Gc
944.2
M26p
1252543
M.L.
GENEAL.OGY COL-L-ECTIOH
ALLEN COUNTY PUBLIC LIBRARY
3 1833 00728 7318
LE PROTESTANTISME
DANS LE PAYS DE CAUX
LE PROTESTANTISME
DANS LE PAYS DE CAUX
(Ancien colloque de Caux
Havre et Dieppe exceptés)
D'APRÈS LES DOCUMENTS RASSEMBLÉS
ET LES NOTES RECUEILLIES
par feu M. Emile LESENS
CLASSÉS, COORDONNÉS & COMPUÉXÉS
yiCTOP^ ]V[ADELAI^^E
@^^
BOLBEC
Imprimerie Hexri Y VON, rue Hautot, 2^
1252513
PREFACE
M. Lcsc/is, rénidit bibliophile dont le Protestan-
tisme a eu â déplorer la perte prématurée il j> a quatre
ans, avait, pendant les veilles de plus de quarante
années d'une vie laborieuse, rempli une trentaine de
registres de notes et renseignements concernant lliis-
toire normande en général et le protestantisme cau-
chois en particulier. Ces notes, prises au hasard des
découvertes et des lectures, il les aurait certainement
classées et mises en ordre s'il avait cru sa mort si
prochaine, et peut-être, en présence du grand nombre
et de l'intérêt de celles qui regardent le Pays de Caux,
dont il était originaire, en aurait-il publié la subs-
tance avec les réflexions qu'elles lui auraient suggérées,
dotant ainsi nos églises d'une vue d'ensemble sur le
Protestantisme cauchois qui eût fait autorité.
Ce qu'il eût fort probablement accompli si ses jours
se fussent prolongés, nous avons, à titre d'ami et aussi
parce que son écriture, de lecture souvent difficile dans
ces notes prises pour lui seul, nous est familière, tenté
de le faire dans la mesure de nos mojens et sans nous
faire d'illusions sur notre insuffisance pour ce travail.
Nous avons été téméraire ; mais nous nous sommes dit
que si nous ne l'étions pas dans cette occurence, le fruit
des recherches de M. Lèse us serait perdu pour les
protestants cauchois, les registres qui les renferiueut
— 6 —
devant, cil effet, aller bientôt rejoindre, à la Biblio-
thèque de la Société de l'Histoire du Protestantisme
français, les ouvrages protestants les plus précieux de
la riche bibliothèque de M. Lesc//s, dont sa veuve, pour
le bien de V histoire protestante, lui a fait don sur le
choix de son èminent bibliothécaire, M. N. Weiss. Et
puis, c'est répondre, pour autant qu'ils sont mainte-
nant réalisables, aux vœux exprimés par le regretté M.
S. Hardv dans la préface de sou Histoire de TEglise
protestante de Dieppe.
Les jugements que nous avons portés sur les événe-
ments que nous relatons, la description des milieux où
ils se sont déroulés et des états d\imes qui les ont pro-
voqués ou dont ils ont été les conséquences, sont em-
preints de la plus entière bonne foi.
En remuant le passé, nous espérons bien ne pas
ressusciter les haines religieuses ni raviver Vesprit de
persécution, Vesprit ligueur, — qui dort plutôt qu'il
n'est éteint. — Mais c'est la foi vivante et agissante de
nos pères delà première heure que nous voudrions faire
revivre. La liberté de conscience est la plus précieuse
de toutes les libertés, mais elle semble avoir enfanté
che{ nousV indifférence eu matière de religion. Or, l'in-
différence religieuse, che^ les protestants clairsemés
au milieu de la population catholique, émousse l'esprit
protestant et donne à craindre que l'influence toujours
absorbante du milieu ne finisse par l'étouffer entière-
ment.
La France a besoin de plus Je vitalité et de plus de
virilité. Combien nous lui redonnerions de ces deux
vertus si nous revenions à l'esprit de nos pères du
XVL siècle! (J'est là un argument utilitaire, et les
arguments utilitaires, dans l'ordre moral, n'ont guère
de force. Mais voici un conseil salutaire, et c'est un
précepte de l'Ecriture : <f. Eprouvons toutes choses, et
retenons ce qui est bon. i, Si nous le suivons, nous ar-
_ 7 —
riverons à la foi p.rsoiincllc, Li seule qui repose
J'ûplom/y sur la eoiiseieiiee et se traduise en aetes.
L'absolutisme ou foi d'autorité, qui est une sorte
d'alignement au eordeau des croyances, un véritable
refoulement de la personnalité, engendre forcément la
passivité intellectuelle, ne met la foi que sur les lèvres,
assoupit la conscience et habitue chacun à croire qu'il
croit: d'où : esprits tin/orés et réfractaires d'instinct
aux nouveautés dans toutes les branches du savoir et
de l'aclivité hu/nains, et formalisme machinal qui
laisse l'esprit asse^ désemparé pour s'accrocher aux
superstitions les plus grossières.
Le libre-examen, au contraire, met l'intellect cons-
tammeut en éveil, développe la personnalité, la pousse
à son normal épanouissement moral, et il en découle
naturellement une croyance qui pénètre la vie et rend
l'esprit avide de connaitre davantage pour mieux com-
battre l'ignorance et le mal et, ainsi, se rapprocher
chaque Jour davantage de l'idéal moral qui est l'essence
du (Christianisme. Le moteur de l'aine, c'est la foi
religieuse libre, qu'on s'est faite soi-même dans la
sincérité de sa conscience.
C'est des tendances opposées de ces deux esprits
que proviennent les distances, de plus en plus grandes,
qu'on observe, au point de vue matériel cou/me au
point de vue moral, entre les nations protestantes et les
nations catholiques et qui assurent désormais la
prépondérance aux premières sur les secondes. Ll n'y
a pas là, comme beaucoup de personnes, frappées de
l'état d'esprit particulier aux pavs protestants, le
disent, une question de race, mais une question de
religion engendrant un esprit spécial. La race y est
bien un facteur, mais un facteur de minime impor-
tance, activant ou contrariant l'avènement de cet esprit.
Ce qui a formé l'dme de chaque peuple, c'est l'éduca-
tion qu'il a reçue pendant une longue suite de généra-
— H —
tioiis. i)i\ Jusqirà CCS derniers temps pour la France.
jiisqit\i luaiiitenaiii pour les autres nations, c'est de
la reli(^ion do/iii//a/ite da//s chacune d'elles que l'édu-
cation s'est inspirée.
D'un côté, l'esprit passif, conservateur, ennemi-né
de toute réforme dans tous les ordres. — parce que
son fonds est riminulabilité.
De Vautre, l'esprit d'entreprise hardie et de proo-rès
illimité, — parce que son fonds est le perpétuel deve-
nir.
Le premier est personnifié par l'Espagne, le second,
par r Amérique.
De tontes les épithètes lancées à la tête des Réfor-
mateurs, laquelle avait le pins de prise? Celle de
novateurs ! Du moment qu'ils étaient des novateurs,
tout était dit: et n'eut été leur vie transformée qui
portait à croire qu'une doctrine produisant un tel
changement était vraie, ils n'auraient eu aucun succès
auprès des masses fanatiques de la tradition. Il ne
s'agissait que de doctrines religieuses, pourrait-on dire
ctnousa-t-on dit quelquefois. Oui; mais Vesprit-horne
en religion est forcément conservateur en politique,
mœurs, usages, coutumes, etc., puisque tout cela
découle de la religion toute-puissante. Que de fois
n'avons-iious pas entendu déclarer que c'est manquer
de respect à la mémoire de ses ancêtres que de faire
quoi que ce soit autrement qu'ils le faisaient !
Nous espérons que les pensées ici exprimées ne bles-
seront aucun des catholiques qui nous liront. Nous
savons que le parasitisme paie// qui a peu à peu e/ivalii
le catholicis/ne de ses végétatio//s //ialsai//es, et l'esprit
de co//se/-vatis/ne o/itré, résulta//te //aturelle île plii-
sie/irs siècles d'absolutis//ie dépri//ia//t , so//t déplorés
de beaucoup de catholiques éclairés. Il y a toujours
en da/is l'Eglise ro/uai/ie n// protesta//tis//ie late//1. en
France surtout, et c'est, suiva//t //o/is, /i//e des causes
— 9 —
— la pins forte étant le no van Je protestants qu'elle
renferme — qui lui valent iVêtre à la tfte îles nations
eatholiques. Mais, depuis le Coneile dn Vatiean, il
paraissait aller en déteignant. Il semble se réveiller
aujourd'hui. Puisse-t-il s\iffirmer de plus en plus
pour le relèvement de notre chère patrie !
Lorsqu'on croit que c\'st un privilège d'ctre protes-
tant, on doit avoir à cœur de le faire partager. Tout
sentiment contraire procéderait de Végoïsme et justi-
fierait ce qui se dit de l' individualisme. Donc, le pro-
sélytisme est un devoir. Souhaitons qu'on le comprenne.
Au fond, c'est la foi de liberté que nous voulons, par
la liberté, substituer à la foi d'autorité.
En dehors des noies et documents rassemblés par
M. Lesens. et de ceux, peu //ombreux, que /:ous avo//s
pu rec/ieillir, i/o//s //o/is soi/imes servi, ta//t pour
les évéïiei/iei/ts coi/cer//a//t les églises de Ro/te/i, de
Dieppe et d/i Havre qui o//t pu avoir ////e réperc/is-
sio// sur les églises objet de //otre ét/ide et pour ceux
do//t la régio// qu'elles e/nbrassei/t a été le théâtre, que
pour les évéïiemei/ts d'()rdre gé//éral o/i //atio//al. des
o/ivrages s/iivai/ts :
I. — Histoire ecclésiastique des Eglises réformées
du ro\-aume de France, par Th. de Bèie.
II. — Histoire des Protestants de France, par G.
de Félice.
III. — Histoire du Parlement de Normandie. /j/-
.1. Floq/iet.
W . — Essai sur Thistoire du Protestantisme au
Havre, par A///phoux.
y. — Le Protestantisme en Normandie, par F.
]Vaddington.
YI. — Histoire de FEglise Protestante de Dieppe.
par S. Hardy.
MI. — Mémoires de Du/no//t de Bostaquet.
VIII. — Bulletin de la Société de THistoire du Pro-
testantisme français.
IX. — La France Protestante, ^^r les f rares Haag.
X. — Les tables de l'état civil des protestants de
"^oneniXVIP siècle).
XI. — Les Registres contenant les actes pastoraux
de Péglise de Lintot (Bolbec) sous LEdit de Nantes.
Xli. — Les Egiises du Refuge en Angleterre, par
le baron F. de Schickler.
Un certain nombre des notes de M. Lesens ont été
relevées aux . [rcliives départenieniales et quelques-unes
dans les Registres capitulaires de l'église métropoli-
taine. Il n\v a pas dlndication permettant d'en re-
trouver la source, ///ais on sait trop combien M.
Lesens était scrupuleux pour qu'un seul doute soit
émis sur leur véracité.
•"=3]
INTRODUCTION
La Réformation était légitime et nécessaire
CTest en IS17 que Luther allicha ses thLses enflam-
mées contre les indulgences, créant ainsi le prodi-
gieux mouvement de rénovation religieuse qui a
changé la face du mcmde chrétien et amené l'éman-
cipation des consciences.
En France, quatre ans auparavant, un professeur
de l'Université de Paris, Lefèvre d'Etaples, avait pro-
clamé le salut par grâce, qui est le principe généra-
teur du Protestantisme, le secret de l'héroïsme de ses
milliers de martyrs. Mais ce n'était qu'un germe
semé dans quelques consciences, tandis que le coup
d'éclat de Luther devait être porté aux quatre vents.
C'est donc a Luther qu'il faut faire remonter la nais-
sance du mouvement en France, bien qu'il soit à peu
près certain qu'il v fût né quand même très peu de
temps après; et c'est pour cela, plutôt que parce qu'ils
en avaient les opinions, qu'on appela les premiers
protestants français des Ltitlicriciis.
Les écrivains catholiques voient dans l'action réso-
lue de Luther, de Calvin et des autres grands réfor-
mateurs, une révolte orgueilleuse contre leur église:
si c'est une révolte, elle est légitimée par ce fait
que le concile de Latran, réuni cxprcssc/nc/if, en
1^12, pou r rcfoinncr l'cglisc, s'était séparé après avoir
montré son impuissance absolue à entreprendre cette
tâche dont Turgence était proclamée en ces termes
par Egidio de Viterbe, général de l'ordre des Augus-
tins, dans le discours d'ouverture qu'il prononça au
nom du pape Jules II : '■' Peut-on contempler, sans
verser des larmes de sang, l'ignorance, l'ambition,
l'impudicité, l'impiété régnant dans les lieux saints
d'où elles devraient être à jamais bannies? //
Ces maux de l'église qu'Egidio dépeint aux prélats
assemblés aux fins d'y porter remède, n'étaient pas
nouveaux. Depuis un siècle, les écrivaiens les plus
pieux déploraient les mœurs du clergé et procla-
maient que la simonie avait envahi le sanctuaire. On
en était venu à tarifer même les péchés. L'absolution
donnée contre le paiement d'une facture établie au
confessionnal, telle est l'impression que donne la
lecture d'un livre qu'on peut voir à la Bibliothèque
publique de Tours (!'. Voilà où la religion de celui
qui avait proclamé l'obligation de la nouvelle nais-
sance en était arrivée ! L'argent remplaçait le repentir.
Si on nous disait que le tableau est trop chargé, nous
répondrions : Alors, expliquez-nous comment — le
principe catholique, tel qu'il avait été posé par Tho-
mas d'xVquin et tel qu'il était universellement admis,
statuantl'immutabilité de la doctrine — des théologiens
et des maîtres de la pensée, suivis de nombreuses po-
pulations, conservatrices par passivité et par consé-
cjuent ennemies-nées des nouveautés, ont pu. à la
voix des premiers réformateurs, accepter des chan-
1. — (^e livre porte le titre de Taxe cancellarie ap. et. Taxe
sacre Poiitentiarie Lfidern apostolice : il a été publié, avec
privilège du roi, par Toussaint Denis, à Paris, en 15"20. M. A.
Dupin de Saint-André, l'a réimprimé en 1879, chez Fischbaclier.
à Paris, avec la traduction française en re.irard.
— 13 —
i^ements dogmatiques capitaux, si ce n"est parce que
l'église, telle qu'ils la voyaient, leur apparaissait trop
souillée pour être véritablement demeurée l'épouse
de jésus-Christ, dont l'imitation ne peut pas ne pas
être, pour elle, la loi constante ?
Va voilà, ce nous semble, la révolte, si révolte il v
a. amplement justifiée.
Le succès de la Réformation
en prouve la légitimité et la nécessité
Nous venons de montrer tpie le mouvement réfor-
mateur du X\'l' siècle était légitime. Il nous reste à
faire comprendre maintenant comment il a réussi.
A la vérité, le vrai Christianisme n'est jamais
resté sans contesseurs. Parmi les plus marquants
de ceux qui ont senti (Christ \ ivre en eux, nommons
saint Bernard, saint François d'Assises, Gerson, Tho-
mas .\ Kempis, Cléman^fis, Jeanne Darc. Ces voix,
pour isolées qu'elles aient été dans la nuit du moven-
àge, n'en avaient pas moins été entendues dans quel-
ques monastères et y avaient entretenu la doctrine
primitive du salut gratuit. Et, plus près de la Réforme,
le beau livre anonvme Y Imitation de Jcsus-Chrisi,
qui avait pénétré dans beaucoup dabbayes et de pres-
bytères. \- avait fait naître ou \' avait entretenu la mê-
me doctrine. 11 \' a\ait aussi un sourd travail qui s'o-
pérait dans l'élite intellectuelle depuis le commence-
ment de la Renaissance, travail qui avait trouvé un
auxiliaire puissant dans la découverte récente de l'im-
primerie, et d'où les idées reçues sur l'unité de foi
sortaient troublées ou mortellement atteintes.
C'étaient là des points d'appui précieux pour la
Réforme. Joignons à cela ce que nous savons sur la
— 14 —
corruption éhontée du haut et du bas clergé, le com-
merce sacrilège des choses saintes, notamment le
trafic des indulgences où on allait jusqu'à prétendre,
sans choquer la naïve foi des simples, qu"au bruit de
la pièce de monnaie tombant dans le tronc l'àme
qu'elle rachetait du purgatoire prenait son vol pour
le paradis, (1) et nous conclurons que le terrain était
bien préparé pour recevoir l'émancipatrice semence
des âmes. Et nous répéterons qu'il fallait que l'état
de l'église fût bien ce que nous déclarons qu'il était
alors pour avoir une raison acceptable du succès des
ouvriers de la première heure travaillant isolément
dans le champ du Seigneur.
Qu'on songe, en elïet, qu"ils a\'aient à s'attaquer à
des populations ignorantes, imbues de préjugés,
nourries de superstitions séculaires, et pliées à tous
les despotismes et à toutes les tyrannies des papes et
des rois, et, comparant les résultats réalisés avec ceux
qu'on obtient de nos jours parmi des populations
moins ignorantes, moins superstitieuses, moins ré-
fractaires aux idées nouvelles, qu'on nous dise si cela
peut s'expliquer par d'autres raisons que celles que
nous en donnons. Oui, c'est en grande partie parce
que le clergé catholique s'est réformé quant aux
mœurs que, depuis lors, toute entreprise du Protes-
tantisme pour la conversion des catholiques ne re-
trouve plus les succès du XVI'' siècle, et c'est, pour le
1. — Le U-afic des indulgences ne dut pas être poussé en
Franco aussi loin qu'en Allemagne. Pour ce qui concerne la
Normandie, nous voyons sur les Re(j. Capif. Ecclés. rothorn.
que, le '^(S février 149'j. le chapitre de Noire-Dame supplie l'ai'-
chevèque Robert de C.roixmare d'exclure du diocèse les ques-
teurs et colporteurs d'indulgences id'après Floquet. Hist. dit
Parlement de Normandie, t. II, p. 225). — Malheureusement,
c'est la concurrence que ces gens lui faisaient et non le tratic
en lui-même qui motivait les supplications du chapitre métro-
politain de Rouen.
— IS —
reste, parce que le Protestantisme n"a plus la foi forte
qui le faisait le sel de la terre.
Nous voulons bien admettre que, quelques nobles
avant embrassé les nouvelles doctrines pour parler
comme les écrits du temps , bien des gens de petite
condition aient suivi par l'ascendant subi ou Tobli-
g-ation imposée — si tant est qu'il soit possible qu'un
protestant contraigne en matière de foi : ce ne serait
pas en tout cas. le fait d'un vrai protestant, un vrai
protestant ne pouvant admettre qu'on embrasse le
Protestantisme sans conviction et ne pouvant admet-
tre davantage que la conviction puisse sortir de la
contrainte. Cela expliquerait, à la rigueur, la propa-
gation de la Réforme dans les campagnes; mais cela
ne l'expliquerait pas dans les villes, où les bûchers
s'allumèrent vite et nombreux, — et il faut en reve-
nir forcément aux causes que nous indiquons.
I.f fait que de nombreux prêtres et religieux furent
des premiers à embrasser la cause de la Réformation
n'a pas embarrassé les écrivains catholiques. C'est
parce qu'ils étaient incontinents, disent-ils. La Ré-
forme ayant, dès le début, rendu le mariage aux prê-
tres, les historiens catholiques ont beau jeu à déclarer
que les prêtres indignes s'empressèrent de changer
de religion. Mais si leur conversion n'eût pas eu des
motifs tout contraires, auraient-ils été suivis par la
masse, qui, précisément, ne réclamait une réforme
que parce que le clergé était corrompu? l'.lle ne pou-
vait, en effet, cette masse, réclamer une réforme
doctrinale, puisque, l'Ecriture Sainte lui étant incon-
nue, elle ne pouvait savoir que l'église avait erré. Et
puis, cet argument n'aurait de valeur que si l'église
romaine eût, alors, été bien rigide sur les mœurs de
son clergé séculier et régulier, de tout grade et de
tout ordre. Mais il était loin d'en être ainsi, car le
temps n'était pas encore passé où tout prêtre pouvait
— i6 —
acheter le droit d'avoir une concubine. (D
Donc il est inadmissible que ce soit parce qu'ils
ne pouvaient observer le vœu de chasteté que ces
prêtres et religieux embrassèrent le protestantisme.
Si c'avait été pour se marier, ce serait respectable et
prouverait qu'ils préféraient l'état de mariage, hono-
rable entre tous, au dire de Saint Paul, à l'état de
concubinage qui était presque l'état commun du
clergé d'alors. Mais la rigidité de mœurs des nouveaux
convertis, prêtres et laïques, démontre clairement
cpi'ils n'avaient obéi qu'à des motifs de conscience.
Si cela n'eût été, est-ce que le fait suivant, rapporté
par (iuillaume et Jean Daval, les historiens, h la lin
du X^'I^■ siècle, du protestantisme à Dieppe, et qui
marque d'un trait vif et lumineux le relèvement
moral amené par la Réforme, se serait produit, à sa-
voir : que les filles de mauvaise vie furent obligées
de quitter Dieppe, tant elles y étaient deAenues un
objet d'opprobe et de mépris?
Et puis, enfin, les bûchers ne tardèrent pas à s'allu-
mer. Est-ce que la perspective d'y monter n'eût pas
suffi à réfréner l'ardeur impudique de ces prêtres in-
continents ? Or, on ne voit pas que les bûchers aient
arrêté les conversions dans le clergé. C'est le con-
traire qu'on constate en interrogeant l'histoire.
Nous concluons donc : en haut comme en bas,
dans le clergé comme chez les laïques, les conver-
sions furent motivées par l'état de corruption éhon-
tée où l'église était tombée et la nette perception
qu'on avait de son impuissance à s'amender elle-
même.
1. — Ochi résulte du livre déjà cité : Truce caucellarie.
— 17 —
III
Une foi pour laquelle on fait joyeusement le sacrifice
de sa vie ne peut être une foi vaine.
La Réforme justifiée par ses martyrs.
Nous venons de voir pourquoi le mouvement
réformateur devait naître et s'étendre. Mais sous la
persécution implacable qui sévit bientôt, du pou-
voir relig-ieux allié au pouvoir politique, comment
ne fut-il pas étouffé ? C'est que son principe géné-
rateur, la justification par la foi d"où sort l'idée des
droits imprescriptibles de la conscience, est une force
capable de braver les plus cruels tourments. La foule
le vit bien aux premiers supplices : celui de Wolgang
Schuch,à Nancy, le 21 juin is2s ; celui, 8 jours après,
à Metz, du cardeur de laine Jean Leclerc ; ceux de
Jacques Pavannes, à Paris, et de De la Tour, à Tou-
louse, les 28 août et 27 octobre suivants, — et des
milliers de consciences en furent troublées jusqu'à
ce qu'elles eussent aussi passé par la nouvelle nais-
sance.
Et voilà comment ce qui devait, à vue d'église se
prétendant infaillible, arrêter le mouvement, en de-
vint le principe générateur.
Les adeptes de la nouvelle doctrine, se sentant
pardonnes sous l'accablement du sentiment de leur
péché, sont inondés d'un tel bonheur que, dans un
besoin d'expansion fraternelle, ils en font part à tout
le monde et deviennent ainsi les apôtres de la bonne
nouvelle. L'absolution du prêtre, qui eût dû leur don-
ner la même joie, n'avait jamais apporté au fond de
leur cœur le témoignage d'une réconciliation avec
Dieu. Aussi étaient-ils toujours prêts à confesser cette
communion intime jusque sur les bûchers ou sous
i8
la hache du bourreau. Les subtilités des plus savants
théologiens jointes à léloquence des plus grands
prédicateurs ne parvenaient point à troubler cette
précieuse paix, et, plus tard, Bossuet lui-même y
échouera jusqu'auprès d'illettrés. Kt ce qui est étrange
et confond de la part d'un chrétien tel cjue lui, c'est
que, dans cette force surhumaine, il n'ait vu cpie de
l'entêtement.
Oui, les quelques bûchers allumés en 1^2^^ et les
premières années qui suivirent firent naître le désir
de connaître la doctrine qui donnait, aux savants
comme aux ignorants, la puissance de mourir si
joyeusement, et, ô ironie I l'Kglise sonnait à toute
volée les cloches de toutes ses églises pour appeler
la populace aux supplices des hérétiques !
L'Eglise protestante a eu pour semence le sang de
ses martyrs, et l'on peut dire que la restauration du
Christianisme évangélique a été aussi glorieuse que
le fut sa fondation.
PREMIERE PARTIE
Des origines à la proclamation de l'Eclit de Nantes
CHAPITRE 1"^
Commencements de la Réforme dans le Pays de Caux
(1520-1563)
Laissons les idées générales. Représentons-nous
seulement le milieu qu'elles reconstituent d'ensemble
et qui était commun à toute la France, car, à ce point
de vue, il y avait unité, et plaçons-y chronologique-
ment les renseignements que nous possédons sur la
région qu'embrasse notre étude.
La note plongeant le plus loin dans le passé du
pays cauchois est de 1520 et porte que le curé du
Coudray fut amené aux prisons de la cour d'église, à
Rouen, pour cause d'hérésie (on ne sait ce qui ad-
vint de cette arrestation) ; celle venant ensuite est de
1^28 et dit ceci : -?: Cent sols accordés à Julien Huet
^ et Guillaume Lemetayer, prêtres de Bolbec, pour
" avoir accompagné le promoteur volant quand il
'z conduisit Jean de Caule falias Lacaille), curé de
— 20
-r Bolleville. suspect d'hérésie, de BolbecàRouen. (1)»
Comme pour le curé du Coudray, on ne sait quelles
suites furent données. La même année, le 23 juillet,
le premier bûcher s'allumait à Rouen, sur le Vieux
Marché, et y consumait Pierre Bar qui avait été
amené, en 1527, de Villedieu en Basse-Normandie,
par le capitaine de la cinquantaine, parce qu'il don-
nait prise aux soupçons " quant à la doctrine //. Le
second bûcher ne s'alluma que cinq ans après, le 21
décembre 1^33, et à la même place ; ce fut un prêtre,
Etienne Lecourt, curé de Condé-sur-Sarthe, diocèse
de Séez, qui y monta. Cependant, dès 1=131, le Parle-
ment de Normandie, sur l'avis du promoteur et de
l'official qui déploraient l'expansion des idées nou-
velles, avait rendu plusieurs arrêts de mort contre
des gens convaincus ou seulement suspectés de les
professer ; mais c'est sans doute par un autre ,^enre
de supplice que la sentence reçut exécution.
En 1529, Jean de Noyer, d'vVlvimare, fut accusé
d'hérésie et un sermon fut prêché en sa présence et
celle de Guillaume Leverrier accusé du même crime,
par l'inquisiteur de la foi. L'année suivante, plusieurs
personnes soupçonnées de luthéranisme furent ame-
nées des prisons de Neufchâtel à Rouen, entre autres
Nicolas de Norville, Roger Caron et Pierre de Caulx.
Cette même année, l'inquisiteur de la foi alla prêcher
à Bacqueville et dans quelques autres paroisses de
l'ofiicialité de Rouen où les doctrines hérétiques
avaient été répandues par Geoffroy Ducoudrav, reli-
gieux de l'abbaye d'Ouville près d'Yerville. Il se ren-
dit notamment à Sotteville-sur-.^Ier pour ramener
par sa prédication Marguerite Hermier, de Greuville,
et Pierre Levasseur, cependant que le prieur des
1. — M. Lcsens indique qu'il a tiré cott(> note des Arcliives
de la Seine-Inférieure.
Frères-Précheurs se faisait entendre, dans le même
but, de Nicolas Hermier et de Pierre Le Duc, d'An-
neville-sur-Scie. Pierre Le Duc ne s'étant pas rendu
aux raisons du frère-précheur, des poursuites furent
exercées contre lui Tannée suivante (i33i)dontle
résultat nous est inconnu, mais qui se devine aisé-
ment. En cette année 1^31, le promoteur volant se
rendit à l'abbaye d'Ouville pour informer contre le
moine Geoffroy Ducoudray, en fuite. (1)
En i=i32 furent poursuivis, toujours pour la même
cause, Laurent de Ruel, d'Osmonville, et quelques
seigneurs des environs de Bacqueville. L'année sui-
vante, les soupçons de l'autorité ecclésiastique se
portèrent sur Charles V' Martel de Bacqueville et sur
son épouse, Louise de Balzac, qui avaient donné
asile, dans leur hôtel à Rouen, à deux hérétiques
qu'on avait capturés chez eux.
Phi îs^"?, Jean Servant, de Vatteville, près de Cau-
debec, et Isidore Le Monnver, de Fécamp, furent
emprisonnés parce qu'ils ne voulaient pas '/ abjurer
leurs erreurs?/; mais ils furent élargis en 153=, ou 36.
En 1534, un sergent fut envoyé à Bellencombre
pour se saisir de Jacqueline de la Haye, religieuse
du prieuré de Saint-Saëns, fugitive et apostate, et
des prédications furent faites aux portes de l'église
cathédrale de Rouen par frère Valentin Lyemin, in-
quisiteur de la foi, pour la réparation honorable
d'Antoine Leconte, prêtre, Robert Lesueur, Thomas
Coquet, Heuset et Renel.
Dès cette année-là, et même probablement avant,
des normands passèrent la Manche pour fuir la per-
sécution. Parmi les naturalisations anglaises de cette
T.— Anvté, en ir)oO, i) s'était échappé lorsqu'on le conduisait
à Bacqueville pour une prédication inquisitoriale. On ne le re-
prit qu'en décembre 1535. 11 fut dégradé devant le grand poi--
tail de la cathédrale de Rouen en février 1536,
époque, nous relevons celles de Robert Desanye,
tailleur (Harfleur), le 13 février is^S ; de Simon Over,
le 26 février; de Marie Levillayn, le 12 mars; de
Thomas Daigremont, le i"' mai ; d'Alain Bowdisson
(Dieppe), le 25 juin ; de Jacques Bacquer, le 30 juin ;
de Jean Sohier, le 2 juillet ; de Jean Blosseaume, le
7 août; de Jean Masson, Pierre Menell, Michel Vase,
Nicolas Moket, Pierre-Ant. Arderon. le ^o septem-
bre ; de Jean Grout et Richard Jourdain, le i'^^' octo-
bre ; de Richard Brière, Geof. Michel et Jean
Robard, le 28 octobre ; de Michel Lovet, tailleur
(Rouen), le 19 novembre ; de Guillaume Noé le 13
janvier et de Robert Harvye le i" mai 1^36. Enfin,
nous trouvons à la fin de cette année 1S36 deux nor-
mands établis à Londres depuis quelque temps déjà,
Gervais Sohier et Le Roux, appelés en témoignage
dans une affaire d'agression contre des français.
Le 5 janvier 1=136, une citation est portée à la Vau-
palière contre la dame de Basqueville, dénoncée
comme favorable aux idées nouvelles. Vers le même
temps, Nicolas Boissel, curé d'Epinay, près de Rouen,
est accusé de Luthéranisme, et des habitants du ha-
meau du Meslay sont cités contre lui.
En IS38, Dominique Anfrav, inquisiteur de la foi,
fit une prédication à l'occasion de la réparation de
plusieurs hérétiques dont un, Adrien Queval, était
de Luneray.
En 1540, commission fut donnée à M^ Jacques Ter-
rien d'informer contre plusieurs hérétiques du pays
de Caux. ensuite de laquelle des poursuites furent ex-
ercées contre frère Nicolas Mazire, moine augustin,
Louis Legay, Raulin Levesque, Nicolas Massieu,
Mathieu Fournil et Michel Buée.
En 1541, l'inquisiteur Dominique Anfray, déjà
nommé, se transporta à St-Nicolas-de-la-Taille, puis
à Longueville, Bacqueville et Luneray, pour v faire
des prédications comminatoires. H) Cette même an-
née, Raulin Bellemare et Jacques Mort, de Norman-
die, se réfugièrent en Angleterre pour cause de
religion.
A partir ûe i=,42. ies poursuites deviennent si nom-
breuses queceu.x; qu'elles atteignent ne sont que très
rarement nommés. De cette année jusqu'à Tannée
IS48, nous relevons les noms suivants : Guillaume
Bailly, Robert Desves. Michel Legendre, M" Jean
Latteignant. M" Jean Lemoine. Jean Guiffart. Moïse
Xoèl. frère Grégoire Morelet. augustin, Jean Lebert.
M"' Robert Le Prévost, frère Nicolas Lecomte. au-
gustin. Richard de la Poterye, libraire, FouquetTho-
rel. Philippe de la Mare. Nicolas et Jean Maurisse.
Richard de Vivefav, écuyer à Illeville-sur-Montfort,
Jean Petit, Olivier Trugard. frère Noël Reguyer.
augustin.
Nous voyons dans un ouvrage peu connu ri) que
l'abbé Bavard, de St-Wandrille, se plaignait, en
IS46. d'avoir beaucoup à souffrir de Calvinistes armés.
Il ne pouvait v avoir de Calvinistes en armes à ce
moment. Le digne abbé aura sans doute pensé que
des brigands ne pouvaient être que calvinistes, d'où
sa confusion.
En i=;48. le promoteur volant se rend à Cuverville
pour « appréhender les hérétiques // : Guillaume '
Bunel est fait prisonnier.
En i^^o, un nommé Charles Coudray est conduit
par Nicolas Bréant. promoteur volant, assisté de gens
de justice, à Lindebeuf. pour assister à la prédication
de Pierre de Gruchy, inquisiteur de la foi, qui se
1. — Les Archives de la préfectuie nous apprennent qu'il
reçut 15 ]. pour ces divers déplacements fArch. de la Seine-
Inf. — fonds de l'archev., G. 244, f" 62).
2. — Houel, Annales des Cauchois, t. III, p. 233; Paris,
C.onion, 1847.,
— 24 —
transporte ensuite dans la paroisse du Tilleul, dovenné
de Saint-Romain, (1) pour y prêcher et '< ramener à la
vraye foy » ceux qu'en avait détournés un nommé
Lefrançois.
On le voit, les premiers hérétiques connus de la
Haute Normandie sont du voisinage de Luneray, ce
qui semble confirmer la tradition que rapporte
comme suit, dans son Rapport à Tlntendant de la
Généralité de Rouen sur les Noiivdi/ix convertis
(26 août 1699). l'abbé Gérard, curé de Hautot et doyen
de Brachy :
« Le Calvinisme a commencé dans le Petit Caux
par les habitants du quartier de Luneray sis au
doyenné de Brachy, qui trafiquaient à Genève du
vivant de Calvin, et de là s'est répandu dans tous les
bourgs voisins et dans la ville de Dieppe et partout. »
Une autre tradition donne le Ronchay pour ber-
ceau à la Réforme dans le pays de Caux. Comme le
Ronchay est proche voisin de Luneray (il y est annexé
aujourd'hui) on peut dire que les deux traditions
confirment le fond.
Les tout premiers commencements sont obscurs.
Nous inclinons à croire que les idées nouvelles se
répandaient autour de certains fovers gagnés au
dogme de la justification par la foi. et, sans doute,
Luneray fut un de ces premiers foyers dans la ré-
gion, s'il ne fut pas le premier.
En France, la Bible n'était pas, comme en Allema-
gne et ailleurs, inconnue du monde savant. Des pro-
fesseurs de l'Université et un grand nombre d'ecclé-
siastiques la connaissaient, l'étudiaient et avaient pu
se régénérera sa lumière et devenir les foyers dont
nous parlons. Des colporteurs la répandaient. Dès
1. — Le Tilleul, qui ressortit aujourd'hui au doyenné d(
Criquetot, faisait alors partie du doyenné de St-Romain,
m24, il y avait à Bàle une société spécialement fondée
pour sa propagation, précisément par le moyen de
tels agents, dans les pays de langue française. Comme
les idéescirculaientdifficilement alors etne pouvaient
gagner que de proche en proche, on ne s'expliquerait
pas autrement, ce nous semble, la naissance simulta-
née, sur tous les points du territoire, de vifs ferments
de réforme.
Ce qui vient à l'appui de cette hypothèse c'est que
Lefèvre d'Etaples. dont nous avons parlé dans l'avant-
propos, et que l'on doit honorer comme le précur-
seur de la Réforme en France, avait commenté, en
chaire de Sorbonne, les épîtres de Saint-Paul, et que
ses commentaires avaient été imprimés et répandus
dès ISI2. 11 n'est pas douteux que ceux de ses élèves
qui furent gagnés à la doctrine du salut gratuit s'en
tirent les propagateurs, une fois retournés dans leurs
familles.
Il y avait donc deux courants qui convergeaient :
le courant populaire, demandant une réforme dans le
chef et dans les membres de l'église, et le courant in-
tellectuel demandant une réforme doctrinale qui por-
tait justement cette réforme morale dans ses flancs.
Le mouvement, tout latent qu'il fût, ne pouvait s'é-
toufifer, car la conscience, une fois éveillée à la vie
religieuse, vainc toutes les résistances. Et cet ordre
que la régente et Duprat firent répandre à son de
trompe, le s février 1S26. fait vraiment sourire et mon-
tre bien que le monde catholique ne sait pas ce que
c'est qu'une conviction : '< Tous prélats, curés et vi-
'< caires défendront à leurs paroissiens d'avoir le
'< moindre doute sur la foi catholique. »
Et les bûchers s'allument de nouveau à Rouen :
en 1334, pour un prêtre de Fontenay-le-Pesnel ; le 30
août iS3> pour un inconnu ; en mars iS3Q. pour un
autre inconnu ; en IS42, pour un nommé Coi-istartin,
— 26 —
de Rouen, cl trois autres: le jour de Pâques — n
avril — is44.p<'urun apothicaire du nom de (juil-
laume Hurson. natif de Blois. (i'
Mais le mal ne s'arrête pas. loin de là, bien c[u"on
multiplie les supplices en y apportantdes rallinements
de cruauté dont la lecture fait se demander si les juges
d'alors étaient des êtres humains et si on peut pré-
tendre qu'il y avait dix siècles que la France était
-christianisée.
Voici ce que rapporte Floquet, le consciencieux
historien du Parlement de Normandie : '< Les bûchers
s'allumèrent pour ne plus s'éteindre de longtemps.
Chaque jour, presque, de la conciergerie du palais
sortaient de lugubres convois. Un banneau à ordure
(c'était la voiture affectée aux religionnaires condam-
nés) traînait un malheureux abusé à la Croix-de-Pierre
où on lui incisait la langue avec un fer chaud ; au par-
vis Notre-Dame où, après avoir fait amende honora-
ble, il subissait quelque autre mutilation cruelle, celle
de son poing, par exemple, que l'on brûlait devant
lui; au "Vieux-Marché, enfin, et plus souvent encore
au Marché-aux-Veaux, tout près de là, où un cngyn
avait été dresssé et un bûcher allumé. Attaché à cet
engyn qui, flexible et souple comme un ressort, s'é-
levait ou s'abaissait au gré des bourreaux, le mal-
heureux était tantôt descendu à la portée des flammes,
tantôt hissé pour descendre derechef et remonter en-
1. — Dans un livre intitulé : Abrégé du. marlymloiie. du
fe»ip.s de la Ré formation, petit in-12 sans nom d'auteur, nous
trouvons les noms suivants, mentionnés nulle part ailleurs,
comme ayant souffert le martyre :
Alexandre Lecauuis, né a Evreux. — Année du supplice: lôo;!.
Etienne Pouillot, natif d'Auberville, prés de Caudebec. —
Année du supplice : 1540.
Guillaume Néel, de Rouen. — Année du supplice : 1558.
Kichard Lefebvre, né à Rouen. » : 1554.
(Teffrny Guérin, do Pont-.Uidemer. » : 1558.
— "-1 —
core, en sorte nu'on avait vu ces supplices atroces
durer des heures >/. (Ij
Ces monstruosités ne lassèrent que les bourreaux.
En etïet, une réaction se produisit, et on ne brûla
plus que rarement. La hache et la potence eurent
leur tour. Cependant, des bûchers s'allumèrent en-
core en is=i7 et is^t) : en is'^y. pour Pierre Gruslé,
curé de Saint-Denis-de-Rouen ("2), et en issç, le 27
mars, pour Jean Cottin, de Gisors, et deux de ses dis-
ciples, coupables d'avoir " fait le presche sur les
bruyères St-Julien et dans la forêt du Rouvrav//, près
de Rouen.
Pour donner une idée saisissante du progrès de la
doctrine nouvelle nous n'avons qu'à rapporter ce
seul fait : En IS42, dans telle paroisse de Rouen ou
avait coiisoiiiDii' ^00 hosties Je moins. Dans telles au-
tres, la ditl:'érence en moins avait été de huit ce/itsA'')
A Meaux, dès IS23, il y eut des assemblées de gens
qui voulaient rompre avec le catholicisme. Pour ce
qu' regarde notre région, le peu de documents que
nous possédons sur la première moitié du XM"' siè-
cle est muet à ce point de vue. 11 ne parait pas, toute-
fois, qu'il y ait eu de groupements de personnes pro-
fessant les idées nouvelles, avant 1557. ^^ ^'^'•'^ "^^^^
ce n'est qu'en cette année que les réformés de Rouen
et de Dieppe se constituèrent en église.
L'église de Lunerav dut être fondée dans le mcrac
temps, car elle est citée au p)remier synode natio;:al,
tenu à Paris du 26 au 28 mai 1539- d'où sortit une
confession de foi qui fut le trait d'union de toutes les
églises existantes.
1. — Floquet, Histoire du Parlement de Normrvidic. t. Il,
j). :247 et 2m.
2. — La Ferrière-Percy, Histoire du canton d'Athis.
S. — Floquet, Histoire du Parlement de Nortriandic, t. II.
p. 205.
2 s
La plus ancienne église cauchoise serait celle de
Montivilliefs : il parait qu'un document de i=ss=ila
cite 11^. Cela n"a rien d'invraisemblable, rapproché de
ce que M. (lanel,un érudit bibliophile normand mort
il y a une vingtaine d'années, rapporte d'après les
archives de Pont-Audemer, à savoir : qu'en 1SS4, ^^
moitié de la population de cette ville était devenue
protestante. Bien qu'on n'y voie de temple cité qu'en
1S62 (il était situé dans la grande ruei, il est évident
que Pont-Audemer était organisé en église quelques
années auparavant.
Le personnage qui parait avoir le plus fait pour l'é-
vangélisation du pays de Caux est Jean Venable, col-
porteur, natif de Venable, diocèse d'Evreux, qui s'é-
tait retiré à Genève et était revenu en France la balle
bourrée d'exemplaires de LEcriture Sainte, particu-
lièrement de Nouveaux-Testaments, et de livres dé-
fendant les doctrines de Calvin. \'oici ce qu'écrit de
lui l'historien catholique Vitet : 'z II arriva qu'un li-
braire de Dieppe, revenant de Genève où il était allé
pour son négoce, rapporta desBiblesen français, des
Pseaumes de la version de Marot et plusieurs petits
livres, comme on les appelait dans ce temps-là. Ces
petits livres circulèrent bientôt dans la ville et dans
les campagnes d'alentour : on s'assembla secrètement
pour en écouter la lecture : de proche en proche, ils
tirent fortune. Ce furent d'abord les tisserands et les
drapiersde Luneray qui se jetèrentle plus avidement
sur ces nouveautés. Le chant des pseaumes leur avait
plu et leur curiosité courait après tous ces libellés et
passe-volants écrits partie contre la foi de l'église ro-
maine, partie contre le libertinage de certains mau-
vais prêtres (-\ /,
1. — D'après une note de M. Lesens. laquelle ne dit pas
quel est ni où se trouve ce document.
'2. — Yitet. Hixtnire 'le Dieppe, t. I. p. 96 et 97.
— 29 —
Il trouva à Dieppe le terrain préparé par le fameux
réformateur de l'Ecosse Jean Knox, qui v avait sé-
journé quelque temps en it=,s-s6-S7 et y avait pro-
voqué de nombreuses conversions, parmi lesquelles
celles de Charles I Martel de Bacqueville, que nous
avons vu déjà soupçonné d"hérésie dès 1333, et de ses
deux fils Nicolas Martel et François .>Iartelde Linde-
b^uf. Ce gentilhomme établit même un prêche dans
la chapelle du prieuré du lieu. Mais si Knox n'avait
pas franchi les limites de Dieppe, son action avait
eu assez d'effet extensif pour gagner ou préparer les
environs.
Nous savons que Jean \"enable se rendit au Havre
en issQ. Nous ne connaissons pas l'itinéraire qu'il
suivit, mais il est tout naturel de penser qu'il longea
le littoral et revint par Harfleur. Bolbec, Lillebonne,
Caudebec, Autretot. Lindebeuf, Bacqueville et Lu-
nerav — ou qu'il suivit l'ordre inverse — et qu'il sé-
journa plus ou moins dans ces bourgs et villages,
suivant l'accueil qui était fait à son message. Ce qui
est certain, c'est que cette année-là il y avait déjà de
nombreux religionnaires à Lunerav, Bacqueville,
Sotteville-sur-Mer, St-Pierre-le-Vieux, Veules, Saint-
V'alery, Cany, CollevilUe, Fécamp, Goderville, Cri-
quetot, le Tilleul, Gonneville, St-Jouin, Turretot,
Montivilliers, Harfleur, Le Havre, Senitot, Bolbec,
Lillebonne, Caudebec, Autretot et Lindebeuf. Avant
i')62, il y avait des églises constituées à Harfleur,
Lillebonne Montivilliers et Caudebec. Cette dernière
ville est citée comme en possédant une dès iSS9- ^^
attribue généralement à Venable la fondation des
églises de Dieppe, Luneray, Le Havre et Rouen. S'il
en est bien vraiment le fondateur, il n'est guère possi-
ble que ce ne soit pas lui qui ait fondé les églises des
localités intermédiaires.
Dans la partie basse du pavs deCaux.leterrainétait
— 30 —
également préparé puisquenous avons vu que, dès IS41,
rinquisiteurdela foi s'était transporté à St-Nicolas-de-
la-Taille, que commission avait été donnée à Jacques
Terrien pour informer contre plusieurs hérétiques
cauchois, et qu'en IS48, 49 et ^io l'autorité ecclésias-
tique avait exercé des poursuites à (Aivervillc et au
Tilleul, toujours pour les mêmes causes.
En iS4S> le bailliage de Caux, séant à Montivilliers,
avait, pour propos contre l'honneur de Dieu et de
l'église, prononcé contre un habitant de la campagne
iiommé Guillaume Guigaut. une sentence en exécu-
tion de laquelle on l'avait mené, le 23 avril de cette
même année, d'abord au prétoire du roi, « ayant une
torche allumée en ses mains, ungmistre et escripteau
sur la teste pour crier mercy h Dieu, au roy et à la
justice >/ et ensuite '< à l'église de Sainct-Saubveur de
Montivilliers » où il avait aussi « crié mercy à Dieu,
au roy et à la justice >> après quoi on l'avait '< fustigé
devant la dicte église en la place publique du dict
lieu de Sainct-Sauveur (!).>/
Les supplices, incarcérations et sévices douloureux
n'arrêtaient pas la propagation de ia Réforme, mais
commandaient la prudence, surtout dans les campa-
gnes, et suggéraient Tidée de passer sur une terre où
les idées nouvelles étaient en faveur. Dès i=,so, Ge-
nève reçut des normands qui venaient y chercher
asile pour louer et glorifier Dieu suivant leur cons-
cience. Nous avons une liste de réfugiés à Genève où
nous relevons les noms suivants : Jacques Quarante,
de Criquetot, arrivé le 21 août iss2 :
Roland Peltel. couturier, de Saint-Jouin, arrivé le
même jour ;
Pierre Lemoyne, couturier, du pays de Caux. arrivé
le 2 janvier 1535 ;
1. — Bullot. do l;i Soc. (le l'TIist. du Prnt. franc, année
1S76, p. 15.
— 31 —
Pierre Daniel. d'Harfleur, la même année :
Pierre Flan, tondeur de draps, de Bertrimont, près
de Tôtes. en i=.s6 :
Thomas Jourdain, tailleur. d'Harfleur. la même an-
née :
Jean Hersent, menuisier, de Sotteville-sur-Mer.
la même année ;
Nicolas Désert, de Saint-Martin-aux-Buneaux. la
même année.
En issy.les réfugiés cauchois deviennent nombreux
dans l'hospitalière Genève. Xous trouvons v arrivant
cette année-là :
Marion Legrand. de Lunerav :
Jean Michel, tondeur de draps, de Saint-Pierre-le-
"S'iger :
Georges \'oisin. de Lunerav :
Rogier Hersent, de Sotteville-sur-Mer :
Jean Dufour. de Fécamp 129 septembre) ;
Michel Cahieu d'Angerville.
I/année d'après, nous en trouvons neuf :
Guillaume Hersent, marchand, de Sotteville-sur-
Mer :
Richard Legrand. de Lunerav :
Jean delà Balle, tondeur de draps, aussi de Lunerav :
Denis Deschamps, seulement désigné comme étant
du pays de Caux :
Jean Denos. de Gruchet (2 mai: :
Jean A'acquerie, de Raftetot (23 mai) :
Jean Deschamps, seulement désigné comme venant
de Normandie, mais son nom nous autorise à le re-
vendiquer comme cauchois :
Jean Maillard, de ALanneville :
Pierre Lebaillif, des Loges (12 décembre).
En 1SS9. V arrivent successivement les cauchois
suivants :
Nicolas Castel. tondeur. d'Ectot-i'Auber :
— 32 —
Jacques Becquerel, cordonnier, de Sotteville-sur-
Mer ;
Guillaume Navarre, cordonnier, de la Gaillarde ;
Jean Trubert, couturier, deMaulévrier (20 février;:
Robert Plainpel, serrurier, natif de Bordeaux-Saint-
Clair (27 mars) :
Guillaume Vivian, écolier, natif de Louvetot-lès-
Caudebec (3 avril) ;
Florent et Elie Godard frères, sergiers, de Gruchet
(17 avril) :
Nicolas Nourry, mercier, natif d'Harfleur (24 avril):
Jean Poulingue, de Caudebec (29 avril) ;
Jean Hattenville, de Gruchet (le' mai) ;
Nicolas Trillon, de Caudebec (8 mai) ;
Guillaume Eudeline, cordonnier, du Parc-d'Anxtot
(27 mai) ;
Nicolas Vauchel, de Bordeaux-St-Clair (29 mai) ;
Et Jean Féré, de Hattenville (6 juin).
A partir de ce moment, le mouvement d'émigration
se ralentit.
Nous ne trouvons plus, concernant la région cau-
choise, que la triple arrivée, enregistrée le 29 janvier
it^ôo, des frères Leroux (Christophe, Alexandre et
Guillaume). Cela est sans doute dû à Funion des
églises cimentée par la confession de foi sortie du i^'"
svnode national (iss9)- ^^ ^^t, en efiet, vraisemblable
que ce synode ait donné à ses membres conscience
du nombre et de la fermeté des troupeaux alors exis-
tants et que l'entente intime qui en était résultée ait
confirmé chacun dans la conviction, vite communi-
quée aux fidèles, que la Réforme naissante était une
force devant s'affirmer pour vaincre le romanisme.
Ce qui nous persuade que c'est bien ce qui se produi-
sit c'est qu'à la fin de 1559 ^^ au commencement de
i=)6o, les réunions étaient moins secrètes et que beau-
coup d'églises se fondèrent. Il est naturel que la pru-
— 33 —
dence devant le danger diminue dans la mesure où la
force- qu'on peut lui opposer augmente. Tout cela,
joint à cette force interne qui veut que la foi vraie se
confesse, devait amener un développement rapide de
la Réforme et, par contre-coup, provoquer une vio-
lente réaction chez le clergé obligé de constater que
les supplices individuels, au lieu d'étouffer le mal.
l'avaient, au contraire, étendu. Un mort sur le bûcher
gâtait mille vivants, suivant l'expression du maréchal
Gaspard de Saulx, seigneur de Tavannes, et le sup-
plice du conseiller au Parlement de Paris Anne Du-
hourg 123 décembre is=jq) fit plus de mal à l'église de
Rome, s'il faut en croire Florimond de Rémond, '•'que
cent ministres en eussent pu faire avec leurs pres-
ches. // Va l'ère des persécutions en masse et des guer-
res religieuses allait s'ouvrir.
Mais n'anticipons pas. Revenons à l'année 1SS7.
Nous savons, par une histoire manuscrite du Havre
déposée aux archives de cette ville « que cette année-
" là S. M. fit marcher quatre compagnies d'allemands
''' de quatre cents hommes chacune qui furent campés
" un an entier dans la paroisse d'Ingouville. //C'était
le commencement de ce qu'on appela depuis les mis-
sions bottées. Elles se renouvelèrent deux ans après,
car nous lisons dans une lettre adressée de Paris en
mai 1SS9 par le pasteur François Morel à Calvin
à Genève : '< La fureur de nos adversaires croît de
'< jour en jour. De nombreux corps de cavalerie sont
'< dirigés contre les fidèles de Normandie, que Ton
'< accuse du crime de Lèse-Majesté. »
Les calvinistes ne sont pas seulemeut devenus nom-
breux, ils sont aussi devenus puissants grâce aux per-
sonnages qu'ils comptent dans leur sein, parmi les-
quels Louis de Condé, Odet de Chatillon, François
d'Andelot et Gaspard de Coligny sont au premier
rang. Les Guise, devenus influents à la Cour, crai-
— 34 —
gnant que la Réforme ne gagne la nation entière,
veulent l'abattre complètement. Ils crurent arriver à
cette fin en faisant instituer dans chaque parlement
une chambre ardente, c'est-à-dire une chambre spé-
cialement chargée d'envoyer au feu les convaincus
ou seulement suspectés d'hérésie.
A Paris, pour découvrir des protestants, on alla
jusqu'à faire visiter les maisons soupçonnées d'en
abriter, et c'est de Moiichv, un des fins limiers pro-
posés à cette odieuse besogne, que vient le terme de
mouchard, synonyme d'espion. On plaça des images
de la vierge au coin des rues afin de remarquer, par-
mi les passants, ceux qui ne se découvraient pas de-
vant la « belle dasme. >/ Ils étaient suivis par des
mouchards et. cent ou deux cents pas plus loin, arrê-
tés et conduits en lieu sur. Le moyen était bon, car
son application amena un regorgement des prisons,
et un redoublement de supplices. La noblesse pro-
testante en fut indignée, et beaucoup de gentilshom-
mes catholiques, mécontents des Guise, se rappro-
chèrent d'elle, rapprochement d'où sortit la conjura-
tion d'Amboise. qui échoua et coûta la vie à 1200
conjurés. Ces 1200 exécutions sans procès excitèrent
des haines de partis et allumèrent les guerres de re-
ligion.
Vers ce même temps, on renouvela contre les
protestants les accusations des païens contre les pre-
miers chrétiens, ce qui porta les grouDes à organiser
le culte public, et une quantité de prêches, comme
on appela les maisons affectées à ces réunions, furent
établis. La Normandie ne resta pas en arrière des
autres provinces. Voici ce qu'en dit Th. de Bèze en
1360(1) : « D'autre part, enNormandie, dès letempsdu
roy Henry et sous ce règne de François, il n'y avait
1. — Th. de Bèze, Hist. eccl. des Egl. du roy. de France,
t. 1, p. 124.
1252543
— ;>5 —
quasi bonne ville ni faubourg où il n'y eust église
dressée à l'exemple de Rouan.» Et nous savons que
le mouvement réformateur v avait tellement gagné
de terrain que \'illebon, gouverneur de la province,
proposa à Henry 11 de déporter la majeure partie des
habitants du pays pour les remplacer par de bons ca-
tholiques. '<, Le Luthéranisme, disait-il. agit dans
cette province avec une telle force que je ne pense
pas qu'on puisse lui faire autre chose que d'enlever
sa population actuelle et de la remplacer par une au-
tre toute catholique. (I) »
Les Guise étaient furieux de cette marche progres-
sive et, en vue de l'enraver, ils proposèrent de faire
pendre les prédicants et d'instruire contre ceux qui
allaient les entendre. Mais comment la justice, si
sommaire fùt-elle, aurait-elle pu atteindre les mil-
lions d'hérétiques qu'on comptait déjà et parmi les-
uuels la moitié des grandes familles du royaume ?
11 y eut alors une sorte d'entraînement vers le Dro-
testantisme. Malheureusement, c'est plutôt comme
parti dont on attendait profit que comme religion
dont on voulait régénération qu'on l'embrassait, et,
dès lors, on s'explique que des éléments malsains y
aient pénétré et que des actes blâmables en soient
sortis. C'est ainsi que, dans certaines villes, à Rouen
et à Cany notamment, les protestants commirent la
faute d'aller troubler la célébration de la messe,
de s'emparer des églises et d'en mutiler les statues.
Etant devenus la majorité dans certaines villes, ils
pouvaient, à la rigueur, être excusables de s'emparer
d'une église là où il y en avait plusieurs ; mais les ca-
tholiques n'y pouvaient voir que la profanation d'un
lieu sacré, et cela amena de terribles représailles.
Les idées calvinistes gagnaient si bien du terrain
1. — Lettre de François Morel à Calvin, 10 juin 1559.
-36 -
qu'à rassemblée des notables qui s'ouvrit à Fontaine-
bleau le 2 1 août 1560, Coligny se fit fort de recueillir
en un seul jour, dans la seule province de Normandie,
130,000 signatures pour appuyer la demande de la li-
berté de s'assembler en plein jour.
Dans un manuscrit laissé à Veules par l'abbé Bav,
nous avons la confirmation des progrès que la Réfor-
me fit, dès les premiers temps, dans le pays de Caux ;
nous y lisons, en effet : " Les troubles du Luthéra-
nisme se propageaient dans tout le pays : on voyait
les princes et les rois s'en enticher, et le protestan-
tisme trouva entrée dans les premières maisons de
Veules. Mathieu Eudes, seigneur de Veules, fut
député à Genève pour aller chercher un docteur qui
prêchât la doctrine calviniste à Dieppe et dans les
environs. Elle lit tant de progrès que ses sectateurs
se rendirent maîtres de Rouen d'où Charles neu-
vième eut bien de la peine à les chasser (f). »
La répercussion des persécutions exercées à Ro-
mans et à Valence avait mis nos églises normandes
en garde contre toute surprise du fanatisme local.
Cela résulte du récit suivant emprunté cà Théodore
de Bèze :
'< il ne se doit passer sous silence un faict notable
advenu en ce temps au village de Luneray-en-Caux,
à trois lieues de Dieppe, auquel lieu estant l'église
dressée au milieu mesmes des grands feus, advint en
ceste mesme année M. D. LX. que les doyens des
villages de Brachy et de Cauville et d'alentour, avec
tous les prestres de leur doyenné, avec les mauvais
garçons du pays, estans assemblez le dimanche d'après
la feste de leur sacrement en une certaine confrairie,
se résolurent d'aller le dimanche suivant, qui estait
le XXIIII jour de juin (sous ombre d'une procession)
1. Cité par le pasteur Berthe, Origine de la Réforme en
Normandie (église de l^uneray).
— 37 —
saccager toute la dicte église, pour lequel effect,
avans garni d'armes secrettement une maison du
village, dès le matin de ce jour assigné ils se meirent
en chemin de toutes parts avec armes couvertes, en
intention d'exécuter leur sanguinaire dessein : mais
Dieu y pourvcut, se servant d'eux-mesmes pour les
empescher, estant eschappé en chemin à quelques
prestres de dire en se vantant qu'ils allaient dresser
la messe à Luneray et y faire un beau mesnage. Ce
propos estant, comme Dieu voulut, rapporté en toute
diligence et confirmé par un second rapport d'un
gentilhomme leur voisin, Dieu donna tel advis aux
anciens, qui pour lors se trouvèrent assemblés pour
les affaires de l'église, et telle confiance à cette petite
poignée de gens, qu'au lieu de perdre courage et d'a-
bandonner le lieu, ils furent encore les premiers
pr^sts. Et pour mieux pourvoir à leurs affaires, ayant
jette hors quelques-uns d'entre eux, pour veoir la
contenance de leurs ennemis, parler h eux, s'ils pou-
vaient, et leur en rapporter nouvelles, feirent cepen-
dant provision d'armes et autres choses nécessaires
en une certaine maison pour leur défense, et le tout
sans grand bruit, tellement que les assaillants ne pou-
vaient faillir de tomber en la fosse qu'ils avaient pré-
parée aux autres. Mais Dieu voulut que quelqu'un
portant une pique derrière le temple en la maison
ordonnée, en feit voir par mesgarde la poincte par
une fcnestre du temple : ce qui effraya tellement les
prestres v estans c|u'ils prindrent la fuite tous espou-
vantt's, et donnèrent la peur à ceux qu'ils rencontrè-
rent sur le chemin, de sorte qu'une partie des enne-
mis abandonna l'autre. Ce nonobstant les plus opi-
niastres se mettans en devoir de poursuivre leur en-
treprise, la troupe de ceux de la religion advertiepar
leurs gens, sortirent en bataille au-devant d'eux avec
leur petit nombre, de telle hardiesse, après avoir in-
- ,R -
voqué Dieu, que les eunemis ne pouvans porter seu-
lement leur visage, s'enfuirent à qui mieux mieux,
jettant leurs armes au travers des bleds. Ce nonobs-
tant il y en demeura quelques douzaines de morts, et
quelques autres saisis, qui confessèrent qu'ayans
délibéré de prendre liés et garrottés les princi-
paux de l'église et de les livrer aux bourreaux,
ravageans entièrement leurs biens, et s'estoient prins
au piège qu'ils avoient tendu aux autres, ausquels
prisonniers toutesfois ne fut faict aucun mal, estant
renvoyés en leurs maisons. » (1)
C'est le commencement, dans le pays de Caux, des
persécutionssuscitées parle fanatisme des populations
excité par les prêtres. Luneray nous paraît la seule
atteinte des églises rurales alors existantes. Mais il
est probable que des faits ignorés se passèrent ailleurs,
le fanatisme étant le même partout.
Il nous faut franchir deux années, c'est-à-dire ga-
gner 1^02 pour retrouver trace de persécutions dans
la région qui nous occupe. Pourtant, la cause des
Réformés, des Huguenots, comme on commençait à
les appeler, avait passé par bien des alternatives. A
la fin de 1560, il y avait eu une accalmie. Aux Etats
Généraux qui s'étaient ouverts à Orléans le 13 dé-
cembre, le Chancelier Michel de l'Hospital, une des
plus nobles figures de l'histoire, avait conseillé h ses
coreligionnaires catholiques de " se çraniir de vcriiis
et de bonnes mœurs » ajoutant «c le cou l eau vaut peu
contre V esprit » et avait proposé de réunir un Synode
national.
11 y eut une vraie détente à ce moment, et le jésuite
Maimbourg va jusqu'à dire qu'on aurait cru alors
Catherine de Médicis devenue Calviniste. 11 se com-
prend que cette détente fut mise à profit par nos pères
1. — Tli. do Bèze, Hisl, ceci, des Eglises j-é formées, t. I,
p. 172-173.
— 39 —
pour fonder de nouvelles églises. Ce fut même bien-
tôt un enthousiasme général qui les rendit hardis
jusqu'à la témérité. Ah ! si on eût eu alors assez de
ministres, il est à peu près certain que la Réforme
l'eut emporté pour toujours en France. Mais les
ministres manquaient, et c'est en vain que Fécamp,
ville importante pour l'époque, en demanda un à
Genève par une lettre qui y arriva le lo mars is^i.
Les prêtres, croyant la cour contre eux, devinrent
furieux et excitèrent le peuple. Il s'en suivit des trou-
bles graves dans beaucoup de villes, notamment à
Pontoise, Amiens et Beauvais. Les assemblées de re-
ligionnaires (c'estle nom qu'on commençait à donner
officiellement aux protestants i se multiplièrent telle-
ment dans toute la France que le cardinal de Lor-
raine en prit peur et obtint du roi Ledit connu sous
le nom d'édit de juillet (is6i) par lequel les assem-
blées étaient défendues jusqu'à la réunion d'un
concile national. Mais on était trop nombreux et on
avait trop soif de s'édifier en commun du côté des
Réformés pour se plier à cette interdiction, et bientôt
des pensées de résistance vinrent hanter les esprits
les plus enthousiastes.
On voulait généralement en France un concile qui
mit définitivement fin aux controverses par une en-
tente, fruit de concessions réciproques, ce qui était
impossible. Le cardinal de Lorraine obtint qu'il n'y
eût qu'un colloque. Ce colloque eut lieu à Poissy au
mois de septembre (i^ôi). Il n'en sortit que la cons-
tatation, mais éclatante, que le catholicisme et le pro-
te.stantisme reposant sur des principes opposés, au-
cune conciliation n'était possible. Mais le fait que
leurs doctrines avaient pu être présentées en grand
apparat devant la cour, enflamma le zèle des Réfor-
més. Des villes importantes se détachèrent tout d'un
coup du catholicisme, par exemple Millau, Sainte-
— 40 —
Foy, La Causse. Vers le même temps, le pasteur
Beaulieu écrivait à Farel que 300 églises de Tagenais
'< avaient mis bas la messe, >/ et Viret, en octobre
is6i, réunissait des auditoires de 8000 personnes à
Nîmes où il prêchait. Ce grand mouvement qui em-
portait des populations entières explique que les
églises fussent envahies et que, sous la prescription
du 2" commandement restitue, on brisât les statues
qu'elles renfermaient, afin de les faire servir à la cé-
lébration du culte évangélique réclamé par les âmes
désabusées.
Th. de Bèze, le plus célèbre protestant de langue
française au XVI"' siècle après Calvin, prêchait à Pa-
ris ou, plutôt, hors la ville pour éviter du tumulte,
et c'était sur l'invitation même de la reine-mère. On
rapporte qu'il réunissait des auditoires de 10, i^ et
même 40,000 personnes. Ces chiil:"res paraissent fabu-
leux. Ils s'expliquent si on agissait alors comme du
temps de Bernardin, un prédicateur populaire en
Italie au commencement du XV"-' siècle, qui groupait
des foules aussi nombreuses.
Voici comment on faisait : On plantait sur une
grande place un long mât au bout duquel flottait une
longue banderoUe qui indiquait la direction du vent:
la chaire était dressée au pied du mât. la face tournée
du côté opposé au vent, et le public se massait
devant.
Sur ces entrefaites, de Bèze bénit un mariage de
Cour, celui de M. deRohan avec Mlle de Barbançon.
Il s'en suivit une confiance illimitée chez les Réfor-
més. La Réforme paraissait vraiment en voie de do-
miner, si non comme nombre, du moins comme in-
fluence. A ce moment, Coligny présenta à la reine-
mère une liste de plus de 2130 églises qui deman-
daient la liberté religieuse. Une lettre écrite vers le
même temps au pape Pie IV, de la part du roi, évalue
— 41 —
au quart de la population le nombre des Calvinistes
et dit que les trois quarts des gens de lettres sont
parmi eux. Nous croyons cette évaluation exagérée.
En Normandie, la proportion était certainement
moindre ; mais elle comprenait une bonne partie de
la noblesse, qui était alors la classe éclairée de la
nation.
Il est évident que, parmi les derniers venus au
protestantisme, peu avaient passé par la conversion
véritable. Un certain nombre avaient suivi l'entraî-
nement du moment, et d'aucuns avaient obéi à des
mobiles intéressés ou à des sentiments de haine.
Aussi tous ceux-là devaient nécessairement opposer
peu de résistance à la persécution, écouter leur esprit
timoré et faire d'autant plus volontiers retour aux
anciennes doctrines que le clergé s'était déjà beau-
coup moralisé, grâce à l'austérité huguenote qui
contrastait si fortement avec son libertinage sécu-
laire.
La Réforme, au moment où nous sommes arrivés,
avait pénétré jusque dans les coins les plus reculés de
la Normandie. La preuve nous en est donnée par les
registres de l'etat-civil des protestants de Rouen. Ces
registres, que nous avons cooiés et dont nous tire-
rons quelques considérations au cours de cette étude,
embrassent une période de 77 ans et mentionnent un
grand nombre d'inhumations, d'annonces de maria-
ges et de mariages de personnes nées ou habitant
dans des paroisses où non seulement il n'existe plus
un seul protestant aujourd'hui, mais encore où on
ne sait rien du protestantisme.
11 v avait une accalmie. maisl'Edit de juillet inter-
disant les assemblées jusqu'à la réunion d'un concile
général était toujours existant. Les prêtres ne l'oubliè-
rent pas, et leur fanatisme s'exalta et exalta celui de
leurs ouailles lorsqu'ils virent que les religionnaires
— 42 —
n'étaient pas inquiétés par le pouvoir civil. Il s'ensui-
vit des actes atroces, notamment à Tours, Lens et
Cahors. Ces atrocités menaçant de se propager, on
avisa aux movens d'y couper court. Les cardinaux en
proposèrent un qui montre quelle confiance ils
avaient dans la contradiction publique : chasser les
prédicants du royaume, et exterminer ceux qui n'ob-
tempéreraient pas à Tordre d'exil. C'eût été déchaîner
la guerre civile. L'Hospital et la reine-mère le com-
prirent. Le chancelier, voulant en toute chose la jus-
tice et le bien de l'état, fit adopter un édit, appelé
l'Edit de janvier fis^^ — - mais Tannée commençait
alors au mois d'avril) portant que les églises dont
ceux de la religion s'étaient emparés devaient être
restituées, — qu'il ne fallait plus briser d'images ni
causer de scandales, — qu'on ne pouvait s'assembler
dans l'intérieur des villes de jour ni de nuit, mais
qu'on pouvait le faire hors des portes pour prêches,
prières et autres exercices de religion, et que nul ne
devait se rendre armé à ces réunions, excepté lesgen-
tilshommes. Cela parut un peu dur aux Réformés
après les perspectives qu'ils venaient d'avoir. Pour-
tant. Th. de Bèze et ses collègues recommandèrent
de resoecter cet édit, et il apparaît qu'ils furent gé-
néralement écoutés. L'enregistrement de cette loi
par les Parlements n'alla pas tout seul. (2elui de Dijon
s'y refusa : celui de Paris ne le fit cjue par '< nécessité
urgente et sans approbation. //
Peut-être une paix relative eùt-eile suivi si la
défection du roi de Navarre. Antoine de Bourbon,
n'avait ramené aux (iuise une influence prépondé-
rante dont le premier effet fut la disgrâce et Téloi-
gnement de Coligny et de ses deux frères.
Les Guise se hâtèrent de conclure une alliance avec
Philippe 11 et le duc de Savoie pour Textinction de
l'hérésie par l'extermination des hérétiques. Presque
— 43 —
aussitôt après la conclusion de cette alliance, et pro-
bablement par son etïet, eut lieu le massacre de Vas-
sv dans les circonstances suivantes : Le duc de Guise,
parti de Joinville le i" mars 1562 avec une escorte
de gentilshommes et de cavaliers, apprenant que la
cloche qu'il entendait appelait au prêche les hugue-
nots de Vassy, fît un détour et s'y rendit avec sa suite.
Il y arriva juste au moment du service et donna Tor-
dre horrible de massacrer les gens assemblés. Cet
ordre ne fut que trop bien entendu, car il y eut une
soixantaine de tués et environ a^^o blessés. On devine
quel retentissement eut cette épouvantable bouche-
rie et quel ressentiment elle provoqua chez les reli-
gionnaires confiants dans la foi des édits. Ce n'était
pas là un soulèvement local de la populace fanatisée ;
c'était bel et bien un massacre officiel, aggravé de
guet-apens, décidé spontanément et perpétré par des
gens dont le devoir consistait, au contraire, à faire
respecter les édits. A Paris, l'émotion fut telle qu'on
y redouta une prise d'armes, et peut-être eût-elle eu
lieu si le Consistoire de Paris n'eût réclamé pour
l'exemple la punition des coupables. Antoine de
Bourbon prétendit que les Réformés avaient été les
agresseurs. Y a-t-il ombre de vraisemblance à ce que
des gens sans armes aient provoqué des gens armés .''
C'estcà cette occasion que Th. de Bèze lui ditces belles
paroles : '< C'est a l'^'o-fisc Je Dieu d'cndiircr les
coups et non pas d'en donner ; mais aussi vous plaira
vous souvenir que c'est une enclume quia use beaucoup
de marteaux. »
Le massacre de ^'assy devait mettre le feu aux
poudres. De Guise avant, après ce beau coup loué
de l'église, fait son entrée dans Paris comme un
triomphateur, Catherine de Médicis en fut à tel point
blessée dans son roval orgueil qu'on craignit un mo-
ment de la voir se liaruer avec les Calvinistes, et c'est
— 44 —
cette crainte qui fit enlever Charles IX et Catherine
elle-même de Fontainebleau pour les ramènera Paris
où de Guise pourrait les surveiller et les dominer.
Les Réformés craignant d'être mis hors la loi par
celui qui venait de massacrer leurs frères mainte-
nant qu'il tenait le roi et la reine en son pouvoir,
comprirent qu'ils ne pouvaient plus compter que sur
eux-mêmes et, s'attendant à tout, prirent les armes.
Ce n'est pas une autorité légitime qu'ils avaient de-
vant eux, mais des bandes de mercenaires et la lie du
peuple fanatisé. 11 n'y avait plus qu'à se laisser tuer
jusqu'au dernier ou à opposer le fer découvert au fer
sournois caché dans l'ombre et à trouver dans la
fureur sans justice la contagion d' une fuste fureur,
suivant la belle expression d'Agrippa d'Aubigné.
La reine-mère écrivit h Condé, le personnage le
plus important du parti réformé (il était de sang
royal) pour lui dire que, dans la fâcheuse posture où
elle était, elle comptait sur lui pour sauvegarder la
couronne de son fils. Cette lettre affermit la noblesse
protestante dans ses projets d'unir sa cause à celle de
la royauté. Des deux côtés on fit appel à l'étranger.
L'exemple vint des catholiques ; — mais l'idée de
patrie n'avait pas alors le sens qu'elle a de nos jours,
et nous serions injustes si nous jugions les agissements
d'il y a trois siècles d'après les sentiments qui ont
actuellement cours. Bientôt, on vit arriver sous
chaque bannière Espagnols et Suisses, Allemands et
Anglais.
Avant d'en venir aux mains, les calvinistes, en
guise d'ultimatum, publièrent un manifeste où ils
demandaient la stricte exécution de l'Edit de janvier,
la mise en liberté de la reine-mère et du roi, et la
punition des auteurs du massacre de Vassv. ou au
moins la retraite du duc de Guise et des deux autres
triumvirs.
— 4=» —
Le II avril 1562 (toujours ancien style) après la
célébration de la cène, une association en vue de
rhonneur de Dieu, la délivrance de la reine-mère et
du roi, le maintien des édits et la punition de ceux
qui les avaient violés, fut conclue entre le prince de
Condé et les seigneurs Calvinistes. On jura d'empê-
cher '•' blasphèmes, violences, pilleries, saccage-
ments, et d'établir de bons et fidèles ministres qui
enseigneraient faire la volonté de Dieu, yy et on nom-
ma chef le prince de Condé.
Le manifeste étant demeuré sans eti'et. l'armée se
mit en marche. Les premiers faits d'armes furent
heureux. Orléans, Tours. Bourges, Poitiers, Rouen,
Le Havre. Lyon, Montauban, Nîmes et la plupart
des châteaux-forts de la Normandie, du Poitou, de la
Saintonge. de la Guyenne, du Languedoc et du Dau-
phiné tombèrent au pouvoir des protestants avant la
fin d'avril.
Le parti catholique, de son côté, ne restait pas inac-
tif. 11 arma et enrégimenta les bourgeois de Paris, si
bien qu'il se faisait fort de réunir =^0,000 combattants
au premier appel du tocsin. Cette enrégimentation
terminée, on donna ordre aux huguenots de vider la
ville dans les 24 heures sous peine de mort.
Goligny eut une nette perception de la situation
et du moyen de la dénouer. Ce moyen, c'était de
prendre Paris. 11 conseilla donc à Condé de marcher
sur la capitale. Malheureusement, Condé fut d'un avis
contraire. Sous l'inspiration de la reine-mère, les deux
partis conférèrent, mais sans résultat. Sur ces entre-
faites (fin juin) le Parlement de Paris rendit un arrêt
ordonnant de courir sus aux hérétiques, et cet arrêt
fut lu au prône les dimanches qui suivirent. Le 18
août, nouvel arrêt déclarant les gentilshommes ré-
formés traîtres à Dieu et au roi et les sommant de
comparaître devant lui dans le délai de trois jours
-46 -
sous peine de confiscation de leurs personnes et de
leurs biens. C'en était trop. Les Réformés pressèrent
d'Andelot d'amener des Lansquenets d'Allemagne et
de conclure un traité avec la reine d'Angleterre. Ce
traité, signé le 20 septembre (1^62), portait engage-
ment de la part de l'Angleterre de fournir 3,000 hom-
mes au Havre et autant à Dieppe pour '< garder ces
villes ail rov de France >, et en faire un asile pour ceux
de ses sujets bannis pour cause de religion.
Nous avons dit que Rouen était tombé au pouvoir
des religionnaires à la suite de l'entrée en campagne
de l'armée de Condé. Mais ce sont les seuls réformés
de la ville qui s'en emparèrent. L'événement eut lieu
dans la nuit du i=j au 16 août. Le Parlement de Nor-
mandie, qui y siégeait, se transporta à Louviers. Il y
resta six mois, c'est-à-dire jusqu'à ce que Rouen fut
repris par les catholiques. 11 rendit, le 2^ août, un
arrêt défendant les prêches et ordonnant aux minis-
tres et aux prédicantsde se retirer sous trois jours, et,
en cas de désobéissance, toute Dersonne était autori-
sée à les arrêter pour les livrer à la justice, et même,
s'ils résistaient, à les tuer et mettre en pièces. Nous
avons peu de traces des effets de cet arrêt qui ne dut
pourtant pas demeurer lettre morte. Nous trouvons
seulement deux documents qui s'y réfèrent. C'est,
d'abord, une lettre de Perrenote de Chatonney, am-
bassadeur d'Espagne, du 5 octobre (1S62) qui dit :
f<. Je fus en une villette appelée Louviers, à six lieues
« de Rouen où sont retirez les Présidents et Conseil-
« 1ers de Normandie où je veiz à trois fois pendre 60
'< huguenotz et ung ministre, 1 » et c'est ensuite le
fragment suivant des Mémoires de Michel de Castel-
nau : '^ J'allay vers le Parlement de Louviers leur
1. — Mémoires de Condé, t. IV, p. 59 el 60, édit. de 1743,
in-4°.
I
— 47 —
« dire qu'ils ne fussent pas si violents à faire mourir
« les huguenots. ' >/
.Laction de cet arrêt ne put probablement guère
s'exercer dans le pays deCaux parce qu'il renfermait
beaucoup de protestants et que leur position sociale
avait une influence réfrigérante sur les catholiques
au milieu desquels ils vivaient.
Si nous nous étendons un peu sur les faits géné-
raux c'est parce qu'ils permettent, par les répercus-
sions qu'ils eurent, de découvrir la cause ouïes te-
nants de faits locaux qui, sans cela, paraîtraient obs-
curs ou sembleraient se retourner contre nos pères.
Voici maintenant quelques faits rapportés par Th.
de Bèze concernant les environs de Rouen et le pavs
de Caux qui s'expliquent par la possession de Rouen
par les protestants et la nécessité où ceux-ci étaient,
pour défendre la ville contre les entreprises du duc
de Guise, de l'approvisionner en vue d'un siège, de
demander du renfort aux églises peu éloignées, de
faire des reconnaissances et d'aller au secours des
églises menacées par des corps de troupes catholi-
ques opérant isolément. Touchant :
1° Luneray :
''<CeuxQe Lunerav, miraculeusement sauvés comme
il a esté dit en son lieu - persévérèrent paisiblement,
allans ordinairement ouïr la parole de Dieu au vil-
lage de Pitié, appartenant au sieur d'Avremesnil :
de quoy advertis entre autres le sieur de Creny et la
dame d'Ouville, firent amas à couvert pour les exter-
miner. Mais Dieu v pourveut le vingtiesme d'avril
i=>b2, s'estant bien préparés ceux de Luneray à rece-
voir leurs ennemis, ce qui intimida tellement leurs
ennemis qu'ils se retirèrent les premiers. Qui plus
est, le vingtneufiesme du dit mois, requis de ceux de
1. — Mémoires de Castebiau. livre III, ch. 12.
2. — Voyez plus haut, page 86.
- 48 -
l'église de Caudebec de les secourir contre l'opposi-
tion à eux faite par leurs concitoyens, ils usèrent de
telle diligence que le lendemain, à dix lieures du
matin, ils se trouvèrent près de la ville, ayans fait
neuf lieues et davantage : mais ceux qui avoient
pourietté couper la gorge à leurs citoyens, prièrent
les anciens de ceux de la religion d'aller avec eux au-
devant d'iceux : ce qu'ils firent, et par ce moyen,
par bon accord juré entre les deux parties, régiise
de Caudebec demeura en paix, et ceux de Luneray
aussi se maintindrent jusques à l'arrivée d'Aumale,
frère du duc de Guise, en Normandie. Ayans donc
entendu la venue du camp d'Aumale, ils firent un
petit fort à l'entour de leur temple pour s'en servir
de retraite, en attendant secours de Dieppe, cas ad-
venant qu'ils fussent forcés en la campagne.
Leur premier exploict fut contre bon nombre de
gens assemblés à Veuilles (Veulesi par les capitaines
Janville et Tabbot, qui furent tellement estonnés et
harassés par quelques gens de cheval envoyés pour
les découvrir, qu'ils n'osèrent iamais s'en approcher.
Mais quelque temps après, à savoir le septiesme de
iuin, advertis ceux de Luneray par Lanquetot que
Aumale avoit délibéré de les aller ruiner, auquel il
ne leur eust esté possible de faire teste, ils se retirè-
rent en diligence avec ce qu'ils peurent emporter de
leurs biens en la ville de Dieppe. Quov voyans les
paysans circonvoisins, ils pillèrent ce qu'ils peurent
et qu'ils trouvèrent de reste ; mais quant à Aumale,
Dieu les en garantit pour ce coup-Là, ayant esté
contraint de rebrousser chemin vers le Pont-de-
l' Arche', qu'il entendit être assailli par ceux de Rouan.
Depuis et devant le retour des dits de Luneray en
leurs maisons, la compagnie du sieur d'Annebaut
avec un grand nombre de paysans s'y achemina où
ils ne trouvèrent que trois hommes et quelques pe-
— 49 —
tits garçons, lesquels se sauvans en la tour de leur
temple, se défendirent tellement que non seulement
ils ne les peurent forcer, mais, qui plus est, ceux de
la tour ayans sonné le toxinet s'estans escriés comme
s'ils eussent veu ceux de Dieppe accourans à leurs
secours, leurs ennemis se retirèrent sans leur faire
autre mal. Peu après, estant Rouan assiégé, les pau-
vres gens ne peurent éviter qu'ils ne fussent grande-
ment foulés, premièrement par quelques reistres qui
s'y logèrent par quatre iours, et depuis encore par la
compagnie d'un prestre d'Ortingeville. Si est-ce que
ceux de Luneray enchastioienttouioursquelques-uns,
de sorte que leurs ennemis, au lieu de les approcher,
se contentaient de se ruer sur les maisons escartées
et esloignées de secours. Ce que ne pouvans endurer
ceux de Luneray s'estans un iour de dimanche assem-
blés au son du toxin, les heurtèrent si rudement au
villages de Gailadé [La Gaillarde) qu'après les avoir
mis en déroute et poursuivis plus d'une grande lieue
dans le village d'Angiens, ils contraignirent le capi-
taine de leurs ennemis, nommé Lozier, de se sauver
dans une maison où il fut forcé et si bien batu qu'il
en mourut quinze iours après, et y furent tués treize
des plus meschans prestres et brigands de tout le pavs
de Caux. Depuis ceste detî'aite. quinze cents lansque-
nets s'estant approchés jusques à Doudeville, en in-
tention de venir iusques à Luneray. au lieu de passer
outre rebroussèrent chemin ayans esté escarmouches
par quelques-uns dudit Luneray. soutenus par quel-
ques argoulets à eux envoyés de Dieppe, de sorte
qu'ils ne furent plus molestés pour quelques iours.
Mais finalement, le village estant pillé par quatre
cornettes de reistres, ils se sauvèrent à Dieppe le
mieux qu'ils peurent, et eschappèrent Torage comme
il pleut à Dieu iusque à la paix. * >/
1. — Th. de 3èze, Hist. eccl. des églises réf. t. II, p. 190 et 101 .
— 50 —
a" Caudebec, Lillebonne, Montivilliers et Dieppe :
« Ce iour (ii mai 1^62) arrivent à Rouan trois cens
soldats envoyés par les habitants de Dieppe et de
Lislebonne, Montivilliers, et d'autres églises du pays
deCaux ; et trois iours après, à savoir le quatorzies-
me du mois, fut aussi receu en la ville le capitaine
Blondet avec cent hommes, ayant laissé pareil nom-
bre à Caudebec, qui fut toutes fois repris le lende-
main par Cléré et ses complices, au grand dommage
de Rouan, pour ce que, par ce moyen, on n'envoyait
vivres ni d'en haut ni d'en bas.... '
« Aumale, d'autre costé, bien marri d'avoir ainsi
esté trompé, se vengeait sur le pais plat, dissipant les
églises comme celles d'Harfleur, Montivilliers et
L'Islebonne où il fit pendre trois anciens et trois
gentilshommes de la religion... - »
3" Saint-Valery, Veules, Cany :
« Sur ces entrefaites, environ le deux d'août, pour
ce que ceux du bourg de Cany, l'un des sièges royaux
du bailliage de Caux estant à sept lieues de Dieppe,
s'estaient portés fort cruellement contre ceux de la
religion, ceux de Dieppe y envoyèrent toutes leurs
compagnies, suivies de plusieurs habitans tant à pied
qu'à cheval ; ce qu'ayans entendu, ceux de Veuilles
(Veilles) et de St-Valery proches voisins de Cany,
s'esmeurent tellement avec tous les villages circons-
voisins qu'ils amassèrent bien jusques à deux mille
hommes, lesquels furent tantost mis à vau de route
avec telle furie, que plusieurs, fuyant vers la falaise
pour ne tomber en leurs mains, se précipitèrent de
haut en bas. Il y en eut aussi beaucoup di tués, d'au-
tres fort blessés, et plusieurs des principaux amenés
prisonniers à Dieppe ; et furent pillés le bourg de
Veuilles et autres villages par lesquels passèrent ces
1. — Th. de Bèze, Hisl. eccl. des églisos réf. t. II, p. 149.
2. — » » » » » t. Il, p. 152.
— 51 —
compagnies. Et quant à Cany, ayant eschappé pour
ce coup-là, ils y retournèrent puis après, et y mes-
nagèrent tellement qu'il n'y demeura rien que ce
qu'on ne sceut emporter. » '
4" Barentin et Tancarville :
« Au mesme temps que les habitans de Rouan furent
abandonnés de Morvillier, ils ne laissèrent de bien
faire, ayans surpris d'amblée le chasteau de A'illars
^ViUers, Villcrs-EcjJlcs aujourd'hui) près Barantin,
le quatriesme iour du mois de septembre : et lors
aussi publièrent la remonstrance de leur innocence
contre les présidens et conseillers de Louviers, avec
leur relief d'appel, et rangèrent Aumale à telle raison
qu'il demanda Fresne pour quinze iours, qui ne luv
furent accordées. Aussi furent-ils secourus parleurs
voisins, leur estans envoyés de Dieppe dix-vingts
soldats, et du Havre de Grâce douze pièces d'artillerie
avec poudres et boulets.
'< En ces mesmes iours fut assiégé par \'illebon le
chasteau de Tanquarville. Ce qu'entendans ceux de
Rouan ne faillirent d'y envoyer secours par la galère
qui passe outre Caudebec, non sans être offensée et
oflfenser aussi l'ennemi, et de là venant à Quillebœuf
fit un merveilleux eschec. ayant tué plusieurs enne-
mis, pris quarante-cinq pièces d'artillerie, tant gros-
ses que menues, à savoir trois canons de fer de fonte,
cinq cardinales, etle reste doubles et simplesberches.
Ils emmenèrent aussi une galiote et deux barques
équippées, et en bruslèrent une garnie de gens et
d'artillerie, et amenèrent plusieurs prisonniers, de
laquelle deffaite l'honneur principal fut attribué au
capitaine Confolans et à sa compagnie. Les ennemis
doncques, lorsque ceux de dedans Tanquarville com-
mencèrent à capituler pour se rendre, furent con-
traints de descamper, estans aussi arrivées aux assié-
1. — Th. de Bèze, Hist. eccl. des Egl. réf., t. II, p. 179.
— S2 —
gës, pour renfort, onze barques chargées de gens
venant du Havre neuf. Ce faict. la galère ayant à
repasser par devant Caudebec, où elle estait aguettée
de deux cottes du rivage, passa ce néantmoins tout
au travers, estant chargée de butin et d'artillerie, à
la faveur du flot et de la nuict, de sorte que le dix-
septiesme du dict mois de septembre, elle arriva
sauve, et fut vendu le butin de Quillebœuf au son du
tambourin sur le rivage de Rouan. ' >/
s" Limésy et Duclair :
Quelques exploicts se firent dehors, ayans esté
sommées les villes prochaines et le bourg de Cléré
(Cléré est certainement mis pour Duclair) pillé et le
moustier de Limézy pris ; davantage furent rompus
les moulins de Darnétal, le feu mis au bourg et à
Blainville et Mesnil-Lienard (Mesnil-Esnard), et tout
ce qu"on trouva de grains et de bétail retiré en la
ville. 2
Les excès qui résultent de ces extraits sont tristes,
et on regrette que l'auteur considérable qui les rap-
porte n'ait pas un mot pour les déplorer. Ils pou-
vaient n'être que des représailles : mais les représail-
les, si elles peuvent quelquefois s'expliquer, ne peu-
vent jamais se justifier au fond de la conscience. Ce
que Ton peut et doit dire, ce nous semble, pour être
juste, c'est que, lorsqu'on vit quelque temps dans
une atmosphère chargée de Podeur de la poudre,
que les yeux ont vu l'horreur des mêlées sanglantes
et les oreilles entendu leurs cris de haine sauvage,
les instincts bestiaux reparaissent et on obéit h leur
impulsion. Le chrétien, quand chrétien il y a, se re-
trouve après dans le silence de la paix, et lorsqu'il
est bien sur que ses souvenirs ne sont pas des hallu-
1. — Tli. de Brze, Hist. ceci, des Egl. réf., t. Il, p. 158 et 159.
2. — » » » » » t. II, p. 159.
— 53 —
cinations, il se frappe la poitrine et se repent amère-
ment.
Th. de Bèze rapporte aussi que, le 25 janvier de
cette même année 1562 (ancien style), le Synode de
la province de Normandie s'ouvrit à Rouen. Le collo-
que de Caux est donné par V Encyclopédie des Sciences
religieuses comme comptant 24 églises dont sept de
fief, sous l'Edit de Nantes. D'après nos notes, voici
celles qui existaient en 1^62 : Harfleur, Caudebec,
x\Iontivilliers, Dieppe. Havre, Luneray, Autretot,
Lillebonne, soit huit. Mais il est à peu près certain
qu'au moment de la tenue de ce Synode, Bolbec,
Criquetot et Fécamp avaient aussi leur église. La liste
des églises y représentées nous manquant, nous som-
mes réduits aux conjectures touchant celles qui com-
posaient alors le colloque de Caux.
Rouen, qui était la seconde ville du royaume,
devait provoquer et, de fait, provoqua les efforts du
parti catholique pour qu'elle ne demeurât pas au
pouvoir des religionnaires. Aussi le duc de Guise
vint-il y mettre le siège. Il y arriva vers la mi-sep-
tembre fis62). Après cinq semaines d'attaques répé-
tées, elle fut prise d'assaut, et pendant huit jours li-
vrée au pillage. Plusieurs de ses plus notables habi-
tants furent jugés, condamnés et exécutés, entre au-
tres le Président de la Cour des aides Du Bosc
d'Emeudreville et le pasteur Marlorat. C'était le 30
octobre. Environ sept semaines après, le 19 décembre,
avait lieu la bataille de Dreux. Les Calvinistes, qui
n'étaient que 5000 contre 16000, y furent vaincus.
Huit mille nions couvraient le champ de bataille.
Condé y ayant été fait prisonnier, Coligny prit le
commandement du reste de l'armée protestante et
alla faire campagne en Basse-Normandie, cependant
que de Guise courait assiéger Orléans occupé par
d'Andelot, Le siège fut long et héroïque, et il allait
— M —
prendre fin par la défaite des assiégés quand le duc
de Guise fut blessé à mort par Poltrot de Meré.
Cette mort laissa les catholiques sans chef sérieux
et les empêcha de tirer avantage de leurs succès.
Aussi se montrèrent-ils favorables à Tédit de pacifi-
cation proposé par Catherine de Médicis, que les
calvinistes acceptèrent aussi. Cet édit fut signé à Am-
boise le 19 mars 1=163. Il était restrictif de celui de
janvier puisqu'au lieu d'un droit général il n'accor-
dait plus que la tolérance du for intérieur et du foyer
domestique, sauf dans les villes qui étaient en leur
pouvoir le 7 mars précédent, où le culte demeurait
libre par continuation, et sauf pour les nobles et les
fidèles habitant une ville ou les environs d'une ville
de bailliage, lesquels pouvaient tenir des assemblées.
Dans chaque bailliage un lieu de culte était auto-
risé. Pour le bailliage de Caux, ce lieu fut Goder-
ville.
Coligny comprit que ce traité ruinerait beaucoup
d'églises. Condé, qui espérait être bientôt investi de
la dignité de lieutenant du royaume, était rassuré
parce qu'il croyait que cela lui permettrait d'aplanir
les difficultés. Et on rendit Orléans, et on aida à re-
prendre le Havre sur les Anglais. Ainsi finit la pre-
mière guerre de religion.
Le i'""aoùt 1363, Charles IX et sa mère qui étaient
venus pour assistera la prise du Havre, survenue le
25 juillet, partirent de cette ville pour Dieppe. Ils
passèrent par St-Romain, Etelan, Ste-Gertrude, Yve-
tot. l'abbaye d'Ouville et Bacqueville. Ils arrivèrent
le 4 dans ce bourg où les reçut Charles .^lartel, sei-
gneur protestant de Bacqueville. Ils passèrent la nuit
sous son toit et partirent le lendemain pour Dieppe.
Ils traversèrent donc le pays de Caux où ils purent
voir 't toutes choses désolées et tous les pauvres peu-
« pies au désespoir, car les catholiques ne faisaient
— •>') —
« pas moins de mal que les anglais et les huguenots. ' »
La guerre d"armée à armée venait de prendre fin,
mais le fanatisme n'en restait pas moins allumé des
deux côtés. Et on s"entre-tendait des pièges : on ru-
sait pour plus sûrement tuer. On mourait pour son
Dieu en ayant un esprit opposé 'à celui qui commu-
nie avec Lui. Le besoin de s'associer par bandes se
fit sentir. Et il y en eut qui furent commandées par
des moines, des curés et même des évéques. Et ces
bandes, ivres de vengeance — et on comprendra leur
fureur quand on saura qu'ils croyaient venger l'hon-
neur de Dieu, de Jésus-Christ, de la vierge et des
saints parce que les calvinistes avaient, persuadés que
le décalogue leur en imposait le devoir, brisé des
images et statues dans les églises — n'avaient ni loi,
ni pudeur, ni pitié. On rapporte qu'un de ces chefs
de bande dit un jour : '< Aussi bien, il y a trop de
peuple cil France; j\' Il ferai tant mourir que les vivres
V seront bon marché. - >> La bande de Montluc date
de cette époque. Celle du baron des Adrets (côté
protestant) ne lui en cède guère. Au moins le baron
des Adrets retourna-t-il au catholicisme, et doit-on
dire que sa bande est l'unique bande protestante
connue. En général, les huguenots usaient de repré-
sailles ; mais étant moins nombreux, plus cultivés et
comptant parmi eux quelques consciences pénétrées
du véritablesentiment évangélique, ils rendaient dans
une moindre mesure et seulement pour y mettre un
terme, le mal qu'ils recevaient. Nous ne pouvons
admettre qu'ils dussent attendre passivement la mort,
car tous auraient péri.
Nous ne savons s'il y eut beaucoup de ces bandes
en Normandie. Probablement qu'il y en eut peu, à
1. — Mémoires de Castehiedii, p. 170.
2. — G. de Félice, fl't^^ des Protestants de France, (^AA^lo,
p. 18a et 181,
— =^0 —
cause de ce qu"il y avait un nombre considérable de
réformés dans la province et qu'ils comptaient par-
mi les plus aisés et les plus instruits et que cette dou-
ble considération a toujours eu de Tinfluence sur les
masses ignorantes et pauvres. Mais il dut y avoir —
car ce n'est pas sans fond que la tradition populaire
le rapporte — des homicides secrets d'hérétiques
dont les archives judiciaires ne nous disent rien, la
justice ne se mêlant pas alors de ces « incidents ». et
c'est sans doute pour ces causes que le mouvement
d'exil reprit dans le pays de Caux. Nous trouvons, en
effet, des arrivées de noms cauchois à l'étranger à
cette époque. La proximité de la mer et la possibilité
de s'embarquer aux petits ports de Pourville, Qui-
berville, St- Aubin, Veules, St-Valery, Veulettes, St-
Pierre-en-Port, Fécamp, Yport, Etretat et St-Jouin,
et la hardiesse et l'habileté des marins du littoral ne
pouvaient qu'engager nos pères à passer à l'étranger
pour se mettre à l'abri des guet-apens et des coups
de mains de ces partis de fanatiques battant les cam-
pagnes terrorisées.
En cette même année is6^, il y eut une pendai-
son à Dieppe : celle de Philippe Carot, cabaretier,
natif de Luneray. 11 avait été condamné à ce supplice
pour avoir « parlé avec mépris d'un ordre roval en-
joignant aux protestants de rendre les églises aux
catholiques. >/
^^
CHAPITRE II
De l'émancipation de Charles IX à l'Edit de Nemours
(1563-1585)
Le prince de Coudé n'eut point la Lieutenance
générale du royaume. Pour éviter son accession à
cette dignité on la supprima en émancipant le jeune
roi (17 août is6"5 1. On devine ce qu'il advint de l'Edit
de pacification : il demeura lettre morte. Les pas-
sions étant toujours demeurées vives, comment
eùt-il pu être exécuté ? Les catholiques ayant com-
mencé à se constituer en ligues pour l'extirpation de
l'hérésie, et ces ligues étant devenues nombreuses,
ils eui'ent mieux conscience de leur force et devinrent
d'autant plus intolérants. Les protestants avaient
toujours leurs places fortes. On était en garde des
deux côtés, prêts à s'en remettre au sort des armes.
A ce moment, beaucoup de protestants havrais
vinrent s'établir à Harfleur, Montivilliers, Octeville,
et aux environs de Criquetot et de Gonneville, et
des réunions cultuelles furent instaurées à Turretot.
Cette émigration à la campagne des protestants ha-
vrais fut provoquée par le ressentiment des catholi-
ques qui leur reprochaient l'occupation anglaise,
bien que l'armée protestante eût coopéré à l'action
qui y mit fin.
En 1564, le jeune Charles IX parcourut son royau-
me pour réchauffer le zèle des catholiques et intimi-
der les protestants. L'édit d'Amboise était interprété
de plus en plus restrictivement, et les haines s'amas-
_ 5« -
salent chaque jour davantage. Mais, comme on s'ob-
servait de part et d'autre, on se contint. Seulement,
les plus clairvoyants prévinrent l'orage en passant à
l'étranger. Dès 1564, il y avait une église française à
Norwick, fondée par des réfugiés. On juge par là de
l'importance qu'avait pris le mouvement d'émigra-
tion.
Des protestants de Rouen avaient passé a. l'étranger
en nombre considérable lors de la prise de cette ville
par les catholiques. Malgré cela, les religionnaires
demeuraient une fraction importante de la popula-
tion rouennaise, car un registre de baptêmes nous
montre qu'il en fut célébré 656 pendant la seule an-
née i=)64. La natalité était plus grande alors qu'cà pré-
sent. Néanmoins, nous croyons que ce chiffre de
baptêmes ne suppose pas moins de 15,000 rouennais
protestants.
Au mois de juin i=,6=,. la reine-mère eut une entre-
vue avec le duc d'Albe, de sinistre mémoire. Quel-
ques historiens supposent, non sans vraisemblance,
que dans cette entrevue les bases d'un massacre géné-
ral furent jetées et qu'il devait être perpétré lors de
l'assemblée des notables à Moulins, en 1566, mais
que Coligny vint à cette assemblée si bien accompa-
gné qu'on jugea prudent de l'ajourner. Vrai ou faux,
le fait n'est pas de nature à changer les sentiments de
l'historien impartial sur ces deux personnages.
Nos notes ne nous donnent presque rien concer-
nant le pays de Caux pendant les années 1364/6'^.
Nous voyons seulement qu'un pasteur de Cany-en-
Caux, dont le nom est illisible, a signé sur un registre
pastoral de l'église de Caen en 1565 (c'est le seul in-
dice que nous ayons de l'existence d'une église à
Cany à ce moment) et qu'avant la mort de Mme
d'Esneval, survenue en 156=^ ou 66, un prêche, le plus
souvent desservi par le pasteur de Bacqueville. Guil-
— 59 —
launic de Feugueray. sieur de la Haize i, existait dans
son manoir, a Pavill\-, où venaient en foule, mala-ré
la distance 120 kilomètres), les religionnaires de
Rouen lesquels en revenaient en troupe « chantant à
pleine gorge au point que les chemins en rompoient»
les psaumes de Clément Marot. Pour remplacer ce
prêche, qui fut, au dire de Floquet, l'historien du
Parlement de Normandie, l'occasion de plusieurs
scènes meurtrières, les protestants de Rouen voulu-
rent en établir un autre à Bouville (à 24 kilomètres),
mais ils n'y furent pas autorisés.
La Cour ayant fait venir 6,000 soldats de la Suisse
catholique, les protestants comprirent qu'ils devaient
veiller plus que jamais. Condé tint conseil avec les
seigneurs du parti. Coligny fut d'avis d'attendre. On
résolut d'aller solliciter la reine-mère de faire justice
aux Réformés si elle ne voulait qu'ils la demandas-
sent au moyen des armes. La députation ayant été
mal reçue, on comprit que les plaintes n'aboutiraient
à rien et on décida de suivre l'exemple donné par
de Guise cinq ans auparavant, c'est-à-dire d'enlever
lejeune roi, alors au chcàteau de Monceauxfseptembre
isôyi. Le complot fut découvert. L'Hospital, toujours
pour la tolérance, voulut éloigner les Guise et faire
exécuter Ledit d'Amboise. Mais le cardinal de
Lorraine et le connétable se refusèrent à rien céder
ni concéder. Les calvinistes voulurent fermement
cette fois le libre exercice. Pendant ces pourparlers,
les Suisses arrivèrent et les négociations furent rom-
pues. 11 n'y avait plus qu'cà recourir à la force pour
l. — GuiDaumedo Feugueray était un personnage considé-
rable, car d'Angleterre où il avait passé à la St-Barlhélemy, il
avait été appelé à Leyde comme professoui de théologie. Il
revint en France en 1579 dans son ancienne église de Bacque-
villo, et, en 1.j90, nous le trouvons exerçant à Rouen où il était
di>jà venu en l'02. L)(! Roui^n il alla à Dieppe où il exerça jusqu'à
sa mori, survenue en 1613. Il a laiss('' do savants ouvrages.
6o
avoir justice. C'est ce qu'on fit.
Condé vint camper aux environs de Paris avec
looo piétons et i^oo cavaliers. Le connétable lui offrit
bataille dans la plaine St-Denis(io sept. 1567). Quoi-
que l'armée catholique fut forte de 18,000 fantassins
et 3000 cavaliers — mais c'étaient des recrues pour
la plupart — le résultat fut indécis. Condé se repré-
senta le lendemain, mais inutilement, ce que voyant,
il se retira du côté de la Lorraine par où allaient ar-
river les auxiliaires que lui envoyait l'Electeur pala-
tin. Sa jonction opérée avec ce renfort, il alla vers la
Bourgogne dans le même temps que Montluc recom-
mençait ses chevauchées sanglantes en Guyenne et
en Saintonge et qu'une autre armée huguenote par-
courait la Gascogne, le Quercy et le Languedoc et
finalement gagnait Orléans. Condé atteignit la Beauce
et mit le siège devant Chartres. Les atïaires des Pro-
testants prenaient bonne tournure. La reine-mère le
sentit. Aussi, fidèle à la tactique qui lui avait déjà
réussi, elle recommença à négocier. Mais les chefs
calvinistes voulaient des garanties cette fois. Pour
vaincre cette attitude, elle fit publier dans l'armée
que Ledit de pacification serait rétabli à jamais, sans
interprétations ni réserves, qu'on accorderait pleine
et entière amnistie à ceux qui avaient pris les armes,
et que les chefs seuls refusaient, par ambition, un
si équitable accommodement. Ce détour, aussi mal-
honnête qu'adroit, réussit pleinement. Des compa-
gnies entières de Calvinistes retournèrent dans leurs
foyers, et Condé se résolut à signer la paix 120 mai
Ce traité, dit de Longjumeau, dura six mois, vir-
tuellement, car il n'exista que sur le papier.
L'armée catholique était restée sous les armes. Elle
reçut l'ordre d'occuper les places fortes, de garder
les ponts et passages, en un mot, de prendre les dis-
— 6i —
positions nécessaires pour écraser les huguenots.
Les catholiques virent qu'il était plus opportun
que jamais de prêcher ces '-< maximes abominables »
comme ne craint pas de les appeler Tabbé Anquetil
<< qu'il ne faut pas garder la foi aux hérétiques, et
que c'est une action juste et pieuse, utile pour le
salut, de les massacrer. ' »
Les fruits de ces ignobles discours, que l'autorité
ecclésiastique encourageait, étaient des assassinats
isolés dont on ne pouvait obtenir justice, et aussi des
émeutes publiques. Donc, en pleine paix, il y eut
réédition de 1563, des meurtres et des tueries qui
ensanglantèrent un grand nombre de villes, dont
Rouen. On compta plus de 10,000 cadavres en trois
mois.
Le Chancelier de l'Hospital, ayant en vain réclamé
des poursuites contre les bourreaux, résigna ses fonc-
tions et se retira dans sa terre de Vignay. Les sceaux
furent donnés à Jean de Morvilliers, créature du
Cardinal de Lorraine. Coligny, d'Andelot et Condé
se réfugièrent à La Rochelle. Jeanne d'Albret vint
les y rejoindre avec 4,000 soldats. Il en arriva autant
de Normandie, du Maine et de l'Anjou, ayant à leur
tête les capitaines despremièresguerres. On eut donc
bientôt une armée puissante.
Catherine, se sentant forte, renversa par un édit
(Saint-Maur, 28 septembre 1568) Ledit de janvier et
défendit, sous peine de mort, l'exercice de la religion
réformée ; elle ordonnait en outre à tous les ministres
de vider le royaume sous quinze jours. Dans cet édit
on faisait dire au roi que les mesures de tolérance
prescrites précédemment avaient été « arrachées à la
reine-mère qui, pour lors, n'estoit pas la plus forte,
et contre son opinion, laquelle avait toujours esté
1. — Esprit de la Ligue, I, 249.
— 62 —
bonne chrestienne et s'estoit bien promis de revenir
sur ces concessions aussitôt que les circonstances luy
en donneroient le pouvoir. » Le masque était levé.
Les Réformés s'indignèrent et se mirent sur leurs
gardes. L'historien du Parlement de Normandie nous
apprend que dans le pays de Caux la fermentation
était grande. A Cany, à Dieppe, au Havre, à 2**lonti-
villiers, les tètes étaient montées. On y était en
guerre ouverte contre le roi. Ce fut alors que Jean de
Canouville, sieur de Raffetot, fortifia son château de
Rafîetot et, avec Blondel de la Moissonnière et nom-
bre d'autres, se mit à faire des courses, pillant les ca-
tholiques, les maltraitant et quelquefois les tuant par
les chemins. Ces gentilshommes en furent quittes
pour une condamnation par contumace en suite de
laquelle les uns furent décapités et les a'itres pendus
en effigie au Vieux Marché de Rouen '. Un peu après,
13 mars 1569, le sieur Martel de Lindebeuf, gentil-
homme réformé, fils de CharlesMarteldeBacqueville,
accusé d'avoir connu sans le dénoncer à la justice le
complot fomenté par de Catteville, son ami, pour
s'emparer de Dieppe et du Havre, fut poursuivi et
condamné avec lui à « avoir la tète tranchée au
Vieux-jNLarché de Rouen puis à être mis en quartiers
leurs tètes affichées sur lances près le château de
Dieppe, et les quartiers de leurs corps pendus aux
portes de la ville » sentence qui fut exécutée le jour
même. Mais ce jugement fut cassé peu de temps après
et la mémoire des condamnés réhabilitée.
Par cet édit, le duc d'Anjou fut placé à la tète de
l'armée catholique. L'hiver très rigoureux de 1568/69
se passa en marches et contremarches, et c'est par
surprise que les deux armées se rencontrèrent à Jar-
nac le 16 mars. Un combat s'en suivit. Les corps cal-
1. — Floquct, Hist. du Parlement, t. 111, p. 43.
vinistes n'arrivant en ligne que les uns après les au-
tres furent successivement défaits. Le prince de Condé
se comporta vaillamment, mais, blessé, fut obligé de
se rendre. Presque aussitôt il fut lâchement tué d"un
coup de pistolet tiré par derrière. La nouvelle de la
mort de Condé et de la défaite des protestants excita
des transports d'enthousiasme parmi les catholiques,
et on devine quelle surexcitation de fanatisme en fut
la conséquence.
La position des Réformés était critique, mais non
désespérée, grâce à leur force morale qu'ils élevèrent
à la hauteur de leurs malheurs. Et puis, Coligny res-
tait. Le jeune Béarnais fut proclamé généralissime.
Les hostilités reprirent bientôt, et les Réformés eu-
rent l'avantage dans le combat de La Roche-Abeille
(23 juin 1^09), mais ils perdirent beaucoup de monde
au siège de Poitiers et ils furent défaits à Moncon-
tour (3 octobre) par suite d'une mutinerie des sol-
dats allemands juste au moment de la rencontre.
Cette défaite fut un désastre. D'Andelot y fut tué, et
Coligny y reçut trois blessures; de plus, il fut mis
hors la loi par le Parlement de Paris pour crime de
lèse-majesté, traîtrise et félonie. C'est sous cet acca-
blement général qu'il montra la force de son âme et
la profondeur de sa foi. Il adressa un appel énergique
aux Réformés qui voulaient la liberté de leur cons-
cience. Il en accourut de tous côtés. Bientôt, il eut
une armée. II se mit à sa tète et traversa la moitié de
la France, défit les catholiques près d'Aunay-le-Duc
et marcha sur Paris. La cour fut tellement saisie de
stupeur qu'elle entra immédiatement en négociations.
Les conditions de paix qu'elle offrit, plus favorables
que les précédentes, furent acceptées et le traité qui
les scellait fut signé à St-Germain le 8 août 1S70. 11
octroyait la liberté du culte dans tous les lieux dont
les Réformés disposaient ; de plus, deux villes par
- 64-
province pour y célébrer les offices ; amnistie pour
le passé ; accession égale aux charges publiques ;
permission de résider dans tout le royaume sans être
molesté pour faits de religion, et quatre villes d'ota-
ges : La Rochelle, La Charité, Cognac et Montauban.
On prétend, et c'est vraisemblable, que Catherine
ne s'était montrée si généreuse que parce que le
projet du massacre exécuté deux ans plus tard était
déjà résolu.
A la suite de cet édit. les protestants dieppois se
rendirent au prêche établi à Bacqueville, dans le
manoir du seigneur du lieu, qui avait plein fief de
Haubert. Mais ils ne durent pas s'y rendre longtemps,
car nous voyons qu'en avril 1^71 ils allaient, pour la
célébration du culte, à Saint-Aubin-le-Cauf, situé à
une distance moindre de moitié, dans le château du
sieur Robert Desmarest, écuyer, seigneur de Saint-
Aubin, et qu'ils continuèrent pendant un an. C'est là
que le colloque de Caux se réunit le 7 décembre 1571.
En 1^70, le culte se célébrait aussi à St-Pierre-le-
Vieux, chez les dames de Lanquetot, et cela dura au
moins jusqu'en 1371, car, en cette année, un pâtis-
sier dieppois fut condamné à la prison pour y avoir
fait baptiser son enfant.
Nous ne devons pas omettre d'emprunter à M. Vi-
tet le récit suivant d'un fait qui s'est passé dans la
nuit du 12 au 13 mars 1570 (ou 1571 nouveau style)
et montre que cela n'allait pas sans de sérieux dan-
gers de s'expatrier : ';' M. de Sigogne apprit que 30 à
« 40 riches protestants, soit de Dieppe, soit de Lune-
'< ray, Bacqueville et autres lieux voisins, avaient
'< fait marché avec un marinier pour les passer en
". Angleterre. Cet homme devait leur amener une
<< grande barque au bord de la mer, près du petit
«port de Veules. Ils s'étaient trouvés au rendez-
« vous à l'heure dite ; mais au moment de monter
- 65 -
« dans la barque les voilà entourés par les cavaliers
« de M. de Sigogne qui les ramènent à Dieppe, la
« corde nu cou. Les uns, après avoir longtemps langui
« dans les prisons du château, n'en sortirent qu'à
« force d'or ; les autres moururent misérablement. Le
« marinier fut pendu. ' »
Envisageons la situation du Protestantisme en
France à la suite de l'Edit de St-Germain. Paris ap-
partenait sans partage au catholicisme. La Picardie,
l'Artois, la Champagne, la Normandie. l'Orléanais,
ne comptaient plus que des troupeaux épars dont
quelques-uns sans autres conducteurs que des laïques
plus ou moins éclairés. Les plus braves avaient péri.
Les politiques avaient réintégré la religion catholi-
que. Beaucoup de gentilshommes et de bourgeois
exerçant des fonctions politiquesavaientfaitdemême,
et aussi les femmes pour échapper aux violences de
la soldatesque. Ce dernier moyen de conversion était
le plus puissant. Aussi se le rappela-t-on en 168=,.
Une cause de douloureux découragement pour les
chefs réformés ce fut la constatation évidente que le
mouvement réformateur ne retrouverait plus l'essor
des premiers jours. L'alternative s'était présentée bru-
talement et c'est franchement qu'on avait pris parti.
Désormais le partage était fait.
Assurément, s'ils n'avaient pris les armes, les pro-
testants auraient péri jusqu'au dernier comme en
Espagne, où de puissants éléments de réforme
avaient surgi dans maintes villes, car leur destruction
avait été jurée, et comme l'œuvre était pie, il n'eût
pas manqué de bras pour la mènera bout. Au besoin,
les soldats de Philippe II, qui avaient des loisirs, fus-
sent venus s'y refaire la main. Mais en recourant
à la force ils avaient créé une impossibilité de rappro-
chement, carilsavaientainsisemé Jesgermesde haine.
1. — Vitet, Hist. de Dieppe, t. I, p. lUo-M.
— 66 —
Cela, ils Tavaient prévu. Aussi leur conduite ne s'ex-
pliaue-t-elle que par cette raison qu'il n'y avait pas
place pour deux religions, qu'il fallait, par consé-
quent, que Tune eût le dessus de l'autre. Ils parta-
geaient sur ce point l'erreur catholique, basée sur
l'absolu : Il ne peut y avoir qu'une vérité, et cette
vérité ne peut être représentée que par une seule re-
ligion. Le malheur des armes leur montra que, sous
peine de renier leur foi, ils devaient accepter de vivre
sous une dépendance relative au milieu du catholi-
cisme librement exercé.
N'étant qu'une minorité et résignés à le demeurer,
ils citaient, pour obtenir d'être tolérés, les arrange-
ments intervenus en Allemagne entre les églises riva-
les. Ils allaient jusqu'à invoquer la clémence du pon-
tife de Rome pour les Juifs et celle des Turcs pour
les Chrétiens.
Pendant que les Réformés faisaient entendre ces
appels à la justice et au bon sens, il se fomentait dans
l'ombre le complot le plus monstrueux qee l'histoire
ait encore enregistré. On ne se doutait de rien. Au
mois d'avril 1 571, un synode national (le ']') s'était
tenu à La Rochelle avec le plein assentiment du roi.
C'est de ce synode que sortit la confession connue
sous le nom de Confession de La Rochelle.
Il y avait dans les esprits une haine qui couvait
sourdement ; elle avait, du côté protestant, abaissé
les mœurs, et, du côté catholique, entretenu le fana-
tisme ; mais on croyait le roi résolu à maintenir la
paix religieuse, d'autant plus que depuis deux ans rien
n'avait fait craindre qu'il voulût y porter atteinte.
Bien plus, pour donner une sorte de gage officiel aux
Réformés, Catherine de Médicis voulut marier Mar-
guerite de Valois avec le prince Henri de Béarn. Ce
mariage ayant été résolu, les seigneurs calvinistes
vinrent à Paris pour assister à sa célébration qui était
-67-
fixée au i8 août (1572). Quatre jours se passèrent en
festins. C'était l'occasion tant cherchée — et prémé-
ditée, au dire des historiens catholiques de Thou et
Mézeray — qui s'offrait. Dans la nuit du dimanche
24 août, entre 2 et 3 heures du matin, la grande clo-
che de St-Germain-l'Auxerrois se mit à sonner le
tocsin. C'était le signal convenu de l'abominable bou-
cherie. Elle commença au cri de : Mvent Dieu et le
Roy 1 L'amiral de Coligny fut tué par un des domes-
tiques du duc de Guise, nommé Besne, qui en fut
récompensé de la manière suivante : le cardinal de
Lorraine lui donna une de ses bâtardes en mariage.
Ce fut un égorgement sans merci, sans quartier.
Hommes, femmes et enfants, tout était tué, mutilé,
trainé dans la boue et piétiné. Des ruisseaux de sang
coulaient vers la Seine qu'ils ne tardèrent pas à rou-
gir. Le massacre dura quatre jours. Le jeudi, quand
le sang inondait encore les rues, le clergé célébra un
jubilé extraordinaire et fit une procession générale.
11 décida même de consacrer une fête annuelle à un
si glorieux triomphe de la Vérité égorgeuse sur l'er-
reur martyre. Xous ne savons à quelle époque on
cessa de fêter cet anniversaire. Sans doute sous Henry
IV, et par son ordre. Une médaille commémorative
fut frappée qui portait cette légende : La Picic a ré-
veille la Justice \ Cette légende est la condamnation
de ceux qui, honteux de ce crime, veulent le retour-
ner en prétendant qu'il est la conséquence de la dé-
couverte d'un projet de massacre de la part des Cal-
vinistes.
En province, la St-Barthélemy dura six semaines.
A Rouen, beaucoup de réformés prirent la fuite avant
le massacre, qu'ils pressentaient : mais le plus grand
nombre, ne pouvant croire qu'on renouvellerait une
aussi horrible boucherie, restèrent, et parmi eux il
en fut jeté des centaines en prison sous prétexte de
— 68 —
les mettre à l'abri d'une telle éventualité. A partir du
i6 septembre et jusqu'au 19 inclus, les prisonniers
furent appelés un à un par leurs noms d'après une
liste qu'on avait remise aux égorgeurs, et, au fur et à
mesure qu'ils arrivaient, croyant être rendus à la li-
berté parce que tout danger avait disparu, ils tom-
baient comme à l'abattoir ! Crespin dit qu'il en périt
ainsi 600. La cloche d'Estouteville, sonnée à toute
volée pendant le massacre, appelait les prêtres et les
fidèles en toute hâte à Notre-Dame pour des processions
qui parcouraient les rues et les faisaient retentir de
joyeuxcantiques: '< C'était pour rendregrâce à Dieude
« la bonne justice que avait exercée le roy de France
« envers les hérétiques et infîdellesde son royaulme*?/
« le prier de co)ttlinier ce qu'il avait si bien commencé
'i afin que son peuple pust vivre d'une mesme foyA^i*
Le nombre des victimes de la St-Barthélemy dans
toute la France ne peut s'évaluer. Beaucoup de monde
mourut de frayeur ou des suites de blessures. De Thou
porte le nombre des tués à 30,000. Sully à 70,000 et
l'évéque Péréfixe, sans doute pour mieux glorifier
Catherine-la-Catholique, à 100,000. Quanta sa sain-
teté Grégoire XIII, après avoir, entouré du sacré-
collège, rendu de solennelles actions de grâces, il fit
tirer le canon au château St-Ange, publia un jubilé
et ordonna qu'une médaille fût frappée pour commé-
morer ce grand jour du Catholicisme.
Le Havre et Dieppe durent à leurs gouverneurs
d'échapper à la St-Barthélemy. Grâce à M. de la
Mailleraye, le pays de Caux fut épargné ; mais ses ha-
bitants protestants, terrifiés aux nouvelles de ces mas-
sacres et redoutant un tel sort, s'expatrièrent en grand
nombre. C'est surtout vers l'Angleterre et les Pays-
Bas qu'ils se dirigèrent. Il en partit du Havre, de
Dieppe et de tout le pays de Caux en telle quantité
1. — Reg. Cap. eccles. rothom., 11 nov. 1572.
-69 -
que des églises françaises se fondèrent bientôt dans
beaucoup de villes de ces deux nations. Peu se réfu-
gièrent à Genève. Cela s'explique : il eût fallu tra-
verser toute la France pour gagner l'hospitalière ville
de Calvin. Nous voyons qu'un nommé Jacques Du
Bue, mercier, d'Harfleur, y arriva le 8 septembre
(1572). Il est probable qu'il était en route lorsqu'il
apprit Thorrible tuerie.
Pour se faire une idée de la quantité de protestants
affolés qui gagnèrent l'Angleterre il faut savoir qu'à
La Rye. juste en face de Dieppe, il en arrivait
tellement que, bientôt, malgré tout son désir de ve-
nir en aide à des frères malheureux, la corporation
communale protesta et défendit à tout marin et pé-
cheur d'amener des Français dans la localité pour y
rester, sous peine d'une amende de 40 shellings, et de
débarquer aucun passager à moins d'aviser préala-
blement le maire. Nous savons que dès la fin de i=)67,
M. de Saint-Paul, pasteur de Dieppe, qui s'était em-
barqué pour l'Angleterre à la suite de la journée des
barricades où les dieppois avaient été finalement bat-
tus, avait fondé, précisément à La Rye, une église
composée entièrement de Dieppois, dont on comptait
plus de 600.
On le conçoit, tous ne pouvaient pas émigrer. S'ar-
racher au sol natal est bien dur I Et puis, l'argent
manquait, le plus souvent, pour aller si loin. Et puis
aussi, il y avait les timides. Tous ceux-là abjurèrent
ou firent rentrer leurs enfants dans l'église romaine.
C'est ainsi que sur les registres de l'église St-Sauveur
de Montivilliers on constate de nombreuses conver-
sions ou rentrées, d'octobre 1:^72 au mois de mars
suivant. Rien qu'en mars, on n'en relève pas moins
de 70 pour cette seule église ^.
On devine l'impression d'épouvante ressentie par
J. — A. Martin, Histoire de Montiviliiers, I, 228,
— vo-
les nations protestantes en apprenant la nouvelle de
ce crime sans précédent, et combien de temps elle
fut entretenue en Suisse, en Angleterre et en Alle-
magne par l'arrivée de fugitifs à demi-morts de fray-
eur, racontant des épisodes particuliers de cette abo-
minable hécatombe !
Dans quel état était la France au regard de l'Eu-
rope ? Elleétait tombée si bas qu'elle subissait la tu-
telle de TEspagne et qu'elle s'humiliait à Madrid
pour avoir une armée.
Que gagna le Catholicisme à ce massacre ? Cha-
teaubriand nous paraît en avoir bien résumé le
bilan : « L'exécrable journée de la Saint-Barthéleray,
« dit-il, ne fit que des martyrs; elle donna aux idées
« philosophiques un avantage qu'elles ne perdirent
« plus sur les idées religieuses. ^ // Le christianisme
sous la forme chère à M. de Chateaubriand fut loin
d'avoir du génie, ce jour-là.
Les Calvinistes restés en France ne songèrent plus
qu'à se grouper et à organiser les moyens de défense.
Ils avaient, dans les Cévennes, le Rouergue, le Viva-
rais, le Dauphiné, la protection des montagnes. Dans
les plaines du Midi, cinquante villes ou bourgades
fermèrent leurs portes, décidées à opposer une résis-
tance désespérée aux troupes du roi responsable du
meurtre de leurs frères. Nîmes et Montauban, entre
autres, montrèrent virile figure. Charles IX et sa
mère virent que le levier religieux s'appuyant sur la
conscience ne peut fléchir. C'était le droit moderne
qui se montrait en germe.
Le siège de Sancerre, qui eut lieu bientôt, est
demeuré célèbre. Les assiégés n'avaient pas d'armes
à feu. Rien qu'avec des frondes ils résistèrent dix mois
à l'armée royale ; ils eussent résisté plus longtemps
si les députés venus de Pologne pour offrir au duc
1. — Etudes Idst., t. IV, p. 296^ ".
— 71 —
d'Anjou la couronne des Jagellons, n'avaient intercédé
en leur faveur, ce qui leur fit octroyer les sûretés
qu'ils demandaient.
A ce moment, La Rochelle formait une sorte de
république. A la St-Barthélemy, =,3 pasteurs du Poitou
et de la Saintouge s'y étaient réfugies. On l'assiégea,
mais en vain, ce qui décida Charles IX à y envoyer
un gouverneur Calviniste, La Noue dit Bras-de-Fcr,
grand homme de guerre et plus grand homme de
bien, nu dire de Henri IV.
L'n édit publié le 11 aoùtis73 autorisa l'exercice
public de la religion, mais dans trois villes seule-
ment : La Rochelle, Montauban et Nîmes. Ce fut
dans cet édit qu'on employa pour la première fois
officiellement l'expression de Religion Prétendue
Reformée qui se remplaça bientôt après par la for-
mule R. P. R.
Les scandales de la cour et l'anarchie qui régnait
dans l'Etat avaient mécontenté nombre de gens
et amené la misère partout. Il s'en suivit un parti
de mécontents dit nml cojiieiits ; mais il compre-
nait aussi tous les politiques, c'est-à-dire ceux qui
voulaient la paix dans l'Etat par la tolérance et la
liberté de conscience. Ce parti entra en pourparlers
avec les Calvinistes, maintenantennemisirréductibles
de Charles IX. mais celui-ci étant mort sur ces
entrefaites (30 mai IS74), les négociations furent rom-
pues. Henri III monta sur le trône et Catherine re-
prit, pour ne pas dire continua, la régence. Sentant
la nécessité de rassurer les protestants de Norman-
die qu'elle savait nombreux quoique diminuantjour-
nellement par l'émigration, elle écrivit aussitôt au
gouverneur de cette province : « La volonté du roy
régnant comme celle du feu roy est de conserver tous
ceux qui se disposent à vivre doucement sous le bé-
néfice des loys et des édicts, et de les maintenir en
— 73 —
paix soubz Texercice de Tune ou l'autre religion.
