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NYFL RESEARCH LIS RA RI ES
l|
3 3433 Ô8244972 3
LE
SAHARA ALGERIEN
pour servir de complément au Sahara algérien :
r CARTE DU SAHARA ALGÉRIEN, dédiée à M. le
Maiuéchal duc d'Islt, gouverneur général de l'Al-
gérie, par la direction des affaires arabes, 1845.
Cette carte a été dressée , d'après les renseignements
pris et fournis par le lieutenant-colonel Daumas ,
directeur central des affaires arabes à Alger, par
M. Gaboriaud, capitaine d'état-major, attaché à la
direction centrale des affaires arabes ,,^f)luilles grand
aigle, prix : 8 fr.
2" CARTE D'UNE PARTIE SEPTENTRIONALE DE
L'AFRIQUE, dressée, d'après les renseignements pris
et fournis parle lieutenant-colonel Daumas, directeur
central des affaires arabes à Alger, par M. Gabo-
riaud, capitaine d'état-major, attaché à la direction
des affaires arabes. 1 feuille colombier, prix : 3 fr.
PÎOTA. Les deux cartes ont été gravées sous la direction du
dépôt de la guerre; la première est coloriée. Chacune se
vend séparément. On peut aussi se les procurer,
Collées sur toiles et réunies dans un étui 18 fr.
Montées avec gorge et rouleau 20 fr.
DE L^INPRIMERIE DE CRAPELET, RUE DE VAUGIRARD , 9.
(XCJ
LE
SAHARA ALGERIEN
ÉTUDES
GÉOGRAPHIQUES, STATISTIQUES ET HISTORIQUES
SUR
LA RÉGION AU SUD DES ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS
EN ALGÉRIE
OUVRAGE
RKDieK «Cil UCS DOCUMUrrS RKCVEILLU VAR XJU MMIIS
DE M. LE LIEUTBMANT-COLOIIBL PAUMAS
Directeur cealral 4e» affcire» vnibu» h Alger
ET PUBLIÉ AVEC L'AUTORISATION DE
M. LE MARÉCHAL, DUC DE DALMATIE
PRKSIDKlfT DU COlffBIL, MIMISTRB DB LA OVBKKE
PARIS
ILANGLOIS ET LECLERCQ \ FORTIN, MASSON ET C
RUE DB LA HARPE, 81 V PLACE DE L'ÉCOLE - DE - MÉDECINE
ALGER, DUBOS FRÈRES, RUE BAB-AZOUN
1845
A MONSIEUR
LE MARECHAL BUGEAUD,
DUC DISLY,
OOUVEftNEUR GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE.
Monsieur le Maréchal,
Après plus de deux années d'études opiniâtres,
la direction centrale des affaires arabes vient en-
fin d'accomplir le travail dont elle a l'honneur de
vous faire hommage.
La conquête de l'Algérie, maintenant achevée,
a victorieusement résolu la question si longtemps
débattue de l'occupation générale et de l'occupa-
tion restreinte. Vous avez ramené tout le motide
à cette opinion que nous devions être , ici , par-
tout, sous peine de n'y être en sécurité nulle
Yj DÉDICACE.
part. Mais si , grâce à vous , toutes les tribus du
Tell nous sont soumises, nous avons été mis, par
ce fait même, en contact avec des populations
nouvelles.
Arrivés à cette limite extrême des terres culti-
vables sur laquelle nous avons trouvé , de l'ouest
à l'est, les postes de Sebdou, Saïda, Frenda,
Takdimt, Tïaret, Tenïat el Had, Boghar, Bou
Saâda, Msila, Biskra et Tebessa, nous avons cru
d'abord , sur la foi des anciens géographes , que
nous étions en plein désert, que là commençait le
vide , et qu'à part quelques tribus égarées, erran-
tes dans les sables ou fatalement circonscrites dans
d'étroites oasis , il n'y avait plus, sur ce sol déshé-
rité, ni famille humaine ni végétation.
Ce désert fameux, nous l'avons sondé : et à
mesure que nous avancions dans ses plaines , sa
limite gagnait au large. Partout, ou presque par-
tout, des villes et des villages; partout des tentes ,
partout la vie ; vie exceptionnelle , il est vrai , mais
active, importante' à étudier pour les relations
communes que nous allions avoir avec elle ; cu-
rieuse pour tout ce qu'elle allait révéler à la science.
Le désert proprement dit existait-il ou non?
Les tribus nomades , les populations sédentaires
DÉDICACE. vij
que nous y trouvions étaient-elles nombreuses?
Quel était leur commerce, quelle était leur in-
dustrie? Qu'avions -nous à craindre, que pou-
vions-nous espérer?
Si elles étaient nombreuses, ne pouvait-il pas
s'élever au milieu d'elles un fanatique , un autre
Abd el Kader peut-être, qui , lui aussi, au nom
de la religion et de la nationalité menacées , ameu-
terait les masses contre nous? Etudier le pays, en
faire la statistique , c'était nous mettre à même de
parer à cette éventualité.
Au cas oii leur commerce et leur industrie se-
raient de quelque importance, ne devions-nous
pas chercher à nous en assurer les bénéfices?
Cette question complexe ime fois posée , nous
avons dû , avant tout , et pour arriver à sa solution
sinon exacte, du moins probable, tenter une re-
connaissance du pays , en relever tous les points ,
en faire enfin la carte.
Nous avons donc pris pour nord de la carte
destinée à servir de complément à cet ouvrage, la
limite de nos possessions, les forts de sépara-
tion qui couronnent le Tell et dominent le Sa-
hara. Partis de là, nous nous sommes avancés de
renseignements en renseignements dans l'espace.
viij DÉDICACE.
Un jour viendra sans doute, peut-être n'est-il
pas loin , où quelque autre plus heureux , et nous
lui en aurons facilité les moyens, pourra voir par
ses yeux ce que nous n'avons pu voir que par les
yeux des autres , et rectifier les erreurs qui , sûre-
ment, nous auront trahis dans notre bonne volonté ;
mais, sûrement aussi, l'œuvre que nous avons
accomplie , sera longtemps encore d'un utile ensei-
gnement.
Pour l'exécuter, la position de directeur des affai-
res arabes m'a été en effet singulièrement favorable.
Alger est maintenant le grand centre de com-
merce , le rendez-vous obligé de tous les voyageurs
indigènes qui viennent forcément se mettre en
contact avec nous.
Pour Test , nous avions sous la main les gens de
Biskra, qui exercent ici le métier de portefaix,
les marchands-voyageurs de Bon Saàda, de la
grande tribu des Ouled Nayl, de Tougourt, de
SoufetdeNefta.
Pour le centre, ceux de Kl Agouat, d'Aïn
Madhi, des K'sours de cette circonscription, de la
grande tribu des Arbâ, des Béni Mzab et d'Ouargla.
Pbur l'ouest, ceux des Chamba, ces intelligents
colporteurs du l^hâra , de Metlili , de Gueléa , des
DÉDICACE. ix
ouled Sidi Cheikh y des Hamian , de Figuig , du
pays de Touat, et enfin la corporation des nègres,
dont plusieurs sont nés à Tembek'tou et dans
d'autres villes du Soudan.
Pour tout l'ensemble à la fois, nous avions les
nombreux pèlerins de la Mecque qui passent par
Alger.
Nous ne nous sommes réellement appesantis que
sur le Sahara algérien, sur le sud proprement dit de
nos possessions ; et si nous avons , à l'ouest, péné-
tré dans l'empire de Maroc, à l'est, dans la régence
de Tunis, c'était seulement pour indiquer les
grandes routes commerciales et servir plus tard à
l'intelligence du travail que nous préparons sur
le commerce de l'intérieur.
Pas un point de cette carte , pas un mot de sa
notice , n'ont été placés ou écrits qu'après rensei-
gnements fournis par des gens du lieu même ; et
toujours , pour chaque localité , ces données de la
veille étaient contrôlées le lendemain par des gens
inconnus aux premiers.
Pour les distances , les Arabes ne connaissant
ni les heures ni les lieues , nous prenions comme
terme de comparaison un point des environs d'Al-
ger qui nous était mutuellement connu.
X DÉDICACE.
J'ai interrogé moi-même tous les jours, pendant
deux ans , des Arabes de tous les pays et de toutes
les conditions, au nombre de mille au moins;
M. Gaboriaud, capitaine d'état-major, dessinait,
séance tenante , et coordonnait ensuite le tracé de
tous les lieux dont la connaissance était ainsi ob-
tenue ; M. Ausone de Ghancel , secrétaire archiviste
de la direction centrale des affaires arabes , pre-
nait des notes et c'est ainsi qu'il a rédigé le travail
que j'ai l'honneur de soumettre à votre haute ap-
préciation-
Je n'insisterai pas , monsieur le Maréchal , sur
toutes les difficultés qu'il no!is a fallu vaincre , sur
tout ce qu'il nous a fallu dépenser de patience et
d'adresse pour fouiller, ainsi que nous l'avons
fait , un pays oii les chrétiens sont des profanes ,
et dans lequel nous n'avions pour guides que des
gens soupçonneux, malveillants, intéressés à nous
tromper. Quelque répugnance que j'éprouve à
parler de moi , qu'il me soit permis d'invoquer
en faveur d'un travail auquel je me suis livré tout
entier pendant si longtemps , et qui a été exécuté
avec la conscience la plus scrupuleuse, les titres
de garantie dont je puis l'appuyer.
Si quelques travaux de même nature , exécutés
DEDICACE. xj
dans la province d'Oran , avant la conquête , et
auxquels la connaissance réelle du pays n'a pas
donné de grands démentis ; si les nombreuses ex-
péditions que j'ai eu l'honneur de faire avec vous,
monsieur le Maréchal ; si huit années passées au
milieu des Arabes, dont deux en qualité de rési-
dent de France à IVIascara, auprès d' Abd el Kader,
si une étude constante des mœurs des indigènes
et la connaissance familière de leur langue, n'ont
pas suffi pour nous faire arriver à un résultat
d'une vérité mathématique, au moins pouvons-
nous espérer que cette longue expérience nous a
été d'im grand secours pour nous faire éviter
toute erreur grossière.
Toutefois nous prendrons franchement nos ré-
serves : nous n'en doutons pas , beaucoup d'irré-
gularités de détail se sont glissées dans ce vaste
ensemble , bien que nous ayons à cinq fois re-
commencé la carte et la notice ; mais si , dans l'é-
tat actuel des choses, nous sommes parvenus à
donner la position à peu près exacte de toutes les
montagnes du désert , des cours d'eau, des puits,
des villes , des villages ; le nom des tribus , en in-
diquant leurs dépôts de grains , leur territoire de
station et de parcours; si nous avons recueilli
xij DEDICACE.
quelques notions sur le commerce, l'industrie, les
races, les mœurs, le langage de ces peuplades,
nous espérons que les esprits sérieux apprécieront
tout ce qu'il nous a fallu de peine et de travail
pour arriver à ce résultat , et nous sauront gré de
nos efforts.
Vous avez donné l'Algérie à la France , mon-
sieur le Maréchal ; rien de ce qui s'accomplit en
elle ou pour elle ne vous est étranger , ne peut
vous être indifférent ; c'est donc à vous que reve-
nait de droit l'hommage de notre œuvre ; daignez
l'accepter et comme témoignage de notre haute
admiration pour les grandes choses que vous avez
faites , et comme tribut de notre reconnaissance
pour la protection dont vous n'avez cessé d'hono-
rer la direction des affaires arabes.
J'ai l'honneur d'être , avec un profond respect,
monsieur le Maréchal , votre très-humble et très-
obéissant serviteur.
Le lieutenant-colonel , directeur central des affaires arabes,
E. Daumas.
MODE DE TRANSCRIPTION
MOTS ARABES EN CARACTERES FRANÇAIS
ADOPTÉ POUR LA PUBLICATION
BBS TRAVAUX DE LA COMBUSSION SCIENTIFIQUE d'aLGÉRIE.
On a cherché à représenter les mots arabes de la
manière la plus simple et en même temps la plus con-
forme îi la prononciation usuelle.
Il a paru convenable de rejeter les lettres purement
conventionnelles , dont l'emploi augmente les difficul-
tés de r orthographe, sans retracer plus exactement
Texpression phonique.
Il a été reconnu que, sauf deux exceptions, tous les
caractères arabes rencontrent des caractèi^s ou identi-
ques ou analogues dans Falphabet français. On a donc
rendu par les lettres françaises simples ceux des ca-
ractères arabes qui leur sonf identiques pour la .pro-
nonciation, et par les mêmes lettres, accompagnées
d'un accent *, ceux qui leur sont analogues.
Les deux lettres qui n'ont, dans notre langue, ni
* Cet accent est celui qui, désigné en algèbre sous le nom de prime^
y est employé comme signe de Fanalogie entre les quantités.
xiv TRANSCRIPTION DES MOTS ARABES
identiques, ni analogues , sont le c et le ^. La pre-
mière est partout remplacée par une apostrophe , ac-
compagnée des voyelles que la prononciation rend
nécessaires; la seconde, par la double lettre M, con-
formément à r usage.
Trois autres caractères , qui n'ont pas dans la langue
française d'identiques ou d'analogues simples , ont été
rendus par des lettres doubles, savoir : le ^ par djj
le ^jSi par ck, le ^ par ou, La prononciation arabe se
trouve ainsi fidèlement reproduite.
Les avantages qu'a paru offrir ce mode de trans-
cription sont surtout :
l"" De ne point exiger la fonte de caractères nou-
veaux, et de pouvoir être ainsi adopté, sans aucune
dépense, dans tous les établissements typographiques.
2" De fournir un moyen facile de rétablir les mots
dans leurs caractères primitifs.
Leltrcs. Valeur.
L^emploi de ces divers caractères est aéterminé
t A, É, I, 0. I par la prononciation et Taccentuation de la
let
lettre arabe.
B.
j ( Ces deux lettres sont généralement confondues
( dans la prononciation.
s Dj.
Z
t
H'.
Kh.
:)»•
(Généralement confondues.
EN CARACTÈRES FRANÇAIS. xv
LeUios.
J
R.
Z.
^ S C (i I l^'c'np'oi de ces trois lettres sera régJé de ma-
*^ >'*••• j „ièrg I, conserver le son sifflant de PS.
(jà Ch.
^jo S', C, Ç'. . Même observation que pour (j*.
O^ ) ( Ces deux lettres sont confondues par tous les
. [ D' { Barbaresques dans la prononciation et dans
^ ) \ l'écriture.
fc T.
( Apostrophe précédée ou suivie de celle des
f ' \ voyelles dont la prononciation nécessite
\ remploi.
fc
t
>^
R'.
O F.
L Va g et le gu. seront employés dans les mots
^ K, G,Gu. .j où Pusage attribue au i la prononciation
I V gutturale du ^r; ex. : Ga/k'a, Guélma,
J L.
M.
» 11.
^ Ou,0.
c^ 1,1
OBSERVATIONS.
1** Dans les mots qui, étant précédés de F article,
commencent par une lettre solaire, on se conformera
il la prononciation en redoublant la lettre initiale. Ainsi
on écrira 'y4hd er RaHmciriy Nàder ed Din^ et non 'Ahd
el Rcdlmda, Ndi^er elDin.
xvj TRANSCRIPTION DES MOTS ARABES, ETC.
2^ L^s mots termines par la lettre ^ , qui prend
alors le son de Va sans aspiration y seront terminés ,
dans la transcription française , par la lettre a simple
et non par ah. On écrira donc Milidna , Bltda , et non
pas Milidnah. Blidah,
2!* Les consonnes placées à la fin d^une syllabe ne
seront jamais suivies de Ve muet. Toutefois il ne faut
pas oublier que dans la langue ai*abe les consonnes
se prononcent toutes distinctement , et qu'aucune ne
prend le son nasal ni ne s'élide. Ainsi Bihdn doit se
^Yononcev Bibdne ; ManJow\ ManiiJour ; T^j-^r se pro-
nonce Tôsere; Kouinin, Kouînine ; Zdi^ez, Zdi^ezz;
Gdbes, Gdbess.
LE
SAHARA ALGÉRIEN.
APERÇU GÉNÉRAL.
Nous avons consulté beaucoup de livres , et beau-
coup de t'olba (lettrés) pour trouver la définition et
Fétymologie du mot Sahara.
Les livres nous ont donné cette définition : (( Le
Sahara est une contrée plate et très-vaste, où 41. n'y a
que peu d'habitants, et dont la plus grande partie est
improductive et sablonneuse. »
Les tfolba nous ont donné cette étymologie :
« On appelle sehaur ce moment presque insaisis-
sable qui précède le point du jour (fedjer), et pendant
lequel nous pouvons^ncore , en temps de jeûne , man-
ger, boire, fumer. L'abstinence la plus rigoureuse doit
commencer, dès qu'on peut distinguer un fil blanc d'un
fil noir.
. ^ ^ 1
2 APERÇU GÉNÉRAL
« Le sehaur est donc une nuance enti^e la nuit et le
point du jour qu'il nous est important de saisir, de
préciser, et sur laquelle a dû se porter Fattention de nos
mar&bout^. Un d'entre eux, Ben el Djirami, en partant
de ce principe que le sehaur est plus facilement et plus
tôt appréciable pour les habitants des plaines, dont rien
ne borne l'horizon , que pour les habitants des mon-
tagnes, enveloppés qu'ils sont dans les plis du terrain,
en a conclu que du nom du phénomène on avait formé
celui du pays où il était plus particulièrement appa*
rent, et qu'on l'avait nommé Sahara, le pays du
sehaur. »
Cette étymologie, si elle n'est pas sévèrement gram-
maticale, car l'un des deux mots commence par un
Jdd (Ç) et l'autre par un sin (S), n'en est pas moins
ingénieuse, et nous la donnons à défaut d'autres.
Elle serait confirmée par celle du mot tell^ qu'on
s'accorde généralement à faire dériver de tellus, terre
cultivable ; mais qui , selon le même savant , serait tout
simplement un dérivé du mot arabe tali, qui signifie
dernier y et désignerait ainsi le pays en arrière du Sa-
hara, où le sehaur n'apparaîtrait qu'en dernier. Cette
phrase : Enta tellia ou saHaraoui? qui, vulgairement,
veut dire : Es-tu des gens du tell ou des gens du désert?
représenterait celle-ci : Es-^tu des premiers ou des der*
nier s à ^^oir le sehaur?
Un autre t'aleb (savant), Fekheur el R'âzi^ dit la même
chose dans un opuscule estimé , et il ajoute que tali
DU SAHARA ALGÉRIEN. 3
el tell^ le dernier après le dernier^ signifie 1à mer^ a
cause de sa position en arrière du Tell.
Quoi qu'il en soit, le mot Sahara n'entraîne poiht
nécessairement Fidëe d'une immensité déserte. Habité
sur certains points , il s'appelle Fiaflj habitable sur
certains autres ^ il prend le Hom de Kifar, mot dont la
signification est la même que celle du mot vulgaire
Rhela ^ abandonné ; inhabité et inhabitable sur d'autres
encore , on le nomnie Falat.
Ces trois mots représentent chacun un des caractèreit
du Sahara.
Fiafi^ c'est l'oasis où la vie s'est retirée autour des
sources et des puits , sous les palmiers et les arbres
fruitiers, à l'abri du soleil et du choub (simoun).
Kifar, c'est la plaine Sablonneuse et vide, mais qui
fécondée un moment par les pluies de l'hiver^ se couvi^e
d'herbes (a'cheb) au printemps , et où les tribus noma-
des, campées ordinairement autour des oasis, vont alors
&ire paître leurs ti*oupeaux.
Falat, enfin, c'est l'in^nensité stérile et nue, la tner
de sable , dont les vagues éternelles, agitées aujourd'hui
par le choub (simoun), demain seront amoticelées^
immobiles, et que sillonnent lentement ces flottes ap^
pelées caravanes.
D'après les observations de M* Fournel^ la lisière du
Sahara^ contrairement à toutes les opinions jusqu'à
présent acceptées, ne serait que très-peu élevée au-
dessus du niveau de la mer^
4 APERÇU GÉNÉRAL
« J'ai fait à la lisière du désert, dit le savant ingé-
nieur, une soixantaine d'observations barométriques,
qui , comparées à celles qui se faisaient simultanément
à Gonstantine, me donnent 75 mètres pour la hauteur
de Biskra au-dessus du niveau de la mer.
« A partir du littoral, le terrain s'élève successive-
ment jusqu'à un point qui est à une ou deux lieues de
Bat'na, et que j'ai trouvé être de 1 083 mètres. Par
ce point passe la ligne de partage des eaux ; à partir de
là , on redescend vers le Saliara, dont la lisière est assez
peu élevée (75 mètres), pour qu'on puisse suppo-
ser, que les grands lacs de l'intérieur sont, comme la
mer Caspienne, au-dessous du niveau de la Médi-
terranée. »
Ajoutons que le sol du désert se relève dans la région
placée au sud d'Oran et deTlemsen, entre le 32'' et le 29""
de latitude , sous le nom de Djebel Batten. La ligne de
partage des eaux suit cette arête, et présente alors deux
grandes pentes , l'une , de l'est à l'ouest, vers l'Océan ;
l'autre , de l'ouest à l'est, vers l'intérieur du Saliara.
Selon Strabon , Cnéius Pison comparait le désert à
une peau de léopard. II y a longtemps que l'on vit sur
cette comparaison, moins exacte que poétique. Celui
qui, le premier, l'a comparé à un océan pai^emé d'îles,
et nous ne savons à qui en revient l'honneur, a été plus
heureux. Disons, toutefois, en continuant la méta-
phore , que ces îles , pressées en archipels dans la zone
nord , entre les 36° et 29** de latitude, ne sont plus, en
DU SAHARA ALGÉRIEN. 5
partant de là, que des points égares dans l'espace , et
disparaissent enfin tout à fait jusqu'aux archipels in-
connus du Soudan.
A partir du 29** de latitude, nous sommes dans le dé-
sert proprement dit, El Falat. La vie semble cesser
jusqu'au 27", où elle reparait un moment dans les mon-*
tagnes des Touareg, et disparait enfin tout à fait jus-
qu'au pays des nègres. Les Touareg, ces géants pillards,
se hasardent seuls dans ces vastes solitudes, où ils guet-
tent les caravanes*, les protègent ou les pillent, selon
qu'elles paient un droit de passage et de protection , ou
qu'elles cherchent à passer en contrebande.
Nous n'avons à nous occuper ici que de cette partie
du Sahara qui fait face à nos possessions , et qui , com-
prise , à l'est et à l'ouest , entre deux lignes qui prolon-
geraient les frontières de Tunis et du Maroc, est bornée
au sud par une ligne brisée sur laquelle se trouvent
NefVa , S'ouf , Ouargla et Ins'alah'. Nous ne l'esquisse-
rons qu'à grands traits : les détails de sa physionomie
ressortiront du cadre de cet ouvrage.
Dans son ensemble, le Sahara présente sur un fond de
sable, ici des montagnes , là des ravins ; ici des marais ,
là des mamelons ; ici des villes et des bourgades, là des
tribus nomades dont les tentes en poil de chameau sont
groupées comme des points noirs dans l'espace fauve.
Les montagnes, toujours parallèles à la mer, sont
d«ns la zone nord , élevées , rocheuses , accidentées à
l'est, mais elles s'abaissent graduellement en courant à
6 ABERÇU GÉNËRÀL
Foii^st , et sa fondent enfin par une s^iccession de naa^
melons et de dunes mouvantes que les Arabes appel-
lent a'rouk' (veines) ou chebka (filet), selon que le sysi-
* tème 0n est simple ou composé. Presque toutes sont
abrpptes sur le versant qui fait face au Tell ; et, du côté
•du sud 9 toutes, après plus ou moins de convulsions,
Vpnt mourir de langueur dans les sables.
De ces montagnes descendent, à la saison des pluies^
d^innombrables cours d'eau , dont les lits, desséchés au
premier soleil, usuipentu huit mois de Tannée, le nom
d^ rivière (oued). L'hiver, c'est un réseau de torrents;
Tété , c'est un réseau de ravins. Tous ces oued , à l'ex-
ceptipn de l'Oued Djedi et de l'Oued Mïa qui sont en-
caissés entre des montagnes parallèles à la mer, offrent
cette particularité qu'ils coulent du nord au sud, et
qu'ils se perdent dans les* sables.
L'hiver laisse inégalement réparties , dans le Sahara,
des flaques d'eau que les chaleurs de l'été dessèchent;
quelques-unes sont des marais salants bordés de végér
tation marine.
Dans la première zone du Sahara, les centres de po-
pulation, quoique beaucoup plus nombreux que d^ns le
Tell, sont quelquefois séparés entre eux par des espaces
complètement nus, cpmplétement stériles et distants de
plusieurs journées de marche. Cependant, sur toutes
les lignes, dans toutes les directions, des puits échelon-
nés servent à la fois de lieu de station et d'indication
pour les routes. Il est rare de voyager trois jours sans
DU SAHARA ALGÉRIEN. 7
en trouver un; et d^ailleurs F eau ne manquera jamais
aypQ deux outres pleines pendues aux flancs du ch^r
me^u qui fait trente lieues par jour, et peut rester trois
jours sans boire.
Chaque grande oasis du Sahara a sa ville principale ,
autour de laquelle rayonnent les k's'our (villages) de sa
dépendance et les tentes des tribus ses alliées , errantes
au printemps pour faire paître leurs troupeaux , émi-
grant pendant Tété pour aller acheter des grains dans
le Tell , toujours de retour en novembre pour les em-
magasiner, pour cueillir les dattes ou s'en approvision-
ner, et passer Thiver en famille sous la maison de poU.
Une observation frappe tout d'abord : comment trou**
vons-nous dans le Sahara tant de populations séden-
taires? Pourquoi les hommes s'y sont-ils pour la plu-
part groupés dans des enceintes? Pourquoi tous n'y
vivent-ils pas de la vie nomade ?
Un double motif a concouru, selon nous, à établir
cet ordre de choses.
D'abord, c'est que les soins incessants à donner aux
palmiers ont du groupei- les populations autour du pied
de l'arbre qui les nourrit. Il est remarquable ensuite que
celles-ci ne sont point de race arabe : leurs pères vi-
vaient autrefois, sur le littoral, dans des villes et des vil-
lages; chassés par les invasions successives, refoulés
dans l'intérieur, ils y ont porté leurs instincts séden-
tatres, et se. sont établis où nous retrouvons leurs eur
fants , Vd seulement où la vie leur devenait possible.
8 APERÇU GÉNÉRAL
Après ces premiers occupants sont arrivés les Arabes,
apportant, eux aussi, leurs instincts éminemment vaga-
bonds, comme ceux de tous les peuples pasteurs, et
auxquels se prêtait merveilleusement la configuration
du sol qui, pour eux, allait devenir une patrie nouvelle.
Dédaigneux de la vie sédentaire et même agricole , ce
qu'il fallait à leur indépendance, c'était l'espace sans li-
mites : que leur importait une étroite oasis où leurs trou-
peaux n'eussent pu tenir; où, pour vivre, il leur eût
fallu descendre au travail de jardinier ? Quelques-uns,
des environs de Tougourt, disaient à M^ le duc d'Au-
male : « Nos pères n'ont jamais touché la terre, nous
« ferons comme eux. »
Aussi tous tiennent-ils en mépris, non-seulement
leurs voisins les sédentaires, mais leurs fi'ères dégénérés
du Tell. L'Arabe de la tente croirait déchoir s'il donnait
sa fille en mariage au plus riche habitant des Wour.
Toutefois, forcés de vivre côte à côte et d'une vie qui
se complète par l'association , il est arrivé de leurs rela-
tions habituelles que les uns et les autres sont devenus
propriétaires sur le même sol, dans la même enceinte ;
mais le nomade qui possède ne cultive pas : il est sei-
gneur , le citadin est son fermier ; par contre , celui-ci
s'est donné des troupeaux qu'il a confiés aux bergers
de la tribu ; pendant que le nomade les conduira dans
les pâturages, l'habitant de la ville ou du k's'ar veillera
sur les grains en dépôt, et cultivera les palmiers.
Il y a d'ailleurs entre eux double solidarité d'intérêt; car
DU SAHARA ALGÉRIEN. 9
les dattes ne peuvent suffire à la nourriture commune ;
non point qu'il ne s'en récolte pas assez , mais parce
que, mangées sans mélange, elles deviennent nuisibles.
