce 
sont  elles  peut-être  qui,  insérées  dans  le  texte,  en  forment  les  pa- 
renthèses, encombrent,  obscurcissent  même  certains  passages. 

Il  convient  d'ajouter  que  saint  Paul,  hébreu  de  race  et  d'éduca- 
tion, s'adressait,  non  point  à  nous,  hommes  d'Occident,  raison 
neuis  et  logiques,  mais  à  Israël,  à  ses  prosélytes,  tous  plus  ou 
moins  habitués  aux  arguties  de  la  Synagogue.  Or,  pour  le  Juif, 
aucune  vérité  ne  vaut,  toute  fondée  en  raison  qu'elle  paraisse,  si 
le  témoignage  de  l'Ecriture  ne  la  confirme.  De  là,  dans  les  lettres 
de  saint  Paul,  le  recours  fréquent  à  l'Ancien  Testemeut,  des  cita- 
tions longuement  commentées.  Le  langage  de  l'apôtre,  dégagé  de 
ces  augumentations  judaïques,  devientautrement  fort  et  saisissant. 
Nous  l'avons  ainsi  allégé  toutes  les  fois  que  les  discussions  de 
l'Ecriture  embarrassaient  la  marche  de  la  pensée,  non  certes  pour 
dispenser  nos  lecteurs  de  méditer  en  son  entier  la  parole  apostoli- 
que. L'analyse  qui  restera  sous  leurs  yeux  ne  va  qu'à  les  guider 
dans  le  texte  sacré  et  à  leur  permettre  de  se  l'approprier. 


356  LE  PROPAGATEUR 


Ce  travail  personnel  est  nécessaire  à  qui  vent  connaître  saint 
Paul  ;  mais,  une  fois  accompli,  pour  toujours  il  attache  à  lui,  à 
ses  lettres,  si  pénible  parfois  qu'en  soit  la  lecture.  L'esprit  ne  les 
abandonne,  fatigué  de  la  contention  qu'elles  imposent,  que  pour 
y  revenir  bientôt,  et  plus  on  les  approfondit,  plus  l'attrait  devient 
irrésistible,  parce  que,  en  nulle  œuvre,  l'auteur  ne  se  levèle  da- 
vantage .11  s'y  montre  dans  les  contrastes  de  son  génie,  ardent, 
fougueux,  mais  en  même  temps  plein  de  tact,  de  présence  d'esprit,, 
de  prudente  réserve  ;  mêlant  à  une  force  d'âme  indomptable  des 
abattements  douloureux  ;  d'une  droiture  inflexible,  avisé  toutefois, 
habile  aux  allusions  couvertes, -aux  précautions  oratoires.  Tous  ces 
mouvements  de  l'âme  apparaissent  dans  les  pages  inspirées,  etsous 
les  formes  les  plus  diverses  :  fine  ironie,  menaces,  tendres  supplica- 
tions, larmes,  cris  déchirants.  Seuls,  la  parole  de  Jésus  dans  l'Évan- 
gile, et  dans  l'Ancien  Testament,  les  Psaumes  d'Israël,  émeuvent 
à  ce  point. 

Nous  n'avions  pas  à  craindre,là  où  le  cœur  de  Paul  palpite,  de 
fatiguer  le  lecteur.  Nous  avons  cité,  et  d'autant  plus  au  large,  que 
les  Actes  ne  donnent  pas  une  idée  complète  du  caractère  de  l'apô- 
tre. On  imaginerait  en  lui,  à  lire  le  seul  récit  de  saint  Luc,  une 
nature  puissante,  énergique,  capable  de  rompre  et  de  dompter^ 
mais  sans  grâce  ni  tendresse;  les  Epitres  achèvent  l'ébauche  et 
nous  monirent  mêlées  à  cette  force  de  volonté  les  qualités  de- 
cœur  et  d'âme  qui  rendent  aimable.  C'est  par  là  que  saint  Paul 
se  dislingue  des  hommes  qui,  comme  lui,  ont  mené  le  monde.  L'or- 
gueil et  l'égorsme  sont  habituels  à  ces  dominateurs,  leur  per- 
sonnalité écrasant  ou  absorbant  tout. De  tels  génies  peuvent  sub- 
juguer pour  un  temps,  forcer  l'obéissance,  l'admiration;  ils  ne  se  font 
point  aimer.  Les  Epitres  de  saint  Paul  nous  le  montreront  d'une 
grandeur  toute  autre  :  l'égal  des  plus  puissants  par  l'esprit,  la  vi 
gueur  de  l'action,  la  maîtrise  des  âmes;  mais  en  même  temps 
homme  comme  nous,  aussi  attachant  par  l'infirmité  que  par  les 
générosités  de  sa  nature.  Avec  la  même  loyauté  qu'il  nous  décou- 
vrira les  élans  de  son  cœur,  sa  chanté  embrassant  le  monde  et  se 
donnant  à  tous,  il  ne  cachera  rien  de  ses  misères,  des  disgrâces 
physiques  qui  mêlent  à  sa  fierté  native  une  touchante  humilité. 
C'est  par  lui  que  nous  connaîtrons  l'état  constant  de  maladie  qui 
rendait  son  âme  compatissante,  prompte  aux  larmes,  à  toutes  les 
émotions  ;  l'effroi  qui  le  saisissait  aux  heures  critiques  ;  "  l'aiguil- 
lon de  la  chair,  l'ange  de  Satan  qui  le  soulflelait." 

Au  spectacle  de  passions  si  diverses,  si  contraires  parfois  en  une 
même  vie,  comment  méconnaître  que  la  singularité  de  cette  gran- 
deur ne  vient  point  delà  seule  nature?  La  grâce  y  a  sa  part.  C'est 
Jésus  qui  a  fait  Paul  doux  et  humble  de  cœur,  qui  lui  a  dévoilé 
dans  l'amour  chrétien  l'accomplissement  de  toute  justice  ;  c'est 
Jésus  qui  a  transformé  en  "  homme  parfait  dans  le  Christ"  le 
Juif  fanatique  de  Damas.  L'apôtre  l'a  déclaré  lui-même  aux  Calâ- 
tes dans  un  mot  qui  résume  le  présent  ouvrage  et  en  explique  les 
apparentes  contrariétés:  *'  Je  vis,  non  plus  moi,  mais  le  Christ  vit 
en  moi-"  i/^'L.r,; 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  L  B  Y 


CONTRAINFE  PAR  CORPS  —  CESSION  DE  BIENS. 

Re 

GhARTRAND  et  Gi.MPEA.U. 

€.  s.  Montréal.  Taschereau,  juge. 

Jugée  :  Qae  la  coatraiiite  par  corps  doit  cesser  lorsque  le  débi- 
teur fait  une  cession  de  bieas  pour  le  bénéfice  de  ses  créanciers,  et, 
qu'en  conséquence,  ce  débiteur  doit  être  mis  en  libarté. 

Voici  quelques  uns  des  considérants  de  ce  jugement  tels  que  je 
les  trouve  rapportés  par  les  journaux. 

Considérant  que  pour  les  motifs  énuniérés  dans  le  préambule 
de  l'acte  12  Vict.,  chap.  42,  la  détention  perpétuelle  d'un  débiteur 
n'est  plus  possible  et  qu'elle  serait  cependant  infligé3  au  défendeur 
dans  l'espèce  si,  ayant  cédé  tous  ses  biens  et  étaut  sans  aucune 
ressource  actuelle  ni  moyen  d'acquérir  d'autres  biens,  il  devait 
rester  en  prison  jusqu'à  l'accompUssemeni  d'une  condition  rendue 
pour  lui  impossible,  savoir  le  paiement  d'un  jugement  considérable. 

Considérant  que  la  contrainte  par  CDrps  des  débiteurs,  en  matière 
civile,  dès  son  origine  en  France,  1566,  par  l'orionnance  connue 
sous  le  titre  d'Ordonnance  de  Moulins,  devait  cesser  à.  la  cession 
et  abandonnement  de  leurs  biens  ;  que  l'ordonnance  de  1666  en 
restreignant  l'usage  des  contraintes  par  corps  à  certains  cas  dé- 
terminés, n'en  a  modifié  ni  l'exercice  ni  la  cessation  par  la  cession 
des  biens  et'abandonnemenl  du  débiteur. 


UNE  DÉCISION  IMPORTANTE 

Dans  une  cause  de  Temperton  vs.  Rassell  et  autres,  la  Cour 
d'Appel  d'Angleterre,  composée  de  lord  E^ber  et  des  juges  Lipes 
et  Soaith,  vient  de  rendre  une  décision  très  importaale  sur  une 
question  qui,  si  elle  se  présente  souvent  en  pratique,  n'a  pas  encore, 
que  nous  sachions,  été  portée  devant  les  tribunaux.  Elle  a  de:ilé 
que  le  boycottage  reniait  ceux  qui  s'en  rendintco  ipab'Les  passibles 
de  dommages  envers  ceux  contre  lesquels  il  est  pratiqué.  _  ^ 

Une  certaine  association  ouvrière,  dans  le  genre  de  la  société 
dei  journaliers  de  bord,  avait  établi  certains  règ'.emBUts  pour  les 
travaux  d3  construction  d3  bâtisses.    Myers  et  Temperton,  entre- 


358  LE  PROPAGATEUR 


preneurs,  refusèrent  de  se  conformer  à  ces  règlement?.  Là-dessus, 
l'association  décida  de  les  boycotter^  c'est-à-dire  d'empêcher  le  pu- 
blic de  faire  des  affaires  avec  eux,  en  menaçant  ceux  qui  en  feraien  t, 
ou  ceux  qui  traiteraient  avec  des  personnes  faisant  affaires  avec 
eux,  de  les  priver  d'ouvriers.  Temperton,  le  demandeur  dans  la 
cause,  était  un  des  fournisseurs  de  matériaux  de  Myers  et  Tem- 
perton. La  société  voulut  l'empêcher  de  traiter  avec  Myers  et 
Temperton.  Gom.me  il  ne  voulait  pas  se  soumettre  à  ses  ordre?, 
elle  le  boycott'!  à  son  tour,  et  essaya  d'induire  des  gens  qui  avaient 
avec  lui  un  contrat  pour  lui  fournir  des  matériaux,  de  rompre  ce 
contrat.  Ces  personnes,  craignant  d'être  elles-mêmes  boycottées, 
refusèrent  de  fournir  ces  matériaux.  Là-dessus,  Temperton,  au 
lieu  de  poursuivre  ses  fournisseurs  en  exécution  de  leur  contrat, 
poursuivit  en  dommages  les  membres  du  comité  de  l'association 
qui  avaient  ordonné  de  le  boycotter. 

La  cause  vint  devant  la  Cour  du  Banc  de  la  Eeine,  présidée  par 
le  juge  GoUins  Ce  juge  donna  instruction  au  jury  que  si  le  de- 
mandeur avait  prouvé  à  leur  satisfaction  qu'il  avait  souffert  des 
dommages  à  raison  du  boycot  prononcé  contre  lui,  ils  devaient 
rendre  uu  verdict  en  sa  faveur.  Les  jurés  rapportèrent  un  verdict 
pour  cinquante  livres  de  dommages.  Russe!  et  ses  compagnons 
portèrent  la  cause  en  appel,  se  plaignant  de  l'instruction  donnée 
par  le  juge  CoUins.  Mais  la  Cour  d'Appel  confirma  à  l'unanimité 
la  décision  du  juge  Gollins. 


U Electeur,  20  Mai  1893. 


LE  DROIT  NATUREL  CONTRE  LE  DROIT  ECRIT 

Le  droit  naturel  vient  de  l'emporter  sur  le  droit  écrit,  c'est-à-dire 
sur  un  article  organique  prussien  de  1803. 

Une  veuve  Ludwig,  catholique  romaine,  avait  de  son  mariage 
avec  uu  protestant,  une  ûlle,  que  le  père  s'était  engagé  à  faire 
élever  dans  la  religion  catholique. 

Après  le  décès  du  père,  la  Communauté  protestante  de  Trêves 
réclama  la  garde  de  l'enfant  et  obtint  la  déchéance  des  droits  de 
tutelle  de  la  femme  Ludwig. 

Aussitôt,  la  mère,  d'accord  avec  l'abbé  Stœck,  aumônier  des 
hospices  de  Trêves,  plaça  sa  fille  dans  une  institution  catholique 
du  Luxembourg. 

Le  pasteur  protestant  Mayer  porta  plainte  contre  l'abbé  Stœck 
et  la  femme  Ludwig,  les  accusant  d  avoir  enlevé  l'enfant  d'un 
protestant.  Le  ministère  public  requit  contre  l'abbé  Stœck  9  mois 
de  prison,  et  contre  la  mère  de  l'enfant  6  mois. 

Heureusement,  le  droit  naturel  prévalut  chez  les  juges  de  Trê- 
ves, car  l'abbé  et  la  mère  furent  acquittés  hier  jeudi. 

La  Croix. 


p.  DE  CROUSAZ-GRÉTET 

L'EGLISE  ET  L'ETAT 

OU  LES  DEUX  PUISSANCES  AU  XVIIIe  SIECLE 

1715-1789) 

1  vol.  iii-12 Prix  :  88  cts 

TABLE  DES  MATIERES 
Préface. 

Chapitre  premier,  polîtique  religi- 
euse DU  RÉGENT  (1715-1723)  —  Réveil 
du  jansénisme  à  la  fin  du  règne  de 
Louis  XIV.  —  Le  vieux  roi  veul  en 
finir  avfcc  la  secle.  —  Sa  mort.  —  Poli- 
tique nnuvel'e  du  Régent.  —  Vain» 
essais  de  pacification  religieuse.  — Ap- 
pel des  qualre  évêques.  —  Le  3  octobre 
1718,  le  carriinal  de  Noailles  publie  son 
appel  longtemps  tenu  secret.  —  Ses 
démêlés  avec  le  Rpgent.  —  Le  Corps  de 
doctrine.  —  Déclaration  royale  du  4 
août  1720. —  Son  double  échec  devant 
le  Parlement  et  devant  'e  Grand  Con- 
seil.— Finalement  enregistrée  au  Grand 
Conseil  en  lit  de  justice  et  au  Parle- 
ment. —  Mort  du  Rpgent. 

Chapitre  11.  la  direction  des  .affai- 
res ECCLÉSIASTIQUES  AUX  MAINS  DE  FLEU- 

RY  (1723-1729). —  avènement  .Ju  duc 
de  Bourbon  au  pouvoir.  —  Fleury  se 
réserve  la  direction  des  affaires  ecclé- 
siastiques. —  Intrigues  du  cardinal  de 
Noailles.  —  Se.s  négociations  secrètes 
avec  Rome.  —  Les  évêques  pacifiques. 

—  Fleury  et  le  duc  ('.e  Bourbon  cher- 
chent mutuellement  à  se  supplanter. 

—  Fausse  retraite  du  premier  à  Issy. 
— Exil  du  duc  de  Bourbon. — Le  concile 
d'Embrun  (  1 727).  —  Protestation  des 
avocats.  —  Protestation  de  douze  évê- 
ques. —  Demi-  rs  actes  du  cardinal  de 
jNoailles.  —  Sa  mort.  —  M.  de  Vinti- 
mille  lui  succède.  —  Heureux  effets  de 
son  administration. 

Chapitre  lil.  les  déclar.atious  roy- 
ales DU  24  mars  1730  et  do  18  août 
1732  (1730-1732).  — Déclaration  du  24 
mars  1730.  — L'affaire  du  curé  de  Saint- 
Barthélemi. —  Le  mémoire  des  avocats. 

—  Arrêt  du  Conseil  du  10  mars  1731 
sur  l'étendue  des  deux  puissances. — 
La  commission  des  arpenteurs  spiri- 
tuels. —  Arrêt  du  Parlement  du  7  sep- 
tembre 1731  sur  l'autorité  des  rois. — 
Le  mandr-ment  de  l'archevêque  de  Paris 
du  27  avril  1732.  —  Le  Parlement  sus- 
pend ses  fonctions,  puis  K  s  reprend  par 
ordre  du  roi.  —  Le  procureur  général 


reçu  app»-lant  comme  d'abus  du  man- 
'demeut  de  l'archevêque.  — Arrêt  cassé. 
— Magistrats  exilés.  —  Déclaration  du 
18  août  1732  enregistrée  dans  un  lit  de 
justice  du  3  septembre  1732.  —  Magis- 
trats exilés.  —  Chambre  des  vacations. 

—  Réconciliations. 
Chapitre  IV.  l'édit  sur  les  établis- 
sements DE  MAIN-MORTE.  —  L'iMPOSITION 
AU  VINGTIÈME  des  BIENS  ECCLÉSIASTIQUES 

(1733-1750).  —  Politique  religieuse  de 
Fleury.  —  Prudence  et  modération.  — 
Les  ennemis  du  cardinal. —  Sa  mort. 

—  Situation  du  pouvoir  royal.  —  L'as- 
semblée du  clergé  de  1750  — Nouvdle 
législation  sur  l^s  biens  ecclésiastiques. 

—  Projet  d'imposer  au  vingtième  les 
biens  ecclésiastiques — Politique  finan- 
cière de  M.  de  Machault. —  Résistance 
du  clergé.  •.!} 

Chapitre  V.  les  billets  de  confes- 
sion ET  LES  REFUS  DE  SACREMENTS  (1750- 

1756).  —  Affaire  du  sieur  Coffin.  —  Af- 
faire du  sieur  Lemere. —  Affaire  du 
curé  de  Saini-J'an-de-Grève.  —  Affaire 
de  la  sœur  Peri  étue.  —  Eiat  de  l'opini 
on  sur  les  questions  religieuses.  —  Les 
partis  à  la  cour.  —  Ce  que  pense  Louis 
XV.  —  Lettres-patentes  portant  évo- 
cation au  Conseil  des  affaires  du  schis- 
me. —  Le  Parlement  refuse  de  les 
enregistrer.  —  Les  grandes  remontran- 
ces. —  Le  roi  refuse  de  les  recevoir.  — 
Exil  du  Parlement.  —  Transfert  de  la 
6rand'(  hambre  à  Ponloise.  —  Négo- 
ciations entre  le  gouvernement  et  la 
magistrature.  —  Retour  du  Parlement 
à  Paris.  — Déclaration  royale. — Triom- 
phe complet  du  Parlement.  —  Sévérités 
à  l'égard  du  clergé.  —  Présages  de  dif- 
ficultés nouvelles  avec   le    Parlement. 

—  Le  roi  cherche  à  s'entendre  avec  le 
clergé.  —  L'assemblée  du  clergé  de 
1755  défère  au  Saint-Siège  la  questioa 
des  billets  de  confession.  —  Longues 
négociations  avec  le  pape  Benoit  XIV, 
conduites  par  le  comte   de  StainviUe. 

—  Accord  entre  le  pape  et  le  roi. — 
Lettre  encyclique  du  16  octobre  1756. 
— Adhésion  générale  du  clergé. — Mau- 


360 


LE  PROPAGATEUR 


vaise  humeur  du  Parlement.  — L'union 
des  classes.  —  Lit  de  justice  du  13  dé- 
cembre 1756.  —  Démission  des  Enquê- 
tes et  des  Requêtes. 

C/iapilre  VI.  le  ministère  de  bernis 
(1757-1758)  —Attentat  des  Daniiens. 

—  Renvoi  de  M.  de  Machault  et  du 
«orate  d'Argenson. — Bernis  entre  au 
conseil.  —  Sa  politique.  —  Sa  disgrâce. 

Chapilre    Vil.    la   destruction   de 

l'ordre  des  jésuites  en    FRANCE  (1759- 

1764).  —  Hostilité  contre   les  jésuites. 

—  Condamnation  de  la  Société  dans 
l'affaire  du  P.  La  Valette.  —  Dénoncia- 
tion de  labbé  Chauvelin.  —  Arrêt  or- 
donnant aux  jésuites  de  produire  leurs 
constitutions.  —  Louis  XV  se  les  fait 
remettre.  —  Commission  nommée  par 
le  roi  pour  les  examiner.  —  Déclaration 
royale  interdisant  au  Parlement  de 
statuer  sur  l'Institut  avant  le  délai 
d'un  an.  —  Arrêt  de  la  Cour  recevant 
le  procureur  général  appelant  comme 
d'abus  sur  les  constitutions,  et  enregis- 
trement de  la  déclaration  royale.  — 
Dispositions  du  ministère  à  l'égard  des 
jésuites.  —  Sympathie  que  leur  témoig- 
ne la  famille  royale.  —  Le  roi  les  aban- 
donne.—  Déclaration  de  l'épiscopat  en 
leur  faveur.  —  Le  P.  de  la  Croix,  pro- 
vincial de  France,  souscrit  la  déclara- 
tion réclamée  par  la  commission  royale 
en  faveur  des  libertés  de  l'Eglise  galli- 
cane. —  Sentiment  de  la  cour  de  Rome. 

—  Echec  du  projet  de  la  commission 
royale  par  suite  du  refus  du  Père  gé- 
néral de  nommer  un  vicaire  général 
pour  la  France. — Arrêtdu7aoûl  1762 
disant  qu'il  y  a  abus  dans  l'Institut 
des  Jésuites  et  leur  ordonnant  de  se 
séparer.  —  Eloquent  mandement  de 
Christophe  de  Beaumont  pour  leur 
justification.  —  E.xil    de   l'archevêque. 

—  Suppression  de  l'ordre  dans  tout  le 
royaume  (novembre  1764). 

Chapilre  VHI.  les  actes  du  clergé 
(1765-1766).  —  L'assemblée  du  clergé 
de  1765.  —  Les  Actes  du  clergé.  —  Ils 
sont  supprimés  par  arrêt  du  Parlement 
du  4  septembre  1765.  —  Arrêt  du  Con- 
seil sur  les  droits  des  deux  puissances. 

—  Mémoire  de  l'assemblée  du  clergé 
dn  1766  au  sujet  dudil  arrêt,  —  Attitu- 
de générale  de  l'épiscopat  conforme 
aux  principes  exposés  dans  les  Actes 
du  clergé. —  Heureux  effets  du  Con- 
cordat de  1516  sur  les  rapports  des 
deux  puissances.  —  Vote  d'un  don 
gratuit  de  douz-*  millions  au  roi  par 
l'assemblée  de  1766.  —  Mode  d'acquit- 
tement. 


Chapilre  IX.  la  disgrâce  de  choiseul 

et  le  PARTI    RFLIGIEUX    (1765-1774). — 

Mort  de  madame  de  Pompadour.  — 
Réprimande  adressée  par  le  roi  au 
Parlement  de  Paris,  le  3  mars  1766. — 
Intrigues  contre  Choiseul.  —  Disgrâce 
de  ce  dernier.  — Avènement  au  pouvoir 
de  Maupeou,  du  duc  d'Aiguillon  et  de 
l'abbé  Terray,  soutenus  par  madame 
du  Barry.  —  Exil  du  Parlement.  — Son 
remplacement  par  le  Grand  Conseil.  — 
Satisfaction  du  parti  religieux.  —  Me- 
sures de  clémence  à  i'égard  du  clergé. 

—  Mort  de  Louis  XV.  —  Changement 
de  ministère  à  l'avènement  de  Louis 
XVI.  —  Rappel  du  Parlement. 

Chapitre  X.  la  réforme  des  ordres 
RELIGIEUX  (1765-1784).  —  La  réforme 
des  ordres  religieux  décidée  dans  l'as- 
semblée générale  du  clergé  de  1765.  — 
Relâchement  général  de  la  discipline 
monastique  — La  commende,  source 
principale  du  mal.  —  Commission  nom- 
mée pour  la  réforme  des  abus.  —  L'édit 
de  1768.  —  Son  application  par  les 
commissaires  royaux.  —  Réclamation 
de  la  Cour  de  Rome.  —  Résuliat  des 
travaux  de  la  commission. 

Chapilre  XI.    la  lutte  de  l'église 

CONTRE    l'incrédulité.  —  CONCOURS    DE 

l'état  (1775-1785).  —  Décadence  de  la 
prédication  chrétienne.  —  Les  assem- 
blées du  clergé  de  1760  à  1785  et  la 
publication  des  livres  impies.  —  En- 
couragement donné  aux  œuvres  de 
polémique  religieuse.  —  La  censure  de 
ia  Sorbonne.  —  La  censure  de  l'Etat. 

—  Mesures  préventives  et  mesures  ré- 
pressives dirigées  contre  la  propagation 
des  mauvais  livres.  —  Proj-it  de  loi  sur 
la  librairie  soumis  au  roi  par  l'assem- 
blée du  clergé  de  1785,  —  Dpinion  de 
Malesherbes  sur  la  liberté  de  la  presse. 

Chapitre  XII.  l'édit  de  1787  sur 
l'état  civil  des  protestants  (1787- 
1788).  —  Etat  civil  des  prolestants.  — 
Résumé  historique  de  la  question,  — 
Projet  préparé  sur  l'ordre  de  Louis  XV 
par  Gilt)erl  des  Voisins  sur  la  situa- 
tion à  faire  aux  protestants  dans  le 
royaume.  —  L'édit  de  novembre  1787. 

—  Modifications  apportées  par  le  Par- 
lement. —  Remontrances  du  clergé 
dans  son  assemblée  de  1788. 

CONCLUSION. 

APPENDICE  I.  —  La  feuille  des  bénéfices, 
appendice  II.  —  D3S  charges  et  des 
revenus  du  degré. 

appendice  III.  —  De  la  situation  des 
ordres  monastiques. 


GAUTHIER  DE  LA  CALPRENEDE 


A  JOSEPH  EAVERGNE 


Sur  le  printemps  de  ma  jeunesse  folle, 
Je  ressembles  l'hirondelle  qui  vole 
Puis  ça,  puis  là  :  l'âge  me  coniuisoit 
Sans  peur  ni  soia  oii  le  cœur  me  disoit. 
(Clément  Marot.) 


EN    QUERCT. 

L9  1er  juin  162j,  l'aube  commençait  à  paraître  et  blanchissait  le 
faîte  des  tourelles  du  petit  château  de  la  Galprenède.  Les  oiseaux 
s'éveillaient  et  voletaient  déjà  au-dessus  du  vieux  manoir  silen- 
■cieux,  dont  tous  les  habitants  paraissaient  encore  endormis.  L'un 
d'eux  cependant,  le  plus  jeune  de  tous,  Gauthier  de  Gostes  de  la 
Galprenède,  après  une  nuit  d'insomnie,  était  déjà  descendu  à  l'écu- 
rie et  sellait  son  petit  cheval  noir,  qui  venait  de  manger  un  pico- 
tin d'avoine. 

Dès  qu'il  eut  fini,  Gauthier  prit  son  cheval  par  la  bride,  le  fit 
«ortir  doucement  de  l'écurie,  ouvrit  sans  bruit  la  porte  du  château, 
et  franchit  à  pied  le  pont-levis,  dont  les  chaînes  rouillées  etenguir- 
'landées  de  lierre  et  de  clématites  témoignaient  qu'il  ne  s'était  pas 
relevé  depuis  bien  des  années.  Une  fois  arrivé  de  l'autre  côté  du 
fossé,  Gauthier  examina  avec  soin  les  harnais  de  son  cheval,  véri- 
fia le  contenu  de  sa  bourse  légère  et  de  son  petit  portemanteau, 
assura  bien  le  ceinturon  qui  soutenait  son  épée  ;  puis,  sautant  en 
selle  avec  autant  de  grâce  et  de  vivacité  qu'on  devait  l'attendre  de 
ses  dix-sept  ans  et  de  son  humeur  gasconne,  il  regarda  encore  une 
fois  le  manoir  paternel,  loi  dit  gaiment  au  revoir,  et,  piquant  des 
•deux,  partit  au  grand  galop. 

On  était  alors  en  pleine  fenaison  :  le  jeune  cavalier  ne  tarda  pas 
à  renconter  un  groupe  de  paysans,  le  râteau  et  la  fourche  sur  l'é- 
paule, et  qui  allaient  commencer  leur  journée  de  travail.  Ilsle  sa- 
luèrent tous,  et  il  ralentit  le  pas  de  son  cheval  pour  marcher 
quelques  instants  avec  eux.  Le  plus  jeune  de  la  troupe  lui  deman- 
da en  patois  :  "  Sans  indiscrétion,  monsieur  Gauthier,  où  allez- 
vous  de  si  bon  matin,  et  si  brave  ?" 

"  Je  vais  à  Paris,  "  répondit-il  d'un  air  triomphant. 

"  A  Paris!  miséricorde!  "  s'écrièrent  tous  les  faneurs.  '•  Mais 
TOUS  reviendrez  bientôt  ?  " 

"  J'espère  que  non,  "  dit  Gauthier,  '■  Je  vais  à  la  cour.  Je  ne 
veux  pas  passer  ma  vie  à  la  campagne,  comme  mon  grand-père  et 
mon  frère.  J'irai  à  la  guerre,  je  voyagerai.  " 

"  Et  vous  partez  tout  seul,  sans  domestique  ?  "  dit  un  garçon  de 
■quinze  ans,  nommé  Golin  Dordac. 

"  Pas  un  de  nos  gens  n'a  voulu  me  suivre.  "  dit  Gauthier.  "•  Bail- 
leurs, ils  sont  trop  vieux.  " 

"  Voulez-vous  m'emmener  avec  vous  ?  "  dit  Golin  Dordac.  ''  Je 


362^  LE  PROPAGATELR 


ne  vous  demanderai  que  le  vêtement  et  la  nourriture.  Je  voudrais 
voir  du  pays,  moi  aussi." 

"  Gela  m'irait,  "  dit  Gauthier;  "  mais  je  ne  puis  te  donner  un 
Cheval,  et  tu  ne  peux  me  suivre  à  pied.  " 

*' Qu'à  cela  ne  tienne!  "dit  Colin,"  Attendoz-moi  seulement 
deux  petites  heures,  et  j'aurai  un  cheval  et  mes  habits  du  diman- 
che. " 

"  Et  la  permission  de  ton  père?  y  penses-tu  seulement,  tête  de 
bique  ?  "  dit  un  vieux  paysan. 

"  Oh  1  "  dit  Colin,  '•*  depuis  que  j'ai  une  belle-mère  et  une  sé- 
quelle de  petits  frères,  je  suis  de  trop  à  la  maison.  Mon  père  me 
donnera  la  clef  des  champs  et  un  de  nos  bidets  sans  se  faire  prier, 
j'en  réponds. 

*'  Mais,  "  dit  Gauthier,  "  je  ne  me  soucie  pas  de  l'attendre  sur  le 
chemin,  et  encore  moins  de  retourner  au  château.  Je  me  suis  quasi 
enfui,  pour  épargner  l'émotion  des  adieux.  Mes  grand-parents  ont 
consenti  hier  à  mon  départ  ;  mais,  s'ils  allaient  se  raviser,  j'en  se- 
rais fort  marri.  Donc,  j'irai  l'attendre  à  Montdragon,  chez  ma  tante. 
Si  à  midi  tu  n'y  es  pas  arrivé,  je  pars  tout  seul  :  tant  pis  pour  loi  !  " 

"  C'est  entendu  "  dit  Colin  Dordac. 

Et,  saluant  les  faneurs,  qui  lui  souhaitèrent  un  bon  voyage, 
Gauthier  de  la  Calprenède  reprit  le  galop,  et  disparut  bieniôt  dans 
un  nuage  de  poussière,  qui  doraient  les  premiers  rayons  du  soleil 
levant. 

Le  château  de  la  tante  de  Gauthier  était  situé  sur  une  colline, 
et,  tout  petit  et  peu  important  qu'il  fût,  dominait  toute  la  vallée, 
grâce  à  son  piédestal  de  roches  abruptes.  Sibylle  de  la  Calprenède, 
comtesse  de  Montdragon,  ne  l'avait  pas  quitté  un  seul  jour  depuis 
son  veuvage.  Ses  deux  fils  faisaient  leurs  études  au  collège  des 
jésuites,  à  Cahors,  et  madame  de  Montdragon  vivait  tort  retirée, 
uniquement  occupée  à  surveiller  la  culture  de  ses  terres  et  à  répa- 
rer les  brèches  laites  à  la  fortune  de  ses  enfants  du  temps  que  M. 
Montdragon  avait  suivi  le  roi  Henri  IV  dans  toutes  ses  guerres. 
Le  château  de  Montdragon  eiàt  été  un  fort  triste  séjour,  sans  la  pré- 
sence d'Alix  de  Castelflour,  parente  éloignée  et  pupille  de  la  châ- 
telaine. C'était  une  enfant  de  quinze  ans,  belle  comme  le  jour,  et  si 
gaie,  si  active,  qu'à  elle  seule  elle  animait  tout  le  vieux  manoir. 
Quelqu'un  était  malade,  elle  accourait  à  son  chevet,  le  soignait, 
l'égayait,  lui  persuadait  qu'il  allait  être  guéri.  Madame  de  Mont- 
dargon  grondait-elle,  Alix  excusait  les  coupables,  tout  en  donnant 
toujours  raison  à  ?a  tante,  ei  les  grondait  elle-même  de  si  gentille 
façon,  que  les  fâi  heries  étaient  vite  finies.  Personne  ne  chantait, 
ne' dansait  mieux  qu'elle,  et,  en  même  temps,  aux  lessives,  aux 
confitures,  aux  soinsdu  fruitier,  àla  surveillance  de  la  basse-cour, 
de  la  cuisine  et  des  travaux  d'aiguille,  elle  était  si  habile,  qu'elle 
en  remontrait  aux  plus  entendues.  Madame  de  Montdragon,  toute 
fière  d'avoir  formé  celle  jeune  merveille,  ne  se  pouvait  passer  d'elle, 
et  l«  bruit  courait  qu'elle  la  destinait  à  son  fils  aine,  Bérenger  de 
Montdragon,  qui  promettait  d'être  le  plus  beau  cavalier  du  Quercy. 
Mais  il  était  encore  au  collège,  et  la  châtelaine  n'avait  jamais  dit  à 
personne  un  mol  qui  autorisât  ces  suppositions. 


LE  PROPAGATEUR  363 


"  Où  est  ma  tante  ?  "  demanda  Gauthier  aw  domestique,  à  qui  il 
donna  la  bride  de  son  cheval  en  mettant  pied  à  terre  au  seuil  du 
château. 

"  Madame  est  sur  la  terrasse,  occupée  avec  les  femmes  de  lessi- 
ve, "  dit  le  valet.  '••  Mademoiselle  Alix  y  est  aussi.  Faut-il  les  appe- 
ler ?  " 

"  Non,  "  dit  Gauthier  :  "Je  préfère  aller  les  surprendre.  " 

Et,  traversant  la  cour  du  château,  il  gagna  une  poterne  qui  don- 
nait accès  à  la  grande  terrasse  entourée  d'un  parapet  crénelé,  et 
d'où  l'on  découvrait  une  vue  admirab'e.  Celte  terrasse  était  plan- 
tée de  quatre  rangées  de  vieux  érables,  à  demi  morts  de  vieillesse. 
Le  vent  qui  régnait  toute  l'année  à  cette  hauteur  ne  leur  avait  pas 
permis  de  grandir.  Aux  troncs  noueux  de  ces  arbres  trapus  étaient 
liées  des  cordes  de  crin,  sur  lesquelles  la  châtelaine  de  Montdra- 
gon,  sa  pupille  et  quelques  femmes  de  service  étendaient  en  ce 
moment  le  linge  de  la  maison.  Le  soleil  et  le  vent  séchaient  si  vi- 
te draps  et  nappes,  que  les  premières  pièces  étendues  étaient  bon- 
nes à  plier  avant  que  toutes  les  cordes  fussent  achevées  de  garnir. 
Et,  comme  il  arrive  toujours  en  temps  de  lessive,  le  ciel  se  couvrait 
et  menaçait  d'un  orage.  Aussi,  dès  qu'Alix  aperçut  Gauthier,  elle 
s'écria  :"  Quel  bonheur!  voici  un  aide  qui  nous  vient! — Vite, 
cousin  Gauthier,  venez  ça  :  il  y  a  de  l'ouvrage  pour  vous  céans.  " 

"  Vous  permettrez  d'abord  que  je  présente  mes  respects  à  ma 
tante,,  belle  cousine  !"  dit  Gauthier  en  la  saluant. 

"  Allez,  "  dit  Alix,  '*  mais  faites  vite,  ou  je  vous  déclare  un  che- 
valier fainéant  et  discourtois." 

Gauthier  se  hâta  de  chercher  sa  tante  entre  les  flottantes  barriè- 
res de  linge  étendu  ;  mais  madame  de  Montdragon,  qui  tenait  fort 
au  décorum  et  ne  voulait  pas  recevoir  le  jeune  gentilhomme  en 
bonnet  de  nuit,  s'était  éclipsée.  Elle  reparut  bientôt,  ayant  mis  ses 
coiffes  de  veuve  et  fort  grondé  les  valets  d'avoir  laissé  entrer,  sans 
l'annoncer,  M.  de  la  Galprenède.  Celui-ci,  s'avançant  vers  elle  en 
faisant  de  grandes  révérences,  lui  baisa  la  main,  s'informa  de  l'état 
de  sa  santé  et  lui  dit  que,  partant  pour  Paris,  il  n'avait  pas  voulu 
quitter  le  pays  sans  venir  lui  faire  ses  adieux. 

Ce  n'était  pas  tout  à  fait  vrai  :  sans  la  proposition  de  Colin,  il  est 
probale  que  Gauthier  ne  se  fût  pas  détourné  de  son  chemin  pour  al- 
ler voir  la  châtelaine  de  Montdragon,  qu'il  n'aimaitguère;  mais  il 
était  Gascon,  et,  après  tout,  ce  petit  conte  ne  laissait  pas  d'être  ga- 
lant. 

''•  Vous  allez  à  Paris  !  "  s'écria  la  châtelaine  :  "  hélas  !  mon  pau- 
vre enfant  quelle  mouche  vous  pique?  Quel  vertige  vous  prend  ? 
Que  n'entrez-vous  plutôt  au  séminaire?  Que  ne  restez-vous  à 
planter  des  choux  ?"  Et  ceci,  et  cela  :  la  bonne  dame  commença 
une  litanie  de  reproches,  de  questions,  d'exclamations,  plus  embar- 
rassantes les  unes  que  les  autres.  Ce  qu'entendant,  Alix,  s'appro- 
chantà  pas  légers,  guetta  le  premier  pointd'orgue  de  cette  musique, 
et  s'écria  :  "  Chère  tante,  le  ciel  se  couvre  de  plus  en  plus,  et  nous 
avons  encore  bien  du  linge  à  plier.  Ordonnez,  je  vous  prie,  à  M. 
de  la  Calprenède  de  nous  aider,  ou  il  y  aura  du  dégât.  " 


364  LE  PROPAGATEUR 


*•  Y  pensez-vous,  mademoiselle  ?  "  dit  madame  de  Mondragon. 
"  Ce  n'est  point  affaire  à  un  cavalier.  Appelez  les  valets-  " 

"  Non  pas,  "  dit  Alix  :  "  ils  ont  les  mains  trop  rudes,  et  déchire- 
raient nos  collets  et  nos  manchettes;  il  me  faut  les  mains  d'un 
gentilhomme,  et,  fut-il  Hercule  en  personne,j'entends  qu'il  s'estime 
très  heureux  de  nous  aider.  " 

"  J'en  serai  le  plus  content  et  le  plus  honoré  du  monde,  belle 
■cousine,"  dit  Gauthier.  "Ordonnez:  je  ferai  tout  ce  qu'il  vous 
plaira,  jusqu'à  tourner  le  fuseau  à  vos  pieds.  " 

••'  Oh  !  je  n'en  demande  pas  tant,  "  dit  Alix  ;  "  mais  aidez-moi  à 
plier  ceci.  " 

Ils  se  mirent  à  l'œuvre,  et  plièrent  et  rentrèrent  en  une  demi- 
heure  une  quantité  fabuleuse  de  linge.  Les  servantes,  effrayées  par 
le  tonnerre  qui  commençait  à  gronder,  se  hâtaient,  tout  en  faisant 
de  grands  signes  de  croix  à  chaque  éclair.  Enfin  la  besogne  fut 
terminée  heureusement,  et  toute  la  lessive  mise  en  sûreté,  au 
moment  où  la  pluie,  commençant  à  tomber  en  larges  gouttes, 
obligea  toute  la  compagnie  à  rentrer  au  château. 

Le  couvert  fut  mis  alors.  Gauthier,  dont  le  jeune  appétit  était 
aiguisé  par  sa  course  matinale,  vit  avec  plaisir  les  apprêts  d'un 
simple  et  abondant  repas,  dont  la  basse-cour,  le  saloir  et  le  verger 
firent  tous  les  frais.  Taudis  qu'il  attaquait  vigoureusement  un 
■énorme  jambon,  et  que  madame  de  Montdragon  découpait  des 
poulets  nouveaux  et  des  pigeons  à  la  crapaudine,  on  entendit  dans 
la  cour  le  pas  d'un  cheval.  Alix,  courant  à  la  fenêtre,  s'écria: 
'*  Voici  un  pauvre  cavalier  bien  trempé!  l'eau  ruisselle  de  ses 
habits  comme  d'un  arrosoir.  " 

"  C'est  mon  petit  Colin  Dordac,  "  s'écria  Gauthier,  qui  s'était 
levé  aussi  de  table  :  "  il  est  fidèle  au  rendez-vous,  malgré  l'orage. 
€ela  promet.  Seriez-vous  assez  bonne,  ma  tante,  pour  ordonner  à 
vos  gens  de  faire  sécher  et  restaurer  ce  pauvre  garçon  ?  " 

"  Assurément,  beau  neveu,  "  dit  la  châtelaine.  "■  Alix,  veillez  à 
cela,  mon  enfant.  Dites  à  Léonard  de  lui  donner  des  habits  et  de 
faire  sécher  les  siens.  " 

Alix  se  rendit  à  la  cuisine,  et  Gauthier  dit  à  sa  tante  qu'il 
emmenait  Colin  à  Paris.  Ce  fut  un  nouveau  thème  à  lamentations. 
'*  Y  pensez-vous?  ôter  de  la  charrue  cette  honnête  paysan  !  et  pour 
en  faire  quoi?  un  fainéant,  un  laquais,  un  faquin  1  0  jeunesse 
imprudente  !  ô  jeunesse  insensée  I  " 

Pendant  ce  temps  la  pluie  redoublait.  On  vint  avertir  madame 
de  Montdragon  que  le  toit  d'uile  des  tourelles  était  percé,  et  que 
l'eau  du  ciel  tombait  dans  Tescalier.  Elle  y  courut  voir,  laissant 
Alix  et  Gauthier  achever  de  dîner  tête  à  tête.  Ils  causèrent  alors 
fort  gaiement,  et  charmé  de  l'esprit  de  la  jeune  fille,  qu'il  n'avait 
jusqu'alors  regardée  que  comme  une  enfant,  Gauthier  s'appliqua 
à  faire  valoir  le  sien.  Ils  se  dirent  les  plus  jolies  choses  du  monde, 
en  tout  bien  tout  honneui",  et  ils  riaient  ensemble  comme  de  vieux 
amis,  lorsque  madame  de  Montdragon  rentra  dans  la  salle,  et 
modéra  leur  gaieté  par  son  air  sérieux.  L'orage  se  prolongeant, 
elle  décida  que  M.  de  la  Calprenède  ne  pouvait  songer  à  se  remettre 


LE  PROPAGATEUR  36S 


en  route  que  le  lendemain  matin,  et  lui  proposa  quelques  moyens 
d'occuper  son  temps  agréablement  jusqu'au  souper. 

"  Nous  avons  trop  à  faire,  ma  nièce  et  moi,  pour  vous  tenir 
compagnie,"  lui  dit-elle,  '^- mais  vous  trouverez  dans  la  salle 
d'armes  et  la  bibliothèque  de  quoi  vous  divertir.  " 

Elle  introduisit  Gauthier  dans  la  première  de  ces  pièces,  lui 
remit  la  clef  de  l'autre,  et  se  retira  en  lui  disant  que  la  cloche 
l'avertirait  quand  le  souper  serait  servi. 

Gauthier  eût  préféré  causer  ou  faire  de  la  musique  avec  Alix; 
mais,  n'ayant  pas  ce  qu'il  souhaitait,  en  garçon  d'esprit  il  s'accom- 
moda de  ce  qu'il  avait,  et,  après  avoir  rapidement  passé  en  revue 
les  armures  rouillées,  les  pertuisanes,  les  hallebardes,  les  arque- 
buses, les  mousquets,  les  boucliers,  enfin  toutes  les  ferrailles 
offensives  et  défensives  appendues  aux  murs  de  la  salle  d'armes, 
il  entra  dans  la  bibliothèqne  et  se  mit  à  examiner  les  volumes 
poudreux  qu'elle  contenait. 

Bientôt  il  en  découvrit  un,  contemporain  de  Froissard,  et  qui 
lui  parut  digne  d'être  examiné  avec  soin.  C'était  un  manuscrit 
orné  de  miniatures,  et  contenant  des  histoires  si  merveilleuses, 
qu'il  en  oublia  ses  projets,  son  voyage,  l'orage,  la  belle  Alix,  et 
lui-même.  —  Et,  assis  dans  un  grand  fauteuil  du  temps  de  saint 
Louis,  à  peine  éclairé  par  le  jour  qu'assombrissaient  la  tempête  et 
les  vitraux  coloriés,  Gauthier  de  la  Calpienède,  captif  d'un  vieux 
romancier,  passa  six  heures  immobile  et  charmé  dans  la  biblio- 
thèque du  château  de  Montdragon. 

La  cloche  du  souper  ramena  Gauthier  à  la  réalité.  Il  se  hâta 
de  descendre  et  d'aller  demander  à  un  valet  une  brosse  et  de  l'eau 
pour  se  débarrasser  de  la  poussière  des  in-folio  qu'il  avait  remués; 
puis,  lissant  son  ombre  de  moustache,  et  prenant  son  feutre  et  ses 
gants  à  la  main,  il  se  dirigea  vers  la  grande  salle,  où  le  souper 
était  servi.  Les  deux  châtelainesy  entrèrent  bientôt,  accompagnées 
d'un  vieux  prêtre  qui  faisait  les  fonctions  de  chapelain  à  Montdra- 
gon, et  qui  venait  de  rentrer  après  avoir  passé  la  journée  à  visiter 
les  malades  du  voisinage.  L'abbé  dit  le  Benedicite  ;  on  prit  place  à 
la  table,  qu'Alix  avait  ornée  des  fleurs  cueillies  sous  la  pluie,  et  le 
souper  lut  fort  gai.  —  L'abbé  avait  jadis  suivi  le  défunt  seigneur 
de  Montdragon  à  la  cour  de  Henri  LV.  Il  raconta  mille  choses 
intéressantes  sur  le  règne  de  ce  bon  roi,  si  cher  aux  Gascons,  et 
finalement  il  offrit  à  Gauthier  une  lettre  de  recommandation  pour 
le  marquis  de  Besnac,  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi  Louis 
XIII,  et  dont  l'appui  pouvait  être  fort  utile  au  jeune  homme.  Il 
fut  convenu  que  l'abbé  écrirait  cette  lettre  le  soir  même,  et  que 
Gauthier  partirait  le  lendemain,  aussitôt  après  la  messe  de  six 
heures  et  le  déjeuner. 

Le  souper  fini,  les  valets  desservirent  la  table,  la  couvrirent  d'un 
tapis,  y  posèrent  une  lampe  à  trois  becs,  un  in-folio  et  un  sablier, 
et  se  retirèrent.  On  vit  alors  entrer  deux  respectables  duègnes, 
dont  l'une  avait  été  nourrice  de  M.  de  Montdragon,  l'autre  de  sa 
femme.  Chacune  d'elles,  armée  d'une  quenouille,  s'assit  sur  un  es- 
cabeau, un  peu  en  arrière  du  fauteuil  de  madame  de  Montdragon. 

à  suivre 


NOTES  &  RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

POUR    AIDER    LES   ECCLÉSIASTIQUES    A    COMPOSER    ET 
A    COMPLÉTER    LEUR    BIBLIOTHÈQUE 


PREMIERE  PARTIE 
Livres  de  piété  pour  les  ecclésiastiques 

I.  MÉDITATIONS,   suite 


La  retraite  spirituelle  rédigée  se- 
lon la  méthode  de  saint  Ignace  par  les 
PP.  Debrosse  et  Aubry,  compren'l,  sur 
feuilles  délacliées  et  numérotées,  tous 
les  différents  exercices  d'une  retraite  ; 
méditations,  lectures,  considérations, 
et  examens.  Les  méditations,  au  nom- 
bre de  39,  sont  distribuées  par  semain»^ 
dans  l'ordre  indiqué  par  saint  Ignace. 
Il  y  a  des  considérations  pour  les  ec- 
clésiastiques, il  y  en  a  d'autres  pour 
les  séculiers  :  de  même,  outre  les  exa- 
mens pour  les  ecclésiastiques,  il  y  en 
a  destinées  aux  religieux,  sur  l'esprit 
de  leur  état.  Les  ecclésiastiques  qui 
peuvent  avoir  à  dirig'^i-,  dans  les  exer- 
cices d'une  retraite,  des  confrères  ou 
des  Idïcs,  ou  ceux  qui  font  quelquefois 
leur  retraite  en  particulier,  pourront 
très  avantageusement  prendre  cet  ou- 
vrage pour  guide  :  ce  n'est  pas  le  texte 
de  saint  Ignace,  mais  c'est  bien  la 
même  méthode,  les  mêmes  ens-^igne- 
ments  et  les  mêmes  coaseils  pratiques  : 
les  méditations,  qui  comprennent 
moins  de  quatre  pages,  sont  très  sub- 
stantielles. 

Le  P.  Tobie  Lohner  est  surtout  con- 
nu par  sa  Bibliolkeca  manualis  concio- 
naloria  :  c'e^t  le  plus  consid-^rabie  de 
ses  ouvrages.  Il  en  a  publié  aussi  un 
grand  nombre  d'autres,  qui,  sdus  le 
titre  d'inslruclio  praclica,  traitent  des 
différentes  fonctions  et  obligations  A\x 
prêtre  :  le  huitième,  celui  que  nous  si- 
gnalons à  nos  confrères,  est  consacré 
aux  retraites  sacerdotales.  —  La  pre- 
mière parti;  contie.jt  un  traité  didac- 
tique sur  les  exercices  spirituels  ^n 
général,  et  en  particulier  sur  les 
exercices  de  saint  Ignace.  Pour  en 
déterminer  la  nature,  l'auteur  en  étulie 
successivement  les  causes  finale,  ma- 
térielle (sujet  des  exprcice?),  formelle 
(différdnts  éléments  de  ces  exercices), 
et  efficiente.  H  montre  ensuite  l'excel- 
lence des  exercices  d'après  leurs  attri- 
buts intrinsèques  (et  surtout  d'après 
les  douze  fruits  qu'on  en  doit  tirer),  et 
par  les  témoignag'is  extrinsèques  ;  et 
il  indique  quelques  moyens  util  'S  pour 


faire  les  exercices  avec  fruit.  —  La 
seconde  pirtie  renferme  des  modèles 
pratiques  d'exercices  pour  les  retraites 
sacerdotales.  La  première  retraite,  de 
huit  jours,  est  composée  d'après  la 
"  stricte  méthjde  tracée  par  saint  Ig- 
nace. "  El  en  eff;i,  c'est  le  texte  de 
saint  Ignace  qui  est  présenté  à  nos 
réflexions,  avec  les  développements  de 
Lohner  ;  les  méditations  sont  emprun- 
tées pour  deux  jours  à  chacune  des 
semaines  des  •'  É.xercices  spirituels,  " 
et  embrassent  les  trois  vies  ;  purgative, 
illuminaiive  et  unilive.  Pour  chique 
jour  l'auteur  indique  le  but  de  la 
journée,  et  le  texte  du  jour  :  il  donne 
aussi  le  sujet  de  la  consiiéralion,  les 
lectures  à  faire,  les  notes  à  prendre, 
et  les  règles  de  discernement  des 
espr.ts. 

Pour  la  seconde  retraite  sacerdotale, 
également  de  huitjmrs,  l'auteur  adopte 
une  marche  nouvelle  et  dirige,  comme 
il  nous  en  avertit  lui-même,  toutes  les 
méditations  et  tout(.'s  les  considérations 
vers  l'estime  et  la  perfection  de  l'état 
sacerdotal.  Ce  n'est  plus  le  texte  de 
saint  Ignace,  mais  c'est  l'ordre  de  ses 
méditations,  et  1;^  P.  Lohner  sait  pro- 
|)oser  à  nos  réflt  xions  des  pensées  fortes, 
présentées  avec  concision  et  clarté,  et 
enrichies  de  nombreux  textes  de  l'Ecri- 
ture et  des  Pères.  Il  n'assigne  point 
d'autre  livre  de  lecture  que  l'Imitation, 
laissant  au  directeur  de  la  retraite  le 
soin  d'en  choisir  d'autres  en  rapport 
avec  les  dispositions  des  personnes  ; 
mais  il  conseille  d'ajouter  à  son  ou- 
vrage de  pure  doctrine,  un  ouvrage 
historique,  par  exemple  la  Jjiographie 
de  quelque  saint  ])rêire,  "  pour  que  le 
retraitant,  s'y  regardant  comme  dans 
un  miroir,  comprenne  mieux  à  quelle 
distance  il  s'est  tenu  d'un  tel  moJèle, 
et  s'anime  à  se  réformer  pour  s'en  rap- 
procher davantage  " 

La  troisième  retraite  sacerdotale  le 
huit  jours  est  formée  de  méditations 
sur  les  paraboles.  Notre-Seigneur  a 
fa  t  un  fréquent  et  continuel  usage  des 
paraboles  :  "  El  sine  parabolis  non 


LE  PROPAGATEUR 


367 


îoquebalur  eis.  "  Pourquoi  préfera-l-il 
ce  mode  d'inslruclion  à  tous  Its  autres  ? 
se  demanle  l'auleur,  et  il  répond  :  C'est, 
disent  les  interprètes  derÉ3riture,  que 
dans  la  parabole,  li^  vice  ou  la  vertu 
dont  il  s'agit  étant  mis  sur  le  cooipt»? 
d'un  autre  que  nous,  nous  portons 
un  jugement  plus  désintéressé,  plus 
sincère  sur  les  loris  ou  les  mériies  des 
{•ersonnages  mis  en  action,  et  faisanl 
ensuite  un  retour  sur  nous-mêmes, 
nous  apprécions  mieux  Tétit  heureux 
ou  funeste  de  notre  vie  et  nous  sommes 
plus  vivement  excités  à  le  conserver 
ou  à  le  haïr.  "  C'est  par  une  parabole 
que  le  prophèle  Nathun  amena  le  roi 
David  à  reconnaître  l'énonnit-'  de  sa 
faute,  et  àdirePeccaiu'. — Celte  retraite 
sur  les  paraboles  offre  aussi  l'avantage 
de  la  variété.  —  De  plus  "  les  prêlres 
qui  ont  souvent  à  commenter  dans 
leurs  sermons  les  paraboles  évangé- 
liques,  s'en  acquitteront  beaucoup 
mieux  s'ils  ont  commencé  par  en  faiie 
le  sujet  de  leur  méditation,  et  si,  dans 
cet  exercice,  ils  ont  allumé  déjà  le  feu 
de  leur  zèle  et  le  désir  ardent  du  salut 
des  àm-^.  " 

Du  reste,  l'aut- ur  ne  donne,  pour 
celte  retraite,  que  les  méditations,  sans 
revenir  sur  les  autres  ^-xercices,  pour 
lesquels  il  fau  Ira  par  conséquent  con- 
sulter les  indications  données  dans  les 
retniles  précédentes.  Les  paraboles 
méditées  ont  été  distribuées  dans 
l'ordre  exigé  par  le  plan  habituel  des 
exercices  spiriiu-'ls,  les  deux  premiers 
jours  étant  consacrés  aux  paraboles 
qui  nous  rdpp-l!eat  la  fin  de  l'homm; 
et  Id  n'^cessité  de  nous  purifier  de  tout 
pecjié,  tandis  que  les  quatre  jouis  sui- 
vanls  on  nou>  proj>ose  les  paraboles 
seripporlaut  à  l'imitation  de  Jésus- 
Christ  par  la  pratique  des  vertus,  pour 
les  derni-^rs  jours  être  réjervés  à  celles 
qui  ont  quelque  rapport  avec  la  Ré- 
demi ition,  la  gloire  du  ciel  et  l'amour 
de  Dieu.  — Telles  sont  les  trois  retraites 
de  huit  jours  que  P.  Lchner  a  disposées 
pour  les  ecclésiastiques.  Nous  estimons 
qu'elles  peuvent  laire  le  plus  grand 
bien  à  ceux  qui  le-  utilisero.it,  et  nous 
p-"n;ons  que  nos  confrères  pourront 
les  utiliser  non  seulement  pendant  les 
jours  d'une  retraite,  mais  encore  dans 
le  cours  de  l'année  :  ces  méditations 
de  retraite  sont  capables  de  renouveler 
notre  bonne  volonté  el  notre  ferveur, 
et  il  est  bon  d'y  recourir  fréquemment, 

celles  surtout  que  nous  savons  nous 


avoir  fait  une  forte  el  salutaire  im* 
pression. 

Dans  cette  recommandation,  nous 
n'fxclaons  pas,  bien  au  contraire,  la 
seconde  catégorie  des  retraites  du  P. 
Lchner,  c'est-à-dire  les  modèles  pra- 
tiques de  méditations  pour  une  retraite 
sacerdotale  de  trois  jour,-.  Ces  retraites, 
au  nombre  de  quatre,  visent  chacune 
un  but  spécial.  La  première  est  "  à 
l'usage  de  ceux  qui  désirent  examiner 
leur  vocation  au  sacerdoce  et  faire 
choix  devant  Dieu  d'un  état  de  vie.  " 
La  seconde  est  "  pour  ceux  qui  veulent 
se  préparer  saintement  à  célébrer  leur 
première  messe  ;  mais  elle  embrasse 
les  autres  principales  fonctions  et  obli- 
gations du  prêtre,  et  peut  être  utile  à 
tous.  "  Li  troisième  retraite  est  "  pour 
ceux  qui,  après  avoir  travaillé  pendant 
quelque  temps  au  salut  des  â:nes,  dési- 
rent se  recueillir  un  peu.  "  La  qua- 
trième, "  pour  le  prêtre  qui  désire  Jaire 
une  sérieuS'i'  pénilenc-^,  "  étudie  la 
chute  et  la  pénitence  de  saint  Pierre. 
Pour  chacune  de  ces  retraites,  l'auteur 
ne  donne  que  deux  méd.tutions  pour 
chaque  jour,  afin,  dil-il,  Je  laisser  plus 
de  temps  à  la  réflexion  sur  le  choix  à 
faire,  ou  à  l'exam^u  de  conscience  :  il 
indique  en  outre  la  matière  de  cet  exa- 
men, les  lectures  à  faire  ;  en  un  mot, 
il  règle  l'emploi  du  temps  pourleresto 
de  la  journée. 

Celte  variété  de  plans  de  retraite,  et 
le  grand  nombre  de  méditation  ■  qu'elle 
entraîne,  comme  aussi  l'étu  le  très 
complète  sur  les  exercices  spirituels 
qui  remplit  la  moitié  du  premier  vo- 
lume, engageront  peut-è.re  nos  con- 
frères à  introduire  cet  ouvrage  dans 
leur  bibliothèque  :  nous  ne  les  en  dis- 
suadrons  pas. 

L'ÉcoLK  DU  PRÊTRE  de  Tanner  est 
une  retraite  de  huit  jours,  à  quatre 
méditatiuns,  ou  plutôt  quatre  instruc- 
tions par  jour,  qui  embrasse  toutes 
les  vertus  el  tous  les  devoirs  de  l'état 
ecclésiastique.  Après  une  introduction 
sur  la  néces.>iié  et  les  conditions  d'une 
bonne  rel-  aile,  l'auieur  étudie  la  voca- 
tion au  sac-rdoce,  c'est-à-dire  la  fin 
que  Jesus-Chrisl  s'est  proposée  en  in- 
stituan'.  le  sacerdoce,  et  la  préparation 
au  sacer  loce,  au  point  de  vue  de 
la  pureté  dinlenlion,  de  la  science, 
de  la  sainteté.  Au  deuxième  jour, 
il  considère  le  prêtre  dans  ses  fon- 
ctions :  à  l'autel,  en  chare,  dans 
rinslru:tion  de  la  jeunesse,  au  confes- 


368 


LE  PROPAGATEUR 


sionnal.  Au  troisième  jour,  il  nous 
montre  le  prêtre  dans  sa  vie  publique, 
visitant  les  malades,  affermissant  les 
âmes  faibles  dans  la  foi,  cherchant  la 
paix  dans  la  paroisse,  et  travaillant  à 
extirper  lout  germe  de  corruption  et  à 
répandre  les  principes  qui  puissent 
fortifier  la  foi,  l'obéissance,  la  moralité. 
Le  quatrième  jour  est  consacré  à  la 
vie  privée,  c'esl-à-dire  à  la  prière  pres- 
crite au  prêtre,  à  l'économie  qui  lui 
est  permise,  au  costume  convenable,  à 
l'édification  qu'un  prêlre  doit  donner. 
Il  signale  dans  le  cinquième  jour  les 
dangers  auxquels  est  expose  le  prèlre 
dans  l'oisiveté,  dans  les  sociétés,  dans 
ses  liaisons,  dans  sa  propre  maison. 
Le  sixième  jour  envisage  l'énormité  du 
péché  dans  le  prêlre,  le  scandale,  l'en- 
durcissement d'un  mauvais  prêlre,  et 
la  leçon  que  renferme  l'exemple  de  Ju- 
das. Au  septième  jour,  c'est  le  prêtre 
dans  la  reddition  de  ses  comptes  :  le 
prêlre  à  l'article  de  la  mort,  devant 
son  juge,  en  enfer,  et  devant  l'opinion 
publique.  Au  huitième  jour,  c'est, 
comme  conclusion  de  la  retraite,  le 
bonheur  d'un  bon  prêtre,  le  bon  ou  le 
mauvais  résultat  d'une  retraite. 

Ces  insitructions,  très  détaillées  et 
très  comp  êtes,  sont  en  même  temps 
très  pressantes  par  la  manière  dont  la 
vérité  est  présentée,  et  par  les  nom- 
breuses citations  de  la  sainte  Ecriture 
et  des  Pères.  On  devine  dans  l'auteur 
un  homme  plein  de  zèle  et  d'expérience, 
qui  connaît  le  cœur  humain  et  en  dé- 
couvre hardiment  les  plaies  pour  indi- 
quer le  remède  à  appliquer.  —  Il  est 
très  utile,  quelquefois  même  néces- 
saire que  le  prêtre  dans  une  re- 
traite soit  commune,  soit  particulière, 
revoie  en  détail  quelles  sont  ses  obli- 
gations, et,  par  suite,  quelles  peu- 
vent être  ses  fautes.  Généralement 
le  prédicateur  d'une  retraite  ecclésias- 
tique ne  peut,  dans  le  temps  qu'on  lui 


donne,  envisager  toutes  les  vérités  :  il 
ne  suffira  pas  à  éclairer  chacun  des 
retraitants  sur  l^s  points  qui  réclame- 
raient de  sa  part  une  attention  spé- 
ciale. Les  réflexions  pendant  les  temps 
libres  et  l'examen  de  conscience  ne 
doivent  pas  se  restreindre  aux  sujets 
traités  pour  tous  :  mais  pour  ces  réfle- 
xions et  cet  examen,  qui  répondent  à 
nos  besoins  personnels,  nous  avons 
besoin  d'un  guide  ;  et  ce  guide  est 
quelquefois  nécessaire  pour  nous  faire 
connaitr  e  ces  besoins  personnels.  L'éco- 
le du  Prêlre  peut  être  ce  guide.  —  Il 
le  sera  surtout  pour  les  retraites  faites 
en  particulier  ;  il  remplacera  le  prédi- 
cateur. Si  la  matière  de  ces  deux  vo- 
lumes du  P.  Tanner  ne  peut  pas  être 
I  épuisée  pendant  le  temps  qui  est  ordi- 
j  nairement  consacré  chaque  année  à  la 
retraite,  qui  nous  empêchera  de  prolon- 
ger notre  retraite  tn  utilisant  pour  nos 
lectures  spirituelles  ou  nos  méditations 
le  Le  Prêlre  sanctifié  dans  la  relraile  f 
(c'est  le  sous-titre  de  l'ouvrage  que 
nous  apprécions). 

Le  traducteur  a  adapté  aux  mœurs 
françaises  ce  livre  composé  pour  le 
clergé  allemand.  Peut-être  n'a-t-il  pas 
réussi  complètement  à  lui  donn-r  une 
forme  irréprochable:  il  eut  m  eux  valu, 
pour  éviter  des  phrases  un  peu  obscu- 
res, renoncer  à  une  traduction  trop 
littérale.  Nous  pouvons  présenter, 
comme  une  large  compensation  de  cet 
inconvénient,  VExamen  à  l'usage  du 
Clergé  ajouté  par  M.  l'abbé  Bénard, 
et  oïl  il  envisage  successivement  et 
dans  le  détail  les  devoirs  généraux  du 
prêtre  soit  envers  Dieu,  soit  envers 
soi-même,  soit  envers  le  prochain,  et 
les  devoirs  d'un  pasteur  dans  le  minis- 
tère paroissial  :  c'est  un  appendice 
nécessaire  d'un  guide  de  retraite  ;  il 
peut  du  reste  être  utilisé  en  temps  or- 
dinaire, et,  à  ce  titre,  il  sera  mentionné- 
et  apprécié  plus  tard. 


LE    PROPAGATEUR 

Volume   IV,  15  Août,  1893,  Numéro  12 

BULLETIN 

8  Août  1893 

*^*  Les  dépêches  de  Paris  annoncent  que  les  élections  générales 
pour  la  Chambre  des  députés  de  France  auront  lieu  le  20  août. 
Ces  élections  sont  d'une  immense  importance  car  la  lutte  va  se 
faire  sur  un  terrain  nouveau.  Acceptant  les  conseils  du  Pape  et 
suivant  l'exemple  des  cardinaux  et  de  l'épiscopat  tout  entier,  la 
grande  majorité  des  catholiques  de  France,  conservateurs,  roya- 
listes, impérialistes  et  autres,  ont  accepté  la  république  et  ils  vont 
combattre  les  sectaires  sur  leur  propre  terrain. 

D'un  côté  seront  les  hommes  d'ordre,  ceux  qui  veulent  le  règne 
de  la  justice  et  d'une  sage  liberté,  les  hommes  qui  veulent  réfor- 
mer les  lois  d'éducation,  protéger  la  religion  et  rendre  à  la  France 
la  place  qu'elle  doit  occuper  dans  le  monde. 

De  l'autre  côté  seront  les  laïcisateurs,  les  socialistes,  les  radi- 
caux, les  francs-maçons,  les  sectaires  de  toutes  nuances  et  tous 
les  hommes  de  désordre,  ceux  qui  reulent  déchristianiser  la 
France  et  y  faire  régner  l'impiété. 

Le  prochain  scrutin  nou=  dira  dans  quelques  jours  si  le  beau 
pays  de  France  veut,  pendant  „inq  autres  années,  être  encore  à 
la  merci  de  ceux  qui  lui  ont  fait  tant  de  mal  et  qui  veulent,  par 
leurs  excès  et  leur  tyrannie,  lai  faire  oublier  ses  traditions. 

Ces  élections  nous  intéressent  à  un  haut  degré,  nous,  les  fran- 
çais d'Amérique,  et  nous  faisons  des  vœux  ardents  pour  le  triom- 
phe des  hommes  d'ordre  qui  veulent  régénérer  notre  mère-patrie. 
Puissent-ils  chasser  du  pou''oJr  ceux  qui  en  abusent  tant  au  dé- 
triment du  pays. 

En  parlant  de  ces  élections  le  journal  La  Croix  publie  le  petit 
article  qui  suit  : 

CE   QUE   NOUS  DEMANDONS. 

Nous  demandons  qu'aux  prochaines  élections  tous  les  Français  laissent  de 
côlé  les  querelles  de  partis,  les  vieilles  rancunes,  pour  revenir  aux  sentiments 
de  justice,  et  pour  ne  songer  qu'aux  intérêts  matériels,  moraux  et  re'igieu^  du 
pays. 

Les  franes-maçons  ne  seront  pas  contents. 

A  la  porte  les  îrancs-maçons  !  voilà  assez  longtemps  qu'ils  pèchent  en  eau 
trouble  et  qu'ils  exploitent  le  pays. 

Monsieur  Odelin  qui  se  présente  dans  le  huitième  arrondisse- 
ment de  Paris,  (quartier  de  l'Europe  Madeleine)  a  publié  une  pro- 
fession de  foi  électorale  qui  indique  parfaitement  la  voie  que 
doivent  tuivre  les  électeurs  qui  veulent  sincèrement  le  salut  de 
leur  patrie.    M.  Odelin  est  l'un  de  ces  hommes  d'ordre   qui  com- 

23 


374  LE  PROPAGATEUR 


Latlent  constamment  pour  le  triomphe  des  saines  idéâs.  Au  con- 
seil municipal  de  Paris  il  a  él^-  l'un  des  plus  ardents  champions 
de  la  réintégration  des  sœurs  dans  leshôpitaux.  Milti^^ureu sèment 
les  dernières  élections  municipales  lui  ont  été  défavorables.  Puisse- 
t-il  être  plus  heureux  dans  les  prochaines  élections  parlementaires. 
J'extrais  ce  qui  suit  de  sa  profession  de  foi  aux  électeurs  dn 
Ville  arrondissement  : 

La  solution  du  problème  électoral  qui  se  pose  aujourd'hui  relève  simplement 
de  l'honneur  el  de  la  probité  nationale. 

Il  s'agit  d'^  savoir  si  vous  voulez  ; 

Conserver  un  régime  qui  n'a  fonctionné  jusqu'ici  que  pour  proléger  le  vol,  fa- 
vor.ser  les  ti  ipotages  et  encourager  les  concussions  ; 

On  ^^ubstitu-T  des  citoyens  désintéresés  à|  les  représentmts  qui  n'utilisent  leur 
mandai  qu-^  pour  la  satisfaction  de  leurs  appétits. 

11  importe  du  décider  : 

Si  la  Ri-pubiiqua  issue  de  la  volonté  nationale  restera  la  chose  personnelle  de 
sectaires  qui  l'exploitent  et  la  déshonorent  ; 

Ou  si  la  révision  de  la  Constitution  mettra  le  gouvernement  dans  l'obligation 
de  re^peclf-r  enlin  les  droits  immuables  de  la  famille  et  de  la  religion,  qui  sont 
la  sauvegarde  des  intérêts  sacrés  de  la  patrie. 

Il  est  nécessaire  ; 

D-^  n'accorder  confiance  qu'à  des  mandataires  jaloux  de  leur  dignité  el  dont 
l'unique  ambition  sera  de  combaltra  les  abus  ou  les  excès  d'une  politique  arbi- 
traire et  démoralisatrice,  franc-maçonnique  et  anti-national  3. 

Il  faut  : 

Que  ch  iquc  élu  soit  un  défenseur  invincible  des  vieilles  traditions  qui  ont  fait 
d'i  notre  chère  France  le  plus  noble  pays  ilu  droit,  de  l'honneur  et  de  la  liberté. 

C'esl  dans  cet  ordre  d'idées  que,  céiiant  à  de  nombreuses  sollicitations,  je 
soum-itlrai  ma  candidature,  lors  des  él  étions,  à  l'approbation  de   vos  suffrages. 

J.  Odemn,  ancien    conseiller  municipal- 

* 

*,*  La  guerre  qui  était  imminente  entre  la  France  et  Siam  n'au- 
ra pas  lieu.  Siam  a  reconnu  les  justes  réclamations  de  son  ad- 
versaire et  y  a  fait  droit. 

Le  sang  ne  coulera  pas  et  la  cause  de  la  civiUsation  a  fait  un  pas 
de  plus. 

L'Angleterre  a  eu  le  bon  esprit  cette  fois,  de  ne  pas  intervenir 
et  de  ne  pas  envenimer,  par  une  intervention  intempestive,  une 
chicane  qui  aurait  pu  avoir  les  plus  fatals  résultat?. 

Ce  dénouement  ne  peut  manquer  d'accroître  le  prestige  de  la 
France  et  d'augmenter  son  influence  dans  l'extrême  Orient. 

Le  royaume  de  Siam,  que  ses  démêlés  avec  la  France  vient  de 
faire  sor.ir  de  l'obscurité  est  situé  dans  l'Asie  Méridionale,  au  sud 
du  Tonkin  et  à  l'ouest  de  l'Annam.  Il  a  une  population  d'à  peu 
près  7,000,000  d'habitants.  Lh  boudhisme  est  la  principale  religion 
et  la  polygamie  y  est  pratiquée. 

•/  Hier,  le  T  août,  a  eu  lieu  a  Washington  l'ouverture  de  la 
session  extraordinaire  du  congrès  des  Etats-Unis.  La  question  de 
l'abrogation  ou  au  moins  de  la  modification  de  la  loi  Sherman 
concernant  l'argent  (Sherman  silver  law),  est  la  cause  principale  de 
cette  convocation  du  Congrès  en  session  extraordinaire.  C'est  la 


LE  PROPAGATEUR  375 


•douzième  fois,  depuis  rétablissement  de  la  constitution  fédérale 
des  Etals-Unis,  que  le  congrès  est  ainsi  convoqué. 

M.  Charles  F.  Grisp,  de  la  Géorgie,  a  été  élu  président  ou  ora- 
teur de  la  Chambre  des  représentants.  Il  a  eu  214  voix  et  son 
principal  concurrent,  M.  Reed,  en  a  eu  122. 

M.  Crisp  est  avocat  et  il  est  âgé  de  48  ans.  Il  est  né  à  Sheffield, 
en  Angleterre,  pendant  un  voyage  que  ses  parents  y  firent.  Il  fut 
élevé  aux  Etats-Unis  et  il  a  fait  ses  éludes  à  Savannah  et  à  Maçon. 
Pendant  la  guerre  de  sécession  il  a  fait  partie  de  l'armée  confé- 
dérée. En  mai  lrf64  les  fédéraux  le  firent  prisonnier  et  ils  l'inter- 
nèrent dans  le  fort  Delaware  où  il  demeura  plus  d'un  an  (l). 

Les  temps  sont  bien  changés  depuis  la  guerre  de  sécession 
puisque  le  proscrit  d'alors  est  devenu  le  président  d'un  des  corps 
législatifs  du  pays. 

*/  Aux  fêtes  de  juin  dernier  à  Montréal  le  congrès  national  a 
adopté  un  projet  de  fédération  des  sociétés  nationales.  Cette  nou- 
velle association  porte  le  titre  de 

Alliance  St  Jean-Baptiste  des  sociétés  nationales  canadiennes-françaises 

du  Canada 

Le  deuxième  article  du  projeifait  connaître  le  but  de  l'Alliance, 
le  voici  : 

II.   But. — Le  but  de  \' Alliance  est  : 

lo.  De  maintenir  inlacles  nos  institutions,  notre  langue  et  nos  lois  ; 

2o.  De  réunir,  sous  ses  drapeaux,  tous  les  Canadiens-Français  d'origine,  le 
jour  de  la  fêle  nalionale  ; 

3o.  D'obtenir  pour  ia  race  française  sa  juste  part  d'inQueuce  en  Amérique  ; 

4o.  De  veiller  aux  intérêts  de  nos  nationaux  réunis  en  uae  orgaoïsatiôa 
puissante  ; 

5o.  D'aider  les  groupes  canadiens  des  Etats-Unis  et  du  Canada  à  créer  des 
missions,  des  écoles  françaises,  des  sociétés  nationales  ei  de  secours  ; 

6o.  De  faciliter  le  rapatriement  de  nos  compairioles  émigrés,  en  les  dirigeant 
dans  les  centres  de  coloaisation  les  plus  favorables,  et  en  leur  trouvant  de  l'em- 
ploi dans  nos  villes  manufacturières  ; 

7o.  De.  créer  au  siège  de  l'association  une  bibliothèque  nationale  ; 

8o.  D'élever  des  statues  aux  hommes  distingués  qui  ont  illustré  nôtre  histoire. 

*** 

*,*  Le  26  Juillet  la  paroisse  de  Varennes  a  célébré  le  deux  cen- 
tième anniversaire  de  son  établissement.  Pour  cette  célébration  les 
Varennois  ont  devancé  la  date  de  l'établissement  qui,  d'après  les 
registres  aurait  eu  réellement  lieu  en  décembre. 

La  date  du  26  juillet  a  été  ainsi  choisie  parce  que  c'est  le  jour  de 
la  fête  de  Ste-Anoe  la  patronne  de  la  paroisse. 

A  cette  même  date  l'année  dernière,  la  paroisse  célébrait,  avec 
des  pompes  magnifiques,  le  cinquantenaire  du  couronnement  du 
tableau  miraculeux  de  sa  patronne  (2). 

La  fête  de  l'année  dernière  a  été  très  belle.  Les  préparatifs,  pour 

(1)  J'emprunte  ces  détails  au  "Salem  News  "  publié  à  Salem,  Massachusetts. 

(2)  Voir  le  Propagateur  du  premier  août  1892, 


376  LE  PROPAGATEUR 


la  fête  de  cette  année  étaient  considérables,  malheureusement  la 
pluie  qui  tombait  par  torrents  les  a  rendus  inutiles.  Les  cérémo- 
nies qui  ont  eu  lieu  à  l'église  ont  été  très  imposantes,  mais  il  a  été 
impossible  de  faire  la  grande  procession  projetée. 

A  cause  de  la  pluie  une  grande  partie  des  fêtes  religieuses  a  été 
retranchée  du  programme.  Elle  a  aussi  nui  considérablement  aux 
fêtes  civiles.  Le  soir,  cependant,  la  population  s'est  réunie  près  du 
du  fleuve,  en  face  de  l'hôtel,  et  des  orateurs,  enfants  de  Varennes 
pour  la  pluspart  ont  rappelé  avec  enthousiasme  le  souvenir  des 
ancêtres  et  redit  le  passé  glorieux  de  la  paroisse. 

Ces  célébrations  de  centenaires  et  autres  anniversaires  d'événe- 
ments remarquables,  ravivent  les  sentiments  religieux  et  patrioti- 
ques. Ils  font  penser  à  ceux  qui  ont  vécu  aux  lieux  qui  nous  sont 
chers,  à  ceux  qui  dorment  leur  dernier  sommeil  à  l'ombre  de  la 
croix  du  cimetière.  Il  nous  rappellent  les  vertus  de  ceux  qui  noui 
ont  précédés  et  ils  nous  font  prendre  la  résolution  de  marcher  sur 
leurs  traces  et  de  ne  pas  dégénérer. 

ALBY 


BIBLIOTHEP  THEOLOCIP 

DU  XIX'  SIECLE 
•REDIGEE   PAR   LES   PRINCIPADX   DOCTEURS   DES   UNIVERSITES   CATHOLIQUES 

La  Bibliothèque  Ihéologique  du  dix-neuvième  siècle  est  rédigée  par  des 
savants  dont  la  plupart  professent  depuis  longtemps  dans  les  grandes  Univer- 
sités Catholiques  sur  les  matières  diverses  qu'ils  se  sont  chargés  de  traiter  : 
nous  pouvons  donc  affirmer  sans  crainte  qu'elle  réunit  toutes  les  conditions 
propres  à  lui  conquérir  les  suffrages  des  plus  exigeants. 

Embrassant  dans  son  programme  toutes  les  "  sciences  "  qu'on  peut  ranger 
sous  le  titre  de  théologie,  la  Bibliothèque  devait,  pour  remplir  dignement  sa 
tâche,  offrir  ces  deux  qualités  principales  :  être  irréprochable  dans  la  doctrine, 
et  ne  présenter,  sur  chaque  partie  de  la  science  sacrée,  que  des  travaux  de 
première  main,  puisés  directement  aux  sources  originales. 

Pour  remplir  ces  conditions,  sans  lesquelles  nulle  entreprise  de  cette  sorte  ne 
peut  aspirer  à  un  succès  durable,  il  fallait  confier  la  rédaction  de  la  Bibliothèque 
à  des  hommes  qui  joignissent  à  l'orthodoxie  de  la  doctrine,  attestée  par  de 
précédents  travaux,  l'autorité  qui  s'attache  à  une  position  éminente  dans  le 
haut  enseignement.  Aussi  la  critique  des  hommes  du  métier  qui  a  essayé  de 
s'exercer  sur  les  pages  rédigées  jusqu'ici  n'a-t-elle  pu  que  rendre  les  témoignages 
les  plus  flatteurs  à  la  science  des  auteurs  et  à  l'exactitude  de  leur  idées. 

Rédigée  après  le  concile  du  Vatican,la5ii/î0//iègwe  devait,  toutes  les  fois  qu'il  y 
avait  lieu,  prendre  en  considération  toute  spéciale  les  doctrines  que  le  Concile  a 
définies  ou  confirmées,  les  erreurs  qu'il  a  flétries  ;  elle  devait  aussi  tenir  compte 
des  s-jstèmes  inventés  par  la  sophistique  contemporaine  pour  battre  en  brèche 
le  surnaturel  et  le  christianisme  tout  entier.  On  n'y  trouve  et  n'y  trouvera  nul 
mélange  de  ces  théories  hasardées,  de  ces  systèmes  semi-rationalistes  qui  ont 
quelquefois  jeté  un  discrédit  sur  des  travaux  qui,  sans  cela,  n'eussent  pas 
manqué  de  valeur.  (Voir  la  suite  à  la  page  399) 


DAVID 

ROI,  PSALMISTE,  PROPHETE 

AVEC    UNE 

INTRODUCTION  SUR  LA  NOUVELLE  CRITIQUE 
Par  Son    Em.    le  CARDINAL  MEIGNAN 

ARCHEVEQUE   DE    TOURS 

1  fort  vol.  in^ Prix:  $1.88 

Cette  étude  sur  la  personne  de  David,  ses  œuvres  et  ses  psaumes 
demeurait,  comme  plusieurs  autres  études  bibliques  qui  ne  seront 
probablement  jamais  publiées,  dans  les  cartons  de  notre  cabinet 
de  travail.  Une  publication  récente,  d'un  caractère  agressif  contre 
nos  traditions  et  absolument  calomnieuse  contre  David,  la  fait 
sortir  de  son  obscurité. 

Si  imparfaite  qu'elle  soit,  elle  nous  a  semblé  répondre  pour  une 
part  à  des  attaques  qui  seraient  sans  portée  à  une  époque  moins 
ignorante  des  titres  de  l'histoire  sacrée  à  l'autorité  et  au  respect. 
Dans  les  conditions  et  les  dispositions  d'esprit  de  nos  contempo- 
rains, elle  nous  paraît  avoir  quelque  utilité  et  même  satisfaire  à 
un  besoin  de  l'apologétique  chrétienne. 

A  la  méthode  hypothétique  de  M.  Renan  qui,  dans  son  Histoire 
du  peuple  d'Israël^  ouvrage  d'apparence  scientifique,  a  permis  à 
l'écrivain  de  créer  plus  d'un  roman  correspondant  à  l'état  d'une 
âme  sceptique  amie  du  paradoxe  et  de  l'impiété,  nous  substituons 
la  méthode  historique. 

Nous  avons,  dans  un  volume  précédent,  établi  l'autorité  du 
premier  et  du  second  livres  des  Rois,  appelés  Livres  de  Samuel. 
Nous  avons  démontré  que  ces  livres,  dus  à  l'inspiration  du  Saint- 
Esprit,  avaient  été  composés  d'après  les  archives  royales,  les  mé- 
moriaux, les  annales  de  la  maison  de  David  et  de  Salomon,  d'après 
les  contemporains,  à  la  manière,  si  l'on  veut,  des  mémoires  de 
Xénophon.  Maintenant,  sur  ces  bases  solides,  avec  les  documents 
ofiiciels,  nous  élevons  un  monument  d'une  inébranlable  fermeté, 
nons  racontons  la  vie  de  David  telle  qu'elle  a  été  :  nous  rassem- 
blons comme  en  faisceau  les  rayons  épars  de  cette  vie,  et  nous  en 
éclairons  la  figure  du  berger  comme  celle  du  capitaine,  celle  du 
poète  chanteur  comme  celle  du  roi  créateur  et  organisateur,  celle 
du  grand  prince  comme  celle  du  grand  prophète.  Nous  montrons 
le  roi  de  Juda,  après  des  épreuves  inouïes,  triomphant  de  ses 
ennemis,  asseyant  son  trône  dans  une  capitale  fondée  'par  lui, 
élevant  un  palais  imposant,  rétablissant  et  perfectionnant  le  culte 
mosaïque,  préparant  les  matériaux  du  temple  le  plus  illustre  du 
vieux  monde,  organisant  une  armée,  une  cour  et  enfin  un  système 
presque  complet  d'institutions  politiques,  étonnant  pour  ces  époques 
reculées,  dix  siècles  avant  Jésus-Christ,  presque  au  temps  des 
Grecs  d'Homère. 


378  LE  PROPAGATEUR 


Nous  dégageons  de  tous  ces  événements  et  des  tableaux  dans 
lesquels  ils  s'encadrent,  l'élément  messianique.  Nous  montrons  en 
David  la  figure  du  Christ  méconnu,  persécuté,  fondateur  de  l'Eglise, 
auteur  de  la  hiérarchie  catholique,  roi  spirituel  de  tous  les  siècles 
et  de  toutes  les  nations. 

Toutes  les  prophéties  futures  ont  un  point  de  départ  dans  les 
psaumes  de  David,  quand  elles  ne  s'y  trouvent  pas  en  germe  ou 
formellement.  C'est  le  plus  riche  et  le  plus  abondant  des  prophètes^ 

Nous  nous  proposons,  nous  aussi,  d'éclairer  un  problème  que  la 
critique  négative  aborde  sans  le  résoudre  et  que  nos  contempo- 
rains posent  en  ces  termes  :  comment  et  pourquoi  le  christianisme 
est-il  sorti  du  judaïsme  ?  comment  le  monothéisme  juif  est-il 
devenu  la  religion  de  l'Évangile  et  l'un  des  grands  facteurs 
moraux  de  la  civilisation  ? 

Nous  n'avons  pu,  dans  ces  volumes,  épuiser  l'élément  messiani- 
que. Nous  n'avons  guère  fait  que  montrer  où  le  chrétien  doit  le 
chercher.  Nous  avons  voulu  l'initier  aux  études  solitaires  qui  ont 
été  la  consolation  de  notre  vie.  Nous  n'avons  ici  qu'un  faible 
mérite  ;  nos  guides  ont  été  nos  pères  dans  la  foi,  les  apôtres,  les 
Pères  de  l'Eglise,  et  tous  les  commentateurs  chrétiens.  Nous 
n'avons  point  craint  d'aller  chercher  jusque  chez  les  protestants 
allemands  ce  qu'ils  ont  conservé  de  l'antique  tradition  catholique, 
chez  les  Hengstenberg,  les  Delitscb,  et  chez  ceux  qui  comme  M. 
Bohl  ont  rédigé  de  précieux  résumés.  Nous  n'avons  fait  qu'ajouter 
à  leurs  pensées  et  à  leurs  paroles  ce  qui,  dans  la  phase  que  nous 
traversons,  peut  le  faire  comprendre  et  rendre  leurs  travaux  plus 
utiles.  Dans  l'immense  et  inépuisable  trésor  du  Père  de  famille, 
il  y  a,  comme  nous  l'apprend  Jésus-Christ,  ce  que  l'on  peut 
toujours  appeler  l'Ancien  et  le  Nouveau,  nova  et  vetera,  des  choses 
anciennes  par  le  fond,  nouvelles  par  les  considérations  et  la  forme  i 
c'est  pour  cela  que  nous  avons  exposé  la  vie  et  les  œuvres  de 
David  à  plus  d'un  égard  autrement  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici  : 
non  weufl,  sed  nove.  C'est  pour  cela  qu'aux  témoignages  des  com- 
mentateurs les  plus  anciens,  nous  avons  ajouté  ceux  des  plus 
récents. 

Puisse  le  Seigneur  bénir,  au  déclin  de  notre  vie,  ce  fruit  tardif, 
mûri  par  la  réflexion  et  les  études  !  Qu'il  soit  une  nourriture  pour 
le  lecteur  sincère  et  avide  de  vérité  ;  qu'il  soit,  avec  les  volumes 
qui  l'ont  précédé,  une  œuvre  de  quelque  poids  dans  la  balance  où 
sont  pesées  les  œuvres,  de  manière  à  incliner  en  notre  faveur  les 
jugements  définitiis  de  Dieu,  qui  ne  peuventplus  tarder  beaucoup 
pour  nous. 

LES  EVANGILES  ET  LA  CRITIQUE 

-A.TJ    2CIX:e    SIECLE 
Par  ISon  Km.  le  Cardinal  JXIeignait 

archevêque  de  Tours 
Ivol  in-8 $1.50 


SALOMON 

SON    REGIsTE  -  SES    ECRITS 


SON  ÉM.  LE  CARDINAL  MEiaNAN 

ARCHEVÊQUE  DE   TOURS 

1  fort  vol.  in-8 Prix  :  $1.88. 

Nous  allons  raconter  les  actes  et  interpréter  les  écrits  d'un 
grand  roi  et  d'un  grand  sage. 

Sar  un  théâtre  plus  étroit,  Salonion  fut  en  Orient,  au  point  de 
vue  du  renom,  dix  siècles  avant  Jésus-Christ,  ce  qu'eût  été  Charle- 
magne  pour  l'Europe,  si  Gharlemagne  avait  tenu  une  plume 
comme  il  tenait  une  épée. 

Salomon  fut  un  glorieux  monarque  doublé  d'un  savant,  d'ua 
philosophe,  d'un  poète. 

S  n  histoire  révèle  l'idéal  du  Sage  au  sens  antique  du  mot. 

Le  mot  Sagesse,  presque  synonyme  autrefois  du  mot  science^ 
quoique  d'une  signification  plus  étendue,  renfermait  l'idée  de  la 
plus  haute  perfection  morale  à  laquelle  l'humanité  peut  s'élever 
par  les  œuvres  de  l'intelligence,  du  courage  et  de  la  vertu,  à  la 
fois  dans  le  domaine  religieux  et  dans  la  sphère  profane. 

Le  règne  de  Salomon  nous  révèle  une  civilisation  déjà  avancée, 
quand  l'Europe  tout  entière  était  encore  horriblement  barbare. 
L'état  politique  de  la  Palestine  à  cette  époque  a,  pour  Thistorien, 
l'inlérêt  que  lui  offrirait  l'histoire  de  Mycènes,  de  Phthie,  d'Ithaque 
et  de  Troi",  au  temps  d'Agamemnon,  d'Achille  et  d'ITlysse,  si  des 
documents  authentiques,  dépouillés  des  fables  et  de  la  mythologie 
d'Homère,  étaient,  par  une  fortune  qu'on  ne  peut  attendre,  livrés 
à  la  lumière.  Ce  serait  un  tableau  curieux  de  mœurs  à  peu  près 
inconnues,  barbares  encore,  et,  nous  n'en  pouvons  douler,  bien 
au-dessous  de  l'état  social  d'Israël.  Il  serait  digne  d'un  homme 
sérieux  de  se  rendre  compte  des  différences  de  civilisation,  à  une 
même  époque,  de  peuples  également  intelligents.  Ce  que  nous 
savons  de  la  Syrie  et  de  sa  religion  la  place  bien  au  dessons  d'Is- 
raël au  point  de  vue  des  mœurs.  De  son  côté  l'Egypte  était  livrée 
à  des  multiples  et  puériles  superstitions. 

Mais  pourquoi  Israël  était  il  si  supérieur  à  tous  égards  aux  roy- 
aumes qui  l'entouraient  comme  une  ceinture  ?  La  raison  du  phé- 
nomène gît  dans  une  intervention  divine  manifestée  principalement 
dans  la  loi  du  Sinaï.  La  Providence  avait  aussi  ménagé  à  Israël 
un  berceau  et  une  école  de  civilisation  dans  le  grand  royaume 
égyptien,  moyen  dont  Dieu  se  servit  pour  avancer  le  peuple  choisi 
dans  les  arts  et  dans  les  principes  de  la  vie  civile  et  profane,  A 
ceux  qui  n'ont  point  étudié  la  Bible  (et  qui  l'étudié  aujourd'hui  ?) 
nous  ferons  toucher  du  doigt  le  fait  de  la  supériorité  d'Israël,  si 
nous  avons  réussi  à  l'exposer  suivant  nos  désirs.  Dieu  s'y  montrera 
comme  à  découvert. 


380  LE  PROPAGATEUR 

Parallèlement  à  l'étude  du  règne  de  Salomon,  nous  étudions 
ses  écrils.        ' 

Pour  faire  juger  de  l'importance  et  de  l'intérêt  de  ce  qui  nous 
reste,  à  l'état  fragmentaire,  des  écrits  salomoniens,  il  suffît  de 
citer  leurs  titres  et  d'en  dire  la  signification. 

Le  Kohéleth  est  la  considération  de  l'homme  selon  la  nature  ; 
son  titre  explicatif  serait  pour  nous  : 

l'homme  et  la  nature 

Les  Proverbes,  qui  contiennent  les  révélations  de  la  Sagesse 
personnifiée,  considérée  comme  hypostase  divine,  auraient  pour 
titre  explicatif  : 

l'homme  et  la  révélation  de  la  sagesse  divine 

Enfin  le  Cantique  des  cantiques  s'appellerait  : 

CHANT   DE   l'amour   RÉCIPROQUE    DE    DIEU 
ET   DE   LA   CRÉATURE    HUMAINE 

fealomon,  quand  il  était  puissant  et  glorieux,  quand  les  peuples 
et  les  monarques  prêtaient  une  attention  curieuse  et  intéressée  à 
ses  paroles  et  à  ses  écrits,  Salomon,  inspiré  de  Dieu,  a  peint  avec 
les  lumières  de  l'expérience  : 

1°  L'humanité  ignorante,  faible  et  misérable  par  nature,  et 
livrée  à  ses  propres  forces  ; 

2°  L'humanité  éclairée  et  consolée  par  les  révélations  et  avec 
les  secours  de  la  Sagesse  divine  ; 

3°  L'humanité  vivifiée  et  transformée  par  l'amour  divin. 

Au  point  de  vue  où  nous  nous  plaçons  pour  considérer  l'histoire, 
Salomon  lut  un  grand  prophète  de  l'Évangile,  et,  dans  l'Ancien 
Testament,  une  illustre  figure  du  Messie." 

Notre  but  a  été,  ali  moyen  de  l'étude  et  des  recherches,  de  dé- 
gager la  vérité  religieuse  diluée  parfois  dans  les  expositions  con- 
fuses de  ses  meilleurs  amis,  ou  défigurée  par  ceux  qui  la  mécon- 
naissent systématiquement. 

En  ce  temps  d'ébranlement  des  croyances,  il  importe  que  tout 
chrétien,  chacun  suivant  son  intelligence,  son  instruction  et  ses 
besoins,  se  rende  compte  à  lui-même  de  la  raison  de  sa  foi  et  soit 
en  état  de  la  défendre  et  de  la  justifier,  ne  serait-ce  qu'à  ses  propres 
yeux,  quand  on  l'attaque. 

Quelle  est  la  raison  du  christianisme  ?  Voilà  la  redoutable 
question  du  jour.  Les  uns,  pour  y  répondre,  invoquent  justement 
les  bienfaits,  les  services,  les  progrès  dus  à  l'Évangile  dans  le  passé 
et  tout  ce  que  le  monde  peut  attendre  encore  de  son  inépuisable 
fécondité.  Les  autres  mettent  en  lumière  la  vie  merveilleuse,  la 
mort  et  la  résurrection  du  Garist  ;  d'autres  enfin,  l'excellence  de 
sa  doctrine. 

Quant  à  nous,  nous  cherchons  dans  l'Ancien  Testament  ce  qui 
a  principalement  préparé,  annoncé,  figuré  et  prophétisé  Jésus  et 
son  règne  dans  le  monde  et  dans  l'histoire.  Dieu  seul  peut  agir  de 
la  sorte  sur  tous  les  points  de  l'espace  et  du  temps. 


LE  PROPAGATEUR  381 


Nous  suivons  pas  à  pas  cette  divine  préparation  dans  la  Bible, 
et,  chemin  faisant,  nous  montrons  à  ceux  de  nos  co.itemporains 
qui  seraient  émus  par  les  systèmes  d'apparence  scientifi  [ue  qu'on 
nous  oppose,  combien  fermes  et  solides  sont  les  fondements  sur 
lesquels  repose  la  doctrine  qui  affirme  l'origine  divine  du  christia- 
nisme. 

Ce  travail  a  occupé  la  principale  partie  de  nos  heures  de  soli- 
tude. Il  a  soutenu  notre  foi  et  enchanté  notre  vie.  Notre  ambition 
a  été  d'associer  nos  frères  à  nos  études  consolantes  et  fortifiantes. 
La  Bible  a  d'incomparables  attraits.  L'archéologie,  l'esthétique, 
la  philosophie,  le  vrai  comme  le  beau,  s'y  donnent  la  main,  comme 
le  choeur  des  Grâces  au  panthéon  de  la  Grèce, 

Nous  avons  déjà  parcouru  une  longue  roule.  Après  avoir  in- 
terrogé les  échos  des  vieux  âges,  depuis  l'Éden  jusqu'à  Moïse, 
depuis  Moïse  jusqu'au  temps  de  Samuel,  nous  avons  rencontré 
David,  son  règne  qu'Israël  n'oubliera  jamais,  et  ses  Psaumes,  ces 
hymnes  immortels  de  consolation  et  d'espérance. 

Aujourd'hui  nous  voudrions  apprécier  à  leur  valeur  les  actes  et 
les  écrits  de  Salomon.  Nous  rapprochons,  par  deux  publications 
qui  se  succèdent  à  peu  d'intervalle,  les  deux  grands  astres,  oj, 
pour  nous  servir  des  termes  génésiaques,  les  deux  grands  lumi- 
naires du  ciel  Israélite  :  David  et  Salomon.  Silomon  achève  et 
couronne  l'œuvre  de  David,  comme  David  a  préparé  l'oeavre  de 
Salomon. 

Cette  étude  perdra  beaucoup  de  son  intérêt  pour  les  lecteurs 
qui  seraient  étrangers  aux  préparations  messianiques  antérieures 
à  David  et  à  Salomon,  et  qui  ne  nous  auraient  pas  suivi  dans  nos 
études  de  la  Bible  depuis  l'Éden  jusqu'à  David.  Puiss-ent-ils avoir 
le  courage  d'y  entrer  résolument  !  Sans  cela  ils  ne  comprendront 
pas  les  originds  messianiques  remontant  au  berceau  de  l'humanité 
déchue.  Ils  ressembleront  à  un  géographe  connaissant  le  Nil  des 
grandes  cataractes,  mais  ignorant  ses  sources. 

Deux  grands  objets  résument  la  présente  étude  de  Salomon  : 
son  règne  et  ses  écrits.  Dans  l'exposition  des  actes,  l'historien  re- 
connaîtra un  grand  roi  ;  les  théologiens,  une  grande  figure  et  un 
grand  prophète  du  Christ.  Dans  l'exposition  des  écàts,  on  admi- 
rera un  profond  et  étonnant  moraliste,  et  le  plus  grand,  le  plus 
sobre  et  le  plus  chaste  des  poètes  de  l'Ox'ient. 

L'Ecclésiaste  fait  désirer  tout  ce  que  les  Proverbes  annoncent, 
figurent  et  prédisent,  à  savoir,  le  règne  du  Messie-Sagesse.  Le 
Cantique  des  cantiques  est  l'épithalame  de  l'union  de  cette  Sagesse 
avec  le  monde  humain. 

Nous  donnerons  à  l'Ecclésiaste  toute  l'attention  que  comporte 
l'abus  qu'on  en  a  fait.  On  sera  édifié  sur  la  valeur  des  rappro- 
chements du  Kohéleth  avec  les  écrits  de  Schopenhauer,  de  Hart- 
mann, de  Spencer,  et  de  tous  les  pessimistes  et  nihilistes. 

Le  livre  que  nous  publions  vient  à  son  heure.  Le  scepticisme 
et  les  doctrines  nihilistes  laissent  échapper  leurs  désespoirs,  comme 
d'acres  senteurs,  au  sein  d'une  société  qui  se  sent  mourir.  On  a 
prétendu  que  l'Écclésiaste  a  le  premier  jeté  dans  le  monde  la  note 


382  LE  PROPAGATEUR 


de  la  désespérance,  et  que  Salomon  est  l'un  des  pères  du  nihilisme. 
Nous  verrons  ce  qu'il  en  est. 

Les  chrétiens  de  nos  jours  connaissent  très  peu  de  Salomon.  Ils 
savent  qu'il  a  construit  un  temple  superbe  à  Jérusalem  ;  qu'il  a 
élé  un  roi  magnifique.  Ils  ont  sans  doute  entendu  parler  de  sa 
sagesse,  se  révélant  aans  le  fameux  jugement  des  deux  femmes 
qui  se  prétendaient  mères  du  même  enfant.  Aujourd'hui,  quand 
il  arrive  qu  on  parle  de  Salomon,  c'est  trop  souvent  pour  rappeler 
un  exemple  mémorable  de  l'amour  du  luxe  et  des  femmes. 

Ce  qui  occupe  le  plus  est  précisément  ce  qui  est  le  moins  digne 
de  l'histoire.  Les  fautes  de  Salomon  se  trouvent  toutes  ren- 
fermées dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  au  moment  où  sa 
mission  divine  était  finie.  Salomon  avait  alors  fait  et  accompli 
son  œuvre  ;  il  avait  élevé  la  gloire  de  son  peuple  de  manière  à 
figurer,  pendant  plus  de  trente  ans,  la  gloire  éternelle  de  l'Église  ; 

Il  avait  écrit  tous  les  livres  qui  se  rattachent  à  l'œuvre  messia- 
nique, y  compris  l'Ecclésiaste,  livre  inspiré  par  Dieu,  et  non  par 
les  cruelles  expériences  du  luxe  et  des  plaisirs. 

Pour  nous,  les  fautes  de  Salomon  sont  un  hors-d'œuvre.  Nous 
aurions  pu  clore  sa  vie  au  moment  où  sa  mission  de  prophète  du 
Christ  était  terminée.  Nous  ne  l'avons  pas  fait,  dans  le  seul  but 
de  ne  pas  omettre  un  fait  qui,  dans  l'ordre  de  la  Providence,  est 
un  solennel  avertissement  et  une  leçon  que  Dieu,  dans  la  sainte 
Bible  a  voulu  donner  au  monde  pour  toute  la  suite  des  temps  : 
à  savoir,  que  l'homme,  quels  que  soient  ses  antécédents,  ses  vertus, 
ses  mérites,  son  état  et  son  âge,  ne  doit  jamais  un  seul  instant  ou- 
blier la  pratique  de  deux  indispensables  vertus  gardiennes  de 
toutes  les  autres  :  la  défiance  de  soi-même  et  la  vigilance. 


PROPHETIES    MESSIANIQUES 


A.VÉC    UNE    INTRODUCTION    SUR    LKS    TYPES    OU    FIGURES    DE    LA   BIBLE 

Par  Son  Em.  le  Cardinal  MEIGNAN 

archevêque  de  Tours 

1  vol.  in-8 $1.50 

LE  lOIDE  et  L'HOllE  PEIIITIIF 

SELOKT     L.A.    BIBXjE 

Par  Son  Em,  le  Cardinal  MEIGNAN 

archevêque  de  Tours 

1  vol.  in-8 81.50 


LES  PROPHETES  D'ISRAËL 

ET 

LE  MESSIE 

DEPUIS  SALOMON  JUSQU'A  DANIEL 
Par   Son    Ém.    LE    CARDINAL    MEIGNAN 

ARCHEVÊQUE    DE    TOURS 

1  fort  vol.  in-8 Prix:  81.88 

LE  ROYAUME  MESSIANIQUE 

L'histoire  nous  montre  qu'à  toutes  les  époques  l' humanité,  mal 
à  l'aise  dans  les  conditions  ingrates  où  elle  se  meut,  regarde  au 
delà  du  présent  et  aspire  à  un  bonheur  idéal  qu'elle  attend  toujours. 
Plus  la  conscience  prend  possession  d'elle-même,  plus  l'homme  se 
convainc,  sa  vie  fût-elle  en  apparence  agréable  et  facile,  qu'il  est 
enchaîné  sur  la  terre,  assujetti  à  des  besoins,  à  des  infirmités,  à 
des  craintes,  à  des  ennuis  contre  lesquels  sa  destinée  est  de  réagir 
sans  fin  ni  trêve.  Il  aspire  à  l'affranchissement  de  ses  misères,  il 
ne  se  sent  pas  heureux  et  veut  le  devenir  ;  il  rêve  un  idéal. 

C'est  le  même  sentiment  de  besoins  non  satisfaits  qui  pousse  les 
nations  à  rechercher  sans  cesse  les  moyens  d'accroître  leur  puis- 
sance, d'élever  leur  gloire,  d'améliorer  leurs  institutions,  en  un 
mot,  de  réaliser  l'idéal  qui  répond  le  mieux  à  leurs  désirs  du 
moment.  Car  cet  idéal  varie  dans  son  objet.  La  politique  nous  en 
oSve  le  témoignage.  Notre  siècle  a  vu  flotter  les  esprits  entre  les 
institutions  monarchiques,  dictatoriales  et  démocratiques. 

Les  prophètes  de  Jéhovah,  organes  et  guides  souverains  d'un 
peuple  singulier,  obéissaient  à  des  inspirations  plus  hautes  que 
celles  des  autres  nations.  Non  seulement  leur  idéal  ne  varie  pas, 
mais  il  apparnît  incomparablement  plus  noble  et  plus  élevé  :  c'est 
le  règne  de  Dieu  sur  l'humanité  régénérée,  le  règne  messianique. 

La  Bible  nous  montre  en  effet  les  prophètes  incessamment  occu- 
pés, au  milieu  des  péripéties  de  leur  propre  sort  et  du  sort  de  leur 
pays,  à  préparer  la  réalisation  d'une  félicité  qu'ils  ont  appelée  le 
règne  de  Jehovah,  le  règne  de  Dieu.  L'honneur  des  Voyants  d'Israël 
est  de  l'avoir  annoncée,  prédite  et  définie  dans  une  lumière  crois- 
sante, en  même  temps  qu'ils  travaillaient,  sans  se  rebuter  jamais, 
à  son  avènement. 

11  convient,  au  début  de  ce  livre,  d'exposer,  d'après  les  saintes 
Écritures,  ce  qu  il  faut  entendre  par  le  règne  messianique,  thème 
ordinaire,  terme  dernier  des  prophéties,  et  de  se  faire  une  idée 
nette  des  divers  aspects  sous  lesquels  la  Bible  le  considère.  Elle 
nous  représente  la  règne  de  Dieu  à  trois  états  :  à  savoir,  dans  sa 
préparation,  dans  son  .commencement  et  dans  sa  consommation. 
Les  prophètes  ont  préparé  le  règne  de  Dieu  ;  le  Sauveur  Jésus,  par 
son  œuvre  rédemptrice,  l'a  inauguré  sur  la  terre.  Il  en  réalisera 
la  consommation  dans  les  hauteurs  paradisiaques. 


384  LE  PROPAGATEUR 


Ce  volume  est  consacré  presque  exclusivement  à  raconter  la 
préparation  du  règne  de  Dieu  dans  l'Ancien  Testament.  Cependant, 
à  travers  les  voiles  des  prophéties,  nous  pourrons  l'entrevoir  dans 
ses  commencements  ici-bas,  et  dans  sa  consommation  au  ciel. 
L'ère  prophétique  n'est  guère  qu'un  long  et  progressif  achemine- 
ment vers  le  christianisme.  La  foi  au  Dien  unique  s'affermit  de 
plus  en  plus  ;  l'espérance  de  la  réalisation  des  promesses  messiani- 
ques se  fait  plus  vive;  la  vertu  de  religion  tend  à  se  dégager  d'un 
vain  formalisme  et  descend  de  plus  en  plus  dans  la  conscience. 
Les  voies  au  règne  du  Dieu  esprit  et  vérité  se  dessinent  et  se 
rectifient.  I^ous  allons  cheminer  au  sein  des  ombres  de  l'ancienne 
loi  ;  mais  des  éclaircies  magnifiques  nous  laisseront  apercevoir, 
avec  l'avènement  du  règne  initial  du  Messie  sur  la  terre,  le  règne 
du  Christ  couronné  et  triomphant  au  milieu  de  ses  élus. 

Nous  justifierons  cette  conception  du  règne  de  Dieu  par  les 
considérations  suivantes. 

I 

Le  royaume  de  Dieu  à  l'état  de  préparation  et  de  promesse  en 
Israël  oâre  le  caractère  d'une  séculaire  incubation.  L'Évangile  est 
l'oeuvre  de  Dieu,  et,  sans  doute,  son  auteur  eût  pu  le  révéler 
soudain  dans  toute  sa  beauté  communicative  et  triomphante  ;  mais 
la  Providence  prépare  ordinairement  de  loin  ses  œuvres.  Leur 
préparation  régulière  et  progressive,  leur  durée  dans  le  temps  et 
leur  extension  dans  l'espace,  malgré  tout  ce  que  l'homme  a  pu 
leur  opposer,  est  le  signe  incommunicable  de  leur  divine  origine. 
La  création  d'un  soleil,  d'une  planète,  la  transformation  de  la 
nébuleuse  devenant  astre,  suppose,  disent  les  astronomes,  une 
élaboration  qui  a  duré  des  siècles  nombreux.  Il  en  a  été  ainsi  du 
règne  de  Dieu  fondé  par  le  Christ.  Le  peuple  juif  fut  chargé 
pendant  plus  de  quatorze  siècles  de  conserver,  avec  le  monothéisme, 
le  dépôt  des  révélations  faites  aux  patriarches  et  à  Moïse.  Ces 
révélations,  successivement  accrues  par  celles  des  prophéties, 
étaient  comme  le  noyau  d'un  astre  qui  devait  un  jour  être  l'Évan- 
gile, La  théodicée  patriarcale  et  mosaïque  est  devenue  la  théodicée 
chrétienne.  La  croyance  en  un  Dieu  unique  et  parfait,  sur 
laquelle  Jésus  et  les  apôtres  devaient  édifier  leur  enseignement, 
avait  été  miraculeusement  sauvée  en  Judée.  On  sait  combien  le 
monothéisme  coûta  de  combats  et  de  peines  aux  prophètes,  qui 
pendant  plus  de  quatre  cents  ans  luttèrent  pour  sa  cause  au  milieu 
d'Israël.  Jésus  et  les  apôtres  n'eurent  qu'à  reprendre  l'œuvre 
dogmatique  commencée  et  à  lui  donner  son  couronnement. 

On  peut  dire  la  même  chose  de  la  morale  juive  :  le  Décalogue 
avait  dès  longtemps  été  publié  en  Israël  quand  Jésus  y  ajouta  les 
huit  béatitudes.  Le  culte  de  l'Église  n'est  que  la  réalité  vivante 
substituée  à  la  figure  morte.  Le  tabernacle,  le  temple,  les  sacri- 
fices sanglants,  les  pains  de  proposition,  les  parfums,  etc.  etc.,  ont. 
figuré  nos  temples,  nos  sacrifices  eucharistiques  et  nos  rites  sacrés 
Si  l'on  compare  dans  leurs  grandes  lignes  les  institutions  chré- 
tiennes   aux  institutions  mosaïques,   on  en   saisit  aisément  les 


LE  PROPAGATEUR  385 


rapports.  La  grande  hiérarchie  catholique  ressemble  au  sacerdoce 
d'Aaron  et  à  la  hiérarchie  lévitique.  La  nation  juive  constituée 
en  théocratie  avait  été  façonnée  par  Dieu  pour  figurer  l'Église  et 
travailler  efficacement  à  la  préparation  de  son  règne  :  Notre  natioUy 
avait  dit  Moïse,  sera  un  royaume  sacerdotal,  et  vous  serez  un 
peuple  voué  au  Très- Haut.  Tel  fut  en  effet  le  peuple  juif  par 
destination  et  vocation,  quelles  qu'aient  été  ses  inconstances  et 
ses  infidélités.  L'œuvre  que  les  prophètes  accomplirent  en  Israël 
est-elle  autre  chose  qu'une  longue  préparation  du  règne  de  Dieu? 
Rappeler  Israël  à  sa  vocation  et  à  sa  destinée,  placer  sans  cesse 
devant  les  yeux  d'un  peuple  léger  et  séduit  par  des  visées  ambi- 
tieuses, l'idéal  du  règne  de  Dieu,  peindre  par  des  traits  de  plus  en 
plus  arrêtés  et  avec  des  couleurs  de  plus  en  plus  saisissantes 
l'avènement  d'un  Messie,  d'un  roi,  d'un  David  sauveur  d'Israël  et 
de  tous  les  peuples:  telle  fut  la  mission  des  prophètes.  Ils  étaient 
les  hérauts  et  les  porteurs  de  l'idée  messianique  au  milieu  d'une 
théocratie  qui,  pendant  des  siècles,  inconsciemment  peut  être,  fit 
de  longs  et  vains  efforts  pour  échapper  à  ses  destinées  privilégiées 
et  consommer  son  suicide. 

Enfin,  de  même  que  nous  avons  vu,  dans  le  précédent  volume, 
les  prophètes  préparer  le  règne  de  Dieu  en  débarrassant  les  esprits 
des  idées  polythéistes  qui  lesemcombraient  et  en  leur  substituant 
l'idée  d'un  Dieu  unique,  ainsi  les  verrons-nous,  dans  le  présent 
ouvrage,  affermir  dans  les  âmes  la  foi  au  Messie.  Ils  esquisseront 
ses  traits,  et  ils  ne  cesseront  de  publier  les  bénédictions  de  son 
règne  régénérateur.  Par  là  ils  disposeront  les  cœurs  à  accepter 
un  jour  les  vérités  chrétiennes,  les  vertus  qu'elles  commandent 
et  les  joies  qu'elles  procurent.  Pendant  que  les  grandes  nations 
prenaient  contact,  se  pénétraient,  s'identifiaient  par  la  conquête  ; 
pendant  qu'elles  préparaient  l'unité  romaine,  si  favorable  à  la 
diffusion  de  l'Évangile,  les  prophètes  disposaient  les  esprits  à 
recevoir  la  bonne  nouvelle  du  règne  de  Dieu,  que  les  apôtres 
devaient  annoncer. 

Il  faut  dire  que  les  paroles  des  prophètes  eurent,  surtout  au 
commencement,  un  caractère  assez  vague,  qui  donnaient  facilité 
aux  Israélites  d'y  mêler  de  bonne  foi  leurs  rêves  humains.  Ils  se 
représentèrent  pendant  des  siècles  le  règne  de  Dieu  sous  la  fausse 
image  d'un  règne  temporel.  Après  les  Machabées,  surtout  lorsque 
les  Romains  eurent  pris  pied  dans  la  Palestine,  ils  détournèrent 
le  sens  spirituel  et  moral  des  saintes  Écritures,  et  plus  que  jamais 
ils  s'attachèrent  à  l'idée  d'un  libérateur  suscité  par  Dieu  sans 
doute,  d'un  Messie  issu  de  la  famille  de  David,  mais  ayant  surtout 
pour  mission  de  chasser  l'étranger  et  de  rétablir  un  royaume 
temporel.  Plus  les  temps  devenaient  difficiles  et  le  joug  païen 
intolérable,  plus  les  Juifs  s'attachaient  à  leurs  rêves  terrestres.  Ils 
ne  pensaient  guère  à  une  restauration  morale  et  se  préoccupaient 
beaucoup  d'une  restauration  politique. 

La  grande  majorité  des  Juifs,  pleine  de  haine  contre  les  oppres- 
seurs, caressait  l'espoir  d'une  revanche  et  d'une  vengeance.  Le 
Messie  se  mettrait  à  leur  tête,  chasserait  les  Romains,  pousserait 


386  LE  PROPAGATEUR 


au  loin  ses  conquêtes.  Alors  il  ramènerait  les  Juifs  dispersés  au 
milieu  du  royaume  de  David,  très  glorieux  et  très  puissant.  Ce 
royaume  devait  durer  éternellenaent,  et  ceux  qui  en  feraient  partie 
devaient  jouir  d'un  bonheur  terrestre  inaltérable.  Beaucoup 
pensaient  que  le  titre  d'enfant  d'Abraham  et  l'attachement  aux 
formes  rituelles  de  la  religion  étaient  une  condition  suffisante 
pour  être  admis  dans  ce  royaume. 

Ils  étaient  en  minorité  les  Israélites  pieux  attendant  un  Messie 
qui  purifierait  les  mœurs,  réconcilierait  le  peuple  avec  Dieu, 
l'affranchirait  du  péché  et  étendrait  au  loin  le  culte  et  l'adoration 
de  Jéhovah.  Mais  les  uns  et  les  autres  s'entendaient  en  ceci  qu'ils 
espéraient  le  Messie,  le  salut  d'Israël.  On  avait  même  essayé  de 
déterminer  les  signes  précurseurs  de  sa  venue  :  Elie  descendrait 
du  ciel;  Jérémie  ou  Moïse  sortirait  du  tombeau  pour  lui  préparer 
la  voie. 

Il  était  réservé  au  Christ  et  aux  apôtres  de  détruire  cette  fausse 
conception  du  règne  de  Dieu. 

L'Église  fondée  par  Jésus  Christ  est  ici-bas  le  royaume  de  Dieu 
à  l'état  initial. 

A  l'arrivée  du  Messie  s'ouvre  une  ère  nouvelle.  Jean-Baptiste 
marquait  la  limite  entre  les  temps  anciens  et  les  temps  nouveaux  ; 
jusqu'à  lui  s'étendent  la  loi  et  les  prophètes,  c'est-à-dire  la  prépa. 
ration  du  règne  de  Dieu.  Non  seulement  par  ses  paroles,  mais 
aussi  par  ses  œuvres,  Jésus-Christ  fait  comprendre  que  les  temps 
messianiques  sont  arrivés  :  "  Si  je  chasse  les  démons  par  l'esprit 
de  Dieu,  c'est  donc,  dit-il  aux  pharisiens  incrédules,  que  son  règne 
est  arrivé.  "  Il  a  déjà  répondu  par  le  même  argument  aux  ques- 
tions de  Jean,  prisonnier  d'Hérode.  A  ceux  qui  attendaient  des 
signes  autres  que  les  miracles  de  Jésus,  ses  œuvres  et  sa  prédica- 
tion, il  déclare  que  le  royaume  de  Dieu  est  d'un  ordre  spirituel, 
ayant  pour  fin  la  conquête  des  âmes  ;  qu'il  ne  viendra  pas  avec  les 
signes  extérieurs  que  les  Juifs  attendent,  de  sorte  qu'on  puisse 
dire  :  11  est  ici,  il  est  là  ;  "  car  voici,  le  royaume  de  Dieu  est  au 
milieu  de  vous." 

Le  royaume  messiauique,  avec  son  caractère  de  régénération 
spirituelle  et  intérieure,  se  montre  à  chaque  page  de  nos  Evangiles. 
La  première  parole  de  Jésus  est  un  appel  à  l'amendement,  à  la 
conversion.  Son  but  est  d'exercer  une  action  morale  sur  les 
hommes.  Ce  but  apparaît  surtout  dans  le  sermon  de  la  montagne, 
cette  grande  charte  de  son  royaume.  Quand  le  Christ  refuse  de 
servir  d'arbitre  entre  deux  frères,  dans  une  question  de  partage,  il 
donne  à  entendre  que  sa  venue  ne  peut  rien  avoir  de  commua 
avec  des  intérêts  tout  mondains.  L'enseignement  de  Jésus,  parti- 
culièrement les  nombreux  passages  qui  opposent  l'Evangile  à  la 
loi,  ceux  qui  établis;  eut  la  différence  radicale  entre  sa  doctrine  et 
celle  des  pharisiens,  prouvent  péremptoirement  que  rien  n'était 
plus  loin  de  la  pensée  du  Sauveur  que  l'établissement  d'un  royaume 
tel  que  le  rêvaient  ses  contemporains. 


LE  PROPAGATEUR  387 


Le  second  caractère  distinctif  du  royaume  fondé  par  Jésus  est 
l'universalité.  Il  doit  embrasser  l'humanité  entière,  sans  acception 
de  peuples  et  de  races.  Par  le  fait  même  que  ce  royaume  est  un 
royaume  tout  spirituel,  les  distinctions  nationales  devaient  dispa- 
raître :  ''  Il  en  viendra  d'Orient  et  d'Occident,  dit  Jésus,  qui 
prendront  place  à  la  table  du  royaume  des  cieux  avec  Abraham, 
Isaac  et  Jacob.  "  Quand  le  Fils  de  l'homme  viendra  pour  le  juge- 
ment, dit-il  ailleurs,  il  trouvera  des  brebis  fidèles  dans  toutes  les 
nations  :  "  Quiconque  fait  la  volonté  de  mon  Père  céleste  est  mon 
père,  et  ma  soeur,  et  ma  mère.  "  Son  Evangile  doit  être  prêché 
dans  le  monde  entier;  il  en  donne  l'ordre  formel  à  ses  disciples 
avant  de  les  quitter.  Il  annonce  aux  Juifs  que  le  royaume  de  Dieu 
s'étendra  au  delà  des  limites  de  leur  pays  ;  qu'ils  n'auront  d'autre 
privilège  que  celui  d'avoir  reçu  les  premiers  la  bonne  nouvelle  ; 
d'ailleurs,  ils  s'en  sont  montrés  si  peu  dignes,  que  ce  roydume 
leur  sera  enlevé  et  sera  donné  à  d'autres  nations  mieux  disposées 
à  le  recevoir.  Si  le  Christ  a  recommandé  un  jour  aux  apôtres  de 
s'occuper  uniquement  des  brebis  perdues  d'Israël,  sa  parole  n'avait 
qu'une  portée  temporaire  :  il  fallait  avant  tout  commencer  par 
ceux  que  l'éducation  religieuse  rendait  plus  aptes  à  comprendre 
l'accomplissement  des  prophéties. 

Le  développement  du  royaume  spirituel  et  universel  du  Messie 
ne  sera  pas  subit.  Jésus  le  compare  a  celui  d'un  grain  de  blé  ou 
d'un  grain  de  sénevé.  L'action  de  l'Évangile  dans  le  monde  sera 
comme  celle  du  levain,  qui,  déposé  dans  la  pâte,  la  fait  fermenter 
tout  entière. 

Le  royaume  de  Dieu  commence  et  se  développe  dans  chacun 
individuellement.  Quiconque  a  reçu  dans  son  cœur  la  bonne 
nouvelle,  commence  dès  lors  à  établir  le  royaume  en  lui  même. 
Les  progrès  du  royaume  sont  liés  à  la  conversion  des  cœurs. 
S'établira-t-il  jamais  complètement  dans  chaque  individu  et  chez 
tous  les  membres  de  la  familie  humaine?  Il  est  certain  qu'en 
plaçant  sur  nos  lèvres  cette  prière  qui  sera  celle  de  to.is  les  siècles: 
"Que  votre  règne  arrive,"  Jésus  nous  laisse  entendre  que  la 
réalisation  parfaite  du  royaume  sera  une  espérance,  un  désir,  non 
un  fait  ici-bas.  Tous  ceux  qui  entrent  dans  la  salle  du  fesiin  ne 
sont  pas  revêtus  de  l'habit  de  fête.  Il  y  aura  de  l'ivraie  mêlée  au 
bon  giain  jusqu'au  temps  de  la  moisson.  Cependant  tous  les 
hommes  n'en  sont  pas  moins  appelés  à  faire  partie  du  royaume. 

La  nature  toute  spirituelle  du  royaume  de  Dieu,  son  universa- 
lité, montrent  combien  ce  royaume,  quant  à  sa  discijiline,  doit 
différer  de  celui  qu'attendaient  les  Juifs  Le  baptême  est  la  seule 
prescription  rituelle  imposée  par  Jésus  à  ceux  qui  veulent  faire 
partie  du  royaume  :  "En  vérité,  dit-il  à  Nicodème,  personne  ne 
peut  voir  le  royaume  s'il  ne  naît  de  nouveau.  Si  un  homme  ne 
renaît  de  l'eau  et  du  Saint-Esprit,  il  ne  peut  entrer  dans  le 
royaume  de  Dieu.  " 

Les  autres  conditions  sont  de  l'ordre  purement  moral.  La 
première  parole  de  Jésus  est  un  appel  à  l'amendement  :  metanoeite. 
A  l'amour  égoïste  des  biens  terrestres,  il  faut  substituer  l'amour 


388  LE  PROPAGATEUR 


de  Dieu  :  aimer  Dieu  de  tout  son  cœur,  de  toute  son  âme  et  de 
toute  sa  pensée,  c'est  là  le  plus  grand  commandement.  L'amour 
de  Dieu  implique  nécessairement  l'amour  du  prochain,  car  on  ne 
peut  aimer  Dieu  sans  aimer  tous  ceux  qu'il  a  faits  à  son  image. 
Le  prochain,  pour  le  Juif,  n'était  que  le  Juif;  aux  yeux  de  Jésus 
et  de  ses  disciples,  c'est  tout  homme  et  particulièrement  les  mal- 
heureux. Cet  amour  suppose  l'absence  de  toute  haine,  de  toute 
animosité  et  de  toute  égoïsme.  Il  consiste  dans  un  pardon  sans 
restriction,  et  en  toute  occasion,  des  offenses  reçues.  Le  cœur  de 
l'homme  doit  être  large  et  indulgent  comme  le  cœur  de  Dieu  : 
^' Et  vous,  soyez  parfaits  comme  votre  Père  céleste  est  parfait." 
Les  oeuvres  de  charité,  de  solidarité,  sont  le  trait  caractéristique 
de  l'Évangile. 

Un  autre  commandement  est  'la  pratique  de  l'humilité.  Cette 
vertu  est  propre  au  disciple  de  Jésus.  Elle  présuppose  la  cons. 
cience  de  notre  misère  morale  et  l'absence  de  toute  prétention  à 
un  mérite  personnel  exclusif  de  la  grâce.  Jésus  attache  à  l'humilité 
une  importance  capitale,  Il  déclare  formellement  à  ses  disciples, 
encore  enclins  au  fol  orgueil,  que  ce  vice  leur  fermera  inévitable- 
ment les  portes  du  royaume.  Ceux  qu'on  accable  d'opprobres  et 
qui  se  méprisent  eux-mêmes,  les  publicains  et  les  prostituées,  y 
entreront  plus  facilement  qus  les  pharisiens,  si  sûrs  de  leur  vertu. 

L'amour  de  Dieu  implique  encore  et  nécessairement  le  détache- 
ment des  biens  de  la  terre  ;  les  intérêts  de  ce  monde  éloignent 
aisément  l'homme  de  Dieu  et  lui  peuvent  fermer  l'entrée  du 
royaume.  Celui  qui  veut  suivre  Jésus  doit  sulbalterniser  ces  biens  ; 
il  doit  avoir  un  esprit  d'abnégation  à  toute  épreuve,  être  capable 
des  plus  grands  sacrifices,  avoir  le  courage,  suivant  l'expression 
énergique  du  Maître,  de  se  couper  la  main  ou  le  pied,  de  s'arracher 
un  œil,  de  quitter  les  douceurs  de  la  vie  de  famille  ;  en  un  mot,  il 
doit  savoir  subordonner  les  affections  les  plus  légitimes  à  cette 
perle  de  grand  prix,  à  ce  trésor  incomparable,  au  bien  suprême  : 
le  royaume  de  Dieu. 

La  conversion,  l'amour  de  Dieu,  le  mépris  des  richesses  suppo- 
sent la  foi  et  en  sont  les  fruits.  La  foi  est  la  condition  générale 
d'entrée  dans  le  royaume  de  Dieu.  Jésus  ne  dit  pas  seulement: 
"  Amendez  vous  ;  "  il  ajoute  ;  "Et  croyez.  "  Cette  foi  se  manifeste 
par  une  confiance  illimitée,  d'abord  en  Dieu,  et  par  suite  en  Jésus, 
son  envoyé,  et  en  sa  puissance  infinie.  Elle  communique  à  l'homme 
cette  force  morale  qui  le  rend  capable  de  renverser  tous  les  obs- 
tacles et,  comme  dit  l'Évangile,  de  transporter  les  montagnes. 
Elle  l'affranchit  de  toute  peur,  même  au  milieu  des  éléments  en 
fureur  menaçant  de  l'engloutir. 

La  conversion,  l'amour,  la  foi  établissent  entre  le  Père  céleste, 
Jésus  et  les  hommes,  un  hen  intime,  une  communion  étroite, 
indépendante  de  tout  lien  extérieur,  s'élevant  au  dessus  de  toutes 
les  barrières.  La  communion  des  saints  est  le  lien  qui  unit  tous 
les  fidèles  de  l'Église,  tous  ceux  qui  sont  entrés  dans  le  royaume 
de  Dieu.  A  ceux  qui  font  partie  de  ce  royaume,  les  biens  suprêmes 
tombent  en  partage  :  le  pardon  des  [.échés,  le  salut,  la  vie  divine, 
la  paix  ici-bas  et  les  joies  de  la  vie  future. 


LE  PROPAGATEUR  389 


Tel  est  le  royaume  de  Dieu  initial,  progressif,  toujours  imparfait 
sur  la  terre.  Le  royaume  à  l'état  de  perfection,  c'est  le  ciel. 

III 

Le  royaume  de  Dieu  est  unique,  mais,  d'après  les  prophètes,  il 
doit  être  considéré  à  deux  états.  Chez  Jésus  et  les  prophètes,  c'est 
le  même  royaume,  évoluant  vers  une  perfection  toujours  plus 
grande,  vers  une  lumière  de  plus  en  plus  éclatante:  de  claritatein 
claritalem.^ 

Dans  l'Évangile,  les  deux  étals  apparaissent  manifestement; 
mais  ce  sont  des  états  d'un  même  royaume.  Jésus  appelle  indiffé- 
remment royaume  de  Dieu  l'Église  militante  et  l'Eglise  triom- 
phante. 

Le  Nouveau  Testament  abonde  en  traits  de  toute  sorte  relatifs 
au  règne  de  Dieu  considéré  à  l'état  initial  sur  la  terre  ;  mais  il 
n'en  est  pas  ainsi  du  règne  final  dans  sa  complète  réalisation.  Les 
théologiens,  et  en  particulier  saint  Thomas,  ont  admirablement 
développé  les  conséquences  des  rares  données  que  la  révélation 
nous  fournit  sur  l'état  paradisiaque.  Nous  nous  contentons  de 
renvoyer  le  lecteur  aux  enseignements  des  Docteurs,  en  particulier 
à  ceux  de  saint  Thomas,  aux  commentaires  de  l'Apocalypse  et  des 
visions  de  saint  Paul.  Rappelons  seulement  deux  textes,  l'un  de 
saint  Paul  et  l'autre  de  l'Apocalypse.  "Toutes  choses  seront  assu- 
jetties au  Christ,  qui  se  sera  lui-même  assujetti  à  Dieu  le  Père, 
afin  que  Dieu  soit  tout  en  tous.  "  Alors,  dit  l'apôtre  saint  Jean 
dans  l'Apocalypse,  le  mal  sera  enchaîné,  Satan  sera  jeté  dans 
l'abîme.  Ce  sera  un  ciel  nouveau  et  une  terre  nouvelle  ;  il  n'y  aura 
plus  ni  pleurs,  ni  cris,  ni  affliction:  le  premier  état  sera  passé 
Tout  sera  accompli  par  le  Verbe,  l'Alpha  et  l'Oméga  le  commences 
ment  et  la  fin. 