Ceux de la relig-ion n'auront jamais meilleur advocat
envers sa majesté que moy-mesme. »
Le nouveau roi se fit détester de tous, ce qui grossit
le parti des mal conients et le porta à renouer avec
les Calvinistes. Malgré l'opposition desconsistoriaux,
gens de négoce et de labeur, appuyés par un grand
nombre de pasteurs, le parti des gentilshommes et
grands seigneurs accepta l'alliance proposée. L'armée
qui en résulta fut une armée indigne. La guerre re-
prit et se poursuivit avec des résultats divers. Entre
temps, le prince de Condé et le roi de Navarre ayant
réussi à s'échapper de la cour où ils étaient retenus
depuis la nuit de la St-Barthélemy, abjurèrent le Ca-
tholicisme qu'ils avaient embrassé de force, et rejoi-
gnirent les confédérés. C'était un appoint notable
pour ceux-ci. La cour le comprit et offrit la paix,
qui fut acceptée (6 mai 1S76). Voici ce que cette paix
accordait : Libre exercice dans tout le royaume ex-
cepté à Paris et dans un rayon de deux lieues: — ad-
mission à tous les emplois publics ; — mi-partie de
chambre dans les parlements; — huitplacesdesùreté;
— droit d'ouvrir des écoles et de convoquer des sy-
nodes; — réhabilitation de la mémoire de Coligny ; —
rétablissement du roi de Navarre, du prince de Condé
et des seigneurs de la religion dans leurs gouverne-
ments et apanages. Ce traité fut enregistré le 22 mai
(11^76), en séance solennelle, à la grande joie des
Protestants qui jurèrent tous d'y obéir. Il n'était
qu'une feinte pour dissoudre l'alliance des Calvinistes
et des mal contents. On le vit bien au moment où le
prince de Condé vint prendre le gouvernement de
Picardie qu'on lui avait octroyé : les catholiques,
secrètement autorisés à la révolte, le repoussèient à
l'unisson. Et les persécutions reprirent.
Dans le pays de Caux, la période 1^72-1^70 paraît
— 73 —
s'être passée dans un calme surprenant pour l'époque .
En tout cas rien de saillant ne nous en a été conservé.
Nous savons seulement par les registres du Parle-
ment cités par Floquet que « partout, principale-
ment dans le pays de Caux, ce n'étaient que presches
publics et chants de psaumes à haute-voix, malgré
tant d'édits prohibitifs toujours en vigueur. » Les
gouverneurs ne savaient à quoi se résoudre. Ils fini-
rent par envoyer aux baillis des ordres « d'informer
des contraventions aux édits qui défendoient les
presches et d'envoyer leurs informations au Parle-
ment. ^ »
Un synode provincial se tint à Alençon en IS76.
Il s'ouvrit le 25 juillet et se passa sans incidents.
Au mois de décembre de cette même année, les
Etats Généraux, dont un article du traité avait ordon-
né la convocation, se tinrent à Blois, mais la noblesse
étant à ce moment en grande partie catholique et les
bourgeois ayant le cœur ulcéré par tant de discordes
qui paralysaient tout, les trois ordres tombèrent d'ac-
cord pour demander l'unité religieuse. C'était la
guerre ; mais, pour faire la guerre, il fallait de l'ar-
gent ; or, la noblesse et le clergé ne voulaient pas en
donner. Ah ! si les huguenots eussent eu, à ce mo-
ment, l'appui des vial contents ! Mais, outre qu'il leur
faisait défaut, la désunion régnait parmi eux. Dès
lors, comment combattre avec quelque chance de
succès ? Pourtant, les Consistoriaux, sentant qu'il y
allait cette fois de la vie ou de la mort de la Réforme
en France, poussèrent à la guerre, résolus à tout. On
ne les écouta pas, et la paix fut signée à Berg'erac au
mois de septembre i=)77- Le i"'" octobre, paraissait
l'Editde Poitiers qui, naturellement, était restrictif.
Il n'accordait plus que la simple liberté de conscience
1. — Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, i. III,
p. 157-158.
- 74 —
avec Tadmission aux emplois publics. L'exercice de
la religiou était limité aux endroits où il se pratiquait
au moment de la signature du traité.
Catherine de Médicis avait imaginé un moyen bien
italien de venir à bout des gentilshommes protestants
qu'on n'avait pu vaincre par les armes : c'était de les
dépraver. Elle avait, à cet effet, réuni une troupe de
filles d'honneur qui furent appelées son escadron vo-
lant. Elle se mit à parcourir les provinces avec cette
escorte, et partout où elle passait avaient lieux fes-
tins et intrigues galantes, — et nous avons honte à
dire que les résultats répondirent à son attente.
Le béarnais, le futur Henri IV, oublia complète-
ment les leçons de sa mère pour suivre son penchant
naturel. L^ne intrigue de cour qu'il eut fit reprendre
les armes. C'était une querelle ridicule qu'on appela
par dérision ^//(.'rrt' des anioiirciix. Le traité qui s'en-
suivit (26 novembre is8o) confirmait celui de Poi-
tiers.
Quatre à cinq années se passèrent sans guerre, mais
comme la discorde couvait toujours sous la cendre,
il n'y eut ni sécurité ni repos : on vivait dans une at-
mosphère énervante, de nature à amener subitement
une explosion des esprits. Il y en eut même qui ne
se continrent pas dans le pays de Caux. et nous avons
le vif regret de dire que c'est du côté protestant que
nous les trouvons. Nous avons, en effet, un arrêt cri-
minel rendu par la chambre ardente du Parlement de
Rouen le 7 septembre is8i contre plusieurs gentils-
hommes huguenots dont un était pasteur, qui relate
de leur part des excès abominables, quelle que soit
l'amplification bien connue des parlements dès qu'il
s'agissait de faits commis par des protestants. Il est à
peu près certain qu'il y avait là des représailles con-
tre des excès de ligueurs. On trouvera cet arrêt à la
fin de notre travail (Appendice — Pièce n" i),
— 7=^ —
Un moyen qui eut plus de succès encore que la dé-
pravation pour atïaiblir le parti Calviniste, ce fut de
le tenir hors des emplois publics en dépit de l'édit.
Mézeray assure que ce procédé amena plus de con-
versions en quatre ans que les bourreaux ni les armes
n'avaient fait en quarante. C'est évidemment exagéré,
mais il n'est pas douteux qu'après les premières dé-
fections, beaucoup se rendirent par la contagion de
l'exemple. Par suite de ces défaillances de la noblesse,
le parti Réformé se trouva très affaibli. Si la Nor-
mandie protestante perdit une partie de sa noblesse
à ce moment, c'est qu'elle comptait un grand nom-
bre de familles nobles, car, rien que pour le pays de
Caux. nous en relevons une longue liste au commen-
cement du XVII" siècle (vers 1610), qui étaient de-
meurées fidèles. Cette liste forme la pièce n" 2 de
l'Appendice.
Nos notes sont pauvres en ce qui regarde notre
région pendant ces années. Nous trouvons seulement
que le 5 juillet 1^80, Nicolas Mannessier fut constitué
en la charge d'ancien pour Montivilliers et Richard
Quertier Dour Turretot, et que ce dernier ayant été
trouvé trop peu zélé fut remplacé par Guillaume
Valentin. Nous vovons cité comme diacre à Turretot,
à la date du is septembre 1=583, un sieur Poulingue.
En 1^,83, nous relevons les églises cauchoises sui-
vantes comme constituées :
Turretot (pour le Havre) fondée en 1S78 et desser-
vie jusqu'en 1581 par le ministre Claude Charrier
auquel succéda immédiatement \'allandry ;
Ganzeville (pour Fécamp),qui existait déjà en 1^78^
et était desservie par les mêmes pasteurs que celle de
Turretot ;
Luneray, fondée en 1560, desservie par les pasteurs
Cardin Mignot (?-i572), Pierre Vatable (i=i72-i583)
§t Jean Vauquelin (1^81-?) ;
- 76-
Bacqueville, desservie par Guillaume de Feugue-
ray (ii^Si-?) ;
Lintot, fondée en 1^78, peut-être avant, et Mont-
criquet (au fief de Frémontier) fondée au plus tard en
1581, desservies par Claude Charrier dit La Touche,
et Vallandry.
Longueville eut une église de i=,72 à 1378, que des-
servit Guillaume de Feugueray ; mais nous ne savons
si elle exista postérieurement.
Nous ne pouvons assurer que les églises de Linde-
beuf, fondée en 1562 et desservie en 11367 par Guil-
laume Coquin et Noël Regnet, et Autretot, qui exis-
tait dés 1562 et était desservie par les mêmes minis-
tres, existaient encore.
(Le tableau des églises cauchoises et de leurs des-
servants connus, forme la pièce n" 3 de l'Appendice).
En 1S78, un dénombrement fut dressé qui portait
la population protestante d'Angerville-LOrcher à
268, celle de Criquetot à 221, de Turretot à 114. de
Pierrefiques à 73, de Bordeaux-St-Clair à 58. d'Octe-
ville à 611, de Montivilliers à 603 et d'Harfleur 3430.
Au 12" Synode national qui se tint à Vitré en 11)85,
Guill. de Feugueray représentait Bacqueville.
Les Catholiques étaient mécontents des lenteurs de
Henri III qui, malade et sans postérité, n'avait que
Henri de Bourbon pour héritier. L'éventualité d'être
gouvernés par un hérétique les exaspérait et le parti
de la Ligue (ou 5a ////6' /////o//) fondé en 1S76, en ac-
quit une grande force
La Ligue, dont le Cardinal de Lorraine avait conçu
le plan au Concile de Trente, ne visait à rien moins
que soulever l'Europe catholique pour écraser l'Eu-
rope protestante. A cette époque l'union des Etats
catholiques l'eût permis. Qui oserait prétendre
qu'une telle coalition aurait, aujourd'hui, les mêmes
chances dç succès? Les Etgts protestants ont par-
— 77 —
couru une assez belle carrière depuis deux siècles.
En France, c'était Henri de Guise dit le Balafré qui
était l'âme de cette associationchaque jour plus puis-
sante. Mais il sut demeurer dans l'ombre jusqu'à ce
que Henri III se fût suffisamment fait mépriser. Le
fond de l'association était : assurance mutuelle entre
tous les membres de l'imion : obéissance absolue au
chef secret : engagement de tout sacrifier, corps et
biens, pour exterminer les hérétiques et rétablir fu-
nité catholique.
Les prêtres urétaient aux Protestants des projets
imaginaires pour exciter le racolement des ligueurs
et surexciter ceux qui étaient déjà de la ligue et les
porter aux pires excès. Ces provocations, répétées
dans tout le royaume, donnèrent une extension et
une popularité énormes à la Ligue. Henri III. subis-
sant l'entraînement général, y adhéra. Elle lui de-
manda de prononcer l'exhérédation du roi de Na-
varre au profit du cardinal de Bourbon. Henri, qui
savait ce que cela voulait dire, recouvra assez de
courage pour refuser. Il s'ensuivit une anarchie sans
nom. Les ligueurs publièrent des manifestes au nom
du cardinal de Bourbon et s'emparèrent par trahison
de beaucoup de villes importantes. N'ayant pas d'ar-
mée à leur opposer, Henri III fit la paix au détri-
ment des Protestants impuissants. Par cette paix, dite
de Nemours (7 juillet 1383), il promettait de leur ôter
jusqu'à la liberté de conscience. Les ministres eurent
un mois pour sortir du royaume, et les laïques de-
vaient, dans le délai de six mois, sous peine de con-
fiscation de biens et de mort, abjurer ou émigrer.
Le délai fut même bientôt réduit à 13 jours.
L'édit de Nemours parut devoir être rigoureuse-
ment exécuté, car le roi rejeta la requête des pauvres
femmes qui sollicitaient la grâce de vivre avec leurs
enfants dans quelque coin de la France que S. M.
-78-
désignerait. Sa Majesté promit seulement de les faire
transporter gratuitement en Angleterre. 11 y eut
même des femmes brûlées vives après le traité.
Cependant, sentant bien qu'il avait dans le parti cal-
viniste un contrepoids à la Ligue, Henri 111 ne vou-
lait pas l'écraser entièrement.
Cet édit fit reprendre le chemin de l'exil à beau-
coup de familles qui étaient rentrées en France à la
suite du précédent, et le fit prendre à un certain nom-
bre d'autres. Le pays de Caux fournit un fort contin-
gent d'émigrants, car. à ces motifs de fuite, s'en joi-
gnait un autre : la famine. En 1586, en effet, elle y
sévissait avec intensité et on savait que les pays de
refuge étaient dans l'abondance. On voyait dans ce
fait une indication de la Providence. A la vérité, le
mouvement d'émigration ne s'arrêta jamais tout à
fait sous les édits pacificateurs ; mais ce n'était plus
vers la Suisse qu'on se dirigeait. Pourtant, nous
voyons que Jacob Houdemare, fils de Robert Houde-
mare, tailleur d'habits à la Trinité-du-Mont, près de
Lillebonne, se présenta à l'église de Genève comme
arrivant de France, le i" mars i')8^.
Les registres primitifs de l'église de Criquetot s'ar-
rêtent à Tannée 1^85. Nous comprenons pourquoi:
sous Ledit de Nemours, il ne pouvait plus y avoir de
culte régulier.
Noël Regnet. dit de Lormeau, que nous avons
trouvé réfugié àGenève en i534,yavait faitdes études
théologiques et était rentré en France. La Saint-
Barthélémy le trouva pasteur à Lieurey d'où il s'en-
fuit en Angleterre. 11 rentra bientôt en France et
desservit les églises de Lindebeuf, Autretot, Luneray
et Bacqueville. En 1583. il était à Bacqueville. C'était
un ancien religieux du Couvent des Augustins de
Rouen.
CHAPITRE m
De l'Edit de Nemours à l'assassinat de Henry III
(1585-1589)
Voyant que Henri III manquait décidément de
vigueur, le pape Sixte-Quint, perdant patience, ful-
mina contre les Bourbons une excommunication
portant que Henri de Bourbon et le prince de Condé
étaient déchus de toutes leurs principautés, eux et
leurs héritiers, à jamais, comme hérétiques, relaps
et non-repentants. Le Béarnais répondit par une pro-
testation énergique dont voici le commencement :
« Henri, par la grâce de Dieu, roi de Navarre, prince
souverain de Béarn, premier pair et prince de France,
s'oppose à la déclaration et excommunication de
Sixte cinquième, soi-disant pape de Rome, la main-
tient fausse et en appelle comme d'abus à la cour des
pairs de France. Et en ce qui touche le crime d'héré-
sie, duquel il est faussement accuse par la déclaration,
il dit et soutient que Monsieur Sixte, soi-disant pape,
en a faussement et malicieusement menti, et que lui-
même est hérétique, ce qu'il fera prouver en plein
concile libre et légitimement assemblé... »
Huit ans après, l'auteur de cette déclaration cava-
lière était catholique parce qu'il avait fini par estimer
que Paris valait bien une messe.
La guerre recommença. Le prince de Condé reprit
le commandement d'une armée ; mais ayant voulu
lui faire passer la Loire en un endroit défectueux, il
la perdit aux portes d'Angers. Dans le Languedoc, le
— 8o —
duc de Montmorency renoua avec le parti calviniste.
Lesdiguières, à la tète des huguenots du Daup^iiné,
s'empara de plusieurs villes fortes. Le roi de
Navarre se maintint dans la Guyenne. Henri III le
ménageait. Catherine eût voulu le faire changer de
religion. Des entrevues eurent lieu à cette fin ; mais
les finesses de Titalienne échouèrent cette fois.
La guerre se poursuit sans actions marquantes jus-
qu'à la bataille de Coutras (20 octobre 1587) où il y
eut en présence s à 6000 hommes du côté protestant
et 10 à 12,000 du côte catholique. Mais quel contraste
entre les deux armées ! Les huguenots étaient mal
vêtus, mal équipés, mais aguerris : les catholiques
étaient tout soie et tout velours et portaient sur leurs
écharpes des devises de dames. La déroute de ceux-
ci fut complète. Le duc de Joveuse qui les comman-
dait fut tué et, avec lui, la moitié de l'armée. Ce dé-
sastre porta à son comble la colère de la Ligue con-
tre Henri III, et. dans un conciliabule, les docteurs
de Sorbonne proclamèrent qu'on pouvait ôter la cou-
ronne à un prince incapable. Tous les regards se
tournèrent vers le duc de Guise qui venait justement
de se faire supérieurement valoir en mettant en piè-
ces une armée de reîtres envoyée d'Allemagne au
secours des Protestants. Sa popularité devint im-
mense ; le pape lui envoya une épée bénite : on le
proclama partout le sauveur de Léglise. Dans une
assemblée à Nancy, il fut décidé, sur sa proposition,
qu'on demanderait au roi de publier les canons du
Concile de Trente et d'instituer la sainte Inquisition.
De l'enthousiasme des prêtres et du ueuple sortit la
journée des Barricades (12 mai is8S) où le duc de
Guise fut porté en triomphe cependant que le roi,
se sentant menacé, prenait la fuite sous un habit de
paysan et gagnait Chartres d'où il convoqua les Ktats
généraux à Blois. Quel était l'état de la Normandie à
cette époque ? Le président du Parlement de Rouen
va nous l'apprendre par les paroles qu'il dit à Henri
III lorsque, mandé par lui. il fut en sa présence
(juin 1586;, paroles qu'il consigna dans un écrit* :
«... Votre pays de Normandie est. de soy. si stérile,
qu'il ne produit rien de précieux et rare, dont ii
puisse accommoder ses voisins. De vin et pastel, il
n'y en a point ; de bled à grand peine pour nourrir
et substanter ceux du pays, quelque bonne année
qu'il y aye ; tant s'en fault que l'on en puisse trans-
porter dehors, lit toutes fois, il paie et est chargé du
tiers, voire presque de la moitié de tout ce qui se lève
sur le reste de vostre royaulme. sans que, jusques à
ce jour, il ayt manqué à payer tant les deniers ordi-
naires qu'extraordinaires. Cela ne peut procéder que
du trafic que Ton exerce avec les peuples voisins et
de l'industrie de vos sujets qui, pour l'obéissance
qu'ils ont vouée à ^'. M., s'efforcent de surmonter
par artifice ce que mesme la nature leur a dénié. Et
tant que ceste liberté du commerce leur sera conser-
vée, tant qu'ilz auront moyen de travailler, il ne fault
point doubter qu'ilz ne satisfassent gayement à ce
qu'ils scavent que vous leur demandez mesme à re-
gret... Sire, les trois plaies de l'une desquelles Dieu
irrité contre son peuple s'est contenté pour punir leur
faulte et se venger de leur désobéissance, sont toutes
trois respandues sur vostre pays de Normandie : la
peste en une infinité de paroisses; la famine, si grande
qu'au meilleur bourg et village on ne pourroit pas
trouver du pain en quatre des meilleures maisons.
Le reste des habitants est dispersé par les champs,
qui mendient et cherchent nourriture à plusieurs
pauvres enfants qu'ils traînent après eux... Quant à
la guerre, quoique nous n'en voyions pas l'horreur
1. — Manuscrit de Groul irt, BibUothèque pub. de Kouen,
n» 68.
— 82 —
et la cniautc. toutes fois, parla sympathie générale
de tout le corps, nous nous en ressentons à bon es-
cient, et le passage continuel des gens d'armes qui
vivent à leur façon accoutumée, nous en représente
la misère ; car. passant par les villages dénués, comme
j'ai dit à V. JM., ils achèvent de rendre gueux et men-
diants le reste des laboureurs... Si, avec toutes ces
calamités, on y ajoute une surcharge si excessive,
"V. M. doit croire qu'il faudra qu'ils succombent du
tout, sans espérance de ressource... Et nous, Sire, à
qui V. M, a daigné commettre une partie de vostre
province, serions très mauvais serviteurs et infidèles
subjetz, indignes de l'honneur que vous nous faictes,
si nous ne vous mettions devant les yeux Testât au-
quel nous sommes reduictz... » Ces paroles, on le
devine, répondaient à une demande royale d'impôts
excessifs. Trois ans après, le roi demandant de nou-
velles surcharges, Groulart se rend à la cour et dé-
peint à Henri III « le danger qu'il y avoit d'une sédi-
tion lorsque, de tous costez, les pauvres gens des
champs venaient quérir sur leur col du bled pour
leurs languissantes familles qui périssoient de faim ;
et, ayant, en la charte qu'il y avait, tiré jusques au
dernier denier, se voyant arrestez aux portes pour
payer un nouveau droict et n'ayant point d'argent,
avoient recours aux larmes et murmures ; les autres
apportant herbes et menues denrées, arrêtez à cha-
que coin de rue. ■• ?/
Devant les Etats généraux, presque entièrement
composés de ligueurs, Henri III eut beau protester
par serments qu'il voulait l'extermination de l'héré-
sie, on ne le crut plus. Le duc de Guise possédait seul
la confiance de l'assemblée, ce que voyant, Henri III
le fit assassiner (23 décembre 1388) par des gentils-
hommes, — car il s'en trouvait alors pour de telles
1. — Manuscrit précité.
- 83-
besognes. Après s'être assuré que son ennemi était
bien mort, il lui donna un coup de pied au visage et
descendit vers sa mère retenue au lit : '< Le roi de
Paris n'est plus, madame!» — «C'est bien coupé, mon
fils, répondit Catherine ; mais il faut coudre mainte-
nant. // Ce furent ses derniers mots historiques. Elle
mourut douze jours après, dédaignée des catholiques,
qui trouvaient sans doute qu'elle ne s'était pas suffi-
samment amassé d'indulgences par la Saint-Barthé-
lémy.
Le meurtre du duc de Guise creusa un abîme entre
la Ligue et Henri III. Soixante-dix théologiens de
Sorbonne, après avoir entendu la messe du Saint-
Esprit proclamèrent le peuple délie du serment de
fidélité. A la suite, dans les chaires, on prêcha ou-
vertement le régicide.
Se sentant repoussé de toute part et menacé dans
sa vie, Henri lil s'enferma dans Tours et tendit la
main aux Calvinistes qui tenaient campagne de l'au-
tre côté de la Loire sans objectif arrêté. En mars
1588, ils avaient perdu Henri de Condé, leur second
chef par le rang, le premier par la confiance qu'il
leur inspirait. Il avait ^4 ans. Les symptômes qui
précédèrent sa mort tirent croire a un empoisonne-
ment.
Parallèlement aux Etats Généraux se tenait, par les
Calvinistes, une assemblée politique à La Rochelle
où il fut décidé des règlements sur l'administration,
la justice, les finances, la levée des soldats, la disci-
pline, en un mot sur tout ce qui pouvait sauvegar-
der les intérêts du Darti. Avant de se séparer on pré-
senta une requête au roi. le priant de rétablir Ledit
de janvier.
Aussitôt qu'il eut appris la mort du Balafré, le
Béarnais adressa un manifeste aux trois ordres (no-
blesse, clergé, tiers-état dans lequel il protestait de
-84-
sa fidélité au roi et conviait tous les français à des
sentiments de paix et de concorde. 11 concluait ainsi :
« Nous avons été quatre ans ivres, insensés, furieux.
N'est-ce pas assez ? Dieu ne nous a-t-il pas assez frap-
Dés les uns et les autres pour nous rendre sages à la
fin et pour apaiser nos furies ? >/
Henri III et Henri de Navarre avaient tous les deux
intérêt à se rapprocher ; mais c'était à qui ne ferait
pas les premiers pas. Henri III avait lieu de craindre,
s'il faisait des avances, qu'on l'accusât de pactiser
avec les huguenots. Enfin, le 30 avril 1389, ils eu-
rent, au château de Plessis-les-Tours, une première
entrevue qui rompit la glace. Dès lors, les affaires de
Henri III prirent meilleure tournure. Les ligueurs
furent, en efifet, battus dans plusieurs rencontres.
Une armée de 42,000 hommes, commandée par le
roi, s'avança presque assez près de Paris pour y don-
ner l'assaut. Le duc de Mayenne n'avait que 8,000
soldats découragés. Les meneurs de la Ligue et les
prêtres étaient atterrés. Les Réformés, au contraire,
souriaient à un avenir plein de promesses et tel qu'ils
n'en avaient pas encore entrevu d'aussi favorable,
lorsqu'un dominicain, Jacques Clément, vint tout
renverser en poignardant à mort Henri III (10 août
i'^89).
Quelle fin pitoyable fut celle des Valois ! Fran-
çois I" eut une mort honteuse ; Henri II succomba
à une blessure reçue dans un tournoi; François II
n'atteignit pas l'âge d'homme ; Charles IX expira
dans les convulsions d'une maladie inconnue ; le duc
d'Alençon finit dans la débauche et Henri 111 mourut
assassiné !
La cour était un cadre digne de tels princes. On y
était bassement superstitieux et d'une dégradation
de mœurs indicible. La magie y était en honneur.
Les princesses elles-mêmes y menaient une vie im-
8s
monde. Les grands seigneurs n'étaient pas d'un ni-
veau moral plus élevé. Ils avaient des assassins et des
duellistes à gages qui s'entrecoupaient la gorge par
passe-temps ou pour des choses futiles, sans re-
mords, sans pitié, et l'on pouvait aussi aisé-
ment se procurer l'adresse d'un assassin de profession
ou d'un empoisonneur à forfait qu'on peut avoir au-
jourd'hui celle d'un frotteur ou d'un masseur. Et le
clergé ne fulminait pas contre de pareils désordres !
Est-il rien qui montre mieux à quel abaissement l'i-
dée chrétienne était tombée et combien elle avait
besoin d'éti'e réhabilitée? Et ce fait que le domini-
cain régicide fut présenté dans toutes les chaires
comme le saint martyr de Jésus-Christ ne le met-il
pas en évidence? On alla même jusqu'à placer son
portrait sur certains autels avec ces mots : saint Jac-
ques Clément, priez pour nous ! Et quand sa mère
vint à Paris, les moines lui appliquèrent cette parole
évangélique : « Heureux le sein qui t'a porté et les
mamelles qui t'ont allaité. » Et le pape Sixte-Quint
déclara en plein Consistoire que l'action de Jacques
Clément était comparable, pour le salut du monde,
à l'incarnation et à la résurrection de Jésus-Christ^.
Nous avons dit quelle était la situation misérable,
au point de vue matériel, des normands en général
et des cauchois en particulier, pendant que se dérou-
laient ces événements ; mais, à partir du 9 février
1589, date où Rouen était tombé au pouvoirdes Li-
gueurs, les protestants cauchois durent éprouver la
répercussion de cette victoire de la Ligue. En tout
cas, les protestants rouennais qui avaient pu s'échap-
per et s'étaient réfugiés dans les campagnes y semè-
rent l'épouvante et firent reprendre à beaucoup le
chemin de l'exil. A Montivilliers, chef lieu d'élection,
un grand nombre de gentilshommes ayant refusé de
1, — Chateaubriand, Etudes historiques, IV, p. 371,
I
— ,S6 —
prêter serment à la Ligue, celle-ci en inféra qu'il
y avait un ferment de huguenotisme là-dessous. Elle
se mit donc à rechercher les religionnaires. et ceux
qu'on trouvait étaient forcés d'abjurer publiquement,
puis de faire amende honorable, à genoux, la torche
au poing, pendant la grand'messe, dans l'église
St-Sauveur de xMontivilliers, après quoi on les dévê-
tait et on les fouettait de verges sur les places et mai"-
chés, et si, sous huit jours, ils n'étaient pas décidés à
aller à la messe, ils devaient sortir du royaume. Et
ceux qui ne se soumettaient pas étaient condamnés
au dernier supplice. Exemple : le nommé Voulard.
de Montivilliers. qui fut pendu « pour crime d'héré-
sie et estre pertinax dans son opinion et n'avoir voulu
faire profession de la religion catholique, apostoli-
que et romaine. » Pour ce qui est des gens qu'on
suspectait, leur vie était épiée, et, ainsi, beaucoup
furent découverts qu'on mît au carcan, fouetta et
bannit « pour avoir esté surpris dans le caresme et
jours d'abstinence faisant cuire ou mangeant des
aliments gras. >/
Les abjurations, les amendes honorables et les fus-
tigations publiques se virent aussi en grand nombre
devant l'église de Caudebec et celles de cent autres
lieux K
çJfiS
1. — Floqnet, Histoire du Parleme)it de Xonnandie, t. III,
p. 340-41.
CHAPITRE IV
Guerre du Béarnais contre la Ligue.
Conversion et avènement de Henri IV.
Promulgation de l'Edit de Nantes.
(1089-1598)
Dans la guerre qui va éclater entre Henri IV et la
Ligue, la religion n'est que la cause secondaire.
Trente ans plus tôt, l'avènement au trône d'un prince
protestant eût probablement amené la domination
de la Réforme en France; mais en 1=^89 les circons-
tances étaient différentes : les meilleurs des hugue-
nots étaient tués ou partis. Comme lieutenant de
Henri III, le roi de Navarre eût pu dicter ses condi-
tions ; comme roi, il dut subir celles des catholiques.
Il avait à redouter leur désertion, tandis qu'il ne crai-
gnait rien de la part de ses coreligionnaires conver-
tis maintenant à l'idée de deux religions vivant en
paix côte à côte. Aussi fit-il peu pour les siens et
beaucoup pour les autres. En politique on contente
ses ennemis au détriment de ses amis. C'est une né-
cessité à laquelle les grands caractères ne sauraient
toutefois se résigner.
Les catholiques demandèrent à Henri IV, par
l'entremise du marquis d'O, un ancien mignon de
Henri III, de rentrer dans la communion romaine
s'il voulait qu'ils lui prétassent serment de fidélité.
Il refusa. Mais après de longs pourparlers, il promit
de se faire instruire dans le délai de six mois. Cette
promesse fut entendue sous deu\' sens ; les catholi-
— 88 —
ques y voyaient rengagement de se convertir, et les
protestants celui de seulement examiner à nouveau
les points controversés. A la vérité, il s'en remettait
aux événements.
Au bout de quelques semaines, son armée se trouva
réduite à presque rien (7000 hommes au plus; ce qui
l'obligea à se replier sur Rouen, où il la reforma. 11
resta peu de catholiques dans ses rangs. Les chefs
calvinistes furent plus fidèles.
Nous allons entrer dans plus de détails maintenant
que Henri IV va opérer dans le pays de Caux.
Grâce au gouverneur de Chastes, homme juste et
sage, qui, quoique catholique, tenait pour le Béar-
nais, Dieppe fit la paix confessionnelle et décida de
résister à farmée de la Ligue. En vertu de cette dé-
cision, les hommes valides de 18 à 50 ans se réunirent et
s'organisèrent en compagnies. Ils formaient un corps
de 3 à 4000 soldats. Cette attitude virile de la ville
inspira confiance à des gentilshommes du pays de
Caux des deux religions qui tenaient aussi pour le
Béarnais, et ils vinrent s'enfermer dans Dieppe avec
leurs familles. Il y avait parmi eux les sieurs de Ra-
vetot (Raflfetot), de Boudeville, de Longueil et d'En-
traville. Des escarmouches eurent lieu entre les
dieppois et des partis de ligueurs à Offranville, à
Auffay, où l'église fut pillée, et à Bourg-Dun, qui fut
pris. Les dieppois s'emparèrent aussi du château
d'Arqués, mais par ruse, et poussèrent des reconnais-
sances jusqu'à Saint-Vigor, I:u et même Neuf-
châtel.
Le duc de Mayenne qui comniandait l'armée de la
Ligue, forte maintenant de 30,000 hommes, crut qu'il
aurait vite fait de réduire la petite armée du Béar-
nais. Il se mit en route pour la rejoindre.
Le 25 août 1^89, Henri IV, quittant le gros de son
armée ta Darnétal, vint à Dieppe avec une escorte
-89 -
de =)Oo cavaliers, y reçut du gouverneur et des habi-
tants l'assurance d'un complet dévouement à sa cause,
et visita les défenses de la ville. Ce qui réjouit sur-
tout les religionnaires c'est qu'il fit prêcher publique-
ment dans la maison où il logeait et qui n'était autre
que celle du fameux armateur Jean Ango. Il repartit
pour Rouen le 29. Il voulait assiéger, mais l'arrivée
de Mayenne l'obligea à modifier ses plans. Il vint
établir son camp entre Arques et Dieppe et v attendit
l'ennemi avec ses 3000 suisses, ses 3000 arquebusiers
français et ses 1400 cavaliers.
Mayenne s'étant approché de Martin-Eglise dans
l'intention évidente d'attaquer Dieppe par le Pollet,
Henri IV y courut et fit construire par les habitants
deux forts sur les hauteui s du Pollet. Il y plaça =^00
hommes et les dieppois disponibles. Mayenne divisa
son armée en deux corps et en envoya un contre le
Pollet. Henri se mit à la tète de la défense et soutint
si bien le choc que les adversaires, après un jour et
une nuit d'inutiles efforts, se replièrent, laissant 300
des leurs par terre, sur le 2^ corps a. Martin-Eglise. Il
fit passer à ses troupes la rivière qui sépare Arques
et Martin-Eglise et. se mettant à leur tète, fonça sur
les premières lignes qu'il parvint à forcer. Heureuse-
ment, le maréchal de Biron survint et fit repasser la
rivière aux assaillants en telle confusion qu'il fallut
cinq jours à l'armée catholique pour se reformer.
Le 22 septembre, à minuit, un épais brouillard favo-
rable à une surprise s'étant levé, Mayenne fit repasser
en sourdine la rivière à son armée. Mais on veillait
dans le camp adverse: cela remit le combat au matin.
Il s'engagea à la première heure, vigoureusement
mené des deux côtés. Le succès se dessinait en faveur
des royaux lorsque les lansquenets allemands de l'ar-
mée de la Ligue usèrent d'un stratagème perfide : Ils
se déclarent protestants et demandent h passer du
— 90 —
côté du roi. Les suisses royaux, les prenant au mot,
ouvrent leurs rangs. On voit ce qui eut lieu. A peine
introduits, ils tournent leurs armes contre les suisses
trop confiants, cependant que deux escadrons, sortis
de la forêt voisine, arrivent à toute vitesse pour leur
aider à se rendre maîtres des retranchements, ce à
quoi ils parviennent bientôt. Ce coup, si bien ima-
giné, si habilement mené et si complètement cou-
ronné de succès eût changé la confusion de l'armée
royale en déroute si Mayenne se fût hâté de soutenir
ses rusés lansquenets. Mais il n'arriva pas tout de
suite, etce retard permit au subtil Béarnais de se res-
saisir et de rallier ses troupes en désarroi. Chatillon
accourt avec deux régiments d'infanterie française
en s'écriant: « Courage ! Sire. Nous voici pour mour-
rir avec vous I // 11 charge si impétueusement que
bientôt toutes les tranchées sont dégagées. Biron
ramène les suisses qui, pour racheter leur naïveté,
font des prodiges. Le moment est solennel. Le roi,
qui se tient à la tète de la réserve, donne l'ordre à
l'aumônier Damours d'entonner le psaume LXVIII.
Le ministre obéit, et les soldats, se mettant tous à
chanter cet hymne des batailles qui les électrise,
se jettent furieusement dans la mêlée. Juste à ce
moment le brouillard se dissipe et les canons du châ-
teau peuvent enfin coopérer à l'action, ce qui fait des
trouées dans les rangs des Ligueurs qui reculent en-
fin. Mais la nuit est arrivée et Mayenne fait sonner
la retraite. Le combat cesse. Il y avait 800 morts sur
le champ de bataille, dont 600 du côté de la Ligue.
Du côté des Royaux, Charles Martel, seigneur pro-
testant de Bacqueville, qui s'était comporté vaillam-
ment, fut blessé d'un coup de lance à la jambe et
mourut quelques jours après.
Henri IV rentra dans Dieppe pour y organiser la
défense, car il s'attendait à une nouvelle attaque,
— 01 —
Il ne se trompait pas. Trois jours après, en effet (26
septembre), Mayenne reparaissait avec 2s, 000 hom-
mes et faisait prendre position à son artillerie sur une
éminence à Saint-Pierre-Epinay, et se mettait à
canonner la ville à moins d'un quart de lieue.
Dieppe y répondit par les batteries disposées au Mont-
de-Caux et a la Tour du Pigeon. Le lendemain, l'en-
nemi s'étant de plus en plus rapproché, un marin
dieppois soumit une ingénieuse idée au roi, qui l'ap-
prouva : celle de l'artillerie volante. Quatre cents
cavaliers, cinq cents suisses et cinq cents arquebu-
siers sortirent avec quatre pièces de canon. Lorsque
ces troupes eurent pris contact avec les Ligueurs, el-
les s'écartèrent brusquementpour découvrir les pièces
de canon placées derrière elles. Le stratagème fit
merveille et, répété plusieurs fois, finit si bien par
démoraliser l'ennemi qu'il jeta ses armes et s'enfuit
précipitamment. Ce même jour un renfort de ^o che-
vaux et de 1200 écossais arriva aux Royaux. Henri IV
en profita pour aller surprendre et enlever un corps
de ligueurs à Bouteille. Ces encouragements répétés
décidèrent Henri IV à offrir bataille à Mayenne re-
tranché à Janval. Mais une reconnaissance préalable
lui avant montré que la position des ennemis était
très forte, il jugea prudent d'attendre, pour prendre
l'offensive, Larrivée des 4000 hommes et des muni-
tions envoyés par la reine d'Angleterre. Le lende-
main, ce renfort débarquait. Mayenne, qui en fut
averti au moment où il venait d'apprendre que les
ducs de Longueville et d'Aumont amenaient des
troupes au Béarnais, jugea que sa position pouvait
devenir critique, et, levant le camp, se dirigea vers
les Flandres à la rencontre du duc de Parme, en vue
de négocier avec lui une participation à la campagne
contre les Royaux.
Henri IV resta h Dieppe jusqu'au 21 octobre, jour
— 92 —
où il se mit en route sur Paris ayant avec lui 3000
chevaux, 14 canons et 20,000 hommes.
Mayenne apprenant cette marche sur la capitale
se mit en devoir de l'arrêter. Les deux armées se
trouvèrent en face l'une de l'autre dans la plaine d'I-
vry. Henri IV levant les yeux au ciel au moment où
la lutte commençait, prit Dieu à témoin de son droit.
« Mais, Seigneur ! s'écria-t-il, s'il t'a plu en disposer
autrement, ou que tu voies que je dusse être de ces
rois que tu donnes en ta colère, ôte-moi la vie avec
la couronne, et que mon sang soit le dernier de cette
querelle 1 » Il y a là un si noble élan qu'on ne peut
douter qu'il ne fut sincère. Le Béarnais gagna la ba-
taille, mais n'en fut guère plus avancé. II n'y avait
point d'Etat légal. Les parlements pouvaient tou-
jours décréter les protestants de prise de corps, les
juger et les condamner au bannissement ou à la peine
capitale, et plusieurs, parmi lesquels ceux de Tou-
louse et de Rouen, n'y manquaient point.
Plusieurs protestants influents se plaignirent de
cette situation. Voyant qu'ils n'étaient pas écoutés,
ils proposèrent, dans une assemblée à Saint-Jean-
d'Angely, de choisir un autre protecteur de l'église.
Henri IV en fut blessé ; mais le fidèle Duplessis-
Mornay, le plus beau caractère que la Réforme eût
produit en France depuis Coligny. lui fit de vigou-
reuses remontrances. « Quoi ! on ne veut pas révo-
quer authentiquement leséditsde proscription et l'on
conseille aux Réformés d'être patients ! Ne Tont-ils
pas été depuis ^o ans ? Et le service du roy exige-t-il
qu'ils soient patients dans les choses de cette nature?
Les enfants ne seront-ils plus baptisés ? Les mariages
ne seront-ils plus bénis? Chaque heure de retard
amène des troubles et des souft'rances. Si trois famil-
les prient ensemble pour la prospérité du roy, si un
artisan chante un psaume dans sa boutique ou qu'un
— 93 —
libraire vende une bible en français, voilà des arrêts
de persécution I Les juges répondent que la loi est
ainsi. Eh I bien, la loi doit être changée. A de tels
maux, il faut de tels remèdes. >/
Henri IV comprit que le péril serait double s'il
n'accordait rien, et il fit adopter dans son conseil en
juillet IS91 un édit de tolérance connu sous le nom
d'Edit de Mantes, qui établissait les protestants dans
Tétat où ils étaient en 1577. C'était maigre !
Pendant les années 1590-91-92-93, des partis de li-
gueurs ne cessèrent de parcourir les campagnes du
pays de Caux et du pays de Bra}'. Les braves dieppois
leur firent la chasse et, dans bien des cas, arrêtèrent
leurs déprédations. Nous voyons qu'ils reprirent
Grainville, près de Goderville, sur le maréchal de
Vilars.
Les registres secrets du Parlement disent, à la date
du 15 mai 1S90, que l'état de la Normandie était tel
qu'on ne voyait partout que villages brûlés, scènes
de meurtre et d'incendie, de viol et de pillage, et que
la foi était devenue le prétexte de toutes ces violen-
ces et séditions. Ils parlent évidemment des excès
des ligueurs puisqu'à la date du 26 février précédent,
ces mêmes registres disent :
« Ils (les ligueurs) s'abandonnent à toutes les vio-
•r lences, pillant et ravageant les lieux sainctz, cons-
» tituant prisonniers indifféremment les prebtres et
'< paouvres villageoys, les contraignantz par supplices
« et tourments exquis et non oys entre les chres-
'< tiens, de leur payer des rançons excessifves, pre-
« nant et emmenantz leurs chevaulx, bestiaux, har-
« nays, mettant le feu aux maisons des champs, et le
•r pays enfin réduict à telle extrémité que la plupart
<< des terres demeurent en friche, les villages sans
» habitans, tout ainsi que s'ils eussent esté au milieu
« des terres des turcz et des barbares ; montrant, les
— 94 —
« dictz ligueurs, qu'ilz n'estoient conduictz et menez
« que par Tange destructeur envoyé de Dieu pour pu-
« nir nos faultes et offenses K >/
On jugera par le trait suivant combien le fana-
tisme était haineux alors : Au siège de Rouen, les
morts ayant été enterrés péle-mèle, les prêtres firent
déterrer les huguenots et jeter leurs corps en pcàture
aux bétes des champs !
En 1392, après avoir échoué dans sa tentative de
reprendre Rouen, Henri IV parcourut le pays de
Caux. Nous n"avons pas de détails sur cette marche
en sens divers qui dut appauvrir les populations cau-
choises, tout en redonnant confiance à la partie pro-
testante de ces populations.
La Ligue s'affaiblissait ; mais elle suppléait au nom-
bre décroissant de ses membres par un redoublement
de violences. Elle avait appelé, pour se renforcer,
des soldats espagnols et napolitains, et ses prédica-
teurs demandaient journellement des tètes par mil-
liers. Jean Boucher, prieur de Sorbonnc, disait qu'il
fallait tout tuer, et l'évéque Rose : qu'une saignée
rose comme celle de la Saint-Barthélémy était encore
nécessaire. Sur ces entrefaites, le pape Grégoire XW
envoya des monitoires aux catholiques de France
menaçant de « grieves peines » ceux qui avaient
prêté serment de fidélité au Béarnais. Ces bulles fu-
rent déclarées scandaleuses et contraires au droit de
l'église gallicane par les Parlements de Tours et de
Châlons, qui les firent brûler par la main du bour-
reau. On voit que l'unité catholique était loin d'être
un fait accompli et que ce qu'on a appelé les libertés
de l'église gallicane n'était pas un mot vide de sens.
Ces libertés, qu'on le sache bien, venaient de lacons-
titution primitive et non d'un empiétement sur l'au-
1. — Floquet, Hist. du Parlem. de iSormandie, t. III,
p. 601.
— t)S —
torité du pape, lequel, du reste, ne Taurait jamais
permis.
Les six mois que Henri IV avait demandés pour
s'instruire étaient depuis longtemps écoulés, eton
n'entendait parler de rien. C!!eux qui, escomptant sa
conversion, s'étaient attachés à sa fortune le pressaient
d'abjurer. La plupart étaient disposés à se contenter
de la forme. Il suffisait pour eux qu'il voulût bien
faire acte de présence à la messe, le peuple étant
disposé à croire le roi devenu bon catholique sous
cette apparence. Le peuple a-t-il changé, et n'est-on
plus bon catholique à aussi bon compte ?
L'ecclésiastique qui avait été choisi pour l'instruc-
tion religieuse était l'abbé Duperron. fils d'un ancien
pasteur de Dieppe. Ce fut surtout par la politique
qu'il eut de l'empire sur la raison du roi dont la
volonté avait faibli depuis qu'il comprenait que les
difficultés seraient moins grandes pour lui s'il deve-
nait catholique.
Il y avait bientôt quatre ans que les six mois
étaient écoulés, et les affaires n'avançaient guère. Il
n'y aurait eu que Sully, la chose eût moins traîné, car
il insinuait qu'il valait mieux se convertir puisque les
calvinistes avouaient qu'on peut se sauver hors de
leur communion tandis que les catholiques affirment
que hors du catholicisme il n'y a pas de salut. Mais
Duplessis-Mornay était un trop grand caractère pour
qu'on allât brusquement à l'encontre de ses conseils
qui étaient de recommencer le colloque de Poissy.
Henri IV l'approuva plutôt des lèvres que du cœur
et l'engagea à choisir ses champions. Mais les politi-
ques qui savaient quelle influence Duplessis-Mornay
avait sur le roi supplièrent celui-ci de s'en défaire.
^lornay survint juste au milieu d'un de ces concilia-
bules, et voici comment il finit l'apostrophe que cela
arracha à son indignation : « ... Vous voudriez que je
lui conseillasse d'aller à la messe. Vous lui faites tort
de croire qu'il en fit rien pour cela. De quelle cons-
cience le lui conseillerais-je si je n"y vais pas le pre-
mier ? Et quelle religion si elle se dépouille comme
une chemise ! »
Mornay avait une trop bonne opinion de son maî-
tre, car on n'en annonça pas moins bientôt la conver-
sion comme imminente. Les protestants en furent
consternés. De Feuguerey, à ce moment pasteur à
Dieppe, dépeint ainsi, dans la lettre qu'il écrivit le
i" juillet 1=^93 à Burghley, ministre delà reine d'An-
gleterre, l'émotion qu'elle causa : « Vous ne pouvez
« ignorer de combien de perplexités et angoisses se
« trouvent réduits une infinité de pauvres âmes par
« toutes les églises réformées de France sur ce chan-
« gement de religion auquel on veut forcer Sa Ma-
'< jesté très chrétienne. Ne doubtons nullement, vu le
« zèle que vous avez fait paraître à l'avancement et
« conservation de la pure religion, que ne recher-
<■< chiez les moyens de rompre et empescher un si
« pernicieux dessein. Néanmoins, notre debvoir nous
« a incités envoyer ce porteur, le sieur Baudoin, pour
« vous supplier très humblement et Sa Majesté d'em-
« ployer ce que vous estimerez convenable pour des-
« tourner cet orage et empescher une si grande cala-
« mité qui menace toutes les Eglises par un si perni-
« cieux exemple qui se puisse voir au monde... ^ »
Trois semaines après, le 22 juillet, Henri IV abju-
rait en l'église de St-Denis sans avoir consenti à en-
tendre les théologiens protestants. Il dit plus tard
pourquoi : C'eût été leur donner tort puisque sa ré-
solution d'abjurer était irrévocable, ce qui nous est
confirmé par ces mots d'un billet qu'il adressa à Ga-
brielle d'Estrées : « Je commence ce matin à parler
1. — Record office. State Paper. France, vol. CVIII.
— 97 —
« aux évêques. Ce sera ce matin que je ferai le saut
<< périlleux. »
L'abjuration de Henri IV n'eut pas pour effet im-
médiat de ramener les Ligueurs à l'obéissance, le légat
du pape prétendant qu'à sa sainteté Scîule appartenait
le droit de réconcilier un excommunié avec l'église,
et les états généraux de la Ligue ayant juré de n'obéir
qu'aux décret du Saint Siège. Boucher prêcha neuf
sermons pour montrer que la conversion du Béarnais
n'était qu'une comédie et tous les prêcheurs de la
faction des sci{e poussèrent ouvertement au régicide.
Aussi y eut-il des tentatives d'assassinat contre le
roi : celle de Jean Barrière en iSQi. et celle de Jean
Chatel l'année suivante.
Dans notre région comme; dans toute la Normandie,
la conversion eut pour résultat plus ou moins pro-
chain la soumission des villes qui tenaient pour la
Ligue. Quelques-unes, entre autres Fécamp, eurent
besoin d'être reprises, et pour Fécamp, notamment,
Henri IV prêta son concours sollicité par Bois-Rosé.
C'est à cette occasion qu'il passa parBolbec, Crique-
tot, Gonneville et Etretat.
Un édit spécial fut donné pour Rouen, le Havre,
Montivilliers, Pont-Audemer et Verneuil qui venaient
de rentrer dans l'obéissance. Cet édit, enregistré le
26 avril 1=^94, portait :
'< i" 11 n'y aura aucun exercice d'autre religion que
'< la catholique en la ville et vicomte de Rouen, ville,
" faubourg et banlieue du Havre... places qui se sont
'< remises à notre obéissance, pour quelque personne
« et occasion que ce soit.
"< 2" Il n'y aura semblablement aucuns juges et of-
'■< ficiers qui ne soient catholiques, et ce jusqu'à ce
« que par nous en ait été ordonné autrement. »
Les chefs de la Ligue, ayant perdu l'espoir de vain-
cre à présent qu'ils voyaient que la mnsre tenait pour
-98-
bonne la conversion du roi, ne songèrent plus qu'à
se vendre le plus cher possible. Il en coûta des som-
mes énormes à Henri W , et les réformés furent pres-
que partout sacrifiés. Ainsi l'e.xigeait Ycsprii nou-
veau de la lin du XVI"' siècle.
Beaucoup de villes n'acceptèrent de se soumettre
que sous la condition que le prêche des huguenots
serait banni de leur enceinte et des faubourgs. Paris,
plus exigeant, fit étendre l'interdiction à dix lieues
de ses portes. Le roi résistait bien un peu, mais il cé-
dait toujours. On se défiait de lui au point de l'épier
et de l'obliger à se cacher pour serrer la main aux
fidèles serviteurs qui avaient défendu sa cause au pé-
ril de leur vie.
Mais si les meneurs catholiques ne croyaient pas à
la sincérité de sa conversion, les protestants, en
voyant qu'il multipliait ses faveurs et ses gages en-
vers le catholicisme, crurent bon de recommencer à
parler d'un nouveau protecteur, ce qui le fit protester
énergiquement et déclarer qu'il était un suffisant pro-
tecteur de ses sujets, à quoi Duplessis-Mornay opposa
les paroles suivantes : « Voyez, Sire ! par quels de-
« grés on vous conduit à la messe ! Ceux qui sont
« crus d'un chacun ne pas croire en Dieu vous ont
« fait jurer les images et les reliques, le purgatoire
« et les indulgences... Vos sujets savent que l'abso-
« lution ne peut être sans pénitence.... Le pape, au
« premier jour, vous enverra l'épée sacrée et vous
« imposera la loi de faire la guerre aux hérétiques,
« et sous ce nom comprendra les plus chrétiens et
« les plus loyaux des français. »
Duplessis voyait juste. A quelques jours de là, en
effet, Clément VIII demanda pour prix de son abso-
lution l'abrogation desédits de tolérance, l'exclusion
des hérétiques aux charges et fonctions publiques et
la promesse de les exterminer aussitôt que la paix
— 99 —
serait conclue entre la Ligue et l'Espagne. Cette fois
c'en était trop. Le Béarnais qui. s'il était léger et in-
constant, n'était pas un ingrat, se révolta. Mais Rome
était rompue aux comhiiiationc. Au moyen de termes
équivoques on put s'entendre, et le i6 septembre
mq^ les deux ambassadeurs de Henry IV se mirent à
genoux sous le portique de Saint-Pierre et reçurent
pour leur maître, à chaque verset du miserere, un
coup de baguette sur les épaules.
Le roi s'était rebellé contre les exigences pontifica-
les, mais les réformés n'en continuaient pas moins à
ne recevoir que de bonnes paroles et l'assurance se-
crète qu'il se fiait plus à eux qu'aux autres (cela nous
le croyons sans peine'. Aussi perdirent-ils patience
et se décidèrent-ils à pourvoir eux-mêmes a leurs af-
faires. A cet effet, ils convoquèrent des assemblées
politiques. La première eut lieu i Sainte-Foy en mai
i=,<)4. Ces assemblées se composèrent au début de
dix députés, la France avant été divisée en dix cir-
conscriptions et chaque circonscription nommant un
député. Ces dix députés formaient le conseil général.
Comme les Etats généraux, ce conseil se divisait en
trois ordres : noblesse, tiers-état, clergé, les deux
premiers ordres avec chacun quatre membres et le
deuxième avec seulement deux. Bientôt on porta le
nombre des députés à trente en triplant le nombre
dans chaque ordre. Le rôle de ce conseil, qui se re-
nouvelait par moitié tous les six mois, était de main-
tenir la concorde entre tous ceux de la religion, de
lever les deniers votés pour les besoins de la cause
et de veiller sur les garnisons des villes de sûreté.
Evidemment, ce conseil était un état dans LEtat :
mais le dogme intolérant de l'absolutisme catholique
ne mettait-il pas les huguenots hors l'état et ne les
assimilait-il pas à des étrangers, — à des ennemis plu-
tôt, car les étrangers étaient respectés dans leurs
— 100 —
croyances? Le pape ne demandait-il pas leur exter-
mination ? Et Henri IV, au moment du sacre, n'avait-
il pas dit, — et c'était un minimum, car la formule
avait été adoucie : — « Je tâcherai en mon pouvoir
de bonne foi de chasser de ma juridiction les héréti-
ques dénoncés par l'église. »? L'autorité publique
avait-elle cessé d'attaquer et de condamner les réfor-
més comme des malfaiteurs de grand chemin ? Cet
état dans l'Etat était légitime, car là où la conscience
est opprimée rien n'est injuste qui tend à briser cette
oppression, la plus abominable de toutes. Et puis, la
Ligue n'avait-elle pas, elle aussi, formé un état dans
l'Etat qui se proposait un but diamétralement opposé ?
Le conseil du roi, qui avait cru le parti réformé
effondré, n'apprit pas sans surprise la résolution de
l'assemblée de Sainte-Foy, et lorsqu'il vit, à la suite,
l'attitude résolue des huguenots, il jugea prudent de
composer. Le roi feignit le mécontentement, aimant
mieux, au fond, les assemblées politiques qu'un pro-
tecteur qui eût probablement conseillé l'action.
Sans les assemblées politiques, l'Edit de Nantes
n'aurait jamais été agréé par le conseil ni enregistré
par les parlements. Et puis, ces assemblées plurent
secrètement au roi parce qu'il put se prévaloir des
menaces permanentes qui en résultaient, pour oc-
troyer l'acte de justice qu'en son for intérieur il dé-
sirait accomplir en faveur de ses anciens coreligion-
naires, qu'il aimait davantage au fur et à mesure que
ses nouveaux frères se faisaient mieux connaître de
lui.
Les négociations qui aboutirent à l'Edit de tolé-
rance durèrent trois ans (i595-i'j98), au cours des-
quels la persécution continua, violente ou tracassière,
au grand jour ou dans l'ombre, suivant les endroits.
En 1^95, à la Châtaigneraie, 200 personnes de tout âge
furent lâchement égorgées par des ligueurs pendant
— roi —
qu'elles étaient au prêche. C'était un nouveau mas-
sacre de Vassy. Il indigna jusqu'aux conseillers du
roi les plus hostiles à la tolérance ; mais cette indi-
gnation n'adoucit pas le régime sectaire, car il se
commit encore beaucoup d'injustices et de violences
contre les réformés sans que la justice s'en émut.
C'est ainsi que, tandis qu'on s'acheminait vers l'Edit
de tolérance, des fidèles étaient maltraités, lapidés ou
jetés à l'eau au retour des piéches, que des coups de
canon étaient tirés contre les assemblées, que des
enfants étaient enlevés ou baptisés de force par des
prêtres empressés à cette honteuse besogne, que les
villes d'otages étaient enlevées ou démantelées, que
des exhumations étaient commises et que l'exclusion
des charges publiques était plus complète que ja-
mais.
L'année 1596 vit la fondation de l'église de Senitot
sur la terre de M. de Brachon, sieur de Bévilliers,
sise commune de Gonfreville-l'Orcher. ^
Très peu de temps après l'ouverture de ce lieu de
culte on s'aperçut qu'il ne pouvait suffire aux réfor-
més du Havre et des 62 paroisses les plus voisines. Et
puis, il y avait des difficultés très grandes pour réunir
du monde dispersé sur une telle étendue et dont Se-
nitot n'était pas le centre. C'est ce qui porta M. de la
Motte-Muys à organiser une section à Criquetot, à
quatre lieues de là, comprenant cette paroisse etTur-
retot, Gonneville, Anglesqueville, Angerville, Le
Tilleul, St-Jouin et St-Martin-du-Bec, dont il confia
la charge à ^L Elle Boucherot.
Dans les plaintes que les églises réformées crurent
devoir faire entendre au roi en 1597, nous lisons :
« Il n'est pas temps, nous dit-on, de nous accorder un
« édit 1 Encore ! ô bon Dieu ! après 35 ans de persé-
1. — Aujourd'hui, ce m^iuoir, qui date de la Renaissance,
est une simple ferme.
« cutions, 10 ans de bannissement par les édits de la
« Ligue, 8 ans de règne du roi. 4 ans de poursuites !
« Nous demandons un édit à V. M. qui nous fasse
« jouir de tout ce qui est commun à tous vos sujets.
« La seule gloire de Dieu, la liberté de nos conscien-
« ces, le repos de l'état, la sûreté de nos biens et de
« nos vies, c'est le comble de nos souhaits et le but
« de nos requêtes. /,
Le roi et son conseil s'ingénièrent à temporiser
encore et toujours. Mais des dangers surgissaient
contre l'état : les espagnols devenaient menaçants, et
beaucoup de protestants étaient résolus à ne pas tirer
l'épée pour un roi qui les abandonnait. Tout cela
joint à la revendication, par quelques esprits, delà
liberté de conscience, fit enfin octroyer, au mois d'a-
vril 1^98, l'ordonnance qui reçut le nom d'Edit de
Nantes parce qu'elle fut publiée h Nantes. Cet édit,
dont le préambule portait que Dieu est adoré et prié
par tous les français dans la même intention sinon
dans la même forme, était déclaré perpétuel et irré-
vocable.
Voici, aussi ramassé que possible, le résumé de ce
que cette charte mémorable accordait aux Réformés :
pleine liberté du for intérieur; — exercice public dans
tous les lieux où il existait en 1597 et dans les fau-
bourgs des villes ; — permission aux seigneurs haut-
justiciers (il y en avait 3 500) de faire célébrer le culte
dans leurs châteaux, et aux gentilshommes de se-
cond rang, de recevoir trente personnes à leur culte
privé ; — admission des Réformés aux charges et
fonctions publiques, et de leurs enfants dans les éco-
les, de leurs malades dans les hôpitaux, de leurs pau-
vres au partage des aumônes ; — droit de faire im-
primer des livres dans certaines villes (dont Rouen) :
— chambres mi-parties dans quelques parlements;
— une chambre de l'édit, à Paris, composée de catho-
— lO^ —
liques moins un seul membre, mais oiïrant de suffi-
santes garanties par sa destination spéciale ; — quatre
académies pour Tinstruction scientifique et théolo-
gique ; — autorisation de convoquer des synodes, et,
en plus, comme gage, un certain nombre de places
de sûreté.
L'église catholique eut aussi sa part dans Tédit, et
c'est peut-être ce qui le lui fit accepter sans trop de
révolte : les biens du clergé devaient être partout
restitués, ies dîmes payées et l'exercice du culte ca-
tholique rétabli dans tout le royaume. Ce dernier ar-
ticle rendit la messe à 2^0 villes et à 2000 paroisses
de campagne, ce qui faillit — il nous coûte d'être
obligé de le reconnaître — occasionner une émeute
à La Rochelle. Le protestantisme contenait en germe
le principe de large tolérance qu'il montre dans les
pays où il domine, mais il ne semblait pas se douter
alors, sauf chez quelques précurseurs, de cette future
fraternité. Aussi ne doit-on pas trop s'étonner si l'E-
dit de Nantes n'était pas encore la liberté religieuse
comme on l'entend aujourd'hui. C'était tout au plus
un pacte de paix. Néanmoins, c'était un grand pro-
grès sur le passé. La fausse maxime, si logique pour
l'esprit français que de ne pas l'avoir réalisée il est
devenu incrédule : « 11 ne doit y avoir qu'une seule
foi comme il n'y a qu'un seul roi et qu'une seule loi»
avait coûté à la France 3 milliards de notre monnaie
actuelle et 2.000.000 d'hommes.
D'après nos notes, l'Edit de Nantes aurait amené la
fermeture, dans la région cauchoise, des églises de
Cany, Turretot, Lillebonne. Longueville, Montivil-
liers, Neufchàtel (chez M. de Pallesseul), St-Aubin-
sur-Arques. La disparition de ces églises s'explique
par le fait que le nombre des Réformés avait consi-
dérablement baissé dans toute la France, Pour la Nor-
mandie, nous ne voyons la proportion de cette dimi-
— I04 —
nation que dans les églises de Criquetot et de Senitot
grâce aux registres qui en ont été conservés. Ces re-
gistres accusent une diminution du nombre des ma-
riages de i=)8=, à IS99, ^*^'t pendant une période de
14 ans, qui atteint presque le rapport de 4 à i. La
moyenne annuelle est de 63 pour les huit premières
années ; elle n'est plus que de 19 pour les trois der-
nières. Sans doute, ces chiffres ne doivent pas servir
de base rigoureuse pour apprécier cette réduction,
car s'il y avait eu des défections à la suite de celle,
contagieuse, de Henri IV, les rigueurs de la Ligue
avaient conduit bien du monde sur le chemin de
l'exil. D'après un relevé, présenté au Synode national
de Montpellier en 1^98, il n'existait plus alors en
France que 773 églises ; mais, dans ce chiffre, la Nor-
mandie entre pour =,9.
La transaction entre l'église catholique et l'église
réformée était approuvée par tous les bons esprits ;
mais cela ne la fit pas passer tout de suite dans les
mœurs. C'est bien lentement qu'elle y entra, et en-
core peut-on dire, à l'heure actuelle, qu'elle ne sem-
ble pas y être entrée définitivement. Il est encore des
membres du clergé catholique pour qui ne pas se
soumettre à l'autorité infaillible du pontife romain
constitue un état de révolte qu'on devrait réduire.
Ils passent sur le fait parce qu'ils l'ont trouvé à leur
naissance et qu'on se plie aux habitudes du milieu ou
l'on grandit, mais non sans protester intérieurement.
Combien tiennent la liberté de conscience pour un
droit imprescriptible ?
Clément VIll, aussitôt qu'il connût l'Edit de
Nantes, n'appela-t-il pas la liberté qu'il octroyait la
plus mauvaise qui fut jamais?
Il y eut des parlements qui n'enregistrèrent l'édit
que sous certaines restrictions. C'est ainsi que le
Parlement de Normandie, après bien des sursis,
puisqu'il ne se décida à l'enregistrer que le 29 sep-
tembre 1599, ^^ modifia l'esprit : « La cour enregis-
« tre l'édit sans approbation de la religion protes-
te tante réformée et en attendant qu'il plaise à Dieu
« de faire la grâce au roy de réunir ses subjetz en la
« religion catholique, apostolique et romaine. Trois
« conseillers religionnaires seront admis en ce parle-
« ment ; après quoy il ne sera reçu de religionnaires
« dans aucun des offices. Ceux de la religion protes-
« tante réformée ne pourront faire l'exercice de cette
« religion ny dans la ville ny dans les faubourgs plus
« près enfin que au bout de la banlieue dans un seul
« lieu. 1 »
Henri l\\ sentant qu'il ne pourrait obtenir une
complète soumission, acquiesçait à ces tempéraments.
C'est ce qui fait que les protestants de Rouen virent
le Parlement fixer d'abord Dieppedalle pour lieu de
leur prêche, et ensuite le Grand-Quevilly, juste en
face, sur l'autre rive de la Seine. Ceux de Dieppe,
grâce à la bienveillance du gouverneur, obtinrent le
Pollet : ceux du Havre, Sanvic : ceux d'Harfleur et
de Montivilliers, Sénitot (section de Gonfreville-
rOrcher) ; ceux de Fécamp, Gerville : ceux de Lille-
bonne et Caudebec. Lintot ; ceux de Bolbec, le Mont-
Criquet section de St-Jean-de-la-Neuville). Les prê-
ches existants à Luneray, Bacqueville, Lindebeuf
l'exercice personnel de fief . Autretot et Criquetot-
l'Esneval étaient maintenus. Mais ce qui niontre le
mieux les mauvaises dispositions du parlement, c'est
la réglementation, singulièrement irritante, du nom-
bre des personnes autorisées à suivre les convois
mortuaires, et des heures ridiculement tardives ou
matinales où ces convois pouvaient avoir lieu.
En 1596, le 17 janvier, le colloque de la classe de
Caux se réunit à Dieppe, dans la maison du sieur
1. — Floquet, Hist. du JParlem, de Norm., IV, 156.
— io6 —
Gantais. Nous ne savons combien d'églises y étaient
représentées.
Au synode national de Saumur (1S96) Téglise de
Luneray fut exhortée à payer à Jean Vatable, son an-
cien pasteur, réfugié â la Rye depuis i=)90, ce qu'elle
restait lui devoir. En l'sgS, elle ne s'était pas encore
exécutée, car au synode de Montpellier, tenu cette
année-là, la province de Normandie fut priée « de
« faire en sorte que, par sa médiation, l'église de
« Luneray s'acquittât de cette dette envers M. Vata-
« ble, autrement elle serait censurée suivant la disci-
« pline. » Pour épuiser tout de suite ce sujet peu
édifiant, nous anticipons un peu sur la marche géné-
rale des événements. En 1601, au synode de Gergeau.
la province de Normandie ayant représenté l'extrême
pauvreté de Téglise de Luneray qui la met hors d'é-
tat de payer ce qu'elle doit au sieur Vatable, l'assem-
blée l'exhorte '< à faire son devoir. // En 1603, au sy-
node de Gap, il est constaté que Vatable n'est pas
encore payé. En 1612, au synode de Privas, Vatable
est représenté comme réduit à une extrême pauvreté
faute d'avoir été payé de 100 livres qui lui sont dues
par l'église de Luneray. La province de Normandie
est invitée à payer la moitié de cette somme et à re-
cueillir l'autre moitié dans l'église de Luneray pour
désintéresser Vatable. On constate, enfin, qu'au sy-
node de Tonneins (1614) la province de Normandie
verse aux députés du Poitou, pour qu'ils les remettent
à Vatable, les 100 livres qui lui étaient dues depuis
24 ans.
Revenons au synode tenu à Saumur en 1596 (du
3 au 16 juin). L'église de Bolbec y présente une re-
quête pour que M. Durdès lui soit restitué ou que la
somme de 400 livres qu'elle a employée à son entre-
tien depuis son départ lui soit rendue. Le synode
prend la résolution suivante : « M. Rotoucoume, dé-
puté du Haut-Languedoc, fera tenir copie de ladite
requête audit sieur Durdès dit Despoir afin que dans
deux mois il envoie sa réponse par la voie de Paris,
et donne charge à la province du Haut-Languedoc
de s'informer dans son prochain synode et savoir du
dit Durdès si les choses contenues en ladite requête
sont véritables, et. en ce cas, de lui enjoindre de sa-
tisfaire au plus tôt à l'une des conditions uroposées
dans ladite requête, de quoi ladite province sera te-
nue de rendre raison au prochain synode national. ^ »
Le synode national suivant, tenu à Montpellier (26-
30 mai 1598 , après avoir examiné ce différend, jugea
que yi. Durdès dit Despoir appartenait de droit à
l'église de Bolbec '< attendu l'assistance qu'il en a re-
çue pendant environ quatre ans lors même qu'il était
privé de ses biens dans un pavs étranger et que le
terme porté par la discipline n'était uas encore ex-
piré. Néanmoins, avant égard à son âge, à sa grande
famille et à ses commodités qu'il ne peut laisser sans
grandes pertes joint qu'il s'est soumisvolontairement
à suivre sa vocation, la compagnie a déclaré qu'il
demeurerait à Pamiers, à condition que dans six
mois la province fournirait un pasteur à ladite église
et que celle de Pamiers paiera la moitié des frais de
son voyage, laquelle aussi est censurée d'avoir extor-
qué dudit Despoir une obligation de ^o écus pour les
frais de son voyage au cas qu'il n'y demeurât pas. »
— Le Haut-Languedoc ne dut pas fournir un autre
pasteur à l'église de Bolbec. car, d'après nos notes,
le pasteur Durdès y exerça en 1^99, 1600 et 1601.
1. — Ayinon, Sijiiodes nationaux.
DEUXIEME PARTIE
L'Eglise sous l'Edit de Nantes et pendant
les premières années qui suivirent sa révocation
CHAPITRE I"
De l'Edit de Nantes jusqu'à l'assassinat de Henri IV
(1598-lGlO)
Une fois TEdit de Nantes promulgué, les passions
perdirent peu à peu de leur acuité, et. malgré les
querelles rendues inévitables par les idées régnantes,
les douze années qui séparent cet acte de justice de
la mort de son auteur furent les plus calmes de la
réforme française. L'esprit d'initiative des réformés,
leur valeur morale, leur foi et leur persévérance
dans leurs entreprises se montrèrent de toute part et
nous y trouvons la raison de la prospérité dont la
France jouissait à la fin du règne du seul roi dont elle
ait gardé le souvenir dans les campagnes.
Ah ! si Henri IV eut vécu quelque dix ans de plus,
peut-être l'apaisement fût-il devenu définitif. Le pro-
sélytisme cessa presque entièrement du côté des ré-
formés. Le clerg-é, qui avait fini par se rendre
— 110
compte que la licence de ses mœurs avait été la prin-
cipale cause du succès de la Réforme, s'était trop
moralisé pour qu'une propagande protestante dût
avoir d"autre résultat que d'entretenir le fanatisme et
les querelles. Les catholiques recrutèrent quelques
gentilshommes qui trouvaient que le meilleur che-
min des honneurs et des places grassement rétribuées
était la messe. Les prêtres, pour gagner les pasteurs,
réunirent un fonds spécial de 30,000 livres de rentes
annuelles destiné à donner des pensions aux minis-
tres qui abjureraient. Cette fondation pleine d'appâts
ne produisit d'autre effet que de couvrir de mépris
ceux qui ne craignaient pas de demander la conver-
sion à autre chose qu'une inclination du cœur.
De 1^98 à 1600. les calvinistes intervinrent peu
dans lesaffairesgouvernementales. Dès 1595, le jeune
prince de Coudé avait été appelé à Paris sous la pro-
messe qu'on le laisserait dans la religion de son père.
Mais, à peine arrivé, on le mit dans les mains de ca-
tholiques ardents qui eurent vite fait de le convertir.
Ils le convertirent si bien qu'il devint convertisseur
à son tour. Il ne restait qu'un seul membre de la fa-
mille des Bourbons de fidèle à la foi de Jeanne d'Al-
bret, et c'était sa fille, Catherine de Navarre, et elle
l'y fut jusqu'à sa mort (1604).
Quelques gentilshommes huguenots, parmi les-
quels le duc de Bouillon, tentèrent d'entraîner leurs
coreligionnaires dans leurs querelles particulières :
mais ils se heurtèrent à l'opposiîion de la masse, à
qui l'Edit de Nantes suffisait.
Les synodes nationaux se réunirent plus régulière-
ment que cela n'avait encore eu lieu. On en compte
cinq de 1398 à 1609 (Montpellier, 1S98; Gergeau,
1601 ; Gap, 1603 : La Rochelle, 1607, et Saint-Maixent,
1609). Les premiers qui eurent lieu sous le régime de
l'Edit de Nantes organisèrent les églises en provinces
I If
et les provinces en colloques. La Normandie fut di-
visée en six colloques: Alençon, Caen, Caux, Coten-
tin, Falaise et Rouen. Aux environs de 1610 ces six
colloques représentaient 121 églises connues qui
étaient desservies par près de 300 pasteurs. Vers 1630
le colloque de Caux comprenait les églises suivantes :
Autretot, Bacqueville. Boissay-sur- Aulne (chez M. de
Boissay), Mont-Criquet (St-Jean-de-la-Neuville, chez
M. de Frémontier) pour Bolbec,Criquetot-rEsneval,
Grosmesnil (Cottevrard près de Cailly, chez M. de
Grosmesnil), Le Caule-Ste-Beuve, près de Blangy
(église de fief), Dieppe, Lindebeuf, Lintot (pour
Bolbec, Lillebonne et Caudebec — 3,000 commu-
niants), Luneray. Sénitot (Gonfreville-l'Orcher) pour
Harfleur et Montivilliers. Maupertuis(Gerville) pour
Fécamp, Ougerville (Colleville) pour Cany et Fé-
camp, et Sanvic pour le Havre : 15 églises.
Des Académies furent fondées h Montauban. Sau-
mur, Nîmes, Montpellier et Sedan. Les synodes les
soutenaient au moyen de fonds recueillis dans les
églises suivant une répartition équitable.
Des temples se construisirent en bien des endroits
en remplacement des locaux qui avaient servi jus-
que-là. mais que la liberté de s'assembler avait rendus
insuffisants. C'est ainsi qu'en 1603, il en fut édifié un
à Lindebeuf sur une portion de terrain cédée à cette
fin par Martel, seigneur de Bacqueville ; qu'en 1623
une grange fut achetée 200 livres à un sieur Tesson et
transportée sur une pièce de terre située dans la pa-
roisse de Lintot et que M. de Lintot avait donnée
dans ce but, pour y servir de prêche en remplace-
ment du lieu de culte qui existait dans la propriété
de ce seigneur ; qu'en 1624 un temple fut édifié à
Maupertuis, paroisse de Gerville^. sur un terrain
donné par le sieur de Teuville chez qui le culte se
célébrait auparavant ; qu'en 1630, un autre fut cons-
112
truit à Senitot sur 23 perches de terre que Tristan de
Brachon, sieur de Bévilliers, avait, dès 1608, don-
nées pour cet objet et aussi pour y établir un cime-
tière. Ce temple remplaça le local aflfecté au culte
depuis 1396 dans le manoir de ce seigneur.
En 1629. un édifice religieux fut élevé dans la pa-
roisse de Colleville près de Valmont, au manoir
d'Ougerville, sur une portion de terrain offerte par
le seigneur de ce nom, gentilhomme réformé, pour
les besoins spirituels des protestants voisins, assez
nombreux, notamment au Bec-aux-Cauchois. à Vatte-
crit et à Cany.
Une irritation se produisit dans le clergé du fait
que le synode de Gap (1603) avait ajouté à la confes-
sion de foi un article où le pape était accusé d'être
l'Antéchrist. Le roi se plaignit aux Réformés, disant,
non sans raison, que le malencontreux article mena-
çait de détruite la paix du royaume. Le synode de La
Rochelle (1607) décida que cet article, quoique juste,
serait retranché de la confession de foi : mais il char-
gea un de ses membres, le pasteur Vignier. de prou-
ver la justesse de l'accusation, ce que celui-ci fit dans
un livre intitulé : Le Théâtre de V Antéchrist.
La polémique devint bientôt âpre des deux côtés.
Remplaçant les batailles, elle sentait un peu la pou-
dre. La doctrine de la transsubstantiation fut l'objet
d'une lutte d'une subtilité extraordinaire. L'argu-
ment de simple bon sens : «c N'est-il pas suffisant de
« communier avec l'esprit de Jésus ? Et que pourrait
« y ajouter la communion matérielle?» n'aurait-il pas
dû fermer la bouche aux théologiens catholiques ?
Et leur réponse : « Pour que les désirs de la chair
soient apaisés » alors que la chronique de tous les
temps et de tous^les pays nous prouve qu'ils ne le
sont pas en fait, n'est-elle pas une lamentable dé-
faite ? N'importe. On discuta à perte de vue, et
aujourd'hui ces traités de controverse, bien que rem-
plis de science et d'érudition, font sourire. Si les apô-
tres eussent entendu à la façon de Rome le fameux
« ceci est mon corps » qui a fait couler tant de sang
et tant d'encre, ils n'auraient pas manqué de se ré-
crier devant ce miracle des miracles. Il s'ensuit donc,
sans l'ombre d'un doute, que c'est symboliquement
qu'ils l'ont entendu. La croyance en la présence réelle
est née du zèle qui s'emparait des chrétiens et les
portait à tout prendre à la lettre.
Sur ce grand sujet, il y eut une conférence à Fon-
tainebleau le 4 mars 1600 entre Duplessis-Mornay et
Duperron, évéque d'Evreux. Mornay ne disposait pas
de tous ses moyens ce jour-là. Aussi, Duperron, con-
tent du résultat, disait : « Je viens de faire merveille. »
A quoi le roi objecta que bon droit avait eu besoin
d'aide.
Clément VIII. qui, en matière decontroverse, se
contentait de peu, fut si heureux de l'issue de cette
dispute qu'il annula le mariage de Henri IV et envoya
le chapeau de cardinal à Duperron.
Ces luttes théologiques remuaient certainement
d'ardentes passions ; mais, au moins, le sang ne cou-
lait pas, et le culte se célébrait partout sans obstacle
dans les 760 églises qui étaient restées à la réforme
française.
En 1607. le Consistoire du Havre jugea utile de
créer une section à Montivilliers, le temple de Séni-
tot étant devenu insuffisant. Un nommé Martin
Perdu, de cette ville, avait, en vue de cette fondation,
fait une généreuse donation. C'est surtout ce qui dé-
terminait le Consistoire. A cet effet, l'un de ses mem-
bres, celui qui représentait Montivilliers. Jean de
Larrey, sieur de Vaufouquet, adressa au gouverneur
une pétition qui fut signée aussi par Jean-François
Poncet, maître d'école. Mais le projet, soumis au
— 114 —
Parlement, souleva Topposition des catholiques de
la ville, notamment de l'abbesse de Tabbaye. Cette
abbesse devait être inlluente. car elle Tempécha d'a-
boutir. On lit, en efi'et. dans le livre journalier de
l'abbaye : « Le dernier jourd'aoust 1609, la dite dame
« abbesse a obtenu de la court du Parlement de Rouen
« pour la paix et le repos de ceste ville contre les
« hérétiques de cesle mesme ville qui prétendoient
« y mettre le presche, de quoy ils ont été évincez. ••»
En 1608. deux événements d'espèce devenue rare
alors se produisirent. Nous voulons parler de la con-
version au protestantisme de deux prêtres : Jean
Doudement, curé du Bourguet (sans doute Bosc-
gouet près de Routoti et Pierre Paris, curé de Gueu-
res. Par contre, les JNIartel de Bacqueville redevin-
rent catholiques ; mais ils usèrent d'une grande tolé-
rance envers leurs anciens coreligionnaires.
Les registres de l'église de Sénitot nous révèlent
l'importance que le protestantisme a, dès son origine,
attachée à l'instruction et à l'éducation de la jeunesse.
Il ne peut en aller autrement d'ailleurs dans une re-
ligion où il faut personnellement sonder les Ecritu-
res ? La discipline ecclésiastique (ch. II. | i) recom-
mandait d'établir des écoles primaires dans toutes les
localités, et les synodes avaient pour tâche et à cœur
d'y veiller. L'instruction secondaire n'était pas non
plus oubliée, car chaque province devait avoir au
moins un collège, et tous les élèves devaient y être
externes ; ceux étrangers à la ville étaient tenus de
trouver un logement dans d'honnêtes maisons. Le
système des bourses était adopté, et le système électif
mis en usage pour l'élection des anciens. C'était déjà
la mise en pratique d'idées qui ne devaient prévaloir
que deux siècles plus tard.
L'instruction obligatoire est, on peut le dire, im-
1. — A. Martin, Histoire de Montivilliers, 1, 235.
— 113 —
pliquée dans le dogme de l'autorité de la Bible qui
est le fondement même du protestantisme. Aussi vit-
on partout les églises réformées organiser des écoles
et fournir des subventions h l'instituteur là où les fa-
milles ne pouvaient lui assurer une rémunération
suffisante. Nous trouvons de ces écoles mentionnées,
de 1603 à 1608, à Montiviliiers, Harfleur, Criquetot
et Gonneville. Il n'est pas douteux qu'il n'y en eût
aussi, en ces mêmes années et par la suite jusqu'aux
premiers édits restrictifs, à Bolbec, Fécamp, Luneray,
Autretot, Lintot et Lindebeuf : mais les registres
consistoriaux de ces églises manquant, nous n'avons
pu en acquérir la preuve matérielle.
L'école de Montiviliiers ne se trouve mentionnée
que dans le procès-verbal d'une séance tenue à Séni-
tot dans la maison de M. de Brachon, sous la prési-
dence du pasteur Boucherot, à l'occasion d'un con-
flit soulevé par cette même abbesse que nous avons
vue empêcher, en 1609, l'érection d'un prêche dans
la ville. Voici ce qui y a trait : '< M. Jacques Dela-
haye sera assisté de la Bourse et deniers des pauvres
de la somme de 15 livres pour aller au parlement de
Rouen s'entendre au procès qu'il a contre la dame
abbesse de Montiviliiers, qui veut empescher en sa
demeure tenir eschoUeen ladite ville ; et sera le pro-
chain colloque requis de prendre la cause en main à
frais communs, en cas qu'il fût besoin évoquer la
chose en conseil. »
Etre membre du Consistoire entraînait à de grandes
dépenses de temps, car les Consistoires se réunis-
saient souvent. On voit aussi que les diacres visitaient
les pauvres très régulièrement. Ce qui rendait la fonc-
tion d'ancien particulièrement délicate c'est le droit
de surveillance qu'il avait, et dont il devait user sans
faiblesse, sur la conduite publique ou privée, reli-
gieuse ou civile, de tous les membres de l'église,
— ii6 —
surveillance qui avait pour conséquence la convoca-
tion, devant le Consistoire, de ceux qu'il avait trou-
vés fautifs. Pas de procès-verbal de séance où on ne
lise qu'on a fait comparaître un certain nombre de
personnes de tout rang et de tout sexe pour y rece-
voir admonestations, réprimandes et censures, et
même quelquefois pour s'entendre exclure de la
Cène, pour un acte ou une parole de légèreté, d'im-
piété, d'immoralité ou de désobéissance. Ce droit,
qu'on ne discutait même pas alors, paraîtrait bien in-
quisitorial aujourd'hui.
Nous sommes en 1610. L'Industrie, le Commerce
et l'Agriculture ont pris un essor inconnu jusque-là
en France. 11 n'est que juste de l'attribuer, pour les
premiers à Sullv, pour la dernière à Olivier de Ser-
res. L'industrie s'était particulièrement développée.
Aussi le mouvement d'émigration des campagnes vers
les villes commença-t-il à s'accentuer. Cette émigra-
tion, au début, ne comprit guère que des protestants.
Les registres de l'église de Rouen des premières an-
nées du XVIL siècle abondent en noms de protes-
tants venus s'établir à Rouen de tous les points de la
Normandie ; mais tout particulièrement du pays de
Caux. 11 s'ensuivit une diminution d'importance des
églises rurales. Pour la région qui nous occupe, nous
ne voyons d'exception que pour Luneray : c'est, du
moins, le sens qui nous paraît devoir être donnée à
une note de l'année 1619 du consistoire de Dieppe,
laquelle porte qu'un don de so livres fut fraternelle-
ment fait à l'église de Luneray pour lui aider à agran-
dir son temple.
Le peuple, qui n'avait jamais connu une paix ni un
bien-être pareils, était rempli de joie et d'espérance.
Il ne se doutait pas, personne ne se doutait qu'il se
préparait dans l'ombre un odieux attentat. Les jésui-
tes, qui avaient été chassés du royaume à la suite de
la tentative de Jean Chartier. y étaient rentrés par la
bienveillance de Henri IV qui préférait « les avoir
auprès de lui que contre lui. » Il p^rit même, pour
mieux désarmer la puissante compagnie, un confes-
seur dans son sein. Mais rien n"y fit. Elle voyait tou-
jours en lui ce qu'y voyait le peuple ignorant et su-
perstitieux : un iiérétique et un excommunié. Et le
14 mai 1610, un des siens, Ravaillac, tua Henri IV en
lui plongeant deux fois son couteau dans la poitrine.
Ce régicide, qu'on doit considérer comme le martyr
d'une idée — mais, alors, que dire d'une idée qui
pousse à un tel crime ? — avoua dans ses interroga-
toires qu'il n'avait pu résister à la tentation de tuer
le roi parce qu'en faisant la guerre au pape il la fai-
sait à Dieu. '< d'autant que le pape est Dieu ! »
Henri 1\' a laissé vide la plus grande place qu'un
roi ait occupée dans le cœur de ses sujets. Il avait des
faiblesses, mais ses qualités les compensaient. C'est
sous son règne que s'est fermé le moven-âge. cette
nuit que la théocratie a fait descendre sur le christia-
nisme, et ouverte la voie qui devait mener à la
liberté de conscience comme droit imprescriptible.
Les réformés ont toujours été reconnaissants envers
ce prince qui fut le premier ii leur accorder le libre
exercice de leur religion, et ils étaient fiers que le
seul roi dont le peuple ait gardé le souvenir eût été
élevé par une mère protestante.
Nous ne voulons pas rabaisser la gloire de Henri
W . mais nous crovons sincèrement qu'elle s'est ac-
crue de ce que les idées de l'époque mettaient tou*t
ce qui se faisait sous le règne d'un roi à l'actif de sa
propre sagesse, de sa prévoyance et de son esprit po-
litique. Ces qualités, le Béarnais les avait : mais nous
sommes convaincu que sans le principe moral du pro-
testantisme qui développe normalement l'esprit de
famille, la loyauté, le courage, la vertu, l'économie,
— ii8 —
la soif de s'instruire, la confiance en soi et dans les
autres, et sans son principe individualiste qui accen-
tue la personnalité et la porte aux conceptions et aux
initiatives hardies, principes qui purent produire
leurs fruits, grâce à Toctroi de TEdit de Nantes, ces
qualités n'eussent pas, d'elles-mêmes, amené la pros-
périté de l'état social que tout le monde constate et
qui fit si amèrement regretter le roi populaire.
CHAPITRE II
De la régence de Marie de Médicis à l'Edit de Grâce
(KiiU-KJi'Jj
On juge de quelle inquiétude les protestants furent
saisis en apprenant la mort du roi et surtout à quel
mobile Tassassin avait obéi. Un certain nombre de
familles, craignant une nouvelle St-Barthélemv. se
sauvèrent de Paris. Le duc de SuUv. gouverneur de
la Bastille, s'y enferma pour sa sûreté. Les religion-
naires des provinces méridionales reprirent leurs ar-
mes. Tous croyaient si bien LEdit de Nantes mort
avec son auteur que sa confirmation, par la Cour, le
22 mai, ne rencontra que des incrédules: la reine ré-
gente n'était-elle pas une Médicis ? Pour nos pères,
c'était une seconde Catherine, d'autant plus qu'ils la
savaient bigote et vindicative et adonnée à l'astrolo-
gie. Pourtant, la confirmation de Ledit fut suivie
d'une surveillance pour qu'il eût partout son plein et
entier elïet. Soupçonnant c^u'en Normandie, où la
ligue avait été si puissante et le parlement si récalci-
trant, rien ne s'y faisait de bonne volonté, la reine
envoya des commissaires avec mission de recevoir les
plaintes des réformés et d"y faire droit pour autant
que cela se pourrait. Et c'est ainsi que, la Seine se
trouvant gelée le 25 décembre 161 1, ce qui empê-
chait les protestants rouennais d'aller célébrer la fête
de Noël à Quevilly, ils furent autorisés à célébrer
cette solennité à Boisguillaume. On appela même un
certain nombre de religionnaires rouennais à (ie§
fonctions publiques. Malheureusement il n'en alla
pas de même partout ailleurs.
Les chefs réformés n'étaient plus alors ce qu'ils
auraient dû être. Ils sacrifiaient l'intérêt de la com-
munauté à leurs prétentions, entre autre le duc de
Bouillon et le maréchal de Lesdiguières. Bien que
Sully, ministre disgracié, fut un peu ondoyant, les
réformés, néanmoins, pouvaient compter sur lui.
Son gendre, le duc de Rohan, alors âgé de 32 ans,
commençait à montrer les qualités qui font les chefs
incontestés. En effet, on rencontrait à la fois en lui
le goût de Tétude, la capacité, l'intrépidité, la géné-
rosité, Tautorité, la parole mâle et brève qui est l'é-
loquence d'un vrai chef de parti. Duplessis-Mornay,
que le poids des années avait rendu prudent, penchait
pour les voies pacifiques. Il s'employa sans relâche,
pendant la régence de Marie de Médicis, à déjouer
les intrigues des mécontents et à calmer les impa-
tients. Toutes les passions opposées du parti protes-
tant se trouvèrent en présence dans l'assemblée po-
litique de Saumur tenue en 161 1. La Cour n'avait pas
autorisé de bonne grâce une telle assemblée ; elle
avait mis pour condition à son autorisation qu'elle
se séparerait dès qu'elle aurait désigné les six person-
nes parmi lesquelles le roi devait choisir deux dépu-
tés généraux. Mais il était bien difficile à une assem-
blée de se réunir de si loin pour se borner à écrire
six noms sur un bout de papier. Il y avait là le maré-
chal de Lesdiguières, les ducs de Bouillon, de Sully,
de Rohan, et Duplessis-Mornay. La présidence alla à
ce dernier par les trois quarts des voix. C'était indi-
quer clairement que l'Assemblée se tiendrait sur le
terrain religieux avec l'intention arrêtée de n'y pas
transiger.
Les séances durèrent près de quatre mois, malgré
la demande de dissolution faite par la cour. On y re-
nouvela le serment d'union qui consistait à jurer
fidélité et obéissance au roi, le souverain empire de
Dieu de)ueuraiit fou/ours en son eniier. Henri de
Rohan s"y révéla grand orateur et homme d'état.
Voici quelques-unes des nobles et fortes paroles qu'il
y fit entendre : '< Nous sommes arrivés en un carre-
« four où plusieurs chemins se rencontrent ; mais il
« n'y en a qu'un où se trouve notre sûreté. La vie de
« Henri-ie-Grand la maintenait. Il faut à cette heure
« que ce soit notre vertu... Soyons religieux à ne de-
« mander que les choses légitimes. Soyons fermes à
« les obtenir. >/
D'autres assemblées eurent lieu les années suivan-
tes. Les tendances différentes des délégués du Nord
et de ceux du Midi s'y marquèrent de plus en plus :
ceux du Nord étaient généralement timides à cause
de ce que le protestantisme était une faible minorité
dans leur région : ceux du Midi, au contraire habi-
tant des provinces où le nombre des protestants était
imposant, se montraient hardis jusqu'à la témérité.
On convoqua fréquemment des svnodes nationaux.
Ces corps intervenaient dans les questions politiques.
Les idées de théocratie étaient trop dans les esprits
pour ûue cette ingérence ne se produisît pas. C'est
ainsi qu'au synode de Privas, qui s'ouvnit le 24 mars
1612, les membres de cette assemblée se plaignirent
des lettres patentes d'abolition ou de pardon publiées
au mois d'avril précédent, et s'occupèrent d.- rétablir
l'harmonie entre les seigneurs de la religion qui s'é-
taient divisés à Saumur, ce à quoi ils réussirent.
En 1613, les religionnaires normands demandèrent
des cimetières où leurs morts pussent être enterrés
honorablement et sans être exposés aux outrages des
fanatiques. Pour le pays de Caux,deux conseillers de
la reine régente furent envoyés : M. Renard, catholi-
que, et M. de Courtaumer, protestant. Ils choisirent
— 1 22 —
dans chaque paroisse remplacement le plus conve-
nable pour y établir un cimetière. Nous ne pouvons
indiquer les lieux déterminés pour chacune. Nous
croyons que pour Bolbec Tendroit choisi était situé
à la Jolie, près de la ferme de ce nom, et à Criquetot.
Lintot, Autretot et Luneray, autour ou dans le voi-
sinage du temple. Pour Sénitot c'était certainement
à côté. Dans les paroisses où il n'y avait pas de lieu
de culte, c'était le plus souvent à l'intersection de
deux chemins.
En 1614, Henri IV était déjà oublié des catholiques
et des politiques et son esprit de tolérance méconnu.
Partout, en etïet. les réformés avaient à subir des
vexations de toute sorte. Les cours de justice lésaient
ouvertement leurs droits tout en donnant une appa-
rence légale à cet arbitraire.
Dans les Etats généraux réunis en 1614, l'orateur
du tiers-état parla en faveur de la tolérance ; mais le
clergé et la noblesse déclarèrent que le roi avait fait,
le jour du sacre, le serment de chasser de son royau-
me les hérétiques dénoncés par l'église. Le cardinal
Duperron déclara que les édits n'étaient que provi-
soires et qu'on n'avait accordé qu'un simple sursis à
des sujets rebelles. On ne saurait imaginer de nos
jours jusqu'où le clergé poussait, dans ses demandes
au roi, sa haine contre les huguenots. Il voulait ob-
tenir la défense d'écrire contre les sacrements de
l'église romaine et l'autorité du pape, la défense de
tenir des écoles dans les villes et même dans les fau-
bourgs des villes épiscopales, l'interdiction aux mi-
nistres de pénétrer dans les hôpitaux pour apporter
des paroles de consolation aux malades de leur reli-
gion, la défense aux gens venus de l'étranger d'ensei-
gner autre chose que le catholicisme, enfin la pro-
chaine interdiction de tous les exercices de la R. P.
K.Ces deniandes revinrent périodiquement et chaque
fois plus pressantes jusqu'à ce qu'enfin TEdit de
Nantes fût révoqué, et même après et jusqu'en 1787
elles se renouvelèrent fréquemment ; mais les idées
philosophiques se répandaient et la tolérance, cette
fille du libre-examen, pénétrait de plus en plus dans
les esprits. Aussi firent-elles de moins de moins de
bruit et tout à coup s'arrétèrent-elles ! La Consti-
tuante avait parlé !
Mais revenons au règne de Louis XIII. Un double
projet de mariage avait été approuvé par le Saint
Siège : celui du jeune roi avec une infante d'Espagne,
et celui du prince des Asturies avec une fille de la
maison de France. On devine quelles craintes enva-
hirent l'esprit des réformés à l'annonce de ces nou-
velles matrimoniales, d'autant plus que les prédica-
teurs catholiques disaient hautement en chaire que
l'une des conditions des deux Cours était la destruc-
tion de l'hérésie.
Le prince de Condé, ce renégat bigot, essaya de
tourner à son profit, en invoquant la mémoire de son
père et de son aïeul, les inquiétudes de ses anciens
coreligionnaires. Il leur adressa en i6i=;un manifeste
où il leur disait que l'Edit de Nantes serait aboli, et
que le roi ne rassemblait des troupes que pour les
exterminer. Ces provocations eurent pour effet de
mettre le duc de Rohan en campagne du côté delà
Saintonge ; mais le gros du parti demeura tranquille,
et une négociation intervint qui remit les choses
comme elles étaient auparavant.
Un événement grave se place à ce point de notre
récit : La Réforme était devenue oppressive en Béarn
où les trois quarts (d'aucuns disent les neuf dixièmes)
de la population étaient protestants. C'étaient de
sérieux motifs de reprendre les armes. 11 leur fut en-
joint de restituer aux prêtres les biens ecclésiastiques
qui étaient affectés, depuis 1369, au service des teni-'
— 124 —
pies, des écoles, des hôpitaux et des pauvres. Le
jésuite Arnoux disait que ces biens appartenaient à
Dieu.
Les Etats de Béarn, la noblesse, la magistrature,
les villes, le peuole, tous firent des représentations
qu'on n'écouta pas. Le roi se mit en marche à la tête
d'une armée, et les béarnais, n'ayant pu lui opposer
qu'une timide résistance, il entra dans la ville de Pau
le is octobre 1620. De cruelles violences marquèrent
partout le passage du roi qui fit la sourde oreille aux
plaintes qu'on lui en adressa. C'était la préface des
dragonnades. Les Calvinistes des autres provinces,
trop affaiblis par les défections et leurs dissentiments
antérieurs, sentirent qu'ils ne pouvaient répondre à
l'appel des églises de Béarn. Quelques pasteurs aussi
conseillèrent la passivité, entre autres Pierre Dumou-
lin, qui jouissait d'une haute autorité. Mais le peu-
ple, remué par des gentilshommes de second rang
et les bourgeois de La Rochelle qui lui représentaient
le roi comme ayant manqué à ses promesses et com-
me étant prêt, sur l'avis de ses conseillers et les sug-
gestions des chaires catholiques, à poursuivre l'ex-
termination des hérétiques, le peuple voulait lutter.
L'7\.ssemblée politique qui se réunit à la Rochelle
au mois de décembre ( 161 s) délibéra sous l'empire de
ces idées. Le roi avait envoyé un huissier pour dé-
fendre la réunion. On passa outre. (Vêtait grave. Les
seigneurs du parti tentèrent une médiation. Les ducs
de Rohan. Soubise, La Trémoille eurent une entre-
vue à Niort avec des délégués de la Cour, d'où il ne
résulta rien. Le Conseil du roi ordonna à l'assemblée
de se séparer sur le champ. Elle répondit que pour
le faire il lui fallait de solides garanties de libre-ex-
ercice religieux. On disait d'un côté : Retournez chez
vous et vous aurez satisfaction. l:t de Lautre on ré-
pondait : Donnez-nous satisfaction çt nous retourne-
— I2S —
rons chez nous. Il ne pouvait y avoir d"issue puis-
qu'on se défiait des deux parts. Le conseil du roi
voulait briser l'organisation politique des réformés ;
mais ceux-ci. sentant que leur liberté religieuse en
dépendait, la maintenaient fermement.
Voulant définitivement en finir, l'assemblée de La
Rochelle prit, le lo mai 1621, une décision qu'on ne
peut approuver aujourd'hui : elle résolut de recourir
à la force. A cet etlet, elle divisa la France en huit
cercles : chaque cercle devait être sous le gouverne-
ment d'un chef de parti, et l'autorité suprême était
dévolue au duc de Bouillon. Cette organisation était
plus apparente que réelle. Le duc de Bouillon resta
neutre. Le maréchal de Lesdiguières, le duc de la
Trémoille et le marquis de Chatillon étaient hési-
tants. Le marquis de la Force craignait de se brouiller
avec la cour. Le duc de Sully voulait le repos et
Duplessis-Mornay la paix. Seuls les ducs de Rohan
et de Soubise furent pour la guerre.
La Picardie, la Normandie, l'Orléanais, File de
France, le Poitou et le Dauphiné refusèrent de se
lever. Le Saintonge, la Guyenne, le Quercy et le
Languedoc seuls se mirent en mesure de résister. Le
24 avril 1621, soit 1=, jours avant la décision de ras-
semblée de La Rochelle, Louis XIll avait ouvert les
hostilités vers la Loire, car les avis qui avaient
prévalu dans son conseil étaient qu'il fallait préparer
un grand coup, et les jésuites avaient levé les scru-
pules du roi en disant qu'on peut violer en toute sû-
reté la parole donnée aux hérétiques.
Le pape offrit 200,000 écus à la condition que les
huguenots fussent amenés de gre ou de force dans
l'église romaine. Sous la même condition, les cardinaux
offrirent la même somme, et les prêtres un million.
L'Espagne, avec laquelle le double mariage dont
il a été parlé avait fait contracter alliance, poussait
126
aussi à la guerre. Louis XIII, débarrassé de tout scru-
pule, lança une déclaration de lèse-majesté à l'assem-
blée de La Rochelle et reprit sa marche. Ses premiers
exploits furent de s"emparer de Saumur par super-
cherie. C'était Duplessis-Mornay qui en était le gou-
verneur. On juge de ce que Taustère huguenot dut
penser de l'action royale. On lui offrit un dédomma-
gement (100,000 écus et le bâton de maréchal] pour
qu'il consentît à donner l'apparence d'un arrange-
ment à cette félonie. '< Je ne puis en conscience ni
honneur vendre la liberté et la sécurité des autres »
répondit-il avec hauteur. Et il alla demeurer dans sa
maison, où il mourut le 11 novembre 1623. Au milieu
des guerres de religion, les pires des guerres et les
plus honteuses puisque des deux côtés on tue en
croyant servir Dieu, Duplessis-Mornay fut toujours
le même. Il laissa un nom sans tache et la réputation
d'un caractère irréprochable. C'est une des plus no-
bles figures du protestantisme français. Jean Daillé,
l'aumônier de la famille, devenu ensuite l'un des
ministres de Charenton, dit de ses derniers instants :
« Nous le vîmes au milieu de la mort posséder la vie
« et jouir d'un plein contentement là où tous les
« hommes s'effraient d'ordinaire. »
Au-delà de Saumur, l'armée royale ne rencontra
de résistance qu'en arrivant à St-Jean-d"Angely, où
commandait Soubise. Il fallut 26 jours pour réduire
cette place. Le roi se porta ensuite dans la Basse-
Guyenne où il ne trouva de résistance qu'à Clairac
dont il s'empara au bout de 12 jours de siège. Le 18
août (1621) il investissait ^lontauban. Le marquis de
La Force y commandait, et le duc de Rohan avait son
quartier général à peu de distance pour pouvoir faire
passer des vivres et des renforts dans la ville.
Un carme espagnol, réputé grand thaumaturge, qui
passait par là, fut consulté par le roi. '<. Tirez 400
coups de canon contre la ville, dit-il, et elle se ren-
dra infailliblement. » Les 400 coups furent tirés, mais
la ville ne se rendit pas. Le siège en fut levé au bout
de deux mois et demi, le 2 novembre, après plusieurs
assauts infructueux. La guerre fut reprise Tannée d'a-
près avec une rigueur inouïe. Les prisonniers étaient
tués ou envoyés aux galères. Cette barbarie amena
parmi les réformés des défections qui leur firent plus
de mal que des défaites.
La voisine de Montauban. Xégrepelisse. accusée
d'avoir massacré la garnison catholique, fut l'objet
d'horribles représailles. St-Antonin, pour avoir tenté
de se défendre, vit dix de ses bourgeois et son pasteur
payer de leur vie cette résistance téméraire.
L'armée royale arriva sous Montpellier le 30 août
i(j22. Le siège en traîna si bien en longueur que le roi
consentit à traiter d'une paix générale avec le duc de
Rohan. Les articles de ce traité furent connus vers le
milieu d'octobre. Ils confirmaient l'Edit de Nantes,
ordonnaient le rétablissement des deux religions dans
les endroits où elles se pratiquaient auparavant et au-
torisaient les réunions de consistoires, colloques et
synodes, mais défendaient les assemblées politiques.
Les fortifications de Montpellier devaient être ra-
sées et la ville administrée par quatre consuls nom-
més parle roi. Les calvinistes ne conservaient plus
que deux places fortes : La Rochelle et IMontauban.
L'esprit de parti ayant entretenu l'aigreur des deux
côtés, ce nouveau traité demeura lettre morte. Les
réformés, toujours obligés de vivre sur le qui-vive,
soupçonnaient la royauté d'avoir des arrière-pensées
et d'encourager sournoisement les jésuites à fanatiser
de plus en plus le bas peuple, et les magistrats à sé-
vir arbitrairement contre les hérétiques. Il en résulta
forcément que la réforme devint de plus en plus un
parti politique. L'esprit d'indépendance avait natu-
— 128 —
rellement grandi chez les réformés et les sentiments
républicains n'y étaient pas rares. Tout cela agit tant
et si bien que vers 1622 les protestants formaient un
parti considérable, renforcé des catholiques mécon-
tents et s'appuyant sur l'Europe protestante. Nous
reconnaissons qu'une telle situation était intolérable
pour la monarchie, et nous comprenons que le
conseil du roi ait voulu en sortir. Mais Richelieu, à
cause des alliances diplomatiques qu'il avait en vue,
retardait la réalisation du plan projeté et qui était la
ruine méthodique et complète de l'hérésie.
Pendant ces époques si troublées, des synodes na-
tionaux se tinrent : — - à Vitré, du 18 mai au 8 juin
lôi^ (l'église de Fécamp y était représentée par son
ministre Abdias de Montdenis et il y fut constaté que
la province de Normandie avait 44 pasteurs et 6 pro-
posants) ; — à Alais, du r' octobre au 2 décembre
1620 (l'église de Fécamp y était représentée par An-
toine Bridou, écuyer, sieur du Bosc-le-Roi, ancien,
et celle de Bolbec par le pasteur Jacques Larrey) ; —
à Charenton, du i"'' septembre au i'"' octobre 162^ :
— à Castres, en 1626 fie ministre Guélode y repré-
sentaitFécampet le ministre Jacques Larrey, Bolbecu
A ces deux derniers synodes un commissaire imposé
par le roi assista aux séances avec droit de reprendre
et même de dissoudre, ce qui n'empêcha pas qu'à
celui de Castres de grandes plaintes furent formulées
sur la situation des églises : exercice du culte empê-
ché, cimetières ôtés, morts déterrés avec la dernière
indignité, ministres battus, blessés et chassés.
Tout en donnant satisfaction sur quelques points
secondaires, la cour était de plus en plus hostile. Le
cardinal de Richelieu voulait réduire La Rochelle,
ce dernier rempart du protestantisme politique, pour
que la royauté devînt le seul pouvoir en France.
Nous reconnaissons que Richelieu envisageait plutôt
Î29 —
la grandeur de la patrie que l'unité religieuse.
La Rochelle, il est utile de le dire, jouissait de pri-
vilèges vieux de cinq siècles. Elle était une sorte de
ville libre comme il y en a\ait en Allemagne. Son
véritable chef était son maire qu'elle renouvelait
tous les ans. Elle comptait de 25 à 30.000 habitants.
Les rochelois étaient industrieux, intelligents, marins
hardis et remplis d'initiative. Le siège commença en
1627 et dura plus d'un an. Richelieu avait fait cons-
truire une digue dans la mer pour empêcher le ravi-
taillement, et il enferma les assiégés dans un cercle
qui se resserrait chaque jour davantage. La famine
devint affreuse au mois de juin. Il mourait alors de
2 à 300 personnes journellement. Les détails de ce
siège sont horribles. Pendant ce temps, le duc de
Rohan cherchait des soldats pour courir au secours
de ces braves gens. Il se heurta partout à l'indiffé-
rence. On ne reconnaît plus là les hommes de foi des
premiers teniDs du protestantisme. La malheureuse
ville avait compté sur des secours du dehors, par
terre et par mer. Quand tout espoir d'aide fut perdu,
que les deux tiers de la population eurent succombé,
que les morts encombrèrent les rues parce que la
force pour les ensevelir manquait aux survivants, la
ville se rendit. C'était le 28 octobre 1628. Les vrais
protestants qui restaient courbèrent la tète, car le
protestantisme était vaincu. Il y eut des réjouissances
à Rome. L'héroïsme des rochelois ne commanda pas
le respect chez le Saint Père, car, sur son ordre, un
te dciim solennel fut chanté. Il y eut aussi des ré-
jouissances à Rouen et à Caen. A Rouen, le 8 novem-
bre, la cloche du Beffroy. qu'on n'avait pas entendue
depuis 30 ans, sonna à toute volée et un ic deiiiii fut
chanté en suite duquel ce ne furent que fêtes, danses,
feux toute la nuit, lanternes aux fenêtres, tables mises
en pleine rue '/ tous buvam et faisant boire les pas-
- I30 -
sants à la santé du roy. »
Le duc de Rohan n'en continua pas moins dans le
Midi à tenir campagne avec sa petite armée. L'armée
royale se présenta devant Privas au mois de mai 1629.
Les habitants, pris de panique, s'enfuirent, et la
garnison, qui s'était retirée dans un fort, dut bientôt
capituler. Au moment de l'entrée des troupes royales,
l'explosion d'un magasin à poudre ayant fait croire
à un guet-apens, les 800 soldats huguenots de la gar-
nison furent égorgés, 50 bourgeois pendus, le reste
de la population envoyé aux g"alères et la ville sacca-
gée et brûlée. Le roi marcha du côté des Cévennes
sans coup férir, et le duc de Rohan, voyant que toute
prolongation de résistance était inutile, sollicita la
paix. Richelieu imposa pour première condition que
toutes les fortifications des villes huguenotes fussent
rasées. C'était la défaite apparente du protestantisme.
En 1626, le duc de Longueville, gouverneur de
Normandie, rendit des protestants du Havre et du
pays de Caux le beau témoignage suivant :
« Je voys chacun d'eulx porté dans son debvoir et
« donner des exemples et témoignages que leur vo-
« lonté y est attachée inséparablement pour demeu-
« rer en l'obéissance de S. M. soubz la foy de ses
« édictz et jouyr par conséquent de la liberté qui leur
« est accordée par iceulx en laquelle on est obligé de
« les maintenir et par les armes et par la justice con-
« tre ceulx qui les y vouldroienttroubler au préjudice
« de l'intention de S. M. » ^
Le roi donna à Nîmes, au mois de juillet 1629, Le-
dit connu sous le nom d'Edit de Grâce. Cet édit mar-
quait, cela va de soi, un nouvel état de choses. Les
réformés furent remis en possession de leurs temples,
de leurs cimetières, de l'exercice de leur religion dans
les lieux où il se pratiquait auparavant en attendant
1. — Borély, Hist. du Havre, II, p. 327.
— 131 —
qu'ils revinssent au giron de l'église '< dans laquelle,
«disait Louis XIII, depuis plus de onze cents ans
« continuels les rois nos prédécesseurs ont vécu
« sans aucune interruption ni changement, ne pou-
« vaut en quelque sorte leur témoigner davantage
« l'affection que nous leur portons que de les désirer
« dans le même chemin de salut que nous tenons et
« suivons par nous-méme. »
Cette bonté, qui s'exprimait en termes si heureux,
était feinte. Pourtant, l'Kdit de Grâce était moins dur
qu'on n'avait craint, et on peut dire que Richelieu
s'est conduit là en politique habile.
La ville de Montauban se soumit la dernière. On
lui représenta que la lutte était inutile et elle ouvrit
ses portes (21 août 1629).
Nous ne savons trop comment les religionnaires
étaient traités dans les campagnes pendant les guerres
religieuses qui eurent lieu sous Louis XIII ; mais
nous devons penser que ce ne fut pas difleremment
que dans les villes. Or. nous savons que dans les
villes les succès alternatifs des armes catholiques et
protestantes amenaient des querelles qui dégéné-
raient souvent en rixes mortelles. Il y avait aussi des
guet-apens, et nous devons bien croire qu'à la cam-
pagne, où les endroits favorables aux embuscades
sont nombreux, on usait plus qu'à la ville de ce
moyen aussi honteux que lâche.
A la suite d'une déclaration royale (Niort, 17 mai
1621) prescrivant aux réformés de se présenter au
greffe du bailliage de leur province pour y attester
qu'ils désavouaient et condamnaient ce qui se passait
à l'assemblée de La Rochelle, beaucoup — les plus
fermes, assurément — passèrent à l'étranger avec
plusieurs pasteurs. C'est ainsi que le ministre De la
Balle, qui desservait Bacqueville et Luneray, se re-
tira en Angleterre. Le sieur de Losses, écuyer, pas-
— I
teur de Gisors et Sancourt, qui s'était réfugié chez
une dame Vitanel habitant dans le voisinage de Lu-
neray, le remplaça. On lui apportait de Dieppe. les
enfants à baptiser et on venait de cette ville le di-
manche entendre sa prédication. Le temple de Lu-
neray se trouvant trop petit, force lui fut d'aller à
Dieppe sur semaine. L'absence de De la Balle dura
un an. En cette même année 1621, plusieurs religion-
naires de Luneray, Bacqueville et Lindebeuf tentè-
rent infructueusement de gagner secrètement Dou-
vres, dans le bateau d'un nommé Hurel. Nous ne sa-
vons quelle condamnation fut prononcée contre eux.
CHAPITRE IIL
De l'Edit de Grâce à la loi générale restrictive
(1629-1666)
Désormais. Thisto're des réformés ne fut plus
mêlée aux affaires politiques du royaume. Ce ne fut
pas faute pourtant d'être provoqués à reprendre les
armes par des personnages catholiques de la plus
haute naissance comme, par exemple, en 1632, le
duc Henri de Montmorency avec l'appui de Gaston
d'Orléans, frère du roi, et, vingt ans plus tard, lors
des troubles de la fronde, le grand Condé lui-même,
qui évoquait les souvenirs de sa maison et représen-
tait Mazarin comme méditant de révoquer l'acte de
pacification.
En 1630, il y eut une accalmie, car nous voyons
que les protestants de Luneray construisirent un
temple cette année-là, ce qui fait supposer que celui
du XV^' siècle était devenu insuffisant, malgré Ta-
grandissement dont il avait été l'objet. Les protes-
tants dieppois fournirent à leurs frères un secours
pour leur permettre de l'achever. Ce secours était de
ISO livres. Mais cette accalmie dura peu. La persé-
cution, grâce aux énergumènes, recommençait tou-
jours.
Richelieu avait élaboré un plan de réunion des
deux églises. Un certain nombre de réformés, entre
autres Petit, pasteur et professeur émerite, se prêtè-
rent de bonne foi à sa réalisation, croyant que le ca-
tholicisme allait faire des concessions. Quelques-uns
— 134 —
se laissèrent tenter par l'appât des honneurs, d'autres
trouvaient là une couverture pour masquer leur dé-
fection retenue par un reste de pudeur. Mais la masse
des pasteurs et des laïques vit l'hostilité qu'il y avait
au fond de ce projet et, s'étant défiés, s'en écartèrent.
Le clergé, lui, employa un moyen différent pour
combattre l'hérésie, un moyen dont il eût dû tou-
jours se contenter à condition toutefois qu'il eût ac-
cepté des réunions contradictoires, et ce moyen
consistait à envoyer partout des missionnaires ou
controversistes ambulants nommés convertisseurs
ou propagateurs de la foi. Il paraît qu'ils s'attirèrent
le mépris universel parleur ignorance et leur fana-
tique emportement. C'est Fénelon qui le dit, et on
peut l'en croire. Ces convertisseurs avaient appris
par cœur une litanie de subtilités ridicules et de chi-
canes grossières qu'ils débitaient partout et dont le
pasteur Drelincourt fit justice dans son Abrégé des
Controverses. Ces convertisseurs élevaient des tré-
teaux au milieu des carrefours, et là, entourés de
piles de gros livres dont ils n'avaient pas lu le premier
mot, mais qui semblaient le monument de leur savoir
et devaient produire l'effet attendu sur la masse igno-
rante, ils parodiaient les ministres et les écrasaient
de grosses raisons à côté, au grand divertissement du
public. Malgré cette savante mise en scène de science
et d'érudition, les résultats furent à peu près négatifs,
car les protestants ne tardèrent guère à s'aguerrir en
matière de controverse et à confondre leurs adver-
saires qui en étaient venus jusqu'à pénétrer dans les
temples et ne craignaient pas d'interrompre les mi-
nistres pour les réfuter ou pour susciter des trouble
faciles à exploiter et à retourner contre les réformés.
Dans certaines contrées où les protestants étaient
assez nombreux pour pouvoir se défendre, le parle-
ment désignait lui-même un ecclésiastique pour
— 1^5 —
s'assurer qu'on n'attaquait pas le catholicisme dans
les sermons. Nous voyons, par exemple, dans le ma-
nuscrit laissé par l'abbé Lebret, qui fut vicaire à Cri-
quetot-l'Esneval de 1755 à 1778, qu'un de ses prédé-
cesseurs. François Dufresne, originaire du Havre et
curé de Criquetot de i6=,2 à 1692, réputé « savant
profond et modeste», fut nommé député pour assister
aux conférences ou instructions qui se faisaient au
temple des réformés de cette commune aux fins d'y
faire observer le respect dû à la véritable religion et
à l'Etat. 1
Les protestants du pays de Caux ne se laissèrent
pas intimider par les violentes attaques de ces prédi-
cateurs fanatiques. Nous savons, en efifet. que plu-
sieurs brochures de réfutation y furent répandues,
La bibliothèque de l'église des Remontrants, à Rot-
terdam, en possède quelques-unes. C'est sans doute à
cause de ces attaques sans vergogne que les protes-
tants manquaient quelquefois de mesure et méritaient
d'être blâmés comme dans les deux faits suivants, s'ils
sont vrais tels que nous les rapportons d'après Flo-
quet : En 164s. le jour des Rameaux, la procession
de Louvetot allant à Yvetot et à Autretot, quelques
protestants avaient traversé plusieurs fois les rangs
« sans respect quelconque et avec des paroles de
« mépris et de dérision, contre l'église catholique et
« le jubilé. » Le jour de Pâques, on les avait vus ar-
rêter par les chemins ceux des catholiques de ces pa-
roisses qui venaient de communier, leur adressant
des injures et des moqueries. -
Ce qui prouve que les missions pacifiques échouè-
rent, c'est qu'on les remplaça par les missions bot-
tées. Le nombre des protestants avait certainement
diminué sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII,
1. — Amphoux, Essai sur le Protest, au Havre, 131.
2. — Floqiiet, ffist. du Parlent., t. VI, p. 25,
— 136 —
mais à la suite de la confirmation de l'Edit de Nantes
par Louis XIV il paraît avoir augmenté : c'est du
moins ce qu'il semble qu'on doive inférer des deman-
des de cimetières faites par plusieurs paroisses et à
un certain nombre desquelles on fit droit, notam-
ment celles émanant de Bléville, Fontaine-la-Mallet,
Octeville et Harfleur. Pourtant, pour l'église de Lin-
tot dont nous avons parcouru les registres d'actes
pastoraux de fan 1607 à l'an 1681, nous constatons
une décroissance constante de baptêmes. Ainsi, en
1607-1608, nous en avons relevé une moyenne de
265 par année, ce qui suppose, en tablant sur une
naissance par 2s habitants, une population protes-
tante de 6,600. En 1630, nous n'en relevons plus que
219, et en 1633. que 1=^1.
De 1631 à 1645, il n'y eut que trois synodes natio-
naux. Le i""" se tint à Charenton. 11 commença le
i" septembre (1631) et se prononça contre les projets
d'accommodement avec les catholiques, mais tendit
une main fraternelle aux luthériens. Le second se
tint à Alençon. Il s'occupa de l'esclavage des noirs,
question qui surprend pour l'époque. Il n'émit point
des idées qu'on approuve aujourd'hui puisqu'il fut
d'avis qu'on pouvait acheter et garder des esclaves
parce que la bible ne le défend pas : mais il conseilla
d'être débonnaire et humain envers eux. Le troisième
se tint à Charenton à la fin de 1644. Le commissaire
du roi y exposa les idées de son maître, parmi les-
quelles il y avait celle d'exclure du ministère évan-
gélique ceux qui auraient fait leurs études à Genève,
en Hollande ou en Angleterre.
Dans cette même période nous voyons qu'il y
eut (1631) un colloque à Frémontier (St-Jean-de-
la-Neuville) sur lequel nous n'avons pas de renseigne-
ments, e: un synode provincial h St-Lô (juin 1634) où
nous constatons que, de toute la classe de Caux, Boi-
— 137 —
bec seul est représenté (ses représentants sont : Jac-
ques de Larrey, pasteur, et Jean Deshays, ancien).
De 16^2 à 1656, la situation des réformés fut satis-
faisante, grâce à Mazann qui leur savait gré de leur
fidélité pendant les troubles de la fronde. On peut
même dire qu'à cette occasion ils fournirent des sol-
dats dévoués à Louis XIV, ce que celui-ci reconnut
dans sa déclaration du 21 mai 16=^2 où se trouve ce
passage non suspect d'exagération : «... d'autant que
« nos sujets de la R. P. R. nous ont donné des preuves
« de leur afïection et fidélité notamment dans les cir-
« constances présentes dont nous demeurons très sa-
«tisfaits, savoir faisons que pour cause ils soient
« maintenus et gardés, comme de fait nous les main-
« tenons et gardons dans la pleine et entière jouis-
« sance de l'Edit de Nantes. »
Le libre exercice de la religion fut rétabli dans plu-
sieurs lieux où il avait arbitrairement été supprimé.
Les réformes rentrèrent dans plusieurs charges. Ils
n'avaient jamais respiré si librement. Malheureuse-
ment, ce temps fut court. Ne pouvant plus être per-
sécuteurs, les prêtres se dirent persécutés, tactique
qu'ils n'abandonneront jamais maintenant qu'ils en
ont apprécié les résultats. En 1654, l'assemblée du
clergé fit entendre des plaintes bien senties contre
l'oppression dont souffrait l'église catholique. Ces
plaintes furent entendues, car, à partir de ce moment,
les persécutions reprirent pour ne plus s'arrêter jus-
qu'cà la Révocation. Toutefois, la guerre avec l'Espa-
gne durant encore, il fallait ménager Cromwel et
pour ménager Cromwel il fallait ne pas accorder aux
prêtres la plénitude de leurs demandes. On se con-
tenta de seulement défendre l'exercice de la religion
là où il avait été nouvellement rétabli.
Etpuis vinrent des tracasseries au sujet des annexes.
On trouva que les pasteurs n'avaient pas le droit de
- 1^8 -
réunir deux ou trois troupeaux distincts, et de là
vexations sur vexations et procès sur procès. On de-
vine qu'il fallait que les réformés eussent cent fois
raison pour n'être pas condamnés.
L'autorisation de réunir un synode national était
renvoyée d'année en année. En 1658, les synodes pro-
vinciaux députèrent dix membres auprès de Louis
XI'V pour lui exposer les griefs de l'égiise. S. M. fit
attendre l'audience quatre mois. Tout ce qu'ils ob-
tinrent fut la promesse que le roi ferait respecter
l'Edit de Nantes « si les réformés se rendaient dignes
« de cette grâce par leur bonne conduite, fidélité et
« affection à son service. »
En 16=59, l'autorisation de tenir un synode fut enfin
accordée. 11 se réunit à Loudun. le 10 novembre. Ce
fut le dernier. Il termina ses séances le 10 janvier et
depuis lors l'organisation presbytérienne de la ré-
forme française fut décapitée. Le catliolicisme se
croyait vainqueur, mais Descartes avait paru, qui fai-
sait surgir un autre adversaire.
Les controverses provoquées par les convertisseurs
de l'église catholique avaient affmé les théologiens
de la réforme française. 11 y avait chez la plupart
d'entre eux une solidité de jugement et une clarté de
style jointes à une érudition vaste et profonde qui
font encore l'admiration des savants allemands d'au-
jourd'hui. Parmi ces controversistes nous citerons :
David Chamier, .Michel Bérault et Antoine Garisso-
les, de l'Académie de Montauban ; Cameron, Ami-
rault, Cappel et Laplace, de l'Académie de Saumur;
Pierre Dumoulin, l'auteur du i?ti//r//rr de la foi^ et
Leblanc de Beaulieu, de l'Académie de Sedan, et Sa-
muel Petit, de l'Académie de Nîmes. Il y eut aussi
des pasteurs de talent et de savoir, tels : André Ri-
vet, Edme Aubertin, Benjamin Basnage, David Blon-
del, Samuel Bochart, Michel Lefaucheux, Jean Mes-
— 139 —
trezat, Charles Drelincourt dont un livre d'édifica-
tion : La nourriture de l'âme, se trouvait dans toutes
les familles protestantes et qu'on retrouve encore de
nos jours, comme reliques pieusement gardées, chez
les plus anciennes, Jean Daillé, Pierre Du Bosc, né à
Bayeux, qui fut tenu pour le plus grand orateur des
réformés au XVIP siècle, Mathieu Larroque, qui fut
pasteur à Rouen, David Ancillon, et enfin Jean
Claude que nous tenons pour le plus puissant contro-
versiste du XVIP siècle.
Tous ces docteurs, moins les derniers, ont précédé
les défenseurs autorisés de la foi catholique, les Ar-
nauld, les Nicole, les Bossuet, et les ont en quelque
sorte suscités.
Mais reprenons les lignes générales de l'histoire du
protestantisme français. Mazarin mourut en 1661. Ce
fut une perte pour les réformés, car, quoiqu'il ne fut
pas leur ami, il employa contre eux la ruse plutôt
que la force, ce qui, à la vérité, lui était tout indiqué
puisque sa politique extérieure s'appuyait sur les
Etats protestants. Louis XIV voulut gouverner tout
seul. Il avait été nourri de la haine des huguenots,
et comme cette haine était savamment entretenue
par ses confesseurs jésuites, la ruine de l'hérésie de-
vint bientôt l'idée fixe de son règne.
En 1661, deux commissaires par province furent
nommés afin d'examiner les violations de l'Edit de
Nantes et de ramener la paix. L'un était catholique
(c'était toujours un homme considérable, membre du
parlement et conseiller du roi) et l'autre calviniste
(c'était généralement quelque pauvre gentilhomme
qui n'entendait rien aux affaires subtiles ou quis'était,
par ambition, secrètement vendu à la cour).
On devine ce qui advenait : comme beaucoup
d'églises n'avaient pas de titres authentiques soit
parce qu'elles n'avaient jamais supposé que ces pièces
— 140, —
pussent devenir nécessaires, soit parce qu'elles les
avaient égarées pendant les troubles religieux, elles
ne pouvaient s'appuyer que sur la possession de fait.
Mais, en ce temps-là, dès qu'il s'agissait des hugue-
nots, possession ne valait pas titre. De là d'innom-
brables chicanes portées devant le conseil du roi. On
ne saurait compter combien d'exercices furent inter-
dits et de temples abattus, et d'établissements chari-
tables confisqués au profit des catholiques parce
que leurs droits n'étaient pas absolument incontes-
tables, car quelle apparence y a-t-il qu'on eût laissé
ouvrir des prêches sans droit effectif "?
Les jésuites, sous couleur d'interpréter l'Edit de
Nantes, le démolissaient pièce à pièce. Dans la région
cauchoise, les temples suivants disparurent à la suite
de ces prétendues illégalités : En 16^9. celui du Mont-
criquet (paroisse de St-Jean-de-la-Neuville) qui ser-
vait, avec celui de Lintot. de lieu de culte aux pro-
testants de Bolbec et des environs ; — en i66s, celui
de Lindebeuf (arrêt du 23 avril). Le premier fut con-
damné parce qu'il était bâti sur un terrain faisant
partie des donations de la reine Mathilde à l'abbaye
du Valasse, et le second, parce que le fief sur lequel
il était construit avait passé en 1662 dans les mains
catholiques de .^Ime Sylvie de l'Hôpital, veuve de
messire Philippe de Torcy, Chevalier de la Tour de
Lindebeuf, qui en requit presque aussitôt la suppres-
sion. Dumont de Bostaquet, le gentilhomme nor-
mand qui nous a laissé de si intéressants Mémoires^
fut député par l'église attaquée, dont il était un des
anciens, pour faire des démarches en vue de la sau-
ver. Ce fut en vain. L'arrêt portant qu'elle serait dé-
molie fut signifié à Denis Séné et à Jean Selles, an-
ciens, et reçut exécution aussitôt.
A la suite des premières rigueurs et au fur et à
mesure que des rigueurs nouvelles surgissaient, l'é-
— 141 —
migration reprit pour ne plus s'arrêter. Dès le début,
Colbert, qui voyait quel vide cela creuserait dans
toutes les branches de l'activité nationale, résolut de
protéger les protestants. Louis Lécolier, seigneur
réformé de Gonneville (aujourd'hui Gonneville-la-
Malleti lui avait représenté combien ses coreligion-
naires avaient de peine à se soumettre aux ordon-
nances qui les forçaient à se découvrir toutes les fois
qu'ils passaient devant une église ou un calvaire, ou
même à s'agenouiller lorsqu'ils rencontraient un prê-
tre portant le Saint-Sacrement aux malades — ce qui
les incitait à passer à l'étranger — il lui fit accorder,
en 1660, la permission d'établir un marché auprès
de son château. Et c'est ce qui créa le bourg de Gon-
neville. Les protestants, alors fort nombreux à Gon-
neville et aux environs, ne furent plus obligés de se
rendre au marché de Criquetot. celui instauré à
Gonneville, où il n'y avait pas d'église catholique,
suffisant à l'écoulement de leurs produits. La tradi-
tion rapporte qu'il y avait à cette époque un prêche
au hameau d'Ecrépintot près de St-Jouin. Rien ne le
confirme. Il faudrait qu'il eût été détruit sans juge-
ment, car il ne figure pas de temple de ce nom par-
mi les temples condamnés, et nous identifions très
bien tous les noms. Mais il se peut que cette tradition
repose sur le fait que les protestants de ce hameau et
de St-Jouin, trouvant le prêche de Criquetot trop
éloigné, auraient pris l'habitude de se réunir dans la
maison de l'un d'eux pour un service périodique.