Or, nous Pavons dit déjà, les céréales manquent
presque absolument aux habitants du Sahara ; de là la
nécessité de venir en demander au Tell.
Ces approvisionnements périodiques se font chaque
année à Fépoque des moissons. Les tribus arabes , cam-
pées autour des villes , quittent alors leurs campements
pour se rapprocher du nord , où leurs troupeaux qui ,
avec le soleil , ont dévoré toutes les herbes du sud ,
trouveront des pâturages; et, moyennant un impôt,
Lazma, Eussa, qu'il nous importe de régulariser, elles
se rendent sur les marchés du Tell , pour y échanger
contre des grains les produits de leur sol ou de leur in-
dustrie : dattes, h'aïk fins, bernous, plumes d'autruche
et objets venus du Soudan.
Les nomades ne sont pas seuls cependant à accomplir
ces pérégrinations : les marchands des villes se mettent
sous leur protection et les suivent. Pendant que leurs
frères de la tente font leurs achats , ils vont , eux , dans
les viUesdu littoral, se fournir d'objets manufacturés
en Europe , et tous ensemble ils reprendront la route
de leur oasis , de leurs villages , de leurs Wour , où les
blés achetés par les nomades seront emmagasinés , d'où
les objets achetés par les marchands s'écouleront, soit
en détail , soit par caravanes , sur toute la surface du
Sahara et jusque dans le Soudan.
10 APERÇU GÉNÉRAL
l^e Tell est le grenier du Sahara dont nous tenon# {e^
habitants par la faynine; ils le savppt si bien , ils Tont si
bifn compris qu'ils s'en expriment franchement pp»
cette phrase , devenue proverbiale : a Nous ne pouvons
(( être ni musulmans , ni juifs , ni chrétiens ; nous som-
« mes forcément les amis de notre ventre. »
Pp toutes ces observations , maintenant acquises à
l'histoire , il résulte cette conséquence importante ;
Que les habitants du Sahara sont forcément soun^is
au peuple qui tient le Tell, de quelque religion qu'il
soit : « La terre du Tell est notre mère, disent les
Sahariens; celui qui l'a épousée est notre père. ))
Si donc la sûreté des routes , si la protection et la
justice leur assurent chez nous des garanties qu'elWnp
trouvent ni à Tunis ni à Fês (Fas) , le prix de nos mar^
chaudises n'étant pas d'ailleurs plus élevé que dans les
États musulmans , ces populations viendront à nous j
non point que nous puissions espérer en faire de long-
temps encore nos alliées de cœur; mais, soumises
d'abord, elles paieront l'impôt; et, en cas de querelle
entre nous et leurs voisins , elles resteront neutres par
intérêt; plus tard , et à mesure qu'une politique intelli-
gente nous les attachera , elles deviendront nos auxi-
liaires.
Ainsi a-t-il été déjà fait :
Sur la lisière du Sahara , nos postes ne dépassent pas
Bor'ar au sud d'Alger et Biskra au sud de Cpnstantine,
et cependant nous dominons en réalité , d'un côté , jus-
DU SAHARA ALGÉRIEN. 11
qu'à El Ar'ouatf où nous avons un khalifah; de l'autre,
jusqu'à Tougourt, qui a payé l'impôt à S. A. R. M"* le duc
d'Aumale, et dont le chef a reçu le bernons d'investi-
ture : déjà le^ Beqi Mz((b, qui ^o^t à quaraqlchuit
lieues sud d'El Ai'^oual', ont fait des ouvertures de sou-
missioi) , et Ouargla qui est à cinquante-deux lieues sud
des Béni M^ab et le point le plps avancé du désert , a
anvoyp un des çbefe de sa djema' (assemblée natiopale)
pour prendre connaissance du pays, et savoir s'il y
aurait pour elle avantage à se lier de commerce avec
nous.
n p'est donc pa« besoin , et qous ii)si«toD« sur c^ fait ,
il n'est donc pas besoin pour dominer les deux gones
de l'Algérie, d'étendre l'occupation jusqu'aux dernières
limites du pays habité , ainsi que semblaient le craindre
quelques personnes qui faisaient de cette nécessité mp^
posée un obstacle à l'accomplissement de notre con-
quête.
Ce qu'il faut, mais ce qu'il faut absolument , c'est
occuper vigoureusement le Xell et le^ pa43fige|i princi^
paux qui sont les portes du Sahara.
Ce livre n'est que la mise en ordre de documents recueillis
pendant deux années de la bouche même de 2000 Arabes au
moins , voyageurs , pèlerins ou marchands.
En les suivant pas à pas à travers le Sahara , nous noua sommes
arrêtés avec eux partout où il y avait une étude géographique à
faire; une oasis à visiter, un village à décrire, des renseigne-
ments à prendre sur le commerce, les mœurs et l'industrie
des peuplades sédentaires ou nomades chez lesquelles nous
voyagions.
Nous avons ainsi obtenu un réseau de routes qui couvre le
Sahara algérien et qui toutes viennent se nouer à des points
principaux. Cet ouvrage en est Thistorique.
La division en deux grandes parties, Tune orientale , l'autre
occidentale, que nous avons adoptée, nous a été tracée par le
caractère des populations de Test et de l'ouest , les unes particu-
lièrement agricoles , les autres éminemment guerrières.
La grande ligne d'Alger à Ouargla qui partage nos possessions
d'Afrique et le Sahara algérien en deux portions à peu près
égales, Kmitera la distinction que nous venons d'établir et sera
notre point de départ. Nous la suivrons dans toute son étendue ;
ensuite , procédant toujours par itinéraire , nous étudierons tout
l'est jusqu'aux frontières de Tunis , et enfin tout l'ouest jusqu'aux
frontières du Maroc.
PARTIE ORIENTALE
HOlIl'E
B'ALGER A OUAHGLA.
2*
6*
!«' jour àlBlida 12
à Médéa 9
à Bouroua'gttia 6
à Bor'ar 8
sur rOued Moudjeliel 3
sur rOued Nahr Ouaçel (on laisse sur sa gauche
les trois lacs appelés Cha'bounia) 7
7' . . . auprès du marabout de Sidi el A'djel , situé au
confluent de TOued Soufsellem et de TOued
Tagttin , qui par leur réunion forment le Che«
lif 6
8* . . . à Souagui el Fritissa^ petits villages as^is sur
une chaîne de montagnes qui s'étend de Test
à l'ouest 7
9* ... à Taguin; on entre dans la plaine de Taguin
que l'on suit jusqu'au village de ce nom , vil-
lage abandonné , situé sur un sol marécageux
et sillonné de sources qui donnent naissance à
l'Oued Taguin 9
10*. . . à Mekhaoula , sur l'Oued el Beïda qui vient se
perdre dans les marais de Taguin. On a voyagé
A reporter. ... 67
16 D'ALGER A OUARGLA.
Report 67
dans une plaine de sable en laissant des mame-
lons de sable sur la gauche 7
11* jour à Sidi Bou-Zid, petit village situé sur le versant
est du Djebel A'mour; on a remonté le cours
de rOued Sidi Bou Zid jusqu'à sa source, près
du village 9
12* . . . à R'orfa, autre village du Djebel A'mour. . . 5
13' . . . à Debdeba , situé sur un des contre-forts du
Djebel A'mour ' . 6
14' . . . à Tadjemout, joli petit village situé sur TOued
Mzi. Depuis Sidi Bou Zid, jusqu'à Tadjemout,
on a voyagé à travers le Djebel A'mour, par une
route très-difiBcile et très-accidentée 3
15' . . . à El Ar'ouat' en suivant l'Oued Mzi 10
TOTAL • 107
La route que nous venons de donner est ceUe qui a
été suivie par la colonne expéditionnaire , au mois de
mai 1844.
EL AR^OUAr.
El Ai-'ouatf , qui se trouve par 33** 48' latitude , et
par 0'' 48' longitude ouest , est le centre , le chef-lieu
du khalifat de ce nom, créé cette année dans cette par-
tie du désert ; il est borné :
Au nord , par Djebel A'mour ;
EL AR'OUAT'. 17
A Test , par les Ouled Nâïl ;
Au sud j par les Béni Mzab ;
A Fouest^ par la tribu de El Avouât' K'sal.
U comprend les villes , villages et tribus dont les
noms suivent :
VILLES ET VILLAGES.
El Outaia'.
Tadjemout.
El H'aouita.
El Assaiia.
A'ïn Màd'i.
K'sir el H'aïran.
TRIBUS.
La grande tribu des Arba'.
Les Ouled Sidi At'allah'.
Les AVazUa.
El Ai''ouat/ est une viDe de sept à huit cents maisons ,
bâtie sur les pentes nord et sud d^une petite montagne
à Test de laquelle coule FOued Mzi. Elle est entourée
d'une enceinte rectangulaire , crénelée et défendue par
deux tours élevées sur les points culminants, et aux-
queUes viennent se rattacher les murailles.
EUe peut lever sept à huit cents fusils.
El Ar'ouatf est très-ancienne et a tour à tour dépendu
du Maroc et des Turcs. Avant 1 830 elle payait un tribut
de sept nègres au dey d'Alger pour avoir le droitd' ache-
ter des grains dans le Tell.
2
U D'ALGER A OUARGLA.
Elle a été du reste toujours fort impatiente de ses
suzerains qui ne pouvaient exercer sur elle qu^une ac-
tion très-indirecte y et leur a souvent résisté avec succès.
Se^ divisons intestinesFont seules empêchée fums doute
de vivre tout à fait indépendante.
El Ar'ouat' est divisée en deux quartiers bien dis-
tincts : Fun, celui de Fouest, habité par les Ouled
Ser'rin; Fautre, celui de Test, parles H'allaf; chacun
ayant autrefois ses chefs , son gouvernement , ses inté-
rêts à part.
Le pouvoir, bien qu'héréditaire, n'était pourtant
point absolu. Le chef de Test, comme celui de Fouest,
n'était, à proprement parler, que le président de sa
djema' , ou assemblée nationale , composée des chefs
du quartier et des villages qui en relevaient.
Cette combinaison bizarre était une source intaris-
sable de querelles. Les deux quartiers faisaient alors le
cQMp de fusil sur leur ligne de démarcation et dans leurs
jardins, jusqu'à ce que Fun des deux imposât un tribut
à Fautre.
L'Oued LekhW , petit ruisseau qui prend sa source
à une lieue de la ville, dans, un endroit sablonneux ^
traverse les jardins du quartier des H'allaf î aussi pou*
vaient-ils soutenir la lutte Uen plus longtemps que leurs
voisins, réduits en temps de guerre à Feau très-rare de
leurs puits.
Des chances diverses donnèrent le pouvoir tantôt
aux H'allaf, tantôt aux Ouled Sei^rin » jusqu^à ce qu^çnr
EL AR'OUAr. IQ
fin, en 1838, le parti d^Ah^med Ben Salem, mainte-
nant notre khalifah, ayant massacre Lakhdar, chef du
quartier des Ouled Ser^rin , resta maître de la ville.
Les jardins d^El Ar'ouatf forment, au nord et au sud
des mamelons sur lesquels elle est assise , deu^ forêts
de 3 000 mètres de longueur. On y trouve péle-méle
des poiriers , des abricotiers , des grenadiers , des
figuiers, des amandiers. Aux troncs de presque tous
ces arbres grimpent des vignes qu^on ne taille jamais ,
et qui courent de Fun à l'autre : c'est un fouillis sans
ordre , comme tous les vergers du Sahara. Çà et là des
carrés mieux cultivés fournissent des légumes de toute
espèce : concombres, pastèques, oignons, etc. Les
plantations de dattiers sont à part ; bien que très- vastes ,
elles ne suffisent pourtant point à la consommation des
habitants.
Jardins et dattiers sont arrosés par FOued Lekhïer^,
d'où partent de nombreuses saignées. Chaqye proprié-
taire a le droit , droit écrit sur son acte de propriété , à
un arrosement d'une heure, de deux heures, plus ou
moins. Ce temps est mesuré avec un sablier, par un
hcmime qui se tient à la tête de l'écluse de déversement ,
et qui l'ouvre pour ceux-ci et la ferme pour ceux-là à
heure dite.
Les maisons d'El Ar'ouatf sont construites en ter-
rasses d'une maçonnerie assez mauvaise; quelques-
unes sont Uanchies à l'extérieur, presque toutes le sont
à l'intérieur*
20 D'ALGER A OUARGLA.
Chaque quartier avait autrefois son marché ; celui des
Ser'rin s^ appelait Souk' et Ka', et celui des H'allaf, Souk'
Lekhïer'. Il est situé sur l'Oued Lekhïer'. Ce dernier
quartier a de plus unFondouk'dontles arcades forment
une espèce de péristyle où les marchands se mettent à
Fombre pour traiter leurs affaires.
Ces marchés sont fréquentés par :
Les Arba'.
Les A'mour.
Les Ouled Khelif.
Les Ouled Cha'ïb.
Les Mekhalif.
Les Ouled Nâïl.
Les Rah'man.
Les Boni Mzab.
Les AVazlia.
Les Ouled Mokhtar.
Les Ouled Sidi At'allah'.
Les Sa'ïd.
Les H'all Bou Sa'da.
Les Chamba, etc.
Les Béni Mzab y apportent de la poudre et quelques
nègres; les Ar'azlia, par Tougourt, des armes, des
pierres à fusil qui viennent de Tunis ; les gens de Bou
Sa'da , des laines et de Thuile ; les tribus nomades, du
beurre, des dattes, des grains venant du Tell, des
moutons, du fromage, etc.; les Chamba y conduisent
des nègres qui sont revendus ou échangés dans le Tell
contre des grains. Un beau nègre vaut de 1 20 à 1 80
EL AR'OUAr 21
boudjous. Les habitants d'El Allouât' achètent ces
divers objets, ou les échangent contre des bemous
blancs et noirs , des h'aïk de toute quaUtë , des gan-
doura de laine fabriquées par leurs femmes; contre de
la couteUerie , des pioches , des socs de charrues, des
fers pour les chevaux , des épiceries , des essences , du
sucre , du café , dont les riches usent seuls, de la verro-
terie, des ornements de femme, etc., etc., qui leur
venaient autrefois de Tunis parTougourt, et qu'ils com-
mencent à tirer directement d'Alger.
On trouve d'ailleurs dans la ville : des forgerons, des
armuriers qui réparent les armes tant bien que mal , des
menuisiers et quelques petites boutiques des choses les
plus usueUes. Quinze ou vingt familles de juifs y exer-
cent comme partout les métiers de cardeurs de laine ,
d'orfèvres, de teinturiers, etc.
A certaines époques de l' année , ordinairement après la
moisson, les gens d'El Ar'ouat' partent en petites bandes
et vont dans le Tell s'approvisionner de grains argent
comptant ou par échange ; cette excursion rayonne de-
puis l'Oued Ser'oua jusqu'à Tak'demt.
Autrefois, point de zekkah, point d'a'chour, le gou-
vernement des deux quartiers vivait des amendes nom-
breuses levées sur les délits de tout genre et des droits
sur les marchés; les pauvres étaient nourris à frais com-
muns. A la saison des dattes chaque famille était tenue
de désigner un palmier de son jardin , dont les fruits
versés à la mosquée étaient distribués aux nécessiteux ;
It D'ALGBR A OUARGLA.
ces palmiers s^appelaient les palmiers de Famour d$
Dieu.
Les habitants d^Ël Ar'ouat' ont la réputation d'être
bons y humains et hospitaliers. Si quelqu'un se réfugie
chez eux^ disent les Arabes, ils mourraient plutôt que
de le livrer! A la saison des fruits , les voyageurs peu-
vent entrer dans les jardins et en manger à discrétion.
Les mœurs sont généralement pm*es dans l'intérieur
de la viUe; cependant les filles des Ouled Nâïl et des
Ar^azlia viennent y faire , comme autour de toutes les
grandes villes du Sahara, commerce de leurs amours.
Ah'med ben Salem , seul maître du pouvoir dans El
AVouatf depuis 1 828 , gouvernait sans opposition | il
s'était rallié tous les esprits lorsqu'A'bd el K'ader, qui,
en 1838, voulait de gré ou de force se donner le
Sahara, vint mettre le siège devant A'în Mad'i, où
conunandait un homme que cette guerre a rendu célè-
bre : le vieux marabout^ Tedjini. Yahïaben Salem^ frère
du chef d'El Ar'ouat/, s'était jeté dans la place assié-
gée ; belle occasion que ne laissa point échapper l'émir
d'attaquer El Ar'ouat/.
Justement il avait sous la main l'homme qu'il lui fal-
lait : Sid el H'adj el A'rbi, marabout', l'un des anciens
chefs des Ouled Ser'rin, chassés par Ah'med ben Salem.
Double garantie sur la même tête : El A'rbi , le pro-
scrit, serait, sans nul doute, aveuglément fidèle à celui
qui lui rendrait sa patrie ; El A'rbi le marabout' devait
être un instrument puissant dans la main de l'émir, qui,
EL AhOUAr. IS
marabout^ luMnémè, voulait constituer êon autorité ^ar
la théocratie absolue.
(f Voici une pièce de canon et un bataillon, lui dit
A^bd el K'ader f va J^rendre El Allouât', chaases-én Ben
8alem , je te fais khalifah à sa place. »
A quelques jours de là, en effet, Ben Salem, trop fki'-
bte ou mal préparé à la résistance, fuyait devant son
compétiteur et allait demander un asile aux Béni Msab.
Cependant le nouveau khalifah imposé par Tétran**
ger se trouvait face à face avec la haine énergique du
parti national ; il dominait , mais ne possédait pas%
A^bd el K'ader s'aveuglait sur cet état de choses ; car
par un des articles de la capitulation d^A'ln Mad'i, il
permettait aux Ben Salem de rentrer dans £1 Ar'ouat'
et à Tedjini d'y aller chercher un refuge : c'était donner
des chefs à ses ennemis.
Sa conquête d'A'ïn Mad'i lui avait d'aîUeurs aliéné
toute la population de la tente et des kVour; c'était
par là fraude qu'il l'avait faite, et Tedjini, l'homme qu'il
avait trompé (voir A'ïn Mad'i), était le plus saint mara«»
bout' du pays.
Le parti national d'El Ar'ouat^, fort à l'intérieur de la
présence des Ben Salem et de Tedjini, fort au dehoi*s de
la sympathie des masses, se fit bientôt si puissant que le
khalifah' de l'émir, n'osant pas même s'en remettre aux
chances d'un combat, se sauva dans le petit village d'El
Assafia, à une lieue d'El Ai^'ouatf, et s'y enferma avec
trois cents fantassins.
24 D'ALGER A OUARGLA.
De là il demanda des secours à A'bd el Reader qui,
pour toute réponse, le destitua et nomma à sa place Sidi
K'addour ben A^bd el Bak'i , de la tribu des Ouled Khelif.
A'bd el Bak'i , appuyé de huit compagnies d^inEamte-
rie et de quelques canons , vint camper à Tadjemout ,
d^oii il signifia aux Ben Salem la volonté de Fémir :
force leur fut de lui ouvrir El Ar'oual/, où ils conservè-
rent toutefois une paît aux affaires ; c^ était une condi-
tion du traité. Leur ami Tedjini, moins confiant dans la
parole de Fémir, se retira chez les Béni Mzab.
Les relations du nouveau khalifah avec les Ben Sa-
lem n^accusèrent d^abord aucune mauvaise foi. Mais
peu à peu, sous prétexte d'assurer la tranquillité de la
ville, A'bd el Bak'i dispersa des soldats dans tous les
quartiers , et dès qu'il crut ses précautions suffisantes,
il en écrivit à A'bd el K'ader qui lui répondit :
« Tue les chefs , saccage la ville , coupe les arbres. »
Ce coup de main fut tenté quelques jours après :
quinze membres de la famille des Ben Salem , attaqués
brusquement, furent faits prisonniers ; mais aux pre-
miers coups de fusil la ville s'était soulevée , le com-
bat s'était engagé sur tous les points, et les soldats du
khalifah, poursuivis et acculés de maison en maison,
furent presque tous massacrés. Les trésors d'A'bd el
Bak'i, ses deux canons, tous ses bagages, tombèrent aux
mains des El Ar^ouati; lui-même n'eut la vie sauve et
n'acheta la liberté qu'à la condition de ne jamais re-
mettre les pieds dans la ville.
EL AR'OUAT'. 25
Â'bd el Reader, forcé peu après d'abandonner A^'in
Mad'iy inquiété qu'il était constamment par les nomades
voisins , n'en poursuivait pas moins, avec la ténacité
qu-on lui connaît, ses idées d'envahissement sur le
Sahara et renomma khalifah d'£l Ar^ouat' £1 H'adj el
A'rbi, rentré en grâce auprès de lui.
Cette fois la grande tribu des Arba' prit parti dans la
querelle , moitié pour le parti national , moitié pour £1
A'rbi, qui avait commencé les opérations par s'emparer
de KVir el H'aïran. Battu dans un premier combat où il
perdit beaucoup de monde, il vit, le lendemain , ses al-
liés de la veille , les Arba' , l'abandonner pour se joindre
à quatre cents hommes envoyés d'El Ar'ouat' contre lui.
Battu une seconde fois, il reprit encore la campagne peu
de temps après, à la tête des débris de sa troupe régulière
et de quelques Arba' , dont il payait la fidéUté par des pro-
messes de pillage ; mais sa cause et celle d' A'bd el K'ader
étaient à jamais perdues dans le Sahara ; toutes les po-
pulations s'étaient soulevées; mille fantassins comman-
dés par les deux Ben Salem, et appuyés des deux pièces
de canon prises autrefois à Sidi K'addour ben A'bd el
Bak'i, enlevèrent K'sir el H'aïran, massacrèrent la troupe
entière du khalifah , et lui-même fut fait prisonnier.
Il fallait en finir avec cet homme, et Yah'iaben Salem
le fit tuer par son domestique, i^onr ne pas se souiller
du sang d'un traître.
A ces nouvelles, la fureur impuissante d' A'bd el K'a-
der, alors occupé de la guerre contre nous, éclata dans
M D'ALGER A OUARGLA.
cette imprëcftikm t (y Je jure de firîre âiYàchef iM yeux
ir à tous les halntants d'El At^oud^ qui tomberont etitre
or mes mainS) de les foire ëcorchef^ et de fidré ùite dei
K tambours avec leurs peaux. »
Cette terriUe menace a reçu une fois son exécution ^
en partie du moins. Un malheureux el At^oUà^^ prison*
nier de Témir , a eu les yeuk arrachée avec un éperon
arabe.
Ah'med ben Salem ^ depuis la mort d'el AVbi ^ jouis*
sait à El At^oualf d^une autorité incontestée : il avait
compris cependant que, pour parer aux éventualités dé
révolutions nouvelles, il devait s^étayer d'une puissance
qui pût le protéger contre A'bd el K'ader, et au mois
d'avril 1844 il envoya de son propre mouvemekit de*
mander à M. le gouverneur général Finvestiture et la
confirmation du titre de khalifah d'El Âr'ouatf : « Car, »
disait*il, (c tous les sultans musulmans à qui je me suis
« confié m'ont trahi ; je trouverai peut-être le repos
K dans la justice du sultan français. »
L'occasion fut saisie avec empressement de fkire suc*
céder l'ordre à l'anarchie dans cette partie du Sahara ,
d'y opposer l'exemple de notre justice au souvenir
des vexations et des cruautés de l'émir, de régula-
riser le commerce de grains que les tribus font avec
le Tell, et de leur ouvrir la route et les marchés
d'Alger.
Ben Salem a guidé lui-même la colonne expédition-
naire qui^ sous les ordres de M. le général Marey, est
TADJEKOirr. 17
allëe le flûre>econiiaitre dans son gouvernemait. Cette
mission s^est accomplie sans coûter un seul homtne ^ un
seul mulet, un seul coup de fusil; et El Allouât' est à
cent sept lieues du littoral. Quand M. le maréchal duc
d'Isly est arrivé en Afrique , il y a quatre ans, la Metidja
était en feu.
Nous ayons à dessein insisté sur cette guêtre d^Â^bd
el K'ader dans le Sahara j et nous y reviendrons en
parlant d' A'ïn Mad'i , parce qu^il en réstdte ce fait im-
portant ^ qu^elle lui a pour jamais aliéné les populations
sahariennes. Ne craignons pas qu^il y recrute des
troupes ; peut-être pourrait-il soulever encore quelques
fanatiques, mais jamais une armée.
En nous rattachant £1 Ar^ouatf, nous nous sommes
ouvert le désert qu'elle venait de fermer à l'émir. Déjà
ses habitants et ceux des kVour et des tentes du khali-
fah dont elle est le centre, viennent à dos marchés <
Ah'med ben Salem a été le premier à céder à cette
nécessité du ventre dont nous avons parlé plus haut,
et qui doit amener forcément à nous, les maîtres du
Tell, tous les habitants du Sahara.
TADJEMOUT.
Tadjemout est un joli petit village d'une centaine
de maisons, situé dans la plaine à sept lieues nord-est
d'A'ïn Mad'i, et dix lieues nord-ouest d'El Aî'ôuat'. Il
^ D'ALGER A OUARGLA.
n'a point de murs d'enceinte, mais les jardins au milieu
desquels il est bâti, et qui lui font ceinture, sont circon-
scrits par une muraille, dans laquelle sont ménagées
deux portes surmontées de petits forts crénelés.
Ces portes se nomment :
Celle du côté d' A'ïn Mad'i , Bab Sfaïn ;
Celle du côté d'Ël Ar'ouatf, Bab Ouled Moh'am-
med.
Les jardins de Tadjemout sont très-fertiles ; on y cul-
tive tous les arbres fruitiers dont nous avons déjà parlé
ailleurs, et beaucoup de légumes. Les dattes n'y sont
pas en très-grande quantité.
La grande rivière de F Oued Mzi qui, dans cette par-
tie de son cours, a de Teau toute Tannée, baigne les jar-
dins de Tadjemout et les arrose par deux saignées prati-
quées Tune au nord, l'autre au sud de son lit.
L'Oued Mzi est, assure-t-on , très-poissonneux , mais
nous n'avons pu parvenir à constater les espèces de
poissons qui s'y trouvent.
Sur un petit mamelon, au-dessus de la ville, s'élève,
au milieu des arbres, le dôme blanchi à la chaux du
maraboutf Sidi At'allah'.
Deux ou trois maisons seulement partagent avec le
marabout? l'honneur d'éclater blanches au milieu de
leurs voisines d'un gris sombre et la plupart mutilées
encore par la guerre d'il y a deux ans.
Tadjemout est célèbre par le massacre de deux cents
fantassins réguliers qu'A'bd el K'ader y avait envoyés
EL H'AOUITA. 29
sous la conduite du khalifah Sid el H'adj el A'rbi, pour
inquiéter de là Tedjini, rentré à A' in Mad'i.
Les Ouled Salah', fraction des Arba', et les Sidi At!al-
lah', tribu de marabout', déposent leurs grains à Tadje-
moût, dont les habitants, pauvres en terres lal)oura-
bles, vivent de dattes, des fruits de leurs jardins et
des grains que leur vendent ou leur échangent leurs
voisins.
Leur industrie se borne à la fabrication de vêtements
de laine.
Le chef de ce petit k's'ar se nomme Fa l ben el A'rbi;
il peut fournir au khalifah d'£l Ar'ouat' un contingent
de cent vingt fusils à peu près.
EL H'AOUITA.
El H'aouita est un k's'ar de quarante à cinquante mai-
sons, à cinq lieues sud-est d'A'ïn Mad'i et douze lieues
ouest d'El Ar'ouat'. Il est bâti au-dessus d'un ravin où
coule une source qui prend naissance à très-peu de dis-
tance au sud, baigne les jardins et va se perdre un peu
plus loin dans les sables. Elle se nomme Oued Dakhela.
, El H'aouita est entouré d'une petite muraille en mau-
vais état.
Les Ouled Sidi At'allah' et certaines fractions des
Arba' y déposent leurs grains.
30 D ALGER A OUARGLA.
EL ASSAFIA.
£1 Assafia est un kVar d'une trentaine de maisons, si*
tué en plaine à deux ou trois lieues est d'El Ai^ouatf.
U n'a point de murailles d'enceinte, mais toutes les
maisons se touchent et font corps ; quelques-unes sont
crénelées. La mosquée est au centre.