Montrer,  en  évoquant  le  témoignage  des  prophètes  depuis 
Salomon,  la  préparation  du  règne  messianique  dans  l'ancienne 
loi,  sa  période  initiale  réalisée  par  Jésus,  et  enfin  sa  consomma- 
tion dans  les  triomphes  paradisiaques,  tel  est  le  but  de  cet  ouvrage. 

L'histoire  du  règne  de  Dieu  embrasse  l'histoire  universelle  de 
la  religion  sur  la  terre.  Les  prophètes  l'ont  esquissée  ;  Dieu  leur  a 
fait  entrevoir,  dans  des  visions  sublimes,  toute  la  suite  des  desti- 
nées humaines.  Si  nous  réussissons  à  bien  exposer  les  prophéties 
messianiques  depuis  Salomon  jusqu'à  Daniel,  nous  aurons  mis  en 
lumière  les  jalons  divins  qui  tracent  les  voies  d'épreuve  et  de 
salut  par  où  l'humanité  monte  de  la  terre  au  ciel. 

Lecteurs  noblement  curieux,  avides  de  progrès  et  de  vérité, 
voulez-vous  mettre  fin  au  scepticisme  douloureux  qui  énerve 
aujourd'hui  les  meilleurs  esprits,  suivez  le  conseil  de  Jésus  ;  dans 
la  sincérité  de  votre  cœur  inquiet  et  malade,  priez  et  dites  :  "  Sei- 
gneur, faites  que  je  voie."  Et  comme  autrefois  le  Maître  vous 
répondra*:  Scrutamini  Scripturas. 


24 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  L.  B  Y 

PROMESSE  DE  MARIAGE    ' 

Une  cause  bien  singulière,  vu  les  circonstances,  est  actuellement 
pendante  devant  les  tribunaux  de  l'état  de  New  York.  C'est  une 
action  en  dommages  pour  violalion[de  promesse  de  mariage,  breach 
of  promise,  intentée  par  une  femme  nommée  Ella  Keegan  contre 
le  millionnaire  Russell  Sage. 

La  demanderesse,  désirant  sans  doute  se  faire  des  rentes  pour 
ses  vieux  jours,  réclame  la  bagatelle  de  cent  mille  piastres, 
(100.000  00).  Elle  veut  rogner  les  millions  de  son  ancien  amou- 
reux. Ce  qui  rend  cette  affaire  plus  intéressante  c'est  que  l'offense 
dont  se  plaint  la  demoiselle  Keegan  est  très  ancienne.  Elle  date 
de  25  ans.  Gomme  on  le  voit  la' demanderesse  a  pris  son  temps. 

Les  lois  ne  fixent  pas  de  prescription  spéciale  pour  des  cas  de 
cette  nature,  et  les  avocats  de  la  demanderesse  prétendent  que  la 
cause  doit  être  jugée  par  les  dispositions  concernant  la  prescrip- 
tion la  plus  longue. 

J'ignore  quelle  est  la  plus  longue  prescription  des  actions 
personnelles  dans  l'état  de  New-YorK.  Dans  la  province  de  Québec 
elle  est  de  30  ans.  Ainsi,  si  la  doctrine  des  avocats  de  la  demande- 
resse était  admise  dans  nos  tribunaux,  les  actions  en  dommages 
pour  violation  de  promesses  de  mariage  ne  seraient  prescrites  que^ 

par  30  ans.  

PENSION 

Question.  —  J'arrive  de  C où  j'ai  logea  l'hôtel  X  moyennant  deux  piastres 

par  jour.  J'ai  pris  une  chambre  à  neuf  heures  du  soir  mardi  et  j'ai  quitté  l'hôtel 
vendredi  avant  midi.  Malgré  toutes  mes  protestations,  le  commis  m'a  fait  payer 
six  piastres,  prix  de  trois  jours  de  pension.  Je  ne  lui  ofTrais  que  cinq  piastres 
pour  la  pension  de  deux  jours  et  demi. 

Avait-il  le  droit  d'exiger  six  piastres  ?  En  matière  de  pension  aux  hôtels  une 
fraction  de  jour  doit-elle  compter  pour  le  jour  entier  ? 

Un  marchand 

Réponse. — Vous  étiez  parfaitement  dans  votre  droit  en  offrant 
ce  que  vous  avez  offert  Le  commis  vous  a  extorqué  une  piastre. 
Il  n'avait  droit  de  charger  que  deux  jours  et  demi. 

En  matière  de  pension  aux  hôtels  une  fraction  de  jour  ne  doit 
réellement  compter  que  pour  une  fraction  et  non  pour  un  jour 
entier.  On  paye  ce  qu'on  a  eu  et  pas  plus.  Il  ne  s'agit  pas  dans 
votre  cas  de  la  prescription  qui  se  compte  par  jours  et  non  par 
heures.  Dans  ce  cas  le  jour  commencé  compte  pour  un  jour  entier. 

Par  ce  qui  précède  vous  voyez  que  vous  avez  le  droit  d'exiger 
que  l'hôtelier  vous  rembourse   une  piastre,  surcharge  exigée  de 

vous  par  son  commis. 

PANAMA 

Question.  —  Quelles  sont  les  raisons  légales  pour  lesquelles  la 
cour  de  Gassation  de  France  a  annulé  le  jugement  prononcé,  le  9 
février  dernier,  par  la  cour  d'Appel  de  Paris  contre  de  Lesseps  et 
autres,  Re  les  fraudes  de  Panama  ?  Avocat 

Réponse. —  La  principale  raison  pour  laquelle  la  cour  suprême 
a  cassé  cet  arrêt  est  la  prescription.  L'offense  dont  on  accusait 
Charles  de  Lesseps  et  autres  avait  été  commise  depuis  plus  de  trois 


LE  PROPAGATEUR  391 


ans  et  la  prescription  de  trois  ans  couvre  les  délits  de  cette  nature. 

Il  est  vrai  que  des  procédures  avaient  été  prises  contre  les 
accusés  avant  l'expiration  des  trois  ans,  c'est-à-dire  le  11  Juin  1891  ; 
mais  la  cour  de  Cassation  a  décidé  que  ces  procédures  n'avaient 
pas  eu  l'effet  d'interrompre  la  prescription.  Ces  procédures  étaient 
nulles  parce  qu'elles  ne  pouvaient  pas  s'appliquer  au  cas  en 
question.  Pour  interrompre  la  prescription  il  aurait  fallu  avoir 
recours  à  la  procédure  spéciale  indiquée  par  le  code  d'Instruction 
criminelle,  c'est-à-dire  à  la  citation  directe  devant  la  cour  d'Appel. 
Au  lieu  de  celte  citation  directe  le  procureur  général  avait  adressé 
au  premier  président  de  la  cour  d'Appel  un  réquisitoire  tendant  à 
informer  sur  les  délits  imputés  aux  accusés  et,  sur  ce  réquisitoire, 
un  conseiller  de  la  cour  avait,  en  vertu  d'une  délégation  spéciale, 
procédé  à  l'instruction  de  la  cause. 

Voici  la  fin  de  l'arrêt  de  la  cour  de  Cassation. 

La  Cour 

Attendu 

Q'i'il  y  a  lieu  dès  lors  de  reconnaître  que  le  requis  d'informer  du  1 1  juin  1891 
€l  riuslruction  qui  l'a  suivi  manquent  de  base  légale  et  ne  constituent  que  des 
actes^nuls  n'ayant  pu  avoir  pour  effet  d'interrompre  la  prescription. 

Que  cet  effet  interruplif  ne  saurait  d'ailleurs  résulter  de  la  citation  du  21  no- 
vembre, plus  de  trois  ans  s'étanl  écoulés  à  cette  date  depuis  l'époque  où.  au- 
raient été  commis  les  délits  imputés. 

D'où  suit  qu'en  se  fondant  sur  le  réquisitoire  prémenlionné  du  1 1  juin  1891 
pour  repousser  l'exceplioa  de  prescription  soulevée  devant  elle  par  les  deman- 
deurs, la  cour  d'appel  a  formellemeat  violé  les  dispositions  des  lois  visées  par  le 
pourvoi  ; 

Par  ces  motifs, 

Casse  et  annule  l'arrêt  de  la  cour  de  Paris,  Ire  chambre,  en  date  du  9  février 
1893; 

Et,  attenda  la  prescription  acquise,  dit  qu'il  n'y  a  lieu  de  'prononcer  un 
renvoi  ; 

Ordonne  la  mise  en  liberté  des  demandeurs,  s'ils  ne  sont  retenus  pour  autre 
cause. 

Ainsi  s'est  terminée  cette  affaire  qui  a  eu  un  immense  retentis- 
sement dans  toutes  les  parties  du  monde.  De  Lesseps  et  autres 
condamnés  n'étaient  pas  les  principaux  coupables. 

Ils  n'étaient  que  les  instruments  dont  on  s'est  servi  pour  cor- 
rompre une  partie  de  la  députation. 

La  partie  du  jugement  relative  à  la  procédure  illégale  adoptée 
par  le  procureur  général,  et  sanctionnée  par  la  cour  d'Appel  de 
Paris,  (1)  suggère  à  l'Univers  les  paroles  suivantes  qui  sont  très 
justes. 

Mais  ce  qui  ressort  le  plus  clairement  de  l'affaire,  c'est  le  blâme  infligé  par  la 
cour  suprême  aux  premiers  juges  et  surtout  au  parquet  général.  Ei  ce  n'est 
que  justice.  Il  est  impossible  en  effet  au  procureur  général  de  sortir  du  dilemme 
suivant  :  ou  bien  ce  haut  magistrat  a  ordonné  des  poursuites  sachant  qu'elles 
ne  pourraient  aboutir  et  qu'elles  étaient  illégales,  et  alors  il  a  manqué  à  son  de- 
voir de  magistrat  ;  ou  bieo  il  a  agi  de  bonne  foi,  en  croyant  que  la  procédure 
qu'il  commençait  était  k  seule  qui  devait  aboutir,  et  alors  c'est  sa  science  juri- 
dique qui  se  trouv-j  en  défaut. 

(1)  Me  Périvier,  qui  présidait  au  procès,  est  le  même  qui  a  condamné  Mgr 
Gouthe-Soulard,  archevêque  d'Aix,  pour  prétendus  outrages  faits  à  Mr  Fallières 
alors  ministre  des  Cultes. 


KJ 


LES  CAUSERIES  DU  DÛCTE 

Par  le  SPr  I>1:K01]£T 

1  vol.  in-12 Prix  :  75  cls. 

I<*article  qal  sait  est  extrait  de  ce  livre. 

UJSr  GRAND    ENNEMI 

Il  est  là,  assis  devant  une  table,  l'œil  morne,  l'air  stupide.  Il 
regarde  autour  de  lui  et  semble  ne  rien  voir. 

Si  vous  lui  parlez,  il  pejt  à  peine  vous  répondre  ;  il  ne  comprend 
pas,  il  n'articule  que  difficilement  les  mots. 

Ses  mains  tremblent,  il  est  sans  force,  il  éprouve  des  fourmil- 
lements dans  les  jambes,  et  s'il  veut  marcher,  sa  marche  est  va- 
cillante. 

Mais  voici  qu'on  lui  apporte  un  verre  dans  lequel  brille  la  liqueur 
qu'il  aime  :  son  œil  se  ranime,  il  boit,  il  boit  encore,  et  toutes  ses 
facultés  s'exaltent.  Les  mots  sortent  plus  facilement  de  sa  bouche, 
il  se  réveille  de  son  état  d'hébétude  et  d'insensibilité,  c'est  une 
résurrection. 

Il  boit  encore. 

Alors  tout  change  à  ses  yeux,  voilà  que  les  personnes  qui  l'en- 
tourent prennent  pour  lui  des  formes  nouvelles  ;  il  ne  voit  plus 
que  des  visages  menaçants,  des  animaux  prêts  à  le  dévorer. 

Il  fuit,  ou  bien  il  s'anime,  il  s'irrite,  il  fond  sur  l'ennemi  ima- 
ginaire, et  d'épouvantables  malheurs  peuvent  survenir. 

Et,  quand  cette  folie  est  passée,  quand  l'action  du  poison  est 
calmée,  l'inforturé  retombe  dans  son  engourdissement, il  est  plus 
triste,  plus  sombre  ;  il  est  honteux  de  lui-même,  il  ne  sent  plus 
la  vie  que  comme  un  insupportable  fardeau,  il  se  désespère. 

Il  voudrait  renoncer  à  la  liqueur  perfide  et  il  ne  le  peut  pas,  et 
il  s'enfonce  de  plus  en  plus  dans  l'abîme. 

Ou  il  n'essaie  d'en  sortir  que  par  un  acte  de  désespoir  qui  jette 
l'épouvante  autour  de  lui. 

Voilà  le  résultat  de  l'absinthe  ; 

Voilà  l'un  des  plus  grands  ennemis  du  jour. 

Chose  incompréhensible  1 

Nous  sommes  fiers  de  notre  raison,  et  nous  nous  livrons  à  des 
habitudes  qui  l'altèrent,  qui  l'obscurcissent,  qui  la  tuent. 

Nous  voulons  être  libres,  nous  estimons  que  la  liberté  est  le 
plus  grand  des  biens,  et  nous  permettons  à  une  liqueur  d'être 
notre  tyran,  et  nous  en  devenons  les  esclaves,  tellement  les  escla- 
ves, que  nous  allons  à  l'abrutissement,  à  la  mort,  sans  nous  résou- 
dre à  secouer  et  à  briser  la  chaîne. 

On  demande  la  liberté  à  bien  des  combinaisons,  on  se  bat  pour 
elle,  et  on  la  perd  volontairement  devant  un  verre  de  liqueur. 

Tels  sont  les  contrastesque  présente  cet  être  qui  est  si  grand  de 
sa  nature,  et  qui  devient  si  misérable  quand  il  se  laisse  aller  à  la 
pente  de  ses  passions.  Disons-le,  si  ce  n'est  pour  nos  lecteurs,  au 
moins  pour  ceux  à  qui  ils  peuvent  rendre  le  service  de  les  prévenir 
du  danger,  l'absinthe  est  un  triple  poison. 


]/E  PROPAGATEUR  393 


D'abord  parce  que  l'alcoal,  qui  en  forme  la  base,  est  un  poison 
quand  il  est  pur,  un  poison  encore  quand  il  est  pris  en  excès  ; 

Ensuite,  parce  que  la  plante  qu'on  fait  infuser  dans  l'alcool,  et 
qui  fournit  la  liqueur  d'alDsinthe,  est  aussi  par  elle-même  un  poison; 

Enfin,  parce  que  celte  liqueur  est  très  souvent  sophistiquée  et 
rendue  plus  dangereuse  encore. 

Mais  ce  que  l'absinthe  a  de  plus  dangereux,  c'est  la  tyrannie 
qu'elle  exerce.  D'abord  on  n'en  boit  qu'un  ou  deux  petits  verres 
par  jour,  et  l'on  a  soin  d'étendre  d'eau  la  liqueur. 

Au  bout  d'un  certain  temps,  l'excitation  agréable  qu'elle  produit 
ne  peut  plus  s'obtenir  qu'en  diminuant  la  quantité  d'eau  ;  on  la 
prend  donc  de  plus  en  plus  forte  ;  on  finit  par  la  prendre  pure. 

Déjà  l'on  est  esclave. 

Les  membranes  muqueuses  qui  tapissent  la  bouche  et  le  gosier 
deviennent  insensibles  ;  il  faut  augmenter  la  dose  pour  réveiller 
leur  sensibilité,  et  l'on  arrive  ainsi  à  trois,  à  quatre,  à  six,  à  tiui*^ 
verres  par  jour. 

Alors  l'appétit  se  oerd,  les  aliments  excitent  le  dégoût,  il  faut 
faire  effort  pour  les  ingérer,  on  ne  mange  presque  plus. 

Et  l'on  ne  boit  que  davantage. 

C'est  un  premier  avertissement  sérieux  ;  les  forces  diminuent, 
les  membres  tremblent,  le  sommeil  est  agité,  la  parole  devient 
embarrassée. 

Le  malade  consulte  le  médecin  ou  se  raisonne  lui-même  ;  l'ab- 
stinence des  spiritueux,  une  nourriture  succulente  viennent  à 
bout  des  premiers  symptômes. 

Mais  le  mal  n'a  pas  plutôt  diminué,  et  en  même  temps  la  frayeur, 
que  l'habitude  reprend  son  empire  :  on  s'accorde  un  petit  verre, 
puis  deux,  puis  trois,  tout  en  se  promettant  de  n'aller  pas  plus 
loin,  de  revenir  en  arrière,  non  pas  aujourd'hui,  mais  demain, 
mais  bientôt 

D-'main  n'arrive  jamais,  et  le  mal  reparait  plus  fort,  plus  effray- 
ant. Ce  ne  sont  plus  les  mains  seulement  qui  tremblent,  ce  sont 
les  jambes  qui  refusent  leur  service,  c'est  le  tronc  qui  est  atteint, 
c'est  la  tète  qui  se  perd  ;  la  stupeur,  l'hébétude,  les  hallucinations 
terrifiantes,  l'affaiblissement  intellectuel  apparaissent  en  même 
temps. 

Deuxième  avertissement. 

Le  médecin  vient  de  nouveau,  il  parle  avec  plus  d'autorité  :  il 
menace,  et  s'il  est  assez  heureux  pour  obtenir  du  malade  qu'il 
renonce  à  sa  funeste  habitude,  il  peut  encore  le  sauver. 

Mais  combien  peu  l'écoutent  !  un  sur  dix,  peut-être. 

L'esclave  continue  donc  de  traîner  sa  chaîne,  après  avoir  fait 
quelques  efforts  pour  la  secouer.  Il  reprend  ses  habitudes,  il  cède 
àl'absiuihe. 

Dès  lors  tout  est  désespéré. 

Ce  sont  des  vertiges,  des  hallucinations,  des  troubles  de  la  vue, 
-des  envies  de  vomir  ;  c'est  l'amaigrissement. 

L'estomac  ne  peut  plus  remplir  ses  fonctions,  le  foie  s'altère, 
tout  le  corps  tombe  en  ruine. 


394  LE  PROPAGATEUR 


C'est  un  tremblement  général,  ce  sont  des  accès  de  fureur  ou 
une  prostration  complète  de  force  ; 

C'est  l'idiotisme,  la  démence,  et  enfin  la  mort. 

Quand  on  boit  le  premier  verre  d'absinthe,  c'est  le  premier  pas 
qu'on  fait  vers  ce  but. 

On  peut,  sans  doute,  s'arrêter  en  chemin,  on  peut  ne  pas  aller 
jusqu'à  la  tyrannique  habitude  ; 

Mais  qu'on  n'oublie  pas  que  l'absinthe,  même  prise  à  dose  mo- 
dérée, n'est  jamais  exempte  de  danger,  qu'elle  amène  au  bout 
d'un  temps  plus  ou  moins  long  des  désordres  dans  l'économie,  et 
particulièrement  dans  les  fonctions  digestives,  qu'elle  est  telle 
qu'un  savant  médecin  a  dit  : 

L'absinthe,  à  dose  même  très  modérée  et  de  bonne  qualité,  doit 
être  bannie  de  la  consommation. 

Si  l'on  dressait  l'état  des  victimes  de  l'absinthe,  on  ferait  une 
effrayante  statistique  : 

Que  de  belles  intelligences  éteintes  1 

Que  d'hommes  morts  avant  l'âge  ! 

Que  de  crimes  commis  ! 

Que  de  misères  1 

Les  Chinois  ont  l'opium,  nous  avons  l'absinthe.  Vraiment  nous 
n'avons  pas  le  droit  de  nous  moquer  des  Chinois. 

ŒUVRES  SPIRITUELLES 

PERE     JACQUES     l\OUET 

DE  LA.  COMPAGNIE  DE  JESUF. —  REVUES  ET  MISLS  DANS  UN  ORDRE  NOUVEAU 

Par  le  B.  P.  Henri  POTTIEH,  de  la  même  compagnie 

Les  Œuvres  spirituelles  du  P.  Jacques  Nouet  se  trouvaient  autrefois  dans  toutes  les  mains. 
C'était  pour  les  âmes  une  nourriture  forte  et  solide,  qu'elles  sont  loin  de  trouver  dans  un  trop 
grand  nombre  de  livres  de  piété  des  temps  modernes,  si  pauvres  en  fait  de  doctrine,  si  fades 
par  le  style  qu'ont  adopté  leurs  auteurs.  —  Les  ouvrages  du.  P.  Kouet  laissaient  cependant 
quelque  chose  à  désirer  :  on  eût  voulu  y  trouver  une  certaine  unité  d'ensemble  et  de  détail  qui 
ne  ressortait  pas  assez,  et  voir  supprimer  des  longueurs  qui  rendaient  moins  rapide  la  marche 
des  pensées  ;  les  types  de  beaucoup  de  p]irases  avaient  aussi  besoin  d'être  refondus  et  rajeunis. 
C'est  ce  travail  de  remaniement  qu'a  entrepris  le  P.  Henri  Pottier;  et,  de  l'avis  de  tous,  il  l'a 
on  ne  peut  mieux  exécuté,  en  composant,  avec  les  livres  du  P.  Nouet,  des  livres  nouveaux,  qui, 
sous  une  forme  abrégée,  dans  un  ordre  meilleur  et  avec  un  langage  plus  adapté  du  goût  actuel, 
offrent  tout  ce  que  contenaient  les  Œuvres  de  son  docte  et  saint  confrère.  Aussi,  grand  nombre 
d'archevêques  et  d'évéqucs'  entre  autres  S.  Em.  Mgr  le  cardinal  de  Rennes,  NN.  SS.  de  Tours, 
de  Nantes,  de  Poitiers,  du  Mans,  de  Quimper,    ont-ils  tenu  à  féliciter  le  consciencieux  réviseur. 

Nouveau  Cours  de  Méditations  (Selon  la  méthode  de  saint  Ignace)  snr  la  vie 
de  Sf.  S.  J^sus-Cbrist,  à  l'usage  des  personnes  qui  vivent  dans  le  monde.  —  2e  édition.  — 
3  vol.  in-12,  de  vii-52(i,  552  et  553  p $2.50 

Introduction  à  la  vie  d'oraison,  ou  Conduite  de  l'àme  dans  les  voies  de  Dieu, 
contenant  toute  l'économie  de  la  méditation,  de  l'oraison  affective  et  de  la  contemplation. — 
Nouvelle  édition.  —  1  beau  vol.  in-12,    de   xix-512  p 75  cts 

Dévotion  envers  IWotre'Seig'uear  Jésus-Cbrist,  ou  Etude  de  ses  titres  conso- 
lants et  glorieux.  —  Nouvelle  édition.  — 3  volumes  in  12,  de  xix-468,  434  et  492   pages.  . . .     $2.00 

lie  C'iirétien  à  l'école  du  Calvaire.  — Nouvelle  édition.  —  2  volumes  in-12,  de  iv-392 
et  354  pages $1.25 

le  Chrétien   à  l'école  du   Tabernacle.  —  Nouvelle  édition.  —  1  beau  vol.  in-12  de  . 
250   pages 75  cts 

lie  Cruide  d  ^  l'âme  en  retraite,— Nouvelle  éd. — 3  vol.  in  12  de  xxxiv-.504, 492,  4.5G  p.$2. 

Retraite  spirituelle  de  dix. jours.  — Nouvelle  édition. —1  vol.  in-12  de  xxxiv-380 

pages '. 63  cts 

Pratique  de  l'amour  de  Dieu.— 1  volume    in-i2,  de  rv-372  p.   Prix 63  cts 

En  luut  15  vo  urnes,  |iii.x  $10.50  —  une  remis»»,  de  50  pour  conl  sera  fisile  sur 
ceUe  collecuon  des  ouvrages  du  P.  Noue',  prise  en  une  s-ule  fois. 


L'HYPNOTISME 

ETUDE  SCIENTIFIQUE  ET  RELIGIEUSE 

Par  rabbé  P.  O.  MOKEAU 

^  VICAIRE    GÉNÉRAL    DE   LANGRES 

OUVRAGE     HONORÉ     DE     LETTRES 

DE  NN.  SS.  S.  G.  ^i.'Archevéque  de  Bordeaux 

S.  G.  L'ÉvÉQUE  de  Langres 

S.    G.   l'Évêque   de    Beauvais,    Noyon    et   Senlis 

S.  G.  l'Étéque  de  Fréjus  et  Toulon,  etc.,  etc. 

1  fort  vol.  in-12 Prix  :  95  cts. 

L'hypnotisme  est  à  l'ordre  du  jour. 

On  en  parle  dans  les  Académies  et  dans  les  salons.  Pas  une 
revue,  pas  un  journal  qui  n'y  consacre  quelques  pages.  Depuis 
longtemps  déjà,  il  a  sa  littérature. 

Pas  une  ville  où  les  hypnotiseurs  ne  fassent  des  conférences. 
C'est  presqu'une  épidémie  dont  les  gouvernements  se  sont  émus. 

Pas  une  fête  où  on  n'invite  un  hypnotiseur  en  renom. 

Si  l'on  écoutait  M.  le  professeur  Liégeois,  bientôt  l'hypnotisme 
ferait  la  loi  au  Palais,  comme  il  essaie  de  la  faire  à  la  Faculté  de 
médecine  ;  et  nous  serions  à  la  veille  d'une  véritable  révolution 
dans  la  morale  sociale.  Aujourd'hui,  il  faut  encore  un  magnétiseur, 
un  ÊUggestionniste.  Demain,  peut-être,  un  autre  M.  Liégeois  pu- 
bliera que  l'action  du  monde  extérieur  sur  les  sens  frappe  le  cer- 
veau, de  telle  manière,  que  l'individualité  disparaît  pour  faire 
place  à  la  passivité  absolue. 

Enfin  l'hypnotisme  a  été,  l'an  dernier,  officiellement  introduit 
dans  la  chaire  chrétienne.  Pour  nous,  prêtres,  c'est  un  signe  que 
l'beure  a  sonné  de  ne  plus  nous  désintéresser  dans  cette  question. 
Déjà,  en  effet,  nous  pouvons  dire  de  l'hypnotisme  ce  qu'écrivait 
en  1853,  du  magnétisme  animal,  Mgr  Guibert,  alors  évêque  de 
Viviers  :  "  Tant  que  ces  opérations  n'ont  présenté  que  le  caractère 
d'un  exercice  purement  récréatif,  ou  que  la  curiosité  n'y  a  cherché 
que  les  effets  d'un  fluide  répandu  dans  la  nature,  notre  sollicitude 
ne  s'est  point  alarmée. ..Aujourd'hui  il  est  de  notre  devoir  de 
donner  des  avertissements...,  de  prémunir  les  fidèles  contre  les 
pièges  du  père  du  mensonge,  de  veiller  à  la  pureté  de  la  foi  et  à 
l'honneur  du  nom  chrétien..."  Aussi,  aucun  de  nous  n'at-il  été 
surpris  de  voir  ?.  E.  le  cardinal  Richard  honorer  de  sa  présence 
la  dernière  conférence  du  R.  P.  LeMoyne  à  Saint-Merry,  dont  il 
bénissait  ainsi  et  encourageait  les  efforts  :  "  Vous  emploierez  tous 
les  efforts  de  votre  zèle  sacerdotal,  avait  d'ailleurs  écrit  son  véné- 
rable prédécesseur  dans  le  Mandement  que  je  rappelais,  et  avant 
tout  l'autorité  de  votre  exemple,  pour  éloigner  de  ces  damnables 
pratiques  tous  ceux  de  vos  paroissiens  qui  seraient  assez  impru- 
dents pour  s'y  livrer.  "  Quand  l'exemple  part  d'aussi  haut,  c'est, 
je  le  répète,  une  obligation  pour  chacun  de  nous  de  faire  entrer 
l'hypnotisme  dans  le  programme  de  ses  études  théologiques,  sous 


396  LE  PROPAGATEUR 


peine  de  rester  étranger  au  mouvement  scientifique  et  religieux 
de  son  époque,  et  de  compromettre  sa  mission  auprès  des  âmes. 

A  peine  né,  en  effet,  l'hypnotisme  s'est  posé  en  adversaire  du 
dogme  chrétien.  Aussi,  je  n^.  m'explique  pas  comment  M.  le  doc- 
teur Bérillon  s'est  cru  autorisé  à  affirmer,  qu'en  raison  de  leur 
libéralisme,  les  évoques  de  France  avaient  témoigné  une  grande 
sympathie  "  aux  procédés  thérapeutiques  de  l'hypnotisme,  "  et 
surtout  que  "  la  cour  de  F\.ome... avait  déclaré^  dans  ces  derniers 
temps,  que  la  réalité  des  phénomènes  de  l'hypnotisme  était  tout 
ce  qu'il  y  a  de  plus  incontestable  et  de  mieux  prouvé. ..que  l'usage 
de  l'hypnotisme  était  permis..."  11  est  vraiment  regrettable  que 
M.  Bérillon  ait  négligé  de  nous  indiquer  où  il  avait  découvert 
d'aussi  intéressants  documents.  Pour  ma  part,  j'aurais  été  curieux 
de  les  mettre  en  regard  d'autres  documents  signés  :  Bérillon, 
Paul  Bert,  Régnard,  Bourneville,  Luys,  Eichet...,  où  ces  écrivains 
ne  semblent  noter  leurs  observations  que  pour  saper  plus  sûrement 
par  sa  base  l'édifice  chrétien,  où  ils  affectent  non  seulement  le 
plus  grand  mépris  de  toute  croyance  religieuse  ;  mais  ne  savent 
même  pas  dissimuler  leur  joie  à  la  pensée  que  leurs  découvertes 
enterreront  à  jamais  le  miracle. 

Ce  n'est  pas  nous,  en  effet,  qui  avons  poussé  l'hypnotisme  sur 
le  terrain  théologique,  mais  les  hypnotiseurs,  qui  comptent  s'en 
servir  comme  d'une  nouvelle  arme  de  guerre  contre  la  foi  catho- 
lique. Pas  un,  depuis  le  plus  obscur  jusqu'au  plus  illustre,  qui 
ne  nie  hautement  toute  révélation,  toute  action  d'une  puissance 
et  d'une  nature  supérieures,  et  qui  ne  prétende  expliquer  les  faits 
miraculeux  de  l'Evangile  par  la  grande  hystérie  et  la  suggestion. 
Donato  n'est  pas  le  seul  à  s'écrier  :  "  Jésus  fut  le  plus  prodigieux 
des  magnétiseurs.. .Jésus  guérissait  les  infirmes  en  les  magnéiisant. 

"  Dans  les  temps  les  plus  reculés,  a  écrit  le  docteur  Bottey, 
Jésus-Christ,  les  apôtres,  les  prêtres  opéraient  des  guérisons  par 
l'imposition  des  mains  ;  de  même  les  pythonisses,  les  magiciens, 
etc.."  Le  docteur  Bernheim,  remarque  M.  le  chanoine  Lelong, 
qui,  dans  une  première  édition  de  son  opuscule  sur  la  Suggestion., 
semblait  exempt  de  toute  hostilité  envers  le  surnaturel,  dans  sa 
seconde  édition,  attaque  directement  les  miracles  de  Lourdes.  , 

Avant  de  faire  connaître  à  ses  lecteurs  les  résultats  de  son  Étu- 
de historique,  critique  et  expérimentale^  observe  M.  l'abbé  Méric,  le 
docteur  Gibier  déclare  qu'il  est  l'adversaire  implacable  du  mer- 
veilleux et  du  surnaturel  ;  il  a  des  paroles  amères,  violentes,  in- 
justes contre  le  christianisme  et  la  foi  religieuse  ;  il  ouvie  son 
J.t)anf  projuos  par  cette  déclaration,  écrite  en  lettres  majuscules, 
pour  frapper  vivement  l'attention  de  ses  lecteurs  :  Nous  sommes 
l'ennemi  du  merveilleux  et  du  mysticisme,  et  n'admettons  pas  qu'il 
puisse  ï>e  produike  rien  en  dehors  des  lois  de  la  nature. 

M.  Paul  Gopin,  collaborateur  de  la  Revue  de  l'hypnotisme.,  et  son 
collègue,  qui  signe  sous  le  pseudonyme  de  Skeplo,  sont  animés 
d'une  telle  haine  que,  à  propos  de  l'hypnotisme,  ils  exhument 
toutes  les  objections,  anciennes  et  nouvelles,  contre  le  catholicisme. 

"  L'histoire  nous  rapporte,  s'est  écrié,  au  Congrès  des  magnéti- 


LE  PROPAGATEUR  397 


seurs^  M  Guyonnet  du  Péral,  que  le  Christ  fut  forcé  de  s'y  repren- 
dre à  deux  fois  pour  faire  une  cure  laborieuse  ;  "  et,  gravement, 
il  le  classe  dans  la  catégorie  des  "  volon  listes,  mystiques  et  spirites!" 

Tous,  à  la  suite  de  Strauss,  de  M.  Renan,  de  Karle  Hase,  assi- 
milent les  résurrections  attribuées  à  N.-S.  à  de  simples  réveils  de 
personnes  en  léthargie.  Ils  expliquent  le  changement  de  l'eau  en 
vin  aux  noces  de  Gana  par  la  suggestion  ;  les  guérisons,  par  le 
magnétisme  animal  ;  Notre-Seigneur  opérant  à  la  façon  des  ma- 
gnétiseurs par  l'imposition  des  mains,  ou  en  touchant  l'organe 
souffrant.  La  guérison  de  la  femme  afQ.igée  d'une  perte  de  sang 
présente  à  leurs  yeux  toutes  les  allures  et  toutes  les  modalités  des 
guérisons  magnétiques  modernes.  En  vain  M.  Bérillon  cherch'^-t.il 
à  s'abriter  derrière  MM.  Guermonprez  et  Desplats,  professeurs  à 
la  Faculté  cattiolique  de  Lille,  qui  "  ont  apporté,  dit-il,  d'impor- 
tantes contributions  à  l'étude  de  l'hypnotisme  et  de  la  suggestion  j  " 
lui  et  ses  collègues  font  partie  de  ce  groupe  dont  la  devise  est 
celle  de  Voltaire  :  "  Ecrasons  l'infâme  1  "  Pour  eux,  l'infâme  c'est 
le  surnaturel. 

Malheureusement,  un  certain  nombre  de  chrétiens,  par  suite  de 
l'ignorance  et  de  la  fascination  qu'exercent  toutes  les  nouveautés 
embellies  par  la  réclame,  jouent  avec  l'hypnotisme,  sans  en  soup- 
çonner les  danger.  Chez  d'autres,  au  contraire,  d'une  conscience 
délicate  et  qui  veulent  suivre  à  la  lettre  ce  conseil  de  saint  Paul  : 
"Evitez  toute  curiosité  malsaine,  et  prenez  garde  de  vous  laisser 
séduire,  "  se  manifeste  une  vive  et  légitime  anxiété.  Ils  veulent 
être  éclairés.  Ils  nous  interrogent.  Or,  comment  leur  répondrons- 
nous,  si  nous  n'avons  nous-mêmes  sur  cette  question  que  ''  des 
divagations,  "  comme  me  le  disait,  il  y  a  quelques  mois,  un  curé 
de  Paris  ? 

C'est  à  remplacer  ces  divagations  par  des  données  scientifiques, 
que  travaillent  déjà  NN.  SS.  les  Evêques.  C'est  pour  entraîner 
leurs  prêtres  vers  l'étude  de  ces  sciences  nouvelles  que  S.  E.  le 
cardinal-archevêque  de  Paris  avait  autorisé  le  R.  P.  Le  M  lyne  à 
traiter  l'hypnotisme  en  chaire  ;  que  NN.  SS.  les  arch-'vêques  et 
évêques  de  Pans,  Reims,  Lyoi,  Evreux,  Oran,  ont  introduit  cette 
question  dans  le  programme  des  conférences  diocésaines  de  l'année 
1890  et  de  l'année  1891.  "  Il  n'y  a,  me  disait,  au  mois  de  juillet 
dernier,  un  savant  prélat,  il  n'y  a  plus  que  deux  choses  qui  m'in- 
téressent dans  la  lecture  des  revues  et  des  journaux  :  en  politique, 

la  question  i-odale  ;  en  psychologie,   l'hypnotisme." — " Je 

lirai  avec  le  plus  grand  plaisir  votre  travail  sur  l'hypnotisme^  m'é- 
drivait,  à  la  date  du  15  novembre  dernier,  un  de  nos  plus  savants 
évêques,  quesiion  à  l'ordre  du  jour,  et  qui,  comme  vous  le  dites, 
vaut  la  peine  d'être  traitée  sérieusement.  " 

Malheureusement,  les  travaux  dus  à  des  plumes  ecclésiastiques 
sont  trop  peu  nombreux  ;  plusieurs  même  ne  sont  que  des  simples 
brochureb,  écrites  dans  un  excellent  esprit,  mais  à  la  hâte,  ou  sous 
un  horizon  trop  restreint.  C'est  pourquoi,  plusieurs  ont  estimé 
qu'à  côté  du  Mandement  de  Mgr  Suicha  Hervas, évêque de  Madrid- 
Alcala,  des  études  de  MM.  Granclaude,  Ribet,  Méric,  Lelong,  Cla- 


398  LE  PROPAGATEUR 


verie,  Trotin,  Léon  Guillemet,  Elle  Blanc  ;  des  RR.  PP.  Matignon, 
de  Bonniot,  Franco,  Le  Moyne,  Touroude,  il  y  avait  place  pour 
une  nouvelle   Etude  scientifique  et  religieuse  sur  l'hypnotisme. 

Les  travaux  des  hypnotiseurs  se  comptent  déjà  par  centaines, 
et  chaque  jour  voit  éclore  "  une  contribution  nouvelle  à  l'étude 
de  rhypnotisme.  "  II  faut  que  nous  les  suivions  pas  à  pas,  et  que, 
sans  nous  laisser  rebuter  par  l'aridité  ou  Tétrangelé  du  sujet,  nous 
tenions  au  courant  de  leurs  découvertes  ceux  de  nos  confrères 
qui  n'ont  ni  le  temps,  ni  la  facilité  de  recourir  aux  sources. 

Je  m'efforce  d'exposer,  aussi  nettement  que  le  sujet  me  le  per- 
met, les  théories  des  magnétiseurs,  hypnotiseurs,  suggestionnistes. 
Je  note  leurs  observations  les  plus /ra/zc/ies.  Je  les  fais  parler  le 
plus  possible.  J'évite  d'introduire  dans  cette  exposition  mes  ap- 
préciations personnelles,  ou  certaines  données  métaphysiques 
douteuses  et  obscures,  dont  je  trouve  qu'on  n'a  déjà  que  trop  abu- 
sé, et  qui  ne  sont,  la  plupart  du  temps,  que  des  trompe-l'œil. 

Une  étude  religieuse  termine  celte  étude  scientifique  ;  chaque 
expérience  nouvelle  étant  pour  nos  adversaires  l'occasion  d'épi- 
grammes  blessantes  à  l'adresse  des  croyants.  Je  dédaigne  l'im- 
pertinence, mais  je  relève  l'objection.  Que  faut-il  penser  de  leurs 
théories  sur  les  guérisons  miraculeuses,  sur  les  cas  de  possession, 

sur  i'extase,  sur  les  stigmate? ?     Ces  phénomènes  ne  sont-ils, 

comme  ils  le  prétendent,  que  des  efTets  nerveux  amplifiés  ?  Est-il 
permis  d'hypnotiser  ?  de  se  laisser  hypnotiser  ?  Peut  on  ne  voir 
dans  les  phénomènes  hypnotiques  que  le  jeu  normal  des  forces 
humaines  agrandi  par  le  sommeil  nerveux  ;  ou  l'action  du  démon 
est-elle  nècessaiie  pour  expliquer  certains  phénomènes  ? 

C'est  aux  sources  que  j'ai  puisé.  Je  me  suis  vite  aperçu  qu'en 
hypnotisme,  comme  en  toute  espèce  de  questions,  les  auteurs  se 
copiaient,  sans  le  dire.  En  hypnotisme,  cette  supercherie  est  une 
véritable  duperie.  Il  en  résulte  que  le  même  fait,  raconté  cent 
fois  par  cent  copistes  difTérent^,  laisse  croire  aux  lecteurs  qu'il  y 
a  cent  faits  eu  faveur  d'une  expérience,  alors  que  le  rôle  est  tou- 
jours tenu  par  la  même  demoiselle  Eosa,  Esiher,  ou  Elisa.  C'est 
une  répétition  de  la  fable  : 

-..Le  nombre  cVœufs,  grâce  à  la  renommée, 
De  bouche  en  bouche  allaii  croissant  ; 
AvafU  la  fin  de  la  journée, 
Us  se  montaient  à  plus  d'un  cent. 

J'ai  donc  écarté  les  copistes  pour  ne  m'attacher  qu'aux  maîtres 
ou  à  leurs  disciples  autorisés. 

C'est  ainsi  que  pour  l'Ecole  de  là  Salpêtrière,  et  l'Ecole  de  Nan- 
cy, j'ai  étudié  les  ouvrages  de  MM.  Gilles  de  la  Tourette  et  Bottey. 
C'est  dans  le  Dr  Bernheim  que  j'ai  étur^ié  la  suggestion  ;  dans  le 
Dr  Ochorowicz,  la  suggestion  mentale  ;  dans  le  Dr  Azam,  ce  qui 
regarde  l'état  second  ;  dans  les  docteurs  Bourru,  Burot,  Luys, 
l'action  des  médicaments  à  distance  ;  dans  le  Dr  Baréty,  la  force 
neurique  rayonnante  ;  dans  le  Dr  Régnard,  les  différentes  sortes 
de  sommeil,  et  ainsi  de  suite.  Autant  que  possible,  je  cite  le  pas- 
sage du  livre  auquel  j'emprunle  chaque  observation.     Si  je  com- 


LE  PROPAGATEUR 


399 


mettais  un  oubli,  je  prie  les  auteurs  de  ne  pas  m'accuser  de  plagiat. 
Mon  oubli  serait  involontaire. 

Lucrèce  exprime  par  une  belle  image  le  lien  qui  rattache  les 
générations  passées  aux  générations  à  venir.  Il  nous  montre  les 
coureurs  antiques  s'élançant  dans  la  carrière  et  tenant  dans  leurs 
mains  un  flambeau  ;  puis,  lorsqu'ils  arrivent  épuisés  au  terme  de 
la  course,  ils  remettent  à  d'autres,  qui  le  portent  plus  loin,  le 
flambeau  qu'ils  laissent  échapper  d'une  main  défaillante. 
El  quasi  cursores  vilaï  lampada  Iradunt. 

Pour  nous  prêtres,  ce  flambeau  c'est  le  dépôt  du  dogme  catho- 
lique tel  que  le  Saint-Siège  l'enseigne  et  l'explique  ;  tel  que  notre 
Evêque  nous  l'a  confié  au  jour  de  noire  sacerdoce.  Puissé-je  avoir 
continué  l'œuvre  à  laquelle  mes  aînés  ont  donné  leur  part  d'efforts 
et  de  dévouement  !  C'est  toute  mon  ambition. 
En  la  fête  de  saint  Jean  l'Evangéliste,  27  décembre  1890. 

P.  G.  MoREAu,  vie.  gén.  hon. 


BIBLIOTHEQUE  THEOLOGIQUE  voir  page  376 

HISTOIRE   DE    L'EGLISE 

Par  le  Cardinal  HE:K6E]\KCETHEK 

7  volumes  in-8  de  550    pages   chacun Prix:  §13.00 


La  Dogmatique,  par  le  docteur  M.- 
J.  ScHEEBE.N,  prolesseur  au  séminaire 
archiépiscopal  de  Cologne.  4  très  forts 
et  beaux  volumes  in-8.  Prix  §7.50 

Gel  ouvrage  est  à  mettre,  de  l'avis 
de  tous  les  maîtres  en  ihéologie  qui 
l'ont  étudié,  au  rang  des  plus  parfaits. 

Tome  I.  —  Le  premier  volume  est 
une  introduction  à  !a  théologie  ;  il 
répond  au  traité  des  Prolégomènes. 
L'objet  en  est  :  la  Connaissance  tliéolo- 
gique. 

Tome  IL  —  Le  second  volume  con- 
tient le  iraité  de  Deo  avec  ses  deux 
inévitables  parties  :  l'unité  de  !a  nature, 
la  Irinité  des  personnes. 

Tomes  III  et  IV. — Ces  deux  volumes 
contiennent  les  trois  livres  ou  traités 
suivants  : 

A.  Relations  fondamentales  et  origi- 
naires de  Dieu  avec  le  monde,  ou  fon- 
dation sur  la  terre  de  Vordre  naturel 
et  de  Vordre  surnaturel. 

B.  Le  péché  tl  le  royaume  du  péché 
dans  son  opposition  à  l'ordre  surnatu- 
rel du  monde. 

G.  U humanité  déchue  rachetée  par 
Jésus-Christ  ou  rétablissement  et  con- 
sommation de  l'ordre  surnaturel  par  le 
Fils  de  Dieu  incarné. 


Histoire  des  Dogmes,  par  le  doc- 
teur Joseph  ScHWANE,  professeur  à 
l'université  de  Munster.  In-8  de  III- 
796  page?.  Prix  :  $L88 

Le  docteur  Schwane  rapporte  les 
dogmes  à  ces  quatre  chefs  :  Dieu,  le 
Rédempteur,  l'homme  et  l'Eglise,  et  il 
en  fait  l'histoire  par  périodes  de  temps. 
Ainsi,  son  premier  volume  passe  suc- 
cessivement en  revue  tous  les  princi- 
paux dogmes:  1°  Sur  Dieu;  2»  sur 
Jésus-Ghrist  ;  3"  sur  l'homme  ;  4»  sur 
l'Bglise  et  les  sacrements  ;  et  les  con- 
duit depuis  le  commen3ement  de  la 
prédication  évangéltque  jusqu'au  Con- 
cile de  Nicée. 

Droit  Canon,  par  le  docteur  Fré- 
déric H.  Vering,  professeur  des  deux 
droits  à  l'Université  catholique  d'Hei- 
delberg.  2  très  forts  et  beaux  volumes 
iu-8  avec  une  excellente  table. 
Prix:  $3.75 

Ce  cours  de  Droit  Canon,  bien  à 
jour,  est  des  meilleurs,  et  nous  y  trou- 
verons un  excellent  guide  :  il  est 
surtout  indispensable  aux  prêtres  et 
aux  avocats  catholiques  qui  vivent 
dans  des  pays  mêlés  de  protestants.  Il 
contient,  en'effet,  outre  le  droit  ecclé- 
siastique catholique,  le  droit  ecclésiasti- 


400 


LE  PROPAGATEUR 


^ue  protestant,  il  met  en  regird 
des  principes  du  droit  catholique  les 
déviations  et  les  divergences  du  protes- 
tantisme, adn  de  montrer  comment  on 
a  essayé,  de  nos  jours  surtout,  d'impo- 
ser à  1  Eglise  caiholique  les  principes 
du  droit  ecclésiastique  protestant. 

En  résum'^,  le  docteur  Véring  a 
surtout  voulu  tdire  un  livre  qui  réponde 
aux  nécessités  pratiques  du  t'r^mps 
présent. 

Patrologie,  par  le  docteur  Alzog, 
professeur  de  théologie  à  rUniver»ilé 
de  Frib  )urg.  Un  fort  volume  in-S. 
Prix:  $1.88 

C'est  l'histoire  de  la  littérature  chr-é- 
tienn-î  divisée  en  quatre  périodes.  La 
première  comprend  l'origine  de  la 
litt  rature  chrétienne  ou  lo  temps  des 
apôtres  ;  la  seconde,  le  progrès  et  le 
perfectionnement  de  cette  liit"raiure 
apologétique  ;  la  troisième,  l'apogée 
de  la  littérature  patriotique,  depuis  le 
premier  Concile  œcuménique  de  Nicee 
jusqu'à  la  mort  du  pape  Léon  le  Qi-dnd 
(325-461)  ;  la  qudirième,  la  décadnnc^ 
de  la  littérature  des  Pères  dans  l'empire 
romain  jusqu'à  la  restauration  s  jus  une 
forme  nouvelle  de  la  littérature  chré- 
tienne chez  les  peuples  romains  et  les 
peupUs  germains. 

Pour  chaqu  :»  auteur  le  docteur  Alzog 
donne  une  courte  notice  biographique, 
la  liste  de  ses  écrits  avec  leur  argument 
leur  analyse,  leur  criiique,  etc. 

Théologie  morale,  par  le  docteur 
J.  Ev.  pRUNER,  supérieur  du  séminaire 
d'Eichstoett  2  forts  volumes.  Prix  :  $3.75 

"  Nous  avons  fait  en  sorte  que  notre 
travail,  tout  en  restant  dans  les  limites 
d'un  iîimp'e  manuel,  fût  suffisamment 
complet  et  pratique  pour  répondre  aux 
nécessités  journalières  des  prêtres  em- 
ployés dans  le  saint  ministère.  Mais  en 
nous  efforçant  de  remplir  cette  double 
lâche,  nous  nous  sommes  abst'^nu 
d'élucider  en  détail  les  parties  qui  ren- 
trent dans  la  théologie  pastorale  et  le 


droit  canon  ;  nous  ne  les  avons  abor- 
dées qu'auiaat  qu'il  le  fallait  pour 
illuminer  certaines  questions  de  morale 
qui  auraient  pu,  sans  cela,  être  envisa- 
gées d'une  manière  inexacte  ou  défec- 
tueuse. " 

L'auteur  divise  son  livre  comme 
suit  : 

L  Des  actes  humains  considérés  en 
eux-mêmes  et  dans  leur  dépendance  à 
l'égard  de  Dieu  :  h  le  libre  arbitre; 
2°  moralité  des  actes  humains  ;  3»  la 
conscience  ;  4°  de  la  loi  ;  5»  caractère 
surnaturel  et  méritoire  des  actes 
humains. 

IL  D^s  vertus  et  des  péchés. 

IIL  Des  devoirs.  Cette  troisième 
partie  est  n  itur-^ll  -ment  la  plus  déve- 
loppée, et  form-",  en  étendu-,  les  trois 
quarts  de  l'ouvrage:  elle  suit,  pas  à 
pas,  les  dix  comman  lements  de  IMeu. 

Théologie  fondamentale  ou 
Apologétique,  p^r  le  docteur  Het- 
TiNGER,  professeur  à  l'Université  de 
Wurzburg.  Tome  l«.  Un  beau  vol.  in-S 
de  599  p.  Prix  :  $1  88 

Dans  une  introduction  de  soixante 
pages,  le  doct'^  professeur  expose  :  1°  la 
Notion  de  la  Théologie  ;  sa  lâche,  sa 
mélliode,  sa  division  :  '1°  La  Nolion  de 
I'Apologétique,  sa  méthode,  sa  divi- 
sion, son  histoire.  On  y  trouve  cités, 
avec  leurs  noms  et  les  tilr-^s  de  leurs 
ouvrages,  tous  les  aut  urs  qui,  depuis 
le  premier  siècle  de  l'Eglise  jusqu'à 
nos  jours,  ont  traité  du  sujet  ou  en  ont 
touché. 

L'ouvrage  forme  trois  grandes  divi- 
sions, sous  C"S  titres  : 

1»  Examen  de  l'idée  de  la  Religion 
et  de  la  Révélation  considérée  en  elle- 
même  : 

— Livre  I<".  2»  Idée  de  la  Révélation 
apportée  au  monde  par  Jé>us-Ghrist  : — 
Livre  II*.  3«  Idée  des  Religions  et  des 
révélations  fausses  qui  se  sont  pro- 
duites   avant  et  après  Jésus-Christ: 


Nous  lisons  dans  les  Etudes  beligieuses  des  Pères  jésuites  (n°de 
septembre  89)  l'admirable  appréciation  suivante  de  l'Histoire  de 
l'Eglise  du  Cardinal  Hergenroeiher,  nous  citons  : 

Les  trois  premiers  volumes  de  cett^  remarquable  Histoire  de  VEglise  ont  paru 
pendant  la  suppression  des  Etudes  ;  ils  n'ont  pas  été  mrjins  bien  accueillis  en 
France  qu'en  Allemagne,  où  l'ouvrage  tout  entier  est  p  irvenu  rapidement  à  sa 
troisième  édition.  Le  tome  IV,  publié  récemment,  comprend  la  fin  de  la  5'  période 
de  Gng'jire  Vil  à  Boniface  VIII,  avec  le  commenceme  t  le  la  période  suivante, 
qui  nous  mène  jusqu'aux  premières  années  'du  siècle  (1517).  On  y  trouve,  après 
un  premier  chapitre  sur  Tépiscopat  et  les  ordres  religieux,  l'histoire  des  croisades 


LE  PROPAGATEUR 


401 


et  leurs  résultats  ;  des  détails  pleins  d'éruoiiion  sur  les  nombreuses  sectes 
écloses  au  moyf-n  âge  ;  un  tableau  fidèle  de  la  vie  scientifique  d^'  saint  Thcmas 
et  de  saint  Bonaveulure  ;  un  résumé  impart  al  du  procès  îles  Templiers,  enfin 
un  exposé  lumineux  de  la  triste  période  du  grand  schisme  d'Occident. 

Dans  ces  pages  où  la  sagesse  des  jugements  marche  de  pair  avec  la  sûrelê  des 
informations,  le  savant  arcnivist-3  du  Vatican  se  propose  de  mettre  en  lumière 
la  vie  intérieure  de  l'Eglise  et  le  mouveraf-nl  des  idées  dans  la  société  chrétienne. 
Toutes  les  questions  controversées  sont  élucidées  avec  une  haute  impartialité  : 
après  chaque  paragraphe,  l'eminent  historien  indique  les  sources  principales  et 
les  travaux  les  plus  reoicirquablns,  en  y  ajoutant  parfois  une  appréciation  criti- 
que. On  ne  saura. t  indiqu^-r  à  ceux  qui  étudient  l'histoire  ecclésiastique  un 
ouvrage  plus  rempli  de  renseignements  précis  et  d'une  doctrine  plus  sûre  ;  le 
public  français  sera  reconnaissant  à  M.  l'abbé  Belet  d'en  avoir  entrepris  la 
traduction. 

Voici  maintenant  l'appréciation  du  Polybiblion  sur  le  tome  IVe: 

Histoire  de  l'Église,    par  S.  Em.  le  cardinal  Hergenroether.  T.  IV.  Paris. 

Le  tom-"  quatrième  de  \  Histoire  de  l'Eglise  du  cardinal  Hergenrœihêr,  traduite 
par  M.  l'àbbé  Bel-t,  com|ireiid  les  temps  écoulés  depuis  Grégoire  VII  jusqu'au 
commencement  du  seizième  siècle.  11  est  divisé  en  deux  périostes  :  l'une  de 
Grégoire  VII  à  Boniface  \1II,  où  "  tout  ce  qui  s'est  fait  de  grand  à  cette  époque, 
dans  la  science  et  dans  la  vie  religieuse,  porte  la  vive  empreinte  du  christia- 
nisme "  ;  l'autre  de  Boniface  VIII  à  Léon  X,  époque  qui  montre  l'alfaiblissement 
de  l'autorité  pontificale,  les  progrès  d'un  pouvoir  temporel,  d'une  société  civile 
qui,  en  prenant  consuinnce  de  sa  force,  la  retourne  contre  l'Eglise,  le  déchaîne- 
ment du  génie  révolutionnaire,  partant  la  décadence  des  tr.ivaux  scientifiques  et 
le  caractère  plus  général  de  l'h^-resie  qui  pénètre  plus  avant  dans  les  esprits. 

Je  l'ai  déjà  dit  :  ce  qui  caractérise  l'Histoire  de  l'Eglise  du  car.iinal  Hergen- 
roether, c'est  qu'on  y  trouve  moins  le  récit  des  faits,  dont  les  principaux  seuls 
sont  indiqués  que  l'indication  des  gran  Is  mouvements  dans  la  politique,  les 
idées  et  les  institutions  qui  se  développent:  là  on  rencontre  des  résum-s  subs- 
tantiels, des  notions  précises,  des  jug<-ments  toujours  marqués  au  coin  de  l'esprit 
le  plus  droit.  L'auteur  ne  s'égare  pas  dans  les  thèses  plus  que  hasardées  ;  il  sait 
condamner,  tout  en  l'expliquant,  le  népotisme  d'un  Sixte  IV'  et  la  vie  irregulière, 
scandaleuse,  d'un  Alexandre  VI. 

L'appréciation  du  sa  ant  Préfet  des  Archives  du  Vatican  vient  donner  raison 
à  ceux  qui,  contre  de  témf^raires  assertions,  défendaient,  au  sujet  de  ce  pape, 
l'honneur  même  des  études  historiques.  Les  reproches  que  des  journalistes 
adressaient  alors  à  ceux  qui  combattaient  des  réhabilitations  impossibles  à 
accepter  dans  l'élat  actU'-l  îles  tonnaissances,  oseront-ils  se  produire  conire  un 
cardinal  mis  par  Sa  Sainteté  Léon  XIII,  après  la  publication  des  ouvrages  qui 
ont  fait  sa  renommée,  à  la  tôte  de  ses  Archives  ?  {Polybiblion.) 

N.  B  — Une  remise  de  50  pour  cent  sera  faite  sur  tous  les 
ouvrages  de  la  Bibliothèque  théologique. 


TRIOMPHE  DE  LA  FOI 


R.  P    5Iarin  de  Boylesve  S.  J. 


1  vol.  in-1'2 Prix  :  50  cts 


LE  DARWINISME 

ET 


M.  li'abbé  licconite 

l  vol.  in-l2 Prix  :  75  cls 


GAUTHIER  DE  LA  GALPRENEDE 

I   EN  QUERCY.    [SUlte] 

Alix  prit  dans  un  bahut  sculpté  la  tapisserie  et  les  pelotons 
de  laine  de  sa  tante,  et  les  lui  donna  ;  puis  elle  s'assit  à  ses  pieds, 
sur  un  petit  pliant,  et  se  mit  à  faire  un  grand  filet  destiné  à  pré- 
server des  oiseaux  certaine  treille  de  raisin  muscat,  orgueil  du 
château  de  Montdragon.  Quant  au  chapelain,  il  ouvrit  le  livre  et 
lut  d'une  voix  fort  monotone  la  vie  du  saint  du  jour.  Gauthier, 
assis  un  peu  à  l'écart,  regardait  le  groupe  que  formaient  les  hôtes 
du  vieux  château,  et  les  rêveries  que  lui  suggérait  ce  tableau 
l'empêchaient  d'écouter  la  lecture  du  chapelain.  Il  lui  semblait 
voiries  trois  Parques  tenant  en  main  le  fil  de  sa  vie  ;  et,  quand 
madame  de  Montdragon  posait  sa  tapisserie  représentant  un  semis 
de  gros  œillets  sur  fond  noir,  et,'  prenant  les  ciseaux  pendus  à  sa 
ceinture,  coupait  une  aiguillée  de  laine,  il  l'eût  volontiers  priée 
de  n'en  rien  faire.  Puis,  regardant  Alix,  resplendissante  de  jeu 
nesse  et  de  beauté,  et  entourée  de  ces  graves  personnages  vêtus  de 
noir,  il  se  représentait  Proserpine,  alors  qu'enlevée  aux  prairies 
de  la  Sicile,  elle  se  vit  transportée  dans  le  sombre  royaume.  — 
Mais  là  s' arrêtaient  les  allusions  mythologiques,  le  chapelain  ni 
lui-même  ne  pouvant  en  aucune  façon  représenter  Pluton. 

La  lecture  finie,  une  des  duègnes  se  leva,  et  alla  appeler  les 
valets  et  les  servantes,  qui  venaient  de  finir  leur  besogne  et  leur 
souper.  Ils  entrèrent,  au  nombre  d'une  quinzaine.  Le  chapelain 
dit  la  prière  au  salon,  la  pluie  ne  permettant  pas  d'aller  à  la  cha- 
pelle, et  madame  de  Montdragon,  après  avoir  donné  l'eau  bénite 
à  tous  ses  serviteurs,  les  envoya  se  coucher,  en  leur  recomman- 
dant bien  de  prendre  garde  au  feu  et  d'éteindre  les  chandelles,  non 
pas  en  soufflant,  mais  avec  les  éteignoirs,  de  crainte  des  étincelles. 

Quand  ils  furent  tous  partis,  le  chapelain  dit  qu'il  allait  se  retirer 
dans  sa  chambre  pour  écrire  à  M.  de  Besnac,  et  madame  de  Mont- 
dragon, retournant  le  sablier,  qui  venait  de  se  vider,  déclara  qu'on 
veillerait  une  heure  en  l'attendant,  mais  pas  une  minute  de  plus. 
"Je  suis  sûre  qu'il  est  fort  tard,"  dit-elle.  "Que  c'est  donc 
ennuyeux  de  ne  pas  savoir  l'heure  qu'il  est  J  Depuis  que  l'horloger 
a  emporté  la  pendule,  tout  est  détraqué  ici.  Avez-vous  une  montre 
beau  neveu  ?  " 

''  Hélas  !  non,  ma  tante,  "  dit  Gauthier.  "  Ce  sera  la  première 
emplette  que  je  ferai  à  Paris.  " 

En  ce  temps-là,  du  reste,  les  montres  étaient  fort  rares,  et  le 
comble  de  l'élégance  consistait  à  en  porter  deux  à  la  fois. 

"  Savez-vous  jouer  aux  échecs  ?''  dit  la  châtelaine  à  Gauthier. 

"  Fort  mal,  ma  tante.  Je  n'ai  absolument  qu'un  talent  de  société  : 
c'est  de  conter  des  histoires.  Si  vous  le  permettez,  je  vous  en  dirai 
une,  que  j'ai  lue  tantôt  dans  votre  bibliothèque." 

"  Quel  plaisir!  "  s'écria  Alix.  ''  Est-ce  une  histoire  vraie  ?  " 

"  Certainement,  "  dit  Gauthier  ;  "  elle  s'est  passée  ici  même,  il 
y  a  plus  de  trois  cents  ans,  s'il  faut  en  croire  le  chroniqueur. 
Vous  devez  la  connaître,  madame  :  c'est  celle  d'Érambert  de  Mont- 
dragon, qui  fut  à  la  croisade.  " 


LE  PROPAGATEUR  403 


'^  J'en  ai  entendu  parler  jadis,  "  dit  madame  de  Montdragon  ; 
"mais  je  m'en  souviens  à  peine,  et  je  l'entendrai  volontiers.  " 

Alors,  approchant  son  siège  de  la  table,  Gauthier  commença  sou 
récit  selon  les  règles  de  l'art,  en  disant  tout  d'abord  :  Il  était  une 
fois...  puis,  donnant  l'essor  à  son  imagination  gasconne,  il  broda 
si  bien  l'histoire  du  croisé,  que  le  naïf  chroniqueur  qui  l'avait 
autrefois  écrite  ne  l'eût  pas  reconnue.  —  Les  deux  fileuses,  plus 
d'une  fois,  cessèrent  de  filer;  l'aiguille  tomba  des  doigts  de  la 
châtelaine,  et  la  navette  s'arrêta  dans  les  blanches  mains  d'Alix, 
tandis  que  ses  yeux  fixés  sur  Gauthier,  et  son  jeune  et  candide 
visage  reflétaient  toutes  les  péripéties  du  roman.  Animé  par  le 
succès,  le  jeune  homme  ne  tarissait  pas  :  les  grands  coups  d'épée, 
les  catastrophes  et  les  merveilles  allaient  se  multipliant,  lorsque, 
d'un  furtif  regard,  Alix  vit  le  sablier  prêt  à  marquer  l'heure  fa  taie 
du  coucher.  Vite  elle  interrompit  le  narrateur  : 

*'  Vous  allez  vous  fatiguer,  mon  cousin,"  lui  dit-elle  :  "permettez 
que  je  vous  offre  à  boire.  " 

Et,  tirant  prestement  du  buffet  un  flacon  et  un  verre,  elle  versa 
au  conteur  une  rasade  de  vin  de  paille,  et,  tout  en  lui  tendant  le 
verre  de  la  main  gauche,  de  la  main  droite,  et  sans  faire  semblant 
de  rien,  r^ourna  le  sablier.  Elle  savait  fort  bien  que  M.  l'abbé  était 
long  à  écrire,  et  elle  voulait  entendre  la  fin  du  conte.  N'en  eussiez- 
vous  pas  fait  autant  à  sa  place  ? 

Il  finit,  ce  conte,  comme  toutes  choses  finissent,  et,  au  moment 
où  il  finissait,  l'abbé  rentrait  dans  la  grande  salle,  sa  missive  à  la 
main,  et  les  derniers  grains  de  sable  tombaient.  La  compagnie  se 
sépara,  et  chacun  alla  rêver,  l'abbé  à  ses  vieux  souvenirs  de  voya- 
ge, la  châtelaine  à  sa  lessive  sauvée  de  l'orage,  les  deux  vielles  fi- 
leuses à  leur  quenouille  restée  inachevée,  Alix  au  héros  du  conte, 
et  Gauthier  de  la  Calprenède  à  la  belle  Alix  aux  yeux  noirs. 

La  pluie  tomba  presque  toute  la  nuit.  Dès  que  le  jour  parut,  ma- 
dame de  Montdragon,  qui  était  toujours  la  première  levée,  s'ha- 
billa plus  vite,  fit  sa  prière  plus  courte  qu'elle  n'était  accoutumée, 
et  se  rendit  dans  la  chambre  de  sa  pupile.  Au  lieu  d'avoir  à  la  gron- 
der comme  d'habitude  pour  l'éveiller,  elle  la  trouva  debout  et  se 
coiffant  devant  un  petit  miroir,  vêtue  seulement  d'une  robe  légère, 
et  ses  petits  pieds  nus  dans  ses  pantoufles. 

"  J'ai  à  vous  parler,  Alix,  "  dit  madame  de  Montdragon.  "  Re- 
couchez-vous, ma  fille  :  car,  vêtue  ainsi,  vous  courez  fortune  de 
vous  enrhumer.  " 

Alix,  étonnée  de  l'air  solennel  de  sa  tante,  obéit,  et  lui  demanda 
comment  elle  avait  dormi. 

"  Je  n'ai  point  fermé  l'œil  de  la  nuit,  "  dit  madame  de  Montdra- 
gon, "  et  c'est  vous  qui  en  êtes  cause,  mademoiselle.  " 

"  A  Dieu  ne  plaise  !  chère  tante,  "  s'écria  la  jeune  fille  :  "  si  j'ai 
eu  le  malheur  de  vous  donner  de  l'ennui,  c'est  bien  à  mon  insu.  " 

"  Je  n'en  doute  pas,  mon  enfant,  "dit  madame  de  Montdragon 
en  lui  tendant  la  main. 

Alix  baisa  cette  main  et  la  garda  dans  les  siennes. 


404  LE  PROPAGATEUR 


"  Alix,  "  reprit  la  tante,  "  vous  êtes  avec  moi  depuis  tantôt  dou- 
ze ans  sur  le  pied  d'une  fille,  et  vous  devez  me  rendre  cette  justice 
qu  j'ai  toujours  agi  envers  vous  très  maternellement.  " 

"  Oh  !  certes  oui.  "  dit  Alix,  "  et  j'en  serai  reconnaissante  toute 
ma  vie.  " 
"■  Vous  avez  quinze  ans,  "  i  éprit  madame  de  Monldragon  :  "  vous 
n'êtes  plus  une  enfant.  D'ici  à  peu  d'années  il  faudra  vous  établir. 
Avec  le  bien  que  vous  avez,  et,  j'ose  le  dire,  étant  la  fille  le  mieux 
apprise  de  tout  le  Quercy,  vous  pouvez  espérer  un  bon  mariage 
Sans  vouloir  vous  forcer  en  rien,  j'ai  préparé  pour  vous  une  alli- 
ance  des  plus  sortables.  Si  vous  la  refusez,  vous  trouverez  aisé- 
ment l'équivalent;  mais  il  ne  faut  pas  qu'une  romanesque  fantai- 
sie se  jette  à  la  traverse  de  mes  projets  et  gâte  v^otre  avenir,  et  que 
vous  alliez  favoriser  les  rêveries  d'un  petit  cadet  qui  n'a  que  la 
cape  et  l'épée." 

Alix  ouvrait  de  grands  yeux. 

"  Je  ne  sais  ce  que  vous  voulez  dire,  ma  tante,  "dit-elle.  "Je  ne 
connais  pas  ce  M.  Cadet.  " 

"  Cadet  n'est  point  son  nom,  mais  bien  sa  qualité,"  dit  madame 
de  Monldragon.  ''  En  un  mot,  mademoiselle,  je  vous  défends  d'en- 
courager les  impertinentes  espérances  que  j'ai  lues  hier  soir  dans 
les  yeux  de  Gauthier  de  la  Calprenède  ;  et,  afin  que  l'occasion  man- 
que à  ce  papillon  de  continuer  à  se  brûler  à  la  chandelle,  vous 
resterez  au  lit  jusqu'après  son  départ,  et  vous  passerez  pour  mala- 
de. Je  vous  défends  de  regarder  par  la  fenêtre.  Tout  ceci,  mon 
enfant,  est  pour  votre  plus  grand  bien.  " 

"  J'en  suis  assurée,  ma  tante,  "  dit  Alix,  "  et  je  vous  obéirai  de 
point  en  point.  Mais,  vrai,  je  ne  pensais  pas  que  M  de  la  Calprenè- 
de fût  amoureux  de  moi.  " 

"  Je  n'ai  pas  dit  cela  !  "  s'écria  madame  de  Mondragon.  "  Gardez- 
vous  d'employer  de  pareils  termes,  mademoiselle  !ils  ne  convien- 
nent pas  à  une  fille  de  qualité.  —  Allons,  rendormez-vous,  fillette, 
et  soyez  sage  !  " 

Elle  l'embrassa  au  front,  borda  ses  couvertures  comme  on  fait 
aux  enfants,  tira  les  rideaux,  et  s'en  alla  chez  elle,  après  avoir  soi- 
gneusement refermé  la  porte. 

Alix  pleura  un  peu,  sans  savoir  pourquoi  ;  puis  elle  prit  son 
chapelet,  se  recommanda  à  Notre-Dame  de  Roc-Amadour,  et, 
ses  quinze  ans  aidant,  se  rendormit  si  bien,  que  sa  tante  eut  toutes 
les  peines  du  monde  à  l'éveiller  à  neuf  heures  et  demie. 

La  chapelle  du  château  de  Monldragon  était  située  à  l'extrémité 
de  la  terrasse,  et  sa  petite  cloche,  placée  dans  un  campanile  rusti 
que,  avertit  les  habitants  du  château  que  la  messe  allait  commen- 
cer. Ils  arrivèrent  tous,  et  Gauthier  comme  les  autres.  Il  pria  de 
son  mieux,  mais  il  eut  de  grandes  distractions,  et  regarda  souvent 
du  côté  de  la  porte,  espérant  toujours  voir  arriver  la  dame  de  ses 
pensées.  —  Elle  ne  parut  pas.  Le  chapelain  et  madame  de  Monldra- 
gon lui  tinrent  seuls  compagnie  à  déjeuner,  et  la  châtelaine,  en  lui 
versant  le  coup  de  l'étrier,  lui  remit  une  petite  bourse  en  peau 
d'Espagne,  qui  contenait  quatre  louis. —  (à  suivre) 


LE    PROPAGATEUR 

Volume  IV,       1er  Septembre,  1893,       Numéro  13 

BULLETIJN 

• — • 

22  Août  1893. 

*,*  Un  souverain  païen,  le  Schah  de  Perse,  a  adressé  la  lettre 
suivante  au  Souverain  Pontife  à  Tociiasioa  deson  jubilé  épiscopal. 

A  Sa  Sainteté  le  Pape  très  respecté  et  très  honoré^  que  Dieu  lui  accorde 
son  aide  ! 

En  raison  dds  liens  d'amilié  qui  nous  unissent  à  Votre  Sainteté  et  du  sincère 
attachement  que  nous  avons  pour  Votre  Auguste  Personne,  attachement  que 
nous  sommes  heureux  de  manifester  en  toutes  circoaslances,  nous  profitons  de 
l'occasion  du  jubilé  de  Votre  Sainteté  pour  lui  présenter  nos  félicitations  au 
moment  oîi  tous  les  gran  Is  dignitaires  spirituels  et  les  grandes  puissances  amies 
lui  offrent  leurs  hommages. 

Cette  lettre,  gage  de  notre  amitié  sincère,  portera  à  Votre  Sainteté  les  vœux 
que  nous  formons  de  tout  cœur  pour  la  longue  durée  de  sa  vie  et  de  son  gou- 
vernement spirituel,  qui  est  une  cause  de  bonheur  pour  toutes  les  nations. 

Le  pontificat  de  Votre  Sainteté  est  un«  bénédiction  de  Dieu  pour  Votre  Au- 
guste Personne,  et  nous  espérons  qu'elle  durera  longtemps.  Que  Votre  Sainteté 
soit  assurée  de  notre  sincère  amitié. 

Nous  demandons  à  Votre  Sainteté  de  ne  point  nous  oublier  dans  Ses  prières 
qui  sont  toujours  exaucées  par  Dieu  et  de  Le  suppUer  en  môme  temps  de  res- 
serrer les  liens  d'amitié  qui  nous  unissent. 

Nous  saisissons  cette  heureuse  occasion  pour  renouveler  à  Votre  Sainteté  les 
assurances  de  notre  très  haut  respect. 

Ecrit  au  Palais  Royal  à  Téhéran,  mois  deChawal  1310. 

Quarante-septième  année  de  noire  règne 

Celui  qui  place  sa  confiance  en  Dieu  miséricordieux. 

NA.CER  ED  Dîne  Chah  Kadjar. 

V  Aux  élections  générales  qui  ont  eu  lieu  il  y  a  quelques  se- 
maines, en  Bavière,  les  cléricaux  et  les  libéraux  ont  remporté  pres- 
que toutes  les  circonscriptions  électorales.  Les  deux  partis  sont  à 
peu  près  d'égale  force.  Voici  la  composition  du  Langtay  bavarois. 

Conservateurs 3 

Cléricaux 73 

Union  des  paysans 7 

Libéraux 68 

Démocrates 1 

Socialistes 5 

Douteux 2 

La  Bavière  est  l'un  des  états  de  l'Allemagne  où  le  particularis- 
me est  le  plus  intense.  C'est  dans  cet  état  que  l'hégémonie  prus- 
sienne rencontre  le  plus  d'obstacles. 

25 


410  LE  PROPAGATEUR 


*^*  Les  éleclions  générales  pour  la  chambre  des  députés  ont  eu 
lieu  avàDt-hier  en  France. 

Le  scrutin  a  été  singulièrement  favorable  aux  républicains  dits 
modérés,  mais  il  est  encore  impossible  de  faire  une  classification 
correcte  des  députés  car  il  y  a  ballottage  dans  un  nombre  considé- 
rable de  circonscriptions.  Le  second  tour  de  scrutin  n'aura  lieu 
que  le  3  septembre. 

Les  journaux  de  France  nous  feront  connaître  quel  est  le 
nombre  des  républicains  modérés  qui  se  sont  loyalement  engagés 
à  modifier  les  lois  militaire  et  scolaire  et  à  faire  disparaître  leurs 
dispositions  persécutrices  et  impies.  Si  la  majorité  n'a  pas  pris  cet 
engagement  solennel, la  perséicution  va  continuer,  car  le  ministère 
actuel,  malgré  son  titre  de  modéré^  ne  vaut  guère  mieux  que  ses 
prédécesseurs  immédiats. 

Le  premier  n\inistre,  M.  Dupuy  et  tous  ceux  de  ses  collègues  qui 
faisaient  parlie  de  la  chambre  des  députés  ont  été  réélus  à  de  fortes 
majorités.  Une  foule  d'anciens  députés  ont  été  défaits.  Parmi  eux 
se  trouvent  malheureusement  le  comte  Albert  De  Mun,  l'illustre 
chef  des  catholiques,  M.  Delahaye  l'un  des  principaux  adversaires 
des  Panamistes,  M.  Jacques  Piou,l'uh  des  chefs  conservateurs  et  plu- 
sieurs autres  hommes  importants.  M.  Drumont,  le  célèbre  anti  sé- 
mite et  rédacteur  de  \di  Libre  Parole  a  été  aussi  défait. 

Messieurs  Floquet,  ancien  ministre  et  ancien  président  de  la 
chambre  des  députés,  de  Gassagnac,  rédacteur  de  l  Autorité  et  chef 
bonapartiste,  Glémenceau,  chef  des  radicaux,  que  l'on  accuse  à 
tort  ou  à  raison  d'être  vendu  à  l'Angleterre,  Goblet,  ancien  minis- 
tre, socialiste-radical,  et  Andrieux,  ancien  préfet  de  police,  ont 
réuni  le  plus  grand  nombre  de  votes  dans  leurs  circonscriptions 
respectives,  mais  ils  doivent  courir  les  risques  du  ballottage  car  ils 
n'ont  pas  eu  la  majorité  absolue. 

Parmi  les  élus,  se  trouve  le  fameux  Wilson,  le  gendre  de  l' ex-prési- 
dent Jules  Grévy.  Il  est  l'un  des  héros  du  scandale  de  la  vente  des 
décorations  de  la  Légion  d'Soiineur.  Il  a  été  élu  à  une  forte  majori- 
té, dans  la  circonscription  de  Loches,  département  d'Indre-et-Loire. 
Cet  énergumène  dit  dans  son  manifeste  électoral  qu'il  fera  tout  en 
son  pouvoir  pour  rendre  encore  plus  dures  les  lois  militaire  et 
scolaire. 

Les  hontes  de  Panama  ont  eu  peu  d'influence  sur  les  élections^ 
ce  qui  ne  fait  pas  beaucoup  d'honneur  au  corps  électoral. 

*,*  Une  infâme  loi  qui  existe  en  France  oblige  les  ecclésiastiques 
au  service  militaire.  Elle  les  arrache  au  service  des  autels  et  aux 
études  théologiques  pour  les  envoyer  à  la  caserne  pendant  un  cer- 
tam  temps  les  exposant  à  la  licence  et  à  la  corruption  des  mœurs. 
Dernièrement  un  certain  nombre  de  jeunes  prêtres,  de  diacres  et 
de  sous-diacres  du  diocèse  de  Séez  étaient  appelés  sous  les  dra- 
peaux pour  une  période  de  28  jours.  A  cette  occasion,  leur  évêque 
leur  a  écrit  une  lettre  dans  laquelle  il  s'élève  avec  force  contre 
cette  loi  inique  et  revendique  les  droits  sacrés  de  l'Eglise. 

Voici  un  extrait  de  celte  lettre. 


LE   PROPAGATEUR  41 1 


Pourquoi  faut-il  qu'une  loi  aussi  néfaste  nous  soit  imposée  ?  Nous  devons  la 
subir,  mais  nous  nous  réservons  le  droit  iaconteslable  qu'aucune  puissance  hu- 
maine, qu'elle  soit  impériale,  royale  ou  républicaine,  ne  saurait  nous  ravir  le 
droit  d'y  contredire  hautement,  comme  nous  en  avons  l'impérieux  devoir.  Mieux 
vaut  obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes.  Ce  cri  tombé,  il  y  a  dix-neuf  cents  ans,  des 
lèvres  de  nos  maîtres  dans  la  foi,  tout  meurtris  e-ncore  sous  les  coups  de  leurs 
bourreaux,  nous  le  redirons  jusqu'à  notre  dernier  soupir.  Mais  ayons  conGance  ; 
rien  n'est  éternel  ici-bis;  un  jour  viendra,  nous  en  avons  la  ferme  et  inébranla- 
ble conviction,  oîi  la  France,  redevenue  franchement  catholique,  rougira  d'avoir 
ainsi  opprimé  ses  enfants  les  plus  fidèles  Elle  reprendra  alors,  au  souvenir  de 
son  glorieux  passé,  sa  marche  triomphale  à  travers  le  monde,  portant  dais  les 
plis  de  son  noble  drapeau,  le  droit,  la  justice  et  la  liberté. 

Si  nous  voulons  être  témoins  de  ce  grand  spectacle,  que  nous  appelons  de 
tous  nos  vœux,  sachons  nous  en  rendre  dignes  par  une  constance  invincible 
dans  la  lutte.  Si  Dieu  ne  nous  a  pas  commandé  de  vaincre,  il  nous  a  ordonné  de 
combattre  sans  trêve  et  sans  défaillance.  La  victoire  est  assurée  à  celui  qui  com- 
battra jusqu'à  la  fin. 

Voici  un  exemple  des  tracasseries  et  des  persécutions  auxquelles 
sont  exposés  les  ecclésiastiques  à  la  caserne. 

Deux  séminaristes  soldats,  du  o9e  régiment  de  ligne  pour  avoir 
servi  la  messe  en  uniforme  ont  été  condamnés  par  leur  colonel  a  15 
jours  de  salle  de  police.  Les  autorités  militaires  supérieures  n'ont 
pas  désapprouvé  cette  inique  condamnation. 

D'autres  soldats  traînent  leur  costume  dans  les  mauvais  lieux  ; 
revêtus  de  cet  uniforme  des  défenseurs  de  la  patrie  ils  tiendront 
une  conduite  indigne  et  scandaleuse,  et  on  les  laissera  libres.  Mais 
s'ils  ont  le  courage  d'aller  à  l'église  et  d'accomplir  leurs  devoirs  de 
religion  ils  seront  coupables  et  exposés  à  toute  la  rigueur  des  pei- 
nes discipluiaires. 

Les  catholiques  de  France  se  laisseront-ils  ainsi  persécuter  pen- 
dant longtemps  encore?  Un  jour  viendra,  il  faut  l'espérer,  où  il 
chasseront  ignominieusement  les  misérables  qui  les  foulent  aux 
pieds. 

* 
%*  On  lit  dam  la  Vérité  :  '^  DANGEREUX  COURANT  " 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  invoquer  le  témoignage  de 
l'honorable  juge  Jette  à  l'appui  de  la  thèse  que  nous  soutenons, 
depuis  longtemps,  au  sujet  de  la  langue  anglaise.  Parlant  devant 
le  congrès  national,  il  s'est  exprimé  comme  suit  : 

"  La  langue  française  est  pour  nous  un  héritage  et  un  dépôt  sacré  ;  aucun 
sacrifice,  de  quelque  nature  que  ce  soit,  avantage  matériel  ou  autre,  ne  doit 
donc  nous  coûter  pour  la  conserver.  Et  j'insiste  sur  ce  point,  car  il  s'établit 
aujourd'hui  un  dangereux  courant  d'opinion,  contre  lequel  personne  ne  semble 
disposé  à  réagir  et  qui  peut  cependant  nous  conduire  à  des  conséquences  dé- 
sastreuses. Dans  ce  siècle  matériel  et  égoïste,  il  suffit  que  l'on  dise  que  telle  ou 
telle  idée  est  pratique  pour  que  bien  des  gens  l'acceptent  sans  prendre  la  peine 
de  l'examiner.  Or,  il  me  semble  que  l'on  insiste  trop  aujourd'hui  sur  l'absolue 
nécessité  de  faire  apprendre  l'anglais  à  nos  enfants.  Non  pas  que  je  sois  d'avis 
qu'ils  ne  doivent  pas  l'apprendre,  au  contraire.  Mais  je  constate  qu'à  force  d'en- 
tendre crier  cette  nécessité  sur  tous  les  tons,  ceux  qui  ne  .'■avent  pas  garder  la 
mesure,  et  il  y  en  a  beaucoup,  en  sont  venus  à  se  persuader  qu'il  faut  enseigner 
l'anglais  avant  le  français,  et  il  y  a  même  des  couvents  où  des  religieuses  fran- 


412  LE  PROPAGATEUR 


çaises  et  canadiennes  enst^ignenl  le  cathéchisme  en  anglais  aux  jeunes  filles 
canaJiennes-françaises  !  " 

Nous  ne  connaissons  rien  au  sujet  des  couvents  dont  parle  M.  le 
juge  Jette  ;  et  nous  serions  enchantés  d'avoir  la  certitude  que  sur 
ce  point  il  a  exagéré  le  mal.  Mais  l'ensemble  de  ses  observations 
n'est  que  trop  vrai  :  il  existe  parmi  nous  un  dangereux  courant,  un 
engouement  ridicule  et  antipatriolique  pour  l'anglais  ;  et  nous  ré- 
pétons que  le  moment  est  ma'  choisi  pour  pousser  nos  compatrio- 
tes sur  cette  pente  où  déjà  ils  s'engagent  avec  imprudence. 

*,*  Une  terrible  crise  financière  et  industrielle  sévit  actuelle- 
ment aux  Etats-Unis.  Les  faillites  sont  nombreuses,  le  numéraire 
est  très  rare  et  beaucoup  de  manufactures  sont  obligées  de  sus- 
pendre leurs  travaux.  Ce  triste  état  de  choses  fait  un  mal  incalcu- 
lable à  nos  compatriotes  émigrés.  Ils  sont  presque  tous  employés 
dans  l'industrie  et  malheureusement  un  grand  nombre  n'ont  que 
leur  travail  quotidien  pour  vivre.  L'avenir  qui  se  prépare  est  bien 
sombra  et  si  le  chômage  dure  longtemps  la  misère  sera  grande 
l'hiver  prochain. 

Le  congrès  est  en  session  depuis  le  7  de  ce  mois,  mais  il  n'a  en- 
core pris  aucun  moyen  efficace  de  faire  cesser  la  crise  et  de  réta- 
blir la  confiance. 

Cette  crise  va  avoir  nécessairement  l'efftit  d'arrêter  l'émigration 
et  un  grand  nombre  de  nos  compatriotes  vont  même  revenir  au 
pays  pour  y  demeurer  définitivement.  Qu'ils  soient  les  bienvenus 
et  qu'ils  puissent  trouver  ici  le  bien-être   qui  leur  manque  là-bas. 

*** 

'/  La  question  de  la  mer  de  Behring  et  de  la  chasse  aux  pho- 
ques ent  réglée.  Le  tribunal  d'arbitrage  réuni  à  Paris  pour  le  rè- 
glement de  cette  question  a  prononcé  son  jugement  le  15  août. 

Les  points  de  droit  sont  décidés  en  faveur  de  l'Angleterre. 
Quant  aux  résultats  pratiques  de  cette  décision  ils  sont  appréciés 
diversement.  Il  semble  cependant  que  la  décision  favorise  singu- 
lièrement les  Etats-Unis  qui  sont  propriétaires  des  iles  Pribilofif 
où  se  fait  principalement  la  chasse. 

La  mer  de  Behring  es^.  déclarée  mer  ouverte  contre  la  prétention 
des  Etats-Unis  qui  voudraient  la  faire  déclarer  mer  fermée,  mare 
c/ausum,  et  sous  leur  juridiction  exclusive.  Les  règlements  faits 
par  le  tribunal  prohibent  la  chasse  dans  une  zone  de  60  milles 
géographiques   des  côtes  des  îles  ainsi  que  l'emploi  de   certains 

engins  de  chasse,  tels  que  les  armes  à  feu,  etc La   chasse  est 

aussi  interdite  pendant  les  mois  de  mai,  juin  et  juillet,  non  seule- 
ment dans  la  mer  de  Behring  mais  aussi  dans  une  partie  de  l'Océ- 
an Pacifique, 

Ces  décisions  et  prohibitions  sont  coiisidérées  par  nos  chasseurs 
de  phoques  comme  l'équivalent  d'une  prohibition  absolue  de  la 
chasse. 

Alby. 


im 


ulS  ET  LEGENDES 

Par  CORA1.Y    PIKMEZ 

Ouvrage  Posthume 
1  vol.  in-8 Prix  :  61.00 

1. 'article  qui  suit  est  extrait  de  ce  livre. 

SAINT    ETIENNE 

PREMIER  DIACRE  DE  LA  SAINTE  EGLISE 


Etienne  était  tout  jeune  encore  lorsque  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  donna  sa  vie  pour  le  salut  du  monde. 

Il  n'était  pas  à  Jérusalem  quand  le  Fils  de  Dieu,  condamné  par 
les  Juifs,  monta  au  Calvaire,  mais  il  y  arriva  peu  h  près. 

C'était  un  Israélite  de  vie  irréprochable.  11  était,  dit-on,  Grec 
de  naissance,  ou  du  moins  ses  parents  étaient  originaires  de  la 
Grèce  ;  on  ignore  quelle  profession  ils  exerçaient.  Leur  fils  était 
intelligent  :  ils  renvoyèrent  étudier  les  Saintes  Ecritures,  avec 
Paul  son  cousin,  chez  Gamaliel,  docteur  de  la  loi. 

Gamaliel,  quoique  de  la  secte  des  pharisiens,  était  un  vieillard 
digne  de  tout  respect 

Ce  fut  en  entendant  les  prédications  de  Pierre,  chef  des  apôtres, 
qu'Etienne  devint  chrétien. 

Paul,  qui  alors  portait  le  nom  de  Saul,  ne  se  convertit  que  plus 
tard. 

A  une  beauté  majestueuse  et  une  vie  des  plus  pures,  Etienne 
joignait  la  douceur  et  la  charité  parfaite  ;  aussi,  s'était-il  attiré  l'es- 
time et  l'admiration  des  fidèles. 

En  l'an  33  de  l'ère  chrétienne,  l'Eglise  commençait  à  s'établir. 

Les  convertis  étaient  presque  tous  des  Juifs  ;  '^on  les  divisait  en 
deux  nationalités  : 

"  Il  y  avait  des  Juifs  nés  en  Judée  :  c'étaient  des  Hébreux, 

"  Et  les  Juifs  nés  hors  la  Palestine  étaient  désignés  sous  le  nom 
de  Grecs. 

Une  querelle  s'éleva  parmi  ces  gens. 

Les  derniers  prétendaient  qu'on  ne  partageait  pas  avec  justice 
les  biens,  mis  en  commun,  par  les  chrétiens. 

— Aux  festins  de  charité,  les  Grecs  avaient  les  dernières  places, 
disaient-ils,  et  "■  leurs  veuves  étaient  méprisées  dans  la  dispen- 
sation  de  ce  qui  se  donnait  chaque  jour." 

Les  apôtres,  voyant  que  ces  divisions  jetaient  le  trouble  dans 
l'Eglise  naissante,  assemblèrent  les  disciples. 

— Comment  voulez-vous,  leur  dirent-ils,  que  nous  accomphssions 
les  ordres  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  si  vous  ne  vous  enten- 
dez pas  ? 

"  Il  n'est  pas  juste  que  nous  quittions  la  parole  de  Dieu  pour 
avoir  soin  des  tables.  Choisissez  donc   sept  hommes  d'entre  vous, 


414  LE  PROPAGATEUR 


d'une  probité  reconnue,  pleins  de  l'Esprit  Saint  et  de  sagesse,  à  qui 
nous  commettions  ce  ministère,  et,  pour  nous,  nous  nous  appli- 
querons entièrement  à  la  prière  et  à   la  dispensation  de  la  parole* 

"  Ce  discours  plut  à  toute  l'assemblée." 

Et  elle  procéda  à  l'élection  des  sept  disciples. 

Etienne  recueillit  l'unanimité  des  suffrages. 

"•  L'assemblée  présenta  les  élus  aux  apôtres,  qui,  après  avoir  fait 
des  prières,  leur  imposèrent  les  mains." 

Le  diacre  avait  toutes  les  qualités  requises  pour  prendre  som 
des  tables. 

Cet  emploi  pourrait  être  comparé  à  nos  bureaux  de  bienfaisance, 
pour  lesquels  il  serait  bien  à  désirer  que  les  membres  fussent 
aussi  clioisis  avec  soin. 

Etienne  était  un  vrai  chrétien,  un  imitateur  du  Christ,  son 
Maître,  ce  qui  veut  dire  un  homme  juste,  droit  probe,  charitable 
et  bon.  Il  était  aussi  doué  d'un  jugement  sûr. 

— Le  diacre  découvrira  combien  on  est  injuste  envers  nous  ! 
disaient  les  uns. 

— Il  verra  que  vous  vous  plaignez  à  tort  I  répondaient  les  autres. 

Quelques  paroles  d'Etienne  apaisaient  les  orages  menaçants, 
qui  ne  tardaient  pas  à  se  changer  en  ondées  de  charité. 

Ayant  une  connaissance  profonde  des  Saintes  Ecritures,  il  avait 
soin,  en  distribuant  les  aumônes,  d'enseigner  les  ignorants,  de  re- 
prendre ceux  qui  enfreignaient  la  loi  et  de  consoler  les  affligés. 

Le  peuple  disait  qu'on  avait  fait  un  choix  des  plus  judicieux  en 
la  personne  d'Etienne. 

Les  querelles  ne  se  renouvelaient  plus  :  une  ère  de  paix  s'an- 
nonçait. 

Tout  en  remplissant  son  humble  charge,  le  diacre  dispensait 
avec  zèle  la  parole  de  Dieu  ;  il  s'appuyait  sur  les  prophètes  et  dé- 
montrait que  Jésus-Christ  est  le  Messie,  le  désiré  des  nations,  at- 
tendu par  les  siècles. 

Les  Juifs  avaient  un  plaisir  extrême  à  entendre  ses  discours. 

D'ordinaire,  il  parlait  sur  la  place  publique  de  Jérusalem.  Les 
Israélites  s'y  rendaient  en  foule. 

"  Mais  ils  ne  pouvaient  lésisler  à  la  sagesse  qui  était  en  lui  et  à 
l'esprit  de  Dieu,  qui  parlait  par  sa  bouche-" 

En  masse,  ils  passaient  au  christianisme,  et,parmi  eux,  des  doc- 
teurs de  la  loi. 

"  Ce  qui  est  plus  surprenant,  c'est  qu'Etienne,  tout  jeune  qu'il 
était,  faisait  des  miracles  extraordinaires  et  inouis,  que  le  texte 
sacré  appelle  :  Prodigia  et  signa  magna." 

L'éloquence  du  diacre  excita  la  jalousie  de  plusieurs  Israélites. 
Parmi  eux  hélas  !  se  trouvait  Saul.  Ces  jeunes  gens  commirent 
un  horrible  forfait. 

Quel  mobile  les  fit  agir  ?  Dieu  le  sait  ! 

Toujours  est  il  que,  sous  l'empire  soit  de  l'envie,  soit  d'un  faux 
zèle,  ces  Juifs  cherchèrent  querelle  au  diacre  et  "  ils  se  mirent  à 
disputer  contre  lui  et  à  chercher  de  le  confondre." 

Mais  le  Saint-Esprit  était  avec  lui.  Il  renversa  les  arguments 
perfides. 


LE  PROPAGATEUR  415 


Les  Israélites,  complètement  réfutés,  se  vengèrent  en  disant 
qu'Etienne  persiflait  la  loi  de  Moïse. 

— Le  diacre  ose  avancer,  ajoutaient-ils,  que  le  temps  des  pro- 
phètes est  passé. 

*'  Alors  ils  apostèrent  des  gens  pour  dire  qu'ils  lui  avaient  en- 
tendu proférer  des  paroles  de  blasphème  contre  Moïse  et  contre 
Dieu." 

Ces  rumeurs  firent  un  grand  bruit. 

•*  Et  ainsi  ils  émurent  le  peuple,  les  sénateurs  et  les  docteurs 
de  la  loi. 

"•  Et,  se  jetant  sur  Etienne,  ils  l'enlevèrent  et  l'entraînèrent  au 
conseil." 

Des  témoins  subornés  vinrent  déposer  qu'il  était  un  blasphé- 
mateur. 

"  Car  nous  lui  avons  entendu  dire  que  ce  Jésus  de  Nazareth, 
détruira  ce  lieu-ci  et  changera  les  ordonnances  que  Moïse  nous  à 
laissées." 

Pendant  que  ces  faux  témoins  parlaient,  le  grand-prêtre,  prési- 
dent du  Sanhédrin  (on  croit  que   c'était  encore   Gaïphe,   bien  âgé 

alors)  se  mit  à  toiser  avec  dédain  le  diacre et  le  juge  inique 

trembla  de  tous  ses  membres  en  voyant  Etienne  couronné  d'une 
auréole  aussi  lumineuse  que  le  soleil. 

"  Tous  ceux  qui  étaient  assis  dans  le  conseil,  ayant  les  yeuxsur 
dui,  lui  virent  son  visage  comme  le  visage  d'un  ange." 

Mais  pas  un  de  ces  cœurs  endurcis  ne  se  convertit. 

Gaïphe,  cherchant  à  dominer  son  agitation,  s'écria  : 

— Eh  iDien  !  nentends-tu  pas  les  dépositions  des  témoins  ? 
réponds  ! 

Etienne  abaissa  ses  beaux  yeux  sur  le  pontife  et  parla. 

Mais  ce  ne  fut  pas  pour  réfuter  les  calomnies,  il  les  dédaigna  ; 
ce  fut  pour  publier,  devant  l'illustre  assemblée,  la  gloire  de  son 
Sauveur  et  Maître,  dont  il  expliqua,  avec  une  sublime  éloquence, 
la  doctrine  céleste. 

Puis  soudain,  saisi  d'indignation  contre  l'endurcissement  des 
Juifs,  le  diacre  dit  : 

"  Tètes  dures,  hommes  incirconcis  de  cœur  et  d'oreilles,  vous 
résistez  toujours  au  Saint-Esprit  et  vous  êtes  tels  que  vos  pères 
ont  été.  Qui  est  le  prophète  que  vos  pères  n'aient  pas  persécuté  ? 
Ils  ont  tué  ceux  qui  prédisaient  l'avènement  du  Juste  que  vous 
venez  de  trahir  et  dont  vous  êtes  les  meurtriers, 

"  Vous  qui  avez  reçu  la  loi  par  le  ministère  des  anges  et  qui  ne 
l'avez  point  gardée  1 

*'  A  ces  paroles,  ils  entrèrent  dans  une  rage  qui  leur  déchirait 
le  cœur  et  ils  grinçaient  les  dénis  contre  lui. 

'"  Mais  Etienne,  étant  rempli  du  Saint-Esprit  et  levant  les  yeux 
au  ciel,  vil  la  gloire  de  Dieu  et  Jésus  qui  était  debout  à  la  droite 
de  Dieu,  et  il  dit  : 

"  Je  vois  les  cieux  ouverts  et  le  Fils  de  l'homme  qui  est  debout 
à  la  droite  de  Dieu." 

Cette  affirmation  du  diacre  mit  le  comble  à  la  frénésie  des  Juifs. 


416  LE  PROPAGATEUR 


"  Alors  jetant  de  grands  cris  et  se  bouchant  les  oreilles,  ils  se 
jetèrent  tous  ensemble  sur  lui. 

"  Et,  l'ayant  entraîné  hors  de  la  ville,  ils  le  lapidèrent,  et  les  té- 
moins mirent  leurs  vêtements  aux  pieds  d'un  jeune  homme 
nommé  Saul." 

Ils  se  baissaient  pour  ramasser  des  pierres,  ces  témoins,  qui  s'é- 
taient assimilé  le  démon  lorsqu'ils  avaient  ouvert  la  bouche  pour 
faire  de  faux  témoignage?,  et  c'est  eux  qui  lancèrent  la  première 
pierre  contre  le  juste  du  Seigneur 

'*  Ainsi  ils  lapidaient  Etienne,  qui  priait  et  qui  disait  :  Seigneur 
Jésus,  recevez  mon  esprit  ! 

*  S'étant  mis  ensuite  à  genoux,  il  s'écria  à  haute  voix]:  Seigneur, 
ne  leur  imputez  point  ce  péché  ! 

'*  Après  cette  parole,  il  s'endormit  au  Seigneur.  Or,  Saul  avait 
consenti  à  la  mort  d'Etienne." 

On  était  au  26  décembre  de  l'an  33. 

II 

Par  ordre  du  Sanhédrin,  le  corps  du  premier  diacre  resta  un 
jour  et  une  nuit  exposé  dans  la  Vallée  des  Blasphémateurs,  près 
de  la  porte  Aquilonaire. 

Les  Juifs  auraient  voulu  qu'il  fût  dévoré  par  les  bêtes,  mais  le 
pieux  docteur  Gamaliel,qui  amiait  Etienne  comme  son  fils,  fit  en- 
lever la  sainte  dépouille,  et  nul  ne  sut  où  ou  la  transporta.  C'eût 
été  une  grande  consolation  pour  les  chrétiens  d'honorer  les  restes 
du  martyr  de  la  foi;  mais,  malgré  leurs  recherches,  ils  ne  les 
trouvèrent  pas. 

La  tradition  disait  que  le  deuxième  soir  après  la  lapidation,  Gama- 
liel  était  descendu,  accompagné  de  deux  officiers,  dans  la  Vallée  des 
Blasphémateurs  ;  qu'à  eux  trois  ils  avaient  déposé  le  corps  d'E- 
tienne sur  un  char  jonché  de  fleurs  odoriférantes,  puis  transporté 
au  loin 

Nul  ne  savait  en  quel  lieu. 

Et  plusieurs  siècles  avaient  passé. 

Il  était  réservé  à  l'Eglise  la  consolation  de  retrouver  les  osse- 
ments de  son  serviteur  à  une  époque  où  elle  traverserait  une  rude 
épreuve  :  celle  de  l'hérésie  de  Pelage  sur  la  grâce. 

Ce  temps  vint  en  415  :  c'était  pendant  les  assises  du  Concile  de 
Diospolis,  l'ancienne  Lidda  de  l'Ecriture. 

Non  loin  de  Lidda  se  trouve  le  bourg  de  Gaphargamala,  dont 
l'église  était  desservie  par  Lucien. 

Afin  de  préserver  le  lieu  saint  de  l'attaque  des  voleurs,  ce  prêtre 
logeait  dans  le  baptistère. 

"  Or,  la  nuit  du  vendredi  3  décembre  415,  Lucien  sommeillait 
à  peine  ;  il  lui  apparut  un  vieillard  de  haute  stature,  d'une  beauté 
merveilleuse.  Sa  barbe,  blanche  comme  la  neige,  flottait  sur  un 
vêtement  soyeux,  parsemé  de  croix  d'or  ;  à  la  main,  il  tenait  une 
vt^rge  d'un  métal  bri.lant. 

Il  appela  le  prêtre  par  trois  fois] 

—  Que  me  voulez-vous?  questionna  Lucien,  se  signant,  et  qui 
êtes- vous  ? 


LE  PROPAGATEUR  417 


— Je  suis  Gamaliel,  répondit  l'apparition.  J'instruisis  saint  Paul 
dans  la  loi. 

Ici  près  repose  saint  Etienne,  que  les  Juifs  lapidèrent  à  Jérusa- 
lem, dans  la  Vallée  des  Blasphémateurs.  Son  corps  y  resta  exposé 
un  jour  et  une  nuit,  mais  les  oiseaux  de  proie  n'y  touchèrent 
pas.  Par  mon  ordre,  on  l'enleva  nuitamment  et  il  fut  transporté  à 
ma  maison  des  champs. 

Pendant  quarante  jours,  je  célébrai  ses  funérailles,  puis  je  pla- 
çai le  c'orps  saint  dans  mon  tombeau. 

En  ce  lieu  se  trouve  aussi,  mais  dans  un  autre   sarcophage,  Ni 
codème,  l'ami  du  Seigneur.  Les  Juifs  l'ayant  chassé  de  leur  ville, 
j'eus  ainsi  occasion  de  lui  donner  asile  pendant  sa  vie  et  après  sa 
mort. 

Va  !  dis  à  Jean,  évêque  de  Jérusalem,  d'ouvrir  les  sarcophages, 
afin  que  plusieurs  obtiennent  miséricorde  du  Seigneur  ! 

Ayant  parlé,  le  vieillard  disparut. 

Lucien  n'osa  confier  cette  vision  à  personne,  car  il  craignait  que 
ce  ne  fût  un  rêve. 

— Peut-être,  se  dit-il,  ai-je  eu  la  fièvre  ? 

Il  pria,  jeûna,  fit  d'abondantes  aumônes  et  supplia  le  Saint-Esprit 
de  l'éclairer. 

Le  vendredi  suivant,  le  prêtre  s'éveilla  en  sursaut. 

Le  vieillard,  vêtu  de  blanc,  était  devant  lui. 

Il  portait  trois  corbeilles  :  deux  étaient  d'or,  la  troisième 
d'argent. 

— Obéis  !  dit-il,  interpellant  Lucien  et  lui  désignant,  d'un  regard 
sévères  les  corbeilles. 

— Que  voulez  vous  me  faire  comprendre  ?  fit  timidement  le 
prêtre. 

L'apparition  répondit  : 

— La  corbeille  d'or  aux  roses  rouges  signifie  que  parmi  les  osse- 
ments dont  tu  feras  l'invention  se  trouvent  *ceux  d'Etienne,  pre- 
mier diacre  de  la  Sainte  Eglise,  mon  élève,  qui  donna  sa  vie  pour 
le  Christ. 

La  corbeille  d'or  aux  roses  blanches  symbolise  Nicodème;  il  re- 
pose près  d'Etienne. 

La  corbeille  d'argent,  remplie  des  lis  dont  tu  admires  la  blan- 
cheur, représente  mon  fils  Abibas,  pieux  et  doux  enfant,  qui,  à 
l'âge  de  vingt  ans,  sortit  de  ce  monde  sans  avoir  souillé  son  âme. 

Cherche  ces  restes  sacrés  :  Dieu  le  veut  ! 

Lucien  se  leva. 

Avec  grande  ferveur,  il  célébra  le  Saint  Sacrifice  de  la  messe  et 
jeûna  toute  la  semaine. 

Une  troisième  fois,  un  vendredi,  pendant  la  nuit,  il  revit  le 
vieillard  :  son  visage  reflétait  une  morne  tristesse. 

Le  prêtre  lui  dit  que,  craignant  d'être  le  jouet  d'une  hallucina- 
tion, il  n'oserait  se  permettre  de  proposera  l'évêque  Jean  la 
recherche  des  reliques. 

— De  la  part  du  Seigneur,  je  t'ordonne  d'annoncer  à  l'évêque 
de  Jérusalem  que  la  terrible  sécheresse  dont  soufi'rela  terre  cessera 
dès  que  le  corps  du  martyr  de  la  foi  aura  été  mis  au  jour. 


418  LE  PROPAGATEUR 


Obéis  !...  Obéis  !  répéia  plus  sévèrement  encore  l'apparilion. 

Lucien,  saisi  de  crainte,  promit  de  ne  plus  différer.  Il  partit  pour 
Jérusalem. 

Loin  de  prendre  la  narration  du  prêtre  pour  le  délire  d'une 
imagination  malade,  "  l'évèque  Jean  et  son  clergé  versèrent  des 
larmes  de  joie  "  à  la  pensée  qu'il  leur  serait  donné  de  vénérer  les 
restes  du  premier  diacre. 

Au  bourg  de  Caphargamala,  proche  de  l'église,  il  y  avait  un 
monceau  de  pierres.  Les  anciens  du  pays  savaient,  des  plus  an- 
ciens encoie,  que  parmi  ces  pierres  quelques-unes  avaient  servi  à 
lapider  Eiienne. 

Ou  fit  des  fouilles  sous  le  las. 

"■  Vint  à  passer  un  moine  nommé  Migèce," 

— Ges.-ez  de  déblayer,  dit-il,  car  cet  endroit,  aux  temps  reculés, 
servait  uniquement  à  déposer  les  corps  au  moment  des  funérailles. 

— Mon  Frère,  questionna  l'évèque  Jean,  comment  savez-vous 
qu'il  n'y  a  rien  sous  ces  pierres  ? 

— Celte  nuit,  répondit  modestement  Migèce,  le  docteur  Gama- 
liel  m'apparut  et  m'enjoignit  de  dire  à  Jean,  évêque  de  Jérusalem 
et  au  prêtre  Lucien  d'aller  à  Débalalia  faire  l'invention  du  corps 
d'Etienne  qui  s'y  trouve  t-nseveli. 

Lucien,  plusieurs  membres  du  clergé  et  le  peuple  ne  tardèrent 
pas  à  se  rendre  à  Débalalia. 

"En  effet,  lorsqu'on  eut  creusé  la  terre,  on  découvrit  trois  coffres 
avec  une  pierre,  sur  laquelle  éiaient  gravés,  en  gros  caractères,  les 
noms  suivants  :  Chéliel,  Xasuam,  Gamaliel,  Abibas. 

"  Les  deux  premiers  son;  syriaques,  ils  reviennent  à  ceux  d'E- 
tienne ou  de  Couronné  et  de  Nicodèmeou  Victoire  du  peuple. 

"  Lucien  informa  aussitôt  Pévêque  Jean  de  ce  qui  venait  d'arri- 
ver, il  était  en  ce  moment  au  Concile  de  Diospolis  et  partit  sur- 
le-champ  avec  les  évêques  de  Sébaste  et  de  Jéricho. 

"  Le  sarcophage  d'Etienne  fut  ouvert.  A  l'instant,  la  terre  trem- 
bla et  un  parfum  céleste  s'éleva  des  ossements. 

"  Soixante-treize  malades,  qui  se  trouvaient  parmi  la  foule, 
furent  guéris  instantanément." 

L'enthousiasme  fut  à  son  comble  :  le  peupe,  se  formant  en  cor- 
tège, au  chant  de  psaumes,  transporta  le  corps  saint  à  Jérusalem, 
€n  l'église  de  Sion. 

Et,  selon  la  promesse  faite  à  Lucien  par  le  docteur  Gamaliel,  la 
nuit  d'un  vendredi,  une  pluie  abondante  arrosa  la  terre  et  lui 
rendit  la  fertilité  dont  elle  était  privée  depuis  longtemps. 

Cet  épisode  de  l'invention  des  reliques  msignesde  saint  Etienne 
a  été  rapporté  par  le  prêtre  Lucien  lui-même. 

On  le  lit  dans  les  œuvres  de  saint  Augustin. 

ni 

Le  grand  évêque  d'Hippone  reçut,  en  l'an  425,  une  partie  des  os- 
sements du  premier  diacre.  Il  les  exposa,  à  la  vénération  du  peuple, 
dans  une  châsse  splendide. 


LE  PROPAGATEUR  419 


Augustin  fut  témoin  de  soixante  miracles  opérés  par  l'interces 
sion  du  martyr. 

Nous  eu  citerons  quelques  uns  : 

Un  jeune  homme  vint  à  mourir.  Irénée,  son  père,  plongé  dans 
le  désespoir,  allait  le  porter  au  champ  du  repos,  quand  soudam  il 
fut  inspiré  de  verser  sur  la  tête  du  défunt  l'huile  qui  brûlait  â 
l'autel  du  saint  :  le  mort  ressuscita. 

Mais  le  miracle  le  plus  retentissant  est  celui  dont  fut  favorisée 
une  des  familles  les  plus  en  vue  de  Césarée, 

Un  père,  dit  saint  Augustin,  avait  mal  élevé  ses  enfants,  au 
nombre  de  dix  :  sept  garçons  et  trois  filles.  Les  exemples  les  plus 
détestables  avaient  été  mis  sous  leurs  yeux.  La  mère  ne  valait 
guère  mieux  que  son  mari,  et  jamais  elle  n'engageait  ses  enfants 
à,  assister  aux  offices,  ni  aux  instructions  religieuses. 

Le  père  mourut. 

Les  enfauts  se  mirent  à  s'amuser,  puis  à  dépenser  avec  prodiga- 
lité, puis  à  mal  se  conduire,  et  la  veuve  les  maudit. 

Aussitôt,  ils  furent  saisis  d'un  tremblement  dans  tous  les  mem- 
cres,  tremblement  qui  les  défigurait  affreusement. 

On  les  regardait  avec  épouvante. 

Pour  les  uns,  ces  malheureux  étaient  des  objets  de  pitié,  pour 
les  autres,  des  sujets  de  moquerie. 

Il  erraient  en  tous  lieux. 

Deux  de  ces  infortunés — Paul  et  Palladie — vinrent  à  Hippone^ 
«n  425, 

Le  matin  du  jour  de  Pâques,  Paul,  versant  d'abondantes  larmes, 
s'en  fut  prier  devant  la  châsse  de  saint  Etienne  :  il  se  releva  guéri 
et  courut  se  jeter  aux  pieds  d'Augustin. 

L'évêque  le  bénit  et  l'embrassa.  Alors,  montant  en  chaire,  il  fit 
part  à  son  peuple  du  miracle  qui  venait  de  s'opérer. 

Il  parla  aux  parents  de  l'exemple  qu'ils  doivent  à  leurs  enfants, 
aux  enfants  du  respect  qu'ils  doivent  à  leurs  parents,  et  présentant 
le  jeune  homme  aux  fidèles,  Augustin  dit: 

— Voici  Paul,  guéri  par  l'intercession  du  glorieux  martyr,  et 
voilà  Palladie,  qui  subit  encore  la  malédiction  de  sa  mère. 

La  jeune  fille,  en  proie  à  d'horribles  convulsions,  était  proster- 
néesur  le  parvis  du  temple  et  écoutaiten  pleurant  les  émouvantes 
paroles  de  l'évêque. 

Soudain,  elle  se  lève  et  s'écrie  : 

— Gloire  à  Dieu  au  plus  haut  des  cieux  ! 

Elle  aussi  proclamait  sa  guérison. 

Le  sermon,  ainsi  interrompu,  est  venu  jusqu'à  nous  et  plusieurs 
-autres  encore  que  le  grand  Augustin  a  prononcés  devant  ses 
ouailles  pour  faire  connaître  les  miracles  nombreux  opérés  par 
l'intercession  du  premier  diacre  de  l'Eglise. 

Etienne,  pendant  sa  vie,  jouissait  de  la  faveur  du  peuple.  Il  en 
jouit  encore  après  sa  mort  :  les  sculpteurs,  fondeurs,  potiers  et 
tailleurs  de  pierres  l'ont  choisi  pour  patron. 

C'est  le  vœu  de  l'Eglise  que  la  piété  envers  saint  Etienne» 
premier  martyr,  soit  ranimée  parmi  les  chrétiens. 


LE  PABADIS  TERR 


ET   LA    RACE    NEGRE 

Par  Fabbé   DESSAIL.L.Y 

1  vol.  in-l'i Prix  :  90  cts. 


■^  Nous  présentons  au  public  un  livre  dont  le  titre  indique  la  pré- 
tention où  nous  sommes  de  donner  une  solution  scientifique  et 
définiiive  à  la  double  quesiion  de  l'emplacement  du  Paradis  ter- 
restre et  de  l'origine  de  la  race  nègre.  De  ces  deux  solutions,  la 
plus  impoitante  n'est  pas  la  première,  mais  plutôt  la  seconde,  qui 
intéresse  à  la  fois  l'histoire,  la  véracité  de  la  Bible  et  celle  de  la 
tradition  classique. 

Il  y  a,  dans  le  chapitre  II  de  la  Genèse,  une  indication  qui  a 
dérouté  les  interprètes  catholiques  et  les  savants  contemporains  ; 
c'est  que  l'un  des  fleuves  paradisiaques  arrosait  l'Ethiopie,  que 
Moïse  appelle  la  Koussie.  Cette  indication,  si  déconcertante  au 
premier  abord,  e!«t  justement  la  preuve  éclatante  de  la  sûreté  et 
de  l'antiquité  de  la  science  historique  et  géographique  de  l'écri- 
vain sacré. 

Les  mouvements  géologiques  quotidiens  du  Globe  n'ont  pas 
notablement  changé  sa  configuration  ;  les  contrées  géographiques 
sont  à  peu  près  aujourd'hui  ce  qu'elles  étaient  il  y  a  des  milliers 
d'années,  mais  les  sociétés  qui  les  ont  habitées  ont  subi  mille 
changements.  Des  peuples  nouveaux  se  sont  mêlés  aux  peuples 
anciens,  les  ont  dominés,  leur  ont  succédé,  pour  constituer  des 
nations  nouvelles  ;  avec  les  peuples,  les  langues  ont  succédé  aux 
langues,  les  noms  géographiques,  à  travers  les  âges,  se  sont  altérés, 
ont  même  disparu,  pour  faire  place  à  des  noms  plus  récents  ;  avec 
la  langue  se  sont  transformés  les  sons,  les  appellations,  les  lois, 
les  mœurs,  la  civilisation.  L'histoire,  qui  retient  toutes  ces  choses 
du  passé,  n'est  que  le  récit  de  la  perpétuelle  mutabilité  des  hom- 
mes et  des  choses.  Son  rôle,  gardant  le  souvenir  de  ce  qui  n'est 
plus,  est  à  la  fois  d'en  faire  un  perpétuel  présent. 

Parmi  ces  souvenirs  qu'elle  avait  d'abord  fixés,  les  uns,  mal  gar- 
dés, se  sont  évanouis,  les  autres,  par  le  concours  de  diverses  cir- 
constances, sont  mis  de  côté  et  ne  produisent  plus  leurs  précieux 
témoignages.  De  nos  jours,  l'hostilité  religieuse,  qui  est  au  fond 
de  toutes  les  thèses  scientifiques  modernes,  prend  soin  d'écarter 
certains  vieux  souvenirs.  En  même  temps  qu'elle  s'appuie  sur  les 
traditions  les  plus  invraisemblables  et  les  moins  autorisées,  elle 


LE  PROPAGATEUR  421 


rejette  les  traditions  vraiment  historliues,  qui  la  gênent  ;  elle 
voudrait  donner  le  change,  en  ne  se  réclamant  alors  que  des  sci- 
ences naturelles.  Inspirés  par  elle,  les  savants  ;  à  leui  suite  et 
inconscients,  des  écrivains  catholiques  mêmes,  des  prêtres  passent 
sans  paraître  la  connaître,  devant  la  tradition  biblique  et  historique 
qui  rattache  la  race  nègre  à  la  racenoachique,  et  ils  abandonnent 
comme  chose  indifférente,  la  discussion  de  cette  origine  aux  di- 
vagations d'une  anthropologie  incertaine  et  incoh3rente. 

Nous  avons  la  prétention  de  ne  pas  subir  cet  entraînement,  de 
replacer  la  question  sur  son  véritable  terrain,  qui  est  celui  de  la 
tradition  historique,  d'éclairer  et  de  fortifier  celle-ci  de  toutes  les 
lumières  des  sciences  n  iturelles.  Interrogées  dans  ce  qu'elles  ont 
de  certain,  elles  sont  unanimes  à  confirmer  le  récit  mos  lï  |ue,  in- 
terprété par  la  tradition  universelle  de  l'antiquité.  Elles  font  voir 
que  Moïse  n'était  plus  compris,  à  cause  de  l'ancienneté  même  de 
son  affirmation.  La  science  émet  donc  une  prétention  insoutenable 
de  vouloir  se  substituer  à  la  Bible  et  à  l'histoire.  Si  elle  les  ^claire 
aujourd'hui  sur  le  point  particulier  que  nous  traitons,  si  elle  les 
remplacerait  au  besoin,  hier  elle  était  muette  ;  hier,  il  y  a  dix  ans 
nous  n'aurions  pu  écrire  tout  ce  que  nous  écrivons  dans  cet  ou- 
vrage ;  la  science  ne  nous  en  aurait  pas  fourni  les  élém  nts.  En 
niant  la  tradition,  sous  le  vaniteux  prétexte  qu'elle  n'est  pas  une 
affirmation  scientifique,  elle  envahissait  un  domaine  qui  n'est  pas 
le  sien  ;  annexe  de  l'histoire,  elle  voulait  l'étouffer  sous  l'étreinte 
de  ses  négations  tapageuses.  Aujourd'hui  elle  est  forcée  de  -e  ren- 
dre à  merci.  La  linguistique,  l'anthropologie  ont  reconstitué  les 
anciennes  races  de  l'Asie  antérieure  ;  elles  nous  y  font  voir  cette 
fameuse  Kouschie,  que  Moïse  avait  signalée  il  y  a  bientôt  quatre 
mille  ans,  qui  était  proche  du  Paradis  terrestre,  dont  la  notoriété 
était  telle  à  l'époque  où  il  écrivait,  qu'il  en  donne  le  parcours 
comme  le  signe  distinctif  d'un  des  fleuves  de  la  région  paradisiaque! 
Quel  nouveau  triomphe  pour  Moïse,  pour  la  tradition  ca!h)lique 
et  historique  !  Quelle  nouvelle  humiliation  pour  la  science,  qui 
veut  créer  la  véiité,  au  lieu  de  se  contenter  de  son  rôle  déjà  si 
beau  de  la  confirmer  par  des  preuves  nouvelles  et  d'en  être  l'au- 
xiliaire. 

Quant  au  Paradis  terrestre,  cet  ouvrage  n'estpasleseul  où  noua 
ayons  essayé  d'en  déterminer  l'emplacement.  Le  savant  abbé 
Moigno,  dans  ses  Splendeurs  de  la  Foi^  avait  cru  devoir  se  décider 
pour  Jérusalem.  L'idée  mystique,  des  rapprochements  reiio-ieux 
plus  ou  moins  spécieux  avaient  dirigé  si  pensée  et  sa  plum-:!  plus 
que  les  recharches  scientifiques.  Quand  nous  composâmes  en  com- 
mun l'ouvraga  :  Les  livres  saints  et  la  science,  nous  lui  déclarâmes 
qu'à  nos  yeux,  cette  opinion  était  insoutenable;  il  consentit  à  nous 
laisser  produire  celle  que  nous  défendons  encore  ici.  Ooligé  de 
nous  borner,  nous  ne  lui  donnâmes  alors  pour  appui  que  la  con- 
formité des  lieux  avec  ceux  décrits  par  Moïse.  En  1889,  parut, 
dans  le  journal  rZ7/îiyers,  un  article,  qui  concluait,  en  vertu  de 
révolutions  géologiques  supposées,  à  la  possibilité  de  reconstituer 
en  Arménie  les  différents  détails  de  la  géographie  du  récit  géiié- 


422  LE  PROPAGATEUR 


siaqne.  Cette  thèse  nous  parut  sans  fondement  ;  elle  nous  amena 
à  publier  dans  la  Revue  du  monde  catholique,  une  élude  sur  le 
Paradis  terrestre,  où  nous  développions  les  preuves  que  nous 
n'avions  pu  produire  dans  l'ouvrage  :  Les  livres  saints  et  la  science. 

Nos  articles  furent  critiqués.  On  nous  objecta  que  notre  em- 
placement du  Paradis  était  sous  l'eau,  à  l'époque  d'Adam.  On  nous 
reprocha  d'avoir  passé  légèrement  sur  l'opinion  du  monde  savant 
et  du  monde  instruit,  qui  considère  le  Pamir  comme  le  berceau 
adaraique  et  noachique  du  genre  humain.  Nous  nous  reprochâmes 
à  nous-même  de  n'avoir  traité  qu'indirectement  la  question  nègre, 
qui  exigeait  à  la  fois  que  nous  donnions  une  commune  origine 
aux  négritos  de  T'Asie  et  aux  nègres  de  l'Afrique,  et  que  nous 
identifiions  cette  double  race  nègre  avec  la  race  Gouschite,  pour 
les  rattacher,  par  ce  lien,  à  la  grande  famille  noachique. 

C'est  pour  compléter  toutes  ces  lacunes  que  nous  avons  entre- 
pris celte  publication.  Cette  fois,  sommes-nous  irréfutables  et 
sommes-nous  complets  ? 

Gomilets,  nous  le  sommes.  Nous  avons  traité  avec  un  déve- 
loppement suffisant  tous  les  points  qui  se  rattachent  à  la  com- 
munauté d'origine  des  deux  grands  rameaux  nègres  et  à  leur 
identité  avec  les  Couschites  de  la  Bible  et  de  l'histoire. 

Sommes-nous  irréfutables  ?  nous  le  croyons  également.  Nous 
ne  disons  pas  que  le  progrès  des  sciences  n'apportera  pas  de  nou- 
veaux matériaux,  qui  viendront,  non  pas  éclairer  davantage,  mais 
corroborer  notre  démonstration. 

Que  des  missions  scientifiques,  comme  celles  de  M.  Dieulafoy 
en  Susiane,  se  multiplient  dans  l'Asie  antérieure  et  jusque  dans 
les  Indes,  les  études  ethnographiques  auxquelles  nous  nous  som 
mes  livré, ne  ferontquesedevelopper,etentourer!d'une  nouvelle  évi- 
dencePexistence  primitive  des  Négritos  dans  ces  vastes  régions.  Les 
études  iranniennes,  à  leur  tour,  sortiront  de  l'ère  des  probabilités 
pour  entrer  dans  le  domaine  de  la  certitude.  Ce  seront  de  nouvelles 
lumières,  mais  qui  ne  sont  pas  nécessaires  à  nos  conclusions  pour 
les  rendre  certaines.  La  certitude,  elles  l'ont  dès  aujourd'hui, 
nous  croyons  du  moins  qu'ainsi  en  jugeront  les  esprits  impar- 
tiaux qui  nous  feront  l'honneur  de  nous  lire. 

Enfin  on  trouvera  peut-être  que  notre  ouvrage  manque  d'unité, 
puisque  nous  juxtaposons  deux  points  qui  paraissent  si  différents. 
Ils  sont  au  contraire  intimement  unis  ;  on  ne  peut  s'occuper  de 
l'un  sans  traiter  l'autre.  Comment  retrouver  le  Gehon^  si  l'on  n'a 
pas  leconrs  à  son  signe  distinotif,  qui  est  de  baigner  l'Ethiopie  ? 
Où  donc  était  située  cette  Ethiopie,  telle  est  la  question  qui  sur- 
git de  suite,  qui  arrête  fatalement,  pendant  de  nombreux  chapitres, 
la  solution  cherchée.  L'absence  apparente  d'unité  est  inévitable 
dans  ce  sujet  ;  les  deux  questions  sont  connexes.  Enchevêtrées 
dans  le  récit  mosaïque,  nous  avons  dû  subir  l'enchevêtrement 
dans  le  commentaire  de  ce  récit.  La  thèse  du  Paradis  terrestre  y 
perd  peut-être  un  peu  de  sou  intérêt,  à  cause  de  l'interruption 
que  sa  marche  éprouve,  mais  nous  la  résumons  au  chapitre  XXVII 
et  elle  reprend,  parce  résumé,  toute  sa  force  de  démonstration. 


A.   KANNENGIESER 


CATHOLIQUES  ALLEMANDS 

TROISIÈME  MILLE 
1  vol.  in-12 , Prix:  88  cis 


LE  REVEIL  D'UN  PEUPLE 

DEUXIÈME  MILLE 
1  vol.  in-12 Prix:  68  cts 


LES  ADVERSAIRES 


DU 


POUVOIR  TEMPOREL 


ET    LA 


TRIPLE   ALLIANCE 

1  vol.  in-12 Prix:  88  cts 


M.  Henri  Boissard,  l'éminent  défenseur  de  Mgr  Goothe-Soulard,  Archevêque 
d'Aix,  a  consacré  aux  deux  vohimes  de  M.  l'abbé  Kannexgieser,  récemment 
publiés  sous  le  litre  de  "  Calholiques  allemands"  et  "Réveil  d'un  jMuple", 
deux  études  très  approfondies  que  nous  croyons  intéressant  de  mettre  sous  les 
yeux  des  lecteurs  du  présent  ouvrage. 

Catholiques  Allemands  :  Voici  un  livre  qui  arrive  à  son  heure. 
Tous  les  catholiques  français  devraient  le  lire-,  l'œuvre  n'est  pas 
méritoire,  car,  quand  on  j'a  commencé,  on  ne  peut  s'en  détncher. 

M.  l'abbé  Kannengieser  est  Alsacien;  il  connaît  parfaitement 
l'Allemagne,  il  a  en  l'occasion  de  voir  fréquemment  Windhorst: 
cela  explique  la  manière  intime  et  vivante  dont  il  a  su  mettre  en 
relief  cette  physionomie  si  pleine  d'intérêt.  On  trouve  dans  ce 
petit  volume  l'histoire  de  la  lutte  héroïque  que,  sous  la  direction 
de  ce  chef  éminent,  les  catholiques  allemands  ont  soutenue  contre 
le  gouvernement  le  plus  puissant  de  notre  temps,  et  qui  a  été  cou- 
ronné par  la  victoire.  On  y  voit  l'accord  admirable  des  évoques 
donnant  le  mot  d'ordre,  les  laïques  organisant  l'action  politique, 
du  peuple  catholique  marchant  comme  un  seul  homme  à  la  reven- 
dication de  ses  libertés  contre  une  majorité  compacte  de  protestants 
soutenue  par  le  glorieux  empereur  Guillaume  et  son  terrible 
chancelier. 


424  LE  PROPAGATEUR 


En  lisant  ces  pages  si  vivantes,  si  vibrantes,  on  se  sent  fortifié, 
on  comprend  l'utilité  de  la  lutte,  on  voit  clairement  la  possibilité 
de  vaincre,  on  rougit  du  peu  qui  chez  nous  a  été  fait  jusqu'à  ce 
jour,  on  voudrait  sur  l'heure  engager  la  bataille. 

Il  y  a  là  presque  un  danger,  car.  avec  la  furia  francese  qui  varie 
dans  ses  formes,  mais  qui  reste  toujours  un  des  traits  saillants  de 
notre  caractère,  beaucoup  de  nos  jeunes  prêtres  pourraient  se 
croire,  du  jour  au  lendemain,  en  mesure  d'affronter  la  presse,  les 
réunions  publiques,  la  tribune,  et  se  jeter  en  avant  à  la  baionnette, 
contre  des  ennemis  trop  fortement  retranchés  pour  qu'on  puisse 
les  culbuter  du  premier  coup. 

Quand  nous  avons  dévoré  en  quelques  heures  le  beau  volume  de  M. 
Kannengieser^  n'oublions  pas  que  la  lutte  qu'il  raconte  a  duré  vingl 
ans;  n'oublions  pas  que  c'est  par  des  efforts  constants,  prolongés, 
par  une  discipline  rigoureuse,'  par  une  persistance  obstinée,  que 
nos  voisins  ont  réussi  ;  n'oublions  pas  surtout  qu'à  beaucoup 
d'égards  ils  se  trouvaient  dans  des  conditions  plus  favorables  que 
nous. 

On  ne  pouvait  pas  sérieusement  les  combattre  en  les  représen- 
tant comme  des  adversaires  du  gouvernement  établi.  Bismarck  l'a 
essayé  sans  doute,  car  les  ennemis  de  l'Église  ne  reculent  jamais 
devant  la  calomnie  ;  mais,  au  fond,  le  pays  comprenait  que  les 
catholiques  n'avaient  aucun  grief  contre  la  constitution  impériale, 
et  qu'on  peut  combattre  avec  la  dernière  énergie  les  mauvaises  lois 
d'un  gouvernement  sans  vouloir  pour  cela  le  renverser. 

Chez  nous,  pendant  longtemps,  cette  vérité  a  été  moins  claire, 
et  dès  que  nous  attaquions  une  mauvaise  loi,  on  nous  dénonçait 
comme  des  ennemis  irréconciliables  de  la  République  II  a  fallu 
l'intervention  du  Souverain  Pontife  pour  rétablir  la  vérité  sur  ce 
point.  Assurément,  les  républicains  continueront,  même  après 
l'encyclique,  à  soutenir  que  nous  rêvons  le  renversement  de  la 
Constitution,  chaque  fois  que  nous  revendiquerons  un  de  nos 
droits  ;  mais  on  les  croira  de  moins  en  moins,  car  le  peuple  sait 
que  le  Pape  ne  ment  pas  :  il  sait  que  sa  parole  est  une  loi  pour  les 
catholiques;  peu  à  peu  on  s'accoutumera  à  nous  voir  combattre 
les  lois  mauvaises,  sans  en  conclure  que  nous  travaillons  à  détruire 
le  gouvernement  établi. 