En 1663, le clergé obtint une déclaration contre les
relaps (on appelait relaps ceux qui revenaient au pro-
testantisme après Lavoir abjuré 1. Ces gens-là, disait
la déclaration, ne pouvaient plus prétendre au béné-
fice de l'Edit de Nantes puisqu'ils y avaient renoncé
et qu'en retournant à Lhérésie ils profanaient les
saints mystères catholiques. Aussi prononçait-elle
— 142 —
contre eux le bannissement perpétuel. Bien plus, on
se mit à créer des relaos. Assister à la messe trois ou
quatre dimanches, demander la bénédiction à un
prêtre dans un mariage mixte, une parole complai-
sante, une apparence, une conjecture, un ouï-dire
constituaient le crime de « relapsie » si celui visé
était revu dans un prêche. Il résulta de cet ensemble
d'actes de tels abus et des troubles si graves qu'une
ordonnance de 1664 prononça la nullité des procé-
dures commencées sur ces matières. Ce ne fut qu'une
suspension. A la reprise, il y eut de cruelles agrava-
tions. Au mois de mai 1665 une ordonnance du Con-
seil autorisa les ecclésiastiques de l'église romaine
à se présenter avec un magistrat au domicile des ma-
lades pour leur demander s'ils voulaient mourir dans
leur erreur ou se convertir. Nous ne savons si on
osa le faire lorsque M. de la Haye, seigneur de Lin-
tot, tomba malade aux environs de 1670. Si oui, le
prêtre et le magistrat durent faire de sérieuses réfle-
xions sur l'attitude de ce chrétien devant la mort.
Voici, en effet, comment son parent. Dumont de
Bostaquet, raconte sa fin, à laquelle il assista : '< Il
« nous parlait de la mort en philosophe chrétien et
« marquait une joie extrême d'aller à Dieu qui le dé-
« livrait de la vie dans une grande jeunesse où il avait
« moins de comptes à rendre. Tous les agréments
« qu'il y pouvait avoir ne lui donnaient aucun regret
« de la quitter. Quelques-uns de nos parents et amis
« catholiques lui voulaient parler de religion, entre
« autres M. de Bally, habile homme et fort subtil ;
« mais aux uns et aux autres il rendit raison de sa foi
« en des termes si forts et qui marquèrent bien claire-
« ment que son âme était pénétrée des choses qu'il
« désirait, que personne ne lui parla plus de religion.
« Enfin, il rendit l'esprit entre mes mains sans aucun
« effort, même il parut sourire en expirant... M. de
— 14? —
« La Voûte (Ephraïm de Rallemont, sieur de La
"< Voûte, ministre de Lintot) avoue n'avoir jamais vu
« mourir personne Je cet âge (il avait 31 ans) avec
« tant de confiance et une si grande résignation qui
'< nous fit dire que si les anges pouvaient mourir ils
« ne le pourraient pas faire d'une manière plus conso-
« lante. » •
Ce fut au tour de l'autorité paternelle à être res-
treinte. Sans parler des rapts, de plus en plus fré-
quents, d'enfants, par arrêt du 24 octobre 1663, les
garçons à 14 ans et les filles à 12 furent déclarés ca-
pables de se convertir au catholicisme. Il n'y eut pas
que les réformés à se plaindre de cette loi, il y eut
aussi les évéques. mais, ceux-ci, pour demander que
les enfants fussent admis à embrasser le catholicisme
dès qu'ils en manifesteraient le désir, étant responsa-
bles bien avant 14 et 12 ans.
Vinrent ensuite les ordonnances contre les blas-
phémateurs. On devine combien il était facile de re-
lever dans les sermons des pasteurs ou dans les con-
versations des laïques des mots jugés mal sonnants
et outrageants pour l'honneur et la pureté de la
vierge.
Petit à petit, les protestants furent évincés des
charges publiques. En plusieurs provinces, on en
arriva à exiger une profession de foi catholique pour
accorder aux simples artisans des lettres de maî-
trise.
La corporation des lingères de Paris fit valoir au-
près du conseil, pour être autorisée à repousser
toute hérétiques de son sein, qu'elle avait été insti-
tuée par Saint Louis : un arrêt du 21 août 1665
donna gain de cause à cette corporation, qui comp-
tait beaucoup de femmes perdues.
Il n'y eut que dans les finances que les charges
1. — Dumont de Bostaquet, Mémoires, p. 62.
— 144 —
furent maintenues et même de plus en plus accor-
dées aux religionnaires. Colbert, malgré les re-
montrances du haut clergé, persistait à employer de
plus en plus des réformés dans les fermes et les
commissions. C'est que Colbert savait de longue
date leur esprit d'ordre, d'économie, de probité, et
les tenait tous pour des gens d'une fidélité éprouvée.
Il est digne de remarque que les satiriques du temps,
Molière, Boileau, Lafontaine. ne s'attaquèrent jamais
aux financiers. Et cependant, dans tous les temps,
la finance avait donné amplement prise à la satire.
Les professions libérales leur étant de plus en plus
fermées, les réformés se vouèrent aux arts et métiers,
à l'industrie, à l'agriculture, au commerce intérieur
et extérieur. Colbert voyait bien quels éléments de
richesse et de force la France puisait en eux : aussi
les protégeait-il. Mais Louis XIV imposa ses volontés.
Colbert dut plier.
Et en plus de tout cela, des vexations ridicules
comme : défense de chanter des psaumes par terre et
par eau, dans les ateliers ou sur le pas des portes. Si
une procession venait à passer devant un temple pen-
dant un chant de psaume, le chant devait être inter-
rompu. Les enterrements ne pouvaient se faire qu'à
la pointe du jour ou à la tombée de la nuit, et dix
personnesau plus étaientautorisées à suivre leconvoi,
sauf dans quelques villes où on allait jusqu'à tolérer
la présence de trente personnes. Pour les mariages,
le cortège devait comprendre au plus douze person-
nes. 11 était interdit aux églises riches de se cotiser
pour fournir des ministres aux églises pauvres.
En i66=i, l'assemblée du clergé demanda qu'on tra-
vaillât avec plus d'ardeur â faire extirper le redouta-
ble monstre de l'hérésie. Le conseil ne pouvait faire
autrement que de garder quelque mesure. Mais l'an-
née suivante il sanctionna, sous forme de loi gêné-
— 14^- —
raie, tous les arrêts qui avaient été rendus sur des
cas particuliers par des cours de justice. Cette loi
renfermait S9 articles, tous restrictifs des libertés
que l'Edit de Nantes déclarait perpétuels et irrévo-
cables.
"^
10
CHAPITRE IV
De la loi générale restrictive à la Révocation
de l'Edit de Nantes
(1666-1685)
De la loi générale restrictive de 1666 date la pre-
mière émigration sérieuse du XVII'' siècle, et les
puissances protestantes de TEurope commencèrent à
s'en émouvoir. L'Electeur de Brandebourg, l'un des
alliés de Louis XIV, lui écrivit en faveur des réfor-
més. Louis XIV lui répondit qu'il les faisait vivre sur
le pied d'égalité avec ses autres sujets. « J'y suis en-
« gagé par ma parole royale et par la reconnaissance
'< que j'ai des preuves qu'ils m'ont données de leur
<K fidélité pendant les derniers mouvements (allusion
« à la Fronde) oîi ils ont pris les armes pour mon ser-
« vice. » Voilà la parole d'un roi très chrétien qui
n'agissait jamais sans avoir pris les avis de son direc-
teur de conscience ! L'Angleterre et la Suède, dont
la neutralité était nécessaire à Louis XIV, témoignè-
rent aussi de leur sollicitude pour le sort des protes-
tants français. Cela ne lit pas cesser rémigration.
Aussi le Conseil s'en émut-il et rapporta-t-il neuf ar-
ticles de la loi de 1666 et en adoucit-il 21 autres. Peu
après fut publié l'Edit qui défendait, sous peine de
confiscation de corps et de biens, de se retirer en pays
étrangers sans permission expresse et surtout d'y
prendre du service en qualité d'ouvrier de marine
ou matelot.
Afin de pouvoir se livrer plus fréquemment aux
— 147 —
enlèvements d'enfants protestants, des maisons spé-
ciales pour leur instruction et conversion étaient in-
dispensables. C'est ce que comprit Robert Lecornier,
maître des comptes de Normandie : nu mois de no-
vembre 1667 il fonda à Rouen la maison des A'ouvcl-
les Catholiques, et les rapts de jeunes filles devinrent
nombreux. Il se fonda de ces maisons dans beaucoup
de généralités.
En 1669, le maréchal de Turenne abjura. C/était
d'autant plus imprévu qu'il avait résisté à Toifre de
Tépée de connétable. Aussi cette abjuration provo-
qua-t-elle beaucoup de défections. On l'attribua au
livre de Bossuet : Exposition de la doctrine de l'Eglise
catholique. Il est certain que cet ouvrage est d'une
habileté rare et bien propre à troubler ceux qui ne
sont pas arrivés à la foi personnelle. Antérieure-
ment à Turenne, les familles de Bouillon, de Chatil-
lon, de Sully, de la Trémoille, aveulies de caractère
par leur existence au milieu des mœurs dépravées de
la Cour, étaient peu à peu rentrées dans l'église ro-
maine. A ce moment ( lOyOi il ne restait au protes-
tantisme, parmi les personnages considérables du
royaume, que le comte de Schomberg, qui avait eu
le commandement en chef des armées, le duc de La
Force, une branche cadette de la famille de La Roche-
foucauld, plusieurs descendants de Duplessis-Mor-
nay, et les marquis de Ruvigny. Mais beaucoup de
petits nobles de province étaient demeurés fidèles.
Le pays de Caux en comptait sa bonne part. Nous
en publions (appendice, — pièce n" 4) la liste aussi
complète qu'il nous a été possible de l'établir.
Vers 1670, une dame religionnaire des environs de
Veules réussit à passer en Angleterre; le juge de
Veules, l'ayant appris, fît arrêter un certain nombre
de protestants du voisinage soupçonnés d'avoir prêté
la main à cette fuite. Parmi eux se trouvait une dame
— 148 —
de qualité. Madame de Bures, fort âgée. Enfermée
avec les autres dans une espèce de porche à Bourg-
Dun, elle s'y trouva si à l'étroit qu'elle tomba malade,
ce qui la fit relâcher. Mais cela ne la sauva pas, car
elle mourut bientôt après.
L'abjuration de Turenne remit sur le tapis les pro-
jets de réunion tentés par Richelieu et repris par le
prince de Conti. A cet effet, un agent de la cour alla
visiter les pasteurs qui ressortissaient au Synode pro-
vincial de Charenton. En promettant que la réunion
s'accomplirait sur des bases équitables, il réussit à
obtenir de plusieurs l'engagement verbal ou écrit de
prêter leur appui au plan d'union de la prochaine
assemblée provinciale synodale. On assurait que le
roi était disDOsé à retrancher les abus qui choquaient
le plus les réformés ; que le culte des images et des
saints, le purgatoire, les prières pour les trépassés
seraient supprimés ou facultatifs, et que des théolo-
giens des deux religions auraient mission de s'enten-
dre sur la doctrine de la Cène, que l'usage de la coupe
serait rétabli et le culte célébré en langue vulgaire,
enfin que si le pape ne ratifiait pas, le roi passerait
outre ayant la parole de 42 évéques sur ces articles
et connaissant les moyens de ramener les autres. C'é-
tait évidemment un mensonge ; néanmoins plusieurs
s'y laissèrent prendre. Le Synode provincial convo-
qué à Charenton au mois de mai 1673 s'occupa de
cette question, mais pour opposer un refus formel au
projet, et les cinq pasteurs qui avaient promis de
l'appuyer déclarèrent qu'ils n'en voulaient plus. Le
clergé et la cour virent qu'il n'y avait pas chance de
réussir par ce moyen et se mirent à en chercher un
autre. Les jansénistes et les catholiques pieux propo-
saient de convertir les réformés par la persuation et
les bons traitements, mais les jésuites, qui savaient
la valeur négative de ces moyens, voulaient qu'on
— 149 —
usât d'intimidation et exigeaient des actes de catho-
licité hypocrite parce que, disaient-ils, si les parents
ne croient pas, les enfants croiront un peu, les petits
enfants davantage et, à la troisième ou quatrième gé-
nération, tout sera devenu bon catholique. La cour
flotta entre les deux systèmes, et c'est ce qui explique
les alternatives de rigueur et de douceur. Mais les jé-
suites ne tardèrent pas à faire prévaloir leurs avis et,
coup sur coup, ordonnances, déclarations, arrêts s'a-
battirent sur les réformés. On leur défendit simulta-
nément de faire des levées de deniers pour l'entretien
de leurs ministres et pour couvrir leurs frais de voya-
ges occasionnés pra' les synodes ; de récuser les juges
suspects : d'imprimer des livres de religion sans per-
mission des magistrats de la communion romaine :
de chercher à convertir les catholiques sous peine de
i,ooo 1. d'amende ; de célébrer leur culte dans les en-
droits et les jours où les évéques faisaient leurs tour-
nées ; d'avoir plus d'une école et plus d'un maître
dans les lieux d'exercice ; de faire enseigner par ce
maître autre chose que la lecture, l'écriture et les
éléments de l'arithmétique, etc.. etc. En suite de ces
ordonnanc-s il y eut de nombreuses poursuites et
condamnations, quelquefois même sur le champ.
C'est ainsi que, le 14 février 1676, le bailliage de Cau-
debec condamna à l'amende et à la prison et écroua
incontinent la femme Gille, parce qu'au prétoire du
bailliage où elle était pour un procès la regardant et
qui devait être plaidé ce jour-là. elle avait, malgré
sommation, refusé obstinément de s'agenouiller en
ent.ndant la clochette du Saint-Sacrement, quoiqu'on
n'aperçut ni le dais ni le prêtre.
On fit aussi la guerre aux temples. Entre 1670 et
167s. Antoine Gaulde. '< prêtre-docteur de la maison
et société de Sorbonne. grand archidiacre et cha-
noine en réo'lise cathédrale de Rouen, svndic du
— mo —
clergé de la province de Normandie » essaya d'obte-
nir de Tautorité la démolition ou tout au moins la
fermeture des prèclies d"Hougerville. Maupertuis,
Bacqueville, Lunerav. Lintot, Criquetot, Senitot.
Bosc-Roger et Quillebeuf. Ceci nous est révélé par
un '< factum » sans date, rédigé pour lui par un avo-
cat, et qui se trouve à la bibliothèque de Pont-Au-
demer i fonds Canel). Nous le reproduisons plus loin
('pièce n° 5 de l'appendice) Dour qu'on voie sur quel-
les misérables arguties on se fondait pour demander
la condamnation des temples. Gaulde étant décédé le
18 avril 167=, et rien ne montrant qu'il s'en soit servi,
il y a lieu de supposer que ce document est de fin
i()74 ou commencement 1675.
Quelques pasteurs ayant tenu sur les ruines de leurs
temples abattus des assemblées illicites, on les con-
damna a faire amende honorable la corde au cou et à
sortir du rovaume. Cela n'atteignit pas la région cau-
choise qui n'avait alors que deux temples d'abattus
depuis quelques années, ceux du Montcriquet et de
Lindebeuf. Du reste, les g-entilshommes des deux re-
ligions y vivaient en bonne intelligence, à ce que
nous apprend Dumont de Bostaquet, le seigneur pro-
testant de la paroisse de la Foutelaye, près de Bac-
queville, dont nous avons déjà parlé et sur les Aîe-
luoircs duquel nous aurons l'occasion de revenir. On
voyait même souvent des prêtres à la table des riches
réformés, et aux inhumations des religionnaires es-
timés il y avait un concours extraordinaire de peu-
ple. C'est ce qu'on vit notamment à l'enterrement de
la première femme de Dumont de Bostaquet, en
1664. ^l^is si les gentilshommes des deux religions
se supportaient mutuellement, quehpies-ims, parmi
les réformés, sentirent qu'il n'en irait pas longtemps
ainsi, et passèrent à l'étranger, entre autres Isaac de
Larrey, seigneur de Grandchamp et de Courmes-
— ISI —
nil 1 et petit-fils du pasteurjacquesde Larrey qui desser-
vit Tég-lise deLintotde i6iqà 165 1. Nous le trouvons
à Berlin en 1683, et il ne tarda pas à s'y distinguer
par des travaux littéraires.
Le Béarn comptait i'<6 temples et 46 églises de rési-
dence. Un procès qui dura sept ans réduisit à vingt
les lieux d'exercice en y ajoutant toutes sortes d'en-
traves. 11 en était à peu près de même dans les autres
provinces. Le Conseil du roi imposait quelquefois
un peu plus de réserve aux intendants. C'était pour
donner à croire qu'on faisait justice et que les églises
condamnées à être rasées n'avaient pas de bons ti-
tres, à ce que déclare Claude dans ses Plaintes des
Protestants de France.
Il y eut aussi des guerres de plume à cette époque ;
s'il n'y avait eu que celles-là, on n'aurait pas à le re-
gretter, car des hommes du plus grand mérite y pri-
rent part. Ce sont les jansénistes qui commencèrent
la controverse contre les protestants. Ils le firent
avec d'autant plus de zèle qu'on les accusait d'être
des protestants déguisés. Arnauld et Nicole déployè-
rent beaucoup de talent. Claude, Jurieu et Pajon
répondirent. Bossuet entra en lice avec son Exposi-
tion de la doctrine catholique dont nous avons déjà
parlé. Jurieu répliqua et dit qu'on ne reconnaissait
pas là le catholicisme. Le catholicisme des masses
n'est pas celui des docteurs. Mais ce qui étonne et
détonne c'est que les prêtres, qui vantent tant l'unité
de leur église, n'aient pas réussi à faire disparaître la
superstition grossière des simples qui fait un catho-
licisme dans le catholicisme. En 1678, Claude eut
une conférence avec Bossuet sur l'invitation de Mlle
de Duras. Les deux adversaires publièrent le résumé
de leurs débats. Dix ans plus tard, l'aigle de Meaux
1. — Né à Lintot le 25 jauvior l6oy, mort à Berlin le 17
mars 1719.
redescendit dans Tarène avec son Histoire des Varia-
tions des églises protestantes. Au point de vue de
Tabsolu, Bossuet avait raison. La substitution d"un
autre absolu cà l'absolu catholique péchait par la base,
du moment cju'il n"avait pas d'unité. A la vérité, les
deux absolus en conflit sont démentis par les faits et
personne ne soutient plus aujourd'hui l'absolu pro-
testant, remplacé par le droit naturel de la conscience
individuelle. Quant b. l'absolu catholique, il se sou-
tient toujours, malgré les résultats de la critique his-
torique, et c'est là sa force actuelle et sa faiblesse
future.
Nous arrivons à la crise religieuse qui amena dans
l'esprit de Louis XIV la résolution d'en finir avec
l'hérésie. Au jubilé de 1676, il eut de grands remords
d'avoir donné tant de scandales à la cour et à son
royaume par ses adultères publics, et il promit cà ses
directeurs spirituels de ne plus revoir Mme de Mon-
tespan. >Lais il n'eut pas la force de tenir sa parole :
de là des troubles de conscience qui furent habile-
ment exploités contre les hérétiaues par le père La
Chaise devenu son confesseur. Pour apaiser Dieu,
il ne fallait rien moins que réduire l'hérésie. Saint
Simon dit à ce sujet : « 11 était toujours flatté de faire
« pénitence sur le dos d'autrui et se réjouissait de le
« faire sur celui des huguenots et des jansénistes. »
Singulière théorie ! >Lais il ne faut pas perdre de vue
que, pour l'église romaine, tout hérétique est un or-
gueilleux qui repousse sciemment la vérité. Y a-t-il
apparence qu'on aimo mieux sa perte éternelle que
reconnaître son erreur? Il y a vraiment dispropor-
tion, et cette disproportion apparaît dérisoire quand
nous voyons qu'on achetait alors des conversions
^ ou 6 livres, quelquefois une ou deux pistoles. et,
dans des cas extraordinaires, de 80 à 100 livres ! Dans
ce commerce des conversions, comme dans tous les
— 1^3 —
commerces, il y eut fraudes sur fraudes, ce qui n'y
fit pas renoncer. Une religion qui se réclame deTab-
solu ne peut répudier de telles pratiques ! étant obli-
gée de se solidariser éternellement avec tout son
passé, lequel forme un bloc sacré. Et c'est ce qui sus-
cite des père Loriquet.
Le roi lit rendre par le conseil en mars 1679 une loi
plus dure encore contre les relaps. « Nous avons été
informés » dit-il dans le préambule « que dans plu-
« sieurs provinces de notre royaume il y en a beau-
« coup qui, après avoir abjuré la religion prétendue
'< réformée dans l'espérance de participer aux som-
« mes que nous faisons distribuer aux nouveaux con-
« vertis, y retournent' bientôt après. » Et la loi pro-
nonça contre eux, en plus de la peine de bannisse-
ment perpétuel, celle de l'amende honorable et de la
confiscation des biens.
Des âmes qui se vendent sont nécessairement des
âmes qui ne croient à rien. Dès lors quel fonds faire
sur elles et pourquoi les punir si durement? Ceux
qui les achetaient étaient à tout le moins aussi cou-
pables.
La paix de Nimègue en 1079 mit la grandeur de
Louis XIV à son comble. Il se crut le juge suprême
et le résumé vivant de l'Etat, et considéra comme
un crime de lèse-majesté toute opposition de cons-
cience à sa volonté souveraine. ^Ime de Maintenon.
qui avait abandonné le protestantisme à l'âge de 16
ans, commençait à prendre beaucoup d'empire sur
lui. Les réformés croyaient que cette influence tour-
nerait à leur avantage. Ils furent vite déçus. Elle avait,
ainsi qu'elle le déclare dans une de ses lettres, à taire
oublier son origine huguenote et, comme à un mo-
ment le roi avait dit craindre que le ménagement
dont elle aurait voulu qu'il usât envers les huguenots
ne vint de quelque reste de prévention en faveur de
— iM —
son ancienne religion, elle dût s'y employer avec
beaucoup d'ardeur, et commença par s'unir avec le
père La Chaise.
Gouverneurs, commandants, intendants, hommes
de robe et d'épée apprirent par les soins de ces deux
personnages, après la paix de Nimègue, que le roi
était résolu à en finir avec les huguenots. Aussi se
sentirent-ils tout à coup animés d'un saint zèle et se
firent-ils à leur tour missionnaires et convertisseurs.
Pour se mettre bien en cour il n'y avait qu'à envoyer
une longue liste d'abjurations, d'exercices interdits,
de temples abattus, de troupeaux dispersés. Ce zèle
ardent alla jusqu'à effrayer le conseil privé ; mais le
branle était donné. Entraîné par le mouvement, il
transforma bientôt en déclaration générale ce qu'il
avait d'abord blâmé.
Pendant l'année 167Q, il y eut 22 temples de démo-
lis rien que pour la Normandie : la région cauchoise
n'est pas représentée dans ce nombre, mais son tour
est proche.
La populace, toujours facile à fanatiser, fut de nou-
veau envahie par la haine sectaire et se fit sa part
dans ces persécutions. Dans les villes de Blois et d'A-
lençon. notamment, des bandes de misérables enva-
hirent les temples, déchirèrent les livres saints, bri-
sèrent chaises et bancs et y mirent le feu : et l'auto-
rité, au lieu de réprimer ces actes de vandalisme, les
sanctionna par l'interdiction du culte et l'exil des
pasteurs, cependant que Louis XIV persistait à assurer
les puissances protestantes de son respect de l'Edit de
Nantes. Dans une Déclaration de 1682, il affirmait
encore ne vouloir rien faire contre les édits qui as-
suraient l'exercice de la R. P. R. dans son royaume.
Sous les Valois, la persécution était plus cruelle,
mais au moins elle était nettement avouée. Nous
avons déjà parlé des ordonnances restrictives de 1673
— 1=;=; —
et des années suivantes. A mesure qu'on approche de
la Révocation elles deviennent plus nombreuses et
de plus en plus aggravantes.
Les exclusions aux divers emplois et charges de-
vinrent générales. On alla jusqu'à défendre qu'il y
eût des sages-femmes de la religion parce qu" « elles
ne croient pas » dit l'ordonnance (20 février 1680)
« le baptême absolument nécessaire et qu'elles ne
peuvent ondoyer les enfants. ?/ Cette défense causa
des malheurs sans nombre. Nous en citerons trois
qui regardent le pays de Caux : la dame de Longue-
val, de La Cerlangue, n'ayant pu obtenir de secours.
expira avec l'enfant qu'elle allait mettre au monde,
et son mari et son père moururent de douleur peu de
temps après.
Les réformés n'eurent bientôt plus de garantie dans
les cours de justice. Dans les affaires purement civi-
les, il suffisait à la partie catholique de dire : « Je
plaide contre un hérétique y, et lorsque celui-ci se
plaignait d'un déni de justice on lui répondait en ri-
canant : '< Que ne vous faites-vous catholique ? » On
défendit les mariages mixtes, même dans le cas de
naissances antérieures que le mariage eût légitimées.
On défendit d'avoir des valets catholiques, et. quel-
que temps après, le besoin d'espionner s'étant fait
sentir, d'en avoir d'autres que des catholiques. On
défendit en outre aux parents les plus proches d'être
tuteurs ou curateurs, et, aux pères et mères d'en-
voyer leurs enfantsà l'étranger avant l'âge de 16 ans.
On donna l'ordre de tenir pour catholiques et, par
conséquent, d'élever comme tels les enfants naturels,
et on déclara que cet ordre aurait des effets rétroac-
tifs. On en voit le ridicule : Des personnes de 60 à
80 ans furent sommées d'entrer dans l'église romaine
parce que leur état de bâtardise les rendait légale-
ment catholiques. (Cette mesure ne dut pas atteindre
— 1^6 —
beaucoup de gens, car les naissances illégitimes
étaient excessivement rares autrefois chez les protes-
tants. Ceci nous est démontré par les tables des re-
gistres de l'église de Rouen. Ces registres, qui em-
brassent une période de 76 ans — 1 609-1685 — ne ci-
tent pas plus de 10 enfants naturels pour une popula-
tion moyenne d'au moins 6000 protestants, à peine
autant qu'en eut le roi-soleil à lui tout seul, comme
le fait spirituellement ressortir M. J. Bianquis dans
la Rcvocation de rEdit de Nantes à Rouen. Les quel-
ques années d'actes pastoraux que nous avons relevés
dans les registres de Lintot confirment la très faible
proportion de naissances illégitimes chez les réfor-
més.
Enfin, le comble du grotesque sinon de l'odieux
fut atteint par l'édit du 17 juin 1681 qui portait que
les sujets de la R. P. R. tant '< mâles que femelles >/
ayant atteint l'âge de sept ans. pourraient embrasser
la R. C. A. et R. et qu'à cet effet ils seraient reçus à
faire abjuration de la R. P. R. sans que leurs pères et
mères et autres parents v pussent donner le moindre
empêchement sous quelque prétexte que ce fût. Ces
enfants étaient libres de se retirer où ils voulaient et
leurs parents tenus de leur servir une pension ali-
mentaire.
On ne peut s'imaginer quelles suites terribles eut
cette loi abominable. Toutes les familles se sentirent
atteint.'S. Elles se trouvaient, en effet, à la merci d'un
faux-ami, d'un voisin catholique, d'une servante
courroucée. Un prêtre, un envieux, un ennemi, un
débiteur mécontent, n'avait qu'à aller trouver un of-
ficier de justice et lui déclarer que tel enfant avait
fait le signe de la croix, ou baisé une image de la
vierge ou voulu entrer dans une église pour qu'aussi-
tôt cet enfant fût enlevé et enfermé dans un couvent.
^Ime de Mainiçiion se servit elle-même de cette abo-
— 157 —
minable loi contre les enfants du marquis de Villette,
son parent. Mme de Caylus, qui avait été convertie
de la sorte, en dit dans ses souvenirs : « Je pleurai
beaucoup, mais je trouvai le lendemain la messe du
roi si belle que je consentis à me faire catholique à
condition que je l'entendrais tous les jours et qu'on
me garantît du fouet. C'est là toute la controverse
qu'on employa et la seule abjuration que je fis. »
On permit aux nouveaux convertis de retarder de
trois ans le paiement de leiirs dettes, ce qui amena
au catholicisme tous les débiteurs obérés ou de mau-
vaise foi. On exempta de taille et de logement de
guerre pendant deux ans ces mêmes convertis et on
doubla les charges de logements, ks taxes ou contri-
butions arbitraires chez les récalcitrants.
On se mit à poursuivre tous les prêches qui res-
taient debout. Le lo mars 1O81, un arrêt du Parle-
ment de Normandie condamnait à être rasés les prê-
ches de Maupertuis, Hougerville et Lintot. Deux
mois après, le 17 mai. celui de Luneray était frappé,
et, enfin, le 30 juin suivant, c'était le tour de celui de
Senitot. Il ne restait plus alors d'ouvert dans la ré-
gion qui nous occupe que le temple de Criquetot.
Nous ne savons-à quelle époque disparurent ceux de
Bacqueville et d'Autretot. Comme celui de Bacque-
ville était visé dans le « factum pour ^P Antoine
Gaulde » nous en inférons qu'il fut condamné à l'une
des trois dates ci-dessus ou à une date voisine.
La partie du Pays de Caux où il y avait le plus de
protestants est celle qui comprend Bolbec et ses en-
virons dans un ravon d'à peu près 10 kilomètres.
Elle Benoit, l'historien de l'Kdit de Nantes, dit que
Lintot, seul lieu de culte depuis 1659 pour cette éten-
due, comptait 3000 communiants. Les registres de
cette église nous montrent qu'en 1678, 1679 et 1680
il y eut une moyenne de 139 baptêmes et de 215 in-
- 1^8-
humations, ce qui supposera moyenne de la vie étant
alors de 23 ans, une population d'environ 5000 pro-
testants, chiffre un peu faible pour fournir 3000 com-
muniants. La disproportion entre le nombre des bap-
têmes et celui des inhumations est énorme et de-
meure inexplicable pour nous si elle ne provient pas
de défections oroduites par les mesures rigfoureuses
que nous venons d'énumérer, car le nombre des
naissances était a cette époque notablement plus
élevé que celui des décès.
Donnons en passant une idée de l'activité pastorale
d'alors. Dans les derniers temps du temple du Mont-
criquet, il n'y avait qu'un pasteur pour célébrer le
culte dans ce temple et celui de Lintot. La prédica-
tion avait lieu les jeudis et jours de fête à Lintot et
les dimanches au Montcriquet. Lorsque Caudebec
n'eut plus de prêche — et cela date d'avant l'Edit de
Nantes — les protestants, peu nombreux, de cette
ville et ceux, en plus grand nombre, de St-Gilles-de-
Crétot, se rendirent à Lintot. Voici les noms des
anciens qui signèrent les derniers registres (1O77 ^
1681) de l'église de Lintot : Etienne Duprey, Louis
Igou, J. Lamy, Monsaint, Decaux, Lecaron, Lefebvre
et Havy.
(Quittons ces faits locaux pour revenir à la trame
générale de notre récit. On confisqua en faveur des
hôpitaux catholiques tous les fonds, rentes et autres
biens de quelque nature qu'ils fussent appartenant
aux églises condamnées, et on confisqua tous les
fonds et rentes destinés aux pauvres de la religion
dans les lieux où le culte n'était pas interdit. On an-
nula les testaments faits au profit des consistoires.
On ordonna aux médecins, chirurgiens et autres qui
seraient appelés à donner leurs soins à des malades
de la religion d'en avertir les magistrats du lieu, et
ceux-ci étaient tenus de visiter ces malades, de gré
— 159 —
ou de force, avec ou sans prêtre, pour leur deman-
der s"iis voulaient abjurer. On défendit aux pasteurs
de parler du malheur des temps dans leurs prédica-
tions, d'attaquer l'église romaine et de résider à
moins de six lieues des exercices interdits et à moins
de trois de ceux contestés. On défendit ensuite de se
réunir dans les temples hors des heures accoutu-
mées. On interdit définitivement de tenir des collo-
ques, et on défendit de soutenir par des aumônes les
malades de la religion ou d'en prendre soin dans des
maisons particulières : il fallait les transporter dans
les hôpitaux.
Mais ce qui mit le comble à ces mesures oppressi-
ves, ce fut la défense de recevoir au culte aucun nou-
veau converti sous peine de bannissement et de con-
fiscation des biens pour les pasteurs, et d'interdiction
d'exercice pour les troupeaux. C'était un raffinement
de barbarie, car comment repousser un frère venant,
tout repentant d'un moment de faiblesse, demander
à l'assemblée de lui rouvrir son sein où il demeure-
rait désormais ? C'est à la suite de prétendues récep-
tions de relaps que furent condamnés et rasés les
temples de Bergerac, Montauban, Montpellier. St-
Quentin et Quevilly Rouen .
Il semblait que la situation ne pouvait s'aggraver.
Louvois montra que oui en y mêlant du mil if a ire.
Il voulait plaire à Louis XH' et il crut qu'il n'y avait
pas de meilleur moyen que de le seconder dans la
conversion des huguenots. Et pour obtenir cette con-
version il n'avait rien trouvé de mieux que ce qu'on
a appelé les Dragonnades. Et ce qui jettera de toute
éternité l'opprobre de toutes les consciences droites
sur Louis XIV, c'est que l'auteur de cette invention
devint son favori. Marilhac fut l'opérateur ou plutôt
l'expérimentateur. 11 fit marcher ses troupes comme
dans un pays conquis. Des dragons, au nombre de
[6o
quatre à dix étaient logés dans les maisons avec dé-
fense de tuer les habitants, mais autorisés à faire tout
ce qu'ils pouvaient pour les faire abjurer. La solda-
tesque ainsi déchaînée commit d'effroyables excès.
Elie Benoit en relate quelques-uns que nous reprodui-
sons :
'< Les cavaliers attachaient des croix à la bouche de
« leurs mousquetons pour les faire baiser par force,
« et quand on leur résistait ils poussaient ces croix
« contre le visage et dans Lestomac de ces malheu-
'< reux. Ils n'épargnaient non plus les enfants que les
« personnes avancées, et sans compassion de leur
« âge, ils les chargeaient de coups de bâton ou de plat
<5c d'épée ou de la crosse de leurs mousquetons : ce
-r qu'ils faisaient avec tant de violence que quelques-
« uns en demeurèrent estropiés. Ces scélérats affec-
« talent de faire des cruautés aux jeunes. Ils les bat-
<< talent à coups de fouet; ils leur donnaient des coups
« de cannes sur le visage pour les défigurer ; ils les
« traînaient par les cheveux dans la boue et sur les
« pierres. Quelquefois des soldats, trouvant des la-
« boureurs dans les chemins ou à la suite de leurs
'< charrues, les arrachaient de là pour les mener aux
« églises catholiques, et les piquaient comme des
<< bœufs de propres aiguillons pour les faire mar-
« cher. ^ »
L'émigration qui, depuis 1669, ne s'était jamais ar-
rêtée, prit bientôt de grandes proportions, et c'est
par milliers que les familles protestantes quittèrent
la France. Les nations protestantes : l'Angleterre,
la Suisse, la Hollande, le Danemark leur offrirent
un abri par des déclarations officielles. La cour en
fut alarmée parce que la marine se plaignait de la
fuite d'un grand nombre de matelots qui profitaient
1. — Elio Benoit. Hist. de l'Edit de iSantes, t. IV, i^. 479
et 480.
— i6i —
des facilités que leur profession leur procurait pour
passer à l'étranger. Marilhac fut révoqué et les au-
tres intendants reçurent invitation à agir moins sévè-
rement.
On remit en vigueur contre les fugitifs les lois
qui interdisaient la sortie du royaume, mais en les
aggravant. C'est ainsi que la peine des galères perpé-
tuelles contre les chefs de famille, une amende de
3,000 1. pour ceux qui les auraient engagés à fuir, et
l'annulation de tous les contrats de ventes faits par
les réformés un an avant leur émigration furentèdic-
tées.
La loi contre les émigrants et celle contre les re-
laps étaient une arme à deux tranchants, car si les
nouveaux catholiques rentraient dans un temple ou
tentaient de fuir à l'étranger ils étaient frappés d'un
châtiment terrible. On ne voulait voir en eux, à l'in-
térieur, que des catholiques, et à la frontière, que
des hérétiques. Ces deux lois étaient une œuvre de
génie due au père La Chaise.
L'assemblée du Clergé envova un avertissement
pastoral a tous les consistoires. 11 ne convertit per-
sonne, mais il fit prévoir de nouvelles souffVances.
Cet avertissement disait que les évéques considé-
raient les huguenots comme des brebis égarées et
leur ouvraient les bras : mais que s'ils n'étaient pas
fléchis par ces charitables paroles ils devaient s'at-
tendre à des malheurs incomparablement plus
grands que tous ceux que leur avaient attirés jusqu'à
présent leur révolte et leur schisme. Cela rappelle
le : << Soyons frères, ou je t'assoiume ! w mis en pra-
tique sous la Terreur.
La position devint intenable. Aussi, nombre de
fugitifs remplirent-ils l'Europe de leurs plaintes. Ju-
rieu, qui venait de trouver un asile en Hollande,
écrivit (1682) son livre sur la Politique du Clergé Je
10:
/'V^î/za" ; mais ce fut en vain. Les rélormés envoyè-
rent doléances sur doléances et protestations de dé-
vouement sur protestations d'obéissance à la Cour,
au Conseil, au roi lui-même : cela n"eùt d'autre effet
que de menacer les plaignants de traitements plus
durs encore. Les réformés ne pouvaient croire que le
petit-fils du béarnais n'aurait pas pitié d'eux s'il con-
naissait l'étendue de leurs souffrances. Dans le but
de l'en instruire ils résolurent de tenter un suprême
effort. Seize députés des Cévennes, du Languedoc,
du Dauphiné et du Vivarais se réunirent secrète-
ment à Toulouse, au printemps de 1683, et rédigèrent
un projet en 18 articles destiné à rétablir leur liberté
de conscience et de culte sans rien faire pourtant
qui eût la moindre apparence de révolte. Ils recom-
mandèrent la repentance, la prière, l'union entre les
fidèles et décidèrent que. le 27 juin suivant, toutes
les assemblées intei dites recommenceraient simulta-
nément, sans ostentation mais aussi sans mystère,
les portes ouvertes, ou sur les ruines des temples dé-
molis. Ceux qui avaient été forcés d'abjurer devaient
se réunir à part de peur qu'autrement il n'y eût pré-
texte à de nouvelles persécutions. Le 4 juillet un
jeûne solennel devait être observé dans toutes les
églises. Les pasteurs étaient exhortés à demeurer au
milieu de leurs troupeaux et à ne les quitter que dans
le péril le plus imminent et sur le congé d'un collo-
que. Les 16 députés rédigèrent enfin une requête
pour le chancelier et tous les ministres d'Etat où ils
promettaient d'obéir au roi en tout ce qui n'était pas
absolument contraire au service de Dieu. « Quelle
'< est notre situation ? Si nous montrons quelque ré-
« sistance, on nous traite comme des rebelles ; si
'< nous obéissons, on prétend que nous sommes con-
'< vertis, et on trompe le roi par notre soumission
« même. »
- i63 -
Au jour convenu, beaucoup de temples se rouvrent,
les assemblées se reconstituent et les exercices re-
commencent dans plusieurs des lieux où ils avaient
été interdits. Mais ce n'était pas la totalité : beau-
coup s'abstinrent, au contraire. Malgré cela, les
gouverneurs militaires, les intendants prennent Fa-
larme : ils croient ou feignent de croire à une insur-
rection générale, et des troupes sont envoyées contre
ces pauvres paysans inoftensifs réunis pour méditer
et prier.
Le marquis d'x\guesseau, intendant du Languedoc,
père de Lillustre Chancelier, conseille d'arrêter les
violences du soldat : mais Louvois ne le veut pas. Au
contraire, il ordonne d'horribles exécutions : les
paysans sont traqués dans les bois, où on les tue par
centaines. Ce fut une boucherie et non pas un com-
bat, dit Rulhières. Ceux qui, faits prisonniers, refu-
sent d'abjurer, sont pendus.
Les religionnaires du A'ivarais et du Dauphiné. ré-
duits au désespoir, s'arment pour se défendre. Lou-
vois leur promet une amnistie ; mais, aussitôt accep-
tée, ils apprennent que les ministres en sont excep-
tés avec cinquante autres prisonniers. Le pasteur
Isaac Homel, vieillard de 72 ans, accusé d'avoir fo-
menté les troubles, fut condamné h être roué vif,
sentence qui reçut son exécution le 16 octobre 1683.
Si la persécution était devenue grande, au moins
peut-on dire qu'elle avait fortifié la piété. Il y avait
des provinces où les fidèles faisaient de so à 60 lieues
pour assister à un office public, et, dans le nombre,
des vieillards de 80 ans.
Là où les ministres étaient bannis ou emprisonnés,
les intendants faisaient venir d'office d'autres minis-
tres pour baptiser les enfants et célébrer les maria-
ges. On les gardait à vue comme des pestiférés et on
les renvoyait aussitôt après.
— 16-4 —
La Cour n'était pas encore satisfaite. Louis XIV,
qui venait de se marier secrètement avec Mme de
JMaintenon et était devenu d'une bigoterie excessive,
s'irritait des retards dans la conversion générale des
religionnaires : et c'est alors que, sur les instances du
père La Chaise, de Louvois et de Mme de Maintenon,
il se familiarisa peu à peu avec l'idée de révoquer
complètement l'Edit de Nantes. .Vlais si le Chancelier
Leteilier n'eût voulu que Tacte fut accompli avant
sa mort pour en avoir sa part d'honneur, on aurait
agi avec un peu de modération.
Au mois de mai 1685, le clergé tint son assemblée
générale et complimenta le roi des admirables succès
obtenus sur l'hérésie par la persuasion des mission-
naires bottés. L'évéque de Valence et le coadjuteur
de Rouen déclaraient qu'il avait fait abandonner l'hé-
résie par toutes les personnes raisonnables sa/zs vio-
lence et sans armes, dompté leurs esprits en gagnant
leurs cœurs par ses bienfaits et ramené les égarés qui
ne seraient peut-être jamais rentres dans le sein de
r église, que par le chemin semé de fleurs qu'il leur
avait ouvert.
Rulhières dit avoir vu le recueil de lettres du clergé
dans les papiers d'Etat, et que quelques-unes font fré-
mir.
Au commencement de 168^ il ne restait plus que
trois temples cauchois debout, ceux de Sanvic, de
Criquetot et de Dieppe. Il fallait un prétexte pour les
condamner. La loi contre les relaps le procura.
Nous ne nous occuperons pas de celui de Dieppe.
Voici ce qu'on invoqua contre ceux de Sanvic et de
Criquetot : une femme Bouilling, devenue veuve,
avait abjuré le protestantisme pour se remarier à un
catholique nommé Rocquerel. Ses deux enfants, Elie
et Gédéon Bouilling, âgés de moins de 14 ans,
avaient, quoique nés et baptisés protestants, été
— i6s — '
maintenus par ordre du roi sous la direction de leur
mère, pour être instruits dans la religion catholique.
Mais le grand-père paternel des enfant et leurs on-
cles Mesanguel et Le Berquier obtinrent de la mère,
moyennent récompense, qu'elle les leur confiât pour
les élever dans la foi protestante, et ils les menèrent
aux prêches de Sanvic et de Criquetot, ce qui était
violer la déclaration royale du 17 juin 1683.
En conséquence, le Consistoire fut attaqué. Sur ces
entrefaites les pasteurs de Sanvic et de Criquetot,
Gérard et Taunay, ayant été accusés d'avoir, au mé-
pris de la même déclaration, reçu dans leurs tem-
ples sept réformés qui. après avoir abjuré, étaient
retournés au protestantisme, des poursuites furent
exercées en même temps contre eux.
Les sept réformés accusés de relapsie étaient Jean
Lamy. ALarie Durand, Abraham Hauchecorne. Marie
Goudard, Jean Lelièvre, Marie i^Iaillard et Marie
Pertuzon.
Pendant que l'enquête, ordonnée le 1=^ février 1685,
se poursuivait, un arrêt provisoire intervint le 5 mars
prononçant la fermeture des prêches de Sanvic et de
Criquetot. Pour celui-ci elle eut lieu le dimanche de
Pâques, 22 avril, après le service religieux.
Le 14 avril, le jugement fut rendu en première ins-
tance. Nous le reproduisons (appendice, pièce n° 6).
Il condamnait entre autres les pasteurs Guérard et
Taunav à cesser tout exercice de leur ministère et h
se retirer à vingt lieues de leurs temples, et ceux-ci
à être démolis et rasés jusque dans leurs fondements ;
il ordonnait en outre qu'une croix de pierre de 20
pieds de haut et aux armes du roi serait élevée sur
leur emplacement. Il fut appelé de ce jugement.
Mais la Cour du Parlement le confirma le n ''loût
suivant. Nous publions (appendice, pièce n" 7) cet
arrêt confirmatif. Pour le Havre, cet arrêt fut exécuté
i66
sans délai. Pour Criquetot, les choses n'allèrent pas
si vite, et nous allons voir pourquoi. L'administration
de Thôpital deMontivilliers, qui se considérait com-
me avant été lésée par les administrateurs de l'hôpi-
tal d'Harfleur dans l'attribution des biens consisto-
riaux de Senitot parce que les droits des deux hôpi-
taux n'avaient pas été nettement précisés dans les ar-
rêts, voulut s'assurer auparavant que rien de ce que
lui adjugeait la cour n'avait été soustrait. A cet effet,
les échevins de la ville décidèrent de faire visiter
légalement le tout. Ce fut le ; septembre que cette
visite eut lieu. La bibliothèque de Montivilliers en
possède le procès-verbal. Nous le reproduisons (ap-
pendice, pièce n" 8| parce que nous croyons qu'il a
de l'intérêt pour les fidèles actuels de l'église de Cri-
quetot.
D'après l'abbé (>ochet, le temple de Criquetot était
situé au hameau appelé le Prêche, et le presbytère
s'appelait '< le Ministre. //
En exécution de l'arrêt du n août, l'hôpital de
Montivilliers devint propriétaire de l'emplacement
du temple, d'une grande maison près de la Tour de
Bergue, d'une rente de i6 1. et de divers objets qui
servaient au culte, et on éleva sur les ruines du tem-
ple une grande croix (20 pieds de haut) de pierre, aux
armes du roi. L'usage d'élever des croix à la place
même des temples rasés fut général, et c'est sans nul
doute à lui qu'on doit faire remonter l'horreur innée
que la croix inspirait aux protestants jusqu'à ces der-
niers temps.
En i68t, des troupes avaient été cantonnées dans
le Béarn pour surveiller l'armée espagnole. Une trêve
étant survenue, Louvois, qui se souvenait de la mé-
thode employée dans le Poitou par Marilhac, de-
manda au roi la permission de faire passer des régi-
jnçnts dans les endroits habités par les huguenots.
— 167 —
Cette permission ayant été accordée, le marquis de
BoLiftlers. commandant des troupes, et l'intendant
Foucault annoncèrent que le roi enjoignait à tous
les huguenots de rentrer dans l'unité catholique, et,
pour commencer l'oeuvre, fit entrer de force quel-
ques centaines de béarnais dans une église où offi-
ciait l'évéque de Lescar. On ferma les portes et ces
malheureux, obligés de se mettre à genoux, reçurent
dans cette posture, l'absolution de l'hérésie. Et ils
furent avertis que s'ils retournaient à leur erreur ils
seraient punis comme relaps. Ils s'enfuirent, une fois
libres, entraînant avec eux leurs parents et leurs voi-
sins, dans les forêts et les cavernes des Pyrénées. On
les poursuivit comme des bêtes fauves, et les hor-
reurs commises dans le Poitou recommencèrent et
furent même dépassées.
On avait défendu aux soldats d'aller jusqu'au meur-
tre. Mais, dans leur fureur, ils v atteignirent souvent.
Ces moyens de terreur eurent l'effet attendu. De 23,000
réformés que comptait cette province, le nombre
s'en réduisit à moins de 1000. Le clergé célébra son
triomphe en grande pompe. Ce succès encouragea
la cour à employer ailleurs de si efficaces moyens de
conversion, et en moins de quatre mois, on dragonna
le Languedoc, l'Aunis, la Guyenne, la Saintonge,
le Poitou, le Vivarais, le Dauphiné, les Cévennes,
la Provence et le pays de Gex. Ce fut un peu plus
tard qu'on remonta vers le Centre et enfin jusque
dans le Nord. Ma's plus on avançait vers ^'ersaiIles
plus on tempérait la façon d'agir.
Voici comment on procédaitpour ces conversions :
Avant l'approche des soldats, on convoquait les reli-
gionnaires en assemblée générale. Là. selon les lieux,
l'intendant, le commandant de troupes, l'évéque ou
tel autre annonçait que le roi ne voulait plus suppor-
ter Lhérésiç dans son royaume et qu'il fallait de plein
— i68 —
gré, si on ne voulait pas y être forcé, embrasser im-
médiatement le catholicisme. Quand ces pauvres
gens répondaient qu'ils étaient prêts à sacrifier pour
le service du roi leurs biens et leur vie, mais non
leur conscience, les dragons arrivaient. Au bout de
quelques jours, nouvel appel et, d'ordinaire, toute
résistance était brisée. La terreur devint si grande
qu'il fut bientôt suffisant d'annoncer farrivée de la
soldatesque pour que les réformés vinssent en hâte
prononcer ou signer les formules d'abjuration. Ces
jformalités étaient habilement rédigées, car elles n'en-
gageaient pas étroitement la conscience. Beaucoup
de religionnaires disaient : Je me réunis. D'autres fu-
rent même autorisés à rédiger leur abjuration en ces
termes: «Je reconnais et confesse l'église catholique,
« apostolique et romaine comme elle était du temps
« des apôtres 7, ou bien '< Conformément à la doc-
«trine de N. S. J.-C. >/ ou bien encore «en aimant
Dieu et J.-C. et l'adorant uniquement du culte souve-
rain qui lui appartient. >/
Mais ce n'était Là qu'un acheminement. 11 fallait
aller plus loin. «On revenait à eux quelques jours
« après// dit le pasteur (Claude «et ils n'en échappaient
« point qu'ils n'eussent signé un autre formulaire où
« on les engageait à outrance. >/
On en arriva à les faire communier de force ! Les
catholiques d'aujourd'hui n'estiment-ils pas que c'est
une profanation aboiniiiable ? Il y eut quelques pro-
testations, particulièrement du côté des jansénistes,
mais les jésuites n'en continuaient pas moins à ap-
prouver les communions forcées. Dans les premiers
jours de septembre i68s, soit environ six semaines
avant la révocation de LEdit de Nantes, Louvois
écrivait ce qui suit au Chancelier son père : « 11 s'est
« fait 60,000 conversions dans la généralité de Bor-
« deaux et 20,000 dans celle de Montauban. La rapi-
— 169 —
« dite dont cela va est telle qu'avant la fin du mois il
« ne restera plus 10.000 religionnaires dans toute la
«généralité de Bordeaux, où il y en avait iso.ooo le
« is du mois passé. »
Dans le même temps le duc de Noailles annonçait
à Louvois que le nombre des religionnaires du Lan-
guedoc où il opérait, était d'environ 240,000, mais
qu'il croyait qu'à la fin du mois «cela serait expédié.»
Pour légitimer ces abjurations arrachées de vive
force, Louis Xl\', circonvenu par son confesseur,
conseillé par son chancelier et son ministre de la
guerre, mal informé de ce qui se passait dans son
royaume, et convaincu, d'autre part, sur la promesse
qu'on lui en avait donnée, que cette mesure ne
ferait pas répandre une goutte de sang, consentit en-
fin à révoquer l'Edit de Nantes, c'est-à-dire à fondre
en une les ordonnances restrictives antérieures,
car. en fait, il ne restait rien de l'Edit. C'était le 18
octobre i68s.
Il vécut encore 30 ans. ce qui lui permit de voir
la faute irréparable qu'on lui avait fait commettre, et
de pressentir que le coup qu'il avait porté à la pros-
périté nationale aurait une réiiercussion d'âge en âge
et assombrirait la gloire de son règne.
'1s>:|
W
CHAPITRE V
Révocation de l'Edit de Nantes
(1685)
Le préambule de l'acte révocatoire du i8 octobre
i68=, est un témoignage du grand mensonge dont on
avait abusé le roi, à moins qu"il ne fût une feinte en
crainte de représailles des Etats protestants : '< Nous
<< voyons présentement, avec la juste reconnaissance
« que nous devons à Dieu, que nos soins ont eu la
'< fin que nous nous sommes proposée puisque la
'< meilleure et la plus grande partie de nos sujets de
'< la Religion prétendue réformée ont embrassé la
« catholique, et l'exécution de l'Edit de Nantes de-
« meure donc inutile. >/
"Voici en gros ce que renfermait cet acte : Plus
d'exercice du culte réformé ; — ordre aux pasteurs
de sortir du royaume dans le délai de 15 jours et de
n'y plus faire aucune fonction sous peine des galères ;
— promesse aux ministres qui se convertiraient
d'une pension plus forte d'un tiers que celle dont ils
jouissaient auparavant avec la moitié réversible sur
la tète de leurs veuves ; dispenses académiques pour
ceux d'entre eux qui voudraient entrer dans la car-
rière du barreau ; — défense aux parents d'instruire
leurs enfants dans la religion réformée et injonction
de les faire baptiser et de les envoyer aux églises
catholiques sous peine de 500 1. d'amende : — ordre
à tous les réfugiés de rentrer en France avant quatre
mois, sous peine de confiscation de leurs biens ; — ■
— lyi —
défense à tous les religionnaires d'émigrer, sous
peine des galères pour les hommes et de la réclusion
pour les femmes; — enfin, confirmation des lois
contre les relaps...
Le dernier article donna lieu h une cruelle méprise.
11 disait : « Pourront au surplusles dits de la R. P. R.,
'< en attendant qu"il plaise à Dieu de les éclairer com-
« me les autres, demeurer dans les villes et lieux de
« notre royaume... sans pouvoir être troublés ni em-
'< péchés sous prétexte de la dite religion réformée,
'< à condition, comme dit est, de ne point faire d"ex-
« ercice. » La liberté de conscience semblait donc
être respectée dans le for intérieur et au foyer do-
mestique. Les réformés s'en réjouirent. Mais quelle
déception douloureuse suivit bientôt ! Ces mots : En
aliciidani qu'il plaise à Dieu de les éclairer comme les
autres voulaient dire : En attendant qu'ils soient con-
vertis par les dragons. Louvois écrivit dans les pro-
vinces : « S. M. veut qu'on fasse sentir les dernières
'< rigueurs à ceux qui ne voudront pas se faire de sa
« religion et ceux qui auront la sotte gloire de vou-
« loir demeurer les derniers doivent être poussés
«jusqu'à la dernière extrémité. />
Le i8 octobre i68^ doit être compté comme le jour
le plus néfaste que la France ait traversé. Il l'a trou-
blée, affaiblie, appauvrie, abaissée, et, aujourd'hui,
conséquence séculaire de cette amputation matériells
et morale, elle ne brille plus à lavant-garde des na-
tions, mais semble, au contraire, s'acheminer vers la
décadence. A partir de ce jour-là, Louis XIV vit sa
fortune décliner. Peut-être n'attribua-t-il pas ce dé-
clin à son acte révocatoire. Ses courtisans l'en louè-
rent trop pour qu'il pût avoir une vision de ses con-
séquences politiques, industrielles, commerciales et
morales. Pourtant, il vit bientôt les alliés naturels de
la France dans l'Europe protestant^ se retourner
contre elle avant à leur tête Guillaume d"Orange, et
rémigration prendre des proportions immenses et
certainement imprévues, ^'auban n'évaluait-il pas,
un an après la révocation, h 100,000 le nombre des
habitants que la France avait perdus, à 60.000,000 de
livres l'argent monnayé qui était sorti de France, à
9,000 matelots et à 12,000 soldats aguerris, avec 600
officiers, la force dont les armées de mer et de terre
se trouvaient amputées? Leduc de Saint Simon, dans
ses fameux Mémoires, dit que le commerce fut miné
dans toutes ses branches et le quart du royaume sen-
siblement dépeuplé. Louis XIV ne connut plus la vic-
toire : Blenheim, Ramillies, Malplaquet, furent des
défaites suffisantes pour qu'il demandât la paix à
l'Europe. Il Lobtint à Utrecht, on sait à quelles con-
ditions I Le prestige de la royauté en fut gravement
atteint, et peut-être le résultat de l'acte de contrition
de Louis XIV, comme on a appelé la Révocation,
fut-il cause que la nation se jeta en plein dans le
scepticisme. On a prétendu que la Révocation fut
populaire. Ce n'est vrai qu'en partie. Chez les prê-
tres fanatiques, chez Bossuet et Fléchier, chez les
courtisans et dans les basses classes de la société elle
fut approuvée. Mais chez les penseurs capables de se
hausser aux idées générales, elle fut condamnée.
Voilà le bilan de l'acte révocatoire.
Les pasteurs n'avant cjne quinze jours pour sortir
du royaume durent prendre une prompte décision.
Pas un seul de la région qui nous occupe n'abjura.
Le pasteur de Criquetot. M. Taunav, se retira en
Hollande. Il dut y mourir en 1686, car nous ne ren-
controns plus son nom dans les comptes-rendus des
synodes après ce millésime. Une note qui ne porte
aucune date dit que sa veuve reçut des secours de
l'église d'Amsterdam. — Paul Cardel. qui desservait
l'église de fief de Grosmenil près de Bosc-le-Hard,
se retira aussi en Hollande (il arriva à Harlem le 28
février 1686 avec sa femme Madelaine de Houppe-
laine, et son père). Mais nous le retrouverons plus
loin, car il rentra en France en 1688. — Jacques de
Larre\-. le pasteur de Luncray-Bacqueville. prit aussi
le chemin des Pays-Bas (il mourut h Scheidam en
1722 . Son collègue Abraham Signard l'v avait pré-
cédé et était devenu pasteur à Middelbourg où il
mourut le 28 novembre 1618. — Simon Felles, qui
desservait Lintot, se rendit à La Brille où il mourut
en i08c), et son collègue Ephraïm Rallemont sieur de
la ^'oute, à Flessingue où il décéda au commence-
ment de 1694. — Daniel Boursault, pasteur de Fé-
camp. se retrouve dans le Brabant Septentrional, en
i()8(i. 11 devint pasteur à Franequer en avril 1687. —
Antoine Lepage, qui desservait l'église de fief de
Caule, se réfugia à Rotterdam, où il exerça le minis-
tère de janvier 1686 au 19 novembre 1701, date de sa
mort. Quant à Daniel Hervieu de la Servanière, le
collègue de Boursault à Fécamp, nous ne savons ce
qu'il devint sinon qu'il quitta aussi la France. —
Henri Latané, qui fut pasteur à Sénitot en 1660 et
probablement un peu après, avait dû passer en Hol-
lande avant la révocation. En tout cas, son nom fi-
gure sur la liste des 200 pasteurs français présentée
au synode des Eglises wallonnes assemblé à Rotter-
dam le 24 avril 1686. — César Pegorier le ministre de
Sénitot lors de la condamnation de ce prêche, dut
passer en Angleterre. Ce que nous savons, c'est qu'il
avait, le 13 juin i68s, sollicité de Louis XIV l'autori-
sation de s'y retirer avec sa femme et un enfant, et
que cette autorisation lui avait été accordée.
Les conséquences pour la Normandie de la Révo-
cation de l'Edit de Nantes ne sont pas faciles à déter-
miner. Floquet. le plus accrédité des historiens nor-
mands, estime à 184,000 au moins le nombre des ré-
— ^74 —
formés qui quittèrent notre province, et Goube, an-
cien conseiller du roi et receveur h Rouen, parle,
dans. son Histoire du dnchc de Normandie, de 2O.000
habitations désertées. Dans ce nombre la part du pays
de Claux doit être considérable. Au reste, par la liste
des biens abandonnés (appendice-pièce n" 8( on verra
combien d'immeubles, la plupart afi'ectés à des indus-
tries, furent, du jour au lendemain, confisqués au
profit de l"Etat ; mais ce que nous ne savons pas,
c'est combien de gens 1 industriels, marchands, fer-
miers, artisans), qui n'étaient pas propriétaires, pas-
sèrent à l'étranger. L'ambassadeur français Bonre-
paus écrivait de Londres en 1686 au ministre Seigne-
lay : '< Les autres fabriques qui s'établissent en ce
pays sont les chapeaux de Caudebec et La man'.ère
d'apprêter les peaux de chamois. » Nous ne pensons
pas qu'il s'agisse de Caudebec-en-Caux, mais de Cau-
debec-lès-Elbeuf, car les registres de Lintot pas plus
que ceux de Rouen ne nous révèlent l'existence de
protestants à Caudebec-en-Caux, et la liste des biens
abandonnés n'en comporte pas qui y soient situés.
« La fabrication des chapeaux, dit M. Ch. W'eiss.
l'auteur de l'Histoire des Réfugiés protestants de
France (t. I. p. j-^-^,) est une des plus belles industries
dont les réfugiés dotèrent l'Angleterre. En France,
elle avait été presque entièrement entre les mains
des réformés. Eux seuls possédaient le secret de Leau
de composition qui sert à la préparation des peaux
de lapin, de lièvre et de castor, et eux seuls livraient
au commerce les chapeaux fins de Caudebec, si renom-
més en Angleterre et en Hollande. Aorès ia Révoca-
tion, la plupart se retirèrent h Londres, emportant
avec eux le secret de leur art, qui resta perdu pour
la France pendant plus de 40 ans. Ce n'est qu'au mi-
lieu du 18^' siècle qu'un chapelier français nommé
Mathieu, après avoir longtemps travaillé à Londres,
y déroba le secret emporté par les réfugiés, le rap-
porta dans sa patrie, le communiqua généreusement
aux chapeliers de Paris et fonda une grande manufac-
ture dans le faubourg" St-Antoine. » Avant ce larcin,
les cardinaux de Rome étaient obligés de faire venir
leurs chapeaux de la célèbre manufacture de W'ands-
worth établie par les réfugiés.
On évalue à iqS./So livres le revenu que laissèrent
les 40s chefs de famille de la généralité de Rouen,
possesseurs d'immeubles, qui avaient émigré en
i68b. Mais, dans ce total de chefs de famille, ne sont
pas compris ceux dont les biens avaient été réclamés
par leurs parents devenus ou qui étaient déjà catho-
liques.
Rouen, pour sa part, perdit trois industries : celles
de la fabrication du sucre, de la faïence et du verre,
et son commerce d'exportation lointaine tomba à
presque rien. Legendre ^ dit qu'il eut la consolation
de voir se retirer à l'étranger les deux tiers de son
troupeau, et cela ne paraît pas exagéré puisqu'on
évaluait le nombre des protestants de Rouen à 5000
et qu'on n'y comptait plus, en 1698, en y compre-
nant les enfants, que 1647 convertis. Rouen aurait
donc fourni 3.300 fugitifs.
Elbeuf y aurait perdu son industrie du drap, exclu-
sivement dans des mains protestantes, si Colbert,
n'avait eu la bonne Densée d'envover deux drapiers
parisiens assurer la continuation de la grande fabri-
cation elbeuvienne des Lemonnier dont les produits
étaient connus partout sous le nom corrompu de
Draps de Mon nier.
Maintenant, est-il vrai de dire que ces industriels
qui émigrèrent dotèrent l'étranger d'industries nou-
velles ? Oui, mais pas d'un aussi grand nombre qu'on
le croit généralement, car les registres de l'ancienne
1. — Hist. de la Pers. faite à l'égl. de Rouen, p. 83.
— i7<» —
église de Rouen nous montrent que beaucoup des
industries qui florissaient dans cette ville y avaient
été fondées par des étrangers — écossais, tiamands,
hambourgeois — et avaient continué à y être déte-
nues par leurs descendants alliés à des françaises.
Seulement, ce que nous croyons, c'est qu'ils y portè-
rent une façon différente de travailler et que cela
établit une émulation et une concurrence qui firent
étonnamment progresser l'étranger.
Le roi croyait que les réformés, privés de leurs
conducteurs, se rallieraient sans trop de peine au ca-
tholicisme. Il vit bientôt qu'il s'était trompé et que
les missions bottées n'avaient fait que des conver-
sions simulées et que le protestantisme étant une
religion personnelle, le temple, le lieu de culte, ne
lui est pas indispensable et qu'il peut subsister sans
l'assemblée dominicale. Aussi, après l'échec de la
tentative faite par les missionnaires envoyés pour
catéchiser les religionnaires et amener des abjura-
tions, il se laissa, dans son dépit, entraîner aux actes
les plus criminels. Il donna Tordre d'emphjyer
les moyens qui avaient si bien réussi dans le Poitou
et dont jusqu'alors la Normandie avait été exemptée
— car nous ne voulons pas considérer comme des
dragonnades comparables à celles exercées dans le
Poitou la pression militaire tentée en 1559 sur les
protestants de Normandie dont parle une lettre
adressée cette même année à Calvin par le pasteur
de Paris, François Morel.
La nouvelle se réoand bientôt dans les campagnes
que des troupes marchent sur Rouen. On juge de
l'effet que cette nouvelle y produisit, l'horreur des
missions bottées ayant pénétré partout. '< Si on vou-
lait faire abjurer le christianisme et suivre l'alcoran,
écrivait Fénelon « on n'aurait qu'à montrer des dra-
gons. » Des gentilhommes du pays de Caux, lesmar-
— 177 —
quis d'Harcourt, d"Orbec. les sieurs de Courtanon,
d'HcLizecourt. de St-Mards. de TEstang, Becquigny,
Ste-Foy, Dumont de Bostaquet. et quantité d'autres,
se réunissent à Rouen pour se concerter sur la con-
duite à tenir. Chacun sent que sa perte est certaine ;
mais l'avis de tout souffrir plutôt que d'abandonner
la religion est unanimement adopté. Le lendemain,
Dumont de Bostaquet confère en son château de La
Fonteleye avec les gentilshommes réformés voisins.
Nous ne savons pas les noms de tous : mais nous sa-
vons que les résolutions prises étaient de fuir immé-
diatement à l'étranger, et nous savons aussi que leur
mise à exécution fut différée.
Sur ces entrefaites, le marquis de Beaupré-Choi-
seul, à la tète de 12 régiments de cuirassiers et de 24
compagnies du régiment Royal et Royal-étranger,
entrait dans Rouen l'épée à la main comme dans une
ville conquise. L'effet ne se fit pas attendre : quatre
jours après, 300 familles signaient leur abjuration.
Comptant que le reste suivrait cet exemple, le minis-
tre donna l'ordre au commandant de conduire ses
troupes à Dieppe ; mais à peine celles-ci parties, les
conversions s'arrêtent. On les rappelle et. cette fois,
elles achèvent la besogne, après quoi elles repren-
nent le chemin de Dieppe en passant sans doute par
Bacqueville, Luneray et les paroisses voisines. Nous
ne connaissons rien du résultat obtenu dans le petit
Caux. Il y a lieu de croire qu'il fut celui qu'on obte-
nait partout. A Dieppe, la résistance fut acharnée :
pas une conversion ne s'y produisit en dehors de celle
d'un enfant de 12 ans. Aussi les dieppois sont-ils dé-
clarés vingt fois plus obstinés que les rouennais par
Lecouteulx. un des échevins de Rouen chargé par ses
collègues d'aller trouver l'intendant de Marilhac.
Louvois. instruit de cet échec, en fut si exaspéré qu'il
écrivit à M. de Beaupré de renforcer les logements
12
- T78-
de cuirassiers chez les habitants et de les y faire vi-
vre fort licencieusement. '^. Vous ne sauriez rendre
'< trop dure et trop onéreuse la subsistance des trou-
'< pes chez eux >> déclarait-il. Le résultat cherché fut
enfin obtenu. Mais des abjurations arrachées par ces
moyens ne pouvaient être définitives. C'est ce que la
suite démontra : un mois après le départ des dragons,
très peu de ces convertis faisaient profession de ca-
tholicisme.
A la Révocation, le protestantisme comptait encore
beaucoup de nobles dans son sein, bien cpi'un cer-
tain nombre de gentilshommes, trop attachés aux
honneurs du siècle ou trop en contact avec la cour
aux mœurs dissolues du roi-soleil, n'eussent pas at-
tendu les persécutions pour rentrer dans l'église ro-
maine. Dans cette noblesse, que d'exemples de cons-
tance ne trouverions-nous pas si nous nous attachions
à les rechercher ! Le pays de Caux était la région
qui comptait le moins de gentilshommes réformés,
et cependant, à la Révocation, nous y trouvons encore
M. de la Basoge, baron d'Heugueville, Paul Baudry
sieur d'Iberville, Jacques et Henri Basnage de Beau-
val, Brière de Picauville. Isaac de Larrey. Jacques de
Larrey, Paul Thierry de la Motte-Lallier, du Mesnil-
Martigny. Josias de la Haye de Lintot, I3umont de
Fécamp, Barthélémy de la Garenne, Mme de Bra-
chon de Bévilliers, Mme de Biville, les sieurs de
Melleville, de Nipiville, de Senneville. et enfin Isaac
Dumont de Bostaquet, l'auteur de Mémoires grâce
auxquels beaucoup d'épisodes de la Révocation dans
le pays de Caux nous sont connus.
L'effroi que jetait l'annonce de la venue des cava-
liers était tel que bien souvent on abjurait en masse
avant leur arrivée. Par exemple, à Harfleur, les éche-
vins ayant appris que quatre compagnies d'un régi-
ment de cuirassiers se dirigent vers la ville envoient
— I7Q —
diligemment un délégué vers l'intendant de Marilhac,
avec mission de lui représenter que '< toutes les per-
sonnes faisant ci-devant profession de la R. P. R. de
Tun et l'autre sexe avaient fait leur conversion et
qu'il ne restait dans le lieu (.juc quatre ou cinq misé-
rables sans aucun bien et presque tous fugitifs. » *
Cette démarc'ne des échevins n'empêche pas les cui-
rassiers de loger dans la ville et à Montivilliers où,
d'après les registres de l'abbaye, ils provoquèrent
200 abjurations. A Criquetot-l'Esneval. il en alla
de même. A la fin d'un manuscrit qui se trouve aux
archives de ce bourg, il y a une liste de 1S9 abjura-
tions : II sont de juin à novembre 1684, 143 d'avril à
décembre i68s, et =< des années suivantes. Pendant
le seul, mois de novembre 168^. mois de la venue des
cuirassiers, il en fut enregistré 125. Il y en avait de
toutes les paroisses environnantes. Criquetot. pour
sa part, en fournissait 21. Peu de ces conversions fu-
rent définitivement acquises. D'après l'abbé Cochet. -
aucun protestant de Gonneville et de Saint-Jouin,
deux communes où il s'en trouvait beaucoup, puis-
que dans la première ils avaient établi un marché
et dans la seconde un prêche, ^ ne se convertit. '< Ils
préférèrent >/. écrit-il, « l'exil au changement de re-
ligion. Ils enfouirent dans la terre ce qu'on ne leur
permit pas d'enlever et nous savons une famille qui
a trouvé au retour un trésor qu'elle avait caché dans
un bois. Puis ils descendirent à Bruneval et à Etretat
d'où les barques de pêche les transportèrent en An-
1. — Rapport do M. de Beaurepaire, Bulletin des Anliq. de
la Seine-Inlerieure, t. II, p. i^68.
2. — Histoire de Criquetot, p. 15.
3. — Nous ne voyons rien qui couiirnio qu'un prèclie ait
existé à St-Jouin. Mais il est possible qu'on y eut établi un ser-
vice dans une maison particulière. C.q qui rend la chose pro-
bable, c'est que la conunune comptait beaucoup de protestants
et que le temple de Griquetot en était d'stanl de 12 kilomè-
tres.
— i8o —
gleterre. On montre encore à Etretat de petites for-
tunes de pécheurs qui proviennent du passage des
protestants. »
On sait que 24 compagnies se partagèrent ie pays
de Caux et que le secrétaire de l'intendant de Maril-
hac avait Bolbec, Motteville et les environs pour
champ d'action ; mais on ne sait pas bien par où pas-
sèrent les troupes qui allaient au Havre et à Monti-
villiers, Criquetot et Fécamp. On a trace de leur
passage à La Cerlangue et à Turretot. Sans doute que
de Caudebec, où toutes passèrent, des compagnies se
dirigèrent vers Autretot pour gagner Fécamp par
Colleville et Bec-aux-Cauchois ; d'autres, pour ga-
gner Harfleur, Montivilliers et le Havre, par Lintot,
Bolbec, Lillebonne, St-Nicolas-de-la-Taille, St-An-
toine-la-Forét. St-Eustache et St-Jean-de-la-Neuviile,
s'avançant ainsi sur un front de plus en plus élargi
pour atteindre toutes les paroisses où il y avait des
religionnaires, et c'étaient presque toutes celles de
l'élection de Montivilliers. On ne sait presque rien
du passage de ces convertisseurs à Boibec. Sans doute
que les documents les relatant furent consumés dans
l'incendie qui détruisit la ville le 14 juillet 1763.
Mais peut-être aussi le clergé bolbécais obtint-il que
les réformés fussent ménagés à cause de ce qu'alors
tout le commerce et l'industrie étaient dans leurs
mains et qu'exiger leur conversion eût été risquer,
en leur faisant prendre le chemin de l'exil, de ré-
pandre la misère dans la population ouvrière ne sub-
sistant que par eux. Cette hypothèse nous parait très
acceptable. Concernant le passage et le travail des
cuirassiers h Bolbec, nous trouvons dans une lettre
de l'échevin rouennais Lecoulteux déjà nommé, en-
voyé vers M. de Marilhacqui se dirigeait sur le Ha-
vre, pour lui remettre un état des conversions, que
M. de Rue, secrétaire de celui-ci, était à Bolbec à la
— i8i —
date du 12 novembre et qu"« il travaillait tant qu'il pou-
'< vait pour la conversion des huguenots de ce pays-là,
« ayant en sa queue deux compagnies de cavaliers. »
Il y eut des allées et venues, de Marilhac et de ses
troupes, de Rouen au Havre et du Havre à Dieppe.
C'est ce qui permit d'opérer dans les campagnes.
Mais il y a lieu de croire que les troupes ne firent
qu'y passer. La réputation, non usurpée, des cava-
liers était telle, en effet, qu'il devait suffire le plus
souvent de les apercevoir dans le lointain pour cou-
rir, affolé, signer chez le curé.
Qu'on juge des angoisses par lesquelles passèrent
les familles protestantes à l'annonce de l'auproche
des missionnaires bottés ! Celles qui le purent, passè-
rent à l'étranger. Il v eut d'abord les pasteurs, aux-
quels un délai de is jours pour sortir du royaume
avait été accordé (pour quelques-uns, tenus pour
dangereux, ce délai fut abrégé. On refusa même à
plusieurs le passe-port indispensable afin d'avoir
motif d'apparence légale pour les arrêter à la fron-
tière et les emprisonner). Quant aux laïques, com-
me il leur était interdit de sortir de France sous les
peines les plus sévères igalères perpétuelles et con-
fiscation des biens) il leur fallut ou bien se résigner
à abjurer tout en conservant le for intérieur, ou bien
tenter, en trompant la surveillance dont tous étaient
entourés, de passer à l'étranger. Ce dernier parti fut
suivi par un grand nombre. Nous ne pouvons nous
risquer à donner un chiffre même approximatif des
familles du pays de Caux qui émigrèrent à ce mo-
ment-là et pendant les années qui suivirent. Par la
liste des Religionnaires fugitifs ayant abandonné des
biens, que nous publions (Appendice, pièce n° 9 ^)
1. — Coiiiiiie cette hste ne comprend que les propriétaires,
nous la faisons suivre immédiatement d'une liste générale,
("est-à-dire reniermant tous les noms des fugitifs venus à notre
connaissance.
i8:
on verra qu'elles sont légion. l>ien entendu, il n'y
eut pas que les familles possédant des propriétés qui
prirent le chemin de Tétranger. Les petites gens,
comme on disait alors, c'est-à-dire les artisans, les
ouvriers des champs et des villes donnèrent l'exem-
ple aux riches et leur firent souvent honte.
A l'étranger on retrouve peu des noms qui figurent
sur les listes des biens abandonnés. Faut-il en inférer
que beaucoup de fugitifs périrent en mer ou v furent
dépouillés et tués par des pirates, et aussi que beau-
coup furent capturés par les surveillants des côtes et
des frontières et jetés en prison ? Oui. sans nul doute.
Et nous savons qu'en 1686 les cachots d'Aumale
étaient remplis de prisonniers protestants et qu'il y
en avait aussi à Neufchâtel. A Arques, les prisons en
regorgeaint. 11 y a lieu de croire aussi que dans les
foréts-frontières des bandes de brigands formées en
vue de dépouiller les fugitifs, en surprirent et assas-
sinèrent beaucoup et firent disparaître leurs cada-
vres, ou les laissèrent sur place pour qu'ils devinssent
la proie des bêtes sauvages, nombreuses en ce temps-
là. Combien aussi se proposèrent comme guides qui
massacrèrent traîtreusement les fugitifs assez con-
fiants pour remettre leur sort entre leurs mains !
Plusieurs grandes familles demandèrent à la cour
la permission de sortir du rovaume. Ce ne fut ac-
cordé qu'au maréchal de Schonberg et au marquisde
Ruvigny et encore y mit-on cette condition : le pre-
mier se retirerait en Portugal et le second en Angle-
terre. L'amiral Duquesne fut le seul qui eut permis-
sion de demeurer e 1 France et d'y finir ses jours
avec la liberté du ïo: intérieur. Le grand juriscon-
sulte normand B.isnage y demeura nus-i, mais par
tolérance : on voulut bien fermer les yeux sur lui
jusqu'à sa mort ; on lui retira seulement le droit de
plaider. Il avait alors 70 ans. et il y eu avait so qu'il
— i83 -
éclairait le Parlement de ses lumières. II se retira
dans sa terre de Franquesnay, qui s'appelle au-
jourd'hui ferme « du Basnage //, près de Pavilly, et
garda sa maison de la rue de l'Ecureuil, à Rouen,
qu'il revenait habiter de temps en temps et où il
s'éteignit doucement en i6qs. Un brevet royal as-
sura la terre de Franquesnav à son fils Jacques Bas-
nage Tex-pasteur de Rouen, pour services rendus à la
France en Hollande où il s'était réfugié. La faveur
accordée à Duquesne n'était qu'une maigre récom-
pense des services qu'il avait rendus à son roi ; et en-
core ne lui fut-elle pas octroyée sans le secret espoir,
vu son grand âge. de l'amener à changer de religion.
A une sollicitation pressante de se convertir, il ré-
pondit : '< J'ai rendu à César ce qui appartient à
'< César et à Dieu ce qui appartient a Dieu ; César
'< sans doute ne trouvera pas mauvais qu'en lui ren-
'< dant religieusement ce qui lui est dû, l'on rende
'< aussi à Dieu ce qui lui appartient. >, Son fils dut
quitter la France. Le père du grand Duquesne fut
un marin distingué, un armateur hardi et un ferme
huguenot. >Lirthe de Caux. sa femme, était, dit-on,
de Lunera\', et. née catholique, se serait convertie
en l'épousant : nous n'avons pu contrôler cette dou-
ble assertion. Catherine de Bernières. la femme de
l'amiral, serait aussi devenue protestante lors de son
mariage.
Les cavaliers partis, nos malheureux pères revin-
rv-'Ut de leur surprise et se ressaisirent vite. La cons-
cience de chacun ne lui donnait pas de cesse qu'il
n'eût quitté son ingrate patrie pour en adopter une
autre où l'on pût adorer Dieu librement. Mais la sur-
veillance aux frontières, aux ports et sur le littoral à
tous les points Dropres à un embarquement nocturne,
devint de plus en plus active et rendit d'autant plus
aléatoire et uérilleuse la tentative de fuir. Et beau-
- i84 -
coup furent pris et allèrent remplir les prisons et
garnir les galères du roi . '-' Pour ces émigrants „ dit
Floquet' '<. les juges de Normandie éta'.ent sans pitié,
'< et pendant bien des années les minutes de tous les
'< bailliages sont remplies des dures sentences que
'< chaque jour on y prononçait contre eux. Armés de
« ces lois draconiennes, la honte du grand siècle qui
« les vit rendre et ne réclama pas. les juridictions sé-
« vissaient à Tenvi, condamnaient les hommes aux
'< galères perpétuelles et les femmes à être rasées, à
'< faire des amendes honorables, puisa la prison pour
'< toujours, sans parler de la confiscation des biens.
'< surtout quand quelque abjuration, extorquée na-
'< guère à un malheureux, donnait à leur fuite le ca-
" ractère de la relapsie pour laquelle il n'y avait
«point de merci. Ce qu"à St-Lô, ce qu'A Fécamp, ce
'< qu'au Havre, ce qu'à Dieppe et en tous lieux dans
«les provinces il se rendit de ces jugements inhu-
« mains dépasse toute idée. » Et le peuple était cruel
envers ceux qui mouraient pour confesser ou en con-
fessant leur foi. C'est ainsi que dans les campagnes
voisines de Rouen on écorcha, après sa mort, Pierre
Levasseur, de Bolbec, et, après avoir traîné le nom-
mé Bennetot plus de deux lieux, on l'abandonna aux
bêtes sauvages. -
On devine quel épouvantail devaient constituer
ces dangers étant donné tout ce qui se racontait,
amplifié par la voix populaire et le fanatisme du
clergé ! Aussi est-on surpris de voir combien bravè-
rent une telle accumulation de risques. Oh 1 la con-
fiance en Dieu et la force qui en résulte, comme
elles se montrent là ! Et une autre surprise, c'est que
malgré tant d"obst:!clcs formant une sortj de réseau
infranchissable, un si grand nombre de fugitifs —
1. — Floquct, Hisi. du Parlc.m. dr. Norm.. t. VI. p. 17ô.
t. --- Logi'iidro, Hi.-<(. de la Fers, finte n l't'ijl. de liuuen, p. 8'i.
— i8s —
bien qu'un pointage fasse constater beaucoup de dis-
paritions — aient réussi à gagner la terre étrangère.
On est porté à supposer que les soldats préoosés à la
surveillance des côtes n'étaient pas incorruptibles.
On dut, en effet, en suborner quelques-uns. Peut-
être d'autres se laissèrent-ils toucher par le courage
ouïes malheurs de ces pauvres huguenots persécutés.
Nous avons plusieurs récits de fuites ou tentatives
de fuites par mer. Celui fait par Dumont de Bosta-
quet. l'un des héros de Tune d'elles, est des plus cir-
constanciés. Nous le résumons :
I.o Hiiuaiulie IG mai 1687, jour de la l'ontecôte. après le
dii)er. on se dis[»osa à partir do la Foiilelaye (aujoiircriiui
conumme du caillou de Tôtes). Il y avait, outre lliuiiont de
i!osla(|uel, son lils, sa uièro, oetogéiinire. sa sœur, plus Mlles
d'Ileusecourt et de l'ronville. I.e jour haïssant la caravane se
mil en roule et s'arrèla chez Mme de liainfreilie d'où Dumont
de liostaquet se roiidil seul à l.uueray jiour traiter avec un
paysan nomiué F.e Tillais ipii m'-iiociait des embarqueuienls. Il
y avait l)eaucou[i de moiide à l.uiiL'ray, pour le même ol)jet, ce
jour-là, et Le Tillais lui dit que plusieurs paysans étaient par-
lis à Dieppe pour faii-e venir des bateaux à Quiberville, lieu
propice pour les emhanjueuienls nocturnes, et que dès le re-
tour de ceux e .voyés par lui il lui ferait part, chez i\Ime d'Hi-
herville, de l'heure où il devrai! rire rendu avec les siens au
point désigné, f.a soirée et la nuit se passèrent sans nouvelles,
l.e lendemain. Dumont apprend qu'un vaisseau anglais a
abordé à St-Aubin pour prendre des fugitifs et qu'il y avait des
malelols à terre dont un avait mission de traiter du passage.
11 va vei's cet agent, s'abouche avec lui et l'alTaire est conclue
à raison de deux pistoles et demie jiar personne, et h.eure et
lieu du lendoz-vous arrêtés. Quand Dinnonl rentre chez Mme
de Dainireville et qu'il apprend à tous l'arrangement pris, la
joie est générale. I,e soir venu, le Tillais se présente et dit à
Dumont que les vaisseaux dont il lui avait parlé étaient à (^)ui-
— i86 -
berville. Ciehii-ci l'iiifui'iiie (jne ne l'ayant pas vu revenir la
veille il a Irailé par ailleurs dans la journée. Le paysan se re-
tire en nuirmurant et maugréant...
La caravane se forme et se met en route à 10 li. du soir,
renforcée de .M. de Montcornet, bel-oncle de Mme DumonI, et
de M. de Hainfreville, son gendre, et se dirige vers Sainl-Au-
l)in distant d'au moins deux lieues. Arrivée dans la plaine, elle
s'augmente de tous ceux qui avaient également Irailé avec le
matelot anglais et se trouva compter plus de 300 personnes
tant hommes que femmes et enfants, mais particulièrement
des paysans, sans armes. On crut qu'il n'y avait aucun péril et
on marcha sans précaution. Il faisait beau clair de lune et
« l'envie extrême de se voir délivrés faisait courir tout le
« monde comme aux noces. » Au boni du village d'Avremesnil
beaucoup de ses habitants élaient rassemblés pour voir passer
ceux qui s'en allaient et leur souhailaienl bon voyage. Tout al-
lait à merveille. Ceux qui devaient s'eml)ar(pier à Quiberville
se séparèrent de ceux qui devaient monter à bord du vaisseau
anglais. On traversa l'Iainville sans rien l'emarquer d'anormal,
et on gagna le bord de la mer. Le corps de garde qu'on y
avait établi était vide. Les dames s'assirent sur le galel. liien-
tôt on fut inquiet de ne pas voir paraître le bateau. De lîosla-
quet, à ce moment, s'éloigna jiour aller (piérir sa belIe-sieur
<pii ai'i'ivail, eu cai-rosso. An inoniciil oi'i il allait revoin'i- avec
elle, il cnlend un bruil insolite (pi'il croit causé par l'arrivée
du bateau sur un point dillérenl. Mais il est bientôt fixé, car un
rouleinenl de tambour el des coups de fusil éclatent subitement.
11 se croit perdu et croit les siens perdus avec lui, car il ne
doute pas que c'est la garde qui vient reprendre son poste.
Mais laissons lui la parole : « .le ne voyais point deux cavaliers
« qui venaient à tontes jambes pour l'arrètei- (le carrosse de sa
« belle-sœur), mais j'entendis qu'ils criaient de toutes leurs
« forces: à moi ! à moi ! je me trouvais dans un étrange em-
« barras de me voir hors de défense, lorsque mon l.iijuais, (|ui
« tenait mes chevaux au bord de la mer, vint à toutes jambes
« me les amener, le n'inis le loisir (jne de me jeter sur mon
- i87-
« isabelle et de crier au cocher de ma belle-sœur de tourner
« diligemment et moi. le pistolet ;"i la main, je marchai du coté
<t que j'entendais ces voix. A peine j'étais à découvert du car-
« rosse qu'un cavalier me crie : Tue ! tue ! Je lui réponds sans
« m'ébranler : Tire ! coquin ! et au même temps il me lire un
« coup de pistolet qui, me coulant le long de la joue gauche,
i( mil le feu à ma perru((ue sans me blesser. J'étais encore si
<( pivs du carrosse que le cocher et le laquais rapportèrent
« avoir vu le feu clairement dans mes cheveux. .le mis le pisto-
« let cans le ventre de ce maraud, mais par bonheur pour lui
« il manqua, bien que je les eusse amorcés de frais à I.uneray.
« Cependant il tourna la croupe de son cheval et poussa du
« côlé de l'autre qui était avec lui. .Je reprends mon autre pis-
« lolet, et les suivant au trot, il crie ii l'autre : Tire ! tire ! Il
« avait un fusil duquel il me coucha en joue, et comme il faisait
« clair comme jour et que je n'étais qu'à deux ou trois lon-
« gueurs de cheval de lui, il me donna le coup dans le bras
« gauche dont je tenais la bride, je remuai les doigts aussitôt
« pour voir s'il n'était pas cassé, et appuyant les talons à mon
« cheval, je g.ignai la croupe du premier qui m'avait tiré, qui
« était sur ma gauche, et lui voulant casser les reins, comme il
« courait tout courbé sur l'encolui-e de son cheval, je lui don-
« liai mou coup de pistolet dans la hanche. .Mes deux cavaliers
« disparurent à mes yeux et s'enfuirent, .l'entendais la voix de
« llé([uiguy (l!é(juigny était son beau-frère) qui, embarrassé
« parmi les fusiliers, faisait rage de se bien défendre, et sans
« perdre de teuq)s ù suivre mes fuy;u"ds. je courus à lui l'épée
« il la main, et, en chemin, je rencontrai mon gendre de lîain-
« freville. pied à terre, qui venait devers moi. Je lui demandai
«' où il allait ; il me dit qu'il courait après ses chevaux que son
« valet avait emmenés, .le lui répondis que c'était en vain et
<( qu'il fuyait à toutes jambes ; il avait passé assez près de moi
« quand j'étais monté à cheval et qu'ainsi il n'avait qu'à me
c suivre ou à se tirer en diligence. Je n'avais pas le temps de
« raisonner avec lui. Je joignis en un moment Béquigny qui
« n'avait avec lui que le bonhomme Monfcornet, et nous écar-
— i88 —
« tàmes toulc cctlc canaille oi nous Iroiivànics seuls mailies du
« champ do l)alaille. il luedit que son cheval é(ait l)lessé, et
« qu'il n'en pouvait j)lus, et moi je lui dis que je l'étais au bras,
« Jiiais que sans perdre de temps il nous fallait voir de quoi
« nos pauvres femmes élaient devenues. Nous les trouvâmes
« presque au même lieu où nous les avions laissées, et aban-
« données de tout le monde, toute la troupe ayant coulé le loni^
« du rivage |)ar dessous les falaises. Ma mère extrêmement
t sourde n'avait point oui les coups et ne savait que voulait
« dire toute cette rumeur, ne songeant qu'au vaisseau (jiii ne
« paraissait point. Ma sieur, toute elïi'ayéc, sur le reproche
« que je lui fis de n'avoir pas suivi les autres doucement, me
« dit que ma mère ne pouvait marcher pour être trop chai'gée
« d'habits, et en effet, craignant ({ue la fraîcheur de la nuit ne
I l'incommodât, elle s'était velue extrêmement. M. de lîéquigny
« me fit i)enser que si nous pouvions ralliei" quelques hommes
« de notre troupe, cela nous faciliterait le moyen de tirer nos
« femmes du péril où elles étaient. Hors, sans perdre de temps,
« je courus le long du rivage assez loin croyant que la peur
i aurait fait cacher des hommes dans les falaises, mais ma peine
« fut iiuitile ; je ne vis .jue (luelques nil(>s qui fuyaient en pleu-
« rant. Lors, voyant que ma présence était inutile à nos pau-
« vres femmes, je les revins joindre au galop. M. deDéquigny,
« de son côté, avait retourné du côté du corps de garde pour
« savoir s'il n'y avait personne, car nous ne doutions pas que
« ce ne fût des gardes dont nous avions été chargés ; et les
« deux cavaliers avec (|iii j'avais eu alfairo, me le confirmaient,
« car je savais (juil y en avait eu toujoiu's qui battaient l'estade
« le long (les côtes et visitaient les postes toutes les nuits. Nous
« arrivâmes au même temps au lieu où nous les avions laissés.
« Béquigny me dit (juc nous étions pei'dus, que les coquins
« s'étaient ralliés au nombre de quarante et qu'ils se prépa-
rt raient à nous venir charger. Nous étions sans balles pour re-
« charger nos pistolets. I.e sang que je perdais en abondance
« me faisait perdre mes forces. Le cheval de M. de Itéipu'gny,
« blessé d'un cou|i de fusil à l'épaule, n'allait (|u'à trois jand)es.
— 189 —
« et dans celte extrémité, ne sachant que faire pour sauver
« toutes ces femmes et filles, je le priai de mettre ma mère
« derrière moi. 11 l'essaya, mais comme elle était trop pesante,
t il ne le put. M. de Monicornet seul était avec nous, mais
« qui nous était fort inutile : son grand âge de 72 ans el un bi-
« det sur le(juel il était monté nous le rendaient d'un petit se-
rt cours, i.e valet de Déquigny nous avait abandonnés après
« avoir, dans la mêlée, tiré son mousqueton, dont il avait cassé
« l'épaule d'un garde sel qui en mourut. I.a mer qui connuen-
« çait à monter, me faisait peur à engager ces fenunes et iilles
« à pied sous ces falaises, incertain du lieu par où elles se
« pourraient tirer. Ma mère et ma sœur me conjuraient inslam-
« ment de nous retirer, que si nous étions pris notre pei-te était
« assurée, que pour elle le pire qui leur pouvait arriver était
« d'être mises dans le couvent. Dans celte dui'C extrémité mon
« cœur décbiré de mille regrets, el accablé de déses[ioir d'être
<f hors d'état de tirer de péril des personnes qui m'étaient si
(t chères, ne savait quel parti prendre; et dans cette irrésolution
« ne pensant point à moi, je sentis que je perdais trop de sang
« pour être longtemps debout et que je ne manquerais pas de
ot m'évanouir. Lors, je pris mon mouchoir el je priai ma sœur
« de me bander le bras ; mais n'en ayant pas le courage et
« même n'étant pas assez liante pour me rendre ce service que
« je lui demandais comme une preuve dernière de son amitié,
<r je m'adressai à celte demoiselle de Caen qui était avec elle
« et s'appelait La lîosière. Elle eut peine à s'approcher de moi
« en cet état ; mais enfin après que je l'en eus fortement priée
« elle me rendit cet office. Cela arrêta liion sang.... »
Après avoir résisté aux vives instances de sa mère et de sa
sœur qui l'engageaient à fuir, il s'en alla, les remettant aux
mains de la Providence. Il était accompagné de Monicornet son
bel-oncle et de Béquigny son beau-frère. Ils se hâtèrent, caria
mer qui montait menaçait de leur couper toute retraite. L'in-
quiétude de Dumont de ne savoir ce qu'était devenue sa petite
Judith-Julie qu'il avait confiée, en arrivant au bord de la mer,
à une femme (jui voulait fuir avec eux, était grande. Heureuse-
— 190 —
mont, Tin peu plus loin, il l;i retrouva et put la prendre avec
lui. lùilin, ayant trouvé une vakuise, ils purent i-enioiiler sur la
ii'ili'. A peine avaient-ils niarclié une denii-lieui'e dans la plaine
(|ii'ils a|i(M"(;urenl cinci on si\ cavaliers, ils niarclièrenl de Iront.
1 ('prc liante, ce (|ni cnl poni' cllcl d'en imposer à ces cavahris
et d(! les drlei-niiiier à ]ioursiiivi'c leur clieniin, et ils yaiinri'fnt
à travers champs la denieuic dr Mme d llilicrvillc, à l.nneray.
(pu s'était couchée en allemlant leur reloue. .Mok; d'Ilihei-ville
s'élant hnée et ayant aperçu Duniont tout ensanglanté laillil
s'évanouir et demeura anxieuse du soi't des autres. Notre liéros
ayant hesoin d'être pansé par un chii-ni'gien. repartit avec \ié-
(]uigny, laissant sa petite fille à la garde de .Mme d'Hiberville
chez qui .Montcoi'iiel i-esta. Ils passèi'cnt chez .M. de lii'uueval
qu'il leur fallut i-é veiller et le prièrent de charger M. de .^aenne
« qui était papiste; » d'aller au Itord de la mei' poiu' savoir ce
qu'étaient devenus la mère de Ihimont et le reste de la troupe,
et, après lui avoir indiqué le lieu où il pouri'ait leur donner les
n()uvelles iju'il recueillerait, ils gagnèrent St-l.aurenl-en-Caux
où résidait le sieur Legrand, un habile chirurgien protestant,
par qui liostaquet voulait être pansé. Sa blessure était grave et
elle le i'aisait horriblement soutTrir. 11 se sépara là de llé(jnigny
en lui promettant de le rejoindre le soir à (irosmenil |irès île
Ilosc-le-liard, et comme il n'eût pas été prudent à lui de gagner
le liostaquet (c'est le nom du manoir qu'il habitait dans la pa-
roisse de la Fontelaye) il se rendit dans une de ses fernu^s ex-
ploitée par le nommé INIaillard et le chargea d'aller chercher
Mme Dûment qui accourut aussitôt et versa d'abondantes lar-
mes en lui voyant le bras en échar|)e et le visage tout défait.
Ceux de ses enfants restés au Bostaquet avec le dessein de par-
tir plus tard, lorsque sa femme, qui était enceinte, serait déli-
vrée et pourrait afl'i'onter le voyage, arrivèrent. Ce furent des
lamentations auxquelles son départ, qui ne jionvait éti'e dilféré,
mit fin. Dans celte occurence, il loue la complaisance du curé
de La ]<"ontelaye. Il arriva le soir à Crosmenil ; il y trouva l!é-
quigny. C'est là qu'ils devaient savoir par lîruneval renseigné
par M. de Saenne ce qui était advenu aux leurs laissés au
— 191 —
bord de la mer. M. lîruneval vint dans la nuit et leur apprit que
ce n'était point, comme ils l'avaient cvu, la garde (jui les avait
chargés, mais un cadet de d'Aulxenf nommé Verlot qui, avant
ajjpris qu'un embarquemeiit considérable devait avoir lieu, s'é-
lait entendu avec une cinipinnlaine de [laysaus du lîourg-Dun
et des villages voisins pour s'emparer du bulin des i-eligion-
naires fugitifs ; que le dit Vertot élait blessé à la bancbe ; que
bien des paysans étaient demeurés sur le lieu de leur solle
équipée, et que les femmes avaient été menées chez lui, de
liiuneval, mais que les juges d'Arqués, ayant eu vent de l'af-
faire, seraient venus chez Vertot et (ju'à la suite le gendre et la
s^jeur de Dumont, la tille de celle-ci et .Mlle d'Angerville de la
Uozière auraient été conduites au château de lliep|ie à la ['oiiite
du jour, ce qui fut en [larlic conlii'uié par le lils de Diunoiit
qui arriva de Dieppe à ce moment. Deux jours après, Dumont
de lioslaquel [)arlait de (irosmenil pour la Hollande où, après
bien des péripéties, il arriva guéi-i de sa blessure au bras. Sa
femme et ses enfants l'y rejoignirent. l'our ne pas ;ivoir à y
revenir nous dirons tout de suite ce qu'il leur advint à l'étran-
ger et ce (ju'il advint à ceux arivlés à la suite de l'échautfou-
rée que nous avons racontée. Dumont prit du service dans l'ar-
mée iiollandaise et combattit pour sa nouvelle patrie, après
quoi il passa avec sa femme en Angleterre. Ses Mé))wi)'es nous
disent que pour ce passage ils furent obligés d'attendre à la
lirille un vent favorable et que pendant ce séjour forcé dans
cette ville ils allèrent au prêche où ils virent l'ancien ministre
de Lintot, M. Felles, et saluèrent Mmes de lioucourt, de l'elit,
de Goulon, et plusieurs de leurs amis ; ils nous disent encore
i[u'après une traversée périlleuse ils cherchèrent un logement
à Greenwick où ils trouvèrent, comme ministre français, M.
Severin qui avait été 12 ans pasteur dans, leur famille tant à
Grosmenil qu'à Prouville.
.M. de Montcornet passa en Hollande très peu de temps après
Bostacjuet. Il avait un fils en garnison à Maësti'ickt depuis peu
de temps, qui avait gagné les Pays-Bas en compagnie de Mlle
de Béquigny, de -M. de la Motte-Frémontier et des sieurs Gue-
— 192 —
(Ion. lie Itout'ii, cl Hoitoiit, de I.uiierny.
(ju;ml aux ix-rsoiiiios arivli'cs à la suite de la hMilative d'cm-
l):ii(|iiciiii'iit à (,)iiil)('i'\ illc, leur procès siiislruisil et lo |ii"(''si-
dial lie ('.aiulcbce-oii-daiix l'ciidil on devnlor i'(>s>orl. le 11 aoi'il
l()87. un jn^ciiient condaninaiit la iiièi-e de Dnmonl do l'osta-
qnct. Mine Moi-. 1 d'Héroudevillo et sa lille, Klisahetli de (iioul
de la lîozière, la veuve llaimnai'e, et Mme l'iei're liayeux à
être rasées et enferniées dans une maison religieuse pour le
reste de leurs jours, et leurs biens conlis(iués ; et Françoise de
Hrossard à èli-e enfermée pendant deux ans seulement, à cause
de son jeune âge, dans un monastère de lilles ; le sieur de
llainfreville et Daniel de la Halle, à trois années de galères ;
Jean Lefebvre, l'ierre lioulard, Pierre Pillon, François Boit-
tout, .Jacques Alleaume, Pici'i'e Ilouainville, Isaac l.ardans,
Isaac l.etillais, Isaac Larclicvèiine. l'ierre Fesade, Desqua(|ue-
lon, (îédéoi Pigné, Isaac Ouvin (probablement Ouvi'ij. Suzanne
Fesade, à être blâmés en la cliandjre et à RIO F d'amende ; et
Isaac Dumont de Pioslaquet, de Becquigny, Isaac Fardant,
Isaac Thomas père et lils, Jacques Boilout, l'rançois Sénécal,
Pierre Fesade, du Pionchay, et sa femme, Fa Fontaine, un co-
cher et un valet allemand, — par contumace parce (ju'ils
étaient en fuite, aux galères perpétuelles et biens confisqués,
sauf la femme Fesade (jui était condanmèe à être rasée et en-
fermée à perpétuité K
Par quelques pièces de l'instruclion de ce procès nous ap-
prenons que les s-eurs Thomas et Isaac Fardans dit Facardon-
nette faisaient, avec plusieurs autres paysans de Puneray,
négoce d'aller quérir les nouveaux convertis en Basse-Norman-
die, à l'iouen et autres endi-oits, et de les garder chez eux
jusqu'à ce ([u'il leur fût possible de les faire endjarquer soit à
St-Aubin. soit à Quiberville. Ayant appris (jue le bruit de leurs
entreprises était venu à des oreilles catholiques, ils cherchè-
rent presque tous à sortir du royaume, et la liste des condam-
nés par contuiTiace nous montre qu'ils y réussirent.
1. — Bostaquel, Mémoires, p. :W'2.
[
— 193 —
L'émigration dura longtemps. C'est en io8(i qu'elle
fut le plus active ; mais elle fut encore importante
en 1687.
Charlotte Dulac, veuve de Jean de Brachon, sei-
gneur de Sénitot, paroisse de Gonfreville-l'Orcher,
passa en Hollande en 16S6 avec ses trois filles. Mais
pour le constat de ses droits de propriétaire elle avait
laissé dans sa terre de Sénitot, sous la garde d'un de
ses fermiers, son fils Tristan-Lancelot qui avait perdu
la raison. Cette combinaison fut déjouée : par ordre
supérieur, le jeune Brachon fut transféré au couvent
des Pénitents de Ste-Barbe de Croisset, où il mourut
bientôt.
Puisque nous parlons de Sénitot, disons oue son
temple, bien que condamné en 1681 à être rasé sans
délai, était encore debout à la Révocation. Cela tient
sans doute à ce qu'on Pavait perdu de vue. On devait
bientôt y penser. Une réclamation concernant les
biens du Consistoire ayant été adressée par les éche-
vins de Montivilliers et Pabbesse directrice de l'hô-
pital de cette ville à de .^Iarilhac, ensuite de laquelle
Tristan de la Motte, ancien de ce consistoire, fut ap-
pelé à faire la déclaration des biens qui avaient ap-
partenu à l'église de Sénitot, et à remettre le mobilier
et les archives de cette église, lit apprendre la chose.
On loua d'abord, le i" mars 1686, le terrain qui avait
servi de cimetière, et quatorze jours après les éche-
vins décidèrent sa démolition et que les matériaux
en provenant seraient vendus. Le produit des ventes
de tout ce qui avait appartenu au Consistoire fut,
comme nous l'avons dit en rapportant la visite de
constat faite par le lieutenant général civil et crimi-
nel du siège présidial de Caudebec accompagné du
procureur du roi de la vicomte de Montivilliers au
prêche de Criquetot, accordé à l'hôpitnl du Havre et
à l'hôtel-Dieu d'Harfleur le 17 juillet 1690.
13
— Î94 —
Nous ne savons pas tous les noms des jeunes en-
fants qui furent enlevés à leurs parents pour être éle-
vés dans la religion catholique aussitôt après Tacte
révocatoire. Nos notes relatent seulement les demoi-
selles de Martigny et de Lamberville comme mises
aux Nouvelles catholiques Je Rouen en 1686.
Les conséquences, pour la France, de la Révocation
furent telles qu"en 17 10 Fénelon dépeignait ainsi
l'état du royaume : '< On ne vit plus que par miracle.
'< // semble que la France est une vieille macliine déla-
« broc qui va encore de Vancien branle qu'on lui a
'< donne et qui achèvera de se briser au premier choc.
" Tout se réduit à fermer les veux et à ouvrir la main
•'< pour prendre ton jours sans savoir s'il v aura de quoi
« prendre ; il n'y a plus que le miracle d'au jourd'hui
« qui reponde de celui qui sera nécessaire demain. Les
^i peuples ne vivent plus en hommes, et il n'est plus
*i permis de compter sur leur patience, tant elle est
« )nise à une épreuve outrée. // 1
Et Saint-Simon, ào.n?> sqs Ménioires. nous apprend
comment la nouvelle de la mort de Louis W\ fut
accueillie : « Paris respira, les provinces elles aussi
« respirèrent et tressaillirent de Joie. Le peuple, ruiné,
« accablé, désespéré, rendit g races à Dieu avec un
« éclat scandaleux de cette délivrance. >/ -
N'omettons pas de dire qu'à la nouvelle de la Ré-
vocation le pape Innocent XI envoya un bref à Louis
XIV dans lequel on lit : « Nous avons cru qu'il était
« de notre devoir de vous féliciter sur le comble de
« louanges immortelles que vous avez ajoutées, par
« cette dernière action, à toutes celles qui rendent
« jusqu'à présent votre vie si glorieuse. L'églige ca-
« tholique n'oubliera pas de marquer dans ses anna-
1. — Hist. de Fénelon par le card. Beausset, t. IV, p. 130,
éd. 1817.
2. — Floquet, Hist. du Pari, de Xorcn., t. VI, p. 19:2.
— 19=' —
«les une si grande œuvre de votre dévotion envers
'< elle et ne cessera jamais de louer votre nom. /, Voilà
comment le vicaire de Jésus-Christ parlait à un mo-
narque dont la vie scandaleuse lui était connue ! Et
voici comment Tévéque de Valence, qui n'ignorait
rien non plus de cette vie, harangua ce même mo-
narque au nom. du clergé : « C'est un miracle de \ .
<< M. qu'elle convertisse tout sans y emplover la con-
'<. trainte, et que de leur plein gré les peuples vien-
'< nent à elle de toutes parts pour se réunir à l'église.
« Tout cela s'est fait sans violence, sans armes, et bien
« moins encore par la force de vos édits que par voire
« piété exemplaire. »
Maintenant qu'il n'y avait plus de protestantisme
en France, il fallait que des voix autorisées fissent
croire à la postérité et aussi à l'étranger — mais
pour celui-ci c'était difficile, les exilés volontaires
ayant parlé — que le retour à l'église s'était fait sans
coercition ni contrainte, et c'est Ce qui explique le
langage de Tévéque de Valence et celui que tenait
Bossuet dans la lettre pastorale suivante : '< Aucun
« de vous n'a souffert de violence ni dans sa personne
« ni dans ses biens. J'entends dire la même chose aux
«: autres évéques. Pour vous, vous êtes revenus pai-
'< siblement à nous. Vous le savez bien. »
On serait surpris de trouver de telles expressions
sous la plume de Tévéque de Meaux s'il n'y avait là-
dessous la raison que nous venons de dire, car il est
indubitable qu'il usa lui-même de contrainte morale
et même de violence envers des protestants réfrac-
taires de son diocèse. ' Il emplova même contre un
vieillard moribond toute son éloquence et toute sa
dialectique, et quand il vit qu'il n'avait pas réussi à
troubler la sérénité du mourant '^ qui savait en qui il
1. — Voir la brochure : Bossuet dévoilé -jinr un prélre de
son diocèse, 1690 : Paris, G. Fischbacher, 1875, in-8.
— 196 —
croyait » il s'emporta jusqu'à dire que '< sitost cju'il
seroit mort, ou le jetteroit à la voirie, comme un
chien >/ mais qu'avant il allait faire enlever son fils
unique — ce qui était l'atteindre par l'endroit le plus
sensible. Cette cruauté ne lit pas fléchir ce pauvre
paysan, presque illettré. Par quel aveuglement le
g-rand prélat put-il prendre pour de l'entêtement cet
héroïsme de martyr ? Jean Bion, le modeste prêtre
qui était aumônier à bord de la galère La Supcrhc où
ramaient un grand nombre de condamnés pour leur
fidélité a leur foi, ne s'y trompa pas, lui, il se con-
vertit à cette foi qu'il avait pour mission de combat-
tre. "Voici ce qu'il dit de ces galériens et de l'impres-
sion qu'ils produisaient sur lui : '< Ils ne laissaient
« jamais entendre, parmi les cris qu'on ne peut refu-
« ser à la nature, un mot d'impatience ni d'injure.
« Dieu l'Eternel était leur réconfort et Celui seul
«qu'ils appelaient h leur service... J'avais occasion
« de les visiter tous les jours, et tous les jours, cà la
« vue de leur patience dans la dernière des misères,
« mon cœur me reprochait mon endurcissement et
« mon opiniâtreté à demeurer dans une religion où,
« depuis longtemps, j'apercevois beaucoup d'erreurs
« et surtout une cruauté qui est le caractère opposé à
« l'église de Jésus-Christ. Enfin, leurs plaies furent
«autant de bouches qui m'annonçaient la religion
« réformée et leur sarTg fut pour moi une semence de
« régénération. >/ ^
Ce n'est pas à l'éloquence de Bossuet ni à la piété
exemplaire du roi qu'est dû le changement de reli-
gion ; c'est aux missions bottées. Elles n'étaient pas
violentes, osent prétendre les évêques ! Q.u"on écoute
ce qu'en dit Claude dans Les plaintes des protestants
1. — Relation des tourments qu'on a fait souirrii' aux prot.
qui étaient sur les galères de France (Bulletin du Prot. fran-
çais, 1882, p. 442).
— 197 —
opprimes : ■«'< Il n'y a ni méchancetés ni horreurs que
'< les persécuteurs patentés du roi ne missent en pra-
« tique pour forcer les protestants à changer de reli-
«gion. Parmy mille hurlements et mille blasphèmes
« ils pendaient les gens, hommes et femmes, par les
« cheveux ou les pieds aux planchers des chambres
« ou aux crochets des cheminées ; ils les faisaient fu-
« mer avec des bottes de foin mouillées jusqu'à ce
« qu'ils n'en pouvaient plus ; et lorsqu'ils les avaient
« dépendus, s'ils ne voulaient pas changer, ils les re-
« pendaient incontinent. Ils leur arrachaient les poils
« de la barbe et les cheveux de la tète jusqu'à une
« entière dépillation. Ils les jetaient dans de grands
«feux qu'ils avaient allumés exprès et ne les en re-
« tiraient que lorsqu'ils étaient à demi rôtis. Ils les
« attachaient sous les bras et les plongeaient et re-
« plongeaient dans des puits, dont ils ne les ôtaient
'K qu'après avoir promis de changer de religion. Ils
« les dépouillaient nuds et après leur avoir fait mille
'■< indignités et mille infamies, ils les lardaient d'é-
« pingles depuis Ij haut jusqu'en bas : ils les déchi-
« quêtaient à coups de canif, et quelquefois avec des
« pincettes rougies au feu ils les prenaient par le nez
« et les promenaient dans les chambres jusqu'à ce
'< qu'ils promissent de se faire catholiques. Ils les bat-
'K talent à coups de bâton, et tout meurtris et rompus
-K ils les traînaient aux églises où leur simple présence
« forcée était comptée pour une abjuration. Ils les
« empêchaient de dormir l'espace de sept ou huit
«jours. S'ils en trouvaient de malades, attachés au
« lit, hommes ou femmes, uar de grosses fièvres, ils
« avaient la cruauté d'assembler une douzaine de
« tambours et de faire battre la caisse à l'entour de
« leurs lits, sans discontinuer cet exercice qu'ils n'eus-
« sent donné parole de changer. Ils arrachaient les
« ongles des pieds et des mains. Ils enflaient hommes
— 198 —
« et femmes avec des scniftlets jusqu'à les l'aire
« crever. /> '
1. — plainte!;, 51.
CHAPITRE VI
Suite immédiate de la Révocation.
Le Protestantisme est légalement mort.
(1686)
En i6Sa. le protestantisme n'existe plus en France,
du moins légalement. Tous les temples sont rasés et
les pasteur bannis avec défense, sous peine de mort,
de rentrer dans le royaume. Tous les religionnaires
ont abjuré ou émigré, ou sont sur les galères ou dans
les prisons pour avoir tenté de passer la frontière, et
tous les enfants nés sur le sol français doivent être
désormais baptisés et instruits dans l'église catholi-
que. Donc, Louis XIV et ses conseillers croient avoir
achevé et parachevé leur œuvre depuis si longtemps
préparée et poursuivie. Ils la croient si bien parfaite
que Bossuet s'écrie, en prononçant l'oraison funèbre
du Chancelier Letellier : « Touchés de tant de mer-
u veilles, épanchons nos cœurs sur la piété de Louis !
a Poussons jusqu'au ciel nos acclamations et disons à
« ce nouveau Constantin, à ce nouveau Théodose, à
« ce nouveau Marcien, à ce nouveau Charlemagne,
« ce que les six cents pères dirent autrefois dans le
« Concile de Chalcédoine : Vous avez affermi la foi,
« vous avez exterminé les hérétiques, c'est le digne
« ouvrage de votre règne, c'en est le propre carac-
(( tère... Par vous l'hérésie n'est plus. Dieu seul a pu
(( faire cette merveille. Roi du ciel, conservez le roi
« de la terre 1 C'est le vœu des Eglises, c'est le vœu
« des évéques. « '
Après l'éloquence de la chaire, le talent du pin-
1. — Bossuot, oraison funèbre de Letellier.
— 200 —
ceauvint h son tour proclamer la mort de rhérésie.
Le célèbre peintre Lesueur représenta, en etïct, à
Versailles, les sd/cs Vi^inciica par l' Eglise catholique.
Si Lesueur revenait à la vie etquil parcourût les cinq
parties du monde, il verrait à quel point son tableau
est devenu une ironie 1
On a beaucoup disserlé sur le point de savoir à qui
il fallait faire remonter la responsabilité de la Révo-
cation. Louis XIV, Letellier, Louvois, le père La
Chaise, Mme de Maintenon doivent en assumer so-
lidairement une large part, mais non la totalité. Il
faut faire la part des idées générales d'alors. On perd
aisément de vue que le catholicisme, ayant pour
principe que la raison pure aboutit à son système, ne
peut considérer ceux oui sont séparés de sa commu-
nion autrement que comme des révoltés qui, par leur
superbe, peuvent séduire et perdre leur entourage-
Les prêtres croyaient alors (cela peut paraître de
l'aberration, mais il en était bien ainsi) que c'était
l'orgueil, l'entêtement endurci — la constance des
huguenots dans le martyre le plus cruel n'était pas
autre chose pour eux — qui retenait nos pères dans
Terreur. Le proverbe : '< Têtu comme un huguenot
qui se ferait tuer plutôt que de céder ! /, n'est pas né
d'une autre idée. Aussi fallait-il sévir contre cette
arrogance. Ne soumettaient-ils pas leur intelligence,
eux ? Pourquoi les protestants n'en faisaient-ils pas
autant ? L'humilité est une vertu chrétienne. Us
crovaient la posséder vraiment, malgré l'étalage de
leurs titres et leur soif des honneurs et des gros re-
venus. Ils ne vo^'aientpas que leur soumission venait
d'une passivité intellectuelle inconsciente d'elle-
même, et d'un formalisme religieux empêchant l'éveil
de la conscience. Le peuple, lui, d'une passivité que
son ignorance rendait au moins aussi grande et pour
qui une superstition grossière était toute la religion,
ne pouvait pas ne pas partager l'opinion de ses con-
ducteurs. C'était, en un mot, la soumission totale,
absolue de l'être tout entier que l'église voulait et de-
vait, dans la logique de son système absolu, impé-
rieusement vouloir. Il fallait acquiescer à la doctrine.
Pour ce qui était de la « vivre », il y avait une tolé-
rance telle que c'en était scandaleusement contra-
dictoire.
Le roi ne partagea pas au début ces sentiments ab-
solutistes. Il était épris de ses prérogatives royales.
II ne demandait pas mieux que d'avoir l'unité reli-
gieuse, mais il ne voulait pas l'obtenir par des
moyens violents. C'est ce qui ressort nettement des
lignes suivantes écrites à son fils en 1670 : « Je crois
« que le meilleur moyen pour réduire peu à peu les
« huguenots de mon royaume était en premier lieu
« de ne point les presser du tout par aucune rigueur
« nouvelle contre eux, de faire observer ce qu'ils
« avaient obtenu de mes prédécesseurs, mais de ne
« leur rien accorder au-delà et d'en renfermer même
c( l'exécution dans les plus étroites bornes que la jus-
« tice et la bienséance le pouvaient permettre....
« Mais, quant aux grâces qui dépendaient de moi
« seul, je résolus et j'ai assez ponctuellement observé
« depuis, de ne leur en faire aucune et cela plus par
« bonté que par rigueur, pour les obliger par là à
« considérer de temps en temps d'eux-mêmes et sans
« violence, si c'était avec quelque bonne raiboa qu'ils
« se privaient volontairement des avantages q-:ipou-
« valent leur être communs avec tous mes autres su-
c( jets. Je résolus aussi d'attirer, même avec des ré-
« compenses, ceux qui se rendaient dociles, d'ani-
« mer autant que je pourrais les évéques. afin qu'ils
« travaillassent leur instruction et leur ôtassent les
« scandales qui les éloignaient quelquefois de nous». ^
1. — Mém. hist. et polit, de Louis XIV, I, 86; Paris 1806.
La sincérité de cette déclaration ressort des lignes
suivantes que Mme de Maintenon, qui a le mieux
connu Louis XIV. écrivait à son frère très peu de
temps après : « On m'a porté sur votre compte des
« plaintes qui ne vous font pas honneur, ^'ous mal-
« traitez les huguenots ; vous en cherchez les moyeus ;
« vous en faîtes naître les occasions ; cela n'est pas
« d'un homme de qualité. Ayez pitié de gens plus
« malheureux que coupables. Ils sont dans des er-
t( reurs où nous avons été nous-mêmes et dont la vio-
« lence ne nous aurait jamais tirés. Henri IV a pro-
« fessé la même religion et plusieurs grands priiTces.
« Ne les inquiétez donc point. Il faut attirer les hom-
« mes par la douceur et la charité. Jésus-Christ nous
« en a donné l'exemple et telle est l'intention du roi.
(( C'est à vous à contenir tout le monde dans l'obéis-
« sance. C'est aux évéques et aux curés h faire des
« conversions par la doctrine et par l'exemple. Ni
« Dieu ni le roi ne vous ont donné charge d'âmes.
« Sanctifiez la vôtre et soyez sévère pour vous
« seul. )) 1
Cette lettre est digne et on y sent un fonds d'édu-
cation protestant que le catholicisme n'était pas par-
venu à eflfacer. Mais cette femme profondément in-
telligente avait fini par entrer dans les idées de Ri-
chelieu et de Mazarin qui avaient poursuivi l'unité
religieuse sans laquelle, pour eux. l'unité politique
était impossible, et voyant qu'il y avait des obstacles
à briser pour parvenir au triomphe elle ne résista pas
à engager le roi à les réduire par tous les moyens
possibles. On était encore loin de comprendre que la
conscience ne peut être violentée, qu'on ne croit rien
par force, que tout au plus on fait semblant de
croire. Celui qui a une foi vivante sent bien qu'elle
ne peut être imposée puisqu'elle est une révélation
1. — Woiss, Hist. des Réfugiés, t. I, p. 62,
20 =
personnelle, et il voit par là que la foi d'autorité est
une foi passive et indiiïérente, ne présentant aucu-
nement le caractère de la vraie foi.
Comme le cours des idées a changé depuis Tacte
révocatoire, même dans le catholicisme, malgré son
immutabilité 1 Au lieu de rencontrer chez lui l'ap-
probation unanime d'autrefois, c'est à peine si on
trouve de temps en temps une approbation publique.
Par contre on y découvre des blâmes, témoin ces li-
gnes de l'abbé Cochet : k Quoi qu'il en soit, cette ré-
« vocation de l'Edit de Nantes provoquée par le Con-
c( seil d'Etat et les Parlements, n'en fut pas moins une
t( faute du grand roi. Faute réprouvée par la politi-
a que et plus encore par la religion. Car la foi est
K fille du verbe, elle descend dans les cœurs avec la
K parole et non avec Tépée. Du reste, l'ère des re-
(( présailles ne se fit pas attendre. Cent ans plus tard.
(( une terrible réaction s'était opérée, les persécuteurs
K devinrent persécutés, et les mêmes barques les
(( transportèrent en exil. » i
Le protestantisme n'existe plus légalement, mais
notre histoire n'est pas finie, car il existe toujours
dans les consciences qu'il avait formées. Il nous reste
à écrire l'histoire de Vcglise sons la croix. Et ce qui
prouve bien que, pour les catholiques, la foi protes-
tante n'était que de l'entêtement, c'est qu'ils avaient
cru de bonne foi à la réduction complète des reli-
gionnaires par la pression des dragons et des cuiras-
siers. On ne peut supposer, en effet, que le roi, ses
conseillers et le clergé aient cru au talent de persua-
sion des missionnaires bottés pour vaincre l'opiniâ-
treté des huguenots. Aussi leur étonnement fut-il
grand quand les plaintes du bas clergé portant que la
plupart des nouveaux convertis ne voulaient ni se
1. — Abbé Cochet. Hist. de drùquetot, 1."
— 204 —
faire instruire par les prêtres ni recevoir la commu-
nion, ni faire acte de catholicité, arrivèrent de toutes
parts. On vit alors qu'on n'avait pas vaincu l'entête-
ment, mais seulement obtenu une soumission hypo-
crite, et que l'unité dont on avait tant triomphé n'é-
tait que le silence de la conscience bâillonnée. Des
ordres furent donnés pour briser toute velléité de
résistance par des exemples propres à effrayer les
intéressés.
Le procureur général Le Guerchois se trouvant
dans sa terre d'Autretot en juin 1686, la veille de la
fête-Dieu, envoya un sergent sommer les nouveaux
convertis de cette paroisse de venir assister aux pro-
cessions et à tout l'office du lendemain. Sur leur re-
fus, constaté par procès-verbal, il requit des infor-
mations, et le parlement les ordonna. ''
On internait dans les communautés religieuses ou
les hôpitaux les enfants qui refusaient d'abjurer.
C'est ainsi, par exemple, que Renée P..., de Gru-
chet, et Marthe L..., de Bolbec, furent condamnées
par l'amirauté du Havre à être rasées puis recluses
pour le reste de leur vie dans l'hôpital du Havre.
Deux arrêts du Parlement confirmèrent cette sen-
tence qui fut exécutée en mars 1690. Leur détention
dura peu : le 1 1 mai de l'année suivante elles réussi-
rent à s'évader sans qu'on pût les rejoindre.
Au fond, la foi catholique n'est pas exigeante. Elle
ne demande qu'une discipline, une pratique exté-
rieure mininuim. une unité de façade et non une dis-
position intérieure qui, d'ailleurs, n'est compatible
qu'avec la foi personnelle. C'en était encore trop
pour les religionnaires dont la conscience s'était res-
saisie. Et ils furent traînés comme de vils malfaiteurs
devant les tribunaux, dépouillés de leurs biens, jetés
1, — Fl(i(|not, Hist, du Parlepi. de Norm., t, VI, p. 177.
20^
en prison, envoyés aux galères, et séparés de leurs
enfants dont ils devenaient méprisés fatalementpuis-
que, tout jeunes, ceux-ci étaient imbus d'idées con-
damnant leurs parents à l'opprobre.
Lorsqu'un nouveau converti mourait, les curés, le
plus souvent, ne voulaient point, sous le prétexte
qu'il avait manifesté du mépris pour la religion qui
lui avait été imposée, présider à son inhumation.
Bien plus, celui qui, étant malade, refusait de rece-
voir les sacrements était dénoncé et on requérait
contre lui que sa mémoire fut dcclarcc éteinte et abo-
lie et que son cadavre fut Jet ë â la voirie. Ces faits se
produisant journellement, un nouveau mouvement
d'émigration se dessina. Déjà l'Angleterre, la Hol-
lande, l'Allemagne et même l'Amérique < comptaient
des milliers de réfugiés normands qui. grâce aux
rapports maritimes que le Havre entretenait avec
ces nations, faisaient savoir ce qu'ils étaient devenus
et engageaient leurs frères en la foi. restés en Nor-
mandie, cà venir goûter avec eux la joie de servir
Dieu en toute liberté.
Mais les difficultés pour passer à l'étranger aug-
mentèrent. Voyant que la rigueur des édits et la
surveillance de la police n'arrêtaient pas la fuite des
religionnaires, le roi fit appel au sentiment le plus
1. — Nous trouvons dans nos notes connne s'étaiit réfuffiés
pn Anirrique en 1685 : Jean Hardans, 82 ans. Isaac Duboc et
Nicolas Lenud. Nous y trouvons aussi, détail isolé, qu'un
nommé Jacques Ouvry, sans doute de Luneray puisque cette
commune semble le berceau des Ouvry, s'établit cette même
année à Spisulfieds avec sa femme, et qu'il y devint proprié-
taire. En 1855, on trouvait encore en An^'lelerre les noms cau-
chois suivants : Gosselin, Levavasseur, de Boos, Le Bruinent,
Durand, Levcsque, Rondeaux, Hautot, Lesage. M. Chamber-
lain, l'ex-ministre des colonies de la Grande Bretagne, est d'o-
rigine cauchoise : il descend d'une famille qui habitait ïan-
carvillc vers la lin du XV« siècle. Un membre de cette famille
quitta Tancarville pour Paris au commencement du régne de
Charles IX, devint protestant et se sauva en Angleterre à la
Saint-Barthélémy.