Une source abondante, qui prend naissance dans les
jardins et qui se déverse dans un bassin , les arrose. U
n'y a qu'une trentaine de dattiers.
Les Ma'mera, fraction de la tribu des Arba', déposent
leurs grains à £1 Assafia.
C'était autrefois une ville considérable, et dont le
voisinage inquiétait fort £1 Ar^ouat', avec laquelle elle
était en mauvaise intelligence habituelle et souvent en
guerre.
Si l'on en croit la tradition, les habitants d'£l Ar'oualf
intercédèrent auprès d'un maraboutf vénéré, el H'adj
A'iça, pour qu'il détruisit El Assafia^ et promirent de lui
payer ce miracle argent con^itant. Le saint homme se
mit en prière, et une grêle liorrible^ avec tous les ac-
cessoires d'une tempête, comme on n'«a avait pas vu
de mémoire d^hoomie » détruisit de ftœd en comble la
ville maudite. Cependant l'aident promis n'arrivant pas
à la zaouïa du marabout', il se prit d'indignation con-
tre les faussaires et leur prédit qu'ils se déchireraient
toujours entre eux. De leur côté, les gem d'El Assafia'
K'Sm EL H'AIRAN. 31
vinrent le trouver les maina pleines et lui demander des
prières et des conseils . « Bâtissez une ville un peu au-
ff dessus de Tendrait où était Tautre, leur dit^il, et Dieu
« la protégera. » Il en fut ainsi fait, et les habitants d^ As-
safia, à Falnî cette fois d^un coup de maiii par leur
poaîtiany vécurent trèfrrlongtemps sans être inquiétés
par les gens d^El Ar'o^at^
Le khalifah de Fémir ^ Sid el Ifadj d AVbi , a ruiné
la moitié de cette nouvelle ville dans la dernière
guerre.
K'S'IR EL H'AIRAN.
K's'ir el H'aïran est situé à cinq ou six lieues sud-est
d'El Allouât!; c'est un kVir de cent à cent vingt mai-
sons , avec cours et 3iIos ; il est entouré par un mur
d'enceinte en mauvais état, mais a^se% élevé. Les genf
de KVir el If aïran se nofnmept les Kab'mau. Leurs jai*-
dins sont peu étendus et peu fertiles, les dattiers y sont
rares ; mais leurs terres arables suffisent à leur consom-
maticm en orge et en blé \ elles sont arrosées par des
puits auprès desquels spnt creusés des bassins : Veau
qu'on y verse avec des seaux de peau de bouc s'en
écoule par des rigoles à travers les obamps.
L'Oued Mzi passe très-près de KVir el H'aïran f mais
y est à sec une partie de l'année. Un puits creusé au
milieu du village pourrait^ en cas de UoeuS| fournir m^
32 D ALGER A OUARGLA.
besoins des habitants, mais Veau en est très*inau-
vaise.
Les femmes de ce Wir fdent et tissent des laines ; les
hommes s^occupent de culture.
K's'ir el HWan est de fondation toute nouvelle; il a
été créé , il y a quarante ans environ , par un chef d'El
Ar^ouatfy Ah'med ben Salem, qui se donna ainsi un
poste avancé dans Test, d^où il peut dominer les tribus
voisines pendant la guerre, et où il leur loue des
magasins pendant la paix. Des fractions des Ouled Nad
et des Arba' y déposent des grains. C'est dans ce k's'ir
que fut tué le khalifah d' A'bd el K'ader , Sid el H'adj el
A'rbi.
AIN MAiyi.
A'tn Mad'i est située sur un petit mamelon à quinze
lieues ouest d'El Ar^ouat', dans une plaine légère-
ment ondulée et très-aride, à six lieues environ et à
l'ouest du village de Tadjemout. Ses maisons, très-rap-
prochées les unes des autres, sont circonscrites par
une muraille d'enceinte dont les créneaux, coiffés de
petits chapiteaux en pyramides , sont d'un effet très-pit-
toresque. La ville décrit une ellipse, de sorte qu'à une
certaine distance elle présente la forme d'un œuf d'autru-
che que l'on aurait coupé en deux dans le sens de la
longueur. On entre à A'ïn Mad'i par deux portes, l'une
à l'est, Bab el Kebir, l'autre au nord-ouest, Bab el Sa-
A'IN MAD'I. 33
k'ia. Bab el Kebir est double, c'est-à-dire qu'après avoir
passé une première porte, pratiquée dans Fépaisseur de
la muraille et flanquée de deux grosses tours carrées,
on se trouve dans une espèce de place d'armes de qua-
rante pas de longueur, sur trente de largeur, et que
pour entrer dans la ville il faut passer par une seconde
porte. La disposition de ces deux issues n'est pas sans
intelligence : elles ne sont pas vis-à-vis Tune de l'autre,
de telle sorte que les boulets qui enfileraient la première
ne viendraient pas donner dans la seconde. Les mu-
railles peuvent avoir 2 mètres d'épaisseur et 8 mètres
de hauteur. Elles sont crénelées, bâties en pierres et
bien entretenues. Nos obusiers de campagne ne pour-
raient certainement rien contre elles.
En dehors de ces murailles sont les jardins qui en
suivent les contours sur une largeur d'environ 1 50 mè-
tres ; ils sont eux-mêmes protégés par un mur de clô-
ture en très-mauvais état , de sorte que la ville est en-
tourée d'une double enceinte; mais celle des jardins,
loin de servir à la défense , offrirait au contraire à l'as-
siégeant un abri derrière lequel il rassemblerait ses
troupes pour les lancer à l'escalade ou à la brèche que
la sape aurait faite.
Rien n'est plus triste et plus aride que l'aspect d' A'ïn
Mad'i et de ses environs. Un seul arbre s'élève au-dessus
des murs des jardins; c'est le seul qui ait échappé à la
colère d'A'bd el K'ader, encore est-il mutilé. Cependant
les traces de dévastation laissées par Fémir s'effacent
3
34 D'ALGER A OUARGLA.
peu à peu 9 et d'autres arbres fruitiers remplacent déjà
ceux qu'il a coupes; mais ils sont trop petits encore
pour qu'on les aperçoive du dehors.
La 'source appelée Â'tn Mad'i prend naissance à une
demi*lieue nord en dehors des murs , au pied d'une
montagne appelée £1 Merkeb , contre-fort du Djebel
A'mour, Arrivée à la porte Bab el Sak'ia, elle se déverse
dans un bassin d'où elle va par deux écluses arroser les
jardins. Un honmie veille, le sablier à la main, à la
répartition exacte des eaux. Ce sablier est l'horloge
de la ville; les habitants viennent souvent le con^
sulter.
A'in Mad'i a de plus quatre puits qui , pendant le siège
de neufmois qu'elle eut à soutenir contre A'bd el K'ader,
suffirent à la population. Les maisons, au nombre de
cent cinquante à deux cents , sont mal bâties en pisé ou
en petites pierres ; elles n'ont qu'un rez-de-chaussée et
une terrasse. Quelques-unes ont un étage, mais très*
bas. La maison de Tedjini est seule bien et solidement
construite; on la distingue de loin entre toutes les
autres ; car c'est aussi la seule qui soit blanchie. Une
mosquée sans minaret est en harmonie par sa simplicité
avec les habitations particulières. Les mes sont si
étroites qu'on peut à peine y passer à cheval.
Les habitants d' A'ïn Mad'i sont proprement vêtus, et
se distinguent de leurs voisins par le calme et la dou-'
ceur de leur physionomie.
La réception qu'ils ont faite aux officiers français^ lors
A IN MAD'I. 35
de rexpédition du mois de mai 1 844, a été simple, natu*
relie et amicale. Ils parlent de leur chef Tedjini avec vé-
nération ; A'bd el K'ader, au contraire, a laissé chez eux
un sentiment de haine qu^ils ne cherchent point à dégui-
ser, et que pourra mettre à profit une politique habile.
Tedjini est chérif d'une famille originaire de Fês ; il se
nomme El tfadj Moh'ammed ben Ah'med Tedjini. Ses
ancêtres ont des zaouta ou chapelles à Fés et à Tunis.
Sa mère était négresse ; c'est un maraboutf renommé
par son courage , sa probité , sa religion ; il ne sort ja-
mais que pour se rendre à la mosquée, le vendredi.
Tout occupé des affaires du ciel , il ne s'est jamais mêlé
que par force aux révolutions de son pays. 11 a juré ,
dit-on , de ne voir jamais la figure d'un sultan; et l'on
assure qu'il n'a pas voulu se montrer au bey H'assan,
en 1828, ni à A'bd el K'ader, avant, pendant, ni après
le siège d'A'ïn Mad'i. Le général commandant l'expédi-
tion d'El Ar'ouat' en 1 844, ne l'a pas vu non plus.
A'in Mad'i a soutenu plusieurs sièges sous le règne
des Turcs. Presque tous les bey d'Oran ou de Maskara,
à l'exception du bey Mousftfafa, ont fait une expédition
contre elle. Toujours ses chefs, pour se débarrasser
d'un ennemi importun, qui très-probablement n'eût
point pris leur ville , mais qui l'eût fatiguée par la lon-
gueur d^un siège, la privation du commerce et la dé-
vastation de ses jardins, en ont fini en payant un impôt.
Les plus remarquables de ces expéditions, et les
seules dont nous parlerons, sont celles du bey Moh'am-'
36 D'ALGER A OUARGLA.
med el Kebir , en 1783 et 1785; celle du bey H'assan ,
en 1826, et enfin celle d'A'bd el K'ader, en 1838.
En 1 783 , le bey d'Oran, Moh'ammed el Kebir, trouva
A'in Mad^ dans un état de dénûment complet et incapa-
ble de résister; il somma donc Tedjini (un des ancê-
tres du Tedjini d'aujourd'hui ) de capituler, et il lui
imposa une forte contribution.
Tedjini comprit qu'il devait, pour l'avenir, mettre
sa ville à l'abri de l'arbitraire des Turcs : il en releva
donc les murailles ; et quand, deux ans après , le bey
Moh'ammed revint lui demander de nouvelles contribu-
tions , il la trouva en bon état de défense et bien ap-
provisionnée. Pendant deux mois et demi il tint le siège
devant elle et la bombarda ; mais il fut enfin contraint
de se retirer.
La puissance des Tedjini s'accrut de ce succès, et
tous les successeurs du bey Moh'ammed vinrent comme
lui échouer devant A'ïn Mad'i.
En 1 825 , le frère aîné de Sidi Moh'ammed Tedjini ,
Ben Salem , loin de redouter les Turcs , résolut d'aller
les attaquer sur leur terrain. Appelé par les H'achem au
pied de Maskara, il part à la tête des tribus du désert,
ses voisines, pour tenter un coup de mahi sur cette
ville , et prend d'assaut deux de ses faubourgs, A'rgoub
Isma'ïl et Bab A'ii ; mais trahi par les H'achem , qui pas-
sent aux Turcs, et contraint de se replier, ben Salem
opère son mouvement de retraite par la plaine d'El
R'ris, où il espérait se défendre avec plus d'avantage.
VIN MAm. 37
Enveloppé par des masses d^ennemis, il range autour
de lui ses chameaux et ses bagages , place sa petite in-
fanterie au centre de cette redoute vivante , et tous ses
soldats y genou à terre , brûlent jusqu^à leur dernière
amorce, et meurent bravement accablés par le nombre.
Quelques jours après , la tête de Ben Salem Tedjini ,
dont le vainqueur avait fait hommage au dey d^ Alger,
pendait aux crocs de Bab Âzoun.
L'année suivante, le bey H'assan marcha sans ob-
stacle jusqu'à Â'in Mad'i; mais la place était bien gar-
dée à Fintérieur, et protégée à Fextérieur par les tribus
du désert. Après quatorze jours de siège , forcé de se
retirer dans le plus grand désordre, il signala toute-
fois son mouvement de retraite par une ruse qui le
débarrassa des Arba', acharnés à le poursuivre.
A la nuit tombante, il ordonna d' allumer dans son
camp de grands feux d'âlfa, dont la fumée le cacha
bientôt à ses ennemis, qui, le croyant parti et déjà
loin, fondirent en désordre sur le bivouac abandonné
pour le piller. H'assan fit alors un brusque retour
offensif, tomba sur les pillards , en tua un grand nom-
bre, et put regagner Maskara, sans être inquiété sur la
route.
A'ïn Mad'i afiranchie, par F énergie des Tedjini, du
tribut que les Turcs lui avaient jusque-là imposé,
vivait indépendante et tranquille, lorsqu'en 1838,
A'bd el K'ader, qui songeait déjà à reprendre la guerre
contre nous, voulut s'en emparer, pour y mettre à
38 D'ALGER A OUARGLA.
Fabri sa fieunille, ses trésors, ses objets les plus pré*
deux et ses munitions, au cas où nous viendrions à lui
enlever les établissements qu^il avait créés sur la lisière
du désert. A'ïn Mad'i devait être sa ligne extrême de
défense , son dernier quartier de ravitaillement.
Miloud ben A'rach , envoyé de F émir en France , ne
lui avait pas dissimulé que la reprise des hostilités
entre nous et lui devenait inévitable , s^il persistait dans
les voies ambitieuses où il était entré. L'occupation
d'A'ïn Mad'i fut dès lors résolue; cependant A'bd el
K'ader, sentant qu^il ne pouvait pas , sans se déconsi-
dérer aux yeux des siens , chasser ainsi brutalement un
chérif qui ne lui avait donné aucun sujet de plainte , et
dont les ancêtres étaient au pouvoir depuis si long-
temps , prit occasion d'attaquer Tedjini , sous prétexte
qu'il ne s'était point rendu à un rassemblement de
guerre contre les chrétiens , auquel tous les cheft niaho*>
métans avaient été convoqués.
Il réunit donc un corps d'armée composé d'infante-
rie , de cavaliers réguliers , de quelques pièces de ca-
non, et sur l'assurance qui lui fut donnée qu'un seul
assaut suffirait pour emporter la place, il vint y mettre
le siège.
Tous les k'sour et toutes les tribus voisines, que rat-
tachaient à Tedjini sa réputation de bravoure , ses titres
de chérif et de marabout', se déclarèrent en sa faveur.
Prévenu à temps , il approvisionne sa ville de bois , de
blé, de dattes, etc. , et pour ne pas se chai^r de
A'IN MABl. 3»
bouches inutiles, il s^y renferme avec trois cent dft*
quante hommes seulement, mais les meilleurs tireun
du désert.
Le siège dura huit mois; À'bd el K'ader dérasta tous
les jardins, coupa les eaux , canonna, mina et boni*
barda la place , promit des récompenses à ceux de ses
soldats qui voudraient s'inscrire pour monter à Fassaut :
tout fut inutile. Les tireurs de Tedjini faisaient des pro*
diges ; leur adresse avait tellement eflfrayé les assaillants
que pas un n'osait plus se montrer à portée j w tous
c( leurs coups vont dans Tœil, » disait-on. M. le colonel
Oaumas , alors consul de France à Maskara , assure ,
en effet, y avoir vu rapporter beaucoup de soldats de
. Vémir blessés à la tète.
Il y allait cependant de Thonneur d^A'bd el K'ader
d'entrer dans la place , et ce qu'il ne pouvait obtenir
par la force, il TobtUit par l'adresse. Une ambassade de
marabout', conduite par son beau«frère SidelH'adj
MousVafa ben Tami, khalifah de Maskara, fiit envoyée
à Tedjini pour traiter d'un accommodement.
w A'bd el K'ader, » lui exposèrent-ils, « a juré d'aller
(( faire sa prière dans la mosquée d' A'ïn Mad'i ; dans
« quelle déconsidération tomberait donc l'islamisme, si
« celui qui s'en est déclaré le soutien contre les Fran-
ce çais ne pouvait pas accomplir un vœu sacré , et cela
« par l'opiniâtreté même d'un homme chérif et mara*
c< bout' ! n
Le pieux et trop confiant Tedjini , cédant à ces consi-
40 D'ALGER A OUARGLA.
dérations religieuses , de discussions en concessions ,
conclut enfin ce traita :
« Tedjini évacuera la ville et se retirera à El Ar'ouat',
et pour que sa sortie ne soit point inquiétée, F émir
porterason campàSidiBouZid; il prêtera ses chameaux
et ses mulets pour le transport des effets de Tedjini et de
sa suite ; le fils de Tedjini restera en otage entre
les mains de l'émir jusqu'au retour desbétes de charge.
La famille de Ben Salem renti'era à El Ar'ouatf ; on lui
rendra ses bieps et elle y reprendra sa part dans le gou-
vernement. Après cinq jours seulement de séjour dans
la ville, Fémir l'évacuera, et Tedjini pourra y rentrer et
y reprendre le commandement. »
Les bases de ce traité hypocrite furent acceptées , et
leur exécution jurée sur le Koran ; mais une fois dans
A' in Mad'i, A'bd el K'ader en fit abattre les murs et rui-
ner les maisons ; celle de Tedjini , où il s'était logé , fut
seule épargnée. Cette trahison souleva contre lui toutes
les populations du désert ; chaque jour ses convois
étaient attaqués et leurs escortes massacrées ; la posi-
tion n'était plus tenable. Pressé d'ailleurs parles événe-
ments, il évacua la ville, en proclamant bien haut sa
victoire , et en ordonnant à tous les vrais croyants de
s'en réjouir sous peine de la tête.
Nous sommes heureux de pouvoir citer ici la traduc-
tion littérale de la lettre qu'il écrivit en cette occasion
à son consul (Oukil) à Oran , El H'adj el H'abib-Oulid
el Meh'or.
A'IN UADI. 41
Cette lettre prouve ëvideiniiient qu' A'bd el K'ader ne
s^ abusait point sur le mauvais effet produit par Fimmo-
ralitë de son expédition , et qu'il cherchait à en atténuer
les conséquences possibles sur Tesprit des populations.
« A notre parfait ami le respectable, le bien élevé, notre
« Oukil à Oran, que Dieu le protège.
M Dieu nous ayant donné mission de veiller sur les intérêts
« des musulmans et de prendre la direction de tous les peuples
u soumis à la loi de notre seigneur Moh'ammed (salut surlui !},
« nous sommes allé dans le désert, non pour nuire aux croyants,
M les combattre , les abaisser, les détruire , mais avec l'intention
« de les instruire dans la loi du prophète, de réunir les divers
« intérêts et d'établir Tordre. Tous ont écouté notre voix , tous
M nous ont obéi et nous ont accepté, autant que cela peut être ,
w pour leur chef. Le fils de Tedjini seul ne nous a pas écouté.
M (Dieu nous préserve de parler et d'agir comme le fils de
«( Tedjini. ) Nous nous sommes trouvé face à face avec ceux
« qui lui obéissaient; ils étaient prêts à combattre pour l'amour
M de Dieu et de son prophète; nous les avons conjurés de se
« réunir à nous, en leur citant les paroles saintes ; tout a été
u inutile. Alors nous avons désespéré de sa conversion ; nous
M avons vu que nous ne pourrions rien gagner de cet homme,
M et que nous ne pourrions lui donner le pardon. Craignant de
« manquer le but que nous voulons atteindre, qui est de réunir
« les intérêts des vrais croyants et de les instruire dans la loi du
H prophète, d'empêcher le mauvais exemple de germer chez les
« autres, de purifier la corruption qui les souille (comme cela
tt est connu des Maures et des Arabes), eux , leurs biens, leurs
M femmes et leurs enfants ; usant alors du droit des conquérants,
« et eux d'ailleurs commençant à nous attaquer les premiers,
«< nous avons autorisé nos soldats protégés de Dieu à les com-
<i battre; la religion me l'ordonnait.
4% D'ALGER A OUARGLA.
» Et lorsqu'ili se sont trouvés face à faoe avec noniy ils se
n sont enfuis , et nous les avons suppliés de nouveau , au nom
a du Dieu puissant; eux, ils ont refusé avec dédain, et lui, le
« fils de Tedjini , nous a dit : Je compte sur mes remparts et sur
« ma ville. Alors nous Tavons bloqué, et nos soldats, sur lesquels
« veillait Dieu , sont arrivés jusqu'à ces remparts. Voyant alors
« que la victoire allait être pour nous , puisque nos mines arri«
« valent jusqu'au pied de leurs murailles, ils out demandé le
•« pardon et l'aman; je leur ai accordé l'un et l'autre, bien qu'ils
« m'aient trahi plusieurs fois. En cela nous avons obéi au Très-
*» Haut, qui a dit : Pardonnez et oubliez! J'espère qu'il me
« tiendra compte un jour d'avoir fait ces négociations , d'avoir
a évité l'effusion du sang des hommes et des enfants, d'avoir
« respecté les femmes; car elles ne se sont pas dévoilées devant
« les hommes. Nous leur avons accordé l'aman à la condition
« de quitter les remparts et la ville , laissant chacun d'eux libre
« d'aller là où il voudrait. .
« Alors ils sont sortis de leurs habitations, et on ne leur a
« point fait de mal; le fils de Tcdjhii a laissé ses femmes, sa
« famille et ses enfants; nous les avons envoyés à El Ar'ouat';
tt lui, est allé dans le]désert. Ainsi , toute guerre, toute discussion
« sont terminées. Je vous écris ces mots de la maison de
a Tedjini , sur la terrasse , décidé à détruire cette ville pour
w l'exemple des autres ; que Dieu nous conserve la victoire et
« nous préserve d'une mauvaise fin. Musulmans, priez Dieu
« pour votre émir; il ne travaille que dans votre intérêt. Ré-
«< jouissez-vous et priez Dieu de le fortifier : croyez en la misé-
« ricorde du Très-Haut et lisez le chapitre du Koran , el Mouedna,
M qui dit que la terre appartient à Dieu et qu'il la donne à la
« créature qu'il chérit le plus.
« Écrit le h'âd au matin, 27 cboual 1254 ( dimanche, 12 jan-
« vierl839). »»
AIN MADl. 43
D^autres proclamations en grand nombre furent
écrites dans le même sens à tous les chefs des tribus
sous l'obéissance de Fémir; mais si elles trompèrent
un moment les populations, le retour précipité du
conquérant à Tak'demt dévoila bientôt sa fraude.
Après les diverses vicissitudes de sa fortune , Tedjini
rentra dans A'ïn Mad'i, en restaura les murailles , et
n^a pas cessé d^y commander tranquillement depuis. Il
jouit dans tout le désert d^une haute réputation de
sainteté. Ce qu^il veut , c'est de vivre tranquille dans son
gouvernement j sans se mêler des affaires de personne
et sans qu'on se mêle des siennes : « car, n écrivait«il
dernièrement à M. le maréchal duc d'isly, (c je suis ohé-
(c rif et marabout'; je ne veux que faire le bien ; je ne
.(( suis pas de ce monde. » Cette abnégation des choses
humaines n'exclut pourtant point chea le marabout'
le courage et Ténergie. Pendant le siège d' A'ïn Mad'i , il
fit proposer plusieurs fois à A'bd el K'ader d'en finir
en combat singulier. L'émir aurait peut-être accepté la
provocation ; (c mais , » lui opposèrent les t'olba et les
marabout' de son camp , « Tedjini est couvert de talis-
« mans et d'amulettes, la partie ne serait pas égale. »
A'bd el K'ader, tout marabout' qu'il est lui-même,
n'osa pas braver les sacrés talismans.
44 D'ALGER A OUARGLA.
TADJROUINA.
Cest un village d'une centaine de maisons, défendu
par une muraille de deux hauteurs d'homme , surmon-
tée de quatre petites tourelles et ouverte par une seule
porte. Tout cela est en assez mauvais état. L'enceinte
elle-même n'est pas continue; sur plusieurs points ,
les maisons, mal appuyées les unes contre les autres,
lui font suite en laissant entre elles des sorties sur la
campagne, mais pai* lesquelles un cheval ne peut point
passer. Dans ce groupe d'un gris sale, trois ou quatre
maisons seulement et la mosquée sont blanchies à la
chaux.
Les habitants de Tadjrouna vivent des fruits de leurs
jardins qu'ils cultivent avec beaucoup de soin , et des
blés du Tell ; ils sont riches d'ailleurs en troupeaux de
bœufs, de moutons et de chèvres. Ils ont pour industrie
particulière de fabriquer des éperons, des mors, des
selles et des objets de harnachement qu'ils vendent aux
tribus voisines.
Le chef du k's'ar et du territoire est nommé par la
djema' ; le chef actuel s'appelle Si T^aïeb el Moulei.
Les Ouled lalc'oub er Raba', qui sont les djouad
( nobles) de la tribu des Ouled la'k'oub , déposent leurs
grains à Tadjrouna.
Ce kVar payait un impôt à l'émir; et nous ferons ici
cette observation générale , que les droits prélevés par
TRIBU DES ARBA\ 45
A^bd el K'ader sur les villages du Sahara étaient de
deux sortes : les ksour qui avaient des dattiers payaient
tant de vêtements de laine , selon la quantité de leurs
arbres; ceux qui n'en avaient pas, payaient , dans les
derniers temps , l'a^chour sur les grains qu'ils allaient
acheter dans le Tell. Cette mesure avait été prise, parce
que les tribus et les k'sour se plaignaient d'exactions
nombreuses commises par les préposés au prélèvement
delaËussa.
TRIBU DES ARE A'.
La tribu nomade des Arba' campe aux environs d'El
Ar'ouatf; elle se divise en trois grandes fractions, subdi-
visées elles-mêmes ainsi qu'il suit :
Fractions. Subdivisions.
( ElSekaska.
El Ma'mera. {
( Ouled Sidi A'ïça.
1 ( Ouled Ouneis.
E,Arba'.|ElH'edjadj. I^^^^^^^^j^
Ouled Da'oud.
V Ouled Salah'.| Ouled A'tïa.
El A'babda.
De temps immémorial et surtout pendant et depuis
les expéditions d'A'bd el K'ader contre A'ïn Mad'i et
46 D'ALGER A OUARGLA.
dans le district d^El Ar'ouatfy ces diverses fractions de la
tribu des Arba^ vivaient en très-mauvaise intelligence;
les unes avaient pris parti pour, les autres contre Tex-
ëmir ; mais depuis la nomination de notre khalifah Sid
Al/med ben Salem , les germes de dissension conunen*
cent à s'effacer. Chacune des trois grandes fractions
obéit à un k'aïd ou cheikh relevant de Sid Ah'med ben
Salem.
L'histoire des Arba' , confiée à la tradition comme
celle de toutes les peuplades du désert, n'existe plus
maintenant qu'à l'état de légende. Nous ne croyons
point cependant devoir négliger ces contes populaires:
dans presque tous le vrai s'y fait jour à travers le mer-
veilleux. Ceci sera notre réponse faite une fois pour
toutes à ceux qui pourraient nous reprocher de les
reproduire ou d'y attacher trop d'importance.
Voici donc ce qu'on dit des Arba'. Ils campaient
autrefois près de Sidi O'kta et y possédaient même des
jardins et des dattiers; mais ils y commettaient toute
sorte d'excès contre les habitants du pays, qui s'en
plaignirent enfin à leur maraboutf Sidi O'k'ba. « Je vais
« demander à Dieu, » répondit le saint homme, (c que les
« Arba' s'éloignent de vous. Je planterai sur le Djebel
« A'mour un piquet où je les tiendrai attachés du côté
w du sud et du côté du nord. » Les Arba' émigrèrent
en effet au pays d'El Allouât', et depuis ce temps-là ,
soit qu'ils se rendent où leur commerce les appelle ,
soit qu'ils aillent fiedre paître leurs troupeaux , ils passent
TRIBU DES ARBA\ 47
par le Djebel A'mour, sans jamais mettre les pieds sur
le territoire des Sidi 0^kl)a.
Leur vie est celle de toutes les tribus nomades du dé^
sert. Ils passent Fautomne sous la tente, aux environs
dEl Ar'ouat', de Tadjemout, de K'sir el H'aïran, d'El
H'aouïta, d'A'ïn Mad'i et d^£l Assafia, où ils déposent
leurs grains. £n hiver, ceux d^entre eux qui font le com«
merce laissent leurs troupeaux et leurs tentes, les
femmfô, les enfants, les vieillards, aulieudu campement,
et vont s^ approvisionner de dattes et de divers objets à
Temaçin , à Ouargla , à Tougourt , et y vendre ou ëchan*
ger leurs produits. Au printemps tous reprennent la vie
nomade et conduisent leurs troupeaux dans le désert ,
presque partout couvert alors d^une herbe appelée
a^cheb. A la fm de Tété , ils vont acheter des grains dans
le Tell.
