Skip to main content

Full text of "Le Protestantisme dans le pays de Caux (ancien colloque de Caux Havre et Dieppe exceptés) d'après les documents rassemblés et les notes recueilles par feu M. Emile Lesens; classés, corrdonnés & complétés"

See other formats


Gc 

944.2 
M26p 
1252543 


M.L. 


GENEAL.OGY  COL-L-ECTIOH 


ALLEN  COUNTY  PUBLIC  LIBRARY 


3  1833  00728  7318 


LE   PROTESTANTISME 


DANS  LE  PAYS  DE  CAUX 


LE   PROTESTANTISME 


DANS  LE  PAYS  DE  CAUX 


(Ancien    colloque  de   Caux 

Havre  et  Dieppe  exceptés) 

D'APRÈS      LES      DOCUMENTS       RASSEMBLÉS 
ET    LES    NOTES    RECUEILLIES 

par   feu   M.   Emile    LESENS 

CLASSÉS,     COORDONNÉS     &      COMPUÉXÉS 


yiCTOP^      ]V[ADELAI^^E 


@^^ 


BOLBEC 

Imprimerie  Hexri  Y  VON,  rue  Hautot,  2^ 


1252513 

PREFACE 


M.  Lcsc/is,  rénidit  bibliophile  dont  le  Protestan- 
tisme a  eu  â  déplorer  la  perte  prématurée  il  j>  a  quatre 
ans,  avait,  pendant  les  veilles  de  plus  de  quarante 
années  d'une  vie  laborieuse,  rempli  une  trentaine  de 
registres  de  notes  et  renseignements  concernant  lliis- 
toire  normande  en  général  et  le  protestantisme  cau- 
chois en  particulier.  Ces  notes,  prises  au  hasard  des 
découvertes  et  des  lectures,  il  les  aurait  certainement 
classées  et  mises  en  ordre  s'il  avait  cru  sa  mort  si 
prochaine,  et  peut-être,  en  présence  du  grand  nombre 
et  de  l'intérêt  de  celles  qui  regardent  le  Pays  de  Caux, 
dont  il  était  originaire,  en  aurait-il  publié  la  subs- 
tance avec  les  réflexions  qu'elles  lui  auraient  suggérées, 
dotant  ainsi  nos  églises  d'une  vue  d'ensemble  sur  le 
Protestantisme  cauchois  qui  eût  fait  autorité. 

Ce  qu'il  eût  fort  probablement  accompli  si  ses  jours 
se  fussent  prolongés,  nous  avons,  à  titre  d'ami  et  aussi 
parce  que  son  écriture,  de  lecture  souvent  difficile  dans 
ces  notes  prises  pour  lui  seul,  nous  est  familière,  tenté 
de  le  faire  dans  la  mesure  de  nos  mojens  et  sans  nous 
faire  d'illusions  sur  notre  insuffisance  pour  ce  travail. 
Nous  avons  été  téméraire  ;  mais  nous  nous  sommes  dit 
que  si  nous  ne  l'étions  pas  dans  cette  occurence,  le  fruit 
des  recherches  de  M.  Lèse  us  serait  perdu  pour  les 
protestants  cauchois,  les  registres  qui  les  renferiueut 


—  6  — 

devant,  cil  effet,  aller  bientôt  rejoindre,  à  la  Biblio- 
thèque de  la  Société  de  l'Histoire  du  Protestantisme 
français,  les  ouvrages  protestants  les  plus  précieux  de 
la  riche  bibliothèque  de  M.  Lesc//s,  dont  sa  veuve, pour 
le  bien  de  V histoire  protestante,  lui  a  fait  don  sur  le 
choix  de  son  èminent  bibliothécaire,  M.  N.  Weiss.  Et 
puis,  c'est  répondre,  pour  autant  qu'ils  sont  mainte- 
nant réalisables,  aux  vœux  exprimés  par  le  regretté  M. 
S.  Hardv  dans  la  préface  de  sou  Histoire  de  TEglise 
protestante  de  Dieppe. 

Les  jugements  que  nous  avons  portés  sur  les  événe- 
ments que  nous  relatons,  la  description  des  milieux  où 
ils  se  sont  déroulés  et  des  états  d\imes  qui  les  ont  pro- 
voqués ou  dont  ils  ont  été  les  conséquences,  sont  em- 
preints de  la  plus  entière  bonne  foi. 

En  remuant  le  passé,  nous  espérons  bien  ne  pas 
ressusciter  les  haines  religieuses  ni  raviver  Vesprit  de 
persécution,  Vesprit  ligueur,  —  qui  dort  plutôt  qu'il 
n'est  éteint.  —  Mais  c'est  la  foi  vivante  et  agissante  de 
nos  pères  delà  première  heure  que  nous  voudrions  faire 
revivre.  La  liberté  de  conscience  est  la  plus  précieuse 
de  toutes  les  libertés,  mais  elle  semble  avoir  enfanté 
che{  nousV indifférence  eu  matière  de  religion.  Or,  l'in- 
différence religieuse,  che^  les  protestants  clairsemés 
au  milieu  de  la  population  catholique,  émousse  l'esprit 
protestant  et  donne  à  craindre  que  l'influence  toujours 
absorbante  du  milieu  ne  finisse  par  l'étouffer  entière- 
ment. 

La  France  a  besoin  de  plus  Je  vitalité  et  de  plus  de 
virilité.  Combien  nous  lui  redonnerions  de  ces  deux 
vertus  si  nous  revenions  à  l'esprit  de  nos  pères  du 
XVL  siècle!  (J'est  là  un  argument  utilitaire,  et  les 
arguments  utilitaires,  dans  l'ordre  moral,  n'ont  guère 
de  force.  Mais  voici  un  conseil  salutaire,  et  c'est  un 
précepte  de  l'Ecriture  :  <f.  Eprouvons  toutes  choses,  et 
retenons  ce  qui  est  bon.  i,  Si  nous  le  suivons,  nous  ar- 


_  7  — 

riverons   à    la    foi   p.rsoiincllc,    Li   seule  qui   repose 
J'ûplom/y  sur  la  eoiiseieiiee  et  se  traduise  en  aetes. 

L'absolutisme  ou  foi  d'autorité,  qui  est  une  sorte 
d'alignement  au  eordeau  des  croyances,  un  véritable 
refoulement  de  la  personnalité,  engendre  forcément  la 
passivité  intellectuelle,  ne  met  la  foi  que  sur  les  lèvres, 
assoupit  la  conscience  et  habitue  chacun  à  croire  qu'il 
croit:  d'où  :  esprits  tin/orés  et  réfractaires  d'instinct 
aux  nouveautés  dans  toutes  les  branches  du  savoir  et 
de  l'aclivité  hu/nains,  et  formalisme  machinal  qui 
laisse  l'esprit  asse^  désemparé  pour  s'accrocher  aux 
superstitions  les  plus  grossières. 

Le  libre-examen,  au  contraire,  met  l'intellect  cons- 
tammeut  en  éveil,  développe  la  personnalité,  la  pousse 
à  son  normal  épanouissement  moral,  et  il  en  découle 
naturellement  une  croyance  qui  pénètre  la  vie  et  rend 
l'esprit  avide  de  connaitre  davantage  pour  mieux  com- 
battre l'ignorance  et  le  mal  et,  ainsi,  se  rapprocher 
chaque  Jour  davantage  de  l'idéal  moral  qui  est  l'essence 
du  (Christianisme.  Le  moteur  de  l'aine,  c'est  la  foi 
religieuse  libre,  qu'on  s'est  faite  soi-même  dans  la 
sincérité  de  sa  conscience. 

C'est  des  tendances  opposées  de  ces  deux  esprits 
que  proviennent  les  distances,  de  plus  en  plus  grandes, 
qu'on  observe,  au  point  de  vue  matériel  cou/me  au 
point  de  vue  moral,  entre  les  nations  protestantes  et  les 
nations  catholiques  et  qui  assurent  désormais  la 
prépondérance  aux  premières  sur  les  secondes.  Ll  n'y 
a  pas  là,  comme  beaucoup  de  personnes,  frappées  de 
l'état  d'esprit  particulier  aux  pavs  protestants,  le 
disent,  une  question  de  race,  mais  une  question  de 
religion  engendrant  un  esprit  spécial.  La  race  y  est 
bien  un  facteur,  mais  un  facteur  de  minime  impor- 
tance, activant  ou  contrariant  l'avènement  de  cet  esprit. 
Ce  qui  a  formé  l'dme  de  chaque  peuple,  c'est  l'éduca- 
tion qu'il  a  reçue  pendant  une  longue  suite  de  généra- 


—  H  — 

tioiis.  i)i\  Jusqirà  CCS  derniers  temps  pour  la  France. 
jiisqit\i  luaiiitenaiii  pour  les  autres  nations,  c'est  de 
la  reli(^ion  do/iii//a/ite  da//s  chacune  d'elles  que  l'édu- 
cation s'est  inspirée. 

D'un  côté,  l'esprit  passif,  conservateur,  ennemi-né 
de  toute  réforme  dans  tous  les  ordres.  —  parce  que 
son  fonds  est  riminulabilité. 

De  Vautre,  l'esprit  d'entreprise  hardie  et  de proo-rès 
illimité,  — parce  que  son  fonds  est  le  perpétuel  deve- 
nir. 

Le  premier  est  personnifié  par  l'Espagne,  le  second, 
par  r Amérique. 

De  tontes  les  épithètes  lancées  à  la  tête  des  Réfor- 
mateurs, laquelle  avait  le  pins  de  prise?  Celle  de 
novateurs  !  Du  moment  qu'ils  étaient  des  novateurs, 
tout  était  dit:  et  n'eut  été  leur  vie  transformée  qui 
portait  à  croire  qu'une  doctrine  produisant  un  tel 
changement  était  vraie,  ils  n'auraient  eu  aucun  succès 
auprès  des  masses  fanatiques  de  la  tradition.  Il  ne 
s'agissait  que  de  doctrines  religieuses,  pourrait-on  dire 
ctnousa-t-on  dit  quelquefois.  Oui;  mais  Vesprit-horne 
en  religion  est  forcément  conservateur  en  politique, 
mœurs,  usages,  coutumes,  etc.,  puisque  tout  cela 
découle  de  la  religion  toute-puissante.  Que  de  fois 
n'avons-iious  pas  entendu  déclarer  que  c'est  manquer 
de  respect  à  la  mémoire  de  ses  ancêtres  que  de  faire 
quoi    que    ce    soit    autrement    qu'ils    le    faisaient  ! 

Nous  espérons  que  les  pensées  ici  exprimées  ne  bles- 
seront aucun  des  catholiques  qui  nous  liront.  Nous 
savons  que  le  parasitisme  paie//  qui  a  peu  à  peu  e/ivalii 
le  catholicis/ne  de  ses  végétatio//s  //ialsai//es,  et  l'esprit 
de  co//se/-vatis/ne  o/itré,  résulta//te  //aturelle  île  plii- 
sie/irs  siècles  d'absolutis//ie  dépri//ia//t ,  so//t  déplorés 
de  beaucoup  de  catholiques  éclairés.  Il  y  a  toujours 
en  da/is  l'Eglise  ro/uai/ie  n//  protesta//tis//ie  late//1.  en 
France  surtout,  et  c'est,  suiva//t  //o/is,  /i//e  des  causes 


—  9  — 

—  la  pins  forte  étant  le  no  van  Je  protestants  qu'elle 
renferme  —  qui  lui  valent  iVêtre  à  la  tfte  îles  nations 
eatholiques.  Mais,  depuis  le  Coneile  dn  Vatiean,  il 
paraissait  aller  en  déteignant.  Il  semble  se  réveiller 
aujourd'hui.  Puisse-t-il  s\iffirmer  de  plus  en  plus 
pour  le  relèvement  de  notre  chère  patrie  ! 

Lorsqu'on  croit  que  c\'st  un  privilège  d'ctre  protes- 
tant, on  doit  avoir  à  cœur  de  le  faire  partager.  Tout 
sentiment  contraire  procéderait  de  Végoïsme  et  justi- 
fierait ce  qui  se  dit  de  l' individualisme.  Donc,  le  pro- 
sélytisme est  un  devoir.  Souhaitons  qu'on  le  comprenne. 
Au  fond,  c'est  la  foi  de  liberté  que  nous  voulons,  par 
la  liberté,  substituer  à  la  foi  d'autorité. 

En  dehors  des  noies  et  documents  rassemblés  par 
M.  Lesens.  et  de  ceux,  peu  //ombreux,  que  /:ous  avo//s 
pu  rec/ieillir,  i/o//s  //o/is  soi/imes  servi,  ta//t  pour 
les  évéïiei/iei/ts  coi/cer//a//t  les  églises  de  Ro/te/i,  de 
Dieppe  et  d/i  Havre  qui  o//t  pu  avoir ////e  réperc/is- 
sio//  sur  les  églises  objet  de  //otre  ét/ide  et  pour  ceux 
do//t  la  régio//  qu'elles  e/nbrassei/t  a  été  le  théâtre,  que 
pour  les  évéïiemei/ts  d'()rdre  gé//éral  o/i  //atio//al.  des 
o/ivrages  s/iivai/ts  : 

I.  —  Histoire  ecclésiastique  des  Eglises  réformées 
du  ro\-aume  de  France,  par  Th.  de  Bèie. 

II.  —  Histoire  des  Protestants  de  France,  par  G. 
de  Félice. 

III. — Histoire  du  Parlement  de  Normandie. /j/- 
.1.  Floq/iet. 

W .  —  Essai  sur  Thistoire  du  Protestantisme  au 
Havre,  par  A///phoux. 

y.  —  Le  Protestantisme  en  Normandie,  par  F. 
]Vaddington. 

YI.  — Histoire  de  FEglise  Protestante  de  Dieppe. 
par  S.  Hardy. 

MI.  —  Mémoires  de  Du/no//t  de  Bostaquet. 


VIII.  —  Bulletin  de  la  Société  de  THistoire  du  Pro- 
testantisme français. 

IX.  —  La  France  Protestante,  ^^r  les  f rares  Haag. 

X.  —  Les  tables  de  l'état  civil  des  protestants  de 
"^oneniXVIP  siècle). 

XI.  —  Les  Registres  contenant  les  actes  pastoraux 
de  Péglise  de  Lintot  (Bolbec)  sous  LEdit  de  Nantes. 

Xli.  —  Les  Egiises  du  Refuge  en  Angleterre,  par 
le  baron  F.  de  Schickler. 

Un  certain  nombre  des  notes  de  M.  Lesens  ont  été 
relevées  aux  .  [rcliives  départenieniales  et  quelques-unes 
dans  les  Registres  capitulaires  de  l'église  métropoli- 
taine. Il  n\v  a  pas  dlndication  permettant  d'en  re- 
trouver la  source,  ///ais  on  sait  trop  combien  M. 
Lesens  était  scrupuleux  pour  qu'un  seul  doute  soit 
émis  sur  leur  véracité. 


•"=3] 


INTRODUCTION 


La  Réformation  était  légitime  et  nécessaire 

CTest  en  IS17  que  Luther  allicha  ses  thLses  enflam- 
mées contre  les  indulgences,  créant  ainsi  le  prodi- 
gieux mouvement  de  rénovation  religieuse  qui  a 
changé  la  face  du  mcmde  chrétien  et  amené  l'éman- 
cipation des  consciences. 

En  France,  quatre  ans  auparavant,  un  professeur 
de  l'Université  de  Paris,  Lefèvre  d'Etaples,  avait  pro- 
clamé le  salut  par  grâce,  qui  est  le  principe  généra- 
teur du  Protestantisme,  le  secret  de  l'héroïsme  de  ses 
milliers  de  martyrs.  Mais  ce  n'était  qu'un  germe 
semé  dans  quelques  consciences,  tandis  que  le  coup 
d'éclat  de  Luther  devait  être  porté  aux  quatre  vents. 
C'est  donc  a  Luther  qu'il  faut  faire  remonter  la  nais- 
sance du  mouvement  en  France,  bien  qu'il  soit  à  peu 
près  certain  qu'il  v  fût  né  quand  même  très  peu  de 
temps  après;  et  c'est  pour  cela, plutôt  que  parce  qu'ils 
en  avaient  les  opinions,  qu'on  appela  les  premiers 
protestants  français  des  Ltitlicriciis. 

Les  écrivains  catholiques  voient  dans  l'action  réso- 
lue de  Luther,  de  Calvin  et  des  autres  grands  réfor- 
mateurs, une  révolte  orgueilleuse  contre  leur  église: 
si  c'est  une   révolte,   elle  est  légitimée  par    ce   fait 


que  le  concile  de  Latran,  réuni  cxprcssc/nc/if,  en 
1^12,  pou r  rcfoinncr  l'cglisc,  s'était  séparé  après  avoir 
montré  son  impuissance  absolue  à  entreprendre  cette 
tâche  dont  Turgence  était  proclamée  en  ces  termes 
par  Egidio  de  Viterbe,  général  de  l'ordre  des  Augus- 
tins,  dans  le  discours  d'ouverture  qu'il  prononça  au 
nom  du  pape  Jules  II  :  '■'  Peut-on  contempler,  sans 
verser  des  larmes  de  sang,  l'ignorance,  l'ambition, 
l'impudicité,  l'impiété  régnant  dans  les  lieux  saints 
d'où  elles  devraient  être  à  jamais  bannies?  // 

Ces  maux  de  l'église  qu'Egidio  dépeint  aux  prélats 
assemblés  aux  fins  d'y  porter  remède,  n'étaient  pas 
nouveaux.  Depuis  un  siècle,  les  écrivaiens  les  plus 
pieux  déploraient  les  mœurs  du  clergé  et  procla- 
maient que  la  simonie  avait  envahi  le  sanctuaire.  On 
en  était  venu  à  tarifer  même  les  péchés.  L'absolution 
donnée  contre  le  paiement  d'une  facture  établie  au 
confessionnal,  telle  est  l'impression  que  donne  la 
lecture  d'un  livre  qu'on  peut  voir  à  la  Bibliothèque 
publique  de  Tours  (!'.  Voilà  où  la  religion  de  celui 
qui  avait  proclamé  l'obligation  de  la  nouvelle  nais- 
sance en  était  arrivée  !  L'argent  remplaçait  le  repentir. 
Si  on  nous  disait  que  le  tableau  est  trop  chargé,  nous 
répondrions  :  Alors,  expliquez-nous  comment — le 
principe  catholique,  tel  qu'il  avait  été  posé  par  Tho- 
mas d'xVquin  et  tel  qu'il  était  universellement  admis, 
statuantl'immutabilité  de  la  doctrine — des  théologiens 
et  des  maîtres  de  la  pensée,  suivis  de  nombreuses  po- 
pulations, conservatrices  par  passivité  et  par  consé- 
cjuent  ennemies-nées  des  nouveautés,  ont  pu.  à  la 
voix  des  premiers  réformateurs,  accepter  des  chan- 


1.  —  (^e  livre  porte  le  titre  de  Taxe  cancellarie  ap.  et.  Taxe 
sacre  Poiitentiarie  Lfidern  apostolice  :  il  a  été  publié,  avec 
privilège  du  roi,  par  Toussaint  Denis,  à  Paris,  en  15"20.  M.  A. 
Dupin  de  Saint-André,  l'a  réimprimé  en  1879,  chez  Fischbaclier. 
à  Paris,  avec  la  traduction  française  en  re.irard. 


—  13  — 

i^ements  dogmatiques  capitaux,  si  ce  n"est  parce  que 
l'église,  telle  qu'ils  la  voyaient,  leur  apparaissait  trop 
souillée  pour  être  véritablement  demeurée  l'épouse 
de  jésus-Christ,  dont  l'imitation  ne  peut  pas  ne  pas 
être,  pour  elle,  la  loi  constante  ? 

Va  voilà,  ce  nous  semble,  la  révolte,  si  révolte  il  v 
a.  amplement  justifiée. 


Le  succès  de  la  Réformation 
en    prouve   la   légitimité    et  la  nécessité 

Nous  venons  de  montrer  tpie  le  mouvement  réfor- 
mateur du  X\'l'  siècle  était  légitime.  Il  nous  reste  à 
faire  comprendre  maintenant  comment  il  a  réussi. 

A  la  vérité,  le  vrai  Christianisme  n'est  jamais 
resté  sans  contesseurs.  Parmi  les  plus  marquants 
de  ceux  qui  ont  senti  (Christ  \  ivre  en  eux,  nommons 
saint  Bernard,  saint  François  d'Assises,  Gerson,  Tho- 
mas .\  Kempis,  Cléman^fis,  Jeanne  Darc.  Ces  voix, 
pour  isolées  qu'elles  aient  été  dans  la  nuit  du  moven- 
àge,  n'en  avaient  pas  moins  été  entendues  dans  quel- 
ques monastères  et  y  avaient  entretenu  la  doctrine 
primitive  du  salut  gratuit.  Et,  plus  près  de  la  Réforme, 
le  beau  livre  anonvme  Y  Imitation  de  Jcsus-Chrisi, 
qui  avait  pénétré  dans  beaucoup  dabbayes  et  de  pres- 
bytères. \-  avait  fait  naître  ou  \'  avait  entretenu  la  mê- 
me doctrine.  11  \'  a\ait  aussi  un  sourd  travail  qui  s'o- 
pérait dans  l'élite  intellectuelle  depuis  le  commence- 
ment de  la  Renaissance,  travail  qui  avait  trouvé  un 
auxiliaire  puissant  dans  la  découverte  récente  de  l'im- 
primerie, et  d'où  les  idées  reçues  sur  l'unité  de  foi 
sortaient  troublées  ou  mortellement  atteintes. 

C'étaient  là  des  points  d'appui  précieux  pour  la 
Réforme.  Joignons  à  cela  ce  que  nous  savons  sur  la 


—  14  — 

corruption  éhontée  du  haut  et  du  bas  clergé,  le  com- 
merce sacrilège  des  choses  saintes,  notamment  le 
trafic  des  indulgences  où  on  allait  jusqu'à  prétendre, 
sans  choquer  la  naïve  foi  des  simples,  qu"au  bruit  de 
la  pièce  de  monnaie  tombant  dans  le  tronc  l'àme 
qu'elle  rachetait  du  purgatoire  prenait  son  vol  pour 
le  paradis,  (1)  et  nous  conclurons  que  le  terrain  était 
bien  préparé  pour  recevoir  l'émancipatrice  semence 
des  âmes.  Et  nous  répéterons  qu'il  fallait  que  l'état 
de  l'église  fût  bien  ce  que  nous  déclarons  qu'il  était 
alors  pour  avoir  une  raison  acceptable  du  succès  des 
ouvriers  de  la  première  heure  travaillant  isolément 
dans  le  champ  du  Seigneur. 

Qu'on  songe,  en  elïet,  qu"ils  a\'aient  à  s'attaquer  à 
des  populations  ignorantes,  imbues  de  préjugés, 
nourries  de  superstitions  séculaires,  et  pliées  à  tous 
les  despotismes  et  à  toutes  les  tyrannies  des  papes  et 
des  rois,  et,  comparant  les  résultats  réalisés  avec  ceux 
qu'on  obtient  de  nos  jours  parmi  des  populations 
moins  ignorantes,  moins  superstitieuses,  moins  ré- 
fractaires  aux  idées  nouvelles,  qu'on  nous  dise  si  cela 
peut  s'expliquer  par  d'autres  raisons  que  celles  que 
nous  en  donnons.  Oui,  c'est  en  grande  partie  parce 
que  le  clergé  catholique  s'est  réformé  quant  aux 
mœurs  que,  depuis  lors,  toute  entreprise  du  Protes- 
tantisme pour  la  conversion  des  catholiques  ne  re- 
trouve plus  les  succès  du  XVI''  siècle,  et  c'est,  pour  le 


1.  —  Le  U-afic  des  indulgences  ne  dut  pas  être  poussé  en 
Franco  aussi  loin  qu'en  Allemagne.  Pour  ce  qui  concerne  la 
Normandie,  nous  voyons  sur  les  Re(j.  Capif.  Ecclés.  rothorn. 
que,  le  '^(S  février  149'j.  le  chapitre  de  Noire-Dame  supplie  l'ai'- 
chevèque  Robert  de  C.roixmare  d'exclure  du  diocèse  les  ques- 
teurs et  colporteurs  d'indulgences  id'après  Floquet.  Hist.  dit 
Parlement  de  Normandie,  t.  II,  p.  225).  —  Malheureusement, 
c'est  la  concurrence  que  ces  gens  lui  faisaient  et  non  le  tratic 
en  lui-même  qui  motivait  les  supplications  du  chapitre  métro- 
politain de  Rouen. 


—    IS   — 

reste,  parce  que  le  Protestantisme  n"a  plus  la  foi  forte 
qui  le  faisait  le  sel  de  la  terre. 

Nous  voulons  bien  admettre  que,  quelques  nobles 
avant  embrassé  les  nouvelles  doctrines  pour  parler 
comme  les  écrits  du  temps  ,  bien  des  gens  de  petite 
condition  aient  suivi  par  l'ascendant  subi  ou  Tobli- 
g-ation  imposée  —  si  tant  est  qu'il  soit  possible  qu'un 
protestant  contraigne  en  matière  de  foi  :  ce  ne  serait 
pas  en  tout  cas.  le  fait  d'un  vrai  protestant,  un  vrai 
protestant  ne  pouvant  admettre  qu'on  embrasse  le 
Protestantisme  sans  conviction  et  ne  pouvant  admet- 
tre davantage  que  la  conviction  puisse  sortir  de  la 
contrainte.  Cela  expliquerait,  à  la  rigueur,  la  propa- 
gation de  la  Réforme  dans  les  campagnes;  mais  cela 
ne  l'expliquerait  pas  dans  les  villes,  où  les  bûchers 
s'allumèrent  vite  et  nombreux,  — et  il  faut  en  reve- 
nir forcément  aux  causes  que  nous  indiquons. 

I.f  fait  que  de  nombreux  prêtres  et  religieux  furent 
des  premiers  à  embrasser  la  cause  de  la  Réformation 
n'a  pas  embarrassé  les  écrivains  catholiques.  C'est 
parce  qu'ils  étaient  incontinents,  disent-ils.  La  Ré- 
forme ayant,  dès  le  début,  rendu  le  mariage  aux  prê- 
tres, les  historiens  catholiques  ont  beau  jeu  à  déclarer 
que  les  prêtres  indignes  s'empressèrent  de  changer 
de  religion.  Mais  si  leur  conversion  n'eût  pas  eu  des 
motifs  tout  contraires,  auraient-ils  été  suivis  par  la 
masse,  qui,  précisément,  ne  réclamait  une  réforme 
que  parce  que  le  clergé  était  corrompu?  l'.lle  ne  pou- 
vait, en  effet,  cette  masse,  réclamer  une  réforme 
doctrinale,  puisque,  l'Ecriture  Sainte  lui  étant  incon- 
nue, elle  ne  pouvait  savoir  que  l'église  avait  erré.  Et 
puis,  cet  argument  n'aurait  de  valeur  que  si  l'église 
romaine  eût,  alors,  été  bien  rigide  sur  les  mœurs  de 
son  clergé  séculier  et  régulier,  de  tout  grade  et  de 
tout  ordre.  Mais  il  était  loin  d'en  être  ainsi,  car  le 
temps  n'était  pas  encore  passé  où  tout  prêtre  pouvait 


—  i6  — 

acheter    le    droit     d'avoir    une    concubine.    (D 

Donc  il  est  inadmissible  que  ce  soit  parce  qu'ils 
ne  pouvaient  observer  le  vœu  de  chasteté  que  ces 
prêtres  et  religieux  embrassèrent  le  protestantisme. 
Si  c'avait  été  pour  se  marier,  ce  serait  respectable  et 
prouverait  qu'ils  préféraient  l'état  de  mariage,  hono- 
rable entre  tous,  au  dire  de  Saint  Paul,  à  l'état  de 
concubinage  qui  était  presque  l'état  commun  du 
clergé  d'alors.  Mais  la  rigidité  de  mœurs  des  nouveaux 
convertis,  prêtres  et  laïques,  démontre  clairement 
cpi'ils  n'avaient  obéi  qu'à  des  motifs  de  conscience. 

Si  cela  n'eût  été,  est-ce  que  le  fait  suivant,  rapporté 
par  (iuillaume  et  Jean  Daval,  les  historiens,  h  la  lin 
du  X^'I^■  siècle,  du  protestantisme  à  Dieppe,  et  qui 
marque  d'un  trait  vif  et  lumineux  le  relèvement 
moral  amené  par  la  Réforme,  se  serait  produit,  à  sa- 
voir :  que  les  filles  de  mauvaise  vie  furent  obligées 
de  quitter  Dieppe,  tant  elles  y  étaient  deAenues  un 
objet  d'opprobe  et  de  mépris? 

Et  puis,  enfin,  les  bûchers  ne  tardèrent  pas  à  s'allu- 
mer. Est-ce  que  la  perspective  d'y  monter  n'eût  pas 
suffi  à  réfréner  l'ardeur  impudique  de  ces  prêtres  in- 
continents ?  Or,  on  ne  voit  pas  que  les  bûchers  aient 
arrêté  les  conversions  dans  le  clergé.  C'est  le  con- 
traire qu'on  constate  en  interrogeant  l'histoire. 

Nous  concluons  donc  :  en  haut  comme  en  bas, 
dans  le  clergé  comme  chez  les  laïques,  les  conver- 
sions furent  motivées  par  l'état  de  corruption  éhon- 
tée  où  l'église  était  tombée  et  la  nette  perception 
qu'on  avait  de  son  impuissance  à  s'amender  elle- 
même. 


1.  —  Ochi  résulte  du  livre  déjà  cité  :  Truce  caucellarie. 


—  17  — 
III 

Une  foi  pour  laquelle  on  fait  joyeusement  le  sacrifice 

de  sa  vie  ne  peut  être  une  foi  vaine. 

La    Réforme  justifiée   par    ses    martyrs. 

Nous  venons  de  voir  pourquoi  le  mouvement 
réformateur  devait  naître  et  s'étendre.  Mais  sous  la 
persécution  implacable  qui  sévit  bientôt,  du  pou- 
voir relig-ieux  allié  au  pouvoir  politique,  comment 
ne  fut-il  pas  étouffé  ?  C'est  que  son  principe  géné- 
rateur, la  justification  par  la  foi  d"où  sort  l'idée  des 
droits  imprescriptibles  de  la  conscience,  est  une  force 
capable  de  braver  les  plus  cruels  tourments.  La  foule 
le  vit  bien  aux  premiers  supplices  :  celui  de  Wolgang 
Schuch,à  Nancy, le  21  juin  is2s  ;  celui,  8  jours  après, 
à  Metz,  du  cardeur  de  laine  Jean  Leclerc  ;  ceux  de 
Jacques  Pavannes,  à  Paris,  et  de  De  la  Tour,  à  Tou- 
louse, les  28  août  et  27  octobre  suivants,  —  et  des 
milliers  de  consciences  en  furent  troublées  jusqu'à 
ce  qu'elles  eussent  aussi  passé  par  la  nouvelle  nais- 
sance. 

Et  voilà  comment  ce  qui  devait,  à  vue  d'église  se 
prétendant  infaillible,  arrêter  le  mouvement,  en  de- 
vint le  principe  générateur. 

Les  adeptes  de  la  nouvelle  doctrine,  se  sentant 
pardonnes  sous  l'accablement  du  sentiment  de  leur 
péché,  sont  inondés  d'un  tel  bonheur  que,  dans  un 
besoin  d'expansion  fraternelle,  ils  en  font  part  à  tout 
le  monde  et  deviennent  ainsi  les  apôtres  de  la  bonne 
nouvelle.  L'absolution  du  prêtre,  qui  eût  dû  leur  don- 
ner la  même  joie,  n'avait  jamais  apporté  au  fond  de 
leur  cœur  le  témoignage  d'une  réconciliation  avec 
Dieu.  Aussi  étaient-ils  toujours  prêts  à  confesser  cette 
communion  intime  jusque  sur  les  bûchers  ou  sous 


i8 


la  hache  du  bourreau.  Les  subtilités  des  plus  savants 
théologiens  jointes  à  léloquence  des  plus  grands 
prédicateurs  ne  parvenaient  point  à  troubler  cette 
précieuse  paix,  et,  plus  tard,  Bossuet  lui-même  y 
échouera  jusqu'auprès  d'illettrés.  Kt  ce  qui  est  étrange 
et  confond  de  la  part  d'un  chrétien  tel  cjue  lui,  c'est 
que,  dans  cette  force  surhumaine,  il  n'ait  vu  cpie  de 
l'entêtement. 

Oui,  les  quelques  bûchers  allumés  en  1^2^^  et  les 
premières  années  qui  suivirent  firent  naître  le  désir 
de  connaître  la  doctrine  qui  donnait,  aux  savants 
comme  aux  ignorants,  la  puissance  de  mourir  si 
joyeusement,  et,  ô  ironie  I  l'Kglise  sonnait  à  toute 
volée  les  cloches  de  toutes  ses  églises  pour  appeler 
la  populace  aux  supplices  des  hérétiques  ! 

L'Eglise  protestante  a  eu  pour  semence  le  sang  de 
ses  martyrs,  et  l'on  peut  dire  que  la  restauration  du 
Christianisme  évangélique  a  été  aussi  glorieuse  que 
le  fut  sa  fondation. 


PREMIERE    PARTIE 


Des  origines  à  la  proclamation  de  l'Eclit  de  Nantes 


CHAPITRE  1"^ 

Commencements  de  la  Réforme  dans  le  Pays  de  Caux 

(1520-1563) 

Laissons  les  idées  générales.  Représentons-nous 
seulement  le  milieu  qu'elles  reconstituent  d'ensemble 
et  qui  était  commun  à  toute  la  France,  car,  à  ce  point 
de  vue,  il  y  avait  unité,  et  plaçons-y  chronologique- 
ment les  renseignements  que  nous  possédons  sur  la 
région  qu'embrasse  notre  étude. 

La  note  plongeant  le  plus  loin  dans  le  passé  du 
pays  cauchois  est  de  1520  et  porte  que  le  curé  du 
Coudray  fut  amené  aux  prisons  de  la  cour  d'église,  à 
Rouen,  pour  cause  d'hérésie  (on  ne  sait  ce  qui  ad- 
vint de  cette  arrestation)  ;  celle  venant  ensuite  est  de 
1^28  et  dit  ceci  :  -?:  Cent  sols  accordés  à  Julien  Huet 
^  et  Guillaume  Lemetayer,  prêtres  de  Bolbec,  pour 
"  avoir  accompagné  le  promoteur  volant  quand  il 
'z  conduisit  Jean  de    Caule    falias  Lacaille),  curé  de 


—    20 


-r  Bolleville.  suspect  d'hérésie,  de  BolbecàRouen.  (1)» 
Comme  pour  le  curé  du  Coudray,  on  ne  sait  quelles 
suites  furent  données.  La  même  année,  le  23  juillet, 
le  premier  bûcher  s'allumait  à  Rouen,  sur  le  Vieux 
Marché,  et  y  consumait  Pierre  Bar  qui  avait  été 
amené,  en  1527,  de  Villedieu  en  Basse-Normandie, 
par  le  capitaine  de  la  cinquantaine,  parce  qu'il  don- 
nait prise  aux  soupçons  "  quant  à  la  doctrine  //.  Le 
second  bûcher  ne  s'alluma  que  cinq  ans  après,  le  21 
décembre  1^33,  et  à  la  même  place  ;  ce  fut  un  prêtre, 
Etienne  Lecourt,  curé  de  Condé-sur-Sarthe,  diocèse 
de  Séez,  qui  y  monta.  Cependant,  dès  1=131,  le  Parle- 
ment de  Normandie,  sur  l'avis  du  promoteur  et  de 
l'official  qui  déploraient  l'expansion  des  idées  nou- 
velles, avait  rendu  plusieurs  arrêts  de  mort  contre 
des  gens  convaincus  ou  seulement  suspectés  de  les 
professer  ;  mais  c'est  sans  doute  par  un  autre  ,^enre 
de  supplice  que  la  sentence  reçut  exécution. 

En  1529,  Jean  de  Noyer,  d'vVlvimare,  fut  accusé 
d'hérésie  et  un  sermon  fut  prêché  en  sa  présence  et 
celle  de  Guillaume  Leverrier  accusé  du  même  crime, 
par  l'inquisiteur  de  la  foi.  L'année  suivante,  plusieurs 
personnes  soupçonnées  de  luthéranisme  furent  ame- 
nées des  prisons  de  Neufchâtel  à  Rouen,  entre  autres 
Nicolas  de  Norville,  Roger  Caron  et  Pierre  de  Caulx. 
Cette  même  année,  l'inquisiteur  de  la  foi  alla  prêcher 
à  Bacqueville  et  dans  quelques  autres  paroisses  de 
l'ofiicialité  de  Rouen  où  les  doctrines  hérétiques 
avaient  été  répandues  par  Geoffroy  Ducoudrav,  reli- 
gieux de  l'abbaye  d'Ouville  près  d'Yerville.  Il  se  ren- 
dit notamment  à  Sotteville-sur-.^Ier  pour  ramener 
par  sa  prédication  Marguerite  Hermier,  de  Greuville, 
et  Pierre  Levasseur,    cependant   que   le  prieur  des 


1.  —  M.  Lcsens  indique  qu'il  a  tiré  cott(>  note   des   Arcliives 
de  la  Seine-Inférieure. 


Frères-Précheurs  se  faisait  entendre,  dans  le  même 
but,  de  Nicolas  Hermier  et  de  Pierre  Le  Duc,  d'An- 
neville-sur-Scie.  Pierre  Le  Duc  ne  s'étant  pas  rendu 
aux  raisons  du  frère-précheur,  des  poursuites  furent 
exercées  contre  lui  Tannée  suivante  (i33i)dontle 
résultat  nous  est  inconnu,  mais  qui  se  devine  aisé- 
ment. En  cette  année  1^31,  le  promoteur  volant  se 
rendit  à  l'abbaye  d'Ouville  pour  informer  contre  le 
moine  Geoffroy  Ducoudray,  en  fuite.  (1) 

En  i=i32  furent  poursuivis,  toujours  pour  la  même 
cause,  Laurent  de  Ruel,  d'Osmonville,  et  quelques 
seigneurs  des  environs  de  Bacqueville.  L'année  sui- 
vante, les  soupçons  de  l'autorité  ecclésiastique  se 
portèrent  sur  Charles  V'  Martel  de  Bacqueville  et  sur 
son  épouse,  Louise  de  Balzac,  qui  avaient  donné 
asile,  dans  leur  hôtel  à  Rouen,  à  deux  hérétiques 
qu'on  avait  capturés  chez  eux. 

Phi  îs^"?,  Jean  Servant,  de  Vatteville,  près  de  Cau- 
debec,  et  Isidore  Le  Monnver,  de  Fécamp,  furent 
emprisonnés  parce  qu'ils  ne  voulaient  pas  '/  abjurer 
leurs  erreurs?/;  mais  ils  furent  élargis  en  153=,  ou  36. 

En  1534,  un  sergent  fut  envoyé  à  Bellencombre 
pour  se  saisir  de  Jacqueline  de  la  Haye,  religieuse 
du  prieuré  de  Saint-Saëns,  fugitive  et  apostate,  et 
des  prédications  furent  faites  aux  portes  de  l'église 
cathédrale  de  Rouen  par  frère  Valentin  Lyemin,  in- 
quisiteur de  la  foi,  pour  la  réparation  honorable 
d'Antoine  Leconte,  prêtre,  Robert  Lesueur,  Thomas 
Coquet,  Heuset  et  Renel. 

Dès  cette  année-là,  et  même  probablement  avant, 
des  normands  passèrent  la  Manche  pour  fuir  la  per- 
sécution. Parmi  les  naturalisations  anglaises  de  cette 


T.— Anvté,  en  ir)oO,  i)  s'était  échappé  lorsqu'on  le  conduisait 
à  Bacqueville  pour  une  prédication  inquisitoriale.  On  ne  le  re- 
prit qu'en  décembre  1535.  11  fut  dégradé  devant  le  grand  poi-- 
tail  de  la  cathédrale  de  Rouen  en  février  1536, 


époque,  nous  relevons  celles  de  Robert  Desanye, 
tailleur  (Harfleur),  le  13  février  is^S  ;  de  Simon  Over, 
le  26  février;  de  Marie  Levillayn,  le  12  mars;  de 
Thomas  Daigremont,  le  i"'  mai  ;  d'Alain  Bowdisson 
(Dieppe),  le  25  juin  ;  de  Jacques  Bacquer,  le  30  juin  ; 
de  Jean  Sohier,  le  2  juillet  ;  de  Jean  Blosseaume,  le 
7  août;  de  Jean  Masson,  Pierre  Menell,  Michel  Vase, 
Nicolas  Moket,  Pierre-Ant.  Arderon.  le  ^o  septem- 
bre ;  de  Jean  Grout  et  Richard  Jourdain,  le  i'^^'  octo- 
bre ;  de  Richard  Brière,  Geof.  Michel  et  Jean 
Robard,  le  28  octobre  ;  de  Michel  Lovet,  tailleur 
(Rouen),  le  19  novembre  ;  de  Guillaume  Noé  le  13 
janvier  et  de  Robert  Harvye  le  i"  mai  1^36.  Enfin, 
nous  trouvons  à  la  fin  de  cette  année  1S36  deux  nor- 
mands établis  à  Londres  depuis  quelque  temps  déjà, 
Gervais  Sohier  et  Le  Roux,  appelés  en  témoignage 
dans  une  affaire  d'agression  contre  des  français. 

Le  5  janvier  1=136,  une  citation  est  portée  à  la  Vau- 
palière  contre  la  dame  de  Basqueville,  dénoncée 
comme  favorable  aux  idées  nouvelles.  Vers  le  même 
temps,  Nicolas  Boissel,  curé  d'Epinay,  près  de  Rouen, 
est  accusé  de  Luthéranisme,  et  des  habitants  du  ha- 
meau du  Meslay  sont  cités  contre  lui. 

En  IS38,  Dominique  Anfrav,  inquisiteur  de  la  foi, 
fit  une  prédication  à  l'occasion  de  la  réparation  de 
plusieurs  hérétiques  dont  un,  Adrien  Queval,  était 
de  Luneray. 

En  1540,  commission  fut  donnée  à  M^  Jacques  Ter- 
rien d'informer  contre  plusieurs  hérétiques  du  pays 
de  Caux.  ensuite  de  laquelle  des  poursuites  furent  ex- 
ercées contre  frère  Nicolas  Mazire,  moine  augustin, 
Louis  Legay,  Raulin  Levesque,  Nicolas  Massieu, 
Mathieu  Fournil  et  Michel  Buée. 

En  1541,  l'inquisiteur  Dominique  Anfray,  déjà 
nommé,  se  transporta  à  St-Nicolas-de-la-Taille,  puis 
à  Longueville,  Bacqueville  et  Luneray,  pour  v  faire 


des  prédications  comminatoires.  H)  Cette  même  an- 
née, Raulin  Bellemare  et  Jacques  Mort,  de  Norman- 
die, se  réfugièrent  en  Angleterre  pour  cause  de 
religion. 

A  partir  ûe  i=,42.  ies  poursuites  deviennent  si  nom- 
breuses queceu.x;  qu'elles  atteignent  ne  sont  que  très 
rarement  nommés.  De  cette  année  jusqu'à  Tannée 
IS48,  nous  relevons  les  noms  suivants  :  Guillaume 
Bailly,  Robert  Desves.  Michel  Legendre,  M"  Jean 
Latteignant.  M"  Jean  Lemoine.  Jean  Guiffart.  Moïse 
Xoèl.  frère  Grégoire  Morelet.  augustin,  Jean  Lebert. 
M"'  Robert  Le  Prévost,  frère  Nicolas  Lecomte.  au- 
gustin. Richard  de  la  Poterye,  libraire,  FouquetTho- 
rel.  Philippe  de  la  Mare.  Nicolas  et  Jean  Maurisse. 
Richard  de  Vivefav,  écuyer  à  Illeville-sur-Montfort, 
Jean  Petit,  Olivier  Trugard.  frère  Noël  Reguyer. 
augustin. 

Nous  voyons  dans  un  ouvrage  peu  connu  ri)  que 
l'abbé  Bavard,  de  St-Wandrille,  se  plaignait,  en 
IS46.  d'avoir  beaucoup  à  souffrir  de  Calvinistes  armés. 
Il  ne  pouvait  v  avoir  de  Calvinistes  en  armes  à  ce 
moment.  Le  digne  abbé  aura  sans  doute  pensé  que 
des  brigands  ne  pouvaient  être  que  calvinistes,  d'où 
sa  confusion. 

En  i=;48.  le  promoteur  volant  se  rend  à  Cuverville 
pour   «  appréhender   les   hérétiques  //  :    Guillaume  ' 
Bunel  est  fait  prisonnier. 

En  i^^o,  un  nommé  Charles  Coudray  est  conduit 
par  Nicolas  Bréant.  promoteur  volant,  assisté  de  gens 
de  justice,  à  Lindebeuf.  pour  assister  à  la  prédication 
de  Pierre  de   Gruchy,   inquisiteur  de  la    foi,    qui   se 

1.  —  Les  Archives  de  la  préfectuie  nous  apprennent  qu'il 
reçut  15  ].  pour  ces  divers  déplacements  fArch.  de  la  Seine- 
Inf.  —  fonds  de  l'archev.,  G.  244,  f"  62). 

2.  —  Houel,  Annales  des  Cauchois,  t.  III,  p.  233;  Paris, 
C.onion,  1847., 


—    24    — 

transporte  ensuite  dans  la  paroisse  du  Tilleul,  dovenné 
de  Saint-Romain,  (1)  pour  y  prêcher  et  '<  ramener  à  la 
vraye  foy  »  ceux  qu'en  avait  détournés  un  nommé 
Lefrançois. 

On  le  voit,  les  premiers  hérétiques  connus  de  la 
Haute  Normandie  sont  du  voisinage  de  Luneray,  ce 
qui  semble  confirmer  la  tradition  que  rapporte 
comme  suit,  dans  son  Rapport  à  Tlntendant  de  la 
Généralité  de  Rouen  sur  les  Noiivdi/ix  convertis 
(26  août  1699).  l'abbé  Gérard,  curé  de  Hautot  et  doyen 
de  Brachy  : 

«  Le  Calvinisme  a  commencé  dans  le  Petit  Caux 
par  les  habitants  du  quartier  de  Luneray  sis  au 
doyenné  de  Brachy,  qui  trafiquaient  à  Genève  du 
vivant  de  Calvin,  et  de  là  s'est  répandu  dans  tous  les 
bourgs  voisins  et  dans  la  ville  de  Dieppe  et  partout.  » 

Une  autre  tradition  donne  le  Ronchay  pour  ber- 
ceau à  la  Réforme  dans  le  pays  de  Caux.  Comme  le 
Ronchay  est  proche  voisin  de  Luneray  (il  y  est  annexé 
aujourd'hui)  on  peut  dire  que  les  deux  traditions 
confirment  le  fond. 

Les  tout  premiers  commencements  sont  obscurs. 
Nous  inclinons  à  croire  que  les  idées  nouvelles  se 
répandaient  autour  de  certains  fovers  gagnés  au 
dogme  de  la  justification  par  la  foi.  et,  sans  doute, 
Luneray  fut  un  de  ces  premiers  foyers  dans  la  ré- 
gion, s'il  ne  fut  pas  le  premier. 

En  France,  la  Bible  n'était  pas,  comme  en  Allema- 
gne et  ailleurs,  inconnue  du  monde  savant.  Des  pro- 
fesseurs de  l'Université  et  un  grand  nombre  d'ecclé- 
siastiques la  connaissaient,  l'étudiaient  et  avaient  pu 
se  régénérera  sa  lumière  et  devenir  les  foyers  dont 
nous  parlons.  Des  colporteurs  la  répandaient.   Dès 


1.  —  Le   Tilleul,    qui  ressortit  aujourd'hui   au    doyenné   d( 
Criquetot,  faisait  alors  partie  du  doyenné  de  St-Romain, 


m24,  il  y  avait  à  Bàle  une  société  spécialement  fondée 
pour  sa  propagation,  précisément  par  le  moyen  de 
tels  agents,  dans  les  pays  de  langue  française.  Comme 
les  idéescirculaientdifficilement  alors  etne  pouvaient 
gagner  que  de  proche  en  proche,  on  ne  s'expliquerait 
pas  autrement,  ce  nous  semble,  la  naissance  simulta- 
née, sur  tous  les  points  du  territoire,  de  vifs  ferments 
de  réforme. 

Ce  qui  vient  à  l'appui  de  cette  hypothèse  c'est  que 
Lefèvre  d'Etaples.  dont  nous  avons  parlé  dans  l'avant- 
propos,  et  que  l'on  doit  honorer  comme  le  précur- 
seur de  la  Réforme  en  France,  avait  commenté,  en 
chaire  de  Sorbonne,  les  épîtres  de  Saint-Paul,  et  que 
ses  commentaires  avaient  été  imprimés  et  répandus 
dès  ISI2.  11  n'est  pas  douteux  que  ceux  de  ses  élèves 
qui  furent  gagnés  à  la  doctrine  du  salut  gratuit  s'en 
tirent  les  propagateurs,  une  fois  retournés  dans  leurs 
familles. 

Il  y  avait  donc  deux  courants  qui  convergeaient  : 
le  courant  populaire,  demandant  une  réforme  dans  le 
chef  et  dans  les  membres  de  l'église,  et  le  courant  in- 
tellectuel demandant  une  réforme  doctrinale  qui  por- 
tait justement  cette  réforme  morale  dans  ses  flancs. 
Le  mouvement,  tout  latent  qu'il  fût,  ne  pouvait  s'é- 
toufifer,  car  la  conscience,  une  fois  éveillée  à  la  vie 
religieuse,  vainc  toutes  les  résistances.  Et  cet  ordre 
que  la  régente  et  Duprat  firent  répandre  à  son  de 
trompe,  le  s  février  1S26.  fait  vraiment  sourire  et  mon- 
tre bien  que  le  monde  catholique  ne  sait  pas  ce  que 
c'est  qu'une  conviction  :  '<  Tous  prélats,  curés  et  vi- 
'<  caires  défendront  à  leurs  paroissiens  d'avoir  le 
'<  moindre  doute  sur  la  foi  catholique.  » 

Et  les  bûchers  s'allument  de  nouveau  à  Rouen  : 
en  1334,  pour  un  prêtre  de  Fontenay-le-Pesnel  ;  le  30 
août  iS3>  pour  un  inconnu  ;  en  mars  iS3Q.  pour  un 
autre  inconnu  ;  en  IS42,  pour  un  nommé  Coi-istartin, 


—    26    — 

de  Rouen,  cl  trois  autres:  le  jour  de  Pâques —  n 
avril —  is44.p<'urun  apothicaire  du  nom  de  (juil- 
laume  Hurson.  natif  de  Blois.  (i' 

Mais  le  mal  ne  s'arrête  pas.  loin  de  là,  bien  c[u"on 
multiplie  les  supplices  en  y  apportantdes  rallinements 
de  cruauté  dont  la  lecture  fait  se  demander  si  les  juges 
d'alors  étaient  des  êtres  humains  et  si  on  peut  pré- 
tendre qu'il  y  avait  dix  siècles  que  la  France  était 
-christianisée. 

Voici  ce  que  rapporte  Floquet,  le  consciencieux 
historien  du  Parlement  de  Normandie  :  '<  Les  bûchers 
s'allumèrent  pour  ne  plus  s'éteindre  de  longtemps. 
Chaque  jour,  presque,  de  la  conciergerie  du  palais 
sortaient  de  lugubres  convois.  Un  banneau  à  ordure 
(c'était  la  voiture  affectée  aux  religionnaires  condam- 
nés) traînait  un  malheureux  abusé  à  la  Croix-de-Pierre 
où  on  lui  incisait  la  langue  avec  un  fer  chaud  ;  au  par- 
vis Notre-Dame  où,  après  avoir  fait  amende  honora- 
ble, il  subissait  quelque  autre  mutilation  cruelle,  celle 
de  son  poing,  par  exemple,  que  l'on  brûlait  devant 
lui;  au  "Vieux-Marché,  enfin,  et  plus  souvent  encore 
au  Marché-aux-Veaux,  tout  près  de  là,  où  un  cngyn 
avait  été  dresssé  et  un  bûcher  allumé.  Attaché  à  cet 
engyn  qui,  flexible  et  souple  comme  un  ressort,  s'é- 
levait ou  s'abaissait  au  gré  des  bourreaux,  le  mal- 
heureux était  tantôt  descendu  à  la  portée  des  flammes, 
tantôt  hissé  pour  descendre  derechef  et  remonter  en- 


1.  —  Dans  un  livre  intitulé  :  Abrégé  du.  marlymloiie.  du 
fe»ip.s  de  la  Ré  formation,  petit  in-12  sans  nom  d'auteur,  nous 
trouvons  les  noms  suivants,  mentionnés  nulle  part  ailleurs, 
comme  ayant  souffert  le  martyre  : 

Alexandre  Lecauuis,  né  a  Evreux. — Année  du  supplice:  lôo;!. 

Etienne  Pouillot,  natif  d'Auberville,  prés  de  Caudebec.  — 
Année  du  supplice  :  1540. 

Guillaume  Néel,  de  Rouen.  —  Année  du  supplice  :  1558. 

Kichard  Lefebvre,  né  à  Rouen.  »  :  1554. 

(Teffrny  Guérin,  do  Pont-.Uidemer.  »  :  1558. 


—  "-1  — 

core,  en  sorte  nu'on  avait  vu  ces  supplices  atroces 
durer  des  heures  >/.  (Ij 

Ces  monstruosités  ne  lassèrent  que  les  bourreaux. 
En  etïet,  une  réaction  se  produisit,  et  on  ne  brûla 
plus  que  rarement.  La  hache  et  la  potence  eurent 
leur  tour.  Cependant,  des  bûchers  s'allumèrent  en- 
core en  is=i7  et  is^t)  :  en  is'^y.  pour  Pierre  Gruslé, 
curé  de  Saint-Denis-de-Rouen  ("2),  et  en  issç,  le  27 
mars,  pour  Jean  Cottin,  de  Gisors,  et  deux  de  ses  dis- 
ciples, coupables  d'avoir  "  fait  le  presche  sur  les 
bruyères  St-Julien  et  dans  la  forêt  du  Rouvrav//,  près 
de  Rouen. 

Pour  donner  une  idée  saisissante  du  progrès  de  la 
doctrine  nouvelle  nous  n'avons  qu'à  rapporter  ce 
seul  fait  :  En  IS42,  dans  telle  paroisse  de  Rouen  ou 
avait  coiisoiiiDii'  ^00  hosties  Je  moins.  Dans  telles  au- 
tres, la  ditl:'érence  en  moins  avait  été  de  huit  ce/itsA'') 

A  Meaux,  dès  IS23,  il  y  eut  des  assemblées  de  gens 
qui  voulaient  rompre  avec  le  catholicisme.  Pour  ce 
qu'  regarde  notre  région,  le  peu  de  documents  que 
nous  possédons  sur  la  première  moitié  du  XM"'  siè- 
cle est  muet  à  ce  point  de  vue.  11  ne  parait  pas,  toute- 
fois, qu'il  y  ait  eu  de  groupements  de  personnes  pro- 
fessant les  idées  nouvelles,  avant  1557.  ^^  ^'^'•'^  "^^^^ 
ce  n'est  qu'en  cette  année  que  les  réformés  de  Rouen 
et  de  Dieppe  se  constituèrent  en  église. 

L'église  de  Lunerav  dut  être  fondée  dans  le  mcrac 
temps,  car  elle  est  citée  au  p)remier  synode  natio;:al, 
tenu  à  Paris  du  26  au  28  mai  1539-  d'où  sortit  une 
confession  de  foi  qui  fut  le  trait  d'union  de  toutes  les 
églises  existantes. 

1.  —  Floquet,  Histoire  du  Parlement  de  Normrvidic.  t.  Il, 
j).  :247  et  2m. 

2.  —  La  Ferrière-Percy,  Histoire  du  canton  d'Athis. 

S.  —  Floquet,  Histoire  du  Parlement  de  Nortriandic,  t.  II. 
p.  205. 


2  s 


La  plus  ancienne  église  cauchoise  serait  celle  de 
Montivilliefs  :  il  parait  qu'un  document  de  i=ss=ila 
cite  11^.  Cela  n"a  rien  d'invraisemblable,  rapproché  de 
ce  que  M.  (lanel,un  érudit  bibliophile  normand  mort 
il  y  a  une  vingtaine  d'années,  rapporte  d'après  les 
archives  de  Pont-Audemer,  à  savoir  :  qu'en  1SS4,  ^^ 
moitié  de  la  population  de  cette  ville  était  devenue 
protestante.  Bien  qu'on  n'y  voie  de  temple  cité  qu'en 
1S62  (il  était  situé  dans  la  grande  ruei,  il  est  évident 
que  Pont-Audemer  était  organisé  en  église  quelques 
années  auparavant. 

Le  personnage  qui  parait  avoir  le  plus  fait  pour  l'é- 
vangélisation  du  pays  de  Caux  est  Jean  Venable,  col- 
porteur, natif  de  Venable,  diocèse  d'Evreux,  qui  s'é- 
tait retiré  à  Genève  et  était  revenu  en  France  la  balle 
bourrée  d'exemplaires  de  LEcriture  Sainte,  particu- 
lièrement de  Nouveaux-Testaments,  et  de  livres  dé- 
fendant les  doctrines  de  Calvin.  \'oici  ce  qu'écrit  de 
lui  l'historien  catholique  Vitet  :  'z  II  arriva  qu'un  li- 
braire de  Dieppe,  revenant  de  Genève  où  il  était  allé 
pour  son  négoce,  rapporta  desBiblesen  français,  des 
Pseaumes  de  la  version  de  Marot  et  plusieurs  petits 
livres,  comme  on  les  appelait  dans  ce  temps-là.  Ces 
petits  livres  circulèrent  bientôt  dans  la  ville  et  dans 
les  campagnes  d'alentour  :  on  s'assembla  secrètement 
pour  en  écouter  la  lecture  :  de  proche  en  proche,  ils 
tirent  fortune.  Ce  furent  d'abord  les  tisserands  et  les 
drapiersde  Luneray  qui  se  jetèrentle  plus  avidement 
sur  ces  nouveautés.  Le  chant  des  pseaumes  leur  avait 
plu  et  leur  curiosité  courait  après  tous  ces  libellés  et 
passe-volants  écrits  partie  contre  la  foi  de  l'église  ro- 
maine, partie  contre  le  libertinage  de  certains  mau- 
vais prêtres  (-\  /, 

1.  —  D'après   une  note  de  M.    Lesens.  laquelle   ne  dit  pas 
quel  est  ni  où  se  trouve  ce  document. 

'2.  —  Yitet.  Hixtnire  'le  Dieppe,  t.  I.  p.  96  et  97. 


—    29    — 

Il  trouva  à  Dieppe  le  terrain  préparé  par  le  fameux 
réformateur  de  l'Ecosse  Jean  Knox,  qui  v  avait  sé- 
journé quelque  temps  en  it=,s-s6-S7  et  y  avait  pro- 
voqué de  nombreuses  conversions,  parmi  lesquelles 
celles  de  Charles  I  Martel  de  Bacqueville,  que  nous 
avons  vu  déjà  soupçonné  d"hérésie  dès  1333,  et  de  ses 
deux  fils  Nicolas  Martel  et  François  .>Iartelde  Linde- 
b^uf.  Ce  gentilhomme  établit  même  un  prêche  dans 
la  chapelle  du  prieuré  du  lieu.  Mais  si  Knox  n'avait 
pas  franchi  les  limites  de  Dieppe,  son  action  avait 
eu  assez  d'effet  extensif  pour  gagner  ou  préparer  les 
environs. 

Nous  savons  que  Jean  \"enable  se  rendit  au  Havre 
en  issQ.  Nous  ne  connaissons  pas  l'itinéraire  qu'il 
suivit,  mais  il  est  tout  naturel  de  penser  qu'il  longea 
le  littoral  et  revint  par  Harfleur.  Bolbec,  Lillebonne, 
Caudebec,  Autretot.  Lindebeuf,  Bacqueville  et  Lu- 
nerav  —  ou  qu'il  suivit  l'ordre  inverse  —  et  qu'il  sé- 
journa plus  ou  moins  dans  ces  bourgs  et  villages, 
suivant  l'accueil  qui  était  fait  à  son  message.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  que  cette  année-là  il  y  avait  déjà  de 
nombreux  religionnaires  à  Lunerav,  Bacqueville, 
Sotteville-sur-Mer,  St-Pierre-le-Vieux,  Veules,  Saint- 
V'alery,  Cany,  CollevilUe,  Fécamp,  Goderville,  Cri- 
quetot,  le  Tilleul,  Gonneville,  St-Jouin,  Turretot, 
Montivilliers,  Harfleur,  Le  Havre,  Senitot,  Bolbec, 
Lillebonne,  Caudebec,  Autretot  et  Lindebeuf.  Avant 
i')62,  il  y  avait  des  églises  constituées  à  Harfleur, 
Lillebonne  Montivilliers  et  Caudebec.  Cette  dernière 
ville  est  citée  comme  en  possédant  une  dès  iSS9-  ^^ 
attribue  généralement  à  Venable  la  fondation  des 
églises  de  Dieppe,  Luneray,  Le  Havre  et  Rouen.  S'il 
en  est  bien  vraiment  le  fondateur,  il  n'est  guère  possi- 
ble que  ce  ne  soit  pas  lui  qui  ait  fondé  les  églises  des 
localités  intermédiaires. 

Dans  la  partie  basse  du  pavs  deCaux.leterrainétait 


—    30  — 

également  préparé  puisquenous  avons  vu  que, dès  IS41, 
rinquisiteurdela  foi  s'était  transporté  à  St-Nicolas-de- 
la-Taille,  que  commission  avait  été  donnée  à  Jacques 
Terrien  pour  informer  contre  plusieurs  hérétiques 
cauchois,  et  qu'en  IS48,  49  et  ^io  l'autorité  ecclésias- 
tique avait  exercé  des  poursuites  à  (Aivervillc  et  au 
Tilleul,  toujours  pour  les  mêmes  causes. 

En  iS4S>  le  bailliage  de  Caux,  séant  à  Montivilliers, 
avait,  pour  propos  contre  l'honneur  de  Dieu  et  de 
l'église,  prononcé  contre  un  habitant  de  la  campagne 
iiommé  Guillaume  Guigaut.  une  sentence  en  exécu- 
tion de  laquelle  on  l'avait  mené,  le  23  avril  de  cette 
même  année,  d'abord  au  prétoire  du  roi,  «  ayant  une 
torche  allumée  en  ses  mains,  ungmistre  et  escripteau 
sur  la  teste  pour  crier  mercy  h  Dieu,  au  roy  et  à  la 
justice  >/  et  ensuite  '<  à  l'église  de  Sainct-Saubveur  de 
Montivilliers  »  où  il  avait  aussi  «  crié  mercy  à  Dieu, 
au  roy  et  à  la  justice  >>  après  quoi  on  l'avait  '<  fustigé 
devant  la  dicte  église  en  la  place  publique  du  dict 
lieu  de  Sainct-Sauveur  (!).>/ 

Les  supplices,  incarcérations  et  sévices  douloureux 
n'arrêtaient  pas  la  propagation  de  ia  Réforme,  mais 
commandaient  la  prudence,  surtout  dans  les  campa- 
gnes, et  suggéraient  Tidée  de  passer  sur  une  terre  où 
les  idées  nouvelles  étaient  en  faveur.  Dès  i=,so,  Ge- 
nève reçut  des  normands  qui  venaient  y  chercher 
asile  pour  louer  et  glorifier  Dieu  suivant  leur  cons- 
cience. Nous  avons  une  liste  de  réfugiés  à  Genève  où 
nous  relevons  les  noms  suivants  :  Jacques  Quarante, 
de  Criquetot,  arrivé  le  21  août  iss2  : 

Roland  Peltel.  couturier,  de  Saint-Jouin,  arrivé  le 
même  jour  ; 

Pierre  Lemoyne,  couturier,  du  pays  de  Caux.  arrivé 
le  2  janvier  1535  ; 

1.  —  Bullot.  do  l;i  Soc.  (le  l'TIist.  du  Prnt.  franc,  année 
1S76,  p.  15. 


—  31  — 

Pierre  Daniel.  d'Harfleur,  la  même  année  : 
Pierre  Flan,  tondeur  de  draps,  de  Bertrimont,  près 
de  Tôtes.  en  i=.s6  : 

Thomas  Jourdain,  tailleur.  d'Harfleur.  la  même  an- 
née : 

Jean  Hersent,  menuisier,  de  Sotteville-sur-Mer. 
la  même  année  ; 

Nicolas  Désert,  de  Saint-Martin-aux-Buneaux.  la 
même  année. 

En  issy.les  réfugiés  cauchois  deviennent  nombreux 
dans  l'hospitalière  Genève.  Xous  trouvons  v  arrivant 
cette  année-là  : 

Marion  Legrand.  de  Lunerav  : 

Jean  Michel,  tondeur  de  draps,  de  Saint-Pierre-le- 
"S'iger  : 

Georges  \'oisin.  de  Lunerav  : 
Rogier  Hersent,  de  Sotteville-sur-Mer  : 
Jean  Dufour.  de  Fécamp  129  septembre)  ; 
Michel  Cahieu  d'Angerville. 
I/année  d'après,  nous  en  trouvons  neuf  : 
Guillaume  Hersent,    marchand,  de  Sotteville-sur- 
Mer  : 

Richard  Legrand.  de  Lunerav  : 
Jean  delà  Balle,  tondeur  de  draps,  aussi  de  Lunerav  : 
Denis  Deschamps,  seulement  désigné  comme  étant 
du  pays  de  Caux  : 

Jean  Denos.  de  Gruchet  (2  mai:  : 
Jean  A'acquerie,  de  Raftetot  (23  mai)  : 
Jean  Deschamps,  seulement  désigné  comme  venant 
de  Normandie,  mais  son  nom  nous  autorise  à  le  re- 
vendiquer comme  cauchois  : 
Jean  Maillard,  de  ALanneville  : 
Pierre  Lebaillif,  des  Loges  (12  décembre). 
En    1SS9.    V    arrivent  successivement  les  cauchois 
suivants  : 

Nicolas  Castel.  tondeur.  d'Ectot-i'Auber  : 


—  32  — 

Jacques  Becquerel,  cordonnier,  de  Sotteville-sur- 
Mer  ; 

Guillaume  Navarre,   cordonnier,  de  la  Gaillarde  ; 

Jean  Trubert,  couturier,  deMaulévrier  (20  février;: 

Robert  Plainpel,  serrurier,  natif  de  Bordeaux-Saint- 
Clair  (27  mars)  : 

Guillaume  Vivian,  écolier,  natif  de  Louvetot-lès- 
Caudebec  (3  avril)  ; 

Florent  et  Elie  Godard  frères,  sergiers,  de  Gruchet 
(17  avril)  : 

Nicolas  Nourry,  mercier,  natif  d'Harfleur  (24  avril): 

Jean  Poulingue,  de  Caudebec  (29  avril)  ; 

Jean  Hattenville,  de  Gruchet  (le'  mai)  ; 

Nicolas  Trillon,  de  Caudebec  (8  mai)  ; 

Guillaume  Eudeline,  cordonnier,  du  Parc-d'Anxtot 
(27  mai)  ; 

Nicolas  Vauchel,  de  Bordeaux-St-Clair  (29  mai)  ; 

Et  Jean  Féré,  de  Hattenville  (6  juin). 

A  partir  de  ce  moment,  le  mouvement  d'émigration 
se  ralentit. 

Nous  ne  trouvons  plus,  concernant  la  région  cau- 
choise, que  la  triple  arrivée,  enregistrée  le  29  janvier 
it^ôo,  des  frères  Leroux  (Christophe,  Alexandre  et 
Guillaume).  Cela  est  sans  doute  dû  à  Funion  des 
églises  cimentée  par  la  confession  de  foi  sortie  du  i^'" 
svnode  national  (iss9)-  ^^  ^^t,  en  efiet,  vraisemblable 
que  ce  synode  ait  donné  à  ses  membres  conscience 
du  nombre  et  de  la  fermeté  des  troupeaux  alors  exis- 
tants et  que  l'entente  intime  qui  en  était  résultée  ait 
confirmé  chacun  dans  la  conviction,  vite  communi- 
quée aux  fidèles,  que  la  Réforme  naissante  était  une 
force  devant  s'affirmer  pour  vaincre  le  romanisme. 
Ce  qui  nous  persuade  que  c'est  bien  ce  qui  se  produi- 
sit c'est  qu'à  la  fin  de  1559  ^^  au  commencement  de 
i=)6o,  les  réunions  étaient  moins  secrètes  et  que  beau- 
coup d'églises  se  fondèrent.  Il  est  naturel  que  la  pru- 


—  33  — 

dence  devant  le  danger  diminue  dans  la  mesure  où  la 
force- qu'on  peut  lui  opposer  augmente.  Tout  cela, 
joint  à  cette  force  interne  qui  veut  que  la  foi  vraie  se 
confesse,  devait  amener  un  développement  rapide  de 
la  Réforme  et,  par  contre-coup,  provoquer  une  vio- 
lente réaction  chez  le  clergé  obligé  de  constater  que 
les  supplices  individuels,  au  lieu  d'étouffer  le  mal. 
l'avaient,  au  contraire,  étendu.  Un  mort  sur  le  bûcher 
gâtait  mille  vivants,  suivant  l'expression  du  maréchal 
Gaspard  de  Saulx,  seigneur  de  Tavannes,  et  le  sup- 
plice du  conseiller  au  Parlement  de  Paris  Anne  Du- 
hourg  123  décembre  is=jq)  fit  plus  de  mal  à  l'église  de 
Rome,  s'il  faut  en  croire  Florimond  de  Rémond,  '•'que 
cent  ministres  en  eussent  pu  faire  avec  leurs  pres- 
ches.  //  Va  l'ère  des  persécutions  en  masse  et  des  guer- 
res religieuses  allait  s'ouvrir. 

Mais  n'anticipons  pas.  Revenons  à  l'année  1SS7. 
Nous  savons,  par  une  histoire  manuscrite  du  Havre 
déposée  aux  archives  de  cette  ville  «  que  cette  année- 
"  là  S.  M.  fit  marcher  quatre  compagnies  d'allemands 
'''  de  quatre  cents  hommes  chacune  qui  furent  campés 
"  un  an  entier  dans  la  paroisse  d'Ingouville.  //C'était 
le  commencement  de  ce  qu'on  appela  depuis  les  mis- 
sions bottées.  Elles  se  renouvelèrent  deux  ans  après, 
car  nous  lisons  dans  une  lettre  adressée  de  Paris  en 
mai  1SS9  par  le  pasteur  François  Morel  à  Calvin 
à  Genève  :  '<  La  fureur  de  nos  adversaires  croît  de 
'<  jour  en  jour.  De  nombreux  corps  de  cavalerie  sont 
'<  dirigés  contre  les  fidèles  de  Normandie,  que  Ton 
'<  accuse  du  crime  de  Lèse-Majesté.  » 

Les  calvinistes  ne  sont  pas  seulemeut  devenus  nom- 
breux, ils  sont  aussi  devenus  puissants  grâce  aux  per- 
sonnages qu'ils  comptent  dans  leur  sein,  parmi  les- 
quels Louis  de  Condé,  Odet  de  Chatillon,  François 
d'Andelot  et  Gaspard  de  Coligny  sont  au  premier 
rang.   Les  Guise,  devenus  influents  à  la  Cour,  crai- 


—  34  — 

gnant  que  la  Réforme  ne  gagne  la  nation  entière, 
veulent  l'abattre  complètement.  Ils  crurent  arriver  à 
cette  fin  en  faisant  instituer  dans  chaque  parlement 
une  chambre  ardente,  c'est-à-dire  une  chambre  spé- 
cialement chargée  d'envoyer  au  feu  les  convaincus 
ou  seulement  suspectés  d'hérésie. 

A  Paris,  pour  découvrir  des  protestants,  on  alla 
jusqu'à  faire  visiter  les  maisons  soupçonnées  d'en 
abriter,  et  c'est  de  Moiichv,  un  des  fins  limiers  pro- 
posés à  cette  odieuse  besogne,  que  vient  le  terme  de 
mouchard,  synonyme  d'espion.  On  plaça  des  images 
de  la  vierge  au  coin  des  rues  afin  de  remarquer,  par- 
mi les  passants,  ceux  qui  ne  se  découvraient  pas  de- 
vant la  «  belle  dasme.  >/  Ils  étaient  suivis  par  des 
mouchards  et.  cent  ou  deux  cents  pas  plus  loin,  arrê- 
tés et  conduits  en  lieu  sur.  Le  moyen  était  bon,  car 
son  application  amena  un  regorgement  des  prisons, 
et  un  redoublement  de  supplices.  La  noblesse  pro- 
testante en  fut  indignée,  et  beaucoup  de  gentilshom- 
mes catholiques,  mécontents  des  Guise,  se  rappro- 
chèrent d'elle,  rapprochement  d'où  sortit  la  conjura- 
tion d'Amboise.  qui  échoua  et  coûta  la  vie  à  1200 
conjurés.  Ces  1200  exécutions  sans  procès  excitèrent 
des  haines  de  partis  et  allumèrent  les  guerres  de  re- 
ligion. 

Vers  ce  même  temps,  on  renouvela  contre  les 
protestants  les  accusations  des  païens  contre  les  pre- 
miers chrétiens,  ce  qui  porta  les  grouDes  à  organiser 
le  culte  public,  et  une  quantité  de  prêches,  comme 
on  appela  les  maisons  affectées  à  ces  réunions,  furent 
établis.  La  Normandie  ne  resta  pas  en  arrière  des 
autres  provinces.  Voici  ce  qu'en  dit  Th.  de  Bèze  en 
1360(1)  :  «  D'autre  part, enNormandie, dès  letempsdu 
roy  Henry  et  sous  ce  règne  de  François,   il  n'y  avait 

1.  —  Th.  de  Bèze,  Hist.  eccl.  des  Egl.  du  roy.  de  France, 
t.  1,  p.  124. 


1252543 

—  ;>5  — 

quasi  bonne  ville  ni  faubourg  où  il  n'y  eust  église 
dressée  à  l'exemple  de  Rouan.»  Et  nous  savons  que 
le  mouvement  réformateur  v  avait  tellement  gagné 
de  terrain  que  \'illebon,  gouverneur  de  la  province, 
proposa  à  Henry  11  de  déporter  la  majeure  partie  des 
habitants  du  pays  pour  les  remplacer  par  de  bons  ca- 
tholiques. '<,  Le  Luthéranisme,  disait-il.  agit  dans 
cette  province  avec  une  telle  force  que  je  ne  pense 
pas  qu'on  puisse  lui  faire  autre  chose  que  d'enlever 
sa  population  actuelle  et  de  la  remplacer  par  une  au- 
tre toute  catholique.  (I)  » 

Les  Guise  étaient  furieux  de  cette  marche  progres- 
sive et,  en  vue  de  l'enraver,  ils  proposèrent  de  faire 
pendre  les  prédicants  et  d'instruire  contre  ceux  qui 
allaient  les  entendre.  Mais  comment  la  justice,  si 
sommaire  fùt-elle,  aurait-elle  pu  atteindre  les  mil- 
lions d'hérétiques  qu'on  comptait  déjà  et  parmi  les- 
uuels  la  moitié  des  grandes  familles  du  royaume  ? 

11  y  eut  alors  une  sorte  d'entraînement  vers  le  Dro- 
testantisme.  Malheureusement,  c'est  plutôt  comme 
parti  dont  on  attendait  profit  que  comme  religion 
dont  on  voulait  régénération  qu'on  l'embrassait,  et, 
dès  lors,  on  s'explique  que  des  éléments  malsains  y 
aient  pénétré  et  que  des  actes  blâmables  en  soient 
sortis.  C'est  ainsi  que,  dans  certaines  villes,  à  Rouen 
et  à  Cany  notamment,  les  protestants  commirent  la 
faute  d'aller  troubler  la  célébration  de  la  messe, 
de  s'emparer  des  églises  et  d'en  mutiler  les  statues. 
Etant  devenus  la  majorité  dans  certaines  villes,  ils 
pouvaient,  à  la  rigueur,  être  excusables  de  s'emparer 
d'une  église  là  où  il  y  en  avait  plusieurs  ;  mais  les  ca- 
tholiques n'y  pouvaient  voir  que  la  profanation  d'un 
lieu  sacré,  et  cela  amena  de  terribles  représailles. 

Les  idées  calvinistes  gagnaient  si  bien  du  terrain 

1.  —  Lettre  de  François  Morel  à  Calvin,  10  juin  1559. 


-36  - 

qu'à  rassemblée  des  notables  qui  s'ouvrit  à  Fontaine- 
bleau le  2  1  août  1560,  Coligny  se  fit  fort  de  recueillir 
en  un  seul  jour,  dans  la  seule  province  de  Normandie, 
130,000  signatures  pour  appuyer  la  demande  de  la  li- 
berté de  s'assembler  en  plein  jour. 

Dans  un  manuscrit  laissé  à  Veules  par  l'abbé  Bav, 
nous  avons  la  confirmation  des  progrès  que  la  Réfor- 
me fit,  dès  les  premiers  temps,  dans  le  pays  de  Caux  ; 
nous  y  lisons,  en  effet  :  "  Les  troubles  du  Luthéra- 
nisme se  propageaient  dans  tout  le  pays  :  on  voyait 
les  princes  et  les  rois  s'en  enticher,  et  le  protestan- 
tisme trouva  entrée  dans  les  premières  maisons  de 
Veules.  Mathieu  Eudes,  seigneur  de  Veules,  fut 
député  à  Genève  pour  aller  chercher  un  docteur  qui 
prêchât  la  doctrine  calviniste  à  Dieppe  et  dans  les 
environs.  Elle  lit  tant  de  progrès  que  ses  sectateurs 
se  rendirent  maîtres  de  Rouen  d'où  Charles  neu- 
vième eut  bien  de  la  peine  à  les  chasser  (f).  » 

La  répercussion  des  persécutions  exercées  à  Ro- 
mans et  à  Valence  avait  mis  nos  églises  normandes 
en  garde  contre  toute  surprise  du  fanatisme  local. 
Cela  résulte  du  récit  suivant  emprunté  cà  Théodore 
de  Bèze  : 

'<  il  ne  se  doit  passer  sous  silence  un  faict  notable 
advenu  en  ce  temps  au  village  de  Luneray-en-Caux, 
à  trois  lieues  de  Dieppe,  auquel  lieu  estant  l'église 
dressée  au  milieu  mesmes  des  grands  feus,  advint  en 
ceste  mesme  année  M.  D.  LX.  que  les  doyens  des 
villages  de  Brachy  et  de  Cauville  et  d'alentour,  avec 
tous  les  prestres  de  leur  doyenné,  avec  les  mauvais 
garçons  du  pays,  estans  assemblez  le  dimanche  d'après 
la  feste  de  leur  sacrement  en  une  certaine  confrairie, 
se  résolurent  d'aller  le  dimanche  suivant,  qui  estait 
le  XXIIII  jour  de  juin  (sous  ombre  d'une  procession) 

1.  Cité  par  le  pasteur  Berthe,  Origine  de  la  Réforme  en 
Normandie  (église  de  l^uneray). 


—  37  — 

saccager  toute  la  dicte  église,  pour  lequel  effect, 
avans  garni  d'armes  secrettement  une  maison  du 
village,  dès  le  matin  de  ce  jour  assigné  ils  se  meirent 
en  chemin  de  toutes  parts  avec  armes  couvertes,  en 
intention  d'exécuter  leur  sanguinaire  dessein  :  mais 
Dieu  y  pourvcut,  se  servant  d'eux-mesmes  pour  les 
empescher,  estant  eschappé  en  chemin  à  quelques 
prestres  de  dire  en  se  vantant  qu'ils  allaient  dresser 
la  messe  à  Luneray  et  y  faire  un  beau  mesnage.  Ce 
propos  estant,  comme  Dieu  voulut,  rapporté  en  toute 
diligence  et  confirmé  par  un  second  rapport  d'un 
gentilhomme  leur  voisin,  Dieu  donna  tel  advis  aux 
anciens,  qui  pour  lors  se  trouvèrent  assemblés  pour 
les  affaires  de  l'église,  et  telle  confiance  à  cette  petite 
poignée  de  gens,  qu'au  lieu  de  perdre  courage  et  d'a- 
bandonner le  lieu,  ils  furent  encore  les  premiers 
pr^sts.  Et  pour  mieux  pourvoir  à  leurs  affaires,  ayant 
jette  hors  quelques-uns  d'entre  eux,  pour  veoir  la 
contenance  de  leurs  ennemis,  parler  h  eux,  s'ils  pou- 
vaient, et  leur  en  rapporter  nouvelles,  feirent  cepen- 
dant provision  d'armes  et  autres  choses  nécessaires 
en  une  certaine  maison  pour  leur  défense,  et  le  tout 
sans  grand  bruit,  tellement  que  les  assaillants  ne  pou- 
vaient faillir  de  tomber  en  la  fosse  qu'ils  avaient  pré- 
parée aux  autres.  Mais  Dieu  voulut  que  quelqu'un 
portant  une  pique  derrière  le  temple  en  la  maison 
ordonnée,  en  feit  voir  par  mesgarde  la  poincte  par 
une  fcnestre  du  temple  :  ce  qui  effraya  tellement  les 
prestres  v  estans  c|u'ils  prindrent  la  fuite  tous  espou- 
vantt's,  et  donnèrent  la  peur  à  ceux  qu'ils  rencontrè- 
rent sur  le  chemin,  de  sorte  qu'une  partie  des  enne- 
mis abandonna  l'autre.  Ce  nonobstant  les  plus  opi- 
niastres  se  mettans  en  devoir  de  poursuivre  leur  en- 
treprise, la  troupe  de  ceux  de  la  religion  advertiepar 
leurs  gens,  sortirent  en  bataille  au-devant  d'eux  avec 
leur  petit  nombre,  de  telle  hardiesse,  après  avoir  in- 


-  ,R  - 

voqué  Dieu,  que  les  eunemis  ne  pouvans  porter  seu- 
lement leur  visage,  s'enfuirent  à  qui  mieux  mieux, 
jettant  leurs  armes  au  travers  des  bleds.  Ce  nonobs- 
tant il  y  en  demeura  quelques  douzaines  de  morts,  et 
quelques  autres  saisis,  qui  confessèrent  qu'ayans 
délibéré  de  prendre  liés  et  garrottés  les  princi- 
paux de  l'église  et  de  les  livrer  aux  bourreaux, 
ravageans  entièrement  leurs  biens,  et  s'estoient  prins 
au  piège  qu'ils  avoient  tendu  aux  autres,  ausquels 
prisonniers  toutesfois  ne  fut  faict  aucun  mal,  estant 
renvoyés  en  leurs  maisons.  »  (1) 

C'est  le  commencement,  dans  le  pays  de  Caux,  des 
persécutionssuscitées  parle  fanatisme  des  populations 
excité  par  les  prêtres.  Luneray  nous  paraît  la  seule 
atteinte  des  églises  rurales  alors  existantes.  Mais  il 
est  probable  que  des  faits  ignorés  se  passèrent  ailleurs, 
le  fanatisme  étant  le  même  partout. 

Il  nous  faut  franchir  deux  années,  c'est-à-dire  ga- 
gner 1^02  pour  retrouver  trace  de  persécutions  dans 
la  région  qui  nous  occupe.  Pourtant,  la  cause  des 
Réformés,  des  Huguenots,  comme  on  commençait  à 
les  appeler,  avait  passé  par  bien  des  alternatives.  A 
la  fin  de  1560,  il  y  avait  eu  une  accalmie.  Aux  Etats 
Généraux  qui  s'étaient  ouverts  à  Orléans  le  13  dé- 
cembre, le  Chancelier  Michel  de  l'Hospital,  une  des 
plus  nobles  figures  de  l'histoire,  avait  conseillé  h  ses 
coreligionnaires  catholiques  de  "  se  çraniir  de  vcriiis 
et  de  bonnes  mœurs  »  ajoutant  «c  le  cou l eau  vaut  peu 
contre  V esprit  »  et  avait  proposé  de  réunir  un  Synode 
national. 

11  y  eut  une  vraie  détente  à  ce  moment,  et  le  jésuite 
Maimbourg  va  jusqu'à  dire  qu'on  aurait  cru  alors 
Catherine  de  Médicis  devenue  Calviniste.  11  se  com- 
prend que  cette  détente  fut  mise  à  profit  par  nos  pères 

1.  —  Tli.  do  Bèze,  Hisl,  ceci,  des  Eglises  j-é formées,  t.  I, 
p.  172-173. 


—  39  — 

pour  fonder  de  nouvelles  églises.  Ce  fut  même  bien- 
tôt un  enthousiasme  général  qui  les  rendit  hardis 
jusqu'à  la  témérité.  Ah  !  si  on  eût  eu  alors  assez  de 
ministres,  il  est  à  peu  près  certain  que  la  Réforme 
l'eut  emporté  pour  toujours  en  France.  Mais  les 
ministres  manquaient,  et  c'est  en  vain  que  Fécamp, 
ville  importante  pour  l'époque,  en  demanda  un  à 
Genève  par  une  lettre  qui  y  arriva  le  lo  mars  is^i. 

Les  prêtres,  croyant  la  cour  contre  eux,  devinrent 
furieux  et  excitèrent  le  peuple.  Il  s'en  suivit  des  trou- 
bles graves  dans  beaucoup  de  villes,  notamment  à 
Pontoise,  Amiens  et  Beauvais.  Les  assemblées  de  re- 
ligionnaires  (c'estle  nom  qu'on  commençait  à  donner 
officiellement  aux  protestants  i  se  multiplièrent  telle- 
ment dans  toute  la  France  que  le  cardinal  de  Lor- 
raine en  prit  peur  et  obtint  du  roi  Ledit  connu  sous 
le  nom  d'édit  de  juillet  (is6i)  par  lequel  les  assem- 
blées étaient  défendues  jusqu'à  la  réunion  d'un 
concile  national.  Mais  on  était  trop  nombreux  et  on 
avait  trop  soif  de  s'édifier  en  commun  du  côté  des 
Réformés  pour  se  plier  à  cette  interdiction,  et  bientôt 
des  pensées  de  résistance  vinrent  hanter  les  esprits 
les  plus  enthousiastes. 

On  voulait  généralement  en  France  un  concile  qui 
mit  définitivement  fin  aux  controverses  par  une  en- 
tente, fruit  de  concessions  réciproques,  ce  qui  était 
impossible.  Le  cardinal  de  Lorraine  obtint  qu'il  n'y 
eût  qu'un  colloque.  Ce  colloque  eut  lieu  à  Poissy  au 
mois  de  septembre  (i^ôi).  Il  n'en  sortit  que  la  cons- 
tatation, mais  éclatante,  que  le  catholicisme  et  le  pro- 
te.stantisme  reposant  sur  des  principes  opposés,  au- 
cune conciliation  n'était  possible.  Mais  le  fait  que 
leurs  doctrines  avaient  pu  être  présentées  en  grand 
apparat  devant  la  cour,  enflamma  le  zèle  des  Réfor- 
més. Des  villes  importantes  se  détachèrent  tout  d'un 
coup  du  catholicisme,  par  exemple  Millau,  Sainte- 


—  40  — 

Foy,  La  Causse.  Vers  le  même  temps,  le  pasteur 
Beaulieu  écrivait  à  Farel  que  300  églises  de  Tagenais 
'<  avaient  mis  bas  la  messe,  >/  et  Viret,  en  octobre 
is6i,  réunissait  des  auditoires  de  8000  personnes  à 
Nîmes  où  il  prêchait.  Ce  grand  mouvement  qui  em- 
portait des  populations  entières  explique  que  les 
églises  fussent  envahies  et  que,  sous  la  prescription 
du  2"  commandement  restitue,  on  brisât  les  statues 
qu'elles  renfermaient,  afin  de  les  faire  servir  à  la  cé- 
lébration du  culte  évangélique  réclamé  par  les  âmes 
désabusées. 

Th.  de  Bèze,  le  plus  célèbre  protestant  de  langue 
française  au  XVI"'  siècle  après  Calvin,  prêchait  à  Pa- 
ris ou,  plutôt,  hors  la  ville  pour  éviter  du  tumulte, 
et  c'était  sur  l'invitation  même  de  la  reine-mère.  On 
rapporte  qu'il  réunissait  des  auditoires  de  10,  i^  et 
même  40,000  personnes.  Ces  chiil:"res  paraissent  fabu- 
leux. Ils  s'expliquent  si  on  agissait  alors  comme  du 
temps  de  Bernardin,  un  prédicateur  populaire  en 
Italie  au  commencement  du  XV"-'  siècle,  qui  groupait 
des  foules  aussi  nombreuses. 

Voici  comment  on  faisait  :  On  plantait  sur  une 
grande  place  un  long  mât  au  bout  duquel  flottait  une 
longue  banderoUe  qui  indiquait  la  direction  du  vent: 
la  chaire  était  dressée  au  pied  du  mât.  la  face  tournée 
du  côté  opposé  au  vent,  et  le  public  se  massait 
devant. 

Sur  ces  entrefaites,  de  Bèze  bénit  un  mariage  de 
Cour,  celui  de  M.  deRohan  avec  Mlle  de  Barbançon. 
Il  s'en  suivit  une  confiance  illimitée  chez  les  Réfor- 
més. La  Réforme  paraissait  vraiment  en  voie  de  do- 
miner, si  non  comme  nombre,  du  moins  comme  in- 
fluence. A  ce  moment,  Coligny  présenta  à  la  reine- 
mère  une  liste  de  plus  de  2130  églises  qui  deman- 
daient la  liberté  religieuse.  Une  lettre  écrite  vers  le 
même  temps  au  pape  Pie  IV,  de  la  part  du  roi,  évalue 


—  41  — 

au  quart  de  la  population  le  nombre  des  Calvinistes 
et  dit  que  les  trois  quarts  des  gens  de  lettres  sont 
parmi  eux.  Nous  croyons  cette  évaluation  exagérée. 
En  Normandie,  la  proportion  était  certainement 
moindre  ;  mais  elle  comprenait  une  bonne  partie  de 
la  noblesse,  qui  était  alors  la  classe  éclairée  de  la 
nation. 

Il  est  évident  que,  parmi  les  derniers  venus  au 
protestantisme,  peu  avaient  passé  par  la  conversion 
véritable.  Un  certain  nombre  avaient  suivi  l'entraî- 
nement du  moment,  et  d'aucuns  avaient  obéi  à  des 
mobiles  intéressés  ou  à  des  sentiments  de  haine. 
Aussi  tous  ceux-là  devaient  nécessairement  opposer 
peu  de  résistance  à  la  persécution,  écouter  leur  esprit 
timoré  et  faire  d'autant  plus  volontiers  retour  aux 
anciennes  doctrines  que  le  clergé  s'était  déjà  beau- 
coup moralisé,  grâce  à  l'austérité  huguenote  qui 
contrastait  si  fortement  avec  son  libertinage  sécu- 
laire. 

La  Réforme,  au  moment  où  nous  sommes  arrivés, 
avait  pénétré  jusque  dans  les  coins  les  plus  reculés  de 
la  Normandie.  La  preuve  nous  en  est  donnée  par  les 
registres  de  l'etat-civil  des  protestants  de  Rouen.  Ces 
registres,  que  nous  avons  cooiés  et  dont  nous  tire- 
rons quelques  considérations  au  cours  de  cette  étude, 
embrassent  une  période  de  77  ans  et  mentionnent  un 
grand  nombre  d'inhumations,  d'annonces  de  maria- 
ges et  de  mariages  de  personnes  nées  ou  habitant 
dans  des  paroisses  où  non  seulement  il  n'existe  plus 
un  seul  protestant  aujourd'hui,  mais  encore  où  on 
ne  sait  rien  du  protestantisme. 

11  v  avait  une  accalmie.  maisl'Edit  de  juillet  inter- 
disant les  assemblées  jusqu'à  la  réunion  d'un  concile 
général  était  toujours  existant.  Les  prêtres  ne  l'oubliè- 
rent pas,  et  leur  fanatisme  s'exalta  et  exalta  celui  de 
leurs  ouailles  lorsqu'ils  virent  que  les  religionnaires 


—  42  — 

n'étaient  pas  inquiétés  par  le  pouvoir  civil.  Il  s'ensui- 
vit des  actes  atroces,  notamment  à  Tours,  Lens  et 
Cahors.  Ces  atrocités  menaçant  de  se  propager,  on 
avisa  aux  movens  d'y  couper  court.  Les  cardinaux  en 
proposèrent  un  qui  montre  quelle  confiance  ils 
avaient  dans  la  contradiction  publique  :  chasser  les 
prédicants  du  royaume,  et  exterminer  ceux  qui  n'ob- 
tempéreraient pas  à  Tordre  d'exil.  C'eût  été  déchaîner 
la  guerre  civile.  L'Hospital  et  la  reine-mère  le  com- 
prirent. Le  chancelier,  voulant  en  toute  chose  la  jus- 
tice et  le  bien  de  l'état,  fit  adopter  un  édit,  appelé 
l'Edit  de  janvier  fis^^  — -  mais  Tannée  commençait 
alors  au  mois  d'avril)  portant  que  les  églises  dont 
ceux  de  la  religion  s'étaient  emparés  devaient  être 
restituées,  —  qu'il  ne  fallait  plus  briser  d'images  ni 
causer  de  scandales,  —  qu'on  ne  pouvait  s'assembler 
dans  l'intérieur  des  villes  de  jour  ni  de  nuit,  mais 
qu'on  pouvait  le  faire  hors  des  portes  pour  prêches, 
prières  et  autres  exercices  de  religion,  et  que  nul  ne 
devait  se  rendre  armé  à  ces  réunions,  excepté  lesgen- 
tilshommes.  Cela  parut  un  peu  dur  aux  Réformés 
après  les  perspectives  qu'ils  venaient  d'avoir.  Pour- 
tant. Th.  de  Bèze  et  ses  collègues  recommandèrent 
de  resoecter  cet  édit,  et  il  apparaît  qu'ils  furent  gé- 
néralement écoutés.  L'enregistrement  de  cette  loi 
par  les  Parlements  n'alla  pas  tout  seul.  (2elui  de  Dijon 
s'y  refusa  :  celui  de  Paris  ne  le  fit  cjue  par  '<  nécessité 
urgente  et  sans  approbation.  // 

Peut-être  une  paix  relative  eùt-eile  suivi  si  la 
défection  du  roi  de  Navarre.  Antoine  de  Bourbon, 
n'avait  ramené  aux  (iuise  une  influence  prépondé- 
rante dont  le  premier  effet  fut  la  disgrâce  et  Téloi- 
gnement  de  Coligny  et  de  ses  deux  frères. 

Les  Guise  se  hâtèrent  de  conclure  une  alliance  avec 
Philippe  11  et  le  duc  de  Savoie  pour  Textinction  de 
l'hérésie  par  l'extermination  des  hérétiques.  Presque 


—  43  — 

aussitôt  après  la  conclusion  de  cette  alliance,  et  pro- 
bablement par  son  etïet,  eut  lieu  le  massacre  de  Vas- 
sv  dans  les  circonstances  suivantes  :  Le  duc  de  Guise, 
parti  de  Joinville  le  i"  mars  1562  avec  une  escorte 
de  gentilshommes  et  de  cavaliers,  apprenant  que  la 
cloche  qu'il  entendait  appelait  au  prêche  les  hugue- 
nots de  Vassy,  fît  un  détour  et  s'y  rendit  avec  sa  suite. 
Il  y  arriva  juste  au  moment  du  service  et  donna  Tor- 
dre horrible  de  massacrer  les  gens  assemblés.  Cet 
ordre  ne  fut  que  trop  bien  entendu,  car  il  y  eut  une 
soixantaine  de  tués  et  environ  a^^o  blessés.  On  devine 
quel  retentissement  eut  cette  épouvantable  bouche- 
rie et  quel  ressentiment  elle  provoqua  chez  les  reli- 
gionnaires  confiants  dans  la  foi  des  édits.  Ce  n'était 
pas  là  un  soulèvement  local  de  la  populace  fanatisée  ; 
c'était  bel  et  bien  un  massacre  officiel,  aggravé  de 
guet-apens,  décidé  spontanément  et  perpétré  par  des 
gens  dont  le  devoir  consistait,  au  contraire,  à  faire 
respecter  les  édits.  A  Paris,  l'émotion  fut  telle  qu'on 
y  redouta  une  prise  d'armes,  et  peut-être  eût-elle  eu 
lieu  si  le  Consistoire  de  Paris  n'eût  réclamé  pour 
l'exemple  la  punition  des  coupables.  Antoine  de 
Bourbon  prétendit  que  les  Réformés  avaient  été  les 
agresseurs.  Y  a-t-il  ombre  de  vraisemblance  à  ce  que 
des  gens  sans  armes  aient  provoqué  des  gens  armés  .'' 
C'estcà  cette  occasion  que  Th.  de  Bèze  lui  ditces  belles 
paroles  :  '<  C'est  a  l'^'o-fisc  Je  Dieu  d'cndiircr  les 
coups  et  non  pas  d'en  donner  ;  mais  aussi  vous  plaira 
vous  souvenir  que  c'est  une  enclume  quia  use  beaucoup 
de  marteaux.  » 

Le  massacre  de  ^'assy  devait  mettre  le  feu  aux 
poudres.  De  Guise  avant,  après  ce  beau  coup  loué 
de  l'église,  fait  son  entrée  dans  Paris  comme  un 
triomphateur,  Catherine  de  Médicis  en  fut  à  tel  point 
blessée  dans  son  roval  orgueil  qu'on  craignit  un  mo- 
ment de  la  voir  se  liaruer  avec  les  Calvinistes,  et  c'est 


—  44  — 

cette  crainte  qui  fit  enlever  Charles  IX  et  Catherine 
elle-même  de  Fontainebleau  pour  les  ramènera  Paris 
où  de   Guise   pourrait  les  surveiller  et  les  dominer. 

Les  Réformés  craignant  d'être  mis  hors  la  loi  par 
celui  qui  venait  de  massacrer  leurs  frères  mainte- 
nant qu'il  tenait  le  roi  et  la  reine  en  son  pouvoir, 
comprirent  qu'ils  ne  pouvaient  plus  compter  que  sur 
eux-mêmes  et,  s'attendant  à  tout,  prirent  les  armes. 
Ce  n'est  pas  une  autorité  légitime  qu'ils  avaient  de- 
vant eux,  mais  des  bandes  de  mercenaires  et  la  lie  du 
peuple  fanatisé.  11  n'y  avait  plus  qu'à  se  laisser  tuer 
jusqu'au  dernier  ou  à  opposer  le  fer  découvert  au  fer 
sournois  caché  dans  l'ombre  et  à  trouver  dans  la 
fureur  sans  justice  la  contagion  d' une  fuste  fureur, 
suivant  la  belle  expression  d'Agrippa  d'Aubigné. 

La  reine-mère  écrivit  h  Condé,  le  personnage  le 
plus  important  du  parti  réformé  (il  était  de  sang 
royal)  pour  lui  dire  que,  dans  la  fâcheuse  posture  où 
elle  était,  elle  comptait  sur  lui  pour  sauvegarder  la 
couronne  de  son  fils.  Cette  lettre  affermit  la  noblesse 
protestante  dans  ses  projets  d'unir  sa  cause  à  celle  de 
la  royauté.  Des  deux  côtés  on  fit  appel  à  l'étranger. 
L'exemple  vint  des  catholiques  ;  —  mais  l'idée  de 
patrie  n'avait  pas  alors  le  sens  qu'elle  a  de  nos  jours, 
et  nous  serions  injustes  si  nous  jugions  les  agissements 
d'il  y  a  trois  siècles  d'après  les  sentiments  qui  ont 
actuellement  cours.  Bientôt,  on  vit  arriver  sous 
chaque  bannière  Espagnols  et  Suisses,  Allemands  et 
Anglais. 

Avant  d'en  venir  aux  mains,  les  calvinistes,  en 
guise  d'ultimatum,  publièrent  un  manifeste  où  ils 
demandaient  la  stricte  exécution  de  l'Edit  de  janvier, 
la  mise  en  liberté  de  la  reine-mère  et  du  roi,  et  la 
punition  des  auteurs  du  massacre  de  Vassv.  ou  au 
moins  la  retraite  du  duc  de  Guise  et  des  deux  autres 
triumvirs. 


—  4=»  — 

Le  II  avril  1562  (toujours  ancien  style)  après  la 
célébration  de  la  cène,  une  association  en  vue  de 
rhonneur  de  Dieu,  la  délivrance  de  la  reine-mère  et 
du  roi,  le  maintien  des  édits  et  la  punition  de  ceux 
qui  les  avaient  violés,  fut  conclue  entre  le  prince  de 
Condé  et  les  seigneurs  Calvinistes.  On  jura  d'empê- 
cher '•'  blasphèmes,  violences,  pilleries,  saccage- 
ments,  et  d'établir  de  bons  et  fidèles  ministres  qui 
enseigneraient  faire  la  volonté  de  Dieu,  yy  et  on  nom- 
ma chef  le  prince  de  Condé. 

Le  manifeste  étant  demeuré  sans  eti'et.  l'armée  se 
mit  en  marche.  Les  premiers  faits  d'armes  furent 
heureux.  Orléans,  Tours.  Bourges,  Poitiers,  Rouen, 
Le  Havre.  Lyon,  Montauban,  Nîmes  et  la  plupart 
des  châteaux-forts  de  la  Normandie,  du  Poitou,  de  la 
Saintonge.  de  la  Guyenne,  du  Languedoc  et  du  Dau- 
phiné  tombèrent  au  pouvoir  des  protestants  avant  la 
fin  d'avril. 

Le  parti  catholique,  de  son  côté,  ne  restait  pas  inac- 
tif. 11  arma  et  enrégimenta  les  bourgeois  de  Paris,  si 
bien  qu'il  se  faisait  fort  de  réunir  =^0,000  combattants 
au  premier  appel  du  tocsin.  Cette  enrégimentation 
terminée,  on  donna  ordre  aux  huguenots  de  vider  la 
ville  dans  les  24  heures  sous  peine  de  mort. 

Goligny  eut  une  nette  perception  de  la  situation 
et  du  moyen  de  la  dénouer.  Ce  moyen,  c'était  de 
prendre  Paris.  11  conseilla  donc  à  Condé  de  marcher 
sur  la  capitale.  Malheureusement,  Condé  fut  d'un  avis 
contraire.  Sous  l'inspiration  de  la  reine-mère,  les  deux 
partis  conférèrent,  mais  sans  résultat.  Sur  ces  entre- 
faites (fin  juin)  le  Parlement  de  Paris  rendit  un  arrêt 
ordonnant  de  courir  sus  aux  hérétiques,  et  cet  arrêt 
fut  lu  au  prône  les  dimanches  qui  suivirent.  Le  18 
août,  nouvel  arrêt  déclarant  les  gentilshommes  ré- 
formés traîtres  à  Dieu  et  au  roi  et  les  sommant  de 
comparaître  devant  lui   dans  le  délai  de  trois  jours 


-46  - 

sous  peine  de  confiscation  de  leurs  personnes  et  de 
leurs  biens.  C'en  était  trop.  Les  Réformés  pressèrent 
d'Andelot  d'amener  des  Lansquenets  d'Allemagne  et 
de  conclure  un  traité  avec  la  reine  d'Angleterre.  Ce 
traité,  signé  le  20  septembre  (1^62),  portait  engage- 
ment de  la  part  de  l'Angleterre  de  fournir  3,000  hom- 
mes au  Havre  et  autant  à  Dieppe  pour  '<  garder  ces 
villes  ail  rov  de  France  >,  et  en  faire  un  asile  pour  ceux 
de  ses  sujets  bannis  pour  cause  de  religion. 

Nous  avons  dit  que  Rouen  était  tombé  au  pouvoir 
des  religionnaires  à  la  suite  de  l'entrée  en  campagne 
de  l'armée  de  Condé.  Mais  ce  sont  les  seuls  réformés 
de  la  ville  qui  s'en  emparèrent.  L'événement  eut  lieu 
dans  la  nuit  du  i=j  au  16  août.  Le  Parlement  de  Nor- 
mandie, qui  y  siégeait,  se  transporta  à  Louviers.  Il  y 
resta  six  mois,  c'est-à-dire  jusqu'à  ce  que  Rouen  fut 
repris  par  les  catholiques.  11  rendit,  le  2^  août,  un 
arrêt  défendant  les  prêches  et  ordonnant  aux  minis- 
tres et  aux  prédicantsde  se  retirer  sous  trois  jours,  et, 
en  cas  de  désobéissance,  toute  Dersonne  était  autori- 
sée à  les  arrêter  pour  les  livrer  à  la  justice,  et  même, 
s'ils  résistaient,  à  les  tuer  et  mettre  en  pièces.  Nous 
avons  peu  de  traces  des  effets  de  cet  arrêt  qui  ne  dut 
pourtant  pas  demeurer  lettre  morte.  Nous  trouvons 
seulement  deux  documents  qui  s'y  réfèrent.  C'est, 
d'abord,  une  lettre  de  Perrenote  de  Chatonney,  am- 
bassadeur d'Espagne,  du  5  octobre  (1S62)  qui  dit  : 
f<.  Je  fus  en  une  villette  appelée  Louviers,  à  six  lieues 
«  de  Rouen  où  sont  retirez  les  Présidents  et  Conseil- 
«  1ers  de  Normandie  où  je  veiz  à  trois  fois  pendre  60 
'<  huguenotz  et  ung  ministre,  1  »  et  c'est  ensuite  le 
fragment  suivant  des  Mémoires  de  Michel  de  Castel- 
nau  :   '^  J'allay  vers  le   Parlement  de   Louviers  leur 


1.  —  Mémoires  de  Condé,   t.   IV,  p.  59  el  60,  édit.  de  1743, 
in-4°. 


I 


—  47  — 

«  dire  qu'ils  ne  fussent  pas  si  violents  à  faire  mourir 
«  les  huguenots.  '  >/ 

.Laction  de  cet  arrêt  ne  put  probablement  guère 
s'exercer  dans  le  pays  deCaux  parce  qu'il  renfermait 
beaucoup  de  protestants  et  que  leur  position  sociale 
avait  une  influence  réfrigérante  sur  les  catholiques 
au  milieu  desquels  ils  vivaient. 

Si  nous  nous  étendons  un  peu  sur  les  faits  géné- 
raux c'est  parce  qu'ils  permettent,  par  les  répercus- 
sions qu'ils  eurent,  de  découvrir  la  cause  ouïes  te- 
nants de  faits  locaux  qui,  sans  cela,  paraîtraient  obs- 
curs ou  sembleraient  se   retourner  contre  nos  pères. 

Voici  maintenant  quelques  faits  rapportés  par  Th. 
de  Bèze  concernant  les  environs  de  Rouen  et  le  pavs 
de  Caux  qui  s'expliquent  par  la  possession  de  Rouen 
par  les  protestants  et  la  nécessité  où  ceux-ci  étaient, 
pour  défendre  la  ville  contre  les  entreprises  du  duc 
de  Guise,  de  l'approvisionner  en  vue  d'un  siège,  de 
demander  du  renfort  aux  églises  peu  éloignées,  de 
faire  des  reconnaissances  et  d'aller  au  secours  des 
églises  menacées  par  des  corps  de  troupes  catholi- 
ques opérant  isolément.  Touchant  : 

1°  Luneray  : 

''<CeuxQe  Lunerav,  miraculeusement  sauvés  comme 
il  a  esté  dit  en  son  lieu  -  persévérèrent  paisiblement, 
allans  ordinairement  ouïr  la  parole  de  Dieu  au  vil- 
lage de  Pitié,  appartenant  au  sieur  d'Avremesnil  : 
de  quoy  advertis  entre  autres  le  sieur  de  Creny  et  la 
dame  d'Ouville,  firent  amas  à  couvert  pour  les  exter- 
miner. Mais  Dieu  v  pourveut  le  vingtiesme  d'avril 
i=>b2,  s'estant  bien  préparés  ceux  de  Luneray  à  rece- 
voir leurs  ennemis,  ce  qui  intimida  tellement  leurs 
ennemis  qu'ils  se  retirèrent  les  premiers.  Qui  plus 
est,  le  vingtneufiesme  du  dit  mois,  requis  de  ceux  de 

1.  —  Mémoires  de  Castebiau.  livre  III,  ch.  12. 

2.  —  Voyez  plus  haut,  page  86. 


-  48  - 

l'église  de  Caudebec  de  les  secourir  contre  l'opposi- 
tion à  eux  faite  par  leurs  concitoyens,  ils  usèrent  de 
telle  diligence  que  le  lendemain,  à  dix  lieures  du 
matin,  ils  se  trouvèrent  près  de  la  ville,  ayans  fait 
neuf  lieues  et  davantage  :  mais  ceux  qui  avoient 
pourietté  couper  la  gorge  à  leurs  citoyens,  prièrent 
les  anciens  de  ceux  de  la  religion  d'aller  avec  eux  au- 
devant  d'iceux  :  ce  qu'ils  firent,  et  par  ce  moyen, 
par  bon  accord  juré  entre  les  deux  parties,  régiise 
de  Caudebec  demeura  en  paix,  et  ceux  de  Luneray 
aussi  se  maintindrent  jusques  à  l'arrivée  d'Aumale, 
frère  du  duc  de  Guise,  en  Normandie.  Ayans  donc 
entendu  la  venue  du  camp  d'Aumale,  ils  firent  un 
petit  fort  à  l'entour  de  leur  temple  pour  s'en  servir 
de  retraite,  en  attendant  secours  de  Dieppe,  cas  ad- 
venant qu'ils  fussent  forcés  en  la  campagne. 

Leur  premier  exploict  fut  contre  bon  nombre  de 
gens  assemblés  à  Veuilles  (Veulesi  par  les  capitaines 
Janville  et  Tabbot,  qui  furent  tellement  estonnés  et 
harassés  par  quelques  gens  de  cheval  envoyés  pour 
les  découvrir,  qu'ils  n'osèrent  iamais  s'en  approcher. 
Mais  quelque  temps  après,  à  savoir  le  septiesme  de 
iuin,  advertis  ceux  de  Luneray  par  Lanquetot  que 
Aumale  avoit  délibéré  de  les  aller  ruiner,  auquel  il 
ne  leur  eust  esté  possible  de  faire  teste,  ils  se  retirè- 
rent en  diligence  avec  ce  qu'ils  peurent  emporter  de 
leurs  biens  en  la  ville  de  Dieppe.  Quov  voyans  les 
paysans  circonvoisins,  ils  pillèrent  ce  qu'ils  peurent 
et  qu'ils  trouvèrent  de  reste  ;  mais  quant  à  Aumale, 
Dieu  les  en  garantit  pour  ce  coup-Là,  ayant  esté 
contraint  de  rebrousser  chemin  vers  le  Pont-de- 
l' Arche',  qu'il  entendit  être  assailli  par  ceux  de  Rouan. 
Depuis  et  devant  le  retour  des  dits  de  Luneray  en 
leurs  maisons,  la  compagnie  du  sieur  d'Annebaut 
avec  un  grand  nombre  de  paysans  s'y  achemina  où 
ils  ne  trouvèrent  que  trois  hommes  et  quelques   pe- 


—  49  — 

tits  garçons,  lesquels  se  sauvans  en  la  tour  de  leur 
temple,  se  défendirent  tellement  que  non  seulement 
ils  ne  les  peurent  forcer,  mais,  qui  plus  est,  ceux  de 
la  tour  ayans  sonné  le  toxinet  s'estans  escriés  comme 
s'ils  eussent  veu  ceux  de  Dieppe  accourans  à  leurs 
secours,  leurs  ennemis  se  retirèrent  sans  leur  faire 
autre  mal.  Peu  après,  estant  Rouan  assiégé,  les  pau- 
vres gens  ne  peurent  éviter  qu'ils  ne  fussent  grande- 
ment foulés,  premièrement  par  quelques  reistres  qui 
s'y  logèrent  par  quatre  iours,  et  depuis  encore  par  la 
compagnie  d'un  prestre  d'Ortingeville.  Si  est-ce  que 
ceux  de  Luneray  enchastioienttouioursquelques-uns, 
de  sorte  que  leurs  ennemis,  au  lieu  de  les  approcher, 
se  contentaient  de  se  ruer  sur  les  maisons  escartées 
et  esloignées  de  secours.  Ce  que  ne  pouvans  endurer 
ceux  de  Luneray  s'estans  un  iour  de  dimanche  assem- 
blés au  son  du  toxin,  les  heurtèrent  si  rudement  au 
villages  de  Gailadé  [La  Gaillarde)  qu'après  les  avoir 
mis  en  déroute  et  poursuivis  plus  d'une  grande  lieue 
dans  le  village  d'Angiens,  ils  contraignirent  le  capi- 
taine de  leurs  ennemis,  nommé  Lozier,  de  se  sauver 
dans  une  maison  où  il  fut  forcé  et  si  bien  batu  qu'il 
en  mourut  quinze  iours  après,  et  y  furent  tués  treize 
des  plus  meschans  prestres  et  brigands  de  tout  le  pavs 
de  Caux.  Depuis  ceste  detî'aite.  quinze  cents  lansque- 
nets s'estant  approchés  jusques  à  Doudeville,  en  in- 
tention de  venir  iusques  à  Luneray.  au  lieu  de  passer 
outre  rebroussèrent  chemin  ayans  esté  escarmouches 
par  quelques-uns  dudit  Luneray.  soutenus  par  quel- 
ques argoulets  à  eux  envoyés  de  Dieppe,  de  sorte 
qu'ils  ne  furent  plus  molestés  pour  quelques  iours. 
Mais  finalement,  le  village  estant  pillé  par  quatre 
cornettes  de  reistres,  ils  se  sauvèrent  à  Dieppe  le 
mieux  qu'ils  peurent,  et  eschappèrent  Torage  comme 
il  pleut  à  Dieu  iusque  à  la  paix.  *  >/ 
1.  — Th.  de  3èze,  Hist.  eccl.  des  églises  réf.  t.  II,  p.  190  et  101 . 


—    50   — 

a"  Caudebec,  Lillebonne,  Montivilliers  et  Dieppe  : 

«  Ce  iour  (ii  mai  1^62)  arrivent  à  Rouan  trois  cens 
soldats  envoyés  par  les  habitants  de  Dieppe  et  de 
Lislebonne,  Montivilliers,  et  d'autres  églises  du  pays 
deCaux  ;  et  trois  iours  après,  à  savoir  le  quatorzies- 
me  du  mois,  fut  aussi  receu  en  la  ville  le  capitaine 
Blondet  avec  cent  hommes,  ayant  laissé  pareil  nom- 
bre à  Caudebec,  qui  fut  toutes  fois  repris  le  lende- 
main par  Cléré  et  ses  complices,  au  grand  dommage 
de  Rouan,  pour  ce  que,  par  ce  moyen,  on  n'envoyait 
vivres  ni  d'en  haut  ni  d'en  bas....  ' 

«  Aumale,  d'autre  costé,  bien  marri  d'avoir  ainsi 
esté  trompé,  se  vengeait  sur  le  pais  plat,  dissipant  les 
églises  comme  celles  d'Harfleur,  Montivilliers  et 
L'Islebonne  où  il  fit  pendre  trois  anciens  et  trois 
gentilshommes  de  la  religion...  -  » 

3"  Saint-Valery,  Veules,  Cany  : 

«  Sur  ces  entrefaites,  environ  le  deux  d'août,  pour 
ce  que  ceux  du  bourg  de  Cany,  l'un  des  sièges  royaux 
du  bailliage  de  Caux  estant  à  sept  lieues  de  Dieppe, 
s'estaient  portés  fort  cruellement  contre  ceux  de  la 
religion,  ceux  de  Dieppe  y  envoyèrent  toutes  leurs 
compagnies,  suivies  de  plusieurs  habitans  tant  à  pied 
qu'à  cheval  ;  ce  qu'ayans  entendu,  ceux  de  Veuilles 
(Veilles)  et  de  St-Valery  proches  voisins  de  Cany, 
s'esmeurent  tellement  avec  tous  les  villages  circons- 
voisins  qu'ils  amassèrent  bien  jusques  à  deux  mille 
hommes,  lesquels  furent  tantost  mis  à  vau  de  route 
avec  telle  furie,  que  plusieurs,  fuyant  vers  la  falaise 
pour  ne  tomber  en  leurs  mains,  se  précipitèrent  de 
haut  en  bas.  Il  y  en  eut  aussi  beaucoup  di  tués,  d'au- 
tres fort  blessés,  et  plusieurs  des  principaux  amenés 
prisonniers  à  Dieppe  ;  et  furent  pillés  le  bourg  de 
Veuilles  et  autres  villages  par  lesquels  passèrent  ces 

1. —  Th.  de  Bèze,  Hisl.  eccl.  des  églisos  réf.  t.  II,  p.  149. 
2. —  »  »  »        »  »  t.  Il,  p.  152. 


—  51  — 

compagnies.  Et  quant  à  Cany,  ayant  eschappé  pour 
ce  coup-là,  ils  y  retournèrent  puis  après,  et  y  mes- 
nagèrent  tellement  qu'il  n'y  demeura  rien  que  ce 
qu'on  ne  sceut  emporter.  »  ' 

4"  Barentin  et  Tancarville  : 

«  Au  mesme  temps  que  les  habitans  de  Rouan  furent 
abandonnés  de  Morvillier,  ils  ne  laissèrent  de  bien 
faire,  ayans  surpris  d'amblée  le  chasteau  de  A'illars 
^ViUers,  Villcrs-EcjJlcs  aujourd'hui)  près  Barantin, 
le  quatriesme  iour  du  mois  de  septembre  :  et  lors 
aussi  publièrent  la  remonstrance  de  leur  innocence 
contre  les  présidens  et  conseillers  de  Louviers,  avec 
leur  relief  d'appel,  et  rangèrent  Aumale  à  telle  raison 
qu'il  demanda  Fresne  pour  quinze  iours,  qui  ne  luv 
furent  accordées.  Aussi  furent-ils  secourus  parleurs 
voisins,  leur  estans  envoyés  de  Dieppe  dix-vingts 
soldats,  et  du  Havre  de  Grâce  douze  pièces  d'artillerie 
avec  poudres  et  boulets. 

'<  En  ces  mesmes  iours  fut  assiégé  par  \'illebon  le 
chasteau  de  Tanquarville.  Ce  qu'entendans  ceux  de 
Rouan  ne  faillirent  d'y  envoyer  secours  par  la  galère 
qui  passe  outre  Caudebec,  non  sans  être  offensée  et 
oflfenser  aussi  l'ennemi,  et  de  là  venant  à  Quillebœuf 
fit  un  merveilleux  eschec.  ayant  tué  plusieurs  enne- 
mis, pris  quarante-cinq  pièces  d'artillerie,  tant  gros- 
ses que  menues,  à  savoir  trois  canons  de  fer  de  fonte, 
cinq  cardinales,  etle  reste  doubles  et  simplesberches. 
Ils  emmenèrent  aussi  une  galiote  et  deux  barques 
équippées,  et  en  bruslèrent  une  garnie  de  gens  et 
d'artillerie,  et  amenèrent  plusieurs  prisonniers,  de 
laquelle  deffaite  l'honneur  principal  fut  attribué  au 
capitaine  Confolans  et  à  sa  compagnie.  Les  ennemis 
doncques,  lorsque  ceux  de  dedans  Tanquarville  com- 
mencèrent à  capituler  pour  se  rendre,  furent  con- 
traints de  descamper,  estans  aussi  arrivées  aux  assié- 

1.  —  Th.  de  Bèze,  Hist.  eccl.  des  Egl.  réf.,  t.  II,  p.  179. 


—    S2    — 

gës,  pour  renfort,  onze  barques  chargées  de  gens 
venant  du  Havre  neuf.  Ce  faict.  la  galère  ayant  à 
repasser  par  devant  Caudebec,  où  elle  estait  aguettée 
de  deux  cottes  du  rivage,  passa  ce  néantmoins  tout 
au  travers,  estant  chargée  de  butin  et  d'artillerie,  à 
la  faveur  du  flot  et  de  la  nuict,  de  sorte  que  le  dix- 
septiesme  du  dict  mois  de  septembre,  elle  arriva 
sauve,  et  fut  vendu  le  butin  de  Quillebœuf  au  son  du 
tambourin  sur  le  rivage  de  Rouan.  '  >/ 

s"  Limésy  et  Duclair  : 

Quelques  exploicts  se  firent  dehors,  ayans  esté 
sommées  les  villes  prochaines  et  le  bourg  de  Cléré 
(Cléré  est  certainement  mis  pour  Duclair)  pillé  et  le 
moustier  de  Limézy  pris  ;  davantage  furent  rompus 
les  moulins  de  Darnétal,  le  feu  mis  au  bourg  et  à 
Blainville  et  Mesnil-Lienard  (Mesnil-Esnard),  et  tout 
ce  qu"on  trouva  de  grains  et  de  bétail  retiré  en  la 
ville.  2 

Les  excès  qui  résultent  de  ces  extraits  sont  tristes, 
et  on  regrette  que  l'auteur  considérable  qui  les  rap- 
porte n'ait  pas  un  mot  pour  les  déplorer.  Ils  pou- 
vaient n'être  que  des  représailles  :  mais  les  représail- 
les, si  elles  peuvent  quelquefois  s'expliquer,  ne  peu- 
vent jamais  se  justifier  au  fond  de  la  conscience.  Ce 
que  Ton  peut  et  doit  dire,  ce  nous  semble,  pour  être 
juste,  c'est  que,  lorsqu'on  vit  quelque  temps  dans 
une  atmosphère  chargée  de  Podeur  de  la  poudre, 
que  les  yeux  ont  vu  l'horreur  des  mêlées  sanglantes 
et  les  oreilles  entendu  leurs  cris  de  haine  sauvage, 
les  instincts  bestiaux  reparaissent  et  on  obéit  h  leur 
impulsion.  Le  chrétien,  quand  chrétien  il  y  a,  se  re- 
trouve après  dans  le  silence  de  la  paix,  et  lorsqu'il 
est  bien  sur  que  ses  souvenirs  ne  sont  pas   des  hallu- 


1.  —  Tli.  de  Brze,  Hist.  ceci,  des  Egl.  réf.,  t.  Il,  p.  158  et  159. 

2.  —  »  »         »      »  »  t.  II,  p.  159. 


—  53  — 

cinations,  il  se  frappe  la  poitrine  et  se  repent  amère- 
ment. 

Th.  de  Bèze  rapporte  aussi  que,  le  25  janvier  de 
cette  même  année  1562  (ancien  style),  le  Synode  de 
la  province  de  Normandie  s'ouvrit  à  Rouen.  Le  collo- 
que de  Caux  est  donné  par  V Encyclopédie  des  Sciences 
religieuses  comme  comptant  24  églises  dont  sept  de 
fief,  sous  l'Edit  de  Nantes.  D'après  nos  notes,  voici 
celles  qui  existaient  en  1^62  :  Harfleur,  Caudebec, 
x\Iontivilliers,  Dieppe.  Havre,  Luneray,  Autretot, 
Lillebonne,  soit  huit.  Mais  il  est  à  peu  près  certain 
qu'au  moment  de  la  tenue  de  ce  Synode,  Bolbec, 
Criquetot  et  Fécamp  avaient  aussi  leur  église.  La  liste 
des  églises  y  représentées  nous  manquant,  nous  som- 
mes réduits  aux  conjectures  touchant  celles  qui  com- 
posaient alors  le  colloque  de  Caux. 

Rouen,  qui  était  la  seconde  ville  du  royaume, 
devait  provoquer  et,  de  fait,  provoqua  les  efforts  du 
parti  catholique  pour  qu'elle  ne  demeurât  pas  au 
pouvoir  des  religionnaires.  Aussi  le  duc  de  Guise 
vint-il  y  mettre  le  siège.  Il  y  arriva  vers  la  mi-sep- 
tembre fis62).  Après  cinq  semaines  d'attaques  répé- 
tées, elle  fut  prise  d'assaut,  et  pendant  huit  jours  li- 
vrée au  pillage.  Plusieurs  de  ses  plus  notables  habi- 
tants furent  jugés,  condamnés  et  exécutés,  entre  au- 
tres le  Président  de  la  Cour  des  aides  Du  Bosc 
d'Emeudreville  et  le  pasteur  Marlorat.  C'était  le  30 
octobre.  Environ  sept  semaines  après,  le  19  décembre, 
avait  lieu  la  bataille  de  Dreux.  Les  Calvinistes,  qui 
n'étaient  que  5000  contre  16000,  y  furent  vaincus. 
Huit  mille  nions  couvraient  le  champ  de  bataille. 
Condé  y  ayant  été  fait  prisonnier,  Coligny  prit  le 
commandement  du  reste  de  l'armée  protestante  et 
alla  faire  campagne  en  Basse-Normandie,  cependant 
que  de  Guise  courait  assiéger  Orléans  occupé  par 
d'Andelot,  Le  siège  fut  long  et  héroïque,   et  il  allait 


—  M  — 

prendre  fin  par  la  défaite  des  assiégés  quand  le  duc 
de  Guise  fut  blessé  à  mort  par  Poltrot  de  Meré. 

Cette  mort  laissa  les  catholiques  sans  chef  sérieux 
et  les  empêcha  de  tirer  avantage  de  leurs  succès. 
Aussi  se  montrèrent-ils  favorables  à  Tédit  de  pacifi- 
cation proposé  par  Catherine  de  Médicis,  que  les 
calvinistes  acceptèrent  aussi.  Cet  édit  fut  signé  à  Am- 
boise  le  19  mars  1=163.  Il  était  restrictif  de  celui  de 
janvier  puisqu'au  lieu  d'un  droit  général  il  n'accor- 
dait plus  que  la  tolérance  du  for  intérieur  et  du  foyer 
domestique,  sauf  dans  les  villes  qui  étaient  en  leur 
pouvoir  le  7  mars  précédent,  où  le  culte  demeurait 
libre  par  continuation,  et  sauf  pour  les  nobles  et  les 
fidèles  habitant  une  ville  ou  les  environs  d'une  ville 
de  bailliage,  lesquels  pouvaient  tenir  des  assemblées. 
Dans  chaque  bailliage  un  lieu  de  culte  était  auto- 
risé. Pour  le  bailliage  de  Caux,  ce  lieu  fut  Goder- 
ville. 

Coligny  comprit  que  ce  traité  ruinerait  beaucoup 
d'églises.  Condé,  qui  espérait  être  bientôt  investi  de 
la  dignité  de  lieutenant  du  royaume,  était  rassuré 
parce  qu'il  croyait  que  cela  lui  permettrait  d'aplanir 
les  difficultés.  Et  on  rendit  Orléans,  et  on  aida  à  re- 
prendre le  Havre  sur  les  Anglais.  Ainsi  finit  la  pre- 
mière guerre  de  religion. 

Le  i'""aoùt  1363,  Charles  IX  et  sa  mère  qui  étaient 
venus  pour  assistera  la  prise  du  Havre,  survenue  le 
25  juillet,  partirent  de  cette  ville  pour  Dieppe.  Ils 
passèrent  par  St-Romain,  Etelan,  Ste-Gertrude,  Yve- 
tot.  l'abbaye  d'Ouville  et  Bacqueville.  Ils  arrivèrent 
le  4  dans  ce  bourg  où  les  reçut  Charles  .^lartel,  sei- 
gneur protestant  de  Bacqueville.  Ils  passèrent  la  nuit 
sous  son  toit  et  partirent  le  lendemain  pour  Dieppe. 
Ils  traversèrent  donc  le  pays  de  Caux  où  ils  purent 
voir  't  toutes  choses  désolées  et  tous  les  pauvres  peu- 
«  pies  au  désespoir,  car  les  catholiques  ne  faisaient 


—  •>')  — 

«  pas  moins  de  mal  que  les  anglais  et  les  huguenots.  '  » 
La  guerre  d"armée  à  armée  venait  de  prendre  fin, 
mais  le  fanatisme  n'en  restait  pas  moins  allumé  des 
deux  côtés.  Et  on  s"entre-tendait  des  pièges  :  on  ru- 
sait pour  plus  sûrement  tuer.  On  mourait  pour  son 
Dieu  en  ayant  un  esprit  opposé  'à  celui  qui  commu- 
nie avec  Lui.  Le  besoin  de  s'associer  par  bandes  se 
fit  sentir.  Et  il  y  en  eut  qui  furent  commandées  par 
des  moines,  des  curés  et  même  des  évéques.  Et  ces 
bandes,  ivres  de  vengeance  —  et  on  comprendra  leur 
fureur  quand  on  saura  qu'ils  croyaient  venger  l'hon- 
neur de  Dieu,  de  Jésus-Christ,  de  la  vierge  et  des 
saints  parce  que  les  calvinistes  avaient,  persuadés  que 
le  décalogue  leur  en  imposait  le  devoir,  brisé  des 
images  et  statues  dans  les  églises  —  n'avaient  ni  loi, 
ni  pudeur,  ni  pitié.  On  rapporte  qu'un  de  ces  chefs 
de  bande  dit  un  jour  :  '<  Aussi  bien,  il  y  a  trop  de 
peuple  cil  France;  j\' Il  ferai  tant  mourir  que  les  vivres 
V  seront  bon  marché.  -  >>  La  bande  de  Montluc  date 
de  cette  époque.  Celle  du  baron  des  Adrets  (côté 
protestant)  ne  lui  en  cède  guère.  Au  moins  le  baron 
des  Adrets  retourna-t-il  au  catholicisme,  et  doit-on 
dire  que  sa  bande  est  l'unique  bande  protestante 
connue.  En  général,  les  huguenots  usaient  de  repré- 
sailles ;  mais  étant  moins  nombreux,  plus  cultivés  et 
comptant  parmi  eux  quelques  consciences  pénétrées 
du  véritablesentiment  évangélique,  ils  rendaient  dans 
une  moindre  mesure  et  seulement  pour  y  mettre  un 
terme,  le  mal  qu'ils  recevaient.  Nous  ne  pouvons 
admettre  qu'ils  dussent  attendre  passivement  la  mort, 
car  tous  auraient  péri. 

Nous  ne  savons  s'il  y  eut  beaucoup  de  ces  bandes 
en  Normandie.  Probablement  qu'il  y  en  eut  peu,  à 

1.  —  Mémoires  de  Castehiedii,  p.  170. 

2.  —  G.  de  Félice,  fl't^^  des  Protestants  de  France,  (^AA^lo, 
p.  18a  et  181, 


—    =^0   — 

cause  de  ce  qu"il  y  avait  un  nombre  considérable  de 
réformés  dans  la  province  et  qu'ils  comptaient  par- 
mi les  plus  aisés  et  les  plus  instruits  et  que  cette  dou- 
ble considération  a  toujours  eu  de  Tinfluence  sur  les 
masses  ignorantes  et  pauvres.  Mais  il  dut  y  avoir  — 
car  ce  n'est  pas  sans  fond  que  la  tradition  populaire 
le  rapporte  —  des  homicides  secrets  d'hérétiques 
dont  les  archives  judiciaires  ne  nous  disent  rien,  la 
justice  ne  se  mêlant  pas  alors  de  ces  «  incidents  ».  et 
c'est  sans  doute  pour  ces  causes  que  le  mouvement 
d'exil  reprit  dans  le  pays  de  Caux.  Nous  trouvons,  en 
effet,  des  arrivées  de  noms  cauchois  à  l'étranger  à 
cette  époque.  La  proximité  de  la  mer  et  la  possibilité 
de  s'embarquer  aux  petits  ports  de  Pourville,  Qui- 
berville,  St- Aubin,  Veules,  St-Valery,  Veulettes,  St- 
Pierre-en-Port,  Fécamp,  Yport,  Etretat  et  St-Jouin, 
et  la  hardiesse  et  l'habileté  des  marins  du  littoral  ne 
pouvaient  qu'engager  nos  pères  à  passer  à  l'étranger 
pour  se  mettre  à  l'abri  des  guet-apens  et  des  coups 
de  mains  de  ces  partis  de  fanatiques  battant  les  cam- 
pagnes terrorisées. 

En  cette  même  année  is6^,  il  y  eut  une  pendai- 
son à  Dieppe  :  celle  de  Philippe  Carot,  cabaretier, 
natif  de  Luneray.  11  avait  été  condamné  à  ce  supplice 
pour  avoir  «  parlé  avec  mépris  d'un  ordre  roval  en- 
joignant aux  protestants  de  rendre  les  églises  aux 
catholiques.  >/ 


^^ 


CHAPITRE    II 

De  l'émancipation  de  Charles  IX  à  l'Edit  de  Nemours 

(1563-1585) 

Le  prince  de  Coudé  n'eut  point  la  Lieutenance 
générale  du  royaume.  Pour  éviter  son  accession  à 
cette  dignité  on  la  supprima  en  émancipant  le  jeune 
roi  (17  août  is6"5 1.  On  devine  ce  qu'il  advint  de  l'Edit 
de  pacification  :  il  demeura  lettre  morte.  Les  pas- 
sions étant  toujours  demeurées  vives,  comment 
eùt-il  pu  être  exécuté  ?  Les  catholiques  ayant  com- 
mencé à  se  constituer  en  ligues  pour  l'extirpation  de 
l'hérésie,  et  ces  ligues  étant  devenues  nombreuses, 
ils  eui'ent  mieux  conscience  de  leur  force  et  devinrent 
d'autant  plus  intolérants.  Les  protestants  avaient 
toujours  leurs  places  fortes.  On  était  en  garde  des 
deux  côtés,  prêts  à  s'en  remettre   au  sort  des  armes. 

A  ce  moment,  beaucoup  de  protestants  havrais 
vinrent  s'établir  à  Harfleur,  Montivilliers,  Octeville, 
et  aux  environs  de  Criquetot  et  de  Gonneville,  et 
des  réunions  cultuelles  furent  instaurées  à  Turretot. 
Cette  émigration  à  la  campagne  des  protestants  ha- 
vrais fut  provoquée  par  le  ressentiment  des  catholi- 
ques qui  leur  reprochaient  l'occupation  anglaise, 
bien  que  l'armée  protestante  eût  coopéré  à  l'action 
qui  y  mit  fin. 

En  1564,  le  jeune  Charles  IX  parcourut  son  royau- 
me pour  réchauffer  le  zèle  des  catholiques  et  intimi- 
der les  protestants.  L'édit  d'Amboise  était  interprété 
de  plus  en  plus  restrictivement,  et  les  haines  s'amas- 


_  5«  - 

salent  chaque  jour  davantage.  Mais,  comme  on  s'ob- 
servait de  part  et  d'autre,  on  se  contint.  Seulement, 
les  plus  clairvoyants  prévinrent  l'orage  en  passant  à 
l'étranger.  Dès  1564,  il  y  avait  une  église  française  à 
Norwick,  fondée  par  des  réfugiés.  On  juge  par  là  de 
l'importance  qu'avait  pris  le  mouvement  d'émigra- 
tion. 

Des  protestants  de  Rouen  avaient  passé  a.  l'étranger 
en  nombre  considérable  lors  de  la  prise  de  cette  ville 
par  les  catholiques.  Malgré  cela,  les  religionnaires 
demeuraient  une  fraction  importante  de  la  popula- 
tion rouennaise,  car  un  registre  de  baptêmes  nous 
montre  qu'il  en  fut  célébré  656  pendant  la  seule  an- 
née i=)64.  La  natalité  était  plus  grande  alors  qu'cà  pré- 
sent. Néanmoins,  nous  croyons  que  ce  chiffre  de 
baptêmes  ne  suppose  pas  moins  de  15,000  rouennais 
protestants. 

Au  mois  de  juin  i=,6=,.  la  reine-mère  eut  une  entre- 
vue avec  le  duc  d'Albe,  de  sinistre  mémoire.  Quel- 
ques historiens  supposent,  non  sans  vraisemblance, 
que  dans  cette  entrevue  les  bases  d'un  massacre  géné- 
ral furent  jetées  et  qu'il  devait  être  perpétré  lors  de 
l'assemblée  des  notables  à  Moulins,  en  1566,  mais 
que  Coligny  vint  à  cette  assemblée  si  bien  accompa- 
gné qu'on  jugea  prudent  de  l'ajourner.  Vrai  ou  faux, 
le  fait  n'est  pas  de  nature  à  changer  les  sentiments  de 
l'historien  impartial  sur  ces  deux  personnages. 

Nos  notes  ne  nous  donnent  presque  rien  concer- 
nant le  pays  de  Caux  pendant  les  années  1364/6'^. 
Nous  voyons  seulement  qu'un  pasteur  de  Cany-en- 
Caux,  dont  le  nom  est  illisible,  a  signé  sur  un  registre 
pastoral  de  l'église  de  Caen  en  1565  (c'est  le  seul  in- 
dice que  nous  ayons  de  l'existence  d'une  église  à 
Cany  à  ce  moment)  et  qu'avant  la  mort  de  Mme 
d'Esneval,  survenue  en  156=^  ou  66,  un  prêche,  le  plus 
souvent  desservi  par  le  pasteur  de  Bacqueville.  Guil- 


—  59  — 

launic  de  Feugueray.  sieur  de  la  Haize  i,  existait  dans 
son  manoir,  a  Pavill\-,  où  venaient  en  foule,  mala-ré 
la  distance  120  kilomètres),  les  religionnaires  de 
Rouen  lesquels  en  revenaient  en  troupe  «  chantant  à 
pleine  gorge  au  point  que  les  chemins  en  rompoient» 
les  psaumes  de  Clément  Marot.  Pour  remplacer  ce 
prêche,  qui  fut,  au  dire  de  Floquet,  l'historien  du 
Parlement  de  Normandie,  l'occasion  de  plusieurs 
scènes  meurtrières,  les  protestants  de  Rouen  voulu- 
rent en  établir  un  autre  à  Bouville  (à  24  kilomètres), 
mais  ils  n'y  furent  pas  autorisés. 

La  Cour  ayant  fait  venir  6,000  soldats  de  la  Suisse 
catholique,  les  protestants  comprirent  qu'ils  devaient 
veiller  plus  que  jamais.  Condé  tint  conseil  avec  les 
seigneurs  du  parti.  Coligny  fut  d'avis  d'attendre.  On 
résolut  d'aller  solliciter  la  reine-mère  de  faire  justice 
aux  Réformés  si  elle  ne  voulait  qu'ils  la  demandas- 
sent au  moyen  des  armes.  La  députation  ayant  été 
mal  reçue,  on  comprit  que  les  plaintes  n'aboutiraient 
à  rien  et  on  décida  de  suivre  l'exemple  donné  par 
de  Guise  cinq  ans  auparavant,  c'est-à-dire  d'enlever 
lejeune  roi,  alors  au  chcàteau  de  Monceauxfseptembre 
isôyi.  Le  complot  fut  découvert.  L'Hospital,  toujours 
pour  la  tolérance,  voulut  éloigner  les  Guise  et  faire 
exécuter  Ledit  d'Amboise.  Mais  le  cardinal  de 
Lorraine  et  le  connétable  se  refusèrent  à  rien  céder 
ni  concéder.  Les  calvinistes  voulurent  fermement 
cette  fois  le  libre  exercice.  Pendant  ces  pourparlers, 
les  Suisses  arrivèrent  et  les  négociations  furent  rom- 
pues. 11  n'y  avait  plus  qu'cà  recourir  à  la  force  pour 

l.  —  GuiDaumedo  Feugueray  était  un  personnage  considé- 
rable, car  d'Angleterre  où  il  avait  passé  à  la  St-Barlhélemy,  il 
avait  été  appelé  à  Leyde  comme  professoui  de  théologie.  Il 
revint  en  France  en  1579  dans  son  ancienne  église  de  Bacque- 
villo,  et,  en  1.j90,  nous  le  trouvons  exerçant  à  Rouen  où  il  était 
di>jà  venu  en  l'02.  L)(!  Roui^n  il  alla  à  Dieppe  où  il  exerça  jusqu'à 
sa  mori,  survenue  en  1613.  Il  a  laiss(''  do  savants  ouvrages. 


6o 


avoir  justice.   C'est  ce    qu'on    fit. 

Condé  vint  camper  aux  environs  de  Paris  avec 
looo  piétons  et  i^oo  cavaliers.  Le  connétable  lui  offrit 
bataille  dans  la  plaine  St-Denis(io  sept.  1567).  Quoi- 
que l'armée  catholique  fut  forte  de  18,000  fantassins 
et  3000  cavaliers  —  mais  c'étaient  des  recrues  pour 
la  plupart  —  le  résultat  fut  indécis.  Condé  se  repré- 
senta le  lendemain,  mais  inutilement,  ce  que  voyant, 
il  se  retira  du  côté  de  la  Lorraine  par  où  allaient  ar- 
river les  auxiliaires  que  lui  envoyait  l'Electeur  pala- 
tin. Sa  jonction  opérée  avec  ce  renfort,  il  alla  vers  la 
Bourgogne  dans  le  même  temps  que  Montluc  recom- 
mençait ses  chevauchées  sanglantes  en  Guyenne  et 
en  Saintonge  et  qu'une  autre  armée  huguenote  par- 
courait la  Gascogne,  le  Quercy  et  le  Languedoc  et 
finalement  gagnait  Orléans.  Condé  atteignit  la  Beauce 
et  mit  le  siège  devant  Chartres.  Les  atïaires  des  Pro- 
testants prenaient  bonne  tournure.  La  reine-mère  le 
sentit.  Aussi,  fidèle  à  la  tactique  qui  lui  avait  déjà 
réussi,  elle  recommença  à  négocier.  Mais  les  chefs 
calvinistes  voulaient  des  garanties  cette  fois.  Pour 
vaincre  cette  attitude,  elle  fit  publier  dans  l'armée 
que  Ledit  de  pacification  serait  rétabli  à  jamais,  sans 
interprétations  ni  réserves,  qu'on  accorderait  pleine 
et  entière  amnistie  à  ceux  qui  avaient  pris  les  armes, 
et  que  les  chefs  seuls  refusaient,  par  ambition,  un 
si  équitable  accommodement.  Ce  détour,  aussi  mal- 
honnête qu'adroit,  réussit  pleinement.  Des  compa- 
gnies entières  de  Calvinistes  retournèrent  dans  leurs 
foyers,  et  Condé  se  résolut  à  signer  la  paix  120  mai 

Ce  traité,  dit  de  Longjumeau,  dura  six  mois,  vir- 
tuellement, car  il  n'exista  que  sur  le  papier. 

L'armée  catholique  était  restée  sous  les  armes.  Elle 
reçut  l'ordre  d'occuper  les  places  fortes,  de  garder 
les  ponts  et  passages,  en  un  mot,  de  prendre  les  dis- 


—  6i  — 

positions  nécessaires   pour   écraser    les  huguenots. 

Les  catholiques  virent  qu'il  était  plus  opportun 
que  jamais  de  prêcher  ces  '-<  maximes  abominables  » 
comme  ne  craint  pas  de  les  appeler  Tabbé  Anquetil 
<<  qu'il  ne  faut  pas  garder  la  foi  aux  hérétiques,  et 
que  c'est  une  action  juste  et  pieuse,  utile  pour  le 
salut,  de  les  massacrer.  '  » 

Les  fruits  de  ces  ignobles  discours,  que  l'autorité 
ecclésiastique  encourageait,  étaient  des  assassinats 
isolés  dont  on  ne  pouvait  obtenir  justice,  et  aussi  des 
émeutes  publiques.  Donc,  en  pleine  paix,  il  y  eut 
réédition  de  1563,  des  meurtres  et  des  tueries  qui 
ensanglantèrent  un  grand  nombre  de  villes,  dont 
Rouen.  On  compta  plus  de  10,000  cadavres  en  trois 
mois. 

Le  Chancelier  de  l'Hospital,  ayant  en  vain  réclamé 
des  poursuites  contre  les  bourreaux,  résigna  ses  fonc- 
tions et  se  retira  dans  sa  terre  de  Vignay.  Les  sceaux 
furent  donnés  à  Jean  de  Morvilliers,  créature  du 
Cardinal  de  Lorraine.  Coligny,  d'Andelot  et  Condé 
se  réfugièrent  à  La  Rochelle.  Jeanne  d'Albret  vint 
les  y  rejoindre  avec  4,000  soldats.  Il  en  arriva  autant 
de  Normandie,  du  Maine  et  de  l'Anjou,  ayant  à  leur 
tête  les  capitaines  despremièresguerres.  On  eut  donc 
bientôt  une  armée  puissante. 

Catherine,  se  sentant  forte,  renversa  par  un  édit 
(Saint-Maur,  28  septembre  1568)  Ledit  de  janvier  et 
défendit,  sous  peine  de  mort,  l'exercice  de  la  religion 
réformée  ;  elle  ordonnait  en  outre  à  tous  les  ministres 
de  vider  le  royaume  sous  quinze  jours.  Dans  cet  édit 
on  faisait  dire  au  roi  que  les  mesures  de  tolérance 
prescrites  précédemment  avaient  été  «  arrachées  à  la 
reine-mère  qui,  pour  lors,  n'estoit  pas  la  plus  forte, 
et  contre  son   opinion,   laquelle  avait  toujours  esté 

1.  —  Esprit  de  la  Ligue,  I,  249. 


—    62    — 

bonne  chrestienne  et  s'estoit  bien  promis  de  revenir 
sur  ces  concessions  aussitôt  que  les  circonstances  luy 
en  donneroient  le  pouvoir.  »  Le  masque  était  levé. 
Les  Réformés  s'indignèrent  et  se  mirent  sur  leurs 
gardes.  L'historien  du  Parlement  de  Normandie  nous 
apprend  que  dans  le  pays  de  Caux  la  fermentation 
était  grande.  A  Cany,  à  Dieppe,  au  Havre,  à  2**lonti- 
villiers,  les  tètes  étaient  montées.  On  y  était  en 
guerre  ouverte  contre  le  roi.  Ce  fut  alors  que  Jean  de 
Canouville,  sieur  de  Raffetot,  fortifia  son  château  de 
Rafîetot  et,  avec  Blondel  de  la  Moissonnière  et  nom- 
bre d'autres,  se  mit  à  faire  des  courses,  pillant  les  ca- 
tholiques, les  maltraitant  et  quelquefois  les  tuant  par 
les  chemins.  Ces  gentilshommes  en  furent  quittes 
pour  une  condamnation  par  contumace  en  suite  de 
laquelle  les  uns  furent  décapités  et  les  a'itres  pendus 
en  effigie  au  Vieux  Marché  de  Rouen  '.  Un  peu  après, 
13  mars  1569,  le  sieur  Martel  de  Lindebeuf,  gentil- 
homme réformé,  fils  de  CharlesMarteldeBacqueville, 
accusé  d'avoir  connu  sans  le  dénoncer  à  la  justice  le 
complot  fomenté  par  de  Catteville,  son  ami,  pour 
s'emparer  de  Dieppe  et  du  Havre,  fut  poursuivi  et 
condamné  avec  lui  à  «  avoir  la  tète  tranchée  au 
Vieux-jNLarché  de  Rouen  puis  à  être  mis  en  quartiers 
leurs  tètes  affichées  sur  lances  près  le  château  de 
Dieppe,  et  les  quartiers  de  leurs  corps  pendus  aux 
portes  de  la  ville  »  sentence  qui  fut  exécutée  le  jour 
même.  Mais  ce  jugement  fut  cassé  peu  de  temps  après 
et  la  mémoire  des  condamnés  réhabilitée. 

Par  cet  édit,  le  duc  d'Anjou  fut  placé  à  la  tète  de 
l'armée  catholique.  L'hiver  très  rigoureux  de  1568/69 
se  passa  en  marches  et  contremarches,  et  c'est  par 
surprise  que  les  deux  armées  se  rencontrèrent  à  Jar- 
nac  le  16  mars.  Un  combat  s'en  suivit.  Les  corps  cal- 

1. —  Floquct,  Hist.  du  Parlement,  t.  111,  p.  43. 


vinistes  n'arrivant  en  ligne  que  les  uns  après  les  au- 
tres furent  successivement  défaits.  Le  prince  de  Condé 
se  comporta  vaillamment,  mais,  blessé,  fut  obligé  de 
se  rendre.  Presque  aussitôt  il  fut  lâchement  tué  d"un 
coup  de  pistolet  tiré  par  derrière.  La  nouvelle  de  la 
mort  de  Condé  et  de  la  défaite  des  protestants  excita 
des  transports  d'enthousiasme  parmi  les  catholiques, 
et  on  devine  quelle  surexcitation  de  fanatisme  en  fut 
la  conséquence. 

La  position  des  Réformés  était  critique,  mais  non 
désespérée,  grâce  à  leur  force  morale  qu'ils  élevèrent 
à  la  hauteur  de  leurs  malheurs.  Et  puis,  Coligny  res- 
tait. Le  jeune  Béarnais  fut  proclamé  généralissime. 
Les  hostilités  reprirent  bientôt,  et  les  Réformés  eu- 
rent l'avantage  dans  le  combat  de  La  Roche-Abeille 
(23  juin  1^09),  mais  ils  perdirent  beaucoup  de  monde 
au  siège  de  Poitiers  et  ils  furent  défaits  à  Moncon- 
tour  (3  octobre)  par  suite  d'une  mutinerie  des  sol- 
dats allemands  juste  au  moment  de  la  rencontre. 
Cette  défaite  fut  un  désastre.  D'Andelot  y  fut  tué,  et 
Coligny  y  reçut  trois  blessures;  de  plus,  il  fut  mis 
hors  la  loi  par  le  Parlement  de  Paris  pour  crime  de 
lèse-majesté,  traîtrise  et  félonie.  C'est  sous  cet  acca- 
blement général  qu'il  montra  la  force  de  son  âme  et 
la  profondeur  de  sa  foi.  Il  adressa  un  appel  énergique 
aux  Réformés  qui  voulaient  la  liberté  de  leur  cons- 
cience. Il  en  accourut  de  tous  côtés.  Bientôt,  il  eut 
une  armée.  II  se  mit  à  sa  tète  et  traversa  la  moitié  de 
la  France,  défit  les  catholiques  près  d'Aunay-le-Duc 
et  marcha  sur  Paris.  La  cour  fut  tellement  saisie  de 
stupeur  qu'elle  entra  immédiatement  en  négociations. 
Les  conditions  de  paix  qu'elle  offrit,  plus  favorables 
que  les  précédentes,  furent  acceptées  et  le  traité  qui 
les  scellait  fut  signé  à  St-Germain  le  8  août  1S70.  11 
octroyait  la  liberté  du  culte  dans  tous  les  lieux  dont 
les  Réformés  disposaient  ;  de  plus,  deux  villes   par 


-  64- 

province  pour  y  célébrer  les  offices  ;  amnistie  pour 
le  passé  ;  accession  égale  aux  charges  publiques  ; 
permission  de  résider  dans  tout  le  royaume  sans  être 
molesté  pour  faits  de  religion,  et  quatre  villes  d'ota- 
ges :  La  Rochelle,  La  Charité,  Cognac  et  Montauban. 
On  prétend,  et  c'est  vraisemblable,  que  Catherine 
ne  s'était  montrée  si  généreuse  que  parce  que  le 
projet  du  massacre  exécuté  deux  ans  plus  tard  était 
déjà  résolu. 

A  la  suite  de  cet  édit.  les  protestants  dieppois  se 
rendirent  au  prêche  établi  à  Bacqueville,  dans  le 
manoir  du  seigneur  du  lieu,  qui  avait  plein  fief  de 
Haubert.  Mais  ils  ne  durent  pas  s'y  rendre  longtemps, 
car  nous  voyons  qu'en  avril  1^71  ils  allaient,  pour  la 
célébration  du  culte,  à  Saint-Aubin-le-Cauf,  situé  à 
une  distance  moindre  de  moitié,  dans  le  château  du 
sieur  Robert  Desmarest,  écuyer,  seigneur  de  Saint- 
Aubin,  et  qu'ils  continuèrent  pendant  un  an.  C'est  là 
que  le  colloque  de  Caux  se  réunit  le  7  décembre  1571. 
En  1^70,  le  culte  se  célébrait  aussi  à  St-Pierre-le- 
Vieux,  chez  les  dames  de  Lanquetot,  et  cela  dura  au 
moins  jusqu'en  1371,  car,  en  cette  année,  un  pâtis- 
sier dieppois  fut  condamné  à  la  prison  pour  y  avoir 
fait  baptiser  son  enfant. 

Nous  ne  devons  pas  omettre  d'emprunter  à  M.  Vi- 
tet  le  récit  suivant  d'un  fait  qui  s'est  passé  dans  la 
nuit  du  12  au  13  mars  1570  (ou  1571  nouveau  style) 
et  montre  que  cela  n'allait  pas  sans  de  sérieux  dan- 
gers de  s'expatrier  :  ';'  M.  de  Sigogne  apprit  que  30  à 
«  40  riches  protestants,  soit  de  Dieppe,  soit  de  Lune- 
'<  ray,  Bacqueville  et  autres  lieux  voisins,  avaient 
'<  fait  marché  avec  un  marinier  pour  les  passer  en 
".  Angleterre.  Cet  homme  devait  leur  amener  une 
<<  grande  barque  au  bord  de  la  mer,  près  du  petit 
«port  de  Veules.  Ils  s'étaient  trouvés  au  rendez- 
«  vous  à  l'heure  dite  ;  mais  au  moment  de  monter 


-  65  - 

«  dans  la  barque  les  voilà  entourés  par  les  cavaliers 
«  de  M.  de  Sigogne  qui  les  ramènent  à  Dieppe,  la 
«  corde  nu  cou.  Les  uns,  après  avoir  longtemps  langui 
«  dans  les  prisons  du  château,  n'en  sortirent  qu'à 
«  force  d'or  ;  les  autres  moururent  misérablement.  Le 
«  marinier  fut  pendu.  '  » 

Envisageons  la  situation  du  Protestantisme  en 
France  à  la  suite  de  l'Edit  de  St-Germain.  Paris  ap- 
partenait sans  partage  au  catholicisme.  La  Picardie, 
l'Artois,  la  Champagne,  la  Normandie.  l'Orléanais, 
ne  comptaient  plus  que  des  troupeaux  épars  dont 
quelques-uns  sans  autres  conducteurs  que  des  laïques 
plus  ou  moins  éclairés.  Les  plus  braves  avaient  péri. 
Les  politiques  avaient  réintégré  la  religion  catholi- 
que. Beaucoup  de  gentilshommes  et  de  bourgeois 
exerçant  des  fonctions  politiquesavaientfaitdemême, 
et  aussi  les  femmes  pour  échapper  aux  violences  de 
la  soldatesque.  Ce  dernier  moyen  de  conversion  était 
le  plus  puissant.  Aussi  se  le  rappela-t-on  en  168=,. 

Une  cause  de  douloureux  découragement  pour  les 
chefs  réformés  ce  fut  la  constatation  évidente  que  le 
mouvement  réformateur  ne  retrouverait  plus  l'essor 
des  premiers  jours.  L'alternative  s'était  présentée  bru- 
talement et  c'est  franchement  qu'on  avait  pris  parti. 
Désormais  le  partage  était  fait. 

Assurément,  s'ils  n'avaient  pris  les  armes,  les  pro- 
testants auraient  péri  jusqu'au  dernier  comme  en 
Espagne,  où  de  puissants  éléments  de  réforme 
avaient  surgi  dans  maintes  villes,  car  leur  destruction 
avait  été  jurée,  et  comme  l'œuvre  était  pie,  il  n'eût 
pas  manqué  de  bras  pour  la  mènera  bout.  Au  besoin, 
les  soldats  de  Philippe  II,  qui  avaient  des  loisirs,  fus- 
sent venus  s'y  refaire  la  main.  Mais  en  recourant 
à  la  force  ils  avaient  créé  une  impossibilité  de  rappro- 
chement, carilsavaientainsisemé  Jesgermesde  haine. 
1.  —  Vitet,  Hist.  de  Dieppe,  t.  I,  p.  lUo-M. 


—  66  — 

Cela,  ils  Tavaient  prévu.  Aussi  leur  conduite  ne  s'ex- 
pliaue-t-elle  que  par  cette  raison  qu'il  n'y  avait  pas 
place  pour  deux  religions,  qu'il  fallait,  par  consé- 
quent, que  Tune  eût  le  dessus  de  l'autre.  Ils  parta- 
geaient sur  ce  point  l'erreur  catholique,  basée  sur 
l'absolu  :  Il  ne  peut  y  avoir  qu'une  vérité,  et  cette 
vérité  ne  peut  être  représentée  que  par  une  seule  re- 
ligion. Le  malheur  des  armes  leur  montra  que,  sous 
peine  de  renier  leur  foi,  ils  devaient  accepter  de  vivre 
sous  une  dépendance  relative  au  milieu  du  catholi- 
cisme librement  exercé. 

N'étant  qu'une  minorité  et  résignés  à  le  demeurer, 
ils  citaient,  pour  obtenir  d'être  tolérés,  les  arrange- 
ments intervenus  en  Allemagne  entre  les  églises  riva- 
les. Ils  allaient  jusqu'à  invoquer  la  clémence  du  pon- 
tife de  Rome  pour  les  Juifs  et  celle  des  Turcs  pour 
les  Chrétiens. 

Pendant  que  les  Réformés  faisaient  entendre  ces 
appels  à  la  justice  et  au  bon  sens,  il  se  fomentait  dans 
l'ombre  le  complot  le  plus  monstrueux  qee  l'histoire 
ait  encore  enregistré.  On  ne  se  doutait  de  rien.  Au 
mois  d'avril  1 571,  un  synode  national  (le  ']')  s'était 
tenu  à  La  Rochelle  avec  le  plein  assentiment  du  roi. 
C'est  de  ce  synode  que  sortit  la  confession  connue 
sous  le  nom  de  Confession  de  La  Rochelle. 

Il  y  avait  dans  les  esprits  une  haine  qui  couvait 
sourdement  ;  elle  avait,  du  côté  protestant,  abaissé 
les  mœurs,  et,  du  côté  catholique,  entretenu  le  fana- 
tisme ;  mais  on  croyait  le  roi  résolu  à  maintenir  la 
paix  religieuse,  d'autant  plus  que  depuis  deux  ans  rien 
n'avait  fait  craindre  qu'il  voulût  y  porter  atteinte. 
Bien  plus,  pour  donner  une  sorte  de  gage  officiel  aux 
Réformés,  Catherine  de  Médicis  voulut  marier  Mar- 
guerite de  Valois  avec  le  prince  Henri  de  Béarn.  Ce 
mariage  ayant  été  résolu,  les  seigneurs  calvinistes 
vinrent  à  Paris  pour  assister  à  sa  célébration  qui  était 


-67- 

fixée  au  i8  août  (1572).  Quatre  jours  se  passèrent  en 
festins.  C'était  l'occasion  tant  cherchée  —  et  prémé- 
ditée, au  dire  des  historiens  catholiques  de  Thou  et 
Mézeray — qui  s'offrait.  Dans  la  nuit  du  dimanche 
24  août,  entre  2  et  3  heures  du  matin,  la  grande  clo- 
che de  St-Germain-l'Auxerrois  se  mit  à  sonner  le 
tocsin.  C'était  le  signal  convenu  de  l'abominable  bou- 
cherie. Elle  commença  au  cri  de  :  Mvent  Dieu  et  le 
Roy  1  L'amiral  de  Coligny  fut  tué  par  un  des  domes- 
tiques du  duc  de  Guise,  nommé  Besne,  qui  en  fut 
récompensé  de  la  manière  suivante  :  le  cardinal  de 
Lorraine  lui  donna  une  de  ses  bâtardes  en  mariage. 
Ce  fut  un  égorgement  sans  merci,  sans  quartier. 
Hommes,  femmes  et  enfants,  tout  était  tué,  mutilé, 
trainé  dans  la  boue  et  piétiné.  Des  ruisseaux  de  sang 
coulaient  vers  la  Seine  qu'ils  ne  tardèrent  pas  à  rou- 
gir. Le  massacre  dura  quatre  jours.  Le  jeudi,  quand 
le  sang  inondait  encore  les  rues,  le  clergé  célébra  un 
jubilé  extraordinaire  et  fit  une  procession  générale. 
11  décida  même  de  consacrer  une  fête  annuelle  à  un 
si  glorieux  triomphe  de  la  Vérité  égorgeuse  sur  l'er- 
reur martyre.  Xous  ne  savons  à  quelle  époque  on 
cessa  de  fêter  cet  anniversaire.  Sans  doute  sous  Henry 
IV,  et  par  son  ordre.  Une  médaille  commémorative 
fut  frappée  qui  portait  cette  légende  :  La  Picic  a  ré- 
veille la  Justice  \  Cette  légende  est  la  condamnation 
de  ceux  qui,  honteux  de  ce  crime,  veulent  le  retour- 
ner en  prétendant  qu'il  est  la  conséquence  de  la  dé- 
couverte d'un  projet  de  massacre  de  la  part  des  Cal- 
vinistes. 

En  province,  la  St-Barthélemy  dura  six  semaines. 
A  Rouen,  beaucoup  de  réformés  prirent  la  fuite  avant 
le  massacre,  qu'ils  pressentaient  :  mais  le  plus  grand 
nombre,  ne  pouvant  croire  qu'on  renouvellerait  une 
aussi  horrible  boucherie,  restèrent,  et  parmi  eux  il 
en  fut  jeté  des  centaines  en  prison  sous  prétexte  de 


—  68  — 

les  mettre  à  l'abri  d'une  telle  éventualité.  A  partir  du 
i6  septembre  et  jusqu'au  19  inclus,  les  prisonniers 
furent  appelés  un  à  un  par  leurs  noms  d'après  une 
liste  qu'on  avait  remise  aux  égorgeurs,  et,  au  fur  et  à 
mesure  qu'ils  arrivaient,  croyant  être  rendus  à  la  li- 
berté parce  que  tout  danger  avait  disparu,  ils  tom- 
baient comme  à  l'abattoir  !  Crespin  dit  qu'il  en  périt 
ainsi  600.  La  cloche  d'Estouteville,  sonnée  à  toute 
volée  pendant  le  massacre,  appelait  les  prêtres  et  les 
fidèles  en  toute  hâte  à  Notre-Dame  pour  des  processions 
qui  parcouraient  les  rues  et  les  faisaient  retentir  de 
joyeuxcantiques:  '< C'était  pour  rendregrâce  à  Dieude 
«  la  bonne  justice  que  avait  exercée  le  roy  de  France 
«  envers  les  hérétiques  et  infîdellesde  son  royaulme*?/ 
«  le  prier  de  co)ttlinier  ce  qu'il  avait  si  bien  commencé 
'i  afin  que  son  peuple  pust  vivre  d'une  mesme  foyA^i* 

Le  nombre  des  victimes  de  la  St-Barthélemy  dans 
toute  la  France  ne  peut  s'évaluer.  Beaucoup  de  monde 
mourut  de  frayeur  ou  des  suites  de  blessures.  De  Thou 
porte  le  nombre  des  tués  à  30,000.  Sully  à  70,000  et 
l'évéque  Péréfixe,  sans  doute  pour  mieux  glorifier 
Catherine-la-Catholique,  à  100,000.  Quanta  sa  sain- 
teté Grégoire  XIII,  après  avoir,  entouré  du  sacré- 
collège,  rendu  de  solennelles  actions  de  grâces,  il  fit 
tirer  le  canon  au  château  St-Ange,  publia  un  jubilé 
et  ordonna  qu'une  médaille  fût  frappée  pour  commé- 
morer ce  grand  jour  du  Catholicisme. 

Le  Havre  et  Dieppe  durent  à  leurs  gouverneurs 
d'échapper  à  la  St-Barthélemy.  Grâce  à  M.  de  la 
Mailleraye,  le  pays  de  Caux  fut  épargné  ;  mais  ses  ha- 
bitants protestants,  terrifiés  aux  nouvelles  de  ces  mas- 
sacres et  redoutant  un  tel  sort,  s'expatrièrent  en  grand 
nombre.  C'est  surtout  vers  l'Angleterre  et  les  Pays- 
Bas  qu'ils  se  dirigèrent.  Il  en  partit  du  Havre,  de 
Dieppe  et  de  tout  le  pays  de  Caux  en   telle  quantité 

1.  —  Reg.  Cap.  eccles.  rothom.,  11  nov.  1572. 


-69   - 

que  des  églises  françaises  se  fondèrent  bientôt  dans 
beaucoup  de  villes  de  ces  deux  nations.  Peu  se  réfu- 
gièrent à  Genève.  Cela  s'explique  :  il  eût  fallu  tra- 
verser toute  la  France  pour  gagner  l'hospitalière  ville 
de  Calvin.  Nous  voyons  qu'un  nommé  Jacques  Du 
Bue,  mercier,  d'Harfleur,  y  arriva  le  8  septembre 
(1572).  Il  est  probable  qu'il  était  en  route  lorsqu'il 
apprit  Thorrible  tuerie. 

Pour  se  faire  une  idée  de  la  quantité  de  protestants 
affolés  qui  gagnèrent  l'Angleterre  il  faut  savoir  qu'à 
La  Rye.  juste  en  face  de  Dieppe,  il  en  arrivait 
tellement  que,  bientôt,  malgré  tout  son  désir  de  ve- 
nir en  aide  à  des  frères  malheureux,  la  corporation 
communale  protesta  et  défendit  à  tout  marin  et  pé- 
cheur d'amener  des  Français  dans  la  localité  pour  y 
rester,  sous  peine  d'une  amende  de  40  shellings,  et  de 
débarquer  aucun  passager  à  moins  d'aviser  préala- 
blement le  maire.  Nous  savons  que  dès  la  fin  de  i=)67, 
M.  de  Saint-Paul,  pasteur  de  Dieppe,  qui  s'était  em- 
barqué pour  l'Angleterre  à  la  suite  de  la  journée  des 
barricades  où  les  dieppois  avaient  été  finalement  bat- 
tus, avait  fondé,  précisément  à  La  Rye,  une  église 
composée  entièrement  de  Dieppois,  dont  on  comptait 
plus  de  600. 

On  le  conçoit,  tous  ne  pouvaient  pas  émigrer.  S'ar- 
racher au  sol  natal  est  bien  dur  I  Et  puis,  l'argent 
manquait,  le  plus  souvent,  pour  aller  si  loin.  Et  puis 
aussi,  il  y  avait  les  timides.  Tous  ceux-là  abjurèrent 
ou  firent  rentrer  leurs  enfants  dans  l'église  romaine. 
C'est  ainsi  que  sur  les  registres  de  l'église  St-Sauveur 
de  Montivilliers  on  constate  de  nombreuses  conver- 
sions ou  rentrées,  d'octobre  1:^72  au  mois  de  mars 
suivant.  Rien  qu'en  mars,  on  n'en  relève  pas  moins 
de  70  pour  cette  seule  église  ^. 

On  devine  l'impression  d'épouvante    ressentie  par 
J.  —  A.  Martin,  Histoire  de  Montiviliiers,  I,  228, 


—  vo- 
les nations  protestantes  en  apprenant  la  nouvelle  de 
ce  crime  sans  précédent,  et  combien  de  temps  elle 
fut  entretenue  en  Suisse,  en  Angleterre  et  en  Alle- 
magne par  l'arrivée  de  fugitifs  à  demi-morts  de  fray- 
eur, racontant  des  épisodes  particuliers  de  cette  abo- 
minable hécatombe  ! 

Dans  quel  état  était  la  France  au  regard  de  l'Eu- 
rope ?  Elleétait  tombée  si  bas  qu'elle  subissait  la  tu- 
telle de  TEspagne  et  qu'elle  s'humiliait  à  Madrid 
pour  avoir  une  armée. 

Que  gagna  le  Catholicisme  à  ce  massacre  ?  Cha- 
teaubriand nous  paraît  en  avoir  bien  résumé  le 
bilan  :  «  L'exécrable  journée  de  la  Saint-Barthéleray, 
«  dit-il,  ne  fit  que  des  martyrs;  elle  donna  aux  idées 
«  philosophiques  un  avantage  qu'elles  ne  perdirent 
«  plus  sur  les  idées  religieuses.  ^  //  Le  christianisme 
sous  la  forme  chère  à  M.  de  Chateaubriand  fut  loin 
d'avoir  du  génie,  ce  jour-là. 

Les  Calvinistes  restés  en  France  ne  songèrent  plus 
qu'à  se  grouper  et  à  organiser  les  moyens  de  défense. 
Ils  avaient,  dans  les  Cévennes,  le  Rouergue,  le  Viva- 
rais,  le  Dauphiné,  la  protection  des  montagnes.  Dans 
les  plaines  du  Midi,  cinquante  villes  ou  bourgades 
fermèrent  leurs  portes,  décidées  à  opposer  une  résis- 
tance désespérée  aux  troupes  du  roi  responsable  du 
meurtre  de  leurs  frères.  Nîmes  et  Montauban,  entre 
autres,  montrèrent  virile  figure.  Charles  IX  et  sa 
mère  virent  que  le  levier  religieux  s'appuyant  sur  la 
conscience  ne  peut  fléchir.  C'était  le  droit  moderne 
qui  se  montrait  en  germe. 

Le  siège  de  Sancerre,  qui  eut  lieu  bientôt,  est 
demeuré  célèbre.  Les  assiégés  n'avaient  pas  d'armes 
à  feu.  Rien  qu'avec  des  frondes  ils  résistèrent  dix  mois 
à  l'armée  royale  ;  ils  eussent  résisté  plus  longtemps 
si  les  députés  venus  de  Pologne  pour  offrir  au  duc 
1.  —  Etudes  Idst.,  t.  IV,  p.  296^  ". 


—  71  — 

d'Anjou  la  couronne  des  Jagellons,  n'avaient  intercédé 
en  leur  faveur,  ce  qui  leur  fit  octroyer  les  sûretés 
qu'ils  demandaient. 

A  ce  moment,  La  Rochelle  formait  une  sorte  de 
république.  A  la  St-Barthélemy,  =,3  pasteurs  du  Poitou 
et  de  la  Saintouge  s'y  étaient  réfugies.  On  l'assiégea, 
mais  en  vain,  ce  qui  décida  Charles  IX  à  y  envoyer 
un  gouverneur  Calviniste,  La  Noue  dit  Bras-de-Fcr, 
grand  homme  de  guerre  et  plus  grand  homme  de 
bien,  nu  dire  de  Henri  IV. 

L'n  édit  publié  le  11  aoùtis73  autorisa  l'exercice 
public  de  la  religion,  mais  dans  trois  villes  seule- 
ment :  La  Rochelle,  Montauban  et  Nîmes.  Ce  fut 
dans  cet  édit  qu'on  employa  pour  la  première  fois 
officiellement  l'expression  de  Religion  Prétendue 
Reformée  qui  se  remplaça  bientôt  après  par  la  for- 
mule R.  P.  R. 