206
vil : à la cupidité. 11 promit la moitié des biens des
fuvards à ceux qui les dénonceraient à temps au juge,
et la moitié des ventes cju'ils auraient pu taire. Nous
avons lieu de croire que dans le pays de C>aux en t^é-
néral nos pères n'eurent pas autant à souffrir de ces
vilenies que dans les autres parties de la France. 11 y
avait, en effet, depuis longtemps, une sorte d'apaise-
ment entre les protestants et les catholiques cau-
chois. A Luneray, à Bolbec, à Caudebec. a hécanip
et à Montivilliers la majeure partie de l'industrie et
du commerce était dans les mains protestantes :
ceux-ci aidaient donc puissamment la classe labo-
rieuse catholique à gagner sa vie, et il s'en suivait
que la paix était un besoin trop intéressé pour qu'on
ne s'efforçât pas de la maintenir. Mais l'autorité ren-
força les gardes des frontières et particulièrement
des côtes du littoral. On alla même jusqu'à armer des
paysans pour suppléer les gardes-côtiers. Des bar-
ques montées par des marins armés furent chargées
de surveiller et de fouiller les embarcations qui s'é-
loignaient de terre. Ht que de drames se passèrent la
nuit — car c'était à la faveur des ténèbres qu'on pre-
nait le large — dont on ne saura jamais rien ! 11 y
eut, en effet, nombre de gens qui quittèrent le pays
de Caux dont leurs familles n'entendirent plus ja-
mais parler alors qu'ils avaient promis de donner de
leurs nouvelles aussitôt arrivés en lieu sûr et d'en-
voyer des renseignements pour que plusieurs de
leurs proches ou des amis pussent venir les rejoindre !
Il est vrai qu'avec la navigation cà voile, les circons-
tances nécessitant des déoarts fixes quelle que fût la
direction du vent, on n'allait pas toujours où l'on
voulait ; mais comme il y avait des réfugiés dans tous
les pays où l'on pouvait aborder, on aurait toujours
eu occasion de faire savoir ce qu'on était devenu. Et
puis il y eut aussi des naufrages, car c'était, le plus
— 207 —
souvent, par le gros temps, parce qu'on supposait la
surveillance relâchée devant Tinvraisemblance, en
de telles occurences, de fuites nocturnes de gens
ignorants de la mer. qu'en tentait le passage de la
Manche. Et comme on admire le courage héroïque
des fugitifs quand on songe que la plupart, jeunes
filles, femmes et enfants, n'avaient jamais vu la mer
et ne la connaissaient que par des récits de naufra-
ges ! Combien est sinistre le bruit des flots sur le ga-
let quand on l'entend pour la première fois dans la
nuit noire ! Et des femmes, des enfants, au lieu d'être
saisis d'épouvante et de reculer d'instinct ou d'être
pétrifiés par i'eftroi, s'avançaient confiants, au milieu
de mille difficultés et de chutes, fouettés d'embruns
et de jaillissements d'eau, et prenaient place dans une
embarcation qui dansait dans les ténèbres I O scepti-
ques, croyez-vous vraiment, en face de ce tableau
qu'il vous est aisé de vous représenter dans toute son
horreur, que la foi soit sa force à elle-même et qu'il
n'y ait pas une aide qui la supplée venant de Celui
en qui le croyant se confie ? Et n'est-il pas beau ce
trait de courage, cité par Camille Rousset dans son
Histoire de Louvois, qui se trouve rapporté par Tessé
dans la lettre qu'il adressait à Louvois le 6 juin 1686 ;
« Depuis deux jours une femme s'est avisée d'une
« invention pour se sauver qui mérite d'être sue.
« Elle fit marché avec un marchand de fer savoyard
(( et se fit empaqueter dans une charge de verges de
c( fer, dont les bouts paraissaient : elle fut portée à la
« douane, le marchand pesa la pesanteur du fer qui
« fut pesé avec la femme qui ne fut dépaquetée qu'à
« plus de six lieues de la frontière. » '
Oui, malgré des difficultés de toute sorte et bien
que Louvois, quelques semaines après la révocation,
1. — ('.. Roiisset, Histoire de Louvois, 2" "Partie, I, 503,
— 208 —
eût osé écrire à Fontaussier, un de ses intendants.
qu" « il n'y avait point d'inconvénient de dissimuler
« les vols que font les paysans aux gens de la religion
« protestante réformée, qu'ils trouvent désertant,
« afin de leur rendre leur passage plus difficile, et
« même de leur promettre, outre la dépouille de
« gens qu'ils arrêteront, trois pistoles pour chacun
« de ceux qu'ils amèneront à la plus prochaine place »
ce qui, étant donné le goût de cupidité bien connu
du pavsan normand d'alors, rendait l'évasion bien
difficile et périlleuse, beaucoup de protestants du
pays de Caux, mais particulièrement des villes de
Rouen, Dieppe, Le Havre, Bolbec et Fécamp, pu-
rent gagner l'étranger ; mais un certain nombre fu-
rent pris au moment du départ ou à peine partis, et le
juge du bailliage eut fort à faire pour condamner les
relaps. Nous ne reproduisons pas ces jugements,
qu'on trouve aux archives de la Seine-Inférieure.
Nous nous bornons à citer les noms que nous avons
pu recueillir de ces martyrs condamnés sous ce chef
d'accusation, pris sur le rivage ou à l'entrée de la
mer. Ces noms se retrouvent encore dans le pays de
Caux. Quelques-uns sont seulement désignés comme
étant de Normandie. Nous ne reproduisons, de ceux
là, que ceux qui nous paraissent d'origine cau-
choise : Jean Courché. de Guedeville, mis à la
chaîne (arrêt du Parlem. du 17 mai lôS^") ; Jean
Enouf, de Gournay près d'Harfleur, mis à la chaîne
(arrêt du Parlem. du 17 oct. lôSs^i : Jean Pillet, de
Luneray, mis à la chaîne (arrêt du Pari, de Metz du
28 mai 1686) ; Jean Dussaux. de Bolbec. mis à la
chaîne (arrêt du Pari, du =, août 1686) ; Isaac Gam-
bier, de Monville (?) mis à la chaîne (condamné le
8 décembre i687 par M. de Berri, maître des requê-
tes) ; Louis Déhais, de Normandie, mis à la chaîne
condamné le même jour et par le même que le pré-
209
cèdent) ; Pierre Lorphelin, de La Mourville (Lam-
merville) près de Dieppe, mis à la cliaîne (condamné
à Tournay le 27 février 1680- : il mourut galérien le
le 2 mai 1704).
En 1688, se trouvaient dans les prisons de la con-
ciergerie, à Rouen, en attendant qu'il fut statué sur
leur appel du jugement du lieutenant criminel
d'Arqués, du 7 octobre 1686, qui les condamnait, les
hommes aux galères et les femmes à être rasées et
enfermées pour avoir cherché à sortir du royaume :
Daniel Caron, Jean Becquet et Marguerite Bodin, de
Bolbec ; Abraham Flammare. de Luneray ; Marie
Lecaron et Anne Hautot, de Saint-Iean-de-la-Neu-
ville. 1
Le 28 janvier 1O87. Isaac Hébert et Marthe La-
votte, de Bolbec, Anne Pertuzon, Marthe et Marie
Paysant furent arrêtées au moment où elles allaient
sortir du royaume et condamnées aux mêmes peines
par le juge de Tamirauté du Havre.
Le s mars 1687, sont admis comme membres de
Téglise française de Londres : Jacques Bourdon,
Jean Renaud, Jacques Selingue, Suzanne Bourdon et
Suzanne Belloncle, de Bolbec. Le mari de cette der-
nière, Daniel Caron, dont nous venons de relater en
note la mise en liberté après 2 ans de détention, se
présenta le 2 mars 1693 pour étie admis. Il repré-
senta qu'ayant eu le malheur de signer une abjura-
tion par la violence des dragons-, il avait voulu sor-
1. — Ils attendirent jusqu'au Va mars 1(590 l'arrêt du Parle-
ment. Cet arrêt réforma la première sentence : Jean Eecquet,
Marie Lecaron et Marie Bodin furent définitivement condam-
nés à être enfermés dans les hôpilau.x pour y être instruits
à leurs frais dans la religion romaine, et les autres furent
renvoyés chez eux à la condition de produire un certificat cons-
tatant qu'ils étaient sulTisamment instruits dans la religion ca-
tholique.
2. — C'est la seule trace que nous ayons de la pression ex-
ercée à Bolbec par les dragons.
14
tir du royaume pour racheter cette faiblesse, mais
qu'il avait été arrêté en chemin, mis en prison et
condamné aux galères d'où il avait été tiré par le
crédit de ses amis, qu'il s'était repenti et avait fait sa
reconnaissance aux mains d'un pasteur qui prêchait
alors dans le lieu où il était : sur quoi il priait qu'on
le reçut à la participation de la Sainte-Cène (Reg. de
TEgl. franc, de Londres).
La plupart des religionnaires cauchois fugitifs se
rendirent en Angleterre et en Hollande. De toutes
les villes anglaises, Londres fut celle qui en reçut le
plus. Depuis qu'on s'exilait pour cause de religion,
soit depuis un siècle et demi, Londres avait toujours
eu la préférence. Une église française s'y était éta-
blie aussitôt après la St-Barthélemy. On voit, par les
registres consistoriaux de cette église, que, pendant
les années 1686, 1687 et 1688, le Consistoire, qui se
réunissait chaque semaine au moins une fois, n'était
presque exclusivement occupé qu'il recevoir la ré-
tractation de ceux qui, après avoir été contraints
d'abjurer pour échapper à la mort, avaient pu s'em-
barquer et mettre pied sur le sol charitable de la li-
bre Angleterre.
Dans la séance du 5 mars 1686, 50 fugitifs de Bor-
deaux, Saintes, Bolbec, Le Havre, Montivilliers ré-
tractèrent leur abjuration. La liste des rétractations
enregistrées dans la séance du 30 avril 1687 contient
60 noms ; celle de la séance du i""" dimanche de mai.
54. Rien que pendant ce mois de mai, 497 se présen-
tèrent. 1 Et le nombre des personnes demandant à
être admises à la paix de l'église alla toujours en
augmentant, si bien qu'en 1688 on fut obligé de cons-
truire une nouvelle église et que, de cette année jus-
qu'à l'année 1716. soit uendant une période de 28
ans, on en fonda 26 autres.
1. — Weiss, Hisf. des réf. prof., T, 273.
Nous voyons dans les Mémoires de Bostaquet que,
lorsqu'il faisait partie de Tarmée du prince d'Orange
débarquée en Angleterre pour en chasser le roi Jac-
ques qui voulait y rétablir le catholicisme, il cons-
tata l'existence d'une église française à Exeter et
trouva, parmi les membres de cette église, un tailleur
de Lintot dont malheureusement l'éditeur n'a pu
déchiffrer le nom dans le manuscrit.
A partir de 1683, les fugitifs normands qui figurent
sur les registres des différentes églises de Londres
sont en nombre considérable ; mais c'est très rare-
ment que le lieu de leur origine est indiqué: le plus
souvent, c'est la province seule qui est désignée.
Voici ceux que nous relevons appartenant à notre
région :
1688, Nicolas Cappeau, de Criquetot ;
1689, Salomon Picart et Suzanne Martin, de Cri-
quetot, et Rachel Robinet, d'Hartleur ;
1690, Elisabeth Belair_ d'Harfleur, et Anne Cave-
lier, de Montivilliers ;
i6qi, Marguerite Lesueur. d'Harfleur.
En 1702, un Salomon Pillon. venu de Luneray,
présenta au baptême, dans l'église Wallonne de
Norwich. en Angleterre, un enfant qui fut nommé
Mathieu.
Dans son Proicstantlsmc en Norumiulic. F. Wad-
dington nous apprend que, dans le quartier de Spital-
fields, à Londres, une société de secours mutuels
existe toujours qui fut fondée en 1703 sous le nom
de Société Noniia/idc, et qu'en parcourant la liste de
ses membres, renfermée dans son compte-rendu de
1853, on y relève les noms, communs dans le pays
de Caux, de Gosselin, Mousset, Le Brument. Du-
rand, Levesque, Rondeaux, Hautot, Lesage. Il ajoute
que d'autres sociétés de mutualité se formèrent à la
même époque, entre autres la Sociélé de Lintot, le
Chtb Noniiaiid, où, jusqu'ici, il a fallu, pour être
admis, jwstifier de sa descendance d'une famille nor-
mande réfugiée pour cause de religion. ^
Quand la conscience de ceux qui avaient abjuré
sous la pression des événements ou la terreur inspi-
rée parles dragonnades, après s'être ressaisie, se sen-
tit rongée par le remords, le désir d'émigrer devint
presque irrésistible. On s'accusait de couardise et,
pour mieux se montrera soi-même qu'on était guéri,
on se faisait un devoir de racheter sa faiblesse passée
en bravant la rigueur des édits.
Poursuppléer à l'insuffisance des navires dieppois.
de vraies agences ayant pour but de faciliter l'émi-
gration s'organisèrent en Angleterre et en Hollande.
Oui, la charité chrétienne, dans ces deux nations, s'é-
mut de compassion pour les malheureux réformés du
royaume de France. On y équipa des bateaux, spé-
cialement affectés au service des religionnaires, qu'on
appela Barques de charité. Ils sillonnaient la rade de
Dieppe et passaient en vue des côtes voisines, prêts à
s'approcher au moindre sig"nal. Ces barques devin-
rent si nombreuses et eurent si vite la réputation d'ê-
tre bien approvisionnées et de bonne prise que les
turcs, qui l'apprirent, vinrent croiser dans la Manche
où ils firent de nombreuses captures, emmenant équi-
pages et passagers en captivité. Il se créa aussi des
agences d''émigration en France, et, trait qu'on est
heureux de signaler, on rencontre des catholiques
parmi les promoteurs de ces institutions généreuses.
C'est ainsi que M. Ravaisson a trouvé, en dépouillant
les archives de la Bastille, qu'un nommé de Ventre,
natif de Normandie, fut arrêté parce qu'on avait re-
connu, par ses papiers, qu'il avait grande corres-
pondance avec « les protestants français qui sont en
1. — F. Waddington, Le Prot. en Norm., p. 18.
« pays étrangers, et s'employait à faciliter la sortie de
« leurs eiïets. ^ »
Sur la liste des galériens dressée par Antoine Court
et dont la Bibliothèque de Genève garde le manus-
crit, on trouve les noms suivants qui nous paraissent
regarder le pays de Caux :
J. Courché, de Normandie i i68s)
J. Dussaux, » ( 1686)
j. Filliet. )) ( )) )
Louis Dehais » (1687)
Jean Lardent » (âgé de 32 ans en 16S7.
Il était sur la galère la Guerrière à Marseille, en
1708.)
J. Piednoël, de Normandie (1687)
P. Prince )) [ -o )
Buquet » [ yy )
Buquet » (1688)
P. Pigeon » ( » )
Pierre Lorphelin, de Normandie (âgé de 31 ans en
1689, à ce moment sur hi Gloire; en 1708, sur la
Galante).
Nous avons déjà cité quelques-uns de ces martyrs
lorsque nous avons parlé de condamnations de fugi-
tifs.
Brière de Picauville, gentilhomme cauchois, fut
conduit aux prisons du ^'ieux-Palais de Rouen le 22
juin 1690 parce qu'on le soupçonnait d'être le conso-
lateur et le soutien des religionnaires de la région
qu'il habitait. Au bout de quelques années on le
renvova chez lui : il mourut fidèle à sa foi, peu de
temps après.
Elle Benoit cite, comme ayant été persécutés pour
la foi, la femme d'Isaac Néel, Daniel Lheureux et
Pierre Foudrinier, tous de Luneray.
Nous avons parlé des vaisseaux turcs qui vinrent
1. — Havaisson, .-irc7i. du la Bastille, IX. lli-im.
— 214 —
croiser dans la Manche pour capturer les religion-
naires fugitifs. (>ela dura jusqu'à ce que les anglais et
les hollandais vinrent mettre bon ordre h ce brigan-
dage. Mais il y eut aussi des expéditions de flibustiers.
C'est ce qui explique qu'on ne retrouve pas, parmi
ceux qui parvinrent à se mettre à l'abri de la persé-
cution, la moitié du chiffre total des fugitifs. Oui. si
invraisemblable que cela paraisse, telle est la pro-
portion de ceux qui périrent en route, furent saisis
et jetés dans les prisons ou enchaînés sur les pon-
tons.
Dès 1688, les galères du roi sont garnies et les pri-
sons remplies de prisonniers. Celles de la Haute-
Normandie sont archi-pleines. Les maisons ouvertes
pour recevoir les relaps sont encombrées, et les cou-
vents et autres établissements religieux d'éducation
sont bondés d'enfants de protestants condamnés ou
seulement suspects. L'encombrement est même tel
que, ne sachant plus ou mettre les nouvelles victimes
des préposés à l'exécution des édits, on ne trouve
rien de mieux que d'expulser un certain nombre de
détenus protestants pris parmi ceux qu'on considérait
comme trop obstinés pour abjurer jamais (les fem-
mes de ceux qui avaient abjuré étaient exceptées de
cette mesure ; elles devaient être maintenues en dé-
tention jusqu'à nouvel ordre!. Ce fait résulte d'un
manuscrit conservé dans la famille de M. F. Périgal
et concernant les poursuites, arrestations et empri-
sonnements de Jean Périgal, son ancêtre, communi-
qué à la Huguenot Society of Loiidoii. Jean Périgal
raconte, dans ce manuscrit, qu'ayant résisté aux dra-
gonnades, il fut jeté en prison vers la fin de 1685. Son
geôlier voulut en obtenir ce que les dragons n'a-
vaient pu lui arracher ; pour cela il le menaça plu-
sieurs fois de l'envoyer ramer sur les galères du roi :
tout fut inutile. Et cependant, à quelles obsessions ne
— 215 —
dût-il pas être en butte quand on songe que ce n'est
qu'en 1688, le 24 février, qu'elles prirent fin. à la
suite de l'exécution d'un ordre royal adressé à Pey-
deau de Brons, '< conseiller commissaire de party en
la généralité de Rouen /., lui enjoignant de retirer des
olaces fortes, communautés et prisons de sa généra-
lité et de faire conduire à Dieppe -k pour être menés
hors de ses états, ceux qui. jusqu'à présent, avaient
persisté d:ins leur obstination à ne point abjurer la
R. P. R. // C'est ainsi que ce Jean Périgal fut embar-
qué pour l'Angleterre. Il était accompagné de 93 de
ses coreligionnaires. C'est de Dieppe qu'ils partirent
et c'est à Douvres qu'ils abordèrent. De là ils se ren-
dirent à Londres où ils arrivèrent le i^'' mai 1688.
Parmi ses compagnons il y avait : Jean Bourdon,
Elisabeth Fauquet, Anne Godefroy, Marie Hautot,
Abraham Picot, Rachel Bouzans, sa femme, de Bol-
bec ; — Jean Bradel, Samuel de Sertemboc et Pierre
de Sertemboc, de Fécamp : — José de la JNIare, Fran-
çoise de la Mare et Ester de la Mare, de Mélamare ;
— Louise Manger et Marie Manger, de Chantelou
(certainement Canteleu, section de Luneray) ; — Jean
^Lilandain, Marthe Beaudoin et fils, de Goderville ;
— Michel de Bos, de St-Eustache-la-Forét ; Jacques
Lefebvre, de St-Antoine-la-Forét : — Daniel Fichet,
de Criquetot ; — Marthe Lelarge, de Rouville ; —
Elisabeth Selingue, de Gruchet-le-Valasse ; — Abra-
ham Navarre, de Luneray.
Combien de temps dura l'émigration? A la vérité,
elle ne s'arrêta guère jusqu'à l'octroi de l'édit de to-
lérance i 178?'. Mais elle eut une grande intensité de
1685 à 1692. Oui, chose surprenante, malgré les en-
traves qu'on y apportait et les conséquences que la
fuite entraînait en cas de prise, malgré les récits de
trahison, de surprise, de naufrages, de vols, de guet-
aoens et d'assassinats dont avaient été victimes tant
— 2l() —
et tant de fugitifs, le mouvement dura des années. A
partir de i692-9'5, la surveillance des côtes s'étant un
peu relâchée, il reprit de l'activité pour décroître
graduellement et ne plus présenter, au bout d"une
trentaine d'années, que des cas isolés.
En envisageant la situation faite aux religionnaires
restés à la faveur d'une conversion simulée, on est
porté à croire qu'ils sont découragés, et par consé-
quent craintifs et soumis, refoulant leurs sentiments
et se composant un visage, en un mot, cherchant à
se faire oublier. Eh ! bien, c'est le contraire qui eut
lieu. En effet, au lieu d'être abattus, ils imposent à ce
point au gouvernement qu'il en arrive à redouter un
coup de main de leur part. C'est ce que prouve l'or-
donnance royale du i6 octobre i6S8 enjoignant aux
nouveaux convertis d'avoir à livrer toutes les armes
et munitions de guerre qu'ils pouvaient avoir, sous
peine des galères, sans autre forme de procès.
En exécution de cette ordonnance, les nouveaux
convertis allèrent porter leurs armes au siège du
gouverneur de leur ressort. Il existe aux Archives
nationales un document intitulé : -r Inventaire géné-
ral des armes et munitions de guerre rendues par les
nouveaux convertis de la ville et gouvernement du
Havre-de-Grcàce en conséquence de l'ordonnance du
roy du i6 octobre 1688. » Nous y relevons qu'Har-
fleur rendit 23 fus'ls, 23 pistolets, 32 hallebardes,
balles et plomb ; — Montivilliers. iç'fusils. 20 pisto-
lets et 21 épées ; — la capitainerie de Cauville com-
prenant les paroisses d'Angerville-l'Orcher, Mané-
glise, Gainneville, l^pretot, St-Laurent-de-Brévedent.
St-Germain-de-Montivilliers, Le Fontenay. Epou-
ville, Rolleville. Fontaine, St-Martin-du-Bec, Ingou-
ville, Sanvic, Bléville et Octeville, n2 fusils, i5^
épées, 37 piques et 3 pistolets. La quantité d'armes
rendues par les paroisses de Criquetot, Beaurepaire,
— 217 —
Le Tilleul, Pierrefiques, Cuverville, Hermeville, Le
Coudray. Turretot et Gonneville n'est pas indiquée.
Les noms des nouveaux convertis de ces paroisses
qui rendirent des armes sont reproduits à la fin de ce
travail (Appendice-pièce n° 9). On constatera que
beaucoup de ces noms ne sont plus représentés
aujourd'hui par des protestants. Il nous a été
donné de feuilleter les registres de l'ancienne église
de Lintot, et c'est avec un serrement de cœur que
nous trouvions à chaque page les noms d'Auger,
Bennetot, Bertin. Barré, Côté. Caumon, Cavelier,
Delamare, Duval, Durand, Decaux. Fagot. Gode-
froy. Gilles, Goujon, Godard. Guérin. Goubert,
Hattenville, Hébert. Hachard, Hellot. Hertel,
Igou, Lucas, Le Brument, Lelièvre, Lemettais, Le-
tuillier, Lecomte, Léger, I.esaunier, Lemoine, Man-
ger, Malandain, Poulingue, Renoult, Simon, Tes-
nière, Vinant, etc., qui sont tous catholiques
aujourd'hui.
Louis XIV voulait d'autant plus se mettre ;'i l'abri
d'un soulèvement des nouveaux convertis qu'il les
savait instruits de la formation d'une coalition à l'é-
tranger contre la France et à laquelle les émigrés en
état de porter les armes offraient le concours de leur
épée — ce qui est bien excusable de leur part, puis-
qu'ils connaissaient les souffrances de leurs frères
demeurés en France, et qu'alors l'idée de patri? n'é-
veillait pas les sentiments qu'elle éveille aujourd'hui.
Aussi, très peu de temps après, et pour plus de sécu-
rité, il voulut que le dénombrement des nouveaux
catholiques fût fait exactement avec la mention du
nom, de l'âge et du sexe et l'indication de ceux d'en-
tre eux en état de porter les armes. Le résultat de ce
recensement ne nous est pas connu pour la région
cauchoise. Lorsque le roi eut sous les yeux le résumé
de tous les relevés, il dut se demander à quoi avaient
— 2l8 —
abouti toutes les mesures prises contre Thérésie,
qu'on lui avait représentée, un peu avant la Révoca-
tion, comme un moribond n'attendant plus que le
coup de grâce. 11 vit combien il est difficile à un roi
de savoir la vérité. Mais comment ne sentit-il pas
qu'une telle constance dans la foi est une preuve de
son fondement divin et n'en fut-il pas troublé ? Hon-
neur à la phalange protestante demeurée en France.
Par sa fermeté, elle montrera la force incompressi-
ble de la foi consciente et personnelle, et finira par
poser, imposer et résoudre le problème de l'éternelle
justice, c'est-à-dire de la liberté de conscience. Oui,
c'est cette ténacité indéfectible de nos pères les vieux
huguenots qui poussa les philosophes à des réfle-
xions et spéculations d'où sortit la revendication du
droit perpétuel, imprescriptible pour chacun, de
prier Dieu suivant ses convictions personnelles.
C'est donc à eux qu'on doit faire remonter l'honneur
qui a jailli sur la France de 1789.
Oh I nous qui jouissons de la liberté de conscience
comme on jouit de la santé lorsqu'on n"a jamais été
malade, c'est-à-dire sans en apprécier le prix, com-
bien peu nous honorons la mémoire de ceux qui
nous l'ont conquise nar leurs larmes et par leur
sang 1 Certes, ils n'auraient pas voulu qu'on leur
rendit des honneurs. Ils sentaient trop bien qu'ils ne
faisaient que leur devoir, et même ils s'accusaient de
ne pas le remplir sans défaillance. JNIais ce qu'ils au-
raient considéré comme une commémoration hono-
rifique de leurs efforts c'est qu'on marchât sur leurs
traces et qu'on allât plus haut. C'ét.Tient leurs vœux,
assurément. Ils rougiraient de notre tiédeur dont
nous avons à peine conscience. Ils croyaient ! Voilà
le secret de leur force et de leur bonheur, car, par
la foi, l'âme a déjà le ciel sur la terre, et s'ils nous
voyaient aujourd'hui et qu'ils comparassent notre
— 2iq —
prospérité matérielle au milieu de la liberté, à leur
misère physique sous le joug tyrannique de l'unité
de foi, ils nous plaindraienti C'estainsi qu'ils envie-
raient notre sort !
La première voix qui se fit entendre en faveur de
la tolérance fut celle de Vauban, l'organisateur de la
défense du rovaume. Mais était-ce le sentiment de la
justice qui le faisait parler en ce sens ? Ne serait-ce
pas plutôt sa perspicacité et l'opinion qu'il avait
de la valeur — les ayant vus à l'œuvre — des gentils-
hommes fugitifs retournés contre leur ingrate pa-
trie ? 1. Ce qui nous porte à le croire, c'est qu'il ve-
nait d'essuyer quelques revers qu'il devait vraisem-
blablement attribuer aux réfugiés. En tout cas, leur
concours à l'ennemi avait été un appoint considéra-
ble, d'autant plus considérable qu'il était une em-
prise sur nos propres forces, d'où double différence.
Toujours est-il qu'il présenta résolument à Louvois,
en décembre 1689, un mémoire concluant nette-
ment au rappel des huguenots, a une amnistie géné-
rale et au rétablissement de l'édit de Nantes. Il
échoua, comme bien on pense, mais il ne se rebuta
pas. car il représenta, toujours inutilement, hélas !
ce même mémoire en 1O91 et 1693. Les ducs de Che-
vreuse et de Beauvilliers, qui étaient les gendres de
Colbert, lemarquisd'Aguesseau. Catinat. et, — ajou-
tons-le avec joie, car il serait trop triste pour une
forme particulière du christianisme de ne pas comp-
ter quelques adeotes ayant le sentiment de ce qu'est
la vraie i^oi, — des prêtres et des évêques se pronon-
cèrent dans le même sens. Citons, parmi ceux-ci, l'é-
vêque de Paris, qui devint plus tard le cardinal de
Noailles, et l'évéque de Pons. Ce dernier écrivit ces
belles paroles au commandant des troupes chargées
dans son diocèse de soumettre les religionnaires ré-
1. — Do Félice, Hist. du Prot. de France, 431.
calcitrants : « Ce sont de véritables sacrilèges. Il se-
c( rait à souhaiter pour ces pauvres malheureux qui
« les commettent et pour les ministres qui sont les
a instruments de cette abomination, qu'on les eut
« précipités dans la mer. comme dit Tlicriture, avec
c( une meule de moulin au col, car ils ne confirment
(( pas seulement les huguenots dans leur infidélité,
« mais ils ébranlent encore par là la foi chancelante
« des catholiques. * )■>
Pourquoi faut-il louer un pareil langage? N'au-
rait-il pas dû être celui de tout l'épiscopat ? Car, en-
fin, pour faire un chrétien ne faut-il pas la disposi-
tion intérieure chez celui qu'on veut élever à cette
dignité ? Si un tel langage est rare dans l'épiscopat
c'est qu'on n'y connaît qu'isolément la conversion du
cœur. Quand on connaît cette chose sublime, on ne
peut songer à la contrainte en matière de foi non
plus qu'cà faire des chrétiens à la façon de ce médecin
attaché à une station missionnaire catholique qui,
par surprise, administrait, au moyen d'une sorte de
seringue, le baptême aux enfants des sauvages qu'il
visitait et qui devenaient des chrétiens sans le sa-
voir. 2
Mme de Maintenon émit-elle aussi, comme on l'a
1. — De Félice, Hisl. des Prot. de France. 431.
2. — Annales de la Sainte enfance, déc. 1852, t. IV, n' 29,
p. 462. Voici le passage textuel : On cite un brave honnue qui
exerce un peu la médecine, et qui a déjà baptisé plusieurs cen-
taines d'enfants païens sans que les parents le sachent. Tan-
tôt il baptise furtivement avec un peu d'eau dont il a soin
d'imbiber son mouclioir, tantôt il fait apporter nn peu d'eau,
et, sous prétexte de laver la figure de l'enfant pour mieux voir
sa maladie, il purifie son ànio de la tache originelle. Souvent
aussi il se sert, pour donner ses médecines, d'un petit inslru-
ment dans le manche duquel il a eu soin de mettre un peu
d'eau ; il se tourne et se retourne pour se mettre mieux à la
portée de l'enfant, et, au moment où personne ne voit sa main,
il lance de l'eau qui, si elle paraît ensuite sur la tête de l'en-
■fant, est prise pour un peu de médecine qu'il n'a pu avaler.
prétendu, des idées de tolérance ? On ne peut trop
le savoir, mais c'est peu vraisemblable. En effet, au
moment où Louis XI \' nég'ociait le traité de Rys-
wick (1(397), ^^^ représentants des protestants persé-
cutés ayant adressé aux nég'ociateurs de la paix un
mémoire en vue de faire adopter leurs légitimes re-
vendications, le roi la consulta sur l'accueil qu'il de-
vait y faire, et c'est dans la note qu'elle lui soumit et
qui nous a été conservée, que nous trouvons ses sen-
timents sur la question. Elle fait valoir un argument
utilitaire et non un argument de justice : '<.... Il est
'< vrai que par rapport a la cor.science il me parai-
« trait qu'on pourrait aller jus(|u'à rétablir dans le
« royaume la liberté d'être de la R. P. R. si cela ga-
'< rantissait de quelque grand péril et que l'on n'eût
'< que ce moyen dont on pût se servir », mais il lui
paraissait que ce n'était pas le cas. Au reste, venir à
des idées de justice, ou seulement de tolérance, eût été
désavouer la conduite passée, reconnaître qu'on s'é-
tait trompé. Un gouvernement absolu et de droit di-
vin ne peut faire de tels aveux, car il faut qu'on
croie à son infaillibilité, et c'est pour cela qu'il prise
par-dessus tout l'ignorance et qu'il déteste la Réfor-
me qui en est l'ennemie naturelle puisque chaque
protestant doit « sonder les Ecritures», ce qui impli-
que l'obligation d'apprendre à lire.
Louis XIV, qu'on avait exalté jusqu'à déclarer que
sa gloire et sa grandeur prouvaient irréfutablement
l'existence de Dieu, écouta Mme de Maintenon. et
tout ce que les nouveaux convertis obtinrent ce fut
l'édit du 13 avril 1698 qui confirmait solennellement
Ledit révocatoire de i68s, sans adoucissement d'au-
cune sorte aux lois iniques dont il avait été suivi.
Mais revenons en arrière. En 1693, les anglais atta-
quèrent St-Malo et bombardèrent Granville. Au
commencement de 1694 ils menacèrent Brest, et le
222 —
22 juillet delà même année bombardèrent et brûlè-
rent Dieppe. Hnlin. 2 jours après, ils paraissaient de-
vant le Havre qu'ils bombardaient le surlendemain.
Les catholiques de ces deux villes eurent vite fait
d"accuser les protestants d'avoir appelé les anglais,
et on devine qu'ils leur firent subir toutes sortes de
mauvais traitements. Il n'est pas douteux, bien que
nous n'en ayons aucun indice, que ces événements
eurent leur répercussion dans tout le pays de Caux,
mais notamment aux abords du Havre et de Dieppe,
et qu'ilsfirent reprendre le mouvement d'émigration.
Nous voyons, en tout cas, que Jean Pillon, de Lune-
rav, est mis à la chaîne, ce qui est la punition de
ceux pris en état de fuite. Ce sort arriva à un autre
Pillon (Antoine) en 1700.
Mais il demeurait encore beaucoup de familles
protestantes à Luneray. Sur le registre des tailles
pour 169^, nous relevons les noms suivants de Lu-
neray, la plupart encore représentés de nos jours
dans cette église : David Baudry, François Boitout,
Pierre Bornambusc, Jacques Boulan, François Bunel,
Nicolas Bunel. Jean FoUenfant. Pierre Hallot. Isaac
Hauchecorne. Jacques Hauchecorne, Isaac Hoinville,
David Hoinville, Louis Gloria. Isaac Lardans, Jacob
Lardans, Jean Lardans, Pierre Lardans, Jacques Lar-
dans, Lucien Larchevesaue, Jean Larchevesque,
Pierre Lheureux. Adrien Lheureux. Jean Lefebvre.
François Legrand, Jean Legaigneur, Jean Lesade,
Pierre Lesade, Jean Lethillais, Jean Néel, Pierre Pa-
ris. Gédéon Pigné, Jean Pigné. Charles Poulain.
Jean Pillon. Jacques Pillon, Jacques Routier, Jean
Routier, Jacques Ruffv, David Sénécal, Antoine Thi-
bout.
Quelques années après, le rôle des tailles pour la
même paroisse signale comme absents : David Bau-
dry, François et Jacques Boitout, Pierre Bornambusc,
Jacques Boulan, Jean Follenfant, Pierre Hallot,
Isaac Hoinville, Isaac. Jacob et Jean Lardans, Jean,
Lucien et Pierre Larchevesque. Jean Larchevesque
dit Petit-Jean, Pierre Lheureux, François Legrand,
Pierre Lesade, Pierre i^aris. Gédéon et Jean Pigné.
Charles Poulain. Jacques et Jean Pillon. Jacques
et Jean Routier, Jacques Ruffy, veuve David Sénécal
et Antoine Thibout.
Dans les rapports des curés dont il va bientôt être
parlé, on trouvera les noms des protestants d'un
grand nombre de paroisses du pavs de Caux qui se
convertirent mais ne remplissaient pas leurs devoirs
de catholiques.
Dans les dernières années du XVII^ siècle nous
trouvons aux Nouvelles Catholiques Mlle d'Ouger-
ville, fille de M. d"0ugerville, de la paroisse de Col-
leville, près de Fécamp, et deux filles de M. de Fol-
leville,de la paroisse de Saint-Jean-de-Folleville. Et,
parmi les autres noms dont le lieu d"origine n'est pas
indiqué, beaucoup, sans doute, sont du pays de Caux.
En 169=;, deux enfants (12 et i^ ans) de M. de Mille-
ville, de la paroisse de Gommervilie, se trouvaient
chez les jésuites de Rouen.
Louis XIV, impatienté de toujours entendre par-
ler de la résistance des huguenots, qu'on lui avait as-
suré devoir tous se convertir une fois que les plus
vieux — car les jeunes, sans pasteurs pour les ins-
truire, ne pourraient pas, semblait-il aux conseillers
du roi, résister aux prêtres — seraient descendus
dans la tombe, voulut savoir combien il en restait
encore. A cet effet, il ordonna aux intendants de lui
envoyer des mémoires précis sur leur nombre, leur
famille et leur situation dans chacune des généralités
de son royaume. Ce travail ne pouvait être mieux
fait que par les curés des paroisses puisqu'eux seuls
étaient a même de connaître toutes les personnes
— 224 —
qui ne remplissaient pas leurs devoirs de catholi-
ques. C'est donc à eux que les intendants s'adressè-
rent. Leur travail est connu sous le nom de Rap-
port des Cures — Riilcs des nouveaux couvert i s et
porte les millésimes de 1698 et 1699. Nous donnons
textuellement dans l'appendice (pièce n" 10) tous
les rapports que nous avons trouvés concernant la
région qui nous occupe.
L'attention une fois appelée sur les nouveaux
convertis, on ne les perdit pas de vue, et les rap-
ports se suivirent. C'est ainsi que des listes de mal-
convertis sortis du royaume, et des plaintes contre
des convertis ne faisant aucun acte de catholicité,
étaient journellement envoyées à qui de droit. L'es-
prit protestant n'était donc pas mort. Il avait couvé
dans le silence ; mais il se réveillait et se ressaisissait.
Et il a fourni encore une "iorieuse histoire.
TROISIEME PARTIE
L'Eglise sous la Croix
CHAPITRE P'^
De la paix de RysAvick à la mort de Louis XIV
(1G97-1715)
Les protestants demeurés en France, à la Révoca-
tion, sous le masque d'une conversion forcée, pou-
vaient se bercer de Tespoir que leurs persécuteurs
finiraient par se lasser, que c'était un orage qui pas-
sait et que des temps meilleurs reviendraient. Parmi
ceux qui avaient cherché un refuge sur la terre
étrangère, bon nombre ne l'avaient pas fait sans ar-
rière-pensée de retour dès que les circonstances le
permettraient.
La paix de Ryswàck (1697;, ^on^ les négociations
durèrent, avec des alternatives qui avivèrent plus
d'une fois ces espérances de retour, près de six mois,
y coupa court. Les alliés protestants qui avaient,
sous la pression du pasteur jurieu, intercédé auprès
de Louis XIV pour le rétablissement des religion-
naires français dans leurs droits, privilèges et liberté
de conscience, n'avaient pas été écoutés. Une requête
15
226 —
anonyme très émouvante adressée en même temps
au roi de la part de ses fidèles sujets de la religion
« que les édits nomment /n'7^;z<///c' réformée » ne l'a-
vaient pas fléchi davantage.
Donc, les réfugiés devaient rester réfugiés et les
« demeurés » gémir et souffrir en silence. Cet état
de nos pères a été appelé d'un vocable qui évoque le
calvaire : Y Eglise sous la Croix.
On verra que les premiers moments d'abattement
passés, les huguenots de France reprirent courage et
envisagèrent la situation en gens résolus à la suppor-
ter sans rien concéder des droits sacrés de la cons-
cience. Le protestantisme, qui est un culte en esprit,
c'est-à-dire une communion permanente avec Dieu
sans intermédiaire sacerdotal, se prétait admirable-
ment à sa conservation pourvu que cette communion
existât et fût le lot des enfants après avoir été celui
des pères, et que l'instruction pût être donnée à tous,
car il fallait pouvoir lire la Sainte-Ecriture. Certes,
les illettrés, très nombreux à cette époque, mais en
proportion beaucoup moindre chez nos pères que
chez les catholiques (la proportion des époux ayant
signé leur acte de mariage est de 66 pour cent pour
les hommes et de 28 pour cent pour les femmes dans
Téglise de Lintot, années 1674-1675 et 1676). ne pou-
vant lire ni commenter la Bible, par conséquent pri-
vés de tout réconfort spirituel, devaient fléchir et,
de fait, fléchirent et finirent par prendre l'habitude
machinale d'aller à la messe et de remplir mouton-
nièrement les actes qu'on leur avait d'abord imposés.
Les illettrés ne trompaient généralement pas l'es-
poir de Téglise de Rome, et peut-être est-ce une des
raisons qui lui font aimer l'ignorance.
C'est surtout pour parer à l'accroissement de ces
défections que les plus zélés parmi les huguenots fi-
dèles de cœur se mirent à visiter et à relever leurs
227 —
frères vacillants et timides. Dès 1687-1688 on se réu-
nit dans des maisons particulières, mais avec des pré-
cautiojis infinies pour qu'il n"en transpire rien. Dans
peu de temps on se réunira dans des bois et des car-
rières. Devant le danger commun, les liens de la fra-
ternité s'étaient resserrés et se resserraient chaque
jour davantage. Un grand besoin d'union se faisait
sentir de toute part et les cœurs y répondaient. Mais,
pour l'instruction religieuse des enfants, il fallait des
gens versés dans la connaissance des Ecritures, j^it
c'est pourquoi nous verrons bientôt des ministres,
des évangélistes. des prédicants, pour nous servir du
terme, qui voulait être méprisant, déjii appliqué par
les catholiques aux ministres du temps de Calvin,
parcourir le pays de Caux tout entier et raviver la foi
de nos pères au moyen d'assemblées dans les endroits
propices : carrières, bois, fermes isolées. Déjà, très
peu de temps après la Révocation, nous trouvons
deux jeunes gens, l'un originaire de Montivilliers,
nommé Israël Lecourt ; l'autre de Rouen, nommé
Pierre Cardel, parcourant la Haute et la Basse-Nor-
mandie pour raffermir leurs frères et les exhorter a
être fidèles quand même.
D'Israël Lecourt nous ne savons pas grand chose,
bien que nous possédions deux cahiers qu'une pro-
testante zélée, morte octogénaire en 1873, avec qui
nous nous entretînmes souvent du passé et qui était
de sa descendance, nous donna comme venant de lui.
suivant la tradition qu'elle avait recueillie dans sa
famille (elle nous donna aussi des livres de piété et
de controverse renfermant des annotations ou ins-
criptions de la main de Samuel Lecourt. petit-fils de
notre héros, du millésime 17=78). La seule chose que
cette pieuse femme nous ait dite touchant ce confes-
seur de la foi, c'est qu'il brava mille embûches, mais
qu'il finit par être pris et souffrit héroïquement.
— 228 —
Quant aux deux cahiers, ils ne renferment pas de
renseignements historiques concernant notre région.
Nous y trouvons deux pages qui sont des fragments
des lettres pastorales de Jurieu et que le détenteur
des cahiers d'Israël Lecourt — car elies sont posté-
rieures à l'arrestation de ce dernier et on ne sache
pas qu'il ait été relâché — aurait transcrites sur des
feuilles restées blanches. A moins. — ce qui serait
plus vraisemblable, car tout paraît être de la même
écriture — que ces manuscrits appartinssent à un
prédicant qui parcourut le pays de Caux vers la fin
du XYII" siècle et les donna à un membre de la fa-
mille d'Israël Lecourt. ou bien encore les oublia
dans cette famille où il aurait tenu une réunion se-
crète ou reçu l'hospitalité. Le reste est composé de
sermons et de prières appropriés aux circonstances.
Nous reproduisons à l'appendice (pièce n" ii), une
prière particulièrement touchante.
Le plus que nous sachions d'Israël Lecourt c"est ce
que nous apprennent les réponses qu'il fit à l'inter-
rogatoire qu'il eut à subir à Caen à la suite de son
incarcération dans les prisons de cette ville, et la
lettre qu'on trouva sur lui et qui était destinée à Ju-
rieu, réfugié à Rotterdam. Il dit aux magistrats ins-
tructeurs qu'il avait signé une promesse d'abjuration,
en même temps que tous ses coreligionnaires, devant
l'official de l'abbaye des dames de Montivilliers,
mais qu'il avait bientôt senti du remords pour cet
acte de faiblesse et que, dès lors, il avait cherché à se
racheter en se rapprochant de ceux d'entre ses frères
qui partageaient ses sentiments, et que c'est sous l'em-
pire de telles résolutions qu'ayant entendu parler des
lettres pastorales qu'un pasteur très savant, Pierre
Jurieu, avait adressées aux fidèles de France qui gé-
missaient sous la captivité de Babylone, il se les était
procurées et que la lecture en avait tellement en-
229 —
flammé son zèle que, bien que simple laïque, il n'a-
vait pu s'empéclier de tenter de réveiller la foi de ses
coreligionnaires défaillants. Sa lettre à Jurieu nous
apprend mieux ce qu'il fit et ce qu'il aurait pu faire
par la suite si son arrestation n'avait mis fin à son
œuvre. Avant de donner cette lettre, nous ferons ob-
server, pour qu'on comprenne bien le seub de cer-
taines expressions qui ne paraîtraient pas s'inspirer
de ia modestie propre aux caractères chrétiens, que
ce jeune évangéliste demandait la consécration au
saint ministère pour pouvoir baptiser et marier.
« Celui (}ui vous adresse cette lettre, dit-il. est un jeune ex-
« hortateur qui a trouvé à propos de vous écrire pour vous
<( demander conseil touchant bien des choses et pour vous in-
<t former particulièrement de celles qu'il a faites en France
« depuis hientùt sept années.
<< Comme. luousieur, vous êtes celui de tous nos pasteurs
I de ([ui nous avons re(;u le plus de consolation et d'instruction
« par les lellres ])aslorales que vous avez eu la charité de faire
« tenir au\ fidèles proîestauls qui sont restés dans notre
« France, aussi nous avons-vous une sinçrulière obligation,
ï Cette charité me fait espérer que vous ne refuserez pas mes
« supplications ; l'espoir que j'en ai me donne la hardiesse de
<< vous écrire plutôt qu'à aucun de nos pasteurs, car nous
« avons vu dans vos écrits l'approbation que vous donnez aux
« assemblées qui se sont formées dans plusieurs provinces de
c la France au milieu desquelles j'ai eu le bonheur de paraître
<r des premiers, puisque depuis l'âge de 16 ans, j'ai commencé
<[ à me trouver dans de fort nombreuses assemblées où je fai-
« sais de petites exhortations après lesquelles j'adressais à
« Dieu d'ardentes prières qui leur étaient d'une grande conso-
« lation. qui rallumaient leur zèle et ranimaient leur courage,
c Voilà le succès ([u'a eu le commencement du ministère que
« j'ai exercé, depuis (pie j'ai commencé deux mois et demi ou
« trois mois tout au plus après les malheureuses signatures,
— a^o —
« SMiis avoir (liscdiiliiiiir- tli'iuiis loiiL ce Iciniis-h"). '
« .l'ai dciiiciin'' dans la Ilaiile-Nonuandifi prrs d(! trois .tds
(( ])ondant les(]ii(;l.s plusieurs |)ei'soiiii('s se sont voulu ingénier
« d'endociriner le peujjlc ; mais ils n'ont pas bien réussi parce
« qu'ils n'avaient pas de dons pour cela. 11 y eu avait d'autres
« ([ui avaient le don de retenir des sermons par mémoire et (jui
« les déclamaient dans les assemblées, combien (pi'ils les réci-
« tassent parraitemcnt bien, le peuple ne s'en ti'ouvail pas très
« édilié, ce qui est la causi; qu'ils ont cessé, si bien que nous
« avons demeuré seul, 'SI.... et moi.
(( Combien que je fusse bien Jeune, mes premières exborta-
« lions ne laissaient pas de loucher le peuple ; il est vrai que les
« premiers qui ont composé les assemblées n'étaient que de
« simples bourgeois et de pauvi-es paysans ; mais on ne tarda
« pas à y voir des personnes de toute condition, qui taisaient
« dessein, au milieu des assemblées, de ne plus aller à la messe,
« et de jour en jour on voyait les assemblées s'augmenter en
« nombre considérable, l.oi'sciue, je vis que Dieu donnait de si
« heureuses issues à de lelles entreprises, je commençais à
« prendre un texte de l'Kcritui'e Sainte pour former le sujet de
« mon discours et consultais les écrits (|ue les docteurs avaient
« composés sur un sujet alin de m'y conformer autant qu'il me
« serait possible, et je m'appli(|uais aussi à finir Joutes mes ac-
te tions sur les malheurs où nous étions afin d'exhorter les iidè-
M les à les supporter avec patience. XoW'd ce ((ui s'est fait dans
ï la paroisse où j'ai conmiencé, durant un peu plus oe deux
(( ans. Nos assemblées ont été quelquefois interrompues pai'
« les ennemis de notre religion, cela arrivait aussi jiar l'impru-
« dence de ceux qui s'y rencontraient; mais la Pi'ovidence a
« tellement conduit toutes nos entreprises qu'il ne m'est jamais
« arrivé aucun inconvénient combien que j'ai été dans les pri-
« sons pour y consoler ceux qui y étaient détenus pour cause
« de religion. Je me suis trouvé au milieu d'asseudjlées compo-
1. — Sou interrogatoire nous apprend ([u'il avait commencé
jiar sign(îr son abjuration en KiS."), devant l'ollicial de l'abbaye
des Dames de Moutivilliers
« sées de plus de deux mille personnes (jui étaient environnées
« quelquefois de quarante ou cinquante personnes armées,
« qui attendaient que nos assemblées fussent finies pour après
« arrêter prisonniers ceux sur les(|uels ils auraient pu mettre
« la main. Nous leur parlions toujours avec le plus d'iionnèteté
« qu'il nous était possible en leur marquant que nous ne nous
« laisserions pas arrêter et qu'ils ne se missent pas en état de
« cela et qu'autant que Dieu nous avait donné de forces, nous
« les employerions pour leur résister. D'autres fois on a tiré
« j»lusieurs coups d'armes sur nous, sans qu'il y eut personne
« de blessé ; il y eut cependant une fois trois personnes de lé-
« gèrement blessées dans une petite assemblée de 400 person-
« nés par un méchant homme (jui était caché au haut d'un arbre,
« à l'ombre des feuilles. Il tira un coup de fusil où il n'y avait
« que du plomb, lequel cassa une fenêtre derrière ma tête sans
« me fi-appcr ; cela ne nous empêcha pas d'achever ce que
« nous avions commencé, car nous n'étions alors qu'au milieu
« (le noire action. Voilà tout ce ([ui est arrivé de malheureux
(c dans les assemhlées où je me suis trouvé. Monsieur ; je vous
« en fais le récit afin que vous ayez la bonté de joindre vos ac-
« tions de fjràces à celles de tous les fidèles pour donner gloire
« à Dieu (|ui a conduit si heiu'eusement des actions ou son
« saint nom était invoqué.
« Apivs avoii' été, comme je vous ai déjà dit, un peu plus
K de deux ans dans la Haute-Xonnandie où tout ce que je viens
« de dire est arrivé, je descendis dans la lîasse-Normandie où
« j'ai été près de trois ans sans aller ailleurs. Lorsque j'arrivai
« dans le pays, je trouvai un peuple bien craintif, qui allait
« encore pour la plupart à la messe et qui n'osait se hasarder
« à faire des assemblées, car ils avaient toujours été maltraités
I par lein-s intendants, mais peu à peu leur zèle commença
I à se rallumer et on vit les assemblées se grossir au nombre
« de huit à neuf cents personnes qui y venaient de tous côtés.
« 11 s'y rencontra plusieurs personnes de considération qui
« donnaient à tous les fidèles des marques de leur repentance
« et en leur présence qui faisaient dessein de ne plus aller à la
« iiiesso, ce (ju'ils ont oxrciih''. » '
De PaulCardcl. ne à Rouen en lOsi, nous savons
que la Révocation l'avait surpris pasteur de Téglise
de fief de Grosménil Dresde Fontaine-le-Bourg, qu'il
desservait depuis lOSi, et qu'il s'était réfugié en Hol-
lande avec sa femme, Mélanie Houppemaine, et son
père ; qu'en 1688 il était rentré en France pour v prê-
cher secrètement : qu'il tint des réunions en Haute
et Basse-Normandie cette même année, dont l'auto-
rité eut vent, et qu'il fut arrêté à Paris en avril 1689
et envoyé aux Iles Sainte-JMarguerite où la mort l'af-
franchit, après cinq ans de la plus dure et absolue
captivité (2^ mai 1O94I. A'oici dans quels termes le
roi écrivit au gouverneur des Iles Ste-Marguérite
pour lui donner ses ordres : '< A \'ersailles, 18 avril
'< 1689. M. de Saint-Mars, j'envoie aux Iles Ste-Mar-
'< guérite le nommé Gardai, ci-devant ministre de la
« R. P. R., pour y être détenu pendant toute sa vie.
« Et je vous écris cette lettre pour vous dire que mon
'■< intention est que vous le receviez, que vous le fas-
'< siez mettre dans l'endroit le plus sûr qu'il se pourra,
'< et qu'il soit soigneusement gardé sans avoir com-
'< munication avec qui que ce soit, de vive voix ou
« par écrit, sous quek^ue prétexte que ce soit. Et la
<< présente n'étant à autre fin, je prie Dieu, etc. >/
Seignelay écrivit au-dessous : 'j; j'ajoute à la lettre
« du roi que S. M. ne veut pas que l'homme qui vous
« sera remis soit connu de qui que ce soit, et que
« vous teniez la chose secrète en sorte qu'il ne vienne
« à la connaissance de personne quel est cet homme.
<< Vous lui ferez fournir la subsistance de son entre-
« tien sur un pied médiocre et je vous prie de me
1. — Dossier de l'inti'rroyatoirc |irpslé ]);ir le nommé Israël
Lecourt de la Relijjfion P. H. pri^soiuiiei' ùs-prisons de (,^.aeu
(Arch. Nationales, M., 633J.
<■< mander à quoi le tout pourra se monter par an.
'f. afin que j'y pourvoie. >/ On craignait tellement que
le sort du malheureux Cardel transpirât qu'au mois
de juin suivant, Louvois recommandait à M. de St-
Mars, pour le cas où le prisonnier aurait besoin
d'être saigné, de ne faire pratiquer la saignée qu'en
sa présence pour qu'il ne pût dire qui il était.
Nous savons par Legendre {Hist. delà Pcrs.) que
les ministres Cottin, Duplan. Masson et La Gacherie
rentrèrenten Normandie avec Cardel. et, qu'ayant pu
retourner en Hollande, ils rendirent de bons témoi-
gnages de la repentance et de la piété des protestants
de la Haute-Normandie qu'ils avaient visités de 1688
h i6qi. Ils racontèrent que. pour échapper aux es-
pions qui les recherchaient, ils étaient obligés de
changer constamment de noms et de costumes, de ne
jamais loger deux fois dans la même maison, et de ne
pas rester longtemps dans le même endroit.
Elle Benoit nous apprend, sans plus de détails, que,
dès 1686. des assemblées secrètes se tenaient dans le
pays de Caux, notamment à Bolbec. 1 Nous savons
que les nommés Morel et Jean Boivin tinrent des
réunions aux environs de Bolbec. Boivin fut particu-
lièrement zélé, et pendant ^o ans (jusqu'aux environs
de 171s I il raffermit ses frères.
Par une note qui se trouve aux archives nationa-
les -, nous voyons que de nouveaux convertis, au
nombre d'environ trois cents, s'assemblèrent le jour
de la Pentecôte (13 juin) de l'année 1688, à q h. du
matin, dans la ferme d'un nommé Sieurin, à Crique-
tot, et que. dans la nuit qui suivit, une assemblée du
même genre se tint tout près de là, dans le village
d'Englesqueville, chez un nommé Salomon. Nous
1. — Hist. de l'Edit de Nantes, t. Y, p. 990.
2. — Arcb. nat. II, 246,
— 234 —
n'aurions rien su de ces réunions si le lieutenant
criminel, en ayant eu connaissance, n'avait fait une
enquête en suite de laquelle le propriétaire de la
grange qui avait servi au culte fut décrété de prise
de corps et quelques-uns des assistants se virent mis
en accusation. Il y a lieu de croire que c'est Israël
Lecourt qui présida ces réunions. Dans son Protes-
tantisme en Normandie, F. Waddington cite le fait
suivant qui se passa à Cany vers 1690 et qui dépeint
bien la superstition et l'ignorance qui régnaient
alors : Le geôlier de la prison de Cany gardait le
corps d'une femme de Dieppe nommée Diel, inter-
née pour cause de religion, qui venait de mourir,
lorsqu'il s'avisa de le montrer pour de l'argent au
peuple assemblé dans le bourg à l'occasion de la foire
qui se tenait justement ce jour-là. Pour exciter la
curiosité du monde, il déclarait qu'il faisait voir le
corps d'une damnée! Les paysans crédules, s'atten-
dant a le trouver marqué d'un signe évident de dam-
nation, s'empressent tellement h ce spectacle que le
geôlier, qui ne faisait payer que deux liards par per-
sonne, gngna la somme de 17 fr. ce qui représente le
chiffre de 680 curieux.
En i()94, il v eut une assemblée dans les carrières
du bois de la Resse, près de Bolbec (sans doute bois
de la Barre, que remplace la ferme de ce nom, à
I kil. au sud-ouest de la ville) a la suite de laquelle
Bertin, Lemanicher, Auber, Jacques Devigne, Isaac
Serville, Abraham Leblond, Jacques Renault et ses
filles, de Mélamare ; Pierre Hardy, de St-Eustache ;
Jean Déhais, Abraham, Jean et Pierre Postel, Jean
Le Bouvier, Lestudais et Pierre Hébert, de St-Nico-
las-de-la-Taille ; le nommé Lavotte et la nommée Le
Caron. de Bolbec. et les nommés Pouliot, de St-
Antoine-la-Forét, furent détenus dans les prisons de
Caudebec. On ne sait par qui cette assemblée fut pré-
— 23^ -
sidée. Mais à ce moment il dût y avoir un grand
nombre d'assemblées de ce genre, car les Lettres
pastorales de Jurieu étaient répandues partout et on
se réunissait pour les lire et se réconforter aux accents
dont elles étaient pénétrées. Et puis, il y avait dans
beaucoup de maisons protestantes des livres de ser-
mons dont quelque ancien pouvait faire la lecture.
Ces livres se multiplièrent pour suppléer à l'absence
de pasteurs. On put donc s'édifier en commun. Le
difficile était de se réunir secrètement et de ne pré-
venir des assemblées projetées que les personnes sû-
res. On ne relève guère de trahisons de faux frères,
bien qu"il y eût une prime offerte à ce genre de déla-
tion. Alors, le caractère national ne répugnait pas à
cet appel au plus lâche des crimes : celui de Judas !
Mais personne n'avait autorité pour marier, bapti-
ser et distribuer la Cène, et c'était ce qui menaçait le
plus d'amener des défections. En 169=), vers la fin de
l'année, l'avocat Claude Broussan, qui avait reçu la
consécration pastorale, visita les protestants de Nor-
mandie. Il fit même un long séjour dans notre pro-
vince et les registres de l'église française de Londres
nous apprennent qu'il y administra plusieurs baptê-
mes et y reçut, tant à Bolbec qu'à Dieppe, un certain
nombre de personnes -r à la paix de l'église », c'est-
à-dire accepta, sur la foi de leur sincère repentir, le
retrait de leur abjuration. Dans une lettre du 10 dé-
cembre 1693 à un de ses amis de Hollande il disait :
(( Plût à Dieu que mes très honorés collègues, et sur-
(( tout ceux des provinces que je traverse, puissent
« voir comme moi Tardeur de nos pauvres frères. Il
(( serait impossible que leurs entrailles n'en fussent
« émues de zèle à les venir secourir. Il y a tant d'âmes
« affamées et altérées de la parole de Dieu, qui sont
« en danger de périr faute d'aide et de secours dans
« cette dure tentation 1 » Dans une autre lettre, écrite
2l6
trois semaines après, il annonce avoir fait trente-cinq
assemblées de communiants, plus ou moins nom-
breuses selon le pays ou il passait, dont deux de cha-
cune environ 400 participants. Il n'est guère douteux
que ce ne soit i Bolbec et à Luneray que ces deux
importantes réunions se tinrent, car. seuls, ces deux
centres pouvaient réunir un tel nombre de commu-
niants. Ce qui préoccupait surtout Brousson c'était
rimpossibilité où se trouvaient les protestants res-
tés sur le sol natal de faire régulariser leurs mariages
à moins d'abjurer, et les difficultés qu'ils éprouvaient
pour faire baptiser leurs enfants. Aussi cherchait-il,
de toute sa puissance de persuasion, à décider les pas-
teurs réfugiés à l'étranger à revenir clandestinement
et à vivre secrètement au milieu de ce qui restait de
leur troupeau. C'est à la suite d'un vovage qu'il avait
fait en Hollande en 1688 pour y tenter déjà la même
chose, que Paul Cardel s'était décidé, avec quelques
autres, à rentrer en France. Comme on avait tout
combiné pour prévenir le retour des pasteurs (n'était-
on pas allé jusqu'à promettre 20(~)0 1. à ceux qui arrê-
teraient un ministre ? nous comprenons que ce
retour n'était pas sans offrir de sérieux dangers et
nous devons honorer la mémoire du rouennais Car-
del. du reste mort martyr, car, comme nous l'avons
vu plus haut, il fut en quelque sorte enterré vivant.
L'interrogatoire de Mathieu Malzac dit Bastide,
autre pasteur rentré en France et découvert, nous
dépeint bien la vie que menaient ces pasteurs du dé-
sert, comme on les appelait. \'oici des fragments de
cet interrogatoire : «... Avant trouvé le ministre
« Selve, son confrère, touché des mêmes motifs,...
« ils partirent de concert l'un et l'autre et quittèrent
« les emplois qui leur avaient été donnés en Hollande.
« Il prit le nom de La Bastide qui était celui de son
« église, et de Selve celui de A'aïsec. II prit aussi ce-
— 257 —
« lui de Xolain et outre celui de De l'Isle... Ils vin-
ce rent mettre pied à terre en la rue Bourg-l'Abbé, à
«la Croix de fer... Le ministre Cottin leur avant
(c donné des noms et des adresses avec des empreintes
« de son cachet afin qu'ils pussent être connus en la
« qualité de ministres, lui et ^'alsec se séparèrent
« sans avoir eu depuis aucune communication ayant
a même affecté entre eux de se donner réciproque-
ce ment aucune connaissance de ce qu'ils feraient afin
c( que si l'un venait à être arrêté, il fut hors d'état de
ce parler de la conduite de l'autre.
c( Il a perpétuellement fait sa fonction de ministre
ce dans une infinité de petites assemblées, a Paris pre-
ce mièrement. . . puis dans les provinces. . . Il n'a jn-
ee mais été attendu en aucun des lieux où il a été reçu
ce et où il a fait des exercices, et après avoir été une
ce fois reconnu dans le premier endroit on le conduit
ce dans un autre et ça été par l'un de ceux qui l'avaient
ce reçu que l'on jugeait être le plus sur de tous qui ne
ce disait pas à lui-même où il le menait. A l'égard des
ce lieux particuliers et lorsqu'ils y étaient arrivés, ce-
ce lui qui l'avait conduit le faisait connaître pour un
ce ministre, et aussitôt on assemblait la famille et il
ce prêchait ou donnait la Cène et recevait les repen-
ee tances qui étaient à recevoir. . . Lorsqu'il fut arrêté
ce dans la maison où il a été pris, il avait en poche
ce ses sermons et son bonnet de nuit, pour être en
ce état de reposer à l'endroit où il se serait trouvé à
ce l'approche du jour, où il se serait tenu jusqu'à la
ce nuit suivante, ne sortant jamais de jour qu'il n'v
ce eût quelque nécessité de visiter les malades.. . Dans
ce toutes les villes et autres lieux des provinces où il
ce a été, on a écrit à Paris à divers particuliers pour
ce l'engager à y retourner. Mais l'occupation excessive
ce qu'il a eue à Paris l'en a empêché... Il n'en peut
ce dire le nombre parce qu'il ne s'est point attaché à
- 2:i8 -
« l'observer, mais par estimation le nombre des per-
ce sonnes pourrait bien se monter à vingt mille au
« moins.
« — S'il a reçu aussi les abjurations de quelques
a A. G. et en quel nombre ? — Oui, mais ce n'est pas
« lui qui les a disposés à cela ; il les a trouvés dans
« ces dispositions et dans l'attente de quelque pas-
ce teur qui les pût consoler. Quant au nombre, il ne
« le peut non plus dire précisément, et ne sait si c'est
« au nombre de deux ou trois cents, mais c'est aux
((environs. On peut cependant chercher partout et
« s'informer de tous ceux qui l'ont entendu et qu'il a
(( consolés et on saura en ce cas ce qu'il leur a dit
(( touchant la fidélité qu'ils doivent au roi : combien
« il a retenu par ce moyen d'officiers qui se disaient
« N. G. et de familles dans le royaume, et il n'a ja-
« mais fait aucuns exercices dans toutes ses petites
« assemblées qu'il ne l'ait fini par des prières pour le
« roi et pour toute la maison royale.
« Il sait qu'il en est venu quelques-uns par la Suisse.
c( comme le ministre Mathurin, autrement de L'F.s-
« tang, et trois autres ministres. Ne sait pas s'il y en
« a un plus grand nombre qui soient venus par cette
« route. Le ministre Deplan est un des trois, un autre
(c appelé Boulle et le troisième Gascherie. sans qu'ils
«sachent que ce soient leurs véritables noms. Deplan
(( ne resta qu'un mois à Paris et fut en Normandie ;
« Gascherie ne fit que passer et n'y resta que 8 à lo
(( jours : Boulle y resta 435 mois. Ils n'ont eu aucune
« communication. Groit qu'ils sont encore dans le
« royaume : cependant n'a aucun rapport avec eux
« par la raison qu'il a dite ci-dessus. ' «
L'un des pasteurs qui avaient parcouru la Norman-
die (on ne sait lequel) écrivit vers le même temps à
1. — Arch. de lu Bastille. Ruvaisson, IX, p. 408. (Bibl. de
l'Arsenal;.
— 239 —
Jacques Basnage à Rotterdam : « J"ai déjà fait diver-
« ses assemblées où j'ai reçu plusieurs personnes à la
« paix de l'église. Je leur fais signer un petit formu-
« laire que j'ai dressé. Mais le malheur c"est qu'on ne
« peut s'assembler que douze ou quinze Dersonnes à
« la fois. Généralement parlant, personne n'est gâté
ce et il n'y en a pas de qui je ne sois reçu avec une
« joie inestimable. ^ «
Nous voyons par Là que, si l'édit révocatoire avait
plongé les protestants dans la crainte et l'étonnement
et s'ils s'étaient crus abandonnés à jamais de ceux qui
avaient reçu la mission de les exhorter, il suffisait que
quelques-uns de ceux-ci vinssent, au milieu de mille
dangers, les visiter, pour qu'ils se ressaisissent et
devinssent indéfectibles. On ne trouvait nulle résis-
tance chez eux quand on leur demandait de signer, à
titre de réparation, la déclaration suivante qui pou-
vait cependant attirer sur eux la rigueur des édits :
« Nous soussignés, souhaitant réparer autant qu'il
« nous sera possible le scandale que nous avons donné
« à l'Eglise de Dieu par nos faiblesses passées, et nous
« relever de la malheureuse signature que la violence
« nous a arrachée, déclarons aujourd'hui, de bonne
« foi et sans y être forcés, que nous n'avons jamais
« approuvé et que nous n'approuverons jamais les
« sentiments de l'église romaine dans laquelle on
« nous a contraints d'entrer, que la doctrine de l'é-
« glise réformée, que nous prétendons être conforme
« à la parole de Dieu, a toujours été et sera toujours
« la nôtre, que nous protestons contre tout ce que
« nous avons pu faire ou penser jusqu'ici de contraire
« à la déclaration présente, comme contre tous les
« sujets de faiblesse et les erreurs que la violence de
« la persécution a fait naître en nous, que nous fai-
1. — A. Court, Hist. manusc. des Egl. rrf. de France.
— 240 —
« sons la résolution de glorifier Dieu hautement dans
« la suite, priant Dieu de tout notre cœur qu'il lui
« plaise nous donner la force de faire ce que nous re-
c( connaissons être un devoir indispensable, qui est
« de ne pas croire seulement de cœur à justice, mais
« de faire aussi confession de bouche à salut selon le
« précepte de l'apôtre : et afin que les auteurs de tous
« les maux que nous avons souiïerts qui n'oublient
« rien pour nous décrier, n'avaient aucun prétexte
« de noircir notre déclaration présente, comme si elle
« était conçue dans un esprit de rébellion contre
« notre roi. nous protestons comme devant Dieu de
u notre fidélité pour lui, que nous le regardons com-
« me notre unique et légitime souverain sur la terre,
« auquel nous ferons toujours un devoir inviolable
« d'obéir en toutes choses où le service de Dieu, le
« Roi des rois, ne sera point blessé. Or, c'est ce que
« nous signons aujourd'hui de bonne foi et sans vio-
« lence, et que nous consentons qu'il soit rendu pu-
ce blic, quand cela pourra être utile à la gloire de
« Dieu et à l'avancement de son règne. ^ )>
Les assemblées qui se tenaient dans les campagnes
— où des bois et des carrières se prêtaient à ce
qu'elles demeurassent ignorées — finirent par trans-
pirer, soit parce que les allures mystérieuses des
gens rencontrés s'y rendant avaient éveillé l'attention
de catholiques hostiles, soit parce que, dans leur
zèle à chanter les psaumes dans le calme de la nuit,
nos pères oubliaient qu'ils pouvaient être entendus
de bergers réveillés par leurs chiens aboyant après
des retardataires ou des gens égarés, car le plus sou-
vent on se rendait à travers champs à ces prédica-
tions secrètes qui avaient lieu par des nuits sans lune,
M. le pasteur Berthe, dans une brochure publiée à
1. — A. Court, Hist. manusc. des Egl. réf. de Fr.
— 241 —
l'occasion du troisième jubilé séculaire de la Réfor-
mation, décrit, d'après les témoignages recueillis de
la bouche des protestants les plus âgés de l'église de
Luneray qui les avaient eux-mêmes recueillis dans
leur jeunesse de leurs grands-pères ou arrière-grands-
pères, une de ces assemblées secrètes et la façon dont
on s'y rendait et les précautions que l'on prenait à la
maison pour ne pas les laisser soupçonner aux en-
fants et aux serviteurs :
c( La nuit fixée pour la réunion, après le souper de
<.c famille, pour ne rien laisser deviner on envoyait se
« coucher les enfants et les domestiques. Quand on
« les croyait endormis, les pères et mères sortaient
« sans bruit et se dirigeaient, par des chemins détour-
ne nés, vers le lieu de rendez-vous, bois ou carrière.
« A la même heure, de toutes les fermes et maisons
« protestantes sortaient des personnes se rendant au
« même endroit. Tout le monde marchait en silence.
« chaque groupe distant des autres et allant par des
« chemins différents pour n'être pas épiés et suivis.
(( La réunion formée, des sentinelles étaient placées
c( à distance tout autour pour donner l'alerte en cas
« de danger, et le culte commençait. Il se composait
« de prières, de la lecture de la Bible, et de quelque
« sermon soustrait au pillage et aux flammes. Après
« ces adorations, ces lectures et ces prières dans les-
te quelles la foi et le courage se retrempaient et se
« vivifiaient, l'assemblée se dispersait, chaque groupe
« reprenait son sentier détourné et regagnait en si-
ce lence, avant les premières lueurs du jour, sa de-
« meure endormie. »
Cette sorte de réveil du Protestantisme, connu des
autorités et des curés, eut pour résultat de faire sur-
veiller davantage les religionnaires et d'amener l'ar-
restation des plus zélés. C'est ainsi que l'intendant
de La Bourdonnaye, ayant appris qu'il se tenait des
15
— 242 —
assemblées aux environs de Bolbec et de Lillebonne,
se rendit en personne sur les lieux pour y procéder
à une enquête de laquelle il résulta qu'il y avait eu
de petites réunions chez une veuve Doré, au Val,
paroisse de Tancarville. qu'un nommé Boivin avait
présidées, ce pourquoi il fut arrêté et mis en pri-
son ^, et que des assemblées, dont une de 300 per-
sonnes, avaient eu lieu dans les carrières de Sainte-
Honorine, paroisse de Mélamare.
Il s'en suivit que l'on fut plus prudent chez les faux
convertis et qu'on remplaça assez bien, pendant quel-
que temps, les assemblées secrètes par des livres. La
Suisse et la Hollande firent imprimer à ce moment
livres sur livres, outre la Bible, et en envoyèrent par
milliers en France. 11 n'est guère de vieille famille
huguenote qui ne possède comme relique familiale
quelques-uns de ces livres. Parmi ces ouvrages nous
pouvons citer : les catéchismes de Drelincourt, de
Guitton, d'Osterwald, de Superville, les sermons de
Claude, de Jurieu, de Saurin, de Jacquelot, de Til-
lotson. De hardis colporteurs, dignes de leurs devan-
ciers du XVP siècle, les répandaient partout. Mais
cela aussi transpira vite, et on fit la guerre aux li-
vres : les commandants reçurent Tordre de visiter
1. — L'année précédente, Boiviu avait été recherché, mais
en vain. Voici le texte de la lettre de cachet délivrée contre
lui : « Yves-Marie de La Bourdonnaye, seigneur do..., conseil-
ler du roy en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de
son hôtel, commissaire départi par S. M. pour l'exécution de
ses ordres en la généralité d(> Rouen.
« Nous enjoignons aux nommés Jean Leroy et François
Brémontier, gardes-bois de ]\I. le ducd'Elbeuf, do porter à l'é-
glise et faire baptiser, si besoin est, l'enfant du nommé Lebas,
de la paroisse de St-Nicolas-de-la-Taille, et de se faire payer
6 livres pour leur exécution, comme aussi d'arrêter et mettre
aux prisons voisines le nommé Boivin, qui a tenu dos assem-
blées de nouveaux convertis ; nous enjoignons à toutes per-
sonnes do leur prêter nuiin-forto.
« Fait à Rouen, ce 10 avril Ki'.tT. » fArch. do la Seino-Inf.,
fonds de l'Intendance).
— 243 —
les maisons des religionnaires. munis de l'index
établi par l'archevêque de Paris, et de saisir tout
écrit qui y figurait. Ces perquisitions amenèrent la
destruction d'un grand nombre d'ouvrages, sans
compter un nombre non moins considérable d'exem-
plaires de la Bible.
Délivré momentanément des soucis de la guerre,
le roi voulut parachever l'œuvre de retour à l'unité
de foi. A cet efiet. il ordonna, en 1698 et 1699, diver-
ses mesures rigoureuses pour vaincre la résistance
des huguenots en suite desquelles l'intendant de La
Bourdonnaye, qui avait appris par le rapport du
curé de St-Nicolas-de-la-Taille, daté du 30 mai 1698,
que « les nouveaux convertis de cette paroisse ne fai-
« saient aucun devoir de catholiques mais au con-
« traire des assemblées de 4 à ^oo dans les carrières
« de cette paroisse, » et par celui du curé de St-Eus-
tache-la-Forét, daté du r' juin de la même année,
qu" « il se faisait les jours de dimanche avant les
« messes et pendant ces dites messes des assemblées
« publiques dans les carrières, au scandale de tous
« les catholiques, et des mariages, et que les nou-
« veaux-nés étaient portés de paroisse à autre afin
« d'empêcher que ces enfants ne fussent baptisés aux
a églises K » voulut qu'on enlevât les enfants aux pa-
rents qui persistaient dans « leur erreur » pour les
placer dans les établissements fondés à cette fin,
et qu'on confisquât les biens de ceux qui ne remplis-
saient pas leur devoir de catholiques, comme on
avait fait pour les fugitifs. Voici, là-dessus, ia lettre
qu'il écrivit au ministre Pontchartrain ( 20 juin 1700):
« Les saisies qui ont été faites des biens des religion-
ce naires fugitifs, possédés par des nouveaux conver-
1. — Une tradition veut aussi qu'il se soit tenu des assem-
blées dans une carrière située dans un 1 ois à St-Jean-de-la-
Neuville, section du Mont-Aca.
— 244 —
« tisqui ne faisaient pas leurs devoirs en ont enga2:é
« plusieurs à se faire instruire et à se convertir. Si les
« juges ordinaires étaient exacts à faire exécuter les
« ordonnances, les conversions avanceraient infini-
« ment, mais ils se relâchent sur deux choses : la pre-
« mière sur l'instruction des enfants, et l'autre sur la
« confiscation des biens de ceux qui refusent de mou-
« rir dans la religion catholique. Je m'en plains sou-
te vent à M. le Procureur général : dans ce temps-là
« on fait quelque démarche, on se relâche inconti-
« nent, et comme ces officiers n'ont point sur cela
({ une intention égale et suivie tout tombe dans le dé-
«sordre, les obstinés triomphent, ils insultent même
« à la facilité des autres; à Dieppe et au Havre, même
« relâchement à l'exemple de la capitale. Je suis venu
« à bout à Bolbec de faire envoyer tous les enfants
« aux instructions par l'application que j'y ai eue ;
« c'est un lieu plein de la religion et qu'il était im-
({ portant de ne pas laisser dans la désobéissance. Je
« propose de placer aux Nouvelles Catholiques de
« Rouen, Dieppe et le Havre les jeunes filles com-
« prises dans l'état ci-joint. ^ On a choisi les enfants
« les plus opiniâtres dont l'instruction fera le meilleur
« effet. A l'égard de la confiscation des biens de ceux
« qui veulent mourir avec scandale dans leurs er-
« reurs, il est de la dernière conséquence de la faire
« juger avec rigueur ; c'est le moyen le plus efficace
« qu'on puisse employer pour déraciner l'hérésie. - »
Dans cette lettre on voit que M. l'Intendant se flatte
d'être venu à bout de la résistance des nouveaux con-
vertis à l'injonction qu'ils avaient reçue d'envoyer
leurs enfants à l'instruction religieuse. Nous avons
la liste des religionnaires bolbécais qu'on condamna
à l'amende pour n'avoir point envoyé leurs enfants
1. — Cet état manque, malheureusement.
2. — Arch. nation. TT. ii-LI.
— 24=> —
aux écoles spéciales. La voici : Pierre Lecesne, Marie
Lecaron, Jacques Pouchet, Jacques Lecaron, Pierre
Fauquet. Pierre Guillemard, Pierre Fichet, Veuve
Pierre Viard, Pierre Lammerville, Pierre Viard, Da-
niel Limare, Abraham Lecaron, Isaac Duval, Jean
Lemanicher, Jacob Huard, Simon Pottier, Pierre
Igou. Ezéchias Belloncle. Daniel Selingue, Veuve
Mondon, Jean Pottier, Judith Delahaye, Jean Huet.
Abraham Lavotte. Isaac Pertuzon. Jean Marin, Pierre
Levesque. Abraham Hellot.
L'abbé Thévenin, doyen du Havre, nous apprend,
dans son Rapport du 12 juin 1699 aux grands vicaires
de Larchevéché de Rouen, qu'à Ecuquetot habitait un
nommé Jacques Morel. « renégat depuis 4 ans », qui
faisait le prêche ci-devant à Villainville ^. Ainsi si-
gnalé, Jacques Morel dut être inquiété, à moins qu'il
n'eût prévenu les poursuites en passant à l'étranger,
hypothèse peu probable, car nous retrouvons trace
de lui quelques années après.
Lorsque M. de La Bourdonnave apprenait que dans
un ménage de nouveaux convertis récalcitrants une
naissance s'était produite, il envoyait immédiatement
à des tiers l'ordre de le faire porter au curé aux frais
des parents. Nous avons vu que c'est ce qu'il fit pour
l'enfant d'un nommé Lebas.
En 1701, on arrêta chez ses parents Mlle de Ribœuf,
petite-fille de Dumont de Bostaquet.
Des famines survinrent dans le pays de Caux à la
fin du XVIP siècle et au commencement du XVIIIe.
Leur cause principale n'est-elle pas dans ce fait que,
faute de bras pour les cultiver, de vastes étendues,
dans presque toutes les paroisses, demeurèrent fort
1. — Il est invraisemblable qu'il y ait eu un prêche à Villain-
ville puisqu'il y en avait un à Criquetot, soit à une lieue envi-
ron. Il est seulement probable qu'un culte régulier était célébré
dans une maison particulière de cette paroisse avant la Révo-
cation et que ce Morel y remplissait les fonctions de lecteur,
2^6 —
longtemps incultes à la suite de leur abandon par les
religionnaires fugitifs ?
A cette époque se place l'héroïque résistance des
Camisards. On sait que Jean Cavalier, à la tète des
braves cévenols qu'il commandait, soldats improvi-
sés comme lui, tint si longtemps en face de Baville,
du comte de Broglie et du maréchal de Montrevel,
qu'on composa avec lui et que cette glorieuse cam-
pagne huguenote eut pour effet de convaincre Louis
XIV que par la violence on n'aurait pas raison de
l'hérésie. Il s'en suivit une sorte de détente, dans le
Nord surtout, et pendant quelques années il ne se
passa rien de bien grave contre nos malheureux pè-
res. Aussi, à la faveur de cette accalmie, les assem-
blées reprirent et ceux qui y prenaient part, se fami-
liarisant avec le danger, ne s'entourèrent plus des
mêmes précautions que dans les commencements, et
bientôt des plaintes de catholiques fanatiques s'éle-
vèrent auxquelles on prêta l'oreille. C'est ainsi que,
vers 1715, le nommé Abraham Vautier, soupçonné
d'avoir assisté à une réunion secrète dans le bois du
Potay. paroisse de la Gaillarde, fut pris au lit à 10 h.
du soir et conduit à la prison de Dieppe où il mourut
on ne sait combien de temps après. Sa femme, née
Legrand. fut saisie d'une telle frayeur qu'elle devint
épileptique et succomba à ce mal au bout de quel-
ques semaines.
C'est au commencement du XVIII" siècle que les
assemblées commencèrent à se tenir dans le Petit
Caux dont Luneray est le centre. Elles avaient lieu
dans le bois du Potay, comme nous venons de voir,
et aussi dans les carrières ou bois de la vallée de la
Saâne et au val Midrac, alors boisé. — lin quittant la
France. M. de la Ajoute, ministre de Lintot, avait été
obligé, comme les autres ministres qui tiassaient à
l'étranger, de laisser ses enfants en bas âge. Nous
— M7 —
trouvons dans les papiers des Nouvelles Catholiques
la supplique suivante adressée au roi par une de ses
tilles, d"où Ton peut inférer qu'elle était demeurée
fidèle à sa religion : « Sire. Catherine de Rallemont,
(( demoiselle de la Ajoute, représente très humblement
« à V. y[. que depuis 9 ans qu'elle est enfermée dans
(( la maison des Nouvelles Catholiquesde Rouen, par
« la sollicitation d'une femme qui lui fit ce tour en
« faisant entendre au sreur de Retours, intendant,
« qu'elle n'avait que 16 à iS ans, quoiqu'elle en eut
t( pour lors 30, et pendant les dites 9 années ses père
« et mère sont décédés et leurs biens abandonnés,
« lui ayant été impossible pendant le dit temps d'ob-
« tenir la liberté ni de donner ordre à ses affaires se
« trouvant à présent dans un état déplorable et sa
« santé fort altérée par la privation de son air natal,
« et comme la conduite de la suppliante a toujours
« été sans reproche, elle espère que V. M. aura la
c( charité de protéger son innocence et de la faire
« mettre en liberté afin qu'elle puisse mettre ordre à
« ses affaires qui sont dans un grand dérangement et
c( éviter par là la ruine entière. Elle continuera ses
« prières pour la santé et la prospérité de V. M. »
(11 février 1710). On ne sait ce qui advint de cette
requête.
On ne sévissait pas suffisamment, aux yeux des jé-
suites. Le père La Chaise étant mort, le père Letel-
lier le remplaça comme confesseur du roi. C'était un
jésuite qui succédait à un jésuite, mais un jésuite par-
ticulièrement fanatique, tenace et cruel, et le roi,
miné par la maladie, placé par l'âge dans la perspec-
tive d'un prochain délogement, attristé par les plain-
tes incessantes de ses sujets écrasés d'impôts et amai-
gris de famines, poursuivi par la vision des persécu-
tions qu'il avait ordonnées et de la honteuse conduite
qu'il avait menée, était trop affolé dans sa conscience
— 24^ —
pour qu'il ne tut pas. quoique jaloux de ses préroga-
tives royales, comme un roseau prêt à plier dans la
main de son confesseur. Aussi le père Letellier n'eut-
il pas de peine à lui arracher (8 mars 171=^) la déclara-
tion dont le titre résume le contenu : Déclaration du
roy qui ordonne que ceux qui auront déclare qu'ils
veulent persister et mourir dans la R. P . R., soit qu'ils
ayent fait abjuration ou non, seront répute{ relaps.
C'était dire qu'aux yeux de la loi il n'y avait plus que
des catholiques et que refuser de recevoir les sacre-
ments, soit en santé, soit aux derniers moments, était
faire acte de révolte et encourir les peines édictées
contre les relaps.
Nous n'avons pas dit que. par des ordonnances an-
térieures, les médecins étaient contraints d'avertir les
curés dès qu'une maladie grave atteignait un nouveau
converti. Il faut croire qu'obéir à ces répugnantes
prescriptions leur était trop pénible, car nous
voyons le roi écrire, dans une déclaration du 28 mai
17 12 : « Nous voulons que tous les médecins de notre
« royaume le deuxième jour qu'ils visiteront les ma-
« lades attaqués de maladie ayant trait à la mort-
« soient tenus de les avertir de se confesser, de pré-
ce venir les curés et de retirer d'eux un certificat por-
« tant qu'ils ont été avertis. «
Et lorsqu'un nouveau converti malade refusait de
recevoir les derniers sacrements il était, s'il guéris-
sait, envoyé ramer sur les galères du roi. et, s'il mou-
rait, traîné sur la claie et jeté à la voirie.
Le i" septembre 17m. Louis XH' mourait.
CHAPITRE II
De la mort de Louis XIV
au Congrès d'Aix-la-Chapelle.
(1715-1748)
On devine bien que les protestants ne purent ap-
prendre la mort de Louis XIV avec tristesse, mais on
comprend qu'ils en ressentirent une sorte de soula-
gement ; toutefois, ils ne poussèrent point l'indé-
cence jusqu'à insulter le cortège funèbre par des cris
de joie et des chansons injurieuses, comme firent les
habitants de Paris. Ils savaient que le grand roi était
devenu bien petit devant le juste Juge.
Le petit roi n"ayant que cinq ans et demi, le duc
d'Orléans fut nommé Régent, à la satisfaction des
protestants qui le savaient ennemi des jésuites. Il
inaugura sa régence par des mesures de bon augure :
délivrance des prisonniers jansénistes, restitution au
Parlement du droit de remontrance, et nomination
du procureur d'Aguesseau à la charge de chancelier.
Malheureusement, c'était un homme sans foi ni
mœurs : on ne pouvait faire fonds sur lui longtemps.
L'opposition devait lui venir du clergé, toujours
puissant : cela ne tarda même guère, et. sous la
crainte d'un soulèvement, il n'osa adoucir les édits
de Louis XIV. Il se contenta de promettre aux réfor-
més d'avoir des égards et des ménagements pour
enx, comme, par exemple, de leur accorder la sortie
à peu près libre du rovaume et la mise en liberté d'un
certain nombre de forçats pour cause de religion.
2SO
Avant que ces promesses ne fussent devenues des
faits, les jésuites, qui les avaient sues, s'en montrè-
rent irrités, particulièrement en Normandie où il res-
tait encore un grand nombre de protestants. Sachant
que des assemblées se tenaient dans les campagnes,
avec une certaine fréquence depuis 171s. notamment
à Mélamare. à Ecuquetot, à St-Jean-des-Essarts (pa-
roisse aujourd'hui réunie à La Cerlangue) et dans les
carrières du Val, à St-Eustache. où le nommé Jean
Gueroult remplissait l'office de prédicant quand il ne
s'y trouvait pas de pasteur de passage, ils dirent et
répétèrent partout que les réformés complotaient
quelque coup et pourraient bien avoir reconstitué
des amas d'armes à cette fin. L'intendant de la géné-
ralité de Rouen, ému de ces bruits, fit enquêter et ré-
suma ainsi au ministre (24 septembre 1719) les rap-
ports qui lui avaient été envoyés :
€ J'ai riioiineur de vous envoyer les lettres que j'ai reçues
« de mon subdélégué du Havre et du curé de Benzeville à (jui
<( j'avais écrit pour avoir la vérité des faits portés par la lettre
« de M. le procureur général du 5 août dernier, dont vous
« m'avez adressé une copie. Vous y verrez, Monsieur, que ce
a prétendu amas d'armes que l'on impute aux religionnaires
« n'a de fondement que dans la peur des catholiques, et que si
« quelques-uns d'entre eux ont des armes comme plusieurs
I catholiques, il n'y a rien qui mar([iie aucun dessein de leur
« part.
« A l'égard des assemblées, il est certain iju'il s'en fait de
« temps en temps chez les laboureurs où des l'eligionnaires se
i rendent, non point pour cabaler, mais uniquement ])our prier
» à leur manière et écouter les exhortations de ceux de leur
i religion qui savent en faire... lîien ne sera plus capable de
« les contenir que d'en mettre quelques-uns au l'ont-de-l'Ar-
« che, car ils ne craignent rien tant que la prison qui les éloi-
« gne de leur village, et dans lacjuelle on ne leur laisse pas
— 251 —
« la liberté de parler à leurs parents et amis.... » *
Une chose frappe dans cette lettre, bien que dans
ce que nous n"en reproduisons pas, le subdélégué y
dise avoir, pour l'exemple, mis le nommé Doré —
sans doute le fils de la veuve Doré, du hameau du
Val, paroisse de Tancarville, accusée eu 1698 d'avoir
laissé tenir des réunions dans sa maison • — dans les
prisons de Pont-de-l'Arche, c'est que le ton n'y est
plus celui d'autrefois. Cela révèle un progrès dans les
mœurs. Son auteur, à quelque temps de là, recom-
mandait d'éviter les mesures de rigueur et de préfé-
rer celles de douceur : « Ce dernier partvsera le meil-
« leur et tout à fait du goût de M. le duc d'Orléans qui
« est rempli de bonté pour les peuples. » Le Parle-
ment lui-même s'était radouci. Quelle était la raison
de ce changement? Les plaintes des persécutés, l'ini-
quité des sentences qui les avaient atteints, les spo-
liations dont ils étaient victimes? Oui, pour une part ;
mais la misère dont l'expatriation des chefs de mé-
tiers était la cause y entrait pour beaucoup plus.
Le pasteur Jacques Basnage, réfugié en Hollande
depuis la Révocation, adressa, le ^o août 1719. à ses
frères demeurés en France une instruction pastorale
sur la persévérance dans la foi et la fidélité pour le
souverain. L'autorité de ce célèbre ministre était
grande : il s'en suivit donc que son manùeir.ent eut
de l'influence sur les protestants français en général,
mais plus particulièrement sur ceux de notre province,
qui le connaissaient tous : les grandes assemblées
devinrent plus rares tandis que les réunions privées
se multiDlièrent. Et ce fut une raison et une occasion
d'augmenter la fréquence et l'importance des envois
hollandais et suisses de recueils de sermons et de
1. — Aroh. nat., TT. 817. — F, Wadclington. Le Prot. en
Norm., p. ')0,
— 2^2 —
prières, et ainsi la source delà vie spirituelle jaillit et
s'entretint au foyer familial, et révéla des vocations
parmi un grand nombre de jeunes gens qu'Antoine
Court instruisit et forma pour le ministère : ce fut le
salut de l'église réformée en France.
Le culte domestique remplaça si bien les assem-
blées dans la région cauchoise que pendant un certain
nombre d'années il ne s'y en tint aucune, à notre
connaissance, du moins. Mais les édits n'étaient pas
rapportés et, bien que le Parlement et le régent fus-
sent portés à quelque indulgence à l'égard des reli-
gionnaires, les ordres religieux obtenaient souvent
de fonctionnaires fanatiques que des mesures iniques
fussent prises.
C'était surtout à la jeunesse — car si on pouvait la
circonvenir c'était la fin prochaine de l'hérésie —
qu'on en voulait, ou plutôt c'était elle qu'on voulait.
Aussi vit-on, de 1720 à 1722. les enlèvements d'en-
fants s'accroître au point d'encombrer les maisons y
affectées. Pour notre région, il y eut, en 1722, celui
de Mlle de Brossard, de Royville K On sait combien
il était facile, à cette époque, d'obtenir des lettres de
cachet en blanc. Il suffisait de remplir le blanc mé-
nagé du nom de l'enfant qu'on voulait ravir à ses pa-
rents pour que la lettre fût valable et reçut son plein
effet. Voici la teneur d'une de ces lettres. Elle
concerne précisément l'enlèvement de Mlle de Bros-
sard :
c( De par le roy, il est ordonné, de l'avis de M. le
c( duc d'Orléans, régent, de retirer la fille du sieur
« Brossard de Royville de chez la dame sa mère, de-
« meurante au pavs de Caux en Normandie, et de la
1. — En 1747. il y av;iit aux Notiv. Cafh. de Rouen, Eléonore
de Royville. lille de Daniel de Brossard de Royville etdcFran-
(•oise de BrosA'ard. Mais le document (]ui le relate ne dit pas
depuis combien d'années elle était (ians la maison.
— 2S3 —
« conduire dans le couvent des Nouv. Cath. de Rouen
« De ce faire. Sa Majesté a donné pouvoir et commis-
ce sion au , enjoignant à la supérieure de la dite
« maison d'y recevoir et garder la dite demoiselle
« Brossard de Royville jusqu'à nouvel ordre de sa
« part. Fait à Versailles, le vingt-neuvième jour
« d'août 1722.
K Signé : Louis
« Contresigné : Philippeaux. »
On se mit à sévir contre ceux qui ne pliaient pas le
genou devant une procession ou un prêtre portant le
viatique, lorsque le hasard amenait de telles rencon-
tres. C'est ainsi qu'en 1723, un protestant de Luneray
ayant refusé, dans le marché, à Diei")pe, de se mettre
à genoux au moment du passage d'un prêtre portant
le St-Sacrement à un malade, fut condamné à 20 1.
d'amende envers le roi, à 10 1. pour l'hospice géné-
ral et au bannissement.
Cette année 1723 marque un recul notable. Le ré-
gent meurt et Louis XV est sacré roi. Le duc de Bour-
bon et le cardinal Fleury tiennent les rênes du gou-
vernement, et bientôt la fameuse déclaration du
14 mai 1724, qui avait fondu en un seul bloc les in-
nombrables arrêts rendus depuis so ans, est publiée.
En voici le préambule :
c Louis, etc. De tous les grands desseins que le feu roy notre
« très honoré seigneur et bisayeul a formés dans le cours de
« son règne, il n'y en a point que nous ayons plus à cœur de
« suivre et d'exécuter que celuy qu'il avait conçu d'éteindre en-
t tièrement l'iiérésie dans son royaume, à quoy il a donné une
c< application infatigable Jusqu'au dernier moment de sa vie.
« Dans la vue de soutenir un ouvrage si digne de son zèle et
<t de sa piété, aussitôt que nous sommes parvenu h la majorité,
« notre premier soin a été de nous faire représenter les édits,
« déclarations et arrêts du Conseil qui ont été rendus sur ce
— 2S4 —
« sujet, pour en renouveler les dispositions et enjoindre à tous
« nos ofticiers de les faire observer avec la dernière exactitude ;
« mais nous avons été informé que l'exécution en a été ralen-
t tie depuis plusieurs années, surtout dans les provinces qui
€ ont été afiligées de la contagion et dans lesquelles il se trouve
€ un grand nombre de nos sujets qui ont ci-devant fait profes-
i sion de la H. P. R. par les fausses et dangereuses impres-
« sions que quelques-uns d'entre eux peu sincèrement réunis
« à la R. C. A. et l». et excitez par des mouvements étrangers,
« ont voulu insinuer secrètement pendant notre minorité, ce
« qui nous ayant engagé à donner une nouvelle attention à un
« objet si important, nous avons reconnu que les principaux
« abus qui se sont glissés et qui demandent un plus prompt
« remède, regardent principalement les assemblées illicites,
t l'éducation des enfants, l'obligation pour tous ceux qui exer-
« cent quelques fonctions publiques de professer la R. C. A. et R.,
« les peines ordonnées contre les relaps et la célébration des
« mariages ; sur quoy nous avons résolu d'appliquer bien di-
« sertement nos intentions. »
Et voici le sommaire des XVIII articles qu'elle
contient : Interdiction de toute profession reli-
gieuse autre que la catholique ; — ordre de punir de
mort tous les prédicants qui auront convoqué des as-
semblées et y auront prêché, — de condamner aux
galères ceux qui auront procuré une retraite aux mi-
nistres, — de faire baptiser tous les enfants et les
faire instruire par les curés, — de faire venir un
prêtre au chevet de tous les malades, — de ne tenir
pour vrais que les mariages bénis à l'église, — et de
confisquer les biens de tous les récalcitrants.
Tout ce qui pouvait enlacer le protestantisme pour
l'étrangler avait été prévu. Disparaitra-t-il cette fois ?
Deux courants contraires, nous l'avons dit, s'étaient
dessinés à la suite de la mort de Louis XIV. En Nor-
mandie, c'est le premier, celui qui inclinait vers la
tolérance, qui remportait. Aussi voyons-nous le
Parlement refuser tout d'abord d'enregistrer cette
malencontreuse déclaration. Il s'y résout bien par la
suite, mais c'est avec l'intention de se montrer indul-
gent chaque fois qu'on lui déférera des cas relevant
de cet édit. Malheureusement, il eut à lutter contre
un descendant de huguenots, l'ex-aumônier du régent,
Lavergue de Tressan. devenu archevêque de Rouen,
qui, dévoré d'ambition, trouva que le meilleur moven
pour obtenir le chapeau de cardinal était de faire
montre d'un zèle dévorant contre les représentants
de la religion de ses pères.
La prudence devint donc de plus en plus néces-
saire, et les assemblées cessèrent presque complète-
ment, surtout après qu'une nouvelle déclaration
(1720) ordonna de sévir contre toute personne qui
aurait assisté ou aurait été seulement soupçonnée
d'avoir assisté à des assemblées. Cela rejeta de plus
en plus nos malheureux pères dans le culte domesti-
tique. Mais il fallait aller à la messe sous peine d'être
accusé du crime de relapsie. On y allait donc, et, le
soir, au foyer familial, on demandait pardon à Dieu
de la faiblesse qu'on avait montrée en « pliant le
genou devant Baal. »
Mais le culte domestique fut connu de l'autorité
et guerre lui fut aussi déclarée. Une ordonnance de
Louis XV, du 24 avril 1729. porte :
« que tous les nouveaux convertis, ne pourraient, sous quel-
c que prétexte que ce soit, garder dans leurs maisons aucuns
« livres à l'usage (le la dite religion P. R., S. .M. leur enjoi-
« gnant de porter dans quinze jours au plus tard de la publi-
« cation de la présente ordonnance, tous les manuscrits, calé-
« chismes, sermons, prières et autres livres h l'usage de la
« U. P. P»., sous quelque dénomination qu'ils pussent être, pour
c être, les dits livres ainsi déposés, brûlés en la présence des
— 2^6
« sieurs commandants ou intendants ; qu'après le dit délai de
« quinze jours il sera fait une recherche exacte desdits livres
t dans les maisons de tous les nouveaux convertis, et que tous
M ceux chez lesquels, au préjudice de la présente ordonnance,
<t il en sera trouvé, soient, pour la première fois, condamnés à
1 une amende qui sera arbitrée par le commandant, et, en cas
« de récidive, à trois ans de bannissement et à une amende
« qui ne pourra être moindre ijue du tiers de leurs biens. » '
Les jésuites remportaient sur toute la ligne. A cette
heure ils pouvaient envisager comme prochaine la
tin de l'hérésie puisque ce qui la maintenait, le culte
de famille, était empêché et que les enfants des nou-
veaux convertis étaient enlevés et placés dans des
couvents ou élevés par des prêtres. 11 n'y avait donc
plus rien... que la communion avec Dieu dans quel-
ques consciences sans rapports entre elles, et ce rien
fut le levain qui devait faire lever l'église réformée
de France et l'ère moderne du Droit et de la Justice.
La Réforme était divine : des ferments ne pouvaient
pas n'en point demeurer dans la conscience humaine.
Pour les propager, ces ferments, il fallait une àme
héroïque. Dieu la suscita h l'heure la plus critique
en la personne d'Antoine Court surnommé dans l'his-
toire le Restaurateur du Protestantisme en France.
C'est en 1713. alors qu'il n'avait que 17 ans, qu'il se
sentit irrésistiblement poussé à prendre la parole
dans une assemblée où il n'y avait que des femmes
qui osassent parler. Ayant pris cette inspiration su-
bite pour un appel de Dieu, il se mit à parcourir la
contrée comme prédicant. Il visita d'abord le Viva-
rais, sa province, puis successivement le Dauphiné,
les Cévennes et le Languedoc, et put. par ce moyen,
se rendre compte de l'état lamentable où était tombée
1. — Et. Coquerel. Hist. des Efjl. du Désert, I, 27Ù.
— 2S7 —
Téglise de ses pères. Il éleva ses résolutions à la hau-
teur des maux qu"il avait constatés. Quatre moyens
de combattre ces maux se présentèrent à son esprit,
et il les employa avec un entier succès : i° convo-
quer le peuple à des assemblées religieuses au désert
pour l'instruire ; 2'^ extirper le fanatisme qui avait
envahi tout le monde depuis Tafifaire des Camisards;
^° rétablir la discipline des consistoires, les anciens,
les colloques et les synodes ; 4° former de jeunes pré-
dicants.
En visitant les restes des troupeaux dispersés il se
rendit de plus en plus compte du besoin u'une disci-
pline sévère. Il convoqua pour le 21 août 171 3 tout
ce qu'il v avait de prédicants dans les Cévennes et le
Bas-Languedoc et quelques laïques éclairés et leur fit
un rapport de ce qu'il avait vu. La nécessité de por-
ter remède à un tel état de choses fut reconnue de
tous et on conféra la charge d'ancien aux laïques, et
les prédicants reçurent l'ordre d'établir dans les lieux
où ils pourraient évangéliser, des anciens avec
charge : i" de veiller sur les troupeaux en l'absence
des pasteurs et sur la conduite des pasteurs eux-mê-
mes ; 2" de s'enquérir des lieux les plus propices pour
les réunions des assemblées et de convoquer ces as-
semblées le plus prudemment possible ; 3° de faire
des collectes en faveur des pauvres et des prisonniers;
4° de procurer des retraites sûres aux prédicateurs,
et de leur fournir des guides pour passer d'un lieu
dans un autre. De plus, on décida qu'à l'avenir les
femmes ne prêcheraient plus à cause des inconvé-
nients que l'intervention féminine avait révélés. Cette
assemblée fut qualifiée de Synode. Elle fut suivie de
plusieurs autres qui portent aussi Ip nom de synodes ;
mais ce furent surtout celles de 1716 et 1717 qui eu-
rent pour résultat la réorganisation de l'église. Quand
on songe que Court n'avait que 20 ans lorsqu'il pré-
17
— 2=i8 —
sida à tant et de si importants travaux, on demeure
confondu ! Il n'avait comme auxiliaires dans cette
tâche que cinq pasteurs et quelques laïques, et il put
acquérir assez d'autorité sur eux pour qu'ils fissent
accepter, dans toutes les provinces, le régime synodal
et le rétablissement d'une discipline dont on avait
perdu le souvenir.
Il avait réorganisé le corps de Tégiise ; mais il sen-
tit que cela ne mènerait pas à grand chose s'il n'était
bientôt aidé de quelques pasteurs instruits et consa-
crés, car les prédicants sans mandat causaient des en-
nuis. Et puis, il fallait des hommes pouvant adminis-
trer la Cène et consacrer les proposants. Cette néces-
sité le porta h se faire consacrer lui-même. Ce fut le
célèbre pasteur cévenol Pierre Corteiz qui présida à
sa consécration le 21 novembre 17 18. Investi de la
charge pastorale il écrivit partout au dehors pour
demander aux pasteurs réfugiés de rentrer ou, s'ils
se trouvaient trop âgés, d'envoyer des pasteurs suis-
ses ou wallons à leur place. Dans sa lettre au grand
prédicateur Saurin (août 1722! il dit : « Il y a une
(c abondante moisson à faire ; les campagnes sont
« blanches. La Normandie, le Poitou, l'Aunis, la
« Saintonge, le Béarn, le Languedoc et le Dauphiné
ce n'attendent que des ouvriers armés de leurs fau-
« cilles. » Conscient de l'insuffisance de ses études,
il se rendit à Genève pour les compléter. Il trouva
beaucoup de pasteurs réfugiés dans la ville de Calvin
et il comprit bien vite qu'ils ne pouvaient se rendre
à ses objurgations, la mort violente étant ce qui les
attendait si, rentrés, ils étaient reconnus. Cette cons-
tatation le décida à fonder un séminaire pour y pré-
parer les jeunes gens qui lui seraient envoyés par les
églises de France reconstituées. A force de démar-
ches il parvint à réunir les fonds nécessaires. Maison
décida de transférer cette fondation à Lausanne.
— 2=i9 —
Bientôt donc des jeunes gens de France arrivèrent
dans cette maison pour y faire les études pastorales.
Ces jeunes gens, 'il fallait que. dès l'âge de m à i6 ans,
ils eussent fait l'apprentissage de la vie errante et
clandestine en compagnie de pasteurs itinérants.
C'était le meilleur moyen d'éprouver les vocations,
et on voit par là combien Court avait de sens prati-
que. Et cette épreuve durait de quatre à cinq ans au
bout desquels les Synodes étaient appelés à se pro-
noncer, et ceux des jeunes gens qui avaient fait mon-
tre d'aptitudes et de sang-froid en plus d'une grande
Diété et d'une vive intelligence, étaient envoyés
comme proposants au séminaire de Lausanne. C'est
à l'œuvre de Court qu'on doit la résurrection du pro-
testantisme dans ie pays de Caux.
Après Paul Cardel. Cottin, Duplan, La Gacherie,
Masson, Claude Brousson, les protestants cauchois
n'avaient plus eu que des prédicants pour l'exhorta-
tion, l'administration de la Cène et la bénédiction des
mariages. Le nom de ces serviteurs dévoués ne sont
pas tous connus. Citons parmi eux Morel •, Jean
Boivin, dont nous avons déjà parlé, Rudemare, Ber-
tin. de La Montagne, de La Forge (1726) et Jean Cha-
pelle. Ce dernier parait avoir laissé le plus profond
souvenir. Cependant, nous ne savons pas grand
chose de ses travaux ; mais nous savons qu'il souffrit
pour la foi, car, en 174=». nous le trouvons galérien
pour cause de religion -. Nous avons trace aussi
qu'en 1726 un sieur de la Tibourée et en 1732 un
nommé Dujardin, de Caen, visitèrent les églises cau-
1. — Nous avons signalé au chap. précédent — page 245 —
sur la foi d'un rapport de l'abbé Tliévenin, qu'un nommé Mo-
rel, d'Ecuquetot, « qui avait fait le prêche étai)li à Yillainville ».
était, en 1599, renégat depuis 4 ans. .S'agit-il du même Morel?
C'est fort probable.
2. — Ballet, du Prot. franc., XXXIX. 646, 653 et XLVI,
504.
— 260 —
choises. Il en est un, Rudemare. qui eut une action
dissolvante. Il s'en suivit un refroidissement chez un
grand nombre, et peu à peu les assemblées secrètes
diminuèrent en fréquence et assistance.
Vers 1730, le Parlement de Normandie montra
qu'il était animé du sentiment de la justice en devan-
çant le Droit. Voici dans quelles circonstances : Un
nommé Duhamel, qui avait fait bénir clandestine-
ment son mariage par un prédicant, étant mort, son
frère, qui savait que ce mariage était nul légalement
en vertu de la déclaration de 1724, demanda à être
envoyé en possession de l'héritage au lieu et place de
la veuve et de l'enfant, qui, aux yeux de la loi n'é-
taient qu'une concubins et qu'un bâtard. 11 avait in-
dubitablement raison en droit. Eh 1 bien, le parle-
ment lui donna tort et reconnut le titre d'épouse à
la femme et de fils, et par conséquent le droit d'hé-
riter, à l'enfant. Ce jugement eut un grand retentis-
sement dans toute la province et modéra le zèle des
ennemis des réformés, et la validité des mariages bénis
par les pasteurs fut moins souvent attaquée, et les
enlèvements d'enfants devinrent moins fréquents.
Les idées de tolérance commençant à s'imposer à
quelques esprits, le clergé redoubla d'ardeur pour
réagir et, en 1737, des ordres, qu'on renouvela les
années suivantes, furent donnés pour l'application
des édits, et les persécutions et les enlèvements re-
doublèrent.
Par un acte d'inhumation inscrit à la date du 16
mai 1743 sur les registres de la paroisse de Caudebec-
en-Caux concernant Marie-Madelaine Fauquet, née
le 8 février 1727, nous voyons que cette jeune fille
avait été enlevée à ses père et mère, Louis Fauquet,
de Bolbec. et Suzanne-Elisabeth Hérubel, en vertu
d'une lettre de cachet délivrée le 12 juin 1737, et
conduite au monastère des Dames religieuses de
261
Caudebec. où elle abjurait en forme le 7 avril 1739,
à 12 ans !, et mourait 4 ans après. Les actes de décès
de la maison des Nouvelles Catholiques de Rouen
nous révèlent trois enlèvements de jeunes filles qui
eurent lieu aux environs de 1737 : 1° Celui de Cathe-
rine Hérubel, fille de Daniel Hérubel et de Marie
Sieurin, de Beuzeville-la-Grenier, perpétré le 35
avril 173s ; 2" celui de Catherine Leplay, fille de
Pierre Leplay et de Madelaine Campart, d'Autretot,
dont on ne connaît pas la date ; 3" et celui de Made-
laine Mordant, fille de Pierre Mordant et de Made-
laine Leplay. aussi d'Autretot. dontonne connaît pas
non plus la date. (On trouvera à l'appendice, — pièce
n" 12. les copies des actes de décès de ces quatre
malheureuses filles .
Revenons à Antoine Court. En 1730, il avait ou-
vert à Lausanne le séminaire destiné à former, pour
les églises du désert, des pasteurs capables de rem-
plir dignement leur périlleuse mission. Seulement,
il fallait qu'il se passât quelques années avant qu'il
pût fournir à la Normandie les pasteurs que cette
province ne cessait de demander. Pendant cette at-
tente, de nouveaux prédicants. suscités et aussi surex-
cités par les circonstances surgirent dans le pays de
Caux et le parcoururent en tous sens. Ceux dont le
nom nous a été conservé sont André Migault. qui fut
le véritable restaurateur du culte en commun dans
notre région, Rudemare, déjà nommé, Jean Pautel,
ancien ami de Chapelle, et Jean Férard. Sauf pour
Migault et Rudemare, nous manquons de détails sur
l'œuvre qu'ils accomplirent.
André Migault, originaire de Beaussais, en Poitou,
prit à cœur de faire exécuter les résolutions prises
par le Synode général qui s'était tenu dans le Viva-
raisle i5 mai 1726 et qui consistaient à partager les
provinces en quartiers et à envoyer à chacun de ces
— 262 —
quartiers un pasteur ou prédicant avec mission de le
visiter hameau par hameau et de réunir à son chef-
lieu une petite bibliothèque. Malheureusement, il se
heurta à des difficultés intestines dans la région qui
nous est chère, et ces difficultés lui venaient de plu-
sieurs prédicants locaux, entre autres de Rudemare
qui, s"enivrant de sa propre parole, avait fini par
créer une sorte de schisme. Il fallait absolument que
Migault surmontât cette opposition. Pour y parvenir
il appela à son aide un homme qu'il avait rencontré
en Poitou et dont il avait apprécié le zèle d"apôtre et
le talent, le ministre Viala ; mais Viala ne pouvait
venir immédiatement. Pour remédier, au moins pro-
visoirement, au mal que lui signalait Migault —
qu'on appelait aussi Preneuf — Viala le fit nommer
aspirant au saint ministère. Cette qualité lui donna le
pas sur les autres prédicants. notamment sur Rude-
mare ; mais l'opposition de ce dernier, enhardie par
quelques partisans remuants, ne s'amortit pas, au
contraire.
Lorsque Viala put venir en Normandie, vers
1741/42, Migault-dit-Preneuf se rendit à Lausanne
pour V compléter ses études et s'y faire consacrer.
Le ministère de Viala s'exerça très activement et très
efficacement. C'est ainsi qu'au cours de ses tournées
dans la région cauchoise il put organiser les églises
suivantes (1742) :
La Remuée avec 3 anciens et fiiviron 120 membres.
Saint-Nicolas . ...» 4 » » 300 >
Saint-Eusfache . ...» 3 » » 200 »
Mélamare » 3 > > 300 »
Lintot » 4 » » oOO »
(Irucliot » ,3 > » 100 »
St-Gilles-de-la-Neuville. . » 3 » » 200 »
St-Sauveuret Anp:ei'ville. . > 5 » » 400 »
— 26:; —
Miiné^'lise et Hernieville, . avec 4 anciens h envimn 350 membres.
Ecuquelot-Anglesqueville . » 3 » « 27 »
Au début, A'iala avait avec lui un jeune proposant
du nom de Redonnel, surnommé Joseph ; un peu
après, le pasteur Loyre vint se joindre à eux.
L'absence de Migault-dit-Preneuf ne dura pas long-
temps. Aussitôt consacré, il revint et se mita la tète
des églises restaurées par Viala. Le titre de pasteur
lui donnait de l'autorité ; mais les discussions un peu
apaisées pendant son absence se réveillèrent. Ce fut
lui néanmoins qui fut choisi comme député au deu-
xième synode national tenu en Languedoc en 1744.
Il présenta à ce synode un document important : le
dénombrement desmembresde son église. Ce dénom-
brement accusait 10=^1 familles formant un total de
4,228 personnes dispersées dans 83 paroisses (Havre,
Rouen et Dieppe exceptés) de la généralité de Rouen.
Il y avait certainement des protestants dont il n'est
pas fait état parce qu'ils étaient trop disséminés dans
d'autres paroisses plus ou moins éloignées. Le groupe
constituant aujourd'hui l'église de Luneray et ses an-
nexes est indiqué pour 670 personnes ; celui repré-
sentant la consistoriale actuelle de Bolbec pour 2,980
personnes, et celui ressortissant aujourd'hui aux
églises de Montivilliers et de Criquetot, pour 580
(voir ce dénombrement à l'appendice, — pièce
n° n.) Ce sont là des chiffres éloquents et qui prou-
vent qu'un réveil s'était produit. Et cependant il n'est
pas douteux que Preneuf n'avait pu découvrir tous
les protestants cauchois. Et puis. Rudemare, soutenu
par Jean Férard. Pautel, Jean Graindor, Guillaume
Dupray, Jean Serville et Jean Faucon, avait beau-
coup contribué à maintenir des anciens religionnaires
dans l'église romaine qui ne se faisait pas faute d'ex-
ploiter ces divisions. Au sujet de ce schisme regret-
— 264 —
table, voici ce que Preneuf écrivait à Court le
12 janvier 1745 :
€ Mes aUnires sont toujours Irrs mal à cause de la division
« qui règne sans que je puisse trouver aucun moyen pour
« l'arrêter. Cette division est excitée et entretenue par quel-
« ques particuliers qui ont toujours sacrifié la gloire de Pieu et
« la paix de l'église à leur ambition et à leur amour-propre.
« Ils font Ions leurs efforts pour me chasser du pays ; et pour
« réussir dans ce projet, ils lâchent de persuader aux autres
« que je ne suis pas minisli'o et que toutes les preuves que j'en
« ai données étaient suposées. . . » '
Mais ce ne furent pas seulement des dissensions in-
testines qui assaillirent Preneuf; il eut encore à souf-
frir les persécutions du dehors. Le Parlement de
Normandie se montrait bien toujours animé de bon-
nes dispositions, mais il n'en allait pas de même des
autorités administratives portées, par ambition, à
faire du zèle. Or, à ce moment, le gouvernement de-
mandait, par redoublement d'ardeur bigote, l'appli-
cation stricte des ordonnances et édits. Il en résulta
ce qu'on devine : des tiraillements entre les autorités
administrative et judiciaire qui dégénérèrent en tra-
casseries et en persécutions contre les protestants et
rendirent la mission de Preneuf singulièrement pé-
nible. Nous relevons que le 4 avril 1739 un protes-
tant de Luneray dont le nom ne nous est pas connu,
n'ayant pas voulu se mettre à genoux ni se découvrir
devant le St-Sacrement sur la place du marché au
sel, à Dieppe, fut mis en prison et condamné à faire
réparation et à payer 20 1. d'amende pour le roi. 40
sols pour l'hospice général et 40 1. pour entretenir
pendant 10 mois deux cierges brûlants à l'église St-
Jacques.
1. — Correspondance de Court (Bihl. de Genève).
26=i
Au synode national du Bas-Languedoc tenu en
1744, où Preneuf représentait les églises de Norman-
die, les décisions suivantes furent prises (nous les ré-
sumons) :
I. On célébrera un jeûne général le 13 décembre
prochain pour la conservation de S. M., le succès de
ses armes, la fin de la guerre et la délivrance de l'E-
glise.
II. Tous les pasteurs feront chaque année au
moins un sermon sur les sentiments de fidélité qui
sont dus aux souverains.
VI. Les pasteurs s'abstiendront d'aborder dans leurs
sermons aucuns points de controverse et ne parleront
qu'avec beaucoup de circonspection de ce que les
églises eurent à souffrir.
VIII. Les fidèles sont exhortés à souffrir patiem-
ment les traitements auxquels ils pourront être ex-
posés pour la religion et à n'entrer dans aucune con-
testation où l'on traite de questions de controverse.
XIII. On exécutera autant qu'il sera possible l'ar-
ticle XXV du chapitre P''de la discipline, on évitera
surtout de laisser prêcher aucun pasteur ou propo-
sant qui ne soit connu de Quelque membre du Con-
sistoire.
XXIV. La séance du jeudi finie et avant la sépara-
tion l'assemblée synodale ayant reçu la triste et affli-
geante nouvelle de la maladie du roi, s'est jetée à
genoux pour demandera Dieu, par une ardente priè-
re, le rétablissement de la santé du roi, et ensuite a
ordonné des prières publiques.
Un langage empreint d'une telle fidélité au principe
monarchique aurait dû amener l'apaisement reli-
gieux ; il accentua la discorde, au contraire. Il est
vrai que c'était un synode, un corps constitué, qui
parlait, preuve de la résurrection du protestantisme.
Le monstre n'était pas mort. Même il pratiquait son
— 366 —
culte comme lorsque ses temples étaient debout et
que les troupeaux avaient des pasteurs. Il se révélait
aussi fort qu'avant la Révocation malgré les défec-
tions, l'exil, les persécutions. Il était vivant, bien vi-
vant. Et c'est de ce jour que les idées de tolérance se
fixèrent dans les meilleurs esprits pour y mûrir en
liberté des cultes. Mais en attendant cette fécondation
de justice, la persécuiton redoubla. L'esprit sectaire
et fanatique, dans sa rage vengeresse, obtint du pou-
voir complice deux ordonnances d'une cruauté qui
égalait l'ancienne. Les enlèvements d'enfants rede-
vinrent fréquents. Ceux se plaçant à ce moment de
notre récit (1740/44) et intéressant la région qu'il
embrasse, se rapportent aux cinq enfants de Charles
Maçon, seigneur et patron de Lintot. Ces pauvres
enfants, jeunes encore, furent enfermés aux Nouvelles
Catholiques de Rouen et y abjurèrent bientôt 1. Beau-
coup d'autres enfants furent placés dans cette maison
sur ces entrefaites, mais nous ne savons de quelles
paroisses ils venaient. Certains noms sont cauchois.
Ces rapts inhumains firent reprendre le chemin de
l'exil, surtout parmi les jeunes gens.
On ne peut s'imaginer aujourd'hui dans quelles
transes vivaient alors les pères et mères de famille
en pensant qu'ils pouvaient voir arriver à tout ins-
tant du jour et de la nuit les gens de la maréchaussée
porteurs de Tordre « au nom du roy )) d'emmenerun
ou plusieurs de leurs enfants pour les enfermer dans
des couvents spéciaux où ils ne pourraient les voir
qu'en devenant renégats ! On cachait les pauvres pe-
tits êtres du mieux qu'on pouvait, et l'amour pater-
II y avait 3 garçons et 2 filles. La seconde des filles étant ve-
rnie à mourir, l'aînée, d'après le vicaire général supérieur de
l'établissement, prît la maison en dégoût et, dans la crainte
qu'elle ne prit en même temps du dégoût pour la religion ca-
tholique, il émit l'avis de la laisser partir. On ne sait s'il fut
écouté.
— 267 —
nel et maternel alarmé rendait ingénieux. Au moin-
dre bruit, la nuit, on s'empressait de fuir par une
porte de derrière ou une fenêtre en emportant dans
les bras, au fond d'un bois ou d'une carrière, l'en-
fant endormi et nu. quelle que fût la saison.
"Voici quelques épisodes mouvementés d'enlève-
ments regardant notre région, qui se placent vers
cette époque : M. Durfort, riche propriétaire de Lu-
neray, avait un fils de 15 ans qu'il chérissait d'autant
plus qu'il était unique. Quelques pillards dont la
cupidité était sans doute excitée par l'importance de
l'héritage, dénoncèrent l'enfant comme élevé dans la
religion protestante. Les gendarmes vinrent, envahi-
rent la maison et, sous les yeux du père et de la mère
au désespoir, s'emparèrent du pauvre garçon et l'em-
menèrent à Dieppe d'abord et de là... on ne sait où,
car jamais on n'en entendit parler par la suite. Un
homme vigoureux, nommé Gossier, se trouvait
dans la chambre de l'enfant avant que les gendarmes
n'y pénétrassent ; le jeune Durfort le suppliait de le
sauver en le tirant par la fenêtre ; mais il n'en eût
pas le courage 1. Ce même Gossier avait une petite
fille de 7 ans nommée Catherine. Un jour, elle dispa-
rut. On ne savait par qui elle avait été enlevée, mais
on devinait pourquoi puisque le père était protes-
tant. Au bout de quelque temps, sa retraite fut dé-
couverte : elle se trouvait dans une famille nommée
Capon, à Gruchet-Saint-Siméon, paroisse voisine. Le
père s'arme d'un fusil et va menacer de mort les ra-
visseurs de son enfant pour qu'ils la lui livrent. Ils
cédèrent ; mais ils se vengèrent par la suite sur son
fils aîné en le faisant mourir misérablement.
En 17=)!, deux jeunes filles de 7 et 5 ans, Marie et
Elisabeth Benoist, enfants de Pierre Benoist et de Ma-
1. — Ce récit et les suivants sont empruntés à la brochure
déjà citée de M. Berthe.
— 26R —
rie Néel, de Greuville, village également voisin de
Luneray faillirent, six mois après la mort de leur
père, être enlevées à leur mère pour être placées
dans un couvent. L'enlèvement eut lieu, par des
mains amies, pour prévenir l'autre, celui qui eût
privé à jamais la pauvre mère de Taffection de ses
deux enfants : en effet, le père et le beau-père de
celle-ci, c'est-à-dire les deux grand'pères des fillettes,
trouvèrent au loin un asile sûr pour elles. Nous de-
vons dire, pour en faire honneur à sa mémoire, que
ce fut le prieur de Greuville qui, informé du projet
d'enlèvement, en avait averti la pauvre mère pour
qu'elle y parât, et c'est alors qu'elle avait couru chez
ses père et beau-père et les avait ramenés avec elle et
que ceux-ci s'étaient dépéchés de les emporter. Ils les
tinrent cachées pendant trois jours. Dans le but de
soustraire les deux fillettes à de nouvelles tentatives
ils les conduisirent à Hautot-Saint-Sulpice, à trois
grands quarts de lieue d'Autretot, chez des protes-
tants sans enfants où elles demeurèrent huit ans sans
revenir. Elles furent élevées dans la foi réformée par
les époux qui les avaient recueillies et eurent souvent
l'occasion de se rendre avec eux, la nuit, au culte qui
se célébrait secrètement de temps à autre à Autretot.
Une fois rentrées chez leur mère, Marie, l'aînée se
maria; l'autre, Elisabeth, passa trois ans dans une
chambre sans voir personne d'autre que sa mère et
une domestique sûre. Elle ne sortit de cette réclu-
sion que pour se marier. Elle avait i6 ans. Son mari,
François Poulain, s'établit cultivateur à Beautot,
près de Bacqueville. Six enfants naquirent de cette
union, dont descendent un certain nombre de familles
protestantes de Luneray.
Ces rapts ou tentatives de rapts d'enfants créaient
une situation douloureuse pour tout le protestantisme
français, car lorsque les parents savaient déjouer les
— 269 —
enlèvements on les jetait en prison jusqu'à ce qu'ils
livrassent leurs enfants ou révélassent l'endroit de
leur retraite. Mais les protestants cauchois eurent
plus spécialement à en souffrir parceque Louis XV
étant continuellement en guerre avec ses voisins il
en résulta que le Havre. Dieppe et Fécamp virent
leur commerce maritime péricliter et que la misère
s'y répandit et même se répandit par toute la contrée
avoisinante. Et c'est surtout cela qui provoqua des
émigrations à cette époque ; et comme ceux qui pas-
saient à l'étranger étaient parmi les plus riches et les
plus industrieux, le mal s'ajoutait au mal et la misère
devint criante. Or. des communautés clandestines
comme étaient les églises protestantes d'alors ont
besoin, pour vivre, que leurs membres s'imposent
des sacrifices importants, — et les plus riches étaient
partis ou s'en allaient I Les charges retombaient donc
toutes sur ceux qui restaient et, par conséquent, de-
venaient très lourdes pour eux. d'où une source de
tribulations d'un ordre particulièrement délicat pour
le pasteur régulier du pays de Caux : aussi nous ex-
pliquons-nous pourquoi la correspondance de Pre-
neuf a parfois des accents de découragement et d'a-
mertume comme, par exemple, dans sa lettre à Court,
du n février 174s, où il dit :
« Quoi qu'il y ait ici assez de travail pour deux ministres, il
« n'est pas possible de les faire subsister, l'avarice et l'ingrati-
« tude y sont à leur comble, .l'ai dépensé 330 livres pour aller
<t au Synode national, sur quoy je leur ai demandé 200 francs
<t pour rembourser ce que j'avais emprunté pour me rendre
« ici, et que je leur quittais le reste, mais on m'a fait entendre
« que je n'avais rien à espérer de ce côté-là. Les contredisants
t (les partisans de Rudemare) empêchent plusieurs églises de
1 de payer leur contingent, mais j'espère que cela ira mieux
I par la suite, car autrement il faudrait abandonner le pays. »
A en jug-er parce que dit Preneuf dans cette lettre
et une autre au même correspondant, ce serait moins
la pauvreté que l'avarice qui aurait causé l'irrégula-
rité avec laquelle étaient payées les parts que chaque
église devait fournir pour son traitement. Quoi qu'il
en soit, nous pouvons dire avec certitude qu'à cette
époque le pays de Caux tout entier était plongé dans
une extrême misère. Heureusement, Preneuf. malgré
son dénuement et ses griefs, ne se relâchait point
dans son zèle à parcourir le champ de sa mission :
dc J'ai, écrit-il à Antoine Court dans une autre lettre de la
« même année, formé tout de nouveau cinq églises, en sorte
« que j'en ai à présent vingt à desservir, mais qui sont très
« petites à la vérité puisqu'elles s'assemblent dans des maisons
« particulières, mais je n'en ai pas moins de peine pour cela.
« Je les visite quatre fois en neuf mois, ce qui est le temps qu'on
« peut travailler ici. »
Dans une autre lettre il indique le nombre des
mariages qu'il a bénis du 6 août 1643 au 15 juin 1744
et du 22 octobre 1744 au 13 février 174=5, qui est de
17 pendant le premier laps de temps et de 13 pendant
le second ; mais il déclare qu'il a fait peu de baptê-
mes, la plupart des enfants étant baptisés aux églises
catholiques à cause des édits qu'on ne peut éluder,
les naissances étant toujours connues et les persécu-
tions redoublant d'ardeur. La situation était même
devenue intolérable pour Preneuf, et son ministère
se trouvait arrêté. En 1747, il écrit en effet à Court :
«... Vous pouvez juger par ce que je viens de vous dire
« de ce pays que je n'ai besoin d'aucun aide puisque je n'y fais
K rien et que je n'y puis rester moi-même. Je puis bien assurer
« avec vérité que toutes les peines, les inquiétudes que j'ai
« eues depuis près de 20 ans que je suis au désert, n'étaient
— 271 —
« point comparables à l'état où je me trouve aujourd'hui. ^ >
Et le 22 avril 1748, il écrit à Paul Rabautqueregli.se
voyait journellement enlever garçons et filles par les
convertisseurs.