Les Arba^ vendent aux villes et villages du désert,
des moutons, de la laine, du beurre, etc. Ils re-
çoivent en échange des bemous , des Waïks , des vé*
tements tout d^tme pièce, espèce de longue chemise en
laine , appelée djellaba , qu'ils iront échanger encore
conti*e les blés duTell. Presque tous font, de plus, métier
de louer leurs chameaux aux marchands des grandes
villes Tougourt, Gardaïa, El Ai'^ouatf, etc. Le prix
d'un chameau est de 4 ou 5 boudjous d'El Ar'ouat' à
Gardaïa , c'est-à-dire pour une distance de quarante-
cinq ou cinquante lieues.
Leurs femmes ne font absolument que des tentes en
4S D'ALGER Â OUARGLA.
poil de chameau , des vêtements de laine qu^elles tei
gnent en noir avec du sebr'a, et des sacs à porter des
fardeaux , appelés r'eraïer.
Comme presque toutes les femmes des tribus no-
mades, elles vont la figure découverte.
Les Arba' sont très-braves et peu soucieux d'éviter
des rencontres à main armée ; car, nous disait Fun d'eux,
« nos fusils sont longs. » Ils mettent un grand luxe dans
leurs armes : tous leurs chefs ont deux fusils, Fun de
guerre, l'autre de parade; l'un simple et sûr, l'autre
enjolivé de corail et monté en aident. Leur vie est aven-
tureuse, et d'ailleurs leur instinct violent et pillard
les met trop souvent en contact avec d'autres tribus,
pour ne pas leur avoir fait des ennemis nombreux.
La question du premier occupant pour une source
ou pour un pâturage les met souvent en querelles, tou-
jours vidées à coups de fusil, avec les Ouled la'k'oub,
les H'arar, les Chamba', les Mekhadma, les el Ar'ouatf
K'sal, les Ma'ka de l'ouest du Djebel A'mour, qui, eux
aussi, courent la même partie du Sahara à la même
époque.
TRIBU DES A'R'AZLIA. 49
TRIBU DES A'R'AZUA.
La tribu des AVazlïa campe dans le quadrilatère
compris entre Sidi Khaled, Tougourt, les Béni Mzab et
El Ar'ouat'.
Elle se divise en deux fractions principales qui sont
les :
Ouled Sidi Seliman.
Ouled Sidi la'hla.
Elle ne possède que des chameaux et des moutons.
Les chefs seuls, et les plus riches, ont des chevaux, une
cinquantaine au plus.
Les AVazlïa mènent la vie nomade une partie de
Tannée , et après la récolte des dattes, ils vont s'en ap-
provisionnera Temaçin et Tougourt, pour aller ensuite
les vendre à Djebel SaWari, Djebel A'mour , El Ar'ouat',
et chez les Béni Mzab, contre des vêtements de laine ou
des objets de première nécessité.
Comme les Arba', ils louent leurs chameaux aux ha-
bitants des k'sour pour les transports des denrées ou
des marchandises.
Les AVazlïa sont plutôt portés au commerce et à la
paix qu'à la guerre ; cependant ils ne reculent pas de-
vant la nécessité de la faire. Us sont braves au besoin ,
mais peu querelleurs de leur nature.
Leurs femmes, qui passent pour très-belles, sont fort
4
60 D ALGER A OUARGLA.
débauchées ; beaucoup d'entre elles vont se prostituer
à Tougourt, à El Ar'ouatf et dans les autres villes et
k'sour du désert.
TRIBU DES OULED SIDI ATALLAir.
Les Ouled Sidi At'allah' sont une petite tribu de ma-
rabout/ qui campe ordinairement dans les environs de
Tadjemout^ où quelques-uns ont des maisons, et où tous
déposent leurs grains.
Les marabout/ et les tombeaux de leurs ancêtres
s'élèvent au nord et très-près de Tadjemout, sur un pe-
tit mamelon : ils y vont tous les ans Êdre leurs prières
eu grande pompe.
Les Ouled Sidi At/allah' n^ont pas plus de cinquante
chevaux et une centaine de tentes.
Ils possèdent des moutons et des chameaux qu^ils
louent, comme toutes les autres tribus du désert, aux
marchands des k'sour et des villes.
Leurs che& principaux se nomment Si K'ouïder ben
Moh'ammed et Si Boubeker ben lah'ïa.
D'ALGER A OUARGLA. 51
SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A OUARGLA.
lieaei.
16« jour en partant d*El Ar'ouat' on va à Ras Nili, la
source du Nili sur une chaîne de mamelons de
sable (A'reg), appelée Chebka Mla' el Ar'ouat'.
Chebka veut dire proprement filet ; nous le re-
trouverons souvent employé dans une signifi-
cation figurée , pour représenter un ensemble
de mamelons capricieusement croisés comme
les mailles d'un filet. Le Chebka Mta' el Ar'ouat'
porte encore le nom de Ras el Feïad, parce
que de son versant s'écoulent pendant Thiver
une foule de petites rivières alimentées par les
eaux pluviales , et à sec pendant les deux tiers
de Tannée. On a voyagé dans le sable
17« . . . on suit rOued Nili jusqu'à Safi el Feiad; — pays
de sable. 9
18* ... au pied du Djebel Mazedj, montagne rocheuse et
très-élevée, appelée aussi Chebka Mta' Reni
Mzab; elle s'étend vers l'ouest en s' abaissant
graduellement jusqu'au méridien de Timimoun,
où elle se termine en A'reg ; — pays de sable. 9
19* . . . à un puits nommé Ranloh'; on a marché entre les
contre^'orts rocheux et broussailleux du Djebel
Hazedj , que l'on a traversé du nord au sud. 9
20* ... de Ranloh' à Gardaïa; on a marché entre des
mamelons. 4
Total d'El Ar'ouat' à Gardaïa 40
52 D ALGER A OUARGLA.
Arrivés à Gardaïa, et avant d'aller plus loin , nous fe-
rons connaître en entier la circonscription des Béni
Mzab.
CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB.
Les Béni Mzab forment, au milieu des populations
du désert , une nation à part qui se distingue par la sé-
vérité de ses inœui^s , son langage particulier, sa probité
proverbiale , et par quelques modifications dans ses
pratiques religieuses , bien que sa religion soit la musul-
mane.
Il serait hors de notre sujet d'ajouter une page, sans
doute inutile , à toutes celles où Ton a déjà discuté les
origines probables des peuplades du Tell et du désert
semées au milieu des tribus arabes. Ce point de la
science ne pourra s'éclaircir sans doute que par le rap-
prochement des idiomes et la découverte des filiations;
ces données manquant encore presque absolument.
Un vieux juif très-intelligent, et savant de cette science
d'expérience que donnent les longs voyages et les re-
lations de commerce, nous a dit que les Béni Mzab
prétendent descendre des Moabites ; il serait difficile
d'appuyer ici la tradition de preuves authentiques. Con-
statons toutefois que les Beiii Mzab sont ti*ès-blancs ;
beaucoup ont les yeux bleus et les cheveux blonds.
CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB. 63
Leur langue 9 qui s^ appelle le mzabïa, semble être un
dialecte de la langue berbère.
Les chefs et les gens riches en contact habituel avec
les tribus nomades parlent cependant Tarabe , et tous
font leur prière en cette langue , que Ton enseigne dans
les écoles.
Les Béni Mzab sont mahométans, mais khouaredj
(sortants 9 schismatiques ).
11 existe 9 pour cette raison sans doute , entre eux
et les Arabes une haine traditionnelle , mal déguisée
par les relations de pur intérêt qui les unissent. Dans le
désert comme dans les villes du littoral, une foule de
contes populaires signalent les Béni Mzab au mépris des
vrais croyants. Quand ils sont morts, il leur pousse des
oreilles d'âne ; ils n^ auront qu'un cinquième dans les
joies du paradis , etc. Nous avons dû rechercher l'ori-
gine du schisme des Mzabit, et voici ce que nous avons
trouvé dans l'ouvrage du savant Sidi Khelil , un des
t/olba musulmans les plus vénérés. Nous traduisons
textuellement :
« Les khouaredj ont transgressé les préceptes de Sid A'ii; ils
« habitaient H'aroura, petite ville dépendante de K'oufa, dont
« elle n'est éloignée que de deux milles.
« Les khouaredj n'ont changé que quelques préceptes; ils
»« ont qualifié d'impiété tout péché.
« Les Béni Mzab en général et quelques habitants de Djerba
« (royaume de Tunis) appartiennent à cette secte.
u Ils sont désignés khouaredj, parce qu'ils sortent du Medheb
« H'all Senna, du chemin des gens qui suivent les préceptes du
64 D'ALGER A OUARGLA.
« prophète , c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent à asacune des
« quatre sectes autorisées :
« El Maleki.
« El H'anafi.
« El Chefa'ï.
« El H'anbeli.
« Les Béni Mzab s'appellent ainsi piurce que la terre qu'ils
« habitent s'appelle Mzab, ou peut-être mieux encore parce
« qu'ils ont sur cette terre une rivière qui porte ce nom.
M 11 ne faut pas croire cependant que tous ceux qui habitent
« la terre des Mzab ou de Djerba soient khouaredj ; car on
« trouve chez eux des gens qui suivent les préceptes de notre
«t seigneur Moh'ammcd ; ceci a été démontré et prouvé par les
«t paroles du cheikh el Djouhari, qui a dit :
u Les Imam des gens de Djerba connus pour khouaredj ne
u sont point valables , et leur témoignage ne peut être accepté
« en justice. Ne faites point d'alliance avec eux; il y a même des
« gens très-respectables qui m'ont assuré qu'un homme de
M Djerba, reconnu khouaredj, étant mort dans le Soudan, sa
tt tête s'était changée en tête d'âne.
A Ils ne sont point de la secte de Malek, quoiqu'ils prétendent
» en être, en s'appuyant sur ce qu'ils habitent les pays de l'oUest ;
" mais dans le cœur, ils ne suivent ni la secte de Malek ni les
« autres ; ceci est prouvé par leurs actes. »
Il résulte de l'opinion de Sidi Khelil que ce qui carac-
térise les khouaredj , c'est qu'ils appellent infidèles, et
repoussent comme ayant fait scission avec la loi , tous
ceux qui commettentdespéchés, tandisque lescroyants,
plus indulgents pour les pécheurs , admettent que les
révoltés contre Dieu peuvent rentrer dans sa grâce;
CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB. 56
qu^ilg diffèrent des autres sectes dans la pratique du
culte; qu'en un mot^ ils n'admettent point laSenna^
mais seulement le Ferd y ou cette partie du Koran re-
gardée comme de révélation divine , comme donnée
par Dieu.
C'est sans doute pour la raison que les Béni Mzab
foiment une cinquième secte , qu'ils sont ironiquement
désignés parles Arabes sous le nom de Kliamsïa^ qui
veut dire les cinquièmes. Cette qualification a pris le
caractère d'une injure tellement grave que, chez eux ,
Us puniraient de mort tout individu qui les appellerait
Khamsïa.
Quoi qu'il en soit , les Béni Mzab sont beaucoup plus
sévèrement religieux que les Arabes ; ils ont pour la
prière des vêtements particuliers que ne souillent point
les pratiques de la vie habituelle; ils jeûnent , prient et
font leurs ablutions exactement.
Leur pureté de mœurs est poussée jusqu'au rigo-
risme : ce sont les puritains du déseit. Ils peuvent, il est
vrai, épouser quatre femmes, mais, contrairement aux
habitudes du Sahara, ils les cachent soigneusement aux
yeux de tous. Un fils ne peut voir que sa mère, un frère
ne peut voir sa belle-sœur ; sortent-elles, elles se voilent
entièrement, et de manière à ne laisser paraître qu'un
œil* L'adultère est lapidée; son complice paie une
amende très*forte , reçoit cinq cents coups de bâton, et
est banni du pays.
Religieux observateurs de la foi donnée, ennemis
66 D'ALGER A OUARGLA.
jurés du mensonge , ils mourraient de faim auprès du
dépôt qui leur est confié; un Béni Mzab vous a dit :
« Dieu soit avec vous ! » Dormez tranquille, il veille.
Généralement très-sobres, ils ne mangent que des
mets préparés chez eux et par eux ; ils ne prisent ni ne
fument, c'est un péché. Ils ont Fivresse en telle horreur
que, si quelque juif vient à s'enivrer, des perquisitions
sont faites dans sa maison ou même chez tous ses core-
ligionnaires ; les jarres de vin et d'eau-de-vie de figues
(ma'ia) sont brisées sur la place publique.
Si une juive se livre à la prostitution, elle est honteu-
sement bannie.
Il est assez remarquable que les Béni Mzab , une fois
sortis de chez eux , oublient si complètement lem* édu
cation nationale, qu'il serait fort difficile d'en retrouver
les traces chez nos Mzabit d'Alger et des villes du litto-
ral. Ceiix-ci sont ivrognes et débauchés à l'excès ; aussi
sont - ils complètement désavoués par leurs compa-
triotes. Quand iils sortent de leur pays, ils sortent de leur
religion ; ils sont oubliés comme des morts ; leurs fenunes
peuvent se remarier; et pour rentrer chez eux, ils sont
forcés de faire amende honorable , de subir une expia-
tion : ils se coupent soigneusement les ongles des mains
et des pieds; ils se purifient dans de la graisse chaude ;
ils se lavent de la tète aux pieds; ensuite, les mains
croisées sur la poitrine, ils se rendent auprès du cheïkh
Baba et l'abordent en lui disant :
Jna men Allah ou men eil Taïebin (Je suis des gens
CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB. 67
de Dieu et des gens qui s^amendent). Le cheikh Baba lit
sur eux le fath'a, leur donne le pardon et ils rentrent
seulement alors dans la vie commune.
Comme au milieu de tous les grands centres de po-
pulations du désert^ quelques juifs se sont glissés dans
le pays des Béni Mzab, et là^ plus qu^ ailleurs , ils trou-
vent une tolérante hospitalité ; à la seule condition , mais
à la condition rigoureuse, de se conformer aux lois du
pays et de respecter les habitudes de leurs hôtes , ils
jouissent d'une liberté d'action complète. Ils ont leur
synagogue, leurs rabbins, leurs écoles; il leur est per-
mis de s'habiller à peu près comme les Béni Mzab, mais
pour signe distinctif, ils ne portent point le h'aïk et sont
forcés de se rouler un mouchoir noir autour de la tête.
Ils ne peuvent pas non plus monter à cheval ; comme
partout ils sont marchands^ cardeurs de laine, teintu-
riers et orfèvres.
Cette tolérance est d'autant plus inexplicable qu'elle
ne s'étend point aux Arabes. L'intérêt seul est le lien
qui semble unir les tribus de la tente et les Béni Mzab,
et si dans le désert un Béni Mzab est respecté, c'est que
s'il était insulté, les marchés de la ville seraient fermés
à la tribu d'où partirait l'msulte. L'an dernier les chefs
de Gardaïa ont expulsé quarante familles arabes de leur
ville, en leur signifiant que, pour y acquérir le droit de
bourgeoisie, elles devaient se faire Béni Mzab ; et s'il
arrive, ainsi que cela s'est vu quelquefois, qu'un Arabe
consente à cette abjuration , il est obligé de faire une
58 D* ALGER A OUARGLA.
profession de foi nouvelle entre les midns du cheikh
Baba : encore n^ est-il jamais considéré comme pur Mza*
bit ; sa postérité ne jouira même de ce privilège qu'à la
quarantième génération.
Voici bien des traits caractéristic[ues d'une organisa-
tion gouvernementale et religieuse, curieuse à étudier.
Malheureusement il nous manque, pour en tirer des
conséquences , des documents précis sur l'origine de
ce peuple singulier.
Le pays des Béni Mzab s'étend depuis El Guerara à
l'est, jusqu'à Metlili à l'ouest, et depuis le Chebka Mta'
Béni Mzab, jusqu'à une ligne indéterminée à moitié
chemin d'Ouargla à Gardala. Il est, dans sa partie nord,
tourmenté de ravins et de montagnes rocheuses et très-
escarpées, où se trouvent, dit-on, des mines de cuivre
et d'or.
Les villes principales de la confédération des Béni
Mzab, sont :
Gardaïa.
Mellika.
Bou Noura.
Béni Isguen.
El A'tef.
Berrïan.
El Guerara.
GAftDAIA. 50
GARDAIA.
Gardaïa, sur la rive droite de TOued Mzab, est situëe
par 0"* 20 longitude ouest, et 33** 25 latitude nord envi-
ron; c'est une ville presque aussi grande qu^ Alger. Sa
muraille d^ enceinte est crénelée et défendue de distance
en distance par neuf tours également à créneaux et qui
peuvent contenir de trois à quatre cents combattants.
Elle est entourée de petits pics appelés kaf. Une
chaîne de montagnes rocheuses, nommée Djebel Ma-
zedj, lui fait face à douze lieues au nord, court vers
l'ouest par une succession de mamelons de moins en
moins élevés, jusqu'à huit jours de marche au delà de
Timimoun, et va mourir dans les sables.
Gardaïa a dix portes, dont les principales sont :
Bab el Brabechia.
Bab Salem ou Â'ïça.
Bab Errehi.
Bab el Djedid.
Bab Ouled Naïl.
Bab el Mer'rara.
Bab el Kharadja.
Bab el H'Stouch.
Les maisons de Gardaïa sont bien construites et blan-
chies à la chaux. On y remarque six mosquées dont l'une
est immense. Les cimetières sont en dehors des mu-
railles. D'immenses vergers , arrosés par des puits dont
quelques-uns ont de cent à cent cinquante brasses de
60 D'ALGER A OUARGLA.
profondeur, entourent la ville. On y cultive la vigne, les
figuiers de Barbarie, les pêchers, les abricotiers, les
pommiers, des lëgumes de toute espèce. 11 est remar-
quable qu'on n'y trouve ni oranges ni citrons, mais
seulement des limons.
Le terrain des environs est montueux et raviné. Les
montagnes principales sont :
Bou Ziza.
Bou H'amid.
Bin Djebelin. \ ,, . j i
^ , •* , , } Montagnes de roches.
Baba Sa*d. ^ ^
Baba ou El Djema'.
Sidi A'ïça.
La rareté des pluies y rend presque nulle la culture
des céréales ; mais il suffit qu'il pleuve une année en
temps opportun et en abondance, pour que la terre en
produise, pendant deux ou trois ans de suite, en quan-
tité suffisante à tous les besoins.
Les approvisionnements ordinaires d'orge et de blé
se font dans le Tell.
Gardaïa est administrée par une assemblée nationale,
composée de douze membres , présidée par un chef
suprême. Il ne peut rien décider toutefois , sans avoir
pris l'avis du chef de la religion, qui s'appelle cheikh
Baba et dont la parole a force de loi , non-seulement
à Gardaïa, mais dans toutes les autres villes du district.
Ce gouvernement est donc à proprement parler
théocratique.
GARDAIA. 61
Les juifs ont , à Gardaïa , un quartier à part , appelé
Âzkak ei llioud; ils y vivent aux conditions dont
nous avons déjà parlé. Le chef de leur religion prend
le titre de cheïkh. Us ont une synagogue.
Les objets de fabrication indigène sont peu impor-
tants. Les femmes tissent des étoffes de laine : gan-
doura, bemous, h'aïk, etc. Les juifs y sont orfèvres,
armuriers, mais seulement capables de réparer les
armes , serruriers , etc.
11 s^y fabrique aussi de la poudre, mais en petite
quantité.
La ville est donc oWigée de vivre du commerce
qu'elle fait avec l'extérieur et dont les objets principaux
sont:
Huile, qui vient de Bou Sa'da.
Blé et orge, du Tell.
Fèves, qu'ils récoltent.
Beurre , qui vient des Arabes.
Alun et henna , apportés de Touest.
Nègres.
Kermès.
Peaux tannées , nommées filali , qui viennent de
Touest.
Chaussures.
Épiceries.
Poteries.
Cotonnades, qui autrefois étaient tirées de Tunis,
et qui sont maintenant tirées d'Alger.
Les Arabes qui déposent leurs grains à Gardaïa sont :
Les Ouled la'k'oub.
6t D'ALGER A OUARGLA.
Les Sa'ïd A'teba.
Les Mekbadma.
Tout auprès de Gardaïa sont les ruines d^une ville
immense que les indigènes appellent Baba Sa^d. Elle
était située sur une montagne. Ce n^est plus qu'un
péle-méle de pierres de taille bouleversées ; cependant
on y remarque encore des bassins et des damiers ^ nous
disait le Mzabitque nous avons interrogé. De nouvelles
questions nous ont amenés à découvrir que ces damiers
étaient des mosaïques. Cest là sans doute encore le
vestige d'une de ces villes romaines que le temps a
oubliées dans le désert.
MELUKA.
Mellika, ville de deux à trois cents maisons, sur la
rive gauche de F Oued Mzab, au sud de Gardaïa, est bâtie
sur une montagne appelée Sidi A'ïça ou El A'rgoub.
Elle est entourée d'une muraille défendue par deux
tours. Elle a trois portes :
Bab el A'rgoub.
Bab el A'trach.
Bab el H'amidoUé
Les tribus qui y déposent leurs grains sont des frac-
tions des Ai'ba' et des Chamba.
BENI ISGUEN. «3
Elle s'administre par nue djenia' sous les ordres de
celle de Gardaïa.
Mellika est la ville sainte des Béni Mzab; le mara-
bout' le plus vénéré du pays , Sidi A'ïça, y est enterré,
et son tombeau attire une foule de pèlerins.
Elle a trois mosquées | dont une assez vaste. On p'y
trouve point de juifs.
BOU NOURA.
Bou Noura est à 400 mètres plus au sud ; c'est la
plus petite ville des Béni Mzab ; elle a pourtant son
enceinte surmontée de quatre tours. Ses trois portes se
nonunent :
Bàb el Sour.
Bab Béni Isguen.
Bab Mellika.
Elle est gouvernée par une djema' sous les ordres de
celle de Gardaïa. Peu de tribus y déposent leurs grains.
Ses habitants cultivent, sous ses murs, quelques jar-
dins peu fertiles.
BENI ISGUEN.
Béni Isguen est à 600 mètres au sud de Bou Noura,
sur la rive droite de TOued Mzab. Cest une ville un peu
moins grande que Gardaïa, mais plus solidement bâtie«
64 D'ALGER A OUARGLA.
Elle est entourée d'un rempart surmonté de cinq tours.
Ses portes se nomment :
Bab Entissa.
Bab el R'arbi.
Bab el K'obli.
Les Mekhadma y déposent leurs grains.
EL A'TEF.
El A'tef est^ au sud, à 600 mètres de Béni Isguen;
c'est une ville de cinq ou six cents maisons, entourée
d'une enceinte garnie de tours.
Elle a trois mosquées et deux portes.
Les Mekhadma et les Béni A'ilal y déposent leurs
grains.
BERRIAN.
Berrïan est à neuf lieues est de Gardaïa ; c'est un
village de deux cent cinquante à trois cents maisons ,
entouré d'une enceinte crénelée. Ses jardins sont arro-
sés par des puits. 11 y a des écoles et des mosquées.
Les Mekhalif et les Ouled lahïa y déposent leurs
grains.
GUERARA. 65
GUERARA.
Guerara est à Test de Gardaîa , et à deux jours de
marche sur FOued Ser'rin , qui vient du Chebka Mta^k
el AVouat'. C'est une \ille un peu moins grande que
Gai*daïa ; elle est entourée d'une enceinte très-élevée,
et percée de trois portes , qui sont :
Bab el R'arbi.
Bab el Cherki.
Bab el Oued.
Entre Gardaîa et Guerara le terrain est pierreux;
cependant on trouve auprès de FOued en-Nça des
cèdres et des bethom ( térébinthes ).
Les jardins de Guerara sont remarquables par leur
étendue et leur fertilité ; des puits assez nombreux per-
mettent de les arroser fréquenunent.
Cette ville était autrefois sous la dépendance de
Gardaîa ; mais, depuis longtemps déjà, elle se gouverne
elle-même par une djema'.
On y a constaté la présence de quatre Européens :
trois Espagnols et un Français qui se dit officier, et qui
s'appelle El H'adj loucef.
Les tribus qui déposent leurs grains à Guerara sont :
Les Mekhalif.
Les A't'atcha.
Ouled A'mer. ) , . , .
^ , j ^ . > Fractions des Arba .
Ouled Ounais. )
5
M D'ALGER A OUARGLA.
El AVazUa.
Ouled Seiab'.
H'all raïbat.
Ouled Sidi Bd K'assem.
La confédération des Béni Mzab est un centre où
viennent afHuer toutes les tribus du désert; selon ses
besoins, chacune y vient acheter ou vendre.
Celles qui fréquentent le plus habituellement les
marchés des Béni Mzab sont :
El Keraîch.
Ouled Lek'red.
Ouled Cherif.
H'alouïa.
Flitla.
El H'arar.
El H'adjalat.
El A'mour.
Ouled Sidi Cheikh.
ElAVouftfK'sal.
Ouled Zïad.
Ouled Naïl.
H'all Bou Sa'da.
Ouled Sidi Zian.
Ouled Sassi.
Ouled H'arkat.
Ouled Armera.
Embarka ou A'bid Allah'.
El A'r'azlïa.
El Arba\
Ouled Iak'oub.
GUERABA. 67
Said.
El Mekhadma.
Cbambet Bou Rouba.
El Medabeh'.
El Mekhalif.
Ouled lah'ïa'.
Ouled Seïah'
Said Ouled A'mei'.
Ouled Moulât.
Selmïa.
Ouled Sidi Bel K'assem.
A'rba'ïa.
H'all N'efta.
H'all Ouargla.
H'all el Oued.
H'all es-Souf.
H'all Tougourt.
H'all Temacin.
H'all Gourara.
H'all Kela'.
Touareg,
El AYouat'.
A"m Mad'i.
Tadjemout.
K'sir el H'aïran.
Ouled Mokhtar ben A'ouda.
Rah'man.
El Mefatah'.
Douaïr.
Ces tribus apportent aux Béni Mzab ;
Des laines en quantité.
68 D'ALGER A OUARCLA.
Du blé, deVorge.
Beurre de brebis.
Moutons.
Chevaux.
Anes.
Quelques bœufs.
De rbuile.
Des peaux tannées.
Nègres.
Henna.
Alun.
Poudre.
Dents d'éléphant.
Poudre d'or.
Plumes d'autruche.
Glands doux.
Fèves, pois chiches.
Chachia.
Ceintures.
Chaussures.
Indiennes.
Cotonnades.
Soies.
Du drap en quantité.
Épiceries.
Mercure.
Armes.
VeiTotcrie.
Coutellerie.
Un peu de sucre.
Un peu de kermès pour teinture.
Garance.
Dattes.
GUERARA. 69
Acier.
Fer.
Tapis.
Des gazelles, des lièvres, du gibier vivant.
Des autruches vivantes , etc.
11 y a peu de temps encore que la plupart de ces
marchandises étaient appoitées de Tunis. Elles com-
mencent à venir d'Alger ; et il est probable que plus nos
rapports deviendront directs avec la première zone du
désert , nos routes étant d'ailleurs plus sures que celles
de Tunis j plus nous accaparerons tout le commerce des
Béni Mzab.
Les germes d'irritation qu'A'bd el K'ader a laissés
dans le désert, et particulièrement chez les Béni Mzab ,
les ont à jamais éloignés de lui , et disposés peut'^ti'e
à établir avec nous des relations sur lesquelles ils pour-
raient compter un jour, en cas d'une nouvelle incur-
sion de l'émir dans le sud. Quand A'bd el K'ader fai-
sait le siège d'A'ïn Mad'i, il écrivit aux Béni Mzab, pour
leur ordonner de reconnaître son gouvernement , et de
se soumettre à lui ; cai*, ajoutait-il. Dieu m'a donné la
victoire , il m'a choisi ; tous les musulmans doivent me
reconnaître. Il terminait en menaçant, s'ils ne se sou-
mettaient pas , de faire couper la tète à tout Mzabit qui
tomberait entre ses mains.