Mais  les  catholiques  allemands  avaient  sur  nous  un  autre  avan- 
tage bien  plus  capital  encore  :  c'est  l'influence  que  le  clergé  avait 
conservée  sur  le  peuple. 

M.  l'abbé  Kannengieser  a  su  mettre  en  relief  les  causes  de  cette 
influence;  elle  tient  au  rôle  social  considérable  qu'a  su  assumer 
le  prêtre  allemand  dans  la  communauté  catholique,  aux  relations 
constantes,  intimes,  qu'il  entrelient  avec  chaque  membre  de  cette 
petite  société  qu'on  appelle  la  paroisse,  à  l'intelligence  qu'il  consa- 
cre à  découvrir  toutes  les  causes  des  souffrances  populaires,  au 
dévouement  qu'il  déploie  pour  les  guérir. 

Malheureusement  la  situation  de  notre  clergé  est  bien  différente 
de  celle-là.  Soyons  justes,  il  faut  l'en  plaindre  plutôt  que  l'en 
blâmer.  Chez  nous,  depuis  cent  ans,  on  a  répété  à  satiété  que  le 


LE  PROPAGATEUR  425 


prêtre  doit  se  confiner  dans  Véglise  ;  les  catholiques  eux-mêmes  se 
sont  faits  les  échos  de  ce  sot  préjugé  ;  dans  les  séminaires  on  l'a 
propagé  sans  s'en  douter,  en  recommandant  à  tout  propos  et  par 
dessus  tout  la  prudence. 

A  force  d'attendre  qu'on  vint  à  lui,  le  prêtre  s'est  peu  à  peu 
accoutumé  à  l'isolement;  il  a  perdu  l'habitude  d'être  le  confident 
des  familles,  l'ami  des  enfants,  le  protecteur  des  faibles,  le  conseil, 
le  soutien,  la  providence  de  tous  ses  paroissiens  ;  il  a  fini  même 
par  être  supplanté  dans  le  grenier  du  pauvre  et  au  chevet  des 
malades  par  la  sœur  de  charité,  qui  y  est  mieux  accueillie.  Relégué 
dans  son  église,  il  lui  a  semblé  qu'il  avait  surtout  pour  mission 
de  l'entretenir,  de  l'orner,  de  l'embellir,  espérant  ainsi  y  attirer 
ceux  qui  n'y  venaient  pas,  et  à  mesure  qu'il  l'ornait  plus,  on  la 
désertait  davantage,  car  sur  ce  terrain  du  luxe  extérieur  il  est 
vaincu  d'avance.  A  la  longue,',  a  foule  s'est  habituée  à  considérer 
le  curé  comme  principalement  chargé  d'organiser  des  chants,  des 
morceaux  oratoires,  des  effets  d'orgue,  de  lumière  et  de  fleurs, 
pour  embellir  le  cérémonial  dont  les  familles  qui  se  respectent 
aiment  à  entourer  les  naissances,  les  mariages  et  les  morts  ;  comme 
si  le  clergé  paroissial  était  surtout  une  administration  des  pompes 
religieuses. 

//  s'agit  aujourd'hui  de  revenir  à  la  vérité.  Il  est  temps  que  le  prêtre 
sorte  de  la  sacristie  pour  remplir  son  rôle^  pour  être  Vâme  de  la 
paroisse^  le  père  de  toutes  les  âmes  que  Dieu  lui  a  confiées.  Voilà 
l'effort  le  plus  difficile,  mais  le  plus  nécessaire,  car  une  armée 
n'est  solide  que  quand  les  soldats  connaissent  leurs  chefs  et  ont 
confiance  en  eux.  Le  siiccès  arrivera  beaucoup  plus  vite  qu'on  ne 
croit,  si  on  a  le  courage  de  rompre  la  glace,  car  le  peuple  n'a 
aucun  motif  réel  de  se  défier  du  prêtre;  il  sait  aujourd'ui  que  le 
prêtre  est  un  enfant  du  peuple,  qu'il  est  pauvre,  qu'il  est  persécu- 
té ;  quand  il  le  verra  dévoué  du  matin  au  soir  au  soulagement  de 
tous  ceux  qui  souffrent,  à  la  formation  morale  des  enfants,  des 
jeunes  gens,  à  la  bonne  harmonie  des  familles,  les  préjugés  qui 
restent  encore  s'évanouiront  promptement. 

Persuadons-nous  bien  d'ailleurs  que,  dans  les  efforts  qu'ils  ont 
faits  pendant  vingt  ans,  les  catholiques  allemands  n'ont  pas  toujours 
réussi  du  premier  comp  et  qu'il  a  dû  se  produire  plus  d'un  faux 
pas. 

Sans  doute,  il  pourra  arriver  qu'un  jeune  prêtre,  tout  enthou- 
siasmé du  livre  de  M.  Kanuengieser,  se  jette  un  peu  imprudem 
ment  au  plus  fort  de  la  mêlée.  A  l'heure  où  l'audace  est  nécessaire 
il  se  trouve  toujours  des  téméraires.  Quelques  maladresses  seront 
commises,  et  avec  notre  nervosité  habituelle,  nous  serons  disposés 
à  crier  bien  haut  que  tout  est  compromis.  Promettons-nous 
d'avance  de  ne  pas  céder  à  ces  impressions  exagérées,  de  rester 
calme  en  présence  de  quelques  échecs,  et  surtout  de  ne  pas  tirer 
sur  nos  blessés.  On  n'apprend  pas  à  nager  sans  faire  quelques 
plongeons  ;  tendons  la  corde  à  ceux  qui  se  lanceront  trop  vite,  au 
lieu  de  nous  exclamer  sur  leur  imprudence  et  de  les  laisser  au 
fond. 

26 


426  LE  PROPAGATEUR 


L'heure  est  venue  d'agir:  le  mérite  de  l'ouvrage  de  M. 
Kannengieser  est  de  nous  tracer  l'exemple  d'un  clergé  et  d'un 
peuple  qui  ont  peu  parlé  et  beaucoup  agi.  Imitons-les,  avec  la 
résolution  de  ne  nous  décourager  jamais,  avec  la  conviction  qu'on 
ne  réussit  qu'en  mettant  la  persévérance  au  service  de  la  foi. 

Henry  BOISSARD,  ancien  procureur  général. 

Le  Réveil  d'un  Peuple  !  Quel  titre  plein  de  promesses  1  et  le 

livre  les  tient  toutes. 

Dans  un  premier  volume  :  Catholiques  allemands,  M.  l'Abbé 
Kannengieser  avait  raconté  l'histoire  du  Kulturkampf,  animant 
tous  les  cœurs  généreux  par  celte  pensée  si  naturelle  :  Pourquoi 
ne  saurif  ns-nous  pas  faire  ce  que  les  catholiques  d'Allemagne  ont 
si  bien  fait? 

Aujourd'hui,  M.  l'abbé  Kannengieser  répond  vicloribusement 
aux  découragés  qui,  pour  excuser  leur  inaction,  répètent  à  tous 
propos  !  Si  les  Allemands  ont  réussi,  c'est  que  leur  situation  était 
bien  différente  de  la  nôtre. 

Difféienle,  je  le  veux  bien  ;  on  ne  trouve  jamais  deux  situations 
identiques  dans  l'histoire.  Mais  était-elle  meilleure  ?  Il  suffit  de 
lire  le  nouveau  volume  de  M.  l'abbé  Kannengieser  pour  se  con- 
vaincre qu'il  y  a  cinquante  ans,  sous  l'influence  délétère  du 
joséphisme,  nos  voisins  étaient  tombés  plus  bas  que  nous. 

Voyez  plutôt,  dans  le  premier  chapitre,  le  tableau  lamentable 
de  ce  que  peut  devenir  une  nation  catholique  quand,  se  faisant 
fort  de  la  faiblesse  du  clergé,  le  pouvoir  civil  envahit  le  domaine 
religieux. 

Sous  le  gouvernement  de  l'empereur  sacristain,  comme  l'appelait 
plaisamment  Frédéric  II,  le  prêtre  avait  été  ravalé  au  rôle  de 
simple  gendarme,  et  la  religion  n'apparaissait  plus  que  comme 
une  forme  de  la  police  impériale.  Non  seulement  l'empereur 
s'arrogeait  le  droit  de  nommer  les  prêtres  comme  les  instituteurs, 
mais  il  prétendait  diriger  lui-même  leur  formation  dans  les  sémi- 
naires, il  révisait  de  sa  main  les  bréviaires  et  les  lettres  pastorales, 
il  fermait  les  couvents  qu'il  jugeait  inutiles,  il  réglait  les  fêtes 
religieuses  et  fixait  le  nombre  des  cierges  qu'on  aurait  le  droit 
d'allumer  aux  messes  de  mort, 

"  Sa  bonté  ",  s'écrie  M.  l'abbé  Kannengieser,  "  s'étendait  à  toute 
la  nature,  même  aux  curés  /  !  Avec  quelle  sollicitude  il  s'enqué- 
rait  de  ce  qu'ils  pensaient  et  de  ce  qu'ils  faisaient  1  "  Surtout  pas 
"  de  théologie,  mes  amis,  et  pas  de  dévotion  !  Prêchez  la  morale 
"  et  le  progrès  ".  Et  Dieu  sait  comme  ils  obéissaient  ponctuelle- 
ment 1  Ne  les  avait  on  pas  façonnés  à  la  soumission  dans  les 
séminaires  généraux  ?  Ils  laissaient  le  dogme  bien  tranquille. 

"  Leur  prédication  était  essentiellement  pratique.  En  entrant 
dans  une  église,  on  pouvait  entendre  le  curé  commencer  à  peu 
près  en  ces  termes:  "Mes  chers  auditeurs,  la  dernière  fois,  je  vous 
"  ai  expliqué  quels  soins  il  fallait  donner  à  la  culture  des  bette- 
"  raves.    Nous  parlerons  aujourd'hui   des  engrais.    Le   fumier, 


LE  PROPAGATEUR  427 


"  messieurs...  "  etc*;  et  ces  homélies  d'un  nouveau  genre  étaient 
débitées  gravement  devant  un  auditoire  endormi.  Les  prêtres  qui 
prêchaient  de  la  sorte  étaient  bien  notés  et  bien  cotés.  Les  gros 
bénéfices  étaient  pour  eux,  et  leur  intelligence  des  bonnes  fumures 
les  conduisait  rapidement  à  l'épiscopat. 

"  Ce  que  la  foi  du  peuple  était  devenue  dans  de  pareilles  con- 
ditions, on  le  devine  aisément.  L'indifTérence  en  matière  de 
religion  fut  le  premier  fruit  de  ce  système  affadissant". 

De  l'indifférence  religieuse  au  relâchement  des  moeurs  il  n'y  a 
qu'un  pas.  Il  fut  bientôt  franchi.  Le  peuple,  qu'on  n'exhortait  plus 
à  la  prière,  employait  ses  loisirs  autrement;  la  dépravation  gagna 
partout  du  terrain,  et  le  spectacle  qu'avait  offert  l'Allemagne  au 
temps  de  la  Réforme  menaça  de  se  renouveler  à  la  fin  du  siècle 
dernier. 

Quand  Napoléon  1er,  recueillant  avec  joie  les  traditions  de  l'em- 
pereur d'Allemagne,  voulut  appliquer  à  son  profit  les  doctrines 
joséphistes,  il  prit  pour  agent  le  fameux  Dalberg,  son  flatteur  et 
son  ami.  Il  le  fit  archichancelier,  primat  d'Allemagne,  métropo- 
litain de  Miyence,  Trêves  et  Cologne,  grand-Duc  de  Francfort,  il 
le  combla  d'honneurs  et  de  dignités  pour  mieux  le  tenir  dans  sa 
main. 

Les  évêques  qui,  après  lui,  se  partagèrent  les  débris  de  sa  puis- 
sance, n'eurent  pas  d'abord  le  courage  de  réagir.  Sous  cette  direc- 
tion avilissante  le  clergé  se  laissa  aller  au  plus  honteux  débraille- 
ment. Le  bréviaire  était  relégué  au  grenier  ;  des  pétitions,  signées 
par  de  nombreux  curés,  demandaient  l'autorisation  du  mariage 
pour  les  prêtres,  et,  en  attendant  qu'il  fiit  peruiis,  ils  le  pratiquaient. 

Et  qu'on  ne  dise  pas  que  le  mal  n'avait  pas  pénétré  dans  les 
masses  populaires.  Quand  un  archevêque  héroïque  eut  enfin  le 
courage  de  réagir,  les  choses  en  étaient  venues  à  ce  point  que, 
dans  certains  centres,  les  catholiques  avaient  pris  l'habitude  de 
déjeûner  avant  la  communion  et  qu'il  fallut  faire  une  circulaire 
pour  recommander  aux  prêtres  des  villes  de  se  mettre  au  confes- 
sionnal une  fois  par  semaine,  aux  prêtres  des  villages  de  le  faire 
une  fois  par  moi^. 

Le  saint  archevêque  qui  trouva  dans  son  cœur  la  force  d'entre- 
prendre l'œuvre  de  résurrection  nécessaire  et  de  faire  sortir  Lazare 
du  tombeau  fut  Mgr  Vicari.  En  1842,  à  l'âge  de  70  ans,  il  fut 
appelé  à  l'archevêché  de  Fribourg.  Prêtre  savant,  pieux,  humble, 
zélé,  charitable,  nature  droite  et  inflexible,  dont  aucune  promesse 
et  aucune  menace  ne  pouvaient  ébranler  les  convictions,  il  ne  se 
demanda  pas  si  le  mal  était  réparable,  il  ne  se  demanda  pas  s'il 
lui  resterait  assez  de  vie  pour  le  réparer,  il  ne  se  demanda  pas 
qui  marcherait  avec  lui  :  il  entra  sans  bruit,  mais  résolument, 
dans  la  voie  que  lui  traçait  sa  grande  âme,  choisissant,  selon  son 
expression,  le  chemin  de  la  croix  ;  il  entraina  bientôt  à  sa  suite  les 
nobles  cœurs,  toujours  épars  au  milieu  des  mines  d'un  peuple  en 
décadence,  et  c'est  lui  qui  a  inauguré  l'admirable  réveil  des  ca- 
tholiques allemands. 

Refusant  de  se  soumettre  aux  ordonnances  qui  avaient  attribué 


428  LE  PROPAGATEUR 


au  pouvoir  civil  la  nominalion  des  prêtres,  il  choisit  ses  curés 
sans  l'assentiment  du  ministre,  il  correspond  avec  eux  par  des 
envoyés  secrets  que  la  gendarmerie  poursuivait  romrae  des 
malfaiteurs  ;  ses  écrits  furent  lus  en  chaire  par  des  prêtres 
qu'on  jettait  en  prison  ;  mais,  comme  il  arrive  toujours,  "  cette 
persécution  violente  secoua  fortement  le  peuple  catholique,  un 
saint  enthousiasme  courut  à  travers  le  pays.  Les  églises  se  rem- 
plirent de  fidèles,  là  même  où  la  foi  n'avait  encore  que  de  faibles 
racines.  Du  fond  de  leur  prison,  les  curés  exercèrent  une  action 
plus  puissante  sur  le  peuple  qu'autrefois  dans  leurs  presbytères, 
et  quatre  semaines  d'incarcération  étaient  aussi  efficaces  que  cinq 
années  de  sermons.  Le  gouvernement,  qui  croyait  dompter  l'ar- 
chevêque, devenait  ainsi,  sans  le  vouloir,  son  meilleur  agent.  " 

Le  ministère  badois  allait  céder,  quand  la  Prusse  envoya  Bis- 
mai  k  à  son  secours  :  Mgr  Vicari,  âgé  de  81  ans,  fut  arrêté  et 
incarcéré  avec  de  nombreux  prêtres.  Mais,  sous  la  pression  de 
l'indignation  publique,  le  gouvernement  fut  obligé  d'abandonner 
peu  à  peu  les  droits  qu'il  s'était  injustement  arrogés,  et,  quand 
Mgr  Vicari  mourut,  un  autre  évêque  pouvait  dire  de  lui  :  "  Il  a 
"lutté  et  vaincu  pour  tout  l'épiscopat.  Si  toutes  les  chaînes  de 
'' l'Église  ne  sont  pas  brisées,  on  sait  du  moins  que  ce  sont  des 
•'  chaînes.  L'Église  ne  se  laissera  plus  mettre  la  tunique  de  l'esclave." 

Voilà  le  point  de  départ  du  réveil  d'un  peuple.  Au  milieu  de 
l'affaissement  universel,  un  seul  homme  a  suffi  pour  faire  renaître 
peu  à  peu  dans  les  cœurs  catholiques  le  sentiment  de  leur  dignité 
et  de  leur  force.  A  partir  de  ce  moment,  chacun  a  fait  son  devoir. 
Les  évêques,  même  les  plus  timides,  n'ont  plus  osé  reculer  quand 
la  lutte  était  engagée.  A  leurs  côtés,  on  a  vu  surgir  des  laïques 
incomparables  :  Malinckrodt  et  Windthorst.  Le  clergé  a  compris 
la  nécessité  de  reprendre  son  rôle  et  de  ressaisir  la  direction  de 
la  jeunesse,  qui  ne  lui  échappe  pas  quand  il  est  décidé  à  tous  les 
sacrifices  pour  la  conserver.  Les  ordres  religieux,  jésuites  en  tête, 
ont  inondé  l'Allemagne  d'écrits  populaire?,  où  la  vérité  était  res- 
tituée sur  tous  les  points.  Le  grand  Janssen  a  révolutionné  l'his- 
toire en  établissant,  preuves  en  main,  que  les  siècles  catholiques, 
calomniés  à  plaisir  et  traités  de  barbares,  sont  ceux  où  la  société 
a  été  la  plus  riche,  la  plus  féconde  et  la  plus  heureuse. 

Entraîné  par  de  tels  chefs,  le  peuple  catholique  s'est  serré  autour 
d'eux  avec  enthousiasme,  avec  amour,  et  dans  cette  Allemagne 
où  il  est  en  minorité,  il  a  su  prendre  une  importance  si  incontestée 
qu'il  est  aujourd'hui  l'espoir  de  ceux-là  mêmes  qui,  sans  être  ca- 
tholiques, ne  veulent  pas  voir  la  nation  allemande  s'engloutir  dans 
les  abîmes  du  socialisme. 

Voilà  l'admirable  tableau  que  M.  l'abbé  Kannengieser  a  déve- 
loppé sous  le  titre  de  Réveil  d'un  Peuple.  Ai-je  besoin  de  dire  que 
ce  volume  n'est  pas  seulement  nécessaire  aux  découragés,  mais 
que  nous  devons  le  mettre  aux  mains  de  tous  les  catholiques  pour 
développer  en  eux  la  confiance  et  l'ardeur,  ces  belles  vertus  des 
jeunes  qu'il  faut  aujourd'hui  communiquer  aux  anciens. 

Mais  ce  livre  a  encore  un  autre  mérite  :  il  doit  ouvrir  les  yeux 


LE  PROPAGATEUR  42» 


ceux  qui  ne  savent  voir  qu'une  des  faces  de  la  volonté  du  Sou- 
verain Pontife  Léon  XIIL 

Comme  son  aine,  Catholiques  Allemands^  le  Réveil  cVan  Peuple 
n'est,  d'un  bout  à  l'autre,  qu'un  appel  éloquent  à  la  lutte  contre 
les  oppresseurs  de  l'Église  et,  dans  sa  préface,  résumant  en  quel- 
ques mots  sa  pensée,  M,  l'abbé  Kannengieser  la  formule  ainsi  : 
Depuis  la  dernière  Encyclique  et  la  lettre  du  cardinal  Rampolla, 
le  clergé  et  les  catbioliques  français  peuvent  hardiment  prendre 
en  main  les  intérêts  de  la  religion.  On  n'a  plus  le  droit  de  leur 
fermer  la  bouche  en  leur  disant  :  Vous  êtes  les  ennemis  de  la 
"  République.  "  Le  Pape  a  préparé  le  terrain  de  la  lutte  par  des 
déclarations  qui  excluent  toute  équivoque,  et  il  a  proclamé  la  né- 
cessité de  la  lutte,  en  s'élevant  énergiquement  contre  les  lois  anti- 
catholiques qui  pèsent  sur  la  France.  Les  catholiques  français 
n'ont  donc  qu'à  'àe  mettre  à  l'œuvre.  " 

Or,  Léon  XIII  avait  lu  Catholiques  Allemands,  et  il  avait  chargé 
son  secrétaire,  Mgr  Tarozzi,  d'en  féUciter  l'auteur.  Après  avoir 
lu  le  Réveil  d'un  Peuple,  il  a  voulu  le  féliciter  lui-môme,  par  un 
bref  que  les  journaux  ont  publié. 

Il  est  donc  impossible  de  le  contester,  la  volonté  du  Saint-Père 
est  bien  celle  que  M.  l'abbé  Kannengieser  avait  formulée  dans  sa 
préface  ;  la  lettre  pontificale  adressée  à  Mgr  l'évèque  d'Orléans 
en  est  la  confirmation,  et  si  le  Souverain  Pontife  nous  recommande 
de  laisser  de  côté  les  discussions  poUtiquesqui  pourraient  épuiser 
nos  forces  au  détriment  du  pays,  il  veut  que,  à  l'exemple  de  nos 
voisins  d'Allemagne,  nous  consacrions  toute  notre  activité,  toute 
notre  énergie  à  combattre  ceux  qui  ont  comploté  d'opprimer,  d'as- 
servir et  de  détruire  en  France  la  religion  de  nos  pères. 

Henry  Boissard. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  L,  B  Y 

RENTE  VIAGERE.— SAISIE. 

Question.  —  Suivant  une  donalioa  eatrevifs  Jacques  P a  donné  une  terre 

à  son  fils  à  la  charge  par  ce  dernier  de  lui  payer  une  rente  annuelle  et  viagère 

de  deux  Cint  vingt  piastres.  Jacques  P me  doit  la  somme  de  quatre  vingt 

cinq  piastres.  Si  j'obtiens  un  jugement  contre  lui  croy'^z-vous  que  je  pourrai 
faire  saisir  sa  rente  entre  les  miins  de  son  fils  ?  On  me  dit  qu'une  rente  sem- 
blable est  insaisissable. 

F.  X.  G. 

Eéponse.  —  Si  vous  obtenez  jugement  contre  votre  débiteur 
vous  pourrez  certainement  faire  saisir  la  rente  qui  lui  est  due  par 
son  fils.  Une  semblable  rente  viagère  n'est  pas  insaisissable.  S'il 
en  était  autrement  les  débiteurs  malhonnêtes  auraient  un  bon 
moyen  de  se  débarrasser  de  leurs  créanciers.  Ça  serait  simplement 


430  LE  PROPAGATEUR 


de  donner  leurs  biens  à  quelqu'un  à  la  charge  par  le  donataire  de 
leur  payer  une  pension  viagère. 

Ceux  qui  vous  disent  le  contraire  ne  saisissent  pas  la  différence 
radicale  qui  existe  entre  une  rente  qui  nous  est  donnée  et  une 
rente  que  nous  achetons  ou  que  nous  acquérons  à  tout  autre  titre 
onéreux.  On  ne  peut  pas  rendre  insaisissable  une  rente  qu'on  ac- 
quiert ainsi.  "  La  rente  viagère,  dit  l'article  1911  du  code  civil^ 
"  ne  peut  être  stipulée  insaisissable  que  lorsqu'elle  est  constituée  à 
"  titre  gratuit^  "  (1)  c'est  à-dire  qu'une  rente  viagère  ne  peut  être 
stipulée  insaisissable  que  lorsqu'elle  nous  est  donnée  ou  léguée. 
Ainsi  si,  au  lieu  d'un  contrat  de  bienfaisance,  le  contrat  qui  inter- 
vient entre  le  crédi  rentier  et  le  débi-rentier  est  un  contrat  inté- 
ressé de  part  et  d'autre,  la  rente  est  saisissable  comme  tous  les 
autres  biens  que  la  loi  n'exempte  pas  spécialement  de  saisie. 


LOI  CRIMINELLE 
L'Hon.  ElzéarTaschereaujugedelacoursuprême,  vient  de  pu- 
blier une  troisième  édition  de  son  ouvrage  Criminal  Law  of  Canada. 
Le  code  criminel  passé  pendant  la  session  de  1892,  (55-56  Vict. 
Cap.  29)  revisé  à  la  session  de  1893(56  Vie.  chap  32)et  en  vigueur  de- 
puis le  premierjuillet  contient  beaucoup  de  dispositions  nouvelles. 
Ces  changements  dans  la  législation  ont  nécessité  une  nouvelle 
édition  de  l'ouvrage. 

Celte  édition,  dit  l'Electeur,  est  aussi  enrichie,  partout  oii  l'auteur  l'a  jugé  néces- 
saire pour  l'inleiligence  des  changemenis  et  des  raisons  qui  l'^s  ont  molivés,  des 
passages  correspondants  du  rapport  du  commissaire  impérial  sur  le  projetde 
codification  de  1879  sur  lequel  a  été  calqué  le  dernier  code  canadien. 
Toutes  les  formules  d'indictements  ont  été  revues  et  adapt'^esaux  nouveaux  dis- 
positifs de  la  loi,  et  les  précédentes  jurisprudences  d'Angleterre  et  des  différentes 
provinces  ont  été  compilées  jusqu'à  une  date  récente. — L'Electeur. 

Tous  ceux  qui  s'occupent  de  droit  criminel  trouvent  cet  ouvrage 
indispensable.  C'est  un  guide  sûr  pour  ne  pas  s'égarer  dans  le  dé- 
dale de  notre  léeislation  criminelle. 


LOI  GEARY 

Question.  —  Qu'est-ce  que  la  loi  Geary  ?  Campagnard. 

Réponse.  —  C'esi  une  loi  passée  par  le  dernier  congrès  des  Etats- 
Unis.  Elle  porle  le  nom  de  son  auteur  M.  Geary,  député  de  la  Ca- 
lifornie. Cette  loi  pourvoit  à  l'enregistrement  des  Ctiinois  qui  ré- 
sident aux  Etats-Unis,  et  elle  décrète  leur  expulsion  s'ils  ne  se  font 
pas  ainsi  enregistrer  dans  le  délai  fixé. 

La  constitutionnalité  de  cette  Ipi  ayant  été  mise  en  doute,  elle  a 
été  référée  à  la  Cour  Suprême  des  Etats-Unis,  et  celle-ci  l'a  décla- 
rée constitutionnelle. 

'Le  délai  ainsi  fixé  par  la  loi  Geary  expirait  le  5  mai  et  il  parait 
qu'un  nombre  très  restreint  de  Chinois  se  sont  présentés  pour  l'en- 
registrement requis.  Le  président  n'a  encore  pris  aucune  mesure 
pour  faire  exécuter  la  loi. 

(I)  L'article  558  du  Gode  de  Procédure  civile  déclare  même  insaisissables: 
*'  Les  sommes  et  pensions  données  à  titre  d'aliments,  encore  que  le  donateur  ou 
testateur  ne  les  ail  pas  déclarées  insaisissables." 


\ 


LE  PROPAGATEUR      "  431 


GAPIAS 

Question. — Je  réside  depuis  plusieurs  aanées  dans  le  Rhode-Island  et  j'y  ai 
conlraclé  des  dettes  envers  une  personne  qui  réside  actuellement  à  Montréal. 
Si  je  vais  me  promener  dans  la  province  de  Qiébec,  y  a-t-il  danger,  lorsque  je 
la  quitterai  pour  revenir,  que  mon  créancier  puisse  me  faire  arrêter  pour  dettes  ? 

Charles  M 

Réponse.— Vous  pouvez  venir  ici  saas  crainte  d'être  arrêté.  Le 
capias  ad  respondendum,  on  bref  d'arrestation  d'un  débiteur  qui 
est  sur  le  point  de  quitter  immédiatement  le  Canada  (1)  ne  peut  pas 
être  accordé  pour  une  dette  qui  a  été  contractée  hors  de  ses  limi- 
tes (2).  La  cour  de  Révision  à  Montréal  l'a  jugé  ainsi  il  y  a  quel- 
ques semaines  dans  la  cause  de  Rocheleau  et  Bassette.  Dans  cette 
cause  il  s'agissait  d'une  dette  contractée  aux  Etats-Unis.  La  cour 
de  Révision  a  cassé  et  annulé  le  capias  accordé  par  la  cour 
Supérieure. 

Votre  question  est  d'ailleurs  réglée  par  l'article  806  du  Gode  de 
Procédure  Civile.  Cet  article  déclare  que  le  bref  de  capias  ne  peut 
non  plus  émaner  pour  une  dette  créée  hors  de  la  province  du  Canada, 
ni  pour  une  dette  moindre  que  quarante  piastres. 

LES  ERREURS  JUDICIAIRES 

RÉPARATIONS    DOE?   AUX    VICTIMES. 

Voilà  que  c'est  de  la  Belgique  que  viennent  les  exemples  à  suivre  en  matière 
de  réparation  à  accorder  aux  victimes  d'erreurs  judiciaires. 

La  cour  d'Appel  de  Gand  a  rendu,  en  effet,  un  arrêt  conlamnant  l'Etat  belge 
à  payer  six  mille  francs  de  dommages-inérêts  à  un  M.  B-alse,  injustement 
condamné  par  le  tribunal  correctionnel  d'Audenarde. 

C'est  en  1885  qu'une  peine  de  trois  mois  d'emprisonnement  pour  diffamation 
a  été  prononcéH  contre  M.  Beatse,  qui  avait  accusé  un  emplové  des  postes  de 
ne  pas  lui  avoir  payé  un  mandat  de  poste  dont  celui-ci  affirmiit  avoir  effectué 
le  payement, 

M.  Beatse  purgea  ses  trois  mois  de  prison. 

Quelque  temps  après,  l'employé  des  postes  sur  la  plainte  duquel  il  avait  été 
condamné  fut  condamné  lui-même  pour  vol  et  faux.  On  revisa  le  procès  Beatse, 
car  on  acquit  la  preuve  que  l'employé  des  postes  avait  apposé  la  signature  de 
Beatse  sur  le  fameux  mandat  et  s'en  était  approprié  le  montant. 

Pour  faux  témoignage  et  vol,  l'employé  des  postes  fut  condamné  à  six  ans  de 
prison. 

Quoique  complètement  réhabilité  au  point  de  vue  moral,  M.  Beatse  estima, 
fort  justement  du  reste,  que  l'Etat  belge  lui  devait  une  réparation  pécuniaire 
pour  l'erreur  judiciaire  commise.  En  conséquence  il  intenta  une  action  en  dom- 
mages-intérêts contre  l'Etat.  Celui-ci  vient  d'être  condamné  par  la  cour  d'appel 
de  Gand  à  six  milles  francs  de  dommages-înlérôts  envers  M.  Beatse. — La  Presse. 

LES  CHEMINS  DE  FER  EN  FRANCE 
Le  tribunal  de  la  Seine,  France,  a  rendu,  le  16  février  dernier,  un  jugement 
qui  intéresse  tous  les  voyageurs,  trop  souvent  victimes  des  retards  dans  l'arri- 
vée des  trains. 

Une  Compagnie  de  chemin  de  fer,  dit  ce  jugement,  est  responsable  du  préju- 
dice causé  à  un  voyageur  par  l'arrivée  d'un  train  après  l'heure  réglementaire, 
alors  qu'elle  ne  peut  justifier  que  le  retard  ait  pour  cause  un  cas  de  force  majeure. 
En  conséquence,  elle  peut  être  tenue  de  rembourser  à  ce  voyageur  le  prix  d'u- 
ne voiture  déplace  qu'il  a  été  obligé  de  prendre  pour  ne  point  manquer  un 
rendez-vous  d'affaires  pris  par  lui  à  heure  fixe. — La  Presse. 

(1)  Code  de  procédure  civile  art.  797  et  s. 

(2)  Il  s'agit   de  l'ancienne  province   du   Canada   comprenant  les  provinces 
ctuelles  d'Ontario  et  de  Québec. 


GAUTHIER  DE  LA  CALPRENEDE 


I   EN  QUERGY.    (sUÎte) 

-' Voici,  "  lui  dit-elle,  "  une  petite  provision  de  voyage  qui  ne 
saurait  vous  embarrasser.  Adieu,  beau  neveu!  conduisez-vous 
toujours  en  bon  chrétien  et  en  honnête  homme,  et  que  Dieu  vou? 
garde  1 " 

"  Amen  !  belle  tante  I  "  répondit  le  jeune  homme.  "  Je  vous  remer- 
cie ;  foi  de  gentilhomme,  je  vous  promets  de  suivre  vos  bons  a  vis.  Si 
vous  entendez  parler  de  moi,  ce  sera  à  l'honneur  de  nos  maisons.  " 

Elle  l'embrassa,  le  chapelain  lui  serra  la  main,  et,  montant  à 
cheval,  Gauthier  s'éloigna,  suivi  de  Colin  Dordac. 

Il  se  retourna  plus  d'une  lois  pour  regarder  si  quelque  jeune 
visage,  quelque  voile  blanc  agité  par  une  main  amie,  n'apparaî» 
trait  pas  à  une  fenêtre  du  château.  Il  ne  vit  rien  du  tout.  Arrivé  au 
dernier  point  d'où  l'on  pouvait  apercevoir  encore  les  sveltes 
tourelles  de  Montdragon,  il  descendit  de  cheval,  s'assit  au  pied 
d'un  chêne,  et,  tirant  ses  tablettes,  écrivit  un  madrigal  peignant 
son  désespoir.  11  le  trouva  si  bien  tourné,  qu'il  souhaita  l'envoyer 
à  la  belle  Alix. 

Et,  comme  si  une  fée  eût  entendu  son  souhait,  il  vit  passer  une 
petite  paysanne  chargée  de  cerises  et  qui  se  dirigeait  vers  le  châ 
teau. 

"  Allez-vous  àMontdragon,  ma  belle  ?  "  lui  dit-il. 

Elle  était  si  laide,  que  le  compliment  la  charma. 

"■  J'y  vais  tout  de  ce  pas,  "  dit-elle.  "  On  fait  les  confitures  au- 
jourd'hui, et  mademoiselle  Alix  m'a  promis  que  j'y  travaillerais ." 

*'  Ecoutez,  "  dit  Gauthier,  "  si  vous  pouvez  remettre  ce  petit  pa- 
pier à  mademoiselle  Alix,  je  vous  rapporterai  de  Paris  un  beau 
casaquin  rouge,  et,  en  attendant,  je  vous  donne  ceci.  "  C'était  une 
pièce  de  douze  sous  toute  neuve.  La  pastourelle,  émerveillée,  pro- 
mit tout  ce  qu'il  vonlui,  et  mit  le  madrigal  dans  son  corset.  Puis 
elle  partit,  et  Gauthier  la  regarda  s'éloigner.  Quand  il  ne  la  vit  plus, 
il  remonta  à  cheval  et  se  remit  en  route,  en  poussant  des  soupirs 
capables  de  faire  tourner  des  moulins  à  vent.  Colin  Dordac  respec- 
ta son  silence  et  sa  mélancolie  pendant  un  gros  quart  d'heure  ;  puis 
il  hasarda  une  petite  chanson.  Il  avaitla  voix  clairette  d'une  jeune 
fille.  Gauthier,  au  second  couplet,  entonna  la  basse,  et  ils  chantè- 
rent tant  et  si  bien  jusqu'à  la  dinée,  que  les  bonnes  gens,  en  les 
voyant  passer,  s'écriaient  :  "  Voici  de  joyeux  gaillards  !  Que  Dieu 
les  bénisse  !  " 

Quant  à  la  rustique  messagère,  elle  fit  une  assez  méchante  ren- 
contre. De  petits  galopins,  qui  allaient  à  l'école  par  le  chemin  des 
buissons,  voulurent  lui  voler  des  cerises;  elle  se  défendit  comme 
un  diable,  cria,  leur  jeta  des  pierres,  courut  à  toutes  jambes,  et  le 
précieux  papier  tomba  de  son  corset.  Elle  se  baissa  pour  le  ramas- 
ser, mais  le  vent  l'emporta  en  tiois  bonds  il  vola  dans  la  rivière,  et 
les  flots  rapides  de  la  Dordogne  l'emportèrent  où  vont  toutes  les 
rivières  et  tous  les  madrigaux  du  monde,  au  fleuve  d'oubli. 


LE  PROPAGATEUR  433 


AU     LOUVRE. 


Plus  ne  suis  ce  que  j'ai  été, 
Plus  ne  SUIS  ce  que  je  voudrais  êlre^ 
Mon  beau  printemps  et  moa  été 
On  fait  le  saut  par  la  fenêtre. 


(CLKMENT  MAROT.) 

Le  28  juin  1624,  le  roi  Louis  XIII  avait  posé  la  première  pierre 
des  consiructions  projetées  au  Louvre,  et  qui  devaient  remplacer 
le  château  féodal  de  Philippe-Auo:iiste,  récemment  démoli,  et  se 
relier  aux  façades  construites  par  Pierre  Lescot.  La  journée  était 
très  chaude,  et  le  roi,  fatigué,  avait  désiré  se  reposer  après  le  dî- 
ner, tandis  que  le  cardinal  de  Richelieu,  enfermé  avec  l'architecte 
Jacques  Lemercier,  discutait  les  dispositions  définitives  de  ses 
plans.  Louis  XIII  s'était  endormi  dans  la  chambre  de  la  reine, 
située  au  centre  de  l'aile  construite  du  temps  de  Catherine  de  Mé- 
décis,  et  dont  les  croisées  dominaient  le  jardin  appelé  plus  tard  jar- 
din de  l'Infante.  Restée  seule  avec  le  roi,  Anne  d'Autriche  avait 
essayé  aussi  de  dormir  assise  sur  un  fauteuil  ;  mais,  le  sommeil  ne 
venant  pas,  elle  rêvait  tristement.  La  froideur  du  roi  pour  elle,  les 
tracasseries  et  l'ombrageuse  surveillance  du  cardinal,  et  l'ennui, 
cet  hôte  obstiné  des  palais,  assombrissaient  le  front  de  cette  reine 
si  enviée,  si  bonne  et  si  jeune.  Elle  avait  alors  vingt-trois  ans,  et 
sa  blonde  et  majestueuse  beauté  était  dans  tout  son  éclat, 

La  tête  inclinée  sur  sa  belle  main,  elle  écoutait.  A  travers  les 
volets  intérieurs  aux  trois  quarts  fermés  et  les  fenêtres  entr'ouver- 
tes,  un  murmure  lointain,  celui  de  la  grande  ville,  moins  bruyan- 
te alors  qu'à  présent,  lui  arrivait,  adouci  par  la  distance.  Pour 
échapper  à  ses  tristes  pensées,  la  reine  chercha  des  yeux  un  livre. 
N'en  voyant  aucun  dans  sa  chambre,  et  n'osant  appeler,  de  crain- 
te d'éveiller  le  roi,  elle  se  leva  doucement,  s'avança  vers  la  porte 
restée  ouverte,  écarta  la  portière  fleurdelisée,  et  passa  dans  le 
salon  où  se  tenaient  les  femmes  qui  la  servaient.  A  son  grand  éton- 
nement,  la  reine  le  trouva  désert.  La  porte  de  la  première  anti- 
chambre était  fermée.  Anne  d'Autriche  s'en  approcha,  et  entendit 
un  bruit  d'éclats  de  rire  contenus,  mais  tellement  joyeux  et  nom- 
breux qu'elle  en  demeura  surprise,  '•  Qui  peut  rire  ainsi  au  Lou- 
vre ?  "  se  demanda  t-elle.  Et,  entr'ouvrant  doucement  la  porte,  elle 
regarda  dans  l'antichambre.  La  compagnie  qui  s'y  trouvait  ras- 
semblée était  si  occupée,  qu'elle  n'entendit  pas  le  bruit  de  la  porte. 
Celte  compagnie  se  composait  de  toutes  les  dames  de  la  cour,  filles 
d'honneur  et  femmes  de  chambre  de  service  ce  jour-là  au  Louvre, 
ainsi  que  des  gentilshommes  et  pages  du  roi.  Les  femmes  avaient 
des  pliants,  les  hommes  étaient  sur  des  coussins  à  leurs  pieds,  et 


434  LE  PROPAGATEUR 


tous  écoutaient  avec  la  plus  grande  attention  un  très  jeune  homme 
à  la  physionomie  vive  et  spirituelle  et  à  l'accent  gascon,  qui,  assis 
sur  le  bras  d'un  fauteuil,  leur  débitait  un  conte  des  plus  comiques, 
à  en  juger  par  la  gaieté  de  l'auditoire. 

Anne  d'Autriche,  ne  voulant  pas  jouer  le  rôle  d'écouteuse  aux 
portes,  referma  doucement,  puis  rouvrant,  cette  fois  avec  bruit, 
appela  :  "  Madame  de  Vernon  !  " 

Celle-ci  accourut  toute  confuse,  et  s'excusa  d'avoir  quitté  son  pos- 
te. "  Mais,  "  dit-elle,"  si  Votre  Majesté  avait  entendu  ce  petit  la 
Calprenède  raconter  une  histoire,  elle  nous  pardonnerait  aisément. 
C'est  bien  le  plus  divertissant  conteur  qui  soit  au  monde,  et  leplus 
honnête.  Jamais  rien  dans  ses  récits  n'offense  la  religion  et  l'hon- 
neur, et  il  a  une  verve  1  une  imagination  !  enfin,c'est  une  merveil- 
le !  " 

"  Est-il  gentilhomme  ?  "  demanda  la  reine. 

'*  Oh  !  oui,  madame,  et  de  bonne  noblesse.  Tl  est  de  la  suite  de 
M.  de  Besnac  ;  c'est  un  cadet  de  Gascogne,  peu  accommodé  des  biens 
de  fortune,  mais  qui  a  tant  d'esprit  que  rien  plus." 

"  Je  souhaiterais  l'entendre,  "  dit  la  reine  ;  mais  peut-être  l'in- 
timiderais-je  ?  " 

"  Je  ne  crois  pas,  "  dit  madame  de  Vernon  :  "  il  est  Gascon,  et 
il  a  l'aplomb  et  fa  hardiesse  de  vingt  pages,  sans  être  effronté  pour 
cela.  C'est  presque  un  enfant:  il  n'a  que  dix-huit  ans.  " 

"  Vous  me  l'amèrerez  demain,"  dit  la  reine,  '■'  dès  que  le  cardi- 
nal sera  au  conseil  et  le  roi  parti  pour  Versailles,  et  il  me  dira  un 
conte  en  présence  de  vous  toutes.  " 

"  G-;la  le  rendra  bienheureux  et  bien  fier,  "  dit  madame  de  Ver- 
non, et  je  me  fais  une  fête  de  lui  transmettre  les  ordres  de  Votre 
Majesté.  " 

Et  ainsi  fui  fait.  Gauthier  débuta  par  un  coup  de  maître  :  il  ra- 
conta à  la  reine  une  histoire  espagnole  glanée  dans  le  Romancero 
du  Cid  ;  il  fit  rire,  pleurer,  puis  sourire  encore  Sa  Majesté,  et,  le 
soir  même,  elle  parla  de  lui  au  roi.  Louis  XIII  prit  goût  également 
aux  récits  du  jeune  homme,  et  bientôt  Gauthier  devint  un  person- 
nage très  envié  à  la  cour,  et  très  aimé  en  même  temps,  car  il  avait 
le  meilleur  caractère  du  monde.  La  reine  le  pensionna;  le  roi  le 
fit  gentilhomme  de  sa  chambre,  et  il  mena  une  vie  fort  heureuse, 
racontant  de  courtes  histoires,  écrivant  de  longs  romans,  qui  se 
vendaient  fort  cher,  versifiant  a  tort  et  à  travers,  suivant  le  roi  à  la 
guerre,  choyé,  chéri  des  dames,  qu'il  n'offensa  jamais,  et  gouver- 
nant si  habilement  sa  barque  sur  les  flots  agités  de  la  cour,  que  les 
plus  vieux  courtisans  admiraient  son  adresse  et  vantaient  son  es- 
prit. 

Et  la  belle  Alix  ?  l'avait  il  oubliée  ?  —  Oh  !  non  1  Plus  d'une  fois 
il  décrivit  ses  grâces  naïves,  et  en  dota  les  héroïnes  de  ses  contes. 
Chaque  année  il  se  disait  :  Je  ferai  un  voyage  en  Quercy.  Puis  il 
suivait  la  cour,  et  les  jours  s'enchaînaient  aux  jours,  l'enlaçant  de 
liens  de  fleurs,  légers  en  apparence,  mais  infrangibles  en  réalité, 
et  le  temps,  pour  lui,  fuyait  d'un  vol  plus  invisible  que  pour  tout 
autre,  parce  que  Gauthier  ne  s'ennuyait  jamais.  C'était  un  vrai  ro- 


LE  PROPAGATEUR  435 


mancier,  comme  La  Fontaine  fut  plus  tard  un  vraifablier  ;  il  n'é- 
tait point  de  ces  auteurs  qui  se  disent  :  Je  vais  habiller  d'un  conte 
telle  théorie,  telle  morale,  tel  paradoxe  qui  me  plaît,  et  le  faire  ainsi 
agréer  du  lecteur.  Non  :  le  vrai  romancier  conte  pour  conter  et 
désennuyer  le  genre  humain,  ce  vieil  enfant  exilé.  Et  son  art  est 
pour  lui-même  une  source  intarissable  de  jouissances.  Est-il  seul, 
il  voyage  dans  le  monde  idéal;  est-il  en  compagnie,  mêlé  au  train 
ordinaire  des  choses,  les  livres,  les  hommes,  les  respects  de  la  natu- 
re, les  merveilles  des  arts,  le  beau,  le  laid,  tout,  j  usqu'à  l'ennuyeux, 
devient,  à  travers  le  prisme  de  son  imagination,  matériaux  à  met- 
tre en  œuvre  pour  élever  ses  frêles  édifices,  les  illuminer  de  fan- 
tastiques lueurs,  les  peupler,  et  créer  ces  types  idéals  dont  le  sou- 
venir se  gravera  dans  la  mémoire  des  hommes  et  survivra  sou  ven- 
tes fois  à  celui  de  l'auteur.  En  eJSet,  il  y  a  presque  de  l'érudition 
aujourd'hui  à  nommer  Gauthier  de  la  Calprenède,  quoique  ses  ré- 
cits aient  charmé  l'élite  de  la  société  française  du  grand  siècle  ; 
mais  partout,  en  France,  même  parmi  des  gens  qui  savent  à  peine 
que  Louis  XIV  a  existé,  vous  entendrez  dire  :  fier  comme  Artaban; 
et  de  tant  de  coups  d'épée,  de  tant  de  coups  de  plume  que  donna 
le  gentilhomue  romancier,  il  est  resté  cela.  — De  beaucoup  d'écri- 
vains de  nos  jours,  hélas!  restera-t-il  autant  ? 

Oui,  mais  la  belle  Alix?  —  y  pensait-il?  —  Sans  doute  ;  mais 
rappelez-vous  qu'en  ce  temps-là  on  écrivait  bien  peu  de  lettres, 
faute  de  courriers.  Songez  que  cinquante  ans  plus  tard,  et  lorsque 
Louis  XIV  eut  fait  améliorer  le  service  des  postes,  madame  de  Sé- 
vigné  ne  pouvait  recevoir  de  nouvelles  de  sa  fille  que  tous  les  huit 
jours,  et  que  ces  nouvelles  étaient  vieilles  de  sept  ;  songez...  Enfin, 
la  vérité,  vraisemblable  ou  non,  est  que  Gauthier  n'en  reçut  que 
deux  fois  du  château  de  la  Calprenède.  Ces  deux  missives,  venues 
à  de  longs  intervalles,  lui  annonçaient  la  mort  de  son  grand-père 
et  de  sa  grand'mère.  Il  avait  perdu  ses  parents  étant  tout  petit  ;  son 
frère  aîné  hérita  du  domaine,  et  se  garda  bien  d'y  rappeler  Gau 
thier,  de  crainte  d'avoir  à  lui  donner  sa  légitime.  Gît  aîné  avait 
épousé  une  demoiselle  fort  harpagonne,  et  vivait  chiche;nent  en 
son  petit  castel.  Gauthier,  qui  gagnait  en  une  année  plus  que  les 
terres  de  la  Calprenède  ne  rapportaient  en  dix  ans,  n'avait  cnre  de 
cela. 

Mais  voici  qu'un  beau  jour  maître  RochPontac,  notaire  à  Ga- 
hors,  manda  à  Gauthier  de  la  Calprenède  que  son  frère  aîné  ve- 
nait de  mourir,  veuf  et  sans  enfants,  le  laissanlhéritier  de  tousses 
biens.  —  Les  amis  de  Gauthier  lui  conseillèrent  d'aller  recueillir 
l'héritage  paternel,  et  il  se  décida  à  demander  un  congé  à  la  reine 
régente.  Le  nouveau  roi,  Louis  XIV,  âgé  alors  de  cinq  ans,  était 
auprès  d'elle  lorsque  Gauthier  présenta  sa  requête  à  Sa  Majesté.  Il 
eut  beaucoup  de  peine  à  consentir  au  départ  de  son  ami  la  Calpre- 
nède, et  lui  fit  promettre  de  revenir  bientôt  lui  conter  des  histoires 
de  guerre.  Le  petit  duc  d'Anjou  y  ajouta  la  recommandation  de  rap- 
porter beaucoup  de  raisins  muscats;  et  Gauthier,  ayant  pris  congé 
de  la  famille  royale  et  du  cardinal  Mazarin,  partit  dans  un  équipa- 
ge autrement  élégant  que  celui  qu'il  avait  eu  pour  venir  à  Paris 
vingt  ans  auparavant. 


^36  LE  PROPAGATEUR 


Gauthier  était  encore  jeune,  et  surtout  pensait  l'être,  de  sorte 
qu'il  voyageait  à  cheval,  suivi  du  fidèle  Colin  Dordac  devenu  son 
écuyer,  et  de  quatre  valets  bien  montés,  conduisant  deux  chevaux 
de  rechange  et  deux  mulets  chargés  de  bagages.  —  Il  faisait 
grand'chère  partout,  s'arrêlant  dans  les  meilleures  hôtelleries  ou 
les  châteaux,  et  sa  reuommée,  le  précédant,  lui  valait  un  excellent 
accueil.  Festoyé  ainsi,  et  ne  se  pressant  pas,  il  mit  près  d'un  mois 
à  gagner  le  Quercy. 

Arrivé  à  Florac,  il  fut  retenu  à  l'auberge  plus  tard  qu'il  ne  pen- 
sait par  un  orage  assez  violent,  et  se  décida  à  y  passer  la  nuit. 
Après  souper,  il  monta  dans  la  chambre  qu'on  avait  préparée,  pour 
lui,  et  le  premier  objet  qui  frappa  ses  regards  fut  un  sablier.  Cette 
vue,  l'heure  du  crépuscule,  le  bruit  de  la  pluie  qui  tombait,  lui  rap- 
pelèrent la  soirée  passée  jadis  ail  château  de  Montdragon.  Il  en  rêva 
toute  la  luiit,  et,  le  lendemain,  il  résolut  de  laisser  ses  gens  se  re- 
poser à  Florac,  et  d'aller  seul  revoir  Montdragon  avant  de  conti- 
nuer sa  route.  Il  donna  ses  ordres  en  conséquence,  fit  seller  son 
beau  genêt  d'Espagne,  et,  bien  habillé,  bien  dispos,  par  une  jolie 
matinée  d'octobre,  il  suivit  le  chemin  bordé  de  châtaigniers  sécu- 
laires qui  mène  de  Florac  à  Montdragon  en  côtoyant  les  bords 
pittoresques  de  la  Dorgogne.  Les  vignes,  vendangées  depuis  quinze 
jours,  étaient  encore  parées  de  leur  feuillage  teint  de  pourpre  et 
d'or,  le  soleil  achevait  d'effacer  les  traces  de  la  rosée,  et  d'innom- 
brables fils  de  la  Vierge  flottant  dans  l'air  annonçaient  un  beau 
jour. 

Après  avoir  chevauché  une  heure  sans  rencontrer  personne, 
Gauthier  vit  enfin  apparaître  au  dessus  des  arbres  les  girouettes 
armoriées  de  Montdragon,  et  entra  dans  le  petit  village  situé  au 
pied  du  rocher  que  dominait  le  château.  A  la  vue  de  ce  beau  cava- 
lier au  manteau  brodé,  au  feutre  élégant  orné  d'une  longue  plu- 
me blanche,  les  enfants  qui  jouaient  dans  la  rue  et  sur  le  seuil  des 
maisons  jetèrent  des  cris  d'admiration,  et  plus  d'une  ménagère 
mit  la  tête  aux  fenêtres.  Le  village  ne  parut  à  Gauthier  ni  plus  pro- 
pre ni  moins  gai  qu'autrefois.  Les  mêmes  masures,  aux  toits  de 
tuiles  nuancées  ou  de  chaume  envahi  par  les  joubarbes  et  les  vio- 
liers,  étalaient  au  soleil  guenilles,cages  d'oiseaux  chanteurs,  grap- 
pes d'épis  de  maïs  suspendus  aux  poutrelles,  vieilles  fileuses  assi- 
ses sur  les  marches,  groupes  d'enfants  bruns  et  alertes  comme  des 
chevreaux.  Les  mômes  mufliers  à  fleurs  pourprées  fleurissaient 
sur  les  contreforts  de  granit  de  l'église  romane,  et  de  grands  tour- 
nesols semblaient  regarder  les  passants  par-dessus  les  petits  murs 
de  pierres  sèches  qui  entouraient  les  jardins.  Et,  comme  jadis,  la 
petite  auberge  ornée  d'une  branche  de  sapin  enrubannée  témoi- 
gnait que  de  temps  à  autre,  quelques  voyageurs  s'arrêtaient  dans 
ces  lieux  champêtres. 

La  vue  de  l'auberge  suggéra  à  Gauthier  l'idée  de  se  rendre  à 
pied  au  château,  afin  d'y  arriver  tout  à  fait  à  l'improviste,  sans 
être  annoncé  par  le  bruit  des  fers  de  son  cheval  sur  le  chemin  ro- 
cheux. Il  mit  donc  à  l'auberge  son  beau  coursier,  le  recommanda 


LE  PROPAGATEUR  437 


à  l'hôte,  et,  sans  plus  tarder,  la  botte  levée  et  le  chapeau  sur  l'o- 
reille, gravit  gaillardement  la  montée  du  château. 

Il  en  trouva  la  porte  grande  ouverte.  Le  vieux  portier,  assis  sur 
un  banc  de  pierre,  se  chauffait  au  soleil  en  éclatant  des  noix,  qu'il 
jetait  à  mesure  dans  une  grande  corbeille. 

"  Voici  une  belle  matinée,  mon  brave,  "  lui  dit  Gauthier.  "Vos 
maîtres  sont-ils  au  logis  ?  " 

"  Nos  messieurs  chassent,  "  dit  le  portier,  '*■  et  madame  et  ma- 
demoiselle Alix  sont  sur  la  terrasse,  occupées  avec  les  femmes  de 
lessive,  " 

La  seconde  partie  de  cette  réponse  reportait  si  bien  Gauthier  de 
vingt  ans  en  arrière,  qu'il  se  frappa  le  front  et  se  dit  :  "  Ai-je  rê- 
vé ?  " 

Le  portier  continua  ;  '*  Monsieur  veut-il  que  je  fasse  appeler  ces 
dames  ?  " 

"  Non  point,"  dit  Gauthier:"  j'aime  mieux  les  surprendre.  Je 
suis  leur  parent,  Gauthier  de  la  Carprenède.  " 

!'  Pas  possible  !  "  s'écria  le  portier  en  ôtant  ses  besicles,  les  es- 
suyant et  les  remettant  pour  mieux  voir,.  Mais  Gauthier  était  dé- 
jà loin,  et,  traversant  la  cour,  il  ouvrit  la  poterne  et  arriva  sur  la 
terrasse. 

La  lessive  d'octobre  y  était  étendue  ;  et,  comme  jadis,  toutes  les 
habitantes  du  château  de  Montdragon  s'occupaient  activement  à 
plier  le  linge  à  mesure  qu'il  séchait. —  Parmi  elles  les  yeux  de 
Gauthier  reconnurent  bien  vite  la  taille  svelte  et  la  brune"^  cheve- 
lure d'Alix,  et  il  se  dirigea  de  son  côté. Elle  était  penchée  sur  une 
corbeille  où  elle  empilait  des  serviettes.  Elle  se  releva  grandie, 
fortifiée,  plus  belle  que  jamais-  —  Etonnée  de  voir  un  étranger  à 
trois  pas  d'elle,  Alix  rougit,  et  Gauthier  s'écria  :  '•  Ma  belle  cousine, 
vous  ne  me  reconnaissez  donc  pas  ?  " 

"  Hélas  !  monsieur.  "  dit-elle,  "  je  ne  vous  ai  jamais  vu.  " 
"  Comment  !  "  dit  Gauthier,  "  vous  avez  déjà  oublié  le  conteur 
et  ce  soir  si  charmant,  cette  veillée  délicieuse  où,  retournant  le 
sablier,  vous  jouâtes  aussi  bon  tour  à  madame  votre  tante  ?  " 

"  Je  ne  me  souviens  de  rien  de  semblable,  "  dit  la  belle  fille  en 
se  reculant  à  mesure  que  Gauthier  s'avançait. 

"  Ah  1  "  dit-il,  "  je  croyais  n'être  pas  changé  ;  et  il  faut  que  je  le 
sois  furieusement,  puisque  vous  avez  peur  de  moi.  Ma  chère  Alix, 
vous  n'avez  point  vieilli,  vous  :  le  temps  n'a  su  que  vous  embellir, 
et  sa  faux  près  de  vous  n'a  moissonné  les  fleurs  que  pour  en  fixer 
l'éclat  charmant  sur  votre  visage  ;  mais  enfin,  je  suis  votre  cou- 
sin, votre  serviteur,  et  je  vous  suppplie...  " 

Il  mit  un  genou  en  terre  avec  toute  la  grâce  d'un  courtisan  ac- 
compli. "  Décidément,  c'est  un  fol'  "  se  dit  la  belle  Alix  ;  et  s'en- 
fuyant,  elle  courut  vers  le  château  en  criant  :  "  Maman  !  maman  !" 

Une  belle  matrone,  vêtue  d'une  robe  violette  et  la  tête  couverte 
d'une  coiffe  de  dentelle,  apparut  alors  entre  les  draps  blancs,  et, 
voyant  Gauthier,  qui,  tout  confus,  époussetait  avec  sahoussine  la 
poussière  de  son  haut-de-chausses,  elle  lui  dit  fort  sérieusement: 


438  LE  PROPAGATEUR 


"Monsieur,  qu'elle  est  cette  méchante  plaisanterie?  qu'êtes- 
vous  venu  dire  à  ma  fille  ?  " 

"Votre  fille,  madame  ?"  dit  Gauthier."  Votre  fille?  Mais... 
Dieu  me  pardonne  I  —  C'est  vous,  mademoiselle  Alix  !  " 

"Dites  madame  de  Montdnigon,  monsieur!  "  dit  Alix.  "  Mais... 
Dieu  me  pardonne  I  c'est  M.  de  la  Galprenède  !  Hélas  1  mon  cou- 
sin, que  vous  avez  grossi  !  " 

"  Vous  êtes  mariée  1  "  fit  Gauthier  prenant  l'air  tragique. 

'•  Hé  !  sans  doute,  "  dit  la  bonne  dame,  "  et  cela  depuis  dix-huit 
ans  Vous  avez  pris  ma  fille  pour  moi.  Quelle  enfance,  mon  cousin  ! 
vous  oubliez  que  vingt  ans  se  sont  passés  ?...  " 

"  Ma  foi  !"  dit  Gauthier,  "  ]t^  temps  ne  m'a  pas  duré  i  " 

'"  Ni  à  moi  non  plus,  "  dit  Alix  ;  "  mais  j'ai  quatre  enfants,  et 
cela  fait  compter  les  années.  Les  frères  d'Alix  sont  à  la  chasse  avec 
leur  père  et  leur  oncle.  Ecoutez  !  j'entends  la  fanfare  du  cor  qui 
m'annonce  qu'ils  ont  tué  un  chevreuil  I  —  Ils  vont  rentrer  ;  nous 
dînerons  en  famille,  ei  ma  bonne  vieille  belle-mère  sera  toute  ré- 
jouie de  vous  revoir.  Le  bruit  de  vos  succès  est  arrivé  jusqu'ici  : 
nous  avons  lu  vos  romans,  et  je  les  trouve  bien  jolis,  quoique  un 
peu  longs.  Eles-vous  marié  ?  " 

"  Non,  madame,  "  dit  Gauthier,  "  et  c'est  votre  faute.  Pourquoi 
n'avez-vous  pas  répondu  à  mon  madrigal?  " 

"  Quel  madrigal?  "  dit  Alix.  ''  Je  n'en  reçus  onques  de  person- 
ne." 

"  Pourtant,  "  dit  Gauthier;  "je  l'avais  remis  à  une  petite  fille 
qui  vous  apportait  des  cerises.  " 

"  Ah  OUI  !  la  Margotton,  "  dit  Alix  :  ''elle  me  vint  conter  en  pleur- 
nichant qu'un  joli  cavalier  lui  avait  remis  pour  moi  un  chiflbn  de 
papier,  mais  que  le  vent  l'avait  empor:é  dans  la  rivière." 

"Perfide  Dordogne  !  "  s'écria  Gauthier,"  tu  me  le  paieras!... 
J'en  jure  par  le  Slyx,  jamais,  au  grand  jamais,  je  ne  chanttrai  tes 
ondes  traîtresses  ! —  Mais,  ma  toujours  belle  cousine,  écoutez  !  Je 
suis  riche,  célèbre,  encore  fort  présentable;  je  viens  d'hériter  du 
château  de  mes  pères.  J'ai  quelque  idée  de  perpétuer  leur  nom,  de 
quitter  la  cour.  Me  permettez-vous  d'essayer  déplaire  à  votre  char- 
mante fille  ?  —  Je  reprendi-ai  ainsi  mon  roman  où  je  le  laissai  il  y 
a  vingt  ans:  ce  serait  bien  joli." 

"  En  effet,  "  dit  en  souriant  madame  de  Montdragon,  "  mais  ces 
choses-là  n'arrivent  que  dans  les  romans.  Elles  ne  s' ajustent  pas 
ainsi  dans  la  vie  ordinaire.  " 

"  Et  pourquoi  pas  ?  j,  dit  Gauthier,  "  suis-je  laid?  suis-je  vieux  ?  " 

"  Non  pas,  mon  cher  cousin  :  vous  êtes  un  aimable  cavalier, 
mais  Alix  est  fiancée.  " 

"  Chimène^  qui  V eût  ditl  "  s'écaia  Gauthier  :  "  fiancée  est-ce  tout 
de  bon  ?  est-elle  contente  ?  " 

"  La  plus  contente  du  monde,  "  dit  madame  de  Montdragon  :  " 
elle  aime  son  fiancé  romanesquement  !  " 

"  Hé  bien  !  "  dit  Gauthier  en  soupirant,  "  je  serai  son  témoin, 
avec  votre  permission,  belle  cousine,  et,  de  toute  mon  aventure, je 
ferai  un  conte  qui  divertira  Sa  Majesté  la  reine  1  "  (à  suivre.) 


NOTES  &  RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 


PREMIERE  PARTIE 
Livres  de  piété  pour  les  ecclésiastiques 

I-  MÉDITATIONS,  SUÎle 


Le  titre  de  l'ouvrage  du  P  Valuy 
nous  en  a  déjà  fait  connaître  le  conte- 
nu et  pressentir  les  avantages.  Les  avis 
et  conseils  que  l'auteur  donne  dans  son 
Directoire  podr  la  retraite  ecclési- 
astique sont  extrêmement  précieux  ; 
précieux  aussi  les  enseignements  qu'il 
empreunte  aux  saints,  surtout  à  saint 
Ignace,  sur  l'emploi  du  temps,  les  lec- 
tures à  faire,  les  prières  à  réciter,  et 
sur  la  manière  de  s'examiner,  le  discer- 
nement des  esprits,  le  confesseur  des 
prêtres,  l'e^prii  catholique,  toutes  cho- 
ses qu'on  n'invente  pas,  qu'il  est  néces- 
saire de  savoir,  et  que  le  prédicateur 
ii'a  pas  le  temps  de  dire.  Si  l'on  avait 
soin  de  choisir  et  de  consulter  son  di- 
recteur dès  le  début,  on  tn  recevrait 
d'utiles  conseils  sur  la  manière  de  bien 
faire  sa  retraite  ;  mais  le  plus  souvent 
on  ne  cherche  qu'un  confesseur,  on  se 
dirige  soi-même  et  le  confesseur  à  qui 
l'on  s'adresse,  suitoul  si  c'est  le  prédi- 
cattur,  n'aura  pas  le  loisir  de  vous  voir 
assez  souvent  et  assez  longtemps  pour 
sonder  votre  âme,  en  diagnostiquer  sû- 
rement la  maladie,  et  vous  indiquer  le 
remède  à  prendre  et  le  régime  à  suivre. 
Le  P.  Valuy  vous  sera  un  très  sage  di- 
recteur ;  nous  vous  engageons  vive- 
ment, à  le  consulter. 

Le  Directoire  de  la  Retraite  ecclési- 
astique générale  devra  servir  aussi 
pour  une  retraite  particulière;  mais 
pour  celle-ci,  le  Manuel  du  P.  Valuy 
coutient  de  plus  les  trois  méditations 
et  les  considérations  pour  chacun  des 
six  jours,  et  la  matière  de  l'Examen 
particulier  pen^iani  la  retraite.  Il  nous 
semble  que  les  sujets  de  ces  médita- 
tions et  considérations  sont  bien  choi- 
sis et  de  nature  à  atteindre  le  but  de 
la  retraite,  à  savoir,  le  renouvelle- 
ment de  la  ferveur  dans  le  service  de 
Dieu  et  du  zèle  pour  le  salut  des  âmes  , 
les  pensées  qui  font  l'objet  de  ces  ré- 
flexions et  lectures  sont  également  bien 
choisies  et  présentées  avec  conci.çion  et 
d'une  manière  incisive,  avec  les  textes 
de  l'Ecriture  à  l'appui  des  enseigne- 
ments et  dcs  exhortations. 

Après  avoir  indiqué  des  choix  de  su- 
jets, pris  dans  la  première  et  deuxième 


partie,  pour  une  retraite  de  huit  jours 
et  une  retraite  de  quatre  jours,  le  P. 
Valuy  donne,  dans  la  troisième  partie, 
les  exercices  pour  la  retraite  du  mois, 
qui  est  assurément  l'un  des  moyens  les 
plus  indispensables  et  les  plus  effica- 
ces pour  persévérer  dans  les  bonnes 
dispositions  et  résolutions  de  la  retrai- 
te annuelle.  Il  présente  d'abord  des 
avis  pratiques  sur  la  manière  de  bien 
faire  la  retraite  du  mois;  il  assigne  en- 
suite pour  chaque  mois  de  l'annéf,  à 
commencer  par  le  mois  d'octobre,  trois 
méditations  et  deux  considérations  ;  ce 
sont,  à  quelques  exceptions  près,  des 
sujets  nouveaux,  traités  d'une  façon 
sobre  et  pratique,  qui  font  repasser 
pendant  l'année  les  grandes  vérités  du 
salut  et  les  principales  obligations  et 
Vertus  da  prêtre.  La  journée  devra  se 
terminer  par  l'exercice  de  la  prépara- 
tion à  la  mort,  que  l'on  trouvera  à  la 
fin  de  la  première  partie  du  manuel* 
L'ouvrage  du  P:  Valuy  contient  donc 
tout  ce  qui  se  rapporte  à  la  retraite 
ecclésiastique  ;  il  est  véritablement  un 
manuel  de  retraite  très  utile,  sinon  in- 
dispensable, à  nos  confrères. 

L'ouvrage  que  nous  annonçons  sous 
le  titre  Vérités  éternelles,  médita- 
tions sur  les  fins  dernières,  est  encore 
une  retraite  ue  huit  jours  disposée  d'a- 
près les  exercices  de  saint  Ignage.  Les 
méditations  qui  la  composent,  au  nom- 
bre de  trois  par  jour,  ont  donc  pour 
objet  la  fin  de  l'homme,  le  péché  qui 
nous  éloigne  de  cette  ffn,  et  les  mystè- 
res de  la  vie  cachée,  publique,  souffran- 
te et  glorieuse  de  Jésus-Christ,  pour 
aboutir  à  l'amour  de  Dieu  qui  est  le 
dernier  but  de  l'homme  ici-bas.  Il  y  a 
de  plus,  pour  la  fin  du  cinquième  jour 
et  le  commencement  du  sixième,  trois 
méditations,  dites  intermédiaires,  sur 
les  deux  drapeaux,  les  trois  classes 
d'hommes  et  le  troisième  degré  de  Ihu- 
milité  ou  l'amour  du  mépris.  Ces  mé- 
ditations sont  sufflsammeni,  longues, 
comprenant  deux  points  et  dévolop- 
pant  pour  chaque  point  les  réflexions  à 
faire  et  les  sentiments  qui  doivent  en 
résulter.  A  la  fin  du  livre  se  trouvent 
les  rèeles  à  suivre  dans  la  recherche 


440 


LE  PROPAGATEUR 


des  imperfections  de  son  âme,  et  une 
méthode  d'xamen  sur  le  désir  d'arri- 
ver à  une  sainteté  conforme  à  son  étal  ; 
viennent  ensuite  huit  examens  à  faire 
pendant  les  huit  jours  de  retraite.  L'e- 
xamen du  premier  jour  est  consacré  à 
la  demande  :  Quel  est  l'état  de  mon 
âme  ?  et  considère  les  diiférents  dêgiès 
de  la  pureté  du  cœur.  Pendant  les  cinq 
jours  suivants,  il  est  question  de  la 
mortification  des  sentiments  mauvais, 
et  en  particulier  du  désir  de  l'estime  et 
de  la  considération,  de  la  colère,  du 
zèle  désordonné  ;  on  indique  alors  les 
signes  ou  effets  de  chacun  de  ces  sen- 
timents à  mortifier,  et  on  irace  ensuite 
les  divers  actes  ou  les  différents  degrés- 
de  mortification  à  l'égard  de  ces  senti- 
ments. Les  deux  derniers  examens 
nous  font  connaître  les  dégrès  de  l'a- 
mour de  Dieu  et  de  l'amour  du  pro- 
chain. Cette  analyse  très  détaillée  des 
fautes  à  éviter,  des  vertus  à  pratiquer, 
est  aussi  avantageuse,  aussi  nécessai- 
re que  l'examen  ;  et  elle  complète  très 
heureusement  l'ouvrage  que  le  P.  Perg- 
mayr  olfre  au  clergé,  aux  communau- 
tés religieuses  et  aux  fidèles  qui  veu- 
lent mener  dans  le  monde  une  vie  par- 
faite. 

Un  charitable  confrère  nous  a  fait 
l'amabiltté  de  nous  signaler  une  lacu- 
ne parmi  les  indications  que  nous 
avons  données  sur  les  Recueils  de  mé- 
ditations pour  retraite  ;  et  il  nous  a  re- 
mis, pour  que  nous  l'examinions,  l'ou- 
vrage d'un  éminent  religieux  de  la 
Congrégation  du  très  saint  Rédemp- 
teur. Nous  nous  sommes  empressés  de 
le  remercier,  et  nous  serons  toujours 
très  reconnaissants  à  ceux  de  nos  lec- 
teurs qui  voudront  faire  profiter  leurs 
confrères  de  leur  propre  expérience,  en 
nous  indiquant  les  différents  ouvrages 
qu'ils  auront  eux-mêmes  parliqués  et 
dont  ils  auront  reconnu  le  mérite.  Ce- 
qu'on  nous  a  recommandé,  et  que 
nous  voulons  recommander  à  notre 
tour  après  l'avoir  étudié  sérieusement, 
est  intitulé  :  De  la  conversion  quoti- 
dienne, d'après  saint  Alphonse  de 
LiGooRi.  Retraite.  C'est  un  volume  in- 
12  de  200  pages,  imprimé  par  l'Œuvre 
de  Saint-Paul  ;  mais  nous  craignons 
qu'il  ne  soit  pas  dans  le  commerce, 
puisque  l'auteur  nous  avertit  que  son 
opuscule  est  destiné,  non  au  public, 
mais  aux  retraitants.  Ce  nous  est  un 
motif  de  plus  de  l'analyser  et  de  le  fai- 
a'e  connaître  plus  complètement. 


Dans  une  préparation  indispensable 
à  la  retraite,  le  Père  A.  D.  nous  donne 
les  premières  notions  sur  la  conversion 
quotidienne  :  c'est  le  renouvellement 
quotidien  de  ce  que  saint  Alphonse 
appelle  "  la  résolution  de  se  donner 
tout  à  Dieu.  "  On  poursuit  par  là  deux 
biens  également  importants  et  néces- 
saires ;  la  charité  qui  sanctifie  et  la 
persévérance  qui  sauve.  Mais  le  résul- 
tat  prochain  et  immédiat  est  un  com- 
posé d'actes  intérieurs,  sanctifiant  l'â- 
me et  venant  en  temps  opportun  sanc- 
tifier la  conduite.  Or  dans  la  retraite 
qui  est  de  dix  jours,  on  choisit  pour 
chaque  jour  un  de  ces  actes  qu'il  faut 
produire  d'^  la  manière  la  plus  parfaite, 
et  dont  il  faut  pour  ainsi  dire  informer 
lame,  et  c'est  à  cela  que  tendent  tous 
les  exercices  de  la  retraite  :  rtnstruo' 
lion,  pour  mieux  faire  comprendre 
l'acte;  Voraison,  pour  s'y  exercer  et 
s'y  exciter  ;  l'examen,  pour  voir  les 
moyens  d'y  comformer  la  conduite,  en 
la  réformant.  Nous  allons  voir,  par  une 
analyse  plus  détaillée  du  premier  jour, 
comment  ces  différents  éléments  de  la 
la  retraite  se  suivent  et  s'enchaînent. 

L'auteur  nous  signale  d'abord  cha- 
que fois  quel  est  le  sujet  du  jour,  quel 
est  le  bui  spécial  à  atteindre,  quel  doit 
être  le  résultat  de  nos  efforts.  Pour  le 
premier  jour,  il  s'agit  de  se  faire  une 
idée  plus  complète  de  la  conversion 
quotidienne,  pour  concevoir  un  désir 
plus  vif  de  l'entreprendre  et  d'obtenir 
les  deux  biens  tout  divins  auxquels  elle 
vise. 

Aussi  Vinstruction  du  premier  jour, 
au  §  I,  est-elle  consacrée  à  nous  expli- 
quer chacun  de  ces  biens,  la  charité 
et  la  persévéraHce,  et  à  faire  ressortir 
l'excellence  et  la  nécessité  de  l'un  et  de 
l'autre  ;  elle  nous  indique  ensuite  les 
deux  moyens  de  se  procurer  ces  deux 
biens.  Ces  deux  moyens,  qui  doivent 
être  l'objet  immédiat  de  la  conversion 
quotidienne,  sont  la  prière  et  l'acte:  " 
la  prière,  parce  que  les  deux  biens  à 
obtenir  sont  essentiellement  et  perpé- 
tuellement dons  de  Dieu  ;  l'acte,  parce 
que  la  charité,  qui  est  en  même  temps 
la  persévérance  active,  -isl  une  vertu 
essentiellement  vivante,  "  qui  se  déve- 
loppe, se  fortifie,  s'enracine  dans  l'âme 
par  la  répétition  de  l'acte  de  charité 
sous  ses  différentes  formes. 

à  suivre 


LE    PROPAGATEUR 


Volume  IV,         15  Septembre,  1893,       Numéro  14 


BULLETIJNI 


11  Septembre  1893. 

*/  Le  général  Dodds  est  parti  le  10  août  pour  retourner  au 
Dahomey.  Il  avait  des  instructions  secrètes  contenues  dans  des 
enveloppes  cachetées  qu'il  ne  devait  ouvrir  qu'après  son  départ. 
Comme  on  le  sait  la  pacification  du  Dahomey  n'est  pas  encore 
complète,  Béhanzin  est  toujours  menaçant  et  la  conquête  ne  sera 
définitive  que  lorsque  ce  tyran  aura  fait  sa  soumission. 

Cette  campagne  du  Dahomey  qui  v  coûté  tant  d'argent  à  la 
France  et  qui  a  vu  couler  tant  de  sang  généreux,  aurait  pu  être 
évitée  si  on  avait  voulu  suivre  les  conseils  du  vice-amiral  de 
Cuverville  en  1890.  Faute  d'avoir  alors  suivi  ces  conseils  on  a  été 
obligé  de  tout  recommencer,  l'année  dernière,  dans  des  conditions 
extrêmement  défavorables. 

Des  dépêches  de  Paris,  en  date  du  4  Septembre,  annoncent  que 
le  général  Dodds  n'entrera  de  nouveau  en  campagne^qu'après  avoir 
reçu  des  renforts  de  France, 

*/  Un  grave  événement,  qui  aurait  pu  avoir  des  conséquences 
funestes  et  causer  une  guerre  européenne,  est  arrivé  le  1?  août 
dernier  à  Aigues-Mortes,  dans  le  département  du  Var,  en  France. 
Des  Français  et  des  Italiens,  travaillant  ensemble  dans  les  marais 
salants  d'Aiguës  Mortes,  se  sont  pris  de  querelle  et  les  Français  ont 
massacré  un  certain  nombre  de  leurs  adversaires.  On  ne  sait  pas 
positivement  quels.ont  été  les  agresseurs,  chaque  parti  accusant 
l'antre. 

La  nouvelle  de  ce  triste  événement  s'est  répandue  immédia- 
tement dans  toute  l'Europe  et  elle  y  a  causé  un  malaise  inexpri- 
mable. En  Italie  elle  a  été  accueillie  par  des  cris  de  rage  et  de 
vengeance  et  par  des  appels  forcenés  à  la  guerre.  Des  manifesta- 
tions anti-françaises  ont  eu  heu  en  beaucoup  d'endroits,  notam- 
ment à  Gênes,  à  Catane  et  à  Rome  où  la  populace  a  essayé  de 
détruire  le  séminaire  français.  Des  foules  immenses  parcouraient 
les  rues  en  proférant  des  menaces  de  mort  contre  les  français  et 
en  acclamant  l'Allemagne.  C'est  la  reconnaissance  de  l'Italie  et 
c'est  ainsi  qu'elle  récompense  la  France  pour  tout  ce  qu'elle  a  fait 
pour  elle.  Les  dommages  causés  aux  propriétés  françaises  en 
plusieurs  endroits  sont  considérables. 

27 


446  LE  PROPAGATEUR 


Les  notes  diplomatiques  se  sont  succédées  sans  interruption,  des 
excuses  muluelles  ont  été  faites  par  les  deux  gouvernements  de 
France  et  d'Italie,  des  réparations  ont  été  promises  et  finalement 
l'accord  a  eu  lieu  :  grâce  à  Dieu  la  guerre  a  été  évitée  encore  une 
fois. 

Un  fait  indéniable  ressort  de  ces  événements  et  des  divers  évé- 
nements qui  se  sont  succédés  depuis  le  commencement  de  la  triple 
alliance.  C'est  l'antipathie  des  deux  races  l'une  contre  l'autre.  De 
la  part  de  l'Italie  cette  antipathie  est  le  résultat  d'une  grossière 
ingratitude,  et,  de  la  part  de  la  France,  elle  est  le  résultat  du  dé- 
goût que  lui  inspire  cette  même  ingratitude. 

* 

*,*  La  question  du  Home-Rule  vient  d'être  décidée  en  Angleterre. 
Malheureusement  ce  n'est  pas 'dans  le  sens  de  la  justice  et  de  la 
liberté.  Les  deux  chambres  du  Parlement  ont  agi  en  sens  contraire* 
L'une  a  voulu  accorder  à  l'Irlande  l'autonomie  qu'elle  demande 
depuis  longtemps.  L'autre  a  voulu  perpétuer  le  règne  du  despotis- 
me. Cet  antagonisme  entre  les  deux  chambres  pourrait  bien  en 
définitive  être  fatale  à  la  chambre  haute. 

Dans  la  séance  du  premier  Septembre  le  bill  du  Home-Rule  a  été 
adopté  par  la  chambre  des  Communes  à  une  majorité  de  34  voix. 
La  division  a  été  comme  suit  : 

Pour  le  bill 301 

Contre  le  bill -.  267 

Majorité  pour  le  bill 34 

Dans  son  dernier  discours  sur  la  question  Mr.  Gladstone  a  pro- 
noncé les  paroles  suivantes  que  ses  partisans  ont  acclamées  tt 
qui  il  faut  l'espérer,  auront  bientôt  leur  réalisation  : 

"  Nous  avons  foi  dans  la  liberté  nationale,  foi  dans  son  efQcacité  comme  ins- 
trument d'éducation  nationale.  Nous  croyons  que  l'expérience  s'étendra  sur 
tout  le  vaste  champ  et  sera  un  encouragemt-nl  dans  notre  travail  sur  chique 
poini.  Finalement,  nous,  sommes  assurés  que  l'adoption  de  ce  projet,  après  plus 
de  80  jours  de  débat,  constituera  la  mesure  la  plus  importante  de  toutes  celles 
qui  ont  été  proposées  et  qu'un  triomphe  certain  et  prochain  attend  " 

Le  8  Septembre  la  Chambre  des  Lords  a  rejeté  le  bill  à  l'énorme 
majorité  de  378  voix  sur  460  votants.  Le  bill  n'a  ainsi  obtenu  que 
41  voix. 

La  majorité  obtenue  par  les  tories  est  la  plus  forte  majorité  qui 
ait  jamais  été  obtenue  dans  la  Chambre  haute.  Le  vote  a  été  pris  à 
la  suite  d'un  discours  véhément  de  lord  Salisbury  l'ex-premier  mi- 
nistre. 

"  Il  a,  "  dit  un»î  dépêche,  fait  une  charge  à  fond  de  train  contre  le  "  home 

rule"  qu'il  qualifia  o'atrocité.  11  termina  en  disant  à  ses  collègues  de  rester 

fidèles  à  leurs  ancêtres  qui  ont  combattu  pour  l'union  de  l'empire  et  de  rejeter 

a  mesure  de  M .  Gladstone.  11  dit  que  l'Angleterre  n'acceptera  jamais  une  révo- 

tion  du  genre  de  celle  que  M.  Gladstone  veut  lui  imposer. 


LE  PROPAGATEUR  447 


Vingt  deux  évêques  protestants,  qualifiés  lords  spirituels  du. 
royaume-uni,  présents  à  la  séance,  ont  voté  contre  le  bill. 

* 

',*  Les  élections  supplémentaires  pour  la  chambre  des  députés 
ont  eu  lieu  en  France  le  3  septembre.  Si  les  calculs  transmis  par 
le  télégraphe  sont  corrects,  le  gouvernement  actuel  peut  compter 
sur  une  majorité  de  82  voix.  Cette  majorité,  ajoutent  les  dépêches, 
sera  réduite  à  une  cinquantaine  de  voix  lorsque  les  conservateurs 
ralliés  voteront  avec  les  radicaux. 

Les  élections  ont  été  fatales  aux  royalistes  dont  le  nombre  est 
diminué  considérablement,  et  aux  boulangisles  qui  sont  presqu'a- 
néantis. 

Les  radicaux  socialistes  ont  gagné  plusieurs  sièges  et  leur  chef, 
M.  Goblet,  est  élu.  Sa  majorité  est  de  1100  voix. 

Parmi  les  principauxconseï  valeurs  à  qui  les  suffrages  populaires 
ont  été  favorables  se  trouvent  Mgr  d'Hulst  et  M.  Bandry  d'Asson. 

Messieurs  Paul  de  Gassagnac,  Clemenceau  et  Floquet  ont  été 
défaits.  Les  bons  patriotes  et  les  amis  de  la  France  se  réjouissent 
sincèrement  de  la  défaite  de  Clemenceau  qui  est  l'adversaire  de 
l'alliance  avec  la  Russie. 

Sous  l'empire  de  la  constitution  qui  nous  régit,  une  chambre 
qui  vient  d'être  élue  possède  immédiatement  tous  ses  pouvoirs  et 
elle  peut  être  aussi  immédiatement  convoquée  en  session.  Il  n'en 
est  pas  de  même  en  France  où  il  peut  y  avoir  co-existencede  deux 
chambres.  C'est  ce  qui  a  lieu  actuellement.  Ainsi  la  chambre  qui 
vient  d'être  élue  n'entrera  en  fonctions  que  le  14  octobre  prochain 
et  les  pouvoirs  de  la  chambre  à  qui  elle  succède  ne  se  termineront 
que  ce  jour-là.  En  conséquence  s'il  était  nécessaire  de  convoquer 
les  chambres  avant  le  14  octobre,  c'est  la  dernière  chambre  des 
députés  qui  devrait  être  convoquée.  Dans  ce  cas  elle  ne  pourrait 
siéger  que  jusqu'au  14  octobre,  car  c'est  ce  jour-là  qu'elle  cesse- 
ra d'avoir  une  existence  légale. 

* 

V  Le  28  août  dernier  la  chambre  des  représentants  des  Etats- 
Unis  a  voté  l'abrogation  de  la  loi  Sherman  concernant  l'argent. 
Une  majorité  de  132  voix  s'est  prononcée  pour  cette  abrogation 
pure  et  simple.  Le  vote  a  été  de  241  voix  contre  109.  Le  bill  est 
actuellement  devant  le  sénat  qui  semble  être  presqu'également 
divisé  sur  la  question. 

*** 

*,*  Une  ligne  de  navires  de  commerce  vient  d'être  établie  entre 
le  Canada  et  la  France.  Ces  navires  voyageront  entre  Rouen  et 
Montréal  en  été, et  entre  Rouen  et  Halifax  en  hiver.  Ils  feront  escale 
■aux  lies  St  Pierre   et  Miquelon,  Le  premier   paquebot  de  cette 


448  LE  PROPAGATEUR 


ligne  est  arrivé  à  Montréal  hier.  Il  inaugure  cette  nouvelle  ligne 
qui,  il  faut  l'espérer,  aura  un  meilleur  sort  que  ses  aînées. 

C'est  avec  joie  que  nous  annonçons  la  honne  nouvellede  l'éta- 
blissement d'une  ligne  de  navigation  destinée  à  rendre  plus  faciles 
les  communications  «ntre  la  France  et  le  Canada  et  à  activer  le 
commerce  entre  les  deux  pays.  Ce  commerce  sera  certainen\ent 
considérable  lorsque  le  traité  négocié  l'hiver  dernier  aura  été  ra- 
tifié par  le  parlement  fédéral  et  par  les  chambres  françaises. 

* 

\*  Les  chefs  politiques  s'agitent  en  prévision  des  prochaines 
élections  fédérales.  Mr  Laurier,  le  chef  de  l'opposition,  s'est  mis 
en  campagne  après  la  grande  convention  libérale  d'Ottawa.  Il  a 
visité  la  province  de  Québec  où  il  a  tenu  plusieurs  grandes  assem- 
blées. Ses  partisans  se  croient  certains  du  succès  aux  prochaines 
élections  et  ses  journaux  annoncent  qu'un  grand  nombre  de  con- 
servateurs adoptent  la  politique  libérale.  Mr  Laurier  visite  actuel- 
lement la  provmce  d'Ontario. 

De  son  côté  le  premier  ministre,  Mr  Thompson,  vient  aussi  de 
commencer  une  semblable  campagne.  Il  va  visiter  Ontario  et 
Québec  et  s'efforcer  de  détruire  le  prestige  de  Mr  Laurier. 

Les  deux  partis  fourbissent  leurs  armes  pour  les  prochaines 
batailles  électorales  qui  seront  probablement  plus  sérieuses  que 
par  le  passé. 

C'est  la  première  fois,  depuis  l'établissement  de  la  confédération, 
que  deux  catholiques  sont  en  même  temps  l'un  premier  ministre 
du  Canada,  et  l'autre  chef  de  l'opposition  fédérale. 

*/  Du  '22  au  25  août  inclusivement  les  canadiens-français  des 
Etats-Unis  ont  tenu  une  grande  convention  à  Chicago.  C'est  la  dix- 
huitième  du  genre.  La  première  a  eu  lieu  en  1865  à  New- York, 
l'avant  dernière,  la  dix-septième  s'est  tenue  à  Nashua,  New-Hamp- 
shire,  en  1888  et  la  prochaine  se  tiendra  à  Fall  River,  Massachu- 
setts, en  1896. 

Nos  compatriotes  des  Etats-Unis  attachent  une  grande  impor- 
tance à  ces  conventions  dans  lesquelles  ils  discutent  les  grandes 
questions  religieuses  et  nationales  qui  les  intéressent. 

Les  principales  résolutions  qui  ont  été  votées  par  la  convention 
concernent  l'organisation  paroissiale  la  naturalisation,  la  conser- 
vation de  la  langue  française  et  les  écoles  paroissiales  en  faveur 
desquelles  M.  l'abbé  Charles  Boucher  a  prononcé  un  discours  qui 
a  créé  une  immense  sensation.  Monsieur  Boucher  était  autrefois 
curé  de  6t.  Hilaire,  dans  la  province  de  Qaébsc,  et  il  est  actuelle- 
ment curé  du  Fond  du  Lac,  dans  l'état  du  Wisconsin. 

Alby. 


JlTJ 


X  I  X^    SIECLE 

LES  MYSTERES  DU  SPIRITISME  DEVOILES 
LA  FRANC-MACONXERIE  LUCIFERIEXXE 

Kêcits  d^an  Témoin,  par  le  Dr  Bataille 


Cette  publication  illustrée  parait  chaque  mois,  sous  ; 

forme  de  fascicule  comprenant  dix  lit  raisons.   Prix  ■ 

de  chaque  FASCICULE  de  10  livraisons,  25  cts.  9  sont  ; 
déjà  en  vente-  Il  y  en  aura  13  en  tout. 

Chaque  fascicule  comporte,  en  outre,  un  BULIiETlX  ; 
MEXSUEIj,  publié  sou«»  la  direction  du  docteur  ; 
Bataille,  avec  le  concours  de  collaborateurs.  Ce  bulle- 
tin a  pour  but  de  tenir  les  abonnés  au  courant  de  lac-  ; 
tualité,  en  ce  qui  concerne  les  intrigues  et  manœuvres  • 
de  la  secte  maçonnique  et  des  autres  sociétés  secrètes. 

lies  commniiicatloiis  sont  reçues  à  la  Rédaction  du  BUIi* 
lETIX  MENSUEL,  13  rue  de  l'Abbaye,  à  Paris, 


Xo  da   5  Août  1893 


SOSTHAIBE    DU  9e  FASCICVIiE 


Bulletin-  Mensuel.  —  Une  innova- 
tion utile.  —  Lettre  du  Rome.  —  Ma- 
nœuvre maladroite.  —  Le  cis  du  géné- 
ral Gadorna.  —  Petite  correspondance. 
Livraisons  8 1  a  90. — L'Hystérie  et  les 
hystériques  (suite)  :  Prédispositiion 
atavique  ;  premiers  symptômes  du  jeu- 
ne âge  ;  crise  ;  manifeslations  d^  la 
jeunesse;  entrée  en  jeu  du  système 
nerveux  cérébro-spinal;  mmifestaiions 
de  l'âge  mùr  ;  contractures  ;  imitation 
de  maladies  ;  hémianesthésie  ;  phéno- 
mènes cérébraux  ;  catalepsie  ;  som- 
nambulisme. —  L'hypnotisme  (hysté- 
rie provoqué-")  et  la  suggestion  ;  le 
contrô'e  des  faits  d"hypnot!sme  par  un 
savant  ei'cl'^siaslique.  —  L-s  formes 
frustes  de  Thystérie.  — La  grand-^  hys- 
térie hors  d'Europe  :  au  Dahomey  ;  nn 
Turquie  ;  aux  In  les;  crise  hystérique 
de  plus  d'un  midion  d'hommes.  — Op- 
position entre  l'hystérie  et  la  poss^^s- 
sion.  —  La  folie.  —  L'Obsession  :  L'en- 


seignement de  l'Eglise  en  matière 
d'obsession  et  de  possession  ;  le  rituel 
des  pxorcistes.  —  Les  tentations  ;  l'ob- 
session honteuse  ;  l'obs-^ssion  par  le 
doute.  —  L'obsession  persécutrice  :  cas 
du  vénérable  curé  d'Ars  —  Les  sœurs 
maçonnes  indépendantes  :  JulieUe 
Lamber,  Diana  Vaughan.  —  L'obses- 
sion protectrice  :  cas  exceptionnel  de  la 
sœur  Vaughan  ;  Asmo  lée  et  li  prèlen- 
due  queu--  du  lion  de  saint  Marc  ;  une  lu- 
ciférienne  qui  refuse  de  poignar  1er  une 
hostie  ;  Sophie  Walder  et  B  jrdone  :  cu- 
rieux confit  entre  le  tri-ing  e  Saint- 
Jacques  ^'t  le  triangle  les  Onze  Sept  ; 
Diana  Vaughan  protégée  par  le  diable. 
Graydres.  —  Li  proc-'Ssiofi  sanglin- 
le  de  Djagghernialh. — Le  curé  d'Ars 
obsédé  pir  le  grappin.  —  Asmodée 
offrant  son  talisman  aux  palladist^s  de 
Louisville.  —  Mésaventure  diabolique 
survenue  à  Bor  lone.  —  Le  paysan  de 
Sainl-Mandé  obsédé  par  une  apparition 


450 


LE  PROPAGATEUR 


sans  bras. — La,sorcière  de  Dampierre  et 
la  Poule  Doire.' —  La  mort  de  Faust  (lé- 
gende). —  Le  soldat  de  Fontainebleau 


(légende).  —  Portraits  de  Juliette  Lam' 
ber  et  de  Diana  \  aaghan. — La  salle  de 
police  du  fort  de  Viricences  (légende). 


UNE  INNOVATION  UTILE 


Nous  sommes  certains  d'êtres  agréa- 
bles à  nos  lecteurs  en  adjoignant,  à 
partir  d'aujourd'hui,  à  la  publication  de 
M.  le  docteur  Bataille,  un  Bulleliyi  Men- 
suel gratuit  ponr  tous  nos  abonnés,  ain- 
si que  pour  les  acheteurs  au  fascicule. 

Grâce  à  ce  bulletin,  nos  lecteurs  fi- 
dèles seront  tenus  au  courant  de  l'ac- 
tualilé,  sans  que  nous  puissions,  pour 
cela,  porter  ombrage  aux  excellentes 
feuilles  périodiques  (journaux  el  re- 
vues), qui,  poursuivant  le  même  but 
que  nous,  s'attachent  à  démasquer,  à 
combattre  les  sectes  plus  ou  moins 
occultes. 

Nous  profitons  de  cette  circonstance 
pour  remercier  les  nombreux  écrivains 
de  la  presse  catholique,  qui  ont  bien 
voulu  annoncer  cette  publication  d'a- 
bord, et  qui,  constatant  chaque  jour 
les  services  qu'elle  rend  à  la  bonne 
cause,  engagent  l'auteur  à  poursuivre 
son  oeuvre  courageuse,  sans  se  laisser 
intimider  par  les  attaques  de  diverses 
natures  de  ceux  que  ces  révélations  at- 
teignent ou  gênent. 

Par  l'innovai  ion  d'aujourd'hui,  l'ou- 
vrage du  docteur  Balaille  reçoit  un 
un  complément  pres-que  indispensable. 
En  effet,  les  questions  soulevées  par 
l'auteur  du  Diable  au  XlXe  siècle  amè- 
nent constamment,  entre  un  grand 
nombre  de  ses  leclf-urs  et  lui,  des 
échanges  de  vues  du  plus  haut  intérêt, 
et  il  serait  regrettable  de  laisser  se  per- 
dre dans  une  correspondance  privée 


c-^rtaines  communications,  souvent  do- 
cumentées, ou  apportant  la  dénoncia- 
tion de  faits  qui  viennent  à  l'appui  de 
ceux  relatés  par  le  docteur  et  les  con- 
firment avec  toute  l'autorité  de  nou- 
veaux témoignages. 

C'est  ainsi  qu'au  moyen  de  ce  bulle- 
tin mensuel  plusieurs  de  nos  abonnés, 
j   à  qui  nous  avons  communiqué  notre 
;   projet,  se  grouperont  autour  d'un  hom- 
>   me  qui,  avec  la  conscience  du  devoir 
accompli,  n'a  pas  hésité  à  aller  au  fond 
des  derniers  repaires  de  la  franc-ma- 
çonnerie,   pour    mieux   connaître   ses 
complots  antisociaux  et  son  culte  luci- 
férien,  pour  surprendre   les.  secrets  de 
sa  direction  internationale  et  les  dévoi- 
ler. 

Déjà,  l'émotion  est  vive  dans  ce 
monde  ténébreux.  Nous  tenons  de 
bonne  source  que  les  révélations  jus- 
qu'à présent  faites,si  elles  irritent  l'im- 
mense majorité  des  sectaires,  donnent, 
par  contre,  à  réfléchir  à  quelques-uns. 
Que  ceux  qui  ont  des  tendances  à  re- 
venir au  bien  écoutent  la  voix  de  leur 
conscience  ;  qu'ils  n'hésitent  plus,  leur 
dirons-nous  ;  qu'ils  entrent  dans  la  voie 
que  le  docteur  Bataille  leur  montre  ; 
et  qu'ils  sachent,  enfin,  que  l»^s  colon- 
nes de  ce  bulletin  leur  seront  grandes 
ouvf-rtes,  pour  travailer  avec  nous,  en 
combattant  le  bon  combat,  éclairer  à 
leur  tour  les  malheureux  encore  abu- 
sés, et  préparer  le  triomphe  final  de 
l'Eglise  de  Dieu.    Les  Editeurs. 


LETTRE  DE  ROME 


Ainsi  qu'il  vient  d'être  dit  par  mes 
révélations  sur  la  haute  maçonnerie 
surexcitent  des  colères  dans  le  camp 
satanique,  mais  encore  elles  ont  déjà 
eu  un  excellent  résultat  ;  celui  de  créer 
un  premier  mouvement  de  défection 
qui  complétera  bientôt  le  désarroi  de 
la  secte. 

Dans  le  nombre  des  francs-maçons, 
mômes  des  grades  supérieurs  et  des 
initiés  sans  l'anneau,  il  en  est  à  qui  le 
joug  pèse  lourdement  et  qui,  au  fond, 
ne  demanderaient  pas  mieux  que  de  la 
rejeter.  Malheureusement,   la  plupart 


d'entre  eux  hésitent  longtemps  avant 
de  prendre  cette  résolution  salutaire, 
non  pas  qu'ils  se  refusent  à  compren- 
,  dre  qu'un  serment  au  prétendu  grand 
architecte  ne  saurait  lier,  mais  parce 
qu'ils  sont  arrêtés  par  diverses  consi- 
dérations d'ordre  matériel. 

Au  fond  du  cœur,  je  fais  des  vœux 
pour  qu'ils  se  décident  à  surmonter  ces 
misérables  obstacles  ;  ils  ne  soupçon- 
nent pas  évidemment,  le  bonheur  qu'ils 
éprouveront  en  retrouvant  la  paix  de 
l'âme  dans  une  réconciliation  com  plè- 
te  avec  l'Eglise.  Néanmoins  lorsque  le- 


LE  PROPAGATEUR 


451 


cas  se  présente  d'un  de  ces  hésitants, 
voulant  bien  correspondre  avec  moi,  il 
est  luen  entendu  qu*^  je  lui  garderai  le 
se  -ret  absolu  de  nos  relations,  tout  en 
l'engageant  à  faire  un  pas  de  plus  et 
rompre  publiquement  sa  chaîne  au  plus 
loi.  Voici  un  cas  de  C'^  genre.  Un  des 
maçons  haut-grades,  bien  en  mesure 
de  savoir  ce  qui  se  passe  au  sein  du 
Souv^'rain  Directoire  Executif  de  Rome, 
m'a  fait  parvenir  la  lettre  qu'on  va  lire 
et  m'en  promet  d'autres.  Je  connais 
p^rsonnelle^ment  mon  correspond  tnt, 
qui,  sur  une  carie  jointe  à  sa  lettre,  a 
inscrit  Irois  claies  supprimant  pour  moi 
tout  doute  surson  identité.  Je  sais  donc, 
de  a  façon  la  plus  certaine,  à  qui  j'ai 
air  lire,  et  j-!  me  port*»,  auprès  de  mes 
lecteurs,  garant  de  la  sûreté  des  ren- 
seignements émanant  de  celte  source; 
le  secrelaire  de  L^^mmi  lui-même  ne 
pourrait  pas  m'en  fournir  de  plus  exacts 
ni  de  plus  sùr^. 

Ces  communications,  —  si  elles  se 
continuent,  selon  la  promesse  de  mon 
correspondant,  —  paraîtront,  dans  le 
Bulletin  Mensuel,  sous  la  signature 
"  Anlibaph  ".  Dr  B. 

"  Rome,  12  juillet  1893. 
«'Ami, 

"  Les  trois  dates  que  j'écris  à  part, 
sous  ce  même  pli,  te  rappelleront  que 
je  puis  te  donner  ce  titre,  et  milgré 
qu'une  énorme  distance  sépare,  non 
p'^ul-être  nos  deux  manièr^-s  le  voir 
sur  beaucoup  de  poirils,  mais  la  liber- 
té d'action  et  l'impossibilité  oîi  je  me 
trouve  (pour  assez  longtemps  encore) 
d'imiter  ton  exempl*^,  tu  ne  te  formali- 
seras pas,  j'en  suis  sûr,  ei  tu  compren- 
dras, en  rassemblant  tes  souvenirs,  que 
même  ce  que  tu  fais  à  cette  heure  ne 
saurait  bris-r  notre  amitié  réciproque. 
Pour  être  ignorée  de  Lf^mmi,  elle  n'en 
est  pas  moins  un  de  ces  lien-  en  dehors 
et  au-dessus  d-^  cetle  frat^^rnilè  des  lo- 
ges, fausse  frat>'rnité,  tu  l^  sais. 

"  Du  reste,  je  te  le  repète,  je  vou- 
drais te  suivre,  oh  oui  !...  Mais  le  puis- 
je  ?  Je  t'en  fais  juge,  maintenant  que 
tu  as  deviné  qui  je  suis.  Tu  sais  ce  qui 
m'oblige  à  ne  me  conii-^r  qu'à  loi- 
Prie  pour  moi,  toi  qui  n'f^st  pas  entré 
là-dedans  cédant  à  un  aveuglement 
slupide  ou  à  une  folle  haine,  comme  la 
plupart  de  nous,  et  surtout  plains-moi. 

"  Je  t'écris,  parce  qu'il  me  semble 
que  je  puis  t'étre  utile  ;  tu  as  des  droits 
à  ce  que  je  te  seconde,  principalement 
pour  l'aider  à  te  préserver  de  leur  rage 


furieuse.  Personn?,  de  notre  temps,  n'a 
eu  le  don  de  les  exaspérer  autant  que 
toi.  Garde-toi  bien  de  venir  en  Italie  ; 
ton  com'ite  serait  vite  r*^glé. 

"  En  France,  tu  es  plus  en  sûreté, 
du  moins  matériellement,  mais  ils  sont 
en  train  de  machiner  des  intrigues 
pour  te  perdre  dans  l'esprit  public  ;  ils 
emploieront  contre  toi  la  calomnie,  à 
défaut  de  poignard  ou  de  poison. 
Prends  tes  m-sures  et  tiens-toi  sans 
cesse  sur  tes  gardes. 

"Ton  défaut  est  d'être  téméraire.  Tu 
as  pu  passer  au  millieu  d'eux  sans  que 
ton  but  fut  soupçonné  ;  c'est  là  vrai- 
ment un  tour  de  force  que  tu  as  accom- 
pli. Mais,  à  présent,  les  rôles  sont  ren- 
versés, c'est  toi  qui  es  devenu  l'objectif, 
et,  si  tu  ne  te  méfies  pas  -uflisamment, 
ils  t'atteindront,  par  quelque  invention 
odieuse,  et  c^la  sur  le  terrain  même  où 
tu  t'es  placé.  Tu  n'ignores  pas  qu'ils 
en  ont,  de  ceux  qui  pas-ent  pour  être 
de  ton  parti  et  qui  paraissent  le  servir, 
et  qui  secrètement  sont  acquis  au 
Souv  *.*  Dir  *.  Ex  *,*  Tu  ne  te  délie- 
ras donc  jamais  trop. 

"  Tu  as  bien  fait  de  signaler  l'orga- 
nisation des  agents  juifs  :  c'est  une 
bonne  précaution  de  ta  part.  Seulement 
il  est  impossible  que  tu  les  connaisses 
tous,  et,  en  outre,  ces  agents  pourront 
toujours  lancer  contre  toi  des  non-juifs 
avec  qui  ils  sont  d^  connivence. 

"  Nous  reparlerons  toul  à  l'heure 
des  me  ures  qui  viennent  d'être  \mses 
pour  atténuer,  et,  s'il  se  peut,  pour  neu- 
traliser même  totalement  l'effet  de  tes 
révélations,  dont  ils  ont  été  d'abord 
stupéfiés  et  dont  ils  sont  maintenant  au 
paroxysme  de  !a  co;ère;  car  ils  voient 
bien  que  tu  gardes  contie  eux  en  réser- 
ve des  atouts  sérieux,  et  au  surplus  ils 
suppos>^nt  que  tu  as  conservé  des  rap- 
ports, même  parmi  les  affiliés  aux  tri- 
angles. Je  l'avouerai  que  cela,  je  le 
crois,  moi  aussi"  Tu  as  dit,  par-ci  par- 
là,  certaines  choses  dont  la  connaissan- 
ce ne  peut  l'èlre  rigoureusement  per- 
sonnelle :  on  pointe  ici  tout  ce  que  lu 
écris,  et  Lemmi  affirme  que  tu  es  tenu 
au  cour  int  par  quelqu'un  d'Allemagne, 
par  quelqu'un  de  France,  par  quel- 
qu'un des  Indes  (pro  )ablement  de  Cal- 
^  cutta,  dit-il),  et  par  quelqu'un  d'Amé- 
'  rique,  nord  ou  sud  ;  mais  il  n'a  pu 
réussir  encore  à  découvrir  personne. 
Qu'il  se  trompe  ou  non  dans  son  appré- 
ciation, lu  auras  maintenant  à  ton  ai- 
de quelqu'un  d'Italie. 


452 


LE  PROPAGATEUR 


"  Pour  te  prouver  que  je  ne  cherche 
pas  à  te  tromper  et  que  je  ne  vise  au- 
cunement à  m'immiscer  dans  ta  confi- 
ance pour  faire  le  jeu  de  Lemmi,  je  te 
donne  immédiatement  le  mot  actuel  de 
trimestre  d'-s  triangles  (valable  pour 
juin,  juillet,  août).  C'est  :  KissovoZa- 
gora.  Conirôle  par  tes  autres  relations 
palladiqudS  :  tu  verras  que  c'est  l'ex- 
acte vérité.  Si  tu  le  publies,  il  sera  aus- 
sitôt changé  ;  mais  je  t'enverrai  illico, 
si  tu  le  désirns,  le  mot  de  remplacement. 

"  Voici  encore  un  autre  renseigne- 
ment, et  celui-ci  d'une  grave  importan- 
ce. Le  public  profane  lui-môme  pourra 
le  contrôler  ;  il  suffira,  en  effet,  de  por- 
ter à  la  tribune  du  Parlement  italien 
le  fait  inouï  que  je  vais  le  révéler. 

"  Tous  les  journaux  parlent  en  ce 
moment  di'  L^mmi,  à  propos  du  siège 
du  Grand  Orient  d'Italie,  qui  du  palais 
Poli,  vient  d'être  transféré  au  palais 
Borghèse.  Puisque  lu  as  connu  Etiore 
Ferrari,  lu  sais  que  la  préméditation  de 
ce  coup-là  n'est  pas  de  fraîche  date. 
On  raconte  déjà  l'incident  des  latrines 
installées  dans  la  chapelle  du  premier 
étage.  On  publie  le  subterfuge  à  l'aide 
duquel  le  souverain  chef  d'action  poli- 
tique a  pu  se  faire  louer,  par  la  caisse 
d'épargne  de  Milan,  le  palais  construit 
par  le  Pape  Paul  V-  Mais  sais-tu  qui 
vient  de  remplir  la  caisse  de  la  maçon- 
nerie italienne,  afin  de  lui  permeltrié  de 
se  mettre  en  frais  ?  Sais-lu  comment  le 
tour  a  été  joué  ? 

"  Je  vais  te  le  dire. 

"  Un  cadeau  de  six  cenl  mille  francs 
a  été  fait  à  Lemmi  par  le  gouverne- 
ment. Bien  entendu,  l'opération  a 
été  masquée,  et  cela  sous  prétexte 
de  gratification  à  Lemmi,  non  comme 
grand  -  maître  italien,  mais  comme 
commissionnnaire  des  tabacs.  Pour- 
qui  cette  gratification  ?  Le  motif  allé- 
gué est  celui-ci  :  "  Pour  récompenser 
le  commissionnaire  des  "  tabacs,  qui  a 
fourni  à  l'Etat  une  quantité  de  tabacs 
"  américains  supérieure  à  celle  éta- 
blie. "  La  qualité  serait  égalem  ni 
meilleure  que  celle  fixée  par  l-s  traités. 
Tout  Cela,  c'est  une  affreuse  blague, 
comme  disent  les  Parisiens.  L'excédant 
de  la  livraison  n'est  pas  en  i apport 
avec  la  gratification  accordée  ;  la  qua- 
lité n'est  nullement  supérieure.  Mais 
le  plus  fort,  c'est  que  Lemmi  en  for- 
çant la  quantité  demandée,  n'avait  re- 
çu aucun  ordre,  aucune  commande, 
et  que  Grimaldi,  le  ministre  des  finan- 


ces a  agi  motu  proprio,  Gela  est  donc 
un  vol  pur  et  simpL',  commis  au  pré- 
judice de  la  nation. 

"  Je  te  le  répète.  Bernardino  Gri- 
maldi a  délivré  en  secret  le  mandat  de 
600,000  francs  à  Lemmi.  —  Mais,  de- 
mand'Tonl  tes  lecteurs,  si  tu  pubh^s 
ma  lettre,  le  président  duconseil  d^s  mi- 
nistres, Giolitti,  ignore  donc  cette  f  ir- 
midable  escroquerie  ? — Non,  mon  cher. 
Et  le  roi,  que  dit-il  ? — Le  roi  approuve. 

'•  Si  les  lecteurs  doutent,  donne-leur 
la  clef  du  mystère  ;  apprends-leur  que 
Grimaldi  est  33e,  que  Gioletti  est  33e, 
et  que  Umberto  lui-même  est  33e  Tous 
les  Irais,  comme  maçons  doivent  obé- 
issance à  Lemmi. 

"  Voilà  comment,  dans  notre  pauvre 
pays,  le  gouvernement  subventionne 
en  cachette  le  Suprême  Conseil  et  le 
Souverain  Directoire  Exécutif,  sous  le 
couvert  de  la  commission  des  tabacs  ; 
voilà  comment  la  caisse  du  Graml  Ori- 
ent vient  de  se  remplir,  aux  dépens 
des  contribuables,  au  moment  même 
oii  la  nation  est  dans  une  extrême  mi- 
sère ! 

"  Tu  peux  publier  ce  fait.  S'ils  osent 
le  dém^-ntir  dans  leurs  journaux,  qu'un 
catholique  ou  qu'un  indépendant  de- 
mande des  comptes  à  Grimaldi.  11  fau- 
dra bien,  alors,  qu'ils  avouent. 

"  Je  passe  à  ce  qui  t'intéresse  per- 
sonnellement. 

"  Dans  ce  que  tu  as  déjà  publié,  il 
y  a  deux  choses  qui  les  agacent  au  su- 
prême degré  : 

•'  1"  Tu  as  déclaré  que  tu  pourras 
encore  aller,  selon  ton  bon  plaisir. et 
sans  qu'ils  s  en  doutent,  dans  les  tri- 
angl'  s; 

"  2»  Tu  as  laissé  entendre  que  tu 
parleras  de  l'affaire  du  1er  juin  1884. 

"  Sur  le  premier  point,  ils  ne  savent 
que  penser  au  juste.  Les  uns  suppo- 
sent que  tu  t'es  fait  donner  par  mesu- 
re de  précaution,  sous  un  ou  deux  faux 
noms,  des  initiations  nouvelles  avant 
ton  aventure  de  New-'Vork,  et  ils  se 
cassent  la  tête  pour  deviner  qui  a  pu  te 
délivrer  ces  diplômes  sufiplementaires 
dont  lu  peux  encore  le  servir  contre 
eux.  Les  autres  disent  que  tu  as  inven- 
té l'histoire  de  celle  manœuvre  habile, 
pour  les  lancer  sur  des  fausses  pi>les, 
et  quH  la  réalité  est  que  lu  as  à  loi  des 
palladistes,  entrés  à  ta  suite,  de  qui  tu 
pourras  tirer  sans  danger  des  rensei- 
gnements, tant  qu'ils  ne  se  laisseront 
pas  découvrir. 


LE  PROPAGATEUR 


453 


"  Quoiqu'il  en  soit,  le  Souv  '.'  Dir 
*,*Ex  *,*  a  arrôlé  les  mesures  suivan- 
tes: 

"  Toutes  les  initiations  palladiques, 
faites  depuis  1880  inclusivemenl,  sont 
relevées  par  ordre  de  Lerami  ;  chaque 
triangle  initiateur  devra  s'enquérir  au 
sujet  de  tout  initie  à  partir  de  celle  épo- 
que, en  répondant  aux  questions  : 
mort?  démissionnaire  ?  resté  membre 
aciif  du  triangle  ?  on  bien  passé  à  quel 
autre  triangle  ? 

"  Ils  se  sont  procuré,  —  je  ne  sais  où, 
par  exemple,  — ton  portrait  et  l'ont  fait 
reproduire  en  carte-album  à  profusion  ; 
de  sorte  que  la  photographie  est  envo- 
yée maintenant  à  tous  les  triangles  du 
globe. 

"  Par  surcroît,  Lemmi  a  ordonné  de 
centraliser  chez  lui  la  correspondance 
triangulaire  de  tous  les  inspecteurs  et 
inspectrices  palladistes  circulant  en 
Europe,  sauf 'le  rares  exceslions.  Toute 
lettr--  de  chef  à  chef,  pouvant  servir  de 
base  à  un  rapport  d'inspection,  doit  1ère 
adressée  à  Lemmi  sous  double  envelop- 
pe, l'extérieurfi  à  son  nom,  l'intérieure 
au  nom  du  destinataire  ;  la  lettre  est 
donc  parcourue  par  les  secrétaires  du 
Souv  ',*  Dir  */  et  transmise  ensuite  à 
deslinaiion.  G  est  dans  un  accès  de  co- 
lère qae  Lemmi  a  décrète  cette  mesu- 
re; beaucoup  proteslent  déjà  et  la  qua- 
lifient de  vexatoire,  sans  compter 
qu'elle  fait  p-^rdre  du  temps. 

"  Tu  peux  te  vanter  de  les  avoir  mis 
sens  dessous.  Charleston,  avisé,  dit  que 
Lemmi  a  outre-passé  ses  droits  et  que 
c'est  un  coup  d'Etat  au  sein  du  Falla- 
disme.Lemmi  tient  bon;  les  Américains 
parlent  de  lui  retirer  la  dir-^ction  exe- 
cutive et  'le  le  réduire  aux  pouvoirs  de 
grand-maitre  d'Italie.  Lemmi,  qui  tra- 
vaille plus  que  jamais  à  absorber  à  son 
profit  les  pouvoirs  qu'avait  Pike  (mal 
remplacé  par  le  pseudo-neveu  de  Gaila- 
tin  Mackey),  propose  la  convocation 
d'un  '■  Concile  Palladisle  pour  régler 
ce  différend,  qui  vient,  tu  ne  l'ignores 


pas,  à  la  suite  de  beaucoup  d'aulres 
Bref,  le   gâchis  commence. 

"  En  ce  (fui  concerne  l'affaire  du 
1er  juin  1884,  ils  perdent  complète- 
ment la  tête,  et  cela  tourne  au  haut 
comique. 

"  Lemmi  avait  donné,  d'abord,  à  ses 
agent'^  l'ordre  de  nier  l'existence  même 
du  Pallalisme  ;  puis,  considérant  que 
les  triangles  ne  sont  pas  niables  et  que 
deux  documents  importants  on  récem- 
ment disparu  des  archives  centrales 
(inutile  d'ajouter  qu'il  prétend  que  c'est 
la  preuve  que  tu  as  des  complices),  il 
s'est  ravisé  et  a  modifié  ses  instructions 
premières.  A  présent,  l'ordre  est  de 
répandre  le  bruit  que  le  Palladium  est 
une  société  américaine  uniquement 
spirite  et  n'ayanl  aucun  rapport  avec 
la  Maçonnerie. 

"  Enfin,  tous  les  survivants  de  l'af- 
faire du  1er  juin  1884  ont  été  invités, 
—  du  moins  ceux  qui  ne  sont  pas  con- 
nus du  public  comme  hommes  politi- 
ques, —  à  faire  les  morts,  et,  au  besoin, 
à  changer  de  résidence  et  disparaître 
provisoirement. 

"  D'autre  part,  ordre  est  donné  aux 
agents  de  les  faire  passer  pour  décédés, 
d'aller  jusqu'à  nier  qu'ils  aient  jamais 
existé,  dti  répandre  le  bruit  que  tu  es 
fou  ;  que  sais-je?  C'est  un  des  secrétai- 
res de  Lemmi  qui  envoie  Us  lettres, 
censément  en  réponse  à  des  demandes 
de  renseignement,  afin  qu'on  puisse 
les  montrer.  11  n'y  a  pas  longtemps,  la 
Grande-Tignasse  (comme  tu  l'appelais) 
dictait  une  de  ces  missives.,  où  préci- 
bément  il  faisait  écrire  qu'au  Grand 
On-ni  on  ne  connaissait  personne  de 
son  nom  ;  tu  juges  s'il  riait  de  bon  cœur 
en  dict  int  la  lettre. 

"  Je  suis  convaincu  qu'au  fond  un 
bon  nombre  t'applaudissent  ;  ,car  tu 
sais  que,  somme  toute,  le  maudit  juif 
du  Souv  \'  Dir  *,*  de  Rome  est  exécré. 

*'  Je  t'écrirai  encore.  —  Bon  coura- 
ge; je  suis  de  cœur  avec  toi. 

"Antibaph," 


MAN<EUTRE  MALADROITE 


Lejuivaillon  de  Rome  ne  s'est  pas 
borné  aux  manœuvres  qu' Antibaph  me 
signale  ;  il  a  chercha  aussi  à  me  faire 
donner  de  faux  renseignements,  espé- 
rant me  les  voir  accueillir  sans  contrô- 
le; ce  qui  lui  aurait  permis,  si  j'étais 
tombé  dans  le  panneau,  de  me  décla- 


rer trompeur;  car  il  lui  aurait  été  faci- 
le de  démontrer  l'imposture,  une  fois 
que  je  l'eusse  eu  endos^sée  sott-ment. 

L^mmi  a  donc, —  le  lecteur  le  sait, 
—  des  agents  un  peu  partout.  L'un 
d'entre  eux,  sans  doute  en  cours  de 
pérégrination,  a  profile  de  soa  passage 


454 


LE  PROPAGATEUR 


à  une  plage  à  la  mode,  pour  m'ea- 
voyer  IV  pitre  qu'on  va  lireet  que  jVii 
reçue  chez  mes  éditeurs,  au  commen- 
cement du  mois  derninr: 

"  LeTréport,  5  juillet  1893. 
"  Monsieur  le  doclenr  Bataille, 

"  Je  lis  avHC  un  grand  intérêt  votre 
publication,  ayant  appartenu  comme 
vous  à  des  sociétés  occulistes.  J'ai  fait 
cinq  ans  de  Palladium,  et  je  crois 
même  vous  avoir  rencontré  à  Constan- 
tinople,  chez  le  fr  \'  Gonsianiin  ^pen- 
doni,  k.idosch  et  paliadiste,  adjoint  de 
l'agent  principal  de  la  Compagnie  Rus- 
se de  navigiition  à  vapeur.  Celait,  s'il 
m'en  souvient  bit^n,  à  la  fin  de  févriw 
ou  au  commencement  de  mars  1883, 

"  Vous  bouvenez-vous  de  la  séance 
de  l'imi  asse  Dundria,  rue  Té|.é-Bac 
{sic),  en  face  le  palais  de  Hollande,  à 
Péra?  Vous  sou\enez-vous  du  pacha 
chez  qui  le  fr  '/  Haroutyo m  Mérif-m- 
Kouly,  directeur  de  l'Agence  générale 
ottomane,  et  le  fr',*  conseiller  Diéron 
YousFOuflîan  conduisirent  les  If/ vi- 
siteurs étrangers,  le  lendemain  de  la 
séance  ? 

"  Nous  y  trouvâmes  le  fr  '/  Mirza 
Mohsin-Khan,  qui  nous  proposa  de 
prendre  un  bain  de  mer,  bi^n  qu'on 
fut  en  plein  hiver,  et  qui  se  vanta  de 
nous  faire  trouver  l'eau  suffisamment 
chaude.  Nous  étions  une  quinzaine  de 
palladistes.  Ce  qui  me  fait  croire  que 
vous  étiez  de  la  partie,  c'est  que  vous 
donnez,  dans  votre  liste  des  inspec- 
teurs généraux  de  Constantinople,  les 
noms  de  iSpendoni,  de  Mirza  Mohsin- 
Khan  et  du  conseiller  Youssouflian  ; 
d'autre  part,  je  me  rappelle  fort  bien 
qu'il  y  avait  parmi  nous  un.ieune  doc- 
teur de  la  marine  française.  C'était  sans 
doute  vous. 

"  Au  bord  de  la  mer,  à  l'endroit 
même  qui  baigne  la  villa  de  Mériem- 
Kouly.  le  fr  */  Mirza  Mohsin-Khan  se 
mit  en  tenue  de  bain.  Il  fit  l'évocation 
de  Suclagus,  qui  se  montra  bientôt 
sous  la  forme  d'une  langouste  ordinai- 
re. Mohsin-Khan  prononça  encore 
d'autres  paroles  cabalistiques,  embnis- 
ga  sept  fois  la  langouste  sur  la  queu^', 
en  disant  chaque  fois  le  nom  mystique, 
dont  on  ne  prononce  en  celte  circons- 
tance, que  les  première  et  dernière 
syllabes,  et  aussitôt  la  mer  sa  mit  à 
bouillonner  légèrement  sur  le  bord  ilu 
rivage.  Puis,  Mohsin. — Khan  remit  la 
langouste  à  la  mer,  lui  fit  un  profond 
salut  pendant  qu'elle  se  relirait,  et  se 


mit  ensuite  à  l'eau.  L'eau  était  chaude 
comme  en  été  ;  nous  le  constatâmes 
en  y  plong-anl  nos  mains,  tan  lis  que 
notre  fr\*  prenait  ses  ébats  dans  le 
Bosphore. 

"  Je  vous  rappelle  ce  fait-là  quoique 
certainement  vous  ne  devez  pas  l'avoir 
oublié.  Mais,  si  vous  devez  en  parler 
dans  votre  intéressante  publicatinn,  je 
vous  prie  très  instamment  de  ne  pas  y 
faire  figurer  mon  nom  parmi  les  assis- 
tants à  l'évocation  de  Suclagus.  En 
effet,  je  me  suis  retiré  du  Palladi-me 
depuis  assez  longt-mps,  et  je  ne  m'oc- 
cupe plus  de  toutes  ces  étranges  cho- 
ses... 

"  Agréez,  mon  ex-t  */  c  *.*  f  */  et 
par  les  n  */  m  *.*  d  */  n  */  s  */  c  */, 
l'expression  de  nionadmira'tion.' 

'♦  W.    HOHRER.  " 

J'ai  s  ipprimé  de  l'épitre  une  profes- 
sion «ie  foi  protestante,  qui  n'a  au  ;un 
intérêt  ici  et  une  invitation  à  me  méfier 
de  Lemmi,  malice  qui  laisse  un  peu 
trop  percer  le  bout  ite  l'oreille  ;  l'écri- 
vain l'apjielle  "  Adriano  "  tout  court. 
D'autre  part,  la  formule  au  dessus  de 
la  signature  s'emploie  entre  membres 
des  hauts  grades  en  étal  daclivité, 
mais  elle  est  au  moins  surprenante 
scus  la  plume  d'un  ex-frère  écrivain  à 
un  autre  ex-frère  !... 
En  relisant  avec  attention  celte  lettre, 
on  en  distingue  aisément  le  but.  L'é- 
crivain tendait  à  m'amener  à  couvrir 
de  mon  pavillon  cette  histoire  stufiide. 
Certes,  j'ai  vu,  dans  le  Palladisme  et 
ailleurs,  des  faits  bien  autrement  ex- 
traordinaires ;  aussi,  supposail-on  que 
j'ai  ais  accepter  celui-ci  les  yeux  fer- 
més, et  le  repro  tuire,  en  m'aitribuant 
le  rôle  de  témoin  ;  les  détails  étiient 
si  bien  circonstanciés  !...  Malheureuse- 
ment pour  l'inventeur  de  la  combinai- 
son, je  ne  rapporte  dans  mon  ouvrage 
que  ce  que  j'ai  vu  personnellement  et 
ce  qui  m'a  été  certifié,  pend mt  ou  après 
ma  fréquentation  des  triangl-^s,  par  des 
personnes  que  je  connais  bien  et  qui 
n'ont  eu  ou  n'ont  aucun  intérêt  à  me 
mentir. 

Or,  je  ne  connais  pas  ce  Rohrer,  et, 
même  si  j'étais  homme  à  prendre  sous 
mon  bonnet  les  révélations  de  faits 
ignores  de  moi  et  transmises  à  moi  par 
un  inconnu  (ce  qui  serait  de  ma  part 
un  acte  de  tromperie  envers  mes  lec- 
teurs), je  ne  S'irais  du  moins  pas  assez 
bêle  pour  ne  pas  vérifier  avant  tout 
raulhODticilé  des  faits  eux-mêmes. 


LE  PROPAGATEUR 


455 


Dans  le  cas  présent,  je  n'ai  même  pas 
en  bi-soin  d'ailler  aux  renseignements, 
tellement  la  manœuvre  est  maladroi- 
te. 

La  seule  chose  vraie  dans  ce  qui 
prpct^de,  c'est  que  je  me  trouvais  à 
Coustantinople  vers  l'époque  indiquée. 
Par  qui  Rôhier  le  Sriit-ilV...  Ne  serait- 
ce  point  par  Lemmi  qui  m'y  avait 
chargé  alors  d'une  inspection  ?  Gela  •  st 
plus  que  probabl->,  el  ce  souvenir  a 
suffi  pour  me  monter  en  Rohrer  un  des 
ag-^nts  du  directoire  romain. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Dans  la  liste 
des  ins[iectHurs  généraux  de  la  haute, 
maçonnerie  (ne  pas  confondre  avec  les 
33e  <iu  Rite  Ecossais),  liste  que  j'ai  pu- 
bliée aux  pag-^s  370  à  378  de  mon  ou- 
vragH,  d'après  un  tableau  officiel  el 
auiheniique  dressé  par  Albert  Pike,  il 
y  a  effeciivement,  aux  relations  spéci  i- 
iei-  de  Turqui^^,  les  trois  noms  que  cite 
Bohrer  ;  c"est  là  qu'ils  ont  èt>^  pris  pour 
m  inspirer  conQance.  A  deux  de  ces 
noms,  l'agent  de  L^-mmi  a  ajouté,  pour 
mieux  détourner  m"S  soupçons,  si  j'en 
avdis  sur  lui,  les  professions  civiles  des 
personnages  dont  il  s'agit  ;  il  les  donne 
très  exactes,  et  je  ne  les  avais  pas  fait 
figurer  à  la  suite  d^s  noms.  Spendoni 
est  bien  chef-adjoint  à  li  Compagnie 
Russe  de  navigation  à  vapeur  ;  Yous- 
sou  ffian  est  bien  conseiller  (je  complè- 
te à  mon  tour  :  conseiller  à  la  cour  d'ap- 
pel) Rohrer  met  en  jeu,  enfin,  un  per- 
snnnag'-qui  n'est  pas  dans  la  lisie  de 
P'ke,  mais  qui  existe  :  c'est  Meriem- 
Kouly,  directeur  de  l'Ag'^nce  gén-^ra- 
le  ottamane  ;  situation  profane  très 
exacte  encor-.  On  voit  que  le  coup,  au 
premier  abord,  n'était  pas  trop  mal 
combiné,  pour  m'amener  à  me  dire,  si 
j'étais  un  emballé  ou  un  superficiel,  dé- 
sireux d'accumuler  quand  même  dans 
mon  œuvre  des  faits  surnaturels  quel- 
conques :  "  Je  n'ai  pas  été  témoin  de 
l'évocation  dont  parle  Rohrer  ;mais  j-^ 
sais  que  ces  personnages  existent  et 
appartiennent  à  la  secte  maçonnique; 
Rohrer  me  confond  avec  quelqu'autre 
médecin  de  marine;  rac'tntons  donc 
l'histoire  de  la  langouste,  comme  si 
j'avais  été  présent  à  l'évocation  de  Suc- 
legus.  " 

Oui,  mais  vpilà  !  l'agent  Rohrer  n'a 
pas  eti^  assez  bien  stylé.  Le  lect>-ur  sait  : 
l'que  tous  les  inspecteurs  généraux  de 
la  haute-maçonnerie  ne  sont  pas  palla- 
distes  ;  2»  que,  sauf  d'inlinim  nt  rares 
exceptions,  il  faut,  pour  entrer  au  Pal- 


ladium, si  l'on  est  recruté  dans  la  ma* 
çonnerie  ordinaire,  être  au  moins  ka- 
dosch  ou  d'un  grade  équivalent  :  le 
Palladisme  recrute  même  des  sj  irites 
non-maçons,  mais  c'est  un  cas  tout  à 
fait  exceptionnel. 

Eh  bien,  parmi  les  quatre  personna- 
ges mis  en  scène  par  Rohrer,  deux  seu- 
lement sont  pilladistes  :  Spemloni  et 
Mohsin-Khan.  Or,  la  liste  que  j'ai  co- 
piée sur  ;e  document  de  Pike  constitue 
le  tableau  du  1er  mars  1891,  (voir  pa- 
ge 366),  el  l'agent  de  Lemmi  parle  d'un 
fait  cen S'émeut  arrivé  en  février-mars 
1883.  Et  veuillez  bien  constater  com- 
bien il  est  facile  à  votre  serviteur  de 
prendre  Rohrer  .a  main  dans  le  sac. 
En  1883,  Spendoni,  à  moins  que  je  ne 
m'abuse  étiangement,  n'habitait  pas 
Constanlinople  ;  en  tout  cas,  il  n'y  a 
guère  que  trois  ans,  quatre  ans  au  p  us, 
qu'il  est  kadosch  et  pal lalist»", Mohsin- 
Khan,  le  héros  de  l'aventure,  est  un 
ancien  ambassadeur  de  Perse  près  la 
Sublime  Porte,  el  je  le  connais  person- 
nellement ;  il  était  si  peu  palladiste  en 
1883  qu'il  a  reçu  les  hauts  grades  de  la 
maçonnerie  ordinaire  en  1889  seule- 
ment, et  cela  à  Paris  où  il  vint  à  l'occa- 
sion de  l'Exposition  ;  j'ai  un  ami  très 
intime  qui  assistait  à  la  séance  où  le  336- 
degre  lui  fut  co  iféré,  rue  Cad-t,  salle 
du  Grand  Collège  Jes  Rites,  le  15  juil- 
let; je  suis  précis,  moi  aussi  !  Qiant  à 
YoussouEGan  et  à  Mériem-Kouly,  ils 
sont  ei.core  simples  rose-croix  el  pas 
palladistes  du  tout. 