Les  scandales  de  la  cour  et  l'anarchie  qui  régnait 
dans  l'Etat  avaient  mécontenté  nombre  de  gens 
et  amené  la  misère  partout.  Il  s'en  suivit  un  parti 
de  mécontents  dit  nml  cojiieiits  ;  mais  il  compre- 
nait aussi  tous  les  politiques,  c'est-à-dire  ceux  qui 
voulaient  la  paix  dans  l'Etat  par  la  tolérance  et  la 
liberté  de  conscience.  Ce  parti  entra  en  pourparlers 
avec  les  Calvinistes,  maintenantennemisirréductibles 
de  Charles  IX.  mais  celui-ci  étant  mort  sur  ces 
entrefaites  (30  mai  IS74),  les  négociations  furent  rom- 
pues. Henri  III  monta  sur  le  trône  et  Catherine  re- 
prit, pour  ne  pas  dire  continua,  la  régence.  Sentant 
la  nécessité  de  rassurer  les  protestants  de  Norman- 
die qu'elle  savait  nombreux  quoique  diminuantjour- 
nellement  par  l'émigration,  elle  écrivit  aussitôt  au 
gouverneur  de  cette  province  :  «  La  volonté  du  roy 
régnant  comme  celle  du  feu  roy  est  de  conserver  tous 
ceux  qui  se  disposent  à  vivre  doucement  sous  le  bé- 
néfice des  loys  et  des  édicts,  et  de  les  maintenir  en 


—  73  — 

paix  soubz  Texercice  de  Tune  ou  l'autre  religion. 
Ceux  de  la  relig-ion  n'auront  jamais  meilleur  advocat 
envers  sa  majesté  que  moy-mesme.  » 

Le  nouveau  roi  se  fit  détester  de  tous,  ce  qui  grossit 
le  parti  des  mal  conients  et  le  porta  à  renouer  avec 
les  Calvinistes.  Malgré  l'opposition  desconsistoriaux, 
gens  de  négoce  et  de  labeur,  appuyés  par  un  grand 
nombre  de  pasteurs,  le  parti  des  gentilshommes  et 
grands  seigneurs  accepta  l'alliance  proposée.  L'armée 
qui  en  résulta  fut  une  armée  indigne.  La  guerre  re- 
prit et  se  poursuivit  avec  des  résultats  divers.  Entre 
temps,  le  prince  de  Condé  et  le  roi  de  Navarre  ayant 
réussi  à  s'échapper  de  la  cour  où  ils  étaient  retenus 
depuis  la  nuit  de  la  St-Barthélemy,  abjurèrent  le  Ca- 
tholicisme qu'ils  avaient  embrassé  de  force,  et  rejoi- 
gnirent les  confédérés.  C'était  un  appoint  notable 
pour  ceux-ci.  La  cour  le  comprit  et  offrit  la  paix, 
qui  fut  acceptée  (6  mai  1S76).  Voici  ce  que  cette  paix 
accordait  :  Libre  exercice  dans  tout  le  royaume  ex- 
cepté à  Paris  et  dans  un  rayon  de  deux  lieues:  —  ad- 
mission à  tous  les  emplois  publics  ;  —  mi-partie  de 
chambre  dans  les  parlements;  —  huitplacesdesùreté; 
—  droit  d'ouvrir  des  écoles  et  de  convoquer  des  sy- 
nodes; —  réhabilitation  de  la  mémoire  de  Coligny  ;  — 
rétablissement  du  roi  de  Navarre,  du  prince  de  Condé 
et  des  seigneurs  de  la  religion  dans  leurs  gouverne- 
ments et  apanages.  Ce  traité  fut  enregistré  le  22  mai 
(11^76),  en  séance  solennelle,  à  la  grande  joie  des 
Protestants  qui  jurèrent  tous  d'y  obéir.  Il  n'était 
qu'une  feinte  pour  dissoudre  l'alliance  des  Calvinistes 
et  des  mal  contents.  On  le  vit  bien  au  moment  où  le 
prince  de  Condé  vint  prendre  le  gouvernement  de 
Picardie  qu'on  lui  avait  octroyé  :  les  catholiques, 
secrètement  autorisés  à  la  révolte,  le  repoussèient  à 
l'unisson.  Et  les  persécutions  reprirent. 

Dans  le  pays  de  Caux,  la  période  1^72-1^70   paraît 


—  73  — 

s'être  passée  dans  un  calme  surprenant  pour  l'époque . 
En  tout  cas  rien  de  saillant  ne  nous  en  a  été  conservé. 
Nous  savons  seulement  par  les  registres  du  Parle- 
ment cités  par  Floquet  que  «  partout,  principale- 
ment dans  le  pays  de  Caux,  ce  n'étaient  que  presches 
publics  et  chants  de  psaumes  à  haute-voix,  malgré 
tant  d'édits  prohibitifs  toujours  en  vigueur.  »  Les 
gouverneurs  ne  savaient  à  quoi  se  résoudre.  Ils  fini- 
rent par  envoyer  aux  baillis  des  ordres  «  d'informer 
des  contraventions  aux  édits  qui  défendoient  les 
presches  et  d'envoyer  leurs  informations  au  Parle- 
ment. ^  » 

Un  synode  provincial  se  tint  à  Alençon  en  IS76. 
Il  s'ouvrit  le  25  juillet  et  se  passa  sans  incidents. 

Au  mois  de  décembre  de  cette  même  année,  les 
Etats  Généraux,  dont  un  article  du  traité  avait  ordon- 
né la  convocation,  se  tinrent  à  Blois,  mais  la  noblesse 
étant  à  ce  moment  en  grande  partie  catholique  et  les 
bourgeois  ayant  le  cœur  ulcéré  par  tant  de  discordes 
qui  paralysaient  tout,  les  trois  ordres  tombèrent  d'ac- 
cord pour  demander  l'unité  religieuse.  C'était  la 
guerre  ;  mais,  pour  faire  la  guerre,  il  fallait  de  l'ar- 
gent ;  or,  la  noblesse  et  le  clergé  ne  voulaient  pas  en 
donner.  Ah  !  si  les  huguenots  eussent  eu,  à  ce  mo- 
ment, l'appui  des  vial  contents  !  Mais,  outre  qu'il  leur 
faisait  défaut,  la  désunion  régnait  parmi  eux.  Dès 
lors,  comment  combattre  avec  quelque  chance  de 
succès  ?  Pourtant,  les  Consistoriaux,  sentant  qu'il  y 
allait  cette  fois  de  la  vie  ou  de  la  mort  de  la  Réforme 
en  France,  poussèrent  à  la  guerre,  résolus  à  tout.  On 
ne  les  écouta  pas,  et  la  paix  fut  signée  à  Berg'erac  au 
mois  de  septembre  i=)77-  Le  i"'"  octobre,  paraissait 
l'Editde  Poitiers  qui,  naturellement,  était  restrictif. 
Il  n'accordait  plus  que  la  simple  liberté  de  conscience 

1.  —  Floquet,  Histoire  du  Parlement  de  Normandie,  i.  III, 
p.  157-158. 


-  74  — 

avec  Tadmission  aux  emplois  publics.  L'exercice  de 
la  religiou  était  limité  aux  endroits  où  il  se  pratiquait 
au  moment  de  la  signature  du  traité. 

Catherine  de  Médicis  avait  imaginé  un  moyen  bien 
italien  de  venir  à  bout  des  gentilshommes  protestants 
qu'on  n'avait  pu  vaincre  par  les  armes  :  c'était  de  les 
dépraver.  Elle  avait,  à  cet  effet,  réuni  une  troupe  de 
filles  d'honneur  qui  furent  appelées  son  escadron  vo- 
lant. Elle  se  mit  à  parcourir  les  provinces  avec  cette 
escorte,  et  partout  où  elle  passait  avaient  lieux  fes- 
tins et  intrigues  galantes,  —  et  nous  avons  honte  à 
dire  que  les  résultats  répondirent  à  son  attente. 

Le  béarnais,  le  futur  Henri  IV,  oublia  complète- 
ment les  leçons  de  sa  mère  pour  suivre  son  penchant 
naturel.  L^ne  intrigue  de  cour  qu'il  eut  fit  reprendre 
les  armes.  C'était  une  querelle  ridicule  qu'on  appela 
par  dérision  ^//(.'rrt'  des  anioiirciix.  Le  traité  qui  s'en- 
suivit (26  novembre  is8o)  confirmait  celui  de  Poi- 
tiers. 

Quatre  à  cinq  années  se  passèrent  sans  guerre,  mais 
comme  la  discorde  couvait  toujours  sous  la  cendre, 
il  n'y  eut  ni  sécurité  ni  repos  :  on  vivait  dans  une  at- 
mosphère énervante,  de  nature  à  amener  subitement 
une  explosion  des  esprits.  Il  y  en  eut  même  qui  ne 
se  continrent  pas  dans  le  pays  de  Caux.  et  nous  avons 
le  vif  regret  de  dire  que  c'est  du  côté  protestant  que 
nous  les  trouvons.  Nous  avons,  en  effet,  un  arrêt  cri- 
minel rendu  par  la  chambre  ardente  du  Parlement  de 
Rouen  le  7  septembre  is8i  contre  plusieurs  gentils- 
hommes huguenots  dont  un  était  pasteur,  qui  relate 
de  leur  part  des  excès  abominables,  quelle  que  soit 
l'amplification  bien  connue  des  parlements  dès  qu'il 
s'agissait  de  faits  commis  par  des  protestants.  Il  est  à 
peu  près  certain  qu'il  y  avait  là  des  représailles  con- 
tre des  excès  de  ligueurs.  On  trouvera  cet  arrêt  à  la 
fin  de  notre  travail  (Appendice  —  Pièce  n"  i), 


—  7=^  — 

Un  moyen  qui  eut  plus  de  succès  encore  que  la  dé- 
pravation pour  atïaiblir  le  parti  Calviniste,  ce  fut  de 
le  tenir  hors  des  emplois  publics  en  dépit  de  l'édit. 
Mézeray  assure  que  ce  procédé  amena  plus  de  con- 
versions en  quatre  ans  que  les  bourreaux  ni  les  armes 
n'avaient  fait  en  quarante.  C'est  évidemment  exagéré, 
mais  il  n'est  pas  douteux  qu'après  les  premières  dé- 
fections, beaucoup  se  rendirent  par  la  contagion  de 
l'exemple.  Par  suite  de  ces  défaillances  de  la  noblesse, 
le  parti  Réformé  se  trouva  très  affaibli.  Si  la  Nor- 
mandie protestante  perdit  une  partie  de  sa  noblesse 
à  ce  moment,  c'est  qu'elle  comptait  un  grand  nom- 
bre de  familles  nobles,  car,  rien  que  pour  le  pays  de 
Caux.  nous  en  relevons  une  longue  liste  au  commen- 
cement du  XVII"  siècle  (vers  1610),  qui  étaient  de- 
meurées fidèles.  Cette  liste  forme  la  pièce  n"  2  de 
l'Appendice. 

Nos  notes  sont  pauvres  en  ce  qui  regarde  notre 
région  pendant  ces  années.  Nous  trouvons  seulement 
que  le  5  juillet  1^80,  Nicolas  Mannessier  fut  constitué 
en  la  charge  d'ancien  pour  Montivilliers  et  Richard 
Quertier  Dour  Turretot,  et  que  ce  dernier  ayant  été 
trouvé  trop  peu  zélé  fut  remplacé  par  Guillaume 
Valentin.  Nous  vovons  cité  comme  diacre  à  Turretot, 
à  la  date  du  is  septembre  1=583,   un  sieur  Poulingue. 

En  1^,83,  nous  relevons  les  églises  cauchoises  sui- 
vantes comme  constituées  : 

Turretot  (pour  le  Havre)  fondée  en  1S78  et  desser- 
vie jusqu'en  1581  par  le  ministre  Claude  Charrier 
auquel  succéda  immédiatement  \'allandry  ; 

Ganzeville  (pour  Fécamp),qui  existait  déjà  en  1^78^ 
et  était  desservie  par  les  mêmes  pasteurs  que  celle  de 
Turretot  ; 

Luneray,  fondée  en  1560,  desservie  par  les  pasteurs 
Cardin  Mignot  (?-i572),  Pierre  Vatable  (i=i72-i583) 
§t  Jean  Vauquelin  (1^81-?)  ; 


-  76- 

Bacqueville,  desservie  par  Guillaume  de  Feugue- 
ray  (ii^Si-?)  ; 

Lintot,  fondée  en  1^78,  peut-être  avant,  et  Mont- 
criquet  (au  fief  de  Frémontier)  fondée  au  plus  tard  en 
1581,  desservies  par  Claude  Charrier  dit  La  Touche, 
et  Vallandry. 

Longueville  eut  une  église  de  i=,72  à  1378,  que  des- 
servit Guillaume  de  Feugueray  ;  mais  nous  ne  savons 
si  elle  exista  postérieurement. 

Nous  ne  pouvons  assurer  que  les  églises  de  Linde- 
beuf,  fondée  en  1562  et  desservie  en  11367  par  Guil- 
laume Coquin  et  Noël  Regnet,  et  Autretot,  qui  exis- 
tait dés  1562  et  était  desservie  par  les  mêmes  minis- 
tres, existaient  encore. 

(Le  tableau  des  églises  cauchoises  et  de  leurs  des- 
servants connus,  forme  la  pièce  n"  3  de  l'Appendice). 

En  1S78,  un  dénombrement  fut  dressé  qui  portait 
la  population  protestante  d'Angerville-LOrcher  à 
268,  celle  de  Criquetot  à  221,  de  Turretot  à  114.  de 
Pierrefiques  à  73,  de  Bordeaux-St-Clair  à  58.  d'Octe- 
ville  à  611,  de  Montivilliers  à  603  et  d'Harfleur  3430. 

Au  12"  Synode  national  qui  se  tint  à  Vitré  en  11)85, 
Guill.  de  Feugueray  représentait  Bacqueville. 

Les  Catholiques  étaient  mécontents  des  lenteurs  de 
Henri  III  qui,  malade  et  sans  postérité,  n'avait  que 
Henri  de  Bourbon  pour  héritier.  L'éventualité  d'être 
gouvernés  par  un  hérétique  les  exaspérait  et  le  parti 
de  la  Ligue  (ou  5a ////6' /////o//)  fondé  en  1S76,  en  ac- 
quit une  grande  force 

La  Ligue,  dont  le  Cardinal  de  Lorraine  avait  conçu 
le  plan  au  Concile  de  Trente,  ne  visait  à  rien  moins 
que  soulever  l'Europe  catholique  pour  écraser  l'Eu- 
rope protestante.  A  cette  époque  l'union  des  Etats 
catholiques  l'eût  permis.  Qui  oserait  prétendre 
qu'une  telle  coalition  aurait,  aujourd'hui,  les  mêmes 
chances  dç   succès?  Les   Etgts  protestants  ont  par- 


—  77  — 

couru  une  assez  belle  carrière    depuis   deux  siècles. 

En  France,  c'était  Henri  de  Guise  dit  le  Balafré  qui 
était  l'âme  de  cette  associationchaque  jour  plus  puis- 
sante. Mais  il  sut  demeurer  dans  l'ombre  jusqu'à  ce 
que  Henri  III  se  fût  suffisamment  fait  mépriser.  Le 
fond  de  l'association  était  :  assurance  mutuelle  entre 
tous  les  membres  de  l'imion  :  obéissance  absolue  au 
chef  secret  :  engagement  de  tout  sacrifier,  corps  et 
biens,  pour  exterminer  les  hérétiques  et  rétablir  fu- 
nité  catholique. 

Les  prêtres  urétaient  aux  Protestants  des  projets 
imaginaires  pour  exciter  le  racolement  des  ligueurs 
et  surexciter  ceux  qui  étaient  déjà  de  la  ligue  et  les 
porter  aux  pires  excès.  Ces  provocations,  répétées 
dans  tout  le  royaume,  donnèrent  une  extension  et 
une  popularité  énormes  à  la  Ligue.  Henri  III.  subis- 
sant l'entraînement  général,  y  adhéra.  Elle  lui  de- 
manda de  prononcer  l'exhérédation  du  roi  de  Na- 
varre au  profit  du  cardinal  de  Bourbon.  Henri,  qui 
savait  ce  que  cela  voulait  dire,  recouvra  assez  de 
courage  pour  refuser.  Il  s'ensuivit  une  anarchie  sans 
nom.  Les  ligueurs  publièrent  des  manifestes  au  nom 
du  cardinal  de  Bourbon  et  s'emparèrent  par  trahison 
de  beaucoup  de  villes  importantes.  N'ayant  pas  d'ar- 
mée à  leur  opposer,  Henri  III  fit  la  paix  au  détri- 
ment des  Protestants  impuissants.  Par  cette  paix,  dite 
de  Nemours  (7  juillet  1383),  il  promettait  de  leur  ôter 
jusqu'à  la  liberté  de  conscience.  Les  ministres  eurent 
un  mois  pour  sortir  du  royaume,  et  les  laïques  de- 
vaient, dans  le  délai  de  six  mois,  sous  peine  de  con- 
fiscation de  biens  et  de  mort,  abjurer  ou  émigrer. 
Le  délai  fut  même  bientôt  réduit  à  13  jours. 

L'édit  de  Nemours  parut  devoir  être  rigoureuse- 
ment exécuté,  car  le  roi  rejeta  la  requête  des  pauvres 
femmes  qui  sollicitaient  la  grâce  de  vivre  avec  leurs 
enfants  dans  quelque  coin  de  la  France  que  S.  M. 


-78- 

désignerait.  Sa  Majesté  promit  seulement  de  les  faire 
transporter  gratuitement  en  Angleterre.  11  y  eut 
même  des  femmes  brûlées  vives  après  le  traité. 
Cependant,  sentant  bien  qu'il  avait  dans  le  parti  cal- 
viniste un  contrepoids  à  la  Ligue,  Henri  111  ne  vou- 
lait pas  l'écraser  entièrement. 

Cet  édit  fit  reprendre  le  chemin  de  l'exil  à  beau- 
coup de  familles  qui  étaient  rentrées  en  France  à  la 
suite  du  précédent,  et  le  fit  prendre  à  un  certain  nom- 
bre d'autres.  Le  pays  de  Caux  fournit  un  fort  contin- 
gent d'émigrants,  car.  à  ces  motifs  de  fuite,  s'en  joi- 
gnait un  autre  :  la  famine.  En  1586,  en  effet,  elle  y 
sévissait  avec  intensité  et  on  savait  que  les  pays  de 
refuge  étaient  dans  l'abondance.  On  voyait  dans  ce 
fait  une  indication  de  la  Providence.  A  la  vérité,  le 
mouvement  d'émigration  ne  s'arrêta  jamais  tout  à 
fait  sous  les  édits  pacificateurs  ;  mais  ce  n'était  plus 
vers  la  Suisse  qu'on  se  dirigeait.  Pourtant,  nous 
voyons  que  Jacob  Houdemare,  fils  de  Robert  Houde- 
mare,  tailleur  d'habits  à  la  Trinité-du-Mont,  près  de 
Lillebonne,  se  présenta  à  l'église  de  Genève  comme 
arrivant  de  France,  le  i"  mars  i')8^. 

Les  registres  primitifs  de  l'église  de  Criquetot  s'ar- 
rêtent à  Tannée  1^85.  Nous  comprenons  pourquoi: 
sous  Ledit  de  Nemours,  il  ne  pouvait  plus  y  avoir  de 
culte  régulier. 

Noël  Regnet.  dit  de  Lormeau,  que  nous  avons 
trouvé  réfugié  àGenève  en  i534,yavait  faitdes  études 
théologiques  et  était  rentré  en  France.  La  Saint- 
Barthélémy  le  trouva  pasteur  à  Lieurey  d'où  il  s'en- 
fuit en  Angleterre.  11  rentra  bientôt  en  France  et 
desservit  les  églises  de  Lindebeuf,  Autretot,  Luneray 
et  Bacqueville.  En  1583.  il  était  à  Bacqueville.  C'était 
un  ancien  religieux  du  Couvent  des  Augustins  de 
Rouen. 


CHAPITRE    m 
De  l'Edit  de  Nemours  à  l'assassinat  de  Henry  III 

(1585-1589) 

Voyant  que  Henri  III  manquait  décidément  de 
vigueur,  le  pape  Sixte-Quint,  perdant  patience,  ful- 
mina contre  les  Bourbons  une  excommunication 
portant  que  Henri  de  Bourbon  et  le  prince  de  Condé 
étaient  déchus  de  toutes  leurs  principautés,  eux  et 
leurs  héritiers,  à  jamais,  comme  hérétiques,  relaps 
et  non-repentants.  Le  Béarnais  répondit  par  une  pro- 
testation énergique  dont  voici  le  commencement  : 
«  Henri,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  Navarre,  prince 
souverain  de  Béarn,  premier  pair  et  prince  de  France, 
s'oppose  à  la  déclaration  et  excommunication  de 
Sixte  cinquième,  soi-disant  pape  de  Rome,  la  main- 
tient fausse  et  en  appelle  comme  d'abus  à  la  cour  des 
pairs  de  France.  Et  en  ce  qui  touche  le  crime  d'héré- 
sie, duquel  il  est  faussement  accuse  par  la  déclaration, 
il  dit  et  soutient  que  Monsieur  Sixte,  soi-disant  pape, 
en  a  faussement  et  malicieusement  menti,  et  que  lui- 
même  est  hérétique,  ce  qu'il  fera  prouver  en  plein 
concile  libre  et  légitimement  assemblé...  » 

Huit  ans  après,  l'auteur  de  cette  déclaration  cava- 
lière était  catholique  parce  qu'il  avait  fini  par  estimer 
que  Paris  valait  bien  une  messe. 

La  guerre  recommença.  Le  prince  de  Condé  reprit 
le  commandement  d'une  armée  ;  mais  ayant  voulu 
lui  faire  passer  la  Loire  en  un  endroit  défectueux,  il 
la  perdit  aux  portes  d'Angers.  Dans  le  Languedoc,  le 


—  8o  — 

duc  de  Montmorency  renoua  avec  le  parti  calviniste. 
Lesdiguières,  à  la  tète  des  huguenots  du  Daup^iiné, 
s'empara  de  plusieurs  villes  fortes.  Le  roi  de 
Navarre  se  maintint  dans  la  Guyenne.  Henri  III  le 
ménageait.  Catherine  eût  voulu  le  faire  changer  de 
religion.  Des  entrevues  eurent  lieu  à  cette  fin  ;  mais 
les  finesses  de  Titalienne  échouèrent  cette  fois. 

La  guerre  se  poursuit  sans  actions  marquantes  jus- 
qu'à la  bataille  de  Coutras  (20  octobre  1587)  où  il  y 
eut  en  présence  s  à  6000  hommes  du  côté  protestant 
et  10  à  12,000  du  côte  catholique.  Mais  quel  contraste 
entre  les  deux  armées  !  Les  huguenots  étaient  mal 
vêtus,  mal  équipés,  mais  aguerris  :  les  catholiques 
étaient  tout  soie  et  tout  velours  et  portaient  sur  leurs 
écharpes  des  devises  de  dames.  La  déroute  de  ceux- 
ci  fut  complète.  Le  duc  de  Joveuse  qui  les  comman- 
dait fut  tué  et,  avec  lui,  la  moitié  de  l'armée.  Ce  dé- 
sastre porta  à  son  comble  la  colère  de  la  Ligue  con- 
tre Henri  III,  et.  dans  un  conciliabule,  les  docteurs 
de  Sorbonne  proclamèrent  qu'on  pouvait  ôter  la  cou- 
ronne à  un  prince  incapable.  Tous  les  regards  se 
tournèrent  vers  le  duc  de  Guise  qui  venait  justement 
de  se  faire  supérieurement  valoir  en  mettant  en  piè- 
ces une  armée  de  reîtres  envoyée  d'Allemagne  au 
secours  des  Protestants.  Sa  popularité  devint  im- 
mense ;  le  pape  lui  envoya  une  épée  bénite  :  on  le 
proclama  partout  le  sauveur  de  Léglise.  Dans  une 
assemblée  à  Nancy,  il  fut  décidé,  sur  sa  proposition, 
qu'on  demanderait  au  roi  de  publier  les  canons  du 
Concile  de  Trente  et  d'instituer  la  sainte  Inquisition. 
De  l'enthousiasme  des  prêtres  et  du  ueuple  sortit  la 
journée  des  Barricades  (12  mai  is8S)  où  le  duc  de 
Guise  fut  porté  en  triomphe  cependant  que  le  roi, 
se  sentant  menacé,  prenait  la  fuite  sous  un  habit  de 
paysan  et  gagnait  Chartres  d'où  il  convoqua  les  Ktats 
généraux  à  Blois.  Quel  était  l'état  de  la  Normandie  à 


cette  époque  ?  Le  président  du  Parlement  de  Rouen 
va  nous  l'apprendre  par  les  paroles  qu'il  dit  à  Henri 
III  lorsque,  mandé  par  lui.  il  fut  en  sa  présence 
(juin  1586;,  paroles  qu'il  consigna  dans  un  écrit*  : 
«...  Votre  pays  de  Normandie  est.  de  soy.  si  stérile, 
qu'il  ne  produit  rien  de  précieux  et  rare,  dont  ii 
puisse  accommoder  ses  voisins.  De  vin  et  pastel,  il 
n'y  en  a  point  ;  de  bled  à  grand  peine  pour  nourrir 
et  substanter  ceux  du  pays,  quelque  bonne  année 
qu'il  y  aye  ;  tant  s'en  fault  que  l'on  en  puisse  trans- 
porter dehors,  lit  toutes  fois,  il  paie  et  est  chargé  du 
tiers,  voire  presque  de  la  moitié  de  tout  ce  qui  se  lève 
sur  le  reste  de  vostre  royaulme.  sans  que,  jusques  à 
ce  jour,  il  ayt  manqué  à  payer  tant  les  deniers  ordi- 
naires qu'extraordinaires.  Cela  ne  peut  procéder  que 
du  trafic  que  Ton  exerce  avec  les  peuples  voisins  et 
de  l'industrie  de  vos  sujets  qui,  pour  l'obéissance 
qu'ils  ont  vouée  à  ^'.  M.,  s'efforcent  de  surmonter 
par  artifice  ce  que  mesme  la  nature  leur  a  dénié.  Et 
tant  que  ceste  liberté  du  commerce  leur  sera  conser- 
vée, tant  qu'ilz  auront  moyen  de  travailler,  il  ne  fault 
point  doubter  qu'ilz  ne  satisfassent  gayement  à  ce 
qu'ils  scavent  que  vous  leur  demandez  mesme  à  re- 
gret... Sire,  les  trois  plaies  de  l'une  desquelles  Dieu 
irrité  contre  son  peuple  s'est  contenté  pour  punir  leur 
faulte  et  se  venger  de  leur  désobéissance,  sont  toutes 
trois  respandues  sur  vostre  pays  de  Normandie  :  la 
peste  en  une  infinité  de  paroisses;  la  famine,  si  grande 
qu'au  meilleur  bourg  et  village  on  ne  pourroit  pas 
trouver  du  pain  en  quatre  des  meilleures  maisons. 
Le  reste  des  habitants  est  dispersé  par  les  champs, 
qui  mendient  et  cherchent  nourriture  à  plusieurs 
pauvres  enfants  qu'ils  traînent  après  eux...  Quant  à 
la  guerre,  quoique  nous  n'en   voyions   pas  l'horreur 

1.  —  Manuscrit  de   Groul  irt,    BibUothèque  pub.   de   Kouen, 
n»  68. 


—    82    — 

et  la  cniautc.  toutes  fois,  parla  sympathie  générale 
de  tout  le  corps,  nous  nous  en  ressentons  à  bon  es- 
cient, et  le  passage  continuel  des  gens  d'armes  qui 
vivent  à  leur  façon  accoutumée,  nous  en  représente 
la  misère  ;  car.  passant  par  les  villages  dénués,  comme 
j'ai  dit  à  V.  JM.,  ils  achèvent  de  rendre  gueux  et  men- 
diants le  reste  des  laboureurs...  Si,  avec  toutes  ces 
calamités,  on  y  ajoute  une  surcharge  si  excessive, 
"V.  M.  doit  croire  qu'il  faudra  qu'ils  succombent  du 
tout,  sans  espérance  de  ressource...  Et  nous,  Sire,  à 
qui  V.  M,  a  daigné  commettre  une  partie  de  vostre 
province,  serions  très  mauvais  serviteurs  et  infidèles 
subjetz,  indignes  de  l'honneur  que  vous  nous  faictes, 
si  nous  ne  vous  mettions  devant  les  yeux  Testât  au- 
quel nous  sommes  reduictz...  »  Ces  paroles,  on  le 
devine,  répondaient  à  une  demande  royale  d'impôts 
excessifs.  Trois  ans  après,  le  roi  demandant  de  nou- 
velles surcharges,  Groulart  se  rend  à  la  cour  et  dé- 
peint à  Henri  III  «  le  danger  qu'il  y  avoit  d'une  sédi- 
tion lorsque,  de  tous  costez,  les  pauvres  gens  des 
champs  venaient  quérir  sur  leur  col  du  bled  pour 
leurs  languissantes  familles  qui  périssoient  de  faim  ; 
et,  ayant,  en  la  charte  qu'il  y  avait,  tiré  jusques  au 
dernier  denier,  se  voyant  arrestez  aux  portes  pour 
payer  un  nouveau  droict  et  n'ayant  point  d'argent, 
avoient  recours  aux  larmes  et  murmures  ;  les  autres 
apportant  herbes  et  menues  denrées,  arrêtez  à  cha- 
que coin  de  rue.  ■•  ?/ 

Devant  les  Etats  généraux,  presque  entièrement 
composés  de  ligueurs,  Henri  III  eut  beau  protester 
par  serments  qu'il  voulait  l'extermination  de  l'héré- 
sie, on  ne  le  crut  plus.  Le  duc  de  Guise  possédait  seul 
la  confiance  de  l'assemblée,  ce  que  voyant,  Henri  III 
le  fit  assassiner  (23  décembre  1388)  par  des  gentils- 
hommes, —  car  il  s'en  trouvait  alors  pour  de  telles 

1.  —  Manuscrit  précité. 


-  83- 

besognes.  Après  s'être  assuré  que  son  ennemi  était 
bien  mort,  il  lui  donna  un  coup  de  pied  au  visage  et 
descendit  vers  sa  mère  retenue  au  lit  :  '<  Le  roi  de 
Paris  n'est  plus,  madame!»  — «C'est bien  coupé,  mon 
fils,  répondit  Catherine  ;  mais  il  faut  coudre  mainte- 
nant. //  Ce  furent  ses  derniers  mots  historiques.  Elle 
mourut  douze  jours  après,  dédaignée  des  catholiques, 
qui  trouvaient  sans  doute  qu'elle  ne  s'était  pas  suffi- 
samment amassé  d'indulgences  par  la  Saint-Barthé- 
lémy. 

Le  meurtre  du  duc  de  Guise  creusa  un  abîme  entre 
la  Ligue  et  Henri  III.  Soixante-dix  théologiens  de 
Sorbonne,  après  avoir  entendu  la  messe  du  Saint- 
Esprit  proclamèrent  le  peuple  délie  du  serment  de 
fidélité.  A  la  suite,  dans  les  chaires,  on  prêcha  ou- 
vertement le  régicide. 

Se  sentant  repoussé  de  toute  part  et  menacé  dans 
sa  vie,  Henri  lil  s'enferma  dans  Tours  et  tendit  la 
main  aux  Calvinistes  qui  tenaient  campagne  de  l'au- 
tre côté  de  la  Loire  sans  objectif  arrêté.  En  mars 
1588,  ils  avaient  perdu  Henri  de  Condé,  leur  second 
chef  par  le  rang,  le  premier  par  la  confiance  qu'il 
leur  inspirait.  Il  avait  ^4  ans.  Les  symptômes  qui 
précédèrent  sa  mort  tirent  croire  a  un  empoisonne- 
ment. 

Parallèlement  aux  Etats  Généraux  se  tenait,  par  les 
Calvinistes,  une  assemblée  politique  à  La  Rochelle 
où  il  fut  décidé  des  règlements  sur  l'administration, 
la  justice,  les  finances,  la  levée  des  soldats,  la  disci- 
pline, en  un  mot  sur  tout  ce  qui  pouvait  sauvegar- 
der les  intérêts  du  Darti.  Avant  de  se  séparer  on  pré- 
senta une  requête  au  roi.  le  priant  de  rétablir  Ledit 
de  janvier. 

Aussitôt  qu'il  eut  appris  la  mort  du  Balafré,  le 
Béarnais  adressa  un  manifeste  aux  trois  ordres  (no- 
blesse, clergé,  tiers-état    dans  lequel  il  protestait  de 


-84- 

sa  fidélité  au  roi  et  conviait  tous  les  français  à  des 
sentiments  de  paix  et  de  concorde.  11  concluait  ainsi  : 
«  Nous  avons  été  quatre  ans  ivres,  insensés,  furieux. 
N'est-ce  pas  assez  ?  Dieu  ne  nous  a-t-il  pas  assez  frap- 
Dés  les  uns  et  les  autres  pour  nous  rendre  sages  à  la 
fin  et  pour  apaiser  nos  furies  ?  >/ 

Henri  III  et  Henri  de  Navarre  avaient  tous  les  deux 
intérêt  à  se  rapprocher  ;  mais  c'était  à  qui  ne  ferait 
pas  les  premiers  pas.  Henri  III  avait  lieu  de  craindre, 
s'il  faisait  des  avances,  qu'on  l'accusât  de  pactiser 
avec  les  huguenots.  Enfin,  le  30  avril  1389,  ils  eu- 
rent, au  château  de  Plessis-les-Tours,  une  première 
entrevue  qui  rompit  la  glace.  Dès  lors,  les  affaires  de 
Henri  III  prirent  meilleure  tournure.  Les  ligueurs 
furent,  en  efifet,  battus  dans  plusieurs  rencontres. 
Une  armée  de  42,000  hommes,  commandée  par  le 
roi,  s'avança  presque  assez  près  de  Paris  pour  y  don- 
ner l'assaut.  Le  duc  de  Mayenne  n'avait  que  8,000 
soldats  découragés.  Les  meneurs  de  la  Ligue  et  les 
prêtres  étaient  atterrés.  Les  Réformés,  au  contraire, 
souriaient  à  un  avenir  plein  de  promesses  et  tel  qu'ils 
n'en  avaient  pas  encore  entrevu  d'aussi  favorable, 
lorsqu'un  dominicain,  Jacques  Clément,  vint  tout 
renverser  en  poignardant  à  mort  Henri  III  (10  août 
i'^89). 

Quelle  fin  pitoyable  fut  celle  des  Valois  !  Fran- 
çois I"  eut  une  mort  honteuse  ;  Henri  II  succomba 
à  une  blessure  reçue  dans  un  tournoi;  François  II 
n'atteignit  pas  l'âge  d'homme  ;  Charles  IX  expira 
dans  les  convulsions  d'une  maladie  inconnue  ;  le  duc 
d'Alençon  finit  dans  la  débauche  et  Henri  111  mourut 
assassiné  ! 

La  cour  était  un  cadre  digne  de  tels  princes.  On  y 
était  bassement  superstitieux  et  d'une  dégradation 
de  mœurs  indicible.  La  magie  y  était  en  honneur. 
Les  princesses  elles-mêmes  y  menaient  une  vie  im- 


8s 


monde.  Les  grands  seigneurs  n'étaient  pas  d'un  ni- 
veau moral  plus  élevé.  Ils  avaient  des  assassins  et  des 
duellistes  à  gages  qui  s'entrecoupaient  la  gorge  par 
passe-temps  ou  pour  des  choses  futiles,  sans  re- 
mords, sans  pitié,  et  l'on  pouvait  aussi  aisé- 
ment se  procurer  l'adresse  d'un  assassin  de  profession 
ou  d'un  empoisonneur  à  forfait  qu'on  peut  avoir  au- 
jourd'hui celle  d'un  frotteur  ou  d'un  masseur.  Et  le 
clergé  ne  fulminait  pas  contre  de  pareils  désordres  ! 
Est-il  rien  qui  montre  mieux  à  quel  abaissement  l'i- 
dée chrétienne  était  tombée  et  combien  elle  avait 
besoin  d'éti'e  réhabilitée?  Et  ce  fait  que  le  domini- 
cain régicide  fut  présenté  dans  toutes  les  chaires 
comme  le  saint  martyr  de  Jésus-Christ  ne  le  met-il 
pas  en  évidence?  On  alla  même  jusqu'à  placer  son 
portrait  sur  certains  autels  avec  ces  mots  :  saint  Jac- 
ques Clément,  priez  pour  nous  !  Et  quand  sa  mère 
vint  à  Paris,  les  moines  lui  appliquèrent  cette  parole 
évangélique  :  «  Heureux  le  sein  qui  t'a  porté  et  les 
mamelles  qui  t'ont  allaité.  »  Et  le  pape  Sixte-Quint 
déclara  en  plein  Consistoire  que  l'action  de  Jacques 
Clément  était  comparable,  pour  le  salut  du  monde, 
à  l'incarnation  et  à  la  résurrection  de    Jésus-Christ^. 

Nous  avons  dit  quelle  était  la  situation  misérable, 
au  point  de  vue  matériel,  des  normands  en  général 
et  des  cauchois  en  particulier,  pendant  que  se  dérou- 
laient ces  événements  ;  mais,  à  partir  du  9  février 
1589,  date  où  Rouen  était  tombé  au  pouvoirdes  Li- 
gueurs, les  protestants  cauchois  durent  éprouver  la 
répercussion  de  cette  victoire  de  la  Ligue.  En  tout 
cas,  les  protestants  rouennais  qui  avaient  pu  s'échap- 
per et  s'étaient  réfugiés  dans  les  campagnes  y  semè- 
rent l'épouvante  et  firent  reprendre  à  beaucoup  le 
chemin  de  l'exil.  A  Montivilliers,  chef  lieu  d'élection, 
un  grand  nombre  de  gentilshommes  ayant   refusé  de 

1,  —  Chateaubriand,  Etudes  historiques,  IV,  p.  371, 


I 


—  ,S6  — 

prêter  serment  à  la  Ligue,  celle-ci  en  inféra  qu'il 
y  avait  un  ferment  de  huguenotisme  là-dessous.  Elle 
se  mit  donc  à  rechercher  les  religionnaires.  et  ceux 
qu'on  trouvait  étaient  forcés  d'abjurer  publiquement, 
puis  de  faire  amende  honorable,  à  genoux,  la  torche 
au  poing,  pendant  la  grand'messe,  dans  l'église 
St-Sauveur  de  xMontivilliers,  après  quoi  on  les  dévê- 
tait et  on  les  fouettait  de  verges  sur  les  places  et  mai"- 
chés,  et  si,  sous  huit  jours,  ils  n'étaient  pas  décidés  à 
aller  à  la  messe,  ils  devaient  sortir  du  royaume.  Et 
ceux  qui  ne  se  soumettaient  pas  étaient  condamnés 
au  dernier  supplice.  Exemple  :  le  nommé  Voulard. 
de  Montivilliers.  qui  fut  pendu  «  pour  crime  d'héré- 
sie et  estre  pertinax  dans  son  opinion  et  n'avoir  voulu 
faire  profession  de  la  religion  catholique,  apostoli- 
que et  romaine.  »  Pour  ce  qui  est  des  gens  qu'on 
suspectait,  leur  vie  était  épiée,  et,  ainsi,  beaucoup 
furent  découverts  qu'on  mît  au  carcan,  fouetta  et 
bannit  «  pour  avoir  esté  surpris  dans  le  caresme  et 
jours  d'abstinence  faisant  cuire  ou  mangeant  des 
aliments  gras.  >/ 

Les  abjurations,  les  amendes  honorables  et  les  fus- 
tigations publiques  se  virent  aussi  en  grand  nombre 
devant  l'église  de  Caudebec  et  celles  de  cent  autres 
lieux  K 


çJfiS 


1.  —  Floqnet,  Histoire  du  Parleme)it  de  Xonnandie,  t.  III, 
p.  340-41. 


CHAPITRE    IV 

Guerre  du  Béarnais  contre  la  Ligue. 

Conversion  et  avènement   de  Henri   IV. 

Promulgation  de  l'Edit  de  Nantes. 

(1089-1598) 


Dans  la  guerre  qui  va  éclater  entre  Henri  IV  et  la 
Ligue,  la  religion  n'est  que  la  cause  secondaire. 
Trente  ans  plus  tôt,  l'avènement  au  trône  d'un  prince 
protestant  eût  probablement  amené  la  domination 
de  la  Réforme  en  France;  mais  en  1=^89  les  circons- 
tances étaient  différentes  :  les  meilleurs  des  hugue- 
nots étaient  tués  ou  partis.  Comme  lieutenant  de 
Henri  III,  le  roi  de  Navarre  eût  pu  dicter  ses  condi- 
tions ;  comme  roi,  il  dut  subir  celles  des  catholiques. 
Il  avait  à  redouter  leur  désertion,  tandis  qu'il  ne  crai- 
gnait rien  de  la  part  de  ses  coreligionnaires  conver- 
tis maintenant  à  l'idée  de  deux  religions  vivant  en 
paix  côte  à  côte.  Aussi  fit-il  peu  pour  les  siens  et 
beaucoup  pour  les  autres.  En  politique  on  contente 
ses  ennemis  au  détriment  de  ses  amis.  C'est  une  né- 
cessité à  laquelle  les  grands  caractères  ne  sauraient 
toutefois  se  résigner. 

Les  catholiques  demandèrent  à  Henri  IV,  par 
l'entremise  du  marquis  d'O,  un  ancien  mignon  de 
Henri  III,  de  rentrer  dans  la  communion  romaine 
s'il  voulait  qu'ils  lui  prétassent  serment  de  fidélité. 
Il  refusa.  Mais  après  de  longs  pourparlers,  il  promit 
de  se  faire  instruire  dans  le  délai  de  six  mois.  Cette 
promesse  fut  entendue  sous  deu\'  sens  ;  les  catholi- 


—  88  — 

ques  y  voyaient  rengagement  de  se  convertir,  et  les 
protestants  celui  de  seulement  examiner  à  nouveau 
les  points  controversés.  A  la  vérité,  il  s'en  remettait 
aux  événements. 

Au  bout  de  quelques  semaines,  son  armée  se  trouva 
réduite  à  presque  rien  (7000  hommes  au  plus;  ce  qui 
l'obligea  à  se  replier  sur  Rouen,  où  il  la  reforma.  11 
resta  peu  de  catholiques  dans  ses  rangs.  Les  chefs 
calvinistes  furent  plus  fidèles. 

Nous  allons  entrer  dans  plus  de  détails  maintenant 
que  Henri  IV  va  opérer  dans  le  pays  de  Caux. 

Grâce  au  gouverneur  de  Chastes,  homme  juste  et 
sage,  qui,  quoique  catholique,  tenait  pour  le  Béar- 
nais, Dieppe  fit  la  paix  confessionnelle  et  décida  de 
résister  à  farmée  de  la  Ligue.  En  vertu  de  cette  dé- 
cision, les  hommes  valides  de  18  à  50  ans  se  réunirent  et 
s'organisèrent  en  compagnies.  Ils  formaient  un  corps 
de  3  à  4000  soldats.  Cette  attitude  virile  de  la  ville 
inspira  confiance  à  des  gentilshommes  du  pays  de 
Caux  des  deux  religions  qui  tenaient  aussi  pour  le 
Béarnais,  et  ils  vinrent  s'enfermer  dans  Dieppe  avec 
leurs  familles.  Il  y  avait  parmi  eux  les  sieurs  de  Ra- 
vetot  (Raflfetot),  de  Boudeville,  de  Longueil  et  d'En- 
traville.  Des  escarmouches  eurent  lieu  entre  les 
dieppois  et  des  partis  de  ligueurs  à  Offranville,  à 
Auffay,  où  l'église  fut  pillée,  et  à  Bourg-Dun,  qui  fut 
pris.  Les  dieppois  s'emparèrent  aussi  du  château 
d'Arqués,  mais  par  ruse,  et  poussèrent  des  reconnais- 
sances jusqu'à  Saint-Vigor,  I:u  et  même  Neuf- 
châtel. 

Le  duc  de  Mayenne  qui  comniandait  l'armée  de  la 
Ligue,  forte  maintenant  de  30,000  hommes,  crut  qu'il 
aurait  vite  fait  de  réduire  la  petite  armée  du  Béar- 
nais. Il  se  mit  en  route  pour  la  rejoindre. 

Le  25  août  1^89,  Henri  IV,  quittant  le  gros  de  son 
armée  ta  Darnétal,   vint  à   Dieppe  avec  une  escorte 


-89  - 

de  =)Oo  cavaliers,  y  reçut  du  gouverneur  et  des  habi- 
tants l'assurance  d'un  complet  dévouement  à  sa  cause, 
et  visita  les  défenses  de  la  ville.  Ce  qui  réjouit  sur- 
tout les  religionnaires  c'est  qu'il  fit  prêcher  publique- 
ment dans  la  maison  où  il  logeait  et  qui  n'était  autre 
que  celle  du  fameux  armateur  Jean  Ango.  Il  repartit 
pour  Rouen  le  29.  Il  voulait  assiéger,  mais  l'arrivée 
de  Mayenne  l'obligea  à  modifier  ses  plans.  Il  vint 
établir  son  camp  entre  Arques  et  Dieppe  et  v  attendit 
l'ennemi  avec  ses  3000  suisses,  ses  3000  arquebusiers 
français  et  ses  1400  cavaliers. 

Mayenne  s'étant  approché  de  Martin-Eglise  dans 
l'intention  évidente  d'attaquer  Dieppe  par  le  Pollet, 
Henri  IV  y  courut  et  fit  construire  par  les  habitants 
deux  forts  sur  les  hauteui s  du  Pollet.  Il  y  plaça  =^00 
hommes  et  les  dieppois  disponibles.  Mayenne  divisa 
son  armée  en  deux  corps  et  en  envoya  un  contre  le 
Pollet.  Henri  se  mit  à  la  tète  de  la  défense  et  soutint 
si  bien  le  choc  que  les  adversaires,  après  un  jour  et 
une  nuit  d'inutiles  efforts,  se  replièrent,  laissant  300 
des  leurs  par  terre,  sur  le  2^  corps  a.  Martin-Eglise.  Il 
fit  passer  à  ses  troupes  la  rivière  qui  sépare  Arques 
et  Martin-Eglise  et.  se  mettant  à  leur  tète,  fonça  sur 
les  premières  lignes  qu'il  parvint  à  forcer.  Heureuse- 
ment, le  maréchal  de  Biron  survint  et  fit  repasser  la 
rivière  aux  assaillants  en  telle  confusion  qu'il  fallut 
cinq  jours  à  l'armée  catholique  pour  se  reformer. 
Le  22  septembre,  à  minuit,  un  épais  brouillard  favo- 
rable à  une  surprise  s'étant  levé,  Mayenne  fit  repasser 
en  sourdine  la  rivière  à  son  armée.  Mais  on  veillait 
dans  le  camp  adverse:  cela  remit  le  combat  au  matin. 
Il  s'engagea  à  la  première  heure,  vigoureusement 
mené  des  deux  côtés.  Le  succès  se  dessinait  en  faveur 
des  royaux  lorsque  les  lansquenets  allemands  de  l'ar- 
mée de  la  Ligue  usèrent  d'un  stratagème  perfide  :  Ils 
se   déclarent  protestants  et  demandent  h  passer  du 


—  90  — 

côté  du  roi.  Les  suisses  royaux,  les  prenant  au  mot, 
ouvrent  leurs  rangs.  On  voit  ce  qui  eut  lieu.  A  peine 
introduits,  ils  tournent  leurs  armes  contre  les  suisses 
trop  confiants,  cependant  que  deux  escadrons,  sortis 
de  la  forêt  voisine,  arrivent  à  toute  vitesse  pour  leur 
aider  à  se  rendre  maîtres  des  retranchements,  ce  à 
quoi  ils  parviennent  bientôt.  Ce  coup,  si  bien  ima- 
giné, si  habilement  mené  et  si  complètement  cou- 
ronné de  succès  eût  changé  la  confusion  de  l'armée 
royale  en  déroute  si  Mayenne  se  fût  hâté  de  soutenir 
ses  rusés  lansquenets.  Mais  il  n'arriva  pas  tout  de 
suite, etce  retard  permit  au  subtil  Béarnais  de  se  res- 
saisir et  de  rallier  ses  troupes  en  désarroi.  Chatillon 
accourt  avec  deux  régiments  d'infanterie  française 
en  s'écriant:  «  Courage  !  Sire.  Nous  voici  pour  mour- 
rir  avec  vous  I  //  11  charge  si  impétueusement  que 
bientôt  toutes  les  tranchées  sont  dégagées.  Biron 
ramène  les  suisses  qui,  pour  racheter  leur  naïveté, 
font  des  prodiges.  Le  moment  est  solennel.  Le  roi, 
qui  se  tient  à  la  tète  de  la  réserve,  donne  l'ordre  à 
l'aumônier  Damours  d'entonner  le  psaume  LXVIII. 
Le  ministre  obéit,  et  les  soldats,  se  mettant  tous  à 
chanter  cet  hymne  des  batailles  qui  les  électrise, 
se  jettent  furieusement  dans  la  mêlée.  Juste  à  ce 
moment  le  brouillard  se  dissipe  et  les  canons  du  châ- 
teau peuvent  enfin  coopérer  à  l'action,  ce  qui  fait  des 
trouées  dans  les  rangs  des  Ligueurs  qui  reculent  en- 
fin. Mais  la  nuit  est  arrivée  et  Mayenne  fait  sonner 
la  retraite.  Le  combat  cesse.  Il  y  avait  800  morts  sur 
le  champ  de  bataille,  dont  600  du  côté  de  la  Ligue. 
Du  côté  des  Royaux,  Charles  Martel,  seigneur  pro- 
testant de  Bacqueville,  qui  s'était  comporté  vaillam- 
ment, fut  blessé  d'un  coup  de  lance  à  la  jambe  et 
mourut  quelques  jours  après. 

Henri  IV  rentra  dans  Dieppe  pour  y  organiser  la 
défense,   car   il  s'attendait  à  une   nouvelle  attaque, 


—  01  — 

Il  ne  se  trompait  pas.  Trois  jours  après,  en  effet  (26 
septembre),  Mayenne  reparaissait  avec  2s, 000  hom- 
mes et  faisait  prendre  position  à  son  artillerie  sur  une 
éminence  à  Saint-Pierre-Epinay,  et  se  mettait  à 
canonner  la  ville  à  moins  d'un  quart  de  lieue. 
Dieppe  y  répondit  par  les  batteries  disposées  au  Mont- 
de-Caux  et  a  la  Tour  du  Pigeon.  Le  lendemain,  l'en- 
nemi s'étant  de  plus  en  plus  rapproché,  un  marin 
dieppois  soumit  une  ingénieuse  idée  au  roi,  qui  l'ap- 
prouva :  celle  de  l'artillerie  volante.  Quatre  cents 
cavaliers,  cinq  cents  suisses  et  cinq  cents  arquebu- 
siers sortirent  avec  quatre  pièces  de  canon.  Lorsque 
ces  troupes  eurent  pris  contact  avec  les  Ligueurs, el- 
les s'écartèrent  brusquementpour  découvrir  les  pièces 
de  canon  placées  derrière  elles.  Le  stratagème  fit 
merveille  et,  répété  plusieurs  fois,  finit  si  bien  par 
démoraliser  l'ennemi  qu'il  jeta  ses  armes  et  s'enfuit 
précipitamment.  Ce  même  jour  un  renfort  de  ^o  che- 
vaux et  de  1200  écossais  arriva  aux  Royaux.  Henri  IV 
en  profita  pour  aller  surprendre  et  enlever  un  corps 
de  ligueurs  à  Bouteille.  Ces  encouragements  répétés 
décidèrent  Henri  IV  à  offrir  bataille  à  Mayenne  re- 
tranché à  Janval.  Mais  une  reconnaissance  préalable 
lui  avant  montré  que  la  position  des  ennemis  était 
très  forte,  il  jugea  prudent  d'attendre,  pour  prendre 
l'offensive,  Larrivée  des  4000  hommes  et  des  muni- 
tions envoyés  par  la  reine  d'Angleterre.  Le  lende- 
main, ce  renfort  débarquait.  Mayenne,  qui  en  fut 
averti  au  moment  où  il  venait  d'apprendre  que  les 
ducs  de  Longueville  et  d'Aumont  amenaient  des 
troupes  au  Béarnais,  jugea  que  sa  position  pouvait 
devenir  critique,  et,  levant  le  camp,  se  dirigea  vers 
les  Flandres  à  la  rencontre  du  duc  de  Parme,  en  vue 
de  négocier  avec  lui  une  participation  à  la  campagne 
contre  les  Royaux. 

Henri  IV  resta  h  Dieppe  jusqu'au  21   octobre,  jour 


—  92  — 

où  il  se  mit  en  route  sur  Paris  ayant  avec  lui  3000 
chevaux,  14  canons  et  20,000  hommes. 

Mayenne  apprenant  cette  marche  sur  la  capitale 
se  mit  en  devoir  de  l'arrêter.  Les  deux  armées  se 
trouvèrent  en  face  l'une  de  l'autre  dans  la  plaine  d'I- 
vry.  Henri  IV  levant  les  yeux  au  ciel  au  moment  où 
la  lutte  commençait,  prit  Dieu  à  témoin  de  son  droit. 
«  Mais,  Seigneur  !  s'écria-t-il,  s'il  t'a  plu  en  disposer 
autrement,  ou  que  tu  voies  que  je  dusse  être  de  ces 
rois  que  tu  donnes  en  ta  colère,  ôte-moi  la  vie  avec 
la  couronne,  et  que  mon  sang  soit  le  dernier  de  cette 
querelle  1  »  Il  y  a  là  un  si  noble  élan  qu'on  ne  peut 
douter  qu'il  ne  fut  sincère.  Le  Béarnais  gagna  la  ba- 
taille, mais  n'en  fut  guère  plus  avancé.  II  n'y  avait 
point  d'Etat  légal.  Les  parlements  pouvaient  tou- 
jours décréter  les  protestants  de  prise  de  corps,  les 
juger  et  les  condamner  au  bannissement  ou  à  la  peine 
capitale,  et  plusieurs,  parmi  lesquels  ceux  de  Tou- 
louse et  de  Rouen,  n'y  manquaient  point. 

Plusieurs  protestants  influents  se  plaignirent  de 
cette  situation.  Voyant  qu'ils  n'étaient  pas  écoutés, 
ils  proposèrent,  dans  une  assemblée  à  Saint-Jean- 
d'Angely,  de  choisir  un  autre  protecteur  de  l'église. 
Henri  IV  en  fut  blessé  ;  mais  le  fidèle  Duplessis- 
Mornay,  le  plus  beau  caractère  que  la  Réforme  eût 
produit  en  France  depuis  Coligny.  lui  fit  de  vigou- 
reuses remontrances.  «  Quoi  !  on  ne  veut  pas  révo- 
quer authentiquement  leséditsde  proscription  et  l'on 
conseille  aux  Réformés  d'être  patients  !  Ne  Tont-ils 
pas  été  depuis  ^o  ans  ?  Et  le  service  du  roy  exige-t-il 
qu'ils  soient  patients  dans  les  choses  de  cette  nature? 
Les  enfants  ne  seront-ils  plus  baptisés  ?  Les  mariages 
ne  seront-ils  plus  bénis?  Chaque  heure  de  retard 
amène  des  troubles  et  des  souft'rances.  Si  trois  famil- 
les prient  ensemble  pour  la  prospérité  du  roy,  si  un 
artisan  chante  un  psaume  dans  sa  boutique  ou  qu'un 


—  93  — 

libraire  vende  une  bible  en  français,  voilà  des  arrêts 
de  persécution  I  Les  juges  répondent  que  la  loi  est 
ainsi.  Eh  I  bien,  la  loi  doit  être  changée.  A  de  tels 
maux,  il  faut  de  tels  remèdes.  >/ 

Henri  IV  comprit  que  le  péril  serait  double  s'il 
n'accordait  rien,  et  il  fit  adopter  dans  son  conseil  en 
juillet  IS91  un  édit  de  tolérance  connu  sous  le  nom 
d'Edit  de  Mantes,  qui  établissait  les  protestants  dans 
Tétat  où  ils  étaient  en  1577.  C'était  maigre  ! 

Pendant  les  années  1590-91-92-93,  des  partis  de  li- 
gueurs ne  cessèrent  de  parcourir  les  campagnes  du 
pays  de  Caux  et  du  pays  de  Bra}'.  Les  braves  dieppois 
leur  firent  la  chasse  et,  dans  bien  des  cas,  arrêtèrent 
leurs  déprédations.  Nous  voyons  qu'ils  reprirent 
Grainville,  près  de  Goderville,  sur  le  maréchal  de 
Vilars. 

Les  registres  secrets  du  Parlement  disent,  à  la  date 
du  15  mai  1S90,  que  l'état  de  la  Normandie  était  tel 
qu'on  ne  voyait  partout  que  villages  brûlés,  scènes 
de  meurtre  et  d'incendie,  de  viol  et  de  pillage,  et  que 
la  foi  était  devenue  le  prétexte  de  toutes  ces  violen- 
ces et  séditions.  Ils  parlent  évidemment  des  excès 
des  ligueurs  puisqu'à  la  date  du  26  février  précédent, 
ces  mêmes  registres  disent  : 

«  Ils  (les  ligueurs)  s'abandonnent  à  toutes  les  vio- 
•r  lences,  pillant  et  ravageant  les  lieux  sainctz,  cons- 
»  tituant  prisonniers  indifféremment  les  prebtres  et 
'<  paouvres  villageoys,  les  contraignantz  par  supplices 
«  et  tourments  exquis  et  non  oys  entre  les  chres- 
'<  tiens,  de  leur  payer  des  rançons  excessifves,  pre- 
«  nant  et  emmenantz  leurs  chevaulx,  bestiaux,  har- 
«  nays,  mettant  le  feu  aux  maisons  des  champs,  et  le 
•r  pays  enfin  réduict  à  telle  extrémité  que  la  plupart 
<<  des  terres  demeurent  en  friche,  les  villages  sans 
»  habitans,  tout  ainsi  que  s'ils  eussent  esté  au  milieu 
«  des  terres  des  turcz  et  des  barbares  ;   montrant,  les 


—  94  — 

«  dictz  ligueurs,  qu'ilz  n'estoient  conduictz  et  menez 
«  que  par  Tange  destructeur  envoyé  de  Dieu  pour  pu- 
«  nir  nos  faultes  et  offenses  K  >/ 

On  jugera  par  le  trait  suivant  combien  le  fana- 
tisme était  haineux  alors  :  Au  siège  de  Rouen,  les 
morts  ayant  été  enterrés  péle-mèle,  les  prêtres  firent 
déterrer  les  huguenots  et  jeter  leurs  corps  en  pcàture 
aux  bétes  des  champs  ! 

En  1392,  après  avoir  échoué  dans  sa  tentative  de 
reprendre  Rouen,  Henri  IV  parcourut  le  pays  de 
Caux.  Nous  n"avons  pas  de  détails  sur  cette  marche 
en  sens  divers  qui  dut  appauvrir  les  populations  cau- 
choises, tout  en  redonnant  confiance  à  la  partie  pro- 
testante de  ces  populations. 

La  Ligue  s'affaiblissait  ;  mais  elle  suppléait  au  nom- 
bre décroissant  de  ses  membres  par  un  redoublement 
de  violences.  Elle  avait  appelé,  pour  se  renforcer, 
des  soldats  espagnols  et  napolitains,  et  ses  prédica- 
teurs demandaient  journellement  des  tètes  par  mil- 
liers. Jean  Boucher,  prieur  de  Sorbonnc,  disait  qu'il 
fallait  tout  tuer,  et  l'évéque  Rose  :  qu'une  saignée 
rose  comme  celle  de  la  Saint-Barthélémy  était  encore 
nécessaire.  Sur  ces  entrefaites,  le  pape  Grégoire  XW 
envoya  des  monitoires  aux  catholiques  de  France 
menaçant  de  «  grieves  peines  »  ceux  qui  avaient 
prêté  serment  de  fidélité  au  Béarnais.  Ces  bulles  fu- 
rent déclarées  scandaleuses  et  contraires  au  droit  de 
l'église  gallicane  par  les  Parlements  de  Tours  et  de 
Châlons,  qui  les  firent  brûler  par  la  main  du  bour- 
reau. On  voit  que  l'unité  catholique  était  loin  d'être 
un  fait  accompli  et  que  ce  qu'on  a  appelé  les  libertés 
de  l'église  gallicane  n'était  pas  un  mot  vide  de  sens. 
Ces  libertés,  qu'on  le  sache  bien,  venaient  de  lacons- 
titution  primitive  et  non  d'un  empiétement  sur  l'au- 

1.  —  Floquet,  Hist.  du  Parlem.  de  iSormandie,  t.  III, 
p.  601. 


—   t)S    — 

torité  du  pape,  lequel,  du  reste,  ne  Taurait  jamais 
permis. 

Les  six  mois  que  Henri  IV  avait  demandés  pour 
s'instruire  étaient  depuis  longtemps  écoulés,  eton 
n'entendait  parler  de  rien.  C!!eux  qui,  escomptant  sa 
conversion,  s'étaient  attachés  à  sa  fortune  le  pressaient 
d'abjurer.  La  plupart  étaient  disposés  à  se  contenter 
de  la  forme.  Il  suffisait  pour  eux  qu'il  voulût  bien 
faire  acte  de  présence  à  la  messe,  le  peuple  étant 
disposé  à  croire  le  roi  devenu  bon  catholique  sous 
cette  apparence.  Le  peuple  a-t-il  changé,  et  n'est-on 
plus  bon  catholique  à  aussi  bon  compte  ? 

L'ecclésiastique  qui  avait  été  choisi  pour  l'instruc- 
tion religieuse  était  l'abbé  Duperron.  fils  d'un  ancien 
pasteur  de  Dieppe.  Ce  fut  surtout  par  la  politique 
qu'il  eut  de  l'empire  sur  la  raison  du  roi  dont  la 
volonté  avait  faibli  depuis  qu'il  comprenait  que  les 
difficultés  seraient  moins  grandes  pour  lui  s'il  deve- 
nait catholique. 

Il  y  avait  bientôt  quatre  ans  que  les  six  mois 
étaient  écoulés,  et  les  affaires  n'avançaient  guère.  Il 
n'y  aurait  eu  que  Sully,  la  chose  eût  moins  traîné,  car 
il  insinuait  qu'il  valait  mieux  se  convertir  puisque  les 
calvinistes  avouaient  qu'on  peut  se  sauver  hors  de 
leur  communion  tandis  que  les  catholiques  affirment 
que  hors  du  catholicisme  il  n'y  a  pas  de  salut.  Mais 
Duplessis-Mornay  était  un  trop  grand  caractère  pour 
qu'on  allât  brusquement  à  l'encontre  de  ses  conseils 
qui  étaient  de  recommencer  le  colloque  de  Poissy. 
Henri  IV  l'approuva  plutôt  des  lèvres  que  du  cœur 
et  l'engagea  à  choisir  ses  champions.  Mais  les  politi- 
ques qui  savaient  quelle  influence  Duplessis-Mornay 
avait  sur  le  roi  supplièrent  celui-ci  de  s'en  défaire. 
^lornay  survint  juste  au  milieu  d'un  de  ces  concilia- 
bules, et  voici  comment  il  finit  l'apostrophe  que  cela 
arracha  à  son  indignation  :  «  ...  Vous  voudriez  que  je 


lui  conseillasse  d'aller  à  la  messe.  Vous  lui  faites  tort 
de  croire  qu'il  en  fit  rien  pour  cela.  De  quelle  cons- 
cience le  lui  conseillerais-je  si  je  n"y  vais  pas  le  pre- 
mier ?  Et  quelle  religion  si  elle  se  dépouille  comme 
une  chemise  !  » 

Mornay  avait  une  trop  bonne  opinion  de  son  maî- 
tre, car  on  n'en  annonça  pas  moins  bientôt  la  conver- 
sion comme  imminente.  Les  protestants  en  furent 
consternés.  De  Feuguerey,  à  ce  moment  pasteur  à 
Dieppe,  dépeint  ainsi,  dans  la  lettre  qu'il  écrivit  le 
i"  juillet  1=^93  à  Burghley,  ministre  delà  reine  d'An- 
gleterre, l'émotion  qu'elle  causa  :  «  Vous  ne  pouvez 
«  ignorer  de  combien  de  perplexités  et  angoisses  se 
«  trouvent  réduits  une  infinité  de  pauvres  âmes  par 
«  toutes  les  églises  réformées  de  France  sur  ce  chan- 
«  gement  de  religion  auquel  on  veut  forcer  Sa  Ma- 
'<  jesté  très  chrétienne.  Ne  doubtons  nullement,  vu  le 
«  zèle  que  vous  avez  fait  paraître  à  l'avancement  et 
«  conservation  de  la  pure  religion,  que  ne  recher- 
<■<  chiez  les  moyens  de  rompre  et  empescher  un  si 
«  pernicieux  dessein.  Néanmoins,  notre  debvoir  nous 
«  a  incités  envoyer  ce  porteur,  le  sieur  Baudoin,  pour 
«  vous  supplier  très  humblement  et  Sa  Majesté  d'em- 
«  ployer  ce  que  vous  estimerez  convenable  pour  des- 
«  tourner  cet  orage  et  empescher  une  si  grande  cala- 
«  mité  qui  menace  toutes  les  Eglises  par  un  si  perni- 
«  cieux  exemple  qui  se  puisse  voir  au  monde...  ^  » 

Trois  semaines  après,  le  22  juillet,  Henri  IV  abju- 
rait en  l'église  de  St-Denis  sans  avoir  consenti  à  en- 
tendre les  théologiens  protestants.  Il  dit  plus  tard 
pourquoi  :  C'eût  été  leur  donner  tort  puisque  sa  ré- 
solution d'abjurer  était  irrévocable,  ce  qui  nous  est 
confirmé  par  ces  mots  d'un  billet  qu'il  adressa  à  Ga- 
brielle  d'Estrées  :  «  Je  commence  ce  matin  à  parler 

1.  —  Record  office.  State  Paper.  France,  vol.  CVIII. 


—  97  — 

«  aux  évêques.  Ce  sera  ce  matin  que  je  ferai  le  saut 
<<  périlleux.  » 

L'abjuration  de  Henri  IV  n'eut  pas  pour  effet  im- 
médiat de  ramener  les  Ligueurs  à  l'obéissance,  le  légat 
du  pape  prétendant  qu'à  sa  sainteté  Scîule  appartenait 
le  droit  de  réconcilier  un  excommunié  avec  l'église, 
et  les  états  généraux  de  la  Ligue  ayant  juré  de  n'obéir 
qu'aux  décret  du  Saint  Siège.  Boucher  prêcha  neuf 
sermons  pour  montrer  que  la  conversion  du  Béarnais 
n'était  qu'une  comédie  et  tous  les  prêcheurs  de  la 
faction  des  sci{e  poussèrent  ouvertement  au  régicide. 
Aussi  y  eut-il  des  tentatives  d'assassinat  contre  le 
roi  :  celle  de  Jean  Barrière  en  iSQi.  et  celle  de  Jean 
Chatel  l'année  suivante. 

Dans  notre  région  comme;  dans  toute  la  Normandie, 
la  conversion  eut  pour  résultat  plus  ou  moins  pro- 
chain la  soumission  des  villes  qui  tenaient  pour  la 
Ligue.  Quelques-unes,  entre  autres  Fécamp,  eurent 
besoin  d'être  reprises,  et  pour  Fécamp,  notamment, 
Henri  IV  prêta  son  concours  sollicité  par  Bois-Rosé. 
C'est  à  cette  occasion  qu'il  passa  parBolbec,  Crique- 
tot,  Gonneville  et  Etretat. 

Un  édit  spécial  fut  donné  pour  Rouen,  le  Havre, 
Montivilliers,  Pont-Audemer  et  Verneuil  qui  venaient 
de  rentrer  dans  l'obéissance.  Cet  édit,  enregistré  le 
26  avril  1=^94,  portait  : 

'<  i"  11  n'y  aura  aucun  exercice  d'autre  religion  que 
'<  la  catholique  en  la  ville  et  vicomte  de  Rouen,  ville, 
"  faubourg  et  banlieue  du  Havre...  places  qui  se  sont 
'<  remises  à  notre  obéissance,  pour  quelque  personne 
«  et  occasion  que  ce  soit. 

"<  2"  Il  n'y  aura  semblablement  aucuns  juges  et  of- 
'■<  ficiers  qui  ne  soient  catholiques,  et  ce  jusqu'à  ce 
«  que  par  nous  en  ait  été  ordonné  autrement.  » 

Les  chefs  de  la  Ligue,  ayant  perdu  l'espoir  de  vain- 
cre à  présent  qu'ils  voyaient  que  la  mnsre  tenait  pour 


-98- 

bonne  la  conversion  du  roi,  ne  songèrent  plus  qu'à 
se  vendre  le  plus  cher  possible.  Il  en  coûta  des  som- 
mes énormes  à  Henri  W ,  et  les  réformés  furent  pres- 
que partout  sacrifiés.  Ainsi  l'e.xigeait  Ycsprii  nou- 
veau de  la  lin  du  XVI"'  siècle. 

Beaucoup  de  villes  n'acceptèrent  de  se  soumettre 
que  sous  la  condition  que  le  prêche  des  huguenots 
serait  banni  de  leur  enceinte  et  des  faubourgs.  Paris, 
plus  exigeant,  fit  étendre  l'interdiction  à  dix  lieues 
de  ses  portes.  Le  roi  résistait  bien  un  peu,  mais  il  cé- 
dait toujours.  On  se  défiait  de  lui  au  point  de  l'épier 
et  de  l'obliger  à  se  cacher  pour  serrer  la  main  aux 
fidèles  serviteurs  qui  avaient  défendu  sa  cause  au  pé- 
ril de  leur  vie. 

Mais  si  les  meneurs  catholiques  ne  croyaient  pas  à 
la  sincérité  de  sa  conversion,  les  protestants,  en 
voyant  qu'il  multipliait  ses  faveurs  et  ses  gages  en- 
vers le  catholicisme,  crurent  bon  de  recommencer  à 
parler  d'un  nouveau  protecteur,  ce  qui  le  fit  protester 
énergiquement  et  déclarer  qu'il  était  un  suffisant  pro- 
tecteur de  ses  sujets,  à  quoi  Duplessis-Mornay  opposa 
les  paroles  suivantes  :  «  Voyez,  Sire  !  par  quels  de- 
«  grés  on  vous  conduit  à  la  messe  !  Ceux  qui  sont 
«  crus  d'un  chacun  ne  pas  croire  en  Dieu  vous  ont 
«  fait  jurer  les  images  et  les  reliques,  le  purgatoire 
«  et  les  indulgences...  Vos  sujets  savent  que  l'abso- 
«  lution  ne  peut  être  sans  pénitence....  Le  pape,  au 
«  premier  jour,  vous  enverra  l'épée  sacrée  et  vous 
«  imposera  la  loi  de  faire  la  guerre  aux  hérétiques, 
«  et  sous  ce  nom  comprendra  les  plus  chrétiens  et 
«  les  plus  loyaux  des  français.  » 

Duplessis  voyait  juste.  A  quelques  jours  de  là,  en 
effet,  Clément  VIII  demanda  pour  prix  de  son  abso- 
lution l'abrogation  desédits  de  tolérance,  l'exclusion 
des  hérétiques  aux  charges  et  fonctions  publiques  et 
la  promesse  de  les  exterminer  aussitôt   que    la  paix 


—  99  — 

serait  conclue  entre  la  Ligue  et  l'Espagne.  Cette  fois 
c'en  était  trop.  Le  Béarnais  qui.  s'il  était  léger  et  in- 
constant, n'était  pas  un  ingrat,  se  révolta.  Mais  Rome 
était  rompue  aux  comhiiiationc.  Au  moyen  de  termes 
équivoques  on  put  s'entendre,  et  le  i6  septembre 
mq^  les  deux  ambassadeurs  de  Henry  IV  se  mirent  à 
genoux  sous  le  portique  de  Saint-Pierre  et  reçurent 
pour  leur  maître,  à  chaque  verset  du  miserere,  un 
coup  de  baguette  sur  les  épaules. 

Le  roi  s'était  rebellé  contre  les  exigences  pontifica- 
les, mais  les  réformés  n'en  continuaient  pas  moins  à 
ne  recevoir  que  de  bonnes  paroles  et  l'assurance  se- 
crète qu'il  se  fiait  plus  à  eux  qu'aux  autres  (cela  nous 
le  croyons  sans  peine'.  Aussi  perdirent-ils  patience 
et  se  décidèrent-ils  à  pourvoir  eux-mêmes  a  leurs  af- 
faires. A  cet  effet,  ils  convoquèrent  des  assemblées 
politiques.  La  première  eut  lieu  i  Sainte-Foy  en  mai 
i=,<)4.  Ces  assemblées  se  composèrent  au  début  de 
dix  députés,  la  France  avant  été  divisée  en  dix  cir- 
conscriptions et  chaque  circonscription  nommant  un 
député.  Ces  dix  députés  formaient  le  conseil  général. 
Comme  les  Etats  généraux,  ce  conseil  se  divisait  en 
trois  ordres  :  noblesse,  tiers-état,  clergé,  les  deux 
premiers  ordres  avec  chacun  quatre  membres  et  le 
deuxième  avec  seulement  deux.  Bientôt  on  porta  le 
nombre  des  députés  à  trente  en  triplant  le  nombre 
dans  chaque  ordre.  Le  rôle  de  ce  conseil,  qui  se  re- 
nouvelait par  moitié  tous  les  six  mois,  était  de  main- 
tenir la  concorde  entre  tous  ceux  de  la  religion,  de 
lever  les  deniers  votés  pour  les  besoins  de  la  cause 
et  de  veiller  sur  les  garnisons  des  villes  de  sûreté. 
Evidemment,  ce  conseil  était  un  état  dans  LEtat  : 
mais  le  dogme  intolérant  de  l'absolutisme  catholique 
ne  mettait-il  pas  les  huguenots  hors  l'état  et  ne  les 
assimilait-il  pas  à  des  étrangers,  — à  des  ennemis  plu- 
tôt, car  les    étrangers    étaient  respectés  dans  leurs 


—    100   — 

croyances?  Le  pape  ne  demandait-il  pas  leur  exter- 
mination ?  Et  Henri  IV,  au  moment  du  sacre,  n'avait- 
il  pas  dit, —  et  c'était  un  minimum,  car  la  formule 
avait  été  adoucie  :  —  «  Je  tâcherai  en  mon  pouvoir 
de  bonne  foi  de  chasser  de  ma  juridiction  les  héréti- 
ques dénoncés  par  l'église.  »?  L'autorité  publique 
avait-elle  cessé  d'attaquer  et  de  condamner  les  réfor- 
més comme  des  malfaiteurs  de  grand  chemin  ?  Cet 
état  dans  l'Etat  était  légitime,  car  là  où  la  conscience 
est  opprimée  rien  n'est  injuste  qui  tend  à  briser  cette 
oppression,  la  plus  abominable  de  toutes.  Et  puis,  la 
Ligue  n'avait-elle  pas,  elle  aussi,  formé  un  état  dans 
l'Etat  qui  se  proposait  un  but  diamétralement  opposé  ? 

Le  conseil  du  roi,  qui  avait  cru  le  parti  réformé 
effondré,  n'apprit  pas  sans  surprise  la  résolution  de 
l'assemblée  de  Sainte-Foy,  et  lorsqu'il  vit,  à  la  suite, 
l'attitude  résolue  des  huguenots,  il  jugea  prudent  de 
composer.  Le  roi  feignit  le  mécontentement,  aimant 
mieux,  au  fond,  les  assemblées  politiques  qu'un  pro- 
tecteur qui  eût  probablement  conseillé  l'action. 
Sans  les  assemblées  politiques,  l'Edit  de  Nantes 
n'aurait  jamais  été  agréé  par  le  conseil  ni  enregistré 
par  les  parlements.  Et  puis,  ces  assemblées  plurent 
secrètement  au  roi  parce  qu'il  put  se  prévaloir  des 
menaces  permanentes  qui  en  résultaient,  pour  oc- 
troyer l'acte  de  justice  qu'en  son  for  intérieur  il  dé- 
sirait accomplir  en  faveur  de  ses  anciens  coreligion- 
naires, qu'il  aimait  davantage  au  fur  et  à  mesure  que 
ses  nouveaux  frères  se  faisaient  mieux  connaître  de 
lui. 

Les  négociations  qui  aboutirent  à  l'Edit  de  tolé- 
rance durèrent  trois  ans  (i595-i'j98),  au  cours  des- 
quels la  persécution  continua,  violente  ou  tracassière, 
au  grand  jour  ou  dans  l'ombre,  suivant  les  endroits. 
En  1^95,  à  la  Châtaigneraie,  200  personnes  de  tout  âge 
furent  lâchement  égorgées  par  des  ligueurs  pendant 


—  roi  — 

qu'elles  étaient  au  prêche.  C'était  un  nouveau  mas- 
sacre de  Vassy.  Il  indigna  jusqu'aux  conseillers  du 
roi  les  plus  hostiles  à  la  tolérance  ;  mais  cette  indi- 
gnation n'adoucit  pas  le  régime  sectaire,  car  il  se 
commit  encore  beaucoup  d'injustices  et  de  violences 
contre  les  réformés  sans  que  la  justice  s'en  émut. 
C'est  ainsi  que,  tandis  qu'on  s'acheminait  vers  l'Edit 
de  tolérance,  des  fidèles  étaient  maltraités,  lapidés  ou 
jetés  à  l'eau  au  retour  des  piéches,  que  des  coups  de 
canon  étaient  tirés  contre  les  assemblées,  que  des 
enfants  étaient  enlevés  ou  baptisés  de  force  par  des 
prêtres  empressés  à  cette  honteuse  besogne,  que  les 
villes  d'otages  étaient  enlevées  ou  démantelées,  que 
des  exhumations  étaient  commises  et  que  l'exclusion 
des  charges  publiques  était  plus  complète  que  ja- 
mais. 

L'année  1596  vit  la  fondation  de  l'église  de  Senitot 
sur  la  terre  de  M.  de  Brachon,  sieur  de  Bévilliers, 
sise  commune  de  Gonfreville-l'Orcher.  ^ 

Très  peu  de  temps  après  l'ouverture  de  ce  lieu  de 
culte  on  s'aperçut  qu'il  ne  pouvait  suffire  aux  réfor- 
més du  Havre  et  des  62  paroisses  les  plus  voisines.  Et 
puis,  il  y  avait  des  difficultés  très  grandes  pour  réunir 
du  monde  dispersé  sur  une  telle  étendue  et  dont  Se- 
nitot n'était  pas  le  centre.  C'est  ce  qui  porta  M.  de  la 
Motte-Muys  à  organiser  une  section  à  Criquetot,  à 
quatre  lieues  de  là,  comprenant  cette  paroisse  etTur- 
retot,  Gonneville,  Anglesqueville,  Angerville,  Le 
Tilleul,  St-Jouin  et  St-Martin-du-Bec,  dont  il  confia 
la  charge  à  ^L  Elle  Boucherot. 

Dans  les  plaintes  que  les  églises  réformées  crurent 
devoir  faire  entendre  au  roi  en  1597,  nous  lisons  : 
«  Il  n'est  pas  temps,  nous  dit-on,  de  nous  accorder  un 
«  édit  1  Encore  !  ô  bon  Dieu  !  après  35  ans  de  persé- 

1.  —  Aujourd'hui,  ce  m^iuoir,  qui  date  de  la  Renaissance, 
est  une  simple  ferme. 


«  cutions,  10  ans  de  bannissement  par  les  édits  de  la 
«  Ligue,  8  ans  de  règne  du  roi.  4  ans  de  poursuites  ! 
«  Nous  demandons  un  édit  à  V.  M.  qui  nous  fasse 
«  jouir  de  tout  ce  qui  est  commun  à  tous  vos  sujets. 
«  La  seule  gloire  de  Dieu,  la  liberté  de  nos  conscien- 
«  ces,  le  repos  de  l'état,  la  sûreté  de  nos  biens  et  de 
«  nos  vies,  c'est  le  comble  de  nos  souhaits  et  le  but 
«  de  nos  requêtes.  /, 

Le  roi  et  son  conseil  s'ingénièrent  à  temporiser 
encore  et  toujours.  Mais  des  dangers  surgissaient 
contre  l'état  :  les  espagnols  devenaient  menaçants,  et 
beaucoup  de  protestants  étaient  résolus  à  ne  pas  tirer 
l'épée  pour  un  roi  qui  les  abandonnait.  Tout  cela 
joint  à  la  revendication,  par  quelques  esprits,  delà 
liberté  de  conscience,  fit  enfin  octroyer,  au  mois  d'a- 
vril 1^98,  l'ordonnance  qui  reçut  le  nom  d'Edit  de 
Nantes  parce  qu'elle  fut  publiée  h  Nantes.  Cet  édit, 
dont  le  préambule  portait  que  Dieu  est  adoré  et  prié 
par  tous  les  français  dans  la  même  intention  sinon 
dans  la  même  forme,  était  déclaré  perpétuel  et  irré- 
vocable. 

Voici,  aussi  ramassé  que  possible,  le  résumé  de  ce 
que  cette  charte  mémorable  accordait  aux  Réformés  : 
pleine  liberté  du  for  intérieur;  —  exercice  public  dans 
tous  les  lieux  où  il  existait  en  1597  et  dans  les  fau- 
bourgs des  villes  ;  —  permission  aux  seigneurs  haut- 
justiciers  (il  y  en  avait  3  500)  de  faire  célébrer  le  culte 
dans  leurs  châteaux,  et  aux  gentilshommes  de  se- 
cond rang,  de  recevoir  trente  personnes  à  leur  culte 
privé  ;  —  admission  des  Réformés  aux  charges  et 
fonctions  publiques,  et  de  leurs  enfants  dans  les  éco- 
les, de  leurs  malades  dans  les  hôpitaux,  de  leurs  pau- 
vres au  partage  des  aumônes  ;  —  droit  de  faire  im- 
primer des  livres  dans  certaines  villes  (dont  Rouen)  : 

—  chambres  mi-parties  dans  quelques  parlements; 

—  une  chambre  de  l'édit,  à  Paris,  composée  de  catho- 


—     lO^    — 

liques  moins  un  seul  membre,  mais  oiïrant  de  suffi- 
santes garanties  par  sa  destination  spéciale  ;  —  quatre 
académies  pour  Tinstruction  scientifique  et  théolo- 
gique ;  —  autorisation  de  convoquer  des  synodes,  et, 
en  plus,  comme  gage,  un  certain  nombre  de  places 
de  sûreté. 

L'église  catholique  eut  aussi  sa  part  dans  Tédit,  et 
c'est  peut-être  ce  qui  le  lui  fit  accepter  sans  trop  de 
révolte  :  les  biens  du  clergé  devaient  être  partout 
restitués,  ies  dîmes  payées  et  l'exercice  du  culte  ca- 
tholique rétabli  dans  tout  le  royaume.  Ce  dernier  ar- 
ticle rendit  la  messe  à  2^0  villes  et  à  2000  paroisses 
de  campagne,  ce  qui  faillit  —  il  nous  coûte  d'être 
obligé  de  le  reconnaître  —  occasionner  une  émeute 
à  La  Rochelle.  Le  protestantisme  contenait  en  germe 
le  principe  de  large  tolérance  qu'il  montre  dans  les 
pays  où  il  domine,  mais  il  ne  semblait  pas  se  douter 
alors,  sauf  chez  quelques  précurseurs,  de  cette  future 
fraternité.  Aussi  ne  doit-on  pas  trop  s'étonner  si  l'E- 
dit  de  Nantes  n'était  pas  encore  la  liberté  religieuse 
comme  on  l'entend  aujourd'hui.  C'était  tout  au  plus 
un  pacte  de  paix.  Néanmoins,  c'était  un  grand  pro- 
grès sur  le  passé.  La  fausse  maxime,  si  logique  pour 
l'esprit  français  que  de  ne  pas  l'avoir  réalisée  il  est 
devenu  incrédule  :  «  11  ne  doit  y  avoir  qu'une  seule 
foi  comme  il  n'y  a  qu'un  seul  roi  et  qu'une  seule  loi» 
avait  coûté  à  la  France  3  milliards  de  notre  monnaie 
actuelle  et  2.000.000  d'hommes. 

D'après  nos  notes,  l'Edit  de  Nantes  aurait  amené  la 
fermeture,  dans  la  région  cauchoise,  des  églises  de 
Cany,  Turretot,  Lillebonne.  Longueville,  Montivil- 
liers,  Neufchàtel  (chez  M.  de  Pallesseul),  St-Aubin- 
sur-Arques.  La  disparition  de  ces  églises  s'explique 
par  le  fait  que  le  nombre  des  Réformés  avait  consi- 
dérablement baissé  dans  toute  la  France,  Pour  la  Nor- 
mandie, nous  ne  voyons  la  proportion  de  cette  dimi- 


—  I04  — 

nation  que  dans  les  églises  de  Criquetot  et  de  Senitot 
grâce  aux  registres  qui  en  ont  été  conservés.  Ces  re- 
gistres accusent  une  diminution  du  nombre  des  ma- 
riages de  i=)8=,  à  IS99,  ^*^'t  pendant  une  période  de 
14  ans,  qui  atteint  presque  le  rapport  de  4  à  i.  La 
moyenne  annuelle  est  de  63  pour  les  huit  premières 
années  ;  elle  n'est  plus  que  de  19  pour  les  trois  der- 
nières. Sans  doute,  ces  chiffres  ne  doivent  pas  servir 
de  base  rigoureuse  pour  apprécier  cette  réduction, 
car  s'il  y  avait  eu  des  défections  à  la  suite  de  celle, 
contagieuse,  de  Henri  IV,  les  rigueurs  de  la  Ligue 
avaient  conduit  bien  du  monde  sur  le  chemin  de 
l'exil.  D'après  un  relevé,  présenté  au  Synode  national 
de  Montpellier  en  1^98,  il  n'existait  plus  alors  en 
France  que  773  églises  ;  mais,  dans  ce  chiffre,  la  Nor- 
mandie entre  pour  =,9. 

La  transaction  entre  l'église  catholique  et  l'église 
réformée  était  approuvée  par  tous  les  bons  esprits  ; 
mais  cela  ne  la  fit  pas  passer  tout  de  suite  dans  les 
mœurs.  C'est  bien  lentement  qu'elle  y  entra,  et  en- 
core peut-on  dire,  à  l'heure  actuelle,  qu'elle  ne  sem- 
ble pas  y  être  entrée  définitivement.  Il  est  encore  des 
membres  du  clergé  catholique  pour  qui  ne  pas  se 
soumettre  à  l'autorité  infaillible  du  pontife  romain 
constitue  un  état  de  révolte  qu'on  devrait  réduire. 
Ils  passent  sur  le  fait  parce  qu'ils  l'ont  trouvé  à  leur 
naissance  et  qu'on  se  plie  aux  habitudes  du  milieu  ou 
l'on  grandit,  mais  non  sans  protester  intérieurement. 
Combien  tiennent  la  liberté  de  conscience  pour  un 
droit  imprescriptible  ? 

Clément  VIll,  aussitôt  qu'il  connût  l'Edit  de 
Nantes,  n'appela-t-il  pas  la  liberté  qu'il  octroyait  la 
plus  mauvaise  qui  fut  jamais? 

Il  y  eut  des  parlements  qui  n'enregistrèrent  l'édit 
que  sous  certaines  restrictions.  C'est  ainsi  que  le 
Parlement  de  Normandie,    après    bien  des   sursis, 


puisqu'il  ne  se  décida  à  l'enregistrer  que  le  29  sep- 
tembre 1599,  ^^  modifia  l'esprit  :  «  La  cour  enregis- 
«  tre  l'édit  sans  approbation  de  la  religion  protes- 
te tante  réformée  et  en  attendant  qu'il  plaise  à  Dieu 
«  de  faire  la  grâce  au  roy  de  réunir  ses  subjetz  en  la 
«  religion  catholique,  apostolique  et  romaine.  Trois 
«  conseillers  religionnaires  seront  admis  en  ce  parle- 
«  ment  ;  après  quoy  il  ne  sera  reçu  de  religionnaires 
«  dans  aucun  des  offices.  Ceux  de  la  religion  protes- 
«  tante  réformée  ne  pourront  faire  l'exercice  de  cette 
«  religion  ny  dans  la  ville  ny  dans  les  faubourgs  plus 
«  près  enfin  que  au  bout  de  la  banlieue  dans  un  seul 
«  lieu.  1  » 

Henri  l\\  sentant  qu'il  ne  pourrait  obtenir  une 
complète  soumission,  acquiesçait  à  ces  tempéraments. 
C'est  ce  qui  fait  que  les  protestants  de  Rouen  virent 
le  Parlement  fixer  d'abord  Dieppedalle  pour  lieu  de 
leur  prêche,  et  ensuite  le  Grand-Quevilly,  juste  en 
face,  sur  l'autre  rive  de  la  Seine.  Ceux  de  Dieppe, 
grâce  à  la  bienveillance  du  gouverneur,  obtinrent  le 
Pollet  :  ceux  du  Havre,  Sanvic  :  ceux  d'Harfleur  et 
de  Montivilliers,  Sénitot  (section  de  Gonfreville- 
rOrcher)  ;  ceux  de  Fécamp,  Gerville  :  ceux  de  Lille- 
bonne  et  Caudebec.  Lintot  ;  ceux  de  Bolbec,  le  Mont- 
Criquet  section  de  St-Jean-de-la-Neuville).  Les  prê- 
ches existants  à  Luneray,  Bacqueville,  Lindebeuf 
l'exercice  personnel  de  fief  .  Autretot  et  Criquetot- 
l'Esneval  étaient  maintenus.  Mais  ce  qui  niontre  le 
mieux  les  mauvaises  dispositions  du  parlement,  c'est 
la  réglementation,  singulièrement  irritante,  du  nom- 
bre des  personnes  autorisées  à  suivre  les  convois 
mortuaires,  et  des  heures  ridiculement  tardives  ou 
matinales  où  ces  convois  pouvaient  avoir  lieu. 

En  1596,  le  17  janvier,  le  colloque  de  la  classe  de 
Caux  se  réunit  à  Dieppe,  dans  la  maison  du  sieur 
1.  —  Floquet,  Hist.  du  JParlem,  de  Norm.,  IV,  156. 


—   io6   — 

Gantais.  Nous  ne  savons  combien  d'églises  y  étaient 
représentées. 

Au  synode  national  de  Saumur  (1S96)  Téglise  de 
Luneray  fut  exhortée  à  payer  à  Jean  Vatable,  son  an- 
cien pasteur,  réfugié  â  la  Rye  depuis  i=)90,  ce  qu'elle 
restait  lui  devoir.  En  l'sgS,  elle  ne  s'était  pas  encore 
exécutée,  car  au  synode  de  Montpellier,  tenu  cette 
année-là,  la  province  de  Normandie  fut  priée  «  de 
«  faire  en  sorte  que,  par  sa  médiation,  l'église  de 
«  Luneray  s'acquittât  de  cette  dette  envers  M.  Vata- 
«  ble,  autrement  elle  serait  censurée  suivant  la  disci- 
«  pline.  »  Pour  épuiser  tout  de  suite  ce  sujet  peu 
édifiant,  nous  anticipons  un  peu  sur  la  marche  géné- 
rale des  événements.  En  1601,  au  synode  de  Gergeau. 
la  province  de  Normandie  ayant  représenté  l'extrême 
pauvreté  de  Téglise  de  Luneray  qui  la  met  hors  d'é- 
tat de  payer  ce  qu'elle  doit  au  sieur  Vatable,  l'assem- 
blée l'exhorte  '<  à  faire  son  devoir.  //  En  1603,  au  sy- 
node de  Gap,  il  est  constaté  que  Vatable  n'est  pas 
encore  payé.  En  1612,  au  synode  de  Privas,  Vatable 
est  représenté  comme  réduit  à  une  extrême  pauvreté 
faute  d'avoir  été  payé  de  100  livres  qui  lui  sont  dues 
par  l'église  de  Luneray.  La  province  de  Normandie 
est  invitée  à  payer  la  moitié  de  cette  somme  et  à  re- 
cueillir l'autre  moitié  dans  l'église  de  Luneray  pour 
désintéresser  Vatable.  On  constate,  enfin,  qu'au  sy- 
node de  Tonneins  (1614)  la  province  de  Normandie 
verse  aux  députés  du  Poitou, pour  qu'ils  les  remettent 
à  Vatable,  les  100  livres  qui  lui  étaient  dues  depuis 
24  ans. 

Revenons  au  synode  tenu  à  Saumur  en  1596  (du 
3  au  16  juin).  L'église  de  Bolbec  y  présente  une  re- 
quête pour  que  M.  Durdès  lui  soit  restitué  ou  que  la 
somme  de  400  livres  qu'elle  a  employée  à  son  entre- 
tien depuis  son  départ  lui  soit  rendue.  Le  synode 
prend  la  résolution  suivante  :  «  M.  Rotoucoume,  dé- 


puté  du  Haut-Languedoc,  fera  tenir  copie  de  ladite 
requête  audit  sieur  Durdès  dit  Despoir  afin  que  dans 
deux  mois  il  envoie  sa  réponse  par  la  voie  de  Paris, 
et  donne  charge  à  la  province  du  Haut-Languedoc 
de  s'informer  dans  son  prochain  synode  et  savoir  du 
dit  Durdès  si  les  choses  contenues  en  ladite  requête 
sont  véritables,  et.  en  ce  cas,  de  lui  enjoindre  de  sa- 
tisfaire au  plus  tôt  à  l'une  des  conditions  uroposées 
dans  ladite  requête,  de  quoi  ladite  province  sera  te- 
nue de  rendre  raison  au  prochain  synode  national.  ^  » 
Le  synode  national  suivant,  tenu  à  Montpellier  (26- 
30  mai  1598  ,  après  avoir  examiné  ce  différend,  jugea 
que  yi.  Durdès  dit  Despoir  appartenait  de  droit  à 
l'église  de  Bolbec  '<  attendu  l'assistance  qu'il  en  a  re- 
çue pendant  environ  quatre  ans  lors  même  qu'il  était 
privé  de  ses  biens  dans  un  pavs  étranger  et  que  le 
terme  porté  par  la  discipline  n'était  uas  encore  ex- 
piré. Néanmoins,  avant  égard  à  son  âge,  à  sa  grande 
famille  et  à  ses  commodités  qu'il  ne  peut  laisser  sans 
grandes  pertes  joint  qu'il  s'est  soumisvolontairement 
à  suivre  sa  vocation,  la  compagnie  a  déclaré  qu'il 
demeurerait  à  Pamiers,  à  condition  que  dans  six 
mois  la  province  fournirait  un  pasteur  à  ladite  église 
et  que  celle  de  Pamiers  paiera  la  moitié  des  frais  de 
son  voyage,  laquelle  aussi  est  censurée  d'avoir  extor- 
qué dudit  Despoir  une  obligation  de  ^o  écus  pour  les 
frais  de  son  voyage  au  cas  qu'il  n'y  demeurât  pas.  » 
—  Le  Haut-Languedoc  ne  dut  pas  fournir  un  autre 
pasteur  à  l'église  de  Bolbec.  car,  d'après  nos  notes, 
le  pasteur  Durdès  y  exerça  en  1^99,  1600  et  1601. 


1.  —  Ayinon,  Sijiiodes  nationaux. 


DEUXIEME   PARTIE 


L'Eglise  sous  l'Edit  de  Nantes  et  pendant 
les  premières  années  qui  suivirent  sa  révocation 


CHAPITRE   I" 

De  l'Edit  de  Nantes  jusqu'à  l'assassinat  de  Henri  IV 

(1598-lGlO) 

Une  fois  TEdit  de  Nantes  promulgué,  les  passions 
perdirent  peu  à  peu  de  leur  acuité,  et.  malgré  les 
querelles  rendues  inévitables  par  les  idées  régnantes, 
les  douze  années  qui  séparent  cet  acte  de  justice  de 
la  mort  de  son  auteur  furent  les  plus  calmes  de  la 
réforme  française.  L'esprit  d'initiative  des  réformés, 
leur  valeur  morale,  leur  foi  et  leur  persévérance 
dans  leurs  entreprises  se  montrèrent  de  toute  part  et 
nous  y  trouvons  la  raison  de  la  prospérité  dont  la 
France  jouissait  à  la  fin  du  règne  du  seul  roi  dont  elle 
ait  gardé  le  souvenir  dans  les  campagnes. 

Ah  !  si  Henri  IV  eut  vécu  quelque  dix  ans  de  plus, 
peut-être  l'apaisement  fût-il  devenu  définitif.  Le  pro- 
sélytisme cessa  presque  entièrement  du  côté  des  ré- 
formés.   Le   clerg-é,    qui    avait    fini   par   se   rendre 


—    110 


compte  que  la  licence  de  ses  mœurs  avait  été  la  prin- 
cipale cause  du  succès  de  la  Réforme,  s'était  trop 
moralisé  pour  qu'une  propagande  protestante  dût 
avoir  d"autre  résultat  que  d'entretenir  le  fanatisme  et 
les  querelles.  Les  catholiques  recrutèrent  quelques 
gentilshommes  qui  trouvaient  que  le  meilleur  che- 
min des  honneurs  et  des  places  grassement  rétribuées 
était  la  messe.  Les  prêtres,  pour  gagner  les  pasteurs, 
réunirent  un  fonds  spécial  de  30,000  livres  de  rentes 
annuelles  destiné  à  donner  des  pensions  aux  minis- 
tres qui  abjureraient.  Cette  fondation  pleine  d'appâts 
ne  produisit  d'autre  effet  que  de  couvrir  de  mépris 
ceux  qui  ne  craignaient  pas  de  demander  la  conver- 
sion à  autre  chose  qu'une  inclination  du  cœur. 

De  1^98  à  1600.  les  calvinistes  intervinrent  peu 
dans  lesaffairesgouvernementales.  Dès  1595,  le  jeune 
prince  de  Coudé  avait  été  appelé  à  Paris  sous  la  pro- 
messe qu'on  le  laisserait  dans  la  religion  de  son  père. 
Mais,  à  peine  arrivé,  on  le  mit  dans  les  mains  de  ca- 
tholiques ardents  qui  eurent  vite  fait  de  le  convertir. 
Ils  le  convertirent  si  bien  qu'il  devint  convertisseur 
à  son  tour.  Il  ne  restait  qu'un  seul  membre  de  la  fa- 
mille des  Bourbons  de  fidèle  à  la  foi  de  Jeanne  d'Al- 
bret,  et  c'était  sa  fille,  Catherine  de  Navarre,  et  elle 
l'y  fut  jusqu'à  sa  mort  (1604). 

Quelques  gentilshommes  huguenots,  parmi  les- 
quels le  duc  de  Bouillon,  tentèrent  d'entraîner  leurs 
coreligionnaires  dans  leurs  querelles  particulières  : 
mais  ils  se  heurtèrent  à  l'opposiîion  de  la  masse,  à 
qui  l'Edit  de  Nantes  suffisait. 

Les  synodes  nationaux  se  réunirent  plus  régulière- 
ment que  cela  n'avait  encore  eu  lieu.  On  en  compte 
cinq  de  1398  à  1609  (Montpellier,  1S98;  Gergeau, 
1601  ;  Gap,  1603  :  La  Rochelle,  1607,  et  Saint-Maixent, 
1609).  Les  premiers  qui  eurent  lieu  sous  le  régime  de 
l'Edit  de  Nantes  organisèrent  les  églises  en  provinces 


I  If 


et  les  provinces  en  colloques.  La  Normandie  fut  di- 
visée en  six  colloques:  Alençon,  Caen,  Caux,  Coten- 
tin,  Falaise  et  Rouen.  Aux  environs  de  1610  ces  six 
colloques  représentaient  121  églises  connues  qui 
étaient  desservies  par  près  de  300  pasteurs.  Vers  1630 
le  colloque  de  Caux  comprenait  les  églises  suivantes  : 
Autretot,  Bacqueville.  Boissay-sur- Aulne  (chez  M.  de 
Boissay),  Mont-Criquet  (St-Jean-de-la-Neuville,  chez 
M.  de  Frémontier)  pour  Bolbec,Criquetot-rEsneval, 
Grosmesnil  (Cottevrard  près  de  Cailly,  chez  M.  de 
Grosmesnil),  Le  Caule-Ste-Beuve,  près  de  Blangy 
(église  de  fief),  Dieppe,  Lindebeuf,  Lintot  (pour 
Bolbec,  Lillebonne  et  Caudebec  —  3,000  commu- 
niants), Luneray.  Sénitot  (Gonfreville-l'Orcher)  pour 
Harfleur  et  Montivilliers.  Maupertuis(Gerville)  pour 
Fécamp,  Ougerville  (Colleville)  pour  Cany  et  Fé- 
camp,  et  Sanvic  pour  le  Havre  :  15  églises. 

Des  Académies  furent  fondées  h  Montauban.  Sau- 
mur,  Nîmes,  Montpellier  et  Sedan.  Les  synodes  les 
soutenaient  au  moyen  de  fonds  recueillis  dans  les 
églises  suivant  une  répartition  équitable. 

Des  temples  se  construisirent  en  bien  des  endroits 
en  remplacement  des  locaux  qui  avaient  servi  jus- 
que-là. mais  que  la  liberté  de  s'assembler  avait  rendus 
insuffisants.  C'est  ainsi  qu'en  1603,  il  en  fut  édifié  un 
à  Lindebeuf  sur  une  portion  de  terrain  cédée  à  cette 
fin  par  Martel,  seigneur  de  Bacqueville  ;  qu'en  1623 
une  grange  fut  achetée  200  livres  à  un  sieur  Tesson  et 
transportée  sur  une  pièce  de  terre  située  dans  la  pa- 
roisse de  Lintot  et  que  M.  de  Lintot  avait  donnée 
dans  ce  but,  pour  y  servir  de  prêche  en  remplace- 
ment du  lieu  de  culte  qui  existait  dans  la  propriété 
de  ce  seigneur  ;  qu'en  1624  un  temple  fut  édifié  à 
Maupertuis,  paroisse  de  Gerville^.  sur  un  terrain 
donné  par  le  sieur  de  Teuville  chez  qui  le  culte  se 
célébrait  auparavant  ;  qu'en  1630,  un  autre  fut  cons- 


112    

truit  à  Senitot  sur  23  perches  de  terre  que  Tristan  de 
Brachon,  sieur  de  Bévilliers,  avait,  dès  1608,  don- 
nées pour  cet  objet  et  aussi  pour  y  établir  un  cime- 
tière. Ce  temple  remplaça  le  local  aflfecté  au  culte 
depuis  1396  dans  le  manoir  de  ce  seigneur. 

En  1629.  un  édifice  religieux  fut  élevé  dans  la  pa- 
roisse de  Colleville  près  de  Valmont,  au  manoir 
d'Ougerville,  sur  une  portion  de  terrain  offerte  par 
le  seigneur  de  ce  nom,  gentilhomme  réformé,  pour 
les  besoins  spirituels  des  protestants  voisins,  assez 
nombreux,  notamment  au  Bec-aux-Cauchois.  à  Vatte- 
crit  et  à  Cany. 

Une  irritation  se  produisit  dans  le  clergé  du  fait 
que  le  synode  de  Gap  (1603)  avait  ajouté  à  la  confes- 
sion de  foi  un  article  où  le  pape  était  accusé  d'être 
l'Antéchrist.  Le  roi  se  plaignit  aux  Réformés,  disant, 
non  sans  raison,  que  le  malencontreux  article  mena- 
çait de  détruite  la  paix  du  royaume.  Le  synode  de  La 
Rochelle  (1607)  décida  que  cet  article,  quoique  juste, 
serait  retranché  de  la  confession  de  foi  :  mais  il  char- 
gea un  de  ses  membres,  le  pasteur  Vignier.  de  prou- 
ver la  justesse  de  l'accusation,  ce  que  celui-ci  fit  dans 
un  livre  intitulé  :  Le  Théâtre  de  V Antéchrist. 

La  polémique  devint  bientôt  âpre  des  deux  côtés. 
Remplaçant  les  batailles,  elle  sentait  un  peu  la  pou- 
dre. La  doctrine  de  la  transsubstantiation  fut  l'objet 
d'une  lutte  d'une  subtilité  extraordinaire.  L'argu- 
ment de  simple  bon  sens  :  «c  N'est-il  pas  suffisant  de 
«  communier  avec  l'esprit  de  Jésus  ?  Et  que  pourrait 
«  y  ajouter  la  communion  matérielle?»  n'aurait-il  pas 
dû  fermer  la  bouche  aux  théologiens  catholiques  ? 
Et  leur  réponse  :  «  Pour  que  les  désirs  de  la  chair 
soient  apaisés  »  alors  que  la  chronique  de  tous  les 
temps  et  de  tous^les  pays  nous  prouve  qu'ils  ne  le 
sont  pas  en  fait,  n'est-elle  pas  une  lamentable  dé- 
faite ?  N'importe.    On    discuta  à   perte   de    vue,   et 


aujourd'hui  ces  traités  de  controverse,  bien  que  rem- 
plis de  science  et  d'érudition,  font  sourire.  Si  les  apô- 
tres eussent  entendu  à  la  façon  de  Rome  le  fameux 
«  ceci  est  mon  corps  »  qui  a  fait  couler  tant  de  sang 
et  tant  d'encre,  ils  n'auraient  pas  manqué  de  se  ré- 
crier devant  ce  miracle  des  miracles.  Il  s'ensuit  donc, 
sans  l'ombre  d'un  doute,  que  c'est  symboliquement 
qu'ils  l'ont  entendu.  La  croyance  en  la  présence  réelle 
est  née  du  zèle  qui  s'emparait  des  chrétiens  et  les 
portait  à  tout  prendre  à  la  lettre. 

Sur  ce  grand  sujet,  il  y  eut  une  conférence  à  Fon- 
tainebleau le  4  mars  1600  entre  Duplessis-Mornay  et 
Duperron,  évéque  d'Evreux.  Mornay  ne  disposait  pas 
de  tous  ses  moyens  ce  jour-là.  Aussi,  Duperron,  con- 
tent du  résultat,  disait  :  «  Je  viens  de  faire  merveille.  » 
A  quoi  le  roi  objecta  que  bon  droit  avait  eu  besoin 
d'aide. 

Clément  VIII.  qui,  en  matière  decontroverse,  se 
contentait  de  peu,  fut  si  heureux  de  l'issue  de  cette 
dispute  qu'il  annula  le  mariage  de  Henri  IV  et  envoya 
le  chapeau  de  cardinal  à  Duperron. 

Ces  luttes  théologiques  remuaient  certainement 
d'ardentes  passions  ;  mais,  au  moins,  le  sang  ne  cou- 
lait pas,  et  le  culte  se  célébrait  partout  sans  obstacle 
dans  les  760  églises  qui  étaient  restées  à  la  réforme 
française. 

En  1607.  le  Consistoire  du  Havre  jugea  utile  de 
créer  une  section  à  Montivilliers,  le  temple  de  Séni- 
tot  étant  devenu  insuffisant.  Un  nommé  Martin 
Perdu,  de  cette  ville,  avait,  en  vue  de  cette  fondation, 
fait  une  généreuse  donation.  C'est  surtout  ce  qui  dé- 
terminait le  Consistoire.  A  cet  effet,  l'un  de  ses  mem- 
bres, celui  qui  représentait  Montivilliers.  Jean  de 
Larrey,  sieur  de  Vaufouquet,  adressa  au  gouverneur 
une  pétition  qui  fut  signée  aussi  par  Jean-François 
Poncet,    maître   d'école.    Mais   le  projet,  soumis  au 


—  114  — 

Parlement,  souleva  Topposition  des  catholiques  de 
la  ville,  notamment  de  l'abbesse  de  Tabbaye.  Cette 
abbesse  devait  être  inlluente.  car  elle  Tempécha  d'a- 
boutir. On  lit,  en  efi'et.  dans  le  livre  journalier  de 
l'abbaye  :  «  Le  dernier  jourd'aoust  1609,  la  dite  dame 
«  abbesse  a  obtenu  de  la  court  du  Parlement  de  Rouen 
«  pour  la  paix  et  le  repos  de  ceste  ville  contre  les 
«  hérétiques  de  cesle  mesme  ville  qui  prétendoient 
«  y  mettre  le  presche,  de  quoy  ils  ont  été  évincez.  ••» 

En  1608.  deux  événements  d'espèce  devenue  rare 
alors  se  produisirent.  Nous  voulons  parler  de  la  con- 
version au  protestantisme  de  deux  prêtres  :  Jean 
Doudement,  curé  du  Bourguet  (sans  doute  Bosc- 
gouet  près  de  Routoti  et  Pierre  Paris,  curé  de  Gueu- 
res.  Par  contre,  les  JNIartel  de  Bacqueville  redevin- 
rent catholiques  ;  mais  ils  usèrent  d'une  grande  tolé- 
rance envers  leurs  anciens  coreligionnaires. 

Les  registres  de  l'église  de  Sénitot  nous  révèlent 
l'importance  que  le  protestantisme  a,  dès  son  origine, 
attachée  à  l'instruction  et  à  l'éducation  de  la  jeunesse. 
Il  ne  peut  en  aller  autrement  d'ailleurs  dans  une  re- 
ligion où  il  faut  personnellement  sonder  les  Ecritu- 
res ?  La  discipline  ecclésiastique  (ch.  II.  |  i)  recom- 
mandait d'établir  des  écoles  primaires  dans  toutes  les 
localités,  et  les  synodes  avaient  pour  tâche  et  à  cœur 
d'y  veiller.  L'instruction  secondaire  n'était  pas  non 
plus  oubliée,  car  chaque  province  devait  avoir  au 
moins  un  collège,  et  tous  les  élèves  devaient  y  être 
externes  ;  ceux  étrangers  à  la  ville  étaient  tenus  de 
trouver  un  logement  dans  d'honnêtes  maisons.  Le 
système  des  bourses  était  adopté,  et  le  système  électif 
mis  en  usage  pour  l'élection  des  anciens.  C'était  déjà 
la  mise  en  pratique  d'idées  qui  ne  devaient  prévaloir 
que  deux  siècles  plus  tard. 

L'instruction  obligatoire  est,  on   peut  le  dire,  im- 

1.  —  A.  Martin,  Histoire  de  Montivilliers,  1,  235. 


—  113  — 

pliquée  dans  le  dogme  de  l'autorité  de  la  Bible  qui 
est  le  fondement  même  du  protestantisme.  Aussi  vit- 
on  partout  les  églises  réformées  organiser  des  écoles 
et  fournir  des  subventions  h  l'instituteur  là  où  les  fa- 
milles ne  pouvaient  lui  assurer  une  rémunération 
suffisante.  Nous  trouvons  de  ces  écoles  mentionnées, 
de  1603  à  1608,  à  Montiviliiers,  Harfleur,  Criquetot 
et  Gonneville.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  n'y  en  eût 
aussi,  en  ces  mêmes  années  et  par  la  suite  jusqu'aux 
premiers  édits  restrictifs,  à  Bolbec,  Fécamp,  Luneray, 
Autretot,  Lintot  et  Lindebeuf  :  mais  les  registres 
consistoriaux  de  ces  églises  manquant,  nous  n'avons 
pu  en  acquérir  la  preuve  matérielle. 

L'école  de  Montiviliiers  ne  se  trouve  mentionnée 
que  dans  le  procès-verbal  d'une  séance  tenue  à  Séni- 
tot  dans  la  maison  de  M.  de  Brachon,  sous  la  prési- 
dence du  pasteur  Boucherot,  à  l'occasion  d'un  con- 
flit soulevé  par  cette  même  abbesse  que  nous  avons 
vue  empêcher,  en  1609,  l'érection  d'un  prêche  dans 
la  ville.  Voici  ce  qui  y  a  trait  :  '<  M.  Jacques  Dela- 
haye  sera  assisté  de  la  Bourse  et  deniers  des  pauvres 
de  la  somme  de  15  livres  pour  aller  au  parlement  de 
Rouen  s'entendre  au  procès  qu'il  a  contre  la  dame 
abbesse  de  Montiviliiers,  qui  veut  empescher  en  sa 
demeure  tenir  eschoUeen  ladite  ville  ;  et  sera  le  pro- 
chain colloque  requis  de  prendre  la  cause  en  main  à 
frais  communs,  en  cas  qu'il  fût  besoin  évoquer  la 
chose  en  conseil.  » 

Etre  membre  du  Consistoire  entraînait  à  de  grandes 
dépenses  de  temps,  car  les  Consistoires  se  réunis- 
saient souvent.  On  voit  aussi  que  les  diacres  visitaient 
les  pauvres  très  régulièrement.  Ce  qui  rendait  la  fonc- 
tion d'ancien  particulièrement  délicate  c'est  le  droit 
de  surveillance  qu'il  avait,  et  dont  il  devait  user  sans 
faiblesse,  sur  la  conduite  publique  ou  privée,  reli- 
gieuse ou  civile,   de  tous  les  membres  de  l'église, 


—  ii6  — 

surveillance  qui  avait  pour  conséquence  la  convoca- 
tion, devant  le  Consistoire,  de  ceux  qu'il  avait  trou- 
vés fautifs.  Pas  de  procès-verbal  de  séance  où  on  ne 
lise  qu'on  a  fait  comparaître  un  certain  nombre  de 
personnes  de  tout  rang  et  de  tout  sexe  pour  y  rece- 
voir admonestations,  réprimandes  et  censures,  et 
même  quelquefois  pour  s'entendre  exclure  de  la 
Cène,  pour  un  acte  ou  une  parole  de  légèreté,  d'im- 
piété, d'immoralité  ou  de  désobéissance.  Ce  droit, 
qu'on  ne  discutait  même  pas  alors,  paraîtrait  bien  in- 
quisitorial  aujourd'hui. 

Nous  sommes  en  1610.  L'Industrie,  le  Commerce 
et  l'Agriculture  ont  pris  un  essor  inconnu  jusque-là 
en  France.  11  n'est  que  juste  de  l'attribuer,  pour  les 
premiers  à  Sullv,  pour  la  dernière  à  Olivier  de  Ser- 
res. L'industrie  s'était  particulièrement  développée. 
Aussi  le  mouvement  d'émigration  des  campagnes  vers 
les  villes  commença-t-il  à  s'accentuer.  Cette  émigra- 
tion, au  début,  ne  comprit  guère  que  des  protestants. 
Les  registres  de  l'église  de  Rouen  des  premières  an- 
nées du  XVIL  siècle  abondent  en  noms  de  protes- 
tants venus  s'établir  à  Rouen  de  tous  les  points  de  la 
Normandie  ;  mais  tout  particulièrement  du  pays  de 
Caux.  11  s'ensuivit  une  diminution  d'importance  des 
églises  rurales.  Pour  la  région  qui  nous  occupe,  nous 
ne  voyons  d'exception  que  pour  Luneray  :  c'est,  du 
moins,  le  sens  qui  nous  paraît  devoir  être  donnée  à 
une  note  de  l'année  1619  du  consistoire  de  Dieppe, 
laquelle  porte  qu'un  don  de  so  livres  fut  fraternelle- 
ment fait  à  l'église  de  Luneray  pour  lui  aider  à  agran- 
dir son  temple. 

Le  peuple,  qui  n'avait  jamais  connu  une  paix  ni  un 
bien-être  pareils,  était  rempli  de  joie  et  d'espérance. 
Il  ne  se  doutait  pas,  personne  ne  se  doutait  qu'il  se 
préparait  dans  l'ombre  un  odieux  attentat.  Les  jésui- 
tes, qui  avaient  été  chassés  du  royaume  à  la  suite  de 


la  tentative  de  Jean  Chartier.  y  étaient  rentrés  par  la 
bienveillance  de  Henri  IV  qui  préférait  «  les  avoir 
auprès  de  lui  que  contre  lui.  »  Il  p^rit  même,  pour 
mieux  désarmer  la  puissante  compagnie,  un  confes- 
seur dans  son  sein.  Mais  rien  n"y  fit.  Elle  voyait  tou- 
jours en  lui  ce  qu'y  voyait  le  peuple  ignorant  et  su- 
perstitieux :  un  iiérétique  et  un  excommunié.  Et  le 
14  mai  1610,  un  des  siens,  Ravaillac,  tua  Henri  IV  en 
lui  plongeant  deux  fois  son  couteau  dans  la  poitrine. 
Ce  régicide,  qu'on  doit  considérer  comme  le  martyr 
d'une  idée  —  mais,  alors,  que  dire  d'une  idée  qui 
pousse  à  un  tel  crime  ?  —  avoua  dans  ses  interroga- 
toires qu'il  n'avait  pu  résister  à  la  tentation  de  tuer 
le  roi  parce  qu'en  faisant  la  guerre  au  pape  il  la  fai- 
sait à  Dieu.  '<  d'autant  que  le  pape  est  Dieu  !  » 

Henri  1\'  a  laissé  vide  la  plus  grande  place  qu'un 
roi  ait  occupée  dans  le  cœur  de  ses  sujets.  Il  avait  des 
faiblesses,  mais  ses  qualités  les  compensaient.  C'est 
sous  son  règne  que  s'est  fermé  le  moven-âge.  cette 
nuit  que  la  théocratie  a  fait  descendre  sur  le  christia- 
nisme, et  ouverte  la  voie  qui  devait  mener  à  la 
liberté  de  conscience  comme  droit  imprescriptible. 
Les  réformés  ont  toujours  été  reconnaissants  envers 
ce  prince  qui  fut  le  premier  ii  leur  accorder  le  libre 
exercice  de  leur  religion,  et  ils  étaient  fiers  que  le 
seul  roi  dont  le  peuple  ait  gardé  le  souvenir  eût  été 
élevé  par  une  mère  protestante. 

Nous  ne  voulons  pas  rabaisser  la  gloire  de  Henri 
W .  mais  nous  crovons  sincèrement  qu'elle  s'est  ac- 
crue de  ce  que  les  idées  de  l'époque  mettaient  tou*t 
ce  qui  se  faisait  sous  le  règne  d'un  roi  à  l'actif  de  sa 
propre  sagesse,  de  sa  prévoyance  et  de  son  esprit  po- 
litique. Ces  qualités,  le  Béarnais  les  avait  :  mais  nous 
sommes  convaincu  que  sans  le  principe  moral  du  pro- 
testantisme qui  développe  normalement  l'esprit  de 
famille,  la  loyauté,  le  courage,  la  vertu,  l'économie, 


—  ii8  — 

la  soif  de  s'instruire,  la  confiance  en  soi  et  dans  les 
autres,  et  sans  son  principe  individualiste  qui  accen- 
tue la  personnalité  et  la  porte  aux  conceptions  et  aux 
initiatives  hardies,  principes  qui  purent  produire 
leurs  fruits,  grâce  à  Toctroi  de  TEdit  de  Nantes,  ces 
qualités  n'eussent  pas,  d'elles-mêmes,  amené  la  pros- 
périté de  l'état  social  que  tout  le  monde  constate  et 
qui  fit  si  amèrement  regretter  le  roi  populaire. 


CHAPITRE  II 

De  la  régence  de  Marie  de  Médicis  à  l'Edit  de  Grâce 

(KiiU-KJi'Jj 


On  juge  de  quelle  inquiétude  les  protestants  furent 
saisis  en  apprenant  la  mort  du  roi  et  surtout  à  quel 
mobile  Tassassin  avait  obéi.  Un  certain  nombre  de 
familles,  craignant  une  nouvelle  St-Barthélemv.  se 
sauvèrent  de  Paris.  Le  duc  de  SuUv.  gouverneur  de 
la  Bastille,  s'y  enferma  pour  sa  sûreté.  Les  religion- 
naires  des  provinces  méridionales  reprirent  leurs  ar- 
mes. Tous  croyaient  si  bien  LEdit  de  Nantes  mort 
avec  son  auteur  que  sa  confirmation,  par  la  Cour,  le 
22  mai,  ne  rencontra  que  des  incrédules:  la  reine  ré- 
gente n'était-elle  pas  une  Médicis  ?  Pour  nos  pères, 
c'était  une  seconde  Catherine,  d'autant  plus  qu'ils  la 
savaient  bigote  et  vindicative  et  adonnée  à  l'astrolo- 
gie. Pourtant,  la  confirmation  de  Ledit  fut  suivie 
d'une  surveillance  pour  qu'il  eût  partout  son  plein  et 
entier  elïet.  Soupçonnant  c^u'en  Normandie,  où  la 
ligue  avait  été  si  puissante  et  le  parlement  si  récalci- 
trant, rien  ne  s'y  faisait  de  bonne  volonté,  la  reine 
envoya  des  commissaires  avec  mission  de  recevoir  les 
plaintes  des  réformés  et  d"y  faire  droit  pour  autant 
que  cela  se  pourrait.  Et  c'est  ainsi  que,  la  Seine  se 
trouvant  gelée  le  25  décembre  161 1,  ce  qui  empê- 
chait les  protestants  rouennais  d'aller  célébrer  la  fête 
de  Noël  à  Quevilly,  ils  furent  autorisés  à  célébrer 
cette  solennité  à  Boisguillaume.  On  appela  même  un 
certain   nombre  de  religionnaires  rouennais  à  (ie§ 


fonctions  publiques.  Malheureusement  il  n'en  alla 
pas  de  même  partout  ailleurs. 

Les  chefs  réformés  n'étaient  plus  alors  ce  qu'ils 
auraient  dû  être.  Ils  sacrifiaient  l'intérêt  de  la  com- 
munauté à  leurs  prétentions,  entre  autre  le  duc  de 
Bouillon  et  le  maréchal  de  Lesdiguières.  Bien  que 
Sully,  ministre  disgracié,  fut  un  peu  ondoyant,  les 
réformés,  néanmoins,  pouvaient  compter  sur  lui. 
Son  gendre,  le  duc  de  Rohan,  alors  âgé  de  32  ans, 
commençait  à  montrer  les  qualités  qui  font  les  chefs 
incontestés.  En  effet,  on  rencontrait  à  la  fois  en  lui 
le  goût  de  Tétude,  la  capacité,  l'intrépidité,  la  géné- 
rosité, Tautorité,  la  parole  mâle  et  brève  qui  est  l'é- 
loquence d'un  vrai  chef  de  parti.  Duplessis-Mornay, 
que  le  poids  des  années  avait  rendu  prudent,  penchait 
pour  les  voies  pacifiques.  Il  s'employa  sans  relâche, 
pendant  la  régence  de  Marie  de  Médicis,  à  déjouer 
les  intrigues  des  mécontents  et  à  calmer  les  impa- 
tients. Toutes  les  passions  opposées  du  parti  protes- 
tant se  trouvèrent  en  présence  dans  l'assemblée  po- 
litique de  Saumur  tenue  en  161 1.  La  Cour  n'avait  pas 
autorisé  de  bonne  grâce  une  telle  assemblée  ;  elle 
avait  mis  pour  condition  à  son  autorisation  qu'elle 
se  séparerait  dès  qu'elle  aurait  désigné  les  six  person- 
nes parmi  lesquelles  le  roi  devait  choisir  deux  dépu- 
tés généraux.  Mais  il  était  bien  difficile  à  une  assem- 
blée de  se  réunir  de  si  loin  pour  se  borner  à  écrire 
six  noms  sur  un  bout  de  papier.  Il  y  avait  là  le  maré- 
chal de  Lesdiguières,  les  ducs  de  Bouillon,  de  Sully, 
de  Rohan,  et  Duplessis-Mornay.  La  présidence  alla  à 
ce  dernier  par  les  trois  quarts  des  voix.  C'était  indi- 
quer clairement  que  l'Assemblée  se  tiendrait  sur  le 
terrain  religieux  avec  l'intention  arrêtée  de  n'y  pas 
transiger. 

Les  séances  durèrent  près  de   quatre  mois,  malgré 
la  demande  de  dissolution  faite  par  la  cour.  On  y  re- 


nouvela  le  serment  d'union  qui  consistait  à  jurer 
fidélité  et  obéissance  au  roi,  le  souverain  empire  de 
Dieu  de)ueuraiit  fou/ours  en  son  eniier.  Henri  de 
Rohan  s"y  révéla  grand  orateur  et  homme  d'état. 
Voici  quelques-unes  des  nobles  et  fortes  paroles  qu'il 
y  fit  entendre  :  '<  Nous  sommes  arrivés  en  un  carre- 
«  four  où  plusieurs  chemins  se  rencontrent  ;  mais  il 
«  n'y  en  a  qu'un  où  se  trouve  notre  sûreté.  La  vie  de 
«  Henri-ie-Grand  la  maintenait.  Il  faut  à  cette  heure 
«  que  ce  soit  notre  vertu...  Soyons  religieux  à  ne  de- 
«  mander  que  les  choses  légitimes.  Soyons  fermes  à 
«  les  obtenir.  >/ 

D'autres  assemblées  eurent  lieu  les  années  suivan- 
tes. Les  tendances  différentes  des  délégués  du  Nord 
et  de  ceux  du  Midi  s'y  marquèrent  de  plus  en  plus  : 
ceux  du  Nord  étaient  généralement  timides  à  cause 
de  ce  que  le  protestantisme  était  une  faible  minorité 
dans  leur  région  :  ceux  du  Midi,  au  contraire  habi- 
tant des  provinces  où  le  nombre  des  protestants  était 
imposant,  se  montraient  hardis  jusqu'à  la  témérité. 

On  convoqua  fréquemment  des svnodes nationaux. 
Ces  corps  intervenaient  dans  les  questions  politiques. 
Les  idées  de  théocratie  étaient  trop  dans  les  esprits 
pour  ûue  cette  ingérence  ne  se  produisît  pas.  C'est 
ainsi  qu'au  synode  de  Privas,  qui  s'ouvnit  le  24  mars 
1612,  les  membres  de  cette  assemblée  se  plaignirent 
des  lettres  patentes  d'abolition  ou  de  pardon  publiées 
au  mois  d'avril  précédent,  et  s'occupèrent  d.-  rétablir 
l'harmonie  entre  les  seigneurs  de  la  religion  qui  s'é- 
taient divisés  à  Saumur,  ce  à  quoi  ils  réussirent. 

En  1613,  les  religionnaires  normands  demandèrent 
des  cimetières  où  leurs  morts  pussent  être  enterrés 
honorablement  et  sans  être  exposés  aux  outrages  des 
fanatiques.  Pour  le  pays  de  Caux,deux  conseillers  de 
la  reine  régente  furent  envoyés  :  M.  Renard,  catholi- 
que, et  M.  de  Courtaumer,  protestant.  Ils  choisirent 


—     1 22    — 

dans  chaque  paroisse  remplacement  le  plus  conve- 
nable pour  y  établir  un  cimetière.  Nous  ne  pouvons 
indiquer  les  lieux  déterminés  pour  chacune.  Nous 
croyons  que  pour  Bolbec  Tendroit  choisi  était  situé 
à  la  Jolie,  près  de  la  ferme  de  ce  nom,  et  à  Criquetot. 
Lintot,  Autretot  et  Luneray,  autour  ou  dans  le  voi- 
sinage du  temple.  Pour  Sénitot  c'était  certainement 
à  côté.  Dans  les  paroisses  où  il  n'y  avait  pas  de  lieu 
de  culte,  c'était  le  plus  souvent  à  l'intersection  de 
deux  chemins. 

En  1614,  Henri  IV  était  déjà  oublié  des  catholiques 
et  des  politiques  et  son  esprit  de  tolérance  méconnu. 
Partout,  en  etïet.  les  réformés  avaient  à  subir  des 
vexations  de  toute  sorte.  Les  cours  de  justice  lésaient 
ouvertement  leurs  droits  tout  en  donnant  une  appa- 
rence légale  à  cet  arbitraire. 

Dans  les  Etats  généraux  réunis  en  1614,  l'orateur 
du  tiers-état  parla  en  faveur  de  la  tolérance  ;  mais  le 
clergé  et  la  noblesse  déclarèrent  que  le  roi  avait  fait, 
le  jour  du  sacre,  le  serment  de  chasser  de  son  royau- 
me les  hérétiques  dénoncés  par  l'église.  Le  cardinal 
Duperron  déclara  que  les  édits  n'étaient  que  provi- 
soires et  qu'on  n'avait  accordé  qu'un  simple  sursis  à 
des  sujets  rebelles.  On  ne  saurait  imaginer  de  nos 
jours  jusqu'où  le  clergé  poussait,  dans  ses  demandes 
au  roi,  sa  haine  contre  les  huguenots.  Il  voulait  ob- 
tenir la  défense  d'écrire  contre  les  sacrements  de 
l'église  romaine  et  l'autorité  du  pape,  la  défense  de 
tenir  des  écoles  dans  les  villes  et  même  dans  les  fau- 
bourgs des  villes  épiscopales,  l'interdiction  aux  mi- 
nistres de  pénétrer  dans  les  hôpitaux  pour  apporter 
des  paroles  de  consolation  aux  malades  de  leur  reli- 
gion, la  défense  aux  gens  venus  de  l'étranger  d'ensei- 
gner autre  chose  que  le  catholicisme,  enfin  la  pro- 
chaine interdiction  de  tous  les  exercices  de  la  R.  P. 
K.Ces  deniandes  revinrent  périodiquement  et  chaque 


fois  plus  pressantes  jusqu'à  ce  qu'enfin  TEdit  de 
Nantes  fût  révoqué,  et  même  après  et  jusqu'en  1787 
elles  se  renouvelèrent  fréquemment  ;  mais  les  idées 
philosophiques  se  répandaient  et  la  tolérance,  cette 
fille  du  libre-examen,  pénétrait  de  plus  en  plus  dans 
les  esprits.  Aussi  firent-elles  de  moins  de  moins  de 
bruit  et  tout  à  coup  s'arrétèrent-elles  !  La  Consti- 
tuante avait  parlé  ! 

Mais  revenons  au  règne  de  Louis  XIII.  Un  double 
projet  de  mariage  avait  été  approuvé  par  le  Saint 
Siège  :  celui  du  jeune  roi  avec  une  infante  d'Espagne, 
et  celui  du  prince  des  Asturies  avec  une  fille  de  la 
maison  de  France.  On  devine  quelles  craintes  enva- 
hirent l'esprit  des  réformés  à  l'annonce  de  ces  nou- 
velles matrimoniales,  d'autant  plus  que  les  prédica- 
teurs catholiques  disaient  hautement  en  chaire  que 
l'une  des  conditions  des  deux  Cours  était  la  destruc- 
tion de  l'hérésie. 

Le  prince  de  Condé,  ce  renégat  bigot,  essaya  de 
tourner  à  son  profit,  en  invoquant  la  mémoire  de  son 
père  et  de  son  aïeul,  les  inquiétudes  de  ses  anciens 
coreligionnaires.  Il  leur  adressa  en  i6i=;un  manifeste 
où  il  leur  disait  que  l'Edit  de  Nantes  serait  aboli,  et 
que  le  roi  ne  rassemblait  des  troupes  que  pour  les 
exterminer.  Ces  provocations  eurent  pour  effet  de 
mettre  le  duc  de  Rohan  en  campagne  du  côté  delà 
Saintonge  ;  mais  le  gros  du  parti  demeura  tranquille, 
et  une  négociation  intervint  qui  remit  les  choses 
comme  elles  étaient  auparavant. 

Un  événement  grave  se  place  à  ce  point  de  notre 
récit  :  La  Réforme  était  devenue  oppressive  en  Béarn 
où  les  trois  quarts  (d'aucuns  disent  les  neuf  dixièmes) 
de  la  population  étaient  protestants.  C'étaient  de 
sérieux  motifs  de  reprendre  les  armes.  11  leur  fut  en- 
joint de  restituer  aux  prêtres  les  biens  ecclésiastiques 
qui  étaient  affectés,  depuis  1369,  au  service  des  teni-' 


—  124  — 

pies,  des  écoles,  des  hôpitaux  et  des  pauvres.  Le 
jésuite  Arnoux  disait  que  ces  biens  appartenaient  à 
Dieu. 

Les  Etats  de  Béarn,  la  noblesse,  la  magistrature, 
les  villes,  le  peuole,  tous  firent  des  représentations 
qu'on  n'écouta  pas.  Le  roi  se  mit  en  marche  à  la  tête 
d'une  armée,  et  les  béarnais,  n'ayant  pu  lui  opposer 
qu'une  timide  résistance,  il  entra  dans  la  ville  de  Pau 
le  is  octobre  1620.  De  cruelles  violences  marquèrent 
partout  le  passage  du  roi  qui  fit  la  sourde  oreille  aux 
plaintes  qu'on  lui  en  adressa.  C'était  la  préface  des 
dragonnades.  Les  Calvinistes  des  autres  provinces, 
trop  affaiblis  par  les  défections  et  leurs  dissentiments 
antérieurs,  sentirent  qu'ils  ne  pouvaient  répondre  à 
l'appel  des  églises  de  Béarn.  Quelques  pasteurs  aussi 
conseillèrent  la  passivité,  entre  autres  Pierre  Dumou- 
lin, qui  jouissait  d'une  haute  autorité.  Mais  le  peu- 
ple, remué  par  des  gentilshommes  de  second  rang 
et  les  bourgeois  de  La  Rochelle  qui  lui  représentaient 
le  roi  comme  ayant  manqué  à  ses  promesses  et  com- 
me étant  prêt,  sur  l'avis  de  ses  conseillers  et  les  sug- 
gestions des  chaires  catholiques,  à  poursuivre  l'ex- 
termination des  hérétiques,  le  peuple  voulait  lutter. 

L'7\.ssemblée  politique  qui  se  réunit  à  la  Rochelle 
au  mois  de  décembre  (  161  s)  délibéra  sous  l'empire  de 
ces  idées.  Le  roi  avait  envoyé  un  huissier  pour  dé- 
fendre la  réunion.  On  passa  outre.  (Vêtait  grave.  Les 
seigneurs  du  parti  tentèrent  une  médiation.  Les  ducs 
de  Rohan.  Soubise,  La  Trémoille  eurent  une  entre- 
vue à  Niort  avec  des  délégués  de  la  Cour,  d'où  il  ne 
résulta  rien.  Le  Conseil  du  roi  ordonna  à  l'assemblée 
de  se  séparer  sur  le  champ.  Elle  répondit  que  pour 
le  faire  il  lui  fallait  de  solides  garanties  de  libre-ex- 
ercice religieux.  On  disait  d'un  côté  :  Retournez  chez 
vous  et  vous  aurez  satisfaction.  l:t  de  Lautre  on  ré- 
pondait :  Donnez-nous  satisfaction  çt  nous  retourne- 


—     I2S    — 

rons  chez  nous.  Il  ne  pouvait  y  avoir  d"issue  puis- 
qu'on se  défiait  des  deux  parts.  Le  conseil  du  roi 
voulait  briser  l'organisation  politique  des  réformés  ; 
mais  ceux-ci.  sentant  que  leur  liberté  religieuse  en 
dépendait,  la  maintenaient  fermement. 

Voulant  définitivement  en  finir,  l'assemblée  de  La 
Rochelle  prit,  le  lo  mai  1621,  une  décision  qu'on  ne 
peut  approuver  aujourd'hui  :  elle  résolut  de  recourir 
à  la  force.  A  cet  etlet,  elle  divisa  la  France  en  huit 
cercles  :  chaque  cercle  devait  être  sous  le  gouverne- 
ment d'un  chef  de  parti,  et  l'autorité  suprême  était 
dévolue  au  duc  de  Bouillon.  Cette  organisation  était 
plus  apparente  que  réelle.  Le  duc  de  Bouillon  resta 
neutre.  Le  maréchal  de  Lesdiguières,  le  duc  de  la 
Trémoille  et  le  marquis  de  Chatillon  étaient  hési- 
tants. Le  marquis  de  la  Force  craignait  de  se  brouiller 
avec  la  cour.  Le  duc  de  Sully  voulait  le  repos  et 
Duplessis-Mornay  la  paix.  Seuls  les  ducs  de  Rohan 
et  de  Soubise  furent  pour  la  guerre. 

La  Picardie,  la  Normandie,  l'Orléanais,  File  de 
France,  le  Poitou  et  le  Dauphiné  refusèrent  de  se 
lever.  Le  Saintonge,  la  Guyenne,  le  Quercy  et  le 
Languedoc  seuls  se  mirent  en  mesure  de  résister.  Le 
24  avril  1621,  soit  1=,  jours  avant  la  décision  de  ras- 
semblée de  La  Rochelle,  Louis  XIll  avait  ouvert  les 
hostilités  vers  la  Loire,  car  les  avis  qui  avaient 
prévalu  dans  son  conseil  étaient  qu'il  fallait  préparer 
un  grand  coup,  et  les  jésuites  avaient  levé  les  scru- 
pules du  roi  en  disant  qu'on  peut  violer  en  toute  sû- 
reté la  parole  donnée  aux  hérétiques. 

Le  pape  offrit  200,000  écus  à  la  condition  que  les 
huguenots  fussent  amenés  de  gre  ou  de  force  dans 
l'église  romaine.  Sous  la  même  condition,  les  cardinaux 
offrirent  la  même  somme,  et  les  prêtres  un  million. 

L'Espagne,  avec  laquelle  le  double  mariage  dont 
il  a  été  parlé  avait  fait  contracter  alliance,   poussait 


126    

aussi  à  la  guerre.  Louis  XIII,  débarrassé  de  tout  scru- 
pule, lança  une  déclaration  de  lèse-majesté  à  l'assem- 
blée de  La  Rochelle  et  reprit  sa  marche.  Ses  premiers 
exploits  furent  de  s"emparer  de  Saumur  par  super- 
cherie. C'était  Duplessis-Mornay  qui  en  était  le  gou- 
verneur. On  juge  de  ce  que  Taustère  huguenot  dut 
penser  de  l'action  royale.  On  lui  offrit  un  dédomma- 
gement (100,000  écus  et  le  bâton  de  maréchal]  pour 
qu'il  consentît  à  donner  l'apparence  d'un  arrange- 
ment à  cette  félonie.  '<  Je  ne  puis  en  conscience  ni 
honneur  vendre  la  liberté  et  la  sécurité  des  autres  » 
répondit-il  avec  hauteur.  Et  il  alla  demeurer  dans  sa 
maison,  où  il  mourut  le  11  novembre  1623.  Au  milieu 
des  guerres  de  religion,  les  pires  des  guerres  et  les 
plus  honteuses  puisque  des  deux  côtés  on  tue  en 
croyant  servir  Dieu,  Duplessis-Mornay  fut  toujours 
le  même.  Il  laissa  un  nom  sans  tache  et  la  réputation 
d'un  caractère  irréprochable.  C'est  une  des  plus  no- 
bles figures  du  protestantisme  français.  Jean  Daillé, 
l'aumônier  de  la  famille,  devenu  ensuite  l'un  des 
ministres  de  Charenton,  dit  de  ses  derniers  instants  : 
«  Nous  le  vîmes  au  milieu  de  la  mort  posséder  la  vie 
«  et  jouir  d'un  plein  contentement  là  où  tous  les 
«  hommes  s'effraient  d'ordinaire.  » 

Au-delà  de  Saumur,  l'armée  royale  ne  rencontra 
de  résistance  qu'en  arrivant  à  St-Jean-d"Angely,  où 
commandait  Soubise.  Il  fallut  26  jours  pour  réduire 
cette  place.  Le  roi  se  porta  ensuite  dans  la  Basse- 
Guyenne  où  il  ne  trouva  de  résistance  qu'à  Clairac 
dont  il  s'empara  au  bout  de  12  jours  de  siège.  Le  18 
août  (1621)  il  investissait  ^lontauban.  Le  marquis  de 
La  Force  y  commandait,  et  le  duc  de  Rohan  avait  son 
quartier  général  à  peu  de  distance  pour  pouvoir  faire 
passer  des  vivres  et  des  renforts  dans  la  ville. 

Un  carme  espagnol,  réputé  grand  thaumaturge,  qui 
passait  par  là,  fut  consulté  par  le   roi.  '<.   Tirez  400 


coups  de  canon  contre  la  ville,  dit-il,  et  elle  se  ren- 
dra infailliblement.  »  Les  400  coups  furent  tirés,  mais 
la  ville  ne  se  rendit  pas.  Le  siège  en  fut  levé  au  bout 
de  deux  mois  et  demi,  le  2  novembre,  après  plusieurs 
assauts  infructueux.  La  guerre  fut  reprise  Tannée  d'a- 
près avec  une  rigueur  inouïe.  Les  prisonniers  étaient 
tués  ou  envoyés  aux  galères.  Cette  barbarie  amena 
parmi  les  réformés  des  défections  qui  leur  firent  plus 
de  mal  que  des  défaites. 

La  voisine  de  Montauban.  Xégrepelisse.  accusée 
d'avoir  massacré  la  garnison  catholique,  fut  l'objet 
d'horribles  représailles.  St-Antonin,  pour  avoir  tenté 
de  se  défendre,  vit  dix  de  ses  bourgeois  et  son  pasteur 
payer  de  leur  vie  cette  résistance  téméraire. 

L'armée  royale  arriva  sous  Montpellier  le  30  août 
i(j22.  Le  siège  en  traîna  si  bien  en  longueur  que  le  roi 
consentit  à  traiter  d'une  paix  générale  avec  le  duc  de 
Rohan.  Les  articles  de  ce  traité  furent  connus  vers  le 
milieu  d'octobre.  Ils  confirmaient  l'Edit  de  Nantes, 
ordonnaient  le  rétablissement  des  deux  religions  dans 
les  endroits  où  elles  se  pratiquaient  auparavant  et  au- 
torisaient les  réunions  de  consistoires,  colloques  et 
synodes,  mais  défendaient  les  assemblées  politiques. 

Les  fortifications  de  Montpellier  devaient  être  ra- 
sées et  la  ville  administrée  par  quatre  consuls  nom- 
més parle  roi.  Les  calvinistes  ne  conservaient  plus 
que  deux  places  fortes  :  La  Rochelle  et  IMontauban. 

L'esprit  de  parti  ayant  entretenu  l'aigreur  des  deux 
côtés,  ce  nouveau  traité  demeura  lettre  morte.  Les 
réformés,  toujours  obligés  de  vivre  sur  le  qui-vive, 
soupçonnaient  la  royauté  d'avoir  des  arrière-pensées 
et  d'encourager  sournoisement  les  jésuites  à  fanatiser 
de  plus  en  plus  le  bas  peuple,  et  les  magistrats  à  sé- 
vir arbitrairement  contre  les  hérétiques.  Il  en  résulta 
forcément  que  la  réforme  devint  de  plus  en  plus  un 
parti  politique.  L'esprit  d'indépendance  avait  natu- 


—    128    — 

rellement  grandi  chez  les  réformés  et  les  sentiments 
républicains  n'y  étaient  pas  rares.  Tout  cela  agit  tant 
et  si  bien  que  vers  1622  les  protestants  formaient  un 
parti  considérable,  renforcé  des  catholiques  mécon- 
tents et  s'appuyant  sur  l'Europe  protestante.  Nous 
reconnaissons  qu'une  telle  situation  était  intolérable 
pour  la  monarchie,  et  nous  comprenons  que  le 
conseil  du  roi  ait  voulu  en  sortir.  Mais  Richelieu,  à 
cause  des  alliances  diplomatiques  qu'il  avait  en  vue, 
retardait  la  réalisation  du  plan  projeté  et  qui  était  la 
ruine  méthodique  et  complète  de  l'hérésie. 

Pendant  ces  époques  si  troublées,  des  synodes  na- 
tionaux se  tinrent  :  — -  à  Vitré,  du  18  mai  au  8  juin 
lôi^  (l'église  de  Fécamp  y  était  représentée  par  son 
ministre  Abdias  de  Montdenis  et  il  y  fut  constaté  que 
la  province  de  Normandie  avait  44  pasteurs  et  6  pro- 
posants) ; —  à  Alais,  du  r'  octobre  au  2  décembre 
1620  (l'église  de  Fécamp  y  était  représentée  par  An- 
toine Bridou,  écuyer,  sieur  du  Bosc-le-Roi,  ancien, 
et  celle  de  Bolbec  par  le  pasteur  Jacques  Larrey)  ;  — 
à  Charenton,  du  i"'' septembre  au  i'"'  octobre  162^  : 
—  à  Castres,  en  1626  fie  ministre  Guélode  y  repré- 
sentaitFécampet  le  ministre  Jacques  Larrey,  Bolbecu 
A  ces  deux  derniers  synodes  un  commissaire  imposé 
par  le  roi  assista  aux  séances  avec  droit  de  reprendre 
et  même  de  dissoudre,  ce  qui  n'empêcha  pas  qu'à 
celui  de  Castres  de  grandes  plaintes  furent  formulées 
sur  la  situation  des  églises  :  exercice  du  culte  empê- 
ché, cimetières  ôtés,  morts  déterrés  avec  la  dernière 
indignité,  ministres  battus,  blessés  et  chassés. 

Tout  en  donnant  satisfaction  sur  quelques  points 
secondaires,  la  cour  était  de  plus  en  plus  hostile.  Le 
cardinal  de  Richelieu  voulait  réduire  La  Rochelle, 
ce  dernier  rempart  du  protestantisme  politique,  pour 
que  la  royauté  devînt  le  seul  pouvoir  en  France. 
Nous  reconnaissons  que  Richelieu  envisageait  plutôt 


Î29   — 

la  grandeur  de  la  patrie  que  l'unité  religieuse. 
La  Rochelle,  il  est  utile  de  le  dire,  jouissait  de  pri- 
vilèges vieux  de  cinq  siècles.  Elle  était  une  sorte  de 
ville  libre  comme  il  y  en  a\ait  en  Allemagne.  Son 
véritable  chef  était  son  maire  qu'elle  renouvelait 
tous  les  ans.  Elle  comptait  de  25  à  30.000  habitants. 
Les  rochelois  étaient  industrieux,  intelligents,  marins 
hardis  et  remplis  d'initiative.  Le  siège  commença  en 
1627  et  dura  plus  d'un  an.  Richelieu  avait  fait  cons- 
truire une  digue  dans  la  mer  pour  empêcher  le  ravi- 
taillement, et  il  enferma  les  assiégés  dans  un  cercle 
qui  se  resserrait  chaque  jour  davantage.  La  famine 
devint  affreuse  au  mois  de  juin.  Il  mourait  alors  de 
2  à  300  personnes  journellement.  Les  détails  de  ce 
siège  sont  horribles.  Pendant  ce  temps,  le  duc  de 
Rohan  cherchait  des  soldats  pour  courir  au  secours 
de  ces  braves  gens.  Il  se  heurta  partout  à  l'indiffé- 
rence. On  ne  reconnaît  plus  là  les  hommes  de  foi  des 
premiers  teniDs  du  protestantisme.  La  malheureuse 
ville  avait  compté  sur  des  secours  du  dehors,  par 
terre  et  par  mer.  Quand  tout  espoir  d'aide  fut  perdu, 
que  les  deux  tiers  de  la  population  eurent  succombé, 
que  les  morts  encombrèrent  les  rues  parce  que  la 
force  pour  les  ensevelir  manquait  aux  survivants,  la 
ville  se  rendit.  C'était  le  28  octobre  1628.  Les  vrais 
protestants  qui  restaient  courbèrent  la  tète,  car  le 
protestantisme  était  vaincu.  Il  y  eut  des  réjouissances 
à  Rome.  L'héroïsme  des  rochelois  ne  commanda  pas 
le  respect  chez  le  Saint  Père,  car,  sur  son  ordre,  un 
te  dciim  solennel  fut  chanté.  Il  y  eut  aussi  des  ré- 
jouissances à  Rouen  et  à  Caen.  A  Rouen,  le  8  novem- 
bre, la  cloche  du  Beffroy.  qu'on  n'avait  pas  entendue 
depuis  30  ans,  sonna  à  toute  volée  et  un  ic  deiiiii  fut 
chanté  en  suite  duquel  ce  ne  furent  que  fêtes,  danses, 
feux  toute  la  nuit,  lanternes  aux  fenêtres,  tables  mises 
en  pleine  rue  '/  tous  buvam  et  faisant   boire  les  pas- 


-  I30  - 

sants    à    la    santé    du    roy.     » 

Le  duc  de  Rohan  n'en  continua  pas  moins  dans  le 
Midi  à  tenir  campagne  avec  sa  petite  armée.  L'armée 
royale  se  présenta  devant  Privas  au  mois  de  mai  1629. 
Les  habitants,  pris  de  panique,  s'enfuirent,  et  la 
garnison,  qui  s'était  retirée  dans  un  fort,  dut  bientôt 
capituler.  Au  moment  de  l'entrée  des  troupes  royales, 
l'explosion  d'un  magasin  à  poudre  ayant  fait  croire 
à  un  guet-apens,  les  800  soldats  huguenots  de  la  gar- 
nison furent  égorgés,  50  bourgeois  pendus,  le  reste 
de  la  population  envoyé  aux  g"alères  et  la  ville  sacca- 
gée et  brûlée.  Le  roi  marcha  du  côté  des  Cévennes 
sans  coup  férir,  et  le  duc  de  Rohan,  voyant  que  toute 
prolongation  de  résistance  était  inutile,  sollicita  la 
paix.  Richelieu  imposa  pour  première  condition  que 
toutes  les  fortifications  des  villes  huguenotes  fussent 
rasées.  C'était  la  défaite  apparente  du  protestantisme. 

En  1626,  le  duc  de  Longueville,  gouverneur  de 
Normandie,  rendit  des  protestants  du  Havre  et  du 
pays  de  Caux  le  beau  témoignage  suivant  : 

«  Je  voys  chacun  d'eulx  porté  dans  son  debvoir  et 
«  donner  des  exemples  et  témoignages  que  leur  vo- 
«  lonté  y  est  attachée  inséparablement  pour  demeu- 
«  rer  en  l'obéissance  de  S.  M.  soubz  la  foy  de  ses 
«  édictz  et  jouyr  par  conséquent  de  la  liberté  qui  leur 
«  est  accordée  par  iceulx  en  laquelle  on  est  obligé  de 
«  les  maintenir  et  par  les  armes  et  par  la  justice  con- 
«  tre  ceulx  qui  les  y  vouldroienttroubler  au  préjudice 
«  de  l'intention  de  S.  M.  »  ^ 

Le  roi  donna  à  Nîmes,  au  mois  de  juillet  1629,  Le- 
dit connu  sous  le  nom  d'Edit  de  Grâce.  Cet  édit  mar- 
quait, cela  va  de  soi,  un  nouvel  état  de  choses.  Les 
réformés  furent  remis  en  possession  de  leurs  temples, 
de  leurs  cimetières,  de  l'exercice  de  leur  religion  dans 
les  lieux  où  il  se  pratiquait  auparavant  en  attendant 
1.  —  Borély,  Hist.  du  Havre,  II,  p.  327. 


—  131  — 

qu'ils  revinssent  au  giron  de  l'église  '<  dans  laquelle, 
«disait  Louis  XIII,  depuis  plus  de  onze  cents  ans 
«  continuels  les  rois  nos  prédécesseurs  ont  vécu 
«  sans  aucune  interruption  ni  changement,  ne  pou- 
«  vaut  en  quelque  sorte  leur  témoigner  davantage 
«  l'affection  que  nous  leur  portons  que  de  les  désirer 
«  dans  le  même  chemin  de  salut  que  nous  tenons  et 
«  suivons  par  nous-méme.  » 

Cette  bonté,  qui  s'exprimait  en  termes  si  heureux, 
était  feinte.  Pourtant,  l'Kdit  de  Grâce  était  moins  dur 
qu'on  n'avait  craint,  et  on  peut  dire  que  Richelieu 
s'est  conduit  là  en  politique  habile. 

La  ville  de  Montauban  se  soumit  la  dernière.  On 
lui  représenta  que  la  lutte  était  inutile  et  elle  ouvrit 
ses  portes  (21  août  1629). 

Nous  ne  savons  trop  comment  les  religionnaires 
étaient  traités  dans  les  campagnes  pendant  les  guerres 
religieuses  qui  eurent  lieu  sous  Louis  XIII  ;  mais 
nous  devons  penser  que  ce  ne  fut  pas  difleremment 
que  dans  les  villes.  Or.  nous  savons  que  dans  les 
villes  les  succès  alternatifs  des  armes  catholiques  et 
protestantes  amenaient  des  querelles  qui  dégéné- 
raient souvent  en  rixes  mortelles.  Il  y  avait  aussi  des 
guet-apens,  et  nous  devons  bien  croire  qu'à  la  cam- 
pagne, où  les  endroits  favorables  aux  embuscades 
sont  nombreux,  on  usait  plus  qu'à  la  ville  de  ce 
moyen  aussi  honteux  que  lâche. 

A  la  suite  d'une  déclaration  royale  (Niort,  17  mai 
1621)  prescrivant  aux  réformés  de  se  présenter  au 
greffe  du  bailliage  de  leur  province  pour  y  attester 
qu'ils  désavouaient  et  condamnaient  ce  qui  se  passait 
à  l'assemblée  de  La  Rochelle,  beaucoup  —  les  plus 
fermes,  assurément  —  passèrent  à  l'étranger  avec 
plusieurs  pasteurs.  C'est  ainsi  que  le  ministre  De  la 
Balle,  qui  desservait  Bacqueville  et  Luneray,  se  re- 
tira en  Angleterre.  Le  sieur  de   Losses,  écuyer,  pas- 


—  I 


teur  de  Gisors  et  Sancourt,  qui  s'était  réfugié  chez 
une  dame  Vitanel  habitant  dans  le  voisinage  de  Lu- 
neray,  le  remplaça.  On  lui  apportait  de  Dieppe. les 
enfants  à  baptiser  et  on  venait  de  cette  ville  le  di- 
manche entendre  sa  prédication.  Le  temple  de  Lu- 
neray  se  trouvant  trop  petit,  force  lui  fut  d'aller  à 
Dieppe  sur  semaine.  L'absence  de  De  la  Balle  dura 
un  an.  En  cette  même  année  1621,  plusieurs  religion- 
naires  de  Luneray,  Bacqueville  et  Lindebeuf  tentè- 
rent infructueusement  de  gagner  secrètement  Dou- 
vres, dans  le  bateau  d'un  nommé  Hurel.  Nous  ne  sa- 
vons quelle  condamnation  fut  prononcée  contre  eux. 


CHAPITRE  IIL 

De  l'Edit  de    Grâce  à  la  loi   générale   restrictive 

(1629-1666) 


Désormais.  Thisto're  des  réformés  ne  fut  plus 
mêlée  aux  affaires  politiques  du  royaume.  Ce  ne  fut 
pas  faute  pourtant  d'être  provoqués  à  reprendre  les 
armes  par  des  personnages  catholiques  de  la  plus 
haute  naissance  comme,  par  exemple,  en  1632,  le 
duc  Henri  de  Montmorency  avec  l'appui  de  Gaston 
d'Orléans,  frère  du  roi,  et,  vingt  ans  plus  tard,  lors 
des  troubles  de  la  fronde,  le  grand  Condé  lui-même, 
qui  évoquait  les  souvenirs  de  sa  maison  et  représen- 
tait Mazarin  comme  méditant  de  révoquer  l'acte  de 
pacification. 

En  1630,  il  y  eut  une  accalmie,  car  nous  voyons 
que  les  protestants  de  Luneray  construisirent  un 
temple  cette  année-là,  ce  qui  fait  supposer  que  celui 
du  XV^'  siècle  était  devenu  insuffisant,  malgré  Ta- 
grandissement  dont  il  avait  été  l'objet.  Les  protes- 
tants dieppois  fournirent  à  leurs  frères  un  secours 
pour  leur  permettre  de  l'achever.  Ce  secours  était  de 
ISO  livres.  Mais  cette  accalmie  dura  peu.  La  persé- 
cution, grâce  aux  énergumènes,  recommençait  tou- 
jours. 

Richelieu  avait  élaboré  un  plan  de  réunion  des 
deux  églises.  Un  certain  nombre  de  réformés,  entre 
autres  Petit,  pasteur  et  professeur  émerite,  se  prêtè- 
rent de  bonne  foi  à  sa  réalisation,  croyant  que  le  ca- 
tholicisme allait  faire  des  concessions.  Quelques-uns 


—  134  — 

se  laissèrent  tenter  par  l'appât  des  honneurs,  d'autres 
trouvaient  là  une  couverture  pour  masquer  leur  dé- 
fection retenue  par  un  reste  de  pudeur.  Mais  la  masse 
des  pasteurs  et  des  laïques  vit  l'hostilité  qu'il  y  avait 
au  fond  de  ce  projet  et,  s'étant  défiés,  s'en  écartèrent. 
Le  clergé,  lui,  employa  un  moyen  différent  pour 
combattre  l'hérésie,  un  moyen  dont  il  eût  dû  tou- 
jours se  contenter  à  condition  toutefois  qu'il  eût  ac- 
cepté des  réunions  contradictoires,  et  ce  moyen 
consistait  à  envoyer  partout  des  missionnaires  ou 
controversistes  ambulants  nommés  convertisseurs 
ou  propagateurs  de  la  foi.  Il  paraît  qu'ils  s'attirèrent 
le  mépris  universel  parleur  ignorance  et  leur  fana- 
tique emportement.  C'est  Fénelon  qui  le  dit,  et  on 
peut  l'en  croire.  Ces  convertisseurs  avaient  appris 
par  cœur  une  litanie  de  subtilités  ridicules  et  de  chi- 
canes grossières  qu'ils  débitaient  partout  et  dont  le 
pasteur  Drelincourt  fit  justice  dans  son  Abrégé  des 
Controverses.  Ces  convertisseurs  élevaient  des  tré- 
teaux au  milieu  des  carrefours,  et  là,  entourés  de 
piles  de  gros  livres  dont  ils  n'avaient  pas  lu  le  premier 
mot,  mais  qui  semblaient  le  monument  de  leur  savoir 
et  devaient  produire  l'effet  attendu  sur  la  masse  igno- 
rante, ils  parodiaient  les  ministres  et  les  écrasaient 
de  grosses  raisons  à  côté,  au  grand  divertissement  du 
public.  Malgré  cette  savante  mise  en  scène  de  science 
et  d'érudition,  les  résultats  furent  à  peu  près  négatifs, 
car  les  protestants  ne  tardèrent  guère  à  s'aguerrir  en 
matière  de  controverse  et  à  confondre  leurs  adver- 
saires qui  en  étaient  venus  jusqu'à  pénétrer  dans  les 
temples  et  ne  craignaient  pas  d'interrompre  les  mi- 
nistres pour  les  réfuter  ou  pour  susciter  des  trouble 
faciles  à  exploiter  et  à  retourner  contre  les  réformés. 
Dans  certaines  contrées  où  les  protestants  étaient 
assez  nombreux  pour  pouvoir  se  défendre,  le  parle- 
ment   désignait   lui-même    un   ecclésiastique  pour 


—  1^5  — 

s'assurer  qu'on  n'attaquait  pas  le  catholicisme  dans 
les  sermons.  Nous  voyons,  par  exemple,  dans  le  ma- 
nuscrit laissé  par  l'abbé  Lebret,  qui  fut  vicaire  à  Cri- 
quetot-l'Esneval  de  1755  à  1778,  qu'un  de  ses  prédé- 
cesseurs. François  Dufresne,  originaire  du  Havre  et 
curé  de  Criquetot  de  i6=,2  à  1692,  réputé  «  savant 
profond  et  modeste»,  fut  nommé  député  pour  assister 
aux  conférences  ou  instructions  qui  se  faisaient  au 
temple  des  réformés  de  cette  commune  aux  fins  d'y 
faire  observer  le  respect  dû  à  la  véritable  religion  et 
à  l'Etat.  1 

Les  protestants  du  pays  de  Caux  ne  se  laissèrent 
pas  intimider  par  les  violentes  attaques  de  ces  prédi- 
cateurs fanatiques.  Nous  savons,  en  efifet.  que  plu- 
sieurs brochures  de  réfutation  y  furent  répandues, 
La  bibliothèque  de  l'église  des  Remontrants,  à  Rot- 
terdam, en  possède  quelques-unes.  C'est  sans  doute  à 
cause  de  ces  attaques  sans  vergogne  que  les  protes- 
tants manquaient  quelquefois  de  mesure  et  méritaient 
d'être  blâmés  comme  dans  les  deux  faits  suivants,  s'ils 
sont  vrais  tels  que  nous  les  rapportons  d'après  Flo- 
quet  :  En  164s.  le  jour  des  Rameaux,  la  procession 
de  Louvetot  allant  à  Yvetot  et  à  Autretot,  quelques 
protestants  avaient  traversé  plusieurs  fois  les  rangs 
«  sans  respect  quelconque  et  avec  des  paroles  de 
«  mépris  et  de  dérision,  contre  l'église  catholique  et 
«  le  jubilé.  »  Le  jour  de  Pâques,  on  les  avait  vus  ar- 
rêter par  les  chemins  ceux  des  catholiques  de  ces  pa- 
roisses qui  venaient  de  communier,  leur  adressant 
des  injures  et  des  moqueries.  - 

Ce  qui  prouve  que  les  missions  pacifiques  échouè- 
rent, c'est  qu'on  les  remplaça  par  les  missions  bot- 
tées. Le  nombre  des  protestants  avait  certainement 
diminué  sous  les  règnes  de  Henri  IV  et  de  Louis  XIII, 

1.  —  Amphoux,  Essai  sur  le  Protest,  au  Havre,  131. 

2.  —  Floqiiet,  ffist.  du  Parlent.,  t.  VI,  p.  25, 


—  136  — 

mais  à  la  suite  de  la  confirmation  de  l'Edit  de  Nantes 
par  Louis  XIV  il  paraît  avoir  augmenté  :  c'est  du 
moins  ce  qu'il  semble  qu'on  doive  inférer  des  deman- 
des de  cimetières  faites  par  plusieurs  paroisses  et  à 
un  certain  nombre  desquelles  on  fit  droit,  notam- 
ment celles  émanant  de  Bléville,  Fontaine-la-Mallet, 
Octeville  et  Harfleur.  Pourtant,  pour  l'église  de  Lin- 
tot  dont  nous  avons  parcouru  les  registres  d'actes 
pastoraux  de  fan  1607  à  l'an  1681,  nous  constatons 
une  décroissance  constante  de  baptêmes.  Ainsi,  en 
1607-1608,  nous  en  avons  relevé  une  moyenne  de 
265  par  année,  ce  qui  suppose,  en  tablant  sur  une 
naissance  par  2s  habitants,  une  population  protes- 
tante de  6,600.  En  1630,  nous  n'en  relevons  plus  que 
219,  et  en  1633.  que  1=^1. 

De  1631  à  1645,  il  n'y  eut  que  trois  synodes  natio- 
naux. Le  i"""  se  tint  à  Charenton.  11  commença  le 
i"  septembre  (1631)  et  se  prononça  contre  les  projets 
d'accommodement  avec  les  catholiques,  mais  tendit 
une  main  fraternelle  aux  luthériens.  Le  second  se 
tint  à  Alençon.  Il  s'occupa  de  l'esclavage  des  noirs, 
question  qui  surprend  pour  l'époque.  Il  n'émit  point 
des  idées  qu'on  approuve  aujourd'hui  puisqu'il  fut 
d'avis  qu'on  pouvait  acheter  et  garder  des  esclaves 
parce  que  la  bible  ne  le  défend  pas  :  mais  il  conseilla 
d'être  débonnaire  et  humain  envers  eux.  Le  troisième 
se  tint  à  Charenton  à  la  fin  de  1644.  Le  commissaire 
du  roi  y  exposa  les  idées  de  son  maître,  parmi  les- 
quelles il  y  avait  celle  d'exclure  du  ministère  évan- 
gélique  ceux  qui  auraient  fait  leurs  études  à  Genève, 
en  Hollande  ou  en  Angleterre. 

Dans  cette  même  période  nous  voyons  qu'il  y 
eut  (1631)  un  colloque  à  Frémontier  (St-Jean-de- 
la-Neuville)  sur  lequel  nous  n'avons  pas  de  renseigne- 
ments, e:  un  synode  provincial  h  St-Lô  (juin  1634)  où 
nous  constatons  que,  de  toute  la  classe  de  Caux,  Boi- 


—  137  — 

bec  seul  est  représenté  (ses  représentants  sont  :  Jac- 
ques de  Larrey,   pasteur,  et  Jean  Deshays,  ancien). 

De  16^2  à  1656,  la  situation  des  réformés  fut  satis- 
faisante, grâce  à  Mazann  qui  leur  savait  gré  de  leur 
fidélité  pendant  les  troubles  de  la  fronde.  On  peut 
même  dire  qu'à  cette  occasion  ils  fournirent  des  sol- 
dats dévoués  à  Louis  XIV,  ce  que  celui-ci  reconnut 
dans  sa  déclaration  du  21  mai  16=^2  où  se  trouve  ce 
passage  non  suspect  d'exagération  :  «...  d'autant  que 
«  nos  sujets  de  la  R.  P.  R.  nous  ont  donné  des  preuves 
«  de  leur  afïection  et  fidélité  notamment  dans  les  cir- 
«  constances  présentes  dont  nous  demeurons  très  sa- 
«tisfaits,  savoir  faisons  que  pour  cause  ils  soient 
«  maintenus  et  gardés,  comme  de  fait  nous  les  main- 
«  tenons  et  gardons  dans  la  pleine  et  entière  jouis- 
«  sance  de  l'Edit  de  Nantes.  » 

Le  libre  exercice  de  la  religion  fut  rétabli  dans  plu- 
sieurs lieux  où  il  avait  arbitrairement  été  supprimé. 
Les  réformes  rentrèrent  dans  plusieurs  charges.  Ils 
n'avaient  jamais  respiré  si  librement.  Malheureuse- 
ment, ce  temps  fut  court.  Ne  pouvant  plus  être  per- 
sécuteurs, les  prêtres  se  dirent  persécutés,  tactique 
qu'ils  n'abandonneront  jamais  maintenant  qu'ils  en 
ont  apprécié  les  résultats.  En  1654,  l'assemblée  du 
clergé  fit  entendre  des  plaintes  bien  senties  contre 
l'oppression  dont  souffrait  l'église  catholique.  Ces 
plaintes  furent  entendues,  car,  à  partir  de  ce  moment, 
les  persécutions  reprirent  pour  ne  plus  s'arrêter  jus- 
qu'cà  la  Révocation.  Toutefois,  la  guerre  avec  l'Espa- 
gne durant  encore,  il  fallait  ménager  Cromwel  et 
pour  ménager  Cromwel  il  fallait  ne  pas  accorder  aux 
prêtres  la  plénitude  de  leurs  demandes.  On  se  con- 
tenta de  seulement  défendre  l'exercice  de  la  religion 
là  où  il  avait  été  nouvellement  rétabli. 

Etpuis  vinrent  des  tracasseries  au  sujet  des  annexes. 
On  trouva  que  les  pasteurs  n'avaient  pas  le  droit  de 


-  1^8  - 

réunir  deux  ou  trois  troupeaux  distincts,  et  de  là 
vexations  sur  vexations  et  procès  sur  procès.  On  de- 
vine qu'il  fallait  que  les  réformés  eussent  cent  fois 
raison  pour  n'être  pas  condamnés. 

L'autorisation  de  réunir  un  synode  national  était 
renvoyée  d'année  en  année.  En  1658,  les  synodes  pro- 
vinciaux députèrent  dix  membres  auprès  de  Louis 
XI'V  pour  lui  exposer  les  griefs  de  l'égiise.  S.  M.  fit 
attendre  l'audience  quatre  mois.  Tout  ce  qu'ils  ob- 
tinrent fut  la  promesse  que  le  roi  ferait  respecter 
l'Edit  de  Nantes  «  si  les  réformés  se  rendaient  dignes 
«  de  cette  grâce  par  leur  bonne  conduite,  fidélité  et 
«  affection  à  son  service.  » 

En  16=59,  l'autorisation  de  tenir  un  synode  fut  enfin 
accordée.  11  se  réunit  à  Loudun.  le  10  novembre.  Ce 
fut  le  dernier.  Il  termina  ses  séances  le  10  janvier  et 
depuis  lors  l'organisation  presbytérienne  de  la  ré- 
forme française  fut  décapitée.  Le  catliolicisme  se 
croyait  vainqueur,  mais  Descartes  avait  paru,  qui  fai- 
sait surgir  un  autre  adversaire. 

Les  controverses  provoquées  par  les  convertisseurs 
de  l'église  catholique  avaient  affmé  les  théologiens 
de  la  réforme  française.  11  y  avait  chez  la  plupart 
d'entre  eux  une  solidité  de  jugement  et  une  clarté  de 
style  jointes  à  une  érudition  vaste  et  profonde  qui 
font  encore  l'admiration  des  savants  allemands  d'au- 
jourd'hui. Parmi  ces  controversistes  nous  citerons  : 
David  Chamier,  .Michel  Bérault  et  Antoine  Garisso- 
les,  de  l'Académie  de  Montauban  ;  Cameron,  Ami- 
rault,  Cappel  et  Laplace,  de  l'Académie  de  Saumur; 
Pierre  Dumoulin,  l'auteur  du  i?ti//r//rr  de  la  foi^  et 
Leblanc  de  Beaulieu,  de  l'Académie  de  Sedan,  et  Sa- 
muel Petit,  de  l'Académie  de  Nîmes.  Il  y  eut  aussi 
des  pasteurs  de  talent  et  de  savoir,  tels  :  André  Ri- 
vet, Edme  Aubertin,  Benjamin  Basnage,  David  Blon- 
del,  Samuel  Bochart,  Michel  Lefaucheux,  Jean  Mes- 


—  139  — 

trezat,  Charles  Drelincourt  dont  un  livre  d'édifica- 
tion :  La  nourriture  de  l'âme,  se  trouvait  dans  toutes 
les  familles  protestantes  et  qu'on  retrouve  encore  de 
nos  jours,  comme  reliques  pieusement  gardées,  chez 
les  plus  anciennes,  Jean  Daillé,  Pierre  Du  Bosc,  né  à 
Bayeux,  qui  fut  tenu  pour  le  plus  grand  orateur  des 
réformés  au  XVIP  siècle,  Mathieu  Larroque,  qui  fut 
pasteur  à  Rouen,  David  Ancillon,  et  enfin  Jean 
Claude  que  nous  tenons  pour  le  plus  puissant  contro- 
versiste  du  XVIP  siècle. 

Tous  ces  docteurs,  moins  les  derniers,  ont  précédé 
les  défenseurs  autorisés  de  la  foi  catholique,  les  Ar- 
nauld,  les  Nicole,  les  Bossuet,  et  les  ont  en  quelque 
sorte  suscités. 