Les Béni Mzab lui répondirent :
« Nous ne sortirons pas du chemin qu'ont suivi nos
« ancêtres; nos voyageurs, nos commerçants te paie-
70 D'ALGER A OUARGLA.
« ront, dans les pays qu ils traverseront, les droits ou
(( tributs qu'ils payaient aux Turcs , mais nous ne te li-
« vrerons jamais nos villes^ et le jour où tu viendras
(( avec tes canons et tes bataillons , nous abattrons les
(( remparts de nos villes , nous te le jurons, pour que
« rien ne sépare les poitrines de nos jeunes gens des
« poitrines de tes soldats ; tu nous menaces de nous
(c priver des grains du Tell, mais nous avons pour
« vingt ans de provisions de poudre et de dattes , et
« nous récoltons ce qu'il nous faut à peu près de blé
« pour vivre. Tu nous menaces de faire mettre à mort
« tous les Béni Mzab qui habitent tes villes ; tue-les si
« tu veux, que nous importe ! Ceux qui ont quitté notre
« pays ne sont plus de nous ; fais plus , écorche-les ; et
« si tu manques de sel pour conserver leurs peaux, nous
« t'en enverrons en quantité.
«' Tout ce que tu as dans les mains, apporte-le. »
A'bd el K'ader fut violemment irrité de cette réponse
noblement orgueilleuse , mais il dissimula son ressenti-
ment jusqu'à son retour à Tak'dim. Une fois dans le
centre de son gouvernement, il donna l'ordre d'incarcé-
rer immédiatement tous les Béni Mzab qui se trouvaient
à Médéa, Miliana, Taza,Bor'ar, Maskara, Tak'dim, etc.
Les motifs qu'il donnait de cette mesure arbitraire
étaient que les Béni Mzab avaient envoyé des se-
cours àTedjini, pendant le siège d'A'in Mad'i; qu'ils
avaient des intelligences suivies avec les chrétiens
D'AliGliR A OUARGLA. 71
d'Alger et d'Oran, enfin, qu'ils n'étaient que des mu-
sulmans schismatiques.
Il n'osa pourtant pas pousser plus loin une vengeance
dont le véritable motif, si bien déguisé qu'il fût , n'était
point inconnu , et il se vit contraint par l'opinion pu-
blique , de rendre la liberté à ses prisonniers ; ce qu'il
ne fit toutefois qu'après les avoir frappés d'une amende
qui les réduisit tous à la mendicité.
SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A OUARGLA.
lt«MM<
21« jour on traverse Béni Isguen et El AHef en laissant
rOued Mzab sur la gauche , et Ton arrive à
un puits nommé El Noumerat; c'est le seul
endroit sur la route où l'on trouve de Teau ;
on a fait treize lieues dans les sables 13
22" . . . à A'reg Mta* Gourfan , petit mamelon de sables. 13
23* ... à Khou el A' trous (le Frère du Bouc) , mamelons
de sables 13
24* . . . pendant onze lieues on marche encore dans le
désert, et Ton arrive au pied des montagnes
qui cachent Ouargla, et que Ton appelle
Cha'bet el Meh'al, Sur le versant nord se trou-
vent les ruines d'un village abandonné, nommé
Bamendil. Leur versant sud est planté de dat-
tiers , Ouargla est à deux lieues en avant ; cette
journée est donc de treize lieues 13
Total 52
72 D'ALGER A OUARGLA.
BiCAPITVLATIOir DE Là ROUTE d'aLGEB A ODABGLA.
Ueues.
d'Alger à El AVouatf 107
de El AVouat' à Gardaïa 40
de Gardaïa à Ouargla 52
Total général 199
OUARGLA.
Du sommet aride et nu de Chabetel Meh'al, le voya-
geur a sous les pieds une forêt de dattiers , échelonnée
sur le versant sud de la montagne, et qui, gagnant la
plaine, s^étend jusqu^à une lieue plus loin dans un sol
marécageux.
A mesure qu'on s'avance , la physionomie devient
différente : les dattiers sont moins pressés , des arbres
fruitiers de toute espèce leur disputent le terrain , et
des carrés de culture annoncent Facûon de la main
de Fhomme.
Dans le centre à peu près de cette forêt devenue jar-
din, une muraille crénelée, couronnée de quarante
forts à, deux étages , en terrasses , crénelés eux-mêmes ,
enceint un immense périmètre, coupé de jardins inté-
rieurs, semé de cinq ou six cents maisons blanchies au
plâtre, que dominent trois mosquées et une k'asbaW;
c'est Ouargla,
Ouargla est située par 31 ® de latitude nord et 0", 25'
OUARGLA. 73
longitude ouest , à cent quatre-vingt-dix-neuf lieues
d'Alger, et à cinquante-deux du pays des Béni Mzab.
Comme Tougourt , elle est protégée par un fossé paral-
lèle à sa muraille d'enceinte, et que l'on peut à volonté
remplir d'eau.
Elle a six portes :
Bab el Rebïa.
Bab Baba Ah'mcd.
Bab Rebah'.
Bab Bou Isaak'.
Bab A'mar.
Bab A'zi.
Chacune d'elles s'ouvre en face d'un pont en maçon-
nerie jeté sur le fossé.
Au milieu des jardins extérieurs de la ville , vient
mourir l'Oued el Mïa (la rivière des Cent) , que l'on ap-
pelle ainsi parce qu'elle reçoit, dit-on, cent rivières sur
sa route. Elle vient de Djebel Baten , à quatre jours de
marche N.-E. duTidikelt.
Malgré ces nombreux affluents l'Oued el Mia n'a d'eau
qu'eu hiver; son lit est très-large, et c'est pour cette
raison sans doute qu'elle est à sec pendant tout l'été ;
il suffit cependant d'y creuser à une très-petite profon-
deur pour y trouver de l'eau.
Ouargla , ainsi posée sur un sol marécageux , est vive-
ment affectée de fièvres pendant les mois de mai et
d'octobre; quand les pluies cessent et quand elles com-
mencent. Ces fièvres ne sont toutefois dangereuses
74 D ALGER A OUARGLA
que pour les étrangers; là, oomme sur beaucoup d^au«
très points, elles sont rarement mortelles pour les
indigènes.
Ouargla ne possède pas de sources; elle est fournie
d^eaux par des conduits qui les prennent dans les jardins
extérieurs, et vont, en passant sur les ponts , alimenter
des bassins publics.
La ville est divisée en trois quartiers appelés du nom
des habitants.
Béni Siçin.
Béni Ouakeïr.
Béni Brahim.
Chaque quartier a sa mosquée, ses écoles (medeasa)
où des 'lolba enseignent aux enfants la lecture , l'écri-
ture et la religion. Les maisons sont généralement assez
mal construites en briques crues et en pierre ; il semble
au reste que ce soit là le moindre souci des habitants ,
car le minaret de Tune des trois mosquées , celle des
Béni Brahim , est à peu près en ruine , et la k^asbah', qui
autrefois avait ses jardins, ses écuries, ses prisons, ses
bassins , sa mosquée , est elle-même dans un tel état de
délabrement qu'il y reste à peine un logement pour le
sultan.
Bien que les habitants des trois quartiers d' Ouargla
semblent former trois familles très-distinctes, tous
obéissent ordinairement à un chef suprême , qui prend
le nom de sultan , et qui est élu par la djema\
Nous avons déjà parlé souvent de la djema' , ou as*
OUARGLA. 75
semblée des notables ; nous la retrouverons dans presque
toutes les villes du désert ^ mais toujours plus ou moins
soumise à un maître absolu et même héréditaire. A
Ouai^la au contraire , c'est la djema^ qui est le véri-
table pouvoir exécutif; elle se composç de douze mem-
bres dont chaque quartier fournit un tiers , et si elle se
nomme un chef, elle peut aussi prononcer sa dé-
chéance; au reste, elle s'en passe assez volontiers, et
c'est le cas présent ; elle gouverne alors elle-même le
pays.
Ouargla se prétend la ville la plus ancienne du désert ;
si Ton en croit la tradition, voici en quelle circon-
stance fut él^ son premier sultan. Jusque-là elle s'était
administrée tant bien que mal et sans forme précise
de gouvernement ; mais le désordre et la rivalité des
grands l'ayant jetée dans l'anarchie, les paitis s'égor-
geaient , et l'on convint enfin de se donner un chef. Le
prendre dans la ville c'eût été blesser trop de suscep-
tibilités, soulever trop de haines, ne rien consolider
pour l'avenir ; il fut convenu qu'on demanderait à
l'empereur de Maroc d'envoyer un chérif , un descen-
dant du prophète , devant lequel toutes les ambitions se
tamdent, et qui serait nommé sultan. Contre toute at-
tente, l'empereur refusa ; c'était une raison de plus pour
insister, et les gens d'Ouargla firent offrir à Sa Majesté
le poids en poudre d'or du prince qu'elle voudrait bien
leur donner ; le marché fut conclu.
Le sultan y accu^i par tous, fut logé dans la k'as-
76 D'ALGER A OUARGLA.
baW, et « pour qu'il ne vécût pas du bien des pauvres^
(f et ne fut pas forcé de piller pour vivre , on lui donna
(c autant de jardins qu'il y a de jours dans Tannée. »
Ce premier sultan et ses enfants furent bons princes ;
mais^ plus tard, ^ famille s' étant considérablement ac-
crue ^ les ambitions rivales ramenèrent Fanarchie; peu
à peu d'ailleurs les sultans avaient aliéné et vendu les
jardins que Ton avait donnés à leurs ancêtres. Devenus
pauvres, ils furent déposés, et la ville, ou plutôt la
djema' s'en nomma de nouveaux.
La race des Cherfa, autrefois princes d'Ouai^la,
existe encore ; l'an dernier même , un de ses membres
fut élu sultan ; mais il oublia bientôt la sévère leçon
qui avait été jadis donnée à sa famille : « Il mangeait
« impudemment le bien des pauvres, et se laissait aller
« à toute sorte d'excès ; » aussi fut-il déposé après quatre
mois seulement de règne.
La déposition d'un sultan se fait avec tous les égards
dus à la dignité déchue, sans formes brutales, et conune
par une convention tacite sanctionnée par l'usage; à
l'heure où la musique du sultan joue, c'est-à-dire aux
heures des prières , un des membres de la djema' fait
signe aux musiciens de se taire. Il n'en faut pas davan^
tage, le sultan a compris, il n'est plus que simple par-
ticulier , et il rentre dans la vie commune.
Le sultan d'Ouargla n'a plus, comme autrefois, un
domaine particulier; chaque quartier de la ville défraie
tour à tour sa maison ; de plus , il lui est annuellement
OUARGLA. 77
alloué 1 80 saâ de dattes ( le saâ est une mesure variable
de quarante à cinquante livres ). Au moment de la récolte
on prélève encore , à son profit j une charge de cha-
meau sur le produit de cent dattiers ; cet impôt lui con-
stitue un revenu considérable, car le district d^Ouargla
ne contient pas moins de soixante mille dattiers , dont
le nombre est rigoureusement enregistré.
Les amendes qu^il impose pour les vols et les délits
de toute sorte lui sont également attribuées.
Il n^a aucun droit sur TA^chour proprement dit;
r A'chour qui n'est autre chose que la dîme , est perçu
par la djema' et sert à nourrir les pauvres et les pèlerins
malheiu*eux, qui de Fouest gagnent la Mecque par le
désert. ^
La justice est confiée aux soins du k'ad'i de la cité ;
le k'ad'i actuel se nomme Si Moh'ammed Oulid Sidi
A't'aUah'.
Voici quelques fragments des lois pénales que ce
magistrat est chargé d'appliquer :
Les voleurs sont exposés à un poteau sur une place
publique et frappés d'une amende. Les meurtres peu-
vent être rachetés à prix d'argent. La femme adultère
qui, d'après la loi musulmane, doit être battue de
lanières et lapidée, est beaucoup moins sévèrement
punie à Ouai^gla , où , comme dans tous les grands cen-
tres de commerce , les mœurs sont fort relâchées : elle
est simplement répudiée ou châtiée par son maiî.
Les habitants d'Ouargla sont d'une couleur fortement
78 D ALGER A OUARGLA.
altérée par leurs alliances habituelles avec leurs escla-
ves négresses ; et^ bien que la couleur brune n^influe en
rien sur les droits d^héritage et de nationalité, eUe
semble cependant entacher Findividu d^une espèce de
réprobation morale; ainsi, les blancs purs prennent
avec orgueil le titre de el h'arar (gens de race), et
désignent les sangs mêlés par ce terme de mépris, el
khelatia (les abandonnés). Presque tous les chefs de la
djema' sont blancs , et les femmes blanches sont parti-
culièrement recherchées en mariage j d'où Ton pour-
i*ait conclure que Taristocratie du pays évite le mélange
de sa race avec les races inférieures ; elle a d'ailleurs en
elle un sentiment de dignité qui se traduit par ce trait
caractéristique : les femmes nobles se voilent le visage ,
les autres vont la figure découverte.
Les mœurs de la population entière sont, du reste,
fort dissolues : non-seulement nous retrouvons près des
murs de la ville et sous la tente ces espèces de lupanars
qui se recrutent des belles filles du désert; mais, ce dont
nous douterions sans les témoignages nombreux qui
nous Font affirmé, c'est que, dans la ville même, on
trouve des mignons qui font ouvertement métier et
marchandise de leui's débauches. Ce sont de très-jeunes
gens, qui vivent à la manière des femmes, se teignent
comme elles les cheveux , les ongles , les sourcils et les
lèvres ; ils sont , il est vrai , généralement méprisés et
relégués dans la classe des filles publiques , mais ils vi-
vent, ce qui prouve que leurs compatriotes, malgré
OUARGLA. t#
leurs dëdaîns affectes, sont en secret plus qu^indul-
gents.
A certaines époques de Tannée , Ouai*gla a d^ ailleurs
ses saturnales 9 son carnaval avec ses débauches , ses
mascarades et son laisser aller nocturne.
Aux fêtes d' Aid-el-Kebir, d'El A'choura et d'El Mou-
loud, on habille tant bien que mal des jeunes gens en
costumes européens d^homme et de femme, car nos
habits étriqués sont un sujet intarissable de plaisante-
ries; on figure des lions en fureur; des enfants enfari-
nés sont déguisés en chats; on affuble de haillons et
d^ oripeaux bizarres un individu qui représente le diable ;
et cette mascarade , escortée de la jeunesse montée sur
des chameaux , et pressée par la foule des curieux ac-
courus de tous les environs , court pendant sept nuits
les rues et les marchés de la ville.
Ce jeu singulier s'exécute de temps immémorial; sa
tradition , comme celle de notre carnaval , ne remonte
pas jusqu'à son origine.
La langue des gens d'Ouargla n est point l'arabe, elle
semble tenir du mzabla et du zenatïa; cependant tous
les chefs de la ville et les tfolba parlent arabe.
Ouargla a sous sa dépendance quelques villages dont
les plus importants sont :
80 D'ALGER A OUARGLA.
EL ROUISSAT.
A une lieue et demie ouest; c'est un groupe de qua-
rante maisons , bâties dans une forêt de dattiers et sur
un sol tellement fertile, qu'on ne prend aucun soin
d'irrigation. L'hiver, les environs de Rouissat sont ma-
I récageux, et l'été, bien qu'il n'y ait pas de sources
jaillissantes , des puits très-peu profonds, de cinq ou six
pieds au plus , doiment de l'eau en abondance.
Entre Rouissat et Ouargla , on voit des carrières de
plâtre..
EL H'EDJADJA ei A'IN A'MER.
A une lieue et demie ou deux lieues au sud, on trouve,
en face l'un de l'autre et très-rapprochés , les deux vil-
lages d'El H^edjadja et d' Aïn-A'mer : le premier de cin-
quante ou soixante maisons, l'autre de cent à peu près.
Toujours des dattiers et des jardins, arrosés par de
nombreuses sources jaillissantes.
A moitié chemin entre Ouargla et ces villages , on
rencontre un lac salé appelé Sebkha et Malah', qui fourr
nit du sel en si grande quantité qu'on peut en enlever,
à certaine saison, quatre ou cinq cents charges de cha-
meau, sans qu'il y paraisse ; c'est du moins ce que nous
disait l'Arabe à qui nous devons ces renseignements.
SIDl KHOnLEO. 81
SIDI KHOUILED.
A cinq ou six lieues au sud-est est situé le village de
Sidi Khouiled, habité par une famille de maraboutf et ,
pour cette raison^ exempt d'impôt. Bien que situé au
milieu des sables, Sidi Khouïled est entouré de dattiers
et de jardins bien cultivés, car on trouve beaucoup
d'eau à quelques pieds sous terre.
Dans tous ces villages on ne parle que Farabe.
A une lieue et demie, sud-ouest, du village de Rouïs-
sat s'élève une montagne en forme de piton nommée
Djebel Kiima ; au sommet on trouve un puits très-pro-
fond, et les ruines d'un village que la difficulté de la
position aura sans doute fait abandonner. On appelait
ce village Krima.
A une lieue plein nord de Krima s'élève une autre
montagne nommée Djebel el Ao'bad (montagne des ^
adorateurs), et à une lieue est de Djebel el Ao'bad se
trouvent les débris d'une grande ville abandonnée que
Ton nomme Cedrata, et qui, selon la tradition, aurait été
détruite par un chérif du Maroc, appelé K'aïd el Man-
s'our.
Sous les flots de sable on distingue encore les restes
de la muraille d'enceinte et les ruines d'une mosquée.
Une source très-abondante, et qui se divise en quatre
petits ruisseaux, coule à quelque distance de ces ruines.
G
8t D'ALGER A OUARGLA.
 deux lieues en avant de H^edjadja, sept mamelons
de sable se prolongent vers Djebel Krima. On les appelle
El Bek'erat, les jeunes chamelles ; ce nom consacre un
miracle :
Un soir, uil chamelier arrivant du désert, fatigue et
mourant de soif, s'arrêta à une source connue pour
boire et faire boire ses sept chamelles ; mais la place
était prise , un homme y puisait de l'eau pour arroser
ses palmiers ; « dépêche-toi, méchant corbeau noir, lui
cria le chamelier. » LUmprudent venait d^insulter un
marabout'. Le saint leva les yeux au ciel , étendit les
mains, et les sept chamelles se couchèrent pour ne plus
se relever, elles n'étaient plus que du sable.
Les trois grandes tribus des :
Mekhadema ,
Chambet Bou Rouba ,
Sa'ïd.
campent dans le territoire d'Ouargla, et quelquefois sous
les murs de la ville où elles déposent leurs grains*
Chacune d'elles se compose de plusieurs h'actions :
Beiii H'assan.
Ouled Nçer.
m, 1 1. j I Béni Khelifa. f 60 chevaux.
Mekhadma. < ^ . , } —
BeniTour. ( 500 fusils.
El A'rimat.
Ouled Ah'med.
TRIBUS. 83
Les Ouled Ah'med qui y exercent le pouvoir sont
djouad (nobles).
Le chef principal de toute la tribu se nomme Cheïkh
Â'bdAUah'BenKhaled.
Ouled Ismaïl.
Ouled Bou Beker.
Chambel ) Doui. f 30 chevaux.
Boa Rouba. ] Ouled Ferredj. ( De 200 à 300 fusils.
Ouled Bou Sa'ïd.
Ouled Zeït.
100 chevaux.
Fatnassa ou Rah'ba.
Béni Mans'our.
Sa'ïd. { Sebrat.
El A'marat. \ û^ f^^ls-
Ouled Fedoul.
Les Ouled Fedoul sont les djouad en possession du
pouvoir. Le chef principal de toute la tribu se nomme
Cheïkh Sa'd.
Les Sa'ïd déposent leurs grains à Gardaïa, Ouargla,
Ngousca. Us ont des troupeaux de moutons nombreux
et beaucoup de chameaux qu'ils louent pour le trans-
port des objets de commerce entre Ouargla et les Béni
Mzab.
Leurs femmes, comme celles des Mekhadma et des
Chambet Bou Rouba, tissent des vêtements de laine.
Quoique ces tribus aient peu de chevaux , elles sont
très-nombreuses, ainsi qu'on en peut juger par le
84 D'ALGER A OUARGLA.
nombre de leurs fusils ; et ce sont pour les habitants
cFOuargla des voisins souvent exigeants et toujours
inconunodes. I.es honunes de la tente prennent, en
effet , part à toutes les querelles de la ville , et quand
un puissant veut se faire élire sultan , il cherche par
tous les moyens possibles à se les attacher. Plus d'une
fois ils ont mis le siège devant Ouargla, dévasté les jar-
dins, coupé les conduits d'eau, et ce n'est jamais qu'en
payant un impôt que les assiégés ont pu sortir de celte
position difficile. Toutefois, si les gens d'Ouargla res-
taient unis, ils n'en ont pas grand' chose à craindre. La
politique de Machiavel , qui sans doute est dans la na-
ture, puisque nous la retrouvons si loin, est la meil-
leure sauvegarde d'Ouargla contre les Arabes. Au
moindre signe de menace elle divise ses ennemis par
des présents ou des espérances , et elle achète ainsi la
paix; aussi n'est-il pas rare de voir les Sa'id et les
Mekhadma en venir au mains. LesCliambet Bou Rouba,
trop faibles pour faire un tiers parti , tiennent selon leur
intérêt pour les uns ou les autres , mais le plus souvent
pour les Sa' ïd-
Les tribus qui fréquentent les marchés d'Ouargla,
sont :
Tous les Arba'.
Les Ouled Iak'oub.
Les Beni-A'llal.
Les El AYouat' K'sal.
Tous les Ouled sidi Cheikh.
COMMERCE. 85
Les Béni Mzab.
Les Chamba de Metlili.
Quelques Touareg y apportent, de loin en loin, des
dents d'éléphant, de la poudre d'or et des nègres.
Quelques rares individus de R'edamés y apportent
un peu de poudre d'or, de Tor fondu en torsades et
des esclaves.
Ces tribus s'approvisionnent à Ouargla de tout ce
qui leur est nécessaire, car c'est là un des entrepôts du
désert, autrefois alimenté par des provenances que les
marchands allaient chercher à Tunis en passant par
Souf et par Tougourt. Le voyage était de vingt jours ; ils
en rapportaient :
Des épiceries de toute espèce.
Des essences.
Des armes.
Des indiennes , des cotonnades.
Des chachïa.
Des bernons communs.
Des draps.
Des habits confectionnés.
Des turbans.
Des chaussures d'homme et de femme.
De la quincaillerie.
Des bijoux de femme, bracelets, pendants
d*oreilles.
Des coquillages pour faire des ornements do
femme et d'enfant.
86 D'ALGER A OUARGLA.
Des pelles, des pioches, des clous, des marteaux,
des fers de chevaux , etc.
Des mulets et des ânes, car on n'en élève pas
dans le pays.
Beaucoup de poudre qui vient de Gourara , et qui
ne se vend que deux boudjous les cinq livres
de quatorze onces.
Du plomb de Tunis, de Tougourt et des Béni
Mezab.
Les petits marchands d^Ouargla garnissent leurs
boutiques à rarrivée des marchands voyageurs, et
vendent, toute Tannée, aux Arabes nomades. C'est
surtout à Fëpoque de la récolte des dattes qu'il y a
recrudescence de commerce.
La ville renferme quelques échoppes de foirerons ,
d'armuriers, cordonniers, menuisiers , tailleui*$ , enfin
d'artisans indispensables à tout centre de population.
L'orfèvrerie y est faite par des juifs voyageui-s qui y
viennent passer quelques mois et se sauvent quand
vient la saison des fièvres.
Notre monnaie est tenue en grande estime à Ouargla,
et non-seulement elle y a cours comme le douro d'Es-
pagne , mais on la fond pour faire des bijoux.
Tous les renseignements que nous venons de donner
sur cette ville curieuse , nous les devons à un chef
même de la djema' , nommé Cheikh el H'adj el Ma'ïza,
du quartier des Béni Ouâkin.
« Mes compatriotes, nous a-t-il dit, m'ont envoyé
« pour étudier votre pays; car on vante beaucoup au
COMMERCE. 87
« désert vos richoMas, votre justice et votre puissance,
(( Voici deux Qns que nous n^ avons pas été à Tunis ,
« vexés que nous sommes sur toute la route par une
(( infmité de petits cheïkh qui nous imposent des tributs
(( sur leur territoire; la route d'ailleurs n'est pas sûre.
« Chez vous, au contraire, on voyage en sûreté et sans
u rien payer, nous y viendrons faire nos achats. »
El M'aïza a visité avec nous tous nos établissements
publics ; et si nous en croyons l'impression sous laquelle
il est reparti , nous devons espérer que des relations
régulières ne tarderont pas à s'établir entre ce point
extrême du Sahara et nos établissements,
La position d'Ouargla , à deux cents lieues d'Alger,
ne l'a pas toujours préservée de l'ambition conquérante
des Turcs. On conserve encore dans la ville cinq ou
six boulets que des canons algériens y ont lancés. Quel-
ques deys aventureux ont aussi poussé jusque-là , mais
on ignore à quelle époque. Partis d'Alger avec de nom-
breux fantassins , ils auront traversé le Ziban et le ter-
ritoire de Tougourt, forçant sur la route les tribus
et les villages à leur fournir de proche en proche des
chameaux et des mulets, et seront venus mettre le
siège devant Ouargla jusqu'à ce qu'elle leur ait payé
un tribut en argent, en esclaves ou en dattes, etc.
Cheïkh el H'adj el Rla' ïza nous a assuré que la djema'
dont il est membre , conserve un gros Hvre qui serait
l'histoire de la ville. Il nous a même promis de nous en
envoyer un abrégé ; nous n'osons croire à cette bonne
^A D ALGER A OUARGLA.
fortune, mais un jour viendra, sans doute, où nous
pourrons aller consulter ce monument précieux.
WGOUÇA.
Ngouça est située à six lieues N.-E. d^Ouargla au mi-
lieu des sables.
C'est une petite ville de cent cinquante à deux cents
maisons , défendue par une muraille d'enceinte crénelée
et couronnée par vingt-cinq ou trente fortins de forme
carrée; elle a cinq portes :
Bab Zer'reba.
Bab el A'ilouch.
Bab Talmounest.
Bab el K'asbah'.
Bab A'în Zerga.
Cette dernière porte doit son nom à leau d'une
fontaine qui alimente la ville.
Ngouça est défendue par une k'asbah' assez bien
fortifiée; on y trouve deux mosquées et des écoles;
un k'ad'i est chargé de la justice.
Les habitants se nonunent Ouled Babïa; ils obéissent
à un chef qui prend le titre de cheikh, et dans la famille
duquel le pouvoir est héréditaire, avec cette particula-
rité qu'il ne passe point au fils du cheikh défunt, mais
au plus âgé de la famille. On raconte que dès qu'un
nouveau cheïkh vient d'être élu, il se bâtit son tombeau
NGOUÇA. 89
qu^il orne à la façon musulmane. Chaque jour il y vient
faire sa prière et n'en sort point sans y avoir laissé
une offrande, qui consiste en dattes , fruits, pièces
d'étoffe, etc., que les pauvres se partagent le ven-
dredi. La famille régnante n'était autrefois qu'une fa-
mille de marchands dont le chef avait prêté diverses
sommes à presque tous ses compatriotes; dans l'impos-
sibilité où ils étaient de s'acquitter envers lui, ils le
nommèrent cheïkh de la ville. Cette origine d'un petit
chef du désert rappelle involontairement celle des Mé-
dicis.
I^s Ouled Babïa sont presque tous de sang mêlé ;
beaucoup même sont tout à fait noirs , mais tous sont
également libres.
Leur langue est leberberia; les marchands voyageurs
et les grands de la ville que leur commerce ou leurs
besoins conduisent quelquefois à Tougourt, à Souf et à
Tunis, et qui d'ailleurs ont de fréquentes relations avec
les tribus nomades , parlent l'arabe,
Ngouça est souvent en guerre avec Ouargla, et si
l'infériorité numérique de ses habitants semble, au pre-
mier abord, devoir lui promettre peu de chances favo-
rables, sa politique adroite, les nombreux Arabes
nomades qu'elle sait toujours attirer à son parti | et les
trop fréquentes divisions des trois quartiers d' Ouargla ,
Font souvent rendue assez forte pour qu'elle ait imposé
des tributs à sa rivale. Elle paie cependant un impôt à
Tougourt , pour avoir le droit de fréquenter ses mar-
90 DALGER A OUARGLA.
chés. Les envii'ons de Ngouça sont couveits de dattiers
et coupés de jardins arroses par quelques sources et par
des puits de quatre a cinq mètres de profondeur.