Autres  erreurs,  qui  prouvent,  jusqu'à 
l'évidence,  que  Rohrer  n'a  même  ja- 
mais mis  les  pieds  à  Gonîtantinople  : 

l'Il  n'y  a  pas  de  langoustes  dans  le 
Bosphore. 

2°  Il  a  mal  ret':'nu  les  indications  qui 
lui  ont  été  fournies,  sans  doute  verba- 
lement, par  un  de  ses  chefs  hiérarchi- 
ques ;  la  rue  qu'il  cite  s'appelle  Tépé- 
Bachi,  et  non  Tépé  Bac. 

3°  Il  a  confondu  Id  local  de  la  loge 
androgyne,  que  préside  Hiroutyoun 
Mén^m-Kouly,  avec  le  local  du  princi- 
pal triangle  pâlladique  de  Constanlino- 
ple, le  Lotus  de  Turquie.  Son  erreur 
provient  de  ce  que  la  loge  androgyne 
et  le  triangle  sont  tous  d>^ux  situés  à 
Péra  ;  mais  un  vrai  palladiste,  ayant 
été  en  séjour  ou  seulem  ni  par  hasard 
à  G  nstantinople,  n'aurait  pas  commis 
une  erreur  semblabl-^.  A  l'impasse 
Dandria,  il  n'y  a  pas  de  triangles  ;  par 
contre,  c'est  là  que  la  loge  androgyne 


456 


LE  PROPAGATEUR 


le  Temple  Ser  (ou  Temple  de  l'Amour) 
tient  ses  séances.  Quant  au  triangle  le 
Lolus  de  Turquie,  il  a  bien  son  local 
à  Pera  et  à  proximité  de  la  rue  Tépé- 
Bachi,  mais  dans  le  passage  Hazzopou- 
lo,  et  non  dans  l'impasse  Dandria  ,  là, 
dans  le  passage  Hazzopoulo,  une  salle 
dite  "  Salle  A'Iam  "  est  louée  à  lour  de 
rôle  à  la  loge  l'Etoile  du  Bosphore, 
donl  Spendoni  est  acluellemenl  le  vé- 
nérable, et  au  triangle  le  Lolus  de  Tur- 


quie, dont  le  même  Spendoni  est  actu- 
ellement le  trésorier. 

Rôhrer  constatera  donc  qu'en  fait  de 
fréquentations  palla'listes  je  suis  à 
môme  de  lui  donner  des  l^^çons,  et, 
quand  Lemmi  voudra  me  blouser  en 
me  faisant  envoyer  une  lettre  plus  ou 
moins  suggestive,  je  lui  cons-^ilie  de 
choisir  pour  me  l'écrire  un  agent  un 
peu  plus  malin. 

Dr.B. 


I.E  CAS  ]>V  GÊNSRAI.  CADORSTA 


Un  vénérable  ecclésiastique,  de  m^s 
amis,  m'envoie  un  numéro  de  la  Se~ 
maine  Religieuse  de  Cambrai,  conte- 
nant un  article  tout  à  fait  hostile  à  ma 
publication.  J'avoue  que  j'ai  été  péni- 
blemeiu  suri  ris  de  cetie  note  discor- 
dante, au  milieu  du  concert  de  félici- 
tations et  d'encouragements  qui  se 
manifeste  d'une  façon  générale  autour 
de  mon  œuvre.  Je  ne  compte  pas,  bi^n 
entendu,  les  attaquf-s  des  journalistes 
francs-maçons  qu'ils  appartiennent  à 
la  secte  d'une  fdçon  avérée  ou  sans 
être  publiquement  connus  comme  tels  ; 
ceux  qui  sont  des  sectaires  déguisés 
seront  démasqués  par  moi  au  moment 
utile. 

Mais  ici  je  me  trouve  en  présence 
d'un  prêtre,  dont  je  respecte  profondé- 
ment le  caractère  sacré,  et  que  je  plains 
de  s'être  laissé  circonvenir  par  quel- 
qu'un ayant  intérêt  à  affaiblir  la  portée 
de  mes  révélations. 

De  cetariicle  de  la  Semaine  Religieu- 
se de  Cambrai  je  reproduis  d'abord 
les  lignes  les  plus  graves  : 

"  Cet  ouvrage  (le  Diable  au  XIXe 
siècle)  n'est  pas  un  travail  historique, 
mais  un  roman.  Il  était  facile  de  le 
construire  avec  quelques  livres  de  vo- 
yage, quelques  notions  sur  la  franc- 
maçonnerie,  de  l'imagination  el  de 
l'audace.  " 

Voilà  une  affirmation  du  rédacteur 
cambraisien,  qui  constitue  une  vérita- 
ble attaque.  D'après  lui,  je  n'ai  même 
pas  elïectué  les  voyages  que  je  raconte; 
j'ai  audacieusement  imaginé  mon  récit, 
m'inspirant  des  volumes  publiés  par 
des  voyageurs  ;  et  ce  que  je  sais  et  im- 
prime sur  la  franc-maçonnerie,  je  l'ai 
appris,  n'est-ce  pas  ?  non  dans  les  lo- 
ges et  arrière-loges,  mais  dans  les  ou- 
vrages de  divulgation  précédement  pa- 
rus. Disons  le  mol:  je  suis  un  impos- 
teur. —  Et  partant  de  ce  raisonnement, 


le  rédacteur  cambrésien,  afin  de  justi- 
fier sa  défiance  envers  moi  qui  com- 
bats pour  la  cauj-e  catholique,  accueil- 
le sans  hésiter,  et  comme  un  témoigna- 
ge loyal,  sincère  et  désintéressé,  une 
dénégation  du  général  Gardorna,  au 
sujet  d'une  scène  que  j'ai  relatée  d'a- 
près un  récit  du  docleur  Riboli. 

Je  m'en  voudrais  de  priver  mes  lec- 
teurs du  passage  de  l'article  de  Cam- 
brai, 011  le  rédacteur  m'oppose  la  pa- 
role du  cher  et  très  estimé  F  */  Gador- 
na.  Voici  le  morceau,  sans  retrancher 
une  virgule  : 

"  Un  démenti  à  l'une  de  ces  scènes 
vient  d'être  donné  par  le  général 
Gadorna.  Le  soi-disant  docteur  Bataille 
rapporte  une  horrible  profanation  ma- 
çonnique qui  aurait  eu  lieu  en  1870,  à 
Milan.  Il  raconte  que  quinze  notables 
francs-maçons  Italiens,  entre  autres 
MM.  Crispi,  Riboli,  Cucchi  el  le  géné- 
ral Gadorna,  s'étaient  réunis  dans  le 
but  d'adopter  un  plan  de  campagne 
pour  enlever  Rome  au  Pape  A  un  mo- 
ment donné,  dit  le  docleur  Bataille,  le 
général  Gadorna  aurait  jeté  au  feu  la 
Sainle-Hostie.  Aussitôt  le  pavé  se  se- 
rait enlr'ouvert,  et  Lucifer  en  personne 
serait  apparu  au  milieu  des  flammes 
pour  exciter  les  francs-maçons  "  à  tirer 
le  dernier  "  coup  de  canon  "  Un  mois 
après,  Gadorna  entrait  à  Rome  par  la 
fameuse  brèche  de  Porta  Pia.  " 

Immédiatement  après  ce  résumé  qui 
déligure  notablement  le  récit  de  Riboli 
à  Cresponi  (voir  dans  mon  ouvrage  les 
pages  171  à  173),  le  rédacteur  cambré- 
sien  asse  la  plume  à  Gadorna.  Lisez 
bien,  lecteurs  catholiques  : 

"  Tout  ce  récit,  quant  à  ce  qui  me 
"  concerne,  est  absolument  faux,  dit  le 
"  général.  Je  n'ai  pas  été  à  Milan  en 
"  1870  ;  je  n'ai  jamais  connu  le  docteur 
"  Riboli,  chef  de  la  maçonnerie  ;  je  ne 
"  suis  et  n'ai  jamais  été  membre  d'au- 


LE  PROPAGATEUR 


457 


"  cune  société  secrète;  Un  abîme  de 
"  croyance  el  d'honnêtelé  me  sépare  de 
''  la  franc-maçonnerie.  " 

Mon  correspondant  ecclésiastique, 
en  me  transmettant  l'article,  me  dit, 
d'autrrt  part  :  "  Le  rédacteur  de  la 
Semaine  de  Cambrai  me  paraît  avoir 
agi  bien  à  la  légère  en  accueillant  si 
favorablement  le  démenti  plu?  que  sus- 
pect d'un  pareil  homme.  Veuillez,  je 
vous  en  prie, mon  cher  docteur,  citera 
voire  tour  les  lignes  qui  sont  consa- 
crées à  l'infâme  Cadorna  dans  V Histoi- 
re universelle  de  VEglise  catholique, 
par  l'abbe  Rohrbachtr,  continue  (.ar 
l'abbé  Guillaume,  professeur  au  grand 
séminaire  de  Verdun  (tome  Xll,  pag^- 
484,  2e  colonne.  Je  vous  recopie  ces 
liguHS  textuellement.  " 

L'article  de  la  Semaine  cambrai- 
sienne  m'ayant  éié,  d'autre  part,  signa- 
lé par  plusieurs  abonnés,  voici  donc 
la  citation  dont  il  s'agit  : 

"  La  capitulation  (de  Eome)  était  si- 
gnée ;  les  défenseurs  quittèrent  leurs 
postes,  et  aussitôt  commença  le  règne 
de  la  populace  venue  du  dehors  à  la 
suite  des  vainqueurs.  Les  prisons  fu- 
rent ouvertes  aux  plus  grands  scélé- 
rats ;  les  prêtres  et  les  religieux  n'osè- 
rent plus  se  montrer  dans  les  rues;  il 
y  eut  des  scènes  de  pillage  ;  l'incen- 
die se  joignit  au  meurtre  ;  des  zouaves 
(ponliticaux)  furent  traîtreusement  as- 


sassinés ;  le  palais  même  du  Vatican 
fut  sur  le  point  d'être  envahi,  et  le  gé- 
néral en  chef  des  Italiens  (j'ajoute  : 
c'est-à-dire  l'homme  qui  avait  cummis 
le  sacriège  de  violer  la  Ville  Sainte, 
l'homme  qui  présidait  à  tous  ces  cri- 
mes), Cadorna,  prêtre  défroqué,  cha- 
noine de  Milan  avant  \Si8 profita  de 
cette  occasion  pour  établir  ses  troupes 
sur  la  place  Saint- Pierre. 

"  Au  désordre  matériel  succéda  le 
désordre  administratif;  tout  fut  anne- 
xé, conlis-qué  :  les  musées,  les  archives, 
les  bibliothèques,  les  collèges.  Il  n'y 
eut  plus  de  liberié  que  pour  les  jour-, 
naux  immondes.  On  s'empara  du  Qui- 
rinal,  propriété  du  Saint-Siège.  Puis, 
au  dehors,  on  essaya  de  faire  croire 
que  Pie  IX,  prisonnier  au  Vatican, 
voulait  transiger  avec  ses  geôliers.  ' 

Tels  sont  les  exploits  du  général  Ca- 
dorna, et  c'pst  à  la  parole  <ie  cet  hom- 
me que  la  Semaine  de  Cambrai  accor- 
de sa  confiance  ! 

La  place  me  faisant  défaut,  je  ré- 
pondiai  au  reste  de  l'article  dans  le- 
prochain  numéro  du  Bulletin  Mensuel. 
Mais,  dès  à  jTésent,  Lemmi,  Riboli, 
Sophia,  les  g-^ns  de  Charleston,  ainsi 
que  Cornélius  Herz  et  le  sublime  Pes- 
siua  lui-même,  sauront  oîi  placer  leurs 
démentis;  ils  auraient  bien  tort  de  s& 
gêner. 

Dr.  B. 


PETITE  CORRESPONDANCE 


Comme  je  reçois  régulièrement  près 
de  30  à  50  lettres  par  jour,  il  m'est  im- 
possible de  répondre  à  tous.  Je  prie 
donc  mes  correspondants  de  me  faire 
crédit  jusqu'au  prochain  numéro.  Ce 
buUetm  me  servira.à  répondre  aux  ques- 
tions d'intérêt  général  Je  rappelle  que 
je  reçois  le  lundi  matin  de  9 h.  à  II  h., 


chez  mes  éditeurs,  et  que,  contraire- 
ment aux  assertions  de  la  Semaine  de 
Cambrai,  je  me  fais  connaître  des  per- 
sonnes qui  ne  sont  pas  mues  unique- 
ment par  une  vulgaire  curiosité.  Les 
palladistes  même  peuvent  venir;  chez 
nous,  on  n'assassine  pas. 


Ce  qui  suit  est  pris  de  L'Aill  DV 
Nous  voici  toujours  avec  le  Diable 
au  xixe  siècle.  Répétons  que  nous  ne 
l'avons  pas  encore  lu,  et  que  nous 
sommes  bien  décidés  à  ne  le  lire  qu'a- 
près l'apparition  de  la  dernière  livrai- 
son. En  tout  cas,  on  peut  dire  que  le 
livre  fait  pas  mal  de  tapage.  Nous 
avons  cité  dernièrement  une  apprécia- 
tion, qui  n'était  pas  très  favorable,  de 


CLERGE  Jio  34  du  S4  août  dernier 

la  Semaine  [religieuse   de    Cambrai. 
Cette  reproduction   nous  a  valu    les 
deux  lettres  suivantes  que  nous  insé- 
rons bien  volontiers. 
Voici  la'première  : 

Je  lis  très  attentivement  le  Diable  au 
xixe  siècle.  J'ai  63  ans,  c'est  vous  dire 
gue  je  ne  me  laisse  pas  emporter  par 
la  fougue  de  la  jeunesse  :  et  quan; 


^58 


LE  PROPAGATEUR 


aux  faits  qui  sortent  de  l'oniinaire,  je 
suis  tout  à  fait  sur  mes  gardes  et  passa- 
blemeat  sc-ptique.  Or  ce  que  rappor- 
te le  Dr  Bataille  concorde  exactecuf-nt 
avec  les  r^^ciis  que  m'ont  fait  des  hom- 
mes savants,  graves,  el  profonde iiienl 
catholique-;. 

Cn  que  M.  le  docteur  raconte  de  la 
Chine  n'est  que  la  reproduction,  aug- 
mentée de  fai  ts  nouveaux,  du  récit  d'un 
vénérable  P.  Jésuite  de  S.  Glemenl  de 
Metz,  le  P.  B.,  qui  pendant  plus  de  40 
ans  a  habité  la  Chine  comme  mission- 
naire. Le  rcit  inséré  dans  l'ouvrage  ne 
dit  même  pas  Ips  horreurs  dont  le  P.  a 
été  témoin  ou  les  tortures  par  lesquelles 
il  a  passé.  Relativement  au  sabbat  noc- 
turne de  Calculla  et  à  la  ronde  avec  les 
cadavres,  le  fait  m'a  été  racontèilya 
une  quinzaine  d  années  par  M.  l'abbé 
P...,  missioimaire  de  la  société  de  Ma- 
rie, qui  a  vécu  22  ans  aux  Indes.  Si  on 
imprimait  tout  ce  qu'il  a  vu,  il  serait 
traité  de  visionnaire  et  d'halluciné. 

Les  faits  arrives  à  Paris  lorsque  le  fa- 
meux médium  Hume  était  dans  sa  plus 
grande  vogue,  m'ont  été  rapportés  par 
un  homme  fort  instruit  et  très  clairvo- 
yant, qui  pendant  de  longues  années 
s'était  livre  aux  pratiques  au  spiritis- 
me, M.  G.  de  S...,  très  proche  parent 
d'un  des  membres  les  plus  distingués 
de  rinslilut  de  France  et  dont  la  mère 
était  dame  d'honneur  de  l'Impératrice. 
Ce  Monsieur  qui  avait  assisté  à  toutes 
les  si-ances  m'en  a  parlé  à  peu  près 
dans  les  mêmes  termes  que  le  Dr  Ba- 
taille, sauf  qu'il  a  été  plus  explicite  et 
est  entré  dans  des  détails  que  l'ouvra- 
ge ne  donne  pas.  Mais  cette  fois,  com- 
me on  dit  vulgairement,  le  diable  mar- 
cha dans  sa  bride  et  obtint  un  résul- 
tat tout  autre  que  celui  qu'il  attendait. 
Car  M.  G.  de  S.  se  convertit  et  resta 
jusqu'à  sa  mort  un  fervent  chrétien. 

Les  deux  missionnaires,dont  je  vous 
ai  parlé  m'ont  souvent  dit  que  dans  les 
pays  idolâtres  le  pouvoir  du  diable  est 
immense  et  c'est  par  ses  prestiges 
qu'il  maintient  ces  malheureux  sous 
son  joug. 
J'ai  cru  devoir  vous  donner  ces  dé- 


tails dont  vous  ferez  ce  que  bon  vous 
semblera  :  mais  je  crois  que  la  publica- 
tion de  ce  livre  dans  le  moment  pré- 
sent servira  à  démasquer  beaucoup  de 
pratiques  franc-maçonnes, et  à  discrédi- 
ter celle  abominable  institution. 

P.  S.  —  Le  démenti  donné  par  Ca- 
dorna,  prêtre  défroqué,  ex-chanoine  de 
Milan,  ne  compte  pas  ;  il  est  inscrit 
dans  la  franc-maçonnerie  sous  un  nom 
de  guerre  :  il  aurait  logé  ses  troupes 
et  sa  cavalerie  dans  la  basilique  de 
saint  Pierre  s'il  avait  pu.  Le  Dr  Batail- 
le n'est  pas  un  nom  de  guerre,  deux  de 
mes  élèves  le  connaissent,  c'est  un 
fervent  catholique. 

Voici  la  seconde  : 

Encore  le  Diable  au  xixe  siècle  ! 

Qu'avait  donc  besoin  la  Semaine  re- 
ligieuse de  Cambrai  de  parler  comme 
elle  l'a  fait  sur  ce  livre  ?  C'est  un  coup 
droit  porté  à  la  franc-maçonnerie.  Gela 
suffit.  Pourquoi  des  catholiques  affai- 
blissent-ils ce  coup  ?  Que  le  récit  soit 
réel  ou  romanesque,  qu'est-ce  que  ce- 
la fait  ?  La  blessure  pourrait  être  mor- 
telle, ce  n'est  pas  à  nous  à  la  cicatriser. 
Les  francs-maçons  ne  disent  rien  ou 
presque  rien.  C'est  pourtant  leur  affaire 
et  non  la  nôtre. 

Donc  la  Semaine  susdite  a  manœu- 
vré d'une  façon  déplorable,  en  ne 
gardant  point  un  silence  prudent,  qui 
vaut  son  poids  d'or  en  pareille  occa- 
sion. —  Que  les  enfants  de  lumière 
sont  bi^n  réellement  moins  rusés, 
moins  adroits,  moins  fins  que  les  en- 
fants des  ténèbres  ! 

J'es-père  qu  VAmi  donnera  en  son 
temps,  et  s'il  le  juge  à  propos,  la  vraie 
note. 

Gomme  on  le  voit,  nos  correspon- 
dants tiennent  mordicus.  Ajoutons 
qu'un  troisième,  dans  une  lettre  assez 
touchante,  nous  affirme  que  l'ouvrage 
du  Dr  Bataille  lui  a  fait,  spiriluellement 
un  très  grand  bien  et  l'a  rendu  meil- 
leur prêtre. 


FLEURS  DE  DOCTRINE  ET  DE  PIETE 

EXTRAITES    DES    OEOVRES 

Oe  Mgr  CHAKIiEIS  GAlk 

Evêque  d'Anlhédon,  ancien  auxiliaire  de  S.  E.  le  Card.  Pie,  évêque  de  Poiliers. 
»  Par  h.  L. 

I  vol.  in-18,  de  525   pages Prix  :  $0.60 

JESUS  FRAPPANT  A  LA  PORTE  D'UNE  AME 

Entre  tant  de  tableaux  ravissants  que  la  sainte  Ecriture  nous 
présente,  s'il  y  en  a  un  qui,  charmant  nos  esprits,  soit  de  nature  à 
toucher  profondément  nos  cœurs,  c'est  bien  celui  où  l'auteur  de 
l'Apocalypse  nous  montre  Notre-Seigneur  lui-même  debout  et 
humble  devant  une  âme  en  lui  disant  :  "  Voici  que  je  me  tiens  à  la 
porte  et  que  je  frappe.  Si  quelqu'un  entend  ma  voix  et  m'ouvre  sa 
maison,  j'entrerai  chez  lui  et  je  souperai  avec  lui,  et  lui  avec  moi." 

Or,  cette  proposition  si  discrète  et  à  la  fois  si  pressante  que  Jésus 
fait  de  lui-même  à  la  créature  libre,  c'est  le  préambule  régulier  de 
la  justification  surnaturelle  ;  et  le  fond  et  la  substance  de  cette  jus- 
tification, c'est  l'entrée  et  le  séjour  de  Jésus  dans  cette  créature. 
Quand  il  entre,  la  vie  entre,  et  l'âme  naît  à  Dieu  :  prenant  séjour 
en  nous,  il  s'y  unit  à  nous^et  devient,  comme  l'écrit  saint  Paul, 
"  notre  sagesse,  notre  justice,  notre  sanctification  et  notre  ré- 
demption " 

Comment  vient-il  ?  Par  mille  moyens  et  sous  mille  formes  :  tout 
lui  est  bon.  Il  est  la  parole  infinie,  toute-puissante,  éternelle.  lia 
pour  s'exprimer  des  mondes  de  ressources,  et  il  n'y  a  rien  dans  la 
Création  qui  ne  lui  puisse  servir  à  cette  fin.  II  y  aies  signes  qui  le 
traduisent  auihentiquement  et  l'écoulent  officiellement  dans  les 
âmes  ;  ce  sont  les  sacrements.  C'est  même  la  sainte  prédication. 
Mais  aussi  il  y  a  les  signes  qui  avertissent  de  sa  présence  et  pré- 
parent son  avènement,  Ils  sont  indéfinis  et  innombrables  :  c'est 
une  aurore,  c'est  un  couchant,  c'est  une  nuit  étoilée,  ou  bien  un 
jour  d'orage  ;  c'est  une  page  d'un  livre,  un  mot  entendu  par  hasard 
et  tombé  d'une  lèvre  ignorante  ou  insouciante  ;  c'est  une  joie  in- 
térieure, d'autres  fois  un  ennui  très  lourd,  et  je  ne  sais  quel  dégoût 
du  monde  et  de  la  vie  ;  c'est  un  sol  fuyant  sous  les  pieds,  une  main 
amie  qui  se  retire  ou  qui  se  glace,  une  ruine  ou  une  séparation, 
une  maladie  ou  un  trépas.  Voilà  ce  qui  parait  ;  mais  le  vrai  fona 
de  toutcela,c'estJÉsus  qui,  se  tient  debout  et  qui  frappe  à  la  porte." 

II  ne   réside  point  encore,  dit  le  saint  Concile  de  Trente  ;  pour 
proche  qu'il  soit,  il  est  dehors  ;  mais  il  agit  déjà,  il  remue,  il  presse, 

il  insiste Qui  dira  combien  de  temps   certaines  âmes  forcent 

Jésus  à  se  tenir  à  leur  porte  ? 


HONNETE  AVANT  TOUT 

PAR 

M.    J.    KIB£T 

Chanoine  honoraire,  ancien  professeur  de  théologie  et  de  droit  canon 
1  vol.  in-12 Prix  :  $0.75 


TABLE  DES  MATIERES 


Avant- Propos. 


Chapitre  I.  Les  équivoques  et  les 
falsifications. — I.  Honnêteté  et  po- 
litesse.— II.  L'honnê'-eté  mondaine. — 
III.  L'honaêleté  et  la  religion. — IV. 
L'honnêteté  et  l'honneur. — V.  La  fin 
et  les  moyens. 

Chapitre  II. — La  vraie  et  complète 
honnêteté. — I.  La  source  de  l'honnêleté 
— II.  L'honnêteté  devant  Dieu. — III. 
L'honnêteté  devant  les  hommes. 

Chapitre  III.— Le^  iniures  faites  à 
Vhonneteté. — I.  Le  mensonge. — II.  La 
trahison  domestique. — III.  Le  sang, 
.—  VI.  Le  scandale.  —  V.  Le  vol.  — 
VI.  La  diffamation. — VII.  Le  masque 
de  la  religion.  —  VIII.  L'abus  du 
pouvoir.  —  IX.  La  libre -pensée. — 


-XI.   Les  inconsé- 


— X.   Pot-Bouille. 
quences. 

Chapitbe  IV.  Les  violateurs  de  l'hon- 
nêleté.— I.  Le  prêtre. — II.  Le  juge. — 
III.  Le  maiire  d'école. — IV.  Le  méde- 
cin.—  V.  L'avocat — VI.  Le  soldat. — 
VII.  Le  comptable  public— VIII.  Le 
commerçant. — IX.  L'ouvrier. — X.  Le 
paysan. — XI.  L«  pauvre. — XII.  Le  ri- 
che.— XIII.  Le  Juif. — XIV.  Le  franc- 
maçon. — XV.  Le  journaliste. — XVT„ 
L'électeur. — XVII.  Conservateurs,  ra- 
dicaux, opportunistes. — XVIII.  L'his- 
torien.— XIX.  Le  savant. 

Chapitre  V.  Les  mobiles  du  mal. — 
I.  Le  plaisir. — IL  L'ambition. —  III. 
L'intérêt. — IV.  La  peur. — V.  La  haine. 

Chapitre  VI.  Les  charmes  de  l'hon  - 
nêteté.  —  Epilogue. 


0  tempora  !  0  mores  !' 
Chaque  époque,  chaque  génération,  chaque  vie  a  sa  question 
qui  la  tourmente. 

Question  qu'il  faut  résoudre,  à  laquelle  il  faut  une  réponse. 
C'est  un  mal  à  guérir,  un  progrès  à  réaliser,  une  aspiration  à  sa- 
tisfaire, une  chimère  qui  tente,  une^hallucination  qui  fascine. 

*  « 

Quelle  est,  en  cette  fin  de  siècle,  notre  question  ? 

Si  l'on  prête  l'oreille,  les  échos  lui  renvoient  des  clameurs  in- 
tenses, des  plaintes  divergentes  et  confuses,  des  regrets,  des  protes- 
tations, mais  surtout  des  menaces,  des  rêves  gigantesques,  des 
apothéoses  bruyantes,  de  grandioses  promesses. 

Ce  n'est  plus  un  problème  solitaire  :  la  caractéristique  de  notre 
temps  est  de  tout  mettre  en  problème.  Le  radicalisme  est  dominant. 
Le  passé  n'est  plus  rien  ;  l'avenir  sera  tout  ;  le  présent  se  fait  de 
ces  désaccords  et  de  ces  répudiations,  de  ces  ruines  et  de  ces  espé- 
rances.   Tout  est  à  reprendre  par  la  base. 

On  est  ainsi  ramené  à  la  question  primordiale  dont  la  solution 
tient  en  suspens  toutes  les  autres  :  à  la  loi  morale  qui  préside  à  la 
vie  individuelle  et  sociale. 


LE  PROPAGATEUR  461 


Là  est  la  question  ur^renle,  brûlante,  inéluctable. 
Quand  celle-ci  sera  réj^lée,  on  pourra  aborder  les  autres. 
Jusque  là,  on  n'aboutira  à  rien. 

» 

D'autres  nécessités  y  ramènent  encore. 

Dans  les  alarmes  qu'inspirent  tant  de  divisio:is,les  sages  cherchent 
un  point  ferme  où  le  rapprochement  et  l'entente  soient  possibles. 

Quel  sera  ce  sol  béni,  qui  donnera  la  paix  et  la  sécurité,  où  tout 
homme  de  bonne  volonté  pourra  hardiment  poser  ses  pieds  et 
tendre  autour  de  soi  une  main  confiante  ? 

Sera-ce  l'Intérêt  ? — Qui  ne  le  sait  ?  il  se  fait  trop  souvent  au 
profit  des  habiles  et  avec  les  larmes  de  la  multitude. 

La  politique  ?  —  Elle  est  la  source  la  plus  féconde  de  nos  divi- 
sions et  de  nos  discordes. 

La  Science  ?  — C'est  l'apanage  du  petit  nombre  ;  et  la  famille 
humaine  est  convoquée  à  notre  rendez-vous. 

La  religion,  comme  le  mot  l'indique,  est  le  lien  qui  rattache 
l'homme  à  Dieu,  et  tend  à  le  rapprocher  de  ses  semblables.  Helas  ! 
la  religion  manque  à  tant  de  gens,  aujourd'hui  surtout,  que  vou- 
loir en  faire  le  point  précis  de  la  concentration,  sans  passer  préala- 
blement par  un  autre,  serait  une  utopie. 

Le  seul  terrain  où  la  convocation  soit  pratique  est  celui  de  I'hon- 
NÊTETÉ.  Il  offre  cet  avantage  incomparable  que  tout  le  monde  veut 
en  être,  ceux-là  mêmes  qui  y  sont  le  moins.  Cet  appel,  personne  ne 
peut  ouvertement  le  décliner  sans  se  mettre  au  ban  de  la  société 
humaine. 

Vous  entendrez  des  gens  masquer  leurs  défaillances  et  li-urs  tur- 
pitudes sous  des  euphémismes  ;  vous  dire  par  exemple  :  "  Je  suis 
trop  bon,  trop  indulgent,  trop  facile  ;  je  ne  suis  ni  méticuleux,  ni 
bigot."  Vous  n'en  trouverez  pas  qui  vous  disent  :  "  Je  suis  mal- 
honnête. " 

*  * 

Il  ne  faut  pas  cependant  se  bercer  d'illusions.  Si  son  étiquette 
est  en  honneur,  l'honnêteté  n'en  subit  pas  moins  en  réalité  des  ré- 
serves et  des  outrages. 

On  entend  les  dévots  gémir  le  long,  des  chemins  et  se  redire  : 
''  La  foi  s'en  va  1  "  et  les  mécréants  crier  sur  les  toits  -  ^'  La  foi  est 
morte  1  "  Ils  ont  raison  :  la  foi  baisse  dans  la  foule  ;  et,  dans  une 
multitude,  elle  est  éteinte. 

Mais,  si  la  foi  religieuse  manque  à  notre  temps,  l'honnêteté  lui 
manque  davantage  encore,  et  c'est  bien  l'heure  de  pousser  ce  cri  : 
"  L'honnêteté  se  mejrt,  l'honnêteté  est  morte  !  " 

Ils  sont  nombreux  ceux  qui  se  croient  chrétiens,  et  ne  le  sont 
qu'à  demi  ;  mais  ils  ne  se  comptent  plus  ceux  qui  se  disent  honnê- 
tes, et  ne  le  sont  pas.  On  se  méprend  sur  les  devoirs  ei  les  consé- 
quences pratiques  de  la  religion  ;  mais  l'illusion  à  l'endroit  de 
l'honnêteté  naturelle  est  encore  plus  commune  et  plus  funeste. 

Cette  ruine  est  la  dernière  que  Ion  s'avoue  à  soi-même,  et  que 
l'on  confesse  avec  reepntir.  Des  hommes,  des  femmes  racontent 

28 


462  LE  PROPAGATEUR 


simplement  de  honteuses  faiblesses  ;  et,  quand  on  les  rappelle  au 
senti reient  de  l'honnêteté,  on  les  voit  se  redresser  et  répondre  : 
'  Je  suis  un  honnête  homme — ^je  suis  une  honnête  femme." 

Evidemment,  chacun  a  sa  manière  d'entendre  l'honnêteté. 

Et  pourtant,  il  n'y  a  qu'une  honnêteté,  la  vraie,  la  même  pour 
tous. 


Malgré  tout,  c'est  là  qu'il  faut  en  venir  pour  rallier,  pour  rap- 
procher, pour  unir.  Tout  ce  que  l'on  tentera  hors  de  là  sera  peine 
perdue. 

Celte  honnêteté  sincère,  essentielle,  identique,  il  importe  donc 
de  la  mettre  en  lumière,  de  préciser  sa  notion  et  ses  exigences  ;  de 
la  voir  en  acte  aux  différents  degrés  de  l'échelle  sociale  pour  re- 
connaître la  part  qui  lui  est  faite  et  les  outrages  qu'elle  subit  ;  de 
discuter  les  mobiles  qui  poussent  à  l'enfreindre,  et  ceux  qui  la 
maintiennent  et  la  relèvent. 

Cette  œuvre  utile,  l'amour  de  l'honnêteté  et  l'espoir  de  la  servir 
nous  ont  porté  à  l'entreprendre. 

*  * 

Honnête  avant  tout. 

A  la  base  de  tout,  comme  préambule  uniforme  et  indispensable 
de  tout,  l'honnêteié,  la  probité,  la  bonne  foi. 

Honnête,  avant  inême  d'être  religieux  et  chrétien  ; 

Honnête,  avant  d'être  pieux  et  dévot  ; 

Honnête,  avant  d'être  prêtre  ou  évêque  ; 

Honnête,  avant  d'être  juge  éducateur,  médecin,  soldat,  commer- 
çant, ouvrier,  riche  ou  pauvre,  n'importe  quoi  ; 

Honnête,  av;int  d'être  monarchiste,  républicain,  autoritaire  ou 
libéral  ; 

Honnête,  avant  et  par-dessus  toute  croyance,  toute  opinion, 
tout  état,  toute  pratique,  tout  idéal,  toute  ambition  ; 

Honnête,  de  la  vraie  honnêteté  ; 

Honnête,  en  religion,  en  politique,  dans  la  vie  privée  et  dans  la 
vie  publique  ; 

Honnête,  devant  Dieu  ; 

Honnête,  envers  le  prochain  ; 

Honnête,  avec  ses  amis  et  avec  ses  adversaires  ; 

Honnête,  dans  ses  fonctions  et  sa  profession  ; 

Honnête,  au  foyt  r  ; 

Honnête,  dans  la  parole  et  dans  les  actes  ;  dans  l'action  et  dans 
l'abstention  ; 

Honnête,  en  tout,  pirtout  et  toujours  : 

Honnête  avant  tout  et  par-de6Sus  tout. 

Tel  est  le  sujet  de  ce  livre. 

Nous  voulions  d'abord  l'intituler  :  L'honnête  homme.  Cet 
énoncé  eût  semblé  exclure  les  femmes  ;  et  nous  avons  trop  besoin 
de  leur  concours  pour  paraître  les  éliminer. 


LE  PROPAGATEUR  463 


L'Honnêteté,  voilà  le  vrai  titre  de  ce  livre,  comme  il  en  est  le 
sujet.  Notre  dessein,  en  eff^;t,  est  de  peindre  l'honnêteté,  la  réelle 
et  véritable  honnêteté  ;  l'honnêteté  de  l'âme  et  de  la  conscience  ; 
celle  qui,  par  les  actes,  fait  le  tissu  de  la  vie. 

Mais  ce  titre,  métaphysiqiiement  juste,  ne  rend  pas  l'indignation 
qui  couve,  en  nos  temps,  au  fond  des  âmes  loyales  ;  il  est  trop  froid 
pour  exprimer  nos  douleurs  et  flétrir  les  oppressions  hypocrites  ;  il 
ne  traduit  que  faiblement  ce  besoin  de  pacification  qui  est  la 
grande  nécessité  de  l'heure  présente  ;  cet  appel  à  l'union  par  le 
seul  amour  du  bien,  qui  retentit  dans  nos  querelles,  et  qui,  enten- 
du, réalise,  peut  seul  nous  rendre  l'ordre,  la  sécurité  et  la  paix.  Il 
faut,  à  cette  heure,  un  loyal  rendez-vous  où  soient  convoqués  lous 
les  hommes  consciencieux,  droits,  sincères  ;  un  signe  de  ralliement 
qui  domine  les  divergences  d'opinions  et  permette  de  se  reconnaî- 
tre dans  la  mêlée  de  nos  discordes. 

*  * 
* 

Honnête  avant  tout  1 

Tel  est  le  cri  qu'il  faut  pousser  pour  rallier  les  vieux  amis  et  les 
adversaires  de  bonne  foi  contre  les  irréconciliables  fauteurs  de  la 
corruption  et  de  la  honte. 

Eles-vous  honnêtes?  Voulez  vous  être  honnêtes  ? — Qui  que  vous 
soyez,  d'où  que  vous  veniez,  vous  êtes  des  nôtres  et  nous  sommes 
avec  vous  :  nous  marcherons  ensemble,  la  main  dans  la  main.  Et, 
si  la  diversité  des  intérêts  et  des  aspirations  venait  à  nous  diviser, 
nous  resterions  encore  unis  sur  ce  terrain  de  l'estime  réciproque 
et  de  l'honneur. 

Mais  êtes-vous  de  ceux  qui  foulent  aux  pieds  la  probité,  qui  font 
passer  la  fortune,  l'ambition,  la  haine  avant  l'honneur  ;  auriez-vous 
été  jusqu'ici  dans  nos  rangs,  arrière  désormais  !  Nous  ne  voulons 
plus  de  vous  :  l'honnêteté  avant  tout  ! 

*  * 

Croyants,  c'est  principalement  à  vous  que  cet  appel  s'adresse, 
c'est  vous  surtout  que  nous  convions  à  notre  loyal  rendez  vous. 

La  foi  sincère  suppose  l'honnêteté,  et  elle  doit  avoir  pour  premier 
effet  de  rendre  plus  honnête.  Le  monde  se  désintéresse  de  votre 
religion,  mais  il  compte  sur  votre  probité,  il  l'attend,  il  l'exige.  En 
trompant  son  attente,  vous  lui  rendriez  la  Religion  plus  odieuse. 

Sans  honnêteté,  vous  n'auriez  de  la  religion  que  le  masque  ;  et, 
quelle  que  soit  la  b  jnne  foi,  l'honnêteté  sans  la  religion  est  préfé- 
rable à  la  religion  sans  l'honnêteté. 

«  * 

On  parle  d'organiser  un  parti  catholique. 

t^remières  victimes  de  la  malhonnêteté  publique  et  gouverne- 
mentale, on  comprend  que  les  catholiques  se  groupent  et  s'enten- 
dent pour  la  résistance. 

Peut-être  y  a-t-il  quelque  chose  de  plus  pressant  :  constituer  le 
parti  des  honnêtes  gens,  avec  cette  devise  et  ce  cri  de  ralliement  : 

honnête  avant  tout  I 


LES  SCIENCES  MODERNES 

EN  REGARD  DE  LA 

GENÈSE   DE    MOÏSE 

PAR 

J.-O.  TAIIV  ZEEBKOBK 

Prêlre  du  Diocèse  de  Maiines 
1  fort  vol.  grd  in-8 Prix  :  $1.88 


TABLE  ALPHAB ETHIQUE 

RELATIVE    AUX 

OENEALOOIES      BIULIQXJES 

ET  AUX 

MATIERES  SPECIALEMENT  DÉVELOPPÉES 


AbeL  Son  offrande.—  Sa  famille. 

Abraham-  Table  généalogique  des 
Tharéchiles. — Sa  vocation   et  son  dé- 
part de  Ur  Chasdim. — Départ  de  Gha- 
ran  (Haran). 
Accadou  Achad,  ville,pays,peuple. 

Adi  m.  Sa  furmalion  et  création  au 
sixième  jour— Dieu  le  place  au  jardin 
d'É'ien. — La  chute  et  ses  suHes. 

Aram  Cinquième  liis  biblique  de 
Sem,  fut  le  père  des  Araméens.  —  Ses 
quatre  fils. 

Arârât  biblique.  Sa  signification. — 
Monles  ou  monlana  Arârâl  (Gen.,  chap. 
VllI,  V.  4),  dénominations  primitives 
du  versant  méridional  de  la  chaîne  du 
Taurus,  s'étendant  de  l'est  à  l'ouest, 
depuis  le  nor'l  de  l'Hindoustan  jusque 
dans  la  petite  Caramanie,  en  Asie-Mi- 
neure. 

Arc-en-ciel,  assigné  en  mémoire  du 
pacte  divin.  Réponse  aux  objections. 

Arche  (L')  s'arrête  sur  un  mont  du 
massif  de  l'Arârât. 

Archéologie  IL')  moderne. 

Arpachsad  est-il  le  troisième  fils 
de  Sem  ? 

Avardi  (Aradium  de  la  Viilgate). 

Assur,  fils  de  Sem. — Il  a  laissé  plu- 
sieurs traces  irrécusables  de  son  séjour 
en  Assyrie,  [noie). 

Assyriologie,  et  passim  dans  les 
annotations  sur  le  chapitre  X  de  la 
Genèse. 

Babel,  Genèse,  chapitre  XI,  verset 
1-9. — Une  discorde  y  vient  mettre  fin 
aux  constructions. — Il  n'y  est  aucune- 


ment question  d'une  confusion  de  lan- 
gage ou  idiome.  (Voir  au  mot  Genèse). 

Babylone  et  Ninive  ou  Babilonie 
et  Assyrie. 

Caïn.  Son  offrande  ;  comparée  à 
celle  de  son  frère  Abel. — Sa  hgnée  bi- 
blique. 

Cainites,  leurs  itinéraires  et  leur 
dispersion  en  Afrique  et,  de  là,  à  Ma- 
dagascar et  dans  l'Australie,  la  Ma'ai- 
sie  et  la  Polynésie  (race  noire),  —  en 
Asie  (race  jaune), — en  Amérique  (race 
roug). — Conclusion. 

Chalach  (Chale  Vulg.,  assyr.  ; 
Kalach,)  ville. 

Chaldée  (La)  a  été  habitée  par  As- 
sur, fils  de  Sem,  bien  avant  l'ébranle- 
ment des  Chamites  et  des  Sémites  aux 
jours  de  Phaieg,  (noie),  nous  donnons 
un  bref  aperçu  sur  la  Chald'e  antique, 

Chalneh  ou  Chalanne,  ville. 

Cham- — Tableau  de  ses  descendants 
— Notions  ethnograi)hiques  et  orogra- 
phiques sur  la  plupart  d'entre  eux. 

Chamathi  (Vulg.  :  Amatheeus). 

Chaos  (Gen.,  chap.  1er,  v.  2).— 
Elêm'  nts  d'exégèse. 

Chaphtorim  ou  Cretois. 

Chenahan,  petit-fils  de  Noé.  —  sa 
lignée. — Elle  se  disperse.  —  Frontières 
des  Chananéens. 

Cheth  (Vulg.  ;  Heth  etHetsei,  fils 
de  Chenahan,  Haïti  des  Assyriens, 
Khétas  des  Egyptiens. 

Chivvi  (Hévéens),  de  la  lignée  de 
Chenahan. 

Chronologie  biblique  (La)  t  e 


LE  PROPAGATEUR 


465 


principaux  moauments  littéraires  de 
l'antifuiié. 

Chus,  fils  de  Cham.— Sa  lignée.— 
Son  li  s  Nimrûd  (Nenarod). 

Chute  (La)  de  notre  premifr  père. 

Création  (La),  Genèse  L  Eléments 
d'exégèse  :  a)  ies  anciens  Pèr-r-s,  b]  leur 
confirmation  par  nos  modernes  physi- 
ciens t"i  astronomes. 

Création  (La)  de  Ihomme  au  sixiè- 
me:- jour. 

Déluge  mosaique.  H  fut  non  uni- 
vers-rl  et  quant  au  globe,  avec  ses  fau- 
nés  et  ses  flores  déjà  localisées,  et 
quant  à  IVspècî  humaine  diversifiée 
déjà  en  races  distinctes. — Le  texte  sa- 
cr-  assigne  d-ux  dgenis  au  cataclysme 
caufe  s  naturelles,  il  est  vrai,  maispro- 
videnlieiles,  a)  d'-s  actions  volcaniques 
prolongées  durant  plusieurs  mois,  pro 
voqnanl  de  longues  séries  de  soulève- 
m-tnls  et  d'afiaissements  ;  b)  une  pluie 
torrentielle  de  quarante  fois  vingt- 
quatre  heures. —  La  première  cause 
n'est  pas  limitée  à  quarante  jours... 
Elle  a  toutefois  immens'^'ment  contri- 
bue à  fournir  des  e  lUx  au  tléau  aérien. 

Dieu,  souvent  dans  les  saintf'S  Pages 
assimilé  à  Ihomme. — Nulle  contradic- 
tion entre  Genèse  IV,  et  VIH.  G  s  der- 
nières pages  prouvent  que  le  cataclys- 
me diluvien  ne  fut  ni  un  acte  de  simple 
vengeance,  ni,  au  premier  chef,  un 
châtiment. 

Dispersion  (La)  gen'^rale  des  Noa- 
chi  1-rS  dU  temps  de  Phaieg.  Considéra- 
tions préliminaires.  T^xle  biblique  et 
son  commentaire. Aux  Jours  de  Phal-g, 
le  langage  des  trois  grandes  souches 
issues  le  Noe  est  déjà  diversifié  (noie) 
Fruit  des  éludes  de  plusieurs  savants 
linguistes.  Conclusion. — La  dispersion 
générale  du  chapitre  X  est  bien  nette- 
ment distincte  chez  Moïse  de  la  dis- 
persion partielle  et  accidentelle  du 
chapitre  XI. 

Elohiste  et  Jéhoviste,  une  ques- 
tion soulevée  par  quelqu-^s  rationalis- 
tes. 

Epigraphie  égyptienre  ou  Egyp- 
tologie  biièvement  entrevue. 

Filiœ  hominum,  Genèse  VI.  Nul- 
le part  le  texte  sacré  ne  désigne  par  ces 
mots  d^-s  tiU-^s  caïnil-s.  Moïse  écrit 
simplement  cette  phrase  :  "  Et  vide- 
runl  G  ii  Dei  filias  hominum,  quodpul- 
chrae  ipsse."  Filii  Dei,  tilias  hominum, 
ex|  riment  une  corrélation  et  une  anti- 
thèse certaines  :  quoi  de  plus  naturel 
que  de  voir  les  filles  des  hommes  dans 


celles  d-^la  multitude  que  Moïse  vient 
de  mentionner  au  verset  1  ?  Gaïn  et  sa 
race  ont  été  formellement  congédiés 
au  chapitre  VI  ;  au  chapitre  VI,  verset 
1,  il  ne  peut  être  question  que  des  filles 
non  issues  de  la  lignée  dir-cte  de  pa- 
triarches, mais  de  ces  fils  et  fiU-^s,  en 
un  mot,  lont  le  chapitre  VI,  verset  1, 
nous  appren  l  la  multitude,  d'après  le 
tableau  du  chaoitre  V. 

Filii  Dei,  Genèse  VI,  sont  in  iiqués 
exclus,  V':'ment  par  le  texte  sacré,  com- 
me les  vrais  coupables  de  la  corruption 
qui  provoqu  i  le  fl^au  diluvi'-n. 

Gtenèse-  Les  chapitres  X  >rt  XI  étu- 
diés au  point  de  vue  de  la  question  de 
Babel. 

Gréologie  (Notions  élémentaires  de) 
nécessaires  pour  Tintelligence  tant  du 
récit  mosaïque  de  la  création  et  de 
l'hexaméron  que  de  leur  concordance 
avec  les  sciences  modernes.  Introduc- 
tion :  lableau  suivi  de  37  pages. 

Helam  !  Vulg.  :  ^lam),  fils  de  Sem. 
Les  Elamiif's  ne  sont  pas  les  Perses. 
Hexaméron  mosaique,  Genèse  I. 

Genre  et  durée  d-s  jours  hexaméri- 

quea.— Leur  concordance  avec  les  ères 
géologiques.  1 

Histoire  (1')  du  peuple  é  u  com- 
mence avej  le  chapitre  V.  de  la  Genèse. 
Horreur  de  l'homicide  inculquée  aux 
fils  de  Nûé  dès  leur  sortie  de  Tarche. 
Humanité  (L")  primitive  pendant 
le  déluge. 

Japhet,  Tableau  de  ses  descen- 
dants,— Notions  ethnographiques  et 
orographiques  sur  la  plupart' d'entre 
eux. 

Jactan  (H-br  :  Jochtan),  —  Pre- 
mier établissement  des  Jeclanides,  se- 
lon l'Ecriiure  et  la  science. 
Lemech,  caïnile  bigame. 
Lemech,  père  de  Noé. — Sa  prophé- 
tie à  la  naissance  de  ce  dernier. 

Linguse,  Genèse  X.  La  difTérencia- 
tion  des  laiigues  ou  idiomes  et  kur  dé- 
veloppement respectif,  parmi  les  Noa- 
chides,  ont  précédé  de  plusieurs  siècles 
révénemenl  à-i  Babel  {noie). 
Malédiction  de  Chei:ahan  par  Noé 

Réfutation  des  attaques  de  l'incrédu- 

iité  à  ce  sujet. 
Memphites  en  Egypte. 
Mitzraim  ou  Egs^ptiens. 
Moise,  pourquoi  au  chapitra  X  in- 
terrompt il  tout  à  coup  la  ligne  généa- 
logique dHéber  par  Fhaieg  pour abor- 
der  la  ligne  collatérale  par  Jochtan  ? 
Nemrod  ou  Nimrod,  fils  de  Chas 


466 


LE  PROPAGATEUR 


naugurp  son  règne  pas  la  prise  de 
iquatre  villes  situées  dans  le  Sennaar.- 
jRen  jusquici  n'autorise  à  croire  que 
^ceppisonnage  eut  conquis  Ninive  et 
A  ssyrie. 

Ninive,  capitale  de  l'Assyrie.  Elle 
fut  bâtie  par  Assur,  lils  de  Sem. 

Noach  (Koé),  Elymologie  de  ce 
nom.  Sa  destinép  prédite  par  son  père 
Lamech.  Il  rf  çoit  l'ordre  de  construire 
l'arche  du  salut — Son  entrée  dans  l'ar- 
che. —  Alierrissi  ment  de  l'arche 
—  Sortie  de  l'Arche.  —  Sacrifice 
oiTert  par  Noé. — Jéhovah  rassure  Noé 
et  les  siens  contre  Ja  crainte  d'un  délu- 
ge ultérieur. — Il  bénit  Noé  et  sa  famil- 
le et  les  autorise  à  se  nourrir  désormars 
de  la  chair  des  animaux. — Il  leur  ins- 
pire l'horreur  de  verser  le  sang  humain 
— L'arc-en-ciel  servira  désormais  à 
rappeler  aux  hommes  qu'un  nouveau 
déluge  n'aura  [pas  lieu. — Noach,  agri- 
culieur. — Maédiction  de  Chenaham. 
— Mort  de  Noé. 

Non  -  universalité  du  déluge 
(Objections  contre  Ja)  :  A.  Celle  tirée 
du  Livre  de  Ja  Sagesse,  chapitre  X, 
verset  4  ;  ropter  quem... — B.  Celle  ti- 
rée du  texte  de  saint  Pierre.  Epitre  I, 
chapitre  lll,  versets  20-21 

Dans  recelé  de  /a  non-universalilé 
comme  dans  celle  du  déluge  restreint, 
et  sans  dislinctions  illogiques,  il  n'est 
pas  besoin  d'une  chute  d'eau  univer- 
selle circonscrivant  simultanément  le 
globe  tout  entier  pour  déverser  sur  lui 
4597  millions  de  kilomètres  cubes  d'eau 
— L'inondation  diluvienne  est  obtenue 
sans  recourir  aux  espaces  interplané- 
taires, non  indiqués,  exclus  même  par 
le  texte  sacré,  Genèse  VII, et  suivantes, 
tandis  que  son  évacuation  a  lieu  très 
naturellement,  et  au  temps  fixé  par  le 
texte. — L'arche  atterrit  dans  le  pays 
roontueux  d'Arârât, — nom  primitif  de 
tout  le  versant  méridional  de  l'Asie  de- 
puis l'Inde  jusqu'en  Asie-Mineure. 

Paradis  terrestre(Le).  La  descrip- 
tion de  Moïse  distingue  la  contrée  de 
tieden  (l'Eden)  du  Gan  (Jardin  ou  Pa- 
radis proprement  dii).  — Le  Gan,  dans 
son  circuit  à  peu  près  entier  est  entou- 
ré, d'un  fleuve  qui  reçoit  directement 
du  pays  d'Eden  l^s  eaux  de  quatre  au- 
Ires  fleuves. — L'Auteur  sacré  donne 
tps  noms  de  cts  derniers,  tout  en  indi- 
quant c>  lies  des  contrées  qu'ils  bai- 
gnaient dans  leur  parcours  et  que  le 
Déluge  n'ait  pas  englouties.  Le  gigan- 
tesque fossé  formé  par  le  fleuve  ne  lais- 


sait au  Gan  qu'un  seul  accès  :  du  côté 
de  l'Orient. 

Pelistim  (Vulg.  :  Philstiîm,  les 
Philistins). 

Phaleg  (Hébr  :  Petegh).  Examin 
d'une  innovation  qui,  à  l'occasion  de 
ce  nom,  cherche  à  s'introduire  dans 
l'exégèse,  (notes  1-2).—  Sa  filiation  in- 
terrompue au  chapitre  X  et  poursuivie 
au  chapitre  XI. — Lui  et  sa  jeune  fa- 
mille ne  participent  pas  à  la  dispersion 
générale  et  s'attardent  dans  l'Inde. — 
Ils  quittent  cette  contrée  environ  cinq 
siècles  après  pour  rejoindre  leurs  aines 
en  Chaldée  (note  1). —  Ils  y  sont,  avec 
les  Jeclanides,  les  constructeurs  de 
Babel  dispersés  de  toutes  p^rts. 

Pherâth  (Vulg  :  Euphrates),  fleu- 
ve le  plus  occidental  |iarmi  ceux  qui 
alimentaient  le  grand  fleuve  paradisia- 
que. Il  limite  la  Chaldée  au  nord  et 
nord-est, en  la  séparant  de  la  Bdbylinie. 

Pischon  (Vulg.  :  Phison)  :  c'est  le 
Gange,  d'après  saint  .férôme  et  les  an- 
ciens, et  le  fleuve  le  plus  oriental  dont 
les  eaux,  grossies  de  celles  de  l'Indus, 
du  Tigre  et  de  l'Euphrate,  se  réunis- 
saient dans  l'Eden,  aux  confins  du  Pa- 
radis ou  Gan. — Voir  encore,  pour  l'i- 
denlification  de  l'Indus  avec  leGhichon 
(Vulg.  :  Gehon)  biblique. 

Bédempteur  (Un)  promis. 

Eesen,  la  plus  antique  capitale  de 
l'Assyrie. 

Restes  humains  de  l'époque  dilu- 
vienne ou  glaciaire. 

Roches  synonyme  de  terrains  en 
géologie,  voir  Tableau. — Elles  se  divi- 
sent en  roches  ou  terrains  de  sédiment 
et  en  roches  éruptives  ou  terrains  d'é- 
ruption.— Filons  métalifères,  leur  âge, 
classification,  variété. — Métamorphis- 
mes,  régional,  périphérique,  de  contact. 

Ruines  de  la  tour  de  Babel. 

Saisons  sur  le  sphéroïde  terrestre. 
Elles  n'existaient  pas  à  ses  débuts, 
mais  sont  résultées  des  modifications 
de  la  surface  de  la  terre  et  de  l'atmos- 
phère qui  l'enveloppe.-Voir  le  Tableau 
et  l'introduction  géologique  passim 
aux  diverses  ères,  périodes  et  époques. 

Sem(Héb.  Schem)  Ses  descendants* 
par  Jochtan,  par  Phaleg,  par  Tliaré. 

Serpens  ad  Chavvah  (Vulg.  :  He- 
vam),  Genèse,  III. — Mulierad  serpen- 
tera — Dominus  utrique  :  mulieri,  ad 
Sf  rpentem  sensu  valde  diverse. 

Sidon,  fils  de  Ghenahan. 

Soulèvements  géologiques.  EfTets 
anciens  de  l'activité  interne. — Disloca- 


LE  PROPAGATEUR  467 


ions  et  montagnes.  —  Structure  des 
montagne*  de  soulèvement. — Causes  et 
circonstances  des  soulèvements. — Leur 
valeur  chronologique  relative.  —  An- 
cienneté des  reliefs  généraux. — Les  ac- 
cidents nouveaux  se  subordonnent  aux 
an-  iens. 

Terrain  erratique  du  Nord  et 
Glaciers  polaires,  Drift. 

Terrains  sédim-ntaires,  Terrains 
érupiifs.voirRoehes  avpc  sesépilhètes 

Terre  (La)  selon  la  Géologie. — Son 
écorce  solide. — Chal^'ur  et  fluidité  du 
noyau.  —  Composition  do  l'écorce  ter- 


restre.— Sa  structure,  sa  forme  et  ses 
reliefs.-^Coup  d'oeil  sur  les  éléments 
de  la  Géogénie:  Giuses  externes. — 
Causes  inlHrn^'8. — Induction. 

Tharé.  Nations  diversf^s  issues  du 
père  d'Abraham,  en  outre  du  jeuple 
messianique. 

Tufs,  cavernes  et  brèches. — Tufs 
calcaires. 

Ur  Chasdim,   patrie   d'Abraham. 

Vocation  d'Abraham. 

Voies  ou  courants  volcaniques. 

FIN  DE  LA  TABLE  ALPHABETIQUE 


LE    PAPE,    LES    CATHOLIQUES 

ET  LA  QUESTION  SOCIALE 

Par  LEON  GREGOIRE 
1  vol.  in.l2 Prix  :  $0.88 


11  y  a  une  question  sociale. 

Pour  caractériser  la  situation  dont  elle  est  issue,  il  suffit  de  ras- 
sembler quelques  passages  de  l'encyclique  Rerum  Novarum  : 

"  La  violence  des  révolutions  politiques  a  divisé  le  corps  social 
en  deux  classes  et  a  creusé  entre  elles  un  immense  abîme.  D'une 
part  la  tot:te-puissance  dans  l'opulence  :une  faction  gui,  maîtresse 
absolue  de  l'industrie  et  du  commerce,  détourne  le  cours  des  ri- 
chesses et  en  fait  affluer  vers  elle  toutes  les  sources,  faction  d'ail- 
leurs qui  tient  en  sa  main  plus  d'un  ressort  de  l'administration 
publique.  D'autre  part,  la  faiblesse  dans  l'indigence  :  une  multi- 
tude, l'âme  ulcérée,  totijours   prête  au  désordre. 

"  Lrs  hommes  des  classes  inférieures  sont  pour  la  plupart  dans 
une  situation  d'infortune  et  de  misère  imméritée. 

"  Le  dernier  siècle  a  détruit,  sans  rien  leur  substituer,  les  cor- 
porations anciennes,  qui  étaient  pour  eux  une  protection  ;  tout 
principe  et  tout  sentiment  religieux  ont  disparu  des  lois  et  des  ins- 
titutions publiques,  et  ainsi,  peu  à  peu,  les  travailleurs  isolés  et 
sans  défense  se  sont  vus  avec  le  temps  livés  à  la  merci  de  maîtres 
inhumains  et  à  la  cupidité  d'une  concurrence  effrénée. 

"  Une  usure  dévorante  est  venue  ajouter  encore  au  mal.  Con- 
damnée à  plusieurs  reprises  par  le  jugement  de  l'Eglise,  elle  n'a 
cessé  d'être  pratiquée  sous  une  autre  forme  par  des  hommes  avides 
de  gain,  d'une  insatiable  cupidité. 

"  A  tout  cela,  il  faut  ajouter  le  monopole  du  travail  et  des  effets 
de  commerce,  devenus  le  partage  d'un  petit  nombre  de  riches  et 
d'opulents,  qui  imposent-ainsi  un  joug  presque  servile  à  l'infinie 
multitude  des  prolétaires." 

Voilà  le  mal  défini  par  Léon  Xlll. 

Quel  remède  l'Egiise  y  prétend-elle  apporter  ?  Quel  bien  y  pré- 
tend-elle substituer  ?    Tel  est  l'objet  de  celte  étude. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  L.  B  Y 


MARIAGE  CIVIL. 

La  lettre  doctrinale  de  S.  S.  Léon  XIII  aux  évêques  de  la  pro- 
vince de  Venise  nous  fait  faire  un  retour  sur  nous  mêmes.  Ce  ré- 
gime du  mariage  civil,  de  nouveau  condamné  par  le  Pape,  et  avec 
une  force  et  une  autorité  qui  semblent  s'inspirer  des  circonstan- 
ces nouvelles,  ce  régime,  dont  la  sollicitude  du  chef  de  l'Eglise 
voudrait,  préserver  l'Italie,  c'est  le  nôtre.  Tout  ce  que  le  Pape  dit 
du  projet  de  loi  italien  tendant  à  établir  l'antériorité  de  l'acte 
civil  sur  le  mariage  religieux,  s'applique  à  notre  législation.  Ses 
censures  et  ses  réprobations  nous  frappent. 

Que  le  mariage  civil  existe  aujourd'hui  en  France  avec  le  divor- 
ce, c'est  là  une  des  conséquences  de  la  laïcisation  :  mais  on  pour- 
rait s'étonner  que  le  mariage  civil  du  Gode  Napoléon  n'ait  pas 
été  abrogé,  sous  le  gouvernement  de  la  Eestauration,  en  même 
temps  que  le  divorce.  Comment  n'a-t-on  pas  profité,  à  cette  époque, 
de  la  revision  du  titre  du  Code  sur  le  mariage  pour  en  effacer 
l'institution  du  mariage  civil  lui-même  ?  Il  faut  bien  reconnaître 
que,  sous  l'influence  des  doctrines  gallicanes  encore  existantes,les 
idées  n'étaient  pas  tournées  vers  cette  réforme.  Du  reste,  le  ma. 
riage  civil,  tel  qu'il  est  organisé  dans  le  Code  Napoléon,  est  moins, 
comme  on  pourrait  le  croire,  un  fruit  de  la  Révolution  que  du 
gallicanisme. 

Ce  que  Léon  XIII  réprouve  et  condamne  dans  le  nouveau  projet 
de  loi  italien  sur  le  mariage,  c'est  l'obligation,  imposée  désormais 
aux  sujets  catholiques  du  royaume,  de  faire  précéder  la  célébra- 
tion du  mariage  religieux  de  l'accomplissement  du  rite  civil.  Le 
mariage  civil  existait  déjà  en  Italie.  L'innovation  grave  et  vérita- 
blement attentatoire  à  la  dignité  du  sacrement,  comme  à  la  liberté 
des  consciences  catholiques,  c'est  l'antériorité  du  rite  civil  sur  le 
mariage  religieux  exigée  par  la  nouvelle  loi. 

Elle  existe  chez  nous,  mais  pas  aussi  anciennement  que  le  ma- 
riage civil,  et  cette  aggravation,  que  la  loi  va  imposer  aujourd'hui 
à  l'Italie,  à  l'instar  de  la  France,  et  contre  laquelle  le  Pape  proteste 
si  énergiqnement,  ce  n'est  pas  à  la  Révolution  que  nous  la  devons. 

La  sécularisation  du  mariage  est  une  conséquence  logique  de  la 
doctrine  gallicane  sur  l'indépendance  de  l'Etat  vis-à-vis  de  l'Eglise. 
Cette  doctrine  a  reçu  d'abord  son  application  en  Autriche,  où  le 
gallicanisme  s'appelait  le  joséphisme.  Le  mariage  civil  vient  de  là. 
Là  Révolution  française  l'a  adopté,  mais  sans  lui  donner  le  carac- 
tère odieux  et  sacrilège  qu'il  a  pris  dans  la  législation  subséquente. 

D'après  la  Constitution  de  1791,  '^  la  loi  ne  considère  le  mariage 
que  comme  contrat  civil  "  ;  et  la  loi  du  20  25  septembre  1792  en 
règle  la  célébration  devant  l'officier  de  l'état  civil.  La  législation 
révolutionnaire  ne  s'occupe  pas  du  mariage  religieux  ;  au  moins 
elle  ne  l'interdit  ni  ne  le  réglemente.  C'était  le  régime  de  la  liber- 
té. Se  mariait  religieusement  qui  voulait,  avant  ou  après  la  com- 


LE  PROPAGATEUR 


469 


parution  devant  rofficier  de  l'état  civil.  El  c  .iiiine  le  ma; ,  -,  civil 
c'était  imposé  à  personne,  il  ne  l'étaitpasnon  i.lus  aux  catb  -  iques 
-qui  voulait  faire  bénir  leur  union  par  le  pièi*»^. 

Gomment  la   législation   révoluiionnaii>\  fausse   ei.  icipe, 

mais  libérale  en  fait,  n'est-elle  pas  restée  cHilf  des  ooflt^M  n  j.oléo- 
niens  ?  Il  faut  !e  dire,  c'est  p.ir  la  faute  de  l'autorité  eccie>-ia:?tique 
parisienne,  imbue  alors  d-  s  idées  gallicanes. 

11  y  avait  bien  quelques  inconvéuieisls.  sons  l'empir^  la  loi 

de  1792  (qui  subsista  jus(fu'à  la  promulgation  du  cod^^  04),  à 

ce  dualisme  d'une  loi  civile  qui  ignoraii  !»•  mariage   rt-  ;s,  et 

d'un  sacrement  qui  n'avait  [)oint  de  saïutim  légale.  L..  l  .culte 
de  se  marier  religieusement,  en  dehors  de  l,i  loi  civil*^,  ■  mvait 
servir  de  moyen  de  se  iuction,  fariliter,  sous  le  couver'  -  sen- 
timnnts  religieux,  des  unions   volages  qui,   après  leuî  ture, 

avaient  l'inconvénient  de  laisser  subsiste  r  !.■  lien  reliji'  sans 

les  effets  du  mariage  civil.  Ma. s  ce  qui  tom  hait  surtoui  théo- 

logiens gallicans  d'alors,  c'est  que,  habitues  à  séparer  [■■  nUrat 
du  sacrement,  d'après  les  théories  erronée^  de  l'é  oqi  Is  ne 
pouvaient  accepter  un  état  de  choses,  où  il>  voyaient  le  -ment 
sans  contrat. 

Aujourd'hui,  après  les  hauts  enseignemi-ntsde  Pie  VI  le  Pie 
VIII,  de  Grégoire  XVI,  de  Pie  IX,  (2)  de  Léon  XIII,  1.  a-ctrine 
du  mariage  catholique  est  clairement  et  définitivement  établie. 
Les  théories  gallicaues  l'avaient  entièrement  fau-sée. 

D'accord  avec  les  théologiens  d^-s  XVIle  et  XVIIIe  si.  .  'S,  les 
juristes  de  cette  épuque,  Poihier  en  tête,  enseignaient  qu  e  ma- 
riage était  à  la  fois  un  contrat  civil  et  un  s  créaient,  et  pi'utiitque 
l'Etat  avait  le  droit  de  légiférer  sur  le  mariage,  en  tant  ••ne  con- 
trat, de  l'organiser  comme  il  le  jugeait  h  popos,  d'en  !•  -/-  t  les 
conditions  et  les  formalités,  et  même  d'établr  des  emp  .  ments 
dirimants. 

C'était  le  principe  du  mariage  civil.  De  la  théorie  d  h  .aunoy 
et  des  Pothier  à  l'anicle  7  de  la  Constitution  de  1792,  ii  /  avait 
qu'un  pas.  L'Assemblée  c  -nstituante  n'eut  qu'à  séparer  fait  le 
contrat  du  sacrem.  ut,  jusque  là  restés  unis  en  pratique,  |  •  créer 
le  mariage  civil  du   droit  moderne. 

Si,  à  ce  moment  là,  le  clergé  Ini-mêm'  avait  mieux  su  .  ,dans 
le  mariage,  le  contrat  et  le  sacrement  ne  font  qu'un,  »  t  ;  entre 
chrétiens  le  mariage  n'esi  que  le  contrat  e  eve  à  la  digi  le  sa- 

crement, on  eût  accepté  la  législation  rèvulntionnaire,  n.  '  avec 
ses  inconvénients,  i)lutôt  que  de  réclamer   tomme  une  diora- 

tion  le  régime  des  Articles  organiques  et  du  Gode  péna  . 

Ce  fut  iOfficiaiiié  diocésaine  de  Pans  qni  d-manda  <02,  à 

la  suite  du  Concordat,  que  la  loi  obligeât  désormais  lèse  v  à  se 
présenter  d'ahord  dt  vaut  l'officier  civil,  p  -nr  y  contraci  union 
légale  avant  la  célébration  du  m  iriage  religieux.  En  cou- ■  [iience 
de  celte  démarche,  fut  édicté  l'article  54  de  1 1  loi  du  Ip  ycrininal 

(t)  Voir  la  Ijulie  ^«c/o/-cm /idiUMu  28  août  I79'i.  (\ule  Réd( 
(2)  Voir  LieUiv  au  Mil  at.'   8  .tlirgi.e  du   19   S  p  e  iibre  1852,   1.    .       abus  et 
l'Encyclique  Quanta  Cura.  (Note  Red.) 


470  LE  PROPAGATEUR 


an  X  (Articles  organiques),  qui  porte  que  les  ministres  du  culte 
catholique  "  ne  donneront  la  bénédiction  nuptiale  qu'à  ceux  qui 
luslifleront  en  bonne  et  due  fornie  avoir  contracté  mariage  devant 
j'ofïîcier  civil  ". 

C'est  la  législation  matrimoniale  adoptée  par  le  Gode  civil  et 
sanctionnée  par  le  Gode  pénal  de  1810. 

Ainsi  a  passé  dans  la  loi  française  l'obligation  de  faire  précé- 
der le  mariage  religieux  de  la  célébration  par  l'officier  de  l'état 
civil. 

On  doit  donc  au  gallicanisme  l'institution  du  mariage  civil,  avec 
cette  aggravation  ultérieure  de  la  loi  qui  exige,  sous  une  sanciion 
pénale,  la  priorité  de  l'acte  civil. 

G'est  un  fruit  des  erreurs  doctrinales  du  XVIIe  siècle,  dont  nous 
portons  encore  la  peine.  Il  est  facile,  en  suivant  le  cours  des  idées 
de  remonter  au  premier  des  Quatre  Articles  de  1682,  pire  encore 
que  le  second,  pour  y  trouver  le  principe  de  la  sécularisation  des 
sociétés  modernes.  Gar  si  le  pouvoir  temporel  ne  relève  en  rien 
du  spirituel,  si  l'Etat  est  indépendant  de  l'Eglise,  il  s'ensuit  que  le 
pouvoir  temporel  ou  l'Etat  a  le  droit  de  s'organiser  comme  il  lui 
plaît,  d'avoir  ses  lois  propres,  un  mariage,  une  école,  une  armés  à 
lui,  sans  nul  souci  des  lois  et  de  l'organisation  ecclésiastique.  Et 
c'est  la  conclusion  que  deux  siècles  d'absolutisme  royal  et  révolu- 
tionnaire en  ont  tirée.  Tout  le  génie  et  toute  l'éloquence  du 
monde  ne  sauraient  atténuer  la  responsabilité  à  jamais  encourue 
devant  l'Eglise  par  les  auteurs  de  cette  triste  Déclaration  de  168-2, 
qui   achevé  la  désorganisation  de  la  société  chrétienne. 

Nous  n'avons  pas  ces-é,  en  France,  malgré  le  concile  du  Vati- 
can,  de  souffrir  de  cette  doctrine  anticatholique  de  l'indépendance 
de  l'Etat,  principe  de  la  sécularisation  de  la  société  moderne  ;  car 
le  vieux  gallicanisme  d'Etat  revit  avec  le  libéralisme  moderne, 
qui  accepte  la  laïcisation  du  mariage  et  de  l'école,  la  suppression 
de  l'immunité  ecclésiastique  à  l'armée,  le  régime  du  droit  com- 
mun pour  l'Eglise,  aussi  bien  qu'avec  le  radicalisme  révolution- 
naire qui  l'impose.  Arthur  Loth. 

Noie  de  la  rédaction. —  Pothier,  l'un  des  plus  grands  jurisconsultes  des  temps 
morlernes,  l'homme  juste  et  probe  par  excell^^nce,  était  malheureusement  imbu 
d'idées  fausses  concernant  la  puissance  civile  et  les  rapports  entre  l'Eglise  et 
l'Etat.  Son  traité  du  "  Contrat  de  Mariaqe  ''  fourmille  d'erreurs  doctrinales 
d'autant  plus  danger'^uses  qu'elles  so:il  développées  par  un  homme  de  génie. 
Ces  erreurs  ont  été  condamnées  par  l'Eglise.  Le  révérend  père  A.  Braun, 
jésuite,  décédé  à  Montréal  il  y  a  qiielques  années,  en  a  fait  une  réfutation  ma- 
gistr  lie  dans  ses  "  Instructions  dogmatiques  sur  le  mariaqe  chrétien  "  publiées 
en  1866. 


EGOLE  DE  NOTAEIAT  DE  PARIS 

Par  une  délibération  en  date  du  22  juin  1893,  la  Chambre  des  notaires  de  Pa- 
ris a  conclu  à  la  la  fondation  de  deux  prix  : 

Le  premi^^r  de  1000  francs,  et  le  second  de  500  francs,  qui  seront  décernés  à 
titre  de  prix  d'excellence  aux  deux  jeunes  pens  de  l'École  de  notariat  de  Paris 
qui  obtiendront  le  plus  grand  nombre  de  points  dans  le  concours  de  fin  d'année 
s'appliquant  à  toutes  les  matières  de  l'enseignement.  —  La  Croix  de  Paris. 


GAUTHIER  DE  LA  CALPBENEDE 


{suite) 
III 

LES    ANDESLY. 

Je  suis  vaincu  du  temps,  je  cède  à  ses  outrages  ; 
Mon  esprit  seulement,  exempt  de  sa  rigueur, 
A  de  quoi  témoigner  en  ses  derniers  ouvrages 
Sa  première  vigueur. 

(malhebbe.) 

Vingt  ans  passèrent  encore  et  madame  Alix  de  Montdragon, 
assise  sur  la  terrasse  de  son  château,  berçait  son  arrièrepetit-fils^ 
Son  mari,  le  comte  de  Montdragon,  se  chauffait  au  soleil  près 
d'elle,  et  un  grand  lévrier  était  couché  à  leurs  pieds.  Le  reste  de  la 
famille  était  dispersé  dans  le  château  et  les  bois  qui  l'entourent,  en 
attendant  que  ia  cloche  rappelât  autour  de  la  table  patriarcale 
enfants  et  petits-enfants, 

"  Il  y  a  îiien  longtemps,  ce  me  semble,  que  nous  n'avons  eu  de 
nouvelles  de  notre  cousin  la  Galprenède,  n'est-ce  pas,  madame  ?  "^ 
dit  le  comte. 

'•  C'est  vrai,  "  dit  Alix  :  "  pas  depuis  l'envoi  du  deuxième  tome 
de  Pharamond,  que  nous  lûmes  aux  veillées  de  cet  hiver.  Il  com- 
pose sans  doute  quelque  nouveau  roman.  " 

"  Je  lui  écrirai  un  de  ces  quatre  matins,  "  dit  M.  de  Montdragon  ; 
je  voudrais  savoir  ce  qu'il  fait,  ce  cher  la  Galprenède.  " 

Ce  qu'il  faisait  ?  hélas  !  il  se  faisait  vieux  ;  et,  quoique  toujours 
de  belle  humeur  et  d'allure  pimpante,  il  élait  souvenles  fois  tenté 
d'appliquer  aux  réunions,  aux  fêtes  de  la  cour  et  de  la  ville,  la 
critique  que  les  nouvelles  générations  faisaient  de  ses  romans, 
qu'elles  trouvaient  longs  et  ennuyeux.  La  noblesse  commençait  à 
ne  plus  habiter  les  châteaux  ;  un  roi  jeune,  guerrier,  passionné 
pour  la  gloire  et  pour  les  plaisirs,  entraînait  dans  le  tourbillon  de 
la  cour  l'élite  de  la  nation,  et  les  fêtes  des  châteaux  de  Saint-Ger- 
main et  de  Fontainebleau  offraient  aux  yeux  de  cette  jeunesse  des 
spectacles  autrement  animés,  galants  et  ingénieux,  que  n'en  avaient 
présenté  à  l'imagination  des  contemporains  ce  Louis  XIII  les  in- 
terminables récits  de  la  Galprenède.  —  Madame  de  Sévigné  se  ca- 
chait de  son  fils  pour  relire  les  romans  qui  avaient  charmé  ses 
jeunes  années,  et  leur  auteur,  lassé  du  monde  ennuyé  de  n'avoir 
ni  intérieur,  ni  famille,  se  repentait  d'avoir  laissé  passer  le  temps 
où  il  eût  été  raisonnable  de  se  marier,  et  regrettait  de  n'avoir  mis 
au  monde  que  des  enfants  de  papier. 

Un  jour  de  printemps,  il  revenait  du  faubourg  Saint-Germain  au 
Louvre,  où  il  logeait,  et,  s'arrêtant  sur  le  Pont-Royai,  il  s'amusa, 
comme  un  badaud,  à  regarder  le  bateau  de  Rouen  qui  partait. 
C'était  le  coche  d'eau.  Il  était  surchargé  de  voyageurs  plus  bru- 
yants,plus  affairés  les  uns  que  les  autres.  Lorsque  le  patron  donna 
l'ordre  du  départ,  et  qu'à  grands  renforts  de  rames  et  de  jurons  le 


^72  LE  PROPAGATEUR 


bateau  eut  pris  le  milieu  du  fleuve  et  se  mit  à  le  descendre  lente- 
ment, un  jeune  mousquetaire,  qui  se  trouvait  à  côté  de  Gauthier 
et  qui  avait  fait  force  signaux  d'adieu  aux  navigateurs,  s'écria  en 
soupirant  :  "  Qu'ils  sont  heureux  !  dans  deux  jours  ils  verront  le 
■châte;Hu  Gaillard  et  la  maison  du  père  Poussin.  " 

"  G't^st  donc  bien  joli,  le  château  Gaillard,  mon  brave  ?  "  lui 
demanda  Gauthier. 

"  Ah  !  monsieur,  c'est  le  plus  bel  endroit  du  monde  :  c'est  aux 
Andelys,  mon  pays.  Un  vieux  château  qui  domine  une  jolie  petite 
ville  baignée  par  la  Seine,  et  de  beaux  arbres,  des  près  si  verts, 
des...  " 

"  El  la  maison  du  père  Poussin  ?  "  dit  Gauthier. 

"  Ah  !  monsieur  !  vous  aviez  donc  entendu  ?  "  reprit  le  mous- 
quetaire en  rougissant  comme  une  fille. 

"Hé  !  oui,  mon  enfant,  "  dit  Gauthier.  ''  Ce  n'est  pas  ma  faute 
si  vous  rêvez  tout  haut  en  regardant  le  coche.  Mais  qu'a-t-elle 
donc  de  si  charmant,  la  maison  du  père  Poussin  ?  " 

"  Hélas  !  monsieur,  c'est  une  vieille  maison,  pas  belle  du  tout, 
qui  baigne  ses  murs  dans  la  petite  rivière  du  Gembon,  dont  l'em- 
bouchure est  aux  Andelys.  J'étais  reçu  dans  cette  maison  autre- 
fois, j'y  étais  heureux  comme  un  roi.  —  La  reverrai-je  ?  " 

"  Pourquoi  pas  ?  "  dit  Gauthier.  "  Vous  irez  à  la  guerre,  vous 
gagnerez  vos  galons,  et  le  père  Poussin  vous  donnera  sa  fille  !  " 

"  Mais,  monsieur,  je  ne  vous  ai  pas  dit  que  le  père  Poussin  eût 
une  fille!  " 

"  Mais,  mon  brave,  est-ce  donc  pour  la  cheminée  de  son  logis 
que  vous  soupirez?  " 

Une  fanfare  de  trompettes  se  fit  entendre.  Le  repos  était  fini,  et 
le  jeune  mousquetaire  rejoignit  à  la  hâte  ses  camarades  qui  para- 
daient sur  la  berge  des  Tuileries. 

Rentré  chez  lui,  Gauthier  dit  à  son  vieux  Colin  Dordac  de  ne 
recevoir  personne,  et  qu'il  allait  travailler;  —  et,  fouillant  dans 
le^  pêle-mêle  de  bouqunis,  de  manuscrits,  d'engins  de  chasse,  de 
pêche  et  d'armes  de  guerre  qu'il  appelait  sa  bibliothèque,  il  finit 
par  trouver  ce  qu'il  cherchait,  VHistoire  générale  de  la  Normandie^ 
livre  publié  en  1631,  par  M.  Gabriel  Dumoulin,  curé  de  Manne- 
val,  et  dédié  au  duc  de  Longueville.  —  Madame  de  Longueville  en 
avait  donné  à  Gauthier  un  bel  exemplaire  doré  sur  tranche  ;  mais 
il  ne  l'avait  jamais  lu  en  entier,se  contentant  d'admirer  et  d'appren- 
dre par  cœur  les  vers  de  Georges  de  Scudéri  placés  au  commence- 
ment, et  bien  faits  pour  charmer  un  romancier.  Cette  ode  finissait 
■ainsi  : 

Le  prince  qui  veut  toujours  vivre, 
Ne  tioil  employer  son  ihrésor 
Qu'à  chercher  une  plume  d'or 
Qui  le  peigne  bien  flans  un  livre, 
La  bonne  prose  et  les  bt-aux  vers 
Le  montrent  à  tout  l'univers, 
Qui  ne  le  voit  qu'avec  merveille  ; 
Et  mille  ans  après  son  Cfriueil 
Les  siè  "les  savent  par  l'oreille 
Ce  que  le  sien  apprit  de  l'oeil. 


LE  PROPAGATEUR  473 


Cette  fois,  Gauthier  chercha  dans  lé  volume  tout  ce  qui  se  rap- 
portait au  château  Gaillard.  Les  sombres  légendes  de  la  forteresse 
de  Richard  Cœur  de  lion  le  charmèrent  tellement,  qu'il  résolut 
d'écrire  un  roman  sur  ce  sujet;  et,  afin  de  l'écrire  à  tête  reposée, 
il  forma  le  projet  d'aller  passer  un  mois  ou  deux  aux  Andelys. 
L'âge  n'avait  point  alangui  sa  vivacité  gasconne,  ni  celle  de  Colin. 
Le  surlendemain,  ayant  tout  arrangé  en  son  logis,  et  sans  prendre 
congé  de  personne,  la  Calprenède,  n'étant  point  de  quartier  près 
du  roi,  prit  la  clef  des  champs.  Et,  munis  d'argent  et  d'un  léger 
bagage,  le  romancier  et  son  valet  s'embarquèrent  dans  le  coche 
d'eau,  et  voyagèrent  vers  les  Audelys,  par  le  plus  beau  temps  du 
monde. 

La  navigation  fut  heureuse  sans  compter  la  première  couchée  à 
Mante?-la-Jolie,  on  ne  s'arrêta  que  soixante-sept  fois;  il  n'y  eut  pas 
plus  de  sept  ou  huit  querelles,  et  trois  maladroits,  qui  se  laissèrent 
choir  dans  la  Seine,  furent  repêchés  sans  avaries  graves.  Enfin,  le 
coche  se  vint  amarrer  pour  une  nuit  au  port  des  Andelys. 

Les  feux  du  soleil  couchant  doraient  les  ruines  et  laissaient  dé- 
jà dans  l'ombre  du  crépuscule  les  maisons  du  Petit-Andely.  Les 
lampes  s'allumaient  et  la  flamme  brillait  dans  les  foyers,  tandis 
que  les  habitants  rentraient  chez  eux  pour  souper.  Gauthier  de  la 
Calprenède  se  fit  conduire  à  l'hôtellerie  de  la  Chaîne  d'or,  et,  après 
avoir  recommandé  à  son  valet  de  ne  point  dire  qui  il  était  et  de 
l'appeler  M.  Gauthier  tout  court, 'il  choisit  la  meilleure  chambre, 
soupa  de  bon  appétit  d'une  friture  d'excellents  goujons  et  d'un 
petit  poulet  à  la  reine,  arrosé  de  cidre  mousseux,  et,  fatigué  du 
mouvement  du  bateau,  s'en  alla  coucher  tout  prosaïquement,  sans 
donner  audience  au  clair  de  lune,  qui  commençait  à  illuminer 
les  tours  et  les  murailles  croulantes  du  château  Gaillard 

L'aurore  éveilla  Gauthier  en  égayant  de  ses  reflets  roses  les 
murs  blanchis  à  la  chaux  de  sa  chambre  d'auberge,  et  le  concert 
des  coqs  et  des  hirondelles  qui  saluaient  le  jour  l'avertit  qu'il  n'é- 
tait plus  au  Louvre.  Colin  ronflait  comme  un  tonnerre  dans  le  ca- 
binet voisin.  Son  maître,  le  laissant  dormir,  s'habilla  sans  bruit  et 
sortit,  pressé  de  voir  le  pays.  —  Rien  de  joli  comme  une  petite  vil- 
le qui  s'éveille.  Les  portes  et  les  croisées  s'ouvrent;  les  grand'mè- 
res  sortent  les  premières,  enveloppées  de  leurs  mantes,  et  se  ren- 
dent à  l'église,  où  sonne  la  première  messe.  Les  hommes  vont  au 
travail,  le  feu  du  forgeron  s'allume,  et  les  jeunes  mère^  affairées 
habillent  les  petits  enfants  et  garnissent  les  paniers  des  écoliers.. 
Sur  la  place  arrivent  les  marchandes,  tirant,  poussant  ou  condui- 
sant ânes,  brouettes  ou  chariots,  chargés  de  légumes,  de  volailles 
et  de  fruits.  Les  ménagères  se  hâtent  d'y  aller  aussi,  et  leur  caquet, 
leurs  bruyantes  allées  et  venues  animent  les  rues  si  paisibles  une 
demi-heure  aupparavant.  —  Gauthier,  qui  depuis  quarante  ans 
suivait  la  cour,  avait  perdu  le  souvenir  de  ces  tranquilles  habitu- 
des, de  ces  aspects  de  la  vie  provinciale.  Il  en  fut  charmé.  Tout  en 
se  promenant,  il  remarqua  une  petite  maison  du  quinzième  siècle 
fort  pittoresque,  dont  les  murailles  baignaient  dans  la  rivière,  et 
qui  lui  parut  ressembler  à  celle  que  le  jeune  mousquetaire  lui 


474  LE  PROPAGATEUR 


avait  décrite.  Il  s'approcha"  d'une  servante  qui  lavait  du  linge, 
agenouillée  dans  un  demi-baquet  au  bord  de  l'eau,  et  lui  demanda 
à  qui  appartenait  cette  maison. 

"  C'est  la  maison  au  père  Poussin,  monsieur,  "  lui  fut-il  répon- 
du. 

''  Ah  !  fort  bien  !  Et  ce  père  Poussin,  quel  est-il?  " 
"  C'est  un  ancien  hôlellier  de  Rouen,  monsieur.  Il  y  tenait  une 
auberge  rue  de  la  Grosse-Horloge  ;  il  a  fait  fortune  et  s'est  retiré 
ici  avec  sa  femme  et  ses  filles.  " 
"  Combien  en  a-t-il?  " 

"  Trois,  monsieur  :  les  deux  aînées  sont  mariées  à  de  riches  fer- 
miers des  environs  de  Gaudebec,  et  la  troisième  est  encore  à  la 
maison.  " 

"  Serait-ce  cette  jolie  brune  qui  arrose  les  œillets  de  sa  fenêtre  ?  " 
"  Tout  justement,  monsieur,  c'est  Annette Poussin." 
"  Je  vous  remercie,  mon  enfant.  Tenez,  voilà  pour  acheter  un 
nœud  de  ruban.  " 
Et  il  lui  donna  une  pièce  de  24  sols  toute  neuve  : 
"  Grand  merci,  mon  bon  monsieur  1  "  fit  la  servante  en  deve- 
nant rouge  de  plaisir.  Elle  empocha  sa  pièce,  et  se  remit  à  savon- 
ner gaiement,  en  se  disant  :  "  Ce  monsieur-là,  bien  sûr,  pense  à 
demander  Anette  en  mariage  pour  son  fils.  Il  a  l'air  bien  honnê- 
te... "  Et,  ayant  vite  terminé  sa  ^besogne,  l'alerte  Normande  char- 
gea sur  son  épaule  son  paquet  de  linge  mouillé,  et  s'en  alla  l'éten- 
dre à  la  maison.  Puis  elle  se  hâta,  non  pas  d'acheter  du  ruban, 
comme  l'eût  fait  une  fille  du  Midi,  mais  bien  d'aller  glisser  sa  piè- 
ce blanche  dans  la  petite  tirelire  où  elle  mettait  ses  économies. 

Gauthier  retourna  à  l'auberge,  et  la  trouva  encombrée  de  mar- 
chands de  grains  qui  venaient  d'amener  leurs  sacs  d'échantillons 
au  marché,  et  traitaient  leurs  affaires  le  verre  en  main,  à  la  façon 
normande.  Le  bruit  qu'ils  faisaient  s'entendait  si  bien  dans  la  cham- 
bre de  Gauthier  qu'il  se  dit  :  "  Jamais  je  ne  pourrai  travailler  ici, 
il  me  faudra  chercher  un  autre  gîte.  "  Aussitôt  après  déjeuner  il 
mit  Colin  en  campagne  pour  cela,  et  l'intelligent  serviteur  vint 
bientôt  lui  annoncer  qu'il  avait  trouvé  son  affaire. 

'■'  C'est  une  belle  grande  chambre  au  levant,  "  lui  dit-il.  "  bien 
meublée,  avec  une  vue  charmante  sur  la  rivière,  dans  une  maison 
fort  propre,  et  chez  de  bonnes  gens,  hôtelliers  retirés,  qui  feront 
une  excellente  cuisine  à  monsieur.  Cidre  compris,  cela  coûtera  un 
écu  par  jour  à  monsieur,  le  blanchissage  en  sus,  et  avec  la  jouis- 
sance d'un  petit  bateau  pour  aller  pêcher  à  la  ligne,  si  cela  amuse 
monsieur.  " 

''  Et  l'hôte  s'appelle  Poussin  n'est-ce  pas  ?  "  dit  Gauthier, 
"  Tout  justement,  monsieur.  Il  est  si  gros  qu'il  peut  à  peine   se 
remuer,  mais  sa  femme  et  sa  fille  sont  lestes  et  actives.    Monsieur 
veut-il  y  venir  voir  ?  " 
"  Allons,  "  dit  Gauthier. 

(à  suivre] 


NOTES  &  RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

POUR    AIDER  LES  ECCLÉSIASTIQUES    A    COMPOSER    ET  A 
COMPLÉTER     LEUR     HIBLIOTHÈQUE 


PREMIERE    PARTIE 
Livres  de  piété  pour  les  eccésiastiques 

I    MÉDITATION  (suite) 


Le  §  II,  sous  le  tilre  acte  et  prière, 
nous  fait  connaître  l'acte  de  chaque 
jour,  nous  en  explique  l'obj-^t,  Ihs  élé- 
menis,  les  caractères  ;  c'est  nous  dire 
en  même  temps  ce  que  nous  devons  de- 
mander spocialemenl  ne  jour-là  ilans 
la  prière.  Pour  lepremier  jour,  cet  acte 
est  un  vrai  et  bon  dé^ir  et  du  terme  et 
de  la  voie,  c'est-à-dire  de  l'amour  etd- 
la  persévérance,  et  de  la  conversion 
quotidienne  qui  y  conduit. 

Viennent  ensuite  les  oraisons.  11  y  a 
chaque  jour  trois  oraisons  ;  une  pre- 
mière sur  les  mystères  divins  ;  une  se- 
conde sur  les  vérités  éternelles  ;  une 
troisième  sur  la  loi  de  persévérance  et 
d'amour.  Le  plus  souvent  ces  oraisons 
se  subdivisent  en  deux  ou  trois  points  ; 
€l  chaque  point  se  compose  d--  la  con- 
sidération, et  de  l'acte  et  prier-;  ;  la 
considération  place  sous  les»  yeux  du 
retraitant  une  vérité  importante  qui 
doit  le  préparer  et  l'<'xcilHr  à  l'aclf^  pré- 
vu pour  le  jour,  après  quoi  le  retraitant 
pourra  s'exercer  à  produire  cet  acte  en 
mê  ne  temps  qu'il  priera  longuement 
et  sérieusement  pour  demander  à  Dieu 
que  cet  acte  soit  parfait.  Ainsi  la  pre- 
mière oraison  du  premier  jour  envisa- 
ge succ-ssivement  l'être  de  Dieu,  la 
charité  de  Dieu  et  Dieu  créateur  par 
charité  ;  de  ces  considérations  naissent 
sponianément  et  le  regret  de  vivre 
pr.'sqne  en  athée  sans  penser  à  Dieu 
et  sans  répondre  à  sa  charité,  et  le  dé- 
sir de  penser  plus  souvent  à  Lui,  de  le 
goûter,  d'aspirer  à  Lui  et  de  l'aimer. 

L,t  seconde  oraison  nous  fait  consi- 
dérer l'avenir  éternel  de  l'homme  et  le 
temps  qui  doit  préparer  l'éternité  ;  elle 
nous  conduit  ainsi  au  désir  tt  au  vou- 
loir de  ce  qui  peut,  en  nous  procurant 
l'amour  et  la  persévérance,  nous  assu- 
rer une  éternité  bienheureus-^,  c't  st-à- 
dire  au  desir  et  au  vouloir  de  la  con- 
version quoiiJienne.  C'est  encore  à  la 
conversion  quotidienne  qu  •  se  rappor- 
teront plus  directement  le  deri/ie'*  acte 
et  la  dernière  prière  de  chaque  jour,  et 
on  en  deviuera  facilement  la  raison.  A 


la  fin  du  premier  jour,  on  'st  ramené 
au  'tésir  et  au  vouloir  de  C'-ile  si  im- 
portante opération  par  la  co  isi  léra- 
tion  des  d^^ux  granules  ioi'<  iini'osées 
par  le  Oéat^ur  à  l'homme  sa  cré  iture  : 
la  loi  de  l'amour,  qui  no  is  oi)lig  à  re- 
noncer à  ni>us  comme  fin,  pour  nous 
attacher  à  Dieu  el  plac'  r  le  liernier 
term  ■  (le  notre  joie  d  ns  sonbo  h  'ur; 
et  le  loi  de  la  prière,qyn  non-  ai  tache  à 
Dieu  comme  principe  et  source  de  tout 
bien. 

Nos  lecteurs  peuvent  déjà  s';i  perce- 
voir qee  cette  retraiie  du  Père  A.  D.  ne 
manque  ni  d'orginalite  m  .1  i  g  que. 
Nous  pouvons  en  dire  autant  d  cha- 
cun des  exeicices.  Par  Us  p-  ns^"--  for- 
tes qu'ils  renferment  et  la  manier  dont 
elies  sont  pré>en  ées,  ils  ac  u  •  ni  chez 
l'auteur  un  esprit  pni-sanl,  trè-  fami- 
liarisa avec  les  grandes  verit  s  qui 
sanctifient  le  préire.  Bien  qu  exio-ées 
d'une  façon  très  concise  et  p mr  ainsi 
dire  sommure,  c^s  vérité-  p  duisent 
facil  ment  d.ms  l'âaie  une  1  .une  e  sai- 
sisstnle  et  convaincant  .  n--  .t  i-  luons 
aussi  i|U  lie  place  iinporlaiite  a  rière 
occupe  dans  1  s  oraisons  Sai  ilAl  'hon- 
se  de  Liguiiri  et  î-es-nfaiis  .sitent 
beaucoup  -u>  ce  p'ànt;  ei  il  n  us  se- 
rait très  avanlag  ux  de  les  i\  .ir  pour 
guides  pour  qunousansi  nii- con- 
traciions  l'habnu  le  Me  fme  da  !s  nos 
méditaiions  une  p  us  large  part  à  la 
prière* 

Nous  allons  maintenam,  pour  complé- 
ter noire  comile-renlu,  id  :  q  er  la 
suite  de>  a'ies  de  chique  jou  .  I,e  pre- 
mier j>ur,  nou-  l'avons  vu,  a  <iu  pro- 
duire un  vit  desir  du  sa  lui,  i  par 
conséquent  de  l'dinour  e  de  .  ersé- 
vérance,  el  par  suite  de  a  eu  ersion 
quoli 'ientie  qui  rennu\<'ile  chique 
jour  la  résolutinn  de  pri  r  el  la  r  s  ilu- 
tion  de  s'ex^rcei  à  lach.u:  .  Il  faut 
donc  savoir  qu  lie  est  ceil  .neiequi 
nous  oblieiidia  la  chante -i  i,  ,^  -évé- 
rance.  L-  second  jour  non-  lep  con- 
naître les  coiditions  ei  1-  s  S'Ui  ments 
de  la  prière  p  irfaite  el  la  le  es-ité  de 


476 


LE  PROPAGATEUR 


s'yexei  <■  Letioisièmejour  nous  mon- 
trera m  'i  dt^s  éléments  indispensa- 
bles de  1 1  l'iit-re  parlaile  f-st  le  recours 
perpéiV'i  à  Marie;  là  nous  trouvons 
un  irai-  >  i-i-inct  mais  complet  sur  la 
dévoti  /  ur/aite  à  la  Sainte- Vierge. 
Au  quiii  l'iue  jour  ie  retraitant  com- 
menc  -  •  t  c  :per  de  l'acti-  de  charité 
et  à  s'>  •  N'  cer  ;  et  tout  d'abord  il  se 
cons^c'i  e  .■■  'aoto  essentiel  de  cette  ver- 
tu Le  0:1  suivant  il  envisagera  cette 
mêm  clia  t  en  tant  qu'ell,"  nous  fait 
haïr  1'  I  e.  h",  et  nous  pioci.re  la  vraie 
pénitence.  ■  nous  conduit  à  une  bon- 
ne cri/e  i  n.  Ensuit^■  l'âme  décidée 
par  la  \  ^  ;•  1  chririté  à  combattre  le  mal 
de  Dieii  I  à  chercher  son  bien,  s'atta- 
che à  s  -il ml'-  volonté  (c'est  l'acte  du 
sixièn  ji'  M.  et  en  particulier  à  c>^  que 
Dieu  V  par  dessus  toutes  choses  de 
tous  11  h  t  liens,  c'est-à-dire  à  Vami- 
tié  de  Ji.ui-Ch7-isl.Cei  amilie  exige  le 
dévohe  •  ,1  à  son  œuvre,  qui  est  la  ré- 
demp»  li  •  l  le  salut  di  s  hommes  ;  l'ob- 
jet de  l'i  irintlon  et  des  ornisons  du 
du  st  I  li^  un-  jour.  Elle  1  xige  aussi  la 
partici  aii"n  à  V esprit  de  Jésus-Christ 
ei  à  ion  irriKur  pour  la  croix  ;  c'est  le 
sujet  ".'  il  itième  jour.  Le  troisième 
e.aracl^r  de  la  vr^ie  amitié  de  Jésus- 
Christ,  c'-s  i' abandon  à  sa  divine  pro- 
vidence qui  fail  l'objet  des  rétlexions 
du  noi.vi-  m  jour.  Enlin  au  dixième  et 
dernii  <  m  i  1  dr-  la  retnute,  on  s'occupe 
delà  Miii  nraison.en  même  temps  que 
la  grâ.  I  'lUi  .st  le  fruit  principal  de  l'o- 
raison, ei  ([ui  avec  l'oraison  devra  as- 
surer ly  conversion  quotidienne  et  par 
suiti-  la  p  rsé\érance  dans  la  charité. 

On  d  Mlle  facilement  combien  ces 
diffère  ts  ..des  préparés  sérieusement 
pard.  -  mediiations  trèsvaiiées  et  très 
substaiiti  les  seront  utiles  à  l'âme,  et 
comni"  '1  sortira  de  la  retraite  trans- 
form^'H  t^i  \ entablement  renouvelée. 

Nous  e  dirons  rien  de  l'examen  de 
chaqi  e  jdin  ;  nous  voulons  signaler,  à 
nos  !■  l  nrs  une  autre  retraite  du 
mêm'  Huteur,  qui  moins  longue  et  spé- 
ciale:: e  1  reiigée  l'our  l^s  ecclésiasti- 
ques, sera  mieux  accueillie  et  leur  sera 
aussi  tre>  pn  litable. 

Ce  p'  iii  travail  du  Père  A.  D.  est  in- 
titule :  La  KÉSOLUTION  ET  l'ORAISON  DU 
PRÊTHE,  I  NE  SEMAINE   DE  RÉFLEXION.    Le 

prêtre  (ju.  v'Ut  être  saint,  doit  se  ré- 
soudre d  1-^  pratique  d-  sept  principa- 
les V'  nu-  :  esprit  de  régularité,  haine 
dupéc'é,  amour  de  Dieu,  amitié  de 


Jésus-Christ,  esprit  de  prière,  poursui- 
te de  la  persévérance,  emploi  des  mé- 
thodes charitables  dans  l'exercice  du 
ministère. 

Chacune  de  ces  vertus  se  trouve  être, 
à  son  jour,  le  sujet  d'une  instruction 
courte  et  substantielle  qui  en  montre 
l'importance  et  la  nécessité,  et  le  thème 
d'une  oraison  t  ù  l'on  médite  les  vérités 
qui  doivent  nous  déterminer,  nous  ré- 
soudre à  la  pratique  de  la  vertu  •  où 
l'on  fait  des  prières  qui  se  rapportent 
à  elle  pour  terminer  par  des  conclu- 
sions pratiques  qui  réalisent  dans  la 
conrtuite  la  résolution  prise  dans  l'orai- 
son Ce  genre  d'oraison  que  l'auteur 
appelle  le  laboratoire  de  la  résolution 
d'âme  il  nous  en  donne  un  modèle 
chaque  jour  ;  mais  de  plus  chaque  jour 
il  consacre  une  page  ou  deux  à  nous 
exposer  la  nature  et  les  différentes  par- 
ties et  conditions  d'une  bonne  médita- 
tion ;  c'e-t  un  traité  très  court,  mais 
clair  et  complet  de  l'oraison.  Nous  en 
avons  fait  notre  profit  ainsi  que  des  ins- 
tructions et  méditations  qui  l'accompa- 
gnent ;  nous  connaissons  des  confrères 
qui  en  ont  fait  aussi  profiler  les  âmes 
qu'ils  dirig'  nt  ;  nous  engageons  vive- 
ment nos  lecteurs  à  faire  une  semaine 
de  réQexion,  avec  cette  brochure  pour 
guide 

Nous  arrêtons  là  l'examen  des  re- 
cueils de  mé'litations  pour  retraites. 
Nous  avons  commencé  par  les  Exerci- 
ces spirituels  de  saint  Ignace  et  conti- 
nué par  les  ouvrages  qui  en  sont  comme 
les  dérivés.  Parmi  ceux-ci,  on  aura  re- 
marque la  rietiaite  spirituelle  des  PP. 
Dcbrosse  et  Augry  commele  plus  com- 
mode pour  ceux  qui  dirigent  des  retrai- 
tants ;  l'ouvrage  du  P.  Lohner  aura  été 
jugé  comme  le  plus  riche  et  le  plus 
complet  ;  celui  du  P.  Pergmayr  est  le 
plus  économique.  L'ouvrage  du  P. 
Tanner  forme  une  catégorie  à  pa-t, 
dont  le  principal  avantage  est  de  pré- 
senter tout  l'ensemble  des  vertus  et 
obligations  duprêlre.  Nous  avons  cha^ 
leureusement  recommandé  li'Manuel  de 
retraite  du  P.  Valuy.  Enfin  nous  avons 
ajouté  à  notre  liste  deux  retraites  dues 
à  un  grand  prédicateur  de  retraites 
ecclésiastiques  ;  nous  pensons  donc 
avoir  achevé  notre  tâche  sur^ce  point  et 
donné  à  nos  lecteurs  la  facilité  du  choix. 

(à  suivre) 


LE    PROPAGATEUR 


Volume  IV,  1er  Octobre,  1893,       Numéro  15 


BULLETIN 


24  Septembre  1893. 

*/  Les  lecteurs  savent  depuis  longtemps,  par  la  voie  des 
journaux,  que  les  mauvaises  doctrines  se  propagent  en  Hongrie 
d'une  manière  effrayante.  Les  sectaires  emploient  même  la 
persécution  pour  parvenir  à  leur  but  qui  est  de  déchristianiser 
le  royaume  de  Saint  Etienne.  En  cela  ils  imitent  servilement  les 
agissements  de  leurs  congénères  des  autre  pays,  notamment  ceux 
de  France.  Mais  heureusement  que  le  pasteur  universel  veille  sur 
son  troupeau  et  qu'il  est  toujours  prêt  à  repousser  les  attaques  des 
bêtes  féroces.  Au  commencement  de  ce  mois  il  a  adressé  aux 
évêques  de  Hongrie  une  encyclique  dans  laquelle  il  leur  trace 
la  ligne  de  conduite  qu'ils  doivent  suivre  dans  ces  jours  de  périls, 
que  traverse  leur  pays.  Nous  reproduisons  le  résumé  de  cotte 
encyclique  tel  qu'il  a  été  télégraphié  à  la  Croix  de  Paris  par  son 
correspondant  à  Rouie  : 

Le  Pape  commence  par  rappeler  les  fastes  glorieux  de  la  aatioa  hongroise, 
mais  il  se  plaint  des  lois  en  vigueur  contre  l'Eglise  et  trace  aux  catholiques 
hongrois  leur  ligne  de  conduite. 

Sa  Sainteté  relève  les  dangers  des  mariages  mixtes  et  démontre  la  nécessité 
d'élire  des  députés  catholiques  aux  Parlements,  de  combattre  par  les  livres  et 
les  journaux,  de  soigner  Téducation  de  la  jeunesse,  surtout  celle  des  séminaires, 
de  surveiller  la  discipline  du  clergé,  qui  ne  doit  pas  trop  s'occuper  des  affaires 
civiles  et  politiques,  d'administrer  sagement  les  biens  des  Eglises,  de  faire 
réfleurir  les  conireries  laïques,  auxiliaires  du  clergé. 

Le  Pape  termine  en  exhortant  les  évêques  à  continuer  de  se  réunir  en  des 
congrès  annuels,  pour  délibérer  sur  tout  ce  qui  peut  être  utile  à  la  défense  et 
et  aux  intérêts  de  la  religion. 

* 

*,*  Depuis  la  révolution  qui  a  renversé  dom  Pedro,  le 
Brésil  n'a  jamais  joui  d'une  paix  complète.  Presque  tous  les 
points  importants  ne  cet  immense  territoire  ont  eu  leurs 
troubles  et  le  gouvernement  a  été  continuellement  occupé 
a  réprimer  des  soulèvements  partiels.  Ces  jours-ci,  encore, 
le  télégraphe  nous  a  apporté  la  nouvelle  d'un  soulèvement 
très  grave  et  du  bombardement  de  Rio  de  Janeiro  la  Ckipitale. 
Le  président  actuel  Peixoto  court  le  risque  d'être  déposé 
car  les  troupes  dont  il  dispose  ne  sont  pas  bien  nombreuses  et  la 
flotte  presqu'entière  est  contre  lui.  La  révolution  recrute  de  nom- 
breux adhérents  chaque  jour  et  menace  de  renverser  le  gouver- 

29 


482  LE  PROPAGATEUR 


nement.  La  république  fondée  par  la  franc-maçoanerie  joue  réel- 
lement de  malheur.  Sous  dom  Pedro  le  pays  était  tranquille  et 
prospère;  mais  il  en  est  autrement  aujourd'hui,  et  les  troubles 
constants  auxquels  il  est  en  proie  entravent  ses  progrès  d'une 
manière  funeste. 

*,*  Le  gouvernement  autrichien  sévit  en  Bohême.  11  a  même 
proclamé  l'état  de  siège  à  Prague,  la  capitale,  et  il  a  suspendu,  à 
celte  occasion  les  articles  12  et  13  de  la  loi  constitutionnelle.  Il  a 
de  plus  fait  arrêter  60  membres  du  parti  des  Jeunes  Tchèques  (\]. 
Ce  parti  demandait  jadis  que  l'on  accordât  à  la  Bohême  un  gou- 
vernement semblable  à  celui  de  la  Hongrie,  et  que  l'empereur 
d'Autriche  se  fit  couronner  roi- de  Bohême  comme  il  est  couronné 
roi  de  Hongrie.  Mais  il  parait  que  l'agitation  est  actuellement  anti- 
dynastique. 

Les  agissements  du  parti  Jeune  Tchèque  sont  un  danger  conti- 
nuel pour  l'empire  et  ils  pourraient  inspirer  assez  de  crainte  pour 
paralyser  l'action  de  l'Autriche  dans  le  cas  d'un  conflit  entre  la 
Triplice  et  la  France. 

La  haine  de  l'Allemagne  règne  en  Bohême  et  le  gouvernement 
en  redoute  avec  raison  les  effets. 

*/  Notre  nouveau  gouverneur  général,  lord  Aberdeen,  est 
arrivé  à  Québec  dimanche  le  17  septembre.  11  a  fait  la  traversée 
à  bord  du  paquebot  Sardinian,  de  la  ligne  AUan. 

Dans  la  salle  du  conseil  législatif,  lundi,  le  gouverneur  a  prêté 
le  serment  d'ofSce.  C'est  le  juge  Strong,  juge  en  chef  de  la  cour 
suprême,  qui  lui  a  fait  prêter  ce  serment  qui  est  le  premier  acte 
officiel  d'un  gouverneur. 

La  cérémonie  de  la  prestation  du  serment  a  été  solennelle  et 
très  impoi^ante.  Parmi  les  personnages  présents  à  cette  cérémonie 
on  remarquait  son  Eminence  le  cardinal  Taschereau,  le  lieutenant 
gouverneur  Chapleau,  le  premier  ministre  du  Canada  sir  John 
Thompson  et  plusieurs  membres  de  son  cabinet,  le  premier  mi- 
nistre de  la  province  de  Québec,  M.  Taillon  et  plusieurs  de  ses 
collègues,  l'orateur  de  l'assemblée  législative,  le  maire  de  Québec 
et  plusieurs  autres  dignitaires  ecclésiastiques  et  civils. 

*/  Une  élection  pour  la  législature  locale  a  eu  lieu  le  8  août 
dans  le  comté  de  Brandon,  Manitoba.  Les  deux  candidats  étfiient 
un  M.  Adanis,  partisan  du  gouvernement  Greenway,  et  M.  W.  A. 
Macdonald,  le  chef  de  l'opposition  conservatrice.  M.  Adams  a  été 
élu  avec  une  majorité  de  30  voix.  La  victoire  de  M.  Adams  réduit 
l'opposition  à  13  membres. 

(1)  Les  Tchèques  sont  les  Slaves  de  la  Bohême. 


LE  PROPAGATEUR  483 


*/  Sont  décédés  (1). 

1''.  M.  JoUn  Lovell,  imprimeur,  à  l'âge  de  82  ans  et  11  mois. 
M.  Lovell  est  né  à  Bardon,  comté  deCoik,  Irlande,  le  4  août  1810, 
et  il  est  mort  à  Montréal  le  1er  juillet  1893.  Il  est  l'un  des  plus 
célèbres  imprimeurs  du  Canada  et  il  est  l'un  de  ceux  qui  ont  le 
plus  contribué  aux  progrès  de  l'imprimerie  dans  le  pays.  Il  a 
publié  un  grand  nombre  de  journaux, de  livres  d'écoles  et  d'autres 
ouvrages  importants.  Les  premiers  almanachs  d'adresses  publiés 
ici  ont  été  imprimés  par  oethomme  entreprenant.  Depuis  très  long, 
temps  il  publiait  annuellement  l'Almanach  d'adresses  de  Montréal, 
(Montréal  Directory),  un  modèle  de  ce  genre  de  publications. 

2°.  M.  Joseph  Guillaume  13arthe,  ancien  député  et  ancien  jour 
naliste.  11  était  âgé  de  77  ans.  M.  Barthe  était  libéral  et  il  a  été 
membre  de  l'assemblée  législative  de  la  province  du  Canada  avant 
la  confédération.  Il  a  été  rédacteur  de  plusieurs  journaux  et  il  a 
publié  des  Souvenirs  et  un  livre  qui  a  eu  un  grand  retentissement 
dans  la  province  de  Québec.  Ce  livre  était  intitulé  "  Le  Canada 
reconquis  parla  France  ".  C'était  en  1854  ou  1855,  à  l'époque  de  nos 
terribles  luttes  de  partis.  L'un  des  plus  célèbres  journalistes  du 
temps,  M.  Alfred  Rambau,  rédacteur  en  chef  de  la  ÏPatrie,  journal 
conservateur  fit  une  critique  acerbe  de  cet  ouvrage.  Cette  critique 
écrite  dans  un  style  entraînant  eut  une  vogue  immense.  Elle  était 
intitulée  •'  Le  Canada  vengé  des  platitudes  d'un  fanfaron  ou  M.  Barthe 
"  et  son  livre"  Les  haines  politiques  étaient  alors  poussées  au 
paroxisme  et  la  passion  eut  peut-être  une  trop  large  part  daus  la 
critique  du  livre. 

3°.  L'hon.  Donald  Montgomery,  sénateur,  à  l'âge  de  85  ans  et 
quelques  mois.  Il  naquit  à  Princetown,  ile  du  Prince-Edouard,  le 
19  janvier  1808.  Pendant  55  ans  de  vie  publique,  il  fut  successi- 
vement député  du  comté  de  Prince  à  l'assemblée  provinciale,  con- 
seiller législatif  et  sénateur.  Il  fut  orateur  de  l'assemblée  législa- 
tive pendant  quatre  ans,  et  orateur  du  conseil  législatif  de  1862  à 
1874.  Il  fut  nommé  sénateur  en  1873  lorsque  l'île  du  Prince 
Edouard  fut  admise  dans  la  Confédération.  M.  Montgomery  était 
conservateur  en  politique. 

4°.  L'hon.  C.  S.  Patterson,  juge  de  la  cour  Suprême  du  Canada, 
à  l'âge  de  70  ans.  Il  était  juge  de  la  cour  Suprême  depuis  cinq  ans, 
et  antérieurement  il  avait  été  juge  de  la  cour  d'Appel  d'Ontario 
pendant  quatorze  ans. 

5**.  L'hon.  Isidore  Thtbaudeau,  marchand  et  ancien  ministre 
provincial.  Il  naquit  au  Cap  Santé,  comté  de  Portneuf,  le  30  sep- 

(l)  Qaelques  uas  des  décès  datent  de  plusieurs  mois.  11  m'a  été  impossible, 
faute  d'espace,  d'en  parler  plus  loi.  Je  le  fais  à  la  demande  de  quelques  lecteurs. 
Je  parlerai  dans  les  prochains  numéros  des  personnages  importants  décédés  à 
l'élraager  depuis  quelques  mois' 


484  LE  PROPAGATEUR 


tembre  1819.  Il  était  encore  très  jeune  lorsqu'il  embrassa  la  car- 
rière commerciale  dans  laquelle  il  s'est  distingué.  Il  y  amassa  une 
grande  fortune.  M.  Thibaudeau  a  représenté  Québec  centre  dans 
l'ancienne  assemblée  législative  de  la  province  du  Canada,  et  il  a 
été  membre  de  l'administration  Macdonald-Dorion  de  mai  lo63  à 
mars  1864.  Lors  de  la  Confédération  en  1867  il  fut  nommé  con- 
seiller législatif  pour  la  division  de  Kennebec.  Il  fut,  au  conseil, 
le  chef  de  l'opposition  libérale.  11  donna  sa  démission  eu  1874  et 
il  fut  élu  par  acclamation  député  de  Québec-Est  aux  Communes. 
En  \^11  le  chef  actuel  de  l'opposition  fédérale.  M.  Laurier,  ayant 
été  défait  dans  Drummond  et  Arthabaska,  M.  Thibaudeau  donna 
sa  démission  et  M.  Laurier  fut  élu  à  sa  place.  Après  sa  démission  M. 
Thibaudeau  s'occupa  uniquement  de  ses  affaires  commerciales. 

e*»,  Sir  Alexander  Tilloch  Galt,  G.  C.  M.  G.,  ancien  ministre,  à 
l'âge  de  76  ans.  Il  naquit  à  Ghelsea,  Londres,  Angleterre,  le  6  sep- 
tembre 1817.  Il  était  le  fils  de  M.  John  Galt,  littérateur  anglais 
et  le  fondateur  de  la  ville  de  Guelp,  Ontario.  M.  Galt  a  longtemps 
représenté  la  ville  de  Sherbrooke  dans  l'assemblée  législative  de 
la  province  du  Canada  sous  l'union  et  aux  communes  du  Canada 
après  la  Confédération.  Il  a  été  ministre  des  Finances  du  Canada- 
Uni  et  ministre  des  Finances  de  la  Puissance  C'est  lui  qui  fit 
adopter  ici  le  système  décimal  en  matière  de  finance.  En  1849  il 
vota  contre  le  célèbre  bill  d'indemnité  pour  les  pertes  résultant  de 
l'insurrection  de  1837  et  il  signa  le  fameux  manifeste  annexioniste. 
On  sait  que  c'est  à  cause  du  bill  d'indemnité  que  la  populace  fu- 
rieuse fit  brûler  les  bâtisses  du  parlement  à  Montréal  et  attaqua 
Lord  Elgin,  le  plus  sympathique  de  nos  gouverneurs  anglais.  M. 
Galt  3  fait  partie  de  la  commission  chargée  de  régler  la  question 
des  pêcheries  et  il  a  été  haut  commissaire  canadien  à  Londres, 
charge  occupée  actuellement  par  Sir  Charles  Tupper.  Il  a  aussi 
assisté,  en  qualité  de  délégué,  aux  diverses  conférences  relatives 
à  l'union  des  provinces,  à  Gharlottetown,  île  du  Prince-Edouard, 
en  1864,  à  Québec  la  même  année,  et  à  Londres  en  1867.  En  1869 
il  fut  créé  par  sa  Majesté  Chevalier  Grand-Croix  de  l'ordre  de  St- 
Michel  etSt-George,  G.  C.  M.  G.. 

7°  L'hon.  Samuel  Locke,  ancien  conseiller  législatif  de  la  Nou- 
velle-Ecosse, M.  Elle  Mailloux,  régistrateur  du  comté  de  Témis- 
couata  et  ancien  député  local  de  ce  comté,  M.Dennis  Murray, 
juge  de  police  à  Québec,  et  M.  O'Brien  magistrat  stipendiaire  de  la 
rive  Nord. 

Alby. 


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Les  nombreux  livres  de  piété  publiés  par  le  Père  Louis  de  Gre- 
nade, ont  rendu  depuis  tantôt  quatre  siècles,  son  nom  célèbre,  et 
la  sainteté  de  sa  vie  est  encore  plus  digne  d'admiration  que  la 
science  et  le  merveilleux  talent  qui  caractérisent  ses  œuvres. 

Ce  moine  illustre  naquit  à  Grenade,  en  1504,  sous  le  pontificat 
de  Jules  II,  et  sous  le  règne  de  Ferdinand  V,  roi  d'Espagne.  Ses 
parents  étaient  pauvres,  mais  de  vieille  race  chrétienne  ;  c'est-à- 
dire,  qu'ils  descendaient  d'une  vraie  souche  espagnole,  dont  la 
filiation  n'avait  été  entachée  d'aucune  alliance  avec  les  Maures, 
ces  infidèles,  que  l'Espagne  exécrait,  mais  dont  elle  n'était  pas 
encore  entièrement  purgée. 

Louis  n'avait  que  cinq  ans  lorsque  son  père  mourut.  Sa  pieuse 
mère  en  était  réduite  à  vivre  -d'aumônes.  Gomme  elle  habitait 
avec  son  fils  dans  le  voisinage  du  couvent  des  Pères  dominicains 
de  Sainte-Croix,  elle  sollicita  et  obtint  de  blanchir  les  robes  des 
religieux.  Les  bons  Pères  prirent  sous  leur  protection  la  pauvre 
veuve  et  son  enfant,  et  pourvurent  à  leurs  plus  pressants  besoins. 
Dieu  voulut  que  Louis  de  Grenade  fût  ainsi  attaché,  dès  son  jeune 
âge,  par  les  liens  de  la  reconnaissance  à  l'ordre  même  qu'il  devait 
illustrer  par  la  suite. 

Un  de  ses  biographes  raconte  que,  bien  que  Louis  fût  très-doux 
de  caractère,  il  eut,  un  joui',  une  dispute  avec  plusieurs  de  ses 
camarades  dans  les  fossés  de  la  citadelle.  A  la  vivacité  des  paroles 
succéda  bientôt  la  vivacité  des  actes,  et  une  scène  de  pugilat  sé- 
rieux s'engagea  sous  les  yeux  mêmes  du  comte  de  Tendilla,  gou- 
verneur de  la  forteresse,  qui  jusiementsepromenaitsurle  rempart. 
Le  comte  s'empressa  d'envoyer  quelques  hommes  de  la  garnison 
pour  séparer  les  jeunes  combattants,  qui  n'y  allaient  pas  de  main 
morte  et  pouvaient  se  blesser  d'une  façon  grave.  Or  Louis,  qui 
n'avait  pas  été  l'agresseur,  pria  les  soldats  de  le  conduire  près  du 
comte,  auquel  il  expliqua  la  cause  de  la  bataille,  se  justifiant  avec 
tant  d'esprit  et  une  dignité  enfantine  si  gracieuse,  que  le  gou- 
verneur le  prit  à  l'instant  môme  en  grande  affection.  11  s'informa 
de  sa  famille,  connut  l'état  d'indigence  de  sa  mère,  et  décida  qu'à 
partir  de  ce  jour  il  demeurerait  chez  lui  et  serait  le  compagnon 
d'études  de  ses  propres  enfants. 

Dès  le  lendemain,  Louis  accompagna  donc  les  fils  du  comte  de 
Tendilla  au  collège.  Tout  d'abord  il  donna  la  preuve  de  disposi- 
tions extraordinaires.  Sa  mémoire  était  si  prodigieuse,  qu'ayant 
assisté  pendant  le  carême,  avec  toute  la  famille  du  gouverneur, 
aux  sermons  d'un  éloquent  dominicain  de  Sainte-Croix,  il  répétait 
chaque  soir,  au  retour  à  la  citadelle,  le  discours  qu'il  venait  d'en- 
tendre. Louis  n'omettait  aucun  passage.  11  reproduisait  jusqu'au 
ton  du  prédicateur,  imitait  ses  gestes  et  accentuait  ses  effets  ora- 
toires avec  une  fidélité  si  parfaite,  que  le  comte  invita  plusieurs 
personnes  de  sa  connaissance  à  venir  l'entendre.  La  compagnie 
n'en  revenait  point  et  restait  comme  en  extase.  Ghacur;  s'accordait 
à  dire  qu'un  enfant  si  richement  doué,  et  qui  se  distinguait,  d'ail- 


LE  PROPAGATEUR  487 


leurs,  par  une  piété  tout  à  fait  exemplaire,  deviendrait  une  des 
gloires  de  l'Eglise  ;  car  Louis  manifestait,  dès  cette  époque,  une 
vocation  décidée  pour  l'état  religieux.  Le  comte  de  Tendilla  pour- 
vut généreusement  à  l'entretien  du  jeune  homme,  lui  fit  achever 
ses  études  et  paya  tous  ses  maîtres. 

A  l'âge  de  dix-sept  ans,  Louis  entra  comme  novice  au  couvent 
des  Pères  dominicains,  dont  les  supérieurs  le  connaiss  dent  de 
longue  date.  On  savait  que  les  qualités  nécessaires  à  un  bon  re- 
ligieux s'unissaient  en  lui  à  une  rare  intelligence.  Humble,  modeste, 
apportant  tonte  l'exactitude  possible  à  l'accomplissement  de  ses 
devoirs,  suivant  avec  une  docilité  parfaite  les  conseils  qu'il  re- 
cevait de  son  Maître  des  novices,  il  n'eut  pas  un  seul  instant  de 
défaillance,  observa  chaque  point  de  la  règle  avec  une  fidélité 
scrupuleuse  et  servit  de  modèle  à  tout  le  noviciat.  Pendant  les 
soixante-huit  années  qu'il  vécut  dans  l'ordre,  il  conserva  la  ferveur 
de  ce  premier  temps  de  séjour  au  cloître,  et  le  même  attachement 
à  la  discipline  monastique. 

Il  avait  donné  trop  de  preuves  de  la  solidité  de  sa  vertu  pour 
que  les  supérieurs  jugeassent  convenable  de  retarder  sa  profession. 

Notre  jeune  novice  fut  donc  admis  à  prononcer  ses  voeux,  et  il 
s'acquitta  de  ce  grand  acte  de  sa  vie  avec  une  joie,  avec  un  zèle 
enthousiaste  et  une  ferveur  de  piété  qui  édifièrent  profondément 
l'assistance. 

On  le  reçut  aussitôt  dans  la  classe  de  philosophie.  Ses  progrès 
furent  rapides  et  soutenus.  En  six  mois,  il  dépassa  tous  ses  con- 
disciples et  fut  proclamé  l'élève  le  plus  instruit  de  la  province. 

Une  école  de  théologie  très-florissante  était  ouverte  à  Valladolid  ; 
on  résolut  d'y  envoyer  le  jeune  religieux.  Cette  détermination 
l'affligea  beaucoup,  sans  qu'il  en  témoigna  rien,  par  respect  pour 
la  vertu  d'obéissance.  Il  songeait  à  sa  pauvre  mère  qui  allait 
rester  à  Grenade  dans  un  état  voisin  de  la  détresse.  Pendant  toute 
la  durée  de  son  noviciat  et  de  son  cours  de  philosophie,  jamais  il 
n'avait  manqué  de  diviser  en  deux  portions,  avec  l'assentiment 
de  ses  supérieurs,  la  nourriture  qu'on  lui  servait  au  réfectoire. 
L'une  de  ces  portions  «tait  pour  sa  mère.  Ce  qu'il  conservait  pour 
lui  môme  ne  suffisait  assurément  pas  à  satisfaire  l'appétit  d'un 
jeune  homme  de  son  âge  ;  mais  peu  lui  importait  de  souffrir  de 
la  faim,  quand  il  trouvait  une  occasion  de  se  mortifier,  d'otfrir 
un  sacrifice  à  Dieu  et  de  pratiquer  deux  vertus  à  la  fois,  la  piété 
filiale  et  l'abstinence. 

Au  moment  de  quitter  Sainte  Croix,  il  tremblait  donc  délaisser 
la  pauvre  veuve  exposée  à  la  misère,  lorsqu'il  apprit  tout  à  coup 
que  le  comte  de  Tendilla  se  chargeait  de  veiller  sur  elle.  Ses 
craintes  furent  ainsi  pleinement  dissipées  à  l'heure  du  départ. 

La  tendresse  de  Louis  de  Grenade  pour  sa  mère  ne  se  démentit 
jamais  tant  que  celle-ci  vécut.  11  lui  rendait  de  fréquentes  visites, 
et  son  état  d'indigence  n'éveillait  pas  en  lui  la  moindre  suscepti- 
bilité d'amour-propre.  Un  jour  qu'il  prêchait  devant  toute  la 
noblesse  de  Grenade,  à  laquelle  était  venue  se  joindre  une  afflu- 
ence  de  riches  bourgeois,  il  aperçut  avant  de  commencer  son 


488  LE  PROPAGATEUR 


discours,  sa  mère  qui  venait  pour  l'entendre,  et  qu'on  rebutait  au 
fond  de  l'église  à  cause  de  la  pauvreté  de  ses  vêtements  et  de  son 
air  misérable. 

"  Je  vous  en  prie,  dit  le  prédicateur,  en  la  désignant  à  l'assis- 
tance, laissez  passer  cette  pauvre  femme.  C'est  ma  mère.  " 

On  se  rangea  tout  aussitôt,  et  l'on  vit  les  plus  grandes  dames 
se  disputer  l'honneur  de  placer  l'humble  veuve  auprès  d'elles,  en 
lui  témoignant  toutes  sortes  d'égards  et  en  l'estimant  heureuse 
d'avoir  un  pareil  fils. 

A  Valladolid,  Louis  de  Grenade  continua  de  déployer  dans  ses 
études  théologiques  autant  de  sagacité  que  de  pénétration.  Rien 
ne  lui  faisait  obstacle  ;  il  surmontait  de  prime-abord  les  difficultés 
les  plus  sérieuses  et  en  donnait  la  solution  avec  un  tact  surprenant, 
avec  une  netteté  remarquable..  Il  s'attacha  de  préférence  à  la 
théologie  mystique,  sans  négliger  les  autres  parties  du  cours. 
Dieu,  qui  le  destinait  à  être  plus  ta'^d  le  docteur  de  cette  science, 
lui  donna  non  seulement  un  vif  désir  de  s'y  appliquer,  mais  encore 
de  grandes  lumières  pour  en  pénétrer  les  secrets  mystérieux  et 
les  profondeurs  sublimes. 

Toujours  prudent  et  modéré  dans  sa  conduite,  il  savait  faire  du 
temps  un  partage  égal  entre  l'étude  et  l'oraison,  veillait  saiis  cesse 
aux  impressions  de  son  âme  et  comprimait  la  révolte  des  sens  par 
un  rude  et  continuel  exercice  de  la  discipline,  qu'il  s'administrait 
quelquefois  pendant  des  heures  entières,  accomplissant  sur  son 
propre  corps  un  sacrifice  sanglant  pour  se  rendre  plus  conforme 
à  Jésus  crucifié.  Il  avait  choisi  la  dernière  chambre  du  dortoir, 
la  plus  secrète  et  la  plus  reculée,  afin  d'être  complètement  libre 
de  se  livrer  à  ses  macérations  corporelles.  Le  saint  religieux 
pensait  n'être  vu  et  entendu  que  de  Dieu  seul. 

Toutefois  il  fut  découvert,  au  moment  où  il  s'y  attendait  le 
moins,  par  des  personnes  qui  passaient  de  nuit  près  du  couvent. 
C'étaient  deux  gentilshommes  de  la  ville,  deux  jeunes  libertins, 
qui  se  dirigeaient  à  la  faveur  des  ténèbres  vers  une  maison  de 
débauche.  Il  pouvait  être  onze  heures  du  soir,  la  rue  était  déserte 
et  silencieuse.  Entendant  des  soupirs  et  des  cris  étouffés,  les 
jeunes  gens  s'approchèrent  de  la  fenêtre  de  Louis  de  Grenade, 
collèrent  l'oreille  aux  volets  fermés  et  distinguèrent  les  coups  de 
fouet  dont  le  religieux  macérait  sa  chair.  Comparant  l'héroïsme 
de  cette  pénitence,  chez  un  homme  innocent  et  pur  sans  aucun 
doute,  à  la  satisfaction  brutale  qu'ils  allaient  donner  à  leurs  pas- 
sions, ils  furent  saisis  d'une  profonde  horreur  d'eux-mêmes  et 
fondirent  en  larmes.  Pas  n'est  besoin  d'ajouter  qu'ils  renoncèrent 
à  leur  criminelle  démarche. 