Mais  reprenons  les  lignes  générales  de  l'histoire  du 
protestantisme  français.  Mazarin  mourut  en  1661.  Ce 
fut  une  perte  pour  les  réformés,  car,  quoiqu'il  ne  fut 
pas  leur  ami,  il  employa  contre  eux  la  ruse  plutôt 
que  la  force,  ce  qui,  à  la  vérité,  lui  était  tout  indiqué 
puisque  sa  politique  extérieure  s'appuyait  sur  les 
Etats  protestants.  Louis  XIV  voulut  gouverner  tout 
seul.  Il  avait  été  nourri  de  la  haine  des  huguenots, 
et  comme  cette  haine  était  savamment  entretenue 
par  ses  confesseurs  jésuites,  la  ruine  de  l'hérésie  de- 
vint bientôt  l'idée  fixe  de  son  règne. 

En  1661,  deux  commissaires  par  province  furent 
nommés  afin  d'examiner  les  violations  de  l'Edit  de 
Nantes  et  de  ramener  la  paix.  L'un  était  catholique 
(c'était  toujours  un  homme  considérable,  membre  du 
parlement  et  conseiller  du  roi)  et  l'autre  calviniste 
(c'était  généralement  quelque  pauvre  gentilhomme 
qui  n'entendait  rien  aux  affaires  subtiles  ou  quis'était, 
par  ambition,  secrètement  vendu  à  la  cour). 
On  devine  ce  qui  advenait  :  comme  beaucoup 
d'églises  n'avaient  pas  de  titres  authentiques  soit 
parce  qu'elles  n'avaient  jamais  supposé  que  ces  pièces 


—   140,  — 

pussent  devenir  nécessaires,  soit  parce  qu'elles  les 
avaient  égarées  pendant  les  troubles  religieux,  elles 
ne  pouvaient  s'appuyer  que  sur  la  possession  de  fait. 
Mais,  en  ce  temps-là,  dès  qu'il  s'agissait  des  hugue- 
nots, possession  ne  valait  pas  titre.  De  là  d'innom- 
brables chicanes  portées  devant  le  conseil  du  roi.  On 
ne  saurait  compter  combien  d'exercices  furent  inter- 
dits et  de  temples  abattus,  et  d'établissements  chari- 
tables confisqués  au  profit  des  catholiques  parce 
que  leurs  droits  n'étaient  pas  absolument  incontes- 
tables, car  quelle  apparence  y  a-t-il  qu'on  eût  laissé 
ouvrir  des  prêches  sans  droit  effectif  "? 

Les  jésuites,  sous  couleur  d'interpréter  l'Edit  de 
Nantes,  le  démolissaient  pièce  à  pièce.  Dans  la  région 
cauchoise,  les  temples  suivants  disparurent  à  la  suite 
de  ces  prétendues  illégalités  :  En  16^9.  celui  du  Mont- 
criquet  (paroisse  de  St-Jean-de-la-Neuville)  qui  ser- 
vait, avec  celui  de  Lintot.  de  lieu  de  culte  aux  pro- 
testants de  Bolbec  et  des  environs  ;  —  en  i66s,  celui 
de  Lindebeuf  (arrêt  du  23  avril).  Le  premier  fut  con- 
damné parce  qu'il  était  bâti  sur  un  terrain  faisant 
partie  des  donations  de  la  reine  Mathilde  à  l'abbaye 
du  Valasse,  et  le  second,  parce  que  le  fief  sur  lequel 
il  était  construit  avait  passé  en  1662  dans  les  mains 
catholiques  de  .^Ime  Sylvie  de  l'Hôpital,  veuve  de 
messire  Philippe  de  Torcy,  Chevalier  de  la  Tour  de 
Lindebeuf,  qui  en  requit  presque  aussitôt  la  suppres- 
sion. Dumont  de  Bostaquet,  le  gentilhomme  nor- 
mand qui  nous  a  laissé  de  si  intéressants  Mémoires^ 
fut  député  par  l'église  attaquée,  dont  il  était  un  des 
anciens,  pour  faire  des  démarches  en  vue  de  la  sau- 
ver. Ce  fut  en  vain.  L'arrêt  portant  qu'elle  serait  dé- 
molie fut  signifié  à  Denis  Séné  et  à  Jean  Selles,  an- 
ciens, et  reçut  exécution  aussitôt. 

A  la  suite  des  premières  rigueurs  et  au  fur  et  à 
mesure  que  des  rigueurs  nouvelles  surgissaient,   l'é- 


—  141  — 

migration  reprit  pour  ne  plus  s'arrêter.  Dès  le  début, 
Colbert,  qui  voyait  quel  vide  cela  creuserait  dans 
toutes  les  branches  de  l'activité  nationale,  résolut  de 
protéger  les  protestants.  Louis  Lécolier,  seigneur 
réformé  de  Gonneville  (aujourd'hui  Gonneville-la- 
Malleti  lui  avait  représenté  combien  ses  coreligion- 
naires avaient  de  peine  à  se  soumettre  aux  ordon- 
nances qui  les  forçaient  à  se  découvrir  toutes  les  fois 
qu'ils  passaient  devant  une  église  ou  un  calvaire,  ou 
même  à  s'agenouiller  lorsqu'ils  rencontraient  un  prê- 
tre portant  le  Saint-Sacrement  aux  malades  —  ce  qui 
les  incitait  à  passer  à  l'étranger  —  il  lui  fit  accorder, 
en  1660,  la  permission  d'établir  un  marché  auprès 
de  son  château.  Et  c'est  ce  qui  créa  le  bourg  de  Gon- 
neville. Les  protestants,  alors  fort  nombreux  à  Gon- 
neville et  aux  environs,  ne  furent  plus  obligés  de  se 
rendre  au  marché  de  Criquetot.  celui  instauré  à 
Gonneville,  où  il  n'y  avait  pas  d'église  catholique, 
suffisant  à  l'écoulement  de  leurs  produits.  La  tradi- 
tion rapporte  qu'il  y  avait  à  cette  époque  un  prêche 
au  hameau  d'Ecrépintot  près  de  St-Jouin.  Rien  ne  le 
confirme.  Il  faudrait  qu'il  eût  été  détruit  sans  juge- 
ment, car  il  ne  figure  pas  de  temple  de  ce  nom  par- 
mi les  temples  condamnés,  et  nous  identifions  très 
bien  tous  les  noms.  Mais  il  se  peut  que  cette  tradition 
repose  sur  le  fait  que  les  protestants  de  ce  hameau  et 
de  St-Jouin,  trouvant  le  prêche  de  Criquetot  trop 
éloigné,  auraient  pris  l'habitude  de  se  réunir  dans  la 
maison  de  l'un  d'eux  pour  un  service  périodique. 

En  1663,  le  clergé  obtint  une  déclaration  contre  les 
relaps  (on  appelait  relaps  ceux  qui  revenaient  au  pro- 
testantisme après  Lavoir  abjuré  1.  Ces  gens-là,  disait 
la  déclaration,  ne  pouvaient  plus  prétendre  au  béné- 
fice de  l'Edit  de  Nantes  puisqu'ils  y  avaient  renoncé 
et  qu'en  retournant  à  Lhérésie  ils  profanaient  les 
saints  mystères  catholiques.    Aussi   prononçait-elle 


—  142  — 

contre  eux  le  bannissement  perpétuel.  Bien  plus,  on 
se  mit  à  créer  des  relaos.  Assister  à  la  messe  trois  ou 
quatre  dimanches,  demander  la  bénédiction  à  un 
prêtre  dans  un  mariage  mixte,  une  parole  complai- 
sante, une  apparence,  une  conjecture,  un  ouï-dire 
constituaient  le  crime  de  «  relapsie  »  si  celui  visé 
était  revu  dans  un  prêche.  Il  résulta  de  cet  ensemble 
d'actes  de  tels  abus  et  des  troubles  si  graves  qu'une 
ordonnance  de  1664  prononça  la  nullité  des  procé- 
dures commencées  sur  ces  matières.  Ce  ne  fut  qu'une 
suspension.  A  la  reprise,  il  y  eut  de  cruelles  agrava- 
tions.  Au  mois  de  mai  1665  une  ordonnance  du  Con- 
seil autorisa  les  ecclésiastiques  de  l'église  romaine 
à  se  présenter  avec  un  magistrat  au  domicile  des  ma- 
lades pour  leur  demander  s'ils  voulaient  mourir  dans 
leur  erreur  ou  se  convertir.  Nous  ne  savons  si  on 
osa  le  faire  lorsque  M.  de  la  Haye,  seigneur  de  Lin- 
tot,  tomba  malade  aux  environs  de  1670.  Si  oui,  le 
prêtre  et  le  magistrat  durent  faire  de  sérieuses  réfle- 
xions sur  l'attitude  de  ce  chrétien  devant  la  mort. 
Voici,  en  effet,  comment  son  parent.  Dumont  de 
Bostaquet,  raconte  sa  fin,  à  laquelle  il  assista  :  '<  Il 
«  nous  parlait  de  la  mort  en  philosophe  chrétien  et 
«  marquait  une  joie  extrême  d'aller  à  Dieu  qui  le  dé- 
«  livrait  de  la  vie  dans  une  grande  jeunesse  où  il  avait 
«  moins  de  comptes  à  rendre.  Tous  les  agréments 
«  qu'il  y  pouvait  avoir  ne  lui  donnaient  aucun  regret 
«  de  la  quitter.  Quelques-uns  de  nos  parents  et  amis 
«  catholiques  lui  voulaient  parler  de  religion,  entre 
«  autres  M.  de  Bally,  habile  homme  et  fort  subtil  ; 
«  mais  aux  uns  et  aux  autres  il  rendit  raison  de  sa  foi 
«  en  des  termes  si  forts  et  qui  marquèrent  bien  claire- 
«  ment  que  son  âme  était  pénétrée  des  choses  qu'il 
«  désirait,  que  personne  ne  lui  parla  plus  de  religion. 
«  Enfin,  il  rendit  l'esprit  entre  mes  mains  sans  aucun 
«  effort,  même  il  parut  sourire  en  expirant...  M.  de 


—  14?  — 

«  La  Voûte  (Ephraïm  de  Rallemont,  sieur  de  La 
"<  Voûte,  ministre  de  Lintot)  avoue  n'avoir  jamais  vu 
«  mourir  personne  Je  cet  âge  (il  avait  31  ans)  avec 
«  tant  de  confiance  et  une  si  grande  résignation  qui 
'<  nous  fit  dire  que  si  les  anges  pouvaient  mourir  ils 
«  ne  le  pourraient  pas  faire  d'une  manière  plus  conso- 
«  lante.  »  • 

Ce  fut  au  tour  de  l'autorité  paternelle  à  être  res- 
treinte. Sans  parler  des  rapts,  de  plus  en  plus  fré- 
quents, d'enfants,  par  arrêt  du  24  octobre  1663,  les 
garçons  à  14  ans  et  les  filles  à  12  furent  déclarés  ca- 
pables de  se  convertir  au  catholicisme.  Il  n'y  eut  pas 
que  les  réformés  à  se  plaindre  de  cette  loi,  il  y  eut 
aussi  les  évéques.  mais,  ceux-ci,  pour  demander  que 
les  enfants  fussent  admis  à  embrasser  le  catholicisme 
dès  qu'ils  en  manifesteraient  le  désir,  étant  responsa- 
bles bien  avant  14  et  12  ans. 

Vinrent  ensuite  les  ordonnances  contre  les  blas- 
phémateurs. On  devine  combien  il  était  facile  de  re- 
lever dans  les  sermons  des  pasteurs  ou  dans  les  con- 
versations des  laïques  des  mots  jugés  mal  sonnants 
et  outrageants  pour  l'honneur  et  la  pureté  de  la 
vierge. 

Petit  à  petit,  les  protestants  furent  évincés  des 
charges  publiques.  En  plusieurs  provinces,  on  en 
arriva  à  exiger  une  profession  de  foi  catholique  pour 
accorder  aux  simples  artisans  des  lettres  de  maî- 
trise. 

La  corporation  des  lingères  de  Paris  fit  valoir  au- 
près du  conseil,  pour  être  autorisée  à  repousser 
toute  hérétiques  de  son  sein,  qu'elle  avait  été  insti- 
tuée par  Saint  Louis  :  un  arrêt  du  21  août  1665 
donna  gain  de  cause  à  cette  corporation,  qui  comp- 
tait beaucoup  de  femmes  perdues. 

Il  n'y  eut  que  dans  les  finances  que  les  charges 

1.  —  Dumont  de  Bostaquet,  Mémoires,  p.  62. 


—  144  — 

furent  maintenues  et  même  de  plus  en  plus  accor- 
dées aux  religionnaires.  Colbert,  malgré  les  re- 
montrances du  haut  clergé,  persistait  à  employer  de 
plus  en  plus  des  réformés  dans  les  fermes  et  les 
commissions.  C'est  que  Colbert  savait  de  longue 
date  leur  esprit  d'ordre,  d'économie,  de  probité,  et 
les  tenait  tous  pour  des  gens  d'une  fidélité  éprouvée. 
Il  est  digne  de  remarque  que  les  satiriques  du  temps, 
Molière,  Boileau,  Lafontaine.  ne  s'attaquèrent  jamais 
aux  financiers.  Et  cependant,  dans  tous  les  temps, 
la  finance  avait  donné  amplement  prise  à  la  satire. 

Les  professions  libérales  leur  étant  de  plus  en  plus 
fermées,  les  réformés  se  vouèrent  aux  arts  et  métiers, 
à  l'industrie,  à  l'agriculture,  au  commerce  intérieur 
et  extérieur.  Colbert  voyait  bien  quels  éléments  de 
richesse  et  de  force  la  France  puisait  en  eux  :  aussi 
les  protégeait-il.  Mais  Louis  XIV  imposa  ses  volontés. 
Colbert  dut  plier. 

Et  en  plus  de  tout  cela,  des  vexations  ridicules 
comme  :  défense  de  chanter  des  psaumes  par  terre  et 
par  eau,  dans  les  ateliers  ou  sur  le  pas  des  portes.  Si 
une  procession  venait  à  passer  devant  un  temple  pen- 
dant un  chant  de  psaume,  le  chant  devait  être  inter- 
rompu. Les  enterrements  ne  pouvaient  se  faire  qu'à 
la  pointe  du  jour  ou  à  la  tombée  de  la  nuit,  et  dix 
personnesau  plus  étaientautorisées  à  suivre leconvoi, 
sauf  dans  quelques  villes  où  on  allait  jusqu'à  tolérer 
la  présence  de  trente  personnes.  Pour  les  mariages, 
le  cortège  devait  comprendre  au  plus  douze  person- 
nes. 11  était  interdit  aux  églises  riches  de  se  cotiser 
pour  fournir  des  ministres  aux  églises  pauvres. 

En  i66=i,  l'assemblée  du  clergé  demanda  qu'on  tra- 
vaillât avec  plus  d'ardeur  â  faire  extirper  le  redouta- 
ble monstre  de  l'hérésie.  Le  conseil  ne  pouvait  faire 
autrement  que  de  garder  quelque  mesure.  Mais  l'an- 
née suivante  il  sanctionna,   sous  forme  de  loi  gêné- 


—  14^-  — 

raie,  tous  les  arrêts  qui  avaient  été  rendus  sur  des 
cas  particuliers  par  des  cours  de  justice.  Cette  loi 
renfermait  S9  articles,  tous  restrictifs  des  libertés 
que  l'Edit  de  Nantes  déclarait  perpétuels  et  irrévo- 
cables. 


"^ 


10 


CHAPITRE  IV 

De  la  loi  générale  restrictive  à  la  Révocation 
de  l'Edit  de  Nantes 

(1666-1685) 


De  la  loi  générale  restrictive  de  1666  date  la  pre- 
mière émigration  sérieuse  du  XVII''  siècle,  et  les 
puissances  protestantes  de  TEurope  commencèrent  à 
s'en  émouvoir.  L'Electeur  de  Brandebourg,  l'un  des 
alliés  de  Louis  XIV,  lui  écrivit  en  faveur  des  réfor- 
més. Louis  XIV  lui  répondit  qu'il  les  faisait  vivre  sur 
le  pied  d'égalité  avec  ses  autres  sujets.  «  J'y  suis  en- 
«  gagé  par  ma  parole  royale  et  par  la  reconnaissance 
'<  que  j'ai  des  preuves  qu'ils  m'ont  données  de  leur 
<K  fidélité  pendant  les  derniers  mouvements  (allusion 
«  à  la  Fronde)  oîi  ils  ont  pris  les  armes  pour  mon  ser- 
«  vice.  »  Voilà  la  parole  d'un  roi  très  chrétien  qui 
n'agissait  jamais  sans  avoir  pris  les  avis  de  son  direc- 
teur de  conscience  !  L'Angleterre  et  la  Suède,  dont 
la  neutralité  était  nécessaire  à  Louis  XIV,  témoignè- 
rent aussi  de  leur  sollicitude  pour  le  sort  des  protes- 
tants français.  Cela  ne  lit  pas  cesser  rémigration. 
Aussi  le  Conseil  s'en  émut-il  et  rapporta-t-il  neuf  ar- 
ticles de  la  loi  de  1666  et  en  adoucit-il  21  autres.  Peu 
après  fut  publié  l'Edit  qui  défendait,  sous  peine  de 
confiscation  de  corps  et  de  biens,  de  se  retirer  en  pays 
étrangers  sans  permission  expresse  et  surtout  d'y 
prendre  du  service  en  qualité  d'ouvrier  de  marine 
ou  matelot. 

Afin  de  pouvoir  se  livrer  plus  fréquemment  aux 


—  147  — 

enlèvements  d'enfants  protestants,  des  maisons  spé- 
ciales pour  leur  instruction  et  conversion  étaient  in- 
dispensables. C'est  ce  que  comprit  Robert  Lecornier, 
maître  des  comptes  de  Normandie  :  nu  mois  de  no- 
vembre 1667  il  fonda  à  Rouen  la  maison  des  A'ouvcl- 
les  Catholiques,  et  les  rapts  de  jeunes  filles  devinrent 
nombreux.  Il  se  fonda  de  ces  maisons  dans  beaucoup 
de  généralités. 

En  1669,  le  maréchal  de  Turenne  abjura.  C/était 
d'autant  plus  imprévu  qu'il  avait  résisté  à  Toifre  de 
Tépée  de  connétable.  Aussi  cette  abjuration  provo- 
qua-t-elle  beaucoup  de  défections.  On  l'attribua  au 
livre  de  Bossuet  :  Exposition  de  la  doctrine  de  l'Eglise 
catholique.  Il  est  certain  que  cet  ouvrage  est  d'une 
habileté  rare  et  bien  propre  à  troubler  ceux  qui  ne 
sont  pas  arrivés  à  la  foi  personnelle.  Antérieure- 
ment à  Turenne,  les  familles  de  Bouillon,  de  Chatil- 
lon,  de  Sully,  de  la  Trémoille,  aveulies  de  caractère 
par  leur  existence  au  milieu  des  mœurs  dépravées  de 
la  Cour,  étaient  peu  à  peu  rentrées  dans  l'église  ro- 
maine. A  ce  moment  (  lOyOi  il  ne  restait  au  protes- 
tantisme, parmi  les  personnages  considérables  du 
royaume,  que  le  comte  de  Schomberg,  qui  avait  eu 
le  commandement  en  chef  des  armées,  le  duc  de  La 
Force,  une  branche  cadette  de  la  famille  de  La  Roche- 
foucauld, plusieurs  descendants  de  Duplessis-Mor- 
nay,  et  les  marquis  de  Ruvigny.  Mais  beaucoup  de 
petits  nobles  de  province  étaient  demeurés  fidèles. 
Le  pays  de  Caux  en  comptait  sa  bonne  part.  Nous 
en  publions  (appendice,  —  pièce  n"  4)  la  liste  aussi 
complète  qu'il  nous  a  été  possible  de  l'établir. 

Vers  1670,  une  dame  religionnaire  des  environs  de 
Veules  réussit  à  passer  en  Angleterre;  le  juge  de 
Veules,  l'ayant  appris,  fît  arrêter  un  certain  nombre 
de  protestants  du  voisinage  soupçonnés  d'avoir  prêté 
la  main  à  cette  fuite.  Parmi  eux  se  trouvait  une  dame 


—  148  — 

de  qualité.  Madame  de  Bures,  fort  âgée.  Enfermée 
avec  les  autres  dans  une  espèce  de  porche  à  Bourg- 
Dun,  elle  s'y  trouva  si  à  l'étroit  qu'elle  tomba  malade, 
ce  qui  la  fit  relâcher.  Mais  cela  ne  la  sauva  pas,  car 
elle  mourut  bientôt  après. 

L'abjuration  de  Turenne  remit  sur  le  tapis  les  pro- 
jets de  réunion  tentés  par  Richelieu  et  repris  par  le 
prince  de  Conti.  A  cet  effet,  un  agent  de  la  cour  alla 
visiter  les  pasteurs  qui  ressortissaient  au  Synode  pro- 
vincial de  Charenton.  En  promettant  que  la  réunion 
s'accomplirait  sur  des  bases  équitables,  il  réussit  à 
obtenir  de  plusieurs  l'engagement  verbal  ou  écrit  de 
prêter  leur  appui  au  plan  d'union  de  la  prochaine 
assemblée  provinciale  synodale.  On  assurait  que  le 
roi  était  disDOsé  à  retrancher  les  abus  qui  choquaient 
le  plus  les  réformés  ;  que  le  culte  des  images  et  des 
saints,  le  purgatoire,  les  prières  pour  les  trépassés 
seraient  supprimés  ou  facultatifs,  et  que  des  théolo- 
giens des  deux  religions  auraient  mission  de  s'enten- 
dre sur  la  doctrine  de  la  Cène,  que  l'usage  de  la  coupe 
serait  rétabli  et  le  culte  célébré  en  langue  vulgaire, 
enfin  que  si  le  pape  ne  ratifiait  pas,  le  roi  passerait 
outre  ayant  la  parole  de  42  évéques  sur  ces  articles 
et  connaissant  les  moyens  de  ramener  les  autres.  C'é- 
tait évidemment  un  mensonge  ;  néanmoins  plusieurs 
s'y  laissèrent  prendre.  Le  Synode  provincial  convo- 
qué à  Charenton  au  mois  de  mai  1673  s'occupa  de 
cette  question,  mais  pour  opposer  un  refus  formel  au 
projet,  et  les  cinq  pasteurs  qui  avaient  promis  de 
l'appuyer  déclarèrent  qu'ils  n'en  voulaient  plus.  Le 
clergé  et  la  cour  virent  qu'il  n'y  avait  pas  chance  de 
réussir  par  ce  moyen  et  se  mirent  à  en  chercher  un 
autre.  Les  jansénistes  et  les  catholiques  pieux  propo- 
saient de  convertir  les  réformés  par  la  persuation  et 
les  bons  traitements,  mais  les  jésuites,  qui  savaient 
la  valeur  négative  de  ces  moyens,  voulaient  qu'on 


—  149  — 

usât  d'intimidation  et  exigeaient  des  actes  de  catho- 
licité hypocrite  parce  que,  disaient-ils,  si  les  parents 
ne  croient  pas,  les  enfants  croiront  un  peu,  les  petits 
enfants  davantage  et,  à  la  troisième  ou  quatrième  gé- 
nération, tout  sera  devenu  bon  catholique.  La  cour 
flotta  entre  les  deux  systèmes,  et  c'est  ce  qui  explique 
les  alternatives  de  rigueur  et  de  douceur.  Mais  les  jé- 
suites ne  tardèrent  pas  à  faire  prévaloir  leurs  avis  et, 
coup  sur  coup,  ordonnances,  déclarations,  arrêts  s'a- 
battirent sur  les  réformés.  On  leur  défendit  simulta- 
nément de  faire  des  levées  de  deniers  pour  l'entretien 
de  leurs  ministres  et  pour  couvrir  leurs  frais  de  voya- 
ges occasionnés  pra'  les  synodes  ;  de  récuser  les  juges 
suspects  :  d'imprimer  des  livres  de  religion  sans  per- 
mission des  magistrats  de  la  communion  romaine  : 
de  chercher  à  convertir  les  catholiques  sous  peine  de 
i,ooo  1.  d'amende  ;  de  célébrer  leur  culte  dans  les  en- 
droits et  les  jours  où  les  évéques  faisaient  leurs  tour- 
nées ;  d'avoir  plus  d'une  école  et  plus  d'un  maître 
dans  les  lieux  d'exercice  ;  de  faire  enseigner  par  ce 
maître  autre  chose  que  la  lecture,  l'écriture  et  les 
éléments  de  l'arithmétique,  etc..  etc.  En  suite  de  ces 
ordonnanc-s  il  y  eut  de  nombreuses  poursuites  et 
condamnations,  quelquefois  même  sur  le  champ. 
C'est  ainsi  que,  le  14  février  1676,  le  bailliage  de  Cau- 
debec  condamna  à  l'amende  et  à  la  prison  et  écroua 
incontinent  la  femme  Gille,  parce  qu'au  prétoire  du 
bailliage  où  elle  était  pour  un  procès  la  regardant  et 
qui  devait  être  plaidé  ce  jour-là.  elle  avait,  malgré 
sommation,  refusé  obstinément  de  s'agenouiller  en 
ent.ndant  la  clochette  du  Saint-Sacrement,  quoiqu'on 
n'aperçut  ni  le  dais  ni  le  prêtre. 

On  fit  aussi  la  guerre  aux  temples.  Entre  1670  et 
167s.  Antoine  Gaulde.  '<  prêtre-docteur  de  la  maison 
et  société  de  Sorbonne.  grand  archidiacre  et  cha- 
noine   en   réo'lise   cathédrale   de   Rouen,  svndic  du 


—  mo  — 

clergé  de  la  province  de  Normandie  »  essaya  d'obte- 
nir de  Tautorité  la  démolition  ou  tout  au  moins  la 
fermeture  des  prèclies  d"Hougerville.  Maupertuis, 
Bacqueville,  Lunerav.  Lintot,  Criquetot,  Senitot. 
Bosc-Roger  et  Quillebeuf.  Ceci  nous  est  révélé  par 
un  '<  factum  »  sans  date,  rédigé  pour  lui  par  un  avo- 
cat, et  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  Pont-Au- 
demer  i  fonds  Canel).  Nous  le  reproduisons  plus  loin 
('pièce  n°  5  de  l'appendice)  Dour  qu'on  voie  sur  quel- 
les misérables  arguties  on  se  fondait  pour  demander 
la  condamnation  des  temples.  Gaulde  étant  décédé  le 
18  avril  167=,  et  rien  ne  montrant  qu'il  s'en  soit  servi, 
il  y  a  lieu  de  supposer  que  ce  document  est  de  fin 
i()74  ou  commencement  1675. 

Quelques  pasteurs  ayant  tenu  sur  les  ruines  de  leurs 
temples  abattus  des  assemblées  illicites,  on  les  con- 
damna a  faire  amende  honorable  la  corde  au  cou  et  à 
sortir  du  rovaume.  Cela  n'atteignit  pas  la  région  cau- 
choise qui  n'avait  alors  que  deux  temples  d'abattus 
depuis  quelques  années,  ceux  du  Montcriquet  et  de 
Lindebeuf.  Du  reste,  les  g-entilshommes  des  deux  re- 
ligions y  vivaient  en  bonne  intelligence,  à  ce  que 
nous  apprend  Dumont  de  Bostaquet,  le  seigneur  pro- 
testant de  la  paroisse  de  la  Foutelaye,  près  de  Bac- 
queville, dont  nous  avons  déjà  parlé  et  sur  les  Aîe- 
luoircs  duquel  nous  aurons  l'occasion  de  revenir.  On 
voyait  même  souvent  des  prêtres  à  la  table  des  riches 
réformés,  et  aux  inhumations  des  religionnaires  es- 
timés il  y  avait  un  concours  extraordinaire  de  peu- 
ple. C'est  ce  qu'on  vit  notamment  à  l'enterrement  de 
la  première  femme  de  Dumont  de  Bostaquet,  en 
1664.  ^l^is  si  les  gentilshommes  des  deux  religions 
se  supportaient  mutuellement,  quehpies-ims,  parmi 
les  réformés,  sentirent  qu'il  n'en  irait  pas  longtemps 
ainsi,  et  passèrent  à  l'étranger,  entre  autres  Isaac  de 
Larrey,  seigneur  de   Grandchamp   et   de   Courmes- 


—  ISI  — 

nil  1  et  petit-fils  du  pasteurjacquesde  Larrey  qui  desser- 
vit Tég-lise  deLintotde  i6iqà  165 1.  Nous  le  trouvons 
à  Berlin  en  1683,  et  il  ne  tarda  pas  à  s'y  distinguer 
par  des  travaux  littéraires. 

Le  Béarn  comptait  i'<6  temples  et  46  églises  de  rési- 
dence. Un  procès  qui  dura  sept  ans  réduisit  à  vingt 
les  lieux  d'exercice  en  y  ajoutant  toutes  sortes  d'en- 
traves. 11  en  était  à  peu  près  de  même  dans  les  autres 
provinces.  Le  Conseil  du  roi  imposait  quelquefois 
un  peu  plus  de  réserve  aux  intendants.  C'était  pour 
donner  à  croire  qu'on  faisait  justice  et  que  les  églises 
condamnées  à  être  rasées  n'avaient  pas  de  bons  ti- 
tres, à  ce  que  déclare  Claude  dans  ses  Plaintes  des 
Protestants  de  France. 

Il  y  eut  aussi  des  guerres  de  plume  à  cette  époque  ; 
s'il  n'y  avait  eu  que  celles-là,  on  n'aurait  pas  à  le  re- 
gretter, car  des  hommes  du  plus  grand  mérite  y  pri- 
rent part.  Ce  sont  les  jansénistes  qui  commencèrent 
la  controverse  contre  les  protestants.  Ils  le  firent 
avec  d'autant  plus  de  zèle  qu'on  les  accusait  d'être 
des  protestants  déguisés.  Arnauld  et  Nicole  déployè- 
rent beaucoup  de  talent.  Claude,  Jurieu  et  Pajon 
répondirent.  Bossuet  entra  en  lice  avec  son  Exposi- 
tion de  la  doctrine  catholique  dont  nous  avons  déjà 
parlé.  Jurieu  répliqua  et  dit  qu'on  ne  reconnaissait 
pas  là  le  catholicisme.  Le  catholicisme  des  masses 
n'est  pas  celui  des  docteurs.  Mais  ce  qui  étonne  et 
détonne  c'est  que  les  prêtres,  qui  vantent  tant  l'unité 
de  leur  église,  n'aient  pas  réussi  à  faire  disparaître  la 
superstition  grossière  des  simples  qui  fait  un  catho- 
licisme dans  le  catholicisme.  En  1678,  Claude  eut 
une  conférence  avec  Bossuet  sur  l'invitation  de  Mlle 
de  Duras.  Les  deux  adversaires  publièrent  le  résumé 
de  leurs  débats.  Dix  ans  plus  tard,  l'aigle  de  Meaux 

1.  —  Né   à   Lintot   le  25  jauvior    l6oy,   mort  à  Berlin  le  17 
mars  1719. 


redescendit  dans  Tarène  avec  son  Histoire  des  Varia- 
tions des  églises  protestantes.  Au  point  de  vue  de 
Tabsolu,  Bossuet  avait  raison.  La  substitution  d"un 
autre  absolu  cà  l'absolu  catholique  péchait  par  la  base, 
du  moment  cju'il  n"avait  pas  d'unité.  A  la  vérité,  les 
deux  absolus  en  conflit  sont  démentis  par  les  faits  et 
personne  ne  soutient  plus  aujourd'hui  l'absolu  pro- 
testant, remplacé  par  le  droit  naturel  de  la  conscience 
individuelle.  Quant  b.  l'absolu  catholique,  il  se  sou- 
tient toujours,  malgré  les  résultats  de  la  critique  his- 
torique, et  c'est  là  sa  force  actuelle  et  sa  faiblesse 
future. 

Nous  arrivons  à  la  crise  religieuse  qui  amena  dans 
l'esprit  de  Louis  XIV  la  résolution  d'en  finir  avec 
l'hérésie.  Au  jubilé  de  1676,  il  eut  de  grands  remords 
d'avoir  donné  tant  de  scandales  à  la  cour  et  à  son 
royaume  par  ses  adultères  publics,  et  il  promit  cà  ses 
directeurs  spirituels  de  ne  plus  revoir  Mme  de  Mon- 
tespan.  >Lais  il  n'eut  pas  la  force  de  tenir  sa  parole  : 
de  là  des  troubles  de  conscience  qui  furent  habile- 
ment exploités  contre  les  hérétiaues  par  le  père  La 
Chaise  devenu  son  confesseur.  Pour  apaiser  Dieu, 
il  ne  fallait  rien  moins  que  réduire  l'hérésie.  Saint 
Simon  dit  à  ce  sujet  :  «  11  était  toujours  flatté  de  faire 
«  pénitence  sur  le  dos  d'autrui  et  se  réjouissait  de  le 
«  faire  sur  celui  des  huguenots  et  des  jansénistes.  » 
Singulière  théorie  !  >Lais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue 
que,  pour  l'église  romaine,  tout  hérétique  est  un  or- 
gueilleux qui  repousse  sciemment  la  vérité.  Y  a-t-il 
apparence  qu'on  aimo  mieux  sa  perte  éternelle  que 
reconnaître  son  erreur?  Il  y  a  vraiment  dispropor- 
tion, et  cette  disproportion  apparaît  dérisoire  quand 
nous  voyons  qu'on  achetait  alors  des  conversions 
^  ou  6  livres,  quelquefois  une  ou  deux  pistoles.  et, 
dans  des  cas  extraordinaires,  de  80  à  100  livres  !  Dans 
ce  commerce  des  conversions,  comme  dans  tous  les 


—   1^3   — 

commerces,  il  y  eut  fraudes  sur  fraudes,  ce  qui  n'y 
fit  pas  renoncer.  Une  religion  qui  se  réclame  deTab- 
solu  ne  peut  répudier  de  telles  pratiques  !  étant  obli- 
gée de  se  solidariser  éternellement  avec  tout  son 
passé,  lequel  forme  un  bloc  sacré.  Et  c'est  ce  qui  sus- 
cite des  père  Loriquet. 

Le  roi  lit  rendre  par  le  conseil  en  mars  1679  une  loi 
plus  dure  encore  contre  les  relaps.  «  Nous  avons  été 
informés  »  dit-il  dans  le  préambule  «  que  dans  plu- 
«  sieurs  provinces  de  notre  royaume  il  y  en  a  beau- 
«  coup  qui,  après  avoir  abjuré  la  religion  prétendue 
'<  réformée  dans  l'espérance  de  participer  aux  som- 
«  mes  que  nous  faisons  distribuer  aux  nouveaux  con- 
«  vertis,  y  retournent' bientôt  après.  »  Et  la  loi  pro- 
nonça contre  eux,  en  plus  de  la  peine  de  bannisse- 
ment perpétuel,  celle  de  l'amende  honorable  et  de  la 
confiscation  des  biens. 

Des  âmes  qui  se  vendent  sont  nécessairement  des 
âmes  qui  ne  croient  à  rien.  Dès  lors  quel  fonds  faire 
sur  elles  et  pourquoi  les  punir  si  durement?  Ceux 
qui  les  achetaient  étaient  à  tout  le  moins  aussi  cou- 
pables. 

La  paix  de  Nimègue  en  1079  mit  la  grandeur  de 
Louis  XIV  à  son  comble.  Il  se  crut  le  juge  suprême 
et  le  résumé  vivant  de  l'Etat,  et  considéra  comme 
un  crime  de  lèse-majesté  toute  opposition  de  cons- 
cience à  sa  volonté  souveraine.  ^Ime  de  Maintenon. 
qui  avait  abandonné  le  protestantisme  à  l'âge  de  16 
ans,  commençait  à  prendre  beaucoup  d'empire  sur 
lui.  Les  réformés  croyaient  que  cette  influence  tour- 
nerait à  leur  avantage.  Ils  furent  vite  déçus.  Elle  avait, 
ainsi  qu'elle  le  déclare  dans  une  de  ses  lettres,  à  taire 
oublier  son  origine  huguenote  et,  comme  à  un  mo- 
ment le  roi  avait  dit  craindre  que  le  ménagement 
dont  elle  aurait  voulu  qu'il  usât  envers  les  huguenots 
ne  vint  de  quelque  reste  de  prévention  en  faveur  de 


—  iM  — 

son  ancienne  religion,  elle  dût  s'y  employer  avec 
beaucoup  d'ardeur,  et  commença  par  s'unir  avec  le 
père  La  Chaise. 

Gouverneurs,  commandants,  intendants,  hommes 
de  robe  et  d'épée  apprirent  par  les  soins  de  ces  deux 
personnages,  après  la  paix  de  Nimègue,  que  le  roi 
était  résolu  à  en  finir  avec  les  huguenots.  Aussi  se 
sentirent-ils  tout  à  coup  animés  d'un  saint  zèle  et  se 
firent-ils  à  leur  tour  missionnaires  et  convertisseurs. 
Pour  se  mettre  bien  en  cour  il  n'y  avait  qu'à  envoyer 
une  longue  liste  d'abjurations,  d'exercices  interdits, 
de  temples  abattus,  de  troupeaux  dispersés.  Ce  zèle 
ardent  alla  jusqu'à  effrayer  le  conseil  privé  ;  mais  le 
branle  était  donné.  Entraîné  par  le  mouvement,  il 
transforma  bientôt  en  déclaration  générale  ce  qu'il 
avait  d'abord  blâmé. 

Pendant  l'année  167Q,  il  y  eut  22  temples  de  démo- 
lis rien  que  pour  la  Normandie  :  la  région  cauchoise 
n'est  pas  représentée  dans  ce  nombre,  mais  son  tour 
est  proche. 

La  populace,  toujours  facile  à  fanatiser,  fut  de  nou- 
veau envahie  par  la  haine  sectaire  et  se  fit  sa  part 
dans  ces  persécutions.  Dans  les  villes  de  Blois  et  d'A- 
lençon.  notamment,  des  bandes  de  misérables  enva- 
hirent les  temples,  déchirèrent  les  livres  saints,  bri- 
sèrent chaises  et  bancs  et  y  mirent  le  feu  :  et  l'auto- 
rité, au  lieu  de  réprimer  ces  actes  de  vandalisme,  les 
sanctionna  par  l'interdiction  du  culte  et  l'exil  des 
pasteurs,  cependant  que  Louis  XIV  persistait  à  assurer 
les  puissances  protestantes  de  son  respect  de  l'Edit  de 
Nantes.  Dans  une  Déclaration  de  1682,  il  affirmait 
encore  ne  vouloir  rien  faire  contre  les  édits  qui  as- 
suraient l'exercice  de  la  R.  P.  R.  dans  son  royaume. 
Sous  les  Valois,  la  persécution  était  plus  cruelle, 
mais  au  moins  elle  était  nettement  avouée.  Nous 
avons  déjà  parlé  des  ordonnances  restrictives  de  1673 


—   1=;=;  — 

et  des  années  suivantes.  A  mesure  qu'on  approche  de 
la  Révocation  elles  deviennent  plus  nombreuses  et 
de  plus  en  plus  aggravantes. 

Les  exclusions  aux  divers  emplois  et  charges  de- 
vinrent générales.  On  alla  jusqu'à  défendre  qu'il  y 
eût  des  sages-femmes  de  la  religion  parce  qu"  «  elles 
ne  croient  pas  »  dit  l'ordonnance  (20  février  1680) 
«  le  baptême  absolument  nécessaire  et  qu'elles  ne 
peuvent  ondoyer  les  enfants.  ?/  Cette  défense  causa 
des  malheurs  sans  nombre.  Nous  en  citerons  trois 
qui  regardent  le  pays  de  Caux  :  la  dame  de  Longue- 
val,  de  La  Cerlangue,  n'ayant  pu  obtenir  de  secours. 
expira  avec  l'enfant  qu'elle  allait  mettre  au  monde, 
et  son  mari  et  son  père  moururent  de  douleur  peu  de 
temps  après. 

Les  réformés  n'eurent  bientôt  plus  de  garantie  dans 
les  cours  de  justice.  Dans  les  affaires  purement  civi- 
les, il  suffisait  à  la  partie  catholique  de  dire  :  «  Je 
plaide  contre  un  hérétique  y,  et  lorsque  celui-ci  se 
plaignait  d'un  déni  de  justice  on  lui  répondait  en  ri- 
canant :  '<  Que  ne  vous  faites-vous  catholique  ?  »  On 
défendit  les  mariages  mixtes,  même  dans  le  cas  de 
naissances  antérieures  que  le  mariage  eût  légitimées. 
On  défendit  d'avoir  des  valets  catholiques,  et.  quel- 
que temps  après,  le  besoin  d'espionner  s'étant  fait 
sentir,  d'en  avoir  d'autres  que  des  catholiques.  On 
défendit  en  outre  aux  parents  les  plus  proches  d'être 
tuteurs  ou  curateurs,  et,  aux  pères  et  mères  d'en- 
voyer leurs  enfantsà  l'étranger  avant  l'âge  de  16  ans. 
On  donna  l'ordre  de  tenir  pour  catholiques  et,  par 
conséquent,  d'élever  comme  tels  les  enfants  naturels, 
et  on  déclara  que  cet  ordre  aurait  des  effets  rétroac- 
tifs. On  en  voit  le  ridicule  :  Des  personnes  de  60  à 
80  ans  furent  sommées  d'entrer  dans  l'église  romaine 
parce  que  leur  état  de  bâtardise  les  rendait  légale- 
ment catholiques.  (Cette  mesure  ne  dut  pas  atteindre 


—   1^6  — 

beaucoup  de  gens,  car  les  naissances  illégitimes 
étaient  excessivement  rares  autrefois  chez  les  protes- 
tants. Ceci  nous  est  démontré  par  les  tables  des  re- 
gistres de  l'église  de  Rouen.  Ces  registres,  qui  em- 
brassent une  période  de  76  ans  —  1 609-1685  —  ne  ci- 
tent pas  plus  de  10  enfants  naturels  pour  une  popula- 
tion moyenne  d'au  moins  6000  protestants,  à  peine 
autant  qu'en  eut  le  roi-soleil  à  lui  tout  seul,  comme 
le  fait  spirituellement  ressortir  M.  J.  Bianquis  dans 
la  Rcvocation  de  rEdit  de  Nantes  à  Rouen.  Les  quel- 
ques années  d'actes  pastoraux  que  nous  avons  relevés 
dans  les  registres  de  Lintot  confirment  la  très  faible 
proportion  de  naissances  illégitimes  chez  les  réfor- 
més. 

Enfin,  le  comble  du  grotesque  sinon  de  l'odieux 
fut  atteint  par  l'édit  du  17  juin  1681  qui  portait  que 
les  sujets  de  la  R.  P.  R.  tant  '<  mâles  que  femelles  >/ 
ayant  atteint  l'âge  de  sept  ans.  pourraient  embrasser 
la  R.  C.  A.  et  R.  et  qu'à  cet  effet  ils  seraient  reçus  à 
faire  abjuration  de  la  R.  P.  R.  sans  que  leurs  pères  et 
mères  et  autres  parents  v  pussent  donner  le  moindre 
empêchement  sous  quelque  prétexte  que  ce  fût.  Ces 
enfants  étaient  libres  de  se  retirer  où  ils  voulaient  et 
leurs  parents  tenus  de  leur  servir  une  pension  ali- 
mentaire. 

On  ne  peut  s'imaginer  quelles  suites  terribles  eut 
cette  loi  abominable.  Toutes  les  familles  se  sentirent 
atteint.'S.  Elles  se  trouvaient,  en  effet,  à  la  merci  d'un 
faux-ami,  d'un  voisin  catholique,  d'une  servante 
courroucée.  Un  prêtre,  un  envieux,  un  ennemi,  un 
débiteur  mécontent,  n'avait  qu'à  aller  trouver  un  of- 
ficier de  justice  et  lui  déclarer  que  tel  enfant  avait 
fait  le  signe  de  la  croix,  ou  baisé  une  image  de  la 
vierge  ou  voulu  entrer  dans  une  église  pour  qu'aussi- 
tôt cet  enfant  fût  enlevé  et  enfermé  dans  un  couvent. 
^Ime  de  Mainiçiion  se  servit  elle-même  de  cette  abo- 


—  157  — 

minable  loi  contre  les  enfants  du  marquis  de  Villette, 
son  parent.  Mme  de  Caylus,  qui  avait  été  convertie 
de  la  sorte,  en  dit  dans  ses  souvenirs  :  «  Je  pleurai 
beaucoup,  mais  je  trouvai  le  lendemain  la  messe  du 
roi  si  belle  que  je  consentis  à  me  faire  catholique  à 
condition  que  je  l'entendrais  tous  les  jours  et  qu'on 
me  garantît  du  fouet.  C'est  là  toute  la  controverse 
qu'on  employa  et  la  seule  abjuration  que  je  fis.  » 

On  permit  aux  nouveaux  convertis  de  retarder  de 
trois  ans  le  paiement  de  leiirs  dettes,  ce  qui  amena 
au  catholicisme  tous  les  débiteurs  obérés  ou  de  mau- 
vaise foi.  On  exempta  de  taille  et  de  logement  de 
guerre  pendant  deux  ans  ces  mêmes  convertis  et  on 
doubla  les  charges  de  logements,  ks  taxes  ou  contri- 
butions arbitraires  chez  les  récalcitrants. 

On  se  mit  à  poursuivre  tous  les  prêches  qui  res- 
taient debout.  Le  lo  mars  1O81,  un  arrêt  du  Parle- 
ment de  Normandie  condamnait  à  être  rasés  les  prê- 
ches de  Maupertuis,  Hougerville  et  Lintot.  Deux 
mois  après,  le  17  mai.  celui  de  Luneray  était  frappé, 
et,  enfin,  le  30  juin  suivant,  c'était  le  tour  de  celui  de 
Senitot.  Il  ne  restait  plus  alors  d'ouvert  dans  la  ré- 
gion qui  nous  occupe  que  le  temple  de  Criquetot. 
Nous  ne  savons-à  quelle  époque  disparurent  ceux  de 
Bacqueville  et  d'Autretot.  Comme  celui  de  Bacque- 
ville  était  visé  dans  le  «  factum  pour  ^P  Antoine 
Gaulde  »  nous  en  inférons  qu'il  fut  condamné  à  l'une 
des  trois  dates  ci-dessus  ou  à  une  date  voisine. 

La  partie  du  Pays  de  Caux  où  il  y  avait  le  plus  de 
protestants  est  celle  qui  comprend  Bolbec  et  ses  en- 
virons dans  un  ravon  d'à  peu  près  10  kilomètres. 
Elle  Benoit,  l'historien  de  l'Kdit  de  Nantes,  dit  que 
Lintot,  seul  lieu  de  culte  depuis  1659  pour  cette  éten- 
due, comptait  3000  communiants.  Les  registres  de 
cette  église  nous  montrent  qu'en  1678,  1679  et  1680 
il  y  eut  une  moyenne  de  139  baptêmes  et  de  215  in- 


-  1^8- 

humations,  ce  qui  supposera  moyenne  de  la  vie  étant 
alors  de  23  ans,  une  population  d'environ  5000  pro- 
testants, chiffre  un  peu  faible  pour  fournir  3000 com- 
muniants. La  disproportion  entre  le  nombre  des  bap- 
têmes et  celui  des  inhumations  est  énorme  et  de- 
meure inexplicable  pour  nous  si  elle  ne  provient  pas 
de  défections  oroduites  par  les  mesures  rigfoureuses 
que  nous  venons  d'énumérer,  car  le  nombre  des 
naissances  était  a  cette  époque  notablement  plus 
élevé  que  celui  des  décès. 

Donnons  en  passant  une  idée  de  l'activité  pastorale 
d'alors.  Dans  les  derniers  temps  du  temple  du  Mont- 
criquet,  il  n'y  avait  qu'un  pasteur  pour  célébrer  le 
culte  dans  ce  temple  et  celui  de  Lintot.  La  prédica- 
tion avait  lieu  les  jeudis  et  jours  de  fête  à  Lintot  et 
les  dimanches  au  Montcriquet.  Lorsque  Caudebec 
n'eut  plus  de  prêche  —  et  cela  date  d'avant  l'Edit  de 
Nantes  —  les  protestants,  peu  nombreux,  de  cette 
ville  et  ceux,  en  plus  grand  nombre,  de  St-Gilles-de- 
Crétot,  se  rendirent  à  Lintot.  Voici  les  noms  des 
anciens  qui  signèrent  les  derniers  registres  (1O77  ^ 
1681)  de  l'église  de  Lintot  :  Etienne  Duprey,  Louis 
Igou,  J.  Lamy,  Monsaint,  Decaux,  Lecaron,  Lefebvre 
et  Havy. 

(Quittons  ces  faits  locaux  pour  revenir  à  la  trame 
générale  de  notre  récit.  On  confisqua  en  faveur  des 
hôpitaux  catholiques  tous  les  fonds,  rentes  et  autres 
biens  de  quelque  nature  qu'ils  fussent  appartenant 
aux  églises  condamnées,  et  on  confisqua  tous  les 
fonds  et  rentes  destinés  aux  pauvres  de  la  religion 
dans  les  lieux  où  le  culte  n'était  pas  interdit.  On  an- 
nula les  testaments  faits  au  profit  des  consistoires. 
On  ordonna  aux  médecins,  chirurgiens  et  autres  qui 
seraient  appelés  à  donner  leurs  soins  à  des  malades 
de  la  religion  d'en  avertir  les  magistrats  du  lieu,  et 
ceux-ci  étaient  tenus  de  visiter  ces  malades,  de  gré 


—  159  — 

ou  de  force,  avec  ou  sans  prêtre,  pour  leur  deman- 
der s"iis  voulaient  abjurer.  On  défendit  aux  pasteurs 
de  parler  du  malheur  des  temps  dans  leurs  prédica- 
tions, d'attaquer  l'église  romaine  et  de  résider  à 
moins  de  six  lieues  des  exercices  interdits  et  à  moins 
de  trois  de  ceux  contestés.  On  défendit  ensuite  de  se 
réunir  dans  les  temples  hors  des  heures  accoutu- 
mées. On  interdit  définitivement  de  tenir  des  collo- 
ques, et  on  défendit  de  soutenir  par  des  aumônes  les 
malades  de  la  religion  ou  d'en  prendre  soin  dans  des 
maisons  particulières  :  il  fallait  les  transporter  dans 
les  hôpitaux. 

Mais  ce  qui  mit  le  comble  à  ces  mesures  oppressi- 
ves, ce  fut  la  défense  de  recevoir  au  culte  aucun  nou- 
veau converti  sous  peine  de  bannissement  et  de  con- 
fiscation des  biens  pour  les  pasteurs,  et  d'interdiction 
d'exercice  pour  les  troupeaux.  C'était  un  raffinement 
de  barbarie,  car  comment  repousser  un  frère  venant, 
tout  repentant  d'un  moment  de  faiblesse,  demander 
à  l'assemblée  de  lui  rouvrir  son  sein  où  il  demeure- 
rait désormais  ?  C'est  à  la  suite  de  prétendues  récep- 
tions de  relaps  que  furent  condamnés  et  rasés  les 
temples  de  Bergerac,  Montauban,  Montpellier.  St- 
Quentin  et  Quevilly   Rouen  . 

Il  semblait  que  la  situation  ne  pouvait  s'aggraver. 
Louvois  montra  que  oui  en  y  mêlant  du  mil  if  a  ire. 
Il  voulait  plaire  à  Louis  XH'  et  il  crut  qu'il  n'y  avait 
pas  de  meilleur  moyen  que  de  le  seconder  dans  la 
conversion  des  huguenots.  Et  pour  obtenir  cette  con- 
version il  n'avait  rien  trouvé  de  mieux  que  ce  qu'on 
a  appelé  les  Dragonnades.  Et  ce  qui  jettera  de  toute 
éternité  l'opprobre  de  toutes  les  consciences  droites 
sur  Louis  XIV,  c'est  que  l'auteur  de  cette  invention 
devint  son  favori.  Marilhac  fut  l'opérateur  ou  plutôt 
l'expérimentateur.  11  fit  marcher  ses  troupes  comme 
dans  un  pays  conquis.  Des  dragons,  au  nombre  de 


[6o 


quatre  à  dix  étaient  logés  dans  les  maisons  avec  dé- 
fense de  tuer  les  habitants,  mais  autorisés  à  faire  tout 
ce  qu'ils  pouvaient  pour  les  faire  abjurer.  La  solda- 
tesque ainsi  déchaînée  commit  d'effroyables  excès. 
Elie  Benoit  en  relate  quelques-uns  que  nous  reprodui- 
sons : 

'<  Les  cavaliers  attachaient  des  croix  à  la  bouche  de 
«  leurs  mousquetons  pour  les  faire  baiser  par  force, 
«  et  quand  on  leur  résistait  ils  poussaient  ces  croix 
«  contre  le  visage  et  dans  Lestomac  de  ces  malheu- 
'<  reux.  Ils  n'épargnaient  non  plus  les  enfants  que  les 
«  personnes  avancées,  et  sans  compassion  de  leur 
«  âge,  ils  les  chargeaient  de  coups  de  bâton  ou  de  plat 
<5c  d'épée  ou  de  la  crosse  de  leurs  mousquetons  :  ce 
-r  qu'ils  faisaient  avec  tant  de  violence  que  quelques- 
«  uns  en  demeurèrent  estropiés.  Ces  scélérats  affec- 
«  talent  de  faire  des  cruautés  aux  jeunes.  Ils  les  bat- 
<<  talent  à  coups  de  fouet;  ils  leur  donnaient  des  coups 
«  de  cannes  sur  le  visage  pour  les  défigurer  ;  ils  les 
«  traînaient  par  les  cheveux  dans  la  boue  et  sur  les 
«  pierres.  Quelquefois  des  soldats,  trouvant  des  la- 
«  boureurs  dans  les  chemins  ou  à  la  suite  de  leurs 
'<  charrues,  les  arrachaient  de  là  pour  les  mener  aux 
«  églises  catholiques,  et  les  piquaient  comme  des 
<<  bœufs  de  propres  aiguillons  pour  les  faire  mar- 
«  cher.  ^  » 

L'émigration  qui,  depuis  1669,  ne  s'était  jamais  ar- 
rêtée, prit  bientôt  de  grandes  proportions,  et  c'est 
par  milliers  que  les  familles  protestantes  quittèrent 
la  France.  Les  nations  protestantes  :  l'Angleterre, 
la  Suisse,  la  Hollande,  le  Danemark  leur  offrirent 
un  abri  par  des  déclarations  officielles.  La  cour  en 
fut  alarmée  parce  que  la  marine  se  plaignait  de  la 
fuite  d'un  grand  nombre  de  matelots  qui  profitaient 

1.  —  Elio  Benoit.  Hist.  de  l'Edit  de  iSantes,  t.  IV,  i^.  479 
et  480. 


—  i6i  — 

des  facilités  que  leur  profession  leur  procurait  pour 
passer  à  l'étranger.  Marilhac  fut  révoqué  et  les  au- 
tres intendants  reçurent  invitation  à  agir  moins  sévè- 
rement. 

On  remit  en  vigueur  contre  les  fugitifs  les  lois 
qui  interdisaient  la  sortie  du  royaume,  mais  en  les 
aggravant.  C'est  ainsi  que  la  peine  des  galères  perpé- 
tuelles contre  les  chefs  de  famille,  une  amende  de 
3,000  1.  pour  ceux  qui  les  auraient  engagés  à  fuir,  et 
l'annulation  de  tous  les  contrats  de  ventes  faits  par 
les  réformés  un  an  avant  leur  émigration  furentèdic- 
tées. 

La  loi  contre  les  émigrants  et  celle  contre  les  re- 
laps étaient  une  arme  à  deux  tranchants,  car  si  les 
nouveaux  catholiques  rentraient  dans  un  temple  ou 
tentaient  de  fuir  à  l'étranger  ils  étaient  frappés  d'un 
châtiment  terrible.  On  ne  voulait  voir  en  eux,  à  l'in- 
térieur, que  des  catholiques,  et  à  la  frontière,  que 
des  hérétiques.  Ces  deux  lois  étaient  une  œuvre  de 
génie  due  au  père  La  Chaise. 

L'assemblée  du  Clergé  envova  un  avertissement 
pastoral  a  tous  les  consistoires.  11  ne  convertit  per- 
sonne, mais  il  fit  prévoir  de  nouvelles  souffVances. 
Cet  avertissement  disait  que  les  évéques  considé- 
raient les  huguenots  comme  des  brebis  égarées  et 
leur  ouvraient  les  bras  :  mais  que  s'ils  n'étaient  pas 
fléchis  par  ces  charitables  paroles  ils  devaient  s'at- 
tendre à  des  malheurs  incomparablement  plus 
grands  que  tous  ceux  que  leur  avaient  attirés  jusqu'à 
présent  leur  révolte  et  leur  schisme.  Cela  rappelle 
le  :  <<  Soyons  frères,  ou  je  t'assoiume  !  w  mis  en  pra- 
tique sous  la  Terreur. 

La  position  devint  intenable.  Aussi,  nombre  de 
fugitifs  remplirent-ils  l'Europe  de  leurs  plaintes.  Ju- 
rieu,  qui  venait  de  trouver  un  asile  en  Hollande, 
écrivit  (1682)  son  livre  sur  la  Politique  du  Clergé  Je 


10: 


/'V^î/za"  ;  mais  ce  fut  en  vain.  Les  rélormés  envoyè- 
rent doléances  sur  doléances  et  protestations  de  dé- 
vouement sur  protestations  d'obéissance  à  la  Cour, 
au  Conseil,  au  roi  lui-même  :  cela  n"eùt  d'autre  effet 
que  de  menacer  les  plaignants  de  traitements  plus 
durs  encore.  Les  réformés  ne  pouvaient  croire  que  le 
petit-fils  du  béarnais  n'aurait  pas  pitié  d'eux  s'il  con- 
naissait l'étendue  de  leurs  souffrances.  Dans  le  but 
de  l'en  instruire  ils  résolurent  de  tenter  un  suprême 
effort.  Seize  députés  des  Cévennes,  du  Languedoc, 
du  Dauphiné  et  du  Vivarais  se  réunirent  secrète- 
ment à  Toulouse,  au  printemps  de  1683,  et  rédigèrent 
un  projet  en  18  articles  destiné  à  rétablir  leur  liberté 
de  conscience  et  de  culte  sans  rien  faire  pourtant 
qui  eût  la  moindre  apparence  de  révolte.  Ils  recom- 
mandèrent la  repentance,  la  prière,  l'union  entre  les 
fidèles  et  décidèrent  que.  le  27  juin  suivant,  toutes 
les  assemblées  intei  dites  recommenceraient  simulta- 
nément, sans  ostentation  mais  aussi  sans  mystère, 
les  portes  ouvertes,  ou  sur  les  ruines  des  temples  dé- 
molis. Ceux  qui  avaient  été  forcés  d'abjurer  devaient 
se  réunir  à  part  de  peur  qu'autrement  il  n'y  eût  pré- 
texte à  de  nouvelles  persécutions.  Le  4  juillet  un 
jeûne  solennel  devait  être  observé  dans  toutes  les 
églises.  Les  pasteurs  étaient  exhortés  à  demeurer  au 
milieu  de  leurs  troupeaux  et  à  ne  les  quitter  que  dans 
le  péril  le  plus  imminent  et  sur  le  congé  d'un  collo- 
que. Les  16  députés  rédigèrent  enfin  une  requête 
pour  le  chancelier  et  tous  les  ministres  d'Etat  où  ils 
promettaient  d'obéir  au  roi  en  tout  ce  qui  n'était  pas 
absolument  contraire  au  service  de  Dieu.  «  Quelle 
'<  est  notre  situation  ?  Si  nous  montrons  quelque  ré- 
«  sistance,  on  nous  traite  comme  des  rebelles  ;  si 
'<  nous  obéissons,  on  prétend  que  nous  sommes  con- 
'<  vertis,  et  on  trompe  le  roi  par  notre  soumission 
«  même.  » 


-  i63  - 

Au  jour  convenu,  beaucoup  de  temples  se  rouvrent, 
les  assemblées  se  reconstituent  et  les  exercices  re- 
commencent dans  plusieurs  des  lieux  où  ils  avaient 
été  interdits.  Mais  ce  n'était  pas  la  totalité  :  beau- 
coup s'abstinrent,  au  contraire.  Malgré  cela,  les 
gouverneurs  militaires,  les  intendants  prennent  Fa- 
larme  :  ils  croient  ou  feignent  de  croire  à  une  insur- 
rection générale,  et  des  troupes  sont  envoyées  contre 
ces  pauvres  paysans  inoftensifs  réunis  pour  méditer 
et  prier. 

Le  marquis  d'x\guesseau,  intendant  du  Languedoc, 
père  de  Lillustre  Chancelier,  conseille  d'arrêter  les 
violences  du  soldat  :  mais  Louvois  ne  le  veut  pas.  Au 
contraire,  il  ordonne  d'horribles  exécutions  :  les 
paysans  sont  traqués  dans  les  bois,  où  on  les  tue  par 
centaines.  Ce  fut  une  boucherie  et  non  pas  un  com- 
bat, dit  Rulhières.  Ceux  qui,  faits  prisonniers,  refu- 
sent d'abjurer,  sont  pendus. 

Les  religionnaires  du  A'ivarais  et  du  Dauphiné.  ré- 
duits au  désespoir,  s'arment  pour  se  défendre.  Lou- 
vois leur  promet  une  amnistie  ;  mais,  aussitôt  accep- 
tée, ils  apprennent  que  les  ministres  en  sont  excep- 
tés avec  cinquante  autres  prisonniers.  Le  pasteur 
Isaac  Homel,  vieillard  de  72  ans,  accusé  d'avoir  fo- 
menté les  troubles,  fut  condamné  h  être  roué  vif, 
sentence  qui  reçut  son  exécution  le  16  octobre  1683. 

Si  la  persécution  était  devenue  grande,  au  moins 
peut-on  dire  qu'elle  avait  fortifié  la  piété.  Il  y  avait 
des  provinces  où  les  fidèles  faisaient  de  so  à  60  lieues 
pour  assister  à  un  office  public,  et,  dans  le  nombre, 
des  vieillards  de  80  ans. 

Là  où  les  ministres  étaient  bannis  ou  emprisonnés, 
les  intendants  faisaient  venir  d'office  d'autres  minis- 
tres pour  baptiser  les  enfants  et  célébrer  les  maria- 
ges. On  les  gardait  à  vue  comme  des  pestiférés  et  on 
les  renvoyait  aussitôt  après. 


—  16-4  — 

La  Cour  n'était  pas  encore  satisfaite.  Louis  XIV, 
qui  venait  de  se  marier  secrètement  avec  Mme  de 
JMaintenon  et  était  devenu  d'une  bigoterie  excessive, 
s'irritait  des  retards  dans  la  conversion  générale  des 
religionnaires  :  et  c'est  alors  que,  sur  les  instances  du 
père  La  Chaise,  de  Louvois  et  de  Mme  de  Maintenon, 
il  se  familiarisa  peu  à  peu  avec  l'idée  de  révoquer 
complètement  l'Edit  de  Nantes.  .Vlais  si  le  Chancelier 
Leteilier  n'eût  voulu  que  Tacte  fut  accompli  avant 
sa  mort  pour  en  avoir  sa  part  d'honneur,  on  aurait 
agi  avec  un  peu  de  modération. 

Au  mois  de  mai  1685,  le  clergé  tint  son  assemblée 
générale  et  complimenta  le  roi  des  admirables  succès 
obtenus  sur  l'hérésie  par  la  persuasion  des  mission- 
naires bottés.  L'évéque  de  Valence  et  le  coadjuteur 
de  Rouen  déclaraient  qu'il  avait  fait  abandonner  l'hé- 
résie par  toutes  les  personnes  raisonnables  sa/zs  vio- 
lence et  sans  armes,  dompté  leurs  esprits  en  gagnant 
leurs  cœurs  par  ses  bienfaits  et  ramené  les  égarés  qui 
ne  seraient  peut-être  jamais  rentres  dans  le  sein  de 
r église,  que  par  le  chemin  semé  de  fleurs  qu'il  leur 
avait  ouvert. 

Rulhières  dit  avoir  vu  le  recueil  de  lettres  du  clergé 
dans  les  papiers  d'Etat,  et  que  quelques-unes  font  fré- 
mir. 

Au  commencement  de  168^  il  ne  restait  plus  que 
trois  temples  cauchois  debout,  ceux  de  Sanvic,  de 
Criquetot  et  de  Dieppe.  Il  fallait  un  prétexte  pour  les 
condamner.  La  loi  contre  les  relaps  le  procura. 
Nous  ne  nous  occuperons  pas  de  celui  de  Dieppe. 
Voici  ce  qu'on  invoqua  contre  ceux  de  Sanvic  et  de 
Criquetot  :  une  femme  Bouilling,  devenue  veuve, 
avait  abjuré  le  protestantisme  pour  se  remarier  à  un 
catholique  nommé  Rocquerel.  Ses  deux  enfants,  Elie 
et  Gédéon  Bouilling,  âgés  de  moins  de  14  ans, 
avaient,   quoique   nés    et    baptisés    protestants,    été 


—  i6s  — ' 

maintenus  par  ordre  du  roi  sous  la  direction  de  leur 
mère,  pour  être  instruits  dans  la  religion  catholique. 
Mais  le  grand-père  paternel  des  enfant  et  leurs  on- 
cles Mesanguel  et  Le  Berquier  obtinrent  de  la  mère, 
moyennent  récompense,  qu'elle  les  leur  confiât  pour 
les  élever  dans  la  foi  protestante,  et  ils  les  menèrent 
aux  prêches  de  Sanvic  et  de  Criquetot,  ce  qui  était 
violer  la  déclaration  royale  du  17  juin  1683. 
En  conséquence,  le  Consistoire  fut  attaqué.  Sur  ces 
entrefaites  les  pasteurs  de  Sanvic  et  de  Criquetot, 
Gérard  et  Taunay,  ayant  été  accusés  d'avoir,  au  mé- 
pris de  la  même  déclaration,  reçu  dans  leurs  tem- 
ples sept  réformés  qui.  après  avoir  abjuré,  étaient 
retournés  au  protestantisme,  des  poursuites  furent 
exercées  en  même  temps  contre  eux. 

Les  sept  réformés  accusés  de  relapsie  étaient  Jean 
Lamy.  ALarie  Durand,  Abraham  Hauchecorne.  Marie 
Goudard,  Jean  Lelièvre,  Marie  i^Iaillard  et  Marie 
Pertuzon. 

Pendant  que  l'enquête,  ordonnée  le  1=^  février  1685, 
se  poursuivait,  un  arrêt  provisoire  intervint  le  5  mars 
prononçant  la  fermeture  des  prêches  de  Sanvic  et  de 
Criquetot.  Pour  celui-ci  elle  eut  lieu  le  dimanche  de 
Pâques,  22  avril,  après  le  service  religieux. 

Le  14  avril,  le  jugement  fut  rendu  en  première  ins- 
tance. Nous  le  reproduisons  (appendice,  pièce  n°  6). 
Il  condamnait  entre  autres  les  pasteurs  Guérard  et 
Taunav  à  cesser  tout  exercice  de  leur  ministère  et  h 
se  retirer  à  vingt  lieues  de  leurs  temples,  et  ceux-ci 
à  être  démolis  et  rasés  jusque  dans  leurs  fondements  ; 
il  ordonnait  en  outre  qu'une  croix  de  pierre  de  20 
pieds  de  haut  et  aux  armes  du  roi  serait  élevée  sur 
leur  emplacement.  Il  fut  appelé  de  ce  jugement. 
Mais  la  Cour  du  Parlement  le  confirma  le  n  ''loût 
suivant.  Nous  publions  (appendice,  pièce  n"  7)  cet 
arrêt  confirmatif.  Pour  le  Havre,  cet  arrêt  fut  exécuté 


i66 


sans  délai.  Pour  Criquetot,  les  choses  n'allèrent  pas 
si  vite,  et  nous  allons  voir  pourquoi.  L'administration 
de  Thôpital  deMontivilliers,  qui  se  considérait  com- 
me avant  été  lésée  par  les  administrateurs  de  l'hôpi- 
tal d'Harfleur  dans  l'attribution  des  biens  consisto- 
riaux  de  Senitot  parce  que  les  droits  des  deux  hôpi- 
taux n'avaient  pas  été  nettement  précisés  dans  les  ar- 
rêts, voulut  s'assurer  auparavant  que  rien  de  ce  que 
lui  adjugeait  la  cour  n'avait  été  soustrait.  A  cet  effet, 
les  échevins  de  la  ville  décidèrent  de  faire  visiter 
légalement  le  tout.  Ce  fut  le  ;  septembre  que  cette 
visite  eut  lieu.  La  bibliothèque  de  Montivilliers  en 
possède  le  procès-verbal.  Nous  le  reproduisons  (ap- 
pendice, pièce  n"  8|  parce  que  nous  croyons  qu'il  a 
de  l'intérêt  pour  les  fidèles  actuels  de  l'église  de  Cri- 
quetot. 

D'après  l'abbé  (>ochet,  le  temple  de  Criquetot  était 
situé  au  hameau  appelé  le  Prêche,  et  le  presbytère 
s'appelait  '<  le  Ministre.  // 

En  exécution  de  l'arrêt  du  n  août,  l'hôpital  de 
Montivilliers  devint  propriétaire  de  l'emplacement 
du  temple,  d'une  grande  maison  près  de  la  Tour  de 
Bergue,  d'une  rente  de  i6  1.  et  de  divers  objets  qui 
servaient  au  culte,  et  on  éleva  sur  les  ruines  du  tem- 
ple une  grande  croix  (20  pieds  de  haut)  de  pierre,  aux 
armes  du  roi.  L'usage  d'élever  des  croix  à  la  place 
même  des  temples  rasés  fut  général,  et  c'est  sans  nul 
doute  à  lui  qu'on  doit  faire  remonter  l'horreur  innée 
que  la  croix  inspirait  aux  protestants  jusqu'à  ces  der- 
niers temps. 

En  i68t,  des  troupes  avaient  été  cantonnées  dans 
le  Béarn  pour  surveiller  l'armée  espagnole.  Une  trêve 
étant  survenue,  Louvois,  qui  se  souvenait  de  la  mé- 
thode employée  dans  le  Poitou  par  Marilhac,  de- 
manda au  roi  la  permission  de  faire  passer  des  régi- 
jnçnts  dans  les  endroits  habités  par  les  huguenots. 


—  167  — 

Cette  permission  ayant  été  accordée,  le  marquis  de 
BoLiftlers.  commandant  des  troupes,  et  l'intendant 
Foucault  annoncèrent  que  le  roi  enjoignait  à  tous 
les  huguenots  de  rentrer  dans  l'unité  catholique,  et, 
pour  commencer  l'oeuvre,  fit  entrer  de  force  quel- 
ques centaines  de  béarnais  dans  une  église  où  offi- 
ciait l'évéque  de  Lescar.  On  ferma  les  portes  et  ces 
malheureux,  obligés  de  se  mettre  à  genoux,  reçurent 
dans  cette  posture,  l'absolution  de  l'hérésie.  Et  ils 
furent  avertis  que  s'ils  retournaient  à  leur  erreur  ils 
seraient  punis  comme  relaps.  Ils  s'enfuirent,  une  fois 
libres,  entraînant  avec  eux  leurs  parents  et  leurs  voi- 
sins, dans  les  forêts  et  les  cavernes  des  Pyrénées.  On 
les  poursuivit  comme  des  bêtes  fauves,  et  les  hor- 
reurs commises  dans  le  Poitou  recommencèrent  et 
furent  même  dépassées. 

On  avait  défendu  aux  soldats  d'aller  jusqu'au  meur- 
tre. Mais,  dans  leur  fureur,  ils  v  atteignirent  souvent. 
Ces  moyens  de  terreur  eurent  l'effet  attendu.  De  23,000 
réformés  que  comptait  cette  province,  le  nombre 
s'en  réduisit  à  moins  de  1000.  Le  clergé  célébra  son 
triomphe  en  grande  pompe.  Ce  succès  encouragea 
la  cour  à  employer  ailleurs  de  si  efficaces  moyens  de 
conversion,  et  en  moins  de  quatre  mois,  on  dragonna 
le  Languedoc,  l'Aunis,  la  Guyenne,  la  Saintonge, 
le  Poitou,  le  Vivarais,  le  Dauphiné,  les  Cévennes, 
la  Provence  et  le  pays  de  Gex.  Ce  fut  un  peu  plus 
tard  qu'on  remonta  vers  le  Centre  et  enfin  jusque 
dans  le  Nord.  Ma's  plus  on  avançait  vers  ^'ersaiIles 
plus  on  tempérait  la  façon  d'agir. 

Voici  comment  on  procédaitpour  ces  conversions  : 
Avant  l'approche  des  soldats,  on  convoquait  les  reli- 
gionnaires  en  assemblée  générale.  Là.  selon  les  lieux, 
l'intendant,  le  commandant  de  troupes,  l'évéque  ou 
tel  autre  annonçait  que  le  roi  ne  voulait  plus  suppor- 
ter Lhérésiç  dans  son  royaume  et  qu'il  fallait  de  plein 


—  i68  — 

gré,  si  on  ne  voulait  pas  y  être  forcé,  embrasser  im- 
médiatement le  catholicisme.  Quand  ces  pauvres 
gens  répondaient  qu'ils  étaient  prêts  à  sacrifier  pour 
le  service  du  roi  leurs  biens  et  leur  vie,  mais  non 
leur  conscience,  les  dragons  arrivaient.  Au  bout  de 
quelques  jours,  nouvel  appel  et,  d'ordinaire,  toute 
résistance  était  brisée.  La  terreur  devint  si  grande 
qu'il  fut  bientôt  suffisant  d'annoncer  farrivée  de  la 
soldatesque  pour  que  les  réformés  vinssent  en  hâte 
prononcer  ou  signer  les  formules  d'abjuration.  Ces 
jformalités  étaient  habilement  rédigées,  car  elles  n'en- 
gageaient pas  étroitement  la  conscience.  Beaucoup 
de  religionnaires  disaient  :  Je  me  réunis.  D'autres  fu- 
rent même  autorisés  à  rédiger  leur  abjuration  en  ces 
termes:  «Je  reconnais  et  confesse  l'église  catholique, 
«  apostolique  et  romaine  comme  elle  était  du  temps 
«  des  apôtres  7,  ou  bien  '<  Conformément  à  la  doc- 
«trine  de  N.  S.  J.-C.  >/  ou  bien  encore  «en  aimant 
Dieu  et  J.-C.  et  l'adorant  uniquement  du  culte  souve- 
rain qui  lui  appartient.  >/ 

Mais  ce  n'était  Là  qu'un  acheminement.  11  fallait 
aller  plus  loin.  «On  revenait  à  eux  quelques  jours 
«  après// dit  le  pasteur  (Claude «et  ils  n'en  échappaient 
«  point  qu'ils  n'eussent  signé  un  autre  formulaire  où 
«  on  les  engageait  à  outrance.  >/ 

On  en  arriva  à  les  faire  communier  de  force  !  Les 
catholiques  d'aujourd'hui  n'estiment-ils  pas  que  c'est 
une  profanation  aboiniiiable  ?  Il  y  eut  quelques  pro- 
testations, particulièrement  du  côté  des  jansénistes, 
mais  les  jésuites  n'en  continuaient  pas  moins  à  ap- 
prouver les  communions  forcées.  Dans  les  premiers 
jours  de  septembre  i68s,  soit  environ  six  semaines 
avant  la  révocation  de  LEdit  de  Nantes,  Louvois 
écrivait  ce  qui  suit  au  Chancelier  son  père  :  «  11  s'est 
«  fait  60,000  conversions  dans  la  généralité  de  Bor- 
«  deaux  et  20,000  dans  celle  de  Montauban.  La  rapi- 


—  169  — 

«  dite  dont  cela  va  est  telle  qu'avant  la  fin  du  mois  il 
«  ne  restera  plus  10.000  religionnaires  dans  toute  la 
«généralité  de  Bordeaux,  où  il  y  en  avait  iso.ooo  le 
«  is  du  mois  passé.  » 

Dans  le  même  temps  le  duc  de  Noailles  annonçait 
à  Louvois  que  le  nombre  des  religionnaires  du  Lan- 
guedoc où  il  opérait,  était  d'environ  240,000,  mais 
qu'il  croyait  qu'à  la  fin  du  mois  «cela  serait  expédié.» 

Pour  légitimer  ces  abjurations  arrachées  de  vive 
force,  Louis  Xl\',  circonvenu  par  son  confesseur, 
conseillé  par  son  chancelier  et  son  ministre  de  la 
guerre,  mal  informé  de  ce  qui  se  passait  dans  son 
royaume,  et  convaincu,  d'autre  part,  sur  la  promesse 
qu'on  lui  en  avait  donnée,  que  cette  mesure  ne 
ferait  pas  répandre  une  goutte  de  sang,  consentit  en- 
fin à  révoquer  l'Edit  de  Nantes,  c'est-à-dire  à  fondre 
en  une  les  ordonnances  restrictives  antérieures, 
car.  en  fait,  il  ne  restait  rien  de  l'Edit.  C'était  le  18 
octobre  i68s. 

Il  vécut  encore  30  ans.  ce  qui  lui  permit  de  voir 
la  faute  irréparable  qu'on  lui  avait  fait  commettre,  et 
de  pressentir  que  le  coup  qu'il  avait  porté  à  la  pros- 
périté nationale  aurait  une  réiiercussion  d'âge  en  âge 
et  assombrirait  la  gloire  de  son  règne. 


'1s>:| 


W 


CHAPITRE  V 
Révocation  de  l'Edit  de  Nantes 

(1685) 


Le  préambule  de  l'acte  révocatoire  du  i8  octobre 
i68=,  est  un  témoignage  du  grand  mensonge  dont  on 
avait  abusé  le  roi,  à  moins  qu"il  ne  fût  une  feinte  en 
crainte  de  représailles  des  Etats  protestants  :  '<  Nous 
<<  voyons  présentement,  avec  la  juste  reconnaissance 
«  que  nous  devons  à  Dieu,  que  nos  soins  ont  eu  la 
'<  fin  que  nous  nous  sommes  proposée  puisque  la 
'<  meilleure  et  la  plus  grande  partie  de  nos  sujets  de 
'<  la  Religion  prétendue  réformée  ont  embrassé  la 
«  catholique,  et  l'exécution  de  l'Edit  de  Nantes  de- 
«  meure  donc  inutile.  >/ 

"Voici  en  gros  ce  que  renfermait  cet  acte  :  Plus 
d'exercice  du  culte  réformé  ;  —  ordre  aux  pasteurs 
de  sortir  du  royaume  dans  le  délai  de  15  jours  et  de 
n'y  plus  faire  aucune  fonction  sous  peine  des  galères  ; 
—  promesse  aux  ministres  qui  se  convertiraient 
d'une  pension  plus  forte  d'un  tiers  que  celle  dont  ils 
jouissaient  auparavant  avec  la  moitié  réversible  sur 
la  tète  de  leurs  veuves  ;  dispenses  académiques  pour 
ceux  d'entre  eux  qui  voudraient  entrer  dans  la  car- 
rière du  barreau  ;  —  défense  aux  parents  d'instruire 
leurs  enfants  dans  la  religion  réformée  et  injonction 
de  les  faire  baptiser  et  de  les  envoyer  aux  églises 
catholiques  sous  peine  de  500  1.  d'amende  :  —  ordre 
à  tous  les  réfugiés  de  rentrer  en  France  avant  quatre 
mois,  sous  peine  de  confiscation  de  leurs  biens  ;  — ■ 


—  lyi  — 

défense  à  tous  les  religionnaires  d'émigrer,  sous 
peine  des  galères  pour  les  hommes  et  de  la  réclusion 
pour  les  femmes;  — enfin,  confirmation  des  lois 
contre  les  relaps... 

Le  dernier  article  donna  lieu  h  une  cruelle  méprise. 
11  disait  :  «  Pourront  au  surplusles  dits  de  la  R.  P.  R., 
'<  en  attendant  qu"il  plaise  à  Dieu  de  les  éclairer  com- 
«  me  les  autres,  demeurer  dans  les  villes  et  lieux  de 
«  notre  royaume...  sans  pouvoir  être  troublés  ni  em- 
'<  péchés  sous  prétexte  de  la  dite  religion  réformée, 
'<  à  condition,  comme  dit  est,  de  ne  point  faire  d"ex- 
«  ercice.  »  La  liberté  de  conscience  semblait  donc 
être  respectée  dans  le  for  intérieur  et  au  foyer  do- 
mestique. Les  réformés  s'en  réjouirent.  Mais  quelle 
déception  douloureuse  suivit  bientôt  !  Ces  mots  :  En 
aliciidani  qu'il  plaise  à  Dieu  de  les  éclairer  comme  les 
autres  voulaient  dire  :  En  attendant  qu'ils  soient  con- 
vertis par  les  dragons.  Louvois  écrivit  dans  les  pro- 
vinces :  «  S.  M.  veut  qu'on  fasse  sentir  les  dernières 
'<  rigueurs  à  ceux  qui  ne  voudront  pas  se  faire  de  sa 
«  religion  et  ceux  qui  auront  la  sotte  gloire  de  vou- 
«  loir  demeurer  les  derniers  doivent  être  poussés 
«jusqu'à  la  dernière  extrémité.  /> 

Le  i8  octobre  i68^  doit  être  compté  comme  le  jour 
le  plus  néfaste  que  la  France  ait  traversé.  Il  l'a  trou- 
blée, affaiblie,  appauvrie,  abaissée,  et,  aujourd'hui, 
conséquence  séculaire  de  cette  amputation  matériells 
et  morale,  elle  ne  brille  plus  à  lavant-garde  des  na- 
tions, mais  semble,  au  contraire,  s'acheminer  vers  la 
décadence.  A  partir  de  ce  jour-là,  Louis  XIV  vit  sa 
fortune  décliner.  Peut-être  n'attribua-t-il  pas  ce  dé- 
clin à  son  acte  révocatoire.  Ses  courtisans  l'en  louè- 
rent trop  pour  qu'il  pût  avoir  une  vision  de  ses  con- 
séquences politiques,  industrielles,  commerciales  et 
morales.  Pourtant,  il  vit  bientôt  les  alliés  naturels  de 
la  France   dans  l'Europe    protestant^    se   retourner 


contre  elle  avant  à  leur  tête  Guillaume  d"Orange,  et 
rémigration  prendre  des  proportions  immenses  et 
certainement  imprévues,  ^'auban  n'évaluait-il  pas, 
un  an  après  la  révocation,  h  100,000  le  nombre  des 
habitants  que  la  France  avait  perdus,  à  60.000,000  de 
livres  l'argent  monnayé  qui  était  sorti  de  France,  à 
9,000  matelots  et  à  12,000  soldats  aguerris,  avec  600 
officiers,  la  force  dont  les  armées  de  mer  et  de  terre 
se  trouvaient  amputées?  Leduc  de  Saint  Simon,  dans 
ses  fameux  Mémoires,  dit  que  le  commerce  fut  miné 
dans  toutes  ses  branches  et  le  quart  du  royaume  sen- 
siblement dépeuplé.  Louis  XIV  ne  connut  plus  la  vic- 
toire :  Blenheim,  Ramillies,  Malplaquet,  furent  des 
défaites  suffisantes  pour  qu'il  demandât  la  paix  à 
l'Europe.  Il  Lobtint  à  Utrecht,  on  sait  à  quelles  con- 
ditions I  Le  prestige  de  la  royauté  en  fut  gravement 
atteint,  et  peut-être  le  résultat  de  l'acte  de  contrition 
de  Louis  XIV,  comme  on  a  appelé  la  Révocation, 
fut-il  cause  que  la  nation  se  jeta  en  plein  dans  le 
scepticisme.  On  a  prétendu  que  la  Révocation  fut 
populaire.  Ce  n'est  vrai  qu'en  partie.  Chez  les  prê- 
tres fanatiques,  chez  Bossuet  et  Fléchier,  chez  les 
courtisans  et  dans  les  basses  classes  de  la  société  elle 
fut  approuvée.  Mais  chez  les  penseurs  capables  de  se 
hausser  aux  idées  générales,  elle  fut  condamnée. 

Voilà  le  bilan  de  l'acte  révocatoire. 

Les  pasteurs  n'avant  cjne  quinze  jours  pour  sortir 
du  royaume  durent  prendre  une  prompte  décision. 
Pas  un  seul  de  la  région  qui  nous  occupe  n'abjura. 
Le  pasteur  de  Criquetot.  M.  Taunav,  se  retira  en 
Hollande.  Il  dut  y  mourir  en  1686,  car  nous  ne  ren- 
controns plus  son  nom  dans  les  comptes-rendus  des 
synodes  après  ce  millésime.  Une  note  qui  ne  porte 
aucune  date  dit  que  sa  veuve  reçut  des  secours  de 
l'église  d'Amsterdam.  —  Paul  Cardel.  qui  desservait 
l'église  de  fief  de  Grosmenil  près  de  Bosc-le-Hard, 


se  retira  aussi  en  Hollande  (il  arriva  à  Harlem  le  28 
février  1686  avec  sa  femme  Madelaine  de  Houppe- 
laine,  et  son  père).  Mais  nous  le  retrouverons  plus 
loin,  car  il  rentra  en  France  en  1688.  — Jacques  de 
Larre\-.  le  pasteur  de  Luncray-Bacqueville.  prit  aussi 
le  chemin  des  Pays-Bas  (il  mourut  h  Scheidam  en 
1722  .  Son  collègue  Abraham  Signard  l'v  avait  pré- 
cédé et  était  devenu  pasteur  à  Middelbourg  où  il 
mourut  le  28  novembre  1618.  —  Simon  Felles,  qui 
desservait  Lintot,  se  rendit  à  La  Brille  où  il  mourut 
en  i08c),  et  son  collègue  Ephraïm  Rallemont  sieur  de 
la  ^'oute,  à  Flessingue  où  il  décéda  au  commence- 
ment de  1694.  —  Daniel  Boursault,  pasteur  de  Fé- 
camp.  se  retrouve  dans  le  Brabant  Septentrional,  en 
i()8(i.  11  devint  pasteur  à  Franequer  en  avril  1687.  — 
Antoine  Lepage,  qui  desservait  l'église  de  fief  de 
Caule,  se  réfugia  à  Rotterdam,  où  il  exerça  le  minis- 
tère de  janvier  1686  au  19  novembre  1701,  date  de  sa 
mort.  Quant  à  Daniel  Hervieu  de  la  Servanière,  le 
collègue  de  Boursault  à  Fécamp,  nous  ne  savons  ce 
qu'il  devint  sinon  qu'il  quitta  aussi  la  France.  — 
Henri  Latané,  qui  fut  pasteur  à  Sénitot  en  1660  et 
probablement  un  peu  après,  avait  dû  passer  en  Hol- 
lande avant  la  révocation.  En  tout  cas,  son  nom  fi- 
gure sur  la  liste  des  200  pasteurs  français  présentée 
au  synode  des  Eglises  wallonnes  assemblé  à  Rotter- 
dam le  24  avril  1686.  —  César  Pegorier  le  ministre  de 
Sénitot  lors  de  la  condamnation  de  ce  prêche,  dut 
passer  en  Angleterre.  Ce  que  nous  savons,  c'est  qu'il 
avait,  le  13  juin  i68s,  sollicité  de  Louis  XIV  l'autori- 
sation de  s'y  retirer  avec  sa  femme  et  un  enfant,  et 
que  cette  autorisation  lui  avait  été  accordée. 

Les  conséquences  pour  la  Normandie  de  la  Révo- 
cation de  l'Edit  de  Nantes  ne  sont  pas  faciles  à  déter- 
miner. Floquet.  le  plus  accrédité  des  historiens  nor- 
mands, estime  à  184,000  au  moins  le  nombre  des  ré- 


—  ^74  — 

formés  qui  quittèrent  notre  province,  et  Goube,  an- 
cien conseiller  du  roi  et  receveur  h  Rouen,  parle, 
dans. son  Histoire  du  dnchc  de  Normandie,  de  2O.000 
habitations  désertées.  Dans  ce  nombre  la  part  du  pays 
de  Claux  doit  être  considérable.  Au  reste,  par  la  liste 
des  biens  abandonnés  (appendice-pièce  n"  8(  on  verra 
combien  d'immeubles,  la  plupart  afi'ectés  à  des  indus- 
tries, furent,  du  jour  au  lendemain,  confisqués  au 
profit  de  l"Etat  ;  mais  ce  que  nous  ne  savons  pas, 
c'est  combien  de  gens  1  industriels,  marchands,  fer- 
miers, artisans),  qui  n'étaient  pas  propriétaires,  pas- 
sèrent à  l'étranger.  L'ambassadeur  français  Bonre- 
paus  écrivait  de  Londres  en  1686  au  ministre  Seigne- 
lay  :  '<  Les  autres  fabriques  qui  s'établissent  en  ce 
pays  sont  les  chapeaux  de  Caudebec  et  La  man'.ère 
d'apprêter  les  peaux  de  chamois.  »  Nous  ne  pensons 
pas  qu'il  s'agisse  de  Caudebec-en-Caux,  mais  de  Cau- 
debec-lès-Elbeuf,  car  les  registres  de  Lintot  pas  plus 
que  ceux  de  Rouen  ne  nous  révèlent  l'existence  de 
protestants  à  Caudebec-en-Caux,  et  la  liste  des  biens 
abandonnés  n'en  comporte  pas  qui  y  soient  situés. 
«  La  fabrication  des  chapeaux,  dit  M.  Ch.  W'eiss. 
l'auteur  de  l'Histoire  des  Réfugiés  protestants  de 
France  (t.  I.  p.  j-^-^,)  est  une  des  plus  belles  industries 
dont  les  réfugiés  dotèrent  l'Angleterre.  En  France, 
elle  avait  été  presque  entièrement  entre  les  mains 
des  réformés.  Eux  seuls  possédaient  le  secret  de  Leau 
de  composition  qui  sert  à  la  préparation  des  peaux 
de  lapin,  de  lièvre  et  de  castor,  et  eux  seuls  livraient 
au  commerce  les  chapeaux  fins  de  Caudebec,  si  renom- 
més en  Angleterre  et  en  Hollande.  Aorès  ia  Révoca- 
tion, la  plupart  se  retirèrent  h  Londres,  emportant 
avec  eux  le  secret  de  leur  art,  qui  resta  perdu  pour 
la  France  pendant  plus  de  40  ans.  Ce  n'est  qu'au  mi- 
lieu du  18^'  siècle  qu'un  chapelier  français  nommé 
Mathieu,  après  avoir  longtemps  travaillé  à  Londres, 


y  déroba  le  secret  emporté  par  les  réfugiés,  le  rap- 
porta dans  sa  patrie,  le  communiqua  généreusement 
aux  chapeliers  de  Paris  et  fonda  une  grande  manufac- 
ture dans  le  faubourg"  St-Antoine.  »  Avant  ce  larcin, 
les  cardinaux  de  Rome  étaient  obligés  de  faire  venir 
leurs  chapeaux  de  la  célèbre  manufacture  de  W'ands- 
worth  établie  par  les  réfugiés. 

On  évalue  à  iqS./So  livres  le  revenu  que  laissèrent 
les  40s  chefs  de  famille  de  la  généralité  de  Rouen, 
possesseurs  d'immeubles,  qui  avaient  émigré  en 
i68b.  Mais,  dans  ce  total  de  chefs  de  famille,  ne  sont 
pas  compris  ceux  dont  les  biens  avaient  été  réclamés 
par  leurs  parents  devenus  ou  qui  étaient  déjà  catho- 
liques. 

Rouen,  pour  sa  part,  perdit  trois  industries  :  celles 
de  la  fabrication  du  sucre,  de  la  faïence  et  du  verre, 
et  son  commerce  d'exportation  lointaine  tomba  à 
presque  rien.  Legendre  ^  dit  qu'il  eut  la  consolation 
de  voir  se  retirer  à  l'étranger  les  deux  tiers  de  son 
troupeau,  et  cela  ne  paraît  pas  exagéré  puisqu'on 
évaluait  le  nombre  des  protestants  de  Rouen  à  5000 
et  qu'on  n'y  comptait  plus,  en  1698,  en  y  compre- 
nant les  enfants,  que  1647  convertis.  Rouen  aurait 
donc  fourni  3.300  fugitifs. 

Elbeuf  y  aurait  perdu  son  industrie  du  drap,  exclu- 
sivement dans  des  mains  protestantes,  si  Colbert, 
n'avait  eu  la  bonne  Densée  d'envover  deux  drapiers 
parisiens  assurer  la  continuation  de  la  grande  fabri- 
cation elbeuvienne  des  Lemonnier  dont  les  produits 
étaient  connus  partout  sous  le  nom  corrompu  de 
Draps  de  Mon  nier. 

Maintenant,  est-il  vrai  de  dire  que  ces  industriels 
qui  émigrèrent  dotèrent  l'étranger  d'industries  nou- 
velles ?  Oui,  mais  pas  d'un  aussi  grand  nombre  qu'on 
le  croit  généralement,  car  les  registres  de  l'ancienne 

1.  —  Hist.  de  la  Pers.  faite  à  l'égl.  de  Rouen,  p.  83. 


—   i7<»  — 

église  de  Rouen  nous  montrent  que  beaucoup  des 
industries  qui  florissaient  dans  cette  ville  y  avaient 
été  fondées  par  des  étrangers  —  écossais,  tiamands, 
hambourgeois  —  et  avaient  continué  à  y  être  déte- 
nues par  leurs  descendants  alliés  à  des  françaises. 
Seulement,  ce  que  nous  croyons,  c'est  qu'ils  y  portè- 
rent une  façon  différente  de  travailler  et  que  cela 
établit  une  émulation  et  une  concurrence  qui  firent 
étonnamment  progresser  l'étranger. 

Le  roi  croyait  que  les  réformés,  privés  de  leurs 
conducteurs,  se  rallieraient  sans  trop  de  peine  au  ca- 
tholicisme. Il  vit  bientôt  qu'il  s'était  trompé  et  que 
les  missions  bottées  n'avaient  fait  que  des  conver- 
sions simulées  et  que  le  protestantisme  étant  une 
religion  personnelle,  le  temple,  le  lieu  de  culte,  ne 
lui  est  pas  indispensable  et  qu'il  peut  subsister  sans 
l'assemblée  dominicale.  Aussi,  après  l'échec  de  la 
tentative  faite  par  les  missionnaires  envoyés  pour 
catéchiser  les  religionnaires  et  amener  des  abjura- 
tions, il  se  laissa,  dans  son  dépit,  entraîner  aux  actes 
les  plus  criminels.  Il  donna  Tordre  d'emphjyer 
les  moyens  qui  avaient  si  bien  réussi  dans  le  Poitou 
et  dont  jusqu'alors  la  Normandie  avait  été  exemptée 
—  car  nous  ne  voulons  pas  considérer  comme  des 
dragonnades  comparables  à  celles  exercées  dans  le 
Poitou  la  pression  militaire  tentée  en  1559  sur  les 
protestants  de  Normandie  dont  parle  une  lettre 
adressée  cette  même  année  à  Calvin  par  le  pasteur 
de  Paris,  François  Morel. 

La  nouvelle  se  réoand  bientôt  dans  les  campagnes 
que  des  troupes  marchent  sur  Rouen.  On  juge  de 
l'effet  que  cette  nouvelle  y  produisit,  l'horreur  des 
missions  bottées  ayant  pénétré  partout.  '<  Si  on  vou- 
lait faire  abjurer  le  christianisme  et  suivre  l'alcoran, 
écrivait  Fénelon  «  on  n'aurait  qu'à  montrer  des  dra- 
gons. »  Des  gentilhommes  du  pays  de  Caux,  lesmar- 


—  177  — 

quis  d'Harcourt,  d"Orbec.  les  sieurs  de  Courtanon, 
d'HcLizecourt.  de  St-Mards.  de  TEstang,  Becquigny, 
Ste-Foy,  Dumont  de  Bostaquet.  et  quantité  d'autres, 
se  réunissent  à  Rouen  pour  se  concerter  sur  la  con- 
duite à  tenir.  Chacun  sent  que  sa  perte  est  certaine  ; 
mais  l'avis  de  tout  souffrir  plutôt  que  d'abandonner 
la  religion  est  unanimement  adopté.  Le  lendemain, 
Dumont  de  Bostaquet  confère  en  son  château  de  La 
Fonteleye  avec  les  gentilshommes  réformés  voisins. 
Nous  ne  savons  pas  les  noms  de  tous  :  mais  nous  sa- 
vons que  les  résolutions  prises  étaient  de  fuir  immé- 
diatement à  l'étranger,  et  nous  savons  aussi  que  leur 
mise  à  exécution  fut  différée. 

Sur  ces  entrefaites,  le  marquis  de  Beaupré-Choi- 
seul,  à  la  tète  de  12  régiments  de  cuirassiers  et  de  24 
compagnies  du  régiment  Royal  et  Royal-étranger, 
entrait  dans  Rouen  l'épée  à  la  main  comme  dans  une 
ville  conquise.  L'effet  ne  se  fit  pas  attendre  :  quatre 
jours  après,  300  familles  signaient  leur  abjuration. 
Comptant  que  le  reste  suivrait  cet  exemple,  le  minis- 
tre donna  l'ordre  au  commandant  de  conduire  ses 
troupes  à  Dieppe  ;  mais  à  peine  celles-ci  parties,  les 
conversions  s'arrêtent.  On  les  rappelle  et.  cette  fois, 
elles  achèvent  la  besogne,  après  quoi  elles  repren- 
nent le  chemin  de  Dieppe  en  passant  sans  doute  par 
Bacqueville,  Luneray  et  les  paroisses  voisines.  Nous 
ne  connaissons  rien  du  résultat  obtenu  dans  le  petit 
Caux.  Il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  fut  celui  qu'on  obte- 
nait partout.  A  Dieppe,  la  résistance  fut  acharnée  : 
pas  une  conversion  ne  s'y  produisit  en  dehors  de  celle 
d'un  enfant  de  12  ans.  Aussi  les  dieppois  sont-ils  dé- 
clarés vingt  fois  plus  obstinés  que  les  rouennais  par 
Lecouteulx.  un  des  échevins  de  Rouen  chargé  par  ses 
collègues  d'aller  trouver  l'intendant  de  Marilhac. 
Louvois.  instruit  de  cet  échec,  en  fut  si  exaspéré  qu'il 
écrivit  à  M.  de  Beaupré   de   renforcer  les  logements 

12 


-  T78- 

de  cuirassiers  chez  les  habitants  et  de  les  y  faire  vi- 
vre fort  licencieusement.  '^.  Vous  ne  sauriez  rendre 
'<  trop  dure  et  trop  onéreuse  la  subsistance  des  trou- 
'<  pes  chez  eux  >>  déclarait-il.  Le  résultat  cherché  fut 
enfin  obtenu.  Mais  des  abjurations  arrachées  par  ces 
moyens  ne  pouvaient  être  définitives.  C'est  ce  que  la 
suite  démontra  :  un  mois  après  le  départ  des  dragons, 
très  peu  de  ces  convertis  faisaient  profession  de  ca- 
tholicisme. 

A  la  Révocation,  le  protestantisme  comptait  encore 
beaucoup  de  nobles  dans  son  sein,  bien  cpi'un  cer- 
tain nombre  de  gentilshommes,  trop  attachés  aux 
honneurs  du  siècle  ou  trop  en  contact  avec  la  cour 
aux  mœurs  dissolues  du  roi-soleil,  n'eussent  pas  at- 
tendu les  persécutions  pour  rentrer  dans  l'église  ro- 
maine. Dans  cette  noblesse,  que  d'exemples  de  cons- 
tance ne  trouverions-nous  pas  si  nous  nous  attachions 
à  les  rechercher  !  Le  pays  de  Caux  était  la  région 
qui  comptait  le  moins  de  gentilshommes  réformés, 
et  cependant,  à  la  Révocation,  nous  y  trouvons  encore 
M.  de  la  Basoge,  baron  d'Heugueville,  Paul  Baudry 
sieur  d'Iberville,  Jacques  et  Henri  Basnage  de  Beau- 
val,  Brière  de  Picauville.  Isaac  de  Larrey.  Jacques  de 
Larrey,  Paul  Thierry  de  la  Motte-Lallier,  du  Mesnil- 
Martigny.  Josias  de  la  Haye  de  Lintot,  I3umont  de 
Fécamp,  Barthélémy  de  la  Garenne,  Mme  de  Bra- 
chon  de  Bévilliers,  Mme  de  Biville,  les  sieurs  de 
Melleville,  de  Nipiville,  de  Senneville.  et  enfin  Isaac 
Dumont  de  Bostaquet,  l'auteur  de  Mémoires  grâce 
auxquels  beaucoup  d'épisodes  de  la  Révocation  dans 
le  pays  de  Caux  nous  sont  connus. 

L'effroi  que  jetait  l'annonce  de  la  venue  des  cava- 
liers était  tel  que  bien  souvent  on  abjurait  en  masse 
avant  leur  arrivée.  Par  exemple,  à  Harfleur,  les  éche- 
vins  ayant  appris  que  quatre  compagnies  d'un  régi- 
ment de  cuirassiers  se  dirigent  vers  la  ville  envoient 


—    I7Q   — 

diligemment  un  délégué  vers  l'intendant  de  Marilhac, 
avec  mission  de  lui  représenter  que  '<  toutes  les  per- 
sonnes faisant  ci-devant  profession  de  la  R.  P.  R.  de 
Tun  et  l'autre  sexe  avaient  fait  leur  conversion  et 
qu'il  ne  restait  dans  le  lieu  (.juc  quatre  ou  cinq  misé- 
rables sans  aucun  bien  et  presque  tous  fugitifs.  »  * 
Cette  démarc'ne  des  échevins  n'empêche  pas  les  cui- 
rassiers de  loger  dans  la  ville  et  à  Montivilliers  où, 
d'après  les  registres  de  l'abbaye,  ils  provoquèrent 
200  abjurations.  A  Criquetot-l'Esneval.  il  en  alla 
de  même.  A  la  fin  d'un  manuscrit  qui  se  trouve  aux 
archives  de  ce  bourg,  il  y  a  une  liste  de  1S9  abjura- 
tions :  II  sont  de  juin  à  novembre  1684,  143  d'avril  à 
décembre  i68s,  et  =<  des  années  suivantes.  Pendant 
le  seul,  mois  de  novembre  168^.  mois  de  la  venue  des 
cuirassiers,  il  en  fut  enregistré  125.  Il  y  en  avait  de 
toutes  les  paroisses  environnantes.  Criquetot.  pour 
sa  part,  en  fournissait  21.  Peu  de  ces  conversions  fu- 
rent définitivement  acquises.  D'après  l'abbé  Cochet.  - 
aucun  protestant  de  Gonneville  et  de  Saint-Jouin, 
deux  communes  où  il  s'en  trouvait  beaucoup,  puis- 
que dans  la  première  ils  avaient  établi  un  marché 
et  dans  la  seconde  un  prêche,  ^  ne  se  convertit.  '<  Ils 
préférèrent  >/.  écrit-il,  «  l'exil  au  changement  de  re- 
ligion. Ils  enfouirent  dans  la  terre  ce  qu'on  ne  leur 
permit  pas  d'enlever  et  nous  savons  une  famille  qui 
a  trouvé  au  retour  un  trésor  qu'elle  avait  caché  dans 
un  bois.  Puis  ils  descendirent  à  Bruneval  et  à  Etretat 
d'où  les  barques  de  pêche  les  transportèrent  en  An- 

1.  —  Rapport  do  M.  de  Beaurepaire,  Bulletin  des  Anliq.  de 
la  Seine-Inlerieure,  t.  II,  p.  i^68. 

2.  —  Histoire  de  Criquetot,  p.  15. 

3.  —  Nous  ne  voyons  rien  qui  couiirnio  qu'un  prèclie  ait 
existé  à  St-Jouin.  Mais  il  est  possible  qu'on  y  eut  établi  un  ser- 
vice dans  une  maison  particulière.  C.q  qui  rend  la  chose  pro- 
bable, c'est  que  la  conunune  comptait  beaucoup  de  protestants 
et  que  le  temple  de  Griquetot  en  était  d'stanl  de  12  kilomè- 
tres. 


—  i8o  — 

gleterre.  On  montre  encore  à  Etretat  de  petites  for- 
tunes de  pécheurs  qui  proviennent  du  passage  des 
protestants.  » 

On  sait  que  24  compagnies  se  partagèrent  ie  pays 
de  Caux  et  que  le  secrétaire  de  l'intendant  de  Maril- 
hac  avait  Bolbec,  Motteville  et  les  environs  pour 
champ  d'action  ;  mais  on  ne  sait  pas  bien  par  où  pas- 
sèrent les  troupes  qui  allaient  au  Havre  et  à  Monti- 
villiers,  Criquetot  et  Fécamp.  On  a  trace  de  leur 
passage  à  La  Cerlangue  et  à  Turretot.  Sans  doute  que 
de  Caudebec,  où  toutes  passèrent,  des  compagnies  se 
dirigèrent  vers  Autretot  pour  gagner  Fécamp  par 
Colleville  et  Bec-aux-Cauchois  ;  d'autres,  pour  ga- 
gner Harfleur,  Montivilliers  et  le  Havre,  par  Lintot, 
Bolbec,  Lillebonne,  St-Nicolas-de-la-Taille,  St-An- 
toine-la-Forét.  St-Eustache  et  St-Jean-de-la-Neuviile, 
s'avançant  ainsi  sur  un  front  de  plus  en  plus  élargi 
pour  atteindre  toutes  les  paroisses  où  il  y  avait  des 
religionnaires,  et  c'étaient  presque  toutes  celles  de 
l'élection  de  Montivilliers.  On  ne  sait  presque  rien 
du  passage  de  ces  convertisseurs  à  Boibec.  Sans  doute 
que  les  documents  les  relatant  furent  consumés  dans 
l'incendie  qui  détruisit  la  ville  le  14  juillet  1763. 
Mais  peut-être  aussi  le  clergé  bolbécais  obtint-il  que 
les  réformés  fussent  ménagés  à  cause  de  ce  qu'alors 
tout  le  commerce  et  l'industrie  étaient  dans  leurs 
mains  et  qu'exiger  leur  conversion  eût  été  risquer, 
en  leur  faisant  prendre  le  chemin  de  l'exil,  de  ré- 
pandre la  misère  dans  la  population  ouvrière  ne  sub- 
sistant que  par  eux.  Cette  hypothèse  nous  parait  très 
acceptable.  Concernant  le  passage  et  le  travail  des 
cuirassiers  h  Bolbec,  nous  trouvons  dans  une  lettre 
de  l'échevin  rouennais  Lecoulteux  déjà  nommé,  en- 
voyé vers  M.  de  Marilhacqui  se  dirigeait  sur  le  Ha- 
vre, pour  lui  remettre  un  état  des  conversions,  que 
M.  de  Rue,  secrétaire  de  celui-ci,  était  à  Bolbec  à  la 


—   i8i   — 

date  du  12  novembre  et  qu"«  il  travaillait  tant  qu'il  pou- 
'<  vait  pour  la  conversion  des  huguenots  de  ce  pays-là, 
«  ayant  en  sa  queue  deux  compagnies  de  cavaliers.  » 

Il  y  eut  des  allées  et  venues,  de  Marilhac  et  de  ses 
troupes,  de  Rouen  au  Havre  et  du  Havre  à  Dieppe. 
C'est  ce  qui  permit  d'opérer  dans  les  campagnes. 
Mais  il  y  a  lieu  de  croire  que  les  troupes  ne  firent 
qu'y  passer.  La  réputation,  non  usurpée,  des  cava- 
liers était  telle,  en  effet,  qu'il  devait  suffire  le  plus 
souvent  de  les  apercevoir  dans  le  lointain  pour  cou- 
rir, affolé,  signer  chez  le  curé. 

Qu'on  juge  des  angoisses  par  lesquelles  passèrent 
les  familles  protestantes  à  l'annonce  de  l'auproche 
des  missionnaires  bottés  !  Celles  qui  le  purent,  passè- 
rent à  l'étranger.  Il  v  eut  d'abord  les  pasteurs,  aux- 
quels un  délai  de  is  jours  pour  sortir  du  royaume 
avait  été  accordé  (pour  quelques-uns,  tenus  pour 
dangereux,  ce  délai  fut  abrégé.  On  refusa  même  à 
plusieurs  le  passe-port  indispensable  afin  d'avoir 
motif  d'apparence  légale  pour  les  arrêter  à  la  fron- 
tière et  les  emprisonner).  Quant  aux  laïques,  com- 
me il  leur  était  interdit  de  sortir  de  France  sous  les 
peines  les  plus  sévères  igalères  perpétuelles  et  con- 
fiscation des  biens)  il  leur  fallut  ou  bien  se  résigner 
à  abjurer  tout  en  conservant  le  for  intérieur,  ou  bien 
tenter,  en  trompant  la  surveillance  dont  tous  étaient 
entourés,  de  passer  à  l'étranger.  Ce  dernier  parti  fut 
suivi  par  un  grand  nombre.  Nous  ne  pouvons  nous 
risquer  à  donner  un  chiffre  même  approximatif  des 
familles  du  pays  de  Caux  qui  émigrèrent  à  ce  mo- 
ment-là et  pendant  les  années  qui  suivirent.  Par  la 
liste  des  Religionnaires  fugitifs  ayant  abandonné  des 
biens,   que  nous   publions  (Appendice,  pièce  n°  9  ^) 

1.  —  Coiiiiiie  cette  hste  ne  comprend  que  les  propriétaires, 
nous  la  faisons  suivre  immédiatement  d'une  liste  générale, 
("est-à-dire  reniermant  tous  les  noms  des  fugitifs  venus  à  notre 
connaissance. 


i8: 


on  verra  qu'elles  sont  légion.  l>ien  entendu,  il  n'y 
eut  pas  que  les  familles  possédant  des  propriétés  qui 
prirent  le  chemin  de  Tétranger.  Les  petites  gens, 
comme  on  disait  alors,  c'est-à-dire  les  artisans,  les 
ouvriers  des  champs  et  des  villes  donnèrent  l'exem- 
ple aux  riches  et  leur  firent  souvent  honte. 

A  l'étranger  on  retrouve  peu  des  noms  qui  figurent 
sur  les  listes  des  biens  abandonnés.  Faut-il  en  inférer 
que  beaucoup  de  fugitifs  périrent  en  mer  ou  v  furent 
dépouillés  et  tués  par  des  pirates,  et  aussi  que  beau- 
coup furent  capturés  par  les  surveillants  des  côtes  et 
des  frontières  et  jetés  en  prison  ?  Oui.  sans  nul  doute. 
Et  nous  savons  qu'en  1686  les  cachots  d'Aumale 
étaient  remplis  de  prisonniers  protestants  et  qu'il  y 
en  avait  aussi  à  Neufchâtel.  A  Arques,  les  prisons  en 
regorgeaint.  11  y  a  lieu  de  croire  aussi  que  dans  les 
foréts-frontières  des  bandes  de  brigands  formées  en 
vue  de  dépouiller  les  fugitifs,  en  surprirent  et  assas- 
sinèrent beaucoup  et  firent  disparaître  leurs  cada- 
vres, ou  les  laissèrent  sur  place  pour  qu'ils  devinssent 
la  proie  des  bêtes  sauvages,  nombreuses  en  ce  temps- 
là.  Combien  aussi  se  proposèrent  comme  guides  qui 
massacrèrent  traîtreusement  les  fugitifs  assez  con- 
fiants pour  remettre  leur  sort  entre  leurs  mains  ! 

Plusieurs  grandes  familles  demandèrent  à  la  cour 
la  permission  de  sortir  du  rovaume.  Ce  ne  fut  ac- 
cordé qu'au  maréchal  de  Schonberg  et  au  marquisde 
Ruvigny  et  encore  y  mit-on  cette  condition  :  le  pre- 
mier se  retirerait  en  Portugal  et  le  second  en  Angle- 
terre. L'amiral  Duquesne  fut  le  seul  qui  eut  permis- 
sion de  demeurer  e  1  France  et  d'y  finir  ses  jours 
avec  la  liberté  du  ïo:  intérieur.  Le  grand  juriscon- 
sulte normand  B.isnage  y  demeura  nus-i,  mais  par 
tolérance  :  on  voulut  bien  fermer  les  yeux  sur  lui 
jusqu'à  sa  mort  ;  on  lui  retira  seulement  le  droit  de 
plaider.  Il  avait  alors  70  ans.  et  il  y  eu  avait  so  qu'il 


—  i83  - 

éclairait  le  Parlement  de  ses  lumières.  II  se  retira 
dans  sa  terre  de  Franquesnay,  qui  s'appelle  au- 
jourd'hui ferme  «  du  Basnage  //,  près  de  Pavilly,  et 
garda  sa  maison  de  la  rue  de  l'Ecureuil,  à  Rouen, 
qu'il  revenait  habiter  de  temps  en  temps  et  où  il 
s'éteignit  doucement  en  i6qs.  Un  brevet  royal  as- 
sura la  terre  de  Franquesnav  à  son  fils  Jacques  Bas- 
nage  Tex-pasteur  de  Rouen,  pour  services  rendus  à  la 
France  en  Hollande  où  il  s'était  réfugié.  La  faveur 
accordée  à  Duquesne  n'était  qu'une  maigre  récom- 
pense des  services  qu'il  avait  rendus  à  son  roi  ;  et  en- 
core ne  lui  fut-elle  pas  octroyée  sans  le  secret  espoir, 
vu  son  grand  âge.  de  l'amener  à  changer  de  religion. 
A  une  sollicitation  pressante  de  se  convertir,  il  ré- 
pondit :  '<  J'ai  rendu  à  César  ce  qui  appartient  à 
'<  César  et  à  Dieu  ce  qui  appartient  a  Dieu  ;  César 
'<  sans  doute  ne  trouvera  pas  mauvais  qu'en  lui  ren- 
'<  dant  religieusement  ce  qui  lui  est  dû,  l'on  rende 
'<  aussi  à  Dieu  ce  qui  lui  appartient.  >,  Son  fils  dut 
quitter  la  France.  Le  père  du  grand  Duquesne  fut 
un  marin  distingué,  un  armateur  hardi  et  un  ferme 
huguenot.  >Lirthe  de  Caux.  sa  femme,  était,  dit-on, 
de  Lunera\',  et.  née  catholique,  se  serait  convertie 
en  l'épousant  :  nous  n'avons  pu  contrôler  cette  dou- 
ble assertion.  Catherine  de  Bernières.  la  femme  de 
l'amiral,  serait  aussi  devenue  protestante  lors  de  son 
mariage. 

Les  cavaliers  partis,  nos  malheureux  pères  revin- 
rv-'Ut  de  leur  surprise  et  se  ressaisirent  vite.  La  cons- 
cience de  chacun  ne  lui  donnait  pas  de  cesse  qu'il 
n'eût  quitté  son  ingrate  patrie  pour  en  adopter  une 
autre  où  l'on  pût  adorer  Dieu  librement.  Mais  la  sur- 
veillance aux  frontières,  aux  ports  et  sur  le  littoral  à 
tous  les  points  Dropres  à  un  embarquement  nocturne, 
devint  de  plus  en  plus  active  et  rendit  d'autant  plus 
aléatoire  et  uérilleuse  la  tentative  de  fuir.  Et  beau- 


-  i84  - 

coup  furent  pris  et  allèrent  remplir  les  prisons  et 
garnir  les  galères  du  roi .  '-'  Pour  ces  émigrants  „  dit 
Floquet'  '<.  les  juges  de  Normandie  éta'.ent  sans  pitié, 
'<  et  pendant  bien  des  années  les  minutes  de  tous  les 
'<  bailliages  sont  remplies  des  dures  sentences  que 
'<  chaque  jour  on  y  prononçait  contre  eux.  Armés  de 
«  ces  lois  draconiennes,  la  honte  du  grand  siècle  qui 
«  les  vit  rendre  et  ne  réclama  pas.  les  juridictions  sé- 
«  vissaient  à  Tenvi,  condamnaient  les  hommes  aux 
'<  galères  perpétuelles  et  les  femmes  à  être  rasées,  à 
'<  faire  des  amendes  honorables,  puisa  la  prison  pour 
'<  toujours,  sans  parler  de  la  confiscation  des  biens. 
'<  surtout  quand  quelque  abjuration,  extorquée  na- 
'<  guère  à  un  malheureux,  donnait  à  leur  fuite  le  ca- 
"  ractère  de  la  relapsie  pour  laquelle  il  n'y  avait 
«point  de  merci.  Ce  qu"à  St-Lô,  ce  qu'A  Fécamp,  ce 
'<  qu'au  Havre,  ce  qu'à  Dieppe  et  en  tous  lieux  dans 
«les  provinces  il  se  rendit  de  ces  jugements  inhu- 
«  mains  dépasse  toute  idée.  »  Et  le  peuple  était  cruel 
envers  ceux  qui  mouraient  pour  confesser  ou  en  con- 
fessant leur  foi.  C'est  ainsi  que  dans  les  campagnes 
voisines  de  Rouen  on  écorcha,  après  sa  mort,  Pierre 
Levasseur,  de  Bolbec,  et,  après  avoir  traîné  le  nom- 
mé Bennetot  plus  de  deux  lieux,  on  l'abandonna  aux 
bêtes  sauvages.  - 

On  devine  quel  épouvantail  devaient  constituer 
ces  dangers  étant  donné  tout  ce  qui  se  racontait, 
amplifié  par  la  voix  populaire  et  le  fanatisme  du 
clergé  !  Aussi  est-on  surpris  de  voir  combien  bravè- 
rent une  telle  accumulation  de  risques.  Oh  1  la  con- 
fiance en  Dieu  et  la  force  qui  en  résulte,  comme 
elles  se  montrent  là  !  Et  une  autre  surprise,  c'est  que 
malgré  tant  d"obst:!clcs  formant  une  sortj  de  réseau 
infranchissable,    un  si   grand   nombre  de  fugitifs  — 

1.  —  Floquct,  Hisi.  du  Parlc.m.  dr.  Norm..  t.  VI.  p.  17ô. 

t.  ---  Logi'iidro,  Hi.-<(.  de  la  Fers,  finte  n  l't'ijl.  de  liuuen,  p.  8'i. 


—  i8s  — 

bien  qu'un  pointage  fasse  constater  beaucoup  de  dis- 
paritions —  aient  réussi  à  gagner  la  terre  étrangère. 
On  est  porté  à  supposer  que  les  soldats  préoosés  à  la 
surveillance  des  côtes  n'étaient  pas  incorruptibles. 
On  dut,  en  effet,  en  suborner  quelques-uns.  Peut- 
être  d'autres  se  laissèrent-ils  toucher  par  le  courage 
ouïes  malheurs  de  ces  pauvres  huguenots  persécutés. 
Nous  avons  plusieurs  récits  de  fuites  ou  tentatives 
de  fuites  par  mer.  Celui  fait  par  Dumont  de  Bosta- 
quet.  l'un  des  héros  de  Tune  d'elles,  est  des  plus  cir- 
constanciés. Nous  le  résumons  : 

I.o  Hiiuaiulie  IG  mai  1687,  jour  de  la  l'ontecôte.  après  le 
dii)er.  on  se  dis[»osa  à  partir  do  la  Foiilelaye  (aujoiircriiui 
conumme  du  caillou  de  Tôtes).  Il  y  avait,  outre  lliuiiont  de 
i!osla(|uel,  son  lils,  sa  uièro,  oetogéiinire.  sa  sœur,  plus  Mlles 
d'Ileusecourt  et  de  l'ronville.  I.e  jour  haïssant  la  caravane  se 
mil  en  roule  et  s'arrèla  chez  Mme  de  liainfreilie  d'où  Dumont 
de  liostaquet  se  roiidil  seul  à  l.uueray  jiour  traiter  avec  un 
paysan  nomiué  F.e  Tillais  ipii  m'-iiociait  des  embarqueuienls.  Il 
y  avait  l)eaucou[i  de  moiide  à  l.uiiL'ray,  pour  le  même  ol)jet,  ce 
jour-là,  et  Le  Tillais  lui  dit  que  plusieurs  paysans  étaient  par- 
lis  à  Dieppe  pour  faii-e  venir  des  bateaux  à  Quiberville,  lieu 
propice  pour  les  emhanjueuienls  nocturnes,  et  que  dès  le  re- 
tour de  ceux  e  .voyés  par  lui  il  lui  ferait  part,  chez  i\Ime  d'Hi- 
herville,  de  l'heure  où  il  devrai!  rire  rendu  avec  les  siens  au 
point  désigné,  f.a  soirée  et  la  nuit  se  passèrent  sans  nouvelles, 
l.e  lendemain.  Dumont  apprend  qu'un  vaisseau  anglais  a 
abordé  à  St-Aubin  pour  prendre  des  fugitifs  et  qu'il  y  avait  des 
malelols  à  terre  dont  un  avait  mission  de  traiter  du  passage. 
11  va  vei's  cet  agent,  s'abouche  avec  lui  et  l'alTaire  est  conclue 
à  raison  de  deux  pistoles  et  demie  jiar  personne,  et  h.eure  et 
lieu  du  lendoz-vous  arrêtés.  Quand  Dinnonl  rentre  chez  Mme 
de  Dainireville  et  qu'il  apprend  à  tous  l'arrangement  pris,  la 
joie  est  générale.  I,e  soir  venu,  le  Tillais  se  présente  et  dit  à 
Dumont  que  les  vaisseaux  dont  il  lui  avait  parlé  étaient  à  (^)ui- 


—   i86  - 

berville.  Ciehii-ci  l'iiifui'iiie  (jne  ne  l'ayant  pas  vu  revenir  la 
veille  il  a  Irailé  par  ailleurs  dans  la  journée.  Le  paysan  se  re- 
tire en  nuirmurant  et  maugréant... 

La  caravane  se  forme  et  se  met  en  route  à  10  li.  du  soir, 
renforcée  de  .M.  de  Montcornet,  bel-oncle  de  Mme  DumonI,  et 
de  M.  de  Hainfreville,  son  gendre,  et  se  dirige  vers  Sainl-Au- 
l)in  distant  d'au  moins  deux  lieues.  Arrivée  dans  la  plaine,  elle 
s'augmente  de  tous  ceux  qui  avaient  également  Irailé  avec  le 
matelot  anglais  et  se  trouva  compter  plus  de  300  personnes 
tant  hommes  que  femmes  et  enfants,  mais  particulièrement 
des  paysans,  sans  armes.  On  crut  qu'il  n'y  avait  aucun  péril  et 
on  marcha  sans  précaution.  Il  faisait  beau  clair  de  lune  et 
«  l'envie  extrême  de  se  voir  délivrés  faisait  courir  tout  le 
«  monde  comme  aux  noces.  »  Au  boni  du  village  d'Avremesnil 
beaucoup  de  ses  habitants  élaient  rassemblés  pour  voir  passer 
ceux  qui  s'en  allaient  et  leur  souhailaienl  bon  voyage.  Tout  al- 
lait à  merveille.  Ceux  qui  devaient  s'eml)ar(pier  à  Quiberville 
se  séparèrent  de  ceux  qui  devaient  monter  à  bord  du  vaisseau 
anglais.  On  traversa  l'Iainville  sans  rien  l'emarquer  d'anormal, 
et  on  gagna  le  bord  de  la  mer.  Le  corps  de  garde  qu'on  y 
avait  établi  était  vide.  Les  dames  s'assirent  sur  le  galel.  liien- 
tôt  on  fut  inquiet  de  ne  pas  voir  paraître  le  bateau.  De  lîosla- 
quet,  à  ce  moment,  s'éloigna  jiour  aller  (piérir  sa  belIe-sieur 
<pii  ai'i'ivail,  eu  cai-rosso.  An  inoniciil  oi'i  il  allait  revoin'i-  avec 
elle,  il  cnlend  un  bruil  insolite  (pi'il  croit  causé  par  l'arrivée 
du  bateau  sur  un  point  dillérenl.  Mais  il  est  bientôt  fixé,  car  un 
rouleinenl  de  tambour  el  des  coups  de  fusil  éclatent  subitement. 
11  se  croit  perdu  et  croit  les  siens  perdus  avec  lui,  car  il  ne 
doute  pas  que  c'est  la  garde  qui  vient  reprendre  son  poste. 
Mais  laissons  lui  la  parole  :  «  .le  ne  voyais  point  deux  cavaliers 
«  qui  venaient  à  tontes  jambes  pour  l'arrètei- (le  carrosse  de  sa 
«  belle-sœur),  mais  j'entendis  qu'ils  criaient  de  toutes  leurs 
«  forces:  à  moi  !  à  moi  !  je  me  trouvais  dans  un  étrange  em- 
«  barras  de  me  voir  hors  de  défense,  lorsque  mon  l.iijuais,  (|ui 
«  tenait  mes  chevaux  au  bord  de  la  mer,  vint  à  toutes  jambes 
«  me  les  amener,  le  n'inis   le  loisir  (jne    de  me  jeter  sur  mon 


-  i87- 

«  isabelle  et  de  crier  au  cocher  de  ma  belle-sœur  de  tourner 
«  diligemment  et  moi.  le  pistolet  ;"i  la  main,  je  marchai  du  coté 
<t  que  j'entendais  ces  voix.  A  peine  j'étais  à  découvert  du  car- 
«  rosse  qu'un  cavalier  me  crie  :  Tue  !  tue  !  Je  lui  réponds  sans 
«  m'ébranler  :  Tire  !  coquin  !  et  au  même  temps  il  me  lire  un 
«  coup  de  pistolet  qui,  me  coulant  le  long  de  la  joue  gauche, 
i(  mil  le  feu  à  ma  perru((ue  sans  me  blesser.  J'étais  encore  si 
<(  pivs  du  carrosse  que  le  cocher  et  le  laquais  rapportèrent 
«  avoir  vu  le  feu  clairement  dans  mes  cheveux.  .le  mis  le  pisto- 
«  let  cans  le  ventre  de  ce  maraud,  mais  par  bonheur  pour  lui 
«  il  manqua,  bien  que  je  les  eusse  amorcés  de  frais  à  I.uneray. 
«  Cependant  il  tourna  la  croupe  de  son  cheval  et  poussa  du 
«  côlé  de  l'autre  qui  était  avec  lui.  .Je  reprends  mon  autre  pis- 
«  lolet,  et  les  suivant  au  trot,  il  crie  ii  l'autre  :  Tire  !  tire  !  Il 
«  avait  un  fusil  duquel  il  me  coucha  en  joue,  et  comme  il  faisait 
«  clair  comme  jour  et  que  je  n'étais  qu'à  deux  ou  trois  lon- 
«  gueurs  de  cheval  de  lui,  il  me  donna  le  coup  dans  le  bras 
«  gauche  dont  je  tenais  la  bride,  je  remuai  les  doigts  aussitôt 
«  pour  voir  s'il  n'était  pas  cassé,  et  appuyant  les  talons  à  mon 
«  cheval,  je  g.ignai  la  croupe  du  premier  qui  m'avait  tiré,  qui 
«  était  sur  ma  gauche,  et  lui  voulant  casser  les  reins,  comme  il 
«  courait  tout  courbé  sur  l'encolui-e  de  son  cheval,  je  lui  don- 
«  liai  mou  coup  de  pistolet  dans  la  hanche.  .Mes  deux  cavaliers 
«  disparurent  à  mes  yeux  et  s'enfuirent,  .l'entendais  la  voix  de 
«  llé([uiguy  (l!é(juigny  était  son  beau-frère)  qui,  embarrassé 
«  parmi  les  fusiliers,  faisait  rage  de  se  bien  défendre,  et  sans 
«  perdre  de  teuq)s  ù  suivre  mes  fuy;u"ds.  je  courus  à  lui  l'épée 
«  il  la  main,  et,  en  chemin,  je  rencontrai  mon  gendre  de  lîain- 
«  freville.  pied  à  terre,  qui  venait  devers  moi.  Je  lui  demandai 
«'  où  il  allait  ;  il  me  dit  qu'il  courait  après  ses  chevaux  que  son 
«  valet  avait  emmenés,  .le  lui  répondis  que  c'était  en  vain  et 
<(  qu'il  fuyait  à  toutes  jambes  ;  il  avait  passé  assez  près  de  moi 
«  quand  j'étais  monté  à  cheval  et  qu'ainsi  il  n'avait  qu'à  me 
c  suivre  ou  à  se  tirer  en  diligence.  Je  n'avais  pas  le  temps  de 
«  raisonner  avec  lui.  Je  joignis  en  un  moment  Béquigny  qui 
«  n'avait  avec  lui  que  le  bonhomme  Monfcornet,  et  nous  écar- 


—  i88  — 

«  tàmes  toulc  cctlc  canaille  oi  nous  Iroiivànics  seuls  mailies  du 
«  champ  do  l)alaille.  il  luedit  que  son  cheval  é(ait  l)lessé,  et 
«  qu'il  n'en  pouvait  j)lus,  et  moi  je  lui  dis  que  je  l'étais  au  bras, 
«  Jiiais  que  sans  perdre  de  temps  il  nous  fallait  voir  de  quoi 
«  nos  pauvres  femmes  élaient  devenues.  Nous  les  trouvâmes 
«  presque  au  même  lieu  où  nous  les  avions  laissées,  et  aban- 
«  données  de  tout  le  monde,  toute  la  troupe  ayant  coulé  le  loni^ 
«  du  rivage  |)ar  dessous  les  falaises.  Ma  mère  extrêmement 
t  sourde  n'avait  point  oui  les  coups  et  ne  savait  que  voulait 
«  dire  toute  cette  rumeur,  ne  songeant  qu'au  vaisseau  (jiii  ne 
«  paraissait  point.  Ma  sieur,  toute  elïi'ayéc,  sur  le  reproche 
«  que  je  lui  fis  de  n'avoir  pas  suivi  les  autres  doucement,  me 
«  dit  que  ma  mère  ne  pouvait  marcher  pour  être  trop  chai'gée 
«  d'habits,  et  en  effet,  craignant  ({ue  la  fraîcheur  de  la  nuit  ne 
I  l'incommodât,  elle  s'était  velue  extrêmement.  M.  de  lîéquigny 
«  me  fit  i)enser  que  si  nous  pouvions  ralliei"  quelques  hommes 
«  de  notre  troupe,  cela  nous  faciliterait  le  moyen  de  tirer  nos 
«  femmes  du  péril  où  elles  étaient.  Hors,  sans  perdre  de  temps, 
«  je  courus  le  long  du  rivage  assez  loin  croyant  que  la  peur 
i  aurait  fait  cacher  des  hommes  dans  les  falaises,  mais  ma  peine 
«  fut  iiuitile  ;  je  ne  vis  .jue  (luelques  nil(>s  qui  fuyaient  en  pleu- 
«  rant.  Lors,  voyant  que  ma  présence  était  inutile  à  nos  pau- 
«  vres  femmes,  je  les  revins  joindre  au  galop.  M.  deDéquigny, 
«  de  son  côté,  avait  retourné  du  côté  du  corps  de  garde  pour 
«  savoir  s'il  n'y  avait  personne,  car  nous  ne  doutions  pas  que 
«  ce  ne  fût  des  gardes  dont  nous  avions  été  chargés  ;  et  les 
«  deux  cavaliers  avec  (|iii  j'avais  eu  alfairo,  me  le  confirmaient, 
«  car  je  savais  (juil  y  en  avait  eu  toujoiu's  qui  battaient  l'estade 
«  le  long  (les  côtes  et  visitaient  les  postes  toutes  les  nuits.  Nous 
«  arrivâmes  au  même  temps  au  lieu  où  nous  les  avions  laissés. 
«  Béquigny  me  dit  (juc  nous  étions  pei'dus,  que  les  coquins 
«  s'étaient  ralliés  au  nombre  de  quarante  et  qu'ils  se  prépa- 
rt raient  à  nous  venir  charger.  Nous  étions  sans  balles  pour  re- 
«  charger  nos  pistolets.  I.e  sang  que  je  perdais  en  abondance 
«  me  faisait  perdre  mes  forces.  Le  cheval  de  M.  de  Itéipu'gny, 
«  blessé  d'un  cou|i  de  fusil  à  l'épaule,  n'allait  (|u'à  trois  jand)es. 


—  189  — 

«  et  dans  celte  extrémité,  ne  sachant  que  faire  pour  sauver 
«  toutes  ces  femmes  et  filles,  je  le  priai  de  mettre  ma  mère 
«  derrière  moi.  11  l'essaya,  mais  comme  elle  était  trop  pesante, 
t  il  ne  le  put.  M.  de  Monicornet  seul  était  avec  nous,  mais 
«  qui  nous  était  fort  inutile  :  son  grand  âge  de  72  ans  el  un  bi- 
«  det  sur  le(juel  il  était  monté  nous  le  rendaient  d'un  petit  se- 
rt cours,  i.e  valet  de  Déquigny  nous  avait  abandonnés  après 
«  avoir,  dans  la  mêlée,  tiré  son  mousqueton,  dont  il  avait  cassé 
«  l'épaule  d'un  garde  sel  qui  en  mourut.  I.a  mer  qui  connuen- 
«  çait  à  monter,  me  faisait  peur  à  engager  ces  fenunes  et  iilles 
«  à  pied  sous  ces  falaises,  incertain  du  lieu  par  où  elles  se 
«  pourraient  tirer.  Ma  mère  et  ma  sœur  me  conjuraient  inslam- 
«  ment  de  nous  retirer,  que  si  nous  étions  pris  notre  pei-te  était 
«  assurée,  que  pour  elle  le  pire  qui  leur  pouvait  arriver  était 
«  d'être  mises  dans  le  couvent.  Dans  celte  dui'C  extrémité  mon 
«  cœur  décbiré  de  mille  regrets,  el  accablé  de  déses[ioir  d'être 
<f  hors  d'état  de  tirer  de  péril  des  personnes  qui  m'étaient  si 
(t  chères,  ne  savait  quel  parti  prendre;  et  dans  cette  irrésolution 
«  ne  pensant  point  à  moi,  je  sentis  que  je  perdais  trop  de  sang 
«  pour  être  longtemps  debout  et  que  je  ne  manquerais  pas  de 
ot  m'évanouir.  Lors,  je  pris  mon  mouchoir  el  je  priai  ma  sœur 
«  de  me  bander  le  bras  ;  mais  n'en  ayant  pas  le  courage  et 
«  même  n'étant  pas  assez  liante  pour  me  rendre  ce  service  que 
«  je  lui  demandais  comme  une  preuve  dernière  de  son  amitié, 
<r  je  m'adressai  à  celte  demoiselle  de  Caen  qui  était  avec  elle 
«  et  s'appelait  La  lîosière.  Elle  eut  peine  à  s'approcher  de  moi 
«  en  cet  état  ;  mais  enfin  après  que  je  l'en  eus  fortement  priée 
«  elle  me  rendit  cet  office.  Cela  arrêta  liion  sang....  » 

Après  avoir  résisté  aux  vives  instances  de  sa  mère  et  de  sa 
sœur  qui  l'engageaient  à  fuir,  il  s'en  alla,  les  remettant  aux 
mains  de  la  Providence.  Il  était  accompagné  de  Monicornet  son 
bel-oncle  et  de  Béquigny  son  beau-frère.  Ils  se  hâtèrent,  caria 
mer  qui  montait  menaçait  de  leur  couper  toute  retraite.  L'in- 
quiétude de  Dumont  de  ne  savoir  ce  qu'était  devenue  sa  petite 
Judith-Julie  qu'il  avait  confiée,  en  arrivant  au  bord  de  la  mer, 
à  une  femme  (jui  voulait  fuir  avec  eux,  était  grande.  Heureuse- 


—  190  — 

mont,  Tin  peu  plus  loin,  il  l;i  retrouva  et  put  la  prendre  avec 
lui.  lùilin,  ayant  trouvé  une  vakuise,  ils  purent  i-enioiiler  sur  la 
ii'ili'.  A  peine  avaient-ils  niarclié  une  denii-lieui'e  dans  la  plaine 
(|ii'ils  a|i(M"(;urenl  cinci  on  si\  cavaliers,  ils  niarclièrenl  de  Iront. 
1  ('prc  liante,  ce  (|ni  cnl  poni'  cllcl  d'en  imposer  à  ces  cavahris 
et  d(!  les  drlei-niiiier  à  ]ioursiiivi'c  leur  clieniin,  et  ils  yaiinri'fnt 
à  travers  champs  la  denieuic  dr  Mme  d  llilicrvillc,  à  l.nneray. 
(pu  s'était  couchée  en  allemlant  leur  reloue.  .Mok;  d'Ilihei-ville 
s'élant  hnée  et  ayant  aperçu  Duniont  tout  ensanglanté  laillil 
s'évanouir  et  demeura  anxieuse  du  soi't  des  autres.  Notre  liéros 
ayant  hesoin  d'être  pansé  par  un  chii-ni'gien.  repartit  avec  \ié- 
(]uigny,  laissant  sa  petite  fille  à  la  garde  de  .Mme  d'Hiberville 
chez  qui  .Montcoi'iiel  i-esta.  Ils  passèi'cnt  chez  .M.  de  lii'uueval 
qu'il  leur  fallut  i-é veiller  et  le  prièrent  de  charger  M.  de  .^aenne 
«  qui  était  papiste;  »  d'aller  au  Itord  de  la  mei'  poiu'  savoir  ce 
qu'étaient  devenus  la  mère  de  Ihimont  et  le  reste  de  la  troupe, 
et,  après  lui  avoir  indiqué  le  lieu  où  il  pouri'ait  leur  donner  les 
n()uvelles  iju'il  recueillerait,  ils  gagnèrent  St-l.aurenl-en-Caux 
où  résidait  le  sieur  Legrand,  un  habile  chirurgien  protestant, 
par  qui  liostaquet  voulait  être  pansé.  Sa  blessure  était  grave  et 
elle  le  i'aisait  horriblement  soutTrir.  11  se  sépara  là  de  llé(jnigny 
en  lui  promettant  de  le  rejoindre  le  soir  à  (irosmenil  |irès  île 
Ilosc-le-liard,  et  comme  il  n'eût  pas  été  prudent  à  lui  de  gagner 
le  liostaquet  (c'est  le  nom  du  manoir  qu'il  habitait  dans  la  pa- 
roisse de  la  Fontelaye)  il  se  rendit  dans  une  de  ses  fernu^s  ex- 
ploitée par  le  nommé  INIaillard  et  le  chargea  d'aller  chercher 
Mme  Dûment  qui  accourut  aussitôt  et  versa  d'abondantes  lar- 
mes en  lui  voyant  le  bras  en  échar|)e  et  le  visage  tout  défait. 
Ceux  de  ses  enfants  restés  au  Bostaquet  avec  le  dessein  de  par- 
tir plus  tard,  lorsque  sa  femme,  qui  était  enceinte,  serait  déli- 
vrée et  pourrait  afl'i'onter  le  voyage,  arrivèrent.  Ce  furent  des 
lamentations  auxquelles  son  départ,  qui  ne  jionvait  éti'e  dilféré, 
mit  fin.  Dans  celte  occurence,  il  loue  la  complaisance  du  curé 
de  La  ]<"ontelaye.  Il  arriva  le  soir  à  Crosmenil  ;  il  y  trouva  l!é- 
quigny.  C'est  là  qu'ils  devaient  savoir  par  lîruneval  renseigné 
par  M.    de  Saenne   ce   qui  était  advenu  aux  leurs  laissés  au 


—  191  — 

bord  de  la  mer.  M.  lîruneval  vint  dans  la  nuit  et  leur  apprit  que 
ce  n'était  point,  comme  ils  l'avaient  cvu,  la  garde  (jui  les  avait 
chargés,  mais  un  cadet  de  d'Aulxenf  nommé  Verlot  qui,  avant 
ajjpris  qu'un  embarquemeiit  considérable  devait  avoir  lieu,  s'é- 
lait  entendu  avec  une  cinipinnlaine  de  [laysaus  du  lîourg-Dun 
et  des  villages  voisins  pour  s'emparer  du  bulin  des  i-eligion- 
naires  fugitifs  ;  que  le  dit  Vertot  élait  blessé  à  la  bancbe  ;  que 
bien  des  paysans  étaient  demeurés  sur  le  lieu  de  leur  solle 
équipée,  et  que  les  femmes  avaient  été  menées  chez  lui,  de 
liiuneval,  mais  que  les  juges  d'Arqués,  ayant  eu  vent  de  l'af- 
faire, seraient  venus  chez  Vertot  et  (ju'à  la  suite  le  gendre  et  la 
s^jeur  de  Dumont,  la  tille  de  celle-ci  et  .Mlle  d'Angerville  de  la 
Uozière  auraient  été  conduites  au  château  de  lliep|ie  à  la  ['oiiite 
du  jour,  ce  qui  fut  en  [larlic  conlii'uié  par  le  lils  de  Diunoiit 
qui  arriva  de  Dieppe  à  ce  moment.  Deux  jours  après,  Dumont 
de  lioslaquel  [)arlait  de  (irosmenil  pour  la  Hollande  où,  après 
bien  des  péripéties,  il  arriva  guéi-i  de  sa  blessure  au  bras.  Sa 
femme  et  ses  enfants  l'y  rejoignirent.  l'our  ne  pas  ;ivoir  à  y 
revenir  nous  dirons  tout  de  suite  ce  qu'il  leur  advint  à  l'étran- 
ger et  ce  (ju'il  advint  à  ceux  arivlés  à  la  suite  de  l'échautfou- 
rée  que  nous  avons  racontée.  Dumont  prit  du  service  dans  l'ar- 
mée iiollandaise  et  combattit  pour  sa  nouvelle  patrie,  après 
quoi  il  passa  avec  sa  femme  en  Angleterre.  Ses  Mé))wi)'es  nous 
disent  que  pour  ce  passage  ils  furent  obligés  d'attendre  à  la 
lirille  un  vent  favorable  et  que  pendant  ce  séjour  forcé  dans 
cette  ville  ils  allèrent  au  prêche  où  ils  virent  l'ancien  ministre 
de  Lintot,  M.  Felles,  et  saluèrent  Mmes  de  lioucourt,  de  l'elit, 
de  Goulon,  et  plusieurs  de  leurs  amis  ;  ils  nous  disent  encore 
i[u'après  une  traversée  périlleuse  ils  cherchèrent  un  logement 
à  Greenwick  où  ils  trouvèrent,  comme  ministre  français,  M. 
Severin  qui  avait  été  12  ans  pasteur  dans,  leur  famille  tant  à 
Grosmenil  qu'à  Prouville. 

.M.  de  Montcornet  passa  en  Hollande  très  peu  de  temps  après 
Bostacjuet.  Il  avait  un  fils  en  garnison  à  Maësti'ickt  depuis  peu 
de  temps,  qui  avait  gagné  les  Pays-Bas  en  compagnie  de  Mlle 
de  Béquigny,  de  -M.  de  la  Motte-Frémontier  et  des  sieurs  Gue- 


—  192  — 

(Ion.     lie    Itout'ii,    cl    Hoitoiit,     de    I.uiierny. 

(ju;ml  aux  ix-rsoiiiios  arivli'cs  à  la  suite  de  la  hMilative  d'cm- 
l):ii(|iiciiii'iit  à  (,)iiil)('i'\  illc,  leur  procès  siiislruisil  et  lo  |ii"(''si- 
dial  lie  ('.aiulcbce-oii-daiix  l'ciidil  on  devnlor  i'(>s>orl.  le  11  aoi'il 
l()87.  un  jn^ciiient  condaninaiit  la  iiièi-e  de  Dnmonl  do  l'osta- 
qnct.  Mine  Moi-.  1  d'Héroudevillo  et  sa  lille,  Klisahetli  de  (iioul 
de  la  lîozière,  la  veuve  llaimnai'e,  et  Mme  l'iei're  liayeux  à 
être  rasées  et  enferniées  dans  une  maison  religieuse  pour  le 
reste  de  leurs  jours,  et  leurs  biens  conlis(iués  ;  et  Françoise  de 
Hrossard  à  èli-e  enfermée  pendant  deux  ans  seulement,  à  cause 
de  son  jeune  âge,  dans  un  monastère  de  lilles  ;  le  sieur  de 
llainfreville  et  Daniel  de  la  Halle,  à  trois  années  de  galères  ; 
Jean  Lefebvre,  l'ierre  lioulard,  Pierre  Pillon,  François  Boit- 
tout,  .Jacques  Alleaume,  Pici'i'e  Ilouainville,  Isaac  l.ardans, 
Isaac  l.etillais,  Isaac  Larclicvèiine.  l'ierre  Fesade,  Desqua(|ue- 
lon,  (îédéoi  Pigné,  Isaac  Ouvin  (probablement  Ouvi'ij.  Suzanne 
Fesade,  à  être  blâmés  en  la  cliandjre  et  à  RIO  F  d'amende  ;  et 
Isaac  Dumont  de  Pioslaquet,  de  Becquigny,  Isaac  Fardant, 
Isaac  Thomas  père  et  lils,  Jacques  Boilout,  l'rançois  Sénécal, 
Pierre  Fesade,  du  Pionchay,  et  sa  femme,  Fa  Fontaine,  un  co- 
cher et  un  valet  allemand,  —  par  contumace  parce  (ju'ils 
étaient  en  fuite,  aux  galères  perpétuelles  et  biens  confisqués, 
sauf  la  femme  Fesade  (jui  était  condanmèe  à  être  rasée  et  en- 
fermée à  perpétuité  K 

Par  quelques  pièces  de  l'instruclion  de  ce  procès  nous  ap- 
prenons que  les  s-eurs  Thomas  et  Isaac  Fardans  dit  Facardon- 
nette  faisaient,  avec  plusieurs  autres  paysans  de  Puneray, 
négoce  d'aller  quérir  les  nouveaux  convertis  en  Basse-Norman- 
die, à  l'iouen  et  autres  endi-oits,  et  de  les  garder  chez  eux 
jusqu'à  ce  ([u'il  leur  fût  possible  de  les  faire  endjarquer  soit  à 
St-Aubin.  soit  à  Quiberville.  Ayant  appris  (jue  le  bruit  de  leurs 
entreprises  était  venu  à  des  oreilles  catholiques,  ils  cherchè- 
rent presque  tous  à  sortir  du  royaume,  et  la  liste  des  condam- 
nés par  contuiTiace  nous  montre  qu'ils  y  réussirent. 

1.  —  Bostaquel,  Mémoires,  p.  :W'2. 


[ 


—  193  — 

L'émigration  dura  longtemps.  C'est  en  io8(i  qu'elle 
fut  le  plus  active  ;  mais  elle  fut  encore  importante 
en  1687. 

Charlotte  Dulac,  veuve  de  Jean  de  Brachon,  sei- 
gneur de  Sénitot,  paroisse  de  Gonfreville-l'Orcher, 
passa  en  Hollande  en  16S6  avec  ses  trois  filles.  Mais 
pour  le  constat  de  ses  droits  de  propriétaire  elle  avait 
laissé  dans  sa  terre  de  Sénitot,  sous  la  garde  d'un  de 
ses  fermiers,  son  fils  Tristan-Lancelot  qui  avait  perdu 
la  raison.  Cette  combinaison  fut  déjouée  :  par  ordre 
supérieur,  le  jeune  Brachon  fut  transféré  au  couvent 
des  Pénitents  de  Ste-Barbe  de  Croisset,  où  il  mourut 
bientôt. 

Puisque  nous  parlons  de  Sénitot,  disons  oue  son 
temple,  bien  que  condamné  en  1681  à  être  rasé  sans 
délai,  était  encore  debout  à  la  Révocation.  Cela  tient 
sans  doute  à  ce  qu'on  Pavait  perdu  de  vue.  On  devait 
bientôt  y  penser.  Une  réclamation  concernant  les 
biens  du  Consistoire  ayant  été  adressée  par  les  éche- 
vins  de  Montivilliers  et  Pabbesse  directrice  de  l'hô- 
pital de  cette  ville  à  de  .^Iarilhac,  ensuite  de  laquelle 
Tristan  de  la  Motte,  ancien  de  ce  consistoire,  fut  ap- 
pelé à  faire  la  déclaration  des  biens  qui  avaient  ap- 
partenu à  l'église  de  Sénitot,  et  à  remettre  le  mobilier 
et  les  archives  de  cette  église,  lit  apprendre  la  chose. 
On  loua  d'abord,  le  i"  mars  1686,  le  terrain  qui  avait 
servi  de  cimetière,  et  quatorze  jours  après  les  éche- 
vins  décidèrent  sa  démolition  et  que  les  matériaux 
en  provenant  seraient  vendus.  Le  produit  des  ventes 
de  tout  ce  qui  avait  appartenu  au  Consistoire  fut, 
comme  nous  l'avons  dit  en  rapportant  la  visite  de 
constat  faite  par  le  lieutenant  général  civil  et  crimi- 
nel du  siège  présidial  de  Caudebec  accompagné  du 
procureur  du  roi  de  la  vicomte  de  Montivilliers  au 
prêche  de  Criquetot,  accordé  à  l'hôpitnl  du  Havre  et 
à  l'hôtel-Dieu  d'Harfleur  le  17  juillet  1690. 

13 


—  Î94  — 

Nous  ne  savons  pas  tous  les  noms  des  jeunes  en- 
fants qui  furent  enlevés  à  leurs  parents  pour  être  éle- 
vés dans  la  religion  catholique  aussitôt  après  Tacte 
révocatoire.  Nos  notes  relatent  seulement  les  demoi- 
selles de  Martigny  et  de  Lamberville  comme  mises 
aux  Nouvelles  catholiques  Je  Rouen  en  1686. 

Les  conséquences,  pour  la  France,  de  la  Révocation 
furent  telles  qu"en  17 10  Fénelon  dépeignait  ainsi 
l'état  du  royaume  :  '<  On  ne  vit  plus  que  par  miracle. 
'<  //  semble  que  la  France  est  une  vieille  macliine  déla- 
«  broc  qui  va  encore  de  Vancien  branle  qu'on  lui  a 
'<  donne  et  qui  achèvera  de  se  briser  au  premier  choc. 
"  Tout  se  réduit  à  fermer  les  veux  et  à  ouvrir  la  main 
•'<  pour  prendre  ton  jours  sans  savoir  s'il  v  aura  de  quoi 
«  prendre  ;  il  n'y  a  plus  que  le  miracle  d'au  jourd'hui 
«  qui  reponde  de  celui  qui  sera  nécessaire  demain.  Les 
^i  peuples  ne  vivent  plus  en  hommes,  et  il  n'est  plus 
*i  permis  de  compter  sur  leur  patience,  tant  elle  est 
«  )nise  à  une  épreuve  outrée.  //  1 

Et  Saint-Simon,  ào.n?>  sqs  Ménioires.  nous  apprend 
comment  la  nouvelle  de  la  mort  de  Louis  W\  fut 
accueillie  :  «  Paris  respira,  les  provinces  elles  aussi 
«  respirèrent  et  tressaillirent  de  Joie.  Le  peuple,  ruiné, 
«  accablé,  désespéré,  rendit  g  races  à  Dieu  avec  un 
«  éclat  scandaleux  de  cette  délivrance.  >/  - 

N'omettons  pas  de  dire  qu'à  la  nouvelle  de  la  Ré- 
vocation le  pape  Innocent  XI  envoya  un  bref  à  Louis 
XIV  dans  lequel  on  lit  :  «  Nous  avons  cru  qu'il  était 
«  de  notre  devoir  de  vous  féliciter  sur  le  comble  de 
«  louanges  immortelles  que  vous  avez  ajoutées,  par 
«  cette  dernière  action,  à  toutes  celles  qui  rendent 
«  jusqu'à  présent  votre  vie  si  glorieuse.  L'églige  ca- 
«  tholique  n'oubliera  pas  de  marquer  dans  ses  anna- 

1.  —  Hist.  de  Fénelon  par  le  card.  Beausset,  t.  IV,  p.  130, 
éd.  1817. 

2.  —  Floquet,  Hist.  du  Pari,  de  Xorcn.,  t.  VI,  p.   19:2. 


—   19='   — 

«les  une  si  grande  œuvre  de  votre  dévotion  envers 
'<  elle  et  ne  cessera  jamais  de  louer  votre  nom.  /,  Voilà 
comment  le  vicaire  de  Jésus-Christ  parlait  à  un  mo- 
narque dont  la  vie  scandaleuse  lui  était  connue  !  Et 
voici  comment  Tévéque  de  Valence,  qui  n'ignorait 
rien  non  plus  de  cette  vie,  harangua  ce  même  mo- 
narque au  nom.  du  clergé  :  «  C'est  un  miracle  de  \ . 
<<  M.  qu'elle  convertisse  tout  sans  y  emplover  la  con- 
'<.  trainte,  et  que  de  leur  plein  gré  les  peuples  vien- 
'<  nent  à  elle  de  toutes  parts  pour  se  réunir  à  l'église. 
«  Tout  cela  s'est  fait  sans  violence,  sans  armes,  et  bien 
«  moins  encore  par  la  force  de  vos  édits  que  par  voire 
«  piété  exemplaire.  » 

Maintenant  qu'il  n'y  avait  plus  de  protestantisme 
en  France,  il  fallait  que  des  voix  autorisées  fissent 
croire  à  la  postérité  et  aussi  à  l'étranger  —  mais 
pour  celui-ci  c'était  difficile,  les  exilés  volontaires 
ayant  parlé  —  que  le  retour  à  l'église  s'était  fait  sans 
coercition  ni  contrainte,  et  c'est  Ce  qui  explique  le 
langage  de  Tévéque  de  Valence  et  celui  que  tenait 
Bossuet  dans  la  lettre  pastorale  suivante  :  '<  Aucun 
«  de  vous  n'a  souffert  de  violence  ni  dans  sa  personne 
«  ni  dans  ses  biens.  J'entends  dire  la  même  chose  aux 
«:  autres  évéques.  Pour  vous,  vous  êtes  revenus  pai- 
'<  siblement  à  nous.  Vous  le  savez  bien.  » 

On  serait  surpris  de  trouver  de  telles  expressions 
sous  la  plume  de  Tévéque  de  Meaux  s'il  n'y  avait  là- 
dessous  la  raison  que  nous  venons  de  dire,  car  il  est 
indubitable  qu'il  usa  lui-même  de  contrainte  morale 
et  même  de  violence  envers  des  protestants  réfrac- 
taires  de  son  diocèse.  '  Il  emplova  même  contre  un 
vieillard  moribond  toute  son  éloquence  et  toute  sa 
dialectique,  et  quand  il  vit  qu'il  n'avait  pas  réussi  à 
troubler  la  sérénité  du  mourant  '^  qui  savait  en  qui  il 

1.  —  Voir  la  brochure  :  Bossuet  dévoilé  -jinr  un  prélre  de 
son  diocèse,  1690  :  Paris,  G.  Fischbacher,  1875,  in-8. 


—  196  — 

croyait  »  il  s'emporta  jusqu'à  dire  que  '<  sitost  cju'il 
seroit  mort,  ou  le  jetteroit  à  la  voirie,  comme  un 
chien  >/  mais  qu'avant  il  allait  faire  enlever  son  fils 
unique  —  ce  qui  était  l'atteindre  par  l'endroit  le  plus 
sensible.  Cette  cruauté  ne  lit  pas  fléchir  ce  pauvre 
paysan,  presque  illettré.  Par  quel  aveuglement  le 
g-rand  prélat  put-il  prendre  pour  de  l'entêtement  cet 
héroïsme  de  martyr  ?  Jean  Bion,  le  modeste  prêtre 
qui  était  aumônier  à  bord  de  la  galère  La  Supcrhc  où 
ramaient  un  grand  nombre  de  condamnés  pour  leur 
fidélité  a  leur  foi,  ne  s'y  trompa  pas,  lui,  il  se  con- 
vertit à  cette  foi  qu'il  avait  pour  mission  de  combat- 
tre. "Voici  ce  qu'il  dit  de  ces  galériens  et  de  l'impres- 
sion qu'ils  produisaient  sur  lui  :  '<  Ils  ne  laissaient 
«  jamais  entendre,  parmi  les  cris  qu'on  ne  peut  refu- 
«  ser  à  la  nature,  un  mot  d'impatience  ni  d'injure. 
«  Dieu  l'Eternel  était  leur  réconfort  et  Celui  seul 
«qu'ils  appelaient  h  leur  service...  J'avais  occasion 
«  de  les  visiter  tous  les  jours,  et  tous  les  jours,  cà  la 
«  vue  de  leur  patience  dans  la  dernière  des  misères, 
«  mon  cœur  me  reprochait  mon  endurcissement  et 
«  mon  opiniâtreté  à  demeurer  dans  une  religion  où, 
«  depuis  longtemps,  j'apercevois  beaucoup  d'erreurs 
«  et  surtout  une  cruauté  qui  est  le  caractère  opposé  à 
«  l'église  de  Jésus-Christ.  Enfin,  leurs  plaies  furent 
«autant  de  bouches  qui  m'annonçaient  la  religion 
«  réformée  et  leur  sarTg  fut  pour  moi  une  semence  de 
«  régénération.  >/  ^ 

Ce  n'est  pas  à  l'éloquence  de  Bossuet  ni  à  la  piété 
exemplaire  du  roi  qu'est  dû  le  changement  de  reli- 
gion ;  c'est  aux  missions  bottées.  Elles  n'étaient  pas 
violentes,  osent  prétendre  les  évêques  !  Q.u"on  écoute 
ce  qu'en  dit  Claude  dans  Les  plaintes  des  protestants 

1.  —  Relation  des  tourments  qu'on  a  fait  souirrii'  aux  prot. 
qui  étaient  sur  les  galères  de  France  (Bulletin  du  Prot.  fran- 
çais, 1882,  p.  442). 


—  197  — 

opprimes  :  ■«'<  Il  n'y  a  ni  méchancetés  ni  horreurs  que 
'<  les  persécuteurs  patentés  du  roi  ne  missent  en  pra- 
«  tique  pour  forcer  les  protestants  à  changer  de  reli- 
«gion.  Parmy  mille  hurlements  et  mille  blasphèmes 
«  ils  pendaient  les  gens,  hommes  et  femmes,  par  les 
«  cheveux  ou  les  pieds  aux  planchers  des  chambres 
«  ou  aux  crochets  des  cheminées  ;  ils  les  faisaient  fu- 
«  mer  avec  des  bottes  de   foin   mouillées   jusqu'à    ce 
«  qu'ils  n'en  pouvaient  plus  ;  et  lorsqu'ils  les  avaient 
«  dépendus,  s'ils  ne  voulaient  pas  changer,  ils  les  re- 
«  pendaient  incontinent.  Ils  leur  arrachaient  les  poils 
«  de  la  barbe  et  les  cheveux  de  la  tète  jusqu'à  une 
«  entière  dépillation.  Ils  les  jetaient  dans  de  grands 
«feux  qu'ils  avaient  allumés  exprès  et  ne  les  en  re- 
«  tiraient  que  lorsqu'ils  étaient  à  demi  rôtis.  Ils  les 
«  attachaient  sous  les  bras  et  les  plongeaient  et  re- 
«  plongeaient  dans  des  puits,  dont  ils  ne  les  ôtaient 
'K  qu'après  avoir  promis  de   changer  de  religion.  Ils 
«  les  dépouillaient   nuds  et  après  leur  avoir  fait  mille 
'■<  indignités   et  mille   infamies,   ils  les  lardaient  d'é- 
«  pingles  depuis  Ij  haut  jusqu'en   bas  :  ils  les  déchi- 
«  quêtaient  à  coups  de  canif,  et  quelquefois  avec  des 
«  pincettes  rougies  au  feu  ils  les  prenaient  par  le  nez 
«  et  les  promenaient  dans  les  chambres  jusqu'à  ce 
'<  qu'ils  promissent  de  se  faire  catholiques.  Ils  les  bat- 
'K  talent  à  coups  de  bâton,  et  tout  meurtris  et  rompus 
-K  ils  les  traînaient  aux  églises  où  leur  simple  présence 
«  forcée  était  comptée   pour   une   abjuration.  Ils  les 
«  empêchaient  de  dormir  l'espace  de  sept  ou  huit 
«jours.   S'ils  en  trouvaient  de  malades,  attachés  au 
«  lit,  hommes  ou  femmes,  uar  de  grosses  fièvres,   ils 
«  avaient   la    cruauté    d'assembler   une  douzaine   de 
«  tambours  et  de  faire  battre  la  caisse  à  l'entour  de 
«  leurs  lits,  sans  discontinuer  cet  exercice  qu'ils  n'eus- 
«  sent  donné  parole  de  changer.    Ils  arrachaient  les 
«  ongles  des  pieds  et  des  mains.  Ils  enflaient  hommes 


—  198  — 

«  et  femmes    avec    des    scniftlets    jusqu'à    les    l'aire 
«  crever.  />  ' 


1.  —  plainte!;,  51. 


CHAPITRE     VI 

Suite  immédiate   de  la  Révocation. 
Le  Protestantisme   est  légalement  mort. 

(1686) 

En  i6Sa.  le  protestantisme  n'existe  plus  en  France, 
du  moins  légalement.  Tous  les  temples  sont  rasés  et 
les  pasteur  bannis  avec  défense,  sous  peine  de  mort, 
de  rentrer  dans  le  royaume.  Tous  les  religionnaires 
ont  abjuré  ou  émigré,  ou  sont  sur  les  galères  ou  dans 
les  prisons  pour  avoir  tenté  de  passer  la  frontière,  et 
tous  les  enfants  nés  sur  le  sol  français  doivent  être 
désormais  baptisés  et  instruits  dans  l'église  catholi- 
que. Donc,  Louis  XIV  et  ses  conseillers  croient  avoir 
achevé  et  parachevé  leur  œuvre  depuis  si  longtemps 
préparée  et  poursuivie.  Ils  la  croient  si  bien  parfaite 
que  Bossuet  s'écrie,  en  prononçant  l'oraison  funèbre 
du  Chancelier  Letellier  :  «  Touchés  de  tant  de  mer- 
u  veilles,  épanchons  nos  cœurs  sur  la  piété  de  Louis  ! 
a  Poussons  jusqu'au  ciel  nos  acclamations  et  disons  à 
«  ce  nouveau  Constantin,  à  ce  nouveau  Théodose,  à 
«  ce  nouveau  Marcien,  à  ce  nouveau  Charlemagne, 
«  ce  que  les  six  cents  pères  dirent  autrefois  dans  le 
«  Concile  de  Chalcédoine  :  Vous  avez  affermi  la  foi, 
«  vous  avez  exterminé  les  hérétiques,  c'est  le  digne 
«  ouvrage  de  votre  règne,  c'en  est  le  propre  carac- 
((  tère...  Par  vous  l'hérésie  n'est  plus.  Dieu  seul  a  pu 
((  faire  cette  merveille.  Roi  du  ciel,  conservez  le  roi 
«  de  la  terre  1  C'est  le  vœu  des  Eglises,  c'est  le  vœu 
«  des  évéques.  «  ' 

Après  l'éloquence  de  la  chaire,  le  talent  du  pin- 

1.  — Bossuot,  oraison  funèbre  de  Letellier. 


—    200    — 

ceauvint  h  son  tour  proclamer  la  mort  de  rhérésie. 
Le  célèbre  peintre  Lesueur  représenta,  en  etïct,  à 
Versailles,  les  sd/cs  Vi^inciica  par  l' Eglise  catholique. 
Si  Lesueur  revenait  à  la  vie  etquil  parcourût  les  cinq 
parties  du  monde,  il  verrait  à  quel  point  son  tableau 
est  devenu  une  ironie  1 

On  a  beaucoup  disserlé  sur  le  point  de  savoir  à  qui 
il  fallait  faire  remonter  la  responsabilité  de  la  Révo- 
cation. Louis  XIV,  Letellier,  Louvois,  le  père  La 
Chaise,  Mme  de  Maintenon  doivent  en  assumer  so- 
lidairement une  large  part,  mais  non  la  totalité.  Il 
faut  faire  la  part  des  idées  générales  d'alors.  On  perd 
aisément  de  vue  que  le  catholicisme,  ayant  pour 
principe  que  la  raison  pure  aboutit  à  son  système,  ne 
peut  considérer  ceux  oui  sont  séparés  de  sa  commu- 
nion autrement  que  comme  des  révoltés  qui,  par  leur 
superbe,  peuvent  séduire  et  perdre  leur  entourage- 
Les  prêtres  croyaient  alors  (cela  peut  paraître  de 
l'aberration,  mais  il  en  était  bien  ainsi)  que  c'était 
l'orgueil,  l'entêtement  endurci  —  la  constance  des 
huguenots  dans  le  martyre  le  plus  cruel  n'était  pas 
autre  chose  pour  eux  —  qui  retenait  nos  pères  dans 
Terreur.  Le  proverbe  :  '<  Têtu  comme  un  huguenot 
qui  se  ferait  tuer  plutôt  que  de  céder  !  /,  n'est  pas  né 
d'une  autre  idée.  Aussi  fallait-il  sévir  contre  cette 
arrogance.  Ne  soumettaient-ils  pas  leur  intelligence, 
eux  ?  Pourquoi  les  protestants  n'en  faisaient-ils  pas 
autant  ?  L'humilité  est  une  vertu  chrétienne.  Us 
crovaient  la  posséder  vraiment,  malgré  l'étalage  de 
leurs  titres  et  leur  soif  des  honneurs  et  des  gros  re- 
venus. Ils  ne  vo^'aientpas  que  leur  soumission  venait 
d'une  passivité  intellectuelle  inconsciente  d'elle- 
même,  et  d'un  formalisme  religieux  empêchant  l'éveil 
de  la  conscience.  Le  peuple,  lui,  d'une  passivité  que 
son  ignorance  rendait  au  moins  aussi  grande  et  pour 
qui  une  superstition  grossière  était  toute  la  religion, 


ne  pouvait  pas  ne  pas  partager  l'opinion  de  ses  con- 
ducteurs. C'était,  en  un  mot,  la  soumission  totale, 
absolue  de  l'être  tout  entier  que  l'église  voulait  et  de- 
vait, dans  la  logique  de  son  système  absolu,  impé- 
rieusement vouloir.  Il  fallait  acquiescer  à  la  doctrine. 
Pour  ce  qui  était  de  la  «  vivre  »,  il  y  avait  une  tolé- 
rance telle  que  c'en  était  scandaleusement  contra- 
dictoire. 

Le  roi  ne  partagea  pas  au  début  ces  sentiments  ab- 
solutistes. Il  était  épris  de  ses  prérogatives  royales. 
II  ne  demandait  pas  mieux  que  d'avoir  l'unité  reli- 
gieuse, mais  il  ne  voulait  pas  l'obtenir  par  des 
moyens  violents.  C'est  ce  qui  ressort  nettement  des 
lignes  suivantes  écrites  à  son  fils  en  1670  :  «  Je  crois 
«  que  le  meilleur  moyen  pour  réduire  peu  à  peu  les 
«  huguenots  de  mon  royaume  était  en  premier  lieu 
«  de  ne  point  les  presser  du  tout  par  aucune  rigueur 
«  nouvelle  contre  eux,  de  faire  observer  ce  qu'ils 
«  avaient  obtenu  de  mes  prédécesseurs,  mais  de  ne 
«  leur  rien  accorder  au-delà  et  d'en  renfermer  même 
c(  l'exécution  dans  les  plus  étroites  bornes  que  la  jus- 
«  tice  et  la  bienséance  le  pouvaient  permettre.... 
«  Mais,  quant  aux  grâces  qui  dépendaient  de  moi 
«  seul,  je  résolus  et  j'ai  assez  ponctuellement  observé 
«  depuis,  de  ne  leur  en  faire  aucune  et  cela  plus  par 
«  bonté  que  par  rigueur,  pour  les  obliger  par  là  à 
«  considérer  de  temps  en  temps  d'eux-mêmes  et  sans 
«  violence,  si  c'était  avec  quelque  bonne  raiboa  qu'ils 
«  se  privaient  volontairement  des  avantages  q-:ipou- 
«  valent  leur  être  communs  avec  tous  mes  autres  su- 
c(  jets.  Je  résolus  aussi  d'attirer,  même  avec  des  ré- 
«  compenses,  ceux  qui  se  rendaient  dociles,  d'ani- 
«  mer  autant  que  je  pourrais  les  évéques.  afin  qu'ils 
«  travaillassent  leur  instruction  et  leur  ôtassent  les 
«  scandales  qui  les  éloignaient  quelquefois  de  nous».  ^ 

1.  —  Mém.  hist.  et  polit,   de  Louis  XIV,  I,  86;  Paris  1806. 


La  sincérité  de  cette  déclaration  ressort  des  lignes 
suivantes  que  Mme  de  Maintenon,  qui  a  le  mieux 
connu  Louis  XIV.  écrivait  à  son  frère  très  peu  de 
temps  après  :  «  On  m'a  porté  sur  votre  compte  des 
«  plaintes  qui  ne  vous  font  pas  honneur,  ^'ous  mal- 
«  traitez  les  huguenots  ;  vous  en  cherchez  les  moyeus  ; 
«  vous  en  faîtes  naître  les  occasions  ;  cela  n'est  pas 
«  d'un  homme  de  qualité.  Ayez  pitié  de  gens  plus 
«  malheureux  que  coupables.  Ils  sont  dans  des  er- 
t(  reurs  où  nous  avons  été  nous-mêmes  et  dont  la  vio- 
«  lence  ne  nous  aurait  jamais  tirés.  Henri  IV  a  pro- 
«  fessé  la  même  religion  et  plusieurs  grands  priiTces. 
«  Ne  les  inquiétez  donc  point.  Il  faut  attirer  les  hom- 
«  mes  par  la  douceur  et  la  charité.  Jésus-Christ  nous 
«  en  a  donné  l'exemple  et  telle  est  l'intention  du  roi. 
((  C'est  à  vous  à  contenir  tout  le  monde  dans  l'obéis- 
«  sance.  C'est  aux  évéques  et  aux  curés  h  faire  des 
«  conversions  par  la  doctrine  et  par  l'exemple.  Ni 
«  Dieu  ni  le  roi  ne  vous  ont  donné  charge  d'âmes. 
«  Sanctifiez  la  vôtre  et  soyez  sévère  pour  vous 
«  seul.   ))  1 

Cette  lettre  est  digne  et  on  y  sent  un  fonds  d'édu- 
cation protestant  que  le  catholicisme  n'était  pas  par- 
venu à  eflfacer.  Mais  cette  femme  profondément  in- 
telligente avait  fini  par  entrer  dans  les  idées  de  Ri- 
chelieu et  de  Mazarin  qui  avaient  poursuivi  l'unité 
religieuse  sans  laquelle,  pour  eux.  l'unité  politique 
était  impossible,  et  voyant  qu'il  y  avait  des  obstacles 
à  briser  pour  parvenir  au  triomphe  elle  ne  résista  pas 
à  engager  le  roi  à  les  réduire  par  tous  les  moyens 
possibles.  On  était  encore  loin  de  comprendre  que  la 
conscience  ne  peut  être  violentée,  qu'on  ne  croit  rien 
par  force,  que  tout  au  plus  on  fait  semblant  de 
croire.  Celui  qui  a  une  foi  vivante  sent  bien  qu'elle 
ne  peut  être  imposée  puisqu'elle  est  une  révélation 
1.  —  Woiss,  Hist.  des  Réfugiés,  t.  I,  p.  62, 


20  = 


personnelle,  et  il  voit  par  là  que  la  foi  d'autorité  est 
une  foi  passive  et  indiiïérente,  ne  présentant  aucu- 
nement le  caractère  de  la  vraie  foi. 