L'industrie de Ngouça se borne à la fabrication de
très-simples objets de première nécessité ; il n'y a dans
la ville qu'un menuisier et qu'un forgeron; des juife
voyageurs y viennent à certaine époque vendre et fiadre
de la bijouterie de femme.
Les habitants de Ngouça n'ont point de moutons ;
leurs femmes confectionnent cependant beaucoup de
vêtements avec la laine que leur apportent les Arabes.
C'est donc par son commerce avec Tougourt que
cette petite ville avancée dans le désert s'approvisionne;
elle vit des dattes de ses jardins et des grains qu'elle
achète aux nomades.
ROUTE
D'ALGER A TOUGOURT.
lirars.
!•' jour on s'arrête à A*ïn Kbodr^ 8
2* ... on traverse TOued Khamis , TOued Zeïtoun , et
deux lieues plus loin que cette rivière , on s'ar-
rête à un endroit appelé H'adjer Mer'raoua . . 7
3« . . . à Mecheta Mta' Lakhder Ben T'aleb 8
4* ... à Sour Rezlan , petit fort en ruine , près de TOued
elKWaL , 10
6* . . . au Marabout' de Sidi Alça, en passant par un col
du Djebel Dira 12
Du Djebel Dira descend une rivière appelée Oued
Djenan, qui coule de TouestàTest sur une lon-
gueur de vingt-huit à trente lieues , et va mourir
près de Msila , sous le nom d'Oued Chellal , dans
un marais entouré de terres labourables et
nommé Sebkha el H'adna.
L'Oued Djenan reçoit sur sa rive droite plusieurs
affluents :
1*» L'Oued Chib , qui s'y jette à un endroit où s'ar-
rêtent souvent les voyageurs, et que l'on nomme
Foum Oued Djenan;
2* L'Oued el Malah', qui tombe un peu au-dessous
deSidiA'ïça;
A reporter. ... 45
92 D'ALGER A TOUdOUKT.
li«-uit.
Report 45
3* L*Oued el Manioura, qui vient s'y jeter sous le
nom d'Oued el H'am , à neuf lieues est de Sidi
A'ïça. Ces trois rivières prennent leurs sources
dans le Djebel Dira.
L'Oued Djenan reçoit dans le haut de son cours,
par la rive gauche , beaucoup de petits torrents ,
à sec pendant Tété, dont nous ignorons les
noms; et plus bas :
V L'Oued Guern Assafia;
2*» L'Oued Targa;
3» L'Oued elMalah';
4* L'Oued Besseraria;
5^* L'Oued Faïd el H'amara.
6" jour, on s'arrête sur l'Oued el H'am 7
7« . . . à des ruines romaines appelées Khereman , près
d'une rivière du même nom 7
L'Oued Khereman descend du Djebel Sah'alat,
grande montagne à quatre lieues ouest de Bou
Sa'da, et vient mourir dans un marais salé ap-
pelé Sebkha Mta' Baniou , après neuf lieues de
cours environ.
8- ... à Bou Sa'da 3
BOU SA'DA. .
( LE PÈBB DU BONHELR. )
Cette ville, placée entre Biskra et El A Vouât , peut
contenir cinq ou six cents maisons , et lever un millier
de fusils.
X BOU SA'DA. 93
Elle est divisée en huit quartiers qui sont :
El H'oumanin.
Ouled Sah'arkat.
El Achacha.
H'art Cherfa.
Ouled H'ilig.
El Zekoum.
Ouled H'amida.
Et El Argoub, où sont relégués les juifs.
Ces huit quartiers semblent être un groupe de petits
villages très-rapprochés les uns des autres et reliés par
des jardins.
Le chef, qui prend le nom de cheikh, se nomme
maintenant Ah'med ben A'zïez. Cinq chefs inférieurs,
qu'il désigne à son choix, composent avec lui le conseil,
la djema', où sont discutées et décidées toutes les choses
importantes.
Bou Sa'da a cinq mosquées, dont la plus belle est
celle du quartier des Achacha. Chaque quartier a son
école, où l'on enseigne aux enfants la lecture, l'écriture
et les préceptes de la religion.
La plaine dans laquelle est située Bou Sa'da est aride
et pierreuse; mais l'emplacement de la ville même
est d'une fertilité remarquable et abondamment pourvu
d'eau.
Un petit mamelon stérile la domine seul, du côté de
l'ouest ; sur tous les autres points, elle est entourée de
jardins , dans lesquels coule et va se perdre une petite
94 D'ALGER A TOUGOURT.
rivière appelée Mek'ta el A^mer. Au milieu de la ville
jaillissent deux sources abondantes et limpides^ dont
Tune s^ appelle A'ïn el H'oumanin^ et Faulre A'ïn el
KW.
Les jardins sont plantés de grenadiers ^ de vignes,
figuiers, abricotiers, pêchers, dattiers en quantité et de
betliom ( térébintlie ) ; on y cultive le melon, la pastèque,
le concombre, Fail, Toignon, etc..,. ; on trouve, à quel-
que distance, des mines de plâtre et des fours à chaux.
11 n^est point de ville, dans cette zone, où Tindcistrie
ait pris un aussi grand développement qu^à Bou Sa^da.
On y compte quarante fabriques de savon ; dix bouti*
ques de forgerons et d^ armuriers, dont Tadres^ à faire
des bois de fusil est en grande réputation ; plusieurs
échoppes de maréchaux ferrants ; quatre maisons de
teinturiers , et de nombreuses boutiques de petits mar-
chands. Chaque famille fait sa poterie et ses vêtements.
Les jui&, relégués dans un quartier à part, ont leur
synagogue, leurs écoles, leur cimetière. Un mouchoir
noir, roulé autour de la tête, est tout ce qui les distingue
dans leur costume, qui, d^ ailleurs, est le même que ce»
lui de leurs compatriotes. Ils ne peuvent point monter
à cheval : c^est un honneur réservé aux seuls musul-
mans; mais ils sont généralement traités avec beau-
coup de tolérance ; ils exercent les métiers de cardeurs
de laine, tailleurs, orfèvres, etc., et, comme par-
tout, ils se sont faits les intermédiaires obligés de toutes
les relations commerciales.
BOU SA'DA. 95
Par sa position entre Biskra et El AVouat', Bon Sa'da
devient un centre de commerce important , sur lequel
nous appelons l'attention. Les tribus du désert s'y ren-
dent avec leurs produits^ et, delà, peuvent aisément
les écouler vers Gonstantine et Alger, en même temps
qu'elles s'y approvisionnent.
Le marché de Bou Sa'da se tient dans la ville et se
nomme Rahl)at el Nader ; c'est une foire de tous les
jours, où il n'est pas rare devoir cinq ou six cents cha-
meaux. Les tribus arabes qui le fréquentent sont :
Les Ouled Mad'i.
Les Ouled A'mer.
Les Ouled Sidi H'amla.
Les H'aouamed.
Les Ouled Sidi Brahim.
Les Ouled NaO.
Les Mouïadat.
Les Ouled Sidi A'ïça.
Les Metarfa.
Les Souama.
Les Ouennour'a
Les Kabiles Béni A'bbas.
Les Zouaoua»
Les H'all Zemoura.
Les Béni Mzab, les A'riazlïa, les gens de Biskra,
de Msila et de Tougourt.
Celles de ces tribus qui habitent le Tell apportent à
Bou Sa'da :
Du blé.
96 IV ALGER A TOUGOURT.
De Voi^e.
De rhuile.
Des bernous.
Des éloffes.
Des batteries de fusil.
Elles y conduisent :
Quelques bœufs.
Beaucoup de chameaux.
Des chevaux.
Des mulets.
Des ânes.
Celles qui viennent du désert y apportent :
De la laine en quantité.
Des moutons.
Des plumes d'autruche.
Des h'aik.
Des dattes.
Du beurre de brebis.
Des fromages.
Du henua.
Des tellis (sacs à porter des fardeaux ).
Des tentes en poil de chameau.
Beaucoup de sel tiré de A'ïn el Meleh', à Test; et
de Djebel Zar'ez, à Touest.
Elles y conduisent des nègres esclaves venus à Tou-
gourt et à Souf par R'edamés ; les AVazlïa et les Béni
Mzab y font particulièrement le commerce des plumes
d'autruche.
Tous ces produits sont vendus ou échanges contre :
BOU SA'DA. W
Des chachia.
Des mouchoirs d'indienne.
Du calicot.
De la soie.
Des épiceries.
Des teintures.
Des chaussures.
Des essences.
Des bourses
Des aiguilles.
Des épingles.
Des ceintures d'hommes et de femmes.
Des fers et des aciers.
Des ustensiles en cuivre pour la cuisine.
Des pioches.
Des pelles.
Des socs de charrues.
Des serrures.
De la coutellerie.
De la verroterie dont on fait les colliers de femmes.
Du corail.
Des bracelets en corne et en ébène.
Des bijoux de femmes en or et en argent.
Du sucre.
Du café.
De la cire en bougie.
Du bleu de Prusse.
De Talun , dont il est fait un grand usage dans la
médecine arabe.
Les gens de Bou Sa^da^ en venant chercher ces pro-
duits à Alger ou à Constantine , apportent ceux qu'ils re-
çoivent du désert. Ces échanges , déjà considérables ,
7
08 D'ALGER A TOUGOURT,
peuvent prendre une bien plus grande extension si
nous savons les favoriser.
Placée sur la limite du Tell et du Sahara, ouverte aux
Kabyles vers le nord, voisine, au sud, des Ouled Naïl,
sillonnée en tous temps par tous les habitants des vil-
lages des Ziban, en relations habituelles avec Médéa,
Constantine, Biskra, Tougourt, el AVouat^et les Béni
Mzab, Bou Sa' da devait, par la force des choses, devenir
le dépôt général de tout le commerce dans ce vaste
rayonnement.
Deux routes conduisent de Bou Sa'da à Biskra :
Tune à Test, par Msila ; Fautre au sud-est, par les villages
des Ziban. Nous les donnons toutes les deux, en conti-
nuant à compter les étapes par jours de marche.
ROUTE DE L'EST.
9* jour, de Bou Sa'da à Msila 13
A trois lieues de Bou Sa'da on traverse le petit
marais appelé Sebkha Mta' Baniou; pendant
rhiver, il est rempli d'eau et rend la route im-
praticable. — Pays de sable.
MSIU.
MSILA.
Petite \ille de deux à trois cents maisons, partage
f n deux par TOued Msila. Elle se compose des quartiers
suivants :
A Test de la rivière :
El Djafra.
Ouled Terk.
Chetaoua.
H'aU Hsila.
A Fouest
El H'aouch.
H'all Msila.
Ces six quartiers sont coupes de jardins plantes
d'arbres fruitiers et semés de légumes. Il n'y a que peu
de dattiers.
L'Oued Msila descend des montagnes des Ouen-nou-
r'a, sous le nom d'Oued Ksab ; elle prend un peu plus
loin celui d'Oued el Benïa ; plus loin encore elle prend le
nom de El Khemiça, et enfin celui de Msila à hauteur
de la ville. Elle va se perdre à une lieue, au sud, dans
le Sebkha el H'adna. Le Sebkha el H'adna , dont nous
avons déjà parlé , est un vaste marais salé qui s'étend
de l'est à l'ouest , sur une longueur de douze ou treize
lieues , et qui peut avoir de trois à quatre lieues de
largeur. Les chaleurs de l'été laissent sur ses bords
100 D'ALGER A TOUGOURT.
desséches une grande quantité de sel que les Arabes
recueillent , \endent ou échangent.
Les marchés de Msila sont sans importance : Bou
Sa^a absorbe tout le commerce.
Quelques familles juives, au nombre de sept ou huit
tout au plus y exercent à Msila leur industrie habi-
tuelle d'orfèvres, teinturiers, cardeurs de laine, etc.
Toutes leurs teintures sont faites avec du bleu de
Prusse qu'ils tirent de Constantine ou d'Alger.
Les fractions suivantes des Ouled Mad'i déposent à
Msila leurs grains et leurs marchandises :
Ouled A'bd el H'ak'.
Ouled Matoug.
Ouled lyeïm.
Ouled Sd'ira.
Cette ville est encore l'entrepôt des deux tribus :
El Metarfa.
El Souama.
litmtt.
10* jour, on va coucher, en prenant toujours lia direction
est, aune fontaine appelée A'ïn Kelba 12
A Test d'A'in Kelba coule l'Oued Barika, gui des-
cend des montagnes des Ouennour'a, et va se
jeter dans le Sebkha el H'adna.
!!• . . . on remonte un peu au sud jusqu'à Mdoukal; à
trois lieues de A'ïn Kelba, on traverse le lac El
H'adna , à un gué connu des indigènes ; trois
lieues avant d'arriver à Mdoukal , on trouve des
sourcçs appelées Fek'arin. Cette étape est de. . 12
MDOUKAL. 101
MDOUKAL.
C'est un petit \illage de cent à cent cinquante maisons
bâties en pisé. Il est situé à Textrémité du lac Ifadna^ et
arrosé par une source qui descend d'un pic isolé situé
à Test de la ville. Les gens du pays s'appellent Rebot,
ceux du \illage même H'all Mdoukal. Leur commerce
est presque nul ; ils s'approvisionnent des choses indis-
pensables à Bou Sa'da ou à Biskra. Leurs jardins sont
plantés d'arbres fruitiers et de dattiers ; mais, comme
dans toute cette zone , les dattes y mûrissent mal. La
grande tribu des Ouled Deradj dépose ses grains à
Mdoukal.
A huit ou dix lieues de ce village, dans la direction
de Constantine, on trouve, sur l'Oued Barika, des
ruines romaines appelées Tobna.
^ lieurs.
12* jour, de Mdoukal la route appuie légèrement au sud-
est jusqu'à El Out'aïa 12
Deux lieues avant El Out'aïa, on traverse un petit
col formé par la chfidne de montagnes qui sert
deceinture ouest à TOued el Kantara.
13« . . . de El Out'aïa à Biskra 31
Total 43
IM D ALGER A TOUGOURT.
2* ROUTE DE BOU SA'DA A BISKRA.
DIRECnOir SUD-EST.
Nous reprenons au neuvième jour de marche :
liaMs.
9* jour, de Bou Sa'da à TOued Mechmel, source coulante
d'une lieue de cours 8
On traverse l'Oued Roumana qui descend du
Djebel el H'alig et se perd dans des marais
après six lieues de cours. A trois lieues plus
loin, on traverse TOued D'efla qui descend éga-
lement du Djebel el H'alig et vient se perdre
dans le même marais que FOued Roumana.
lO» • . . de rOued Mechmel à TOued Meh'ari, Ser'an. . . 11
A quatre lieues de Mechmçl, on traverse FOued
Malah' qui descend du Djebel Mah'aguen^ au
sud du Djebel el H'alig , et vient mourir dans le
Sebkha el H'adna après seize ou dix-huit lieues
de cours.
Le Meh'ari Ser'an, qui sert de terme à cette
dixième ëtape , prend naissance dans les mon-
tagnes des Ziban, appelées Djebel K'soum,
court du nord au sud , et va se perdre dans les
terres.
11* • . . de Meh'ari Ser'an au village de Foukhala 7
A trois lieues avant Foukhala, on trouve une petite
rivière appelée Raïatz qui descend du Djebel
K'soum , et va se perdre dans les sables.
12* . . . de Foukhala à Biskra 11
en passant par El Bordj , T^olga, Ferfar , Lichana,
A reporter. ... 37
BISKRA ET LES ZIBAN. 103
lieves.
Report. ... 37
Bouchar'oun , tous les villages du Zab Dah'a-
raoui.
RiCAPITULATION.
D* Alger à Biskra par la route de Test ï24
— par la route du sud-est 99
BISKRA ET LES ZIBAN.
Biskra est moins une ville, proprement dite, que la
réunion de sept villages ou quartiers disséminés dans
des plantations de dattiers qui couvrent environ 20 000
hectares de terrain. Au centre, à peu près, s^ élève la
casbah, espèce de château fort où la garnison est caser-
née. La mosquée principale se distingue par son mina-
ret dont le sommet domine les plus hauts palmiers.
L'ensemble des constructions n'a rien de remarquable;
comme dans tout le Sahara les maisons, bâties en pisé,
sont couvertes en terrasses. On y compte quatre mille
habitants.
Cette ville est la capitale politique des Ziban.
Les Ziban sont fermés au nord par une chaîne de mon-
tagnes habitées par des tribus insoumises ; cette chaîne
s'étend de l'est à l'ouest depuis El Kantara jusqu'à Me-
gaous, chez les Ouled Sultan. Ces deux défilés sont les
seules portes qui, de ce côté, donnent passage pour
104 DÀLGER A TOUGOURT.
aller du Tell dans le Sahara. Le village d^El Kantara a
pris son nom d'un pont de construction romaine^ jeté
sur une petite rivière qu'encaisse une gorge ravinée,
d'un effet très-pittoresque, et que les indigènes ap-
pellent aussi El Kantara. Nous donnons son parcours
avec la description du bassin de l'Oued Djedi.
Les Ziban (pluriel de Zab) faisaient autrefois partie
de la Mauritanie sitifienne; les ruines que l'on y
trouve encore en grand nombre attestent que les
Romains y avaient élevé des établissements nom-
breux.
Les Ziban sont maintenant divisés en trois parties
appelées de leurs positions :
Zab Dah'araoui, Zab du nord.
Zab K'ebli , — du sud.
Zab Cherki , — de l'est.
I^s villages du Zab Dah'araoui sont :
El Amri.
El Bordj.
Foukhala.
Tolga (ruines romaines).
Ferfar
Za'tcha.
Lichana (ruines romaines). j
Bouchar'oun,
Felaouch (ruines romaines).
Les villages du Zab K'ebli sont :
Lioua.
BISKRA ET LES ZIBAN. 105
Sah'ira.
Mekhadama.
Bentlous.
Zaouia Sidi el A'bed.
Ourlai.
Melili.
Bigou.
Feliach.
Oumach.
Kora.
Biskra.
Sidi O^'ba.
Nous donnerons^ à la description du bassin de TOued
Djedi , le nom de quatorze ruines romaines qui se trou-
vent dans le Zab K'ebli.
Les villages du Zab Cherki sont :
El Out'aïa.
Branès.
Chetma.
Gr'ata.
Seriana.
Touda.
Sidi KheUl.
A'ïn Naga.
Zriba.
Zribet Ah'med.
Bades.
Eliana.
El Khanga.
El Feïd.
Les populations de ces villages, ainsi que nous Favons
106 D'ALGER A TOUGOURT.
fait remarquer pour presque tous les habitants séden-
taires du Saliara , ne sont point d'origine arabe. On
retrouve dans leurs mœurs, dans leurs habitudes politi-
ques, religieuses ou agricoles, les traits caractéristiques
des aborigènes.
Les principales tribus qui vivent sous la tente dans
les viDages des Ziban sont les
HalBenAii.
Cherfa.
Ghamera.
Dreïdes,
sôus la protection desquelles se sont mise^ quelques
petites tribus ou fractions de tribus trop faibles pour
former unité ; telles sont les
Ouled Sidi Amer,
qui suivent les Ghamera.
Béni Brahim.
— —
Adissa.
— —
Kletema,
— les Hal Ben Ali
Frehat,
— les Dreïdes.
Loumouisset,
— les Cherfa.
Toutes ces tribus obéissent au cheickh el arab.
Quoique le territoire des Ziban soit fertile en fruits,
légumes et céréales, les récoltes de blé et d'orge ne
suffisent point à la consommation des habitants, et
les nomades viennent s'en approvisionner dans le
Tell.
Les palmiers constituent la véritable richesse des Zi-
BtSKRA ET LES ZIBAN. 107
baniend ; les plus riches propriétaires de palmîets sont
les Hal Ben Ali et les Cherfa.
Au printemps, quand le moment d'entrer dans le
Tell est arrivé, les tribus se réunissent près d'Outaïa et
s'acheminent lentement vers le but de leur voyage en
faisant de fréquentes haltes jusqu'à El Beclieria.
Beaucoup d'autres tribus du Sahara opèrent, à la
même époque , le même mouvement , et toutes passent
par les Ziban, suivies de leurs innombrables troupeaux.
C'est un fléau périodique pour les propriétaires de jar-
dins. Du lieu de la dernière statioti , des convois de
chameaux, chargés de dattes et d'autres produits du
désert, sont expédiés, dans toutes les directions, sur le
TeU , pour y opérer des échanges. En attendant leur
retour, les tribus passent le reste du printemps et
une partie de l'été, campées dans les pâturages envi-
fônnants. Auprès d'elles se rendent alors les cultiva-
teurs du Tell pour recruter des moissonneurs , qui , se
détachant par groupes , vont camper à proximité des
champs qu'il faut moissonner. Chaque travailleur re-
çoit pour salaire le douzième du blé et le dixième de
l'orge qu'il a moissonné.
Ces travaux terminés, les tribus se réunissent pour
se rapprocher du grand marché de la Temania , où la
zmâla du cheickh el arab qui doit le présider s'est déjà
établie. A uti jour indiqué, le cheickh él arab plante
son drapeau sur le point culminant de la colline , et
d^ crieurs âânôtieeût que lé marché est ouvert et se
108 D'ALGER A TOUGOURT.
tiendra tels jours de la semaine. Des cavaliers partent
en même temps pour aller en donner avis aux caïds des
tribus connues pour fréquenter habituellement la Te-
mania, et à celles qui, du Sahara, se sont rendues dans
le Tell par Megaous.
Le marché de la Temania est F un des plus importants
du Tell ; c'est un rendez-vous général où tous les pro-
duits du nord sont échangés contre ceux du sud.
Les tribus des Ziban importent :
Des dattes, de^ kessoua (vêtements de laine), du
henna, des abricots séchés dont sont très-friands les
Arabes , et dont ils usent pour accommoder certains
mets, de la garance, des armes et autres objets appor-
tés de Tunis par le Djerid ; elles exportent des laines
brutes, des moutons, du beurre , de Fhuile , des fèves,
des pois chiches, beaucoup de céréales.
Les tribus des environs de Tougourt et quelques-
unes des environs de Souf , exportent les mêmes den-
rées et importent des nègres, des plumes d'autruche,
de la poudre d'or, des kessoua, du henna. Les affaires
terminées , le retour au désert se fait en sens inverse
iJe l'arrivée dans le Tell.
Depuis une douzaine d'années ce mouvement com-
mercial , paralysé par un état de guerre continuel , avait
subi un ralentissement notable : les tribus de Tougourt
n'y prenaient plus qu'une part très-indirecte ; celles de
Souf n'allaient plus qu'à Tunis; mais les relations avec
le Djerid offrent si peu de sécurité , menacées que sont
BISKRA ET LES ZIBAN. 109
les caravanes par les bandes armëes qui les guettent au
passage pour les piller, que peu de spéculafteurs osent
s'aventurer dans ces dangereux voyages. Aussi, voyons-
nous toutes les tribus revenir peu à peu où les appellent
leurs intérêts et leurs besoins et reprendre le chemin
de nos marchés. Les Oulad Moulât , tribu guerrière qui
n'avait jamais fait de voyage dans le Tell avant la domi-
nation française , y sont venus cette année et s'y sont
rencontrés avec les Fetaït, les Ouled Zeït, les Béni
Brahim, les Ouled Sidi Amer, les Ouled Na'ïl, les
Draïssa et beaucoup d'autres petites tribus ou fraction
de tribu venus des points les plus éloignés du Sahara.
Le mouvement progressif de ces migrations est un
fait d'une haute importance et qui prouve la confiance
des tribus nomades dans l'équité de notre administra-
tion. Il est remarquable d'ailleurs que les Sahaiîens
n'éprouvent pas pour nous cette antipathie que nous
avons trouvée chez les montagnards et chez les habi-
tants du Tell. L'appât du gain domine chez eux et fait
taire les scrupules du fanatisme. Les Cherfà, les Dreïdes
et les Béni Brahim, tendent même à venir s'établir dans
le Tell où plusieurs de leurs familles sont déjà fixées.
Chaque année voit se détacher de la fraction nomade
quelques familles nouvelles qui viennent planter leurs
tentes près de celles de leurs frères , dès qu'elles ont pu
réaliser les premiers éléments nécessaires pour se livrer
à l'agriculture , ce qu'elles font en vendant leurs pal-
miers aux Hal Ben Ali et aux Ghamera, chez lesquels
110 D'ALGER A TOUGOURT.
on ne retrouve point ces tendances vers la vie agri-
cole.
TRIBU DES HAL BEN AU.
Les Hal Ben Ali disent descendre d^une colonie
djouala (idolâtre) qui habitait jadis Tobna^ sur le
versant sud du Djebel Ouled Sultan. Cest une opi-
nion accrëditée chez eux et chez tous les Arabes ^ que
leurs pères se seraient faits chrétiens avant de se faire
musulmans, et qu'ils auraient ainsi subi les influenoes.
de tous les dominateurs de TAfrique.
Us semblent y en effet, entachés de réprobation au^
yeuîc des autres croyants ; car, lorsque pour la première
fois après leur soumission à la France , ils marchèrent
avec nous au combat , les Arabes ennemis le^ insultaient
en leur criant : « Chiens de chrétiens ! vous êtes biep
(c dignes de votre origine ! infidèles ! fils d'infidèles ! »
Selon leurs tolbas, voici leur histoire ;
Autrefois , vivait à Tobna une ancienne famille en
grande vénération dans tout le pays et dont le chef
s'était acquis une juste réputation de sagesse. C'était à
l'époque de l'invasion musulmane. Cet homme, aimé
de Dieu bien qu'il fiit idolâtre, reçut en songe cet
avertissement, que Tobna serait menacée le jour où l'pp
découvrirait dans les environs la trace d'un chanieau*
Or, un jour qu'il avait envoyé un domestique chercher,
TRIBU DE8 HAL BEN AU. ilj
avac un âne , des fruits dans un jardin à quelques lieues
de la ville, il vit sur le soir Fane revenir sans son
guide et les paniers inégalement chargés ; donc on avait
tué son serviteur, donc on avait pris des fruits dans le
panier à moitié vide. Son rêve lui revenant à T esprit , il
partit le lendemain pour visiter les environs , et décou*-
vrit avec effroi les pas d'un chameau empreints dans I0
sable. A quelques jours de là, ses préparatifs de kàie
étaient faits , il avait réalisé tous ses biens en numéraire ,
et il allait chercher sur la montagne un refuge hospita-
lier. Cependant Fhomme sage ne pouvait pas partir san^
prévenir ses compatriotes du malheur qui les menaçait ;
il prit donc un couple de pigeons , pluma la femelle et
la renferma sous un vase avec ce billet ; « Qui fera
(( conune le compagnon de ce pigeon fera bien ; qui
« ne fuira pas, sera dépouillé comme celui-ci. » Et il
alla se réfugier sur le Bou Taleb, d'où il lâcha le second
pigeon après lui avoir attaché au cou un billet sur le-
quel ce seul mot, Bou Taleb, était écrit.
Les habitants de Tobna qui n'avaient pu s'expliquer
l'avertissement symbolique du pigeon plumé , en com-»
prirent le sens en voyant revenir le pigeon messager,
Tous cependant n'y voulurent pas croire ; les esprits
forts bravèrent l'oracle , les plus peureux se sauvèrent
sur le Bou Taleb; ceux-ci furent les plus sages, car
Tobna, assiégée quelque temps après par Ali, chef de
l'armée musulmane, fut prise, pillée, saccagée.
Au milieu du désordre, une femme se sauvait à tra^
112 D'ALGER A TOUGOURT.
vers les rues ensanglantées , en pressant sur son cœur
un fardeau, enveloppe dans ses vêtemens; comme
un soldat voulait le lui arracher , elle tomba à genoux
en s' écriant : « C'est mon fils, Mouloud! » et elle en-
tr'ouvrit son haïck ; Fenfant sourit au soldat en lui ten-
dant les bras. Ali passait par là : la mère était belle, il
la fit conduire dans sa tente. Plus tard, il adopta For-
phelin et lui donna son nom.— -Ce fut le père des Hal
Ben Ali.
Mouloud Ali parvint à une haute fortune dans le Tell,
et, à sa mort, son commandement fut partagé entre
ses trois fils.
Saoula, Fainé, fut hakem de Constantine ; Ali Ben
Ali, le second, commanda dans le Tell depuis Sétif
jusqu'au Roumel; Dif Allah, le troisième, placé direc-
tement sous les ordres d'Ali Ben Ali, partageait avec
lui Fautorité.