La  lendemain,  ayant  reconnu  l'endroit  où  ils  s'étaient  arrêtés 
la  veille,  et  demandant  le  nom  du  religieux  qui  avait  sa  cellule 
dans  cette  partie  du  couvent,  ils  se  firent  introduire  chez  lui,  se 
précipitèrent  à  ses  pieds  avec  d-s  sanglots  et  le  supplièrent  d'être 
leur  interprète  auprès  de  la  miséricorde  divine  pour  leur  obtenir 
le  pardon  de  leur  coupable  conduite. 

Après  avoir  terminé  ses  études  théologiques,  le  Père   Louis 


LE  PROPAGATEUR  489 


revint  à  Grenade  au  monastère  de  Sainte-Croix,  où  il  reçut  les 
ordres  sacrés  et  célébra  sa  première  messe. 

Se  sentant  appelé  d'une  manière  irrésistible  à  la  prédication  et 
demandant  à  Dieu  la  grâce  de  pouvoir  se  consacrer  au  salut  des 
âmes,  il  obtint  l'agrément  de  ses  supérieurs  pour  monter  dans  la 
chaire  chrétienne,  et  att'ra  toute  la  ville  dans  l'église  où  il  prê- 
chait. Les  conversions  qu'il  opéra  furent  innombrables.  Il  se 
révélait  au  peuple  de  Grenade  comme  un  saint  et  comme  un 
apôtre,  car  il  n'enseignait  rien  qu'il  ne  pratiquât  lui  même  ;  il 
était  tout  à  la  fois  riche  de  science  et  de  bons  exemples. 

Les  écrivains  du  temps  comparent  l'illustre  religieux  au  ver  à 
soie,  qui,  après  s'être  alimenté  de  feuilles  succulentes,  parvient  à 
une  grosseur  considérable  et  tire  de  sa  propre  sub.-;tance  les  biens 
dont  il  enrichit  l'homme.  De  même  Louis  de  Greuade,  après  s'être 
nourri  de  la  lecture  de  livres  sacrés  et  après  avoir  absorbé,  pour 
ainsi  dire,  les  œuvres  des  Pères  de  l'Eglise,  tirait  comme  de  lui- 
même  une  science  toute  divine,  la  répandait  avec  abondance  dans 
l'âme  de  ses  auditeurs,  et  les  comblait  de  richesses  spirituelles 
qu'il  avait  puisées  dans  le  trésor  de  l'Ecriture  sainte.  Il  avait 
toutes  les  qualités  d'un  grand  prédicateur,  une  voix  claire  et 
métallique,  un  accent  net,  ferme,  intelligible,  une  onction  précieuse, 
une  force  oratoire  triomphante  et  un  talent  particulier  pour  se 
mettre  du  premier  coup  au  niveau  de  son  auditoire.  Pendant  près 
de  quarante  années,  il  remplit  les  églises  d'Espagne  de  son  élo- 
quence évangélique,  prêch  mt  dans  les  plus  humbles  chapelles 
comme  dans  les  cathédrales  les  plus  splendides,  ne  descendant  de 
la  chaire  que  pour  entrer  au  confessionnal  et  y  absoudre  les  pé- 
cheurs touchés  par  sa  parole,  amenés  à  lui  par  la  grâce,  et  qui 
tombaient  à  ses  genoux  en  pleurant  de  repentir. 

Après  ses  quatre  premières  années  de  prédication,  le  Père  Louis 
fut  rappelé  par  ses  supérieurs.  On  trouva  qu'il  avait  bssoin  de 
repos,  et  on  l'envoya  dans  la  province  de  Cordoue  rétablir  le  cou- 
vent de  Scala  Cœli^  qui  tombait  en  ruines  de  toute  manière,  phy- 
siquement et  moralement  ;  non  que  les  religieux  qui  l'habitaient 
fussent  indignes  de  la  sainteté  de  leur  état,  mais  parce  que  le 
fondateur  de  ce  monastère  ne  l'avait  doté  que  de  ressources  très- 
insufBsantes,  et  que,  d'autre  part,  un  bruit  faussement  accrédité 
en  déclarait  le  séjour  insalubre  et  enlevait  à  ceux  qui  l'habitaient 
la  confiance  et  le  courrge. 

Situé  sur  une  colline,  le  couvent  présentait  au  contraire  des 
conditions  hygiéniques  très-favorables.  Notre  digne  religieux 
détrompa  ceux  qui  avaient  cru  à  la  fausse  rumeur,  fit  réparer  les 
cellules  et  les  cloîtres,  trouva  dans  la  bienveillance  et  la  charité 
des  habitants  de  Cordoue  des  moyens  plus  que  suffisants  pour 
améliorer  la  situation  temporelle,  et  sut  enfin  s'acquitter  d'une 
manière  aussi  complète  que  satisfaisante  de  la  mission  que  ses 
supérieurs  lui  avaient  confiée. 

Ce  fut  au  milieu  de  ces  soins  et  de  ces  travaux,  réclamés  pour 
la  gloire  et  la  tranquillité  de  son  ordre  que  Louis  de  Grenade 
écrivit  ses  premiers  livres. 


490  LE  PROPAGATEUR 


Dès  le  principe,  et  bien  avant  que  le  monastère  fut  relevé  d& 
son  délabrement,  Scala  Cœli  devint  pour  ce  digne  fils  de  saint 
Dominique  une  demeure  pleine  de  charme,  une  chère  et  paisible 
retraite,  où  il  s'enfermait  avec  joie,  sans  se  préoccuper  des  in- 
nombrables incommodités  qu'elle  présentait  de  toutes  parts,  ou 
plutôt  se  faisant  un  mérite  de  ce  qu'il  avait  à  y  souffrir.  Cet  ange 
tei-restre  avait  trouvé  là  véritabl^^ment  l'échelle  qui  conduisait  à 
Dieu.  11  sut  profiter  du  recueillement  et  de  la  paix  qu'il  trouva 
dans  cette  solitude  pour  composer  ses  magnifiques  traités  de 
VOraison  et  de  la  Méditation.,  ceux  du  Jeûne  et  de  V Aumône.  On 
goûta  tellement  ces  ouvrages  et  ils  furent  si  répandu»  tout  d'abord, 
que  les  Mahoraétans  eux-mêmes  en  choisirent  des  extraits  pour  les 
traduire  dans  leur  langue.  A  Gordoue,  un  Maure  esclave,  du  nom 
d'Hameiesi,  touché  de  la  grâce,  à  celle  lecture,  demanda  la  ba- 
ptême et  se  fit  chrétien. 

Le  travail  assidu  qu'exigeait  la  composition  de  ses  œuvres 
n'empêchait  pas  le  docte  religieux  de  répondre  au  désir  des  ha- 
bitants de  Gordoue,  qui  venaient  le  supplier  presque  chaque  se- 
maine de  leur  annoncer  la  parole  sainte.  Alors  Louis  de  Grenade 
descendait  de  sa  colline,  et  la  foule  remplissait  aussitôt  l'église 
oii  il  devait  se  faire  entendre. 

Un  jour  de  vendredi  saint,  prenant  un  missel,  il  l'ouvre  solen- 
nellement en  chaire,  se  borne  à  lire  ces  mots  :  Passio  Domini  nostri^ 
Jesu-Christi,  et  ferme-  le  volume  en  disant  : 

"  Est-ce  que  chacun  de  nous  ne  doit  pas  avoir  la  Passion  de 
Jésus-Ghrist  gravée  au  fond  de  son  cœur  ?  A  quoi  nous  servirait 
un  livre,  puisque  nous  pouvons  tous,  moi  le  premier,  en  reproduire 
de  mémoire  les  douloureux  détails  ?  Ecoutez  donc,  ô  mes  frères, 
et  déplorons  ensemble  l'infamie  du  péché  de  l'homme,  qui  a  cloué 
le  Sauveur  du  monde  à  la  Groix  1  " 

Là-dessus  il  se  met  à  paraphraser  les  épisodes  du  drame  de  la 
Passion,  depuis  le  jardin  des  Oliviers  jusqu'au  G:ilvaire,  avec  une 
onction  si  pénétrante,  que  des  sanglots,  des  gémissements,  des  cris 
d'angoisse  et  de  repentir  éclatent  dans  l'auditoire.  Impossible  à 
Louis  de  Grenade  d'achever  sa  péroraison.  Gette  crise  de  douleur 
est  communicative  et  va  toujours  croissant.  Il  est  obligé  de  des- 
cendre, pleurant  lui-même,  et  remerciant  Dieu,  qui  vient  de 
permettre  à  sa  faible  parole  d'émouvoir  aussi  profondément  les 
âmes. 

On  retira  le  célèbre  prédicateur  du  couvent  de  Scala  Cœli  pour 
l'envoyer  fonder  une  autre  maison  de  son  ordre  à  Badajoz,  ville 
d'Andalousie,  où  la  corruption  des  mœurs  était  extrême.  Depuis 
longtemps,  le  peu  de  chrétiens  fidèles  que  cette  ville  comptait  en- 
core appelaient  à  grands  cris  les  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique.  On  savait  le  résultats  obtenus  par  leurs  prédications, 
et  on  réclamait  leur  concours,  plus  nécessaire  là  que  partout 
ailleurs,  et  qui  pouvait  seul  délivrer  une  autre  Babylone  de  l'em- 
pire f'e  Satan. 

A  peine  Louis  de  Grenade  fut-il  installé  à  Badajoz  qu'il  y  ouvrit 
des  conférences  régulièrement.    L'église  était  presque  vide  à  son. 


LE  PROPAGATEUR  49t 


premier  sermon  ;  mais  on  accourut  pour  entendre  les  autres,  et 
la  semence  de  la  parole  sainte,  jetée  dans  ces  cœurs  égarés,  y 
fructifia  au  centuple  et  rendit  une  pleine  moisson  de  conversions 
éclatantes. 

Ce  fut  à  Badajoz  que  le  Père  Louis  composa  Le  Guide  des  Pé- 
cheurs, livre  énergique  et  saisissant,  auquel  un  nombre  incalcu- 
lable de  malheureux  chrétiens,  engagés  sur  la  route  de  l'enfer, 
ont  dû  leur  retour  à  Dieu. 

La  renommée  de  Louis  de  Grenade  s'étendait  alors  d'un  bout 
de  l'Espagne  à  l'autre,  et  dans  tout  le  Portugal.  Ses  supérieurs 
étaient  assiégés  de  requêtes  et  de  supplications.  Partout  on  de- 
mandait le  saint  prédicateur,  partout  on  voulait  l'entendre.  Il 
fallut  céder  à  l'influence  puissante  de  don  Henri,  infant  de  Por- 
tugal et  prince  de  l'Eglise,  qui  l'emporta  sur  tous  les  antres  ré- 
clamants et  obtint  que  le  célèbre  religieux  viendrait  habiter  sa 
ville  métropolitaine 

Don  Henri  avait  voulu  se  consacrer,  dès  sa  jeunesse  à  l'état 
ecclésiastique.  Il  était  archevêque  d'Ebora,  carduial  au  titre  des 
quatre  couronnes,  et  donnait  l'exemple  des  vertus  les  plus  austères. 
Chaque  jour  le  digne  prélat  célébrait  le  sacrifice  de  la  messe  et 
distribuait  à  son  peuple  le  pain  sacré  pour  mieux  connaître  les 
brebis  confiées  à  sa  garde  et  à  sa  vigilance.  Il  visiiait  les  malades 
et  leur  portait  le  saint  Viatique,  entendait  les  confessions,  bapti- 
sait les  enfants,  versait  d'abondantes  aumônes  entre  les  mains 
des  pauvres,  et  déployait,  en  un  mot,  dans  tous  les  actes  de  sa  vie 
le  caractère  de  la  plus  haute  sainteté. 

Sachant  que  le  Révérend  Père  venait  d'arriver  à  Ebora,  le  car- 
dinal voulut  se  rendre  au  couvent  où  il  était  descendu.  Il  alla 
droit  à  sa  cellule  ;  puis,  s'agenouillant  devant  l'humble  moine,  il 
le  pria  de  vouloir  bien  entendre  sa  confession. 

"  Que  Votre  Altesse  daigne  agréer  mes  excuse.s,  répondit  Louis 
de  Grenade.  Etranger  au  diocèse,  je  pourrais  mal  justifier  la  con- 
fiance dont  elle  veut  bien  m'honorer.  J'ignore  s'il  y  a  quelque 
part  des  crimes  ou  des  scandales  publics  que  je  devrais  lui  faire 
connaître,  afin  qu'elle  puisse  y  porter  remède.  " 

Le  cardinal  admira  la  sagesse  du  saint  religieux.  Tout  en  don- 
nant les  marques  d'une  humilité  parfaite,  le  Père  Louis  montrait 
par  ce  discours  combien  les  devoirs  du  confesseur  d'un  prince 
sont  plus  étendus  et  plus  graves  que  ne  peuvent  l'être  ceux  des 
prêtres  appel'^s  à  diriger  les  pénitents  ordinaires. 

Pendant  le  séjour  de  Louis  de  Grenade  en  Portugal,  le  royaume 
entier  put  ressentir  l'heureuse  influence  de  ses  écrits,  de  ses  pré- 
dications et  des  vertus  dont  il  était  le  constant  modèle.  Les  nou- 
veaux religieux,  avec  lesquels  il  demeurait  au  couvent  d'Ebora, 
furent  les  premiers  à  reconnaître  son  rare  mérite  et  ses  qualités 
éminentes.  Le  temps  réglé  pour  des  nouvelles  élections  monasti- 
ques ariivait.  Tous  les  suffrages  se  réunirent  sur  la  tête  de  Louis 
de  Grenade  et  il  fut  nommé  Provincial.  11  s'acquitta  de  ces  fonc- 
tions avec  une  douceur  inaltérable  et  une  prudence  consommée. 
On  était  étonné  de  voir  comment  il  trouvait  moyen  de  suffire  à 


492  LE  PROPAGATEUR 


tout,  sans  négliger  ses  mortifications  ordinaires  et  ses  laborieuses 
études.  Il  avait  des  expédieuls  prodigieux  pour  ne  pas  discontinuer 
sa  tâche,  dans  les  circonstances  mêmes  où  le  travail  semble  im- 
possible à  tout  autre.  Ainsi,  par  exemple,  lorsqu'il  se  mettait  en 
route  pour  aller  visiter  les  maisons  placées  sous  sa  surveillance, 
il  montait  une  mule  à  l'amble  pacifique,  et  prenait  soin  de  faire 
ajuster  à  l'arçon  de  la  selle  une  espèce  de  pupitre,  où  il  posait  ses 
livres,  et  qui  lui  donnait  même  la  facilité  d'écrire.  Notre  infati- 
gable religieux  parvenait  ainsi  à  utiliser  jusqu'à  la  dernière  minute 
de  son  temps  pendant  le  trajet  d'un  monastère  à  l'autre. 

Ce  fut  dans  ces  excursions  qu'il  traduisit  du  latin  en  langue 
espagnole  VEchelle  spirituelle  de  saint  Jean  Glimaque.  Il  dédia 
rœuvr:i  à  la  reine  Catherine,  veuve  de  Jean  III,  roi  de  Portugal, 
et  frère  du  cardinal  Henri.  Cette  princesse,  plus  recommandable 
encore  par  sa  piété  sincère  que  par  l'éclat  de  sa  naissance  et  l'élé- 
vation de  son  rang,  avait  conçu  pour  le  Père  Louis  l'estime  la 
plus  vive  et  ne  manquait  jamais  de  prendre  conseil  de  sa  sagesse, 
lorsque  la  régence  du  Royaume,  dont  elle  était  chargée,  nécessitait 
quelque  importante  détermination.  Trouvant  qu'un  homme  de 
ce  mérite  n'était  point  à  sa  place,  elle  lui  offrit  le  siège  archiépis- 
copal de  Brague,  alors  vacant.  Mais  le  saint  religieux  déclina 
l'honneur  que  la  reine-régente  voulait  lui  faire  et  la  pria  de  jeter 
les  yeux  sur  une  autre  personne  que  lui.  Affligée  de  ce  refus,  Ca- 
therine lui  dit  avec  un  ton  solennel,  où  perçait  le  mécontentement 
et  où  l'on  sentait  que  la  majesté  royale  donnait  un  ordre  : 

—  Père  Louis,  je  vous  charge  de  l'archevêctié  de  Brague.  Ac- 
ceptez-le pour  vous-même,  ou  trouvez  un  homme  capable  de 
l'occuper  dignement.  Quant  à  moi,  je  délivre  de  ce  soin  ma  con- 
science et  j'engage  la  vôtre  sans  réserve.  Sous  trois  jours  il  me 
faut  votre  réponse,  ne  l'oubliez  pas,  mon  Père. 

Elle  le  congédia  par  un  geste  et  par  un  regard,  dont  la  sécheresse 
et  la  sévérité  ne  lui  étaient  pas  habituelles.  Ces  trois  jours  furent 
terribles  et  pleins  d'angoisse  pour  Louis  de  Grenade.  Il  les  passa 
dans  une  oraison  fervente,  dormant  et  mangeant  à  peine,  et  priant 
Dieu  avec  larmes  de  lui  manifester  sa  volonté  et  de  lui  révéler  le 
choix  qu'il  avait  à  faire.  Les  vœux  du  saint  homme  furent  exaucés. 
A  la  fin  du  troisième  jour,  il  retourna  chez  la  reine,  qui  lui  dit  : 

—  J'aime  à  croire  que  toutes  vos  réflexions  sont  faites,  mon 
Père,  et  que  vous  acceptez  ? 

—  Madame,  répondit  Louis  de  Grenade,  permettez-moi  de  ré- 
péter à  votre  Majesté,  que  je  me  sens  indigne  de  remplir  une 
charge  aussi  éminente.  J'ai  recommandé  cette  affaire  à  Notre- 
Seigneur  :  il  m'a  secrètement  inspiré  que,  si  le  choix  s'arrêtait 
sur  don  Barthélemi  des  Martyrs,  la  conscience  de  votre  Majesté, 
comme  la  mienne,  serait  en  sécurité  sur  ce  point. 

—  Hélas  !  Père  Louis,  vous  poussez  trop  loin  la  vertu  !  repartit 
Catherine.  Je  cède,  puisque  vous  tenez  si  ferme,  et  je  vois  bien 
que  vous  sacrifiez  à  votre  mérite  devant  Dieu,  la  bonne  volonté 
que  je  vous  témoigne.  Vous  me  désolez  véritablement,  mon  Père  ; 
mais  le  chagrin  que  vous  causez  à  la  Régente  redouble  l'admiration 


E  PROPAGATEUR  493 


et  le  respect  de  la  chrétienne.  Allez,  et  prévenez  le  vénérable  don 
Barthélémy  des  Martyrs  qu'il  est  archevêque  de  Brague. 

Ce  fut  ainsi  que  l'humble  religieux  se  dogagea  du  rude  fardeau 
que  les  dignités  ecclésiastiques  lui  eussent  imposé. 

Dieu  permit  qu'il  restât  dans  sa  première  vocation  et  continuât 
de  travailler  d'une  autre  manière  à  la  gloire  de  l'Eglise  en  écri- 
vant tous  ces  beaux  et  bons  livres,  qu'il  nous  a  transmis,  et  qui 
sont  d'un  secours  inestimable  pour  toutes  les  personnes  qui  veulent 
marcher  dans  les  voies  de  la  perfection  chrétienne. 

Outre  les  ouvrages  que  nous  avons  mentionnés  précédemment, 
Louis  de  Grenade  écrivit,  en  latin,  quatre  tomes  de  sermons  pour 
l'année  entière,  —  deux  volumes  de  Ser-mons  des  Samts^  —  un  re- 
cueil de  sentences  diverses  touchant  l'oraison,  la  méditation  et  la 
contemplation,  —  et  un  Traité  de  la  pénitence^  divisé  en  deux  par- 
ties. Trois  autres  volumes,  portant  le  titre  général  de  Recueil  de 
philosophie  morale^  contiennent  la  morale  de  Sénèque,  de  Plutai  que, 
et  les  sentences  de  plusieurs  autres  philosophes  célèbres.  Il  publia 
aussi  un  traité  de  Rhétorique  ecclésiastique  ou  Méthode  pour  prêcher, 
dont  l'illustre  professeur,  Valentinien  Nunez,  disait  :  "  Celte  Mé- 
thode mériterait  d'être  écrite  en  lettres  d'or.  "  Nous  devons  encore 
au  Père  Louis  de  Grenade  le  recueil  intitulé  Sylva  locorum  com- 
munium  ;  —  le  Mémorial  de  la  vie  chrétienne^  en  espagnol,  composé 
de  sept  traités  différents,  et  les  Additions  à  ce  Mémorial  ;  —  le  Ca- 
téchisme ou  Introduction  au  symbole  de  la  foi,  en  quatre  parties, 
auxquelles  il  jugea  convenable  d'ajouter  plus  tard  un  appendice, 
désigné  comme  cinquième  partie,  mais  qui  n'est  que  l'analyse  et 
l'abrégé  lumineux  des  quatre  autres  ;  — et  la  traduction  du  livre 
de  Thomas  à  Kempis,  appelé  le  Mépris  du  monde,  et  si  répandu  au- 
jourd'hui sous  le  titre  de  l'Imitation  de  Jésus-Christ. 

N'oublions  pas  de  dire  qu'à  la  fin  de  son  Catéchisme,  œuvre  de 
doctrine  universellement  appréciée  et  d'une  richesse  de  science 
très-grande,  se  trouve  un  sermon  sur  cette  parole  de  saint  Paul  : 
Quis  infirmatur,  et  ego  non  infirmor  7  Quis  scandalizatur,  et  ego  non 
uror  ?  Ce  fut  la  dernière  œuvre  imprimée  du  Père  Louis  de  Gre- 
nade. Il  en  corrigea  le  texte  sur  épreuve  deux  jours  seulement 
avant  de  rendre  son  âme  à  Dieu. 

Deux  opuscules  ont  été  publiés  sous  son  nom  après  sa  mort  : 
l'un  traite  de  V Incarnation,  l'autre  des  Scrupules. 

Tous  ces  ouvrages  donnent  la  preuve  de  la  fécondité  de  ce  rare 
esprit.  Il  a  travaillé  à  la  vigne  du  Seigneur  en  ouvrier  persévérant 
et  infatigable.  Trois  siècles  ont  rendu  plein  hommage  à  son  éru- 
dition, à  sa  capacité  merveilleuse  pour  ouvrir  les  voies  du  salut 
et  pénétrer  les  secrets  de  la  vie  mystique. 

Un  bref  du  souverain  pontife  Grégoire  XIII,  adressé  au  Père 
Louis,  le  21  juillet  1582,  parle  avec  infiniment  d'éloges  des  ou- 
vrages du  savant  religieux,  le  félicite  de  ses  ferventes  et  nom- 
breuses prédications,  et  ajoute  que  ses  sermons  comme  ses  écrits 
"  lui  mériteront  de  graiides  couronnes  dans  le  ciel,  parce  qu'ayant 
ainsi  travaillé  avec  un  éclatant  succès  à  retirer  les  pécheurs  de 
leurs  désordres  et  à  les  faire  sortir  des  ténèbres  de  l'ignorance,  il 


494  LE  PROPAGATEUR 


ne  les  a  pas  moins  favorisés  que  s'il  avait  obtenu  de  Dieu  le  don 
de  rendre  la  vue  aux  aveugles  et  la  vie  aux  morts.  " 

Le  pape  .'^ixle-Quint,  successeur  de  Grégoire  XIU,  voulut  ré- 
compenser Louis  de  Grenade,  en  l'élevant  à  la  dignité  de  cardinal. 
Mais  le  saint  homme,  pour  éviter  le  coup  dont  son  humilité  allait 
être  atteinte,  se  hâta  de  répondre  à  Sa  Sainteté  qu'il  avait  quatre- 
vingts  ans,  qu'il  était  infirme,  qu'il  ne  pouvait  plus  quitter  la 
chambre,  et  qu'enfin  son  grand  âge  et  son  état  de  maladie  le  ren- 
daient absolument  incapable  de  travailler  d'une  manière  efficace 
à  servir  l'Eglise. 

Aux  témoignages  d'estime  des  souverains  pontifes,  vinrent  se 
joindre  les  félicitations  unanimes  des  rois  d'Espagne  et  de  Portu- 
gal, des  cardinaux,  des  prélats  de  l'Europe  entière,  et  surtout 
celles  de  saint  Charles  Borroraée,  cardinal-archevêque  de  Milan, 
qui  honorait  d'une  correspondance  intime  et  d'une  amitié  toute 
particulière  l'auteur  de  tant  de  précieux  livres,  bien  qu'il  ne  l'eût 
jamais  vu,  et  qu'il  n'était  pas  probable  que  l'occasion  se  présentât 
pour  Tun  ou  pour  l'autre  de  se  rencontrer  en  ce  monde. 

Le  Père  Louis  lui  dédia  le  troisième  tome  de  ses  Sermons^  ''  à 
seule  fin,  dit-il  dans  la  préface,  de  reconnaître  les  vertus  de  ce 
saint  archevêque  et  cardinal  et  de  les  publier  hautement.  " 

Ces  marques  d'estime  qu'il  recevait  des  personnages  les  plus 
illustres  de  son  époque,  cette  unanimité  de  la  louange  et  du  res- 
pect ne  parvinrent  pas  à  inspirer  à  Louis  de  Grenade  l'ombre  d'un 
sentiment  d'orgueil.  Il  ne  s'appropriait  rien  de  toutes  les  qualités 
de  l'âme  et  de  toutes  les  facultés  de  l'intelligence  que  Dieu  avait 
mises  en  lui,  et  il  s'appliquait,  au  contraire,  à  s'abaisser  autant 
que  possible  aux  yeux  des  hommes.  Pressé  par  un  religieux  de 
revêtir  une  robe  moins  usée  et  moins  rapéciée  que  celle  qu'il 
portait  : 

"  Ah  !  mon  frère,  s'écria-t-il,  je  suis  mieux  habillé  que  je  ne  le 
mérite  !  Tout  enfant,  je  n'avais  que  des  haillons,  et  j'allais  ainsi 
par  la  ville,  déguenillé,  pieds  nus,  suivant  ma  pauvre  mère,  qui 
demandait  l'aumône  à  la  porte  du  couvent  de  Grenade,  Je  tenais 
à  la  main  un  petit  pot,  dans  lequel  on  nous  versait  un  peu  de  po- 
tage et  quelques  autres  restes,  et  nous  étions  trop  heureux  d'être 
nourris  de  la  sorte.  " 

Voilà  comment  parlait  de  lui-môme  un  homme  qu'on  jugeait 
digne  des  plus  hautes  prélatures,  et  à  qui  les  souverains  pontifes 
om-aient  la  pourpre. 

Nous  en  sommes  restés,  dans  la  vie  du  saint  religieux,  à  l'époque 
où  il  venait  de  refuser  l'archevêché  de  Brague.  Ayant  achevé  la 
période  fixée  pour  l'exercice  de  la  charge  de  provincial,  il  fut  en- 
voyé à  Lisbonne,  oîi  il  ne  s'occupa  plus  que  de  prédication  et 
reprit  son  travail  d'écrivain,  dont  il  n'argua  jamais  pour  se  dis- 
penser de  l'observance  de  la  règle.  Sans  égard  à  son  âge,  déjà  fort 
avancé,  il  assistait  aux  offices  comme  les  autres  religieux,  se  levait 
à  l'heure  des  matines,  et  ne  se  remettait  plus  au  lit,  restant  jus- 
qu'au lever  du  soleil  en  méditation  ou  en  prière.  Toutes  ses  jour- 
nées se  passaient  à  l'étude,  à  la  composition  de  ses  livres  ou  à  la 


LE  PROPAGATEUR  495 


pratique  de  l'oraison.  Il  regardait  la  solitude  comme  la  plus  sûre 
dépositaire  et  la  meilleure  gai-dienne  de  l'innocence  ;  néanmoins 
il  ne  se  plaignait  pas  et  ne  manifestait  aucun  mécontentement,  si 
on  venait  l'arracher  à  quelque  travail  sérieux  pour  entendre  des 
confessions  à  la  chapelle  ou  pour  aller  visiter  les  malades.  Quand 
on  l'appelait  au  dehors,  il  ne  consacrait  à  l'affaire  qu'il  devait 
traiter  que  le  temps  rigoureusement  voulu  pour  la  conduire  à 
bon  terme,  et  rentrait  auesilôi  dans  sa  chère  cellule,  meublée  d'une 
table  en  bois  de  sapin,  de  deux  chaises,  d'un  misérable  grabat, 
de  deux  grands  crucifix  attachés  aux  murs,  et  de  quelques  images 
en  papier  représentant  Noire-Seigneur,  la  sainte  Vierge,  ou  les 
saints  pour  lesquels  il  avait  une  dévotion  spéciale. 

Durant  une  maladie  qui  vint  assaillir  Louis  de  Grenade  au 
couvent  de  Lisbonne,  le  cardinal  Albert,  apprenant  qu'il  se  trouvait 
dénué  de  tout,  fit  porter  dans  sa  cellule  un  bon  matelas,  de  chaudes 
couvertures  et  six  chemises  de  toile  de  Hollande  ;  mais  le  saint 
religieux  n'eut  rien  de  plus  pressé  que  d'envoyer  à  l'infirmerie 
chemises,  couvertures  et  matelas,  pour  ne  pas  être  privé  des  bé- 
nédictions que  promet  Jésus-Christ  à  ceux  qui  conservent  pour 
son  amour  l'esprit  de  renoncement  et  de  pauvreté. 

On  disait  du  Père  Louis  de  Grenade  qu'il  était  si  modeste  et  si 
recueilli,  dans  le  travail  comme  dans  l'oraison,  qu'il  n'avait  jamais 
eu  l'idée  de  v^oir  de  quelle  couleur  était  le  plafond  de  sa  cellule. 

Bien  qu'il  ménageât  beaucoup  le  temps  nécessaire  à  ses  travaux, 
et  malgré  son  goût  pour  la  composition  ei  l'étude,  il  s'était  imposé 
de  faire  chaque  jour  au  moins  trois  heures  d'oraison,  tantôt  à 
genoux,  tantôt  prosterné  la  face  contre  terre,  ou  les  bras  étendus 
en  croix.  Après  l'oraison,  il  ne  manquait  pas  de  se  donner  la  dis- 
cipline, à  l'exemple  de  saint  Dominique,  son  modèle  et  son  maître. 

Il  ne  pouvait  comprendre  qu'on  récitât  l'office  divin  négligem- 
ment ou  avec  indifférence.  Un  jour,  il  adressa  des  paroles  de 
reproche  à  l'un  de  ses  compagnons,  qui  s'était  laissé  surprendre 
par  le  sommeil  au  milieu  des  psalmodies  de  matines. 

"Mon  frère,  lui  dit-il,  restons  éveillés  et  attentifs,  quand  nous 
parlons  à  Dieu  !  " 

Qu'il  fût  bien  portant  ou  qu'il  fût  malade,  il  ne  manqua  pas  de 
dire  la  messe  un  seul  jour  pendant  toute  la  durée  de  ta  vie  sa- 
cerdotale. 

"  Célébrer  pieusement  la  sainte  messe  aujourd'hui,  disait-il,  est 
la  meilleure  préparation  à  la  messe  de  demain.  " 

Louis  de  Grenade  manifestait  les  sentiments  de  la  plus  haute 
estime  à  l'égard  des  personnes  vertueuses,  et  qui  s'appliquent  à 
le  devenir  de  plus  en  plus.  Il  étudiait  avec  un  soin  tout  particulier 
leurs  efforts  continuels  pour  réprimer  les  penchants  de  la  nature 
mauvaise,  pour  vaincre  leurs  défauts  de  caractère  et  pour  triom- 
pher des  obstacles  qui  les  arrêtaient  sur  le  chemin  du  ciel.  Il 
écrivait  ses  observations,  enregistrait  chaque  détail,  prenait  note 
des  bonnes  œuvres,  des  sacrifices,  de  tous  les  faits  édifiants  qui 
se  passaient  sous  ses  yeux,  non  par  curiosité  pure  et  simple,  ou 
seulement  pour  s'édifier  lui-même  ;  il  avaiteon  but.  Ces  documents 


496  LE  PROPAGATEUR 


devaient  servir  à  Ja  rédaction  d'un  dernier  ouvraga,  intitulé  :  Vies 
des  illustres  et  saints  personnages  de  mon  siècle.  Dans  le  nombre 
est  la  vie  de  don  Barthélémy  des  Martyrs,  qui  avait  accepté  l'ar- 
chevêché de  Brague  uniquement  pour  faire  acte  d'obéissance  ; 
car  le  Père  Louis,  alors  son  supérieur,  l'y  avait  plus  qu'exhorté, 
il  lui  en  avait  fait  un  devoir. 

Si  notre  digne  et  savant  religieux  s'appliqua  à  étudier  la  sagesse 
de  conduite,  le  courage,  la  lutte  persévérante  et  le  progrès  des 
vrais  fidèles  dans  la  voie  de  la  sanctification,  afin  de  publier  en- 
suite leurs  actes  de  vertu,  il  eut  aussi  l'occasion  de  reconnaître 
les  Iraudes  et  la  malice  insigne  d'une  personne  qui  vint  se  mettre 
sous  sa  direction, en  lui  témoignant  le  plus  vif  désir  d'avancer  dans 
la  vie  mystique,  et  dont  les  desseins  réels  et  remplis  d'iniquité  ne 
pouvaient  être  soupçonnés  par  le  charitable  directeur.  Avec  l'aide 
de  Dieu  et  de  son  bon  ange,  il  finit  par  découvrir  l'hypocrisie 
odieuse  et  les  intentions  perverses  de  cette  fausse  pénitente. 

Il  versa  des  larmes  sur  l'égarement  monstrueux  où  la  jetait 
l'enfer,  et  s'imposa  des  mortifications  inouïes  pour  expier  le  crime 
de  cette  âme  dissimulée  et  perfide.  On  croit  même  que  ce  fut  ce 
déplorable  incident  qui  lui  inspira,  sur  le  texte  de  saint  Paul,  le 
docte  sermon  imprimé,  comme  nous  l'avons  dit  ci-dessus,  à  la  fin 
de  son  Catéchisme.  Sa  pensée,  en  le  publiant,  fut  d'encourager  les 
âmes  à  la  pratique  des  vertus  solides,  et  de  leur  apprendre  à  ne 
pas  fléchir  en  voyant  les  mauvais  exemples  et  l'égaren:ient  des 
malheureux  qui  [)réfèrent  la  vie  des  sens  à  celle  de  l'esprit,  se 
perdent  de  gaîté  de  cœur  et  roulent  jusqu'au  fond  de  l'abîme. 

Louis  de  Grenade  consacra  l'Avent  tout  entier  de  l'année  1588 
aux  retouches  de  ce  sermon,  dont  l'étendue  est  considérable.  Il 
supportait  en  même  temps  avec  une  angélique  patience  les  der- 
nières crises  d'une  maladie  cruelle,  qui  l'affligeait  depuis  deux 
ans.  Malgré  le  travail  et  malgré  la  souffrance,  il  voulut  pratiquer 
le  jeûne  de  l'Avent  avec  la  môme  exactitude  et  la  même  austérité 
qu'il  mettait  à  l'accomplir  dans  un  âge  plus  vigoureux.  Aussitôt, 
la  maladie  s'accrut  et  le  saint  vieillard  fut  saisi  d'une  fièvre  vio- 
lente, qui  le  réduisit  bientôt  à  l'extrémité.  Chacun  put  comprendre 
que  la  mort  avançait  à  grands  pas.  Le  religieux  chargé  d'assister 
ce  cher  malade,  songeant  à  la  perte  que  l'Eglise  allait  faire,  san- 
glottait  près  de  lui  ;  car  le  célèbre  prédicateur  n'était  pas  seule- 
ment admiré  de  tous  :  une  mansuétude  et  une  bonté  sans  égale, 
dont  il  donnait  à  chacun  des  marques  constantes,  lui  avaient 
aussi  gagné  les  cœurs,  et  on  lui  portait  dans  le  couvent  l'affection 
la  plus  vive  et  la  plus  profonde. 

—  Allons,  mon  ami,  ne  vous  désolez  pas,  dit  Louis  de  Grenade 
à  son  gardien.  Voyez  donc,  est  ce  que  je  pleure,  moi  ?  Réjouissez- 
vous  plutôt,  puisque  je  vais  abandonner  ce  triste  monde,  ce  lieu 
de  dur  pèlerinage  et  de  calamité,  pour  aller  dans  la  patrie  céleste, 
avec  Noire-Seigneur,  la  sainte  Vierge,  les  Anges  et  les  Saints. 
Séchez  vos  larmes,  mon  bon  frère,  car  je  me  trouve  heureux.  Je 
compte  bien  que  Dieu  va  me  recevoir  en  paradis,  où  je  prierai 
pour  vous. 


LE  PROPAGATEUR  497 


Sun  mal  ne  lui  causait  aucun  trouble  d'esprit  ;  il  e-i  supportait 
les  terribles  atteintes  avec  le  calme  d'un  martyr.  A  ctiaque  instant, 
on  le  voyait  lever  les  yeux  au  ciel  ;  il  se  livrait  à  d'ardentes  aspi- 
rations pour  être  dégagé  des  liens  qui  l'attachaient  encore  à  la 
terre  et  pour  aller  jouir  de  la  souveraine  félicité  promise  à  ceux 
qui  consacrent  leurs  jours  à  aimer  et  à  servir  Dieu. 

Dans  la  soirée  du  31  décembre,  les  médecins,  voyant  les  forces 
du  malade  décroître  de  plus  en  plus,  prévinrent  les  supérieurs 
qu'il  était  temps  de  lui  administrer  le  saint  Viatique. 

On  annonça  donc  au  Père  Louis  que  sa  fin  approchait.  Il  eut 
un  élan  d'allégresse  sublime,  joignit  les  mains  et  s'écria  d'une 
voix  que  l'ardeur  de  son  amonr  rendait  forte  et  vibrante  : 

"Enfin,  j'irai  dans  la  maison  du  Seigneur  !  Heureux  ceux  qui 
sont  admis  à  y  faire  séjour  et  à  le  bénir  pendant  les  siècles  des 
siècles  !  " 

Il  se  confessa  pour  la  dernière  fois  et  reçut  le  corps  sacré  de 
Jésus-Christ,  avec  des  sentiments  de  respect,  d'humilité,  de  fer 
veur  et  de  joie  radieuse,  dont  tous  les  assistants  furent  pénétrés 
d'admiration  au  milieu  de  leur  douleur  même.  Agenouillés  près 
de  son  lit,  les  religieux  poussaient  des  gémissements  et  fondaient 
en  larmes.  Le  maître  des  novices  se  leva,  et,  se  penchant  au  che- 
vet du  moribond  : 

—  Vous  sentez-vous  la  force,  mon  Révérend  Père,  lui  demanda- 
t-il,  d'adresser  quelques  paroles  à  nos  jeunes  frères,  qui  aspirent 
à  être  un  jour  de  dignes  fils  de  saint  Dominique,  comme  vous 
l'avez  été  vous-même  ? 

—  Si  je  n'ai  pas  la  force.  Dieu  me  la  donnera,  répondit  Louis 
de  Grenade. 

On  fit  approcher  les  novices.  Il  leur  adressa  une  allocution 
tout  embrasée  de  l'amour  divin,  les  exhorta  vivement  à  conserver 
une  grande  pureté  de  conscience,  à  déployer  une  activité  soutenue 
dans  le  service  de  Dieu,  et  à  travailler  avec  courage  pour  la  gloire 
et  l'agrandissement  de  l'ordre  qu'ils  allaient  embrasser.  Le  saint 
homme  parlait  sans  fatigue  apparente.  Son  zèle  lui  faisait  oublier 
toutes  ses  souffrances.  Il  termina  par  ces  touchantes  paroles  : 

"  Soyez  attentifs  à  vos  devoirs  et  fidèles  à  la  règle,  mes  chers 
enfants.Remplissezavec  une  exactitude  scrupuleuse  les  obligations 
que  nous  imposent  nos  vœux.  Ne  perdez  jamais  de  vue  la  cou- 
ronne qui  récompensera  vos  efforts  et  votre  persévérance.  Songez 
comhien  la  vie  est  courte,  en  comparaison  de  l'éternité  bienheu- 
reuse, oià  Dieu  vous  fera  la  grâce,  je  l'espère,  de  me  rejoindre  tous." 

Priant  ensuite  qu'on  le  laissât  seul,  il  rassembla  toutes  les 
puissances  de  son  âme  pour  s'unir  à  son  Sauveur,  qu'il  venait  de 
recevoir,  et  resta  près  de  quarante  minutes  plongé  dans  une 
muette  et  sainte  extase,  avant  goût  des  délices  du  ciel,  où  il  allait 
entrer.  Lorsqu'il  eut  reçu  l'extrême-anction,  il  demanda  qu'on 
lui  fît  de  la  lecture  de  la  Passion  de  Notre  -  Seigneur 
Jésus-Christ,  selon  saint  Jean.  Il  l'entendit  d'un  bout  à  l'autre, 
tenant  un  cierge  allumé  dans  sa  main  déjà  refroidie  par  l'approche 
de  la  mort,  et  protestant  que  "  la  clarté  de  ce  cierge  était   l'image 

30 


498  LE   PROPAGATEUR 


de  la  foi  lumineuse  qu'il  avait  eu  le  bonheur  d'avoir  dès  l'enfance, 
et  qu'il  avait  encore  en  ce  moment  où  Dieu  le  rappelait  de  ce 
monde.  " 

Vers  neuf  heures  du  soir,  l'agonie  commença,  et  les  religieux 
entonnèrent  le  psaume  de  la  délivrance.  Ge  fut  au  milieu  de  ce 
cantique  sacré  que  l'âme  du  ^rand  serviteur  de  Dieu  quitta  son 
corps  pour  aller  recevoir  la  récompense  des  innombrables  et  pieux 
travaux,  qu'il  avait  accomplis  pour  la  gloire  du  divin  Maître  et 
pour  le  triomphe  de  l'Eglise. 

Il  mourut  à  Tâge  de  quatre-vingt-quatre  ans. 

On  peut  dire  de  Louis  de  Grenaie  qu'il  a  été  comme  un  arbre 
admirable,  planté  dans  une  terre  féconde,  et  qui,  malgré  les  tem- 
pêtes qui  nous  bouleversent  ici-bas  et  le  vent  désastreux  des  pas- 
sions qui  souflle  sans  cesse,  a  donné  toutes  ses  fleurs  et  porté  tous 
ses  fruits. 

PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  L.  B  Y 


SEPULTURE 


QUESTION.  —  Dans  la  province  de  Québec  les  tribunaux  civils  peuvenl-ils 
contraindre  un  curé  à  enterrer  dans  la  partie  consacrée  d'un  cimetière  un 
paroissien  mort  en  revoit^  ouverte  contre  l'église? 

Un  canadien  des  Etals-  Unis 
Nouvelle-Orléans  1  août  1893. 

REPONSE.  —  Non.  Ils  n'ont  pas  ce  droit. 

La  célèbre  cause  Guibori  qui  a  eu  tant  de  retentissement,  il  y  a 
une  vingtaine  d'années,est  encore  présente  à  la  mémoire  de  tous. 
Joseph  Guibord,  membre  de  l'Institut  Canadien,  institution  con 
damnée  par  l'èvêque  de  Montréal,  étant  décédé  sans  s'être 
reconcilié  avec  l'église,  ses  amis  essayèrent  inutilement  d'obtenir 
pour  lui  les  honneurs  de  la  sépulture  chrétienne.  Sur  l'ordre  de 
l'administrateur  du  diocèse  le  curé  de  Notre-Dame  de  Montréal 
refusa  de  l'enterrer  dans  la  partie  consacrée  du  cimetière  catho- 
lique de  la  Côte  des  Neiges.  La  veuve  Guibord  soutenue  par 
l'Institut  Canadien,  poursuivit  la  Fabrique  de  N.  D.  de  Montréal 
pour  la  contraindre  d'enterrer  le  corps  en  terre  sainte.  Elle  eiit 
gain  de  cause  devant  la  cour  Supérieure  à  Montréal,  mais  elle 
perdit  en  Révision  et  en  Appel.  L3s  juge  de  ces  deux  cours  furent 
unanimes  à  juger  que  les  peines  canoniques  portées  par  l'église 
contre  ses  enfants  rebelles  devaient  avoir  leur  eôet  civilement,  que 
ses  sentences  devaient  être  exécutées  et  que  les  tribunaux  civils 
n'avaient  pas  le  droit  de  les  réviser. 

Le  Conseil  Privé,  devant  qui  la  cause  fut  portée  renversa  la 
décision  de  la  cour  d'Appel  et  ordonna  iniquement  que  Guibord  fût 
enterré  dans  la  partie  consacrée  du  cimetière.  Ce  qui  fut  fait  au 


LE  PROPAGATEUR  499 


grand  scandale  de  la  population  catholique.  Il  y  eut  à  l'occasion 
ûe  l'enterrement,  un  grand  déploiemant  de  forces  militaires,  mais 
l'ordre  ne  fut  pas  troublé  grâce  aux  autorités  ecclésiastiques. 

Un  cas  identique  à  celui  de  Guibord  ne  peut  plus  se  présenter, 
€t  le  Conseil  Privé  d'Angleterre  ne  pourra  plus  violer  les  canons 
de  l'Eglise;  Une  loi  passée  par  la  Législatare  provinciale  a  réglé 
xléBnuivemeut  la  question.  Voici  cette  loi  qui  est  devenue  l'article 
5786  des  Statuts  Refondus  de  la  Province  de  Québec  et  l'article  66a 
du  code  civil. 

5786  II  appartient  à  l'aulorit«  ecclésiastique  catholiqua  romaine  seule  de 
designer  <Jaas  lu  cimeiière  la  place  où  chaque  persoaae décelé  de  cette  croyance 
doit  êirii  inhuumée  ;  et  si  crlt--  p- rsonne  décédée  ne  peut  être  inhuaaée  d'après 
les  lois  caaoïiiques,  selon  la  ijHci-ion  de  l'Ordinaire,  dans  la  terre  consacrée  par 
les  pi  ières  liturgiques  décatie  religion,  elle  rpçoit  la  sépulture  civile  dans  uu 
terrain  réservé  à  cet  eir«let  altenaat  au  cimetière. 


VIOLATION  DE  PROPRIETE  IMMOBILIEIRE 

Question  Qudles  sont  les  peines  auxquelles  sont  exposés  ceux  qui  passent 
sur  le  terrain  d'autrui  sans  permission  ? 

Cultivateur. 

RÉPONSE.  Excepté  dans  l'exercice  de  quelque  devoir  imposé  par 
la  loi,  personne  ne  doit  passer  sur  le  terrain  d'autrui  sans  la  per 
mission  du  propriétaire  ou  de  son  représentant  à  peine  d'une 
amende  d'une  à  six  piastres.  (S.  R.  P.  Q.  Art.  5551,  No  1,)  Cette 
amende  est  imposée,  même  à  celui  qui  ne  fait  aucun  dommage 
en  passant  ainsi  illégalement  sur  le  terrain  d'autrui. 

Le  violateur  peut  même  être  arrêté  sans  mandat,  par  le  pro- 
priétaire du  terrain,  par  son  représentant  ou  par  son  serviteur. 
Ces  personnes  ont  le  droit  de  le  conduire  de  suite  devant  le  juge 
de  paix  pour  le  faire  coiidamuer  à  l'amende.  (Id.  No  3.) 

La  disposition  de  cet  article  ne  s'applique  pas  aux  chemins  de 
simple  tolérance,  même  s'ils  ne  sont  pas  chemins  municipaux. 
Jusqu'à  avis  contraire,  le  propriétaire  est  censé  donner  la  per- 
mission d'y  passer. 

Dans  la  Province  d'Ontario  ceux  qui  passent  sur  le  terrain 
d'autrui  sans  permission  sont  aussi  passibles  d'amende.  Ils  peuvent 
même,  comme  dans  la  Province  de  Québec,  être  légalemenù  àvrèlés 
par  le  propriétaire,  ou  par  ses  représentants,  et  être  conduits 
devant  le  juge  de  paix  pour  condamnation. 

Voici  la  disposition  de  la  loi  relative  a  l'amende.  Elle  est  ex- 
traite de  la  première  section  du  chapitre  101  des  statuts  révisés  (1) 
de  la  Province  d'Ontario. 

"  Any  person  who  unlawfully  enters  iato  *  *  or  in  any  way  trespasses  upon 
any  land  or  premises  whatsoever,  being  whoUy  enclosed,  and  beiag  the  properly 
of  anolher  persan,  shall  bu  'iable  lo  a  penalty  of  not  less  ihan  $1,  nor  more 
than  $10  for  any  such  offence,  irrespe-tive  of  any  damage  haviug  or  not  having 
been  occasione  1  thereby,  aud  sucli  p'inalty  may  be  recovered  with  costs  in  every 
case  of  conviction  before  any  one  Justice  of  the  Peace.  " 

(1)  Révision  de  1887. 


500  LE  PROPAGATEUR 


ANIMAL— USUFRUIT 

Question.  J'avais  l'usufruit,  pendant  trois  ans,  d'un  cheval  de  grande  valeur. 
Ce  cheval  a  élé  tué  dans  un  accident  inévitable.  Le  propriétaire  en  réclame  la 
valeur,  soit  six  rents  piastres,  et  il  menace  de  me  poursuivre  pour  ce  montant. 
A-t-il  ce  droit  ?  Dr  Philippe  G. 

RÉPONSE.  Le  propriétaire  n'a  aucun  droit  contre  vous.  La  perte 
du  cheval  doit  retomber  entièrement  sur  lui,  car  la  chose  périt 
pour  le  propriétaire.  Vous  n'êtes  pas  responsable  des  accidents 
inévitables.  Vous  êtes  cependant  obligé  d'en  faire  la  preuve. 

"  Si  l'usufruit,  "  dit  Varticle  477  du  code  civil,  "  n'est  établi  que 
sur  un  animal  qui  vient  à  périr  sans  la  faute  de  l'usufruitier,  eelui-ci 
n'est  pas  tenu  d'en  rendre  un  autre,  ni  d'en  payer  l'estimation. 

UNE  VIEILLE  LOI  RESSUSCITÉ E 
l'embêtement  d'avancer  a  un  militaire. 

Il  y  a  environ  une  couple  d'années,  les  hommes  de  la  réserve 
militaire  britannique  obtinrent  la  permission  de  venir  résider  au 
Canada.  Plusieurs  en  profilèrent  et  vinrent  s'établir  au  Canada 
Dans  les  localités  où  ils  se  fixèrent,  les  marchands  leur  ouvrirent 
nn  large  crédit. 

En  cour  d'Halifax  récemment,  un  nommé  Thomas  Hyles  était 
poursuivi  pour  une  dette  de  trente  piastres.  Le  défendeur  n'a  pas 
contesté  le  compte,  mais  a  plaidé  qu'il  était  exempt  de  payer  toute 
dette  parce  qu'il  appartient  à  l'armée.  La  loi  militaire  anglaise  dit 
en  effet  que  pour  ne  pas  priver  la  Couronne  des  services  de  ses 
soldats  il  a  été  trouvé  nécessaire  de  statuer  qu'ils  ne  pourront  être 
arrêtés  ou   poursuivis  pour  une  dette  de  moins  de  trente  livres. 

Il  y  a  probalement  des  centaines  de  militaires  de  la  réserve  dis- 
séminés par  tout  le  Canada:  et  la  grande  majorité  ne  sont  pas 
connus  comme  tels. 

Le  résultat  de  ce  procès  intéresse  tout  le  monde,  surtout  les 
marchands,  dans  les  villes  et  villages  où  il  y  a  de  ces  personnes 
d'établies."  L'Electeur^ 

CONFESSION 
Un  juge  anglais,  sir  Frederick  Jeune,  vient  de  décider  que  les 
ministres  de  l'Evangile  ne  peuvent  plus  invoquer  le  secret  de  la 
confession  pour  refuser  de  faire  connaître  au  tribunal  qui  les  in- 
terroge ce  qui  s'est  passé  entre  eux  et  leurs  pénitents.  Sir  Frederick 
appartient  à  cette  fraction  de  l'église  anghcane  qu'on  appelle  Low 
Church,  fraction  opposée  à  la  confession  que  les  ministres  du  High 
Church,  ou  fraction  ritualiste,  cherchent  à  introduire.  A  la  suite 
de  la  décision  du  juge,  et  pour  échapper  à  la  prison  dont  il  était 
menacé,  le  ministre  ritualiste  mis  en  cause  a  fait  connaître  ce  que 
lui  avail  révélé  son  pénitent  !  Avant  de  faire  pareille  révélation, 
un  prêtre  catholique  passerait  le  reste  de  ses  jours  en  prison,  ou 
irait  à  la  mort,  comme  saintJean  Nepomucène.  C'est  la  différence 
entre  le  vrai  pasteur  et  le  faux.  La  Vérité  {de  Québec)  19  août  1893. 
Note  de  la  rédaclion.  Gj  jugement  viole  la  liberté  di  coascien.:e.  Il  est  aussi 
inique  que  ridicule. 


QUESTIONS 

RELIGIEUSES  ET  SOCIALES 

DE  NOTRE  TEMPS 

VEEITES,    ESEEÏÏBS,    OPINIONS    LIBBES 
Par  Mgr  EEEITKY  SAUVE 

Théologien  du   Pape  au  Concile  du    Vatican 
Ancien  Recteur  de  r  Université  Calholique  d'Angers 

SECONDE    ÉDITIO^%    REVUE    ET    ALGMENTÉE 

\  fort  vol.  in-12 Prix  i  $1.00 


DE  l.\  LIBEBTE  l)E  PL\$EE  OC  DE  mmiM 

Le  mot  conscience  se  prend  en  deux  sens  :  il  signifie  ou  la  con- 
naissance intérieure  des  actes  de  notre  dmt,  ou  le  jugement  pratique 
par  lequel  nous  nous  disons  qu'il  faut  faire  ou  ne  pa^  faire  telle  chose. 

Entendue  au  premier  sens,  la  conscience  n'est  pas  toujours  libre^ 
car  nous  connaissons  nécessairement  plusieurs  au  moins  de  nos 
actes  intérieurs,  volontaires  ou  involontaires  ;  entendu  au  second 
sens,  la  conscience  ou  jugement  pi-atique  peut  être  un  jugement 
nécessité  par  la  perception  claire  et  évidente  de  la  vérité  ;  mais  ce 
jugement,  si  nécessité  qu'il  soit,  n'est  pas  soumis  à  la  force  maté- 
rielle, qui,   à  elle  seule,  ne  peut  imposer  la  vérité  à  l'intelligence. 

La  conscience  ne  saurait  être  libre  ou  indépendante  des  lois 
ontologiques  de  la  vérité.  L  adhésion  au  vrai  connu  est  un  droit  ; 
l'adhésion  à  l'erreur  ne  saurait  constituer  un  droit  véritable,  car 
cette  adhésion  répugne  a  la  tendance  naturelle  de  l'intelligence, 
destinée  à  connaître  la  vérité. 

On  ne  saurait  donc  prétendre  raisonnablement  que  l'homme 
ait  le  droit  ou  la  faculté  morale  de  penser  ou  déjuger,  comme  il 
lui  plaît,  sans  égard  aux  lois  obligatoires  pour  sa  conscience,  con- 
science certainement  liée  par  des  règles  auxquelles,  sans  doute, 
l'homme  peut  physiquement  se  sousiraire  en  vertu  de  son  libre 
arbitre-,  mais  qu'il  ne  peut  moralement  transgresser,  sans  manquer 
à  son  devoir,  sans  aller  contre  l'ordre  établi  de  Dieu.  Par  consé- 
quent, la  liberté  ou  l'indépendance  de  la  conscience  à  l'égard  de 
toute  loi  est  une  chimère,  qui  ne  saurait  être  réclamée  par  aucun 
homme  ou  proclamée  par  aucun  législateur. 

Les  lois  qui  lient  la  conscience  humaine  sont  de  diverses  sortes; 
il  suffit  de  rappeler  ici  que  toute  loi  juste,  émanant  d'une  autorité 
qui  a  droit  de  nous  commander,  lie  notre  conscienca  suivant  l'in- 
tention expresse  ou  implicite  du  législateur. 

Il  est  bien  vrai  que  l'homme  a,  de  par  son  libre  arbitre  tel  qu'il 
existe  dans  l'ordre  actuel,  le  pouvoir  naturel  d'adhérer  à  l'erreur 
ou  d-i  rejeter  la  vérité.  Miis  ce  pouvoir  n'est  pas  une  faculté  mo- 
rale, inviolable,  imprescriptible  ;  ce  n'est  pas  un  droit. 

Si  on  entend  par  liberté  de  pensée  ou  de  conscience  le  droit  de 
ne  rendre  compte  qu'à  Dieu  seul  de  ce  que  nous  pensons  intéri- 
eurement, il  est  bien  certain  qu'aucune  autorité  civile  n'a  le  droit 
4e  demander  compte  à  ses  sujetsde  leurs  actes  purement  intérieurs- 


502  LE  PROPAGATEUR 


Quant  à  l'Eglise,  c'est  en  vertu  de  sa  mission  divine  et  spirituelle^ 
qu'elle  a  le  droit  (au  tribunal  de  la  pénitence)  de  demander  compte 
à  ses  enfants  de  leurs  actes  intérieurs  en  tout  ce  qui  regarde  le 
salut  et  la  perfection  chrétienne. 

Les  théologiens  discutent  entre  eux,  pour  savoir  si  l'Eglise  a  le 
droit  de  commander  des  actes  purement  intérieurs.  Toujours  est- 
il  qu'il  faut  reconnaître  le  droit  (qu'elle  exerce  au  besoin)  de  com- 
mander en  son  for  extérieur  une  adhésion  interne  à  ses  enseigne- 
ments ou  à  ses  décisions. 

Si  par  liberté  de  pensée  ou  de  conscience  on  entend  le  droit 
d'adhérer  à  telle  ou  telle  opinion  suffi^amment  probable,  licite  ou 
libre,  ce  droit  n'est  pas  contesté  :  ce  qui  revient  à  dire  que  la 
conscience  humaine  est  libre  dans  ses  jugements  pratiques,  quand 
aucune  loi  ne  restreint  sa  liberté  native  de  penser  ;  mais  quand 
une  loi  véritable  lui  prescrit  tel  bu  tel  jugement  pratique,  elle  doit 
obéir  à  cette  loi. 

Et,  comme  la  loi  n'est  manifestée  à  l'homme  que  par  sa  conscien- 
ce, il  est  tenu  de  suivre  ce  que  lui  dicte  sa  conscience 
quand  elle  est  vraie  et  droite,  et  même  quand  elle  est  invincible- 
ment erronnée,  parce  qu'alors  il  agit  prudemment  par  suite  de  sa 
persuasion  invincible.  Si  donc,  par  suite  d'une  conscience  invin- 
ciblement erronée,  un  homme croitquetelacteestbon est  mauvais 
ou  réciproquement,  il  n'a  pas  le  droit  de  poser  l'acte  bon  qu'il 
juge  mauvais  ;  et  il  peut  ou  doit  poser  l'acte  mauvais  qu'il  juge 
bon,  sans  avoir  toutefois  le  droit  ou  la  faculté  morale  de  le  poser,^ 
puisque  la  morale  réprouve  cet  acte.  Il  suit  de  là  que  si  la  con- 
science invinciblement  erronée  peut  imposer  le  devoir  de  malfaire^ 
quand  l'homme  croit  bien  agir,  elle  ne  saurait  lui  donner  le  droit 
de  mal  faire,  parce  que  le  droit  au  mal  répugne  dans  les  termes, 
eT  que  le  droit  a  pour  fondement  nécessaire  la  vérité  objective,, 
tandis  que  le  devoir  peut  naître  d'une  erreur  subjective,  et  qu'il 
ne  répugne  pas  qu'un  homme  ait  le  devoir  de  faire  une  action 
mauvaise  qu'il  croit  invinciblement  être  bonne  et  obligatoire  pour 
lui,  d'autant  que,  s'il  s'abstenait  de  la  faire,  il  croirait  agir  mal^ 
et  par  là  même  il  violerait  la  loi  divine  qui  lui  commande  de  ne 
jamais  rien  faire  contre  le  dictamen  de  sa  conscience.  Ainsi,  être 
persuadé,  par  suite  d'une  ignorance  iniincible,  que  tel  mensonge 
est  prescrit  par  Dieu,  et  ne  pas  faire  ce  mensonge,  c'est  croire  dé- 
sobéir à  Dieu  et  par  suite  encourir  sa  disgrâce  ;  maisilnesuit  pas 
de  là  que  l'homme  qui  se  trouve  en  ce  cas  ait  le  droit  de  mentir  et 
exerce  un  droit  en  mentant  ;  son  erreur  lui  crée  un  devoir  per 
accidens,  mais  elle  ne  saurait  être  le  fondement  d'un  droit. 

Le  mot  liberté  de  conscience  est  un  nftoi  à  double  sens  :  c'est-à-dire 
qu'on  peut  distinguer  deux  sortes  de  libertés  de  conscience,  celle 
qui  est  légitime  et  celle  qui  ne  l'est  pas. 

La  liberté  légitime  de  conscience  consiste  dans  le  droit  que 
l'homme  a  de  ne  pas  être  contraint  par  la  force  ou  la  violence  à 
embrasser  la  vérité  et  à  consentir  au  bien  contrairement  à  sa 
conviction  intime  et  à  sa  volonté. 

"  L'intelligence  de  l'homme,  dit  le  professeur  G.  Prisco,  est 


LE  PROPAGATEUR  503 


appelée  par  son  intime  essence  à  la  connaissance  du  vrai,  comme 
la  volonté  à  la  possession  du  bien  ;  mais  la  première  ne  peut  ad- 
hérer au  vrai  sans  le  connaître,  comme  la  seconde  ne  peut  em- 
brasser le  bien  sans  son  libre  consentement ;  or  aucune  force 

ou  autorité  créée  ne  saurait  fo/j^raîTjrfre  l'intelligence  et  la  volonté 
d'autrui  à  adhérer  à  une  doctrine,  fût-elle  vraie  ;  et  l'usage  qu'on 
ferait  de  le  force  [our  obtenir  ce  résultat  serait  une  véritable  ab- 
surdité. Et  en  effet  l'intelligence  se  convainc  à  l'aide  de  preuves, 

et  la  volonté  s'incline  vers  la  vérité  qui  subjugue  l'esprit ;  la 

force  est  toujours  un  moyen  incompétent  et  disproportionné  pour 
l'obtention  de  ces  deux  effets...  Le  droit  de  la  vraie  liberté  de  cons- 
cience est  le  droit  de  la  supériorité  des  forces  morales  de  l'esprit 
sur  la  force  brutale,  et  par  suite  ce  droit  est  naturel  et  inviolable, 
comme  est  naturelle  et  inviolable  la  dignité  de  ces  mêmes  forces 

"  Non  seulement  l'Etat,  mais  l'Eglise  catholique  elle-même  ne 
peut  violer  ce  droit,  en  contraignant  par  la  force  d'adhérer  à  une 
doctrine  vraie.  Dans  la  foi  catholique,  c'est  vraiment  l'infaillible 
témoignage  de  Dieu  qui  est  le  principe  objectif  de  l'obligation  de 
notre  assentiment  ;  mais  notre  raison  individuelle,  sous  l'influence 
de  la  lumière  de  la  grâce,  doit  connaître  ce  témoignage  infaillible, 
et  c'est  nous-mêmes  qui  devons  donner  notre  assentiment,  c'est 
nous-mêmes  qui  devons  être  certains  de  ce  témoignage.  Croire, 
dit  saint  Thomas,  est  un  acte  volontaire,  et  la  volonté  ne  consent 
que  quand  l'intelligence  est  éclairée.  De  même  qu'une  vérité  ne 
peut  être  objet  de  notre  science  proprement  dite,  si  elle  n'est  évi- 
dente à  notre  raison,  ainsi  il  ne  suffit  pas,  pour  croire  une  vérité, 
qu'elle  soit  affirmée  par  une  autorité  infaillible,  il  faut  que  nous 
connaissions  cette  autorité  infaillible.  La  différence  consiste  seule- 
ment en  ce  que,  dans  la  science,  le  motif  objectif  de  notre  assenti- 
ment est  l'évidence  même  de  la  vérité,  et  le  motif  subjectif  est  la 
raison  individuelle  qui  perçoit  cette  évidence,  tandis  que,  dans  la 
foi,  le  motif  objectif  de  notre  assentiment  est  la  révélation  ou  l'au- 
toriié  de  Dieu,  et  le  motif  subjectif  est  notre  raison  elle-même  qui, 
par  l'évidence  des  preuves,  connaît  ce  même  témoignage  infaillible 
et  la  règle  de  la  foi  dont  cette  règle  détermine  l'objet.  Et  c'est 
pourquoi,  si  l'homme  n'a  pas  cette  connaissance,  ou  s'il  en  a  une 
opposée,  il  est  contraire  à  la  nature  même  de  la  foi  de  le  contrain- 
dre par  la  force  à  croire.  Aussi  l'apostolat  par  l'épée,  qui  a  été 
l'apostolat  du  Coran,  n'a  jamais  été  celui  de  l'Evangile.  " 

La  liberté  de  consr.ience^  telle  que  la  proclament  aujourd'hui  les 
incrédules  et  les  libéraux  non  catholiques,  n'est  point  la  liberté 
dont  je  viens  de  parler,  (c'est-à-dire  le  droit  de  n'être  pas  contraint 
par  la  force  à  adhérer  à  une  doctrine,  si  vraie  qu'elle  soit),  parce 
qu'ils  savent  bien  que  la  liberté  des  actes  intérieurs  ne  peut  être 
ni  violentée  ni  punie  par  aucune  autorité  visible,  pas  même  par 
l'Eglise  eu  son  for  extérieur  ;  ce  qu'ils  entendent  par  liberté  de 
conscience,  c'est  le  droit  de  penser  et  de  juger ^  non  pas  conformé- 
ment à  la  vérité  objective^  mais  comme  il  leur  plaît,  en  sorte  qu'à 
leurs  yeux  la  liberté  de  conscience  n'est  autre  chose  que  Vindé- 
pendance  ou  Vautonomie  de  la  pensée  humaine.  L'homme,  disent-ils, 


504  LE  PROPAGATEUR 


ne  relève  que  de  lui-même  dans  ses  actes,  et  par  conséquent  dans 
ses  pensées,  comme  dans  ses  paroles  :  Labia  nostra  a  nobis  sunt  ; 
quis  noster  Dominus  est  f 

Ceux  qui  vont  jusque-là  et  qui  prétendent  que  la  pensée  humaine 
est  indépendante  de  toute  règle,  de  toute  loi,  sont  des  libres- 
penseurs  radicaux  ;  partisans  de  la  liberté  de  conscience  absolue, 
illimitée,  ils  veulent  que  la  pensée  et  la  conscience  soient  libres, 
sous  prétexte  que  la  raison  humaine  est  sa  propre  loi  à  elle  même. 

D'autres  vont  moins  loin  et  se  contentent  d'entendre  par  liberté 
de  conscience  l'exemption  de  toute  loi  autre  que  la  loi  naturelle 
qui  est  perçue  par  la  raison  ;  ce  sont  les  partisans  de  la  liberté  de 
conscience  limitée,  relative,  lesquels  soutiennent  que  la  conscience 
humaine  ne  saurait  être  liée  par  aucune  loi  émanant  d'une  au- 
torité extrinsèque  à  la  raison.    • 

Je  parlerai  successivement  de  ces  deux  libertés,  à  la  suite  de 
l'auteur  italien  que  je  viens  de  citer  et  dont  je  viens  de  reproduire 
les  pensées,  sinon  toujours  les  paroles. 

I 
De  la  liberté  absolue  de  conscience. 

Le  droit  à  cette  liberté  ne  saurait  exister. 

1*  Si  la  liberté  de  pensée  on  de  conscience  était  absolue  ou 
illimitée,  il  s'en  suivrait  que  la  raison  humaine  serait  indépendante 
dans  sa  pensée  et  dans  ses  jugements,  et  par  suite  dans  son  exis- 
tence, suivant  l'axiome  que  l'opération  est  une  suite  de  l'êire, 
operari  sequitur  esse  :  ce  qui  répugne  ahsolument,  car  la  raison 
humaine  est  la  faculté  d'un  esprit  créé  qui,  parce  qu'il  est  créé, 
ne  peut  être  sa  propre  loi.  Fouit  de  milieu  ici  :  ou  il  faut  nier 
que  la  raison  humaine  soit  créée,  limitée,  ou  il  faut  dire  qu'elle  ne 
peut  pas  être  la  rèiile  radicale  et  première  de  ses  opérations. 

2*  Le  vrai  est  réellement  distinct  de  la  raison  humaine  ;  car  le 
vrai  étant  tout  ce  qui  peut  être  connu,  ne  peut  être  renfermé  dans 
une  raison  finie.  Donc  la  règle  de  la  raison  est  réellement  distincte 
de  cette  faculté.  Et  c'est  pourquoi  la  pensée  de  l'homme  est  vraie, 
si  elle  est  conforme  à  la  vérité  des  choses  qu'il  pense.  La  vérité 
des  choses  présuppose  la  vérité  des  idées  divmes  qui  en  sont 
l'exemplaire  et  la  règle,  de  sorte  que  les  objets  créés,  comme  le 
remarque  saint  Thomas,  sont  placés  entre  l'intelligence  divine 
qui  en  est  la  règle  souveraine,  et  l'intelligence  humaine  dont  ces 
mêmes  objets  sont  la  règle  secondaire.  Seule,  la  raison  divine  est 
sa  règle  à  elle-même,  parce  qu'elle  est  la  vérité  absolue  et  la  loi 
^prême  de  tout  être  et  de  toute  vraie  connaissance. 

3°  Si  la  raison  humaine  était  essentiellement  sa  propre  loi,  si 
la  vérité  et  le  bien  moral  constituaient  son  essence,  cette  raison 
serait  infaillible  ;  tandis  qu'au  contraire  elle  est  sujette  essentiel- 
lement à  l'erreur,  par  là  même  qu'elle  est  finie.  Donc  la  raison 
kumaine  ne  peut  être  la  règle  supieme  de  ses  opérations. 

4''  Le  droit  commence  avec  la  vérité  et  la  moralité,  et  finit  là 
où  finissent  ces  nobles  objets.  Or,  cumme  la  raison  humaine  peut 
se^tromper,  et  par  là  même  détourner  la  volonté  du  bien,  le  droit 
illimité  à  la  liberté  de  pensée  et  de  conscience  serait  le  droit  à  a 
vérité  et  à  l'erreur,  à  la  moralité  et  à  l'immoralité. 


LE  PROPAGATEUR  5u5 


5°  Pour  soutenir  un  pareil  droit,  on  pourrait  faire  ces  trois 
suppositions  :  ou  il  n'existe  aucune  loi  qui  dirige  la  pensée  et  la 
conscience  ;  ou  celle  loi  s'identifie  avec  la  pensée  et  la  conscience  ; 
ou,  si  elle  s'en  distingue,  l'homme  a  le  droit  de  ne  pas  s'y  con- 
former. La  première  supposition  est  la  négation  de  l'ordre  moral  ; 
la  seconde  confond  l'homme  avec  Dieu  ;  la  troisième  est  la  né- 
gation de  l'autonomie  et  du  caractère  absolu  de  la  loi  morale  :  ce 
sont  là  tout  autant  d'erreurs  évidentes. 

6^'  Le  droit  illimité  à  la  liberté  de  conscience  présuppose  que 
la  raison  et  la  liberté  sont  affranchies  des  lois  du  vrai  et  du  juste. 
Un  droit  aussi  monstrueux  serait  en  lutle  perpétuelle  avec  la  na- 
ture humaine,  qui  dépend  essentiellement  des  règles  de  la  vérité 
et  de  la  justice,  et  qui  ne  peut  tendre,  en  dehors  de  ces  lois,  au 
développement  légitime  de  sa  vie  raisonnable  et  morale. 

T**  S'il  était  permis  à  chacun  de  penser  ce  qu'il  veut,  il  devrait 
lui  être  permis  de  penser  qu'il  peut  licitement  conformer  ses  actes 
à  ses  pensées,  c'est-à-dire  faire  tout  ce  qu'il  veut.  La  liberté  d'agir 
à  sfl  pi/ise  c'est  la  conséquence  logique  de  la  liberté  de  penser  à 
sa  guise.  Or,  celte  conséquence  entraînerait  toute  espèce  de  dé- 
sordres. Donc,  il  est  faux  que  la  pensée  soit  libre^  comme  le  vou- 
draient Ihs  libres-penseurs  qui  surtout  aspirent  à  être  libres  diseurs 
et  libres-faiseurs.  L'homme  est  tenu  de  bien  penser  afin  de  bien  dire 
-et  dn  bien  agir  :  tel  est  l'ordre  voulu  par  la  raison,  la  justice  et  la 
vérité,  par  Dieu  lui-même. 

Mais,  disent  plusieurs,  nous  ne  sommes  point  partisans  d'une 
liberté  de  conscience  indépendante  des  règles  du  vrai  et  du  juste  ; 
nous  prétendons  seulement  que  c'hsI  à  la  seule  raison  humaine 
qu'il  appartient  de  reconnaître  ces  règles  et  de  les  apprécier,  et 
que  tout  homme  a  le  droit  d'être  respecté  dans  ses  convictions. 
En  un  mol,  nous  repoussons  la  liberté  absolue  de  conscience,  et 
nous  admettons  seulement  la  liberté  relative  de  conscience,  c'est- 
à-dire  le  droit  de  n'avoir  que  notro  raison  pour  règle  de  nos  ju- 
gements pratiques  en  matière  morale  et  religieuse,  sans  que  nous 
ayons  à  tenir  compte  de  l'autorité  du  Ghiist  et  de  l'Eglise. 

C'est  celte  liberté  relative  de  conscience  que  je  vais  e'^sayer  de 
réfuter,  en  empruntant  encore  au  docte  G.  Prisco  ses  arguments. 

II 
La  liberté  relative  de  conscience. 

Dès  lors  qu'il  est  certain,  comme  la  raison  le  démontre,  que  le 
-Christ  est  Dieu  et  que  l'Eglise  catholique  est  expressément  chargée 
par  lui  d'enseigner  aux  hommes  la  vraie  religion  et  la  vraie  mo- 
rale oblig.Uoires,  il  en  résulte  que  l'homme  aie  devoir  d'embrasser 
la  religion  catholique  et  de  subordonner,  en  matière  de  foi  et 
de  mœurs,  ses  jugements  pratiques  ou  sa  conscience  à  l'enseigne- 
ment de  l'Eglise.  Donc  aucun  homme  n'a  le  droit  de  penser  au 
trement  que  l'Eglise  en  religion  et  en  morale. 

Qui  dit  droit,  dit  une  faculté  morale  ayant  son  principe  en  Dieu, 
un  pouvoir  raisonnable  et  fondé  sur  la  vérité  qui  est  la  conformité 
de  la  connaissance  avec  la  réahté  des  choses  ;  d'où  il  suit  que 
tout  ce  qui  ne  s'accorde  pas  avec  l'ordre  réel  établi  par  Diea  ne 


506  LE  PROPAGATEUR 


peut  être  un  droit  véritable,  par  cela  même  qu'il  est  appuyé  sur 
l'erreur. 

Or,  jDieu  n'a  pas  créé  deux  ordres  tjarallèles  ou  séparés,  l'ordre 
de  la  raison  et  l'ordre  de  la  foi,  l'ordre  de  la  nature  et  celui  de  la 
grâce  :  mais,  dans  sa  suprême  sagesse,  il  a  voulu  qu'il  existât  une 
cohésion  nécessaire  entre  ces  deux  ordres  et  par  là  même  il  a  sub- 
ordonné la  raison  à  la  foi,  la  nature  à  la  grâce. 

Un  droit  donc  qui  se  fonderait  sur  la  raison,  contrairement  à  la 
foi,  ou  sur  la  nature  en  opposition  avec  la  grâce,  ne  saurait  être 
un  vrai  droit,  d'autant  que  la  foi  ne  détruit  pas  la  raison,  mais  la 
perfectionne,  comme  la  grâce  suppose  la  nature  et  en  est  l'orne- 
ment et  la  perfection. 

Que  si  un  conflit  surgit  entre  les  droits  de  la  raison  et  ceux  de 
la  foi,  ce  conflit  doit  se  trancher  par  l'application  de  ce  principe 
général  :  "  Si  deux  droits  différents  en  eux-mêmes  ou  dans  leur 
exercice  viennent  à  se  heurter^  le  droit  véritable  est  celui  qui  résulte 
d'un  ordre  supérieur.  "  D'où  il  suit  que,  comme  le  droit  de  possé- 
der doit  céder  au  droit  de  vivre,  le  droit  de  vivre  à  l'honnêteté 
morale,  les  droits  de  l'ordre  naturel  doivent  céder  aux  droits  de 
l'ordre  surnaturel. 

Par  conséquent,  si  l'Eglise,  infaillible  dans  la  foi  et  les  mœurSy 
enseigne  une  vérité  dogmatique  ou  morale,  la  raison  humaine 
n'est  point  en  droit  de  la  repousser  sous  ce  prétexte  que  cette 
vérité  contredit  ses  lumières  ;  car  la  raison  peut  se  tromper,  tandis 
que  l'Eglise  ne  se  trompe  pas,  et  Dieu  veut  que  la  raison  se  sou- 
mette à  la  foi. 

Pi  étendrait-on  que  la  dépendance  de  la  raison  à  l'égard  de  l'au- 
tori'é  de  l'Eglise  est  la  négation  même  de  la  raison  ? 

Cette  objection  est  facile  à  résoudre.  Car,  dirai-je  à  ses  auteurs, 
vous  admettez  que  la  conscience  raisonnable  doit  avoir  pour  règle 
le  vrai  et  l'honnête.  Or,  quelle  e>i  la  règle  suprême  et  indéfec- 
tible du  vrai  et  de  l'honnête,  si  ce  n'est  lé'ternelle  raison  de  Dieu 
même,  distincte  certainement  de  la  raison  humaine  ?  Or,  c'est 
Dieu  lui-même  qui  a  établi  l'Eglise  comme  l'interprète  infaillible 
de  la  vérité  religieuse  et  morale  :  donc  la  conscience  humaine 
est  d'autant  plus  libre  qu'elle  se  laissera  guider  par  l'enseigne- 
ment infaillible  de  l'Eglise  que  Dieu  assiste  d'une  manière  spé- 
ciale et  surnaturelle,  eu  l'éclairant  de  lumières  supérieures  à 
celles  de  la  raison. 

Quiconque  donc  reconnaît  l'existence  divine  de  l'Eglise  ne  peut 
raisonnablement  admettre  que  la  conscience  humaine  ait  le  droit 
de  ne  pas  se  conformer  à  ses  renseignements. 

Aux  enseignements  de  l'Eglise,  oui,  dira-t-on  ;  mais  aux  en- 
seignements de  l'Etat,  c'est  autre  chose  ;  la  conscience  humaine 
ne  1  élève  en  rien  de  l'état,  et  en  est  pleinement  indépendante. 

Je  léponds  :  1°  la  conscience  humaine  doit  être  soumise  à  toute 
loi  civile  ou  politique,  conforme  à  l'honnêteté  et  à  la  justice,  cette 
loi  émanât-elle  d'un  souverain  qui  ne  serait  pas  chrétien  ou  ca- 
tholique ;  2°  la  conscience  humaine,  dansse?  jugements  pratiques 
relatifs  à  la  vérité  religieuse  et  morale,  ne  relève  pas  de  l'Etat, 


LE  PROPAGATEUR  507 


incompétent  par  lui-même  pour  statuer  avec  une  autorité  infailli- 
ble en  matière  de  foi  et  de  mœurs  ;  3°  mais  si  l'Etat  est  uni  à 
l'Eglise,  suivant  l'ordre  voulu  de  Dieu,  il  peut  alors,  sous  l'auto- 
rité et  au  nom  de  l'Eglise,  imposer  à  la  conscience  humaine  des 
obligations  que  de  lui-même  il  ne  saurait  imposer.  Et  en  cela, 
l'Etat  remplit  un  noble  rôle,  car  il  aide  Eglise  dans  sa  mission 
sanctificatrice,  et  agit  du  même  coup  pour  le  salut  des  hommes 
et  pour  la  gloire  de  Dieu. 

C'est  surtout  en  faveur  de  la  liberté  de  conscience  vis-à-vis  de 
l'Etat  que  les  libéraux  (catholiques  ou  non)  ont  rompu  plus  d'une 
fois  des  lances,  depuis  un  siècle  environ. 

Est-ce  que  l'Etat,  a-t-on  dit,  peut  forcer  de  croire,  peut  violenter 
la  liberté  de  l'âme  ?  Non.  Sans  aucun  donte,  l'homme  alaiaculté 
de  choisir  l'erreur  ou  la  vérité  dans  son  for  intérieur,  faculté  qui 
n'est  pas  un  droit  ;  j'ajoute  que  Dieu  seul,  ou  son  représentant 
au  tribunal  de  la  pénitence,  peut  juger  et  punir  les  actesintérieurs. 
Mais  si  le  choix  fait  intérieurement  se  traduit  en  un  acte  extérieur^ 
justement  prohibé  p-ir  la  loi  civile,  il  tombe  en  cette  qualité  dans 
la  juridiction  de  l'Etat  qui,  sans  doute,  n'a  pas  à  se  préoccuper 
des  actes  intérieurs  de  l'homme,  mais  de  ses  actes  extérieurs  en  ce 
qui  touche  le  bien  social.  Or,  comme  le  bien  social  est  intime- 
ment lié  au  bien  religieux  et  que  tout  acte  hostile  à  la  vraie  reli- 
gion a  des  contrecoups  funestes  dans  la  société  civile,  surtout  si 
elle  a  le  bonheur  de  jouir  de  l'unité  de  foi,  il  suit  de  là  que  l'Etat 
a  le  droit  de  s'opposer  à  la  manifestation  et  à  la  propagande  des 
erreurs  religieuses,  signalées  par  l'Eglise,  à  l'autorité  de  laquelle, 
d'après  l'autorité  de  Dieu,  l'Etat  doit  être  soumis. 

Mais  l'Etat,  dira-t-on,  n'est  pas  juge  de  la  vérité. 

D'accord  ;  mais  il  ne  suit  pas  de  là  qu'il  n'ait  point  le  droit  de 
réprimer  les  outrages  publics  faics  à  la  vérité  en  laquelle  il  croit 
fermement  sur  la  parole  de  Dieu,  enseignée  par  l'Eglise.  Il  est 
vrai  que,  sous  l'empire  de  nécessités  graves,  lorque  l'unité  de  foi 
n'existera  plus  dans  un  pays,  et  que  l'erreur  aura  conquis  un  tel 
empire  qu'il  ne  soit  plus  possible  de  rétablir  complètement  le 
règne  de  la  vérité,  l'Etat  pourra  user  de  tolérance,  et  laisser  à 
l'erreur  une  liberté  exigée  par  les  circonstances  spéciales,  liberté 
basée  sur  un  autre  titre  que  celui  sur  lequel  s'appuie  la  liberté 
de  la  vérité. 

En  résumé,  si  on  entend  par  conscience  libre  une  conscience 
irresponsable  et  sans  loi,  il  n'y  a  plus  de  conscience. 

Si  on  veut  dire  que  la  conscience  est  elle-même  la  loi  dans  sa 
source  première  et  radicale,  il  n'y  a  plus  de  loi. 

Si  on  affirme  seulement  que  la  conscience  est  libre  à  l'égard 
des  lois  positives,  soit  divines  soit  humaines,  comme  ces  lois  sont 
obligatoires,  de  par  le  droit  naturel,  et  que  leur  transgression  est 
une  désobéissance  à  Dieu  même,  on  en  revient  à  nier  la  conscience 
en  la  voulant  libre. 

C'est  au  nom  de  la  vraie  liberté  de  conscience  que  l'Eglise  ac- 
complit sa  mission  libératrice  ;  et  c'est  au  nom  delà,  fausse  liberté 
de  conscience  que  la  philosophie  incrédule  poursuit  son  œuvre 
d'oppression  et  de  ruine. 


M  je:3L.iotkoï»he 

ou 

CONFORMITE  DE  LA  VOLONTE  HUMAÏNE 

A  LA  VOLONTÉ    DIVINE 

PAR 

JjC    B.    p.    JDKKXÉ9I1UN 

lie  '.a.  compagnie  d-^  Jh^us 
1  vol.  m.l2 Prix  :  $0.30 


Nous  n'avons  pas  à  faire  l'éloge  du  iivre  bien  counu  dont  nous  offrons  aux  fi- 
dèles une  nouvelle  traduction.  Qu'on  nous  permette  seulement  quelques  réflexions 
préliminaires.  Les  m^-iUeurs  philosoph'^s,  almellant  la  liberté  de  nos  actes,  ont 
estimé  sage  et  heurnux  l'homme  assez  maître  de  lui-même  pour  commander  à  ses. 
mouvements  désordonnés,  assez  fort  contre  les  événements  extérieurs  pour  les 
voir  sans  trouble  ni  abattement.  — 

Toutes  nos  peines,  toutes  nos  misères  viennent,  en  effet,  de  ce  que  notre  vo- 
lonté subit  l'empire  des  passions  <^u  resislK  vainement  aux  accidents  de  la  vie. 
Nous  sommes  ou  esclaves  de  nous-mêmes  ou  victimes  de  ce  qui  nous  entoure  ; 
nos  passions  nous  font  porter  des  chaînas,  l^s  revers  nous  abreuvent  d'amertume.- 

Or,  la  force  d'âme  par  laquelle  nous  triomphons  de  te!s  ennemis,  constitue  la 
philosophie  purement  humaine.  Le  chréti^-n  va  plus  loin  et  sa  soumission  est 
plus  facile,  plus  parfaite,  en  ce  qu'elle  découle  principalement  de  l'amour  divin. 

Au  lieu  de  chercher  toute  sa  puissance  dans  son  caractère  et  de  ne  voir  dans 
les  maihtiurs  que  des  tributs  nécessaires  à  payer,  il  reconnaît  que  de  lui-même  il 
est  plein  de  fragilité  ;  puis  s'élevant  d'autant  plus  haut  qu'il  est  parti  de  plus 
bas,  il  aperçoit  le  Dieu  infiniment  sage  qui  a  disposé  toutes  choses  en  notre  faveur, 
il  sent  la  main  providentielle  qui  ilirigetout;  sa  raison,  il  la  conforme  à  la  raison 
suprême  dont  ses  lumières  ne  sont  qu'un  reflet  ;  sa  volonté,  il  la  règle  sur  la  vo- 
lonté éternelle  qui  ne  fait  rien  d"mjuste  ou  d'inutile.  Dès  lors,  c'est  un  iils  docde 
aux  conseils  et  aux  ordres  de  son  pèri-,  c'est  un  soldat  qui  se  repose  sur  son  gé- 
néral des  dispositions  du  combat  et  qui  se  contente  de  gar  1er  le  poste  où  il  a  été 
placé.  Dès  lors  l^^s  plaintes  et  les  murmures  s'évanouissent  et  la  paix  s'établit 
dans  le  cœar.  Tandis  que  les  autres  s'étonnent,  s'mdignent,  se  désesj  èr-^nt,  pour 
lui  rien  n'arrive  au  hasard  ou  à  contret-mps.  Dieu  a  tout  prévu,  tout  voulu, 
tout  permis.  Il  ne  lui  reste  qu'à  obéir  et  à  voir  des  moyens  là  où  la  plupart  dé- 
couvrent des  obstacles. —  Non-seulement  il  soumet  sa  volonté  à  celle  d^  Dieu  ; 
mais  la  sienne  n'en  diffère  plus,  et  c'est  la  charité  unie  h  la  foi  qui  opère  celle 
douce  conformité. 

Il  fait  mieux  que  de  suivre  les  ordres  de  Dieu,  il  les  devance  par  l'ardeur  de 
ses  désirs;  il  n'accepte  pas  les  épreuves  comme  un  mal  nécessaire  ;  il  n'appelle 
plus  rien  du  nom  de  mal,  excefite  le  péch-^,  parce  qu'il  ne  considère  en  tout  que 
Dieu  lui-môme  et  son  divin  Fils  dont  la  grâce  ne  l'abandonnera  jamais. 

Ce  n'est  pas  seulement  le  bonh  ur  mêm^;  temporel  que  l'homme  soumis  à  la 
volonté  divine  puise  dans  ses  principes  ;  il  y  trouve  de  plus  la  p»  rf-^ciion  qui  fait 
les  saints.  Si  votre  volonté  s'attache  à  suivre  celle  de  Dieu,  l'ombre  seule  du  pé- 
ché vous  apparaîtra  comme  un  nssai  de  révoltf  et  d'ingratitude  ;  la  volonté  cons- 
tante de  faire  ce  qu'il  veut  vous  détournera  des  actions  coupables 't,  le  souverain 
Seigneur  vous  conduisant  comm*^  par  la  main,  vous  marcherez  dans  ses  voies  de 
justice  et  de  sainteté. —  Quel  est  le  point  de  départ  de  la  sanctilication  ?  la  con- 
lormité  à  la  volonté  divme.  Quelle  est  la  plus  haute  sainteté  ?  la  plus  parfaite 
conformité  à  la  volonté  divine.  HcBC  est  volunlas  Dei  sanclificaiio  veslra.  La  plé- 
nitude de  la  loi  c'est  la  chanté  ;  le  principal  effet  delà  charité  c'est  d'identifier  la 
volonté  humaine  à  celle  d  '  Deu. — 

Si  donc  quelqu'un  désire  contribuer  au  bonheur  de  ses  semblables,  leur  ensei- 
gner véritablement  l'art  d'être  h^'ureux,  qu'il  leur  prêche  la  volonté  suprême  dé 
Dieu  :  si  quelqu'un  désire  sauver  et  ?anctiti^!r  les  hommes,  qu'il  Inur  persuad.-  de 
prendre  cette  volonté  pour  guide  de  la  l*^ur  Le  Fiat  volunlas  lua  du  Paler,  voilà 
le  grand  mot  qui  dit  tout  ;  c'est  le  cri  de  paix  qui  sortit  de  la  boich-^  de  Idus  les 
héros  chrétiens  ;  la  devise  de  tous  les  ju^t-^s  depuis  le  saint  homme  Job  jusqu'à 
saint  François  de  Sales.  Ce  que  Dieu  veut  comme  il  le  veut,  parce  qu'il  le  veut 
■et  autant  qu'il  le  veut  :  faites  cela  tt  vous  vivrez.   Hoc  fac  et  vives. 


GAUTHIER  DE  LA  CALPRENEDE 


{Suite  et  Fin.) 

"  Et  l'hôte  s'appelle  Poassin,  n'est-ce  pas?  "  dit  Gauthier. 

"  Tout  justement,  monsieur.  Il  est  si  gros  qu'il  peut  à  peine  se 
remuer,  mais  sa  femme  et  sa  fille  sont  lestes  et  actives  Monsieur 
veut-il  y  venir  voir  ?  " 

"  Allons,  "  dit  Gauthier. 

Et  le  soir  même  il  fut  installé  chez  Pierre  Poussin,  arrière-cou- 
sin de  Nicolas  Poussin,  qui  était  alors  à  Rome,  au  déclin  de  sa 
vie,  mais  dans  toute  la  force  et  la  maturité  de  son  talent.  Un  de 
ses  premiers  dessins,  soigneusement  encadré,  ornait  la  chambre 
dont  Gauthier  prit  possession.  Il  en  fit  compliment  à  son  hôte,  ce 
qui  les  mit  au  mieux  ensemble.  De  belle  armoires  de  chêne  sculpté, 
un  de  ces  lits  que  l'on  appelait  des  cousinières,  et  où  l'on  pouvait 
coucher  six,  un  grand  fauteuil  et  des  escabeaux  rangés  autour 
d'une  table  massive,  meublaient  cette  grande  chambre  Aux  pou- 
tres du  plafond  tremblaient  les  reflets  moirés  de  l'eau  vive  et  en- 
soleillée. Dans  la  grande  cheminée,  entre  les  chenets  historiés,  un 
bouquet  de  roses  tenait  la  place  du  feu  absent,  et,  par  la  croisée 
grande  ouverte,  entraient  l'odeur  des  foins  et  le  souffle  de  la  brise 
d'été.  —  C'était  un  lieu  à  souhait  pour  écrire  un  roman:  aussi 
Gauthier  se  mii-il  tout  de  suite  en  besogne.  Il  déballa  sa  jolie  écri- 
toire  de  voyage,  don  de  la  bonne  reine  Anne  d'Autriche,  tailla 
une  plume  de  cygne  (les  plumes  d'oie  sont  pour  les  greffiers),  et, 
prenant  d.ms  sa  valise  un  beau  cahier  de  papier  d'Angoulême,  à 
marque  fleurdelisée,  il  écrivit  de  sa  plus  belle  écriture: 
RICHAliD  CŒUR  DE  LION 

ROMAN 

par  M.  Gauthier  de  Costes  de  la  Calprenède, 
gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  Roi. 

TOME    PREMIER. 

Premier    Chapitre. 

Et  il  commença  son  récit  avec  une  facilité,  une  verve  qui  l'é- 
tonnaient  lui-même.  Les  mots  lui  venaient  clairs  et  pressés  comme 
les  flots  dont  il  entendait  le  doux  murmure.  En  deux  jours  il 
écrivit  quarante  pages,  sans  ratures,  et  Colin  avait  toutes  les  peines 
du  monde  à  le  décider  à  se  déranger  pour  diner.  Gauthier  était  au 
comble  du  bonheur.  C'est  si  amusant  d'écrire  un  roman! 

Mais,  voulant  décrire  le  paysage  que  Richard  Cœur  de  lion 
apercevait  du  haut  du  château  Gaillaid,  Gauthier  y  monta.  Fu- 
neste promenade  !  —  En  parcourant  les  ruines,  il  oublia  qu'il 
n'avait  plus  quinze  ans,  et  voulut  franchir  d'un  saut  quelques 
marches  rompues  de  l'escalier  du  donjon.  Le  pied  lui  manqua:  il 
tomba  fort  rudement,  se  blessa  au  genou  et  se  foula  le  poignet 
droit.  Appuyé  sur  Colin,  qui,  par  bonheur,  l'avait  accompagné,  il 
revint  copin-copant  chez  le  père  Poussin.  La  bonne  femme  et  sa 
fille  se  hâtèrent  de  préparer  des  emplâtres,  tandis  que  le  père  Pous- 
sin allait  quérir  dans  sa  cave   une  bouteille  de  vin  vieux  pour 


510  LE  PROPAGATEUR 


réconforter  son  hôte,  et  que  Colin  courait  chercher  le  chirurgien 
barbier  du  village. 

Tant  de  soins  réunis  n'empêchèrent  pas  le  pauvre  blessé  d'être 
condammé  à  l'immobilité.  Il  se  serait  aisément  consolé  de  rester 
la  jambe  étendue,  mais  ne  pouvoir  écrire  était  un  supplice  pour 
lui.  Son  roman,  si  bien  ajusté  dans  sa  lêle,  si  prêt  à  être  fixé  sur 
le  papier,  le  tourmentait  jour  et  nuit. 

*•  Ah!  mon  pauvre  Colin,  "  dit  il  un  matin  à  son  domestique, 
"  que  je  regrette  donc  de  ne  pas  t'avoir  fait  apprendre  à  écrire  I  " 

'•'•  Et  pourquoi  cela,  monsieur  ?  "  dit  Colin. 

"  Je  le  dicterais,  mon  enfant,  et  je  ne  m'ennuirais  plus.  " 

"  Bon  !  "  dit  Colin,  "  si  vous  voulez  dicter  à  quelqu'un,  mon- 
sieur, j'ai  votre  fait.  Annette,  la  fille  au  père  Poussin,  écrit  comme 
un  maître  d'école,  et  très  vite,  et' sans  faire  de  pâtés  d'encre.  Elle 
m'a  écrit  hier  soir  une  lettre  que  je  vais  envoyer  à  mon  camarade 
Bastien,  et  vous  allez  voir  comme  c'est  monlé  I  " 

Il  alla  chercher  la  lettre.  Gauthier,  charmé  de  l'écriture  proprette 
et  régulière  de  la  jeune  fille,  envoya  dire  au  père  Poussin  de 
venir  lui  parler.  Il  le  pria  de  permettre  à  Annettede  lui  servir  de 
secrétaire,  ajoutant  qu'il  la  paierait  bien  de  ses  peines.  Le  Nor- 
mand réfléchit,  se  gratta  l'oreille,  et  demanda  ce  que  M  Gauthier 
ferait  écrire  à  la  petite. 

"  Rien  que  de  très  honnête,  mon  ami,  "  dit  Gauthier.  "  D'ailleurs, 
sa  mère  restera  près  d'elle  tout  le  temps,  si  vous  avez  la  moindre 
appréhension.  " 

,1  "  J'aime  mieux  ça,  "  dit  Poussin.  "  Voyez-vous,  monsieur?  vous 
m'avez  l'air  d'un  brave  homme,  et  vous  êtes  plus  vieux  que  moi  ; 
mais  vingt-deux  sûretés  valent  mieux  qu'une,  et,  sauf  votre  res- 
pect, les  filles,  dame  !  c'est  de  fâcheuses  bêtes  à  garder.  Je  vas  dire 
ça  à  ma  femme." 

Une  heure  après,  la  bonne  femme,  avec  son  tricot,  et  Annette, 
bien  installée  à  la  table  de  Gauihier  et  la  plume  à  la  main,  tenaient 
compagnie  au  blessé.  Il  se  mit  à  dicter  la  quarante  et  unième  page 
de  son  roman.  Annette  écrivait  très  vite  et  semblait  tout  attention. 
La  mère  Poussin  prêtait  l'oreille,  et,  malgré  tous  ses  efforts,  ne 
comprenait  pas  fort  bien  de  quoi  il  s'agissait.  Le  mot  croises,  qui 
se  rencontrait  souventdans  le  récit,  l'intriguait  fort.  Elle  se  hasarda, 
dans  un  moment  où  Gauthier  reprenait  haleine,  à  lui  demander  : 
"  Mais  enfin,  monsieur,  qu'est-ce  donc  que  le  roi  Eichard  vou- 
lait faire  de  tant  de  fenêtres? 

Gauthier  lui  donna  les  explications  nécessaires,  et  la  bonne  créa- 
ture, n'entendant  plus  rien  qui  l'intriguât,  ne  tarda  pas  à  s'endor- 
mir. Annette  écrivait  toujours;  mais  voilà  qu'en  arrivant  à  un 
certain  dialogue  où  Blondel,  le  ménestrel  favori  de  Richard  Cœur 
de  lion,  disait  adieu  à  sa  belle  en  partant  pour  la  croisade,  le  petit 
cœur  d'Annette  se  gonfla,  de  grosses  larmes  tombèrent  sur  son 
papier,  et,  tout  d'un  coup,  jetant  son  tablier  sur  sa  tête,  elle  éclata 
en  sanglots.  Sa  mère  dormait  si  bien,  qu'elle  ne  l'entendit  pas,  et 
Gauthier,  charmé  de  l'effet  que  produisait  son  œuvre,  dit  à  la 
jeune  fille: 


LE  PROPAGATEUR  511 


"  Là  !  là  !  ma  patite,  essuyez  vos  yeux.  C'est  un  conte,  et  je  vous 
promets  de  marier  ces  amoureux-là  à  la  fin  du  troisième  volume. 
Mais  n'est-ce  pas  que  ce  pauvre  Bloadel  est  bien  intéressant?  " 

"Blondel?  ah  !  "  dit  Aunette,  "çi  m'est  bien  égil,  Biondel; 
mais,  monsieur,  ça  me  fait  penser  à  Georget.  Je  me  fiche  pas  mal 
des  autres  gars,  "voyez  vous  !  " 

Pour  un  romancier,  le  coup  était  rude  ;  mais  Gauthier  avait  bon 
cœur,  et  les  larmes  de  la  pauvre  fille  le  louchèrent. 

"  Ma  petite  Annette,  "  lui  dit-il,  '^  Georget  n'est-il  point  mous- 
quetaire ?  " 

"  Hélas  1  oui,  "  dit  elle.  "  Mon  père  Fa  si  bien  embarré  quand  il 
vint  me  demander  en  mariage,  que,  de  désespoir,  il  s'est  engagé  I 
Et  l'on  veut  que  j'en  épouse  un  autre,  et  je  li^ea  veux  point,  treda- 
me  !  et  je  refuserais  un  roi,  monsieur,  et  je  l'attendrai  cinq  ans, 
dix  ans,  s'il  le  faut,  et  maman?  "  cria-t-eile  en  secouant  sa  grosse 
mère. 

Celle-ci,  s'éveillant,  tout  étonnée  n'y  comprit  rien  d'abord,  puis 
finit  par  dire  à  Gauthier  : 

"  Annette  a  raison,  monsieur.  Georget  est  un  brave  garçon,  il  a 
un  état,  et,  tout  pauvre  qu'il  est,  je  lui  aurais  donné  ma  fille  Mais 
mon  mari,  qui  est  bon  ménager,  et  qui  a  la  tète  près  du  bo  met,  a 
rabroué  Georget,  et  ce  garçon  a  fait  la  sottise  de  s'engager.  Pourvu 
qu'il  ne  se  fasse  pas  casser  la  tête  à  l'armée  de  la  guerre,  ou  qu'il 
ne  devienne  pas  mauvais  sujet  en  garnison  !  Ah  !  c'est  une  chienne 
de  loterie  que  l'état  militaire  !  ma  pauvre  Aunette  !  " 

Et  la  bonne  femme  se  mit  à  pleurer  aussi.  Colin  accourut  au 
bruit. 

"•  Cadédis  1  s'écria-t-il,  "  quelle  musique  !  Est-ce  ainsi  qu'on 
distrait  un  malade  ?  La  peste  soit  des  pleureuses  I  " 

La  mère  et  la  fille  s'en  allèrent,  etGaithier  s'écria  : 

"  Décidément,  mon  roman  a  du  guignon.  —  Si  du  moins  je  pou- 
vais ajuster  le  dénouement  de  celui  d' Annette  !  " 

Il  y  réfléchit  toute  la  nuit,  et  ne  dormit  point,  ayant  la  fièvre. 
Le  lendemain  matin,  il  envoya  chercher  le  tabellion  des  Andelys, 
maître  Ouen  Goure^ville,  et  resta  enfermé  avec  lui  plus  d'une 
heure.  Colin  Dordac  resta  tout  ce  temps-là  l'oreille  collée  contre  la 
porte  :  car,  en  fidèle  valet,  et  par  attachement  pour  son  maître,  il 
tenait  à  être  au  courant  de  ses  affaires.  M  iis  il  n'entendit  que  des 
mots  sans  suite,  le  notaire  et  soncUent  ayant  parle  fort  bas.  Q.iand 
le  notaire  fut  parti,  Colin  essaya  de  faire  causer  son  maître,  mais 
inutilement.  Gauthier  se  sentait  très  souffrant.  Il  envoya  chercher 
le  curé,  et  se  trouva  mieux.  La  bonne  femme  Poussin  assurait 
qu'il  serait  bientôt  guéri,  grâce  à  un  onguent  dont  elle  connaissait 
le  secret.  Par  malheur,  le  notaire  ayant  un  peu  jasé  et  Colin  Djr- 
dac  beaucoup,  le  bruit  se  ''épandit  que  l'illustre  romaiicier  Gauthier 
de  la  Calprenède  était  malade  au  Petit-A'idely.  Toute  la  noblesse 
du  pays  y  accourut  pour  le  voir  et  lui  faire  ses  offres  de  service. 
C'était  à  qui  l'emmènerait  dans  son  château.  Il  se  laissa  séd  lire 
aux  instances  de  madame  la  baronne  de  Tatillon  ^ille,  précieuse 
des  plus  charmantes,  qui  habitait  au  Grand-Auiely  une  fort  bsUe 


512  LE  PROPAGATEUR 


maison,  située  près  de  l'église  de  Sainte-GlolUde  .  Elle  vint  cher- 
cher Gauthier  en  belle  litière  tendue  de  damas  jonquille,  et  attelée 
de  mules  blanches  qui  avaient  des  pompons  de  rubans  aux 
oreilles. 

Porté  sur  les  bras  des  laquais  de  la  baronne,  le  pauvre  éclopé 
descendit  l'escalier  du  père  Poussin,escorté  par  ses  hôtes,  fort  cha- 
grins de  son  départ. 

"Monsieur  Gauthier,  "  hii  disait  le  père  Poussin  croyez-moi, 
buvez  de  bon  piot,  mangez  ferme,  et  envoyez  les  médecins  se  faire 
lanlaire.  C'est  en  agissant  ainsi  que  j'ai  réussi  à  n'être  jamais 
malade.  " 

"  Monsieur  Gauthier,  "  disait  la  bonne  femme,  voici  un  pot  de 
''  mon  onguent.  Mettez  en  soir  et  matin  sur  votre  genou,  tenez  vous 
les  pieds  chauds  et  la  tête  fraîche,  mangez  ce  qui  vous  plaira,  et  ne 
vous  faites  pas  de  bile.  Ça  se  guérira  tout  seul." 

''  Monsieur  Gauthier,  "  disait  Annette  en  pleurant,  je  dirai  mon 
"  chapelet  pour  vous  tous  les  jours,  foi  d'honnête  fille  I  et,  quand 
vous  voudrez,  j'irai  écrire  tout  ce  qui  vous  passera  par  la  tête. 
Ayez  soin  de  boii'e  de  cette  eau.  Je  l'ai  été  chercher  pour  vous  à 
la  "fontaine  de  Sainte-Glotilde.  Vous  serez  guéri  dimanche.  " 

Gauthier  remercia  ses  hôtes  et  promit  de  suivre  tous  leurs  con- 
seils. C'était  bien  son  intention,  mais  il  avait  compté  sans  le  zèle 
de  madame  de  Tatillonville,  —  sans  son  médecin,  hélas  1  —  Ce 
docteur  trop  modeste,jugeant  le  cas  grave,  appela  en  consultation 
deux  confrères  de  Rouen,  et,  à  eux  trois,  ils  traitèrent  le  patient 
selon  toutes  les  règles  de  l'art  et  comme  on  devait  soigner  un 
homme  de  sa  qualité.  Il  fut  en  conséquence  si  bien  saigné,  purgé^ 
ressaigné  et  repurgé,  qu'en  moins  de  huit  jours,  le  pauvre  la 
Calprenède  s'en  alla  de  vie  à  trépas,  fort  doucement,  du  reste,  car 
il  avait  la  conscience  en  repos,  et  les  saignées  ne  lui  avaient  pas 
laissé  la  force  de  souffrir.  Il  mourut  après  un  long  sommeil,  rêvant 
à  son  roman  de  Bichard  Cœur  de  lion. 

Le  tabellion  des  Andelys  communiqua  le  testament  de  Gauthier 
de  la  Calprenède  à  qui  de  droit,  et  l'on  y  vit  qu'il  laissait  tous  ses 
biens  du  Quercy  à  sa  cousine  Alix  de  Castelfour,  comtesse  de 
Monldragon,  à  la  charge  d'acquitter  quelques  legs  pieux  et  de 
fonder  une  messe  à  perpétuité  à  Notre-Dame  de  Roc  Amadour.  Il 
donna  la  propriété  de  ses  romans  à  son  libraire  Sommaville,  se& 
meubles  et  deux  cents  écus  de  rente  à  Colin  Dordac,  et  une 
somme  de  trois  mille  livres  tournois  à  Annette  Poussin,  fille  de  son 
hôte,  à  la  condition  qu'elle  épouserait  Georget,  et  qu'ils  appelle- 
raient leur  première  fille  Gassandre,  et  leur  premier  garçon 
Richard,  en  souvenir  du  premier  et  du  dernier  roman  de  leur  ami 
la  Calprenède 

Et  ce  fut  ainsi  que  Gauthier  de  la  Calprenède  mourut  au  Grand- 
Andely,  dans  l'été  de  1563,  entre  un  chapitre  qu'il  avait  commencé 
et  un  joli  dénouement  qu'il  ne  vit  point,  mais  qui  fit  bénir  sa 
mémoire  pendant  de  longues  années  au  Petit-Andely,  sur  ce 
gracieux  rivage  où  la  maison  du  père  Poussin  mirait  dans  la  rivière, 
il  y  a  peu  d'années  encore^  sa  petite  tourelle  et  ses  balcons  ajourés. 


LE    PROPAGATEUR 


Volume  IV,  15  Octobre,  1893,         Numéro  16 


BULJ_JET1JN 

6  Octobre  1893. 

*,*  Les  journaux  publient  la  dernière  Lettre  Encyclique  que 
N.  S.  P.  le  Pape  vient  d'adresser  à  l'épiscopat  de  l'univers  entier. 
Cette  encyclique  est  en  date  du  8  septembre  dernier,  elle  concerne 
le  Rosaire  de  Marie  pour  lequel  le  pape  a  une  dévotion  particulière. 

Dans  cette  encyclique  le  pape  attribue  à  la  protection  spéciale 
de  la  Sainte  Vierge  le  succès  de  son  jubilé  épiscopal,  il  l'en  remer- 
cie en  la  comblant  de  louanges  et  il-  encourage  instamment  la 
dévotion  au  Rosaire. 

11  déplore  les  maux  innombrables  qui  affligent  la  société 
humaine,  et  il  indique  la  dévotion  au  Rosaire  comme  un  remède 
efficace  à  ces  maux.  Trois  maux  surtout  lui  semblent  les  plus  funestes 
à  Vavanlage  commun.  Ces  maux  sont  :  le  dégoût  d'une  vie  modeste  et 
activa,  L'horreur  de  la  souffrance.,  l'oubli  des  biens  éternels  que  nous 
espérons.  A  ces  maux  il  indique  comme  remède  la  méditation  des 
mystères  du  Rosaire.  Les  mystères  joyeua;  sont  l'opposé  du  dégoût 
de  la  vie  moJeste  ;  les  mystères  douloureux  sont  destinés  à 
combattre  l'horreur  de  la  souffrance,  et  les  mystères  glorieux  nous 
ramènent  à  la  croyance  de  la  vie  future  et  de  la  récompense 
éternelle  de  nos  bonnes  œuvres. 

Lh  pape,  en  parlant  du  dégoût  d'une  vie  modeste  et  active  fait  des 
réflexions  d'une  extrême  justesse.  C'est  a  ce  dégoût  qu'il  attribue 
la  négligence  des  devoirs  et  des  vertus  domestiques,  les  aspirations 
chimériques  à  l'égalité  des  fortunes,  le  dépeuplement  des  campa- 
gnes au  profit  des  cités,  et  l'absence  d'équilibre  entre  les  diverses 
classes  de  la  société. 


*/  La  nouvelle  chambre  des  députés  en  France,  dont  les  pou- 
voirs commenceront  le  14  octobre,  compte  deux  prêtres  au  nombre 
de  ses  membres,  Mgr  d'Hulst  et  l'abbé  Lemire.Mgr  d'Huist  est  dé- 
puté de  la  3e  circonscription  de  Brest,  département  du  Finistère. 
Il  était  déjà  député,  ayant  été  élu  après  la  mort  de  Mgr  Freppel, 
cpt  illustre  fils  de  l'Alsace  dont  régli?e  de  France  déplore  encore 
si  vivement  la  perte.  M.  l'abbé  Lemire  représente  une  circonscrip- 
tion du  département  du  Nord.  Quatre  antres  prêtres  se  sont  pré- 
sentés aux  dernières  élections.  Ce  sont  :  l'abbé  Garnier,  à  Paris  ; 
l'abb-»  Diharas^ary,  dans  le  département  des  Basses-Pyrénées, 
l'abbé  Ramband,  dans  le  L^)t-et-Garonne,  et  l'abbé  Patureau  dans 
le  Finistère.  Ces  quatre  prêtres,  quoique  battus  par  les  candidats 
radicaux  et  socialistes,  ont  obtenu  plus  que  le  tiers  des  votes  dans 
leurs    circonscription   respectiYes.    A  Paris,   notamment,  l'abbé 

31 


518  LE  PROPAGATEUR 


Garnier  a  obtenu  4385  voix  dans  un  quartier  qui  est,  dit  un  jour- 
nal, le  plus  anticlérical  de  Paris  et  de  la  France.  Anlérieurement 
un  prêtre  ne  pouvait  pas  passer  dans  ce  quartier  sans  être  grossiè- 
rement insulté.  Ce  résultat  indique  d'une  manière  évidente  un 
revirement  considérable  d'opinion  dans  le  sens  des  saines  idées 
politiques  et  sociales. 

* 

%*  La  vieite  de  l'empereur  Guillaume  à  Metz,  à  l'anniversaire 
des  néfastes  événements  de  Sedan,  et  les  manœuvres  militaires 
allemandes  dans  les  champs  d'Alsace-Lorraine,  sont  considérées 
comme  une  audacieuse  provocation  à  la  France.  Cette  dernière 
heureusement  n'a  pas  relevé  le  gant,  car  une  lutte  terrible  serait 
venue  ensanglanter  l'Europe. 

La  réception  faite  à  l'empereur  a  été  pompeuse,  mais  l'enthou- 
siasme a  manqué.  Les  habitants,  restés  français  de  cœur,  se  sont 
montrés  froids  et  réservés.  Avec  le  poète  ils  semblaient  jeter  à  la 
face  de  l'empereur  ce  refrain  patriotique  : 

Vous  avez  pris  l'Alsace  et  la  Lorraine, 
Mais  malgré  vous,  nous  resterons  Français, 
Vous  avez  pu  germaniser  la  plaine, 
Mais  notre  cœur  vous  ne  l'aurez  jamais. 

L'attitude  de  la  population  a  fait  une  vive  impression  sur  Guil- 
laume et  il  s'est  plaint  amèrement  que  la  germanisation  de  la 
Lorraine  va  trop  lentement.  Ce  qui  ne  l'a  pas  empêché  dans  un 
de  ses  nombreux  discours,  de  proclamer  avec  emphase  que  les 
Lorrains  sont  Allemands  et  qu'ils  resteront  Allemands  avec  l'aide 
de  Divu  et  de  fépée  Allemande.  Ces  paroles  ont  du  retentir  douloureu- 
sement aux  oreilles  des  patriotes  lorrains  qui  sont  restés  français 
malgré  23  ans  de  domination  teutonne.  Espérons  que  ces  bravades 
€t  ces  vantardises  auront  un  terme,  et  qu'un  jour  viendra  où  avec 
Vaidede  Dieu  et  de  répée  française,les  Lorrains  restés  français  de  cœur, 
verront  de  nouveau  le  drapeau  tricolore  Hotter  sur  les  remparts 
de  Metz.  L'œuvre  de  la  germanisation  sera  alors  réduite  au  néant! 

* 

*,^  Le  successeur  de  Mgr  Racine  au  siège  épiscopal  de  Sher- 
brooke vient  d'être  nommé  C'est  M.  le  chanoine  Paul  Stanislas 
Larocque,  curé  de  la  cathédrale  de  Saint  Hyacinthe  que  le  pape  a 
choisi  pour  cette  haute  dignité.  Puisse  le  nouvel  évêque  marcher 
sur  les  traces  de  son  prédécesseur  et  continuer  ses  traditions!  Mgr. 
Larocque  estle  troisième  prêire  de  ce  nom  qui  est  appelé  à  faire 
partie  de  l'épiscopat  canadien.  Les  deux  autres  ont  été  Mgr  Joseph 
Larocque  et  Mgr'  Charles  Larocque.  Ils  ont  été  tous  deux  évêques 
de  saint  Hyacinthe,  et,  par  une  singulière  coincidence,  le  nouvel 
évêque  est  le  curé  de  la  cathédrale  du  même  diocèse.  Trois  de  ses 
prédécesseurs  dans  la  cure  de  la  cathédrale  sont  aussi  actuellement 
évêques  ;  ce  sont  Mgr  Moreau,  évoque  actuel  de  Saint-Hyacinthe, 
Mgr  Giavel,  évêque  de  Nicolet,  et  Mgr  Decelles,  coadjuteur  de 
Mgr  Mof-eau.  M.  Larocque  est  né  à  Sainte-Marie  de  Monnoir, 
comté  de  Rouville,  le  28.octobre  1846.  Ha  fait  ses  études  classiques 


LE  PROPAGATEUR  519 


•et  théologiques  au  séminaire  de  Sainte  Tiiérèse  et  au  séminaire 
de  Saint-Hyacinthe. 

Mgr  Bourget  l'a  ordonné  prêtre  à  Montréal  le  9  mai  1869.  Avant 
d'êtie  curé  de  la  cathédrale  de  S.iint-Hyacinlbe  il  a  été  mission- 
naire à  Key  West,  en  Floride,  pendant  10  ans,  et  il  a  étudié  la 
théologie  à  Rome  pendant  quelques  années.  Il  est  revenu  de  Rome 
avec  le  titre  de  docteur  en  Théologie  et  en  Droit  canon. 

* 
*,*  M.  le  chanoine  A.  Xiste  Bernari  a  été  nommé  vicaire-géné- 
ral du  diocèse  de  St-Hyacinlhe.  Il  remplace  monsieur  l'abbé 
Oravel,  qui  vient  d'accepter  la  cure  de  B-lœil.  M.  B^rTuard  est  né 
à  Belœil  II  a  fait  ses  études  an  cdlège  de  Montréal  et  il  a  été  or- 
donné prêtre  le  1er  novembre  1871. 

*,*  Le  gouverneur-général,  lord  Ab?rdeen,  de-retour  d'Ottawa, 
où  il  a  été  prendre  possession  de  sa  résidence,  a  fait  une  visite  ofiB- 
cielle  à  Montréal.  Il  a  été  reçu  avec  enthousiasme  par  toutes  les 
classes  de  la  population.  Les  Irlandais,  entre  autres,  lui  ont  sou- 
haité une  bienvenue  d'autant  plus  cordiale  qu'il  a  ga^né  toutes 
leurs  sympathies  lorsqu'il  administrait  les  affaires  d'Irlande.  On 
sait  en  effet,  que  lorJ  Aberdeen  jouissait  en  Irlande,  lorsqu'il  en 
était  vice-roi,  d'une  popularité  extraordinaire  et  que  les  Irlandais 
le  regrettent  encore. 

A  la  réception  de  l'Hôtel-de- Ville,  le  maire  Desjardins  a  lu  une 
adresse  très  sympathique,  et,  en  répondant  à  cette  a  Iresse,  le  gou- 
verneur a  dit  des  paroles  qui  ont  créé  une  grande  sensaton.  Il 
s'est  en  effet  prononcé  fortement  en  faveur  de  la  dualité  de  langues 
et,  joignant  l'exemple  au  précepte,  il  a  parlé  en  français  et  en 
anglais.  Cette  manière  d'agir  a  dû  indigner  énormément  les  fana- 
tiques qui  voudraient  nous  forcer  à  parler  uniquementen  anglais 
dans  ce  pays  colonisé  par  la  France. 

Faisant  allusion  au  privilège  qui  nous  a  été  garanti  d'employer 
la  langue  française  comme  l'une  des  langues  oÊcielles,  le  gouver 
neur  a  ajouté  que  "  toute  fhistoire  et  l'expérience  entière  de  l'huma- 
"  nité  sont  là  pour  proclamer  à  son  de  trompe  que  toute  tentative^ 
"  toute  intention^  si  honnête  qu'elle  soit^  d'entraver  ou  d'abolir  ces 
'•  sortes  de  privilèges,  aboutissent  inévitablement  à  des  fins  tout  oppo- 
^*  sées  à  celles  qu'on  avait  en  vue." 

*** 

*^*  Le  5  septembre  un  grand  congrès  des  catholiques  des  Etats- 
Unis  à  été  ouvert  à  Chicago.  Tous  les  diocèses  et  les  vicariats 
apostoliques  du  pays  y  étaient  représentés.  On  évalue  à  5000  le 
Membre  des  personnes  présentes  à  la  première  séance.  M^r.  Feehan, 
archevêque  de  Chicago  a  souhaité  la  bienvenue  aux  visiteurs,  et 
son  Eminence,  le  cardinal  Gibbons,  archevêque  le  Biltimore,  a 
fait  le  discours  d'ouverture.  Ce  congrès  a  duré  plusieurs  jours  au 
milieu  du  plus  grand  enthausiasm'3.  On  y  a  traité  plusieurs  ques» 
tions  importantes,  notamment  la  question  sociale,  celle  de  l'éduca- 


520  LE  PROPAGATEUR 


tion  catholique,  et  celle  de  l'indépendance  du  Saint-Siège.  Parmi 
les  principales  résolutions  volées  à  l'unanimité  par  le  congrès  se 
trouve  la  suivante  qui  est  relative  aux  écoles  : 

"  Nous  devons  continuer  à  employer  tous  nos  efforts  pour 
augmenter  et  affermir  nos  écoles  paroissiales  catholiques  et  nos 
collèges  catholiques" 

* 

*.*  Parmi  les  conventions  de  toutes  sortes,  tenues  à  Chicago  pen- 
dant l'exposition,  il  y  en  a  une  d'un  caractère  étrange  et  dont  l'histoi- 
re n'offre  pas  de  précédents.  Cesllecongrès  des  religions.  Outre  les 
catholiques,  il  y  avait  là  des  juifs  et  des  schismatiques,  des  protes- 
tants de  toutes  les  sectes  et  de  toutes  les  nuances,  et  des  payens  de 
toutes  les  catégories.  Il  y  avait  même  des  gens  qui  ne  croient  à 
rien  et  qui  veulent  élever  leur  négation  à  la  hauteur  d'un  culte. 
Cette  religion  de  négation  s'appelle  V Idéalisme  et  elle  vient  de  la 
nuageuse  Allemagne. 

L'^erreur  sous  toutes  ses  formes  coudoyait  l'unique  religion  vé- 
ritable dans  cette  Babel  d'un  nouveau  genre. 

Ce  congrès  a  été  la  cause  de  beaucoup  d'enthousiasme  pour  le^ 
uns  et  il  a  été  l'objet  de  vives  critiques  de  la  part  d'un  grand 
nombre.  La  religion  catholique  a  eu  la  préséance  dans  les  séances 
C'est  le  cardinal  Gibbons  qui  a  fait  les  prières  d'ouverture,  il 
siégeait  à  la  droite  du  président. 

*,*  Ont  été  nommés  : 

\*  Liputenanl-gûuverneur  du  Nouveau-Brunswick,  le  sénateur  John  Boyd. 
Il  r<=naplace  Sir  Léonard  Tilley  dont  le  t*-rme  d'office  est  expire.  M.  Boyd  est 
dans  le  commerce.  U  est  né  à  Mangherafell.  comte  de  Derry  Irlande,  le  28 
septembre  1826.  Il  a  toujours  été  partisan  de  la  confédération.  li  a  été  nommé 
sénateur  en  1879. 

2°  Ch<^valier  commandeur  de  l'ordre 'de  Saint-Michel  et  Saint-Grégoire,  K. 
C.  M.  G.  l'honorable  Charles  Hibbert  Tupper.'ministre  de  la  Marine  et  des  Pêche- 
ries. Celte  distinction  lui  a  été  accordée  en  récompense  de  ses  services  comme 
agent  de  l'Angleterre  dans  l'arbitrage  delà  merde  B^hring.  Le  nouveau 
chevalier  est  le  (ils  de  Sir  Charles  Tupper,  Haut  Commissaire  du  Canada  à 
Londre?.  Il  est  né  à  Amherst,  Nouvell'^--Ecosse,  le  3  août  1855.  11  a  fait  ses  études 
dans  les  universités  de  McGillel  de  Harvard  et  il  a  été  reçu  avocat  ^n  1878.  Il 
est  députe  de  Piclou  aux  Communes  depuis  1882  et  ministre  de  la  Marine  et  des 
Pêcheries  depuis  le  31  mai  1888. 

3»  Juge  de  la  cour  suprême  du  Canada,  l'honorable  George  E.  King,  juge  de 
la  cour  Sui'Pême  du  Nouveau-Brunswick.  Il  remplace  le  juge  Patl^^rson  décédé 
dans  le  cours  de  l'été.  M.  King  est  né  à  Saint-Jpan  N.  B.,  en  1839,  et  il  a  été 
reçu  avocîit  en  1865.  Il  a  été  député  à  l'assemblée  légis-lative  du  Nouvf'au- 
Brunswick  et  il  a  élé  pr^-mier  ministre  de  cette  province.  Le  10  décembre  1880, 
M.  King  a  élé  nommé  juge  de  la  cour  Sufirême  du  Nouveau-Brunswick,  charge 
qu'il  a  occupée  jusqu'à  sa  nomination  à  la  cour  Suprême  fédérale. 

4"  Juge  de  la  cour  suprême  du  Nouveau-Brunswick,  l'honorable  P.  A.  Landry, 
ci-devant  juge  de  la  cour  de  comté.  Il  remplace  le  juge  King.  Lh  juge  Landry 
est  acadièn  et  il  est  le  premier  catholique  qui  monte  sur  le  banc  de  la  Cour 
Suprême  de  sa  province.  H  a  été  dépu/é  à  la  législature  provincial  ,  ministre 
des  Travaux  Publics  dans  le  cabinet  Fiaser  en  1878,  et  Secrétairf'-Provincial 
dans  le  cabinet  Hanningion  en  1^82,  Il  a  été  aussi  député  fédéral  de  K-^nt. 

X,*  Juge  de  la  cour  de  comté,  Nouveau-Brunswick,  M.  W.  W.  Wells,  avocat 
de  Dorchester.  Il  remplace  le  juge  Landry.  Alby. 


LA  RELIGION  DE  COMBAT 


Par  l'abbé  Joseph  L<emaiiii 

1  fort  vol.  in-8 Prix  :  $1.88 

MAITRES  ECLAIRES  ET  GUIDES  SURS 

I.  Le  savant  rationaliste  el  le  savant  incré  Iule  ne  méritent  pas  ces  qualitications 
d'honneur:"  Maîtres  éclairés,  guidas  sûrs."  Triste  et  O'gU'eilleux  éiat  de 
leur  raison,  ou  la  froide  raison.  Résultais  des  ténèbres  :  scienC'i  incomplète 
souvent  danger-^use  ;  froid  du  cœur  ;  naorale  équivoque.  —  11.  Grinx  à  qui 
convi'^nnent  ces  qualilications,  dans  la  cit'^  de  lumièrti  :  l'êvèque,  le  pasteur, 
le  docteur,  le  savant  chréiien.  Magnifijue  épanouisS'jnient  des  sciences 
humaines,  subordonnées,  par  eux,  à  la  Vérité  étern-îile.  —  III.  L'heure 
présente  est  aux  génies  malf lisants  :  la  fabh  des  Harpies  d-ivenue  une 
réalité.  —  IV.  Obligation  pour  les  Dieafaisants  génies  de  ne  rien  céd-^r  en 
tout  ce  qui  concerne  l'enseignement. 


"  C'est  une  loi,  que  l'intelUgeace  humaine,  et  même  tonte 
intelligence  créée,  doit  se  former  pir  un  enseignement  reçu  avec 
re.spect  d'une  intelligence  supérieure.  Nul  n'est  à  lui-même  son 
principe  et  son  initiation  :  il  faut  que  le  feu  de  la  vérité,  vivant 
dans  un  ancêtre  spirituel,  touche  l'âme  qui  s'ignore  et  y^ allume 
l'incendie  qui  ne  s'apaisera  que  dans  la  dernière  leçon  de  l'Eternité. 
Jusque  là,  l'intelligence  sera  comme  endormie,  ou  si  elle  s'éveille 
par  l'action  sourde  de  sa  nature,  elle  n'aura  que  des  lueurs,  des 
pressentiments,  tout  au  plus  de  lentes  et  imparfaites  coordinations. 
Dieu  a  été  le  premier  maître  du  genre  humain  ;  formé  sous  lui, 
l'homme  a  transmis  à  sa  postérité  le  dépôt  de  la  parole  et  de  la 
science,  et  ce  dépôt  mystérieux,  sans  cesse  accru  par  le  travail  des 
générations,  arrive  à  chacun  de  nous  dans  un  enseignement  qui 
les  résume  et  élève  en  quelques  jours  noire  esprit  à  la  hauteur  oii 
l'esprit  humain  est  lui-même  pai;venu.  Là  commence  en  nous  le 
règne  de  notre  personnalité  :  enfants  de  la  lumière,  héritiers  des 
âges,  il  nous  est  permis  l'ajouter  à  la  tradition,  sans  la  détruire, 
le  sable  d'or  que  nos  pieds  découvrirouL  en  foulant  les  rivages 
inexplorés  du  vrai." 

Avec  quelle  élévation  de  pensées  et  quelle  magnihcance  de 
style,  cette  citation  n'étabiit-elle  pas  que  l'homme,  enfant  de 
lumière,  est  un  être  enseigné.  Il  a  besoin,  toute  sa  vie,  de  m  litres 
et  de  t^uides.  Miis  c'est  à  la  jeunesse  surtout  qu'il  faut  de  bons 
guides,  pour  la  direction  de  ses  études,  de  sa  conscience.de  ses 
mœurs. 

Chercho;is-les. 

Un  savant  rationaliste  ou  incrédule  raérite-t-il  cas  appellations 


522  LE  PROPAGATEUR 


d'honneur,  "  Maître  éclairé,  guide  sûr,"  et,  avec  elles,  la  confiance 
des  familles  ? 

Difficilement. 

Qu'on  veuille  bien  peser  les  motifs  de  cette  défiance,  mêlée  de 
compassion. 

Chez  le  raiionaliste  et  l'incrédule,  la  raison  dit  superbement  :  je 
veux  être  seule^  je  n'ai  nul  besoin  du  secours  de  la  foi,  je  me  sufiBs 
à  moi-même. 

Elle  dit  encore  :  je  suis  la  froide  raison. 

Ainsi  parlent  le  rationaliste  et  l'incrédule.  Raison  solitaire^ 
raison  froide  I 

Mais  ainsi,  également,  a  parlé  l'orgueil,  lorsqu'il  naquit  avec 
Lucifer.  Quelles  ont  été,en  effet,  les  pensées  de  Lucifer  ?  L'Écriture 
les  rapporte  :  Je  me  placerai  au-dessus  des  nuées  les  plus  élevées...  je 
m'asseoirai  dans  les  flancs  de  fAcquilon.  C'est  le  propre  de  l'orgueil 
de  rechercher  une  place  à  part,  une  place  solitaire  où  il  ne  soit 
pas  confondu  avec  tout  le  monde  ;  voilà  pourquoi  Lucifer  disait: 
je  me  placerai  au-dessus  des  nuées  les  plus  élevées.  Et  c'est  aussi  le 
propre  de  l'orgueil  d'être  froid,  égoïste,  de  n'être  pas  aimant  :  je 
m'asseoirai  dans  les  flancs  de  l'Aquilon. 

Hélas  !  n'est-ce  pas  exactement  la  même  conduite  que  tient 
l'orgueilleuse  raison  chez  le  rationaliste  et  l'incrédule  ?  Elle  dit, 
cette  orgueilleuse  raison  :  je  veux  être  seule,  à  part  de  la  foi  ;  je 
n'ai  nul  besoin  d'elle,  je  suis  la  raii^on  solitaire...  Elle  ajoute  :  ce 
mysticisme,  cette  chaleur  qui  accompagne  la  foi,  ne  serait  propre 
qu'à  me  troubler,  qu'à  faire  dévier  mon  jugement  :  je  suis  la 
froide  raison  ! 

Eh  bien,  à  quels  lésultats  aboutira  cette  raison  solitaire  et  froide  ?■ 
A  des  résultats  de  ténèbres.  Les  voici  : 

Le  premier  résultat  est  une  science  incomplète  et  très  souvent 
dangereuse. 