Un adoucissement à ce malheur fut, pourPreneuf,
de voir le schismatique Rudemare, en présence des
conséquences des divisions qu'il avait semées, recon-
naître qu'il s'était trompé et consentir à ne plus bénir
de mariages pourvu qu'on continuât de le laisser
prêcher.
Sur ces entrefaites, un nommé Jean Campart. qui
avait quitté sa maison en emportant son enfant qu'on
voulait lui ravir, fatigué de se cacher de lieu en lieu,
se retira en Suisse. Pierre Selingue, qui avait rempli
la charge d'ancien, Jean Renou, Jacob Hignou, Jean
de Lamare, François Castaigne, Guillaume dit Le-
grand, etc., s'y réfugièrent en même temps. C'étaient
des fabricants ou ouvriers tisserands.
Les protestants souffraient par toute la France. Un
espoir de salut se présenta lorsque Louis XV et la
coalition, pour éviter une prise d'armes, convoquè-
rent le Congrès d'Aix-la-Chapelle. En présentant
aux plénipotentiaires quelques demandes modérées
comme : i°une amnistie générale des contraventions
aux édits pour faits de religion et la remise des pei-
nes encourues ; 2° l'abolition des édits contre la re-
ligion et la mise des protestants français sur le même
pied que les catholiques d'Angleterre ; y le relâche-
ment des galériens, prisonniers et autres condamnés
pour cause de religion ; 4" la prescription aux pro-
testants d'un mode de vivre qui leur permît d'avoir
des ministres en nombre suffisant et de tenir des as-
semblées sans être molesté pour ce fait ; 3° la confir-
1. — Mss. Paul Rabaud. — G. Goquerel, Pasteurs du Désert,
I. 452.
— s-ya —
mation de tous mariages et baptêmes accomplis par
des pasteurs afin que la légitimité des enfants fût
reconnue et que Ihoirie devînt légale, même en
payant aux curés ce que les cérémonies leur eussent
rapporté, célébrées par eux, les religionnaires
croyaient vraiment réussir. On ne les écouta même
pas ! Preneuf en fut profondément affecté et sa santé,
déjà précaire, en devint fort ébranlée.
Le Synode nationai, dont la rigueur des temps
avait empêché la réunion en 1747, fut convoqué pour
le II septembre 1748, dans les Cévennes. Preneuf, ne
se sentant pas la force d'effectuer un tel voyage, dé-
signa pour le remplacer le proposant Jean Godefroy
et un laïque'nommé Abraham Pertuzon, choix que
les églises ratifièrent. Godefroy et Pertuzon allèient
donc au synode. Ils étaient porteurs d'une lettre de
Preneuf dont voici un extrait :
« Nous aurions bien souhaité de pouvoir nous trouver dans
« votre assemblée synodale aJin de la rendre plus complète,
« mais plusieurs obstacles rendent ce désir inutile ". 1° la lon-
« gueur du chemin; 2oringfatitudede nos églises qui ne veulent
« pas contribuer aux frais du voyage ; le peu de santé dont
« jouit M. de Preneuf depuis plus de trois ans, ce qui le met
« dans l'impossibilité de faire un tel voyage. Nous espérons,
« Messieurs et très honorés frères, que la vénérable assemblée
« aura égard à toutes ces raisons qui ne nous permettent pas
c de faire ici tout ce que l'on exige de nous, et qu'elle voudra
« bien agréer les moyens que nous employons pour tâcher d'y
t suppléer, s'il est possible. Pour cet effet, nous députons audit
« synode et pour agir au nom des pasteurs et des églises de
« cette province, les nommés .lean Godefroy, aspirant au saint
« ministère, et Abraham I*ertuzon, ancien, auxquels nous don-
< nons pleins pouvoirs d'agir, persuadés (jue la vénérable
« assemblée voudra bien leur accorder la même liberté qu'aux
« députés des autres provinces. Nous désirons que nos
— 273 ^
députés demandent à la vénérable assemblée :
« 1" Qu'il soit envoyé à Lausanne pour y être mis en dépôt
t et sûreté une copie exacte des règlements synodaux de cba-
« que église, signée des pasteurs des endroits où ils auront été
« dressés ;
« 2o Qu'il soit aussi envoyé pour le même sujet une copie
« lidèle exacte des registres dos baptêmes et mariages qui ont
« été célébrés par les pasteurs sous la croix, signés desdits
« pasteurs ;
« 3» Qu'il soit établi dans chaque province une personne
« pour la correspondance avec le dépulé des églises qui le
« tienne exactement informé des clioses qui se passent et puisse
« recueillir à son tour, par le moyen du dit député, les avis
« que les amis croiront nécessaires pour le bien des églises ;
« 4o Qu'il soit établi dans chaque province un comité de gens
« éclairés et intègres avec lesquels le corresfiondant qui aura
« été choisi dans chaque province puisse conférer sur les cho-
<t ses essentielles qui pourront se présenter et qui denuuident
« des délibérations auxquelles tout délai pourrait être préjudi-
« ciable ;
« Enfin, ils prient la vénérable assenddée d'envoyer un se-
rt cond pasteur à cette province, car nous en avons un pres-
<t sant besoin. Nous avons adressé une vocation au sieur Gau-
« lier, mais si on ne juge pas à propos de l'accorder à notre
« demande, nous espérons qu'on ne refusera pas d'en envoyer
« un autre avec toute la promptitude qu'exige la nécessité.
« Ce 22 août 1748.
« Preneuf, pasteur; Amiuiel', ancien, signé pour tous. »
Statuant sur cette lettre, le Synode vota la motion
suivante :
« La province de Normandie et celle du Bas-Poi-
« ton n'ayant pas envoyé un nombre de députés ég;al
« à celui des autres provinces, il a été résolu qu'elles
« seraient censurées à ce sujet et exhortées à envoyer
« une autre fois une députation complète. L'assem-
18
— 274 —
« blée a trouvé cependant à propos d'admettre leurs
u députés sans conséquence néanmoins pour Tave-
■^
1. — E. Hugues, Synodes du Désert, I. 267.
CHAPITRE ill
Marche, avec des temps d'arrêt, vers la tolérance
(1749-1787)
En septembre 1749, arriva en Normandie pour
suppléer Preneuf épuisé. Pierre Boudet dit Gautier
qui sortait du séminaire de Lausanne.
Nous savons peu de ciioses des affaires des protes-
tants cauchois à cette époque, et encore ce peu nous
vieift-il des lettres que les pasteurs itinérants écri-
vaient à Lausanne et a Genève, lettres conservées à
la bibliothèque de cette dernière ville dans le dossier
appelé Papiers Court. Parmi ces lettres, il en est une
qu'écrivait à Lausanne le 18 septembre 1749. le jeune
suppléant de Preneuf en congé, qui nous dépeint un
état moral et religieux peu fait pour nous rendre
fiers de nos frères du milieu du XVIIP siècle. Qu'on
en ju'ge par ces extraits :
ff A l'égard (le la Haute-Normandie, deux pasteurs suffisent
« dans l'état où sont les affaires... Je me crois autant en sûreté
« ici que partout ailleurs, mais il faut vous dire que c'est aussi
« en observant tout ce que la prudence dicte de ménagements
« et d'égards, tant pour les nôtres que pour ceux du deliors.
« Eltreen paix avec tous ceux que l'on voit, n'avoir rien à dé-
« mêler avec tous ceux qui vous désapprouvent, tenir en bride
« sa langue, déguiser dans l'occasion, n'aller que de nuit, ne
« pas mettre le nez à la fenêtre, [)asser les journées seul, éviter
« de faire des jaloux, petites assemblées nocturnes faites dans
« des tenqis convenus et non point les jours de foire, marché,
« etc. ; bons voisins, bons curés, prélats tolérants, magistrats
« dignes de gouverner, voilà, monsieur, conuiient on pourra
— 276 —
« (Hre ici en sûreté. Mais autreiiioDl rien de plus aisé (|ii(' do
« nous capturer; on ne voit (|u"ai-cliers dans le pays; les inai-
« sons sont construites de (elle façon (ju'elles rendent l'arresla-
« tien d'ini homme des plus aisées Mais c'est fait avéré
« pour les iioi-maiids caliioliques et protestants que l'arg-enl est
« la religion dominante du pays. Je crois impossible de déraci-
« ner l'avarice de cette province, il faudrait être apôtre pour
« opérer un si grand miracle. Les membres du Parlement sont
« portés à la tolérance ; ils détestent les actes de violence ; on
« sait de bonne part que plusieurs ne seraient pas fâchés (|ue
« nous fussions en liberté. I.es magistrats sont trrs im()arliau.\
« dans leurs jugements ; jamais le protestant n'est sacrilié au
« catholi(pie, le chétif an riche. Dès que la justice est de notre
« côté ces Messieurs sont pour nous '. »
Ce langage est empreint d'exagération, mais il
n'est pas douteux que les idées de tolérance ga-
gnaient du terrain.
Privés de pasteurs après la Révocation et jusqu'aux
environs de l'année 1740, les protestants se relâchè-
rent dans leur foi et dans leurs mœurs. Et une fois
que des pasteurs les visitèrent, ces visites n'étaient
pas si fréquentes que cela put passer pour une réelle
évangélisation. Et puis, qu'on y songe, il ne restait
plus alors que quelques vieillards qui eussent reçu
une éducation protestante ; les enfants avaient tous
été catéchisés par l'église catholique, le milieu, tout
catholique, opérait lui-même par l'ambiance. Aussi,
vraiment, ne faut-il pas trop s'étonner de ce qu'écri-
vait Gautier au professeur Delarive à Genève, le 28
décembre 1749 (cette lettre est datée de Gruchet-le-
Valasse) :
« Oh ! que la dépravation de ce peuple est grande ! ils n'ont
1. — Papiers Court à la Bibliothèque de Genève.
M aucun zèle et ce n'est que malgré eux (jue nous sommes ici.
t Si les choses changeaient, je ne me plaindrais pas des soucis,
<c (les peines, des mépris, des aHronts et de l'ingratitude de nos
ï protestants. Dès longtemps l'opinion qu'on a des normands
« m'était connue ; aussi, avant d'être parmi eux. je m'attendais
« à ce qui ni'arrive, si j'en excepte pourtant leur crasse igno-
« rance et leur èloignement pour nos saints exercices et ce qu'
« y a rapport. On m'avait fait enicndre qu'ils prèlaient aisé-
* ment leurs maisons, mais si cela a été, cela n'est plus, et
« malheureusement le pays n'est pas assez couvert pour prier
« Dieu en plate campagne; si quelquefois on s'y rend, c'est
« dans des carrières qui ne se trouvent commodément qu'à
* deux on trois endroits. Le prieur de Nointot ayant su qu'il
c était tenu deux petites assemblées chez un de de ses parois-
« siens dit Hérubel, le maruia et le tança de ce qu'il contreve-
< nait aux ordres de S. M. Il fut obligé de payer une amende.
« Depuis lors il n'est plus question de faire des assemblées à
ot Nointot. Mirville et autres lieux voisins. Plus de retraites. On
« ne veut même plus nous voir; à ce seul trait, jugez de la fer-
« meté de ce peuple ! ' »
Ce tableau doit être un peu poussé au noir. Dans
son enthousiasme juvénile, Gautier avait rêvé uu
accueil èmoressé, et il était déçu ! Certes, ce n'était
pas là la conduite de gens à foi ferme, mais les enlè-
vements d'enfants (il n'y en avait pas alors de récents
dans le oays de Caux. à notre connaissance du moins,
mais il y en avait en Basse-Normandie dont la nou-
velle courait partout), la confiscation de biens, l'a-
mende, l'incarcération à la moindre dénonciation
avaient si bien commandé la prudence et habitué
aux compositions avec la conscience que les défail-
lances devaient se multiplier. Au contact de sa foi
vaillante, la foi de beaucoup reprit vie, et moins de
1. — Papiers Court, Bililioth. de Genève.
- .7^ -
quatre mois après, le (> avril 17S0, il écrivait :
« Les asscinl)l(''es s('iiil)lent (hneiiir pins iioiiihi'cuses. Il est
« Irois églises de plus (jn" à inoii ni'i-ivcc cl liuil rclrnitcs. Les
« jeunes gens ne parlent que des calccliisnics (|ue je leur fais...
tt Je m'assure que plusieurs lisent la bible avec l'ruil. je les fais
« répondre par jugement, en toute occasion j(! leur inspire l'a-
rt mour de notre religion, le zèle pour la professer et le goût
« pour le reste. Ces heureux commencements remplissent mon
« âme de joie, et je trouve moins de (liflicullés à vaquer aux
« devoirs de ma charge '. )>
« La foi est contagieuse. Gautier vit donc que son
ministère était béni. Son zèle fut tel que tout le mon-
de lui rendit bon témoignage, et on devine par le ton
de ses lettres qu"il ne devait pourtant pas ménager
les reproches et les remontrances. On insista même
pour que le jeune proposant fût consacié et demeu-
rât attaché définitivement au pays de Caux. ce qui fit
dire à Court, dans sa lettre à Paul Rabaut (26 avril
lyso) : « Sans ce jeune homme cette province serait
« à présent abandonnée, ce qui serait un grand mal.
« Il y est fort chéri, et un cri public a demandé sa
c( consécration qui lui a été accordée-. »
Que ceux qui sentent que c'est un privilège d'être
protestants n'oublient pas le nom de Gautier dans
leurs pieux souvenirs !
En février 17=^0. Preneuf. qui s'était retiré dans les
îles de la Manche pour refaire sa santé, sentant que
les forces ne lui revenaient pas, rentra dans le pays
de Caux pour convoquer le colloque de la Haute-
Normandie afin de lui remettre sa démission. Cette
démission fut acceptée par le colloque, qui nomma
Gautier à sa place et le consacra séance tenante.
1. — Papiers Court, Biblioth. do Genève.
'^, — (',. Goquerel, Pasteurs du Désert, 11, ïl^.
— 270 —
Voici comment Gautier iui-méme rend compte du
colloque :
« Il veut 18 anciens députés, l'ancien secrétaire ordinaire des
(' assemblées ecclésiastiques de l'rovince, M. Preneuf et moi.
ï L'ouverture s'en fit par la prière. M. Preneuf reconnu modé-
« râleur, il fut Ijrièvement exposé quelle était l'autorité de ces
« assemblées et le but de celles-ci ; il s'agissait, dit le président,
« de faire les règlements les plus convenables dans l'intérêt de
« ces églises. Le secrétaire fit lecture des arrêts du colloque
« tenu sous M. Viala. Ces articles, de nouveau examinés, fu-
it rent confirmés, quoi qu'on n'eût pas exécuté trois à toute ri-
c gueur.... I.e colloque ordonna la pul)licatioii des bans, dé-
* fendit de fixer le jour des noces avant celui de la bénédiction
I du mariage, rejeta la proposition de donner des marques
« (méreauxj aux communiants, ordonna qu'à l'avenir les an-
« ciens seraient reçus en particulier et non en public. —
« M. Preneuf demanda son congé à l'assemblée, lequel lui fut
« accordé indépendamment du désir qu'on aurait eu de le pos-
« séder un peu plus longtemps ; puis d'une voix unanime .MM.
« les anciens demandèrent que je fusse reçu ministre, et in-
« continent il me fut dit de sortir, et l'on délibéra... Le rap-
t port fait, je fus rappelé, et ayant témoigné à la compagnie
« des dispositions où j'étais, on procéda à la cérémonie : jere-
« çus l'imposition des mains de 'SI. Preneuf selon le rite des
« églises protestantes. — ]>'assemblée se sépara le soir même
« sans la moindre contestation ni aucun risque. Les anciens
« payèrent les frais qui montèrent à 22 sols par tête. »
Voici la teneur de l'acte de consécration rédigé et
signé sur-le-champ :
« Nous, soussignés, les anciens des Eglises réformées du
« })ays de Caux (liaute-Normandie). dûment assemblés en col-
€ loque le 11 du mois de mars 1750, pour délibérer conjointc-
« ment avec uolre pasteur, M. .André Migault, dit Preneuf, sur les
— 28o —
« adaires desdites Flglisos, déclarons, par le présent acte, à
« tous à (jui il appai-ticndra, <|U(! le dit pasteur nous ayant no-
« tifié le désir où il était de se retirer présentement liors du
« royaume, à cause de ses infirmités corporelles, et nous voyant
« à la veille d'être comme des brebis errantes, sans guide et
« sans pasteur, il a été proposé de créer en cette qualité,
« M. Pierre fioudet, dit Gautier, natif d'Arles en Provence, le-
« quel prédicateur nous a été envoyé depuis six mois par les
« illustres protecteurs de ce royaume, de la conduite et conver-
« salion duquel l'asseujblée a unanimement témoigné être sa-
« tisfaite, sur quoi lecture ayant été donnée des attestations
rt accordées audit sujet, lors de son départ des pays étrangers ;
« vu le témoignage de M. le modérateur sur le caractère, les
« lumières et le talent de M. (ïanlier ; vu l'opinion avantageuse
« que M. Viala témoigne pour M. Gautier, ainsi (jue plusieurs
« autres pasteurs français et étrangers, il a été résolu que
« puisque M. Pierre fJoudet, dit Gautier, voulait bien se fixer
« parmi nous, autant qu'il plairait à la Providence d'y faciliter
« son séjour, il serait présentement reçu ministre par l'impo-
« sition des mains (]ui lui a été donnée en présence de l'assem-
« blée, à notre commune édification, par notre susdit pasteur,
« IM. Migault, qui a observé dans celte cérémonie l'ordre usité
« dans les Eglises protestantes.
« Nous déclarons expressément que l'assendjlée n'a pas cru
« pouvoir appeler des pasteurs en nombre suffisant, selon la
« discipline, pour assister à la dite cérémonie, ni que le dit
t sujet pût s'aller faire consacrer au lieu le plus ordinaire, ni
< même en Poitou, selon que M. le député général le lui avait
« proposé et moins encore dans quelque autre province. C'est
« pour(pioi nous avons cru, après ce ({ui a été dit, pouvoir pas-
c ser par-dessus certaines formalités auxquelles on n'est pas
t absolument astreint dans tous les temps ni dans tous les lieux,
« lesquelles formalités nous avons jugées impraticables. En-
« joignons donc à tous les fidèles de reconnaître M. Pierre
« lîoudet, dit Gautier, légitime pasteur, et entendons qu'il soit
« reçu en cette qualité sons difficulté quelconque dans toutes
— 28l —
« les assemblées, etc., etc.
« Au Désort, ce llPinars 1750. »
Signé des dix-huit anciens députés au colloque avec
le secrétaire Jean Lemoine.
Cette consécration ayant soulevé des objections,
quelques-uns des anciens signataires de l'acte adres-
sèrent une lettre-circulaire aux autres églises de
France pour leur donner les raisons qui les avaient
décidés à y consentir nonobstant la discipline, ^'oici
le début de ce document : « La divine Providence
« ayant conservé jusqu'à Theure présente quelques
« restes de l'ancien troupeau dont nos aveux faisaient
« partie, héritiers de la pureté de leur foi, nous n"a-
(( vous négligé aucuns des moyens proores a la con-
« server, à la propager et à la faire fleurir selon les
« différentes occasions qui se sont présentées, etc.,
« etc.
« Fait au Désert, le 27 juillet 17=^0. »
Signé : J. Doray, J. Callard, N. Foinet, J. Philippe,
J. Formentin. Daniel Foinet, Bourdon, J. Lesueur 1.
Preneuf se retira dans File deGuernesey.
Le zèle de beaucoup de prédicants ayant amené
une esDèce d'anarchie dans un grand nombre d'égli-
ses, il était bon de faire voir au'on avait procédé
aussi régulièrement que possible. Preneuf, qui avatt
vu le mal causé par des personnalités sans mandat,
recommanda à Gautier de maintenir l'ordre et Indis-
cipline partout avec fermeté, et celui-ci y tmt la main,
et c'ast une des raisons qui rendirent son ministère
fructueux.
A partir de sa consécration Gautier ne fit donc rien
sans l'assentiment des anciens réunis en colloques et
en synodes. Mais que de difficultés pour convoquer
ces assemblées ! 11 fallait user de termes convention-
1. — Papiers (^oiirt, Bibl. do (ienéve.
2$:
nels tels qui: si la lettre était interceptée elle ne put
révéler rien de son sujet. On appelait, par exemple,
l'assemblée /c' ;;/^r/'j^t', le synode votre sœur Hen-
riette. On comprend quelle discrétion et quelle pru-
dence s'imposaient aux anciens et quelles précautions
il leur fallait prendre pour se rendre au rendez-vous.
C'était, en effet, sous la triple menace des édits.
des espions et des bourreaux qu'ils se réunissaient,
et leur adresse â déjouer les embûches était grande
puisque nous ne vovons pas que jamais en Norman-
die aucun d'eux fut arrêté. Heureusement, ces assem-
blées n'étaient pas très fréquentes. Mais que dire des
dangers que couraient les pasteurs, perpétuellement
en mouvement pour remplir leurs charges 1 L'hori-
zon, au moment où Gautier vient d'être consacré,
s'est encore assombri. Louis X\\ poussé par les jé-
suites, ne s'avise-t-il pas d'ajouter à la peine de mort
contre les pasteurs et à celle des galères perpétuelles
contre ceux qui leur donneraient asile, une amende
de 3000 1. contre tous les protestants du lieu où un
pasteur serait arrêté, et la peine du bagne et de la
confiscation des biens à ceux qui ne dénonceraient
pas les assemblées.
Devant une persécution aussi implacable, Gautier
avait beau redoubler d'activité, il ne pouvait suffire à
la tâche qu'il s'était imuosée de réorganiser les égli-
ses de Basse-Normandie, autrefois si nombreuses. 11
demanda donc qu'un proposant lui fût adjoint. Pré-
cisément, un jeune homme de Bolbec, du nom de
Jean Godefroy. dit Lebas. qui venait d'achever ses
études à Lausanne, se présenta et fut agréé (mars
1752). Sur ces entrefaites arriva du Poitou un autre
proposant. Pierre Lévrier, que les églises de cette
province avaient, sur la demande de Gautier, consenti
a céder à la Normandie. Dans ses tournées à travers
toute cette provincç. Gautjer prit avec lui, à tour
— 285 —
de rôle, ces deux proposants.
Ce n'est que le 8 décembre 17s' que le colloque de
Basse-Normandie, convoqué en vue de la réorganisa-
tion des églises de cette région, put être réuni. Son
premier soin fut d'adresser vocation à Godefroy qui.
bien qu'originaire du pays de Caux où son ministère
eût dû être plus efficace, accepta cet aopel. A partir
de ce moment, Gautier, aidé de Lévrier, se consacra
plus particulièrement à la Haute-Normandie.
En parcourant la correspondance de Gautier, on
relève quelques contradictions. C'est ainsi que dans
une lettre à Antoine Court, il dit :
« C'est une chosf iiicoucevnhle que les "MM. de ces deux
« villes (le Havre et Caenj aient un si grand éloignemenl pour
« nos affaires ; ils courent bien les provinces, les royaumes et
« les mers sans (jue la tour.iienle cl les autres périls les ef-
« frayent; mais faire un quart de lieue où même quatre pas
« dès qu'il s'agit de ne l'ien gagner que le ciel, c'est un sujet
« trop mince pour tenter la pai'tie. il s'en faut beaucoup que
« l'on soit aussi liède dans les campagnes de Basse-ÎNorman-
« die ; il en est bien quelques-uns, mais si nous exceptons
« Caen, ce nombre n'est rien au prix de celui qui se trouve
« dans le pays de Caux. »
Alors que quelque temrts après, dans une lettre au
même (27 juillet 17^2 il écrit :
« Vous dirai-je qu'au lieu de sept églises que je lrri!\:ii à
« mon arrivée, il en est acluellement douze de formées et que
« ce nombre augmentera bientôt de trois.... Vous dirai-je en-
« core que les fidèles de Luneray m'invitent à aller les voir et
« que j'espère y redresser les anciennes éi;lises qu'on y formait,
« ce qui nous obligera désormais à tenir dix-sept ou dix-buit
« foires (assemblées) en Normandie, sans les sociétés de lîouen,
« et qu'on peut entreprendre si possible à Elbeuf, îx Dieppe
- .84 -
« e( ail Havre ? Vous liirai-je cnliii que loul cela exii^erait uu
Cl nouvel adjoiul parce ijue les travaux se sout si fort iiuillipliés
« qu'il ne serait pas possible que je suflise à tout et <|ue, faute
« dèlre secondé à propos, lues soins deviendraient inutiles '. »
On comprend que le redoublement de la persécu-
tion eut pour effet d'établir un courant d'émigration.
Ce courant était entretenu par les nations étrangères
dans un sentiment de fraternité chrétienne qui s'al-
liait très bien à un intérêt économique largement et
libéralement compris, et combattu par les pasteurs
du désert qui y voyaient une cause de dislocation de
leurs troupeaux et qui. d'ailleurs, pressentaient que
la proclamation de la tolérance religieuse était pro-
che . Mais lorsque les enlèvements d'enfants redevin-
rent fréquents, les pasteurs ne purent retenir les pè-
res et mères de familles, et la fuite en pays étrangers
des plus riches et des plus industrieux reprit de l'in-
tensité.
« Nombre de jeunes, écrit Gaulier en octobre 1752, et plu-
« sieurs familles du pays de Caux et de Ijasse-Normandie ont
« passé la mer depuis quehjues mois. On ne s"end)ari|ue plus
« que nocturnement dans tous les ports de iNormandie - ».
Un protestant de Montivilliers, Isaac Hébert, qui
s'était par hasard trouvé sur le passage d'une proces-
sion et avait refusé de s'agenouiller, fut condamné à
2^ 1. d'amende et aux dépens d'environ 8s 1. La som-
me n'était pas énorme. Malgré cela. Gautier, pour le
principe et afin de voir si le Parlement ratifierait le
jugement du bailliage, fit appel de cette condamna-
tion. A cet effet, il rédigea un mémoire détaillé de
l'affaire qu'il adressa à la cour de Rouen. Pour que
1. — Papiers Court, Hibl. de Genévo.
2. — id. id. r. XXV. p. "lio.
— 28s —
l'appelant pût se rendre dans cette ville et faire sou-
tenir sa cause par un avocat, Gautier fit une sous-
cription parmi les notables du pays. Ce procès fut
Toccasion de belles plaidoiries ; mais la sentence
première fut confirmée. Le Parlement penchait pour
la tolérance, mais pas encore pour la liberté de cons-
cience. Il voulait, en refusant de sanctionner la loi
qui tenait pour concubinages les mariages non bénits
par un prêtre et pour bâtards les enfants issus de ces
mariages, qu'on respectât ce qu'il appelait les droits
naturels de la famille ; mais il entendait que la reli-
gion catholique seule put être librement professée.
Le Parlement de Normandie étant le deuxième de
France, ses arrêts avaient du retentissement. Aussi
les philosophes mirent-ils au premier rang de leurs
préoccupations les sentiments de libéralisme et d'hu-
manité dont la justice commençait à s'inspirer.
Il fallait des forces surhumaines aux oasteurs iti-
nérants pour pouvoir résister longtemps aux soucis,
tracas, fatigues et angoisses que les dangers courus
leur apportaient de jour et de nuit. Preneuf put ré-
sister vingt ans à un tel déploiement d'énergie ; mais
Gautier, d'im tempérament impressionnable, devait
bientôt ressentir un épuisement nerveux. Au bout de
quatre ans, il forma le projet d'aller, comme son
prédécesseur et ami, demander aux îles de la Manche
la réparation de sa santé. Il en fit part à Antoine
Court le 19 mars 17^4 dans les termes suivants :
« Si pnr la longueur de mes services ni par leur importance,
<( je n'ai pas encore mérité les bienfaits accordés à plusieurs
< de mes collègues, ne comptera-t-on pour rien ma bonne vo-
ce lonté ? Mes veilles et mes fatigues ont surpassé mes forces ; j'ai
« été attentif à remplir mes devoirs, à avancer l'œuvre du Sei-
« gneur, à rendre mon ministère honorable. J'ai agi avec tout
« le désintéressement qui convient à des messagers de notre
— 286 —
« ordre, c'est tout l'éloge que je saurais faire de ma coiiditioil,
« les succès de mes travaux n'y entreront pour rien '. )>
Le comité de Lausanne se rendit aux raisons invo-
quées par Gautier et envoya pour lui succéder Louis
Campredon dit La Blaquière dit Duthil qui arriva en
Normandie dans le courant de juillet 1754. Il faut ad-
mirer le zèle de ce pasteur qui, n'ignorant rien des
conditions particulièrement épuisantes du ministère
en Normandie, n'hésita pas à y venir. Gautier le
présenta aussitôt aux églises du pays de Caux. A la
suite de cette présentation il écrivit à Court (30 août
« J'ai vu M. Diithil et je crois que c'est l'iionmie pour cette
« province. 11 y a dans ce pays que je quitte beaucoup d'ouvrage
« à faire, soit pour entrelenir ce (jui est déjà fait, soit pour
« entreprendre ce qui n'est pas encore commencé... Je sors nu
« de cette province, à l'exception d'une petite bibliotlièque que
« je me suis ménagée, il ne faut pourtant pas s'imaginer que
« je n'aie rencontré que des ingrats en Normandie. Non, il est
« ici detrèsbonnètes gens, généreux, zélés et qui méritent mon
« estime et mon affection ; je mets encerangceux ou laplupart
« de ceux qui ont signé mon attestation, et par-dessus tout les
« MM. I.esueur mériteraient qu'on les nomme afin d'être cou-
rt nus. En rendant à ces MM. la louange qui leur est due pour
e tous les bons services qu'ils ont rendu de tout temps à la cau-
« se commune, je dois même disculper le reste du troupeau de
« l'ingratitude qu'on peut leur reprocher et qui pourrait indis-
« poser les directeurs de notre séminaire contre le district et
« le priver de nouveaux missionnaires que je réclame pour
« celte province Ce qui a souvent indisqosé nos gens, ce
« sont mes fréquenis voyages dont la plupart ne sentent par la
« nécessité, M. Duthil ne se trouvera plus dans le même cas.
1. — F. Waddington, Le Protest, en Normandie, p. 108.
— 287 —
« Si j'eusse constamment resté au pays de Caux, on eût four-
« ni abondamment à tous mes besoins. »
Campredon était originaire des Cévennes et les
Cévenols comptaient qu'après sa consécration il exer-
cerait le ministère chez eux. Aussi lorsqu'ils appri-
rent que son zèle lui avait fait accepter l'appel du
pays de Caux, ils montrèrent quelque humeur dont
nous trouvons un écho dans les décisions prises par
le synode national tenu dans les Hautes-Cévennes le
4 mars 17^6. En effet, celle n" XXXVI porte :
« M. Louis Campredon n'est pas approuvé d'avoir dis[)0sé de
I son ministère en faveur de la province de Normandie sans en
c avoir obtenu l'agrément de la province des liasses-Cévennes,
« mais parce que cette dernière ne l'a pas appelé comme elle
« était en droit de le faire, (pi'il pai-ait d'ailleurs que le dit M.
«t Louis Campredon a exercé son ministère avec beaucoup de
« fruit dans la dite province de. Normandie. l'assemblée la lui affecte
« et fait des vœux très ardents pour le succès de sa nouvelle
« mission '. »
Dans les autres provinces, la Normandie ne passait
pas précisément pour généreuse. On ne s'explique
donc que par un zèle ardent et un dévouement désin-
téressé la venue de Campredon chez nous alors qu'il
savait qu'on comptait sur lui dans les Cévennes. Il
eut à se plaindre de nos pères dès son arrivée, car le
28 août 17^4 il écrivait à Lausanne :
« Je vous avoue que j'ai été toucbé du triste état où M. Gau-
1 lier a réduit sa santé et sa bourse, et de pareils exemples
« sont bien peu encourageants pour qui voudrait se sacrifier
« comme lui dans un pays où l'on a mille fois plus de peine
« que dans les autres provinces, et où les avantages sont beau-
L — Hugues, Synodes du Désert, II, p. 84.
— 288 —
c cou|) plus minces : on a toujours fait beaucoup de promesses,
.( mais on est eu Norniaudie, c'est tout dire, l'our ce qui me
« regarde, on uie l'ail espérer quelque secours dans un an à
« compter du jour de mon arrivée, car on est fort versé dans
« la science des calculs, et ils se croiraient dupés s'ils livraient
« leur argent avant d'avoir reçu les uiarcliandises '. »
Ces misères ne refroidirent pas son activité, car les
églises cauchoises se fortifièrent sous son ministère.
A la fin de cette même année 17S4, il n"v avait pas
encore beaucoup de progrès, mais il en espérait à bref
délai. Voici, en effet, ce que nous trouvons dans une
de ses lettres de cette époque :
« Je me suis attaché à ranimer le zèle que j'ai trouvé extrê-
« mement refroidi et à faire des exhortations pressantes. On
« aime ici les remontrances après le sermon. Je leur en ai fait
« où j'ai cherché à leur appliquer d'une manière simple et
« palhéli({ue les motifs dont je me servais dans le corps de
« mon discours... J'ai eu la consolation de voir que je ne trr,-
« vaillais pas tout à fait en vain Les églises de ce pays sont
« presque toutes dans un grand désordre, funeste suite de la
« tiédeur et du relâchement. En général le peuple ne sait pas
« ici ce que c'est que la discipline ecclésiastique, consistoire,
« ministère même... ; de là enlin l'avidité avec laquelle on re-
« çoit le premier qui se présente pour remplir les fonctions de
« ministre. On avait autrefois établi des anciens dans chaque
« église, mais ceux que j'ai vus ne sentent guère les devoirs de
« leur charge... Je vais donc m'appliquer, dans une seconde
c tournée, à nommer des anciens et à leur expliquer en détail
« la manière dont ils doivent s'intéresser au rétablissement de
« la discipline... Je ferai assembler un colloque pour confirmer
c les arrangements particuliers faits dans chaque église pour
1. — Lettre de La Blaquière dit Dulhil, 28 août 1754 (Bibl.
de Genève).
— 289 —
« leur donner une force <ini m'autorisera plus particulii''rement
<( à les faire observer »
A cette fin, il convoqua pour le 9 février 1753 le
colloque de la Haute-Normandie an désert, suivant
le terme consacré, et il y fit voter le rétablissement
de la discipline. Voici les plus importants articles qui
y furent adoptés :
« 5. — Les anciens seront allenlifs à s'acquitter des devoirs
« de leur charge selon l'article lodenotredisciplineportant que
« l'office des anciens est de veiller sur le troupeau avec le pas-
« leur, faire que le peuple s'assemble et que chacun se trouve
« aux saintes congrégations, faire rapport des scandales et des
e fautes, en connaitreetjuger aveclepasteur, et en général avoir
« soin de toutes choses semblables qui concernent l'ordre, l'en-
« tretien et le gouvernement de l'église.
« 7. — Le Consistoire, dans cluuiue église, nommera un ou
« deux anciens pour faire l'ofl'ice de lecteur dans les saintes
« assemblées.
« 9. — On tâchera de se procurer le plus de maisons d'assem-
« blées qu'il sera possible, alin (jue si l'une vient à mau({uer,
« le culte ne soit pas interrompu, et que d'ailleurs les sainis
c exercices se faisant alternativement dans les maisons diffé-
« rentes, on puisse éviter l'éclat et diriger l'église avec plus de
c prudence.
« 11. — Ne pourront les anciens autoriser aucun sujet à
« exercer dans les églises de ce district les fondions de pas-
« teur, que le dit sujet ne soit envoyé par nos illustres amis et
« bienfaiteurs du pays étranger, et qu'il ne soit de plus agréé
« par le pasteur du quartier.
« 13. — Le pasteur actuellement desservant des églises de ce
« district se trouvant seul dans un vaste quartier, le noudjre
« des assemblées a été fixé à trois par an dans chaque église,
« lequel règlement tiendra jusqu'à ce que les occupations du dit
« pasteur lui permettent d'en faire un plus grand nondjre, ou
19
— 290 —
« qu'il ait pu se procurer quelque adjoint.
« 24. — Pour apaiser le courroux de Dieu et pour conser-
« ver une sainte liarnionie avec les autres églises du royaume,
« on célébrera un jeûne solennel lixé au l^i' dimanche du mois
« de mars par l'art. 2 du synode national tenu en Languedoc
c (1748) lequel jeune sera annoncé aux lidèles par les an-
€ ciens.
« -5, — Les anciens auront soin de veiller sur ceux qui ne
€ fréquentent pas les saintes assemblées sous des prétextes fri-
« voles et tâcheront de les ramener à leur devoir j)ar les voies
« de la douceur, aussi bien que ceux qui ne communient pas
€ par un effet de la timidité ou autrement.
« 29. — Les églises de ce district auront soin de se con-
« former à l'art. 1 1 du synode national tenu en 1 744 portant (ju'on
« se servira dans toutes les églises de l'abrégé du catéchisme
« d'Osterwald comme étant le plus clair et le plus méthodique.
« 34. — Les colloques connaîtront de l'exactitude de chaque
« église à fournir à l'entretien du saint ministère el aviseront
« au moyen de remédier à l'ingratitude du peuple.
« 44. — 11 y aura, dans chaque église, une copie des règle-
« ments qui auront été portés par le colloque alin que les an-
« ciens puissent les faire observer exactement. * »
Ces réunions de colloques dans les endroits retirés
prévenaient Témiettement des troupeaux en entrete-
nant le zèle des anciens pour la tenue fréquente de
petites assemblées, et maintenaient l'organisation
synodale ; aussi Louis Campredon et Godefroy purent-
ils assister au synode national qui s'ouvrit dans les
Hautes-Cévennes le 4 Mai 17^, comme représentants
de la Haute et de la Basse-Normandie.
Les assemblées secrètesse multiplièrent à cette épo-
que. Secrètes? elles ne l'étaient pas toutes, car les
chiants de psaumes les trahissaient souvent. Mais les
1. — Hugues, Synodes du Désert, 11, 51.
— 291 —
idées de tolérance gagnant de plus eu plus de terrain,
le sentiment qu'en persécutant les religionnaires on
faisait une mauvaise action s'empara bientôt des fonc-
tionnaires et des agents chargés de faire observer les
édits, et il arrivait que des officiers qui commandaient
des troupes envoyées pour surprendre des assemblées
clandestines prenaient des cliemins détournés ou fai-
saient du bruit de loin pour donner Téveil et per-
mettre de fuir à temps. Cela devint tel. que le clergé
s'en émut au point de se réunir en assemblée géné-
rale extraordinaire à Paris en i7S(S. Dans cette réu-
nion, il manifesta son indignation en termes très vifs
et décida d'envoyer une députation au Comte St Flo-
rentin pour lui signaler les défections de toute nature
qui étaient revenues aux oreilles des prêtres et lui
demander de donner des ordres pour en prévenir le
retour. Le Comte St Florentin promit d'en parler au
roi. Mais les préoccupations du roi se tournaient
alors vers les craintes de guerre que les incursions
de la flotte anglaise près des côtes de l'océan et de
Normandie faisaient naître, et les remontrances du
clergé demeurèrent sans effet. 11 s'en suivit que les
protestants s'enhardirent de plus en plus et que les as-
sembléesdevinrent plus fréquentes et moins cachées.
Comment se tenaient ces assemblées ? Nous em-
pruntons la réponse à un canitaine d'infanterie catho-
lique. Cet officier ayant, par hasard, assisté à Tune
d'elles, décrivit ce qu'il avait vu, dans une lettre à
M. le chevalier de...., officier de la maison du roi.
Voici cette lettre, datée de P..., le 10 novembre 17^7 :
« Un jour de diiiianclie, j'avais à peine fait une lieue que je
I vis une grande quantité de gens traverser le grand cliemin.
« Surpris de voir tant de monde en campagne à pareil jour,
« j'en demandai la raison ; on me dit que c'fHaient des hugue-
« nets qui allaient tenir une assemblée, il n'en fallut pas da-
— 292 —
e vaiitagepour exciter ma curiosité, j'avais ('té plusieurs fois en
« détac'liemeni pour dissiper ces sorics (l'assemblées sans trop
« les connaître et ma troupe a eu à arrêter à cette occasion des
« gens qui ont été conda'iuiés aux i^aléres. Je demandai à l'un
« des plus apparents de la troupe qui traversait le cliemiii s'il
« ne voulait pas me conduire au lieu où ils allaient, il me ré-
« pondit qu'ils allaient prier Dieu et que si je voulais être de la
« partie, il se ferait un plaisir de m'acconqiagner. .le le suivis,
<( et au bout d'une demi-heure nous arrivâmes dans un petit
« bois. Mon conducteur m'ayant annoncé comme un étranger,
« on me fit placer dans une espèce de par(iuet tout prés d'une
« chaire ambulante... C'était pour moi coumie un monde nou-
« veau, aussi fus-je tout yeux et tout oreilles.
e Quand j'arrivai, on n'avait pas encore conunencé l'exer-
« cice, mais un instant après, un homme monta en chaire et lut
« un chapitre de la Sainte Ecriture. Je demandai si c'était le
« ministre ; on me répondit que c'était le lecteur et que le mi-
« nistre ne paraîtrait que lorsqu'il devrait prêcher. Après la lec-
« ture du chapitre, on chanta un psaume de David. Mon cou-
rt ducteurme remit son livre afin que je visse ce qu'on clian-
« tait. Je n'y trouvai rien que d'édifiant ; ce sont nos psau-
« mes latins mis en français... On lut les dix commandements
€ tels qu'ils sont dans les livres de Moyse, tout le peuple était
« debout et tête nue. Immédiatement après, je vis paraître le
€ ministre avec mie robe de procureur et un rabat tel (jue
« celui de nos prêtres. Il lut une prière qu'on appelle, à ce
« que j'ai appris, confession des péchés ; ensuite il fit chan-
« ter, ce qui fut suivi d'une seconde prière qu'il fit sans livre ;
« après quoi il prit son texte. Je fus fort attentif au sermon,
« qui roula sur la morale. Les auditeurs me parurent fort pé-
« nétrés, et je vous avoue que je l'étais moi-même. Je ne sais
« pas si le prédicateur avait étudié ou non la rhétorique, mais
« il n'y eut pas beaucoup de fleurs dans son discours. C'étai'^
« une élofjuence simple et mâle. Il voulait être entendu, et il
« l'était ; il voulait toucher et il y réusissait d'autant mieux
« qu'il parlait du cœur. Ce sont là des choses qu'il est aisé de
— 29,; —
« sentir. Le sormon lini, on clianla (|ii<»k|iios versets, ce qui fut
« suivi d'une prière imprimée dans laquelle on fit des vœux
« pour tous les hommes, dans quelque état qu'ils soient, depuis
<( le sceptre jusqu'à la liouletle. Mais voici où je fus agréable-
« ment surpris : ce fut lorsque !e minisire pria en faveur du roi,
« de la reine, de monseigneur le dauphin, de madame la dau-
« pliine, de toute la famille royale, et qu'il rendit grâces à Dieu
« de l'heureux accouchement de madame la dauphine. Jugez
« de mon élonnement. Vous savez sous quelle couleur on peint
« les huguenots et comment on qualifie leurs assemblées.
« J'étais prévenu contre eux tout comme bien d'autres ; mais
c je commence à voir qu'on nous en impose et que leurs enne-
« mis ne doivent pas être crus sur leur parole. Enfin, après la
« prière, le ministre souhaita au peuple la bénédiction de Dieu
« et recommanda les pauvres. J'entendis à l'instant des gens
» qu'on appelle diaci-es et anciens, qui répétaient au peuple de
«f se souvenir des pauvres, sur quoi chacun donnait ce qu'il
« trouvait à propos, et c'est ainsi que l'assemblée finit et se
c sépara. ' »
L'auteur de cette lettre reconnaît que « les ennemis
des huguenots ne doivent pas en être crus sur pa-
role. )•) Les mêmes préventions existent encore aujour-
d'hui chez beaucoup qui tomberaient également s'ils
entraient une seule fois dans un temple avec des sen-
timents impartiaux. Ce qu'on voit aussi par cette let-
tre c'est qu'alors les protestants commençaient à se
réunir le dimanche en plein jour. Il parait même que,
souvent, c'était le son des cloches catholiques qui
servait d'aopel pour ces assemblées. Les curés y
voyaient une pensée ironique ou une bravade qui
n'y était certainement pas. A cette époque, peu de
ménages possédaient une horloge. Il était donc tout
naturel que les sonneries des églises servissent d'indi-
cations.
1.— Bullet. de la Soc. de VHist. du Protest., 1859, p. 94.
— 2Q4 —
A ce moment et depuis quelque temps déjà, le cen-
tre reliiiieux du pays de Caux était Bolbec que beau-
coup de forets, de vallées et de carrières — ces der-
nières devinrent nombreuses quelques années après
par suite de la reconstruction de la ville entièrement
détruite par un incendie le 14 juillet 176^ — entou-
raient du mystère propice à la tenue, sans trop de
dangers, d'assemblées nombreuses et répétées.
Par son activité. Campredon prouva que c'était le
désir de réveiller la foi protestante en Normandie qui
l'avait poussé à accepter de venir travailler dans cette
province en dépit de la réoutation qu'elle avait de
laisser ses ministres manquer du nécessaire. Gode-
froy, qui exerçait dans la partie basse de la province,
rendit à son collègue du pays de Caux un témoi-
gnage élogieux dansla lettre qu'il adressa à Genève
le 23 juillet 17=1=). Qu'on en juge par cet extrait:
« Diilliil a mis le |)ay.s de Caux dans un étal où il n'a jamais
« été depuis nos niallieurs ; tous nos conlredisanls sont venus
« à la raison el sont pour ainsi dire à la lr[e des aiiaires. Il csl
« vrai que ^I. Gautier avait frayé le cliemin, mais il fallait
<f toute la prudence el loulc l'Iialjileté de son successeur pour
« marcher sur sa trace et |»our aller même plus loin. ' »
Non seulement il étaitactif, mais encore il était orga-
nisateur et ne négligeait rien pour amener le déve-
loppement de l'instruction et de la vie religieuse de
la région. C'est ainsi qu'il se rendit exprès à Paris
pour y solliciter du chapelain de l'ambassadeur de
Hollande des dons de livres d'instruction et d'édifica-
tion pour ses églises et qu'il demanda au comité de
Lausanne de lui faii^e Parvenir, par l'entremise du mi-
nistre de Prusse à Paris, 400 exemplaires du caté-
chisme abrégé d'Osterwald.
1. — Waddington, p. 110,
Après la paix d"Aix-la-ChaDelle. une prospérité
relative était revenue dont le pavs de Caux avait par-
ticulièrement profité. Mais en 1729. une escadre an-
glaise vint bombarder le Havre et elle en bloqua le
port pendant longtemps. Il en résulta une grande
détresse pour la ville et pour toute la contrée. On
comprend qu'alors les protestants, pas plus épargnés
que les autres par ces crises d"ordre économique, ne
pouvaient plus pourvoir ni aux frais du culte ni à
l'entretien des pasteurs.
A se dépenser sans compter tout en manquant sou-
vent du nécessaire. Campredon vit à son tour sa santé
se miner; mais, à l'encontre de ses urédécesseurs. il
demeura à son poste, se contentant de demander de
l'aide. Il s'adressa à la province du Dauphiné qui con-
sentit à lui envover pour deux ans un de ses pasteurs,
Alexandre Ranc dit La combe, frère du martyr Louis
Ranc pendu à Die en 174^. Ce pasteur séjourna dans
le pays de Caux de 1761 à 1763. L'impression que nos
églises firent sur lui ne fut pas favorable, ce qui doit
être attribué au contraste existant entre le tempéra-
ment démonstratif des méridionaux et le tempéra-
ment réservé des normands. Par surcroît, il ne devait
pas lui être fait un accueil bienveillant parce qu'il
était une charge de plus quand les anciennes étaient
déjà trop lourdes, et qu'il fallut, dès son arrivée, fai-
re une souscription pour le défrayer de son voyage
et lui fournir un traitement. Cet appel aux bourses
provoqua des plaintes, car il disait dans sa lettre à
Paul Rabaut, du 18 avril 1761 (presque aussitôt son
arrivée) :
« Il faudrait donc que la portion d'un seul fût partagée en
« deux. Joignez à cela l'avarice excessive qui règne ou plutôt
<c que je crois attachée au pays. Il me serait aussi impossi-
<c ble de vous décrire la malpropreté de ces gens : ce qui fait
— 296 —
« une grande peine loi-s<|u'on n"esl pas accoulumé ; ils n'ont
« que des maisons Ijàlies de terre et de bois, ensuite couvertes
« en paille, (pii ressemblent aux cabanes ou aux tanières (jui
« servent de retraite aux sauvages qui sont au fond de l'Amé-
€ rique, de sorte que nous sommes de vrais prisonniers, encore
« nos prisons sont-elles en pelit nombre »
Il est évident que le genre de construction alors
usité dans le pays de Caux pour les habitations rurales
— rez-de-chaussée peu élevé en bois et terre, avec
haute toiture en paille à larges rebords — devait pa-
raître sombre à un habitué des constructions en
moellon avec couverture en tuile des contrées méri-
dionales ; mais de là à prendre les habitations cau-
choises pour des cabanes de sauvages, il y a un peu
d'exagération. Dans une lettre postérieure de deux
ans (176;) nous trouvons un adoucissement aux cou-
leurs du tableau. Il y dit que les anciens faisaient des
collectes tous les ans pour le traitement des pasteurs,
que la province était partagée en quatre quartiers et
que cette souscription produisait dans chacun 400 1.,
soit 1600 au total, et qu'étant deux pour desservir ces
quatre quartiers, leur traitement se trouvait donc être
de 800 1. Il dit encore qu'outre le service dans le
quartier principal tous les dimanches, chaque minis-
tre s'eng^ageait à faire, dans son deuxième quartier
seize services par an. Au point de vue moral, la situa-
tion est toujours triste. Voici ses termes :
« Au reste, on vit ici dans la plus crasse ignorance, on ne
« prend soin de faiiT insli-nire les enfants que lorsqu'on veut
« les faire instruire à la communion ; et je puis vous assurer
« qu'il faut en recevoir les trois quarts qui ne savent rien du
« tout. Ils en rejettent la faute sur leur mémoire qui serait
« fort bonne s'ils voulaient bien la cultiver puisqu'ils appren-
« ncnt bien le commerce. Je ne parle point ici des villes parce
— 297 —
« ((ue nous n'en avons pas. à la réserve, de (juelijues-uns au
« Havre, que je crois mieux instruits. ' »
L"année 1 762 fut marquée par d'affreux événements
qui montraient le gouvernement, malgré la marche
des idées, encore mal disposé à reconnaître les droits
de la conscience : la condamnation à mort etl'exécu-
tion de François Rochette et de trois gentilshommes
verriers dn Comté de Foix, les frères Grenier, pour
avoir, le premier, rempli les fonctions de pasteur, et
les trois derniers, pour s"étre mis en posture de les
défendre ; l'envoi aux galères de pauvres Davsans qui
n'avaient commis d'autre délit que d'aller à des assem-
blées ; la condamnation par le Parlement de Toulouse
et l'exécution, pour un crime dont il était innocent,
du malheureux Calas, à la réhabilitation duquel Vol-
taire doit sa plus pure gloire. L'horreur qu'inspirèrent
ces jugements iniques fut telle dans toute la France
que l'instinct d'humanité s'y développa et rendit le
monde pensant et dirigeant de plus en plus favorable
à la tolérance.
Nous ne connaissons de ce qui se passa dans la ré-
gion cauchoise pendant ce temps que l'enlèvement
des deux filles de Jean Debray et de Suzanne Annay
(sans doute Lannay). de Bolbec. Suzanne, âgée de 14
ans, et Marie, de 10. Ce double enlèvement fut per-
pétré en décembre 1763. Suzanne put s'échaoper.
nous ne savons comment. Marie fut enfermée aux
Nouvelles Catholiques de Rouen, y abjura six mois
après, soit à 10 ans et demi, et y mourut le 14 juin
177^ lies actes de décès reproduits sous le n° 12 de
l'appendice comprennent le sien). Cet enlèvement
jeta d'autant plus d'anxiété dans l'âme des protestants
de Bolbec que cette ville venait d'être la proie des
1. — Mss. P. R., G. Goquerel, ffist, des Eql. du Désert, II.
p. 398.
— at)8 —
flammes 114 juillet 1763) et qu'ils s'occupaient h
reconstruire leurs maisons quand il se produisit.
Leurs alarmes leur firent jeter cet appel ému à Louis
XV :
« Sire,
« Les malheureux liabitants et propriélaires des niaisous
« incendiées dans le bourg de Holbec, faisant profession de la
« religion prolestante, prennent la liberté de se jeter aux pieds
« de V. M. et de lui représenter très respectueusement qu'à
« peine échappés aux flammes qui ont réduit leurs demeures
« en un amas de ruines, ils ont éprouvé les bontés paternelles
« de V. M. Votre cœur magnanime est venu à leur secours, il
« leur a présenté le tableau consolant d'un grand roi qui dai ■
« gne s'intéresser au moindre de ses sujets, être sensible à
« leurs maux, ranimer leur courage abattu, et leui- fournir
« les moyens de réparer leurs perles et de s'en relever.
« Dans de pareilles circonstances, pouvions-nous, sire, nous
« attendre à de nouveaux malheurs plus sensibles encore pour
« nous que l'incendie qui nous a ruinés ?
« Tel est celui que vient d'éprouver la veuve de Jean de
« Bray, protestante, drapière incendiée de Bolbec. Au mois
« de décembre dernier, la maréchaussée est venue chez elle,
« en vertu de deux lettres de cachet en date du 23 avril 1763,
« pour lui enlever ses deux filles, Anne-Elisabeth et Marie-
« Suzanne de Bray. L'aînée eut le bonheur de se sauver en se
« précipitant par un grenier, la seconde seule fut arrêtée. Ses
« cris, ses gémissements et ses larmes ne purent la préserver
« d'être conduite le lendemain au couvent des Nouvelles Ca-
« IhoHques de Rouen, où elle se trouve enfermée.
« Cet incident. Sire, nous inquiète et nous afflige en nous
« rappelant les désordres et la confusion que de pareils évé-
« nements occasionnèrent dans notre canton il y a trente ans et
« dont les suites furent l'émigration d'un nombre considérable
« de familles protestantes.
« Nous sommes français, Sire, c'est-à-dire fidèles sujets, ci-
— 299 —
« toyens zélés, remplis de respect et d'nnioui' pour la personne
« sacrée de V. Jl. ; le plus aflreux désespoir peut seul nous
« forcer à cesser de vivre sous vos lois. C'est cependant. Sire.
« l'état où se trouvent de malheureux pères, mères, parents*
« qui se voyent enlever ce qu'ils ont de plus cher au monde,
« pour les soumettre à une éducation étrangère contraire à
« leurs sentiments, et dont les suites ordinaires sont les inimi-
« liés, le trouble, la haine et la division dans les familles. Nous
« y sommes, Sire, journellement exposés, un curé, un parent»
« un voisin, un débiteur même peuvent, d'un moment à l'autre,
« surprendre de pareils ordres à la l'cligion de V. M. I.e pré-
« texte ordinaire. Sire, que nos ennemis emjdoyent dans ces
« occasions, c'est que nos enfants demandent de se faire ca-
« tholiques ; mais sur cent fois qu'on a employé ce prétexte
« contre nous, peut-être, si on le véi'iliait, ne serait-il pas
« trouvé mie fois qu'il fût vèritaide. L'all'aire en question en
« fournil une preuve démonstrative ; la fuite de l'ainée, le dé-
« sespoir, les cris, les larmes dt- la cadette déposent assez le
« peu de part qu'elles avaient à leur enlèvement.
« V. M. a désiré que nous rebâtissions nos maisons incen-
« diées ; nous y employons le j)eu (pie nous avons réchappé
« de notre désastre, plusieurs sont commencées. !Mais, Sire,
« que nous servira de les faire construire si nous ne sommes
« point sûrs de les iiabiter avec nos familles dès qu'un enne-
« mi voudra nous susciter une affaire et nous forcer à lesaban-
« donner.
« C'est dans ces tristes circonstances que vos fidèles sujets
« protestants de Bolbec et des environs implorent la bonté de
« V. M. Nous désirons. Sire, de vivre et mourir sous votre
«t enij)ire ; privés de biens par 1 incendie, nous ne pouvons
« offrir que notre sang et nous le verrions couler avec joie
« pour le service de Y. M. : notre industrie ai)[)artient à notre
« patrie ; nous n'aspirons qu'à la lui conserver. Ceux mêmes
<( de nos concitoyens que les malheurs des temps ont autrefois
« obligés de s'expatrier seraient ])eut-être les premiers à re-
« venir s'ils croyaient pouvoir vivi-e en sûreté à cet égard
« dans leur patrie.
« Vous désirez, Sire, que vos peuples soient lu'ureux ; se-
« rions-nous les seuls de vos sujets qui ne puissent l'êlre ?
« Daignez. Sire, avoir pitié de nous, et faire rendre à une
« mère désolée l'enfant qui cause ses alarmes. Rassurés par
« cette nouvelle maripie des hontes de V. Î\I., nous redouhle-
« rons nos vœux, nos prières pour la santé et la conservation
« d'un grand monarque chéri et hien aimé de ses très hunihles,
« très ohéissants et très fidèles sujets. ' »
Comme nous l'avons dit. Marie de Bray mourut aux
Nouvelles Catlioliqiics. Cette supplique n'eut donc
aucun effet sur le «cœur magnanime» du «grand
monarque. » Bien plus, nous savons qu'en 1764 dé-
fense fut faite aux religionnaires bolbécais de rebâtir
teurs maisons -.
Malgré ces événements commandant la prudence,
un nouveau synode général se réunit en Languedoc
le i'"' juin 1763.
Ranc dit Lacombe, après deux années de ministère
dans le pays de Caux, retourna en Dauphiné dans le
même temps que, coïncidence fâcheuse, Godefroy dit
Lebas, qui s'était multiplié pour le service des églises
de Basse-Normandie, venait de se retirer à l'étranger
pour y relever ses forces épuisées.
Par suite de ce double départ, Campredon se trouva
seul pour visiter toute la province. Il écrivit à Paul
Rabaut pour lui expliquer Tempéchement qu'il y avait
à ce qu'il se rendît au synode général. Il ajoutait que
l'état des populations était tel qu'il ne pouvait songer
à leur imposer les frais d'un tel voyage. Voici ses pro-
pres termes :
« Je commence par vous dire que nous nous trouvons dans
1. — Collection particulière de M. A Coquerel fils.
2. — Houel, A)iiiales des Cauchois, t. III, page 349.
— 301 —
« rimpossil)ilitt> de l'aire une députation par l'insurmontable dil-
« licuité de trouver un ancien (pii puisse faire le voyage et de
« faire les frais que celte ])rovince ne comporte pas, surtoul,
« dans les circonstances présentes où il a fallu que les églises
« de mon district aient foui-ni aux appointements de M. liane
« par augmentation, .l'ajouterai que par le départ de MM. (io-
« defroy et liane, je vais rester seul, et j'aurai pendant l'été
« plus d'ouvrage que je n'en ai eu encore, étant appelé à di-
« vers endroits où je puis aller avec moins de suspicion que
« durant la guerre qui ne permet l'entrée de nos villes mari-
ci times qu'à des gens connus. Je n'aurai plus à l'avenir de va-
« cances pendant l'été, et j'en bénis Dieu qui m'ajipelle à faire
« du bien, et qui m'en fournit l'occasion. 11 faut la saisir avec
« d'autant plus d'empressement que les normands ne se livrent
<i que diflicilement et qu'il faut de longues épreuves pour ga-
« gner leur confiance que je puis dire m'ètre ménagée plus
« qu'aucun de mes i)rédécesseurs. Mon voyage en Languedoc
« me ferait manquer plusieurs de ces occasions précieuses que
« je ne retrouverais peut-être pas de longtemps. ^ »
Communication de cette lettre ayant été donnée au
synode, celui-ci ne crut pas devoir accepter les excu-
ses qu'elle présentait, et il vota la résolution suivante :
« Lecture faite de la lettre que la province de Normandie a
« adressée au présent synode national pour se justifier de n'y
« avoir envoyé aucun député, ses raisons ont été trouvées in-
« suffisantes, et l'assemblée ne peut se dispenser de témoigner
« son mécontentement à la dite province de ce qu'elle a man-
« que à l'ordre en ne voulant fournir ni les secours nécessaires
« aux frais du voyage, ni un seul ancien j)0ur accompagner son
« pasteur. »
Ce n'était pas tout ce qui devait être dit contre les
1. — C. Coquei-ol, Hist. dea Egl. du Désert, II, p. 408.
— )02
églisesdeNormandie. Ranc, qui n'avait jamaisété rem-
boursé de ses frais pour se rendre dans notre pro-
vince, avait adressé une réclamation au synode, lequel
prit, à ce sujet, la résolution suivante :
« Pour répondre i'avoraljlciiicnt à lu doiuaiide de M. H:mc,
« pasteur, il sera enjoint à la province de Normandie de l'eni-
« bourser au dit sieur liane la somme de 177 fr., à quoi mon-
« tent les frais (ju'il a faits pour se rendre dans les églises de
« la dite province. »
Nous avons dit les raisons qui avaient appauvri la
Normandie à cette époque.
Par les procès-verbaux de leurs séances les svnodes
généraux nous montrent que le nombre des églises et
des pasteurs augmentait d'année en année. En i7=)6.
48 pasteurs et 18 proposants exerçaient dans le royau.
me et il y avait 4 étudiants à Lausanne; en 1763,
soit 7 ans après, les pasteurs étaient au nombre de 62,
les proposants de 35 et les étudiants de i^. Ces beaux
résultats assuraient l'existence du protestantisme en
France : il faut en faire remonter Thonneur, pour
une large part, à Antoine Court. C'est, d'ailleurs, rati-
fié par tous les historiens protestants, car il est unani-
mement qualifié de rcstaiiratciir du protestantisme
français.
Après un ministère de dix années, Campredon
dut, à son tour, quitter la Normandie où il ne
laissa que des regrets. 11 fut remplacé par deux jeunes
proposants normands qui venaient de terminer leurs
études à Lausanne : François Mordant dit Duclos,
(qu'on ne doit pas confondre avec Pierre Mordant né
à Autretot et qui fut pasteur à Rouen de 1778 à 1813,
année de sa mort), et Michel. FrançoisMordantconsa-
cra toute son activité aux églises du pays de Caux.
Tontes les assemblées qu'il tint furent plus ou moins
— 303 —
secrètes. Les idées de tolérance gagnaient toujours des
cœurs, les urotestants se relâchaient de plus en plus
dans leurs précautions, et bientôt les catholiques y
virent de l'arrogance et se plaignirent. Ils allèrent
même jusqu'il dénoncer François Mordant comme
présidant de fréquentes assemblées dans les bois avoi-
sinant Bolbec. Ces dénonciations furent tant et si bien
renouvelées qu'en janvier 1779 il fut décrété de prise
de corps, ce qui n'empêcha pas les assemblées de se
continuer par ses soins pendant toute l'année 1779.
dans les carrières du Valasse. notamment. A'oici ce
qu'a ce sujet }>[. Bertin. garde des sceaux, écrivit de
\'ersailles le 21 février 1779, à M. de Crosne, inten-
dant à Rouen :
« Les protestants répandus dans le bour;^ de Bolbec et aux
environs, Monsieui-, s'assemblent avec éclat ; le dimanche 1"
du dernier, ils se sont réunis sur les 10 h. du matin, au nom-
bre d'environ deux mille, dans une carrière appartenant aux
religieux de l'abbaye du Valasse'. Le sieur .Mordant, ministre
du canton, qui demeure publiquement à St-Antoine, a tait à
diverses reprises un très long discours qui a été interrompu
par le chant des Ininmes et des cantiques, et il parait même
que beaucoup de catholiques, attirés par la multitude et par
rilluminatioa.de la carrière, se sont rendus à cette assemblée.
Le roi m'a chargé d'expédier les ordres cpie je vous envoie
pour faire arrêter le sieur Mordant et le conduire au mont
St-Michel. '^ »
Mais François Mordant était trop aimé de sescore-
1. — Il est parlé d'une carrière, mais il y en a plusieurs. On
sait que l'abbaye du Valasse est devenue la propriété de la fa-
mille Fauquet-Lemaîstre qui l'a transformée en un vaste et
beau, château. Les carrières sont situées dans le parc même, à
200°' en arrière du cliàteau.
2. — Waddington. Le Prot. en Noryn., p. 120.
— 304 —
ligionnaires pour qu'ils ne le cachassent si bien que
toutes les recherches ne fussent déjouées. Il courut
cependant de grands dangers. Il ne sortait les pre-
miers temps que déguisé et armé. Il avait un cheval
dressé à sauter les fossés et les barrières, et ses agres-
seurs ne parvinrent jamais, quoique plusieurs fois ils
en fussent fort près, à mettre la main sur lui. Et puis.
nous le répétons, les idées de tolérance entraient si
bien dans les mœurs que quelques catholiques, par-
mi lesquels des prêtres, se prêtèrent de bonne grâce
à dépister les recherches en offrant eux-mêmes asile
aux pasteurs ou laïques sous le coup de mandats
d'amener.
Le lieutenant de la maréchaussée chargé d'exécuter
le mandat de prise de corps contre Mordant expose
comme suit au subdélégué de Caudebec ses stériles
efforts :
« Je m'occupe à découvrir l'asile de la personne en ques-
« lion, et prends toutes les précautions convenables pour y par-
te venir ; mais on ne peut, en ce pays, se confier à personne,
« les trois quarts des habitants de cette contrée étant protes-
« tants et les autres n'étant pas disposés à donner les rensei-
(( gnements dont on a besoin pour en procurer la capture. Ce-
« jiendant, je me suis adressé à quelqu'un de" notre connais-
« naissance dont les intentions ne me laissent aucun doute sur
« le désir qu'il a de m'obliger ; cette personne m'a dit que le
« sujet dont il s'agit n'a point pai-u depuis le 17 janvier et qu'il
« roule de côté et d'autre dans le })ays de Caux ; on le croit
« du côté de Dieppe. A la vérité, dans le mois de décembre
« dernier jusqu'à l'époque de l'assemblée tenue le 17 janvier
« il était cnez son frère qui, à ce qu'il croit, fait valoir deux
« fermes dans la paroisse de St-Antoine, mais je ne pense pas
(( qu'il y soit maintenant, n'ayant été vu depuis ce temps.
« Je ne puis dans cette incertitude, me dispenser d'en faire
«la recherche et d'envoyer à St-Antoine cette nuit pour atta-
— 30^ —
« quer tout à la fois les deux fermes et par cette précaution
« lui ôter tous moyens d'évasion ; en conséquence, comme il
« faudra garder les issues des maisons des deux fermes, j'en-
« verrai toute la brigade de St-Romain. ' »
Nous avons déjà dit que les mandats d'amener lan-
cés contre lui ne le touchèrent jamais ; il est donc
superflu de déclarer que l'expédition annoncée dans
cette lettre échoua comme les autres.
Son homonyme Pierre Mordant, d'Autretot, com-
mença à exercer le ministère en 1776 -. Le champ de
son activité était également vaste puisqu'il comprenait
Rouen, Dieppe et Luneray ; mais ce n'était que qua-
tre fois par an qu'il se rendait à Luneray, et les réu-
nions qu'il y tenait étaient secrètes, du moins dans
les premiers temps. D'une lettre qu'il écrivit en 1778
à Daniel Pigné, de Luneray, nous extrayons :
« Vous savez que mes occupations pastorales demandent un
« homme tout entier : je viens de faire une tournée dans mes
« églises et même elle n'est pas encore finie ; mais aussitôt
« qu'elle le sera, j'espère, moyennant la grâce de Dieu, me ren-
« dre avec empressement auprès de vous, ce qui pourra avoir
« lieu la première semaine de février. »
En 1782, on s'enhardit jusqu'à tenir des réunions de
jour dans une maison spécialement affectée à ce ser-
vice à Luneray ; mais cette maison de prières fut fer-
mée par ordre supérieur et des huissiers se mirent
inutilement aux trousses de Pierre Mordant pendant
deux mois, ce qui fit lancer des lettres de cachet con-
1. — Lettre du sieur de Gresté de la Neufville, lieutenant de
la maréchaussée, a M. Lemarchand, subdélégué à Caudebec, du
1" mars 1779 (Fonds de l'Intendance, arch. de la Seine-Inf.)
o_ _ Ceci nous est révélé par ses sermons manuscrits déposés
aux archives du Consistoire de Rouen.
20
— 5o6 —
tre lui sans qu'il leur donnât plus de prise que son
homonyme. Ces détails sont puisés dans une lettre
qu'il écrivit à Rabaut le jeune. Une autre de ses let-
tres nous apprend que les églises de Rouen, Dieppe
et Luneray étaient divisées en douze sociétés reli-
gieuses. Malheureusement, nous n'avons pas la no-
menclature de ces sections.
Le 14 octobre 1779, ce pasteur écrivait à Jean Néel,
négociant, à Luneray :
« Monsieur et digne ami, le tendre intérêt que vous daignez
« toujours prendre à tout ce qui m'intéresse, me touche et me
« pénètre vivement. Quels moyens pourrais-je mettre en usage
« pour répondre à tant d'attentions particulières ? .le n'en trou-
« ve qu'un seul qui est celui de la vive reconnaissance. .le
« vous le présente avec un cœur sincère et je vous prie de
« l'accepter comme un tribut qui vous est légitimement dû. .h^,
« n'ai pu apprendre les tristes circonstances où vous vous êtes
« rencontré depuis quelques semaines ' sans éprouver une
« vive douleur. Les afflictions dont Dieu vous a visités et dont
« peut-être (triste incertitude) il vous visite encore, ont réveillé
« ma sensibilité et ma compassion ; j'ai adresé et j'adresse en-
« core à Dieu d'humbles requêtes alin qu'il vous regarde en
« son infinie bonté. Puissent-elles avoir été exaucées. Voici le
« temps où je devais être au milieu de vos églises, aussi y se-
« rais-je arrivé si les circonstances où je me suis rencontré me
« l'eussent permis. Je me prépare actuellement pour m'y ren.
« dre sur la fin de la semaine prochaine ; mais je ne sais si je
e pourrai réussir dans mon dessein vu une petite indisposition
« (jui ne me permet guère de travailler. Si mes désirs ne peu-
« vent s'accomplir, j'espère que mes églises voudront bien user
« encore d'un peu de patience, persuadé qu'à l'avenir je répon-
« di'ai avec l'aide de Dieu à leurs vues bienfaisantes . »
1. — P. Mordant vise la persécution qui s'abatlait sur l'église
de Luneray <à ce moment-là.
— 307 —
D'une lettre du même au même datée d'Autretot
7 juillet 1781, nous détachons ce passage :
« Je ne doute pas un moment que vos soins constants relali-
« vement aux malheurs de nos églises n'ayent déjà eu le succès
« que nous avions lieu d'espérer. Donnez-moi votre avis sur la
« résolution que j'ai prise de me transporter samedi en nuit
« dans votre pays pour y foiulionner. Vous y connaissez l'état
« des esprits. »
En 1782, une requête fut adressée par le corres-
pondant de P. Mordant à M. de Belbeuf. procureur
général au Parlement de Normandie, relativement
aux poursuites exercées contre la maison de prières.
En voici un extrait :
« l,e dimanche 17 novemhre \1H'2, à II heures du malin, il
« se transporta chez le feniiiei- de M. Née) un huisssier avec
« deux assistants où il s'assemhle depuis environ l à 5 ans un
« petit nombre de protestants pour y célébrer le culte divin
« selon les mouvements de leur conscience. »
Nous cessons de citer textuellement pour résumer.
L'huissier dresse procès-verbal. Suivant M. Néel il
agissait sur l'ordre du procureur du roi au bailliage
d'Arqués qui avait reçu une plainte du curé de Lu-
neray motivée par ce fait que les protestants, qui ne
pouvaient, faute de place, s'assembler à plus de 40,
1 interrompaient par le chant de leurs psaumes lors-
qu'il officiait à l'église, cependant éloignée de soc
toises au moins (8-?o m.). La requête se poursuit
ainsi :
« 11 n'y a qu'un petit nombr(> d'années que le sieur curé fit
« exhumer deux ou trois enfants qui élaienl dans la tombe de-
ce puis six semaines, contre la permission (|m' les inenibi'es de
« la justice de Dieppe avnient donnée de les inhumer. Il se
— -,o8 —
« conduisit dans ces tristes circonstances avec tant de bai'barie
« ayant fait emprisonner le nommé [.ardans, qu'il mit TeHroi et
« la terreur dans le cd'ur de tous h's i-éforniés du pays, j.a
« fenune du dit Lardans, voyant son mari si cruellement traité,
« fut attaquée sur le champ d'une violente maladie de laquelle
« elle mourut. Peu de tem})s après, i ou 5 familles ci-oyant que
« les troubles allaient se perpétuer, (juiltèrent leur patr-ie et
« passèrent à l'étranger.
« Le suppliant a reçu dans la chambre sus-mentionnée ses pa-
rt rents, ses amis et ses ouvriers pour y faire leurs dévotions,
« car. Monseigneur, ceux qui composent cette petite société ne
« tiennent leur subsistance que de lui, ayant lait depuis long
« temps et faisant encore un commerce considérable. »
Cette requête n'eut d'autre résultat que de faire
recommander aux protestants de Luneray d'agir pru-
demment.
Nous sommes en 1783, à quatre ans seulement de
l'édit de tolérance, et nous avons à enregistrer en-
core un enlèvement d'enfant. Il nous est signalé par
le placet suivant que Jean Hébert, de la paroisse de
Mélamare, adressa à M. de Vergennes, secrétaire
d'Etat :
« [Monseigneur, un malheureux père vient à vos pieds rede-
« mander un fils qui lui a été enlevé de force en vertu d'un
« ordre (jui a dû émaner de vos bureaux, mais qui, sans
« doute, a été ignoré de vous. Le mercredi 29 avril dernier,
« quatre cavaliers de la maréchaussée du département de
« St-Romain sont venus à minuit et demi chez le suppliant,
« journalier de la paroisse de Mélamare, au pays de Caux, et
« l'ont sommé, de par le roy de leur présenter Jean-Louis Hé-
« bert, son fils, âgé de H ans 3 mois. Le suppliant troublé par
« la crainte et la douleur, n'a pu lire le papier dont ils se di-
« saient porteurs ; au nom sacré de sa Majesté, il leur a indi-
« que l'endroit où était son fils ; on l'a arraché impitoyable-
— 509 —
« ment des bras de sa mère sans qu'il ait été possible de savoir
« depuis ce qu'il est devenu. Vous êtes père, Monseigneur, et
« vous savez que la nature est la môme dans tous les rangs ;
« jugez du décbirement afi'reux que dut éprouver le cœur du
« suppliant ! Je soupçonne que, comme il faisait profession de
ï la religion protestante, l'enlèvement dont il se plaint provient
« du faux zèle du sieur curé de Mélamare, et voici ce qui fait
« naître ses soupçons :
t Le jeudi 27 février dernier, son jeune fils alla chez le
« curé de la paroisse qui l'exliorla h rester au presbytère où il
« serait mieux (jue chez lui, et où il aui'ait tout en abondance
« pourvu qu'il voulût embrasser le catholicisme. L'enfant fut sé-
« duit par ces vues toutes temporelles et ne retourna point le
<t soir chez ses parents qui en prirent la plus vive inquiétude. La
« mère ne se donna de repos qu'elle n'eut découvert son fils ;
« elle y fut, accompagnée d'un proche parent et demanda son
« fils à grands cris. Le curé se présenta d'abord, croyant qu'il
« refusera de suivre sa mère. Mais comme l'enfant supplia
« qu'on le laissât aller avec elle il voulut employer la force
« pour le retenir. Ses efforts furent inutiles, et ça été sans
« doute par esprit de vengeance autant que par zèle qu'il a
« sui-pris l'ordre terrible dont il s'agit. ' »
Nous ne savons ce qu"il advint de cette supplique.
Nous pensons que l'enfant fut rendu à ses parents
aorès avoir passé quelque temps au couvent des Nou-
velles Catholiques d'Alençon où on l'avait conduit
aussitôt après son enlèvement.
L'année précédente (1782), un autre enlèvement
avait eu lieu dans la même paroisse de Mélamare:
celui de la fille, âgée de 1 1 ans 1/2 , d'un graveur ori-
ginaire de Neuchatel en Suisse nommé Jean-Louis
Henry, et le prétexte en avait été qu'elle était issue
d'un mariage illégitime. Elle avait été mise dans un
L — Bulletin du Protest, 1876, p. 414.
— 310 —
couvent et il ne fallut rien moins que rintervention
du baron de Golitz, ministre de Prusse à Paris, pour
obtenir tju'elle fût rendue à ses parents, et encore
doit-on dire que ces démarches n'aboutirent qu'en
1788.1
Le 28 juin 1784, Jean Néel. de Luneray, adressa une
nouvelle requête à M. deBelbeuf, toujoursàToccasion
des poursuites exercées contre la maison de prière :
« Le dimanche 27 juin 1784, à 11 h. du matin, deux liuis-
« siers se sont transportés à la maison de son fermier au mo-
e ment où il était occupé avec sa famille à faire ses dévotions
« particulières, dans le dessein sans doute de prendre con-
« naissance du nombre des personnes qui assistent à ce culte
« domestique. Les huissiers ont trouvé le fermier du suppliant
« avec sa famille et quelques amis au nombre de 36 personnes
« dont les enfants ne faisaient pas la moindre partie. Lescatho-
« liques vivent en paix avec les protestants et ces derniers se
« font un devoir d'éviter scrupuleusement tout ce qui pourrait
« troubler cette douce harmonie. 11 vous conjure de faire
« cesser toute poursuite et d'employer votre autorité à le dé-
« fendre... »
Au mois de juillet suivant, M. de Belbeuf apprend
au garde des sceaux que le curé de Luneray venait
d'informer la justice que les protestants de sa paroisse
avaient eu l'audace de construire un temple où ils
se réunissaient au nombre de 3 à 400 personnes, que
M. Mordant, marchand (sic) des environs de Bolbec,
venait y tenir des assemblées, et que, ce temple ne
suffisant pas, ils en faisaient construire un autre au
hameau du.Ronchay. Cet ecclésiastique eût pu ajou-
ter — mais il l'ignorait car il n'y eût pas manqué —
qu'à Rocquigny et à Ecaquelon, tout près de là, des
1. — Archives nationales, Tï., 302,
— 311 —
réunions avaient lieu dans des fermes isolées. Une
enquête fut ordonnée. Ce fut le subdélégué de Diep-
pe, Porcholle qui la mena. Et voici son rapport :
« On peut regarder comme vrai et très vrai :
« [o Qu'à Luiieray ii y a une espèce de temple où s'assem-
« blent tous les tlimniiches 400 personnes au moins ;
« '2o Que le temple, trop petit à raison de la grande
« affluence, a fait naître l'idée d'en construire un second qui
0 s'élève actuellement dans le hameau du Roncliay dépendant
>' de Luneray ;
« ;> Qu'cà Luneray et clans le lumieau du Roncliay il y a
« de 6 à 700 protestants ;
« 4û Que dans un autre hameau de la paroisse St-I'ierre-le-
« Vieux ({ui touche immédiatement à celle de Luneray, il y a un
« troisième lemjile ; (|ue tians le hameau on compte 2 à 300 pro-
« testants qui se réunissent ordinairement dans le troisième
« temple pour faire leurs prières en comnuui ;
« 5" Que. soit à Luneray, soit à .St-Pierre-le- Vieux (hameau
« du Coudray) l'office se fait publiquement et même à haute
« voix ;
« 6t) Qu'à cet oflice préside ordinairement une sorte de pré-
*' dicant qui demeure aux environs de Bolhec et qui se nomme
« Mordant ;
« 7o Que ce prédicant se donne des mouvements extraor-
« dinaires pour desservir les trois temples, que son zèle supplée
« à ses forces et le rend un véritable missionnaire. Ce Mor-
« dant n'est, au supins, qu'un simple marchand, mais ayant
« plus d'enthousiasme que les autres il le communique et le
« propage... »
Quelque temps aurès le même subdélégué infor-
mait l'intendant de Rouen que les protestants de Lu-
neray s'étaient soumis sans opposition à la fermeture
de leurs prêches. « Ce sont, concluait-il, d'assez
iI2
bonnes gens que les protestants de nos cantons, et
on peut leur appliquer à juste titre ce vers (traduit)
de Virgile :
« A l'aspect d'un seul homme ils gardent le silence ! »
Leurs maisons de prières fermées, les protestants
du Petit Caux eurent la pensée de s'unir pour deman-
der la permission de célébrer leur culte, etdeuxpéti-
titions furent, au mois d'avril J78S. adressées dans
ce but à M. de Vergennes, Tune par plusieurs fa-
milles de Luneray, l'autre par Louis-Daniel Lardans.
David Collen, Isaac Lesade et Pierre Lheureux, du
Coudray.
M. de Vergennes renvoya les pièces à l'intendant
de Rouen après avoir écrit de sa main, en marge :
« Je pense qu'il serait charitable d'insinuer à ces
« gens-là de se tenir tranquilles et de ne pas donner
a réveil par des requêtes sur les empiétements qu'ils
« se permettent contre les ordonnances. « Maïs de
nouvelles plaintes lui étant parvenues, le ministre
adressa presque aussitôt des instructions plus sévères
à l'intendant : « Vous voudrez bien, dit-il, faire con-
« naître aux protestants de Luneray que, loin de leur
« accorder la permission qu'ils demandent, le roi leur
« défend expressément toute espèce d'association et
« d'assemblée et que l'intention de S. M. est au'ils
«restenttranquillesdans l'intérieurdeleurs maisons.»
Et il ajoute en post-scriptum : « Je vous prie de
« faire prévenir le sieur Mordant que s'il se permet de
« faire le prédicant il sera sévi contre lui. w
Les protestants de Luneray, que le subdélégué
Porcholle représentait comme peureux et soumis,
ne se tinrent pas pour battus. Au mois d'avril 1786,
ils adressèrent au nouvel intendant de Rouen une
pétition collective à laquelle se joignirent leurs core-
ligionnaires des paroisses voisines et de Dieppe pour
— 313 —
réclamer la liberté de professer leur culte.
L'arrivée du baron de Breteuil au ministère, sur
les entrefaites, im.prima une marche plus décidée à
l'esprit public vers les idées de tolérance. C'est à
l'heureuse influence de ce ministre qu'on dut en
partie l'edit de tolérance qui accordait aux pro-
testants les droits dont jouissaient les autres fran-
çais.
Pendant ce temps, le parlement de Rouen est tou-
jours dans le même sentiment de résistance aux édits
rendus par Louis XV et non raoDortés, et on doit di-
re à son honneur qu'il osa faire des remontrances au
monarque, et, devant la constatation de leur inutilité,
ne craignit pas de demander la convocation des Etats-
Généraux. Ces marques d'indépendance, preuves
d'un réel sentiment de la justice, lui valurent d'être
supprimé ; mais, comme cette suppression s'étendit
à d'autres parlements du royaume qui n'avaient pas
le respect des droits de la conscience, on ne peut dire
absolument que ce soit son attitude envers le protes-
tantisme qui ait attiré sur lui cette honorable puni-
tion. Louis XVI, sentant qu'il ne pouvait se passer de
parlements, les rétablit presque aussitôt son avène-
ment au trône. Mais ils reprirent leur ancienne habi-
tude de faire des remontrances ; et le nouveau monar-
que essaya de neutraliser ces prérogatives par la réu-
nion de notables et d'assemblées provinciales. Les
parlements refusèrent d'enregistrer Ledit instituant
ces nouvelles assemblées et réclamèrent, avec une
insistance toute particulière, la convocation des Etats-
Généraux (1787).
On aurait cru qu'après l'expulsion des Jésuites
Dar Louis XV les protestants eussent joui d'une tran-
quillité relative. C'est le contraire qu'on constate. Ce
qui. à ce moment, exaspérait les réformés et en déci-
dait un certain nombre à émigrer en dépit des me-
— 314 —
sures prises pour empêcher ce mouvement, c'était la
rigidité du clergé à toujours avoir recours aux pres-
criptions des édits pour attaquer les droits naturels
des non-catholiques sur l'éducation de leurs enfants,
la validité de leurs mariages bénis par des pasteurs,
et la liberté de procéder à l'inhumation de leurs
morts en dehors du prêtre. Les idées de tolérance
avaient beau être défendues chaleureusement par les
parlements et par des jurisconsultes et des philoso-
phes éminents, les droits naturels des protestants
étaient constamment constestés.
Nous n'avons rien dit de la façon dont on procé-
dait aux inhumations pendant la longue période
écoulée depuis la Révocation. Comme il fallait que
les médecins avertissent les prêtres dès que des reli-
gionnaires malades faisaient appel à leur art, il arri-
vait fréquemment que les malades tâchaient de se
guérir eux-mêmes et, s'ils n'y parvenaient pas, préfé-
raient mourir sans secours, d'où il suit qu'on n'appre-
nait leur mort qu'après leur enterrement dans leur
maison, leur jardin ou leur cour, ou, en ville, leur
cave. La cérémonie était simple ; on descendait dé-
cemment le cercueil dans la fosse que l'on comblait
aussitôt. Au reste du commencement de la réforme
jusqu'à la complète liberté religieuse, les inhuma-
tions protestantes furent d'une extrême simplicité.
Sousl'Edit de Nantes, un pasteur y assistait quelque-
fois et seulement lorsqu'il était l'ami personnel du
défunt, mais ne prenait pas la parole. La moindre cé-
rémonie religieuse eût pu être prise pour un culte à
la dépouille charnelle, et c'est ce que l'on voulait
éviter, et c'est encore, de nos jours, la raison qu'on
oppose à ceux qui demandent que les funérailles
soient célébrées dans les temples.
Mais il n'était pas facile, on le comprend, de ca-
cher les maladies et les décès. En cas de mort, il fal-
^IS
lait un cercueil (il est vrai qu'on en avait souvent
d'avance dans les familles), et c'est surtout par là
que la nouvelle était connue, et alors, le plus sou-
vent, les gens du menu peuple, dans les villes, se li-
vraient à des scènes scandaleuses devant la maison
mortuaire, allant jusqu'à briser les vitres et lancer
des pierres sur les personnes qui suivaient le convoi-
Ces enterrements ne se faisaient que de nuit.
M. Néel, l'ancien de l'église de Luneray dont nous
avons parlé plus haut, a laissé un mémoire manus-
crit, que le pasteur Berthe cite dans sa brochure, où
nous lisons, au sujet des inhumations protestantes
d'alors, que nos pères « étaient obligés d'abandonner
« les corps qu'ils accompagnaient au tombeau pour se
c( soustraire à une grêle de coups, ou bien de garder
K chez eux les corps pendant plusieurs jours sanspou-
« voir sortir pour les inhumer. A la fin, ils étaient for-
te ces de les enterrer dans leurs granges ou dans leurs
« jardins. )>
Une loi du 9 avril 1736 permit aux protestants,
moyennant déclaration de décès faite au bailliage par
deux témoins et inscrits par le plumitif sur un re-
« gistre « qui faisait foi pour les décès des religion-
(( naires comme les registres des curés pour ceux des
« catholiques,)) d'obtenir des permis d'inhumeravant
le lever ou après le coucher du soleil. Nous publions
(pièce n" 14 de l'appendice les déclarations de décès
faites, en vertu de cette loi, complétée en 1769, au
bailliage de Caudebec. Nous ne savons si les registres
où furent consignées les déclarations de même nature
reçues aux bailliages d'Arqués et de Montivilliers
existent toujours ; nous pensons que non.
Mais revenons à Bolbec et à ses environs.
Les carrières du Valasse, de Ste-Honorine et de
St-Jean-de-la-Neuville n'étant pas des asiles sûrs, les
réformés de Bolbec et des campagnes environnantes
-3i6-
avaient pris le parti de se réunir dans des maisons
isolées. Mais l'œil jaloux et soupçonneux des curés
s'en était vite aperçu, et les dénonciations se multi-
plièrent si bien que le subdélégué de Caudebec adres-
sait le 3 mai 178^ le mémoire suivant à l'Intendant
de Rouen :
« Le nommé J.-B. Pauniier, ministre protestant, demeure à
« Bolbec ; il n'y a pas longtemps qu'il s'y est marié ; c'est un
« autre ministre protestant qui demeurait à la paroisse d'Au-
« Iretot, qui est venu le marier à Bolbec. Ils y ont fait arran-
« ger une maison qui leur sert de temple et où ce Paumier
« exerce publiquement les fondions de ministre protestant; les
e religionnaires étaient encore assemblés dimanclie dernier
« dans cet endroit, et pendant la grande messe de la paroisse
« ce Paumier les précbait. Ils ne se cachent plus du tout ; ils
« se rassemblent jusqu'à 3 ou iOO dans cet endroit où ils font
« des quêtes pour les pauvres. Le lieu qui sert à leurs assem-
« blées est la maison du sieur Jean Launay, située au bas du
« bourg, vers le Valasse ; s'il se fait quelques mariages parmi
« les protestants de Bolbec, c'est ce Paumier qui les fait, et
« c'est aussi lui qui les inhume... Les assemblées ont lieu tous
« les dimanches, ainsi il ne serait pas diflicile de les surpren-
c dre. ' »
L'Intendant envoya un résumé de ce rapport à M.
de Vergennes qui lui manda le 19 mai 1785 :
< J'ai reçu. Monsieur, votre réponse du 14 de ce mois au
« sujet de J.-B. Paumier qui fait publiquement les fonctions de
« ministre protestant à Bolbec. Vous voudrez bien lui ordonner
« de la part du roi d'en cesser entièrement l'exercice et lui dé-
« fendre de tenir aucune assemblée soit dans les pièces du
.( temple qu'il a établi et dont vous ferez ôter tout ce qui a
« trait à ce genre de service, soit dans tout autre endroit. Vous
1. — Arch. do la Seine-Inférieuro, fonds de l'Intendance.
— 31? —
« voudrez bien faire aussi les mêmes défenses, pour ce qui
€ concerne les assemblées, aux {)rotestants de Bolbec en les
« avertissant, ainsi que l'auniier, que vous êtes chargé de
« veiller sur leur conduite et que s'ils ne se conforment pas
c aux intentions de S. M. ils nous mettront dans le cas de
« prendre des mesures plus rigoureuses pour les contenir. ' »
Une lettre de Gattine. maire de Bolbec, du 17 juin
178s, apprend que les ordres du roi ont été transmis
et que le ministre et les protestants de Bolbec s"v sont
soumis, et qu'il a fait démonter les bancs, la table, le
pupitre et les inscriptions sentencieuses [sicj affichées
dans le temple.
L'année suivante (juin 1786) le procureur général
près le parlement de Normandie informa M. de Ver-
gennes que les protestants des villages voisins de Bol-
bec recommençaient à tenir publiquement des assem-
blées et qu'ils avaient établi des maîtres et maîtresses
d'école. Interrogé là-dessus, le subdélégué de l'élec-
tion écrit :
« Il y a effectivement à Bolbec deux lilles nommées Gue-
c rouit et une troisième nommée Prix, qui, depuis plusieurs
« années, tiennent publiquement des écoles pour les enfants
« des protestants ; le père de la fille Prix passait pour prédi-
« cant et a laissé à sa mort beaucoup de catéchismes que l'on
« dit avoir été envoyés dans le temps à M. le procureur géné-
c rai. 11 se tient presque tous les dimanches, dans les écarts
« et paroisses voisines, des assemblées dans lesquelles les
«t nommés Paumier et Mordant, tous les deux prédicants, ma-
« nifestent leur zèle pour leur religion. Les plus fréquentes de
« ces assemblées se tiennent à St-Jean-de-la-Neuville, le matin
« chez un nommé Daniel Letellier, et l'après-midi chez Jacob
(A
1. — Dépèche de M. de Vergennes à l'Intendant de Crosne
.rch. de la Seine-Inf., fonds de l'Intendance).
-3i8 -
« Foinet. Les deux prédicaiits se distribuent aussi quequefois
« dans les paroisses de Nointot, Mélamare, St-Antoine-la-Forêt,
« St-Mcolas-de-la-Taille et rirnolipt, et logent chez le nommé
« Doudement. »
Consulté par M. de Crosne sur les meilleures mesu-
res à prendre pour arrêter ce mouvement, le subdé-
légué de Caubebec ne proposa rien de moins, dans le
zèle qui le dévorait, que d'ordonner à la maréchaus-
sée de se mettre en posture de s'emparer des prédi-
cants dès qu'une dénonciation quelconque d'assem-
blée lui parviendrait. Il allait même jusqu'à proposer
d'accorder une gratification aux employés de la maré-
chaussée pour stimuler leur zèle. M. de Crosne trou-
vaquec'étaitallertroploin, et il écrivitde sa main, en
marge de la lettre du subdélégué : '< Modérément sur
« cet article et lui dire seulement d'y tenir la main. »
En effet, ce que le gouvernemet de Louis XVI vou-
lait c'était que les protestants ne fissent aucun culte
extérieur, en un mot se tinssent chez eux. »
« Le roi ne veut souftVii-, écrivait M. de Vergennes, que les
« protestants s'assemblent ainsi ni qu'ils donnent la moindre
« publicité à leur culte : ils doivent rester dans l'intérieur de
« leurs maisons et de leurs l'amilles. ce n'est que par ce moyen
« qu'ils pourront se rendre dignes de l'indulgence et des bon-
« tés de S. M. ' »
La poussée des idées libérales rendait ces entraves
de plus en plus diftiiciles à supporter. Aussi les réfor-
més de Bolbec et de la région avoisinante comme
ceux de Luneray, revendiquèrent ce qui paraissait
maintenant aux esprits les plus éclairés un droit
imprescriptible.
1. — Dépêclie de M. do Vergennes à l'intendant de Crosne,
9 juin 1786 (Arcli. de la Seine-Inf., fonds de l'Intendance).
— 319 —
Voici la pétition qu'à cet effet ils adressèrent, en
Août 17S6, à M. de Vergennes et à M. de Crosne.
« A Monseigneur l'Iiileiidaiit de la (léiiéralilé de Rouen.
« Monseigneur.
« Les prolestanls des juridictions de Caudehec, Monliviiliers
« et le Havre, au noni])i'e de plus de huit cents familles, vien-
« nent aujourd'iiui se jeter an\ pieds de Voire (ii'andeur, ils
« vous supplient très iiundjleuient. Monseigneur, de prendre
€ en considération leurs alarmes continuelles.
« Ces lidèles sujets de Sa Majesté vivaient en paix depuis
I iuut à div années, soumis au prince et aux lois qui les proté-
« geaienl. bénissaient le monarque et ses dignes ministres, tra-
i vaillaient à augmenter de jour en joui' leur commerce, leurs
« maiml'aclui'es en tous genres par lesquels ils contribuaient à
« enrichir l'état. p]n reconnaissance de tant de douceurs ils se
« réunissaient dans leurs chaumières, même par le conseil des
« plus éclairés et des plus nobles calholiques, au nombre de
« quarante à cinquante pour adresser leurs vœux au ciel et
« implorer sa bénédiction sur le prince et sur les personnes
« qui sont élevées en dignité dans l'étal. Ces actes religieux
c qui faisaient leurs délices et qui même étaient un délasse-
« ment de leurs travaux journaliers, leur ont attiré une longue
« suite de malheurs. Des esprits ombrageux peu éclairés et
« conduits par le fanatisme, ce monstre destructeur de toute
« société, jaloux de la tranquillité des suppliants, les ont peints
« et les peignent encore aux yeux du gouvernement sous les
< couleurs les plus noires. Voici, Monseigneur, le commence-
« ment de la première époque de leurs malheurs.
« En février 1783, quatre cavaliers de maréchaussée, exé-
(( cuteurs d'un ordre rigoureux émané du ministère, enlevèrent
« au nonniié .lean- Baptiste Hébert, l'un des suppliants, un fils
t âgé de onze ans trois mois et le transportèrent aux nouveaux
« convertis.
« L'année suivante, le sieur d'Angeville, gentilhomme pro-
« testant, étant décédé en la paroisse de Lintot, près de Bol-
— 3^^^ —
« bec, sa famille eut la douleur de voir son cadavre insulté et
« sa tombe reuiplie d'une <:!;r(''le de pierres qu'y jeta une i)o-
« pulace elTrénée et par qui conduite ? i,e sieur curé, ministre
« d'un Dieu de p;ux, qui doit veiller sur son troupeau et rame-
« ner la bi-ebis égarée au bercail par la voix de la civilisation,
« ose dire, dans le siècle de la raison, que la perte des pro-
« testants est assurée et ce, dans l'instant de la frénésie et de
« la fureur de cette populace, propos inconsidéré, capable de
« les porter aux plus grands excès.
« L'année dernière, quelques familles des suppliants, babi-
« tant Bolbec, ayant usage de se réunir sans ostentation cbez
« un fabricant pour y faire leurs dévotions et s'animer à rem-
« plir les devoirs de l'bomme et du citoyen, eurent ordre de
« cesser cet acte religieux. En juin dernier, ils ont été accusés
« d'avoir loué et fait décorer et orner une vaste maison aux
<( environs de Holbec pour la célébration de leur culte, d'avoir
« même établi des maîtres et maîtresses d'école pour l'instruc-
« tion de la jeunesse, accusations qui ont été reconnues fausses
« et calomnieuses.
« Le dimancbe 3 du présent (août) le sieur curé de St-Denis
« de Lillebonne, élection de Caudebec, escorté d'un des gar-
« des-cbasses de Monseigneur le duc d'Harcourt, se transporta
« heure des vêpres, chez le nommé Doudeman qui faisait seg
« dévotions avec sa famille et quelques-uns de ses amis. Quelle
« ne fut pas sa surprise ! éloigné de la paroisse de trois quarts
« de lieue au fond d'une vallée, lorsqu'il vit arriver le dit curé
<t qui lui ordonna, au nom du roi, d'ouvrir sa porte et de ces-
« ser son exercice religieux. Le dit Doudeman passa sa sou-
c mission à cet ordre sacré, mais le sieur curé, au lieu de le
« produire, ne put faire à ce citoyen paisible que des menaces
« effrayantes.
« Le 21, les nommées Prix et Gueroult du dit Bolbec, accu-
« sées de tenir des écoles publiques, ont des ordres à ce con-
« traire, quoi qu'elles ne reçoivent que des enfants de quatre à
« six ans dans la vue de soulager des pères et mères occupées
« à leurs travaux et à leur commerce.
— 321 —
« Ces faits de notoriété publique, joints aux menaces réité-
« rées de plusieurs esprits animés d'un zèle intolérant, jettent
« les suppliants dans des transes cruelles. Ils ne peuvent con-
« cilier ces derniers ordres avec ceux qui, les années dernières,
« furent donnés au sieur Cavelier, principal du collège de Bol-
« bec, de n'admettre à ses leçons aucun élève protestant. Par
« là les enfants des suppliants sont privés de toute éducation
« et s'il s'en trouve parmi eux qui ayant acquis quelques lu-
i( miêres, les emploient à éclairer leurs concitoyens, à former
« des sujets fidèles etdes citoyens zélés pour la patrie, on les
« représente à Votre Grandeur comme des êtres remuants et
« dangereux à l'Etat.
« Cette longue suite de malheurs, ces accusations, ces me-
« naces, ces ordres continuels sous un gouvernement aussi
« sage qu'éclairé, jettent les suppliants dans des inquiétudes
« qu'il serait impossible d'exprimer. Ils croient apercevoir les
f anciennes contraintes et se voient privés de pouvoir se réu-
« nir en petit nombre pour adresser leurs vœux au ciel en fa-
« veur de l'auguste monarque qui les gouverne, pour la
« gloire de son trône et la prospérité de ses dignes ministres.
« Ils avaient pourtant d'aulanlmoins lieu des'atlendre à cette
« privation que Sa ■Majesté accorde une tolérance tacite à leurs
« frères des provinces méridionales et que, par arrêt du cou-
rt seil d'Etat du 13 novembre dernier, confirmé depuis peu par
« lettres patentes, elle appelle dans ses Etats les protestants
« étrangers et leur promet les mêmes avantages dont ils jouis-
« sent dans leurs patries.
« Les suppliants seront-ils donc les seuls malheureux ? Ne
« leur sera-t-il pas permis d'être l'objet des bontés du meil-
« leur des rois, de la protection des sages ministres de sa
« justice ? Oui, monseigneur, et c'est dans cette espérance
« qu'ils tombent à vos pieds et qu'ils vous conjurent d'écouter
< leurs justes plaintes, de mettre fin à leurs alarmes et de leur
(( assurer une tranquillité durable dans laquelle ils puis-
(( sent continuer à adresser des viieux ardents au ciel pour la
21
— 3^3 —
« conservation des jours précieux de Votre (irandeur. »
Présenté le août 1786.
Cette pétition ne fut suivie d'aucun effet immédiat.
Mais la marche des idées gagnait trop de bons esprits
pour que Louis XVI ne sentît pas que ie crime de reli-
gion n'était plus punissable de mort et qu'il se fût
rendu criminel devant l'histoire s'il n'eut pas parjuré
le serment, fait lors de son sacre et que le clergé lui
rappelait à tout propos, d'exterminer l'hérésie par
tout son royaume.
QUATRIEME PARTIE
La liberté religieuse
CHAPITRE I"
De l'Edit de tolérance à la proclamation de la
liberté des cultes
(1787-1790)
A la réunion des notables qui eut lieu en 1787,
Rulhières, le baron de Breteuil, le général de La
Fayette, Malesherbes, Rabaut-Saint-Etienne firent
entendre de si nobles et justes paroles que le triom-
phe des idées de liberté civile et religieuse en sortit.
L'Edit de tolérance, qui marque la fin d'une longue
période de spoliations et de soutïrances, fut signé par
Louis XVI le 17 novembre 1787, et enregistré par le
Parlement de Paris le 29 janvier suivant. Il n'est pas
la reconnaissance d'un droit, car il dit dans le préam-
bule qu'on n'accorde aux protestants que ce qu'on ne
pouvait leur refuser plus longtemps : le droit de faire
constater leurs naissances, leurs mariages et leur^
— 324 —
décès ; il n'est bien vraiment qu'une tolérance, et
une tolérance arrachée. Aussi nos pères éprouvè-
rent-ils une déception au premier moment en y lisant :
« La religion catholique que nous avons le bonheur
«de professer, jouira seule dans notre royaume des
« droits et des honneursducultepublic, tandis que nos
a autres sujetsnon catholiques, privés de toute influen-
ce ce sur Tordre établi dans nos états. Jecla rés J'avance
« et d Jamais incapables de faire corps dans notre roy-
« aume, soumis à la police ordinaire pourTobserva-
« tion des fêtes, ne tiendront de la loi que ce que le
« droit naturel ne nous permet pas de leur refuser... »
A rirritation déchaînée dans le clergé par cet édit
ils comprirent qu'ils devaient le recevoir comme la
limite extrême de ce que le public, encore imbu de
préjugés, pouvait supporter à ce moment. Le clergé
avait senti, en effet, que les points accordés étaient le
prélude de libertés prochaines. Les événements vont
lui donner raison, car nous sommes à la veille de la
Révolution d'où est sorti le droit moderne.
A partir de 1787, et seulement pendant trois ou
quatre ans, deux pasteurs résidèrent à Luneray à pos-
te fixe : J.-B. Paumier pour Luneray et Mordant dit
Duclos pour le Coudray (Ce dernier, en 1792, époque
de son mariage, résidait a St-Jean-de-la-Neuville et
était désigné comme pasteur de cette paroisse, de St-
Eustache, de St-Antoine et autres). Trois vastes
chambres furent afifectées au culte, vraiment public
cette fois, en attendant la construction d'un temple :
deux à Luneray, Tune à côté du temple actuel, l'autre
au hameau du Ronchay ; et la troisième au Coudray.
Nous devons reconnaître que, grâce aux bonnes
dispositions du Parlement de Normandie et des auto-
rités qui, gagnés petit à petit aux idées de tolérance,
voulaient ignorer les infractions aux édits que com-
mettaient les Protestants, ceux-ci n'avaient pas atten-
- '25 —
du redit de 1787 pour tenter de rétablir leur culte
dans le pays de Caux. Depuis que des tentatives, dont
quelques-unes suivies de paniques^, avaient été com-
mises par des catholiques fanatisés pour asphyxier,
en produisant, au moyen de fagots et de bottes de
paille mouillées auxquelles on mettait le feu. une
abondante fumée à l'entrée des carrières où se te-
naient les réunions, les religionnairesqui y assistaient,
et que la chasse leur avait été donnée dans les bois,
on avait repris Thabitude de se réunir par petits
groupes dans des maisons particulières. De telles
réunions étaient toujours interdites, mais l'opinion
publique, dans son ensemble, les souffrant de plus en
plus, les magistrats les ignoraient volontairement.
Oui, le Parlement de Normandie, que nous avons vu
si cruel dans les premiers temps, s'était radouci sous
Louis XV et Louis XVI au point qu'il ne sévissait
plus contre ceux qui assistaient aux assemblées ni
même contre ceux qui les provoquaient. Le pasteur
Pierre Mordant a laissé un manuscrit où sont consi-
gnés ses souvenirs, dans lequel on lit : « Sous
« Louis XV le Parlement de Rouen se fit remarquer
c( par sa douceur. 11 protégeait les protestants ; ilsuf-
« fisait d'être decenombre decitoyensoppriméspour
« être délivré de ses persécuteurs et réintégré dans la
« jouissance de ses droits par une exacte justice. » Il
allègue à l'appui de ce jugement les arrêts rendus en
1. — Dans sa brochure déjà citée, le pasteur Berthe rapporte
qu'une nuit un certain nombre de protestants de Luneray et des
environs se trouvant rassemblés dans une carrière pour prier
furent découverts. Leurs adversaires voulurent allumer un
prand feu à l'entrée do la caverne pour les asphyxier ; mais
l'éveil ayant été donné, les assistants purent sortir à temps et
s'échapper à la faveur de l'obscurité. Ce fait fut racojité à ISI.
Berthe par Pierre Boulen né vers 1800, (jui le tenait de son
père et d'un autre vieillard. La tradition rapporte des faits
analogues comme s'étant passés aux environs de Bolbec, no-
tamment à St-Jean-de-la-Neuville.
^26
faveur des religionnaires Foucault, De la Rochelle,
Veuve Oulson.d"''' Carré, dames Deslandes, et d'autres
encore « qui, dit-il, honoreront toujours le Parle-
ment de Rouen. « Il cite un arrêt du 14 juillet 1769
rendu pour soustraire les familles des religionnaires
décédés aux prétentions arbitraires des juges, gref-
fiers et commissaires chargés de délivrer des permis
d'inhumer, vérifier létat des corps et d'accompagner
les convois. Il loue d'autres arrêts rendus pour répri-
mer, surtout dans le pays de Caux, le zèle indiscret
de plusieurs curés qui troublaient les protestants
dans leurs exercices religieux. « Tant d'actes de jus-
ce tice, dit-il encore, tant de modération, tant de tolé-
« rance dans des temps où ce mot pouvait à peine
(( être prononcé, attachaient les protestants de Nor-
« mandie à leur parlement et ils le regardaient
« comme leur Dieu tutélaire parce que, depuis long-
ce temps, ils en étaient protégés. »
Cet honneur rendu au Parlement de Normandie
est mérité, mais les protestants y étaient bien pour
quelque chose, car la bienveillance des juges ne
pouvait venir que de la vue de malheurs immérités
et de lois d'un autre âge vaillamment supportés.
Les édits anciens n'étant pas rapportés, il arrivait
que certains fonctionnaires fanatiques n'en conti-
nuaient pas moins leurs vexations. A l'appui de ce
dire nous reproduisons quatre requêtes concernant
la région cauchoise. La première et la seconde sont
datées de mars 1788 et émanent de JMichel Boulan?
marchand et fabricant à St-Pierre-le-Viger. L'une
est adressée au procureur général et représente que :
« Le suppliant ayant (•onti'acl('' niai'iai^e avec3Iarie Collen, ainsi
« cju'il était d'usage avant l'édit de novoiubre 1787, ilest issu de
« ce mariage une tille, laquelle il désire faire baptiser suivant le
« rite des non-catlioliipies. H demande à être dis|)ensé de
— ,-'/ —
<( toute autre formalité concernant le baj»tènie (|ue celles portées
« dans le dit édit. »
L'autre s'adresse à M. de Breteuil dans les mêmes
termes ; mais elle contient en plus :
<r Quelle n'a pas été la surprise du suppliant, au lieu de le
« protéger en le rendant l'objet des faveurs du roi, on rejette
« sa demande en l'exposant à la dissimulation et au parjure,
« actes hypocrites qui blessent les sentiments de la conscience.
« Dans cette position alarmante, le suppliant se jette à vos pieds
« et vous supplie instamment de venir incessamment à son secours,
« de le rendre participant, ainsi que ceux qui sont dans son
« cas, des bienfaits signalés du grand monarque qui les gou-
« verne. «
La troisième porte la date du 20 juillet suivant et
est adressée à M. de Breteuil. En voici la teneur :
« Les nommés Daniel Lecaron, de la paroisse de St-Jean-de-
< la-Neuville, Pierre Dupray, de St-Antoine-la-Forêt, Pierre
« Caron, Jacques-Philippe Caron, Pierre Maillard, Pierre Horla-
c ville et Jean Gaillard de la paroisse de Mélamare, élection de
« Montivilliers, pays de Caux en Normandie, pénétrés de la plus
« vive reconnaissance des avantages que Sa Majesté a accor-
« dés aux protestants par son édit du mois de novembre dernier,
« tombent à vos pieds, Monseigneur, et vous supplient instam-
« ment d'écouter leurs justes plaintes et leur subvenir; Sa Majesté
€ ordonne aux non-catholiques de se transporter chez les curés,
« vicaires ou juges royaux pour y faire la déclaration^ de
« leurs mariages, et fixe par le tarif annexé à son état trois livres
I pour chaque déclaration. Les suppliants, conformément aux
« ordres du roy, ont passé leur déclaration au greffe du bailliage
« de Montivilliers le vingt-cinq juin dernier et exhibé au greffier
« chacun trois livres portés par le dit tarif, ce que le greffier a
« refusé exigeant six livres pour chaque déclaration.
« Le nommé Jean-.\ugustin Gaillard de la dite paroisse de
— }:l^ —
« Mélaniare est tonlraint par l'ôxôciiloire du sous-lieulenani
« gônônil du bailliage du dil .Muitlivilliers, de payer six livres
« pour la luriiie drclaralioii.
« Sa Majesté [ordonne encore aux non-catlK)li(|ues de l'aire
« publier leurs bans par les juges, curés ou vicaires. I^e juge
« royal du dit Monlivilliers distant de (rois lieues de la paroisse
« de Manneville-la-(!oupil, au lieu de suivre le tai'if de l'édit de
« novembre, a per(,'u du nonuné Ficliel, de Manneville-la-tîoupil
« la somme de quarante livres sept sols neul deniers pour une
« seule publication et dispense des deux autres, et déclaration
« de mariage comme il parait par la quittance du greffier du
« bailliage du dit ]\Ioiitivilliers.
« Enfin, Sa Majesté ordonne aux protestants de faire décla-
« ration de décès de leurs proches aux juges des lieux où arri-
« ve le dit décès ; le juge royal du dil Monlivilliers, pour avoir
« assisté à rinliumatioii du corps d'Abi'aliani I>eniénager de la
« paroisse de Mélaniare, éloignée du dit Montivilliors de trois
« lieues environ, a accordé exécutoire sur l'ierre-Abrabani et
t Jean-Joseph, enfants et liéritiei's du dit Jjeinénager décédé,
« de la somme de trente-trois livres dix sols, comme il parait
« encore par le dit exécutoire du 10 juillet ci-joint.
« Sa Majesté, clans son édit de novend)re derniei", déclare,
« article 37, qu'elle n'entend déroger aux concessions par elle
« faites ou les rois ses prédécesseui-s, à ses sujets auxquels
« l'exercice d'une religion dilféi-ente de la religion catholique
« a pu être permis dans quel([ucs provinces ou villes de son
« royaume à l'égard desquelles les règlements continuent d'être
« exécutés. Un arrêt notable du l'arlement de Jloueii du li
« juillet ITGSJ, fait défense à tons commissaires de venir dresser
« aucuns procès-verbaux de l'état des corps de ceux qui sont
(( morts dans la religion prétendue réformée, de les escorter et
« de prendre pour ce aucun salaire. ].es suppliants et ceux de
« leur religion es|)èrent de la justice et de la honte de Sa Ma-
te jesté, enjoindre tant au curé qu'au grefiier mentionnés ci-
(( dessus, de remettre le trop perçu aux suppliants et les sup-
«. pliants ne cesseront de faire des yo'ux pour la prospérité
— 329 —
« des précieux jours de Votre Grandeur. ' »
La quatrième est datée du 6 octobre 1788 ; elle
s'adresse à M. de Villeteuil, ministre et secrétaire
d"Etat, dans les termes suivants :
« Le nommé Pierre Reelier, de la paroisse d'Octeville, élec-
« tion de Montivilliers, pays de Caux, Haute-Normandio, vient
« aujourd'liui, Monseigneur, se jeter aux pieds de Votre Gran-
« deur et vous supplier humblement de lui accorder votre pro-
« tection puissante.
c Le suppliant ne vous dissimule point, Monseigneur, qu'é-
« tant né dans la religion dominante, il a, depuis environ dix
« années, pratiqué la religion prétendue réformée. Dans ces
« sentiments, le suppliant a arrêté une union conjugale avec
« Elisabeth Gosselin, protestante de la ville d'Harfleur, le 5
« may de l'année dernière, par contrat passé devant le notaire
'( de St-Romain-de-Colbosc, et depuis ce temps il l'a reçue chez
« lui et vécu avec elle comme étant sa légitime épouse.
<( Sa Majesté ayant, par son édit de novend)re dernier,
« assuré l'état-civil des non-catholiques en leur enjoignant de
« se transporter chez les juges, curés ou vicaires pour y faire
« la déclaration de leurs mariages, le suppliant se présenta de-
« vant le juge royal du dit Montivilliers qui, sans y être auto-
« risé par Votre (irandeur, n'a pas cru devoir recevoir la dé-
t claration de mariage du suppliant, par la raison qu'il avait
« professé autrefois la religion catholique.
« Pour assurer l'état-civil de son épouse, celui des enfants
(( qui pourraient naître de cette union, le suppliant vous con-
« jure. Monseigneur, d'ordonner au juge royal du dit Monti-
« villiers de recevoir la déclaration qu'il a cru devoir rejeter,
« et de l'inscrire sur les registres des non-catholiques, et le
« suppliant ne cessera, etc., etc. »
Nous pensons qu'on fit droit à ces requêtes,
1. — Archives du Consistoire de Rouen.
— 33 o —
L'édit de novembre 1787, enregistré à Rouen le 2s
février suivant, n'était point encore arrivé au prési-
dial de Caudebec lorsqu'une naissance se produisit
(6 mars) à Bolbec, pour laquelle le père demanda au
juge de Caudebec l'autorisation, qui lui fut accordée,
de faire baptiser l'enfant par un ministre. Le curé de
Bolbec, arguant de ce que l'édit n'étant pas encore
enregistré dans la juridiction ne pouvait y être appli-
qué, se plaignit à la grand'chambre que cet enfant
n'eût pas été présenté à son église, et. chose éton-
nante, l'ordonnance fut cassée et le père de l'enfant,
le nommé Delaunay, dut le faire porter à l'église où
il fut baptisé derechef au grand contentement des
catholiques accourus en foule et faisant retentir les
airs de leurs cris de joie tandis que les cloches son-
naient à toute volée 1.
Les desservants des paroisses d'Ecrainville, la Re-
muée, St-Nicolas-de-la-Taille,laCerlangue.St-Pierre-
le-Viger, St-Antoine, St-Jean-des-Essarts. se plai-
gnirent au Parlement que les protestants, aussitôt
Ledit de tolérance promulgué, se mirent à célébrer
leur culte avec publicité et éclat, qu'on y chantait à
tue-tête les psaumes de Marot et de Bèze et que les
ministres y présidaient avec l'habit noir, le petit
manteau et le rabat. On ne voit pas que ces plaintes
furent suivies d'autre chose que d'informations de
pure forme.
La communauté protestante de Bolbec fit une sous-
cription en 1788 pour assurer le traitement régulier
d'un pasteur qu'on demanderait à Genève. Cette
souscription ayant produit un chiffre annuel suffisant
de promesses, on adressa la demande projetée à la
faculté de Genève qui envoya 3L Delasauzais à titre
L — Reg, secr. du Par].. 13 mars 1788, — et lettre deFoua-
che, procureur du roi à Bolbec, du "^5 mars 17(S8.
^ 331 -
d'essai. Il fut reconnu par les anciens le 22 septem-
bre 1788 1. L'essai ayant été favorable, Delasauzais
fut confirmé le 2 décembre suivant ; mais il n'exerça
que jusqu'en juin, époque où la maladie de sa mère
l'obligea à retourner en Suisse.
Le premier enfant baptisé par un pasteur en titre
dans la paroisse de Luneray depuis l'édit fut Elisa-
beth Boulen née en 1789. Son père intenta un pro-
cès au curé de St-Pierre-le-Viger, qui l'avait bapti-
sée contre tout droit ; il le perdit à Dieope, mais il
le gagna en appel à Rouen.
A ce moment, on réclamait de tous côtés la con-
vocation des Etats généraux. Ce vœu unanime de la
nation pliant sous le poids des impôts, décida
Louis XM à les convoquer. Un décret du 8 août 1788
en fixa l'ouverture au i*^"" mai suivant.
On sait que les demandes des trois ordres de l'Etat
(noblesse, clergé, tiers-état) étaient consignées dans
des cahiers. Le tiers-état se montra, dans le pays de
Caux, animé d'un esorit de vrai libéralisme, ainsi
qu'on peut en juger par l'extrait suivant de son ca-
hier : « Tous les français également soumis aux lois
« doivent trouver en elles une égale protection. Nul
« ne peut être arrêté sans ordres qui attenteraient à
« la liberté individuelle, les lettres de cachet, toute
« mesure arbitraire seront à jamais proscrits... Que
c( la liberté de la presse soit autorisée avec les réser-
c( ves nécessaires pour garantir l'ordre public et
« l'honneur des particuliers.-»
La noblesse cauchoise, nous sommes heureux de
1. — Ces anciens, qui avaient été élus le 17 du même mois,
étaient : Pierre Lecaron, J. Pouchet, C. f^auquet, J.-B. Lecoq,
Louis Besseiièvre. Pierre Frébour,q; père (pour le Mont de Bol-
bec), J. Lemaitie, J. Launay père, Pierre Launay, Philippe
Bourdon, G. Hellot, Louis Pouchet.
•2. — Borély, Hist. du Havre, lY, p. 2L
- 3}'^ —
Je signaler, sembla même aller plus loin en ce qui
regardait les non-catholiques. « Les députés deman-
« deront, est-il dit dans son cahier, qu'il soit statué
(( plus complètement que ne Ta fait le dernier édit
« sur l'état-civil des protestants. »
Le haut clergé seul tenta de s'opposer à cet entraî-
nement généreux et réfléchi qui avait emporté une
partie du bas clergé. Mais son opposition ne put en
avoir raison, et le mardi i8 août 1789, l'assemblée
nationale s'occupait de formuler la déclaration des
droits de l'homme qu'on voulait ulacer en tête de la
constitution comme une épigraphe immortelle. L'ar-
ticle XI, ainsi conçu : « Tous les citoyens étant égaux
« aux yeux de la loi sont également admissibles à
« toutes les dignités, places et emplois publics selon
« leur capacité et sans autre distinction que celle de
« leurs vertus et de leurs talents )> donnait pleine et
entière satisfaction aux protestants. L'article XVIII
assurait pour l'avenir la liberté de conscience et de
culte. Il portait : « Nul ne doit être inquiété pour ses
« opinions religieuses ni troublé dans l'exercice de
« son culte, pourvu (restriction inutile) que leurma-
« nifestation ne trouble point l'ordre public établi
« par la loi. >
Cette fois, c'est le droit enfin reconnu et proclamé,
et non plus une grâce, une tolérance toujours sou-
mises au caprice d'un monarque absolu.
CHAPITRE II
Organisation des églises
(1790-1802)
On devine qu'aussitôt la liberté de conscience pro-
clamée, les protestants se mirent à Tœuvre pour or-
ganiser des églises dans toute la France. Ceux du pays
de Caux achevèrent l'organisation commencée dès
Toctroi de Tédit de tolérance. Dans les autrescentres
protestants où cela n'avait pas encore été fait, on con-
vertit des habitations en salles de réunion en atten-
dant de collecter en vue de la construction de temples.
Mais ce à quoi il importait avant tout de pourvoir,
c'était à l'insuii'isance du nombre des pasteurs. On ne
pouvait en demander qu'à la Suisse ; mais il lui fut
impossible de donner complète satisfaction. Chaque
pasteur dut donc se multiplier. Nous en comptons
quatre d'affectés à notre région : i" François Mordant,
probablement originaire de St-Antoîne, qui habite St-
Gilles-de-la-Neuvillepour rayonner dans les environs,
mais plus particulièrement vers Criquetot, Goder-
ville ; 2° Pierre Mordant, originaire d'Autretot, qui
habite Rouen, mais qui se rend fréquemment à Diep-
pe, Luneray et Autretot ; ^" J.-B. Paumier, dont la
résidence est Gruchet-le-Valasse et qui dessert les
lieux de culte établis à St- Antoine, La Remuée,
St-Nicolas, Liilebonne. St-Aubin-de-Crétot et Autre-
tot, et 4° Delasauzais, spécialement affecté à Bolbec
et par conséquent, y résidant. En 1792. ce dernier
fut remplacé par AI. Cléret sur lequel nous man-
quons de renseignements. A ce moment il y avait
deux maisons de prières à Bolbec, l'une au hameau
— 334 —
du Mont (propriété J" Lesueur), l'autre au Pas-
Grillant (propriété Dupray), ce qui ne faisait reve-
nir la célébration du culte dans chacune cjue tous les
quinze jours. Pour obvier à cet inconvénient, il n"y
avait qu'un moyen : construire un temple de pro-
portions suffisantes pour toute la population ressor-
tissant à l'église de Bolbec. C'est à cela qu'on se dé-
cida. Justement, un bolbécais réfugié à Londres. Jean
Guilmard. avait légué pour cet objet 6000 livres,
disponibles depuis 1782, à verser seulement lorsque
la construction serait commencée. On choisit un ter-
rain situé rue d'Orteuil (aujourd'hui rue Pasteur).
iMais la tourmente révolutionnaire snrvient qui in-
terrompt les travaux. Elle interrompt aussi le culte
ou plutôt tous les cultes, car l'église catholique fut
persécutée à son tour (et par qui ? par ses enfants ré-
voltés !) Et, noble et chrétienne vengeance des pro-
testants, les prêtres, persécutés de toute part, ne trou-
vèrent d'asiles sûrs que chez eux ! Aussi, grâce à
cette belle et généreuse conduite de nos pères, la to-
lérance entra vite dans les mœurs, ce qui est prouvé
par ce fait qu'à partir du rétablissement de la paix
sociale, dans toutes les communes renfermant des
protestants il y avait de ceux-ci dans les assemblées
municipales et même, le plus souvent, les maires
étaient pris parmi eux. Signalons aussi ce singulier
retour des choses : Jean Néel, que nous avons vu
poursuivi en 1782 et 1784, reçut une invitation à se
rendre à Rouen pour participer à la nomination de
Tévêque constitutionnel qui devait remplacer Par-
chevéque insermenté. Après la Terreur, les travaux
du temple furent repris, mais ils ne durent pas être
poussés bien activement puisque Pédifice nefut inau-
guré que le jour de Noël 1797. C'est seulement quel-
ques semaines avant que Bolbec avait pu se pour-
voir d'un pasteur, M, Alègre, qui devait desservir la
- }r-> -
paroisse jusqu'en 1827 époque où il reçut et accepta
vocation de l'église de Rouen.
Se sentant désormais assurés de la liberté politique
et religieuse, les protestants purent déployer leur
esprit d'initiative, d'ordre, d'économie et de progrès.
A Bolbec. à Lillebonne, à Luneray. à Autretot. ils
fondèrent des fabriques de toute sorte qui furent
bientôt partout connues et renommées et amenèrent
le bien-être dans le pays. Malheureusement, les
guerres du Consulatet de l'Empire paralvsèrentpen-
dant une vingtaine d'années le développement de
cette industrie naissantre.
^>pwr
CHAPITRE III
L'Eglise est rattachée à l'Etat — Conséquences
de cette mesure
(1802-1815)
La liberté de conscience était proclamée depuis
treize ans lorsque Bonaparte, qui voulait tout centra-
liser, assujettit, par les articles organiques du i8 ger-
minal an X (8 avril 1802) l'église protestante à l'Etat
comme, par le Concordat, il avait fait pour Tégiise
catholique.
Par ces articles, deux consistoires étaient créés
dans la Seine-Inférieure, l'un à Rouen, l'autre a Bol-
bec. Au premier, dont le pasteur P. Mordant fut élu
président, se rattachaientles églises de Dieppe et de
Luneray avec ses annexes, moins le Coudray (anoma-
lie inexplicable) ; au second, qui eut à sa tête le pas-
teur Alègre, ressortissaient les églises du Havre, de
Montivillers avec son annexe, et Saint-Antoine avec
ses annexes, dont le Coudray.
L'année suivante ( 1803) le pasteur P. Mordant pro-
céda au dénombrement des protestants de la Seine-
Inférieure. Ce dénombrement accuse un total de ici 78
personnes (on en trouvera le détail par communes à
l'appendice, pièce n° !=;). A la suite de ce recense-
ment, le Consistoire sollicita du gouvernement et en
obtint, en 1804, la création d'un poste de pasteur à
Montivilliers pour pourvoir aux besoins spirituels des
1054 protestants de la circonscription Havre-Monti,
villiers-Criquetot, poste qu'occupa jusqu'en 1820 M,
David-Frédéric Fallot. A ^lontivilliers, le culte fut cé-
lébré dans un temple qu'avait fait construire lafamille
— 337 —
Barnage et qu'elle louait à la communauté ^. A Cri-
quetot, il le fut dans la maison des demoiselles Blon-
del jusqu'à la construction du temule actuel qui re-
monte à l'année 18^6.
En 1806, le pasteur Allègre, voyant qu'il ne pouvait
satisfaire aux soins de sa vaste église, obtint des pro-
testants de la campagne qu'ils se cotisassent pour assu-
rer un traitement raisonnable à un second pasteur en
attendant que l'Etat voulût bien créer ce poste rural.