Des querelles leur mirent bientôt les armes à la main.
Ali Ben Ali, battu d'abord, puis abandonné par ses
troupes, se vit enfin contraint de fuir dans le Sahara,
où Faccueillirent les Dreïdes, alors maitres absolus du
désert.
Selon la chronique , il dut ce bienveillant accueil à
cette circonstance, que les Dreïdes n'avaient pas de
chevaux à cette époque , et qu'il arriva chez eux
monté sur un très-beau cheval. Hardi cavalier, Ali
fixa sur lui Fattention de ses hôtes, qui lui donnè-
rent une tente et le marièrent à Fune des plus belles
TRIBU DES HÀL BEN ÂLL 115
fiUes de la tribu. Son courage à la gu^re aidant sa
fortune , il fut bientôt j et d^une voix unanime, élevé
à la dignité de cheikh el arab ; dignité héréditaire qui
devait se perpétuer dans sa famille , mais qui , par suite
de guerres et de révolutions dont il est difficile de
suivre les phases, passa, vei*s Fépoque de Tinvasion
turque, chez les Gannah, descendants de Dif Allah.
Les Hal Ben Ali, restés au désert, y devinrent si puis-
sants, bien que leur chef eût été déshérité du titre
de cheikh el arab, qu'ils prélevaient des impôts jusque
chez les Béni Mzab. Vaincus plus tard et soumis par
les Turcs, ces nouveaux conquérants les tinrent
néanmoins en si grande estime, qu'ils les consti-
tuèrent makhzenia, titre qui les exemptait de tout
impôt.
Cette tribu, vraiment aristocratique, très-orgueil*
leuse de son antique noblesse, a conservé sa race dans
toute sa pureté; ses familles ne s'allient qu'entre elles;
il n'est permis aux jeunes gens de déroger à cette règle
qu'enfaveurdes belles fillesde la tribu des Abd el Nour*
L'arbre généalogique des Hal Ben Âli était déposé
dans la mosquée de Sidi Okba ; il a disparu , et toutes
les recherches pour le trouver ont été vaines. Ils accu-
sent les Hal Ben Dif Allah, leurs frères de la branche
cadette, de l'avoir brûlé lorsque Ben-Gannah, le cheikli
el arab, fit en 1 840 une expédition à Sidi Okba.
La tribu des Ben Ali est du nombre de celles où se
recrutent ces audacieux aventuriers, qui courent le dé*
8
114 D'AliGER A TOUGOURT.
fsert pour piller les voyageur». Des espioi|s (iispémiRiiii
dans toutes les oasis informent exaptemenf; leqrs ))aii4(W
de l'arrivée d'une caravane, de la nature et de Finp-
portance de son chargement, du nomln^ de cavaliers
qui raccompagnent , de la direction qu'elle doit
prendre.
De leur côté, les chameliers étudient le terrain; ili^
ont eux aussi leurs espions, honmies spéciaux, roués ay
métier d'éventer la marche des flibustiers du Sahara.
C'est par eux que la caravane sait où croisent la bapde
Poudène, celles de Mamraf, de Nami, et surtout celle
de Re£èze, la plus redoutée de l'est. Si le péril est im*
minent j si la caravane est trop faible , eUe attendra,
dans l'oasis où elle est campée, pendant trois, quatre,
six mois au besoin , que d'autres voyageurs viennept
}a renforcer, ou que les pillards, fatigués, soient allés
chercher fortune ailleurs; mais, quand ils ont flairé la
proie , quand ils savent qu'elle est là sous les palmiers,
à l'horizon , sous les murs de cette ville , protégée par
une tribu amie , et qu'il faudra bien enfin qu'elle re*
prenne la route, ils luttent avec elle de patience :
feignant une retraite , ib la provoquent à la con-
fiance et ce sont alors des marches et des contre^nar-
ches dans tous les sens; au jour, ils décampent à
grand bruit et s'enfoncent à l'est si la caravane est à
l'ouest, au sud si elle est au nord; mais ils laissait en
partant un espion, couché dans le sable comme un
x^hacal au guet, ou recouvert de branches comme un
TRIBU DES HAL BEN ALI. 115
buisson y gardant jusqu'à la nuit Timmobilité la plus
complète. Ils reviendront alors^ au grand galop de
leurs chevaux ou de leurs chameaux^ au bivouac de
la veille , interroger leur vedette. Ces hommes de fer
manœuvrent ainsi pendant des mois entiers^ sous le
soleil ardent, mangeant un peu de farine, buvant un
peu d^eau saumâtre; et si enfin, les chameliers abu-
sés , oqt plié leurs tentes et se sont remis en voyage ,
(( alors, disait Refèze , dont nous citons textuellement
(( les paroles, il se fait dans Tair un changement que
« je ne puis définir; mais la solitude du désert est
« troublée , et , quoique toute une journée de marche
(( nous sépare de la caravane , un bruit imperceptible
(c m^apprend que le moment d^agir est arrivé. Lé-
a gfsrs comme 1^ gazelle , nous nous élançons dans
« upe direction qui n^est jamais la mauvaise , et nous
i< découvrons bientôt à Vhorizon de la grande plaine
(( le bienheqreux nuage de sable qui achève de nous
tf orienter, »
Ces rencontres sont d^horribles luttes ou Fun des
4emi, partis est anéanti.
Une de ces expéditions fiit entreprise il y a deux ans
par cinquante cavaliers. Us avaient été avertis du pro-
chain passage d^une riche caravane sur 1^ route du
Djerid à Souf. Leur première halte, en sortant de
BisHra , fut à El Haouch , nom que prend la rivière de
Biskra à dix ou douze lieues de cette ville , au sud-est
de Sidi Okba« Comme dans le lit desséché de beau-
116 D'ALGER A TOUCOURT.
coup d^autres rivières, on trouve de Feau dans celui
de rOued Haouch en creusant à quelques centimètres
de profondeur.
La seconde halte (ut à Bou Loutet où Ton se procure
de l'eau par le même procédé , peine qu'évitent sou-
vent aux voyageurs les nombreux sangliers qui fouil-
lent le ravin pour se désaltérer.
La troisième halte fut à Ben Mel où Feau est rare
et saumâtre.
Le quatrième jour au malin, la caravane était en
vue ; elle se composait de 69 chameaux ; à midi , elle
était pillée. Une partie des objets volésappartenait à des
marabouts vénérés : elle leur fut religieusement ren-
voyée par l'intermédiaire du cheikh el arab.
Les Ziban fournissent deux bandes de ces voleurs ;
elles se réunissent pour faire leurs coups de main si les
caravanes sont bien escortées.
Refèze, chef de la bande à laquelle il a donné son
nom , est un homme vraiment extraordinaire : c'est
une célébrité. On dit de lui qu'il a une si gi^ande habi-
tude du désert, qu'il lui suffit de flairer le sable pour
reconnaître , sans jamais se tromper et quelle que soit
d'ailleurs l'obscurité de la nuit , le lieu où il se trouve.
La teinte plus ou moins foncée du terrain lui indique
où gtt un filet d'eau et à quelle profondeur.
Nous avons entendu répéter cela si souvent par tant
d'autres Arabes, et particulièrement 'par des gens de
Souf, que, sans oser le donner comme un fait ac*
TRIBU DES CHERFA. tl7
quis y Dous D^oserions pas non plus le révoquer complè-
tement en doute.
Avant Foccupation de Biskra par Farmée française^
le cheikh el arab et les cheikhs des tribus avaient une
part de prise dans ces expéditions.
TRIBU DES CHERFA.
Les Cherfasont originaires du royaume de Fez /etâl
existe encore à Tafilet une fraction considérable de
leur famille.
Cette tribu 9 dont le nom indique une prigine reli-
gieuse noble j n^avait cependant pas autrefois un seul
membre qui pût faire preuve authentique de noblesse.
Aussi, les tribus voisines Fappelaient-elles ironiquement
cherfa ble cherif (cherif sans cherif). Pour en finir
avec ces plaisanteries, les Cherfa assemblés réunirent
une somme d^argent considérable et la confièrent aux
plus dignes avec mission d'aller à la Mecque chercher
un cherif dont la généalogie fût incontestable. Un saint
homme de Médine, nommé Abderahmann, descen-
dant de père et de mère du prophète, consentit à suivre
les ambassadeurs, à la condition qu'on lui donnerait
son pesant d'or. Le marché conclu, Abderahmann
partit pour le Tafilet, où les Cherfa le reçurent à
genoux et Félurent sultan. Selon la tradition, il envahit
119 D ALGER A TOUGOURT.
le pays jusqu^à Merakech, et c'est de lui que desi^etidi^t
la famille impériale du Maroc.
La fraction des Cherfa^ maintetiant établie dans les
Zâban , se serait détachée du gros de la tribu parce que
son chef y Sidi Ndejim, ayant tué un de ses frères^ aurait
été obhgé de fuir. De nouveaux émigrauts, chassés par
les guerres qui désolaient alors le sud du Maroc, ral-
lièrent bientôt Sidi Ndejim, et il devint si puissant que
toutes les tribus des Ziban se Ugucrent contre lui. Cette
haine 9 encore active, força, dans Forigine, quelques
faibilles des Cheifa à s'exiler jusque dans le beylik de
Tunis, et beaucoup d'autres à venir s'établir dans le Tell.
Le noyau de la tribu habite les Ziban, mais, chaque
année, des émigrations nolivelles viennent planter leur
tente auprès des douars de leurs frères les Tellia. Il est
remarquable que les nomades ne s'acclimatent que très-
difficilement dans le Tell, et qu'ils y perdent beaucoup
de mohde pendatit les deut premières années de sé-
jôui^.
TRIBU DES CRAMERA.
Les G^tamera font remonter aux temps les plus Re-
culés leur migration en Afrique. Leurs ancêtres ,
disent-ils, habitaient et habitent encore les bords du
Seguiâ el Aitiera (le canal rouge), là mer Rouge sans
doute.
nUBU DES CRAMERA. 119
Arrivés au pays des Nayls , ils y campèrent et vé-
curent d'abord en bonne intelligence avec les premiers
occupants. Mais*, entre voisins , surtout entre voisins
arabes, la guerre est toujours imminente , et la guerre
les refoula dans les Ziban. La cause futile de cet évé-
nement offre un trait caractéristique de mœurs arabes :
Un de leurs bergers , faisant paître son troupeau dans
la plaine, eut l'imprudence de tuer un chien des Nayls
qui s'était jeté sur un de ses moutons et l'avait étranglé.
Aux cris du chien, le maître accourut et frappa le ber-
ger d'un coup de sabre à la tête ; cette scène se passait
en vue des deux tribus. Les parents du blessé vou-
lurent le venger, les parents du vainqueur coururent à
son secours, puis vinrent les amis de chacun, si bien
qu'en un instant la mêlée devint générale, et que les
Cramera perdirent quatre cents hommes^
Cette journée fatale, qu'ils appellent encore le com-
bat des quatre cents et du chien noir, les réduisit à
l'impossibilité matérielle de se maintenir plus longtemps
chez les Nayls, et ils vinrent dans les Ziban, où ils se
pàftagèrent* entre chaque tribu. Us vécurent ainsi,
louant leurs services, jusqu'à ce que, devenus plus
nombreux. Us pussent se reconstituer en tribu.
15» D'ALGER A TOUGOURT.
TRIBU DES DREIDES.
Les Dreïdes n'ont conservé qu'un souvenir confus de
leur origine; ik prétendent cependant venir du nord,
où leurs pères Djouala ( idolâtres ) occupaient une
grande partie du TeU, et même le Sahel. Ceux que nous
trouvons dans les Ziban et qui sont, disent-ils, les des-
cendants d'une très-petite fraction de leur grande fa-
mille, se vantent d'être parvenus dans le désert à un
haut degré de puissance, et d'avoir fait des expéditions
jusqu'à G'redahiez. Constitués makhzenia par les Turcs,
ils perdirent plus tard ce tilre et les prérogatives qui y
étaient attachées pour avoir refusé à leurs maîtres de
leur livrer un Turc proscrit, réfugié chez eux.
Quand le premier Gannah fut élevé à la dignité de
cheikh el arab, les Dreïdes, toujours attachés de cœur
à leur ancien chef, subirent tant de vexations, qu'une
partie de la tribu se sauva dans le Djerid de Tunis.
Nous devons d'avoir pu compléter ce chapitre à la commu-
nication toute bienveillante que S. A. R. H'' le duc d'Aumale a
daigné nous faire de ses notes sur les Ziban. Qu'il nous soit
permis d'en témoigner ici notre respectueuse reconnaissance à
S. A. R. , et de la remercier des encouragements qu'elle a daigné
donner à nos études sur le Sahara algérien.
TOUGOURT. m
TOUGOURT.
L^occupation de Biskra nous a ouvert la route de
Tougourt; d'une ville à l'autre on compte soixante-seize
lieues dont voici les étapes :
De Biskra à El Guera* 15
D'ElGuera'àOuledelHalah'ouEldour. . . 12
D'OuIed el Halah' à El Her'ier 12
Total pour la première partie. . *. . . 39
Cette première partie du voyage se fait à travers
les sables; on n'y trouve que très-peu d'eau, et la route
que nous indiquons n'est pas la seule qui s'offre au
voyageur en sortant de Biskra ; mais, outre que toutes
viennent se relier à Mercier, nous avons, comme dans
tout le cours de cet ouvrage, suivi celle des marchands
et des caravanes. „,^
Première partie 39
De Her'ier à Our'lana 11
De Our'laDa à Meguer 13
De Heguer à Tougourt 13
Total "^
Avec Mer'ier commence l'oasis de Tougourt, cette
suite de trente-cinq villages sous une ' double haie
de palmiers que les Arabes appellent métaphorique-
ment une rmère: la rivière des Rouar'a, du nom de ses
habitants, OuedRir^; c'est une vallée fertile au milieu
des sables, abondamment pourvue d'eau, coupée de
m D'ALGEH A TOCGOURT.
jardins ou plutôt de vei^ers etanimëe d^une population
nombreuse.
Les trente-cinq villages de FOued Rir^ forment un
petit État dont Tougourt est la capitale. Voici leurs
noms :
Mer'ier.
Sidi K'relil.
Dendouga.
Bared.
Zaouïa.
Djama.
Tineguenidin.
Mazer.
Our^ana Kebira.
Ourlana Sertra
Sidi Amran.
Témerna bjedida.
Temerna Kedima.
Sidi Rached.
Berame.
Megguer.
Sidi Selyman
Kesour.
Megarin Kedima.
Megarin Djedida.
Gr'omera.
Zaoïiiel Sidi el Arbi.
Béni Souid.
Zaouiet Sid el Abed.
El Harihïra.
Zaouiet Sidi Abd Esselam.
totiGomt. lâs
Zaouiet Sidi Beil Hiaia.
Nezela.
Sidi Bou Djenan.
Blidlamer.
telalis.
El Alïa.
El Temacin.
Cette dértlièi-e Ville, bieii (|ue ttès-Toisitiè de Toii-
gëtirt, en est indépendante et se gouverne elle-méihè.
Il va Sans dire que les trois villages désignés plus hâilt
èômnle poitits de station des voyageurs dans l'Oùéd
Rir', ne sont pas des stations obligées , mais seulemeht
leë plus habituelles.
Lé {lays des Rouâi^à n'est arrosé qu'artificiellement ;
il n'a ni ruisseau ni rivière; les sources tnême y sont
très-rares; Il seniblerait poui^tant qu'une immense nappe
d'èàu, (( une mer souteiTaine, » baHar él taJiatanij
èelon l'expression pittoresque des indigènes, soitem*
j^risonnée sous le sol à une profondeur Variable dé cin-
quante , cent, deux cents et jusqu'à quatre cents mètres.
Schaw parle de puits profonds que creusent les
Rouar^à ; noUs aVons recueilli à ce sujet des renseigilé^
inents d'une précision telle, qu'il nous est pet^mis d'af-
firmer qUe ces puits sont de véritables puits ài^tésieris.
Dans chaque village, nous oùt dit Virigt Ât*abes aU
moins, on a fait des puits, et l'otl en fait encore, au
besoin , qui ont jUscJu'à cent haiiteurJr d'homme de pro-
fondeur. La section eii est de forme carrée; un seul
124 DALGER A TOUGOURT.
ouvrier est employé au travail d^ intérieur, et, au fur
et à mesure qu^il avance, il soutient les terres avec
quatre poutres de palmiers. A certains signes infailli-
bles, par exemple quand la terre est noirâtre et très-
humide, il reconnaît qu'il touche au terme de son tra-
vail. 11 se met alors de la cire dans les oreilles et dans
les narines pour éviter d'être suffoqué par Feau qui va
jaillir, s'attache sous les bras avec une corde et prévient
qu'on ait à le retirer à un signal donné. Sous un
dernier coup de pioche enfin, l'eau jaillit avec une
telle force d'ascension, que le malheureux travailleur
n'est souvent ramené sur terre qu'asphyxié.
Cette source inépuisable est commune au village qui
l'a créée, et elle est distribuée dans les jardins par des
conduits faits en troncs de palmiers.
A l'est de l'Oued Rir', se trouvent des marais d'eau
salée qui , desséchés en été , donnent une grande quan^
tité de sel j les Rouar'a l'écoulent dans le désert. Ces
marais semblent suivre la parallèle de l'Oued Rir^ dans
toute sa longueur, de Mercier à Tougourt.
D'après ces données, on peut se faire une idée du
pays auquel commande Tougourt et dont elle tient le
haut bout du côté du sud. Cette ville, qui contient cinq
ou six cents maisons, est bâtie dans une plaine, sur
l'emplacement et, en partie, avec les ruines d'une ville
que nous pouvons croire le Turaphylum de Ptolémée ,
le Téchort de Léon l'Africain , qui y avait longtemps
vécu dans l'intimité du chef. La k'asbah' est tout entière
TOUGOURT. 1»
bâtie de pierres carrées bien taillées ; d^où les fondateurs
de Turaphylum tiraient-ils ces pierres ? les environs ne
donnent aucun indice de carrières. Deux Européens ,
qui sont maintenant naturalisés à Tougourt, et dont
nous parlerons tout à Fheure, disent avec oi^eil à
leurs nouveaux compatriotes : i< Nos ancêtres étaient là
« avant vous ; ce sont eux qui ont bâti votre ville ! »
Les habitants de Tougourt sont de sang mêlé ; « c^est,
dît Léon r Africain, qu^ils se joignent avec des esclaves
noires. » Ajoutons que là, comme dans tous les pays
régis par la loi musulmane, le fils d^une esclave, de
quelque couleur que soit sa mère, jouit de tous les
droits, même dUiéritage , dont jouissent ses frères légi-
times, et que, du jour où une esclave a donné un enfant
à son maitre, elle fait partie intégrante de la famiUe. Ce
fait du mélange constant de la race blanche et de la race
nègre, sur la lisière extrême du Sahara, est depuis
longtemps acquis à la science ; mais la tradition du pays
donne une autre raison de Taltération de la couleur
des indigènes : « Dans le principe, dit-elle, les familles
de tougourt étaient noires. » Devons-nous en conclure
que les peuplades nègres s^ avançaient autrefois jusque-là,
et que les Berbères des côtes, refoulés dans le sud par
les invasions romaines, vandales et même arabes, se
seraient confondus avec leurs hôtes ?
11 n'y a dans Tougourt que soixante familles blan*^
ches dont les ancêtres, encore selon la tradition, étaient
juifs ; elles sont maintenant musulmanes. Mais pour-
1S9 D ALGER A TOUGOURT.
quoi pe «OQt-^Ue^ p4« m^laqgées comme les gutr^ç?
Ser^it-ce^ quç p^r cette religion de h famîUey 3i reipapr
qu^ble dans la r^ce jqive et dppt elle3 fiuraiept coii-
uevsé les instincts, elles ne forment d^alliaqces qu^entFe
^lles? C'est ^u reste ce qui résulte des renseigqpmept^
qui pous ont été donnés. Les juifs dont ces familles desr
ceqdent sont peut-être de ceui^ dont parle SallustO;, et
qui, de temps immémorial, mêlés aux populations gé-
tules, libyennes et numides, les auraient suivies 4an$
leur fuite y^rs Iç sud, devant les armées cQqqi)($!r
riinte^ des peuples d'Occident? Noqs livrons timider
m^nt ces observations à la science*
l^ famille régnante de To^gourt est de couleur bl^n
che; cela s'explique par son origine arabe, et donne à
penser que ses membre^ s'unissent seulement eptre ei|x.
Tougourt peut lever sept k huif; cents fusils, lE^\e esiX
entourée d'un mur d'epceinte en mauvaise maçonnerie
§t d'un fossé profond a de dçqx bamteiirs d'horapief
large de dix à douze semelles. >^ Ce fossé est presque
constamment à sec ; mais, en cas d^at^taque, il peut êtni
rempli 4' eau par les fontaines de la ville qui s'y dév«*-f
sent par des conduits mpqag^s dans )es murailles.
Tougourt a deux portes : l'upe à l'est, qi|i s'appelle
Çab el Khodra; l'autre à l'ouest, qui s'appelle Pat çl
Selam ; toutes deux sont garnies en fer- Ï^Ues s^PUvpent
en face d'un pont-levis jeté sur le fossé de défense, et
qu'pq relève à volopté.
Cet ensemble de constructions, presque savantes, §st
TOUGOURT. m
^ideiqment calque sur le plan de la ville ancieiHie dont
Tougourt occupe la plaee.
Les fontaines principales sont ; A^lnel Meleh', près de
la porte de Test, A'm el Megaria^ Mïxï Sultan ^ A'ïn el
A^bbas, A^ïn el Mestaoua; les eaux en sont recueillies
dans des bassins d'où partent des canaux qui vont les
verser aux jardins extérieurs.
La place la plus vaste de Tougourt se nomme Rahl)et
Soufsi, et sa mosquée la plus remarquable Djema^ el
Kebir. La ville entière est, du reste, assez mal bâtie.
Les maisons du peuple sont basses et construites en
briques de sable et de terre; celles des riches sont éga-
lement en briques, mais en briques faites d'une pierre
crayeuse qu'on trouve dans la plaine, et qui, cuite avec
du plâtre dont les carrières sont aux environs de la
ville, offrent une assez solide résistance.
Les jardins dont Tougourt est entourée s'étendent
sur un sol abondamment arrosé, presque marécageux,
et sont d'une fertilité remarquable; mais cette cause
même de l'active végétation qui fait la richesse de la
ville y développe, à certaines époques de l'année, au
milieu du printemps, au milieu de l'été et au commen-
cement de l'automne, des fièvres très-dangereuses pour
les indigènes, et mortelles pour les étrangers. Tout le
pays, de Biskra à Tougourt, est alors si malsain que peu
de voyageurs osent s'y hasarder.
Les habitants de Tougourt, comme les Rouar'a, sont
jardiniers plutôt qu'agriculteurs ; les terres labourables
128 D'ALGER A TOUGOURT.
leur manquaity et ils ne récoltent que très-peu de
céréales. Leurs vei^ers sont plantés de figuiers, de gre-
nadiers, d^abricotiers, de pécbers et surtout de dattiers.
On y cultive la garance en telle quantité qu^il n^est pas
rare de voir un seul individu en récolter cent chaînes
de mulet. On y cultive encore des melons, des ci-
trouilles , des concombres , des oignons , de Fail , des
choux, des navets, du poivre rouge, du millet, du blé
de Turquie, du coton et une plante qui s^ appelle tek-
rouri, c^est el h'âchich. On sait que el b'àchich se fume
seule ou mêlée avec du tabac , et qu^elle donne cette
espèce d^ivresse extatique si fatale aux fumeurs d^ opium.
Sous le gouvernement du dey, il y avait à Alger un
café réservé aux fumeurs de el h'âchich.
Tougourt et sa circonscription obéissent à un chef
qui prend le titre de cheikh, et que les Arabes appellent
généralement le sultan. Il gouverne avec Taide d^une
djema^ ou conseil présidé par son khaUFah'.
Le pouvoir est héréditaire. La famille actuellement
régnante est celle des Ouled ben Djellab fies enfants
des troupeaux); il est très-probable qu'elle compte une
très-nombreuse succession de cheikh, car l'origine de
sa puissance va se perdre dans Tombre de la légende,
peut-être même de la fable.
Le sultan de Tougourt était mort sans postérité , dit
la tradition; les rivalités des grands, et pai* suite la
guerre civile, décimaient la nation ; lassés enfin de se
massacrer sans se vaincre, les différents partis convin-
TOUGOURT. IStg
rent unanimeinent que le premier individu qui aitre-
rait dans la ville, à jour donné, serait élu sultan. Un
pauvre Arabe du désert, conducteur de troupeaux
(Djellab) fut, ce jour-là, le premier qui mit le pied dans
Tougourt : le hasard Favait fait roi ! On lui obéit cepen-
dant aussi bien, et mieux peut-être, que s'il eût été
choisi par son peuple , et personne n'a songé depuis
à disputer à la famille des Ouled ben Djellab le pouvoir
ni l'hérédité.
Le cheïkh de Tougourt est maintenant un enfant de
douze ou treize ans , nommé A'bd er Rah'man bou Lifa ;
il a succédé à son oncle le cheïkh A'ii; son khalifalV,
président de la djema', se nomme El H'adj el Mad'i; il
est de sang mêlé ; ses conseillers les plus influents sont
El A'rbi ben el Achour et Mohammed ben el K'aïd. Par
une anomalie assez singulière et dont les mœurs arabes
n'offrent que de bien rares exemples , la mère du jeune
cheïkh a la haute main dans la djema'. Cette femme,
que l'on dit très-belle, et qui se nomme LellaA'ïchouch,
domine le gouvernement de Tougourt, autant sans
doute par l'influence de sa beauté, que par celle de
son bon sens. Les Arabes l'appellent le khalifah' du
cheïkh, et, s'ils vantent son aptitude aux affaires, ils
parlent très-ironiquement de la sévérité de ses mœurs.
Elle honore ouvertement de toute sa confiance un
favori dont elle a fait tuer le prédécesseur par jalou-
sie; on reproche surtout à Lella A'ïchouch d'aimer à
s'enivrer en fumant le h'âcbich.
9
130 D'ALGER A TOUGOURT.
Le sultan de Tougourt jouit de tous les privilèges de
Tabsolutisme le plus complet : il demeure dans la
k'asbah', espèce de château fort attenant aux murailles
de la ville. Pour arriver jusqu'à la cour intérieure de ce
que nous appellerons son palais, il faut franchir sept
portes y à chacune desquelles veillent deux nègres
armés. Cest là que sont renfermées ses richesses, fort
exagérées sans doute , ses quatre femmes légitimes et
ses cent concubines. Un mar'zen de cinquante cavaliers
nègres qu'il tient à sa solde , lui forme une garde d'hon-
neur quand il sort, et, au besoin, une petite armée
suffisante pour réprimer une émeute, prélever les
contributions et assurer la marche du gouvernement.
Il a sous la main les six tribus arabes des Fetaït , de$
Ouled Moulât, desSaïd, des Ouled Sidi A'bd Allah',
des Ouled Seg'oud , des Selmia , des Ouled Rah'man ,
fraction de la même tribu, dont les douars sont campés
tout près de la ville , et qui peuvent lui fournir jusqu'à
sept ou huit cenls cavaliers. Ces tribus s'éloignent de
Tougourt au printemps pour reprendre la vie nomade
et aller faire paitre leurs troupeaux dans le déseit.
Le sultan ne se montre que le vendredi, et s'il sort
quelquefois pour aller se promener dans les jardins ,
il est accompagné de sa garde nègre qui marche le fusil
chargé , et précédé de sa musique , hautbois et tam-
bours ; deux esclaves tiennent ses étriers, un porteur de
parasol le garantit des ardeurs du soleil.
Le jour, de la fête du prophète, quand il va faire sa
TOUGOURT. ^ J31
visite au tombeau du saint marabout' Sidi A'bd es Selam,
des cavaliers le précèdent, des fantassins le suivant,
des esclaves écartent la foule y et d^autres conduisent
devant lui deux chevaux magnifiquement caparaçonnés,
cou\ert8 de selles brodées d'or, avec des boucles d'or
aux oreilles et des anneaux d'or aux pieds.