Oui,  le  rationaliste  peut  être  un  savant,  un  très  grand  savant, 
dans  les  sciences  positives,  en  géométrie,  en  physique,  en  histoire, 
en  médecine  ;  mais  savoir  beaucoup,  et  ne  pas  savoir  ce  qu'il 
importe  le  plus  de  savoir,  Jésue^-Christ,  le  saint,  n'est-ce  pas  une 
science  incomplète  ?  N'est  ce  pas,  hélas  1  le  travail  de  la  taupe  t 
Comme  elle,  on  remue  la  terre,  et  l'on  ne  connaît  pas  le  ciel  ! 

Et  non  seulement  science  incomplète,  mais,  très  souvent^ 
dangereuse.  Newton,  le  grand  savant,  disait  avec  humilité  :  ''  Je 
ne  sais  ce  que  le  monde  penseia  de  mes  travaux  ;  mais  pour  moi 
il  me  semble  que  je  n'ai  été  autre  chose  qu'un  enfant  jouant  sur 
le  bord  de  la  mer,  et  trouvant  taniôt  un  caillou  un  peu  plus  poli, 
tantôt  une  coquille  un  peu  plus  brillante,  tandis  que  le  grand 
océan  de  la  Vérité  s'étendait  inexploré  devant  moi  "  Ainsi  parlait 
Newton  après  ses  sublimes  découvertes;  Newton  croyait  en  Dieu, 
et  devant  l'océan  de  la  Vérité,  il  s'abaissait,  s'anéantissait,  se 
comparant  à  un  enfant  jouant  sur  la  rive  avec  des  coquillages  ! 
Mais  l'orgueilleuse  raison  du  savant  rationaliste  n'a  pas  cette 
timidité.  Elle  ne  fait  pas  difficulté  de  s'aventurer,  s-'ule,  avec  ses 
propres  forces,  sur  l'océan  de  l'Infini,  et  comme  rEcritnre  a  dit 


LE  PROPAGATEUR  523 


que  celui  qui  veut  sonder  la  Majesté  sera  accablé  de  sa  gloire, 
l'orgueilleuse  raison  solitaire  vient  misérablement  échouer  sur  les 
écueils  du  panthéisme,  du  fatalisme,  du  positivisme. 

Voilà  pour  l'intelligence  du  rationaliste,  et  que  se  passe-t-il  dans 
son  cœur. 

La  raison  ayant  dit  :  je  suis  la  froide  raison,  le  froid  du  cœur  lui 
a  répondu. 

Il  n'est  que  trop  vrai,  le  froid  du  cœur  envahit  souvent  l'homme 
qui  a  dédaigné  la  foi  des  simples,  la  foi  chrétienne.  Je  m'établirai 
dans  les  flancs  de  l'Aquilon^  disait  Lucifer  ;  l'Aquilon  glacial  se  fait 
sentir  autour  du  cœur  qui,  pour  planer  plus  haut,  s'est  séparé  des 
simples. 

Doit-on  inférer  de  là  que  le  rationaliste,  que  l'incrédule  ne 
savent  pas  aimer  ?  Évidemment,  ce  serait  de  l'exagération.  Mais 
leur  amour  est  gêné,  refroidi,  par  la  froide  raison;  c'est  un  amour 
qui  n'a  pas  toute  sa  force,  semblable  à  un  soleil  d'hiver  1  La  foi 
étant  U7ie  croyance  par  amour^  quand  on  n'a  pas  la  foi,  on  a  moins 
d'amour.  Est-ce  donc  si  surprenant  ?  N'est-ce  pas  de  l'égoïsme  que 
de  ne  point  tenir  compte  de  Jésus  Christ  qui  nous  a  tant  aimés  en 
mourant  pour  chacun  de  nous  ?  Aussi  ce  refus  de  lui  donner  son 
adhésion  fait-il  contracter  au  cœur  un  rétrécissement  secret,  qui 
gêne  tout.  Le  rationaliste  admet  bien  qu'il  y  a  un  Dieu,  il  peut 
prononcer  son  nom,  mais  ce  nom  n'a  point  d'ailes  ;  il  peut  dire  : 
Dieu  est  ;  mais  c'est  un  Dieu  glacé  aui  ne  sait  pas  les  chemins  du 
cœur,  être  abstrait  et  solitaire,  qui  habile  l'inaccessible  région  de 
l'infini,  et  devant  lequel  l'homme  passe  sans  avoir  l'idée  d'une 
prière  ni  la  puissance  d'une  larme,  lui  qui  prie  et  qui  pleure  si 
nalurellement  !  Considérez,  par  exemple,  un  père  longtemps 
rationaliste  ou  incrédule,  en  face  de  son  enfant  qui  va  faire  sa 
première  communion  :  quel  contraste  plein  de  compassion  tou- 
chante !  Quelle  ferveur,  quel  amour  débordant  dans  ce  petit  cœur 
bien  simple  !  Quelles  émotions  refoulées,  quels  rayons  brisés  dans 
l'âme  de  ce  pauvre  père  I  Pauvre  rationaliste,  pauvre  incrédule, 
oh  !  de  grâce,  rendez-vous  !  Quittez  l'Aquilon,  croyez  avec  votre 
enfant,  et  accordez  à  votre  cœur  la  jouissance  d'aimer  de  toutes 
ses  forces,  jusqu'au  fond,  parce  que  votre  raison  auraéié  jusqu'au 
bouc...  jusqu'à  la  foi  ! 

Mais  qu'est-ce  qui  paralyse  le  plus  d'élan  de  son  cœur  ?  C'est 
l'obiigaiion  de  la  foi  pratique.  La  plupart  du  temps,  l'homme  ne 
croit  pas,  parce  qu'il  ne  veut  pas  pratiquer.  Rationaliste  dans 
l'intelligence,  il  s'appelle  néanmoins  honnête  homme  dans  la 
pratique.  Eh  bien,  dit-il  vrai?  Dans  sa  conduite  y  at-il,  du  moins 
beauté  morale  ?  Là,  est  il  fils  de  lumière? 

Hélas  1  non  ;  et  le  troisième  résultat  de  ténèbres  qu'il  faut 
constater  en  lui,  c'est  une  morale  équivoque. 

Le  Père  Lacordaire  disait  : 

"  Qui  de  nous  n'a  connu  de  belles  uatures  à  qui  la  foi  seule 
manquait  ?  En  les  voyant,  l'amour  naissait  de  lui-même,  et  une 
joie  du  cœur  nous  révélait  la  présence  et  le  charme  du  bien.  Mais 
si  la  confiance  nous  a  fait  descendre  plus  avant  dans  le  mystère 


524  LE  PROPAGATEUR 


de  ces  créatures  choisies,  avec  quel  douloureux  respect  y  avons- 
nous  louché  des  blessures  d'autant  plus  sensibles  qu'elles  étaient 
plus  secrètes." 

Que  ces  paroles  sont  justes  !  Le  prêtre  sait  bien  qu'à  côté  d'une 
belle  intelligence  il  n'y  a  pas  toujours  une  belle  conduite  ! 

Mais  d'où  vient  que  le  rationaliste  ne  saurait  être  dans  sa 
conduite  le  parfait  honnête  homme,  un  juste,  un  fils  de  lumière  ? 
D'où  vient  cela  ? 

Un  aveu  plein  d'humilité  touchante  l'explique  admirablement. 
Désabusé  des  orgueilleuses  et  chimériques  illusions  du  rationa. 
lisme,  Maine  de  Biran  écrivait  à  la  fin  de  sa  vie,  en  parlant  de 
Jésus-Christ  et  de  lui-même  :  "  //  faut  toujours  être  deux!  Malheur 
a  celui  qui  est  seul^  il  est  malheureux  et  dégradé  ;  et  quoiqu'il  en 
impose  au  dehors^  il  ne  s'en  irnposera  pas  à  lui-même.^'  Maine  de 
Biran  avait  raison  :  pour  être  honnêie,  il  faut  être  deux,  Jésus- 
Christ  et  soi  ;  la  grâce  divine  et  l'eflbrt  humain  !  Car  l'efi'ort 
humam,  seul,  n'aboutit  qu  a  des  faiblesses.  L'honnête  homme 
solitaire,  qui  suit  un  sentier  en  dehors  de  la  foi  pratique  et  des 
sacrements,  pourra  en  imposer  aux  autres,  il  ne  s'en  imposera  pas 
à  lui-même.  En  lui,  il  y  aura  des  actes  bons,  je  l'accorde  ;  mais 
une  vie  totalement  bonne,  jusqu'au  bout,  sans  défaillance  jusqu'à 
la  fin,  celle  d'un  parfait  honnête  homme,  au  dedans  comme  au 
dehors,  je  le  nie.  Il  n'est  aucune  honnêteté  naturelle  qui  n'ait  eu 
à  rougir  par  quelque  endroit,  aucune  qui  ne  tremblerait  devant 
ce  mot  terrible  d'un  homme  célèbre  :  S'il  fallait  choisir  d'être  eonnu 
tout  entier^  il  n'y  a  pas  d'homme  qui  ne  préférât  d'être  ignoré  tout 
entier.  Oui,  demandez  à  un  rationaliste  ce  qu'il  préférerait,  s'il 
avait  à  choisir  entre  être  connu  tout  entier  ou  être  ignoré  tout 
entier,  à  coup  sûr  il  préférerait  les  ténèbres. 

Elles  lui  conviennent  1 

Le  savant  chrétien  qui  revient  du  saint  Tribunal  de  la  pénitence 
et  de  la  sainte  Table,  s'il  a  eu  des  défaillances,  s'est,  du  moins, 
retrempé  dans  la  lumière. 

Tout  cela  fait  que  la  science,  chez  le  rationaliste  et  chez  l'incré- 
dule, inspire  des  tristesses,  des  défiances,  des  alarm^^s.  Cette 
terrible  sentence,  véritable  épée  de  Damoclès,  demeure  suspendue 
au-dessus  de  tous  les  talents  superbes  et  solitaires  :  Malheur  à  la 
connaissance  stérile  qui  ne  se  tourne  pas  à  aimer  ! 

II 

Nous  avons  éliminé.  Déployons  maintenant  la  liste  des  vrais 
maîtres  et  des  guides  sûrs. 

C'est  l'Eglise  catholique  qui  dresse  cette  liste,  avec  équité  et 
largeur.  N'est-ce  pas  elle,  en  efl'et,  qui  a  été  établie  ladem  ure  de 
la  sagesse,  de  la  vertu  et  de  la  s  ùence  ?  L'Esprit  de  Dieu  plaçait, 
dix-huit  siècles  avant  Jésus-Christ,  cette  interrogation  sur  les 
lèvres  d'un  prince-pasteur  de  l'Arabie,  en  vue  des  générations  à 
venir  : 

La  sagesse,  où  se  trouve-l-elle  f  et  quel  est  le  lieu  de  l'intelligence  ? 


LE  PROPAGATEUR  525 


Labime  dit  :  Elle  n'est  point  en  moi  ;  et  la  mer  :  Elle  n'est  point 
avec  moi. 

Elle  ne  se  donne  point  pour  l^or  le  plus  pur^  et  elle  ne  s'achète  point 
au  poids  de  l'argent. 

On  ne  la  mettra  point  en  comparaison  avec  les  marchandises  des 
Indes.,  dont  les  couleurs  sont  les  plus  vives,  ni  avec  la  sardoine  la  plus 
précieuse.,  ni  avec  le  saphir. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  grand  et  de  plus  élevé  ne  sera  pas  seulement 
nommé  auprès  d'elle  ;  mais  la  sagesse  a  une  secrète  origine  d'où  elle  se 
tire. 

D'où  vient  donc  la  sagesse  ?  et  où  l'intelligence  se  trouve-t  elle  ? 

L'interrogation,  posée  il  y  a  trente-six  siècles,  n'est  pas  restée 
une  énigme.  La  sagesse,  partie  du  sein  de  Dieu  avec  le  Verbe, 
réside  aujourd'hui  dans  l'Eglise  catholique,  et  l'intelligence  se 
trouve  aussi  auprès  d'elle. 

Académies  des  savants,  comptoirs  des  Indes,  or  des  Hébreux,  ce 
n'est  pas  vous  qui  procurez  la  sagesse,  ni  la  vertu  et  la  vraie 
science  qui  en  émanent  :  c'est  l'Eglise  catholique. 

A  elle  donc  il  appartient  de  présenter  au  monde  la  liste  des 
maîtres  éclairés  et  des  guides  sûrs. 

La  variété  en  est  magnifique. 

On  peut,  toutefois,  les  distribuer  en  quatre  catégories  d'honneur, 
subordonnées  par  la  hiérarchie. 

Le  premier  maître  éclairé  et  guide  sûr  est  VEvêque. 

Le  nom  d'évêque,  d'après  son  étymologie  venue  du  grec,  signifie  : 
voir  sur,  voir  de  haut.  L'évêque  voit  de  haut,  pour  éclairer  et 
pour  guider. 

Chaque  évêque  est  dans  son  diocèse,  la  colonne  et  l'appui  de  la 
vérité. 

Quel  spectacle  que  celui  d'un  évêque  revêtu  de  ses  insignes, 
assis  sur  son  trône  pontifical,  entouré  de  son  clergé  et  de  SbS 
fidèles  1  C'est  vraiment  la  vision  de  la  force  et  de  la  durée,  le  lien 
du  présent,  du  passé  et  de  l'avenir,  la  colonne  au  centre  du  peuple 
chrétien  I 

O  évêques,  que  vous  êtes  vénérables  !  Un  rayon  de  l'immuta- 
bilité divine  est  répandu  sur  vos  visages,  et  un  autre  rayon  de  la 
fécondité  divine  descend  dans  vos  bénédictions  ! 

Après  l'évêque,  le  deuxième  maître  éclairé  et  guide  sûr  prend 
le  doux  nom  de  pasteur  ;  on  le  nomme  aussi  curé,  appellation  non 
moins  douce,  provenant  du  mot  latin  curare,  avoir  soin. 

Homme  simple  et  modeste,  content  de  peu,  vivant  au  milieu  des 
peuples  sans  richesses  ni  puissance,  et  cependant  avec  une  autorité 
constante,  respectée,  remarquable  par  sa  simplicité  même  :  tel  est 
le  pasteur,  homme  de  chaque  jour.  Un  bjn  pasteur  :  que  de 
lumières  et  que  de  sûreté  viennent  de  lui  ! 

"  Assis,  non  plus  sur  les  collines  éternelles,  mais  sur  les 
hauteurs  abaissées  de  notre  terre,  Jésus  étendait  au  loin  son 
regard.  Il  pénétrait  le  ciel  pour  y  lire  les  mystères  de  la  justice  et 
de  l'amour,  les  secrets  de  l'avenir,  et  les  moments  de  Dteu  !  Pais, 
le  ramenant  sur  ses  brebis,  il  les  interrogeait,  il  les  avertissait  ; 


52t>'  LE  PROPAGATEUR 


-parfois  même  il  l':!S  menaçait  ;  ô  douces- menaces  de  l'amour  1 

Le  plus  souvent,  il  leur  inspirait  laséciirité,  l'espérance  et  la  joie. 

"  Douces  brebis,  vivez  en  paix,  le  cœur  du  Bon  Pasteur  vous 
protège  ;  goûtez  la  vie,  il  vous  donne  ;  que  l'amour  vous  fasse 
croître,  qu'il  vous  multiplie  sur  la  terre  comme  l'innombrable 
armée  des  étoiles  qui  brillent  au-dessus  de  vos  têtes,  et  que  le 
regard  du  Seigneur  dirige  à  travers  les  immenses  plaines  des  cieux." 

Cette  délicieuse  description  a  été  faite  du  Bon  Pasteur  par 
excellence,  du  Fils  de  Dieu  descendu  sur  la  terre  :  il  est  permis 
de  l'étendre  à  tout  fidèle  pasteur  des  âmes  qui  continue,  dans  le 
poste  que  l'Eglise  lui  a  confié,  les  fonctions  de  Jésus-Cbrist. 

Au  troisième  rang,  apparaît  le  docteur. 

Qui  établira  et  montrera  l'accord  harmonieux  de  ces  trois 
sublimes  puissances  :  la  raison,  la  foi,  la  science  ?  Qui  dissipera 
les  doutes,  cruels  tourments  des  esprits  les  plus  soumis  et  les 
mieux  cultivés  ?  Qui  dirigera  la  marche  du  juste  dans  ces  âpres 
sentiers  où  lame,  quoique  pleine  de  bonheur,  éprouve  bien 
cruellement  parfois  les  angoisses  de  l'exil?  N'est-ce  pas  le  docteur 
de  la  vérité. 

Le  docteur  !  l'homme  de  la  doctrine  1  l'homme  qui  sait  les  voies 
de  la  sagesse  et  la  poursuit  à  travers  des  espaces,  où  l'aigle  même 
n'atteint  pas,  dans  la  sublimité  des  cieux,  pour  la  rapporter 
ensuite  aux  esprits  plus  faibles,  plus  timides,  aux  humbles  et  aux 
petits  :  quel  vol  royal,  et  quelle  belle  mission  d'explorateur  au 
nom  de  la  charité  !  Aussi,  le  prophète  Daniel  faisant  une  description 
sommaire,  rapide,  très  rapide  de  la  vie  future,  s'arrête  cependant 
devant  les  docteurs,  les  montie  du  doigt,  et  dit  :  Ceux  qui  en  auront 
instruit  un  grand  nombre  dans  la  justice  brilleront  comme  des  étoiles 
dans  des  éternités  sans  an. 

La  même  plume  délicate  qui  a  célébré  le  pasteur  décrit  ainsi  le 
rôle  du  docteur  : 

"  La  terre  a  ses  sources  qui  lui  donnent  leurs  eaux  ;  le  firmament 
du  ciel  a  ses  astres  qui  versent  sur  le  monde  leur  lumière  ;  le& 
nuées,  qui  entourent  notre  globe,  portent  dans  l'air  et  répandent 
ensuite  sur  la  terre  la  rosée  et  la  vie.  Pourquoi  les  âmes  n'auraient- 
elles  point  aussi  des  sources,  où  elles  iront  puiser  les  eaux  de  la 
divine  sagesse  ;  des  astres  qui  répandront  sur  elles  leurs  pures 
clartés  ;  des  nuées  bienfaisantes,  dont  l'influence  leur  rendra  la 
fraîcheur  et  la  vie  ? 

"  0  âmes,  n'enviez  à  la  terre  ni  les  sources  qui  l'abreuvent,  ni 
les  astres  qui  l'éclairent,  ni  la  rosée  qui  la  féconde  :  Dieu,  dans  ses 
miséricordes,  ne  vous  a-t-il  pas  donné  les  docteurs  de  la  vérité  ?  " 

Entre  tous  ces  docteurs,  il  suffit  d'un  nommer  un  :  saint  Thomas 
d'Aquin  !  ,  ?i 

"  Simple  comme  l'aigle,  vasle  comme  lui,  on  ne  le  perd  jamais 
de  vue  dans  son  vol,  si  élevé  qu'il  soit,  et  ses  séries  puissantes 
écartant  tous  les  nuages,  il  demeure  immobile  dans  la  lumière  et 
et  comme  se  transformant  en  sa  substance." 

L'évêque  a  la  garde  de  la  vérité  ;  le  pasteur  eu  exerce  la  culture 
paisible  ;  le  docteur  en  poursuit  l'exploration.  Reste  une  dernière 


LE  PROPAGATEUR  527 


fonction,  plus  modeste,  mais  non  moins  importante,  celle  du  savant 
chrétien.  Son  domaine  est  la  science  humaine  :  histoire,  géo- 
graphie, médecine,  mathématique,  jurisprudence,  mécanique, 
industrie.  Savant,  parceque  qu'il  sait  beaucoup  en  matière  de 
science  ;  chrétien,  parce  qu'il  soumet  sa  science  à  la  vérité  éternelle. 

Si  les  vrais  savants  s'honorent  de  relever  de  la  religion  chré- 
tienne, de  son  côté,  la  religion  s'applaudit  de  ce  qu'ils  font  partie 
de  son  chandelier  d'honneur  et  en  rehaussent  l'éclat.  Car  le 
christianisme  ne  permet  pas  seulement  la  science,il  la  recommande 
Il  ne  craint  pas  d'ouvrir  trop  larges  les  portes  du  savoir.  Il  fait 
luire  la  science,  comme  Dieu  fait  luire  le  soleil  sur  les  bons 
comme  sur  les  mauvais,  laissant  toute  responsabilité  à  ceux  qui 
usent  mal  de  la  lumière  et  ne  songeant  pas  à  l'éteindre. 

De  là  vient  la  probité  de  la  science  chrétienne  : 

Elle  est  scrupuleuse  ;  elle  ne  se  paye  ni  de  faits  hasardés,  ni  de 
conséquences  prématurées  ; 

Elle  est  humble,  et  ne  croit  pas  que  ce  soit  trop  de  toute  un& 
vie  pour  acheter  une  vérité  si  petite  qu'elle  soit  : 

Elle  est  patiente  enfin,  parce  qu'elle  se  confie.  "  Nous  descendont^ 
le  microscope  à  la  main,  dans  les  derniers  détails  de  la  physiologie 
végétale  ;  nous  nous  penchons  sur  les  creusets  de  nos  laboratoires, 
nous  reconstruisons  péniblement  des  inscriptions  effacées  et  des 
langues  en  ruines.  Il  ne  nous  est  pas  donné  de  voir  le  terme  de 
ces  recherches  arides  :  mais  nous  savons  que  d'autres  y  trouverons 
des  conclusions  glorieuses  pour  la  Providence.  Nous  ne  sommes 
qu'au  commencement,  et  le  chemin  est  long  ;  mais  nous  savons 
que  Dieu  est  au  bout.  Quand  nos  pères  posaient  la  première  pierre 
de  leurs  basiliques,  quaud  ils  commençaient  Notre-Dame  de  Paris, 
de  Chartres  ou  de  Reims,  ils  n'ignoraient  point  qu'ils  ne  jouiraient 
pas  de  leur  ouvrage.  Mais,  si  longtemps  que  pût  durer  la 
construction,  ils  savaient  que  leur  foi  durerait  encore  plus.  Ils 
avaient  confiance  en  la  postérité  catholique.  Ils  descendaient  dans 
la  poussière  et  dans  la  boue  pour  y  asseoir  les  premières 
fondations,  attendant  que  d'autres  générations  vinssent  en  élever 
leSt  assises,  jusqu'à  ce  qu'après  cinq  cents  ans  la  croix  triomphante 
en  couronnât  le  clocher 

"  C'est  la  conduite  de  l'Eglise  :  et  jamais  elle  n'a  caché  l'estime 
qu'elle  faisait  de  la  science.  " 

Aussi,  comme  toutes  les  sciences  ont  profité  de  cette  estime,  de 
cette  sollicitude  et  de  cette  largeur  de  la  religion  '.Chaque  science 
a  pu  s'associer  au  langage  de  joie  que  le  Livre  de  Dieu  fait  tenir 
à  la  Sagesse:  J  ai  étendu  mes  branches  comme  le  térébinthe^  et  mes 
branches  sont  des  branches  d'honneur  et  de  grâce.  Chaque  science  a 
étendu  ses  bianches  d'honneur.  Auprès  de  chaque  groupe  de 
sciences,  brillent  les  savants  chrétiens  qui  font  remonter  vers  Dieu 
le  rayon  de  leur  propre  célébrité: 

Aupiès  des  belles-lettres,  brillent  des  célébrités  littéraires  qui 
disent:  "  Il  y  a  dans  le  nom  de  Dieu  quelque  chose  de  superbe^ 
qui  sert  à  donner  au  style  une  certaine  emphase  merveilleuse,  en 
sorte  que  l'écrivain  le  'plus  religieux  est  presque  toujours   le  plu& 


528  LE  PROPAGATEUR 


éloquent.  Sans  religion  on  peut  avoir  de  Vesprit  ;  mais  il  est   difficile 

d'avoir  du  génie. 

%  Auprès  de  la  médecine,  brillent  des  célébrités  médicales,  qui 

disent,  à  propos  de  tel  malade  arraché  au  trépas  :  Je  Vai  traité., 

Dieu  Va  guéri. 

;f|Auprès  des  sciences  naturelles  brillent  des  industriels  célèbres 

qui  disent:  *'  Li  nature  n'est  pas  une  prison.  Elle  est  bien  plutôt 

une  toile  entre  deux  ouvriers.,  un  père  et  un  fils,  assis  au  même  travail  : 

uu  voile  sublime,   transparent,  tendu  entre  deux  esprits,  l'esprit 

créateur  et  l'esprit  humain. 

Auprès  de  la  géométrie,  du  calcul,  de  la  physique,  brillent  des 
mathématiciens  célèbres  qui  disent  :  '<  Tout  cela  est  vrai,  mais 
tout  cela  ne  saurait  remplir  le  cœur  de  l'homme,  ni  suffire  à  la 
condjitede  la  société.  Gloire  a  Dieu  et  paix  aux  hommes  de  bonne 
VOLONTÉ  :  les  mathématiques  n'atteindront  jamais  à  la  sublimité  de 
cette  formule." 

Voila  les  savants  chrétiens,  vrais  maîtres  et  guides  sûrs  :  ils 
marchent,  à  bon  droit,  dans  la  phanlange  lumineuse  de  l'ensei- 
gnement, à  la  suite  de  l'évêque  du  pasteur,  du  docteur. 

III 

Lorsque  Virgile  chantait  l'approche  d'un  âge  d'or  sous  le  sceptre 
d'un  Enfant  extraordinaire  qui  descendrait  des  cieux,  si  un 
Prophète  lui  eût  annoncé  que  sa  vision  poétique  se  réaliserait,  que 
des  Nations  aristocratiques  et  fières  deviendraient,  sous  la 
direction  de  ce  merveilleux  Enfant,  les  premières  du  monde  par 
le  savoir  et  par  les  armes,  qu'elles  seraietit  de  race  latine,  mais 
qu'un  temps  viendrait  où,  une  grande  révolution  interrompant  et 
retournant  toutes  choses,  on  en  arriverait,  chez  ces  Nations,  à 
proscrire  de  l'enseignement  le  nom  sacré  de  la  Divinité,  que  la 
langue  latine,  à  cause  de  ses  affiiiités  avec  la  Divinité,  serait  elle- 
même  suspecte,  et  qu'une  multitude  d'e-prits  médiocres,  athées, 
sensuels,  se  feraient  les  satellites  ae  cette  abominable  entreprise 
dans  les  écoles  :  assurément,  le  chantre  d'Ausonie  eût  été  stupé- 
fait, révolté,  épouvanté  de  cette  métamorphose  ;  je  me  demande  si 
son  ditigt  vengeur  n'eût  pas  indiqué,  au  111^  Livre  de  son  immor- 
telle Enéide,  l'épisode  des  Harpies  qui  caractérise  bien  la  dégoû- 
tante entreprise  apostate. 

Il  est  utile  de  la  rappeler  : 

Dans  un  enfoncement  da  rivage,  nous  avions  {Enée  et  ses  compagnons)  élevé 
des  lits  de  gazon,  el  nous  savourions  des  n^els  délicieux.  Tout  à  coup,  du  haut 
des  montagnes,  l-^s  Harpies  fondent  d'un  vol  effroyable,  battant  des  ailes  avee 
un  grand  bruii,  enlèvent  nos  viandes,  et  salissent  tout  de  l»^ur  contact 
immon  le  ;  à  leurs  cris  sinistres  se  mêle  une  od'iar  fétide.  Nous  nous  retirons 
alors  dans  une  gorge  profonde,  sousTibri  d'un  rocher  que  des  arbres  envelop- 
pai-nt  d'une  ombre  impénétrable;  et  là  nous  dresàoas  une  seconde  fois  les 
tables,  et  rallumons  le  f-ii  sur  les  autels.  Une  seconde  fols  la  troupe  bruyante, 
sortie  de  ses  repaires  secr-'ts  et  fondant  sur  nous  d'un  point  opposé  du  ciel, 
Toltige  autour  de  notre  butin  en  S'^couant  ses  pieds  crochus,  et  souille  les  mets 
de  son  halrjine  infecte.  J'ordonne  alors  à  mes  compagnons  de  pren  Ire  leurs  arm^a 


LE  PROPAGATEUR  529 


et  de  faire  la  guerre  à  celte  cruelle  engeance.  Ils  exécutent  mes  onires,  et 
disposent  leurs  epées  et  leurs  boucliers,  qu'ils  liennent  caches  s>ous  l'herbe. 
Aussitôt  que  les  Harpies,  descen  lus  des  baut-urs,  ont  fait  ret  ntir  le  rivage 
sinueux  du  bruit  de  leurs  ailes,  Misène,  monté  sur  une  émin  nce,  donne  e  ^ignal 
avec  la  trompette  :  mes  compagnons  s'élancenl,  et,  ilans  ce  combat  nouveau  pour 
eux,  essaient  de  blesser  ces  impurs  oiseaux  de  la  m-^r.  M.ii?  leurs  plnm-s  résis- 
tent à  toute  atininte,  et  leurs  flancs  restent  invulnérables:  elles  sVnfui-nt  d'un 
yol  rapide  au  plus  haut  des  air?,  uous  laissant  une  proib  a  demi  roncbe  et 

SOUILLÉE  DE  LEURS  TRACES   DÉ60CTANTES. 

Fable  de  jadis,  tu  es  devenue,  en  nos  temps,  poignante  réalité  l 
Semblables  aux  Harpies,  mais  plus  redoutables,  les  idées  et  les 

bandes  de  la  Révolution  n'ont-elle  pas  tout  envahi  et  tout  souillé? 

Elles  enlèvent,  et  elle  salissent.    L'école,  en  particulier,  se  ressent 

de  leur  passage  immonde  ! 
L'heure  est  aux  génies  malfaisants  :  ils  ne  sont  ni   maîtres,  ni 

guides,  mais  Harpies  : nous  laissom  (dans  l'âme  des  enfants) 

une  proie  à  demi  rongée  et  souillée  de  leurs  traces  dégoûtantes  ! 

IV 

Quelles  obligations  résultent  de  cet  état  de  choses  pour  les  vrais 
maîtres  et  les  guides  sûrs  ?  L'obligation,  d'abord,  d'élever  encore 
plus  haut  le  flambeau  de  la  vérité  éternelle,  et  de  rendre  plus 
actives,  plus  fructueuses  et  plus  éclatantes  leurs  recherches  de  la 
science. 

Bienfaisants  génies,  ils  ne  d"ivent  pas  se  démettre.  Ils  ne 
doivent  également  tolérer  ni  souillure  ni  enlèvement.  Bref,  ils  ont 
le  droit  de  parler  un  fier  langage  et  qu'ils  le  parlent,  ce  langage  : 

Jésus-Christ,  le  seul  vrai  maître,  s'est  adjoint  des  suppléants,  et 
c'est  nous  !  Pour  pouvoir  por;er  en  tous  lieux  l'enseignement  du 
salut,  nous  nous  sommes  plies  à  toutes  les  conditions.  Nous  avons 
fendu  du  bois  et  défriché  le  sol  avec  les  pauvres  bûcherons,  et 
nous  avons  pris  nos  grades  dans  les  écoles  et  les  universités. 
Chargés  de  la  science  du  ciel,  nous  nous  sommes  assis  au  milieu 
des  sciences  de  la  terre,  et  il  est  arrivé  qu'au  contact  de  la  science 
du  ciel,  celles  de  la  terre  ont  pris  i.n  essor  qu'elles  n'avaient 
jamais  connu.  Elles  se  sont  rattachées  au  Christ,  cemme  les 
rayons  se  rattachent  à  l'astre  de  la  lumière.  Salomon  avait  laissé, 
sur  la  science,  cette  inscription  mélancolique  :  elle  est  une  vanité  ; 
nous  l'avons  remplacée  par  celle-ci  :  elle  est  le  contrefort  de  la 
Vérité. 

Tels  ont  été  nos  services. 

Or,  voici  maintenant  qu'on  voudrait  nous  mettre  hors  la  science, 
comme  on  nous  met  hors  la  loi;  nous  ne  pouvons  pas  accepter 
cette  proscription. 

Nous  ne  pouvons  pas:  parce  que,  en  vertu  du  droit  divin,  nous 
devons  enseigner,  et  parce  que,  en  vertu  du  droit  de  propriété,  les 
sciences  relèvent  de  nous,  avant  de  relever  de  qui  que  ce  soit. 

Quelle  sera  donc  notre  attitude  en  face  de  n'importe  quelle 
tentative  de  persécution? 

Nous  parleron»  nous  enseignerons 


530  LE  PROPAGATEUR 


Nous  enseignerons  qu'il  faut  adorer  Jésus-Christ. 

Nous  enseignerons  qu'il  faut  sauver  son  âme,  et  obtenir  à  tout 
prix  la  vie  éternelle. 

Nous  enseignerons  qu'il  faut  aimer  la  science,  et  que  toutes  les 
sciences  sont  belles. 

Nous  enseignerons  l'histoire,  la  physique,  les  mathématiques, 
la  philosophie,  toutes  les  sciences. 

Nous  enseignerons  que  quiconque  est  savant,  religieux  et 
honnête,  est  digne  et  libre  d'être  professeur. 

Voilà  ce  que  nous  enseignerons. 

Et  si  l'impiété,  si  l'Etat,  devenu  impie,  hérisse  de  difficultés 
notre  participation  à  ses  grades,  nous  tâcherons,  par  beaucoup  de 
science  et  de  modestie,  de  forcer  ses  respects  et  de  ravir  son 
admiration  ;  si,  rompant  en  visière,  il  nous  déclare  inhabiles  et 
incapables,  eh  bien,  nous  nous  passerons  de  ses  diplômes; 

Si  on  nous  dispute  l'emplacement  de  nos  écoles,  si  on  nous  en 
limite  le  terrain,  nous  dirons  aux  montagnes  le  mot  du  Christ  : 
Otez-vous  de  là,  afin  que  nous  puissions  bâtir  ;  et  les  montagnes 
obéiront,  moins  dures  que  l'endurcissement  de  l'impiété,  moins 
dures  que  la  jalousie  de  la  fausse  science  1 

Si,  enfin,  on  pousse  les  rigueurs  jusqu'à  nous  interdire  d'ensei- 
gner par  des  menaces  de  prison,  d'exil  ou  de  mort,  nous  nous 
rappeieronsque  notre  Maître, après  avoir  exposé  sa  céleste  dcctrine, 
s'est  exposé,  pour  elle,  sur  la  croix  :  à  notre  tour,  chargés  de 
continuer  l'exposition  de  sa  doctrine,  nous  nous  exposerons 
pareillement,  pour  elle,  à  tous  les  périls. 

LA    MYSTIQUE    DIVINE 

DISTINGUÉE    DliS 

OONTEEFAOONS    DIABOLIQUE 

ET    DES 

Par  91.  J.KIBET 

Prêtre  de  Saint- Sulpicc, 

professeur  de  théologie  morale  au  grand  séminaire  d'Orléans 

3  forts  volumes  in-8 ,. Prix  :  $5.50 

PHILOSOPHIA      MORALIS 

IN    DSDM    SCHOLARUM 

Anctore  Tictore  Cathrein,  S.  J. 

1  vol.  in  8 Prix  :  $1.25 


L'ACOOED 

DE 

LA  SCIENCE 

ET  DE  LA  FOI 

Par   le   1*.    Micliel   MIK   gi.   J. 

TRADUIT   DE  L'ESPAGNOL 

Par  le  P.  Gh.  HOUZE,  S.  J. 
1  vol.  in-12 Prix  :  75  cts. 


INTRODUCTION. 

SOMMAIRE.  — L'unité  flans  la  variété,  loi  du  monde  physiqu»,  moral,  et  intellec. 
tuel.  hlle  a  son  principe  en  Dieu.  —  L'harmonie  de  l'univers,  connue  du  pre- 
mier homme,  ilélruite  par  son  péché.  —  Vains  efforts  des  philosophes  païens 
pour  comprendre  cett^  harmonie.  Jésus-Christ  seul  montre  le  principe  de  l'u- 
nité dans  l'ordre  intellectuel.  —  Doutes  que  l'orgaeil  humain  soulève,  malgré 
la  révélation,  contre  cette  harmonie.  De  là  soat  venus  les  conflits  entre  la  scien- 
ce et  la  foi.  —  Importance  actuelle  de  cette  question;  manière  de  la  traiter.  — 
Solution  d'une  difficulté. 

Dieu,  qui  joint  en  lui-même,  d'une  manière  ineffable,  le  nom- 
bre et  la  distinction  avec  l'unité  de  son  indivisible  essence,  a  vou- 
lu graver  dans  toutes  les  créatures  une  empreinte  de  ses  infinies 
perfections.  L'unité  dans  la  variété,  telle  est  la  loi  qui  régit  tous 
les  êtres.  Cette  loi  résume  les  autres  lois  de  l'univers  ;  elle  brille 
avec  une  incomparable  splendeur  dans  toute  la  création  ;  elle  s'é- 
tend à  l'ordre  physique,  comme  à  l'ordre  scientifique  ou  intellec- 
tuel. 

Plus  nous  étudions  les  forces  de  la  nature  matérielle,  plus  nous 
découvrons  entre  elles  de  rapprochements.  La  lumière,  la  chaleur, 
l'attraction,  l'électricité,  le  magnétisme,  et  les  autres  agents  qui 
opèrent  dans  la  inatière,  présentent  de  prodigieuses  analogies;  ils 
se  remplacen  mutuellement  et  se  transforment  les  uns  dans  les 
■autres,  malgré  toute  la  diversité  des  aliérations  qu'ils  produisent 
dans  les  corps,  ils  portent  les  marques  d'une  commune  origine  ;  ils 
semblent  n'être  que  les  effets  d'une  même  cause  et  les  suites  d'un 
principe  unique. Entre  ces  forces  et  celles  qui  aiment  les  êtres  or- 
ganiques, il  existe  de  surprenantes  affinités  ;  et  les  êtres  organisés, 
comparés  entre  eux,  soit  dans  leur  ensemble,  soit  dans  leurs  par- 
ties, suivent  à  leur  tour  une  gradation  insensible  :  ils  sont  tous  as- 
sujettis à  un  plan  unique  d'organisation  ;  et  quand  on  les  étudie, 
on  y  trouve  sans  cesse  la  variété  sous  un  aspect  et  la  ressemblan- 
ce sous  un  autre. 

.  Enfin,  au  sommet  de  cette  glorieuse  échelle,  vient  l'homme,  en 
qui  se  rassemblent  et  s'harmonisent  substantiellement  la  vie  végé- 
tative, la  vie  seusitive  et  la  vie  intellectuelle.  Par  sa  rassemblance 
avec  les  esprits  ou  les  intelligences  séparées,  et  par  son  élan  irrésis- 
tible vers  Dieu  il  fiorme  le  trait  d'union  du  monde  inférieur  ou 
matériel  et  du  monde  supérieur  ou  spirituel  ;  il  rattache  le  monde 
visible  à  l'invisible,  le  temps  à  l'éternité- 


532  LE  PROPAGATEUR 


Dans  les  lois  physiques,  dont  l'action  sur  les  corps  nous  est  con- 
nue par  les  effets  sensibles,  nous  entrevoyons  une  ombre  de  celles 
qui  régissent  les  créatures  raisonnables.  Le  monde  physique  et  le 
monde  moral  se  répondent  et  se  complètent  à  merveille  ;  dans  les 
principes  de  l'un  nous  voyons  symbolisés  les  principes  deTintre  ; 
la  science  de  ce  qui  est  nous  élève  à  la  science  de  ce  qui  doit  être  ; 
et  tous  en  conviennent,  les  lois  qui  gouvernent  l'homme  c  nsti- 
tuent  le  fondement  de  celles  qui  dirigent  la  société.  Car  la  société 
n'est  que  l'ensemble  des  individus  tendant  à  une  même  fin  par  des 
moyens  communs  et  sous  la  direction  d'une  autorité  suprême. 
Ainsi  tout  se  trouve  enchaîné  dans  l'univers  ;  tout  se  rapporte 
aux  mêmes  principes,  tout  converge  vers  un  même  centre. 

Mais  c'est  dans  le  monde  scientifique  ou  intellectuel  que  resplen- 
dit surtout  la  variété  combinée  avec  une  admirable  unitp. 

Aussi  bien  que  les  muses,  les  sciences  sont  sœurs  ;  dans  leurs 
traits  apparaissent  les  marques  d'une  commune  origine  ;  et  dans 
leurs  instincts  se  révèlent  les  mêmes  tendances  ou  la  même  desti- 
nation. Unies  dans  une  fraternelle  étreinte;  elles  se  prêtent  un 
mutuel  secours;  elles  marchent  de  pair;  l'une  ne  peut  avancer 
d'un  pas  sans  que  les  autres  ne  se  mettent  en  mouvement;  aucu- 
ne ne  rétrograde  sans  que  les  autres  ne  s'en  ressentent,  ne  se  trou- 
blent et  ne  se  confondent.  Entre  elles  il  ne  peut  y  avoir  de  divor- 
ce ou  d'inimitié;  elle  marchent  ensemble  à  la  conquête  de  l'uni- 
vers, et  ensemble  elles  lui  arrachent  les  secrets  les  plus  précieux. 
De  là  vient  que  nous  ne  pouvons  nous  a[  pliquer  à  l'étude  d'aucu- 
ne d'entre  elles  sans  le  secours  des  autres  ;  et  plus  nous  pénétrons 
dans  la  recherche  des  éléments  qui  les  composent,  des  lois  qui  les 
gouvernent  et  des  principes  généraux  qui  en  sont  la  règle,  plus 
nous  découvrons  d'unité,  de  simplicité  et  d'harmonie  dans  ces  élé- 
ments et  ces  principes.  iNous  finissons  par  les  voir  se  confondre  et 
s'identtfier,  de  même  qu'en  géométrie  les  figures  inscrites  ou  cir- 
conscrites tendent  à  se  confondre  avec  la  courbe  limite. 

La  raison  de  cette  merveilleuse  uniié  des  sciences,  c'est  la  nature 
même  de  la  connaissance  scientifique.  La  science  n'est  que  la  ma- 
nifestation et  la  reproduction  dans  le  monde  intellectuel,  des  êtres 
qui  composent  l'univers  ;  c'est  l'ordre  des  choses  transporté  dans 
l'ordve  des  idées;  c'est  dans  le  miroir  de  notre  intelligence,  le  fidè- 
le reflet  des  objets  que  nous  éludions,  des  forces  qui  animent  ces 
objets,  et  des  lois  auxquelles  obéissent  ces  forces.  Or,  dans  le  mon- 
de, tout  est  enchaînement,  tout  est  harmonie  :  toutes  les  parties  de 
l'univers,  sorties  au  même  moment  des  raams  de  Dieu,  tt-ndeut, 
chacune  à  sa  manière,  au  but  suprême  et  universel  de  la  Provi- 
dence ;  toutes,  sous  une  même  loi,  se  rassemblent  dans  une  par- 
faite unité  ;  toutes  contribuent  à  la  réalisation  du  plan  divin,  plan 
unique,  essentiellement  constant  dans  sa  substance,  mais  varie  de 
mille  manières  dans  ses  détails.  Ce  plan  est  l'œuvre  de  la  Sagesse 
infinie  qui  exista  de  toute  éternité,  avant  que  surgissent  du  néant 
le  ciel  de  la  terre,  les  abîmes  de  la  mer,  les  monts  et  les  près  ;  qui 
fut  avec  Dieu  dans  la  formation  des  cieux,  quand  il  mesurait  la 
surface  du  monde,  quand  il  établissait  l'air  au-dessus  de  la  terre 


LE  PROPAGATEUR  533 

et  au-dessous  d'elle  les  sources  de  l'abîme  ;  quand  ii  donnait  à  la 
mer  ses  lois,  afin  que  les  flots  ne  franchissent  point  leurs  limites. 
Ce  plan  est  l'œuvre  du  Dieu  qui  mesura  les  eaux  dan-  le  creux  de 
sa  main  et  de  ses  doigts  pesa  les  cieux;  qui  donna  des  lois  à  la 
pluie  et  traça  leur  route  à  l'éclair  et  au  tonnerre;  qui  comtemple 
tout  ce  qui  se  fait  sous  le  ciel.  La  majesté  de  ce  Dieu  resplendit 
jusqu'aux  extrémités  du  mo;ide  ;  les  cieux  racontent  sa  gloire,  et 
proclament  l'incomparable  sagesse  de  toutes  ses  œuvres.  Or  cette 
unité  et  cet  accord  qui  brillent  dans  la  nature,  doivent  briller 
aussi  dans  la  science  et  dans  la  pensée  qui  reflètent  la  nature.  Le 
principe  de  l'unité  dans  la  création  est  l'essence  divine,  causp  ef- 
ficiente, exemplaire  et  finale  de  toutes  choses,  source  de  tous  les 
êtres  et  raison  de  leur  existense,  soleil  qui  éclaire  et  vivifie  tout, 
lumière  éternelle  et  indéfectible,  dont  les  rayons  se  réfléchissent 
sur  le  brin  d'herbe  qui  se  courbe  au  souffle  du  zéphyr  comnu  sur 
les  globes  immenses  des  astres  qui  roulent  dans  l'espace.  D^  même, 
les  sciences  doivent  trouver  leur  unité,  leur  perfection  et  leur  har- 
monie dans  cette  essence  souveraine.  Les  idées  de  l'homme,  pour 
être  exactes  et  vraies,  s'accordent  et,  pour  ainsi  dire,  vibrent  à  l'u- 
nisson avec  les  idées  de  Dieu  ;  la  science  humaine  est  l'image  de 
la  science  divine,  et  la  vérité  qui  reluit  dans  notre  entendement 
n'est  qu'une  ombre,  une  participation  de  celte  vérité  surnaturelle, 
mère  de  toutes  les  vérités  , lumière  de  toutes  les  intelligences,  sour- 
ce et  principe  de  toute  connaissance.  C'est  dans  cette  vérité  divine 
que  l'unité  resplendit  avec  une  ineffable  perfection.  Communiquée 
aux  créatures  et  refléchie  par  elle  dans  nos  intelligences,  cette  di- 
vine unité  doit  nous  faire  saisir  la  liaison  de  toutes  les  sciences,  et 
nous  montrer  le  point  où  s'achèvent  et  se  complètent  toutes  les 
connaissances  de  l'homme.  D'où  il  suit  que  plus  les  sciences  humai- 
nes s'approchent  de  ce  point,  plus  elles  s'approchent  de  leur  unité  ; 
plus  elles  s'en  éloignent,  plus  elles  s'écartent  entre  elles,  tout  com- 
me les  rayons  d'un  cercle  sont  plus  ou  moins  écartés  les  uns  des 
autres  suivant  qu'ils  s'éloignent  plus  ou  moins  du  centre.  Là  est 
l'unité  suprême,  absolue,  transcendante  de  la  science  ;  le  point  où 
se  rencontrent  et  se  perfectionnent  toutes  les  connaissances  scien 
tifiques,  le  centre  où  se  rejoignent  et  s'harmonisent  la  sagesse  di- 
vine et  la  sagesse  humaine,  la  science  et  la  foi.  la  raison  et  la  ré- 
vélation, le  dogme  et  la  pensée  véritablement  libre. 

Cette  unité  des  connaissances  scientifiques  se  montra  dans  toute 
sa  sublimité  au  premier  homme,  quand  son  intelligence  s'ouvrit 
aux  vérités  que  Dieu,  dans  son  adorable  providence,  daigna  lui 
manifester.  Son  regard,  que  rien  ne  troublait,  embrassa  la  gran- 
deur des  pensées  divines  qui  allaient  se  réaliser  dans  l'univers  ;  il 
découvrit  les  mystères  de  la  nature  et  ceux  de  la  grâce,  les  analo- 
gies entre  le  monde  matériel  et  le  monde  spirituel,  les  beautés  de 
la  création,  la  perfection  de  ses  lois  et  la  convenance  de  toutes  ses 
parties.  Eclairée  par  la  lumière  divine,  la  nature  se  réfléchissait 
dans  l'intelligence  avec  toute  sa  splendeur  et  tousses  charmes,  avec 
la  simplicité  de  son  plan  et  l'harmonie  de  ses  relations.  Le  concert 
de  la  nature,  écho  dans  le  temps  de  cette  harmonie  inneffable  qui 
•  32 


534  LE  PROPAGATEUR 


résonna  de  toute  éternité  dans  la  profondeur  des  pensées  divines, 
était  à  son  tour  la  répétition  affaiblie  d'une  autre  harmonie  plus 
belle,  plus  intime,  plus  profonde,  que  Ttiomme  entendait  résonner 
en  son'  cœur.  Entre  ses  idées  et  ses  aff-'ctions,  entre  sa  raison  et 
ses  instincts,  il  y  avait  un  accord  admirable.  Ses  pensées  étaient 
pures,  ses  affections  bten  réglées  ;  ses  désirs  parfaitement  confor- 
nies  à  la  loi  que  la  main  divine  avait  gravée  dans  son  esprit.  Dieu 
occupait  son  cœur  ;  et  de  ce  centre  divin  jaillissait  une  source  vive 
de  béatitude  sans  mélange,  qui,  s'élevant  jusqu'à  la  vie  éternelle, 
retombait  sur  son  âme  et  l'inondait  tout  entière  de  célestes  délices. 

Bientôt  la  prévarication  de  l'homme  vint  le  priver  de  ces  ineffa- 
bles jouissances.  Son  orgueil,  troublent  d'un  souffle  funeste  la 
flamme  que  Dieu  avait  allumée  en  son  âme  fit  tomber  sur  son  en- 
tendement les  ténèbres  les  plus  épaisses,  et  mit  sa  volonté  dans 
une  position  fausse,  irrégulière  et  contradictoire.  Un  penchant  per- 
vers et  diabolique  altéra  toutes  ses  facultés,  corrompit  toutes  ses 
passions.  Les  relations  de  la  créature  avec  la  Créateur  furent  bou- 
leversées ;  le  mal  envahit  le  monde  ;  la  division  ei  la  haine  com- 
mencèrent à  régner  dans  ces  régions  où  ne  devait  fleurir  que  l'u- 
nité, l'harmonie  et  l'amour. 

Pendant  que  les  descendants  du  premier  homme  perdaient  peu 
à  peu  le  souvenir  des  enseignements  divins,  les  idées  fondamenta- 
les de  la  science  allèrent  également  en  s'obscurcissant  et  en  s'alté- 
rant  :  les  domaines  du  savoir  se  peuplèrent  de  monstres  et  de  rui- 
nes; les  principes  scientifiques  cessèrent  d'être  les  parties  vivantes 
d'un  grand  tout;  ce  ne  furent  plus  que  des  accidents  de  l'intelli- 
gence, des  unités  disparates  non  réductibles  en  nombre  ou  en  sys- 
tème, des  étincelles  ou  des  jets  de  lumière,  sans  rapporta  un  foyer 
ou  à  un  centre  commun  :  leurs  lueurs  éclairaient  un  moment  l'es- 
prit, mais  ne  lui  permettaient  pas  de  voir  dans  toute  sa  splandeur 
le  plan  de  la  création  Par  la  prévarication  du  premier  homme,  la 
science,  ayant  cessé  d'adorer  Duhi,  avait  perdu  son  unité  et,  avec 
elle,  son  principe  de  vie. 

Cependant  l'intelligence  humaine,  guidée  par  un  divin  instinct, 
cherchait  avec  une  ardente  curiosité  la  loi  de  l'unité  qui  préside  à 
la  création.  Plongée  dens  les  té.ièbres,  elle  croyait  voir  les  magni- 
ficences de  la  nature  et  celles  de  la  science,  qui  la  reflète  dans  la 
sphère  de  la  pensée  ;  cet  harmonieux  concert,  soupçonné  plutôt 
que  scientifiquement  connu,  était  chanté  par  les  poètes,  exalté  par 
les  philosophes  et  célébré  par  tous  ceux  qui  pouvaient  apprécier 
les  beautés  de  l'univers.  Ainsi  Phérécyde,  interprète  de  la  science 
et  des  traditions  des  Phéniciens,  représente  l'univers  comme  des- 
siné sur  une  toile  magnifique,  tissue  de  concert  par  Jupiter  et  par 
l'Harmonie,  mère  de  toutes  choses.  Pythagore,  partant  de  l'idée 
qu'entoutce  que  nous  voyons  b'ille  une  régularité  mathématique, 
sputient  que  l'unité  est  l'élément  primordial  des  êtres  visibles  et 
invisibles;  que  tout  l'univers  est  une  musique  divinement  compo- 
sée, le  résultat  de  l'accord  très  parfait  des  nombres  et  des  propor- 
tions. Et  Platon,  plein  de  ses  grandes  idées  sur  la  Divinité,  affir 
me  que  Dieu,  le  grand^Architecle  du  monde,  le  gmnd   Géomètre, 


LE  PROPAGATEUR  535 


comme  il  le  nomme,  consacre  son  activiié  infinie  h  faire  de  la  géo- 
métrie dans  l'univers.  C'est  ainsi  que  l'antiquité  poétique  figurait 
le  sublime  enchaînement  des  êtres,  leur  mutuelle  cor.'espondance 
et  l'unité  qui  les  anime,  devinant  par  une  prodigieuse  intuition  la 
source  de  cette  unité,  la  Sagesse  éternelle,  qui  forma  tous  les  roua- 
ges de  l'univers,  qui  est  le  principe  de  l'être  comme  de  la  connais- 
sance, qui  règne  dans  le  monde  matériel  par  son  activité  infinie, 
et  dans  le  monde  moral  par  la  sainteté,  la  providence  et  la  justice. 

Mais  ce  principe  souverain  d'unité  et  de  vie,  si  beau  même  dans 
le  demi-jour  sous  lequel  il  se  présentait  à  l'imagination  des  an- 
ciens, nous  apparut  dans  toute  sa  splendeur  et  sa  magnificence  de- 
puis l'avènement  de  celui  en  qui  se  trouvaient  renfermés  tons  les 
trésors  de  la  science  de  Dieu,  et  qui  vint  en  ce  monde  pour  rendre 
témoignage  à  la  vérité.  Il  éleva  de  nouveau  la  science  à  la  sphère 
surnaturelle  d'où  elle  était  descendue  par  la  chute  de  l'homme.  11 
fut  la  chaîne  d'or,  qui,  unissant  le  ciel  avec  la  terre,  rattacha  toutes 
choses,  visibles  et  invisibles.  Grâce  à  son  enseignement  céleste,  l'i- 
dée de  Dieu  s'éclaicit  et  se  perfectionna  dans  l'entendement  hu- 
main ;  l'homme  connut  avec  une  pleine  assurance  la  fin  de  la  cré- 
ature raisonnable  et  la  fin  subordonnée  du  monde  ;  toutes  les  vé- 
rités scientifiques,  religieuses  et  morales  se  rapprochèrent  et  s'em- 
brassèrent dans  ce  Verbe  éternel,  qui,  après  avoir  parlé  aux  hom- 
mes par  le  spectacle  de  la  nature,  par  la  voix  des  prophètes  et  par 
les  merveilles  accomplies  en  faveur  du  peuple  élu,  voulut  leur  par- 
ler lui-même,  immédiatement  et  directement,  et  asseoir  sur  le  fon- 
dement de  son  indestructible  vérité  l'édifice  de  la  science  et  celui 
de  la  félicité  du  genre  humain.  Le  Verbe  de  Dieu  fait  homme,  la 
sagesse  incréée  et  subsistante,  conçue  de  toute  éternité  dans  le 
sein  de  l'essence  divine,  vint  en  ce  monde  fonder  le  règne  de  la 
vérité  ;  il  vint  prouver  que  la  vérité  n'est  point  un  vain  mot,  une 
abstraction  froide  et  sans  vie,  mais  une  réalité  glorieuse,  qui  exis- 
te dans  le  Verbe  et  par  le  Verbe,  une  lumière  qui  éclaire  et  vivifie 
tout;  une  parole  entendue  et  respectée  par  tous  ceux  qui  appar- 
tiennent au  royaume  de  la  véritable  sagesse.  Non  content  du  té- 
moignage passager  de  son  enseignement,  il  établit  une  autorite  vi- 
sible, permanente  et  inexpugnable  ;  et  lui  donna  le  pouvoir  d'ex- 
pliquer la  vérité  qu'il  avait  enseignée  lui-même,  et  de  la  propager 
dans  le  monde  entier  jusqu'à  la  consommation  des  siècles. 

Mais  cette  auguste  autorité,  les  enseignements  qu'elle  propose  et 
la  lumière  qu'elle  répand  dans  l'intelligence,  bien  que  suffisant  à 
ramener  l'homme  des  sentiers  détournés  de  ses  erreurs  à  la  voie 
royale  de  la  véritable  sagesse,  ne  l'illuminent  pas  de  manière  à 
l'accabler  sous  l'éclat  de  l'évidence.  Leurs  clartés  sont  douteuses 
variables  et  insconstantes  Nous  marchons  dans  la  foi,  dit  saint 
Paul,  et  non  dans  la  claire  vue  ;  nous  ne  connaissons  qu'en  partie, 
nous  ne  prophétisons  qu'en  partie;  maintenant  nous  voyous  comme 
par  un  miroir  et  dans  l'obscurité,  en  attendant  le  jour  où  la  vérité 
nous  sera  révélée  dans  toute  sa  perfection  et  sa  plénitude,  où  nous 
le  verrons  intuitivement  face  à  face,  comme  nous  nous  voyous  et 
comme  nous  nous  connaissons  nous  mêmes.  Ainsi  la  splendeur  in- 


536  LE  PROPAGATEUR 


trinsèque  de  la  doctrine  révélée,  la  grâce  et  les  bienfaits  de  la  ré- 
demption, ne  nous  enlèvent  pas  la  triste  liberté  d'errer,  et  moins 
encore  l'orgueil  du  cœur  qui,  après  avoir  causé  le  premier  égare- 
ment de  notre  intelligence,  et  la  première  perversion  de  notre  vo- 
lonté, continue  à  se  mêler  à  toutes  nos  erreurs,  et  à  influer  sur 
toutes  nos  fautes  et  sur  tous  nos  dérèglements. 

Mystère  profond  du  cœnr  humain  !  D'une  part,  il  se  sent  poussé 
vers  Dieu,  son  principe  et  sa  fin  nécessaire  ;  et  de  l'autre  il  s'en 
éioigne,  comme  s'il  voyait  en  Dieu  un  ennemi.  Il  travaille  et  se 
tourmente  pour  savoir,  il  confesse  que  rien  n'est  plus  beau  que  la 
vérité,  qu'elle  vaut  bien  tous  les  trésors  du  monde,  qu'à  sa  recher- 
dhe  l'homme  doit  traverser  les- mers,  voyager  dans  les  régions 
lointaines,  s'exposer  à  tous  les  périls  ;  et  quand  celte  vérité  s'offre  à 
lui  dans  son  éclantante  beauté,  il  en  détourne  les  yeux,  il  la  dédai- 
gne même  et  l'abhorre,  surtout  quand  elle  lui  vient  du  foyer  de 
toute  lumière,  de  toute  connaissance  et  de  toute  sagesse.  Il  délais- 
se le  Maître  de  la  vérité,  il  ferme  l'oreille  à  ses  divins  enseigne- 
ments, et  il  s'attache  à  des  sophistes  sans  pudeur,  manipulateurs 
d'idées  et  misérables  histrions  de  la  science.  Il  brûle  de  connaître 
les  objets  qui  par  leur  dignité  et  leur  élévation  pourraient  apaiser 
sa  soif  de  savoir;  et  il  sent  un  ennui,  un  dégoût  et  une  fatigue  in- 
surmontables dans  la  contemplation  de  ces  sublimes  objets,  tandis 
qu'il  se  livre  avec  toute  l'ardeur  de  son  âme  à  l'étude  d'une  infi- 
nité de  bagatelles  sans  importance  et  sans  valeur  po':r  lui.  Il  rou- 
git de  ne  pas  savoir  une  frivolité,  et  il  n'a  point  honte  d'ignorer  les 
grandeurs  divines,  les  lois  éternelles  du  monde  et  les  merveilles  de 
la  création.  Il  trouve  son  agrément  et  son  plaisir  suprême  à  met- 
tre des  difficultés  dans  les  choses  mêmes  dont  l'évidence  saute  aux 
yeux.  Il  se  complaît  à  s'engager  dans  le  labyrinthe  de  ses  propres^ 
erreurs,  à  amonceler  des  nuages  qui  lui  cachent  le  soleil  de  la  vé- 
rité, et  à  éteindre  de  sa  propre  main  la  lumière  dont  la  sereine  cla- 
relé  vient  réjouir  son  cœur.  Arrivé  au  comble  de  l'orgueil,  il  croit 
trouver  désordre  et  confusion  de  l'intelligence  souveraine,  contra- 
diction et  répugnance  dans  la  Vérité  infini»-,  qu'elle  se  révèle  à 
lui  dans  le  spectacle  de  la  nature,  ou  que,  dans  son  amour,  elle 
condescende  à  lui  parler  par  elle-même.  Tel  est  l'homme  ;  telles 
sont  ses  misères  et  ses  faiblesses  :  telle  est  l'origine  de  ses  erreurs, 
de  ses  contradictions  incroyables,  et  de  ce  qui,  dans  ces  derniers 
temps,  à  pris  le  nom  de  Conflits  entre  la  science  et  la  foi. 

Nous  disons  conflits  ;  car  telle  est  la  forme  générale  donnée  par 
la  raison  humaine  aux  doutes  ou  aux  d-ifûcultés  qu'elle  pourrait 
élever  cou  ire  la  raison  divine.  Dans  un  de  ses  ouvrages,  Frédéric 
Schlegel  afflrme  que  l'histoire  est"  une  lutte  perpétuelle  des  na- 
tions et  des  individus  contre  les  puissances  invisibles.  "  A  propre- 
ment parler,  dit  Gœlhe,  il  n'y  a  qu'un  sujet  dans  l'histoire,  et  ce 
sujet  principal,  auquel  se  subordonnent  les  autres,  c'est  la  lutte 
entre  l'incrédulité  et  la  foi.  "  Ce  que  G-oelhe  dit  du  genre  humain 
est  aussi  l'histoire  de  chaque  homme  en  particulier  ;  car,  pour 

Ïieu  que  nous  examinions  ce  qui  se  passe  à  l'intérieur  de  nos  âmes, 
es  mobiles  de  nos  actions,  et  les  mystères  de  notre  cœur,;;  nous 


LE  PROPAGATEUR  537 


verrons  aux  prises  à  toute  heure,  au  fond  de  nos  consciences, 
l'élément  naturel  et  rBlément  surnaturel,  Dieu  et  l'hooinie,  l'or- 
gueil humain  et  la  miséricorde  divine. 

Ce  n'est  pas  le  moment  de  retracer  cette  lutte,  les  formes  et 
les  aspects  divers  qu'elle  a  pris  dans  le  cours  des  siècles.  Il  n'y  a 
rien  de  nouveau  sous  le  soleil,  dit  l'éternelle  Sagesse  :  les  hommes 
ont  toujours  été  ce  qu'ils  sont  ;  toujours  ils  furent  poussés  par  les 
mêmes  intérêts,  agités  par  les  mêmes  passions  ;  et  par  conséquent, 
pour  connaître  le  caractère,  les  causes  et  les  effets  des  combats  de 
la  raison  humaine  contre  léternelle  vérité,  il  suffit  d'ouvrir  les 
yeux  et  de  contempler  ce  qui  se  passe  actuellement  autour  de 
nous.  Aujourd'hui,  la  question  des  conflits  entre  la  science  et  la 
foi  s'agite  de  toutes  parts  avec  véhémence.  Dans  les  académies, 
dans  les  cercles  scientifiques  et  littéraires,  dans  les  chaires,  dans 
les  livres,  dans  les  revues  et  les  feuilles  périodiques,  jusque  dans 
le  sein  de  la  famille,  où  ne  devrait  point  arriver,  ce  semble,  le 
bruit  de  pareils  débats  ;  partout,  à  toute  heure,  se  dresse  le  re- 
doutable problème  :  comme  le  sphmx  de  la  fable,  il  exige  une 
réponse  péremploire.  Les  tempêtes  soulevées  par  ces  questions, 
les  divisions  qu'elles  engendrent,  les  oppositions  qu'elles  excitent, 
l'orgueil  et  les  vains  triomphes  des  uns  et  les  défaillances  des 
autres,  faut  il  les  rapporter  ?  Qui  ne  se  rappelle  avec  douleur 
cerlaines  discussions  où  quelqu'un  de  ces  orateurs  à  la  parole 
facile  et  enthousiaste,  si  communs  dans  des  pays  placés  comme 
le  nôtre  sous  les  feux  d'un  soleil  méridional,  se  lançait  à  travers 
les  questions  les  plus  difficiles  et  les  plus  transcendantes  ;  et,  des 
sommets  de  son  éloquence,  jetait  à  ses  auditeurs  des  paroles  em- 
poisonnées qui  bouleversaient  leurs  intelligences  el  égaraient 
leurs  coeurs  ?  Qui  oubliera  jamais  la  fascination  et  l'espèce  de 
commotion  électrique  qui  parcourait  l'auditoire,  lorsque  l'orateur, 
en  parlant  des  relations  entre  la  laison  et  la  foi,  de  leurs  luttes 
et  de  leur  antagonisme,  irréconciliable  d'après  lui,  invoquait  le 
nom  sacré  de  la  science^  ses  œuvres  et  ses  glori'iuses  conquêtes  ? 
-Combien  d'hommes  perdirent  la  foi  chrétienne,  séduits  par  l'en- 
chantement de  cette  parole  !  Pour  combien  ce  nom  fut-il  le  petit 
nuage  apparu  à  l'horizon  de  leur  intelligence,  et  grossissant  peu 
à  peu,  jusqu'à  leur  dérober  complètement  le  soleil  de  la  vérité, 
pour  les  plonger  dans  les  ténèbres  du  doute  et  dans  l'abîme  de 
mille  contradictions  et  de  mille  absurdités  ! 

Oui,  le  nom  de  la  science  a  toujours  exercé  sur  le  cœur  de 
l'homme  une  influence  mystérieuse  et  terrible  ;  il  semble  con- 
server quelque  chose  du  charme  diabolique  avec  lequel  il  dut 
vibrer  sur  les  lèvres  de  celui  qui  le  premier  le  prononça  dans  le 
monde,  de  celui  qui  fut  homicide  dès  le  principe,  de  l'ennemi  du 
genre  humain,  de  son  perpétuel  tentateur.  Si  d'une  part  ce  nom 
élève  notre  cœur,  de  l'autre  il  lui  inspire  je  ne  sais  quelle  vague 
terreur  et  quel  pressentiment  de  funestes  périls  :  on  dirait  qu'il 
ravive  en  nous  le  souvenir  d'une  catastrophe  épouvantable  arrivée 
dans  le  monde  par  l'influence  de  cette  parole.  Une  voix  secrète 
nous  dit  que  s'il  n'y  a  rien  de  plus  noble  et  de  plus  sublime  que 


538  LE  PROPAGATEUR 


la  science,  il  n'y  a  rien  aussi  de  plus  périlleur.  De  là  vient  que, 
si  les  uns  l'exaltent,  préconisent  ses  droits  et  célèbrent  ses  con- 
quêtes, les  autres  la  tiennent  pour  suspecte  :  c'est  qu'ils  voient 
continuellement  son  beau  nom  sur  les  lèvres  des  soptiistes,  des 
hérétiques,  des  faux  frères,  des  hypocrites,  des  séducteurs,  de  tous 
ceux  qui  font  la  guerre  à  Dieu,  à  l'Eglise  et  à  la  vérité,  en  mettant 
dans  ce  nom  tout  le  secret  de  leurs  lriomphet=. 

Au  point  où  les  choses  en  sont  venues  parmi  nous,  il  paraît 
nécessaire  d'examiner  le  fondement  de  ces  futiles  espérances  et  de 
ces  vaines  frayeurs.  Ce  fondement,  nous  le  trouvons  dans  l'éter- 
nelle question  des  relations  enlre  la  science  et  la  foi,  et  de  leurs 
prétgndiis  conflits.  Il  serait  très  long  d'examiner  à  part  chacun  de 
ces  conflits,  et  d'ailleurs  des  hommes  de  grand  talent  se  sont  victo- 
rieusement acquittés  de  cette  tache.  Aussi  juge  )ns-nous  plus  con- 
venable de  scruter  le  fond  même  de  la  controverse  générale.  Nous 
considérerons  les  éléments  de  la  science  et  de  la  foi,  et  nous  les 
comparerons  entre  eux  pour  voir  les  rapports  de  conformité  ou  de 
divergence  qui  peuvent  résulter  de  ce  parallèle.  Par  là  nous  comp- 
tons éclaircir  davantage  l'objet  sur  lequel  roule  la  discussion,  et 
rendre  plus  facile  et  plus  intelligible  la  solution  de  chacun  des 
conflits  ou  des  difficultés  que  l'on  peut  produire  contre  la  thèse  gé- 
Ȏrale. 

Mais  avant  d'entrer  en  plein  dans  l'étude  que  nous  nous  sommes 
proposée,  nous  voulons  prévenir  une  objection.  A  voir  le  tour  que 
prennent  les  idées  exposées  jusqu'ici,  on  pourrait  trouver  que  la- 
discussion  va  se  perdre  dans  les  hauteurs  de  la  théoloaie.  Prétend 
on  nous  en  faire  un  reproche  ?  ce  serait  bien  à  tort.  La  question  des 
relations  entre  la  science  et  la  foi  est  esseniielleraent  théologique, 
et  par  conséquent  il  faut  la  résoudre  par  la  théologie.  En  suivant 
une  autre  méthode,  on  rebaisserait  un  si  noble  objet,  et  de  plus  on 
ne  ferait  que  l'effleurer  et  laisser  les  difficultés  sans  solution.  Nous 
l'espérons  cependant,  en  nous  élevant  à  ces  hauteurs,  non  seule- 
ment nous  ne  perdrons  pas  de  vue  le  point  à  débattre;  mais,  déga- 
gé des  ombres  qui  pourraient  l'offusquer,  il  s'oS"rira  à  nos  yeux 
dans  toute  sa  splendeur  native.  Dieu  est  lumière.  L'éclat  de  ses 
perfections  rajaillit  sur  toutes  ses  œuvres,  et  poi'te  en  nos  idées 
ordre  et  clarté.  Ce  qui  n'est  pas  illuminé  par  cette  lumière  est 
condamné  à  demeurer  dans  dans  les  ombres  de  la  mort  ;  ce  que 
n'éclaire  pas  la  science  de  Dieu,  la  vaine  science  des  hommes  ne 
l'éclairera  assurément  point.  C'est  ce  qu'ont  reconnu  même  les 
plus  grands  ennemis  de  cette  science  souveraine,  réduits  à  con- 
fesser qu'au  fond  de  toute  controverse  il  y  a  une  question  de 
théologie.  C'est  à  nos  yeux  une  vérité  très  évidente.  Elle  a  pour 
principe  ces  profondes  parole--  de  saint  Paul,  que  nous  avons  cru 
pouvoir  mettre  en  tête  de  notre  essai,  et  qui  sont  l'expression  de 
tout  le  savoir  divin  et  huma,in,  la  solution  de  toutes  les  énigmes, 
la  clef  de  tous  les  mystères  du  temps  et  de  l'éternité  :  Omnia  in 
ipso  constant.  Toutes  choses  se  réunissent,  s'enchaînent  et  sub- 
sistent en  Jésus-Christ. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  L.  B  If 


SUSPENSION  D'UN  NOTAIRE  —  ACTES  DEROGATOIRES 

La  Gazette  officielle  de  Québec,  du  23  Septembre  1893,  public 
l'avis  public  suivant. 

Chambre  des  Notaires,  secbktariat  de  Qdébec      , 

Avis  public  est  pur  le  présent  donné parmoi,  soussigné,  J*-an-Bâptiste  Délâge, 
l'un  des  secrétaires  de  la  Chambrf'  des  Notaires,  qu^-  par  ordonnance  de  la  dite 
chambre,  en  date  du  cinq  septembre  courant,  Joseph  Arthur  Tremblay,  notaire 
résiliant  aux  Eboulempnts,  dan?  le  district  de  Saguenay,  a  été  suspendu  pour 
dix  ans  pour  s'être  rendu  coupable  d'actions  dérogatoires  à  l'honneur  de  la  pro- 
fession. Cette  suspension  pr^-ndra  eff'  t  le  quatorze  octobre  prochain,  et  se  t-rmi- 
nera  le  qualrc  septembre  mii  neuf  cent  trois,  ces  d-ux  jours  inclus. 

En  foi  de  quoi  j'ai  signé  le  présent  à  Cuébec,  ce  dix-neuvième  jour  de  septem- 
bre mil  huit  cent  quatre-vingt-treize.  Jean-Baptisie^DÉLAGE,  Sec.  C.  N. 

NOTE   DE    LA   REDACTION 

Joseph  Arthur  Tremblay,  notaire,  était  accusé  d'avoir  dans 
l'exercice  de  sa  profession,  lait  des  actes  déroga  oires  à  l'honneur 
professionnel.  Il  fut  traduit  devant  la  commission  de  discipline  de 
la  chambre  des  Notaires  pour  y  être  jugé,  mais  il  prit  un  bref  de 
prohibition  demandant  que  défense  fût  faite  à  la  commission  de 
procéder.  La  cour  Supérieure  (1)  à  Québec  iCasault  juge)  accorda 
le  bref  pour  les  raisons  suivantes  ;  savoir  : 

1°  Parceque  les  actes  reprochés  à  Tremblay  constituaient  des  félonies. 

2°  Parceque  les  félonies  ne  peuvent  être  jugées  que  par  les  tribut 
naux  ayant  juridiction  criminelle. 

S''  Parceque  la  chambre  des  Notaires  et  sa  commission  de  discipline 
n'avaient  droit  de  prendre  connaissance  des  actes  reprochés  à  Tremblay 
qu'ap'.ès  une  condamnation  définitive  prononcée  par  le  tribunal 
criminel. 

Le  jugement  de  la  cour  Supérieure  fut  renversé  par  la  cour 
d'Appel,  cette  dernière  cour  jugeant  que  la  commission  de  disci- 
pline avait  droit  de  prendre  connaissance  des  accusations  portées 
contre  Tiemblay  et  de  procéder  jusqu'à  jugement  final.  Celte  der- 
nière déi  ision  fut  confirmée  par  la  cour  Suprême  le  6  Octobre  liS92. 

Api  es  le  jugement  de  la  cour  Suprême,  la  commission  de  iiisci- 
pline  continua  l'instruction  de  la  cause  et  elle  rendit  jugement 
contre  Tremblay.  Ce  jugement  fut  rendu  en  vertu  des  articles 
3918  et  3919  des  Statuts  Refondus  de  la  Province  de  Québec.  En 
vertu  de  l'article  3938  des  mêmes  Statuts,  le  président  a  prononcé 
ce  jugement  à  la  séance  de  la  chambre  des  notaires  du  ô  sep- 
tembre dernier. 


OLEOMARGARINE 

Question.  —  La  fabrication  et  la  vente  de  l'olécmargarine  sont-elles  pennisss 
par  la  loi  ?  Un  marchand  de  provisions. 

(l)  Voir  le  Propacaticr  du  hr  Octobre  1891,  page  470. 


54U  LE  PROPAGATEUR 


Réponse  —  Toutes  deux  sont  expressément  défendues  et  des 
peines  sévères  sont  imposées  aux  contrevenants  Ces  peines  con- 
sistent dans  une  amende  de  deux  cents  piastres  à  quatre  cents 
piastres,  et  à  défaut  de  payement,  dans  un  emprisonnement  de 
trois  à  douze  mois. 

Voici,  à  ce  sujet,  la  disposition  du  chapitre  100  des  Statuts 
Révisés  du  Canada. 

1.  Nulle  Oléomargarine,  butterine  ou  autre  matière  substituée  au 
Beurre^  fabriquée  avec  toute  substance  animale  autre  que  le  lait,  ne 
sera  fabriquée  en  Canada  oun'y  sera  vendue  ;  et  quiconque  enfreindra 
les  dispositions  du  présent  acte  en  quelque  manière  que  ce  soit  encour- 
ra une  amende  de  deux  cents  piastres  à  quatre  cents  piastres^  et  à 
défaut  de  paiement  sera  passible  d'emprisonnement  pendant  douze  mois 
au  plus  et  trois  mois  au  moins. 

En  France,  les  falsificateurs  sont  aussi  punis  très  sévèrement. 
On  lit  à  ce  sujet  dans  la  Croix  de  Paris  : 

LA.' FRAUDE  DU  BEURHE 

Un  marchand  de  beurre  de  Gaen,  M.  Levigoureux  falsifiait,  à  l'aide  de  la  mar 
garinp,  l^s  beurres  qu'il  vendait  et  exportait. 

Enfin,  il  fui  pris  ;  et  le  tribunal  de  police  correctionnelle  de  Cherbourg  vient 
de  le  condamner  à  trois  mois  de  prison,  à  2000  francs  d'amende,  aux  frais  du 
procès,  à  la  publication  ,à  ses  frais,  du  jugement  dans  une  trentaine  de  journaux 
de  la  région,  à  l'aflichage  de  ce  jugement  en  certains  endroits  désignés. 

C'est  sévère,  mais  c'est  bien  fait. 

Les  falsifications  minaient  la  principale  branche  de  commerce  de  la  Norman- 
die et  de  la  Bretagne  en  dépréciant  ainsi  un  produit  de  choix. 

Dans  l'état  de  Géorgie  (Etats-Unis)  la  loi  permet  la  vente  de  l'o- 
léomargarine,  mais  elle  impose  au  vendeur  plusieur  ob'igations  à 
l'avantage  de  l'acheteur, 

J'emprunte  à  la  Presse^  du  19  septembre  dernier, l'article  suivant 
relatif  à  ce  commerce. 

Une  loi  acceptée  par  la  Législature  de  Géorgie  défend  la  vente  de  l'oléomar- 
garine  dans  les  limites  de  cet  Etat,  à  moins  que  chaque  paquet  de  produit  ne 
porte  une  étiquette  indiquant  sa  nature  ;  de  plus  le  marchand  doit  faire  remar- 
quer à  l'ach' leur  que  c'est  de  l'oléomargarme  qu'il  lui  vend.  Dans  les  hôtels, 
restaurants,  auberges,  oùl'onjae  sert  de  ce  produit,  une  pancarte  doit  être  placée 
bien  en  vue  dans  la  salle  a  manger  et  dans  les  chambres,  portant  ces  mots  : 
"  Cette  maison  se  sert  d'oléomargari  ne."  Les  mêmes  mots  doivent  se  trouver  sur 
les  menus. 


EMPRISONNEMENT  POUR  DETTES  (1) 

Re  Chartrand  et  Campeau 
Cour  de  Révision^  Montréal  septembre  1893. 

Dans  cette  cause,  laconr  de  Révision  a  confirmé  le  jugement 
de  la  cour  Supérieure  (Taschereau  juge)  rendu  en  chambre  en 
juillet  dernier.  Ce  jugement,  faisant  application  des  articles  792 
et  793  du  Code  de  Procédure  Civile,  avait  ordonné  l'élargissement 

(1)  Voir  le  No  du  1er  août  dernier,  page  356. 


LE  PROPAGATEUR  541 


de  G'impeaa  délenu  en  prison  pour  dette  et  pour  mépris  de  cour 
La  laison  de  cet  élargissement  était  la  cession  de  biens  faite  par 
■Campeau  pour  le  bénéfice  de  ses  créanciers. 

L'emprisonnement  pour  dettes  ne   peut  pas  durer    perpétuelle- 
ment sous  l'empire  de  notre  législation. 


ABSOLUTION  OBLIGATOIRE 

La  Semaine  Religieuse  de  Quimper,  France,  publie  l'article  sui- 
vant. Il  est  relatif  à  des  élections  municipales  annulées  par  un 
Conseil  de  Préfecture  sous  prétexte  que  l'absolution  avait  été  refusée 
à  des  électeurs  à  cause  de  leur  vote  en  faveur  des  candidats  libres- 
penseurs. 

Nous  nous  abstenons  de  traitpr  les  questions  purement  politiques  ;  mais  aussi 
nous  regardons  comme  un  devoir  de  protester,  en  le  signalant,  contre  tout  ena- 
pièlemeni  sur  le  terrain  religieux. 

On  S'i  souvient  que  le  Gens  il  de  Préfecture  du  Finistère  avait  annulé  les 
élections  municipales  de  Pluguffan,  pour  ce  motif  :  que  l'absolution  avait  été 
refusée  à  Cf^riains  candidats  et  à  plusieurs  électeurs.  C'est  avec  une  douloureuse 
surprise  que  nous  avons  vu  la  plus  haute  justice  administrative  de  France,  le 
Conseil  d'Eial,  approuver,  en  conûrmant  sa  décision,  l'évidente  usurpation  de 
pouvoir  commise  par  le  Conseil  de  Préfecture. 

C»^rtains  journaux,  à  celle  occasion,  se  félicitent  qu'on  "  n'admette  pas  en 
faveur  û\i  clergé  le  secret  professionnel^'...  Si  nous  pouvions  croire  à  leur 
bonne  foi,  nous  ferions  observer  à  ces  journaux  que  dans  le  cas  présent,  oh 
tourne  justement  con/re  le  prêtre /e  secret  sacramentel,  absolument  inviolable, 
qui  lui  ferme  la  bouche.  "  Accusé  ",  il  n'a  aucun  moyen  de  défense  :  il  ne  peut 
dire,  ni  indiquer,  ni  faire  entendre  s'il  a,  ou  non,  refusé  l'absolution  et  puur 
quels  motifs.  Or  ces  motifs  peuvent  être  tout  autres  que  le  fait  d'avoir  déposé 
dans  l'urne  électorale  un  bulletin  au  nom  de  tel  candidat. 
)"  L'absolution  doit  être  refusée  à  quiconque  commet  un  péché  grave  et  refuse 
de  s'amender.  C'est  un  principe  incontestable,  et  aucun  tribunal  humain  ne  peut 
s'instituer  juge  du  prêtre  en  cett--  délicate  matière. 

tj  Nous  plaignons  sincèrement  les  chrétiens  qui,  en  se  prêtant  en  cette  circons- 
tance, au  rôl"  d'accusateurs,  ont  commis  un  grave  manque  de  respect  au  sacre- 
ment de  Pénitence.  Puissent-ils  se  souvenir  qu'ils  en  repondront,  à  leur  tour 
devant  un  juge  dont  les  arrêts  seront  vraiment  sans  appel  ! 

L     R. 


LA  MYSTIQUE  DIVIITE 

I^ATUEELLE    ET    DIABOLIQUE 
Par  O  O  K  K  £  S 

Ouvrage   traduit  de   l'Allemand  par 

M.    CHARLES    SAINTE-FOI 

5  vol.  in-12 Prix  :  $4.00 


PIEEEE   LEVIEIL 

A  LA  MÉMOIRE  DE  MELCHOIR  DU  LAC,  COMTE  d'aURE  ET  DE  MONTVERT. 


L  ABBAYE. 

Et  ...  je  ne  vos  oncques  retourner 
mps  ypz  vers  Joinville,  pour  ce  que 
li  cueurs  ne  me  altenilrissit  dou 
biau  chaslel  que  je  lessoie... 

Sur  les  rives  de  la  Fontanelle,  petite  rivière  qui  se  jette  dans  la 
Seine  à  une  lieu  de  Gaudebec,  s'élevait,  avant  la  Révolution,  la 
royale  abbaye  fondée  au  septième  siècle  par  saint  Wandrille, 
parent  de  Glovis  III.  Détruite  une  première  fois  par  les  Normands* 
incendiée  en  1250,  elle  s'était  relevée  de  ses  ruines,  iorsqu  en  1631 
la  tour  de  l'église  s'écroula,  écrasant  sons  ses  débris  la  nef  et  le 
chœur.  Les  religieux  bénédictins  consacrèrent  dès  lors  la  meilleure 
partie  de  leurs  revenus  à  réparer  ce  désastre  ;  mais  près  d'un 
siècle  s'écoula  avant  que  les  travaux  de  réédification  fusspni 
terminés,  et,  en  1727,  à  l'époque  où  commence  ce  récit,  le  vénérable 
abbé  de  Saint- Wandrille,  dom  Gérard  de  Malaunay,  venait  à  peine 
de  poser  la  dernière  pierre  d'une  belle  terrasse  qu'il  avait  fait 
construire  devant  l'église  rebâtie. 

G'élait  par  une  belle  journée  de  mars,  à  l'heure  oià,  selon  la 
règle,  les  bénédictins,  quittant  leurs  études,  se  livrent  au  travail 
manuel.  Ge  jour-là  ils  étaient  tous  transformés  en  jardiniers,  et 
plantaient  sur  la  nouvelle  terrasse  des  rangées  d'ifs  et  des  bordures 
de  buis.  Le  bon  abbé,  tout  cassé  de  vieillesse,  appuyé  au  bras  d'un 
jeune  novire,  surveillait  les  travaux  de  ses  moines. 

"  Frère  Saturnin,  "  dit-il  à  l'un  d'eux  qui  portait  la  robe  de  frère 
convers,  "  pensez  vous  que  le  gazon  que  vous  allez  semer  sera  vert 
à  la  fête  de  notre  saint  patriarche  ?  " 

"J'y  compte,  mon  révérend  père,  "dit  Saturnin  la  "belle  saison 
est  si  belle  cette  année  1  d'ailleurs,  nous  arroserons.  Il  faut  qu«  la 
terrasse  soit  toute  parée  pour  la  fête  de  saint  Benoît.  " 

''  G'est  bien,  mon  fils;  mais  aurons-nous  des  fleurs  ?  " 

"  La  serre  est  déjà  comme  un  paradis,"  reprit  avec  orgueil  le 
frère  jardinier  :  "  jamais  je  n'ai  si  bien  réussi,  et  j'aurai  des  roses 
aussi  belles  que  celles  que  le  bon  saint  François  d'Assise  vit  éclore 
sur  les  buissons  d'épine  de  Subiaco.  —  Mais,  mon  père,  avant  toute 
chose,  pour  que  la  fê!e  soit  belle,  il  nous  faut  notre  abbé  bien  en 
point  et  en  état  d'ofiicier:  et  si  vous  restez  nu-tête  au  soleil  de 
mars,  vous  attraperez  la  fièvre  ou  quelque  mauvais  rhume." 

"  Vous  parlez  sagemment,  mon  bon  frère,  "  dit  dom  Gérard.  Et, 
quittant  la  terrasse,  il  alla  s'asseoir  sur  un  petit  banc  de  pierre, 
placé  sous  une  charmille  qui  commençait  à  sefeuiller,  et  d'où  l'on 
découvrait  une  partie  de  la  vallée  de  Fontanelle.  Qtielques  petites 


LE  PROPAGATEUR  543 


maisons  blanches,  à  toitures  de  tuiles  rouges,  égayaient  la  verdure 
printanière  des  prairies,  où  paissaient  de  nombreux  troupeaux.  On 
voyait  courir  et  bondir  les  agneaux  âgés  de  quelques  jours 
seulement,  des  fils  de  la  Vierge  flottaient  dans  l'air  imprégné  du 
parfum  de  violettes,  et  le  chant  du  pinson  saluait  l'arrivée  du 
printemps.  Sur  la  pâle  azur  du  ciel  de  Normandie  se  dessinaient 
l'église  neuve  et  les  constructions  gothiques  de  l'abbaye,  et,  dans 
le  cloître  aux  arceaux  magnifiques,  on  entendait  retentir  les  cris 
des  hirondelles  affairées,  qui  déjà  rebâtissaient  leurs  nids. 

Dom  Gérard  fit  asseoir  à  ses  pieds  son  jeune  compagnon,  et 
lui  dit  en  étendant  la  main  vers  la  vallée: 

"  Que  cette  campagne  est  bdle,  mou  fils.'  Voilà  la  soixantième 
fois  que  je  lui  vois  reprendre  sa  parure  du  printemps  soixante  fois 
que  les  cloches  de  Pâques  m'annoncent  ici  la  résurrection  du  divin 
Jésus  !  Gomme  le  premier  jour,  je  jouis  de  ces  fêtes  de  l'Eglise,  de 
c(;s  fêtes  du  printemps,  et,  chaque  année,  je  comprends  encore 
mieux  quelle  grâce  le  bon  Dieu  m'a  faite  en  me  donnant  la  vocation 
religieuse.  Vivre  pour  lui  seul,  contempler  ses  œuvres,  chanter  ses 
louanges,  ramener  à  lui  les  âmes,  étudier  sa  parole,  esf-il  rien  au 
monde  ie  plus  souhaitable?  —  J'étais  venu  ici  comptant  faire 
pénitence,  persuadé  que  j'aurais  à  souffrir,  à  lutter  !  Et  le  bon  Dieu, 
agréant  ma  bonne  volonté,  m'a  si  bien  aidé,  que  je  n'ai  pas  cessé 
de  dire  depuis  soixante  années  :"  Seigneur  !  que  votre  joug  est 
donx,  votre  fardeau  léger  !  " 

Les  mams  modestement  croisées,  les  yeux  fixés  sar  le  visage  du 
vénérable  vieillard,  le  jeune  novice  l'écoutait  avec  une  respectueuse 
attention.  Il  n'avait  pas  vingt  ans.  Sa  figure,  parfaitement  belle, 
mâle  et  expressive,  eiit  pu  servir  de  modèle  à  un  pein're  pour 
représenter  l'ange  de  Tobie,  Il  s'appelait  Pierre  Levieil.  Fils  d'un 
peintre  verrier  originaire  de  Rouen,  mais  établi  à  Paris  depuis 
longtemps,  Pierre  avnit  fait  de  brillantes  études  au  collège  S.-iinte- 
Barbp.Venu  à  dix-sept  ans  au  noviciat  d-^  Saint- Wandrille,  il  pro- 
mettait d'être  un  digne  successeur  des  savants  écrivains  que  l'ordre 
de  Saint-Benoît  a  fournis  à  l'Eglise.  En  ce  temps-là,  les  vocations 
devenai-^nt  rares  ;  l'esprit  chrétien  allait  tous  les  jours  s'affaiblis- 
sant  eu  France  :  aussi  l'arrivée  du  fils  de  Guillaume  Levieil 
avait-elle  été  pour  dom  Gérard  une  grande  joie,  et,  voyant 
s'affermir  chaque  jour,  depuis  deux  ans,  les  excellentes  dispositions 
du  jeune  novice,  il  avait  été  décidé  au  chapitre  de  le  recevoir 
profès  le  jour  de  la  fête  de  saint  Benoît.  Les  parents  de  Pierre  ne 
s'opposaient  point  à  son  dessein.  C'était  leur  aine.  Ils  avaient  dix 
autres  enfants,  ^t  trouvaient  toutsimple  d'offrir  à  Dieu  les  prémices 
de  leur  famille,  le  plus  beau  fleuron  de  leur  couronne  patriarcale. 

"  Mon  fils,  "  dit  l'abbé  après  un  moment  de  silence,  "vos  parents 
viendront-ils  à  la  cérémonie  de  votre  profession  ?  " 

"  Mon  père,  "  dit  le  novice,  ''  je  n'ose  espérer  y  voir  ma  bonne 
mère,  tes  dix  enfants  l'occupent  trop  pour  cela  ;  mais  mon  père 
viendra  avec  mon  frère  Jean,  et  peut-être  l'aînée  de  mes  sœurs, 
ma  chère  Luce,  qui  doit  entrer  au  premier  monastère  de  la 
Visitation  dès  qu'elle  aura  dix-huit  ans.   Ce  sera  son  premier  et 


544  LE  PROPAGATEUR 


son  dernier  voyage,  car  ma  sœurn'a  jamais  quitté  sa  paroisse.  A 
cause  d'elle,  mon  père  logera  à  l'iiôtellerie.  " 

"  Fort  bien,  "  dit  l'abbé.  "  Je  recommanderai  à  l'hôte  d'avoir 
bien  soin  d'eux,  et  je  veux  voir  cette  petite  sœur  au  parloir.  Ce  doit 
être  une  sainte  enfant.  " 

"  C'est  un  ange,  mon  père.  C'est  elle  qui  gouverne  les  petits  à  la 
maison.  Ma  bonne  mère,  en  l'offrant  à  Dieu,  donnera  son  bras  droit 
€t  toute  sa  consolation  ;  mais  elle  a  un  cœur  à  la  bauteur  du 
sacrifice.  " 

"  Que  nous  veut  frère  Ansegise  ?  "  dit  l'abbé  Gérard. 

Le  frère  portier  s'approchait,  une  lettre  à  la  main. 

''  Voici  ce  que  notre  messager  vient  d'apporter  de  Duclair,  " 
^it-il  en  s'inclinant. 

L'abbé  prit  la  lettre,  et  le  frère  s'éloigna 

"  Je  n'ai  pas  mes  lunettes,  "  dit  l'abbé.  "  Pour  qui  est  cette  lettre, 
frère  Pierre  ?  " 

"  Pour  moi,  "  dit  le  novice  en  jetant  les  yeux  sur  l'adresse  : 
"  c'est  l'écriture  de  ma  sœur.  " 

"  Lisez  à  haute  voix,  mon  fils.  Cette  lettre  annonce  sans  doute 
l'arrivée  de  vos  parents.  " 

'•  Elle  est  de  ma  mère,  "  dit  Pierre,  et  il  lut  : 


Paris,  3  mars  1727. 


MON   CHER  FILS, 


"  Votre  père  est  souffrant  et  ne  pourra  se  rendre  à  l'invitation 
du  révérendissime  abbé  de  Saint- Wandrille.  Jean  et  Luce  me  sont 
trop  nécessaires  à  la  maison  pour  que  je  vous  les  envoie.  Ayez 
donc  patience  et  contentez-vous,  au  jour  de  votre  profession,  d'avoir 
autour  de  vous  la  nouvelle  famille  que  le  bon  Dieu  vous  donne. 
Nous  communierons  tous  ce  jour-là  à  votre  intention.  Présentez 
nos  respectueuses  excuses  au  révérendissime  abbé.  Ne  songez  qu'à 
bien  vous  préparer  :  Dieu  prendra  soin  de  nous.  Souvenez-vous, 
mon  fils,  qu'une  fois  la  main  mise  à  la  charrue,  il  ne  faut  pas 
regarder  en  arrière.  Vos  frères  et  sœurs  vous  envoient  tous  leurs, 
compliments  et  tendresses.  Ils  sont  en  bonne  santé,  de  même  que 
moi.  —  Que  Dieu  soit  loué  de  toute  chose  1 

"  Votre  mère, 
"  Henriette-Anne  Favier,  femme  Leviel.  " 

"  Vous  avez  une  sainte  mère,  mon  fils,  "  dit  l'abbé. 

Nous  prierons  pour  la  prompte  e:uérison  de  votre  père." 

*'  Il  y  a  une  autre  feuille,  mon  père,  "  reprit  Pierre  :  "  une  lettre 
•de  ma  sœur  Luce,  " 

"  Lisez  la,  mon  enfant.  " 

"  Mon  bon  frère,"  écrivait  Luce,  "  j'ai  demandé  permission  à 
mon  confesseur  de  vous  écrire  sans  montrer  ma  lettre  à  maman, 
«t  je  me  hâte  d'ajouter  quelques  lignes  à  la  lettre  qu'elle  m'a  dit 
•d'envoyer  à  la  poste.  Il  est  temps  que  vous  sachiez  la  vérité.  Notre 


LE  PROPAGATEUR  54S 


bon  père  n'est,  pas  seulement  souffrant,  il  est  très  malaJe,  et  sans 
espoir  de  guéiison,  au  dire  de  certains  médecins  que  notre  docteur 
a  voulu  consulter.  Il  ï]^^  part^ige  pas  leur  avis  ;  mais,  enfin,  l'état 
du  malade  est  bien  inquiétant.  Un  tremblement  continuel  et  une 
fièvre  intermittente,  qui  le  mine  depuis  un  an,  le  renient 
incapable  de  travailler.  Jean  et  And'é  font  ce  qu'ils  peuvent  à 
l'atelier,  mais  ce  sont  des  enfants.  M  iman  est  tout  occupée  de 
soigner  mon  père,  et  nos  ouvriers  sont  devenus  si  impies  et  si 
grossiers,  qu'elle  n'ose  plus  leur  parler.  Ils  font  à  peu  près  ce  qu'ils 
veulent,  et  la  maison  est  dans  un  désordre  épouvantable.  Je  prie 
Dieu  de  vous  inspirer  ce  qu'il  convient  de  faire  en  telle  occurrence, 
le  prenant  à  témoin  que  je  vous  dis  l'exacte  vérité.  Notre  bonne 
mère  vous  l'a  cachée,  parce  qu'elle  croirait  offenser  Dieu  en  vous 
détournant  de  votre  vocation.  Moi-même,  j'ai  longtemps  hésité, 
longtemps  réfléchi  ;  mais  je  crois  que  notre  devoir  à  tous  deux  est 
de  rester  dans  le  monde,  de  soutenir  la  maison  qui  s'écroule,  et  de 
n'entier  en  religion  que  loisque  l'avenir  de  nos  frères  et  sœurs  et 
la  sécurité  de  la  vieillesse  de  nos  parents  seront  assurés.  Je  vous 
attends,  mon  frère.  Puissent  les  anges  de  Dieu  hâter  et  protéger 
vos  pas  ! 

'*  Votre  sœur  et  servante, 

"■  Marie-luge  Levieil.  " 

La  voix  du  pauvre  Pierre  avait  tremblé  plusieurs  fois  en  lisant 
cette  lettre.  Il  était  pâle,  et,  sans  prononcer  une  parole,  du 
regard  il  interrogea  l'abbé.  Dom Gérard  lui  tendit  les  bras;  Pierre 
s'y  jeta,  et  tous  deux  pleurèrent  en  silence.  Puis  le  jeune  novice, 
se  mettant  à  genoux,  courba  la  tête,  attendant  les  ordres  de 
l'abbé. 

"  Pierre,  mon  cher  fils,  "  dit  le  vieillard,  "  votre  sœur  vou& 
indique  votre  devoir.  Il  faut  pnrtir  :  c'est  la  volonté  de  Dieu.  Allez, 
mon  enfant.  La  lune  se  lèvera  de  bonne  heure  ce  soir  :  en  marchant 
toute  Ifi  nuit,  vous  pouvez  arriver  à  Rouen  avant  le  départ  du 
coche  de  Paris.  Adieu,  mon  cher  enfant  !  " 

"■  Ne  me  dites  pas  adieu,  mon  père  !  "  s'écria  Pierre  :  "  je  n'aurais 
pas  la  force  de  m'en  aller.  Bientôt,  j'espère,  je  reviendrai.  " 

''  Dieu  le  veuille  !  mon  enfant,  "  dit  d -m  Gérard.  "  Mais  il 
faudra  vous  hâter  si  vous  voulez  me  retrouver  encore  à  l'abbaye 
et  non  point  couché  sous  les  dalles  de  la  crypte.  Parlez,  mon  fils  î 
allez,  comme  le  divin  Maître,  travailler  dans  l'atelier,  allez  à 
Nazareth.  Hélas  !  c'est  peut-être  aussi  en  Egypte  que  je  vous  envoie. 
Cependant,  j'ai  confiance  que  vous  ne  perdrez  pas  votre 
vocation.  " 

"  Mes  vœux  sont  écrits  là,  "  dit  Pierre  en  croisant  ses  mains  sur 
sa  poitrine,  "  et  j'espère  qu'ils  le  sont  aussi  dans  le  ciel.  Bénissez- 
moi,  mon  père.  " 

Au  coucher  du  soleil,  sur  la  route  de  Rouen,  les  rares  voyageurs 
qui  se  bât  tient  d'arriver  au  gîte,  viret.t  passer,  ce  soir-la,  un  beau 
jeune  homme,  vêtu  en  laïque,  mais  dont  l'allure  calme  et  les  yeux 


546  LE  PROPAGATEUR 


baissés  décelaieat -l'état  religieux.  Il  portait  pour  tout  bagage  un 
bréviaire  et  un  très  petit,  paquet  attaché  au  bout  d'un  bâton  de 
pèlerin.  Arrivé  au  sommet  d'une  colline  d'où,  en  se  retournant,  il 
eût  pu  apercevoir  le  clocher  de  Saint-Wandrille,  il  s'arrêta  au  pied 
d'une  croix  de  pierre  qui  marquait  lalimiledes  terres  de  l'abbaye, 
et  se  mit  à  genoux.  11  pria  quelques  instants,  et,  en  se  relevant  ,il 
murmura  ces  mots  :  Ubi  crux,  ibipalria  !  Il  se  remettait  en  marche 
d'un  pas  ferme,  lorsque  le  vent  lui  apporta  le  son  lointain  d'une 
cloche.  \J Angélus  du  soir  sonnait  à  l'abbaye.  Pierre  resta  immobile  : 
il  lui  semblait  que  cette  cloche  l'avait  frappé  au  cœur.  Il  essaya  de 
réciter  la  prière  angélique,  mais  les  larmes  l'en  empêchèrent. 
Et,  sans  tourner  la  tête,  il  partit  en  pleurant. 

II 

LA  MAISON   PATERNELLE 

O  loyer  domestique  d-  s  peuples  chrétiens  1  maisoa 
parleraelle,  où,  dès  nos  premiers  ans,  nous  avons 
respiré  avec  la  lumière  l'amour  de  toutes  les  saintes 
choses,  nous  avons  beau  vieillir,  nous  revenons  à 
vous  avec  un  cœur  toujours  jeune,  et,  n'était  l'éternité 
qui  nous  appelle  en  nous  éloignant  de  vous,  nous  ne 
nous  consolerions  pas  de  voir  chaque  jour  votre 
ombre  s'allonger  et  votre  soleil  pâUr  ! 

(Le  P  Lagordaire,  Conférences  de  N.-D.  de  Paris, 
année  1845,  page  355.) 

Au  sommet  de  la  montagne  Sainte-Geneviève,  rue  des  Fossés- 
Saint- Victor,  tout  auprès  du  collège  des  Ecossais,  Guillaume 
Levieil  habitait  une  petite  maison  entre  cour  et  jardin,  contre 
laquelle  s'adossait  une  sorte  de  remise  qui  lui  servait  d'atelier  et 
où  il  avait  construit  un  four. 

Pierre  avait  conservé  un  gracieux  souvenir  de  la  maison  pater- 
nelle. C'était  fête  au  logis  (jiiaiid  on  l'y  voyait  arriver  les  jours 
de  congé.  Petits  frères  et  petites  sœurs,  bien  endimanchés,  accou- 
raient au-devant  de  lui  ;  sa  mère  préparait  chaque  fois  quelque 
modeste  régal,  et  son  père,  l'interrogeant  sur  ses  succès  d'écolier, 
lui  montrait  les  travaux  exécutés  depuis  la  dernière  sortie.  En  ce 
temps-là,  Guillaume  Lévieil  travaillait  beaucoup,  et  gagnait  large- 
ment ce  qui  était  nécessaire  à  sa  nombreuse  famille.  La  mode, 
cependant,  n'était  pins  aux  vitraux  :  partout  on  les  faisait  enlever 
et  Tr-mplacer  par  des  vitreries  élégantes  mais  incolores,  et  Guillau- 
me Levieil  avait  dû  transformer  son  atelier  de  peinture  en 
manufacture  de  vitrerie.  De  là,  nécessairement,  était  venu  un  plus 
grand  nombre  d'ouvriers,  et  non  plus  de  ceux  qui,  ayant  étudié 
le  dessin  et  la  peinture,  s'élevaient  au-dessus  des  humines  du 
commun.  Afin  de  soustraire  pendant  plusieurs  heures  chaque  jour 
Jean  et  André  au  contact  de  ces  vulgaires  compagnons,  Guillaume 
les  envoyait  dessiner  dans  l'atelier  de  François  Jouvenet,  leur 
parent,  et  chez  Varin,  fondeur  et  ciseleur  du  Roi.  Guillaume  es- 
pérait que  ses  fils,  plus  heureux  que  lui,  verraient  le  bel  art  de  la 


LE  PROPAGATEUR  547 


peinture  sur  un  serre  reprendre  faveur  ;  mais,  depuis  qu'en  17U9 
Levieii  avait  été  chargé  par  Maasard  de  terminer  les  travaux  de 
la  chapelle  du  château  de  Versailles  eu  ceux  du  dô  ne  des  Invali- 
des, vitraux  sans  sujets,  ornés  seulement  de  bordures  et  de  chiffres, 
Levieil  n'avait  eu  occasion  de  peindre  qu'an  grand  Christ  pour 
l'église  des  Gélestins,  d'a'^rès  un  carton  de  Jean  Jouveaet,  parrain 
de  son  fils,  et  deux  ou  trois  autres  verrières  de  peu  d'importance. 
La  décadence  de  son  an  l'attristait,  et,  tout  en  se  rappelaat  avec 
orgueil  que  depuis  deux  cents  ans  les  Levieil  étaient  peintres  ver- 
riers, il  se  demandait  quelquefois  s'il  avait  bien  fait  de  donner  cet 
état  à  ses  deux  fils,  au  lieu  de  diriger  leurs  études  vers  K  peinture 
de  genre,  qui  enrichissait  alors  Bouclier,  Lancret,  Watteau  et  bien 
d'autres. 

Lorsque  Pierre  Levieil  arriva  à  la  maison  de  son  père,  il  fut 
étonné  de  voir  la  porte  de  la  rue  entr'ouverte.  L'herbe  croissait 
dans  la  cour,  deux  ou  trois  vitres  maaquaient  aux  fenêtres,  et  l'on 
enten  lait  chanter  dans  l'atelier  une  chanson  des  rues,  accom- 
pagnée par  le  bruit  d'une  conversation  animée.  Pierre  traversa  la 
cour  sans  que  les  ouvriers  fissent  attention  à  lui.  Le  dos  tourné 
aux  fenêtres,  ils  s'amusaient  autour  du  four  ouvert  et  froid.  Au 
seuil  de  la  maison  un  chien  était  couché  ;  il  se  leva  en  gronlant. 

*•  Tout  beau.  Castor  !  "  lui  dit  Pierre. 

Castor  le  flaira,  le  reconnut,  et  se  mit  à  sauter  en  aboyant  de 
ioie.  A  ses  cris,  une  petite  fille  avançi  sa  tête  blonde  sur  la  rampe 
massive  de  l'escalier,  puis  elle  s'enfuit,  et  Pierre  monta.  La  porte 
de  la  chambre  de  son  père  était  ouverte:  il  entendit  sa  voix  et 
celle  de  sa  mère. 

"  Femme,  "  disait  Guillaume,  "  va  vite,  vite,  dire  que  l'on  éteigne 
le7en.  Le  four  chauffe  trop  :  je  le  sens  d'ici,  je  vois  les  étincelles 
jaillir  de  la  cheminée.  Mes  verres  s  iront  gondolés,  perdus!  Cours, 
appelle  Pierre,  Jean,  ma  chère  femme,  je  t'en  prie  !  " 

*'  Mon  ami,  "  disait  Anne  Levieil,  ''  le  four  est  éteint  depuis 
longtemps,  je  t'assure.  Calme-toi,  ne  te  découvre  pas  ainsi  !  " 

Mais  le  malade  s'élançant  hors  de  son  lit,  elle  se  mit  à  appeler 
au  secours;  et  Pierre,  accourant,  saisit  son  père  à  bras-le-corps,  le 
recoucha,  et  le  pria  de  se  tenir  tranquille.  A  sa  voix,  Guillaume 
jeta  un  cri  : 

''  C'est  Pierre  !  "  dit-il,  "  c'est  mon  fils  !  Mère,  regarde-le  1  Je  te 
disais  bien  qu'il  était  là!" 

Et  la  pauvre  mère,  se  jetant  au  cou  de  son  fils,  lui  dit  : 

"  Ah  !  mon  enfant  !  c'est  le  bon  Dieu  qui  t'envoie  !  " 

Au  même  instant  Luce  entrait,  attirée  par  le  bruit.  Elle  ne  fut 
pas  surprise  de  voir  son  frère  ;  mais  lui,  en  la  regardant,  frémit  de 
douleur.  Cette  Lace,  qu'il  avait  laissée  si  belle  deux  ans  aupara- 
vant, n'était  plus  qu'une  ombre.  Ses  grands  yeux  noirs  seuls  étaient 
restés  beaux  ;  mais  ses  joues  pâlies,  ses  cheveux  ternes  et  son  triste 
sourire  annonçaient  que  bientôt  s'achèverait  sa  vie.  Sur  les  pas 
de  leur  sœur  accouraient  les  enfants.  Le  malade  se  souleva  sur  soa 
coude,  et,  les  comptant  des  yeux,  s'écria  : 

(à  suivre.) 


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CJNSDLATIOIIS  UU  PDReiïOlRE 

fd'après 

LES  DOCTEURS  DE  L'EGLISE  ET  LES  REVELATION  DES  SAIOTS 

Par  le  R.  P.  Faure,  S.  M. 

4ème  éditio'i.   I  fort  vol.  in-18....  50  cts 

AU  CIEL  ON  SE  RECOJNNAIT 
""_  Par  le  R,  P.  Blot 

3"(ème  é'iiti'm.  In:  12 25  cts 

LE  LENDEMAIN  DE  LA  VIE 
Par  M.  l'abbé  Henri  Bolo 

In  12 63  cts 

LES  OERNIERES  ETAPES  DE  U  ViE  CHRETIENiE 

Par  yi.  l'abbé  Henri  Bolo         >  j 
In-12 63  cts 


LE    PROPAGATEUR 

Volume  IV,        1er  Novembre,  1893,         Numéro  17 

L'AMI  DU  CLERGÉ 

—  :o:  — 

Cette  revue  française  dont  nous  sommes  encore  actuellement  les 
agents  en  Canada,  contient,  dans  sa  livraison  du  28 Septembre,  un 
avis  intitulé  :  "  A  nos  amis  et  abonnés  du  Canada  "  que  nous  ne 
pouvons  laisser  passer  sans  protestation.  -'•  Nous  avions  cru  devoir 
nous  servir,  dit  l'administration  de  la  revue,  d'une  librairie  inter- 
médiaire pour  les  abonnements  à  VAmi  du  Clergé  et  l'achat  des 
volumes  et  livraisons  de  la  collection  de  cette  Revue.  Ce  moyen 
ne  nous  a  pas  réussi  ;  nous  ne  pouvons  continuer  à  subir  plus  long- 
temps les  pertes  qu'il  a  entraînées  pour  nous." 

Ces  lignes  injustes  et  oJ2"c!nsai)tes  à  notre  égard  demandent  une 
explication.  Avant  nous,  une  autre  maison  de  librairie  de  cette 
ville  avait  l'agence  de  VAmi  du  Clergé.  Elle  y  a  trouvé  si  peu  de 
bénéfices  et  tant  d'ennuis,  qu'elle  a  dû  y  renoncer.  C'est  alors 
que  l'administration  de  cette  revue  nous  a  instamment  sollicités 
de  nous  en  charger.  Nous  ne  nous  sommes  rendus  à  ce  désir  que 
pour  obliger  d'excellents  clients,  et  dans  le  désir  de  répandre  une 
bonne  publication.  A  cet  effet,  nous  avons  conclu  avec  M.  le 
chanoine  Denis,  de  Langres,  des  arrangements  auxquels,  pour 
notre  part,  nous  sommes  restés  scrupuleusement  fidèles.  Nous 
nous  sommes  efforcés,  dans  la  mesure  de  nos  forces  et  de  notre 
influence,  de  recruter  des  abonnés  ;  et  nous  pouvons  nous  rendre  ce 
témoignage  qu'en  moins  de  deux  ans,  nous  avons  doublé  la  circu- 
lation de  la  Revue  -en  ce  pays. 

Nous  avons  fidèlement  envoyé  en  France  les  sommes  provenant 
des  abonnements,  chaque  fois  que  l'importance  des  recouvrements 
justifiait  un  envoi  d'argent,  et  nous  avons  même,  assez  souvent, 
envoyé  ainsi  des  abonnements  qui  ne  nous  avaient  pas  encore  été 
payés.  Malgré  tout  cela,  nous  recevions  constamment  des  demandes 
d'argent,  en  des  termes  qui  n'étaient  pas  toujours  courtois  ni  même 
convenables,  et  nos  observations  à  ce  sujet  ne  paraissaient  rencon- 
trer que  méfiance  et  incrédulité.  A  ces  ennuis  déjà  intolérables, 
il  fallait  en  ajouter  bien  d'autres: 

li  arrivait  que  des  abonnés  envoyaient  directement  en  France 
l'argent  de  leur  abonnement;  or,  jamais  l'administration  ne  daignait 
nous  en  aviser,  et  nous  ne  l'apprenions  que  par  les  abonnés  eux- 
mêmes,  lorsque  nous  leur  envoyions  un  avis  de  se  mettre  en 
règle. 

VAmi  du  Clergé  s'engage  à  remplacer  gratuitement  à  ses  abonnés 
les  numéros  qui  peuvent  s'égarer  à  la  poste.  Nous  transmettions 
les  réclamations  de  ceux  à  qui  manquaient  ainsi  des  numéros.  On 
les  remplaçait,  mais  on  avait  soin  de  nous  les  porter  en  compte. 

33 


554  LE  PROPAGATEUR 


Lns  de  tous  ces  enauis,  et  reconnaissant  que  loin  d'être  pour 
nous  une  source  de  profits,  si  minimes  qu'ils  fussent,  l'agen- 
ce en  question  ne  nous  occasionnait  que  des  pertes,  nous  avons,  à 
la  date  du  29  juin  dernier,  donné  avis  à  M.  le  chanoine  Denis  que 
nous  cesserions  d'être  ses  agents  en  Gmada  à  partir  du  31 
Décembre  prochain. 

L'administration  de  VAmi  du  Clergé  devait  nécessairement  porter 
ce  changement  à  la  connaissance  de  ses  abonnés  canadiens  ;  mais 
rien  ne  la  justifie  d'avoir  joint  à  son  avertissement  des  observa- 
tions de  nature  à  nons  nuire  dans  l'esprit  de  nos  clients.  C'est  un 
trait  de  malice  toute  gratuite  et  imméritée  contre  laquelle  nous 
protestons  énergiquement. 

Nous  souhaitons  à  cette  revue  française  un  grand  succès  parmi 
nous,  dans  ses  relations  directes  avec  notre  clergé;  mais  si  elle 
veut  obtenir  ce  résultat  désirable,  nous  lui  conseillons  d'apporter 
plus  d'exactitude  dans  son  administration  et  plus  de  délicatesse 
dans  ses  procédés. 


VIENT    DE   PARAITRE 

CHEZ   OADiEux:   &   i>er.om:e 


UNE    QUATRIÈME     MINE 


DANS  LE   CAMP   ENNEMI 

PAR  LE 

R,  P.  Z.  LAÇASSE,  0.  M.  I. 

1  vol.   in-t8   de   220  pages,    prix   chaque  25   cts,    la  douz.   S2.40 


TABLE  DES  MATIÈRES 

Pbéface. — Chapitre  I.  No-  ennemis  déclarés. — Chapitre  II.  Nos  ennfmis  fran- 
cissons.— Chapitre  III.  Nos  ennemis  cachés. — Chapitre  IV.  Nos  ennemis 
réformateurs. — Chapitre  V.  Nos  ennemis  juifs. — Chapitre  VI.  Ne  s  ennt  mis 
fiancs-maçons.—  Chapitre  VII.  Nos  ennemis  écrivains. — Chapitre  VIII.  Nos 
ennemis  libraires. — Chapitre  IX.  Nos  ennemis  joliliciens -Chapitre  X.  Nos 
enntmiE-amis — Chapitre  XI.  Nos  ennemis  à  i-i  Sl-Jean-Ba|lU!^te  ei  à  la  fré- 
gate italienne. — Chapitre  XII.  Nos  ennemis  dans  la  famille.-CHAPiTRE  XIII. 
Nos  ennemis  les  e-c:ave?  du  luxe  et  de  l'inlempérance. — Concldsion. 

UNE   NOUVELLE   MINE 


LE  PEETRE  ET  SES   DETRATEURS 

LE  PRÊTRE  YENGE 

par  le 

R.  p.  z.  LAÇASSE,  O  M.  L 

1  ^ol.  In- 18  de  276  pages Piix  chaque  25  cts,  la  douzaine  $2.40 


BULLETIN 


23  Octobre  1893. 

*^*  La  France  donne  actnellement  des  fêtes  spleadides  aux  marins 
russes.  Ces  fèies  sont  ie  digne  pendant  des  fêtes  données  par  la 
Russie  aux  maùns  français  en  1891.  En  effet  en  cette  année  là 
une  escadre  française,  sous  les  ordres  de  l'amiral  Gervais,  se  ren- 
dit à  Gronstadt  et  y  resta  quel(]ues  jour?;. 

G'était  au  commencement  de  l'entente  entre  les  deux  nations. 
La  réception  fut  cordiale  et  enthousiaste  à  l'extrême.  Jamais 
témoignages  d'amitié  et  de  sympathie  ne  furent  prodigués  comme 
en  cette  occasion,  et  ces  sentiments  furent  partagés  par  le  peuple 
russe  tout  entier. 

Aujourd'hui  l'alliance  entre  les  deux  pays  paraît  consommée  et 
une  escadre  russe,  commandée  par  l'amiral  Avellan,  vient  à  son 
tour  dans  les  eaux  françaises  remettre  la  visite  de  Gronstadt  Elle 
est  à  Toulon  où  la  réception  a  eu  lieu  avec  une  splendeur  inouïe 
et  un  enthousiasme  indescriptible. 

L'amiral  et  une  cinquantaine  d'officiers  de  l'escadre  sont  actuel- 
lement à  Paris  où  la  réception  a  été  encore  plus  grandiose  qu'à 
Toulon.  Partout  le  long  de  la  route  de  Toulon  à  Paris,  les  popula- 
tions se  sont  transportées  aux  gares  pour  acclamer  les  marins 
russes.  Lu  France  entière  est  dans  la  joie.  Outre  les  sympathies 
qui  existent  entre  les  deux  races,  l'intérêt  commun  les  réunit  pour 
résister  aux  empiétements  de  la  triple  alliance  et  détruire  son 
œuvre  néfaste. 

A  Toulon  les  marins  russes  ont  été  reçus  officiellement  par 
l'amiral  Rieunier,  ministre  de  la  Marine. 

A  Paris  ils  ont  été  présentés,  par  l'embassadeur  de  Russie,  au 
président  Garnot  qui,  comme  chef  de  l'état,  représentait  la  nation 
entière. 

Puisse  cette  alliance  entre  les  deuxgrandes  nations  être  féconde 
en  résultats  bienfaisants. 

Un  journal  italien  favorable  à  la  France,  le  Secolo,  de  Milan,  a 
publié,  à  la  date  du  3  octobre,  un  arucle  d'une  grande  importance. 
11  est  relatif  aux  fêtes  actuelles. 

"  Il  est  impossible,  dit-il,  de  comprendre  la  signification  des  inveciives  plemes 
de  colère,  îles  sarcasmes,  d^^s  interprétation-^  sinistres  auxquels  donne  lieu  l'en- 
voi d'une  escidre  russe  à.  Toulon,  pour  rendre  la  visite  faite  par  la  flotte  fran- 
çais»^ à  Gronstadt  en  automne  189!, 

"  Déplorable  ou  non,  l'alliance  franco-russe  est  une  nécessité  inéluctable  pour 
les  deux  Etats;  aucun  des  deux  n'abandonne  les  principes  qui  sont  la  base  de 
son  gouvernement;  mais,  attaques  dans  leur  existence,  ils  se  défendent  tous  les 
deux. 

"  Séparez  la  Russie  de  la  France,  et  l'Allemagne,  dans  trois  mois,  lancera  la 
Triple  alliance  sur  les  Vosges,  et  notre  Roland-le-Furieux,  le  général  Pelloux, 
stimulera  encore,  par  son  impatience,  la  lenteur  des  gens  du  Nord. 

"  S-^parez  la  France  de  la  Russie,  et  l'Autriche  se  précipitera  sur  le  Danube, 
en  traînant  derrière  elle  les  bataillons  alpins  du  général  Pelloux  et  la  lourde 
cavalerie  de  Guillaume  II. 


556  LE  PROPAGATEUR 


L'amiral  Avellan,  qui  commande  l'escadre  russe,  est  né  en  1838. 
Sa  famille  est  d'origine  française;  elle  s'est  établie  en  Russie  sons 
le  règne  de  Catherine  IL 

Toulon,  où  l'escadre  se  trouve  actuellement  est  situé  dans  le  dé- 
partement du  Var.  C'est  un  port  militaire  Si  population  est  de 
80,000  habitants.  Sa  rade  et  ses  arsenaux  font  sa  renommée.  On 
fait  remonter  la  fondation  de  cette  ville  aux  Romains  dans  le  4è 
siècle  de  notre  ère. 

* 

*,*  Les  élections  générales  pour  la  seconde  cha  mbre  du  parle" 
lement  de  la  Suède  ont  eu  lieu  dernièrement.  Ces  élections  se  sont 
faites  principalement  sur  les  questions  de  la  protection  commer- 
ciale et  du  libre-échange.  L'éleclorat  s'est  prononcé  en  faveur  du 
libre  échange. 

La  nouvelle  chambre  se  compose  de  85  protectionnistes  et  de  145 
libre-échangistes. 

*/  Un  nouveau  cabinet  vient  d'être  formé  au  Pérou.    En  voici 
la  composition. 
M.  Jiménès,  premier  ministre  et  ministre  des  affaires  étrangères. 
M.  Gaston,  mmistre  de  l'intérieur. 
M.  Figuera,  ministre  de  la  Justice. 
M.  Gonzalès,  ministre  des  Finances. 
M.  Somocurtio,  ministre  de  la  guerre. 

*/  Le  19  octobre  M.  l'abbé  Louis  Ignace  Guyon,  vicaire  forain 
et  curé  de  Saint  Eustache,  comté  des  Deux  Montagnes,  a  célébré 
son  cinquantième  anniversaire  de  prêtrise.  Le  village  de  Saint 
Eusiache  était  élégamment  décoré  pour  cette  circonstance  solen- 
nelle. Les  cérémonies  qui  ont  eu  lieu  à  l'église  ont  été  magnifiques. 
Deux  archevêques,  deux  évêques,  un  grand  nombre  de  prêtres  et 
une  grande  foule  de  citoyens  y  assistaient.  M.  le  chanoine  Bruchési 
a  été  l'orateur  du  jour.  Après  les  cérémonies  religieuses  un  grand 
banquet  a  été  donné  dans  la  salle  du  collège. 

M.  Guyon  est  né  à  Verchères  le  11  juillet  1816.  11  a  fait  ses 
études  classiques  et  ihéologiques  au  collège  de  Saint  Hyacinthe 
et  il  a  été  ordonné  prêtre  le  22  Octobre  1843.  Il  a  été  successive- 
ment vicaire  à  Sorel  et  à  Saint  Gabriel  de  Brandon,  et  curé  de 
Sainte  Mélanie,  de  Saint  Ambroise  de  Kildare,  de  Sainte  Elizabeth 
et  enfin  de  Saint  Eustache.  Il  est  curé  de  cette  paroisse  depuis  33 
ans  et  il  est  vicaire  forain  depuis  12  ans. 

Saint  Eusiache  est  célèbre  par  la  bataille  qui  eut  lieu  en  1837 
entre  les  patriotes  et  les  troupes  anglaises.  Les  patriotes  retranchés 
dans  l'église  y  soutinrent   un  siège  en  règle,  mais  l'incendie,  qui 


LE  PROPAGATEUR  557 


la  consuma  en  grande  partie,    les  força  de  l'abandonner.     Le  Dr. 
Chénier,  chef  des  patriotes,  fat  tué  dans  le  cimetière. 

*^'  Sont  décédés  en  France  dans  le  cours  des  derniers  mois. 

lo.  Michel  Peter,  célèbre  médecin.  Il  était  en  dernier  lieu  pro- 
fesseur de  clinique.  Il  est  né  en  1824  et  il  a  d'abord  été  typographe. 
On  lui  doit  plusieurs  ouvrages  sur  la  médecine.  11  était  l'adver- 
saire de  Pasteur,  et  dans  la  lutte  qu'il  soutint  contre  ce  dernier 
sur  la  grande  question  des  microbes  il  eut  beaucoup  de  partisans 
nommés  les  pétéristes.  Les  disciples  de  Pasteur  s'appelaient  les 
pastoristes. 

En  apprenant  la  mort  du  Dr  Peter,  Pasteur  s'est  transporté  à  sa 
résidence  et  il  a  demandé  à  madame  Peter  de  l'introduire  dans  la 
chambre  mortuaire  afin  d'y  prier  pour  le  repos  de  l'âme  de  son 
rival.  Cette  conduite  de  l'illustre  savant  a  excité  l'admiration 
générale. 

2o.  Le  docteur  Blanche,  célèbre  médecin  aliéniste.  Il  était  âgé 
de  73  ans.  Il  a  été  directeur  à  Passy,  d'une  maison  de  santé  fondée 
par  son  père.  La  mort  de  Blanche  a  été  le  digne  couronnement 
d'une  vie  qu'il  a  passée  en  faisant  le  bien. 

3o.  Le  docteur  Jean-Marie  Charcot.  Il  est  né  à  Paris  en  1825  et 
il  obtint  le  titre  de  docteur  en  1853.  Il  s'est  spécialement  occupé 
des  maladies  nerveuses  et  d'hypnotisme.  Il  a,  dit  un  journal, 
"  élucidé  un  grand  nombre  de  questions  relatives  aux  maladies 
*^  du  foie,  des  reins,  de  la  moelle  épinièr-:!.  En  appliquante  l'homme 
"  les  découvertes  des  vivisecteurs  sur  le  cerveau  des  animaux,  M. 
"  Charcot  enrichit  la  physiologie  cérébrale  du  chapitre  des  locali- 
"  salions.  "  Malheureusement  Charcot  était  impie  et  matérialiste. 
Il  se  moquait  des  miracles  et  il  a  souvent  employé  ses  talents  et 
sa  science  à  soutenir  des  doctrines  anti-religieuses.  D'après  lui, 
dit  la  gazette  de  France,  "  rdme  est  une  invention  des  religions  qui 
"  avaient  besoin  d'un  domaine  surnaturel.  La  matière  organisée 
"  devient  la  matière  sensitive,  puis  la  matière  agissante^  et  enfin  la 
"  matière  pensante.  La  science  ne  peut  rien  en  dehors  de  cette  thèse. 

"  Et  c'est  en  partant  de  ce  principe.,  en  voulant  prouver  que  tous  les 
"  miracles  ne  sont  que  le  résultat  défaits  physiologiques  et  scientifiques 
**  que  M.  Charcot  a  poursuivi  ses  recherches  sur  l'hypnose  et  sur  la 
"  suggestion.  " 

Le  Dr  Charcot  a  publié  plusieurs  ouvrages  de  médecine  et  un 
grand  nombre  d'articles,  d'études,  de  mémoires  sur  le  ramollisse- 
ment du  cerveau,  le  rhumatisme,  les  maladies  chroniques  etc.  Ses 
leçons  cliniques  ont  été  traduites  dans  toutes  les  langues  de  l'Eu- 
■  rope. 

Quoiqu'il  soit  mort  sans  avoir  eu  le  temps  de  se  reconnaître, 
Charcot  a  eu  des  funérailles  religieuses.  Cela  est  dû,  sans  aucun 
doute,  à  certaines  circonstances  particulières  ignorées  du  public. 

4o.  L.  Larombière,  jurisconsulte  distingué.    Il  était  âgé  de  80 


)58  LE  PROPAGATEUR 


ans.  M.  Larombière  est  entré  dans  la  magistrature  en  1841  et  il  a 
été  président  à  la  cour  impériale  de  Limoges,  premier  président  à 
la  cour  de  Paris,  président  de  chamDre  à  la  cour  de  Cassation  etc. 
Ou  lui  doit  un  Traité  des  Obligations  en  5  volumes.  C'est  un  ou- 
vrage d'un  grand  mérite. 

5o.  A  Paris  le  6  Juillet,  à  l'âge  de  43  ans,  Guy  de  Maupassant 
célèbre  romancier,  de  l'école  naturaliste.  Il  était  foi  depuis  plu- 
sieurs années.  Maupassant  était  un  des  maîtres  dans  l'art  d'écrire 
et  son  beau  style,  dit  un  journal,  était  clair,  sobre,  harmonieux  et  fort. 
Malheureusement  il  a  mal  employé  les  talents  dont  Dieu  l'avait 
doué.  Ses  deux  meilleurs  ouvrages  sont  Notre  Cœur  et  Une  Vie. 

6o.  Madame  Anaïs  Ségalas,  femme  de  lettres,  à  l'âge  de  87  ans. 
Elle  a  écrit  beaucoup  d'ouvrages.  Ce  sont  surtout  des  lomans  pour 
jeunes  filles. 

7o.  Mario  Uchard,  auteur  dramatique  et  romancier-  Sa  femme 
était  une  actrice  dont  il  fut  séparé  judiciairement  peu  de  temps 
après  son  mariage.  On  prétend  qee  quelques-unes  de  ses  pièces  de 
théâtre  étaient  la  peinture  de  ses  déboires  matrimoniaux. 

8o.  Mgr  Arthur  Xavier  Ducellier,  archevêque  de  Besançon.  Il 
est  né  à  Soliers,  département  du  Calvados  le  1er  septembre  1832, 
et  il  a  été  ordonné  prêtre  le  1 1  Octobre  1857.  Il  fut  sacré  évêque 
de  Bayonne  le  24  septembre  1878  et  nommé  archevêque  de  Besan- 
çon le  16  aviil  1887.  Sa  juridiction  s'étendait  sur  874  paroi.-ses. 
Cet  homme  éminent  avait  une  lègle  de  conduite  qu'il  a  toujours 
scrupuleusement  observée  ;  s'était  de  se  guider  d'après  les  principes 
et  de  ne  jamais  faire  d'arbitraire. 

9o.  Mgr  Pierre  Soubiranne,  archevêque  de  Césarée  et  ancien 
évêque  de  Belley.  Il  avait  63  ans. 

10.  M.  le  chanoine  Pomian,  un  des  témoins  des  apparitions  de 
Lourdes.  Il  avait  été  le  confesseur  de  Bernadette  et  l'avait  préparé 
à  sa  première  communion.  (La  Croix) 

llo.  Mgr  Lacarrière,  ancien  évêque  de  la  Basse-Terre  à  la  Gua- 
deloupe. Depuis  3j  ans  il  habitait  la  paroisse  de  Trioulou,  dépar- 
tement du  Cantal.  Possesseur  d'une  grande  fortune  il  était 
généreux  et  charitable  et  ses  bonnes  œuvres  sont  nombreuses. 

12o.  Mr  l'abbé  Wathelet,  aumônier  de  la  colonne  du  général 
Dodds  avec  qui  il  a  fait  la  campagne  du  Dahomey.  "  Il  emporte 
'•  avec  lui,  dit  La  Croix,  les  regrets  de  nos  vaillants  soldats  du 
"  Dahomey  qui  étaient  unanimes  à  rendre  hommage  à  son  héroï- 
"  que  dévouement  et  à  son  zèle  sacerdotal.  " 

13o.  Le  général  Marie  François  Joseph  de  Miribel,  chef  d'état 
major  général  de  l'armée  française  et  l'un  des  premiers  stralé- 
gistes  du  monde.  Sa  mort  est  une  perte  immense  pour  la  France 
dont  il  était  l'espoir.   Il  avait  réorganisé  son  armée  et  préparé  des 


LE  PROPAGATEUR 


559 


plans  de  mobilisation  que  les  militaires  proclament  des  chefs 
d'œuvre. 