M. Du Pontavice-\'augarnv se présenta et fut agréé.
Des réunions cultuelles avaient certainement lieu
à St-Antoine, la Remuée, Lillebbnne. St-Aubin-de-
Crétot etGoderville avant 1806 dans des maisons par-
ticulières qui, probablement, n'étaient pas toujours les
mêmes. Mais cette année-la (18061 une maison d'habi-
tation fut convertie en temple h la Remuée (elle de-
meura affectée à cet usage, en conservant sa rustique
couverture de chaume, jusqu'en 1874 où elle fut ren-
due à sa destination première par suite de la construc-
tion d'un temple de remplacement à St-Romain-de-
Colbosc, temple qui fut inauguré le 3 novembre de
cette même année), Duis un temule fut construit à St-
Antoine en 18^0, et un autre au Mont, commune de
la Trinité-du-Mont. pour Lillebonne, que remplaça
celui construit dans cette ville en 1860. Le temple de
St-Antoine appartenait à un membre de l'église, mais
la propriété en étant tombée dans des mains catholi-
ques, on éleva par souscription celui actuel dont
l'inauguration remonte à 18Q7. Le temple d'Autretot
futconstruitantérieurement, car nous trouvons sur un
sermon manuscrit du pasteur P. Mordant la mention
1. — Le loyer en fat acquitté jusqu'en 1839, époque à laquelle,
par suite de îicitation. ce temple fut mis en vente et acquis par
l'église au moyeu d'une souscription et d'un subside important
voté par les communes, ce qui tlt qu'une ordonnance royale du
29 octobre 1845 déclara l'église propriétaire pour moitié et les
communes pour l'autre moitié.
22
- 358 -
suivante : « prononcé à Autretot le 26 septembre 1802
« pour Tinauguration de son temple. »
L'église de Luneray, qui avait à sa tête le pasteur
J.-B. Paumier, avait cinq maisons de prières en 1807 :
à Luneray même, à Torp-Mesnil, au Buquet, à Cante-
leu et aux Mesnils (à ce moment, ainsi que nous l'a-
vons dit plus haut, le Coudray avait sa maison de priè-
res desservie par le pasteur de Bolbec). JMaisun tem-
ple se construisait à Luneray (celui qui sert encore
aujourd'hui) au moyen d'une souscription en argent,
et en nature : par où il faut entendre que ceux qui
n'avaient pu donner leur obole aidaient à charrier et
brouetter les matériaux. On cite même un fait tou-
chant : une pauvre femme porta des cailloux dans son
tablier. Sa construction dura longtemps, car il ne fut
inauguré que le 6 septembre 181 2. Sa mise en servi-
ce amena la suppression des maisons de prières du
Buquet et de Canteleu. Celle des Mesnils, propriété
de la famille Poullard, fut maintenue (elle a été rem-
placée par un joli petit temple, en 1870). Celle du
Coudray, qui fut rattachée h l'église de Luneray en
1818, se vit remplacer par le temple actuel en 1832.
(Par conséquent, l'église de Luneray ne compte plus
aujourd'hui que deux annexes : Le Coudray et les
Mesnils).
Le temple de St-Aubin-de-Crétot fut édifié en 1824.
On le doit à la générosité de feu M. le marquis de
CoUeville, châtelain protestant de cette commune.
L'inauguration en eut lieu le 8 août de la même an-
née.
Celui de Goderville remonte à Tannée 1834.
A Fécamp, une salle fut appropriée à la célébration
du culte en 1860 ; on la remplaça par le temple actuel
inauguré en 1883. Jusqu'en I884, le service fut assuré
par les pasteurs de St- Antoine : depuis il l'est par
ceux de Bolbec.
— 339 —
Disons pour mémoire qu'Etretat est, depuis quel-
ques années, pourvu d'un coquet petit temple desservi
seulement pendant la saison des bains Dar les pasteurs
en villégiature sur cette charmante plage, n'ayant été
construit que pour les besoins de la population bal-
néaire.
Pour parler avec suite des constructions d'églises
et n'avoir plus à y revenir, nous avons anticipé. Re-
tournons à la période du premier empire et disons
qu'elle fut une période de paix pour l'église protes-
tante. Le gouvernement impérial se montra impar-
tial vis-à-vis d'elle, et la tolérance entra véritablement
dans les mœurs. Il faut dire que les protestants, qui
avaient été tant de temps asservis, trouvaient, par le
contraste, ce régime autoritaire parfaitement suppor-
table et se montraient citoyens fidèles et zélés. Et
puis, il faut reconnaître qu'ils se révélaient, sur tous
les points du territoire national, gens d'initiative et
de progrès dans toutes les branches de l'activité
industrielle et commerciale, ce dont Napoléon, qui
était perspicace, ne manqua pas de s'apercevoir.
Mais arrivèrent la chute de l'empire et son remplace-
ment par le gouvernement bourbonien.
CHAPITRE IV
Vue d'ensemble sur le protestantisme cauchois
depuis I8J5
Louis XVIII ne porta pas, au moins officiellement,
la main sur la liberté religieuse. Les articles organi-
ques de 1802 continuèrent à régir l'église protestante.
Mais le clergé, se sachant soutenu en haut lieu, ne
se gêna pas pour souffler sur le tison des passions,
lesquelles n'étaient qu'endormies. 11 parvint à les
réveiller, surtout dans le midi où, bientôt, sévit ce
qu'on a appelé la terreur blanche dont on dit qu'elle
fit, discrètement, plus de victimes que la ronge. Nous
ne pensons pas que, dans notre région, cette réaction
se traduisit autrement que par des actes arbitraires
et des paroles arrogantes ou menaçantes d'ecclésias-
tiques et de laïques fanatiques. Cela eut pour eftet
de conserver l'esprit protestant que fortifia, par la
suite, la fondation d'écoles confessionnelles. L'église
de Bolbec eut son école de garçons dès 1820 et son
école de filles seulement en 18^6. Entre temps (1841)
M. Pierre Fauquet-Lemaître, le plus grand industriel
de Normandie à cette époque, fonda une salle d'asile
qu'il entretint jusqu'à sa mort et que sa belle-fille,
Mme Alfred Fauquet-Lemaître, soutient de ses de-
niers tout depuis (cette salle d'asile a été transfor-
mée, en 1885, en école primaire libre de filles pour
remplacer celle fondée en 1856) ; l'église de Luneray
eut les siennes en 1828, et la section du Coudray
(commune de Gruchet-St-Siméon) ouvrit la même
année son école de garçons et seulement en 1869 son
— ;4i —
école de filles '. Aussi la période de paix qui suivit
l'eftondrement de l'Empire permit-elle à nos pères
de déployer les qualités inhérentes à cet esprit. Par-
tout où ils étaient au moins quelques-uns, l'industrie,
le commerce et l'agriculture prirent un essor consi-
dérable dans leurs mains. C'est en grand nombre
que. par leur initiative et leur esprit d'entreprise, se
fondent des établissements industriels dans les val-
lées de Bolbec et de Lillebonne, des fabriques de toi-
les à Luneray et aux environs, et des fabriques de
mouchoirs à Bolbec, à Autretot et dans plusieurs
autres communes du pays de Caux. Bientôt le nom
de Fauquet-Lemaître, de Bolbec, devient aussi connu
industriellement que ceux de Dolfus et de Koëchlin,
de Mulhouse, et sa notoriété se maintient, la maison
s'étant continuée par le fils et se continuant par le
petit-fils ; Duis. en même temps ou successivement,
se font connaître dans le même ordre d'idées, à Bol-
bec et à Lillebonne, les Lemaistre, les Fauquet. les
Pouchet, les CoUen-Castaigne. les Jacques Leblond,
les Pertuzon, lesHaussmann,les Montier,les Lemon-
nier, les Blondel ; à Luneray et environs, les Néel,
les Lardans. les Ouvry, les PouUard. Sous Louis-Phi-
lippe l'industrie cauchoise, on pourrait même dire
l'industrie normande, est presque exclusivement
dans des mains protestantes. Sous le second empire
l'émulation s'établit : l'élément protestant est encore
prédominant, mais cette prédominance n'est plus
aussi accusée, et, tout depuis, cela va en s'atténuant.
C'est le moment de signaler les protestants les plus
remarquables qu'a produit la région cauchoise. Cela
nous oblige à retourner pour quelques instants en
I. — Os écoles ont disparu par suite de la loi sur l'obliffa-
tion et la neutralisation de l'instruction primaire. Il ne reste
que celle entretenue par les libéralités de Mme Fauquet-Le-
maitre.
— 342 -
arrière afin de combler une lacune.
Au XVIP siècle, nous rencontrons : i» l'historien
Isaac de Larrey, écuyer, sieur de Courmesnil, né à
Lintot (25 janvier 1639) où son père était pasteur,
et mort en 1719 à Berlin où il s"était retiré en lôSv
Parmi ses ouvrages les plus estimés, citons VHis-
toirc d'Angleterre et V Histoire de Louis XIV.
20 Isaac Dumont de Bostaquet, connu par ses
Mémoires auxquels nous avons fait des emprunts. 11
naquit à la Fontelave en 1632 et, après une vie très
mouvementée, mourut en Irlande en 1709.
A la fm du XYIII^ siècle, nous voyons Louis-Ezé-
chias Pouchet, né à Gruchet-le-Valasse, qui fut l'un
des premiers à fonder à Rouen des filatures de coton
et dont le fils, Félix-Archimède Pouchet. et le petit-
fils, Georges Pouchet, furent des naturalistes distin-
gués.
Au XIX" siècle, nous saluons les noms de Nicolas
Poulain, enfant de Luneray, qui fut pendant 23 ans
(1833-1856) pasteur au Havre et ensuite à Luneray
où la maladie l'obligea à prendre sa retraite en 1866,
soit 2 ans avant sa mort (^ avril 1868) : de Carrière,
orientaliste distingué, mort il v a quelques années
professeur à la Sorbonne. et de Raoul Biville, actuel-
lement professeur de droit à la faculté de Caen, tous
deux issus de modestes familles de l'église de Lune-
ray laquelle peut encore revendiquer Albert Réville,
le savant professeur de l'histoire des religions à la
Sorbonne.
Nous ne citerons pas ici tous les pasteurs qui ont
desservi les églises cauchoises depuis l'avènement de
la liberté religieuse. On en trouvera la liste à l'ap-
pendice, pièce n° 16. Nous nous bornerons seule-
ment à nommer, parmi les morts, ceux qui laissè-
rent un souvenir plus particulièrement vivant et per-
sistant : M. Alègre^ qui quitta'Bolbec pour Rouen en
— 343 —
1827, dont l'activité fut surprenante ; M. Paumier,
qui. desservit l'église de Luneray jusqu'en 181 2 épo-
que où il devint, pour 5 ans. le guide de la paroisse
de St-Antoine et de ses nombreuses annexes ; M. de
Félice. qui fut à la tète de l'église de Bolbec de 1828
à 1839 époque à laquelle il alla occuper la chaire de
morale évangélique à la faculté de Montauban ; M.
Jean Réville qui passa dix ans de sa carrière à Lune-
ray (1818-1828; et l'acheva h Dieppe en 1860 où il fut
également fort aimé ; M. Sohier père, dont le minis-
tère dans l'église de Montivilliers f 1820-1830^ fut si
apprécié qu'à sa mort on décida unanimement de le
remplacer par son fils alors étudiant en théologie
pour encore deux ans pendant lesquels l'intérim fut
rempli par les pasteurs voisins ; M. D. Maurel, qui
desservit avec tant de dévouement la paroisse si éten-
due alors de St-Antoine, dont le fils. Th. Maurel, fut
le conducteur apprécié de la paroisse de Montivil-
liers de 1860 à 1891 ; M. Aimeras qui remplaça M.
de Félice à Bolbec (1839-1849) ; ^1. H. Sohier de
^'ermandois. qui fut à la tète de l'église de Bolbec
depuis 1849 jusqu'à sa mort survenue en 1886 ; M.
Bonnard, oui occupa le second poste de pasteur créé
à Bolbec en 1860 ; M. Th. Roller qui succéda à M.
D. Maurel à St-Antoine en 18=^3 et que des raisons de
santé obligèrent en 18=^7 à aller dans le Midi et dont
l'ouvrage sur les Catacombes de Rome restera ; M. L.
René qui remplaça M. Roller en iS=,7 et dont le mi-
nistère prit fin par sa mort survenue en 1896, sept
ans après qu'il eut fondé le Protestant de Normandie.
et enfin, M. Henri Réville dont la longue carrière
(presque ^o ans) dans l'église de Luneray se termina
par sa mort arrivée en 1901.
A partir de 1861, époque où un second poste de
pasteur à la résidence de Lillebonne fut créé, jusqu'en
1884, époque où la paroisse de St-Antoine fut dédou-
— 344 —
blée, M. René eut pour collègue M. Huraut. Lors de
ce dédoublement qui érigeait Lillebonne en paroisse
avec Autre tôt et St-Aubin pour annexes. M. Huraut
fut placé à la tête de cette paroisse nouvelle, où il est
encore. M. René demeura à la tète de la paroisse de
St- Antoine qui ne conservait comme annexes que
St-Romain et Goderville. Fécamp ayant été rattaché
à la paroisse de Bolbec.
Nous ne pouvons omettre de signaler le passage de
M. Montandon et de M. A. Puaux dans l'église de
Luneray, non plus que celui, dans l'église de Bolbec,
de MM. Messines (1879-1886), Jean Laffon 11886-1893)
et Paul Monod (1893-1899).
Toutes les églises de la campagne cauchoise ont
décru comme nombre, quelques-unes considérable-
ment. Cela tient d'abord à ce que les protestants ont
émigré vers les grandes villes en proportion plus
grande que les catholiques. Cela tient en outre à ce
que le vent d'indififéience qui souffle depuis long-
temps déjà rend les mariages mixtes, où le conjoint
protestant abjure sa religion dans sa descendance, de
plus en plus fréquents.
Avant de poser la plume et parce que nous sen-
tons que si l'esprit protestant ne se réveille pas dans
notre chère terre cauchoise, le protestantisme y sera
devenu, avant qu'il soir longtemps, une infime mino-
rité sans influence, nous formons le vœu que ce qu'il
reste de protestants vraiment conscients du ferment
que récèle l'esprit chrétien individualiste, se mettent
en devoir d'éveiller cet esprit dans leur descendance
et de le réveiller dans leur entourage. Que Dieu les
aide !
APPENDICE
PIÈCE N° 1
Arrest criminel rendu en la cliamhre ardente du Parlement
de Rouen le jeudy septième jour de VlUTe l'an quinze cent
quatre vingl-et-ung sur les requesles des gens du Roy, nostre
syre, contre noble homme Jeande Garet, bastard d'Escarmaing,
seigneur de Sainte-Catherine, gentilhomme flamaing cy-devant
capitaine d'une compagnie franche de gens d'armes Braban-
çons, brigadier aux guardes et gens d'armes de Mgr François
de Valois, duc d'Alenson. — noble homme Jean de Garet de
Sainte Calherine, escuyer, sieur de Gazermont et ]\Iontmirel,
forestier et verdier des hayes et forêts d'Arche et de la pa-
roisse d'Auffay-en-Caux, — et nobl(> personne Pierre de Garet,
prieur de Sainte-Catherine cy-devant probstre de la S. Religion
Catholique Apostolique et Romayne et prieur du Prieuré d'Auf-
fay. — Jacob, bastard do Bourbel. — Issacliard de Saint-Gilles, —
Salomon Blanchard, seigneur de la Servaniére, — Jean Vauque-
lin, sieur de la Vauquelinière, ministre hughenot au presche de
Luneray, — Jean de Rabinay, chevallier, dict le prèdican*, —
Moyse de Sauling, seigneur du Mesnil. Saulniz, Jean de Iver-
ment. sieur du Clos-Jacques, — Daniel de Gosnac, — David
d'Affagaird, — Samuel sire d'Heugleville et Malmains, —
Jonathan Dyel, sgr de St-Ygny, — Abraham du Puys, seigneur
de Sandouville, — Michaél Dionis sieur de la Bouverie, — Isaac
de Se Phihbert, seigf de Fauville, — Jean de Port-Mort, sei-
gneur de la Prevostière, Odet de Varvannes, seigneur de
Hayons, tous gentilzhommes hughenolz, contumax et défaillans
à la barreMe justice, accusés et convaincus les I1I« sus-nommés
— 34^ —
(lu nom Garel, de S'" Catlieriiio, de faiilx. malvci'sations, for-
faicliircs, coups, blessures, tentatives de meurtres et liomicides
sur les gens d'esglise, pillaiges et incendies des hiens ecclésias-
tiques, enlèvements el soustractions des registres de baplêmes,
mariages et sépullures de la pai-oissc et bourg d'Aulïay, de pro-
fanation de lieux saincis, violation et sacrilège, vol à main
armée de jour et de nuict dans les églises d'AufTay, Tostes,
Heugleuville, Varvannes, Torcy-le-Grand. liarlremont et Saint-
Germain d'Eslables, violation de sépulture, exhumation de ca-
davres dans le cimetière du Clos--Jacques à Aulïay, exhumation
de corps saincis et bris d'images et simulacres dans la chapelle
Sainct-Ciaude el St-Quenlin du dict lieu et aussi Ions 111^ con-
vaincus de lèze majesté divine et d'adhérence aulx doctrines de
la Relligion Prétendue Réformée et en particulier Garet de
Saincte Catherine, capitaine des llomaings, d'avoir le mardi de
la septmaine de Pasques d'y celle année, virons l'heure de
vespres, dans la noëf de l'église Nostre-f)ame d'AufTay commis
un liomicide volontaire avec violence et coupz d'armes sur la
personne de maistre Nicolas f.e Duc, prebsfre vicaire d'iceluy
lyeu et le vendredy de la même septmaine d'avoir empesché
l'office dans la paroisse de Sainct-Aubin-le-Cauf prez Arches»
en bactant violentant les prebsires et genz de l'église et ce en
ayde et assistance du sieur de Varvannes et du seigneur de
Cosnac.
Garet de Garelmont, verdier d'Arches, de tentative de meur-
tre et homicide sur les prebstres et diacres de l'église d'Heu-
gleville et ce. pendant l'office divin et célébration des saincis
mystères et de dévastation el pillage de l'église de Tourville et
ce en l'ayde et assistance de Jean de Vauquelin et Daniel d'Af-
fagaird. — Pierre de Garet prebstre prieur de Saincle-Calhe-
rine, conjoinctement avec Rubinay dict le prédicant et le sieur
de la Beuverie, d'incendie du prieuré d'AufTay et de ses dé-
pendances et de vol et de rapt à main armée pendant la nuict
des vases sacrez, ci'oix et ornements de l'église de Nostre-Da-
me du dict lieu d'Autfay, quy puiz n'ont pu esire recouvrez au
grand dommage d'ycelle paroisse ; ont esté condamnés, savoir :
— 347 —
Jean Garet de Saiiicle Catherine à estre écarfelé en la ville
de Rouen, au carrefourg- de la Croix-de-l'ierre après avoir, en
préalable faict amende honorable en la forme voulue en chemi-
se et la corde au col soubz le porche de Nostre l)ame-de-la-
Rondo, en présence de l'oCficial et des gens d'église à ce con-
voquez, et, pour le prolit, veu sa contumax, a estre brusié en
effigie sur un échafaud par les officiers des sentences criminel-
les, lecture faicle de Tarrest à haulte voix par le greflier, du
crime au dict lieu de la Croix-de-Pierre ; Jean Garet sieur de
Garetmont et Montmyrel, au bannissement à perpétuité de
toute Testendue du royaulme de France et se il se réprésentait
à estre roué vif en la ville de Houen au dict carrefourg de la
Croix-de-Pierre par les officiers de justice.
Pierre Garet, prieur de Saincte-Catherine, à la prison et ré-
clusion perpétuelle après avoir esté en préalable difTamé et
dégradé en lieu public, veu sa qualité d'église etc.
Leurs biens et héritages déclarez confisqués et acquiz au
Thrésor du roy nostre syre, eux et leurs hoirs déclarez infas-
mes et hérestiques, relaps et bastards, incapaljles de posséder
aulcnnes charges et décliuz à perpétuité des liltres, privilèges
et prérogatives de Testât noble, — ordonnant que larrest sera
leu et publié pendant 1111 dimanches consécutifs aulx prosnes
des églises de tout le diocèse de Rouen et affiché en lieu appa-
rent dans les églises des doyennés de Longueville, Neufchas-
tel, Envermeu, Foulcarmont et Eu, portant injonction à tous
baillifs, seneschaulx lieutenants du criminel, gens d'armes e*^
archers de la conélablie de France de les appréhender et
saisir en tous lieux où ils se représenteront pour ensuite estre
conduilz es prisons du roy notre syre, et délivrez es mains de
justice.
Donné en la chambre ardente du Parlement de Normandie
pour lors séante à Rouen les jour, mois et an que dessus est dict.
En marge est écrit : Le dict arrest n'a esté exécuté ainz a
esté biffé et raturé lors de la paix du royaulme et rentrée du
roy Henry llile en l'année 159 i.
PIÈCE N" 2
Liste de la yOIlLESSE PROTESTAyrE du Pays de C<iu.r
mix environs de iOli)
(Celte liste est loin (Fêti'e complète, car nous avons écarté
beaucoup de gentilshommes certainement cauchois, faute d'avoir
pu étabhr le lieu exact de leur résidence).
Michel l.E PEIGNE, écuyer, sieur de (jrosmenil près de
Bosc-le-Hard.
François de (UVIM.E, sieur du Mont-Roly, paroisse de Fres-
quienne.
Nicolas DE LA BUSSIÈRE. près de Fécamp.
Jacques de la BUSSIÈRE, à Fécamp.
Nicolas DE ROESSE, écuyei-, sieur de Beuzevillette, paroisse
de Beuzevillette.
Jean de VIVEFOY, écuvor, sieur de la Tliuillcric, à Ger-
ville.
Pierre DALENÇON (((ui fut président de réleclion de Monti-
viliiers) à Montiviliiers.
Jean EUDES, écuyer, sieur de Nipiville, à Hailleur.
Jacques MOYNET, sieur de Tencourt.
Alphonse de CIVILI.E. sieur d'Anglesqiieville, à Anglesque-
vilIe-sur-Sàanc.
Jean VIGEli. sieur de Maréfosse, paroisse de I.a Renuiée.
Nicolas DE GRAINDOR, écuyei". sieur de l'Islo, à TouflVeville-
la-Gahle.
Jean de (>.ARRAY, écuyei", avocat au hailliage de ("aux, à
Montiviliiers.
Jean de GOSSEIJN, chevalier, seigiu'ur de Martigny
Compainville, baron de Gaulle.
Charles DUPUIS, chevalier, seigneur de Sandouville, à
Sandouville.
Tristan de lîliAGHON. chcvîilier, seigneur de Bévilliers, à
SenitoG paroisse de (ionfreville-rOrcher.
Nicolas BRIÈPiE, écuyer (ressortissant à l'église de Criquetot).
— 349 —
Samuel PUCHOT, chevalier, seigneur de Bertreville, à Ber-
treville-St-Ouoii.
Christo[)he de HÉIUS, éciiyer, sieur de r.o.ineréauMioiit. à
iîivillc-eu-Cùuix..
leiiai) Dl'MONT, écuyer, sieur de I)Os(a((uel, à i.a Foutelaye.
DK TEUVILLP], écuyer, seigneur de iMauperluis, à Gerville.
Lk VANIER D'HOUGEUVILI.E, écuyer, sieur de Colleviile,
paroisse de ce noui.
DE LA VOULTE, écuyer, à (-riquetot.
deTOCQUËVIELE, sieur du Mesuii-Vasié, à Gouneville.
(lliarles MIFFAUT, écuyer, sieur de (iuil)erviile (y deiueuranl).
Jean ("JIAUVIN, écuyer, sieur de la Neuville.
PUCHOT, écuyer, sieur de Gerpouville, à (lerponville.
Robert OUP«SEL, sieur de la Volière (dans l'éleclion de Moii-
tivilliers).
Jaci|ues iiE CREUY, sieur d'Yliervilip. paroisse du Thil-
]\Ianiie ville.
Jean de RAUQUE.MARE, à Varengeville-sur-Mer.
Isaac DE i.A HAYE, sieur de la Moissonnière, i)aroisse de
IJntot.
Jean de ÇAUQUIGNY, commune de Gerville.
Charles MARTEL, sieur de Rames, paroisse de l^oiselières
(auj. Gonunerville).
PIÈCE N° 3
EGLISES DU PAYS DE CAUX
avant la Révocation
avec h's dates Je leur foiidaiion et de leur destruction
et la liste des pasteurs qui les desservirent.
Luneray
En 1560, fut di'essée l'église de Luneray (Th. de Bèze)
— 350 -
Elle existait avant, car elle est citée au Synode national de
1559. — En i5(l.S, le culte était célél)ré au villao^e de Pitié,
chez le S"" d'Avremesnil, et en 1579 à St-Pifure-le-Vicux, chez
les dames de Lanquetot.
Le temple, qui fut condamné a être démoli par arrêt du 17
mai 1681, avait été construit on 1620.
Pasteurfi :
1560 et années suivantes : Pas de desservants li.ves, mais des
itinérants.
1572 - ? — Cardin Mignot.
1581-1583. — Guillaume de Feugueray.
1585 - ? — Noël nefjnct.
1585-1598. — vSamuel Valables (avec une interruption, car
en novembre 1589 il était réfugié à la Hye.)
1598-1(303. — ?
1603-1609. — Antoine (Jueroult.
1609-1()20. — 1
1620-1660. — Isaac de la Balle.
16()0-1668. — David Hébert.
1668-1675. — Simon IJevaux.
1675-1685. — Jacques de Larrey.
1685. — Abraham Signard.
Bacqueville
(^ette église n'est pas citée avant 1581, mais il y eut un culte
chez le S^ de Bacqueville avant 1560.
Lieu de culte détruit par arrêt du ?
Pasteurs :
1581-1583. — Guillaume de Feugueray.
1585- — Noël Begnet.
1585-1598. — Vatables (avec une interruption, car en no-
vembre lë89 il était réfugié à La Bye).
1598-1603. — ?
- 351 —
1603-1609. — Antoine Gueroulf.
1609-16-20. — Isaac de la lialle.
I6'^0-1 668. — David Hébert.
1668-1675. — Simon Devaiix.
1()75-1685. — Jacques de Larrey.
1685. — Abraham Signard.
Comme on le voit, c'est, à partir de 1581, la même liste que
pour Luneray.
Lindebeuf
Un prêche existait à Lindefeuf eu 1590 et Antoine (nieroult
nous est donné comme en ayant été le ministre. Sous le régime
de l'Edit de Nantes, Lindebeuf était un exercice personnel de
lief. — Temple construit en 1603, démoH par arrêt du 23 avril
1665. Le culte y était célébré par les pasteurs de Luneray-
liacqueville
Longueville
De 1572 à 1580 et peut-être quelques années après il y eut
une église à Longueville. Comme pasteur l'ayant desservie,
(luillaume de Feugueray seul est cité.
Pavilly
Un prêche existait en 1565 chez la dame d'Esneval à Pavilly,
et Guillaume de Feugueray le desservait. Les protestants de
Rouen s'y rendaient en foule.
Autretot
En 1567, le culte était célébré à Autretot, et il dut l'y être
au moins jusqu'en 1585 car nous y voyons comme pasteur à ces
dates extrêmes, Guillaume Coquin (1567), et Noël Regnet (1585).
Sous l'Edit de Nantes, un prêche y existait. Ce furent, en-
semble ou tour à tour, les pasteurs de Luneray-Bacqueville-
Lindebeuf et de Lintot-Montcriquet qui le desservirent.
Démoli par arrêt du ?
— 3^2 —
Bolbec
Hollx'c n'eut pas d'église dans son sein jusqu'à l'avènenienl
lie la liberté i-eligieuse.
C'est au Moiilcri(|iiet (lieC de Fréniontier, paroisse de
St-Jean-de-la-Neuville) et à Lintot que des prêches existèrent
pour les protestants de lîulbec et des environs.
MONTr.IîKH'l'^T
En 1581, l'église élail organisée et avait des anciens. Ses
premiers pasteurs connus sont : de Vallandry jusqu'en 15X5, et
Claude ('charrier dit La Touche. Nous y voyons ensuite, en 15!)1
et 1601, Durdès dit Despoii-.
Frémontier était un exercice de lief bâti sur un terrain fai-
sant partie des donations de la reine Malhilde à l'abbaye du
Valasse. Aussi fut-il des premiers atteints.
bémoli à la suite de l'arrèl du 1659.
PdsteuyK sims l'êdit de Nantes
1603-16:20. — Christophe de Héris, dit de Coqueréauinonl.(^' )
1612 ? — Le Genevoys.
1620-16i4. — Jacques de Larrey.
1(;20-1637. — Jean De la Motte.
1627-1651. — Daniel Gilles.
LiXTOT
En 1578, le culte était célébré à Lintot par M. de Vallandry.
A la suite et sous l'édit de Nantes il le fut par les pasteurs du
Montcriquet, suivant un tour de service arrêté par le Consistoire.
Après la fermeture du prêche du Montcriquet, l'église de
Lintot, démolie à la suite de l'arrêt du 10 mars 16<S1, fut des-
servie par :
de 1660-1682. — Ephraim de llalicmont, Sv de la Voulle.
1669-1(582. — Pégorier, Delaporle et Simon Felles.
1. — En 1601, il habitait Berville-en-Gaux. Ceci nous est ré-
vélé par l'acte de baptême de sa tille du 28 mars, inscrit sur
les registres de Quevilly.
Caudebec-en-Caux
Caudebec-en-Caux avait une église en 150:2 (Th. be Rèze) et
iiu'nie en 1559. Sous l'Etlit de NaïUos, les réroniu'S de Caii-
debec se rendaient à Liiilut.
Lillebonne
Lillebonne avait une église en 15(1:2. Tli. de Bèze en parle,
mais pour dire qu'elle fut dissipée celle année-ln. Sous l'Edit
de Nantes, les réformés de Lillebonne se rendaient, comme
ceux de (laudebec, au prêche de Linlot.
Fécamp
Il y eut une église à Fécamp dès 156:2.
En 1581, l'église de Fécamp était recueillie à Ganzeville.
De 1578 à 1581, elle eut pour pasteurs Vallandry et De La
Touche.
Sous TEdit de Nantes elle enl deux lieux de culte : Mauper-
tuis et Ougerville.
Mai l'KiîTns
(Paroisse de Géréi'illc. iuijourd'liui GcrvUlei
Eglise de lief dès 159() m;iint(Miue sous TEdit de Nante?:
Temple condamné par arrêt du 1(1 mars KiNl.
Pasteurs :
1506- ? . — Robert Lazare.
1600-1617. — Abdias de Montdenis.
1603- ■> . — Dumont.
1606- ? . — LuneroUes.
1626-1661. — Daniel (hiêlode.
1653-1664. — David Blanchard, sieur de la Servanière.
1658-1660. — Josué Bonhomme.
1674-1681. — Abraham Faucon.
1675- ? . — Jac(|ues de Larrey.
1675-1685, — Daniel Hervieu de la Servanière.
23
— 354 -
UrCKU VILLE
(Paroisse de Colleville)
Temple construit en 1G!21), condamné par arrrt tlu 10 mars
1681.
Jusqu'en 1675 le culte y fut célébré par les pasteurs deMau-
pertuis.
Pasteurs à i)artir de 1675
1675-1681. — Daniel IJoursault.
1675-1684. — Daniel Hervieu de la Servanière.
Cany
Cany est cité comme ayant une église en 1562 et 156i.
Harfleur
Th. de Bèze dit que l'église d'Harlleur fut fondée en 1558,
mais nous ne la voyons citée par ailleurs qu'en 1572. Elle était
alors desservie par Claude Charrier dit La Touche. La famille
de Brachon, qui habitait Sénitot, paroisse de GonfrevilIc-l'Or-
cher près d'Harfleur, ayant embrassé la Réforme établit un
prêche dans son manoir qui servit aux protestants d'Harfleur
et de Montivilliers sous l'édit de INantes.
Ce prêche fut démoli en vertu d'un arrêt du 30 juin 1681.
1596-1603
1604- ?
1604- ?
1634- ?
1652-1676
1658-1660
1660- ?
1669-1685
1682- ?
1684-1685
Pasteurs :
— Pierre de la Motte-Muids.
— Elle Boucherot.
— Jean Duboys.
— Jean de la Motte.
— Henri Bespier.
— Josué Bonhomme.
— Henri Latané.
— Jean Taunay.
— César l'égorier.
— De la Motte-Muids.
— 3=^5 —
Turretot
De 1578 à 15X5 l'i'glise tlu Havre i-e i-ecueillil ù Turretot.
Elle y eut pour pastcui's, Pierre (lliarrier dil l.a Touche, et A'a-
landry.
Montivilliers
Monlivilliei-s est cité comme ayant une église en 1555 ; elle
fut dissipée en même temps que celles de Lillebonne et de
Caudebec.
Criquetot-l'Esneval
Eglise fondée en 1596 et démolie à la suite de l'arrêt du 13
août 1683.
Paateuvs :
1596- ? . — Pierre De la MoUe-Muids.
1604- ?
1604- ?
1653-1664
1658- ?
1663-1685
— Elle Boucherot
— Jean Duboys.
— David Ulunehard, sieur de la Servanière.
— .losué lîonliomme.
— Jean Taunav.
Les pasteurs de Sénitot remplissaient les intérims.
Grosmenil, jiinoissc de Cotterranl
(près de Itosc-ie-Hard)
Eut un exercice de fief de UiXI à 1685. — Paul C-ardel en fut
l'unique pasteur.
Le Gaule (Cdulc-Ste-Beuve)
(près de lihuigy)
Avait une église de iief en 1675 et Lepage en élait le pasteur.
Boissai-sur-Eaune
(hameau de Londinieves^)
Avait un prêche en 1572 chez M. de Roissai, et Duval en
était le pasteur. — Sous l'Edit de Nantes, exercice de fiel.
- 356 -
Pasteurs :
1646- ?
. — Jean de Focquemberges.
1653- ?
. — Moïse Carlaull.
1657- ?
. — Pierre Laignel.
1685- ?
. — Gamin.
Les lieux de ces trois églises de fief ne sont pas situés dans
le pays de Caux ; mais comme ils en sont voisins cl (jue l'iiis-
toire de leurs églises ne sera vraisemblablenienl jamais écrile,
nous avons cru devoir mentionner celles-ci dans noire liste.
Nota. — îNous ne pouvons indiquer les millésimes exacis du
commencement et de la Un du ministère de la plupart des pas-
teurs nommés, parce que tous les registres des églises n'exis-
tent plus. Les années extrêmes que nous citons sont celles où
les pasteurs paraissent pour la première et la dernière fois
dans les documents où nous avons puisé. Les noms de pasleurs
accompagnés d'un seul millésime ne paraissent que cette année-
là.
L'ÉGLISE SOUS LA CROIX
Liste des PASTEURS, PROPOSANTS et LAÏQUES
qui tinrent des réunions, prêchèrent et évangélishcnt dans
le pays de Caux
depuis la Révocation jusqu'à l'Edit de tolérauce
1686-1693. — Israël Lecourl, évangéliste.
1695- ? . — Claude Brousson, ministre.
1695-1698. — Jacques Morel, d'Ecuquetot, évangéliste.
1698- ? . — Jean boivin, de St-Nicolas-de-la-Taille, évan-
gélislc.
1712- ? . — D. bcrlin, évangéliste.
1712- ? . — De la Montagne, évanoélisle.
3=^7 —
17I<S
I / 111-
1719-
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1743-1
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1748-
9
174'.)-1
754.
1749-
9
1754-1763.
1755-1
763.
1761-1
763.
1763-
9
1763-1
785.
1785.
- Jean (luecoult, ôos environs do Bolbec, évan-
i^r liste.
■ Doré, évangélislc.
1)(\ la Forgo, proposant.
Chapelle, proposant.
De la Tibourée, proposant.
Dujardin, de Caen, évangéliste.
André Migault dil l'reneuf, proposant.
Viaia, pasieur.
Loyre dit Olivier,. proposant.
.M()i-in (lit l'Epine, évangélisle.
.\ndré Migault dit l'reneuf, devenu ministre.
(lodefroy évangéliste.
Perluson, évangéliste.
(lautier, minisire.
Lévrier, uiinislre.
l.a fîlaquière dit Dutliil ((<am})redon), ministre.
Jean Godelroy, ministre.
Alexandre Ranc, ministre.
Michel François, ministre.
François Mordant dit Dudos, juinistre.
■I.-I). Daumier.
PIECE No 4
Liste de la NOBLESSE PROTESTANTE du Pays de Caux
vers 1670
Jean de RUACHON, seigneur de Révilliers, à Gonfreville-
rOrcher.
Jacques LEVASSEUR, écuyer, sieur d' Antiville, à Bréauté.
Mathieu DAELEXÇON, sieur de Mirville, à Montivilliers.
Jean OURSEL, sieur de la Volière, à Ilarfleur.
Almin de lx MAZURE, écuyer, sieur du Parc, à Angerville-
rOrcher.
— ^s8 —
Jean Le POIGNEUR, clievaliei-, seigneur des Grands Champs,
à (îonimcrville.
Cil. DE RUI{l!]S, écuver, sieur de lîélliencourt, à (ioninier-
ville.
Charles l'OUYEll, sieur de llruinai'e, à Saint-\ igor-d'lmon-
ville.
Josias DE LA HAYE, écuyer, sieur du Monl, à Saint-I^éonard.
Antoine de CANOLVILLE, à lloHeville.
Pierre de CIVILLE, écuyer, sieur du Quesué, à Fresquienne.
Jean de liUlIION, écuyer sieur de NobhMnare, à Fécamp.
Anthoine de lîIUHON, à Gravenchon.
Pierre de BPilHO.N, à Gravenclioii.
Louis CANIVET, sieur de CoUevilIe, à Colleville.
François de CIVILLE, clievalier, seigneur de Rames, à Loi-
selières (auj. commune de (iommerviiie).
Isaac LEFf]I>VIiE, écuyer, sieur de Malieviile, à Fécamp.
Isaac DE LARREY, écuyer, à Monlivilliers.
Samuel de la M AZURE, écuyer, sieur du Parc-d'.\nxlot, aux
Trois-Pierres.
Louis DE SELLES, écuyer, sieur de Leslanville.
Pierre DE LARREY, écuyer, sieur de Rrunbosc, à Gueures.
Jean d'ALLENÇON, écuyer, sieur des Mottes, à Monlivilliers.
Michel iNEL, écuyer, sieur d'Eslrimont, à Lestanville.
Isaac DUMOiNT, sieur de Boslaquet, à La Fontelaye.
Michel DE GOUSTIMESML, écuyer, sieur de Mélamare.
GOUEL, écuyer, sieur de Rellefosse, à AUouville.
Isaac CHEF d'HOSTEL, sieur d'Aniontot, à Sl-Uomain.
GRAINDOR, écuyer, sieur de Frémontier, à St-Jean-de-Ia-
Neuville.
De la HAYE, écuyer, sieur de Lintot.
ISNEL, chevalier-seigneur de St-Gilles-de-Cretot.
Pierre RIGOT, écuyer, sieur de RoUeville.
PUCHOT, écuyer, sieur de Gauderville, à Turretot.
Du PUYS, écuyer, sieur de Guimesnil, Sandouville, etc.
De ROESSE, écuyer, sieur de Feugueray, à Beuzevillette.
SORET, sieur de Pidasne, à RoUeville.
Adam DE LA BAZOCHE, seigneur-baron d'Heugueville.
— 3=^9 —
Isaac C-IIArVLN delà NEUVILLE, ;ï Vareiigevillo-sur-iMor.
I-K VANiMEU, écuyer, sieur d'Ougerville, à Gerville.
Jean EUDES, sieur de Nipiville, à Harlleur.
Isaac EUDP^S, siour de Hruncourl, à Hai-neur.
i'ieiTc MlUiWUT, écuyor, sieur de llocquigny, à Lintot.
Claude MIUFAUT. clievalier-seigneur de Rainfre ville, au châ-
teau d'Augei'ville, jtcès de l>ose-le-Hard.
Tristan hK 1)1!) ULY, écuyer, à St-.lean-tle-Folleville.
De IUCQ, écuyer, seigneur de Saint-Aubin-de-Cretot.
Epiiraiin de HAUUEMOM, sieur de la Voulte, à La Trinité-
du-Mont.
Jean de CliULXMAHE, à Ecretleville-cn-Caux.
Saloinoii DE CIIOIXMARE, à Erretleville-en-Caux.
Abraham i,e l'OlGNEUU, écuyer, sieur du Mouchel, à Gon-
neville.
PIÈCE N° 5
FACTILH yjo»y Mr'- Antoine G AULiBE, pirstre doc-
teur (le l(t i)iaiso)i et société de Sorlioniie. t/ravd arrliidincre
et cliaiioine de l'église (■(ittiédrale de Houen. syndic du clergé
de la province de Nonntaidie. demniideiir,
les Ministres, Anciens et antres de la R. P. /?.. deffendeurs
des temples et exercices publics de la dite religion faits
dans les temples d'Hovgerville, Maupertuis, Bacqueville>
Lunerag. Lintot, Criqvetot. Sénitot, Boscroger, et de
Qnilbenf.
Sur la poursuite faite par le demandeur devant MM. les com-
missaires députés par S. iM. jjour l'exécution de l'Edit de Nan-
tes en la province de Normandie, dans la généralité de Rouen,
les deffendeurs ayant produit les titres et pièces en vertu des-
quels ils prétendoient deffendre les temples et exercices publics
de leur rehgioii dans les lieux cy-dessus, les dits sieurs coni-
— ^6o —
niissaii'es se sont paringoz, l'un élant d'avis que les dits tem-
ples dévoient (Hre drmolis et rexorrice public de leur religion
interdit aux dits lieux : ol l'aulri' quR Ions les dils temples et
exercices publics dcnoient èli'e maintenus et continuez. Le dit
partage a été remis au greffe du conseil avec les titres et piè-
ces sm' lesquelles il est intervenu et depuis distribué à M. Bou-
cherot, conseiller d'état pour être jugés à son rapport.
Auparavant que d'entrer dans la discussion particulière des
temples contestez, il sera bon de remarquer que les sept pre-
miers temples cy-dessus dénommez se trouvent tous dans le
bailliage de Caux, eu outre les doux temples de bailliage, deux
autres temples démolis et plusieurs exercices particuliers de la
dite religion qui se font cliez les gentilshommes au droit de
leurs tiefs. Qwoyqu'il soit l'un des plus petits bailliages de Nor-
mandie et (pie devant l'éditde Nanles l'amiral de Villars, l'un
des grands ennemis de la d. religion en fut le gouverneur.
Tellement que si la prétention des deffendeurs avoit lieu
il faudrait dire que l'amiral de Villars, ennemi déclaré de la d.
religion aurait souffert dans une partie de son gouvernement
neuf ou dix exercices publics d'icelle avant l'Edil de Nantes,
contre et au préjudice des édils précédents, qui ne permeltoient
qu'un exercice public dans chaque bailliage en outre ceux qui
se faisoient chez les gentilshommes au droit cie leurs fiefs.
Ceux qui savent l'histoire et qui ont connu l'esprit et la ma-
nière d'agir du dit sieur de Villars ne se persuaderont jamais
cela de luy. Aussi verra-t-on dans la suite que tous les dits
temples que les deflendeurs réclament comme temples de sai-
sie et de possession en vei-tu de l'article 9 de l'Edit de Nantes
ont été bruis longtemps après le dit édit dans les paroisses où
les gentilshommes faisoient auparavant l'exercice particulier de
la d. religion dans leurs maisons en vertu des art. 5 et 6 de
l'édit de 1577 et des 7. et 8 de l'Edit de Nantes.
En sorte qu'au temps de l'pjdit de Nantes, ce n'étoient que
des exercices particuliers rpii se faisoient chez les gentilshom-
mes lau droit de leurs fiefs que les deffendeurs ont depuis édi-
fiez en des exercices réels et publics, par le moyen des temples
- 36i -
qu'ils ont fait bâtir sur des héritages qui leur ont été donnez
dépendant des fiefs des d. genlilshomnies.
Les defîendeurs n'os(>nl pas dii-c qu'ils eussent droit de faire
ce cliangemeiit parce qu'il n'y a jamais eu d'édit ni déclarai ion
du roy (pii leur ait donné celle liberté. Us se retranchent à sou-
tenir opiniâtrement qu'ils possèdent les dits temples aux termes
du d. art. 9 de l'Edit de Nantes quoy qu'ils n'en lassent aucune
preuve, et que les pièces (|u'ils ont produites justifient le con-
traire.
Suit un long- passage que nous résumons : I/art. 9 reijuiert
trois conditions : fo exercice public établi avant J51XJ-97 ;
2° culte y célébré plusieurs fois ces mêmes années ; ?>^ et que
ce culte y eût été céléliré publiquement.
Les défendeurs ne peuvent pi'ouver l'exercice public avant
l5!)r)-97, mais ils justifient qu'ils existait ces mêmes années et
déclarent cela sui'lisant. à (pu)i le factuni l'é^poiul que ces exer-
cices n'étaient pas fixes, mais déandjulanis et par conséquent
ne répondent pas à la condition premièi-e (pie l'ésume le mot
''lahli. Pour l'aulinu- du faclum, les exercices se faisaient tantôt
à une place, tantôt à une autre, mais aucuns dans les paroisses
des temples contestés, lieprenons la citation textuelle :
On fera voir par les propres pièces que les delfendeurs ont
remises pour chacun des dits temples, en particulier que celui
de
Maupertuis
fut bali en 16ïii sur un héritage donné à cet elfet pur le S' de
Teu ville ; Celui d'
Hou ger ville
en 1629 sur un autre héritage donné par le S'' d'IIougerville !
Celui de
Lintot
au lieu et place d'une grange (|ui leur coùtoit 200 livres, qu'ils
avoient fait poi'ter sur une pièce de terre que le S'' de Lintot
leur avait donné en 1623 ; Celui de
Criquetot
en 1(>(I(S sur deux vei'i^rcs de lerre (iiic le S'' île, la Voiili; leur
donna proche sa maison avec nn diiiil de chemin pour y
aller ; C-elui de
Sénitot
en lOoO sur liH perches de terre (jne le sieur de liévilliers leur
avait données dès l'année l()0(S.
On ne peut dire au certain en (luelles années furent hàlis
ceux de
Bacqueville
et de
Luneray
parce que les deffendeurs n'ont point produit de registres de
(Consistoire, mais il estcerlain el jiislilié par leurs pièces que l'un
et l'autre des dils tem}»les ont été hàlis longtemps après l'Edit
de Nantes, sur des héritages j)articulieis on il n'y avoit jamais
eu d'exercice de la dite religion.
L'auteur ])onrsuit en inIV'ranI de cela (|ue ces temples doivent
élr(> démolis et ({ue les défendeurs sont mal venus à dire que
l'art. (1 permet de hàlir des lieux poui' l'exercice de leur reli-
gion dans les villes et places où cela leur est accordé, attendu
que ce ne p(>ut s'entendre que pour les exercices puhlics de
bailliage et sur désignation de l'emplacement i»ar les ofiiciers
du roi. Il y a donc en entreprises de leur part contre les édits
et déclarations royales et conire l'église catholique. Les })ièces
qu'ils produisent ne prouvent nullement (ju'il existât un exercice
public aux lieux des temples contestés pendant les années
1596-97, mais seulement (pi'il y avait eu quelques exercices
particuliers chez les genlilshonnnes des pai'oisses où l'on a édi-
fié des temples depuis. Leui's pièces sont de trois sortes:
U'abord un acte des commissaires (pii furent envoyés en Nor-
mandie pour l'exécution de l'Edit en IIKIO, acte ipii leur lut ilé-
livré en comnuui. non seulement |)our les exercices contestés,
mais aussi pour deux autres dénommt;s
— 3^63 —
Montcriquet
et Lindebeuf
lesquels ont élé depuis iiilcrdils par deux arrêts donnés on 1639
et 1663. Par cet acte « les detlcndeurs sont permis de continuer
l'exercice de leur religion en tous les dits lieux comme ils fai-
soient auparavant, sans préjudice de ceux qui pourroient y
avoir intérêt à l'avenir. »
En suit(> des extraits de synodes et colloques ipii prouvent
que les ministres des églises contestées avaient élé appelés à
ces assemblées ecclésiastiques.
Enfin, des registres de baptêmes, de mariages et de consis-
toires.
Helnlivement à l'acte des commissaires de 1600, le factum
(lit (|u'il n'est d'aucune considération parce qu'il permet aux
défendeurs de continuer les exercices antérieurs dans la ma-
nière où ils se taisaient, ce dont ils s'étaient écartés, ainsi
qu'on l'avait reconnu en condamnant les temples de Mont-
crirpu't et de Lindebeuf.
Pour ce qui est des extraits de synodes et collo(pies il dit
(|u"ils ne prouvent rien puisque les ministres des exercices par-
ticuliers et personnels sont aussi ajiiielés aux Synodes et collo-
ques. — .Même réponse en ce qui concerne les baptêmes et
mariages et consistoires puisqu'ils se font aussi dans les exer-
cices particuliers.
Le factum aborde ensuite l'examen en détail des mêmes piè-
ces pour cliacun des exercices contestés, et en veut tirer la
preuve que ces exercices étaient personnels.
Pour les temples de Maupertuis et d'Hougerville « les dellen-
deurs ont remis (juatre extraits de synodes et colloques et
deux registres de baptêmes, de mariages et de consistoires,
quatre extraits de synodes et de colloques.
« Comme les d. extraits de synodes et de colloques ne parlent
en aucune manière des dits exercices de ^Ltupertnis et d'Hou-
gerville ou n'y répondra rien.
« Au regard des deux registres de baptêmes et de mariages
.— 3^4 —
et (le consisloii'cs ils iirouvoiil (''vidciiiiiiciil Irois clioscs :
« 1» Que ledit t'xcrcico de Maiipci'liiis ii',! (■(iMiiin'iict' (|U(' sur la
lin de 151)7 et celui d'Iloiigerville sur la fin de iry.lC). t" One
l'un et l'autre des d. exercices n'étaient (]U(> îles exercices per-
sonnels de lief dans leurs coniiuencemenls ; ?>" Qu'ils ont été
changés en des exercices réels et publics, savoir: celui de Mau-
pcrtuis en I6!2i, (|ue le temple ilu dit lieu lut hàli sui' uw liéri-
tage qui lui fut donné par le Si' de Teiiville, et celui d'ilouger-
ville, en 1629, par un autre liéritage par le S'' d'IIougerville ».
IvC factuni entre ensuite dans des arguties indigues telles
que faire étal de ce (pie le l''i' mariage enregisli'i'" est du "![
décembre 1597 et le premier baplème du '.'> septembre même
année pour Hougerville, et le jf' baplènr; pour Mauperluis
du 25 août 15913 pour dire que le culte n'était pas célébré dans
ces lieux ces mêmes années ; puis, pour prouver {|ue les cxei"-
cices étaient des exercices pt'rsonnels cilei' le titre même des
registres : lit'disties des Btijitniws des nifaiils <jui ont été
baptisez ev Véyline de Fi'cainii. recncilUc es fiefs d'Hougerville
et de Mdiqiertuis.
« Le registre du C.onsisloire enseigne le temps (|ne les d.
exercices ont été changés en exercices réels et publics.
« Sur la lin de la I5i^ page du d. registre il se trouve un art.
qui i)orle : que le lundi 10 lévrier 16^5 M. de Teuvill(> (qui
était |)Our lors seigneur de Maupertuis) ayant donné à cette
église une place pour bàtii- un temple, on a cessé de prescher
dans sa court le :25 novembre 1G24, et l'on a commencé à
prescher dans le temple bâti dans la d. place le 8 décembre
1624.
« Le dernier art. de la page 176 du i-(^gistre 1, marque aussi
le temps du même changement de celui d'ilougerville, il porte
que le 28 décembre 1629, compte a été rendu par M. le con-
trollenr des deniers employez à la constrvction du temple
d' Hougerville ».
Le factum infère de cela que la preuve est faite du change-
ment des exercices personnels en exercices publics pour Mau-
pertuis et Hougerville et dit que les temples de
- 36s -
Bacqueville
et de Luneray
ne peuvent éviter un pai-eil iu_nemenf, d'autant plus que leur
condaninalion est préjuiiée })ar l'arrêt du 23 avril 1665 condam-
nant le temple de Lindebeuf a être démoli et interdisant l'exer-
cice de la religion dans ce lieu, puisque les défendeurs ne pré-
sentent, pour les défendre, que les pièces sur lesquelles l'arrêt
du ïJ3 avril 1665 est intervenu. p]n ell'el, continue-t-il, le re-
gistre des baptêmes et mariages produit servait à la fois pour
Lindebeuf, bacqueville et Luneray ; l'acte des commissaires de
1600 parle de bacqueville et Luneray dans les mêmes ternies
(pie de Lindebeuf. et toutes les pièces i)roduitfS indi(pieiit qu'il
n'y avait (pi'un ministre pour les trois exercices, et aucun re-
gistre de consistoire n'est j)résenté d'où il conclut qu'ils ne
formaient même pas un consistoire à eux trois. Il va mèuie
jus(]u'à aflinuer (|ue le registre des baptêmes et mariages est
un livre refait en IQ'Î'È dans lequel on n'a fait entrer (pie ce
(}u'on a cru ne pouvoir faire découvrir l'usurpation, ce qui est
démontré par ce fait que tout semble de la même main et de la
même encre, ajoutant qu'au surplus, le livre serait-il vrai, il
ne serait d'aucune considération, les bajitêmes et les mariages
ne prouvant pas les exercices publics.
Les extraits de synodes et colloques que « les deffendeurs ont
remis pour les temples en question sont au nombre de quatre.
Les trois premiers ne portent autre chose que le S'' Gueroult,
ministre de Lindebeuf, bacqueville et Luneray auroit comparu
aux d. synodes ; et le 4»' qui est du colloque tenu à Dieppe le
28 octobre 1597, porte qu'il sera baillé à la veuve du sieur des
Vallons la somme de 7 écus et deniy, dont l'église de Dieppe
fournira douze livres dix sols, celle de (Iriquetot six livres et
celles de Lindebeuf, Bacqueville et Luneray 4 livres ».
Si ces pièces, déclare l'auteur du libelle, « sont snflisantes
pour justifier les exercices contestés, alors il y a eu injustice à
condamner celui de Lindebeuf.
(( Si la condamnation de celuy de Lindebeuf a été légitime,
— 366 —
elle sera encore plus juste pour les d. temples de Bacqueville
et de JAiiicray puisqu'en outre (jue l'on ne remet point d'autres
jtièces que celles qui furent produites pour Lindeheuf. il se
trouve des défauts dans ces derniers qui n'titoient point au
premier ; savoir qu'ils sont bâtis l'un et l'autre sur des sei-
gneuries ecclésiastiques ; celuy de Itacqiu'vilile sur un fief
appartenant à l'abbaye de Fécamp, et celui de Luneray sur un
lief qui appartient à l'abbaye de Tyron.
«Les deffendeurs n'ont pas méconnu ce fait, mais ils ont sou-
tenu par leur écrit qu'ils avoient droit de faire l'exercice de
leur religion sur les fiefs des ecclésiastiques.
« Le demandeur n'ojjpose à tout ce qu'ils ont pu dire sur ce
sujet que la déclaration du roy de l'année 1656 qui porte dans
l'art. 4 que ceu.v de la R. P. R. ne pourront faire l'e.xercice de
leur religion au lieu où il y a arclievêcliez et évécbez n'y aux
lieux et seigneuries appartenant aux ecclésiasti(ines.
« L'arrest du conseil donné en 1639 contrele temple de Mont-
criquet dans le même bailliage et qui étoit aussi compris dans
le d. acte des commissaires de l'année 1600 fait bien voir
que telle a toujours été l'intention de nos roys, puisqu'il ne
porte pas seulenuMit l'interdiclion de l'exercice de la d. reli-
gion au lieu oîi étoit bâti le dit temple, mais aussi sur toutes
les terres dépendantes de l'abbaye du Valasse ».
Le factum se poursuit en disant qu'il reste à répondre à un
acte des commissaires envoyés en 1612 pour régler quelques
différents entre catboliques et protestants touchant l'exécution
de l'Edit à Bacqueville et concluant à la continuation de
j'exercice public dans ce lieu. Les commissaires outrepassèrent
leurs commissions, dit le factum, car ils ne devaient s'occuper
que de la question des cimetières, qui était en litige, ou plutôt
ils furent l'objet d'une surprise et ce (pii le prouve c'est (|ue le
temple de Baccjueville était construit sur un fief upparlenanl à
l'aumônier de Fécamp.
(Jroira-t-on « que des counnissaires du roy eussent autoriséen
termes exprès un exercice public de la R. I*. It. au fîef d'une
abbaye contre les édits et déclarations du roy et les arrests de
- 3^1 —
son conseil qui l'ont toujours interdit ; il faut bien qu'il y ait
eu là (juelque chose (jue l'on entend point.
« Les défendeurs font un grand fort de ce que le dit acte porte
que les catholiques qui s'opposaient au d. exercice avoient re-
connu qu'il sefaisoitau dit lieupenilantles années 159(5 et 1597».
Et l'auteur du factuni répond que c'est encore là une surprise
puisque cet énoncé n'est suivi ni appuyé d'aucune signature
catholique et que l'aulorité des commissaires ne pouvait èlre si
grande qu'ils pussent enfreindre les déclarations royales, et
qu'au surplus, s'ils l'ont fait scienuuent, c'est qu'ils savaient
([u'alors les réformés avaient de puissantes armées sur pied, ce
qui les obligeait à accorder quelque chose aux nécessités du
moment, à quoi on ne doit plus avoir égard à présent.
En résumé, pour le faclum, le changement des exercices
particuliers en exercices publics est manifeste et contraire à
l'Edit, et les temples de liacqueville et de l^uneray doivent être
condamnés comme celui de Lindebeuf l'a été.
Lintot
« Au regard du temple de Lintot, il y a plusieurs raisons pour
eu faire juger la démolition.
« lu Les deflVndeurs neprouventpar aucunes pièces qu'il y eust
un exercice public de leur religion élably au d. lieu pendant les
années L7J6 et lù97 ; — 2" Il se voit par leurs propres pièces
que ce n'étoit qu'un exercice personnel de lief qui se faisoit
dans la maison du sieur de Lintot connue pi'étendant avoir un
lief de Haubert, auparavant l'année 1623 que le d. sieur de
Lintot leur donna un héritage pour bâtir un temple sur son mê-
me lief; — oo II est justifié par un procèz-verbal d'arpentage
que le dit temple n'est éloigné de l'église paroissiale (compris
le cimetière) que de 54 toises, et il est rapporté par informa-
tion autlienthique que les voix du dit temple se portent jusque
dans la dite église, et troublent le service divin spécialement
quand l'on fait la procession autour de la d. église. »
Le factum dit qu'il ne faut qu'un coup d'œil pour voir que
les pièces produites ne prouvent pas d'exercice public avant
— 368 —
l'Edit, ce dont les défondeurs se rendent si bien compte qu'ils
se sont avisés de reniellre quelques pièces qui font mention
d'un exercice qui se faisait à lîolhoc. prétendant que ce qui
est appelé Vêfjlisc de liolbec dans ces pièces n'est pas autre
chose que l'église de I.intot. (îes pièces sont un registres « in-
forme j> (ju'iis disent être celui de la d. église, et quelques (ex-
traits de synodes et colloques tenus entre 159i et 1600 « qui
ne font mention que de la dite église prétendue de Bolbec et
des ministres (jui la desservaient alteniativenient avec celle de
Fécamp. » Ces pièces, prouvant justement (pie l'église de liol-
bec et celle de Lintot sont distinctes, le temple de Linlot doit
être démoli. Et voici comment l'auteur échafaude son asser-
tion :
Premièrement, il se voit dans les conunencements du dit re-
gistre (|ue ceux de la d. église prétendue de Holbec ne per-
mettoient à leur ministre d'aller faire le préclie à Linlot (pi'aii
jeudi seulement parce qu'ils en avoient besoin pour faire leur
exercice de religion, aux dimanches et fesles solennelles, et
par consé(pient l'exercice de la d. religion qui se faisoit à Un-
lot, le jeudi seulenu^nt et celui qui se faisoit à liollebec aux di-
manches et festes solennelles étoicnt deux exercices diUérenls
qui se faisoient en divers lieux.
Dans le dernier de plusieurs articles du dit registre que les
deffendeurs ont remis par extrait à pari, il est porté : Qite les
frères du quartier de Liiitot ont demandé qu'ils eussent te
presche alternatif ce qni levr a été accordé à condition que
les jeudis et les festes il se fera à Frémontier (c'esl-à-dire à
Montcriquet).
On ne dira pas ({ue le quartier de Linlot se fit cette demande
à soy-mème ? 11 falloit que ce fust à la d. église de liollebec
puisque cela se trouve dans son l'egistre, et que le dit presche
alternatif présupose deux lieux diilerenls oii se faisoit le pres-
che alternativement.
Et comme si ces syllogismes ne suffisaient pas pour des ju-
ges prévenus, l'auteur ajoute : L'extrait du synode tenu à Caen
au mois d'avril 1600 qui esl le dernier de ceux réunis j)ar les
(Iftrciult'iii's. Iiiil pncorc celle [trciivi» jtliis ciiiiv;iincanle ; il
[lorle (jiH' 11' Ni' (/(' Moiiidciiis. iiiiiiislrr. ilrsscfrira aUeninli-
nnnent les ci/lises fie Fècdmjt cl de linUrhec à lu cliitnic (/ti'il
assistera le (jimitier de Linlol selon su (•(ttiniioililé. El (•(•mnic
concUision, les dellcndeurs sorti de mauvaise loi et il n'y a ])as
à faire é(al de l'autre reiiislre produit et (|ui s'appelle Uegistre
de ('('(/lise réformée de hoUiec. Toutefois, on fait des remarques
à son sujet : Il contient trois parties cousues ensemble. Les dé-
lihéralioiis que contient la première ne sont pas signées et par
conséquent ne peuvent faire foi. I,es deux autres parties par-
lent des aumônes, baptêmes et mariaiies laits en divei-s lieux ;
l'ien n'esl signé ipi'en l'aiinée llVJT el d'ime encre plus nouvelle
que lout le l'csle, ce ipii inlirine tout irMuo:i;iiag(^ de ce l'egisli'e
dont ini arlicle porte <jiie le l:> aoiil l.'ilJ,") le s/cir de l.iiilol fui
iiiiirié (in iireselie (jni fut fiiil en sa maison, d'où on ne peut
inférer (pie le presche se iaisait ailleur,- en 1.7.10 et \7)\)1. l.e
conlraire se manifeste dans l'acie de M.M. les connnissaii'es de
l'annéM» lOOO par leipud il se voil que ceux de i.iiitul deman-
doient la continuation de l'exei-cice de leur religionau dit lieu de
Lintot parce que leseigneui- ilu d. lieu le leui' permeitoit dans
son tief qu'étoit tief de lianberl. On ajoute à celte pi'euve littérale
lii'ée des propres pièces des deffendeurs une ])reuve vocale que
l'on lire d'une iidoi'mali(Ui remise an ])i'ocès, par laipielleil se voit
qu'il n'va pas encoi'c cinipianle ans qu'il ne ^e faisoitpnini d'au-
tre ])rèclie en la d. pal■oi^^e de Liniol (pie dans la maison du sei-
gneurde la d. paroisse, el (jihî l'on coimneiK'a de le faireliors de la
d. maison lors(pie ceux de la d. religion achelèreni une grange
d'un nommi'' Tesson pour le prix de Ï^OII I. hopielle ils piu'tè-
renl sur une pièce de leiTe (jiie le d. sien;' de T>iiilol leui'
avoil donni'c pai- (•(Uilr.il de riniiii'e i^'d'A, remis au pi'ocez,
dans hupielle gi'ange ils comniencèrent à laire le presclie et l'y
conlinnèi-eiit jusipu's an teiiq>« (pie le d. templi; de Montcriquet
(pii n'en était pas (''loigné ayant elT- condanmé pai- le d. arrèl tie
105!) ils ahaltireni la dile grange el lirenl bàlii- le lenqile (pu se
voit de pi-ésent au même lieu.
L'auteur poursuit. .Nous résumons : Le conuiiissaire de 1600
24
— 370 —
dit que l'é^'^lise lit; Itoihoc avait pour annexes , celle de Mont-
(•i'i(iiiet, démolie en JG.")'.), et celle de. Liiitot. Mais l'article 1) de
l'Edit ne donne pas dniil à ces annexes de deveinr jamais des
exercices publics. Le coMmiissaii'e a conldiidii : il a pi'is pour
un exercice public ce (|iii n'i'tait (|u"im exercice iicisonnel, cl
comme celui de Montcriipiet, le temple de Lintot ddit être con-
damné, et, ce (|ui l'a induit en erreur c'est (jii'il suppose, con-
tre vérité, qu'il y avait un cimelière public à Mulot au temps
de l'édil, ce qui n'est conlirmé par aucune pièce.
Et pour en lermineravec Lintot, le l'actuin produit les (Miorniités
suivantes : Il faut (pie ceux de la 1». I'. II. ayenl une éti'auiie
babilude de tronijuer les écritures pour les a[)pli(juer à leurs
sens, puisque le d. commissaire a bien osé dans son avis qu'il
a envoyé au conseil sur le partage dont il s'agit tronquer la
disposition de l'extrait de leur synode tenu à C-aen au mois
d'avril KKK) qu'ils ont remis au |)rocez, tirant ses inductions du
dit extrait connue s'il ne parlait que de leur église pr('' tendue
de Fécamp quoy qu'il porte en tenues foriuels que : Le sinir
(le Moiitdcnls. iniiiistrc. ilesscirira réf/li.v de liollelirc et celle
(le Fécdiiip (iltniKilirciiienl. et assisteni le (jitditier de Lintot
à sa niitniiodité. il devoit considéi-er (jn»; nos seii^neurs du
conseil ne vouderoienl pas ce partage sans voir les pièces.
Cecy n'est rapporté qu'à lin de faire connoitre (|ue le d. S""
commissaire delà lî. P. R. n'en use pas de bonne foi et qu'il
met tout en ordre pour surprendre la religion de nos seigneurs
du Conseil. Il suppose encore trop liardiment, (|uand il dit qu'il
y a un acte rapporté dans le d. registre du <S avril 15!)6, i)ar
lequel paroit (ju'il y avait deux ministres au dit lieu de Lintot
savoir le sieur de Monldenis et le sieur Lazare. On verra par
la lecture du dit ai'ticle qu'il n'y est aucunement parlé du d,
lieu de Lintot.
L'avantage que le d. Sieui' Commissaire prétend tirer d'un
autre ai-ticle du d. registre du '21 oct. 151)5 (pii porte que la
dame de Lintot avoit envoyé son aumône à la d. église préten-
due de liollebec luy es! absolinneut contraire ; parce qu'il fait
encore voir (pie l'e\(^i'cic(^ d(! la d. l'cligion (pii se faisoit au d.
— n^ —
lieu (le 1-liitot n'(Hoit qu'un exercice pni'ticuller piiisqiio, la dame
du dit lieu envoyait ses aumônes à la dite église prétendue de
liollebec qui avoit son exercice ailleurs connue il a esté justifié
cy-dessus. Enfin on peut dire que tout manque à la défense du
d. temple de Lintot. Les deffendeurs ont eux-mêmes remis un
contrat par lequel il se voit (|ue riiéritage sur le([uel le dit tem-
j)le est bàty ne leur fut donné qu'en l(3!23.
11 est prouvé par une information qui est au procez et par
l'acte même de messieurs Us cf.nimissaires de l'année IGOÛ,
dont ils font tant de fort, (pie l'exercice de la dite religion ne
se faisoit auparavant la dite donation que dans la maison du d.
sieur de Lintot, au droit de son lief, qu'il disoit licf de hau-
bert.
H se voit par un pi'Ocez-verLal d'arpenlage dont les delîer,-
deurs conviennent ipie le d. tcnqjle n'est éloigné du ciiiielière
dans lequel est l'église paroissiale, que de 5i toises. En sorte
(|ue le service divin de la d. église est souvent troublé par les
chants qui se font dans le dit temple les dimanches et fêles
solennelles pendant la messe paroissiale, suivant (|u'il est rap-
porté par la d. information.
Les deffendeurs, au surplus, n'ont remis que des pièces infor-
mes ({ui ne portent seing ni approbation l(''gitim(\ Ils sup|)osent
encore hardiment contre vérité (|ue ce qui est ap|)el('' dans les
d. pièces, l'église de liollebec éloit l'exercice de leur religion
qui se faisait à Lintot et les mêmes pièces néanmoins pi-ouvent
le contraire.
Dans tous les lieux on il est parlé de Lintot, il s(; voit mani-
festement que l'exercice de la d. église prétendue de IJolbec, et
celui de Lintot se faisoient en différents lieux, que celuy de
Lintot se faisoit rarement et seulement au jeudy ou en quelques
autres jours particuhers de la semaine selon la commothté du
ministre qui desservoit alternativement la d. église prétendue
de Bollebec et celle de Fécamp... Les d. pièces rapportent
même qu'en l'année 1595 le prresche se faisoit dans la n-.aison du
seigneur de Lintot et qu'il y fut marié.
Après cela peut-on douter que cet exercice réel et public (jui
— ^72 —
se fait présentement dans un temple ma,unili(jU(* au dit lieu de
Linlot soit mie enli'P|)nse manilesle coiilre et au iiréjudice des
/■dils et drclafiilidii^ du roy et (|u'ii est ridicule aux dclIrudiMirs
de le n'clarici- au dioil de l'arl. 'J de l'Kdil de .Nanles.
Criquetot
l.c teiii|de de (',i'i(|ucl()l lu- se |icul jias mieux ^dulcuii' i|Ui'
les autres... Tout ce (|ue l'on peut induire îles luèces ceuiises
à son étiard est (pi'aux années irii)!, 9.*), '.Ili el !)7 il y avuit des
liei'.sonnes de la I!. !'. 11. dans la paroisse de (',ri(|uelol e| dans
les villages voisins, lesquels sasseudjloienl île l'ois à auh'es l'I
i'aisoient des exercices de leur religion, parlicidicrs et di-am-
bulants, tantôt dans un village, tantôt dans lui autre, chez les
gentilshommes et autres particuliers, selon (|ue chacun d'eux
le récpiéroit, sans (piil y eust en ces temps là aucun lieu pu-
blic ni particulier destiné à cet elï'et et (pii depuis ce temps là
s'étant joints avec un exercice personnel de licHpii commença
chez le S'' de lîévilhers dans la paroisse de Sénilot, ils se reti-
rèrent chez le S'' de la Voûte (|ui éloil un gentilhomme de la
l)aroisse de ('.ri(|uetol où ils firent un presche aliernatil' avec le,
.^'' de lîévilliers jusqu'en Tannée KiOX que le d. sieui' de la
Voûte leur donna une portion de terre hors Tenclos de sa mai-
son poui" y hàtir un temple, et un chemin pour y aller ; pour
laquelle portion de terre ayant présenti'' le droil d'indemnité à
un seigneur calholi(pu' dont elle relevoit le d. seigneur le re-
iusa el soutint (pi'ils ne pouvoient bàlii- de temple sur les hé-
ritages dépendants de sa seigneurie, sur «pujy inlervinl un pi'o-
cez lequel étant porté au Conseil y est demeuré indécis, parce
que le (lit seigneur seroit décédé dans sa poursuite.
Kt dans la suite, comme ces sortes d'exercices se I'aisoient
rarement et par emprunt seulement, n'ayant pas moyen d'en-
Irelenir un ministi'e, il lut arrêté dans un synode tenu à ( laen
an Midis de may KilT», ra))p(U'té dans le regisire de la pré((>ndue
église de [•'(•cainp recu( illie aux liel's d'ilougervilh' et de .Mau-
perluis <pH' ces deux e.xei'cices allei'nalils de (^ri(pielot et de
liévilliers seroient joints avec l'églis^i prétendue de Fécamj» re-
cueillie aux iiefs de Maupertuis et d'Hougerville. dont il est
parlé cy-dessus, et que le tout ne feroit qu'une demi-portion
d'église foible, et néanmoins dans tous ces quatre lieux qui
ne dévoient tous ensemble faire qu'une demie-portion d'église
aible il y a présentement quatre temples publics que l'on com-
bat, où les deffendeurs prétendent droit de faire quatre exer-
cices réels et publics de leur religion avec toutes leurs dépen-
dances.
Voilà (juelle est la véritable liistoire de l'exercice et du tem-
ple de C-riquetot duquel il s'agit telle qu'elle se fait connoître
par les pièces que les deffendeurs ont eux-mêmes i-emises au
procez.
Premièremeiil par un registre remis jiar les detfendeurs pour
le dit leuiple de ('ri(|uetot fait en forme de mémoire de ce (|ui
s'est passé au dit exercice de Ci-i(|uetot ; il se voit dans le
('•'• article de la '.)<• page que le li\ décembre ITiiCi : H fut
accordé mi sieur de hi Vnuie (|ui demeuroit dans la paroisse
de Criquetot que les (tsseinblées se feraient dans sa maison, à
la réserre que si quelqus-ims des autres désiroient avoir
quelquefois le presclie chez eux, aux jours de feste ils lepoiir-
roievt aroir. Et dans l'art. 3 du 17^ feuillet, il est porté (|ue
cet arrest fut fait cliez le sieur de (ii'andval. où se tenoit le
prescbe le dit jour. Il se remarque déjà par là (|ue poni" lors
ce n'était qu'un exei'cice particuliei- qui ne se l'aisoit que prae-
cai'io. tanlost cliez l'un et tantost cliez l'autre, suivant (|ue les
|tarticuliers le re (ueroient ; et qu'il n'y avoit aucun lieu public
destiné à cet ellél.
I.elU"' article du ()•' feuillet purle ([ue le 10 aoust lo95 il fut
arrêté que si le dit S'' de la Voûte refnsoit les assemblées cliez
lui, ou iroil dans la tuaison d'Aliraliaiii QVENEL qui de-
ineuroit dans la paroisse de Turretot.
f.e |i'i' art. du feuillel \) porte (pie le 27 aoust /.j'.V.'>. la pro-
messe (fui avait esté faite au dil sieur de la l'oule d'aller faire
le /iresclii' dans sa maison éhiil rét raclée.
Dans l'extrait que les défendeurs ont remis du registre de
leurs mariages, ils reniai'quent que les U'i-, 3'= et 6« articles clu
— 374 -
14': feuillet (hi d. regislre foiil nio:ilioii de Irois mariages
fails au pi'osclio Icini chez le siour Dalnemont le I i octobre
\:m\.
Va dans le dil arl. .'! du 17'' feuillel du dit regislre il est
éci'il : Que ce t/iii nroil l'Ii' iironus au dil siciii' di' la Voiite
de tenir /^'.s' ((ssenihlées dans sa in/iisoii lit;/ iiroil élè eovfii'mê
le 'il juin 1ol)7.
Telleineut que pai' les art. du dil regislre cy-dessus i'a|)|)()r-
tés il se voit (|u'au uiuis (1(! (l(''ceiid)i-e laOi, le pi-esclic se fai-
soil cliez le S'de (ii-audval el (lu'eii ce lieu là un avait promis
au sieur de la Voule, de l'alhM- faii-e dans sa maison de (Iri-
quetot, à la réserve que si (|uelques autres le demandoient
chez eux quelques festes de la semaine, ou iroit l'y faire si le
temps le pei-metloil ; qu'en l'année 1595. la promesse faite au
d. sieur de la Voûte d'aller faire le presche dans sa maison fut
rétractée el arrêté que jiar son l'efus on irait le faire chez
Ahraham Quesnel dims la paroisse de Turretot ; qu'en Tannée
159B le d. jtresche se faisoit chez le Si' Dalnemont dans la pa-
roisse d'Alnemonl. el (|u'(mi 1507 on commença à le faire chez
led. sieur de la Voule, après que la première promesse (|ui luy
avoil été faite eut été coutirmée.
Et partant il est vray de dire que cepi-étendii exercice par-
ticuliei et déambulant qui se faisoit par emprunt tantost dans
un village, tantost dans un auli'e chez b's particuliers qui le
vouloieiil avoir dans leurs maisons sans qu'il y oust aucun lieu
lixé ni destiné à cet efïel.
El le factum infère de cela (|u"on ne peut dir(> que c'était un
exei'cice réel et public comnu^ le requiert l'art. Dde l'édit. lîien
plus, dit-il, car il se voit dans le registre, 2^ arl. du feuillet 5,
vei-so, « Que le 23 avril 1595. il fut arreslé (|ue l'on présen-
teroit une, riMpiéle au Si' de Tocquevillc pour avoir son lief du
Mesnil-Vasté (|ui (»sl dans la paroisse de Gonneville », et dans
l'ai'l. suivant : « d'autant que l'édit de 1577 permet eu outre
les fiefs (le haubei'l, qu'il soit nonmu'; par l'exercice de la reli-
gion au bailliage, des bourgs villes el villages, nous avons eleu
pour la CDiniiiDdilé du peuple; (|uati-e bourgs, savoir : Fécamp-
Godorvillo. lîollfboc e( CriijiK^ot. « Et puis, si IVxcM'cico pu-
blic avait été établi à Criijueiot. auraiciit-ils demandé au Sr do
Tocquovilk' son fief du M('snil-\'asl(> poiii- y pouvoir faire le
presche '! » Et le factum se poursuit en disant qu'au prétendu
reg-istre des mariages, art. X du 14« feuillet, il se voit (/ne le
2S (hrenihir l.^i'Jd il fui (irrcsti- tjii'il i/ aiiyoit <) l'ave}ùr (piatre
pers())ni('s pour (tvoir la charf/c de diacre dana cette éf/lise :
deux pour le (iiuntier de Crifjnetot et deux pour celvij de Bé-
villiers : et dans Fari. "2 du !.")« feuillet, que le dit jnnr 2H dé-
ceiiilire l'i'.Hi il fui iii-reslé que lex censures se lieiidroient à
l'cnririr (tlleruntirenicnt à Criquetot et à Bevitlliers ce qui
prouve qu'il n'y avait qu'un seul et même exerciee déam-
bulant ; ((ui' cet exercice n'était point eiicoi'c établi (M1 lôUG et
ne pouvait être compris dans l'art. '.) ; que l'exercice de Hé-
villiers n'était qu'ini simple exercice» de fief qui ne faisait
qu'un avec ("-riepietot et ne peut conipter |)ourun exercici; réel
et public, ce ([ui se trouve confirmé par l'arrêté du synode de
Caen de i()25 ({ui déclare joindre l'exercice de Révilliers avec
celui de Criquetot et ceux d'Houg-erville et de Maupertuis pour
le tout ne re[)résenter qu'une demie portion d'église faible.
Quand nii'me on supposerait que 1 exercice qui avait lieu dans
la maison du sieur de la Vout(; suivant l'an-été du 21 juin I5!)7
(u'it été un exercice public, il ne s'en suivrait pas que le temple
bâti en KiOS sur la portion de terrain donnée par M. de la
Voiit(» fut un exercice public puisqu'ayant été construit sans la
permission du roy, il constitue une entreprise manifeste contre
les ('(lits et déclarations du roy, et notamment contre l'art. 1er
de la conférence de Nérac, accordée en faveur de ceux de la
li. I'. R. qui porte en termes formels que : Quand ceux de la
d. religion voxulront transférer le lien de leur exercice jmhlic,
ils présenteront requête au roi/, pour leur être pourvu. Au
surplus, (lit l'auteur, en terminant son r(''([uisitoire contre Cri-
quetot «■ nos seigneurs du Conseil verront que les deffendeurs
qui sont obligez de justifier qu'il y avoit un exercice public de
leur religion établi au lieu où ils le prétendent continuer, aux
d, années 1596 et 1597, n'en justifient aucune chose. Les piè-
~ '7<' -
ces niriiics i)riiMi|i;il('> (jii ils oui rciiii-cs ;'i ccl cllcl soiil iiifur-
iiii's, Mi)l;iiMiiH'iil leur |iri''lrii(lii Iim'c du (Itiiisisloii-i; i\\\\ n'est
couvcil (|ii(' (l'un iiior-ccnii ilo |i;i|iicr. cl (|iii ik; iiortc pour titre
(|U(' le nom (le iiii''iii(iii'('. s;iiis ;iii(iiiic iipproliiilioii léijitime ; et
l'Hiles les (I. pièces pi'iiuveiil ;'i (|iii mieux luieiix (pi";iupar;\viuil
l'edil cl loiiLileiiips encore ;i;!|-cs. eeuv de la II. I'. 1!. de Cri-
ipielot cl des vilhii^cs voisins ne liiisoient (pie des exei'cices par-
lifuiiers de leur reliiiioii, eiicor(i a-sez rareuu.Mil, lcs(|ii(;ls
('ttiieiil di'aiiil)ulaloir(>s, taiilosl dans un villaf;-e tanlosl dans un
aiili'c. cliez les pai'liciiliers (|ui \ti deiiiandoieni, lelleniénl (pie
si l'on accordait des exercices publics de la d. relii^ioii dans
tous les lieux oi"i h; dil exercic(! se i'aisoil. les deU'eiuleiirs aii-
roienl di'oil d'eu i'i''clamei' plusieurs au lieu de celiiy ipii esl
coiilesU''. Kl ce ipii luaripu! encore ipie le d. exercice u'('loil
(|iruii exei'cice parliculiei' (jui se faisoil UK'iiie eu secrel. c'est
(pie dans \t'. U'c arlicle du (if feuillet du d. livre du Cjiu.sisloire
il esl porli'' (pie siiiviiiil l'iiris ou iiiijit)ii('i'ail des (ii'iiics en sc-
cii'l. Si c'sa\(iit ('■(('' un exercice piililic on se sei'oil bien iiar(l(!',
d'ein|ilo\('r dans le dil li\re. (pii ;iuroi( (''!('' public, un arr("'!('' de
celle iialui-e, (pii I'aisoil un crime de l('ze-majeslé.
Kniin. il y a tant de l'aisons diiï(''rentes et couvaiucaules conire
le (lit temple el service public de Ciriipielol, (pie le demaiideur
a[ipr(''lieiide d'(''tre ennuyeux dans le r(''cil d'icelles. ('.'esl pour-
(pioi il en laisse encore beaucoup d'autres parc(> (pi'il croil (pi'il
y (Ui a cy-dessus plus (|ue suOisammeut pour y l'aire Jn^ier la
d(;nu)lition du dit temple de (lri(juetot, et interdire l'exercice
public de la d. l'elii^iou au dil lien.
Sénitot
Au regard du lemple di; Scuiilol, on peut dire (|ue l'entreprise
v.n est si manii'este contre l'édil (|um1 y a lieu de s'élonner (jue
le S' commissaire de la d. relii^ioii ne l'a pas abandoniK'', puis-
(jue toutes les {ii(''ces remises par les delï'endeurs, toutes infor-
mes qu'elles sont, justilienl évidemuient qu'auparavant l'année
l()oO rpie le d. temple fut l)àly sur un Ik-rilai^e que leur donna
le S'' de l)(''villiers, ce u'étoil qu'un simple exercice personnej
- 377 —
de liof qui st; faisoit de ibis à nuire dans la maison du d. Si de
Hévilliers. l'i-eniièremeiit les (ieflciideurs conviennent que cet
exercice, auparavant la d. année 10;!0 oii le temple fui hàly.
n"avoit jamais été appelé que l'exercice de liévillicrs ; toutes
les pièces (|u"ils ont remises ne luy donnent point d'autre nom
[larce (pie le lief au droit duquel il se faisoit porte le nom de
Bévilliers (pii est situé dans la paroisse de Sénilot dont il a pris
le nom depuis que le d. temple a été bâty.
Les deux registres de baptêmes el de mariages (|u'ils uni re-
mis portent pour titre : Rcuislir des biiplênies et des nnirioges
ftiils en réf/Iise réformer rcnieilUe iia lieu de M. de Bérilliers.
\a\ conclusion et l'approhation du d. l'egistre des baptêmes
qui est signée au pied du d. registre parle encore bien plus
expr<'ssénu'nl parce ([u'elle porte en termes exprès (pie : Tous
les bapl(''in('s y spécifiez de|)uis le dernier avril I59G jus(pren
la d. amiée Idoi). avaient ('Mé fails dans la maison du Si' de lié.
villiiM's ( lieuviller).
Kl le faciuni de dire : l'eut-on soutenir (pi'un tel exercice
(pii a porlé jus(pi"en KJoO le nom de bévilliers, soit autre cbose
(priai cxiTcicc de lief ".' ('.e|ienilant les dclléiiileurs le soulieii-
iiciil en se basant sur ce lait (pie le lief de M. de I!(''villiers
iTélail pas un fief de Haubert, et iprun r^xercice dans une mai-
son parliculière pouvait et dans respéc(>, était un exercice pu-
blic, mais ils n'établissent point qu'il en était devenu ainsi de ce-
lui en cause avant lOoO et encore par enli-eprise conire lesédits-
l,es |)iéces jii'odiiites en faveur du dit (emple n'ont pas be-
soin d'aiilre contestalion (pie la générale (pii a été faite cy-
dessus conire les registres de baptêmes et de mariages, car
les extraits de synodes ne prouvent pas non plus d'exercice pu-
blic puis(pie les ministres des exercices de fief étaient appelés
aux synodes et colloques comme les nn'nistres des exercices pu-
blics.
Quant aux deux actes de commissaires de IGOO et I612 qui
ont été remis par les deffendeurs il en sera dit ceci : le premier
est le même (|ue celui ipii a été présenté pour les autres tem-
ples : le second ne porte que pennission de tenir école dans la
- 57« -
villo frUarflenr ot d'un arcroissemont do cimotière dans la mô-
me ville. — ce (|ui ne pronve en rien l'exercice réel et jtublic
« mais seulenieiil t\\ù'n la d. année 1612 ceux de la relig-ion se
prévaloient si bien de la f'àclieuse conjoncture des temps et des
armées qu'ils avoient sur pied qne l'on aimoit mieux leur accor-
der quelque chose contraire aux édilsque de rentrer en d<( nou-
velles guerres avec eux pendant la minorité du roy Louis Xlll,
comme étoit celle de leur permettre des écoles publiques dans
la ville d'IIarfleur quoiqu'il n'y eut point d'exercice public de
leur religion. De dire que cela ne lut accordé que parce (pi'il
y avoit un exercice public à Sénitot ({ui n'est pas éloigné de la
(1. ville d'IIarfleur c'est parler directement contre l'art. 3S des
art. particuliers qui furent accordés à ceux de la d. religion en
conséquence de l'Edit de Nantes qui poi-te (/n'ils lie pouvrotit
tenir escoles jmbliqvcs que dmis les rilles et lieux oit l'e.veyriee
liulilic (te leur religiou sera ('lahli/.
Sénitot étant une paroisse sans dépendance de la ville trilar-
fleur ce serait mal à propos qu'on prétendrait induire de et;
(pi'on a autorisé des écoles à Harfleur en 16 1!?. ipie l'exercice
(Hait public à Sénitot, vu que les écoles ne sont pei-uiises que
dans les mêmes lieux où sont permis les exercices publics.
Voici la conclusion du factum en ce qui regarde Sénitot : Au
reste, si l'on fait encore i-éflexion sur ce quy est remarqué cy-
dessus pour l'exercice de C-riqnetot, lequel étant alternatif avec
celuy-cy en l'année 162r) lut joint avec ceux d'Ilougerville, et
de Maupertuis, par leur synode tenu à Caeu eu la d. année et
que tous les dits exercices eilsend)le furent déclarés ne faire
qu'une demie-poi-tion d'église foible. qu'elles conséquences
peut-on tirer de ces quatre exei'cices publics qu'ils avoient
dans le même bailliage à Dieppe et procbe le Havre (Sanvic)
et que quand on a fait bâtir quatre temples publics en ces qua-
tre lieux, pour en faire quatre exercices publics ; c'est une des
plus effrontées entreprises qu'ayenl eiu'ore fait ceux de la d.
religion en ce regard, contre et au préjiulice des édits (pi'ils
réclament.
Le factum se poursuit el se termine pai' des consid(''rations
— 379 —
de iiièino nature contre les temples de Boscroger et de Quille-
beuf poursuivis en même temps.
PIECE N° 6
ARRKT vouIk m inrniihe iiistiDicc le II anil KIS.') portant
cuixlininiatuDi de ilive)scs pe)'so)nies et ordomunit lu dé-
molition, des prcclies de Sduvicet de Cri<juetot.
I.a cour déclare « Marie Moncourt et Marie Pertuzon (toutes
« deux contumaces), Jean Lamy, Marie Durand, Marie (jOU-
« dard, Abraham Hauchecorne et Jean l.elièvre. convaincus du
« crime de relaps [)onr avoir fait alijuration de la Piéforme, et
« l'avoir ensuite professée publiquement.
I liobert Mesanguel et Pierre Uoquerel, convaincus d'avoir,
« au mépris des ordres du roi, souffert queElie etGédéon Bouil-
« ling. enfants de Hacbel Mesanguel dont elle élait tutrice, se soient
« retirés dans la maison de leurs parents de la religion prétendue
• réformée quilesontmenés au temple de Sanvic et de Criquetot
« sans leur avoir donné ni souffert, qu'on leur eût donné une ins-
« tructiondelareligioncatholi(fue,quoiqu"ilsfussentàgésdemoins
« de 14 ans et (jue par ordi-e du roi ils eussent été remis à cet
« effet entre les mains de la dite Mesenguel qui s'était çfBrn-
(( vertie à la religion catholique.
« La dame lîréaulé, aïeule des enfants lloiiiiling. lesnonnnés
« IJouilling, Mesenguel et Le fîenjuier, aïeul et oncles des dits
« enfants, anciens des temples de Criquetot et de Sauvic. d'avoir
« pareillement, au mépris des ordres du l'oi, relire en leurs
« maisons les dits enfants pendant le temps qu'ils devaient res-
« ter avec leur mère, de s'être opposés à leur instruction à la
« religion calholi(jue, de les avoir subornés, et leur avoir, avec
« précipitation et de concert fait passer la déclaration de choix
« de la religion réformée à leur poursuite, et les avoir menés
c et fait mener aux prêches de Sanvic et de Criquetot, en en-
— .;8.) —
« p:a}4caiil la dilo j\I(''sonj;uel à y conseiilir par des iiili'iV-l.s
« particiilici's.
« Les ministres Guérard et Taunay soiil déclarés coupables
« d'avoir souHert aux dits prêches de Saiivic et Criquetot des
<! relaps et des enfants au-dessous de 14 ans de père et mère
€ convertis à la religion catlioli(jue et autres contraventions
« des dits ministres aux édits et déclarations du roi.
« En (iOnséquence,
« Les dites Moncourt et l'ertuzon sont condamnées (par con-
« tumace) en cent cinquante livres d'amende et à faire amende
« honorable, tête et pieds nus et en chemise en la t'oi'nie ordi •
« naire, un cierge à la main, un écrileau sur la poitrine avec
« ces mots : In'i'êtiquc et l'elaps dans les audiences de la cour
« et des jui'idictions du liavri' et de Monlivilliers, et devant les
« portes de l'église cathédrale de liouen et de celles du Havre
« et de Monlivilliers ; elles sont bannies dn royaume à per-
ï pétnité, et leurs biens conlisqnés.
« Jean Lamy, Marie Godai'd, Marie Durand, Abraham Han-
« checonne, Jean Leiièvre, vu leui- abjiu'atiun, sont renvoyés
" à la clémence dn roi.
« Les nommés Bouilling, Mesengnel et Lel!er(piier sont con-
« damnés, ainsi que Iiachel Mésenguel, son mari. Jeainie
« lîréanté et Anne Lamy, en trente livres d'amende.
« Les ministres Guérard et Taunay sont aussi condanniés en
« centlivres d'amende, interdits dans l'exercice de leni' ministère,
" et il leur <>st enjoint de se retirer à vingt lieues du lemple.
Et la sentence se termine ainsi : « Les temples de Sanvic et
«t de Criquetot seront démolis et rasés jusqu'aux t'ondemenis et
« sui' leur enq)tacement sera posée une croix de pieri-e d(^
« vingt pieds d'élévation et aux armes dn roi d.
M)'a]irès A. ^Jartin, Hisf. df Saiivi^, p. 'ill, i-epidilnil pin-
Amplioux, Essai ski- l'hist. /ht prufcsf. mi J[/ir)-i'. ]>. 1 N.")- 1 NU ) .
— 381 —
PIÈCE N° 7
AURICST lie lu Cour ilc Purlcmenl iln l.iLioiil IGSo iiortaiit
lu iléiiiolitioii du /iifsclii' lin Hiini'. /lit Saiiric. ri île relui
lie ('.)iijiielol .
Vcii |i;ir l;i cour les |ii(K'(''s l'xiraoï'diiiaireiiiciit coiiiiiieiicez
liar le liailli de ('.aux ou sou liculciiaul criuiincl au siègo du Ha-
vrti de Gi'àee, et le lieuteiiaul i^éiu'ial de .Moulivilliei's, à la re-
(juesle et diligence des subsliluls du lu-ocuicui' général du Iloy,
aux dits sièges, en exécution des arrests de la ciuu- des dou-
/iesnies févi"ier et ciu(juièine de mars dernier contre les mi-
nistres et autres personnes l'aisant protession de la religion pré-
tendue l'éformée dans les presclies de Sanvic et de C-riquetot :
l.rs dits procès depuis continuez et inslruils pni- le dit lieute-
nant criminel du Havre en exécution d'autre airest de la Cour
(lu dixième avril dernier contre les dits ministres et autres de
la il. P. li. des dits presclies de Sanvic et de Criquetot pour
contraventions par eux laites aux ('-dils et déclai'ations du Roy.
Le dit arrest cy-dessus, datte du 1:2 l'évritM- dernier par lequel
entr'autres choses il est ordonn('' qu'il sera informé des dites
contraventions par le dit lieutenant criminel du Havre. Actes
exercez au dit siège du Havre les vingt-deuxième may, quin-
zième juin, 31 décembre 1683 et 4 janvier 1684. (lopie d'arrês,
lin Conseil du troisième may 1683, qui ordonne qu'Elie et Gé-
di'on lUniilling. enfants au-dessous de l'âge de 14 ans, seront
mis entre les mains de liacliel Mézenguel. leur mère et tutrice,
s'étant convertie à la religion catholique, apostolique et ro-
maine. Réquisitoire dudit substitut au dit lieu du Havre pour
être informé du contenu aux dits arrèsts de la Cour. Exploits
d'assignations aux témoins, information faite- en conséquence
le dix-septième février dernier et autres jours suivants, tou-
illant les mauvais moyens pratiques pour empêcher l'éducation
l't l'instruction à la religion catholique, apostolique et romaine
des dils Elie et (iédéon Bouilluig, et Anne-Marie Maucourt,
— 3^2 ""
prévenue ihi criiiic de rcl.ips, et plusioiirs niitros accusez, ('.oïl-
liiiiialiuii (l'iiiloriiialiiiu du vingl-scplièinc du dit mois. Ilécla-
ralions de Sa MajcslV' des 17 juin IGSii. cl K) l'évrici- dcucuicnl
cin('i;isli'(M's. Le dil arrest d(! la Cour du ciiKpjièuic jour de
mais KiS.") par Idjucl il esl oi'douué (pie le dit presclie de San-
vic sei'a i'ei'uié el si-eii(', (|u"il sera coiiliuué d'informer par le
dil lieuleuanl ci'imiiiel du Havi'i! des diles conlravenlioiis, cir-
constaïu'cs el dépendances, et (pie maître .Jac(|ues Hamel, lieu-
tenant "('lierai de la Vicomte du Navre, sera assigné pour (''Ire
ouv devant les conseillers-comniissaires de la < loin', sm' ce (pii
avait été l'ait au dil procès et les articles qui seront donnez pur
le dit procureui' général du lîoy. Procès-verbaux d'apposition
de scellez au.v portes du pr(''clie de Sanvic du 10 du dit mois.
Procès-verhal de la i'uile et absence de la dite Alaucour. (lonli-
nualion d'Information du ciiMpiiènie dudit mois et autres joiu's
suivants contre Jean r,amy, Louis Benurd, Marie Durand, .lean
Le Houx, Alexandre i>e ^'allois et Elle liouilllng. (lertllicals des
sieurs curés de I>rettevllle el de Kroi)erville. Seiilenee du dit
juge du Havre du dixiènu* du dit mois ({ui ordonne (jue le dit
précbe de Crlipietot sera fermé et scellé. Procès-verbaux d'ap-
position de scellez aux portes dudit presclie de ("ii'i([U( lot et en
présence dudit juge du onzième du dit mois et an. Inlerroga-
lolre preste par le dit Hanielpar devant les conseillers-commis-
saires les 17 et 19 mars dernier. Autres inlerrogaloires prêtez
par devant le dit juge du Havre par maître .lean Taunay, mi-
nistre de Criquetot, et liacliel Mésenguel du dit 19 mars 1685
Réquisitoires du dit substitut tant contre niaiire Mcolas
(niérard, ministre de Sanvic, pour discours par kiy prétendus
tenus dans le dit presclie de Sanvic. que contre Elisabelb (lam-
pion, veuve de Jean Vincent, pour avoir élevé ses enfants,
n'ayant encore atteint l'âge de 14 ans, à la 1». P. P». quoyijue
leur pèi-e fût mort dans la religion catlioli(pie, apostolique et
romaine, (lominc aussi contre Marie (ioudard et Marie Perlu-
son prétendues relaps, des (S et 2ï mars et premier avril au dit
an. Iiifornialions sui' ce laites contre les dits (luérard, Elisa-
betli (iamplon, Mario (ioudard, et Marie Pei'tuson les H, oO et
- 3^3 -
31 mars, :2 el 3 avi-il. Interrosialoires des dits (iuérard et Elisa^
botli (lampion des IlO et 1^'.) mars et "2 avi'il dernier. Kxti-ait de
l'abjuralion l'aile de la dilc li. I'. II. par la dite l'erluson entre
les mains du sieur eui-r de .N.-l). du Havre h; '2.") Janvier KiTl.
Seulence du i'' du mois d'avi'il dernii i', donut'c par le dit juge
(|;ii déeerne prise ds cor|)s eoulre la dite l'ertuson, et ordonne
([u'Ester liarbf', dile JAH'omte 'de la dile ville du Havre, sera
assignée pour être ouye sui' les cliai'i^cs du proeès. liéquisi-
toire du dit substitut au dit sieste de Moiitivilliers, des 10 et 1:2
mai's, pour être inlormé tles contraveiilions laites aux édils et
déclarations du roy par les dits di; la 11 I'. II. du dit |)réclie
de ('a'i(|uetot et pour être dressé [)rocès-verbal du nondire des
familles faisant proi'ession de la H. I'. lî. dans le dit lieu de;
C.riciuetot. Information faite en conséijui'nce du dit jour et
autres suivans contre les dits Lauiy, liénard, Le lîuii.\. Le \al-
lois, la nommée le Daim, Langlois, sa femme et sa fille et iMarie
t^allard. Comme aussi pour infoi'uier du prétendu consistoire
tenu au dit prèclie de Criquelol, en l'absente du juge royal,
le tlimaiicbe on/ième jour ilu dit mois de mars dernier, Sen-
tence du dit Juge de M(Uilivilliers (jui oi'donne (jue le dit pres-
clie de (Iriquetot sera fermé et scellé du douzième du dit mois.
Procès-verbal du nondjre des familles des personnes de la
li. P. Pi. resséanles au dit lieu de Criquetot du 13 du dit mois.
Conclusions du dit substitut étant à la lin du dit procès-verbal.
Autre procès-verbal du li du dit mois faisant mention que le
dit presche de Criquetot s'est trouvé fermé et scellé en exécu-
tion de la sentence du dit Juge du Havre. Interrogatoires du
dit Taunay, ministre de Criquetot, et des dites Marie Le Sau-
vage, Anne Lamy, et Jean Lamy, du 17 du dit mois. Sentence
donnée le dit jour sur le réquisitoire du dit substitut qui déclare
le nombre des familles des dits de la il. P. 15. resséants au lieu
de Cri(iuetot moins que suffisant et, en conséquence, ordonne
(|ue le dit presclie demeurera fermé et l'exercice d'iceluy inter-
dit [tour toujours, et que Jean Lamy sera, par provision, élevé
à la religion cadiolicjue, apostoliipie et romaine. Interrogatoire
des dits Jean Le lioux, Benard, Durand, Callard et Abrabam
- }^4 -
lliiiuliecornc du lll du dil iiinis. licfollt^iiieiit des IcMiKiiiis diidil
juin-, ('.(iiiri'diiliilidiis des dils téiiioins ,ui\ dils Taïuiay, mini>lf('
llaiiclicciirni' cl Marie Callacd des l'.l, riti cl '^M diniil iimis Af
mars (Ici-nici'. An'csi de la <-(iiii' du dix a\ril siiixanl (jui nrddiiiie
ijuc l'iiislnicliiiii des [inicès cdiilre les dils de la li. I'. 1!. des
|iresclies de Saiivic (il iU' ('.ri(|iicl()t sera roiiliiiiic jusquà jiiLie-
mciil diMiiiilil oxcliisivomeiil j)ar le dil liciileiiaiil criiuiiicl du
Havre : i\n''.[ cel ellcl, ce (|iii aurait l'té f'ail au dil siècle de
Moiilivillicrs serai! iiorlT' au i^relle du dit Havre et les piùsou-
iiici's claiil dans les |ii'is(ins du dil .Mdiilivilliei's serenl Iraiis-
Icrés en celles du Ilavi-e. cl ce]iendarit (|U(> les seuleuc(>s du
dil juge de iMonlivilliers seraient exéculées, ce faisant ((lie l'exer-
ciee daus le dit jtresiîlie de (Iriquclot sej'ait iiilcrdil |Miur
toujours, ny ayant des familles en nombre suflisani selon riii-
lention de S. M. et ordonne pareillement le dil arrest (|ue Jean
Lamy et les eiilanls de l'en Jean Vincent seraient élevés à la
religion cnllioliqne, apostolique et romaine avec (leHens(^ à la
dite Klisaljclli C.ampion, mère des dits Vineent, et à tous autres
de la dite !>. I*. 1!. d'y appoi'ter aucun empèclieinent. cl ipTil
sei-a pourveu pai- le dit juge du Havre à la lihei'lé des dils
accusez, ayant déclaré vouloir se convertir à la religion c;illio-
lique, apostolique et romaine, et de les renvoyei- devant tel
preslre qu'il jugera plus propre pour recevoir leur abjuralion sans
préjudice né'anmoinsdes peines ordonn(''esi)ar les édils el declara-
lionsdeSa Majesté pour la punition des crimes de relaps et de per-
version s'il y écliet. (lontiiiuation d'information faites par le dil
juge du Havre contre les dites Goudard et Pertusoii des ',) et
1 1 avril, 23 et 2!) may dei'iiier. Sentence du dit juge du Havre
du U avril qui ordonne ([ue les dits enfants du dit delléiil \ in-
cent seront élev(''s à la l'elig. catli. apost. et rom. ll('Mrel de
]>i"is(> de corps d(''ceiiié jiar le dit juge du 12 du dit mois contre
l(^ dit (luérard. miiiisli'c. l'rocès-v ei'hal d'empi'isonneiiicnl de sa
persomie du j 'i du dil mois. Déclaration du dit sieur curé du
Havre, toiiclianl la dite l'ertuson du 11 may. Interrogatoires
prêtez par les dils Klie et (iédéon liouilling, Jacob Le lierquier,
et Judith .Mésengucl, .leanne Hréaiité, Judilli Le J\Ior, Jean Le
- 3^^ -
lîonx. f.oiiis Henarfl, Alexainln' I.o Vallois, Suzanne Varin, le
dit Guérard, niinistrr, Mario (iondai'd, Ksllicr liai'ljH dite Le
(iOnito, Abraliani Haucliecdriic, .Maiic lluiaiid cl .Icnii Kainy,
des 17, -21 et 23 mars, i), 10, 1 i, 1(3. 17 et 18 avril et "il iiiay
au dit au. Procès-verbal de la conduite faite vrAbraliam Hau-
cbecorue, Marie Durand et Marie f.allard des pi"isoiis du dit
Montivilliers en celle du dit Havre du 10 avril. Répétitions des
dits Marie Goudard et Jean Laniy, Abrabam Hauclieconie et
Marie Durand sur leurs interrogatoii'es des 11 et !25 niay et 8
juin. Cahiers de recollement des témoins des 30 avi-il, 2, 4, l'i,
21, 22, 24, 29 et 30 may et 8 juin. Diligences à baon et défauts
obtenus contre les dits Maucoin-t et l'ertuson des 14 et 31
mars, 3, 10, 13 et 21 aviil, 8, 17 et 28 may. Autres cahiers de
recollement pour valoir confi'ontalion aux dits Maucourt et
Pertuson des 3. 5, 7. 8, 10, 29 et 30 may el 8 juin, «laliirrs de
confrontation des témoins aux dits Elie et (jéiiéon liouilliuf;',
Guérard, ministre, Elisabeth G;mipion, .ludilli l.euu'i-, Marie
Goudard et .Jean l.amy des 30 avril, I, 3, 4. .">. 7, 8, !), 10. 11,
12, 14, 17, 21, 22, 24, 29 et .30 may. 4 et 8 juin d des dits
Jean Lamy et Marie Goudard au dit Gu(''rard, ministre des 16 et
25 may. Copies des actes d'abjurations faites de la dite li. P. H.
par les dits Elie et (îédéon Houilino-, Jean l-amy, Isaac et Ju-
dith Vincent, Abraham llauchecorne, Marier Caliard et Marie
Durand les 19 et 21 avril dernier. Autre information faite contre
Jean Le Lièvre et Bourel, prétendus relaps les l<'i", ."), 13, et 14
juin. Sentence qui décerne prise de corps sur les dits (jelièvre
et Bourel du dit jour 14 juin. Procès-verbal de l'emprisonne-
ment du dit Le Lièvre, du 10 du dit mois. Autre procès-verbal
de perquisition faite de la dite Dourel et de son absence du dit
jour. Extrait de l'abjuration faite de la 11. P. IS. pai- la dite
Bourel entre les mains du sieur curé de Saint-Sauveur de
Rouen, du 10 juin 1674. Interrogatoire du dit Lelièvre du 17
juin dernier. Interrogatoire dudit Taunay, ministre, des 8 et 20
du dit mois. Recollement des témoins des 22 et 23 du dit mois.
Gabiers de confrontation faites aux dits Le Lièvi'e et Taunay,
ministre, des 8, 22, et 23 du dit mois. Autre cahier de confron-
— )iib —
(;ilions faites des dits Aliraliam Ilaucheconie. Marie Durand cl
Jean Lamy au dit Taiinay, niiiiislre, des H et 19 juin. Acte de
la déclaration passée par le dit Jean Le Lièvre de se vouloir
convertir à la relij^ion catliolirpie, apostolique et romaine du 2H
du dit mois. Sentence du dit juge du Havre, du L) mais der-
nier, (jui condamne les anciens du prêche de Sanvic de repré-
senter les registres mentionnés aux arrests de la Cour des L2
février et 5 mars dernier dans le mardy suivant, à ])eine de
500 L d'amenae. lUMjueste des dits anciens du 17 du dit mois.
Autre sentence du l"! avi'il (|ui les coiulamne de salisCaiie à la
susdite sentence dans le samedy suivant, anlrenicnl (juc la dilc
amende de 500 I. sera exécutée. Autres sentences des Ki i-l li
avi'il qui ordonnent l'exécution des précédentes. Ordonnances
nonobstant Tapiicl des dits anciens et leui' prise à pai'tie et
qu'ils demeureront arrestez jusqu'à ce (|u"ils aient satisfait.
Procès-verbal d'emprisonnement de Pierre (lodin et Piei're .Mé-
zenguel, anciens de la li. P. li. du prêche de Sanvic du dit
jour li. avril. Actes des 18 et 19 may par lesquels les dits an-
ciens ayant déclaré persister à leur appel et se désister de la
|»rise à partie, provision leur est accordée de leurs personnes
aux cautions de David Godin et Pierre Beaulils. Sentence du 27
du dit mois qui enjoint aux dits ministres et autres cy-dessus de
se rendre incessamment à la suite de la Cour. Plusieurs autres
actes, exploits d'assignations, procédures et pièces jointes au
dit procès. Les inventaires d'icelles. liequête pi'ésentée à la
cour par les dits Taunay et (juérard, ministres, du 'i juillet der-
nier, pour avoir acte de leur présence. Autre requeste du 6
juin dernier, des dits Godin et Mesenguel pour être receus appe-
lans de la dite sentence du 14 avril dernier. Conclusions du
procureur général du roy et tout ce (jui a été fait et produit au
dit procès et ouy le rappoi't du sieur Fauvel de Touvens, con-
seiller-commissaire. Tout considéré :
La Cour a déclaré les défauts bien pris et obtenus contre les
dit<'s Marie Maucourt et Marie Pertuson, et pour le })r()lit de la
contumace, les a déclan'-es ainsi que Marie (loudard, Jean La-
niv, .Marie Durand, Abraham llauchecorne et Jean Le Lièvre
- ^.S7 -
ileiipment attoints et convaincus iravoir professé la R. P. II.
après en avoir fait al)jiirali()M, ce faisant !ts (iits accuses avoir
encouru la |icinc (ll'^ rclajjs |Mii-|ce par les éiliis et (IT^clarations
du lîoy. La dite Itacliel .MeseiiL;uel el ,lac(pies KoL;erel, son nia-
ry, d'avoir, au niépi'is ties ordres du roy soulferl (|ue les dits
Elie et Gédéon lîouilling- ses enfants, dont elle était tutrice, se
soient retirez dans les maisons de leurs parents, de la 15. I'. R.,
«jui les ont menez an temple de Sauvic si Je ('.ri(pietot sans leur
avoir donné ny soulfert cju'on h'iu' enl donné aucune insiruction
de la Religion catholique, aixislolique et romaine, (|uoi(|u"ils
fussent au-dessous de 1 âge de 1 1 ans, et <|ne pai- ordre du lîov,
ils eussent été laissez à cet eifet enire les mains de la dame
iMesenguel (|ni s'était converlie à la dile i-cliLiiou calhoii(pie,
apostolique et romaine, l.a dame l'reauté, ayeule des dils Klie
et (jédéon liouiliing, les nonnnés l!(uiiiling, ^lesenguel et Le
Ben|uier, ayeul el oncles des liils enfants, anci( ns ausdits tem-
ples de Cri(|uetot et Sanvic d'avoir [)areillemeut an mé[)ris des
ordres du roi retiré en leurs maisons les dits eid'ants dans le
temps cpi'ils devaient demeurer avec leur mère, de s'èlre oppo-
sez à leur insiruction à la religion callioli(|ue, apostolicjue et
romaine, de les avoir subornés cl leur avoii- avec i)recii)ilation
et de concert fait passer lenr déclaration de choix de la l\. \\ R.
à leur poursuite, et les avoir menez et fait mener ausdits prê-
ches de Sanvic et Criquetot et engagé la dile Mesenguel leur
mère à y consentir par des intérêts particuliers. La dite Anne
Laniy d'avoir depuis la déclaration du Roy de 1G79 séduit l'es-
prit de Jean Lamy son neveu n'ayant pour lors que douze ans,
et l'avoir conduit et fait retourner aux dils prêches, élevé et
instruit en la R. P. IL ([u'il avait ahjurée avec son père quatre
années auparavant.
Les dits Guérard et Taunay, ministres, d'avoir soulfert dans
les dils prêches de Sanvic et de Criquetot des l'elaps et des
enfants au-dessous de 1 i- ans, des pères el mères convertis à la
religion catholique, apostolique et romaine et autres contraven-
tions des dits ministres aux Edits et déclarations de Sa Majesté.
Pour punition et réparation desquels crimes et autres charges
rapportées aux dits procès, la dite Cour a condamné les dites
Maucourt et Pcrtuson rliacnne en cent cin(|uante livres
d'amende envers le roy et ;'i l'aii'e amende honorable, teste et
pieds nuds et en dicmise en la Ibi'iiie ordinaire les audiences de
la cour et des dites juridictions de Montivilliers et du Havre
séantes el devant les portes di' l'église cathédrale de cette
ville et des principales églises des dites villes du Havre et de
.Monlivilihirs. Les dites iMancourt el Pertuson bannies à perpé-
tuité du royaume, leurs biens acquis confisqués au rov, ou à qui
il appartiendra, à elles enjoint de garder leur baon à peine delà
vie.
Les dits Jean Lamy, Marie Goudard, ALarie Durand, Abraham
Haucbecorne el Jean Lelièvre, veu leurs abjurations renvoyées
au Roy pour obtenir leurs grâces de la bonté de Sa i\Iajeslé et
cependant leur accorde la liberté et provision de leurs per-
sonnes. A condamné et condamne les dits Uouilling, Rachel
Mezenguel et Le Berquier, ayeul et oncles desdils Elle el Gédéon
Bouilling, Hachel Mezenguel et Jac({nes Hogerel son mary, Jeanne
Bréauté elAnne Lamy, chacun en trente livres d'amende envers
le roy. Deffenses à eux faites de tomber en pareilles fautes sur
plus grandes peines. I^es dits Guérard et Taunay, ministres,
condamnez chacun en cent livres d'amende envers le roy et
iceux interdits pour toujours de faire ny exercer aucunes
fonctions de minisire directement ou indirectement, a eux en-
joint de se retirer à vingt lieues des dits temples ; leur fait
inhibitions el deffenses d'y rentrer ny de demeurer dans l'éten-
due des dites vingt lieues, en aucune ville de cette province où
l'on ail fait el où l'on fasse encore exei'cice de la B. V. B. ny
à trois lieues de distance des dits lieux sur plus grandes peines.
A ordonné que suivant le dit arrêt du conseil d'estat au troi-
sième avril dernier, les autres ministres et proposans qui se
trouveront près des dits temples de Sanvic el Griquelot seront
tenus de s'en éloigner au moins de Irois lieues, quinzaine a|)rés
la publication du présent arrest. Fait li-ès expresses inhibitions
et deffenses à tous ministres et proposans de quehpie pro-
vince qu'ils soient de demeurer plus près des dits lieux (pie
- ;8q -
de cette dislance, jusqiies ;'i ce que sur les conlraventions faites
aux édits et di'-clarations de S. .M. il en ait éd' autrement
ordoiHii'', à peine de désobéissnncr irciis mille livres d'amende,
privez |Miur toujours de la fonction de leur ministère dans tout
le royaume et d'être procédé contre eux extraordinairenient.
Ordonne pareillement la dite t^-our que les dits prèclies de San-
vic et ('iCiquetot seront démolis et rasez jusques aux fondements.
Fait deflenses à toutes personnes de la dite R.P. R. de quelque
qualité et condition ((u'ils soient de faire à l'avenir aucun exer-
cice de la dite religion aux dits lieux de Sanvic et de Criquetot,
ny de s'attrouper ou faire aucunes assemblées publiques ny parti-
culières dans le district des dits prêches. Adjuge aux hôpitaux
du Havre et de Montivilliers, sçavoir celuy de Sanvic à l'hôpital ou
Hôtel-Dieu du Havre, et celuy de Criquetot <à l'hôpital ou Hôtel-
Dieu de ^Montivilliers sur lesquels matéreaux et démolitions
sera pris ce (|ui sera nécessaire pour planter au milieu de
chacun des dits prèclies une croix de pierre de vingt pieds de
hauteur aux armes du roy. Fait detfenses à toutes personnes
de qnehpie qualité, condition et religion qu'elles soient de trou-
bler la dite démolition à peine de punition corporelle. A aussi
adjugé ans dits hôpitaux tous les autres biens et revenus géné-
ralement qnelconques et de quelque nature (ju'ils soient appar-
tenans aux dits prêches et consistoires de Sanvic et Criquetot.
El sur l'appel des dits anciens de Sanvic, des dites sentences
des 13 mars, 12, 13 et 14 avril dernier, a difléré à y faire
droit jusques à ce que tout ce qui a été fait par devant le dit
juge, soit apporté en la cour ; à cet effet, a accordé comi)ul-
soire au dit procureur général, et ordonné qu'il sera plus am-
jtlement informé du nombre, (pialité et quantité de leurs re-
gistres et livres et du recèlement d'iceux ; et cependant a con-
danuié les dits ministres et anciens et tous autres de la dite
It. P. li. étant saisis de titres et contrats concernans tous les
dits biens et revenus de les mettre incessanuuent entre les
mains des directeurs et administrateurs des dits hôpitaux, et de
leur rendre compte de l'administration qu'ils en ont eue jus-
ques à présent, lequid compte ils conuuuniqueront aux dits
— 3Q<> —
siibsliluls sur les lioiix avec les liti'cs cl coiUi-als pour en l(Mir
jtiV'scnco t*[i-(' prociMlc à l'cxaiiicn (iicciix pai- les jn;;es des
licuN, pai- (Icvaiil li-sinicls les dils de la 11. I'. li. se piirj]^('ronl
par sci-miMit sur la (piali'h'- et quaiililé des dils biens, à i)(Mne
de restilutiou du quadruple de e(Mix qui se trouveront ry après
avoir été par eux recelez. Kl m ce (|ui touche les baptêmes,
la Cour a ordoinié (pie i)ai' les ministres qui seront à cet effet
préposez, par ordre du lloy dans les dits lieux, les enfants des
dits de la 1!. I'. li. seront par eux ba|)tise/, dans les 24 li. de
leur naissance dans les bôtels des dites villes ou autre lieu pu-
blic qui sera désigné j)ar les dils juges, sans y apporter aucun
délai pour quelque cause et |)rélexte que ce soit ; et en cas de
nécessité pressante, enjoint aux maîtresses sages-fenniies d'en-
voyer les dits enlanls, suivant le règlement de la cour du :22
avril 1681, et à l'égard des enfants de la dite li. 1'. li. (jui naî-
tront dans les paroisses et villag(>s de la campagne, ils y seront
pareillement baptisez par le minisire commis en la forme cy-
dessus ordonnée, en ]>ri''sence de l'un des mai'gnillers de clia-
cune jiaroisse. .\ aussi autorisé les dites maid'esses sages-fem-
mes d'ondoyer en cas de nécessité les enfants dans les dils
lieux de la campagne. Enjoint aussi aux dits ministres de faire
bons el tidelles registres des dils baptesmes lesquels sei'out si-
gnez par les juges, marguilliers, parrains et mai'raines suivant
et conforinèmenl aux: ordonnances et déclaralinns de Sa .Ma-
jesl('. .\ fait inhibitions el dellénses an (ht minislr(^ ipii sera
commis de faire aucune autre fonction ipie celle de baptiser les
dits enfants à peine d'èlre procéd(' conire luy extraordinaire-
ment. VA à l'i'-gard de !\Iai'guerile lîourel et de .lean l,e Itoux
prétendus i-elaps. il sera incessamment conlinni'' aux diligences
de la contumace contre les dits défaillans. el le dit Le lioux
condamné de l'apporter an greffe d(' la Cour Texlrait de son
baptême, celuy de l'inhumalion de sa mère, avec l'extrait de la
célébration <lu second mariage de son pèi-e avec la nommé'e
l'iot, dans ipiinzaine dn joui' de la signilicalion du présent arri^st
à peine d"y être conliainl même pai' coi'ps, et d'élre ])rocédé
lontre lui exlraordinairemenl et cependant il sera plus anqile-
— 391 —
mont informé (in lemps de sa jiervorsion, pour le tout rapporté
.'i l;i coui-, et comnuiniijm' ;iu procunnii" général liu roy être
ordonné ce que de laison. Au surplus a quand à présent en-
voyé liors de cours et de procès les dites Elisabeth Campion,
.Inditli !.(■ .Mor, et Ester Barhé dite Le Comte et a définitivement
déchargé les dites Marie Callard et Suzanne Varin et les dits
Louis Benard cl Alexandre Le Valois. Et veu que l'arrest qni
interviendra ne peut être exécuté en la personne des dites
Maucourt et Perluson à cause de leur fuite ordonné qu'il le
sera en efligie avec un tableau suivant Fordonnance. Et après
la remontrance faite au dit Hamel en la chambre du Conseil
insérée au registre de la Cour, la renvoyé aux fonctions de la
cliarge. A luy enjoint d'observer exactement les Edits, décla-
raliuns du lioy. ari-esls et règlement de la Cour, et de tenir la
main à l'exécution diceux à [)eine d'interdiction. Et sera le
|M-éseut arresl len, publié et afiiclié aux lieux ordinaires.
Lait à lîouen, en l'arlemeut. le treizième aoust mil six cent
i(Matre-vingl-cinq.
Signé : Di; BouiiiiEV
A lîouen, i)ai- Euslacbe \ irct. imprimeur ordinaire du lioy,
dans la cour du Lalais.
PIECE N" 8
PniiVKS-XKIinWj t!cla risile faite le 3 septembre
lliHo. pitr le UetiteiKiiii (lénéval civil el criminel nu bail-
liage de Caiix, au pn'clie de Criquefnf fermé depuis le
^2 avril précédent.
« Du Inndy 3'' jour de septembre 1085, sur les 8 à U heures
« du malin, nous Guillaume Guerout escuyer, sieur du Verdre,
« conseillerdu roy, lieutenant général civilet criminel au bailliage
« de Caux et siège présidéal de Caudehec, en la présence de Mais-
« tre Anthoine Deschamps escuyer sieur de lîuterval, conseiller
K et procureur du roy au siège de bailliage et vicomte de Mon-
« tivillicr, assisté de Jac(jue I.iiiiolle nostre greffier ordinaire
€ au dil si(''|j:e do l)ailliaL;e du dit .Moiitiviliier. En exécution de
« l'arrêt de, la ((inr de lioucn du I3i^^ aoust dernier portani entre
« autres ciioses ([ue le j)resche de (Irifjuelot sera deniolly et
« razé jusques aux (ondenienls, nous sommes transportez en la
« paroisse de (lri(pietol el la masure appartenant au sieur de la
(< \'ousteoù le dit presclie est situé pour dresser procès-verbal
« des scellez ajtposez tant sur les portes du dit presclie (jue sur
« une des portes du consistoire du dil lieu où nous avons rc-
« marqué, à l'esgai'd du dit presclie. qu'il y avait un des scel-
« lez aposé sur la porte de devant qui estait détaché d'un côté
« les autres scellez de la mesme porte estant entiers ainsy que
« ceux aposez sur les autres portes ; el à l'esgard des scellez
" aposez sur la porte du Consistoire, nous les avons trouvez
'< entiers et ladite porte fermée sous le scellé d'un crampon
« de fer attaché et tenant la poignée de la clanche de la porte,
<t et mesure trouvé la dite porte fermée à la clef ; et comme
« nous n'étions pas saisie d'icelle, nous en avons fait faire
« ouverture par Jean Le Maistre, serrurier au dit lieu de Cri-
0 (juelot ; nous avons anssy visité les scellez apposez aux fe-
» nestres d'une des chambres du dit consistoire et y ceux
n trouvez entiers, et reconnu que la feneslre et porte de
I' la chambre du dit consistoire sur les(pielles il n'y avait
t aucuns scellez sont fermez seulement scavoir la fenes-
« tre d'un ci'ocliel aii'eslt' par un cluu. el la porte d'un
« crampon (}ui aireste le verrouil. Tous lesquels scellez en-
« tant qu'il y en a eus d'apposez instance du dit procureur du
« lloy par Galliot sergeant ont esté reconnus par iceluy mandé
« à cet effect en nostre présence sains et entiers, les autres
« ayant esté apposez instance du procui^nu" du lîoy du siège du
« Havre.
« Ce fait, dressant procès-verbal de Testât de la chambre du
« dit consistoire en la j)ièce de discretle personne IMessire
« JM-ançois Hnfresne, prèti-e-curé du dit Criquetol, Messire
« Claude llautot présure vicaire de la dite paroisse, maître
« Jacques Hcmong, administrateur de l'hôpital de l\!ontivilliers
— .^T- —
< avons remarqué qu'au milieu de la ditte chambre il y a une
« forme de comtoir avec deux armoires dessous et une layette
« le tout fermant à clef sur les serrures desquelles il ne s'est
« trouvé aucuns scellez apposez ny apparence qu'il y en ait eu,
« pour l'ouverture de laquelle lavette nous a esté fait repré-
« sentation par Jacques Fontaine, antien, d'une clef qu'il nous
ï a dit ouvrir la ditte layette et (jue dans icelle on y pourra
a trouver celles qui ouvrent les dites armoires de laquelle
(( layette ayant fait faire ouverlure, avons trouvé dans icelle
« deux petites clefs attachez ensemble que le dit; Fontaine nous
« a aussy dit estre celles des dites armoires. F*lus s'est trouvé
« uu registre, intitulé iMalades, et en marge le 28^ jour de no-
« vembre 1682, un autre intitulé Cathecumenes reçeues à la
« Sainte Saine, le quartier de Noël 1681, un autre registre,
« timbre du formulle intitullé : Ce présent lleg'e paraphé de
« nostre main est pour servir au lieu d'assemblée de ceux de la
« religion prétendue réformée à (Iriquelot à l'enregistrement
« des mariages, baptêmes et mortuaires pour l'année 1685
'( portant escriture jiisques et y compris le 13e feuillet verso^
« le dit registre non paraphé ni signé du juge, une serviette
« de toille de doubleuse et douzes feuilles de grand papier
« blanc, et ensuilte ayant fait faire ouverture des dites deux
n armoires, avons trouvé dans une d'icelle une escritoire de
« bois dans le tiroir de laquelle sont plusieurs billets que nous
« avons remis dans le dit tiroir que nous avons l'ail cacheter par le
c( dittialliot sergent et icelle escritoire mise es mains de nostre
« greffier avec les regrus et papiers cy-dessus, ne s'estanl rien
« trouvé dans l'autre armoire du dit comtoir.
« Gomme aussy avons fait faire ouverture par le dit Le Mais-
« tre serrurier d'une armoire estant au coing de la cheminée
« sur la({uelle il n'y a aucuns scellez, de laquelle nous avons
<( tiré un bassin d'hérain fermé à clef ayant une ouverture faite
« en forme de tronc dessus, et après avoii- fait faire ouverture
« du dit bassin avec des clefs trouvés dans les dits armoires,
t le dit bassin s"e>t trouvé plein de doubles solz marquez,
« pièces de trois sols six deniers, ainsi que dans plusieurs
— 394 —
« aiilres biissiiis honvc/ dans la dilc aniinirc, dans laquelle.
« s'est aussi ti'diivi'' |iliisi('ni> doidiics .vols de trois sols six de-
« uiei's de cimi, (|iiiii/(' cl soixaiilc sols loul l('i|uel ar^ieiit ayaul
« esté coiiiiili' ses! Ii'oum' inoiili'i' scaxdir en douilles ti'enle
« sept livi'cs, sols niar(|iicz viiii;! deux livres ui'ul sols, en
M pièces de li'ois sols six deniei's viM|Jl lixics, six sols eu louis
« blauc et pièces d(* quinze et ciu(] sols li'cize livres, (juiiize
« sols, uioiilaul eiiseinhleiueiil à (juatre viui^l Iraize livres dix
.( sols (|ue nous avons présentement mis es uiaius du dit lie-
« uiond administrateur en désir du dit arrest de la (^our avec
« les ditz bassins consistant en cintj or;inds bassins couverts,
<( ([uatre quarrez. trois (|uillières à queue de bois et une petite
« escuelle. le tout d"hérain ce qu'il a siirné. Luy ayant en outre
« mis es mains dix verges de i'er à vitres et ijualre ou cinq
« vieilles ferrailles et un petit baril dans lequel il y a du vinaigre
« que nous avons trouvé dans la dite ai'uioire. Connue aussy
« lui avons laissé à sa garde le dit conitoir une banselle. deux
« clienels, une piucetle di^ fei\ un soulïel (|ue nous avons
K trouvez dans la dite chainhre du C.ousisloire. Ue plus luy
« avons mis en sa garde uni; petili> table de bois, un fut di*
« poinson et un vieil sac de toille dans lequel il y a du plâtre
<f (|ue nous avons li'ouvez dans une autre petite cluunbre du
« dit consistoire et deux lianselles, signé Hemont un para])be.