Comme  le  cours  des  idées  a  changé  depuis  Tacte 
révocatoire,  même  dans  le  catholicisme,  malgré  son 
immutabilité  1  Au  lieu  de  rencontrer  chez  lui  l'ap- 
probation unanime  d'autrefois,  c'est  à  peine  si  on 
trouve  de  temps  en  temps  une  approbation  publique. 
Par  contre  on  y  découvre  des  blâmes,  témoin  ces  li- 
gnes de  l'abbé  Cochet  :  k  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  ré- 
«  vocation  de  l'Edit  de  Nantes  provoquée  par  le  Con- 
c(  seil  d'Etat  et  les  Parlements,  n'en  fut  pas  moins  une 
t(  faute  du  grand  roi.  Faute  réprouvée  par  la  politi- 
a  que  et  plus  encore  par  la  religion.  Car  la  foi  est 
K  fille  du  verbe,  elle  descend  dans  les  cœurs  avec  la 
K  parole  et  non  avec  Tépée.  Du  reste,  l'ère  des  re- 
((  présailles  ne  se  fit  pas  attendre.  Cent  ans  plus  tard. 
((  une  terrible  réaction  s'était  opérée,  les  persécuteurs 
K  devinrent  persécutés,  et  les  mêmes  barques  les 
((  transportèrent  en  exil.  »  i 

Le  protestantisme  n'existe  plus  légalement,  mais 
notre  histoire  n'est  pas  finie,  car  il  existe  toujours 
dans  les  consciences  qu'il  avait  formées.  Il  nous  reste 
à  écrire  l'histoire  de  Vcglise  sons  la  croix.  Et  ce  qui 
prouve  bien  que,  pour  les  catholiques,  la  foi  protes- 
tante n'était  que  de  l'entêtement,  c'est  qu'ils  avaient 
cru  de  bonne  foi  à  la  réduction  complète  des  reli- 
gionnaires  par  la  pression  des  dragons  et  des  cuiras- 
siers. On  ne  peut  supposer,  en  effet,  que  le  roi,  ses 
conseillers  et  le  clergé  aient  cru  au  talent  de  persua- 
sion des  missionnaires  bottés  pour  vaincre  l'opiniâ- 
treté des  huguenots.  Aussi  leur  étonnement  fut-il 
grand  quand  les  plaintes  du  bas  clergé  portant  que  la 
plupart  des  nouveaux  convertis  ne  voulaient  ni   se 


1.  —  Abbé  Cochet.  Hist.  de  drùquetot,  1." 


—  204  — 

faire  instruire  par  les  prêtres  ni  recevoir  la  commu- 
nion, ni  faire  acte  de  catholicité,  arrivèrent  de  toutes 
parts.  On  vit  alors  qu'on  n'avait  pas  vaincu  l'entête- 
ment, mais  seulement  obtenu  une  soumission  hypo- 
crite, et  que  l'unité  dont  on  avait  tant  triomphé  n'é- 
tait que  le  silence  de  la  conscience  bâillonnée.  Des 
ordres  furent  donnés  pour  briser  toute  velléité  de 
résistance  par  des  exemples  propres  à  effrayer  les 
intéressés. 

Le  procureur  général  Le  Guerchois  se  trouvant 
dans  sa  terre  d'Autretot  en  juin  1686,  la  veille  de  la 
fête-Dieu,  envoya  un  sergent  sommer  les  nouveaux 
convertis  de  cette  paroisse  de  venir  assister  aux  pro- 
cessions et  à  tout  l'office  du  lendemain.  Sur  leur  re- 
fus, constaté  par  procès-verbal,  il  requit  des  infor- 
mations, et  le  parlement  les  ordonna.  '' 

On  internait  dans  les  communautés  religieuses  ou 
les  hôpitaux  les  enfants  qui  refusaient  d'abjurer. 
C'est  ainsi,  par  exemple,  que  Renée  P...,  de  Gru- 
chet,  et  Marthe  L...,  de  Bolbec,  furent  condamnées 
par  l'amirauté  du  Havre  à  être  rasées  puis  recluses 
pour  le  reste  de  leur  vie  dans  l'hôpital  du  Havre. 
Deux  arrêts  du  Parlement  confirmèrent  cette  sen- 
tence qui  fut  exécutée  en  mars  1690.  Leur  détention 
dura  peu  :  le  1 1  mai  de  l'année  suivante  elles  réussi- 
rent à  s'évader  sans  qu'on  pût  les  rejoindre. 

Au  fond,  la  foi  catholique  n'est  pas  exigeante.  Elle 
ne  demande  qu'une  discipline,  une  pratique  exté- 
rieure mininuim.  une  unité  de  façade  et  non  une  dis- 
position intérieure  qui,  d'ailleurs,  n'est  compatible 
qu'avec  la  foi  personnelle.  C'en  était  encore  trop 
pour  les  religionnaires  dont  la  conscience  s'était  res- 
saisie. Et  ils  furent  traînés  comme  de  vils  malfaiteurs 
devant  les  tribunaux,  dépouillés  de  leurs  biens,  jetés 

1,  —  Fl(i(|not,  Hist,  du  Parlepi.  de  Norm.,  t,  VI,  p.  177. 


20^    

en  prison,  envoyés  aux  galères,  et  séparés  de  leurs 
enfants  dont  ils  devenaient  méprisés  fatalementpuis- 
que,  tout  jeunes,  ceux-ci  étaient  imbus  d'idées  con- 
damnant leurs  parents  à  l'opprobre. 

Lorsqu'un  nouveau  converti  mourait,  les  curés,  le 
plus  souvent,  ne  voulaient  point,  sous  le  prétexte 
qu'il  avait  manifesté  du  mépris  pour  la  religion  qui 
lui  avait  été  imposée,  présider  à  son  inhumation. 
Bien  plus,  celui  qui,  étant  malade,  refusait  de  rece- 
voir les  sacrements  était  dénoncé  et  on  requérait 
contre  lui  que  sa  mémoire  fut  dcclarcc  éteinte  et  abo- 
lie et  que  son  cadavre  fut  Jet  ë  â  la  voirie.  Ces  faits  se 
produisant  journellement,  un  nouveau  mouvement 
d'émigration  se  dessina.  Déjà  l'Angleterre,  la  Hol- 
lande, l'Allemagne  et  même  l'Amérique  <  comptaient 
des  milliers  de  réfugiés  normands  qui.  grâce  aux 
rapports  maritimes  que  le  Havre  entretenait  avec 
ces  nations,  faisaient  savoir  ce  qu'ils  étaient  devenus 
et  engageaient  leurs  frères  en  la  foi.  restés  en  Nor- 
mandie, cà  venir  goûter  avec  eux  la  joie  de  servir 
Dieu  en  toute  liberté. 

Mais  les  difficultés  pour  passer  à  l'étranger  aug- 
mentèrent. Voyant  que  la  rigueur  des  édits  et  la 
surveillance  de  la  police  n'arrêtaient  pas  la  fuite  des 
religionnaires,  le  roi   fit  appel  au  sentiment  le  plus 

1.  —  Nous  trouvons  dans  nos  notes  connne  s'étaiit  réfuffiés 
pn  Anirrique  en  1685  :  Jean  Hardans,  82  ans.  Isaac  Duboc  et 
Nicolas  Lenud.  Nous  y  trouvons  aussi,  détail  isolé,  qu'un 
nommé  Jacques  Ouvry,  sans  doute  de  Luneray  puisque  cette 
commune  semble  le  berceau  des  Ouvry,  s'établit  cette  même 
année  à  Spisulfieds  avec  sa  femme,  et  qu'il  y  devint  proprié- 
taire. En  1855,  on  trouvait  encore  en  An^'lelerre  les  noms  cau- 
chois suivants  :  Gosselin,  Levavasseur,  de  Boos,  Le  Bruinent, 
Durand,  Levcsque,  Rondeaux,  Hautot,  Lesage.  M.  Chamber- 
lain, l'ex-ministre  des  colonies  de  la  Grande  Bretagne,  est  d'o- 
rigine cauchoise  :  il  descend  d'une  famille  qui  habitait  ïan- 
carvillc  vers  la  lin  du  XV«  siècle.  Un  membre  de  cette  famille 
quitta  Tancarville  pour  Paris  au  commencement  du  régne  de 
Charles  IX,  devint  protestant  et  se  sauva  en  Angleterre  à  la 
Saint-Barthélémy. 


206    

vil  :  à  la  cupidité.  11  promit  la  moitié  des  biens  des 
fuvards  à  ceux  qui  les  dénonceraient  à  temps  au  juge, 
et  la  moitié  des  ventes  cju'ils  auraient  pu  taire.  Nous 
avons  lieu  de  croire  que  dans  le  pays  de  C>aux  en  t^é- 
néral  nos  pères  n'eurent  pas  autant  à  souffrir  de  ces 
vilenies  que  dans  les  autres  parties  de  la  France.  11  y 
avait,  en  effet,  depuis  longtemps,  une  sorte  d'apaise- 
ment entre  les  protestants  et  les  catholiques  cau- 
chois. A  Luneray,  à  Bolbec,  à  Caudebec.  a  hécanip 
et  à  Montivilliers  la  majeure  partie  de  l'industrie  et 
du  commerce  était  dans  les  mains  protestantes  : 
ceux-ci  aidaient  donc  puissamment  la  classe  labo- 
rieuse catholique  à  gagner  sa  vie,  et  il  s'en  suivait 
que  la  paix  était  un  besoin  trop  intéressé  pour  qu'on 
ne  s'efforçât  pas  de  la  maintenir.  Mais  l'autorité  ren- 
força les  gardes  des  frontières  et  particulièrement 
des  côtes  du  littoral.  On  alla  même  jusqu'à  armer  des 
paysans  pour  suppléer  les  gardes-côtiers.  Des  bar- 
ques montées  par  des  marins  armés  furent  chargées 
de  surveiller  et  de  fouiller  les  embarcations  qui  s'é- 
loignaient de  terre.  Ht  que  de  drames  se  passèrent  la 
nuit  — car  c'était  à  la  faveur  des  ténèbres  qu'on  pre- 
nait le  large  —  dont  on  ne  saura  jamais  rien  !  11  y 
eut,  en  effet,  nombre  de  gens  qui  quittèrent  le  pays 
de  Caux  dont  leurs  familles  n'entendirent  plus  ja- 
mais parler  alors  qu'ils  avaient  promis  de  donner  de 
leurs  nouvelles  aussitôt  arrivés  en  lieu  sûr  et  d'en- 
voyer des  renseignements  pour  que  plusieurs  de 
leurs  proches  ou  des  amis  pussent  venir  les  rejoindre  ! 
Il  est  vrai  qu'avec  la  navigation  cà  voile,  les  circons- 
tances nécessitant  des  déoarts  fixes  quelle  que  fût  la 
direction  du  vent,  on  n'allait  pas  toujours  où  l'on 
voulait  ;  mais  comme  il  y  avait  des  réfugiés  dans  tous 
les  pays  où  l'on  pouvait  aborder,  on  aurait  toujours 
eu  occasion  de  faire  savoir  ce  qu'on  était  devenu.  Et 
puis  il  y  eut  aussi  des  naufrages,   car  c'était,   le  plus 


—    207    — 

souvent,  par  le  gros  temps,  parce  qu'on  supposait  la 
surveillance  relâchée  devant  Tinvraisemblance,  en 
de  telles  occurences,  de  fuites  nocturnes  de  gens 
ignorants  de  la  mer.  qu'en  tentait  le  passage  de  la 
Manche.  Et  comme  on  admire  le  courage  héroïque 
des  fugitifs  quand  on  songe  que  la  plupart,  jeunes 
filles,  femmes  et  enfants,  n'avaient  jamais  vu  la  mer 
et  ne  la  connaissaient  que  par  des  récits  de  naufra- 
ges !  Combien  est  sinistre  le  bruit  des  flots  sur  le  ga- 
let quand  on  l'entend  pour  la  première  fois  dans  la 
nuit  noire  !  Et  des  femmes, des  enfants,  au  lieu  d'être 
saisis  d'épouvante  et  de  reculer  d'instinct  ou  d'être 
pétrifiés  par  i'eftroi,  s'avançaient  confiants,  au  milieu 
de  mille  difficultés  et  de  chutes,  fouettés  d'embruns 
et  de  jaillissements  d'eau,  et  prenaient  place  dans  une 
embarcation  qui  dansait  dans  les  ténèbres  I  O  scepti- 
ques, croyez-vous  vraiment,  en  face  de  ce  tableau 
qu'il  vous  est  aisé  de  vous  représenter  dans  toute  son 
horreur,  que  la  foi  soit  sa  force  à  elle-même  et  qu'il 
n'y  ait  pas  une  aide  qui  la  supplée  venant  de  Celui 
en  qui  le  croyant  se  confie  ?  Et  n'est-il  pas  beau  ce 
trait  de  courage,  cité  par  Camille  Rousset  dans  son 
Histoire  de  Louvois,  qui  se  trouve  rapporté  par  Tessé 
dans  la  lettre  qu'il  adressait  à  Louvois  le  6  juin  1686  ; 
«  Depuis  deux  jours  une  femme  s'est  avisée  d'une 
«  invention  pour  se  sauver  qui  mérite  d'être  sue. 
«  Elle  fit  marché  avec  un  marchand  de  fer  savoyard 
((  et  se  fit  empaqueter  dans  une  charge  de  verges  de 
c(  fer,  dont  les  bouts  paraissaient  :  elle  fut  portée  à  la 
«  douane,  le  marchand  pesa  la  pesanteur  du  fer  qui 
«  fut  pesé  avec  la  femme  qui  ne  fut  dépaquetée  qu'à 
«  plus  de  six  lieues  de  la  frontière.  »  ' 

Oui,  malgré   des  difficultés  de  toute  sorte  et  bien 
que  Louvois,  quelques  semaines  après  la  révocation, 

1.  —  ('..  Roiisset,  Histoire  de  Louvois,  2"  "Partie,  I,  503, 


—    208    — 

eût  osé  écrire  à  Fontaussier,  un  de  ses  intendants. 
qu"  «  il  n'y  avait  point  d'inconvénient  de  dissimuler 
«  les  vols  que  font  les  paysans  aux  gens  de  la  religion 
«  protestante  réformée,  qu'ils  trouvent  désertant, 
«  afin  de  leur  rendre  leur  passage  plus  difficile,  et 
«  même  de  leur  promettre,  outre  la  dépouille  de 
«  gens  qu'ils  arrêteront,  trois  pistoles  pour  chacun 
«  de  ceux  qu'ils  amèneront  à  la  plus  prochaine  place  » 
ce  qui,  étant  donné  le  goût  de  cupidité  bien  connu 
du  pavsan  normand  d'alors,  rendait  l'évasion  bien 
difficile  et  périlleuse,  beaucoup  de  protestants  du 
pays  de  Caux,  mais  particulièrement  des  villes  de 
Rouen,  Dieppe,  Le  Havre,  Bolbec  et  Fécamp,  pu- 
rent gagner  l'étranger  ;  mais  un  certain  nombre  fu- 
rent pris  au  moment  du  départ  ou  à  peine  partis,  et  le 
juge  du  bailliage  eut  fort  à  faire  pour  condamner  les 
relaps.  Nous  ne  reproduisons  pas  ces  jugements, 
qu'on  trouve  aux  archives  de  la  Seine-Inférieure. 
Nous  nous  bornons  à  citer  les  noms  que  nous  avons 
pu  recueillir  de  ces  martyrs  condamnés  sous  ce  chef 
d'accusation,  pris  sur  le  rivage  ou  à  l'entrée  de  la 
mer.  Ces  noms  se  retrouvent  encore  dans  le  pays  de 
Caux.  Quelques-uns  sont  seulement  désignés  comme 
étant  de  Normandie.  Nous  ne  reproduisons,  de  ceux 
là,  que  ceux  qui  nous  paraissent  d'origine  cau- 
choise :  Jean  Courché.  de  Guedeville,  mis  à  la 
chaîne  (arrêt  du  Parlem.  du  17  mai  lôS^")  ;  Jean 
Enouf,  de  Gournay  près  d'Harfleur,  mis  à  la  chaîne 
(arrêt  du  Parlem.  du  17  oct.  lôSs^i  :  Jean  Pillet,  de 
Luneray,  mis  à  la  chaîne  (arrêt  du  Pari,  de  Metz  du 
28  mai  1686)  ;  Jean  Dussaux.  de  Bolbec.  mis  à  la 
chaîne  (arrêt  du  Pari,  du  =,  août  1686)  ;  Isaac  Gam- 
bier,  de  Monville  (?)  mis  à  la  chaîne  (condamné  le 
8  décembre  i687  par  M.  de  Berri,  maître  des  requê- 
tes) ;  Louis  Déhais,  de  Normandie,  mis  à  la  chaîne 
condamné  le  même  jour  et  par  le  même  que  le  pré- 


209    

cèdent)  ;  Pierre  Lorphelin,  de  La  Mourville  (Lam- 
merville)  près  de  Dieppe,  mis  à  la  cliaîne  (condamné 
à  Tournay  le  27  février  1680-  :  il  mourut  galérien  le 
le  2  mai  1704). 

En  1688,  se  trouvaient  dans  les  prisons  de  la  con- 
ciergerie, à  Rouen,  en  attendant  qu'il  fut  statué  sur 
leur  appel  du  jugement  du  lieutenant  criminel 
d'Arqués,  du  7  octobre  1686,  qui  les  condamnait,  les 
hommes  aux  galères  et  les  femmes  à  être  rasées  et 
enfermées  pour  avoir  cherché  à  sortir  du  royaume  : 
Daniel  Caron,  Jean  Becquet  et  Marguerite  Bodin,  de 
Bolbec  ;  Abraham  Flammare.  de  Luneray  ;  Marie 
Lecaron  et  Anne  Hautot,  de  Saint-Iean-de-la-Neu- 
ville.  1 

Le  28  janvier  1O87.  Isaac  Hébert  et  Marthe  La- 
votte,  de  Bolbec,  Anne  Pertuzon,  Marthe  et  Marie 
Paysant  furent  arrêtées  au  moment  où  elles  allaient 
sortir  du  royaume  et  condamnées  aux  mêmes  peines 
par  le  juge  de  Tamirauté  du  Havre. 

Le  s  mars  1687,  sont  admis  comme  membres  de 
Téglise  française  de  Londres  :  Jacques  Bourdon, 
Jean  Renaud,  Jacques  Selingue,  Suzanne  Bourdon  et 
Suzanne  Belloncle,  de  Bolbec.  Le  mari  de  cette  der- 
nière, Daniel  Caron,  dont  nous  venons  de  relater  en 
note  la  mise  en  liberté  après  2  ans  de  détention,  se 
présenta  le  2  mars  1693  pour  étie  admis.  Il  repré- 
senta qu'ayant  eu  le  malheur  de  signer  une  abjura- 
tion par  la  violence  des  dragons-,  il  avait  voulu  sor- 


1.  —  Ils  attendirent  jusqu'au  Va  mars  1(590  l'arrêt  du  Parle- 
ment. Cet  arrêt  réforma  la  première  sentence  :  Jean  Eecquet, 
Marie  Lecaron  et  Marie  Bodin  furent  définitivement  condam- 
nés à  être  enfermés  dans  les  hôpilau.x  pour  y  être  instruits 
à  leurs  frais  dans  la  religion  romaine,  et  les  autres  furent 
renvoyés  chez  eux  à  la  condition  de  produire  un  certificat  cons- 
tatant qu'ils  étaient  sulTisamment  instruits  dans  la  religion  ca- 
tholique. 

2.  —  C'est  la  seule  trace  que  nous  ayons  de  la  pression  ex- 
ercée à  Bolbec  par  les  dragons. 

14 


tir  du  royaume  pour  racheter  cette  faiblesse,  mais 
qu'il  avait  été  arrêté  en  chemin,  mis  en  prison  et 
condamné  aux  galères  d'où  il  avait  été  tiré  par  le 
crédit  de  ses  amis,  qu'il  s'était  repenti  et  avait  fait  sa 
reconnaissance  aux  mains  d'un  pasteur  qui  prêchait 
alors  dans  le  lieu  où  il  était  :  sur  quoi  il  priait  qu'on 
le  reçut  à  la  participation  de  la  Sainte-Cène  (Reg.  de 
TEgl.  franc,  de  Londres). 

La  plupart  des  religionnaires  cauchois  fugitifs  se 
rendirent  en  Angleterre  et  en  Hollande.  De  toutes 
les  villes  anglaises,  Londres  fut  celle  qui  en  reçut  le 
plus.  Depuis  qu'on  s'exilait  pour  cause  de  religion, 
soit  depuis  un  siècle  et  demi,  Londres  avait  toujours 
eu  la  préférence.  Une  église  française  s'y  était  éta- 
blie aussitôt  après  la  St-Barthélemy.  On  voit,  par  les 
registres  consistoriaux  de  cette  église,  que,  pendant 
les  années  1686,  1687  et  1688,  le  Consistoire,  qui  se 
réunissait  chaque  semaine  au  moins  une  fois,  n'était 
presque  exclusivement  occupé  qu'il  recevoir  la  ré- 
tractation de  ceux  qui,  après  avoir  été  contraints 
d'abjurer  pour  échapper  à  la  mort,  avaient  pu  s'em- 
barquer et  mettre  pied  sur  le  sol  charitable  de  la  li- 
bre Angleterre. 

Dans  la  séance  du  5  mars  1686,  50  fugitifs  de  Bor- 
deaux, Saintes,  Bolbec,  Le  Havre,  Montivilliers  ré- 
tractèrent leur  abjuration.  La  liste  des  rétractations 
enregistrées  dans  la  séance  du  30  avril  1687  contient 
60  noms  ;  celle  de  la  séance  du  i"""  dimanche  de  mai. 
54.  Rien  que  pendant  ce  mois  de  mai,  497  se  présen- 
tèrent. 1  Et  le  nombre  des  personnes  demandant  à 
être  admises  à  la  paix  de  l'église  alla  toujours  en 
augmentant,  si  bien  qu'en  1688  on  fut  obligé  de  cons- 
truire une  nouvelle  église  et  que,  de  cette  année  jus- 
qu'à l'année  1716.  soit  uendant  une  période  de  28 
ans,  on  en  fonda  26  autres. 
1.  —  Weiss,  Hisf.  des  réf.  prof.,  T,  273. 


Nous  voyons  dans  les  Mémoires  de  Bostaquet  que, 
lorsqu'il  faisait  partie  de  Tarmée  du  prince  d'Orange 
débarquée  en  Angleterre  pour  en  chasser  le  roi  Jac- 
ques qui  voulait  y  rétablir  le  catholicisme,  il  cons- 
tata l'existence  d'une  église  française  à  Exeter  et 
trouva,  parmi  les  membres  de  cette  église,  un  tailleur 
de  Lintot  dont  malheureusement  l'éditeur  n'a  pu 
déchiffrer  le  nom  dans  le  manuscrit. 

A  partir  de  1683,  les  fugitifs  normands  qui  figurent 
sur  les  registres  des  différentes  églises  de  Londres 
sont  en  nombre  considérable  ;  mais  c'est  très  rare- 
ment que  le  lieu  de  leur  origine  est  indiqué:  le  plus 
souvent,  c'est  la  province  seule  qui  est  désignée. 
Voici  ceux  que  nous  relevons  appartenant  à  notre 
région  : 

1688,  Nicolas  Cappeau,  de  Criquetot  ; 

1689,  Salomon  Picart  et  Suzanne  Martin,  de  Cri- 
quetot, et  Rachel  Robinet,  d'Hartleur  ; 

1690,  Elisabeth  Belair_  d'Harfleur,  et  Anne  Cave- 
lier,  de  Montivilliers  ; 

i6qi,  Marguerite  Lesueur.  d'Harfleur. 

En  1702,  un  Salomon  Pillon.  venu  de  Luneray, 
présenta  au  baptême,  dans  l'église  Wallonne  de 
Norwich.  en  Angleterre,  un  enfant  qui  fut  nommé 
Mathieu. 

Dans  son  Proicstantlsmc  en  Norumiulic.  F.  Wad- 
dington  nous  apprend  que,  dans  le  quartier  de  Spital- 
fields,  à  Londres,  une  société  de  secours  mutuels 
existe  toujours  qui  fut  fondée  en  1703  sous  le  nom 
de  Société  Noniia/idc,  et  qu'en  parcourant  la  liste  de 
ses  membres,  renfermée  dans  son  compte-rendu  de 
1853,  on  y  relève  les  noms,  communs  dans  le  pays 
de  Caux,  de  Gosselin,  Mousset,  Le  Brument.  Du- 
rand, Levesque,  Rondeaux,  Hautot,  Lesage.  Il  ajoute 
que  d'autres  sociétés  de  mutualité  se  formèrent  à  la 
même   époque,  entre  autres  la  Sociélé  de  Lintot,  le 


Chtb  Noniiaiid,  où,  jusqu'ici,  il  a  fallu,  pour  être 
admis,  jwstifier  de  sa  descendance  d'une  famille  nor- 
mande réfugiée  pour  cause  de  religion.  ^ 

Quand  la  conscience  de  ceux  qui  avaient  abjuré 
sous  la  pression  des  événements  ou  la  terreur  inspi- 
rée parles  dragonnades,  après  s'être  ressaisie,  se  sen- 
tit rongée  par  le  remords,  le  désir  d'émigrer  devint 
presque  irrésistible.  On  s'accusait  de  couardise  et, 
pour  mieux  se  montrera  soi-même  qu'on  était  guéri, 
on  se  faisait  un  devoir  de  racheter  sa  faiblesse  passée 
en  bravant  la  rigueur  des  édits. 

Poursuppléer  à  l'insuffisance  des  navires  dieppois. 
de  vraies  agences  ayant  pour  but  de  faciliter  l'émi- 
gration s'organisèrent  en  Angleterre  et  en  Hollande. 
Oui,  la  charité  chrétienne,  dans  ces  deux  nations,  s'é- 
mut de  compassion  pour  les  malheureux  réformés  du 
royaume  de  France.  On  y  équipa  des  bateaux,  spé- 
cialement affectés  au  service  des  religionnaires,  qu'on 
appela  Barques  de  charité.  Ils  sillonnaient  la  rade  de 
Dieppe  et  passaient  en  vue  des  côtes  voisines,  prêts  à 
s'approcher  au  moindre  sig"nal.  Ces  barques  devin- 
rent si  nombreuses  et  eurent  si  vite  la  réputation  d'ê- 
tre bien  approvisionnées  et  de  bonne  prise  que  les 
turcs,  qui  l'apprirent,  vinrent  croiser  dans  la  Manche 
où  ils  firent  de  nombreuses  captures,  emmenant  équi- 
pages et  passagers  en  captivité.  Il  se  créa  aussi  des 
agences  d''émigration  en  France,  et,  trait  qu'on  est 
heureux  de  signaler,  on  rencontre  des  catholiques 
parmi  les  promoteurs  de  ces  institutions  généreuses. 
C'est  ainsi  que  M.  Ravaisson  a  trouvé,  en  dépouillant 
les  archives  de  la  Bastille,  qu'un  nommé  de  Ventre, 
natif  de  Normandie,  fut  arrêté  parce  qu'on  avait  re- 
connu, par  ses  papiers,  qu'il  avait  grande  corres- 
pondance avec  «  les  protestants  français  qui  sont  en 

1.  —  F.  Waddington,  Le  Prot.  en  Norm.,  p.  18. 


«  pays  étrangers,  et  s'employait  à  faciliter  la  sortie  de 
«  leurs  eiïets.  ^  » 

Sur  la  liste  des  galériens  dressée  par  Antoine  Court 
et  dont  la  Bibliothèque  de  Genève  garde  le  manus- 
crit, on  trouve  les  noms  suivants  qui  nous  paraissent 
regarder  le  pays  de  Caux  : 

J.  Courché,  de  Normandie  i  i68s) 

J.  Dussaux,  »  (  1686) 

j.  Filliet.  ))  (    ))    ) 

Louis  Dehais  »  (1687) 

Jean  Lardent  »  (âgé  de  32  ans  en  16S7. 

Il  était  sur  la  galère  la  Guerrière  à  Marseille,  en 
1708.) 

J.  Piednoël,  de  Normandie  (1687) 

P.  Prince  ))  [     -o    ) 

Buquet  »  [    yy     ) 

Buquet  »  (1688) 

P.  Pigeon  »  (    »   ) 

Pierre  Lorphelin,  de  Normandie  (âgé  de  31  ans  en 
1689,  à  ce  moment  sur  hi  Gloire;  en  1708,  sur  la 
Galante). 

Nous  avons  déjà  cité  quelques-uns  de  ces  martyrs 
lorsque  nous  avons  parlé  de  condamnations  de  fugi- 
tifs. 

Brière  de  Picauville,  gentilhomme  cauchois,  fut 
conduit  aux  prisons  du  ^'ieux-Palais  de  Rouen  le  22 
juin  1690  parce  qu'on  le  soupçonnait  d'être  le  conso- 
lateur et  le  soutien  des  religionnaires  de  la  région 
qu'il  habitait.  Au  bout  de  quelques  années  on  le 
renvova  chez  lui  :  il  mourut  fidèle  à  sa  foi,  peu  de 
temps  après. 

Elle  Benoit  cite,  comme  ayant  été  persécutés  pour 
la  foi,  la  femme  d'Isaac  Néel,  Daniel  Lheureux  et 
Pierre  Foudrinier,  tous  de  Luneray. 

Nous  avons  parlé  des  vaisseaux  turcs  qui  vinrent 
1.  —  Havaisson,  .-irc7i.  du  la  Bastille,  IX.  lli-im. 


—  214  — 

croiser  dans  la  Manche  pour  capturer  les  religion- 
naires  fugitifs.  (>ela  dura  jusqu'à  ce  que  les  anglais  et 
les  hollandais  vinrent  mettre  bon  ordre  h  ce  brigan- 
dage. Mais  il  y  eut  aussi  des  expéditions  de  flibustiers. 
C'est  ce  qui  explique  qu'on  ne  retrouve  pas,  parmi 
ceux  qui  parvinrent  à  se  mettre  à  l'abri  de  la  persé- 
cution, la  moitié  du  chiffre  total  des  fugitifs.  Oui.  si 
invraisemblable  que  cela  paraisse,  telle  est  la  pro- 
portion de  ceux  qui  périrent  en  route,  furent  saisis 
et  jetés  dans  les  prisons  ou  enchaînés  sur  les  pon- 
tons. 

Dès  1688,  les  galères  du  roi  sont  garnies  et  les  pri- 
sons remplies  de  prisonniers.  Celles  de  la  Haute- 
Normandie  sont  archi-pleines.  Les  maisons  ouvertes 
pour  recevoir  les  relaps  sont  encombrées,  et  les  cou- 
vents et  autres  établissements  religieux  d'éducation 
sont  bondés  d'enfants  de  protestants  condamnés  ou 
seulement  suspects.  L'encombrement  est  même  tel 
que,  ne  sachant  plus  ou  mettre  les  nouvelles  victimes 
des  préposés  à  l'exécution  des  édits,  on  ne  trouve 
rien  de  mieux  que  d'expulser  un  certain  nombre  de 
détenus  protestants  pris  parmi  ceux  qu'on  considérait 
comme  trop  obstinés  pour  abjurer  jamais  (les  fem- 
mes de  ceux  qui  avaient  abjuré  étaient  exceptées  de 
cette  mesure  ;  elles  devaient  être  maintenues  en  dé- 
tention jusqu'à  nouvel  ordre!.  Ce  fait  résulte  d'un 
manuscrit  conservé  dans  la  famille  de  M.  F.  Périgal 
et  concernant  les  poursuites,  arrestations  et  empri- 
sonnements de  Jean  Périgal,  son  ancêtre,  communi- 
qué à  la  Huguenot  Society  of  Loiidoii.  Jean  Périgal 
raconte,  dans  ce  manuscrit,  qu'ayant  résisté  aux  dra- 
gonnades, il  fut  jeté  en  prison  vers  la  fin  de  1685.  Son 
geôlier  voulut  en  obtenir  ce  que  les  dragons  n'a- 
vaient pu  lui  arracher  ;  pour  cela  il  le  menaça  plu- 
sieurs fois  de  l'envoyer  ramer  sur  les  galères  du  roi  : 
tout  fut  inutile.  Et  cependant,  à  quelles  obsessions  ne 


—    215    — 

dût-il  pas  être  en  butte  quand  on  songe  que  ce  n'est 
qu'en  1688,  le  24  février,  qu'elles  prirent  fin.  à  la 
suite  de  l'exécution  d'un  ordre  royal  adressé  à  Pey- 
deau  de  Brons,  '<  conseiller  commissaire  de  party  en 
la  généralité  de  Rouen  /.,  lui  enjoignant  de  retirer  des 
olaces  fortes,  communautés  et  prisons  de  sa  généra- 
lité et  de  faire  conduire  à  Dieppe  -k  pour  être  menés 
hors  de  ses  états,  ceux  qui.  jusqu'à  présent,  avaient 
persisté  d:ins  leur  obstination  à  ne  point  abjurer  la 
R.  P.  R.  //  C'est  ainsi  que  ce  Jean  Périgal  fut  embar- 
qué pour  l'Angleterre.  Il  était  accompagné  de  93  de 
ses  coreligionnaires.  C'est  de  Dieppe  qu'ils  partirent 
et  c'est  à  Douvres  qu'ils  abordèrent.  De  là  ils  se  ren- 
dirent à  Londres  où  ils  arrivèrent  le  i^''  mai  1688. 
Parmi  ses  compagnons  il  y  avait  :  Jean  Bourdon, 
Elisabeth  Fauquet,  Anne  Godefroy,  Marie  Hautot, 
Abraham  Picot,  Rachel  Bouzans,  sa  femme,  de  Bol- 
bec  ;  — Jean  Bradel,  Samuel  de  Sertemboc  et  Pierre 
de  Sertemboc,  de  Fécamp  :  —  José  de  la  JNIare,  Fran- 
çoise de  la  Mare  et  Ester  de  la   Mare,  de  Mélamare  ; 

—  Louise  Manger  et  Marie  Manger,  de  Chantelou 
(certainement  Canteleu,  section  de  Luneray)  ;  — Jean 
^Lilandain,  Marthe  Beaudoin  et  fils,  de   Goderville  ; 

—  Michel  de  Bos,  de  St-Eustache-la-Forét  ;  Jacques 
Lefebvre,  de  St-Antoine-la-Forét  :  —  Daniel  Fichet, 
de  Criquetot  ;  —  Marthe  Lelarge,  de  Rouville  ;  — 
Elisabeth  Selingue,  de  Gruchet-le-Valasse  ;  —  Abra- 
ham Navarre,  de  Luneray. 

Combien  de  temps  dura  l'émigration?  A  la  vérité, 
elle  ne  s'arrêta  guère  jusqu'à  l'octroi  de  l'édit  de  to- 
lérance i  178?'.  Mais  elle  eut  une  grande  intensité  de 
1685  à  1692.  Oui,  chose  surprenante,  malgré  les  en- 
traves qu'on  y  apportait  et  les  conséquences  que  la 
fuite  entraînait  en  cas  de  prise,  malgré  les  récits  de 
trahison,  de  surprise,  de  naufrages,  de  vols,  de  guet- 
aoens  et  d'assassinats  dont  avaient  été  victimes  tant 


—    2l()    — 

et  tant  de  fugitifs,  le  mouvement  dura  des  années.  A 
partir  de  i692-9'5,  la  surveillance  des  côtes  s'étant  un 
peu  relâchée,  il  reprit  de  l'activité  pour  décroître 
graduellement  et  ne  plus  présenter,  au  bout  d"une 
trentaine  d'années,  que  des  cas  isolés. 

En  envisageant  la  situation  faite  aux  religionnaires 
restés  à  la  faveur  d'une  conversion  simulée,  on  est 
porté  à  croire  qu'ils  sont  découragés,  et  par  consé- 
quent craintifs  et  soumis,  refoulant  leurs  sentiments 
et  se  composant  un  visage,  en  un  mot,  cherchant  à 
se  faire  oublier.  Eh  !  bien,  c'est  le  contraire  qui  eut 
lieu.  En  effet,  au  lieu  d'être  abattus,  ils  imposent  à  ce 
point  au  gouvernement  qu'il  en  arrive  à  redouter  un 
coup  de  main  de  leur  part.  C'est  ce  que  prouve  l'or- 
donnance royale  du  i6  octobre  i6S8  enjoignant  aux 
nouveaux  convertis  d'avoir  à  livrer  toutes  les  armes 
et  munitions  de  guerre  qu'ils  pouvaient  avoir,  sous 
peine  des  galères,  sans  autre  forme  de  procès. 

En  exécution  de  cette  ordonnance,  les  nouveaux 
convertis  allèrent  porter  leurs  armes  au  siège  du 
gouverneur  de  leur  ressort.  Il  existe  aux  Archives 
nationales  un  document  intitulé  :  -r  Inventaire  géné- 
ral des  armes  et  munitions  de  guerre  rendues  par  les 
nouveaux  convertis  de  la  ville  et  gouvernement  du 
Havre-de-Grcàce  en  conséquence  de  l'ordonnance  du 
roy  du  i6  octobre  1688.  »  Nous  y  relevons  qu'Har- 
fleur  rendit  23  fus'ls,  23  pistolets,  32  hallebardes, 
balles  et  plomb  ;  —  Montivilliers.  iç'fusils.  20  pisto- 
lets et  21  épées  ;  —  la  capitainerie  de  Cauville  com- 
prenant les  paroisses  d'Angerville-l'Orcher,  Mané- 
glise,  Gainneville,  l^pretot,  St-Laurent-de-Brévedent. 
St-Germain-de-Montivilliers,  Le  Fontenay.  Epou- 
ville,  Rolleville.  Fontaine,  St-Martin-du-Bec,  Ingou- 
ville,  Sanvic,  Bléville  et  Octeville,  n2  fusils,  i5^ 
épées,  37  piques  et  3  pistolets.  La  quantité  d'armes 
rendues  par  les  paroisses  de  Criquetot,  Beaurepaire, 


—  217  — 

Le  Tilleul,  Pierrefiques,  Cuverville,  Hermeville,  Le 
Coudray.  Turretot  et  Gonneville  n'est  pas  indiquée. 
Les  noms  des  nouveaux  convertis  de  ces  paroisses 
qui  rendirent  des  armes  sont  reproduits  à  la  fin  de  ce 
travail  (Appendice-pièce  n°  9).  On  constatera  que 
beaucoup  de  ces  noms  ne  sont  plus  représentés 
aujourd'hui  par  des  protestants.  Il  nous  a  été 
donné  de  feuilleter  les  registres  de  l'ancienne  église 
de  Lintot,  et  c'est  avec  un  serrement  de  cœur  que 
nous  trouvions  à  chaque  page  les  noms  d'Auger, 
Bennetot,  Bertin.  Barré,  Côté.  Caumon,  Cavelier, 
Delamare,  Duval,  Durand,  Decaux.  Fagot.  Gode- 
froy.  Gilles,  Goujon,  Godard.  Guérin.  Goubert, 
Hattenville,  Hébert.  Hachard,  Hellot.  Hertel, 
Igou,  Lucas,  Le  Brument,  Lelièvre,  Lemettais,  Le- 
tuillier,  Lecomte,  Léger,  I.esaunier,  Lemoine,  Man- 
ger, Malandain,  Poulingue,  Renoult,  Simon,  Tes- 
nière,  Vinant,  etc.,  qui  sont  tous  catholiques 
aujourd'hui. 

Louis  XIV  voulait  d'autant  plus  se  mettre  ;'i  l'abri 
d'un  soulèvement  des  nouveaux  convertis  qu'il  les 
savait  instruits  de  la  formation  d'une  coalition  à  l'é- 
tranger contre  la  France  et  à  laquelle  les  émigrés  en 
état  de  porter  les  armes  offraient  le  concours  de  leur 
épée  —  ce  qui  est  bien  excusable  de  leur  part,  puis- 
qu'ils connaissaient  les  souffrances  de  leurs  frères 
demeurés  en  France,  et  qu'alors  l'idée  de  patri?  n'é- 
veillait pas  les  sentiments  qu'elle  éveille  aujourd'hui. 
Aussi,  très  peu  de  temps  après,  et  pour  plus  de  sécu- 
rité, il  voulut  que  le  dénombrement  des  nouveaux 
catholiques  fût  fait  exactement  avec  la  mention  du 
nom,  de  l'âge  et  du  sexe  et  l'indication  de  ceux  d'en- 
tre eux  en  état  de  porter  les  armes.  Le  résultat  de  ce 
recensement  ne  nous  est  pas  connu  pour  la  région 
cauchoise.  Lorsque  le  roi  eut  sous  les  yeux  le  résumé 
de  tous  les  relevés,  il  dut  se  demander  à  quoi  avaient 


—    2l8    — 

abouti  toutes  les  mesures  prises  contre  Thérésie, 
qu'on  lui  avait  représentée,  un  peu  avant  la  Révoca- 
tion, comme  un  moribond  n'attendant  plus  que  le 
coup  de  grâce.  11  vit  combien  il  est  difficile  à  un  roi 
de  savoir  la  vérité.  Mais  comment  ne  sentit-il  pas 
qu'une  telle  constance  dans  la  foi  est  une  preuve  de 
son  fondement  divin  et  n'en  fut-il  pas  troublé  ?  Hon- 
neur à  la  phalange  protestante  demeurée  en  France. 
Par  sa  fermeté,  elle  montrera  la  force  incompressi- 
ble de  la  foi  consciente  et  personnelle,  et  finira  par 
poser,  imposer  et  résoudre  le  problème  de  l'éternelle 
justice,  c'est-à-dire  de  la  liberté  de  conscience.  Oui, 
c'est  cette  ténacité  indéfectible  de  nos  pères  les  vieux 
huguenots  qui  poussa  les  philosophes  à  des  réfle- 
xions et  spéculations  d'où  sortit  la  revendication  du 
droit  perpétuel,  imprescriptible  pour  chacun,  de 
prier  Dieu  suivant  ses  convictions  personnelles. 
C'est  donc  à  eux  qu'on  doit  faire  remonter  l'honneur 
qui  a  jailli  sur  la  France  de  1789. 

Oh  I  nous  qui  jouissons  de  la  liberté  de  conscience 
comme  on  jouit  de  la  santé  lorsqu'on  n"a  jamais  été 
malade,  c'est-à-dire  sans  en  apprécier  le  prix,  com- 
bien peu  nous  honorons  la  mémoire  de  ceux  qui 
nous  l'ont  conquise  nar  leurs  larmes  et  par  leur 
sang  1  Certes,  ils  n'auraient  pas  voulu  qu'on  leur 
rendit  des  honneurs.  Ils  sentaient  trop  bien  qu'ils  ne 
faisaient  que  leur  devoir,  et  même  ils  s'accusaient  de 
ne  pas  le  remplir  sans  défaillance.  JNIais  ce  qu'ils  au- 
raient considéré  comme  une  commémoration  hono- 
rifique de  leurs  efforts  c'est  qu'on  marchât  sur  leurs 
traces  et  qu'on  allât  plus  haut.  C'ét.Tient  leurs  vœux, 
assurément.  Ils  rougiraient  de  notre  tiédeur  dont 
nous  avons  à  peine  conscience.  Ils  croyaient  !  Voilà 
le  secret  de  leur  force  et  de  leur  bonheur,  car,  par 
la  foi,  l'âme  a  déjà  le  ciel  sur  la  terre,  et  s'ils  nous 
voyaient  aujourd'hui   et    qu'ils  comparassent  notre 


—  2iq   — 

prospérité  matérielle  au  milieu  de  la  liberté,  à  leur 
misère  physique  sous  le  joug  tyrannique  de  l'unité 
de  foi,  ils  nous  plaindraienti  C'estainsi  qu'ils  envie- 
raient notre  sort  ! 

La  première  voix  qui  se  fit  entendre  en  faveur  de 
la  tolérance  fut  celle  de  Vauban,  l'organisateur  de  la 
défense  du  rovaume.  Mais  était-ce  le  sentiment  de  la 
justice  qui  le  faisait  parler  en  ce  sens  ?  Ne  serait-ce 
pas  plutôt  sa  perspicacité  et  l'opinion  qu'il  avait 
de  la  valeur  —  les  ayant  vus  à  l'œuvre —  des  gentils- 
hommes fugitifs  retournés  contre  leur  ingrate  pa- 
trie ?  1.  Ce  qui  nous  porte  à  le  croire,  c'est  qu'il  ve- 
nait d'essuyer  quelques  revers  qu'il  devait  vraisem- 
blablement attribuer  aux  réfugiés.  En  tout  cas,  leur 
concours  à  l'ennemi  avait  été  un  appoint  considéra- 
ble, d'autant  plus  considérable  qu'il  était  une  em- 
prise sur  nos  propres  forces,  d'où  double  différence. 
Toujours  est-il  qu'il  présenta  résolument  à  Louvois, 
en  décembre  1689,  un  mémoire  concluant  nette- 
ment au  rappel  des  huguenots,  a  une  amnistie  géné- 
rale et  au  rétablissement  de  l'édit  de  Nantes.  Il 
échoua,  comme  bien  on  pense,  mais  il  ne  se  rebuta 
pas.  car  il  représenta,  toujours  inutilement,  hélas  ! 
ce  même  mémoire  en  1O91  et  1693.  Les  ducs  de  Che- 
vreuse  et  de  Beauvilliers,  qui  étaient  les  gendres  de 
Colbert,  lemarquisd'Aguesseau.  Catinat.  et,  — ajou- 
tons-le avec  joie,  car  il  serait  trop  triste  pour  une 
forme  particulière  du  christianisme  de  ne  pas  comp- 
ter quelques  adeotes  ayant  le  sentiment  de  ce  qu'est 
la  vraie  i^oi,  —  des  prêtres  et  des  évêques  se  pronon- 
cèrent dans  le  même  sens.  Citons,  parmi  ceux-ci,  l'é- 
vêque  de  Paris,  qui  devint  plus  tard  le  cardinal  de 
Noailles,  et  l'évéque  de  Pons.  Ce  dernier  écrivit  ces 
belles  paroles  au  commandant  des  troupes  chargées 
dans  son  diocèse  de  soumettre  les  religionnaires  ré- 

1.  —  Do  Félice,  Hist.  du  Prot.  de  France,  431. 


calcitrants  :  «  Ce  sont  de  véritables  sacrilèges.  Il  se- 
c(  rait  à  souhaiter  pour  ces  pauvres  malheureux  qui 
«  les  commettent  et  pour  les  ministres  qui  sont  les 
a  instruments  de  cette  abomination,  qu'on  les  eut 
«  précipités  dans  la  mer.  comme  dit  Tlicriture,  avec 
c(  une  meule  de  moulin  au  col,  car  ils  ne  confirment 
((  pas  seulement  les  huguenots  dans  leur  infidélité, 
«  mais  ils  ébranlent  encore  par  là  la  foi  chancelante 
«  des  catholiques.  *  )■> 

Pourquoi  faut-il  louer  un  pareil  langage?  N'au- 
rait-il pas  dû  être  celui  de  tout  l'épiscopat  ?  Car,  en- 
fin, pour  faire  un  chrétien  ne  faut-il  pas  la  disposi- 
tion intérieure  chez  celui  qu'on  veut  élever  à  cette 
dignité  ?  Si  un  tel  langage  est  rare  dans  l'épiscopat 
c'est  qu'on  n'y  connaît  qu'isolément  la  conversion  du 
cœur.  Quand  on  connaît  cette  chose  sublime,  on  ne 
peut  songer  à  la  contrainte  en  matière  de  foi  non 
plus  qu'cà  faire  des  chrétiens  à  la  façon  de  ce  médecin 
attaché  à  une  station  missionnaire  catholique  qui, 
par  surprise,  administrait,  au  moyen  d'une  sorte  de 
seringue,  le  baptême  aux  enfants  des  sauvages  qu'il 
visitait  et  qui  devenaient  des  chrétiens  sans  le  sa- 
voir. 2 

Mme  de  Maintenon  émit-elle  aussi,  comme  on  l'a 


1.  —  De  Félice,  Hisl.  des  Prot.  de  France.  431. 

2.  —  Annales  de  la  Sainte  enfance,  déc.  1852,  t.  IV,  n'  29, 
p.  462.  Voici  le  passage  textuel  :  On  cite  un  brave  honnue  qui 
exerce  un  peu  la  médecine,  et  qui  a  déjà  baptisé  plusieurs  cen- 
taines d'enfants  païens  sans  que  les  parents  le  sachent.  Tan- 
tôt il  baptise  furtivement  avec  un  peu  d'eau  dont  il  a  soin 
d'imbiber  son  mouclioir,  tantôt  il  fait  apporter  nn  peu  d'eau, 
et,  sous  prétexte  de  laver  la  figure  de  l'enfant  pour  mieux  voir 
sa  maladie,  il  purifie  son  ànio  de  la  tache  originelle.  Souvent 
aussi  il  se  sert,  pour  donner  ses  médecines,  d'un  petit  inslru- 
ment  dans  le  manche  duquel  il  a  eu  soin  de  mettre  un  peu 
d'eau  ;  il  se  tourne  et  se  retourne  pour  se  mettre  mieux  à  la 
portée  de  l'enfant,  et,  au  moment  où  personne  ne  voit  sa  main, 
il  lance  de  l'eau  qui,  si  elle  paraît  ensuite  sur  la  tête  de  l'en- 
■fant,  est  prise  pour  un  peu  de  médecine  qu'il  n'a  pu  avaler. 


prétendu,  des  idées  de  tolérance  ?  On  ne  peut  trop 
le  savoir,  mais  c'est  peu  vraisemblable.  En  effet,  au 
moment  où  Louis  XI \'  nég'ociait  le  traité  de  Rys- 
wick  (1(397),  ^^^  représentants  des  protestants  persé- 
cutés ayant  adressé  aux  nég'ociateurs  de  la  paix  un 
mémoire  en  vue  de  faire  adopter  leurs  légitimes  re- 
vendications, le  roi  la  consulta  sur  l'accueil  qu'il  de- 
vait y  faire,  et  c'est  dans  la  note  qu'elle  lui  soumit  et 
qui  nous  a  été  conservée,  que  nous  trouvons  ses  sen- 
timents sur  la  question.  Elle  fait  valoir  un  argument 
utilitaire  et  non  un  argument  de  justice  :  '<....  Il  est 
'<  vrai  que  par  rapport  a  la  cor.science  il  me  parai- 
«  trait  qu'on  pourrait  aller  jus(|u'à  rétablir  dans  le 
«  royaume  la  liberté  d'être  de  la  R.  P.  R.  si  cela  ga- 
'<  rantissait  de  quelque  grand  péril  et  que  l'on  n'eût 
'<  que  ce  moyen  dont  on  pût  se  servir  »,  mais  il  lui 
paraissait  que  ce  n'était  pas  le  cas.  Au  reste,  venir  à 
des  idées  de  justice,  ou  seulement  de  tolérance,  eût  été 
désavouer  la  conduite  passée,  reconnaître  qu'on  s'é- 
tait trompé.  Un  gouvernement  absolu  et  de  droit  di- 
vin ne  peut  faire  de  tels  aveux,  car  il  faut  qu'on 
croie  à  son  infaillibilité,  et  c'est  pour  cela  qu'il  prise 
par-dessus  tout  l'ignorance  et  qu'il  déteste  la  Réfor- 
me qui  en  est  l'ennemie  naturelle  puisque  chaque 
protestant  doit  «  sonder  les  Ecritures»,  ce  qui  impli- 
que l'obligation  d'apprendre  à  lire. 

Louis  XIV,  qu'on  avait  exalté  jusqu'à  déclarer  que 
sa  gloire  et  sa  grandeur  prouvaient  irréfutablement 
l'existence  de  Dieu,  écouta  Mme  de  Maintenon.  et 
tout  ce  que  les  nouveaux  convertis  obtinrent  ce  fut 
l'édit  du  13  avril  1698  qui  confirmait  solennellement 
Ledit  révocatoire  de  i68s,  sans  adoucissement  d'au- 
cune sorte  aux  lois  iniques  dont  il  avait  été  suivi. 

Mais  revenons  en  arrière.  En  1693,  les  anglais  atta- 
quèrent St-Malo  et  bombardèrent  Granville.  Au 
commencement  de   1694  ils  menacèrent  Brest,  et  le 


222    — 


22  juillet  delà  même  année  bombardèrent  et  brûlè- 
rent Dieppe.  Hnlin.  2  jours  après,  ils  paraissaient  de- 
vant le  Havre  qu'ils  bombardaient  le  surlendemain. 
Les  catholiques  de  ces  deux  villes  eurent  vite  fait 
d"accuser  les  protestants  d'avoir  appelé  les  anglais, 
et  on  devine  qu'ils  leur  firent  subir  toutes  sortes  de 
mauvais  traitements.  Il  n'est  pas  douteux,  bien  que 
nous  n'en  ayons  aucun  indice,  que  ces  événements 
eurent  leur  répercussion  dans  tout  le  pays  de  Caux, 
mais  notamment  aux  abords  du  Havre  et  de  Dieppe, 
et  qu'ilsfirent  reprendre  le  mouvement  d'émigration. 
Nous  voyons,  en  tout  cas,  que  Jean  Pillon,  de  Lune- 
rav,  est  mis  à  la  chaîne,  ce  qui  est  la  punition  de 
ceux  pris  en  état  de  fuite.  Ce  sort  arriva  à  un  autre 
Pillon  (Antoine)  en  1700. 

Mais  il  demeurait  encore  beaucoup  de  familles 
protestantes  à  Luneray.  Sur  le  registre  des  tailles 
pour  169^,  nous  relevons  les  noms  suivants  de  Lu- 
neray, la  plupart  encore  représentés  de  nos  jours 
dans  cette  église  :  David  Baudry,  François  Boitout, 
Pierre  Bornambusc,  Jacques  Boulan,  François  Bunel, 
Nicolas  Bunel.  Jean  FoUenfant.  Pierre  Hallot.  Isaac 
Hauchecorne.  Jacques  Hauchecorne,  Isaac  Hoinville, 
David  Hoinville,  Louis  Gloria.  Isaac  Lardans,  Jacob 
Lardans,  Jean  Lardans,  Pierre  Lardans,  Jacques  Lar- 
dans, Lucien  Larchevesaue,  Jean  Larchevesque, 
Pierre  Lheureux.  Adrien  Lheureux.  Jean  Lefebvre. 
François  Legrand,  Jean  Legaigneur,  Jean  Lesade, 
Pierre  Lesade,  Jean  Lethillais,  Jean  Néel,  Pierre  Pa- 
ris. Gédéon  Pigné,  Jean  Pigné.  Charles  Poulain. 
Jean  Pillon.  Jacques  Pillon,  Jacques  Routier,  Jean 
Routier,  Jacques  Ruffv,  David  Sénécal,  Antoine  Thi- 
bout. 

Quelques  années  après,  le  rôle  des  tailles  pour  la 
même  paroisse  signale  comme  absents  :  David  Bau- 
dry, François  et  Jacques  Boitout,  Pierre  Bornambusc, 


Jacques  Boulan,  Jean  Follenfant,  Pierre  Hallot, 
Isaac  Hoinville,  Isaac.  Jacob  et  Jean  Lardans,  Jean, 
Lucien  et  Pierre  Larchevesque.  Jean  Larchevesque 
dit  Petit-Jean,  Pierre  Lheureux,  François  Legrand, 
Pierre  Lesade,  Pierre  i^aris.  Gédéon  et  Jean  Pigné. 
Charles  Poulain.  Jacques  et  Jean  Pillon.  Jacques 
et  Jean  Routier,  Jacques  Ruffy,  veuve  David  Sénécal 
et  Antoine  Thibout. 

Dans  les  rapports  des  curés  dont  il  va  bientôt  être 
parlé,  on  trouvera  les  noms  des  protestants  d'un 
grand  nombre  de  paroisses  du  pavs  de  Caux  qui  se 
convertirent  mais  ne  remplissaient  pas  leurs  devoirs 
de  catholiques. 

Dans  les  dernières  années  du  XVII^  siècle  nous 
trouvons  aux  Nouvelles  Catholiques  Mlle  d'Ouger- 
ville,  fille  de  M.  d"0ugerville,  de  la  paroisse  de  Col- 
leville,  près  de  Fécamp,  et  deux  filles  de  M.  de  Fol- 
leville,de  la  paroisse  de  Saint-Jean-de-Folleville.  Et, 
parmi  les  autres  noms  dont  le  lieu  d"origine  n'est  pas 
indiqué,  beaucoup,  sans  doute,  sont  du  pays  de  Caux. 
En  169=;,  deux  enfants  (12  et  i^  ans)  de  M.  de  Mille- 
ville,  de  la  paroisse  de  Gommervilie,  se  trouvaient 
chez  les  jésuites  de  Rouen. 

Louis  XIV,  impatienté  de  toujours  entendre  par- 
ler de  la  résistance  des  huguenots,  qu'on  lui  avait  as- 
suré devoir  tous  se  convertir  une  fois  que  les  plus 
vieux  —  car  les  jeunes,  sans  pasteurs  pour  les  ins- 
truire, ne  pourraient  pas,  semblait-il  aux  conseillers 
du  roi,  résister  aux  prêtres  —  seraient  descendus 
dans  la  tombe,  voulut  savoir  combien  il  en  restait 
encore.  A  cet  effet,  il  ordonna  aux  intendants  de  lui 
envoyer  des  mémoires  précis  sur  leur  nombre,  leur 
famille  et  leur  situation  dans  chacune  des  généralités 
de  son  royaume.  Ce  travail  ne  pouvait  être  mieux 
fait  que  par  les  curés  des  paroisses  puisqu'eux  seuls 
étaient   a   même  de   connaître  toutes  les  personnes 


—    224    — 

qui  ne  remplissaient  pas  leurs  devoirs  de  catholi- 
ques. C'est  donc  à  eux  que  les  intendants  s'adressè- 
rent. Leur  travail  est  connu  sous  le  nom  de  Rap- 
port des  Cures  —  Riilcs  des  nouveaux  couvert i s  et 
porte  les  millésimes  de  1698  et  1699.  Nous  donnons 
textuellement  dans  l'appendice  (pièce  n"  10)  tous 
les  rapports  que  nous  avons  trouvés  concernant  la 
région  qui  nous  occupe. 

L'attention  une  fois  appelée  sur  les  nouveaux 
convertis,  on  ne  les  perdit  pas  de  vue,  et  les  rap- 
ports se  suivirent.  C'est  ainsi  que  des  listes  de  mal- 
convertis sortis  du  royaume,  et  des  plaintes  contre 
des  convertis  ne  faisant  aucun  acte  de  catholicité, 
étaient  journellement  envoyées  à  qui  de  droit.  L'es- 
prit protestant  n'était  donc  pas  mort.  Il  avait  couvé 
dans  le  silence  ;  mais  il  se  réveillait  et  se  ressaisissait. 
Et  il  a  fourni  encore  une  "iorieuse  histoire. 


TROISIEME   PARTIE 


L'Eglise   sous    la   Croix 

CHAPITRE    P'^ 

De  la  paix  de  RysAvick  à  la  mort  de  Louis  XIV 

(1G97-1715) 


Les  protestants  demeurés  en  France,  à  la  Révoca- 
tion, sous  le  masque  d'une  conversion  forcée,  pou- 
vaient se  bercer  de  Tespoir  que  leurs  persécuteurs 
finiraient  par  se  lasser,  que  c'était  un  orage  qui  pas- 
sait et  que  des  temps  meilleurs  reviendraient.  Parmi 
ceux  qui  avaient  cherché  un  refuge  sur  la  terre 
étrangère,  bon  nombre  ne  l'avaient  pas  fait  sans  ar- 
rière-pensée de  retour  dès  que  les  circonstances  le 
permettraient. 

La  paix  de  Ryswàck  (1697;,  ^on^  les  négociations 
durèrent,  avec  des  alternatives  qui  avivèrent  plus 
d'une  fois  ces  espérances  de  retour,  près  de  six  mois, 
y  coupa  court.  Les  alliés  protestants  qui  avaient, 
sous  la  pression  du  pasteur  jurieu,  intercédé  auprès 
de  Louis  XIV  pour  le  rétablissement  des  religion- 
naires  français  dans  leurs  droits,  privilèges  et  liberté 
de  conscience,  n'avaient  pas  été  écoutés.  Une  requête 

15 


226    — 

anonyme  très  émouvante  adressée  en  même  temps 
au  roi  de  la  part  de  ses  fidèles  sujets  de  la  religion 
«  que  les  édits  nomment /n'7^;z<///c'  réformée  »  ne  l'a- 
vaient pas  fléchi  davantage. 

Donc,  les  réfugiés  devaient  rester  réfugiés  et  les 
«  demeurés  »  gémir  et  souffrir  en  silence.  Cet  état 
de  nos  pères  a  été  appelé  d'un  vocable  qui  évoque  le 
calvaire  :  Y  Eglise  sous  la  Croix. 

On  verra  que  les  premiers  moments  d'abattement 
passés,  les  huguenots  de  France  reprirent  courage  et 
envisagèrent  la  situation  en  gens  résolus  à  la  suppor- 
ter sans  rien  concéder  des  droits  sacrés  de  la  cons- 
cience. Le  protestantisme,  qui  est  un  culte  en  esprit, 
c'est-à-dire  une  communion  permanente  avec  Dieu 
sans  intermédiaire  sacerdotal,  se  prétait  admirable- 
ment à  sa  conservation  pourvu  que  cette  communion 
existât  et  fût  le  lot  des  enfants  après  avoir  été  celui 
des  pères,  et  que  l'instruction  pût  être  donnée  à  tous, 
car  il  fallait  pouvoir  lire  la  Sainte-Ecriture.  Certes, 
les  illettrés,  très  nombreux  à  cette  époque,  mais  en 
proportion  beaucoup  moindre  chez  nos  pères  que 
chez  les  catholiques  (la  proportion  des  époux  ayant 
signé  leur  acte  de  mariage  est  de  66  pour  cent  pour 
les  hommes  et  de  28  pour  cent  pour  les  femmes  dans 
Téglise  de  Lintot,  années  1674-1675  et  1676).  ne  pou- 
vant lire  ni  commenter  la  Bible,  par  conséquent  pri- 
vés de  tout  réconfort  spirituel,  devaient  fléchir  et, 
de  fait,  fléchirent  et  finirent  par  prendre  l'habitude 
machinale  d'aller  à  la  messe  et  de  remplir  mouton- 
nièrement  les  actes  qu'on  leur  avait  d'abord  imposés. 

Les  illettrés  ne  trompaient  généralement  pas  l'es- 
poir de  Téglise  de  Rome,  et  peut-être  est-ce  une  des 
raisons  qui  lui  font  aimer  l'ignorance. 

C'est  surtout  pour  parer  à  l'accroissement  de  ces 
défections  que  les  plus  zélés  parmi  les  huguenots  fi- 
dèles de  cœur  se  mirent  à   visiter  et  à  relever  leurs 


227    — 

frères  vacillants  et  timides.  Dès  1687-1688  on  se  réu- 
nit dans  des  maisons  particulières,  mais  avec  des  pré- 
cautiojis  infinies  pour  qu'il  n"en  transpire  rien.  Dans 
peu  de  temps  on  se  réunira  dans  des  bois  et  des  car- 
rières. Devant  le  danger  commun,  les  liens  de  la  fra- 
ternité s'étaient  resserrés  et  se  resserraient  chaque 
jour  davantage.  Un  grand  besoin  d'union  se  faisait 
sentir  de  toute  part  et  les  cœurs  y  répondaient.  Mais, 
pour  l'instruction  religieuse  des  enfants,  il  fallait  des 
gens  versés  dans  la  connaissance  des  Ecritures,  j^it 
c'est  pourquoi  nous  verrons  bientôt  des  ministres, 
des  évangélistes.  des  prédicants,  pour  nous  servir  du 
terme,  qui  voulait  être  méprisant,  déjii  appliqué  par 
les  catholiques  aux  ministres  du  temps  de  Calvin, 
parcourir  le  pays  de  Caux  tout  entier  et  raviver  la  foi 
de  nos  pères  au  moyen  d'assemblées  dans  les  endroits 
propices  :  carrières,  bois,  fermes  isolées.  Déjà,  très 
peu  de  temps  après  la  Révocation,  nous  trouvons 
deux  jeunes  gens,  l'un  originaire  de  Montivilliers, 
nommé  Israël  Lecourt  ;  l'autre  de  Rouen,  nommé 
Pierre  Cardel,  parcourant  la  Haute  et  la  Basse-Nor- 
mandie pour  raffermir  leurs  frères  et  les  exhorter  a 
être  fidèles  quand  même. 

D'Israël  Lecourt  nous  ne  savons  pas  grand  chose, 
bien  que  nous  possédions  deux  cahiers  qu'une  pro- 
testante zélée,  morte  octogénaire  en  1873,  avec  qui 
nous  nous  entretînmes  souvent  du  passé  et  qui  était 
de  sa  descendance,  nous  donna  comme  venant  de  lui. 
suivant  la  tradition  qu'elle  avait  recueillie  dans  sa 
famille  (elle  nous  donna  aussi  des  livres  de  piété  et 
de  controverse  renfermant  des  annotations  ou  ins- 
criptions de  la  main  de  Samuel  Lecourt.  petit-fils  de 
notre  héros,  du  millésime  17=78).  La  seule  chose  que 
cette  pieuse  femme  nous  ait  dite  touchant  ce  confes- 
seur de  la  foi,  c'est  qu'il  brava  mille  embûches,  mais 
qu'il  finit   par   être  pris  et   souffrit   héroïquement. 


—    228    — 

Quant  aux  deux  cahiers,  ils  ne  renferment  pas  de 
renseignements  historiques  concernant  notre  région. 
Nous  y  trouvons  deux  pages  qui  sont  des  fragments 
des  lettres  pastorales  de  Jurieu  et  que  le  détenteur 
des  cahiers  d'Israël  Lecourt  —  car  elies  sont  posté- 
rieures à  l'arrestation  de  ce  dernier  et  on  ne  sache 
pas  qu'il  ait  été  relâché  —  aurait  transcrites  sur  des 
feuilles  restées  blanches.  A  moins.  —  ce  qui  serait 
plus  vraisemblable,  car  tout  paraît  être  de  la  même 
écriture  —  que  ces  manuscrits  appartinssent  à  un 
prédicant  qui  parcourut  le  pays  de  Caux  vers  la  fin 
du  XYII"  siècle  et  les  donna  à  un  membre  de  la  fa- 
mille d'Israël  Lecourt.  ou  bien  encore  les  oublia 
dans  cette  famille  où  il  aurait  tenu  une  réunion  se- 
crète ou  reçu  l'hospitalité.  Le  reste  est  composé  de 
sermons  et  de  prières  appropriés  aux  circonstances. 
Nous  reproduisons  à  l'appendice  (pièce  n"  ii),  une 
prière  particulièrement  touchante. 

Le  plus  que  nous  sachions  d'Israël  Lecourt  c"est  ce 
que  nous  apprennent  les  réponses  qu'il  fit  à  l'inter- 
rogatoire qu'il  eut  à  subir  à  Caen  à  la  suite  de  son 
incarcération  dans  les  prisons  de  cette  ville,  et  la 
lettre  qu'on  trouva  sur  lui  et  qui  était  destinée  à  Ju- 
rieu, réfugié  à  Rotterdam.  Il  dit  aux  magistrats  ins- 
tructeurs qu'il  avait  signé  une  promesse  d'abjuration, 
en  même  temps  que  tous  ses  coreligionnaires,  devant 
l'official  de  l'abbaye  des  dames  de  Montivilliers, 
mais  qu'il  avait  bientôt  senti  du  remords  pour  cet 
acte  de  faiblesse  et  que,  dès  lors,  il  avait  cherché  à  se 
racheter  en  se  rapprochant  de  ceux  d'entre  ses  frères 
qui  partageaient  ses  sentiments,  et  que  c'est  sous  l'em- 
pire de  telles  résolutions  qu'ayant  entendu  parler  des 
lettres  pastorales  qu'un  pasteur  très  savant,  Pierre 
Jurieu,  avait  adressées  aux  fidèles  de  France  qui  gé- 
missaient sous  la  captivité  de  Babylone,  il  se  les  était 
procurées   et  que    la    lecture  en  avait  tellement  en- 


229    — 

flammé  son  zèle  que,  bien  que  simple  laïque,  il  n'a- 
vait pu  s'empéclier  de  tenter  de  réveiller  la  foi  de  ses 
coreligionnaires  défaillants.  Sa  lettre  à  Jurieu  nous 
apprend  mieux  ce  qu'il  fit  et  ce  qu'il  aurait  pu  faire 
par  la  suite  si  son  arrestation  n'avait  mis  fin  à  son 
œuvre.  Avant  de  donner  cette  lettre,  nous  ferons  ob- 
server, pour  qu'on  comprenne  bien  le  seub  de  cer- 
taines expressions  qui  ne  paraîtraient  pas  s'inspirer 
de  ia  modestie  propre  aux  caractères  chrétiens,  que 
ce  jeune  évangéliste  demandait  la  consécration  au 
saint  ministère  pour  pouvoir  baptiser  et  marier. 

«  Celui  (}ui  vous  adresse  cette  lettre,  dit-il.  est  un  jeune  ex- 
«  hortateur  qui  a  trouvé  à  propos  de  vous  écrire  pour  vous 
<(  demander  conseil  touchant  bien  des  choses  et  pour  vous  in- 
<t  former  particulièrement  de  celles  qu'il  a  faites  en  France 
«  depuis  hientùt  sept  années. 

<<  Comme.  luousieur,  vous  êtes  celui  de  tous  nos  pasteurs 
I  de  ([ui  nous  avons  re(;u  le  plus  de  consolation  et  d'instruction 
«  par  les  lellres  ])aslorales  que  vous  avez  eu  la  charité  de  faire 
«  tenir  au\  fidèles  proîestauls  qui  sont  restés  dans  notre 
«  France,  aussi  nous  avons-vous  une  sinçrulière  obligation, 
ï  Cette  charité  me  fait  espérer  que  vous  ne  refuserez  pas  mes 
«  supplications  ;  l'espoir  que  j'en  ai  me  donne  la  hardiesse  de 
<<  vous  écrire  plutôt  qu'à  aucun  de  nos  pasteurs,  car  nous 
«  avons  vu  dans  vos  écrits  l'approbation  que  vous  donnez  aux 
«  assemblées  qui  se  sont  formées  dans  plusieurs  provinces  de 
c  la  France  au  milieu  desquelles  j'ai  eu  le  bonheur  de  paraître 
<r  des  premiers,  puisque  depuis  l'âge  de  16  ans,  j'ai  commencé 
<[  à  me  trouver  dans  de  fort  nombreuses  assemblées  où  je  fai- 
«  sais  de  petites  exhortations  après  lesquelles  j'adressais  à 
«  Dieu  d'ardentes  prières  qui  leur  étaient  d'une  grande  conso- 
«  lation.  qui  rallumaient  leur  zèle  et  ranimaient  leur  courage, 
c  Voilà  le  succès  ([u'a  eu  le  commencement  du  ministère  que 
«  j'ai  exercé,  depuis  (pie  j'ai  commencé  deux  mois  et  demi  ou 
«  trois  mois   tout   au  plus  après  les  malheureuses  signatures, 


—   a^o   — 

«    SMiis    avoir    (liscdiiliiiiir-    tli'iuiis    loiiL    ce    Iciniis-h").  ' 

«  .l'ai  dciiiciin''  dans  la  Ilaiile-Nonuandifi  prrs  d(!  trois  .tds 
((  ])ondant  les(]ii(;l.s  plusieurs  |)ei'soiiii('s  se  sont  voulu  ingénier 
«  d'endociriner  le  peujjlc  ;  mais  ils  n'ont  pas  bien  réussi  parce 
«  qu'ils  n'avaient  pas  de  dons  pour  cela.  11  y  eu  avait  d'autres 
«  ([ui  avaient  le  don  de  retenir  des  sermons  par  mémoire  et  (jui 
«  les  déclamaient  dans  les  assemblées,  combien  (pi'ils  les  réci- 
«  tassent  parraitemcnt  bien,  le  peuple  ne  s'en  ti'ouvail  pas  très 
«  édilié,  ce  qui  est  la  causi;  qu'ils  ont  cessé,  si  bien  que  nous 
«  avons  demeuré  seul,  'SI....  et  moi. 

((  Combien  que  je  fusse  bien  Jeune,  mes  premières  exborta- 
«  lions  ne  laissaient  pas  de  loucher  le  peuple  ;  il  est  vrai  que  les 
«  premiers  qui  ont  composé  les  assemblées  n'étaient  que  de 
«  simples  bourgeois  et  de  pauvi-es  paysans  ;  mais  on  ne  tarda 
«  pas  à  y  voir  des  personnes  de  toute  condition,  qui  taisaient 
«  dessein,  au  milieu  des  assemblées,  de  ne  plus  aller  à  la  messe, 
«  et  de  jour  en  jour  on  voyait  les  assemblées  s'augmenter  en 
«  nombre  considérable,  l.oi'sciue,  je  vis  que  Dieu  donnait  de  si 
«  heureuses  issues  à  de  lelles  entreprises,  je  commençais  à 
«  prendre  un  texte  de  l'Kcritui'e  Sainte  pour  former  le  sujet  de 
«  mon  discours  et  consultais  les  écrits  (|ue  les  docteurs  avaient 
«  composés  sur  un  sujet  alin  de  m'y  conformer  autant  qu'il  me 
«  serait  possible,  et  je  m'appli(|uais  aussi  à  finir  Joutes  mes  ac- 
te tions  sur  les  malheurs  où  nous  étions  afin  d'exhorter  les  iidè- 
M  les  à  les  supporter  avec  patience.  XoW'd  ce  ((ui  s'est  fait  dans 
ï  la  paroisse  où  j'ai  conmiencé,  durant  un  peu  plus  oe  deux 
((  ans.  Nos  assemblées  ont  été  quelquefois  interrompues  pai' 
«  les  ennemis  de  notre  religion,  cela  arrivait  aussi  jiar  l'impru- 
«  dence  de  ceux  qui  s'y  rencontraient;  mais  la  Pi'ovidence  a 
«  tellement  conduit  toutes  nos  entreprises  qu'il  ne  m'est  jamais 
«  arrivé  aucun  inconvénient  combien  que  j'ai  été  dans  les  pri- 
«  sons  pour  y  consoler  ceux  qui  y  étaient  détenus  pour  cause 
«  de  religion.  Je  me  suis  trouvé  au  milieu  d'asseudjlées  compo- 


1.  —  Sou  interrogatoire  nous  apprend  ([u'il  avait  commencé 
jiar  sign(îr  son  abjuration  en  KiS."),  devant  l'ollicial  de  l'abbaye 
des  Dames  de  Moutivilliers 


«  sées  de  plus  de  deux  mille  personnes  (jui  étaient  environnées 
«  quelquefois  de  quarante  ou  cinquante  personnes  armées, 
«  qui  attendaient  que  nos  assemblées  fussent  finies  pour  après 
«  arrêter  prisonniers  ceux  sur  les(|uels  ils  auraient  pu  mettre 
«  la  main.  Nous  leur  parlions  toujours  avec  le  plus  d'iionnèteté 
«  qu'il  nous  était  possible  en  leur  marquant  que  nous  ne  nous 
«  laisserions  pas  arrêter  et  qu'ils  ne  se  missent  pas  en  état  de 
«  cela  et  qu'autant  que  Dieu  nous  avait  donné  de  forces,  nous 
«  les  employerions  pour  leur  résister.  D'autres  fois  on  a  tiré 
«  j»lusieurs  coups  d'armes  sur  nous,  sans  qu'il  y  eut  personne 
«  de  blessé  ;  il  y  eut  cependant  une  fois  trois  personnes  de  lé- 
«  gèrement  blessées  dans  une  petite  assemblée  de  400  person- 
«  nés  par  un  méchant  homme  (jui  était  caché  au  haut  d'un  arbre, 
«  à  l'ombre  des  feuilles.  Il  tira  un  coup  de  fusil  où  il  n'y  avait 
«  que  du  plomb,  lequel  cassa  une  fenêtre  derrière  ma  tête  sans 
«  me  fi-appcr  ;  cela  ne  nous  empêcha  pas  d'achever  ce  que 
«  nous  avions  commencé,  car  nous  n'étions  alors  qu'au  milieu 
«  (le  noire  action.  Voilà  tout  ce  ([ui  est  arrivé  de  malheureux 
(c  dans  les  assemhlées  où  je  me  suis  trouvé.  Monsieur  ;  je  vous 
«  en  fais  le  récit  afin  que  vous  ayez  la  bonté  de  joindre  vos  ac- 
«  tions  de  fjràces  à  celles  de  tous  les  fidèles  pour  donner  gloire 
«  à  Dieu  (|ui  a  conduit  si  heiu'eusement  des  actions  ou  son 
«  saint  nom  était  invoqué. 

«  Apivs  avoii'  été,  comme  je  vous  ai  déjà  dit,  un  peu  plus 
K  de  deux  ans  dans  la  Haute-Xonnandie  où  tout  ce  que  je  viens 
«  de  dire  est  arrivé,  je  descendis  dans  la  lîasse-Normandie  où 
«  j'ai  été  près  de  trois  ans  sans  aller  ailleurs.  Lorsque  j'arrivai 
«  dans  le  pays,  je  trouvai  un  peuple  bien  craintif,  qui  allait 
«  encore  pour  la  plupart  à  la  messe  et  qui  n'osait  se  hasarder 
«  à  faire  des  assemblées,  car  ils  avaient  toujours  été  maltraités 
I  par  lein-s  intendants,  mais  peu  à  peu  leur  zèle  commença 
I  à  se  rallumer  et  on  vit  les  assemblées  se  grossir  au  nombre 
«  de  huit  à  neuf  cents  personnes  qui  y  venaient  de  tous  côtés. 
«  11  s'y  rencontra  plusieurs  personnes  de  considération  qui 
«  donnaient  à  tous  les  fidèles  des  marques  de  leur  repentance 
«  et  en  leur  présence  qui  faisaient  dessein  de  ne  plus  aller  à  la 


«    iiiesso,    ce   (ju'ils   ont   oxrciih''.    »  ' 

De  PaulCardcl.  ne  à  Rouen  en  lOsi,  nous  savons 
que  la  Révocation  l'avait  surpris  pasteur  de  Téglise 
de  fief  de  Grosménil  Dresde  Fontaine-le-Bourg,  qu'il 
desservait  depuis  lOSi,  et  qu'il  s'était  réfugié  en  Hol- 
lande avec  sa  femme,  Mélanie  Houppemaine,  et  son 
père  ;  qu'en  1688  il  était  rentré  en  France  pour  v  prê- 
cher secrètement  :  qu'il  tint  des  réunions  en  Haute 
et  Basse-Normandie  cette  même  année,  dont  l'auto- 
rité eut  vent,  et  qu'il  fut  arrêté  à  Paris  en  avril  1689 
et  envoyé  aux  Iles  Sainte-JMarguerite  où  la  mort  l'af- 
franchit, après  cinq  ans  de  la  plus  dure  et  absolue 
captivité  (2^  mai  1O94I.  A'oici  dans  quels  termes  le 
roi  écrivit  au  gouverneur  des  Iles  Ste-Marguérite 
pour  lui  donner  ses  ordres  :  '<  A  \'ersailles,  18  avril 
'<  1689.  M.  de  Saint-Mars,  j'envoie  aux  Iles  Ste-Mar- 
'<  guérite  le  nommé  Gardai,  ci-devant  ministre  de  la 
«  R.  P.  R.,  pour  y  être  détenu  pendant  toute  sa  vie. 
«  Et  je  vous  écris  cette  lettre  pour  vous  dire  que  mon 
'■<  intention  est  que  vous  le  receviez,  que  vous  le  fas- 
'<  siez  mettre  dans  l'endroit  le  plus  sûr  qu'il  se  pourra, 
'<  et  qu'il  soit  soigneusement  gardé  sans  avoir  com- 
'<  munication  avec  qui  que  ce  soit,  de  vive  voix  ou 
«  par  écrit,  sous  quek^ue  prétexte  que  ce  soit.  Et  la 
<<  présente  n'étant  à  autre  fin,  je  prie  Dieu,  etc.  >/ 

Seignelay  écrivit  au-dessous  :  'j;  j'ajoute  à  la  lettre 
«  du  roi  que  S.  M.  ne  veut  pas  que  l'homme  qui  vous 
«  sera  remis  soit  connu  de  qui  que  ce  soit,  et  que 
«  vous  teniez  la  chose  secrète  en  sorte  qu'il  ne  vienne 
«  à  la  connaissance  de  personne  quel  est  cet  homme. 
<<  Vous  lui  ferez  fournir  la  subsistance  de  son  entre- 
«  tien  sur  un  pied  médiocre  et   je  vous  prie    de  me 

1.  —  Dossier  de  l'inti'rroyatoirc  |irpslé  ]);ir  le  nommé  Israël 
Lecourt  de  la  Relijjfion  P.  H.  pri^soiuiiei'  ùs-prisons  de  (,^.aeu 
(Arch.  Nationales,  M.,  633J. 


<■<  mander  à  quoi  le  tout  pourra  se  monter  par  an. 
'f.  afin  que  j'y  pourvoie.  >/  On  craignait  tellement  que 
le  sort  du  malheureux  Cardel  transpirât  qu'au  mois 
de  juin  suivant,  Louvois  recommandait  à  M.  de  St- 
Mars,  pour  le  cas  où  le  prisonnier  aurait  besoin 
d'être  saigné,  de  ne  faire  pratiquer  la  saignée  qu'en 
sa  présence  pour  qu'il  ne  pût  dire  qui  il  était. 

Nous  savons  par  Legendre  {Hist.  delà  Pcrs.)  que 
les  ministres  Cottin,  Duplan.  Masson  et  La  Gacherie 
rentrèrenten  Normandie  avec  Cardel.  et,  qu'ayant  pu 
retourner  en  Hollande,  ils  rendirent  de  bons  témoi- 
gnages de  la  repentance  et  de  la  piété  des  protestants 
de  la  Haute-Normandie  qu'ils  avaient  visités  de  1688 
h  i6qi.  Ils  racontèrent  que.  pour  échapper  aux  es- 
pions qui  les  recherchaient,  ils  étaient  obligés  de 
changer  constamment  de  noms  et  de  costumes,  de  ne 
jamais  loger  deux  fois  dans  la  même  maison,  et  de  ne 
pas  rester  longtemps  dans  le  même  endroit. 

Elle  Benoit  nous  apprend,  sans  plus  de  détails,  que, 
dès  1686.  des  assemblées  secrètes  se  tenaient  dans  le 
pays  de  Caux,  notamment  à  Bolbec.  1  Nous  savons 
que  les  nommés  Morel  et  Jean  Boivin  tinrent  des 
réunions  aux  environs  de  Bolbec.  Boivin  fut  particu- 
lièrement zélé,  et  pendant  ^o  ans  (jusqu'aux  environs 
de  171s  I  il  raffermit  ses  frères. 

Par  une  note  qui  se  trouve  aux  archives  nationa- 
les -,  nous  voyons  que  de  nouveaux  convertis,  au 
nombre  d'environ  trois  cents,  s'assemblèrent  le  jour 
de  la  Pentecôte  (13  juin)  de  l'année  1688,  à  q  h.  du 
matin,  dans  la  ferme  d'un  nommé  Sieurin,  à  Crique- 
tot,  et  que.  dans  la  nuit  qui  suivit,  une  assemblée  du 
même  genre  se  tint  tout  près  de  là,  dans  le  village 
d'Englesqueville,   chez  un   nommé   Salomon.   Nous 

1.  —  Hist.  de  l'Edit  de  Nantes,  t.  Y,  p.  990. 

2.  —  Arcb.  nat.  II,  246, 


—  234  — 

n'aurions  rien  su  de  ces  réunions  si  le  lieutenant 
criminel,  en  ayant  eu  connaissance,  n'avait  fait  une 
enquête  en  suite  de  laquelle  le  propriétaire  de  la 
grange  qui  avait  servi  au  culte  fut  décrété  de  prise 
de  corps  et  quelques-uns  des  assistants  se  virent  mis 
en  accusation.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  c'est  Israël 
Lecourt  qui  présida  ces  réunions.  Dans  son  Protes- 
tantisme en  Normandie,  F.  Waddington  cite  le  fait 
suivant  qui  se  passa  à  Cany  vers  1690  et  qui  dépeint 
bien  la  superstition  et  l'ignorance  qui  régnaient 
alors  :  Le  geôlier  de  la  prison  de  Cany  gardait  le 
corps  d'une  femme  de  Dieppe  nommée  Diel,  inter- 
née pour  cause  de  religion,  qui  venait  de  mourir, 
lorsqu'il  s'avisa  de  le  montrer  pour  de  l'argent  au 
peuple  assemblé  dans  le  bourg  à  l'occasion  de  la  foire 
qui  se  tenait  justement  ce  jour-là.  Pour  exciter  la 
curiosité  du  monde,  il  déclarait  qu'il  faisait  voir  le 
corps  d'une  damnée!  Les  paysans  crédules,  s'atten- 
dant  a  le  trouver  marqué  d'un  signe  évident  de  dam- 
nation, s'empressent  tellement  h  ce  spectacle  que  le 
geôlier,  qui  ne  faisait  payer  que  deux  liards  par  per- 
sonne, gngna  la  somme  de  17  fr.  ce  qui  représente  le 
chiffre  de  680  curieux. 

En  i()94,  il  v  eut  une  assemblée  dans  les  carrières 
du  bois  de  la  Resse,  près  de  Bolbec  (sans  doute  bois 
de  la  Barre,  que  remplace  la  ferme  de  ce  nom,  à 
I  kil.  au  sud-ouest  de  la  ville)  a  la  suite  de  laquelle 
Bertin,  Lemanicher,  Auber,  Jacques  Devigne,  Isaac 
Serville,  Abraham  Leblond,  Jacques  Renault  et  ses 
filles,  de  Mélamare  ;  Pierre  Hardy,  de  St-Eustache  ; 
Jean  Déhais,  Abraham,  Jean  et  Pierre  Postel,  Jean 
Le  Bouvier,  Lestudais  et  Pierre  Hébert,  de  St-Nico- 
las-de-la-Taille  ;  le  nommé  Lavotte  et  la  nommée  Le 
Caron.  de  Bolbec.  et  les  nommés  Pouliot,  de  St- 
Antoine-la-Forét,  furent  détenus  dans  les  prisons  de 
Caudebec.  On  ne  sait  par  qui  cette  assemblée  fut  pré- 


—    23^    - 

sidée.  Mais  à  ce  moment  il  dût  y  avoir  un  grand 
nombre  d'assemblées  de  ce  genre,  car  les  Lettres 
pastorales  de  Jurieu  étaient  répandues  partout  et  on 
se  réunissait  pour  les  lire  et  se  réconforter  aux  accents 
dont  elles  étaient  pénétrées.  Et  puis,  il  y  avait  dans 
beaucoup  de  maisons  protestantes  des  livres  de  ser- 
mons dont  quelque  ancien  pouvait  faire  la  lecture. 
Ces  livres  se  multiplièrent  pour  suppléer  à  l'absence 
de  pasteurs.  On  put  donc  s'édifier  en  commun.  Le 
difficile  était  de  se  réunir  secrètement  et  de  ne  pré- 
venir des  assemblées  projetées  que  les  personnes  sû- 
res. On  ne  relève  guère  de  trahisons  de  faux  frères, 
bien  qu"il  y  eût  une  prime  offerte  à  ce  genre  de  déla- 
tion. Alors,  le  caractère  national  ne  répugnait  pas  à 
cet  appel  au  plus  lâche  des  crimes  :  celui  de  Judas  ! 
Mais  personne  n'avait  autorité  pour  marier,  bapti- 
ser et  distribuer  la  Cène,  et  c'était  ce  qui  menaçait  le 
plus  d'amener  des  défections.  En  169=),  vers  la  fin  de 
l'année,  l'avocat  Claude  Broussan,  qui  avait  reçu  la 
consécration  pastorale,  visita  les  protestants  de  Nor- 
mandie. Il  fit  même  un  long  séjour  dans  notre  pro- 
vince et  les  registres  de  l'église  française  de  Londres 
nous  apprennent  qu'il  y  administra  plusieurs  baptê- 
mes et  y  reçut,  tant  à  Bolbec  qu'à  Dieppe,  un  certain 
nombre  de  personnes  -r  à  la  paix  de  l'église  »,  c'est- 
à-dire  accepta,  sur  la  foi  de  leur  sincère  repentir,  le 
retrait  de  leur  abjuration.  Dans  une  lettre  du  10  dé- 
cembre 1693  à  un  de  ses  amis  de  Hollande  il  disait  : 
((  Plût  à  Dieu  que  mes  très  honorés  collègues,  et  sur- 
((  tout  ceux  des  provinces  que  je  traverse,  puissent 
«  voir  comme  moi  Tardeur  de  nos  pauvres  frères.  Il 
((  serait  impossible  que  leurs  entrailles  n'en  fussent 
«  émues  de  zèle  à  les  venir  secourir.  Il  y  a  tant  d'âmes 
«  affamées  et  altérées  de  la  parole  de  Dieu,  qui  sont 
«  en  danger  de  périr  faute  d'aide  et  de  secours  dans 
«  cette  dure  tentation  1  »  Dans  une  autre  lettre,  écrite 


2l6 


trois  semaines  après,  il  annonce  avoir  fait  trente-cinq 
assemblées  de  communiants,  plus  ou  moins  nom- 
breuses selon  le  pays  ou  il  passait,  dont  deux  de  cha- 
cune environ  400  participants.  Il  n'est  guère  douteux 
que  ce  ne  soit  i  Bolbec  et  à  Luneray  que  ces  deux 
importantes  réunions  se  tinrent,  car.  seuls,  ces  deux 
centres  pouvaient  réunir  un  tel  nombre  de  commu- 
niants. Ce  qui  préoccupait  surtout  Brousson  c'était 
rimpossibilité  où  se  trouvaient  les  protestants  res- 
tés sur  le  sol  natal  de  faire  régulariser  leurs  mariages 
à  moins  d'abjurer,  et  les  difficultés  qu'ils  éprouvaient 
pour  faire  baptiser  leurs  enfants.  Aussi  cherchait-il, 
de  toute  sa  puissance  de  persuasion,  à  décider  les  pas- 
teurs réfugiés  à  l'étranger  à  revenir  clandestinement 
et  à  vivre  secrètement  au  milieu  de  ce  qui  restait  de 
leur  troupeau.  C'est  à  la  suite  d'un  vovage  qu'il  avait 
fait  en  Hollande  en  1688  pour  y  tenter  déjà  la  même 
chose,  que  Paul  Cardel  s'était  décidé,  avec  quelques 
autres,  à  rentrer  en  France.  Comme  on  avait  tout 
combiné  pour  prévenir  le  retour  des  pasteurs  (n'était- 
on  pas  allé  jusqu'à  promettre  20(~)0  1.  à  ceux  qui  arrê- 
teraient un  ministre  ?  nous  comprenons  que  ce 
retour  n'était  pas  sans  offrir  de  sérieux  dangers  et 
nous  devons  honorer  la  mémoire  du  rouennais  Car- 
del. du  reste  mort  martyr,  car,  comme  nous  l'avons 
vu  plus  haut,  il  fut  en  quelque  sorte  enterré  vivant. 
L'interrogatoire  de  Mathieu  Malzac  dit  Bastide, 
autre  pasteur  rentré  en  France  et  découvert,  nous 
dépeint  bien  la  vie  que  menaient  ces  pasteurs  du  dé- 
sert, comme  on  les  appelait.  \'oici  des  fragments  de 
cet  interrogatoire  :  «...  Avant  trouvé  le  ministre 
«  Selve,  son  confrère,  touché  des  mêmes  motifs,... 
«  ils  partirent  de  concert  l'un  et  l'autre  et  quittèrent 
«  les  emplois  qui  leur  avaient  été  donnés  en  Hollande. 
«  Il  prit  le  nom  de  La  Bastide  qui  était  celui  de  son 
«  église,  et  de  Selve  celui  de  A'aïsec.   II  prit  aussi  ce- 


—  257  — 

«  lui  de  Xolain  et  outre  celui  de  De  l'Isle...  Ils  vin- 
ce  rent  mettre  pied  à  terre  en  la  rue  Bourg-l'Abbé,  à 
«la  Croix  de  fer...  Le  ministre  Cottin  leur  avant 
(c  donné  des  noms  et  des  adresses  avec  des  empreintes 
«  de  son  cachet  afin  qu'ils  pussent  être  connus  en  la 
«  qualité  de  ministres,  lui  et  ^'alsec  se  séparèrent 
«  sans  avoir  eu  depuis  aucune  communication  ayant 
a  même  affecté  entre  eux  de  se  donner  réciproque- 
ce  ment  aucune  connaissance  de  ce  qu'ils  feraient  afin 
c(  que  si  l'un  venait  à  être  arrêté,  il  fut  hors  d'état  de 
ce  parler  de  la  conduite  de  l'autre. 

c(  Il  a  perpétuellement  fait  sa  fonction  de  ministre 
ce  dans  une  infinité  de  petites  assemblées,  a  Paris  pre- 
ce  mièrement.  .  .  puis  dans  les  provinces.  .  .  Il  n'a  jn- 
ee  mais  été  attendu  en  aucun  des  lieux  où  il  a  été  reçu 
ce  et  où  il  a  fait  des  exercices,  et  après  avoir  été  une 
ce  fois  reconnu  dans  le  premier  endroit  on  le  conduit 
ce  dans  un  autre  et  ça  été  par  l'un  de  ceux  qui  l'avaient 
ce  reçu  que  l'on  jugeait  être  le  plus  sur  de  tous  qui  ne 
ce  disait  pas  à  lui-même  où  il  le  menait.  A  l'égard  des 
ce  lieux  particuliers  et  lorsqu'ils  y  étaient  arrivés,  ce- 
ce  lui  qui  l'avait  conduit  le  faisait  connaître  pour  un 
ce  ministre,  et  aussitôt  on  assemblait  la  famille  et  il 
ce  prêchait  ou  donnait  la  Cène  et  recevait  les  repen- 
ee  tances  qui  étaient  à  recevoir. .  .  Lorsqu'il  fut  arrêté 
ce  dans  la  maison  où  il  a  été  pris,  il  avait  en  poche 
ce  ses  sermons  et  son  bonnet  de  nuit,  pour  être  en 
ce  état  de  reposer  à  l'endroit  où  il  se  serait  trouvé  à 
ce  l'approche  du  jour,  où  il  se  serait  tenu  jusqu'à  la 
ce  nuit  suivante,  ne  sortant  jamais  de  jour  qu'il  n'v 
ce  eût  quelque  nécessité  de  visiter  les  malades.. .  Dans 
ce  toutes  les  villes  et  autres  lieux  des  provinces  où  il 
ce  a  été,  on  a  écrit  à  Paris  à  divers  particuliers  pour 
ce  l'engager  à  y  retourner.  Mais  l'occupation  excessive 
ce  qu'il  a  eue  à  Paris  l'en  a  empêché...  Il  n'en  peut 
ce  dire  le  nombre  parce  qu'il  ne  s'est  point  attaché  à 


-    2:i8    - 

«  l'observer,  mais  par  estimation  le  nombre  des  per- 
ce sonnes  pourrait  bien  se  monter  à  vingt  mille  au 
«  moins. 

«  —  S'il  a  reçu  aussi  les  abjurations  de  quelques 
a  A.  G.  et  en  quel  nombre  ?  —  Oui,  mais  ce  n'est  pas 
«  lui  qui  les  a  disposés  à  cela  ;  il  les  a  trouvés  dans 
«  ces  dispositions  et  dans  l'attente  de  quelque  pas- 
ce  teur  qui  les  pût  consoler.  Quant  au  nombre,  il  ne 
«  le  peut  non  plus  dire  précisément,  et  ne  sait  si  c'est 
«  au  nombre  de  deux  ou  trois  cents,  mais  c'est  aux 
((environs.  On  peut  cependant  chercher  partout  et 
«  s'informer  de  tous  ceux  qui  l'ont  entendu  et  qu'il  a 
((  consolés  et  on  saura  en  ce  cas  ce  qu'il  leur  a  dit 
((  touchant  la  fidélité  qu'ils  doivent  au  roi  :  combien 
«  il  a  retenu  par  ce  moyen  d'officiers  qui  se  disaient 
«  N.  G.  et  de  familles  dans  le  royaume,  et  il  n'a  ja- 
«  mais  fait  aucuns  exercices  dans  toutes  ses  petites 
«  assemblées  qu'il  ne  l'ait  fini  par  des  prières  pour  le 
«  roi  et  pour  toute  la  maison  royale. 

«  Il  sait  qu'il  en  est  venu  quelques-uns  par  la  Suisse. 
c(  comme  le  ministre  Mathurin,  autrement  de  L'F.s- 
«  tang,  et  trois  autres  ministres.  Ne  sait  pas  s'il  y  en 
«  a  un  plus  grand  nombre  qui  soient  venus  par  cette 
«  route.  Le  ministre  Deplan  est  un  des  trois,  un  autre 
(c  appelé  Boulle  et  le  troisième  Gascherie.  sans  qu'ils 
«sachent  que  ce  soient  leurs  véritables  noms.  Deplan 
((  ne  resta  qu'un  mois  à  Paris  et  fut  en  Normandie  ; 
«  Gascherie  ne  fit  que  passer  et  n'y  resta  que  8  à  lo 
((  jours  :  Boulle  y  resta  435  mois.  Ils  n'ont  eu  aucune 
«  communication.  Groit  qu'ils  sont  encore  dans  le 
«  royaume  :  cependant  n'a  aucun  rapport  avec  eux 
«  par  la  raison  qu'il  a  dite  ci-dessus.  '  « 

L'un  des  pasteurs  qui  avaient  parcouru  la  Norman- 
die (on  ne  sait  lequel)  écrivit  vers   le  même  temps  à 

1.  — Arch.  de  lu  Bastille.  Ruvaisson,  IX,  p.  408.  (Bibl.  de 
l'Arsenal;. 


—  239  — 

Jacques  Basnage  à  Rotterdam  :  «  J"ai  déjà  fait  diver- 
«  ses  assemblées  où  j'ai  reçu  plusieurs  personnes  à  la 
«  paix  de  l'église.  Je  leur  fais  signer  un  petit  formu- 
«  laire  que  j'ai  dressé.  Mais  le  malheur  c"est  qu'on  ne 
«  peut  s'assembler  que  douze  ou  quinze  Dersonnes  à 
«  la  fois.  Généralement  parlant,  personne  n'est  gâté 
ce  et  il  n'y  en  a  pas  de  qui  je  ne  sois  reçu  avec  une 
«  joie  inestimable.  ^  « 

Nous  voyons  par  Là  que,  si  l'édit  révocatoire  avait 
plongé  les  protestants  dans  la  crainte  et  l'étonnement 
et  s'ils  s'étaient  crus  abandonnés  à  jamais  de  ceux  qui 
avaient  reçu  la  mission  de  les  exhorter,  il  suffisait  que 
quelques-uns  de  ceux-ci  vinssent,  au  milieu  de  mille 
dangers,  les  visiter,  pour  qu'ils  se  ressaisissent  et 
devinssent  indéfectibles.  On  ne  trouvait  nulle  résis- 
tance chez  eux  quand  on  leur  demandait  de  signer,  à 
titre  de  réparation,  la  déclaration  suivante  qui  pou- 
vait cependant  attirer  sur  eux  la  rigueur  des  édits  : 

«  Nous  soussignés,  souhaitant  réparer  autant  qu'il 
«  nous  sera  possible  le  scandale  que  nous  avons  donné 
«  à  l'Eglise  de  Dieu  par  nos  faiblesses  passées,  et  nous 
«  relever  de  la  malheureuse  signature  que  la  violence 
«  nous  a  arrachée,  déclarons  aujourd'hui,  de  bonne 
«  foi  et  sans  y  être  forcés,  que  nous  n'avons  jamais 
«  approuvé  et  que  nous  n'approuverons  jamais  les 
«  sentiments  de  l'église  romaine  dans  laquelle  on 
«  nous  a  contraints  d'entrer,  que  la  doctrine  de  l'é- 
«  glise  réformée,  que  nous  prétendons  être  conforme 
«  à  la  parole  de  Dieu,  a  toujours  été  et  sera  toujours 
«  la  nôtre,  que  nous  protestons  contre  tout  ce  que 
«  nous  avons  pu  faire  ou  penser  jusqu'ici  de  contraire 
«  à  la  déclaration  présente,  comme  contre  tous  les 
«  sujets  de  faiblesse  et  les  erreurs  que  la  violence  de 
«  la  persécution  a  fait  naître  en  nous,   que  nous  fai- 

1.  —  A.  Court,  Hist.  manusc.  des  Egl.  rrf.  de  France. 


—  240  — 

«  sons  la  résolution  de  glorifier  Dieu  hautement  dans 
«  la  suite,  priant  Dieu  de  tout  notre  cœur  qu'il  lui 
«  plaise  nous  donner  la  force  de  faire  ce  que  nous  re- 
c(  connaissons  être  un  devoir  indispensable,  qui  est 
«  de  ne  pas  croire  seulement  de  cœur  à  justice,  mais 
«  de  faire  aussi  confession  de  bouche  à  salut  selon  le 
«  précepte  de  l'apôtre  :  et  afin  que  les  auteurs  de  tous 
«  les  maux  que  nous  avons  souiïerts  qui  n'oublient 
«  rien  pour  nous  décrier,  n'avaient  aucun  prétexte 
«  de  noircir  notre  déclaration  présente,  comme  si  elle 
«  était  conçue  dans  un  esprit  de  rébellion  contre 
«  notre  roi.  nous  protestons  comme  devant  Dieu  de 
u  notre  fidélité  pour  lui,  que  nous  le  regardons  com- 
«  me  notre  unique  et  légitime  souverain  sur  la  terre, 
«  auquel  nous  ferons  toujours  un  devoir  inviolable 
«  d'obéir  en  toutes  choses  où  le  service  de  Dieu,  le 
«  Roi  des  rois,  ne  sera  point  blessé.  Or,  c'est  ce  que 
«  nous  signons  aujourd'hui  de  bonne  foi  et  sans  vio- 
«  lence,  et  que  nous  consentons  qu'il  soit  rendu  pu- 
ce blic,  quand  cela  pourra  être  utile  à  la  gloire  de 
«  Dieu  et  à  l'avancement  de  son  règne.  ^  )> 

Les  assemblées  qui  se  tenaient  dans  les  campagnes 
—  où  des  bois  et  des  carrières  se  prêtaient  à  ce 
qu'elles  demeurassent  ignorées  —  finirent  par  trans- 
pirer, soit  parce  que  les  allures  mystérieuses  des 
gens  rencontrés  s'y  rendant  avaient  éveillé  l'attention 
de  catholiques  hostiles,  soit  parce  que,  dans  leur 
zèle  à  chanter  les  psaumes  dans  le  calme  de  la  nuit, 
nos  pères  oubliaient  qu'ils  pouvaient  être  entendus 
de  bergers  réveillés  par  leurs  chiens  aboyant  après 
des  retardataires  ou  des  gens  égarés,  car  le  plus  sou- 
vent on  se  rendait  à  travers  champs  à  ces  prédica- 
tions secrètes  qui  avaient  lieu  par  des  nuits  sans  lune, 

M.  le  pasteur  Berthe,  dans  une  brochure  publiée  à 

1.  —  A.  Court,  Hist.  manusc.  des  Egl.  réf.  de  Fr. 


—  241   — 

l'occasion  du  troisième  jubilé  séculaire  de  la  Réfor- 
mation, décrit,  d'après  les  témoignages  recueillis  de 
la  bouche  des  protestants  les  plus  âgés  de  l'église  de 
Luneray  qui  les  avaient  eux-mêmes  recueillis  dans 
leur  jeunesse  de  leurs  grands-pères  ou  arrière-grands- 
pères,  une  de  ces  assemblées  secrètes  et  la  façon  dont 
on  s'y  rendait  et  les  précautions  que  l'on  prenait  à  la 
maison  pour  ne  pas  les  laisser  soupçonner  aux  en- 
fants et  aux  serviteurs  : 

c(  La  nuit  fixée  pour  la  réunion,  après  le  souper  de 
<.c  famille,  pour  ne  rien  laisser  deviner  on  envoyait  se 
«  coucher  les  enfants  et  les  domestiques.  Quand  on 
«  les  croyait  endormis,  les  pères  et  mères  sortaient 
«  sans  bruit  et  se  dirigeaient,  par  des  chemins  détour- 
ne nés,  vers  le  lieu  de  rendez-vous,  bois  ou  carrière. 
«  A  la  même  heure,  de  toutes  les  fermes  et  maisons 
«  protestantes  sortaient  des  personnes  se  rendant  au 
«  même  endroit.  Tout  le  monde  marchait  en  silence. 
«  chaque  groupe  distant  des  autres  et  allant  par  des 
«  chemins  différents  pour  n'être  pas  épiés  et  suivis. 
((  La  réunion  formée,  des  sentinelles  étaient  placées 
c(  à  distance  tout  autour  pour  donner  l'alerte  en  cas 
«  de  danger,  et  le  culte  commençait.  Il  se  composait 
«  de  prières,  de  la  lecture  de  la  Bible,  et  de  quelque 
«  sermon  soustrait  au  pillage  et  aux  flammes.  Après 
«  ces  adorations,  ces  lectures  et  ces  prières  dans  les- 
te quelles  la  foi  et  le  courage  se  retrempaient  et  se 
«  vivifiaient,  l'assemblée  se  dispersait,  chaque  groupe 
«  reprenait  son  sentier  détourné  et  regagnait  en  si- 
ce  lence,  avant  les  premières  lueurs  du  jour,  sa  de- 
«  meure  endormie.  » 

Cette  sorte  de  réveil  du  Protestantisme,  connu  des 
autorités  et  des  curés,  eut  pour  résultat  de  faire  sur- 
veiller davantage  les  religionnaires  et  d'amener  l'ar- 
restation des  plus  zélés.  C'est  ainsi  que  l'intendant 
de  La  Bourdonnaye,  ayant  appris  qu'il  se  tenait  des 

15 


—    242    — 

assemblées  aux  environs  de  Bolbec  et  de  Lillebonne, 
se  rendit  en  personne  sur  les  lieux  pour  y  procéder 
à  une  enquête  de  laquelle  il  résulta  qu'il  y  avait  eu 
de  petites  réunions  chez  une  veuve  Doré,  au  Val, 
paroisse  de  Tancarville.  qu'un  nommé  Boivin  avait 
présidées,  ce  pourquoi  il  fut  arrêté  et  mis  en  pri- 
son ^,  et  que  des  assemblées,  dont  une  de  300  per- 
sonnes, avaient  eu  lieu  dans  les  carrières  de  Sainte- 
Honorine,  paroisse  de  Mélamare. 

Il  s'en  suivit  que  l'on  fut  plus  prudent  chez  les  faux 
convertis  et  qu'on  remplaça  assez  bien,  pendant  quel- 
que temps,  les  assemblées  secrètes  par  des  livres.  La 
Suisse  et  la  Hollande  firent  imprimer  à  ce  moment 
livres  sur  livres,  outre  la  Bible,  et  en  envoyèrent  par 
milliers  en  France.  11  n'est  guère  de  vieille  famille 
huguenote  qui  ne  possède  comme  relique  familiale 
quelques-uns  de  ces  livres.  Parmi  ces  ouvrages  nous 
pouvons  citer  :  les  catéchismes  de  Drelincourt,  de 
Guitton,  d'Osterwald,  de  Superville,  les  sermons  de 
Claude,  de  Jurieu,  de  Saurin,  de  Jacquelot,  de  Til- 
lotson.  De  hardis  colporteurs,  dignes  de  leurs  devan- 
ciers du  XVP  siècle,  les  répandaient  partout.  Mais 
cela  aussi  transpira  vite,  et  on  fit  la  guerre  aux  li- 
vres :  les  commandants  reçurent  Tordre  de  visiter 

1.  —  L'année  précédente,  Boiviu  avait  été  recherché,  mais 
en  vain.  Voici  le  texte  de  la  lettre  de  cachet  délivrée  contre 
lui  :  «  Yves-Marie  de  La  Bourdonnaye,  seigneur  do...,  conseil- 
ler du  roy  en  ses  conseils,  maître  des  requêtes  ordinaires  de 
son  hôtel,  commissaire  départi  par  S.  M.  pour  l'exécution  de 
ses  ordres  en  la  généralité  d(>  Rouen. 

«  Nous  enjoignons  aux  nommés  Jean  Leroy  et  François 
Brémontier,  gardes-bois  de  ]\I.  le  ducd'Elbeuf,  do  porter  à  l'é- 
glise et  faire  baptiser,  si  besoin  est,  l'enfant  du  nommé  Lebas, 
de  la  paroisse  de  St-Nicolas-de-la-Taille,  et  de  se  faire  payer 
6  livres  pour  leur  exécution,  comme  aussi  d'arrêter  et  mettre 
aux  prisons  voisines  le  nommé  Boivin,  qui  a  tenu  dos  assem- 
blées de  nouveaux  convertis  ;  nous  enjoignons  à  toutes  per- 
sonnes do  leur  prêter  nuiin-forto. 

«  Fait  à  Rouen,  ce  10  avril  Ki'.tT.  »  fArch.  do  la  Seino-Inf., 
fonds  de  l'Intendance). 


—  243  — 

les  maisons  des  religionnaires.  munis  de  l'index 
établi  par  l'archevêque  de  Paris,  et  de  saisir  tout 
écrit  qui  y  figurait.  Ces  perquisitions  amenèrent  la 
destruction  d'un  grand  nombre  d'ouvrages,  sans 
compter  un  nombre  non  moins  considérable  d'exem- 
plaires de  la  Bible. 

Délivré  momentanément  des  soucis  de  la  guerre, 
le  roi  voulut  parachever  l'œuvre  de  retour  à  l'unité 
de  foi.  A  cet  efiet.  il  ordonna,  en  1698  et  1699,  diver- 
ses mesures  rigoureuses  pour  vaincre  la  résistance 
des  huguenots  en  suite  desquelles  l'intendant  de  La 
Bourdonnaye,  qui  avait  appris  par  le  rapport  du 
curé  de  St-Nicolas-de-la-Taille,  daté  du  30  mai  1698, 
que  «  les  nouveaux  convertis  de  cette  paroisse  ne  fai- 
«  saient  aucun  devoir  de  catholiques  mais  au  con- 
«  traire  des  assemblées  de  4  à  ^oo  dans  les  carrières 
«  de  cette  paroisse,  »  et  par  celui  du  curé  de  St-Eus- 
tache-la-Forét,  daté  du  r'  juin  de  la  même  année, 
qu"  «  il  se  faisait  les  jours  de  dimanche  avant  les 
«  messes  et  pendant  ces  dites  messes  des  assemblées 
«  publiques  dans  les  carrières,  au  scandale  de  tous 
«  les  catholiques,  et  des  mariages,  et  que  les  nou- 
«  veaux-nés  étaient  portés  de  paroisse  à  autre  afin 
«  d'empêcher  que  ces  enfants  ne  fussent  baptisés  aux 
a  églises  K  »  voulut  qu'on  enlevât  les  enfants  aux  pa- 
rents qui  persistaient  dans  «  leur  erreur  »  pour  les 
placer  dans  les  établissements  fondés  à  cette  fin, 
et  qu'on  confisquât  les  biens  de  ceux  qui  ne  remplis- 
saient pas  leur  devoir  de  catholiques,  comme  on 
avait  fait  pour  les  fugitifs.  Voici,  là-dessus,  ia  lettre 
qu'il  écrivit  au  ministre  Pontchartrain  (  20  juin  1700): 
«  Les  saisies  qui  ont  été  faites  des  biens  des  religion- 
ce  naires  fugitifs,  possédés  par  des  nouveaux  conver- 

1.  —  Une  tradition  veut  aussi  qu'il  se  soit  tenu  des  assem- 
blées dans  une  carrière  située  dans  un  1  ois  à  St-Jean-de-la- 
Neuville,  section  du  Mont-Aca. 


—  244  — 

«  tisqui  ne  faisaient  pas  leurs  devoirs  en  ont  enga2:é 
«  plusieurs  à  se  faire  instruire  et  à  se  convertir.  Si  les 
«  juges  ordinaires  étaient  exacts  à  faire  exécuter  les 
«  ordonnances,  les  conversions  avanceraient  infini- 
«  ment,  mais  ils  se  relâchent  sur  deux  choses  :  la  pre- 
«  mière  sur  l'instruction  des  enfants,  et  l'autre  sur  la 
«  confiscation  des  biens  de  ceux  qui  refusent  de  mou- 
«  rir  dans  la  religion  catholique.  Je  m'en  plains  sou- 
te vent  à  M.  le  Procureur  général  :  dans  ce  temps-là 
«  on  fait  quelque  démarche,  on  se  relâche  inconti- 
«  nent,  et  comme  ces  officiers  n'ont  point  sur  cela 
({  une  intention  égale  et  suivie  tout  tombe  dans  le  dé- 
«sordre,  les  obstinés  triomphent,  ils  insultent  même 
«  à  la  facilité  des  autres;  à  Dieppe  et  au  Havre,  même 
«  relâchement  à  l'exemple  de  la  capitale.  Je  suis  venu 
«  à  bout  à  Bolbec  de  faire  envoyer  tous  les  enfants 
«  aux  instructions  par  l'application  que  j'y  ai  eue  ; 
«  c'est  un  lieu  plein  de  la  religion  et  qu'il  était  im- 
({  portant  de  ne  pas  laisser  dans  la  désobéissance.  Je 
«  propose  de  placer  aux  Nouvelles  Catholiques  de 
«  Rouen,  Dieppe  et  le  Havre  les  jeunes  filles  com- 
«  prises  dans  l'état  ci-joint.  ^  On  a  choisi  les  enfants 
«  les  plus  opiniâtres  dont  l'instruction  fera  le  meilleur 
«  effet.  A  l'égard  de  la  confiscation  des  biens  de  ceux 
«  qui  veulent  mourir  avec  scandale  dans  leurs  er- 
«  reurs,  il  est  de  la  dernière  conséquence  de  la  faire 
«  juger  avec  rigueur  ;  c'est  le  moyen  le  plus  efficace 
«  qu'on  puisse  employer  pour  déraciner  l'hérésie.  -  » 
Dans  cette  lettre  on  voit  que  M.  l'Intendant  se  flatte 
d'être  venu  à  bout  de  la  résistance  des  nouveaux  con- 
vertis à  l'injonction  qu'ils  avaient  reçue  d'envoyer 
leurs  enfants  à  l'instruction  religieuse.  Nous  avons 
la  liste  des  religionnaires  bolbécais  qu'on  condamna 
à  l'amende  pour  n'avoir  point  envoyé  leurs  enfants 

1.  —  Cet  état  manque,  malheureusement. 

2.  —  Arch.  nation.  TT.  ii-LI. 


—    24=>    — 

aux  écoles  spéciales.  La  voici  :  Pierre  Lecesne,  Marie 
Lecaron,  Jacques  Pouchet,  Jacques  Lecaron,  Pierre 
Fauquet.  Pierre  Guillemard,  Pierre  Fichet,  Veuve 
Pierre  Viard,  Pierre  Lammerville,  Pierre  Viard,  Da- 
niel Limare,  Abraham  Lecaron,  Isaac  Duval,  Jean 
Lemanicher,  Jacob  Huard,  Simon  Pottier,  Pierre 
Igou.  Ezéchias  Belloncle.  Daniel  Selingue,  Veuve 
Mondon,  Jean  Pottier,  Judith  Delahaye,  Jean  Huet. 
Abraham  Lavotte.  Isaac  Pertuzon.  Jean  Marin,  Pierre 
Levesque.  Abraham  Hellot. 

L'abbé  Thévenin,  doyen  du  Havre,  nous  apprend, 
dans  son  Rapport  du  12  juin  1699  aux  grands  vicaires 
de  Larchevéché  de  Rouen,  qu'à  Ecuquetot  habitait  un 
nommé  Jacques  Morel.  «  renégat  depuis  4  ans  »,  qui 
faisait  le  prêche  ci-devant  à  Villainville  ^.  Ainsi  si- 
gnalé, Jacques  Morel  dut  être  inquiété,  à  moins  qu'il 
n'eût  prévenu  les  poursuites  en  passant  à  l'étranger, 
hypothèse  peu  probable,  car  nous  retrouvons  trace 
de  lui  quelques  années  après. 

Lorsque  M.  de  La  Bourdonnave  apprenait  que  dans 
un  ménage  de  nouveaux  convertis  récalcitrants  une 
naissance  s'était  produite,  il  envoyait  immédiatement 
à  des  tiers  l'ordre  de  le  faire  porter  au  curé  aux  frais 
des  parents.  Nous  avons  vu  que  c'est  ce  qu'il  fit  pour 
l'enfant  d'un  nommé  Lebas. 

En  1701,  on  arrêta  chez  ses  parents  Mlle  de  Ribœuf, 
petite-fille  de  Dumont  de  Bostaquet. 

Des  famines  survinrent  dans  le  pays  de  Caux  à  la 
fin  du  XVIP  siècle  et  au  commencement  du  XVIIIe. 
Leur  cause  principale  n'est-elle  pas  dans  ce  fait  que, 
faute  de  bras  pour  les  cultiver,  de  vastes  étendues, 
dans  presque  toutes  les  paroisses,   demeurèrent  fort 

1.  —  Il  est  invraisemblable  qu'il  y  ait  eu  un  prêche  à  Villain- 
ville puisqu'il  y  en  avait  un  à  Criquetot,  soit  à  une  lieue  envi- 
ron. Il  est  seulement  probable  qu'un  culte  régulier  était  célébré 
dans  une  maison  particulière  de  cette  paroisse  avant  la  Révo- 
cation et  que  ce  Morel  y  remplissait  les  fonctions  de  lecteur, 


2^6    — 

longtemps  incultes  à  la  suite  de  leur  abandon  par  les 
religionnaires  fugitifs  ? 

A  cette  époque  se  place  l'héroïque  résistance  des 
Camisards.  On  sait  que  Jean  Cavalier,  à  la  tète  des 
braves  cévenols  qu'il  commandait,  soldats  improvi- 
sés comme  lui,  tint  si  longtemps  en  face  de  Baville, 
du  comte  de  Broglie  et  du  maréchal  de  Montrevel, 
qu'on  composa  avec  lui  et  que  cette  glorieuse  cam- 
pagne huguenote  eut  pour  effet  de  convaincre  Louis 
XIV  que  par  la  violence  on  n'aurait  pas  raison  de 
l'hérésie.  Il  s'en  suivit  une  sorte  de  détente,  dans  le 
Nord  surtout,  et  pendant  quelques  années  il  ne  se 
passa  rien  de  bien  grave  contre  nos  malheureux  pè- 
res. Aussi,  à  la  faveur  de  cette  accalmie,  les  assem- 
blées reprirent  et  ceux  qui  y  prenaient  part,  se  fami- 
liarisant avec  le  danger,  ne  s'entourèrent  plus  des 
mêmes  précautions  que  dans  les  commencements,  et 
bientôt  des  plaintes  de  catholiques  fanatiques  s'éle- 
vèrent auxquelles  on  prêta  l'oreille.  C'est  ainsi  que, 
vers  1715,  le  nommé  Abraham  Vautier,  soupçonné 
d'avoir  assisté  à  une  réunion  secrète  dans  le  bois  du 
Potay.  paroisse  de  la  Gaillarde,  fut  pris  au  lit  à  10  h. 
du  soir  et  conduit  à  la  prison  de  Dieppe  où  il  mourut 
on  ne  sait  combien  de  temps  après.  Sa  femme,  née 
Legrand.  fut  saisie  d'une  telle  frayeur  qu'elle  devint 
épileptique  et  succomba  à  ce  mal  au  bout  de  quel- 
ques semaines. 

C'est  au  commencement  du  XVIII"  siècle  que  les 
assemblées  commencèrent  à  se  tenir  dans  le  Petit 
Caux  dont  Luneray  est  le  centre.  Elles  avaient  lieu 
dans  le  bois  du  Potay,  comme  nous  venons  de  voir, 
et  aussi  dans  les  carrières  ou  bois  de  la  vallée  de  la 
Saâne  et  au  val  Midrac,  alors  boisé.  —  lin  quittant  la 
France.  M.  de  la  Ajoute,  ministre  de  Lintot,  avait  été 
obligé,  comme  les  autres  ministres  qui  tiassaient  à 
l'étranger,  de  laisser  ses  enfants  en   bas  âge.   Nous 


—  M7  — 

trouvons  dans  les  papiers  des  Nouvelles  Catholiques 
la  supplique  suivante  adressée  au  roi  par  une  de  ses 
tilles,  d"où  Ton  peut  inférer  qu'elle  était  demeurée 
fidèle  à  sa  religion  :  «  Sire.  Catherine  de  Rallemont, 
((  demoiselle  de  la  Ajoute,  représente  très  humblement 
«  à  V.  y[.  que  depuis  9  ans  qu'elle  est  enfermée  dans 
((  la  maison  des  Nouvelles  Catholiquesde  Rouen,  par 
«  la  sollicitation  d'une  femme  qui  lui  fit  ce  tour  en 
«  faisant  entendre  au  sreur  de  Retours,  intendant, 
«  qu'elle  n'avait  que  16  à  iS  ans,  quoiqu'elle  en  eut 
t(  pour  lors  30,  et  pendant  les  dites  9  années  ses  père 
«  et  mère  sont  décédés  et  leurs  biens  abandonnés, 
«  lui  ayant  été  impossible  pendant  le  dit  temps  d'ob- 
«  tenir  la  liberté  ni  de  donner  ordre  à  ses  affaires  se 
«  trouvant  à  présent  dans  un  état  déplorable  et  sa 
«  santé  fort  altérée  par  la  privation  de  son  air  natal, 
«  et  comme  la  conduite  de  la  suppliante  a  toujours 
«  été  sans  reproche,  elle  espère  que  V.  M.  aura  la 
c(  charité  de  protéger  son  innocence  et  de  la  faire 
«  mettre  en  liberté  afin  qu'elle  puisse  mettre  ordre  à 
«  ses  affaires  qui  sont  dans  un  grand  dérangement  et 
c(  éviter  par  là  la  ruine  entière.  Elle  continuera  ses 
«  prières  pour  la  santé  et  la  prospérité  de  V.  M.  » 
(11  février  1710).  On  ne  sait  ce  qui  advint  de  cette 
requête. 

On  ne  sévissait  pas  suffisamment,  aux  yeux  des  jé- 
suites. Le  père  La  Chaise  étant  mort,  le  père  Letel- 
lier  le  remplaça  comme  confesseur  du  roi.  C'était  un 
jésuite  qui  succédait  à  un  jésuite,  mais  un  jésuite  par- 
ticulièrement fanatique,  tenace  et  cruel,  et  le  roi, 
miné  par  la  maladie,  placé  par  l'âge  dans  la  perspec- 
tive d'un  prochain  délogement,  attristé  par  les  plain- 
tes incessantes  de  ses  sujets  écrasés  d'impôts  et  amai- 
gris de  famines,  poursuivi  par  la  vision  des  persécu- 
tions qu'il  avait  ordonnées  et  de  la  honteuse  conduite 
qu'il  avait  menée,  était  trop  affolé  dans  sa  conscience 


—    24^    — 

pour  qu'il  ne  tut  pas.  quoique  jaloux  de  ses  préroga- 
tives royales,  comme  un  roseau  prêt  à  plier  dans  la 
main  de  son  confesseur.  Aussi  le  père  Letellier  n'eut- 
il  pas  de  peine  à  lui  arracher  (8  mars  171=^)  la  déclara- 
tion dont  le  titre  résume  le  contenu  :  Déclaration  du 
roy  qui  ordonne  que  ceux  qui  auront  déclare  qu'ils 
veulent  persister  et  mourir  dans  la  R.  P .  R.,  soit  qu'ils 
ayent  fait  abjuration  ou  non,  seront  répute{  relaps. 
C'était  dire  qu'aux  yeux  de  la  loi  il  n'y  avait  plus  que 
des  catholiques  et  que  refuser  de  recevoir  les  sacre- 
ments, soit  en  santé,  soit  aux  derniers  moments,  était 
faire  acte  de  révolte  et  encourir  les  peines  édictées 
contre  les  relaps. 

Nous  n'avons  pas  dit  que.  par  des  ordonnances  an- 
térieures, les  médecins  étaient  contraints  d'avertir  les 
curés  dès  qu'une  maladie  grave  atteignait  un  nouveau 
converti.  Il  faut  croire  qu'obéir  à  ces  répugnantes 
prescriptions  leur  était  trop  pénible,  car  nous 
voyons  le  roi  écrire,  dans  une  déclaration  du  28  mai 
17 12  :  «  Nous  voulons  que  tous  les  médecins  de  notre 
«  royaume  le  deuxième  jour  qu'ils  visiteront  les  ma- 
«  lades  attaqués  de  maladie  ayant  trait  à  la  mort- 
«  soient  tenus  de  les  avertir  de  se  confesser,  de  pré- 
ce  venir  les  curés  et  de  retirer  d'eux  un  certificat  por- 
«  tant  qu'ils  ont  été  avertis.  « 

Et  lorsqu'un  nouveau  converti  malade  refusait  de 
recevoir  les  derniers  sacrements  il  était,  s'il  guéris- 
sait, envoyé  ramer  sur  les  galères  du  roi.  et,  s'il  mou- 
rait, traîné  sur  la  claie  et  jeté  à  la  voirie. 

Le  i"  septembre  17m.  Louis  XH'  mourait. 


CHAPITRE    II 

De  la  mort  de  Louis  XIV 
au  Congrès    d'Aix-la-Chapelle. 

(1715-1748) 


On  devine  bien  que  les  protestants  ne  purent  ap- 
prendre la  mort  de  Louis  XIV  avec  tristesse,  mais  on 
comprend  qu'ils  en  ressentirent  une  sorte  de  soula- 
gement ;  toutefois,  ils  ne  poussèrent  point  l'indé- 
cence  jusqu'à  insulter  le  cortège  funèbre  par  des  cris 
de  joie  et  des  chansons  injurieuses,  comme  firent  les 
habitants  de  Paris.  Ils  savaient  que  le  grand  roi  était 
devenu  bien  petit  devant  le  juste  Juge. 

Le  petit  roi  n"ayant  que  cinq  ans  et  demi,  le  duc 
d'Orléans  fut  nommé  Régent,  à  la  satisfaction  des 
protestants  qui  le  savaient  ennemi  des  jésuites.  Il 
inaugura  sa  régence  par  des  mesures  de  bon  augure  : 
délivrance  des  prisonniers  jansénistes,  restitution  au 
Parlement  du  droit  de  remontrance,  et  nomination 
du  procureur  d'Aguesseau  à  la  charge  de  chancelier. 
Malheureusement,  c'était  un  homme  sans  foi  ni 
mœurs  :  on  ne  pouvait  faire  fonds  sur  lui  longtemps. 
L'opposition  devait  lui  venir  du  clergé,  toujours 
puissant  :  cela  ne  tarda  même  guère,  et.  sous  la 
crainte  d'un  soulèvement,  il  n'osa  adoucir  les  édits 
de  Louis  XIV.  Il  se  contenta  de  promettre  aux  réfor- 
més d'avoir  des  égards  et  des  ménagements  pour 
enx,  comme,  par  exemple,  de  leur  accorder  la  sortie 
à  peu  près  libre  du  rovaume  et  la  mise  en  liberté  d'un 
certain  nombre  de  forçats   pour  cause    de    religion. 


2SO 


Avant  que  ces  promesses  ne  fussent  devenues  des 
faits,  les  jésuites,  qui  les  avaient  sues,  s'en  montrè- 
rent irrités,  particulièrement  en  Normandie  où  il  res- 
tait encore  un  grand  nombre  de  protestants.  Sachant 
que  des  assemblées  se  tenaient  dans  les  campagnes, 
avec  une  certaine  fréquence  depuis  171s.  notamment 
à  Mélamare.  à  Ecuquetot,  à  St-Jean-des-Essarts  (pa- 
roisse aujourd'hui  réunie  à  La  Cerlangue)  et  dans  les 
carrières  du  Val,  à  St-Eustache.  où  le  nommé  Jean 
Gueroult  remplissait  l'office  de  prédicant  quand  il  ne 
s'y  trouvait  pas  de  pasteur  de  passage,  ils  dirent  et 
répétèrent  partout  que  les  réformés  complotaient 
quelque  coup  et  pourraient  bien  avoir  reconstitué 
des  amas  d'armes  à  cette  fin.  L'intendant  de  la  géné- 
ralité de  Rouen,  ému  de  ces  bruits,  fit  enquêter  et  ré- 
suma ainsi  au  ministre  (24  septembre  1719)  les  rap- 
ports qui  lui  avaient  été  envoyés  : 

€  J'ai  riioiineur  de  vous  envoyer  les  lettres  que  j'ai  reçues 
«  de  mon  subdélégué  du  Havre  et  du  curé  de  Benzeville  à  (jui 
<(  j'avais  écrit  pour  avoir  la  vérité  des  faits  portés  par  la  lettre 
«  de  M.  le  procureur  général  du  5  août  dernier,  dont  vous 
«  m'avez  adressé  une  copie.  Vous  y  verrez,  Monsieur,  que  ce 
a  prétendu  amas  d'armes  que  l'on  impute  aux  religionnaires 
«  n'a  de  fondement  que  dans  la  peur  des  catholiques,  et  que  si 
«  quelques-uns  d'entre  eux  ont  des  armes  comme  plusieurs 
I  catholiques,  il  n'y  a  rien  qui  mar([iie  aucun  dessein  de  leur 
«  part. 

«  A  l'égard  des  assemblées,  il  est  certain  iju'il  s'en  fait  de 
«  temps  en  temps  chez  les  laboureurs  où  des  l'eligionnaires  se 
i  rendent,  non  point  pour  cabaler,  mais  uniquement  ])our  prier 
»  à  leur  manière  et  écouter  les  exhortations  de  ceux  de  leur 
i  religion  qui  savent  en  faire...  lîien  ne  sera  plus  capable  de 
«  les  contenir  que  d'en  mettre  quelques-uns  au  l'ont-de-l'Ar- 
«  che,  car  ils  ne  craignent  rien  tant  que  la  prison  qui  les  éloi- 
«  gne  de  leur  village,  et  dans  lacjuelle  on  ne   leur  laisse  pas 


—   251    — 
«  la  liberté  de  parler  à  leurs  parents  et  amis....  »  * 

Une  chose  frappe  dans  cette  lettre,  bien  que  dans 
ce  que  nous  n"en  reproduisons  pas,  le  subdélégué  y 
dise  avoir,  pour  l'exemple,  mis  le  nommé  Doré  — 
sans  doute  le  fils  de  la  veuve  Doré,  du  hameau  du 
Val,  paroisse  de  Tancarville,  accusée  eu  1698  d'avoir 
laissé  tenir  des  réunions  dans  sa  maison  • —  dans  les 
prisons  de  Pont-de-l'Arche,  c'est  que  le  ton  n'y  est 
plus  celui  d'autrefois.  Cela  révèle  un  progrès  dans  les 
mœurs.  Son  auteur,  à  quelque  temps  de  là,  recom- 
mandait d'éviter  les  mesures  de  rigueur  et  de  préfé- 
rer celles  de  douceur  :  «  Ce  dernier  partvsera  le  meil- 
«  leur  et  tout  à  fait  du  goût  de  M.  le  duc  d'Orléans  qui 
«  est  rempli  de  bonté  pour  les  peuples.  »  Le  Parle- 
ment lui-même  s'était  radouci.  Quelle  était  la  raison 
de  ce  changement?  Les  plaintes  des  persécutés,  l'ini- 
quité des  sentences  qui  les  avaient  atteints,  les  spo- 
liations dont  ils  étaient  victimes?  Oui,  pour  une  part  ; 
mais  la  misère  dont  l'expatriation  des  chefs  de  mé- 
tiers était  la  cause  y  entrait  pour  beaucoup  plus. 

Le  pasteur  Jacques  Basnage,  réfugié  en  Hollande 
depuis  la  Révocation,  adressa,  le  ^o  août  1719.  à  ses 
frères  demeurés  en  France  une  instruction  pastorale 
sur  la  persévérance  dans  la  foi  et  la  fidélité  pour  le 
souverain.  L'autorité  de  ce  célèbre  ministre  était 
grande  :  il  s'en  suivit  donc  que  son  manùeir.ent  eut 
de  l'influence  sur  les  protestants  français  en  général, 
mais  plus  particulièrement  sur  ceux  de  notre  province, 
qui  le  connaissaient  tous  :  les  grandes  assemblées 
devinrent  plus  rares  tandis  que  les  réunions  privées 
se  multiDlièrent.  Et  ce  fut  une  raison  et  une  occasion 
d'augmenter  la  fréquence  et  l'importance  des  envois 
hollandais  et  suisses  de   recueils   de   sermons  et  de 

1.  —  Aroh.  nat.,  TT.  817.  —  F,  Wadclington.  Le  Prot.  en 
Norm.,  p.  ')0, 


—    2^2    — 

prières,  et  ainsi  la  source  delà  vie  spirituelle  jaillit  et 
s'entretint  au  foyer  familial,  et  révéla  des  vocations 
parmi  un  grand  nombre  de  jeunes  gens  qu'Antoine 
Court  instruisit  et  forma  pour  le  ministère  :  ce  fut  le 
salut  de  l'église  réformée  en  France. 

Le  culte  domestique  remplaça  si  bien  les  assem- 
blées dans  la  région  cauchoise  que  pendant  un  certain 
nombre  d'années  il  ne  s'y  en  tint  aucune,  à  notre 
connaissance,  du  moins.  Mais  les  édits  n'étaient  pas 
rapportés  et,  bien  que  le  Parlement  et  le  régent  fus- 
sent portés  à  quelque  indulgence  à  l'égard  des  reli- 
gionnaires,  les  ordres  religieux  obtenaient  souvent 
de  fonctionnaires  fanatiques  que  des  mesures  iniques 
fussent  prises. 

C'était  surtout  à  la  jeunesse  —  car  si  on  pouvait  la 
circonvenir  c'était  la  fin  prochaine  de  l'hérésie  — 
qu'on  en  voulait,  ou  plutôt  c'était  elle  qu'on  voulait. 
Aussi  vit-on,  de  1720  à  1722.  les  enlèvements  d'en- 
fants s'accroître  au  point  d'encombrer  les  maisons  y 
affectées.  Pour  notre  région,  il  y  eut,  en  1722,  celui 
de  Mlle  de  Brossard,  de  Royville  K  On  sait  combien 
il  était  facile,  à  cette  époque,  d'obtenir  des  lettres  de 
cachet  en  blanc.  Il  suffisait  de  remplir  le  blanc  mé- 
nagé du  nom  de  l'enfant  qu'on  voulait  ravir  à  ses  pa- 
rents pour  que  la  lettre  fût  valable  et  reçut  son  plein 
effet.  Voici  la  teneur  d'une  de  ces  lettres.  Elle 
concerne  précisément  l'enlèvement  de  Mlle  de  Bros- 
sard : 

c(  De  par  le  roy,  il  est  ordonné,  de  l'avis  de  M.  le 
c(  duc  d'Orléans,  régent,  de  retirer  la  fille  du  sieur 
«  Brossard  de  Royville  de  chez  la  dame  sa  mère,  de- 
«  meurante  au  pavs  de  Caux  en  Normandie,  et  de  la 


1.  —  En  1747.  il  y  av;iit  aux  Notiv.  Cafh.  de  Rouen,  Eléonore 
de  Royville.  lille  de  Daniel  de  Brossard  de  Royville  etdcFran- 
(•oise  de  BrosA'ard.  Mais  le  document  (]ui  le  relate  ne  dit  pas 
depuis  combien  d'années  elle  était  (ians  la  maison. 


—    2S3    — 

«  conduire  dans  le  couvent  des  Nouv.  Cath.  de  Rouen 
«  De  ce  faire.  Sa  Majesté  a  donné  pouvoir  et  commis- 
ce  sion  au  ,  enjoignant  à  la  supérieure  de  la  dite 
«  maison  d'y  recevoir  et  garder  la  dite  demoiselle 
«  Brossard  de  Royville  jusqu'à  nouvel  ordre  de  sa 
«  part.  Fait  à  Versailles,  le  vingt-neuvième  jour 
«  d'août  1722. 

K  Signé  :  Louis 
«  Contresigné  :  Philippeaux.  » 

On  se  mit  à  sévir  contre  ceux  qui  ne  pliaient  pas  le 
genou  devant  une  procession  ou  un  prêtre  portant  le 
viatique,  lorsque  le  hasard  amenait  de  telles  rencon- 
tres. C'est  ainsi  qu'en  1723,  un  protestant  de  Luneray 
ayant  refusé,  dans  le  marché,  à  Diei")pe,  de  se  mettre 
à  genoux  au  moment  du  passage  d'un  prêtre  portant 
le  St-Sacrement  à  un  malade,  fut  condamné  à  20  1. 
d'amende  envers  le  roi,  à  10  1.  pour  l'hospice  géné- 
ral et  au  bannissement. 

Cette  année  1723  marque  un  recul  notable.  Le  ré- 
gent meurt  et  Louis  XV  est  sacré  roi.  Le  duc  de  Bour- 
bon et  le  cardinal  Fleury  tiennent  les  rênes  du  gou- 
vernement, et  bientôt  la  fameuse  déclaration  du 
14  mai  1724,  qui  avait  fondu  en  un  seul  bloc  les  in- 
nombrables arrêts  rendus  depuis  so  ans,  est  publiée. 
En  voici  le  préambule  : 

c  Louis,  etc.  De  tous  les  grands  desseins  que  le  feu  roy  notre 
«  très  honoré  seigneur  et  bisayeul  a  formés  dans  le  cours  de 
«  son  règne,  il  n'y  en  a  point  que  nous  ayons  plus  à  cœur  de 
«  suivre  et  d'exécuter  que  celuy  qu'il  avait  conçu  d'éteindre  en- 
t  tièrement  l'iiérésie  dans  son  royaume,  à  quoy  il  a  donné  une 
c<  application  infatigable  Jusqu'au  dernier  moment  de  sa  vie. 
«  Dans  la  vue  de  soutenir  un  ouvrage  si  digne  de  son  zèle  et 
<t  de  sa  piété,  aussitôt  que  nous  sommes  parvenu  h  la  majorité, 
«  notre  premier  soin  a  été  de  nous  faire  représenter  les  édits, 
«  déclarations  et  arrêts  du  Conseil  qui   ont  été  rendus  sur  ce 


—  2S4  — 

«  sujet,  pour  en  renouveler  les  dispositions  et  enjoindre  à  tous 
«  nos  ofticiers  de  les  faire  observer  avec  la  dernière  exactitude  ; 
«  mais  nous  avons  été  informé  que  l'exécution  en  a  été  ralen- 
t  tie  depuis  plusieurs  années,  surtout  dans  les  provinces  qui 
€  ont  été  afiligées  de  la  contagion  et  dans  lesquelles  il  se  trouve 
€  un  grand  nombre  de  nos  sujets  qui  ont  ci-devant  fait  profes- 
i  sion  de  la  H.  P.  R.  par  les  fausses  et  dangereuses  impres- 
«  sions  que  quelques-uns  d'entre  eux  peu  sincèrement  réunis 
«  à  la  R.  C.  A.  et  l».  et  excitez  par  des  mouvements  étrangers, 
«  ont  voulu  insinuer  secrètement  pendant  notre  minorité,  ce 
«  qui  nous  ayant  engagé  à  donner  une  nouvelle  attention  à  un 
«  objet  si  important,  nous  avons  reconnu  que  les  principaux 
«  abus  qui  se  sont  glissés  et  qui  demandent  un  plus  prompt 
«  remède,  regardent  principalement  les  assemblées  illicites, 
t  l'éducation  des  enfants,  l'obligation  pour  tous  ceux  qui  exer- 
«  cent  quelques  fonctions  publiques  de  professer  la  R.  C.  A.  et  R., 
«  les  peines  ordonnées  contre  les  relaps  et  la  célébration  des 
«  mariages  ;  sur  quoy  nous  avons  résolu  d'appliquer  bien  di- 
«  sertement  nos  intentions.  » 

Et  voici  le  sommaire  des  XVIII  articles  qu'elle 
contient  :  Interdiction  de  toute  profession  reli- 
gieuse autre  que  la  catholique  ;  —  ordre  de  punir  de 
mort  tous  les  prédicants  qui  auront  convoqué  des  as- 
semblées et  y  auront  prêché,  —  de  condamner  aux 
galères  ceux  qui  auront  procuré  une  retraite  aux  mi- 
nistres, —  de  faire  baptiser  tous  les  enfants  et  les 
faire  instruire  par  les  curés,  —  de  faire  venir  un 
prêtre  au  chevet  de  tous  les  malades,  —  de  ne  tenir 
pour  vrais  que  les  mariages  bénis  à  l'église,  —  et  de 
confisquer  les  biens  de  tous  les  récalcitrants. 

Tout  ce  qui  pouvait  enlacer  le  protestantisme  pour 
l'étrangler  avait  été  prévu.  Disparaitra-t-il  cette  fois  ? 

Deux  courants  contraires,  nous  l'avons  dit,  s'étaient 
dessinés  à  la  suite  de  la  mort  de  Louis  XIV.  En  Nor- 
mandie, c'est  le  premier,  celui  qui  inclinait  vers  la 


tolérance,  qui  remportait.  Aussi  voyons-nous  le 
Parlement  refuser  tout  d'abord  d'enregistrer  cette 
malencontreuse  déclaration.  Il  s'y  résout  bien  par  la 
suite,  mais  c'est  avec  l'intention  de  se  montrer  indul- 
gent chaque  fois  qu'on  lui  déférera  des  cas  relevant 
de  cet  édit.  Malheureusement,  il  eut  à  lutter  contre 
un  descendant  de  huguenots,  l'ex-aumônier  du  régent, 
Lavergue  de  Tressan.  devenu  archevêque  de  Rouen, 
qui,  dévoré  d'ambition,  trouva  que  le  meilleur  moven 
pour  obtenir  le  chapeau  de  cardinal  était  de  faire 
montre  d'un  zèle  dévorant  contre  les  représentants 
de  la  religion  de  ses  pères. 

La  prudence  devint  donc  de  plus  en  plus  néces- 
saire, et  les  assemblées  cessèrent  presque  complète- 
ment, surtout  après  qu'une  nouvelle  déclaration 
(1720)  ordonna  de  sévir  contre  toute  personne  qui 
aurait  assisté  ou  aurait  été  seulement  soupçonnée 
d'avoir  assisté  à  des  assemblées.  Cela  rejeta  de  plus 
en  plus  nos  malheureux  pères  dans  le  culte  domesti- 
tique.  Mais  il  fallait  aller  à  la  messe  sous  peine  d'être 
accusé  du  crime  de  relapsie.  On  y  allait  donc,  et,  le 
soir,  au  foyer  familial,  on  demandait  pardon  à  Dieu 
de  la  faiblesse  qu'on  avait  montrée  en  «  pliant  le 
genou  devant  Baal.  » 

Mais  le  culte  domestique  fut  connu  de  l'autorité 
et  guerre  lui  fut  aussi  déclarée.  Une  ordonnance  de 
Louis  XV,  du  24  avril  1729.  porte  : 

«  que  tous  les  nouveaux  convertis,  ne  pourraient,  sous  quel- 

c  que  prétexte  que  ce  soit,  garder  dans  leurs  maisons   aucuns 

«  livres  à  l'usage  (le  la  dite  religion  P.   R.,  S.    .M.    leur   enjoi- 

«  gnant  de  porter  dans  quinze  jours  au  plus  tard  de  la  publi- 

«  cation  de  la  présente  ordonnance,  tous  les  manuscrits,  calé- 

«  chismes,  sermons,  prières  et  autres  livres  h  l'usage   de   la 

«  U.  P.  P».,  sous  quelque  dénomination  qu'ils  pussent  être,  pour 

c  être,  les  dits  livres  ainsi  déposés,  brûlés  en  la  présence  des 


—    2^6    

«  sieurs  commandants  ou  intendants  ;  qu'après  le  dit  délai  de 
«  quinze  jours  il  sera  fait  une  recherche  exacte  desdits  livres 
t  dans  les  maisons  de  tous  les  nouveaux  convertis,  et  que  tous 
M  ceux  chez  lesquels,  au  préjudice  de  la  présente  ordonnance, 
<t  il  en  sera  trouvé,  soient,  pour  la  première  fois,  condamnés  à 
1  une  amende  qui  sera  arbitrée  par  le  commandant,  et,  en  cas 
«  de  récidive,  à  trois  ans  de  bannissement  et  à  une  amende 
«  qui  ne  pourra  être  moindre  ijue  du  tiers  de  leurs  biens.  »  ' 

Les  jésuites  remportaient  sur  toute  la  ligne.  A  cette 
heure  ils  pouvaient  envisager  comme  prochaine  la 
tin  de  l'hérésie  puisque  ce  qui  la  maintenait,  le  culte 
de  famille,  était  empêché  et  que  les  enfants  des  nou- 
veaux convertis  étaient  enlevés  et  placés  dans  des 
couvents  ou  élevés  par  des  prêtres.  11  n'y  avait  donc 
plus  rien...  que  la  communion  avec  Dieu  dans  quel- 
ques consciences  sans  rapports  entre  elles,  et  ce  rien 
fut  le  levain  qui  devait  faire  lever  l'église  réformée 
de  France  et  l'ère  moderne  du  Droit  et  de  la  Justice. 
La  Réforme  était  divine  :  des  ferments  ne  pouvaient 
pas  n'en  point  demeurer  dans  la  conscience  humaine. 
Pour  les  propager,  ces  ferments,  il  fallait  une  àme 
héroïque.  Dieu  la  suscita  h  l'heure  la  plus  critique 
en  la  personne  d'Antoine  Court  surnommé  dans  l'his- 
toire le  Restaurateur  du  Protestantisme  en  France. 
C'est  en  1713.  alors  qu'il  n'avait  que  17  ans,  qu'il  se 
sentit  irrésistiblement  poussé  à  prendre  la  parole 
dans  une  assemblée  où  il  n'y  avait  que  des  femmes 
qui  osassent  parler.  Ayant  pris  cette  inspiration  su- 
bite pour  un  appel  de  Dieu,  il  se  mit  à  parcourir  la 
contrée  comme  prédicant.  Il  visita  d'abord  le  Viva- 
rais,  sa  province,  puis  successivement  le  Dauphiné, 
les  Cévennes  et  le  Languedoc,  et  put.  par  ce  moyen, 
se  rendre  compte  de  l'état  lamentable  où  était  tombée 

1.  —  Et.  Coquerel.  Hist.  des  Efjl.  du  Désert,  I,  27Ù. 


—  2S7  — 

Téglise  de  ses  pères.  Il  éleva  ses  résolutions  à  la  hau- 
teur des  maux  qu"il  avait  constatés.  Quatre  moyens 
de  combattre  ces  maux  se  présentèrent  à  son  esprit, 
et  il  les  employa  avec  un  entier  succès  :  i°  convo- 
quer le  peuple  à  des  assemblées  religieuses  au  désert 
pour  l'instruire  ;  2'^  extirper  le  fanatisme  qui  avait 
envahi  tout  le  monde  depuis  Tafifaire  des  Camisards; 
^°  rétablir  la  discipline  des  consistoires,  les  anciens, 
les  colloques  et  les  synodes  ;  4°  former  de  jeunes  pré- 
dicants. 

En  visitant  les  restes  des  troupeaux  dispersés  il  se 
rendit  de  plus  en  plus  compte  du  besoin  u'une  disci- 
pline sévère.  Il  convoqua  pour  le  21  août  171 3  tout 
ce  qu'il  v  avait  de  prédicants  dans  les  Cévennes  et  le 
Bas-Languedoc  et  quelques  laïques  éclairés  et  leur  fit 
un  rapport  de  ce  qu'il  avait  vu.  La  nécessité  de  por- 
ter remède  à  un  tel  état  de  choses  fut  reconnue  de 
tous  et  on  conféra  la  charge  d'ancien  aux  laïques,  et 
les  prédicants  reçurent  l'ordre  d'établir  dans  les  lieux 
où  ils  pourraient  évangéliser,  des  anciens  avec 
charge  :  i"  de  veiller  sur  les  troupeaux  en  l'absence 
des  pasteurs  et  sur  la  conduite  des  pasteurs  eux-mê- 
mes ;  2"  de  s'enquérir  des  lieux  les  plus  propices  pour 
les  réunions  des  assemblées  et  de  convoquer  ces  as- 
semblées le  plus  prudemment  possible  ;  3°  de  faire 
des  collectes  en  faveur  des  pauvres  et  des  prisonniers; 
4°  de  procurer  des  retraites  sûres  aux  prédicateurs, 
et  de  leur  fournir  des  guides  pour  passer  d'un  lieu 
dans  un  autre.  De  plus,  on  décida  qu'à  l'avenir  les 
femmes  ne  prêcheraient  plus  à  cause  des  inconvé- 
nients que  l'intervention  féminine  avait  révélés.  Cette 
assemblée  fut  qualifiée  de  Synode.  Elle  fut  suivie  de 
plusieurs  autres  qui  portent  aussi  Ip  nom  de  synodes  ; 
mais  ce  furent  surtout  celles  de  1716  et  1717  qui  eu- 
rent pour  résultat  la  réorganisation  de  l'église.  Quand 
on  songe  que  Court  n'avait  que  20  ans  lorsqu'il  pré- 

17 


—    2=i8    — 

sida  à  tant  et  de  si  importants  travaux,  on  demeure 
confondu  !  Il  n'avait  comme  auxiliaires  dans  cette 
tâche  que  cinq  pasteurs  et  quelques  laïques,  et  il  put 
acquérir  assez  d'autorité  sur  eux  pour  qu'ils  fissent 
accepter,  dans  toutes  les  provinces,  le  régime  synodal 
et  le  rétablissement  d'une  discipline  dont  on  avait 
perdu  le  souvenir. 

Il  avait  réorganisé  le  corps  de  Tégiise  ;  mais  il  sen- 
tit que  cela  ne  mènerait  pas  à  grand  chose  s'il  n'était 
bientôt  aidé  de  quelques  pasteurs  instruits  et  consa- 
crés, car  les  prédicants  sans  mandat  causaient  des  en- 
nuis. Et  puis,  il  fallait  des  hommes  pouvant  adminis- 
trer la  Cène  et  consacrer  les  proposants.  Cette  néces- 
sité le  porta  h  se  faire  consacrer  lui-même.  Ce  fut  le 
célèbre  pasteur  cévenol  Pierre  Corteiz  qui  présida  à 
sa  consécration  le  21  novembre  17 18.  Investi  de  la 
charge  pastorale  il  écrivit  partout  au  dehors  pour 
demander  aux  pasteurs  réfugiés  de  rentrer  ou,  s'ils 
se  trouvaient  trop  âgés,  d'envoyer  des  pasteurs  suis- 
ses ou  wallons  à  leur  place.  Dans  sa  lettre  au  grand 
prédicateur  Saurin  (août  1722!  il  dit  :  «  Il  y  a  une 
(c  abondante  moisson  à  faire  ;  les  campagnes  sont 
«  blanches.  La  Normandie,  le  Poitou,  l'Aunis,  la 
«  Saintonge,  le  Béarn,  le  Languedoc  et  le  Dauphiné 
ce  n'attendent  que  des  ouvriers  armés  de  leurs  fau- 
«  cilles.  »  Conscient  de  l'insuffisance  de  ses  études, 
il  se  rendit  à  Genève  pour  les  compléter.  Il  trouva 
beaucoup  de  pasteurs  réfugiés  dans  la  ville  de  Calvin 
et  il  comprit  bien  vite  qu'ils  ne  pouvaient  se  rendre 
à  ses  objurgations,  la  mort  violente  étant  ce  qui  les 
attendait  si,  rentrés,  ils  étaient  reconnus.  Cette  cons- 
tatation le  décida  à  fonder  un  séminaire  pour  y  pré- 
parer les  jeunes  gens  qui  lui  seraient  envoyés  par  les 
églises  de  France  reconstituées.  A  force  de  démar- 
ches il  parvint  à  réunir  les  fonds  nécessaires.  Maison 
décida  de   transférer  cette    fondation    à    Lausanne. 


—   2=i9   — 

Bientôt  donc  des  jeunes  gens  de  France  arrivèrent 
dans  cette  maison  pour  y  faire  les  études  pastorales. 
Ces  jeunes  gens, 'il  fallait  que.  dès  l'âge  de  m  à  i6  ans, 
ils  eussent  fait  l'apprentissage  de  la  vie  errante  et 
clandestine  en  compagnie  de  pasteurs  itinérants. 
C'était  le  meilleur  moyen  d'éprouver  les  vocations, 
et  on  voit  par  là  combien  Court  avait  de  sens  prati- 
que. Et  cette  épreuve  durait  de  quatre  à  cinq  ans  au 
bout  desquels  les  Synodes  étaient  appelés  à  se  pro- 
noncer, et  ceux  des  jeunes  gens  qui  avaient  fait  mon- 
tre d'aptitudes  et  de  sang-froid  en  plus  d'une  grande 
Diété  et  d'une  vive  intelligence,  étaient  envoyés 
comme  proposants  au  séminaire  de  Lausanne.  C'est 
à  l'œuvre  de  Court  qu'on  doit  la  résurrection  du  pro- 
testantisme dans  ie  pays  de  Caux. 

Après  Paul  Cardel.  Cottin,  Duplan,  La  Gacherie, 
Masson,  Claude  Brousson,  les  protestants  cauchois 
n'avaient  plus  eu  que  des  prédicants  pour  l'exhorta- 
tion, l'administration  de  la  Cène  et  la  bénédiction  des 
mariages.  Le  nom  de  ces  serviteurs  dévoués  ne  sont 
pas  tous  connus.  Citons  parmi  eux  Morel  •,  Jean 
Boivin,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  Rudemare,  Ber- 
tin.  de  La  Montagne,  de  La  Forge  (1726)  et  Jean  Cha- 
pelle. Ce  dernier  parait  avoir  laissé  le  plus  profond 
souvenir.  Cependant,  nous  ne  savons  pas  grand 
chose  de  ses  travaux  ;  mais  nous  savons  qu'il  souffrit 
pour  la  foi,  car,  en  174=».  nous  le  trouvons  galérien 
pour  cause  de  religion  -.  Nous  avons  trace  aussi 
qu'en  1726  un  sieur  de  la  Tibourée  et  en  1732  un 
nommé  Dujardin,  de  Caen,  visitèrent  les  églises  cau- 

1.  —  Nous  avons  signalé  au  chap.  précédent  —  page  245  — 
sur  la  foi  d'un  rapport  de  l'abbé  Tliévenin,  qu'un  nommé  Mo- 
rel, d'Ecuquetot,  «  qui  avait  fait  le  prêche  étai)li  à  Yillainville  ». 
était,  en  1599,  renégat  depuis  4  ans.  .S'agit-il  du  même  Morel? 
C'est  fort  probable. 

2.  —  Ballet,  du  Prot.  franc.,  XXXIX.  646,  653  et  XLVI, 
504. 


—  260  — 

choises.  Il  en  est  un,  Rudemare.  qui  eut  une  action 
dissolvante.  Il  s'en  suivit  un  refroidissement  chez  un 
grand  nombre,  et  peu  à  peu  les  assemblées  secrètes 
diminuèrent  en  fréquence  et  assistance. 

Vers  1730,  le  Parlement  de  Normandie  montra 
qu'il  était  animé  du  sentiment  de  la  justice  en  devan- 
çant le  Droit.  Voici  dans  quelles  circonstances  :  Un 
nommé  Duhamel,  qui  avait  fait  bénir  clandestine- 
ment son  mariage  par  un  prédicant,  étant  mort,  son 
frère,  qui  savait  que  ce  mariage  était  nul  légalement 
en  vertu  de  la  déclaration  de  1724,  demanda  à  être 
envoyé  en  possession  de  l'héritage  au  lieu  et  place  de 
la  veuve  et  de  l'enfant,  qui,  aux  yeux  de  la  loi  n'é- 
taient qu'une  concubins  et  qu'un  bâtard.  11  avait  in- 
dubitablement raison  en  droit.  Eh  1  bien,  le  parle- 
ment lui  donna  tort  et  reconnut  le  titre  d'épouse  à 
la  femme  et  de  fils,  et  par  conséquent  le  droit  d'hé- 
riter, à  l'enfant.  Ce  jugement  eut  un  grand  retentis- 
sement dans  toute  la  province  et  modéra  le  zèle  des 
ennemis  des  réformés,  et  la  validité  des  mariages  bénis 
par  les  pasteurs  fut  moins  souvent  attaquée,  et  les 
enlèvements  d'enfants  devinrent  moins  fréquents. 
Les  idées  de  tolérance  commençant  à  s'imposer  à 
quelques  esprits,  le  clergé  redoubla  d'ardeur  pour 
réagir  et,  en  1737,  des  ordres,  qu'on  renouvela  les 
années  suivantes,  furent  donnés  pour  l'application 
des  édits,  et  les  persécutions  et  les  enlèvements  re- 
doublèrent. 

Par  un  acte  d'inhumation  inscrit  à  la  date  du  16 
mai  1743  sur  les  registres  de  la  paroisse  de  Caudebec- 
en-Caux  concernant  Marie-Madelaine  Fauquet,  née 
le  8  février  1727,  nous  voyons  que  cette  jeune  fille 
avait  été  enlevée  à  ses  père  et  mère,  Louis  Fauquet, 
de  Bolbec.  et  Suzanne-Elisabeth  Hérubel,  en  vertu 
d'une  lettre  de  cachet  délivrée  le  12  juin  1737,  et 
conduite    au   monastère    des    Dames    religieuses  de 


261 


Caudebec.  où  elle  abjurait  en  forme  le  7  avril  1739, 
à  12  ans  !,  et  mourait  4  ans  après.  Les  actes  de  décès 
de  la  maison  des  Nouvelles  Catholiques  de  Rouen 
nous  révèlent  trois  enlèvements  de  jeunes  filles  qui 
eurent  lieu  aux  environs  de  1737  :  1°  Celui  de  Cathe- 
rine Hérubel,  fille  de  Daniel  Hérubel  et  de  Marie 
Sieurin,  de  Beuzeville-la-Grenier,  perpétré  le  35 
avril  173s  ;  2"  celui  de  Catherine  Leplay,  fille  de 
Pierre  Leplay  et  de  Madelaine  Campart,  d'Autretot, 
dont  on  ne  connaît  pas  la  date  ;  3"  et  celui  de  Made- 
laine Mordant,  fille  de  Pierre  Mordant  et  de  Made- 
laine Leplay.  aussi  d'Autretot.  dontonne  connaît  pas 
non  plus  la  date.  (On  trouvera  à  l'appendice,  —  pièce 
n"  12.  les  copies  des  actes  de  décès  de  ces  quatre 
malheureuses  filles  . 

Revenons  à  Antoine  Court.  En  1730,  il  avait  ou- 
vert à  Lausanne  le  séminaire  destiné  à  former,  pour 
les  églises  du  désert,  des  pasteurs  capables  de  rem- 
plir dignement  leur  périlleuse  mission.  Seulement, 
il  fallait  qu'il  se  passât  quelques  années  avant  qu'il 
pût  fournir  à  la  Normandie  les  pasteurs  que  cette 
province  ne  cessait  de  demander.  Pendant  cette  at- 
tente, de  nouveaux  prédicants.  suscités  et  aussi  surex- 
cités par  les  circonstances  surgirent  dans  le  pays  de 
Caux  et  le  parcoururent  en  tous  sens.  Ceux  dont  le 
nom  nous  a  été  conservé  sont  André  Migault.  qui  fut 
le  véritable  restaurateur  du  culte  en  commun  dans 
notre  région,  Rudemare,  déjà  nommé,  Jean  Pautel, 
ancien  ami  de  Chapelle,  et  Jean  Férard.  Sauf  pour 
Migault  et  Rudemare,  nous  manquons  de  détails  sur 
l'œuvre  qu'ils  accomplirent. 

André  Migault,  originaire  de  Beaussais,  en  Poitou, 
prit  à  cœur  de  faire  exécuter  les  résolutions  prises 
par  le  Synode  général  qui  s'était  tenu  dans  le  Viva- 
raisle  i5  mai  1726  et  qui  consistaient  à  partager  les 
provinces  en  quartiers  et  à  envoyer  à  chacun  de  ces 


—  262  — 

quartiers  un  pasteur  ou  prédicant  avec  mission  de  le 
visiter  hameau  par  hameau  et  de  réunir  à  son  chef- 
lieu  une  petite  bibliothèque.  Malheureusement,  il  se 
heurta  à  des  difficultés  intestines  dans  la  région  qui 
nous  est  chère,  et  ces  difficultés  lui  venaient  de  plu- 
sieurs prédicants  locaux,  entre  autres  de  Rudemare 
qui,  s"enivrant  de  sa  propre  parole,  avait  fini  par 
créer  une  sorte  de  schisme.  Il  fallait  absolument  que 
Migault  surmontât  cette  opposition.  Pour  y  parvenir 
il  appela  à  son  aide  un  homme  qu'il  avait  rencontré 
en  Poitou  et  dont  il  avait  apprécié  le  zèle  d"apôtre  et 
le  talent,  le  ministre  Viala  ;  mais  Viala  ne  pouvait 
venir  immédiatement.  Pour  remédier,  au  moins  pro- 
visoirement, au  mal  que  lui  signalait  Migault  — 
qu'on  appelait  aussi  Preneuf  —  Viala  le  fit  nommer 
aspirant  au  saint  ministère.  Cette  qualité  lui  donna  le 
pas  sur  les  autres  prédicants.  notamment  sur  Rude- 
mare  ;  mais  l'opposition  de  ce  dernier,  enhardie  par 
quelques  partisans  remuants,  ne  s'amortit  pas,  au 
contraire. 

Lorsque  Viala  put  venir  en  Normandie,  vers 
1741/42,  Migault-dit-Preneuf  se  rendit  à  Lausanne 
pour  V  compléter  ses  études  et  s'y  faire  consacrer. 
Le  ministère  de  Viala  s'exerça  très  activement  et  très 
efficacement.  C'est  ainsi  qu'au  cours  de  ses  tournées 
dans  la  région  cauchoise  il  put  organiser  les  églises 
suivantes  (1742)  : 

La  Remuée avec  3  anciens  et  fiiviron  120  membres. 

Saint-Nicolas     .     ...»  4  »  »  300  > 

Saint-Eusfache  .      ...»  3  »  »  200  » 

Mélamare »  3  >  >  300  » 

Lintot »  4  »  »  oOO  » 

(Irucliot »  ,3  >  »  100  » 

St-Gilles-de-la-Neuville.     .       »  3  »  »  200  » 

St-Sauveuret  Anp:ei'ville.     .       >  5  »  »  400  » 


—  26:;  — 

Miiné^'lise  et  Hernieville,  .     avec  4  anciens  h  envimn  350  membres. 
Ecuquelot-Anglesqueville  .        »     3       »  «       27         » 

Au  début,  A'iala  avait  avec  lui  un  jeune  proposant 
du  nom  de  Redonnel,  surnommé  Joseph  ;  un  peu 
après,  le  pasteur  Loyre  vint  se  joindre  à  eux. 

L'absence  de  Migault-dit-Preneuf  ne  dura  pas  long- 
temps. Aussitôt  consacré,  il  revint  et  se  mita  la  tète 
des  églises  restaurées  par  Viala.  Le  titre  de  pasteur 
lui  donnait  de  l'autorité  ;  mais  les  discussions  un  peu 
apaisées  pendant  son  absence  se  réveillèrent.  Ce  fut 
lui  néanmoins  qui  fut  choisi  comme  député  au  deu- 
xième synode  national  tenu  en  Languedoc  en  1744. 
Il  présenta  à  ce  synode  un  document  important  :  le 
dénombrement  desmembresde  son  église.  Ce  dénom- 
brement accusait  10=^1  familles  formant  un  total  de 
4,228  personnes  dispersées  dans  83  paroisses  (Havre, 
Rouen  et  Dieppe  exceptés)  de  la  généralité  de  Rouen. 
Il  y  avait  certainement  des  protestants  dont  il  n'est 
pas  fait  état  parce  qu'ils  étaient  trop  disséminés  dans 
d'autres  paroisses  plus  ou  moins  éloignées.  Le  groupe 
constituant  aujourd'hui  l'église  de  Luneray  et  ses  an- 
nexes est  indiqué  pour  670  personnes  ;  celui  repré- 
sentant la  consistoriale  actuelle  de  Bolbec  pour  2,980 
personnes,  et  celui  ressortissant  aujourd'hui  aux 
églises  de  Montivilliers  et  de  Criquetot,  pour  580 
(voir  ce  dénombrement  à  l'appendice,  —  pièce 
n°  n.)  Ce  sont  là  des  chiffres  éloquents  et  qui  prou- 
vent qu'un  réveil  s'était  produit.  Et  cependant  il  n'est 
pas  douteux  que  Preneuf  n'avait  pu  découvrir  tous 
les  protestants  cauchois.  Et  puis.  Rudemare,  soutenu 
par  Jean  Férard.  Pautel,  Jean  Graindor,  Guillaume 
Dupray,  Jean  Serville  et  Jean  Faucon,  avait  beau- 
coup contribué  à  maintenir  des  anciens  religionnaires 
dans  l'église  romaine  qui  ne  se  faisait  pas  faute  d'ex- 
ploiter ces  divisions.  Au  sujet  de  ce  schisme  regret- 


—  264  — 

table,    voici   ce    que    Preneuf   écrivait   à    Court   le 
12  janvier  1745  : 

€  Mes  aUnires  sont  toujours  Irrs  mal  à  cause  de  la  division 
«  qui  règne  sans  que  je  puisse  trouver  aucun  moyen  pour 
«  l'arrêter.  Cette  division  est  excitée  et  entretenue  par  quel- 
«  ques  particuliers  qui  ont  toujours  sacrifié  la  gloire  de  Pieu  et 
«  la  paix  de  l'église  à  leur  ambition  et  à  leur  amour-propre. 
«  Ils  font  Ions  leurs  efforts  pour  me  chasser  du  pays  ;  et  pour 
«  réussir  dans  ce  projet,  ils  lâchent  de  persuader  aux  autres 
«  que  je  ne  suis  pas  minisli'o  et  que  toutes  les  preuves  que  j'en 
«  ai  données  étaient  suposées.  . .  »  ' 

Mais  ce  ne  furent  pas  seulement  des  dissensions  in- 
testines qui  assaillirent  Preneuf;  il  eut  encore  à  souf- 
frir les  persécutions  du  dehors.  Le  Parlement  de 
Normandie  se  montrait  bien  toujours  animé  de  bon- 
nes dispositions,  mais  il  n'en  allait  pas  de  même  des 
autorités  administratives  portées,  par  ambition,  à 
faire  du  zèle.  Or,  à  ce  moment,  le  gouvernement  de- 
mandait, par  redoublement  d'ardeur  bigote,  l'appli- 
cation stricte  des  ordonnances  et  édits.  Il  en  résulta 
ce  qu'on  devine  :  des  tiraillements  entre  les  autorités 
administrative  et  judiciaire  qui  dégénérèrent  en  tra- 
casseries et  en  persécutions  contre  les  protestants  et 
rendirent  la  mission  de  Preneuf  singulièrement  pé- 
nible. Nous  relevons  que  le  4  avril  1739  un  protes- 
tant de  Luneray  dont  le  nom  ne  nous  est  pas  connu, 
n'ayant  pas  voulu  se  mettre  à  genoux  ni  se  découvrir 
devant  le  St-Sacrement  sur  la  place  du  marché  au 
sel,  à  Dieppe,  fut  mis  en  prison  et  condamné  à  faire 
réparation  et  à  payer  20  1.  d'amende  pour  le  roi.  40 
sols  pour  l'hospice  général  et  40  1.  pour  entretenir 
pendant  10  mois  deux  cierges  brûlants  à  l'église  St- 
Jacques. 

1.  —  Correspondance  de  Court  (Bihl.  de  Genève). 


26=i      

Au  synode  national  du  Bas-Languedoc  tenu  en 
1744,  où  Preneuf  représentait  les  églises  de  Norman- 
die, les  décisions  suivantes  furent  prises  (nous  les  ré- 
sumons) : 

I.  On  célébrera  un  jeûne  général  le  13  décembre 
prochain  pour  la  conservation  de  S.  M.,  le  succès  de 
ses  armes,  la  fin  de  la  guerre  et  la  délivrance  de  l'E- 
glise. 

II.  Tous  les  pasteurs  feront  chaque  année  au 
moins  un  sermon  sur  les  sentiments  de  fidélité  qui 
sont  dus  aux  souverains. 

VI.  Les  pasteurs  s'abstiendront  d'aborder  dans  leurs 
sermons  aucuns  points  de  controverse  et  ne  parleront 
qu'avec  beaucoup  de  circonspection  de  ce  que  les 
églises  eurent  à  souffrir. 

VIII.  Les  fidèles  sont  exhortés  à  souffrir  patiem- 
ment les  traitements  auxquels  ils  pourront  être  ex- 
posés pour  la  religion  et  à  n'entrer  dans  aucune  con- 
testation où  l'on  traite  de  questions  de    controverse. 

XIII.  On  exécutera  autant  qu'il  sera  possible  l'ar- 
ticle XXV  du  chapitre  P''de  la  discipline,  on  évitera 
surtout  de  laisser  prêcher  aucun  pasteur  ou  propo- 
sant qui  ne  soit  connu  de  Quelque  membre  du  Con- 
sistoire. 

XXIV.  La  séance  du  jeudi  finie  et  avant  la  sépara- 
tion l'assemblée  synodale  ayant  reçu  la  triste  et  affli- 
geante nouvelle  de  la  maladie  du  roi,  s'est  jetée  à 
genoux  pour  demandera  Dieu,  par  une  ardente  priè- 
re, le  rétablissement  de  la  santé  du  roi,  et  ensuite  a 
ordonné  des  prières  publiques. 