La  France  entière  avait  mis  sa  confiance  en  lui.  Elle  espérait 
qu'il  serait  à  son  poste  au  jour  de  la  revanche  nationale  et  qu'il 
conduirait  ses  soldats  à  la  victoire. 

De  Miribel  était  un  homme  de  génie,  un  brave  et  pardessus  tout 
un  chr'itien  convaincu  et  pratiquant.  Il  s'est  distingué  sur  les 
champs  de  bataille  de  Grimée,  d'Italie,  du  Mexique  et  de  France. 
Il  a  versé  son  sang  en  plusieurs  circonstances.  Il  a  gagné  tousses 
grades  et  il  a  amplement  mérité  les  honneurs  qui  lui  ont  été 
rendus. 

Le  général  est  né  à  Montbonnot,  département  de  l'Isère,  le  14 
septembre  1831,  et  il  est  mort  le  12  septembre  1893.  Gomme  je  l'ai 
dit  plus  haut,  il  a  fait  les  campagnes  de  Grimée,  d'Italie  et  du 
Mexique.  Il  a  été  grièvement  blessé  à  la  bataille  de  Magenta  et 
décoré  sur  le  champ  de  bataille.  Il  a  reçu  une  balle  à  la  tête  à 
l'assaut  de  Puébla,  au  Mexique.  Il  fut  nommé  lieutenant  en  1855, 
capitaine  en  1859,  lieutenant  colonel  en  1870,  colonel  en  1»71, 
général  de  brigade  en  1875,  général  de  division  en  1880,  comman- 
dant du  6e  corps  d'armée  le  21  octobre  1888,  et  enfin  en  1890,  chef 
d'état  major  général  de  l'armée,  charge  qui  venait  d'être  créée. 
Il  fut  aussi  deux  fois  chef  d'état  major  général  des  ministres  de 
la  guerre,  le  général  de  Eochebouet  et  le  général  Gampenon.  Les 
radicaux  qui  connaissaient  les  convictions  religieuses  et  les  idées 
conservatrices  de  Miribel  reprochèrent  vivement  à  Gambetta  de 
lui  avoir  confié  des  fonctions  importantes  etils  l'accusèrent  même 
d'avoir  des  tendances  cléricales. 

On  a  fait  au  général  des  funérailles  magnifiques  dans  la  cathé- 
de  Grenoble,  et  l'évêque  Mgr  Favaa  prononcé  son  oraison  funèbre. 
Il  a  admirablement  parlé  de  ce  héros  catholique  sans  peur  et  sans 
reproche  qui,  dans  ces  jours  de  lâches  apostasies,  n'a  jamais  reculé 
dans  la  manifestation  publique  de  ses  croyances.  Dans  le  cours 
de  son  sermon,  l'orateur  a  fait  le  tableau  de  l'état  politique  de 
l'Europe  et  notamment  de  celui  de  la  France  lors  de  la  dernière 
guerre  et  il  a  déploré  la  guerre  de  Crimée,  où  la  France  a  combattu 
une  nation  amie,  la  Russie,  la  guerre  d'Italie  où  elle  a  combattu 
une  nation  catholique,  l'A-utriche,  l'unité  de  l'Italie^  qui  est  l'exé- 
cution du  plan  des  sectaires,  et  enfin  l'abandon  du  Saint-Siège. 

*^*  La  Gazette  Officielle  de  Québec  a  publié  la  proclamation  du 
lieutenant  gouverneur  convoquant  la  Législature  pour  le  9 
Novembre. 

Ar.BY. 


CELUI    QUI     EST     LA    REVOLUTION 


Par  Fred.  de  CURLET  S.  J. 

1    vo).  iii-8 ^[,2b 


dans  la  Société  chrétienne 
Par   CHARLES    XXX 

l  vol.  in  12 S0.88cls. 


LE  MAL  SOCIAL 

SES  CAUSES— SES   REMÈDES 

MÉLANGES   ET    CONTROVERSES   SUR  LES 
PRINCIPALES   QUESTIONS-  RELIGIEUSES   ET   SOCIALES    DU   TEMPS   PRÉSENT 

Par  ]>oii  ISarday  ISalvany 

3  vol.  in-l2 Prix  :  $1.38 

L'IGNOBANCE 


Quel  sera,  ami  lecteur,  le  pire  de  nos  maux,  au  milieu  de  tous 
ceux  qui  nous  affligent  depuis  longtemps  ?  Sera-ce  cette  opposition 
systématique  que  les  puissances  de  la  terre  s'efforcent  de  faire  à 
l'Eglise  de  Dieu,  en  se  liguant  partout  avec  ses  ennemis?  Sera-ce 
la  corruption  des  moeurs  qui  menace  de  faire  de  nous  un  peuple 
d'insensés  et  de  brutes,  au  point  que  c'est  à  peine  si  l'on  trouve  un 
enfant  innocent,  un  jeune  homme  sensé,  un  vieillard  judicieux. 

Sera-ce  cette  universelle  lâcheté  dans  la  pratique  du  bien,  ce 
stupide  qu'en  dira-t-on,  qui  fait  que  les  bons  s'allient  aux  méchants, 
uniquement  par  crainte  de  baisser  dans  leur  opinion  ?  Ls  déchaîne- 
ment de  la  presse  ?  La  licence  sceptique  de  l'enseignement  ? 
L'horrible  pouvoir  des  sociétés  secrètes? 

Ah  I  il  y  a  un  mal  au-dessus  de  ces  maux,  une  calamité  pire  que 
ces  calamités,  un  ennemi  plus  funeste  que  tous  ces  ennemis. 

Je  le  dirai,  tout  bas,  bien  bas,  à  nos  amis,  pour  que  nos  ennemis 
ne  l'entendent  pas  ;  je  le  dirai,  la  rougeur  et  la  honte  au  front,  et 
le  cœur  brisé.  Ce  mal,  c'est  notre  ignorance,  notre  ignorance 
grossière  et  coupable  des  choses  de  la  religion. 

Qu'un  militaire  ne  connaisse  pas  les  choses  de  la  guerre,  qu'un 
médecin  ignore  la  médecine,  un  avocat  la  législation,  j'en  suis 
moins  étonné  que  de  voir  un  catholique  ne  sachant  presque  rien 
du  catholicisme.  Et  pourquoi  le  cacher?  En  Espagne,  un  grand 
nombre  de  catholiques  se  trouve  dans  cette  situation. 

Et  notez  que  je  ne  me  préoccupe  point  en  ce  moment  de  ces 
malheureux  qui  conservent  de  notre  sainte  religion  uniquement 
le  caractère  indélébile  du  Baptême,  vivant  pour  tout  le  reste  li- 
bres-penseurs consommés  ou  au  moins  en  indifférents  absolus.  Je 
me  borne  à  parler  ici  de  ceux  qui  n'ont  pas  renié  leur  foi,  de  ceux 
qui  aiment  les  pratiques  chrétiennes,  de  ceux  qui  se  permettraient 
de  donner  à  leurs  enfants  une  éducation  rigoureusement  catho- 
lique, de  ceux  qui  vont  à  la  messe  tous  les  jours  de  dimanches  et 
de  fêtes  d'obligation,  et  accomplissent  ponctuellement  les  autres 
préceptes  de  l'Eglise.  Je  parle,  en  un  mot,  de  la  portion  choisie, 
du  petit  troupeau  (pusillus  grex)  à  qui  on  peut  et  on  doit,  en  toutes 
justice  et  vérité,  donner  le  titre  honorifique  de  peuple  fidèle.  Or,, 
j'affirme  que  ceux-là  même  n'ont  pas  communément  le  degré 


LE  PROPAGATEUR  56! 


d'instruction  religieuse  indispensable  à  notre  époque,  pas  mêmes 
souvent  celui  qui  fut  nécessaire  à  tout  chrétien  à  une  époque 
quelconque. 

J'ai  été  déterminé  à  traiter  ce  sujet,  auquel  je  consacrerai 
quelques  paragraphes,  par  une  petite  lettre  d'un  de  nos  amis  de 
province,  personnage  à  qui  je  suppose  d'excellentes  intentions, 
mais  qui  m'est  absolument  inconnu,  et  qui,  en  se  plaignant  de 
cette  ignorance  générale,  me  cite  deux  faits  récents  qui  donneraient 
envie  de  rire  s'ils  donnaient  moins  sujet  de  pleurer.  Je  ne  citerai 
pas  les  détails  ;  il  s'agit  en  substance  de  bons  catholiques  de  la 
classe  lettrée  qui  n'exigeaient  rien  moins  de  leur  pasteur  que  la 
réitération  du  sacrement  de  Baptême,  afin  qu'on  pût  employer 
comme  marraine  une  dame,  fort  mécontente  et  afQigé  de  ce  qu'on 
n'avait  pas  pensé  à  elle  au  moment  du  premier  Baptême.  Une 
autre  famille  aisée  demandait  à  un  bon  prêtre  qu'il  célébrât  la 
messe  dans  son  oratoire  particulier,  ne  voyant  pas  l'inconvenance 
provenant  ici  de  ce  que  ce  prêtre  avait  déjà  déjeûné.  On  nous  a  cité 
les  noms,  les  dates  et  les  localités  en  cause  dans  ces  deux  cas. 

Eh  bien  !  si,  dans  des  questions  si  simples  et  si  ordinaires,  il  y  a 
une  telle  ignorance,  que  sera-ce  dans  les  questions  les  plus  élevées 
et  les  moins  connues  ?  Déjà,  dans  une  autre  occasion,  nous  disions 
à  ce  sujet  :  Interrogez  un  grand  nombres  d'hommes  très  versés 
dans  les  lettres,  ayant  même  leurs  grades  académiques,  sur  le 
mystère  de  l'Immaculée-Gonception  de  Marie,  mystère  le  plus 
populaire  en  Espagne,  et,  sur  cent,  vous  en  trouverez  plus  de 
quatre- ving  dix  qui  vous  répondront  en  confondant  ce  mystère 
avec  celui  de  la  Virginité  perpétuelle  de  la  Mère  de  Dieu.  Je  parle 
par  expérience.  Que  sera-ce  donc  si  nous  interrogeons  sur  les 
mystères  les  plus  profonds  ?  Les  réponses  matérielles  du  caté- 
chisme elles-mêmes  s'cubhent  peu  de  temps  après  qu'on  a  quitté 
l'école.  On  ne  fait  rien  pour  les  rappeler  pendant  toute  la  jeunesse, 
et  lorsque,  dans  la  maturité  de  l'âge,  on  entend  les  enfants  et  les 
petits-enfants  les  réciter  elles  semblent  à  plusieurs  une  lettre 
absolument  inconnue  ou  pour  le  moins  oubliée.  Hommes  du 
monde,  en  êtes  vous  là,  oui  ou  non  ? 

Et  cependant  il  est  certain  qu'il  y  a  une  partie  de  la  religion 
tellement  essentielle  que  si  on  ne  la  connît  pas,  on  ne  peut  obtenir 
son  salut  éternel.  Il  est  certain  également  qu'il  y  en  a  une  autre 
partie  qui,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  mdispensable  au  salut,  ne 
saurait  être  ignorée,  parce  qu'il  est  prescrit  de  la  connaître.  Et  il 
n'est  pas  moins  certain  que  la  plupart  des  questions  que  l'on  traite 
aujourd'hui  en  public,  et  qui  se  traitent  dans  les  journaux,  les 
parlements,  les  clubs  et  les  soirées  intimens,  sont  des  questions 
religieuses.  Il  est  déplorable  et  honteux  pour  un  catholique 
d'écouter  sans  mot  dire  les  attaques  dirigées  contre  sa  foi,  pour 
la  triste  raison  que  le  malheureux  ne  sait  pas  défendre  cette  foi, 
qui  est  pourtant  la  sienne.  Dites-moi,  lecteurs  impartiaux,  ne  vous 
étes-vous  pas  trouvés  plus  d'une  fois  dans  cette  pénible  situation  ? 

Je  vais  donc,  dans  ces  quelques  pages,  faire  appel  à  votre  bon 
sens,  afin  que  vous  donniez  à  votre  instruction  religieuse  person- 


562  LE  PROPAGATEUR 


nelle  et  à  celle  des  membres  de  votre  famille  l'importance  qu'elle 
mérite  réellement  à  notre  époque.  Vous  le  voyez,  je  n'ai  pas  hésité 
à  appeler  cette  ignorance  le  pire  de  nos  maux. 

Celui  qui  maintenant  trouverait  cette  expression  exagérée,  la 
trouvera  peut  être  faible  en  achevant  la  lecture  de  ces  paragraphes. 
Aussi  bien  me  proposè-je  de  montier  la  gravité  de  ce  mal,  le  profit 
qu'en  letire  l'enfer,  les  mille  calamités  publiques  et  privées  dont 
il  est  la  cause  ou  l'occasion,  et  surtout  la  souveraine  félicité  avec 
laquelle  on  pourrait  y  porter  remède,  si  les  catholiques  le  vou- 
laient. Personne  n'ignore  le  soin  que  npus  mettons  à  rendre  nos 
écrits  toujours  très  pratiques  et  opportnns.  Le  sujet  que  nous 
abordons  en  ce  moment  aura  même  plus  que  les  autres  ces  qualités. 
Dieu  veuille  accorder  à  nos  humbles  réflexions  l'efficacité  et  la 
fécondité  de  sa  divine  impulsion  ! 


II 

Pourquoi  appelons-nous  l'ignorance  religieuse  le  pire  de  nos  maux? — 
Coup  (l'œil  sur  l'état  présent  du  peuple  espagnol.  (1) 

Pour  comprendre  jusqu'à  quel  point  est  exacte  celte  expression 
appliquée  à  l'ignorance  générale  en  matière  de  religion,  que  nous 
déplojous  à  notre  époque,  il  suffira  de  considérer  ce  qu'est  la 
religion  et  ce  qu'est  l'homme  sans  son  précieux  secours. 

La  religion  est  à  la  fois  lumière  pour  Tentendemet,  force  pour 
la  volonlé,  consolation  pour  le  cœur.  Lumière  pour  l'entendement, 
parce  qu'elle  enseigne  ce  que  doit  savoir  l'homme  touchant  son 
origine  divine,  sa  fin  suprême  et  les  moyens  de  l'obtenir.  Force 
pour  la  volonté,  parce  qu'elle  l'aide  puirssamment  à  agrir  d'une 
façon  conforme  à  ces  moyens  ;  elle  la  stimule,  si  elle  s'affaiblit  ; 
elle  la  réveille,  si  elle  s'endort  ;  elle  la  relève,  si  elle  se  laisse 
choir;  elle  la  soutient,  si  elle  défaille.  Enfin  consolation  pour  le 
cœur,  parce  que,  comme  il  y  a  inévitablement  dans  ce  chemin  des 
difficultés  à  vaincre  et  des  ennemis  à  combattre,  tout  combat  et 
toute  victoire  supposent  la  souffrance,  la  persécution,  l'angoisse 
morte-Ile,  et  par  là  même  aussi  la  nécessité  de  la  consolation. 

D'où  il  suit  que  la  religion  procure  à  l'homme  la  satisfaction 
des  besoms  les  plus  impérieux  de  son  esprit:  le  besoin  de  savoir, 
le  besoin  d'agir,  le  besoin  d'être  consolé. 

Or,  supposez  un  homme  qui,  par  sa  faute  ou  par  la  faute  d'autrui 
se  trouve  privé  de  ces  trois  éléments  de  vie  morale,  et  voyez  s'il 
peut  se  rencontrer  dans  la  création  un  être  plus  tristement  misé- 
rable. 

"D'où  viens-tu"  ?  lui  demande  à  chaque  instant  sa  conscience, 
qui  est  un  questionneur  très  importun  et  très  ennuyeux  "Eh  !  que 
sais-je  d'où  je  viens"  ?  Telle  est  l'unique  réponse  que  peut  donner 
le  malheureux  qui  se  trouve  privé  de  la  seule  lumière  qui  puisse 

1  Ceci  peut  s'entendr- de  to LIS  les  peuples  à  rtieure  actuelle.  Le  Scieur  en 
fera  lui-mèm»;  l'observalion, 


LE  PROPAGATEUR  b63 


l'éclairer  dans  une  affaire  si  difficile  et  si  ardue.  "  Où  vas  lu  "  ? 
poursuit  l'implacable  questionneur.  "  Eti  !  que  sais-je  où  je  vais  "  ? 
Il  seaible  que  je  vais  sans  taraer  où  vont  tous  les  autres  hocnmes  : 
au  cimetière.  "^^  Et  après  "  ?  Horrible  parole  Voilà  le  doute,  voilà 
les  terribles  pressentiments  enveloppés  parfois  daus  une  négation 
impie  et  blasphématoire  que  les  lèvres  s'efforcent  de  prononcer, 
mais  que  le  cœur  s'obistine  à  ne  pas  vouloir  admettre.  En  consé- 
quence, à  toute  heure  revient  ce  terrible:  "si  c'était  vrai  "  !  qui 
tourmente  sans  cesse,  sans  cesse  aiguillonne,  au  milieu  des 
affaires,  au  sein  des  plaisirs,  dans  les  enivrements  du  pouvoir  1  Ah  1 
n'être  pas  sûr  de  la  fin  dernière!  Et  toui  cela,  pour  ne  pas  vouloir 
le  demander  à  qui  le  sait,  à  la  Religion  ? 

El  si  l'esprit  est  privé  de  cette  lumière,  il  est  clair  qu'il  ne  peut 
pas  y  avoir  beaucoup  de  force  dans  1h  volonté,  ni  de  consolation 
dans  le  cœur.  Nous  travaillons  tous  pour  ce  que  nous  connaissons, 
bien  que  notre  travail  ne  soit  pas  toujours  en  rapport  avec  cette 
fin.  Mais  si,  alors  même  que  nous  connaissons  le  bien,  nous  omet- 
tons parfois  de  le  pratiquer,  comment  le  pratiquera  celui  qui 
l'ignore  absolument?  C'est  ici  l'expérience  qui  répond. 

Croyez  vous  qu'on  proférerait  des  blasphèmes  si  horribles  contre 
Dieu,  qu'on  outragerait  à  chaque  instant  et  d'une  façon  si  révol- 
tante son  nom  béni,  si  on  avait  de  la  divinité  la  haute  idée  qu'en 
a  l'homme  qui  a  une  connaissance  ordinaire  et  suffisante  de  la 
religion  ?  Croyez-vous  que  la  parole  obcène  n'expireraient  pas  sur 
les  lèvres  de  celui  qui  comprendrait  la  gravité  de  la  pr(^anation 
dont  il  se  rend  coupable?  Nous  ne  nous  sommes  pas  fait  une  idée 
assez  défavorable  du  pauvre  cœur  humain,  pour  le  croire  à  ce 
degré  cyniquement  pervers.  Non,  il  est  impossible  que  celui  qui 
outrage  ainsi  son  Dieu,  sache  qu'il  est  son  Créateur,  son  Père,  son 
Sauveur,  la  Providence  qui  veille  constamment  sur  lui,  le  Juge 
inexorable  qui  réserve  à  ses  infidélités  au  châament  éternel.  Ils 
ne  savent  pas  ce  qu'ils  font,  pouvons-nous  dire,  en  répétant  l'ex- 
cuse invoquée  par  le  Sauveur  en  faveur  de  ses  bourreaux.  Ils  ne 
savent  pas  ce  qu'ils  font.  Mais,  dites-moi  :  le  fait  de  cette  ignorance 
n'est-il  pas  déjà  un  grand  crime  ? 

Appliquez  cette  réflexion  à  tant  et  tant  d'autres  circoutances 
dans  lesquelles  la  religion  a  à  pleurer  sur  les  excès  et  les  extra- 
vagances de  ses  enfants.  Si  vous  voyez,  par  exemple,  le  prêtre  raillé 
par  les  multitudes,  pensez-vous  que  ces  malheureux  ont  du  mi- 
nistre du  Seigneur  l'idée  qu'ils  devraient  en  avoir?  Si  le  temple 
catholique  a  été  l'objet  de  profanations  que  ne  lui  auraient  point 
fait  subir  des  Turcs  et  des  Juifs,  ne  devinez-vous  pas  que  cela  vient 
de  ce  qu'ils  n'ont  pa?  de  la  maison  du  Seigneur  et  de  son  caractère 
sacré  l'idée  élevée  qu'en  a  donné  la  religion  ?  Ceux  qui  s'accom- 
modent si  facilement  des  unions  condamnées  par  Diuu  et  injuste- 
ment colorées  du  titre  de  mariages  civils,  agiraient-ils  ainsi  à  la 
légère,  s'ils  comprenaient  la  gravité  du  concubinage  public  ? 

Les  révolutions  de  notre  siècle,  ces  monstrueux  attentats  publics 
qui  bouleversent  et  détruisent  l'Europe  moderne,  et  qui,  lui  pro- 
mettant chaque  jour  de  la  régénérer,  la  conduisent  de  nouveau  à 


564  LE  PROPAGATEUR 


la  barbarie  antique,  n'auraient  pas  été  possibles  à  leur  origine  et 
ne  le  seraient  pas  aujourd'hui  dans  leurs  conséquences,  si  elles 
n'avaient  pas  eu  partout  pour  auxiliaire  désastreux  l'ignorance  re- 
ligieuse. C'est  à  ce  prix  seulement  qu'il  a  été  facile  défaire  perdre 
à  notre  bon  peuple  son  caractère  primitif  de  docilité  et  de  noble 
grandeur;  c'est  ainsi  qu'on  a  pu  en  faire  le  jouet  de  l'ambition 
insensée  des  uns  et  des  tentatives  désastreuses  des  autres  ;  c'est 
ainsi  encore  que  des  maximes  et  des  systèmes  auxquels  nosaieux 
n'auraient  répondu  que  par  un  sourire  de  compassion  ou  de  mé- 
pris ont  pu  trouver  des  prosélytes  au  cœur  de  l'Europe  et  en  plein 
christianisme. 

Voici  à  ce  propos  une  réflexion  qui  jettera  une  vive  lumière  sur 
le  sujet  que  nous  traitons.  11  s'est  produit,  dans  notre  dernière  ré- 
volution religieuse,  un  fait  qui,  à  première  vue,  paraît  incompré- 
hensible. 

Nous  étions  auparavant  un  peuple  catholique;  l'unité  religieuse, 
non  seulement  était  consignée  dans  nos  lois,  mais  en  réalité  elle 
était  observée  par  notre  bon  peuple.  Il  ne  venait  à  la  pensée  de 
personne  qu'il  fût  possible  de  se  marier,  ni  d'enregistrer  la  nais- 
sance des  enfants,  ni  de  donner  la  sépulture  à  la  dépouille  mor- 
telle de  ses  parents  autrement  qu'en  suivant  l'usage  traditionnel 
et  catholique  suivi  par  l'église  Les  plus  avancés  n'étaient  pas 
encore  sortis  de  cette  sphère  catholique  que  l'on  croyait  éternelle- 
ment invariable  en  Espagne.  L'Espagne  est  catholique,  disait-on, 
et  nul  réadmettait  de  discussion  sur  ce  point.  Or,  que  s'est-il  passé  ? 
La  Révolution  éclate  ;  nous  ne  ne  dirons  pas  un  seul  mot  ici  sur  le 
côté  politique  de  la  Révolution.  La  Révolution  religieuse  éclate  et, 
du  coup,  nous  nous  trouvons  transplantés,  devinez  où,  bagatelle  ? 
dans  l'athéisme  le  plus  éhoiité  ;  bien  plus,  nous  livrons  la  guerre 
à  Dieu,  en  nous  plaçant  aussitôt  beaucoup  plus  en  avant  dans 
l'impiété  que  nulle  autre  nation  d'Europe.  Et  qu'on  le  remarque, 
cela  n'a  pas  été  seulement  le  délire  d'un  petit  nombre  d'hommes; 
non.  Des  personnages  malheureusement  très  célèbres  ont  dû  leur 
néfaste  célébrité  à  ces  bravades  athées,  ils  ont  été  en  peu  de  temps 
les  chefs  d'une  armée  nombreuse,  et  ils  ont  remporté  des  triomphes 
électoraux,  grâce  à  la.  guerre  contre  Dieu  franchement  inscrite  dans 
leur  programme;  et  cela  s'est  passé  dans  la  catholique  Espagne,, 
dans  cette  Espagne  qui,  deux  ans  auparavant,  ne  connaissait  et  ne 
reconnaissait,  en  fait  et  en  droit,  d'autre  religion  que  la  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine.  Quel  mystère  incompréhensi- 
ble !  Notre  patrie  sera  donc  toujours  le  pays  des  phénomènes  et 
des  anomalies  extraordinaires!  Tout  doit-il  donc  se  passer  chez 
nous  autrement  qu'ailleurs?  Gomment  avons  nous  fait  tant  de 
chemin  en  si  peu  de  temps  ?  Gomment  arrivons-nous  à  cette  abîme 
d'impiété  sans  passer  par  des  étapes  et  des  degrés  successifs  ? 

En  étudiant  un  peu  ce  fait,  nous  trouvons  une  explication  assez 
satisfaisante,  sans  exclure  toutefois  les  causes,  dans  notre  état 
dignorance  religieuse.  La  révolution  de  1868  a  surpris  notre  bon 
peuple  dans  la  pratique  de  sa  foi,  pratique  vivante  en  quelques  en- 
droits, il  est  vrai,  mais  morte  et  à  l'état  de  routine,  en  au  plus  grand 


LE  PROPAGATEUR 


565 


îlombre  de  lieux.  On  entendait  la  mease,  on  célébrait  la  fête  du 
patron,  on  assistait  aux  processions,  on  recevait  les  sacrements 
indispensables  ;  mais  comme  chez  plusieurs  cela  n'était  pas  appuyé 
sur  une  conviction  robuste  mais  sur  une  coutume  héréditaire,  et 
n'était  pratiqué  que  d'une  façon  inconsciente,  il  a  suffi  de  la  voix 
fougueuse,  enthousiaste,  d'un  agitateur,  pour  le  faire  disparaître 
dans  une  ruine  lamentable.  Supposez  que  le  peuple  espagnol,  à 
côté  de  la  pratique  de  sa  foi,  eût  pu,  grâce  à  son  instruction  reli- 
gieuse, raisonner  cette  foi,  qu'il  eût  compris  le  sens  de  ces  fêtes, 
la  signification  de  ces  cérémonies,  la  valeur  de  ces  sacrements, 
oh  !  les  déclamations  de  quelques  insensés  plus  ou  moins  éloquents 
ne  l'auraient  pas  fait  chanceler  dans  sa  vieille  croyance.  La  mu 
nicipalité  d'une  cité  immortelle  n'aurait  pas  commis  i'énormité 
d'inviter  l'imposteur  protestant  à  s'associer  aux  fêtes  de  la  Vierge 
du  Pilier;  elle  aurait  su  que  les  Protestants  n'admettent  pas  le 
culte  de  la  Sainte  Vierge  ;  tels  autres  n'auraient  pas  demandé  à 
un  curé  catholique  de  bénir  avec  le  rituel  et  le  goupillon  la  dis- 
tribution socialiste  de  biens  particuliers.  Ailleurs  on  n'aurait  pas 
promené  en  procession,  pendant  la  Semaine  Sainte,  la  Mère  des 
Douleurs  coiffée  d'un  bonnet  phrygien,  brodé  pour  elle  par  un 
dévot  fédéré,  sans  intention  peut  être  de  l'outrager,  mais  ail  con- 
traire dans  la  pensée  d'accomplir  un  acte  de  piété  singulière. 

Qui  contestera  que  ce  qu'il  y  a  de  plus  extraordinaire,  au  milieu 
de  cette  série  d'horreurs  et  de  bouffonneries,  c'est  l'ignorance 
extrême  de  notre  peuple?  11  a  fait  preuve  de  perversité  et  de  beau- 
coup de  malice  ;  mais  on  ne  saurait  expliquer  par  cette  perversité 
toute  seule,  des  folies  semblables  et  un  tel  progrès  dans  le  mal. 
L'aveuglement  y  a  contribué  plus  que  tout  le  reste  ;  cet  aveugle- 
ment provient  principalement  de  notre  épouvantable  ignorance. 
L'ignorance  a  été  ici  l'auxiliaire  de  la  fausse  sience  r'e  son  œuvre 
de  démolition.  C'est  l'ignorance  qui  a  aplani  toutes  les  voies  à  la 
corruption.  C'est  à  la  faveur  de  cette  ignorance  que  nous  avons 
été  sur  le  point  de  laisser  périr  au  milieu  des  ruines  de  nos  tem- 
ples les  plus  précieux  souvenirs  de  notre  foi. 

Cette  ignorance  est  plus  grande  dans  les  grands  centres  de  lu- 
mière intellectuelle  que  dans  les  montagnes  et  les  vallées  écartées, 
elle  échappe  à  ceux  qui  ne  regardent  que  le  vernis  extérieur  des 
choses  ;  mais  ceux  là  la  palpent  avec  douleur  et  tristess:;  qui,  par 
leur  ministère,  se  voient  obligés  d'enfoncer  la  main  dans  les  plaies 
de  cette  société  corrompue.  C'est  au  point  que  nous  croyons  fer- 
mement que  nos  douleurs  actuelles  disparaîtraient  presque  entiè- 
rement si  l'on  obtenait  que  tous  les  enfants  de  notre  Espigne 
possédassent  au  moins  les  notions  les  plus  indispensables  de  ia 
Religion.  (à  suivre) 


FRANÇOIS    BACON 

Par  G,  I..  FOXSEGRITE 

Prof,  au  Lycée  Buffon 

1  vol.  in-12 Prix  :  88  cts 


HISTOIRE  DE  ST, 

Par 
la  Tr.  Rde  31.  A.  T.  DRA.XE 

I   vol.  in-8 Pnx  :  S  1.88 


LE  DOGME  DU  PURGATOIRE 

ILLUSTRE  PAR  DES  FAITS  ET  DES  REVELATIONS  PARTICULIERES 

Par  le  Père  F.-X.  SCHOUPPE,  de  la   coini>as:nie  de   Jésus 

1  fort  volume  in-12 Prix  :  75  cts 


Le  dogme  du  purgatoire  est  trop  oublié  de  la  plupart  des  fidèles  ; 
l'Eglise  souffrante,  où  ils  ont  tant  de  frères  à  i-ecourir,  où  ils  doi- 
vent prévoir  qu'ils  passeront  bientôt  eux-mème?,  semble  leur  être 
étrangère. 

Cet  oubli,  vraiment  déplorable,  faisait  gémir  saint  Friinçois  de 
Sales.  "  Hélas  !  disait  ce  pieux  docteur  de  l'Eglise,  nous  ne  nous 
"  souvenons  pas  assez  de  nos  chers  trépassés  :  leur  mémoire 
"  semble  périr  avec  le  son  des  cloches." 

La  cause  principale  en  est  dans  l'ignorance  et  le  manque  de  foi  : 
nous  avons  au  sujet  du  purgatoire  des  notions  trop  vagues,  une 
foi  trop  faible. 

Il  nous  faut  donc  considérer  de  plus  près  cette  vie  d'outre-tombe, 
cet  état  intermédiaire  des  âmes  justes,  non  dignes  encore  d'entrer 
dans  la  Jérusalem  céleste,  afin  de  nous  faire  des  notions  plus  dis- 
tinctes et  de  raviver  notre  foi. 

C'est  le  but  de  cet  ouvrage  ;  on  s'y  propose,  non  de  prouver 
l'existence  du  purgatoire  à  des  esprit  sceptique^s  ;  mais  de  le  faire 
mieux  connaître  aux  pieux  fidèles,  qui  croient  d'une  foi  divine  ce 
dogme  révélé  de  Dieu.  C'est  à  eux  proprement  que  ce  livre  s'a- 
dresse, pour  leur  donner  du  purgatoire  une  idée  moins  confuse,  je 
dirais  volontiers  une  idée  plus  actuelle  qu'on  n'en  a  communément 
en  répandant  sur  cette  grande  vérité  de  la  foi  le  plus  de  jour 
possible. 

A  cet  effet  nous  possédons  trois  sources  de  lumière  bien  distinc- 
tes. Premièrement,  la  doctrine  dogmatique  de  l'Eglise  ;  ensuite  la 
doctrine  explicative  des  docteurs  de  l'Eglise  ;  en  troisième  lieu,les 
révélations  des  Saints  et  les  apparitions,  qui  viennent  confirmer 
l'enseignement  dt  s  docteurs. 

1°  La  doctrine  dogmatique  de  l'Eglise  au  sujet  du  purgatoire, 
comprend  deux  articles  que  nous  indiquerons  plus  bas.  Ces  deux 
articles  sont  de  foi,  et  doivent  être  crus  par  tout  catholique. 

2°  La  doctrine  des  docteurs  et  explications  sur  plusieurs  ques- 
tions lelatives  au  purgatoire,  ne  s'imposent  pas  comme  des  articles 
de  foi  ;  o;:  peut  ne  pas  les  admettre  sans  cesser  d'être  catholique. 
Tout»  fois  il  serait  imprudent,  téméraire  même  de  s'en  écarter  ;  et 
c'est  l'esprit  de  l'Eglise  de  suivre  les  opinions  les  plus  communé- 
ment enseignées  par  le  docteurs. 

3*^  Les  révélations  des  saints,  appelées  aussi  révélations  particu- 
lières^ n'appartiennent  pas  au  dépôt  de  la  foi,  confié  par  Jésus- 
Christ  à  son  Eglise  ;  ce  sont  des  faits  historiques  basés  sur  le  té- 
moignage humain.  Il  est  permis  de  les  croire  et  la  piété  y  trouve 
un  aliment  salutaire.  On  peut  aussi  ne  pas   les  croire  sans  pécher 


LE  PROPAGATEUR  567 


contre  la  foi  ;  mais  s'ils  sont  conslatés,  on  ne  les  peut  rejeter  sans 
offenser  la  raison  ;  parce  que  la  saine  raison  comraan  le  à  tout 
homme  de  donner  son  assentiment  à  la  vérité,  quand  elle  est  suf- 
fisamment démontrée. 

Pour  éclaircir  davantage  cette  matière,  expliquons  d'abord  la 
nature  des  révélations  dont  nous  parlons. 

Les  révélations  particulières  sont  de  deux  sortes  :  les  unes 
consistent  dans  des  visions,  les  autres  dans  des  apparitions.  On  les 
appelle  particulières,  parce  que,  à  la  différence  de  celles  qui  se 
trouvent  dans  la  sainte  Ecriture,  elles  ne  font  point  partie  de  la 
doctrine  révélée  pour  tous  les  hommes,  et  que  l'Eglise  ne  les 
propose  pas  à  croire  comme  desdoj^mes  de  la  foi. 

Les  visions  proprement  dites  sont  des  lumières  subjective?,  que 
Dieu  répand  dans  l'intelligence  d'une  créature  pour  lui  découvrir 
ses  mystères.  Telles  sont  les  vi&ions  des  prophètes,  celles  de  saint 
Paul,  celles  de  sainte  Brigitte  et  de  beaucoup  d'autres  saints.  Les 
visions  ont  lieu  d'ordinaire  dans  l'état  d'extase  :  elles  consistent 
dans  certains  spectacles  mystérieux,  qui  se  présentent  aux  yeux  de 
l'âme,  et  qui  ne  doivent  passe  prendre  toujours  à  la  lettre.  Souvent 
ce  sont  des  figures,  des  images  symboliques,  qui  représentent  d'une 
manière  proportionnée  à  notre  intelligence  des  choses  pureiient 
spirituelles,  dont  le  langage  ordinaire  ne  saurait  donner  une  idée. 

Les  apparitions  sont,  au  moins  souvent,  des  phénomènes  objectifs, 
qui  ont  un  objet  réel,  extérieur.  Telle  fut  l'apparition  de  Moïse  et 
d'Elie  sur  le  Thabor,  celle  de  Samuel  évoqué  par  la  Pythonisse 
d'Endor,  celle  de  l'ange  Raphaël  à  Tobie,  celle  de  beaucoup  d'au- 
tres anges  ;  enfin  telles  sont  les  apparitions  des  âmes  du  pur^ 
gatoire. 

Que  les  esprits  des  morts  apparaissent  quelquefois  aux  vivants, 
c'est  un  fait  qu'on  ne  saurait  nier.  L'Evangile  ne  le  suppose-t-il 
pas  clairement  !  Quand  Jésus  ressuscité  apparaît  la  première  fois 
à  ses  disciples  réunis,  ceux-ci  crurent  voir  un  esprit.  Le  Sauveur, 
loin  de  dire  que  les  esprits  n'apparaissent  pas,  leur  parle  ainsi  : 
Pourquoi  étes-vous  troublés,  et  pourquoi  ces  pensées  s' élèvenc-i: lies  dans 
vos  cœurs  f  Voyez  mes  mains  et  mes  pieds,  c'est  moi-même,  touchez  et 
voyez,  car  un  esprit  n'a  ni  chair  ni  os,  comme  vous  voyez  que  f  ai. 
Luc,  XXIV.  37  suiv. 

Les  apparitions  des  âmes  qui  sont  au  purgatoire,  ont  lieu  fré- 
quemment. On  les  trouve  en  grand  nombre  dans  les  Vies  des 
saints,  elles  arrivent  même  parfois  aux  fidèles  ordinaires.  Nous 
avons  recueilli  et  nous  présentons  au  lecteur  ceux  de  ces  faits  qui 
paraissent  les  plus  propres  à  l'instruire  ou  à  l'édifier. 

Mais,  nous  demandera-t-on,  tous  ces  faits  sont-ils  historiquement 
certains  ? —  Nous  avons  choisi  les  plus  avérés.  Si  quelque  lecteur 
en  trouve  dans  le  nombre  que  lui  semblent  ne  pouvoir  soutenir  la 
rigueur  de  la  critique,  il  peut  ne  pas  les  admettre. 

Toutefois,  pour  ne  pas  donner  dans  une  sévérité  excessi/e  et 
voisine  de  l'incrédulité,  il  est  bon  de  remarquer  que,  parlant  en 
général,  les  apparitions  des  âmes  ont  lieu,  et  ne  sauraient  être 
révoquées  en  doute,  qu'elles  arrivent  môme  fréquemment. 


56a  LE  PROPAGATEUR 


"  Ces  sortes  d'apparitions,  dit  l'abbé  Ribet  ne  sont  pas  rares. 
Dieu  les  permet  pour  le  soulagement  des  âmes,  qui  viennent 
exciter  notre  compassion,  et  aussi  pour  nous  faire  entendre  à 
nous-mêmes  combien  sont  terribles  les  rigueurs  de  sa  justice 
contre  les  fautes  que  nous  réputons  légères. 

"  Saint  Grégoire  dans  ses  Dialogues  rapporte  plusieurs  exemples, 
dont  on  peut,  il  est  vrai,constesler  la  peine  authenticité  ;  mais  qui, 
dans  la  bopche  du  saint  Docteur,  prouvent  du  moins  qu'il  croyait 
à  la  possibilité  et  à  l'existence  de  ces  faits.  D'autres  auteurs  en 
grand  nombre,  non  moins  recommandables  que  saint  Grégoire  par 
la  sainteté  et  la  science,  rapportent  des  faits  anologues. 

'•'■  Au  reste,  ces  sortes  de  récits  surabondent  dans  l'histoire  des 
saints:  pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  parcourir  les  tables  des 
Acta  Sanctorum.ToniouTS  l'Eglise  souffrante  a  imploré  les  suffrages 
de  l'Eglise  de  la  terre  ;  et  ce  commerce,  empreint  de  tristesse, 
mais  aussi  plein  d'instruction,  est  pour  l'une  une  source  intaris- 
sable de  soulagement,  et  pour  l'autre  une  excitation  puissante  à 
la  sainteté. 

"  La  vision  du  purgatoire  a  été  accordée  à  plusieurs  saintes  âmes. 
Sainte  Catherine  de  Rici  descendait  en  esprit  au  purgatoire  toutes 
les  nuits  des  dimanches  ;  sainte  Lidvine  pénétrait  pendant  ses 
ravissements  dans  ce  lieu  d'expiation,  et,  conduite  par  son  ange 
gardien,  y  visitait  les  âmes  dans  leurs  tourments.  Un  ange  conduit 
également  la  B.  Osanne  de  Manloue  à  travers  ces  sombres  abîmes. 
La  B  Véronique  de  Binasco,  sainte  Françoise  de  Rome  et  bien 
d'autres,  reçoivent  des  visions  tout  à  fait  semblables,  avec  les 
mêmes  impressions  de  terreur. 

"  Plus  souvent  ce  sont  les  âmes  souffrantes  elles-mêmes  qui  s'a- 
dressent aux  vivants  et  réclament  leur  intercession.  Plusieurs 
apparu  et  ainsi  à  la  B.  Marguerite-Marie  Alacoque,  à  une  foule 
d'autres  saints  personnages.  Les  âmes  des  défunts  imploraient  fré 
quemment  la  pitié  de  Denys  le  Chartreux.  On  demandait  un  jour 
à  ce  grand  serviteur  de  Dieu  combien  de  fois  ces  pauvres  âmes 
lui  apparaissaient?  "  Oh!  cent  et  cent  fois  ",  répondit-il 

"  Sainte  Catherine  de  Sienne,  pour  épargner  à  son  père  les  peines 
du  purgatoire,  s'était  offerte  à  la  justice  divine  pour  souffrir  à  sa 
place  durant  la  vie.  Dieu  l'exauça,  lui  infligea  de  vives  douleurs 
d'entrailles  jusqu'à  la  mort,  et  admit  dans  la  gloire  l'âme  de  son 
père.  En  retour,  cette  âme  bienheureuse  apparaissait  fréquemment 
à  sa  fille,  pou»"  la  remercier  et  lui  faire  les  révélations  les  plus 
utiles. 

"  Les  âmes  du  purgatoire,  lorsqu'elles  apparaissent  aux  vivants, 
se  présentent  toujours  dans  une  attitude  qui  excite  la  compassion, 
tantôt  sous  les  traits  qu'elles  avaient  de  leur  vivant  ou  à  leur  mort, 
avec  un  visage  triste,  des  regards  suppliants,  en  habits  de  deuil, 
avec  l'expression  d'une  douleur  extrême  ;  tantôt  comme  une  clarté, 
une  nuée,  une  ombre,  une  figure  fantastique  quelconque,  accom- 
pagnée d'un  signe  ou  d'une  parole  qui  les  fait  reconnaître.  D'autres 
fois,  elles  accusent  leur  présence  par  des  gémissements,  des  san- 


LE  PROPAGATEQR  569 


glots,  des  soupirs,  une  respiration  haletante,  des  accents  plaintifs. 
Souvent  elles  apparaissent  environnées  de  flammes.  Quand  elles 
parlent,  c'est  pour  manifester  leurs  souffrances,  pour  déplorer 
leurs  fautes  passé-'s,  pour  demander  des  suffrages,  ou  même  pour 
adresser  des  reproches  à  ceux  qui  devraient  les  secourir  " 

"  Une  autre  sorte  de  révélation,  ajoute  le  même  auteur,  se  fait 
par  des  coups  invisibles  que  reçoivent  les  vivants,  par  des  frappe- 
ments à  la  porte,  des  bruits  de  chines  des  bruits  de  voix.  Ces  faits 
sont  trop  multipliés  pour  qu'on  puisse  les  révoquer  en  doute  :  la 
seule  difficulté  est  d'établir  leur  rapport  avec  le  monde  de  l'expia- 
tion. Mais  quand  ces  manifestations  coïncident  avec  la  mort  de 
personnes  chéries,  et  qu'elles  cessent  après  qu'on  a  olTert  à  Dieu 
des  prières  et  des  réparations,  n'est-il  pas  raisonnable  d'y  voir  des 
signes  par  lesquels  ces  âmes  avertissent  de  leur  détresse  ? 

"  Aux  divers  indicés  que  nous  venons  de  signaler,  on  reconnaî- 
tra les  pauvres  âmes  du  purgatoire.  Mais  il  est  ua  cas  où  l'appari- 
tion devrait  être  tenue  pour  suspecte  :  c'est  lorsqu'un  pécheur 
scandaleux,  surpris  inopinément  par  la  mort,  vient  implorer  les 
prières  des  vivants  pour  être  délivré  du  purgatoire.  Le  démon  est 
intéressé  à  faire  croire  que  l'on  peut  vivre  dans  les  plus  grands 
désordres  jusqu  à  la  mort,  et  échappi-r  cependant  à  l'enfer.  Toute- 
fois, même  dans  ces  rencontres,  il  n'est  pis  défendu  de  p-^-^serque 
l'âme  qui  apparaît  s'est  repentie,  et  qu'elle  est  dans  les  flammes 
de  l'expiation  temporaire,  ni,  conséquemment.  de  prier  pour  elle  ; 
mais  il  convient  d'observer  la  plus  grande  réserve  sur  c^s  sortes 
de  visions  et  sur  la  créance  qu'on  leur  donne.  " 

Les  détails  dans  lesquels  nous  venons  d'entrer,  suffisent  pour 
justifier  aux  yeux  du  lecteur  la  citation  des  faits  qu'il  trouvera 
dans  le  cours  de  cet  ouvrage. 

Ajoutons  que  le  chrétien  doit  se  garder  d'être  trop  incrédule 
dans  les  faits  surnaturels,  qui  se  rattachent  aux  dogmes  de  sa  foi. 
Saint  Paul  nous  dit  que  la  charité  croit  tout,  c'est-à-dire,  comme 
expliquent  les  interprètes,  tout  ce  que  l'on  peut  croire  prudem- 
ment, et  dont  la  croyance  ne  saurait  être  nuisible.  S'il  est  vrai  que 
la  prudence  réprouve  une  crédulité  aveugle  et  superstitieuse,  il 
est  vrai  aussi  qu'on  doit  éviter  un  autre  excès,  celui  que  le  Sau- 
veur reproche  à  l'Apôtre  saint  Tbomas  :  Vous  croyez^  lui  dit-il, 
parce  que  vous  avez  vu  et  touché  ;  il  fallait  croire  au  témoignage 
de  vos  frères.  En  exigeant  davantage  vous  avez  été  incrédule  : 
c'rst  une  faute,  que  doivent  éviter  tous  mes  disciples  :  Bienheureux 
ceux  qui  croient  sans  avoir  vu.  Ne  soyez  pas  incrédule  mais  croyant. 
(Joan.  XX,  27.) 

Le  théologien  qui  démontre  les  dogmes  de  la  foi,  doit  être  sévère 
dans  le  choix  de  ses  preuves  ;  l'historien  aussi  doit  procéder  avec 
une  critique  rigoureuse  dans  la  relation  des  faits  ;  mais,  l'écri- 
vain a-cétique,  quand  il  cite  des  exemples  et  des  faits  pour  écalrcir 
les  vérités  et  édifier  les  fidèles,  n'est  pas  tenu  à  cette  stricte  rigueur. 
Les  personnages  les  plus  autorisés  dans  l'Eglise,  tels  que  saint 
Grégoire,  saint  B  Tuard,  saint  François  de  Sales,  saint  Alphonse 
de  Ligouri,  Bellarmin,  et  bien  d'autres,  aussi  distingués  par  leur 

34 


570 


LE  PROPAGATEUR 


lumières  que  parleur  piété,  n'ont  pas  connu,  en  écrivant  leurs 
excellents  ouvrages,  les  exigences  rigoureuses  de  notre  époque, 
exigences  qui  ne  constituent  nullement  un  progrès. 

En  effet,  si  l'esprit  de  nos  pères  dans  la  foi  était  plus  simple, 

quelle  est  la  cause  qui  a  fait  disparaître  parmi  nous  cette  ancienne 

simplicité  ?  N'esl-ce  pas  le  rationalisme  protestant,  qui  de  nosjours 

se  déteint  sur  beaucoup  de  catholiques  ?  N'est-ce  pas  cet  esprit 

raisonneur  et  critique  sorti  de  la  réforme  luthérienne,  propagé  par 

le  philosophisrae  français,  qui  leur    fait  envisager  les  choses  de 

Dieu  d'une  manière  tout  humaine,  qui  les  rend  froids  et  étrangers 

à  l'esprit  de  Dieu  ?  Le  vénérable  abbé  Louis  de  Blois,  parlant  des 

Révélations   de  sainte  Gertrude,  dit  que  "   ce  livre   renferme  des 

trésors.  Les  hommes  orgueilleux  et  charnels,  ajoute-l-il,  qui 

n'entendent  rien  à  l'esprit  de  Dieu,  traitent  de  rêveries  les  écrits 

"  de  la  vierge  sainte  Gertrude,  de  sainte  Mechtilde,  sainte  Hilde- 

"  garde  et  autres  ;  c'est  qu'ils  ignorent  avec  quelle  familiarité  Dieu 

se  communique  aux  âmes  humbles,  simples  et  aimantes;   et 

comment,  dans  ces  communications  intimes,  il  se  plaît  à  illumi- 

I,  ner  ces  âmes  des  pures  lumières  de  la  vérité  sans  aucune  ombre 

„  d'erreur.  " 

Ces  paroles  de  Louis  de  Blois  sont  graves.  Nous  n'avons  pas- 
voulu  encourir  les  reproches  de  ce  grand  maître  de  la  vie  spirituelle  ; 
et  tout  en  évitant  une  crédulité  blâmable,  nous  avons  recueilli 
avec  une  certaine  liberté  les  faits  qui  nous  ont  paru  à  la  fois  les 
plus  avérés  et  les  plus  instructifs.  Puissent-ils  accroître  dans  ceux 
qui  les  liront,  la  dévotion  envers  les  défunts!  Puissent-ils  impri- 
mer profondément  dans  les  âmes  la  sainte  et  salutaire  pensée  du 
purgatoire  ! 


VIE  DE  LA 

BEVDE I.  StZAXSE  LEÎEQIJE 

EN    RELIGION 

M.  DE  St.  MAURICE 
de  l'ordre  des  Filles  de  N.-D. 

MMie  en  odeur  de  Sainteté,  à  Avignon  en  1760 

PAR 

le  R.  P.  Dom  L.oai8  I.ÉVÊQ1JE 

l  vol.  in-i2 $0.63 


AUGUSTE  COMTE 

KONDATKDR    ÛC    POSITIVISME 

Sa  vie— Sa  doctrine 

Par  le  R.  P.  ORCBER  8.  J. 

l  vol.  m-Vl i^ri'i  :  88  cts. 


ERiNEST  RENAN 

SA  VIE  ET  SON  ŒUVRE 


Par 
S.  BESPORTES  éi  S.  BOURNAUTO 

2e.  mille 

1  vol.  in-12 Prix  :  88  cts. 

[IIIDE  m  LA  CAlQIflCITE 

DBS  SAINTES  ÉCRITURES 

Par 

le  elian.  M.IGNIE  R. 

I. — Ane.  Testament 

1.  vol.  in-12 „Pri.\:  $1.00 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  :  A  L.  B  Y 


LOUAGE. 

Question  —  Un  propriétaire  a-t-ii,  avant  l'expiration  d'un  bail,  droit  d'expul- 
ser son  locataire  pour  venir  habiter  lui-même  la  maison  louée  ?  Voici  les  faits. 
J'alloue  une  maison  pour  4  ans,  je  l'occupe  depuis  18  mois.  Ces  jours-ci  le 
propriétaire  m'a  fait  signifier  un  congé  disant  qu'il  veut  occuper  la  maison  lui- 
même. 

Un  Marchand 

RÉPONSE.  —  Votre  propriétaire  ne  peut  vous  expulser  pour  venir 
habiter  lui-même  la  maison  qu'il  vous  a  louée,  que  s'il  s'est  expres- 
sément rfservé  ce  droit  par  le  bail.  Dans  le  cas  contraire  il  n'a 
aucun  droit  de  vous  troubler.  L'article  1662  du  Code  Civil  dit 
que  "  le  locataire  ne  peut  mettre  fin  au  bail  dans  le  but  d'occuper  lui- 
même  les  lieux  loués  à  moins  que  ce  droit  n'ait  été  expressément 
stipulé. 


JUEISPRUDENCE 

Question  de  procédure  [C.  P.  C.  Art.  243.) 

Re 

La  GoxMPAgnie  de  publication  du  "  Canada-Revue  ,, 

Ys 

Monseigneur  E.  C.  Fabre,  archevêque  de  Montréal 

Le  5  Juin  le  défendeur  inscrivit  sa  cause  pour  enquête  et  audition 
finale  et  il  en  donna  avis  à  la  demanderesse.  Le  21  Septembre  la 
demanderesse  inscrivit  la  cause  à  son  tour  pour  enquête  seulement. 
Elle  prétendait  que  l'inscription  du  défendeur  était  nulle  vu  le 
jugement  renvoyant  son  plaidoyer  pour  cause  de  forclusion. 

Le  défendeur  présenta  alors  une  motion  pour  faire  rayer  l'ins- 
cription prise  par  la  demanderesse  et  cette  motion  fut  accordée  par 
le  juge  Loranger  le  5  Octobre. 

Voici  son  jugement. 

"  Considérant  qu'aux  termes  de  l'art.  243,  G.  P.  G.  toute  partie  en  cause  peut 
déclarer,  soit  par  la  déclaration,  soit  par  toute  autre  pièce  de  procédure,  soit 
par  un  avis  à  la  partie  adverse,  qu'elle  entend  que  la  cause  soit  inscrite  en  même 
temps  pour  enquête  et  pour  audition  finale,  immédiatement  après  l'enquête  et, 
dans  c-i  cas,  la  cause  ne  peut  être  inscrite  autrement  ; 

"  Gonsidêrant  que  le  Défendeur  a,  le  5  juin  derziier,  fait  son  option  pour  ce 
dernier  mode  d'inscription  et  en  a  donné  avis  à  la  demanderesse  ; 

"  Considérant  que  cette  option  pouvait  être  faite  en  tout  temps,  après  la 
comparution  du  défendeur,  avant  la  production  et  indépendamment  de  la  défense 


572  LE  PROPAGATEUR 


et  que  toute  inscription  subséquente  faite  sans  le  consentement  du  défendeur  est 
nulle  et  doit  être  traitée  comme  telle. 

«•  Consiflérant  qu^-  l'inscription  de  la  demanderesse  pour  enquête,  le  21  sep- 
tembre 1893,  en  dépit  de  roption  exercée  le  5  juin  dernier,  par  Its  défendeur,  est 
contraire  à  la  disposition  de  l'article  243  ci-dessus  cité  et  doit  être  considérée 
comme  non  avenue. 

"  Maintient  la  motion  du  défendeur  et  rejette  la  dite  inscription,  avec 
dépens. 


LE  DROIT  DE  GRACE 

Question  Constitutionnelle 

La  question  de  savoir  à  qui  appartient  le  droit  de  faire  grâce 
lorsqu'il  s'agit  d'oifenses  punissables  en  vertu  des  lois  des  provinces, 
a  été  vivement  controversée  depuis  l'établissement  de  la  Confédé- 
ration. Le  ministre  de  la  justice  prétend  que  ce  droit  appartient  au 
Gouverneur  Général  du  Canada  de  la  même  manière  que  s'il 
s'agit  d'offenses  punissables  en  vertu  des  lois  fédérales.  Les  tribu- 
naux de  la  Province  d'Ontario  ont  jugé  le  contraire  et  la  question 
est  actuellement  soumise  au  jugement  de  la  Cour  Suprême. 
Les  journaux  publient  à  ce  sujet  la  dépêche  suivante  datée  d'Ottawa 
le  19  Octobre. 


LE  DROIT  DE  GRACE 

Appartient-il  au  gouverneur-général  ou  aux  provinces  ? 

En  cour  Suprême,  hier,  tous  les  juges,  à  l'exception  du  juge  Sedgewick,  étaient 
sur  le  banc.  La  cause  du  procureur-général  du  Dominion  vs  le  procureur-général 
de  la  province  d'Ontario  ei-t  venue  en  cour,  étant  la  première  des  causes  de  la 
province  d'Ontario.  Celte  cause  est  ins-crile  au  dossier  sous  le  nom  de  "  Droit  de 
grâce  "  Il  s'agit  de  déci'ler  si  le  droit  de  grâce  pour  les  offenses  commises  sous 
les  statuts  provincioux  doit  aj'partenir  au  gouverneur-général  en  conseil  ou  au 
lieutenant-gouverneur  en  conseil.  M.  Mowat  prétend  que  ce  droit  est  de  la  juri- 
diction (le  la  province  ;  le  procureur-général  du  Dominion  veut  que  le  droit  de 
grâce  soit  du  ressort  du  gouverneur  en  conseil.  La  cour  en  chancellerie  a  déjà 
donné  gain  de  cause  à  la  province  d'Ontario.  C'est  de  ce  jugement  que  le 
Dominion  en  appela,  en  cour  d'Ajipel,  qui  renvoya  la  cause. 


PUNITION  DES  CRIMES 

Question. — Quelles  sont  les  peines  dont  sont  passibles  les  coupables  en  ver- 
tu des  lois  criminelles  du  Canada  ? 

M.  C. 

Réponse.  — Les  voici  telles  qu'elles  sont  énumérées  dans  l'article 
6  du  "  Code  Criminel  de  1892,  "  55-56  Victoria,  chapitre  29.  Je 
reproduis  cet  article. 

6  Quiconque  commet  une  infraction  au  présent  acte  est  passible,  ainsi  qu'il 
est  ci-après  prévu,  de  l'une  ou  plusieurs  des  punitions  suivantes  :  — 


LE  PROPAGATEUR  573 


(a.)  La  mort  ; 

(  6.  )  L'emprisonnement  ; 

(  c.  )  Le  fouet  ; 

(  d.  )  L'amende  ; 

(  e.  )  Fournir  caution  de  sa  bon-.e  conduite  future  ; 

(  /.  )  S'il  remplit  quelque  charge  sous  la  Gouroane,  d'eu  être  deslilué  ; 

{g.)  De  perdre  toute  pension  ou  allocation  de  retraite  ; 

(h.  )  D'êtr«  frappé  d'incapicité  à  remplir  aucune  charge,  de  siéger  au  parle- 
ment, et  d'exercer  aucun  droit  d'électeur  ; 

(  i.  )  De  payer  les  frais  et  dépens  ; 

{j.  )  D'indt^mniser  toute  personne  qui  aura  éprouvé  quelque  perte  de  propriété 
par  suite  de  son  infraction  ; 


INVENTION 

QoESTiox, — A.i-je  le  droit  de  faire,  pour  mon  usage  personnel,  une  ma- 
chine pour  laquelle  quelqu'un  a  obtenu  un  brevet  d'invention? 

Un  ouvrier. 

Eéponse. — Non.  La  loi  me  paraît  très-claire  à  ce  sujet.  Voii-i  ce 
que  dit  la  29è  section  de  l'Acte  concertiant  les  brevets  d'invention^ 
S.  R.  G.  Ghap.  6L 

"Quîconqu'^,  sans  avoir  eu  le  consentement  pir  écrit  du  breveté,  exécutera, 
"  confectionnera  ou  mettra  en  pratique  une  chose  pour  laquelle  un  br*^vet  d'in- 
"  vennon  aura  été  pris  sous  l'empire  du  présent  acte  ou  d'un  acte  anléri'^ur,.,. 

"  S'-ra.  pour  cet  act»,  passible,  de  la  part   du  breveté  ou  de  ses  représentants 
"  légaux,  dune  action  en  dommages-intérêts. 

Le  contraire  semble  avoir  été  jugé  en  France  si  j'en  juge  par 
l'article  suivant  que  je  trouve  dans  la  Croix^  de  Paris. 


REPONSE  UTILE  A  PLUSIEURS 
On  peut  construire^  pour  un  usage  personnel.,  un  objet  breveté 

Le  tout  est  de  ne  pas  se  tromper  sur  ce  qui  est  à  l'usage  personnel. 

Si  l'obiet  Sert  exclusivement  à  la  personne  ou  à  la  fami  le,  pour  sa  propre 
exist-iice,  pour  ses  bnsoins,  l'usige  est  per-onnel. 

Mais  si  la  personne  ou  la  familin  tout  en  fai«anl  usage  de  l'objut  breveté,  pour 
ses  besoins  personnels  en  tire  protit  commercial  ou  proQt  de  toute  autre  nature 
hormis  celui  dom-stique,  alirs  l'usage  est  insdustriel. 


LA  FROVIDliNCE 

DANS 

LES  FAITS  SOCmilX  [T  LU  SCIENCE  SOCIALE 

PAR 

P.  de   DECKER 

1  vol.  if:-8 $1.00 


LA  CONSCIENCE 

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LA  REGLE  DES  ACTIONS  HUMAINES 

Par  I..  BAVTAIN 

l  vol.  in-12 $0.88  cts 


LE  DISCERMENT  DES    ESPRITS 

POUR  LE  BON  REGNEMENT  DE  SES  PROPRES  ACTIONS 

ET  DE  CELLES    d'AUTRUI 

Ouvrages  spécialement  utile  aux  Directeurs  des  âmes 

Par  le  R.  P.  J.-Bte  SCARAMELLI,  de  la  Cie  de  Jésus 

Traduit  de  Vilalien  en  français 

Par  M.  A.  BRASSETIN,  Cbanoine  de  la  Cathédrale  de  Marseille 

1  volume  in-12 Prix  :  75  cts 

Le  nom  seul  de  l'auteur  de  ce  livre  nous  dispense  de  toute  autre 
recommandation.  Le  discernement  dont  il  est  question  dans  cet 
ouvrage  n'est  pas  cette  septième  grâce,  gratuitement  ûonnée,  com- 
prise dans  rénumération  de  l'Apôtre,  au  verset  10  du  chapitre  XII 
de  la  Ire  épitre  aux  Corinthiens.  Le  P.  Scraramelli  ne  consacre 
qu'un  chapitre  de  son  livre  à  ce  don  qui  n'est  fait  qu'à  un  nombre 
de  personnes  bien  restreint,  si  on  le  compare  au  nombre  de  ceux 
qui  par  devoir  d'état  sont  obligés  de  discerner  les  esprits.  Il  s'agit 
ici  d'un  discernement  commun  à  tous,  que  l'on  peut  acquérir  par 
le  travail  et  l'industrie,  et  qui  consiste  dans  un  jugement  droit 
formé  sur  l'esprit  des  autres  en  se  conformant  aux  règles  et  aux 
préceptes  que  nous  fournissent  les  Saintes  Ecritures,  la  Sainte 
Eglise,  les  SS.  Pères,  les  Docteurs,  l'expérience  des  Samts 
et  les  lumières  de  notre  propre  sagesse.  C'est  la  pratique 
la  recommandation  de  l'apôtre  S.  Jean  :  Ne  croyez  point  à  tout  esprit 
mais  éprouvez  les  esprits,  s'ils  sont  de  Dieu  [IJoan,  IV,  1),  et  de  celle 
de  S.  Paul  :  Eprouvez  tout  :  retenez  r,e  qui  est  bon.  Abstenez-vous  de 
toute  apparence  de  mal  [I  Thess,,  V,  21,  22). 

Ce  livre  convient  donc  à  tous  ceux  qui  veulent  sincèrement  vivre 
selon  l'esprit  de  Dieu.  Mais,  comme  tous  doivent  soumettre  leur 
propre  discernement  à  celui  des  directeurs  spirituels,  c'est  à  ceux- 
ci  qu'il  s'adresse  tout  particulièrement  :  *'  Nous  le  voudrions  voir 
"  consulté  par  les  directeurs  des  âmes,  à  qui  incombe  la  tâche  dif- 
"  ficile  et  périlleuse  du  discernement  des  esprits,  dit  la  revue  :  Le 
'•  T.  S.  Sacrement  (février  1893),  aucun  guide  ne  leur  donnera  plus 
"  de  lumière  et  n'écartera  plus  de  cause  d'erreur." 

Un  savant  professeur  de  grand  séminaire  nous  a  écrit  ;  "  C'est 
"  un  des  meilleurs  ouvrages  de  direction  spirituelle  qui  aient  ja- 
"  mais  été  faits...  Je  me  ferai  un  devoir  de  le  faire  connaître  et  de 
"  le  recommander  à  nos  jeunes  prêtres  avant  leur  entrée  dans  le 
"  ministère." 

Le  P.  Scaramelli  considère  le  sujet  du  discernement  des  esprits 
comme  tellement  important  que  dans  son  Directoire  ascétique  (1er 
traité,  Chap.  IX  et  XI,  il  déclare  qu'il  ne  doit  en  parler  qu'en  y 
consacrant  un  volume  tout  entier. 

TABLES  DES  MATIERES  CONTENUES  DANS  LE  VOLUME 

LE  DlSCERNEMENl  DES  ESPRITS 

Introduction.   De  la  voie  que  nous  i  origine  est  bon  ou  mauvais.  Importan- 

suivons  dans  noire  vie. — Nous  devons  de  et  nécessité  du  disc'^rnemenl.   Avis 

examiner  louies  nos  œuvres  <'l  cher-  de  S.  Antoin-^sur  ce  sujel. — L»- présen 

cher  si  le  iirincipe  d'où  elles  tirent  leur  ouvrage  contient  un  corps  de  règles  ca 


LE  PROPAGATEUR 


575 


pables  de.  faire  connaître  quel  est  le 
guide  de  nos  pensées  et  de  nos  affec- 
tions, si  c'est  le  démon,  l'amour-propre, 
ou  Dieu. — Ce  livre  est  utile  à  tous, 
mais  surtout  aux  directeurs  spirituels. 

Chapitre  1er.  Ce  qu'on  entend  par 
4Sprils  et  combien  on  en  compte  de 
sort'-s. — g  I. L'Ecriture  sainte, les  Pores, 
les  Docteurs  et  les  Saints  nous  fournis- 
sent des  règles  pour  recoanailre  les  es- 
prits qui  viennent  de  Dieu  et  ceux  qui 
D'en  viennent  pas. — §  II.  Ce  qu'il  faut 
entendre  par  esprits. — §  Il  1.  D'après  S. 
Barnard,  six  sortes  d'esprits  peuvent 
donner  à  l'homme  une  impulsion  dans 
ses  opérations.  Ce  que  sont  ces  six  es- 
priis.  Us  peuvent  se  réduire  à  trois  : 
l'esprit  divin,  l'esprit  diabolique,  et 
l'esprit  humain. 

Chapitre  II.  Comment  se  forment  en 
nous  l'esprit  divin,  l'esprit  diabolique, 
et  l'esprit  huma'n. — §  1.  Comment  l'es- 
prit  de  Dieu  opère  en  nous,  g  II.  Com- 
ment le  démon  nous  infiltre  son  esprit 
diabolique. — g  III.  Comment  notre  na- 
ture corrompue  par  le  péché  originel 
produit  en  nous  l'esprit  humain. — l  IV. 
Il  n'est  pas  facile  de  discerner  si  les 
mouvements  intérieurs  de  notre  esprit 
proviennent  de  la  nature  humaine,  ou 
du  démon,  de  la  chair,  du  monde  con- 
jurés pour  nous  perdre.  Conjectures 
que  l'on  peut  faire  à  ce  sujet. 

Chapitre  III.  Du  disernement  des 
esprits  en  tant  que  grâce  gratuitement 
donnée, — g  I.  Deux  sortes  de  discerne- 
ment* des  esprits.  En  quoi  consiste  le 
discernement  infus. — g  II.  Explication 
de  la  définition  du  discernement  infus. 
— g  III.  Le  jugement  du  disc^rnem►'nt 
infus  est-il  certain  et  infaillible?— g  IV 
La  manière  avec  laquelle  une  personne 
discrète  discerne  ses  propres  mouve- 
ments est  différente  de  celle  qu'elle  em- 
ploie pour  disC'-rner  l'esprit  des  aulres. 
§  V.  A  qui  la  grâce  du  discernement 
infus  est-elle  concédée  ? 

Chax:the  IV.  Du  discernement  des 
esprits  en  tant  qu-  vertu  acquise  par  le 
travail  et  l'industrie,  et  combien  les 
directeurs  des  âmes  sont  obligés  de 
l'acquérir. — g  I.  Tous  doivent  acquérir 
cette  sorte  de  discernement. — g  II.  Le 
directeur  des  âmes  doit  l'acquérir  à 
tout  prix. 

Chapitre  V.  Des  moyens  par  lesquels 
le  directeur  des  âmes  peut  acquf^iir  le 
discernement  des  esprits. — g  I.  Premier 
moyen  :  Demander  instamment  à  Dieu 
la  lumière  du  discernement. — g  II.  Se- 


cond moyen  :  S'appliquer  à  connûtre 
les  règles  qui  aident  à  discerner  l'esprit 
vrai  du  faux,  par  l'élude  de  l'Ecriture 
sainte,  des  Pères,  des  Docteurs  et  des 
enseigne  oenls  de  la  vi-;  des  Saints. — 
g  III.  Troisième  moyen  :  L'exp°rlence. 
-g  IV.  Quatrième  moyen  :  Le  directeur 
doit  procéder  avec  iiunailité  dans  la 
conduitH  des  âmes. — g  V.  Cinquième 
moyen  :  Le  directeur  ne  doit  pas  trop 
s'affectionner  à  ses  péniienls.  Pour  le 
môme  motif,  on  ne  doitj.imais  prendre 
une  âme  sous  sa  direciion  pour  l'avan- 
tage temporel  qu'on  en  pourrait  retirer, 
g  VI.  Sixième  moyen  :  Le  directeur 
«loii  avoir  un  esprit  cultivé,  mais  non 
sophistique.  En  outre  il  ne  doit  pas  ju- 
ger sur  des  raisons  terrestre?,  mais  sur 
des  raisons  divines. — g  VII.  Septième 
moyen  :  Il  faut  examiner  atienti\ement 
et  bien  p-^s^r  les  choses  avant  de  porter 
unjugement.-g  Vill.  Huitième  moyen: 
Savoir  quels  sont  les  caractères  du  boa 
esprit  et  quels  sont  ceux  du  mauvais. 

Chapitre  VI.  Marques  de  l'esprit  di- 
vin relativement  aux  mouvements  ou 
actes  de  notre  imelhgence. — g  1.  Aver- 
tissement.-ll.  Première  marque  :  l'es- 
pnt  divin  enseigne  toujours  la  vérité  et 
ne  peut  en  aucun  cas  sugjjérer  l'erreur. 
Conséquence — g  III.  Seconde  marque  : 
L'esprit  de  Dieu  ne  suggère  jamais  à 
notre  esprit  des  choses  inutiles. — g  IV. 
Troisième  marque  :  Le  Saint-Esprit 
apporte  toujours  de  la  lumière  à  nos 
âm"S. — g  V.  Quatnèmemarque'.L' es- 
prit divin  apporte  la  docilité  à  l'intelli- 
geace. —  g  VI.  Cinquiè  ne  marque  : 
L'esprit  divin  rend  l'entendement  dis- 
cret.— g  Vil.  Sixième  marque  :  L'es- 
prit divin  répand  'lans  notre  esprit  des 
pensées  d'humilité. 

Chapitre  VII.  Marques  de  l'esprit 
diabolique  relativement  aux  mouve-' 
meuts  ou  actes  de  notre  intelligence. — 
g  I.  Ces  marques  sont  les  comraires  de 
celles  de  l'esprit  divin. — g  II.  Première 
marque  :  L'esprit  diabolique  est  un  es- 
prit d'erreur. — g  III.  Seconde  marque: 
L'esprit  diabolique  suggère  des  choses 
il  utiles,  légères  et  inconvenantes. — 
g  IV.  Troisième  marque  :  L'esprit  dia- 
bolique app  rte  à  notre  âme  des  ténè- 
bres ou  de  fausses  lumières. — g  V.  Qua- 
trième marque  :  L'esprit  iliabolique  est 
obstiné. — g  VI.  Cinquième  marque  : 
L'esprit  diabolique  est  indiscret  et 
pou-se  aux  excès.  Il  n'obs-rve  pas  le 
temps  opportun,  le  lieu  convenable  et 
ne  considère  pas  la  condition  des  per- 


576 


LE  PROPAGATEUR 


sonnes. — g  VII.  Sixième  marque  :  L'es- 
prildu  dt  mon  mêle  toujours  à  dos  actes 
des  pens'  es  de  vanité  et  d'orgueil,  mê- 
me ilans  Ks  actes  vf  r tu '^ux  ei  saints. 

Chapitre  VIII.  Maniue?  de  l'esprit 
àh  in  dans  les  mouvements  ou  actes  de 
la  voiontp. — §  I.  Imporiancp  de  ce  suj^^t 
— g  II.  Première  marque  :  La  paix. — 
g  m.  Seconde  marque  :  L'humilité 
non  afTecten,  n:ais  simère. — g  IV.  Troi- 
sième marque  :  Une  ferme  confiance  en 
Di  u  appuyée  sur  une  s-ainie  CMinte  de 
soi-mêmn. — g  V.  Quatriètne  marque: 
Une  volonté-  flexible.— g  VI.  Cinquiè- 
me marque  :  La  juret"  d'ini-  nlion 
dans  les  œuvres. — g  Vil.  Sixième  mar- 
que :  La  patience  dans  les  souffranc^^s 
du  corps,  dai  s  les  choses  qui  touchent 
à  l'honneur,  et  encore  dans  les  choses 
qui  nous  affligeni. — g  VlU.  Septième 
marque  :  la  mortiticaiion  intérieur^  vo- 
loniare— g  IX.  Huitième  marque  :  La 
sinceiité,  la  vémcitf^  et  la  simpli'  ité. — 
g  X  Neuvième  marque  :  La  liberté  des- 
prit. -g  XI.  Dixièm.f' marque  :  Lt'  désir 
d'imitr  le  Christ.— g  XII.  Onzième 
marque  :  Un--  charité  dou':e,obligeanie 
désiniéres^et. 

Chapitre  IX.  Marques  de  l'esprit 
diabolique  dans  les  mouvemenis  ou 
act  s  de  la  volonté. — g  I.  Les  caraitères 
de  l'esprit  diabolique  sont  tout  à  fait  les 
contia  res  de  ceux  de  l'esprit  di^  in. — 
g  U.  Première  marque:  L'inquiétude, 
le  trouble,  la  confusion. — g  III.  Secon- 
démarque  :  Un  orgueil  munif^-stf^  ou 
une  fausse  humilité.— g  IV.  Troisième 
marque  :  L^  «lésespoir,  ou  la  déliance, 
ou  la  vaine  sécurité.— g  V.  Quatrième 
marque  :  L'ob-lination  de  la  voionié  à 
ne  pas  se  rendre  à  l'obéissance  due  aux 
supérieurs. — g  VI.  Cinquième  marque  : 
La  mauvaise  int'-ntion  dans  les  œuvres. 
g  VII.  Sixième  marque  :  L'impatience 
dans  les  peines.-g  VUI.  Sepliènie mar- 
que :  L  soulèv'ment  des  |  assions. — 
g  IX.  Huitième  mai  que  :  La  duplicité, 
la  feitiie,  la  dissimulation.-  g  X.  Neu- 
vième  marque  :  Un  a'.tach' ment  irès 
oppose  à  la  liberté  de  l'esprit. — g  XI. 
Dixième  marque  :  L'éloign^-meni  de 
Jésus-Christ  et  l'indifférence  pour  l'imi- 
tation d'Sex-  m  pies  qu'il  nous  a  donnés 
— g  XII.  Onzième  marque  :  La  fausse 
cha  ité  et  II-  faux  zèle. — XIII.  Avis 
pratiques  au  dnecieur. 

Chapithe  X.  D-'S  esprits  douteux  et 
inc>  rtains.-g  I.  Préambule.-g  II.  L'es- 
prit qui,  après  avoir  fait  choix  d'un  état, 
doit  être  tenu  pour  suspect. — g  III.  Un 


espril  porté  à  des  choses  insolites,  sin- 
gulières et  étrangères  â  son  etdt.  est 
fort-  ment  douteux.— g  IV.  Un  esprit 
qui,  dans  la  pratique  de  la  vertu,  as- 
pire aux  choses  extraordlnair^-s,  est 
souvent  dout- ux.— g  V.  L'esprit  des 
grandes  pénitences  extér  eures  peut 
êtredoubux. — g  VI.  Un  esprit  de  con- 
solations si  iriluelles  sensibles  est  dou- 
teux.— g  VII.  L'esprit  de  consolations 
et  de  délectations  spirituelles  qui  se 
continu  perpeiuellemnoi,  sans  jamais 
être  IntHrromjiu,  est  beaucoup  plus 
suspi^ct. — g  VIII.  Les  larmes  au>si  sont 
'suspectf-s,  parce  q':'elles  p  uvent  j  lillir 
de  trois  sources  différentes.-g  IX.  L'es- 
prit dé  révélation  est  toujours  suspect. 
— Les  stigmates  et  autres  signes  pro- 
digieux sur  le  corps  doivent  être  con- 
sidérés commn  très  douteux. 

Chapitre  XI.  Des  diverses  manières 
par  lesquelles  l'esprit  du  Seigneur  opè- 
re dans  les  âmes. — g  I,  Dieu  opère  di- 
versemt-nt  dans  les  âmes. — g  II.  Quel- 
quefois, l'f'ppril   de   Dieu   nous  meut 
vers  le  bien  en  général,  mais  il  ne  nous 
montre  pus  en  particulier  le  bien  que 
nous  devons  accomplir. — g   III.  D'au- 
tres fois  l'esprit  de  Dieu  excite  en  nous 
un  désir  dont  il  ne  demande  pa-  effec- 
tivement l'exécution,  ou  dont  il  di^man- 
de  seulement  une  parti»"  de  l'exécution, 
—g  IV.  L'esprit  de  Dieu  procèd    avec 
oalme  à  l'égard   di-s  âmes  bonnes.  11 
agit  durement  avec  des  âmes  coupables 
et  op.niâtres  L'esprit  du  d  mon  est  au 
contraire  turbulent  et  fier  avec  les  âmes 
justes,  mais  il  est  tout  condescendance 
pour  les  pécheurs. — g    V.    L'espnl   de 
Dieu  s'insinue  de  diverses   manières 
dans  les  âmes  pieuses. — g  VI.  C'est   le 
propre  de  l'esprit  de   Dieu   seul  ment 
d'entrer  dans  les  âmes  et  de  les  changer 
toutes  en  son  iimour  par  ses  ueu.\  at- 
traits, sans  qu'aucune  cause  ait  préci^- 
de   de  tes   changements,   c'est-à-dire 
sans  qu'il  y  ait  eu  dans  l'imagination, 
ou  dans   l'Intelligence,  ou   dans  la  vo- 
lonté, quelque  opération   capable  de 
provoquer  ce  pieux   embrassement. — 
g  VII.  L'esprit  de   Dieu  se  cache  par- 
fois à  l'âme  et  la  laisse    aride   et  dans 
les  ténèbres  pour  son  plus  grand  bien. 
Chapitre  Xli.  Des  divers  arlific-fs 
par  lesquels  le  démon  trompe  les  âmes. 
— g  I.  Le  demou   tourne   autour  de  la 
forteresse"  d-  notre  âme,  observant   le 
côté  le  plus  faible,  la  parue   la  moins 
bif-n  gardée  pour  y   don  ler  l'assaut. 
Habileté  des  démons  dans  leurs  machi- 


LE  PROPAGATEUR 


577 


nations  conlre  i  os  àme<. — g  II.  Après 
nous  avoir  tenlés.lesdemoMSS"  retirent 
et  nous  laissent  en  paix,  mais  avec  la 
fin  perverse  dt  nous  ass;iillir  à  l'impro- 
visle  et  plus  fortement  quand  nous  se- 
rons nf'gligenls  et  distraits.  —  g  III. 
Quan'l  le  démon  voit  qu'il  ne  peut  sub- 
juguer les  âmes  ni  p  r  l'art,  ni  par  la 
frande,  il  les  fait  s'exposer  à  les  occa- 
sions qui  ont  une  lin  bonne  mais  indis- 
crète.— g  IV.  Le  démon  ne  réussissant 
pas  en  lentanl  les  personnes  dévotes  en 
choses  graves,  a  soin  qu'elles  nt^  tien- 
nent pas  compte  des  petites  choses, 
qu'elles  lesdé  laignent  et  les  transgres- 
sent ficilement. — g  V,  Le  démon  a  re- 
cours à  toutes  sortes  de  méchantes  ru- 
ses pour  retirer  les  personnes  spirituel- 
les 'lu  service  divin.— g  VI.  Trois  cho- 
ses à  indiquer  aux  peniif'Uts  pour  qu'ils 
ne  tombent  pas  dans  les  pièges  d'un 
ennemi  aussi  trompeur. 

Chapitrk  XIII  Désillusions  par  les- 
qufdle>  le  démon  ti  ompe  U  s âmesincon- 
sidérées,  •  t  d'abord  d-^s  illusions  qui 
leur  arrivent  dans  l'oraison. — g  I.  Dif- 
férence entre  les  ruses  et  les  illusions. 
Du  soin  que  nous  devons  avoir  de  ne 
pas  nous  laiss^^r  illusionnnr  par  l'esprit 
de  la  <:hair. — g  II.  Le  démon  fait  pa- 
raîlr  1h  faux  pour  le  vrai.  Ses  fauss  s 
représentations. — g  I  (I.  Diverses autr^-s 
manières  par  lesque  les  les  démons 
Irompeni  les  personnes  spiritue  les. — 
g  IV.  Rèff  les  pour  distinguer  les  f  i  vt^nrs 
de  Dieu  des  illusions  du  'lémon, — g  V. 
Moyens  par  lesquels  l'homme  spirituel 
peut  se  préserver  des  illusions  dans  ses 
oraisons. 

Chapitre  XIV.  Des  illusions  diabo- 
liques qui  se  produisent  ilans  l'e'Xercice 
des  venus f'i  d  ms  l'.ibandon  aux  vice  . 
— g  I.  Le  démon  dissimule  l'iniquité 
sous  lapparenc-"  delà  venu,  et  il  don- 
ne au  vie-  Tapprirence  de  la  venu. — 
g  II  Le  nombre  des  illusions  par  les- 
quelles notre  enn  mi  s'efforce  de  cor- 
rompre nos  actions  est  incalculable. 
On  en  signale  quelqies-unes  qui  s^^rvi- 
ront  à  faire   connaît  e    les   autres  >^\  à 


nous  rendre  circonsp"cts  pour  les  écar- 
ter—  g  III.  Nosennf^mis  s'f^lforcent  de 
nous  éloigner  du  bien  sous  préti-xt-'  de 
mal.  Remède  à  employer  pour  nous 
garantir  d^-  tontes  ces  f  ut  b  ries. 

Chapitre  XV.  Court»^  explication  des 
marques  de  l'esprit  humain.  —  g  '  Ce 
que  c'est  que  l'espnl  humam.— g  II 
Cet  esprit  prend  souvent  ,es  lesd  hors 
de  l*verlu  et  nous  fait  p.iraiire  à  nos- 
yrux  et  aux  yeux  des  autres  tout  difle- 
renls  de  ce  que  nous  sommes. —  g  III. 
Le  directHur  qui  ne  v^ut  pas  errer 
dans  le  jugement  qu'il  porte  sur  les 
vertus  il''  son  pénitent  doit  observer 
avec  att-^ntion  quelle  f-st  sa  fin  dans  la 
pratique,  et  si  le  motif  qui  le  pouse  à 
l'exercice  des  vertus  et  l'accompagne 
dans  le  cours  de  ses  opérations,  est 
surnaturel. — g  IV.  L'esprii  humain  se 
môle  aussi  aux  actions  de  personnes 
très  piens-s  qui  ont  l'halntude  de  ré- 
gl^-r  tous  1  urs  act-s  avec  grande  per- 
f'-ction. — g  V.  Dir  ciion  qu'on  doit 
donnera  l'esprit  humain 

Avis  au  directeur  des  âm'^s. 

APPENDICE 

QUELQUES  RÈGLES  DE   S.  IGNACE 

[. — Pour  discern^^r  bs  esprits. 

Pour  mieux  liscerner  les  esprits. 

II. — Pour  la  distribution  des  aumônes. 

III.  — Pour  aider  à  reconnaître  les 
scrupules. 

IV. — Pour  vivre  toujours  en  union  par- 
faite avec  la  véritable  Eglise, 

DEUX  CHAPITRES  DE  S.    JEAN  DE  LA  CROIX 

I. — On  pxplique  pourquoi  Dieu  a  cou- 
tume lu  communiqueraux  âin-'sles 
biens  spirituels  par  Tint  rmédiaire 
des  sens. 

II. — Des  dommages  que  la  conduite  im- 
prudente de  certains  directeurs 
P'-nt  occasionner  à  l'en  Iroit  des 
visions. 


VIE  DE 

SAINT  JEAN-BAPTISTE 

ÉLÉVATIONS    CONTEMPLATIVES 

SOR  LA  YIE  DD   SAINT   PRECCRSEUR 

Par  l'abbé  J.  B.  DEW£Z 

1  vol.  in-l2 88  cls. 


LEON   XIII 

ET 

■  ^'  LE   VATICAN      ■  j;].ia  ] 

PAR 

ronis  TESTE 

rvol  in-12 $0.88c 


LES  CLEFS  DU  PARADIS  OU  LA  CONFESSION  BIEN  FAITE 

S'AFEES  S.  ALPHONSE  de  LISUOBI,  DOCTEtJS  de  L'EGLISE,  et  QUELaïïES  AÏÏTBES  AUTEUES 
PAR    liE    P.    SAINT-OM£R,    RÉDEMPTORISTE 

Nouvelle  éiUlion.  1  volume  iri-18 Prix:  15  cts 

L'Egli?e  catholique,  hors  de  laquelle  il  n'y  a  point  de  salut,  est  la  société  de 
tous  les  Q'Ièles  reunis  par  la  profession  d'une  même  foi,  par  la  participation  aux 
mômes  sacremenli  et  par  la  soumission  à  notre  saint  père  le  Pape.  Elle  se  com- 
pose de  juste-s  et  de  pécheurs,  d'après  Nolre-S'^igneur  lui-mêm>"  qui  compare  son 
Eglise  à  une  aire  où  la  paille  est  mêlée  au  bon  grain,  à  un  filet  qui  prend  des 
poissons  bons  et  mauvais,  à  dix  vierges  dont  les  unes  sont  sages  et  les  autres 
sont  folles,  à  uue  noce  qui  rassemble  ceux  qui  ont  l'habit  nuptial  et  ceux  qui  ne 
l'ont  pas  en  attendant  la  séparation  qui  se  fera  au  jour  du  jugement.  Ainsi, 
quelque  grand  pécheur  que  soit  un  catholique,  il  appartient  au  corps  de  l'Eglise, 
à  moins  qu'il  ne  s'en  retranche  lui-même  par  rinfidéhlé  et  l'apostasie,  ou  qu'il 
n'en  soit  retranf^hé  par  l'excommunication  ;  mais,  hélas  !  il  ressemble  à  une 
branche  mote  qui,  tenant  encore  à  l'arbre,  n'a  plus  de  part  à  la  sève  qui  se 
communique  de  la  racine  aux  branches  vivantes.  Il  y  a  cependant  une  différence 
considérable  et  qui  laisse  une  ressource  bien  consolante  aux  plus  grands  crimi- 
nels :  c'est  qu'une  branche  morte  ne  peut  plus  revivre,  au  lieu  qu'un  membre  de 
l'Eglise,  mort  parle  péché,  peut  recouvrer  l'esprit  de  la  grâce  et  recevoir  de  nou- 
veau les  influences  de  la  vie  divine  que  Jésus-Christ  répand  dans  les  justes 
comme  le  chef  dans  ses  membres.  C'est  là  une  vérité  sur  laquelle  repose  toute  la 
rédemption,  vérité  que  nous  devons  croire  et  qui  se  trouve  formulée  dans  cet 
article  du  Credo  :  Je  crois  la  rémission  des  péchés.  O  quel  bonheur  d'être  enfant 
-de  l'Eglise,  puisque  dans  l'Eglise,  et  dans  l'Eglise  catholique  seule,  se  trouve  la 
véritable  rémission  des  péchés  par  un  sacrement  spécial  appelé  sacrement  de  pé- 
nitence !  Nous  te  saluons  avec  bonheur,  ô  sacrement  mille  fois  béni  dans  lequel 
Dieu  étale  toutes  les  richesses  de  ses  miséricordes!  Le  péché  nous  avait  fait  fils  de 
mort  et  de  perdition  ;  mais  tu  nous  fais  redevenir  enfants  de  vie  et  de  résurrec- 
tion. Pur  toi,  la  malédiction  fait  place  à  la  bénédiction  ;  par  toi,  'es  larmes  de 
deuil  se  changent  en  larmes  de  joie,  et  les  épines  du  remords  se  trouvent  conver- 
ties en  flèches  d'amour.  Sans  toi,  que  la  mort  est  amère  !  mais,  sous  ton  égide, 
elle  est  douce  et  pleine  d'espérance.  Prodige  inouï  de  la  divine  clémence  !  quel- 
ques paroles  sacramentelles  deviennent  la  clef  d'or  qui  nous  ouvre  les  portes  du 
ciel,  le  verrou  qui  ferme  l'abime  éternel  ouvert  sous  nos  pieds,  le  marteau  qui 
brise  les  fers  de  notre  esclavage,  l'éponge  quieflace  avec  le  sang  du  Rédempteur 
la  longue  séri--  de  nos  iniquités.  Pauvres  pécheurs,  qui  attendez,  pleins  d'angois- 
ses, l'heure  des  supplices  sans  fin,  loin  de  vous  le  sombre  désespoir.  Votre  salut 
est  entre  vds  mams.  Adressez-vous,  humbles  et  repentants,  à  ces  hommes  aux- 
quels le  Dieu  que  vous  avez  offensé  a  dit  :  Je  vous  donnerai  les  clefs  dd  royaume 
DES  ciEDx.  Les  péchés  seront  remis  à  ceux  à  qui  vous  les  remelirez. 

Le  sacrement  de  pénitence  est  si  nécessaire  au  salut,  que  tout  chrétien  devrait 
le  connaître  à  f  nd.  Et  cependant,  chose  déplorableet  bien  triste  à  dire,  l'igno- 
rance en  ce  point  est  des  plus  grandes.  Si  du  moins  les  conséquences  n'en  élait^nt 
pas  éternelles  !...  Que  d'âmes,  hélas!  gémissent  maintenant  en  enfer  et  goûte- 
raient les  délices  des  anges  dans  le  ciel,  si  elles  avaient  voulu  mieux  s'instruire 
de  cet  admirable  moyen  de  pardon.  Touché  de  ce  grand  péril  des  âmes,  nous  nous 
somnjes  proposé  de  livrer  au  public  cet  opuscule.où  les  points  les  plus  importants 
de  la  conf  ssion  seront  traités  d'une  manière  simple  et  populaire.  Nous  avons  puisé 
nos  matériaux  à  bonne  source,  principalement  dans  les  Œuvres  de  St  Alphonse 
de  Liguori  ;  et  nous  nous  sommes  efforcé  de  suivre  l'esprit  et  la  doctrine  de  ce 
sainlDûcteur  partout  où  nous  n'avons  pas  reproduit  le  texle  même  de  ces  écrits. 

Nous  divisons  ce  traité  en  trois  parties,  savoir  :  la  confession,  le  confesseur,  le 
pénitent.  —  Dans  la  première  partie,  il  sera  parlé  de  la  divinité,  de  la  nécessité, 
des  effets  et  d^s  bienfaits  de  la  confession.  —  Dans  la  seconde,  nous  nous  Jjorne- 
rons  à  montrer  au  pénitent  qu'il  doit  voir  dans  le  confesseur  le  véritable  repré- 
sentant de  Jesus-Christ,  et  partout,  le  considérer  comme  père,  comme  médecin, 
comme  docteur  et  comme  juge.  —  Dans  la  troisième,  nous  traiterons  des  disposi- 
tions du  pénitent,  lesquelles  sont  la  contrition,  l'aveu  des  péchés  et  la  satisfaction. 

Puissent  N.-S.  Jésus-Christ,  dont  la  clémence  infinie  éclate  d'une  manière  si 
frappante  dans  ce  sacrement  demiséricorde,  et  sa  divine  Mère  l'Immaculée  Vierge 
Marie,  le  perpétuel  secours  des  misérables  et  le  refuge  des  pécheur»,  bénir  ce  mo- 
deste travail  entrepris  uniquement  pour  le  salut  des  4mes  rachetées  à  si  grand 
prix  sur  le  Calvaire  I 


LES  ENSEIGNEMENTS  DU   CBEMIN  DE   L\  CROIX 

HETHODES  POUR  PARCOURIR  AVEC  FRUIT  LES  STATIONS  DE  LA  VOIE  DOULOUREUSE 
Par  le  Père  I^.  Bronctaain,  rédemptoriste 

Cinquième  édition  revue  avec  soin  et  dUgin:!ntée.  l  fort  vol.  in-18 38  cts 

La  ilévolion  au  Chemin  de  la  Croix 


est  un  puissant  moyen  de  sanclitication. 
Le  Siuveur  nous  y  instruit  non  seule- 
ment par  des  paroles,  mais  encore  par 
l'exemple  des  vertus  les  plus  dificil-'S, 
des  vertu?  pratiquées  dans  la  souffran- 
ce Il  nous  y  instruit  :  nous  trouvons  en 
«ffet  dans  le  Chemin  de  laCroixuneima- 
Refrappante  de  notre  vie.  Nous  avan- 
çons tous  vers  un  calvdiie  plus  ou 
moins  éloigné  ;  à  notre  première  station 
on  nous  condamne  à  mort;  à  notre  d-^r- 
nière,  on  nous  met  au  sépulcre.  Entre 
ces  deux  t-^rmes.que  d'épreuves,  de  lut- 
tes, de  souffrance,  et  aussi,  hél^s  !  com- 
bien de  chutes!  ce  sont  les  stations  in- 
termédiaires de  notre  voyage.  Celles  du 
Sauveur  nous  apprennent  comment 
nous  devons  nous  conduire  dans  les 
nôtres,  c'est-à-Jire,  comment  nous  de- 
vons vaincre  dans  nos  combats,  avec 
quel  courage  nous  d-^vons  supporter 
nos  doal-^urs  et  nous  relever  de  nos 
fautes. Et  c^t  enseignement  est  d'autant 
plus  f^flicace  qu'il  est  plus  persuisif. 
Quoi  de  plus  entraînant  que  Us  exem- 
ples d'un  Dieu  ?  Quoi  de  plus  émoavant 
que  ses  souffrances  ?  Son  silence  nous 
parle,  sa  patience  iious  confond,  ses 
plaies  nous  attendrissent,  sa  charité 
nous  enflamme  et  nous  ravit  Plus  nous 
cont-mplons  ce  Dieu  Rédempteur,  dans 
les  tourm'^nts  de  sa  passion,  plus  les 
austères  maximes  de  l'Evangile  nous 
paraissent  praticables  et  faciles. 

Persuadas  de  ces  vérités,  lt!S  saints 
qui  connurent  la  dévotion  au  Chemin 
de  la  Croix  s'y  affectionnèreni  avec  zè- 
le. Saint  Léonard  de  Port-Maurice, non 
content  d';  la  pratiquer  lui-même,  la 
propagt^a  de  tout  son  pouvoir.  Saint 
Aljjhonse  Marie  de  Liguori  la  recom- 
mandait instamm-int,  et,  jusque  dans 
la  plus  extrême  vieillesse,  il  parcourut 
chaque  jour  les  stations  de  la  voie  dou- 
loureuse. Les  souverains  Poniifes  ac- 
cordèrent à  cett'^  dévotion  toutes  les  in- 
dulgences attachées  à  la  visite  des 
Ll-ux  saints. 

Pour  faciliter  1  exercice  du  Chemin 
de  la  Croix  et  le  rc'udre  en  même  temps 
plus  pr.itilable  aux  âmes,  nous  leur  of- 
frons ce  modeste  recueil  divisé  en  trois 
Séries,  correspondant  aux  trois  voies 
de  la  perf'iction.  Les  fidèles  qui  travail- 
lent à  se  purifier  de  leurs  péchés  et  de 
leurs  inclinations  vicieuses,  trouveront 
dans  la  Série  première  des  sujets  cor- 


respondant à  leurs  besoins.  Ceux  qui 
s'efforcent  par  la  considération  des  ver- 
lus  d'avancer  dans  les  voies  de  la  sain- 
teté, se  serviront  utilement  des  mé- 
thodes de  la  seconde  Série  Enfin,  les 
âmes  qui  aspirent  à  l'union  d>vine  ren- 
contreront dans  la  Série  troisième,  des 
éch'-lons  spirituels  pour  s'élever  gra- 
duellement vers  les  perfections  de  Dieu. 

Le  mode  de  considérations  adopté 
dans  ces  méthodes  n'est  pas  contraire 
aux  conditions  requises  pour  gagner 
lesinduigenaes,  puisque  l'exposé  et  la 
prière  qui  suit  font  toujours  allusion  au 
sujet  particulier  de  chaque  station.  Il 
sera  bon  toutefois  de  bien  saisir  l'objet 
du  mystère,  avant  de  passer  à  l'appli- 
cation que  nous  en  faisons. 

Peui-ètre  Irouvera-t-on  cette  ap^lica- 
/ion  fort  arbitraire,  par  cela  seul  qu'elle 
est  très  variée.Mais  si  l'un  considère  que 
la  passion  du  Rédempteur  contient  et 
If'S  remèdes  à  nos  maux  et  les  moyens 
de  sanctification  pour  nos  âmes,  on  res- 
tera convaincu  que  ce  mode  d'applica- 
tion, tout  en  favorisant  la  pieté,  ne  bles- 
se nullement  la  vérité  du  mystère. 

Le  Sauveur  en  effet,  dans  l^s  souf- 
frances de  sa  passion,  s'est  fai'  le  méde- 
cin, le  jnailre  et  l'époux  de  nos  âmes. 
Comme  médecin,  il  nous  donne  des  re- 
mèdes contre  le  péché  ;  comme  maître, 
il  nous  enseigne  \ns  v-Tlusà  pratiquer; 
comme  époux,  il  nous  attiie  à  lui  pour 
nous  communiquer  ses  bi-  ns  ineffables 
Les  trois  Séries  de  méthodes  que  nous 
donnons  dans  ce  recueil  corr^spendent 
à  ces  trois  grandes  qualités  du  Rédemp- 
teur souffrant.  Jésus,  médecin  spirituel, 
nous  donne  des  remède^  contre  le  pé- 
ché mortel  et  le  péché  véniel  ;  il  nous 
jirémunit  contre  la  crainte  de  la  mort, 
du  jugement  de  l'enfer,  dn  purgatoire, 
en  nous  rendant  la  vie  de  la  grâce  et 
en  nous  fournissant  les  moyens  de  la 
conserver,  durant  les  jours  de  notre 
pèlerinage  ici  bas.  Il  nous  aide  enfin 
dans  angoisses  de  notre  dernière  mala- 
die et  nous  mérite  les  meilleures  dis- 
positions pour    mourir    saintement. 

J'jsus,  mîatre  par  excellence  à  l'école 
de  la  sainteté,  nous  enseigne  pendant 
sa  passion,  par  sa  conduite  dans  les 
tourments,  toutes  les  vertus  que  nous 
devons  pratiquer  piur  être  parfaits  : 
['humilité,  l'oraison,  la  cm/iunce, 
l'obéissance,  la  chasteté,  la  patience,  la 
charité,  la  vie  de  Ùieu  en  nous,  les 
v  rtus  religieuses  et  sacerdotales. 


580 


LE  PROPAGATEUR 


^  Enfin,  le  Rédemptenr,  époux  des 
âmes  fidèles,  fait  monter  graduellement 
jusqu'à  son  sacré  Cœur  cplles  qu'il 
destine  à  l'union  la  plus  parfaite  avee 
sa  Diviniti^  Il  leur  inspire  à  cette  fin, 
avec  la  pratique  des  vertus,  certaines 
dévotion-^  fondam^-ntales  qui  nourris- 
sent leur  piété.enfl  imm'^nt  leur  ardeur, 
les  font  aspirer  et  même  les  conduisent 
peu  à  ()eu  à  l'union  divine.  Telles  sont 
les  dévotions  à  la  Menheurt^use  Vierg-î 
Marie,  mère  de  douleur,  Dispensatrice 
des  grâces.  Modèle  de  toutes  les  vertus. 
Tels  sont  encore  et  surtout  les  rapports 
que  nous  entretenons  a''ec  l'Humanité 
sacrée  du  Sauveur,  dans  son  Enfance, 


sa  Passion,  l'Eucharislie,  son  divin 
Cœur,  rentre  de  tout  bien,  foyer  de  l'a- 
mour céleste.  Après  le  Cœur  alorabie 
de  Jésus,  il  ne  r^st»  plus  que  le  Giet  et 
la  Vision  de  Dieu,  pléniiude  de  touies 
les  perfections,  et  notre  élern^lle  béati- 
tude. 

Tel  est  le  plan  de  ce  modeste  re- 
c  'eil,  que  nous  offrons  à  la  piéié  des  fi- 
dèles. Comme  on  nous  a  fait  r^-marquer 
que  certains  exercices  étaient  trop 
longs,  nous  les  avons  abrégés  presque 
tous,  sans  toutefois  nuire  au  fond  des 
idées.  Le  tout  soit  à  la  plus  grande  gloi- 
re de  Dieu  et  pour  la  sanctification  des 
âmes  ! 


PIEEEE   LEYIEIL 

A  LA  MÉMOIRE  DE  MELGHOIR  DU  LAC,   COMTE  d'aURE  ET  DE  MONTVERT. 


{suite) 

"  Où  sont  Jean  et  André?  " 

"  Ils  sont  allés  prendre  leur  leçon  chez  le  cousin  Joavenet,  "  dit 
la  mère. 

"  Qu'ils  viennent  !  qu'ils  viennent  !  "  reprit  le  pauvre  fiévreux  : 
"  je  veux  leur  parler  avant  de  mourir.  " 

A  ces  mots,  la  mère  et  les  enfants  éclatèrent  en  sanglots. 

Le  médecin  arrivait.  C'était  un  vieil  ami  de  la  famille,  toujours 
de  bonne  humeur,  et  qui  ne  pouvait  souffrir  que  l'on  attristât  les 
malades.  Il  avait  entendu  les  paroles  de  Guillaume. 

"Ta,  ta, ta,  ta  !  "  s'écria-t-il.  "  Quelle  sottise  dites-vous  là,  maître 
Levieil  ?  Vous  serez  guéri  dimanche,  ou  je  veux  être  pendu. 
A.llons,  couvrez-vous,  voyons  ce  pouls...  11  n'est  plus  qu'à  quatre- 
vingt-deux  :  l'accès  finit.  Vous  allez  prendre  un  bouillon,  que 
diable  1  et  vous  dormirez  après.  Emmenez  cette  marmaille,  ma- 
dame Levieil.  Je  vous  croyais  raisonnable.  Est-ce  qu'on  encombre 
d'enfants  la  chambre  d'un  malade  ?  Allons,  essuyez  vos  yeux. 
Je  m'invite  à  dîner  chez  vous  dimanche.  Votre  mari  sera  gaillard, 
et  vous  nous  ferez  des  crêpes.  Vive  la  joie!  Quel  est  ce  beau 
garçon?...  " 

"  C'est  Pierre,  "  dit  la  mère  :  "  il  est  revenu  à  la  maison  pour 
soigner  son  père.  " 

'•  Il  a  bien  fait,  "  dit  le  docteur.  "  Allez  quérir  un  peu  de  bouil- 
lon, madame.  Notre  malade  s'en  va  en  javelle  à  présent  que  la 
fièvre  est  tombée.  " 

En  reconduisant  le  médecin,  Pierre  lui  demanda  ce  qu'il  pen- 
sait de  l'état  du  malade. 

"  Espérez-vous  le  guérir  ?  "  lui  dit-il. 

"  Mon  ami,  "  dit  le  docteur,  "  vous  savez  notre  divise  et  le  salut 
que  nous  adressons  aux  malades  :  Caravi^  Deus  salvet.  Je  t'ai  soigné, 


LE  PROPAGATEUR  581 


que  Dieu  te  guérisse.  Je  fais  de  mou  mieux.  Votre  père  est  artiste. 
Chez  cette  sorte  de  malades,  l'imaginatioii  est  bien  puissante.  S'il 
croit  guérir,  il  guérira.  Nous  autres  médecins,  nous  sommes  mar- 
chands d'espoir,  et,  souvent,  nous  vendons  plus  de  cette  marchan- 
dise que  nous  n'en  possédons.  Qu'importe,  d'ailleurs  ?  En  tout  cas, 
vous  avez  bien  fait  de  revenir,  car  la  pauvre  maman  n'en  pouvait 
plus.  A  demain,  mon  ami  !  Courage  et  confiance  !  " 

Et  le  bon  docteur,  enfourchant  sa  mule,  repartit  lestement. 

Guillaume  Levieil  vécut  encore  quatre  ans,  mais  sans  recouvrer 
la  sanié.  Il  resta  afBgé  d'un  tremblement  nerveux  qui  l'empêchait 
de  peindre.  Il  employa  ces  dernières  années  à  enseigner  à  ses  fils 
les  secrets  de  son  art.  Jean  devint  assez  habile  p^-intre.  André 
s'occupait  de  la  partie  matérielle,  de  la  vitrerie.  Pierre,  s'appli- 
quant  à  la  chimie,  apprit  de  son  père  à  fabriquer  les  émaux  et  en 
inventa  plusieurs.  Mais  ce  qui  sauva  de  la  ruine  la  maison  du 
peintre  verrier,  ce  fut  l'ordre  parfait  qu'y  établit  Pierre  Levieil. 
Il  chassa  les  ouvriers  récalcitrants,  et  fit  observer  le  silence  et  la 
plus  exacte  discipline  à  l'atelier.  Bientôt  la  petite  maison  de  la  rue 
des  Fossés  devint  aussi  calme  et  bien  ordonnée  qu'un  monastère; 
et,  lorsque  Guillaume  Levieil  mourut,  en  1731,  il  avait  dit  plus 
d'une  fois  à  son  fils  aîné  :  Grâce  à  toi,  Pierre,  je  m'en  irai  tran- 
quille. Encore  un  peu  de  temps,  et  ton  frère  Jean  sera  en  état  de 
gouverner  la  famille  et  l'atelier,  et  tu  pourras  retourner  à 
l'abbaye.  " 

Les  derniers  jours  de  Guillaume  Leviel  furent  calmes.  Ne  pou- 
vant pins  marcher,  il  se  fit  porter  par  ses  fils  dans  l'atelier,  et  leur 
expliqua  une  nouvelle  façon  d'ajuster  les  bri^nes  du  four,  qu'il 
avait  imaginée  pendant  ses  insomnies.  Afin  de  se  faire  mieux 
comprendre,  il  y  fit  allumer  du  feu  en  sa  présence.  Un  rayon  de 
soleil  entrait  joyeusement  dans  l'atelier,  et  faisait  paraître  les 
flammes  d'un  rouge  obscur. 

"  Feu  terrestre,  lumière  céleste  !  "  dit  le  peintre  mourant,  "  vous 
qui  m'aidiez  à  faire  resplendir  dans  le  temple  de  Dieu  les  légen- 
des et  la  gloire  des  saints,  bientôt  je  ne  vous  verrai  plus  !  —  Mon 
âme  ira  se  purifier  dans  un  feu  dont  celui-ci  n'est  que  l'ombre. 

—  0  mes  enfants,  priez,  priez  pour  moi,  afin  que,  bientôt  délivré 
des  flammes  du  purgatoire,  j'aille  jouir  de  la  lumière  éternelle  I 

—  J'ai  aimé  la  beauté  delà  maison  du  Seigneur:  j'espère  qu'il 
m'admettra  dans  son  paradis.  —  Dites  à  sœur  Luce  de  beaucoup 
prier  pour  moi  !  " 

Hélas!  il  ne  savait  pas  que,  depuis  près  d'un  mois,  sœur  Luce 
était  morte,  —  passagère  colombe  qui  semblait  n'être  entré  dans 
le  cloître  que  pour  mieux  assurer  son  essor  vers  le  ciel  —  Son  père 
mourut  sans  savoir  qu'elle  l'avait  précédé,  sans  avoir  connu  cette 
croix  si  douloureuse  que  portait  en  silence  la  pauvre  mère  :  sur- 
vivre à  son  enfant  ! 

Quatre  ans  après,  Anne  Levieil  mourut  aussi,  et  cette  perte  fut 
encore  plus  sensible  à  Pierre  que  celle  de  son  père.  Il  aimait  sa 
mère  comme  seuls  savent  aimer  les  cœurs  consacrés  à  Dieu.  Dans 
ceux  là,  la  mère  a  la  première  place  après  celle  du  divin  Maître, 


582  LE  PROPAGATEUR 


et  celte  place  ne  lui  est  jamais  enlevé.  —  Anne  Levieil  n'était  âgée 
que  de  quarante-huit  ans,  et  ses  enfants  espéraient  la  conserver 
encore  bien  longtemps.  Elle  même  eût  souhaité  vivre.  Elle  disait 
quelquefois  à  Pierre:  "Ayez  patience,  mon  fils  (c'était  son  mot 
favori^,  ayez  patience  :  bientôt  nous  marierons  Jean,  et  vous  re- 
tournerez au  monastère.  Mes  filles  se  tiendront  sages  près  de  moi, 
et  vous  n'aurez  plus  souci  d'elles.  "  Une  violente  pleurésie  enleva 
cette  bonne  mère  en  trois  jours.  Elle  recommanda  à  ses  enfants 
d'obéir  à  leur  frère  aîné  comme  au  bon  Dieu,  et  mourut  en  disant: 
"  Je  vais  rejoindre  votre  père.  Ayez  patience,  enfants.  C'est  si  court, 
la  vie  !  " 

Pierre  plaça  ses  soeurs  les  plus  jeunes  à  l'Abbaye-anx-Rois,  chez, 
les  religieuses  bernardines,  pour  qui  il  travaillait.  Babet  et  Louise 
y  prirent  le  voile.  Jeannette  mourut  jeune,  ainsi  que  ses  frères 
Jacques  et  Maic.  Henriette  se  maria.  Jean  et  André  épousèrent, 
bientôt  après,  de  bonnes  ménagères.  La  plus  jeune  sœur  de  Pierre, 
Rosette,  sa  filleule,  resta  avec  lui.  C'était  la  plus  aimable  fille 
qu'on  pût  voir.  Sa  belle  humeur  égayait  la  maison,  et,  seule,  elle 
savait  faire  sourire  son  frère  aîné.  Intelligente,  adroite,  elle  dessi- 
nait mieux  que  ses  frères,  et  semblait  avoir  hérité  du  talent  de 
son  aïeule,  Catherine  Jouvenet,  si  célèbre  à  Rouen  à  la  fin  du  dix- 
septième  siècle,  et  qui  avait  tenu  une  école  de  peinture.  —  André 
n'eut  que  des  filles;  mais  le  fils  de  Jean,  le  petit  Louis,  était  si 
beau,  si  bien  doué,  que  Pierre  l'appelait  l'ange  de  l'atelier.  Toute 
cette  famille  d'artistes  vivait  dans  la  plus  cordiale  union,  sous  la 
dominaiion  incontestée  du  frère  aîné,  remplaçant  tout  à  la  fois  le 
père  et  la  mère.  Attentif  et  régulier  en  toute  chose  comme  un 
vrai  bénédictin,  il  se  faisait  rendre  chaque  jour  un  compte  exact 
des  travaux.  Ses  frères,  peu  lettrés  et  d'une  intelligence  médiocre, 
n'auraient  pu  traiter  convenablement  avec  les  clients,  et  leurs 
femmes  étaient  de  celles  dont  toute  la  capacité 

se  hausse 
A  connaître  un  pourpoint  d'avec  un  haut-de-chausse. 

Le  travail  abondait  chez  Levieil,  et,  voyant  chaque  jour  ses 
bénéfices  augmenter,  il  s'était  plu  à  se  former  une  belle  bibliothè- 
que. Sou  affaiblité,  son  instruction  aussi  viriée  (|ue  sérieuse, 
l'exacte  probité  et  le  soin  qu'il  mettait  à  l'exécution  des  travaux  qui 
lui  étaient  demandés,  lui  attiraient  l'estime  et  l'amitié  de  tous  ses 
clients.  Les  plus  savants  ecclésiastiques  se  plaisaient  à  se  reunir 
chez  lui  ;  et,  a  mesure  que  l'âge  miîr  arrivait  pour  Pierre  Levieil, 
sa  réputation  croissante  et  l'aisance  qui  régnait  dans  sa  maison, 
le  rendaient  un  objet  d'envie.  Il  se  délassait  de  ses  travaux  par 
quelques  compositions  littéraires  qu'il  lisait  le  soir  à  ses  amis,  et 
paraissait  heureux;  mais,  au  fond,  la  nostalgie  du  cloître  ne  le 
quitta  jamais..  Ni  labeurs  ni  succès  ne  lui  firent  oublier  la  vie 
studieuse  et  cachée  qu'il  eût  souhaité  passer  à  Saint-Wandrille; 
et,  loisqu'il  entendait  sonner  les  cloches  de  l'abbaye  de  Saint-Vic- 
tor, voisine  de  sa  demeure,  il  se  rappelait  celles  qui  l'avaient  fait 
pleurer  en  tintant  VA.ngelus,  le  soir  de  son  départ,  le  soir  de  ses 
adieux,  Et  les  années  s'écoulaient,  sans  fermer  lablessuredu  cœur 
de  l'exilé.  (à  suivre) 


N  OTES  &  RENSEIGNEMENTS  BIBLIOGRAPHIQUES 

..    POUR    AIDER  LES  ECCLÉSIASTIQUES   A    COMPOSER    ETA 
COMPLÉTER     LEUR     RIBLIOTHÈQUE 


L'Ami  du  Clergé,  a  déjà  fait  connaî- 
tre les  Méditations  du  P.^Bourgoing.  Il 
a  loué  et  l'auteur  et  l'œuvre.  L'auteur 
"  appartenait,  dit-il,  à  celte  forte  géné- 
ration de  l'Oratoire  naissant,  qui,  fon- 
dé par  le  caniinal  deBerulle,  s'honora 
de  î'amitirt  de  saints  personnages  com- 
me saint  Vincent  de  Paul  et  M.  Olier, 
qui  contribua  pour  une  si  grande  part 
à  rétablissement  des  séminaires  et 
donna  à  l'Eglise  tant  de  saints  prêtres 
et  de  talents  sérieux,  jusqu'au  moment 
où  l'hérésie  janséniste  vint  s'intiltrer 
dans  son  sein  et  stériliser  son  action 
pour  le  bien."  Au  surplus,  que  ceux 
qui  veulent  connaître  davantage  et 
mieux  apprécier  le  P.  Bourgoing,  lisent 
son  oraison  funèbre  prononcée  par 
Bossuet  en  1662  :  ils  concevront  de  lui 
une  haute  estime,  et  seront  tout  dispo- 
sés à  accueillir  les  éloges  que  VAmi 
décerne  à  ses  Méditations.  Ce  ne  sont 
pas  de  ces  méditations  •'  qui  sentent 
beaucoup  plus  la  déclamation  que  la 
méditation,  " — "  qui  dispensent  de  la 
réflexion  et  suppriment  le  travail  de 
l'âmf^,  c'est-à-dire  ne  se  laissent  pas 
méditer  ;  "  elles  ne  ressemblent  en  rien 
non  plus  à  ces  ■'  méditations  à  l'eau  de 
rose,  où  tout  est  faveur,  affections  lan- 
goureuses, tendresses  qui  ne  sont  bon- 
nes qu'à  énerver  et  à  fondre  toutes  les 
énergies  du  cœur..,  elc  ;  " — "  ce  sont 
au  contraire  des  méditations  toutes 
pleines  de  lumière  et  de  grâce,  "  com- 
me dit  Bossuet  ;  elle  nous  présentent 
des  considérations  très  substantielles 
qui,  par  des  efforts  de  réflexions  per- 
sonnelles, nous  conduisent  à  des  résul- 
tats sérieux,  c'esl-à-dire  à  des  senti- 
ments ou  affections  bien  fondés  et  à  des 
résolutions  a|)puyées  sur  des  bases  so- 
lides. C'est  la  plus  haute  et  la  plus  pro- 
fonde théologie,  l'exégèse  la  plus  riche, 
qui  nous  y  fournissent  le  thème  de  nos 
réflexions,  ou  nous  placent  sous  les 
yeux  les  sublimes  vérités  de  notre  foi, 
sous  un  jour  qui  sera  nouveau  pour 
beaucoup  el  dans  une  lumière  qui  sera 
saisissante  pour  tous.  Le  P.  Bourgoing 
indique  lui-même  très  souvent  ces  élans 
du  cœur  qui  doivent  jaiUir  de  la  consi- 
dération. Les  méditations  que  nous  a 
données  le  savant  et  pieux  Oralorien, 
il  les  a  plutôt  faites  que  composées  :  et 
c'est  lui  que  nous  entendons  nous  dire 
simplement,  ex  abundanlia  cordis,  les 


lumières  que  l'oraison  lui  a  procurées 
sur  les  Vérilés  et  excellences  de  Jêsm- 
Christ,  et  les  sentiments  que  la  grâce  a 
fait  naître  dans  son  cœur.  Quel  charme 
et  surtout  quels  avantages  dans  la  mé- 
ditation de  ces  vérités  que  nous  avons 
étudiées  au  séminaire,  et  que  nous  étu- 
dions encore,  mais  plus  avec  l'intelli- 
gence qu'avec  le  cœur,  pour  connaître 
plus  que  pour  aimer,  pour  savoir  et 
non  pour  goûter  la  venté  !  Ce  n'est  que 
dans  l'oraison,  au  pied  du  crucifix,  et 
sous  l'action  de  Dieu,  que  les  saints 
ont  trouvé  la  science  qui  les  a  faits 
saints,  et  qui  aussi,  les  a  rendus  si 
aptes  à  faire  des  saints. 

Nous  ne  doutons  pas  que  le  P.  Bour- 
going ne  puisse  contribuer  beaucoup 
par  ses  méditations  à  nous  procurer 
cette  science  des  saints,  et  à  faire  de 
nous  des  apôtres  pleins  de  zète  et  de 
charité  qui  sauront  communiquer  aux 
âmes  le  feu  allumé  dans  nos  cœurs  par 
l'oraison.  Félicitons-nous  donc  de  cette 
nouvelle  édition  d'un  ouvrage  si  riche 
et  si  utille. 

En  tôle  de  l'édition  de  1636,  se  trou- 
vait une  préface  contenant  vingt-quatre 
directions  ou  avis  pour  l'oraison  :  elle 
a  été  publiée  à  part,  récemment  ;  nous 
aurons  plus  tard  l'occasion  d'en  parler 
plus  longuement.  Les  trois  volumes, 
appréciés  déjà  dans  VAmi  du  Clergé,  ne 
sont  que  la  première  partie  du  grand 
travail  du  P.  Bourgoing. 

Cette  première  partie  comprend  tous 
les  mystères  de  Jesus-Ghrist  ;  de  l'In- 
carnation, de  la  Nativité,  de  l'Enfauce 
et  de  la  Vie  cachée,  et  ceux  de  la  Pas- 
sion, de  la  Résurrection,  de  l'Ascen- 
sion, de  l'avènement  du  Saint-Esprit, 
de  la  Sainte-Trinité,  et  du  très  auguste 
sacrement  de  l'autel. 

La  deuxième  partie,  publiée  depuis, 
"  contient  des  méditatio  s  sur  chaque 
verset  des  liianies  de  Jésus  et  de  la 
sainte  Vierge,"  pour  le  temps  qui  s'é- 
coul-^  depuis  l'octave  du  Saint-Sacre^ 
m^nt  jusqu'à  l'Avent.  On  ne  lardera 
pas  longtemps,  espérons-le,  à  nous  li- 
vrer la  troisième  et  quatrième  pirlie. 
Les  méditations  de  la  troisième  partie 
commentent  les  plus  importantes  véri- 
té? prêchées  par  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  et  contenues  dans  les  Evangiles 
des  dimanches  de  l'année  et  des  fériés 
du  Carême. 


58  > 


LE  PROPAGATECR 


La  quatrième  partie  contient  "  les 
vérités  ei  excellences  de  Jésus-Christ 
Noire-Seign'-ur  communiquées  à  ses 
sainls,"  c'  sl-à-iiire  le  mediialions 
pour  les  fèies  de  la  sainte  Vierge  el  -les 
principaux  saints,  et  leurs  octaves.  Elle 
renferme  de  pins  huit  méditaiions  pour 
une  fèl-  spéciale  à  la  Congrégaiion  des 
prêtres  ^\^i  roraloire,  la  soleiinilé  de 
Jesus-Chriït  Nolre-Seigneur,  el  huit 
auUvs  sur  le  mystère  de  la  Transligu- 
ration. 

Nous  aimons  à  croire  que  les  éditHurs 
n'oublieront  pas  non  plus  les  Retraites  , 
du  P.  Bourgoing.  Nous  en  comptons 
qurtlre  publié-s  en  165 i  :  l'un-^  pour 
les  E  ■cl>"siasliques,  la  seconde  pour  les 
Communauté^  religieuses,  la  troisième 
sur  les  grand'  urs  el  peifeclions  divines 
pour  \e>  âmes  avancées,  la  quilrième 
"  propr'^  à  ceux  qui  se  désirent  conver- 
tir sèri^^usement  à  Dieu."  Elles  sont 
toutes  de  dix  jours,  à  deux  e:;ercices 
ou  méditations  par  jour  :  elles  sont 
comme  l^s  uutres  ouvrrges  du  P.Bour- 
going,  marquées  au  coin  de  la  science 
et  dt!  la  piélé,  et  offrent  par  conséquent 
aux  r-lr.tilants  et  aux  directeurs  de  re- 
traites lous  les  matériaux  et  lout  s  les 
ressources  désirables. 

La  3'ie  édition  des  Méditations  du  P. 
Bourg(ing,  revue  par  le  P.  Ingold,  a 
été  enrichie  de  sommaires  pour  la  pré- 
paration de  la  mediiation,  et  l'on  a 
rendu  plus  apparentes  que  dans  l'édi- 
tion de  1636  les  différentes  parties  de 
chaque  méditation  ;  le  style  a  élé  un 
peu  rajeuni.  Mais  nous  préférons  enco- 
re le  format,  l'exécution  lypographiqu-:; 
et  lout  l' nsemble  de  la  première  édi- 
tion ;  le  formai  surtout  de  la  nouvelle 
édition  ne  nous  parait  pas  digne  d'un 
ouvrage  ansïi  important,  el  nous  ose- 
rons (Jire  au  libraire-éditeur  que  ses 
in-18  sont  cotés  à  trop  haut  prix  et 
qu'il  eut  eu  plus  d'acheteurs  à  2  francs 
ou  2  fr.  50.  Cette  observation,  que  nous 
plaçons  ici  sans  rien  retirer  de  ce  qui  a 
été  dit  sur  le  mérite  d-?  l'ouvrage,  nous 
avons  trop  sr.uvent  l'occasion  et  la  ten- 
tation de  la  faire  ;  les  bons  livres,  ei 
suituul  le?,  très  bons  livres,  devraient 
coûter  moins  cher  et  être  davantage  à 
la  portée  des  p-tites  bourses  ;  le  béné- 
fice réalisé  sur  chaque  exemplaire  serait 
moins  considérable,  mais  ceit-i  diminu- 
tion serait  largement  comp-^n-ée  par 
une  vente  plus  abondante,  p  us  facile 
et  plus  rapide.  N'est-ce  pas  ici  le  cas 
de  diro  que  ftlii  hujus  sœcuti  pruden- 
tiores  filiis  lucis...  suni  ? 


En  lisant  et  admirant  les  méditations 
du  P.  Bourgoing  sur  les  sept  dernières 
paroles  de  Jésus  en  croix,  il  nous  est 
revenu  à  la  pensée  qu'un  autre  orato- 
nen,  le  P.  Charles  Perraud,  mort  en 
janvier  1892,  avait  aussi  publié  d^s  Mé- 
ditations sur  les  sept  paroles  de  N.-S. 
Jésus-Christ  en  Croix.  Cet  ouvrage  qui 
a  été  comme  le  lesiam-nt  du  P.  Per- 
raud, es-t  le  résumé  des  sermons  prê- 
ches par  lui  sur  la  pai^sion  de  Jésus- 
Chrisl,  le  jour  du  vendre^li  saint.  Nous 
y  trouvons,  sur  ce  grand  et  si  utile  su- 
j-^t,  sur  ces  enseignements  solennels 
d'un  Dieu  mourant  pour  nous,  les  vé- 
rités les  plus  consolantes,  les  exhorta- 
tions les  plus  louch  intes.  Ah  !  nous  en 
avons  besoin,  de  ces  consolations  ^livi- 
n"S,  dans  les  différentes  épr-  uves  de  la 
vie,  dans  les  inquiétudes  de  conscience, 
dans  la  doul-ur  d'une  séparation  cau- 
sée par  la  mort,  dans  les  angoisses  du 
délai-semem.  Quelle  souffrance  éprou- 
ve le  pasteur  zélé,  qui  voil  ses  efforts 
inutiles  et  les  âmes  se  p^-rdre  !...  C'est 
Jésus  qui  nous  fortifiera  et  nous  conso- 
lera du  haut  de  la  croix,  par  le  pardon 
qu'il  accorde  au  bon  larron,  par  l'ex- 
emple qu'il  nous  donne  de  la  générosi- 
té d^ins  le  sacrifice,  el  par  les  grâces 
qj'il  nous  a  méritées  en  acceptant  vo- 
lontairement et  en  offrant  à  son  père 
une  passion  si  douloureuse  ^  l  une  mort 
si  it^nominieuse.  Ces  leçons  el  ces  aou- 
solalions  du  divin  Maître,  le  P  Charles 
P-  rraud  les  fait  valoir  dans  un  style 
élégant  et  clair,  et  avec  des  accents 
émus  et  émouvants.  C'est  Monseigneur 
l'évèque  d  Auiun  qui  a  présenté  les  Mé- 
ditations au  public,  dons  une  introduc- 
tion digne  de  l'évêque  académicien.  Il 
a  dû  nous  donner,  dans  la  cinquième 
édition  de  l'ouvr  «ge,  un  épilogue  sur  la 
mort  édifiante  de  l'auteur.  (Ajouiez  à 
cela  une  pr-  face,  la  messe  des  mal  ides 
empruntée  à  la  Journée  des  malades  de 
l'abbé  Perr-'yve,  et  quelqui^s  autres 
pièces  liturgiques,  vous  aurez  un  in-18 
de  276  pag-s,  qu'il  faudra  payer  à  frs. 
Il  nous  semble  inutile,  après  ces  quel- 
ques observations,  de  recommander  ce 
livre  à  hos  1-  et  urs  ;  c'est  vr.iim<nt  un 
livro  à  lire.  Tandis  que  les  Mé  litat.ons 
du  P.  Bourgoing  sont  à  méditer  ;  par 
les  fortes  pensées  qu'elles  présentent  à 
nos  réflexions,  elles  nous  donneront, 
elles  aussi,  d^i  puissantes  leçons  el  des 
émotions  salutaires,  sans  que  les  im- 
perf  étions  ou  plutôt  la  simplicité  ella 
naïveté  du  style  diminuent  en  rien  leur 
mérite  et  leur  efficacité.  (à  suîvre\ 


LE    PROPAGATEUR 


Volume  IV,        15  Novembre,  1893,        Numéro  18 


BULLETIINT 


10  Novembre  1893. 

%*  L'escadre  russe  a  quitté  le  port  de  Toulon  le  29  Octobre.  Le 
27,  le  tzar  a  adressé  au  président  Garnot,  qui  se  trouvait  alors  à 
Toulon,  la  dépêche  suivante  qui  est  considérée  comme  l'annonce 
officielle  de  l'alliance  franco-russe.  (1) 

"  Au  moment  où  l'escadre  russ"?  va  quitter  la  France,  je  désire  tout  particu, 
lièrement  vous  dire  combien  je  suis  touché  et  reconnaissant  d^  la  chaleureuse 
et  spl-ndide  réception  ilont  mes  marins  ont  été  l'objet  de  tous  les  côtés  pendant 
leur  séjour  sur  le  sol  français.  C'est  la  preuve  de  la  profonde  sympathie  qui, 
une  fois  de  plus  s'est  manifestée  avec  tant  d'éloquence  et  qui  ajoutera  un  nou- 
veau lien  â  ceux  unissant  déjà  ces  deux  peuples  ;  elle  contribuera,  je  l'espère,  à 
consolider  la  paix  générale,  qui  est  le  but  de  leurs  elToris  et  de  leurs  vœux  les 
plus  constants;  "  Alexandre. 

Les  paroles  prononcées  par  M.  Carnot  au  grand  banquet  de 
Toulon,  "/e  bois  à  l'amitié  des  deux  grandes  nations  et  par  elles  à  la 
'■'■  paix  du  monde ^"  donnent  beaucoup  de  poids  à  l'opinion  expri- 
mée plus  haut. 

**  La  présence  d'une  escadre  anglaise  dans  les  eaux  italiennes 
ne  paraît  pas  avoir  ému  l'univers  outre  mesure.  Cet  événement 
dont  on  parlait  tant  d'avance  est  passé  presque  inaperçu,  éclipsé 
qu'il  a  été  par  la  splendeur  des  fêtes  données  en  France  aux 
marins  de  la  Russie. 

Le  récit  de  ces  fêtes  et  les  diverses  significations  qui  leur  ont  été 
données  ont  absorbé  l'attention  générale  et  rempli  les  colonnes 
des  journaux  pendant  des  semaines.  Les  journaux  de  la  triple  al- 
liance eux-mêmes  se  sont  presque  exclusivement  occupés  de  la  vi- 
site russe  et  n'ont  donné  qu'une  attention  secondaire  à  la  visite 
anglaise.  Quoiqu'on  en  ait  dit  la  visite  de  l'escadre  anglaise  à  Ta- 
rente  n'a  pas  eu  la  signification  qu'on  a  voulu  lui  donner  en  cer- 
tains lieux.  Les  ennemis  de  la  France  ont  annoncé  avec  une  joie 
mal  déguisée  que  cette  visite  signifiait  l'adjonction  de  l'Angleterre 
à  la  triple  alliance,  mais  ils  ont  compté  sans  la  politique  tradition- 
nelle de  l'Angleterre  qui  est  est  de  croquer  les  marrons  que  les 
autres  retirent  du  feu. 

(l)  Dépêche  de  Paris  au  Herald  de  New-Yo 


590  LE   PROPAGATEUR 


*^*  Les  Canadiens-Français  de  l'état  du  Gonnecticut  ont  tenu  à 
Bridgeport,  en  octobre  dernier,  leur  Ville  convention.  Il  y  avait 
de  nombreux  délégués  des  centres  canadiens  et  de  leurs  diverses 
associations.  La  convention  s'est  prononcée  en  faveur  de  l'union 
intime  des  Canadiens  entre  eux,  des  clubs  de  naturalisation,  des 
sociétés  de  tempérance,  des  congrès  nationaux  et  de  la  presse  na- 
tionale. La  principale  résolution  concerne  l'éducation.  La  voici 
intégralement  : 

Comme  loul  .iéperid  de  l'éducaiion  reçue  au  foyer  domestique,  il  est  à  sou- 
haiter que  les  par-^nls  s'appliquent  à  donner  à  leurs  enfants  une  solide  instruc- 
tion reiigi-use  et  une  saine  édui^ation  morale  ;  c'est  un  devoir  pour  les  pirents 
qui  tiennent  à  la  conservation  de  noire  langue,  de  la  parler  eux-mèm'  s  et  de  la 
fairf  parler  au  foyer  domestique  ;  enfin  tous  doivent  ai  1er  de  .eur  influence  mo- 
rale et  de  1'  urs  ressources  malérii-li'-s,  rétablissement  et  le  m^i intien  des  écoles 
paroissiales  qui  conlinuenl  et  complètent  l'éducation  domestique. 