<i Ce l'ail, le pi'ocureur du l'oy nous a demandi' acte, connue
« en entrant dans la ditte chambre du consistoire il s'est li-ouvé
« beaucoup d'argille même (piol(|ues |ialels du plancher tombez
« l)as à terre, et siu' une banselle estant dans la dite cluunbre.
« laquelle teri-e et pallets ne peut estre tomb(''e (|ue de celle
« ()ui l'ait le planclier du grenier par lequel gi-enier on aurait
« pu descendre dans la dilte cbambi-e du consisloire en levant
« le planclier d'iceluy et passant au ti'avers de deux soliveaux ;
« Pour(|uoy requiei't (|ue nous nous Irausportions au dit gre-
« nier pour en dresser proceds-verbal. Duquel ré(juisitoire nous
« avons accordé acte et api-ès avnii- fail faire ouverture de la
t i)orle du dit greniei par le scrrm-ier à hKjuelle n'avons
« trouvé aucuns scellez estant montez au dit grenier avec Se-
~ 3^^ —
« ba>;tit'ii I.c Sauvage niaîli'o couvreur de .Alontivillier et Nicolas
« Maze niassou de Criquelot. Nous avons renianiué aucun en-
« droit par où Ton ave pu passer dans ladite chambre du con-
« sistoire, ce tjue les experts ont si^né ; Signé Sébastien Sau-
« vage et Nicolas Maze avec paraphe.
« Ensuite de quoy nous nous souniies transportez à la porte
<( du dit presche et après avoir reconnu le scellé apposé à la
(( ditte porte par (ialliot estre sain et entier nous avons fait
« faire ouverture d'icelle par le dit seri-urier et entrer dans le
'< dit prêche n'avons trouvé eu icelle aucune rupture si non un
« petit cotl're a costé de la chaire (|ui ('lait ouvert, et rien de-
'( dans.
« Après lequel proceds-vei'hal, le procui'eurdu Roy a requis
.1 qu'il soit ordonné au dit Heiuout administrateur, de faire
u incessannnent travailler à la démollition du dit tenq>Ie en
<t quoy faisant et entherinaugnant les conclusions du dit pro-
<( cureur du roy, nous avons pour rc\i''cu(ion du dit arrest de
« la cour ordonné à radminisli'alcur île faii'c travailler inces-
« sanunent à faire desmollii' et rasez le dit presche jusque aux
c( fondements, ce que le dit i!enioiit à commencé à faire faire
i( en nostre présence par plusieurs nianieuviiers faits venir
» pour cet etlét. Signé 1*. Jlnfresne, (',. Ilautut, liemont, Galliol,
« (i. (iuerout, Deschanips et Linotte, chacun un paraphe.
« Collationné instance du dit Fn'uiont nommé pour luy servir
<t (jue de raison par moy greflier au siège de bailliage sous-
« signé ce 18 de septend)re KuS,").
Linotte (')
Notre travail était en eours d'impression
lor.sque M. Jean Bouîlcn, maire de Griichet-St-
Simêon et membre du Conseil presbytèral de
l'église de Luneray, nous a eommuniquc la co-
pie d'actes d'abjuration inscrits à l'état-civil de
1. — Manuscril de la ])ibliotlièque de Montivilliers.
— ;q6 —
GriK-het-St-Simèon aux dates des 29 et 30 no-
vembre et 22 décembre 1()B"), copie ciu'il tenait
deroblii^eaneedeM.Chevrin.instituteurretraité
de cette commune. Ces actes sont trop intéres-
sants pour que nous ne les transcrivions pas à
leur place normale, quoique non annoncés
dans le corps de l'ouvrage.
\'oici celui du 29^^^ jour de novembre i68s :
« Nous Pierre et David Teliier. père et fils. Marie Beuue-
netof femme dv dit David : Pierre. David. Jactjnes, Michel,
Elisalieth, Madeleine Teliier : Marthe Gvérard, Jacques Ba-
taille son mariai/ant abjuré entre les viains de Monseigneur
avec Jacques Bataille son père ; Michel Gueroult : Isoac Tho-
mas et Daniel ses /ils : David Bultel : David Pigni/ : Jact/ues
Delahaize : Isaac le Thillais serviteur chez le dit Jacques
Bataille fils : Marie Larcheveque veuve de Jean Bultel ; Sara
Vaudra : Elisabeth Thomas avec Madeleine sa sœur ; Judith
Bataille ; Catherine Hatanvitle : David. Antoine. Catherine,
Marthe et Anne Bataille frè)es et s(eu)-s : David, Elisabeth,
Jean et Catherine Pif/)!]/ frères et sa'urs ; Marie Guérard:
Marie. Suzanne. Elisaheth et Nicolas Gueroult frère et s(eurs:
Catherine Pillon : Suztinne Bultel : Marie Duliosc ; David
Delahaize -.Judith et Marie Delahaize frère et sœur ; Marie
Hoinville : Judith /.archevêque.
\'oici celui du 30*^^ jour de novembre i6S^ :
« Nous Je<in Larcheveque : Elisabeth Ferment : Jean Ou-
rry et Madeleine Pillon : Jacques Letionlleu.r et Judith Ouvri/ ;
Jacques et Daniel Delahaize : Pierre Pillon et Esther Gloria;
Pierre Eorestier et Madeleine Dumont.
Tous les deux se continuent ainsi :
« Ayant reconnu les erreurs de la religion prétendue ré-
- 397 "
formée où »o«.s étions attachés, et le piège et division qu'elle
contient, après y avoir sérieusement pensé, novs avons résolut
<l'une fi'anclie et iiln'e voJonti'. auiduits de la ijriice de Dieu,
rentrer d(nis l'unité du sièye ajiostolii/tie et d'embrasser la
ieli(/ion catholique, apostolique et romaine, par la profession
(/ue nous faisons de vivre et niovi'ir en icelle. sous l obéis-
sance qiie nous devons à ses décrets portés par les conciles, et
notannnent par celui de Trente, ce que nous jurons et pro-
nn'ttons sur les saints évangiles.
Le premier se termine ainsi :
Fait aujourd'hui en l'église paroissiale de Gruchet-St-Si_
méon, oii nous demeurons, en l'an KiSo. le 1^,'A' novembre.^
entre tes mains de Monsieur le doyen de Brachy, curé de Ho-
tot-sur-Dieppe, e)i présence et du consentement de Monsieur
le curé de Gruchet. notre pasteur et des témoins soussignés
avec nous, tous demeurant au dit Gruchet. »
Après quoi suivent les signatures et les marques
de ceux n'ayant pu signer.
La seconde a Dour linale :
« Ce trentième jour de novembre 1685, nous soussignés ju-
rons et protestons de suivre en tout et partout le contenu en
ce présent écrit en l'autre part jusqu'au dernier soupir de
notre vie et ce. entre les mains du sieur curé que nous re-
connaissons pour tel. »
Après quoi suivent les signatures et marques.
Voici le ^^ :
Ce 22 décembre 1685. Etienne Boitout. serviteur de la pa-
roisse de la Gaillarde au hameau du Ronchay a fait abjura-
tion de l'hérésie entre les mains du sieur Cîiré de Gruchet-St-
Siméon et fait profession de la religion catholique, aposto-
lique et romaine, publiquement dans l'église. »
— *;9^ —
Il fallait un fameux cynisme aux convertisseurs
pour imposer une tornuile d'abjuration aussi ironi-
quement et imnitoyablcniciU mensongère à leurs
malheureuses victimes ijui ne pouvaient la signer
que le rouge au front et le remords dans le cœur.
SECONDE PIECE N" 8
Liste (1rs liliUGlONNAIRES FUGITIFS du pans de Caux
à lu Uê vocal ion de VEdil de Xaiiles
ui/niii (ibdndomié des biens, el iiidituilion de ces biens
(Celle liste rrsiillc du l'i-ocrs-vorhiil iii'oss('' en KINN ])oiir
parvenir ;'i la location de ces biens.)
Dans l'élection d'Arqués
Paul liAUUilY. — La terre dVbei'vilie. paroisse du Tliil,
61 acres ; la terre de Rocquigny. plus deux masures pa-
roisse de (lueuies ; plus une i'eruie de 75 acres à ïoc-
queville-en-C.aux ; plus uue luasure el 1 pièce de terre à
l!ivillc-la-r«ivière, et ING 1. de rentes sur plusieurs per-
sonnes.
Pierre iti-: la BALLE. — Trois masures et une pièce déterre
à Luncray, I pièce de terre à liosc-le-Coiule, une autre
au l!u(piet, I maison à l)iep])e, plus une rente de 2;2 I.
Marie ClllOT veuve de Jean (iODEFUOV. — Deux maisons,
masures et 5 acres de lerre à lloudeville et St-Laurent.
Pierre V.\|t|N. — Tue maison el une feiine de 18 acres à
liacqiH'ville ; la maison près de l'église, la l'erme au ha-
meau de VaiMiiiville.
Henry VAHEll. LES. — 2(10 I. de l'cules sur un lialiitaut de
Leslauville, et 100 1. sur \\u liahitant de Hanheul".
— 399 —
S' CHAIiENCE et Suzoniic MET.. — Une renie indivisée de
:20(l I. sur un iialiilanl d'.\|ipcville, leur parent.
l'icri'c ACilKli. — l'iie maison à OÛVanville.
Madclaiiie I.OlJliN veuve de ( lliaries fîAZIX. — Une maison
et li'ois aei'es de terre à Sl-Auiiiii-sui'-Scye.
Jacques et lîobert XEEf,. — (;in([ maisons à Dieppe, el I
ferme à Annoiivillc, I maison el masure à lîoyviiie, 4
acres de teri'e à l!ac(iueville, el '.V.V.'> 1. de rentes sur di-
vers.
David 'lliEHEU. — 1 maison e[ !! veryées de terre à la
Gaillarde.
Daniel l'Kl.NK. — L iie maison à \ enestan\ ille el une masure
à (ireuville.
Jean et Jacques liOl'IT* )l T. — l iie maison el masure à
(iueures, el '.] pièces de lei're à i.unei'ay.
Les tilles 01>IV1EI'.. — Le tiers de "Hj acres de lei're et le
tiers d'une maison et masure au (lourel.
Antoine Le SUELlî. — Um^ maison el luasure à Saint-Ouen-
le-Mauger.
Thomas DE (lAUX — L'ne ferme i\ Olfran ville, 1 maison à
Appeville, une autre à Avremesnil, ',) acres de terre à
Bucqueville, 2 maisons, 1 lènement de maisons et un
jardin à Die[)pe. plus 51U 1. de renies sur divers.
David l'IElvltE. — Quatre maisons à Dieppe, o acres de
terre à Varengeville, 4 acres de terre à (j'asville, "2
acres à (ireuville. \) vergées à iîaimfreville, plus une
rente de 30 1.
La veuve DU\ .VL. — Une grande maison et une maison et
masure et 4 acres de teri'e à lîacqueville, trois petites
maisons i!i T'omnierville, une maison el masure à Pierre-
ville, une maison el (j acres de terre à Saint-Ouen, une
maison à Dieppe et une pièce de terre à Royville et dif-
férentes petites bouli(jues au marché de r)ac(i;!eville.
Pierre (jOSSlElt. — Une petite maison au Bu({uel.
Pierre UE.^UUAIXS. — Une maison et masure à Dessigny et
1/3 de maison à Dieppe.
-— 400 —
Jacques et Gabriel MEL. — Une rente do SâT I. sur le Sr de
(ilaclioii à ( ause de sa terre de Sl-Supiilix-de-liellengre"
ville.
Jacques LEPllEUX. — Sept acres et demie déterre au Torp
et deux maisons à i)ie|i|>e.
Suzanne LE('.A.NU, veuve (X).NSTANTIN. —Une fenne et i
acres de terre au Iloncliay, 1 pièce de terre à (>anleleu,
une autre à Luneray, 3 maisons à Dieppe, nue l'ei me à
Hautot. une maison et m;isure an lîonrg-Dun. plus niu'
petite i-enti'.
Ester CIIAUVEL veuve du S'' de HIVIM.E. — Deux fermes.
uu moulin à blé, un moulin à draps, et 1 [letile maison
à IJi ville,
liartiielémy DE LA GAlîEN.NE. — Une ferme en la pai'oisse
de lîoissay.
Ester FÉRON. — Une maison masui'e et deux acres de terre
à St-.Mars.
Zacharie UOlilAS. — Sept acres de terre à Lamlierville et o
acres à Greuville.
Jacques DE i.a HALLE. — Une [lelite maison à Ganleleu.
Jacques La FONTAINE. — Une petite ferme à lîoissay.
Jean H.V LAVANT. — Une maison et masure à Jiondeville.
Jeanne MASSE, veuve de Pierre LEllOV. — Une maison à
Dieppe.
Jean LOSTE. — Deux fermes, ensemble "28 acres, deux mai.
sons et masures, et deux pièces de terre à .\vremesnil.
Isaac SENE. — Une maison au ^fesnil-Piury.
Jacques SÉ.NE. — Un liêrita<ie situé au Tôt, plus une petite
rente.
Jean GONSTANTIN. — Une ferme à Luneray, une autre à
Sainte-Foy, plus diverses pièces de terre au(ioui-el.
Matliii'u MIKLANT. — Une maison et masure à Longu(>il.
David [lULTKI.. — Une uiaison et masure à Grucliet-St-Siméon.
Daniel ULVIll.X. — l'ne maison et luasure à St-['ierre-le-Vieil
plus le tiei's d"une nuiisoii. masure et 3 acres de terre à
Lunerav.
— 4<'r —
Jacques CAILLOT. — l'iie ferme de 80 acres de terre, une
iiinisou-masure cl lô acres île tsuTc à Lamnierville.
Jacques THLHOl'LDE. — l ne maison à l)ie[)j>e.
Pierre THIEEIRY de la MOTTPM.ALLIEIl . - Une ierme de
14 acres à Beaumoiit et i acie et demie de terre à An-
glesque ville, une maison et masui'e à Beaumont, une
ternie de 70 acres de terre à Iteaunay, le quart d'une
maison à Dieppe, plus 125 1. de renies.
Pieire GUEPIN. — Une maison à Neuville, une ferme au
Til, une maison et masure à Ap[)eville, quatre corps de
logis à Dieppe.
S"" DESVAUX, ministre. — Une maison-masure et :2 pièces de
terre à Koyville, une ferme de 'À'j acres au Mesnil-Rury,
plus une rente de 80 I.
Sr de LAUUEY. — Quatre pièces de terre à la Gaillarde, i
maison à Canleleu, une autre à Cùte-liôte près de
Dieppe, 2 p. de terre à Grucliet-St-Siméon et 2 p. au
Coudray, plus un chantier au Pollet et une rente de
50 I.
Isaac DUMONT de BOSTAQUET. — Plusieurs héritages près
de Dieppe.
Pierre BOITOUT. — Une maison à Diejipe, 6 acres de terre
à Bacqueville, 1 chambre au Bonchay, et i maison et
masure à Ste-Marguerite-sur-Mer.
Jean SENEGAL. — Une maison et masure à Luneray et une
rente de 30 I.
Jacques de GAUX. — Seize corps de logis et 3 maisons à
Dieppe, 1 ferme de 8 acres à Côte-Côte, 26 acres de
terre à Gueures et une ferme de 7 acres à Bacqueville.
Nicolas NOËL. — Une pièce de terre à la Gaillarde, 1 mai-
son-masure et 2 acres de terre, plus une maison et une
chambre au Coudray, 1 pièci? de terre à St-Pierre-le
Vieil, et 115 I. de rentes sur divers.
Isaac NÉEL. — Trois corps de logis et deux maisons à
Dieppe, une ferme de 25 acre-; au Bonchay, nne de 7
acres et une maison et masure à (jueures, 3 acres de
20
— 4*^- —
tci'i'e ;'i (Iriisvillc, une ;mi'(> ;'i lîdiii'u-Huii, .") arrcs à \a)U-
jfiicil, une maisdii cl masiii'c à (irciivillc, Il autres jtluij
une pièce de leiTi' au Tliil, "1 iiièces de terre à Venes-
lanville, une autre à Sl-Ouen, et une auli'e à Avreuies-
nil.
Jacques .MIFFAIJT. — lii corps de logis et un(^ maison à
Dieppe, 1 pièce de leri-e à (lucures et 1 autre à Avre-
mesnil.
Jean Ul J AliDlN. — lu corps de logis et une maison à nie])pe,
une maison et masure à Haulot-sur-.Mer, 1 p. de terre à
Sotteville-sur-Mer, 1 maison et masure avec terre à
(juiberville et "21 1. de rente.
Jean VAUTIER. — l ne maison et masure avec il acres de
terre à St-I'ierre-le-Vieil.
Pierre LETELLIEH. — Deux acres et demie de terre à la
(iaillarde.
l'ierre (lOlXANT. — Deux acres et demie de terre à la
Gaillarde.
Jacques BOUIXAiN. — Une maison et masure et 1 pièce de
terre à St-Pierre-de-lîénarville, plus 35 1. de rente.
Jean lU EFV. — l ne petite maison et trois vergées de tei're
à Avremesnil.
David HARO.N. — Deux maisons et masures à \'eneslan-
ville.
Judith LOliPHELlN veuve de Samuel DOUCIlEJiET. - l'ne
maison et masure à la (iaillarde et I maison à Dieppe.
Abraliam JEANNE, dit DETIT-IIU.M.ME.— Une maison et ma-
sure avec terre à la (iaillarde.
Jean FOUQUET. — Trois maisons et masures à Luneray.
Jacques LETEI.LIEH. — l'ne maison et masure au lîonchay.
Pierre LESADE. — Une acre et demie de terre à Venestan-
ville.
Pierre LUEUliEUX. — Une petite maison et masure à Venes-
tanville.
Marie IH'CIIÉ, veuve Jacques liOULAliD. — Deux maisons
et masure situées Tmie à C.auteleu, l'autre au ('.oiuli'av.
— 4o^ —
Ester fiOniN, veuve AinOUnn. — l'no petite maison et ma-
sure à Auppegard.
Claude DlLtOC. — Une nia!>:on et uiasure au Ruquet, paroisse
de la Gaillarde.
Dame De BIIIIF]. — Vnc maison et masure aubasde Hautot.
Salomon et Elisabeth IIINON. — lue maison, masure et 8
acres de terre à C.alleviile-les deux-Eglises.
Jacques lîOlTTOlT. — l'ne maison et masure au (loudray.
Abraham Le SI ELU. — lin^ maison, masure et o acres do
terre à Calleville.
Enfouis David l.IlEUKErX. — Une maison, masure et 4
acres de terre à Sl-Picrre-le-Vigcr.
Jean LAliC.HEVESOUE. — Une maison, masure et I acre de
terre h Varengeville, et trois maisons à Dieppe.
Guillaume MOISSON. — Une petite maison et masure à Avre-
mesnil, plus uneanli'e petite maison et masure et o acres
de terre au cht lieu, et I corps de logis à Dieppe.
.lean MACHOIS. — Une pelilc maison et masure el I acre de
terre à liondeville.
Pierre et Jacques De la HAIZE. — Une petite maison et ma-
sure à Venestanville.
Jean CONSTANTIN. — Une rente de 100 1.
Isaac GAUTIER. — Une maison, masure et 3 acres de terre
à Luneray.
Jacques MESNIL. — Une ferme et une maison et masure à
Gueures, trois petites maisons à Dieppe, 2 pièces de
terre à la Chaussée et une rente de ii 1.
Abraham ALLARIN. — Une maison et masure plus une ver-
gée de terre h St-Pierre-le-Viger.
Pierre PILLON. — Une maison et masure à St-Pierre-Ie-Viger.
Judith LAURENT, veuve Pierre GLORIA. — Deux maisons
et masures et une maison à Royville, une ferme de 8
acres, I pièce de terre de i acres et une petite maison à
Gonnetot.
Isaac De l.\ BALLE. — Une petite maison et masure au
Pionchav.
- 404 —
Jean HUFFY. — I iic iiioilii' de maison et masure an liuiichay.
Pierre llÉlîKUT. — Douze acres de terre à Lammerville et
5 acres cl il(Muie à iJacqueville.
Jac(|ues I)k la. FONTAINE. — Une nuiisou, iiuisure et enclos
de i acres plus une pièce de terre de 4 acres à St-Ouen-
le-Maujicr et une petite maison et masui'e à Herljouviile
Salomon TLIKjLlKliF. — (jinq vergées de teri-e à (joniietot.
Jean FICllET. — Cinq vergées de terre à Sl-Ileiiis-d'Acion el
autant à Avreniesnii.
Sr l)l', |{KTEN(X)riiT. — Lue ferme de 1.") acres à i.uneray et
par extension sur Gueures, Avremesnil et la (laillarde.
Samuel De laHAIZE. — Une vergée de maison el masure
avec demie acre de terre à Eammervilie.
Claude MINNEL. — Une maison et masure à Avremesnil.
Jean LEMAISTUE. — Quatre petit(^s fermes au .Mesnil, 4 acres
de terre au même lieu, [)lus une acre de terre à Haulot.
Pierre SÉNÉGAL. — Une acre de terre à Avremesnil.
Jean AUDOUAUD. - Sept vergées de terre à lîelleville.
Dans l'élection de Montivilliers
Jean GODEFIiOY. — Sept acres de terre à Limpiville plus
une ferme de 18 acres à Ypreville.
Pierre THlElir.Y DE i.A MOTTE-LAUMEr,. - Dix acres de
terre à Sl-Eustaclie et Mélamare, plus 8 acres à Si Nicolas-
de-la-Taille et une rente de 30 1. sur Uobert Manoury, de
Mélamare.
Jacques Ue BRUMENT. — Une ferme de Ki acres et une
cour masure à Ypre ville.
Jacques Le SUEUli. — Treize acres de teri'e, maison et
masure h Ah'lamare.
Marie LECOliDlEII, veuve de Jean QUESNEE. - Deux acres
de terre à Manne villelte.
Dii«^ liK LA FERTÉ-CIVIl.l.E. ^ Vm^ ferme à Manneville-la-
— 4"=> ~
Goupil loïK'o 400 1. cl une. maison à Fécanip louée 2001.
NatliaiiiH'l DELAUNAY. — lue maison à Moiilivilliers.
Jean FICIIET. — In liérila^e de 10 acreset demie àSt-Jean-
de-la-.\euville.
Pierre DELAPOHTE. — Une maison à iMontivilliers.
Pierre IGOU. — Un In'Titage de cinij vergées à St-Jean-de-
la-Neuviile.
Tobie Dl liEL. — Une maison à Monliviliiers.
.Iac(iues liEI.LET. — In héritage de iJO acres de terre, à
Hermevillc.
Pliilip|ie FOUOl K. — Vingt-deux livres de rente,
■lacijui's m lîEL. — Trois portions de maisons à .Montivil-
liers.
Louis IGOU. — Lue cour-masure cl 1 jiiéce de terre à
St-.lean-(lc-la->'cuville, li acres de terre à St-Eustache-
la-Forèt. et 14 acres à St-Nicolas-de-la-Taille.
David GODIN. — Uue ferme de 56 acres de terre à Epou-
ville, une maison et pi-airie de G aci'es à Monliviliiers,
plus des parts dans huit navires du Havre.
Nicolas GUEPiAlîl). — Une maison et un corps de logis à
Harlleur, un héritage à St-Martin-du-Manoir, un autre
à St-Jouin, la moitié d'une ferme de I.") acres à Cra-
mesnil, |)liis une rente de .575 livres.
Nicolas GUEllAlil». — "IV.i 1. de renies sur divers.
Dame de HÉVilJ.lEllS. — La Icrre de Sénitotà Gonfreville-
rOrclier, une terre aux portes d'IIarfleur, une autre à
Gournay, une prairie aussi à Gournay, une ferme de 6
acres à liordeaux-Sl-Clair, 307 1. de rente sur divers.
S'"THAUN'AY. — Une cour-masure à Gri(|uetot et 89 1. de
rente sur divers.
Dame Le PELLETIEli. — Lue ferme de 75 acres à Crique-
tot. une autre de 30 acres à Bacqueville.
.Jacques QUE.^NPjL. — \'n héritage de 2 acres à Ecu(juetot.
Pierre LAMOISSE. — Un héi'ilage contenant 6 acres, à
Jiordeaux-St-(!laii-.
.Jean MAHIEU. — Un héritage de 10 acres aux Trois-Pierres.
— ^o6 —
Jcnm IIKIt\ IKC. — lieux maisons i'i récaiiip.
Jean llKlîNIEL. lils aiiir. — lue l'ernio do 63 acres, à Vpre-
ville.
Moyse HEliVIEU. — Cinq pièces déterre à Sainneville.
Jacipics HEIiMEl'. — lue maison à Fécamp, et une ferme
de l(j acres à Lelol.
HEUVIPX' Di; SAIN>EV1J-I-K. — Une maison à Fécamp avec
I acre et denn'e de terre
Nicolas liHlÈliE .lAVENOT. — Une ferme située à Sainte-
Marie-au-Bosc.
Jean l'OTEE. — In liéritage de 2 acres de (erre ;ï Sl-Nico-
las-de-la-Taille.
Jean DESPOMMAHES. — Plusieurs héritages à Fécamp, et
un liéritage de demi-acre à Sausseuzeniare.
Marie Le 150 UJ ON M EH, veuve de Daniel CROlXMAIïE, de
I)euzeville-la-(irenier. — Un hérilage de 6 acres de
terre à IJréauté .
Anne DESPOiMMAHES, veuve MALANDAIN. — Plusieurs
maisons à Fécamp, et cinq portions de maisons à St-
Fréniont.
Abi-aliam AUGEIU — Deux héritages, ensemble 7 acres de
terre à Mélaniare.
Jean UEFEVIiE. — Deux iiéritages à St-Anloine-la-Forêt
formant ensemble 18 acres, plus un hérilagede 17 acres
à Ocleville.
Jean et Isaac DEDE. — Une ferme de 27 acres à Jloberville.
Jac(|ues DEDE. — Un héritage de 4 acres à Criqnetot.
Pierre DES ESSAI'.S. — Une maison à (ioderville,
Daniel DELESSAIiT. — Deux maisons à (loderville.
Nicolas Dr FOUll. — Une ferme à Fécamp.
Jean DUFOUIU — Une ferme à Fécamp.
Piei-re DEVAU.X. — Une ferme de (i acres à Mani(iuerville,
et une maison à Fécaiiip.
Nicolas OUHSEL. — Une ferme de 54 acres à \ ré ville, une
maison e( une partie de maison au Havre, pins iO I. do
rente.
— 4^7 —
Louis I.ECOI.NTE. — Ounlre acres de terre et masure à la
Suloi>ne.
Jean [>ATOL"RTE. — Ln héritage de <S acres en la paroisse
d'Octeville et un autre de 2 acres et demie aumème lieu.
Jacques MESNIEL. — Un corps de logis et une chambre à
Eécaïup. 1:2 acres de terre à Ypreville, 4 acres à
St-Eéonard et i acres à Criquebeut.
Jean LEBl.OND. — Une maison et masure plus un acre de
terre à La liemuée. un héritage de Sacres à St-Nicolas-
de-la-ïaille, et un de 'A acres à Graimbouville.
Mathieu DALLENÇON dk MILLEVILLE. — Une ferme de
15 acres et une de 1^0 acres à Thiergeville, plus une
ferme de 7 acres à Tiiiétreville et lîiviile.
EUDES DK MIMVIi.LE. — Une feinic de 55 acres en la pa-
roisse d'AjUot et de St-Vigor.
Jean MAUGEJ». — Un héritage de 2 acres et demie à Anger-
ville-rOi-ciier, plus une maison à Hartleur.
Jacques VLVlîD. — Une ferme de 7 acres à Toc(iueville-les-
Murs.
Jacques LOUVEL. — Une rente de 800 1. sur les héritages
de Samuel Louve) son oncle, de Hréaulé.
Jacques MAUGFlli. — Deux héritages d'une acre et demie
cliacuii, silués l'un à St-(iilles. l'.iutre à St-Nicolas-de-
la-Taille.
Louis HAlillEV. — Tiois fermes, la l''- de 8 acres, la 2c de
ï'S acres et la oc de 20 à St-Eustache-la-Forèt, plus le
tiers d'une ferme de 37 acres à Octeville.
Pierre BAUDOLN. — Deux héi-itages de 16 acres de terre à
St-Laurent-de-Iîrèvedent, 2 maisons et deux parties de
maisons à Harfleur, et un héritage à Montivilliers.
Isaac De LAIUIEY. — Vn héritage de 12 acresà Emalleville,
un aulre de 16 acres à Fontenay. une ferme de 36 acres
à St-Jean-de-Eolleville. une maison à Montivilliers etune
liefi'e de 33 1. sur une maison à Montivilliers.
Nicolas LUNEL. — Sept héritages, ensemble 55 acres, à la
l'oterie, un autre à Bruneval avec une pièce de terre
- 4'>S -
(1(! a acr(!s, un iiiilre à (-rasvillc, un aiiti'c de i acres à
Saiiuiovillc, une cour-masure el "2 acres de prairie à
lu|,^ouville, plus une renie de lOH I.
Etienne I^EVASSKLli. — L'ne ferme de i7 acres à Ocleville,
une autre de 7S acres à St-.M;nliii-du-Bec, 2 corps de
lof;is, deux maisons, un tènemcnt de maisons et neuf
jioi'tious de maisons au Havre, un liérilaije de i acres à
Ci-etot, et ['"2 1. de rente sur divers.
Jacques DUFLOS. — Un héritage contenant six acres à
Ocleville.
Daniel LEGRAND du l'elit-liosc. — Une ferme de 16 acres
à Toussaint, Gontremoulins et Limpiville, une autre de
-i8 acres à Gontremoulins el Toussaint, une autre de 15
acres à Limpiville, une autre de 1 i acres au Kec-au-
Gauchois, une autre de G',) acres à Toussaint cl Colle-
ville et plusieurs [)elils ii(''ritaijes, rnseudjle IT) acres, à
Toussaint.
Abraham ONO. — Lue maison à llarlleur.
l'ierre LEFEllVlîE. — Une fei'uie de li acres et le liers
d'une ferme de 37 acres à Ocleville, plus un héritage de
() acres el demie à Fon!aine-la-Mallet.
Jean liEXAULT. — Un héritage d'une acre à .Manneville-la-
Goupil.
.Jean IlAUGHEGOlîNE. — Un héritage de 3 acres aux Loges.
Moïse DESPOMMARES. — Un héritage de 7 acres el un
autre de 3 vergées à Sausseuzemare.
Nicolas GAPON. — Une maison el masure de '2 acres à
Ocleville avec mie pièce de terre de 2 acres.
Gharles lllGHER. — Quatre acres de terre en la paroisse de
Villainville, plus une maison et masure de 3 vergées à
l'ierreli(pu's.
Louis RENARD. — Une maison el un héritage de 4 acres à
Ilailleur.
Jacipu's BREOEL. — Une maison et masure de 8 acres à
liordeaux-St-Glaii-, el un héritage de (S acres et demie
à Guverville.
— 4-^9 -
Siiloinon GOSSK. — Un liérilaoe de trois vergres ;i St-Nico-
!as-dc-ln-T;iille.
Jean l'OUC.HAIN. — Un liéritage d'une acre et demie à
Sain t-.lean-de-la-Neuvi Ile.
Jacijnes De liUUES. — Une ferme de 55 acres 1 2 à (iom-
merville.
Vve A.N(iUMAl{E. — Une pctile maison et masure à Enjj^les-
queville.
Thomas I»I,ET. — Vn liéritage de '.> acres à Sl-Marlin-dn-
liec.
Anne DEHICQ, veuve de Sanuiel LOLVEI.. — Lue ferme de
41 acres, une nuire de 40 acres, nue antre de 17 acres,
plus 15 héritages ensemble 63 acres, le tout situé à
Hréauté.
Ai)raliam l'ilCHEli. — \^n liérilage lie 'i acres à l'iei'i-eli(|ues.
VveSalomon LESTUDOIS. — Un iiéi-ilage de i acres à St-Ni-
colas-de-la-Taille.
Enfants EESUEUll — Trois acres de leri-e à St-Antoine-la
l'oi-èt.
.Alaric I.AIlCHEVESgUE veuve DESPOMMAIIES. - Uneacre
et demie de terre à Sausseu/.emare.
Isnac (jAUTlEll. — Un héritage d'une acre à Eiigles([ueville.
Jean ]>AELE>iÇON, S- ni:s MOTTES. — Une feiine de lH
acres à Tiergevilie.
Isaac KEl.A.MAI'iE. — [ n hé-rilage de 3 acres à 31élamare.
Nicolas GUÉl'iULI.T. — Vi^ héi-itage de 12 acres an Her-
telay (auj. i-éuni à Hréauté).
Etienne (iOSSART. — Vut' petite ferme de 3 acres et une
masure de 4 acres à Fauville.
Pierre, (IniUaume et Jean HÉllElîT. — Un fourneau à plâtre
avec grenier et cour au Havre.
Jean VINCENT. — Une cuisine et chambre à Fécamp.
Pierre Ue BAS. — Une maison au Havre plus une chambre
dans la même ville.
Marthe COUPEUIN. - Une rente de 25 1.
Ester GOUIN veuve AUBOUUG. — Une rente de 4 livres.
— 4i<^ —
l,;i veuve de .l;u(]iies (iALOI'I.N. — L'iie rente de 10 1. sur
Si(niraiii ;i St-Eustaclie-la-l'"orèl.
Daniel MAI. AM».\IN. — Une renie de 1,") I. sur llhnielie
lH'.lKr, à lloniiiieldl.
l'iorre MASSIKU. — Deux petites masures eonlenaiit (i acres
à Sl-Nicolas-do-la-Taille.
Jean IJIIEDEI.. — Un liérita^^e en la paroisse de hordeaux-
St-Clair. de "2 aères de lerre, j)ius I ))ièee de terre de 3
acres à Fontenay.
•lean MAIiTUN. —Une ferme de i acres et denne à St-Jouin.
Enfants du S'- DE i.A SKItVAMKlîE. — Un liérilage de 10
acres de terre à Sl-I.é()iiar(U
Henjamin liEUZEELN. — Un Imilième du navire « J.e Sl-An-
toinc » du Havre.
.Nicolas MAl.HEliliE. — Un ([onzième dans le navii'e « Le
Saint -Pierre » du Havre.
Dans l'élection de Caudebec
.lean et Thomas DAUSSY. — Une ferme de 17 acres à Slc-
.Marguerile-sui--Duclair, un liérila.ïe d'une acre et ilemie
à Flamanville, plus une rente de 2t)0 1.
Isaac G(JDEFl!(3Y. — [^nc ferme de 11 acres de terre à
Mirville, plus trois maisons et un moulin à fonloir à
Holbec e( nue lerme à Nointol.
Madeleine I.ESEKj.NEUU. — Une maison à Yvelol.
Jean HEFLOT. — Une ferme de 11 acres à liolhec et une
cour-masure et deux acres de terre à ilalfetot.
("luillaume DILVU.MEIIVILLE. — Une ferme de oG acres à
neu/.evill(!-la-(i renier.
Pierre DESVAU.X. — Une ferme à Beuzeviile-la-Grenier cou-
tenant 10 acres.
Etienne DESVAUX. — Deux acres de terre à lîeuzeville-la-
(jrenier.
— 411 —
Denis CA.MI'ART. — Une innison et niasuro de 7 acres et
tieniie do tei-re à Aiilrelot.
Louis J-ECI.EI»C. — Une rente mit l'ieire Diihosc. labou-
reur à Croixmnre.
Guillaume MAliCOTTIi!. — Ciii(| acres de terre à Berinon-
ville.
Jacques et llobert NÉP]L. — Une ferme de 5 acres à An-
|,n'eiis.
(lliarles HOGUEL. — Une ferme de 4ïJ acres à Yébleron et
une autre de 9 acres aussi à Yébleron.
Jean COUITRÉ. — Deux acres et demie de luaisons, ma-
sure et terre à Ingouville.
Louis LEFEBVRE de CHAMIiliTN. - Une ferme de S8
acres ù Bouville.
Jean OliEiXtiE. — Deux maisons et plusieurs bàtiiucnls à
iiolbec.
(iuillaume LANGLOIS. — Un petit liérita^e ;i Sl-Arnoull.
Pierre MONTFRP^ULLE. — Une petite ferme de l acres h
St-Arnoult.
IMOM-r.EUI.LE. - Une maison h Rolbec.
Jean ?\IUI.LUT. — Un liéritage à Trouville.
Jean ALLEAU.ME. — Une fei-me à Lintot contiMiant 7 acres.
Le S"" DE LA VOUTE. — Une ferme de 91) acres à La Tri-
nité-du-Mont, et une petite ferme à lioquefort.
Nicolas lîENOUl.T. — Une petite maison à St-Aubin-de-
Crelot.
Pierre GODEFllOV. — Une ferme de lO acies de tei-re à
Nointot.
Jacques Le DRUMENT. — Une petite ferme i\ Jlaltenville.
Pierre LERLOND. — Deux maisons h Vvelot.
Louis CAMI'APiT. — 1_au> maison à Autretot, avec 5 acres
de terre.
Ester MARIE Vve de Pierre DESCHAMI'S. - Une petite for-
me de 1 acre à La Frenaye.
Pierre M.\ILLAI!D. — Une ferme de i acres à Gerpon-
ville.
— 412 -
Dllfs iti; i.A KKIiTK-CIVII.LP]. — Une ferme de GU acres à
liailclot.
Josias DE LA HAVE Di MO.NT. — Deux moulins ;i blé à
St-Denis-de-Lillcbonnc, un moulin ù huile à IJutol, un
bois-taillis de i acres à (iiudiel, |>his une ferme de i22
acres à la Trinité-du-Monl.
DUMESML-MCOUEMAlîE. — me ferme de i acres à
Toii(freville-la-("able, une de !)i acres à Auberville-la-
('-am]ia<;ne, la fernu; de l'Epineville de 100 acres h
Allonville, pins 3 autres fermes à Allouville contenant
ensemble lit] acres.
Ja('(|ues VIAlîJI. — Une petite fei'nie à (jrucliel.
Pierre ])]•: LANQUETUIT. — Une ferme de 10 acres au ha-
meau de IJeauipiesne <'i Bol bec.
Nalhanaël fiOUM.LNtî. — Une ferme de 3 acres plus une
prairie de ;> à \ acres au Mesnil-sous-Lillehonne.
Jean (i()UI'|[>. — ("ne masui-e à Autretot.
Jean FK-ilET. — Une ferme de r2 acres à beuzeville, une
ferme k Sl-Nicolas-de-la-lIaye, plus une maison h Cau-
debec.
Pierre KIOU. — Deux maisons plus une portion de maison
à r.olbec.
Isaac De LAiiliP]y. — t'iie ferme de 26 ;icres, plus une
pelile masui'e à l.intol.
Judith PIMONT veuve d'Abi-aham I.ECAliO'. — Deux pe-
tites maisons et deux chambres basses à lîolbec.
Charles QUESNEI.. — rne maison située à Bolhec K
Abraham LEBUUMENT. — Deux parties de maisons ;i
Bolbec et quatre acres de terre h Lanquelot.
Jacob EEPlnUAIS. — Un héritage de 10 à 12 acres à Ber-
monville.
Louis IGOU père. — ('ne grande maison et tannerie à
Holbec.
1. — (Jliarlcs Oucsni'l n'est pas donné comme fugitif,
mais comme « détenu aux prisons de Gandebec. » Sans doute
qu'il avait été arrêté au moment où il fuyait à l'étrantrer.
— 413 —
r*iefTe RICŒUH. — lue pctile ninisoii situi'-i' à Grucli(.'t-le-
Valasse.
Cliarlcs lU'E. — TIiic pi'tih' U'vuw A liciizcN illc-la-drenier.
Suzanne MOLE, veuve de Jean DEHETIJ-E. — l'ne fliain-
))i'e H Grucliet-lc-Valassc.
Danit'l GALLAV. — rnc petite feime h l!eiize\ ille-la-(!re-
nier de 1 aère et demie.
Pierre SIEURIN. — Deux petites fermes à lUnizeville-la-
Grenier contenant ensemble <S acres.
Salomon GOSSE. — Six acres de terre en côte à (irucliel.
Abraham FI.AMARE. — ITn liéritaye à Tron ville,
l'ierre MOKIGE. — Un héritage composé d'une cour-masure
avec '•> acres de terre à Louvetot.
Isaac FLAMARE. — Une rente de liO 1.
Marie FAUQUET, veuve de Jacques Li.: l'.liUMENT. — Une
maison d'une acre et demie et 12 acres et demie de
terre à Houville.
Jean FAUCON. — Une place inondée à lîolbec.
Jean CHOUQUEï. — Une vergée de masure et deux acres
de terre à Nointot.
Jacques liOLSSEL. — Une petite maison et portion de pré à
Bolbec.
Salomon AUVEEET. — Une maison à lîolbec.
Pierre BlIEDEE. — Une maison à Bolbec.
Pierre GAMPART. — Cinq vergées de terre à Autretot.
Isaac CAILEOUEL. — Une ferme de 9 acres de terre à Sle-
Marie-des-t]liamps.
Pierre HAVY. — Une petite maison à Bolbec.
La veuve de Nas LEMAISTUE. — Une grande place inondée
à Bolbec près l'église.
Louis DESHAYS. — Une maison avec cour et jardin à Bolbec.
Jacques BOISSEL. — Une partie de maison à Bolbec.
Daniel LECAUOX. — Une maison et tannerie à Bolbec.
Pierre L.VVOTTF]. — Une maison et tannerie à Bolbec.
— 4M —
IJute (1rs Fiai TIFS CAVCHOrfi
à lu Rcrucdlioii et ix'iiddiit li's ]))i')iii!'irs iniiu'cs fjiii suivirent
l/lii IKh'S SDIll CIIIIIIIIS II ce jl)UI\
\i-oii (David) (11' rrli'clioii d'AiMiiies ( \'iMieslaiivill(>i, n-t'iijjiii' ?
Aiil)!' (hiiiiicl) ï lie Moiilivillicrs »
Alli'aumc (Jean) )> ili' (lau(lt'l)ec »
Allensoii(.leaiul'.si' desMoUcs) ileFélect. de Mdulivillioi's. »
Allciison (.Mathieu d') » » »
Aiidi'ieu (Ciliarlcs) « » »
Angainmare (Veuve) » " »
Aul)ei1 (Daniel et sa femme née Suzanne Lévest|ue) de Féler-
lion de MoiiLivilliers (Gainneville), réfugié en Aiii^leleire.
Aubert (Etienne) de l'élection de Monlivilliers, réliigii' V
Anl)t)urs,MVve Pierre) » » ( Aii;;i rville-
rOrclier) réfugié en Angleterre.
Auger ( Abralianij de l'élection de Montivilliei>-, réfugié ?
Baclielet (Jean) » » »
Rambinet » » »
Baudry (Gabriel) » d'Arqués " en Hol-
lande,
liauldry (Paul et sa fennue) de l'élection d'Arqués (Tliil-Man-
neville) réfugié en Hollande,
itazin (Vve Gédéon) de l'élection d'Arqués, réfugié?
lieaudoin (Judith) » » »
lleaudoiii (l'iei're) » de Alontivilliei's, réfugié?
lieaulils (Pierre) » » »
Beauvais (Pierre) » d'Arqués, »
Bellet (Thomas) » de Monlivilliers, »
Benard (Louis) » » »
Benoist (F]sther) » d'Arqués, »
Benoist (Marie) » » »
Beuzeville » de Monlivilliei's (Mi'lamare),
réfugié en Angleterre (').
1. — Trois descendants de ce Beuzeville furent, au XYIII»
siècle, directeurs do l'hùpital français de Londres.
- 415 -
Biville (Ester Chauvel, vinivc du s' de) do IVlocdon d'Arqués,
rél'iiiiié?
Blet (Jacques) de réiectinii de Moiilix illieit-, réfiig-ié ?
Bellet (Thomas) » ,. „
Boissel (Jacques; ). de Caudehec »
lîoivin (un fils de Jean) » de Moiilivilliers »
Boiviii (Jean) » „ (Angerville-rOr-
clier), réfugié eu Angleterz'e.
Boitlout (Jear.-Jacques) de Télection d'Arqués, i-éfugié?
Boittout (Pierre) » » ,>
Bordes (Josias) » de Monlivilliers, i-éfugié ?
liouclierol (Jean, Judith I, orphelin veuve de) de l'élection
d'Ar(|ues. réfugié ?
Bougonnier (iMarie Montiei-, fenuue) de l'élecl. de Montivilliers,
réfugiée ?
Boulanger (Jacoh) de l'élection de Montivilliers, réfugié?
Boulart (Huche Marie, Vve Jean) de Télection d'Arqués (I^u-
neray;, réfugiée ?
Bouilling (Nathanai'l) de l'élection de Caudehec. réfugié ?
Bourdon (Jeanj » » (Bolhec) réfugié?
Bredel (Ahraliaui) de l'électicui de Montivilliers, réfugié ?
Bredel (Charles) » » »
Bredel (Jean) » » (Fécauip) réfugié?
Bredel (Pierre) » » »
Bredel (Pierre) » (^iaudehec »
Bracliou (Muie de) » » (névilliers-IIarfleui")
réfugiée en Hollande.
Brière (Nicolas, sr de Javelot) de l'élect. de Caudehec, réfugié?
Brière (Mme) » » »
Bultel (David) » d'Arqués, »
Buisson (Elisabeth) » » »
Buisson (Belzabée) » » »
Butot (Isaac) » » »
Caillot (Jacques) » » »
Campart (Denis) » Caudehec »
Canipart (Louis) » j> »
- 41" -
(',am|tarl (l'iernM de l'.'lcclioii (i"' (".aiuichec. réfugié V
Caiiuii (Nicolas) » .Mdiilivillicrs .1
Cardon (Miiln'h » Ai(|iii's
Cardon (Jean) » MoiUivilli.M's .
Caroii » " "
Caron (F.ouis) " Cand.'bec »
Caron (Nicolas) » » (liollx-c), irCuiiié en
Carri' (Elie) di' réleclioii d"An|iies. n'fii<-ié ?
ChabiM-l (Samuel) » .MoiiliviUicr.s »
Chapelle (Jacques) » Alpines »
ChoiHinct (Jean) » Candebec »
Collen (Pierre) » Ai(iues r,
Cossart (Etienne) » Montivilliers »
Couperin (Marlbe) » » »
Courclié (Jean) » » »
Courclié (Isaac) » » »
Coulre (Jean) » Candebec »
Croixniare (vv(--l)aniel) de l'élect. de Monlivillieis. rrfngiéc?
Canipart (Jean) » Candebec (Autrelot) réfu-
gié en Hollande.
Campart (Jacob) île l'élection de Candebec, (Aulretol) réfujjié
à Amsterdam.
Costé (les lils de Pierre) de l'élection de Montivilliers (ilarlleur)
rèfuiiiés en Hollande.
Dalbînson (Mathieu d', S'' de .Milleville) de Téleclion de .Monti-
villiers, réfugié ?
Daussy (Jean et Thomas) de Féleclion de (^^audebec, i-élugiés ?
De liethencourt, de l'élection d'Ai-qnes (Lnneray) réfugié '!
De l)Os (Michel) » de MoiUivilliers (Sl-Kiislache-la-
Forèl) réfugié ?
De liures (dame) de l'clcclion dAr(|ues, réfugiée?
De liures (Jac({nes) » Montivilliers »
De Caux (Jean) » .Vrijues »
De Caux (Madeleine) « » »
De Caux, pasteur, de l'élection d'Anpies, réfugié 1
— 41? —
De ('aux (David), de réiedion d'Arfjiu'S, réfugié ?
Ue Caux (Pierre) » n »
De Caux (Thomas) » » »
De Caux (lîicliard) » » »
De Caux (Sara) » » »
De Caux (Jacob) >' » »
De Caux (Jacijues) » » »
DeCiville-Vill(>rel((]llesi » » »
Dedde (Jacques) » Moutiviilicrs, réfugié ?
Dedde (kaac) » « »
Dedde (Jean) » » »
Defruyaux (Al)raliain) " (laudehec (iiaffclot) réfugi('' en
Augiclerre.
Delieulle (Alji'aiiaiu) de l'élection de Caudebec ([;olbec) r(''fugié
en Angletcnc.
Debeulle (Suzanne .Mole, veuve) de l^'leclion de Ciaudebcc, r.'"-
fugiée en Anglelei're.
De la Ferté Civille (Mlles) de l'éleclion de .Moiiliviliiers (Sl-Ni-
colas-de-la-Taille) réfugiées en Hollande.
De Feugueray, de Féleclion d'Arrjues, réfugié ?
De la Haize (Samuel) » » (Lammerville) réfugié ?
De la Haye du Mont (Josias) de l'éloct. d'Ar(iues, )>
De la (iareiine (liarlhélemy) > » »
Delainare (Daniel) » Monlivilliers »
Delauiare (Isaac) » » »
Delamare (Jean) •■> Ar(|ues »
Delauiare (Fsler) » .Moiitivilliers (Mélaïuare)
réfugiée ?
Delauiare (Josias) de l'élecl. de Monlivilliers (Mélamare) réfugié?
Delamare ( ) " " » »
De Lanquetuit (Pierre) » (laudebec »
Delaporte (Pierre) * Monlivilliers »
Delaunay (Nathaiiaël) de l'élection de Monlivilliers, réfugié?
Delaunay (Saumel) » Ar(}ups »
Delessart (Daniel) » Montivilliers »
Delessart (Pierre) » » »
27
— 4i«
(le rrlcclioii de Moiilivilliers, rt''finrit'M' ?
Ilt'i-i((| /Veuve Anne)
hesclianips (dlle)
Des Essarls (l'ieire)
Descliainps (Vve l'ierrej
l)esclianii>.s (l'ieiTo)
Desliayes (Louis)
Desponiniai'cs (Jean)
Despomniares (Anne)
l)es]>oniniares (Marie)
Devaux (p]lienne)
Devanx (l'ierre)
Dhaumerville (Guillaume)
Dufae (Pierre)
Duflo (.)a('(|ues)
Dufou (Jean)
Dulou (.Nicolas)
Ducliemiii (Antoine)
Du Mont deBostaquet (Isaac
réfugié en Hollande, puis en Angleterre.
Dupont (Ahraliani) de réleclion de Caudebec, réfuiiié
Caudebec
Vn|ues
Caudebec
Monlivilliers
Caudebec
.Monlivilliers
.Vrqups
([-a Fontelaye)
Durel (Jac(iiies)
Durci (Tol)ie)
Dutacq (David)
Duvai (Isaac)
Duval (Veuve)
Eloy (Pierre)
Eudeline (Louis)
Farou (Jean)
Fauconnet (Jean)
Faucon (Jean)
Fauquet (Elisabelb)
Feray (Henri)
Ferrand (Elisabeth)
Ferrand (Pierre)
Fichet (Jean)
Flaniare (Abi-aliani)
Monlivilliers
Ar(jues
Montivilliei":
Caudebec
» (Bolbec) réfugiée?
Monlivilliers »
Arques
Caudebec
— 419 —
Flaniare (Isaac) de rélection de Caudebec, réfugié ?
Flamare (Eslei-, fi'"' de Cli. Oiiesnel) de l'éloction de Caudebec
(Bolbec), réfugiée ?
Fanot (Paul) de l'élection ilc .Monlivillicrs, r/'lugié ?
Fontaine (Luc) » » »
Fouquet (les Hoirs) » » »
FoiKjue (l'iiilippe) » » »
Fret » Artiiies »
Frezil (Jean) » Montivilliers »
Funieclion( Marthe) » Arques »
Fouqiierel (Tlionias) de l'élection de ^lonlivilliers, réfugié ?
Gascoin ((iuiliaume) » » »
Gallay (Daniel) '> Caudebec »
(lalopin (Vve Jacques) > ^Montivilliers »
datais (Jean, l'aîné) » » »
Gâtais (Jean le cadet) » » »
Gaidjert (Jean) » » »
Gautier (Isaac) » Ai-ques »
(iloria (Nicolas) » » »
Gloria (Pierre) » » >
Godefroy (Anne) » Gaudebec (Holbec) réfugiée?
Godefroy (Isaac) » Montivilliers, réfugié.
Godefroy (Jean) » Arques »
(îodefroy (Pierre) » ( 'audcbec (lîeuzevillclte). ré-
fugié à Amsterdam.
Godin (David) de l'élection de Montivilliers, réfugié en Angle-
terre.
Gilles, de l'élection de Caudebec (Bolbec), réfugié en Angle-
terre.
Godin (Pierre) de l'élection de Montivilliers, réfugié ?
Gosse (Salomon) » » »
Gossier (Pierre) » Arques »
Gosselin (Madeleine Ilauvel, veuve de Josepli) de l'élection
d'Arqués, réfugiée ?
Goupil (Jean) de l'élection de ( laudebec, réfugié ?
Graindor (Anne) » » »
— \20
(ifosil (.Iran) lie ri''l(!clion ilr Moiitiv illicrs, l'i'riijiii'; V
(iuerard " " (llafllfur), r(-iïigié
à I liiiiliii.
(iiieroult (.leaii) de rélfclioii de MoMlivillicrs (( Irarlicl), i-t'fu-
<ji('' à Aiiislerdai;!.
(iiieroult (Isaac) de ['(''IcrliDii de Mdiilivilliei'S, [■('•i'ULiii'' ".'
(iuoroull (Nicolas) " " -»
(Tuetteville (Jacques) » Alpines »
(iiiellevillc (Anne) » » »
(iiiillauiiie (l'ii'iTc) » Moiitivilliers »
Haizc. (Jac(jues) » » »
Haize (Salomon) » » »
Halavanl (l'icrre) » Arques (l!oyville),rélugi»'; ?
Hallol (l'ierre) " " (Luneray) »
Hardy (Daniel) » ]\Ioiilivilliers »
Haudiecorne (Jean) » » (les Loges)
réfugié '!
Hauguel ((Charles) de rélection de Candel)ec(Yébleron) réfugié ?
Ilaunierville (< luiilaunie) de i'éieelion de ( laudebec (lieuze-
ville-la-( irenior), réfugié ?
llaiilot (Klisabetli) d(> l'élection de ^lonlivilliers, réfugiée ?
Maulot (Jean) » ( ;audehec(( irucliet) rélugié'/
Ifaulut (Kster) » Monlivilliers »
Haulot (Marie) » Caudebec (Rulhec) »
llavy (l'ierre) » » » »
Hébert (Isaac) » ^fontivilliers »
Hébert (David) » Ar(|ues »
Hébert (Jeanne) » Montivilliers »
Hébert (Pierre) » Arques »
Hébert (Pieire) » Montivilliers »
Hellot ( Jac(jues) » ( '.audebec »
Hervieux » Montivilliers »
Hervieux (Jacques) » « (Fécanip) »
Hervieu (Jean) » » » »
Hervieu (Jean, le jeune) » » »
Hervieu (Moïse) » » (Senneville) »
— 4=1 —
Hiu- (C.liarles) do !'élection ilc ('.audebec (l>euzevilh'-la-
(Treniorj l'éfugié ?
Janvier (Jacob) de l'éleclion de Caudelioc, réfugié ?
Jouoiine (l'ierre) » .Moiitiviiliers »
Lamii'al (l'ierre) i> ('.audebec >■
Lagarenne (Nicolas) » Ar(|ut's »
Lamy (Trislan) » .Moiitivillicrs »
Laiiioisse (l^ieire) » » >■
Langlois (Giiillanme) >>. ('-audebec »
].arcliev("(|ue (Isaac) » Arques »
Larcl!evt'(]ue (Jeani >• » »
Lalourle (Jeaiil ■> .Monlivilliers »
Lati»urte( Aniie,Vve |!. PirouHlel'élect.de Monlivilliers, réfugiée '.'
Latonrie ( l'ierre) » » »
Lavolle (Pierre» » (inudebec »
Lebarbier (Tiniolliée) .\liHilivillici-s »
Leberquier (iieujaininj ^ » »
Leberquier (Jean) * " »
Leberquier (l'ierre, lils de Jacob) » » ^>
Leberquier (Pierre, lils de l'ierre) » » >>
Leberquier (Marie) » » »
Leblond (Abraliani) » ('-audebec »
Leblond (Pierre) » » (Autretot)
réfugié en Aiiglelerre.
Leblond (Jacques) de l'éleclion de (^audebec (Trouville) réfugié
en Amérique.
I.eblond (Isnac) de l'éleclion de Monlivilliers, réfugié ?
Leliloiul (Abraham) » » »
Leblond (David) » (laudebec »
Leblond (Jean) » Monlivilliers »
Lebas (Pierre) » » »
Lebi'ument (Abraham) » (".audebec »
J^ebrument (Jacques) » Monlivilliers »
Lebrumenl (Jacques. Marie Fauquel v'»»') de l'éleclion de Cau-
debec, réfugiée?
Lebrument (Marlhe) de l'éleclion de Caudebec (Aulretot) réfu-
giée en Angleterre.
— 4^2 —
Leboulengcr (Elle) de rélection de Caudebec (Gruchet-le-
Valassc) réfugié ù Amslerdam.
r.ocaron (Daniel) de l'élection de Caudebec, réfugié ?
Lecaron (Judith Pimont, Vve d'Abraham) de l'élection de Cau-
dohec, réhiLiiée ?
Lcclerc (Louis) de l'élection de (".audeber, i-éfiigié ?
Lecaron (Jacques) » » (liolhec) rétugié en
Angleterre.
Lecoinle (Isaac) de l'élection de .Mon(ivilliers, réfugié ?
Lecointe (Jean) » Ar(|iies »
Lecointe (Louis) « Monlivillicrs »
Lecointe (Abraham) » Anjues »
Lecordier (Marie) » Montivilliers »
Lefebvre (Jacques) » » (St-Aiitoine-la-
Forét) réfugié ?
Lefebvre (Jean) de l'élection de Montivilliers. réfugié ?
Lefebvre (Louis, S'' de CJiambrun) de 1 élection de Caudebec,
réfugié ?
Lefebvre (Marthe) de l'élection de Montivilliers, réfugiée ?
Lefebvre (Pierre) » » »
Leforeslier (Michel) » Arques »
Legrand (Daniel. S'' du Petit-Dose) de l'élect. de .Montivilliers,
réfugié ?
Legrand (Marie) de r('lection d'Anjues (église Dacqueville)
réfugiée à Groningue.
Lemaistre (Jacques) de l'élection d'Arqués, réiugié ?
Lemaisfre (Nicolas) » Caudebec »
Lemaistre (Epoux) » Montivilliers (llarlleur) réfu-
giés en Angleterre.
Lemâle (Abraham) de l'élection de Montivilliers, réfugié ?
TiCmaître (Tobie) » » »
T>enioine (Jacques) » » »
Lemonnier jeune » » »
Lemonnier (David) » » »
Lemonnier (Jacques) » » »
T.epelletier (dame) » » »
— 42,^ —
Lepiqiiais (hicol)) do l"él('ctioii de Caiidcbec, réfiij^iô ?
Leplay (Isaac) » » (Autrelul) i-éfugié
en Ang^leterre.
Lépreux (Jaccjiies) de l'élection d"An|ues, réfugié ?
I^esei^iieur (Madelaine) » Caiideljec »
J.esadc (Pierre) » Arques »
Lestudois (Jacques) » Caudebec (Sl-Nicolas-de-la-
Taille) réfugié à (ironingue.
T.esueur (Jae<|ues) de l'élection de Monlivilliers, réfugié ?
JiCSueur (eulbiit) » » »
Lesoiniuelicr » » »
Leiellier (Lsikic) » Ar(|ues »
Leiellier (Jacques) » » s
Letellier (Pierre) » » »
Leniarcis(lsiiac el sonIVère) dt^l'élcctioude Monlivilliers (liolbec)
réfugiés en Angleterre.
Leludois (Vve Salonion) de l'éleclion d'' Moulivilliei's, réfugiée ?
Lasseur » » »
Levasseur (Etienne) « » »
Levasseiir (Isaac) » C;ui(lel»ec(l!«>lliec) «
Levill.iin (Josias, liériliers de) d(^ réicclion d'Anjucs, r(''lugiés
en Amériqu(\
Lbeureux (Pierre) de l'élection d'Ar'(|ues, réfugié ?
Linard (Etienne) » Monlivilliers »
Linard (Jacques) » » »
Linard (Jean) » » »
Ijoisel (Jean-liaplisle) » » »
Lorplielin(Josepli) » Arques »
Loué (Pierre) » Montivilliers »
Louvel (Jacques) » » »
Tjouvet (Samuel) » » »
Lucas (Juditb) » » »
Lunel (Nicolas) » » réfugié en Angle-
terre.
Lunel (Pierre) de l'élection de Monlivilliers, réfugié ?
Mahieu (Jean) » Arques »
— 4=4
Mailhird (l'icrrc) de rélrclidii di; ('.iiudebec, réfugié ?
M;li^tl■(' (l'icri'.') j> Ar(iUes »
Mahuulaiii (leaii. cl sa rcmiiii' Marllic lîoiirtioii) d ' l'éledioii de
Moiilivjlliers ((iodcrville) l'ciugiés ?
Mallcl (Daniel) de rélectioii do Caudehec, réfugié ?
Madct (Saloinon) » » »
Maliet (Jean) » » » en Améri((ue.
Mallel (Saloinon) » » »
Marcotte (Guillaiimo) » Arques »
JMarie (Estel') » Caudebec »
Marcolte (Anne) >> Arques »
Massieu (Pierre) » » »
Mauger (Jean) » » »
Mauger (Madelaine) » ^lonlivilliers »
Mauger (Marie, Vve David Llieureux) de l'élection d'Arqués,
réfugiée ?
Meniel (filles) de Télection de Montivilliers, réfugiées ?
Meniel (Jean) )> » »
» Arques »
» » ((jueures) »
Michel (Nicolas) »
Miffant (Jacques) »
Mifïant (]\Iathieu) »
Mole ('Suzanne, Vve) »
Monfreuile (Jean) »
Monfreulle (Pierre) »
Monnier (Jacques) »
^lontier (Daniel) »
réfugié en Angleterre.
Morue (Pierre) de l'élection de (laudebec, réfugié ?
Caudebec
Arques »
("audebec (St-Eustaclie-la-Forèt)
Moucliel (Pierre)
Mullot (Jean)
Mustel (Marthe)
Navarre (Abraham)
Nipiville (Eudes de)
Noël (Nicolas)
Née (Jacques)
Oursel (Nicolas)
Montivilliers
(laudebec »
Arques »
» (Luneray) réfugié ?
Montivilliers »
Arques »
» »
Montivilliers »
— 42=^ —
Orange (Jean) de rélection di- Caudobec, réfugié ?
Ouvry (David) > Annies «
Ouvry (dlie) » » »
Ouvry » ■' "
Osno » Montiviliiers »
Pérou (Jacques) » » »
Pérou (Marie) » » »
Pérou (Railiel) » » »
Petit (Jean) " " »
Picot (Abraham, Piachel Bouzans sa fenuiie) de rélection de
Caudebec (Rolbec) réfugiés ?
Picot (Abraham, fils) de l'éicct. de Caudebec (fiolbec) réfugié ?
Picot (Pierre) > » » >■
Picot (Marguerite) » » w »
Pigné (Daniel) » Arques »
Pillon (Pierre) » » »
Poucliin (Jean) » ^lonliviiliers »
Poulingue (Abraham) « » »
Quesnel « Caudebec »
Quesnel (Charles) » « (l'olbec) »
Quesnel (Jean) de l'élection de Montiviliiers (Turi'etot) réfugié
à Rotterdam.
Quesnel (Jacques) de l'élection de Montiviliiers, réfugié ?
Beauté (Thomas) » » réfugié en An-
gleterre.
Retout (Pierre) de l'élection d'Arqués, réfugié ?
Renault (Jean) » Montiviliiers l'éfiigié ?
Renoult (Nicolas) » Caudebec »
Retout (Samson) » Ai'(|ues »
Richer (Abraham) » Montiviliiers »
Piicher (Charles) » » »
Richer (Daniel) » » (Criquelol) réfugié ?
Richer (Jacques) » » »
RicoHir (Pierre) » Caudebec »
Routier (Anne) » Arques »
Rufy (Jacques) » » »
— ^2b —
Uully (.leaii) de Télection d'Arqués, réfugié ?
Sacré (Tol)ie) » Montivilliers, réfugié ?
Selingue (Elle) » Gaudebec »
Selingiie (Elis:ibeth)de l'élection de (laudebec((iruchel) réfugiée ?
Scnécal (Jacques) » Arques »
Seiiécal (Jean) » » »
Senécal (Pierre) » » »
Sieurin (Jacob) » Montivilliers »
Sieurin (Jacques) » » (St-Nicolas-de-la-
Taille) réfugié en Hollande, mais revint en France en
février im).
Sieurin (Jean) de l'élection de Montivilliers, réfugié ?
Sieurin (Pierre) » Caudcbec
Sortembosc (Samuel de) de l'élection de Montivilliers, (Fécamp)
réfugié ?
Sortembosc (Pierre de) de l'élection de Montivilliers, (Fécamp)
réfugié ?
Soyer (Ciédéon) de l'élection d'Arqués, réfugié ?
Soyer (Jacques) » » i>
Soyer (Jean) » » »
Thierry de la Motte-Fallier. de l'élection d'Arqués réfugié ?
Tur(juier (Salonion) » » »
Vauquelin (Jean) » » »
Vautier (Thomas) » » »
Veridel (Jacob) » Montivilliers »
Viard (Jacques) » Gaudebec »
Vincent (Jac(jues) » Montivilliers »
Vincent (Jean) » » »
Voisin » Arques »
Vry (Marie) » Montivilliers »
— 427 —
PIÈCE N° 9
Liste (les NOUVEAUX CONVERTIS d'Hnrpeur, de Mont i-
villiers et des conuiinncs voisines qui rendirent des armes
et des munitions à la suite de l'ordonnance royale du
i6 octobre 1688.
Harfleur
Pierre Costé. Jean Costé. Jean Maugendre. Jean Lecoq.
Jean Desnaiix. Pierre Sommelier. Pierre (<osté. Pierre
Louvel. Jean Lemaisire. Jacob Poiichet. Jean Lebas.
Poucliel de Belleniare. Tristan de la Motlie. Jean \.o Pirni-d.
Jean GelFray. Isaac Lioult. Jean-Daniel liouling. Ahrahaiu
Lebas. Pierre Durant. Daniel Mauger. Jean Eiidi'. Jean
Delaunay. Jacob Gneroul;. Jean Lestudois. Vve de l'icrrc
Fcrrand. Jacques Haize. .Nicolas Ilaumont. Jean liouling.
Jean Eudeline. Pierre Casiel.
Montivilliers
Pierre Fréniont. .Jacqucs-Pliiléinon Andi-icii. Jacob Lemercicr.
Pierre Fréniont fils. Jacques Andrieu fils. Pierre lieuriot.
Pierre Calecet.Ephraïm Lesueur. (jédéon Palfray. Abraliam
Lamy. Pbilémon Sevestre. Isaac l>amy. Jean Levesque.
Pierre Bellet. Jean Dufour. Philippe Fesanvage. Vve de
Jean Andrieu. Jean Mordant. Cliarles l.ecourt. Vve
Delaporte. Pierre GelTray.
Angerville-l'Orcher
Pierre Lecacheux. Pierre Simenel. Philippe Martel. Jean
Anganiare. Pierre Aubourg. Isaye Lesauvage. Abraham
Leroy. David Couillard. Pierre Coquart. Jacques Sauquei .
Thomas Hachard.
Manéglise
Salomon Lecordier.
— 42? -
Gainneville
Jean Levosqiio. Jacob I.cconili'. Jean llallol. Ja((|ut's
Dunioucliel.
Epretot
Jean Locaclieux.
Saint-Laurent-de-Brèvedent
Malliias Leroux. Jean l.elellier.
St-Germain-de-Montivilliers
Jean Ferret. Al)i'aliaiii Itrcdcl. Jean d"pj|ueville. Nicolas
Gueroult. Jean l.oisel. l'icn-c lidivin. Jean Lesenne. Daniel
Blonde).
Le Fontenay
l'ierre Angamare, Jjicques Brllel.
Epouville
Jacqne.s Peste), l^ierre )-aljljé. Jacob ))urand.
Rolleville
Danie) Faisant. Jac([ues (iandebec. Abraliani Ouesnel.
Fontaine
Jacques Bouvief. Jean Dupuis.
St-Martin-du-Bec
Jean I.anibet-I. Jean Leniarcband. Jacques l.anibcrl. Jacques
Périer. Abraliam Lenioine.
Sanvic
Laurent Lebas. Jean i)uniouc)ie). )saac lioudin. Jac(jues Avril.
Bléville
Jacques Brede). Jean T'auron. (iédéon Mas)e. Isaac Ma)on.
Jean Ma)le. Jean LecacJieux.
429 —
Octeville
Abraham Masie. Pierre Eudes, Pierre Gascoin. Pierre Avril.
.Ia((|iies I.ecaclieiix. Philippe Avril. Charles Masle. Jean
l'icanl. Pierre l'aisaiil. .Iran I,ecordier. Henry Avril,
.lacfiues Avril. Pierre Masle. Jean Masle. Thomas Simon.
Pierre Dullol. Pierre d"E(jueville. Pierre Simon. Jean
lîi-edel. Abraham Uu liuisson. Pierre Lambert. Jean Masle.
Pierre Aubourg. Jean liredel. Jacques .Masle. Jean
d'Equeviile. Jean Fontaine.
Criquetot, Beaurepaire. Le Tilleul, Pierre-Fique,
Cuverville
Pierre Ht'-rnbel. Jaeijiies Fontaine. Pierre Manger. Pierre
Ituilot. Jonas Thomas. Pierre Boitte. Jacques Patrix.
Hermeville, Le Coudray
Jean Héinhel. Siniun liauqner. Nicolas Itelamare. .Abraham
llecher. André Helainare. l'ierre Perler.
Turretot-Gaineville
Pierre De Fanné. Phih'inoii Aubert. Abraham lîenaud. Jean
Le Presti-e. Jacuh (laiiinait.
PIECE y 10
RAPPORT DES CURES (1698/99)
Uùles (les iiouvenux convertis
(Nota.— Les villes de Rouen, du Havre et de Dieppe sont excUies).
DOYENNÉ DU HAVRE
Ville de Montivilliers
Veuve Delaporte, lingère, demeure à Kouen, — revenue à
Montivilliers.
— 43^» —
Tttbie l.eiiiaistre, compagnon serrurier, — s'est retiré et
ile|iuis fait recevoir au Havre. On ne sait présenlcnicnt
oii il esl.
Ville d'Harfleur
l,a daine Leinaistre, bourgeoise vivant de son bien, est partie
en Angleterre pour rejoindre son mari qui y est habitué
depuis 1085.
Le lils de Jean-1'ierre (Insté, jdalrier, est passé en Hollande
depuis 3 mois.
I,e sieur Guérard, fils du ministre de Sanvic, qui demeurait à
Harlleur, doit revenir de Dublin, en Irlande, où il est établi
depuis longtemps.
Fontaines
Henry Avril, laboureur, 80 acres de terre, ii ans ; Marie Bre-
del, sa femme, 40 ans ; 5 enfants de 1 à 15 ans ; Jacques
Avril, père du dit Avril, demeurant avec lui, 73 ans ; un do-
mestique, nommé Bredel, "20 ans.
Jean Dupuis, laboureur, 50 aci-es de terre, 45 ans ; Marie Le-
vesque, sa femme ; 5 enfants, l'ainé 14 ans ; Jeanne He-
naux, servante, 37 ans ; Thomas Deguiville, 20 ans.
Jacques Boivin, laboureur, 45 acres de terre, 42 ans ; .\nne
Lecordier, sa fenmie ;3 enfants, l'aîné 12 ans, la dernière 5
ans ; Jean Lebouvier, domestique, 23 ans; Jacques Lecor-
dier, 16 ans ; Judith, servante, 20 ans.
Pierre Lambert, 8 acres de terre, 46 ans ; Judith Maze, sa
femme, 45 ans ; 5 enfants, de 20 à 7 ans.
François Fromont, 15 acres, — marié depuis 6 mois à Made-
, leine Maze ; lui, 26 ans ; elle 30 ans.
Ester Avril, veuve de l*ierre Lahoule, 37 ans, — seule dans
une chambre.
Pierrefiques
Jacques Argentin et Marie Leiièvre, sa femme, et 8 enfants,
22, 18 et 15 ans.
Josias Bicher et Suzannne Boivin, sa femme, et 2 enfants :
F'ierre, 15 ans, sans esprit, et Marie, 10 ans.
— 451 —
Anglesque ville
Pierre Périer, laboureur. 50 ans, — assez aisé, marié à la
veuve (iiind ; 1 lilie de 15 mois. L'on n'a aucune connais-
naissance de son mariat;e pour n'avoir élé fait sur les lieux.
i,a dite veuve a 6 enfants : 10 à lU ans. — Deux servantes
de "20 ans chacune.
Jean Cailard. laboureur. 1)8 ans, — aisé, marié de même à
une nommée Andrieu de Î5 ans. dont il a une fille de 1."»
mois, i.a mère du dit Cailard. 70 ans ; un frèi-e de 20 ans;
un autre parent de 12 ans ; une seivante de 20 ans.
Jacob Leroy, manœuvrier, -io ans ; sa femme ; trois enfants ;
23 ans, le dernier 8 ans.
Madeleine Pavie. iO ans, mariée, de même (jue les précédents,
à un nommé Claillot, chaudronnier, û8 ans.
.Jean Féret et sa femme, iO ans ; 2 enfants de 9 et 10 ans.
Pierre lioivin et sa femme, lui 50 ans, elle 00 ; 4 enfants ;
l'ainé 25 ans, le dernier 1(> ans.
Turretot
Denis Gosselin, tisserand, 42 ans ; .Madeleine Leprestre, sa fem-
me, 45 ans : Pierre Gosselin. frère du dit. 3N ans ; Marie
Leroy, servante, 12 ans
Isaac Cailard, journalier. 33 ans. avec sa mère d'environ 70 ans.
Jacob Campart, tisserand, 40 ans ; Suzanne Périer, sa femme,
40 ans ; 3 enfants : IX à 13 ans.
Jean Lecordier, serviteur chez la veuve Beauquier.
Thomas Leprestre, serviteur, de la paroisse de St-Jouin ; Marie
Pellerin, sa femme, et 3 enfants.
Pierre Delaunay, tisserand, 00 ans ; Pierre Delaunay, son lils,
12 ans.
La veuve Beauquier, iO ans, — avec (i enfants.
Ecuquetot
M. de la Mazure, sieur d'Anxtot, sa servante et Jeanne La-
chèvre.
— 432 —
Samuel Durand, sa sn'ur et Mario Aniy.
Pierre Lamoisse et sa servante.
Jean Périer et sa servante.
Jean Valenlin.
Jac(]ues Ouesnel et son lils.
Pierre l)ul)uc et sa feiiinie.
liachel Perluzon.
Mathieu Leroux, sa ieninie, son fils, sa lille, sa servante.
Jacques Sieurin. sa femme, son fils, sa servante.
Jacques Hauchecorne père, son lils et sa femme.
Ester Bredel et sa lille.
Daniel Pofel, sa femme et (î enfants.
Vve Sieurin et 2 lils.
Jacques Desvignes et sa femme.
La veuve Judith Simon et sa fille.
Etienne Poisant (ou lùiemie F^epi-eslre), sa femme et i enfanls.
Jacques Morel. renégnf depuis, (piatre ans et qvi fait le p)-es-
che ayant été ci-devant élevé à Villainville, son valet et
un petit garçon .
Salomon Hautot et sa scrur.
Salomon Angammare, sa femme, 2 enfants, 1 valel et I ser-
vante.
Pierre Bredel et son lils.
Abraham Potin, 1 valet et 1 servante.
Robert Kicher, 2 enfanls.
Jean Gosselin. — Jonas Petit. — Louis Petit.
Jonas Thomas et l enfanls.
Jeanne et Suzanne I.ahure.
Jean Campart, sa femme et son fils.
Marie Lenud.
La veuve d'Abraham Lainoisse, 3 enfanls, deux valets, deux
servantes.
Marie Petit. — Ann(; Petil. — Marie Louvel.
Jacques Roche, sa fenune, yené(jate pour les pousser, 'i e\^ïixnls.
La veuve de Jacques Quesnel et son fils.
Jean Bredel et sa fille.
Notre-Dame-du-Bec
l'IiiltMiion Auber, .Marie lioiilani, sa femme, sa fille et Racliel
nicher, sa servante.
Jean Auber, Elisabelh Lecaron. sa femme, el W enfants ;
Jacques Auber, frère.
Jacques Hérubel, — .Mai'ie .Martel, — ('.liarles (îosselin, Marie
Hellet, sa femme, et 2 enlauts ; P^lisaheth Iloquiii, ser-
vante.
Beaurepaire
Anne Quesnel, veuve (Josseliii, X2 ans; Pierre (îosselin. son lils,
38 ans.
Saint-Sauveur-la-Campagne
vSalomon .\n_ii'ammaie, GX ans ; sa feiiuiic, 7(1 ans ; Jeanne An-
gammare, leur lille, 1)5 ans.
Jean Auber, tellier (loilierj, t eiif.inis : 17 et IT) ans.
Jean Diiflo, marcliand de clievanx el labonr(nii', oOaus cnvii-on,
ayant cliez lui .Indilli .\ndrien (ju'il dit rlri» sa ienimc (|uoi-
(]u"il n'en ait lait paraître aucnn acle, de la(|uelle il a deux
enfants — "l ans, et S mois — el nii valet r.onimé .^ieiu'in,
30 ans, et Suzanne lioiteux, scrvanlc.
Léonor Durand, cordonnier, 40 ans ; .Vuiic Ilauciici orne, sa
femme, iO ans ; 2 eidanls, 9 et 7 ai;s.
Jean Léger, 12 ans, laboureur : Snzannt' l.aiiiy, sa lemiuc, ii
ans ; sept enfants : Tainé 10 ans.
Etienne Dui'and, jouinialier, 3'i ans. gari on.
Marthe liazire. 00 ans.
Jean .Mole, laboui'eur et tellier. !(8 ans : Suzanne Claux, sa
mère. 75 ans.
Pierre .Mole, tellier. 36 ans ; Jeanne Hauchecorne, sa femme
qui dit avoii' été uuu'iée p;u' le curé de Déville (|Uoi(|u'il
n'en paraisse aucun acte, de laqm lie il a une lille de 9
mois.
Jean Potier, laboui'eur. 40 ans, ayant chez lui Pierre l.csouef,
sa so'ur, et deux neveux, l'un de %). laulre de IS ans.
- 4H —
Ecrainville
Jean Uorlavillc »'t sa rciiiiuc ; (;iii{] cnianls, dont l'ainé est à;jé
de ',^0 ans. I.e dit Hoi'lavillc et sa fciiiiiH' àj^rs de 50 ans :
la bonne, 40 ans. — iO acres de leire.
Jacob li^ou, 50 ans, laboure 15 acres de terre ; .Jndith Fon-
taine, sa fennne ; buit enfants ; Fainé 110 ans.
Pierre (îosselin, laboure à l'enne l'-J acres de terre, 3U ans. Dit
être marié il y a environ "2 ans sans avoir fait paraître
aucun cerlilicat.
Goderville
Pierre Maillard et sa femme.
Denis Valentin et sa femme.
Jean IJelessart et sa femme.
Jacques Avril et sa femme.
La veuve Lebas, un garçon <'t "2 filles.
Pierre .Vvril et sa fennne.
Jean Heaudoin.
IJaniel Haucliecorne.
Manéglise
Vivier, 7i ans, avec sa fenmie pareil âge. seuls sans enfants
ni domestiques. I.aboure se])l acres.
Andrieu, 50 ans, — aîné de trois sd'ui's qui demeurent chez
lui ; sa femme de son âge, 1 batteur, 1 valet ; labonre une
ferme de 110 acres de terre. (îette femme accoucbée (le[)uis
3 semaines et les{jnels ont fait fefiis de parier l'eiiffDit à
réglise. et sur ces refus a été cjojirné ii In rei/iiète de M.
le procureur dit roij à Moiitirillliers.
Saint-Jouin
\a', sieur (iaudin, bourgeois du Havi-e, faisant valoii' dans celte
paroisse 45 acres de terre, — 55 ans ; sa femme, 50 ans ;
cin(j enfants : l'ainé, '2''2 ans : — trois domesliiiues.
Isaac Heclier, laboureur, 50 ans.
Jean Heclier, ?,ô ans, 5 domestiques, 100 acres de terre.
— 4^^s —
Jean Sens, laboiirenr, llO acres, 00 ans ; Juditli, sa fille, 22
ans.
Jean l'oisant, mand'uvi'e. 00 ans ; sa femme, pareil âge ; 2 en-
fanls, 22 cL 13 ans.
Jonas Aubert, labonreur, i.") ans ; sa femme, 'lO uns ; i en-
fants, l'aîné, iH ans.
La veuve I.eméleil, (io ans, 10 acres ; li enfants ; Tainé, 25
ans.
Emalleville
Tbomas Quesnel, labonreur, 70 acres, 32 ans ; sa iemme, 45
ans ; A enfants : l'aîné HO ans, le cadet 15 ans. I.e dit
Quesnel a 150 livres de rente en fonds de terre.
Pierre Senn'nel, labonreur. 00 ans, 40 acres; safenuue, 45 ans;
7 enfants : l'aîné, 23 ans, le cadet 10 ans.
.Jean Sieurin, laboureur, 45 ans, oG acres; sa fennne pareil âge ;
deux enfants; V;\u\(' 22 ans, le cadet 2.
Jean l'ottier, gardon, iO ans; Marie l'oltier, sa sieur, veuve;
une servante ; — 10 acres de terre.
Daniel Ilaucliecorne, io ans ; .Marie 1 ajibice, sa femme, 35
ans ; 3 enfants. 15, 12, et 0 ans.
Noénii Renoux, tille, 2i ans, et Elisabeth lîeiiou.v, lillc, 17 ans ;
Salomon Renoux, 22 ans, — occupriit une cliambi'e.
Hermeviile
.Tean Sieurin, blastrier, 50 acres, et Poster Ib'rubel, soi-disant
sa femme, 25 ans.
Marie Valentin veuve, en cliambre, et Judith Valentin, sa (ille,
8 ans.
Nicolas I.elièvre. médecin de chevaux, 58 ans, et Elisabeth Le-
roux, sa femme, 00 ans ; Marie Lelièvre, lille, 30 ans.
Jacques Périer, marchand de moutons et laboureur, 35 ans,
prétend être marié depuis queltpies années à ,\nne Potel,
sa femme, de même âge ; une lille de hS mois, 2 valets de
harnois. 1 batteur en grange et 2 servantes.
IsaacLemarchand, manouvrier ayant une pctiti^ maisou et 2
acres de terre à luy appartenant. ('0 ans ; Marie Cabot,
— 436 —
sa ffiiiinc : 2 fillos 22 et 20 ans.
l'it'i'iT lîciiaiilt, Iclliri'. i.") ans ; 3 enfanis. le I'T li) ans, le
(Icrnicr lO ans.
Jean jiénihel, lalioiu-eui'. iiO acres à luy appai'Ieiiant, ';() ans ;
.Madeleine llérulx'l. sa nièi'i\ 60 ans ; l'ierre llt'i'ul)!;], son
lï'ère, IN ans ; Ahraliani. irère. \',\ ans ; Kslei" Ih'Miihel.
sd'iir, 10 ans.
Jean ].ali<;ny, manonvrier. pauvre, iO ans.
Saint-Martin-du-Bec
Le sieur Ahraliam Wrouling, bourgeuis de Rouen faisant va-
loir sa terme en celte paroisse ; lait son devoir, mais la
dame son épouse ni ses enl'anls n'en ioni rien, ni ses va-
lets et servantes.
Jacob Vivier, sa l'ennne et ÎJ garçons.
Jean Vivier, sa mère et son oncle.
Mlle Caresme, demeurée en langueur dans un lit, et deux ser-
vantes qui la gouvernent.
La veuve de Moyse Maillard, et 1 servante.
Jean Lemarcband et sa fenmie.
.Anne Lambert.
Bléville
Jeanne Dumouchel, veuve de Jean Maze. 3 garçons et 2 tilles :
Lune de 18, l'autre de 8 ans ; 2 domestiques, 1 valet, 1
servante.
Jacques Vivier ; Juditli Vivier, sa femme.
Gédéon Maze et Madeleine Couillard, sa femme, et ï iilles : la
I'"u 15 ans ; Elisabetli Avril, servante, 25 ans.
La femme d'Etienne Boivin.
Anne Hredel, veuve d'Isaac Malot ; 2 enfants, le !<''■ i) ans,
l'autre 8 ; Madeleine Couillard. veuve Pierre Hredel, sa
mère.
Nicolas Lemaistre.
Tliomas Vivier et Anne Sieurin, sa fenmie.
Jean Tliomas, 30 ans, et Anne Igou, veuve d'Isaac Tliomas, 66
ans ; Jonas (lodard, domestique, 15 ans.
- 4^^7 -
l'iiMTC Mesaiii^iu'l ; Marie .Manger, son épouse ; 2 valets. 1
servante ; — le I'"'' (î(l ans, le 2'' 25 ans, la servante 55
ans.
Pierre Avril. 55 ans ; .Marie-Anne, sa sœur. 35 ans ; Jean
.\vril, domestique. 19 ans.
Criquetot-l'Esneval
Pierre Dnilii, laboureur, t'ci-ine de \H) acres, 50 ans ; sa t'ennne
iO ans ; 4 enfants dont l'aîné 14 ans ; I domestique.
Daniel Uuflo, fi'ère du précédent, 46 ans, laboureur. 90 acres,
— mai'ié depuis 2 ans à la nuinmée (]allard, sa femme,
sans en avoii'fait voii- aucun acie ; 2 enfants de son pre-
mier mariape ; 1 servante et 2 autres domestiques.
Daniel lilondel. cabarelier, 50 ans ; 3 entants dont l'ainé 14
ans.
La nommée Vivier, 70 an^, servante cliez un laboureur.
Cuverville
.lean Lambi'rt, 50 ans : .Madeleine .Molin. sa femme ; 3 en-
fants. 17 ans. 16 et 15.
Daniel llaidin, 'M ans, gai-çon ; 1 servante de 50 ans. fille.
La veuvi! .lacques Piicber. 60 ans ; :] enfants : un gai-çon 30
ans, 2 lilles plus âgées.
Tous ces nouveaux ctmvertis ne fout point leur devoir
de la relii,'ion catholique, apostolique ot rcmiaine.
Certilié par le docteur en ibéologie. curé de Criquetot-TEsne-
val et dovLii du Havre.
Signé : Tiii:vEMX.
Doyen du ?Iavre.
Nous (itlcinloHs iirec iiiijialiciicc ili's ofdi-fx qui les assujet-
tissent à leur devoir, car il n'en est jnesijite jias ijui s'ij dé-
tenu inent d'ei(X-))ièmes.
A MM. les grands vicaires de raicbevèclié de lîouen.
12 juin 1699.
- 43» -
Le 28 aoi'il Mii\;iiil, \o iiii''iiii' doyen du Ihivrc ciivoyiiit une
i:oiiv('llc ikI- ([11' mu n'iirotlusuns :
.\iiurrini.r ctnirciiis sarlis de i o>/iiini:c 'Irjniis la dcchiridion
du nui de lfl!IS\ et c inni coiiijii'is ccii.r ijni sdiiI sorllsilu
IlKiir, Harfleuf cl Moutirillins.
Notre-Daine-du-Bec
Uaiiiol Aube et sa femme.
Houquetot
Daniel Haucliecornc.
Hermeville
Isaac Lemarcliand avec sa femme et sa fille.
Ecrainville
Judith Durand et P]stei- Fontaine.
DOYENNÉ DE FAUVILLE
Bolbec
Liste des nouveaux a»} ver Us
Jean Ilaunierville, riclie, âge l!ô ans ; Abraham Ilaumer-
vilie, son frère, âge oJ ans ; Anne Haumerville. sa sœur,
âge 28 ans ; Charles llattenville. domestique, 'M ans.
Pierre l.eschalupé, mni-ehand drapier. 35 ans ; Judith Douchet,
sa femme prétendue, lil ans ; Daniel Leschalupé, son neveu.
15 ans ; Anne Leschalupé, sa tille.!) mois ; Jean Faucon,
domestique, 45 ans ; Jean l.ebouvier, domesti((ue, .50 ans.
Isaac Lannay, cabaretier, 60 ans ; , Judith l.avotte, sa femme,
55 ans ; Jean Lannay, son lils, 20 ans.
~ 4V) —
Isaac Durel, memiisii'r. iîG ans : Elisabeth Moiiotte, sa femme,
i5 ans ; l'iornï Ihirel. s(tn lils, 1"2 ans ; C.allierine Durel,
sa (ille, 10 ans.
Anne Viard, 36 ans.
Isaac Haumerville. cliandelier. 37 ans.
.\l)raliam Lavotlo. tanneur, riclie, voiturier, âge 55 ans ;
Martlie Igou. sa femme. 48 ans : Marthe Lavotte. sa fille ;
Nicolas Lavotte, enfant, 21 ans ; Jean Lavotte, entant, 18
ans ; Marie l.avotte, enfant. 14 ans ; Jndilli Lavotte. enfant,
4 ans.
Méchant. N'a jamais tendu sa porte lors du St-Sacrement.
Abraham Lavotte, fds, médiocrement riche, tanneur, 26 ans ;
Judith Lecaron. sa femme, 22 ans ; Jacob Viel, domestique,
24 ans.
Louis Lecaron. lannnnr. riche. iS ans ; Elisabeth Fagot, sa
fenmie, 'lO ans ; Louis Lecarou, enfant ; Abraham Lecaron,
enfant. 10 ans; Daniel Lecaron. enfant l'i ans.
N'a point ti'udu s;i maison.
Daniel Bidlengei-, com[)agnon tanneur, !22 ans; .ludith, sa sœur,
15 ans.
Thomas Godeh'oy, lilenr de laine, 50 ans ; EHsabeth Sieurin,sa
femme, 45 ans ; Suzanne, enfant, "23 ans; .\braham, enfant.
"20 ans ; .lac([nes, enfant. 10 ans.
Suzanne Durand. 30 ans.
Jean Lemanicher, compagnon corroyeur. 'i5 ans ; Marie Lecaron,
sa femme, ii ans; Jean, enfant, 20 ans; Marie, enfant, 17
ans ; Jac(}ues, enfant, 15 ans ; Pierre, enfant, 13 ans ;
Blanche, enfant, 5 ans.
Les Sieurines sœurs, linottières : Suzanne 39 ans, Marie 37 ans,
Suzanne 35 et Marie 2H.
Isaac Pertuzon, linoltier, médiocrement riche, 3S ans; Judith
Sieurin, sa femme, il ans ; Enfants : Elisabeth L2 ans, Isaac
11, Marie 7 et Jeanne 7 ans ; Judith Cavelier, servante, 65
ans.
Jacob Huart, tellier, 45 ans ; 3Iarie Bellenge^, sa femme, 44
— 44« —
ans ; Isaac, enfant, IcS ans ; Mario, enfant, 14 ans ; l'iorre,
enfant, 4 ans, et Marie Martlie, enfant, 1 an.
Pierre lilondel. revendeur d'herbes, 50 ans ; Marie lîlondel, 44
ans.
Jean Viard, iinottier, iiK'rluoil, iîô ans.
Judith Boivin, 45 ans.
Anne f.ecarnn, veuve de Jacques Faucon, liuoltière ; enfants •
Jean 20 ans et Anne 15 ans.
Simon l'ottier. linoliei-, 44 ans ; .Tudith I.esueur, sa feumie, 40
ans ; enfants : Pierre 5 ans. Marie 3 anset Marie-Anni; I an.
Pierre Pouchet, drapier-meunier. 7(S ans : Marie, enfant, 'JH
ans : Ezecliias, enfant, 26 ans ; Marie Godard, servante, 25
ans.
Abraham I.avotte, l'aîné, 72 ans ; Marie Pouchet. sa femme,
70 ans ; Pierre, enfant, 25 ans.
Pierre I.avotte, tanneur, 45 ans ; Elisabetli I.emasurîer, sa
femme, 42 ans ; enfants : Jeanne 24 ans, Marie 22 ans,
Abraham 19, Elisabeth 15 et Anne 14 ans.
Anne Fauqnet. 34 ans ; Suzanne Sieurin, servante. 18 ans.
Jacob iiudemare, serviteur, 75 ans ; Pierre, enfant, 38 ans.
.Anne Serville, veuve d'Isaac Yon, tonnelier, 25 ans ; Anne
Pottier, sa nièce, 15 ans.
Elisabeth Lecaron, 50 ans ; Jeaiuie r^ecaron. sa sieur, i5 ans.
Marie Yago, femme de Daniel Delieulle, ?>?> ans ; enfants :
-Marie 1 i ans, Pierre 10 ans. Madeleine 1 an.
Anne Ygou, veuve de Nicolas Lemaistre, 42 ans ; enfants :
-Nicolas 20 ans. Anne 18 ans, Jeanne 12 ans, Guillaume 4 ans.
Pierre IJot, 55 ans ; enfants : Pierre 2i ans, .lean 20 ans,
Aiuie Ifi ans.
Catherine Ygou, veuve de Pierre Lavette, riche, 55 ans ;
enfants : Louis, tanneur, 26 ans ; Nicolas, corroyeur, 24
ans.
Abraham I.avotte, riche, 32 ans ; Judith David, sa temme, 22
ans ; -Vune, enfant baptisée par force, 10 mois.
Elisabeth Delahaye, veuve d'Isaac Fontenay, 48 ans, reven-
deuse ; Isaac, enfant, 15 ans.
— 44^ —
Philippe Hennetot. rardier, 75 ans ; Elisahclli C.avelior, sa
femme, 6S ans.
.Marie I.ocaron, veuve de Pierre l'oucliel. esclioppit'Te et dra-
pièi'e, fort riche, i i ans ; enfants : l'iei-re 23 ans, Abra-
ham 21 ans ; Ester Féray, domeslifiue, 25 ans ; Jaecjues
Quesnel, domestique, 15 ans.
Abraham Orange, tisserand, 62 ans ; .\nne Orange, sa sieur,
(30 ans.
Pierre Torquet, tailleur, médiocrement riche, 50 ans ; enfants •
Judith 22 ans, Pierre 22 ans, .Marie 16 ans, Abraham 15
ans.
Marie Eecaron, veuve de Pierre (,e(|uesne, chaussetièi-e, ri-
che, 40 ans ; enfants : Marie 20 ans. Jean \i, Anne 12,
Daniel 10 et .Jeanne 7 ans.
Isaac Pouchet, drapier, riche, 70 ans ; Isaac et Louis, enfants,
2i et 1<S ans.
Abraham Pouchet, cit St-Eustache. drapier, fort riche, 75
ans : Jacques I.imare, domestique, 25 ans.
Pierre Chouquet, savetier, pauvre, 00 ans.
Suzanne Lecaron, lille, 20 ans.
Ezéchias Belloncle. valet de harnois, fort méchant. 14 ans ;
Marie Lavette, sa femme, 35 ans ; enfants : Anne 12 ans,
Jean 10, Pierre 8, .Iean-15aptiste 4. Marie 1 an.
Isaac Legouis, drapier, riche, 32 ans. foi't nitesté : Marie Le-
caron, sa femme 25 ans.
Daniel Selingue, maréchal, médiocrenieni riche, .55 ans ; en-
fants : Daniel 24 ans, Anne 10, Klie 15. Mario 8 ans.
Charles Hallot, sabotier, riche, 42 ans ; .ludith Lecaron. sa
lemme, 52 ans ; Charles, enfant. 17 ans.
Jacques (iodefroy, caharetier, médiocrement riche, 60 ans ;
Marguerite Maugendre, sa belle-sœur, 44 ans.
Jean Delessart, chirurgien, riche, 50 ans, — doit donner di-
manche le pain bénit ; — Anne l^enoist, sa femme, 44 ans ;
enfants : Jean 25 ans, Anne 18, Daniel 16, Elisabeth 13,
Suzanne 10 et Jacques 9 ans.
Jacques Delessart, mercier, riche, marié à l'église, 42 ans ;
— 442 —
Maiic l.i'Cdiilc. s;i Iciiinic, 40 iiiis : eiiliiiils ; Jiicinics 10
ans, IMarlhc 4 cl ,)o;iii-l>ii|)lisle ;> ans; Mai'ic-Aniic, Uclcs-
sarl. ni(''cc, IN ans ; PiciTO, enfant, 12 ans ; Elisahclli liou-
toii. stTvanlc, 3() ans.
Daniel Vivien, eliaudfonnier, 58 ans ; David, enfani, 8 ans.
Jean Iliiel, cliapeiiei-, riche, 50 ans ; Henée Ygou, sa femme,
4S ans : .Ican, enfant, 14 ans.
Snzainie Pi'ey, venve d(! Jean Delessarl, l"! ans.
Klisai)etli I'>()Ufdon, veuve de Pierre Fiehet, 55 ans ; Jean Fi-
cliet, enfant, 25 ans.
Jean-Pierre .Mondon. cordimniei-, riche, 60 ans ; .\nne Belvi-
i,nie, sa femme, 50 ans ; enfants : Daniel 27 ans, .Marie-
Mai-the 24 ans, Pierre 15 ans, Anne 13 et Marguerite 9
ans.
PlnM[)[)e Bennetot, cardier. "22 ans, médiocrement riche.
Jean Ilaltenville, com[)agnon chapelier, 30 ans.
Marie Liot, l)()ulanger, veuve de Louis [loussel, 60 ans.
Philip]>e I)()urdon, meunii'.r. très riche, 55 ans, très entêté ;
Jean (relaps), enfani, 27 ans ; Xoémie. enfant. 25 ans ;
Piiilippe, enfani, 22 ans ; l*aul (lodard, (hjineslique, 67
ans.
Jean BecucI, journalier, 3S ans : Jean et Jeaime, enfants, 2
ans.
Jacques Pouchet, drapier, 37 ans ; Marie Bourdon, sa femme,
35 ans ; enfants : Mai'ie 17 ans, Judith 15 ans, Marthe 12,
Jacques 7 ans et Pierre 8 mois.
Jean Yon, chai-pentier. pauvre, 32 ans ; Jeamie, enfani ; —
Suzanne Yon. 28 ans ; Marie Yon, 26 ans : Anne Yon, 24
ans : Judith Yon, 22 ans, — toutes sœurs de Jean Yon.
Etienne Toupelin, maçon, 60 ans ; .Marie Lecomte, sa (emnie,
55 ans ; Marie, enfant, 25 ans.
Daniel I.ecaron, échoppier, 75 ans ; enfants : Ester 35 ans, Ju-
dith 32 et Daniel 27 ans.
Jacol) Lecaron, mercier, médiocrement l'iche, 2() ans; Jeanne
Torquet, sa femme, 2'i. ans ; 1 enfant 1 an et demi, un au-
tre 6 mois.
— 44^^ —
Miirllic l'aïKiiuM, veuve de Pierre liei'iiaijc. 55 ans, marchande
de toile, deiiteiles et draperie. — riche ; l'ieiTe, enfant, l',l
ans ; Jacques, enfant. 14 ans.
Jac({ues I.ecaron. di'apiei', échoppier, foi't riche, 50 ans ; Ehsa-
belh lienoist, sa femme. 50 ans ; enfants : Daniel 17 ans.
Elisalx'lii 11. Jean 10. Anne 9 et Anne 6 ; Jac(|nes .Alouette,
21 ans, domestii|ne ; .Mai'ie lllonilel. servante.
^Nladelaine Petit. 35 ans.
Anne Leber, pauvre, veuve de .Matiuen l.elelher. GOans ; Jean,
enfant, !!5 ans.
Pierre Castaigne, toiher, riclie, 27 .nis. iiiiitin cl etitcstr ; .\nne
Caudebec, sa femme, !25 ans; enfant lU mois.
Elisabeth Mordant, veuve de Thomas \'iucenl, 18 ans. médio-
crement riche ; .\braliam, enfani, 12 ans.
Jeamie Jouen, veuve de Jean Manicher, 70 ans ; Judith, enfant,
26 ans.
Anne Orange, viuive de Jean Manicher lils, 52 ans.
Pierre Hallot, linottier, riche, 35 ans ; Madeleine Delaiiaye, sa
fenuiie, 28 ans.
Catherine Hallot, fille, sabotière, 30 ans.
Matliieu Delahaye, blallier, riche, 40 ans ; François(> l)(4aniare,
sa femme, 3N ans.
Abraham Selingne, 50 ans ; Elisabeth Uelahaye, sa fennne, 50
ans ; Abridiam, enfant, 24 ans ; Anne Fau(juet, nièce, IX
ans.
Louis Delahaye, blattier, 25 ans.
Suzanne Vattiei". dentellière, 30 ans.
Jean Fauquet, 80 ans ; enfants : Jeanne 42 ans et Jndilli 38 ans.
Pierre Lemarcis, teinturier, très riche, 60 ans ; Isaac Len»;"'-
cis. son fils, 35 ans ; Elisabeth Tjanglois, sa femme, 30 an» .
enfants d'Isaac : Piei-re I an et demi, Isaac 6 mois. Le pius
à craindre (isaac) a pris une itonrrice catholique qui ne
va iilus il l'église et ne fait plus ses Pâques. .Samuel Eudes,
17 ans, et Madeleine Eudes, 15 ans, neveu et nièce de
Pierre Lemarcis ; Abraham Alleanme, 25 ans, et Suzanne
Marie, 22 ans. serviteur et servante de Pierre Lemarcis.
— 444 -
Siizaiiiio Masso, vciivc de .laciih (idiipil, 7(1 ans, l'iclic lahoii-
nuise ; fiitaiil ; Madcicino, 40 ans.
Aline Lesiii'iii-. veuve de Giiillauiiie (laudebec, 55 ans ; un
fils de "Jti ans.
Salonion Ouesiud, 70 ans : .\nne (losselin, sa feiniiie 5S ans.
Suzanne ^lainlru, 55 ans.
Anne Pray, veuve de Pierre Seliiii,nie, revendeuse, Ofi ans ;
Pierre Sidini^ue, tissei-and. "IH ans.
Jacob Iiel)ai-ray, chapelier, rielie, 1*5 ans.
Judith Farou. veuve d'Isaac lîai-ix^y, 7i ans, — pauvi'e.
Judith Fau(|uet, veuve de leaii Orantie, 58 ans ; eiilaiils :
Mai'lhe 28 ans, Madeleine 20 ans.
Jean lluet, s:ai-(,'on, 3() ans ; .lae(|ues lluet, (4ia[)elier, "2(1 ans ;
Nicolas lluet, (diapelier, -^'2 ans ; Anne }lnet, 32 ans.
.leaii l)e]aliaye,l)laslier, 70 ans ; Mai'ie P,odin, sa rennnc.
Catherine J*érier, dentellièi'e. 24 ans.
Sama(4 Cantais, "2'.) ans ; Elisabeth lilanchet, sa feni i:e ;
•lacdb Caillais, fvi-rc du dit, 23 an:' ; l'ierre Cautais. en-
l'iiiil, ]i) ans.
Judith Gilles, veuve de i)ani(4 ^'iellnant, 55 ans : I'iei-re, en-
fant, tisserand, 25 ans.
Jacques Pierlin, Si;a!'(,"on, 25 ans.
Jean Miidud. pauvre, (iO ans : Marie Fai^ot, sa feinnie. i"
ans.
Anne helamare, veuve de i'^rançois Feniaiire, di'apière. ri-
ciie, 5.* ans ; enfants : !)aniel 22 ans, Friuiçeis:' l.S ans ;
Marie (frenun, servante. 2() ans.
Louis Louve], i'2 ans.
Marie Didamare, dentellière, 4'i ans.
Jacques Von, lonindier, 00 ans ; Marie ?»Iai-lin, sa feniiue, 70
ans.
Isnac Gueroult, 71 ans ; ,!ean, enfant. 20 ans.
Pierre Louvel. 12 ans ; lia(4iel Jîesselièvre. sa femme, 3() ans.
Jean f^ei-oy, lissei'and, (iO ans ; Suzanne M(day. sa ie.'ume. 42
ans ; Pieri'e, enfant, 44 ans.
Catherine Lestudais, veuve d'Abraham Doray, fileuse de laine,
— 44=; —
55 ans ; Anne, enfant, 27 ans ; Ester, enfant, 25 ans.
Jacques Martel, 20 ans ; ^farie Leniaitre, sa femme, 25 ans :
Marie, enfant, I an et dciiii.
Anne Deljray, veuve d'Abraham Huet, 70 ans ; enfants :
Anne, 32 ans, Marie, 30 ans, Marthe. ;28 ans.
Abraham l.ecacheur. 26 ans.
Judith Juga. couturière, veuve de l'ierre (iuillchert. 60 ans.
Louis Serville. journaUer, 28 ans ; ^larie l.emaistre, sa femme,
25 ans ; Marie, enfant. 2 ans.
Marie Lancez, veuve de David Delaliaye, 54 ans ; Pieric. tis-
serand, enfant, :24 ans ; Mathieu, tisserand, enfant. LS ans.
Pierre lieuze, 28 ans.
Pierre Pottiei-, tisserand, 62 ans ; Ehsabeth Fagot, sa femme,
59 ans : Jean, enfant, 24 ans ; Elisabeth, enfant, 26 ans.
.leanne et Marie Delamare, dentellières, 34 et 32 ans.
David Lecaron, (ileur de laine, 56 ans ; Judith Cavelier, sa
femme, 46 ans ; enfants : .Jacob 18, Pierre 14 et Jacques
12 ans.
Anne Dubois, veuve de Jean Yon, fdeuse, .53 ans ; enfants :
Marie 26 ans et Anne 2i ans.
Pierre Decambourgt, médiocrement riche, 40 ans ; Marie
Tasse, sa femme ; enfants : Pierre 16, Jean 15, Marie 3
ans.
Abraham Viard, tisserand, pauvre, i8 ans ; Jeanne iJennetot,
sa femme ; Jeanne, enfant, 14 ans.
Ester de Lanquetuit, veuve de Jean (jilles, laboureur, riche,
53 ans ; enfants : Jean Gilles, drapier, 30 ans ; Daniel
Gilles, drapier, 26 ans.
Anne Gilles, dentellière, 26 ans.
Ezéchias Viard, drapier, riche, 55 ans, très entêté ; Suzanne
Frémont, sa femme, 48 ans ; enfants : Ezéchias 30 ans,
Pierre 18, Jean 17, et Suzanne 15 ans.
Pierre Fauquet. drapier, médiocrement riche, 44 ans ; Marie
Gournay, sa femme, 45 ans : enfants : Pierre 15 ans, .Jac-
ques 13 ans, Jeanne 12 ans, Lonis 9 ans, Catherine 7 ans,
Charles 5 ans .
— 44^ —
Anne l'';minii'l. lilmiso. 40 ans.
l'icMc ll('linui\u, loilici'. 4(i ans ; Marie llécaniljom'ii', sii
Irninii'. 4:.^ ans : l'ii'irr, niranl, 12 ans ; Jean H, .Marie 10
an--.
Isaac ll(''l)ci'l, 4',^ ans ; Mai'ic l.csnenr, sa l'cninic, 42 ans ;
curants : .lean KJaiis, Louis 8 ans. .Mai'L;iici'ile 11 ans,
Marie 10 ans, .Madeleine 4 ans.
Michel llallcnville, tuilier, VA ans ; Mai'llie Leco(|. sa Cenune,
42 ans ; ciilanls : .Marthe 17 ans, Michel 14 ans, .leaiuie 10
ans, Snzanne S ans et ^ladehn'ne 2 ans.
.Ahrahani Iiatteii\ ille, (leur. 4() ans ; [Madeleine llenout, sa
fcinnic, 14 ans ; enlanis : Madideine 17 ans, Marie 14 ans.
Isaac Manoui'y, Ideni'. 4.") ans.
.ludilh l'onchel, venve d'Ahi'ahain ^lanonry, 42 ans ; ont'anls :
Marie 12 ans, .lac(|nes 11 ans, .\nne (S ans.
.Jeanne Biuuhnn, veuve de l'ieric l.evasseui', lilense. ôB ans ;
enfants : l'unre 2ii ans et l'u'ri'e lO ans.
.Mai'ie lloiicher, 2;! ans, et Mai'ie lîoucdier, 21 ans, sœiii's.
Marie I.ejiic(juais, dentellière. I() ans.
.Mirahani lluet, 42 ans ; Pierre Hiiet, 25 ans. frères, tons les
den.v riches et tisserands.
Jean Dnhois, "cnrelin, loilier, 2o ans ; ]\Iarie Dubois, sa s(eur,
25 ans.
Jean Marie, lileur de laine. .50 ans ; .Jeanne Pouchel, sa fem-
me. 52 ans ; enfants ; .Snzanne 22 ans, .leanne 13 ans, Jean
!l ans.
.Judith lîoos, veuve de Pierre .\vinas, .50 ans ; enfants : Daniel
17 ans, et Cùillierine 12 ans.
Pierre Fagot, tissei'and. '.'A') ans ; .Jeanne .Vuher, sa fenniie,
dentellière, 32 ans.
Isaac Boui'don, meunier, i-irlie. 28 ans.
Pierre Guilleinard. nn^unier, riche. 5(J ans. fort entêté ; Judith
Heuze, sa feuiine. 'A7 ans ; enfants : l'ierre 20 ans, Su-
zanne IS. .M;nie X, .M;uleleine 7, Pieri'e 4 ans et .lean 7
mois.
.Madeleine .Manicher. veuve de Pierre < inilleniard, 7'2 ans.
- 447 -
Mtideleine llelaniare, dentellière, 25 ans.
Ezécliias Decaiiibourii'. tisserand. IS ans.
Anne I.evescjno, veuve dWItiaiiain Lenud. (30 ans. laJjoureuso,
très riche ; entant : Aime 28 ans ; duniesti(|ues : I.,ouis
Drieu 3G ans. David Sieurin 28 ans. Abiahani Sieurin 29
ans, Ann(; Ficliet 37 ans.
Jean Delaniare, 27 ans.
•lacques Godefroy, 66 ans ; Madeleine Huard, sa femme, 69
ans ; ^Madeleine, enfant, 30 ans.
Pierre Ficliet, laboureur et sabotiei-. i-iclie, o8 ans ; Ester La-
niy, sa femme, 4-i ans. veuve de Pierre Hérubel ; enfants
de son mariage avec le dit Hérubel : .Marie 13 ans. .Made-
leine 11 ans, Pierre 10 ans, Jeanne 8 ans; Michel (io-
dard. domestique, 25 ans.
Daniel de Laii(|uetuit, iabonreui-, riche, 44 ans ; Suzanne. Le-
caron, sa lenniie. 43 ans ; enfants : Daniel 15 ans, Jacques
12 ans. Suzanne 10 ans, Madeleine 8 ans et Marie 6 ans.
Jeanne Faucon, venve de Pierre Gournay, 72 ans, dra{)ière ;
enfants : Pierre 44 ans, David 39 ans, Jeanne 40 ans. Eli-
sabeth 41 ans.
Jacques Femanicher, tisserand, 25 ans.
Elisabeth I.epicijuais, très riche, veuve de Pierre Viard, 45
ans ; enfants .• Elisabeth 22 ans, Pierre 16 ans, .Marthe 14
ans, Catherine 12, Judith 10 et Anne 9 ans; Jacob Leroux,
domestique, 28 ans.
Jac(}ues Maillard, riche, 65 ans.
.Marie .Maillard, veuve de Pierre Fepiciaiais. riche, 70 ans.
Pierre Ilaumerville, 45 ans, riche laboureur, très entesté ; Ju-
dith Auber, sa femme, 30 ans ; enfants : Pierre 12 ans,
Jean 10 ans, Marie et Isaac 3 ans ; Anne Léger, servante.
Pierre Lecesne, charron, 43 ans ; Marie Besselièvre, safemme,
46 ans ; enfants : Marie 27 ans, Anne 25, Renée 23,
Jeanne iH. Judith 13 et Pierre 7 ans.
Pierre Besselièvre, laboureur, riche, 46 ans ; Suzanne Bour-
don, sa femme, 48 ans; Pierre 12 ans, Suzanne 9 ans, Jean 7,
Philippe 6 et ^Larie 3 ans ; Marie Blondel, servante, 22 ans.
- 44^ -
Simiucl Levcsquc lo jeune, lalioiireur. riclic, ?>() ;ms ; Anne
Héliei-t, sa t'eninie. X) ans ; l'iei-re, eiifanl, 1 an.
l'ierre-lloni-y l'ainiiicl. lissei-aïul, liclie. '^'0 ans.
.\nne .Manneville xeinc d'Isaae l,e\ asseiii'. .")() ans ; .lar(inos,
eiilanl. 2.") ans.
Jean (ioii|iil. labdiiiein-, l'iclie, 'û ans ; Madeleine l'alliei-, sa
femme, (U) ans ; Jaeqnes. enlant. ',>2 ans.
Pierre Préteri'e, laboureur et mercier, riclje, '2'.i ans ; Suzanne
Prélerre, sa tante, 47 ans.
Abraham l'réterre, laboureur el |)oullailler, riclie, ,")0 ans ;
Abraham, enfant, 20 ans.
Catherine Hallenville, veuve de ,laef|ues (iueroult, 4i ans;
enl'anls : .Michel Ki ans, .\braliani 14 ans. .Indilh !"2 ans.
Calliei'ine 10 ans et IMarie '.) ans.
Anne des liuyaux. riche, veuve de(luillanine l.elièvi-e, (iO ans.
jsaac des lîuyaux, 5(i ans ; eiilanls : l'iacliel 2.') ans cl Marie,
19 ans.
^larie Fichet, 55 ans.
Moïse ISicher. lileur, 40 ans ; Suzanne De Heulles. sa femme.
M(S ans ; enfants : Marie IK ans, Moyse 12 et Jac |ues 7
ans.
Mcolas .Nourry, journalier, i" ans.
l'ierre Levesque, laboureur, médiocrement riche, i5 ans ; en-
fants : Marie 12 ans et Anne 9 ans.
l'ierre Nourry, merciei-, 12S ans ; .hiditli l'réterre, sa fennne,
40 ans.
.•\nne Deshays, veuve de Jean des liuyaux, iO ans ; Anne, sa
tille, 1 i. ans.
Piei're Lemoine, .'->0 ans ; .luditli des iinyaux, sa fennue, '.]7)
ans.
Charloll(! des liuyaux. dentellière, 1(S ans.
Abraham Hallot. laboui-eur, 45 ans ; Marie [.ecaron, sa femme,
42 ans ; enfants : .\braham 19 ans, l'ierre 17, Marie l'i,
Anne 11 et .ludith 7 ans.
Marie Lebrument, veuve de Pierre liennetot, 50 ans ; enfants :
Marie 18 ans, Pierre Ki et Anne li ans.
— 449 —
La veuve de Snmson Lucas. 4.") nus : enfants : Pierre 12' ans^
Anne lU ans.
Elisabeth Lecaclieur, (leiilcilière, 25 ans.
Samuel Levesque, laboureur, 50 ans ; enfants : .Tean 20 ans,
lîacbel 22 et Marie 17 ans.
Pierre Iluet, laboureur, t;ai',oii, riche, 30 ans, trh mêcJiant ;
Anne, sa sceur. 2i) ans ; Jean Ijebouvier, iloinestique,
2S ans.
Pierre T^ecaron, riche tanneur, 5() ans, — /r/'.s eiitestc.
.Jean Lecaron, tanneur, riche, 48 ans ; Auuh Ijecai'on. sa fem-
me, 45 ans ; enfants : Anne 22. Louis 20, Suzanne ]'A et
.Tudilh 1() ans. — Tons fort entenfi's:.
.liidilii Lecaron, l'iche, (H) ans, — Ir!:; oileftlrc.
Anne Lecaron, riche, 40 ans ; Louis Lecaron, neveu, \C) ans ;
Marie Lcsueur, domestique, ?>0 ai;s.
Isaac Yon, menuisiei", 58 ans ; .ludilh. enfant. HO ans.
Jean l.iniare, toilier, 34 ans.
Anne Launay, dentellière, 25 ans.
iNoémi Viard, riche, 32 ans ; llenée Viard. sa sœur, "21 ans.
Phili[)pe Launay, 35 ans et François Launay. 30 ans, — frères,
toiliers.
Anne fiulard, !25 ans.
David De Ileulles, lissei'and, 42 ans : A])raiiaMi De Ileulles,
20 ans.
Judith De P>ray, veuve de .fac(|ues Guillebert, 40 ans ; enfants :
Judith 22. Aime 14 et .Marie 8 ans.
Nicolas Boucher, toilier, 45 ans ; Judith Oursel. sa femme, 42
ans ; enfants : Marie 22, Isaac 10 et Anne 12 ans.
Judith Bertin, 25 ans, et Suzanne fieilin, 14 ans, — sœurs.
Jeanne Lesueur, veuve de Jacques l.echahippé, 05 ans, mar-
chande, très riche ; enfants : Jacques 19 ans, Suzanne 22 et
Pierre 14 ans ; Pierre Huet 26 ans et Abraham Bellet, 27
ans, domestiques.
Judith Manicber, veuve de Jean Limare, 45 ans ; enfants :
Anne 20, Judith 16 et Marie 12 ans.
Jean Frémnnd, fileur, 50 ans : Elisabeth, enfaiil, 18 ans.
29
— 4'^o —
Jean Debray, drapier, médiocrement riche, 73 ;ms : Anne Fun-
tenay, safommo. CiOniis : onfaiil^ : .Iiidilli. 80, Anni'2i, Daniel
2!2. Jean '2(1, Wmv 10, Aluahain 10. et Madelaiiic. Il ans.
Jean David, drapici-. l'iclif. i!G ans ; llnnée Fonlenay. sa fcinnie.
33 ans; Juditli, enfant, 15 ans.
Marie Hauguel, venvc de Jean l'ontenay, 05 ans.
Pierre Viard, drapier, eiitcsté, 45 ans ; Judith, .^hulnn^y. sa
femme, 4G ans ; enfants: .Marie 15, Anne 13. Marie-Anne 1 1,
.Madeleine 8. Pierre 10, Jean 0 et Jae(|nes i ans.
Catherine liellel, 60 ans.
Jean Poltier, laboureur, riche. 'jO ans : .Marthe-Marie, sa
femme, 3(3 ans ; eid'anls ; .Marie-.MarlIie 15 ans : Je;ui 14
ans, Marie, 0 ans et .\nne 2 ans.
Anne Bellet, veuve de liobert liiiel, 0:2 ans ; enfants : .Xbra-
liain 3:2 ans, Louis 2:2 ans, Jacques "20 ans.
Jean lluet, 28 ans ; Marie Lavollo. sa femme, 25 ans ; Jean,
enfant, 1 an.
David Limare, loilier, 40 ans ; Madeleine Hérubel, sa fenmie,
36 ans ; enfants . David 10, Abraham 14, Jose{»iill, Marie-
Anne 8 et Jean 3 ans.
Pierre Beuoist, 28 ans ; Jeanne De Heulles, sa femme, 40 ans ;
enfants de son mariage avec Jean Debray : Jacques 16,
Marie 15, Ester 14, Suzanne 12, Jean 8 et Anne 5 ans.
François Dusaux, 40 ans : Jeanne Bellenger, sa femme,
36 ans.
Jeanne Ijccaron, 60 ans.
Anne Eiie veuve de Jacques Gueroult, 50 ans ; enfants : Marie
22, Ester 17, Jacques 16, Marguerite 12 et Jean 2 ans.
Marie Berlin, 23 ans ; André Berlin. 18 ans ; Jacques Berlin,
13 ans, — frères et sœur.
Jean Berlin, 22 ans.
Marie Huet, 20 ans ; Anne Lecomple, sa nièce, 11 ans.
Jean Michel, 28 ans ; Françoise Michel, sa sœur, 26 ans.
Anne Michel, veuve de Jean Debray, 72 ans ; Bachel .Main-
court, 65 ans.
Jean Tienjonniei', chaussetiei', 52 ans. médiocrement l'iche.
— 4=^1 —
.Tiiditli Dolnliaye. veuve de Michol ],einonnier, 35 ans : Michel.
enfant. 3 ans.
rSeri-e I.emonnier, 1 1 ans.
Elisabctli Godartl. iS ans.
Ellisahclli lV)Uchet, veuve île .Jean I.avotle, 60 ans : enfants:
Elisabeth 35 ans, .Jean 30 ans et Marie Q2 ans.
.\i)raliain Delaïuare. GO ans ; Marie Féi-ay, 00 ans : enfants :
^larie. iS ans et Ester 06 ans.
Marie Cauniont, veuve de Nicolas Fauquet. 30 ans ; enfants :
François 9 ans, Marie 5 ans, Pierre 3 ans et Jeanne 15
mois.
Nota. Il V a des habitants nouveaux convertis de Bolbec qui
doivent envoyer leurs enfants à l'école.
Gruchet-le-Valasse
Pierre Leniercier, .Madeleine Auger, sa femme, et Nicolas, son
fils.
Elisabeth Avice, veuve d'Abraham Fondiniare, avec ses deux
filles Marie et Marie.
.Jacques Avice et Anne Lebouvier, sa femme ; deux lils : .Jac-
ques et Pierre ; deux filles : Ii^iisabelli et Anne.
Mathieu I.evasseur et Catherine I.emoine, sa femme. .Mathieu,
son fils ; deux filles : Elisabeth et Anne.
Ezéchias Lefebvre.
IMichel Deshays ; Isaac, son frère ; Ester, sa sœur.
Renée Hattenville.
.Jeanne I^emoine, veuve de Pierre Denis, et .Jean, son fils.
Jean Godefroy, se disant marié avec Suzanne Deshays sans jus-
tifier.
Jeanne Baillehache, veuve de Jacques Fagot, et Jean, son fils.
Jean Férard, et INJadeleine Eejeune. sa femme ; deux garçons :
Jean et Jacques ; une lille, Madeleine.
Pierre Delamare.
Isaac Dertin.
Jean Auger, et Elisabeth, sa sœur.
Jean Formontin. et Elisabeth Lccaron, sa ftmnie ; deux fils,
— 4^2 —
Jeun cl l'icrre : deux filles. Anne et Jeanne.
Jiiditli Itennelitt, venve de iean i,i'l(!s(n ; Jean, son lils : Elisa-
helii. sa lille ; .Iean 1 .iniare.
Jean lîiiisson et .Madeleine .Mitlay. sa leinnie ; snn lils Pierre,
et sa lille Jiidilli.
.\braiiam Féi'ard père, el Suzanne l.aniy. sa l'emnie. et .Marie,
sa lille.
.\l)raliani Férard lils, ses trois lils .\hraliain. Thomas el .[acob :
Marie, sa lille.
i'ierre Fornientin, ses deux lils Pierre el .[ean, et .ieanne sa
lille.
Callierine Veille, veuve de Pierre Barbet ; Pierre, son lils. et
p]lisabeth, sa lille.
Jacipies Delieulle, et Judilli Delaliays. sa femme, et Suzanne
Desnoyers, sa nièce.
Jacob Delabaye, se disant marié avec Marie Harbet.
Jean iJelabays, Etienne son fils, Anne sa lille.
Jacob Renou, et Anne Lenionnier, sa femme ; trois lils : Jac-
ques, Pierre et François ; Anne sa fille.
Marie Lefebvre veuve de Daniel Gaillard, et ses deux fils.
Pierre Viennant, et Marie i'>euzeville, sa femme, et Judith sa
fille.
Jean Godefroy, Marie Gueroult, sa femme, et Jean son fils.
Marie Leschapulé, et Marie Leschalupé, sa nièce.
Jeanne Lesueur, et .Marie Delaliays, sa nièce.
Jean Potel. .\nne Mander, sa femme, son lils Pierre, et sa lille
Elisabeth.
Samuel Lecesne, et Judith Manoury, sa femme.
Philippe Lccantois, et Elisabeth Levesque. sa femme, el Guil-
laume son fils.
Abraham Delahays.
Jean Auber, et .Marie Renault se disant sa femme ; un lils,
Jean.
Isaac Relfort, et Jean Gueroult, son cousin,
l^ierre Rennetot, Abraham, son frère, et Marie, sa sœur.
Jean Fau(|uel. el ses deux filles Anne el Marie.
— 4r^ —
André Foiiiet et ses deux lils, André et Nicolas.
Michel Ménager, Ester I.econite, sa femme, et Jacques, son fils.
Jacques Hertel, et Anne l.eher, sa tenime ; deux lilles, Anne
et Marie.
Jean liillard, et Suzanne, sa lille.
Jean l.iinirc. et .lean Diiuieui-ier, son cousin,
lean Froninnl. et .ludilli. sa sieur, et Isaac Selingue. son valet,
l'ieri'e l,ei)ic(]uais.
(iuillanme Delaiiays, et Madeleine Haucliecorne. sa lenuiie ;
(iuillaume. son (ils ; deux filles : Anne et Elisabeth.
Jacques Delaiiays fils ; Ezéchiel Itelloncle. domestique ; David
(lourné.
Pierre l.eves(|ue ; deux fils : Pierre et Jean, et deux filles :
.Madeleine et Marie.
Pierre lliiard. et Marie l'oi;4naiit. sa femme. Pierre Deliray,
son nevi'u. et Ahraliani Coui'cliard.
Abraham Mourlte, et Marie Duraïul, sa tenune ; deux fils :
Jean et Pierre ; une liille, Anne,
.lean f.evesque. et .Anne Lemoine, sa femme.
Thomas Lecourlois, et Suzanne Delahaye ; Pierre, son fils ;
Suzanne, sa fille, et Jacques son frère.
Abraham Foinet : Aime Mainiru. sa fennne ; Abraham, son
fils ; Aime, sa fille.
Judith Levesquc, veuve de Pierre .Mascrier, et Judith sa fille.
Pierre Mascrier, et llachel l.emoine, sa femme, et Pierre son fils.
Nathanaël l.emascrier, se disant marié à Judith Yon.
Jean l.eboulanger, et Marie .Massieu, sa femme.
Ezécliias Hellet, et Catherine Nourry, sa femme.
Jeanne Lehériclier, veuve de Charles Auger ; son fils Elle ;
deux filles : Judith et Marie.
Jean Pollier.
.Abraham .Mouette, et .Madeleine Ijaillehache, sa femme ; .Mathieu.
fils ; deux filles : Marie et Madeleine.
Guillaume Lemoine, et Ester l.evesque. sa femme ; son fils,
Etienne, et Ester sa fille.
Jean Gaurain, et Marie Lîaillehache, sa femme ; deux filles :
— V-
Mnrio et ( :;itlioiiiio.
Samuel lîeuzeville ; Jacques, son fils ; deux filles : Aune et
Ester.
Daniel Manegy, et .Jeanne Desvignes, sa femme, et Suzanne
Desvignes, sa SdMir.
Pierre Lenud.
.Jeanne Lenud, veuve de Jean Lecaini, et son fils.
Pierre Mouette, ses deux iils : Louis et Jean, et deux lilles :
Judith et Ester.
Jean Denis et i'Vançuise Micliel. sa femme.
Abraham Debos, et Suzanne llattenviile. sa femme ; Ahralumi,
son fils ; quatre lilles : Madeleine, Mai-ie, Suzanne et Anne.
Pierre Manegy, et Suzanne llaulot. sa femme, et Suzanne, sa
fille.
Suzanne Carpentier, veuve de Pierre Poltier.
Nicolas Godefroy, ses deux fils Jean el Isaac. et Marie sa fille.
Israël Lecourt. et Sara (journé. sa femme ; Samuel, son fils ;
deux filles. Ester et Suzanne.
Jacol) Levasseur, et Marie (jauvin. sa fennnc ; deux Iils :
Abraham et Charles ; trois filles : Marie, Anne etC-alherine ;
et Elisabeth-Anne Pouchin.