Un  langage  empreint  d'une  telle  fidélité  au  principe 
monarchique  aurait  dû  amener  l'apaisement  reli- 
gieux ;  il  accentua  la  discorde,  au  contraire.  Il  est 
vrai  que  c'était  un  synode,  un  corps  constitué,  qui 
parlait,  preuve  de  la  résurrection  du  protestantisme. 
Le  monstre  n'était  pas  mort.  Même  il  pratiquait  son 


—  366  — 

culte  comme  lorsque  ses  temples  étaient  debout  et 
que  les  troupeaux  avaient  des  pasteurs.  Il  se  révélait 
aussi  fort  qu'avant  la  Révocation  malgré  les  défec- 
tions, l'exil,  les  persécutions.  Il  était  vivant,  bien  vi- 
vant. Et  c'est  de  ce  jour  que  les  idées  de  tolérance  se 
fixèrent  dans  les  meilleurs  esprits  pour  y  mûrir  en 
liberté  des  cultes.  Mais  en  attendant  cette  fécondation 
de  justice,  la  persécuiton  redoubla.  L'esprit  sectaire 
et  fanatique,  dans  sa  rage  vengeresse,  obtint  du  pou- 
voir complice  deux  ordonnances  d'une  cruauté  qui 
égalait  l'ancienne.  Les  enlèvements  d'enfants  rede- 
vinrent fréquents.  Ceux  se  plaçant  à  ce  moment  de 
notre  récit  (1740/44)  et  intéressant  la  région  qu'il 
embrasse,  se  rapportent  aux  cinq  enfants  de  Charles 
Maçon,  seigneur  et  patron  de  Lintot.  Ces  pauvres 
enfants,  jeunes  encore,  furent  enfermés  aux  Nouvelles 
Catholiques  de  Rouen  et  y  abjurèrent  bientôt  1.  Beau- 
coup d'autres  enfants  furent  placés  dans  cette  maison 
sur  ces  entrefaites,  mais  nous  ne  savons  de  quelles 
paroisses  ils  venaient.  Certains  noms  sont  cauchois. 

Ces  rapts  inhumains  firent  reprendre  le  chemin  de 
l'exil,  surtout  parmi  les  jeunes  gens. 

On  ne  peut  s'imaginer  aujourd'hui  dans  quelles 
transes  vivaient  alors  les  pères  et  mères  de  famille 
en  pensant  qu'ils  pouvaient  voir  arriver  à  tout  ins- 
tant du  jour  et  de  la  nuit  les  gens  de  la  maréchaussée 
porteurs  de  Tordre  «  au  nom  du  roy  ))  d'emmenerun 
ou  plusieurs  de  leurs  enfants  pour  les  enfermer  dans 
des  couvents  spéciaux  où  ils  ne  pourraient  les  voir 
qu'en  devenant  renégats  !  On  cachait  les  pauvres  pe- 
tits êtres  du  mieux  qu'on  pouvait,  et  l'amour  pater- 

II  y  avait  3  garçons  et  2  filles.  La  seconde  des  filles  étant  ve- 
rnie à  mourir,  l'aînée,  d'après  le  vicaire  général  supérieur  de 
l'établissement,  prît  la  maison  en  dégoût  et,  dans  la  crainte 
qu'elle  ne  prit  en  même  temps  du  dégoût  pour  la  religion  ca- 
tholique, il  émit  l'avis  de  la  laisser  partir.  On  ne  sait  s'il  fut 
écouté. 


—  267  — 

nel  et  maternel  alarmé  rendait  ingénieux.  Au  moin- 
dre bruit,  la  nuit,  on  s'empressait  de  fuir  par  une 
porte  de  derrière  ou  une  fenêtre  en  emportant  dans 
les  bras,  au  fond  d'un  bois  ou  d'une  carrière,  l'en- 
fant endormi  et  nu.  quelle  que  fût  la  saison. 

"Voici  quelques  épisodes  mouvementés  d'enlève- 
ments regardant  notre  région,  qui  se  placent  vers 
cette  époque  :  M.  Durfort,  riche  propriétaire  de  Lu- 
neray,  avait  un  fils  de  15  ans  qu'il  chérissait  d'autant 
plus  qu'il  était  unique.  Quelques  pillards  dont  la 
cupidité  était  sans  doute  excitée  par  l'importance  de 
l'héritage,  dénoncèrent  l'enfant  comme  élevé  dans  la 
religion  protestante.  Les  gendarmes  vinrent,  envahi- 
rent la  maison  et,  sous  les  yeux  du  père  et  de  la  mère 
au  désespoir,  s'emparèrent  du  pauvre  garçon  et  l'em- 
menèrent à  Dieppe  d'abord  et  de  là...  on  ne  sait  où, 
car  jamais  on  n'en  entendit  parler  par  la  suite.  Un 
homme  vigoureux,  nommé  Gossier,  se  trouvait 
dans  la  chambre  de  l'enfant  avant  que  les  gendarmes 
n'y  pénétrassent  ;  le  jeune  Durfort  le  suppliait  de  le 
sauver  en  le  tirant  par  la  fenêtre  ;  mais  il  n'en  eût 
pas  le  courage  1.  Ce  même  Gossier  avait  une  petite 
fille  de  7  ans  nommée  Catherine.  Un  jour,  elle  dispa- 
rut. On  ne  savait  par  qui  elle  avait  été  enlevée,  mais 
on  devinait  pourquoi  puisque  le  père  était  protes- 
tant. Au  bout  de  quelque  temps,  sa  retraite  fut  dé- 
couverte :  elle  se  trouvait  dans  une  famille  nommée 
Capon,  à  Gruchet-Saint-Siméon,  paroisse  voisine.  Le 
père  s'arme  d'un  fusil  et  va  menacer  de  mort  les  ra- 
visseurs de  son  enfant  pour  qu'ils  la  lui  livrent.  Ils 
cédèrent  ;  mais  ils  se  vengèrent  par  la  suite  sur  son 
fils  aîné  en  le  faisant  mourir  misérablement. 

En  17=)!,  deux  jeunes  filles  de  7  et  5  ans,  Marie  et 
Elisabeth  Benoist,  enfants  de  Pierre  Benoist  et  de  Ma- 

1.  —  Ce  récit  et  les  suivants  sont  empruntés  à  la  brochure 
déjà  citée  de  M.  Berthe. 


—  26R  — 

rie  Néel,  de  Greuville,  village  également  voisin  de 
Luneray  faillirent,  six  mois  après  la  mort  de  leur 
père,  être  enlevées  à  leur  mère  pour  être  placées 
dans  un  couvent.  L'enlèvement  eut  lieu,  par  des 
mains  amies,  pour  prévenir  l'autre,  celui  qui  eût 
privé  à  jamais  la  pauvre  mère  de  Taffection  de  ses 
deux  enfants  :  en  effet,  le  père  et  le  beau-père  de 
celle-ci,  c'est-à-dire  les  deux  grand'pères  des  fillettes, 
trouvèrent  au  loin  un  asile  sûr  pour  elles.  Nous  de- 
vons dire,  pour  en  faire  honneur  à  sa  mémoire,  que 
ce  fut  le  prieur  de  Greuville  qui,  informé  du  projet 
d'enlèvement,  en  avait  averti  la  pauvre  mère  pour 
qu'elle  y  parât,  et  c'est  alors  qu'elle  avait  couru  chez 
ses  père  et  beau-père  et  les  avait  ramenés  avec  elle  et 
que  ceux-ci  s'étaient  dépéchés  de  les  emporter.  Ils  les 
tinrent  cachées  pendant  trois  jours.  Dans  le  but  de 
soustraire  les  deux  fillettes  à  de  nouvelles  tentatives 
ils  les  conduisirent  à  Hautot-Saint-Sulpice,  à  trois 
grands  quarts  de  lieue  d'Autretot,  chez  des  protes- 
tants sans  enfants  où  elles  demeurèrent  huit  ans  sans 
revenir.  Elles  furent  élevées  dans  la  foi  réformée  par 
les  époux  qui  les  avaient  recueillies  et  eurent  souvent 
l'occasion  de  se  rendre  avec  eux,  la  nuit,  au  culte  qui 
se  célébrait  secrètement  de  temps  à  autre  à  Autretot. 
Une  fois  rentrées  chez  leur  mère,  Marie,  l'aînée  se 
maria;  l'autre,  Elisabeth,  passa  trois  ans  dans  une 
chambre  sans  voir  personne  d'autre  que  sa  mère  et 
une  domestique  sûre.  Elle  ne  sortit  de  cette  réclu- 
sion que  pour  se  marier.  Elle  avait  i6  ans.  Son  mari, 
François  Poulain,  s'établit  cultivateur  à  Beautot, 
près  de  Bacqueville.  Six  enfants  naquirent  de  cette 
union,  dont  descendent  un  certain  nombre  de  familles 
protestantes  de  Luneray. 

Ces  rapts  ou  tentatives  de  rapts  d'enfants  créaient 
une  situation  douloureuse  pour  tout  le  protestantisme 
français,  car  lorsque  les  parents  savaient  déjouer  les 


—  269  — 

enlèvements  on  les  jetait  en  prison  jusqu'à  ce  qu'ils 
livrassent  leurs  enfants  ou  révélassent  l'endroit  de 
leur  retraite.  Mais  les  protestants  cauchois  eurent 
plus  spécialement  à  en  souffrir  parceque  Louis  XV 
étant  continuellement  en  guerre  avec  ses  voisins  il 
en  résulta  que  le  Havre.  Dieppe  et  Fécamp  virent 
leur  commerce  maritime  péricliter  et  que  la  misère 
s'y  répandit  et  même  se  répandit  par  toute  la  contrée 
avoisinante.  Et  c'est  surtout  cela  qui  provoqua  des 
émigrations  à  cette  époque  ;  et  comme  ceux  qui  pas- 
saient à  l'étranger  étaient  parmi  les  plus  riches  et  les 
plus  industrieux,  le  mal  s'ajoutait  au  mal  et  la  misère 
devint  criante.  Or.  des  communautés  clandestines 
comme  étaient  les  églises  protestantes  d'alors  ont 
besoin,  pour  vivre,  que  leurs  membres  s'imposent 
des  sacrifices  importants, —  et  les  plus  riches  étaient 
partis  ou  s'en  allaient  I  Les  charges  retombaient  donc 
toutes  sur  ceux  qui  restaient  et,  par  conséquent,  de- 
venaient très  lourdes  pour  eux.  d'où  une  source  de 
tribulations  d'un  ordre  particulièrement  délicat  pour 
le  pasteur  régulier  du  pays  de  Caux  :  aussi  nous  ex- 
pliquons-nous pourquoi  la  correspondance  de  Pre- 
neuf  a  parfois  des  accents  de  découragement  et  d'a- 
mertume comme,  par  exemple,  dans  sa  lettre  à  Court, 
du  n  février  174s,  où  il  dit  : 

«  Quoi  qu'il  y  ait  ici  assez  de  travail  pour  deux  ministres,  il 
«  n'est  pas  possible  de  les  faire  subsister,  l'avarice  et  l'ingrati- 
«  tude  y  sont  à  leur  comble,  .l'ai  dépensé  330  livres  pour  aller 
<t  au  Synode  national,  sur  quoy  je  leur  ai  demandé  200  francs 
<t  pour  rembourser  ce  que  j'avais  emprunté  pour  me  rendre 
«  ici,  et  que  je  leur  quittais  le  reste,  mais  on  m'a  fait  entendre 
«  que  je  n'avais  rien  à  espérer  de  ce  côté-là.  Les  contredisants 
t  (les  partisans  de  Rudemare)  empêchent  plusieurs  églises  de 
1  de  payer  leur  contingent,  mais  j'espère  que  cela  ira  mieux 
I  par  la  suite,  car  autrement  il  faudrait  abandonner  le  pays.  » 


A  en  jug-er  parce  que  dit  Preneuf  dans  cette  lettre 
et  une  autre  au  même  correspondant,  ce  serait  moins 
la  pauvreté  que  l'avarice  qui  aurait  causé  l'irrégula- 
rité avec  laquelle  étaient  payées  les  parts  que  chaque 
église  devait  fournir  pour  son  traitement.  Quoi  qu'il 
en  soit,  nous  pouvons  dire  avec  certitude  qu'à  cette 
époque  le  pays  de  Caux  tout  entier  était  plongé  dans 
une  extrême  misère.  Heureusement,  Preneuf.  malgré 
son  dénuement  et  ses  griefs,  ne  se  relâchait  point 
dans  son  zèle  à  parcourir  le  champ  de  sa  mission  : 

dc  J'ai,  écrit-il  à  Antoine  Court  dans  une  autre  lettre  de  la 
«  même  année,  formé  tout  de  nouveau  cinq  églises,  en  sorte 
«  que  j'en  ai  à  présent  vingt  à  desservir,  mais  qui  sont  très 
«  petites  à  la  vérité  puisqu'elles  s'assemblent  dans  des  maisons 
«  particulières,  mais  je  n'en  ai  pas  moins  de  peine  pour  cela. 
«  Je  les  visite  quatre  fois  en  neuf  mois,  ce  qui  est  le  temps  qu'on 
«  peut  travailler  ici.  » 

Dans  une  autre  lettre  il  indique  le  nombre  des 
mariages  qu'il  a  bénis  du  6  août  1643  au  15  juin  1744 
et  du  22  octobre  1744  au  13  février  174=5,  qui  est  de 
17  pendant  le  premier  laps  de  temps  et  de  13  pendant 
le  second  ;  mais  il  déclare  qu'il  a  fait  peu  de  baptê- 
mes, la  plupart  des  enfants  étant  baptisés  aux  églises 
catholiques  à  cause  des  édits  qu'on  ne  peut  éluder, 
les  naissances  étant  toujours  connues  et  les  persécu- 
tions redoublant  d'ardeur.  La  situation  était  même 
devenue  intolérable  pour  Preneuf,  et  son  ministère 
se  trouvait  arrêté.  En  1747,  il  écrit  en  effet  à  Court  : 

«...  Vous  pouvez  juger  par  ce  que  je  viens  de  vous  dire 
«  de  ce  pays  que  je  n'ai  besoin  d'aucun  aide  puisque  je  n'y  fais 
K  rien  et  que  je  n'y  puis  rester  moi-même.  Je  puis  bien  assurer 
«  avec  vérité  que  toutes  les  peines,  les  inquiétudes  que  j'ai 
«  eues  depuis  près  de  20  ans  que  je  suis  au  désert,   n'étaient 


—  271  — 
«  point  comparables  à  l'état  où  je  me  trouve  aujourd'hui.  ^  > 

Et  le  22  avril  1748,  il  écrit  à  Paul  Rabautqueregli.se 
voyait  journellement  enlever  garçons  et  filles  par  les 
convertisseurs. 

Un  adoucissement  à  ce  malheur  fut,  pourPreneuf, 
de  voir  le  schismatique  Rudemare,  en  présence  des 
conséquences  des  divisions  qu'il  avait  semées,  recon- 
naître qu'il  s'était  trompé  et  consentir  à  ne  plus  bénir 
de  mariages  pourvu  qu'on  continuât  de  le  laisser 
prêcher. 

Sur  ces  entrefaites,  un  nommé  Jean  Campart.  qui 
avait  quitté  sa  maison  en  emportant  son  enfant  qu'on 
voulait  lui  ravir,  fatigué  de  se  cacher  de  lieu  en  lieu, 
se  retira  en  Suisse.  Pierre  Selingue,  qui  avait  rempli 
la  charge  d'ancien,  Jean  Renou,  Jacob  Hignou,  Jean 
de  Lamare,  François  Castaigne,  Guillaume  dit  Le- 
grand,  etc.,  s'y  réfugièrent  en  même  temps.  C'étaient 
des  fabricants  ou  ouvriers  tisserands. 

Les  protestants  souffraient  par  toute  la  France.  Un 
espoir  de  salut  se  présenta  lorsque  Louis  XV  et  la 
coalition,  pour  éviter  une  prise  d'armes,  convoquè- 
rent le  Congrès  d'Aix-la-Chapelle.  En  présentant 
aux  plénipotentiaires  quelques  demandes  modérées 
comme  :  i°une  amnistie  générale  des  contraventions 
aux  édits  pour  faits  de  religion  et  la  remise  des  pei- 
nes encourues  ;  2°  l'abolition  des  édits  contre  la  re- 
ligion et  la  mise  des  protestants  français  sur  le  même 
pied  que  les  catholiques  d'Angleterre  ;  y  le  relâche- 
ment des  galériens,  prisonniers  et  autres  condamnés 
pour  cause  de  religion  ;  4"  la  prescription  aux  pro- 
testants d'un  mode  de  vivre  qui  leur  permît  d'avoir 
des  ministres  en  nombre  suffisant  et  de  tenir  des  as- 
semblées sans  être  molesté  pour  ce  fait  ;  3°  la  confir- 

1.  —  Mss.  Paul  Rabaud.  —  G.  Goquerel,  Pasteurs  du  Désert, 
I.  452. 


—  s-ya  — 

mation  de  tous  mariages  et  baptêmes  accomplis  par 
des  pasteurs  afin  que  la  légitimité  des  enfants  fût 
reconnue  et  que  Ihoirie  devînt  légale,  même  en 
payant  aux  curés  ce  que  les  cérémonies  leur  eussent 
rapporté,  célébrées  par  eux,  les  religionnaires 
croyaient  vraiment  réussir.  On  ne  les  écouta  même 
pas  !  Preneuf  en  fut  profondément  affecté  et  sa  santé, 
déjà  précaire,  en  devint  fort  ébranlée. 

Le  Synode  nationai,  dont  la  rigueur  des  temps 
avait  empêché  la  réunion  en  1747,  fut  convoqué  pour 
le  II  septembre  1748,  dans  les  Cévennes.  Preneuf,  ne 
se  sentant  pas  la  force  d'effectuer  un  tel  voyage,  dé- 
signa pour  le  remplacer  le  proposant  Jean  Godefroy 
et  un  laïque'nommé  Abraham  Pertuzon,  choix  que 
les  églises  ratifièrent.  Godefroy  et  Pertuzon  allèient 
donc  au  synode.  Ils  étaient  porteurs  d'une  lettre  de 
Preneuf  dont  voici  un  extrait  : 

«  Nous  aurions  bien  souhaité  de  pouvoir  nous  trouver  dans 
«  votre  assemblée  synodale  aJin  de  la  rendre  plus  complète, 
«  mais  plusieurs  obstacles  rendent  ce  désir  inutile  ".  1°  la  lon- 
«  gueur  du  chemin;  2oringfatitudede  nos  églises  qui  ne  veulent 
«  pas  contribuer  aux  frais  du  voyage  ;  le  peu  de  santé  dont 
«  jouit  M.  de  Preneuf  depuis  plus  de  trois  ans,  ce  qui  le  met 
«  dans  l'impossibilité  de  faire  un  tel  voyage.  Nous  espérons, 
«  Messieurs  et  très  honorés  frères,  que  la  vénérable  assemblée 
«  aura  égard  à  toutes  ces  raisons  qui  ne  nous  permettent  pas 
c  de  faire  ici  tout  ce  que  l'on  exige  de  nous,  et  qu'elle  voudra 
«  bien  agréer  les  moyens  que  nous  employons  pour  tâcher  d'y 
t  suppléer,  s'il  est  possible.  Pour  cet  effet,  nous  députons  audit 
«  synode  et  pour  agir  au  nom  des  pasteurs  et  des  églises  de 
«  cette  province,  les  nommés  .lean  Godefroy,  aspirant  au  saint 
«  ministère,  et  Abraham  I*ertuzon,  ancien,  auxquels  nous  don- 
<  nons  pleins  pouvoirs  d'agir,  persuadés  (jue  la  vénérable 
«  assemblée  voudra  bien  leur  accorder  la  même  liberté  qu'aux 
«  députés    des    autres    provinces.     Nous    désirons    que    nos 


—  273  ^ 

députés  demandent   à   la   vénérable  assemblée    : 

«  1"  Qu'il  soit  envoyé  à  Lausanne  pour  y  être  mis  en  dépôt 
t  et  sûreté  une  copie  exacte  des  règlements  synodaux  de  cba- 
«  que  église,  signée  des  pasteurs  des  endroits  où  ils  auront  été 
«  dressés  ; 

«  2o  Qu'il  soit  aussi  envoyé  pour  le  même  sujet  une  copie 
«  lidèle  exacte  des  registres  dos  baptêmes  et  mariages  qui  ont 
«  été  célébrés  par  les  pasteurs  sous  la  croix,  signés  desdits 
«  pasteurs  ; 

«  3»  Qu'il  soit  établi  dans  chaque  province  une  personne 
«  pour  la  correspondance  avec  le  dépulé  des  églises  qui  le 
«  tienne  exactement  informé  des  clioses  qui  se  passent  et  puisse 
«  recueillir  à  son  tour,  par  le  moyen  du  dit  député,  les  avis 
«  que  les  amis  croiront  nécessaires  pour  le  bien  des  églises  ; 

«  4o  Qu'il  soit  établi  dans  chaque  province  un  comité  de  gens 
«  éclairés  et  intègres  avec  lesquels  le  corresfiondant  qui  aura 
«  été  choisi  dans  chaque  province  puisse  conférer  sur  les  cho- 
<t  ses  essentielles  qui  pourront  se  présenter  et  qui  denuuident 
«  des  délibérations  auxquelles  tout  délai  pourrait  être  préjudi- 
«  ciable  ; 

«  Enfin,  ils  prient  la  vénérable  assenddée  d'envoyer  un  se- 
rt cond  pasteur  à  cette  province,  car  nous  en  avons  un  pres- 
<t  sant  besoin.  Nous  avons  adressé  une  vocation  au  sieur  Gau- 
«  lier,  mais  si  on  ne  juge  pas  à  propos  de  l'accorder  à  notre 
«  demande,  nous  espérons  qu'on  ne  refusera  pas  d'en  envoyer 
«  un  autre  avec  toute  la  promptitude  qu'exige  la  nécessité. 

«  Ce  22  août  1748. 

«  Preneuf,  pasteur;  Amiuiel',  ancien,  signé  pour  tous.  » 

Statuant  sur  cette  lettre,  le  Synode  vota  la  motion 
suivante  : 

«  La  province  de  Normandie  et  celle  du  Bas-Poi- 
«  ton  n'ayant  pas  envoyé  un  nombre  de  députés  ég;al 
«  à  celui  des  autres  provinces,  il  a  été  résolu  qu'elles 
«  seraient  censurées  à  ce  sujet  et  exhortées  à  envoyer 
«  une  autre  fois  une  députation   complète.   L'assem- 

18 


—  274  — 

«  blée  a  trouvé  cependant  à  propos  d'admettre  leurs 
u  députés  sans   conséquence  néanmoins   pour  Tave- 


■^ 


1.  —  E.  Hugues,  Synodes  du  Désert,  I.  267. 


CHAPITRE    ill 
Marche,  avec  des  temps  d'arrêt,  vers  la  tolérance 

(1749-1787) 


En  septembre  1749,  arriva  en  Normandie  pour 
suppléer  Preneuf  épuisé.  Pierre  Boudet  dit  Gautier 
qui  sortait  du  séminaire  de  Lausanne. 

Nous  savons  peu  de  ciioses  des  affaires  des  protes- 
tants cauchois  à  cette  époque,  et  encore  ce  peu  nous 
vieift-il  des  lettres  que  les  pasteurs  itinérants  écri- 
vaient à  Lausanne  et  a  Genève,  lettres  conservées  à 
la  bibliothèque  de  cette  dernière  ville  dans  le  dossier 
appelé  Papiers  Court.  Parmi  ces  lettres,  il  en  est  une 
qu'écrivait  à  Lausanne  le  18  septembre  1749.  le  jeune 
suppléant  de  Preneuf  en  congé,  qui  nous  dépeint  un 
état  moral  et  religieux  peu  fait  pour  nous  rendre 
fiers  de  nos  frères  du  milieu  du  XVIIP  siècle.  Qu'on 
en  ju'ge  par  ces  extraits  : 

ff  A  l'égard  (le  la  Haute-Normandie,  deux  pasteurs  suffisent 
«  dans  l'état  où  sont  les  affaires...  Je  me  crois  autant  en  sûreté 
«  ici  que  partout  ailleurs,  mais  il  faut  vous  dire  que  c'est  aussi 
«  en  observant  tout  ce  que  la  prudence  dicte  de  ménagements 
«  et  d'égards,  tant  pour  les  nôtres  que  pour  ceux  du  deliors. 
«  Eltreen  paix  avec  tous  ceux  que  l'on  voit,  n'avoir  rien  à  dé- 
«  mêler  avec  tous  ceux  qui  vous  désapprouvent,  tenir  en  bride 
«  sa  langue,  déguiser  dans  l'occasion,  n'aller  que  de  nuit,  ne 
«  pas  mettre  le  nez  à  la  fenêtre,  [)asser  les  journées  seul,  éviter 
«  de  faire  des  jaloux,  petites  assemblées  nocturnes  faites  dans 
«  des  tenqis  convenus  et  non  point  les  jours  de  foire,  marché, 
«  etc.  ;  bons  voisins,  bons  curés,  prélats  tolérants,  magistrats 
«  dignes  de  gouverner,  voilà,  monsieur,   conuiient  on   pourra 


—  276  — 

«  (Hre  ici  en  sûreté.  Mais  autreiiioDl  rien  de  plus  aisé  (|ii('  do 
«  nous  capturer;  on  ne  voit  (|u"ai-cliers  dans  le  pays;  les  inai- 
«  sons  sont  construites  de  (elle  façon  (ju'elles  rendent  l'arresla- 

«  tien  d'ini  homme  des  plus  aisées Mais   c'est  fait  avéré 

«  pour  les  iioi-maiids  caliioliques  et  protestants  que  l'arg-enl  est 
«  la  religion  dominante  du  pays.  Je  crois  impossible  de  déraci- 
«  ner  l'avarice  de  cette  province,  il  faudrait  être  apôtre  pour 
«  opérer  un  si  grand  miracle.  Les  membres  du  Parlement  sont 
«  portés  à  la  tolérance  ;  ils  détestent  les  actes  de  violence  ;  on 
«  sait  de  bonne  part  que  plusieurs  ne  seraient  pas  fâchés  (|ue 
«  nous  fussions  en  liberté.  I.es  magistrats  sont  trrs  im()arliau.\ 
«  dans  leurs  jugements  ;  jamais  le  protestant  n'est  sacrilié  au 
«  catholi(pie,  le  chétif  an  riche.  Dès  que  la  justice  est  de  notre 
«  côté  ces  Messieurs  sont  pour   nous  '.  » 

Ce  langage  est  empreint  d'exagération,  mais  il 
n'est  pas  douteux  que  les  idées  de  tolérance  ga- 
gnaient du  terrain. 

Privés  de  pasteurs  après  la  Révocation  et  jusqu'aux 
environs  de  l'année  1740,  les  protestants  se  relâchè- 
rent dans  leur  foi  et  dans  leurs  mœurs.  Et  une  fois 
que  des  pasteurs  les  visitèrent,  ces  visites  n'étaient 
pas  si  fréquentes  que  cela  put  passer  pour  une  réelle 
évangélisation.  Et  puis,  qu'on  y  songe,  il  ne  restait 
plus  alors  que  quelques  vieillards  qui  eussent  reçu 
une  éducation  protestante  ;  les  enfants  avaient  tous 
été  catéchisés  par  l'église  catholique,  le  milieu,  tout 
catholique,  opérait  lui-même  par  l'ambiance.  Aussi, 
vraiment,  ne  faut-il  pas  trop  s'étonner  de  ce  qu'écri- 
vait Gautier  au  professeur  Delarive  à  Genève,  le  28 
décembre  1749  (cette  lettre  est  datée  de  Gruchet-le- 
Valasse)  : 

«  Oh  !  que  la  dépravation  de  ce  peuple  est  grande  !  ils  n'ont 


1.  —  Papiers  Court  à  la  Bibliothèque  de  Genève. 


M  aucun  zèle  et  ce  n'est  que  malgré  eux  (jue  nous  sommes  ici. 
t  Si  les  choses  changeaient,  je  ne  me  plaindrais  pas  des  soucis, 
<c  (les  peines,  des  mépris,  des  aHronts  et  de  l'ingratitude  de  nos 
ï  protestants.  Dès  longtemps  l'opinion  qu'on  a  des  normands 
«  m'était  connue  ;  aussi,  avant  d'être  parmi  eux.  je  m'attendais 
«  à  ce  qui  ni'arrive,  si  j'en  excepte  pourtant  leur  crasse  igno- 
«  rance  et  leur  èloignement  pour  nos  saints  exercices  et  ce  qu' 
«  y  a  rapport.  On  m'avait  fait   enicndre    qu'ils   prèlaient    aisé- 

*  ment  leurs  maisons,  mais  si  cela  a  été,  cela  n'est  plus,  et 
«  malheureusement  le  pays  n'est  pas  assez  couvert  pour  prier 
«  Dieu  en  plate  campagne;  si  quelquefois  on  s'y  rend,  c'est 
«  dans  des  carrières  qui   ne   se   trouvent  commodément   qu'à 

*  deux  on  trois  endroits.  Le  prieur  de  Nointot  ayant  su  qu'il 
c  était  tenu  deux  petites  assemblées  chez  un  de  de  ses  parois- 
«  siens  dit  Hérubel,  le  maruia  et  le  tança  de  ce  qu'il  contreve- 
<  nait  aux  ordres  de  S.  M.  Il  fut  obligé  de  payer  une  amende. 
«  Depuis  lors  il  n'est  plus  question  de  faire  des  assemblées  à 
ot  Nointot.  Mirville  et  autres  lieux  voisins.  Plus  de  retraites.  On 
«  ne  veut  même  plus  nous  voir;  à  ce  seul  trait,  jugez  de  la  fer- 
«  meté  de  ce  peuple  !  '  » 

Ce  tableau  doit  être  un  peu  poussé  au  noir.  Dans 
son  enthousiasme  juvénile,  Gautier  avait  rêvé  uu 
accueil  èmoressé,  et  il  était  déçu  !  Certes,  ce  n'était 
pas  là  la  conduite  de  gens  à  foi  ferme,  mais  les  enlè- 
vements d'enfants  (il  n'y  en  avait  pas  alors  de  récents 
dans  le  oays  de  Caux.  à  notre  connaissance  du  moins, 
mais  il  y  en  avait  en  Basse-Normandie  dont  la  nou- 
velle courait  partout),  la  confiscation  de  biens,  l'a- 
mende, l'incarcération  à  la  moindre  dénonciation 
avaient  si  bien  commandé  la  prudence  et  habitué 
aux  compositions  avec  la  conscience  que  les  défail- 
lances devaient  se  multiplier.  Au  contact  de  sa  foi 
vaillante,  la  foi  de  beaucoup  reprit  vie,  et  moins  de 

1.  —  Papiers  Court,  Bililioth.  de  Genève. 


-  .7^  - 

quatre     mois    après,    le   (>   avril   17S0,    il   écrivait  : 

«  Les  asscinl)l(''es  s('iiil)lent  (hneiiir  pins  iioiiihi'cuses.  Il  est 
«  Irois  églises  de  plus  (jn"  à  inoii  ni'i-ivcc  cl  liuil  rclrnitcs.  Les 
«  jeunes  gens  ne  parlent  que  des  calccliisnics  (|ue  je  leur  fais... 
tt  Je  m'assure  que  plusieurs  lisent  la  bible  avec  l'ruil.  je  les  fais 
«  répondre  par  jugement,  en  toute  occasion  j(!  leur  inspire  l'a- 
rt mour  de  notre  religion,  le  zèle  pour  la  professer  et  le  goût 
«  pour  le  reste.  Ces  heureux  commencements  remplissent  mon 
«  âme  de  joie,  et  je  trouve  moins  de  (liflicullés  à  vaquer  aux 
«  devoirs  de  ma  charge '.  )> 

«  La  foi  est  contagieuse.  Gautier  vit  donc  que  son 
ministère  était  béni.  Son  zèle  fut  tel  que  tout  le  mon- 
de lui  rendit  bon  témoignage,  et  on  devine  par  le  ton 
de  ses  lettres  qu"il  ne  devait  pourtant  pas  ménager 
les  reproches  et  les  remontrances.  On  insista  même 
pour  que  le  jeune  proposant  fût  consacié  et  demeu- 
rât attaché  définitivement  au  pays  de  Caux.  ce  qui  fit 
dire  à  Court,  dans  sa  lettre  à  Paul  Rabaut  (26  avril 
lyso)  :  «  Sans  ce  jeune  homme  cette  province  serait 
«  à  présent  abandonnée,  ce  qui  serait  un  grand  mal. 
«  Il  y  est  fort  chéri,  et  un  cri  public  a  demandé  sa 
c(  consécration  qui  lui  a  été  accordée-.  » 

Que  ceux  qui  sentent  que  c'est  un  privilège  d'être 
protestants  n'oublient  pas  le  nom  de  Gautier  dans 
leurs  pieux  souvenirs  ! 

En  février  17=^0.  Preneuf.  qui  s'était  retiré  dans  les 
îles  de  la  Manche  pour  refaire  sa  santé,  sentant  que 
les  forces  ne  lui  revenaient  pas,  rentra  dans  le  pays 
de  Caux  pour  convoquer  le  colloque  de  la  Haute- 
Normandie  afin  de  lui  remettre  sa  démission.  Cette 
démission  fut  acceptée  par  le  colloque,  qui  nomma 
Gautier  à  sa  place  et  le  consacra  séance  tenante. 

1.  —  Papiers  Court,  Biblioth.  do  Genève. 

'^,  —  (',.  Goquerel,  Pasteurs  du  Désert,  11,  ïl^. 


—  270  — 

Voici  comment  Gautier  iui-méme  rend  compte  du 
colloque  : 

«  Il  veut  18  anciens  députés, l'ancien  secrétaire  ordinaire  des 
('  assemblées  ecclésiastiques  de  l'rovince,  M.  Preneuf  et  moi. 
ï  L'ouverture  s'en  fit  par  la  prière.  M.  Preneuf  reconnu  modé- 
«  râleur,  il  fut  Ijrièvement  exposé  quelle  était  l'autorité  de  ces 
«  assemblées  et  le  but  de  celles-ci  ;  il  s'agissait, dit  le  président, 
«  de  faire  les  règlements  les  plus  convenables  dans  l'intérêt  de 
«  ces  églises.  Le  secrétaire  fit  lecture  des  arrêts  du  colloque 
«  tenu  sous  M.  Viala.  Ces  articles,  de  nouveau  examinés,  fu- 
it rent  confirmés,  quoi  qu'on  n'eût  pas  exécuté  trois  à  toute  ri- 
c  gueur....  I.e  colloque  ordonna  la  pul)licatioii  des  bans,  dé- 
*  fendit  de  fixer  le  jour  des  noces  avant  celui  de  la  bénédiction 
I  du  mariage,  rejeta  la  proposition  de  donner  des  marques 
«  (méreauxj  aux  communiants,  ordonna  qu'à  l'avenir  les  an- 
«  ciens  seraient  reçus  en  particulier  et  non  en  public.  — 
«  M.  Preneuf  demanda  son  congé  à  l'assemblée,  lequel  lui  fut 
«  accordé  indépendamment  du  désir  qu'on  aurait  eu  de  le  pos- 
«  séder  un  peu  plus  longtemps  ;  puis  d'une  voix  unanime  .MM. 
«  les  anciens  demandèrent  que  je  fusse  reçu  ministre,  et  in- 
«  continent  il  me  fut  dit  de  sortir,  et  l'on  délibéra...  Le  rap- 
t  port  fait,  je  fus  rappelé,  et  ayant  témoigné  à  la  compagnie 
«  des  dispositions  où  j'étais,  on  procéda  à  la  cérémonie  :  jere- 
«  çus  l'imposition  des  mains  de  'SI.  Preneuf  selon  le  rite  des 
«  églises  protestantes.  —  ]>'assemblée  se  sépara  le  soir  même 
«  sans  la  moindre  contestation  ni  aucun  risque.  Les  anciens 
«  payèrent  les  frais  qui  montèrent  à  22  sols  par  tête.  » 

Voici  la  teneur  de  l'acte  de  consécration  rédigé  et 
signé  sur-le-champ  : 

«  Nous,  soussignés,  les  anciens  des  Eglises  réformées  du 
«  })ays  de  Caux  (liaute-Normandie).  dûment  assemblés  en  col- 
€  loque  le  11  du  mois  de  mars  1750,  pour  délibérer  conjointc- 
«  ment  avec  uolre  pasteur,  M.  .André  Migault,  dit  Preneuf,  sur  les 


—  28o  — 

«  adaires  desdites  Flglisos,  déclarons,  par  le  présent  acte,  à 
«  tous  à  (jui  il  appai-ticndra,  <|U(!  le  dit  pasteur  nous  ayant  no- 
«  tifié  le  désir  où  il  était  de  se  retirer  présentement  liors  du 
«  royaume,  à  cause  de  ses  infirmités  corporelles,  et  nous  voyant 
«  à  la  veille  d'être  comme  des  brebis  errantes,  sans  guide  et 
«  sans  pasteur,  il  a  été  proposé  de  créer  en  cette  qualité, 
«  M.  Pierre  fioudet,  dit  Gautier,  natif  d'Arles  en  Provence,  le- 
«  quel  prédicateur  nous  a  été  envoyé  depuis  six  mois  par  les 
«  illustres  protecteurs  de  ce  royaume,  de  la  conduite  et  conver- 
«  salion  duquel  l'asseujblée  a  unanimement  témoigné  être  sa- 
«  tisfaite,  sur  quoi  lecture  ayant  été  donnée  des  attestations 
rt  accordées  audit  sujet,  lors  de  son  départ  des  pays  étrangers  ; 
«  vu  le  témoignage  de  M.  le  modérateur  sur  le  caractère,  les 
«  lumières  et  le  talent  de  M.  (ïanlier  ;  vu  l'opinion  avantageuse 
«  que  M.  Viala  témoigne  pour  M.  Gautier,  ainsi  (jue  plusieurs 
«  autres  pasteurs  français  et  étrangers,  il  a  été  résolu  que 
«  puisque  M.  Pierre  fJoudet,  dit  Gautier,  voulait  bien  se  fixer 
«  parmi  nous,  autant  qu'il  plairait  à  la  Providence  d'y  faciliter 
«  son  séjour,  il  serait  présentement  reçu  ministre  par  l'impo- 
«  sition  des  mains  (]ui  lui  a  été  donnée  en  présence  de  l'assem- 
«  blée,  à  notre  commune  édification,  par  notre  susdit  pasteur, 
«  IM.  Migault,  qui  a  observé  dans  celte  cérémonie  l'ordre  usité 
«  dans  les  Eglises  protestantes. 

«  Nous  déclarons  expressément  que  l'assendjlée  n'a  pas  cru 
«  pouvoir  appeler  des  pasteurs  en  nombre  suffisant,  selon  la 
«  discipline,  pour  assister  à  la  dite  cérémonie,  ni  que  le  dit 
t  sujet  pût  s'aller  faire  consacrer  au  lieu  le  plus  ordinaire,  ni 
<  même  en  Poitou,  selon  que  M.  le  député  général  le  lui  avait 
«  proposé  et  moins  encore  dans  quelque  autre  province.  C'est 
«  pour(pioi  nous  avons  cru,  après  ce  ({ui  a  été  dit,  pouvoir  pas- 
c  ser  par-dessus  certaines  formalités  auxquelles  on  n'est  pas 
t  absolument  astreint  dans  tous  les  temps  ni  dans  tous  les  lieux, 
«  lesquelles  formalités  nous  avons  jugées  impraticables.  En- 
«  joignons  donc  à  tous  les  fidèles  de  reconnaître  M.  Pierre 
«  lîoudet,  dit  Gautier,  légitime  pasteur,  et  entendons  qu'il  soit 
«  reçu  en  cette  qualité  sons  difficulté    quelconque  dans   toutes 


—    28l    — 

«  les  assemblées,  etc.,  etc. 

«  Au  Désort,  ce  llPinars  1750.  » 

Signé  des  dix-huit  anciens  députés  au  colloque  avec 
le  secrétaire  Jean  Lemoine. 

Cette  consécration  ayant  soulevé  des  objections, 
quelques-uns  des  anciens  signataires  de  l'acte  adres- 
sèrent une  lettre-circulaire  aux  autres  églises  de 
France  pour  leur  donner  les  raisons  qui  les  avaient 
décidés  à  y  consentir  nonobstant  la  discipline,  ^'oici 
le  début  de  ce  document  :  «  La  divine  Providence 
«  ayant  conservé  jusqu'à  Theure  présente  quelques 
«  restes  de  l'ancien  troupeau  dont  nos  aveux  faisaient 
«  partie,  héritiers  de  la  pureté  de  leur  foi,  nous  n"a- 
((  vous  négligé  aucuns  des  moyens  proores  a  la  con- 
«  server,  à  la  propager  et  à  la  faire  fleurir  selon  les 
«  différentes  occasions  qui  se  sont  présentées,  etc., 
«  etc. 

«  Fait  au  Désert,  le  27  juillet  17=^0.  » 

Signé  :  J.  Doray,  J.  Callard,  N.  Foinet,  J.  Philippe, 
J.  Formentin.    Daniel  Foinet,   Bourdon,  J.  Lesueur  1. 

Preneuf  se  retira  dans  File  deGuernesey. 

Le  zèle  de  beaucoup  de  prédicants  ayant  amené 
une  esDèce  d'anarchie  dans  un  grand  nombre  d'égli- 
ses, il  était  bon  de  faire  voir  au'on  avait  procédé 
aussi  régulièrement  que  possible.  Preneuf,  qui  avatt 
vu  le  mal  causé  par  des  personnalités  sans  mandat, 
recommanda  à  Gautier  de  maintenir  l'ordre  et  Indis- 
cipline partout  avec  fermeté,  et  celui-ci  y  tmt  la  main, 
et  c'ast  une  des  raisons  qui  rendirent  son  ministère 
fructueux. 

A  partir  de  sa  consécration  Gautier  ne  fit  donc  rien 
sans  l'assentiment  des  anciens  réunis  en  colloques  et 
en  synodes.  Mais  que  de  difficultés  pour  convoquer 
ces  assemblées  !  11  fallait  user  de  termes  convention- 


1.  —  Papiers  (^oiirt,  Bibl.  do  (ienéve. 


2$: 


nels  tels  qui:  si  la  lettre  était  interceptée  elle  ne  put 
révéler  rien  de  son  sujet.  On  appelait,  par  exemple, 
l'assemblée  /c' ;;/^r/'j^t',  le  synode  votre  sœur  Hen- 
riette. On  comprend  quelle  discrétion  et  quelle  pru- 
dence s'imposaient  aux  anciens  et  quelles  précautions 
il  leur  fallait  prendre  pour  se  rendre  au  rendez-vous. 

C'était,  en  effet,  sous  la  triple  menace  des  édits. 
des  espions  et  des  bourreaux  qu'ils  se  réunissaient, 
et  leur  adresse  â  déjouer  les  embûches  était  grande 
puisque  nous  ne  vovons  pas  que  jamais  en  Norman- 
die aucun  d'eux  fut  arrêté.  Heureusement,  ces  assem- 
blées n'étaient  pas  très  fréquentes.  Mais  que  dire  des 
dangers  que  couraient  les  pasteurs,  perpétuellement 
en  mouvement  pour  remplir  leurs  charges  1  L'hori- 
zon, au  moment  où  Gautier  vient  d'être  consacré, 
s'est  encore  assombri.  Louis  X\\  poussé  par  les  jé- 
suites, ne  s'avise-t-il  pas  d'ajouter  à  la  peine  de  mort 
contre  les  pasteurs  et  à  celle  des  galères  perpétuelles 
contre  ceux  qui  leur  donneraient  asile,  une  amende 
de  3000  1.  contre  tous  les  protestants  du  lieu  où  un 
pasteur  serait  arrêté,  et  la  peine  du  bagne  et  de  la 
confiscation  des  biens  à  ceux  qui  ne  dénonceraient 
pas  les  assemblées. 

Devant  une  persécution  aussi  implacable,  Gautier 
avait  beau  redoubler  d'activité,  il  ne  pouvait  suffire  à 
la  tâche  qu'il  s'était  imuosée  de  réorganiser  les  égli- 
ses de  Basse-Normandie,  autrefois  si  nombreuses.  11 
demanda  donc  qu'un  proposant  lui  fût  adjoint.  Pré- 
cisément, un  jeune  homme  de  Bolbec,  du  nom  de 
Jean  Godefroy.  dit  Lebas.  qui  venait  d'achever  ses 
études  à  Lausanne,  se  présenta  et  fut  agréé  (mars 
1752).  Sur  ces  entrefaites  arriva  du  Poitou  un  autre 
proposant.  Pierre  Lévrier,  que  les  églises  de  cette 
province  avaient,  sur  la  demande  de  Gautier,  consenti 
a  céder  à  la  Normandie.  Dans  ses  tournées  à  travers 
toute  cette  provincç.  Gautjer  prit  avec  lui,    à  tour 


—    285    — 

de   rôle,    ces   deux  proposants. 

Ce  n'est  que  le  8  décembre  17s'  que  le  colloque  de 
Basse-Normandie,  convoqué  en  vue  de  la  réorganisa- 
tion des  églises  de  cette  région,  put  être  réuni.  Son 
premier  soin  fut  d'adresser  vocation  à  Godefroy  qui. 
bien  qu'originaire  du  pays  de  Caux  où  son  ministère 
eût  dû  être  plus  efficace,  accepta  cet  aopel.  A  partir 
de  ce  moment,  Gautier,  aidé  de  Lévrier,  se  consacra 
plus  particulièrement  à  la  Haute-Normandie. 

En  parcourant  la  correspondance  de  Gautier,  on 
relève  quelques  contradictions.  C'est  ainsi  que  dans 
une  lettre  à  Antoine  Court,  il  dit  : 

«  C'est  une  chosf  iiicoucevnhle  que  les  "MM.  de  ces  deux 
«  villes  (le  Havre  et  Caenj  aient  un  si  grand  éloignemenl  pour 
«  nos  affaires  ;  ils  courent  bien  les  provinces,  les  royaumes  et 
«  les  mers  sans  (jue  la  tour.iienle  cl  les  autres  périls  les  ef- 
«  frayent;  mais  faire  un  quart  de  lieue  où  même  quatre  pas 
«  dès  qu'il  s'agit  de  ne  l'ien  gagner  que  le  ciel,  c'est  un  sujet 
«  trop  mince  pour  tenter  la  pai'tie.  il  s'en  faut  beaucoup  que 
«  l'on  soit  aussi  liède  dans  les  campagnes  de  Basse-ÎNorman- 
«  die  ;  il  en  est  bien  quelques-uns,  mais  si  nous  exceptons 
«  Caen,  ce  nombre  n'est  rien  au  prix  de  celui  qui  se  trouve 
«  dans  le  pays  de  Caux.  » 

Alors  que  quelque  temrts  après,  dans  une  lettre  au 
même  (27  juillet  17^2    il  écrit  : 

«  Vous  dirai-je  qu'au  lieu  de  sept  églises  que  je  lrri!\:ii  à 
«  mon  arrivée,  il  en  est  acluellement  douze  de  formées  et  que 
«  ce  nombre  augmentera  bientôt  de  trois....  Vous  dirai-je  en- 
«  core  que  les  fidèles  de  Luneray  m'invitent  à  aller  les  voir  et 
«  que  j'espère  y  redresser  les  anciennes  éi;lises  qu'on  y  formait, 
«  ce  qui  nous  obligera  désormais  à  tenir  dix-sept  ou  dix-buit 
«  foires  (assemblées)  en  Normandie,  sans  les  sociétés  de  lîouen, 
«  et  qu'on  peut  entreprendre  si  possible  à  Elbeuf,   îx    Dieppe 


-  .84  - 

«  e(  ail  Havre  ?  Vous  liirai-je  cnliii  que  loul  cela  exii^erait  uu 
Cl  nouvel  adjoiul  parce  ijue  les  travaux  se  sout  si  fort  iiuillipliés 
«  qu'il  ne  serait  pas  possible  que  je  suflise  à  tout  et  <|ue,  faute 
«  dèlre  secondé  à  propos,  lues  soins  deviendraient  inutiles  '.  » 

On  comprend  que  le  redoublement  de  la  persécu- 
tion eut  pour  effet  d'établir  un  courant  d'émigration. 
Ce  courant  était  entretenu  par  les  nations  étrangères 
dans  un  sentiment  de  fraternité  chrétienne  qui  s'al- 
liait très  bien  à  un  intérêt  économique  largement  et 
libéralement  compris,  et  combattu  par  les  pasteurs 
du  désert  qui  y  voyaient  une  cause  de  dislocation  de 
leurs  troupeaux  et  qui.  d'ailleurs,  pressentaient  que 
la  proclamation  de  la  tolérance  religieuse  était  pro- 
che .  Mais  lorsque  les  enlèvements  d'enfants  redevin- 
rent fréquents,  les  pasteurs  ne  purent  retenir  les  pè- 
res et  mères  de  familles,  et  la  fuite  en  pays  étrangers 
des  plus  riches  et  des  plus  industrieux  reprit  de  l'in- 
tensité. 

«  Nombre  de  jeunes,  écrit  Gaulier  en  octobre  1752,  et  plu- 
«  sieurs  familles  du  pays  de  Caux  et  de  Ijasse-Normandie  ont 
«  passé  la  mer  depuis  quehjues  mois.  On  ne  s"end)ari|ue  plus 
«  que  nocturnement  dans  tous  les  ports  de  iNormandie  -  ». 

Un  protestant  de  Montivilliers,  Isaac  Hébert,  qui 
s'était  par  hasard  trouvé  sur  le  passage  d'une  proces- 
sion et  avait  refusé  de  s'agenouiller,  fut  condamné  à 
2^  1.  d'amende  et  aux  dépens  d'environ  8s  1.  La  som- 
me n'était  pas  énorme.  Malgré  cela.  Gautier,  pour  le 
principe  et  afin  de  voir  si  le  Parlement  ratifierait  le 
jugement  du  bailliage,  fit  appel  de  cette  condamna- 
tion. A  cet  effet,  il  rédigea  un  mémoire  détaillé  de 
l'affaire  qu'il  adressa  à  la  cour  de  Rouen.   Pour  que 

1.  —  Papiers  Court,  Hibl.  de  Genévo. 

2.  —       id.  id.      r.  XXV.  p.  "lio. 


—  28s  — 

l'appelant  pût  se  rendre  dans  cette  ville  et  faire  sou- 
tenir sa  cause  par  un  avocat,  Gautier  fit  une  sous- 
cription parmi  les  notables  du  pays.  Ce  procès  fut 
Toccasion  de  belles  plaidoiries  ;  mais  la  sentence 
première  fut  confirmée.  Le  Parlement  penchait  pour 
la  tolérance,  mais  pas  encore  pour  la  liberté  de  cons- 
cience. Il  voulait,  en  refusant  de  sanctionner  la  loi 
qui  tenait  pour  concubinages  les  mariages  non  bénits 
par  un  prêtre  et  pour  bâtards  les  enfants  issus  de  ces 
mariages,  qu'on  respectât  ce  qu'il  appelait  les  droits 
naturels  de  la  famille  ;  mais  il  entendait  que  la  reli- 
gion catholique  seule  put  être  librement  professée. 

Le  Parlement  de  Normandie  étant  le  deuxième  de 
France,  ses  arrêts  avaient  du  retentissement.  Aussi 
les  philosophes  mirent-ils  au  premier  rang  de  leurs 
préoccupations  les  sentiments  de  libéralisme  et  d'hu- 
manité dont  la  justice  commençait  à  s'inspirer. 

Il  fallait  des  forces  surhumaines  aux  oasteurs  iti- 
nérants pour  pouvoir  résister  longtemps  aux  soucis, 
tracas,  fatigues  et  angoisses  que  les  dangers  courus 
leur  apportaient  de  jour  et  de  nuit.  Preneuf  put  ré- 
sister vingt  ans  à  un  tel  déploiement  d'énergie  ;  mais 
Gautier,  d'im  tempérament  impressionnable,  devait 
bientôt  ressentir  un  épuisement  nerveux.  Au  bout  de 
quatre  ans,  il  forma  le  projet  d'aller,  comme  son 
prédécesseur  et  ami,  demander  aux  îles  de  la  Manche 
la  réparation  de  sa  santé.  Il  en  fit  part  à  Antoine 
Court  le  19  mars  17^4  dans  les  termes  suivants  : 

«  Si  pnr  la  longueur  de  mes  services  ni  par  leur  importance, 
<(  je  n'ai  pas  encore  mérité  les  bienfaits  accordés  à  plusieurs 
<  de  mes  collègues,  ne  comptera-t-on  pour  rien  ma  bonne  vo- 
ce lonté  ?  Mes  veilles  et  mes  fatigues  ont  surpassé  mes  forces  ;  j'ai 
«  été  attentif  à  remplir  mes  devoirs,  à  avancer  l'œuvre  du  Sei- 
«  gneur,  à  rendre  mon  ministère  honorable.  J'ai  agi  avec  tout 
«  le  désintéressement  qui  convient  à  des  messagers  de  notre 


—  286  — 

«  ordre,  c'est  tout  l'éloge  que  je  saurais  faire  de  ma  coiiditioil, 
«  les  succès  de  mes  travaux  n'y  entreront  pour  rien  '.  )> 

Le  comité  de  Lausanne  se  rendit  aux  raisons  invo- 
quées par  Gautier  et  envoya  pour  lui  succéder  Louis 
Campredon  dit  La  Blaquière  dit  Duthil  qui  arriva  en 
Normandie  dans  le  courant  de  juillet  1754.  Il  faut  ad- 
mirer le  zèle  de  ce  pasteur  qui,  n'ignorant  rien  des 
conditions  particulièrement  épuisantes  du  ministère 
en  Normandie,  n'hésita  pas  à  y  venir.  Gautier  le 
présenta  aussitôt  aux  églises  du  pays  de  Caux.  A  la 
suite  de  cette  présentation  il  écrivit  à  Court  (30  août 

«  J'ai  vu  M.  Diithil  et  je  crois  que  c'est  l'iionmie  pour  cette 
«  province.  11  y  a  dans  ce  pays  que  je  quitte  beaucoup  d'ouvrage 
«  à  faire,  soit  pour  entrelenir  ce  (jui  est  déjà  fait,  soit  pour 
«  entreprendre  ce  qui  n'est  pas  encore  commencé...  Je  sors  nu 
«  de  cette  province,  à  l'exception  d'une  petite  bibliotlièque  que 
«  je  me  suis  ménagée,  il  ne  faut  pourtant  pas  s'imaginer  que 
«  je  n'aie  rencontré  que  des  ingrats  en  Normandie.  Non,  il  est 
«  ici  detrèsbonnètes  gens,  généreux,  zélés  et  qui  méritent  mon 
«  estime  et  mon  affection  ;  je  mets  encerangceux  ou  laplupart 
«  de  ceux  qui  ont  signé  mon  attestation,  et  par-dessus  tout  les 
«  MM.  I.esueur  mériteraient  qu'on  les  nomme  afin  d'être  cou- 
rt nus.  En  rendant  à  ces  MM.  la  louange  qui  leur  est  due  pour 
e  tous  les  bons  services  qu'ils  ont  rendu  de  tout  temps  à  la  cau- 
«  se  commune,  je  dois  même  disculper  le  reste  du  troupeau  de 
«  l'ingratitude  qu'on  peut  leur  reprocher  et  qui  pourrait  indis- 
«  poser  les  directeurs  de  notre  séminaire  contre  le  district  et 
«  le  priver  de   nouveaux  missionnaires   que  je  réclame  pour 

«  celte  province Ce  qui  a  souvent  indisqosé  nos  gens,    ce 

«  sont  mes  fréquenis  voyages  dont  la  plupart  ne  sentent  par  la 
«  nécessité,  M.  Duthil  ne  se  trouvera  plus  dans  le  même    cas. 

1.  —  F.  Waddington,  Le  Protest,  en  Normandie,  p.  108. 


—  287  — 

«  Si  j'eusse  constamment  resté  au  pays  de  Caux,  on   eût  four- 
«  ni  abondamment  à  tous  mes  besoins.   » 

Campredon  était  originaire  des  Cévennes  et  les 
Cévenols  comptaient  qu'après  sa  consécration  il  exer- 
cerait le  ministère  chez  eux.  Aussi  lorsqu'ils  appri- 
rent que  son  zèle  lui  avait  fait  accepter  l'appel  du 
pays  de  Caux,  ils  montrèrent  quelque  humeur  dont 
nous  trouvons  un  écho  dans  les  décisions  prises  par 
le  synode  national  tenu  dans  les  Hautes-Cévennes  le 
4  mars  17^6.  En  effet,  celle  n"  XXXVI  porte  : 

«  M.  Louis  Campredon  n'est  pas  approuvé  d'avoir  dis[)0sé  de 
I  son  ministère  en  faveur  de  la  province  de  Normandie  sans  en 
c  avoir  obtenu  l'agrément  de  la  province  des  liasses-Cévennes, 
«  mais  parce  que  cette  dernière  ne  l'a  pas  appelé  comme  elle 
«  était  en  droit  de  le  faire,  (pi'il  pai-ait  d'ailleurs  que  le  dit  M. 
«t  Louis  Campredon  a  exercé  son  ministère  avec  beaucoup  de 
«  fruit  dans  la  dite  province  de. Normandie. l'assemblée  la  lui  affecte 
«  et  fait  des  vœux  très  ardents  pour  le  succès  de  sa  nouvelle 
«  mission  '.  » 

Dans  les  autres  provinces,  la  Normandie  ne  passait 
pas  précisément  pour  généreuse.  On  ne  s'explique 
donc  que  par  un  zèle  ardent  et  un  dévouement  désin- 
téressé la  venue  de  Campredon  chez  nous  alors  qu'il 
savait  qu'on  comptait  sur  lui  dans  les  Cévennes.  Il 
eut  à  se  plaindre  de  nos  pères  dès  son  arrivée,  car  le 
28  août  17^4  il  écrivait  à  Lausanne  : 

«  Je  vous  avoue  que  j'ai  été  toucbé  du  triste  état  où  M.  Gau- 
1  lier  a  réduit  sa  santé  et  sa  bourse,  et  de  pareils  exemples 
«  sont  bien  peu  encourageants  pour  qui  voudrait  se  sacrifier 
«  comme  lui  dans  un  pays  où  l'on  a  mille  fois  plus  de  peine 
«  que  dans  les  autres  provinces,  et  où  les  avantages  sont  beau- 

L  —  Hugues,  Synodes  du  Désert,  II,  p.  84. 


—  288  — 

c  cou|)  plus  minces  :  on  a  toujours  fait  beaucoup  de  promesses, 

.(  mais  on  est  eu  Norniaudie,  c'est  tout  dire,   l'our  ce  qui  me 

«  regarde,  on  uie  l'ail  espérer  quelque   secours  dans   un   an  à 

«  compter  du  jour  de  mon  arrivée,  car  on  est  fort  versé   dans 

«  la  science  des  calculs,  et  ils  se  croiraient  dupés  s'ils  livraient 

«  leur  argent  avant  d'avoir  reçu  les  uiarcliandises  '.   » 

Ces  misères  ne  refroidirent  pas  son  activité,  car  les 
églises  cauchoises  se  fortifièrent  sous  son  ministère. 
A  la  fin  de  cette  même  année  17S4,  il  n"v  avait  pas 
encore  beaucoup  de  progrès,  mais  il  en  espérait  à  bref 
délai.  Voici,  en  effet,  ce  que  nous  trouvons  dans  une 
de  ses  lettres  de  cette  époque  : 

«  Je  me  suis  attaché  à  ranimer  le  zèle  que  j'ai  trouvé  extrê- 
«  mement  refroidi  et  à  faire  des  exhortations  pressantes.  On 
«  aime  ici  les  remontrances  après  le  sermon.  Je  leur  en  ai  fait 
«  où  j'ai  cherché  à  leur  appliquer  d'une  manière  simple  et 
«  palhéli({ue  les  motifs  dont  je  me  servais  dans  le  corps  de 
«  mon  discours...  J'ai  eu  la  consolation  de  voir  que  je  ne  trr,- 

«  vaillais  pas  tout  à  fait  en  vain Les  églises  de  ce  pays  sont 

«  presque  toutes  dans  un  grand  désordre,  funeste  suite  de  la 
«  tiédeur  et  du  relâchement.  En  général  le  peuple  ne  sait  pas 
«  ici  ce  que  c'est  que  la  discipline  ecclésiastique,  consistoire, 
«  ministère  même...  ;  de  là  enlin  l'avidité  avec  laquelle  on  re- 
«  çoit  le  premier  qui  se  présente  pour  remplir  les  fonctions  de 
«  ministre.  On  avait  autrefois  établi  des  anciens  dans  chaque 
«  église,  mais  ceux  que  j'ai  vus  ne  sentent  guère  les  devoirs  de 
«  leur  charge...  Je  vais  donc  m'appliquer,  dans  une  seconde 
c  tournée,  à  nommer  des  anciens  et  à  leur  expliquer  en  détail 
«  la  manière  dont  ils  doivent  s'intéresser  au  rétablissement  de 
«  la  discipline...  Je  ferai  assembler  un  colloque  pour  confirmer 
c  les  arrangements  particuliers  faits  dans  chaque  église  pour 


1.  —  Lettre  de  La  Blaquière  dit  Dulhil,   28   août   1754  (Bibl. 
de  Genève). 


—  289  — 

«  leur  donner  une  force  <ini  m'autorisera  plus  particulii''rement 
<(  à  les  faire  observer » 

A  cette  fin,  il  convoqua  pour  le  9  février  1753  le 
colloque  de  la  Haute-Normandie  an  désert,  suivant 
le  terme  consacré,  et  il  y  fit  voter  le  rétablissement 
de  la  discipline.  Voici  les  plus  importants  articles  qui 
y  furent  adoptés  : 

«  5.  —  Les  anciens  seront  allenlifs  à  s'acquitter  des  devoirs 
«  de  leur  charge  selon  l'article  lodenotredisciplineportant  que 
«  l'office  des  anciens  est  de  veiller  sur  le  troupeau  avec  le  pas- 
«  leur,  faire  que  le  peuple  s'assemble  et  que  chacun  se  trouve 
«  aux  saintes  congrégations,  faire  rapport  des  scandales  et  des 
e  fautes, en  connaitreetjuger  aveclepasteur,  et  en  général  avoir 
«  soin  de  toutes  choses  semblables  qui  concernent  l'ordre,  l'en- 
«  tretien  et  le  gouvernement  de  l'église. 

«  7. —  Le  Consistoire,  dans  cluuiue  église,  nommera  un  ou 
«  deux  anciens  pour  faire  l'ofl'ice  de  lecteur  dans  les  saintes 
«  assemblées. 

«  9.  —  On  tâchera  de  se  procurer  le  plus  de  maisons  d'assem- 
«  blées  qu'il  sera  possible,  alin  (jue  si  l'une  vient  à  mau({uer, 
«  le  culte  ne  soit  pas  interrompu,  et  que  d'ailleurs  les  sainis 
c  exercices  se  faisant  alternativement  dans  les  maisons  diffé- 
«  rentes,  on  puisse  éviter  l'éclat  et  diriger  l'église  avec  plus  de 
c  prudence. 

«  11.  — Ne  pourront  les  anciens  autoriser  aucun  sujet  à 
«  exercer  dans  les  églises  de  ce  district  les  fondions  de  pas- 
«  teur,  que  le  dit  sujet  ne  soit  envoyé  par  nos  illustres  amis  et 
«  bienfaiteurs  du  pays  étranger,  et  qu'il  ne  soit  de  plus  agréé 
«  par  le  pasteur  du  quartier. 

«  13.  —  Le  pasteur  actuellement  desservant  des  églises  de  ce 
«  district  se  trouvant  seul  dans  un  vaste  quartier,  le  noudjre 
«  des  assemblées  a  été  fixé  à  trois  par  an  dans  chaque  église, 
«  lequel  règlement  tiendra  jusqu'à  ce  que  les  occupations  du  dit 
«  pasteur  lui  permettent  d'en  faire  un  plus  grand  nondjre,   ou 

19 


—  290  — 

«  qu'il  ait  pu  se  procurer  quelque  adjoint. 

«  24.  —  Pour  apaiser  le  courroux  de  Dieu  et  pour  conser- 
«  ver  une  sainte  liarnionie  avec  les  autres  églises  du  royaume, 
«  on  célébrera  un  jeûne  solennel  lixé  au  l^i'  dimanche  du  mois 
«  de  mars  par  l'art.  2  du  synode  national  tenu  en  Languedoc 
c  (1748)  lequel  jeune  sera  annoncé  aux  lidèles  par  les  an- 
€  ciens. 

«  -5,  —  Les  anciens  auront  soin  de  veiller  sur  ceux  qui  ne 
€  fréquentent  pas  les  saintes  assemblées  sous  des  prétextes  fri- 
«  voles  et  tâcheront  de  les  ramener  à  leur  devoir  j)ar  les  voies 
«  de  la  douceur,  aussi  bien  que  ceux  qui  ne  communient  pas 
€  par  un  effet  de  la  timidité  ou  autrement. 

«  29.  —  Les  églises  de  ce  district  auront  soin  de  se  con- 
«  former  à  l'art.  1 1  du  synode  national  tenu  en  1 744  portant  (ju'on 
«  se  servira  dans  toutes  les  églises  de  l'abrégé  du  catéchisme 
«  d'Osterwald  comme  étant  le  plus  clair  et  le  plus  méthodique. 

«  34. —  Les  colloques  connaîtront  de  l'exactitude  de  chaque 
«  église  à  fournir  à  l'entretien  du  saint  ministère  el  aviseront 
«  au  moyen  de  remédier  à  l'ingratitude  du  peuple. 

«  44.  — 11  y  aura,  dans  chaque  église,  une  copie  des  règle- 
«  ments  qui  auront  été  portés  par  le  colloque  alin  que  les  an- 
«  ciens  puissent  les  faire  observer  exactement.  *  » 

Ces  réunions  de  colloques  dans  les  endroits  retirés 
prévenaient  Témiettement  des  troupeaux  en  entrete- 
nant le  zèle  des  anciens  pour  la  tenue  fréquente  de 
petites  assemblées,  et  maintenaient  l'organisation 
synodale  ;  aussi  Louis  Campredon  et Godefroy  purent- 
ils  assister  au  synode  national  qui  s'ouvrit  dans  les 
Hautes-Cévennes  le  4  Mai  17^,  comme  représentants 
de  la  Haute  et  de  la  Basse-Normandie. 

Les  assemblées  secrètesse  multiplièrent  à  cette  épo- 
que. Secrètes?  elles  ne  l'étaient  pas  toutes,  car  les 
chiants  de  psaumes  les  trahissaient  souvent.  Mais  les 

1.  —  Hugues,  Synodes  du  Désert,  11,  51. 


—  291   — 

idées  de  tolérance  gagnant  de  plus  eu  plus  de  terrain, 
le  sentiment  qu'en  persécutant  les  religionnaires  on 
faisait  une  mauvaise  action  s'empara  bientôt  des  fonc- 
tionnaires et  des  agents  chargés  de  faire  observer  les 
édits,  et  il  arrivait  que  des  officiers  qui  commandaient 
des  troupes  envoyées  pour  surprendre  des  assemblées 
clandestines  prenaient  des  cliemins  détournés  ou  fai- 
saient du  bruit  de  loin  pour  donner  Téveil  et  per- 
mettre de  fuir  à  temps.  Cela  devint  tel.  que  le  clergé 
s'en  émut  au  point  de  se  réunir  en  assemblée  géné- 
rale extraordinaire  à  Paris  en  i7S(S.  Dans  cette  réu- 
nion, il  manifesta  son  indignation  en  termes  très  vifs 
et  décida  d'envoyer  une  députation  au  Comte  St  Flo- 
rentin pour  lui  signaler  les  défections  de  toute  nature 
qui  étaient  revenues  aux  oreilles  des  prêtres  et  lui 
demander  de  donner  des  ordres  pour  en  prévenir  le 
retour.  Le  Comte  St  Florentin  promit  d'en  parler  au 
roi.  Mais  les  préoccupations  du  roi  se  tournaient 
alors  vers  les  craintes  de  guerre  que  les  incursions 
de  la  flotte  anglaise  près  des  côtes  de  l'océan  et  de 
Normandie  faisaient  naître,  et  les  remontrances  du 
clergé  demeurèrent  sans  effet.  11  s'en  suivit  que  les 
protestants  s'enhardirent  de  plus  en  plus  et  que  les  as- 
sembléesdevinrent  plus  fréquentes  et  moins  cachées. 
Comment  se  tenaient  ces  assemblées  ?  Nous  em- 
pruntons la  réponse  à  un  canitaine  d'infanterie  catho- 
lique. Cet  officier  ayant,  par  hasard,  assisté  à  Tune 
d'elles,  décrivit  ce  qu'il  avait  vu,  dans  une  lettre  à 
M.  le  chevalier  de....,  officier  de  la  maison  du  roi. 
Voici  cette  lettre,  datée  de  P...,  le  10 novembre  17^7  : 

«  Un  jour  de  diiiianclie,  j'avais  à  peine  fait  une  lieue  que  je 
I  vis  une  grande  quantité  de  gens  traverser  le  grand  cliemin. 
«  Surpris  de  voir  tant  de  monde  en  campagne  à  pareil  jour, 
«  j'en  demandai  la  raison  ;  on  me  dit  que  c'fHaient  des  hugue- 
«  nets  qui  allaient  tenir  une  assemblée,  il  n'en   fallut   pas   da- 


—  292  — 

e  vaiitagepour  exciter  ma  curiosité,  j'avais  ('té  plusieurs  fois  en 
«  détac'liemeni  pour  dissiper  ces  sorics  (l'assemblées  sans  trop 
«  les  connaître  et  ma  troupe  a  eu  à  arrêter  à  cette  occasion  des 
«  gens  qui  ont  été  conda'iuiés  aux  i^aléres.  Je  demandai  à  l'un 
«  des  plus  apparents  de  la  troupe  qui  traversait  le  cliemiii  s'il 
«  ne  voulait  pas  me  conduire  au  lieu  où  ils  allaient,  il  me  ré- 
«  pondit  qu'ils  allaient  prier  Dieu  et  que  si  je  voulais  être  de  la 
«  partie,  il  se  ferait  un  plaisir  de  m'acconqiagner.  .le  le  suivis, 
<(  et  au  bout  d'une  demi-heure  nous  arrivâmes  dans  un  petit 
«  bois.  Mon  conducteur  m'ayant  annoncé  comme  un  étranger, 
«  on  me  fit  placer  dans  une  espèce  de  par(iuet  tout  prés  d'une 
«  chaire  ambulante...  C'était  pour  moi  coumie  un  monde  nou- 
«  veau,  aussi  fus-je  tout  yeux  et  tout  oreilles. 

e  Quand  j'arrivai,  on  n'avait  pas  encore  conunencé  l'exer- 
«  cice,  mais  un  instant  après,  un  homme  monta  en  chaire  et  lut 
«  un  chapitre  de  la  Sainte  Ecriture.  Je  demandai  si  c'était  le 
«  ministre  ;  on  me  répondit  que  c'était  le  lecteur  et  que  le  mi- 
«  nistre  ne  paraîtrait  que  lorsqu'il  devrait  prêcher.  Après  la  lec- 
«  ture  du  chapitre,  on  chanta  un  psaume  de  David.  Mon  cou- 
rt ducteurme  remit  son  livre  afin  que  je  visse  ce  qu'on  clian- 
«  tait.  Je  n'y  trouvai  rien  que  d'édifiant  ;  ce  sont  nos  psau- 
«  mes  latins  mis  en  français...  On  lut  les  dix  commandements 
€  tels  qu'ils  sont  dans  les  livres  de  Moyse,  tout  le  peuple  était 
«  debout  et  tête  nue.  Immédiatement  après,  je  vis  paraître  le 
€  ministre  avec  mie  robe  de  procureur  et  un  rabat  tel  (jue 
«  celui  de  nos  prêtres.  Il  lut  une  prière  qu'on  appelle,  à  ce 
«  que  j'ai  appris,  confession  des  péchés  ;  ensuite  il  fit  chan- 
«  ter,  ce  qui  fut  suivi  d'une  seconde  prière  qu'il  fit  sans  livre  ; 
«  après  quoi  il  prit  son  texte.  Je  fus  fort  attentif  au  sermon, 
«  qui  roula  sur  la  morale.  Les  auditeurs  me  parurent  fort  pé- 
«  nétrés,  et  je  vous  avoue  que  je  l'étais  moi-même.  Je  ne  sais 
«  pas  si  le  prédicateur  avait  étudié  ou  non  la  rhétorique,  mais 
«  il  n'y  eut  pas  beaucoup  de  fleurs  dans  son  discours.  C'étai'^ 
«  une  élofjuence  simple  et  mâle.  Il  voulait  être  entendu,  et  il 
«  l'était  ;  il  voulait  toucher  et  il  y  réusissait  d'autant  mieux 
«  qu'il  parlait  du  cœur.  Ce  sont  là  des  choses  qu'il  est  aisé  de 


—  29,;   — 

«  sentir.  Le  sormon  lini,  on  clianla  (|ii<»k|iios  versets,  ce  qui  fut 

«  suivi  d'une  prière  imprimée  dans  laquelle  on    fit    des    vœux 

«  pour  tous  les  hommes,  dans  quelque  état  qu'ils  soient,  depuis 

<(  le  sceptre  jusqu'à  la  liouletle.  Mais  voici  où  je  fus  agréable- 

«  ment  surpris  :  ce  fut  lorsque  !e  minisire  pria  en  faveur  du  roi, 

«  de  la  reine,  de  monseigneur  le  dauphin,  de  madame  la    dau- 

«  pliine,  de  toute  la  famille  royale,  et  qu'il  rendit  grâces  à  Dieu 

«  de  l'heureux  accouchement  de    madame   la   dauphine.    Jugez 

«  de  mon  élonnement.  Vous  savez  sous  quelle  couleur  on  peint 

«  les  huguenots  et   comment    on  qualifie     leurs     assemblées. 

«  J'étais  prévenu  contre  eux  tout  comme  bien  d'autres    ;    mais 

c  je  commence  à  voir  qu'on  nous  en  impose  et  que  leurs  enne- 

«  mis  ne  doivent  pas  être  crus  sur  leur  parole.  Enfin,  après  la 

«  prière,   le  ministre  souhaita  au  peuple  la  bénédiction  de  Dieu 

«  et  recommanda  les  pauvres.  J'entendis  à  l'instant  des  gens 

»  qu'on  appelle  diaci-es  et  anciens,  qui  répétaient  au  peuple  de 

«f  se  souvenir  des  pauvres,   sur  quoi   chacun  donnait    ce    qu'il 

«  trouvait  à  propos,  et  c'est  ainsi    que  l'assemblée   finit  et  se 

c  sépara.  '  » 

L'auteur  de  cette  lettre  reconnaît  que  «  les  ennemis 
des  huguenots  ne  doivent  pas  en  être  crus  sur  pa- 
role. )•)  Les  mêmes  préventions  existent  encore  aujour- 
d'hui chez  beaucoup  qui  tomberaient  également  s'ils 
entraient  une  seule  fois  dans  un  temple  avec  des  sen- 
timents impartiaux.  Ce  qu'on  voit  aussi  par  cette  let- 
tre c'est  qu'alors  les  protestants  commençaient  à  se 
réunir  le  dimanche  en  plein  jour.  Il  parait  même  que, 
souvent,  c'était  le  son  des  cloches  catholiques  qui 
servait  d'aopel  pour  ces  assemblées.  Les  curés  y 
voyaient  une  pensée  ironique  ou  une  bravade  qui 
n'y  était  certainement  pas.  A  cette  époque,  peu  de 
ménages  possédaient  une  horloge.  Il  était  donc  tout 
naturel  que  les  sonneries  des  églises  servissent  d'indi- 
cations. 

1.—  Bullet.  de  la  Soc.  de  VHist.  du  Protest.,  1859,  p.  94. 


—    2Q4    — 

A  ce  moment  et  depuis  quelque  temps  déjà,  le  cen- 
tre reliiiieux  du  pays  de  Caux  était  Bolbec  que  beau- 
coup de  forets,  de  vallées  et  de  carrières —  ces  der- 
nières devinrent  nombreuses  quelques  années  après 
par  suite  de  la  reconstruction  de  la  ville  entièrement 
détruite  par  un  incendie  le  14  juillet  176^  —  entou- 
raient du  mystère  propice  à  la  tenue,  sans  trop  de 
dangers,  d'assemblées  nombreuses  et  répétées. 

Par  son  activité.  Campredon  prouva  que  c'était  le 
désir  de  réveiller  la  foi  protestante  en  Normandie  qui 
l'avait  poussé  à  accepter  de  venir  travailler  dans  cette 
province  en  dépit  de  la  réoutation  qu'elle  avait  de 
laisser  ses  ministres  manquer  du  nécessaire.  Gode- 
froy,  qui  exerçait  dans  la  partie  basse  de  la  province, 
rendit  à  son  collègue  du  pays  de  Caux  un  témoi- 
gnage élogieux  dansla  lettre  qu'il  adressa  à  Genève 
le  23  juillet  17=1=).  Qu'on  en  juge  par  cet  extrait: 

«  Diilliil  a  mis  le  |)ay.s  de  Caux  dans  un  étal  où  il  n'a  jamais 
«  été  depuis  nos  niallieurs  ;  tous  nos  conlredisanls  sont  venus 
«  à  la  raison  el  sont  pour  ainsi  dire  à  la  lr[e  des  aiiaires.  Il  csl 
«  vrai  que  ^I.  Gautier  avait  frayé  le  cliemin,  mais  il  fallait 
<f  toute  la  prudence  el  loulc  l'Iialjileté  de  son  successeur  pour 
«  marcher  sur  sa  trace  et  |»our  aller  même  plus  loin.  '   » 

Non  seulement  il  étaitactif,  mais  encore  il  était  orga- 
nisateur et  ne  négligeait  rien  pour  amener  le  déve- 
loppement de  l'instruction  et  de  la  vie  religieuse  de 
la  région.  C'est  ainsi  qu'il  se  rendit  exprès  à  Paris 
pour  y  solliciter  du  chapelain  de  l'ambassadeur  de 
Hollande  des  dons  de  livres  d'instruction  et  d'édifica- 
tion pour  ses  églises  et  qu'il  demanda  au  comité  de 
Lausanne  de  lui  faii^e  Parvenir,  par  l'entremise  du  mi- 
nistre de  Prusse  à  Paris,  400  exemplaires  du  caté- 
chisme abrégé  d'Osterwald. 

1.  —  Waddington,  p.  110, 


Après  la  paix  d"Aix-la-ChaDelle.  une  prospérité 
relative  était  revenue  dont  le  pavs  de  Caux  avait  par- 
ticulièrement profité.  Mais  en  1729.  une  escadre  an- 
glaise vint  bombarder  le  Havre  et  elle  en  bloqua  le 
port  pendant  longtemps.  Il  en  résulta  une  grande 
détresse  pour  la  ville  et  pour  toute  la  contrée.  On 
comprend  qu'alors  les  protestants,  pas  plus  épargnés 
que  les  autres  par  ces  crises  d"ordre  économique,  ne 
pouvaient  plus  pourvoir  ni  aux  frais  du  culte  ni  à 
l'entretien  des  pasteurs. 

A  se  dépenser  sans  compter  tout  en  manquant  sou- 
vent du  nécessaire.  Campredon  vit  à  son  tour  sa  santé 
se  miner;  mais,  à  l'encontre  de  ses  urédécesseurs.  il 
demeura  à  son  poste,  se  contentant  de  demander  de 
l'aide.  Il  s'adressa  à  la  province  du  Dauphiné  qui  con- 
sentit à  lui  envover  pour  deux  ans  un  de  ses  pasteurs, 
Alexandre  Ranc  dit  La  combe,  frère  du  martyr  Louis 
Ranc  pendu  à  Die  en  174^.  Ce  pasteur  séjourna  dans 
le  pays  de  Caux  de  1761  à  1763.  L'impression  que  nos 
églises  firent  sur  lui  ne  fut  pas  favorable,  ce  qui  doit 
être  attribué  au  contraste  existant  entre  le  tempéra- 
ment démonstratif  des  méridionaux  et  le  tempéra- 
ment réservé  des  normands.  Par  surcroît,  il  ne  devait 
pas  lui  être  fait  un  accueil  bienveillant  parce  qu'il 
était  une  charge  de  plus  quand  les  anciennes  étaient 
déjà  trop  lourdes,  et  qu'il  fallut,  dès  son  arrivée,  fai- 
re une  souscription  pour  le  défrayer  de  son  voyage 
et  lui  fournir  un  traitement.  Cet  appel  aux  bourses 
provoqua  des  plaintes,  car  il  disait  dans  sa  lettre  à 
Paul  Rabaut,  du  18  avril  1761  (presque  aussitôt  son 
arrivée)  : 

«  Il  faudrait  donc  que  la  portion  d'un  seul  fût  partagée  en 
«  deux.  Joignez  à  cela  l'avarice  excessive  qui  règne  ou  plutôt 
<c  que  je  crois  attachée  au  pays.  Il  me  serait  aussi  impossi- 
<c  ble  de  vous  décrire  la  malpropreté  de  ces  gens  :   ce  qui    fait 


—  296  — 

«  une  grande  peine  loi-s<|u'on  n"esl  pas  accoulumé  ;  ils  n'ont 
«  que  des  maisons  Ijàlies  de  terre  et  de  bois,  ensuite  couvertes 
«  en  paille,  (pii  ressemblent  aux  cabanes  ou  aux  tanières  (jui 
«  servent  de  retraite  aux  sauvages  qui  sont  au  fond  de  l'Amé- 
€  rique,  de  sorte  que  nous  sommes  de  vrais  prisonniers,  encore 
«  nos  prisons  sont-elles  en  pelit  nombre     » 

Il  est  évident  que  le  genre  de  construction  alors 
usité  dans  le  pays  de  Caux  pour  les  habitations  rurales 
—  rez-de-chaussée  peu  élevé  en  bois  et  terre,  avec 
haute  toiture  en  paille  à  larges  rebords  —  devait  pa- 
raître sombre  à  un  habitué  des  constructions  en 
moellon  avec  couverture  en  tuile  des  contrées  méri- 
dionales ;  mais  de  là  à  prendre  les  habitations  cau- 
choises pour  des  cabanes  de  sauvages,  il  y  a  un  peu 
d'exagération.  Dans  une  lettre  postérieure  de  deux 
ans  (176;)  nous  trouvons  un  adoucissement  aux  cou- 
leurs du  tableau.  Il  y  dit  que  les  anciens  faisaient  des 
collectes  tous  les  ans  pour  le  traitement  des  pasteurs, 
que  la  province  était  partagée  en  quatre  quartiers  et 
que  cette  souscription  produisait  dans  chacun  400  1., 
soit  1600  au  total,  et  qu'étant  deux  pour  desservir  ces 
quatre  quartiers,  leur  traitement  se  trouvait  donc  être 
de  800  1.  Il  dit  encore  qu'outre  le  service  dans  le 
quartier  principal  tous  les  dimanches,  chaque  minis- 
tre s'eng^ageait  à  faire,  dans  son  deuxième  quartier 
seize  services  par  an.  Au  point  de  vue  moral,  la  situa- 
tion est  toujours  triste.  Voici  ses  termes  : 

«  Au  reste,  on  vit  ici  dans  la  plus  crasse  ignorance,  on  ne 
«  prend  soin  de  faiiT  insli-nire  les  enfants  que  lorsqu'on  veut 
«  les  faire  instruire  à  la  communion  ;  et  je  puis  vous  assurer 
«  qu'il  faut  en  recevoir  les  trois  quarts  qui  ne  savent  rien  du 
«  tout.  Ils  en  rejettent  la  faute  sur  leur  mémoire  qui  serait 
«  fort  bonne  s'ils  voulaient  bien  la  cultiver  puisqu'ils  appren- 
«  ncnt  bien  le  commerce.  Je  ne  parle  point  ici  des  villes  parce 


—  297  — 

«  ((ue  nous  n'en  avons  pas.  à  la  réserve,    de  (juelijues-uns    au 
«  Havre,  que  je  crois  mieux  instruits.  '   » 

L"année  1 762  fut  marquée  par  d'affreux  événements 
qui  montraient  le  gouvernement,  malgré  la  marche 
des  idées,  encore  mal  disposé  à  reconnaître  les  droits 
de  la  conscience  :  la  condamnation  à  mort  etl'exécu- 
tion  de  François  Rochette  et  de  trois  gentilshommes 
verriers  dn  Comté  de  Foix,  les  frères  Grenier,  pour 
avoir,  le  premier,  rempli  les  fonctions  de  pasteur,  et 
les  trois  derniers,  pour  s"étre  mis  en  posture  de  les 
défendre  ;  l'envoi  aux  galères  de  pauvres  Davsans  qui 
n'avaient  commis  d'autre  délit  que  d'aller  à  des  assem- 
blées ;  la  condamnation  par  le  Parlement  de  Toulouse 
et  l'exécution,  pour  un  crime  dont  il  était  innocent, 
du  malheureux  Calas,  à  la  réhabilitation  duquel  Vol- 
taire doit  sa  plus  pure  gloire.  L'horreur  qu'inspirèrent 
ces  jugements  iniques  fut  telle  dans  toute  la  France 
que  l'instinct  d'humanité  s'y  développa  et  rendit  le 
monde  pensant  et  dirigeant  de  plus  en  plus  favorable 
à  la  tolérance. 

Nous  ne  connaissons  de  ce  qui  se  passa  dans  la  ré- 
gion cauchoise  pendant  ce  temps  que  l'enlèvement 
des  deux  filles  de  Jean  Debray  et  de  Suzanne  Annay 
(sans  doute  Lannay).  de  Bolbec.  Suzanne,  âgée  de  14 
ans,  et  Marie,  de  10.  Ce  double  enlèvement  fut  per- 
pétré en  décembre  1763.  Suzanne  put  s'échaoper. 
nous  ne  savons  comment.  Marie  fut  enfermée  aux 
Nouvelles  Catholiques  de  Rouen,  y  abjura  six  mois 
après,  soit  à  10  ans  et  demi,  et  y  mourut  le  14  juin 
177^  lies  actes  de  décès  reproduits  sous  le  n°  12  de 
l'appendice  comprennent  le  sien).  Cet  enlèvement 
jeta  d'autant  plus  d'anxiété  dans  l'âme  des  protestants 
de  Bolbec  que  cette  ville  venait  d'être  la  proie  des 

1.  —  Mss.  P.  R.,  G.  Goquerel,  ffist,  des  Eql.  du  Désert,  II. 
p.  398. 


—  at)8  — 

flammes  114  juillet  1763)  et  qu'ils  s'occupaient  h 
reconstruire  leurs  maisons  quand  il  se  produisit. 
Leurs  alarmes  leur  firent  jeter  cet  appel  ému  à  Louis 
XV  : 

«  Sire, 

«  Les  malheureux  liabitants  et  propriélaires  des  niaisous 
«  incendiées  dans  le  bourg  de  Holbec,  faisant  profession  de  la 
«  religion  prolestante,  prennent  la  liberté  de  se  jeter  aux  pieds 
«  de  V.  M.  et  de  lui  représenter  très  respectueusement  qu'à 
«  peine  échappés  aux  flammes  qui  ont  réduit  leurs  demeures 
«  en  un  amas  de  ruines,  ils  ont  éprouvé  les  bontés  paternelles 
«  de  V.  M.  Votre  cœur  magnanime  est  venu  à  leur  secours,  il 
«  leur  a  présenté  le  tableau  consolant  d'un  grand  roi  qui  dai  ■ 
«  gne  s'intéresser  au  moindre  de  ses  sujets,  être  sensible  à 
«  leurs  maux,  ranimer  leur  courage  abattu,  et  leui-  fournir 
«  les  moyens  de  réparer  leurs  perles  et  de  s'en  relever. 

«  Dans  de  pareilles  circonstances,  pouvions-nous,  sire,  nous 
«  attendre  à  de  nouveaux  malheurs  plus  sensibles  encore  pour 
«  nous  que  l'incendie  qui  nous  a  ruinés  ? 

«  Tel  est  celui  que  vient  d'éprouver  la  veuve  de  Jean  de 
«  Bray,  protestante,  drapière  incendiée  de  Bolbec.  Au  mois 
«  de  décembre  dernier,  la  maréchaussée  est  venue  chez  elle, 
«  en  vertu  de  deux  lettres  de  cachet  en  date  du  23  avril  1763, 
«  pour  lui  enlever  ses  deux  filles,  Anne-Elisabeth  et  Marie- 
«  Suzanne  de  Bray.  L'aînée  eut  le  bonheur  de  se  sauver  en  se 
«  précipitant  par  un  grenier,  la  seconde  seule  fut  arrêtée.  Ses 
«  cris,  ses  gémissements  et  ses  larmes  ne  purent  la  préserver 
«  d'être  conduite  le  lendemain  au  couvent  des  Nouvelles  Ca- 
«  IhoHques  de  Rouen,  où  elle  se  trouve  enfermée. 

«  Cet  incident.  Sire,  nous  inquiète  et  nous  afflige  en  nous 
«  rappelant  les  désordres  et  la  confusion  que  de  pareils  évé- 
«  nements  occasionnèrent  dans  notre  canton  il  y  a  trente  ans  et 
«  dont  les  suites  furent  l'émigration  d'un  nombre  considérable 
«   de  familles  protestantes. 

«  Nous  sommes  français,  Sire,  c'est-à-dire  fidèles  sujets,    ci- 


—  299  — 

«  toyens  zélés,  remplis  de  respect  et  d'nnioui'  pour  la  personne 
«  sacrée  de  V.  Jl.  ;  le  plus  aflreux  désespoir  peut  seul  nous 
«  forcer  à  cesser  de  vivre  sous  vos  lois.  C'est  cependant.  Sire. 
«  l'état  où  se  trouvent  de  malheureux  pères,  mères,  parents* 
«  qui  se  voyent  enlever  ce  qu'ils  ont  de  plus  cher  au  monde, 
«  pour  les  soumettre  à  une  éducation  étrangère  contraire  à 
«  leurs  sentiments,  et  dont  les  suites  ordinaires  sont  les  inimi- 
«  liés,  le  trouble,  la  haine  et  la  division  dans  les  familles.  Nous 
«  y  sommes,  Sire,  journellement  exposés,  un  curé,  un  parent» 
«  un  voisin,  un  débiteur  même  peuvent,  d'un  moment  à  l'autre, 
«  surprendre  de  pareils  ordres  à  la  l'cligion  de  V.  M.  I.e  pré- 
«  texte  ordinaire.  Sire,  que  nos  ennemis  emjdoyent  dans  ces 
«  occasions,  c'est  que  nos  enfants  demandent  de  se  faire  ca- 
«  tholiques  ;  mais  sur  cent  fois  qu'on  a  employé  ce  prétexte 
«  contre  nous,  peut-être,  si  on  le  véi'iliait,  ne  serait-il  pas 
«  trouvé  mie  fois  qu'il  fût  vèritaide.  L'all'aire  en  question  en 
«  fournil  une  preuve  démonstrative  ;  la  fuite  de  l'ainée,  le  dé- 
«  sespoir,  les  cris,  les  larmes  dt-  la  cadette  déposent  assez  le 
«  peu  de  part  qu'elles  avaient  à  leur  enlèvement. 

«  V.  M.  a  désiré  que  nous  rebâtissions  nos  maisons  incen- 
«  diées  ;  nous  y  employons  le  j)eu  (pie  nous  avons  réchappé 
«  de  notre  désastre,  plusieurs  sont  commencées.  !Mais,  Sire, 
«  que  nous  servira  de  les  faire  construire  si  nous  ne  sommes 
«  point  sûrs  de  les  iiabiter  avec  nos  familles  dès  qu'un  enne- 
«  mi  voudra  nous  susciter  une  affaire  et  nous  forcer  à  lesaban- 
«  donner. 

«  C'est  dans  ces  tristes  circonstances  que  vos  fidèles  sujets 
«  protestants  de  Bolbec  et  des  environs  implorent  la  bonté  de 
«  V.  M.  Nous  désirons.  Sire,  de  vivre  et  mourir  sous  votre 
«t  enij)ire  ;  privés  de  biens  par  1  incendie,  nous  ne  pouvons 
«  offrir  que  notre  sang  et  nous  le  verrions  couler  avec  joie 
«  pour  le  service  de  Y.  M.  :  notre  industrie  ai)[)artient  à  notre 
«  patrie  ;  nous  n'aspirons  qu'à  la  lui  conserver.  Ceux  mêmes 
<(  de  nos  concitoyens  que  les  malheurs  des  temps  ont  autrefois 
«  obligés  de  s'expatrier  seraient  ])eut-être  les  premiers  à  re- 
«  venir  s'ils  croyaient  pouvoir   vivi-e    en    sûreté    à    cet    égard 


«  dans  leur  patrie. 

«  Vous  désirez,  Sire,  que  vos  peuples  soient  lu'ureux  ;  se- 
«  rions-nous  les  seuls  de  vos  sujets  qui  ne  puissent  l'êlre  ? 

«  Daignez.  Sire,  avoir  pitié  de  nous,  et  faire  rendre  à  une 
«  mère  désolée  l'enfant  qui  cause  ses  alarmes.  Rassurés  par 
«  cette  nouvelle  maripie  des  hontes  de  V.  Î\I.,  nous  redouhle- 
«  rons  nos  vœux,  nos  prières  pour  la  santé  et  la  conservation 
«  d'un  grand  monarque  chéri  et  hien  aimé  de  ses  très  hunihles, 
«  très  ohéissants  et  très  fidèles  sujets.  '  » 

Comme  nous  l'avons  dit.  Marie  de  Bray  mourut  aux 
Nouvelles  Catlioliqiics.  Cette  supplique  n'eut  donc 
aucun  effet  sur  le  «cœur  magnanime»  du  «grand 
monarque.  »  Bien  plus,  nous  savons  qu'en  1764  dé- 
fense fut  faite  aux  religionnaires  bolbécais  de  rebâtir 
teurs  maisons  -. 

Malgré  ces  événements  commandant  la  prudence, 
un  nouveau  synode  général  se  réunit  en  Languedoc 
le  i'"'  juin  1763. 

Ranc  dit  Lacombe,  après  deux  années  de  ministère 
dans  le  pays  de  Caux,  retourna  en  Dauphiné  dans  le 
même  temps  que,  coïncidence  fâcheuse,  Godefroy  dit 
Lebas,  qui  s'était  multiplié  pour  le  service  des  églises 
de  Basse-Normandie,  venait  de  se  retirer  à  l'étranger 
pour  y  relever  ses  forces  épuisées. 

Par  suite  de  ce  double  départ,  Campredon  se  trouva 
seul  pour  visiter  toute  la  province.  Il  écrivit  à  Paul 
Rabaut  pour  lui  expliquer  Tempéchement  qu'il  y  avait 
à  ce  qu'il  se  rendît  au  synode  général.  Il  ajoutait  que 
l'état  des  populations  était  tel  qu'il  ne  pouvait  songer 
à  leur  imposer  les  frais  d'un  tel  voyage.  Voici  ses  pro- 
pres termes  : 

«  Je  commence  par  vous  dire  que  nous  nous   trouvons    dans 


1.  —  Collection  particulière  de  M.  A  Coquerel  fils. 

2.  —  Houel,  A)iiiales  des  Cauchois,  t.  III,  page  349. 


—  301  — 

«  rimpossil)ilitt>  de  l'aire  une  députation  par  l'insurmontable  dil- 
«  licuité  de  trouver  un  ancien  (pii  puisse  faire  le  voyage  et  de 
«  faire  les  frais  que  celte  ])rovince  ne  comporte  pas,  surtoul, 
«  dans  les  circonstances  présentes  où  il  a  fallu  que  les  églises 
«  de  mon  district  aient  foui-ni  aux  appointements  de  M.  liane 
«  par  augmentation,  .l'ajouterai  que  par  le  départ  de  MM.  (io- 
«  defroy  et  liane,  je  vais  rester  seul,  et  j'aurai  pendant  l'été 
«  plus  d'ouvrage  que  je  n'en  ai  eu  encore,  étant  appelé  à  di- 
«  vers  endroits  où  je  puis  aller  avec  moins  de  suspicion  que 
«  durant  la  guerre  qui  ne  permet  l'entrée  de  nos  villes  mari- 
ci  times  qu'à  des  gens  connus.  Je  n'aurai  plus  à  l'avenir  de  va- 
«  cances  pendant  l'été,  et  j'en  bénis  Dieu  qui  m'ajipelle  à  faire 
«  du  bien,  et  qui  m'en  fournit  l'occasion.  11  faut  la  saisir  avec 
«  d'autant  plus  d'empressement  que  les  normands  ne  se  livrent 
<i  que  diflicilement  et  qu'il  faut  de  longues  épreuves  pour  ga- 
«  gner  leur  confiance  que  je  puis  dire  m'ètre  ménagée  plus 
«  qu'aucun  de  mes  i)rédécesseurs.  Mon  voyage  en  Languedoc 
«  me  ferait  manquer  plusieurs  de  ces  occasions  précieuses  que 
«  je  ne  retrouverais  peut-être  pas  de  longtemps.  ^  » 

Communication  de  cette  lettre  ayant  été  donnée  au 
synode,  celui-ci  ne  crut  pas  devoir  accepter  les  excu- 
ses qu'elle  présentait,  et  il  vota  la  résolution  suivante  : 

«  Lecture  faite  de  la  lettre  que  la  province  de  Normandie  a 
«  adressée  au  présent  synode  national  pour  se  justifier  de  n'y 
«  avoir  envoyé  aucun  député,  ses  raisons  ont  été  trouvées  in- 
«  suffisantes,  et  l'assemblée  ne  peut  se  dispenser  de  témoigner 
«  son  mécontentement  à  la  dite  province  de  ce  qu'elle  a  man- 
«  que  à  l'ordre  en  ne  voulant  fournir  ni  les  secours  nécessaires 
«  aux  frais  du  voyage,  ni  un  seul  ancien  j)0ur  accompagner  son 
«  pasteur.  » 

Ce  n'était  pas  tout  ce  qui  devait  être  dit  contre  les 
1.  —  C.  Coquei-ol,  Hist.  dea  Egl.  du  Désert,  II,  p.  408. 


—    )02    

églisesdeNormandie.  Ranc,  qui  n'avait  jamaisété  rem- 
boursé de  ses  frais  pour  se  rendre  dans  notre  pro- 
vince, avait  adressé  une  réclamation  au  synode,  lequel 
prit,  à  ce  sujet,  la  résolution  suivante  : 

«  Pour  répondre  i'avoraljlciiicnt  à  lu  doiuaiide  de  M.  H:mc, 
«  pasteur,  il  sera  enjoint  à  la  province  de  Normandie  de  l'eni- 
«  bourser  au  dit  sieur  liane  la  somme  de  177  fr.,  à  quoi  mon- 
«  tent  les  frais  (ju'il  a  faits  pour  se  rendre  dans  les  églises  de 
«  la  dite  province.  » 

Nous  avons  dit  les  raisons  qui  avaient  appauvri  la 
Normandie  à  cette  époque. 

Par  les  procès-verbaux  de  leurs  séances  les  svnodes 
généraux  nous  montrent  que  le  nombre  des  églises  et 
des  pasteurs  augmentait  d'année  en  année.  En  i7=)6. 
48  pasteurs  et  18  proposants  exerçaient  dans  le  royau. 
me  et  il  y  avait  4  étudiants  à  Lausanne;  en  1763, 
soit  7  ans  après,  les  pasteurs  étaient  au  nombre  de  62, 
les  proposants  de  35  et  les  étudiants  de  i^.  Ces  beaux 
résultats  assuraient  l'existence  du  protestantisme  en 
France  :  il  faut  en  faire  remonter  Thonneur,  pour 
une  large  part,  à  Antoine  Court.  C'est,  d'ailleurs,  rati- 
fié par  tous  les  historiens  protestants,  car  il  est  unani- 
mement qualifié  de  rcstaiiratciir  du  protestantisme 
français. 

Après  un  ministère  de  dix  années,  Campredon 
dut,  à  son  tour,  quitter  la  Normandie  où  il  ne 
laissa  que  des  regrets.  11  fut  remplacé  par  deux  jeunes 
proposants  normands  qui  venaient  de  terminer  leurs 
études  à  Lausanne  :  François  Mordant  dit  Duclos, 
(qu'on  ne  doit  pas  confondre  avec  Pierre  Mordant  né 
à  Autretot  et  qui  fut  pasteur  à  Rouen  de  1778  à  1813, 
année  de  sa  mort),  et  Michel.  FrançoisMordantconsa- 
cra  toute  son  activité  aux  églises  du  pays  de  Caux. 
Tontes  les  assemblées  qu'il  tint  furent  plus  ou  moins 


—  303  — 

secrètes.  Les  idées  de  tolérance  gagnaient  toujours  des 
cœurs,  les  urotestants  se  relâchaient  de  plus  en  plus 
dans  leurs  précautions,  et  bientôt  les  catholiques  y 
virent  de  l'arrogance  et  se  plaignirent.  Ils  allèrent 
même  jusqu'il  dénoncer  François  Mordant  comme 
présidant  de  fréquentes  assemblées  dans  les  bois  avoi- 
sinant  Bolbec.  Ces  dénonciations  furent  tant  et  si  bien 
renouvelées  qu'en  janvier  1779  il  fut  décrété  de  prise 
de  corps,  ce  qui  n'empêcha  pas  les  assemblées  de  se 
continuer  par  ses  soins  pendant  toute  l'année  1779. 
dans  les  carrières  du  Valasse.  notamment.  A'oici  ce 
qu'a  ce  sujet  }>[.  Bertin.  garde  des  sceaux,  écrivit  de 
\'ersailles  le  21  février  1779,  à  M.  de  Crosne,  inten- 
dant à  Rouen  : 

«  Les  protestants  répandus  dans  le  bour;^  de  Bolbec  et  aux 
environs,  Monsieui-,  s'assemblent  avec  éclat  ;  le  dimanche  1" 
du  dernier,  ils  se  sont  réunis  sur  les  10  h.  du  matin,  au  nom- 
bre d'environ  deux  mille,  dans  une  carrière  appartenant  aux 
religieux  de  l'abbaye  du  Valasse'.  Le  sieur  .Mordant,  ministre 
du  canton,  qui  demeure  publiquement  à  St-Antoine,  a  tait  à 
diverses  reprises  un  très  long  discours  qui  a  été  interrompu 
par  le  chant  des  Ininmes  et  des  cantiques,  et  il  parait  même 
que  beaucoup  de  catholiques,  attirés  par  la  multitude  et  par 
rilluminatioa.de  la  carrière,  se  sont  rendus  à  cette  assemblée. 
Le  roi  m'a  chargé  d'expédier  les  ordres  cpie  je  vous  envoie 
pour  faire  arrêter  le  sieur  Mordant  et  le  conduire  au  mont 
St-Michel.  '^  » 

Mais  François  Mordant  était  trop  aimé  de  sescore- 


1.  —  Il  est  parlé  d'une  carrière,  mais  il  y  en  a  plusieurs.  On 
sait  que  l'abbaye  du  Valasse  est  devenue  la  propriété  de  la  fa- 
mille Fauquet-Lemaîstre  qui  l'a  transformée  en  un  vaste  et 
beau,  château.  Les  carrières  sont  situées  dans  le  parc  même,  à 
200°'  en  arrière  du  cliàteau. 

2.  — Waddington.  Le  Prot.  en  Noryn.,  p.  120. 


—  304  — 

ligionnaires  pour  qu'ils  ne  le  cachassent  si  bien  que 
toutes  les  recherches  ne  fussent  déjouées.  Il  courut 
cependant  de  grands  dangers.  Il  ne  sortait  les  pre- 
miers temps  que  déguisé  et  armé.  Il  avait  un  cheval 
dressé  à  sauter  les  fossés  et  les  barrières,  et  ses  agres- 
seurs ne  parvinrent  jamais,  quoique  plusieurs  fois  ils 
en  fussent  fort  près,  à  mettre  la  main  sur  lui.  Et  puis. 
nous  le  répétons,  les  idées  de  tolérance  entraient  si 
bien  dans  les  mœurs  que  quelques  catholiques,  par- 
mi lesquels  des  prêtres,  se  prêtèrent  de  bonne  grâce 
à  dépister  les  recherches  en  offrant  eux-mêmes  asile 
aux  pasteurs  ou  laïques  sous  le  coup  de  mandats 
d'amener. 

Le  lieutenant  de  la  maréchaussée  chargé  d'exécuter 
le  mandat  de  prise  de  corps  contre  Mordant  expose 
comme  suit  au  subdélégué  de  Caudebec  ses  stériles 
efforts  : 

«  Je  m'occupe  à  découvrir  l'asile  de  la  personne  en  ques- 
«  lion,  et  prends  toutes  les  précautions  convenables  pour  y  par- 
te venir  ;  mais  on  ne  peut,  en  ce  pays,  se  confier  à  personne, 
«  les  trois  quarts  des  habitants  de  cette  contrée  étant  protes- 
«  tants  et  les  autres  n'étant  pas  disposés  à  donner  les  rensei- 
((  gnements  dont  on  a  besoin  pour  en  procurer  la  capture.  Ce- 
«  jiendant,  je  me  suis  adressé  à  quelqu'un  de"  notre  connais- 
«  naissance  dont  les  intentions  ne  me  laissent  aucun  doute  sur 
«  le  désir  qu'il  a  de  m'obliger  ;  cette  personne  m'a  dit  que  le 
«  sujet  dont  il  s'agit  n'a  point  pai-u  depuis  le  17  janvier  et  qu'il 
«  roule  de  côté  et  d'autre  dans  le  })ays  de  Caux  ;  on  le  croit 
«  du  côté  de  Dieppe.  A  la  vérité,  dans  le  mois  de  décembre 
«  dernier  jusqu'à  l'époque  de  l'assemblée  tenue  le  17  janvier 
«  il  était  cnez  son  frère  qui,  à  ce  qu'il  croit,  fait  valoir  deux 
«  fermes  dans  la  paroisse  de  St-Antoine,  mais  je  ne  pense  pas 
((  qu'il  y  soit  maintenant,  n'ayant  été  vu  depuis  ce  temps. 

«  Je  ne  puis  dans  cette  incertitude,  me  dispenser  d'en  faire 
«la  recherche  et  d'envoyer  à  St-Antoine  cette  nuit   pour   atta- 


—  30^  — 

«  quer  tout  à  la  fois  les  deux  fermes  et  par  cette  précaution 
«  lui  ôter  tous  moyens  d'évasion  ;  en  conséquence,  comme  il 
«  faudra  garder  les  issues  des  maisons  des  deux  fermes,  j'en- 
«  verrai  toute  la  brigade  de  St-Romain.  '  » 

Nous  avons  déjà  dit  que  les  mandats  d'amener  lan- 
cés contre  lui  ne  le  touchèrent  jamais  ;  il  est  donc 
superflu  de  déclarer  que  l'expédition  annoncée  dans 
cette  lettre  échoua  comme  les  autres. 

Son  homonyme  Pierre  Mordant,  d'Autretot,  com- 
mença à  exercer  le  ministère  en  1776  -.  Le  champ  de 
son  activité  était  également  vaste  puisqu'il  comprenait 
Rouen,  Dieppe  et  Luneray  ;  mais  ce  n'était  que  qua- 
tre fois  par  an  qu'il  se  rendait  à  Luneray,  et  les  réu- 
nions qu'il  y  tenait  étaient  secrètes,  du  moins  dans 
les  premiers  temps.  D'une  lettre  qu'il  écrivit  en  1778 
à  Daniel  Pigné,  de  Luneray,  nous  extrayons  : 

«  Vous  savez  que  mes  occupations  pastorales  demandent  un 
«  homme  tout  entier  :  je  viens  de  faire  une  tournée  dans  mes 
«  églises  et  même  elle  n'est  pas  encore  finie  ;  mais  aussitôt 
«  qu'elle  le  sera,  j'espère,  moyennant  la  grâce  de  Dieu,  me  ren- 
«  dre  avec  empressement  auprès  de  vous,  ce  qui  pourra  avoir 
«  lieu  la  première  semaine  de  février.  » 

En  1782,  on  s'enhardit  jusqu'à  tenir  des  réunions  de 
jour  dans  une  maison  spécialement  affectée  à  ce  ser- 
vice à  Luneray  ;  mais  cette  maison  de  prières  fut  fer- 
mée par  ordre  supérieur  et  des  huissiers  se  mirent 
inutilement  aux  trousses  de  Pierre  Mordant  pendant 
deux  mois,  ce  qui  fit  lancer  des  lettres  de  cachet  con- 


1.  —  Lettre  du  sieur  de  Gresté  de  la  Neufville,  lieutenant  de 
la  maréchaussée,  a  M.  Lemarchand,  subdélégué  à  Caudebec,  du 
1"  mars  1779  (Fonds  de  l'Intendance,  arch.  de  la  Seine-Inf.) 

o_  _  Ceci  nous  est  révélé  par  ses  sermons  manuscrits  déposés 
aux  archives  du  Consistoire  de  Rouen. 

20 


—  5o6  — 

tre  lui  sans  qu'il  leur  donnât  plus  de  prise  que  son 
homonyme.  Ces  détails  sont  puisés  dans  une  lettre 
qu'il  écrivit  à  Rabaut  le  jeune.  Une  autre  de  ses  let- 
tres nous  apprend  que  les  églises  de  Rouen,  Dieppe 
et  Luneray  étaient  divisées  en  douze  sociétés  reli- 
gieuses. Malheureusement,  nous  n'avons  pas  la  no- 
menclature de  ces  sections. 

Le  14  octobre  1779,  ce  pasteur  écrivait  à  Jean  Néel, 
négociant,  à  Luneray  : 

«  Monsieur  et  digne  ami,  le  tendre  intérêt  que  vous  daignez 
«  toujours  prendre  à  tout  ce  qui  m'intéresse,  me  touche  et  me 
«  pénètre  vivement.  Quels  moyens  pourrais-je  mettre  en  usage 
«  pour  répondre  à  tant  d'attentions  particulières  ?  .le  n'en  trou- 
«  ve  qu'un  seul  qui  est  celui  de  la  vive  reconnaissance.  .le 
«  vous  le  présente  avec  un  cœur  sincère  et  je  vous  prie  de 
«  l'accepter  comme  un  tribut  qui  vous  est  légitimement  dû.  .h^, 
«  n'ai  pu  apprendre  les  tristes  circonstances  où  vous  vous  êtes 
«  rencontré  depuis  quelques  semaines  '  sans  éprouver  une 
«  vive  douleur.  Les  afflictions  dont  Dieu  vous  a  visités  et  dont 
«  peut-être  (triste  incertitude)  il  vous  visite  encore,  ont  réveillé 
«  ma  sensibilité  et  ma  compassion  ;  j'ai  adresé  et  j'adresse  en- 
«  core  à  Dieu  d'humbles  requêtes  alin  qu'il  vous  regarde  en 
«  son  infinie  bonté.  Puissent-elles  avoir  été  exaucées.  Voici  le 
«  temps  où  je  devais  être  au  milieu  de  vos  églises,  aussi  y  se- 
«  rais-je  arrivé  si  les  circonstances  où  je  me  suis  rencontré  me 
«  l'eussent  permis.  Je  me  prépare  actuellement  pour  m'y  ren. 
«  dre  sur  la  fin  de  la  semaine  prochaine  ;  mais  je  ne  sais  si  je 
e  pourrai  réussir  dans  mon  dessein  vu  une  petite  indisposition 
«  (jui  ne  me  permet  guère  de  travailler.  Si  mes  désirs  ne  peu- 
«  vent  s'accomplir,  j'espère  que  mes  églises  voudront  bien  user 
«  encore  d'un  peu  de  patience,  persuadé  qu'à  l'avenir  je  répon- 
«  di'ai  avec  l'aide  de  Dieu  à  leurs  vues  bienfaisantes  .  » 


1.  —  P.  Mordant  vise  la  persécution  qui  s'abatlait  sur  l'église 
de  Luneray  <à  ce  moment-là. 


—  307  — 

D'une  lettre  du  même  au  même  datée  d'Autretot 
7  juillet  1781,  nous  détachons  ce  passage  : 

«  Je  ne  doute  pas  un  moment  que  vos  soins  constants  relali- 
«  vement  aux  malheurs  de  nos  églises  n'ayent  déjà  eu  le  succès 
«  que  nous  avions  lieu  d'espérer.  Donnez-moi  votre  avis  sur  la 
«  résolution  que  j'ai  prise  de  me  transporter  samedi  en  nuit 
«  dans  votre  pays  pour  y  foiulionner.  Vous  y  connaissez  l'état 
«  des  esprits.  » 

En  1782,  une  requête  fut  adressée  par  le  corres- 
pondant de  P.  Mordant  à  M.  de  Belbeuf.  procureur 
général  au  Parlement  de  Normandie,  relativement 
aux  poursuites  exercées  contre  la  maison  de  prières. 
En  voici  un  extrait  : 

«  l,e  dimanche  17  novemhre  \1H'2,  à  II  heures  du  malin,  il 
«  se  transporta  chez  le  feniiiei-  de  M.  Née)  un  huisssier  avec 
«  deux  assistants  où  il  s'assemhle  depuis  environ  l  à  5  ans  un 
«  petit  nombre  de  protestants  pour  y  célébrer  le  culte  divin 
«  selon  les  mouvements  de  leur  conscience.    » 

Nous  cessons  de  citer  textuellement  pour  résumer. 
L'huissier  dresse  procès-verbal.  Suivant  M.  Néel  il 
agissait  sur  l'ordre  du  procureur  du  roi  au  bailliage 
d'Arqués  qui  avait  reçu  une  plainte  du  curé  de  Lu- 
neray  motivée  par  ce  fait  que  les  protestants,  qui  ne 
pouvaient,  faute  de  place,  s'assembler  à  plus  de  40, 
1  interrompaient  par  le  chant  de  leurs  psaumes  lors- 
qu'il officiait  à  l'église,  cependant  éloignée  de  soc 
toises  au  moins  (8-?o  m.).  La  requête  se  poursuit 
ainsi  : 

«  11  n'y  a  qu'un  petit  nombr(>  d'années  que  le  sieur  curé  fit 
«  exhumer  deux  ou  trois  enfants  qui  élaienl  dans  la  tombe  de- 
ce  puis  six  semaines,  contre  la  permission  (|m'  les  inenibi'es  de 
«  la  justice  de  Dieppe  avnient  donnée    de    les    inhumer.    Il    se 


—  -,o8  — 

«  conduisit  dans  ces  tristes  circonstances  avec  tant  de  bai'barie 

«  ayant  fait  emprisonner  le  nommé  [.ardans,  qu'il  mit  TeHroi  et 

«  la  terreur  dans  le  cd'ur  de  tous  h's    i-éforniés    du    pays,    j.a 

«  fenune  du  dit  Lardans,  voyant  son  mari  si  cruellement  traité, 

«  fut  attaquée  sur  le  champ  d'une  violente  maladie  de    laquelle 

«  elle  mourut.  Peu  de  tem})s  après,  i  ou  5  familles  ci-oyant  que 

«  les  troubles  allaient  se  perpétuer,    (juiltèrent    leur    patr-ie    et 

«  passèrent  à  l'étranger. 

«  Le  suppliant  a  reçu  dans  la  chambre  sus-mentionnée  ses  pa- 
rt rents,  ses  amis  et  ses  ouvriers  pour  y  faire  leurs  dévotions, 
«  car.  Monseigneur,  ceux  qui  composent  cette  petite  société  ne 
«  tiennent  leur  subsistance  que  de  lui,  ayant  lait  depuis  long 
«  temps  et  faisant  encore  un  commerce  considérable.  » 

Cette  requête  n'eut  d'autre  résultat  que  de  faire 
recommander  aux  protestants  de  Luneray  d'agir  pru- 
demment. 

Nous  sommes  en  1783,  à  quatre  ans  seulement  de 
l'édit  de  tolérance,  et  nous  avons  à  enregistrer  en- 
core un  enlèvement  d'enfant.  Il  nous  est  signalé  par 
le  placet  suivant  que  Jean  Hébert,  de  la  paroisse  de 
Mélamare,  adressa  à  M.  de  Vergennes,  secrétaire 
d'Etat  : 

«  [Monseigneur,  un  malheureux  père  vient  à  vos  pieds  rede- 
«  mander  un  fils  qui  lui  a  été  enlevé  de  force  en  vertu  d'un 
«  ordre  (jui  a  dû  émaner  de  vos  bureaux,  mais  qui,  sans 
«  doute,  a  été  ignoré  de  vous.  Le  mercredi  29  avril  dernier, 
«  quatre  cavaliers  de  la  maréchaussée  du  département  de 
«  St-Romain  sont  venus  à  minuit  et  demi  chez  le  suppliant, 
«  journalier  de  la  paroisse  de  Mélamare,  au  pays  de  Caux,  et 
«  l'ont  sommé,  de  par  le  roy  de  leur  présenter  Jean-Louis  Hé- 
«  bert,  son  fils,  âgé  de  H  ans  3  mois.  Le  suppliant  troublé  par 
«  la  crainte  et  la  douleur,  n'a  pu  lire  le  papier  dont  ils  se  di- 
«  saient  porteurs  ;  au  nom  sacré  de  sa  Majesté,  il  leur  a  indi- 
«  que  l'endroit  où  était  son  fils  ;  on  l'a   arraché  impitoyable- 


—  509  — 

«  ment  des  bras  de  sa  mère  sans  qu'il  ait  été  possible  de  savoir 
«  depuis  ce  qu'il  est  devenu.  Vous  êtes  père,  Monseigneur,  et 
«  vous  savez  que  la  nature  est  la  môme  dans  tous  les  rangs  ; 
«  jugez  du  décbirement  afi'reux  que  dut  éprouver  le  cœur  du 
«  suppliant  !  Je  soupçonne  que,  comme  il  faisait  profession  de 
ï  la  religion  protestante,  l'enlèvement  dont  il  se  plaint  provient 
«  du  faux  zèle  du  sieur  curé  de  Mélamare,  et  voici  ce  qui  fait 
«  naître  ses  soupçons  : 

t  Le  jeudi  27  février  dernier,  son  jeune  fils  alla  chez  le 
«  curé  de  la  paroisse  qui  l'exliorla  h  rester  au  presbytère  où  il 
«  serait  mieux  (jue  chez  lui,  et  où  il  aui'ait  tout  en  abondance 
«  pourvu  qu'il  voulût  embrasser  le  catholicisme.  L'enfant  fut  sé- 
«  duit  par  ces  vues  toutes  temporelles  et  ne  retourna  point  le 
<t  soir  chez  ses  parents  qui  en  prirent  la  plus  vive  inquiétude.  La 
«  mère  ne  se  donna  de  repos  qu'elle  n'eut  découvert  son  fils  ; 
«  elle  y  fut,  accompagnée  d'un  proche  parent  et  demanda  son 
«  fils  à  grands  cris.  Le  curé  se  présenta  d'abord,  croyant  qu'il 
«  refusera  de  suivre  sa  mère.  Mais  comme  l'enfant  supplia 
«  qu'on  le  laissât  aller  avec  elle  il  voulut  employer  la  force 
«  pour  le  retenir.  Ses  efforts  furent  inutiles,  et  ça  été  sans 
«  doute  par  esprit  de  vengeance  autant  que  par  zèle  qu'il  a 
«  sui-pris  l'ordre  terrible  dont  il  s'agit.  '  » 

Nous  ne  savons  ce  qu"il  advint  de  cette  supplique. 
Nous  pensons  que  l'enfant  fut  rendu  à  ses  parents 
aorès  avoir  passé  quelque  temps  au  couvent  des  Nou- 
velles Catholiques  d'Alençon  où  on  l'avait  conduit 
aussitôt  après  son  enlèvement. 

L'année  précédente  (1782),  un  autre  enlèvement 
avait  eu  lieu  dans  la  même  paroisse  de  Mélamare: 
celui  de  la  fille,  âgée  de  1 1  ans  1/2  ,  d'un  graveur  ori- 
ginaire de  Neuchatel  en  Suisse  nommé  Jean-Louis 
Henry,  et  le  prétexte  en  avait  été  qu'elle  était  issue 
d'un  mariage  illégitime.  Elle  avait  été  mise  dans  un 

L  —  Bulletin  du  Protest,  1876,  p.  414. 


—  310  — 

couvent  et  il  ne  fallut  rien  moins  que  rintervention 
du  baron  de  Golitz,  ministre  de  Prusse  à  Paris,  pour 
obtenir  tju'elle  fût  rendue  à  ses  parents,  et  encore 
doit-on  dire  que  ces  démarches  n'aboutirent  qu'en 
1788.1 

Le  28  juin  1784,  Jean  Néel.  de  Luneray,  adressa  une 
nouvelle  requête  à  M.  deBelbeuf,  toujoursàToccasion 
des  poursuites  exercées  contre  la  maison  de  prière  : 

«  Le  dimanche  27  juin  1784,  à  11  h.  du  matin,  deux  liuis- 
«  siers  se  sont  transportés  à  la  maison  de  son  fermier  au  mo- 
e  ment  où  il  était  occupé  avec  sa  famille  à  faire  ses  dévotions 
«  particulières,  dans  le  dessein  sans  doute  de  prendre  con- 
«  naissance  du  nombre  des  personnes  qui  assistent  à  ce  culte 
«  domestique.  Les  huissiers  ont  trouvé  le  fermier  du  suppliant 
«  avec  sa  famille  et  quelques  amis  au  nombre  de  36  personnes 
«  dont  les  enfants  ne  faisaient  pas  la  moindre  partie.  Lescatho- 
«  liques  vivent  en  paix  avec  les  protestants  et  ces  derniers  se 
«  font  un  devoir  d'éviter  scrupuleusement  tout  ce  qui  pourrait 
«  troubler  cette  douce  harmonie.  11  vous  conjure  de  faire 
«  cesser  toute  poursuite  et  d'employer  votre  autorité  à  le  dé- 
«  fendre...  » 

Au  mois  de  juillet  suivant,  M.  de  Belbeuf  apprend 
au  garde  des  sceaux  que  le  curé  de  Luneray  venait 
d'informer  la  justice  que  les  protestants  de  sa  paroisse 
avaient  eu  l'audace  de  construire  un  temple  où  ils 
se  réunissaient  au  nombre  de  3  à  400  personnes,  que 
M.  Mordant,  marchand  (sic)  des  environs  de  Bolbec, 
venait  y  tenir  des  assemblées,  et  que,  ce  temple  ne 
suffisant  pas,  ils  en  faisaient  construire  un  autre  au 
hameau  du.Ronchay.  Cet  ecclésiastique  eût  pu  ajou- 
ter —  mais  il  l'ignorait  car  il  n'y  eût  pas  manqué  — 
qu'à  Rocquigny  et  à  Ecaquelon,  tout  près  de   là,   des 

1.  —  Archives  nationales,  Tï.,  302, 


—  311  — 

réunions  avaient  lieu  dans  des  fermes  isolées.  Une 
enquête  fut  ordonnée.  Ce  fut  le  subdélégué  de  Diep- 
pe, Porcholle  qui  la  mena.  Et  voici  son  rapport  : 

«  On  peut  regarder  comme  vrai  et  très  vrai  : 

«  [o  Qu'à  Luiieray  ii  y  a  une  espèce  de  temple  où  s'assem- 
«  blent  tous  les  tlimniiches  400  personnes  au  moins  ; 

«  '2o  Que  le  temple,  trop  petit  à  raison  de  la  grande 
«  affluence,  a  fait  naître  l'idée  d'en  construire  un  second  qui 
0  s'élève  actuellement  dans  le  hameau  du  Roncliay  dépendant 
>'  de  Luneray  ; 

«  ;>  Qu'cà  Luneray  et  clans  le  lumieau  du  Roncliay  il  y  a 
«  de  6  à  700  protestants  ; 

«  4û  Que  dans  un  autre  hameau  de  la  paroisse  St-I'ierre-le- 
«  Vieux  ({ui  touche  immédiatement  à  celle  de  Luneray,  il  y  a  un 
«  troisième  lemjile  ;  (|ue  tians  le  hameau  on  compte  2  à  300  pro- 
«  testants  qui  se  réunissent  ordinairement  dans  le  troisième 
«  temple  pour  faire  leurs  prières  en  comnuui  ; 

«  5"  Que.  soit  à  Luneray,  soit  à  .St-Pierre-le- Vieux  (hameau 
«  du  Coudray)  l'office  se  fait  publiquement  et  même  à  haute 
«    voix  ; 

«  6t)  Qu'à  cet  oflice  préside  ordinairement  une  sorte  de  pré- 
*'  dicant  qui  demeure  aux  environs  de  Bolhec  et  qui  se  nomme 
«  Mordant  ; 

«  7o  Que  ce  prédicant  se  donne  des  mouvements  extraor- 
«  dinaires  pour  desservir  les  trois  temples,  que  son  zèle  supplée 
«  à  ses  forces  et  le  rend  un  véritable  missionnaire.  Ce  Mor- 
«  dant  n'est,  au  supins,  qu'un  simple  marchand,  mais  ayant 
«  plus  d'enthousiasme  que  les  autres  il  le  communique  et  le 
«  propage...  » 

Quelque  temps  aurès  le  même  subdélégué  infor- 
mait l'intendant  de  Rouen  que  les  protestants  de  Lu- 
neray s'étaient  soumis  sans  opposition  à  la  fermeture 
de  leurs   prêches.    «  Ce  sont,    concluait-il,   d'assez 


iI2 


bonnes  gens  que  les  protestants  de  nos  cantons,  et 
on  peut  leur  appliquer  à  juste  titre  ce  vers  (traduit) 
de  Virgile  : 

«  A  l'aspect  d'un  seul  homme  ils  gardent  le  silence  !  » 

Leurs  maisons  de  prières  fermées,  les  protestants 
du  Petit  Caux  eurent  la  pensée  de  s'unir  pour  deman- 
der la  permission  de  célébrer  leur  culte,  etdeuxpéti- 
titions  furent,  au  mois  d'avril  J78S.  adressées  dans 
ce  but  à  M.  de  Vergennes,  Tune  par  plusieurs  fa- 
milles de  Luneray,  l'autre  par  Louis-Daniel  Lardans. 
David  Collen,  Isaac  Lesade  et  Pierre  Lheureux,  du 
Coudray. 

M.  de  Vergennes  renvoya  les  pièces  à  l'intendant 
de  Rouen  après  avoir  écrit  de  sa  main,  en  marge  : 
«  Je  pense  qu'il  serait  charitable  d'insinuer  à  ces 
«  gens-là  de  se  tenir  tranquilles  et  de  ne  pas  donner 
a  réveil  par  des  requêtes  sur  les  empiétements  qu'ils 
«  se  permettent  contre  les  ordonnances.  «  Maïs  de 
nouvelles  plaintes  lui  étant  parvenues,  le  ministre 
adressa  presque  aussitôt  des  instructions  plus  sévères 
à  l'intendant  :  «  Vous  voudrez  bien,  dit-il,  faire  con- 
«  naître  aux  protestants  de  Luneray  que,  loin  de  leur 
«  accorder  la  permission  qu'ils  demandent,  le  roi  leur 
«  défend  expressément  toute  espèce  d'association  et 
«  d'assemblée  et  que  l'intention  de  S.  M.  est  au'ils 
«restenttranquillesdans  l'intérieurdeleurs  maisons.» 
Et  il  ajoute  en  post-scriptum  :  «  Je  vous  prie  de 
«  faire  prévenir  le  sieur  Mordant  que  s'il  se  permet  de 
«  faire  le  prédicant  il  sera  sévi  contre  lui.  w 

Les  protestants  de  Luneray,  que  le  subdélégué 
Porcholle  représentait  comme  peureux  et  soumis, 
ne  se  tinrent  pas  pour  battus.  Au  mois  d'avril  1786, 
ils  adressèrent  au  nouvel  intendant  de  Rouen  une 
pétition  collective  à  laquelle  se  joignirent  leurs  core- 
ligionnaires des  paroisses  voisines  et  de  Dieppe  pour 


—  313  — 

réclamer  la  liberté  de  professer  leur  culte. 

L'arrivée  du  baron  de  Breteuil  au  ministère,  sur 
les  entrefaites,  im.prima  une  marche  plus  décidée  à 
l'esprit  public  vers  les  idées  de  tolérance.  C'est  à 
l'heureuse  influence  de  ce  ministre  qu'on  dut  en 
partie  l'edit  de  tolérance  qui  accordait  aux  pro- 
testants les  droits  dont  jouissaient  les  autres  fran- 
çais. 

Pendant  ce  temps,  le  parlement  de  Rouen  est  tou- 
jours dans  le  même  sentiment  de  résistance  aux  édits 
rendus  par  Louis  XV  et  non  raoDortés,  et  on  doit  di- 
re à  son  honneur  qu'il  osa  faire  des  remontrances  au 
monarque,  et,  devant  la  constatation  de  leur  inutilité, 
ne  craignit  pas  de  demander  la  convocation  des  Etats- 
Généraux.  Ces  marques  d'indépendance,  preuves 
d'un  réel  sentiment  de  la  justice,  lui  valurent  d'être 
supprimé  ;  mais,  comme  cette  suppression  s'étendit 
à  d'autres  parlements  du  royaume  qui  n'avaient  pas 
le  respect  des  droits  de  la  conscience,  on  ne  peut  dire 
absolument  que  ce  soit  son  attitude  envers  le  protes- 
tantisme qui  ait  attiré  sur  lui  cette  honorable  puni- 
tion. Louis  XVI,  sentant  qu'il  ne  pouvait  se  passer  de 
parlements,  les  rétablit  presque  aussitôt  son  avène- 
ment au  trône.  Mais  ils  reprirent  leur  ancienne  habi- 
tude de  faire  des  remontrances  ;  et  le  nouveau  monar- 
que essaya  de  neutraliser  ces  prérogatives  par  la  réu- 
nion de  notables  et  d'assemblées  provinciales.  Les 
parlements  refusèrent  d'enregistrer  Ledit  instituant 
ces  nouvelles  assemblées  et  réclamèrent,  avec  une 
insistance  toute  particulière,  la  convocation  des  Etats- 
Généraux  (1787). 

On  aurait  cru  qu'après  l'expulsion  des  Jésuites 
Dar  Louis  XV  les  protestants  eussent  joui  d'une  tran- 
quillité relative.  C'est  le  contraire  qu'on  constate.  Ce 
qui.  à  ce  moment,  exaspérait  les  réformés  et  en  déci- 
dait un  certain  nombre  à  émigrer  en    dépit   des  me- 


—  314  — 

sures  prises  pour  empêcher  ce  mouvement,  c'était  la 
rigidité  du  clergé  à  toujours  avoir  recours  aux  pres- 
criptions des  édits  pour  attaquer  les  droits  naturels 
des  non-catholiques  sur  l'éducation  de  leurs  enfants, 
la  validité  de  leurs  mariages  bénis  par  des  pasteurs, 
et  la  liberté  de  procéder  à  l'inhumation  de  leurs 
morts  en  dehors  du  prêtre.  Les  idées  de  tolérance 
avaient  beau  être  défendues  chaleureusement  par  les 
parlements  et  par  des  jurisconsultes  et  des  philoso- 
phes éminents,  les  droits  naturels  des  protestants 
étaient  constamment  constestés. 

Nous  n'avons  rien  dit  de  la  façon  dont  on  procé- 
dait aux  inhumations  pendant  la  longue  période 
écoulée  depuis  la  Révocation.  Comme  il  fallait  que 
les  médecins  avertissent  les  prêtres  dès  que  des  reli- 
gionnaires  malades  faisaient  appel  à  leur  art,  il  arri- 
vait fréquemment  que  les  malades  tâchaient  de  se 
guérir  eux-mêmes  et,  s'ils  n'y  parvenaient  pas,  préfé- 
raient mourir  sans  secours,  d'où  il  suit  qu'on  n'appre- 
nait leur  mort  qu'après  leur  enterrement  dans  leur 
maison,  leur  jardin  ou  leur  cour,  ou,  en  ville,  leur 
cave.  La  cérémonie  était  simple  ;  on  descendait  dé- 
cemment le  cercueil  dans  la  fosse  que  l'on  comblait 
aussitôt.  Au  reste  du  commencement  de  la  réforme 
jusqu'à  la  complète  liberté  religieuse,  les  inhuma- 
tions protestantes  furent  d'une  extrême  simplicité. 
Sousl'Edit  de  Nantes,  un  pasteur  y  assistait  quelque- 
fois et  seulement  lorsqu'il  était  l'ami  personnel  du 
défunt,  mais  ne  prenait  pas  la  parole.  La  moindre  cé- 
rémonie religieuse  eût  pu  être  prise  pour  un  culte  à 
la  dépouille  charnelle,  et  c'est  ce  que  l'on  voulait 
éviter,  et  c'est  encore,  de  nos  jours,  la  raison  qu'on 
oppose  à  ceux  qui  demandent  que  les  funérailles 
soient  célébrées  dans  les  temples. 

Mais  il  n'était  pas  facile,  on  le  comprend,  de  ca- 
cher les  maladies  et  les  décès.  En  cas  de  mort,  il  fal- 


^IS 


lait  un  cercueil  (il  est  vrai  qu'on  en  avait  souvent 
d'avance  dans  les  familles),  et  c'est  surtout  par  là 
que  la  nouvelle  était  connue,  et  alors,  le  plus  sou- 
vent, les  gens  du  menu  peuple,  dans  les  villes,  se  li- 
vraient à  des  scènes  scandaleuses  devant  la  maison 
mortuaire,  allant  jusqu'à  briser  les  vitres  et  lancer 
des  pierres  sur  les  personnes  qui  suivaient  le  convoi- 
Ces  enterrements  ne  se  faisaient  que  de  nuit. 

M.  Néel,  l'ancien  de  l'église  de  Luneray  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  a  laissé  un  mémoire  manus- 
crit, que  le  pasteur  Berthe  cite  dans  sa  brochure,  où 
nous  lisons,  au  sujet  des  inhumations  protestantes 
d'alors,  que  nos  pères  «  étaient  obligés  d'abandonner 
«  les  corps  qu'ils  accompagnaient  au  tombeau  pour  se 
c(  soustraire  à  une  grêle  de  coups,  ou  bien  de  garder 
K  chez  eux  les  corps  pendant  plusieurs  jours  sanspou- 
«  voir  sortir  pour  les  inhumer.  A  la  fin,  ils  étaient  for- 
te ces  de  les  enterrer  dans  leurs  granges  ou  dans  leurs 
«  jardins.  )> 

Une  loi  du  9  avril  1736  permit  aux  protestants, 
moyennant  déclaration  de  décès  faite  au  bailliage  par 
deux  témoins  et  inscrits  par  le  plumitif  sur  un  re- 
«  gistre  «  qui  faisait  foi  pour  les  décès  des  religion- 
((  naires  comme  les  registres  des  curés  pour  ceux  des 
«  catholiques,))  d'obtenir  des  permis  d'inhumeravant 
le  lever  ou  après  le  coucher  du  soleil.  Nous  publions 
(pièce  n"  14  de  l'appendice  les  déclarations  de  décès 
faites,  en  vertu  de  cette  loi,  complétée  en  1769,  au 
bailliage  de  Caudebec.  Nous  ne  savons  si  les  registres 
où  furent  consignées  les  déclarations  de  même  nature 
reçues  aux  bailliages  d'Arqués  et  de  Montivilliers 
existent  toujours  ;  nous  pensons  que  non. 

Mais  revenons  à  Bolbec  et  à  ses  environs. 

Les  carrières  du  Valasse,  de  Ste-Honorine  et  de 
St-Jean-de-la-Neuville  n'étant  pas  des  asiles  sûrs,  les 
réformés  de  Bolbec  et  des  campagnes  environnantes 


-3i6- 

avaient  pris  le  parti  de  se  réunir  dans  des  maisons 
isolées.  Mais  l'œil  jaloux  et  soupçonneux  des  curés 
s'en  était  vite  aperçu,  et  les  dénonciations  se  multi- 
plièrent si  bien  que  le  subdélégué  de  Caudebec  adres- 
sait le  3  mai  178^  le  mémoire  suivant  à  l'Intendant 
de  Rouen  : 

«  Le  nommé  J.-B.  Pauniier,  ministre  protestant,  demeure  à 
«  Bolbec  ;  il  n'y  a  pas  longtemps  qu'il  s'y  est  marié  ;  c'est  un 
«  autre  ministre  protestant  qui  demeurait  à  la  paroisse  d'Au- 
«  Iretot,  qui  est  venu  le  marier  à  Bolbec.  Ils  y  ont  fait  arran- 
«  ger  une  maison  qui  leur  sert  de  temple  et  où  ce  Paumier 
«  exerce  publiquement  les  fondions  de  ministre  protestant;  les 
e  religionnaires  étaient  encore  assemblés  dimanclie  dernier 
«  dans  cet  endroit,  et  pendant  la  grande  messe  de  la  paroisse 
«  ce  Paumier  les  précbait.  Ils  ne  se  cachent  plus  du  tout  ;  ils 
«  se  rassemblent  jusqu'à  3  ou  iOO  dans  cet  endroit  où  ils  font 
«  des  quêtes  pour  les  pauvres.  Le  lieu  qui  sert  à  leurs  assem- 
«  blées  est  la  maison  du  sieur  Jean  Launay,  située  au  bas  du 
«  bourg,  vers  le  Valasse  ;  s'il  se  fait  quelques  mariages  parmi 
«  les  protestants  de  Bolbec,  c'est  ce  Paumier  qui  les  fait,  et 
«  c'est  aussi  lui  qui  les  inhume...  Les  assemblées  ont  lieu  tous 
«  les  dimanches,  ainsi  il  ne  serait  pas  diflicile  de  les  surpren- 
c  dre.  '  » 

L'Intendant  envoya  un  résumé  de  ce  rapport  à  M. 
de  Vergennes  qui  lui  manda  le  19  mai  1785  : 

<  J'ai  reçu.  Monsieur,  votre  réponse  du  14  de   ce    mois    au 

«  sujet  de  J.-B.  Paumier  qui  fait  publiquement  les  fonctions  de 

«  ministre  protestant  à  Bolbec.  Vous  voudrez  bien  lui  ordonner 

«  de  la  part  du  roi  d'en  cesser  entièrement  l'exercice  et  lui  dé- 

«  fendre  de  tenir  aucune  assemblée    soit   dans   les    pièces   du 

.(  temple  qu'il  a  établi  et  dont  vous  ferez  ôter    tout    ce   qui   a 

«  trait  à  ce  genre  de  service,  soit  dans  tout  autre  endroit. Vous 

1.  —  Arch.  do  la  Seine-Inférieuro,  fonds  de  l'Intendance. 


—  31?  — 

«  voudrez  bien  faire  aussi  les  mêmes  défenses,    pour    ce    qui 

€  concerne  les  assemblées,  aux  {)rotestants  de    Bolbec   en   les 

«  avertissant,  ainsi  que  l'auniier,    que    vous   êtes    chargé    de 

«  veiller  sur  leur  conduite  et  que  s'ils    ne  se  conforment    pas 

c  aux  intentions  de  S.  M.  ils    nous   mettront   dans   le    cas   de 

«  prendre  des  mesures  plus  rigoureuses  pour  les  contenir.  '  » 

Une  lettre  de  Gattine.  maire  de  Bolbec,  du  17  juin 
178s,  apprend  que  les  ordres  du  roi  ont  été  transmis 
et  que  le  ministre  et  les  protestants  de  Bolbec  s"v  sont 
soumis,  et  qu'il  a  fait  démonter  les  bancs,  la  table,  le 
pupitre  et  les  inscriptions  sentencieuses  [sicj  affichées 
dans  le  temple. 

L'année  suivante  (juin  1786)  le  procureur  général 
près  le  parlement  de  Normandie  informa  M.  de  Ver- 
gennes  que  les  protestants  des  villages  voisins  de  Bol- 
bec recommençaient  à  tenir  publiquement  des  assem- 
blées et  qu'ils  avaient  établi  des  maîtres  et  maîtresses 
d'école.  Interrogé  là-dessus,  le  subdélégué  de  l'élec- 
tion écrit  : 

«  Il  y  a  effectivement  à  Bolbec  deux  lilles  nommées  Gue- 
c  rouit  et  une  troisième  nommée  Prix,  qui,  depuis  plusieurs 
«  années,  tiennent  publiquement  des  écoles  pour  les  enfants 
«  des  protestants  ;  le  père  de  la  fille  Prix  passait  pour  prédi- 
«  cant  et  a  laissé  à  sa  mort  beaucoup  de  catéchismes  que  l'on 
«  dit  avoir  été  envoyés  dans  le  temps  à  M.  le  procureur  géné- 
c  rai.  11  se  tient  presque  tous  les  dimanches,  dans  les  écarts 
«  et  paroisses  voisines,  des  assemblées  dans  lesquelles  les 
«t  nommés  Paumier  et  Mordant,  tous  les  deux  prédicants,  ma- 
«  nifestent  leur  zèle  pour  leur  religion.  Les  plus  fréquentes  de 
«  ces  assemblées  se  tiennent  à  St-Jean-de-la-Neuville,  le  matin 
«  chez  un  nommé  Daniel  Letellier,  et  l'après-midi  chez   Jacob 


(A 


1.  —  Dépèche  de   M.  de  Vergennes  à    l'Intendant  de  Crosne 
.rch.  de  la  Seine-Inf.,  fonds  de  l'Intendance). 


-3i8  - 

«  Foinet.  Les  deux  prédicaiits  se  distribuent  aussi   quequefois 

«  dans  les  paroisses  de  Nointot,  Mélamare,  St-Antoine-la-Forêt, 

«  St-Mcolas-de-la-Taille  et  rirnolipt,  et  logent  chez  le    nommé 

«  Doudement.  » 

Consulté  par  M.  de  Crosne  sur  les  meilleures  mesu- 
res à  prendre  pour  arrêter  ce  mouvement,  le  subdé- 
légué de  Caubebec  ne  proposa  rien  de  moins,  dans  le 
zèle  qui  le  dévorait,  que  d'ordonner  à  la  maréchaus- 
sée de  se  mettre  en  posture  de  s'emparer  des  prédi- 
cants  dès  qu'une  dénonciation  quelconque  d'assem- 
blée lui  parviendrait.  Il  allait  même  jusqu'à  proposer 
d'accorder  une  gratification  aux  employés  de  la  maré- 
chaussée pour  stimuler  leur  zèle.  M.  de  Crosne  trou- 
vaquec'étaitallertroploin,  et  il  écrivitde  sa  main,  en 
marge  de  la  lettre  du  subdélégué  :  '<  Modérément  sur 
«  cet  article  et  lui  dire  seulement  d'y  tenir  la  main.  » 
En  effet,  ce  que  le  gouvernemet  de  Louis  XVI  vou- 
lait c'était  que  les  protestants  ne  fissent  aucun  culte 
extérieur,  en  un  mot  se  tinssent  chez  eux.  » 

«  Le  roi  ne  veut  souftVii-,  écrivait  M.  de  Vergennes,  que  les 
«  protestants  s'assemblent  ainsi  ni  qu'ils  donnent  la  moindre 
«  publicité  à  leur  culte  :  ils  doivent  rester  dans  l'intérieur  de 
«  leurs  maisons  et  de  leurs  l'amilles.  ce  n'est  que  par  ce  moyen 
«  qu'ils  pourront  se  rendre  dignes  de  l'indulgence  et  des  bon- 
«  tés  de  S.  M.  '  » 

La  poussée  des  idées  libérales  rendait  ces  entraves 
de  plus  en  plus  diftiiciles  à  supporter.  Aussi  les  réfor- 
més de  Bolbec  et  de  la  région  avoisinante  comme 
ceux  de  Luneray,  revendiquèrent  ce  qui  paraissait 
maintenant  aux  esprits  les  plus  éclairés  un  droit 
imprescriptible. 

1.  — Dépêclie  de  M.  do  Vergennes  à  l'intendant  de  Crosne, 
9  juin  1786  (Arcli.  de  la  Seine-Inf.,  fonds  de  l'Intendance). 


—  319  — 

Voici  la  pétition  qu'à  cet  effet  ils  adressèrent,  en 
Août  17S6,  à  M.  de  Vergennes  et  à  M.  de  Crosne. 

«   A  Monseigneur  l'Iiileiidaiit  de  la  (léiiéralilé  de  Rouen. 
«  Monseigneur. 

«  Les  prolestanls  des  juridictions  de  Caudehec,  Monliviiliers 
«  et  le  Havre,  au  noni])i'e  de  plus  de  huit  cents  familles,  vien- 
«  nent  aujourd'iiui  se  jeter  an\  pieds  de  Voire  (ii'andeur,  ils 
«  vous  supplient  très  iiundjleuient.  Monseigneur,  de  prendre 
€  en  considération  leurs  alarmes  continuelles. 

«  Ces  lidèles  sujets  de  Sa  Majesté  vivaient  en  paix  depuis 
I  iuut  à  div  années,  soumis  au  prince  et  aux  lois  qui  les  proté- 
«  geaienl.  bénissaient  le  monarque  et  ses  dignes  ministres,  tra- 
i  vaillaient  à  augmenter  de  jour  en  joui'  leur  commerce,  leurs 
«  maiml'aclui'es  en  tous  genres  par  lesquels  ils  contribuaient  à 
«  enrichir  l'état.  p]n  reconnaissance  de  tant  de  douceurs  ils  se 
«  réunissaient  dans  leurs  chaumières,  même  par  le  conseil  des 
«  plus  éclairés  et  des  plus  nobles  calholiques,  au  nombre  de 
«  quarante  à  cinquante  pour  adresser  leurs  vœux  au  ciel  et 
«  implorer  sa  bénédiction  sur  le  prince  et  sur  les  personnes 
«  qui  sont  élevées  en  dignité  dans  l'étal.  Ces  actes  religieux 
c  qui  faisaient  leurs  délices  et  qui  même  étaient  un  délasse- 
«  ment  de  leurs  travaux  journaliers,  leur  ont  attiré  une  longue 
«  suite  de  malheurs.  Des  esprits  ombrageux  peu  éclairés  et 
«  conduits  par  le  fanatisme,  ce  monstre  destructeur  de  toute 
«  société,  jaloux  de  la  tranquillité  des  suppliants,  les  ont  peints 
«  et  les  peignent  encore  aux  yeux  du  gouvernement  sous  les 
<  couleurs  les  plus  noires.  Voici,  Monseigneur,  le  commence- 
«  ment  de  la  première  époque  de  leurs  malheurs. 

«  En  février  1783,  quatre  cavaliers  de  maréchaussée,  exé- 
((  cuteurs  d'un  ordre  rigoureux  émané  du  ministère,  enlevèrent 
«  au  nonniié  .lean- Baptiste  Hébert,  l'un  des  suppliants,  un  fils 
t  âgé  de  onze  ans  trois  mois  et  le  transportèrent  aux  nouveaux 
«  convertis. 

«  L'année  suivante,  le  sieur  d'Angeville,  gentilhomme  pro- 
«  testant,  étant  décédé  en  la  paroisse  de  Lintot,  près   de    Bol- 


—  3^^^  — 

«  bec,  sa  famille  eut  la  douleur  de  voir  son  cadavre  insulté  et 
«  sa  tombe  reuiplie  d'une  <:!;r(''le  de  pierres  qu'y  jeta  une  i)o- 
«  pulace  elTrénée  et  par  qui  conduite  ?  i,e  sieur  curé,  ministre 
«  d'un  Dieu  de  p;ux,  qui  doit  veiller  sur  son  troupeau  et  rame- 
«  ner  la  bi-ebis  égarée  au  bercail  par  la  voix  de  la  civilisation, 
«  ose  dire,  dans  le  siècle  de  la  raison,  que  la  perte  des  pro- 
«  testants  est  assurée  et  ce,  dans  l'instant  de  la  frénésie  et  de 
«  la  fureur  de  cette  populace,  propos  inconsidéré,  capable  de 
«  les  porter  aux  plus  grands  excès. 

«  L'année  dernière,  quelques  familles  des  suppliants,  babi- 
«  tant  Bolbec,  ayant  usage  de  se  réunir  sans  ostentation  cbez 
«  un  fabricant  pour  y  faire  leurs  dévotions  et  s'animer  à  rem- 
«  plir  les  devoirs  de  l'bomme  et  du  citoyen,  eurent  ordre  de 
«  cesser  cet  acte  religieux.  En  juin  dernier,  ils  ont  été  accusés 
«  d'avoir  loué  et  fait  décorer  et  orner  une  vaste  maison  aux 
<(  environs  de  Holbec  pour  la  célébration  de  leur  culte,  d'avoir 
«  même  établi  des  maîtres  et  maîtresses  d'école  pour  l'instruc- 
«  tion  de  la  jeunesse,  accusations  qui  ont  été  reconnues  fausses 
«  et  calomnieuses. 

«  Le  dimancbe  3  du  présent  (août)  le  sieur  curé  de  St-Denis 
«  de  Lillebonne,  élection  de  Caudebec,  escorté  d'un  des  gar- 
«  des-cbasses  de  Monseigneur  le  duc  d'Harcourt,  se  transporta 
«  heure  des  vêpres,  chez  le  nommé  Doudeman  qui  faisait  seg 
«  dévotions  avec  sa  famille  et  quelques-uns  de  ses  amis.  Quelle 
«  ne  fut  pas  sa  surprise  !  éloigné  de  la  paroisse  de  trois  quarts 
«  de  lieue  au  fond  d'une  vallée,  lorsqu'il  vit  arriver  le  dit  curé 
<t  qui  lui  ordonna,  au  nom  du  roi,  d'ouvrir  sa  porte  et  de  ces- 
«  ser  son  exercice  religieux.  Le  dit  Doudeman  passa  sa  sou- 
c  mission  à  cet  ordre  sacré,  mais  le  sieur  curé,  au  lieu  de  le 
«  produire,  ne  put  faire  à  ce  citoyen  paisible  que  des  menaces 
«   effrayantes. 

«  Le  21,  les  nommées  Prix  et  Gueroult  du  dit  Bolbec,  accu- 
«  sées  de  tenir  des  écoles  publiques,  ont  des  ordres  à  ce  con- 
«  traire,  quoi  qu'elles  ne  reçoivent  que  des  enfants  de  quatre  à 
«  six  ans  dans  la  vue  de  soulager  des  pères  et  mères  occupées 
«  à  leurs  travaux  et  à  leur  commerce. 


—  321  — 

«  Ces  faits  de  notoriété  publique,  joints  aux  menaces  réité- 
«  rées  de  plusieurs  esprits  animés  d'un  zèle  intolérant,  jettent 
«  les  suppliants  dans  des  transes  cruelles.  Ils  ne  peuvent  con- 
«  cilier  ces  derniers  ordres  avec  ceux  qui,  les  années  dernières, 
«  furent  donnés  au  sieur  Cavelier,  principal  du  collège  de  Bol- 
«  bec,  de  n'admettre  à  ses  leçons  aucun  élève  protestant.  Par 
«  là  les  enfants  des  suppliants  sont  privés  de  toute  éducation 
«  et  s'il  s'en  trouve  parmi  eux  qui  ayant  acquis  quelques  lu- 
i(  miêres,  les  emploient  à  éclairer  leurs  concitoyens,  à  former 
«  des  sujets  fidèles  etdes  citoyens  zélés  pour  la  patrie,  on  les 
«  représente  à  Votre  Grandeur  comme  des  êtres  remuants  et 
«  dangereux  à  l'Etat. 

«  Cette  longue  suite  de  malheurs,  ces  accusations,  ces  me- 
«  naces,  ces  ordres  continuels  sous  un  gouvernement  aussi 
«  sage  qu'éclairé,  jettent  les  suppliants  dans  des  inquiétudes 
«  qu'il  serait  impossible  d'exprimer.  Ils  croient  apercevoir  les 
f  anciennes  contraintes  et  se  voient  privés  de  pouvoir  se  réu- 
«  nir  en  petit  nombre  pour  adresser  leurs  vœux  au  ciel  en  fa- 
«  veur  de  l'auguste  monarque  qui  les  gouverne,  pour  la 
«  gloire  de  son  trône  et  la  prospérité  de  ses  dignes  ministres. 
«  Ils  avaient  pourtant  d'aulanlmoins  lieu  des'atlendre  à  cette 
«  privation  que  Sa  ■Majesté  accorde  une  tolérance  tacite  à  leurs 
«  frères  des  provinces  méridionales  et  que,  par  arrêt  du  cou- 
rt seil  d'Etat  du  13  novembre  dernier,  confirmé  depuis  peu  par 
«  lettres  patentes,  elle  appelle  dans  ses  Etats  les  protestants 
«  étrangers  et  leur  promet  les  mêmes  avantages  dont  ils  jouis- 
«  sent  dans  leurs  patries. 

«  Les  suppliants  seront-ils  donc  les  seuls  malheureux  ?  Ne 
«  leur  sera-t-il  pas  permis  d'être  l'objet  des  bontés  du  meil- 
«  leur  des  rois,  de  la  protection  des  sages  ministres  de  sa 
«  justice  ?  Oui,  monseigneur,  et  c'est  dans  cette  espérance 
«  qu'ils  tombent  à  vos  pieds  et  qu'ils  vous  conjurent  d'écouter 
<  leurs  justes  plaintes,  de  mettre  fin  à  leurs  alarmes  et  de  leur 
((  assurer  une  tranquillité  durable  dans  laquelle  ils  puis- 
((  sent  continuer  à  adresser  des  viieux  ardents  au  ciel  pour  la 

21 


—  3^3  — 

«  conservation  des  jours  précieux  de  Votre   (irandeur.    » 
Présenté  le  août  1786. 


Cette  pétition  ne  fut  suivie  d'aucun  effet  immédiat. 
Mais  la  marche  des  idées  gagnait  trop  de  bons  esprits 
pour  que  Louis  XVI  ne  sentît  pas  que  ie  crime  de  reli- 
gion n'était  plus  punissable  de  mort  et  qu'il  se  fût 
rendu  criminel  devant  l'histoire  s'il  n'eut  pas  parjuré 
le  serment,  fait  lors  de  son  sacre  et  que  le  clergé  lui 
rappelait  à  tout  propos,  d'exterminer  l'hérésie  par 
tout  son  royaume. 


QUATRIEME   PARTIE 


La    liberté    religieuse 


CHAPITRE    I" 

De  l'Edit  de  tolérance  à  la   proclamation  de  la 
liberté  des   cultes 

(1787-1790) 

A  la  réunion  des  notables  qui  eut  lieu  en  1787, 
Rulhières,  le  baron  de  Breteuil,  le  général  de  La 
Fayette,  Malesherbes,  Rabaut-Saint-Etienne  firent 
entendre  de  si  nobles  et  justes  paroles  que  le  triom- 
phe des  idées  de  liberté  civile  et  religieuse  en  sortit. 

L'Edit  de  tolérance,  qui  marque  la  fin  d'une  longue 
période  de  spoliations  et  de  soutïrances,  fut  signé  par 
Louis  XVI  le  17  novembre  1787,  et  enregistré  par  le 
Parlement  de  Paris  le  29  janvier  suivant.  Il  n'est  pas 
la  reconnaissance  d'un  droit,  car  il  dit  dans  le  préam- 
bule qu'on  n'accorde  aux  protestants  que  ce  qu'on  ne 
pouvait  leur  refuser  plus  longtemps  :  le  droit  de  faire 
constater  leurs  naissances,  leurs  mariages  et  leur^ 


—  324  — 

décès  ;  il  n'est  bien  vraiment  qu'une  tolérance,  et 
une  tolérance  arrachée.  Aussi  nos  pères  éprouvè- 
rent-ils une  déception  au  premier  moment  en  y  lisant  : 
«  La  religion  catholique  que  nous  avons  le  bonheur 
«de  professer,  jouira  seule  dans  notre  royaume  des 
«  droits  et  des  honneursducultepublic,  tandis  que  nos 
a  autres  sujetsnon  catholiques,  privés  de  toute  influen- 
ce ce  sur  Tordre  établi  dans  nos  états.  Jecla rés  J'avance 
«  et  d  Jamais  incapables  de  faire  corps  dans  notre  roy- 
«  aume,  soumis  à  la  police  ordinaire  pourTobserva- 
«  tion  des  fêtes,  ne  tiendront  de  la  loi  que  ce  que  le 
«  droit  naturel  ne  nous  permet  pas  de  leur  refuser...  » 

A  rirritation  déchaînée  dans  le  clergé  par  cet  édit 
ils  comprirent  qu'ils  devaient  le  recevoir  comme  la 
limite  extrême  de  ce  que  le  public,  encore  imbu  de 
préjugés,  pouvait  supporter  à  ce  moment.  Le  clergé 
avait  senti,  en  effet,  que  les  points  accordés  étaient  le 
prélude  de  libertés  prochaines.  Les  événements  vont 
lui  donner  raison,  car  nous  sommes  à  la  veille  de  la 
Révolution  d'où  est  sorti  le  droit  moderne. 

A  partir  de  1787,  et  seulement  pendant  trois  ou 
quatre  ans,  deux  pasteurs  résidèrent  à  Luneray  à  pos- 
te fixe  :  J.-B.  Paumier  pour  Luneray  et  Mordant  dit 
Duclos  pour  le  Coudray  (Ce  dernier,  en  1792,  époque 
de  son  mariage,  résidait  a  St-Jean-de-la-Neuville  et 
était  désigné  comme  pasteur  de  cette  paroisse,  de  St- 
Eustache,  de  St-Antoine  et  autres).  Trois  vastes 
chambres  furent  afifectées  au  culte,  vraiment  public 
cette  fois,  en  attendant  la  construction  d'un  temple  : 
deux  à  Luneray,  Tune  à  côté  du  temple  actuel,  l'autre 
au  hameau  du  Ronchay  ;  et  la  troisième  au  Coudray. 

Nous  devons  reconnaître  que,  grâce  aux  bonnes 
dispositions  du  Parlement  de  Normandie  et  des  auto- 
rités qui,  gagnés  petit  à  petit  aux  idées  de  tolérance, 
voulaient  ignorer  les  infractions  aux  édits  que  com- 
mettaient les  Protestants,  ceux-ci  n'avaient  pas  atten- 


-    '25    — 

du  redit  de  1787  pour  tenter  de  rétablir  leur  culte 
dans  le  pays  de  Caux.  Depuis  que  des  tentatives, dont 
quelques-unes  suivies  de  paniques^,  avaient  été  com- 
mises par  des  catholiques  fanatisés  pour  asphyxier, 
en  produisant,  au  moyen  de  fagots  et  de  bottes  de 
paille  mouillées  auxquelles  on  mettait  le  feu.  une 
abondante  fumée  à  l'entrée  des  carrières  où  se  te- 
naient les  réunions,  les  religionnairesqui  y  assistaient, 
et  que  la  chasse  leur  avait  été  donnée  dans  les  bois, 
on  avait  repris  Thabitude  de  se  réunir  par  petits 
groupes  dans  des  maisons  particulières.  De  telles 
réunions  étaient  toujours  interdites,  mais  l'opinion 
publique,  dans  son  ensemble,  les  souffrant  de  plus  en 
plus,  les  magistrats  les  ignoraient  volontairement. 
Oui,  le  Parlement  de  Normandie,  que  nous  avons  vu 
si  cruel  dans  les  premiers  temps,  s'était  radouci  sous 
Louis  XV  et  Louis  XVI  au  point  qu'il  ne  sévissait 
plus  contre  ceux  qui  assistaient  aux  assemblées  ni 
même  contre  ceux  qui  les  provoquaient.  Le  pasteur 
Pierre  Mordant  a  laissé  un  manuscrit  où  sont  consi- 
gnés ses  souvenirs,  dans  lequel  on  lit  :  «  Sous 
«  Louis  XV  le  Parlement  de  Rouen  se  fit  remarquer 
c(  par  sa  douceur.  11  protégeait  les  protestants  ;  ilsuf- 
«  fisait  d'être  decenombre  decitoyensoppriméspour 
«  être  délivré  de  ses  persécuteurs  et  réintégré  dans  la 
«  jouissance  de  ses  droits  par  une  exacte  justice.  »  Il 
allègue  à  l'appui  de  ce  jugement  les  arrêts  rendus  en 

1.  —  Dans  sa  brochure  déjà  citée,  le  pasteur  Berthe  rapporte 
qu'une  nuit  un  certain  nombre  de  protestants  de  Luneray  et  des 
environs  se  trouvant  rassemblés  dans  une  carrière  pour  prier 
furent  découverts.  Leurs  adversaires  voulurent  allumer  un 
prand  feu  à  l'entrée  do  la  caverne  pour  les  asphyxier  ;  mais 
l'éveil  ayant  été  donné,  les  assistants  purent  sortir  à  temps  et 
s'échapper  à  la  faveur  de  l'obscurité.  Ce  fait  fut  racojité  à  ISI. 
Berthe  par  Pierre  Boulen  né  vers  1800,  (jui  le  tenait  de  son 
père  et  d'un  autre  vieillard.  La  tradition  rapporte  des  faits 
analogues  comme  s'étant  passés  aux  environs  de  Bolbec,  no- 
tamment à  St-Jean-de-la-Neuville. 


^26 


faveur  des  religionnaires  Foucault,  De  la  Rochelle, 
Veuve  Oulson.d"'''  Carré,  dames  Deslandes,  et  d'autres 
encore  «  qui,  dit-il,  honoreront  toujours  le  Parle- 
ment de  Rouen.  «  Il  cite  un  arrêt  du  14  juillet  1769 
rendu  pour  soustraire  les  familles  des  religionnaires 
décédés  aux  prétentions  arbitraires  des  juges,  gref- 
fiers et  commissaires  chargés  de  délivrer  des  permis 
d'inhumer,  vérifier  létat  des  corps  et  d'accompagner 
les  convois.  Il  loue  d'autres  arrêts  rendus  pour  répri- 
mer, surtout  dans  le  pays  de  Caux,  le  zèle  indiscret 
de  plusieurs  curés  qui  troublaient  les  protestants 
dans  leurs  exercices  religieux.  «  Tant  d'actes  de  jus- 
ce  tice,  dit-il  encore,  tant  de  modération,  tant  de  tolé- 
«  rance  dans  des  temps  où  ce  mot  pouvait  à  peine 
((  être  prononcé,  attachaient  les  protestants  de  Nor- 
«  mandie  à  leur  parlement  et  ils  le  regardaient 
«  comme  leur  Dieu  tutélaire  parce  que,  depuis  long- 
ce  temps,  ils  en  étaient  protégés.  » 

Cet  honneur  rendu  au  Parlement  de  Normandie 
est  mérité,  mais  les  protestants  y  étaient  bien  pour 
quelque  chose,  car  la  bienveillance  des  juges  ne 
pouvait  venir  que  de  la  vue  de  malheurs  immérités 
et  de  lois  d'un  autre  âge  vaillamment  supportés. 

Les  édits  anciens  n'étant  pas  rapportés,  il  arrivait 
que  certains  fonctionnaires  fanatiques  n'en  conti- 
nuaient pas  moins  leurs  vexations.  A  l'appui  de  ce 
dire  nous  reproduisons  quatre  requêtes  concernant 
la  région  cauchoise.  La  première  et  la  seconde  sont 
datées  de  mars  1788  et  émanent  de  JMichel  Boulan? 
marchand  et  fabricant  à  St-Pierre-le-Viger.  L'une 
est  adressée  au  procureur  général  et  représente  que  : 

«  Le  suppliant  ayant  (•onti'acl(''  niai'iai^e  avec3Iarie  Collen,  ainsi 
«  cju'il  était  d'usage  avant  l'édit  de  novoiubre  1787, ilest  issu  de 
«  ce  mariage  une  tille,  laquelle  il  désire  faire  baptiser  suivant  le 
«  rite    des    non-catlioliipies.    H    demande  à   être   dis|)ensé    de 


—  ,-'/  — 

<(  toute  autre  formalité  concernant  le  baj»tènie  (|ue  celles  portées 
«  dans  le  dit  édit.   » 

L'autre  s'adresse  à  M.  de  Breteuil  dans  les  mêmes 
termes  ;  mais  elle  contient  en  plus  : 

<r  Quelle  n'a  pas  été  la  surprise  du  suppliant,  au  lieu  de  le 

«  protéger  en  le  rendant  l'objet  des  faveurs  du  roi,   on  rejette 

«  sa  demande  en  l'exposant  à  la   dissimulation  et  au  parjure, 

«  actes  hypocrites  qui  blessent  les  sentiments  de  la  conscience. 

«  Dans  cette  position  alarmante,  le  suppliant  se  jette  à  vos  pieds 

«  et  vous  supplie  instamment  de  venir  incessamment  à  son  secours, 

«  de  le  rendre  participant,  ainsi  que  ceux  qui  sont  dans  son 

«  cas,  des  bienfaits  signalés  du  grand  monarque  qui  les  gou- 

«  verne.  « 

La  troisième  porte  la  date  du  20  juillet  suivant  et 
est  adressée  à  M.  de  Breteuil.  En  voici  la  teneur  : 

«  Les  nommés  Daniel  Lecaron,  de  la  paroisse  de  St-Jean-de- 
<  la-Neuville,  Pierre  Dupray,  de  St-Antoine-la-Forêt,  Pierre 
«  Caron,  Jacques-Philippe  Caron,  Pierre  Maillard,  Pierre  Horla- 
c  ville  et  Jean  Gaillard  de  la  paroisse  de  Mélamare,  élection  de 
«  Montivilliers,  pays  de  Caux  en  Normandie,  pénétrés  de  la  plus 
«  vive  reconnaissance  des  avantages  que  Sa  Majesté  a  accor- 
«  dés  aux  protestants  par  son  édit  du  mois  de  novembre  dernier, 
«  tombent  à  vos  pieds,  Monseigneur,  et  vous  supplient  instam- 
«  ment  d'écouter  leurs  justes  plaintes  et  leur  subvenir;  Sa  Majesté 
€  ordonne  aux  non-catholiques  de  se  transporter  chez  les  curés, 
«  vicaires  ou  juges  royaux  pour  y  faire  la  déclaration^  de 
«  leurs  mariages,  et  fixe  par  le  tarif  annexé  à  son  état  trois  livres 
I  pour  chaque  déclaration.  Les  suppliants,  conformément  aux 
«  ordres  du  roy,  ont  passé  leur  déclaration  au  greffe  du  bailliage 
«  de  Montivilliers  le  vingt-cinq  juin  dernier  et  exhibé  au  greffier 
«  chacun  trois  livres  portés  par  le  dit  tarif,  ce  que  le  greffier  a 
«  refusé  exigeant  six  livres  pour  chaque  déclaration. 

«  Le  nommé  Jean-.\ugustin  Gaillard  de  la  dite  paroisse  de 


—  }:l^  — 

«  Mélaniare  est  tonlraint  par  l'ôxôciiloire  du  sous-lieulenani 
«  gônônil  du  bailliage  du  dil  .Muitlivilliers,  de  payer  six  livres 
«  pour  la  luriiie  drclaralioii. 

«  Sa  Majesté  [ordonne  encore  aux  non-catlK)li(|ues  de  l'aire 
«  publier  leurs  bans  par  les  juges,  curés  ou  vicaires.  I^e  juge 
«  royal  du  dit  Monlivilliers  distant  de  (rois  lieues  de  la  paroisse 
«  de  Manneville-la-(!oupil,  au  lieu  de  suivre  le  tai'if  de  l'édit  de 
«  novembre,  a  per(,'u  du  nonuné  Ficliel,  de  Manneville-la-tîoupil 
«  la  somme  de  quarante  livres  sept  sols  neul  deniers  pour  une 
«  seule  publication  et  dispense  des  deux  autres,  et  déclaration 
«  de  mariage  comme  il  parait  par  la  quittance  du  greffier  du 
«  bailliage  du  dit  ]\Ioiitivilliers. 

«  Enfin,  Sa  Majesté  ordonne  aux  protestants  de  faire  décla- 
«  ration  de  décès  de  leurs  proches  aux  juges  des  lieux  où  arri- 
«  ve  le  dit  décès  ;  le  juge  royal  du  dil  Monlivilliers,  pour  avoir 
«  assisté  à  rinliumatioii  du  corps  d'Abi'aliani  I>eniénager  de  la 
«  paroisse  de  Mélaniare,  éloignée  du  dit  Montivilliors  de  trois 
«  lieues  environ,  a  accordé  exécutoire  sur  l'ierre-Abrabani  et 
t  Jean-Joseph,  enfants  et  liéritiei's  du  dit  Jjeinénager  décédé, 
«  de  la  somme  de  trente-trois  livres  dix  sols,  comme  il  parait 
«  encore  par  le  dit  exécutoire  du  10  juillet  ci-joint. 

«  Sa  Majesté,  clans  son  édit  de  novend)re  derniei",  déclare, 
«  article  37,  qu'elle  n'entend  déroger  aux  concessions  par  elle 
«  faites  ou  les  rois  ses  prédécesseui-s,  à  ses  sujets  auxquels 
«  l'exercice  d'une  religion  dilféi-ente  de  la  religion  catholique 
«  a  pu  être  permis  dans  quel([ucs  provinces  ou  villes  de  son 
«  royaume  à  l'égard  desquelles  les  règlements  continuent  d'être 
«  exécutés.  Un  arrêt  notable  du  l'arlement  de  Jloueii  du  li 
«  juillet  ITGSJ,  fait  défense  à  tons  commissaires  de  venir  dresser 
«  aucuns  procès-verbaux  de  l'état  des  corps  de  ceux  qui  sont 
((  morts  dans  la  religion  prétendue  réformée,  de  les  escorter  et 
«  de  prendre  pour  ce  aucun  salaire.  ].es  suppliants  et  ceux  de 
«  leur  religion  es|)èrent  de  la  justice  et  de  la  honte  de  Sa  Ma- 
te jesté,  enjoindre  tant  au  curé  qu'au  grefiier  mentionnés  ci- 
((  dessus,  de  remettre  le  trop  perçu  aux  suppliants  et  les  sup- 
«. pliants  ne  cesseront  de  faire  des  yo'ux    pour    la    prospérité 


—  329  — 
«  des  précieux  jours  de  Votre  Grandeur.  '  » 

La  quatrième  est  datée  du  6  octobre  1788  ;  elle 
s'adresse  à  M.  de  Villeteuil,  ministre  et  secrétaire 
d"Etat,  dans  les  termes  suivants  : 

«  Le  nommé  Pierre  Reelier,  de  la  paroisse  d'Octeville,  élec- 
«  tion  de  Montivilliers,  pays  de  Caux,  Haute-Normandio,  vient 
«  aujourd'liui,  Monseigneur,  se  jeter  aux  pieds  de  Votre  Gran- 
«  deur  et  vous  supplier  humblement  de  lui  accorder  votre  pro- 
«  tection  puissante. 

c  Le  suppliant  ne  vous  dissimule  point,  Monseigneur,  qu'é- 
«  tant  né  dans  la  religion  dominante,  il  a,  depuis  environ  dix 
«  années,  pratiqué  la  religion  prétendue  réformée.  Dans  ces 
«  sentiments,  le  suppliant  a  arrêté  une  union  conjugale  avec 
«  Elisabeth  Gosselin,  protestante  de  la  ville  d'Harfleur,  le  5 
«  may  de  l'année  dernière,  par  contrat  passé  devant  le  notaire 
'(  de  St-Romain-de-Colbosc,  et  depuis  ce  temps  il  l'a  reçue  chez 
«  lui  et  vécu  avec  elle  comme  étant  sa  légitime  épouse. 