Honneur  à  nos  compatriotes  qui,  sur  la  terre  étrangère,  portent 
haut  et  ferme  le  drapeau  de  notre  nationalité  et  conservent  reli- 
gieusement les  traditions  de  leur  race. 

* 

*/  Un  lugubre  événement  est  venu  jeter  un  voile  de  deuil  sur 
les  derniers  jours  de  l'exposition  universelle.  M.  Carter  Henry 
Harrison,  maire  de  Chicago,  a  été  assassiné  samedi  le  28  octobre 
par  un  misérable  nommé  Prendergast.  La  nouvelle  de  cet  assassi- 
nat a  été  connue  aussiiôtdans  la  grande  ville  et  elle  y  a  cause  une 
immense  indignation.  Le  maire  Harrison  était  très  populaire  sur- 
tout parmi  nos  compatriotes.  Sa  mort  cause  d'universels  regrets. 

CarlerH.  Harrison  est  né  le  25  février  1825.  Ha  été  élu  plusieurs 
fois  représentant  au  congrès  de  Washington  et  5  fois  maire  de 
Chicago.  Quoique  démocrate,  il  a  battu  ses  adversaires  républi- 
cains dans  une  ville  républicaine.  Dans  la  dernière  contestation 
pour  la  mairie  il  a  eu  une  majorité  de  20,000  voix. 

"J"  Son  Eminence  le  cardinal  Gibbons,  archevêque  de  Baltimo- 
Te,  et  Mgr  de  Goesbriand,  évêquede  Burlington,  ont  célébré,  dans 
le  mois  d'octobre,  le  premier  son  vingt-cinquième  anniversaire 
d'épiscopat  elle  deuxième  le  quarantième  anniversaire  de  son 
élévation  à  cette  haute  dignité. 

An  jubilé  du  cardinal  Gibbons  étaient  présents,  Mgr  SatoUi,  le 
délégué  apostolique,  treize  archevêque  parmi  lesquels  on  distin- 
guait Mgr  Redwood,archevêque  de  Wellington, Nouvelle-Zélande, 
une  trentaine  d'évêques  et  un  t^rand  nombre  de  prêtres.Une  messe 
solennelle  a  été  célébrée  par  le  cardinal.  Mgr  Corrigan,  archevê- 
que de  New-Yoi  k,  a  prêché  à  la  messe  et  Mgr  Ireland,  archevê- 
que de  Saint  Paul,  a  prêché  anx  vêpres. 

Le  cardinal  Vaughan,  archevêque  de  Westminster,   Angleterre, 


LE  PROPAGATEUR  591 


était  représenté  par  Mgr  Nugeiit,  évêque  de  Liverpool,  et  le  cardi- 
nal Logue,  primat  d'Irlande,  était  représenté  par  le  R.  P.  Ring. 

M^r  James  Gibbons  est  né  à  Baltimore  le  23  jaillel  1834  ;  il  a 
été  ordonné  prêtre  en  1861  et  nommé  vicaire-aposiolique  de  la  Ca- 
roline du  Nord  en  1868.  Il  a  été  aussi  évêque  de  Kichmond  et 
coadjuleur  dr-  Mgr  Bayley,  archevêque  de  Baltimore  à  qui  il  a 
succédé.  Il  a  été  créé  cardinal  eu  1886. 

Mgr  de  GcBsbriand  est  le  plus  vieil  évêque  d'Amérique.  Il  a  été 
sacré  à  New- York  en  1853  par  le  nonce  Mgr  Bedini. 

Le  diocèse  de  Burlington  comprend  tout  l'état  du  Vermont.  Il 
y  a  50  000  catholiques  dans  ce  diocèse.  Mgr  Michaud,  co-adjuteur 
de  Mgr  de  Gœsbiiand,  est  un  Canadien  français  né  aux  Etats-Unis. 
Il  a  été  nommé  évêque  l'année  dernière. 

*/  La  célébration  d'un  70è  anniversaire  de  mariage  est  un 
événement  d'une  rareté  extraordinaire.  Cet  évéaement  vient 
d'avoir  heu  à  St  Cuthbert,  diocèse  de  Montréal.  Les  deux  époux 
sont  M.  et  madame  Pierre  Coul ombe. 

Un  évént-ment  probablement  unique  depuis  les  temps  patriarcaux 
est  la  célébration  d'un  centenaire  de  mariage.  Eu  effet  à 
Zsombolyl,  en  Hongrie,  les  époux  Jean  Szatbmary  viennent 
de  célébrer  le  centième  anniversaire  de  leur  mariage.  Il 
est  officiellement  constaté  par  des  actes  notariés  et  par  d'autres 
documents  que  le  mariage  a  réellement  eu  lieu  en  1763.  Les  deux 
époux  étaient  des  vieillards  lorsque  les  anciens  de  leur  village,  qui 
les  ont  parfaitement  connus,  étaient  encore  enfants. 

*/  Sont  nommés  : 

1°  Lieutenant-gouverneur  des  Territoires  du  Nord-Ouest,  M. 
Charles  Herbert  Mackintosh,  député  fédéral  de  la  cite  d'Ottawa. 
M.  Mai  kiutosh  est  un  ancien  journaliste.  Il  remplace  M.  Joseph 
Royal  qui  est  aussi  un  ancien  journaliste. 

La  dernière  session  de  la  législature  des  territoires  du  Nord- 
Ouest  a  été  courte  et  peu  importante.  Elles  a  été  prorogée  vers  la 
fin  de  septembre.  Cette  session  a  été  témoin  d'une  procédure  très- 
rare  dans  nos  assemblées  législatives,  c'est  celle  de  ['«expulsion 
d'un  député.  Ce  député  est  M.  Daniel  Campbell,  représentant  de 
Whitewood.  La  raison  de  cette  expulsion  est  la  fuite  de  M. 
Campbell  aux  Etats-Unis,  évitant  ainsi  l'action  de  la  justice  II  était 
accusé  de  détournement  de  fonds  et  de  faux. 

2°  Sénateur  pour  l'Ile  du  Prince-Edouard,  M.  Donald  Ferguson  , 
ancien  ministre  dans  le  cabinet  Sullivan.  Il  remplace  le  sénateur 
Montgomery,  décédé  dernièrement. 

3°  Juge  de  comté  pour  le  comté  de  Middlesex,  Ontario,  M. 
Edward  Elliott,  avocat,  de  Perth. 


59-2  LE  PROPAGATEUR 


4°  Régistraleurs,  messieurs  Oscar  Lamoureux,  pour  le  comté 
de  Wolf,  Louis  Vincent  Dumais,  pour  le  comté  de  Kamouraska  ; 
Joseph  Martel,  avocat,  et  J  Antonio  Beaudoin,  notaire,  pour  le 
comté  de  Joliette. 

*,*  Sont  décédés  (1)  à  l'étranger  dans  le  cours  des  quatre  ou  cinq 
derniers  mois  : 

1*-*  Mgr  Char  les- Joseph  de  Héfélé,  célèbre  théologien  allemand. 
11  était  âgé  de  84  ans.  11  avait  été  nommé  évêque  de  Rottenbourg 
en  1849.  Au  concile  du  Vatican  il  vota  contre  la  définition  du 
dogme  de  l'infaillibilité  pontificale  sous  le  prétexte  que  cette  défi- 
nition n'était  pas  opportune.  Mais  à  la  proclamation  du  dogme  il 
se  soumit  humblement.  De  Héfélé  fut  un  des  plus  ardents  adver- 
saires de  la  secte  des  "  Vieux  catholiques  "  et  il  contribua  puissam- 
ment à  arrêter  les  progrès  de  leurs  funestes  doctrines.  Son  prin- 
cipal ouvrage  est  une  "  Histoire  des  Conciles  "  en   neuf  volumes. 

2°  Mgr  Emmanuel  Gomez  y  Salazar,  archevêque  de  Burgos, 
Espagne.  Il  est  né  à  Aria,  archidiocèse  de  Burgos,  le  11  juin  1824 
Il  a  été  successivement  évêque  de  Siguenza  en  1875,  évêque  de 
Malaga  en  1879  et  enfin  archevêque  de  Burgos  en  1886. 

30  i^igy  Reynolds,  archevêque  d'Adélaïde  en  Australie.  Il  était 
âgé  de  C8  ans.  Il  fut  nommé  évêque  d'Adélaïde  en  1873,  quatre  ans 
plus  tard,  c'est-à-dire  en  1877,  ce  siège  épiscopalfut  élevé  au  rang 
de  siège  métropolitain  et  Mgr  Reynolds  en  fut  nomméje  premier 
archevêque. 

40  Mgr  François  Sabbia,  évêque  de  Gréma,  Italie.  Il  est 'né  à 
Créma  le  3  Octobre  1814,  et  il  a  été  nommé  évêque  de  cette  ville 
en  1871.  Mgr  Sabbia  a  beaucoup  favorisé  les  études  théologiques. 

5"  Le  révérend  Père  Nicholas  Mauron,  supérieur  général  de  la 
Congrégation  desRédemptoristes.  Cette  congrégation  a  pour  fon- 
dateur le  célèbre  théologien,  Saint  Alphonse  de  Liguori.  Le  père 
Mauron  est  né  à  Saint-Sylvestre,  près  de  Fribourg,  en  Suisse  le  7 
janvier  1818.  Religieux  profès  le  18  octobre  1837,  il  fut  ordonné 
prêtre  dans  le  mois  de  mars  1841  et  élu  général  de  son  ordre  le  2 
mai  1855.  D'après  les  constitutions  de  l'ordre  le  nouveau  général 
doit  être  élu  dans  les  six  mois  qui  suivent  la  sépulture  d'un  géné- 
ral défunt.  En  conséquence  le  successeur  du  père  Mauron  devra 
être  choisi  avant  la  fin  de  janvier  prochain.  Le  Père  Mauron  est 
mort  le  13  juillet. 

6°  Mgr  Ordonez,  archevêque  de  Quito,  Equateur.  Il  était  pos- 
sesseur d'une  grande  fortune  qu'il  a  employée  toute  entièrej  en 
bonnes  œuvres.  Il  était  archevêque  de  Quito^depuis  14  ans. 

7°  Mgr  Simon,  évêque  de    Domitiopolis  et  vicaire    apostolique 

(l)  Voir  11  note  au  bas  de  la  page  483,  No  du  1er  Octobre. 


LE  PROPAGATEUR  593 


de  la  Birmanie  Septentrionale.  Il  est  né  le  2  mars  1855,  dans   le 
diocèse  de  Luçon,  en  France, 'et  il  a  été  nommé   évêque  en  1888. 

:  8<*  Mgr  Reynaudi,  capucin.  11  a  été  vicaire  apostolique  de  Phi- 
lippopoli,  en  Bulgarie.  Pendant  la  guerre  de  1877-78  il  a  rendu 
d'immenses  services  et  la  population  reconnaissante  lui  a  fait  des 
obsèques  magnifiques.  Pendant  qu'il  exerçait  le  ministère,  il  s'est 
occupé  principalement  de  la  mission  des  Bulgares  latins. 

9°  Mgr  Gliffort,  évêque  de  Clifton.  Il  était,  dit  La  Croix  de  Paris, 
un  des  plus  savants  et  des  plus  distingués  prélats  d'Angleterre. 

10^  Mgr  L.  S.  Macmahon,  évêque  de  Hartford,  Gonnecticut:  Il 
est  né  au  Nouveau-Brunswick  en  1835.  11  a  fait  ses  études  classi- 
ques à  Worcester,  à  Montréal  et  à  Baltimore,  et  ses  études  théolo- 
giques à  Aix,  France,  et  à  Rome,  où  il  a  été  ordonné  prêtre  en 
1860.  Il  fut  nommé  évoque  de  Hartford  en  1879. 

11°  Le  général  G.  W.  Morgan,  l'un  des  vétérans  de  la  guerre  du 
Mexique.  Il  était  le  seul  général  survivant  de  cette  époque.  Il  a  été 
représentant  au  congrès  de  Washington  et  ministre  des  Etats- 
Unis  au  Portugal  pendant  l'administration  du  président  Pierce. 
Il  a  aussi  servi  pendant  la  guerre  de  sécession.  IL  était  démocrate. 

12°  Hamilton  Fish,  homme  d'état  américain.  Il  est  né  à  New- 
York  le  3  août  1808.  Il  a  été  reçu  avocat  en  1830  et  il  a  été  mem- 
bre de  la  Ghambre  des  représentants,  gouverneur  de  l'état  de 
New-York  et  sénateur.  En  mars  1869  le  président  Grant  le  nom- 
ma secrétaire  d'Etat  pour  les  affaires  étrangères.  Il  conserva  cette 
charge  pendani  toute  la  durée  des  deux  présidences  de  Grant. 

13"  M.  Ruchonnet,  conseiller  fédéral  et  ancien  président  de  la 
république  Suisse.  Il  était  extrêmement  populaire  et  son  influence 
était  immense.  Il  a  puissamment  contribué  à  la  pacification  reli- 
gieuse de  la  Suisse  et  à  la  cessation  de  la  persécution.  Les  catholi- 
ques n'oublieront  jamais  les  services  qu'il  leur  a  rendus.  En  Ru- 
chonnet la  Suisse  perd  un  grand  citoyen,  un  brillant  orateur  et 
un  éminent  jurisconsulte. 

14°  Le  feldzeugmestre  baron  Bauer,  ministre  de  la  guerre 
de  l'empire  d'Autriche.  Il  est  né  en  1825.  Il  s'est  distingué  à  la  ba- 
taille de  Gustozza.    Le  baron  était  très  populaire  et  très  estimé. 

15°  Le  duc  Ernest  II  de  Saxe-Gobourg  et  Gotha,  Il  était  le  frère 
du  prince  Albert,  mari  de  la  reine  Victoria.  Il  est  né  à  Gobourg  le 
21  juin  1818  et  il  succéda  à  son  père  en  1844.  Son  successeur  sur 
le  trône  ducal  de  Saxe-Gobourg-Gotha  est  son  neveu  le  prince 
Alfred,  duc  d'Edimbourg,  second  fils  de  la  reine  d'Angleterre. 

*** 

*,*  Sont  décédés  dernièrement  : 

1°  Le  maréchal  Marie  Edme  Patrice  Maurice  de  MacMahon, 
duc  de  Magenta  ancien  gouverneur  de  l'Algérie  et  ancien  prési- 


594  LE  PROPAGATEUR 

dent  de  la  répntJlique  française.  11  s'est  couvert  de  sfloire  dans  la 
campagne  de  Crimée  où  il  s'est  emparé  du  fort  de  Malakof  ce  qui 
a  beaucoup  contribué  à  la  chu  le  de  S  ébastopol,  et  dans  la  campa- 
gne d'Italie  où  il  s'est  particulièrement  distingué  à  la  bilaille  de 
Magenta.  C'est  à  ses  habiles  manœuvres  que  la  victoire  est  prin- 
cipalement due.  L'empereur  Nnpoléon  III  l'a  créé  maréchal  de 
France  et  duc  de  Magenta  sur  le  champ  de  bataille.  Il  a  aussi 
combattu  en  B-lgique  et  il  était  au  siège  d'Anvers.  Il  fit  la  cam- 
pagne de  187U,  fat  blessé  à  Sélan,et  conduit  prisonnier  en  Alle- 
magne. A  son  retour  en  France  il  prit  le  commandement  de  l'ar- 
mée de  Paris  et  vainquit  la  Commune.  La  plus  grande  partie  de 
la  vie  militaire  de  MacMahon  a  été  passée  en  Algérie  où  il  s'est 
fait  une  immense  réputation.  Il 'y  fil  ses  premières  armes  et  il  y 
gagna,  à  22  ans,  la  Croix  de  la  Légion  d'honneur.  MacMahon  était 
un  catholique  pratiquant  et  il  était  d'une  excessive  probité.  Elu 
président  de  la  république  le  24  mai  1873  il  donna  sa  démission  le 
30  janvier  1879.  Il  descendit  du  pouvoir  moins  riche  qu'aupara- 
vant Cfirses  largesses  et  ses  bonnes  œuvres  ont  toujours  absorbé 
son  traitement  et  une  partie  considérable  de  sa  fortune  personnelle. 
Les  obsèques  de  l'illustre  guerrier, dont  la  France  pleure  la  perte, 
ont  eulieu  aux  frais  de  l'état  et  elles  ont  été  d'une  splendeur  inouïe. 
La  religion  y  a  eu  la  principale  ()art.  Une  foule  immense  encom- 
brait les  rues  et  40,OLiO  soldats  faisaient  partie  du  cor  tège.  Le  corps 
du  grand  homme  repose  maintenant  aux  Invalides  au  milieu  de 
tant  de  héros  dont  ils  sont  la  dernière  demeui-e.  MicMahon  est 
né  au  château  de  Sully,  département  de  Saône  et  Loire,  le  13  juin 
1808.  11  descendait  d'une  famille  irlandaise  réfugiée  en  France  à 
la  chute  des  Stuarts. 

2^  Charles  Gounod,  l'illustre  compositeur  français.    Il  est  né  à 
Paris  le  17  jurn  1818  et  il  est  mort  le  18  octobre  1893.  S'S  princi 
pales  œuvres  profanes  sont  Emst^  Roméo  et  Juliette  el  Polyeucte.    Il 
a  aussi  composé  beaucoup  d'œuvres  de  musique  religieuse.  Gou- 
not,  dit  I'Univers,  était  le  plus  illustre  représentant  de  l'art  français. 

Les  obsèques  du  grand  compositeur  ont  eu  lieu  à  la  Madeleine, 
aux  frais  de  l'état. 

3°  Sir  John  Joseph  Caldwell  Abboit,  avocat,  sénateur,  ancien 
maire  de  Monti-éal  et  ancien  premier  ministre  du  Canada.  Il  est  né 
à  Saint  André  d'Argenteuil  le  12  mars  1821  et  il  est  mort  à 
Montréal  le  30  octobre  18)3.  Sir  John  a  fait  ses  éludes  à  Saint 
André  et  à  l'Université  MrGill  à  Montréal.  11  a  été  reçu  avocat  en 
octobre  1847  et  nommé  Conseil  de  La  Reine  en  1862.  II  a  repré- 
senté le  comté  d'Argenteuil  dans  l'assemblée  législative  du  Canada 
avant  la  confédération.  Il  a  aussi  représenté  la  même  division  aux 
Communes,  et  il  a  été  nommé  sénateur  en  mai  1887.  En  1862  il 
fît  partie,  comme  solliciteur  général,  de  l'administration  Sandfield 
—  Ma(donald  —  Sicotte.  En  1891,  au  décès  de  Sir  John  A  Mac- 
donald,  il  devint  premier  ministre  du  Canada,  poste  qu'il  occupa 
jusqu'au  mois  de  novembre  1892.  En  mai  1892  il  fut  crée  par  Sa 
Majesté  chevalier  commandeur  de  l'ordre  de  Saint  Michel  et  Saint 


LE  PROPAGATEUR  595 


Georges.  En  1887  et  1888  il  fut  maire  de  Montréal.  Sir  John  est 
l'auteur  de  l'Acte  de  Faillite  de  18G4,  loi  qui  fut  abrogée  il  y  a 
quelques  années.  En  1849  il  siijna  le  fameux  m^niff^ste  annexiouis- 
te,  mais  plus  lard  il  commanda  les  volontaires  d'Argenteuil  en- 
voyés à  la  frontière,  avec  d'autres  troupes,  pour  repousser  l'inva- 
sion fénienne. 

4°  Le  révérend  père  Edouard  Sorin,  supérieur  général  de  la 
congrégation  de  Sainte  Croix.  11  est  le  fondateur  de  la  florissante 
université  de  Notre  Dame,  Jndiana.  Pendant  plus  de  cinquante 
ans  il  a  consacré  son  énergie  et  son  travail  à  la  consolidation  de 
l'œuvre  immense  qu'il  avait  entreprise  et  sa  mort  est  une  perte 
bien  douloureuse,  non  seulement  pour  la  communauté  donc  il 
était  le  supérieur  depuis  bien  longtemps  mais  aussi  pour  la  cause 
de  l'éducation  aux  Etats-Unis.  Le  père  S  )rin  est  né  à  Laval, 
France,  eu  1814,  et  il  habite  l'Amérique  depuis  1841.  Les  obsèques 
du  père  Sorin  ont  eu  lieu  le  3  novembre  dans  la  splendide  église 
du  bac  ré  Cœur,  universiié  de  Notre-Dame.  Le  service  a  été  chanté 
par  Mgr  R  idemacher,  le  nouvel  évêque  de  Fort  Wayne,  et  Mgr 
Elder,  archevêque  de  Cincmnati,  a  fait  l'oraison  funèbre.  Une 
foule  immense  de  citoyens  assistait  aux  obsèques.  Le  Propagateur 
était  représenté  par  M.  Deronip,  son  directeur.  Le  successeur  du 
Père  Sorin  comme  supérieur  général  de  la  congrégation  de  Sainte 
Croix,  est  le  ré.vérend  père  Français,  actuellement  supérieur  du 
collège  de  Sainte-Croix  à  Neuilly,  France.  Il  est  âgé  de  45  ans. 

',*  Nouvelles  politiques. — Le  parlement  anglais  est  en  session 
depuis  le  2  novembre.  L'ouverture  de  la  session  a  eu  lieu  ce  jour- 
là  avec  Ihs  formalités  ordinaires.  Il  n'y  a  cependant  pas  eu  de 
discours  du  trône. 

%*  La  session  extraordinaire  du  congrès  des  Etats-Unis,  com- 
mencée en  aoiit,  s'est  terminée  le  3  novembre.  Le  coi. grès  a 
adopté  le  bill  (Silverrepeal  bill)  abrogeant  la  clause  de  la  loi 
Sherman  qui  obligeait  le  gouvernement  à  acheter  de  temps 
à  autre  une  ct^rtaine  quantité  d'onces  d'argent.  L'abrogation  a 
été  votée  à  une  majorité  de  11  voix  au  sénat^et  à  une  majorité 
de  97  voix  à  la  chambre  des  repié  sentants. 

* 
*,*  La  troisième  session  de  la  huitième  législature  de  Québec 
s'est  ouverte  hier  après  midi.  Le  discours  du  trône  fait  allusion  au 
départ  du  dernier  gouverneur,  le  comte  de  Derby,  et  à  son  rem- 
placement par  le  comte  d'Aberdeen  ;  à  l'agriculture  ei  à  l'encou- 
ragement qui  doit  lui  être  domé  ;  aux  transactions  relatives  à 
l'asile  de  Beauport  ;  aux  taxes  et  à  la  situation  financière  de  la 
province  ;  à  la  refonte  du  code  de  Procédure  civile  et  à  la  codifi- 
cation des  lois  concernant  les  manufactures,  etc. 

Alby. 


LE  MAL  SOCIAL 

SES  CAUSES— SES   REMÈDES 

MÉLANGES  ET   CONTROVERSES   SUR  LES 
PRINCIPALES   QUESTIONS    RELIGIEUSES   ET    SOCIALES    DU   TEMPS   PRÉSENT 

Par  Don  Sarday  iSalvany 

3  vol.  in-12 Prix  :  $1.38 

L'IGNORANCE 

(suite) 

m 

Déplorables  effets  de  cette  calamité.  Faciles  triomphes  des  incrédules. 

Parmi  les  maux  nombreux  qu'a  produits  parmi  nous  l'ignorance 
religieuse,  un^des  plus  sensibles  et  des  plus  considérables  est  l'im- 
portance que  l'impiété  a  prise  à  sa  faveur.  Si  l'impiété  s'en  va,  de 
nos  jours,  se  targuant  ainsi  de  sa  civilisation  et  de  ses  lumières, 
avec  des  rodomontades  et  des  fanfaronades,  avec  la  prétention  de 
monopoliser  à  son  profit  les  noms  pompeux  de  philosophie,  et  de 
science,  elle  le  doit  à  l'ignorance  du  peuple  catholique  touchant 
les  vérités  de  la  religion.  Notre  médiocrité  donne  souvent  des  airs 
de  géants  à  ces  pauvres  pigmées  ;  notre  insuffisance  sert  de  pié- 
destal à  leur  prétendue  science. 

Voyez-les  au  casino  et  au  café,  en  promenade  et  en  voyage, 
disserter  à  leur  aise  sur  le  catholicisme  et  le  protestantisme,  sur 
les  prêtres  et  sur  le  Pape,  sur  les  dogmes  et  les  mystères,  décidant 
sententieusement,  donnant  leur  appréciation  sans  réserve  ni  me- 
sure, rabaissant  ou  insultaiit  selon  l'humeur  du  moment  ou  le 
caractère  de  la  question.  Leur  science  s'en  va,  comme  un  navire 
orgueilleux,  vent  en  poupe  et  à  toute  voile,  sans  rencontrer  d'é- 
cueils  et  sans  se  détourner  de  sa  voie. 

Qui  est  capable  de  se  mesurer  avec  cet  athlète  vigoureux  ?  Qui 
osera  lutter  avec  cet  orateur  célèbre  ?  Qui  ?  Personne,  par  mal- 
heur. Ce  sera  beaucoup  si  on  ne  sourit  pas  gracieusement,  en 
signe,  sinon  d'applaudissement,  au  liioins  de  condescendance  af- 
fectée. Et  pourtant,  il  y  a  là  quatre,  six,  peut-être  douze  catholi- 
que très  sincères,  qui  vont  à  l'église  et  parfois  fréquenient  les  sa- 
crements. Ils  vont  peut-être  jusqu'à  sentir  dans  l'intime  de  leur 
âme  une  douleur  intense  en  entendant  attaquer  et  vilipender 
leurs  plus  chères  croyances.  Et  néanmoins,  il  se  taisent  et  dis- 
simulent, ils  se  montrent  complaisants.  Y  a-t-il  là  une  lâcheté  ? 
Il  peut  y  avoir  du  respect  humain  ;  mais,  disons-le  franchement, 
il  y  a  surtout  de  l'ignorance.  On  en  a  des  preuves.  On  attaque  ici 
l'existence  de  Dieu,  et  cet  opulent  négociant  n'est  pas  en  état  de 


LE  PROPAGATEUR  597 


développer  la  preuve  la  plus  simple  dt  cette  vérité  fondamentale. 
On  a  insulté  la  divinité  de  Jésus-Glirist,  et  cet  autre,  qui  est 
avocat  distinj^ué,  ne  peut  pas  alléguer  les  raisons,  même  purement 
historiques,  qui  établissent  le  caractère  divin  du  Sauveur,  parce 
qu'il  les  ignore.  On  a  attaqué  la  Papauté,  et  cet  autre,  médecin 
d'ailleurs  très  instruit,  n'a  allégué  aucune  des  nombreuses  preuves 
qu'il  aurait  pu  produire  sur  son  origine  et  ses  bienfaits.  Et  le  dé- 
clamateur  impie  est  resté  vainqueur  et  triomphant,  par  la  raison 
que,  dans  le  pays  des  aveugles,  le  borgne  est  roi  ;  et  non  seule- 
ment lui,  mais  plusieurs  peut-être  de  ceux  qui  l'ont  entendu,  au- 
ront acquis  la  persuasion  bien  ferme  que  le  catholicisme  est  une 
chose  de  pure  routine  et  de  bonne  foi,  qu'on  le  croit  parce  qu'on 
le  croit,  et  rien  de  plus,  sans  avoir  de  preuves  qui  l'appuient  et  le 
recommandent,  et  sans  avoir  de  réponses  à  opposer  à  nos  adver- 
saires, lorsqu'en  réalité,  il  est  le  système  scientifique  le  plus  vaste, 
le  plus  complet  et  le  plus  philosophique  qui  ait  jamais  pu  occuper 
l'intelligence  humaine.  Et  l'on  regardera  comme  une  chose  déjà 
jugée  et  hors  de  discussion  que,  pour  êtrp  philosophe,  il  est  né- 
cessaire d'être  incrédule  ;  qu'aucun  point  de  nos  croyances  ne 
peut  résister  à  l'examen  sérieux  de  la  raison  ;  que  tout  dans  la  re- 
ligion n'est  que  sottise  et  imaginations  de  vieilles  femmes,  et  rien 
déplus.  Et  lout  cela,  parce  que  le  savant  impie  n'a  pas  trouvé  à 
son  heure  quelqu'un  qui  lui  ait  fermé  la  bouche  avec  une  des 
mille  raisons  fortes  et  décisives  qui  abondent  dans  nos  auteurs  de 
controverse  populaire. 

Vous  avez  été  témoin  de  quelqu'un  de  ces  cas,  n'est-il  pas  vrai? 
Eh  bien,  figurez-vous  qu'il  en  va  de  même  partout  et  toujours.  11 
n'est  pas  possible  d'entrer  dans  un  hôtel,  un  restaurant  ou  une 
simple  auberge  de  charretier,  de  voyager  en  diligence  ou  en 
chemin  de  fer^  sans  qu'à  l'instant  surgisse  la  question  religieuse, 
attendu  que  les  malheureux  impies,  sans  doute  en  raison  du  dépit 
qu'elle  leur  cause  et  parce  qu'ils  sont  les  ennemis  de  l'Eglise, 
aiment  à  parler  d'elle  à  tout  instant.  Or,  si  nous  accordons  que, 
de  toutes  parts  la  religion  parait  vaincue,  admettrons-nous  son 
manque  de  prestige  et  la  vanité  orgueilleuse  de  ces  infortunés 
roseaux  creux  qui  se  croient  invincibles  par  cela  seul  qu'ils  n'ont 
jamais  trouvé  rien  qui  leur  résistât  ? 

Et  pourtant,  il  est  si  facile  de  fermer  la  bouche  à  ces  malheu- 
reux !  Un  simple  éclaircissement  qu'on  leur  demande  sur  un  de 
ces  mots  qu'ils  prononcent  souvent  sans  en  connaître  la  signifi- 
cation, une  seule  preuve  qu'on  leur  demande  des  principes  qu'ils 
émettent  d'une  façon  sentencieuse  ;  une  seule  observation,  une 
seule  objection  suffisent  pour  couper  les  ailes  à  ces  aigles  super- 
bes. Un  seul  livre  de  Mgr  de  Ségur,  que  nous  connaîtrions  à  fond, 
ses  Réponses  par  exemple,  pourrait  malgré  sa  simplicité,  faire 
triompher  la  cause  de  la  Religion  dans  ces  combats  d'escarmou- 
che où  l'on  s'en  tient  ordinairement  au  côté  superficiel  des 
questions. 

Les  voyageurs  d'une  diligence  mangeaient  dans  une  hôtellerie. 
L'un  d'eux  portait  la  parole,  faisant  parade   d'impiété,  et  débitait 


598  LE  PROPAGATEUR 


des  torrents  d'éloquence  et  de  science  pour  prouver  l'absurdité  de 
nos  mystères.  Sa  thèse  favorite  était  celle  de  tant  d'autres  imbus 
des  mêmes  idées  :  *  Moi,  messieurs,  je  ne  crois  que  ce  que  je 
comprends  ".  Et  il  appuyait  son  ianj^age  de  tant  de  raisons  ex- 
traordinaires et  de  railleries,  et  il  l'assaisonnait  de  gestes  si  vifs, 
si  énergiques  et  si  naturels,  que  ^audltoi^^^  paraissait  nou  seule- 
ment convaincu,  mais  ravi  d'admiration.  Ses  arguments  lui  sem- 
blaient irréfutables,  puisque  nul  ne  les  réfutait.  On  mangeait,  en 
ce  moment,  une  grosse  et  belle  omelette,  et  un  des  voyHgeurs^ 
qui  avait  seul  attiré  l'attention  par  son  silence  et  par  sa  modestie 
qui  lui  avait  fait  prendre  la  dernière  place,  prend  l'omelette  dans 
ses  mains,  et  la  levant  devant  les,  convives,  il  adresse  au  savant 
incrédule  cette  question  aussi  spirituelle  que  plaisante  :  ''  Pardon, 
monsieur,  pourriez-vous  me  dire  pourquoi  le  feu  qui  amollit  et 
fond  le  plomb  et  le  fer,  durcit  les  œufs,  comme  cette  omelette 
vous  eu  fournit  la  preuve  "  ?  L'assistance  resta  muette  en  présen- 
ce d'une  semblable  question  ;  et  le  savant  ainsi  interpellé  répoudit 
simplement  qu'il  ne  le  savait  pas,  "  Eh  bien,  répliqua  le  voyageur 
intrépide,  il  y  a  donc  un  mysièieque  vous  ne  comprenez  pas.  Par 
conséquent,  si  les  doctrineg  que  vous  nous  prêchiez  tout  à  l'heure 
sont  certaines,  nous  ne  pouvons  croire  aux  omelettes,  pui>que 
l'homme  ne  doit  pas  croire  ce  qu'il  ne  comprend  pas.  Il  me  sem- 
ble ce|iendant  que  vous  la  mangerez  bel  et  bien,  quoique  vous  ne 
la  compreniez  pas  ". 

Le  fanfaron  d'impiété  demeura  confus  et  passa  par  toutes  les 
couleurs  de  l'arc-en-ciel,  et  au  milieu  des  applaudissements  et  des 
éclats  de  rire  de  l'assemblée,  il  fut  dérouté  et  la  question  fut  ter- 
minée. Une  simple  omelettejavait  suggéré  à  un  vaillant  catholique 
une  comparaison  victorieuse, et  avait  été  le  canon  Krupp  destine  à 
renverser  tout  cet  échafaudage  de  raisons  spécieuses  invoquées  par 
le  malheureux  impie.  Assurément,  dans  l'avenir,  il  y  regarda  à 
deux  fois  avant  d'attaquer  la  foi  devant  des  inconnus,  par  peur 
qu'une  autre  omelette  ne  vint  renverser  ses  arguments. 

Une  insiruction  moyenne  et  ordinaire  en  matière  de  religion, 
une  lecture  régulière  des  œuvres  les  plus  populaires  écrites  pour 
la  défense  de  la  foi,  nous  mettraient  facilement  tous  en  état  de 
lutter  avec  des  avantages  incalculables  contre  nos  ennemis. 


IV 

Si  notre  peuple  a  toujours  été  aussi  arriéré  qu'aujourd'hui  en  matière 
religieuse.  Origine  de  l'ignorance  présente. 

Nous  avons  sommairement  indiqué  la  gravité  du  mal  qui  nous 
afilige.  Cherchons-en  maintenant  l'origiue  ;  attendu  que,  lorsqu'on 
connaît  le  principe  de  ce  genre  de  maladies,  on  ne  tarde  pas  à  en 
trouver  le  remède. 

Avons-nous  été,  en  Espagne,  toujours  aussi  ignorants  en  ce  qui 
concerne  notre  foi  ?  Pour  quiconque  connaît  tant  soit  peu  notre 


LE  PROPAGATEUR  599 


histoire,  il  est  facile  de  répondre  catégoriquement  :  non.  Bien  au 
contraire,  il  n'y  avait  pas  un  peuple  qui  l'emportât  ?ur  nous  en 
instruction  religieuse.  Oni,  notre  peuple  était  plus  inst.uit  autre- 
fois au'aujourd'hui.  Les  panégyristes  de  notre  siècle'  m^*  deman- 
deront de  leur  donner  des  preuves  de  cette  vérité.  La  chose  n'est 
pas  difficile. 

J'ouvre  les  monuments  de  notre  littérature  populaire,  et  je  les 
trouve  toujours  imprégnés  d'esprit  religieux  et  d'idées  religieuses, 
à  tel  point  qu'on  peut  les  compreod^^^,  même  avec  la  connaissance 
la  plus  vulgaire  de  la  religion.  Noue  chaïuonnier  sacré  est  un 
trésor,  à  ce  point  de  vue.  Pendant  de  longs  siècles,  les  chansons 
du  peuple  espagnol  ont  été  presque  toujours  théo'ogiqnes.  On  a 
composé  alors  sur  l'Immaculée-ÇoncHpiion  de  M;irie.  sur  la  Nais- 
sance de  Notre-Seigneur,  sur  le  mysièie  de  l'Eucharistie,  sur  la 
Passion,  sur  la  vie  des  principaux  Saints,  des  couplets,  des  roman- 
ces, des  sonnets,  des  gloses  et  des  cantiijues  sacrés  que  l'on  peut 
étudier  dans  chacune  de  nos  riches  collections.  Et  tous  ces  écrits 
se  font  remarquer  non  seulement  par  la  grâce  de  la  forme  littérai- 
re, mais  beaucoup  plus  encore  par  la  profondeur  des  idées  Ihéolo- 
giques,  la  connaissance  nette  et  précise  et  leur  exposition  exacte 
et  complète  de  la  foi. 

Si  la  ii'.térature  populaire  est  toujours,  comme  l'a  dit  un  critique, 
la  meilleure  photographie  du  peuple,  le  peuple  espagnol  s'est 
montré,  pendant  quelques  siècles,  comme  un  peuple  de  docteurs. 
—  Mais,  me  direz-vous,  ces  compositions  ne  furent  pas  écrites  par 
le  peuple,  mais  par  des  fils  du  peuple,  hommes  d'étude  et  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  la  masse  commune.  Les  meilleurs  poètes, 
comme  Lope  de  Véga,  Gongoia  et  Galdéron,  se  consacrèrent  à  ces 
travaux.  —  Fort  bien,  mes  amis,  mais,  alors  même  qu'on  vous  ac- 
corderait que  ces  œuvres  n'ont  pas  été  écrites  par  le  peuple,  vous 
ne  pourrez  pas  nier  qu'au  moins  elles  ont  été  écrites  pour  lui  ;  ce 
qui  suffit  à  prouver  mon  assertion.  De  pareilles  compositions 
n'auraient  jamais  réussi  à  devenir  populaires,  si  elles  n'avaient  été 
parfaitement  comprises  ;  et  jamais  elles  n'auraient  été  comprises, 
si  le  peuple,  à  qui  elles  étaient  destinées,  n'avait  possédé  en  ma- 
tière religieuse  une  somme  de  connaissances  qui  le  rendit  capable 
de  les  comprendre. 

Et  que  dirons-nous  de  notre  théâtre  ?  Pour  qui  furent  composés 
ces  drames  exclusivement  théologiques,  genre  de  littérature  favo-' 
rite  de  notre  nation,  sous  li  nom  de  décrets  sacrementels,  pièces 
dramatiques,  à  personnages  allégoriques  ?  Madrid  les  représe.itait 
sur  une  de  ses  plus  grandes  plaçais  ;  mais  le  peuple  madrilène  était 
spectateur,  et  la  bourgade  la  plus  oubliée  tenait  à  les  représenter 
aux  jours  de  ses  principales  fêles.  Le  peuple  qui  les  applaudissait 
avec  enthousiasme  était  assurémeii!  assez  instruit  p'iuren  pénétrer 
le  sens  el  en  saisir  les  difficultés,  Dans  le  cas  contraire,  les  poètes 
auraient  réservé  leurs  œuvres  exclusivement  aux  Académies.  Or, 
ces  œuvres,  qui  étaient  alors  généralement  au  niveau  de  l'intelli- 
geni.e  de  notre  peuple,  exigent  aujourd'hui  une  application  suffi- 
sante de  la  part  des  personnes  lettrées,  et   ce  n'est  qu'avec  des 


600  LE  PROPAGATEUR 


connaissances  théologiques  au-dessus  de  la  moyenne  qu'on  arrive 
à  pénétrer  le  sens  profond  de  leurs  allégories  et  de  leurs  person- 
nifications. Quel  peuple  devait  donc  être  alors  le  nôtre,  qui  se  fai- 
sait simplement  un  jeu  de  ce  qui  réclame  aujourd'hui  de  nous  des 
éludes  soutenues  I 

Que  personne  ne  rougisse  donc  de  le  confesser  ;  nos  aïeux,  sur 
qui  nous  l'emportons  en  des  choses  qui  ne  sont  pas  toujours  bonnes, 
l'emportaient  sur  nous  en  science  religieuse  ;  et  grâce  à  l'éduca- 
tion sérieusement  chrétienne  qui  se  donnait  à  la  maison  ;  grâce  à 
l'instruction  que  répandait  partout,  le  propagandiste  le  plus  popu- 
laire de  tous,  c'est-à-dire  le  frère  ;  grâce  à  la  splendeur  de  notre 
culte,  qui  n'est,  en  grande  partie,  que  l'exposition  plastique  et  fi- 
gurée du  dogme,  le  pauvre  paysan,  l'humble  aitisan,  possédaient, 
alors,  sur  la  religion  et  ses  mystères,  une  connaissance  telle 
qu'elle  ferait  aujourd'hui  montrer  la  rougeur  au  front  à  plus  de 
quatre  personnages  lettrés. 

Que  les  temps  sont  changés  !  Pour  quel  étrange  motif  le  progrès 
de  l'instruction  profane  a-t-il  coïncidé  avec  cette  lamentable  dimi- 
nution de  la  science  sacrée  ?  Pourquoi,  aujourd'hui  qu'il  y  a  in- 
contestablement beaucoup  plus  de  fils  du  peuple  qui  lisent,  y  en 
a-t-il  beaucoup  moins  qui  soient  instruits  ?  Pourquoi,  par  un  sin- 
gulier contraste,  les  grands  centres  de  lumière,  où  l'on  trouve  plus 
facilement  le  moyen  de  s'instruire,  sont-ils  les  plus  atteints  par 
cette  lèpre  de  l'ignorance  ? 

C'est  là  un  problème  qu'on  ne  pourrait  complètement  résoudre 
sans  entrer  dans  de  longues  considérations  sur  le  changement  so- 
cial et  politique  qu'a  subi  notre  patrie  dans  le  siècle  présent,  con- 
sidérations dont  il  n'y  a  pas  lieu  de  faire  ici  l'énumération.  Nous 
pouvons  cependant  en  aborder  quelques  unes  sans  inconvénient. 

1°  Lhnfliience  amoindrie  de  l'Eglise. —  Toute  la  sollicitude  des 
hommes  d'Etat,  depuis  déjà  de  longues  années,  s'exerce  à  mettre 
des  entraves  et  des  obstacles  à  cette  influence  salutaire.  La  légis- 
lation a  eu  constamment  pour  but  d'exclure  le  clergé  de  toutes  les 
institutions.  Dans  l'instruction  publique  et  dans  les  œuvres  de 
bienfaisance,  c'est  à  peine  si  on  lui  a  accordé  une  position  secon- 
daire et  humiliante.  Séculariser,  telle  a  été  l'éternelle  manie  de 
nos  législateurs,  sans  se  douter  qu'au  bout  de  cette  sécularisation 
il  y  avait  l'athéisme.  Et  cette  prévention  contre  l'Eglise  et  les 
prêtres  est  devenue  plus  active  et  plus  pratique  par  le  moyen  des 
lois  de  désamotisation,  qui,  réduisant  le  clergé  à  l'indigence,  l'ont 
privé  des  éléments  humains  indispensables  pour  soutenir  ses  fon- 
dations des  siècles  précédents.  De  plus,  une  vaste  conspiration, 
dont  nous  connaissons  tous  l'origine  et  le  point  de  départ,  a  eu  à 
son  service  mille  plumes,  mille  langues,  pour  attaquer  le  clergé, 
le  dénigrer,  le  calomnier,  l'avilir  aux  yeux  de  la  multitude,  en 
montrant  ce  corps  si  méritant,  comme  l'épouvantail  du  siècle 
comme  le  type  de  l'immoralité  et  de  la  réaction. 

C'est  ainsi  qu'on  a  réussi  à  rendre  suspect,  auprès  de  la  multi- 
tude naïve  et  crédule,  l'enseignement  clérical;  à  discréditer  devant 
l€s  masses  la  parole  du  prêtre.  C'est  à  celte  condition  seulement 


LE  PROPAGATEUR  601 


qu'il  a  été  possible  de  soustraire  à  la  bienfaisante  influence  de 
l'Eglise  une  partie  de  notre  peuple 

3"^  La  disporition  des  Ordres  religieux. —  Le  couvent  était  en  Es- 
pagne l'université  du  peuple  :  et  une  biographie  détaillée  de  la 
majeure  partie  des  fils  du  peuple  qui  se  sont  illustrés  nous  dirait 
que  presque  tous  ont  dû.  à  un  moine  leurs  premiers  pas  dans  la 
carrière  où  ils  ont  brillé.  L'instruction  caléchislique  leur  était 
spécialement  recommandée,  et  dans  les  missions,  l'éloquence  du 
moine  était  toujours  très  populaire.  Le  clergé  séculier  suffit  à  pei- 
ne aujourd'hui  à  la  simple  administration  paroissiale,  et  la  caté- 
chistique  populaire,  distribuée  alors  à  peu  près  exclusivement  par 
les  religieux,  est  généralement  négligée. 

Ces  éducateurs  du  peuple  manquent,  ainsi  que  les  pauvres  ca- 
pucins qui  évangèlisaient  nos  bourgades  et  nos  cités,  rappelant  à 
toute  heure,  aux  pauvres  et  aux  riches,  les  mêmes  vérités 
toujours  anciennes  et  toujours  nouvelles  sur  Dieu,  l'âme,  le  ciel, 
l'enfer,  etc.,  vérités  dure?,  mais  salutaires,  qui  pourront  offenser 
certaines  oreilles  délicates,  mais  sans  lesquelles  il  n'y  a  pas  d'or- 
dre posgible  en  cette  vie,  ni  de  salut  possible  en  l'autre.  Tout  cela 
manque  grandement  aujourd'hui  ;  c'était  ce  qui  parlait  au  cœur 
de  notre  peuple,  ce  qui  le  touchait,  lui  inspirait  de  généreuses  ré- 
solutions, le  rendait  bon  et  droit,  le  guidait  en  toutes  les  circons- 
tances de  la  vie,  éclairait  ses  incertitudes,  et  lui  était  plus  utile  que 
toute  la  science  et  toute  la  philosophie  dont  veulent  l'endoctriner 
aujourd'hui  ses  faux  régénérateurs. 

3"  L'abus  des  lectures  frivoles. — Jamais  la  lecture  n'a  été  plus 
inutile.  Plût  à  Dieu  qu'elle  ne  fût  pas  souvent  très  nuisible  !  Mais, 
alors  même  qu'elle  ne  serait  qu'inutile,  il  est  certain  que  c'est  à 
elle  qu'il  faut  attribuer  en  grande  partie  le  peu  de  goût  qu'on 
prend  aux  ouvrages  religieux,  dans  lesquels  notre  bon  peuple 
pourrait  puiser  l'instruction  qui  lui  manque.  Il  est  déplorable  de 
voir  l'artisan  passer  les  heures  de  loisir  que  lui  laisse  son  travail, 
à  la  lecture  d'un  mauvais  journal,  qui  lui  parle  chaque  jour  de 
questions  politiques  embrouillées  auquelles  il  ne  comprendra 
jamais  rien,  ou  de  cabales  de  parti  qu'il  nous  serait  plus  utile  à 
tous  d'ignorer  complètement.  Il  est  triste  de  voir  l'humble  ouvriè- 
re dévorer  avec  une  anxiété  fiévreuse  un  roman  obscène  qui  rem- 
plira son  imagination  de  tableaux  irréalisables  et  son  cœur  de  dé- 
sirs coupables  ou  d'émotions  malsaines.  Et  en  attendant,  on  ne 
jette  pas  même  les  yeux  sur  cette  Année  chrétienne  qui  faisait  au- 
trefois les  délices  de  la  famille  ;  on  ne  lit  pas  l'histoire  émouvante 
de  la  Passion,  on  ne  se  souvient  plus  des  enseignements  du  caté- 
chisme. Les  lectures  actuelles  font  des  politiciens  et  des  femmes 
sentimentales  ;  les  lectures  d'autrefois  formaient  des  croyants 
honnêtes  et  des  mères  de  famille  capable  de  communiquer  à  leurs 
enfants,  non  seulement  la  vie  du  corps,  mais  aussi  la  foi  qui  fait 
vivre  l'âme. 


(à  suivre.) 


L'HEURE    DU     MATIN 

ou 

MEDITATIONS     SACERDOTALES 

Avec  une  Introduction  par  M.  l'abbé  Élie  MÉRIC 

Professeur  à  la  Sorbonae 
1  vol.  in-8 Prix  :  $1.00 

1 

L'auteur  de  l'Imitaiion,  rappelant  la  pensée  profonde  et  reli- 
gieuse d'un  philosophe  païen,  nous  dit  :  ''  Toutes  les  fois  que  j'ai 
été  parmi  les  hommes,  j'en  suis  revenu  moins  homme." 

Le  prêire  n'est  pas  appelé  sans  doute  à  vivre  dans  la  solitude, 
étranger  à  la  terre,  et  protégé  par  de  hautes  murailles  contre  les 
périls  et  les  séductions  du  monde  ;  il  ne  peut  pas  fermer  l'oreille 
à  ses  bruits,  les  yeux  à  ses  spectacles,  le  cœur  à  ses  souffrances 
ignorées  ou  visibles,  et  passer  inconnu,  ici-bas,  dans  la  contempla- 
tion sereine  des  vérités  éternelles  :  toute  autre  est  sa  mission  II 
doit  vivre  an  milieu  des  dangers,  des  séductions,  des  infirmités  dou- 
loureuses de  la  terre  ;  il  doit  se  mêler  aux  hommes,  pour  essuyer 
leurs  lara)es,  fortifier  leur  courage,  défendre  leur  âme  et  ramener 
à  Dieu  les  créatures  qui  ne  devraient  jamais   se  détacher  de  Lui. 

Que  de  fois  dans  cet  apostolat  périlleux,  il  est  exposé  à  sentir  di- 
minuer en  lui-môme  sa  dignité  d'homme,  de  chrétien,  de  prêtre,  à 
perdre  quelque  chose  de  l'austère  et  tranquille  gravité  de  son 
caractère  à  prendre  les  mœurs,  les  habitudes  d'esprit,  de 
langage  du  monde  qu'il  devrait  transformer  par  sa  parole  sur- 
naturelle et  par  l'exemple  de  sa  vie  !  Malheur  au  prêtre,  s'il  n'est 
pas  homme  d'oraison,  s'il  ne  sait  pas  échapper  à  la  fascination  re- 
doutable et  à  l'étreinte  du  monde,  pour  se  retremper  dans  la  médi- 
tation qui  lui  rappelle  ses  infirmités,  ses  devoirs  et  sa  destinée  ! 

Il  perd  d;ins  un  commerce  trop  familier  avec  le  monde  la  pureté 
et  l'intégrité  nécessaire  de  sa  foi.  D-epuis  un  siècle,  l'impiété  s'ef- 
force avec  une  persévérance  tenace  d'éteindre  la  foi  dans  les  âmes 
et  de  convaincre  l'Eglise  d'erreur.  Des  livres,  des  revues,  des  bro- 
chures, des  journaux  répandent  autour  de  nous  le  sophisme,  la 
haine  *^t  les  mensonges;  la  littérature,  la  poésie,  les  arts,  le  théâtre 
prêtent  souvent  à  ces  sophismes  le  charme  trompeur  d'une  beauté 
séductrice  ;  la  science  avec  l'inflexible  rigueur  d'une  démonstration 
qui  semble  infaillible  et  qui  flatte  la  vanité,  prête  aux  mensonges 
un  redoutable  prestige  ;  l'air  est  saturé  de  négations  et  de  contra- 
dictions violentes,  passionnées  qui  descendent  des  chaires  célèbres 
où  elles  ont  un  éclat  retentissant,  au  foyer  domestique,  dans  la 
rue,  partout  ;  nous  respirons  cet  air,  nous  en  subissons  l'influence 
pénétrante  ;  il  faut  nous  défendre  contre  ces  ténèbres  et  maintenir 
dans  sa  pureté  rigoureuse  la  foi  que  nous  sommes  appelés  à  ré- 
pandre dans  le  monde. 

Menacé  dans  sa  foi,  le  prêtre  est  encore  obligé  de  défendre  sa 
conscience  coiilre  les  complaisances  faciles  et  les  silences  coupa- 
bles en  présence  des  violations  de  la  loi  morale  et  du  déchaînement 
des  passions  toujours  frémissantes,  révoltées.  Hélas  !  les  consciences 


LE  PROPAGATEUR  603 


sont  troublées  comme  les  esprits,  la  notion  du  bien  et  du  mal  s'est 
obscurci^  dans  les  âmes  sans  énergie,  sans  ailes  pour  s'élever  d'un 
élan  sur  les  hauteurs  où  l'on  rencontre  Dieu.  Que  d'excuses,  et 
quelles  excuses  à  la  lâcheté,  aux  passion?,  à  des  fautes  qui  auraient 
excité,  autrefois,  une  réprobation  violente,  et  provoque  une  légi- 
time et  sainte  indignation  !  L'horreur  du  sacrifice  volontaiie,  de 
la  souffrance  jusqu'à  l'agonie,  jusqu'au  sang,  écarte  aujourd'hui 
les  âmes  de  la  voie  étroite  airosée  autrefois  des  larmes  brûlantes 
•d'illustres  pénitents  et  du  sang  des  martyrs  ;  la  terre  n'entend  plus 
de  sanglots,  elle  ne  voit  plus  couler  du  sang.  L'amour  effréné  de 
la  jouissance  a  préparé  les  consciences  à  des  défaillances  honteuses, 
à  des  violations  du  décalogue  que  le  monde  accepte  sans  répu- 
gnance, à  des  fautes  qui  ne  réveillent  plus  de  remords  dans  les 
consciences  oblitérées.  Saus  l'empire  des  mêmes  excitations  des 
convoitises  et  des  passions  rebelles,  la  justice  a  été  violée  dans  les 
conventions  particulières  et  dans  les  conventions  internationales, 
ceux-ci  cherchant  la  fortune  au  prix  de  toutes  les  infamies,  ceux- 
là  écrasant  les  faibles  au  nom  de  la  force  ;  et  personne  parmi  tous 
«es  coupables  ne  rougit,  ne  gémit,  ne  pleure  de  "es  iniquités  écla- 
tantes, parce  que  les  consciences  faussées  jusqu'à  la  racine  ont  in- 
vente une  morale  nouvelle  au  service  des  instincts  qui  ont  usurpé 
la  place  de  la  raison. 

Jeté  dans  ce  milieu  profondément  troublé,  perdu  dans  ces  ténè- 
hres  et  dans  ces  clameurs,  le  prêtre  est  exposé  à  oublier  les  délica- 
tesses primitives  de  sa  conscience  et  à  devenir  par  ses  complai- 
sances le  complice  involontaire  des  violations  de  la  loi  de  Dieu. 
Lui,  qui  devait  se  lever  en  face  des  puissants  de  la  terre,  comme 
autrefois  Jeau-Baptiste  en  face  d'Hérode  et  de  dire  bien  haut  à  tous 
les  grands  coupables:  Non  licet;  lui  qui  devait  braver  la  mort  et 
livrer  son  corps  au  bourreau  pour  donner  son  âme  à  Dieu,  il  perd 
la  claire  vue  des  principes  éternels  de  la  morale  et  des  exigences 
imprescriptibles  des  commandements  de  Dieu  et  de  i'Eglise  ;  il 
préfère  aux  revendications  nécessair'>s  sa  paix,  son  bien  être,  sa 
vie  facile  et  endormie  ;  il  se  tait  devant  les  injustices  et  les  viola- 
tions de  la  loi  et  n'éprouve  plus,  comme  autrefois  les  prophètes, 
une  douleur  poignante,  une  sainte  horreur  à  la  vue  de  la  violence 
triomphante  et  du  mal  impuni  ;  il  explique  les  fautes  et  Ihs  justi- 
fie, il  interprêle  la  morale  au  gré  de  sa  faiblesse,  il  attribue  à  des 
prmcipes  immuables  une  valeur  éphémère  et  contingente  ;  il  ou- 
blie la  justice  de  Dieu  plus  inflexible  que  la  justice  des  hommes  ; 
il  s'expose  à  ne  plus  sentir  la  pointe  acérée  du  remords  dans  les 
ténèbres  de  ses  illusions  coupables,  il  descendra  même  jusqu'à  la 
paix  effrayante  d'une  sécurité  qui  le  mène  aux  abîmes  d'où  l'on 
aie  revient  pas. 

Il  est  encore  exposé  à  sortir  de  l'ordre  surnaturel  et  à  considérer 
toute  chose  au  pointde  vue  incomplet  de  la  raison.  Que  Irouve-t-il, 
en  effet,  dans  ce  monde  où  s'écoule  sa  vie  1  Des  esprits  qui  veulent, 
à  tout  prix,  s'affranchir  de  la  croyance  au  surnaturel  et  organiser 
leur  existence  en  dehors  de  Dieu.  Quelle  implacable  guerre  au 
surnaturel  '.  Quelle  effrayante  tentative  de  retour  au  paganisme  et 


604  LE  PROPAGATEUR 


à  des  jouissances  glorifiées  !  L'incrédulité  contemporaine  ne  voit 
Dieu  nulle  part,  ni  dans  l'ordre  naturel,  ni  dans  l'ordre  surnaturel; 
elle  réprouve  les  idées  sacrées  de  grâce,  de  vision  béalifique,  de  ré- 
vélation, de  miracle,  d'intervention  surnaturelle  ;  elle  rejette,  avec 
la  même  légèreté  hautaine  et  dédaigneuse,  l'idée  de  Dieu,  la  foi  à  la 
Providence,  l'idée  même  de  la  dépendance  du  fini  à  l'égard  de  Tln- 
fini.  A  ses  yeux  la  raison  contient  la  mesure  et  l'explication  de  tout. 

Sans  doute  le  prêtre  ne  descend  pas  à  ces  négations  rationalistes 
que  la  foi  réprouve  et  que  la  vraie  science  condamne  ;  mais,  sous 
l'influence  du  naturalisme  qui  déborde,  et  qui  nous  entraîne 
dans  une  direction  pervertie,  il  s'expose  à  penser,  à  agir,  à  vivre 
d'une  vie  humaine,  philosophique,  naturelle  ;  il  ne  s'appuie  plus 
assez  sur  Dieu,  il  s'appuie  trop  sur  lui-même,  sur  un  roseau  battu 
par  les  vents  ;  il  oublie  que  nous  vivons,  sans  y  penser,  au  sein  du 
monde  invisible,  comme  l'aveugle  de  naissance  vit  ici-bas  au  sein 
des  réalités  matérielles  ;  il  oublie  que  notre  âme  reçoit  à  des  heures 
bénies,  des  impressions  pénétrantes  et  mystérieuses  des  réalités  in- 
visibles ;  il  diminue  à  l'excès  dans  ses  explications  l'intervention  du 
miracle  ;  la  part  des  démons,  des  anges,  des  saints,  de  Dieu  dans  la 
vie  des  peuples  et  dans  la  vie  des  individus;  il  est  tenté  d'attribuer 
trop  souvent  aux  causes  humaines  ou  au  jeu  des  forces  naturelles 
des  effets  qui  relèvent  de  la  sagesse  et  de  la  puissance  de  Dieu. 

C'est  alors  que  la  routine  paralyse  sa  vie  sacerdotale  et  en  tarit 
la  fécondité.  Semblable  à  l'idole  dont  parle  le  Prophète  il  a  des 
yeux  et  ne  voit  pas,  des  oreilles  et  n'entend  pas,  une  bouche  et  ne 
parle  pas,  despieds  et  n'avance  pas.  S'il  administre  les  sacrements, 
s'il  sacrifie  à  l'autel,  il  le  fait  avec  la  rapidi>té  insouciante  de  l'ha- 
bitude, sans  attention,  sans  conscience,  sans  gravité  Les  grands 
spectacles  du  monde  invisible  passent  inaperçus  devant  ses  yeux 
distraits.  Savez-vous  pourquoi  cinquante  mille  prêtres  qui  dispo- 
sent dans  l'Eglise  de  France,  d'une  tribune,  et  du  corps  et  du  sang 
de  Jésus  Christ  font  si  peu  de  chose,  ou  ne  font  rien,  quand  ils 
pourraient  renouveler  la  face  de  la  terre  ?  C'est  que  la  routine  pa- 
ralyse leur  ministère  et  rend  stérile  l'accomplissement  des  nobles 
et  saintes  fonctions  qui  leur  sont  confiées.  Ce  prêtre  oublie  qu'il 
est  au  centre  de  l'univers,  qu'il  est  le  point  d'arrivée  et  le  point  de 
départ  de  toute  chose  dans  ce  monde  qu'il  domine  de  sa  majesté, 
quand  il  tient  dans  ses  mains  le  corps,  le  sang,  l'âme  et  la  divinité 
de  Jésus  Christ  ;  il  oublie  que  de  ses  lèvres  tombe  la  prière  qui 
réjouit  le  ciel,  soulage  le  Purgatoire,  relève  console  et  fortifie  les 
âmes  qui  portent  ici-bas  le  poids  du  jour  et  de  la  chaleur  dans 
l'incertitude  douloureuse  d'un  combat  dont  l'éternité  est  l'enjeu. 

Et  c'est  ainsi  que  passant  au  milieu  des  hommes  il  justifie  la 
parole  du  philosophe  païen  rappelée  par  l'auteur  de  l'Imitation  : 
"  Toutes  les  fois  que  j'ai  été  parmi  les  hommes,  j'en  suis  revenu 
moins  homme." 

II 

Comment  pourrons-nous  échapper  à  l'étreinte  des  choses  terres- 
tres ?  Avons-nous  un  moyen  de  résister  à  la  fascination  des  appa- 
rences trompeuses  de  ce  monde  ?  Pourrons-nous  être  des  hommes 
de  l'éternité  au  milieu  des  choses  du  temps  ? 


LE  PROPAGATEUR  605 


Oui,  nous  le  pourrons  par  l'oraison. 

Le  prêtre  qui  médite  conserve  la  pureté  de  sa  foi  et  la  rend  fé- 
conde. Il  écarte  par  un  acte  ferme  et  décisif  de  la  volonté  les 
pensée?,  les  souvenirs,  les  impressions  qui  pourraient  le  préoccu- 
per et  le  troubler  :  conversations  frivoles,  soucis  d'affaires  tempo- 
relles, vains  fantômes  de  l'imagination,  révoltes  intérieures  et 
troublantes  de  ses  propres  pensées;  il  f iit  cesser  ce  bruyant  tu- 
multe, il  réalise  en  lui-même  le  grand  silence  des  vérités  éternel- 
les, il  contemple  avec  amour,  l'immuable  objet  de  sa  foi  toujours 
vivante,  le--  réalités  qui  prennent  une  forme  saisissante  en  passant 
dans  le  champ  de  l'imagination  ;  Dieu,  la  création,  rmcarnation, 
la  rédemolion,  l'Eglise  la  vision  béatifique,  l'éternf^l  châtiment. 
Il  ne  discute  pas,  il  ne  fait  pas  de  vains  raisonnements  et  ne  cher- 
che pas  des  théories  nouvelles  qui  flatteraient  son  orgueil  ;  il  voit 
par  les  yeux  de  la  foi,  avec  une  invincible  certitude,  le  monde  des 
âmes  et  le  monde  divin  qui  le  pénétre  de  tout  part.  Tout  son  être 
en  est  ému  à  la  surface  et  dans  ses  profondeurs.  Dieu  bénit 
l'humble  et  persévérant  effort  de  son  attention  fixée  aux  choses 
éternelles  ;  Il  fait  descendre  dans  l'âme  attentive  et  silencieuse  du 
prêtre  la  grâce  qui  dissipe  les  doutes,  anéantit  les  objections,  raf- 
fermit la  foi  eu  la  rétablissant  dans  sa  pureté  primitive;  ce  prêtre 
croit  avec  conviction,  il  croit  et  répand  autour  de  lui  la  chaleur 
lumineuse  de  sa  foi  ;  il  croit  et  il  est  prêt  à  braver  saus  défaillance 
pusillanime,  des  ennemis  qui  sont  forts  par  notre  faiblesse  et  arro- 
gants par  nos  lâchetés. 

Le  prêtre  retrouve  aussi  dans  l'oraison  les  légitimes  délicatesses 
de  sa  conscience,  qui  lui  permettent  de  conserver  une  inflexible 
rigueur  dans  l'affirmation  des  principes  qui  soutiennent  l'ordre 
moral  et  qui  sont  la  lumière  des  âmes  dont  la  responsabilité  lui 
est  confiée.  Au  pied  de  son  crucifix,  dans  le  silence  de  l'oraison, 
il  voit  le  mal,  il  en  mesure  avec  stupeur,  les  effets,  les  conséquen- 
ces, l'étendue.  Il  voit  dans  une  saisissante  clarté  la  créature  se 
servir  de  l'être,  de  la  vie,  de  ses  facultés  qu'elle  reçoit  à  chaque 
instant  de  la  Cause  universelle  et  créatrice  pour  off  nser  cette 
Cause  et  lui  opposer  une  criminelle  résistance  ;  il  voit  l'incom- 
parable majesté  de  Dieu  qui  est  outragé,  le  prix  infini  du  sang  ré- 
dempteur foulé  aux  pieds,  le  retentissement  lointain  et  prolongé 
du  mal  dans  la  vie  du  pécheur,  et  dans  la  vie  de  ceux  qui  en  sont 
aujourd'hui  les  témoins  scandalisés  et  demain  peut-être  les  com- 
plices volontaires  ;  il  voit  et  il  sent  avec  une  douleur  poignante 
l'éternel  supplice  attaché  à  la  mort  du  pécheur  impénitent.  Com- 
ment serait  il  faible  en  présence  du  mal  ?  Gomment  pourrait-il 
laisser  dans  l'ombre  par  une  lâcheté  complaisante,  ou  trahir  par 
des  interprétations  erronées,  ces  principes  de  morale,  ces  comman- 
dements de  Dieu  et  de  l'Eglise  dont  la  violation  est  suivie  de  si 
effroyables  ravages  ?  Comment  pourrait-il  trembler  devant  les 
puissants  du  jour,  devant  les  riches,  les  savants,  les  princes  de  la 
terre  quand  il  sait  qu'il  va  bientôt  comparaîiie,  accompagné  des 
victimes  de  sa  tolérance  coupable  et  de  son  silence  sacrilège,  aux 
pieds  du  Juge  dont  il  a  scruté  la  justice  redoutable  dans  sou  orai- 

36 


606  LE  PROPAGATEUR 


son?  Non,  il  ne  tremblera  pa?, il  ne  faiblira  pas;  quand  il  médite 
à  genoux  ces  vérités  salutaires  et  redoutables,  Dieu  agit  secrète- 
ment sur  toutes  les  puissances  de  son  âme.  Il  réveille  sa  cons- 
cience, Il  lui  inspire  de  saintes  et  pacifiques  indignations  contre 
le  mal  et  une  immense  pitié  pour  les  âmes  qu'il  veut  sauver. 

Ce  prêtre  qui  médite  ainsine  craindra  plus  de  vivre  d'une  vie 
humaine,  naturelle,  il  n'éprouvera  pas  la  défiance  coupable  du 
surnaturel  qui  tarit  dans  les  âmes  les  sources  de  la  vie  divine. 
Tous  les  matins,  dès  la  première  heure  de  sa  journée  de  travail  et 
de  peine,  il  se  tient  en  présence  de  Dieu.  Il  voit  aux  lumières  de 
l'oraison,  que  tout  ici-bas,  dans  la  vie  des  individus  et  dans  la  vie 
des  peuples  est  ordonné  pour  les  élus  du  Seigneur  :  omnia  propter 
electos.  Il  sent  cette  action  surnaturelle  de  Dieu  dans  la  vie  des 
saints,  dans  la  vie. de  l'Eglise,  dans  les  grands  événements  de  ce 
monde,  dans  l'enchaînement  miséricordieux  des  faits  qui  remplis- 
sent sa  propre  vie.  Il  sait  que  Dieu  impose  librement  à  toute  créa- 
ture une  fin  surnaturelle,  que  l'histoire  du  christianisme  s'ouvre 
par  des  faits  éclatants  et  surnaturels,  comment  s'étonnerait-il  des 
faits  surnaturels  qui  manifestent  l'action  de  Dieu  ?  Que  cette  ac- 
tion se  cache  dans  le  mystère  de  la  sanctification  des  âmes  ou 
qu'elle  se  manifeste  avec  éclat  par  des  prodiges,  elle  ne  peut 
jamais  le  surprendre.  Il  vit  par  la  pensée,  la  prière,  l'amour,  l'es- 
pérance dans  ce  monde  surnaturel  qui  va  bientôt  se  révéler  à  lui, 
sans  mélange  de  ténèbres.  L'oraison  lui  apprend  que  les  puissances 
mauvaises  ne  sont  pas  enchaînées  au  fond  de  l'abîme,  que  les  bons 
et  les  mauvais  anges  exercent  leur  action  diverse  dans  le  monde, 
ou  pour  la  perte,  ou  pour  le  salut  des  âmes,  et  que  toute  prière  de 
la  créature,  dans  ses  épreuves  physiques,  intellectuelles  et  mora- 
les, est  un  appel  puissant  à  l'intervention  de  Dieu  et  une  affirma- 
tion de  la  vérité  de  cette  intervention. 

Cette  vie  d'oraison  protège  aussi  le  prêtre  contre  les  dangers  re- 
doutables et  l'insouciance  coupable  de  la  routine.  Avant  d'agir,  il 
s'arrête,  se  recueille  et  médite  sur  ses  devoirs  et  ses  fonctions,  sur 
la  grandeur  de  son  ministère  et  la  fécondité  des  sacrements  qu'il 
administre  ;  il  a  réfléchi  sur  le  prix  du  sacrifice  avant  de  monter 
à  l'autel,  sur  la  puissance  de  la  parole  apostolique  avant  de  gravir 
les  degrés  de  la  chaire,  sur  la  grandeur  du  Juge  dont  il  est  le  dé- 
légué avant  d'entrer  au  confessionnal,  sur  la  fécondité  de  la  prière 
et  l'immense  péril  des  âmes  avant  d'ouvrir  son  bréviaire,  sur  les 
responsabilités  dont  il  sent  le  poids  avant  de  diriger  les  cons- 
ciences. Il  sort  de  l'oraison  comme  autrefois  Moïse  descendit 
du  Sinaï,  le  front  couronné  de  gloire  et  le  cœur  dévoré  de  zèle 
pour  le  peuple  qui  lui  est  confié. 

III 

Que  Dieu  nous  donne  enfin  des  hommes  d'oraison,  des  prêtres 
qui  sachent  s'emparer  vivement  de  leur  attention,  la  détourner 
des  rêveries  dangereuses,  des  préoccupations  terrestres,  des  désirs 
ambitieux,  des  soucis  même  légitimes  de  la  vie  et  la  retenir  silen- 
cieuse et  recueillie  dans  la  méditation  des  choses  divines  ! 


LE  PROPAGATEUR  607 


Que  Dieu  nous  donne  des  prêtres  d'une  foi  vive  et  agissante, 
d'une  conscience  droite  et  incorruptible,  d'une  piété  rayonnante 
de  surnaturelles  clartés,  des  prêtres  dont  la  vie  autorise  et  confir- 
me avec  éclat  rbuseignement  et  qui  remplissent  tous  les  devoirs 
de  leur  apostolat  avec  un  zèle,  une  sincérité,  une  conviction  qui 
commande  le  respect  et  domine  tous  les  cœurs  ! 

Ces  hommes  bénis  de  Dieu  trouveront  dans  l'oraison  les  conso- 
lations que  le  monde  lenr  refuse.  La  vie  est  rude,  les  cliemins  sont 
rocailleux,  nous  les  arrosons  quelquefois  de  nos  sueurs,  de  nos 
larmes,  de  notre  sang,  réalisant  ainsi  la  parole  du  Prophète  :  Euntes 
ibant  etflebant  mittentes  semina  sua.  Nous  rencontrons  l'indifférence, 
le  dédain,  l'ingratitude,  la  haine,  la  calomnie,  et  nous  sommes 
tentés  de  laisser  monter  à  nos  lèvres  les  murmures»  qui  remplis- 
sent notre  âme  désolée.  Il  y  a  des  épreuves,  des-dégoûls,  des  dou- 
leurs que  Dieu  seul  peut  consoler  ! 

Que  de  pauvres  presbytères  de  cimpagne,  remplis  de  ces  dou- 
leurs cachées,  silencieuses  poignantes  I  Soyez  un  homme  d'oraison, 
fuyez  le  monde,  appelez  Dieu,  conversez  avec  lui,  et  regardez  au 
delà  de  la  tombe  1  L'oraison  rendra  à  votre  âme  la  paix  et  l'espé- 
rance. Si  nos  douleurs  nous  semblent  trop  amères,  c'est  que  nous 
oublions  de  les  révéler  à  Celui  qui  peut  les  consoler. 

Je  sais  bien  qu'il  y  a  des  heures  troublées  où  l'âme  prend  l'orai- 
son en  dégoût;  elle  s'agite  alors  dans  la  sécheresse  et  l'invincible 
•  ennui  ;  les  scènes  et  les  souvenirs  qui  passent  devant  elle  n'éveil- 
lent plus  aucune  impression  dans  notre  âme  abattue,  le  cœur  sem- 
ble cesser  de  battre,  les  yeux  n'ont  plus  de  larmes  ;  l'épreuve  ou 
la  tentation  se  présente  sous  des  formes  diverses,  elle  obsède  notre 
esprit,  elle  détourne  notre  attention  des  hautes  régions  remplies  de 
la  majesté  de  Dieu, elle  la  tient  inexorablement  attachée  à  l'objet, 
à  la  créature,  au  souvenir  qui  nous  tourmente.  Mais  c'est  la  tem- 
pête qui  passe  avec  ses  ténèbres,  ses  grands  bruits,  ses  éclairs,  ses 
déchirements,  ses  désolations  profondes.  Attendez  quelques  heu- 
res, quelques  jours,  restez  debout.  Dieu  ..viendra  à  nous  avec  la 
paix,  et  l'oraison  vous  arrachera  de  ce  monde  éphémère  pour 
vous  rendre  au  monde  qui  ne  finira  jamais. 

Parmi  ceux  qui  liront  ce  livre  substantiel,  écrit  avec  foi,  doctrine 
et  piété,  il  se  trouvera,  je  le  sais,  des  vétérans  du  sacerdoce  qui 
ont  traversé  l'étroit  défilé  de  grandes  épreuves,  qui  goûtent  enfin 
aujourd'hui,  comme  nous,  les  longues  heures  sereines  du  soir  de 
la  vie,  le  grariJ  silence  de  l'âme  établie  dans  la  paix  résignée  des 
derniers  jours,  et  qui  cherchent  à  oublier  le  monde  fuyant  et 
éphémère  pour  interroger  le  rivage  nouveau  vers  lequel  nous 
marchons,  rivage  qui  n'est  plus  bien  éloigné.  Ceux-là  vont^refaire 
avec  ce  pieux  auteur  les  chemins  parcourus,  méditer  sur  leur  vo- 
cation, leurs  ordinations,  leurs  devoirs,  et  se  préparer  par  ce 
premier  jugement  à  l'infaillible  jugement  qui  approche. 

Que  cet  examen  les  rende  meilleurs,  qu'il  réveille  leur  zèle,  et 
que  Noire-Seigneur  daigne  entretenir  dans  leur  âme,  toujours 
jeune  malgré  la  maison  branlante  du  corps,  les  immortelles  espé- 
rances chrétiennes  et  l'invincible  confiance  dans  la  miséricorde 
infinie  de  Dieu  I  Elie  Méric,  Professeur  a  la  Sorbonne. 


PARTIE    LEGALE 

Rédacteur  ;  A  L.  B  Y 


PIRE  RIVER 

(De  la  Vérité.) 

Les  journaux  publient  le"  plaidoyer  "  ou  réponse  de  Mgr  Moreau,  évêque  de 
Saint-Hyacinthe,  à  l'action  que  Jui  inlt^nte  le  nommé  Julien  Gami'bell,  de  Pike 
River,  par  le  ministère  de  MM.  Mercier,  Gouin  et  Lemieux.  Cette  action  demande 
aux  tribunaux  civils  l'annulation  de  l'orlonnance  épiscopale  du  29  sept^^mbre 
1892  érigeant  end  esserte  religieuse  l'endroit  appelé  Pike  River.  Dans  sa  réponse 
MgrMori  au  décline  la  juridiction  des  tribunaux  civils,  attendu  qu'il  s'agit  d'une 
ordornance  purement  canonique  et  disciplinaire  qui  ne  peut  léser  en  rien  les 
droits  civils  du  demandeur.  La  construction  de  la  nouvelle  église  se  fait  par 
souscriptions  volontaires. 

Il  ne  s'agit  pas,  en  effet,  de  l'érection  d'une  paroisse  régulière,  mais  d'une 
simple  desserte  religieuse.  L'ordonnance  règle  uniquement  "  les  rapports  des 
catholiques  romains  entre  eux  et  envers  leurs  supérieurs  ecclésiastiques.  "  Elle 
ne  pt-ut  êlre  cassée  que  par  une  autorité  religieuse  supérieure  à  celle  de 
l'évêque. 

Le  demandeur  et  les  autres  dissidents  se  sont  d'abord  adressés  à  Rome,  recon- 
naissant par  là  que  c'était  une  cause  religieuse  et  non  pas  civile.  N'ayant  pu  faire 
annuler  l'ordonnance  épiscopale  par  la  seule  autorité  compétente,  ils  demandent 
aujourd'hui  l'interv^niion  des  tribunaux  laïques  dans  une  cause  qui  est 
manifestement  en  dehors  de  la  juridiction  de  l'Etal,  même  en  ce  pays  oià  on 
accorde  tant  au  pouvoir  civil  dans  les  questions  de  nature  mixte. 

Si  l'évêque,  sujpt  au  contrôle  du  Chef  de  l'Eglise,  n  e  peut  pas  régler  les 
rapports  des  catholiques  "  entre  eux  et  envers  leurs  supérieurs  éccelésiasti- 
ques  "  sans  que  l'Etat  ait  ledroit  d'y  intervenir  ;  si  l'évêque  ne  peut  pas  ériger 
des  églises,  oîi  bon  lui  semble,  pour  la  commodité  des  fidèles,  surtout  lorsque  les 
travaux  se  font  au  moyen  de  souscriptions  volontaires  ;  s'il  ne  peut  pas  donner 
juridiction  spirituelle  à  tel  prêtre  sur  telle  partie  de  son  troupeau  ;  si  l'évêque 
n'a  pas  le  droit  de  foire  de  tels  règlements  disciplinaires  sans  avoir  à  en  rendre 
compte  à  d'autres  qu'à  son  supérieur  hiérarchique,  le  Pape;  si  l'Etal,  par  ses 
tribunaux,  peut  casser  de  tels  règlements  disciplinaires,  même  après  qu'ils  ont 
reçu  la  sanction  du  Chef  des  catholiques,  alors  l'Eglise  n'est  pas  libre  en  ce 
pays. 

Non  seulement  elle  n'est  pas  libre;  non  seulement  elle  ne  jouit  pas  d'une  au- 
tonomie égale  à  celle  de  l'Etat,  mais  elle  est  dans  une  position  d'inférioritfr 
humiliante. 

La  moindre  association  civile,  reconnue  par  l'Etal,  est  parfaitement  libre  de 
se  gouverner,  de  diriger  les  membres,  en  tout  ce  qui  regarde  sa  fin,  d'après  ses 
propres  règlements  disciplinaires.  Les  tribunaux  civils  ne  songeraient  pas  à  in- 


LE  PROPAGATEUR  609 

tervenir  «i  ces  règlements  ne  s'appliquaient  qu'aux  membr''S  de  l'association  et 
ne  leur  imposaient  que  des  oohgaùo.is  se  rapportant  slrictem'^nt  au  but  de 
l'association. 

Et  l'Egise  catholique,  la  société  la  plus  parfaite  qui  existe  sur  la  terre  ; 
l'Eglise  catholique,  divinement  instituée,  supérieure  à  l'Etat  par  son  origine  et 
sa  fin  ;  l'Eglise  catholique,  dont  la  liberté  en  ce  pays  est  garantie  par  un  traité 
solennel,  n'aurait  pas  le  droit  de  se  gouverner,  de  diriger  ses  membres  comme 
elle  l'entH.nd  ! 

C'est  là  l'absurde  et  crimin-'lle  prétention  de  ceux  qui  font  intervenir  les  tri- 
bunaux civils  pour  fiire  cass-^r  des  ordonnances  épiscopales,  sanctionnées  par 
Rome. 

Et  qu'on  le  remarque  bien,  dans  le  cas  actuel,  ce  n'est  pas  même  une  question 
mixle.  On  a  b^au  chercher,  on  ne  trouve  pas  le  moindre  droit  civil  qui  soit  en 
cause.  C'est  une  ordonnance  de  pure  discipline  ecclésiastique  que  l'ancien  pre- 
mier ministre  et  ses  associés  demand-nt  aux  juges  laïques  de  dirim-^r. 

Il  nous  s-'mble  que  ce  procès  de  Pike  River  est  encore  plus  scandaleux  que 
la  trop  fameuse  affaire  Guibord.  Dans  celte  dernière  cause,  on  s'appuyait,  au 
moins,  sur  un  s^-mblant  de  droit  civil.  Aujourd'hui,  si  nous  saisissons  bien  l'état 
de  la  question,  on  invite  des  juges  laïqu^-s  à  envahir  le  sanctuaire  sans  l'ombre 
d'un  prétexte,  sans  qu'il  y  ait  même  l'appar-nce  d'un  dro:t  civil  à  sauvegarder. 

Les  catholiques  de  ce  pays,  et  même  d'ailleurs,  suivront  avec  un  pénible  in- 
térêt, les  diverses  phases  de  ce  nouveau  scandale. 

Note  de  la.  rédaction. — Nos  tribunaux  civils  ont  déjà  déclaré 
leur  incomoétenceà  juger  les  questions  purement  ecclésiastiques. 
La  conr  d'Appel  a  même  jugé  dans  l'affaire  de  la  paroisse  de 
baint-Blaise  il)  : 

f  Que  les  tribunaux  n'ont  aucune  jwidîction  relativement  à  Véree- 
tion  des  paroisses. 

2°  Que  l'érection  canonique  d'une  paroisse  est  du  ressort  exclusif 
des  autorités  ecclésiastiques. 

3°  Que  l'érection  civile,  étant  un  simple  acte  administratifs  est  du 
ressort  exclusif  du  Lieutenant-Gouverneur  en  Conseil, 

La  même  cour  a  aussi  confirmé,  le  21  mai  1886,  le  jugement 
reifdu  le  5  décembre  1884  par  laconr  de  ciicuit  à  Sainte  Julienne, 
(2)  fie  l'abbé  J.  Oaimet  vs  J.  Gadot.  La  cour  de  Circuit  avait  jugé  : 

Que  dans  rérection  de  paroisses  canoniques,  l'évéque  diocésain 
n'est  soumis  qu'à  ses  supérieurs  ecclésiastiques,  et  que  les  tribunaux 
civils  n'ont  aucuu  contrôle,  soit  quant  au  fond,  soit  quand  à  la  forme 
des  décrets. 

(1)  Voir  le  Prop4Sate(jr,  vol.  3,  page  762.  Voyez  aussi  le  même  volume,  page 
374  -t  le  Vol.  2,  page  279. 

(2)  Voir  le  Propagateur,  Vol.  2.  page  177. 


610 


LE  PROPAGATEUR 


Monseigneur  l'évêque  de  Saint-Hyacinthe  a  déjà  été  poursuivi 
relativement  à  son  ordonnance  du  29  septembre  1892,  par  laquelle 
il  établissait  la  desserte  de  Pike-River.  L'action  demandant  l'an- 
nulation de  ce  décret  avait  été  intentée  dans  le  district  de  Bedford 
où  Pike  River  est  situé,  les  demandeurs  prétendant  qu'ils  s'ajissait 
d'une  action  mixte.  Mais  la  cour  Supérieure  de  ce  district  (Lynch, 
iuge)^  a  mnintenn  r exception  déclinatoire  des  défendeurs  et  jugé. 

Que  V action  par  laquelle  on  demande  V annulation  d'une  ordonnance: 
épiscopale^  est  U7ie  action  puremmt  personnelle  et  qu'elle  doit^  en  con- 
séquence, être  intentée  devant  le  tribunal  du  domicile  de  Uévêque. 

Le  26  mai  dernier  la  cour  d'Appel  a  confirmé  le  jugement  de  la 
cour  Supérieure  de  Bedford.  Quelques  jours  plus  tard  elle  a  refu- 
sé aux  demandeurs  la  permission  d'appeler  de  sa  décision  à  la 
cour  Suprême,  et  cette  dernière  cour  a  aussi  renvoyé,  avec  frais, 
une  requête  par  laquelle  on  demandait  la  même  permission. 

L'action  dont  il  estparlédans  l'article  de  la  Vérité  a  été  intentée 
devant  la  cour  Supérieure  du  district  de  Saint-Hyacinthe.  Outre 
l'annulation  de  l'ordonnance  de  l'évêque,  le  demandeur,  par  èou 
action,  demande  des  dommages  intérêts  au  montantde  vingt  mille 
piastres.  (1). 

(  1  )  Note.  —  Dans  l'affaire  de  la  paroisse  de  Saint  B'aise  le  Conseil  Privé  a  per- 
mis l'appel.  La  cause  est  actuellement  pendante  devant  ce  lribun;il. 


UNE  FEMME  APOTRE 

ou    VIE   KT    LETTRES 

d'Irma  LeFer  de  la  Motte, 

EN    RELIGION 

SOEUU  FRANÇOIS-XAVIER 

décédé  à  Sainte-Marie-dcs-Bois  (Indiana) 

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INTRODUCTION 

A  LA 

VIE  SPIRITUELLE 

PAR    DES   EXERCICES 
DISPOSÉS  IPOUR  LA  MÉDITATION  ET  LA  LECTURE 

SELON   LA   MÉTHODE  DE   SAINT    IGNACE 

Par  le  P.  J.  MASENIUS,  de  la  0««  de  Jésus 

OUVRAGE  TRADUIT  DU  LATIN  EN  FRANÇAIS 
Par  l'abbé  JOURDAIST,  Anmônier  dn  Boii>Pastenr  d'Amiens 

1  fort  vola  me  in- 12,  de   xii-290  pages,   renfermant  la  matière  de 
trois  volumes  ordinaires.  Prix  :  $1.25 


Beaucoup  d'auteurs  se  sont  appliqués  à  développer  les  Exercices 
de  S.  Ignace,  de  manière  à  faire  un  cours  de  méditations  pouvant 
servir  pour  un  temps  bien  plus  long  que  celui  d'une  retraite. 

De  tous  ces  auteurs  le  P.  Masénius  est  celui  qui  nous  paraît 
avoir  le  mieux  réussi.  Son  livre  contient  en  abrégé  toute  la  per- 
fection de  la  vie  chrétienne.  Il  convient  aux  ecclésiastiques,  aux 
religieux  et  à  toutes  les  personnes  qui  veulent  sérieusement  prati- 
quer le  saint  exercice  de  la  méditation.  11  peut  même  servir  de 
lecture^'spirituelle  pendant  toute  une  année. 

Un  caractère  tout  particulier  de  ce  livre,  c'est  qu'il  contient 
tout  au  long  les  développements  des  considérations,  des  affections, 
des  colloques  et  des  résolutions.  En  sorte  qu'il  apprend  à  méditer 
par  l'exemple  à  ceux  qui  ne  savent  pas  bien  le  faire,  et  qu'il  est  une 
aide  pour  ceux  qui  sont  éprouvés  par  la  sécheresse,  ou  qui,  pour 
une  raison  ou  pour  une  autre,  sont  momentanénent  peu  disposés 
à  méditer. 

Des  sommaires  précèdent  chaque  développement,  et  le  texte  des 
Exercices  traduit  accompagne  chaque  point  de  méditation^  En  sorte 
que  ceux  qui  se  suffiraient  à  eux-mêmes  pour  les  développements, 
ont  l'un  ou  l'autre  de  ces  résumés  comme  sujet. 

Les  citations  de  l'Ecriture  et  des  Pères  abondent  dans  tout  le 
cours  de  l'ouvrage.  La  traduction  de  ces  citatons  fait  partie  du 
texte  courant  et  le  texte  latin  en  est  reproduit  en  note. 

Il  n'y  a  pas  de  vie  spirituelle  sans  la  pratique  de  la  méditation. 
S.  Ignace  disait  qu'un  quart  d'heure  de  méditation  bien  employé 
chaque  jour  suffirait  pour  mener  à  la  vie  parfaite.  Qu'on  prenne 
pour  manuel  de  méditations  le  livre  du  P,  Masénius  et  l'on  verra 


612 


LE  PROPAGATEUR 


qu'il  est  facile  d'observer  la  recommandation  du  saint,  et  même 
d'y  consacrer  plus  de  temps  quand  les  devoirs  d'étal  le  petmptlent. 

La  revue  :  Le  Très  Saint  Sacrement  (n°  de  décembre  1892)  rend 
compte  de  cet  ouvrnge  en  ces  termes  : 

"  Après  VyErarium  divini  amorU^  dont  nous  faisions  il  y  a  qnel- 
"  ques  mois  un  éloge  bien  mérité,  M.  Walzer  réédile  aujourd'hui 
"  un  ouvrage  non  moins  important,  dû  à  la  plume  d'un  Jésuite 
"  belge,  le  P.  Jacques  Masen,  et  paru  pour  la  première  fois  en  1651. 
"  Même  à  côté  des  traités  sans  nombre  qu'ont  inspirés  les  Exerci- 
^'  ces  spirituels  de  saint  Ignace,  celui-ci  possède  incontestablement 
"  sa  valeur  propre  et  son  cachet  particulier.  Les  sujets  de  médita- 
"  tion  y  sont  exposés  avec  une  profondeur,  une  abondance  et  une 
"  force  de  conviction  bien  difficile  à  surpasser.  Préparations, 
"  réflnxions,  affections,  résolutions  s'y  succèdent  avec  cet  enchaî- 
"  nement  suivi,  cette  logique  rigoureuse  qui  forcent  les  résistan- 
'*  ces  de  l'âme  et  l'inclinent  comne  malgré  elle  sous  l'empire  de 
**  la  vérité.  L'ouvrage  est  précédé  d'une  introduction  magistrale 
"  contenant  toute  la  théorie  de  l'oraison,  et  il  est  complété  par  une 
"  suite  de  sujets  spécialement  destinés  aux  prêtres.  Il  est  étonnant 
"  qu'un  pareil  livre  ait  pu  demeurer  jusqu'ici  à  peu  près  inconnu 
•'  en  France.  M.  l'abbé  Jourdain  et  son  intelligent  éditeur,  en 
"  offrant  à  notre  génération  ce  trésor  sauvé  de  l'oubli,  ont  fait 
"  œuvre  excellente  et  dont  toutes  les  âmes  pieuses  leur  sauront 


gre. 


TABLE  DES  MATIERES 

N.  B.  —  Nous  indiquons  les  con-idér.i lions  par  les  titres  mêmes  que  leur  a 
donnés  l'auleur.  Chaque  considération,  exc^^plé  pour  les  Méditalions  ecclésiasti- 
ques, esl  siiivie  des  a/feclions  qui  s'y  rupporlenl.  Des  recueils  d'mvocalions  et 
d'aspirations,  ainsi  que  divers  averii-S'-nieuts  spirituels,  soiil  répandus  dans^le 
cours  de  l'ouvrage,  suivant  que  les  sujets  le  demandent. 


PRÉFACE.  But,  disposition,  utilité  de 
cet  ouvrage. 

PROLÉGOMÈNES. 

De  la  méditation.  —  Instructionjpré- 
liminaire.  —  Chapitre  1er.  De  la 
préparation  requise  puur  la  méditation. 
—  II.  Du  comm- ncemf'nlde  la  médita- 
tion.—  III  Du  rôle  de  l'intelligence 
de  la  méditation.  —  IV.  Dr^s  afr^-ctions 
pieuses.  —  V.  De  la  manière  de  pro- 
duire es  afT-cUons.  —  VI  Des  co  lo- 
qu  s.  —  VII.  De  la  récoUeclion  et  des 
résolutions.  —  Vlll.  De  la  médlialiou 
par  l'cipp  iciilion  des  sens.  —  IX.   De 

la  prière  unie  à    la  mèilitation X. 

De  la  répétition  des  mèdilations. 

De  la  lecture  spirituelle.  —  Des  deux 
examens  de  crnscience.  —  De  la  con- 
fession générale. 


EXiifiGIGES  SPIRITUELS 


VOIE  PURGATIVE 


DU  PRINCIPE 


OD    KONDEMENT 
SPIRITUELLE. 


l. — De  la  fin  de  rfiom>ne.  —  l«''îon- 
sidérez  qui  vous  a  fait  homme  et  d'oîi 
Dieu  vous  a  tiré.  —  2"  Considérez 
quellu  créature  Dieu  a  fail'^  lievous. — 
3°  onsidér^-z  pour  quel  motif  et  pour 
quelle  fin  Dieu  vous  a  fait  tel  que  vous 
èies. 

II.  —  Des  créatures  relative^neni  à 
la  fin  de  l'homme.  —  I"  Considérez 
avec  quel  soin  et  quelle  liber  •lit-'  Dieu 
a  mis  à  la  disposition  de  Ihomme  tout 
c^  qui  peut  lui  être  utile  pour  aiieindre 
la  lin  glorieuse  qu'il  lui  a  ma'i|uee.  — 
2"  Considérez  que  les  créai nr.-s  con- 
duisent l'homme  pour  ainsi  dire  parla 


LE  PROPAGATEUR 


613 


main  à  la  connaissance  de  Dieu  Pt  à  la 
soumii-sioo  à  sa  volonté.  —  3^  Consi- 
dép'  z  que  Di-^u  laissa  des  défauts  aux 
créatures  jiour  que  l'homme  n'y  atta- 
che par  son  cœur. 

III.  —  Comment  il  faut  user  des 
créatures.  —  1"  Gonsid-^rez  que  si  l^^s 
créatures  sont  faites  pour  votre  usag^-, 
ce  n'f-st  pas  cependant  pour  en  user 
selon  vos  caprices  ou  vos  inclinations 
Dalurnlles. —  2»  Considérez  que  pour 
bien  user  des  créatures  pour  votre 
salut,  selon  l'ordre  et  la  volonté  de 
Dieu,  il  est  nécessaire  de  vivre  comme 
le  demande  voire  état  et  d'en  remplir 
les  obligations.  —  3°  Considérez  qu'il 
est  aisé  de  se  tromper  sur  les  moyens 
à  prendre  pour  arriver  à  sa  fin  :  aisé 
d'abuser  d-^  sa  liberté;  aisé  enfin  de 
glisser  sur  la  pente  du  vice. 

IV,  —  Les  voies  à  suivre  pour  attein- 
dre noire  fin  —  lo  Considérez  l'erreur 
déplontile  delà  plupart  d-s  hommes 
qui  préfèr-^nt  le  brillant  à  l'utile.  —  2" 
Con-id-r''z  que  les  bi  ns  et  1  s  maux 
d'ici-bas  n'ont  pas  tous  la  même  origi- 
ne, —  3»  Consid^ez  que  pour  arriwr  à 
volr^  fin,  vous  devez  user  les  moyens 
de  salut  que  vous  avez  choisis  ou 
acceptés  de  la  m  lin  de  Dieu. 

DES  PÉCHÉS  ET  DE  LA  PÉNITENCE. 

I.  —  Du  péché  puni  dans  les  anges, 
dans  Ailam  et  dans  les  autres  hommes 
—  ["  Considérez  que  D.eu  a  crf-é  1-s 
angKS  à  so'i  image.  —  2°  Gonsidért^z 
les  désastreux  eflets,  du  péché  du  pre- 
mier homme.  —  2°  Considérez  la  mul- 
titude de  ceux  que  Dieu  châtie  et  con- 
damna' aux  fldmm'^s  éternelles  à  cause 
de  leurs  propres  pèches. 

II,  —  Gravité  du  péché  mortel  —  1° 
Considérez  la  multitude  de  vos  péchés 
et  leur  gravité.  —  2»  Gonsid-T-^z  main- 
tenant la  personne  du  pêcheur. — 3" 
Confiderez  celui  que  vous  avez  offensé. 

III  —  Des  dommages  et  des  cliâli- 
menls  qu  entraine  le  péché  mortel.  — 
1»  Coii>id"rez  la  grandeur  d^s  biens 
dont  le  p  ché  \o  is  prive  et  des  maux 
qu'il  vo iis  cau'e.  —  2°  Con-idérez  les 
terribles  châtiments  que  vos  péchés 
vous  atiireiit.  —  3»  Considérez  que 
l'expiation  du  péché  a  demande  les 
seufTranct-s  et  la  mort  du  Fils  de  Dieu 
fait  homme. 

IV"  —  Du  péché vénid  et  :a  gravi'.é 


—  1°  Considérez  les  péchés  véniels  que 
vous  avez  commis  ju-qu'à  ce  jour.  — 
2»  Considérez  les  gra>  es  ^t  nombreux 
dommig-s  que  le  péché  véni-  i  causeà 
l'âm  .  —  3°  Considérez  les  châtiments 
redoutables  du  pfche  véniel. 

DE  LA  CONSIDÉRATION  DES  FINS  DERNIÈBKS 
DE  l'homme. 

I.  —  De  la  mort.  —  i"  Considérez  ce 
qu'-  si  voire  vie  sur  la  terre.  —  "-"  Con- 
sidér-'Z  qu  lies  seront  les  dispositions 
de  votre  âme  quand  il  faudra  mourir. 

—  3»  con-i  Jerez  la  mon  précieuse  des 
.ustes. 

II.  —  Du  jugement  particulier  et  du 
jugemmt  général.  —  l"  Consi  lérez  que 
Dieu  vuus  jugera  aussitôt  après  votre 
mort.  —  2"  Ccnsideiez  qu'un  jugement 
public  suivra  le  premier  jugement.  — 
3'  Co  sidérez  la  différence  entre  le. 
jugement  des  bons  et  celui  des  mé- 
chants. 

III  —  De  Venfer.  —  1°  Considérez 
les  souffrances  corporell-'s  des  damnés 
dans  l'enfer.  —  2»  Considér>-z  la  gran- 
deur des  supplic-^s  d--  lame  des  dam- 
nés. —  3»  Considérez  les  autres  souf- 
frances de  l'enfer. 

IV,  —  Du  nombre  des  élus  et  du 
chemin  étroit  qui  conduit  au  Ciel. — 
l"  Con;idérez  l--  peut  nombre  des  élus. 

—  2°  Considérez  que  vous  n'êtes  pas 
assuré  d>^  volrn  salui,  —  3°  Considérez 
la  conduite  de  Dieu  dans  la  distribution 
de  ses  grâces. 

VOIE  ILLUMINATIVE 

I.  —  Contemplation  du  règne  de 
■Jésus-Christ.  —  1»  Coiisid^^rez  Jésus- 
Lhrisi  vous  rappelant  au  combat.  — 
2"  Considérez  Ii  tin  que  Jesus-Christ 
se  propose.  —  3°  Con-ider^z  ^lue  les 
motifs  d'écouler  J^■sus-Cll^  ist,  de  le  sui- 
vre ei  de  l'imiter,  Sunt  graves  et  nom- 
breux. 

II.  —  De  l'incarnation  de  Jésus- 
Christ. —  1°  Considéiez  combien  est 
admirable  l'œuvre  de  l'incarnaiion. — 
2»  Considérez  commeui  s'f-st  accompli 
!e  mystère  de  riucari.atiOii.  —  3»  Con- 
sidérez la  fin  que  Ui^u  s'e-t  proposée 
dans  l'œuvre  étonnante  de  l'Incarna- 
tion, et  au  profit  de  qui  elle  fut  princi- 
palement accomplie. 

m.  —    De  la  nativiié   de    Notre- 


614 


LE  PROPAGATEUR 


Seigneur  Jésus-Chrisl.  —  t  "  Considérez 
le  mystères  de  la  nulivilé  du  Sauveur. 
—  2"  Considérez  quels  exemples  de 
vertus  Jésus-Christ  vous  donne  à  sa 
naissance.  —  3°  Considérez  le  mélange 
des  biens  et  des  maux  ici-bas. 

IV.  —  De  renfonce  du  Sauveur.  — 
1°  Considérez  quels  exemples  Jésus- 
Christ  a  proposés  à  l'imitation  de  la 
jeunesse.  —  2°  Considérez  Jésus-Christ 
dans  le  temple  de  Jérusalem.  —  3» 
Considérez  Jésus-Christ  croissant  en 
sagesse,  en  âge  et  en  grâce. 

AVAKCEMEKT  DANS  LA  VOIE 
ILLUMINATIVE. 

I.  —  Les  deux  étendards.  —  1°  Con- 
sidérez les  efforts  du  démon  pour  vous 
perdre.  —  2»  Considérez  comment  le 
Fils  de  Dieu  s'est  manifesté  à  nous  sur 
la  terre.  —  3»  Considérez  les  disposi- 
tions du  chrétiens  à  l'égard  des  biens 
de  ce  monde. 

II.  —  Préparalion  de  Jésus-Chrisl  à 
la  prédication  :  son  baptême,  son  jeûne 
sa  tentation.  1°  —  Considérez  Jesus- 
Christ  se  préparant  au  ministère  de  la 
prédication.  -  2°  Considérez  Jésus- 
Chrisl  vous  donnant  l'exemple  de  la 
morliOcalion  et  de  la  prière.  —  3"  Con- 
sidérez Jésus-Chrisl  tenté  par  le  dé- 
mon. 

III.  —  De  la  vccalion  des  apôtres  et 
du  résumé  de  la  doctrine  chrétienne 
donné  sur  la  montagne.  —  l"  Consi- 
dérez combien  Dieu  fut  admirable  dans 
la  vocation  des  apôtres.  —  2»  Consi- 
dérez quels  enseignements  le  Fils  de 
Dieu  vous  donn»'  sur  la  montagne.  — 
3°  Considérez  comment  Jésus  instruit 
ses  disciples  et  le  peuple  de  leurs 
devoirs  envers  Dieu,  et  du  soin  qu'il 
faut  apporter  aux  choses  du  ciel. 

IV. —  De  la  confirmation  des  'prin- 
cipaux points  de  la  doctrine  chrétienne 
par  des  miracles.  —  1°  Considérez 
comment  Jésus-Christ  confirme  sa  doc- 
trine par  ses  miracles-  —  2»  Considérez 
Jésus-Christ  nous  excitant  à  l'espéran- 
ce. —  3°  Considérez  la  gloire  du  Fils 
de  Dieu  sur  le  Thabor. 

DE  LA  PASSION  DE  NOTRE-SEIGNEUR  JESUS. 
CHRIST. 

[•  —  De  V Eucharistie  instituée 
comme  mémorial  de  la  passion  de 
Jésus-Christ.  —   1°  Considérez  Jésus 


lavant  les  pieds  à  ses  disciples.  —  2" 
Considérez  l'excellence  de  l'Eucharis- 
tie et  les  trésors  qu'elle  contient.  —  3" 
Considérez  que  Jésus-Christ  est  pour 
nous  l'arbre  de  vie. 

II.  —  Des  mystères  accomplis  au 
Jardin  des  Oliviers  et  du  commence- 
ment de  la  passion  de  Notre-Seigneur. 

—  1»  Consirlérez  Jésus  agonisant  au 
Jardin  des  Olives.  —  2»  Considérez 
Jésus  priant  son  Père  au  Jardin  des 
Olives.  —  3°  Considérez  Jésus  livré  à 
ses  ennemis  parle    traitrs  Judas. 

III.  —  Jésus- Christ  traîné  de  tribu- 
nal en  tribunal  et  condamné.  —  1" 
Considérez  qui  a  souffert  chez  Anne  et 
Caïphe,  ce  qu'il  a  souffert,  et  par  qui. 

—  2°  Considérez  Jésus  conduit  devant 
les  tribunaux  de  Pilate  etd'Hérode. — 
3°  Considérez  Jésus  condamné  à  mort 
et  ponant  sa  croix  malgré  son  inno- 
cence. 

IV.  —  Du  crucifiement  et  de  la  mort 
de  Jésus-Christ.  —  l"  Considérez  Jésus 
pardonnant  au  bon  larron  et  lui  pro- 
mettant le  Paradis.  —  2»  Considérez 
Jésus  confiant  sa  Mère  à  Jean.  —  3» 
Considérez  les  prodiges  qui  accompa- 
gnent la  mort  de  Jésus-Christ. 

VOIE  UNITIVE. 

I.  —  De  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ  et  de  ses  apparitions.  —  1°  Con- 
sidérez Jésus  triomphant  de  la  mort 
par  sa  résurrection.  —  2°  Considérez 
les  causes  de  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ  —  3°  Considérez  comment  Jésus- 
Chrisl  est  ressuscité. 

II.  —  De  l'apparition  de  Jésus-Christ 
auxtdisciples  d'Emmaus. —  1"  Consi- 
dérez Jésus-Christ  a|iparaissant  aux 
deux  disciples  d'Emmaus  et  les  ins- 
truisant. —  2"  Considérez  combien  il 
fut  utile  aux  disciples  de  s'entretenir 
pieusement  de  Jésus-Christ'  —  3°  Con- 
sidérez l'heureuse  issue  de  la  rencon- 
tre du  Sauveur  avec  les  pèlerins  d'Em- 
maus. 

III.  —  De  la  première  apparition  de 
Jésus-Chrisl  aux  apôtres  rassemblés- 

—  1">  Considérez  Jésus  donnant  la  paix 
à  ses  disciples.  —  2»  Considérez  la  né- 
cessité de  la  paix  de  Dieu. 

IV.  —  De  l'apparition  dont  Thomas 
fut  favorisé  en  présence  des  autres 
apôtres. —  l»  Considérez  Jésus  faisant 


LE  PROPAGATEUR 


615 


toucher  ses  plaies  à  Thomas.  —  2°  Con- 
sidérez les  fruits  que  procure  à  Tho- 
mas la  présence  de  Jésus.  —  3°  Con- 
sidérez comni'^nt  Jésus  vint  dans  le 
cénacle  une  seconde  fois  à  cause  de 
Thomas. 

VOIE  UNITIVB.  (suite.) 

l'amour  de  dieu. 

I.  —  De  l'amour  de  Dieu  et  des 
brebis  confiées  à  Pierre  parce  qu'il 
aimait.  —  1°  Considérez  combien  Jésus 
récompense  l'amour  de  Pierre  en  lui 
conflanl  son  Eglise,  et  ce  que  Dieu  fait 
pour  obtenir  notre  amour.  —  2"  Consi- 
d  éez  comment  les  créatures  vous  ai- 
dent à  connaître  noire  Créateur  et  ses 
perfections  infinies.  —  3°  Considérez 
que  tout  ici  bas,  même  les  épreuves, 
doit  servir  à  votre  salut. 

II.  —  De  l'amour  parfait  et  de  l'hon- 
neur souverain  qui  sont  dus  à  Dieu. 

—  1»  Considérez  que  Dieu  vous  a  tout 
donné  et  que  vous  ne  pouvez  ri^n  sans 
lui.  • —  2°  Considérez  que  toutes  les 
œuvres  de  Dieu  et  tous  ses  dons  ont 
lui-même  et  sa  yloire.pour  lin  suprême. 

—  3°  Considérez  que  l'amour  de  Dieu 
pour  vous  est  l.i  cause  de  tous  ses  dons 
et  réclame  ^un  amour  semblable  de 
votre  part. 

III.  —  De  la  conformité  de  lavolon- 
té  de  l'homme  avec  la  volonté  de  Dieu, 
procédant  de  l'amour,  selon  l'inslruc- 
iion  donnée  par  Jésus-  Christ  à  Pierre. 

—  1"  Consi'lér  z  que  rhomme  est  obli- 
gé de  conformer  sa  volonté  à  la  volon- 
té divine. — 2°  Considérez  que  l'homme 
le  plus  grand  intérêt  à  soumettre  sa 
volonté  à  la  volonté  de  Dieu.  —  3» 
Considérez  comment  il  faut  réduire 
en  pratique  la  soumission ,  de  votre 
volonté  à  celle  de  Dieu. 

IV.  —  De  V ascension  de  N-S.  Jésus- 
Christ.  —  1°  Considérez  Jésus-Christ 
confiant  à  ses  apôtres  la  mission  de 
travailler  au  salut  de  tous  les  hommes. 

—  2"  Considérez  la  persévérance  de 
l'amour  de  Jésus-Christ  pour  vous,  — 
3»  Considérez  Jésus  montant  au  ciel 
pour  vous  y  préparer  une  piace. 

Méditation  préparatoire  à  la  confes- 
sion. De  l'enfatU  prodigue  reçu  par 
son  père. —  1°  Considérez  la  conduite 
de  l'enfant  proiiigue  et  celle  que  vous 
avez  tenue.  —  2»  Considérez  le  prodi- 
gue revenant  humblement  vers  son 


père  et  la  réception  qui  lui  est  faite. — 
3°  Considérez  la  miséricorde  avec  la- 
quelle Dieu  reçoit  le). ècheur  repentant. 

—  Moyens  à  employer  pour  éviter  le 
péché. 

TRAITÉ     DE    L'ÉLECTION. 

Du  choix  d'un  étal  de  vie  et  des  mo- 
yens  d'y  vivre  de  manière  à  sauver  son 
âme. 

Chapitre  I.  Objet  de  l'élection.  De 
ceu.x  qui  doivent  faire  cet  acte.  De  ceux 
qui  doivent  la  diriger.  Du  discernement 
des  esprits.  Des  trois  temps  favorables 
à  l'élection.  —  II.  Quelques  vérités 
utiles  à  connaître  pour  fair-e  choix  d'un 
état  de  vie.  —  III.  Règles  à  suivre  pour 
faire  ce  choix.  —  IV.  Méditation  sur 
la  gravité  du  sujt;t,  la  voie  qu'on  doit 
préférer,  et  les  maux  qui  découlent 
d'une  élection  faite  avec  légèreté  et  pré- 
cipitation. —  V*  Quelques  mots  sur  la 
nature,  les  caractères  distinctifs,  les 
avantages  et  les  inconvénients  des  di- 
vers étals  de  vie,  à  l'usage  de  ceux  qui 
délibèrent  sur  la  carrièr'e  à  embrasser. 

—  VI.  Moyens  de  remédier  à  l'erreur 
commise  dans  l'élection.  —  Comment 
il  faut  corriger  les  erreurs  dans  la  foi. 

MÉDITATIONS     ECCLÉSIASTIQUES. 

Avertissement.  —  Première  médita- 
tion. De  la  fln  et  de  la  dignité  du  sa- 
c^^doce.  —  1"  Considérez  la  fin  et  la 
dignité  da  l'état  etclésiastiqu?.  —  2» 
Considérez  la  fin  et  la  dignité  du  sacer- 
doce en  particulier.  —  3»  Considérez 
qu'il  faut  étudier  sa  vocation  et  y  con- 
former ses  mœurs. 

Deuxième  méditation.  Du  soin  que 
les  ecclésiastiques  doivent  mettre  à 
éviter  le  péché.  —  l"  Considérez  qu'il 
n'appartient  qu'aux  saints  de  toucher 
les  choses  saintes.  —  2°  Considérez 
qu'il  faut  être  saint  pour  travailler 
utilement  au  salut  du  prochain.  —  3» 
Considérez  que  vous  n'avez  quitté  le 
monde  et  pris  rang  parmi  les  clercs  que 
pour  servir  Dieu  en  travaillant  à  votre 
salut  et  à  celui  des  autres. 

Troisième  méditation.  Du  redouta- 
ble jugement  que  Dieu  réserve  aux 
mauvais  prêtres;  —  1°  Considérez  la 
compte  rigoureux  que  vous  aurez  à 
rendre  au  tribunal  de  Dieu.  —  2"  Con- 
sidérez la  crainte  que  l'elat  ecclésiasti- 
que a  inspirée  aux  saints.  —  3°  Consi- 


616 


LE  PROPAGATEUR 


dérez  la  nécessité  absolue  de  la  conti- 
nence pour  les  cl-rcs  et  de  la  fidélité 
aux  devoirs  de  leur  ministère. 

Quatrième  médilaiion.  De  la  sainte- 
té exigi^  des  ministres  de  l'Église,  en 
vertu  même  des  nies  'le  rOrdinalion. 

—  1°  Gonsider  z  que  Jesus-Ghrisl  est 
pour  le  prêire  ua  modèe  dont  chaque 
degré  dais  le-  Siints  ordres  doit  rap- 
procher. —  2°  Gonsidèr-^z  les  obliga- 
tions qu'imposent  le  sous  diaconat  et 
le  diaconat.  —  3"  G  )nsidérez  la  ^sain- 
teté qu'exige  lii  sacerdoce. 

Cinquième  médilaiion  Delà  science 
et  de  la  vert  i  dns  ministres  de  l'Église. 

—  !•  Gonsid-rez  la  n-'cessité  de  la 
science  et  île  T'-tud  d  'S  choses  sain- 
tes pour  l'-s  eccl^-siastiques;  —  2»  Gon- 
sidérez  qu'un-*  vi^  mortiûée  vous  est 
nécessiiirn  pour  le  bon  exemple.  —  8° 
Considérez  que  vous  devez  l'exemple 
de  différentes  vertus. 

Sixième  méditation.  De  l'obéissance, 
de  la  chasteté-,  d"  la  pauvreté  des  mi- 
nistres de  l'Eglise.  —   !•  Considérez 


l'obligation  oii  vous  êtes  de  suivre 
Jésus-Christ  crncilié.  —  2°  Considérez 
avec  quelle  vigilance  un  eccl-^siastique 
doit  garder  la  sainte  chasteté.  —  3« 
Considérez  que  les  ecclésiastiques  loi- 
vent  pratiquer  la  pauvreté. 

Septième  m'hait ation.  De  la  charité,  du 
zèle  et  de  li  patience  des  ministres  de 
Dieu.  —  1°  Considérez  q;!e  Dieu  exige 
de  ses  miuislr'S  une  rare  perfection 
reposant,  en  premier  li-^u,  sur  le  chiri- 
té.  —  2»  Considérez  que  la  perfection 
ecclésiastique  n'existe  pis  sans  le  zèle. 
—  3°  Considérez  que  quiconque  veut 
servir  Dieu  doit  préparer  son  âme  à 
l'épreuve. 

Huitième  méditation.  De  la  perfec- 
tion ft  de  la  vie  'l'union  avec  Di-^u  né- 
cessaire anx  prêtres.  —  1°  Considérez 
la  sainteté  que  requiert  en  vous  l'o- 
bliiiou  du  saint  sa.;rifice.  —  2»  Con- 
8id»"rez  que  Dieu  n'attend  pas  moins  de 
ses  ministres  que  les  rois  de  la  t-rre 
de  leurs  courtisans.  —  3»  Considérez 
la  nécessité  et  les  moyens  de  persévé- 
rer. 


VIE  DE 

MICHEL  ALEX.  PETlT-XIfiOlAS 

PRÊTRE   DE   LA    SOCIÉTÉ 

DES  MISSIONS  ÉTRANGÊHBS 

DÉC.\PITÈ    POUR    LA    FOI 

EN  CORÉE  LE  12  MARS  1866 
Par  BI.  l'abbé  Renard 

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J.  S.   HAZE 

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PIEEEE   LEVIEIL 

A  LA  MÉMOIRE  DE  MELGHIOR  DU  LAC,  COMTE  d'aURE  ET  DE  MONTVERT. 


(suite) 

m 

ROSETTE. 

Icy  chanter,  là  pJeurer  je  la  vy  ; 
Icy  sourire,  et  là  je  fus  ravy 

De  ses  discours 

(Ronsard.) 

Lorsque  les  marguilliers  de  Saint-Etienne  du  Mon  voulurent 
faire  res-taurer  les  belles  petites  verrières  qui  décoraient  le  cloître 
attenant  à  leur  église,  ils  s'adressèrent  aux  frères  Levieil.  Pierre, 
dans  son  Histoire  de  la  peinture  sur  verre,  se  plaît  à  raconter  com- 
bien l'un  de  ces  bons  marguilliers  le  fatiguait  par  sa  surveillance 
soupçonneuse  et  ses  critiques  déplacées.  Enfin  ce  travail  de  res- 
tauration s'acheva;  et,  le  jour  où  l'on  posait  le  dernier  vitrail, 
Pierre,  en  attendant  que  ses  frères  eussent  fini  leur  besogne,  se 
promenait  en  disant  son  chapelet  dans  Je  petit  cimetière  qu'entou- 
rait le  cloître.  Une  pierre  tombale,  fort  simple,  mais  d'un  dessin 
élégant,  et  qui  était  adossée  au  pilier  voisin  de  la  verrière  qui 
représentait  Elielaisant  descendre  sur  l'autel  le  feu  du  ciel,  attira 
son  attention.  La  mousse  couvrait  cette  pierre,  exposée  au  nord, 
et  empêchait  d'en  lire  l'inscrirtion.  Pierre  se  baissa,  et,  prenant 
une  ardoise  tombée  dans  le  gazon,  enleva  la  mousse,  et  lut  ces 
mots  : 

EVSTACHE  LESVEVR,  IN  PAGE 

1    MAT    MYCLV 

'■'  C'est  donc  là  que  repose  le  Raphaël  français  !  "  se  dit  Pierre 
Levieil.  "  A  peine  un  siècle  s'est-il  écoulé,  et  sa  tombe  est  oubliée  î 
A  quoi  sert  le  génie  ?  Q'est-ce  que  la  gloire  ?  " 

Un  jeune  homme,  d'une  aimable  figure,  mais  pauvrement  vêtu, 
s'était  approché.  Il  salua  respectueusement  Pierre  Levieil,  et  lui 
dit: 

''  Monsieur,  j'ai  une  grâce  à  vous  demander,  et  c'est  ici  même, 
sur  la  tombe  de  Lesueur,  que  j'espère  l'obtenir.  Je  voudrais  entrer 
chez  vous  comme  apprenti.  Je  l'ai  demandé  à  M.  Je  in.  mais  il  m'a 
répondu  qu'il  avait  plus  d'ouvriers  ^u'il  n'en  peut  occuper. 

"  Mon  frère  à  raison,  "  dit  Pierre.  '•  D'ailleurs,  vous  êtes  déjà 
bien  grand  garçon  pour  apprendre  un  état.  Qa'avez-vous  fait 
jusqu'à  présent  ?  " 

"  J'ai  fait  mes  études,  monsieur,  "  dit  le  jeune  homme."  J'ai  de 
bons  certificats  de  mes  maîtres,  les  jésuites  de  Rouen.  J'ai  perdu 
mes  parents.  J'aurais  voulu  me  placercommeprécepteur,  et  jesuis 
venu  à  Paris  pour  cela  ;  mais  je  ne  trouve  pas  de  place,  mes  res- 


618  LE  PROPAGATEUR 


sources  s'épuisent,  et  je  voudrais  apprendre  à  gagner  ma  vie.  Je 
sais  dessiner,  monsieur.  Je  m'appelle  Eustache  Moreau  ;  je  suis 
arrière-pelit-fîls  d'Eustache  Lesueur.  " 

"  Venez  à  la  maison,  mon  ami,  "  dit  Pierre  en  lui  tendant  la  main. 
**  Venez  :  à  Dieu  ne  plaise  que  nous  refusions  d'accueillir  un  des- 
cendant de  Lesueur  1  " 

Renseignements  pris,  tout  confirma  le  premier  mouvement  de 
Pierre  Levieil.  Eustache  Moreau,  admis  dans  l'atelier  des  peintres 
verriers,  gagna  bientôt  ses  vingt-quatre  sols  par  jour.  Jean  et  André 
le  prirent  en  affection,  et  Pierre  entrevoyait  en  lui  l'étoffe  d'un 
véritable  artiste  ;  mais  les  occasions  d'exercer  son  talent  naissant 
manquaient.  À  peine,  de  loin  en  loin,  une  figure,  un  sujet,  étaient- 
ils  demandés  aux  derniers  peintres  verriers.  Quelques  armoiries, 
quelque'S  arabesques,  c'était  tout  ce  que  la  mode  admettait,  et  la 
permission  de  remplacer  les  meneaux  de  pierre  par  des  armatures 
et  des  bandes  de  verre  blanc,  au  lieu  de  supprimer  entièrement 
les  vitraux  historiés,  était  tout  ce  que  les  instances  de  Pierre 
Levieil  pouvaient  obtenir  desmarguillierset  des  curés  de  Paris. 

Un  jour  du  mois  de  février  1744,  Pierre  Levieil  venait  de  faire 
sa  tournée  matinale  à  l'atelier,  et  il  remontait  à  son  appartement, 
situé  au  deuxième  étage  de  la  maison,  sur  le  jardin,  lorsqu'en 
passant  devant  la  porte  entr'ouverte  de  sa  sœur  Rose,  il  sentit  le 
parfum  des  violettes.  Il  entra,  croyant  trouver  Rosette  chez  elle. 
La  petite  chambre  était  vide,  et,  comme  toujours,  proprette  et  ran- 
gée à  merveille.  Sut  la  cheminée  était  posée  une  statuette  de  la 
sainte  Vierge,  et,  entre  les  bras  un  petit  Jésus  qu'elle  portait,  Pierre 
vit  un  joli  bouquet  de  violettes,  lié  d'un  ruban  vert.  Ce  n'étaient 
pas  des  violettes  de  jardin,  pour  sûr:  il  était  encore  couvert  de 
neige  ;  c'étaient  de  belles  violettes  venues  sous  châssis,  et  telles 
qu'on  n'en  trouvait  alors  que  chez  les  bouquetières  du  quai  aux 
Fleurs.  —  Pierre  prit  le  bouquet,  le  cacha  |dans  sa  manche,  et 
monta  chez  lui. 

Rosette  y  était  :  selon  sa  coutume,  elle  époussetait  les  livres  de 
son  frère,  aussitôt  que  le  domestique  avait  fini  de  balayer  et  de 
frotter  le  parquet  de  la  bibliothèque. — Rose  avait  déjà  vu  son  frère 
le  matin,  à  la  prière.  Elle  lui  sourit  et  lui  dit  : 

"  Déjà  de  retour  de  l'atelier,  mon  frère  ?  Vous  n'avez  donc 
grondé  personne  ce  matin  ?  " 

"  Non,  ma  fille,  "  dit  Pierre  ;  "  mais  cela  viendra  peut-être. 
Asseyez-vous  là,  petite.  " 

Il  s'assit  dans  son  grand  fauteuil  et  regarda  sa  sœur,  sans  lui 
laisser  voir  le  bouquet  qu'il  tenait  ;  mais  leur  parfum  décelait  les 
violettes,  et  un  vif  incarnat  monta  aux  joues  de  Rosette.  Elle 
craignait  Pierre  autant  qu'elle  l'aimait.  Chez  lui,  Pierre  portait 
une  grande  houppelande  de  serge  noire,  qui  lui  rappelait  sa  coule 
de  bénédictin.  Les  soucis  et  le  chagrin  avaient  déjà  sillonné  son 
front  de  quelques  rides,  et  une  .calvitie  précoce  achevait  de  lui 
donner  l'apparence  d'un  religieux  des  plus  imposants.  Rosette, 
vêtue  très  simplement  d'une  robe  bouffante  de  camelot  brun  et 
d'un  fichu  de  linon  blanc  comme  la  neige,  portait,  selon  l'usage 


LE  PROPAGATEUR  619 


da  temps,  ses  cheveax  crêpés  et  poudrés,  bien  relevés  sur  le  front, 
et  retenus  par  un  ruban  vert.  Elle  se  tenait  droite  devant  son 
frère,  les  yeux  baissés,  et  roulant  entre  ses  doigts  déliés  un  coin  de 
son  petit  tablier  de  taffetas  noir. 

"  Rose,  "  lui  dit  son  frère  en  lui  remontrant  le  bouquet,  "  d'où 
viennenL  ces  violettes  ?  " 

*'  C'est  M.  Eustache  Morean  qui  me  les  a  offertes  ce  matin.  "  dit 
Rosette;  je  n'ai  pas  osé  les  lui  refuser.  C'était  la  première  fois 
qu'il  me  parlait,  mon  frère  !  " 

'■  Et  que  vous  a-t-il  dit?  " 

"  Il  m'a  priée  d'accepter  ces  fleurs  pour  mon  anniversaire.  Il  avait 
entendu  dire  à  Louis  que  j'ai  vingt  ans  aujourd'hui.  " 

"  Et  c'est  tout?  "  reprit  Pierre. 

"  Absolument  tout,  mon  frère,  " 

"  Et  que  lui  avez-vous  répondu  ?  " 

"  Rien,  mon  frère.  C'était  dans  l'escalier.  J'ai  fait  la  révérence, 
toute  surprise,  et  il  m'a  saluée,  et  s'est  sauvé  à  l'atelier.  " 

"  Vous  avez  eu  tort  d'accepter  ces  fliurs  sans  m'en  demander  la 
permission,  "  dit  Pierre  :  "  une  jeune  fille  qui  n'a  plus  sa  mère 
doit  être  plus  retenue  que  toute  autre.  Que  rien  de  semblable  ne 
vous  arrive  plus,  Rosette,  ou  je  vous  remettrai  au  couvent.  " 

"  Je  vous  en  prie,  mon  bjn  frère,  "  dit  Rose,  ''  ne  soyez  pas 
fâché  contre  moi.  " 

Et  elle  se  mit  à  pleurer  à  chaudes  larmes. 

Pierre,  se  sentant  mollir,  se  leva  et  fit  le  tour  de  la  chambre  • 
puis,  revenant  vers  sa  sœur,  il  posa  sa  main  sur  la  tête  de  Rosette 
et  lui  dit: 

"  Je  ne  suis  point  fâché,  ma  petite  Rose.  Mais,  dites-moi,  pour- 
quoi aviez-vous  mis  ce  bouquet  entre  les  bras  de  l'Enfant  Jésus  ?  " 

Jamais  Rose  ne  put  dire  pourquoi:  elle  pleurait  trop.  Ce  que 
voyant  son  frère,  il  l'embrassa  au  front  et  lui  dit: 

"  Allez  prier  Dieu,  ma  fillette.  Nous  réfléchirons  à  cela. 

Rose  sortit,  son  mouchoir  sur  les  yeux,  et,  aussitôt  que  Pierre 
l'eut  entendue  refermer  la  porte  de  sa  chambre,  il  sonna  son  valet. 

"  Allez  dire  à  M.  Eustache  Moreau  que  je  le  prie  de  venir  me 
parler,  "  dit-il  au  domestique. 

Puis  Pierre  Leveil  entra  dans  son  cabinet,  laissant  le  bouquet 
de  violettes  sur  la  table  de  la  bibliothèque. 

Eustache  eut  grand'peur  ijuand  le  valet  vint  lui  dire  que  M. 
Levieil  vouhit  lui  parler.  Tout  tremblant,  il  rajusta  ses  habits, 
prit  son  chapeau  et  ses  gants  à  la  main,  et  monta  lentement  l'esca- 
lier. Il  y  rencontra  le  petit  Louis,  que  sa  mère  venait  de  mettre  en 
pénitence,  et  qui  essayait  de  pleurer,  assis  sur  une  marche. 

"  Qu'as  tu,  Louis  ?  "  lui  demanda  Eustacbe,  qui  était  son  grand 
ami. 

"  Maman  veut  que  j'aille  demander  un  crayon  à  l'oacle  Pierre,  " 
dit  Louis,  *'  et  moi  je  n'ose  pas,  et  je  ne  veux  pas.  " 

"  Il  faut  obéir,  "  dit  Eustache.  "  Viens  avec  moi.  " 

Ils  se  prirent  la  main  et  montèrent.  La  porte  était  ouverte.  En 
entrant  dans  la  bibUothèque,  Eustache  vit  le  bouquet  et  devint 
pâle.  Louis  s'élança  et  prit  les  fleurs  : 


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LE  PROPAGATEUR 


"  Oh  !  les  belles  violettes  !  C'est  pour  moi,  n'est-ce  pas,  moa 
oncle  ?  "  cria-t-il. 

Pierre  Levieil  entra  ;  et,  tandis  que  Louis  s'amusait  à  défaire  le 
bouquetjle  frère  aîné  de  Rosette  eut  avec  Eustache  Moreau  une 
conversation  qui  se  termina  ainsi  : 

"  Je  vous  donne  deux  mois,  "  dit  Pierre.  "  Si  dans  deux  mois,  à 
pareil  jour,  vous  m'apportez  un  vitrail  coupé,  dessiné,  peint,  cuit 
et  mis  en  plomb  par  vous,  et  que  cet  ouvrage  soit  beau  et  solide  à 
défier  toute  expertise  et  toute  critique  raisonnable,  je  -ous  per- 
mettrai de  demander  à  ma  sœnr  si  elle  veut  bien  de  vous  pour 
mari.  Mon  père  était  aussi  jeune  et  aussi  pauvre  que  vous  quand 
il  obtint  la  main  de  la  fille  de  son  patron,  mais  il  avait  du  talent. 
Votre  manque  de  fortune  ne  sera  pas  un  obstacle,  quand  vous 
m'aurez  prouvé  que  vous  pouvez  gagner  honorablement  votre  vie. 
Ne  dites  à  personne  uu  seul  mot  de  nos  conventions.  Vous  travail- 
lerez chez  vo  is,  et  ne  viendrez  à  l'atelier  que  juste  pour  terminer 
votre  chef-d'œuvre.-' 

Il  lui  tendit  la  main.  Eustache  le  remercia  avec  effusion,  et 
partit  si  léger  qu'il  lui  semblait  avoir  des  ailes. 

Au  bout  de  trois  semaines,  Eustache  Moreau  reparut  à  l'atelier. 
Sur  l'ordre  de  Pierre,  on  lui  donna  du  verre,  des  émaux,  et  la  clef 
d'une  petite  chambre  située  au-dessus  de  l'atelier,  et  où  il  travailla 
seul.  Deux  fois  le  four  fut  mis  à  sa  disposition,  et,  enfin,  le  jour 
même  où  les  deux  mois  finissaient,  le  9  avril,  il  se  présenta  chez 
Pierre  Levieil,  portant  un  panneau  de  vitrail  recouvert  d'un  mor- 
ceau de  serge  verte.  Louis  le  guettait  au  passage. 

'•'  Qu'apportes  tu  à  mon  oncle  ?  "  lui  dit-il.  "  Est-ce  joli  ?  Tu  ferais 
bien  mieux  de  donner  cela  à  ma  taute  Rose,  qui  a  pleuré  ce  matin 
sans  vouloir  me  dire  pourquoi.  " 

"Tais  toi,  Louis,  "  dit  Eustache,  "  et  viens  avec  moi.  " 

Ils  montèrent.  Un  châssis  tout  préparé  était  placé  devant  l'une 
des  fenêtres,  d'où  l'on  découvrait  un  vaste  horizon.  Eustache  plaça 
son  panneau  avec  soin  et  attendit.  Pierre  Levieil  ne  tarda  pas  à 
entrer.  Il  répondit  par  une  silencieuse  inclination  de  lêie  au  salut 
respectueux  du  jeune  homme,  et  s'approcha  du  châssis.  Sans  oser 
parler,  Eustache^dévoila  le  vitrail.  Pierre  Levieil  jeta  un  cri.  C'était 
un  vrai  chef-d'œuvre,  c'était  une  vue  de  l'abbaye  de  Saint- 
Wandrille. 

Et,  deux  mois  après,  Rose  Levieil  épousait  à  Saint-Etienne  d"i 
Mont  le  petit-fils  d'Eustache  Lesueur. 

(à  suture.) 


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PROPAGATEUR,   Le. 
Nevi  séries. 


1^3 
v.3-4