.Jacques Rlondel, et Suzanne I^ecourt, sa femme ; deux fils :
Israël et Jean ; deux filles : Anne et Suzanne.
Jean Leroux, se disant marié avec Marie Huet ; ses deux sœurs
Marie et Suzanne, et Jacques Manger, domestique.
Pierre Féray, son fils, et Marie, sa fille.
Guillaume Féray, el Suzanne iJlondel, sa femme ; Aljraliam,
son fils.
Jacques Yon.
Daniel Castaigne, et CJiarlotte sa fennne ; Elisabeth Lemercier
et Elisabeth Chevalier, ses nièces.
Jacques Jonquay. et Alarie Harache, sa femme.
André Hauchecorne, et Marie Gantais, sa femme.
Jeanne Hauchecorne. et Judith Bourdon : Suzanne "Mansois et
Judith I^aliure.
Marie veuve de Jean Dul)osc,
— 4^=; —
Ester Dubosc, veuve de Jean Diipray, ses quatre lils. Pierre,
Jenn, Jacques et Sauison ; ses deux filles, Marie et Judith.
Ezécliias LioUoncle.
Lintot
M. de Monval. seigneur e( patron de la paroisse, 46 ans ;
^Madanio. sa femme, 46 ans ; un fils 21 ans ; une sœur,
37 ans ; une servante 2X ans ; — en plus 2 garçous 18 et
16 ans et une fille de 17 ans absente.
M. Lepoignenr, noble. iO ans : .Madame sa femme, ib ans ; —
ont 600 livres de rente, une servante 27 ans, et une fille
al)sente, 16 ans.
Abraham Lucas, tellier, iO ans ; sa femme, 50 ans ; Abraham
et Mathieu, enfants, 15 et 18 ans. — N'a aucun revenu.
Al)raliam liarrt'. laboureur, 80 ans, et Pierre Pertuzon, son
petit-fils, 22 ans.
Jacques, Abraham et Pierre l'erluzon. tous trois frères, âgés
depuis 22 et 16 ans, cl .\.nne Pertuzon, leur sœur, de
8 ans ; Jean Aubci-, ;î6 ans ; une servante, 22 ans. —
N'ont point de revenu.
Abrahaiu Quesnel, tclliei'. il ans, cl sa fcnnnc, 10 ans ; Pierre
et Ephraïni, ses enfants. l'2 et !20 ans. — .X'ont point de
revenu.
Abraham L<ciic\ allier, leliier, 28 ans, et sa femme 2'J ans ;
Abraham, leur fils, 6 mois. — .\'onl point de revenu.
Abraham C.avelici-, baticur en grange, 4.") ans, et .Marie, sa
sœur. — .Nont point de l'cveiui.
Abraham Farou, tellier, âgé de 28 ans. et sa femme. 22 ans,
et sa fille 2 ans. — Pauvres.
Charles Godcfroy, tailleur. (iO ans ; sa feninu^ 50 ans ; son
fils aîné Jean, 20 ans : Charles, son pniné, 18 ans ;
l'ierre, ?)^ fils, 14 ans ; Suzanne, fill(> ainée, 22 ans, et
Marie, leur petite-lillc, 10 ans. — Ont environ 12 1. de
rente.
Charles Poignant, homme de journée, 30 ans ; sa femme 26
ans ; sa fille 3 ans, sou fils 1 an. — Pauvres,
- 4^^ -
))aiiit'l V:\llen(iii, l;il)oiii'eui', 21 ans ; sa IVmn»; ;>0 ans ; un pe-
tit jiai-roii ;} mois. — N'a poiiil. de, revenu.
Daniel Dedde. hlatier, (iO ans. — >''a|>oint de revenu. Pauvre.
Isaac l'auniier, cordonnier, 60 ans ; sa l'enune 52 ans ; Aime
et Isaac, 13 et 21 ans. — N'ont point de revenu.
Jacob Lucas, tellier, 40 ans ; sa leumie, io ans ; ^lai-ie. leur
fille, G ans. — Pauvres.
Jean Marpelle, laboureur, 2S ans ; la mère ài;ée de 50 ans ;
Pierre, son frère. 23 ans ; Anne sa sœur, 10 ans, et Klisa-
betii, S ans. — N'ont point de revenu.
Jacques Lemainier, laboui'eur, 56 ans ; la mère â<i'ée de 8!)
ans ; la veuve Jean I^emaistre, sa servante, 50 ans. —
N'ont point de revenu.
Jacques Houssel, lellier, 50 ans ; sa femme 55 ans ; .Madeleine
et Anne leurs filles, 22 et 24 ans. — Pauvres.
Jacob Boivin, lileur de laine. 65 ans, — est seul. — Pauvre.
Jacques Graindor, londelier, 50 ans et sa femme 15 ans ;
Jean son fils, 29 ans, et a quelque part du bien de sa
femme.
Jacques Delamare, laboureur, 40 ans ; sa fenune, 3S ans ; les
enfants, Jacques, François, .Madeleine et François, 7 à 15
ans. — N'a point de revenu.
La veuve d'Abraliam Yon, denleliière, 30 ans ; .Marie, Anne et
Elisabeth, ses enfanis, 8 à 12 ans.
La veuve de Samuel Lemaistre, fileur de laine, 55 ans, et son
fils Jacques, 22 ans. — Pauvres.
La veuve d'Abraliam Quesnel, 70 ans. — Pauvre.
La veuve d'isaac .Mordant, 60 ans ; ^larllie et Elisabeth, ses
filles, 19 et 25 ans. Pauvres.
Pierre Godefroy, charpentier, 59 ans ; sa femme, 53 ans ;
deux fils, Pierre et Isaac, 18 ans. — Panvres.
Pierre DoudemenI, couvreur en chaume, et sa femme, — cli;i-
cun 40 ans ; sa mère 80 ans ; la mère de sa femme, 70 ans ;
un fils, Pierre, 19 ans ; 4 filles : ^Madeleine, Marie, Anne
et Suzanne, de 16 à 1 an. — N'ont point de revenu.
Pierre Drieu, tellier, 50 ans ; sa femme, 60 ans ; deux filles :
- 4S7 -
Anne 29 ans, Elisabeth IH ans. — l'auvres.
David Tellior, garçon, IJO ans, compagnon lellier.
Etienne Mordant, 3:2 ans : la veuve I.amy, demeurant ensem-
ble, — âge 39 ans ; ont un garçon de leur prétendu ma-
riage âgé d'environ un an, — occupant une cliaiubre.
Marie Lemirc, 70 ans, — a 1 fille de 30 ans ; — occupe en
propre une acre de terre, en nalul•(^
Suzanne Leliériclicr, 30 ans ; un garçon de 13 ans, — occupe
une chambre.
Trouville
Jean Sieurin, iO ans, bonrgtiois de Itouen, — fait valoii' en
propre 30 acres de terre ; Madelaine Bonhomme, sa femme,
3r> ans ; quatre enfants (un garçon, 3 filles), le garçon,
Jean, 9 ans ; les ti'ois filles, fi, i et "2 ans.
Isaac Flammare, 60 ans, — occupe en propre 0 acres de terre ;
Suzanne Lepicqnais, sa fenuue, 55 ans ; six garçons : Isaac,
25 ans ; Abraham 2<) ans ; Jacob et Ephraïm, 10 ; l'ierre,
14, et Jacques H ans.
Isaac Lecoq. 70 ans. — occupe .55 acres de terre à ferme ; un
fils et trois filles ; Isaac Lecoq 40 ans ; .Jeanne 35, Marie
30, et Anne 22 ans.
Jacques Coilen, 60 ans, fileur do laine ; .Madeleine Avril, sa
femme ; trois garçons : Jac(iues, l'ierre ef François, 18,
14 et lll ans.
Si non (lanmont, toilier. 42 ans, — tient à fernu; G acres de
terre ; Jeanne Leplay, sa hi'lle-siï'ui-, iO ans ; 2 enfants :
Jeanne M ans, Suzanne 12 ans ; .Mathieu Manoury. 20 ans ;
Jacques Lebrument, 20 ans ; compagnons de métier, eu
toile.
•Madeleine (iaillard, 50 ans, veuve de Pierre Leblond, — a un
garçon et une fille : Elle Leblond 31 ans, Madeleine 19 ans ;
JjOuis Drieu, 2i- ans, domestique. — Marguerite Caumont,
50 ans, veuve de Jean Hanielin, 3 acres de terre : Marie
HanKîlin 20 ans, Suzanne 16, Marie 10 ans, ses trois filles.
Anne Gaumont, 45 ans, marchande de toile, — tient 3 acres
- 45^ -
(le terre ; Suzanne Caumont. sa sd'ur. 40 ans.
Malhion Canipart père, 70 ans ; Mathieu Cainpart fils, 36 ans,
du métier de toile, — tient une petite demeure ; Marie
Serville, sa femme, 30 ans ; un i^arçon. David <S ans ; une
fille, Marie. 1 an.
Jean Levasseur. 50 ans, nianouvrier, — tient une chambre ;
Suzanne, sa fenmie, iO ans.
Marie Levasseur, 52 ans, — tient une chambre : Marie Le-
vasseur, sa nièce, 12 ans.
I>a veuve de Louis ou Jacques Lesouef, âgée de 50 ans, —
tient une chambre.
Lsaac Lecoq, menuisier, 25 ans, — tient une chambre.
Saint-Aubin-de-Cretot
M. Dericq, écuyer, seigneur de la paroisse, el Madame sa
femme, âgés de 70 ans environ, — possédant leur terre ;
ont 2 filles, l'une de 24 ans, l'autre de 22 ans. — Leurs
valets et servantes catholiques.
Jacques Oursel. charron de profession, laboure 20 acres de
terre. — el sa femme, — ont chacun 50 ans, 2 garçons,
l'un "26, l'autre 20 ans ; une fille 29 ans, en plus une autre
lille 27 ans, l'autre li ans, — tiennent la même religion.
Mathias Auber. et sa fenmie. chauili-oniiier, 45 ans. — occupe
3 acres de terre.
Pierre Limare et sa femme, envii'on 40 ans. fileur de laine, —
occupe environ 3 acres de terre. — a un lils IN ans et un
autre 6 ans.
Nicolas Renou, 80 ans, — pauvre, — a une fille de 34 ans.
Jacques Léger, nianouvrier, 40 ans ; 3 garçons : 20, 15 et
9 ans ; une fille, 26 ans ; sa femme, âgée de i6 ans, a
perdu l'esprit depuis 3 ans.
Pierre Lefestii, tisserand, et sa femme, âgés de 30 ans chacun ;
3 enfants, 7, 5, et 2 ans.
Daniel Tran, tisserand en ville, et sa femme, .32 ou 33 ans :
2 enfants. 4 et 1 an ; — occupe 10 acres de terre, — a 2
sœurs, ?5 à 24 ans, l'autre 20 ans ; a sa mère 70 ans ; a
— 459 —
un nommé Pierre Manger pour valet, 24 ans. et 2 autres
garçons, ses parents, pensionnaires cliez Ini, dont l'un est
âgé de 18 ans, l'antre de 14 ans.
Pierre Lecoq et sa femme, de 3Ô ans, menuisier — a une pe-
tite fille de (3 ans.
Pierre Lecoq et sa femme, de 70 ans. — ont une petite maison
avec 12 acre de terre en propre, avec un garçon de 25 ans
environ.
La veuve d'Isaac Ainelin, nommée Madeleine, n'ayant aucun
bien, 50 ans, — a une servante de 21 ans.
Jacob Lecoq, tondelier, 30 ans. — a sa sœur. 26 ans avec une
petite parente de 18 ans ; n'occupent qu'une petite maison.
Beuzevillette
'M. de Beuzevillette, seigneur de la paroisse a déclaré qu'il
est catholique, mais n'en fait aucune fonction : a 3 domes-
tiques : un nommé Philippe Yen. :24 ans : Isaac Delahaye,
25 ans ; Pierre Perluzon, 22 ans : — les autres sont do-
mestiques catholiques. — 11 y a 2 garçons, Louis de
lîoesse et (!lharles Delabarre. âgés d'environ 20 ans.
Jacques Harel. occupant 40 acres de terre, 44 ans. et sa femme
de même, — ont 3 garçons et 2 lilles : l'un nommé Jac-
ques 24 ans, 1 autre 18, et le dernier 12 ; la iille ainée a
20 ans, et la seconde 6 ans, nommées tontes deux Marie.
Jean Guillemard. marchand laiionrenr, occupant 40 acres de
terre, 2i ans, et sa fenmie 25 ans, — a 1 berger nommé
Gueroult, 30 ans.
Noël Dubosc occupant environ 30 acres de terre, 03 ans ;
sa fenmie 48 ans, — ont 2 garçons et 1 liUe ; le i*;'', Abra-
ham. 21 ans ; Jean 18, et Madeleine 20 ans.
Abraham Ponlingue, veuf, manonvrier. âgé de 43 ans.
Etienne Delamare. 66 ans. père de .Tean Delamare tellier,
30 ans ; — sa femme a 26 ans.
Etienne Serville, drapier, occupant 10 acres de terre, 16 ans_
veuf 3 enfants : Etieime 16 ans, Jeanne 14 ans. Anne 12
ans^ plus Etienne Pottier, 22 ans. apprenti.
— 4^^ —
François Hany, marchand, occupant K) a('i-es de terre. 125 ans, —
a sa mère, 6(! ans.
Sanison Levesque occupant '2<S acres de terre, 29 ans ; sa
fiMUine 36 ans ; — 3 garçons et 3 lllles : Isaac 18 ans, .Icaii
12 ans, Louis 8 mois, Elisabclli 16 ans, .Madeleine 14, et
Marie 3 ; ont aussi une servante nommée Martel, 20 ans.
Pierre l'ertnzon, 26 acres de terre, ïï ans ; safenmie, 40 ans ;
2 garçons, l'iei're K! ans, Jean 8 mois.
Philippe l'ouiing'ue, teliier, occupant une acre de terre, 40 ans;
sa t'enune. Ta) ans ; — ils ont 2 filles, Judith, 16 ans, et
Catherine, 13 ans.
Bréauté
Jean Manger, laboureur d'une ferme de 80 acres de terre, —
sa fenmie et 6 enfants dont rainé a 12 ans ; une servante
nommée Suzanne (locard.
Jean Delahays, et sa femme, — pauvres, — âgés de plus de
60 ans.
Etienne Richer, laboureur, — occupe une ferme de 20 acres
de terre ; sa femme, et 6 enfants : l'aîné, Fltienne, 22 ans :
Abraham, 16 ans ; Jacques, 12 ans ; les autres sont petits ;
une servante nommée Suzanne Harel.
.Michel Harel, sa femme, 3 enfants (l'aîné 14 ans).
Deux filles pauvres nommées Ester Perdriel, l(i ans, et sa
soeur 20 ans, muette et idiote.
Daniel Letellier, boucher, et sa sœur ; une autre fille, de
16 ans, nommée Lamousse.
Jean Andrieu, tailleur, sa femme, un lils nommé Jean, et une
fille, 11 ans.
Isaac Angammare. — tient à ferme 12 acres de terre ; deux
fils, 16 et 18 ans.
La veuve de Martel. — pauvre, — a une tille de 20 ans nom-
mée Suzanne.
La veuve de Hécubel, — occupe une ferme di; 20 acres de
terre ; 3 lils, Jean 24 ans, Daniel 18, Michel 13 ; une lillc
22 ans nommée Marie.
— /\6\ —
Pierre Beiize, tient à ferme 28 acres de terre en propre ; son
lils aillé, Pierre, marié à la mode des nouveaux convertis,
30 ans ; un autre, Samuel. "2d ans.
Samuel Beuz ', sa i'emiue, I lils d'environ 2Ô ans, — occu[ie 2
acres de It'i'ro en propre.
Pierre Bunel, lileur de laine, 50 ans : Fran(,'ois, son (ils,
13 ans. — A quelque peu de bien.
Pierre Manoury, lellier, 60 ans ; sa femme, ôO ans ; sa lille
aînée ll2 ans ; — ils n'ont point de revenu.
Suzanne ^lanoury, et Thomas de ('.aux, à^és de 7(S ans, —
pauvres.
Thomas de ('-aux. tonnelier. 50 ans ; son lils, Thomas, 20 ans;
sa femme, 50 ans ; — n'a point de revenu.
Abi'aliam Levillain, lileur de laine, <S0 ans ; sa fcnnie. 70 ans ;
Ephraïm, son fils, 17 ans ; — pauvres.
Jacob Lucas, tellier, 40 ans, et sa fille Madeleine, 1:2 ans, —
pauvres.
La veuve de Samuel Ilarré, 54 ans ; Marthe, sa fille, 12ans ; — ■
pauvres.
Suzanne Godefroy, couturière, lille, 25 ans ; Marie (iodefroy,
sa sieur, 2!2 ans ; — pauvres.
Auzebosc
]\licliel Lecourt, 71 ans ; sa femme, 76 ans.
Jean Leblonti, 43 ans, et Pister Campart.sa prétendue femme, —
le dit Leblond ayant 3 filles, Madeleine. Marguerite et
Marie, et 1 garçon. Pierre Delaliaye. de 4 u \li ans ; la
dite Ester Campart a un garçon nonmié Isaac Godefroy.
13 ans. chez (inillaume Duparc.
Pierre Campart, et Jean Viger, — travaillant à la toile.
Jean Campart, compagnon tellier, environ 20 I. de fermages ;
4 enfants : .Jean 20 ans, le 2'' 1 1 ans. le 3'-' 6 ans, une fille
10 ans.
.fean Lehrur.ient, tellier, 8 acres de terre; 2 garçons et 2 lilles
de 19 à 20 ans.
La veuve de Jean Lesaunier, — occupe en propre une petite
— 4^2 —
ninisnn de. '.i ncrcs de terre ; âj^^ée de 50 ans environ ;
."{ cnlaiits : 2 oarçdiis et I fille d(^ 'i à 12 ans.
Jac(il) Caiiiiiarl, 50 ans. — (i(cii|)i' 1 acre de [(.wvii en masure,
en palin'e propre : i eiilanls : 2 garçons et 2 tilles dont l'iiî-
née 25 ans, la 2'-' 12 ans. le gai-çon de 17, l'antre de 5 ans.
Veuve Lonis Mordant. GO ans, — occupe 1/2 aci'e de terre
en nature ; l enfants : 3 garçons I lille dont le 1'''' 20 ans,
le 2'' 17 ans, le '.)'■ 12 ans, et la lille 22 ans.
La veuve de Pici'i'c Mordanl. et l'i('i-re T>ainé, veuf, demeurant
ensend)le ; la dilc veuve Mdi'daiit a un garçon de i") ans.
Louis I.epauniier, garçon. 2i ans, — demeure chez son frère.
La veuve Josias iîoulen. 50 ans ; ?> enfants : 2 garçons, 1 lille
dont l'aîné 24 ans, le 2" 18 ans, la fille 10 ans ; — occupe
en propre 1/2 acre de terre en nalure.
Jean I.e Paumier, tellier, 30 ans. — occupe 10 acres de terre
de plusieurs particuliers ; et ^Madeleine l>ebrument ; —
deux servantes chez lui âgées environ 'È4 ans ; la mère du
dit i.e Paumier àp'-e de 70 ans.
I>a veuve de Pierre l'ellevillain âgée de (SO ans, — occupe une
cliamhre.
Pierre l.eplay, et Madeleine Campart. — demeurant ensemhle,
âgés environ "25 ans chacun : — occupent environ H acres
de terre.
M. Leguercliois, seigneur de la paroisse, — ont une lille de
leur préfendu mariage âgée d'environ G mois, pins un frère
âgé d'environ 1<S ans, et une sieur de l;2 ans.
Charles Lepanmier, 45 ans, et Marie Delamare, 28 ans, — de-
meurant ensendjie. — ont une fille de leur prétendu ma-
riage âgée d'environ 3 mois, — occupe 30 acres de terre
qu'ils tiennent à ferme pour 200 I.
Madeleine Lepauliuier, demeurant chez (ïharles Lepaulmier,
son frère. 38 ans.
Nicolas Mordanl. tellier. 50 ans, a 4 eidanls : 3 garçons et une
lille, dont h; P"' a 15 ans. le ïJc 'iO ans, le 3" 3 ans, sa fille
4 ans. — occupe 40 I. de fermage.
Pierre Paunav. fils de I^iei-re. lellier. àyé d'envii-on 10 ans ;
^46^ -
Ester Cauvin. 30 ans, — demeurant ensemble, occupant
35 acres de lerre à ferme et 3 acres en propre ; — ont
pour compagnon Jacques Leplay. 15 ans.
Pierre Launay. lils d"lsaac, 80 ans ; — a une fille de 22 ans ;
— occupe en propre 4 acres de terre.
Pierre Campart, tellier, âgé d'environ 50 ans. — un lils 20 ans;
— un domestique 15 ans ; occupe en propre 4 acres de
lerre .
La veuve de Jacques de Caux. — tient à ferme 30 acres de
terre ; — une tille nommée Anne, de 22 ans ; Jacques 19
ans, et deux antres, petits ; Daniel Boivin, domestique.
Jacques Sieurin, — tient à ferme 50 acres de terre ;4 enfants:
l'ainé 30 ans, le 21^ 18 ans, et 2 filles nommées Jeanne et
Marie, de 24 ou l!5 ans, et un domestique.
La veuve de Pierre David. — tient 30 acres de terre, — a
deux petits garçons.
Madame de la Brisse, femme de M. de Boissaij, (jeittiUioitnne
catholique.
Chez .Madame Levasseur, bourgeoise de Rouen, un nonmié
Jean Berlin, — le second, Jean Ijuesnel, et une servante
^larie Aubourg.
Chez M. .\nquetil. aussi bourgeois de liouen, une servante.
Veauville-les-Baons
Isaac Leblond, laboureur. 28 acres de terre, marchand de
toile, — a 300 à iOO 1. de rente, — marié h la mode,
28 ans, à Madelaine Leplay sa femme, de même âge.
Etienne Mordant. 35 ans, — sa femme, un enfant ; Jean Pot-
lier et Jeanne Lesaunier, leurs domestiques, 13 et 22 ans.
Hautot-St-Sulpice
Drian d'Houdetot, de Bois-Guibout, 50 ans, à Hautot, dans le
hameau de Bois-Guibout, nouveau converti, s'acquitte très
exemplairement de son devoir de catholique, ayant soin
tous les ans de faire ses Pascjues et de venir tous les di-
manches à la messe paroissiale et d'y envoyer ses enfants
- 4^4 —
qui sont ati nombro de 3 : AdricMi, Isaac et Marie, de 21,
20 cl 14 ans, l(!S((iieis sont v(!iiiis ;ui calliécliisnu^ ])onr se
l'aire inslrnire |)i)nr leur première cniniiuniioii (ju'ils oui
lailc en i-éi'énionie, cuinnie les aulres catlioliiiues eufaiils,
et depuis ont toujours l'ait leurs pasques.
Kster Née, t)i ans, épouse de Jean Housse!, âgée de 69 ans. —
l'ail très bien son devoir de catlioli(|Me, malgré son époux
(pii la niaiii'aile à cause de sa disposition et le([uel est un
peu obstiné dans sa religion, mais toutefois dont on pinit
espérer ; — a jtour enfant : Poster 22 ans, — dans les
mêmes résolutions du })èrc.
l'ierre iioussel, 24 ans, en dénuMice d'esitrit et a pour bien
iO acres de terre compris !! acres eu C(Me et quel({ues
autres petits biens liors paroisse.
Ester Canq)art, veuve d'Isaac ( îodcfi'oy. 48 ans, — a épousé
depuis Pas(jnes à l'itisu du pasteni' de la paroisse un nommé
Jean i.eblond de la paroisse d'Auzebosc, de même religion,
tellier de profession, lesquels ont été mariés dans les fosses,
par un minisire inconnu ; le sus-dit Leblond ne demeure
pas encore avec la susdite Ester son épouse à Hautol-Sl-
Sulpice. mais se tient à Auzebosc ; — avec lui, un enfant
de son épouse ; — la susdite Ester a pour enfant : Anne
Godefroy, lille de !20 ans ; Calbei-ine (lodefi-oy. 11] ans,
qui sert t'i j.intot ; * — Adrien ( laveliei-, de la religion ;
Isaac (iodefroy (ils, âgé de 13 ans, sert à Auzebosc ;
Le sus-dit Jean Leblond a i enfanis : AJadeleine J^J
ans, Marie 10 ans, Marguerite 11 ans, et l'ierre 4 ans.
Ester Ganipart a pour bien ime masure de 3 vergées
à Haulot-St-Sulpice ; Jean Leblond, son époux, a une mai-
son à Auzebosc.
Le 2i août 1691), Huard. cur('' de liolbec, doyen de Fauville,
envoyait aux grands vicaires le nouveau rapport qui suit :
XiDiis (li's reUyioniiauca icvonts :
lioi.i'.F.c. — JaiNpies Delaliaye, dit La Soiidi'. — fiche.
Louis Viiou. riche.
-465 -
Ephraïm Igou. riche.
Louis C.iu'on, frère <lo loan, riche.
Autre («iron, cav<ilier.
2 fermiers inconnus demeurant chez le frère du dit
Louis 1-ecaron.
La veuve Pouchet, — riche.
Pierre Delessart fils puiné du chirurgien.
Ilaumerville, hastier, — pauvre,
l'iiilippe Bourdon, lils |tuiné de Philijjpe menuisier.
Leschaluppé, frère de Pierre, — riche.
Jacques Lecaron — a fait partir un de ses enfants
âgé d'environ 1:^ ans. 11 y en a un qui est parti
depuis longtemps et marié en Angleterre.
Jean Ygou. — revenu et reparti.
Louis l'ouchet, — revenu et repai'ti.
Jean Hauchecorne est i-evenn, — Viard, son frère,
près de partir.
Noms fie ceu.r tjtii ont roitlu partir et sont revenu.'î
nmjnnt pu ptisscr
Daniel ^Mondon fils ; Marie C.anlais. son épouse.
Pierre Selingue, de la pi'airie, et Anne Gantais, sa
femme.
Suzanne Gaulais, lille. pauvre.
Jean Delessart, fils aîné du chirurgien, — riche.
Jacques iJuval, — médiocrement riche.
Pierre Bernage, fils aîné de la veuve, — riche.
Philippe Dennetot. et ]\Iarthe Mondon, son épouse,
— pauvres.
Le nommé Breuil, — pauvre.
La femme de Pierre Lesehaluppé, et son enfant. —
riche. — Son mari n"a pas vouki la suivre et le
bruit court ici qu'il lui en a coûté beaucoup
d'argent pour se tirer des mains de ceux qui
l'ont arresté ce que je vous mande pas comme une
chose certaine, mais com:!io un bruit du peuple.
30
— 466 —
Trois jours apivs le doyen lliiai'd ciivoyail ce rajiporl siip-
plémenlaire :
AuTRETOT. — l'ierre Lubloiid, — parti.
Isaac Lepic, — parti.
Marthe Lchriinieiit, — partie.
Raffetot. — Abraham Defruyaux, — parti.
LiLLEHONNE. — Daniel (iuérin. — revenu.
Il n'y en a aucun dans toutes les autres paroisses du
doyenné qui soient sortis ou rentrés dans le royaume depuis le
mois de décembre ainsi qu'il nous a été attesté par MM. les
curés du dit doyenné.
DOYENNÉ DE SAINT-ROMAIN-DECOLBOSC
Gainneville
Liste des noms et sn moins des religiovnaires deineiirant
dans la paroisse de Gainneville faite en juin 1698.
Plus endurcis dans leur erreur que dociles.
Jean Levesque, 40 ans ; Tristan Levesque, 34 ans ; Suzanne
Levesque, 36 ans. — Les dits Levesque demeurent ensem-
ble en coninuuiauté de biens. Ont pour serviteurs et ser-
vantes, aussi de la religion prétendue réformée : Pierre
Delamare, 20 ans ; l'ierre Delaunay, 16 ans ; .hidilli Dela-
mare, 25 ans ; Marie ^lartin, 2i ans.
.lac({ues Levesque, marchand mercier, 38 ans, lien! à terme <S
acres, et un serviteui' d(iniesli((ue nommé llaiiiel Aidx'i",
25 ans.
David [>emétais, 10 ans ; Jeanne Serville, sa fennne, 38 ans, —
occupent une masure de 2 acres.
Pierre Boudin, 22 ans ; Michel lioudin, son frère, 12 ans, —
occupent un four.
La veuve d'Abraham Mole, 52 ans, et Ester Alolé, sa lille, 18
ans, — occupent une chambre.
— 46? —
La veuve Jacob Lecomple, 13 ans ; Suzanne, sa fille, 11 ans ;
Jeanne 9 ans. — occupent une masure de 3 acres de terre,
Marie Douville, 21 ans. demeure chez la veuve Lecompte.
La veuve Daniel Hallot, ô'2 ans ; Pierre Hallot. tils, IS ans ;
Anne, fille, 22 ans, — lient od acres de terre en deu\ fer-
mes.
Jacques Hallol, batteur on grange, 55 ans.
Nicolas Delamare, balleur en grange, .3S ans ; Suzanne Hallot,
sa femme, 30 ans.
Judith Louvel, veuve de Jacques Duiiioucliel, 60 ans ; Jacques
Dumouchel, fils. 30 ans ; Elisabeth Lesueur, sa femme,
27 ans, lesquels occupent à ferme et louage 50 acres de
terre. Chez eux demeure Louis Glinchamp, serviteur, ;28
ans ; Judith Soret, servante, 35 ans.
Pierre Seminel, 60 ans ; Jacques, lils. 15 ans ; Pierre, fils, 10
ans ; tient 19 acres de terre. Marie Boudin, servante, 19 ans.
Signé : Richard Frisson, curé de Gainneville.
et daté : 5 juin 1698.
La Cerlangue
Liste (les Hiii/uenols de lu Cerlmifiiie
Pierre C.ourché. laroureur. qui a fait ai)juralion, — a continué
sa religion ; Pierre Courché, son tils, 30 ans, a fait abju-
ration, — a continué sa religion ; Ester Courché. sa fille,
"iA ans, — n'a point fait d'abjuration ; Jean Courché, 15 à
16 ans ; Anne Borel, 10 à 12 ans ; Jacques Des Vignes,
valet de Courché ; Jean Canu, valet de Courché : tous de-
meurent dans la maison de Courché.
Pierre Durand, maçon, 50 ans, a fait pareille abjuration ; Su-
zanne Boivin, sa femme.
Jean Canu. 50 ans, a fait paraître abjuration, lequel Canu
ayant été interrogé pourquoi il gardait en sa maison Su-
zanne Canu. il m"a répondu que c'était sa femme et que,
depuis peu, il s'était marié avec elle, comme les autres hu-
- 468 —
iruenols faisaient. Je nie suis plaint à MM. los pfrands vi-
(■airos, et on n'a p;is ('m'oiiIi' ma piainto.
l'icri'c l,rc()i| cl sa ri'iiinic pr'''li'iulni' (Icnii'iii'anl avec lui, doiil
je iiK' suis plaint à la jusiicc.
SiL;)i('' : I )i;i.Mi;\ ii.u:, curr,
cl dalé : Cl juin 1098.
Bornambusc
Ihiliiit'iiols II (IciiieiirtDit
Ahraliani Dcvaux, ialiourcui'. non marié ; — a juiur tlomcs-
tiques : 3 serviteurs, une servante.
Pierre Coquart, serrurier, sa femme et 7 enfants.
Samuel Hue a pour famille 5 enfants, tous les(juels ont cessé
de revenir à l'église.
Gonfreville-l'Orcher
Nouveaux convertis
Nol)le (lame Ester de Rrachon, veuve de feu. lacques Duquesne,
ccuyei', sieur de Sl-Mards, âgée d'environ 00 ans et (|ui ne
fait aucun acte de religion ; elle est curatrice dr .M. son
neveu Tristan Lancelot de IJraclion. écnyer. sieur de ilé-
villiers, qui a perdu Tesprit. Elle a un domesticpie de sa
religion nommé Pierre Mauger, âgé de 24 ans. et une
servante qui se nomme Ester Doré, âgée de il ans.
Son fermier, Nicolas Delamare, âgé de44 ans ; son épouse, llaciiel
Caron, 40 ans; 4 garçons : Jean 15 ans, Nicolas lOans, .lean-
Baptiste 5 ans, Pierre 4 ans; filles: Françoise 12 ans, Marie
7 ans. Son frère, André Delamare, 40 ans.
Louis Caron, frère de liacliel, 44 ans, 2 enfants: Anne (lai'on,
21 ans ; .lean ("aron, 19 ans.
Deux dames Doré. — Daniel Muliot, 24 ans. Jacol) Mullot, 24
ans.
Marie Siourin, 24 ans, fait son devoir.
— 4<5*) —
Angerville-POrcher
XoiivcaKx coiirciiis
.Icaii l'otlii'i-(i sa feninio, occupent i aci'os de terre ; une filie
lie ].") ans. 1 garçon de (i ans.
Jean lîoivin, S acres, a sa feninic, deux filles : une de 8 ans,
l'autre de KJ ans ; — un garçon, absent.
.Jean Coquart, 22 acres ; o garçons : i'J ans l'aîné, Pierre 16
ans, Daniel lians : lille, "20 ans ; nièce, 20 ans.
l'iern^ Aubourg et sa femme, 7 acres ; garçon 15 ans ; filles
18 et II] ans. — Son garçon absent.
.Jacques Bennetot et sa femme, 20 acres ; deux enfants : fille
3 ans. garçon 1 an.
Tiiomas Hacbard, et sa femme, 15 acres ; garçons, 17 et 13 ans ;
fille, 1.5 ans.
La veuve Fortnol, 1 cliambre. 1 garçon IH ans.
I>a veuve Martel, I cbambre.
.Samuel IJellet et sa femme. I acre ; 0 enfants : lille 13 ans,
garçon 12 ans, fille 8 ans, garçon 6 ans, fille 2 ans, fille 1 an.
Isaac I.esauvage et sa femme, 1 acre ; fille de 15 ans.
•Ican Angammare, 3 acres ; deux lilles 30 ans et ^5 ans.
Isaac Angammare, 1 acre de terre en propre, sa femme et
une fille âgée de 25 ans.
David ( louillard, 2 acres de terre en propre, sa femme et
se|)t enfants : filles 26, 18, 13 et 9 ans e.t 1 sans âge ;
garçons 15 et 12 ans.
\'ve Daniel Dumont, 1 acre 1/2 (erre en propre avec la maison ;
4 enfants : Suzaime Ki ans, liacliel 15 ans, Pierre M ans,
Marie 10 ans.
Vvc Abrabam Leroy, propriétaire de dcu\ petites masures :
3 filles 35. 30 et 28 ans.
-Marie et Suzanne Leseine, filles, demeurant dans une chambre.
Anne Fortcmbosc, fille en chambre.
Signé : Doyen d'Angerville-l'Orcher,
docteur en Sorbonne.
.Juin 1698.
— 47'^ —
La Remuée
Mémoire des nelii/ionnidref! de la jxiroisse de La Bemvée:
Jean I.csiieiii". 02 ans, (SU acres do terre ; I lils, 2.") ans, 1 fille
28 ans ; un balteiir nommé -Facob Demeure, âgé de 33
ans ; 1 valet, Jean Lecarpenlier, 22 ans; 1 servante, 22 ans,
nommée Jndilli Mascriei-.
Thomas Poignant, 50 ans, marié à Elisabeth Réville, âgée de
30 ans, — 4 acres de terre ; sa helle-mèro nommée Rachel
Barbet, (SO ans ; I servante, Marie J.ebouvier, !28 ans.
Jean Manicher, mendiant. 7(S ans.
Jean Callard, 23 ans, 6 acres de terre, — a sa mère âgée de
60 ans, et deux frères. : 1 de 2i ans, l'autre de 9, et deux
sœurs, l'une de 30 et l'autre de 25 ans.
Tristan Hachard, 45 ans. marié :'i Elisabeth Lef'ebvre, 10 ans, —
a 3 garçons : 1 de 16 ans, 1 de 12 ans et i de 5 ans : une
fille de 15 ans ; — a sa mère, JMadeleine Lefebvre, de 75
ans, laquelle a une lille âgée de 30 ans.
Jean Réville, 38 ans, 7 acres de terre ; — a une servante âgée
de 30 ans.
D. EunE, desservant, déclare que nul de ces religion-
naires n'a donné marque de la religion catholique.
30 mai 1098.
Saint-Jean-des-Essarts
FAal des Religionmtire.s :
.M. l'oyer, sieur de Drumiu-e, ayant déclaré (|ue son domicile
est à St-Romain, — 00 ans, — occupant une ferme à lui
appartenant, valeur 800 1. ; Mademoiselle sa tante, âgée de
80 ans ; son fils. 30 ans ; ses domestiques : Jean Dubos,
30 ans ; 1 laquais, 18 ans ; quatre servantes : 1 âgée de
60 ans, et 1 de 25 ans.
Jacques Lemanicher et sa soit disant femme ; — a un enfant
baptisé à l'église ; — occupe une ferme de 180 1. ; —
lequel Maniclier a déclaré ne vouloir jamais aller à la messe ;
— 471 —
que notre religion est une religion fausse ; qu'il ne croira
jamais à l'église ciitlioliquo, apostolique et romaine ; que la
messe est d'institution des hommes et non de Jésus-Christ ;
avec insultes jiis(|u'à même oser dire (jue je me servais de
faux témoins,
.lacoh liellel. (iO ans, occupe une ferme de :200 1., — 4 gar-
çons, le dernier 18 ans ; une servante, iO ans.
Je:m Hardy, âgé de 70 ans, occupe uue ferme de 800 1. ; —
deux tilles : une de 25, l'autre de 24 ans ; 3 donu^stiques :
I de 3! nns, l'iiulre de !2.j ans, l'autre de 20 ; une nièce de
25 ans. une cousine de 12 ans.
Etienne l.ecoq cl sa lémme âgés de 42 ans. occupent une
terme de (SO I. ; — 5 enfunis dont 3 haptisés à l'église.
Dans la même cour demeure Etienne l.ecoq, 2^2 ans ; sa
steur, 25 ans.
I.a veuve de Jacques Eavolle, (iO ans.
Isaac l.evasseur et sa fenmie âgés 4"! ans, — occupent une
ferme de lOU 1. ; — i enfnnis. l'ainé Ul ans ; les autres
ha[)lisés à l'église.
Isaac Lecaron et Elisahetli Leco(|. soit disant sa femme, âgée
de 40 ans ; occupent une petite ferme de 30 1. — Dans la
même cour, la veuve Lecoq âgée de 60 ans ; deux filles
âgées l'une de 25, l'autre de 27 ans ; 2 garçons de 32 et
22 ans.
La veuve de Jacques (luihouse, âgée de 50 ans, occupe une
petite ferme de 40 1. ; — une fille 14. ans;
Pierre Léger et sa femme âgée de 50 ans, occupent une ferme
de 180 1. ; 2 garçons, l(:i et 18 ans ; une fille, 22 ans.
La Vve Touzé, 45 ans, occupe une ferme de 80 1. ; deux filles
14 et 11 ans ; 1 garçon, haptisé à l'église.
La Vve Pierre Thomas, 60 ans, demeure dans la ferme
d'Isidore Léger.
Les dits continuent à ne donner aucune marque de notre
religion.
Signé : Garon, curé,
et daté : 4 juin 1698.
- 47= -
Les Trois-Pierres
Aiidn'' Delaiiiarc cl Suzanne (lalhird. ài,n's do iO ans environ ; —
il enfanis — (i s-arvons, 3 (illi's : le plus ài^é a 10 ans, le 2''
8, lo 3« 7, le 4« G, le 5« 2, \f' li'' '.'> nidis ; l'aînée des filles a
11 ans. la 2c 9 ans, hi :>' 1 an (i mois. Le dit Delamare la-
boure 30 acres de terre. Obstiné dans son erreur.
Ainic (iciis. mère, et Anne Diinciii'e. sa liile, veuve de .lean
l)eluniar(! ; — a 3 lilli^s. l'ainre KS ans. la 2'' 15 ans, la 'A''
10 ans. — l('S(jurlles denieui-rut, (hiiis leur ei'reui'. Anne
l)(Mneure a 7 veryées de tei'rc en pi'opre.
.luditli Jjeména<.;'er. veuve de Jean Touzé, s'aciiiiilk' lidèlement
de son devoir île calliolifpie
jNIarie Gaillard, femme de Josepli Leroux.
Anne Dugail, femme du sieur Soyer.
Su/anne Leuuesne. 22 ans, — s'ac(|uitte aussi fidèlement.
Signé : Eudes, curé,
et daté : 1 S juin 1698.
Saint-Nicolas-de-la-Taille
Etat des prétendus itiiKVCdux conroiis de la paroisse de St-
Nicolas-de-la-Taille, de leur âge, biens, facultés et occupa-
tions dressé par le curé de la dile paroisse en crécution
des ordres de Monseit/nenr l'Archevêque de Rouen.
Alliances ou prétendus mariages faits sans la présence
mj participation du curé de cette jiaroisse :
Alphonse Franeois de Civille, écuyer, sieur de Hames, 22 ans,
1000 1. de revenu ;
La dame de llonceraye, si prétendue épouse, 20 ans;
Jacques Falaise, serviteur, 25 ans ; Jean, laquais, 15 ans.
Pierre Hébert, oO ans, — tient pour 400 1. de fermages;
Marie Delamare, sa prétendue épouse, 25 ans. Jacques Le-
blond. fils d'isaac, serviteur, 22 ans ; Judith Dupi-ay, ser-
vante, 20 ans ; 2 petits enfants 1 et 2 ans.
Jean lléherl, potier. 25 ans, lient pour 40 1. de fermages;
Marie l'oslel, sa fennne, 27 ans.
Jean Bodard, 43 ans, tailleur, — tient 40 1. de fermages ;
— 473 -
Anne Hébert, su leinme, 40 ans : Marie Hébert. 20 ans :
Pierre, 17 ans ; .leaii, 10 ans ; Jeanne, Il ans.
Jean Lemoigne, 55 ans, lient 40 1. de fermages'; iMarie Lelu-
dois, sa fenniie, i5 ans ; Jean 7 ans, .Marie 3 ans, l'ierre
1 an 1/2.
Jacob (-arpentier. 02 ans. lient 120 I. de fermages ; .Marliie
Poste), 60 ans, sa feinnie ; Itaiiici 25 ans, Marie 23 ans,
Judith Hébert, eonsinc 17 ans.
l'ierre Boivin, "24 ans, iO i. de fei'niages ; Jeanne Lefebvre, sa
femme, 20 ans.
Jean Beancamp. aide de potiei . I!5 ans. — lient 30 i. de fer-
mages ; Jeanne Sieurin, sa fenmie, 40 ans ; Marie, leur
lille, 4 ans.
Tristan Lemoigne, 35 ans, 20 1. de fermages ; Ester Leblond.
sa femme, 32 ans ; un enfant. 2 ans : François Bournon,
30 ans, serviteur.
Pierre Postel, 30 ans, lient 60 I. de fei'mages de fond dont 20
en propre ; Suzanne Poyer. sa femme, 24 ans ; enfants :
Pierre 18 mois, Jean-Pieri'e 3 mois ; Suzanne I^ecerf, ser-
vante. 22 ans.
Jean Lelienvre, 68 ans, lient 'iOO 1. ce fermages; Jeanne
Pleine, sa femme, 45 ans : Jean i.emaiire. fils de la dite
Heine. 20 ans ; Jacques l.cmaiti-e. idem. 18 ans ; Marie
I.emaitre, lille. 14 ans ; Marie liournon, nièce, 11 ans.
isaac Leroux. 30 ans. dans une chambre ; .^nne Liot, sa
femme, 25 ans ; petit garçon de 3 ans.
Jean Farou, 25 ans, tient 20 1. de fermages ; Anne (juiibaud,
sa femme, 30 ans.
Mariar/cs lé(jilliiies
Piiilippe Bredel, 45 ans, 20 1. de fermages : Jeanne Godard,
sa femme, 40 ans ; enfants : Piiihppe 17 ans, Jean 12 ans,
Catherine 14 ans, Madeleine <S ans.
Pliilippe Bellet, charpentier. 55 ans, 20 1. de fermages.
Pierre Poignant, maçon, 20 ans, — en une chambre.
Anne Guérin, veuve de Jacob Postel, 40 ans, — tient pour
— 474 —
100 I. (le IVi-mat^c-s ; ciiIîmiIs : .Icaii. lli ans ; Anne. 22 ans ;
Sanison, 14 ans ; l'icri-e 17 ans ; (iilles. Ti ans.
Jean l.el)lon(l. iO ans, 40 I. (le fonds en pro|)re ; Judilli l'elerin'
sa IVnnne, i!") ans ; — enf'anis : Jean. I!' ans ; l'icrre. î)
ans ; Pliilippe, IH nmis : — la veuve l'elleriu mère, GO ans ï
— Moyse Lehlomi, (ils de .Moyse, 10 ans, nepveu.
Pierre Selintiue, "24 ans, tient pttiir o.") I. de fei-mao;es : — la
veuve Selin^iie. sa mère, 00 ans.
I,a vcnve Soi-el, 00 ans, — dans un Inur ; .Marie Sorcd. '.]î') ans;
,Mai>;iiei'ile. .'iO ans.
l'icri-e l'ostel, 55 ans. lient (iO 1. de fermat^es ; — enianis •
.Icau, 'iS ans ; (Inillanme, IX ans ; .Marthe, 20 ans ; Suzanne,
21 ans : — .lacoh l'oslel, lils de .Jacob. 20 ans, serviteur.
.larques Lecaron, 35 ans, tient 20 1. de fermages, et un ser-
viteur hors paroisse ; — sa fenuue, 40 ans ; enfants : Su-
zanne, llO ans ; .Madeleine, 17 ans ; Nicolas, l(i ans ; .Ju-
dith. IM ans.
Louis i.ehouvier, tcllier. il ans, — tient 15 1. de fermages ;
Siizaiiiie llclaliaye. sa i'einnie. \2 ans ; enfants : l^ouis. 16
ans : Anne, lô ans : Marie. 1 I ans : AIarie-Mad(deine, î*
ans ." Jean, 5 ans ; Israi'l, 1 an ; — Jacques Sieurin,
apprenti. 20 ans.
La veuve Hoivin, Jean. 55 ans. — tient <S0 1. de fermages ;
enfants : Jean, 30 ans; Daniel. 25 ans : Françoise. 22 ans.
Charles Aubert, (30 ans, bûcheron, — dans une chambre ',
Judith (iueroult, sa femme, 55 ans ; — enfants : Charles,
18 ans : Madeleine. 15 ans.
Abraham Serville, potlier, 40 ans, — occupe en propre 35 1.
de fonds ; Sara Gueroull, sa femme, 25 ans ; enfants : Marie
15 ans ; Pierre 12 ans : Louis 9 ans ; Abraham 8 ans ;
Jean 'i ans ; Jac(jues 1 an.
Jacob P)arbet, 30 ans, fait valoir 35 1. de fonds en propre ; la
veuve .lacob liarbet, sa mère, 70 ans ; .Madeleine Hournon,
veuve du sieur Cavelier, servante, 50 ans.
I,a veuve du sieur Deshays, 45 ans, tient 30 I. de fermages 5
Mai-ie, .'•a lille. 17 ans : haniel, lils illéiïitime de la dite
- 47^ —
Marie, 3 mois,
La veuve Galopin, 45 ans, — dans un four ; Klisal)elli (ialopin,
10 ans ; Marie Galopin, U ans.
Jac(|ues Sieurin, (36 ans, — tient pour 400 1. de fermages et a
100 1. de revenu ; Abraliam lioussel, 2ï ans, serviteur ;
Louis Lebouviei-, l<S uns, serviteur : Jeanne Desliays, 18
ans, servante ; Pierre Leblund, lo ans, serviteur.
Marie Sieurin, fille de Pierre. 30 ans, — en chambre : eulants ;
.Jeanne '2{ ans, Suzanne 17 ans, Ester 10 ans.
Isaac Hébert, ciiarpenlier, 50 ans, tient pour 30 1. de fermages ;
enfants : Isaac 18 ans, Marie 25 ans. Elisabeth 21 ans.
Mademoiselle de Giville de la Ferté, 50 ans, 400 I. de reveiui.
Michel Deshays, savetier, iO ans, — tient pour iO I. de fer-
mages ; Madeleine Callard. sa femme, 40 ans ; enfants :
Suzanne 17 ans, Pierre 13 ans, ^Madeleine 5 ans.
Jean Deshays, 24 ans, occupe 100 I. de fonds en propre 5
Anne, sa sœur, 57 ans ; Charles Gosselin, ;20 ans, serviteur ;
Suzanne Delamare, 17 ans, servante.
Pierre (lodard, tailleur, 45 ans, — tient 20 1. en propre ;
Marie Lavotte, sa femme, 38 ans : enfants : Marie 16 ans,
Pierre 15 ans, Jean 14, François 3, Jacnues 16 mois, Jean
8 jours.
Jacob Barbet, 25 ans, une chaud)re ; Madeleine, sa fille, 7 ans.
ïliomas fJossel, 40 ans, — tient 120 1. de fermages; Jeanne
Selingue, sa femme, 35 ans : enfants : Pierre 13 ans,
Jeanne 9 ans, François 1 an.
Jacob Postel, 30 ans, — dans une chambre, — a 100 I. de re-
venu ; Madeleine, sa sœur, 25 ans.
T>ouis Postel, 22 ans, une chaadjre.
Pierre Louvel, 50 ans, — dans un four ; enfants : Pierre 28
ans, Thomas 18 ans, Antoine 10 ans, Anne 9 ans.
Jacob Postel, fils de Jean, 45 ans, 30 I. de fermages ; Jacob,
son fils, 12 ans.
François Postel, 41 ans ; Abraham Postel, 33 ans ; Jacques
Postel, 30 ans : — ils tiennent 20 1. de fermages.
Anne ('.ourché, veuve d'Abraham Lebouvier, 70 ans, —
— 47^ —
occupo 30 I. en propre.
Jacob Delaliaye, 55 ans. 20 1. de fermntj:cs : Suzanne liarbet»
sa fcinine, 45 ans ; enfants : l'iecre 10 ans, Anne 1 1 ans,
Su/annc 0 ans, Nicolas 8 ans.
Isaac Lol)lon(J. i5 ans, o50 1. de fermat^cs : Madeleine; Cavclier
sa femme, 35 ans ; .Anne llenanlt, \vuv nièce, IG ans ; Ju-
ditli Lccerf, 18 ans.
Jndilli Fondimare, veuve de Pierre (iuei'oull, GO ans, — tient
50 1. de fermages dont '20 en propre ; enfants : Anne llous-
sel, apprentive, 22 ans : .Marie Féré. apprentive, 14 ans.
Ahraliam Lel)as, 55 ans, — demeure dans une maison à lui en
propre, a 250 I. de revenu ; Françoise de Heaulicu, sa femme,
40 ans ; enfants : Françoise 19 ans, Marthe 14 ans, Ca-
therine 10. .\braliam 8, ('.hai-les 5, Heni'i 4. et Pierre 2
ans.
Abraham l'oslel, 60 ans, — tient 250 1. de fermages, et a 100 1.
de revenu ; Marihe Lefebvre, sa femme, 50 ans ; enfants :
Marthe 25 ans, Jean 20 ans, Isaac 11) ans, Pierre 14 ans,
.Marie IG ans.
Jean Mouette, serviteur. 25 ans ; Isaac Lemoii^ne, sei'vileur,
22 ans ; Marie l.ouvel, servante, 20 ans.
Vve Nicolas Lecointe, 70 ans. tient ])onr 70 I. de fermages ;
Anne Lecointe, sa tille, 20 ans.
.-Vnne Jousiel, veuve de l*ierre lîonrnon, (iO ans, tient 18 1.
de fermages : Anne-(juillemette, sa lille, 20 ans.
Pierre Serville, 50 ans, — tient 20 I. de fermages : Sn/anne
.Massieu. sa femme, 60 ans.
liachel Pottier, veuve d(>, Jean Guerouli. 50 ans. — tient .S8 1.
de fermages ; enfants : Jacfpu's 17 ans, .Marihe 15 ans,
Marie 13 ans ; Madeleine .Marouard. 10 ans. servante.
Jacques lîoussel, 24 ans, 30 I. de fermages : .Teanne liellenger
sa lanle. 60 ans.
Jéréniie-Abraham lionainy, — tient pour 30 I. de fermages.
La veuve Simon De (iau\, (:)4 ans, dans une cliambi'e.
Jeanne Roussel, veuve de Jac(jues Lecarpentier, 50 ans, —
dans une chambre ; enfants : Marie 30 ans, Eslienne 15 ans.
— 477 —
Jacques Desvignes, 45 ans, — tient 80 1. de fermages : Ester.
sa sœtir. 30 ans ; JiKiilli. sa scpur, 25 ans ; Jacques (uie-
l'oull, 45 ;ins.
Judith (iueroult veuve de .Nicolas Alexandre. ôO ans, — tient
"20 I. de fermages ; Nicolas Alexandre, son lils. 25 ans.
Klie Godard, savetier, 60 ans. — tient 20 1. de fei'iuages ;
Marie , sa femme, 55 ans ; enfanls : .rac(|ues ''20
ans. Marie 18 ans.
Il se voit par le dit état qu'il y a 105 religionnaires en celte
paroisse âgés de 12 ans et au-dessus, et GO feux. — certifiant
(pie s'il y en a aucuns des dessus dits qui fassent aucun devoir
de catholique, mais au contraire font des assemblées de 4 à 500
dans les carrières de celli'. [laroisse. suivant (pie je l'ai écrit à
Monseigneur l'inlendanl. et s'opiniàtrent de jour en jour dans
leur erreur de[)uis la publication de la paix qui se sont vus
qu'on les laissât en repos. En foi de quoi j';ii signé ce 30 mai
1698.
J. GielIn, curé.
Saint- Jean-de-FoUeville
youveatix convertis — Prétendus nairiages
Abdenago Hébert, 30 ans, — lient pour 00 I. de fermages ;
Elisabeth Fréret, sa femme. 30 ans ; Jean liébertlils ; Nico-
las Hébert, lils. — Jean Hébert au-dessous de 12 ans.
Judith T^evillain, 36 ans, — tient 120 1. de fermages : Judith
Dubos, sa femme, 38 ans.
Abraham Potel, 32 ans, — tient 180 I. de fermages ; Anne
Doray, sa femme. 30 ans.
Mariages técjitimes :
Tristan de Brilly, écuyer, 63 ans, — 1500 1. de revenu ; Judith
de Bongars, son épouse, 55 ans: Jacques de Brilly, son fils,
24 ans ; Madelaine de Brilly. fille, 29 ans, qui s'est acquittée
et s'acquitte ponctuellement depuis sa conversion de tous
- 478 -
ses di'vnirs ot actes d'uiif vrritaljle catholique romaine avec
beaucoup (rcxcnijjle et d'cdilicatioii; — Suzanne de [irilly,
lille. 17 ans ;
Pierre licllct. donieslique, 25 ans.
Isiiac ('-hcldliostel, 7S ans, 200 I de revenu.
.Iiidilii Fi-éinont, ôô ans, 29 1. de revenu.
l'liili|>i»e liennetot, 'i8 ans, (iO 1. de fermages ; Renée l.avotle,
son épouse, 50 ans ; Elisai)eth Bennelot, 26 ans ; Ahraliam
liennetot, "20 ans; Jaccjues Bennelol. 14 ans.
Jean Dupi'ey, 20 ans.
.lacipies liourel, 63 ans. 201. de ferniaffes ; Anne Hourel, 35 ans,
Ksler Boissel, 50 ans, S I. 10 sols de fermages; Ester Boissel,
sa fille, 13 ans.
.Tacob l.ebouvier, 50 ans, 18 1. 10 sols de fermages; Marie
[.ebouvier, 55 ans .
Daniel Viennant, 35 ans. 25 1. de fermages ; Anne Hébert, sa
femme, 30 ans ; Aladeleine Hébert fille Viennant ; Madeleine
Hébert fille Viennant ; Pierre Viennant. — enfants au-des-
sous de 12 ans.
Jean Marouard, 55 ans, 12 1. de revenu ; Jacques Marouard,
son fils. 20 ans.
Eslienne Fresnelles, 60 ans, — tient 3 1. de fermages ; l'ierre,.
son fils, 18 ans.
Jean Mouette, 65 ans, 140 1. de fermages : Marie Hatteiiville,
sa femme, 40 ans ; Jean Mouette, 16 ans ; Thomas et
Gilles Mouette, enfants au-dessous de 12 ans.
Anne De Boos, 65 ans, — tient 25 1. de fermages ; François
Mole, au-dessous de 12 ans.
Ch. Poignant, 50 ans, tient iO 1. de fermages ; Jeanne Mouette
sa femme, 35 ans ; Abraham Poignant, 20 ans ; Isaac,
François et Jeanne, au-dessous de 12 ans.
Suzanne Hattenville, femme de Nicolas Estienne, .32 ans, 25 I.
de fermages : Suzanne, Anne, l'ierre. Marie, Etienne,
enfants au-dessous de 12 ans.
Pierre Desvingnes, 40 ans, 240 I. de fermages ; Marie Vau-
clin, sa femme, 35 ans ; Pierre Desvingnes, 14 ans, Marie-
— 479 —
Anne, 13 ans ; — Barbe, Jacques, Jeanne, enfants au-des-
sous de 12 ans ; — Pierre INIarlin, doniestiiiue, 25 ans.
Jean Hébert. 60 ans, 130 1. de fermages : Madeleine Fondi-
jiiare, sa femme, (35 ans ; Madeleine Hébert, 25 ans ;
l'ierre Hébert, "20 ans ; l'ieri'e Dupray 15 ans.
H s'en suit, par le dit état et mémoire, les nombre, âge,
sexe, biens et facultés des religionnaires de la dite paroisse de
Folleville, cerlilions qu'il n'y a aucuns des dessus dils, à la
réserve de Mlle Madeleine de IJrilly, qui tassent aucuns devoirs
de catlioliquos, mais plutôt s'opiniàtrent de jour en jour dans
leur erreur.
Signé : Bksolc.net, curé de Folleville,
et daté : 5 juin 1G!)S.
Saint- Antoine-la-Forêt
Mémoire concernant les noms rpialHès des novveavx
convertis, le nombre de leui's enfants, ensemble celui de
leurs domestiques.
Jean Levesque et sa femme, — 5 enfants (2 garçons, 3 filles) :
l'aîné 13 ans, les autres en proportion. — 3 ont été baptisés
à l'église ; — une servante, un valet ; — laboure 52 acres
de terre.
Jean Fossé et sa femme, laboure 20 acres de terre et fait des
cardes ; 3 garçons âgés de 30 ans, et une fille de 25 ans.
Abraham Duval et sa prétendue fennne, marié depuis peu à la
carrière, laboure 18 acres de terre ; 2 garçons, l'un de 5
ans, l'autre 1 an ; — 1 valet ; il garçons apprentifs, — son
métier est de faire de la charge.
Pierre Delamare. marié depuis 2 ans, à la carrière, a pris pour
compagne la lille de la Viarde ; il a un enfant qu'il a fait
passer pour mort, dont l'on doute, et cela de peur ipi'il ne
fût baptisé à l'église. Laboure 60 acres de terre et fait le
métier de marchand de frantz (sic). Il a chez lui son frère,
âgé de 20 ans, 2 servantes, Jacques Caron, valet, et un
cousin nommé Galopin, 10 ans.
— 4^0 —
Jean Flelaliuyp el sa fille, âgée de 20 ans, fileuse à la laine.
.Icaii (laiilanl et sa reiiimo. esl niarcliand, — a une servante
;'(! ans cnv ii'iin.
Jean Leliuury el sa Icniine. — a :2 L;ar(,'ons, [H el li! ans. el
une fille de 1.") ans, — tons lilent la laine.
l.a liertine, veuve, marchande de draperies. — a chez elle
une servante et un valet.
.lean Leniaitre, 20 ans, iileur de laine.
Galopin, garçon, 16 ans, tisserand, — a 4 s(eurs (|ui l'ont de la
dentelle : rime a 25 ans et les autres à proportion,
l.evasseur, veuve, tient à ferme 30 acres, — a 2 garçons âgés
de 20 ans environ : une servante de 15 ans nommée Su-
zanne .Marie.
Pierre Malandain, garçon, tisserand, avec lui sa mère et sa
su'ur d'environ 120 ans, — a Pierre llérubel poui- apprentil'.
de 25 ans envii-on.
.Jean Ilicœur. garçon, 30 ans, tisserand.
Isaac Lechalupé et sa femme, âgés de GO ans chacun, — filent
à la laine.
Pierre Delaporte. 60 ans, tisserand.
l'ierre Leconte, laboureur, de 32 ans, et propriétaii-e de 2'2
acres, avec sa femme et son frère de 23 ans ; 1 valet, une
servante.
Isaac Leblond, manouvrier, 50 ans, a une fille de 25 ans et un
garçon de <S ans.
Pierre Uupré et sa femme, laboureur, IcS acres de terre, — a
■i garçons de 2i ans et les autres ensuite, et 5 filles de 20
ans et au-dessous, faisant de la dentiîlle.
Jacques Callard et sa femme, âgés de 60 ans, labourant 6 acres
de terre et est propriétaire d'une petite masure d'environ
2 acres ; son métier est d'être blatier.
Pierre David, et sa femme, laboure 16 acres ; — 1 garçon de
15 ans environ ; 1 valet et 2 garçons compagnons de 25
ans chaque ; — son métier est d'être tisserand el de vendre
des joeld {sic) .
Abraham David, demeure chez Pierre David, son père, est
— 48i —
marié à la carrière depuis un an k Aune Delamare ; — a
un garçon de 3 mois boplisé ;i l'éiilise pur ordre de M.
l'inleiidant.
Nicolas Lamy et sa femme, — a une lille de 15 ans, "^ garçon^
17 et 1:2 ans, — tisserand, propriétaire de 2 acres de terre
logez et plantez où il demeure actuellement.
Pierre Delaliaye, marié il y a un an à la carrière, 70 ans, avec
Anne Leclerc. de 30 ans. — a chez lui la sœur de sa
femme de "20 ans : leur méliei' est de filer de la laine.
Isaac Letudais et sa femme. Judith, lille de la Liherge, — a
une fille de 10 ans environ ; — l'homme est manouvrier.
Les filles Lemoine, 25 à 30 ans, demeurent avec le nommé Le-
marié, cordonnier, de la même religion ; ces fillent ont en
propre une petite masure de 1 acre de terre labourable et
font de la dentelle.
Jean Lemoine et sa femme, Elisabeth Letudais, ont un enfant
de 8 ans, baptisé à l'éghsc, et ont été mariés il y a 2 ans
à la carrière.
Abraham Durand, sa femme catholique, 3 garçons 10 ans, 8
ans, 1 an 1/2 ; son mari est couturier.
Guillaume Barbet et sa femme — a 5 enfants. 3 garçons, le
moindre à 13 ans et deux iilles d'environ 50 ans ; — ■ son
métier est d'être mercier et en outre a une petite maison en
propre et laboure 50 acres de terre.
Abraham .'Vuber, marié à la carrière avec Madelaine Levas.
seur, — laboure 30 acres de terre, — a une lille baptisée
à Téglise par ordre de Mgr rintendant. laquelle a environ
3 mois ; 1 servante de 16 ans, nommée Suzanne .Marie, et
2 valets de 25 ans ciiacun.
Pierre Lemonnier et sa bru, laquelle est veuve et a 2 enfants,
le garçon 12 ans, la fille S ans, lous deux baptisés àTéglise ;
— leur métier est de filer la laine.
Isaac Renaud et sa femme, mariés à la carrière, 2 filles, 6
ans et 1 an 1/2, baptisées à l'église ; — son métier est de
faire de la dentelle.
Abraham Bredel, marié à la carrière avec Suzanne Delaporte,
31
— 4^^ —
— tonnelier.
Renée I.eclialupr', iiico'iiiiiodf'ii et iiieiidieiiiK' (sic).
Isaac Uelahaye, prdpriiiaii'e d'iiiie iiia.sui'e d'une acre di; terre,
70 nus, — cliarron.
Abraham l'otel, |J-ar(,'on, ^lO ans. tuilier.
La Mannevillesse, veuve. 'M acres de terre, 7 oiifanls : A lilles
:24 ans, 12, 10 et 8 ans baptisées à l'éiilise : 3 tïar(;ons
âgés de 18 et 20 ans ; I servante noiiiiiKH; Mai-ie l.eludois.
Après les avoir interrogez tous en particulier savoir s'ils ne
voulaient pas bien venir à l'église m'ont tous répondu que non,
et que ce n'était point leur intention, qu'ils y avaient été une
fois dont ils se repentaient.
Signé : François Plaimpel, curé de St-Antoine,
et daté : 7 juin 1G98.
St-Eustache-la-Forêt
Etat des personnes de la Religion pyéfeinlue réformée demeu-
rant en la paroisse de St-Eustache, lesquels ont déclaré
vouloir vivre et movrir en icclle religion :
Etienne Uupray, sa femme, 1 fille, 1 servante et 6 autres lilles
demeurant chez le dit.
Pierre Lemarchand, sa femme et sa fille.
Pierre Montier, sa femme, 5 garçons dont l'aîné a 25 ans, et
une fille.
Louis Souef, sa femme et 3 enfants.
Isaac Auber, sa femme et une fille.
Judith Lecesne.
Anne Lavotte et sa fille Agée de 28 ans.
Pierre Delamare et sa lillc.
Marie Hatlenville et sa fille, de 8 ans.
Abraham Lecesne ,
Jacques lioissel, sa fenuiie, 4 enfants (3 garçons et une fille)
dont le plus âgé a 15 ans.
Abraham Rertin. sa femme et une servante.
— 4^3 —
Jean Delamare, sa femme, 3 enfants {- garrons, une lille),
l'aînée a !25 ans.
Veuve Aubor, 2 garçons et 3 filles : Fainée 18.
Isaac (ou Jacques) Gueroult.
Jean Hélie et sa femme, 5 enfants (2 garçons et 3 filles), l'aîné
a 11 ans.
Pierre Hardy, sa femme, 2 enfants (\ garçon et 1 fille), l'aîné 20 ans.
Abraham Gueroult, sa fenmie, (j enfants (o garçons ef 3 filles),
l'aîné 18 ans.
Jean Doré, sa femme et i garçons et une fille : Abraham (iue.
rouit les loge et une nommée Byllenger.
Pierre Lequesne et sa sœur.
Elle Delamare, sa femme et I enfant.
La veuve Barbey.
Abraham Mnlot et sa femme.
Nicolas Sautreuil et sa femme.
Vve Auber, 3 enfants : 2 filles âgées de 20 et 22 ans, 1 garçon
âgé de 10 ans.
Abraham Auber, sa femme et 1 domcstiijiie.
La veuve Poulingue et sa fille âgée de 1<S ans.
Jean Lequesne, le père, et sa fille âgée de 24 ans.
Salomon l.ecesne, sa femme et sa sœur et 2 petits enlants.
La veuve Lamy et 6 enfants (4 garçons et 2 filles), l'aînée 19
ans, — et un nommé Bellenger.
Anne Fréboui-g laquelle a chez elle une fille âgée de 7 ans,
contre la volonté des parents, afin de l'instruire dans la re-
ligion calviniste.
Jacques Lomet, sa mère, une servante.
Jean Lestudais, sa femme, 4 enfants.
La veuve Etienne Lechevalier, 6 entants (3 garçons et 3 filles),
l'aîné a 25 ans.
Jacob Lemonnier, sa femme, 3 enfants (i garçon et 2 filles) et
une nièce.
Veuve Doray.
Pour i[uoi moi prêtre soussigné à St-Eiistache, je prends la
- 4^4 —
liberté de vous dire qufi imnohslant les déclarations que m'ont
laite les dits rclis^îioiiiiain's de vouloir mourir dans la dite reli-
gion, il se fait les jouis de (limaiiclifï, avant no.v messes et pen-
dant nos dites messes de paroisse, des assendjlées ])ubliques
dans des carrières et autres lieux où ils exercent leur dite reli-
jfion au scandale de tous nos catlioli(jues et de plus qu'il se lait
des mariages dont nous avons eu coimaissaiiee certaine et
même que les dits traiispoilent les enfants nouveaux-nés de pa-
roisse à autre afin d'empêcher que ces enfants ne soient bapti-
lisés aux églises.
Signé : Ruintaxce, curé,
et daté : 1 juin 1698.
Le Parc-d'Anxtot
Etat ou nonilx des nouveaux et non convertis de la paroisse
du Parc-d'Anxtot, arvlicvèchè de Rouen, — année 1698.
Almin de la Mazure, écuyer, seigneur d'une vavassorie noble
dans la dite paroisse, non marié, âgé de 54 ans ; possè-
de la dite vavassorie (]ui lui jtroduit tous les ans 15U0 1. de
rente ou 15 1. avec RIO chdj)ons , — avec une maison qui
a seulement une cour })lantée de pommiers. — l.a venve
l'otel, 70 ans, servante du dit sieur de la Mazure.
Salomon Croixmare ayant épousé Suzanne Kicliel, tous deux
âgés d'environ 35 ans ; lient à louage une ferme qui contient
45 acres appartenant au sieur de Nouvion, catholique ; de
plus, en propre dans la dite paroisse une maison logée et
plantée avec 4 acres de terre qu'il baille à louage. — etaôen-
fants, savoir : Salomon 14 ans, Suzanne 11 ans. Marie 9
ans, Geneviève 6 ans, Anne 3 ans.
Catherine Montier, veuve de Thomas Hauchecorne, 55 ans, —
tient à ferme de M. IJesportes, catholique, une maison de
4 acres de terre, — a 7 enfants dont les 3 aînés sont hors
de la paroisse et les 4 derniers chez elle, savoir : Abraham
22 ans environ, Marie 20 ans, Isaac 18 ans, Daniel 16 ans.
Elie Ducliemin, âge 40 ans, ayant épousé Madelaine Baudoin,
- 48. -
34 ans ; 8 enfants : ^ladelaine 14 ans. Adam 12 ans, Pierre
11 ans, Elie 8 ans. Louis 5 ans, Anne 2 ans, Suzanne 1 an,
Marie-Madelaine 7 jours. Le sieur Duchemin possède en
propre, tant en la dite paroisse qu'en celle de St-Gilles un
petit héritage qu'il fait valoir, contenant 6 acres de terre.
Jean Deshays, 4.5 ans, ayant épousé Marie Sieurin, 40 ans, 5
enfanis, Marie 19 ans, Marie 16 ans, Jean 10 ans. Margue-
rite 5 ans, Madolaine 2 ans. — Le dit Deshays possède en
propre tant en la paroisse du Parc qu'en celle de St-Gillcs
B acres de terre qu'il fait valoir sur quoi il nous a déclaré
devoir des rentes.
Les dits n'ont fail aucun acii' de la religion catholique depuis
leur a h jurât ion.
Signé : De Lauxav, curé du Parc,
et daté : 12 juin 1698.
Houquetot
Nouveat(,i c<)»vc)iis qui ne font aucun acte de la
Religion catholique depuis deux ans :
Jean Martin, bou' her, 20 acres de terre, sa femme, sa fille et
sa nièce ; — a chez lui une pauvre femme perdue des
membres qui se nomme .Judith Louvel.
.Jean Desnoyers, tisserand, 4 acres de terre, — a chez lui son
père, sa femme et 3 enfants dont l'auié n'a que 8 ans.
Estienne Angammare, se disant marié depuis 3 mois, — de-
meure avec sa supposée femme. — a retiré chez lui un
nommé Charles Fontaine, — occupe 3 acres de terre, fai-
sant le métier de petit boucesdi (sic).
Pierre Levasseur, 2 acres de terre. — a chez lui une servante,
cordière de son métier, sans ne rien faire.
Tous les ci-dessus dénommés m'ont dit avoir fait abjuration.
Le curé de Houquetot atteste qu'ils ne font aucun acte de la
religion catholii^ue depuis 2 ans.
Signé : E. Langlois, curé,
et daté : 6 juin 1698.
— 4^6 —
Le 3 seplombre IHOO. le doyen de Sl-I!oniain (!'Ci-ivait ce qui
suit :
Daniel Auhci'l et Suzanne I-evesque, de (lainneville, ab-
sents et liors lie la connaissance de leurs i)arenls, à ce qu'ils
disent.
Daniel Montier, de St-EusIaclie-la-Forrt. 19 ans, — sorti du
royaume à la lin de juillet iG9'>) ; Pierre Montier, son père,
est resté dans la paroisse.
Jacques Sieurin, 30 ans, est l'evenu de Hollande en février
dernier et demeure à Saint-Nicolas- de-la-Taille. cliez son père.
11 y en a eu plusieurs autres ai'rèlés à r écamp dont il serait
inutile de mettre ici les noms.
Le doyen de Saint-Romain.
DOYENNE DES LOGES
Mémoire des nouveanx convertis du doyenné
des Loges, diocèse de Rouen
Sauseuzemare
Daniel Boivin, 60 ans, 4 acres de terre ; Judith Hue, sa femme,
50 ans ; Michel Boivin, fils, 15 ans.
Jean Malandain, mercier, iO ans, 3 acres ; Jeanne Barré, sa
femme, 50 ans ; Judith Malandain, 18 ans.
Pierre Malandain, 40 ans, 14 acres labour ; Suzanne Valentin,
sa femme, 35 ans ; Jean Valentin, 15 ans, Anne 10 ans.
Jacques Hue, laboureur, 71 ans ; Judith Hue, 24 ans ; Jeanne
Sieurin, servante, 40 ans.
Pierre Callard, manouvrier. 50 ans, — occupe une cliandjre.
Marie Flammare, veuve de Durand, 50 ans, 4 acres de terre,
et la grosse dixme par 3S0 livres ; Charles Durand, son fds,
22 ans ; Pieri-e Durand, l(i ans ; Ester, fille, 18 ans ; Marie
Desnoyers, 13 ans, et Françoise Nion, 21 ans, servantes.
Daniel (iueroult, laboureur, 28 acres, 23 ans ; Suzanne Boc-
quet, sa fenune, 21 ans.
- 4'^7 -
David Malaiulain, 50 ans. manouvrici-, 3 acres, Marie lîossard,
sa femme. 10 ans ; — enfants : Marie 9 ans, Marguerite 8,
Pierre 18, Jacques 17, Suzanne, David, l'ierre et Jacques.
Juditl) Flaniniare 53 ans, occupant une chambre.
Jean Dulucre. fils, 13 ans, Judith Dulucre 15 ans.
Pierre Périer, lalioureur, 50 ans, lUO acres, — sa femme âgée
de 50 ans ; — n'ayant point voulu déclarer le nombre de
ses enfants et de ses domestiques.
Etienne I.ouvel. laboureur, /i5 ans, 20 acres, — n'ayant point
déclaré le nombre de ses enfants.
Lesquels ont déclaré tous professer la religion prétendue-
réformée.
Signé : Bahrieh,
et daté . 31 mai 1698.
Bordeaux-Saint-Clair
Pierre Hauchecorne ; Ester lîredel, sa lemme, — gens de jour-
née ; enfants : Jean 10, Charles 5, Laurent 2 ans.
Suzanne Lalino , ou (ilalionv, veuve d'Abraham Ha uchecorne
45 ans, et cinq autres femmes de journée ; enfants : Jean
10, Pierre 6 ans.
ftlarie Hérubel, femme de Hector Ouinville, journaliers, âgés de
20 ans environ.
Marie Hérubel, femme de Nicolas Gleron, journaliers, âgés de
20 ans environ.
Tous lesquels nouveaux convertis font bien leur devoir de la
religion calholicpie, assistent à la messe, fréquentent les
sacrements.
Tourville
La veuve Roivin, fort âgée ; Philémon Boivin, son lils, 30 ans
environ ; Jacques Boivin, iils puiné ; Anne Boivin, sa fille ;
Pierre Louvel, son neveu, Françoise Lepelé, sa servante ;
une autre servante ; un petit garçon.
Pierre Bêcher, sa fcnune et sa lille. Depuis la déclaration du
roy sont allés demeurer à Monlivilliers.
— 488 —
Lesquels ne font aucun acte de religion catliolique, aposto-
lique et romaine.
Ymauville
Abraliani Mauger, lahoureur. sa femme, son (ils, son frère, sa
sœur, et un serviteur.
Jacques de Caux. laboureur, 1 valet et une servante.
Ne font aucun acte de la religion catlioli([ue-roniaine.
Grainville-Lalouette
Dame Houdeville. une lille muette de 18 ans; le sieur Igou,
son gendre, revenu des pays étrangers il y a six mois; dame
Dedde, sa femme, et 5 enfants.
La veuve Maillard, son fils et 2 filles.
Jacob Seyenon, marcliand drapier, et sa femme, laboureur, —
a vendu depuis peu les marchandises et grains et est parti
avec tous ses effets mobiliers pour sortir du royaume.
Nouveaux convertis qui ne font aucun acte de la religion
catholique.
Epreville
// y a dans la paroisse vne famille noble de nouveaux
convertis ijni ne font de religion, savoir :
Charles Lepoigneur, écuyer, sieur d'Epreville. et sa femme, la
sœur de sa femme, 4 enfants dont le plus âgé peut avoir
10 ou 11 ans.
Voilà, M. l'état des nouveaux convertis du doyenné des Lo-
ges tels que MM. les curés me l'ont envoyé ; les uns ont nom-
mé tous les particuliers et les autres non. Ceux de Ymauville
et de Grainville-Tjalouclle (ils les ont donnés depuis) quoique
leur ait assez dit de le faire, mais ils ont disent-ils des raisons
pour ne pas faire autrement. Ainsi si les choses ne sont pas
telles que vous les souhaiteriez, il n'a pas tenu à moi.
Signé : Fl'LLOX, curé de Maniquerville,
doyen des Loges.
Au vicaire général h («ouen.
et daté : 21 juin 1698.
- 4^9 -
DOYENNÉ DE BRACHY
Nouveaux convertis
Hautot-sur-Dieppe
Demoiselle Suzon Mol, 15 ans, — lilie d'Antoine Mel, reli-
gionnnire, laquelle, avec sa sœur et sa mère, avait été en-
voyée à Hambourg par son père. Est revenue à Hautot
après la mort de sa mère et de sa sœur, arrivée à Ham-
bourg, — • idem — Marie liouleux, servante du dit sieur
Mel, qui s'était retirée à liamboui-g avec sa maîtresse et
est revenue à Hautot.
Antoine .Mel voulait épouser .Marie IJouleux sa servante. Hs sont
retirés au faubourg St-Sevor à Rouen. — Très obstiné.
Venestanville
Jean Hareng, sa femme et H enfants.
Jean .\nseaume. sa femme et 2 enfants.
Daniel Pigné. sa femme et 4 enfants,
l'iei're ot Jacques Delaliaye père et fils, avec sa femme.
Thomas Vandalle, sa femme, I enfant.
Pierre Delaliaye, sa femme et "J eiif.inis, — sont passés en
Angleterre ou en Hollande.
Quiberville
Demoiselle Elisabeth INIillant. 21» ans environ. — s'est retirée,
à ce qu'on dit. chez le seigneur de Sl-.\ubin, son oncl^,
proche Rouen.
Envremesnil (Avremesnil)
Hauguel, sa femme, sa fille, — étaient revenus à leur ferme
sise au dit lieu, et depuis trois semaines sont sortis et se
sont retirés on ne sait où.
Royville
Zacharie Halaran. Inilier, — s'est retiré depuis peu on ne sait où,
— VIO —
Note (lu doyen de Ihachij déjà reproduite en paitic
ou cours de l'uuvriuje.
Le calvinisme qui a commencé dans le Potil Ciiux par les lia-
biUints du quartier de Luneray sis au doyeiinné de Bracliy, (|iii
trali(|naienl à (ienève du vivant de Calvin et de là s'est répandu
dans tous les bourgs et paroisses voisins et dans la ville de
Dieppe et partout s'est maintenu dans une opiniâtreté qui va
jusqu'à insulter la Religion et l'Etat par des minisires gyroma-
gnes et travestis qui passent et repassent continuellement,
presclieni, baptisent, marient et font la cène dans des maisons
particulières où ils ont leurs rendez-vous à certains dimanclies
en sorte qu'il n'y en a pas six qui soient rentrés dans l'obéis-
sance de l'église et du roy et que tous les dimancbes les reli-
gionnaires cbantent à pleine voix dans leurs assemblées com-
me s'ils avaient encore l'usage libre de leur prétendue religion.
Signée : Gkrahd, curé de Hautot,
doyen du doyenné de Bracby,
et daté : 26 aoust 1699.
DOYENNÉ DE LONGUEVILLE
Appeville
Remy, domestique du sieur Jacques Mel, sieur d'Etrimont.
Uu brasseur nommé de Caux (une ferme) ; — a une iille de
12 à 14 ans aux Ursulines.
Le curé de Cropus.
DOYENNÉ DE PAVILLY
Note du doyen (26 août 1699) :
Pas de nouveaux convertis
]ja dame Basnage, rue de l'Ecureuil, paroisse, Sainl-l.au-
rent de Rouen . 11 n'y a (|u'un nommé Renout, (|ui a
— 4QI —
toujours derueuré et est eucore à Auzouville-rEsiieval, qui
n'a jamais l'ail son devoir.
DOYENNE DE CAILLY
Rapport adressé à M. de la Bonrdoiiriayc, en e.récKtion
de la déclaration du roy de décembre idOH :
Il n'est rentré en France que Madame de la Sahlonnière
avec une de ses lilles, de la [)aroisse de Montcauvaire, au clià-
teau du Fossé, du doyenné de Cailly.
Signé : Taine, curé de l.ouvetot,
doyen du doyenné de Cailly.
et daté : 12 septendjre 1699.
DOYENNÉ DE BACQUEVILLE
Nouveaux convertis
Bacqueville
La veuve .Jac(jues La Caslille.
Adam Leprevost, sa femme et 3 lilles.
Salomon Dandelot, sa femme, 1 garçon.
Anne Gloria et sa servante.
La veuve Foulard, 1 garçon et et une fille.
Veuve de Jean Deschamps et son lils.
Veuve Dangei et deux lilles.
David Barré et sa sœur.
Jean Gougeon.
Marthe Faulcon.
Jacques Leprince, sa femme. 2 garçons, 3 filles.
David Leprince, et sa femme.
Thiétreville
I^esade, 2 enfants, 2 servantes.
Isaac Selle, \ garçon, une fille.
— 492 —
La nommée Fichel.
La nommôe Hiclicr mère et lille.
St-Mards
]jU. famille lie Saint-Mards avec une fille de chambre.
Bondeville
Jean Dujardin, sa femme, i. garçons, une fille.
Daviti Renoult, sa femme, 1 garçon et 2 filles.
Pierre Héricher, se belle-mère et une fille.
.Jacques Héridier. sa femme, une petite-fille.
.leau Bouvier, sa femme, 1 ])etit garçon.
l'ierro Leiouc et sa femme.
PVançois Lheureux et sa femme.
Jacob Héricher et sa femme. — se disent mariés, quoi <ju'il
n'en ait rien paru à l'église.
Zacharie Bence, sa fenmie. 2 petits garçons.
David l.heureux et sa femme.
David i.allemand. sa femme et I petit garçon.
Abraham Bance, sa femme, .3 garçons, une lille.
Abraham V\é et une fille.
Mesnil-Rury
Samuel I.efebvre. 2 filles, 1 valet.
Jacques Saunier, sa femme, 2 garçons, i filles.
François Delamare. sa fenuiie, 2 sœurs, ] enfant.
.)ean Hardy, sa femme et son frère.
La veuve Uenoult et 3 filles.
La veuve Lefebvre et 2 garçons.
Pierre Campart et son fils.
Zacharie lîenoult, sa femme et !i enfants.
Lindebœuf
Charles Lefay, sieur de ÎNIalillon, 2 garçons. I fille.
— 493 —
Torp-Mesnil
Jean et Robert Selles, irères.
Jean Uelaniare et sa femme.
La Fontelaye
Du Bostaquet, sieur de la Fontelaye. sa l'emme et <S enfants.
Le sieur Deschamps, agent de M. de Lamherville.
Vibœuf
Le sieur de Pimont, sa fenune et 1 enfant.
DOYENNÉ DE VALMONT
CoUeville
M. d'Ougerville, gentilhomme, — .Madame sa mère n'a point
fait d'abjuration ; .Aladame son épouse ; son fils aîné, 18 ans,
et 4 autres garçons dont le dernier a 12 ans, — et sa fille,
19 ans. .Mlle Tonay, tille de l'ancien ministre de Criquetot,
gouvernante ces enfants. 45 ans, — très huguenote. 1 va-
let, 1 servante — et autres domestiques eatholicpies.
Vattecreuse (Vattecrit, entre CoUeville et Valmont).
M. de la Villette, gentilhonniie ; sa sœur et sa nièce.
Bec-aux-Cauchois (entre CoUeville et Valmont)
Madame de Criquetot ; — Madame de lioissay, M. et Mme de
Criquetot ; Mademoiselle sa fille âgée de 5 ans ; une ca-
dette 4 ans ; une gouvernante huguenote. Personne n'a
sorti de cette famille. Ils sont encore en même état.
3 familles nouveaux réunis.
— 494
DÉNOMBREMENT des PROTESTANTS du Pays de Caux
ici i/i('il rcsiiltc des RjppDrts des Cures ( lùcjS go).
PAIIOISSKS
ai H
lilU.\
Uoji'iiiit' ilii lliivre
Monlivilli(M-s
Foiiliiiiies
l*ieiTe(iqiies
Anglesciue ville
TuiTctol
Efii(|U('lot
.Nolre-Dame-dii-Hec. . .
Heaurepaire
St-Sauveur-la-Campaiiiie
Ecrain ville
Goderville
Manéglise
Saint-Jouin
Emalleville
Hormeville
Saint-Mai'liii-(lii-B(>c .
Illôville
o
1-2
4
13
10
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Goiifrevillle-rOrcher . . .
Angerville-l'Orclier
27
43
70
La licniuée
15
7
^
4)7
St-Jean-des-Essarts. . . .
3
1
IS
28
10
60
Ia's Trois-Pierres
8
12
20
St-.\icolas-de-la-Taille. .
3
90
123
17
239
St-,Tean-de-Folleville. . .
2
3
58
34
2
69
Alélamare
55
68
48
57
7
22
110
147
St-Aiitoine-la-ForèL . ..
St-Eustache-la-Forèt. . .
57
73
11
lil
Le l'arc-d'Anxtot
1
7
25
1
34
Iloiifiiietot
g
->
16
Dojeiiiié (les Loges
Sauseuzemare
18
18
3
39
Bordeaux-St-Clair
' 7
5
12
i
- 49^ —
PAROISSES
M H
- J
< o
Totaux
Toui'ville
Yniauville
Grainville-I.aluuelte. . .
Epreville
Doyiiiiié de Faiivilli'
Bolbec
Gruchet-le-Valasse. . . ,
I.intot
Tiouville
St-Aubin-tie-Cretol.. . .
Beuzevillette
Iiréaiité
Auzebosc
Aulretot
Veauville-ies-Raons. . ,
ilautot-St-Sulpice.
iN'oinlot ,
Haffetot
Dojeiiué (le Valiiioiit
Colleville
3-23
150
21
\'à
36
G
26
4
4
ÛOl
124
hb
23
-25
21
31
5
42
1
8
29
6
G
1
^
G
2
10
2
— 491 —
PAROISSES
Valtecreiise ( Vattecrit).
I{ec-au.\-( '.aiicliois
Doyenné de Baciiiieville
Bacqueville
Tliiétreville
St-Mards
IJoiulevilIc
Mesiiil-Rury
Lindebœuf
Torp-Mesnil
La Fontelaye
Vibœuf
Doyenné de Bracliy
Hautot-sur-Dieppe
Quil)orvi!lr
Envroniesilil ^•'Avremcsnil /
Hoyvillc
Doyenné de Loniiiieyilie
Appeville
Doyenné de Pavilly
Auzoïiville-rEsneval .
o
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3
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17
14
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1
1
2
1
1
1
2
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3
1
1
1
1
1
3
1
i
Total général : 3210
32
- 498 -
PIÈCE N" 11
COPIK d'uiK' pE*î«*re se lisant dans l un des deux ca-
hiers jiianiiscrils (jiw la descendante d'Israël Jecoiirt con-
sidérait comme venant de lui.
* (ii'and Dieu. l'rrc ilc niisi'i'icorde nous iio.is ;ilj;ilt(iiisliiiiii-
« bleinent aux pieds de ton trône pour te remercier de la fa-
« veur insigne que lu nous as faite maintenant de lire et nié-
« diter ta parole ; nonobstant les grands maux dont nous
« sommes accablés, nous ne laissons pas d'èlre en obligation
« de te servir et de le rendre grâces de tes biens j)arce que
I tous ceux dont nous jouissons encore et le peu de lil)erlé({ue
« nous avons par cy par là sont de purs effets de ta libéralité.
« 0 Dieu, lu nous as visités depuis quelque temps d'une famine
« épouvantable, de cette famine spirituelle qui n'est point une
« famine de pain, n'y une soif d'eau, mais une famine d'entendre
€ tes parolles. Nous avons troté depuis une mer jusqu'à l'autre,
« mais sans rencontrer personne qu'y nous intruisit de ta part;
« nos âmes sont assécbées ; nous sommes dans un désert
« afireux où nous ne rencontrons rien qui soit capable de nous
« substenter. Si nous nous tournons vers les liommes ils pré-
« sentent des aliments, il est vray, mais des aliments seulement
« en aparence ou pour mieux dire des poisons : ils nous pré-
« sentent les fables de leurs légendes, les tradilions des gens
« menteurs, la parolle des bommes, en un mot, et non la tienne.
« Ils travaillent uniquement à nous faire fléchir les-genoux de-
» vaut le bois et la pierre et nous faire adorer ce qui n'est pas
« Dieu. INIille gens nous apellent. il est vray ; nous entendons
« de toute part la voix de l'étranger, mais à quel autre qu'à
« toi. Seigneur Jésus, nous en irions-nous ? loy seul a les pa-
« rolles de vie éternelle. Nous le confessons, c'est très juste-
« ment que tu nous as visités de cette famine qui nous désole,
« car nous avons abusé de tes grâces pendant que lu les ré-
« pandais sur nous à pleines mains ; semblables aux peuples
« rebelles nous nous sommes dégoûtés de la manne sacrée
— 499 —
* lorsque tu la taisois tomber en abondance ta nos portes.
« Combien de fois nous est-il arivé île quitter nos mutuelles
€ assemblées, les assemblées saintes pour nous apliquer ou à
« nos afaires mondaines ou à des divertissements criminels.
« Combien de fois, après t'avoir consacré en aparene^ une par-
t tie du dimanche, de ce sainct jour auquel les crimes sont
« doublement crimes, avons-nous employé les festes ou à des
« visites de médisances ou à des repas pleins d'excès. Clombien
« de fois avons-nous entendu ta [)arolle connue une chanson
« d'amourette de belles voix et qui rèsonnoient bien sans nous
« mettre en paine d'exécuter ce qu'elles portoient. Nos enten-
« déments n'en ont été échaulfés n'y nos cœurs purifiés. A
« toy, seigneur, à toy est la justice, à nous confusion de face
« et ignominie. Ce n'est pas sans sujet que lu as transporté du
« milieu de nous ton chandellier puisque sa lumière ne servait
« qu'à éclairer nos ci'imes. Ce n'est pas sans cause que tu as
« permis aux sangliers de la forest de saccager la vigne puis-
« qu'elle ne te produisoit iilus (jue des landjruches, des grap-
<( pes sauvages et pour peu que nous fassions réflexion sur
« nostre conduite passée et que nous comparions nosire vie
« avec ta saine loy ne serons-nous pas obligez de reconnoistre
« que sy tu nous voulois traiter selon nos méi-ites, outre les
« peines temporelles dont tu nous acahles tu pourois encore
« nous précipiter pour jamais dans les enfei's. Ouy, seigneur,
« tu le pourois et tu le peux ; mais nous espérons que tu ne le
« voudras pas ; mais nous l'en conjurons de toutes les puis-
« sances de nos âmes ; mais nous te suplions de détourner tes
« yeux de dessus nos nombreux et hideux péchés quy ont
« allumé ta colère et de les arrêter sur la satisfaction très par-
oi faite que .Jésus notre sacré rédempteur t'a présenté pour
« nous sur l'arbre de la croix. Ecoule, écoute, ô Dieu ! la voix
« de ce sang de .Jésus quy crie de bien meilleures choses que
« celui d'Abel puisqu'il te sollicite à la paix et à la miséricorde
« envers nous. 0 éternel des armées, retourne toy vers nous !
« Fais luire sur nous la clarté de la face, et nous serons déli-
« vrés. Jusques à quand souffriras-tu (jue l'ennemy te face tant
— ^oo —
« d'outrages ? As-lu oubliô d'avoir pitié ? As-tu rejette par
" courroux les (•oni])assioiis et révi'iilé la jalousie et t;i force,
« et i'éiuolion liruyaule de tes euli-aillcs lesquelles se sont
(( resserrées à uosii'e eudroil. Ne nous l'cuioiite ]i()iiit nos inui-
€ quitez pai' cy-devani cduuiiises. Uuc tes cdiuiKissidiis nous
<i prévieuuent liàliveuieiit. car nous souuues devenus fort clié-
« tifs. 0 Dieu de uosli'e délivrance, aide-nous \^GUl• l'amour de
c( la iiloii'e lie ton nom et en considération de nosir-e ))ieniieu-
<i reux rédempteur lf)ii lils hien-aimé oublies tous nos péchés
u et nous redonnes ta paix.Quoi qu'il en soil nostre cause est la
" tienne. C'est pour la (juerelle que nous souMidus. Inliniinent
« coupable à ton regard, nous osons dire que nous sommes
« innocents à légard des hommes. Co, n'est (pie parce que
« nous ne voulons pas abandonner ton alliance qu'ils nous
« haïssent. Sy nous avions la lachelé de )ious prosleriier devant
« le bois et la pierre et de participer aux superstitions aussy
(c bien qu'aux souillures du monde, ce monde inq)ie nous auroit
« bientôt redonné sa paix. Il ne nous persécute que parce <pie
i nous voulons te demeurer lidelles et que nous avons en hor-
(( reur ses maximes et ses erreurs. Tu es donc, nostre grand
u Dieu, intéressé dans nostre delfense. I! y va de ta répu-
« talioi et de ton honneur. 0 ne néglige pas jilus longtemps le
« soin de ta gloire ! Ne souffre pas que l'ennemy insulte plus
« longtemps à tes enfants. J.es égyptiens l'entendront et diront
« avec les autres habitants du pays : l'arce (pie l'éternel ne
'< pouvait faire entrer son peuple au pays ipi'il leur avoit pro-
" mis il les a tués au désert. Or, maintenant. Je te siqilie. que
« la puissance du seigneur soit magnifiée. Ce fut par cette
« forte raison que ton serviteur ^loyse désarma autrefois ta
« colère, etnepouvons-nous pas te l'alléguer aujourd'hui a bien
« plus justre titre, non seulement les égyptiens l'entendront et
<t diront que tu n'as pu délivrer ton peuple, mais ils l'ont déjà
« entendu et ont prins occasion de te blasphémer. Le bruit en
« est venu en Gath, les nouvelles en ont été portées en Asca-
« Ion, les filles des incirconcis s'en sont réjouies, les supers-
« tilieux en ont triomphé : Vous n'avez plus (jue vostre Dieu
— 501 —
« pour vous, nous a-t-on dit depuis plusieurs années. Il est
« impossible que vous subsistiez ! et lorque nous avons répondu
« que tu nous suffisais, que ton bras n'étoit point accourcy,
« que ta main n'étoit point afïaiblie, lorsque nous avons allégué
« les merveilles que tu as faites autrefois en faveur de ton peu-
(t pie Ton nous a répliqué sûrement que le temps des miracles
(1 étoit passé et qu'il falloit nécessairement que nous périssions.
« Tu l'as ouy, Seigneur, et tu t'en es tu ; mais tu ne t'en tairas
pas toujours, nous l'espérons de ta miséricorde et de ta puis-
" sance ; lu te déclareras enfin et auras compassion de ta
I Sion mystique ; tu retireras ta main, même ta droite hors de
« ton sein pour secourir les tiens. C'est ce dont nous te con-
« jurons de tout nostre cœur. Fay bien selon ta bienveillance à
« Sion et réédilie les murs de ta pauvre .Jérusalem, rallume le
« flambeau de ton évangile en tant de lieux où il s'est éteint,
« relève tant de personnes tombées, soutient celles quy cban-
« relient, afermy de plus en plus celles qui sont encore debout
« que les gémissements des prisonniers viennent jusqu'en ta
<' présence, délivre selon la grandeur de la puissance ceux quy
« sont déjà condamnnés à la mort et soumis à des peines plus
« affreuses que la mort, bény nostre roy, toucbe son cœur et
« fais-nous trouver grâce devant ses yeux, bény toute la fa-
0 mille royalle, bény nos gouverneurs, nos supérieurs, nos
« magistrats ! Inspire-leur des pensées de {)aix pour nous et
« leur donne de bien comprendre que lu décideras en dernier
« rassort de leurs jugements, bény tout l'état, bény nos persé-
« cuteurs mêmes, fais leur connoistre leurs égarements et
« amène leurs pensées captives sous le joug de ton obéisssance,
« bény nos familles, maintiens nos cbers enfans dans la saincte
« alliance, préserve-les de la superstition. Il n'y a que toy qui
« les en puisse garantir. C'est aussy à toy ({ue nous les recom-
<( mandons, liegardes-nous tous en pitié, nous t'en suplions
" [lour l'amour de nostre seigneur ,lésus-C<hrist quy nous a
« coniinauiié de te prier aiiisy : Nostre l'ère quy esaux Cieux »
PIKCK N' 12
AC.TES do dî»<*ô.«>» oh (Vinhumalioa de filles décédêen dans
des viaisuns relii/ieuses cdthoiiijnes on elles (iviiient été
enferutées apris annr élé eiilerées ii leurs [(Uiillles.
Le 16 iiiay 1743, par nous Selles, prtHreliceiicii'di' la faculté
de l'aris, cufé de Caudebec, a été inliunié au ciiueliéfn de St
Pierre le corps de Marie Magdeleine Fauquet, fille originaire
de Bolbec, née d'un père et d'une mère religioniiairrs, aussi y
demeurant au dit Bolhoc, décédée du jour précédent, après
avoir reçu les Saints Sacremenis, au couvent des dames religieu-
ses du dit Caudebec. âgée viron 16 ans, et ont assisté au con-
voi les soussignés. i,a dite 3Iarie jMagdeleiiie Fauquet lille de
feu Louis Fauquet .et de Suzanne Elisabeth liérubel, de la ll-P-
R. amenée au monastère des dites Dames religieuses de cette
ville en vertu d(! lettre de cachet de S-M. du 12 Juin I7o7>
pour être instruite de la lî-Cath. où elle a fait son abjuration en
forme le 7^ avril 1739.
Nouvelles Callioliques de Rotien. — Le 12 août 1740, à 1 h.
d'après-midi, est décédée Catherine Hérubel. dans notre
communauté, lille de Daniel Hérubel de la R. P. R. et de Marie
Sieurin, de la paroisse de Beuzeville-la-Grenier, âgée de 18
ans 9 mois ; elli; était entrée dans notre communauté pour y
être instruite à la foi le 25 avril 1735. Elle a été depuis son
instruction bonne catholique, ayant fait son devoir avec, édifi-
cation, elle a reçu les derniers sacrements avec beaucoup de
piété, et a été inhumée le lendemain 13 à 6 h. du soir dans le
cimetière de St-l'atrice en présence de Mme Leberquiei-. dame
des Nouv. Catli. et llomain Jacques, témoins soussignés.
Le 26 octobi-e 174U, morte à i h. de l'après-midi sœur Ca-
therine I.eplay, âgée de il ans, lille de Pierre Leplay et de
Madeleine Caïupart, de la paroisse d'.\utretot, mise à la maison
par l'ordre de Mgr l'intendant })0ur y être instruite à la foy,
qu'elle a embrassé et soutenue avec beaucoup de zèle et de
religion. Inliuinée le lendemain 27 à G li. de l'après-midi dans
la chapelle de la maison par le curé de St-Patrice et son clergé,
présence de dames Legrand et lierquier. des Nouv. ('.atlioliques.
Madeleine Mordant, lille de Pierre Mordant et de Made-
leine Leplay, d'Aulretot, est morte dans la communauté le 16
janv. 1743, à 1 1 h. du soir, à l'âge de 23 ans. Elle avait été
mise dans la maison par l'o. de .Mgr l'intendant pour y être
instruite à la vraye i-eligion. Elle a été après son instruction
bonne catholique, elle a été inhumée le 17 à 6 h. du soir dans
le cimetière de la paroisse St-Patrice, présence de Pierre
l'ianage et de Jq»" Pic Planage.
— 1-e li juin 1773, décès à 7 h. du soir de Marie Suzanne
Debray, de Bolbec, âgée de 20 ans environ, lille de Jean, et de
Suzanne Aunai (sic), protestants. Elle avait été amenée chez
nous par ordre du roy pour y être instruite des vérités de la
foy, qu'elle avait embrassée ayant fait abjuration depuis 4 ans.
Elle nous a donné des marques de religion se disposant depuis
longtemps à sa première communion que l'on lui a fait faire
dans sa maladie qui n'a été que de 6 jours. Elle nous a donné
des maripies de piété et a reçu les derniers sacrements. Inhu-
mée le mardi J5 à Ci h I/O du matin dans le cimetière de St
Patrice [lar Mn- DcMiist'. prêtre de la communauté, en présence
de .Jean Flamant, sacristain, et de .MalhiasLeboucber, bedeau,
de cette paroisse.
PIECE N^ 13
PROTESTANTS 6n 17U {Etat dressé par le ministre Prexeuf)
St-Aubin-de-Cretot ... 70
Autretot 157
Lintot 127
St-Arnoult 8
Auberville 6
Antliierville(Anquetier-
ville) 7
J'oullreville
St-Gilles-de-Cretot.
Gravenchon
Trouville
.\iliquprvillp
Ualletot
Lanipielot
11
15
4
43
25
5
— '.04 —
l.a llayo
Alviiiiai'C
Ik'llefosse
.St-Sylvps(rc
l,a Trinilé-ilii-.\|(inl. . . ,
lieuzovillcllc
(irucliot
Le Valasse
Lillebonno
St-l)tMiis-de-ljll('l)(iiiiii
St-.Tean-do-Follcville. .
St-Aiitoiiie-la-]''()rrt. . ,
St-Martin-du-Bec
N.-D. du Bec
riolleville
Kiig'lesquftvillc ,
(lonncville
Kcraiiiville
Criquetot
Cuverville
St-.louin
Montivilliers
Ktainlms
Iloug-erville
lîolbec
jAineray ,
l.a Gaillarde
St-PieiTe-lc-Vieux . . .
<îraiiiville-l.nloiiel!(>. .
Baiiifrc ville
Los Mesnils
(jueures
lîrachy
Goui'ci
Sl-Ouen
H
12
7
11
IN
34
250
1)7
20
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20
24
10
24
20
15
:!2
49
8
7
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iOO
70
iO
8!)
32
30
()
8
11
Le Mesiiil-lîiii'y.
Le Tôt
]^oulrvill(î (lioiideville)
Sl-I.aiireiil
Sl-Mcolas-dc-la-Taille.
La Ccrlanii'iie
Sl-Jean-des-Kssaits. . .
Tancarville
l.a Beiiuiée
Les Trois-I'ici'res
^Mélamare
S(-Euslactie-la-F()iTl. . .
St-Jean-de-la-Nou ville.
St-Jean-d"Apl(it
^lirville
Nointot
Gi'ainviilc-I.aloiioKe ' . .
Bréaulé
Beuzeville
Goderville
Emarville (Enialleville -
aiijoiird'liui SainI ■ Saiivoiir il')
Ijornambusc
St-Sauveur-la-Canipag:.
St-Gil!es-de-la-.\eu ville
Parc-d'AnxIol
Virville
(iraimbouvillc
Gommerville
Manneville-la-(loiipil. .
Escuquetot
Turretot
Aiiyerville-rOrchor. . .
23
2()
9
24
138
80
25
20
68
30
17(i
162
51
5
38
97
26
55
57
13
19
57
71
42
!)
79
44
89
Total,
4228
1. — Grainville-Lalouette est
'tre mis pour Iinanville, anjour
déjà inscrit. L'un des deux doit
•rinii réuni à (irainville.
(I/(''(;it porle 44il, mais c'est parce (jn'il coiiiiu'ciid lioucn oii
il y avait 213 proleslaiils.)
PIECP: N» 14
Déclarations de décès faites ao eailliape de GaudetieG
Relt'vé iriin certain noinlire dr (Iccliinilions de décès de
Protestanls faites en caiifoi-iiiilé île la loi du '.I avril 1730
pour faire foi dans les siiccesssions et pour obtenir des
permis d'inhumer.
24 septembre 1740 — 26 janvier 1788
1742. — JiOuis Hesseliùvre, de Lintof.
1742, jeudi 2 août. — Décès de Louis Fauipu^t, journalier, 52
ans, LaïKpietot, (déclaralion de Jean l'oltier, de Bolbec,
son beau-frère, et de Jaccpies Fau(|uet, aussi de Bolbeci
son neveu).
1742, 21) décembre. — l'ierre (îuiliemard, de Trouville.
17i3, 27 mars. — Marie Faurjuet, de St-Aubin-de-Cretot,
veuve de .Jean Léger (déclaration de Jean Léger, de St-
Aubin, et de Micbel Martin, de Ti-ouvillc, celui-ci neveu
au droit de sa femme).
1743, 20 mai. — .Jean Leclei'c dit Cbampagne. natif de Picar-
die, porteur agent d'alfaires de feu Louis de lloesse,
cbevalier, seigneur et patron de Beuzevilletle, et Michel
Hamel, natif de Lintot, domestique du dit feu seigneur,
— ont déclaré ([ue le dit seigneur étant en cliemin pour
descendre à Rouen dans sa chaise de poste, s'est trouvé
malade au faubourg de cette ville et a descendu, est
mort au bout de la masure du sieur Lucas sans avoir
abjuré ses erreurs. — Les seigneurs de cette maison
ont leur sépulture ordinaire en la dite paroisse de Beu-
zevillette, dans un tombeau ijui leur est particulier, si-
tué en un pavillon ([ui est à un des coins de la masure
^o6
de la principale Icrme de la dite terre de lieiizovilletle.
I75U, ') déceinhrc. — .lacques Lanquetiiil, marié à Maiieloine
Poucliel (Bolbccj déclare letlécés du leur iicvru l>aiiie!,
à l'âge do 18 ans.
1751, 3 janvier. — Décès de Marie l'oiicliet, feinnie de ]\Jicliel
Cainparl, à Autrctot, 55 ans (déclaration du Pierre Le-
brunient son gendre, et de David (lanipart, son neveu,
tons deux d'Aulrelot).
175:2, 15 avi-il. — Décès de Marie-Anne Godet'roy, l'eninie de
Louis Lavotle. tanneur à Bolbec, — 3(> ans (déclai'ation
de Pierre Lavotte, de Bolbec, son beau-frère, et de
Pierre Préleri-e, d'AUiquerville, son cousinj.
l75o. 20 se()tenil)re. — Décès de Jean d'Ecambourg, à iîolbec,
7^ ans (déclaration de Jean Fanquet et de Marc Gue-
rout, tous deux de Bolbec et Ions deux gendres du dé-
funt).
1753, U) octobre. — Décès de Louis Lavotle, St! ans, à iiol-
bec, tanneur (déclaration de Nicolas Lavotte. lui' cor-
royeur à Bolbec, son neveu, et d'Abrahani I.ecaron, tan-
neur à Ljolbec. son gendre).
175i. 3 mars. — Décès d'Anne-Oliai'lolte-Françoise Lauquet,
de Bolbec, LS ans, fille de .lean Fanquet, tisserand à
Bolbec.
1751*, 21 janvier. — Décès de Pierre l'oltier, 13 ans. à Autre-
tot, (déclaratioin d'Isaac Pottier. d'Autrelot, son frère,
et de Louis Fauquet. de Lanquetot, son beau-frère).
1759, 10 août. — Décès de Françoise Lesueur, veuve de Jean
Dericq. clievalier-seigneur deSt-Aubin-de-Gretot, patron
de St-Aubin, 76 ans, décédée en son cliàteau sis en la
dite paroisse (déclaration de Pierre Louvel. m^ à St-Au-
bin, et de Jacques Lemonnier. proclies voisins du Clià-
teau).
1760, 2<S avril. — Décès d'Anne Lavotte, veuve d'Abrabam
Doré, t')3 ans. de Bolbec (déclaration de .lean-Ba[)lisle
Caron. à liolbec. son beau-fds).
1763, 17 janvier. — Décè.»; de Marie Croixniare. femme de
— =;o7 —
Jacques Mordant, à Sl-Aiibin, dôcéclt'i^ à 43 ans (ilécla-
ration de iMicliel ÎMartin, de Hellefosse, et de I^ouis
Besseliévre, de St-Aiibin-de-Cretol, tous deux cousins
germains, au droit de leur femme, de Marie (a'oixmare).
17G3, 29 avril. — Dt'cès de Pierre Lecoq. 4i ans. à St-Aubin-
de Cretot, (déclaration de .)ac(|ues ^lordant. de Trou-
ville).
lliVA, l'i- mai. — Uécés de .Teaii iîelldiulc. "19 ans. à Beuze-
villetle, fils de Pierre, et de .Marfjiierite (iilles (décla-
l'iition de Jacques Belloncle, de Bolbec, IVère du dé-
funt, et de Jean-Charles Julien, auberiiislc à Bolhcc où
pend l'enseigne : Le Petit Montier amij).
1763. 15 mai. — Décès de IMerre Casiaigne de Nointot, 63 ans,
(déclaration de Pierre (.astaigne, de Bolbec, son beau-
lils, et de Jac(jues Lemonnierlils. de St-Aubin-de-Cretot,
son neveu).
1763, 6 septembre. — Décès d'Isaac Castaigne. 91 ans, à
-Alirville, (déclaration d'Abraham Castaigne, crilarlleur,
son fds, et de Charles Julien, de Caudebec, son ami).
1763, 12 septembre. — Décès de Jacob Fhunmare, de Touf-
fr-eville-Ia-Cable, 41 ans, fds de Jacob, et ti'Aiine Ser-
ville (déclaration de liené Graindor, de St-Sylvestre, son
beau-frère, et de Jean Craindor, de la Frenaye, son
cousin germain).
1763. — Décès de Pierre l'eriuzon, de Ciruchet.
l763. — Décès de Jean Pertuzon, de Nointot.
1765, 16 juin. — Décès de François I.evesque, 75 ans, à Bol-
bec, (déclaration de Daniel Letellier, son neveu au droit
de sa femme, et de Jacques (^iroscot, perruquier, son
ami).
1765, 28 octobre. — Décès d'Abraham Pertuzon, de I.inlot, 86
ans, (déclaration de Pierre-Jean Lucas, sianioisier à
Lintot, cousin du défunt).
1765. — Décès de Pierre Quesnel.
1765. — Décès de Pierre Bernage, de la Trinité-du-Mont.
1765. — Décès de Jacques Oursel. de St-Gilles-de-C-retol.
— ^o8 —
lT(;(i. 7 ft'vrier. — I)<'cè.s tlo Madeleine Doudoniont, veuve de
l'ierre Caron. 85 ans, à F.iiitot, (déclai'ation de l'ierre
l.iuras cl de l'ierre Levosijiie, tous deux de Lintot).
i;(it'i, -Jli août. — Décès de, Malliieii ('.aiii|)ai-t. d'Aiilretot,
;3G ans, (déclaralioii de [.oiiis Mordant et de Louis l'au-
inier, ses cousins, (rAutretol).
17(;S. ii mars. — Décès de Jacques Moi-daut, de St-Aubiii-de-
C.retol.
1708, 14 mars. — Décès de Louis I.emonuier. de Saiiit-Aidjin-
de-Cretot.
17t)8. 14 juillet. — Décès de Louis l'arnuMilier, de Saint- Au-
l)in-de-( Iretot.
17G8, Hjuillet. — Décèsde Pierre Campart. tisserand à Autrelol.
1768. » Décès de David l^auniier, » )>
1771, août. — Décès de Jean J.evesque, toilier, à Nointot.
177:2. 5 lévrier. — Décès de Jacques Lemonnier fils, labou-
reur, à St-Anl)in-de-Gretot.
1772, 23 février. — Décès de Jacques Mordant, à Bellefosse.
1772, II avril. — Décès de Louis l'auniier, toilier, à Saint-
.\ubin-de-('irétot.
1772, 21 avril. — Décès d'Elisabetli Hérulicl. siamoisière.
veuve de Louis Fauquet. à Lan(|U('tot (déclaration de
•iean Alordant. joui'nalier à Lanquelot. son proc.be voisin).
1777, ICi février. — Décès de Alarie l.avolte. (JD ans. fileuse
à Nointot (déciiiratidii de Jean Delessart et de François
Lecoq, toilier et Journalier à Lintot).
178'i, 18 juillet. — Décès de Messire IMerre Louis Brossard
d'Augerville, chevalier seioiieur d'Ancretteville et autres
lieux, ancien oflicier au r(''gin\ent des carabiniers, fils
de .Messire Jean Brossard, chevalier seigneur de GiK)s-
niesnil, chevalier de l'ordre militaire et royal de Saint-
Louis, et de noble dame Anne-Ester Brossard d'Auger-
ville. de la IL P. IL. Est décédé cejoiu'd'hui au château
ilf Lintot, (déclaration de Sanson Devaux, domestique à
Lintot, et de .Iean Vincent, à Caudebec).
178."), ^janvier, — Décès d'Elisabeth Hlondel. veuve de Pierre
— 5^>9 —
Fauquet, 45 ans. marchand à >'oinlot, (déclaralion de
l'ii^rro Lt'co(| mai'cliand à Rnlbpc, et de Pioi-rc Clioii-
([iift. (lonicsliqiio à llalfetot).
17(S(), 18 avril. — Décès de Françoise Mordaiil, ('}2 ans, leninie
de Jacques .MordanI, Idilicr à Sl-Auljiii-ile-C.rélol.
Rciiscif/uoiieiils ijhn'niu.r fehilivciiiciit aii.r (IrcUii-iilioiit^
(le décès
Dans l'éleclion de (laiideliec. il y eut :
34 déclarât, de décès de prolestanls du 24 novembre 1740
au 14 février 1741, 89 déclarai, de décès de |udlestanls du IG
décembre lT4i au \) mars ITT)?. 219 déclarât, de décès de
proteslanis de ITdo à 17S(S.
Dans le resssorl de la liaule justice de iMaulévrier, qui
comprenait la viile de lîolbec,
45 déclarations de décès de 1750 à 1788.
Dans l'étendue du comté de Tancarville, qui comprenait
les paroisses de Saint-Mcolas-de-la-Taille, St-Anloine-la-Forét,
St-Jean-de- Folle ville, ljeuzeville-la-Grenier, St-.Tean-de-la-Neu.
ville, La Remuée, La (lerlangue, St-Jean-des-Essars, Méla-
mare.
41 déclarations de 1717 au 31 décend^re 1753.
On inhumait généralement dans les cours et jardins. Dans
les propriétés de l'amille, de petits cimetières entourés de haies
ou de palissades existaient qui ont servi de sépulture aux
grands-parenfs, parents, enfants et petits-enfanls.
Dans la cour de la ferme du Bostaquet, commune de la Fon-
lelaye, on voit une grange qui porte encore le nom de Sépulture-
D'après les traditions conservées dans le pays, c'est là que
furent inhumés les descendants directs de Dnmont de liostaquet,
qui furent tous fidèles à la foi réformée.
- yW -
PIÈCE N' 15
DÉNONBREKiENT des PROTESTANTS de la Seine-Ieférieure
fKir coiiniiuiics li jusliirs de paix, ehibli en IS():i
})(()• AI. I'. ^lonu^XT, paslenr à Rouen.
Rouen ~^5Û0|
Uariu'lal liO
Maroniiiic 200'
Dieppe
Bacqueville
Avi-cnirsiiil 40
Hraciiy Ô5
GaïUeleii 80
Giieures 50
Luneray 780
(joni-el GO
Fontaine-le-Dun
Hoc({uigny 25
Mesnil-Lammerv. . 150
(ireuville 30
Kcaquelon 50
LeCoudray 290
Le Buquet 2(i0
Bosc-le-Gomte. . . . 70
r.e Tlijl-Manneville 20
Le .Mesnil 55
Yvetot
Aulretot IGl
Valli(|iierville. ... 6
2900
250
1065
056
(
( 16:
Caudebec
.\n(|uetici'villc. . . 42/
St-Aubiii-de-Ci'el. 71 <
Sl-Nicolas-(l.)-la-llay(>.. 17 (
Bolbec
liolbec 1290
Alliquervillc 13
130
iJeiizeville. . .
BeiizevilleUe
Bolleville . . .
(iruchel . . . .
Lauquetot 23
Lintot 97
PaiT-dWnxlot 39
St-Jeaii-d.-l.-Neuv. 90
Trouville 59
Nointot 76
r.alfetot 68\2096
Lillebonne
Lillebonne 20/
La Frenaye o\
.Mélamare 183<
Le Mesnil 9/
Radicatel 3'
— su —
St-Antoine 174
St-Donis
Sl-Je;in-de-l''cillevil.
St-Nicolas-ilo-k-TailIc.
Sl-Sylvestre
l.a Trinité-iUi-.\lont
l>e Valusse
3(]
163'
44,
N 7(J7
St-Romain-de-Coibosc
La Cerlnn<riie
Goniinerville
Graiinbouville ....
l.oiselières
P^pretot
La Ueniuée
St-Eusiaclie
St-Jean-d.-Essarts.
St-Jean-d'.Vbtot. . .
St-Laurent
St-Vigor
Tancarville
Trois-Pierres
Godei ville
Goderville
Boriianibusc
Brelteviile
Cretot
Ecrainville
Emalleville 20
Houquetol 6
Bréauté 2(3
Graiiiville-Lalouelte 10
-i"2
Mamievillo ....... 58
-ïïiivilie ÔO]
St-.S;illVlMll' 14 ■
Saiis.^cuzc marc ... 9 1
Virville 25/
liiiiiuville 51 3t)
Criquetot-rEsneval
Criqiietol-rEsneval 45/
.Viigorville-rOrcher 47
lîoi'der.iix 5
ICcuUol 3
Ecuiiiielot 83
Enules([Lieville. ... 46
Goniieville -~
Iai Poterie 9i
St-Jouin 54
St-Marlin-dii-Iiec. . U|
Le Tilleul 1\ 367
Montivilliers
Moiiliviliiers - St -
(Terniain
Buùlise 131
Gauville 3|
Epouville 10
Fontaine 15
Fonlenay 10
Gainneville 13
Ste-Croix 20|
Harfleur 541
.Manég'iise -8
Mannevillette 3\
^12 —
N.-l). flii-Hcr 35
Oclnvill.! 54 \
liaiiiilici'lol 3/
Kollcvilh' 12^
Si-.M;iiliii-(lii-.M;iii . 15/
St-Suplix 20 '^ 365
II;iviv 202
Ingouville
liii^ouville U5(
San vie 25 ( 120
Tolal... 10189
PIÈCE N« ir;
EGLISES DU PAYS DE CAUX
sous le régime de la liberté religieuse
TABLEAU
de la réorganisation des églises avec la liste complète
de leurs pasteurs
lioiiaparte, par la loi organique de ISO-, créa deux consistoires
dans la Seine-lnlérieure, Bolboc et Rouen. ^lais dès 1789
et nitMiie 1787 des églises existaient et étaient pourvues de
pasteurs.
BOLBEC
Au consistoire de Bolbec se rattachait ia paroisse du Havre,
et se rallaclièrent, au fur et à mesure de lenr fondation, la pa-
roisse de Montivilliers (1804), son annexe de Criquetot (1804) ;
la paroisse de St-Antoine (1SU2) et ses annexes d'Antrelot
(180-2), du .Mont (180G) remplacé par Lillebonne depuis 1860),
de La Remuée (1806) deGoderville (1806) etde Fécamp (1860).
En novembre 1852, un décret érigea Le Havre en église
consistoriale et y rattacha Montivilliers et son annexe.
— 513 —
Pasteurs de Bolbec
1788-1792. — Delasauzais.
17!:)2-17'Jo. — tllôret (intérim).
1793- ■? . — (iouijoii.
(Le culte est inlerronipu sous la tei-reur).
1797-1X'27. — Alègre.
1S27-18-2S. — Dizier.
1N2S-1.S39. — De Félice.
1839-1N49. — Aimeras.
1349-1886. — H. Soliier de Verniandois. (Un second poste do
pasteur fut créé par décret du 2U juillet
18.J0).
1850-1878. — ilunnard.
lS7i)-188(j. — .Messines. Eu 1884, Fécamp devient une an-
ne.\e de la paroisse de Bolbec.
■188()-1893. — .)e;ui Lafou.
1880- — .I.-C. liarthié.
1893-1899. — l'aul Mouod.
18!)*)- — Nouiïarède.
Pasteurs de MmitirilHers et annexe
1804-18211
—
1).-E. Fallnl.
1820-1830
—
-•^oliier père.
1832-
—
•leau .*>;oliier
-1849
—
11. Soliier de Vermandois.
I8'i9-
—
(1. (jood.
-18<iU
—
L. Abelous.
18()0-189l
—
Th. Maurel.
1891-1893
—
Audouin.
1894-....
—
Hardant.
Pasteurs de St-Antoine et annexes
...1787- ? . — l'auniier. Le culte était célébré dans des
maisons particulières.
...1792-1794. — François Mordant. En 1792. le pasteur Mor-
dant habitait .St-.Jean-de-la-NeuviUe.
33
— ^14 —
1806-1 s m. — Du Poiitavice-Vaugiirny.
1812-1817. — PauiTiior (:2'' miiiisl("-i-(').
1818-185:1 — it. Maiiivl
18r);M8,j7. — Tli. Itoller.
18r)7-18S4. — L. lîeiié. (lù) hSlil, un second jxislo de pas-
leiii- lut créé — décret du il) ;i\i'il).
18(il-18S4. -- H. liuraul. En 1874, le lemplc de 1 a lleuiuée
lut (Irsalleclé et reiuplacé par celui construit
la iu(*'uie année à St-lioniaii), dont riiiau|:ui-a-
tion eut lieu le 3 novembre.
Par décret du 23 avril 1884. St-Antoine et annexes sont divi-
sés en deux paroisses : Lillebonne avec Autretot et St-Aubin
pour annexes, et St-Antoine avec Goderville et St-Uoniain pour
annexes. Fécanip est raltacbé à la paroisse de Bolbec.
Pasteurs
de Lillebonne et annexes.
...1884- — H. Iluraut.
de St-Antoine et annexes
...1884-1896. — L. Ilené.
1896-190-2. — F. Hardy.
1902- — E. Iluraut.
ROUEN
Au consistoire de Rouen se rattacliaieiit les églises de Dieppe
et de Luneray, et se ratlacbèrent dès leur fondation (1807) les
annexes des Mesnils et de Torp-Mesnil. L'annexe du Coudray
(1807) fut rattacbée au Consistoire de Bolbec jus(|u'en 1818 où
elle fut incorporée au Consistoire de Rouen.
En mars 1855, un décret érigea Dieppe en église consisto-
i-iaie et y rattaciia Luneray et ses annexes.
Pastenis de Luneray et annexes
'! Mordant dit Duclos.
? P. :\Iordant.
? Pauniier.
V Dernaux,
? Réville père.
— Sl=> —
1818. — Cacloret.
1818-1828. — J.Révillo (ensuite à Dieppe où il mourut enl860).
1857-18-28. — Marlin-l'iisclioiul.
I828-1830. — :\Iontantloii.
1831-1834. — Leniaitre.
1835-18 iti. — Cil. de Coutouly.
18iG-1851. — A. l'uaux.
1851-18()2. — E. Berlhe.
185B-1866. — N. Poulain.
ISr.O-lOOl. — H.névillp.Enl8G0,uii2''postedepasteurfutcréé.
18(37-18(Î9. — Nougarède.
1861)- 1881. — Saltet.
1882- — E. Castel.
1901- — l>. .love.
TABLK DES MATIÈHES
Phkkack 5
Inthoduction 11
PREMIÈRE PARTIE
Des oiuGixEs a la proclamation de l'Edit de Nantes
CHAPlTliE l'T. — Commenceniont de la Réforme dans
le Pays de Caiix (1520-1563) I '.1
CHAPITRE II. — De rémancipalaon de Charles I\ à
l'Edit de Nemours (1503-1585) 57
CHAPITRE m. — De l'Edit de Nemours à lassassinat
de Henri 111 (1585-1589) 79
CHAPITRE IV. — Guerre du Réaraais contre lu Lipfue.
— Conversion. — L'avènement de Henri IV. —
Promulgation de l'Edit de Nantes (1589-1598). . . 87
DEUXIÈME PARTIE
L'Eglise sous l'Edit de Nantes et pendant
les premières années qui suivirent sa révocation
CHAPITRE Ici-. — De l'Edit de Nantes jusqu'à l'assassi-
nat de Henri IV (1598-1610) 109
CHAPITRE H. — De la régence de Marie de Médicis à
l'Edit de Grâce (1610-16-29) 119
— mS —
ClIAl'ITIiK III. - !><■ riùlil (Icdi-firc à la loi i;(Miri-;ilc
ir>li-i(li\c ( IGiO-KUiC.) V^'A
CllAlTIliK IV. — Ile la loi ^rnéi-alc rpsiriclivc, à la
jt.-vocalioii de l'Eclil do .Nantes (1000-10X5) 116
r.llAl'ITUK V. — liévocnlion de TEdilde Naiiles (16S5). ITO
C.llAi'lTliE Vi. — Suite iiiiiaédiale de la lîévocation. —
l.e IVdleslaiilisine est Iri^ahMiieiit iiiorl (1080).. . . 199
TROISIÈME PARTIE
I/Eglise sous la ('.i;oi\
r.JiAl'ITIîE l'i'. — De la paix de livswick à la mort de
Louis XIV (1007-1715) 225
CIIAPlTIiE il. — De la mort de Louis XIV au Conjurés
d'Aix-hi-Chapelle (1715-17 iS) 249
C-llAI'rntE III. — ]\Iarclie, avec des temps d"arrèt, vers
la tolérance (1719-1787) 275
QUATRIÈME PARTIE
La l.IliF.KTl'; HKI.lCIKl'SK
i;11A1'ITI;E I". — De l'Edit de tolérance à la proclama-
tion de la liberté des Cultes (1787-1790) 323
CIlAl'ITIiElI. — Organisation des ét^lises (1790-1802). 333
• '.llArrniE III. — L'Eglise est raltacliée à l'Etal, —
('.onsé(piences de cette mesure (180:2-1815) 336
(.II.M'ITIIE \\. — \'uc d'ensemble sur le prolestan-
lisine C.aucliois depin's 1815 339
tU)
APPENDICE
Pièce 11" 1 ,3'i5
•'i<''f e 11" "i iiiS
l'ièce 11" 3 ;j4i)
l'i<*i-t' 11" 4 357
Pi("'co 11" T) 359
Pièce 11" (■) 379
l'ièce 11" 7 ;-i,Sl
l'ièce n" 8 391
Seconde pièce ii" <S 393
l'ièce 11" 9 ... i2~
Pièce n" I U 429
Pièce II" Il 498
Pièce n" 12 502
l'ièce II" 1 3 503
Pièce no J 4 505
Pièce n" 15 510
Pièce 11" 10 512
<\J^
Bolbec. — Imprimerie Henri Yvon, rue Haiitot, 25
z^^9