<(  Sa  Majesté  ayant,  par  son  édit  de  novend)re  dernier, 
«  assuré  l'état-civil  des  non-catholiques  en  leur  enjoignant  de 
«  se  transporter  chez  les  juges,  curés  ou  vicaires  pour  y  faire 
«  la  déclaration  de  leurs  mariages,  le  suppliant  se  présenta  de- 
«  vant  le  juge  royal  du  dit  Montivilliers  qui,  sans  y  être  auto- 
«  risé  par  Votre  (irandeur,  n'a  pas  cru  devoir  recevoir  la  dé- 
t  claration  de  mariage  du  suppliant,  par  la  raison  qu'il  avait 
«  professé  autrefois  la  religion  catholique. 

«  Pour  assurer  l'état-civil  de  son  épouse,  celui  des  enfants 
((  qui  pourraient  naître  de  cette  union,  le  suppliant  vous  con- 
«  jure.  Monseigneur,  d'ordonner  au  juge  royal  du  dit  Monti- 
«  villiers  de  recevoir  la  déclaration  qu'il  a  cru  devoir  rejeter, 
«  et  de  l'inscrire  sur  les  registres  des  non-catholiques,  et  le 
«  suppliant  ne  cessera,  etc.,  etc.  » 

Nous  pensons  qu'on  fit  droit  à  ces  requêtes, 

1.  —  Archives  du  Consistoire  de  Rouen. 


—  33  o  — 

L'édit  de  novembre  1787,  enregistré  à  Rouen  le  2s 
février  suivant,  n'était  point  encore  arrivé  au  prési- 
dial  de  Caudebec  lorsqu'une  naissance  se  produisit 
(6  mars)  à  Bolbec,  pour  laquelle  le  père  demanda  au 
juge  de  Caudebec  l'autorisation,  qui  lui  fut  accordée, 
de  faire  baptiser  l'enfant  par  un  ministre.  Le  curé  de 
Bolbec,  arguant  de  ce  que  l'édit  n'étant  pas  encore 
enregistré  dans  la  juridiction  ne  pouvait  y  être  appli- 
qué, se  plaignit  à  la  grand'chambre  que  cet  enfant 
n'eût  pas  été  présenté  à  son  église,  et.  chose  éton- 
nante, l'ordonnance  fut  cassée  et  le  père  de  l'enfant, 
le  nommé  Delaunay,  dut  le  faire  porter  à  l'église  où 
il  fut  baptisé  derechef  au  grand  contentement  des 
catholiques  accourus  en  foule  et  faisant  retentir  les 
airs  de  leurs  cris  de  joie  tandis  que  les  cloches  son- 
naient à  toute  volée  1. 

Les  desservants  des  paroisses  d'Ecrainville,  la  Re- 
muée, St-Nicolas-de-la-Taille,laCerlangue.St-Pierre- 
le-Viger,  St-Antoine,  St-Jean-des-Essarts.  se  plai- 
gnirent au  Parlement  que  les  protestants,  aussitôt 
Ledit  de  tolérance  promulgué,  se  mirent  à  célébrer 
leur  culte  avec  publicité  et  éclat,  qu'on  y  chantait  à 
tue-tête  les  psaumes  de  Marot  et  de  Bèze  et  que  les 
ministres  y  présidaient  avec  l'habit  noir,  le  petit 
manteau  et  le  rabat.  On  ne  voit  pas  que  ces  plaintes 
furent  suivies  d'autre  chose  que  d'informations  de 
pure  forme. 

La  communauté  protestante  de  Bolbec  fit  une  sous- 
cription en  1788  pour  assurer  le  traitement  régulier 
d'un  pasteur  qu'on  demanderait  à  Genève.  Cette 
souscription  ayant  produit  un  chiffre  annuel  suffisant 
de  promesses,  on  adressa  la  demande  projetée  à  la 
faculté  de  Genève  qui  envoya  3L  Delasauzais  à  titre 


L  —  Reg,  secr.  du  Par]..  13  mars  1788,  —  et  lettre  deFoua- 
che,  procureur  du  roi  à  Bolbec,  du  "^5  mars  17(S8. 


^  331  - 

d'essai.  Il  fut  reconnu  par  les  anciens  le  22  septem- 
bre 1788 1.  L'essai  ayant  été  favorable,  Delasauzais 
fut  confirmé  le  2  décembre  suivant  ;  mais  il  n'exerça 
que  jusqu'en  juin,  époque  où  la  maladie  de  sa  mère 
l'obligea  à  retourner  en  Suisse. 

Le  premier  enfant  baptisé  par  un  pasteur  en  titre 
dans  la  paroisse  de  Luneray  depuis  l'édit  fut  Elisa- 
beth Boulen  née  en  1789.  Son  père  intenta  un  pro- 
cès au  curé  de  St-Pierre-le-Viger,  qui  l'avait  bapti- 
sée contre  tout  droit  ;  il  le  perdit  à  Dieope,  mais  il 
le  gagna  en  appel  à  Rouen. 

A  ce  moment,  on  réclamait  de  tous  côtés  la  con- 
vocation des  Etats  généraux.  Ce  vœu  unanime  de  la 
nation  pliant  sous  le  poids  des  impôts,  décida 
Louis  XM  à  les  convoquer.  Un  décret  du  8  août  1788 
en  fixa  l'ouverture  au  i*^""  mai  suivant. 

On  sait  que  les  demandes  des  trois  ordres  de  l'Etat 
(noblesse,  clergé,  tiers-état)  étaient  consignées  dans 
des  cahiers.  Le  tiers-état  se  montra,  dans  le  pays  de 
Caux,  animé  d'un  esorit  de  vrai  libéralisme,  ainsi 
qu'on  peut  en  juger  par  l'extrait  suivant  de  son  ca- 
hier :  «  Tous  les  français  également  soumis  aux  lois 
«  doivent  trouver  en  elles  une  égale  protection.  Nul 
«  ne  peut  être  arrêté  sans  ordres  qui  attenteraient  à 
«  la  liberté  individuelle,  les  lettres  de  cachet,  toute 
«  mesure  arbitraire  seront  à  jamais  proscrits...  Que 
c(  la  liberté  de  la  presse  soit  autorisée  avec  les  réser- 
c(  ves  nécessaires  pour  garantir  l'ordre  public  et 
«  l'honneur  des  particuliers.-» 

La  noblesse  cauchoise,  nous   sommes    heureux  de 


1.  —  Ces  anciens,  qui  avaient  été  élus  le  17  du  même  mois, 
étaient  :  Pierre  Lecaron,  J.  Pouchet,  C.  f^auquet,  J.-B.  Lecoq, 
Louis  Besseiièvre.  Pierre  Frébour,q;  père  (pour  le  Mont  de  Bol- 
bec),  J.  Lemaitie,  J.  Launay  père,  Pierre  Launay,  Philippe 
Bourdon,  G.  Hellot,  Louis  Pouchet. 

•2.  —  Borély,  Hist.  du  Havre,  lY,  p.  2L 


-  3}'^  — 

Je  signaler,  sembla  même  aller  plus  loin  en  ce  qui 
regardait  les  non-catholiques.  «  Les  députés  deman- 
«  deront,  est-il  dit  dans  son  cahier,  qu'il  soit  statué 
((  plus  complètement  que  ne  Ta  fait  le  dernier  édit 
«  sur  l'état-civil  des  protestants.  » 

Le  haut  clergé  seul  tenta  de  s'opposer  à  cet  entraî- 
nement généreux  et  réfléchi  qui  avait  emporté  une 
partie  du  bas  clergé.  Mais  son  opposition  ne  put  en 
avoir  raison,  et  le  mardi  i8  août  1789,  l'assemblée 
nationale  s'occupait  de  formuler  la  déclaration  des 
droits  de  l'homme  qu'on  voulait  ulacer  en  tête  de  la 
constitution  comme  une  épigraphe  immortelle.  L'ar- 
ticle XI,  ainsi  conçu  :  «  Tous  les  citoyens  étant  égaux 
«  aux  yeux  de  la  loi  sont  également  admissibles  à 
«  toutes  les  dignités,  places  et  emplois  publics  selon 
«  leur  capacité  et  sans  autre  distinction  que  celle  de 
«  leurs  vertus  et  de  leurs  talents  )>  donnait  pleine  et 
entière  satisfaction  aux  protestants.  L'article  XVIII 
assurait  pour  l'avenir  la  liberté  de  conscience  et  de 
culte.  Il  portait  :  «  Nul  ne  doit  être  inquiété  pour  ses 
«  opinions  religieuses  ni  troublé  dans  l'exercice  de 
«  son  culte,  pourvu  (restriction  inutile)  que  leurma- 
«  nifestation  ne  trouble  point  l'ordre  public  établi 
«  par  la  loi.  > 

Cette  fois,  c'est  le  droit  enfin  reconnu  et  proclamé, 
et  non  plus  une  grâce,  une  tolérance  toujours  sou- 
mises au  caprice  d'un  monarque  absolu. 


CHAPITRE   II 
Organisation   des  églises 

(1790-1802) 

On  devine  qu'aussitôt  la  liberté  de  conscience  pro- 
clamée, les  protestants  se  mirent  à  Tœuvre  pour  or- 
ganiser des  églises  dans  toute  la  France.  Ceux  du  pays 
de  Caux  achevèrent  l'organisation  commencée  dès 
Toctroi  de  Tédit  de  tolérance.  Dans  les  autrescentres 
protestants  où  cela  n'avait  pas  encore  été  fait,  on  con- 
vertit des  habitations  en  salles  de  réunion  en  atten- 
dant de  collecter  en  vue  de  la  construction  de  temples. 
Mais  ce  à  quoi  il  importait  avant  tout  de  pourvoir, 
c'était  à  l'insuii'isance  du  nombre  des  pasteurs.  On  ne 
pouvait  en  demander  qu'à  la  Suisse  ;  mais  il  lui  fut 
impossible  de  donner  complète  satisfaction.  Chaque 
pasteur  dut  donc  se  multiplier.  Nous  en  comptons 
quatre  d'affectés  à  notre  région  :  i"  François  Mordant, 
probablement  originaire  de  St-Antoîne,  qui  habite  St- 
Gilles-de-la-Neuvillepour  rayonner  dans  les  environs, 
mais  plus  particulièrement  vers  Criquetot,  Goder- 
ville  ;  2°  Pierre  Mordant,  originaire  d'Autretot,  qui 
habite  Rouen,  mais  qui  se  rend  fréquemment  à  Diep- 
pe, Luneray  et  Autretot  ;  ^"  J.-B.  Paumier,  dont  la 
résidence  est  Gruchet-le-Valasse  et  qui  dessert  les 
lieux  de  culte  établis  à  St- Antoine,  La  Remuée, 
St-Nicolas,  Liilebonne.  St-Aubin-de-Crétot  et  Autre- 
tot, et  4°  Delasauzais,  spécialement  affecté  à  Bolbec 
et  par  conséquent,  y  résidant.  En  1792.  ce  dernier 
fut  remplacé  par  AI.  Cléret  sur  lequel  nous  man- 
quons de  renseignements.  A  ce  moment  il  y  avait 
deux  maisons  de  prières  à  Bolbec,   l'une   au    hameau 


—  334  — 

du  Mont  (propriété  J"  Lesueur),  l'autre  au  Pas- 
Grillant  (propriété  Dupray),  ce  qui  ne  faisait  reve- 
nir la  célébration  du  culte  dans  chacune  cjue  tous  les 
quinze  jours.  Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  il  n"y 
avait  qu'un  moyen  :  construire  un  temple  de  pro- 
portions suffisantes  pour  toute  la  population  ressor- 
tissant à  l'église  de  Bolbec.  C'est  à  cela  qu'on  se  dé- 
cida. Justement,  un  bolbécais  réfugié  à  Londres.  Jean 
Guilmard.  avait  légué  pour  cet  objet  6000  livres, 
disponibles  depuis  1782,  à  verser  seulement  lorsque 
la  construction  serait  commencée.  On  choisit  un  ter- 
rain situé  rue  d'Orteuil  (aujourd'hui  rue  Pasteur). 
iMais  la  tourmente  révolutionnaire  snrvient  qui  in- 
terrompt les  travaux.  Elle  interrompt  aussi  le  culte 
ou  plutôt  tous  les  cultes,  car  l'église  catholique  fut 
persécutée  à  son  tour  (et  par  qui  ?  par  ses  enfants  ré- 
voltés !)  Et,  noble  et  chrétienne  vengeance  des  pro- 
testants, les  prêtres,  persécutés  de  toute  part,  ne  trou- 
vèrent d'asiles  sûrs  que  chez  eux  !  Aussi,  grâce  à 
cette  belle  et  généreuse  conduite  de  nos  pères,  la  to- 
lérance entra  vite  dans  les  mœurs,  ce  qui  est  prouvé 
par  ce  fait  qu'à  partir  du  rétablissement  de  la  paix 
sociale,  dans  toutes  les  communes  renfermant  des 
protestants  il  y  avait  de  ceux-ci  dans  les  assemblées 
municipales  et  même,  le  plus  souvent,  les  maires 
étaient  pris  parmi  eux.  Signalons  aussi  ce  singulier 
retour  des  choses  :  Jean  Néel,  que  nous  avons  vu 
poursuivi  en  1782  et  1784,  reçut  une  invitation  à  se 
rendre  à  Rouen  pour  participer  à  la  nomination  de 
Tévêque  constitutionnel  qui  devait  remplacer  Par- 
chevéque  insermenté.  Après  la  Terreur,  les  travaux 
du  temple  furent  repris,  mais  ils  ne  durent  pas  être 
poussés  bien  activement  puisque  Pédifice  nefut  inau- 
guré que  le  jour  de  Noël  1797.  C'est  seulement  quel- 
ques semaines  avant  que  Bolbec  avait  pu  se  pour- 
voir d'un  pasteur,  M,  Alègre,  qui  devait  desservir  la 


-  }r->  - 

paroisse  jusqu'en  1827  époque  où  il  reçut  et  accepta 
vocation  de  l'église  de  Rouen. 

Se  sentant  désormais  assurés  de  la  liberté  politique 
et  religieuse,  les  protestants  purent  déployer  leur 
esprit  d'initiative,  d'ordre,  d'économie  et  de  progrès. 
A  Bolbec.  à  Lillebonne,  à  Luneray.  à  Autretot.  ils 
fondèrent  des  fabriques  de  toute  sorte  qui  furent 
bientôt  partout  connues  et  renommées  et  amenèrent 
le  bien-être  dans  le  pays.  Malheureusement,  les 
guerres  du  Consulatet  de  l'Empire  paralvsèrentpen- 
dant  une  vingtaine  d'années  le  développement  de 
cette  industrie  naissantre. 


^>pwr 


CHAPITRE  III 

L'Eglise  est  rattachée  à  l'Etat  —  Conséquences 
de  cette  mesure 

(1802-1815) 

La  liberté  de  conscience  était  proclamée  depuis 
treize  ans  lorsque  Bonaparte,  qui  voulait  tout  centra- 
liser, assujettit,  par  les  articles  organiques  du  i8  ger- 
minal an  X  (8  avril  1802)  l'église  protestante  à  l'Etat 
comme,  par  le  Concordat,  il  avait  fait  pour  Tégiise 
catholique. 

Par  ces  articles,  deux  consistoires  étaient  créés 
dans  la  Seine-Inférieure,  l'un  à  Rouen,  l'autre  a  Bol- 
bec.  Au  premier,  dont  le  pasteur  P.  Mordant  fut  élu 
président,  se  rattachaientles églises  de  Dieppe  et  de 
Luneray  avec  ses  annexes,  moins  le  Coudray  (anoma- 
lie inexplicable)  ;  au  second,  qui  eut  à  sa  tête  le  pas- 
teur Alègre,  ressortissaient  les  églises  du  Havre,  de 
Montivillers  avec  son  annexe,  et  Saint-Antoine  avec 
ses  annexes,  dont  le  Coudray. 

L'année  suivante  (  1803)  le  pasteur  P.  Mordant  pro- 
céda au  dénombrement  des  protestants  de  la  Seine- 
Inférieure.  Ce  dénombrement  accuse  un  total  de  ici  78 
personnes  (on  en  trouvera  le  détail  par  communes  à 
l'appendice,  pièce  n°  !=;).  A  la  suite  de  ce  recense- 
ment, le  Consistoire  sollicita  du  gouvernement  et  en 
obtint,  en  1804,  la  création  d'un  poste  de  pasteur  à 
Montivilliers  pour  pourvoir  aux  besoins  spirituels  des 
1054  protestants  de  la  circonscription  Havre-Monti, 
villiers-Criquetot,  poste  qu'occupa  jusqu'en  1820  M, 
David-Frédéric  Fallot.  A  ^lontivilliers,  le  culte  fut  cé- 
lébré dans  un  temple  qu'avait  fait  construire  lafamille 


—  337  — 

Barnage  et  qu'elle  louait  à  la  communauté  ^.  A  Cri- 
quetot,  il  le  fut  dans  la  maison  des  demoiselles  Blon- 
del  jusqu'à  la  construction  du  temule  actuel  qui  re- 
monte à  l'année  18^6. 

En  1806,  le  pasteur  Allègre,  voyant  qu'il  ne  pouvait 
satisfaire  aux  soins  de  sa  vaste  église,  obtint  des  pro- 
testants de  la  campagne  qu'ils  se  cotisassent  pour  assu- 
rer un  traitement  raisonnable  à  un  second  pasteur  en 
attendant  que  l'Etat  voulût  bien  créer  ce  poste  rural. 
M.  Du  Pontavice-\'augarnv  se  présenta  et  fut  agréé. 

Des  réunions  cultuelles  avaient  certainement  lieu 
à  St-Antoine,  la  Remuée,  Lillebbnne.  St-Aubin-de- 
Crétot  etGoderville  avant  1806  dans  des  maisons  par- 
ticulières qui, probablement,  n'étaient  pas  toujours  les 
mêmes.  Mais  cette  année-la  (18061  une  maison  d'habi- 
tation fut  convertie  en  temple  h  la  Remuée  (elle  de- 
meura affectée  à  cet  usage,  en  conservant  sa  rustique 
couverture  de  chaume,  jusqu'en  1874  où  elle  fut  ren- 
due à  sa  destination  première  par  suite  de  la  construc- 
tion d'un  temple  de  remplacement  à  St-Romain-de- 
Colbosc,  temple  qui  fut  inauguré  le  3  novembre  de 
cette  même  année),  Duis  un  temule  fut  construit  à  St- 
Antoine  en  18^0,  et  un  autre  au  Mont,  commune  de 
la  Trinité-du-Mont.  pour  Lillebonne,  que  remplaça 
celui  construit  dans  cette  ville  en  1860.  Le  temple  de 
St-Antoine  appartenait  à  un  membre  de  l'église,  mais 
la  propriété  en  étant  tombée  dans  des  mains  catholi- 
ques, on  éleva  par  souscription  celui  actuel  dont 
l'inauguration  remonte  à  18Q7.  Le  temple  d'Autretot 
futconstruitantérieurement,  car  nous  trouvons  sur  un 
sermon  manuscrit  du  pasteur  P.  Mordant  la  mention 

1.  —  Le  loyer  en  fat  acquitté  jusqu'en  1839,  époque  à  laquelle, 
par  suite  de  îicitation.  ce  temple  fut  mis  en  vente  et  acquis  par 
l'église  au  moyeu  d'une  souscription  et  d'un  subside  important 
voté  par  les  communes,  ce  qui  tlt  qu'une  ordonnance  royale  du 
29  octobre  1845  déclara  l'église  propriétaire  pour  moitié  et  les 
communes  pour  l'autre  moitié. 

22 


-  358  - 

suivante  :  «  prononcé  à  Autretot  le  26  septembre  1802 
«  pour  Tinauguration  de  son  temple.  » 

L'église  de  Luneray,  qui  avait  à  sa  tête  le  pasteur 
J.-B.  Paumier,  avait  cinq  maisons  de  prières  en  1807  : 
à  Luneray  même,  à  Torp-Mesnil,  au  Buquet,  à  Cante- 
leu  et  aux  Mesnils  (à  ce  moment,  ainsi  que  nous  l'a- 
vons dit  plus  haut, le  Coudray  avait  sa  maison  de  priè- 
res desservie  par  le  pasteur  de  Bolbec).  JMaisun  tem- 
ple se  construisait  à  Luneray  (celui  qui  sert  encore 
aujourd'hui)  au  moyen  d'une  souscription  en  argent, 
et  en  nature  :  par  où  il  faut  entendre  que  ceux  qui 
n'avaient  pu  donner  leur  obole  aidaient  à  charrier  et 
brouetter  les  matériaux.  On  cite  même  un  fait  tou- 
chant :  une  pauvre  femme  porta  des  cailloux  dans  son 
tablier.  Sa  construction  dura  longtemps,  car  il  ne  fut 
inauguré  que  le  6  septembre  181 2.  Sa  mise  en  servi- 
ce amena  la  suppression  des  maisons  de  prières  du 
Buquet  et  de  Canteleu.  Celle  des  Mesnils,  propriété 
de  la  famille  Poullard,  fut  maintenue  (elle  a  été  rem- 
placée par  un  joli  petit  temple,  en  1870).  Celle  du 
Coudray,  qui  fut  rattachée  h  l'église  de  Luneray  en 
1818,  se  vit  remplacer  par  le  temple  actuel  en  1832. 
(Par  conséquent,  l'église  de  Luneray  ne  compte  plus 
aujourd'hui  que  deux  annexes  :  Le  Coudray  et  les 
Mesnils). 

Le  temple  de  St-Aubin-de-Crétot  fut  édifié  en  1824. 
On  le  doit  à  la  générosité  de  feu  M.  le  marquis  de 
CoUeville,  châtelain  protestant  de  cette  commune. 
L'inauguration  en  eut  lieu  le  8  août  de  la  même  an- 
née. 

Celui  de  Goderville  remonte  à  Tannée  1834. 

A  Fécamp,  une  salle  fut  appropriée  à  la  célébration 
du  culte  en  1860  ;  on  la  remplaça  par  le  temple  actuel 
inauguré  en  1883.  Jusqu'en  I884,  le  service  fut  assuré 
par  les  pasteurs  de  St- Antoine  :  depuis  il  l'est  par 
ceux  de  Bolbec. 


—  339  — 

Disons  pour  mémoire  qu'Etretat  est,  depuis  quel- 
ques années,  pourvu  d'un  coquet  petit  temple  desservi 
seulement  pendant  la  saison  des  bains  Dar  les  pasteurs 
en  villégiature  sur  cette  charmante  plage,  n'ayant  été 
construit  que  pour  les  besoins  de  la  population  bal- 
néaire. 

Pour  parler  avec  suite  des  constructions  d'églises 
et  n'avoir  plus  à  y  revenir,  nous  avons  anticipé.  Re- 
tournons à  la  période  du  premier  empire  et  disons 
qu'elle  fut  une  période  de  paix  pour  l'église  protes- 
tante. Le  gouvernement  impérial  se  montra  impar- 
tial vis-à-vis  d'elle,  et  la  tolérance  entra  véritablement 
dans  les  mœurs.  Il  faut  dire  que  les  protestants,  qui 
avaient  été  tant  de  temps  asservis,  trouvaient,  par  le 
contraste,  ce  régime  autoritaire  parfaitement  suppor- 
table et  se  montraient  citoyens  fidèles  et  zélés.  Et 
puis,  il  faut  reconnaître  qu'ils  se  révélaient,  sur  tous 
les  points  du  territoire  national,  gens  d'initiative  et 
de  progrès  dans  toutes  les  branches  de  l'activité 
industrielle  et  commerciale,  ce  dont  Napoléon,  qui 
était  perspicace,  ne  manqua  pas  de  s'apercevoir. 
Mais  arrivèrent  la  chute  de  l'empire  et  son  remplace- 
ment par  le  gouvernement  bourbonien. 


CHAPITRE  IV 

Vue  d'ensemble  sur  le  protestantisme  cauchois 

depuis  I8J5 

Louis  XVIII  ne  porta  pas,  au  moins  officiellement, 
la  main  sur  la  liberté  religieuse.  Les  articles  organi- 
ques de  1802  continuèrent  à  régir  l'église  protestante. 
Mais  le  clergé,  se  sachant  soutenu  en  haut  lieu,  ne 
se  gêna  pas  pour  souffler  sur  le  tison  des  passions, 
lesquelles  n'étaient  qu'endormies.  11  parvint  à  les 
réveiller,  surtout  dans  le  midi  où,  bientôt,  sévit  ce 
qu'on  a  appelé  la  terreur  blanche  dont  on  dit  qu'elle 
fit,  discrètement,  plus  de  victimes  que  la  ronge.  Nous 
ne  pensons  pas  que,  dans  notre  région,  cette  réaction 
se  traduisit  autrement  que  par  des  actes  arbitraires 
et  des  paroles  arrogantes  ou  menaçantes  d'ecclésias- 
tiques et  de  laïques  fanatiques.  Cela  eut  pour  eftet 
de  conserver  l'esprit  protestant  que  fortifia,  par  la 
suite,  la  fondation  d'écoles  confessionnelles.  L'église 
de  Bolbec  eut  son  école  de  garçons  dès  1820  et  son 
école  de  filles  seulement  en  18^6.  Entre  temps  (1841) 
M.  Pierre  Fauquet-Lemaître,  le  plus  grand  industriel 
de  Normandie  à  cette  époque,  fonda  une  salle  d'asile 
qu'il  entretint  jusqu'à  sa  mort  et  que  sa  belle-fille, 
Mme  Alfred  Fauquet-Lemaître,  soutient  de  ses  de- 
niers tout  depuis  (cette  salle  d'asile  a  été  transfor- 
mée, en  1885,  en  école  primaire  libre  de  filles  pour 
remplacer  celle  fondée  en  1856)  ;  l'église  de  Luneray 
eut  les  siennes  en  1828,  et  la  section  du  Coudray 
(commune  de  Gruchet-St-Siméon)  ouvrit  la  même 
année  son  école  de  garçons  et  seulement  en  1869   son 


—  ;4i   — 

école  de  filles  '.  Aussi  la  période  de  paix  qui  suivit 
l'eftondrement  de  l'Empire  permit-elle  à  nos  pères 
de  déployer  les  qualités  inhérentes  à  cet  esprit.  Par- 
tout où  ils  étaient  au  moins  quelques-uns,  l'industrie, 
le  commerce  et  l'agriculture  prirent  un  essor  consi- 
dérable dans  leurs  mains.  C'est  en  grand  nombre 
que.  par  leur  initiative  et  leur  esprit  d'entreprise,  se 
fondent  des  établissements  industriels  dans  les  val- 
lées de  Bolbec  et  de  Lillebonne,  des  fabriques  de  toi- 
les à  Luneray  et  aux  environs,  et  des  fabriques  de 
mouchoirs  à  Bolbec,  à  Autretot  et  dans  plusieurs 
autres  communes  du  pays  de  Caux.  Bientôt  le  nom 
de  Fauquet-Lemaître,  de  Bolbec,  devient  aussi  connu 
industriellement  que  ceux  de  Dolfus  et  de  Koëchlin, 
de  Mulhouse,  et  sa  notoriété  se  maintient,  la  maison 
s'étant  continuée  par  le  fils  et  se  continuant  par  le 
petit-fils  ;  Duis.  en  même  temps  ou  successivement, 
se  font  connaître  dans  le  même  ordre  d'idées,  à  Bol- 
bec et  à  Lillebonne,  les  Lemaistre,  les  Fauquet.  les 
Pouchet,  les  CoUen-Castaigne.  les  Jacques  Leblond, 
les  Pertuzon,  lesHaussmann,les  Montier,les  Lemon- 
nier,  les  Blondel  ;  à  Luneray  et  environs,  les  Néel, 
les  Lardans.  les  Ouvry,  les  PouUard.  Sous  Louis-Phi- 
lippe l'industrie  cauchoise,  on  pourrait  même  dire 
l'industrie  normande,  est  presque  exclusivement 
dans  des  mains  protestantes.  Sous  le  second  empire 
l'émulation  s'établit  :  l'élément  protestant  est  encore 
prédominant,  mais  cette  prédominance  n'est  plus 
aussi  accusée,  et,  tout  depuis,  cela  va  en  s'atténuant. 
C'est  le  moment  de  signaler  les  protestants  les  plus 
remarquables  qu'a  produit  la  région  cauchoise.  Cela 
nous  oblige  à  retourner    pour    quelques    instants   en 

I.  —  Os  écoles  ont  disparu  par  suite  de  la  loi  sur  l'obliffa- 
tion  et  la  neutralisation  de  l'instruction  primaire.  Il  ne  reste 
que  celle  entretenue  par  les  libéralités  de  Mme  Fauquet-Le- 
maitre. 


—  342  - 

arrière  afin  de  combler  une  lacune. 

Au  XVIP  siècle,  nous  rencontrons  :  i»  l'historien 
Isaac  de  Larrey,  écuyer,  sieur  de  Courmesnil,  né  à 
Lintot  (25  janvier  1639)  où  son  père  était  pasteur, 
et  mort  en  1719  à  Berlin  où  il  s"était  retiré  en  lôSv 
Parmi  ses  ouvrages  les  plus  estimés,  citons  VHis- 
toirc  d'Angleterre  et  V Histoire  de  Louis  XIV. 

20  Isaac  Dumont  de  Bostaquet,  connu  par  ses 
Mémoires  auxquels  nous  avons  fait  des  emprunts.  11 
naquit  à  la  Fontelave  en  1632  et,  après  une  vie  très 
mouvementée,  mourut  en  Irlande  en  1709. 

A  la  fm  du  XYIII^  siècle,  nous  voyons  Louis-Ezé- 
chias  Pouchet,  né  à  Gruchet-le-Valasse,  qui  fut  l'un 
des  premiers  à  fonder  à  Rouen  des  filatures  de  coton 
et  dont  le  fils,  Félix-Archimède  Pouchet.  et  le  petit- 
fils,  Georges  Pouchet,  furent  des  naturalistes  distin- 
gués. 

Au  XIX"  siècle,  nous  saluons  les  noms  de  Nicolas 
Poulain,  enfant  de  Luneray,  qui  fut  pendant  23  ans 
(1833-1856)  pasteur  au  Havre  et  ensuite  à  Luneray 
où  la  maladie  l'obligea  à  prendre  sa  retraite  en  1866, 
soit  2  ans  avant  sa  mort  (^  avril  1868)  :  de  Carrière, 
orientaliste  distingué,  mort  il  v  a  quelques  années 
professeur  à  la  Sorbonne.  et  de  Raoul  Biville,  actuel- 
lement professeur  de  droit  à  la  faculté  de  Caen,  tous 
deux  issus  de  modestes  familles  de  l'église  de  Lune- 
ray laquelle  peut  encore  revendiquer  Albert  Réville, 
le  savant  professeur  de  l'histoire  des  religions  à  la 
Sorbonne. 

Nous  ne  citerons  pas  ici  tous  les  pasteurs  qui  ont 
desservi  les  églises  cauchoises  depuis  l'avènement  de 
la  liberté  religieuse.  On  en  trouvera  la  liste  à  l'ap- 
pendice, pièce  n°  16.  Nous  nous  bornerons  seule- 
ment à  nommer,  parmi  les  morts,  ceux  qui  laissè- 
rent un  souvenir  plus  particulièrement  vivant  et  per- 
sistant :  M.  Alègre^  qui  quitta'Bolbec  pour  Rouen  en 


—  343  — 

1827,  dont  l'activité  fut  surprenante  ;  M.  Paumier, 
qui.  desservit  l'église  de  Luneray  jusqu'en  181 2  épo- 
que où  il  devint,  pour  5  ans.  le  guide  de  la  paroisse 
de  St-Antoine  et  de  ses  nombreuses  annexes  ;  M.  de 
Félice.  qui  fut  à  la  tète  de  l'église  de  Bolbec  de  1828 
à  1839  époque  à  laquelle  il  alla  occuper  la  chaire  de 
morale  évangélique  à  la  faculté  de  Montauban  ;  M. 
Jean  Réville  qui  passa  dix  ans  de  sa  carrière  à  Lune- 
ray (1818-1828;  et  l'acheva  h  Dieppe  en  1860  où  il  fut 
également  fort  aimé  ;  M.  Sohier  père,  dont  le  minis- 
tère dans  l'église  de  Montivilliers  f  1820-1830^  fut  si 
apprécié  qu'à  sa  mort  on  décida  unanimement  de  le 
remplacer  par  son  fils  alors  étudiant  en  théologie 
pour  encore  deux  ans  pendant  lesquels  l'intérim  fut 
rempli  par  les  pasteurs  voisins  ;  M.  D.  Maurel,  qui 
desservit  avec  tant  de  dévouement  la  paroisse  si  éten- 
due alors  de  St-Antoine,  dont  le  fils.  Th.  Maurel,  fut 
le  conducteur  apprécié  de  la  paroisse  de  Montivil- 
liers de  1860  à  1891  ;  M.  Aimeras  qui  remplaça  M. 
de  Félice  à  Bolbec  (1839-1849)  ;  ^1.  H.  Sohier  de 
^'ermandois.  qui  fut  à  la  tète  de  l'église  de  Bolbec 
depuis  1849  jusqu'à  sa  mort  survenue  en  1886  ;  M. 
Bonnard,  oui  occupa  le  second  poste  de  pasteur  créé 
à  Bolbec  en  1860  ;  M.  Th.  Roller  qui  succéda  à  M. 
D.  Maurel  à  St-Antoine  en  18=^3  et  que  des  raisons  de 
santé  obligèrent  en  18=^7  à  aller  dans  le  Midi  et  dont 
l'ouvrage  sur  les  Catacombes  de  Rome  restera  ;  M.  L. 
René  qui  remplaça  M.  Roller  en  iS=,7  et  dont  le  mi- 
nistère prit  fin  par  sa  mort  survenue  en  1896,  sept 
ans  après  qu'il  eut  fondé  le  Protestant  de  Normandie. 
et  enfin,  M.  Henri  Réville  dont  la  longue  carrière 
(presque  ^o  ans)  dans  l'église  de  Luneray  se  termina 
par  sa  mort  arrivée  en  1901. 

A  partir  de  1861,  époque  où  un  second  poste  de 
pasteur  à  la  résidence  de  Lillebonne  fut  créé,  jusqu'en 
1884,  époque  où  la  paroisse  de  St-Antoine  fut  dédou- 


—  344  — 

blée,  M.  René  eut  pour  collègue  M.  Huraut.  Lors  de 
ce  dédoublement  qui  érigeait  Lillebonne  en  paroisse 
avec  Autre  tôt  et  St-Aubin  pour  annexes.  M.  Huraut 
fut  placé  à  la  tête  de  cette  paroisse  nouvelle,  où  il  est 
encore.  M.  René  demeura  à  la  tète  de  la  paroisse  de 
St- Antoine  qui  ne  conservait  comme  annexes  que 
St-Romain  et  Goderville.  Fécamp  ayant  été  rattaché 
à  la  paroisse  de  Bolbec. 

Nous  ne  pouvons  omettre  de  signaler  le  passage  de 
M.  Montandon  et  de  M.  A.  Puaux  dans  l'église  de 
Luneray,  non  plus  que  celui,  dans  l'église  de  Bolbec, 
de  MM.  Messines  (1879-1886),  Jean  Laffon  11886-1893) 
et  Paul  Monod  (1893-1899). 

Toutes  les  églises  de  la  campagne  cauchoise  ont 
décru  comme  nombre,  quelques-unes  considérable- 
ment. Cela  tient  d'abord  à  ce  que  les  protestants  ont 
émigré  vers  les  grandes  villes  en  proportion  plus 
grande  que  les  catholiques.  Cela  tient  en  outre  à  ce 
que  le  vent  d'indififéience  qui  souffle  depuis  long- 
temps déjà  rend  les  mariages  mixtes,  où  le  conjoint 
protestant  abjure  sa  religion  dans  sa  descendance,  de 
plus  en  plus  fréquents. 

Avant  de  poser  la  plume  et  parce  que  nous  sen- 
tons que  si  l'esprit  protestant  ne  se  réveille  pas  dans 
notre  chère  terre  cauchoise,  le  protestantisme  y  sera 
devenu,  avant  qu'il  soir  longtemps,  une  infime  mino- 
rité sans  influence,  nous  formons  le  vœu  que  ce  qu'il 
reste  de  protestants  vraiment  conscients  du  ferment 
que  récèle  l'esprit  chrétien  individualiste,  se  mettent 
en  devoir  d'éveiller  cet  esprit  dans  leur  descendance 
et  de  le  réveiller  dans  leur  entourage.  Que  Dieu  les 
aide  ! 


APPENDICE 


PIÈCE  N°  1 


Arrest  criminel  rendu  en  la  cliamhre  ardente  du  Parlement 
de  Rouen  le  jeudy  septième  jour  de  VlUTe  l'an  quinze  cent 
quatre  vingl-et-ung  sur  les  requesles  des  gens  du  Roy,  nostre 
syre,  contre  noble  homme  Jeande  Garet,  bastard  d'Escarmaing, 
seigneur  de  Sainte-Catherine,  gentilhomme  flamaing  cy-devant 
capitaine  d'une  compagnie  franche  de  gens  d'armes  Braban- 
çons, brigadier  aux  guardes  et  gens  d'armes  de  Mgr  François 
de  Valois,  duc  d'Alenson.  —  noble  homme  Jean  de  Garet  de 
Sainte  Calherine,  escuyer,  sieur  de  Gazermont  et  ]\Iontmirel, 
forestier  et  verdier  des  hayes  et  forêts  d'Arche  et  de  la  pa- 
roisse d'Auffay-en-Caux,  —  et  nobl(>  personne  Pierre  de  Garet, 
prieur  de  Sainte-Catherine  cy-devant  probstre  de  la  S.  Religion 
Catholique  Apostolique  et  Romayne  et  prieur  du  Prieuré  d'Auf- 
fay.  —  Jacob,  bastard  do  Bourbel.  —  Issacliard  de  Saint-Gilles, — 
Salomon  Blanchard,  seigneur  de  la  Servaniére,  —  Jean  Vauque- 
lin,  sieur  de  la  Vauquelinière,  ministre  hughenot  au  presche  de 
Luneray,  —  Jean  de  Rabinay,  chevallier,  dict  le  prèdican*,  — 
Moyse  de  Sauling,  seigneur  du  Mesnil.  Saulniz,  Jean  de  Iver- 
ment.  sieur  du  Clos-Jacques,  —  Daniel  de  Gosnac,  —  David 
d'Affagaird,  —  Samuel  sire  d'Heugleville  et  Malmains,  — 
Jonathan  Dyel,  sgr  de  St-Ygny,  —  Abraham  du  Puys,  seigneur 
de  Sandouville,  —  Michaél  Dionis  sieur  de  la  Bouverie,  —  Isaac 
de  Se  Phihbert,  seigf  de  Fauville,  —  Jean  de  Port-Mort,  sei- 
gneur de  la  Prevostière,  Odet  de  Varvannes,  seigneur  de 
Hayons,  tous  gentilzhommes  hughenolz,  contumax  et  défaillans 
à  la  barreMe  justice,  accusés  et  convaincus  les  I1I«  sus-nommés 


—  34^  — 

(lu  nom  Garel,  de  S'"  Catlieriiio,  de  faiilx.  malvci'sations,  for- 
faicliircs,  coups,  blessures,  tentatives  de  meurtres  et  liomicides 
sur  les  gens  d'esglise,  pillaiges  et  incendies  des  hiens  ecclésias- 
tiques, enlèvements  el  soustractions  des  registres  de  baplêmes, 
mariages  et  sépullures  de  la  pai-oissc  et  bourg  d'Aulïay,  de  pro- 
fanation de  lieux  saincis,  violation  et  sacrilège,  vol  à  main 
armée  de  jour  et  de  nuict  dans  les  églises  d'AufTay,  Tostes, 
Heugleuville,  Varvannes,  Torcy-le-Grand.  liarlremont  et  Saint- 
Germain  d'Eslables,  violation  de  sépulture,  exhumation  de  ca- 
davres dans  le  cimetière  du  Clos--Jacques  à  Aulïay,  exhumation 
de  corps  saincis  et  bris  d'images  et  simulacres  dans  la  chapelle 
Sainct-Ciaude  el  St-Quenlin  du  dict  lieu  et  aussi  Ions  111^  con- 
vaincus de  lèze  majesté  divine  et  d'adhérence  aulx  doctrines  de 
la  Relligion  Prétendue  Réformée  et  en  particulier  Garet  de 
Saincte  Catherine,  capitaine  des  llomaings,  d'avoir  le  mardi  de 
la  septmaine  de  Pasques  d'y  celle  année,  virons  l'heure  de 
vespres,  dans  la  noëf  de  l'église  Nostre-f)ame  d'AufTay  commis 
un  liomicide  volontaire  avec  violence  et  coupz  d'armes  sur  la 
personne  de  maistre  Nicolas  f.e  Duc,  prebsfre  vicaire  d'iceluy 
lyeu  et  le  vendredy  de  la  même  septmaine  d'avoir  empesché 
l'office  dans  la  paroisse  de  Sainct-Aubin-le-Cauf  prez  Arches» 
en  bactant  violentant  les  prebsires  et  genz  de  l'église  et  ce  en 
ayde  et  assistance  du  sieur  de  Varvannes  et  du  seigneur  de 
Cosnac. 

Garet  de  Garelmont,  verdier  d'Arches,  de  tentative  de  meur- 
tre et  homicide  sur  les  prebstres  et  diacres  de  l'église  d'Heu- 
gleville  et  ce.  pendant  l'office  divin  et  célébration  des  saincis 
mystères  et  de  dévastation  el  pillage  de  l'église  de  Tourville  et 
ce  en  l'ayde  et  assistance  de  Jean  de  Vauquelin  et  Daniel  d'Af- 
fagaird.  —  Pierre  de  Garet  prebstre  prieur  de  Saincle-Calhe- 
rine,  conjoinctement  avec  Rubinay  dict  le  prédicant  et  le  sieur 
de  la  Beuverie,  d'incendie  du  prieuré  d'AufTay  et  de  ses  dé- 
pendances et  de  vol  et  de  rapt  à  main  armée  pendant  la  nuict 
des  vases  sacrez,  ci'oix  et  ornements  de  l'église  de  Nostre-Da- 
me  du  dict  lieu  d'Autfay,  quy  puiz  n'ont  pu  esire  recouvrez  au 
grand  dommage  d'ycelle  paroisse  ;  ont  esté  condamnés,  savoir  : 


—  347  — 

Jean  Garet  de  Saiiicle  Catherine  à  estre  écarfelé  en  la  ville 
de  Rouen,  au  carrefourg-  de  la  Croix-de-l'ierre  après  avoir,  en 
préalable  faict  amende  honorable  en  la  forme  voulue  en  chemi- 
se et  la  corde  au  col  soubz  le  porche  de  Nostre  l)ame-de-la- 
Rondo,  en  présence  de  l'oCficial  et  des  gens  d'église  à  ce  con- 
voquez, et,  pour  le  prolit,  veu  sa  contumax,  a  estre  brusié  en 
effigie  sur  un  échafaud  par  les  officiers  des  sentences  criminel- 
les, lecture  faicle  de  Tarrest  à  haulte  voix  par  le  greflier,  du 
crime  au  dict  lieu  de  la  Croix-de-Pierre  ;  Jean  Garet  sieur  de 
Garetmont  et  Montmyrel,  au  bannissement  à  perpétuité  de 
toute  Testendue  du  royaulme  de  France  et  se  il  se  réprésentait 
à  estre  roué  vif  en  la  ville  de  Houen  au  dict  carrefourg  de  la 
Croix-de-Pierre  par  les  officiers  de  justice. 

Pierre  Garet,  prieur  de  Saincte-Catherine,  à  la  prison  et  ré- 
clusion perpétuelle  après  avoir  esté  en  préalable  difTamé  et 
dégradé  en  lieu  public,  veu  sa  qualité  d'église  etc. 

Leurs  biens  et  héritages  déclarez  confisqués  et  acquiz  au 
Thrésor  du  roy  nostre  syre,  eux  et  leurs  hoirs  déclarez  infas- 
mes  et  hérestiques,  relaps  et  bastards,  incapaljles  de  posséder 
aulcnnes  charges  et  décliuz  à  perpétuité  des  liltres,  privilèges 
et  prérogatives  de  Testât  noble,  —  ordonnant  que  larrest  sera 
leu  et  publié  pendant  1111  dimanches  consécutifs  aulx  prosnes 
des  églises  de  tout  le  diocèse  de  Rouen  et  affiché  en  lieu  appa- 
rent dans  les  églises  des  doyennés  de  Longueville,  Neufchas- 
tel,  Envermeu,  Foulcarmont  et  Eu,  portant  injonction  à  tous 
baillifs,  seneschaulx  lieutenants  du  criminel,  gens  d'armes  e*^ 
archers  de  la  conélablie  de  France  de  les  appréhender  et 
saisir  en  tous  lieux  où  ils  se  représenteront  pour  ensuite  estre 
conduilz  es  prisons  du  roy  notre  syre,  et  délivrez  es  mains  de 
justice. 

Donné  en  la  chambre  ardente  du  Parlement  de  Normandie 
pour  lors  séante  à  Rouen  les  jour, mois  et  an  que  dessus  est  dict. 

En  marge  est  écrit  :  Le  dict  arrest  n'a  esté  exécuté  ainz  a 
esté  biffé  et  raturé  lors  de  la  paix  du  royaulme  et  rentrée  du 
roy  Henry  llile  en  l'année  159 i. 


PIÈCE  N"  2 


Liste  de  la  yOIlLESSE  PROTESTAyrE  du  Pays  de   C<iu.r 
mix  environs  de  iOli) 

(Celte  liste  est  loin  (Fêti'e  complète,  car  nous  avons  écarté 
beaucoup  de  gentilshommes  certainement  cauchois,  faute  d'avoir 
pu  étabhr  le  lieu  exact  de  leur  résidence). 

Michel  l.E  PEIGNE,    écuyer,   sieur    de   (jrosmenil    près    de 

Bosc-le-Hard. 
François  de  (UVIM.E,  sieur  du  Mont-Roly,  paroisse  de  Fres- 

quienne. 
Nicolas  DE  LA  BUSSIÈRE.  près  de  Fécamp. 
Jacques  de  la  BUSSIÈRE,  à  Fécamp. 
Nicolas  DE  ROESSE,  écuyei-,  sieur  de  Beuzevillette,    paroisse 

de  Beuzevillette. 
Jean  de  VIVEFOY,  écuvor,  sieur    de   la    Tliuillcric,    à   Ger- 

ville. 
Pierre  DALENÇON  (((ui  fut  président  de   réleclion  de  Monti- 

viliiers)  à  Montiviliiers. 
Jean  EUDES,  écuyer,  sieur  de  Nipiville,  à  Hailleur. 
Jacques  MOYNET,  sieur  de  Tencourt. 
Alphonse  de  CIVILI.E.  sieur  d'Anglesqiieville,  à    Anglesque- 

vilIe-sur-Sàanc. 
Jean  VIGEli.  sieur  de  Maréfosse,  paroisse  de  I.a  Renuiée. 
Nicolas  DE  GRAINDOR,  écuyei".  sieur  de  l'Islo,  à  TouflVeville- 

la-Gahle. 
Jean  de  (>.ARRAY,  écuyei",  avocat  au    hailliage    de    ("aux,    à 

Montiviliiers. 
Jean    de     GOSSEIJN,     chevalier,     seigiu'ur     de      Martigny 

Compainville,  baron  de  Gaulle. 
Charles    DUPUIS,    chevalier,    seigneur    de    Sandouville,      à 

Sandouville. 
Tristan  de  lîliAGHON.  chcvîilier,  seigneur   de    Bévilliers,    à 

SenitoG  paroisse  de  (ionfreville-rOrcher. 
Nicolas  BRIÈPiE,  écuyer  (ressortissant  à  l'église  de  Criquetot). 


—  349  — 

Samuel  PUCHOT,  chevalier,  seigneur  de  Bertreville,   à    Ber- 

treville-St-Ouoii. 
Christo[)he  de  HÉIUS,  éciiyer,    sieur    de    r.o.ineréauMioiit.    à 

iîivillc-eu-Cùuix.. 
leiiai)  Dl'MONT,  écuyer,  sieur  de  I)Os(a((uel,  à  i.a  Foutelaye. 
DK  TEUVILLP],  écuyer,  seigneur  de  iMauperluis,   à    Gerville. 
Lk  VANIER  D'HOUGEUVILI.E,  écuyer,  sieur    de    Colleviile, 

paroisse  de  ce  noui. 
DE  LA  VOULTE,  écuyer,  à  (-riquetot. 
deTOCQUËVIELE,  sieur  du  Mesuii-Vasié,  à  Gouneville. 
(lliarles  MIFFAUT,  écuyer,  sieur  de  (iuil)erviile  (y  deiueuranl). 
Jean  ("JIAUVIN,  écuyer,  sieur  de  la  Neuville. 
PUCHOT,  écuyer,  sieur  de  Gerpouville,  à  (lerponville. 
Robert  OUP«SEL,  sieur  de  la  Volière  (dans  l'éleclion  de  Moii- 

tivilliers). 
Jaci|ues    iiE    CREUY,   sieur    d'Yliervilip.    paroisse    du  Thil- 

]\Ianiie  ville. 
Jean  de  RAUQUE.MARE,  à  Varengeville-sur-Mer. 
Isaac  DE  i.A  HAYE,  sieur  de   la   Moissonnière,  i)aroisse   de 

IJntot. 
Jean  de  ÇAUQUIGNY,  commune  de  Gerville. 
Charles  MARTEL,  sieur  de  Rames,   paroisse  de    l^oiselières 

(auj.  Gonunerville). 


PIÈCE  N°  3 


EGLISES    DU    PAYS    DE   CAUX 
avant  la  Révocation 

avec  h's  dates  Je  leur  foiidaiion  et  de  leur  destruction 
et  la  liste  des  pasteurs  qui  les  desservirent. 


Luneray 

En  1560,  fut  di'essée  l'église  de  Luneray  (Th.    de    Bèze) 


—  350  - 

Elle  existait  avant,  car  elle  est  citée  au  Synode  national  de 
1559.  —  En  i5(l.S,  le  culte  était  célél)ré  au  villao^e  de  Pitié, 
chez  le  S""  d'Avremesnil,  et  en  1579  à  St-Pifure-le-Vicux,  chez 
les  dames  de  Lanquetot. 

Le  temple,  qui  fut  condamné  a  être  démoli  par  arrêt   du    17 
mai  1681,  avait  été  construit  on  1620. 


Pasteurfi  : 

1560  et  années  suivantes  :  Pas  de  desservants  li.ves,  mais  des 

itinérants. 
1572     -    ?  —  Cardin  Mignot. 
1581-1583.  —  Guillaume  de  Feugueray. 
1585     -     ?  —  Noël  nefjnct. 

1585-1598.  —  vSamuel  Valables  (avec  une    interruption,    car 
en  novembre  1589  il  était  réfugié  à  la  Hye.) 
1598-1(303.  —  ? 

1603-1609.  —  Antoine  (Jueroult. 
1609-1()20.  —  1 

1620-1660.  —  Isaac  de  la  Balle. 
16()0-1668.  —  David  Hébert. 
1668-1675.  —  Simon  IJevaux. 
1675-1685.  —  Jacques  de  Larrey. 
1685.  —  Abraham  Signard. 

Bacqueville 

(^ette  église  n'est  pas  citée  avant  1581,  mais  il  y  eut  un  culte 
chez  le  S^  de  Bacqueville  avant  1560. 
Lieu  de  culte  détruit  par  arrêt  du  ? 

Pasteurs  : 

1581-1583.  —  Guillaume  de  Feugueray. 
1585-  —  Noël  Begnet. 

1585-1598.  —  Vatables  (avec  une    interruption,    car   en  no- 
vembre lë89  il  était  réfugié  à  La  Bye). 
1598-1603.  —  ? 


-  351  — 

1603-1609.  —  Antoine  Gueroulf. 
1609-16-20.  —  Isaac  de  la  lialle. 
I6'^0-1 668.  —  David  Hébert. 
1668-1675.  —  Simon  Devaiix. 
1()75-1685.  —  Jacques  de  Larrey. 
1685.  —  Abraham  Signard. 

Comme  on  le  voit,  c'est,  à  partir  de  1581,  la  même  liste  que 
pour  Luneray. 

Lindebeuf 

Un  prêche  existait  à  Lindefeuf  eu  1590  et  Antoine  (nieroult 
nous  est  donné  comme  en  ayant  été  le  ministre.  Sous  le  régime 
de  l'Edit  de  Nantes,  Lindebeuf  était  un  exercice  personnel  de 
lief.  —  Temple  construit  en  1603,  démoH  par  arrêt  du  23  avril 
1665.  Le  culte  y  était  célébré  par  les  pasteurs  de  Luneray- 
liacqueville 

Longueville 

De  1572  à  1580  et  peut-être  quelques  années  après  il  y  eut 
une  église  à  Longueville.  Comme  pasteur  l'ayant  desservie, 
(luillaume  de  Feugueray  seul  est  cité. 

Pavilly 

Un  prêche  existait  en  1565  chez  la  dame  d'Esneval  à  Pavilly, 
et  Guillaume  de  Feugueray  le  desservait.  Les  protestants  de 
Rouen  s'y  rendaient  en  foule. 

Autretot 

En  1567,  le  culte  était  célébré  à  Autretot,  et  il  dut  l'y  être 
au  moins  jusqu'en  1585  car  nous  y  voyons  comme  pasteur  à  ces 
dates  extrêmes,  Guillaume  Coquin  (1567),  et  Noël  Regnet  (1585). 

Sous  l'Edit  de  Nantes,  un  prêche  y  existait.  Ce  furent,  en- 
semble ou  tour  à  tour,  les  pasteurs  de  Luneray-Bacqueville- 
Lindebeuf  et  de  Lintot-Montcriquet  qui  le  desservirent. 

Démoli  par  arrêt  du  ? 


—    3^2    — 

Bolbec 

Hollx'c  n'eut  pas  d'église  dans  son  sein  jusqu'à  l'avènenienl 
lie  la  liberté  i-eligieuse. 

C'est  au  Moiilcri(|iiet  (lieC  de  Fréniontier,  paroisse  de 
St-Jean-de-la-Neuville)  et  à  Lintot  que  des  prêches  existèrent 
pour  les  protestants  de  lîulbec  et  des  environs. 

MONTr.IîKH'l'^T 

En  1581,  l'église  élail  organisée  et  avait  des  anciens.  Ses 
premiers  pasteurs  connus  sont  :  de  Vallandry  jusqu'en  15X5,  et 
Claude  ('charrier  dit  La  Touche.  Nous  y  voyons  ensuite,  en  15!)1 
et  1601,  Durdès  dit  Despoii-. 

Frémontier  était  un  exercice  de  lief  bâti  sur  un  terrain  fai- 
sant partie  des  donations  de  la  reine  Malhilde  à  l'abbaye  du 
Valasse.  Aussi  fut-il  des  premiers  atteints. 

bémoli  à  la  suite  de  l'arrèl  du 1659. 

PdsteuyK  sims  l'êdit  de  Nantes 

1603-16:20.  —  Christophe  de  Héris,  dit  de  Coqueréauinonl.(^' ) 
1612    ?      —  Le  Genevoys. 
1620-16i4.  —  Jacques  de  Larrey. 
1(;20-1637.  —  Jean  De  la  Motte. 
1627-1651.  —  Daniel  Gilles. 

LiXTOT 

En  1578,  le  culte  était  célébré  à  Lintot  par  M.  de  Vallandry. 
A  la  suite  et  sous  l'édit  de  Nantes  il  le  fut  par  les  pasteurs  du 
Montcriquet,  suivant  un  tour  de  service  arrêté  par  le  Consistoire. 

Après  la  fermeture  du  prêche  du  Montcriquet,  l'église  de 
Lintot,  démolie  à  la  suite  de  l'arrêt  du  10  mars  16<S1,  fut  des- 
servie par  : 

de  1660-1682.  —  Ephraim  de  llalicmont,  Sv  de  la  Voulle. 
1669-1(582.  —  Pégorier,  Delaporle  et  Simon  Felles. 

1.  —  En  1601,  il  habitait  Berville-en-Gaux.  Ceci  nous  est  ré- 
vélé par  l'acte  de  baptême  de  sa  tille  du  28  mars,  inscrit  sur 
les  registres  de  Quevilly. 


Caudebec-en-Caux 

Caudebec-en-Caux  avait  une  église  en  150:2  (Th.  be  Rèze)  et 
iiu'nie  en  1559.  Sous  l'Etlit  de  NaïUos,  les  réroniu'S  de  Caii- 
debec    se   rendaient  à  Liiilut. 

Lillebonne 

Lillebonne  avait  une  église  en  15(1:2.  Tli.  de  Bèze  en  parle, 
mais  pour  dire  qu'elle  fut  dissipée  celle  année-ln.  Sous  l'Edit 
de  Nantes,  les  réformés  de  Lillebonne  se  rendaient,  comme 
ceux  de  (laudebec,  au  prêche  de  Linlot. 

Fécamp 

Il  y  eut  une  église  à  Fécamp  dès  156:2. 

En  1581,  l'église  de  Fécamp  était  recueillie  à  Ganzeville. 

De  1578  à  1581,  elle  eut  pour  pasteurs  Vallandry  et  De  La 
Touche. 

Sous  TEdit  de  Nantes  elle  enl  deux  lieux  de  culte  :  Mauper- 
tuis  et  Ougerville. 

Mai  l'KiîTns 

(Paroisse  de  Géréi'illc.  iuijourd'liui  GcrvUlei 

Eglise  de  lief  dès  159()  m;iint(Miue  sous  TEdit  de  Nante?: 
Temple  condamné  par  arrêt  du  1(1  mars  KiNl. 

Pasteurs  : 

1506-    ?    .  —  Robert  Lazare. 

1600-1617.  —  Abdias  de  Montdenis. 

1603-    ■>    .  —  Dumont. 

1606-    ?    .  —  LuneroUes. 

1626-1661.  —  Daniel  (hiêlode. 

1653-1664.  —  David  Blanchard,  sieur  de  la  Servanière. 

1658-1660.  —  Josué  Bonhomme. 

1674-1681.  —  Abraham  Faucon. 

1675-    ?    .  —  Jac(|ues  de  Larrey. 

1675-1685,  —  Daniel  Hervieu  de  la  Servanière. 

23 


—  354  - 


UrCKU  VILLE 

(Paroisse  de  Colleville) 

Temple  construit  en  1G!21),  condamné  par  arrrt  tlu  10  mars 
1681. 

Jusqu'en  1675  le  culte  y  fut  célébré  par  les  pasteurs  deMau- 
pertuis. 

Pasteurs  à  i)artir  de  1675 

1675-1681.  —  Daniel  IJoursault. 

1675-1684.  —  Daniel  Hervieu  de  la  Servanière. 

Cany 

Cany  est  cité  comme  ayant  une  église  en  1562  et  156i. 
Harfleur 

Th.  de  Bèze  dit  que  l'église  d'Harlleur  fut  fondée  en  1558, 
mais  nous  ne  la  voyons  citée  par  ailleurs  qu'en  1572.  Elle  était 
alors  desservie  par  Claude  Charrier  dit  La  Touche.  La  famille 
de  Brachon,  qui  habitait  Sénitot,  paroisse  de  GonfrevilIc-l'Or- 
cher  près  d'Harfleur,  ayant  embrassé  la  Réforme  établit  un 
prêche  dans  son  manoir  qui  servit  aux  protestants  d'Harfleur 
et  de  Montivilliers  sous  l'édit  de  INantes. 

Ce  prêche  fut  démoli  en  vertu  d'un  arrêt  du  30  juin  1681. 


1596-1603 
1604-    ? 
1604-    ? 
1634-    ? 
1652-1676 
1658-1660 
1660-    ? 
1669-1685 
1682-    ? 
1684-1685 


Pasteurs  : 

—  Pierre  de  la  Motte-Muids. 

—  Elle  Boucherot. 

—  Jean  Duboys. 

—  Jean  de  la  Motte. 

—  Henri  Bespier. 

—  Josué  Bonhomme. 

—  Henri  Latané. 

—  Jean  Taunay. 

—  César  l'égorier. 

—  De  la  Motte-Muids. 


—  3=^5  — 
Turretot 

De  1578  à  15X5  l'i'glise  tlu  Havre  i-e  i-ecueillil  ù  Turretot. 
Elle  y  eut  pour  pastcui's,  Pierre  (lliarrier  dil  l.a  Touche,  et  A'a- 
landry. 

Montivilliers 

Monlivilliei-s  est  cité  comme  ayant  une  église  en  1555  ;  elle 
fut  dissipée  en  même  temps  que  celles  de  Lillebonne  et  de 
Caudebec. 

Criquetot-l'Esneval 

Eglise  fondée  en  1596  et  démolie  à  la  suite  de  l'arrêt  du  13 
août  1683. 

Paateuvs  : 

1596-    ?    .  —  Pierre  De  la  MoUe-Muids. 


1604-    ? 
1604-    ? 
1653-1664 
1658-    ? 
1663-1685 


—  Elle  Boucherot 

—  Jean  Duboys. 

—  David  Ulunehard,  sieur  de  la  Servanière. 

—  .losué  lîonliomme. 

—  Jean  Taunav. 


Les  pasteurs  de  Sénitot  remplissaient  les  intérims. 

Grosmenil,  jiinoissc  de  Cotterranl 

(près  de  Itosc-ie-Hard) 

Eut  un  exercice  de  fief  de  UiXI  à  1685.  —  Paul  C-ardel  en  fut 
l'unique  pasteur. 

Le  Gaule  (Cdulc-Ste-Beuve) 

(près  de  lihuigy) 

Avait  une  église  de  iief  en  1675  et  Lepage  en  élait  le  pasteur. 

Boissai-sur-Eaune 

(hameau  de  Londinieves^) 

Avait  un  prêche  en  1572  chez  M.   de    Roissai,  et    Duval    en 
était  le  pasteur.  —  Sous  l'Edit  de  Nantes,  exercice  de  fiel. 


-  356  - 
Pasteurs  : 


1646-    ? 

.  —  Jean  de  Focquemberges. 

1653-    ? 

.  —  Moïse  Carlaull. 

1657-    ? 

.  —  Pierre  Laignel. 

1685-    ? 

.  —  Gamin. 

Les  lieux  de  ces  trois  églises  de  fief  ne  sont  pas  situés  dans 
le  pays  de  Caux  ;  mais  comme  ils  en  sont  voisins  cl  (jue  l'iiis- 
toire  de  leurs  églises  ne  sera  vraisemblablenienl  jamais  écrile, 
nous  avons  cru  devoir  mentionner  celles-ci  dans  noire  liste. 

Nota.  —  îNous  ne  pouvons  indiquer  les  millésimes  exacis  du 
commencement  et  de  la  Un  du  ministère  de  la  plupart  des  pas- 
teurs nommés,  parce  que  tous  les  registres  des  églises  n'exis- 
tent plus.  Les  années  extrêmes  que  nous  citons  sont  celles  où 
les  pasteurs  paraissent  pour  la  première  et  la  dernière  fois 
dans  les  documents  où  nous  avons  puisé.  Les  noms  de  pasleurs 
accompagnés  d'un  seul  millésime  ne  paraissent  que  cette  année- 
là.  

L'ÉGLISE   SOUS    LA   CROIX 


Liste  des  PASTEURS,  PROPOSANTS  et  LAÏQUES 

qui  tinrent  des  réunions,  prêchèrent  et  évangélishcnt  dans 

le  pays  de  Caux 

depuis  la  Révocation  jusqu'à  l'Edit  de  tolérauce 


1686-1693.  —  Israël  Lecourl,  évangéliste. 

1695-    ?    .  —  Claude  Brousson,  ministre. 

1695-1698.  —  Jacques  Morel,  d'Ecuquetot,  évangéliste. 

1698-    ?    .  —  Jean  boivin,  de  St-Nicolas-de-la-Taille,    évan- 

gélislc. 
1712-    ?    .  —  D.  bcrlin,  évangéliste. 
1712-    ?    .  —  De  la  Montagne,  évanoélisle. 


3=^7  — 


17I<S 


I  /  111- 

1719- 

'; 

•J726- 

9 
*) 

'/  _ 

9 

1732- 

•> 

1732-1 

742. 

1742-1 

743. 

1743- 

9 

1743-1 

T.')!). 

1744-r 

748. 

174,S- 

Q 

1748- 

9 

174'.)-1 

754. 

1749- 

9 

1754-1763. 

1755-1 

763. 

1761-1 

763. 

1763- 

9 

1763-1 

785. 

1785. 

-  Jean  (luecoult,  ôos  environs  do  Bolbec,  évan- 

i^r  liste. 
■  Doré,  évangélislc. 

1)(\  la  Forgo,  proposant. 

Chapelle,  proposant. 

De  la  Tibourée,  proposant. 

Dujardin,  de  Caen,  évangéliste. 

André  Migault  dil  l'reneuf,  proposant. 

Viaia,  pasieur. 

Loyre  dit  Olivier,. proposant. 

.M()i-in  (lit  l'Epine,  évangélisle. 

.\ndré  Migault  dit  l'reneuf,  devenu  ministre. 

(lodefroy  évangéliste. 

Perluson,  évangéliste. 

(lautier,  minisire. 

Lévrier,  uiinislre. 

l.a  fîlaquière  dit  Dutliil  ((<am})redon),  ministre. 

Jean  Godelroy,  ministre. 

Alexandre  Ranc,  ministre. 

Michel  François,  ministre. 

François  Mordant  dit  Dudos,  juinistre. 

■I.-I).  Daumier. 


PIECE  No  4 


Liste  de  la  NOBLESSE  PROTESTANTE  du  Pays  de  Caux 
vers  1670 


Jean  de  RUACHON,  seigneur    de    Révilliers,    à    Gonfreville- 

rOrcher. 
Jacques  LEVASSEUR,  écuyer,  sieur  d' Antiville,  à  Bréauté. 
Mathieu  DAELEXÇON,  sieur  de  Mirville,  à  Montivilliers. 
Jean  OURSEL,  sieur  de  la  Volière,  à  Ilarfleur. 
Almin  de  lx  MAZURE,  écuyer,  sieur  du  Parc,  à    Angerville- 

rOrcher. 


—  ^s8  — 

Jean  Le  POIGNEUR,  clievaliei-,  seigneur  des  Grands  Champs, 

à  (îonimcrville. 
Cil.  DE  RUI{l!]S,  écuver,  sieur   de    lîélliencourt,    à    (ioninier- 

ville. 
Charles  l'OUYEll,  sieur  de  llruinai'e,    à    Saint-\  igor-d'lmon- 

ville. 
Josias  DE  LA  HAYE,  écuyer,  sieur  du  Monl,  à  Saint-I^éonard. 
Antoine  de  CANOLVILLE,  à  lloHeville. 
Pierre  de  CIVILLE,  écuyer,  sieur  du  Quesué,  à  Fresquienne. 
Jean  de  liUlIION,  écuyer  sieur  de  NobhMnare,  à  Fécamp. 
Anthoine  de  lîIUHON,  à  Gravenchon. 
Pierre  de  BPilHO.N,  à  Gravenclioii. 
Louis  CANIVET,  sieur  de  CoUevilIe,  à  Colleville. 
François  de  CIVILLE,  clievalier,  seigneur  de  Rames,    à    Loi- 

selières  (auj.  commune  de  (iommerviiie). 
Isaac  LEFf]I>VIiE,  écuyer,  sieur  de  Malieviile,  à  Fécamp. 
Isaac  DE  LARREY,  écuyer,  à  Monlivilliers. 
Samuel  de  la  M  AZURE,  écuyer,  sieur  du  Parc-d'.\nxlot,  aux 

Trois-Pierres. 
Louis  DE  SELLES,  écuyer,  sieur  de  Leslanville. 
Pierre  DE  LARREY,  écuyer,  sieur  de  Rrunbosc,    à   Gueures. 
Jean  d'ALLENÇON,  écuyer,  sieur  des  Mottes,  à  Monlivilliers. 
Michel  iNEL,  écuyer,  sieur  d'Eslrimont,  à  Lestanville. 
Isaac  DUMOiNT,  sieur  de  Boslaquet,  à  La  Fontelaye. 
Michel  DE  GOUSTIMESML,  écuyer,  sieur  de  Mélamare. 
GOUEL,  écuyer,  sieur  de  Rellefosse,  à  AUouville. 
Isaac  CHEF  d'HOSTEL,  sieur  d'Aniontot,  à  Sl-Uomain. 
GRAINDOR,  écuyer,  sieur    de   Frémontier,    à  St-Jean-de-Ia- 

Neuville. 
De  la  HAYE,  écuyer,  sieur  de  Lintot. 
ISNEL,  chevalier-seigneur  de  St-Gilles-de-Cretot. 
Pierre  RIGOT,  écuyer,  sieur  de  RoUeville. 
PUCHOT,  écuyer,  sieur  de  Gauderville,  à  Turretot. 
Du  PUYS,  écuyer,  sieur  de  Guimesnil,  Sandouville,  etc. 
De  ROESSE,  écuyer,  sieur  de  Feugueray,  à  Beuzevillette. 
SORET,  sieur  de  Pidasne,  à  RoUeville. 
Adam  DE  LA  BAZOCHE,  seigneur-baron  d'Heugueville. 


—  3=^9  — 

Isaac  C-IIArVLN  delà  NEUVILLE,  ;ï  Vareiigevillo-sur-iMor. 

I-K  VANiMEU,  écuyer,  sieur  d'Ougerville,  à  Gerville. 

Jean  EUDES,  sieur  de  Nipiville,  à  Harlleur. 

Isaac  EUDP^S,  siour  de  Hruncourl,  à  Hai-neur. 

i'ieiTc  MlUiWUT,  écuyor,  sieur  de  llocquigny,  à  Lintot. 

Claude  MIUFAUT.  clievalier-seigneur  de  Rainfre ville,  au  châ- 
teau d'Augei'ville,  jtcès  de  l>ose-le-Hard. 

Tristan  hK  1)1!)  ULY,  écuyer,  à  St-.lean-tle-Folleville. 

De  IUCQ,  écuyer,  seigneur  de  Saint-Aubin-de-Cretot. 

Epiiraiin  de  HAUUEMOM,  sieur  de  la  Voulte,  à  La  Trinité- 
du-Mont. 

Jean  de  CliULXMAHE,  à  Ecretleville-cn-Caux. 

Saloinoii  DE  CIIOIXMARE,  à  Erretleville-en-Caux. 

Abraham  i,e  l'OlGNEUU,  écuyer,  sieur  du  Mouchel,  à  Gon- 
neville. 


PIÈCE  N°  5 


FACTILH  yjo»y  Mr'-  Antoine  G AULiBE,  pirstre  doc- 
teur (le  l(t  i)iaiso)i  et  société  de  Sorlioniie.  t/ravd  arrliidincre 
et  cliaiioine  de  l'église  (■(ittiédrale  de  Houen.  syndic  du  clergé 
de  la  province  de  Nonntaidie.  demniideiir, 


les  Ministres,  Anciens  et  antres  de  la  R.  P.  /?..  deffendeurs 
des  temples  et  exercices  publics  de  la  dite  religion  faits 
dans  les  temples  d'Hovgerville,  Maupertuis,  Bacqueville> 
Lunerag.  Lintot,  Criqvetot.  Sénitot,  Boscroger,  et  de 
Qnilbenf. 

Sur  la  poursuite  faite  par  le  demandeur  devant  MM.  les  com- 
missaires députés  par  S.  iM.  jjour  l'exécution  de  l'Edit  de  Nan- 
tes en  la  province  de  Normandie,  dans  la  généralité  de  Rouen, 
les  deffendeurs  ayant  produit  les  titres  et  pièces  en  vertu  des- 
quels ils  prétendoient  deffendre  les  temples  et  exercices  publics 
de  leur  rehgioii  dans  les  lieux  cy-dessus,  les  dits    sieurs   coni- 


—  ^6o  — 

niissaii'es  se  sont  paringoz,  l'un  élant  d'avis  que  les  dits  tem- 
ples dévoient  (Hre  drmolis  et  rexorrice  public  de  leur  religion 
interdit  aux  dits  lieux  :  ol  l'aulri'  quR  Ions  les  dils  temples  et 
exercices  publics  dcnoient  èli'e  maintenus  et  continuez.  Le  dit 
partage  a  été  remis  au  greffe  du  conseil  avec  les  titres  et  piè- 
ces sm'  lesquelles  il  est  intervenu  et  depuis  distribué  à  M.  Bou- 
cherot,  conseiller  d'état  pour  être  jugés  à  son  rapport. 

Auparavant  que  d'entrer  dans  la  discussion  particulière  des 
temples  contestez,  il  sera  bon  de  remarquer  que  les  sept  pre- 
miers temples  cy-dessus  dénommez  se  trouvent  tous  dans  le 
bailliage  de  Caux,  eu  outre  les  doux  temples  de  bailliage,  deux 
autres  temples  démolis  et  plusieurs  exercices  particuliers  de  la 
dite  religion  qui  se  font  cliez  les  gentilshommes  au  droit  de 
leurs  tiefs.  Qwoyqu'il  soit  l'un  des  plus  petits  bailliages  de  Nor- 
mandie et  (pie  devant  l'éditde  Nanles  l'amiral  de  Villars,  l'un 
des  grands  ennemis  de  la  d.  religion  en  fut  le  gouverneur. 

Tellement  que  si  la  prétention  des  deffendeurs  avoit  lieu 
il  faudrait  dire  que  l'amiral  de  Villars,  ennemi  déclaré  de  la  d. 
religion  aurait  souffert  dans  une  partie  de  son  gouvernement 
neuf  ou  dix  exercices  publics  d'icelle  avant  l'Edil  de  Nantes, 
contre  et  au  préjudice  des  édils  précédents,  qui  ne  permeltoient 
qu'un  exercice  public  dans  chaque  bailliage  en  outre  ceux  qui 
se  faisoient  chez  les  gentilshommes  au  droit  cie  leurs  fiefs. 

Ceux  qui  savent  l'histoire  et  qui  ont  connu  l'esprit  et  la  ma- 
nière d'agir  du  dit  sieur  de  Villars  ne  se  persuaderont  jamais 
cela  de  luy.  Aussi  verra-t-on  dans  la  suite  que  tous  les  dits 
temples  que  les  deflendeurs  réclament  comme  temples  de  sai- 
sie et  de  possession  en  vei-tu  de  l'article  9  de  l'Edit  de  Nantes 
ont  été  bruis  longtemps  après  le  dit  édit  dans  les  paroisses  où 
les  gentilshommes  faisoient  auparavant  l'exercice  particulier  de 
la  d.  religion  dans  leurs  maisons  en  vertu  des  art.  5  et  6  de 
l'édit  de  1577  et  des  7.  et  8  de  l'Edit  de  Nantes. 

En  sorte  qu'au  temps  de  l'pjdit  de  Nantes,  ce  n'étoient  que 
des  exercices  particuliers  rpii  se  faisoient  chez  les  gentilshom- 
mes lau  droit  de  leurs  fiefs  que  les  deffendeurs  ont  depuis  édi- 
fiez en  des  exercices  réels  et  publics,  par  le  moyen  des  temples 


-  36i  - 

qu'ils  ont  fait  bâtir  sur  des  héritages  qui  leur  ont  été  donnez 
dépendant  des  fiefs  des  d.  genlilshomnies. 

Les  defîendeurs  n'os(>nl  pas  dii-c  qu'ils  eussent  droit  de  faire 
ce  cliangemeiit  parce  qu'il  n'y  a  jamais  eu  d'édit  ni  déclarai  ion 
du  roy  (pii  leur  ait  donné  celle  liberté.  Us  se  retranchent  à  sou- 
tenir opiniâtrement  qu'ils  possèdent  les  dits  temples  aux  termes 
du  d.  art.  9  de  l'Edit  de  Nantes  quoy  qu'ils  n'en  lassent  aucune 
preuve,  et  que  les  pièces  (|u'ils  ont  produites  justifient  le  con- 
traire. 

Suit  un  long- passage  que  nous  résumons  :  I/art.  9  reijuiert 
trois  conditions  :  fo  exercice  public  établi  avant  J51XJ-97  ; 
2°  culte  y  célébré  plusieurs  fois  ces  mêmes  années  ;  ?>^  et  que 
ce  culte  y  eût  été  céléliré  publiquement. 

Les  défendeurs  ne  peuvent  pi'ouver  l'exercice  public  avant 
l5!)r)-97,  mais  ils  justifient  qu'ils  existait  ces  mêmes  années  et 
déclarent  cela  sui'lisant.  à  (pu)i  le  factuni  l'é^poiul  que  ces  exer- 
cices n'étaient  pas  fixes,  mais  déandjulanis  et  par  conséquent 
ne  répondent  pas  à  la  condition  premièi-e  (pie  l'ésume  le  mot 
''lahli.  Pour  l'aulinu-  du  faclum,  les  exercices  se  faisaient  tantôt 
à  une  place,  tantôt  à  une  autre,  mais  aucuns  dans  les  paroisses 
des  temples  contestés,  lieprenons  la  citation  textuelle  : 

On  fera  voir  par  les  propres  pièces  que  les  delfendeurs  ont 
remises  pour  chacun  des  dits  temples,  en  particulier  que  celui 
de 

Maupertuis 

fut  bali  en  16ïii  sur  un  héritage  donné  à  cet  elfet  pur  le  S'  de 
Teu ville  ;  Celui  d' 

Hou  ger  ville 

en  1629  sur  un  autre  héritage  donné  par  le  S''  d'IIougerville  ! 
Celui  de 

Lintot 

au  lieu  et  place  d'une  grange  (|ui  leur  coùtoit  200  livres,  qu'ils 
avoient  fait  poi'ter  sur  une  pièce  de  terre  que  le  S''  de  Lintot 
leur  avait  donné  en  1623  ;  Celui  de 


Criquetot 

en  1(>(I(S  sur  deux  vei'i^rcs  de  lerre  (iiic  le  S''  île,  la  Voiili;  leur 
donna  proche  sa  maison  avec  nn  diiiil  de  chemin  pour  y 
aller  ;  C-elui  de 

Sénitot 

en  lOoO  sur  liH  perches  de  terre  (jne  le  sieur  de  liévilliers  leur 
avait  données  dès  l'année  l()0(S. 

On  ne  peut  dire  au  certain  en  (luelles  années  furent  hàlis 
ceux  de 

Bacqueville 
et  de 

Luneray 

parce  que  les  deffendeurs  n'ont  point  produit  de  registres  de 
(Consistoire,  mais  il  estcerlain  el  jiislilié  par  leurs  pièces  que  l'un 
et  l'autre  des  dils  tem}»les  ont  été  hàlis  longtemps  après  l'Edit 
de  Nantes,  sur  des  héritages  j)articulieis  on  il  n'y  avoit  jamais 
eu  d'exercice  de  la  dite  religion. 

L'auteur  ])onrsuit  en  inIV'ranI  de  cela  (|ue  ces  temples  doivent 
élr(>  démolis  et  ({ue  les  défendeurs  sont  mal  venus  à  dire  que 
l'art.  (1  permet  de  hàlir  des  lieux  poui'  l'exercice  de  leur  reli- 
gion dans  les  villes  et  places  où  cela  leur  est  accordé,  attendu 
que  ce  ne  p(>ut  s'entendre  que  pour  les  exercices  puhlics  de 
bailliage  et  sur  désignation  de  l'emplacement  i»ar  les  ofiiciers 
du  roi.  Il  y  a  donc  en  entreprises  de  leur  part  contre  les  édits 
et  déclarations  royales  et  conire  l'église  catholique.  Les  })ièces 
qu'ils  produisent  ne  prouvent  nullement  (ju'il  existât  un  exercice 
public  aux  lieux  des  temples  contestés  pendant  les  années 
1596-97,  mais  seulement  (pi'il  y  avait  eu  quelques  exercices 
particuliers  chez  les  genlilshonnnes  des  pai'oisses  où  l'on  a  édi- 
fié des  temples  depuis.  Leui's  pièces  sont  de  trois  sortes: 
U'abord  un  acte  des  commissaires  (pii  furent  envoyés  en  Nor- 
mandie pour  l'exécution  de  l'Edit  en  IIKIO,  acte  ipii  leur  lut  ilé- 
livré  en  comnuui.  non  seulement  |)our  les  exercices  contestés, 
mais  aussi  pour  deux  autres  dénommt;s 


—  3^63  — 

Montcriquet 
et  Lindebeuf 

lesquels  ont  élé  depuis  iiilcrdils  par  deux  arrêts  donnés  on  1639 
et  1663.  Par  cet  acte  «  les  detlcndeurs  sont  permis  de  continuer 
l'exercice  de  leur  religion  en  tous  les  dits  lieux  comme  ils  fai- 
soient  auparavant,  sans  préjudice  de  ceux  qui  pourroient  y 
avoir  intérêt  à  l'avenir.  » 

En  suit(>  des  extraits  de  synodes  et  colloques  ipii  prouvent 
que  les  ministres  des  églises  contestées  avaient  élé  appelés  à 
ces  assemblées  ecclésiastiques. 

Enfin,  des  registres  de  baptêmes,  de  mariages  et  de  consis- 
toires. 

Helnlivement  à  l'acte  des  commissaires  de  1600,  le  factum 
(lit  (|u'il  n'est  d'aucune  considération  parce  qu'il  permet  aux 
défendeurs  de  continuer  les  exercices  antérieurs  dans  la  ma- 
nière où  ils  se  taisaient,  ce  dont  ils  s'étaient  écartés,  ainsi 
qu'on  l'avait  reconnu  en  condamnant  les  temples  de  Mont- 
crirpu't  et  de  Lindebeuf. 

Pour  ce  qui  est  des  extraits  de  synodes  et  collo(pies  il  dit 
(|u"ils  ne  prouvent  rien  puisque  les  ministres  des  exercices  par- 
ticuliers et  personnels  sont  aussi  ajiiielés  aux  Synodes  et  collo- 
ques. —  .Même  réponse  en  ce  qui  concerne  les  baptêmes  et 
mariages  et  consistoires  puisqu'ils  se  font  aussi  dans  les  exer- 
cices particuliers. 

Le  factum  aborde  ensuite  l'examen  en  détail  des  mêmes  piè- 
ces pour  cliacun  des  exercices  contestés,  et  en  veut  tirer  la 
preuve  que  ces  exercices  étaient  personnels. 

Pour  les  temples  de  Maupertuis  et  d'Hougerville  «  les  dellen- 
deurs  ont  remis  (juatre  extraits  de  synodes  et  colloques  et 
deux  registres  de  baptêmes,  de  mariages  et  de  consistoires, 
quatre  extraits  de  synodes  et  de  colloques. 

«  Comme  les  d.  extraits  de  synodes  et  de  colloques  ne  parlent 
en  aucune  manière  des  dits  exercices  de  ^Ltupertnis  et  d'Hou- 
gerville ou  n'y  répondra  rien. 

«  Au  regard  des  deux  registres  de  baptêmes  et  de  mariages 


.—  3^4  — 

et  (le  consisloii'cs  ils  iirouvoiil  (''vidciiiiiiciil  Irois  clioscs  : 
«  1»  Que  ledit  t'xcrcico  de  Maiipci'liiis  ii',!  (■(iMiiin'iict'  (|U('  sur  la 
lin  de  151)7  et  celui  d'Iloiigerville  sur  la  fin  de  iry.lC).  t"  One 
l'un  et  l'autre  des  d.  exercices  n'étaient  (]U(>  îles  exercices  per- 
sonnels de  lief  dans  leurs  coniiuencemenls  ;  ?>"  Qu'ils  ont  été 
changés  en  des  exercices  réels  et  publics,  savoir:  celui  de  Mau- 
pcrtuis  en  I6!2i,  (|ue  le  temple  ilu  dit  lieu  lut  hàli  sui'  uw  liéri- 
tage  qui  lui  fut  donné  par  le  Si'  de  Teiiville,  et  celui  d'ilouger- 
ville,  en  1629,  par  un  autre  liéritage  par  le  S''  d'IIougerville  ». 

IvC  factuni  entre  ensuite  dans  des  arguties  indigues  telles 
que  faire  étal  de  ce  (pie  le  l''i'  mariage  enregisli'i'"  est  du  "![ 
décembre  1597  et  le  premier  baplème  du  '.'>  septembre  même 
année  pour  Hougerville,  et  le  jf'  baplènr;  pour  Mauperluis 
du  25  août  15913  pour  dire  que  le  culte  n'était  pas  célébré  dans 
ces  lieux  ces  mêmes  années  ;  puis,  pour  prouver  {|ue  les  cxei"- 
cices  étaient  des  exercices  pt'rsonnels  cilei'  le  titre  même  des 
registres  :  lit'disties  des  Btijitniws  des  nifaiils  <jui  ont  été 
baptisez  ev  Véyline  de  Fi'cainii.  recncilUc  es  fiefs  d'Hougerville 
et  de  Mdiqiertuis. 

«  Le  registre  du  C.onsisloire  enseigne  le  temps  (|ne  les  d. 
exercices  ont  été  changés  en  exercices  réels  et  publics. 

«  Sur  la  lin  de  la  I5i^  page  du  d.  registre  il  se  trouve  un  art. 
qui  i)orle  :  que  le  lundi  10  lévrier  16^5  M.  de  Teuvill(>  (qui 
était  |)Our  lors  seigneur  de  Maupertuis)  ayant  donné  à  cette 
église  une  place  pour  bàtii-  un  temple,  on  a  cessé  de  prescher 
dans  sa  court  le  :25  novembre  1G24,  et  l'on  a  commencé  à 
prescher  dans  le  temple  bâti  dans  la  d.  place  le  8  décembre 
1624. 

«  Le  dernier  art.  de  la  page  176  du  i-(^gistre  1,  marque  aussi 
le  temps  du  même  changement  de  celui  d'ilougerville,  il  porte 
que  le  28  décembre  1629,  compte  a  été  rendu  par  M.  le  con- 
trollenr  des  deniers  employez  à  la  constrvction  du  temple 
d' Hougerville  ». 

Le  factum  infère  de  cela  que  la  preuve  est  faite  du  change- 
ment des  exercices  personnels  en  exercices  publics  pour  Mau- 
pertuis  et  Hougerville  et  dit  que  les  temples  de 


-  36s  - 

Bacqueville 
et  de  Luneray 

ne  peuvent  éviter  un  pai-eil  iu_nemenf,  d'autant  plus  que  leur 
condaninalion  est  préjuiiée  })ar  l'arrêt  du  23  avril  1665 condam- 
nant le  temple  de  Lindebeuf  a  être  démoli  et  interdisant  l'exer- 
cice de  la  religion  dans  ce  lieu,  puisque  les  défendeurs  ne  pré- 
sentent, pour  les  défendre,  que  les  pièces  sur  lesquelles  l'arrêt 
du  ïJ3  avril  1665  est  intervenu.  p]n  ell'el,  continue-t-il,  le  re- 
gistre des  baptêmes  et  mariages  produit  servait  à  la  fois  pour 
Lindebeuf,  bacqueville  et  Luneray  ;  l'acte  des  commissaires  de 
1600  parle  de  bacqueville  et  Luneray  dans  les  mêmes  ternies 
(pie  de  Lindebeuf.  et  toutes  les  pièces  i)roduitfS  indi(pieiit  qu'il 
n'y  avait  (pi'un  ministre  pour  les  trois  exercices,  et  aucun  re- 
gistre de  consistoire  n'est  j)résenté  d'où  il  conclut  qu'ils  ne 
formaient  même  pas  un  consistoire  à  eux  trois.  Il  va  mèuie 
jus(]u'à  aflinuer  (|ue  le  registre  des  baptêmes  et  mariages  est 
un  livre  refait  en  IQ'Î'È  dans  lequel  on  n'a  fait  entrer  (pie  ce 
(}u'on  a  cru  ne  pouvoir  faire  découvrir  l'usurpation,  ce  qui  est 
démontré  par  ce  fait  que  tout  semble  de  la  même  main  et  de  la 
même  encre,  ajoutant  qu'au  surplus,  le  livre  serait-il  vrai,  il 
ne  serait  d'aucune  considération,  les  bajitêmes  et  les  mariages 
ne  prouvant  pas  les  exercices  publics. 

Les  extraits  de  synodes  et  colloques  que  «  les  deffendeurs  ont 
remis  pour  les  temples  en  question  sont  au  nombre  de  quatre. 
Les  trois  premiers  ne  portent  autre  chose  que  le  S''  Gueroult, 
ministre  de  Lindebeuf,  bacqueville  et  Luneray  auroit  comparu 
aux  d.  synodes  ;  et  le  4»'  qui  est  du  colloque  tenu  à  Dieppe  le 
28  octobre  1597,  porte  qu'il  sera  baillé  à  la  veuve  du  sieur  des 
Vallons  la  somme  de  7  écus  et  deniy,  dont  l'église  de  Dieppe 
fournira  douze  livres  dix  sols,  celle  de  (Iriquetot  six  livres  et 
celles  de  Lindebeuf,  Bacqueville  et  Luneray  4  livres  ». 

Si  ces  pièces,  déclare  l'auteur  du  libelle,  «  sont  snflisantes 
pour  justifier  les  exercices  contestés,  alors  il  y  a  eu  injustice  à 
condamner  celui  de  Lindebeuf. 

((  Si  la  condamnation  de  celuy  de   Lindebeuf  a  été    légitime, 


—  366  — 

elle  sera  encore  plus  juste  pour  les  d.  temples  de  Bacqueville 
et  de  JAiiicray  puisqu'en  outre  (jue  l'on  ne  remet  point  d'autres 
jtièces  que  celles  qui  furent  produites  pour  Lindeheuf.  il  se 
trouve  des  défauts  dans  ces  derniers  qui  n'titoient  point  au 
premier  ;  savoir  qu'ils  sont  bâtis  l'un  et  l'autre  sur  des  sei- 
gneuries ecclésiastiques  ;  celuy  de  Itacqiu'vilile  sur  un  fief 
appartenant  à  l'abbaye  de  Fécamp,  et  celui  de  Luneray  sur  un 
lief  qui  appartient  à  l'abbaye  de  Tyron. 

«Les  deffendeurs  n'ont  pas  méconnu  ce  fait,  mais  ils  ont  sou- 
tenu par  leur  écrit  qu'ils  avoient  droit  de  faire  l'exercice  de 
leur  religion  sur  les  fiefs  des  ecclésiastiques. 

«  Le  demandeur  n'ojjpose  à  tout  ce  qu'ils  ont  pu  dire  sur  ce 
sujet  que  la  déclaration  du  roy  de  l'année  1656  qui  porte  dans 
l'art.  4  que  ceu.v  de  la  R.  P.  R.  ne  pourront  faire  l'e.xercice  de 
leur  religion  au  lieu  où  il  y  a  arclievêcliez  et  évécbez  n'y  aux 
lieux  et  seigneuries  appartenant  aux  ecclésiasti(ines. 

«  L'arrest  du  conseil  donné  en  1639  contrele  temple  de  Mont- 
criquet  dans  le  même  bailliage  et  qui  étoit  aussi  compris  dans 
le  d.  acte  des  commissaires  de  l'année  1600  fait  bien  voir 
que  telle  a  toujours  été  l'intention  de  nos  roys,  puisqu'il  ne 
porte  pas  seulenuMit  l'interdiclion  de  l'exercice  de  la  d.  reli- 
gion au  lieu  oîi  étoit  bâti  le  dit  temple,  mais  aussi  sur  toutes 
les  terres  dépendantes  de  l'abbaye  du  Valasse  ». 

Le  factum  se  poursuit  en  disant  qu'il  reste  à  répondre  à  un 
acte  des  commissaires  envoyés  en  1612  pour  régler  quelques 
différents  entre  catboliques  et  protestants  touchant  l'exécution 
de  l'Edit  à  Bacqueville  et  concluant  à  la  continuation  de 
j'exercice  public  dans  ce  lieu.  Les  commissaires  outrepassèrent 
leurs  commissions,  dit  le  factum,  car  ils  ne  devaient  s'occuper 
que  de  la  question  des  cimetières,  qui  était  en  litige,  ou  plutôt 
ils  furent  l'objet  d'une  surprise  et  ce  (pii  le  prouve  c'est  (|ue  le 
temple  de  Baccjueville  était  construit  sur  un  fief  upparlenanl  à 
l'aumônier  de  Fécamp. 

(Jroira-t-on  «  que  des  counnissaires  du  roy  eussent  autoriséen 
termes  exprès  un  exercice  public  de  la  R.  I*.  It.  au  fîef  d'une 
abbaye  contre  les  édits  et  déclarations  du  roy  et  les  arrests  de 


-  3^1  — 

son  conseil  qui  l'ont  toujours  interdit  ;  il  faut  bien  qu'il  y  ait 
eu  là  (juelque  chose  (jue  l'on  entend  point. 

«  Les  défendeurs  font  un  grand  fort  de  ce  que  le  dit  acte  porte 
que  les  catholiques  qui  s'opposaient  au  d.  exercice  avoient  re- 
connu qu'il  sefaisoitau  dit  lieupenilantles  années  159(5  et  1597». 
Et  l'auteur  du  factuni  répond  que  c'est  encore  là  une  surprise 
puisque  cet  énoncé  n'est  suivi  ni  appuyé  d'aucune  signature 
catholique  et  que  l'aulorité  des  commissaires  ne  pouvait  èlre  si 
grande  qu'ils  pussent  enfreindre  les  déclarations  royales,  et 
qu'au  surplus,  s'ils  l'ont  fait  scienuuent,  c'est  qu'ils  savaient 
([u'alors  les  réformés  avaient  de  puissantes  armées  sur  pied,  ce 
qui  les  obligeait  à  accorder  quelque  chose  aux  nécessités  du 
moment,  à  quoi  on  ne  doit  plus  avoir  égard  à  présent. 

En  résumé,  pour  le  faclum,  le  changement  des  exercices 
particuliers  en  exercices  publics  est  manifeste  et  contraire  à 
l'Edit,  et  les  temples  de  liacqueville  et  de  l^uneray  doivent  être 
condamnés  comme  celui  de  Lindebeuf  l'a  été. 

Lintot 

«  Au  regard  du  temple  de  Lintot,  il  y  a  plusieurs  raisons  pour 
eu  faire  juger  la  démolition. 

«  lu  Les  deflVndeurs  neprouventpar  aucunes  pièces  qu'il  y  eust 
un  exercice  public  de  leur  religion  élably  au  d.  lieu  pendant  les 
années  L7J6  et  lù97  ;  —  2"  Il  se  voit  par  leurs  propres  pièces 
que  ce  n'étoit  qu'un  exercice  personnel  de  lief  qui  se  faisoit 
dans  la  maison  du  sieur  de  Lintot  connue  pi'étendant  avoir  un 
lief  de  Haubert,  auparavant  l'année  1623  que  le  d.  sieur  de 
Lintot  leur  donna  un  héritage  pour  bâtir  un  temple  sur  son  mê- 
me lief;  —  oo  II  est  justifié  par  un  procèz-verbal  d'arpentage 
que  le  dit  temple  n'est  éloigné  de  l'église  paroissiale  (compris 
le  cimetière)  que  de  54  toises,  et  il  est  rapporté  par  informa- 
tion autlienthique  que  les  voix  du  dit  temple  se  portent  jusque 
dans  la  dite  église,  et  troublent  le  service  divin  spécialement 
quand  l'on  fait  la  procession  autour  de  la  d.  église.   » 

Le  factum  dit  qu'il  ne  faut  qu'un  coup  d'œil  pour  voir  que 
les  pièces  produites  ne   prouvent    pas    d'exercice  public    avant 


—  368  — 

l'Edit,  ce  dont  les  défondeurs  se  rendent  si  bien  compte  qu'ils 
se  sont  avisés  de  reniellre  quelques  pièces  qui  font  mention 
d'un  exercice  qui  se  faisait  à  lîolhoc.  prétendant  que  ce  qui 
est  appelé  Vêfjlisc  de  liolbec  dans  ces  pièces  n'est  pas  autre 
chose  que  l'église  de  I.intot.  (îes  pièces  sont  un  registres  «  in- 
forme j>  (ju'iis  disent  être  celui  de  la  d.  église,  et  quelques  (ex- 
traits de  synodes  et  colloques  tenus  entre  159i  et  1600  «  qui 
ne  font  mention  que  de  la  dite  église  prétendue  de  Bolbec  et 
des  ministres  (jui  la  desservaient  alteniativenient  avec  celle  de 
Fécamp.  »  Ces  pièces,  prouvant  justement  (pie  l'église  de  liol- 
bec  et  celle  de  Lintot  sont  distinctes,  le  temple  de  Linlot  doit 
être  démoli.  Et  voici  comment  l'auteur  échafaude  son  asser- 
tion : 

Premièrement,  il  se  voit  dans  les  conunencements  du  dit  re- 
gistre (|ue  ceux  de  la  d.  église  prétendue  de  Holbec  ne  per- 
mettoient  à  leur  ministre  d'aller  faire  le  préclie  à  Linlot  (pi'aii 
jeudi  seulement  parce  qu'ils  en  avoient  besoin  pour  faire  leur 
exercice  de  religion,  aux  dimanches  et  fesles  solennelles,  et 
par  consé(pient  l'exercice  de  la  d.  religion  qui  se  faisoit  à  Un- 
lot,  le  jeudi  seulenu^nt  et  celui  qui  se  faisoit  à  liollebec  aux  di- 
manches et  festes  solennelles  étoicnt  deux  exercices  diUérenls 
qui  se  faisoient  en  divers  lieux. 

Dans  le  dernier  de  plusieurs  articles  du  dit  registre  que  les 
deffendeurs  ont  remis  par  extrait  à  pari,  il  est  porté  :  Qite  les 
frères  du  quartier  de  Liiitot  ont  demandé  qu'ils  eussent  te 
presche  alternatif  ce  qni  levr  a  été  accordé  à  condition  que 
les  jeudis  et  les  festes  il  se  fera  à  Frémontier  (c'esl-à-dire  à 
Montcriquet). 

On  ne  dira  pas  ({ue  le  quartier  de  Linlot  se  fit  cette  demande 
à  soy-mème  ?  11  falloit  que  ce  fust  à  la  d.  église  de  liollebec 
puisque  cela  se  trouve  dans  son  l'egistre,  et  que  le  dit  presche 
alternatif  présupose  deux  lieux  diilerenls  oii  se  faisoit  le  pres- 
che alternativement. 

Et  comme  si  ces  syllogismes  ne  suffisaient  pas  pour  des  ju- 
ges prévenus,  l'auteur  ajoute  :  L'extrait  du  synode  tenu  à  Caen 
au  mois  d'avril  1600  qui  esl  le  dernier  de  ceux  réunis  j)ar    les 


(Iftrciult'iii's.  Iiiil  pncorc  celle  [trciivi»  jtliis  ciiiiv;iincanle  ;  il 
[lorle  (jiH'  11'  Ni'  (/('  Moiiidciiis.  iiiiiiislrr.  ilrsscfrira  aUeninli- 
nnnent  les  ci/lises  fie  Fècdmjt  cl  de  linUrhec  à  lu  cliitnic  (/ti'il 
assistera  le  (jimitier  de  Linlol  selon  su  (•(ttiniioililé.  El  (•(•mnic 
concUision,  les  dellcndeurs  sorti  de  mauvaise  loi  et  il  n'y  a  ])as 
à  faire  é(al  de  l'autre  reiiislre  produit  et  (|ui  s'appelle  Uegistre 
de  ('('(/lise  réformée  de  hoUiec.  Toutefois,  on  fait  des  remarques 
à  son  sujet  :  Il  contient  trois  parties  cousues  ensemble.  Les  dé- 
lihéralioiis  que  contient  la  première  ne  sont  pas  signées  et  par 
conséquent  ne  peuvent  faire  foi.  I,es  deux  autres  parties  par- 
lent des  aumônes,  baptêmes  et  mariaiies  laits  en  divei-s  lieux  ; 
l'ien  n'esl  signé  ipi'en  l'aiinée  llVJT  el  d'ime  encre  plus  nouvelle 
que  lout  le  l'csle,  ce  ipii  inlirine  tout  irMuo:i;iiag(^  de  ce  l'egisli'e 
dont  ini  arlicle  porte  <jiie  le  l:>  aoiil  l.'ilJ,")  le  s/cir  de  l.iiilol  fui 
iiiiirié  (in  iireselie  (jni  fut  fiiil  en  sa  maison,  d'où  on  ne  peut 
inférer  (pie  le  presche  se  iaisait  ailleur,-  en  1.7.10  et  \7)\)1.  l.e 
conlraire  se  manifeste  dans  l'acie  de  M.M.  les  connnissaii'es  de 
l'annéM»  lOOO  par  leipud  il  se  voil  que  ceux  de  i.iiitul  deman- 
doient  la  continuation  de  l'exei-cice  de  leur  religionau  dit  lieu  de 
Lintot  parce  que  leseigneui-  ilu  d.  lieu  le  leui'  permeitoit  dans 
son  tief  qu'étoit  tief  de  lianberl.  On  ajoute  à  celte  pi'euve  littérale 
lii'ée  des  propres  pièces  des  deffendeurs  une  ])reuve  vocale  que 
l'on  lire  d'une  iidoi'mali(Ui  remise  an  ])i'ocès,  par  laipielleil  se  voit 
qu'il  n'va  pas  encoi'c  cinipianle  ans  qu'il  ne  ^e  faisoitpnini  d'au- 
tre ])rèclie  en  la  d.  pal■oi^^e  de  Liniol  (pie  dans  la  maison  du  sei- 
gneurde  la  d.  paroisse,  el  (jihî  l'on  coimneiK'a  de  le  faireliors  de  la 
d.  maison  lors(pie  ceux  de  la  d.  religion  achelèreni  une  grange 
d'un  nommi''  Tesson  pour  le  prix  de  Ï^OII  I.  hopielle  ils  piu'tè- 
renl  sur  une  pièce  de  leiTe  (jiie  le  d.  sien;'  de  T>iiilol  leui' 
avoil  donni'c  pai-  (•(Uilr.il  de  riniiii'e  i^'d'A,  remis  au  pi'ocez, 
dans  hupielle  gi'ange  ils  comniencèrent  à  laire  le  presclie  et  l'y 
conlinnèi-eiit  jusipu's  an  teiiq>«  (pie  le  d.  templi;  de  Montcriquet 
(pii  n'en  était  pas  (''loigné  ayant  elT-  condanmé  pai- le  d.  arrèl  tie 
105!)  ils  ahaltireni  la  dile  grange  el  lirenl  bàlii-  le  lenqile  (pu  se 
voit  de  pi-ésent  au  même  lieu. 

L'auteur  poursuit.  .Nous  résumons  :  Le  conuiiissaire  de  1600 

24 


—  370  — 

dit  que  l'é^'^lise  lit;  Itoihoc  avait  pour  annexes  ,  celle  de  Mont- 
(•i'i(iiiet,  démolie  en  JG.")'.),  et  celle  de.  Liiitot.  Mais  l'article  1)  de 
l'Edit  ne  donne  pas  dniil  à  ces  annexes  de  deveinr  jamais  des 
exercices  publics.  Le  coMmiissaii'e  a  conldiidii  :  il  a  pi'is  pour 
un  exercice  public  ce  (|iii  n'i'tait  (|u"im  exercice  iicisonnel,  cl 
comme  celui  de  Montcriipiet,  le  temple  de  Lintot  ddit  être  con- 
damné, et,  ce  (|ui  l'a  induit  en  erreur  c'est  (jii'il  suppose,  con- 
tre vérité,  qu'il  y  avait  un  cimelière  public  à  Mulot  au  temps 
de  l'édil,  ce  qui  n'est  conlirmé  par  aucune  pièce. 

Et  pour  en  lermineravec  Lintot,  le  l'actuin  produit  les  (Miorniités 
suivantes  :  Il  faut  (pie  ceux  de  la  1».  I'.  II.  ayenl  une  éti'auiie 
babilude  de  tronijuer  les  écritures  pour  les  a[)pli(juer  à  leurs 
sens,  puisque  le  d.  commissaire  a  bien  osé  dans  son  avis  qu'il 
a  envoyé  au  conseil  sur  le  partage  dont  il  s'agit  tronquer  la 
disposition  de  l'extrait  de  leur  synode  tenu  à  C-aen  au  mois 
d'avril  KKK)  qu'ils  ont  remis  au  |)rocez,  tirant  ses  inductions  du 
dit  extrait  connue  s'il  ne  parlait  que  de  leur  église  pr('' tendue 
de  Fécamp  quoy  qu'il  porte  en  tenues  foriuels  que  :  Le  sinir 
(le  Moiitdcnls.  iniiiistrc.  ilesscirira  réf/li.v  de  liollelirc  et  celle 
(le  Fécdiiip  (iltniKilirciiienl.  et  assisteni  le  (jitditier  de  Lintot 
à  sa  niitniiodité.  il  devoit  considéi-er  (jn»;  nos  seii^neurs  du 
conseil  ne  vouderoienl  pas  ce  partage  sans  voir  les  pièces. 

Cecy  n'est  rapporté  qu'à  lin  de  faire  connoitre  (|ue  le  d.  S"" 
commissaire  delà  lî.  P.  R.  n'en  use  pas  de  bonne  foi  et  qu'il 
met  tout  en  ordre  pour  surprendre  la  religion  de  nos  seigneurs 
du  Conseil.  Il  suppose  encore  trop  liardiment,  (|uand  il  dit  qu'il 
y  a  un  acte  rapporté  dans  le  d.  registre  du  <S  avril  15!)6,  i)ar 
lequel  paroit  (ju'il  y  avait  deux  ministres  au  dit  lieu  de  Lintot 
savoir  le  sieur  de  Monldenis  et  le  sieur  Lazare.  On  verra  par 
la  lecture  du  dit  ai'ticle  qu'il  n'y  est  aucunement  parlé  du  d, 
lieu  de  Lintot. 

L'avantage  que  le  d.  Sieui'  Commissaire  prétend  tirer  d'un 
autre  ai-ticle  du  d.  registre  du  '21  oct.  151)5  (pii  porte  que  la 
dame  de  Lintot  avoit  envoyé  son  aumône  à  la  d.  église  préten- 
due de  liollebec  luy  es!  absolinneut  contraire  ;  parce  qu'il  fait 
encore  voir  (pie  l'e\(^i'cic(^  d(!  la  d.  l'cligion  (pii  se  faisoit  au    d. 


—  n^  — 

lieu  (le  1-liitot  n'(Hoit  qu'un  exercice  pni'ticuller  piiisqiio,  la  dame 
du  dit  lieu  envoyait  ses  aumônes  à  la  dite  église  prétendue  de 
liollebec  qui  avoit  son  exercice  ailleurs  connue  il  a  esté  justifié 
cy-dessus.  Enfin  on  peut  dire  que  tout  manque  à  la  défense  du 
d.  temple  de  Lintot.  Les  deffendeurs  ont  eux-mêmes  remis  un 
contrat  par  lequel  il  se  voit  (|ue  riiéritage  sur  le([uel  le  dit  tem- 
j)le  est  bàty  ne  leur  fut  donné  qu'en  l(3!23. 

11  est  prouvé  par  une  information  qui  est  au  procez  et  par 
l'acte  même  de  messieurs  Us  cf.nimissaires  de  l'année  IGOÛ, 
dont  ils  font  tant  de  fort,  (pie  l'exercice  de  la  dite  religion  ne 
se  faisoit  auparavant  la  dite  donation  que  dans  la  maison  du  d. 
sieur  de  Lintot,  au  droit  de  son  lief,  qu'il  disoit  licf  de  hau- 
bert. 

H  se  voit  par  un  pi'Ocez-verLal  d'arpenlage  dont  les  delîer,- 
deurs  conviennent  ipie  le  d.  tcnqjle  n'est  éloigné  du  ciiiielière 
dans  lequel  est  l'église  paroissiale,  que  de  5i  toises.  En  sorte 
(|ue  le  service  divin  de  la  d.  église  est  souvent  troublé  par  les 
chants  qui  se  font  dans  le  dit  temple  les  dimanches  et  fêles 
solennelles  pendant  la  messe  paroissiale,  suivant  (|u'il  est  rap- 
porté par  la  d.  information. 

Les  deffendeurs,  au  surplus,  n'ont  remis  que  des  pièces  infor- 
mes ({ui  ne  portent  seing  ni  approbation  l(''gitim(\  Ils  sup|)osent 
encore  hardiment  contre  vérité  (|ue  ce  qui  est  ap|)el(''  dans  les 
d.  pièces,  l'église  de  liollebec  éloit  l'exercice  de  leur  religion 
qui  se  faisait  à  Lintot  et  les  mêmes  pièces  néanmoins  pi-ouvent 
le  contraire. 

Dans  tous  les  lieux  on  il  est  parlé  de  Lintot,  il  s(;  voit  mani- 
festement que  l'exercice  de  la  d.  église  prétendue  de  IJolbec,  et 
celui  de  Lintot  se  faisoient  en  différents  lieux,  que  celuy  de 
Lintot  se  faisoit  rarement  et  seulement  au  jeudy  ou  en  quelques 
autres  jours  particuhers  de  la  semaine  selon  la  commothté  du 
ministre  qui  desservoit  alternativement  la  d.  église  prétendue 
de  Bollebec  et  celle  de  Fécamp...  Les  d.  pièces  rapportent 
même  qu'en  l'année  1595  le  prresche  se  faisoit  dans  la  n-.aison  du 
seigneur  de  Lintot  et  qu'il  y  fut  marié. 

Après  cela  peut-on  douter  que  cet  exercice  réel  et  public  (jui 


—  ^72  — 

se  fait  présentement  dans  un  temple  ma,unili(jU(*  au  dit  lieu  de 
Linlot  soit  mie  enli'P|)nse  manilesle  coiilre  et  au  iiréjudice  des 
/■dils  et  drclafiilidii^  du  roy  et  (|u'ii  est  ridicule  aux  dclIrudiMirs 
de  le  n'clarici-  au  dioil  de  l'arl.  'J  de  l'Kdil  de  .Nanles. 

Criquetot 

l.c  teiii|de  de  (',i'i(|ucl()l  lu-  se  |icul  jias  mieux  ^dulcuii'  i|Ui' 
les  autres...  Tout  ce  (|ue  l'on  peut  induire  îles  luèces  ceuiises 
à  son  étiard  est  (pi'aux  années  irii)!,  9.*),  '.Ili  el  !)7  il  y  avuit  des 
liei'.sonnes  de  la  I!.  !'.  11.  dans  la  paroisse  de  (',ri(|uelol  e|  dans 
les  villages  voisins,  lesquels  sasseudjloienl  île  l'ois  à  auh'es  l'I 
i'aisoient  des  exercices  de  leur  religion,  parlicidicrs  et  di-am- 
bulants,  tantôt  dans  un  village,  tantôt  dans  lui  autre,  chez  les 
gentilshommes  et  autres  particuliers,  selon  (|ue  chacun  d'eux 
le  récpiéroit,  sans  (piil  y  eust  en  ces  temps  là  aucun  lieu  pu- 
blic ni  particulier  destiné  à  cet  elï'et  et  (pii  depuis  ce  temps  là 
s'étant  joints  avec  un  exercice  personnel  de  licHpii  commença 
chez  le  S''  de  lîévilhers  dans  la  paroisse  de  Sénilot,  ils  se  reti- 
rèrent chez  le  S''  de  la  Voûte  (|ui  éloil  un  gentilhomme  de  la 
l)aroisse  de  ('.ri(|uetol  où  ils  firent  un  presche  aliernatil' avec  le, 
.^''  de  lîévilliers  jusqu'en  Tannée  KiOX  que  le  d.  sieui'  de  la 
Voûte  leur  donna  une  portion  de  terre  hors  Tenclos  de  sa  mai- 
son poui"  y  hàtir  un  temple,  et  un  chemin  pour  y  aller  ;  pour 
laquelle  portion  de  terre  ayant  présenti''  le  droil  d'indemnité  à 
un  seigneur  calholi(pu'  dont  elle  relevoit  le  d.  seigneur  le  re- 
iusa  el  soutint  (pi'ils  ne  pouvoient  bàlii-  de  temple  sur  les  hé- 
ritages dépendants  de  sa  seigneurie,  sur  «pujy  inlervinl  un  pi'o- 
cez  lequel  étant  porté  au  Conseil  y  est  demeuré  indécis,  parce 
que  le  (lit  seigneur  seroit  décédé  dans  sa  poursuite. 

Kt  dans  la  suite,  comme  ces  sortes  d'exercices  se  I'aisoient 
rarement  et  par  emprunt  seulement,  n'ayant  pas  moyen  d'en- 
Irelenir  un  ministi'e,  il  lut  arrêté  dans  un  synode  tenu  à  (  laen 
an  Midis  de  may  KilT»,  ra))p(U'té  dans  le  regisire  de  la  pré((>ndue 
église  de  [•'(•cainp  recu(  illie  aux  liel's  d'ilougervilh'  et  de  .Mau- 
perluis  <pH'  ces  deux  e.xei'cices  allei'nalils  de  (^ri(pielot  et  de 
liévilliers  seroient  joints  avec  l'églis^i  prétendue  de  Fécamj»  re- 


cueillie  aux  iiefs  de  Maupertuis  et  d'Hougerville.  dont  il  est 
parlé  cy-dessus,  et  que  le  tout  ne  feroit  qu'une  demi-portion 
d'église  foible,  et  néanmoins  dans  tous  ces  quatre  lieux  qui 
ne  dévoient  tous  ensemble  faire  qu'une  demie-portion  d'église 
aible  il  y  a  présentement  quatre  temples  publics  que  l'on  com- 
bat, où  les  deffendeurs  prétendent  droit  de  faire  quatre  exer- 
cices réels  et  publics  de  leur  religion  avec  toutes  leurs  dépen- 
dances. 

Voilà  (juelle  est  la  véritable  liistoire  de  l'exercice  et  du  tem- 
ple de  C-riquetot  duquel  il  s'agit  telle  qu'elle  se  fait  connoître 
par  les  pièces  que  les  deffendeurs  ont  eux-mêmes  i-emises  au 
procez. 

Premièremeiil  par  un  registre  remis  jiar  les  detfendeurs  pour 
le  dit  leuiple  de  ('ri(|uetot  fait  en  forme  de  mémoire  de  ce  (|ui 
s'est  passé  au  dit  exercice  de  Ci-i(|uetot  ;  il  se  voit  dans  le 
('•'•  article  de  la  '.)<•  page  que  le  li\  décembre  ITiiCi  :  H  fut 
accordé  mi  sieur  de  hi  Vnuie  (|ui  demeuroit  dans  la  paroisse 
de  Criquetot  que  les  (tsseinblées  se  feraient  dans  sa  maison,  à 
la  réserre  que  si  quelqus-ims  des  autres  désiroient  avoir 
quelquefois  le  presclie  chez  eux,  aux  jours  de  feste  ils  lepoiir- 
roievt  aroir.  Et  dans  l'art.  3  du  17^  feuillet,  il  est  porté  (|ue 
cet  arrest  fut  fait  cliez  le  sieur  de  (ii'andval.  où  se  tenoit  le 
prescbe  le  dit  jour.  Il  se  remarque  déjà  par  là  (|ue  poni"  lors 
ce  n'était  qu'un  exei'cice  particuliei-  qui  ne  se  l'aisoit  que  prae- 
cai'io.  tanlost  cliez  l'un  et  tantost  cliez  l'autre,  suivant  (|ue  les 
|tarticuliers  le  re  (ueroient  ;  et  qu'il  n'y  avoit  aucun  lieu  public 
destiné  à  cet  ellél. 

I.elU"'  article  du  ()•'  feuillet  purle  ([ue  le  10  aoust  lo95  il  fut 
arrêté  que  si  le  dit  S''  de  la  Voûte  refnsoit  les  assemblées  cliez 
lui,  ou  iroil  dans  la  tuaison  d'Aliraliaiii  QVENEL  qui  de- 
ineuroit  dans  la  paroisse  de  Turretot. 

f.e  |i'i'  art.  du  feuillel  \)  porte  (pie  le  27  aoust  /.j'.V.'>.  la  pro- 
messe (fui  avait  esté  faite  au  dil  sieur  de  la  l'oule  d'aller  faire 
le  /iresclii'  dans  sa  maison  éhiil  rét raclée. 

Dans  l'extrait  que  les  défendeurs  ont  remis  du  registre  de 
leurs  mariages,  ils  reniai'quent  que  les  U'i-,  3'=  et  6«  articles  clu 


—  374  - 


14':  feuillet    (hi  d.   regislre    foiil    nio:ilioii    de    Irois     mariages 
fails  au  pi'osclio  Icini  chez  le  siour    Dalnemont    le    I  i    octobre 

\:m\. 

Va  dans  le  dil  arl.  .'!  du  17''  feuillel  du  dit  regislre  il  est 
éci'il  :  Que  ce  t/iii  nroil  l'Ii'  iironus  au  dil  siciii'  di'  la  Voiite 
de  tenir  /^'.s'  ((ssenihlées  dans  sa  in/iisoii  lit;/  iiroil  élè  eovfii'mê 
le  'il  juin  1ol)7. 

Telleineut  que  pai'  les  art.  du  dil  regislre  cy-dessus  i'a|)|)()r- 
tés  il  se  voit  (|u'au  uiuis  (1(!  (l(''ceiid)i-e  laOi,  le  pi-esclic  se  fai- 
soil  cliez  le  S'de  (ii-audval  el  (lu'eii  ce  lieu  là  un  avait  promis 
au  sieur  de  la  Voule,  de  l'alhM-  faii-e  dans  sa  maison  de  (Iri- 
quetot,  à  la  réserve  que  si  (|uelques  autres  le  demandoient 
chez  eux  quelques  festes  de  la  semaine,  ou  iroit  l'y  faire  si  le 
temps  le  pei-metloil  ;  qu'en  l'année  1595.  la  promesse  faite  au 
d.  sieur  de  la  Voûte  d'aller  faire  le  presche  dans  sa  maison  fut 
rétractée  el  arrêté  que  jiar  son  l'efus  on  irait  le  faire  chez 
Ahraham  Quesnel  dims  la  paroisse  de  Turretot  ;  qu'en  Tannée 
159B  le  d.  jtresche  se  faisoit  chez  le  Si'  Dalnemont  dans  la  pa- 
roisse d'Alnemonl.  el  (|u'(mi  1507  on  commença  à  le  faire  chez 
led.  sieur  de  la  Voule,  après  que  la  première  promesse  (|ui  luy 
avoil  été  faite  eut  été  coutirmée. 

Et  partant  il  est  vray  de  dire  que  cepi-étendii  exercice  par- 
ticuliei  et  déambulant  qui  se  faisoit  par  emprunt  tantost  dans 
un  village,  tantost  dans  un  auli'e  chez  b's  particuliers  qui  le 
vouloieiil  avoir  dans  leurs  maisons  sans  qu'il  y  oust  aucun  lieu 
lixé  ni  destiné  à  cet  efïel. 

El  le  factum  infère  de  cela  (|u"on  ne  peut  dir(>  que  c'était  un 
exei'cice  réel  et  public  comnu^  le  requiert  l'art.  Dde  l'édit.  lîien 
plus,  dit-il,  car  il  se  voit  dans  le  registre,  2^  arl.  du  feuillet  5, 
vei-so,  «  Que  le  23  avril  1595.  il  fut  arreslé  (|ue  l'on  présen- 
teroit  une,  riMpiéle  au  Si'  de  Tocquevillc  pour  avoir  son  lief  du 
Mesnil-Vasté  (|ui  (»sl  dans  la  paroisse  de  Gonneville  »,  et  dans 
l'ai'l.  suivant  :  «  d'autant  que  l'édit  de  1577  permet  eu  outre 
les  fiefs  (le  haubei'l,  qu'il  soit  nonmu';  par  l'exercice  de  la  reli- 
gion au  bailliage,  des  bourgs  villes  el  villages,  nous  avons  eleu 
pour  la  CDiniiiDdilé  du  peuple;  (|uati-e  bourgs,  savoir  :  Fécamp- 


Godorvillo.  lîollfboc  e(  CriijiK^ot.  «  Et  puis,  si  IVxcM'cico  pu- 
blic avait  été  établi  à  Criijueiot.  auraiciit-ils  demandé  au  Sr  do 
Tocquovilk'  son  fief  du  M('snil-\'asl(>  poiii-  y  pouvoir  faire  le 
presche  '!  »  Et  le  factum  se  poursuit  en  disant  qu'au  prétendu 
reg-istre  des  mariages,  art.  X  du  14«  feuillet,  il  se  voit  (/ne  le 
2S  (hrenihir  l.^i'Jd  il  fui  (irrcsti-  tjii'il  i/  aiiyoit  <)  l'ave}ùr  (piatre 
pers())ni('s  pour  (tvoir  la  charf/c  de  diacre  dana  cette  éf/lise  : 
deux  pour  le  (iiuntier  de  Crifjnetot  et  deux  pour  celvij  de  Bé- 
villiers  :  et  dans  Fari.  "2  du  !.")«  feuillet,  que  le  dit  jnnr  2H  dé- 
ceiiilire  l'i'.Hi  il  fui  iii-reslé  que  lex  censures  se  lieiidroient  à 
l'cnririr  (tlleruntirenicnt  à  Criquetot  et  à  Bevitlliers  ce  qui 
prouve  qu'il  n'y  avait  qu'un  seul  et  même  exerciee  déam- 
bulant ;  ((ui'  cet  exercice  n'était  point  eiicoi'c  établi  (M1  lôUG  et 
ne  pouvait  être  compris  dans  l'art.  '.)  ;  que  l'exercice  de  Hé- 
villiers  n'était  qu'ini  simple  exercice»  de  fief  qui  ne  faisait 
qu'un  avec  ("-riepietot  et  ne  peut  conipter  |)ourun  exercici;  réel 
et  public,  ce  ([ui  se  trouve  confirmé  par  l'arrêté  du  synode  de 
Caen  de  i()25  ({ui  déclare  joindre  l'exercice  de  Révilliers  avec 
celui  de  Criquetot  et  ceux  d'Houg-erville  et  de  Maupertuis  pour 
le  tout  ne  re[)résenter  qu'une  demie  portion  d'église  faible. 
Quand  nii'me  on  supposerait  que  1  exercice  qui  avait  lieu  dans 
la  maison  du  sieur  de  la  Vout(;  suivant  l'an-été  du  21  juin  I5!)7 
(u'it  été  un  exercice  public,  il  ne  s'en  suivrait  pas  que  le  temple 
bâti  en  KiOS  sur  la  portion  de  terrain  donnée  par  M.  de  la 
Voiit(»  fut  un  exercice  public  puisqu'ayant  été  construit  sans  la 
permission  du  roy,  il  constitue  une  entreprise  manifeste  contre 
les  ('(lits  et  déclarations  du  roy,  et  notamment  contre  l'art.  1er 
de  la  conférence  de  Nérac,  accordée  en  faveur  de  ceux  de  la 
li.  I'.  R.  qui  porte  en  termes  formels  que  :  Quand  ceux  de  la 
d.  religion  voxulront  transférer  le  lien  de  leur  exercice jmhlic, 
ils  présenteront  requête  au  roi/,  pour  leur  être  pourvu.  Au 
surplus,  (lit  l'auteur,  en  terminant  son  r(''([uisitoire  contre  Cri- 
quetot «■  nos  seigneurs  du  Conseil  verront  que  les  deffendeurs 
qui  sont  obligez  de  justifier  qu'il  y  avoit  un  exercice  public  de 
leur  religion  établi  au  lieu  où  ils  le  prétendent  continuer,  aux 
d,  années  1596  et  1597,  n'en  justifient  aucune  chose.  Les    piè- 


~  '7<'  - 

ces  niriiics  i)riiMi|i;il('>  (jii  ils  oui  rciiii-cs  ;'i  ccl  cllcl  soiil  iiifur- 
iiii's,  Mi)l;iiMiiH'iil  leur  |iri''lrii(lii  Iim'c  du  (Itiiisisloii-i;  i\\\\  n'est 
couvcil  (|ii('  (l'un  iiior-ccnii  ilo  |i;i|iicr.  cl  (|iii  ik;  iiortc  pour  titre 
(|U('  le  nom  (le  iiii''iii(iii'('.  s;iiis  ;iii(iiiic  iipproliiilioii  léijitime  ;  et 
l'Hiles  les  (I.  pièces  pi'iiuveiil  ;'i  (|iii  mieux  luieiix  (pi";iupar;\viuil 
l'edil  cl  loiiLileiiips  encore  ;i;!|-cs.  eeuv  de  la  II.  I'.  1!.  de  Cri- 
ipielot  cl  des  vilhii^cs  voisins  ne  liiisoient  (pie  des  exei'cices  par- 
lifuiiers  de  leur  reliiiioii,  eiicor(i  a-sez  rareuu.Mil,  lcs(|ii(;ls 
('ttiieiil  di'aiiil)ulaloir(>s,  taiilosl  dans  un  villaf;-e  tanlosl  dans  un 
aiili'c.  cliez  les  pai'liciiliers  (|ui  \ti  deiiiandoieni,  lelleniénl  (pie 
si  l'on  accordait  des  exercices  publics  de  la  d.  relii^ioii  dans 
tous  les  lieux  oi"i  h;  dil  exercic(!  se  i'aisoil.  les  deU'eiuleiirs  aii- 
roienl  di'oil  d'eu  i'i''clamei'  plusieurs  au  lieu  de  celiiy  ipii  esl 
coiilesU''.  Kl  ce  ipii  luaripu!  encore  ipie  le  d.  exercice  u'('loil 
(|iruii  exei'cice  parliculiei'  (jui  se  faisoil  UK'iiie  eu  secrel.  c'est 
(pie  dans  \t'.  U'c  arlicle  du  (if  feuillet  du  d.  livre  du  Cjiu.sisloire 
il  esl  porli''  (pie  siiiviiiil  l'iiris  ou  iiiijit)ii('i'ail  des  (ii'iiics  en  sc- 
cii'l.  Si  c'sa\(iit  ('■((''  un  exercice  piililic  on  se  sei'oil  bien  iiar(l(!', 
d'ein|ilo\('r  dans  le  dil  li\re.  (pii  ;iuroi(  (''!(''  public,  un  arr("'!(''  de 
celle  iialui-e,  (pii  I'aisoil  un  crime  de  l('ze-majeslé. 

Kniin.  il  y  a  tant  de  l'aisons  diiï(''rentes  et  couvaiucaules  conire 
le  (lit  temple  el  service  public  de  Ciriipielol,  (pie  le  demaiideur 
a[ipr(''lieiide  d'(''tre  ennuyeux  dans  le  r(''cil  d'icelles.  ('.'esl  pour- 
(pioi  il  en  laisse  encore  beaucoup  d'autres  parc(>  (pi'il  croil  (pi'il 
y  (Ui  a  cy-dessus  plus  (|ue  suOisammeut  pour  y  l'aire  Jn^ier  la 
d(;nu)lition  du  dit  temple  de  (lri(juetot,  et  interdire  l'exercice 
public  de  la  d.  l'elii^iou  au  dil  lien. 

Sénitot 

Au  regard  du  lemple  di;  Scuiilol,  on  peut  dire  (|ue  l'entreprise 
v.n  est  si  manii'este  contre  l'édil  (|um1  y  a  lieu  de  s'élonner  (jue 
le  S'  commissaire  de  la  d.  relii^ioii  ne  l'a  pas  abandoniK'',  puis- 
(jue  toutes  les  {ii(''ces  remises  par  les  delï'endeurs,  toutes  infor- 
mes qu'elles  sont,  justilienl  évidemuient  qu'auparavant  l'année 
l()oO  rpie  le  d.  temple  fut  l)àly  sur  un  Ik-rilai^e  que  leur  donna 
le  S''  de  l)(''villiers,  ce  u'étoil  qu'un   simple    exercice    personnej 


-  377  — 

de  liof  qui  st;  faisoit  de  ibis  à  nuire  dans  la  maison  du  d.  Si  de 
Hévilliers.  l'i-eniièremeiit  les  (ieflciideurs  conviennent  que  cet 
exercice,  auparavant  la  d.  année  10;!0  oii  le  temple  fui  hàly. 
n"avoit  jamais  été  appelé  que  l'exercice  de  liévillicrs  ;  toutes 
les  pièces  (|u"ils  ont  remises  ne  luy  donnent  point  d'autre  nom 
[larce  (pie  le  lief  au  droit  duquel  il  se  faisoit  porte  le  nom  de 
Bévilliers  (pii  est  situé  dans  la  paroisse  de  Sénilot  dont  il  a  pris 
le  nom  depuis  que  le  d.  temple  a  été  bâty. 

Les  deux  registres  de  baptêmes  el  de  mariages  (|u'ils  uni  re- 
mis portent  pour  titre  :  Rcuislir  des  biiplênies  et  des  nnirioges 
ftiils  en  réf/Iise  réformer  rcnieilUe  iia  lieu  de  M.  de  Bérilliers. 

\a\  conclusion  et  l'approhation  du  d.  l'egistre  des  baptêmes 
qui  est  signée  au  pied  du  d.  registre  parle  encore  bien  plus 
expr<'ssénu'nl  parce  ([u'elle  porte  en  termes  exprès  (pie  :  Tous 
les  bapl(''in('s  y  spécifiez  de|)uis  le  dernier  avril  I59G  jus(pren 
la  d.  amiée  Idoi).  avaient  ('Mé  fails  dans  la  maison  du  Si'  de  lié. 
villiiM's  (  lieuviller). 

Kl  le  faciuni  de  dire  :  l'eut-on  soutenir  (pi'un  tel  exercice 
(pii  a  porlé  jus(pi"en  KJoO  le  nom  de  bévilliers,  soit  autre  cbose 
(priai  cxiTcicc  de  lief  ".' ('.e|ienilant  les  dclléiiileurs  le  soulieii- 
iiciil  en  se  basant  sur  ce  lait  (pie  le  lief  de  M.  de  I!(''villiers 
iTélail  pas  un  fief  de  Haubert,  et  iprun  r^xercice  dans  une  mai- 
son parliculière  pouvait  et  dans  respéc(>,  était  un  exercice  pu- 
blic, mais  ils  n'établissent  point  qu'il  en  était  devenu  ainsi  de  ce- 
lui en  cause  avant  lOoO  et  encore  par  enli-eprise  conire  lesédits- 

l,es  |)iéces  jii'odiiites  en  faveur  du  dit  (emple  n'ont  pas  be- 
soin d'aiilre  contestalion  (pie  la  générale  (pii  a  été  faite  cy- 
dessus  conire  les  registres  de  baptêmes  et  de  mariages,  car 
les  extraits  de  synodes  ne  prouvent  pas  non  plus  d'exercice  pu- 
blic puis(pie  les  ministres  des  exercices  de  fief  étaient  appelés 
aux  synodes  et  colloques  comme  les  nn'nistres  des  exercices  pu- 
blics. 

Quant  aux  deux  actes  de  commissaires  de  IGOO  et  I612  qui 
ont  été  remis  par  les  deffendeurs  il  en  sera  dit  ceci  :  le  premier 
est  le  même  (|ue  celui  ipii  a  été  présenté  pour  les  autres  tem- 
ples :  le  second  ne  porte  que  pennission  de  tenir  école  dans  la 


-  57«  - 

villo  frUarflenr  ot  d'un  arcroissemont  do  cimotière  dans  la  mô- 
me ville.  —  ce  (|ui  ne  pronve  en  rien  l'exercice  réel  et  jtublic 
«  mais  seulenieiil  t\\ù'n  la  d.  année  1612  ceux  de  la  relig-ion  se 
prévaloient  si  bien  de  la  f'àclieuse  conjoncture  des  temps  et  des 
armées  qu'ils  avoient  sur  pied  qne  l'on  aimoit  mieux  leur  accor- 
der quelque  chose  contraire  aux  édilsque  de  rentrer  en  d<(  nou- 
velles guerres  avec  eux  pendant  la  minorité  du  roy  Louis  Xlll, 
comme  étoit  celle  de  leur  permettre  des  écoles  publiques  dans 
la  ville  d'IIarfleur  quoiqu'il  n'y  eut  point  d'exercice  public  de 
leur  religion.  De  dire  que  cela  ne  lut  accordé  que  parce  (pi'il 
y  avoit  un  exercice  public  à  Sénitot  ({ui  n'est  pas  éloigné  de  la 
(1.  ville  d'IIarfleur  c'est  parler  directement  contre  l'art.  3S  des 
art.  particuliers  qui  furent  accordés  à  ceux  de  la  d.  religion  en 
conséquence  de  l'Edit  de  Nantes  qui  poi-te  (/n'ils  lie  pouvrotit 
tenir  escoles  jmbliqvcs  que  dmis  les  rilles  et  lieux  oit  l'e.veyriee 
liulilic  (te  leur  religiou  sera  ('lahli/. 

Sénitot  étant  une  paroisse  sans  dépendance  de  la  ville  trilar- 
fleur  ce  serait  mal  à  propos  qu'on  prétendrait  induire  de  et; 
(pi'on  a  autorisé  des  écoles  à  Harfleur  en  16 1!?.  ipie  l'exercice 
(Hait  public  à  Sénitot,  vu  que  les  écoles  ne  sont  pei-uiises  que 
dans  les  mêmes  lieux  où  sont  permis  les  exercices  publics. 

Voici  la  conclusion  du  factum  en  ce  qui  regarde  Sénitot  :  Au 
reste,  si  l'on  fait  encore  i-éflexion  sur  ce  quy  est  remarqué  cy- 
dessus  pour  l'exercice  de  C-riqnetot,  lequel  étant  alternatif  avec 
celuy-cy  en  l'année  162r)  lut  joint  avec  ceux  d'Ilougerville,  et 
de  Maupertuis,  par  leur  synode  tenu  à  Caeu  eu  la  d.  année  et 
que  tous  les  dits  exercices  eilsend)le  furent  déclarés  ne  faire 
qu'une  demie-poi-tion  d'église  foible.  qu'elles  conséquences 
peut-on  tirer  de  ces  quatre  exei'cices  publics  qu'ils  avoient 
dans  le  même  bailliage  à  Dieppe  et  procbe  le  Havre  (Sanvic) 
et  que  quand  on  a  fait  bâtir  quatre  temples  publics  en  ces  qua- 
tre lieux,  pour  en  faire  quatre  exercices  publics  ;  c'est  une  des 
plus  effrontées  entreprises  qu'ayenl  eiu'ore  fait  ceux  de  la  d. 
religion  en  ce  regard,  contre  et  au  préjiulice  des  édits  (pi'ils 
réclament. 

Le  factum  se  poursuit  el  se  termine  pai'    des    consid(''rations 


—  379  — 

de  iiièino  nature  contre  les  temples  de  Boscroger  et  de   Quille- 
beuf  poursuivis  en  même  temps. 


PIECE  N°  6 


ARRKT  vouIk  m  inrniihe  iiistiDicc  le  II  anil  KIS.')  portant 
cuixlininiatuDi  de  ilive)scs  pe)'so)nies  et  ordomunit  lu  dé- 
molition, des prcclies  de  Sduvicet  de  Cri<juetot. 

I.a  cour  déclare  «  Marie  Moncourt  et  Marie  Pertuzon  (toutes 
«  deux  contumaces),  Jean  Lamy,  Marie  Durand,  Marie  (jOU- 
«  dard,  Abraham  Hauchecorne  et  Jean  l.elièvre.  convaincus  du 
«  crime  de  relaps  [)onr  avoir  fait  alijuration  de  la  Piéforme,  et 
«  l'avoir  ensuite  professée  publiquement. 

I  liobert  Mesanguel  et  Pierre  Uoquerel,  convaincus  d'avoir, 
«  au  mépris  des  ordres  du  roi,  souffert  queElie  etGédéon  Bouil- 
«  ling.  enfants  de  Hacbel  Mesanguel  dont  elle  élait  tutrice,  se  soient 
«  retirés  dans  la  maison  de  leurs  parents  de  la  religion  prétendue 
•  réformée  quilesontmenés  au  temple  de  Sanvic  et  de  Criquetot 
«  sans  leur  avoir  donné  ni  souffert,  qu'on  leur  eût  donné  une  ins- 
«  tructiondelareligioncatholi(fue,quoiqu"ilsfussentàgésdemoins 
«  de  14  ans  et  (jue  par  ordi-e  du  roi  ils  eussent  été  remis  à  cet 
«  effet  entre  les  mains  de  la  dite  Mesenguel  qui  s'était  çfBrn- 
((  vertie  à  la  religion  catholique. 

«  La  dame  lîréaulé,  aïeule  des  enfants  lloiiiiling.  lesnonnnés 
«  IJouilling,  Mesenguel  et  Le  fîenjuier,  aïeul  et  oncles  des  dits 
«  enfants,  anciens  des  temples  de  Criquetot  et  de  Sauvic.  d'avoir 
«  pareillement,  au  mépris  des  ordres  du  l'oi,  relire  en  leurs 
«  maisons  les  dits  enfants  pendant  le  temps  qu'ils  devaient  res- 
«  ter  avec  leur  mère,  de  s'être  opposés  à  leur  instruction  à  la 
«  religion  calholi(jue,  de  les  avoir  subornés,  et  leur  avoir,  avec 
«  précipitation  et  de  concert  fait  passer  la  déclaration  de  choix 
«  de  la  religion  réformée  à  leur  poursuite,  et  les  avoir  menés 
c  et  fait  mener  aux  prêches  de  Sanvic  et  de  Criquetot,  en  en- 


—  .;8.)  — 

«  p:a}4caiil  la  dilo  j\I(''sonj;uel  à    y    conseiilir    par   des  iiili'iV-l.s 

«  particiilici's. 

«  Les  ministres  Guérard  et  Taunay  soiil  déclarés    coupables 

«  d'avoir  souHert  aux  dits  prêches  de  Saiivic  et    Criquetot    des 

<!  relaps  et  des  enfants  au-dessous  de  14  ans  de  père    et   mère 

€  convertis  à  la  religion    catlioli(jue    et    autres    contraventions 

«  des  dits  ministres  aux  édits  et  déclarations  du  roi. 

«  En  (iOnséquence, 

«  Les  dites  Moncourt  et  l'ertuzon  sont  condamnées  (par  con- 
«  tumace)  en  cent  cinquante  livres  d'amende  et  à  faire  amende 
«  honorable,  tête  et  pieds  nus  et  en  chemise  en  la  t'oi'nie  ordi  • 
«  naire,  un  cierge  à  la  main,  un  écrileau  sur  la  poitrine  avec 
«  ces  mots  :  In'i'êtiquc  et  l'elaps  dans  les  audiences  de  la  cour 
«  et  des  jui'idictions  du  liavri'  et  de  Monlivilliers,  et  devant  les 
«  portes  de  l'église  cathédrale  de  liouen  et  de  celles  du  Havre 
«  et  de  Monlivilliers  ;  elles  sont  bannies  dn  royaume  à  per- 
ï  pétnité,  et  leurs  biens  conlisqnés. 

«  Jean  Lamy,  Marie  Godai'd,  Marie  Durand,  Abraham  Han- 
«  checonne,  Jean  Leiièvre,  vu  leui-  abjiu'atiun,  sont  renvoyés 
"  à  la  clémence  dn  roi. 

«  Les  nommés  Bouilling,  Mesengnel  et  Lel!er(piier  sont  con- 
«  damnés,  ainsi  que  Iiachel  Mésenguel,  son  mari.  Jeainie 
«   lîréanté  et  Anne  Lamy,  en  trente  livres  d'amende. 

«  Les  ministres  Guérard  et  Taunay  sont  aussi  condanniés  en 
«  centlivres  d'amende,  interdits  dans  l'exercice  de  leni' ministère, 
"  et  il  leur  <>st  enjoint  de  se  retirer  à  vingt  lieues  du  lemple. 

Et  la  sentence  se  termine  ainsi  :  «  Les  temples  de  Sanvic  et 
«t  de  Criquetot  seront  démolis  et  rasés  jusqu'aux  t'ondemenis  et 
«  sui'  leur  enq)tacement  sera  posée  une  croix  de  pieri-e  d(^ 
«  vingt  pieds  d'élévation  et  aux  armes  dn  roi  d. 

M)'a]irès  A.  ^Jartin,  Hisf.  df  Saiivi^,  p.  'ill,  i-epidilnil  pin- 
Amplioux,  Essai  ski-  l'hist.  /ht  prufcsf.  mi  J[/ir)-i'.  ]>.  1 N.")- 1 NU ) . 


—  381  — 

PIÈCE  N°  7 


AURICST  lie  lu  Cour  ilc  Purlcmenl  iln  l.iLioiil  IGSo  iiortaiit 
lu  iléiiiolitioii  du  /iifsclii'  lin  Hiini'.  /lit  Saiiric.  ri  île  relui 
lie  ('.)iijiielol . 

Vcii  |i;ir  l;i  cour  les  |ii(K'(''s  l'xiraoï'diiiaireiiiciit  coiiiiiieiicez 
liar  le  liailli  de  ('.aux  ou  sou  liculciiaul  criuiincl  au  siègo  du  Ha- 
vrti  de  Gi'àee,  et  le  lieuteiiaul  i^éiu'ial  de  .Moulivilliei's,  à  la  re- 
(juesle  et  diligence  des  subsliluls  du  lu-ocuicui'  général  du  Iloy, 
aux  dits  sièges,  en  exécution  des  arrests  de  la  ciuu-  des  dou- 
/iesnies  févi"ier  et  ciu(juièine  de  mars  dernier  contre  les  mi- 
nistres et  autres  personnes  l'aisant  protession  de  la  religion  pré- 
tendue l'éformée  dans  les  presclies  de  Sanvic  et  de  C-riquetot  : 
l.rs  dits  procès  depuis  continuez  et  inslruils  pni-  le  dit  lieute- 
nant criminel  du  Havre  en  exécution  d'autre  airest  de  la  Cour 
(lu  dixième  avril  dernier  contre  les  dits  ministres  et  autres  de 
la  il.  P.  li.  des  dits  presclies  de  Sanvic  et  de  Criquetot  pour 
contraventions  par  eux  laites  aux  ('-dils  et  déclai'ations  du  Roy. 
Le  dit  arrest  cy-dessus,  datte  du  1:2  l'évritM-  dernier  par  lequel 
entr'autres  choses  il  est  ordonn(''  qu'il  sera  informé  des  dites 
contraventions  par  le  dit  lieutenant  criminel  du  Havre.  Actes 
exercez  au  dit  siège  du  Havre  les  vingt-deuxième  may,  quin- 
zième juin,  31  décembre  1683  et  4  janvier  1684.  (lopie  d'arrês, 
lin  Conseil  du  troisième  may  1683,  qui  ordonne  qu'Elie  et  Gé- 
di'on  lUniilling.  enfants  au-dessous  de  l'âge  de  14  ans,  seront 
mis  entre  les  mains  de  liacliel  Mézenguel.  leur  mère  et  tutrice, 
s'étant  convertie  à  la  religion  catholique,  apostolique  et  ro- 
maine. Réquisitoire  dudit  substitut  au  dit  lieu  du  Havre  pour 
être  informé  du  contenu  aux  dits  arrèsts  de  la  Cour.  Exploits 
d'assignations  aux  témoins,  information  faite-  en  conséquence 
le  dix-septième  février  dernier  et  autres  jours  suivants,  tou- 
illant les  mauvais  moyens  pratiques  pour  empêcher  l'éducation 
l't  l'instruction  à  la  religion  catholique,  apostolique  et  romaine 
des  dils  Elie  et   (iédéon    Bouilluig,    et    Anne-Marie    Maucourt, 


—  3^2  "" 

prévenue  ihi  criiiic  de  rcl.ips,  et  plusioiirs  niitros  accusez,  ('.oïl- 
liiiiialiuii  (l'iiiloriiialiiiu  du  vingl-scplièinc  du  dit  mois.  Ilécla- 
ralions  de  Sa  MajcslV'  des  17  juin  IGSii.  cl  K)  l'évrici-  dcucuicnl 
cin('i;isli'(M's.  Le  dil  arrest  d(!  la  Cour  du  ciiKpjièuic  jour  de 
mais  KiS.")  par  Idjucl  il  esl  oi'douué  (pie  le  dit  presclie  de  San- 
vic  sei'a  i'ei'uié  el  si-eii(',  (|u"il  sera  coiiliuué  d'informer  par  le 
dil  lieuleuanl  ci'imiiiel  du  Havi'i!  des  diles  conlravenlioiis,  cir- 
constaïu'cs  el  dépendances,  et  (pie  maître  .Jac(|ues  Hamel,  lieu- 
tenant "('lierai  de  la  Vicomte  du  Navre,  sera  assigné  pour  (''Ire 
ouv  devant  les  conseillers-comniissaires  de  la  <  loin',  sm'  ce  (pii 
avait  été  l'ait  au  dil  procès  et  les  articles  qui  seront  donnez  pur 
le  dit  procureui'  général  du  lîoy.  Procès-verbaux  d'apposition 
de  scellez  au.v  portes  du  pr(''clie  de  Sanvic  du  10  du  dit  mois. 
Procès-verhal  de  la  i'uile  et  absence  de  la  dite  Alaucour.  (lonli- 
nualion  d'Information  du  ciiMpiiènie  dudit  mois  et  autres  joiu's 
suivants  contre  Jean  r,amy,  Louis  Benurd,  Marie  Durand,  .lean 
Le  Houx,  Alexandre  i>e  ^'allois  et  Elle  liouilllng.  (lertllicals  des 
sieurs  curés  de  I>rettevllle  el  de  Kroi)erville.  Seiilenee  du  dit 
juge  du  Havre  du  dixiènu*  du  dit  mois  ({ui  ordonne  (jue  le  dit 
précbe  de  Crlipietot  sera  fermé  et  scellé.  Procès-verbaux  d'ap- 
position de  scellez  aux  portes  dudit  presclie  de  ("ii'i([U(  lot  et  en 
présence  dudit  juge  du  onzième  du  dit  mois  et  an.  Inlerroga- 
lolre  preste  par  le  dit  Hanielpar  devant  les  conseillers-commis- 
saires les  17  et  19  mars  dernier.  Autres  inlerrogaloires  prêtez 
par  devant  le  dit  juge  du  Havre  par  maître  .lean  Taunay,  mi- 
nistre de  Criquetot,  et  liacliel  Mésenguel  du  dit  19  mars  1685 
Réquisitoires  du  dit  substitut  tant  contre  niaiire  Mcolas 
(niérard,  ministre  de  Sanvic,  pour  discours  par  kiy  prétendus 
tenus  dans  le  dit  presclie  de  Sanvic.  que  contre  Elisabelb  (lam- 
pion, veuve  de  Jean  Vincent,  pour  avoir  élevé  ses  enfants, 
n'ayant  encore  atteint  l'âge  de  14  ans,  à  la  1».  P.  P».  quoyijue 
leur  pèi-e  fût  mort  dans  la  religion  catlioli(pie,  apostolique  et 
romaine,  (lominc  aussi  contre  Marie  (ioudard  et  Marie  Perlu- 
son  prétendues  relaps,  des  (S  et  2ï  mars  et  premier  avril  au  dit 
an.  Iiifornialions  sui'  ce  laites  contre  les  dits  (luérard,  Elisa- 
betli  (iamplon,  Mario  (ioudard,  et  Marie  Pei'tuson  les  H,    oO    et 


-  3^3  - 

31  mars,  :2  el  3  avi-il.  Interrosialoires  des  dits  (iuérard  et  Elisa^ 
botli  (lampion  des  IlO  et  1^'.)  mars  et  "2  avi'il  dernier.  Kxti-ait  de 
l'abjuralion  l'aile  de  la  dilc  li.  I'.  II.  par  la  dite  l'erluson  entre 
les  mains  du  sieur  eui-r  de  .N.-l).  du  Havre  h;  '2.")  Janvier  KiTl. 
Seulence  du  i''  du  mois  d'avi'il  dernii  i',  donut'c  par  le  dit  juge 
(|;ii  déeerne  prise  ds  cor|)s  eoulre  la  dite  l'ertuson,  et  ordonne 
([u'Ester  liarbf',  dile  JAH'omte  'de  la  dile  ville  du  Havre,  sera 
assignée  pour  être  ouye  sui'  les  cliai'i^cs  du  proeès.  liéquisi- 
toire  du  dit  substitut  au  dit  sieste  de  Moiitivilliers,  des  10  et  1:2 
mai's,  pour  être  inlormé  tles  contraveiilions  laites  aux  édils  et 
déclarations  du  roy  par  les  dits  di;  la  11  I'.  II.  du  dit  |)réclie 
de  ('a'i(|uetot  et  pour  être  dressé  [)rocès-verbal  du  nondire  des 
familles  faisant  proi'ession  de  la  H.  I'.  lî.  dans  le  dit  lieu  de; 
C.riciuetot.  Information  faite  en  conséijui'nce  du  dit  jour  et 
autres  suivans  contre  les  dits  Lauiy,  liénard,  Le  lîuii.\.  Le  \al- 
lois,  la  nommée  le  Daim,  Langlois,  sa  femme  et  sa  fille  et  iMarie 
t^allard.  Comme  aussi  pour  infoi'uier  du  prétendu  consistoire 
tenu  au  dit  prèclie  de  Criquelol,  en  l'absente  du  juge  royal, 
le  tlimaiicbe  on/ième  jour  ilu  dit  mois  de  mars  dernier,  Sen- 
tence du  dit  Juge  de  M(Uilivilliers  (jui  oi'donne  (jue  le  dit  pres- 
clie  de  (Iriquetot  sera  fermé  et  scellé  du  douzième  du  dit  mois. 
Procès-verbal  du  nondjre  des  familles  des  personnes  de  la 
li.  P.  Pi.  resséanles  au  dit  lieu  de  Criquetot  du  13  du  dit  mois. 
Conclusions  du  dit  substitut  étant  à  la  lin  du  dit  procès-verbal. 
Autre  procès-verbal  du  li  du  dit  mois  faisant  mention  que  le 
dit  presche  de  Criquetot  s'est  trouvé  fermé  et  scellé  en  exécu- 
tion de  la  sentence  du  dit  Juge  du  Havre.  Interrogatoires  du 
dit  Taunay,  ministre  de  Criquetot,  et  des  dites  Marie  Le  Sau- 
vage, Anne  Lamy,  et  Jean  Lamy,  du  17  du  dit  mois.  Sentence 
donnée  le  dit  jour  sur  le  réquisitoire  du  dit  substitut  qui  déclare 
le  nombre  des  familles  des  dits  de  la  il.  P.  15.  resséants  au  lieu 
de  Cri(iuetot  moins  que  suffisant  et,  en  conséquence,  ordonne 
(|ue  le  dit  presclie  demeurera  fermé  et  l'exercice  d'iceluy  inter- 
dit [tour  toujours,  et  que  Jean  Lamy  sera,  par  provision,  élevé 
à  la  religion  cadiolicjue,  apostoliipie  et  romaine.  Interrogatoire 
des  dits  Jean  Le  lioux,  Benard,  Durand,    Callard    et    Abrabam 


-  }^4  - 

lliiiuliecornc  du  lll  du  dil  iiinis.  licfollt^iiieiit  des  IcMiKiiiis  diidil 
juin-,  ('.(iiiri'diiliilidiis  des  dils  téiiioins  ,ui\  dils  Taïuiay,  mini>lf(' 
llaiiclicciirni'  cl  Marie  Callacd  des  l'.l,  riti  cl  '^M  diniil  iimis  Af 
mars  (Ici-nici'.  An'csi  de  la  <-(iiii'  du  dix  a\ril  siiixanl  (jui  nrddiiiie 
ijuc  l'iiislnicliiiii  des  [inicès  cdiilre  les  dils  de  la  li.  I'.  1!.  des 
|iresclies  de  Saiivic  (il  iU'  ('.ri(|iicl()t  sera  roiiliiiiic  jusquà  jiiLie- 
mciil  diMiiiilil  oxcliisivomeiil  j)ar  le  dil  liciileiiaiil  criiuiiicl  du 
Havre  :  i\n''.[  cel  ellcl,  ce  (|iii  aurait  l'té  f'ail  au  dil  siècle  de 
Moiilivillicrs  serai!  iiorlT'  au  i^relle  du  dit  Havre  et  les  piùsou- 
iiici's  claiil  dans  les  |ii'is(ins  du  dil  .Mdiilivilliei's  serenl  Iraiis- 
Icrés  en  celles  du  Ilavi-e.  cl  ce]iendarit  (|U(>  les  seuleuc(>s  du 
dil  juge  de  iMonlivilliers  seraient  exéculées,  ce  faisant  ((lie  l'exer- 
ciee  daus  le  dit  jtresiîlie  de  (Iriquclot  sej'ait  iiilcrdil  |Miur 
toujours,  ny  ayant  des  familles  en  nombre  suflisani  selon  riii- 
lention  de  S.  M.  et  ordonne  pareillement  le  dil  arrest  (|ue  Jean 
Lamy  et  les  eiilanls  de  l'en  Jean  Vincent  seraient  élevés  à  la 
religion  cnllioliqne,  apostolique  et  romaine  avec  (leHens(^  à  la 
dite  Klisaljclli  C.ampion,  mère  des  dits  Vineent,  et  à  tous  autres 
de  la  dite  !>.  I*.  1!.  d'y  appoi'ter  aucun  empèclieinent.  cl  ipTil 
sei-a  pourveu  pai- le  dit  juge  du  Havre  à  la  lihei'lé  des  dils 
accusez,  ayant  déclaré  vouloir  se  convertir  à  la  religion  c;illio- 
lique,  apostolique  et  romaine,  et  de  les  renvoyei-  devant  tel 
preslre  qu'il  jugera  plus  propre  pour  recevoir  leur  abjuralion  sans 
préjudice  né'anmoinsdes  peines ordonn(''esi)ar  les  édils  el  declara- 
lionsdeSa  Majesté  pour  la  punition  des  crimes  de  relaps  et  de  per- 
version s'il  y  écliet.  (lontiiiuation  d'information  faites  par  le  dil 
juge  du  Havre  contre  les  dites  Goudard  et  Pertusoii  des  ',)  et 
1 1  avril,  23  et  2!)  may  dei'iiier.  Sentence  du  dit  juge  du  Havre 
du  U  avril  qui  ordonne  ([ue  les  dits  enfants  du  dit  delléiil  \  in- 
cent  seront  élev(''s  à  la  l'elig.  catli.  apost.  et  rom.  ll('Mrel  de 
]>i"is(>  de  corps  d(''ceiiié  jiar  le  dit  juge  du  12  du  dit  mois  contre 
l(^  dit  (luérard.  miiiisli'c.  l'rocès-v  ei'hal  d'empi'isonneiiicnl  de  sa 
persomie  du  j  'i  du  dil  mois.  Déclaration  du  dit  sieur  curé  du 
Havre,  toiiclianl  la  dite  l'ertuson  du  11  may.  Interrogatoires 
prêtez  par  les  dils  Klie  et  (iédéon  liouilling,  Jacob  Le  lierquier, 
et  Judith  .Mésengucl,  .leanne  Hréaiité,  Judilli  Le  J\Ior,    Jean    Le 


-  3^^  - 

lîonx.  f.oiiis  Henarfl,  Alexainln'  I.o  Vallois,  Suzanne  Varin,  le 
dit  Guérard,  niinistrr,  Mario  (iondai'd,  Ksllicr  liai'ljH  dite  Le 
(iOnito,  Abraliani  Haucliecdriic,  .Maiic  lluiaiid  cl  .Icnii  Kainy, 
des  17,  -21  et  23  mars,  i),  10,  1  i,  1(3.  17  et  18  avril  et  "il  iiiay 
au  dit  au.  Procès-verbal  de  la  conduite  faite  vrAbraliam  Hau- 
cbecorue,  Marie  Durand  et  Marie  f.allard  des  pi"isoiis  du  dit 
Montivilliers  en  celle  du  dit  Havre  du  10  avril.  Répétitions  des 
dits  Marie  Goudard  et  Jean  Laniy,  Abrabam  Hauclieconie  et 
Marie  Durand  sur  leurs  interrogatoii'es  des  11  et  !25  niay  et  8 
juin.  Cahiers  de  recollement  des  témoins  des  30  avi-il,  2,  4,  l'i, 
21,  22,  24,  29  et  30  may  et  8  juin.  Diligences  à  baon  et  défauts 
obtenus  contre  les  dits  Maucoin-t  et  l'ertuson  des  14  et  31 
mars,  3,  10,  13  et  21  aviil,  8,  17  et  28  may.  Autres  cahiers  de 
recollement  pour  valoir  confi'ontalion  aux  dits  Maucourt  et 
Pertuson  des  3.  5,  7.  8,  10,  29  et  30  may  el  8  juin,  «laliirrs  de 
confrontation  des  témoins  aux  dits  Elie  et  (jéiiéon  liouilliuf;', 
Guérard,  ministre,  Elisabeth  G;mipion,  .ludilli  l.euu'i-,  Marie 
Goudard  et  .Jean  l.amy  des  30  avril,  I,  3,  4.  .">.  7,  8,  !),  10.  11, 
12,  14,  17,  21,  22,  24,  29  et  .30  may.  4  et  8  juin  d  des  dits 
Jean  Lamy  et  Marie  Goudard  au  dit  Gu(''rard,  ministre  des  16  et 
25  may.  Copies  des  actes  d'abjurations  faites  de  la  dite  li.  P.  H. 
par  les  dits  Elie  et  (îédéon  Houilino-,  Jean  l-amy,  Isaac  et  Ju- 
dith Vincent,  Abraham  llauchecorne,  Marier  Caliard  et  Marie 
Durand  les  19  et  21  avril  dernier.  Autre  information  faite  contre 
Jean  Le  Lièvre  et  Bourel,  prétendus  relaps  les  l<'i",  ."),  13,  et  14 
juin.  Sentence  qui  décerne  prise  de  corps  sur  les  dits  (jelièvre 
et  Bourel  du  dit  jour  14  juin.  Procès-verbal  de  l'emprisonne- 
ment du  dit  Le  Lièvre,  du  10  du  dit  mois.  Autre  procès-verbal 
de  perquisition  faite  de  la  dite  Dourel  et  de  son  absence  du  dit 
jour.  Extrait  de  l'abjuration  faite  de  la  11.  P.  IS.  pai-  la  dite 
Bourel  entre  les  mains  du  sieur  curé  de  Saint-Sauveur  de 
Rouen,  du  10  juin  1674.  Interrogatoire  du  dit  Lelièvre  du  17 
juin  dernier.  Interrogatoire  dudit  Taunay,  ministre,  des  8  et  20 
du  dit  mois.  Recollement  des  témoins  des  22  et  23  du  dit  mois. 
Gabiers  de  confrontation  faites  aux  dits  Le  Lièvi'e  et  Taunay, 
ministre,  des  8,  22,  et  23  du  dit  mois.  Autre  cahier  de  confron- 


—  )iib  — 

(;ilions  faites  des  dits  Aliraliam  Ilaucheconie.  Marie  Durand  cl 
Jean  Lamy  au  dit  Taiinay,  niiiiislre,  des  H  et  19  juin.  Acte  de 
la  déclaration  passée  par  le  dit  Jean  Le  Lièvre  de  se  vouloir 
convertir  à  la  relij^ion  catliolirpie,  apostolique  et  romaine  du  2H 
du  dit  mois.  Sentence  du  dit  juge  du  Havre,  du  L)  mais  der- 
nier, (jui  condamne  les  anciens  du  prêche  de  Sanvic  de  repré- 
senter les  registres  mentionnés  aux  arrests  de  la  Cour  des  L2 
février  et  5  mars  dernier  dans  le  mardy  suivant,  à  ])eine  de 
500  L  d'amenae.  lUMjueste  des  dits  anciens  du  17  du  dit  mois. 
Autre  sentence  du  l"!  avi'il  (|ui  les  coiulamne  de  salisCaiie  à  la 
susdite  sentence  dans  le  samedy  suivant,  anlrenicnl  (juc  la  dilc 
amende  de  500  I.  sera  exécutée.  Autres  sentences  des  Ki  i-l  li 
avi'il  qui  ordonnent  l'exécution  des  précédentes.  Ordonnances 
nonobstant  Tapiicl  des  dits  anciens  et  leui'  prise  à  pai'tie  et 
qu'ils  demeureront  arrestez  jusqu'à  ce  (|u"ils  aient  satisfait. 
Procès-verbal  d'emprisonnement  de  Pierre  (lodin  et  Piei're  .Mé- 
zenguel,  anciens  de  la  li.  P.  li.  du  prêche  de  Sanvic  du  dit 
jour  li.  avril.  Actes  des  18  et  19  may  par  lesquels  les  dits  an- 
ciens ayant  déclaré  persister  à  leur  appel  et  se  désister  de  la 
|»rise  à  partie,  provision  leur  est  accordée  de  leurs  personnes 
aux  cautions  de  David  Godin  et  Pierre  Beaulils.  Sentence  du  27 
du  dit  mois  qui  enjoint  aux  dits  ministres  et  autres  cy-dessus  de 
se  rendre  incessamment  à  la  suite  de  la  Cour.  Plusieurs  autres 
actes,  exploits  d'assignations,  procédures  et  pièces  jointes  au 
dit  procès.  Les  inventaires  d'icelles.  liequête  pi'ésentée  à  la 
cour  par  les  dits  Taunay  et  (juérard,  ministres,  du  'i  juillet  der- 
nier, pour  avoir  acte  de  leur  présence.  Autre  requeste  du  6 
juin  dernier,  des  dits  Godin  et  Mesenguel  pour  être  receus  appe- 
lans  de  la  dite  sentence  du  14  avril  dernier.  Conclusions  du 
procureur  général  du  roy  et  tout  ce  (jui  a  été  fait  et  produit  au 
dit  procès  et  ouy  le  rappoi't  du  sieur  Fauvel  de  Touvens,  con- 
seiller-commissaire. Tout  considéré  : 

La  Cour  a  déclaré  les  défauts  bien  pris  et  obtenus  contre  les 
dit<'s  Marie  Maucourt  et  Marie  Pertuson,  et  pour  le  })r()lit  de  la 
contumace,  les  a  déclan'-es  ainsi  que  Marie  (loudard,  Jean  La- 
niv,  .Marie  Durand,  Abraham  llauchecorne  et  Jean   Le   Lièvre 


-  ^.S7  - 

ileiipment  attoints  et  convaincus  iravoir  professé  la  R.  P.  II. 
après  en  avoir  fait  al)jiirali()M,  ce  faisant  !ts  (iits  accuses  avoir 
encouru  la  |icinc  (ll'^  rclajjs  |Mii-|ce  par  les  éiliis  et  (IT^clarations 
du  lîoy.  La  dite  Itacliel  .MeseiiL;uel  el  ,lac(pies  KoL;erel,  son  nia- 
ry,  d'avoir,  au  niépi'is  ties  ordres  du  roy  soulferl  (|ue  les  dits 
Elie  et  Gédéon  lîouilling-  ses  enfants,  dont  elle  était  tutrice,  se 
soient  retirez  dans  les  maisons  de  leurs  parents,  de  la  15.  I'.  R., 
«jui  les  ont  menez  an  temple  de  Sauvic  si  Je  ('.ri(pietot  sans  leur 
avoir  donné  ny  soulfert  cju'on  h'iu'  enl  donné  aucune  insiruction 
de  la  Religion  catholique,  aixislolique  et  romaine,  (|uoi(|u"ils 
fussent  au-dessous  de  1  âge  de  1  1  ans,  et  <|ne  pai- ordre  du  lîov, 
ils  eussent  été  laissez  à  cet  eifet  enire  les  mains  de  la  dame 
iMesenguel  (|ni  s'était  converlie  à  la  dile  i-cliLiiou  calhoii(pie, 
apostolique  et  romaine,  l.a  dame  l'reauté,  ayeule  des  dils  Klie 
et  (jédéon  liouiliing,  les  nonnnés  l!(uiiiling,  ^lesenguel  et  Le 
Ben|uier,  ayeul  el  oncles  des  liils  enfants,  anci(  ns  ausdits  tem- 
ples de  Cri(|uetot  et  Sanvic  d'avoir  [)areillemeut  an  mé[)ris  des 
ordres  du  roi  retiré  en  leurs  maisons  les  dits  eid'ants  dans  le 
temps  cpi'ils  devaient  demeurer  avec  leur  mère,  de  s'èlre  oppo- 
sez à  leur  insiruction  à  la  religion  callioli(|ue,  apostolicjue  et 
romaine,  de  les  avoir  subornés  cl  leur  avoii-  avec  i)recii)ilation 
et  de  concert  fait  passer  lenr  déclaration  de  choix  de  la  l\.  \\  R. 
à  leur  poursuite,  et  les  avoir  menez  et  fait  mener  ausdits  prê- 
ches de  Sanvic  et  Criquetot  et  engagé  la  dile  Mesenguel  leur 
mère  à  y  consentir  par  des  intérêts  particuliers.  La  dite  Anne 
Laniy  d'avoir  depuis  la  déclaration  du  Roy  de  1G79  séduit  l'es- 
prit de  Jean  Lamy  son  neveu  n'ayant  pour  lors  que  douze  ans, 
et  l'avoir  conduit  et  fait  retourner  aux  dils  prêches,  élevé  et 
instruit  en  la  R.  P.  IL  ([u'il  avait  ahjurée  avec  son  père  quatre 
années  auparavant. 

Les  dits  Guérard  et  Taunay,  ministres,  d'avoir  soulfert  dans 
les  dils  prêches  de  Sanvic  et  de  Criquetot  des  l'elaps  et  des 
enfants  au-dessous  de  1  i-  ans,  des  pères  el  mères  convertis  à  la 
religion  catholique,  apostolique  et  romaine  et  autres  contraven- 
tions des  dits  ministres  aux  Edits  et  déclarations  de  Sa  Majesté. 
Pour  punition  et  réparation  desquels  crimes  et  autres    charges 


rapportées  aux  dits  procès,  la  dite  Cour  a  condamné  les  dites 
Maucourt  et  Pcrtuson  rliacnne  en  cent  cin(|uante  livres 
d'amende  envers  le  roy  et  ;'i  l'aii'e  amende  honorable,  teste  et 
pieds  nuds  et  en  dicmise  en  la  Ibi'iiie  ordinaire  les  audiences  de 
la  cour  et  des  dites  juridictions  de  Montivilliers  et  du  Havre 
séantes  el  devant  les  portes  di'  l'église  cathédrale  de  cette 
ville  et  des  principales  églises  des  dites  villes  du  Havre  et  de 
.Monlivilihirs.  Les  dites  iMancourt  el  Pertuson  bannies  à  perpé- 
tuité du  royaume,  leurs  biens  acquis  confisqués  au  rov,  ou  à  qui 
il  appartiendra,  à  elles  enjoint  de  garder  leur  baon  à  peine  delà 
vie. 

Les  dits  Jean  Lamy,  Marie  Goudard,  ALarie  Durand,  Abraham 
Haucbecorne  el  Jean  Lelièvre,  veu  leurs  abjurations  renvoyées 
au  Roy  pour  obtenir  leurs  grâces  de  la  bonté  de  Sa  i\Iajeslé  et 
cependant  leur  accorde  la  liberté  et  provision  de  leurs  per- 
sonnes. A  condamné  et  condamne  les  dits  Uouilling,  Rachel 
Mezenguel  et  Le  Berquier,  ayeul  et  oncles  desdils  Elle  el  Gédéon 
Bouilling,  Hachel  Mezenguel  et  Jac({nes  Hogerel  son  mary,  Jeanne 
Bréauté  elAnne  Lamy,  chacun  en  trente  livres  d'amende  envers 
le  roy.  Deffenses  à  eux  faites  de  tomber  en  pareilles  fautes  sur 
plus  grandes  peines.  I^es  dits  Guérard  et  Taunay,  ministres, 
condamnez  chacun  en  cent  livres  d'amende  envers  le  roy  et 
iceux  interdits  pour  toujours  de  faire  ny  exercer  aucunes 
fonctions  de  minisire  directement  ou  indirectement,  a  eux  en- 
joint de  se  retirer  à  vingt  lieues  des  dits  temples  ;  leur  fait 
inhibitions  el  deffenses  d'y  rentrer  ny  de  demeurer  dans  l'éten- 
due des  dites  vingt  lieues,  en  aucune  ville  de  cette  province  où 
l'on  ail  fait  el  où  l'on  fasse  encore  exei'cice  de  la  B.  V.  B.  ny 
à  trois  lieues  de  distance  des  dits  lieux  sur  plus  grandes  peines. 
A  ordonné  que  suivant  le  dit  arrêt  du  conseil  d'estat  au  troi- 
sième avril  dernier,  les  autres  ministres  et  proposans  qui  se 
trouveront  près  des  dits  temples  de  Sanvic  el  Griquelot  seront 
tenus  de  s'en  éloigner  au  moins  de  Irois  lieues,  quinzaine  a|)rés 
la  publication  du  présent  arrest.  Fait  li-ès  expresses  inhibitions 
et  deffenses  à  tous  ministres  et  proposans  de  quehpie  pro- 
vince qu'ils  soient  de  demeurer    plus    près    des    dits  lieux  (pie 


-   ;8q   - 

de  cette  dislance,  jusqiies  ;'i  ce  que  sur  les  conlraventions  faites 
aux  édits  et  di'-clarations  de  S.  .M.  il  en  ait  éd'  autrement 
ordoiHii'',  à  peine  de  désobéissnncr  irciis  mille  livres  d'amende, 
privez  |Miur  toujours  de  la  fonction  de  leur  ministère  dans  tout 
le  royaume  et  d'être  procédé  contre  eux  extraordinairenient. 
Ordonne  pareillement  la  dite  t^-our  que  les  dits  prèclies  de  San- 
vic  et  ('iCiquetot  seront  démolis  et  rasez  jusques  aux  fondements. 
Fait  deflenses  à  toutes  personnes  de  la  dite  R.P.  R.  de  quelque 
qualité  et  condition  ((u'ils  soient  de  faire  à  l'avenir  aucun  exer- 
cice de  la  dite  religion  aux  dits  lieux  de  Sanvic  et  de  Criquetot, 
ny  de  s'attrouper  ou  faire  aucunes  assemblées  publiques  ny  parti- 
culières dans  le  district  des  dits  prêches.  Adjuge  aux  hôpitaux 
du  Havre  et  de  Montivilliers,  sçavoir  celuy  de  Sanvic  à  l'hôpital  ou 
Hôtel-Dieu  du  Havre,  et  celuy  de  Criquetot  <à  l'hôpital  ou  Hôtel- 
Dieu  de  ^Montivilliers  sur  lesquels  matéreaux  et  démolitions 
sera  pris  ce  (|ui  sera  nécessaire  pour  planter  au  milieu  de 
chacun  des  dits  prèclies  une  croix  de  pierre  de  vingt  pieds  de 
hauteur  aux  armes  du  roy.  Fait  detfenses  à  toutes  personnes 
de  qnehpie  qualité,  condition  et  religion  qu'elles  soient  de  trou- 
bler la  dite  démolition  à  peine  de  punition  corporelle.  A  aussi 
adjugé  ans  dits  hôpitaux  tous  les  autres  biens  et  revenus  géné- 
ralement qnelconques  et  de  quelque  nature  (ju'ils  soient  appar- 
tenans  aux  dits  prêches  et  consistoires  de  Sanvic  et  Criquetot. 
El  sur  l'appel  des  dits  anciens  de  Sanvic,  des  dites  sentences 
des  13  mars,  12,  13  et  14  avril  dernier,  a  difléré  à  y  faire 
droit  jusques  à  ce  que  tout  ce  qui  a  été  fait  par  devant  le  dit 
juge,  soit  apporté  en  la  cour  ;  à  cet  effet,  a  accordé  comi)ul- 
soire  au  dit  procureur  général,  et  ordonné  qu'il  sera  plus  am- 
jtlement  informé  du  nombre,  (pialité  et  quantité  de  leurs  re- 
gistres et  livres  et  du  recèlement  d'iceux  ;  et  cependant  a  con- 
danuié  les  dits  ministres  et  anciens  et  tous  autres  de  la  dite 
It.  P.  li.  étant  saisis  de  titres  et  contrats  concernans  tous  les 
dits  biens  et  revenus  de  les  mettre  incessanuuent  entre  les 
mains  des  directeurs  et  administrateurs  des  dits  hôpitaux,  et  de 
leur  rendre  compte  de  l'administration  qu'ils  en  ont  eue  jus- 
ques à  présent,  lequid    compte    ils    conuuuniqueront    aux    dits 


—   3Q<>   — 

siibsliluls  sur  les  lioiix  avec  les  liti'cs  cl  coiUi-als  pour  en  l(Mir 
jtiV'scnco  t*[i-('  prociMlc  à  l'cxaiiicn  (iicciix  pai-  les  jn;;es  des 
licuN,  pai-  (Icvaiil  li-sinicls  les  dils  de  la  11.  I'.  li.  se  piirj]^('ronl 
par  sci-miMit  sur  la  (piali'h'-  et  quaiililé  des  dils  biens,  à  i)(Mne 
de  restilutiou  du  quadruple  de  e(Mix  qui  se  trouveront  ry  après 
avoir  été  par  eux  recelez.  Kl  m  ce  (|ui  touche  les  baptêmes, 
la  Cour  a  ordoinié  (pie  i)ai'  les  ministres  qui  seront  à  cet  effet 
préposez,  par  ordre  du  lloy  dans  les  dits  lieux,  les  enfants  des 
dits  de  la  1!.  I'.  li.  seront  par  eux  ba|)tise/,  dans  les  24  li.  de 
leur  naissance  dans  les  bôtels  des  dites  villes  ou  autre  lieu  pu- 
blic qui  sera  désigné  j)ar  les  dils  juges,  sans  y  apporter  aucun 
délai  pour  quelque  cause  et  |)rélexte  que  ce  soit  ;  et  en  cas  de 
nécessité  pressante,  enjoint  aux  maîtresses  sages-fenniies  d'en- 
voyer les  dits  enlanls,  suivant  le  règlement  de  la  cour  du  :22 
avril  1681,  et  à  l'égard  des  enfants  de  la  dite  li.  1'.  li.  (jui  naî- 
tront dans  les  paroisses  et  villag(>s  de  la  campagne,  ils  y  seront 
pareillement  baptisez  par  le  minisire  commis  en  la  forme  cy- 
dessus  ordonnée,  en  ]>ri''sence  de  l'un  des  mai'gnillers  de  clia- 
cune  jiaroisse.  .\  aussi  autorisé  les  dites  maid'esses  sages-fem- 
mes d'ondoyer  en  cas  de  nécessité  les  enfants  dans  les  dils 
lieux  de  la  campagne.  Enjoint  aussi  aux  dits  ministres  de  faire 
bons  el  tidelles  registres  des  dils  baptesmes  lesquels  sei'out  si- 
gnez par  les  juges,  marguilliers,  parrains  et  mai'raines  suivant 
et  conforinèmenl  aux:  ordonnances  et  déclaralinns  de  Sa  .Ma- 
jesl('.  .\  fait  inhibitions  el  dellénses  an  (ht  minislr(^  ipii  sera 
commis  de  faire  aucune  autre  fonction  ipie  celle  de  baptiser  les 
dits  enfants  à  peine  d'èlre  procéd('  conire  luy  extraordinaire- 
ment.  VA  à  l'i'-gard  de  !\Iai'guerile  lîourel  et  de  .lean  l,e  Itoux 
prétendus  i-elaps.  il  sera  incessamment  conlinni''  aux  diligences 
de  la  contumace  contre  les  dits  défaillans.  el  le  dit  Le  lioux 
condamné  de  l'apporter  an  greffe  d('  la  Cour  Texlrait  de  son 
baptême,  celuy  de  l'inhumalion  de  sa  mère,  avec  l'extrait  de  la 
célébration  <lu  second  mariage  de  son  pèi-e  avec  la  nommé'e 
l'iot,  dans  ipiinzaine  dn  joui'  de  la  signilicalion  du  présent  arri^st 
à  peine  d"y  être  conliainl  même  pai'  coi'ps,  et  d'élre  ])rocédé 
lontre  lui  exlraordinairemenl  et  cependant  il  sera  plus    anqile- 


—  391  — 

mont  informé  (in  lemps  de  sa  jiervorsion,  pour  le  tout  rapporté 
.'i  l;i  coui-,  et  comnuiniijm'  ;iu  procunnii"  général  liu  roy  être 
ordonné  ce  que  de  laison.  Au  surplus  a  quand  à  présent  en- 
voyé liors  de  cours  et  de  procès  les  dites  Elisabeth  Campion, 
.Inditli  !.(■  .Mor,  et  Ester  Barhé  dite  Le  Comte  et  a  définitivement 
déchargé  les  dites  Marie  Callard  et  Suzanne  Varin  et  les  dits 
Louis  Benard  cl  Alexandre  Le  Valois.  Et  veu  que  l'arrest  qni 
interviendra  ne  peut  être  exécuté  en  la  personne  des  dites 
Maucourt  et  Perluson  à  cause  de  leur  fuite  ordonné  qu'il  le 
sera  en  efligie  avec  un  tableau  suivant  Fordonnance.  Et  après 
la  remontrance  faite  au  dit  Hamel  en  la  chambre  du  Conseil 
insérée  au  registre  de  la  Cour,  la  renvoyé  aux  fonctions  de  la 
cliarge.  A  luy  enjoint  d'observer  exactement  les  Edits,  décla- 
raliuns  du  lioy.  ari-esls  et  règlement  de  la  Cour,  et  de  tenir  la 
main  à  l'exécution  diceux  à  [)eine  d'interdiction.  Et  sera  le 
|M-éseut  arresl  len,  publié  et  afiiclié  aux  lieux  ordinaires. 

Lait  à  lîouen,  en  l'arlemeut.  le  treizième  aoust  mil    six   cent 
i(Matre-vingl-cinq. 

Signé  :  Di;  BouiiiiEV 

A  lîouen,  i)ai-  Euslacbe  \  irct.  imprimeur  ordinaire    du    lioy, 
dans  la  cour  du  Lalais. 


PIECE  N"  8 


PniiVKS-XKIinWj  t!cla  risile  faite  le  3  septembre 
lliHo.  pitr  le  UetiteiKiiii  (lénéval  civil  el  criminel  nu  bail- 
liage de  Caiix,  au  pn'clie  de  Criquefnf  fermé  depuis  le 
^2  avril  précédent. 

«  Du  Inndy  3''  jour  de  septembre  1085,  sur  les  8  à  U  heures 
«  du  malin,  nous  Guillaume  Guerout  escuyer,  sieur  du  Verdre, 
«  conseillerdu  roy,  lieutenant  général  civilet  criminel  au  bailliage 
«  de  Caux  et  siège  présidéal  de  Caudehec,  en  la  présence  de  Mais- 
«  tre  Anthoine  Deschamps  escuyer  sieur  de  lîuterval,  conseiller 
K  et  procureur  du  roy  au  siège  de  bailliage  et  vicomte  de  Mon- 


«  tivillicr,  assisté  de  Jac(jue  I.iiiiolle  nostre  greffier  ordinaire 
€  au  dil  si(''|j:e  do  l)ailliaL;e  du  dit  .Moiitiviliier.  En  exécution  de 
«  l'arrêt  de,  la  ((inr  de  lioucn  du  I3i^^  aoust  dernier  portani  entre 
«  autres  ciioses  ([ue  le  j)resche  de  (Irifjuelot  sera  deniolly  et 
«  razé  jusques  aux  (ondenienls,  nous  sommes  transportez  en  la 
«  paroisse  de  (lri(pietol  el  la  masure  appartenant  au  sieur  de  la 
(<  \'ousteoù  le  dit  presclie  est  situé  pour  dresser  procès-verbal 
«  des  scellez  ajtposez  tant  sur  les  portes  du  dit  presclie  (jue  sur 
«  une  des  portes  du  consistoire  du  dil  lieu  où  nous  avons  rc- 
«  marqué,  à  l'esgai'd  du  dit  presclie.  qu'il  y  avait  un  des  scel- 
«  lez  aposé  sur  la  porte  de  devant  qui  estait  détaché  d'un  côté 
«  les  autres  scellez  de  la  mesme  porte  estant  entiers  ainsy  que 
«  ceux  aposez  sur  les  autres  portes  ;  el  à  l'esgard  des  scellez 
"  aposez  sur  la  porte  du  Consistoire,  nous  les  avons  trouvez 
'<  entiers  et  ladite  porte  fermée  sous  le  scellé  d'un  crampon 
«  de  fer  attaché  et  tenant  la  poignée  de  la  clanche  de  la  porte, 
<t  et  mesure  trouvé  la  dite  porte  fermée  à  la  clef  ;  et  comme 
«  nous  n'étions  pas  saisie  d'icelle,  nous  en  avons  fait  faire 
«  ouverture  par  Jean  Le  Maistre,  serrurier  au  dit  lieu  de  Cri- 
0  (juelot  ;  nous  avons  anssy  visité  les  scellez  apposez  aux  fe- 
»  nestres  d'une  des  chambres  du  dit  consistoire  et  y  ceux 
n  trouvez  entiers,  et  reconnu  que  la  feneslre  et  porte  de 
I'  la  chambre  du  dit  consistoire  sur  les(pielles  il  n'y  avait 
t  aucuns  scellez  sont  fermez  seulement  scavoir  la  fenes- 
«  tre  d'un  ci'ocliel  aii'eslt'  par  un  cluu.  el  la  porte  d'un 
«  crampon  (}ui  aireste  le  verrouil.  Tous  lesquels  scellez  en- 
«  tant  qu'il  y  en  a  eus  d'apposez  instance  du  dit  procureur  du 
«  lloy  par  Galliot  sergeant  ont  esté  reconnus  par  iceluy  mandé 
«  à  cet  effect  en  nostre  présence  sains  et  entiers,  les  autres 
«  ayant  esté  apposez  instance  du  procui^nu"  du  lîoy  du  siège  du 
«  Havre. 

«  Ce  fait,  dressant  procès-verbal  de  Testât  de  la  chambre  du 
«  dit  consistoire  en  la  j)ièce  de  discretle  personne  IMessire 
«  JM-ançois  Hnfresne,  prèti-e-curé  du  dit  Criquetol,  Messire 
«  Claude  llautot  présure  vicaire  de  la  dite  paroisse,  maître 
«  Jacques  Hcmong,  administrateur  de  l'hôpital  de  l\!ontivilliers 


—  .^T-   — 

<  avons  remarqué  qu'au  milieu  de  la  ditte  chambre  il  y  a  une 
«  forme  de  comtoir  avec  deux  armoires  dessous  et  une  layette 
«  le  tout  fermant  à  clef  sur  les  serrures  desquelles  il  ne  s'est 
«  trouvé  aucuns  scellez  apposez  ny  apparence  qu'il  y  en  ait  eu, 
«  pour  l'ouverture  de  laquelle  lavette  nous  a  esté  fait  repré- 
«  sentation  par  Jacques  Fontaine,  antien,  d'une  clef  qu'il  nous 
ï  a  dit  ouvrir  la  ditte  layette  et  (jue  dans  icelle  on  y  pourra 
a  trouver  celles  qui  ouvrent  les  dites  armoires  de  laquelle 
((  layette  ayant  fait  faire  ouverlure,  avons  trouvé  dans  icelle 
«  deux  petites  clefs  attachez  ensemble  que  le  dit;  Fontaine  nous 
«  a  aussy  dit  estre  celles  des  dites  armoires.  F*lus  s'est  trouvé 
«  uu  registre,  intitulé  iMalades,  et  en  marge  le  28^  jour  de  no- 
«  vembre  1682,  un  autre  intitulé  Cathecumenes  reçeues  à  la 
«  Sainte  Saine,  le  quartier  de  Noël  1681,  un  autre  registre, 
«  timbre  du  formulle  intitullé  :  Ce  présent  lleg'e  paraphé  de 
«  nostre  main  est  pour  servir  au  lieu  d'assemblée  de  ceux  de  la 
«  religion  prétendue  réformée  à  (Iriquelot  à  l'enregistrement 
«  des  mariages,  baptêmes  et  mortuaires  pour  l'année  1685 
'(  portant  escriture  jiisques  et  y  compris  le  13e  feuillet  verso^ 
«  le  dit  registre  non  paraphé  ni  signé  du  juge,  une  serviette 
«  de  toille  de  doubleuse  et  douzes  feuilles  de  grand  papier 
«  blanc,  et  ensuilte  ayant  fait  faire  ouverture  des  dites  deux 
n  armoires,  avons  trouvé  dans  une  d'icelle  une  escritoire  de 
«  bois  dans  le  tiroir  de  laquelle  sont  plusieurs  billets  que  nous 
«  avons  remis  dans  le  dit  tiroir  que  nous  avons  l'ail  cacheter  par  le 
c(  dittialliot  sergent  et  icelle  escritoire  mise  es  mains  de  nostre 
«  greffier  avec  les  regrus  et  papiers  cy-dessus,  ne  s'estanl  rien 
«  trouvé  dans  l'autre  armoire  du  dit  comtoir. 

«  Gomme  aussy  avons  fait  faire  ouverture  par  le  dit  Le  Mais- 
«  tre  serrurier  d'une  armoire  estant  au  coing  de  la  cheminée 
«  sur  la({uelle  il  n'y  a  aucuns  scellez,  de  laquelle  nous  avons 
<(  tiré  un  bassin  d'hérain  fermé  à  clef  ayant  une  ouverture  faite 
«  en  forme  de  tronc  dessus,  et  après  avoii-  fait  faire  ouverture 
«  du  dit  bassin  avec  des  clefs  trouvés  dans  les  dits  armoires, 
t  le  dit  bassin  s"e>t  trouvé  plein  de  doubles  solz  marquez, 
«  pièces  de  trois  sols    six    deniers,   ainsi   que   dans   plusieurs 


—  394  — 

«  aiilres  biissiiis  honvc/  dans  la    dilc     aniinirc,    dans    laquelle. 

«  s'est  aussi  ti'diivi''  |iliisi('ni>  doidiics  .vols  de  trois  sols  six    de- 

«  uiei's  de  cimi,  (|iiiii/('  cl  soixaiilc  sols  loul  l('i|uel  ar^ieiit  ayaul 

«  esté  coiiiiili'  ses!  Ii'oum'  inoiili'i'    scaxdir    en    douilles    ti'enle 

«  sept  livi'cs,  sols   niar(|iicz    viiii;!    deux    livres    ui'ul    sols,    en 

M  pièces  de  li'ois  sols  six  deniei's  viM|Jl  lixics,  six  sols  eu    louis 

«  blauc  et  pièces  d(*  quinze  et  ciu(]   sols    li'cize    livres,    (juiiize 

«  sols,  uioiilaul  eiiseinhleiueiil  à  (juatre  viui^l  Iraize    livres    dix 

.(  sols  (|ue  nous  avons  présentement  mis  es  uiaius    du    dit    lie- 

«  uiond  administrateur  en  désir  du  dit  arrest  de    la    (^our  avec 

«  les  ditz  bassins  consistant  en  cintj  or;inds    bassins    couverts, 

<(  ([uatre  quarrez.  trois  (|uillières  à  queue  de  bois  et  une    petite 

«  escuelle.  le  tout  d"hérain  ce  qu'il  a  siirné.  Luy  ayant  en  outre 

«  mis  es  mains  dix  verges  de  i'er  à   vitres    et    ijualre    ou   cinq 

«  vieilles  ferrailles  et  un  petit  baril  dans  lequel  il  y  a  du  vinaigre 

«  que  nous  avons  trouvé  dans  la  dite    ai'uioire.    Connue    aussy 

«  lui  avons  laissé  à  sa  garde  le  dit  conitoir  une  banselle.   deux 

«  clienels,  une  piucetle  di^    fei\    un    soulïel    (|ue    nous    avons 

K  trouvez  dans  la  dite  chainhre   du    C.ousisloire.    Ue    plus    luy 

«  avons  mis  en  sa  garde  uni;  petili>  table    de    bois,    un    fut    di* 

«  poinson  et  un  vieil  sac  de  toille  dans  lequel  il  y  a   du    plâtre 

<f  (|ue  nous  avons  li'ouvez  dans  une  autre    petite    cluunbre    du 

«  dit  consistoire  et  deux  lianselles,  signé  Hemont  un  para])be. 

<i   Ce  l'ail,  le  pi'ocureur  du  l'oy  nous  a  demandi'  acte,   connue 

«  en  entrant  dans  la  ditte  chambre  du  consistoire  il  s'est  li-ouvé 

«  beaucoup  d'argille  même  (piol(|ues  |ialels  du  plancher  tombez 

«  l)as  à  terre,  et  siu'  une  banselle  estant  dans  la  dite  cluunbre. 

«  laquelle  teri-e  et  pallets  ne  peut  estre   tomb(''e    (|ue    de    celle 

«  ()ui  l'ait  le  planclier  du  grenier  par  lequel    gi-enier    on   aurait 

«  pu  descendre  dans  la  dilte  cbambi-e  du  consisloire  en    levant 

«  le  planclier  d'iceluy  et  passant  au  ti'avers  de  deux  soliveaux  ; 

«  Pour(|uoy  requiei't  (|ue  nous  nous  Irausportions  au  dit  gre- 

«  nier  pour  en  dresser  proceds-verbal.  Duquel  ré(juisitoire  nous 

«  avons  accordé  acte  et  api-ès  avnii-  fail  faire  ouverture  de    la 

t  i)orle  du  dit    greniei    par    le    scrrm-ier   à    hKjuelle    n'avons 

«  trouvé  aucuns  scellez  estant  montez  au  dit   grenier    avec  Se- 


~  3^^  — 

«  ba>;tit'ii  I.c  Sauvage  niaîli'o  couvreur  de  .Alontivillier  et  Nicolas 
«  Maze  niassou  de  Criquelot.  Nous  avons  renianiué  aucun  en- 
«  droit  par  où  Ton  ave  pu  passer  dans  ladite  chambre  du  con- 
«  sistoire,  ce  tjue  les  experts  ont  si^né  ;  Signé  Sébastien  Sau- 
«   vage  et  Nicolas  Maze  avec  paraphe. 

«  Ensuite  de  quoy  nous  nous  souniies  transportez  à  la  porte 
<(  du  dit  presche  et  après  avoir  reconnu  le  scellé  apposé  à  la 
((  ditte  porte  par  (ialliot  estre  sain  et  entier  nous  avons  fait 
«  faire  ouverture  d'icelle  par  le  dit  seri-urier  et  entrer  dans  le 
'<  dit  prêche  n'avons  trouvé  eu  icelle  aucune  rupture  si  non  un 
«  petit  cotl're  a  costé  de  la  chaire  (|ui  ('lait  ouvert,  et  rien  de- 
'(  dans. 

«  Après  lequel  proceds-vei'hal,  le  procui'eurdu  Roy  a  requis 
.1  qu'il  soit  ordonné  au  dit  Heiuout  administrateur,  de  faire 
u  incessannnent  travailler  à  la  démollition  du  dit  tenq>Ie  en 
<t  quoy  faisant  et  entherinaugnant  les  conclusions  du  dit  pro- 
<(  cureur  du  roy,  nous  avons  pour  rc\i''cu(ion  du  dit  arrest  de 
«  la  cour  ordonné  à  radminisli'alcur  île  faii'c  travailler  inces- 
«  sanunent  à  faire  desmollii'  et  rasez  le  dit  presche  jusque  aux 
c(  fondements,  ce  que  le  dit  i!enioiit  à  commencé  à  faire  faire 
i(  en  nostre  présence  par  plusieurs  nianieuviiers  faits  venir 
»  pour  cet  etlét.  Signé  1*.  Jlnfresne,  (',.  Ilautut,  liemont,  Galliol, 
«   (i.  (iuerout,  Deschanips  et  Linotte,  chacun  un  paraphe. 

«  Collationné  instance  du  dit  Fn'uiont  nommé  pour  luy  servir 

<t  (jue  de  raison  par  moy  greflier  au   siège    de    bailliage    sous- 

«  signé  ce  18  de  septend)re  KuS,"). 

Linotte  (') 


Notre  travail  était  en  eours  d'impression 
lor.sque  M.  Jean  Bouîlcn,  maire  de  Griichet-St- 
Simêon  et  membre  du  Conseil  presbytèral  de 
l'église  de  Luneray,  nous  a  eommuniquc  la  co- 
pie d'actes  d'abjuration  inscrits  à  l'état-civil  de 

1.  —  Manuscril  de  la  ])ibliotlièque  de  Montivilliers. 


—   ;q6  — 

GriK-het-St-Simèon  aux  dates  des  29  et  30  no- 
vembre et  22  décembre  1()B"),  copie  ciu'il  tenait 
deroblii^eaneedeM.Chevrin.instituteurretraité 
de  cette  commune.  Ces  actes  sont  trop  intéres- 
sants pour  que  nous  ne  les  transcrivions  pas  à 
leur  place  normale,  quoique  non  annoncés 
dans  le  corps  de  l'ouvrage. 

\'oici  celui  du  29^^^  jour  de  novembre  i68s  : 

«  Nous  Pierre  et  David  Teliier.  père  et  fils.  Marie  Beuue- 
netof  femme  dv  dit  David  :  Pierre.  David.  Jactjnes,  Michel, 
Elisalieth,  Madeleine  Teliier  :  Marthe  Gvérard,  Jacques  Ba- 
taille son  mariai/ant  abjuré  entre  les  viains  de  Monseigneur 
avec  Jacques  Bataille  son  père  ;  Michel  Gueroult  :  Isoac  Tho- 
mas et  Daniel  ses  /ils  :  David  Bultel  :  David  Pigni/  :  Jact/ues 
Delahaize  :  Isaac  le  Thillais  serviteur  chez  le  dit  Jacques 
Bataille  fils  :  Marie  Larcheveque  veuve  de  Jean  Bultel  ;  Sara 
Vaudra  :  Elisabeth  Thomas  avec  Madeleine  sa  sœur  ;  Judith 
Bataille  ;  Catherine  Hatanvitle  :  David.  Antoine.  Catherine, 
Marthe  et  Anne  Bataille  frè)es  et  s(eu)-s  :  David,  Elisabeth, 
Jean  et  Catherine  Pif/)!]/ frères  et  sa'urs  ;  Marie  Guérard: 
Marie.  Suzanne.  Elisaheth  et  Nicolas  Gueroult  frère  et  s(eurs: 
Catherine  Pillon  :  Suztinne  Bultel  :  Marie  Duliosc  ;  David 
Delahaize  -.Judith  et  Marie  Delahaize  frère  et  sœur  ;  Marie 
Hoinville  :  Judith  /.archevêque. 

\'oici  celui  du  30*^^  jour  de  novembre  i6S^  : 

«  Nous  Je<in  Larcheveque  :  Elisabeth  Ferment  :  Jean  Ou- 
rry  et  Madeleine  Pillon  :  Jacques  Letionlleu.r  et  Judith  Ouvri/  ; 
Jacques  et  Daniel  Delahaize  :  Pierre  Pillon  et  Esther  Gloria; 
Pierre  Eorestier  et  Madeleine  Dumont. 

Tous  les  deux  se  continuent  ainsi  : 

«  Ayant  reconnu  les  erreurs  de  la  religion    prétendue   ré- 


-  397  " 

formée  où  »o«.s  étions  attachés,  et  le  piège  et  division  qu'elle 
contient,  après  y  avoir  sérieusement  pensé,  novs  avons  résolut 
<l'une  fi'anclie  et  iiln'e  voJonti'.  auiduits  de  la  ijriice  de  Dieu, 
rentrer  d(nis  l'unité  du  sièye  ajiostolii/tie  et  d'embrasser  la 
ieli(/ion  catholique,  apostolique  et  romaine,  par  la  profession 
(/ue  nous  faisons  de  vivre  et  niovi'ir  en  icelle.  sous  l  obéis- 
sance qiie  nous  devons  à  ses  décrets  portés  par  les  conciles,  et 
notannnent  par  celui  de  Trente,  ce  que  nous  jurons  et  pro- 
nn'ttons  sur  les  saints  évangiles. 

Le  premier  se  termine  ainsi  : 

Fait  aujourd'hui  en  l'église  paroissiale  de  Gruchet-St-Si_ 
méon,  oii  nous  demeurons,  en  l'an  KiSo.  le  1^,'A'  novembre.^ 
entre  tes  mains  de  Monsieur  le  doyen  de  Brachy,  curé  de  Ho- 
tot-sur-Dieppe,  e)i  présence  et  du  consentement  de  Monsieur 
le  curé  de  Gruchet.  notre  pasteur  et  des  témoins  soussignés 
avec  nous,  tous  demeurant  au  dit  Gruchet.  » 

Après  quoi  suivent  les  signatures  et  les    marques 
de  ceux  n'ayant  pu  signer. 
La  seconde  a  Dour  linale  : 

«  Ce  trentième  jour  de  novembre  1685,  nous  soussignés  ju- 
rons et  protestons  de  suivre  en  tout  et  partout  le  contenu  en 
ce  présent  écrit  en  l'autre  part  jusqu'au  dernier  soupir  de 
notre  vie  et  ce.  entre  les  mains  du  sieur  curé  que  nous  re- 
connaissons pour  tel.  » 

Après  quoi  suivent  les  signatures  et  marques. 
Voici  le  ^^  : 

Ce  22  décembre  1685.  Etienne  Boitout.  serviteur  de  la  pa- 
roisse de  la  Gaillarde  au  hameau  du  Ronchay  a  fait  abjura- 
tion de  l'hérésie  entre  les  mains  du  sieur  Cîiré  de  Gruchet-St- 
Siméon  et  fait  profession  de  la  religion  catholique,  aposto- 
lique et  romaine,  publiquement  dans  l'église.  » 


—  *;9^  — 

Il  fallait  un  fameux  cynisme  aux  convertisseurs 
pour  imposer  une  tornuile  d'abjuration  aussi  ironi- 
quement et  imnitoyablcniciU  mensongère  à  leurs 
malheureuses  victimes  ijui  ne  pouvaient  la  signer 
que  le  rouge  au  front  et  le  remords  dans  le  cœur. 


SECONDE  PIECE  N"  8 


Liste  (1rs  liliUGlONNAIRES  FUGITIFS  du  pans  de  Caux 

à  lu  Uê  vocal  ion  de  VEdil  de  Xaiiles 

ui/niii  (ibdndomié  des  biens,  el  iiidituilion  de  ces  biens 

(Celle  liste  rrsiillc  du    l'i-ocrs-vorhiil    iii'oss(''    en    KINN    ])oiir 
parvenir  ;'i  la  location  de  ces  biens.) 


Dans  l'élection  d'Arqués 

Paul  liAUUilY.  —  La  terre  dVbei'vilie.  paroisse  du  Tliil, 
61  acres  ;  la  terre  de  Rocquigny.  plus  deux  masures  pa- 
roisse de  (lueuies  ;  plus  une  i'eruie  de  75  acres  à  ïoc- 
queville-en-C.aux  ;  plus  uue  luasure  el  1  pièce  de  terre  à 
l!ivillc-la-r«ivière,  et  ING  1.  de  rentes  sur  plusieurs  per- 
sonnes. 

Pierre  iti-:  la  BALLE.  —  Trois  masures  et  une  pièce  déterre 
à  Luncray,  I  pièce  de  terre  à  liosc-le-Coiule,  une  autre 
au  l!u(piet,  I  maison  à  l)iep])e,  plus  une  rente  de  2;2  I. 

Marie  ClllOT  veuve  de  Jean  (iODEFUOV.  —  Deux  maisons, 
masures  et  5  acres  de  lerre  à  lloudeville  et  St-Laurent. 

Pierre  V.\|t|N.  —  Tue  maison  el  une  feiine  de  18  acres  à 
liacqiH'ville  ;  la  maison  près  de  l'église,  la  l'erme  au  ha- 
meau de  VaiMiiiville. 

Henry  VAHEll. LES.  —  2(10  I.  de  l'cules  sur  un  lialiitaut  de 
Leslauville,  et   100  1.  sur  \\u  liahitant  de  Hanheul". 


—  399  — 

S'  CHAIiENCE  et  Suzoniic  MET..  —  Une  renie  indivisée  de 
:20(l  I.  sur  un  iialiilanl  d'.\|ipcville,  leur  parent. 

l'icri'c  ACilKli.  —  l'iie  maison  à  OÛVanville. 

Madclaiiie  I.OlJliN  veuve  de  (  lliaries  fîAZIX.  —  Une  maison 
et  li'ois  aei'es  de  terre  à  Sl-Auiiiii-sui'-Scye. 

Jacques  et  lîobert  XEEf,.  —  (;in([  maisons  à  Dieppe,  el  I 
ferme  à  Annoiivillc,  I  maison  el  masure  à  lîoyviiie,  4 
acres  de  teri'e  à  l!ac(iueville,  el  '.V.V.'>  1.  de  rentes  sur  di- 
vers. 

David  'lliEHEU.  —  1  maison  e[  !!  veryées  de  terre  à  la 
Gaillarde. 

Daniel  l'Kl.NK.  —  L  iie  maison  à  \  enestan\  ille  el  une  masure 
à  (ireuville. 

Jean  et  Jacques  liOl'IT*  )l  T.  —  l  iie  maison  el  masure  à 
(iueures,  el  '.]  pièces  de  lei're  à  i.unei'ay. 

Les  tilles  01>IV1EI'..  —  Le  tiers  de  "Hj  acres  de  lei're  et  le 
tiers  d'une  maison  et  masure  au  (lourel. 

Antoine  Le  SUELlî.  —  Um^  maison  el  luasure  à  Saint-Ouen- 
le-Mauger. 

Thomas  DE  (lAUX  —  L'ne  ferme  i\  Olfran ville,  1  maison  à 
Appeville,  une  autre  à  Avremesnil,  ',)  acres  de  terre  à 
Bucqueville,  2  maisons,  1  lènement  de  maisons  et  un 
jardin  à  Die[)pe.  plus  51U  1.  de  renies  sur  divers. 

David  l'IElvltE.  —  Quatre  maisons  à  Dieppe,  o  acres  de 
terre  à  Varengeville,  4  acres  de  terre  à  (j'asville,  "2 
acres  à  (ireuville.  \)  vergées  à  iîaimfreville,  plus  une 
rente  de  30  1. 

La  veuve  DU\  .VL.  —  Une  grande  maison  et  une  maison  et 
masure  et  4  acres  de  teri'e  à  lîacqueville,  trois  petites 
maisons  i!i  T'omnierville,  une  maison  el  masure  à  Pierre- 
ville,  une  maison  el  (j  acres  de  terre  à  Saint-Ouen,  une 
maison  à  Dieppe  et  une  pièce  de  terre  à  Royville  et  dif- 
férentes petites  bouli(jues  au  marché  de  r)ac(i;!eville. 

Pierre  (jOSSlElt.  —  Une  petite  maison  au  Bu({uel. 

Pierre  UE.^UUAIXS.  —  Une  maison  et  masure  à  Dessigny  et 
1/3  de  maison  à  Dieppe. 


-—  400  — 

Jacques  et  Gabriel  MEL.  —  Une  rente  do  SâT  I.  sur  le  Sr  de 

(ilaclioii  à  (  ause  de  sa  terre  de    Sl-Supiilix-de-liellengre" 

ville. 
Jacques  LEPllEUX.  —  Sept  acres  et  demie  déterre  au   Torp 

et  deux  maisons  à  i)ie|i|>e. 
Suzanne  LE('.A.NU,  veuve  (X).NSTANTIN.  —Une  fenne  et    i 

acres  de  terre  au  Iloncliay,  1  pièce  de  terre  à  (>anleleu, 

une  autre  à  Luneray,  3  maisons  à  Dieppe,  nue   l'ei me    à 

Hautot.  une  maison  et  m;isure  an  lîonrg-Dun.    plus    niu' 

petite  i-enti'. 
Ester  CIIAUVEL  veuve  du  S''  de  HIVIM.E.  —    Deux    fermes. 

uu  moulin  à  blé,  un  moulin  à  draps,  et  1    [letile    maison 

à  IJi ville, 
liartiielémy  DE  LA  GAlîEN.NE.  —  Une  ferme  en    la    pai'oisse 

de  lîoissay. 
Ester  FÉRON.  —  Une  maison  masui'e  et  deux  acres  de  terre 

à  St-.Mars. 
Zacharie  UOlilAS.  —  Sept  acres  de  terre  à  Lamlierville  et    o 

acres  à  Greuville. 
Jacques  DE  i.a  HALLE.  —  Une  [lelite  maison  à  Ganleleu. 
Jacques  La  FONTAINE.  —  Une  petite  ferme  à  lîoissay. 
Jean  H.V LAVANT.  —  Une  maison  et  masure  à  Jiondeville. 
Jeanne  MASSE,  veuve  de  Pierre  LEllOV.  —  Une    maison    à 

Dieppe. 
Jean  LOSTE.  —  Deux  fermes,  ensemble  "28  acres,  deux  mai. 

sons  et  masures,  et  deux  pièces  de  terre  à    .\vremesnil. 
Isaac  SENE.  —  Une  maison  au  ^fesnil-Piury. 
Jacques  SÉ.NE.  —  Un  liêrita<ie  situé  au  Tôt,  plus   une    petite 

rente. 
Jean  GONSTANTIN.  —  Une  ferme  à  Luneray,    une    autre    à 

Sainte-Foy,  plus  diverses  pièces  de  terre  au(ioui-el. 
Matliii'u  MIKLANT.  —  Une  maison  et  masure  à  Longu(>il. 
David  [lULTKI..  —  Une  uiaison  et  masure  à  Grucliet-St-Siméon. 
Daniel  ULVIll.X.  —  l'ne  maison  et  luasure  à  St-['ierre-le-Vieil 

plus  le  tiei's  d"une  nuiisoii.  masure  et  3  acres  de  terre  à 
Lunerav. 


—  4<'r  — 

Jacques  CAILLOT.  —  l'iie  ferme  de  80  acres  de  terre,  une 
iiinisou-masure  cl  lô  acres  île  tsuTc  à  Lamnierville. 

Jacques  THLHOl'LDE.  —  l  ne  maison  à  l)ie[)j>e. 

Pierre  THIEEIRY  de  la  MOTTPM.ALLIEIl .  -  Une  ierme  de 
14  acres  à  Beaumoiit  et  i  acie  et  demie  de  terre  à  An- 
glesque ville,  une  maison  et  masui'e  à  Beaumont,  une 
ternie  de  70  acres  de  terre  à  Iteaunay,  le  quart  d'une 
maison  à  Dieppe,  plus  125  1.  de  renies. 

Pieire  GUEPIN.  —  Une  maison  à  Neuville,  une  ferme  au 
Til,  une  maison  et  masure  à  Ap[)eville,  quatre  corps  de 
logis  à  Dieppe. 

S""  DESVAUX,  ministre.  —  Une  maison-masure  et  :2  pièces  de 
terre  à  Koyville,  une  ferme  de  'À'j  acres  au  Mesnil-Rury, 
plus  une  rente  de  80  I. 

Sr  de  LAUUEY.  —  Quatre  pièces  de  terre  à  la  Gaillarde,  i 
maison  à  Canleleu,  une  autre  à  Cùte-liôte  près  de 
Dieppe,  2  p.  de  terre  à  Grucliet-St-Siméon  et  2  p.  au 
Coudray,  plus  un  chantier  au  Pollet  et  une  rente  de 
50  I. 

Isaac  DUMONT  de  BOSTAQUET.  —  Plusieurs  héritages  près 
de  Dieppe. 

Pierre  BOITOUT.  —  Une  maison  à  Diejipe,  6  acres  de  terre 
à  Bacqueville,  1  chambre  au  Bonchay,  et  i  maison  et 
masure  à  Ste-Marguerite-sur-Mer. 

Jean  SENEGAL.  —  Une  maison  et  masure  à  Luneray  et  une 
rente  de  30  I. 

Jacques  de  GAUX.  —  Seize  corps  de  logis  et  3  maisons  à 
Dieppe,  1  ferme  de  8  acres  à  Côte-Côte,  26  acres  de 
terre  à  Gueures  et  une  ferme  de  7  acres  à    Bacqueville. 

Nicolas  NOËL.  —  Une  pièce  de  terre  à  la  Gaillarde,  1  mai- 
son-masure et  2  acres  de  terre,  plus  une  maison  et  une 
chambre  au  Coudray,  1  pièci?  de  terre  à  St-Pierre-le 
Vieil,  et  115  I.  de  rentes  sur  divers. 

Isaac  NÉEL.  —  Trois  corps  de  logis  et  deux  maisons  à 
Dieppe,  une  ferme  de  25  acre-;  au  Bonchay,  nne  de  7 
acres  et  une  maison  et  masure  à    (jueures,   3    acres   de 

20 


—  4*^-  — 

tci'i'e  ;'i  (Iriisvillc,  une  ;mi'(>  ;'i  lîdiii'u-Huii,  .")  arrcs  à  \a)U- 
jfiicil,  une  maisdii  cl  masiii'c  à  (irciivillc,  Il    autres    jtluij 
une  pièce  de  leiTi'  au  Tliil,  "1  iiièces  de  terre    à    Venes- 
lanville,  une  autre  à  Sl-Ouen,  et  une  auli'e    à    Avreuies- 
nil. 
Jacques  .MIFFAIJT.  —  lii  corps  de  logis    et    un(^    maison    à 
Dieppe,  1  pièce  de  leri-e  à  (lucures  et  1    autre    à    Avre- 
mesnil. 
Jean  Ul  J  AliDlN.  —  lu  corps  de  logis  et  une  maison  à  nie])pe, 
une  maison  et  masure  à  Haulot-sur-.Mer,  1  p.  de  terre    à 
Sotteville-sur-Mer,  1  maison    et    masure    avec    terre    à 
(juiberville  et  "21  1.  de  rente. 
Jean  VAUTIER.  —  l  ne  maison  et  masure  avec  il    acres    de 

terre  à  St-I'ierre-le-Vieil. 
Pierre  LETELLIEH.  —  Deux  acres  et  demie   de   terre   à    la 

(iaillarde. 
l'ierre  (lOlXANT.  —  Deux  acres    et    demie    de    terre    à    la 

Gaillarde. 
Jacques  BOUIXAiN.  —  Une  maison  et  masure  et  1   pièce    de 

terre  à  St-Pierre-de-lîénarville,  plus  35  1.  de  rente. 
Jean  lU  EFV.  —  l  ne  petite  maison  et  trois  vergées  de  tei're 

à  Avremesnil. 
David  HARO.N.  —  Deux    maisons    et    masures    à    \'eneslan- 

ville. 
Judith  LOliPHELlN  veuve  de  Samuel  DOUCIlEJiET.   -    l'ne 
maison  et  masure  à  la  (iaillarde  et  I  maison    à    Dieppe. 
Abraliam  JEANNE,  dit  DETIT-IIU.M.ME.—  Une  maison  et  ma- 
sure avec  terre  à  la  (iaillarde. 
Jean  FOUQUET.  —  Trois  maisons  et  masures  à  Luneray. 
Jacques  LETEI.LIEH.  —  l'ne  maison  et  masure  au  lîonchay. 
Pierre  LESADE.  —  Une  acre  et  demie  de  terre  à    Venestan- 

ville. 
Pierre  LUEUliEUX.  —  Une  petite  maison  et  masure  à  Venes- 

tanville. 
Marie  IH'CIIÉ,  veuve  Jacques  liOULAliD.  —    Deux    maisons 
et  masure  situées  Tmie  à  C.auteleu,  l'autre  au    ('.oiuli'av. 


—  4o^  — 

Ester  fiOniN,  veuve  AinOUnn.  —  l'no  petite  maison  et  ma- 
sure à  Auppegard. 

Claude  DlLtOC.  —  Une  nia!>:on  et  uiasure  au  Ruquet,  paroisse 
de  la  Gaillarde. 

Dame  De  BIIIIF].  — Vnc  maison  et  masure  aubasde  Hautot. 

Salomon  et  Elisabeth  IIINON.  —  lue  maison,  masure  et  8 
acres  de  terre  à  C.alleviile-les  deux-Eglises. 

Jacques  lîOlTTOlT.  —  l'ne  maison  et  masure    au    (loudray. 

Abraham  Le  SI  ELU.  —  lin^  maison,  masure  et  o  acres  do 
terre  à  Calleville. 

Enfouis  David  l.IlEUKErX.  —  Une  maison,  masure  et  4 
acres  de  terre  à  Sl-Picrre-le-Vigcr. 

Jean  LAliC.HEVESOUE.  —  Une  maison,  masure  et  I  acre  de 
terre  h  Varengeville,  et  trois  maisons  à  Dieppe. 

Guillaume  MOISSON.  —  Une  petite  maison  et  masure  à  Avre- 
mesnil,  plus  uneanli'e  petite  maison  et  masure  et  o  acres 
de  terre  au  cht  lieu,  et  I  corps  de  logis  à  Dieppe. 

.lean  MACHOIS.  —  Une  pelilc  maison  et  masure  el  I  acre  de 
terre  à  liondeville. 

Pierre  et  Jacques  De  la  HAIZE.  —  Une  petite  maison  et  ma- 
sure à  Venestanville. 

Jean  CONSTANTIN.  —  Une  rente  de  100  1. 

Isaac  GAUTIER.  —  Une  maison,  masure  et  3  acres  de  terre 
à  Luneray. 

Jacques  MESNIL.  —  Une  ferme  et  une  maison  et  masure  à 
Gueures,  trois  petites  maisons  à  Dieppe,  2  pièces  de 
terre  à  la  Chaussée  et  une  rente  de  ii  1. 

Abraham  ALLARIN.  —  Une  maison  et  masure  plus  une  ver- 
gée de  terre  h  St-Pierre-le-Viger. 

Pierre  PILLON.  —  Une  maison  et  masure  à  St-Pierre-Ie-Viger. 

Judith  LAURENT,  veuve  Pierre  GLORIA.  —  Deux  maisons 
et  masures  et  une  maison  à  Royville,  une  ferme  de  8 
acres,  I  pièce  de  terre  de  i  acres  et  une  petite  maison  à 
Gonnetot. 

Isaac  De  l.\  BALLE.  —  Une  petite  maison  et  masure  au 
Pionchav. 


-  404  — 

Jean  HUFFY.  —  I  iic  iiioilii'  de  maison  et  masure  an  liuiichay. 
Pierre  llÉlîKUT.  —  Douze  acres  de  terre  à  Lammerville   et 

5  acres  cl  il(Muie  à  iJacqueville. 
Jac(|ues  I)k  la.  FONTAINE.  —  Une  nuiisou,  iiuisure  et  enclos 

de  i  acres  plus  une  pièce  de  terre  de  4  acres  à  St-Ouen- 

le-Maujicr  et  une  petite  maison  et  masui'e  à  Herljouviile 
Salomon  TLIKjLlKliF.  —  (jinq  vergées  de  teri-e  à  (joniietot. 
Jean  FICllET.  —  Cinq  vergées  de  terre  à  Sl-Ileiiis-d'Acion  el 

autant  à  Avreniesnii. 
Sr  l)l',  |{KTEN(X)riiT.  —  Lue  ferme  de  1.")  acres  à  i.uneray  et 

par  extension  sur  Gueures,  Avremesnil  et  la  (laillarde. 
Samuel  De  laHAIZE.  —  Une  vergée  de  maison  el  masure 

avec  demie  acre  de  terre  à  Eammervilie. 
Claude  MINNEL.  —  Une  maison  et  masure  à  Avremesnil. 
Jean  LEMAISTUE.  —  Quatre  petit(^s  fermes  au  .Mesnil,  4  acres 

de  terre  au  même  lieu,  [)lus  une  acre  de  terre  à  Haulot. 
Pierre  SÉNÉGAL.  —  Une  acre  de  terre  à  Avremesnil. 
Jean  AUDOUAUD.  -  Sept  vergées  de  terre  à  lîelleville. 


Dans  l'élection  de  Montivilliers 


Jean  GODEFIiOY.  —  Sept  acres  de  terre  à   Limpiville    plus 

une  ferme  de  18  acres  à  Ypreville. 
Pierre  THlElir.Y  DE  i.A  MOTTE-LAUMEr,.  -   Dix  acres   de 

terre  à  Sl-Eustaclie  et  Mélamare,  plus  8  acres  à  Si  Nicolas- 

de-la-Taille  et  une  rente  de  30  1.  sur  Uobert  Manoury,  de 

Mélamare. 
Jacques  Ue   BRUMENT.   —   Une  ferme  de    Ki  acres  et  une 

cour  masure  à  Ypre ville. 
Jacques  Le  SUEUli.   —  Treize   acres  de  teri'e,   maison    et 

masure  h  Ah'lamare. 
Marie  LECOliDlEII, veuve  de  Jean  QUESNEE.  -  Deux  acres 

de  terre  à  Manne villelte. 
Dii«^  liK  LA  FERTÉ-CIVIl.l.E.  ^  Vm^  ferme  à   Manneville-la- 


—  4"=>  ~ 

Goupil  loïK'o  400  1.  cl  une.  maison  à  Fécanip  louée  2001. 
NatliaiiiH'l  DELAUNAY.  —  lue  maison  à  Moiilivilliers. 
Jean  FICIIET.  —  In  liérila^e  de  10  acreset  demie  àSt-Jean- 

de-la-.\euville. 
Pierre  DELAPOHTE.  —  Une  maison  à  iMontivilliers. 
Pierre  IGOU.   —  Un  In'Titage  de  cinij  vergées  à  St-Jean-de- 

la-Neuviile. 
Tobie  Dl  liEL.  —  Une  maison  à  Monliviliiers. 
.Iac(iues  liEI.LET.  —  In  héritage  de  iJO    acres    de   terre,    à 

Hermevillc. 
Pliilip|ie  FOUOl  K.  —  Vingt-deux  livres  de  rente, 
■lacijui's  m  lîEL.  —  Trois  portions  de    maisons    à    .Montivil- 

liers. 
Louis  IGOU.    —  Lue  cour-masure    cl     1    jiiéce    de    terre    à 

St-.lean-(lc-la->'cuville,  li  acres  de  terre   à   St-Eustache- 

la-Forèt.  et  14  acres  à  St-Nicolas-de-la-Taille. 
David  GODIN.  —  Uue  ferme  de  56  acres  de  terre    à    Epou- 

ville,  une  maison  et  pi-airie  de  G   aci'es    à    Monliviliiers, 

plus  des  parts  dans  huit  navires  du  Havre. 
Nicolas  GUEPiAlîl).  —  Une  maison  et  un  corps    de    logis    à 

Harlleur,  un  héritage  à    St-Martin-du-Manoir,    un    autre 

à  St-Jouin,  la  moitié  d'une  ferme    de    I.")   acres    à    Cra- 

mesnil,  |)liis  une  rente  de  .575  livres. 
Nicolas  GUEllAlil».  —  "IV.i  1.  de  renies  sur  divers. 
Dame  de  HÉVilJ.lEllS.  —  La  Icrre  de  Sénitotà  Gonfreville- 

rOrclier,  une  terre  aux  portes  d'IIarfleur,   une   autre   à 

Gournay,  une  prairie  aussi  à  Gournay,  une  ferme  de   6 

acres  à  liordeaux-Sl-Clair,  307  1.  de  rente  sur  divers. 
S'"THAUN'AY.  —  Une  cour-masure  à  Gri(|uetot  et  89    1.    de 

rente  sur  divers. 
Dame  Le  PELLETIEli.  —  Lue  ferme  de  75  acres  à    Crique- 

tot.  une  autre  de  30  acres  à  Bacqueville. 
.Jacques  QUE.^NPjL.  —  \'n  héritage  de  2  acres  à    Ecu(juetot. 
Pierre  LAMOISSE.  —  Un    héi'ilage    contenant   6    acres,    à 

Jiordeaux-St-(!laii-. 
.Jean  MAHIEU.  —  Un  héritage  de  10  acres  aux  Trois-Pierres. 


—  ^o6  — 

Jcnm  IIKIt\  IKC.  —  lieux  maisons  i'i  récaiiip. 

Jean  llKlîNIEL.  lils  aiiir.  —  lue  l'ernio  do  63  acres,  à  Vpre- 

ville. 
Moyse  HEliVIEU.  —  Cinq  pièces  déterre  à  Sainneville. 
Jacipics  HEIiMEl'.  —  lue  maison  à  Fécamp,  et  une    ferme 

de  l(j  acres  à  Lelol. 
HEUVIPX'  Di;  SAIN>EV1J-I-K.  —  Une  maison  à  Fécamp  avec 

I  acre  et  denn'e  de  terre 
Nicolas  liHlÈliE  .lAVENOT.  —  Une  ferme    située   à   Sainte- 

Marie-au-Bosc. 
Jean  l'OTEE.  —  In  liéritage  de  2  acres  de  (erre  ;ï   Sl-Nico- 

las-de-la-Taille. 
Jean  DESPOMMAHES.  —  Plusieurs  héritages  à   Fécamp,    et 

un  liéritage  de  demi-acre  à  Sausseuzeniare. 
Marie  Le  150  UJ  ON  M  EH,  veuve  de  Daniel   CROlXMAIïE,    de 

I)euzeville-la-(irenier.  —  Un    hérilage    de    6    acres    de 

terre  à  IJréauté . 
Anne  DESPOiMMAHES,    veuve    MALANDAIN.    —    Plusieurs 

maisons  à  Fécamp,  et  cinq  portions   de    maisons   à    St- 

Fréniont. 
Abi-aliam  AUGEIU  —  Deux  héritages,  ensemble  7    acres    de 

terre  à  Mélaniare. 
Jean  UEFEVIiE.    —    Deux   iiéritages    à    St-Anloine-la-Forêt 

formant  ensemble  18  acres,  plus  un  hérilagede  17  acres 

à  Ocleville. 
Jean  et  Isaac  DEDE.  —  Une  ferme  de  27  acres  à  Jloberville. 
Jac(|ues  DEDE.  —  Un  héritage  de  4  acres  à  Criqnetot. 
Pierre  DES  ESSAI'.S.  —  Une  maison  à  (ioderville, 
Daniel  DELESSAIiT.  —  Deux  maisons  à  (loderville. 
Nicolas  Dr  FOUll.  —  Une  ferme  à  Fécamp. 
Jean  DUFOUIU  —  Une  ferme  à  Fécamp. 
Piei-re  DEVAU.X.  —  Une  ferme  de  (i  acres    à    Mani(iuerville, 

et  une  maison  à  Fécaiiip. 
Nicolas  OUHSEL.  —  Une  ferme  de  54  acres  à   \  ré  ville,   une 

maison  e(  une  partie  de  maison  au  Havre,  pins  iO  I.  do 

rente. 


—  4^7  — 

Louis  I.ECOI.NTE.  —  Ounlre  acres  de  terre  et  masure  à  la 

Suloi>ne. 
Jean  [>ATOL"RTE.  —  Ln  héritage  de  <S  acres  en  la  paroisse 

d'Octeville  et  un  autre  de  2  acres  et  demie  aumème  lieu. 
Jacques  MESNIEL.  —  Un  corps  de  logis  et  une  chambre  à 

Eécaïup.  1:2   acres    de    terre    à   Ypreville,    4    acres    à 

St-Eéonard  et  i  acres  à  Criquebeut. 
Jean  LEBl.OND.  —  Une  maison  et  masure  plus  un    acre   de 

terre  à  La  liemuée.  un  héritage  de  Sacres  à  St-Nicolas- 

de-la-ïaille,  et  un  de  'A  acres  à  Graimbouville. 
Mathieu  DALLENÇON  dk  MILLEVILLE.  —  Une    ferme   de 

15  acres  et  une  de  1^0  acres    à   Thiergeville,   plus    une 

ferme  de  7  acres  à  Tiiiétreville  et  lîiviile. 
EUDES  DK  MIMVIi.LE.  —  Une  feinic  de  55  acres  en  la    pa- 
roisse d'AjUot  et  de  St-Vigor. 
Jean  MAUGEJ».  —  Un  héritage  de  2  acres  et  demie  à  Anger- 

ville-rOi-ciier,  plus  une  maison  à  Hartleur. 
Jacques  VLVlîD.  —  Une  ferme  de  7  acres  à  Toc(iueville-les- 

Murs. 
Jacques  LOUVEL.  —  Une  rente  de  800  1.  sur   les    héritages 

de  Samuel  Louve)  son  oncle,  de  Hréaulé. 
Jacques  MAUGFlli.  —  Deux  héritages  d'une    acre    et   demie 

cliacuii,  silués  l'un  à  St-(iilles.    l'.iutre    à    St-Nicolas-de- 

la-Taille. 
Louis  HAlillEV.  —  Tiois  fermes,  la  l''-  de  8  acres,  la  2c    de 

ï'S  acres  et  la  oc  de  20  à  St-Eustache-la-Forèt,    plus    le 

tiers  d'une  ferme  de  37  acres  à  Octeville. 
Pierre  BAUDOLN.  —  Deux  héi-itages  de  16  acres  de  terre    à 

St-Laurent-de-Iîrèvedent,  2  maisons  et  deux   parties   de 

maisons  à  Harfleur,  et  un  héritage  à  Montivilliers. 
Isaac  De  LAIUIEY.  —  Vn  héritage  de  12  acresà  Emalleville, 

un  aulre  de  16  acres  à  Fontenay.  une  ferme  de  36 acres 

à  St-Jean-de-Eolleville.  une  maison  à  Montivilliers  etune 

liefi'e  de  33  1.  sur  une  maison  à  Montivilliers. 
Nicolas  LUNEL.  —  Sept  héritages,  ensemble  55  acres,    à   la 

l'oterie,  un  autre  à  Bruneval  avec   une  pièce   de    terre 


-    4'>S  - 

(1(!  a  acr(!s,  un  iiiilre  à  (-rasvillc,  un  aiiti'c  de  i  acres  à 
Saiiuiovillc,  une  cour-masure  el  "2  acres  de  prairie  à 
lu|,^ouville,  plus  une  renie  de  lOH  I. 

Etienne  I^EVASSKLli.  —  L'ne  ferme  de  i7  acres  à  Ocleville, 
une  autre  de  7S  acres  à  St-.M;nliii-du-Bec,  2  corps  de 
lof;is,  deux  maisons,  un  tènemcnt  de  maisons  et  neuf 
jioi'tious  de  maisons  au  Havre,  un  liérilaije  de  i  acres  à 
Ci-etot,  et  ['"2  1.  de  rente  sur  divers. 

Jacques  DUFLOS.  —  Un  héritage  contenant  six  acres  à 
Ocleville. 

Daniel  LEGRAND  du  l'elit-liosc.  —  Une  ferme  de  16  acres 
à  Toussaint,  Gontremoulins  et  Limpiville,  une  autre  de 
-i8  acres  à  Gontremoulins  el  Toussaint,  une  autre  de  15 
acres  à  Limpiville,  une  autre  de  1  i  acres  au  Kec-au- 
Gauchois,  une  autre  de  G',)  acres  à  Toussaint  cl  Colle- 
ville  et  plusieurs  [)elils  ii(''ritaijes,  rnseudjle  IT)  acres,  à 
Toussaint. 

Abraham  ONO.  —  Lue  maison  à  llarlleur. 

l'ierre  LEFEllVlîE.  —  Une  fei'uie  de  li  acres  et  le  liers 
d'une  ferme  de  37  acres  à  Ocleville,  plus  un  héritage  de 
()  acres  el  demie  à  Fon!aine-la-Mallet. 

Jean  liEXAULT.  —  Un  héritage  d'une  acre  à  .Manneville-la- 
Goupil. 

.Jean  IlAUGHEGOlîNE.  —  Un  héritage  de  3  acres  aux  Loges. 

Moïse  DESPOMMARES.  —  Un  héritage  de  7  acres  el  un 
autre  de  3  vergées  à  Sausseuzemare. 

Nicolas  GAPON.  —  Une  maison  el  masure  de  '2  acres  à 
Ocleville  avec  mie  pièce  de  terre  de  2  acres. 

Gharles  lllGHER.  —  Quatre  acres  de  terre  en  la  paroisse  de 
Villainville,  plus  une  maison  et  masure  de  3  vergées  à 
l'ierreli(pu's. 

Louis  RENARD.  —  Une  maison  el  un  héritage  de  4  acres  à 
Ilailleur. 

Jacipu's  BREOEL.  —  Une  maison  et  masure  de  8  acres  à 
liordeaux-St-Glaii-,  el  un  héritage  de  (S  acres  et  demie 
à  Guverville. 


—  4-^9   - 

Siiloinon  GOSSK.  —  Un  liérilaoe  de  trois  vergres  ;i    St-Nico- 

!as-dc-ln-T;iille. 
Jean  l'OUC.HAIN.  —  Un    liéritage    d'une    acre    et    demie    à 

Sain  t-.lean-de-la-Neuvi  Ile. 
Jacijnes  De  liUUES.  —  Une  ferme  de  55  acres  1  2   à    (iom- 

merville. 
Vve  A.N(iUMAl{E.  —  Une  pctile  maison  et  masure  à   Enjj^les- 

queville. 
Thomas  I»I,ET.  —  Vn  liéritage  de   '.>    acres    à    Sl-Marlin-dn- 

liec. 
Anne  DEHICQ,  veuve  de  Sanuiel  LOLVEI..  —  Lue  ferme  de 

41  acres,  une  nuire  de  40  acres,  nue  antre  de  17  acres, 

plus  15  héritages  ensemble    63    acres,    le    tout   situé    à 

Hréauté. 
Ai)raliam  l'ilCHEli.  —  \^n  liérilage  lie  'i  acres  à  l'iei'i-eli(|ues. 
VveSalomon  LESTUDOIS.  —  Un  iiéi-ilage  de  i  acres  à  St-Ni- 

colas-de-la-Taille. 
Enfants  EESUEUll    — Trois  acres  de  leri-e   à    St-Antoine-la 

l'oi-èt. 
.Alaric  I.AIlCHEVESgUE  veuve  DESPOMMAIIES.  -  Uneacre 

et  demie  de  terre  à  Sausseu/.emare. 
Isnac  (jAUTlEll.  —  Un  héritage  d'une  acre  à  Eiigles([ueville. 
Jean  ]>AELE>iÇON,  S-  ni:s  MOTTES.  —    Une    feiine    de    lH 

acres  à  Tiergevilie. 
Isaac  KEl.A.MAI'iE.  —  [  n  hé-rilage  de  3  acres    à    31élamare. 
Nicolas  GUÉl'iULI.T.  —  Vi^  héi-itage  de    12    acres    an    Her- 

telay  (auj.  i-éuni  à  Hréauté). 
Etienne  (iOSSART.  —  Vut'  petite  ferme  de    3    acres  et    une 

masure  de  4  acres  à  Fauville. 
Pierre,  (IniUaume  et  Jean  HÉllElîT.  —  Un  fourneau  à  plâtre 

avec  grenier  et  cour  au  Havre. 
Jean  VINCENT.  —  Une  cuisine  et  chambre  à  Fécamp. 
Pierre  Ue  BAS.  —  Une  maison  au  Havre  plus  une    chambre 

dans  la  même  ville. 
Marthe  COUPEUIN.  -  Une  rente  de  25  1. 
Ester  GOUIN  veuve  AUBOUUG.  —  Une  rente  de  4  livres. 


—  4i<^  — 

l,;i  veuve  de  .l;u(]iies  (iALOI'I.N.  —  L'iie  rente  de    10    1.    sur 

Si(niraiii  ;i  St-Eustaclie-la-l'"orèl. 
Daniel  MAI. AM».\IN.  —  Une  renie    de    1,")    I.    sur    llhnielie 

lH'.lKr,  à  lloniiiieldl. 
l'iorre  MASSIKU.  —  Deux  petites  masures  eonlenaiit  (i  acres 

à  Sl-Nicolas-do-la-Taille. 
Jean  IJIIEDEI..  —  Un  liérita^^e  en  la  paroisse    de    hordeaux- 

St-Clair.  de  "2  aères  de  lerre,  j)ius  I  ))ièee  de  terre  de  3 

acres  à  Fontenay. 
•lean  MAIiTUN.  —Une  ferme  de  i  acres  et  denne  à  St-Jouin. 
Enfants  du  S'- DE  i.A  SKItVAMKlîE.  —    Un    liérilage    de    10 

acres  de  terre  à  Sl-I.é()iiar(U 
Henjamin  liEUZEELN.  —  Un  Imilième  du  navire  «  J.e Sl-An- 

toinc  »  du  Havre. 
.Nicolas  MAl.HEliliE.  —  Un  ([onzième  dans  le    navii'e    «    Le 

Saint -Pierre  »  du  Havre. 


Dans  l'élection  de  Caudebec 


.lean  et  Thomas  DAUSSY.  —  Une  ferme  de  17  acres  à  Slc- 
.Marguerile-sui--Duclair,  un  liérila.ïe  d'une  acre  et  ilemie 
à  Flamanville,  plus  une  rente  de  2t)0  1. 

Isaac  G(JDEFl!(3Y.  —  [^nc  ferme  de  11  acres  de  terre  à 
Mirville,  plus  trois  maisons  et  un  moulin  à  fonloir  à 
Holbec  e(  nue  lerme  à  Nointol. 

Madeleine  I.ESEKj.NEUU.  —  Une  maison  à  Yvelol. 

Jean  HEFLOT.  —  Une  ferme  de  11  acres  à  liolhec  et  une 
cour-masure    et  deux  acres  de  terre  à  ilalfetot. 

("luillaume  DILVU.MEIIVILLE.  —  Une  ferme  de  oG  acres  à 
neu/.evill(!-la-(i  renier. 

Pierre  DESVAU.X.  —  Une  ferme  à  Beuzeviile-la-Grenier  cou- 
tenant  10  acres. 

Etienne  DESVAUX.  —  Deux  acres  de  terre  à  lîeuzeville-la- 
(jrenier. 


—  411  — 

Denis  CA.MI'ART.  —  Une  innison  et  niasuro  de  7  acres  et 
tieniie  do  tei-re  à  Aiilrelot. 

Louis  J-ECI.EI»C.  —  Une  rente  mit  l'ieire  Diihosc.  labou- 
reur à  Croixmnre. 

Guillaume  MAliCOTTIi!.  —  Ciii(|  acres  de  terre  à  Berinon- 
ville. 

Jacques  et  llobert  NÉP]L.  —  Une  ferme  de  5  acres  à  An- 
|,n'eiis. 

(lliarles  HOGUEL.  —  Une  ferme  de  4ïJ  acres  à  Yébleron  et 
une  autre  de  9  acres  aussi  à  Yébleron. 

Jean  COUITRÉ.  —  Deux  acres  et  demie  de  luaisons,  ma- 
sure et  terre  à  Ingouville. 

Louis  LEFEBVRE  de  CHAMIiliTN.  -  Une  ferme  de  S8 
acres  ù   Bouville. 

Jean  OliEiXtiE.  —  Deux  maisons  et  plusieurs  bàtiiucnls  à 
iiolbec. 

(iuillaume  LANGLOIS.  —  Un  petit  liérita^e  ;i  Sl-Arnoull. 

Pierre  MONTFRP^ULLE.  —  Une  petite  ferme  de  l  acres  h 
St-Arnoult. 

IMOM-r.EUI.LE.  -  Une  maison  h  Rolbec. 

Jean  ?\IUI.LUT.  —  Un  liéritage  à  Trouville. 

Jean  ALLEAU.ME.  — Une  fei-me  à  Lintot  contiMiant  7  acres. 

Le  S""  DE  LA  VOUTE.  —  Une  ferme  de  91)  acres  à  La  Tri- 
nité-du-Mont,  et  une  petite  ferme  à  lioquefort. 

Nicolas  lîENOUl.T.  —  Une  petite  maison  à  St-Aubin-de- 
Crelot. 

Pierre  GODEFllOV.  —  Une  ferme  de  lO  acies  de  tei-re  à 
Nointot. 

Jacques  Le  DRUMENT.  —  Une  petite  ferme  i\    Jlaltenville. 

Pierre  LERLOND.  — Deux  maisons  h  Vvelot. 

Louis  CAMI'APiT.  —  1_au>  maison  à  Autretot,  avec  5  acres 
de  terre. 

Ester  MARIE  Vve  de  Pierre  DESCHAMI'S.  -  Une  petite  for- 
me de  1  acre  à  La  Frenaye. 

Pierre  M.\ILLAI!D.  —  Une  ferme  de  i  acres  à  Gerpon- 
ville. 


—    412    - 

Dllfs  iti;  i.A  KKIiTK-CIVII.LP].  —  Une  ferme  de  GU  acres  à 
liailclot. 

Josias  DE  LA  HAVE  Di  MO.NT.  —  Deux  moulins  ;i  blé  à 
St-Denis-de-Lillcbonnc,  un  moulin  ù  huile  à  IJutol,  un 
bois-taillis  de  i  acres  à  (iiudiel,  |>his  une  ferme  de  i22 
acres  à  la  Trinité-du-Monl. 

DUMESML-MCOUEMAlîE.  —  me  ferme  de  i  acres  à 
Toii(freville-la-("able,  une  de  !)i  acres  à  Auberville-la- 
('-am]ia<;ne,  la  fernu;  de  l'Epineville  de  100  acres  h 
Allonville,  pins  3  autres  fermes  à  Allouville  contenant 
ensemble  lit]  acres. 

Ja('(|ues  VIAlîJI.  —  Une  petite  fei'nie  à  (jrucliel. 

Pierre  ])]•:  LANQUETUIT.  —  Une  ferme  de  10  acres  au  ha- 
meau de  IJeauipiesne  <'i  Bol  bec. 

Nalhanaël  fiOUM.LNtî.  —  Une  ferme  de  3  acres  plus  une 
prairie  de  ;>  à  \  acres  au  Mesnil-sous-Lillehonne. 

Jean  (i()UI'|[>.  —  ("ne  masui-e  à    Autretot. 

Jean  FK-ilET.  —  Une  ferme  de  r2  acres  à  beuzeville,  une 
ferme  k  Sl-Nicolas-de-la-lIaye,  plus  une  maison  h  Cau- 
debec. 

Pierre  KIOU.  —  Deux  maisons  plus  une  portion  de  maison 
à  r.olbec. 

Isaac  De  LAiiliP]y.  —  t'iie  ferme  de  26  ;icres,  plus  une 
pelile  masui'e  à  l.intol. 

Judith  PIMONT  veuve  d'Abi-aham  I.ECAliO'.  —  Deux  pe- 
tites maisons  et  deux  chambres  basses  à  lîolbec. 

Charles  QUESNEI..   —  rne  maison  située  à  Bolhec  K 

Abraham  LEBUUMENT.  —  Deux  parties  de  maisons  ;i 
Bolbec  et  quatre  acres  de  terre  h  Lanquelot. 

Jacob  EEPlnUAIS.  —  Un  héritage  de  10  à  12  acres  à  Ber- 
monville. 

Louis  IGOU  père.  —  ('ne  grande  maison  et  tannerie  à 
Holbec. 

1.  —  (Jliarlcs  Oucsni'l  n'est  pas  donné  comme  fugitif, 
mais  comme  «  détenu  aux  prisons  de  Gandebec.  »  Sans  doute 
qu'il  avait  été  arrêté  au  moment  où  il  fuyait  à  l'étrantrer. 


—  413  — 

r*iefTe  RICŒUH.    —  lue  pctile  ninisoii  situi'-i'  à   Grucli(.'t-le- 

Valasse. 
Cliarlcs  lU'E.  —  TIiic  pi'tih'  U'vuw  A    liciizcN  illc-la-drenier. 
Suzanne  MOLE,  veuve  de  Jean  DEHETIJ-E.  —    l'ne    fliain- 

))i'e  H  Grucliet-lc-Valassc. 
Danit'l  GALLAV.  —  rnc  petite  feime    h    l!eiize\  ille-la-(!re- 

nier  de  1  aère  et  demie. 
Pierre  SIEURIN.  —  Deux   petites    fermes    à    lUnizeville-la- 

Grenier  contenant  ensemble  <S  acres. 
Salomon  GOSSE.  —  Six  acres  de  terre  en  côte  à  (irucliel. 
Abraham  FI.AMARE.  —  ITn  liéritaye  à  Tron ville, 
l'ierre  MOKIGE.  —  Un  héritage  composé  d'une  cour-masure 

avec  '•>  acres  de  terre  à  Louvetot. 
Isaac  FLAMARE.  —  Une  rente  de  liO  1. 
Marie  FAUQUET,  veuve  de  Jacques  Li.:  l'.liUMENT.  —  Une 

maison  d'une  acre  et  demie   et    12    acres  et   demie  de 

terre  à  Houville. 
Jean  FAUCON.  —  Une  place  inondée  à   lîolbec. 
Jean  CHOUQUEï.  —  Une  vergée  de  masure  et  deux  acres 

de  terre  à  Nointot. 
Jacques  liOLSSEL.  —  Une  petite  maison  et  portion  de  pré  à 

Bolbec. 
Salomon  AUVEEET.  —  Une  maison  à  lîolbec. 
Pierre  BlIEDEE.  —  Une  maison  à  Bolbec. 
Pierre  GAMPART.  —  Cinq  vergées  de  terre  à  Autretot. 
Isaac  CAILEOUEL.  —  Une  ferme  de  9  acres  de  terre  à  Sle- 

Marie-des-t]liamps. 
Pierre  HAVY.  —  Une  petite  maison  à  Bolbec. 
La  veuve  de  Nas  LEMAISTUE.  —  Une  grande  place  inondée 

à  Bolbec  près  l'église. 
Louis  DESHAYS.  —  Une  maison  avec  cour  et  jardin  à  Bolbec. 
Jacques  BOISSEL.  —  Une  partie  de  maison  à  Bolbec. 
Daniel  LECAUOX.  —  Une  maison  et  tannerie  à  Bolbec. 
Pierre  L.VVOTTF].  —  Une  maison  et  tannerie  à  Bolbec. 


—  4M  — 

IJute  (1rs  Fiai  TIFS  CAVCHOrfi 

à  lu  Rcrucdlioii  et  ix'iiddiit  li's  ]))i')iii!'irs  iniiu'cs  fjiii suivirent 

l/lii    IKh'S  SDIll    CIIIIIIIIS   II    ce  jl)UI\ 

\i-oii  (David)     (11'  rrli'clioii  d'AiMiiies  ( \'iMieslaiivill(>i,  n-t'iijjiii'  ? 
Aiil)!'  (hiiiiicl)  ï  lie  Moiilivillicrs  » 

Alli'aumc    (Jean)         )>  ili'  (lau(lt'l)ec  » 

Allensoii(.leaiul'.si'  desMoUcs)  ileFélect.  de  Mdulivillioi's.     » 
Allciison  (.Mathieu  d')  »  »  » 

Aiidi'ieu  (Ciliarlcs)  «  »  » 

Angainmare  (Veuve)  »  "  » 

Aul)ei1  (Daniel  et  sa  femme  née  Suzanne  Lévest|ue)    de    Féler- 
lion  de  MoiiLivilliers  (Gainneville), réfugié  en  Aiii^leleire. 
Aubert  (Etienne)  de  l'élection  de  Monlivilliers,  réliigii' V 
Anl)t)urs,MVve  Pierre)       »  »  (  Aii;;i  rville- 

rOrclier)  réfugié  en  Angleterre. 
Auger  (  Abralianij   de  l'élection  de  Montivilliei>-,  réfugié  ? 
Baclielet  (Jean)  »  »  » 

Rambinet  »  »  » 

Baudry  (Gabriel)  »  d'Arqués  "        en  Hol- 

lande, 
liauldry  (Paul  et  sa  fennue)  de  l'élection    d'Arqués    (Tliil-Man- 

neville)  réfugié  en  Hollande, 
itazin  (Vve  Gédéon)    de  l'élection    d'Arqués,  réfugié? 
lieaudoin  (Judith)  »  »  » 

lleaudoiii  (l'iei're)  »  de    Alontivilliei's,    réfugié? 

lieaulils  (Pierre)  »  »  » 

Beauvais  (Pierre)  »  d'Arqués,  » 

Bellet  (Thomas)  »  de  Monlivilliers,  » 

Benard  (Louis)  »  »  » 

Benoist  (F]sther)  »  d'Arqués,  » 

Benoist  (Marie)  »  »  » 

Beuzeville  »  de  Monlivilliei's    (Mi'lamare), 

réfugié  en  Angleterre  ('). 

1.  —  Trois  descendants  de  ce  Beuzeville    furent,    au    XYIII» 
siècle,  directeurs  do  l'hùpital  français  de  Londres. 


-  415  - 

Biville  (Ester  Chauvel,  vinivc  du  s'  de)  do  IVlocdon  d'Arqués, 
rél'iiiiié? 

Blet  (Jacques)         de  réiectinii  de  Moiilix  illieit-,  réfiig-ié  ? 

Bellet  (Thomas)  »  ,.  „ 

Boissel  (Jacques;  ).  de  Caudehec  » 

lîoivin  (un  fils  de  Jean)     »  de  Moiilivilliers         » 

Boiviii  (Jean)  »  „  (Angerville-rOr- 

clier),  réfugié  eu  Angleterz'e. 

Boitlout  (Jear.-Jacques)  de  Télection    d'Arqués,    i-éfugié? 

Boittout  (Pierre)  »  »  ,> 

Bordes  (Josias)  »  de  Monlivilliers,  i-éfugié  ? 

liouclierol  (Jean,  Judith    I, orphelin    veuve    de)    de    l'élection 
d'Ar(|ues.  réfugié  ? 

Bougonnier  (iMarie  Montiei-,  fenuue)  de  l'élecl.  de  Montivilliers, 
réfugiée  ? 

Boulanger  (Jacoh)  de  l'élection  de  Montivilliers,  réfugié? 

Boulart  (Huche  Marie,  Vve  Jean)  de  Télection    d'Arqués    (I^u- 
neray;,  réfugiée  ? 

Bouilling  (Nathanai'l)  de  l'élection  de  Caudehec.  réfugié  ? 
Bourdon  (Jeanj  »  »       (Bolhec) réfugié? 

Bredel  (Ahraliaui)  de  l'électicui  de  Montivilliers,  réfugié  ? 
Bredel  (Charles)  »  »  » 

Bredel  (Jean)  »  »       (Fécauip) réfugié? 

Bredel  (Pierre)  »  »  » 

Bredel  (Pierre)  »  (^iaudehec  » 

Bracliou  (Muie  de)  »  »     (névilliers-IIarfleui") 

réfugiée  en  Hollande. 
Brière  (Nicolas,  sr de  Javelot) de l'élect.  de   Caudehec,  réfugié? 
Brière  (Mme)  »  »  » 

Bultel  (David)  »  d'Arqués,  » 

Buisson  (Elisabeth)  »  »  » 

Buisson  (Belzabée)  »  »  » 

Butot  (Isaac)  »  »  » 

Caillot  (Jacques)  »  »  » 

Campart  (Denis)  »  Caudehec  » 

Canipart  (Louis)  »  j>  » 


-  41"  - 

(',am|tarl  (l'iernM  de  l'.'lcclioii  (i"'  (".aiuichec.  réfugié  V 

Caiiuii  (Nicolas)  »  .Mdiilivillicrs      .1 

Cardon  (Miiln'h  »  Ai(|iii's 

Cardon  (Jean)  »  MoiUivilli.M's     . 

Caroii  »  "  " 

Caron  (F.ouis)  "  Cand.'bec         » 

Caron  (Nicolas)  »  »       (liollx-c),  irCuiiié  en 

Carri'    (Elie)     di'  réleclioii    d"An|iies.   n'fii<-ié  ? 

ChabiM-l  (Samuel)       »  .MoiiliviUicr.s      » 

Chapelle  (Jacques)     »  Alpines  » 

ChoiHinct  (Jean)       »  Candebec  » 

Collen  (Pierre)  »  Ai(iues  r, 

Cossart  (Etienne)      »  Montivilliers       » 

Couperin  (Marlbe)    »  »  » 

Courclié  (Jean)         »  »  » 

Courclié  (Isaac)         »  »  » 

Coulre  (Jean)  »  Candebec  » 

Croixniare  (vv(--l)aniel)  de  l'élect.  de  Monlivillieis.  rrfngiéc? 

Canipart  (Jean)  »  Candebec  (Autrelot)  réfu- 

gié en  Hollande. 

Campart  (Jacob)  île  l'élection  de  Candebec,    (Aulretol)    réfujjié 
à  Amsterdam. 

Costé  (les  lils  de  Pierre)  de  l'élection  de  Montivilliers  (ilarlleur) 
rèfuiiiés  en  Hollande. 

Dalbînson  (Mathieu  d',  S''  de  .Milleville)  de  Téleclion  de    .Monti- 
villiers, réfugié  ? 

Daussy  (Jean  et  Thomas)  de  Féleclion  de  (^^audebec,  i-élugiés  ? 

De  liethencourt,  de  l'élection  d'Ai-qnes  (Lnneray)  réfugié  '! 

De  l)Os  (Michel)  »  de    MoiUivilliers     (Sl-Kiislache-la- 

Forèl)  réfugié  ? 

De  liures  (dame)      de  l'clcclion  dAr(|ues,     réfugiée? 

De  liures  (Jac({nes)  »  Montivilliers        » 

De  Caux  (Jean)  »  .Vrijues  » 

De  Caux  (Madeleine)         «  »  » 

De  Caux,  pasteur,  de  l'élection  d'Anpies,  réfugié  1 


—  41?  — 

De  ('aux  (David),  de  réiedion  d'Arfjiu'S,   réfugié  ? 

Ue  Caux  (Pierre)  »  n  » 

De  Caux  (Thomas)  »  »  » 

De  Caux  (lîicliard)  »  »  » 

De  Caux (Sara)  »  »  » 

De  Caux  (Jacob)  >'  »  » 

De  Caux  (Jacijues)  »  »  » 

DeCiville-Vill(>rel((]llesi  »  »  » 

Dedde  (Jacques)  »  Moutiviilicrs,    réfugié  ? 

Dedde  (kaac)  »  «  » 

Dedde  (Jean)  »  »  » 

Defruyaux  (Al)raliain)     "  (laudehec  (iiaffclot)    réfugi(''    en 

Augiclerre. 

Delieulle  (Alji'aiiaiu)  de  l'élection  de  Caudebec  ([;olbec)  r(''fugié 
en  Angletcnc. 

Debeulle  (Suzanne  .Mole,  veuve)  de  l^'leclion  de  Ciaudebcc,    r.'"- 
fugiée  en  Anglelei're. 

De  la  Ferté  Civille  (Mlles)  de  l'éleclion  de    .Moiiliviliiers    (Sl-Ni- 
colas-de-la-Taille)  réfugiées  en  Hollande. 

De  Feugueray,  de  Féleclion  d'Arrjues,  réfugié  ? 
De  la  Haize  (Samuel)  »  »       (Lammerville)    réfugié  ? 

De  la  Haye  du  Mont  (Josias)  de  l'éloct.   d'Ar(iues,  )> 

De  la  (iareiine  (liarlhélemy)  >  »  » 

Delainare  (Daniel)  »         Monlivilliers        » 

Delauiare  (Isaac)  »  »  » 

Delamare  (Jean)  •■>         Ar(|ues  » 

Delauiare  (Fsler)  »         .Moiitivilliers  (Mélaïuare) 

réfugiée  ? 
Delauiare  (Josias)  de  l'élecl.  de  Monlivilliers  (Mélamare)  réfugié? 
Delamare  (  )        "  "  »  » 

De  Lanquetuit  (Pierre)     »         (laudebec  » 

Delaporte  (Pierre)  *  Monlivilliers  » 

Delaunay  (Nathaiiaël)    de    l'élection    de    Monlivilliers,  réfugié? 
Delaunay  (Saumel)  »  Ar(}ups  » 

Delessart  (Daniel)  »  Montivilliers  » 

Delessart  (Pierre)  »  »  » 

27 


—  4i« 


(le    rrlcclioii  de  Moiilivilliers,  rt''finrit'M' ? 


Ilt'i-i((|    /Veuve    Anne) 
hesclianips  (dlle) 
Des  Essarls  (l'ieire) 
Descliainps  (Vve  l'ierrej 
l)esclianii>.s  (l'ieiTo) 
Desliayes  (Louis) 
Desponiniai'cs  (Jean) 
Despomniares  (Anne) 
l)es]>oniniares  (Marie) 
Devaux  (p]lienne) 
Devanx  (l'ierre) 
Dhaumerville  (Guillaume) 
Dufae  (Pierre) 
Duflo  (.)a('(|ues) 
Dufou  (Jean) 
Dulou  (.Nicolas) 
Ducliemiii  (Antoine) 
Du  Mont  deBostaquet  (Isaac 

réfugié  en  Hollande,  puis  en  Angleterre. 
Dupont  (Ahraliani)  de  réleclion  de  Caudebec,  réfuiiié 


Caudebec 
Vn|ues 
Caudebec 
Monlivilliers 


Caudebec 


.Monlivilliers 


.Vrqups 


([-a  Fontelaye) 


Durel  (Jac(iiies) 
Durci  (Tol)ie) 
Dutacq  (David) 
Duvai  (Isaac) 
Duval  (Veuve) 
Eloy  (Pierre) 
Eudeline  (Louis) 
Farou  (Jean) 
Fauconnet  (Jean) 
Faucon  (Jean) 
Fauquet  (Elisabelb) 
Feray  (Henri) 
Ferrand  (Elisabeth) 
Ferrand  (Pierre) 
Fichet  (Jean) 
Flaniare  (Abi-aliani) 


Monlivilliers 


Ar(jues 

Montivilliei": 


Caudebec 


»         (Bolbec)  réfugiée? 
Monlivilliers  » 


Arques 
Caudebec 


—  419  — 

Flaniare  (Isaac)  de  rélection  de  Caudebec,  réfugié  ? 

Flamare  (Eslei-,  fi'"'  de  Cli.  Oiiesnel)  de  l'éloction  de  Caudebec 

(Bolbec),  réfugiée  ? 
Fanot  (Paul)  de  l'élection  ilc  .Monlivillicrs,  r/'lugié  ? 
Fontaine  (Luc)  »  »  » 

Fouquet  (les  Hoirs)  »  »  » 

FoiKjue  (l'iiilippe)     »  »  » 

Fret  »  Artiiies  » 

Frezil  (Jean)  »  Montivilliers     » 

Funieclion( Marthe)  »  Arques  » 

Fouqiierel  (Tlionias)  de  l'élection  de  ^lonlivilliers,  réfugié  ? 
Gascoin  ((iuiliaume)  »  »  » 

Gallay  (Daniel)  '>  Caudebec  » 

(lalopin  (Vve  Jacques)       >  ^Montivilliers  » 

datais  (Jean,  l'aîné)  »  »  » 

Gâtais  (Jean  le  cadet)        »  »  » 

Gaidjert  (Jean)  »  »  » 

Gautier  (Isaac)  »  Ai-ques  » 

(iloria  (Nicolas)  »  »  » 

Gloria  (Pierre)  »  »  > 

Godefroy  (Anne)  »  Gaudebec  (Holbec)  réfugiée? 

Godefroy  (Isaac)  »  Montivilliers,    réfugié. 

Godefroy  (Jean)  »  Arques  » 

(îodefroy  (Pierre)  »  ( 'audcbec  (lîeuzevillclte).  ré- 

fugié à  Amsterdam. 
Godin  (David)  de  l'élection  de  Montivilliers,  réfugié  en   Angle- 
terre. 
Gilles,  de  l'élection  de  Caudebec  (Bolbec),  réfugié   en    Angle- 
terre. 
Godin   (Pierre)    de    l'élection    de    Montivilliers,    réfugié  ? 
Gosse  (Salomon)  »  »  » 

Gossier  (Pierre)  »  Arques  » 

Gosselin  (Madeleine  Ilauvel,  veuve    de    Josepli)  de    l'élection 

d'Arqués,  réfugiée  ? 
Goupil  (Jean)  de  l'élection  de  (  laudebec,  réfugié  ? 
Graindor  (Anne)        »  »  » 


—     \20    

(ifosil  (.Iran)  lie  ri''l(!clion  ilr  Moiitiv  illicrs,  l'i'riijiii';  V 

(iuerard                        "  "           (llafllfur),     r(-iïigié 

à  I  liiiiliii. 

(iiieroult  (.leaii)  de  rélfclioii  de  MoMlivillicrs  ((  Irarlicl),    i-t'fu- 

<ji(''  à  Aiiislerdai;!. 
(iiieroult    (Isaac)    de    ['(''IcrliDii    de     Mdiilivilliei'S,     [■('•i'ULiii''  ".' 

(iuoroull  (Nicolas)             "  "                   -» 

(Tuetteville  (Jacques)       »  Alpines                  » 

(iiiellevillc  (Anne)           »  »                       » 

(iiiillauiiie  (l'ii'iTc)           »  Moiitivilliers          » 

Haizc.  (Jac(jues)               »  »                  » 

Haize  (Salomon)              »  »                  » 

Halavanl  (l'icrre)             »  Arques (l!oyville),rélugi»';  ? 

Hallol  (l'ierre)                  "  "     (Luneray)        » 

Hardy  (Daniel)                »  ]\Ioiilivilliers               » 

Haudiecorne  (Jean)         »  »              (les  Loges) 

réfugié  '! 
Hauguel  ((Charles)  de  rélection de Candel)ec(Yébleron) réfugié  ? 
Ilaunierville    (<  luiilaunie)  de  i'éieelion  de   (  laudebec    (lieuze- 

ville-la-(  irenior),  réfugié  ? 
llaiilot  (Klisabetli)  d(>  l'élection  de  ^lonlivilliers,  réfugiée  ? 

Maulot  (Jean)                      »  (  ;audehec((  irucliet)  rélugié'/ 

Ifaulut  (Kster)                    »  Monlivilliers                    » 

Haulot  (Marie)                   »  Caudebec  (Rulhec)         » 

llavy  (l'ierre)                     »  »                »                » 

Hébert  (Isaac)                    »  ^fontivilliers                    » 

Hébert  (David)                  »  Ar(|ues                            » 

Hébert  (Jeanne)                »  Montivilliers                    » 

Hébert  (Pierre)                 »  Arques                             » 

Hébert  (Pieire)                 »  Montivilliers                    » 

Hellot  (  Jac(jues)                »  (  '.audebec                         » 

Hervieux                            »  Montivilliers                    » 

Hervieux  (Jacques)           »  «       (Fécanip)        » 

Hervieu  (Jean)                 »  »              »             » 

Hervieu  (Jean,  le  jeune)  »  »                           » 

Hervieu  (Moïse)                »  »       (Senneville)     » 


—  4=1  — 

Hiu-    (C.liarles)    do    !'élection    ilc    ('.audebec     (l>euzevilh'-la- 

(Treniorj  l'éfugié  ? 
Janvier  (Jacob)  de  l'éleclion  de  Caudelioc,  réfugié  ? 
Jouoiine  (l'ierre)  »  .Moiitiviiliers     » 

Lamii'al  (l'ierre)  i>  ('.audebec         >■ 

Lagarenne  (Nicolas)       »  Ar(|ut's  » 

Lamy  (Trislan)  »  .Moiitivillicrs    » 

Laiiioisse  (l^ieire)  »  »  >■ 

Langlois  (Giiillanme)      >>.  ('-audebec         » 

].arcliev("(|ue  (Isaac)       »  Arques  » 

Larcl!evt'(]ue  (Jeani        >•  »  » 

Lalourle  (Jeaiil  ■>  .Monlivilliers     » 

Lati»urte(  Aniie,Vve  |!.  PirouHlel'élect.de  Monlivilliers,  réfugiée  '.' 
Latonrie  (  l'ierre)  »  »  » 

Lavolle  (Pierre»  »         (inudebec  » 

Lebarbier  (Tiniolliée)  .\liHilivillici-s  » 

Leberquier  (iieujaininj  ^  »  » 

Leberquier  (Jean)  *  "  » 

Leberquier  (l'ierre,  lils  de  Jacob)  »  »  ^> 

Leberquier  (Pierre,  lils  de  l'ierre)    »  »  >> 

Leberquier  (Marie)  »  »  » 

Leblond  (Abraliani)  »         ('-audebec  » 

Leblond  (Pierre)  »  »  (Autretot) 

réfugié  en  Aiiglelerre. 
Leblond  (Jacques)  de  l'éleclion  de  (^audebec  (Trouville)  réfugié 

en  Amérique. 
I.eblond  (Isnac)  de   l'éleclion    de    Monlivilliers,    réfugié  ? 
Leliloiul  (Abraham)         »  »  » 

Leblond  (David)  »  (laudebec  » 

Leblond  (Jean)  »  Monlivilliers  » 

Lebas  (Pierre)  »  »  » 

Lebi'ument  (Abraham)  »  (".audebec  » 

J^ebrument  (Jacques)      »  Monlivilliers  » 

Lebrumenl  (Jacques.  Marie  Fauquel  v'»»')  de  l'éleclion   de    Cau- 

debec,  réfugiée? 
Lebrument  (Marlhe)  de  l'éleclion  de  Caudebec  (Aulretot)  réfu- 
giée en  Angleterre. 


—  4^2  — 

Leboulengcr   (Elle)    de   rélection   de    Caudebec    (Gruchet-le- 

Valassc)  réfugié  ù  Amslerdam. 
r.ocaron  (Daniel)  de  l'élection  de  Caudebec,  réfugié  ? 
Lecaron  (Judith  Pimont,  Vve  d'Abraham)  de  l'élection  de  Cau- 

dohec,  réhiLiiée  ? 
Lcclerc  (Louis)  de  l'élection  de  (".audeber,  i-éfiigié  ? 
Lecaron  (Jacques)        »  »  (liolhec)   rétugié    en 

Angleterre. 
Lecoinle    (Isaac)    de    l'élection    de    .Mon(ivilliers,    réfugié  ? 
Lecointe  (Jean)  »  Ar(|iies  » 

Lecointe  (Louis)  «  Monlivillicrs  » 

Lecointe  (Abraham)  »  Anjues  » 

Lecordier  (Marie)  »  Montivilliers  » 

Lefebvre  (Jacques)  »  »         (St-Aiitoine-la- 

Forét)  réfugié  ? 
Lefebvre    (Jean)    de   l'élection   de    Montivilliers.    réfugié   ? 
Lefebvre  (Louis,  S''  de  CJiambrun)  de  1  élection    de    Caudebec, 

réfugié  ? 
Lefebvre  (Marthe)  de  l'élection  de  Montivilliers,  réfugiée  ? 
Lefebvre  (Pierre)  »  »  » 

Leforeslier  (Michel)  »  Arques  » 

Legrand  (Daniel.  S'' du  Petit-Dose)  de  l'élect.  de   .Montivilliers, 

réfugié  ? 
Legrand  (Marie)    de  r('lection    d'Anjues    (église    Dacqueville) 

réfugiée  à  Groningue. 
Lemaistre  (Jacques)  de  l'élection  d'Arqués,  réiugié  ? 
Lemaisfre  (Nicolas)  »  Caudebec         » 

Lemaistre  (Epoux)  »  Montivilliers  (llarlleur)  réfu- 

giés en  Angleterre. 
Lemâle  (Abraham)  de  l'élection  de  Montivilliers,  réfugié  ? 
TiCmaître  (Tobie)  »  »  » 

T>enioine  (Jacques)  »  »  » 

Lemonnier  jeune  »  »  » 

Lemonnier  (David)  »  »  » 

Lemonnier  (Jacques)  »  »  » 

T.epelletier  (dame)  »  »  » 


—  42,^  — 

Lepiqiiais  (hicol))  do  l"él('ctioii  de  Caiidcbec,  réfiij^iô  ? 
Leplay  (Isaac)  »  »         (Autrelul)    i-éfugié 

en  Ang^leterre. 
Lépreux  (Jaccjiies)  de  l'élection  d"An|ues,  réfugié  ? 
I^esei^iieur  (Madelaine)       »       Caiideljec         » 
J.esadc  (Pierre)  »       Arques  » 

Lestudois  (Jacques)  »       Caudebec  (Sl-Nicolas-de-la- 

Taille)  réfugié  à  (ironingue. 
T.esueur  (Jae<|ues)  de  l'élection  de  Monlivilliers,  réfugié  ? 
JiCSueur  (eulbiit)  »  »  » 

Lesoiniuelicr  »  »  » 

Leiellier  (Lsikic)  »  Ar(|ues  » 

Leiellier  (Jacques)  »  »  s 

Letellier  (Pierre)  »  »  » 

Leniarcis(lsiiac  el  sonIVère)  dt^l'élcctioude  Monlivilliers  (liolbec) 

réfugiés  en  Angleterre. 
Leludois  (Vve  Salonion)  de  l'éleclion  d''  Moulivilliei's,  réfugiée  ? 
Lasseur  »  »  » 

Levasseur  (Etienne)  «  »  » 

Levasseiir  (Isaac)  »  C;ui(lel»ec(l!«>lliec)  « 

Levill.iin  (Josias,  liériliers  de)  d(^  réicclion  d'Anjucs,    r(''lugiés 

en  Amériqu(\ 
Lbeureux    (Pierre)    de    l'élection    d'Ar'(|ues,    réfugié  ? 
Linard  (Etienne)  »  Monlivilliers       » 

Linard  (Jacques)  »  »  » 

Linard  (Jean)  »  »  » 

Ijoisel  (Jean-liaplisle)  »  »  » 

Lorplielin(Josepli)  »  Arques  » 

Loué  (Pierre)  »  Montivilliers       » 

Louvel  (Jacques)  »  »  » 

Tjouvet  (Samuel)  »  »  » 

Lucas  (Juditb)  »  »  » 

Lunel  (Nicolas)  »  »       réfugié  en  Angle- 

terre. 
Lunel  (Pierre)  de  l'élection  de  Monlivilliers,  réfugié  ? 
Mahieu  (Jean)  »  Arques  » 


—  4=4 


Mailhird  (l'icrrc)  de  rélrclidii  di;  ('.iiudebec,  réfugié  ? 

M;li^tl■('  (l'icri'.')  j>  Ar(iUes  » 

Mahuulaiii  (leaii.  cl  sa  rcmiiii'  Marllic  lîoiirtioii)  d  '  l'éledioii  de 

Moiilivjlliers  ((iodcrville)  l'ciugiés  ? 
Mallcl  (Daniel)  de  rélectioii  do  Caudehec,  réfugié  ? 
Madct  (Saloinon)  »  »  » 

Maliet  (Jean)  »  »  »      en  Améri((ue. 

Mallel  (Saloinon)  »  »  » 

Marcotte  (Guillaiimo)     »  Arques  » 

JMarie  (Estel')  »  Caudebec        » 

Marcolte  (Anne)  >>  Arques  » 

Massieu  (Pierre)  »  »  » 

Mauger  (Jean)  »  »  » 

Mauger  (Madelaine)      »  ^lonlivilliers  » 

Mauger  (Marie,  Vve  David  Llieureux)  de  l'élection    d'Arqués, 

réfugiée  ? 
Meniel  (filles)  de  Télection  de  Montivilliers,  réfugiées  ? 
Meniel  (Jean)  )>  »  » 

»  Arques  » 

»  »     ((jueures)     » 


Michel  (Nicolas)  » 

Miffant  (Jacques)  » 

Mifïant  (]\Iathieu)  » 

Mole  ('Suzanne,  Vve)  » 

Monfreuile  (Jean)  » 

Monfreulle  (Pierre)  » 

Monnier  (Jacques)  » 

^lontier  (Daniel)  » 

réfugié  en  Angleterre. 

Morue    (Pierre)    de  l'élection    de    (laudebec,    réfugié  ? 


Caudebec 


Arques  » 

("audebec  (St-Eustaclie-la-Forèt) 


Moucliel  (Pierre) 
Mullot  (Jean) 
Mustel  (Marthe) 
Navarre  (Abraham) 
Nipiville  (Eudes  de) 
Noël  (Nicolas) 
Née  (Jacques) 
Oursel  (Nicolas) 


Montivilliers 
(laudebec  » 

Arques  » 

»     (Luneray)  réfugié  ? 

Montivilliers  » 

Arques  » 

»  » 

Montivilliers  » 


—  42=^  — 

Orange  (Jean)  de  rélection  di-  Caudobec,  réfugié  ? 

Ouvry  (David)  >  Annies  « 

Ouvry  (dlie)  »  »  » 

Ouvry  »  ■'  " 

Osno  »  Montiviliiers    » 

Pérou  (Jacques)  »  »  » 

Pérou  (Marie)  »  »  » 

Pérou  (Railiel)  »  »  » 

Petit  (Jean)  "  "  » 

Picot  (Abraham,  Piachel  Bouzans  sa    fenuiie)    de    rélection    de 

Caudebec  (Rolbec)  réfugiés  ? 
Picot  (Abraham,  fils)  de  l'éicct.  de  Caudebec  (fiolbec)  réfugié  ? 
Picot  (Pierre)  >  »  »  >■ 

Picot  (Marguerite)  »  »  w  » 

Pigné  (Daniel)  »  Arques  » 

Pillon  (Pierre)  »  »  » 

Poucliin  (Jean)  »  ^lonliviiliers  » 

Poulingue  (Abraham)  «  »  » 

Quesnel  «  Caudebec  » 

Quesnel  (Charles)  »  «  (l'olbec)       » 

Quesnel  (Jean)  de  l'élection  de  Montiviliiers    (Turi'etot)    réfugié 

à  Rotterdam. 
Quesnel  (Jacques)  de  l'élection  de  Montiviliiers,  réfugié  ? 
Beauté  (Thomas)  »  »  réfugié  en  An- 

gleterre. 
Retout  (Pierre)  de  l'élection  d'Arqués,  réfugié  ? 
Renault  (Jean)  »       Montiviliiers  l'éfiigié  ? 

Renoult  (Nicolas)  »       Caudebec  » 

Retout  (Samson)  »       Ai'(|ues  » 

Richer  (Abraham)  »       Montiviliiers       » 

Piicher  (Charles)  »  »  » 

Richer  (Daniel)  »  »         (Criquelol)  réfugié  ? 

Richer  (Jacques)  »  »  » 

RicoHir  (Pierre)  »       Caudebec  » 

Routier  (Anne)  »       Arques  » 

Rufy  (Jacques)  »  »  » 


—   ^2b  — 

Uully  (.leaii)  de  Télection  d'Arqués,  réfugié  ? 
Sacré  (Tol)ie)  »         Montivilliers,  réfugié  ? 

Selingue  (Elle)  »         Gaudebec  » 

Selingiie  (Elis:ibeth)de  l'élection  de  (laudebec((iruchel)  réfugiée  ? 
Scnécal  (Jacques)  »  Arques  » 

Seiiécal  (Jean)  »  »  » 

Senécal  (Pierre)  »  »  » 

Sieurin  (Jacob)  »  Montivilliers  » 

Sieurin  (Jacques)  »  »         (St-Nicolas-de-la- 

Taille)  réfugié  en  Hollande,  mais  revint    en    France    en 

février  im). 
Sieurin  (Jean)    de  l'élection  de  Montivilliers,  réfugié  ? 
Sieurin  (Pierre)  »  Caudcbec 

Sortembosc  (Samuel  de)  de  l'élection  de  Montivilliers,  (Fécamp) 

réfugié  ? 
Sortembosc  (Pierre  de)  de  l'élection  de  Montivilliers,   (Fécamp) 

réfugié  ? 
Soyer  (Ciédéon)  de  l'élection  d'Arqués,  réfugié  ? 
Soyer  (Jacques)  »  »  i> 

Soyer  (Jean)  »  »  » 

Thierry  de  la  Motte-Fallier.    de    l'élection   d'Arqués    réfugié  ? 
Tur(juier  (Salonion)  »  »  » 

Vauquelin  (Jean)  »  »  » 

Vautier  (Thomas)  »  »  » 

Veridel  (Jacob)  »  Montivilliers     » 

Viard  (Jacques)  »  Gaudebec         » 

Vincent  (Jac(jues)  »  Montivilliers     » 

Vincent (Jean)  »  »  » 

Voisin  »  Arques  » 

Vry  (Marie)  »  Montivilliers     » 


—  427  — 
PIÈCE  N°  9 


Liste  (les  NOUVEAUX  CONVERTIS  d'Hnrpeur,  de  Mont i- 
villiers  et  des  conuiinncs  voisines  qui  rendirent  des  armes 
et  des  munitions  à  la  suite  de  l'ordonnance  royale  du 
i6  octobre  1688. 

Harfleur 

Pierre  Costé.  Jean  Costé.  Jean  Maugendre.  Jean  Lecoq. 
Jean  Desnaiix.  Pierre  Sommelier.  Pierre  (<osté.  Pierre 
Louvel.  Jean  Lemaisire.  Jacob  Poiichet.  Jean  Lebas. 
Poucliel  de  Belleniare.  Tristan  de  la  Motlie.  Jean  \.o  Pirni-d. 
Jean  GelFray.  Isaac  Lioult.  Jean-Daniel  liouling.  Ahrahaiu 
Lebas.  Pierre  Durant.  Daniel  Mauger.  Jean  Eiidi'.  Jean 
Delaunay.  Jacob  Gneroul;.  Jean  Lestudois.  Vve  de  l'icrrc 
Fcrrand.  Jacques  Haize.  .Nicolas  Ilaumont.  Jean  liouling. 
Jean  Eudeline.  Pierre  Casiel. 

Montivilliers 

Pierre  Fréniont.  .Jacqucs-Pliiléinon  Andi-icii.  Jacob  Lemercicr. 
Pierre  Fréniont  fils.  Jacques  Andrieu  fils.  Pierre  lieuriot. 
Pierre  Calecet.Ephraïm  Lesueur.  (jédéon  Palfray.  Abraliam 
Lamy.  Pbilémon  Sevestre.  Isaac  l>amy.  Jean  Levesque. 
Pierre  Bellet.  Jean  Dufour.  Philippe  Fesanvage.  Vve  de 
Jean  Andrieu.  Jean  Mordant.  Cliarles  l.ecourt.  Vve 
Delaporte.  Pierre  GelTray. 

Angerville-l'Orcher 

Pierre  Lecacheux.  Pierre  Simenel.  Philippe  Martel.  Jean 
Anganiare.  Pierre  Aubourg.  Isaye  Lesauvage.  Abraham 
Leroy.  David  Couillard.  Pierre  Coquart.  Jacques  Sauquei . 
Thomas  Hachard. 

Manéglise 

Salomon  Lecordier. 


—  42?  - 

Gainneville 

Jean  Levosqiio.  Jacob  I.cconili'.  Jean  llallol.  Ja((|ut's 
Dunioucliel. 

Epretot 

Jean  Locaclieux. 

Saint-Laurent-de-Brèvedent 
Malliias  Leroux.    Jean  l.elellier. 

St-Germain-de-Montivilliers 

Jean  Ferret.  Al)i'aliaiii  Itrcdcl.  Jean  d"pj|ueville.  Nicolas 
Gueroult.  Jean  l.oisel.  l'icn-c  lidivin.  Jean  Lesenne.  Daniel 
Blonde). 

Le  Fontenay 

l'ierre  Angamare,  Jjicques  Brllel. 

Epouville 
Jacqne.s  Peste),  l^ierre  )-aljljé.  Jacob  ))urand. 

Rolleville 
Danie)  Faisant.   Jac([ues  (iandebec.  Abraliani  Ouesnel. 

Fontaine 

Jacques  Bouvief.  Jean  Dupuis. 

St-Martin-du-Bec 

Jean  I.anibet-I.  Jean  Leniarcband.  Jacques  l.anibcrl.  Jacques 
Périer.  Abraliam  Lenioine. 

Sanvic 

Laurent  Lebas.  Jean  i)uniouc)ie).  )saac  lioudin.  Jac(jues  Avril. 

Bléville 

Jacques  Brede).  Jean  T'auron.  (iédéon  Mas)e.  Isaac  Ma)on. 
Jean  Ma)le.  Jean  LecacJieux. 


429  — 


Octeville 


Abraham  Masie.  Pierre  Eudes,  Pierre  Gascoin.  Pierre  Avril. 
.Ia((|iies  I.ecaclieiix.  Philippe  Avril.  Charles  Masle.  Jean 
l'icanl.  Pierre  l'aisaiil.  .Iran  I,ecordier.  Henry  Avril, 
.lacfiues  Avril.  Pierre  Masle.  Jean  Masle.  Thomas  Simon. 
Pierre  Dullol.  Pierre  d"E(jueville.  Pierre  Simon.  Jean 
lîi-edel.  Abraham  Uu  liuisson.  Pierre  Lambert.  Jean  Masle. 
Pierre  Aubourg.  Jean  liredel.  Jacques  .Masle.  Jean 
d'Equeviile.  Jean  Fontaine. 

Criquetot,  Beaurepaire.  Le  Tilleul,  Pierre-Fique, 

Cuverville 

Pierre  Ht'-rnbel.  Jaeijiies  Fontaine.  Pierre  Manger.  Pierre 
Ituilot.  Jonas  Thomas.  Pierre  Boitte.  Jacques  Patrix. 

Hermeville,  Le  Coudray 

Jean  Héinhel.  Siniun  liauqner.  Nicolas  Itelamare.  .Abraham 
llecher.  André  Helainare.  l'ierre  Perler. 

Turretot-Gaineville 

Pierre  De  Fanné.  Phih'inoii  Aubert.  Abraham  lîenaud.  Jean 
Le  Presti-e.  Jacuh  (laiiinait. 


PIECE  y  10 


RAPPORT    DES    CURES    (1698/99) 

Uùles  (les  iiouvenux  convertis 

(Nota.— Les  villes  de  Rouen,  du  Havre  et  de  Dieppe  sont  excUies). 


DOYENNÉ  DU  HAVRE 


Ville  de  Montivilliers 

Veuve  Delaporte,  lingère,  demeure   à    Kouen,    —    revenue   à 
Montivilliers. 


—  43^»  — 

Tttbie  l.eiiiaistre,  compagnon  serrurier,  —  s'est  retiré  et 
ile|iuis  fait   recevoir  au    Havre.    On    ne  sait    présenlcnicnt 

oii  il  esl. 

Ville  d'Harfleur 

l,a  daine  Leinaistre,  bourgeoise  vivant  de   son  bien,  est  partie 

en  Angleterre  pour  rejoindre  son  mari   qui  y   est   habitué 

depuis  1085. 
Le  lils  de  Jean-1'ierre  (Insté,  jdalrier,  est    passé   en    Hollande 

depuis  3  mois. 
I,e  sieur  Guérard,  fils  du  ministre  de  Sanvic,  qui    demeurait   à 

Harlleur,  doit  revenir  de  Dublin,  en  Irlande,  où  il  est  établi 

depuis  longtemps. 

Fontaines 

Henry  Avril,  laboureur,  80  acres  de  terre,  ii  ans  ;  Marie  Bre- 
del,  sa  femme,  40  ans  ;  5  enfants  de  1  à  15  ans  ;  Jacques 
Avril,  père  du  dit  Avril,  demeurant  avec  lui,  73  ans  ;  un  do- 
mestique, nommé  Bredel,  "20  ans. 

Jean  Dupuis,  laboureur,  50  aci-es  de  terre,  45  ans  ;  Marie  Le- 
vesque,  sa  femme  ;  5  enfants,  l'ainé  14  ans  ;  Jeanne  He- 
naux,  servante,  37  ans  ;  Thomas  Deguiville,  20  ans. 

Jacques  Boivin,  laboureur,  45  acres  de  terre,  42  ans  ;  .\nne 
Lecordier,  sa  fenmie  ;3  enfants,  l'aîné  12  ans,  la  dernière  5 
ans  ;  Jean  Lebouvier,  domestique,  23  ans;  Jacques  Lecor- 
dier, 16  ans  ;  Judith,  servante,  20  ans. 

Pierre  Lambert,  8  acres  de  terre,  46  ans  ;  Judith  Maze,  sa 
femme,  45  ans  ;  5  enfants,  de  20  à  7  ans. 

François  Fromont,  15  acres,  —  marié  depuis  6  mois  à  Made- 
,  leine  Maze  ;  lui,  26  ans  ;  elle  30  ans. 

Ester  Avril,  veuve  de  l*ierre  Lahoule,  37  ans,  —  seule  dans 
une  chambre. 

Pierrefiques 

Jacques  Argentin  et  Marie  Leiièvre,  sa   femme,    et  8    enfants, 

22,  18  et  15  ans. 
Josias  Bicher  et  Suzannne  Boivin,  sa   femme,    et   2   enfants    : 

F'ierre,  15  ans,  sans  esprit,  et  Marie,  10  ans. 


—  451  — 

Anglesque  ville 

Pierre  Périer,  laboureur.  50  ans,  —  assez  aisé,  marié  à  la 
veuve  (iiind  ;  1  lilie  de  15  mois.  L'on  n'a  aucune  connais- 
naissance  de  son  mariat;e  pour  n'avoir  élé  fait  sur  les  lieux. 
i,a  dite  veuve  a  6  enfants  :  10  à  lU  ans.  —  Deux  servantes 
de  "20  ans  chacune. 

Jean  Cailard.  laboureur.  1)8  ans,  —  aisé,  marié  de  même  à 
une  nommée  Andrieu  de  Î5  ans.  dont  il  a  une  fille  de  1."» 
mois,  i.a  mère  du  dit  Cailard.  70  ans  ;  un  frèi-e  de  20  ans; 
un  autre  parent  de  12  ans  ;  une  seivante  de 20  ans. 

Jacob  Leroy,  manœuvrier,  -io  ans  ;  sa  femme  ;  trois  enfants  ; 
23  ans,  le  dernier  8  ans. 

Madeleine  Pavie.  iO  ans,  mariée,  de  même  (jue  les  précédents, 
à  un  nommé  Claillot,  chaudronnier,  û8  ans. 

.Jean  Féret  et  sa  femme,  iO  ans  ;  2  enfants  de  9  et  10  ans. 

Pierre  lioivin  et  sa  femme,  lui  50  ans,  elle  00  ;  4  enfants  ; 
l'ainé  25  ans,  le  dernier  1(>  ans. 

Turretot 

Denis  Gosselin,  tisserand,  42  ans  ;  .Madeleine  Leprestre,  sa  fem- 
me, 45  ans  :  Pierre  Gosselin.  frère  du  dit.  3N  ans  ;  Marie 
Leroy, servante,  12  ans 

Isaac  Cailard,  journalier.  33  ans.  avec  sa  mère  d'environ  70  ans. 

Jacob  Campart,  tisserand,  40  ans  ;  Suzanne  Périer,  sa  femme, 
40  ans  ;  3  enfants  :  IX  à  13  ans. 

Jean  Lecordier,  serviteur  chez  la  veuve  Beauquier. 

Thomas  Leprestre,  serviteur,  de  la  paroisse  de  St-Jouin  ;  Marie 
Pellerin,  sa  femme,  et  3  enfants. 

Pierre  Delaunay,  tisserand,  00  ans  ;  Pierre  Delaunay,  son  lils, 
12  ans. 

La  veuve  Beauquier,  iO  ans,  —  avec  (i  enfants. 

Ecuquetot 

M.  de  la  Mazure,  sieur  d'Anxtot,  sa  servante  et  Jeanne  La- 
chèvre. 


—  432  — 

Samuel  Durand,  sa  sn'ur  et  Mario  Aniy. 

Pierre  Lamoisse  et  sa  servante. 

Jean  Périer  et  sa  servante. 

Jean  Valenlin. 

Jac(]ues  Ouesnel  et  son  lils. 

Pierre  l)ul)uc  et  sa  feiiinie. 

liachel  Perluzon. 

Mathieu  Leroux,  sa  ieninie,  son  fils,  sa  lille,  sa  servante. 

Jacques  Sieurin.  sa  femme,  son  fils,  sa  servante. 

Jacques  Hauchecorne  père,  son  lils  et  sa  femme. 

Ester  Bredel  et  sa  lille. 

Daniel  Pofel,  sa  femme  et  (î  enfants. 

Vve  Sieurin  et  2  lils. 

Jacques  Desvignes  et  sa  femme. 

La  veuve  Judith  Simon  et  sa  fille. 

Etienne  Poisant  (ou  lùiemie  F^epi-eslre),  sa  femme  et  i  enfanls. 

Jacques  Morel.  renégnf  depuis,  (piatre  ans  et  qvi  fait  le  p)-es- 
che  ayant  été  ci-devant  élevé  à  Villainville,  son  valet  et 
un  petit  garçon . 

Salomon  Hautot  et  sa  scrur. 

Salomon  Angammare,  sa  femme,  2  enfants,  1  valel  et  I  ser- 
vante. 

Pierre  Bredel  et  son  lils. 

Abraham  Potin,  1  valet  et  1  servante. 

Robert  Kicher,  2  enfanls. 

Jean  Gosselin.  —  Jonas  Petit.  —  Louis  Petit. 

Jonas  Thomas  et  l  enfanls. 

Jeanne  et  Suzanne  I.ahure. 

Jean  Campart,  sa  femme  et  son  fils. 

Marie  Lenud. 

La  veuve  d'Abraham  Lainoisse,  3  enfanls,  deux  valets,  deux 
servantes. 

Marie  Petit.  —  Ann(;  Petil.  —  Marie  Louvel. 

Jacques  Roche,  sa  fenune,  yené(jate  pour  les  pousser, 'i  e\^ïixnls. 

La  veuve  de  Jacques  Quesnel  et  son  fils. 

Jean  Bredel  et  sa  fille. 


Notre-Dame-du-Bec 

l'IiiltMiion  Auber,  .Marie  lioiilani,  sa  femme,  sa  fille  et  Racliel 
nicher,  sa  servante. 

Jean  Auber,  Elisabelh  Lecaron.  sa  femme,  el  W  enfants  ; 

Jacques  Auber,  frère. 

Jacques  Hérubel,  —  .Mai'ie  .Martel,  —  ('.liarles  (îosselin,  Marie 
Hellet,  sa  femme,  et  2  enlauts  ;  P^lisaheth  Iloquiii,  ser- 
vante. 

Beaurepaire 

Anne  Quesnel,  veuve  (Josseliii,  X2  ans;  Pierre  (îosselin.  son  lils, 
38  ans. 

Saint-Sauveur-la-Campagne 

vSalomon  .\n_ii'ammaie,  GX  ans  ;  sa  feiiuiic,  7(1  ans  ;  Jeanne    An- 

gammare,  leur  lille,  1)5  ans. 
Jean  Auber,  tellier  (loilierj,  t  eiif.inis  :  17  et  IT)  ans. 
Jean  Diiflo,  marcliand  de  clievanx  el  labonr(nii',  oOaus  cnvii-on, 

ayant  cliez  lui  .Indilli  .\ndrien  (ju'il  dit  rlri»  sa  ienimc    (|uoi- 

(]u"il  n'en  ait  lait  paraître  aucnn  acle,  de  la(|uelle  il  a    deux 

enfants  —  "l  ans,  et  S  mois  —  el  nii  valet    r.onimé  .^ieiu'in, 

30  ans,  et  Suzanne  lioiteux,  scrvanlc. 
Léonor  Durand,  cordonnier,  40   ans  ;    .Vuiic    Ilauciici  orne,    sa 

femme,  iO  ans  ;  2  eidanls,  9  et  7  ai;s. 
Jean  Léger,  12  ans,  laboureur  :  Snzannt'    l.aiiiy,  sa    lemiuc,    ii 

ans  ;  sept  enfants  :  Tainé  10  ans. 
Etienne  Dui'and,  jouinialier,  3'i  ans.  gari  on. 
Marthe  liazire.  00  ans. 
Jean  .Mole,  laboui'eur  et    tellier.    !(8    ans  :    Suzanne    Claux,    sa 

mère.  75  ans. 
Pierre  .Mole,  tellier.  36  ans  ;  Jeanne    Hauchecorne,    sa    femme 

qui  dit  avoii'  été  uuu'iée  p;u'    le    curé   de    Déville    (|Uoi(|u'il 

n'en  paraisse  aucun  acte,  de  laqm  lie  il    a    une    lille    de    9 

mois. 
Jean  Potier,  laboui'eur.  40  ans,  ayant  chez  lui  Pierre    l.csouef, 
sa  so'ur,  et  deux  neveux,  l'un  de  %).  laulre  de  IS  ans. 


-  4H  — 
Ecrainville 

Jean  Uorlavillc  »'t  sa  rciiiiuc  ;  (;iii{]  cnianls,  dont  l'ainé  est  à;jé 
de  ',^0  ans.  I.e  dit  Hoi'lavillc  et  sa  fciiiiiH'  àj^rs  de  50  ans  : 
la  bonne,  40  ans.  —  iO  acres  de  leire. 

Jacob  li^ou,  50  ans,  laboure  15  acres  de  terre  ;  .Jndith  Fon- 
taine, sa  fennne  ;  buit  enfants  ;  Fainé  110  ans. 

Pierre  (îosselin,  laboure  à  l'enne  l'-J  acres  de  terre,  3U  ans.  Dit 
être  marié  il  y  a  environ  "2  ans  sans  avoir  fait  paraître 
aucun  cerlilicat. 

Goderville 

Pierre  Maillard  et  sa  femme. 

Denis  Valentin  et  sa  femme. 

Jean  IJelessart  et  sa  femme. 

Jacques  Avril  et  sa  femme. 

La  veuve  Lebas,  un  garçon  <'t  "2  filles. 

Pierre  .Vvril  et  sa  fennne. 

Jean  Heaudoin. 

IJaniel  Haucliecorne. 

Manéglise 

Vivier,  7i  ans,  avec  sa  fenmie  pareil  âge.  seuls  sans  enfants 
ni  domestiques.  I.aboure  se])l  acres. 

Andrieu,  50  ans,  —  aîné  de  trois  sd'ui's  qui  demeurent  chez 
lui  ;  sa  femme  de  son  âge,  1  batteur,  1  valet  ;  labonre  une 
ferme  de  110  acres  de  terre.  (îette  femme  accoucbée  (le[)uis 
3  semaines  et  les{jnels  ont  fait  fefiis  de  parier  l'eiiffDit  à 
réglise.  et  sur  ces  refus  a  été  cjojirné  ii  In  rei/iiète  de  M. 
le  procureur  dit  roij  à  Moiitirillliers. 

Saint-Jouin 

\a',  sieur  (iaudin,  bourgeois  du  Havi-e,  faisant  valoii'  dans  celte 
paroisse  45  acres  de  terre,  —  55  ans  ;  sa  femme,  50  ans  ; 
cin(j  enfants  :  l'ainé,    '2''2    ans  :    —   trois  domesliiiues. 

Isaac  Heclier,  laboureur,  50  ans. 

Jean  Heclier,  ?,ô  ans,  5  domestiques,  100  acres  de  terre. 


—  4^^s  — 

Jean  Sens,  laboiirenr,  llO  acres,  00  ans  ;  Juditli,  sa  fille,  22 
ans. 

Jean  l'oisant,  mand'uvi'e.  00  ans  ;  sa  femme,  pareil  âge  ;  2  en- 
fanls,  22  cL  13  ans. 

Jonas  Aubert,  labonreur,  i.")  ans  ;  sa  femme,  'lO  uns  ;  i  en- 
fants, l'aîné,  iH  ans. 

La  veuve  I.eméleil,  (io  ans,  10  acres  ;  li  enfants  ;  Tainé,  25 
ans. 

Emalleville 

Tbomas  Quesnel,  labonreur,  70  acres,  32  ans  ;  sa  iemme,  45 
ans  ;  A  enfants  :  l'aîné  HO  ans,  le  cadet  15  ans.  I.e  dit 
Quesnel  a  150  livres  de  rente  en  fonds  de  terre. 

Pierre  Senn'nel,  labonreur.  00  ans,  40  acres;  safenuue,  45  ans; 

7  enfants  :  l'aîné,  23  ans,  le  cadet  10  ans. 

.Jean  Sieurin,  laboureur,  45  ans,  oG  acres;  sa  fennne  pareil  âge  ; 

deux  enfants;  V;\u\('  22  ans,  le  cadet  2. 
Jean  l'ottier,  gardon,  iO  ans;  Marie  l'oltier,  sa  sieur,  veuve; 

une  servante  ;  —  10  acres  de  terre. 
Daniel  Ilaucliecorne,    io    ans  ;   .Marie   1  ajibice,    sa  femme,    35 

ans  ;  3  enfants.  15,  12,  et  0  ans. 
Noénii  Renoux,  tille,  2i  ans,  et  Elisabeth  lîeiiou.v,  lillc,  17  ans  ; 

Salomon  Renoux,  22  ans,  —  occupriit  une  cliambi'e. 

Hermeviile 

.Tean  Sieurin,  blastrier,  50  acres,  et    Poster    Ib'rubel,   soi-disant 

sa  femme,  25  ans. 
Marie  Valentin  veuve,  en  cliambre,  et  Judith  Valentin,  sa   (ille, 

8  ans. 

Nicolas  I.elièvre.  médecin  de  chevaux,  58  ans,  et  Elisabeth  Le- 
roux, sa  femme,  00  ans  ;  Marie  Lelièvre,  lille,  30  ans. 

Jacques  Périer,  marchand  de  moutons  et  laboureur,  35  ans, 
prétend  être  marié  depuis  queltpies  années  à  ,\nne  Potel, 
sa  femme,  de  même  âge  ;  une  lille  de  hS  mois,  2  valets  de 
harnois.  1  batteur  en  grange  et  2  servantes. 

IsaacLemarchand,  manouvrier  ayant  une  pctiti^  maisou  et  2 
acres   de   terre  à  luy   appartenant.  ('0  ans  ;    Marie  Cabot, 


—  436  — 

sa    ffiiiinc  :   2   fillos    22    et  20    ans. 
l'it'i'iT  lîciiaiilt,  Iclliri'.   i.")  ans  ;  3  enfanis.   le     I'T     li)    ans,    le 

(Icrnicr  lO  ans. 
Jean  jiénihel,  lalioiu-eui'.  iiO  acres  à  luy  appai'Ieiiant,    ';()    ans  ; 

.Madeleine  llérulx'l.  sa  nièi'i\  60  ans  ;  l'ierre  llt'i'ul)!;],    son 

lï'ère,  IN  ans  ;  Ahraliani.    irère.     \',\    ans  ;    Kslei"    Ih'Miihel. 

sd'iir,  10  ans. 
Jean  ].ali<;ny,  manonvrier.  pauvre,  iO  ans. 

Saint-Martin-du-Bec 

Le  sieur  Ahraliam  Wrouling,  bourgeuis  de  Rouen  faisant  va- 
loir sa  terme  en  celte  paroisse  ;  lait  son  devoir,  mais  la 
dame  son  épouse  ni  ses  enl'anls  n'en  ioni  rien,  ni  ses  va- 
lets et  servantes. 

Jacob  Vivier,  sa  l'ennne  et  ÎJ  garçons. 

Jean  Vivier,  sa  mère  et  son  oncle. 

Mlle  Caresme,  demeurée  en  langueur  dans  un  lit,  et  deux  ser- 
vantes qui  la  gouvernent. 

La  veuve  de  Moyse  Maillard,  et  1  servante. 

Jean  Lemarcband  et  sa  fenmie. 

.Anne  Lambert. 

Bléville 

Jeanne  Dumouchel,  veuve  de  Jean  Maze.  3  garçons  et  2  tilles  : 

Lune  de  18,  l'autre  de  8  ans  ;  2    domestiques,    1    valet,    1 

servante. 
Jacques  Vivier  ;  Juditli  Vivier,  sa  femme. 
Gédéon  Maze  et  Madeleine  Couillard,  sa  femme,    et  ï  iilles  :  la 

I'"u  15  ans  ;  Elisabetli  Avril,  servante,  25  ans. 
La  femme  d'Etienne  Boivin. 
Anne  Hredel,  veuve  d'Isaac  Malot  ;    2    enfants,    le    !<''■  i)  ans, 

l'autre  8  ;  Madeleine  Couillard.    veuve    Pierre    Hredel,    sa 

mère. 
Nicolas  Lemaistre. 

Tliomas  Vivier  et  Anne  Sieurin,  sa  fenmie. 
Jean  Tliomas,  30  ans,  et  Anne  Igou,  veuve  d'Isaac  Tliomas,   66 

ans  ;  Jonas  (lodard,  domestique,  15  ans. 


-  4^^7  - 

l'iiMTC  Mesaiii^iu'l  ;  Marie  .Manger,  son  épouse  ;  2  valets.  1 
servante  ;  —  le  I'"''  (î(l  ans,  le  2''  25  ans,  la  servante  55 
ans. 

Pierre  Avril.  55  ans  ;  .Marie-Anne,  sa  sœur.  35  ans  ;  Jean 
.\vril,  domestique.  19  ans. 

Criquetot-l'Esneval 

Pierre  Dnilii,  laboureur,  t'ci-ine  de  \H)  acres,  50  ans  ;  sa  t'ennne 
iO  ans  ;  4  enfants  dont  l'aîné  14  ans  ;  I  domestique. 

Daniel  Uuflo,  fi'ère  du  précédent,  46  ans,  laboureur.  90  acres, 
—  mai'ié  depuis  2  ans  à  la  nuinmée  (]allard,  sa  femme, 
sans  en  avoii'fait  voii-  aucun  acie  ;  2  enfants  de  son  pre- 
mier mariape  ;  1  servante  et  2  autres  domestiques. 

Daniel  lilondel.  cabarelier,  50  ans  ;  3  entants  dont  l'ainé  14 
ans. 

La  nommée  Vivier,  70  an^,  servante  cliez  un  laboureur. 

Cuverville 

.lean  Lambi'rt,  50  ans  :  .Madeleine  .Molin.  sa  femme  ;  3  en- 
fants. 17  ans.  16  et  15. 

Daniel  llaidin,  'M  ans,  gai-çon  ;  1  servante  de  50  ans.  fille. 

La  veuvi!  .lacques  Piicber.  60  ans  ;  :]  enfants  :  un  gai-çon  30 
ans,  2  lilles  plus  âgées. 

Tous  ces  nouveaux  ctmvertis  ne  fout  point  leur  devoir 
de  la  relii,'ion  catholique,  apostolique  ot  rcmiaine. 

Certilié  par  le  docteur  en  ibéologie.  curé  de  Criquetot-TEsne- 
val  et  dovLii  du  Havre. 

Signé  :  Tiii:vEMX. 

Doyen  du  ?Iavre. 

Nous  (itlcinloHs  iirec  iiiijialiciicc  ili's  ofdi-fx  qui  les  assujet- 
tissent à  leur  devoir,  car  il  n'en  est  jnesijite  jias  ijui  s'ij  dé- 
tenu inent  d'ei(X-))ièmes. 

A  MM.  les  grands  vicaires  de  raicbevèclié  de  lîouen. 

12  juin  1699. 


-  43»  - 

Le  28  aoi'il  Mii\;iiil,  \o  iiii''iiii'  doyen  du  Ihivrc    ciivoyiiit    une 
i:oiiv('llc  ikI-  ([11'  mu    n'iirotlusuns  : 

.\iiurrini.r  ctnirciiis  sarlis  de  i  o>/iiini:c  'Irjniis  la  dcchiridion 
du  nui  de  lfl!IS\  et  c  inni  coiiijii'is  ccii.r  ijni  sdiiI  sorllsilu 
IlKiir,  Harfleuf  cl  Moutirillins. 

Notre-Daine-du-Bec 
Uaiiiol  Aube  et  sa  femme. 

Houquetot 
Daniel  Haucliecornc. 

Hermeville 
Isaac  Lemarcliand  avec  sa  femme  et  sa  fille. 

Ecrainville 
Judith  Durand  et  P]stei-  Fontaine. 


DOYENNÉ  DE  FAUVILLE 


Bolbec 

Liste  des  nouveaux  a»}  ver  Us 

Jean  Ilaunierville,  riclie,  âge  l!ô  ans  ;  Abraham  Ilaumer- 
vilie,  son  frère,  âge  oJ  ans  ;  Anne  Haumerville.  sa  sœur, 
âge  28  ans  ;  Charles  llattenville.  domestique,  'M  ans. 

Pierre  l.eschalupé,  mni-ehand  drapier.  35  ans  ;  Judith  Douchet, 
sa  femme  prétendue,  lil  ans  ;  Daniel  Leschalupé,  son  neveu. 
15  ans  ;  Anne  Leschalupé,  sa  tille.!)  mois  ;  Jean  Faucon, 
domestique,  45  ans  ;  Jean  l.ebouvier,  domesti((ue,   .50    ans. 

Isaac  Lannay,  cabaretier,  60  ans  ;  , Judith  l.avotte,  sa  femme, 
55  ans  ;  Jean  Lannay,  son  lils,  20  ans. 


~  4V)  — 

Isaac  Durel,  memiisii'r.  iîG  ans  :  Elisabeth  Moiiotte,  sa    femme, 

i5  ans  ;  l'iornï  Ihirel.  s(tn  lils,  1"2    ans  ;    C.allierine    Durel, 

sa  (ille,  10  ans. 
Anne  Viard,  36  ans. 
Isaac  Haumerville.  cliandelier.  37  ans. 
.\l)raliam    Lavotlo.    tanneur,    riclie,    voiturier,    âge    55    ans  ; 

Martlie  Igou.  sa  femme.  48  ans  :  Marthe  Lavotte.  sa    fille  ; 

Nicolas  Lavotte,  enfant,  21  ans  ;  Jean  Lavotte,    entant,    18 

ans  ;  Marie  l.avotte,  enfant.  14  ans  ;  Jndilli  Lavotte.  enfant, 

4  ans. 

Méchant.  N'a  jamais  tendu  sa  porte  lors  du  St-Sacrement. 

Abraham  Lavotte,  fds,  médiocrement  riche,  tanneur,   26    ans  ; 

Judith  Lecaron.  sa  femme,  22  ans  ;  Jacob  Viel,  domestique, 

24  ans. 
Louis  Lecaron.  lannnnr.   riche.    iS   ans  ;    Elisabeth   Fagot,   sa 

fenmie,  'lO  ans  ;  Louis  Lecarou,  enfant  ;  Abraham   Lecaron, 

enfant.  10  ans;  Daniel  Lecaron.  enfant  l'i  ans. 
N'a  point  ti'udu  s;i  maison. 
Daniel  Bidlengei-,  com[)agnon  tanneur,  !22  ans;  .ludith,  sa  sœur, 

15  ans. 
Thomas  Godeh'oy,  lilenr  de  laine,  50  ans  ;  EHsabeth  Sieurin,sa 

femme,  45  ans  ;  Suzanne,  enfant,  "23  ans;  .\braham,   enfant. 

"20  ans  ;  .lac([nes,  enfant.  10  ans. 
Suzanne  Durand.  30  ans. 
Jean  Lemanicher,  compagnon  corroyeur.  'i5  ans  ;  Marie  Lecaron, 

sa  femme,  ii  ans;  Jean,  enfant,  20  ans;   Marie,   enfant,  17 

ans  ;  Jac(}ues,  enfant,   15  ans  ;   Pierre,    enfant,    13    ans  ; 

Blanche,  enfant,  5  ans. 
Les  Sieurines  sœurs,  linottières  :  Suzanne  39  ans,  Marie  37  ans, 

Suzanne  35  et  Marie  2H. 
Isaac  Pertuzon,  linoltier,  médiocrement  riche,  3S  ans;   Judith 

Sieurin,  sa  femme,  il  ans  ;  Enfants  :  Elisabeth  L2  ans,  Isaac 

11,  Marie  7  et  Jeanne  7  ans  ;  Judith  Cavelier,  servante,  65 

ans. 
Jacob  Huart,  tellier,  45  ans  ;  3Iarie  Bellenge^,    sa   femme,    44 


—  44«  — 

ans  ;  Isaac,  enfant,   IcS  ans  ;  Mario,  enfant,  14  ans  ;   l'iorre, 

enfant,  4  ans,  et  Marie  Martlie,  enfant,  1  an. 
Pierre  lilondel.  revendeur  d'herbes,  50  ans  ;  Marie  lîlondel,  44 

ans. 
Jean  Viard,  iinottier,  iiK'rluoil,  iîô  ans. 
Judith  Boivin,  45  ans. 
Anne  f.ecarnn,  veuve  de  Jacques  Faucon,  liuoltière  ;    enfants  • 

Jean  20  ans  et  Anne  15  ans. 
Simon  l'ottier.  linoliei-,  44  ans  ;  .Tudith  I.esueur,  sa  feumie,    40 

ans  ;  enfants  :  Pierre  5  ans.  Marie  3  anset  Marie-Anni;  I  an. 
Pierre  Pouchet,  drapier-meunier.  7(S   ans  :    Marie,    enfant,    'JH 

ans  :  Ezecliias,  enfant,  26  ans  ;  Marie  Godard,  servante,    25 

ans. 
Abraham  I.avotte,  l'aîné,  72  ans  ;  Marie    Pouchet.    sa    femme, 

70  ans  ;  Pierre,  enfant,  25  ans. 
Pierre  I.avotte,  tanneur,    45   ans  ;    Elisabetli    I.emasurîer,    sa 

femme,  42  ans  ;  enfants  :  Jeanne  24    ans,    Marie   22   ans, 

Abraham  19,  Elisabeth  15  et  Anne  14  ans. 
Anne  Fauqnet.  34  ans  ;  Suzanne  Sieurin,  servante.  18  ans. 
Jacob  iiudemare,  serviteur,  75  ans  ;  Pierre,  enfant,  38  ans. 
.Anne  Serville,  veuve  d'Isaac  Yon,    tonnelier,    25    ans  ;    Anne 

Pottier,  sa  nièce,  15  ans. 
Elisabeth  Lecaron,  50  ans  ;  Jeaiuie  r^ecaron.  sa  sieur,  i5   ans. 
Marie  Yago,  femme    de    Daniel    Delieulle,    ?>?>    ans  ;    enfants  : 

-Marie  1  i  ans,  Pierre  10  ans.  Madeleine  1  an. 
Anne  Ygou,  veuve  de  Nicolas    Lemaistre,    42  ans  ;    enfants  : 

-Nicolas  20  ans.  Anne  18  ans,  Jeanne  12 ans,  Guillaume  4  ans. 
Pierre  IJot,  55  ans  ;  enfants  :  Pierre    2i    ans,    .lean   20    ans, 

Aiuie  Ifi  ans. 
Catherine  Ygou,  veuve    de    Pierre   Lavette,    riche,    55   ans  ; 

enfants  :  Louis,  tanneur,  26  ans  ;    Nicolas,    corroyeur,    24 

ans. 
Abraham  I.avotte,  riche,  32  ans  ;  Judith  David,  sa  temme,    22 

ans  ;  -Vune,  enfant  baptisée  par  force,  10  mois. 
Elisabeth  Delahaye,  veuve  d'Isaac   Fontenay,    48    ans,    reven- 
deuse ;  Isaac,  enfant,  15  ans. 


—  44^   — 

Philippe  Hennetot.  rardier,  75  ans  ;  Elisahclli  C.avelior,  sa 
femme,  6S  ans. 

.Marie  I.ocaron,  veuve  de  Pierre  l'oucliel.  esclioppit'Te  et  dra- 
pièi'e,  fort  riche,  i  i  ans  ;  enfants  :  l'iei-re  23  ans,  Abra- 
ham 21  ans  ;  Ester  Féray,  domeslifiue,  25  ans  ;  Jaecjues 
Quesnel,  domestique,  15  ans. 

Abraham  Orange,  tisserand,  62  ans  ;  .\nne  Orange,  sa  sieur, 
(30  ans. 

Pierre  Torquet,  tailleur,  médiocrement  riche,  50  ans  ;  enfants  • 
Judith  22  ans,  Pierre  22  ans,  .Marie  16  ans,  Abraham  15 
ans. 

Marie  Eecaron,  veuve  de  Pierre  (,e(|uesne,  chaussetièi-e,  ri- 
che, 40  ans  ;  enfants  :  Marie  20  ans.  Jean  \i,  Anne  12, 
Daniel  10  et  .Jeanne  7  ans. 

Isaac  Pouchet,  drapier,  riche,  70  ans  ;  Isaac  et  Louis,  enfants, 
2i  et  1<S  ans. 

Abraham  Pouchet,  cit  St-Eustache.  drapier,  fort  riche,  75 
ans  :  Jacques  I.imare,  domestique,  25  ans. 

Pierre  Chouquet,  savetier,  pauvre,  00  ans. 

Suzanne  Lecaron,  lille,  20  ans. 

Ezéchias  Belloncle.  valet  de  harnois,  fort  méchant.  14  ans  ; 
Marie  Lavette,  sa  femme,  35  ans  ;  enfants  :  Anne  12  ans, 
Jean  10,  Pierre  8,  .Iean-15aptiste  4.  Marie  1  an. 

Isaac  Legouis,  drapier,  riche,  32  ans.  foi't  nitesté  :  Marie  Le- 
caron, sa  femme  25  ans. 

Daniel  Selingue,  maréchal,  médiocrenieni  riche,  .55  ans  ;  en- 
fants :  Daniel  24  ans,  Anne  10,  Klie  15.  Mario  8  ans. 

Charles  Hallot,  sabotier,  riche,  42  ans  ;  .ludith  Lecaron.  sa 
lemme,  52  ans  ;  Charles,  enfant.  17  ans. 

Jacques  (iodefroy,  caharetier,  médiocrement  riche,  60  ans  ; 
Marguerite  Maugendre,  sa  belle-sœur,  44  ans. 

Jean  Delessart,  chirurgien,  riche,  50  ans,  —  doit  donner  di- 
manche le  pain  bénit  ;  —  Anne  l^enoist,  sa  femme,  44  ans  ; 
enfants  :  Jean  25  ans,  Anne  18,  Daniel  16,  Elisabeth  13, 
Suzanne  10  et  Jacques  9  ans. 

Jacques  Delessart,  mercier,  riche,  marié  à  l'église,    42    ans  ; 


—  442  — 

Maiic  l.i'Cdiilc.  s;i  Iciiinic,  40  iiiis  :  eiiliiiils  ;  Jiicinics  10 
ans,  IMarlhc  4  cl  ,)o;iii-l>ii|)lisle  ;>  ans;  Mai'ic-Aniic,  Uclcs- 
sarl.  ni(''cc,  IN  ans  ;  PiciTO,  enfant,  12  ans  ;  Elisahclli  liou- 
toii.  stTvanlc,  3()  ans. 

Daniel  Vivien,  eliaudfonnier,  58  ans  ;  David,  enfani,  8  ans. 

Jean  Iliiel,  cliapeiiei-,  riche,  50  ans  ;  Henée  Ygou,  sa  femme, 
4S  ans  :  .Ican,  enfant,  14  ans. 

Snzainie  Pi'ey,  venve  d(!  Jean  Delessarl,  l"!  ans. 

Klisai)etli  I'>()Ufdon,  veuve  de  Pierre  Fiehet,  55  ans  ;  Jean  Fi- 
cliet,  enfant,  25  ans. 

Jean-Pierre  .Mondon.  cordimniei-,  riche,  60  ans  ;  .\nne  Belvi- 
i,nie,  sa  femme,  50  ans  ;  enfants  :  Daniel  27  ans,  .Marie- 
Mai-the  24  ans,  Pierre  15  ans,  Anne  13  et  Marguerite  9 
ans. 

PlnM[)[)e  Bennetot,  cardier.  "22  ans,  médiocrement  riche. 

Jean  Ilaltenville,  com[)agnon  chapelier,  30  ans. 

Marie  Liot,  l)()ulanger,  veuve  de  Louis  [loussel,  60  ans. 

Philip]>e  I)()urdon,  meunii'.r.  très  riche,  55  ans,  très  entêté  ; 
Jean  (relaps),  enfani,  27  ans  ;  Xoémie.  enfant.  25  ans  ; 
Piiilippe,  enfani,  22  ans  ;  l*aul  (lodard,  (hjineslique,  67 
ans. 

Jean  BecucI,  journalier,  3S  ans  :  Jean  et  Jeaime,  enfants,  2 
ans. 

Jacques  Pouchet,  drapier,  37  ans  ;  Marie  Bourdon,  sa  femme, 
35  ans  ;  enfants  :  Mai'ie  17  ans,  Judith  15  ans,  Marthe  12, 
Jacques  7  ans  et  Pierre  8  mois. 

Jean  Yon,  chai-pentier.  pauvre,  32  ans  ;  Jeamie,  enfani  ;  — 
Suzanne  Yon.  28  ans  ;  Marie  Yon,  26  ans  :  Anne  Yon,  24 
ans  :  Judith  Yon,  22  ans,  —  toutes  sœurs  de  Jean  Yon. 

Etienne  Toupelin,  maçon,  60  ans  ;  .Marie  Lecomte,  sa  (emnie, 
55  ans  ;  Marie,  enfant,  25  ans. 

Daniel  I.ecaron,  échoppier,  75  ans  ;  enfants  :  Ester  35  ans,  Ju- 
dith 32  et  Daniel  27  ans. 

Jacol)  Lecaron,  mercier,  médiocrement  l'iche,  2()  ans;  Jeanne 
Torquet,  sa  femme,  2'i.  ans  ;  1  enfant  1  an  et  demi,  un  au- 
tre 6  mois. 


—  44^^  — 

Miirllic  l'aïKiiuM,  veuve  de  Pierre  liei'iiaijc.  55  ans,  marchande 
de  toile,  deiiteiles  et  draperie.  —  riche  ;  l'ieiTe,  enfant,  l',l 
ans  ;  Jacques,  enfant.  14  ans. 

Jac({ues  I.ecaron.  di'apiei',  échoppier,  foi't  riche,  50  ans  ;  Ehsa- 
belh  lienoist,  sa  femme.  50  ans  ;  enfants  :  Daniel  17  ans. 
Elisalx'lii  11.  Jean  10.  Anne  9  et  Anne  6  ;  Jac(|nes  .Alouette, 
21  ans,  domestii|ne  ;  .Mai'ie  lllonilel.  servante. 

^Nladelaine  Petit.  35  ans. 

Anne  Leber,  pauvre,  veuve  de  .Matiuen  l.elelher.  GOans  ;  Jean, 
enfant,  !!5  ans. 

Pierre  Castaigne,  toiher,  riclie,  27  .nis.  iiiiitin  cl  etitcstr  ;  .\nne 
Caudebec,  sa  femme,  !25  ans;  enfant  lU  mois. 

Elisabeth  Mordant,  veuve  de  Thomas  \'iucenl,  18  ans.  médio- 
crement riche  ;  .\braliam,  enfani,  12  ans. 

Jeamie  Jouen,  veuve  de  Jean  Manicher,  70  ans  ;  Judith,  enfant, 
26  ans. 

Anne  Orange,  viuive  de  Jean  Manicher  lils,  52  ans. 

Pierre  Hallot,  linottier,  riche,  35  ans  ;  Madeleine  Delaiiaye,  sa 
fenuiie,  28  ans. 

Catherine  Hallot,  fille,  sabotière,  30  ans. 

Matliieu  Delahaye,  blallier,  riche,  40  ans  ;  François(>  l)(4aniare, 
sa  femme,  3N  ans. 

Abraham  Selingne,  50  ans  ;  Elisabeth  Uelahaye,  sa  fennne,  50 
ans  ;  Abridiam,  enfant,  24  ans  ;  Anne  Fau(juet,  nièce,  IX 
ans. 

Louis  Delahaye,  blattier,  25  ans. 

Suzanne  Vattiei".  dentellière,  30  ans. 

Jean  Fauquet,  80  ans  ;  enfants  :  Jeanne  42  ans  et  Jndilli  38  ans. 

Pierre  Lemarcis,  teinturier,  très  riche,  60  ans  ;  Isaac  Len»;"'- 
cis.  son  fils,  35  ans  ;  Elisabeth  Tjanglois,  sa  femme,  30  an»  . 
enfants  d'Isaac  :  Piei-re  I  an  et  demi,  Isaac  6  mois.  Le pius 
à  craindre  (isaac)  a  pris  une  itonrrice  catholique  qui  ne 
va  iilus  il  l'église  et  ne  fait  plus  ses  Pâques.  .Samuel  Eudes, 
17  ans,  et  Madeleine  Eudes,  15  ans,  neveu  et  nièce  de 
Pierre  Lemarcis  ;  Abraham  Alleanme,  25  ans,  et  Suzanne 
Marie,  22  ans.  serviteur  et  servante  de    Pierre    Lemarcis. 


—  444    - 

Siizaiiiio  Masso,  vciivc  de  .laciih  (idiipil,  7(1    ans,    l'iclic    lahoii- 

nuise  ;  fiitaiil  ;  Madcicino,  40  ans. 
Aline  Lesiii'iii-.  veuve  de    Giiillauiiie    (laudebec,   55    ans  ;    un 

fils  de  "Jti  ans. 
Salonion  Ouesiud,  70  ans  :  .\nne  (losselin,  sa  feiniiie  5S  ans. 
Suzanne  ^lainlru,  55  ans. 
Anne  Pray,  veuve  de  Pierre   Seliiii,nie,    revendeuse,    Ofi   ans  ; 

Pierre  Sidini^ue,  tissei-and.  "IH  ans. 
Jacob  Iiel)ai-ray,  chapelier,  rielie,  1*5  ans. 
Judith  Farou.  veuve  d'Isaac  lîai-ix^y,  7i  ans,  —  pauvi'e. 
Judith  Fau(|uet,    veuve    de    leaii    Orantie,    58    ans  ;    eiilaiils  : 

Mai'lhe  28  ans,  Madeleine  20  ans. 
Jean  lluet,  s:ai-(,'on,  3()  ans  ;  .lae(|ues  lluet,  (4ia[)elier,  "2(1  ans  ; 

Nicolas  lluet,  (diapelier,  -^'2  ans  ;  Anne  }lnet,  32  ans. 
.leaii  l)e]aliaye,l)laslier,  70  ans  ;  Mai'ie  P,odin,  sa  rennnc. 
Catherine  J*érier,  dentellièi'e.  24  ans. 
Sama(4    Cantais,    "2'.)    ans   ;    Elisabeth     lilanchet,     sa     feni  i:e  ; 

•lacdb  Caillais,  fvi-rc  du  dit,  23  an:'  ;    l'ierre    Cautais.    en- 

l'iiiil,  ]i)  ans. 
Judith  Gilles,  veuve  de  i)ani(4  ^'iellnant,  55  ans  :    I'iei-re,    en- 
fant, tisserand,  25  ans. 
Jacques  Pierlin,  Si;a!'(,"on,  25  ans. 
Jean  Miidud.  pauvre,  (iO  ans  :    Marie    Fai^ot,    sa    feinnie.     i" 

ans. 
Anne  helamare,  veuve  de  i'^rançois     Feniaiire,    di'apière.    ri- 

ciie,  5.*  ans  ;   enfants  :   !)aniel  22  ans,  Friuiçeis:'    l.S    ans  ; 

Marie  (frenun,  servante.  2()  ans. 
Louis  Louve],  i'2  ans. 
Marie  Didamare,  dentellière,  4'i  ans. 
Jacques  Von,  lonindier,  00  ans  ;  Marie  ?»Iai-lin,  sa    feniiue,    70 

ans. 
Isnac  Gueroult,  71  ans  ;  ,!ean,  enfant.  20  ans. 
Pierre  Louvel.  12  ans  ;  lia(4iel  Jîesselièvre.  sa  femme,  3()  ans. 
Jean  f^ei-oy,  lissei'and,  (iO  ans  ;  Suzanne  M(day.  sa  ie.'ume.    42 

ans  ;  Pieri'e,  enfant,  44  ans. 
Catherine  Lestudais,  veuve  d'Abraham  Doray,  fileuse  de  laine, 


—  44=;  — 

55  ans  ;  Anne,  enfant,  27  ans  ;  Ester,  enfant,  25  ans. 
Jacques  Martel,  20  ans  ;  ^farie  Leniaitre,  sa  femme,  25   ans  : 

Marie,  enfant,   I  an  et  dciiii. 
Anne  Deljray,    veuve    d'Abraham    Huet,    70   ans  ;    enfants  : 

Anne,  32  ans,  Marie,  30  ans,  Marthe.  ;28  ans. 
Abraham  l.ecacheur.  26  ans. 

Judith  Juga.  couturière,  veuve  de  l'ierre  (iuillchert.  60  ans. 
Louis  Serville.  journaUer,  28  ans  ;  ^larie  l.emaistre,  sa  femme, 

25  ans  ;  Marie,  enfant.  2  ans. 
Marie  Lancez,  veuve  de  David  Delaliaye,  54  ans  ;  Pieric.    tis- 
serand, enfant,  :24  ans  ;  Mathieu,  tisserand,  enfant.  LS  ans. 
Pierre  lieuze,  28  ans. 
Pierre  Pottiei-,  tisserand,  62  ans  ;  Ehsabeth  Fagot,  sa  femme, 

59  ans  :  Jean,  enfant,  24  ans  ;  Elisabeth,  enfant,   26    ans. 
.leanne  et  Marie  Delamare,  dentellières,  34  et  32  ans. 
David  Lecaron,  (ileur  de  laine,    56    ans  ;    Judith    Cavelier,    sa 

femme,  46  ans  ;  enfants  :  .Jacob  18,  Pierre  14    et    Jacques 

12  ans. 
Anne  Dubois,  veuve  de  Jean  Yon,  fdeuse,    .53    ans  ;    enfants  : 

Marie  26  ans  et  Anne  2i  ans. 
Pierre    Decambourgt,    médiocrement   riche,    40    ans  ;    Marie 

Tasse,  sa  femme  ;  enfants  :  Pierre  16,  Jean    15,    Marie    3 

ans. 
Abraham  Viard,  tisserand,  pauvre,  i8  ans  ;  Jeanne    iJennetot, 

sa  femme  ;  Jeanne,  enfant,  14  ans. 
Ester  de  Lanquetuit,  veuve  de  Jean   (jilles,    laboureur,   riche, 

53  ans  ;  enfants  :  Jean    Gilles,    drapier,    30   ans  ;    Daniel 

Gilles,  drapier,  26  ans. 
Anne  Gilles,  dentellière,  26  ans. 
Ezéchias  Viard,  drapier,  riche,  55  ans,   très   entêté  ;    Suzanne 

Frémont,  sa  femme,  48   ans  ;   enfants  :    Ezéchias   30    ans, 

Pierre  18,  Jean  17,  et  Suzanne  15  ans. 
Pierre  Fauquet.  drapier,  médiocrement  riche,  44  ans  ;    Marie 

Gournay,  sa  femme,  45  ans  :  enfants  :  Pierre  15  ans,  .Jac- 
ques 13  ans,  Jeanne  12  ans,  Lonis  9  ans,  Catherine  7   ans, 

Charles  5  ans . 


—  44^  — 

Anne  l'';minii'l.  lilmiso.  40  ans. 

l'icMc    ll('linui\u,    loilici'.    4(i    ans  ;    Marie    llécaniljom'ii',    sii 

Irninii'.  4:.^  ans  :  l'ii'irr,  niranl,  12  ans  ;  Jean  H,    .Marie     10 

an--. 
Isaac  ll(''l)ci'l,  4',^  ans  ;  Mai'ic    l.csnenr,    sa    l'cninic,    42    ans  ; 

curants  :  .lean   KJaiis,  Louis    8    ans.     .Mai'L;iici'ile     11    ans, 

Marie  10  ans,  .Madeleine  4  ans. 
Michel  llallcnville,  tuilier,  VA  ans  ;  Mai'llie  Leco(|.   sa    Cenune, 

42  ans  ;  ciilanls  :  .Marthe   17  ans,  Michel  14  ans,  .leaiuie    10 

ans,  Snzanne  S  ans  et  ^ladehn'ne  2  ans. 
.Ahrahani  Iiatteii\  ille,  (leur.  4()   ans  ;    [Madeleine    llenout,    sa 

fcinnic,  14  ans  ;  enlanis  :  Madideine  17  ans,  Marie  14  ans. 
Isaac  Manoui'y,  Ideni'.  4.")  ans. 
.ludilh  l'onchel,  venve  d'Ahi'ahain  ^lanonry,  42  ans  ;    ont'anls  : 

Marie  12  ans,  .lac(|nes  11  ans,  .\nne  (S  ans. 
.Jeanne  Biuuhnn,  veuve  de    l'ieric  l.evasseui',  lilense.  ôB    ans  ; 

enfants  :  l'unre  2ii  ans  et  l'u'ri'e  lO  ans. 
.Mai'ie  lloiicher,  2;!  ans,  et  Mai'ie  lîoucdier,  21  ans,  sœiii's. 
Marie  I.ejiic(juais,  dentellière.   I()  ans. 
.Mirahani  lluet,  42  ans  ;  Pierre  Hiiet,  25  ans.  frères,    tons    les 

den.v  riches  et  tisserands. 
Jean  Dnhois,  "cnrelin,  loilier,  2o  ans  ;  ]\Iarie  Dubois,  sa  s(eur, 

25  ans. 
Jean  Marie,  lileur  de  laine.  .50  ans  ;  .Jeanne  Pouchel,    sa    fem- 
me. 52  ans  ;  enfants  ;  .Snzanne  22  ans,  .leanne  13  ans,  Jean 

!l  ans. 
.Judith  lîoos,  veuve  de  Pierre  .\vinas,  .50  ans  ;  enfants  :    Daniel 

17  ans,  et  Cùillierine  12  ans. 
Pierre  Fagot,  tissei'and.  '.'A')  ans  ;    .Jeanne    .Vuher,    sa    fenniie, 

dentellière,  32  ans. 
Isaac  Boui'don,  meunier,  i-irlie.  28  ans. 
Pierre  Guilleinard.  nn^unier,  riche.  5(J  ans.  fort  entêté  ;    Judith 

Heuze,  sa  feuiine.  'A7  ans  ;    enfants  :    l'ierre    20    ans,    Su- 
zanne IS.  .M;nie  X,  .M;uleleine  7,    Pieri'e    4  ans    et    .lean    7 

mois. 
.Madeleine  .Manicher.  veuve  de  Pierre  <  inilleniard,  7'2  ans. 


-  447  - 

Mtideleine  llelaniare,  dentellière,  25  ans. 

Ezécliias  Decaiiibourii'.  tisserand.  IS  ans. 

Anne  I.evescjno,  veuve  dWItiaiiain  Lenud.  (30  ans.  laJjoureuso, 
très  riche  ;  entant  :  Aime  28  ans  ;  duniesti(|ues  :  I.,ouis 
Drieu  3G  ans.  David  Sieurin  28  ans.  Abiahani  Sieurin  29 
ans,  Ann(;  Ficliet  37  ans. 

Jean  Delaniare,  27  ans. 

•lacques  Godefroy,  66  ans  ;  Madeleine  Huard,  sa  femme,  69 
ans  ;  ^Madeleine,  enfant,  30  ans. 

Pierre  Ficliet,  laboureur  et  sabotiei-.  i-iclie,  o8  ans  ;  Ester  La- 
niy,  sa  femme,  4-i  ans.  veuve  de  Pierre  Hérubel  ;  enfants 
de  son  mariage  avec  le  dit  Hérubel  :  .Marie  13  ans.  .Made- 
leine 11  ans,  Pierre  10  ans,  Jeanne  8  ans;  Michel  (io- 
dard.  domestique,  25  ans. 

Daniel  de  Laii(|uetuit,  iabonreui-,  riche,  44  ans  ;  Suzanne.  Le- 
caron,  sa  lenniie.  43  ans  ;  enfants  :  Daniel  15  ans,  Jacques 
12  ans.  Suzanne  10  ans,  Madeleine  8  ans  et  Marie  6  ans. 

Jeanne  Faucon,  venve  de  Pierre  Gournay,  72  ans,  dra{)ière  ; 
enfants  :  Pierre  44  ans,  David  39  ans,  Jeanne  40  ans.  Eli- 
sabeth 41  ans. 

Jacques  Femanicher,  tisserand,  25  ans. 

Elisabeth  I.epicijuais,  très  riche,  veuve  de  Pierre  Viard,  45 
ans  ;  enfants  .•  Elisabeth  22  ans,  Pierre  16  ans,  .Marthe  14 
ans,  Catherine  12,  Judith  10  et  Anne  9  ans;  Jacob  Leroux, 
domestique,  28  ans. 

Jac(}ues  Maillard,  riche,  65  ans. 

.Marie  .Maillard,  veuve  de  Pierre  Fepiciaiais.  riche,  70  ans. 

Pierre  Ilaumerville,  45  ans,  riche  laboureur,  très  entesté  ;  Ju- 
dith Auber,  sa  femme,  30  ans  ;  enfants  :  Pierre  12  ans, 
Jean  10  ans,  Marie  et  Isaac  3  ans  ;  Anne  Léger,   servante. 

Pierre  Lecesne,  charron,  43  ans  ;  Marie  Besselièvre,  safemme, 
46  ans  ;  enfants  :  Marie  27  ans,  Anne  25,  Renée  23, 
Jeanne  iH.  Judith  13  et  Pierre  7  ans. 

Pierre  Besselièvre,  laboureur,  riche,  46  ans  ;  Suzanne  Bour- 
don, sa  femme,  48  ans; Pierre  12 ans,  Suzanne 9 ans,  Jean 7, 
Philippe  6  et  ^Larie  3  ans  ;  Marie  Blondel,  servante,  22  ans. 


-  44^  - 

Simiucl  Levcsquc  lo  jeune,  lalioiireur.    riclic,    ?>()   ;ms  ;    Anne 

Héliei-t,  sa  t'eninie.  X)  ans  ;  l'iei-re,  eiifanl,  1  an. 
l'ierre-lloni-y  l'ainiiicl.  lissei-aïul,  liclie.  '^'0  ans. 
.\nne  .Manneville  xeinc  d'Isaae    l,e\  asseiii'.    .")()    ans  ;    .lar(inos, 

eiilanl.  2.")  ans. 
Jean  (ioii|iil.  labdiiiein-,  l'iclie,  'û  ans  ;    Madeleine    l'alliei-,    sa 

femme,  (U)  ans  ;  Jaeqnes.  enlant.  ',>2  ans. 
Pierre  Préteri'e,  laboureur  et  mercier,  riclje,  '2'.i  ans  ;  Suzanne 

Prélerre,  sa  tante,  47  ans. 
Abraham  l'réterre,  laboureur    el    |)oullailler,    riclie,    ,")0    ans  ; 

Abraham,  enfant,  20  ans. 
Catherine  Hallenville,  veuve  de  ,laef|ues    (iueroult,    4i    ans; 

enl'anls  :  .Michel  Ki  ans,  .\braliani  14  ans.    .Indilh     !"2    ans. 

Calliei'ine  10  ans  et  IMarie  '.)  ans. 
Anne  des  liuyaux.  riche, veuve  de(luillanine  l.elièvi-e,  (iO  ans. 
jsaac  des  lîuyaux,  5(i  ans  ;  eiilanls  :  l'iacliel  2.')  ans    cl    Marie, 

19  ans. 
^larie  Fichet,  55  ans. 
Moïse  ISicher.  lileur,  40  ans  ;  Suzanne  De  Heulles.    sa    femme. 

M(S  ans  ;  enfants  :  Marie  IK  ans,  Moyse    12    et    Jac  |ues    7 

ans. 
Mcolas  .Nourry,  journalier,  i"  ans. 

l'ierre  Levesque,  laboureur,  médiocrement  riche,  i5  ans  ;    en- 
fants :  Marie  12  ans  et  Anne  9  ans. 
l'ierre  Nourry,  merciei-,  12S  ans  ;  .hiditli    l'réterre,   sa    fennne, 

40  ans. 
.•\nne  Deshays,  veuve  de  Jean  des  liuyaux,  iO  ans  ;    Anne,    sa 

tille,  1  i.  ans. 
Piei're  Lemoine,  .'->0  ans  ;  .luditli  des    iinyaux,    sa    fennue,    '.]7) 

ans. 
Charloll(!  des  liuyaux.  dentellière,  1(S  ans. 
Abraham  Hallot.  laboui-eur,  45  ans  ;  Marie  [.ecaron,  sa  femme, 

42  ans  ;  enfants  :  .\braham  19  ans,  l'ierre    17,    Marie    l'i, 

Anne  11  et  .ludith  7  ans. 
Marie  Lebrument,  veuve  de  Pierre  liennetot,  50  ans  ;  enfants  : 

Marie  18  ans,  Pierre  Ki  et  Anne  li  ans. 


—  449  — 

La  veuve  de  Snmson  Lucas.  4.")  nus  :  enfants  :  Pierre  12'  ans^ 
Anne  lU  ans. 

Elisabeth  Lecaclieur,  (leiilcilière,  25  ans. 

Samuel  Levesque,  laboureur,  50  ans  ;  enfants  :  .Tean  20  ans, 
lîacbel  22  et  Marie  17  ans. 

Pierre  Iluet,  laboureur,  t;ai',oii,  riche,  30  ans,  trh  mêcJiant  ; 
Anne,  sa  sceur.  2i)  ans  ;  Jean  Ijebouvier,  iloinestique, 
2S  ans. 

Pierre  T^ecaron,  riche  tanneur,  5()  ans,  —  /r/'.s  eiitestc. 

.Jean  Lecaron,  tanneur,  riche,  48  ans  ;  Auuh  Ijecai'on.  sa  fem- 
me, 45  ans  ;  enfants  :  Anne  22.  Louis  20,  Suzanne  ]'A  et 
.Tudilh  1()  ans.  —  Tons  fort  entenfi's:. 

.liidilii  Lecaron,  l'iche,  (H)  ans,  —  Ir!:;  oileftlrc. 

Anne  Lecaron,  riche,  40  ans  ;  Louis  Lecaron,  neveu,  \C)  ans  ; 
Marie  Lcsueur,  domestique,  ?>0  ai;s. 

Isaac  Yon,  menuisiei",  58  ans  ;  .ludilh.  enfant.  HO  ans. 

Jean  l.iniare,  toilier,  34  ans. 

Anne  Launay,  dentellière,  25  ans. 

iNoémi  Viard,  riche,  32  ans  ;  llenée  Viard.  sa  sœur,  "21  ans. 

Phili[)pe  Launay,  35  ans  et  François  Launay.  30  ans,  —  frères, 
toiliers. 

Anne  fiulard,  !25  ans. 

David  De  Ileulles,  lissei'and,  42  ans  :  A])raiiaMi  De  Ileulles, 
20  ans. 

Judith  De  P>ray,  veuve  de  .fac(|ues  Guillebert,  40  ans  ;  enfants  : 
Judith  22.  Aime  14  et  .Marie  8  ans. 

Nicolas  Boucher,  toilier,  45  ans  ;  Judith  Oursel.  sa  femme,  42 
ans  ;  enfants  :  Marie  22,  Isaac  10  et  Anne  12  ans. 

Judith  Bertin,  25  ans,  et  Suzanne  fieilin,  14  ans,  —  sœurs. 

Jeanne  Lesueur,  veuve  de  Jacques  l.echahippé,  05  ans,  mar- 
chande, très  riche  ;  enfants  :  Jacques  19  ans,  Suzanne  22  et 
Pierre  14  ans  ;  Pierre  Huet  26  ans  et  Abraham  Bellet,  27 
ans,  domestiques. 

Judith  Manicber,  veuve  de  Jean  Limare,  45  ans  ;  enfants  : 
Anne  20,  Judith  16  et  Marie  12  ans. 

Jean  Frémnnd,  fileur,  50  ans  :  Elisabeth,  enfaiil,  18  ans. 


29 


—  4'^o  — 

Jean  Debray,  drapier,  médiocrement  riche,  73  ;ms  :  Anne  Fun- 
tenay,  safommo.  CiOniis  :  onfaiil^  :  .Iiidilli.  80,  Anni'2i,  Daniel 
2!2.  Jean  '2(1,  Wmv  10,  Aluahain  10.  et  Madelaiiic.  Il   ans. 

Jean  David,  drapici-.  l'iclif.  i!G  ans  ;  llnnée  Fonlenay.  sa  fcinnie. 
33  ans;  Juditli,  enfant,  15  ans. 

Marie  Hauguel,  venvc  de  Jean  l'ontenay,  05  ans. 

Pierre  Viard,  drapier,  eiitcsté,  45  ans  ;  Judith,  .^hulnn^y.  sa 
femme,  4G  ans  ;  enfants:  .Marie  15,  Anne  13.  Marie-Anne  1 1, 
.Madeleine  8.  Pierre  10,  Jean  0  et  Jae(|nes  i  ans. 

Catherine  liellel,  60  ans. 

Jean  Poltier,  laboureur,  riche.  'jO  ans  :  .Marthe-Marie,  sa 
femme,  3(3  ans  ;  eid'anls  ;  .Marie-.MarlIie  15  ans  :  Je;ui  14 
ans,  Marie,  0  ans  et  .\nne  2  ans. 

Anne  Bellet,  veuve  de  liobert  liiiel,  0:2  ans  ;  enfants  :  .Xbra- 
liain  3:2  ans,  Louis  2:2  ans,  Jacques  "20  ans. 

Jean  lluet,  28  ans  ;  Marie  Lavollo.  sa  femme,  25  ans  ;  Jean, 
enfant,  1  an. 

David  Limare,  loilier,  40  ans  ;  Madeleine  Hérubel,  sa  fenmie, 
36  ans  ;  enfants  .  David  10,  Abraham  14,  Jose{»iill,  Marie- 
Anne  8  et  Jean  3  ans. 

Pierre  Beuoist,  28  ans  ;  Jeanne  De  Heulles,  sa  femme,  40  ans  ; 
enfants  de  son  mariage  avec  Jean  Debray  :  Jacques  16, 
Marie  15,  Ester  14,  Suzanne  12,  Jean  8  et  Anne  5  ans. 

François  Dusaux,  40  ans  :  Jeanne  Bellenger,  sa  femme, 
36  ans. 

Jeanne  Ijccaron,  60  ans. 

Anne  Eiie  veuve  de  Jacques  Gueroult,  50  ans  ;  enfants  :  Marie 
22,  Ester  17,  Jacques  16,  Marguerite  12  et  Jean  2  ans. 

Marie  Berlin,  23  ans  ;  André  Berlin.  18  ans  ;  Jacques  Berlin, 
13  ans,  —  frères  et  sœur. 

Jean  Berlin,  22  ans. 

Marie  Huet,  20  ans  ;  Anne  Lecomple,  sa  nièce,  11  ans. 

Jean  Michel,  28  ans  ;  Françoise  Michel,  sa  sœur,  26  ans. 

Anne  Michel,  veuve  de  Jean  Debray,  72  ans  ;  Bachel  .Main- 
court,  65  ans. 

Jean  Tienjonniei',  chaussetiei',  52  ans.  médiocrement  l'iche. 


—  4=^1  — 

.Tiiditli  Dolnliaye.  veuve  de  Michol  ],einonnier,  35  ans  :  Michel. 

enfant.  3  ans. 
rSeri-e  I.emonnier,  1 1  ans. 
Elisabctli  Godartl.  iS  ans. 
Ellisahclli  lV)Uchet,  veuve  île  .Jean  I.avotle,  60    ans  :    enfants: 

Elisabeth  35  ans,  .Jean  30  ans  et  Marie  Q2  ans. 
.\i)raliain  Delaïuare.  GO  ans  ;  Marie  Féi-ay,  00    ans  :    enfants  : 

^larie.  iS  ans  et  Ester  06  ans. 
Marie  Cauniont,  veuve  de  Nicolas  Fauquet.    30    ans  ;   enfants  : 

François  9  ans,  Marie  5  ans,    Pierre   3  ans   et  Jeanne    15 

mois. 
Nota.  Il  V  a  des  habitants  nouveaux  convertis  de  Bolbec  qui 
doivent  envoyer  leurs  enfants  à  l'école. 

Gruchet-le-Valasse 

Pierre  Leniercier,  .Madeleine  Auger,  sa  femme,  et  Nicolas,  son 
fils. 

Elisabeth  Avice,  veuve  d'Abraham  Fondiniare,  avec  ses  deux 
filles  Marie  et  Marie. 

.Jacques  Avice  et  Anne  Lebouvier,  sa  femme  ;  deux  lils  :  .Jac- 
ques et  Pierre  ;  deux  filles  :  Ii^iisabelli  et  Anne. 

Mathieu  I.evasseur  et  Catherine  I.emoine,  sa  femme.  .Mathieu, 
son  fils  ;  deux  filles  :  Elisabeth  et  Anne. 

Ezéchias  Lefebvre. 

IMichel  Deshays  ;  Isaac,  son  frère  ;  Ester,  sa  sœur. 

Renée  Hattenville. 

.Jeanne  I^emoine,  veuve  de  Pierre  Denis,  et  .Jean,  son  fils. 

Jean  Godefroy,  se  disant  marié  avec  Suzanne  Deshays  sans  jus- 
tifier. 

Jeanne  Baillehache,  veuve  de  Jacques  Fagot,  et  Jean,  son    fils. 

Jean  Férard,  et  INJadeleine  Eejeune.  sa  femme  ;  deux  garçons  : 
Jean  et  Jacques  ;  une  lille,  Madeleine. 

Pierre  Delamare. 

Isaac  Dertin. 

Jean  Auger,  et  Elisabeth,  sa  sœur. 

Jean  Formontin.  et  Elisabeth  Lccaron,   sa    ftmnie  ;   deux  fils, 


—    4^2    — 

Jeun  cl  l'icrre  :  deux  filles.  Anne  et  Jeanne. 
Jiiditli  Itennelitt,  venve  de   iean  i,i'l(!s(n  ;  Jean,  son  lils   :  Elisa- 

helii.  sa  lille  ;  .Iean  1  .iniare. 
Jean  lîiiisson  et  .Madeleine  .Mitlay.  sa  leinnie  ;  snn    lils    Pierre, 

et  sa  lille  Jiidilli. 
.\braiiam  Féi'ard  père,  el  Suzanne  l.aniy.  sa  l'emnie.  et    .Marie, 

sa  lille. 
.\l)raliani  Férard  lils,  ses  trois  lils  .\hraliain.  Thomas  el  .[acob  : 

Marie,  sa  lille. 
i'ierre  Fornientin,  ses  deux  lils  Pierre  el  .[ean,    et    .ieanne   sa 

lille. 
Callierine  Veille,  veuve  de  Pierre  Barbet  ;  Pierre,  son    lils.    et 

p]lisabeth,  sa  lille. 
Jacipies  Delieulle,  et  Judilli  Delaliays.  sa    femme,    et    Suzanne 

Desnoyers,  sa  nièce. 
Jacob  Delabaye,  se  disant  marié  avec  Marie  Harbet. 
Jean  iJelabays,  Etienne  son  fils,  Anne  sa  lille. 
Jacob  Renou,  et  Anne  Lenionnier,  sa  femme  ;  trois  lils  :    Jac- 
ques, Pierre  et  François  ;  Anne  sa  fille. 
Marie  Lefebvre  veuve  de  Daniel  Gaillard,  et  ses  deux  fils. 
Pierre  Viennant,  et  Marie  i'>euzeville,  sa  femme,    et   Judith  sa 

fille. 
Jean  Godefroy,  Marie  Gueroult,  sa  femme,  et  Jean  son  fils. 
Marie  Leschapulé,  et  Marie  Leschalupé,  sa  nièce. 
Jeanne  Lesueur,  et  .Marie  Delaliays,  sa  nièce. 
Jean  Potel.  .\nne  Mander,  sa  femme,  son  lils  Pierre,  et  sa    lille 

Elisabeth. 
Samuel  Lecesne,  et  Judith  Manoury,  sa  femme. 
Philippe  Lccantois,  et  Elisabeth  Levesque.  sa  femme,    el   Guil- 
laume son  fils. 
Abraham  Delahays. 
Jean  Auber,  et  .Marie  Renault   se    disant   sa   femme  ;    un    lils, 

Jean. 
Isaac  Relfort,  et  Jean  Gueroult,  son  cousin, 
l^ierre  Rennetot,  Abraham,  son  frère,  et  Marie,  sa  sœur. 
Jean  Fau(|uel.  el  ses  deux  filles  Anne  el  Marie. 


—  4r^  — 

André  Foiiiet  et  ses  deux  lils,  André  et  Nicolas. 

Michel  Ménager,  Ester  I.econite,  sa  femme,  et  Jacques,  son  fils. 

Jacques  Hertel,  et  Anne  l.eher,  sa  tenime  ;  deux   lilles,    Anne 

et  Marie. 
Jean  liillard,  et  Suzanne,  sa  lille. 
Jean  l.iinirc.  et  .lean  Diiuieui-ier,  son  cousin, 
lean  Froninnl.  et  .ludilli.  sa  sieur,  et  Isaac  Selingue.  son  valet, 
l'ieri'e  l,ei)ic(]uais. 
(iuillanme  Delaiiays,  et  Madeleine    Haucliecorne.    sa    lenuiie  ; 

(iuillaume.  son  (ils  ;  deux  filles  :  Anne  et  Elisabeth. 
Jacques  Delaiiays  fils  ;  Ezéchiel  Itelloncle.  domestique  ;    David 

(lourné. 
Pierre  l.eves(|ue  ;  deux  fils  :  Pierre  et    Jean,    et    deux    filles  : 

.Madeleine  et  Marie. 
Pierre  lliiard.  et   Marie  l'oi;4naiit.  sa    femme.    Pierre    Deliray, 

son  nevi'u.  et  Ahraliani  Coui'cliard. 
Abraham  Mourlte,  et   Marie    Duraïul,    sa   tenune  ;    deux    fils  : 

Jean  et  Pierre  ;  une  liille,  Anne, 
.lean  f.evesque.  et  .Anne  Lemoine,  sa  femme. 
Thomas  Lecourlois,  et  Suzanne  Delahaye  ;    Pierre,    son    fils  ; 

Suzanne,  sa  fille,  et  Jacques  son  frère. 
Abraham  Foinet  :  Aime  Mainiru.    sa    fennne  ;   Abraham,    son 

fils  ;  Aime,  sa  fille. 
Judith  Levesquc,  veuve  de  Pierre  .Mascrier,  et  Judith  sa   fille. 
Pierre  Mascrier,  et  llachel  l.emoine,  sa  femme,  et  Pierre  son  fils. 
Nathanaël  l.emascrier,  se  disant  marié  à  Judith  Yon. 
Jean  l.eboulanger,  et  Marie  .Massieu,  sa  femme. 
Ezécliias  Hellet,  et  Catherine  Nourry,  sa  femme. 
Jeanne  Lehériclier,  veuve  de  Charles    Auger  ;    son    fils    Elle  ; 

deux  filles  :  Judith  et  Marie. 
Jean  Pollier. 
.Abraham  .Mouette,  et  .Madeleine  Ijaillehache,  sa  femme  ;  .Mathieu. 

fils  ;  deux  filles  :  Marie  et  Madeleine. 
Guillaume  Lemoine,  et  Ester  l.evesque.    sa   femme  ;    son    fils, 

Etienne,  et  Ester  sa  fille. 
Jean  Gaurain,  et  Marie  Lîaillehache,  sa   femme  ;    deux    filles  : 


—  V- 


Mnrio  et  (  :;itlioiiiio. 
Samuel  lîeuzeville  ;  Jacques,  son  fils  ;    deux    filles  :    Aune    et 

Ester. 
Daniel  Manegy,  et  .Jeanne  Desvignes,    sa   femme,    et    Suzanne 

Desvignes,  sa  SdMir. 
Pierre  Lenud. 

.Jeanne  Lenud,  veuve  de  Jean  Lecaini,  et  son  fils. 
Pierre  Mouette,  ses  deux  iils  :  Louis  et  Jean,    et    deux   lilles  : 

Judith  et  Ester. 
Jean  Denis  et  i'Vançuise  Micliel.  sa  femme. 
Abraham  Debos,  et  Suzanne  llattenviile.  sa  femme  ;  Ahralumi, 

son  fils  ;  quatre  lilles  :  Madeleine,  Mai-ie,  Suzanne  et  Anne. 
Pierre  Manegy,  et  Suzanne  llaulot.  sa  femme,    et  Suzanne,    sa 

fille. 
Suzanne  Carpentier,  veuve  de  Pierre  Poltier. 
Nicolas  Godefroy,  ses  deux  fils  Jean  el  Isaac.  et  Marie  sa  fille. 
Israël  Lecourt.  et  Sara  (journé.  sa  femme  ;  Samuel,    son    fils  ; 

deux  filles.  Ester  et  Suzanne. 
Jacol)  Levasseur,   et    Marie    (jauvin.   sa    fennnc  ;    deux    Iils  : 

Abraham  et  Charles  ;  trois  filles  :  Marie,  Anne  etC-alherine  ; 

et  Elisabeth-Anne  Pouchin. 
.Jacques  Rlondel,  et  Suzanne  I^ecourt,    sa   femme  ;    deux   fils  : 

Israël  et  Jean  ;  deux  filles  :  Anne  et  Suzanne. 
Jean  Leroux,  se  disant  marié  avec  Marie  Huet  ;  ses  deux  sœurs 

Marie  et  Suzanne,  et  Jacques  Manger,  domestique. 
Pierre  Féray,  son  fils,  et  Marie,  sa  fille. 
Guillaume  Féray,  el  Suzanne   iJlondel,    sa   femme  ;    Aljraliam, 

son  fils. 
Jacques  Yon. 
Daniel  Castaigne,  et  CJiarlotte  sa  fennne  ;  Elisabeth    Lemercier 

et  Elisabeth  Chevalier,  ses  nièces. 
Jacques  Jonquay.  et  Alarie  Harache,  sa  femme. 
André  Hauchecorne,  et  Marie  Gantais,  sa  femme. 
Jeanne  Hauchecorne.  et  Judith  Bourdon  :  Suzanne  "Mansois   et 

Judith  I^aliure. 
Marie  veuve  de  Jean  Dul)osc, 


—  4^=;  — 

Ester  Dubosc,  veuve  de  Jean  Diipray,  ses  quatre  lils.    Pierre, 
Jenn,  Jacques  et  Sauison  ;  ses  deux  filles,  Marie  et  Judith. 
Ezécliias  LioUoncle. 

Lintot 

M.  de  Monval.  seigneur  e(    patron    de    la    paroisse,    46    ans  ; 

^Madanio.  sa  femme,  46  ans  ;  un    fils    21    ans  ;    une    sœur, 

37  ans  ;  une  servante  2X  ans  ;  —  en  plus  2  garçous   18    et 

16  ans  et  une  fille  de  17  ans  absente. 
M.  Lepoignenr,  noble.  iO  ans  :  .Madame  sa  femme,  ib  ans  ;  — 

ont  600  livres  de  rente,  une  servante  27  ans,    et   une    fille 

al)sente,  16  ans. 
Abraham  Lucas,  tellier,  iO  ans  ;  sa  femme,  50  ans  ;    Abraham 

et  Mathieu,  enfants,  15  et  18  ans.  —  N'a  aucun  revenu. 
Al)raliam  liarrt'.  laboureur,  80  ans,   et    Pierre    Pertuzon,    son 

petit-fils,  22  ans. 
Jacques,  Abraham  et  Pierre  l'erluzon.  tous  trois   frères,    âgés 

depuis  22  et  16    ans,    cl    .\.nne    Pertuzon,    leur  sœur,    de 

8  ans  ;  Jean    Aubci-,    ;î6    ans  ;    une  servante,    22    ans.  — 

N'ont  point  de  revenu. 
Abrahaiu  Quesnel,  tclliei'.  il  ans,  cl  sa  fcnnnc,  10  ans  ;  Pierre 

et  Ephraïni,  ses  enfants.  l'2  et  !20  ans.    —    .X'ont    point    de 

revenu. 
Abraham  L<ciic\ allier,  leliier,  28  ans,  et  sa    femme    2'J    ans  ; 

Abraham,  leur  fils,  6  mois.  —  .\'onl  point  de  revenu. 
Abraham  C.avelici-,  baticur  en  grange,   4.")    ans,    et    .Marie,    sa 

sœur.  —  .Nont  point  de  l'cveiui. 
Abraham  Farou,  tellier,  âgé  de  28  ans.  et  sa  femme.    22    ans, 

et  sa  fille  2  ans.  —  Pauvres. 
Charles  Godcfroy,  tailleur.  (iO  ans  ;    sa    feninu^    50    ans  ;    son 

fils    aîné    Jean,    20    ans  :    Charles,    son    pniné,    18    ans  ; 

l'ierre,  ?)^  fils,  14  ans  ;    Suzanne,    fill(>    ainée,    22    ans,    et 

Marie,  leur  petite-lillc,  10  ans.    —    Ont    environ    12    1.    de 

rente. 
Charles  Poignant,  homme  de  journée,  30  ans  ;    sa   femme    26 

ans  ;  sa  fille  3  ans,  sou  fils  1  an.  —  Pauvres, 


-  4^^  - 

))aiiit'l  V:\llen(iii,  l;il)oiii'eui',  21  ans  ;  sa  IVmn»;  ;>0  ans  ;  un  pe- 
tit jiai-roii  ;}  mois.  —  N'a  poiiil.  de,  revenu. 
Daniel  Dedde.  hlatier,  (iO  ans.  —  >''a|>oint  de  revenu.  Pauvre. 
Isaac  l'auniier,  cordonnier,  60  ans  ;  sa  l'enune  52    ans  ;    Aime 

et  Isaac,  13  et  21  ans.  —  N'ont  point  de  revenu. 
Jacob  Lucas,  tellier,  40  ans  ;  sa  leumie,  io  ans  ;    ^lai-ie.    leur 

fille,  G  ans.  —  Pauvres. 
Jean  Marpelle,  laboureur,  2S  ans  ;  la  mère  ài;ée    de    50    ans  ; 

Pierre,  son  frère.  23  ans  ;  Anne  sa  sœur,  10  ans,  et  Klisa- 

betii,  S  ans.  —  N'ont  point  de  revenu. 
Jacques  Lemainier,  laboui'eur,  56  ans  ;  la   mère    â<i'ée    de    8!) 

ans  ;  la  veuve  Jean  I^emaistre,    sa    servante,    50    ans.    — 

N'ont  point  de  revenu. 
Jacques  Houssel,  lellier,  50  ans  ;  sa  femme  55  ans  ;  .Madeleine 

et  Anne  leurs  filles,  22  et  24  ans.  —  Pauvres. 
Jacob  Boivin,  lileur  de  laine.  65  ans,  —  est  seul.    —   Pauvre. 
Jacques  Graindor,  londelier,  50    ans    et    sa    femme    15    ans  ; 

Jean  son  fils,  29  ans,  et    a    quelque    part    du    bien    de    sa 

femme. 
Jacques  Delamare,  laboureur,  40  ans  ;  sa  fenune,  3S  ans  ;  les 

enfants,  Jacques,  François,  .Madeleine  et  François,   7    à   15 

ans.  —  N'a  point  de  revenu. 
La  veuve  d'Abraliam  Yon,  denleliière,  30  ans  ;  .Marie,  Anne  et 

Elisabeth,  ses  enfanis,  8  à  12  ans. 
La  veuve  de  Samuel  Lemaistre,  fileur  de  laine,  55  ans,  et  son 

fils  Jacques,  22  ans.  —  Pauvres. 
La  veuve  d'Abraliam  Quesnel,  70  ans.  —  Pauvre. 
La  veuve  d'isaac  .Mordant,  60  ans  ;  ^larllie  et   Elisabeth,    ses 

filles,  19  et  25  ans.  Pauvres. 
Pierre  Godefroy,  charpentier,  59  ans  ;    sa    femme,    53    ans  ; 

deux  fils,  Pierre  et  Isaac,  18  ans.  —  Panvres. 
Pierre  DoudemenI,  couvreur  en  chaume,  et  sa  femme,  — cli;i- 

cun  40  ans  ;  sa  mère  80  ans  ;  la  mère  de  sa  femme,  70  ans  ; 

un  fils,  Pierre,  19  ans  ;  4  filles  :  ^Madeleine,   Marie,    Anne 

et  Suzanne,  de  16  à  1  an.  —  N'ont  point  de  revenu. 
Pierre  Drieu,  tellier,  50  ans  ;  sa  femme,  60  ans  ;  deux  filles  : 


-  4S7  - 

Anne  29  ans,  Elisabeth  IH  ans.  —  l'auvres. 

David  Tellior,  garçon,  IJO  ans,  compagnon  lellier. 

Etienne  Mordant,  3:2  ans  :  la  veuve  I.amy,  demeurant  ensem- 
ble, —  âge  39  ans  ;  ont  un  garçon  de  leur  prétendu  ma- 
riage âgé  d'environ  un  an,  —  occupant  une  cliaiubre. 

Marie  Lemirc,  70  ans,  —  a  1  fille  de  30  ans  ;  —  occupe  en 
propre  une  acre  de  terre,  en  nalul•(^ 

Suzanne  Leliériclicr,  30  ans  ;  un  garçon  de  13  ans,  —  occupe 
une  chambre. 

Trouville 

Jean  Sieurin,  iO  ans,  bonrgtiois  de  Itouen,  —  fait  valoii'  en 
propre  30  acres  de  terre  ;  Madelaine  Bonhomme,  sa  femme, 
3r>  ans  ;  quatre  enfants  (un  garçon,  3  filles),  le  garçon, 
Jean,  9  ans  ;  les  ti'ois  filles,  fi,  i  et  "2  ans. 

Isaac  Flammare,  60  ans,  —  occupe  en  propre  0  acres  de  terre  ; 
Suzanne  Lepicqnais,  sa  fenuue,  55  ans  ;  six  garçons  :  Isaac, 
25  ans  ;  Abraham  2<)  ans  ;  Jacob  et  Ephraïm,  10  ;  l'ierre, 
14,  et  Jacques  H  ans. 

Isaac  Lecoq.  70  ans.  —  occupe  .55  acres  de  terre  à  ferme  ;  un 
fils  et  trois  filles  ;  Isaac  Lecoq  40  ans  ;  .Jeanne  35,  Marie 
30,  et  Anne  22  ans. 

Jacques  Coilen,  60  ans,  fileur  do  laine  ;  .Madeleine  Avril,  sa 
femme  ;  trois  garçons  :  Jac(iues,  l'ierre  ef  François,  18, 
14  et  lll  ans. 

Si  non  (lanmont,  toilier.  42  ans,  —  tient  à  fernu;  G  acres  de 
terre  ;  Jeanne  Leplay,  sa  hi'lle-siï'ui-,  iO  ans  ;  2  enfants  : 
Jeanne  M  ans,  Suzanne  12  ans  ;  .Mathieu  Manoury.  20  ans  ; 
Jacques  Lebrument,  20  ans  ;  compagnons  de  métier,  eu 
toile. 

•Madeleine  (iaillard,  50  ans,  veuve  de  Pierre  Leblond,  —  a  un 
garçon  et  une  fille  :  Elle  Leblond  31  ans,  Madeleine  19  ans  ; 
JjOuis  Drieu,  2i-  ans,  domestique.  —  Marguerite  Caumont, 
50  ans,  veuve  de  Jean  Hanielin,  3  acres  de  terre  :  Marie 
HanKîlin  20  ans,  Suzanne  16,  Marie  10  ans,  ses  trois  filles. 

Anne  Gaumont,  45  ans,  marchande  de  toile,  —   tient  3  acres 


-  45^  - 

(le  terre  ;  Suzanne  Caumont.  sa  sd'ur.  40  ans. 

Malhion  Canipart  père,  70  ans  ;  Mathieu  Cainpart  fils,  36  ans, 
du  métier  de  toile,  —  tient  une  petite  demeure  ;  Marie 
Serville,  sa  femme,  30  ans  ;  un  i^arçon.  David  <S  ans  ;  une 
fille,  Marie.  1  an. 

Jean  Levasseur.  50  ans,  nianouvrier,  —  tient  une  chambre  ; 
Suzanne,  sa  fenmie,  iO  ans. 

Marie  Levasseur,  52  ans,  —  tient  une  chambre  :  Marie  Le- 
vasseur, sa  nièce,  12  ans. 

I>a  veuve  de  Louis  ou  Jacques  Lesouef,  âgée  de  50  ans,  — 
tient  une  chambre. 

Lsaac  Lecoq,  menuisier,  25  ans,  —  tient  une  chambre. 

Saint-Aubin-de-Cretot 

M.  Dericq,  écuyer,  seigneur  de    la    paroisse,    el    Madame    sa 

femme,  âgés  de  70  ans  environ,  —  possédant  leur    terre    ; 

ont  2  filles,  l'une  de  24  ans,  l'autre  de  22    ans.    —    Leurs 

valets  et  servantes  catholiques. 
Jacques  Oursel.  charron  de  profession,  laboure    20    acres    de 

terre.  —  el  sa  femme,  —  ont  chacun   50    ans,  2    garçons, 

l'un  "26,  l'autre  20  ans  ;  une  fille  29  ans,  en  plus  une  autre 

lille  27  ans,  l'autre  li  ans,  —  tiennent  la  même  religion. 
Mathias  Auber.  et  sa  fenmie.  chauili-oniiier,  45  ans.  —    occupe 

3  acres  de  terre. 
Pierre  Limare  et  sa  femme,  envii'on  40  ans.  fileur  de  laine,  — 

occupe  environ  3  acres  de  terre.  —  a  un  lils  IN  ans  et   un 

autre  6  ans. 
Nicolas  Renou,  80  ans,  —  pauvre,  —  a  une  fille  de  34  ans. 
Jacques  Léger,  nianouvrier,  40  ans  ;   3   garçons  :    20,    15    et 

9  ans  ;  une  fille,  26  ans  ;  sa    femme,    âgée    de    i6    ans,    a 

perdu  l'esprit  depuis  3  ans. 
Pierre  Lefestii,  tisserand,  et  sa  femme,  âgés  de  30  ans  chacun  ; 

3  enfants,  7,  5,  et  2  ans. 
Daniel  Tran,  tisserand  en  ville,  et  sa  femme,  .32    ou    33    ans  : 

2  enfants.  4  et  1  an  ;  —  occupe  10  acres  de  terre,  —   a    2 

sœurs,  ?5  à  24  ans,  l'autre  20  ans  ;  a  sa  mère  70    ans  ;    a 


—  459  — 

un  nommé  Pierre  Manger  pour  valet,  24  ans.  et  2  autres 
garçons,  ses  parents,  pensionnaires  cliez  Ini,  dont  l'un  est 
âgé  de  18  ans,  l'antre  de  14  ans. 

Pierre  Lecoq  et  sa  femme,  de  3Ô  ans,  menuisier  —  a  une  pe- 
tite fille  de  (3  ans. 

Pierre  Lecoq  et  sa  femme,  de  70  ans.  —  ont  une  petite  maison 
avec  12  acre  de  terre  en  propre,  avec  un  garçon  de  25  ans 
environ. 

La  veuve  d'Isaac  Ainelin,  nommée  Madeleine,  n'ayant  aucun 
bien,  50  ans,  —  a  une  servante  de  21  ans. 

Jacob  Lecoq,  tondelier,  30  ans.  —  a  sa  sœur.  26  ans  avec  une 
petite  parente  de  18  ans  ;  n'occupent  qu'une  petite  maison. 

Beuzevillette 

'M.  de  Beuzevillette,  seigneur  de  la  paroisse  a  déclaré  qu'il 
est  catholique,  mais  n'en  fait  aucune  fonction  :  a  3  domes- 
tiques :  un  nommé  Philippe  Yen.  :24  ans  :  Isaac  Delahaye, 
25  ans  ;  Pierre  Perluzon,  22  ans  :  —  les  autres  sont  do- 
mestiques catholiques.  —  11  y  a  2  garçons,  Louis  de 
lîoesse  et  (!lharles  Delabarre.  âgés  d'environ  20  ans. 

Jacques  Harel.  occupant  40  acres  de  terre,  44  ans.  et  sa  femme 
de  même,  —  ont  3  garçons  et  2  lilles  :  l'un  nommé  Jac- 
ques 24  ans,  1  autre  18,  et  le  dernier  12  ;  la  iille  ainée  a 
20  ans,  et  la  seconde  6  ans,  nommées  tontes    deux    Marie. 

Jean  Guillemard.  marchand  laiionrenr,  occupant  40  acres  de 
terre,  2i  ans,  et  sa  fenmie  25  ans,  —  a  1  berger  nommé 
Gueroult,  30  ans. 

Noël  Dubosc  occupant  environ  30  acres  de  terre,  03  ans  ; 
sa  fenmie  48  ans,  —  ont  2  garçons  et  1  liUe  ;  le  i*;'',  Abra- 
ham. 21  ans  ;  Jean  18,  et  Madeleine  20  ans. 

Abraham  Ponlingue,  veuf,  manonvrier.  âgé  de  43  ans. 

Etienne  Delamare.  66  ans.  père  de  .Tean  Delamare  tellier, 
30  ans  ;  —  sa  femme  a  26  ans. 

Etienne  Serville,  drapier,  occupant  10  acres  de  terre,  16  ans_ 
veuf  3  enfants  :  Etieime  16  ans,  Jeanne  14  ans.  Anne  12 
ans^  plus  Etienne  Pottier,  22  ans.  apprenti. 


—  4^^  — 

François  Hany,  marchand,  occupant  K)  a('i-es  de  terre.  125  ans, — 

a  sa  mère,  6(!  ans. 
Sanison  Levesque  occupant  '2<S  acres   de    terre,    29    ans  ;    sa 

fiMUine  36  ans  ;  — 3  garçons  et  3  lllles  :  Isaac  18  ans,  .Icaii 

12  ans,  Louis  8  mois,  Elisabclli  16  ans,   .Madeleine    14,    et 

Marie  3  ;  ont  aussi  une  servante  nommée  Martel,   20    ans. 
Pierre  l'ertnzon,  26  acres  de  terre,  ïï  ans  ;  safenmie,  40  ans  ; 

2  garçons,  l'iei're  K!  ans,  Jean  8  mois. 
Philippe  l'ouiing'ue,  teliier,  occupant  une  acre  de  terre,  40 ans; 

sa  t'enune.  Ta)  ans  ;  —  ils  ont    2  filles,   Judith,    16    ans,   et 

Catherine,  13  ans. 

Bréauté 

Jean  Manger,  laboureur  d'une  ferme  de  80  acres    de  terre,  — 

sa  fenmie  et  6  enfants  dont  rainé  a  12  ans  ;    une   servante 

nommée  Suzanne  (locard. 
Jean  Delahays,  et  sa  femme,  —  pauvres,  —  âgés  de    plus    de 

60  ans. 
Etienne  Richer,  laboureur,  —  occupe  une  ferme  de    20   acres 

de  terre  ;  sa  femme,  et  6  enfants  :  l'aîné,  Fltienne,  22  ans  : 

Abraham,  16  ans  ;  Jacques,  12  ans  ;  les  autres  sont  petits  ; 

une  servante  nommée  Suzanne  Harel. 
.Michel  Harel,  sa  femme,  3  enfants  (l'aîné  14  ans). 
Deux  filles  pauvres  nommées    Ester  Perdriel,    l(i   ans,    et   sa 

soeur  20  ans,  muette  et  idiote. 
Daniel  Letellier,  boucher,  et  sa    sœur  ;    une    autre    fille,    de 

16  ans,  nommée  Lamousse. 
Jean  Andrieu,  tailleur,  sa  femme,  un  lils  nommé  Jean,  et    une 

fille,  11  ans. 
Isaac  Angammare.  —  tient  à  ferme  12  acres  de    terre  ;    deux 

fils,  16  et  18  ans. 
La  veuve  de  Martel.  —  pauvre,  —  a  une  tille  de  20  ans   nom- 
mée Suzanne. 
La  veuve  de  Hécubel,  —  occupe  une  ferme    di;    20    acres    de 

terre  ;  3  lils,  Jean  24  ans,  Daniel  18,  Michel  13  ;    une    lillc 

22  ans  nommée  Marie. 


—  /\6\  — 

Pierre  Beiize,  tient  à  ferme  28  acres  de  terre  en  propre  ;  son 

lils  aillé,  Pierre,  marié  à  la  mode  des  nouveaux    convertis, 

30  ans  ;  un  autre,  Samuel.  "2d  ans. 
Samuel  Beuz  ',  sa  i'emiue,  I  lils  d'environ  2Ô  ans,  —  occu[ie   2 

acres  de  It'i'ro  en  propre. 
Pierre  Bunel,   lileur    de    laine,    50   ans  :    Fran(,'ois,   son    (ils, 

13  ans.  —  A  quelque  peu  de  bien. 
Pierre  Manoury,  lellier,  60  ans  ;  sa  femme,  ôO    ans  ;    sa    lille 

aînée  ll2  ans  ;  —  ils  n'ont  point  de  revenu. 
Suzanne  ^lanoury,  et  Thomas  de  ('.aux,    à^és    de    7(S    ans,    — 

pauvres. 
Thomas  de  ('-aux.  tonnelier.  50  ans  ;  son  lils,  Thomas,  20  ans; 

sa  femme,  50  ans  ;  —  n'a  point  de  revenu. 
Abi'aliam  Levillain,  lileur  de  laine,  <S0  ans  ;  sa  fcnnie.  70  ans  ; 

Ephraïm,  son  fils,  17  ans  ;  —  pauvres. 
Jacob  Lucas,  tellier,  40  ans,  et  sa  fille  Madeleine,  1:2    ans,    — 

pauvres. 
La  veuve  de  Samuel  Ilarré,  54  ans  ;  Marthe,  sa  fille,  12ans  ; — ■ 

pauvres. 
Suzanne  Godefroy,  couturière,  lille,  25  ans  ;   Marie    (iodefroy, 

sa  sieur,  2!2  ans  ;  —  pauvres. 

Auzebosc 

]\licliel  Lecourt,  71  ans  ;  sa  femme,  76  ans. 

Jean  Leblonti,  43  ans,  et  Pister  Campart.sa  prétendue  femme, — 

le  dit    Leblond    ayant   3    filles,    Madeleine.    Marguerite    et 

Marie,  et  1  garçon.  Pierre  Delaliaye.  de  4    u    \li    ans  ;    la 

dite  Ester  Campart  a  un  garçon    nonmié    Isaac    Godefroy. 

13  ans.  chez  (inillaume  Duparc. 
Pierre  Campart,  et  Jean  Viger,  —  travaillant  à  la  toile. 
Jean  Campart,  compagnon  tellier,   environ  20  I.  de    fermages  ; 

4  enfants  :  .Jean  20  ans,  le  2''  1 1  ans.  le  3'-'  6  ans,  une  fille 

10  ans. 
.fean  Lehrur.ient,  tellier,  8  acres  de  terre;  2  garçons  et  2  lilles 

de  19  à  20  ans. 
La  veuve  de  Jean  Lesaunier,  —  occupe  en  propre  une   petite 


—  4^2  — 

ninisnn  de.  '.i  ncrcs  de  terre  ;  âj^^ée  de  50  ans  environ  ; 
."{  cnlaiits  :  2  oarçdiis  et  I  fille  d(^  'i  à  12  ans. 

Jac(il)  Caiiiiiarl,  50  ans.  —  (i(cii|)i'  1  acre  de  [(.wvii  en  masure, 
en  palin'e  propre  :  i  eiilanls  :  2  garçons  et  2  tilles  dont  l'iiî- 
née  25  ans,  la  2'-'  12  ans.  le  gai-çon  de  17,  l'antre  de  5  ans. 

Veuve  Lonis  Mordant.  GO  ans,  —  occupe  1/2  aci'e  de  terre 
en  nature  ;  l  enfants  :  3  garçons  I  lille  dont  le  1''''  20  ans, 
le  2''  17  ans,  le  '.)'■  12  ans,  et  la  lille  22  ans. 

La  veuve  de  Pici'i'c  Mordanl.  et  l'i('i-re  T>ainé,  veuf,  demeurant 
ensend)le  ;  la  dilc  veuve  Mdi'daiit  a  un  garçon    de    i")   ans. 

Louis  I.epauniier,  garçon.  2i  ans,  —  demeure  chez  son  frère. 

La  veuve  Josias  iîoulen.  50  ans  ;  ?>  enfants  :  2  garçons,  1  lille 
dont  l'aîné  24  ans,  le  2"  18  ans,  la  fille  10  ans  ;  —  occupe 
en  propre  1/2  acre  de  terre  en  nalure. 

Jean  I.e  Paumier,  tellier,  30  ans.  —  occupe  10  acres  de  terre 
de  plusieurs  particuliers  ;  et  ^Madeleine  l>ebrument  ;  — 
deux  servantes  chez  lui  âgées  environ  'È4  ans  ;  la  mère  du 
dit  i.e  Paumier  àp'-e  de  70  ans. 

I>a  veuve  de  Pierre  l'ellevillain  âgée  de  (SO  ans,  —  occupe  une 
cliamhre. 

Pierre  l.eplay,  et  Madeleine  Campart.  —  demeurant  ensemhle, 
âgés  environ  "25  ans  chacun  :  —  occupent  environ  H  acres 
de  terre. 

M.  Leguercliois,  seigneur  de  la  paroisse,  —  ont  une  lille  de 
leur  préfendu  mariage  âgée  d'environ  G  mois,  pins  un  frère 
âgé  d'environ  1<S  ans,  et  une  sieur  de  l;2  ans. 

Charles  Lepanmier,  45  ans,  et  Marie  Delamare,  28  ans,  —  de- 
meurant ensendjie.  —  ont  une  fille  de  leur  prétendu  ma- 
riage âgée  d'environ  3  mois,  —  occupe  30  acres  de  terre 
qu'ils  tiennent  à  ferme  pour  200  I. 

Madeleine  Lepauliuier,  demeurant  chez  (ïharles  Lepaulmier, 
son  frère.  38  ans. 

Nicolas  Mordanl.  tellier.  50  ans,  a  4  eidanls  :  3  garçons  et  une 
lille,  dont  h;  P"'  a  15  ans.  le  ïJc  'iO  ans,  le  3"  3  ans,  sa  fille 
4  ans.  —  occupe  40  I.  de  fermage. 

Pierre  Paunav.  fils  de  I^iei-re.  lellier.  àyé    d'envii-on    10    ans  ; 


^46^  - 

Ester  Cauvin.  30  ans,   —    demeurant    ensemble,    occupant 
35  acres  de  lerre  à  ferme  et  3  acres    en    propre  ;    —   ont 
pour  compagnon  Jacques  Leplay.  15  ans. 
Pierre  Launay.  lils  d"lsaac,  80  ans  ;  —  a  une  fille  de  22    ans  ; 

—  occupe  en  propre  4  acres  de  terre. 

Pierre  Campart,  tellier,  âgé  d'environ  50  ans.  — un  lils  20  ans; 

—  un  domestique    15  ans  ;  occupe    en  propre  4  acres   de 
lerre . 

La  veuve  de  Jacques  de  Caux.  —  tient  à  ferme    30    acres    de 

terre  ;  —  une  tille  nommée  Anne,  de  22  ans  ;   Jacques    19 

ans,  et  deux  antres,  petits  ;  Daniel  Boivin,  domestique. 
Jacques  Sieurin,  —  tient  à  ferme  50  acres  de  terre  ;4  enfants: 

l'ainé  30  ans,  le  21^  18  ans,  et  2  filles  nommées    Jeanne    et 

Marie,  de  24  ou  l!5  ans,  et  un  domestique. 
La  veuve  de  Pierre  David.  —  tient  30  acres  de    terre,    —    a 

deux  petits  garçons. 
Madame  de  la  Brisse,  femme  de  M.  de  Boissaij,    (jeittiUioitnne 

catholique. 
Chez  .Madame  Levasseur,  bourgeoise    de    Rouen,    un   nonmié 

Jean  Berlin,  —  le  second,  Jean  Ijuesnel,  et   une    servante 

^larie  Aubourg. 
Chez  M.  .\nquetil.  aussi  bourgeois  de  liouen,  une  servante. 

Veauville-les-Baons 

Isaac  Leblond,  laboureur.  28  acres  de  terre,  marchand  de 
toile,  —  a  300  à  iOO  1.  de  rente,  —  marié  h  la  mode, 
28  ans,    à    Madelaine  Leplay    sa    femme,    de    même  âge. 

Etienne  Mordant.  35  ans,  — sa  femme,  un  enfant  ;  Jean  Pot- 
lier  et  Jeanne  Lesaunier,  leurs  domestiques,  13  et  22    ans. 

Hautot-St-Sulpice 

Drian  d'Houdetot,  de  Bois-Guibout,  50  ans,  à  Hautot,  dans  le 
hameau  de  Bois-Guibout,  nouveau  converti,  s'acquitte  très 
exemplairement  de  son  devoir  de  catholique,  ayant  soin 
tous  les  ans  de  faire  ses  Pascjues  et  de  venir  tous  les  di- 
manches à  la  messe  paroissiale  et  d'y  envoyer    ses    enfants 


-   4^4  — 

qui  sont  ati  nombro  de  3  :  AdricMi,  Isaac  et    Marie,    de  21, 

20  cl  14  ans,  l(!S((iieis  sont  v(!iiiis  ;ui  calliécliisnu^  ])onr  se 
l'aire  inslrnire  |)i)nr  leur  première  cniniiuniioii  (ju'ils  oui 
lailc  en  i-éi'énionie,  cuinnie  les  aulres  catlioliiiues  eufaiils, 
et  depuis  ont  toujours  l'ait  leurs  pasques. 

Kster  Née,  t)i  ans,  épouse  de  Jean  Housse!,  âgée  de  69  ans. — 
l'ail  très  bien  son  devoir  de  catlioli(|Me,  malgré  son  époux 
(pii  la  niaiii'aile  à  cause  de  sa  disposition  et  le([uel  est  un 
peu  obstiné  dans  sa  religion,  mais  toutefois  dont  on  pinit 
espérer  ;  —  a  jtour  enfant  :  Poster  22  ans,  —  dans  les 
mêmes  résolutions  du  })èrc. 

l'ierre  iioussel,  24  ans,  en  dénuMice  d'esitrit  et  a  pour  bien 
iO  acres  de  terre  compris  !!  acres  eu  C(Me  et  quel({ues 
autres  petits  biens  liors  paroisse. 

Ester  Canq)art,  veuve  d'Isaac  (  îodcfi'oy.  48  ans,  —  a  épousé 
depuis  Pas(jnes  à  l'itisu  du  pasteni'  de  la  paroisse  un  nommé 
Jean  i.eblond  de  la  paroisse  d'Auzebosc,  de  même  religion, 
tellier  de  profession,  lesquels  ont  été  mariés  dans  les  fosses, 
par  un  minisire  inconnu  ;  le  sus-dit  Leblond  ne  demeure 
pas  encore  avec  la  susdite  Ester  son  épouse  à  Hautol-Sl- 
Sulpice.  mais  se  tient  à  Auzebosc  ;  —  avec  lui,  un  enfant 
de  son  épouse  ;  — la  susdite  Ester  a  pour  enfant  :  Anne 
Godefroy,  lille  de  !20  ans  ;  Calbei-ine  (lodefi-oy.  11]  ans, 
qui  sert  t'i  j.intot  ;  * —  Adrien  (  laveliei-,  de  la  religion  ; 
Isaac  (iodefroy  (ils,  âgé  de  13  ans,  sert  à  Auzebosc  ; 
Le  sus-dit  Jean  Leblond  a  i  enfanis  :  AJadeleine  J^J 
ans,  Marie  10  ans,  Marguerite  11  ans,  et  l'ierre  4  ans. 
Ester  Ganipart  a  pour  bien  ime  masure  de  3  vergées 
à  Haulot-St-Sulpice  ;  Jean  Leblond,  son  époux,  a  une  mai- 
son à  Auzebosc. 

Le  2i  août  1691),  Huard.  cur(''  de  liolbec,  doyen  de  Fauville, 
envoyait  aux  grands  vicaires  le  nouveau  rapport  qui  suit  : 

XiDiis  (li's  reUyioniiauca  icvonts  : 
lioi.i'.F.c.  —  JaiNpies  Delaliaye,  dit  La  Soiidi'.  —  fiche. 
Louis  Viiou.  riche. 


-465  - 

Ephraïm  Igou.  riche. 

Louis  C.iu'on,  frère  <lo  loan,  riche. 

Autre  («iron,  cav<ilier. 

2  fermiers  inconnus  demeurant  chez  le  frère  du  dit 

Louis  1-ecaron. 
La  veuve  Pouchet,  —  riche. 
Pierre  Delessart  fils  puiné  du  chirurgien. 
Ilaumerville,  hastier,  —  pauvre, 
l'iiilippe  Bourdon,  lils  |tuiné  de  Philijjpe  menuisier. 
Leschaluppé,  frère  de  Pierre,  —  riche. 
Jacques  Lecaron  —  a  fait  partir  un  de  ses   enfants 

âgé  d'environ  1:^  ans.  11  y  en  a  un  qui  est  parti 

depuis  longtemps  et  marié  en  Angleterre. 
Jean  Ygou.  —  revenu  et  reparti. 
Louis  l'ouchet,  —  revenu  et  repai'ti. 
Jean  Hauchecorne  est  i-evenn,  —  Viard,  son  frère, 

près  de  partir. 

Noms   fie   ceu.r   tjtii   ont   roitlu  partir  et  sont  revenu.'î 
nmjnnt  pu  ptisscr 

Daniel  ^Mondon  fils  ;  Marie  C.anlais.  son  épouse. 

Pierre  Selingue,  de  la  pi'airie,  et  Anne  Gantais,  sa 
femme. 

Suzanne  Gaulais,  lille.  pauvre. 

Jean  Delessart,  fils  aîné  du  chirurgien,  —  riche. 

Jacques  iJuval,  —  médiocrement  riche. 

Pierre  Bernage,  fils  aîné  de  la  veuve,  —  riche. 

Philippe  Dennetot.  et  ]\Iarthe  Mondon,  son  épouse, 
—  pauvres. 

Le  nommé  Breuil,  — pauvre. 

La  femme  de  Pierre  Lesehaluppé,  et  son  enfant.  — 
riche.  —  Son  mari  n"a  pas  vouki  la  suivre  et  le 
bruit  court  ici  qu'il  lui  en  a  coûté  beaucoup 
d'argent  pour  se  tirer  des  mains  de  ceux  qui 
l'ont  arresté  ce  que  je  vous  mande  pas  comme  une 
chose  certaine,  mais  com:!io  un  bruit   du  peuple. 

30 


—  466  — 

Trois  jours  apivs  le  doyen  lliiai'd  ciivoyail  ce  rajiporl    siip- 
plémenlaire  : 

AuTRETOT.      —  l'ierre  Lubloiid,  —  parti. 

Isaac  Lepic,  —  parti. 

Marthe  Lchriinieiit,  —  partie. 
Raffetot.  —  Abraham  Defruyaux,  —  parti. 
LiLLEHONNE.  —  Daniel  (iuérin.  —  revenu. 

Il  n'y  en  a  aucun  dans  toutes  les  autres  paroisses  du 
doyenné  qui  soient  sortis  ou  rentrés  dans  le  royaume  depuis  le 
mois  de  décembre  ainsi  qu'il  nous  a  été  attesté  par  MM.  les 
curés  du  dit  doyenné. 


DOYENNÉ  DE  SAINT-ROMAIN-DECOLBOSC 


Gainneville 
Liste  des  noms   et    sn moins    des   religiovnaires  deineiirant 
dans  la  paroisse  de  Gainneville  faite  en  juin  1698. 
Plus  endurcis  dans  leur  erreur  que  dociles. 

Jean  Levesque,  40  ans  ;  Tristan  Levesque,  34  ans  ;  Suzanne 
Levesque,  36  ans.  —  Les  dits  Levesque  demeurent  ensem- 
ble en  coninuuiauté  de  biens.  Ont  pour  serviteurs  et  ser- 
vantes, aussi  de  la  religion  prétendue  réformée  :  Pierre 
Delamare,  20  ans  ;  l'ierre  Delaunay,  16  ans  ;  .hidilli  Dela- 
mare,  25  ans  ;  Marie  ^lartin,  2i  ans. 

.lac({ues  Levesque,  marchand  mercier,  38  ans,  lien!  à  terme  <S 
acres,  et  un  serviteui'  d(iniesli((ue  nommé  llaiiiel  Aidx'i", 
25  ans. 

David  [>emétais,  10  ans  ;  Jeanne  Serville,  sa  fennne,  38  ans, — 
occupent  une  masure  de  2  acres. 

Pierre  Boudin,  22  ans  ;  Michel  lioudin,  son  frère,  12  ans,  — 
occupent  un  four. 

La  veuve  d'Abraham  Mole,  52  ans,  et  Ester  Alolé,  sa  lille,  18 
ans,  —  occupent  une  chambre. 


—  46?  — 

La  veuve  Jacob  Lecomple,  13  ans  ;  Suzanne,  sa  fille,  11  ans  ; 
Jeanne  9  ans.  —  occupent  une  masure  de  3  acres  de  terre, 
Marie  Douville,  21  ans.  demeure  chez  la  veuve  Lecompte. 

La  veuve  Daniel  Hallot,  ô'2  ans  ;  Pierre  Hallot.  tils,  IS  ans  ; 
Anne,  fille,  22  ans,  —  lient  od  acres  de  terre  en  deu\  fer- 
mes. 

Jacques  Hallol,  batteur  on  grange,  55  ans. 

Nicolas  Delamare,  balleur  en  grange,  .3S  ans  ;  Suzanne  Hallot, 
sa  femme,  30  ans. 

Judith  Louvel,  veuve  de  Jacques  Duiiioucliel,  60  ans  ;  Jacques 
Dumouchel,  fils.  30  ans  ;  Elisabeth  Lesueur,  sa  femme, 
27  ans,  lesquels  occupent  à  ferme  et  louage  50  acres  de 
terre.  Chez  eux  demeure  Louis  Glinchamp,  serviteur,  ;28 
ans  ;  Judith  Soret,  servante,  35  ans. 

Pierre  Seminel,  60  ans  ;  Jacques,  lils.  15  ans  ;  Pierre,  fils,  10 
ans  ;  tient  19  acres  de  terre.  Marie  Boudin,  servante,  19  ans. 

Signé  :  Richard  Frisson,  curé  de  Gainneville. 
et  daté  :  5  juin  1698. 

La  Cerlangue 

Liste  (les  Hiii/uenols  de  lu  Cerlmifiiie 

Pierre  C.ourché.  laroureur.  qui  a  fait  ai)juralion,  —  a  continué 
sa  religion  ;  Pierre  Courché,  son  tils,  30  ans,  a  fait  abju- 
ration, —  a  continué  sa  religion  ;  Ester  Courché.  sa  fille, 
"iA  ans,  —  n'a  point  fait  d'abjuration  ;  Jean  Courché,  15  à 
16  ans  ;  Anne  Borel,  10  à  12  ans  ;  Jacques  Des  Vignes, 
valet  de  Courché  ;  Jean  Canu,  valet  de  Courché  :  tous  de- 
meurent dans  la  maison  de  Courché. 

Pierre  Durand,  maçon,  50  ans,  a  fait  pareille  abjuration  ;  Su- 
zanne Boivin,  sa  femme. 

Jean  Canu.  50  ans,  a  fait  paraître  abjuration,  lequel  Canu 
ayant  été  interrogé  pourquoi  il  gardait  en  sa  maison  Su- 
zanne Canu.  il  m"a  répondu  que  c'était  sa  femme  et  que, 
depuis  peu,  il  s'était  marié  avec  elle,  comme  les  autres  hu- 


-  468  — 

iruenols  faisaient.  Je  nie  suis  plaint  à  MM.  los   pfrands    vi- 
(■airos,  et  on  n'a  p;is  ('m'oiiIi'  ma  piainto. 
l'icri'c  l,rc()i|  cl  sa  ri'iiinic  pr'''li'iulni'  (Icnii'iii'anl  avec  lui,    doiil 
je  iiK'  suis  plaint  à  la  jusiicc. 

SiL;)i(''  :  I  )i;i.Mi;\  ii.u:,  curr, 
cl  dalé  :  Cl  juin  1098. 

Bornambusc 

Ihiliiit'iiols  II  (IciiieiirtDit 

Ahraliani  Dcvaux,  ialiourcui'.  non  marié  ;  —   a    juiur    tlomcs- 

tiques  :  3  serviteurs,  une  servante. 
Pierre  Coquart,  serrurier,  sa  femme  et  7  enfants. 
Samuel  Hue  a  pour  famille  5  enfants,  tous  les(juels    ont    cessé 

de  revenir  à  l'église. 

Gonfreville-l'Orcher 

Nouveaux  convertis 

Nol)le  (lame  Ester  de  Rrachon,  veuve  de  feu. lacques  Duquesne, 
ccuyei',  sieur  de  Sl-Mards,  âgée  d'environ  00  ans  et  (|ui  ne 
fait  aucun  acte  de  religion  ;  elle  est  curatrice  dr  .M.  son 
neveu  Tristan  Lancelot  de  IJraclion.  écnyer.  sieur  de  ilé- 
villiers,  qui  a  perdu  Tesprit.  Elle  a  un  domesticpie  de  sa 
religion  nommé  Pierre  Mauger,  âgé  de  24  ans.  et  une 
servante  qui  se  nomme  Ester  Doré,  âgée  de  il  ans. 

Son  fermier,  Nicolas  Delamare,  âgé  de44  ans  ;  son  épouse,  llaciiel 
Caron,  40  ans;  4  garçons  :  Jean  15 ans,  Nicolas  lOans,  .lean- 
Baptiste  5  ans,  Pierre  4  ans;  filles:  Françoise  12  ans,  Marie 
7  ans.  Son  frère,  André  Delamare,  40  ans. 

Louis  Caron,  frère  de  liacliel,  44  ans,  2  enfants:  Anne  (lai'on, 
21  ans  ;  .lean  ("aron,  19  ans. 

Deux  dames  Doré.  —  Daniel  Muliot,  24  ans.  Jacol)  Mullot,  24 
ans. 

Marie  Siourin,  24  ans,  fait  son  devoir. 


—  4<5*)  — 

Angerville-POrcher 

XoiivcaKx  coiirciiis 

.Icaii  l'otlii'i-(i  sa  feninio,  occupent  i  aci'os  de  terre  ;  une   filie 

lie  ].")  ans.  1  garçon  de  (i  ans. 
Jean  lîoivin,  S  acres,  a  sa  feninic,  deux  filles  :  une  de  8    ans, 

l'autre  de  KJ  ans  ;  —  un  garçon,  absent. 
.Jean  Coquart,  22  acres  ;  o  garçons  :  i'J  ans  l'aîné,    Pierre    16 

ans,  Daniel  lians  :  lille,  "20  ans  ;  nièce,  20  ans. 
l'iern^  Aubourg  et  sa  femme,  7  acres  ;  garçon    15    ans  ;    filles 

18  et  II]  ans.  —  Son  garçon  absent. 
.Jacques  Bennetot  et  sa  femme,  20  acres  ;    deux   enfants  :   fille 

3  ans.  garçon  1  an. 

Tiiomas  Hacbard,  et  sa  femme,  15  acres  ;  garçons,  17  et  13  ans  ; 

fille,  1.5  ans. 
La  veuve  Fortnol,  1  cliambre.  1  garçon  IH  ans. 
I>a  veuve  Martel,  I  cbambre. 
.Samuel  IJellet  et  sa  femme.  I  acre  ;  0  enfants  :    lille    13    ans, 

garçon  12  ans,  fille  8  ans,  garçon  6  ans,  fille  2  ans,  fille  1  an. 
Isaac  I.esauvage  et  sa  femme,  1  acre  ;  fille  de  15  ans. 
•Ican  Angammare,  3  acres  ;  deux  lilles  30  ans  et  ^5  ans. 
Isaac  Angammare,  1  acre  de   terre    en    propre,    sa  femme    et 

une  fille  âgée  de  25  ans. 
David  (  louillard,  2  acres  de  terre    en    propre,    sa    femme    et 

se|)t  enfants  :  filles  26,  18,  13   et   9    ans   e.t   1  sans    âge  ; 

garçons  15  et  12  ans. 
\'ve  Daniel  Dumont,  1  acre  1/2  (erre  en  propre  avec  la  maison  ; 

4  enfants  :  Suzaime  Ki  ans,  liacliel  15  ans,  Pierre   M    ans, 
Marie  10  ans. 

Vvc  Abrabam  Leroy,  propriétaire  de    dcu\    petites    masures  : 

3  filles  35.  30  et  28  ans. 
-Marie  et  Suzanne  Leseine,  filles,  demeurant  dans  une  chambre. 
Anne  Fortcmbosc,  fille  en  chambre. 

Signé  :  Doyen  d'Angerville-l'Orcher, 
docteur  en  Sorbonne. 
.Juin  1698. 


—  47'^  — 

La  Remuée 

Mémoire  des   nelii/ionnidref!  de  la  jxiroisse  de  La  Bemvée: 

Jean  I.csiieiii".  02  ans,  (SU  acres  do  terre  ;  I  lils,  2.")  ans,  1  fille 
28  ans  ;  un  balteiir  nommé  -Facob  Demeure,  âgé  de  33 
ans  ;  1  valet,  Jean  Lecarpenlier,  22  ans;  1  servante,  22  ans, 
nommée  Jndilli  Mascriei-. 

Thomas  Poignant,  50  ans,  marié  à  Elisabeth  Réville,  âgée  de 
30  ans,  —  4  acres  de  terre  ;  sa  helle-mèro  nommée  Rachel 
Barbet,  (SO  ans  ;  I  servante,  Marie  J.ebouvier,  !28  ans. 

Jean  Manicher,  mendiant.  7(S  ans. 

Jean  Callard,  23  ans,  6  acres  de  terre,  —  a  sa  mère  âgée  de 
60  ans,  et  deux  frères.  :  1  de  2i  ans,  l'autre  de  9,  et  deux 
sœurs,  l'une  de  30  et  l'autre  de  25  ans. 

Tristan  Hachard,  45  ans.  marié  :'i  Elisabeth  Lef'ebvre,  10  ans, — 
a  3  garçons  :  1  de  16  ans,  1  de  12  ans  et  i  de  5  ans  :  une 
fille  de  15  ans  ;  —  a  sa  mère,  JMadeleine  Lefebvre,  de  75 
ans,  laquelle  a  une  lille  âgée  de  30  ans. 

Jean  Réville,  38  ans,  7  acres  de  terre  ;  —  a  une  servante  âgée 
de  30  ans. 

D.  EunE,  desservant,  déclare  que  nul  de  ces  religion- 
naires  n'a  donné  marque  de  la  religion  catholique. 
30  mai  1098. 

Saint-Jean-des-Essarts 

FAal  des  Religionmtire.s  : 

.M.  l'oyer,  sieur  de  Drumiu-e,  ayant  déclaré  (|ue  son  domicile 
est  à  St-Romain,  —  00  ans,  —  occupant  une  ferme  à  lui 
appartenant,  valeur  800  1.  ;  Mademoiselle  sa  tante,  âgée  de 
80  ans  ;  son  fils.  30  ans  ;  ses  domestiques  :  Jean  Dubos, 
30  ans  ;  1  laquais,  18  ans  ;  quatre  servantes  :  1  âgée  de 
60  ans,  et  1  de  25  ans. 

Jacques  Lemanicher  et  sa  soit  disant  femme  ;  —  a  un  enfant 
baptisé  à  l'église  ;  —  occupe  une  ferme  de  180  1.  ;  — 
lequel  Maniclier  a  déclaré  ne  vouloir  jamais  aller  à  la  messe  ; 


—  471  — 

que  notre  religion  est  une  religion  fausse  ;  qu'il   ne    croira 

jamais  à  l'église  ciitlioliquo,  apostolique  et  romaine  ;  que  la 

messe  est  d'institution  des  hommes  et  non  de  Jésus-Christ  ; 

avec  insultes  jiis(|u'à  même  oser  dire  (jue  je  me  servais    de 

faux  témoins, 
.lacoh  liellel.  (iO  ans,  occupe  une  ferme  de  :200   1.,    —    4    gar- 
çons, le  dernier  18  ans  ;  une  servante,  iO  ans. 
Je:m  Hardy,  âgé  de  70  ans,  occupe  uue  ferme  de    800  1.  ;    — 

deux  tilles  :  une  de  25,  l'autre  de  24  ans  ;  3    donu^stiques  : 

I  de  3!  nns,  l'iiulre  de  !2.j  ans,  l'autre  de  20  ;  une  nièce  de 

25  ans.  une  cousine  de  12  ans. 
Etienne  l.ecoq  cl  sa  lémme    âgés    de    42    ans.    occupent    une 

terme  de  (SO  I.  ;  —  5    enfunis    dont    3   haptisés    à   l'église. 

Dans  la  même  cour  demeure  Etienne    l.ecoq,    2^2    ans  ;    sa 

steur,  25  ans. 
I.a  veuve  de  Jacques  Eavolle,  (iO  ans. 
Isaac  l.evasseur  et  sa  fenmie  âgés   4"!    ans,    —    occupent   une 

ferme  de  lOU  1.  ;    —  i  enfnnis.  l'ainé  Ul    ans  ;   les   autres 

ha[)lisés  à  l'église. 
Isaac  Lecaron  et  Elisahetli  Leco(|.  soit  disant  sa    femme,    âgée 

de  40  ans  ;  occupent  une  petite  ferme  de  30  1.  —   Dans    la 

même  cour,  la  veuve  Lecoq  âgée   de    60    ans  ;    deux   filles 

âgées  l'une  de  25,  l'autre  de  27  ans  ;  2  garçons   de    32    et 

22  ans. 
La  veuve  de  Jacques  (luihouse,  âgée  de  50  ans,    occupe    une 

petite  ferme  de  40  1.  ;  —  une  fille  14.  ans; 
Pierre  Léger  et  sa  femme  âgée  de  50  ans,  occupent  une  ferme 

de  180  1.  ;  2  garçons,  l(:i  et  18  ans  ;  une  fille,  22  ans. 
La  Vve  Touzé,  45  ans,  occupe  une  ferme  de  80  1.  ;  deux  filles 

14  et  11  ans  ;  1  garçon,  haptisé  à  l'église. 
La   Vve    Pierre    Thomas,    60    ans,    demeure   dans    la   ferme 

d'Isidore  Léger. 

Les  dits  continuent  à  ne  donner   aucune  marque  de  notre 
religion. 

Signé  :  Garon,  curé, 
et  daté  :  4  juin  1698. 


-  47=  - 

Les  Trois-Pierres 

Aiidn''  Delaiiiarc  cl  Suzanne  (lalhird.  ài,n's  do  iO  ans  environ  ; — 
il  enfanis  —  (i  s-arvons,  3  (illi's  :  le  plus  ài^é  a  10  ans,  le  2'' 
8,  lo  3«  7,  le  4«  G,  le  5«  2,  \f'  li''  '.'>  nidis  ;  l'aînée  des  filles  a 
11  ans.  la  2c  9  ans,  hi  :>'  1  an  (i  mois.  Le  dit  Delamare  la- 
boure 30  acres  de  terre.  Obstiné  dans  son  erreur. 

Ainic  (iciis.  mère,  et  Anne  Diinciii'e.  sa  liile,  veuve  de  .lean 
l)eluniar(!  ;  —  a  3  lilli^s.  l'ainre  KS  ans.  la  2''  15  ans,  la  'A'' 
10  ans.  —  l('S(jurlles  denieui-rut,  (hiiis  leur  ei'reui'.  Anne 
l)(Mneure  a  7  veryées  de  tei'rc  en  pi'opre. 

.luditli  Jjeména<.;'er.  veuve  de  Jean  Touzé,  s'aciiiiilk'  lidèlement 
de  son  devoir  île  calliolifpie 

jNIarie  Gaillard,  femme  de  Josepli  Leroux. 

Anne  Dugail,  femme  du  sieur  Soyer. 

Su/anne  Leuuesne.  22  ans,  —  s'ac(|uitte  aussi  fidèlement. 

Signé  :  Eudes,  curé, 
et  daté  :  1 S  juin  1698. 

Saint-Nicolas-de-la-Taille 

Etat  des  prétendus  itiiKVCdux  conroiis  de  la  paroisse  de  St- 
Nicolas-de-la-Taille,  de  leur  âge,  biens,  facultés  et  occupa- 
tions dressé  par  le  curé  de  la  dile  paroisse  en  crécution 
des  ordres  de  Monseit/nenr  l'Archevêque  de  Rouen. 

Alliances  ou  prétendus  mariages  faits  sans  la  présence 
mj  participation  du  curé  de  cette  jiaroisse  : 

Alphonse  Franeois  de  Civille,  écuyer,  sieur  de  Hames,  22  ans, 
1000  1.  de  revenu  ; 

La  dame  de  llonceraye,  si  prétendue  épouse,  20  ans; 

Jacques  Falaise,  serviteur,  25  ans  ;  Jean,  laquais,  15  ans. 

Pierre  Hébert,  oO  ans,  —  tient  pour  400  1.  de  fermages; 
Marie  Delamare,  sa  prétendue  épouse,  25  ans.  Jacques  Le- 
blond.  fils  d'isaac,  serviteur,  22  ans  ;  Judith  Dupi-ay,  ser- 
vante, 20  ans  ;  2  petits  enfants  1  et  2  ans. 

Jean  lléherl,  potier.  25  ans,  lient  pour  40  1.  de  fermages; 
Marie  l'oslel,  sa  fennne,  27  ans. 

Jean  Bodard,  43  ans,  tailleur,   —    tient   40   1.    de  fermages  ; 


—  473  - 

Anne  Hébert,  su  leinme,  40  ans  :  Marie    Hébert.    20  ans  : 
Pierre,  17  ans  ;  .leaii,  10  ans  ;  Jeanne,  Il  ans. 
Jean  Lemoigne,  55  ans,  lient  40  1.  de  fermages';    iMarie    Lelu- 
dois,  sa  fenniie,  i5  ans  ;  Jean  7  ans,  .Marie   3    ans,    l'ierre 
1  an  1/2. 

Jacob  (-arpentier.  02  ans.  lient  120  I.  de  fermages  ;  .Marliie 
Poste),  60  ans,  sa  feinnie  ;  Itaiiici  25  ans,  Marie  23  ans, 
Judith  Hébert,  eonsinc  17  ans. 

l'ierre  Boivin,  "24  ans,  iO  i.  de  fei'niages  ;  Jeanne  Lefebvre,  sa 
femme,  20  ans. 

Jean  Beancamp.  aide  de  potiei .  I!5  ans.  —  lient  30  i.  de  fer- 
mages ;  Jeanne  Sieurin,  sa  fenmie,  40  ans  ;  Marie,  leur 
lille,  4  ans. 

Tristan  Lemoigne,  35  ans,  20  1.  de  fermages  ;  Ester  Leblond. 
sa  femme,  32  ans  ;  un  enfant.  2  ans  :  François  Bournon, 
30  ans,  serviteur. 

Pierre  Postel,  30  ans,  lient  60  I.  de  fei'mages  de  fond  dont  20 
en  propre  ;  Suzanne  Poyer.  sa  femme,  24  ans  ;  enfants  : 
Pierre  18  mois,  Jean-Pieri'e  3  mois  ;  Suzanne  I^ecerf,  ser- 
vante. 22  ans. 

Jean  Lelienvre,  68  ans,  lient  'iOO  1.  ce  fermages;  Jeanne 
Pleine,  sa  femme,  45  ans  :  Jean  i.emaiire.  fils  de  la  dite 
Heine.  20  ans  ;  Jacques  l.cmaiti-e.  idem.  18  ans  ;  Marie 
I.emaitre,  lille.  14  ans  ;  Marie  liournon,  nièce,  11  ans. 

isaac  Leroux.  30  ans.  dans  une  chambre  ;  .^nne  Liot,  sa 
femme,  25  ans  ;  petit  garçon  de  3  ans. 

Jean  Farou,  25  ans,  tient  20  1.  de  fermages  ;  Anne  (juiibaud, 
sa  femme,  30  ans. 

Mariar/cs  lé(jilliiies 

Piiilippe  Bredel,  45  ans,  20  1.  de  fermages  :  Jeanne  Godard, 
sa  femme,  40  ans  ;  enfants  :  Piiihppe  17  ans,  Jean  12  ans, 
Catherine  14  ans,  Madeleine  <S  ans. 

Pliilippe  Bellet,  charpentier.  55  ans,  20  1.  de  fermages. 

Pierre  Poignant,  maçon,  20  ans,  —  en  une  chambre. 

Anne  Guérin,  veuve  de  Jacob  Postel,  40    ans,    —   tient   pour 


—  474  — 

100  I.  (le  IVi-mat^c-s  ;  ciiIîmiIs  :  .Icaii.  lli  ans  ;  Anne.  22  ans  ; 
Sanison,  14  ans  ;  l'icri-e  17  ans  ;  (iilles.  Ti  ans. 

Jean  l.el)lon(l.  iO  ans,  40  I.  (le  fonds  en  pro|)re  ;  Judilli  l'elerin' 
sa  IVnnne,  i!")  ans  ;  —  enf'anis  :  Jean.  I!'  ans  ;  l'icrre.  î) 
ans  ;  Pliilippe,  IH  nmis  :  —  la  veuve  l'elleriu  mère,  GO  ans  ï 
—  Moyse  Lehlomi,  (ils  de  .Moyse,  10  ans,  nepveu. 

Pierre  Selintiue,  "24  ans,  tient  pttiir  o.")  I.  de  fei-mao;es  :  —  la 
veuve  Selin^iie.  sa  mère,  00  ans. 

I,a  vcnve  Soi-el,  00  ans,  —  dans  un  Inur  ;  .Marie  Sorcd.  '.]î')  ans; 
,Mai>;iiei'ile.  .'iO  ans. 

l'icri-e  l'ostel,  55  ans.  lient  (iO  1.  de  fermat^es  ;  —  enianis  • 
.Icau,  'iS  ans  ;  (Inillanme,  IX  ans  ;  .Marthe,  20  ans  ;  Suzanne, 
21  ans  :  —  .lacoh  l'oslel,  lils  de  .Jacob.  20   ans,    serviteur. 

.larques  Lecaron,  35  ans,  tient  20  1.  de  fermages,  et  un  ser- 
viteur hors  paroisse  ;  —  sa  fenuue,  40  ans  ;  enfants  :  Su- 
zanne, llO  ans  ;  .Madeleine,  17  ans  ;  Nicolas,  l(i  ans  ;  .Ju- 
dith. IM  ans. 

Louis  i.ehouvier,  tcllier.  il  ans,  —  tient  15  1.  de  fermages  ; 
Siizaiiiie  llclaliaye.  sa  i'einnie.  \2  ans  ;  enfants  :  l^ouis.  16 
ans  :  Anne,  lô  ans  :  Marie.  1  I  ans  :  AIarie-Mad(deine,  î* 
ans  ."  Jean,  5  ans  ;  Israi'l,  1  an  ;  —  Jacques  Sieurin, 
apprenti.  20  ans. 

La  veuve  Hoivin,  Jean.  55  ans.  —  tient  <S0  1.  de  fermages  ; 
enfants  :  Jean,  30  ans;  Daniel.  25  ans  :  Françoise.  22  ans. 

Charles  Aubert,  (30  ans,  bûcheron,  —  dans  une  chambre  ', 
Judith  (iueroult,  sa  femme,  55  ans  ;  —  enfants  :  Charles, 
18  ans  :  Madeleine.  15  ans. 

Abraham  Serville,  potlier,  40  ans,  —  occupe  en  propre  35  1. 
de  fonds  ;  Sara  Gueroull,  sa  femme,  25  ans  ;  enfants  :  Marie 
15  ans  ;  Pierre  12  ans  :  Louis  9  ans  ;  Abraham  8  ans  ; 
Jean  'i  ans  ;  Jac(jues  1  an. 

Jacob  P)arbet,  30  ans,  fait  valoir  35  1.  de  fonds  en  propre  ;  la 
veuve  .lacob  liarbet,  sa  mère,  70  ans  ;  .Madeleine  Hournon, 
veuve  du  sieur  Cavelier,  servante,  50  ans. 

I,a  veuve  du  sieur  Deshays,  45  ans,  tient  30  I.  de  fermages  5 
Mai-ie,  .'•a  lille.  17  ans  :  haniel,    lils    illéiïitime    de    la    dite 


-   47^  — 

Marie,  3  mois, 

La  veuve  Galopin,  45  ans,  —  dans  un  four  ;  Klisal)elli  (ialopin, 
10  ans  ;  Marie  Galopin,  U  ans. 

Jac(|ues  Sieurin,  (36  ans,  —  tient  pour  400  1.  de  fermages  et  a 
100  1.  de  revenu  ;  Abraliam  lioussel,  2ï  ans,  serviteur  ; 
Louis  Lebouviei-,  l<S  uns,  serviteur  :  Jeanne  Desliays,  18 
ans,  servante  ;  Pierre  Leblund,  lo  ans,  serviteur. 

Marie  Sieurin,  fille  de  Pierre.  30  ans,  —  en  chambre  :  eulants  ; 
.Jeanne  '2{  ans,  Suzanne  17  ans,  Ester  10  ans. 

Isaac  Hébert,  ciiarpenlier,  50  ans,  tient  pour  30  1.  de  fermages  ; 
enfants  :  Isaac  18  ans,  Marie  25  ans.  Elisabeth  21  ans. 

Mademoiselle  de  Giville  de  la  Ferté,  50  ans,  400  I.  de   reveiui. 

Michel  Deshays,  savetier,  iO  ans,  —  tient  pour  iO  I.  de  fer- 
mages ;  Madeleine  Callard.  sa  femme,  40  ans  ;  enfants  : 
Suzanne  17  ans,  Pierre  13  ans,  ^Madeleine  5  ans. 

Jean  Deshays,  24  ans,  occupe  100  I.  de  fonds  en  propre  5 
Anne,  sa  sœur,  57  ans  ;  Charles  Gosselin,  ;20  ans,  serviteur  ; 
Suzanne  Delamare,  17  ans,  servante. 

Pierre  (lodard,  tailleur,  45  ans,  —  tient  20  1.  en  propre  ; 
Marie  Lavotte,  sa  femme,  38  ans  :  enfants  :  Marie  16  ans, 
Pierre  15  ans,  Jean  14,  François  3,  Jacnues  16  mois,  Jean 
8  jours. 

Jacob  Barbet,  25  ans,  une  chaud)re  ;  Madeleine,  sa  fille,  7  ans. 

ïliomas  fJossel,  40  ans,  — tient  120  1.  de  fermages;  Jeanne 
Selingue,  sa  femme,  35  ans  :  enfants  :  Pierre  13  ans, 
Jeanne  9  ans,  François  1  an. 

Jacob  Postel,  30  ans,  — dans  une  chambre,  —  a  100  I.  de  re- 
venu ;  Madeleine,  sa  sœur,  25  ans. 

T>ouis  Postel,  22  ans,  une  chaadjre. 

Pierre  Louvel,  50  ans,  —  dans  un  four  ;  enfants  :  Pierre  28 
ans,  Thomas  18  ans,  Antoine  10  ans,  Anne  9  ans. 

Jacob  Postel,  fils  de  Jean,  45  ans,  30  I.  de  fermages  ;  Jacob, 
son  fils,  12  ans. 

François  Postel,  41  ans  ;  Abraham  Postel,    33    ans  ;    Jacques 

Postel,  30  ans  :  —  ils  tiennent  20  1.  de  fermages. 
Anne    ('.ourché,    veuve    d'Abraham    Lebouvier,   70   ans,     — 


—  47^  — 

occupo    30   I.    en    propre. 
Jacob  Delaliaye,  55  ans.  20  1.  de  fermntj:cs  :   Suzanne    liarbet» 

sa  fcinine,  45  ans  ;  enfants  :  l'iecre  10  ans,  Anne    1 1    ans, 

Su/annc  0  ans,  Nicolas  8  ans. 
Isaac  Lol)lon(J.  i5  ans,  o50  1.  de  fermat^cs  :  Madeleine;  Cavclier 

sa  femme,  35  ans  ;  .Anne  llenanlt,  \vuv  nièce,  IG    ans  ;   Ju- 

ditli  Lccerf,  18  ans. 
Jndilli  Fondimare,  veuve  de  Pierre  (iuei'oull,  GO  ans,    —    tient 

50  1.  de  fermages  dont  '20  en  propre  ;  enfants  :  Anne  llous- 

sel,  apprentive,  22  ans  :  .Marie  Féré.  apprentive,  14  ans. 
Ahraliam  Lel)as,  55  ans,  —  demeure  dans  une  maison  à  lui  en 

propre,  a  250  I.  de  revenu  ;  Françoise  de  Heaulicu,  sa  femme, 

40  ans  ;  enfants  :  Françoise  19   ans,    Marthe    14    ans,    Ca- 
therine 10.  .\braliam  8,  ('.hai-les   5,   Heni'i    4.    et    Pierre  2 

ans. 
Abraham  l'oslel,  60  ans,  —  tient  250  1.  de  fermages,  et  a  100  1. 

de  revenu  ;  Marihe  Lefebvre,  sa  femme,  50  ans  ;  enfants  : 

Marthe  25  ans,  Jean  20  ans,  Isaac  11)  ans,    Pierre    14    ans, 

.Marie  IG  ans. 
Jean  Mouette,  serviteur.  25  ans  ;  Isaac   Lemoii^ne,    sei'vileur, 

22  ans  ;  Marie  l.ouvel,  servante,  20  ans. 
Vve  Nicolas  Lecointe,  70  ans.  tient  ])onr  70    I.    de    fermages  ; 

Anne  Lecointe,  sa  tille,  20  ans. 
.-Vnne  Jousiel,  veuve  de  l*ierre  lîonrnon,    (iO    ans,    tient    18    1. 

de  fermages  :  Anne-(juillemette,  sa  lille,  20  ans. 
Pierre  Serville,  50  ans,  —  tient  20  I.    de  fermages  :    Sn/anne 

.Massieu.  sa  femme,  60  ans. 
liachel  Pottier,  veuve  d(>,  Jean  Guerouli.  50  ans.  —  tient  .S8   1. 

de  fermages  ;  enfants  :  Jacfpu's  17    ans,    .Marihe    15    ans, 

Marie  13  ans  ;  Madeleine  .Marouard.  10  ans.  servante. 
Jacques  lîoussel,  24  ans,  30  I.  de  fermages  :  .Teanne  liellenger 

sa  lanle.  60  ans. 
Jéréniie-Abraham  lionainy,  —  tient  pour  30  I.  de  fermages. 
La  veuve  Simon  De  (iau\,  (:)4  ans,  dans  une  cliambi'e. 
Jeanne  Roussel,  veuve  de  Jac(jues  Lecarpentier,    50    ans,    — 

dans  une  chambre  ;  enfants  :  Marie  30  ans,  Eslienne  15  ans. 


—  477  — 

Jacques  Desvignes,  45  ans,  —  tient  80  1.  de  fermages  :    Ester. 

sa  sœtir.  30  ans  ;  JiKiilli.  sa  scpur,  25  ans  ;    Jacques    (uie- 

l'oull,  45  ;ins. 
Judith  (iueroult  veuve  de  .Nicolas  Alexandre.  ôO  ans,    —    tient 

"20  I.  de  fermages  ;  Nicolas  Alexandre,  son  lils.  25  ans. 
Klie  Godard,  savetier,  60  ans.   —    tient   20    1.    de    fei'iuages  ; 

Marie ,  sa  femme,  55  ans  ;  enfanls  :    .rac(|ues    ''20 

ans.  Marie  18  ans. 

Il  se  voit  par  le  dit  état  qu'il  y  a  105  religionnaires  en  celte 
paroisse  âgés  de  12  ans  et  au-dessus,  et  GO  feux.  —  certifiant 
(pie  s'il  y  en  a  aucuns  des  dessus  dits  qui  fassent  aucun  devoir 
de  catholique,  mais  au  contraire  font  des  assemblées  de  4  à  500 
dans  les  carrières  de  celli'.  [laroisse.  suivant  (pie  je  l'ai  écrit  à 
Monseigneur  l'inlendanl.  et  s'opiniàtrent  de  jour  en  jour  dans 
leur  erreur  de[)uis  la  publication  de  la  paix  qui  se  sont  vus 
qu'on  les  laissât  en  repos.  En  foi  de  quoi  j';ii  signé  ce  30  mai 
1698. 

J.  GielIn,  curé. 

Saint- Jean-de-FoUeville 

youveatix  convertis  —  Prétendus  nairiages 

Abdenago  Hébert,  30  ans,  —  lient  pour  00  I.  de  fermages  ; 
Elisabeth  Fréret,  sa  femme.  30 ans  ;  Jean  liébertlils  ;  Nico- 
las Hébert,  lils.  —  Jean  Hébert  au-dessous  de  12  ans. 

Judith  T^evillain,  36  ans,  —  tient  120  1.  de  fermages  :  Judith 
Dubos,  sa  femme,  38  ans. 

Abraham  Potel,  32  ans,  —  tient  180  I.  de  fermages  ;  Anne 
Doray,  sa  femme.  30  ans. 

Mariages  técjitimes  : 

Tristan  de  Brilly,  écuyer,  63  ans,  —  1500  1.  de  revenu  ;  Judith 
de  Bongars,  son  épouse,  55  ans:  Jacques  de  Brilly,  son  fils, 
24  ans  ;  Madelaine  de  Brilly.  fille,  29  ans,  qui  s'est  acquittée 
et  s'acquitte  ponctuellement  depuis   sa  conversion  de   tous 


-  478  - 

ses  di'vnirs  ot  actes  d'uiif  vrritaljle  catholique  romaine  avec 

beaucoup  (rcxcnijjle  et  d'cdilicatioii;  —  Suzanne  de   [irilly, 
lille.    17  ans  ; 
Pierre  licllct.  donieslique,  25  ans. 
Isiiac  ('-hcldliostel,  7S  ans,  200  I  de  revenu. 
.Iiidilii  Fi-éinont,  ôô  ans,  29  1.  de  revenu. 
l'liili|>i»e  liennetot,  'i8  ans,  (iO  1.  de  fermages  ;   Renée   l.avotle, 

son  épouse,  50  ans  ;  Elisai)eth  Bennelot,  26  ans  ;   Ahraliam 

liennetot,  "20  ans;  Jaccjues  Bennelol.  14  ans. 
Jean  Dupi'ey,  20  ans. 

.lacipies  liourel,  63  ans.  201.  de  ferniaffes  ;  Anne  Hourel,  35  ans, 
Ksler  Boissel,  50  ans,  S  I.  10  sols  de  fermages;  Ester   Boissel, 

sa  fille,  13  ans. 
.Tacob   l.ebouvier,  50  ans,  18  1.   10  sols   de   fermages;  Marie 

[.ebouvier,  55  ans . 
Daniel  Viennant,  35  ans.  25  1.  de  fermages  ;  Anne  Hébert,    sa 

femme,  30  ans  ;  Aladeleine  Hébert  fille  Viennant  ;  Madeleine 

Hébert  fille  Viennant  ;  Pierre  Viennant.  —  enfants    au-des- 
sous de  12  ans. 
Jean  Marouard,  55  ans,  12  1.  de  revenu  ;   Jacques    Marouard, 

son  fils.  20  ans. 
Eslienne  Fresnelles,  60  ans,  —  tient  3  1.  de  fermages  ;  l'ierre,. 

son  fils,  18  ans. 
Jean  Mouette,  65  ans,  140  1.  de  fermages  :    Marie   Hatteiiville, 

sa  femme,    40    ans  ;   Jean   Mouette,    16   ans  ;   Thomas    et 

Gilles  Mouette,  enfants  au-dessous  de  12  ans. 
Anne  De  Boos,  65  ans,  —  tient  25  1.    de    fermages  ;    François 

Mole,  au-dessous  de  12  ans. 
Ch.  Poignant,  50  ans,  tient  iO  1.  de  fermages  ;  Jeanne  Mouette 

sa  femme,  35  ans  ;    Abraham    Poignant,    20    ans  ;    Isaac, 

François  et  Jeanne,  au-dessous  de  12  ans. 
Suzanne  Hattenville,  femme  de  Nicolas  Estienne,  .32  ans,   25   I. 

de    fermages  :    Suzanne,    Anne,    l'ierre.    Marie,    Etienne, 

enfants  au-dessous  de  12  ans. 
Pierre  Desvingnes,  40  ans,  240  I.    de  fermages  ;    Marie   Vau- 

clin,  sa  femme,  35  ans  ;  Pierre  Desvingnes,  14  ans,  Marie- 


—  479  — 

Anne,  13  ans  ;  —  Barbe,  Jacques,  Jeanne,  enfants  au-des- 
sous de  12  ans  ;  —  Pierre  INIarlin,  doniestiiiue,  25  ans. 
Jean  Hébert.  60  ans,  130  1.  de  fermages  :    Madeleine    Fondi- 
jiiare,  sa  femme,    (35    ans  ;    Madeleine    Hébert,    25   ans  ; 
l'ierre  Hébert,  "20  ans  ;  l'ieri'e  Dupray  15  ans. 

H  s'en  suit,  par  le  dit  état  et  mémoire,  les  nombre,  âge, 
sexe,  biens  et  facultés  des  religionnaires  de  la  dite  paroisse  de 
Folleville,  cerlilions  qu'il  n'y  a  aucuns  des  dessus  dils,  à  la 
réserve  de  Mlle  Madeleine  de  IJrilly,  qui  tassent  aucuns  devoirs 
de  catlioliquos,  mais  plutôt  s'opiniàtrent  de  jour  en  jour  dans 
leur  erreur. 

Signé  :  Bksolc.net,  curé  de  Folleville, 
et  daté  :  5  juin  1G!)S. 

Saint- Antoine-la-Forêt 

Mémoire  concernant  les  noms  rpialHès  des  novveavx 
convertis,  le  nombre  de  leui's  enfants,  ensemble  celui  de 
leurs  domestiques. 

Jean  Levesque  et  sa  femme,  —  5  enfants  (2  garçons,  3  filles)  : 
l'aîné  13  ans,  les  autres  en  proportion.  —  3  ont  été  baptisés 
à  l'église  ;  —  une  servante,  un  valet  ;  —  laboure  52  acres 
de  terre. 

Jean  Fossé  et  sa  femme,  laboure  20  acres  de  terre  et  fait  des 
cardes  ;  3  garçons  âgés  de  30  ans,  et  une  fille  de  25    ans. 

Abraham  Duval  et  sa  prétendue  fennne,  marié  depuis  peu  à  la 
carrière,  laboure  18  acres  de  terre  ;  2  garçons,  l'un  de  5 
ans,  l'autre  1  an  ;  —  1  valet  ;  il  garçons  apprentifs,  —  son 
métier  est  de  faire  de  la  charge. 

Pierre  Delamare.  marié  depuis  2  ans,  à  la  carrière,  a  pris  pour 
compagne  la  lille  de  la  Viarde  ;  il  a  un  enfant  qu'il  a  fait 
passer  pour  mort,  dont  l'on  doute,  et  cela  de  peur  ipi'il  ne 
fût  baptisé  à  l'église.  Laboure  60  acres  de  terre  et  fait  le 
métier  de  marchand  de  frantz  (sic).  Il  a  chez  lui  son  frère, 
âgé  de  20  ans,  2  servantes,  Jacques  Caron,  valet,  et  un 
cousin  nommé  Galopin,  10  ans. 


—  4^0  — 

Jean  Flelaliuyp  el  sa  fille,  âgée  de  20  ans,  fileuse  à  la  laine. 
.Icaii  (laiilanl  et  sa  reiiimo.  esl  niarcliand,  —    a    une    servante 

;'(!  ans  cnv  ii'iin. 
Jean  Leliuury  el  sa  Icniine.  —  a  :2  L;ar(,'ons,  [H  el     li!    ans.    el 

une  fille  de  1.")  ans,  —  tons  lilent  la  laine. 
l.a  liertine,  veuve,  marchande  de  draperies.    —    a    chez    elle 

une  servante  et  un  valet. 
.lean  Leniaitre,  20  ans,  iileur  de  laine. 
Galopin,  garçon,  16  ans,  tisserand,  —  a  4  s(eurs  (|ui  l'ont  de  la 

dentelle  :  rime  a  25  ans  et  les  autres  à  proportion, 
l.evasseur,  veuve,  tient  à  ferme  30  acres,  —  a  2  garçons  âgés 

de  20  ans  environ  :  une  servante  de    15   ans    nommée   Su- 
zanne .Marie. 
Pierre  Malandain,  garçon,  tisserand,  avec    lui    sa    mère    et    sa 

su'ur  d'environ  120  ans,  —  a  Pierre  llérubel  poui-  apprentil'. 

de  25  ans  envii-on. 
.Jean  Ilicœur.  garçon,  30  ans,  tisserand. 
Isaac  Lechalupé  et  sa  femme,  âgés  de  GO  ans  chacun,  —  filent 

à  la  laine. 
Pierre  Delaporte.  60  ans,  tisserand. 
l'ierre  Leconte,  laboureur,  de  32  ans,    et   propriétaii-e    de  2'2 

acres,  avec  sa  femme  et  son  frère  de  23  ans  ;  1  valet,    une 

servante. 
Isaac  Leblond,  manouvrier,  50  ans,  a  une  fille  de  25  ans  et  un 

garçon  de  <S  ans. 
Pierre  Uupré  et  sa  femme,  laboureur,  IcS  acres  de  terre,  —   a 

■i  garçons  de  2i  ans  et  les  autres  ensuite,  et  5  filles   de   20 

ans  et  au-dessous,  faisant  de  la  dentiîlle. 
Jacques  Callard  et  sa  femme,  âgés  de  60  ans,  labourant  6  acres 

de  terre  et  est  propriétaire  d'une   petite    masure    d'environ 

2  acres  ;  son  métier  est  d'être  blatier. 
Pierre  David,  et  sa  femme,  laboure  16  acres  ;  —  1  garçon    de 

15  ans  environ  ;  1  valet  et  2    garçons    compagnons    de   25 

ans  chaque  ;  —  son  métier  est  d'être  tisserand  el  de  vendre 

des  joeld  {sic) . 
Abraham  David,  demeure  chez    Pierre    David,    son   père,    est 


—  48i  — 

marié  à  la  carrière  depuis  un  an  k  Aune  Delamare    ;   —  a 

un  garçon  de  3  mois  boplisé  ;i   l'éiilise    pur    ordre    de    M. 

l'inleiidant. 
Nicolas  Lamy  et  sa  femme,  —  a  une  lille  de  15  ans,  "^    garçon^ 

17  et  1:2  ans,  —  tisserand,  propriétaire  de  2  acres  de  terre 

logez  et  plantez  où  il  demeure  actuellement. 
Pierre  Delaliaye,  marié  il  y  a  un  an  à  la  carrière,  70  ans,  avec 

Anne  Leclerc.  de  30  ans.  —  a    chez   lui   la    sœur    de    sa 

femme  de  "20  ans  :  leur  méliei'  est  de  filer  de  la  laine. 
Isaac  Letudais  et  sa  femme.  Judith,  lille  de  la    Liherge,   —   a 

une  fille  de  10  ans  environ  ;  —  l'homme  est  manouvrier. 
Les  filles  Lemoine,  25  à  30  ans,  demeurent  avec  le  nommé  Le- 

marié,  cordonnier,  de  la  même  religion  ;  ces  fillent  ont    en 

propre  une  petite  masure  de  1  acre  de  terre    labourable   et 

font  de  la  dentelle. 
Jean  Lemoine  et  sa  femme,  Elisabeth  Letudais,  ont  un    enfant 

de  8  ans,  baptisé  à  l'éghsc,  et  ont  été  mariés  il  y   a   2    ans 

à  la  carrière. 
Abraham  Durand,  sa  femme  catholique,  3  garçons    10    ans,    8 

ans,  1  an  1/2  ;  son  mari  est  couturier. 
Guillaume  Barbet  et  sa  femme  —  a  5    enfants.    3    garçons,    le 

moindre  à  13  ans  et  deux  iilles  d'environ  50  ans  ;    — ■  son 

métier  est  d'être  mercier  et  en  outre  a  une  petite  maison  en 

propre  et  laboure  50  acres  de  terre. 
Abraham  .'Vuber,  marié  à  la  carrière    avec    Madelaine    Levas. 

seur,  —  laboure  30  acres  de  terre,  —  a  une   lille    baptisée 

à  Téglise  par  ordre  de  Mgr  rintendant.  laquelle    a    environ 

3  mois  ;  1  servante  de  16  ans,  nommée  Suzanne  .Marie,    et 

2  valets  de  25  ans  ciiacun. 
Pierre  Lemonnier  et  sa  bru,  laquelle  est  veuve  et  a  2   enfants, 

le  garçon  12  ans,  la  fille  S  ans,  lous  deux  baptisés  àTéglise  ; 

—  leur  métier  est  de  filer  la  laine. 
Isaac  Renaud  et  sa  femme,  mariés  à    la    carrière,    2    filles,    6 

ans  et  1  an  1/2,  baptisées  à  l'église  ;  —  son  métier  est    de 

faire  de  la  dentelle. 
Abraham  Bredel,  marié  à  la  carrière  avec  Suzanne   Delaporte, 

31 


—  4^^  — 

—  tonnelier. 
Renée  I.eclialupr',  iiico'iiiiiodf'ii  et  iiieiidieiiiK'  (sic). 
Isaac  Uelahaye,  prdpriiiaii'e  d'iiiie  iiia.sui'e  d'une  acre  di;  terre, 

70  nus,  —  cliarron. 
Abraham  l'otel,  |J-ar(,'on,  ^lO  ans.  tuilier. 
La  Mannevillesse,  veuve.  'M  acres  de  terre,  7  oiifanls  :  A  lilles 

:24  ans,  12,  10  et  8    ans    baptisées    à    l'éiilise  :    3    tïar(;ons 

âgés  de  18  et  20  ans  ;  I  servante  noiiiiiKH;  Mai-ie    l.eludois. 

Après  les  avoir  interrogez  tous  en  particulier  savoir  s'ils  ne 
voulaient  pas  bien  venir  à  l'église  m'ont  tous  répondu  que  non, 
et  que  ce  n'était  point  leur  intention,  qu'ils  y  avaient  été  une 
fois  dont  ils  se  repentaient. 

Signé  :  François  Plaimpel,  curé  de  St-Antoine, 
et  daté  :  7  juin  1G98. 

St-Eustache-la-Forêt 

Etat  des  personnes  de  la  Religion  pyéfeinlue  réformée  demeu- 
rant en  la  paroisse  de  St-Eustache,  lesquels  ont  déclaré 
vouloir  vivre  et  movrir  en  icclle  religion  : 

Etienne  Uupray,  sa  femme,  1  fille,  1  servante  et  6  autres    lilles 

demeurant  chez  le  dit. 
Pierre  Lemarchand,  sa  femme  et  sa  fille. 
Pierre  Montier,  sa  femme,  5  garçons  dont  l'aîné  a  25   ans,    et 

une  fille. 
Louis  Souef,  sa  femme  et  3  enfants. 
Isaac  Auber,  sa  femme  et  une  fille. 
Judith  Lecesne. 

Anne  Lavotte  et  sa  fille  Agée  de  28  ans. 
Pierre  Delamare  et  sa  lillc. 
Marie  Hatlenville  et  sa  fille,  de  8  ans. 
Abraham  Lecesne , 
Jacques  lioissel,  sa  fenuiie,  4  enfants  (3  garçons    et    une    fille) 

dont  le  plus  âgé  a  15  ans. 
Abraham  Rertin.  sa  femme  et  une  servante. 


—  4^3  — 

Jean  Delamare,  sa  femme,  3    enfants    {-   garrons,    une  lille), 

l'aînée  a  !25  ans. 
Veuve  Aubor,  2  garçons  et  3  filles  :  Fainée  18. 
Isaac  (ou  Jacques)  Gueroult. 
Jean  Hélie  et  sa  femme,  5  enfants  (2  garçons  et  3  filles),  l'aîné 

a  11  ans. 
Pierre  Hardy,  sa  femme,  2  enfants  (\  garçon  et  1  fille),  l'aîné  20 ans. 
Abraham  Gueroult,  sa  fenmie,  (j  enfants  (o  garçons  ef  3  filles), 

l'aîné  18  ans. 
Jean  Doré,  sa  femme  et  i  garçons  et  une  fille  :  Abraham  (iue. 

rouit  les  loge  et  une  nommée  Byllenger. 
Pierre  Lequesne  et  sa  sœur. 
Elle  Delamare,  sa  femme  et  I  enfant. 
La  veuve  Barbey. 
Abraham  Mnlot  et  sa  femme. 
Nicolas  Sautreuil  et  sa  femme. 
Vve  Auber,  3  enfants  :  2  filles  âgées  de  20  et  22  ans,  1  garçon 

âgé  de  10  ans. 
Abraham  Auber,  sa  femme  et  1  domcstiijiie. 
La  veuve  Poulingue  et  sa  fille  âgée  de  1<S  ans. 
Jean  Lequesne,  le  père,  et  sa  fille  âgée  de  24  ans. 
Salomon  l.ecesne,  sa  femme  et  sa  sœur  et  2  petits  enlants. 
La  veuve  Lamy  et  6  enfants  (4  garçons  et  2  filles),    l'aînée    19 

ans,  —  et  un  nommé  Bellenger. 
Anne  Fréboui-g  laquelle  a  chez  elle  une  fille    âgée    de    7  ans, 

contre  la  volonté  des  parents,  afin  de  l'instruire  dans  la  re- 
ligion calviniste. 
Jacques  Lomet,  sa  mère,  une  servante. 
Jean  Lestudais,  sa  femme,  4  enfants. 
La  veuve  Etienne  Lechevalier,  6  entants  (3  garçons  et  3  filles), 

l'aîné  a  25  ans. 
Jacob  Lemonnier,  sa  femme,  3  enfants  (i  garçon  et  2  filles)   et 

une  nièce. 
Veuve  Doray. 

Pour  i[uoi  moi  prêtre  soussigné  à  St-Eiistache,  je  prends  la 


-  4^4  — 

liberté  de  vous  dire  qufi  imnohslant  les  déclarations  que  m'ont 
laite  les  dits  rclis^îioiiiiain's  de  vouloir  mourir  dans  la  dite  reli- 
gion, il  se  fait  les  jouis  de  (limaiiclifï,  avant  no.v  messes  et  pen- 
dant nos  dites  messes  de  paroisse,  des  assendjlées  ])ubliques 
dans  des  carrières  et  autres  lieux  où  ils  exercent  leur  dite  reli- 
jfion  au  scandale  de  tous  nos  catlioli(jues  et  de  plus  qu'il  se  lait 
des  mariages  dont  nous  avons  eu  coimaissaiiee  certaine  et 
même  que  les  dits  traiispoilent  les  enfants  nouveaux-nés  de  pa- 
roisse à  autre  afin  d'empêcher  que  ces  enfants  ne  soient  bapti- 
lisés  aux  églises. 

Signé  :  Ruintaxce,  curé, 
et  daté  :  1  juin  1698. 

Le  Parc-d'Anxtot 

Etat  ou  nonilx  des  nouveaux  et  non  convertis  de  la  paroisse 
du  Parc-d'Anxtot,  arvlicvèchè  de  Rouen,  —  année  1698. 

Almin  de  la  Mazure,  écuyer,  seigneur  d'une  vavassorie  noble 
dans  la  dite  paroisse,  non  marié,  âgé  de  54  ans  ;  possè- 
de la  dite  vavassorie  (]ui  lui  jtroduit  tous  les  ans  15U0  1.  de 
rente  ou  15  1.  avec  RIO  chdj)ons  ,  —  avec  une  maison  qui 
a  seulement  une  cour  })lantée  de  pommiers.  —  l.a  venve 
l'otel,  70  ans,  servante  du  dit  sieur  de  la  Mazure. 

Salomon  Croixmare  ayant  épousé  Suzanne  Kicliel,  tous  deux 
âgés  d'environ  35  ans  ;  lient  à  louage  une  ferme  qui  contient 
45  acres  appartenant  au  sieur  de  Nouvion,  catholique  ;  de 
plus,  en  propre  dans  la  dite  paroisse  une  maison  logée  et 
plantée  avec  4  acres  de  terre  qu'il  baille  à  louage. —  etaôen- 
fants,  savoir  :  Salomon  14  ans,  Suzanne  11  ans.  Marie  9 
ans,  Geneviève  6  ans,  Anne  3  ans. 

Catherine  Montier,  veuve  de  Thomas  Hauchecorne,  55  ans,  — 
tient  à  ferme  de  M.  IJesportes,  catholique,  une  maison  de 
4  acres  de  terre,  —  a  7  enfants  dont  les  3  aînés  sont  hors 
de  la  paroisse  et  les  4  derniers  chez  elle,  savoir  :  Abraham 
22  ans  environ,  Marie  20  ans,  Isaac  18  ans,  Daniel  16   ans. 

Elie  Ducliemin,  âge  40  ans,  ayant  épousé  Madelaine    Baudoin, 


-  48.  - 

34  ans  ;  8  enfants  :  ^ladelaine  14  ans.  Adam  12  ans,  Pierre 
11  ans,  Elie  8  ans.  Louis  5  ans,  Anne  2  ans,  Suzanne  1  an, 
Marie-Madelaine  7  jours.  Le  sieur  Duchemin  possède  en 
propre,  tant  en  la  dite  paroisse  qu'en  celle  de  St-Gilles  un 
petit  héritage  qu'il  fait  valoir,  contenant  6  acres  de  terre. 
Jean  Deshays,  4.5  ans,  ayant  épousé  Marie  Sieurin,  40  ans,  5 
enfanis,  Marie  19  ans,  Marie  16  ans,  Jean  10  ans.  Margue- 
rite 5  ans,  Madolaine  2  ans.  —  Le  dit  Deshays  possède  en 
propre  tant  en  la  paroisse  du  Parc  qu'en  celle  de  St-Gillcs 
B  acres  de  terre  qu'il  fait  valoir  sur  quoi  il  nous  a  déclaré 
devoir  des  rentes. 

Les  dits  n'ont  fail  aucun  acii'  de  la  religion  catholique  depuis 
leur  a  h  jurât  ion. 

Signé  :  De  Lauxav,  curé  du  Parc, 
et  daté  :  12  juin  1698. 

Houquetot 

Nouveat(,i  c<)»vc)iis  qui  ne  font  aucun  acte  de  la 
Religion  catholique  depuis  deux  ans  : 

Jean  Martin,  bou'  her,  20  acres  de  terre,  sa  femme,  sa  fille  et 
sa  nièce  ;  —  a  chez  lui  une  pauvre  femme  perdue  des 
membres  qui  se  nomme  .Judith  Louvel. 

.Jean  Desnoyers,  tisserand,  4  acres  de  terre,  —  a  chez  lui  son 
père,  sa  femme  et  3  enfants  dont  l'auié  n'a  que  8  ans. 

Estienne  Angammare,  se  disant  marié  depuis  3  mois,  —  de- 
meure avec  sa  supposée  femme.  —  a  retiré  chez  lui  un 
nommé  Charles  Fontaine,  —  occupe  3  acres  de  terre,  fai- 
sant le  métier  de  petit  boucesdi  (sic). 

Pierre  Levasseur,  2  acres  de  terre.  —  a  chez  lui  une  servante, 
cordière  de  son  métier,  sans  ne  rien  faire. 

Tous  les  ci-dessus  dénommés  m'ont  dit  avoir  fait  abjuration. 
Le  curé  de  Houquetot  atteste  qu'ils  ne  font  aucun  acte  de  la 
religion  catholii^ue  depuis  2  ans. 

Signé  :  E.  Langlois,  curé, 
et  daté  :  6  juin  1698. 


—  4^6  — 

Le  3  seplombre  IHOO.  le  doyen  de  Sl-I!oniain  (!'Ci-ivait  ce  qui 
suit  : 

Daniel  Auhci'l  et  Suzanne  I-evesque,  de  (lainneville,  ab- 
sents et  liors  lie  la  connaissance  de  leurs  i)arenls,  à  ce  qu'ils 
disent. 

Daniel  Montier,  de  St-EusIaclie-la-Forrt.  19  ans,  —  sorti  du 
royaume  à  la  lin  de  juillet  iG9'>)  ;  Pierre  Montier,  son  père, 
est  resté  dans  la  paroisse. 

Jacques  Sieurin,  30  ans,  est  l'evenu  de  Hollande  en  février 
dernier  et  demeure  à  Saint-Nicolas- de-la-Taille.  cliez  son  père. 
11  y  en  a  eu  plusieurs  autres  ai'rèlés  à  r  écamp    dont    il    serait 

inutile  de  mettre  ici  les  noms. 

Le  doyen  de  Saint-Romain. 


DOYENNE  DES  LOGES 


Mémoire  des  nouveanx  convertis  du  doyenné 
des  Loges,  diocèse  de  Rouen 

Sauseuzemare 

Daniel  Boivin,  60  ans,  4  acres  de  terre  ;  Judith  Hue,  sa  femme, 

50  ans  ;  Michel  Boivin,  fils,  15  ans. 
Jean  Malandain,  mercier,  iO  ans,  3  acres  ;  Jeanne    Barré,    sa 

femme,  50  ans  ;  Judith  Malandain,  18  ans. 
Pierre  Malandain,  40  ans,  14  acres  labour  ;    Suzanne    Valentin, 

sa  femme,  35  ans  ;  Jean  Valentin,  15  ans,  Anne  10  ans. 
Jacques  Hue,  laboureur,  71  ans  ;  Judith  Hue,  24  ans  ;  Jeanne 

Sieurin,  servante,  40  ans. 
Pierre  Callard,  manouvrier.  50  ans,  —  occupe    une    cliandjre. 
Marie  Flammare,  veuve  de  Durand,  50  ans,  4  acres   de   terre, 

et  la  grosse  dixme  par  3S0  livres  ;  Charles  Durand,  son  fds, 

22  ans  ;  Pieri-e  Durand,  l(i  ans  ;  Ester,  fille,  18  ans  ;  Marie 

Desnoyers,  13  ans,  et  Françoise  Nion,  21  ans,  servantes. 
Daniel  (iueroult,  laboureur,  28  acres,  23    ans  ;   Suzanne    Boc- 

quet,  sa  fenune,  21  ans. 


-  4'^7  - 

David  Malaiulain,  50  ans.  manouvrici-,  3  acres,  Marie  lîossard, 
sa  femme.  10  ans  ;  —  enfants  :  Marie  9  ans,  Marguerite  8, 
Pierre  18,  Jacques  17,  Suzanne,  David,    l'ierre  et  Jacques. 

Juditl)  Flaniniare  53  ans,  occupant  une  chambre. 

Jean  Dulucre.  fils,  13  ans,  Judith  Dulucre  15  ans. 

Pierre  Périer,  lalioureur,  50  ans,  lUO  acres,  —  sa  femme  âgée 
de  50  ans  ;  —  n'ayant  point  voulu  déclarer  le  nombre  de 
ses  enfants  et  de  ses  domestiques. 

Etienne  I.ouvel.  laboureur,  /i5  ans,  20  acres,  —  n'ayant  point 
déclaré  le  nombre  de  ses  enfants. 

Lesquels  ont  déclaré  tous  professer   la    religion   prétendue- 
réformée. 

Signé  :  Bahrieh, 

et  daté  .  31  mai  1698. 
Bordeaux-Saint-Clair 

Pierre  Hauchecorne  ;  Ester  lîredel,  sa  lemme,  —  gens  de  jour- 
née ;  enfants  :  Jean  10,  Charles  5,  Laurent  2  ans. 

Suzanne  Lalino ,  ou  (ilalionv,  veuve  d'Abraham  Ha  uchecorne 
45  ans,  et  cinq  autres  femmes  de  journée  ;  enfants  :  Jean 
10,  Pierre  6  ans. 

ftlarie  Hérubel,  femme  de  Hector  Ouinville,  journaliers,  âgés  de 
20  ans  environ. 

Marie  Hérubel,  femme  de  Nicolas  Gleron,  journaliers,  âgés  de 
20  ans  environ. 

Tous  lesquels  nouveaux  convertis  font  bien  leur  devoir  de  la 
religion  calholicpie,    assistent    à     la     messe,     fréquentent   les 
sacrements. 

Tourville 

La  veuve  Roivin,  fort  âgée  ;  Philémon  Boivin,  son  lils,  30    ans 

environ  ;  Jacques  Boivin,  iils  puiné  ;  Anne  Boivin,  sa  fille  ; 

Pierre  Louvel,  son  neveu,  Françoise  Lepelé,  sa    servante  ; 

une  autre  servante  ;  un  petit  garçon. 
Pierre  Bêcher,  sa  fcnune  et  sa  lille.   Depuis   la  déclaration  du 

roy  sont  allés  demeurer  à  Monlivilliers. 


—  488  — 

Lesquels  ne  font  aucun  acte  de  religion  catliolique,  aposto- 
lique et  romaine. 

Ymauville 

Abraliani  Mauger,  lahoureur.  sa  femme,  son  (ils,  son  frère,   sa 

sœur,  et  un  serviteur. 
Jacques  de  Caux.  laboureur,  1  valet  et  une  servante. 
Ne  font  aucun  acte  de  la  religion  catlioli([ue-roniaine. 

Grainville-Lalouette 

Dame  Houdeville.  une  lille  muette  de  18  ans;  le  sieur  Igou, 
son  gendre,  revenu  des  pays  étrangers  il  y  a  six  mois;  dame 
Dedde,  sa  femme,  et  5  enfants. 

La  veuve  Maillard,  son  fils  et  2  filles. 

Jacob  Seyenon,  marcliand  drapier,  et  sa  femme,  laboureur,    — 
a  vendu  depuis  peu  les  marchandises  et  grains  et   est   parti 
avec  tous  ses  effets  mobiliers  pour  sortir  du  royaume. 
Nouveaux  convertis  qui  ne  font  aucun    acte   de    la    religion 

catholique. 

Epreville 

//  y  a  dans  la  paroisse  vne  famille  noble  de  nouveaux 

convertis  ijni  ne  font  de  religion,  savoir  : 

Charles  Lepoigneur,  écuyer,  sieur  d'Epreville.  et  sa  femme,  la 
sœur  de  sa  femme,  4  enfants  dont  le  plus  âgé  peut  avoir 
10  ou  11  ans. 

Voilà,  M.  l'état  des  nouveaux  convertis  du  doyenné  des  Lo- 
ges tels  que  MM.  les  curés  me  l'ont  envoyé  ;  les  uns  ont  nom- 
mé tous  les  particuliers  et  les  autres  non.  Ceux  de  Ymauville 
et  de  Grainville-Tjalouclle  (ils  les  ont  donnés  depuis)  quoique 
leur  ait  assez  dit  de  le  faire,  mais  ils  ont  disent-ils  des  raisons 
pour  ne  pas  faire  autrement.  Ainsi  si  les  choses  ne  sont  pas 
telles  que  vous  les  souhaiteriez,  il  n'a  pas  tenu  à  moi. 

Signé  :  Fl'LLOX,  curé  de  Maniquerville, 
doyen  des  Loges. 


Au  vicaire  général  h  («ouen. 


et  daté  :  21  juin  1698. 


-  4^9  - 
DOYENNÉ  DE  BRACHY 


Nouveaux  convertis 
Hautot-sur-Dieppe 

Demoiselle  Suzon  Mol,  15  ans,  —  lilie  d'Antoine  Mel,  reli- 
gionnnire,  laquelle,  avec  sa  sœur  et  sa  mère,  avait  été  en- 
voyée à  Hambourg  par  son  père.  Est  revenue  à  Hautot 
après  la  mort  de  sa  mère  et  de  sa  sœur,  arrivée  à  Ham- 
bourg, — •  idem  —  Marie  liouleux,  servante  du  dit  sieur 
Mel,  qui  s'était  retirée  à  liamboui-g  avec  sa  maîtresse  et 
est  revenue  à  Hautot. 

Antoine  .Mel  voulait  épouser  .Marie  IJouleux  sa  servante.  Hs  sont 
retirés  au  faubourg  St-Sevor  à  Rouen.  —  Très  obstiné. 

Venestanville 

Jean  Hareng,  sa  femme  et  H  enfants. 
Jean  .\nseaume.  sa  femme  et  2  enfants. 
Daniel  Pigné.  sa  femme  et  4  enfants, 
l'iei're  ot  Jacques  Delaliaye  père  et  fils,  avec  sa  femme. 
Thomas  Vandalle,  sa  femme,  I  enfant. 

Pierre  Delaliaye,  sa  femme  et  "J  eiif.inis,  —  sont  passés  en 
Angleterre  ou  en  Hollande. 

Quiberville 

Demoiselle  Elisabeth  INIillant.  21»  ans  environ.  —  s'est  retirée, 
à  ce  qu'on  dit.  chez  le  seigneur  de  Sl-.\ubin,  son  oncl^, 
proche  Rouen. 

Envremesnil  (Avremesnil) 

Hauguel,  sa  femme,  sa  fille,  —  étaient  revenus  à  leur  ferme 
sise  au  dit  lieu,  et  depuis  trois  semaines  sont  sortis  et  se 
sont  retirés  on  ne  sait  où. 

Royville 

Zacharie  Halaran.  Inilier,  —  s'est  retiré  depuis  peu  on  ne  sait  où, 


—  VIO  — 

Note  (lu  doyen   de  Ihachij  déjà  reproduite  en  paitic 
ou  cours  de  l'uuvriuje. 

Le  calvinisme  qui  a  commencé  dans  le  Potil  Ciiux  par  les  lia- 
biUints  du  quartier  de  Luneray  sis  au  doyeiinné  de  Bracliy,  (|iii 
trali(|naienl  à  (ienève  du  vivant  de  Calvin  et  de  là  s'est  répandu 
dans  tous  les  bourgs  et  paroisses  voisins  et  dans  la  ville  de 
Dieppe  et  partout  s'est  maintenu  dans  une  opiniâtreté  qui  va 
jusqu'à  insulter  la  Religion  et  l'Etat  par  des  minisires  gyroma- 
gnes  et  travestis  qui  passent  et  repassent  continuellement, 
presclieni,  baptisent,  marient  et  font  la  cène  dans  des  maisons 
particulières  où  ils  ont  leurs  rendez-vous  à  certains  dimanclies 
en  sorte  qu'il  n'y  en  a  pas  six  qui  soient  rentrés  dans  l'obéis- 
sance de  l'église  et  du  roy  et  que  tous  les  dimancbes  les  reli- 
gionnaires  cbantent  à  pleine  voix  dans  leurs  assemblées  com- 
me s'ils  avaient  encore  l'usage  libre  de  leur  prétendue  religion. 

Signée  :  Gkrahd,  curé  de  Hautot, 

doyen  du  doyenné  de  Bracby, 
et  daté  :  26  aoust  1699. 


DOYENNÉ  DE  LONGUEVILLE 


Appeville 

Remy,  domestique  du  sieur  Jacques  Mel,  sieur  d'Etrimont. 

Uu  brasseur  nommé  de  Caux  (une  ferme)  ;  —   a    une    iille    de 

12  à  14  ans  aux  Ursulines. 

Le  curé  de  Cropus. 


DOYENNÉ  DE  PAVILLY 


Note  du  doyen  (26  août  1699)  : 

Pas  de  nouveaux  convertis 

]ja  dame  Basnage,    rue    de  l'Ecureuil,    paroisse,    Sainl-l.au- 
rent    de    Rouen .  11  n'y   a   (|u'un    nommé    Renout,    (|ui    a 


—   4QI    — 

toujours  derueuré  et  est  eucore  à  Auzouville-rEsiieval,    qui 
n'a  jamais  l'ail  son  devoir. 


DOYENNE  DE  CAILLY 


Rapport  adressé  à  M.    de  la   Bonrdoiiriayc,   en    e.récKtion 
de  la  déclaration  du  roy  de  décembre  idOH  : 

Il  n'est  rentré  en  France  que  Madame  de  la  Sahlonnière 
avec  une  de  ses  lilles,  de  la  [)aroisse  de  Montcauvaire,  au  clià- 
teau  du  Fossé,  du  doyenné  de  Cailly. 

Signé  :  Taine,  curé  de  l.ouvetot, 

doyen  du  doyenné  de  Cailly. 
et  daté  :  12  septendjre  1699. 


DOYENNÉ  DE  BACQUEVILLE 


Nouveaux  convertis 

Bacqueville 

La  veuve  .Jac(jues  La  Caslille. 

Adam  Leprevost,  sa  femme  et  3  lilles. 

Salomon  Dandelot,  sa  femme,  1  garçon. 

Anne  Gloria  et  sa  servante. 

La  veuve  Foulard,  1  garçon  et  et  une  fille. 

Veuve  de  Jean  Deschamps  et  son  lils. 

Veuve  Dangei  et  deux  lilles. 

David  Barré  et  sa  sœur. 

Jean  Gougeon. 

Marthe  Faulcon. 

Jacques  Leprince,  sa  femme.  2  garçons,  3  filles. 

David  Leprince,  et  sa  femme. 

Thiétreville 

I^esade,  2  enfants,  2  servantes. 
Isaac  Selle,  \  garçon,  une  fille. 


—  492  — 

La  nommée  Fichel. 

La  nommôe  Hiclicr  mère  et  lille. 

St-Mards 

]jU.  famille  lie  Saint-Mards  avec  une  fille  de  chambre. 

Bondeville 

Jean  Dujardin,  sa  femme,  i.  garçons,  une  fille. 

Daviti  Renoult,  sa  femme,  1  garçon  et  2  filles. 

Pierre  Héricher,  se  belle-mère  et  une  fille. 

.Jacques  Héridier.  sa  femme,  une  petite-fille. 

.leau  Bouvier,  sa  femme,  1  ])etit  garçon. 

l'ierro  Leiouc  et  sa  femme. 

PVançois  Lheureux  et  sa  femme. 

Jacob  Héricher  et  sa  femme.  —  se  disent   mariés,    quoi    <ju'il 

n'en  ait  rien  paru  à  l'église. 
Zacharie  Bence,  sa  fenmie.  2  petits  garçons. 
David  l.heureux  et  sa  femme. 
David  i.allemand.  sa  femme  et  I  petit  garçon. 
Abraham  Bance,  sa  femme,  .3  garçons,  une  lille. 
Abraham  V\é  et  une  fille. 

Mesnil-Rury 

Samuel  I.efebvre.  2  filles,  1  valet. 

Jacques  Saunier,  sa  femme,  2  garçons,  i  filles. 

François  Delamare.  sa  fenuiie,  2  sœurs,  ]  enfant. 

.)ean  Hardy,  sa  femme  et  son  frère. 

La  veuve  Uenoult  et  3  filles. 

La  veuve  Lefebvre  et  2  garçons. 

Pierre  Campart  et  son  fils. 

Zacharie  lîenoult,  sa  femme  et  !i  enfants. 

Lindebœuf 

Charles  Lefay,  sieur  de  ÎNIalillon,  2  garçons.  I  fille. 


—  493  — 

Torp-Mesnil 

Jean  et  Robert  Selles,  irères. 
Jean  Uelaniare  et  sa  femme. 

La  Fontelaye 

Du  Bostaquet,  sieur  de  la  Fontelaye.  sa  l'emme  et  <S  enfants. 
Le  sieur  Deschamps,  agent  de  M.  de  Lamherville. 

Vibœuf 

Le  sieur  de  Pimont,  sa  fenune  et  1  enfant. 


DOYENNÉ  DE  VALMONT 


CoUeville 

M.  d'Ougerville,  gentilhomme,  —  .Madame  sa  mère  n'a  point 
fait  d'abjuration  ;  .Aladame  son  épouse  ;  son  fils  aîné,  18  ans, 
et  4  autres  garçons  dont  le  dernier  a  12  ans,  —  et  sa  fille, 
19  ans.  .Mlle  Tonay,  tille  de  l'ancien  ministre  de  Criquetot, 
gouvernante  ces  enfants.  45  ans,  —  très  huguenote.  1  va- 
let, 1  servante  —  et  autres  domestiques  eatholicpies. 

Vattecreuse  (Vattecrit,  entre  CoUeville  et  Valmont). 

M.  de  la  Villette,  gentilhonniie  ;  sa  sœur  et  sa  nièce. 

Bec-aux-Cauchois  (entre  CoUeville  et  Valmont) 

Madame  de  Criquetot  ;  —  Madame  de  lioissay,  M.  et  Mme  de 
Criquetot  ;  Mademoiselle  sa  fille  âgée  de  5  ans  ;  une  ca- 
dette 4  ans  ;  une  gouvernante  huguenote.  Personne  n'a 
sorti  de  cette  famille.  Ils  sont  encore  en  même  état. 

3  familles  nouveaux  réunis. 


—  494 


DÉNOMBREMENT  des  PROTESTANTS  du  Pays  de  Caux 

ici  i/i('il  rcsiiltc   des  RjppDrts  des   Cures  (  lùcjS  go). 


PAIIOISSKS 


ai  H 


lilU.\ 


Uoji'iiiit'  ilii  lliivre 

Monlivilli(M-s 

Foiiliiiiies 

l*ieiTe(iqiies 

Anglesciue  ville 

TuiTctol 

Efii(|U('lot 

.Nolre-Dame-dii-Hec. .  . 

Heaurepaire 

St-Sauveur-la-Campaiiiie 

Ecrain  ville 

Goderville 

Manéglise 

Saint-Jouin 

Emalleville 

Hormeville 

Saint-Mai'liii-(lii-B(>c  . 
Illôville 


o 

1-2 
4 

13 

10 

49 

<) 

1 

18 

6 

13 


10 


17 


18 

5 

19 

13 

3! 

6 

1 

17 

13 

3 


1() 

8 


li 


2 
8 
1 
5 
7 
10 


—  49=)  — 


PAllOISSES 

M 

H 

5 

<  o 

Y, 

S  a 
a 

a 

j 

[1.    - 

a 

ce 

S 

Y, 

a 
2 

M 

S 
o 

Totaux 

Ci-iquetot-l'Esneval  .... 

5 

9 

5 

19 

("iiiverville 

4 

f) 

1 

11 

'[loyeiiiiédcS'Roiiiaiiijetoll)'' 

(îainiievillf^ 

iS 

11 

3i 
13 

I.a  Gei'liiiiùue     

3 

•^ 

Bornanibiisc 

1 

4 

8 

12 
8 

4 
2 

20 
19 

Goiifrevillle-rOrcher  . . . 

Angerville-l'Orclier 

27 

43 

70 

La  licniuée 

15 

7 

^ 

4)7 

St-Jean-des-Essarts.  . .  . 

3 

1 

IS 

28 

10 

60 

Ia's  Trois-Pierres 

8 

12 

20 

St-.\icolas-de-la-Taille. . 

3 

90 

123 

17 

239 

St-,Tean-de-Folleville. .  . 

2 

3 

58 

34 

2 

69 

Alélamare 

55 
68 

48 
57 

7 
22 

110 
147 

St-Aiitoine-la-ForèL  .  .. 

St-Eustache-la-Forèt. . . 

57 

73 

11 

lil 

Le  l'arc-d'Anxtot 

1 

7 

25 

1 

34 

Iloiifiiietot 

g 

-> 

16 

Dojeiiiié  (les  Loges 

Sauseuzemare 

18 

18 

3 

39 

Bordeaux-St-Clair 

'      7 

5 

12 

i 

-  49^  — 


PAROISSES 


M    H 

-    J 

<  o 


Totaux 


Toui'ville 

Yniauville 

Grainville-I.aluuelte. .  . 
Epreville 

Doyiiiiié  de  Faiivilli' 

Bolbec 

Gruchet-le-Valasse. . . , 

I.intot 

Tiouville 

St-Aubin-tie-Cretol.. . . 

Beuzevillette 

Iiréaiité 

Auzebosc 

Aulretot 

Veauville-ies-Raons. . , 

ilautot-St-Sulpice. 

iN'oinlot , 

Haffetot 

Dojeiiué  (le  Valiiioiit 

Colleville 


3-23 
150 


21 

\'à 

36 

G 

26 

4 

4 


ÛOl 

124 
hb 
23 
-25 
21 
31 
5 

42 
1 
8 


29 
6 
G 
1 

^ 

G 
2 

10 
2 


—  491  — 


PAROISSES 

Valtecreiise  (  Vattecrit). 
I{ec-au.\-(  '.aiicliois 

Doyenné  de  Baciiiieville 

Bacqueville 

Tliiétreville 

St-Mards 

IJoiulevilIc 

Mesiiil-Rury 

Lindebœuf 

Torp-Mesnil 

La  Fontelaye 

Vibœuf 

Doyenné  de  Bracliy 

Hautot-sur-Dieppe 

Quil)orvi!lr 

Envroniesilil  ^•'Avremcsnil  / 

Hoyvillc 

Doyenné  de  Loniiiieyilie 

Appeville 

Doyenné  de  Pavilly 

Auzoïiville-rEsneval . 


o 

<   O 

t.   « 

z 

i 

ToiauA 

■> 

a 

« 

o 

3 

4 

1 

1 

G 

17 

14 

1 

32 

i 

5 

2 

U 

5 

1 

3 

25 

l.j 

4U 

15 

17 

1 

33 

1 

•' 

4 

o 

8 

1 

11 

2 

1 

o 

1 

1 

2 

1 

1 

1 

2 

i 

3 

1 

1 

1 

1 

1 

3 

1 

i 

Total  général  :  3210 

32 


-  498  - 
PIÈCE  N"  11 


COPIK  d'uiK'  pE*î«*re  se  lisant  dans  l  un  des  deux  ca- 
hiers jiianiiscrils  (jiw  la  descendante  d'Israël  Jecoiirt  con- 
sidérait comme  venant  de  lui. 

*  (ii'and  Dieu.  l'rrc  ilc  niisi'i'icorde  nous  iio.is  ;ilj;ilt(iiisliiiiii- 
«  bleinent  aux  pieds  de  ton  trône  pour  te  remercier  de  la  fa- 
«  veur  insigne  que  lu  nous  as  faite  maintenant  de  lire  et  nié- 
«  diter  ta  parole  ;  nonobstant  les  grands  maux  dont  nous 
«  sommes  accablés,  nous  ne  laissons  pas  d'èlre  en  obligation 
«  de  te  servir  et  de  le  rendre  grâces  de  tes  biens  j)arce  que 
I  tous  ceux  dont  nous  jouissons  encore  et  le  peu  de  lil)erlé({ue 
«  nous  avons  par  cy  par  là  sont  de  purs  effets  de  ta  libéralité. 
«  0  Dieu,  lu  nous  as  visités  depuis  quelque  temps  d'une  famine 
«  épouvantable,  de  cette  famine  spirituelle  qui  n'est  point  une 
«  famine  de  pain,  n'y  une  soif  d'eau,  mais  une  famine  d'entendre 
€  tes  parolles.  Nous  avons  troté  depuis  une  mer  jusqu'à  l'autre, 
«  mais  sans  rencontrer  personne  qu'y  nous  intruisit  de  ta  part; 
«  nos  âmes  sont  assécbées  ;  nous  sommes  dans  un  désert 
«  afireux  où  nous  ne  rencontrons  rien  qui  soit  capable  de  nous 
«  substenter.  Si  nous  nous  tournons  vers  les  liommes  ils  pré- 
«  sentent  des  aliments,  il  est  vray,  mais  des  aliments  seulement 
«  en  aparence  ou  pour  mieux  dire  des  poisons  :  ils  nous  pré- 
«  sentent  les  fables  de  leurs  légendes,  les  tradilions  des  gens 
«  menteurs,  la  parolle  des  bommes,  en  un  mot,  et  non  la  tienne. 
«  Ils  travaillent  uniquement  à  nous  faire  fléchir  les-genoux  de- 
»  vaut  le  bois  et  la  pierre  et  nous  faire  adorer  ce  qui  n'est  pas 
«  Dieu.  INIille  gens  nous  apellent.  il  est  vray  ;  nous  entendons 
«  de  toute  part  la  voix  de  l'étranger,  mais  à  quel  autre  qu'à 
«  toi.  Seigneur  Jésus,  nous  en  irions-nous  ?  loy  seul  a  les  pa- 
«  rolles  de  vie  éternelle.  Nous  le  confessons,  c'est  très  juste- 
«  ment  que  tu  nous  as  visités  de  cette  famine  qui  nous  désole, 
«  car  nous  avons  abusé  de  tes  grâces  pendant  que  lu  les  ré- 
«  pandais  sur  nous  à  pleines  mains  ;  semblables  aux  peuples 
«  rebelles  nous  nous  sommes   dégoûtés    de   la    manne   sacrée 


—  499  — 

*  lorsque  tu  la  taisois  tomber  en  abondance  ta  nos  portes. 
«  Combien  de  fois  nous  est-il  arivé  île  quitter  nos  mutuelles 
€  assemblées,  les  assemblées  saintes  pour  nous  apliquer  ou  à 
«  nos  afaires  mondaines  ou  à  des  divertissements  criminels. 
«  Combien  de  fois,  après  t'avoir  consacré  en  aparene^  une  par- 
t  tie  du  dimanche,  de  ce  sainct  jour  auquel  les  crimes  sont 
«  doublement  crimes,  avons-nous  employé  les  festes  ou  à  des 
«  visites  de  médisances  ou  à  des  repas  pleins  d'excès.  Clombien 
«  de  fois  avons-nous  entendu  ta  [)arolle  connue  une  chanson 
«  d'amourette  de  belles  voix  et  qui  rèsonnoient  bien  sans  nous 
«  mettre  en  paine  d'exécuter  ce  qu'elles  portoient.  Nos  enten- 
«  déments  n'en  ont  été  échaulfés  n'y  nos  cœurs  purifiés.  A 
«  toy,  seigneur,  à  toy  est  la  justice,  à  nous  confusion  de  face 
«  et  ignominie.  Ce  n'est  pas  sans  sujet  que  lu  as  transporté  du 
«  milieu  de  nous  ton  chandellier  puisque  sa  lumière  ne  servait 
«  qu'à  éclairer  nos  ci'imes.  Ce  n'est  pas  sans  cause  que  tu  as 
«  permis  aux  sangliers  de  la  forest  de  saccager  la  vigne  puis- 
«  qu'elle  ne  te  produisoit  iilus  (jue  des  landjruches,  des  grap- 
<(  pes  sauvages  et  pour  peu  que  nous  fassions  réflexion  sur 
«  nostre  conduite  passée  et  que  nous  comparions  nosire  vie 
«  avec  ta  saine  loy  ne  serons-nous  pas  obligez  de  reconnoistre 
«  que  sy  tu  nous  voulois  traiter  selon  nos  méi-ites,  outre  les 
«  peines  temporelles  dont  tu  nous  acahles  tu  pourois  encore 
«  nous  précipiter  pour  jamais  dans  les  enfei's.  Ouy,  seigneur, 
«  tu  le  pourois  et  tu  le  peux  ;  mais  nous  espérons  que  tu  ne  le 
«  voudras  pas  ;  mais  nous  l'en  conjurons  de  toutes  les  puis- 
«  sances  de  nos  âmes  ;  mais  nous  te  suplions  de  détourner  tes 
«  yeux  de  dessus  nos  nombreux  et  hideux  péchés  quy  ont 
«  allumé  ta  colère  et  de  les  arrêter  sur  la  satisfaction  très  par- 
oi faite  que  .Jésus  notre  sacré  rédempteur  t'a  présenté  pour 
«  nous  sur  l'arbre  de  la  croix.  Ecoule,  écoute,  ô  Dieu  !  la  voix 
«  de  ce  sang  de  .Jésus  quy  crie  de  bien  meilleures  choses  que 
«  celui  d'Abel  puisqu'il  te  sollicite  à  la  paix  et  à  la  miséricorde 
«  envers  nous.  0  éternel  des  armées,  retourne  toy  vers  nous  ! 
«  Fais  luire  sur  nous  la  clarté  de  la  face,  et  nous  serons  déli- 
«  vrés.  Jusques  à  quand  souffriras-tu  (jue  l'ennemy  te  face  tant 


—   ^oo  — 

«  d'outrages  ?  As-lu  oubliô  d'avoir  pitié  ?  As-tu  rejette  par 
"  courroux  les  (•oni])assioiis  et  révi'iilé  la  jalousie  et  t;i  force, 
«  et  i'éiuolion  liruyaule  de  tes  euli-aillcs  lesquelles  se  sont 
((  resserrées  à  uosii'e  eudroil.  Ne  nous  l'cuioiite  ]i()iiit  nos  inui- 
€  quitez  pai'  cy-devani  cduuiiises.  Uuc  tes  cdiuiKissidiis  nous 
<i  prévieuuent  liàliveuieiit.  car  nous  souuues  devenus  fort  clié- 
«  tifs.  0  Dieu  de  uosli'e  délivrance,  aide-nous  \^GUl•  l'amour  de 
c(  la  iiloii'e  lie  ton  nom  et  en  considération  de  nosir-e  ))ieniieu- 
<i  reux  rédempteur  lf)ii  lils  hien-aimé  oublies  tous  nos  péchés 
u  et  nous  redonnes  ta  paix.Quoi  qu'il  en  soil  nostre  cause  est  la 
"  tienne.  C'est  pour  la  (juerelle  que  nous  souMidus.  Inliniinent 
«  coupable  à  ton  regard,  nous  osons  dire  que  nous  sommes 
«  innocents  à  légard  des  hommes.  Co,  n'est  (pie  parce  que 
«  nous  ne  voulons  pas  abandonner  ton  alliance  qu'ils  nous 
«  haïssent.  Sy  nous  avions  la  lachelé  de  )ious  prosleriier  devant 
«  le  bois  et  la  pierre  et  de  participer  aux  superstitions  aussy 
(c  bien  qu'aux  souillures  du  monde,  ce  monde  inq)ie  nous  auroit 
«  bientôt  redonné  sa  paix.  Il  ne  nous  persécute  que  parce  <pie 
i  nous  voulons  te  demeurer  lidelles  et  que  nous  avons  en  hor- 
((  reur  ses  maximes  et  ses  erreurs.  Tu  es  donc,  nostre  grand 
u  Dieu,  intéressé  dans  nostre  delfense.  I!  y  va  de  ta  répu- 
«  talioi  et  de  ton  honneur.  0  ne  néglige  pas  jilus  longtemps  le 
«  soin  de  ta  gloire  !  Ne  souffre  pas  que  l'ennemy  insulte  plus 
«  longtemps  à  tes  enfants.  J.es  égyptiens  l'entendront  et  diront 
«  avec  les  autres  habitants  du  pays  :  l'arce  (pie  l'éternel  ne 
'<  pouvait  faire  entrer  son  peuple  au  pays  ipi'il  leur  avoit  pro- 
"  mis  il  les  a  tués  au  désert.  Or,  maintenant.  Je  te  siqilie.  que 
«  la  puissance  du  seigneur  soit  magnifiée.  Ce  fut  par  cette 
«  forte  raison  que  ton  serviteur  ^loyse  désarma  autrefois  ta 
«  colère,  etnepouvons-nous  pas  te  l'alléguer  aujourd'hui  a  bien 
«  plus  justre  titre,  non  seulement  les  égyptiens  l'entendront  et 
<t  diront  que  tu  n'as  pu  délivrer  ton  peuple,  mais  ils  l'ont  déjà 
«  entendu  et  ont  prins  occasion  de  te  blasphémer.  Le  bruit  en 
«  est  venu  en  Gath,  les  nouvelles  en  ont  été  portées  en  Asca- 
«  Ion,  les  filles  des  incirconcis  s'en  sont  réjouies,  les  supers- 
«  tilieux  en  ont  triomphé  :  Vous  n'avez  plus   (jue    vostre    Dieu 


—  501  — 

«  pour  vous,  nous  a-t-on  dit  depuis  plusieurs  années.  Il  est 
«  impossible  que  vous  subsistiez  !  et  lorque  nous  avons  répondu 
«  que  tu  nous  suffisais,  que  ton  bras  n'étoit  point  accourcy, 
«  que  ta  main  n'étoit  point  afïaiblie,  lorsque  nous  avons  allégué 
«  les  merveilles  que  tu  as  faites  autrefois  en  faveur  de  ton  peu- 
(t  pie  Ton  nous  a  répliqué  sûrement  que  le  temps  des  miracles 
(1  étoit  passé  et  qu'il  falloit  nécessairement  que  nous  périssions. 
«  Tu  l'as  ouy,  Seigneur,  et  tu  t'en  es  tu  ;  mais  tu  ne  t'en  tairas 
pas  toujours,  nous  l'espérons  de  ta  miséricorde  et  de  ta  puis- 
"  sance  ;  lu  te  déclareras  enfin  et  auras  compassion  de  ta 
I  Sion  mystique  ;  tu  retireras  ta  main,  même  ta  droite  hors  de 
«  ton  sein  pour  secourir  les  tiens.  C'est  ce  dont  nous  te  con- 
«  jurons  de  tout  nostre  cœur.  Fay  bien  selon  ta  bienveillance  à 
«  Sion  et  réédilie  les  murs  de  ta  pauvre  .Jérusalem,  rallume  le 
«  flambeau  de  ton  évangile  en  tant  de  lieux  où  il  s'est  éteint, 
«  relève  tant  de  personnes  tombées,  soutient  celles  quy  cban- 
«  relient,  afermy  de  plus  en  plus  celles  qui  sont  encore  debout 
«  que  les  gémissements  des  prisonniers  viennent  jusqu'en  ta 
<'  présence,  délivre  selon  la  grandeur  de  la  puissance  ceux  quy 
«  sont  déjà  condamnnés  à  la  mort  et  soumis  à  des  peines  plus 
«  affreuses  que  la  mort,  bény  nostre  roy,  toucbe  son  cœur  et 
«  fais-nous  trouver  grâce  devant  ses  yeux,  bény  toute  la  fa- 
0  mille  royalle,  bény  nos  gouverneurs,  nos  supérieurs,  nos 
«  magistrats  !  Inspire-leur  des  pensées  de  {)aix  pour  nous  et 
«  leur  donne  de  bien  comprendre  que  lu  décideras  en  dernier 
«  rassort  de  leurs  jugements,  bény  tout  l'état,  bény  nos  persé- 
«  cuteurs  mêmes,  fais  leur  connoistre  leurs  égarements  et 
«  amène  leurs  pensées  captives  sous  le  joug  de  ton  obéisssance, 
«  bény  nos  familles,  maintiens  nos  cbers  enfans  dans  la  saincte 
«  alliance,  préserve-les  de  la  superstition.  Il  n'y  a  que  toy  qui 
«  les  en  puisse  garantir.  C'est  aussy  à  toy  ({ue  nous  les  recom- 
<(  mandons,  liegardes-nous  tous  en  pitié,  nous  t'en  suplions 
"  [lour  l'amour  de  nostre  seigneur  ,lésus-C<hrist  quy  nous  a 
«  coniinauiié  de  te  prier  aiiisy  :  Nostre  l'ère  quy  esaux  Cieux » 


PIKCK  N'  12 


AC.TES  do  dî»<*ô.«>»  oh  (Vinhumalioa  de  filles  décédêen  dans 
des  viaisuns  relii/ieuses  cdthoiiijnes  on  elles  (iviiient  été 
enferutées  apris  annr  élé  eiilerées  ii  leurs  [(Uiillles. 

Le  16  iiiay  1743,  par  nous  Selles,  prtHreliceiicii'di' la  faculté 
de  l'aris,  cufé  de  Caudebec,  a  été  inliunié  au  ciiueliéfn  de  St 
Pierre  le  corps  de  Marie  Magdeleine  Fauquet,  fille  originaire 
de  Bolbec,  née  d'un  père  et  d'une  mère  religioniiairrs,  aussi  y 
demeurant  au  dit  Bolhoc,  décédée  du  jour  précédent,  après 
avoir  reçu  les  Saints  Sacremenis,  au  couvent  des  dames  religieu- 
ses du  dit  Caudebec.  âgée  viron  16  ans,  et  ont  assisté  au  con- 
voi les  soussignés.  i,a  dite  3Iarie  jMagdeleiiie  Fauquet  lille  de 
feu  Louis  Fauquet  .et  de  Suzanne  Elisabeth  liérubel,  de  la  ll-P- 
R.  amenée  au  monastère  des  dites  Dames  religieuses  de  cette 
ville  en  vertu  d(!  lettre  de  cachet  de  S-M.  du  12  Juin  I7o7> 
pour  être  instruite  de  la  lî-Cath.  où  elle  a  fait  son  abjuration  en 
forme  le  7^  avril  1739. 

Nouvelles  Callioliques  de  Rotien.  —  Le  12  août  1740,  à  1  h. 
d'après-midi,  est  décédée  Catherine  Hérubel.  dans  notre 
communauté,  lille  de  Daniel  Hérubel  de  la  R.  P.  R.  et  de  Marie 
Sieurin,  de  la  paroisse  de  Beuzeville-la-Grenier,  âgée  de  18 
ans  9  mois  ;  elli;  était  entrée  dans  notre  communauté  pour  y 
être  instruite  à  la  foi  le  25  avril  1735.  Elle  a  été  depuis  son 
instruction  bonne  catholique,  ayant  fait  son  devoir  avec,  édifi- 
cation, elle  a  reçu  les  derniers  sacrements  avec  beaucoup  de 
piété,  et  a  été  inhumée  le  lendemain  13  à  6  h.  du  soir  dans  le 
cimetière  de  St-l'atrice  en  présence  de  Mme  Leberquiei-.  dame 
des  Nouv.  Catli.  et  llomain  Jacques,  témoins  soussignés. 

Le  26  octobi-e  174U,  morte  à  i  h.  de  l'après-midi  sœur  Ca- 
therine I.eplay,  âgée  de  il  ans,  lille  de  Pierre  Leplay  et  de 
Madeleine  Caïupart,  de  la  paroisse  d'.\utretot,  mise  à  la  maison 
par  l'ordre  de  Mgr  l'intendant  })0ur  y  être  instruite  à  la  foy, 
qu'elle  a  embrassé  et  soutenue  avec  beaucoup    de   zèle  et    de 


religion.  Inliuinée  le  lendemain  27  à  G  li.  de  l'après-midi  dans 
la  chapelle  de  la  maison  par  le  curé  de  St-Patrice  et  son  clergé, 
présence  de  dames  Legrand  et  lierquier.  des  Nouv.  ('.atlioliques. 

Madeleine  Mordant,  lille  de  Pierre  Mordant  et  de  Made- 
leine Leplay,  d'Aulretot,  est  morte  dans  la  communauté  le  16 
janv.  1743,  à  1 1  h.  du  soir,  à  l'âge  de  23  ans.  Elle  avait  été 
mise  dans  la  maison  par  l'o.  de  .Mgr  l'intendant  pour  y  être 
instruite  à  la  vraye  i-eligion.  Elle  a  été  après  son  instruction 
bonne  catholique,  elle  a  été  inhumée  le  17  à  6  h.  du  soir  dans 
le  cimetière  de  la  paroisse  St-Patrice,  présence  de  Pierre 
l'ianage  et  de  Jq»"  Pic  Planage. 

—  1-e  li  juin  1773,  décès  à  7  h.  du  soir  de  Marie  Suzanne 
Debray,  de  Bolbec,  âgée  de  20  ans  environ,  lille  de  Jean,  et  de 
Suzanne  Aunai  (sic),  protestants.  Elle  avait  été  amenée  chez 
nous  par  ordre  du  roy  pour  y  être  instruite  des  vérités  de  la 
foy,  qu'elle  avait  embrassée  ayant  fait  abjuration  depuis  4  ans. 
Elle  nous  a  donné  des  marques  de  religion  se  disposant  depuis 
longtemps  à  sa  première  communion  que  l'on  lui  a  fait  faire 
dans  sa  maladie  qui  n'a  été  que  de  6  jours.  Elle  nous  a  donné 
des  maripies  de  piété  et  a  reçu  les  derniers  sacrements.  Inhu- 
mée le  mardi  J5  à  Ci  h  I/O  du  matin  dans  le  cimetière  de  St 
Patrice  [lar  Mn-  DcMiist'.  prêtre  de  la  communauté,  en  présence 
de  .Jean  Flamant,  sacristain,  et  de  .MalhiasLeboucber,  bedeau, 
de  cette  paroisse. 


PIECE  N^  13 


PROTESTANTS  6n  17U  {Etat  dressé  par  le  ministre  Prexeuf) 


St-Aubin-de-Cretot  ...  70 

Autretot 157 

Lintot 127 

St-Arnoult 8 

Auberville 6 

Antliierville(Anquetier- 

ville) 7 


J'oullreville 

St-Gilles-de-Cretot. 

Gravenchon 

Trouville 

.\iliquprvillp 

Ualletot 

Lanipielot 


11 
15 

4 
43 
25 

5 


—  '.04  — 


l.a  llayo 

Alviiiiai'C 

Ik'llefosse 

.St-Sylvps(rc 

l,a  Trinilé-ilii-.\|(inl. .  . , 

lieuzovillcllc 

(irucliot 

Le  Valasse 

Lillebonno 

St-l)tMiis-de-ljll('l)(iiiiii 
St-.Tean-do-Follcville. . 
St-Aiitoiiie-la-]''()rrt.  .  , 

St-Martin-du-Bec 

N.-D.  du  Bec 

riolleville 

Kiig'lesquftvillc , 

(lonncville 

Kcraiiiville 

Criquetot 

Cuverville 

St-.louin 

Montivilliers 

Ktainlms 

Iloug-erville 

lîolbec 

jAineray , 

l.a  Gaillarde 

St-PieiTe-lc-Vieux . .  . 
<îraiiiville-l.nloiiel!(>.  . 

Baiiifrc  ville 

Los  Mesnils 

(jueures 

lîrachy 

Goui'ci 

Sl-Ouen 


H 
12 

7 
11 
IN 
34 
250 
1)7 
20 

0 
74 

■\m 

20 
24 


10 

24 

20 

15 

:!2 

49 

8 

7 

530 

iOO 

70 

iO 

8!) 

32 

30 

() 

8 

11 


Le  Mesiiil-lîiii'y. 

Le  Tôt 

]^oulrvill(î  (lioiideville) 

Sl-I.aiireiil 

Sl-Mcolas-dc-la-Taille. 

La  Ccrlanii'iie 

Sl-Jean-des-Kssaits.  .  . 

Tancarville 

l.a  Beiiuiée 

Les  Trois-I'ici'res 

^Mélamare 

S(-Euslactie-la-F()iTl. .  . 
St-Jean-de-la-Nou  ville. 

St-Jean-d"Apl(it 

^lirville 

Nointot 

Gi'ainviilc-I.aloiioKe  ' .  . 

Bréaulé 

Beuzeville 

Goderville 

Emarville  (Enialleville  - 

aiijoiird'liui  SainI  ■  Saiivoiir  il') 

Ijornambusc 

St-Sauveur-la-Canipag:. 
St-Gil!es-de-la-.\eu  ville 

Parc-d'AnxIol 

Virville 

(iraimbouvillc 

Gommerville 

Manneville-la-(loiipil. . 

Escuquetot 

Turretot 

Aiiyerville-rOrchor. .  . 


23 

2() 

9 

24 

138 
80 
25 
20 
68 
30 
17(i 
162 
51 
5 
38 
97 
26 
55 
57 
13 


19 
57 
71 
42 
!) 


79 
44 

89 


Total, 


4228 


1.  —  Grainville-Lalouette  est 
'tre  mis  pour  Iinanville,  anjour 


déjà  inscrit.  L'un  des  deux  doit 

•rinii  réuni  à  (irainville. 


(I/(''(;it  porle  44il,  mais  c'est  parce  (jn'il  coiiiiu'ciid  lioucn  oii 
il  y  avait  213  proleslaiils.) 


PIECP:  N»  14 


Déclarations  de  décès  faites  ao  eailliape  de  GaudetieG 

Relt'vé  iriin  certain  noinlire  dr  (Iccliinilions  de  décès  de 
Protestanls  faites  en  caiifoi-iiiilé  île  la  loi  du  '.I  avril  1730 
pour  faire  foi  dans  les  siiccesssions  et  pour  obtenir  des 
permis  d'inhumer. 

24  septembre  1740  —  26  janvier  1788 

1742.  —  JiOuis  Hesseliùvre,  de  Lintof. 

1742,  jeudi  2  août.  —  Décès  de  Louis  Fauipu^t,  journalier,  52 
ans,  LaïKpietot,  (déclaralion  de  Jean  l'oltier,  de  Bolbec, 
son  beau-frère,  et  de  Jaccpies  Fau(|uet,  aussi  de  Bolbeci 
son  neveu). 

1742,  21)  décembre.  —  l'ierre  (îuiliemard,  de  Trouville. 
17i3,  27    mars.    —    Marie    Faurjuet,    de    St-Aubin-de-Cretot, 

veuve  de  .Jean  Léger  (déclaration  de  Jean  Léger,  de  St- 
Aubin,  et  de  Micbel  Martin,  de  Ti-ouvillc,  celui-ci  neveu 
au  droit  de  sa  femme). 

1743,  20  mai.  —  .Jean  Leclei'c  dit  Cbampagne.  natif  de  Picar- 

die, porteur  agent  d'alfaires  de  feu  Louis  de  lloesse, 
cbevalier,  seigneur  et  patron  de  Beuzevilletle,  et  Michel 
Hamel,  natif  de  Lintot,  domestique  du  dit  feu  seigneur, 
—  ont  déclaré  ([ue  le  dit  seigneur  étant  en  cliemin  pour 
descendre  à  Rouen  dans  sa  chaise  de  poste,  s'est  trouvé 
malade  au  faubourg  de  cette  ville  et  a  descendu,  est 
mort  au  bout  de  la  masure  du  sieur  Lucas  sans  avoir 
abjuré  ses  erreurs.  —  Les  seigneurs  de  cette  maison 
ont  leur  sépulture  ordinaire  en  la  dite  paroisse  de  Beu- 
zevillette,  dans  un  tombeau  ijui  leur  est  particulier,  si- 
tué en  un  pavillon  ([ui  est  à  un  des  coins  de   la    masure 


^o6 


de  la  principale  Icrme  de  la  dite  terre  de  lieiizovilletle. 

I75U,  ')  déceinhrc.  —  .lacques  Lanquetiiil,  marié  à  Maiieloine 
Poucliel  (Bolbccj  déclare  letlécés  du  leur  iicvru  l>aiiie!, 
à  l'âge  do  18  ans. 

1751,  3  janvier.  —  Décès  de  Marie  l'oiicliet,  feinnie  de  ]\Jicliel 
Cainparl,  à  Autrctot,  55  ans  (déclaration  du  Pierre  Le- 
brunient  son  gendre,  et  de  David  (lanipart,  son  neveu, 
tons  deux  d'Aulrelot). 

175:2,  15  avi-il.  —  Décès  de  Marie-Anne  Godet'roy,  l'eninie  de 
Louis  Lavotle.  tanneur  à  Bolbec,  —  3(>  ans  (déclai'ation 
de  Pierre  Lavotte,  de  Bolbec,  son  beau-frère,  et  de 
Pierre  Préleri-e,  d'AUiquerville,  son  cousinj. 

l75o.  20  se()tenil)re.  —  Décès  de  Jean  d'Ecambourg,  à  iîolbec, 
7^  ans  (déclaration  de  Jean  Fanquet  et  de  Marc  Gue- 
rout,  tous  deux  de  Bolbec  et  Ions  deux  gendres  du  dé- 
funt). 

1753,  U)  octobre.  —  Décès  de  Louis  Lavotle,  St!  ans,  à  iiol- 
bec,  tanneur  (déclaration  de  Nicolas  Lavotte.  lui'  cor- 
royeur  à  Bolbec,  son  neveu,  et  d'Abrahani  I.ecaron,  tan- 
neur à  Ljolbec.  son  gendre). 

175i.  3  mars.  —  Décès  d'Anne-Oliai'lolte-Françoise  Lauquet, 
de  Bolbec,  LS  ans,  fille  de  .lean  Fanquet,  tisserand  à 
Bolbec. 

1751*,  21  janvier.  —  Décès  de  Pierre  l'oltier,  13  ans.  à  Autre- 
tot,  (déclaratioin  d'Isaac  Pottier.  d'Autrelot,  son  frère, 
et  de  Louis  Fauquet.  de  Lanquetot,  son  beau-frère). 

1759,  10  août.  —  Décès  de  Françoise  Lesueur,  veuve  de  Jean 
Dericq.  clievalier-seigneur  deSt-Aubin-de-Gretot,  patron 
de  St-Aubin,  76  ans,  décédée  en  son  cliàteau  sis  en  la 
dite  paroisse  (déclaration  de  Pierre  Louvel.  m^  à  St-Au- 
bin, et  de  Jacques  Lemonnier.  proclies  voisins  du  Clià- 
teau). 

1760,  2<S  avril.  —  Décès  d'Anne  Lavotte,  veuve  d'Abrabam 
Doré,  t')3  ans.  de  Bolbec  (déclaration  de  .lean-Ba[)lisle 
Caron.  à  liolbec.  son  beau-fds). 

1763,  17  janvier.  —  Décè.»;    de   Marie    Croixniare.    femme    de 


—  =;o7  — 

Jacques  Mordant,  à  Sl-Aiibin,  dôcéclt'i^  à  43  ans  (ilécla- 
ration  de  iMicliel  ÎMartin,  de  Hellefosse,  et  de  I^ouis 
Besseliévre,  de  St-Aiibin-de-Cretol,  tous  deux  cousins 
germains,  au  droit  de  leur  femme,  de  Marie  (a'oixmare). 

17G3,  29  avril.  —  Dt'cès  de  Pierre  Lecoq.  4i  ans.  à  St-Aubin- 
de  Cretot,  (déclaration  de  .)ac(|ues  ^lordant.  de  Trou- 
ville). 

lliVA,  l'i-  mai.  —  Uécés  de  .Teaii  iîelldiulc.  "19  ans.  à  Beuze- 
villetle,  fils  de  Pierre,  et  de  .Marfjiierite  (iilles  (décla- 
l'iition  de  Jacques  Belloncle,  de  Bolbec,  IVère  du  dé- 
funt, et  de  Jean-Charles  Julien,  auberiiislc  à  Bolhcc  où 
pend  l'enseigne  :  Le  Petit  Montier  amij). 

1763.  15  mai.  —  Décès  de  IMerre  Casiaigne  de  Nointot,  63  ans, 
(déclaration  de  Pierre  (.astaigne,  de  Bolbec,  son  beau- 
lils,  et  de  Jac(jues  Lemonnierlils.  de  St-Aubin-de-Cretot, 
son  neveu). 

1763,  6  septembre.  —  Décès  d'Isaac  Castaigne.  91  ans,  à 
-Alirville,  (déclaration  d'Abraham  Castaigne,  crilarlleur, 
son  fds,  et  de  Charles  Julien,  de  Caudebec,  son  ami). 

1763,  12  septembre.  —  Décès  de  Jacob  Fhunmare,  de  Touf- 
fr-eville-Ia-Cable,  41  ans,  fds  de  Jacob,  et  ti'Aiine  Ser- 
ville  (déclaration  de  liené  Graindor,  de  St-Sylvestre,  son 
beau-frère,  et  de  Jean  Craindor,  de  la  Frenaye,  son 
cousin  germain). 

1763.  —  Décès  de  Pierre  l'eriuzon,  de  Ciruchet. 

l763.  —  Décès  de  Jean  Pertuzon,  de  Nointot. 

1765,  16  juin.  — Décès  de  François  I.evesque,  75  ans,  à  Bol- 
bec,  (déclaration  de  Daniel  Letellier,  son  neveu  au  droit 
de  sa  femme,  et  de  Jacques  (^iroscot,  perruquier,  son 
ami). 

1765,  28  octobre.  —  Décès  d'Abraham  Pertuzon,  de  I.inlot,  86 
ans,  (déclaration  de  Pierre-Jean  Lucas,  sianioisier  à 
Lintot,  cousin  du  défunt). 

1765.  —  Décès  de  Pierre  Quesnel. 

1765.  —  Décès  de  Pierre  Bernage,  de  la  Trinité-du-Mont. 

1765.  —  Décès  de  Jacques  Oursel.  de  St-Gilles-de-C-retol. 


—  ^o8  — 

lT(;(i.  7  ft'vrier.  —  I)<'cè.s  tlo  Madeleine  Doudoniont,  veuve   de 

l'ierre  Caron.  85  ans,  à  F.iiitot,  (déclai'ation    de    l'ierre 

l.iuras  cl  de  l'ierre  Levosijiie,  tous  deux  de  Lintot). 
i;(it'i,    -Jli  août.  —    Décès  de,    Malliieii     ('.aiii|)ai-t.    d'Aiilretot, 

;3G  ans,  (déclaralioii  de  [.oiiis  Mordant  et  de  Louis    l'au- 

inier,  ses  cousins,  (rAutretol). 
17(;S.   ii  mars.  —  Décès  de  Jacques  Moi-daut,  de  St-Aubiii-de- 

C.retol. 
1708,   14  mars.  — Décès  de  Louis  I.emonuier.  de  Saiiit-Aidjin- 

de-Cretot. 
17t)8.   14  juillet.  —  Décès  de  Louis  l'arnuMilier,    de    Saint- Au- 

l)in-de-(  Iretot. 
17G8,   Hjuillet.  —  Décèsde  Pierre  Campart.  tisserand  à  Autrelol. 
1768.  »  Décès  de  David  l^auniier,     »  )> 

1771,  août.  —  Décès  de  Jean  J.evesque,  toilier,  à  Nointot. 
177:2.  5  lévrier.  — Décès  de  Jacques    Lemonnier    fils,    labou- 
reur, à  St-Anl)in-de-Gretot. 

1772,  23  février.  —  Décès  de  Jacques  Mordant,  à  Bellefosse. 
1772,  II  avril.  —  Décès  de  Louis  l'auniier,    toilier,    à    Saint- 

.\ubin-de-('irétot. 

1772,  21  avril.  —  Décès  d'Elisabetli  Hérulicl.  siamoisière. 
veuve  de  Louis  Fauquet.  à  Lan(|U('tot  (déclaration  de 
•iean  Alordant.  joui'nalier  à  Lanquelot.  son  proc.be  voisin). 

1777,  ICi  février.  —  Décès  de  Alarie  l.avolte.  (JD  ans.  fileuse 
à  Nointot  (déciiiratidii  de  Jean  Delessart  et  de  François 
Lecoq,  toilier  et  Journalier  à  Lintot). 

178'i,  18  juillet.  —  Décès  de  Messire  IMerre  Louis  Brossard 
d'Augerville,  chevalier  seioiieur  d'Ancretteville  et  autres 
lieux,  ancien  oflicier  au  r(''gin\ent  des  carabiniers,  fils 
de  .Messire  Jean  Brossard,  chevalier  seigneur  de  GiK)s- 
niesnil,  chevalier  de  l'ordre  militaire  et  royal  de  Saint- 
Louis,  et  de  noble  dame  Anne-Ester  Brossard  d'Auger- 
ville. de  la  IL  P.  IL.  Est  décédé  cejoiu'd'hui  au  château 
ilf  Lintot,  (déclaration  de  Sanson  Devaux,  domestique  à 
Lintot,  et  de  .Iean  Vincent,  à  Caudebec). 

178."),  ^janvier,  —  Décès  d'Elisabeth  Hlondel.  veuve  de  Pierre 


—  5^>9  — 

Fauquet,  45  ans.  marchand  à    >'oinlot,    (déclaralion   de 
l'ii^rro  Lt'co(|  mai'cliand  à  Rnlbpc,  et    de    Pioi-rc    Clioii- 
([iift.  (lonicsliqiio  à  llalfetot). 
17(S(),    18  avril.  —  Décès  de  Françoise  Mordaiil,  ('}2  ans,  leninie 
de  Jacques  .MordanI,  Idilicr  à  Sl-Auljiii-ile-C.rélol. 

Rciiscif/uoiieiils  ijhn'niu.r  fehilivciiiciit  aii.r  (IrcUii-iilioiit^ 
(le  décès 


Dans  l'éleclion  de  (laiideliec.  il  y  eut  : 

34  déclarât,  de  décès  de  prolestanls  du  24  novembre  1740 
au  14  février  1741,  89  déclarai,  de  décès  de  |udlestanls  du  IG 
décembre  lT4i  au  \)  mars  ITT)?.  219  déclarât,  de  décès  de 
proteslanis  de  ITdo  à  17S(S. 

Dans  le  resssorl  de  la  liaule  justice  de  iMaulévrier,  qui 
comprenait  la  viile  de  lîolbec, 

45  déclarations  de  décès  de  1750  à  1788. 

Dans  l'étendue  du  comté  de  Tancarville,  qui  comprenait 
les  paroisses  de  Saint-Mcolas-de-la-Taille,  St-Anloine-la-Forét, 
St-Jean-de- Folle  ville,  ljeuzeville-la-Grenier,  St-.Tean-de-la-Neu. 
ville,  La  Remuée,  La  (lerlangue,  St-Jean-des-Essars,  Méla- 
mare. 

41  déclarations  de  1717  au  31  décend^re  1753. 

On  inhumait  généralement  dans  les  cours  et  jardins.  Dans 
les  propriétés  de  l'amille,  de  petits  cimetières  entourés  de  haies 
ou  de  palissades  existaient  qui  ont  servi  de  sépulture  aux 
grands-parenfs,  parents,  enfants  et  petits-enfanls. 

Dans  la  cour  de  la  ferme  du  Bostaquet,  commune  de  la  Fon- 
lelaye,  on  voit  une  grange  qui  porte  encore  le  nom  de  Sépulture- 
D'après  les  traditions  conservées  dans  le  pays,  c'est  là  que 
furent  inhumés  les  descendants  directs  de  Dnmont  de  liostaquet, 
qui  furent  tous  fidèles  à  la  foi  réformée. 


-    yW    - 

PIÈCE  N'  15 


DÉNONBREKiENT  des  PROTESTANTS  de  la  Seine-Ieférieure 

fKir    coiiniiuiics    li    jusliirs    de    paix,    ehibli    en    IS():i 
})(()•  AI.  I'.  ^lonu^XT,  paslenr  à  Rouen. 


Rouen ~^5Û0| 

Uariu'lal liO 

Maroniiiic 200' 

Dieppe  

Bacqueville 

Avi-cnirsiiil 40 

Hraciiy Ô5 

GaïUeleii 80 

Giieures 50 

Luneray 780 

(joni-el GO 

Fontaine-le-Dun 

Hoc({uigny 25 

Mesnil-Lammerv. .  150 

(ireuville 30 

Kcaquelon 50 

LeCoudray 290 

Le  Buquet 2(i0 

Bosc-le-Gomte. . . .  70 

r.e  Tlijl-Manneville  20 

Le  .Mesnil 55 

Yvetot 

Aulretot IGl 

Valli(|iierville. ...  6 


2900 
250 


1065 


056 


( 
(    16: 


Caudebec 

.\n(|uetici'villc.  . .  42/ 

St-Aubiii-de-Ci'el.  71  < 

Sl-Nicolas-(l.)-la-llay(>..  17  ( 

Bolbec 

liolbec 1290 

Alliquervillc 13 


130 


iJeiizeville. . . 
BeiizevilleUe 
Bolleville  . .  . 
(iruchel  .  .  .  . 


Lauquetot 23 

Lintot 97 

PaiT-dWnxlot 39 

St-Jeaii-d.-l.-Neuv.  90 

Trouville 59 

Nointot 76 

r.alfetot 68\2096 

Lillebonne 

Lillebonne 20/ 

La  Frenaye o\ 

.Mélamare 183< 

Le  Mesnil 9/ 

Radicatel 3' 


—  su  — 


St-Antoine 174 


St-Donis 

Sl-Je;in-de-l''cillevil. 
St-Nicolas-ilo-k-TailIc. 

Sl-Sylvestre 

l.a  Trinité-iUi-.\lont 
l>e  Valusse 


3(] 


163' 


44, 
N     7(J7 
St-Romain-de-Coibosc 


La  Cerlnn<riie 

Goniinerville 

Graiinbouville  .... 

l.oiselières 

P^pretot 

La  Ueniuée 

St-Eusiaclie 

St-Jean-d.-Essarts. 
St-Jean-d'.Vbtot.  .  . 

St-Laurent 

St-Vigor 

Tancarville 

Trois-Pierres 

Godei  ville 

Goderville 

Boriianibusc 

Brelteviile 

Cretot 

Ecrainville 

Emalleville 20 

Houquetol 6 

Bréauté 2(3 

Graiiiville-Lalouelte      10 


-i"2 


Mamievillo  .......  58 

-ïïiivilie ÔO] 

St-.S;illVlMll' 14  ■ 

Saiis.^cuzc marc  ...  9  1 

Virville 25/ 

liiiiiuville 51   3t) 

Criquetot-rEsneval 

Criqiietol-rEsneval  45/ 

.Viigorville-rOrcher  47 

lîoi'der.iix 5 

ICcuUol 3 

Ecuiiiielot 83 

Enules([Lieville. ...  46 

Goniieville -~ 

Iai  Poterie 9i 

St-Jouin 54 

St-Marlin-dii-Iiec. .  U| 

Le  Tilleul 1\   367 

Montivilliers 

Moiiliviliiers  -  St  - 
(Terniain 

Buùlise 131 

Gauville 3| 

Epouville 10 

Fontaine 15 

Fonlenay 10 

Gainneville 13 

Ste-Croix 20| 

Harfleur 541 

.Manég'iise -8 

Mannevillette 3\ 


^12    — 


N.-l).  flii-Hcr 35 

Oclnvill.! 54  \ 

liaiiiilici'lol 3/ 

Kollcvilh' 12^ 

Si-.M;iiliii-(lii-.M;iii  .  15/ 

St-Suplix 20 '^   365 


II;iviv 202 

Ingouville 

liii^ouville U5( 

San  vie 25  (    120 

Tolal...    10189 


PIÈCE  N«  ir; 


EGLISES  DU  PAYS  DE  CAUX 
sous  le  régime  de  la  liberté  religieuse 


TABLEAU 

de  la  réorganisation  des  églises  avec  la  liste  complète 
de  leurs  pasteurs 

lioiiaparte,  par  la  loi  organique  de  ISO-,  créa  deux  consistoires 
dans  la  Seine-lnlérieure,  Bolboc  et  Rouen.  ^lais  dès  1789 
et  nitMiie  1787  des  églises  existaient  et  étaient  pourvues  de 
pasteurs. 

BOLBEC 

Au  consistoire  de  Bolbec  se  rattachait  ia  paroisse  du  Havre, 
et  se  rallaclièrent,  au  fur  et  à  mesure  de  lenr  fondation,  la  pa- 
roisse de  Montivilliers  (1804),  son  annexe  de  Criquetot  (1804)  ; 
la  paroisse  de  St-Antoine  (1SU2)  et  ses  annexes  d'Antrelot 
(180-2),  du  .Mont  (180G)  remplacé  par  Lillebonne  depuis  1860), 
de  La  Remuée  (1806)  deGoderville  (1806)  etde  Fécamp  (1860). 

En  novembre  1852,  un  décret  érigea  Le  Havre  en  église 
consistoriale  et  y  rattacha  Montivilliers  et  son  annexe. 


—  513  — 

Pasteurs  de  Bolbec 

1788-1792.  —  Delasauzais. 
17!:)2-17'Jo.  —  tllôret  (intérim). 
1793-    ■?    .  —  (iouijoii. 

(Le  culte  est  inlerronipu  sous  la  tei-reur). 
1797-1X'27.  —  Alègre. 
1S27-18-2S.  —  Dizier. 
1N2S-1.S39.  —  De  Félice. 
1839-1N49.  —  Aimeras. 
1349-1886.   —  H.  Soliier  de  Verniandois.  (Un  second  poste  do 

pasteur  fut  créé  par  décret    du    2U   juillet 

18.J0). 
1850-1878.   —  ilunnard. 
lS7i)-188(j.  —  .Messines.    Eu  1884,  Fécamp    devient   une    an- 

ne.\e  de  la  paroisse  de  Bolbec. 
■188()-1893.  —  .)e;ui  Lafou. 

1880- —  .I.-C.  liarthié. 

1893-1899.  —  l'aul  Mouod. 
18!)*)- —  Nouiïarède. 


Pasteurs  de  MmitirilHers  et  annexe 

1804-18211 

— 

1).-E.  Fallnl. 

1820-1830 

— 

-•^oliier  père. 

1832- 

— 

•leau  .*>;oliier 

-1849 

— 

11.  Soliier  de  Vermandois. 

I8'i9- 

— 

(1.  (jood. 

-18<iU 

— 

L.  Abelous. 

18()0-189l 

— 

Th.  Maurel. 

1891-1893 

— 

Audouin. 

1894-.... 

— 

Hardant. 

Pasteurs  de  St-Antoine  et  annexes 

...1787-  ?  .  —  l'auniier.  Le  culte  était  célébré  dans  des 
maisons  particulières. 

...1792-1794.  —  François  Mordant.  En  1792.  le  pasteur  Mor- 
dant habitait  .St-.Jean-de-la-NeuviUe. 


33 


—  ^14  — 


1806-1  s  m.  —  Du  Poiitavice-Vaugiirny. 

1812-1817.  —  PauiTiior  (:2'' miiiisl("-i-('). 

1818-185:1  —  it.  Maiiivl 

18r);M8,j7.  —  Tli.  Itoller. 

18r)7-18S4.  —  L.  lîeiié.  (lù)  hSlil,  un  second  jxislo    de  pas- 

leiii-  lut  créé  —  décret  du  il)  ;i\i'il). 
18(il-18S4.   --  H.  liuraul.  En  1874,  le  lemplc  de  1  a  lleuiuée 
lut  (Irsalleclé  et  reiuplacé  par  celui    construit 
la  iu(*'uie  année  à  St-lioniaii),  dont  riiiau|:ui-a- 
tion  eut  lieu  le  3  novembre. 
Par  décret  du  23  avril  1884.  St-Antoine  et  annexes  sont  divi- 
sés en  deux  paroisses  :  Lillebonne    avec    Autretot  et   St-Aubin 
pour  annexes,  et  St-Antoine  avec  Goderville  et  St-Uoniain  pour 
annexes.  Fécanip  est  raltacbé  à  la  paroisse  de  Bolbec. 

Pasteurs 


de  Lillebonne  et  annexes. 
...1884- —  H.  Iluraut. 


de  St-Antoine  et  annexes 

...1884-1896.  —  L.  Ilené. 
1896-190-2.  —  F.  Hardy. 
1902- —  E.  Iluraut. 


ROUEN 

Au  consistoire  de  Rouen  se  rattacliaieiit  les  églises  de  Dieppe 
et  de  Luneray,  et  se  ratlacbèrent  dès  leur  fondation  (1807)  les 
annexes  des  Mesnils  et  de  Torp-Mesnil.  L'annexe  du  Coudray 
(1807)  fut  rattacbée  au  Consistoire  de  Bolbec  jus(|u'en  1818  où 
elle  fut  incorporée  au  Consistoire  de  Rouen. 

En  mars  1855,  un  décret  érigea  Dieppe  en  église  consisto- 
i-iaie  et  y  rattaciia  Luneray  et  ses  annexes. 

Pastenis  de  Luneray  et  annexes 

'!  Mordant  dit  Duclos. 

?  P.  :\Iordant. 

?  Pauniier. 

V  Dernaux, 

?  Réville  père. 


—  Sl=>  — 

1818.  —  Cacloret. 
1818-1828.  —  J.Révillo  (ensuite  à  Dieppe  où  il  mourut  enl860). 
1857-18-28.  —  Marlin-l'iisclioiul. 
I828-1830.  —  :\Iontantloii. 
1831-1834.  —  Leniaitre. 
1835-18  iti.  —  Cil.  de  Coutouly. 
18iG-1851.  —  A.  l'uaux. 
1851-18()2.  —  E.  Berlhe. 
185B-1866.  —  N.  Poulain. 

ISr.O-lOOl.  —  H.névillp.Enl8G0,uii2''postedepasteurfutcréé. 
18(37-18(Î9.  —  Nougarède. 
1861)- 1881.  —  Saltet. 

1882- —  E.  Castel. 

1901- —  l>.  .love. 


TABLK  DES  MATIÈHES 


Phkkack 5 

Inthoduction 11 

PREMIÈRE  PARTIE 
Des  oiuGixEs  a  la  proclamation  de  l'Edit  de  Nantes 

CHAPlTliE  l'T.  —  Commenceniont  de  la  Réforme  dans 

le  Pays  de  Caiix  (1520-1563) I  '.1 

CHAPITRE  II.  —  De   rémancipalaon    de    Charles  I\    à 

l'Edit  de  Nemours  (1503-1585) 57 

CHAPITRE  m.  —  De  l'Edit  de  Nemours  à  lassassinat 

de  Henri  111  (1585-1589) 79 

CHAPITRE  IV.  —  Guerre  du  Réaraais  contre  lu  Lipfue. 
—  Conversion.  —  L'avènement  de  Henri  IV.  — 
Promulgation  de  l'Edit  de  Nantes  (1589-1598). . .         87 

DEUXIÈME  PARTIE 

L'Eglise  sous  l'Edit  de  Nantes  et  pendant 
les  premières  années  qui  suivirent  sa  révocation 

CHAPITRE  Ici-.  —  De  l'Edit  de  Nantes  jusqu'à  l'assassi- 
nat de  Henri  IV  (1598-1610) 109 

CHAPITRE  H.  —  De  la  régence  de  Marie  de  Médicis  à 

l'Edit  de  Grâce  (1610-16-29) 119 


—  mS  — 

ClIAl'ITIiK  III.    -  !><■  riùlil  (Icdi-firc  à  la  loi  i;(Miri-;ilc 

ir>li-i(li\c  (  IGiO-KUiC.) V^'A 

CllAlTIliK  IV.  —   Ile    la  loi    ^rnéi-alc  rpsiriclivc,  à   la 

jt.-vocalioii  de  l'Eclil  do  .Nantes  (1000-10X5) 116 

r.llAl'ITUK  V.  —  liévocnlion  de  TEdilde  Naiiles  (16S5).       ITO 

C.llAi'lTliE  Vi.  —  Suite  iiiiiaédiale  de  la  lîévocation. — 

l.e  IVdleslaiilisine  est  Iri^ahMiieiit  iiiorl  (1080)..  .  .        199 


TROISIÈME  PARTIE 

I/Eglise   sous    la    ('.i;oi\ 

r.JiAl'ITIîE  l'i'.  —  De  la  paix  de  livswick  à  la  mort  de 

Louis  XIV  (1007-1715) 225 

CIIAPlTIiE  il.  —  De  la  mort  de  Louis  XIV  au  Conjurés 

d'Aix-hi-Chapelle  (1715-17 iS) 249 

C-llAI'rntE  III.  —  ]\Iarclie,  avec  des  temps d"arrèt,  vers 

la  tolérance  (1719-1787) 275 

QUATRIÈME  PARTIE 

La   l.IliF.KTl';    HKI.lCIKl'SK 

i;11A1'ITI;E  I".   —  De  l'Edit  de  tolérance  à  la  proclama- 
tion de  la  liberté  des  Cultes  (1787-1790) 323 

CIlAl'ITIiElI.  —  Organisation  des  ét^lises  (1790-1802).       333 

•  '.llArrniE  III.  —  L'Eglise  est    raltacliée    à   l'Etal,  — 

('.onsé(piences  de  cette  mesure  (180:2-1815) 336 

(.II.M'ITIIE  \\.  —    \'uc    d'ensemble    sur    le    prolestan- 

lisine  C.aucliois  depin's  1815 339 


tU) 


APPENDICE 

Pièce  11"  1 ,3'i5 

•'i<''f e  11"  "i iiiS 

l'ièce  11"  3 ;j4i) 

l'i<*i-t'  11"  4 357 

Pi("'co  11"  T) 359 

Pièce  11"  (■) 379 

l'ièce  11"  7 ;-i,Sl 

l'ièce  n"  8 391 

Seconde  pièce  ii"  <S 393 

l'ièce  11"  9 ...  i2~ 

Pièce  n"  I U 429 

Pièce  II"  Il 498 

Pièce  n"  12 502 

l'ièce  II"  1 3 503 

Pièce  no  J  4 505 

Pièce  n"  15 510 

Pièce  11"  10 512 


<\J^ 


Bolbec.  —  Imprimerie  Henri  Yvon,  rue  Haiitot,  25 


z^^9