N'est-ce là qu'un conte, un souvenir des Mil/e et une
Nuits? Ce luxe au milieu du désert , cette pompe royale
dans une oasis, nous paraissent incroyables. Tous ces
détails nous ont pourtant été affirmés plus d'une fois
par des gens du pays qui ne se connaissaient point et
qui n'avaient pu se donner le mot pour nous tromper.
Ce qui nous parait plus incroyable encore , c'est que ce
petit souverain aurait, comme nos seigneurs du moyen
âge , un droit fort en opposition avec le Koran et les
mœurs arabes, un véritable droit du seigneur qui lui
serait exclusivement réservé. Il semblerait d'ailleurs
avoir le même droit sur toutes les femmes de son gou-
vernement. « Il n'en use que quand elles sont jolies, »
ajoutait naïvement l'Arabe qui nous donnait ces détails.
Si le mari se fâche , il est pendu ou crucifié.
Nous le répétons, nous nous tenons fort en garde
contre ces renseignements chargés de couleur locale ) il
nous paraîtrait toutefois bien étonnant que l'imagina-
lion arabe, même la plus féconde, ait pu combiner
ainsi un conte oriental avec une page du moyen âge
européen.
Cette exagération du pouvoir au bénéfice d'un seul
132 D'ALGER A TOUGOURT.
individu n^ empêche pas les rouages du gouvernement
de fonctionner très-régulièrement, La justice est bien
organisée ; les écoles sont très-fréquentées ; les impôts,
qui ne sont autres que la dime (a^chour), sont facile-
ment prélevés. Les vols sont peu nombreux , et les vo-
leui's sévèrement châtiés ; on pend les plus coupables,
on coupe une ou les deux oreilles aux autres.
Dans Fintérieur de la ville les mœurs sont assez
pures; mais là, comme autour de presque tous les
grands centres du désert, des filles de la tribu des
Ouled Naïl, et de celle des AVazlïa , viennent camper
pendant l'hiver sur un petit mamelon qu'on appelle
Drâ' el Guemel (le Mamelon des Poux), et s'y prosti-
tuer argent comptant. Elles sont généralement très-
belles, mais fort sales; elles vont la figure découverte,
comme toutes les femmes du désert.
Est-ce la misère ou le besoin qui conduit là ces pau-
vres filles, après que toutes les provisions de leurs tri-
bus sont épuisées ? Est-ce l'avarice de leurs parents qui
les force d'aller extorquer quelques douros à leurs riches
voisins? Nous ne pouvons, ici encore, que constater un
fait, sans oser nous hasarder à en donner les motifs
présumés , ni à en tirer des conséquences ; le temps
n'est pas venu d'écrire l'histoire pliilosophique de ce
monde presque inconnu.
Les haines entre membres de la famille régnante , et
par suite les révolutions de palais , sont fréquentes à
Tougourt. On se ferait difficilement une idée de l'anar-
TOUGOURT. 133
chie qui , en pareille circonstance , déchire la ville , si
nous ne la retrouvions pas dans Fhistoire des villes
musulmanes de F Asie et dans celle de Constantinople.
Ce sont alors des massacres sans fin y jusqu^à ce que le
parti vainqueur ait imposé son sultan et s^en soit remis
aux bourreaux pour assurer sa victoire. Les moyens
sont toujours affreusement extrêmes : les traîtres , c'est-
à-dire les vaincus y sont écorchés, crucifiés, ou, par
grâce , pendus.
Tougourt a été attaquée il y a quarante ans à peu près
par Salah' Bey, bey de Constantine. Il avait été entraîné
dans cette expédition par un membre mécontent de la
famille des Ouled Ben Djellab , Cheïkh Ah'med , cousin
du sultan régnant Cheïkh A'mer, qu'il voulait dépos-
séder.
Les bases du marché passé entre C}ieïkh Ah'med et
le bey Salah' sont assez singulières : à chaque étape de
Constantine à Tougourt le bey devait compter mille
boudjous à Cheïkh Ah'med qui, en échange, devait,
une fois au pouvoir, lui payer une redevance d'un mil-
lion. Le bey Salah', guidé par le traître, se mit en
marche à la tête d'une armée appuyée de quelques
pièces de canon. A son approche, tous les habitants de
l'Oued Rir' se retirèrent à Tougourt. Salah' resta six
mois devant la place ; car, bien que ses habitants soient
plutôt commerçants que guerriers , ils se battent avec
beaucoup de courage s'ils sont retranchés derrière des
murailles. Malgré cette résistance opiniâtre , l'artillerie
184 D ALGER A TOUGOURT.
ayant fait brèche à Fenceinte de la ville , tous le« paU
miers environnants ayant été coupés, et la famine mena*
çant les assiégés, le bey Salah' enleva enfin la place dans
un assaut décisif. Les énormes contributions dont il la
frappa , et celles qu'il leva sur tous les villages de FOued
Rir^, le dédommagèrent largement et des frais de la
guerre, et des boudjous qu'il avait religieusement
comptés à Cheikh Ah'med qui, devenu sultan , paya la
redevance convenue.
Cependant les bey de Constantine n'ayant qu'une
action très-indirecte sur un point aussi éloigné , les con*
tributions que leur payaient les sultans de Tougourt
n'ont jamais été bien régulières; elles variaient selon
que le vassal redoutait plus ou moins son suzerain. Au
très-redoutable bey Salah' on payait 1 million; au
moins redoutable Ah'med el Mameluk' on ne donnait
que 500 000 francs; aux bey qu'on ne craignait pas , on
ne donnait que quelques nègres, 5 ou 6000 h'aïk, le
tout d'une valeur réelle de 40 à 50000 francs à peu
près.
L'État de Tougourt n'a, du reste, à soutenir que de^
guerres peu fréquentes; d'abord, parce qu'il peut
mettre de trois à quatre mille hommes sur pied, force
relative très-imposante au milieu de populations no-
mades ou circonscrites dans un très-petit territoire;
ensuite, parce que cette ville de marchands, d'arti-
sans et de jardiniers n'a ni haines, ni besoins, ni
ambition.
TOUGOURT. 135
Cependant, une voisine jalouse, Temaçin, qui, à sept
ou huit lieues de là , a, elle aussi , ses marchés et ses
prétentions à la centralisation des produits du désert ♦
et qui y si elle est beaucoup plus petite que Tougourt ,
est beaucoup plus guerrière , Temaçin cherche souvent
à attirer les voyageurs , en dépréciant les denrées et
les produits de sa rivale. De là querelle, et quelquefois
guerre. Des tribus arabes, qui campent autour de
Temaçin et peuvent lever cent vingt à cent cinquante
cavaliers , prennent parti pour leur mère d^ adoption ,
enveniment et prolongent la lutte. L'infériorité numé-
rique de Temaçin la force de céder tôt ou tard, et
toujours elle paie quelques milliers de boudjous et
donne des chevaux de soumission, comme redevance
annuelle jusqu'à nouvelle guerre. Les deux villes sont
maintenant en paix.
Ce que nous avons dit du luxe de Bou Lifa et du mil-
lion que son prédécesseur payait^ îl y ^ quarante ans,
au bey Salah', peut paraître exagéré, mais s'explique fa-
cilement par les sources mêmes oii s'alimentent le trésor
des sultans de Tougourt. Outre l'a'chour, dîme prélevée
sur toutes les denrées, et celle sur les dattes seules est
d'un revenu immense, ces petits autocrates reçoivent
encore les nombreuses amendes infligées pour les
moindres délits, et les présents en argent, objets de
commerce ou chevaux que les tribus du désert sont
forcées de leur offrir pour avoir le droit de vendre et
d'acheter sur les marchés de la ville.
136 D ALGER A TOUCOURT.
Ces tribus, qui sont au nombre de quarante-quatre,
se donnent rendez-vous à Tougourt de tous les points
du Sahara.
Celles qui viennent du Zab apportent du blé, de Foi^e,
des sacs en laine et en lanières de palmier, nommés
telb's ; et dont on chaîne les mulets et les chameaux
des tapis, du beurre, des fromages de brebis, des fèves,
des pois chiches; elles y conduisent des chameaux et
des moutons.
LHmmense tribu des Ouled Natl y apporte de la
laine et y conduit aussi des chameaux et des moutons.
Celle des Arba\ les mêmes marchandises que les
précédentes, plus des chevaux et des ânes.
I^es gens d'El Ar'ouatf et de Fouest, des figues, des
raisins secs, de la garance, des laines, des bernous, des
h'aïk.
Les Béni Mzab, les mêmes marchandises, et de plus
des vêtements de laine, de Fhuile provenant de Bou
Sa^da, du poivre, de la graisse de chameau, des mou*
tons, des nègres qu^ils achètent à Tafilet.
Les Touareg, qui vont d^abord à Ouargla et remontent
à Tougourt, y apportent de la poudre d'or mais en très-
petite quantité, deFalun, du soufre, delà poudre, du
salpêtre, des dents d'éléphant; ils y conduisent des
nègres et des moutons d'une espèce particulière à
F Afrique ; ils n'ont point de laine, mais un poil très-ras ;
leur queue très-grosse et très-large traîne à terre; on les
appelle ela'deman ; leur chair est Irès-estimée.
TOUCOURT. 137
Les gens de Djebel el A'mour et de Fouest viennent à
Tougourt avec des tapis, du beurre, des fèves, des figues,
des pistaches, des coings, des glands, des moutons.
Toutes ces peuplades s^ approvisionnent, par achat
ou par échange^ de fusils, pistolets, sabres, chachîa
(calottes rouges), mouchoirs, bourses, quincaillerie,
verroterie, lin, calicot, indiennes, papiers, miroirs,
coutellerie , cardes pour la laine , lentilles , blé , hui-
les en quantité, épiceries, sucre, café, pipes, écri*^
toires, soie, bijoux de femmes, sellerie, étriers, etc.,
tout cela venant de Tunis; ils achètent aussi du tabac
venant de Souf, du h'âchich, des chaussures et des
dattes en quantités incalculables.
Les marchandises de Tunis arrivent à Tougourt, qui
en est Fentrepôt général , par les habitants des villes et
des villages échelonnés sur la route, et non point par
de grandes caravanes, comme on le croit trop généra-
lement. Ce mouvement commercial se fait à petites jour-
nées, à la fin du printemps, sous la protection d'une
colonne de Farmée de Tunis qui, sortie deux mois aupa-
ravant pour aller jusqu'à Nefi^a faire rentrer les contribu-
tions , opère alors sa marche de retour. Les routes sont
donc parfaitement sûres; les marchands de Tougourt
et ceux des villages qui, dans toute autre saison, pour-
raient avoir à craindre les Arabes de proie ^ poitent leurs
denrées et leurs produits à Tunis , et vont s'y approvi-
sionner. Us rentrent chez eux au mois de juillet, alors
que tous les Arabes sont occupés de leurs récoltes ou
138 DALGER A TOUGOURT.
sout partis pour aller acheter des grains dans le Tell. Le
temps n^est pas loin sans doute où tout ce commerce
prendra le chemin de Constantine et d'Alger.
Celte foire perpétuelle, dont Tougourt est le centre,
explique poiu'quoi cette \ille n'a pas un seul mendiant ;
ceux qui s'y trouvent , en très-petit nombre, sont des
Arabes venus des tribus voisines ; c'est encore là sans
doute la raison pour laquelle les habitants de Tougourt
sont particulièrement honorés dans le désert; ils le
nourrissent : « c'est la reconnaissance du ventre. »
De toutes les sources de richesses que la circonscrip-
tion de Tougourt a en elle et qu'elle déverse sur tous les
points du Sahara et sur Tunis, la plus féconde est assuré<-
ment le commerce qu'elle fait de ses dattes. Ce qu'elle
récolte de cet excellent fruit, de ce pain du désert, est
incalculable. Les dattes sont la nourriture principale
de tous les habitants nomades ou à établissements fixes
du Sahara. Les plus riches seuls mangent du pain, ou
plutôt de la galette et du kouskoussou. Il parait cepen-
dant que, sous peine de maladie grave et même de
mort, il faut absolument mélanger la datte avec un au-
tre aliment tel que les fromages, le lait, la galette.
Nous avons recueilli sur la culture du dattier et sur la
manière de conserver les dattes quelques renseigne-
ments qu'il n'est peut-être pas inutile de donner ici.
liCS palmiers-dattiers venus de semis sont générale-
ment inféconds et d'une venue beaucoup moins belle
que ceux plantés de bouture; c'est donc ce dernier
TOUGOURT. 18»
mode de reproduction qui est adopté. Quand un pal-
mier est parvenu à une hauteur de sept à huit pieds,
il jette des scions que Ton détache et que Ton pique
dans une terre préparée; on les arrose à grandes eaux
et constamment, au moyen de rigoles. A six ou sept ans
l'arbre s'élève à une hauteur de huit ou dix pieds et com-
mence à donner des fruits. Les dattiers femelles , les
seuls qui produisent, sont en bien plus grand nombre
que les dattiers mâles, destinés par la nature à lafé*
condation. Dans le Sahara, comme en Nubie, comme en
Egypte, les indigènes aident Funion des deux sexes de
la manière suivante : à l'époque de la floraison du mâle,
floraison qui devance celle de la femelle d'une quinzaine
de jours, on détache de cet arbre une grappe de fleurs,
un des régimes (h'ardjoun) qui couronnent sa tête, et
on l'attache sur celle du dattier femelle ; la nature fait le
reste. Les fruits se cueillent vers le mois de novembre ;
des magasins, destinés à les recevoir, sont ménagés
dans chaque maison et sillonnés de petits canaux qui
reçoivent et laissent écouler le miel de la datte à mesure
qu'elle se dessèche. Ainsi préparées, et après dessicca-
tion complète, elles peuvent se conserver dix ou douze
ans : les Arabes semblent les préférer aux dattes frai*
ches. Celles qui nous arrivent en Europe et même à
Alger, sont d'une qualité tellement inférieure que, dans
le pays, on les donne en nourriture aux chameaux , aux
mulets, aux chevaux, en ayant soin de les mélanger,
soit avec de Vorge, soit avec une herbe nommée sefsfa.
140 D'ALGER A TOUGOURT.
Quand un palmier est reconnu stérile , les indigènes
en tirent parti en lui faisant, au-dessous de la tête
qu^ils appellent roussa ou galle , une ou plusieurs inci-
sions à la base desquelles ils appliquent un vase qui se
remplit bientôt d^une liqueur très-bonne à boire, et qui,
fermentée, devient enivrante : c'est le vin de palmier (el
âguemi). L'arbre, ainsi préparé, en donne pendant plu-
sieurs mois ; on bande alors ses blessures après les avoir
fermées avec du sable, et, disent les Arabes, cette opé-
ration le rend souvent fertile.
L'affluence des étrangers est toujours considérable à
Tougourt. Le commerce y appelle de nombreuses
peuplades qui y arrivent au fur et à mesure de leurs
besoins. Souvent encore, les caravanes du Maroc, qui
se rendent à la Mecque en pèlerinage , s'y reposent
quelques jours.
Des juifs orfèvres, cardeurs de laine, tisserands, etc.,
y vont également pour exploiter leur industrie ; mais
aucun d'eux n'y brave la saison des fièvres; tous s'en
retournent, chacun chez soi, dès que la maladie com-
mence à sévir.
La monnaie en circulation dans la ville et dans sa
circonscription est la monnaie de Tunis, qu'on y ap-
pelle terbaga; elle contient beaucoup d'alliage. On y
reçoit également les douros d'Espagne.
Qu'il se trouve dans cette ville, égarée au milieu des
sables, des étrangers de toutes les couleurs et des peu-
plades les plus éloignées, même des nègres de Tom-
TOUCOURT. 141
bouctou , ce n'est là qu'une circonstance très-explica-
ble; mais il est assez singulier d'y trouver deux Euro-
péens qui semblent y avoir acquis le droit de bour-
geoisie.
11 y a quatre ou cinq ans que le sultan^ alors régnant^
voulant à toute force avoir des canons^ fît enrôler
à Tunis quatre ouvriers européens qui se chaînè-
rent de lui établir une fonderie et qui partirent avec
deux femmes. Une fois arrivés , on mit à leur disposi-
tion tout ce qu'ils demandèrent : des ouvriers, du
charbon, du fer-blanc, du fer, du plomb, du cuivre, etc.
C'étaient tous les jours nouvelles demandes aussitôt sa«>
tisfaites; peut-être avaient-ils rêvé qu'on leur donnerait
également de l'or à pleines mains. Cependant les ca-
nons ne paraissaient pas. « C'est que le charlx)n ne vaut
rien, dirent-ils; il nous faut du charbon d'abricotier. —
Voici du charbon d'abricotier, » leur répondit quel-
ques jours après le sultan qui, ne voyant pas de résul-
tats, perdit enfin patience et fit attaquer en pleine nuit
les prétendus fondeurs par quelques hommes de sa
garde. Deux d'entre eux furent massacrés; les deux
autres, plus heureux, se sont faits musulmans et
servent dans les cavaliers réguliers ; ils se sont mariés
et vivent de la vie des indigènes. La fille de l'un deux a
épousé le porteur de parasol de Sa Hautesse. Peut-être
nous attendent-ils, et peut-être qu'avant longtemps
nous irons les délivrer. De cet ensemble de ren-
seignements sur une ville aussi curieuse et aussi im-
I4t p ALGER A TOUGOURT.
portante que Tougourt y cette réflexion viendra sans
doute à plus d'un écononûste :
«Il ne sera certainement pas impossible d^appeler vers
Constantine par Biskra, et vers Alger par Bou Sa^da^
ce grand courant commercial qui s'ëcoule de Tougourt
à Tunis. Il y a à cela deux objections : Fantipathie re«
ligieuse et Fhabitude; mais il est bien permis d'espérer
qu^avec un peu. d'adresse nous pourrions atténuer
Tune, et vaincre l'autre par quelques sacrifices. »
ROUTE
DE BISRRA A EL AROUAf .
BASSIN DE L'OUED DJEDI.
Cette route remonte l'Oued Djedi dans presque toute
sa longueur, et est tout entière comprise dans son bassin .
Le bassin de l'Oued Djedi s'étend, dans sa direction
générale, de l'ouest à l'est, sur une longueur de cent
\ingt lieues à peu près, et sur une largeur moyenne de
dix-huit à vingt lieues.
H est fermé au nord par les versants sud du Djebel
A'mour de la chaîne de montagnes qui, partant d'El
Ar'ouat', va jusqu'à Biskra en changeant de nom presque
à chaque pas, et est généralement connue sous le nom
de Djebel SahVi ; par le versant sud de Djebel Lakhdar,
de Djebel A'ouras, de Djebel A'mar Khedou et Djebel
Khanga.
Au sud, par les versants nord d'une chaîne de ma-
melons de sable appelée Chebk'a, qui, partant du pied
de Djebel A'mour entre l'Oued el Maïa et l'Oued el
Meleh', passe à neuf lieues environ d'El Ar'ouat', et va
144 DE BISKRA A EL AROUAT.
mourir dans la plaine, à la hauteur du village d^Ouled
Djellal.
L^Oued Djedi est formé, dans le Djebel A^mour, de
la réunion de deux cours d^eau dont Fun, appelé Oued
Merra, prend sa source au marabout' de Sidi loucef,
et dont Fautre, appelé Oued el R'icha, prend la sienne
un peu plus à Fest, auprès d^un village auquel elle a
donné son nom. Un peu avant Tadjemout, FOued
Merra et FOued el R'iclia réunis forment FOued Mzi.
Un peu au-dessous de Tadjemout , la rivière , qui
jusque-là a été limpide et courante , disparait dans des
marais pour reparaître, trois lieues plus loin, dans un
endroit nommé Recheg ; elle disparait encore presque
aussitôt, pour reparaître de distance en distance, par fla-
ques d^eau à la hauteur d'El Ar'ouat' à droite, d'El A's-
safiaà gauche et de K'sir el H'aïran à droite. A partir de
ce point le lit de FOued Djedi est presque toujours sans
eau. Les pluies de Fhiver en font un torrent, les pre-
mières chaleurs le dessèchent. Il en est de même de tous
ses affluents.
Sa direction a été jusque-là du nord au sud-est; ar*
rivée à K'sir el H'aïran, elle tourne brusquement à Fest,
et prend alors le nom d'Oued Djedi. En descendant son
cours , on trouve sur la rive gauche un petit village
al)andonné ou plutôt inhabité , appelé Entila , où les
tribus déposent leurs grains. Près d^Entila sont des
ruines romaines ; plus loin , sur la rive droite, le village
de Sidi Khaled; celui d'Ouled Djellal, à quelque dis-
BASSIN DE L'OUED DJEDI. 145
tance sur la rive gauche; enfin ceux de Lihoua et de
Sa^da sur la rive droite ; elle va mourir dans un grand
lac salé appelé Sebkha Felr^ir, auprès d^un petit village
appelé Sidi Nour ed Din.
L'Oued Djedi reçoit sur sa route de nombreux af-
fluents. Les affluents de droite sont :
L'Oued Reddad, qui descend de Djebel A'mour^
vient tomber au-dessous d'El Ar'ouat' sous le nom
d'Oued Msa'ad, et reçoit lui-même : 1® l'Oued Bel
Â'roug, l'Oued Zelat el Oustanï et l'Oued Zelat el
Guebli; 2* l'Oued Bou Ter'fin, qui tombe àK'sir elH'aî-
ran; 3^ l'Oued Ber'rat; 4' l'Oued Medaguin; 5* l'Oued
el H'amar ou Si A'ii Saker; 6* l'Oued Mouça; 7' l'Oued
Ben H'annan, qui vient tomber un peu au-dessus de
Msa'ad ; 8® l'Oued Ben Dafi, qui tombe presque en face
de Demed; 9* l'Oued Remel; 10* l'Oued Semouin;
ir l'Oued el Fêta; 12' l'Oued el Nakhela; 13' l'Oued
Medeïra; 14' l'Oued Bedat Remel; 15' l'Oued Sek'eb;
16' l'Oued Khena&a^ qui tombe en face de Sidi Kha-
led; 17' l'Oued Bel A'rimel; 18' l'Oued K'edarek', et
1 9' l'Oued Sa'boun, qui tombe en face d'Ouled Djellai.
Les affluents de la rive gauche sont :
1 ' L'Oued Mennas, qui vient tomber au village d'El
A'ssafia ; 2' l'Oued el Bïod'; 3' l'Oued Khang es Sa'boun,
qui tombe entre El A'ssafia et Entila; ces trois rivières
descendent de Djebel Karabetit ; 4' l'Oued H'amouïda,
qui passe à Msa'ad et descend du Djebel el Dja'f, sur
le sommet duquel est un village nommé A'mra, habité
10
146 DE BISKRA A EL AR'OUAT'.
par les Ouled Na'ïl; 5® FOiied Demed^ qui passe au vil-
lage de Demed, habité par les Ouled Na^d^ et des-
cend du Djebel Zekkar, sur le sommet duquel sont deux
villages, Béni Maïda et Zekkar ; 6® FOued el H'amoura,
qui descend du Djebel BoukaFil^ et passe à un village
inhabité auquel elle a donné son nom; 7^ FOued el
R'omm, qui vient de Djebel Kaf el A^mer, et passe
au village abandonné de R'omra; 8® FOued Betaban,
qui passe auprès des puits d'El Ouba; 9* FOued d
Djer, qui descend de Djebel Djer j 1 0* FOued el R'zas,
qui descend de Djebel el R'zas ; H • FOued el Bïod', qui
descend de la même montagne et vient tomber à Sidi
Khaled ; une rivière dont nous n^ avons pas le nom , qui
descend delà même montagne et vient tomber à Ouled
Djellal. La chaîne du Djebel Sah'ri, dont toutes les
montagnes que nous venons de nommer font partie,
se termine auprès de Biskra.
Le dernier affluent que FOued Djedi reçoive par sa
rive gauche est FOued el Kant/ara, qui prend sa source
sous le nom d'Oued Nezebel Metaï , à El K's'our dans le
Djebel Lakheder, pic de la chaîne de montagnes des
Ouled Sultfan. Elle passe au petit village d'El Kant/ara,
remarquable par un pont de construction romaine,
qui lui donne son nom (El Kant'ara); passe à E^
Out'aïa, à un quart de lieue de Biskra, qu'elle laisse
sur la droite, et vient se jeter dans FOuad Djedi,
près du petit village de Sa'da, à douze lieues de
Biskra
DE BISKRA A EL ARGUAT'. 147
L^Oued el Kant'ara, encaisse sur sa rive droite par
des montagnes à pic, mais peu élevées, ne reçoit
d^ affluents que des montagnes de sa rive gauche.
Les rivières qui s'y jettent sont :
•L'Oued Branès, qui descend de la montagne du
même nom et vient tomber un peu au-dessus d'un
bordj ou fort isolé.
L'Oued Braz, qui descend de Djebel A'mar Khedou
et vient mourir à Sa'da", au confluent de l'Oued Djedi
et de l'Oued el Kantfara.
L'Oued Braz reçoit elle-même l'Oued Messilîa , qui
descend de A'mar Khedou et passe à Sidi O'k'ba.
ROUTE DE BISKRA A EL AR'OUAT.
La route de Biskra à El Ar'ouat' suit une direction
générale de l'est au sud-ouest. Pendant les deux pre-
miers jours de marche on s'avance directement dans
le sud pour gagner l'Oued Djedi , dont on prend alors
la rive gauche pour ne plus la quitter.
lieae».
!•* jour, de Biskra au petit village de Oumach, pays sa-
blonneux. On a laissé sur la gauche des ruines
romaines appelées Oum el H'anna 4
2* . . . d'Oumach à Lihoua, en passant parles petits vil-
lages de Mlili et de Bent'ious. On est alors sur
rOued Djedi 12
148 DE BISRRA A EL AR'OUAr.
Uenes.
3* . . .de Lihoua à Sidi Khaled y en longeant l'Oued
Djedi 10
Un peu après avoir quitté Liboua on trouve quatorze
ruines romaines , dont voici les noms :
El K'sir.
K'sir el H'aîran.
Mza el Outif .
Toual.
Oudïe ed Dïb.
El Guemâ. ^
Dra' Remel.
El Meckh.
El Toual.
Cha'ba.
Bou A'dem.
Bou Chougga.
El Kebabïa.
' ElBeldja.
Ces ruines, échelonnées sur une distance d'une dou-
zaine de lieues , semblent être les restes de petits forts
derrière lesquels se serait jadis abritée la colonisation
romaine. Toute cette première zone du désert est cou-
verte de ruines semblables; celles dont nous parlons
sont encore à hauteur d'homme, et, bien qu'elles soient
inhabitables et abandonnées , quelques tribus s'y réfu-
gient pendant l'hiver pour y fabriquer de la poudre.
Ces tribus sont les
Row A'îid.
OULED DJELLAL. 149
Ouled Djellal.
Ouled Sidi Sliman.
Rah'man.
Selmîa.
Le soufre qui sert à cette fabrication vient de Tunis.
Le charbon est fait avec du bois de laurier-rose.
Le salpêtre se trouve en quantité sur les lieux mêmes.
Au printemps , c'est-à-dire quand les pluies ont cessé
et que les voies de communication sont devenues plus
faciles, les tribus dont nous avons parlé écoulent leurs
poudres vers Tougourt, au sud; au nord, chez les
Ouled Bou Taleb et les H'al el H'amma, tribus kabyles
du sud de Setif , qui vont les revendre au prix ordi-
naire d'un boudjou la livre à toutes les tribus du désert,
depuis El Ar'ouatf jusqu'à Gardaïa.
A trois lieues avant d'arriver à Sidi Khaled, on trouve
le k'sar de Ouled Djellal , situé un peu au nord de
l'Oued Djedi.
OULED DJELLAL.
Ouled Djellal contient cinq ou six cents maisons à
peu près ; il est défendu par une enceinte crénelée, en-
touré d'une petite forêt de dattiers et de jardins. Les
terres des environs, cultivables en certains endroits,
peuvent suffire, en céréales, aux besoins des habitants.
IdO DE BISKRA A EL AR'OUAr.
Les hommes fabriquent de la poudre y les femmes
tissent des vêtements de laine.
Le commerce général de cette petite ville consiste
en blé, orge, dattes, beurre, huile qui vient de Bou
SaMa , etc. ; quelques petits marchands y tiennent des
boutiques approvisionnées des choses les plus essen-
tielles à la vie.
Les Ouled Djellal sont de mœurs fort dissolues , et
réputés tros-hardis voleurs.
Les tribus qui déposent leurs grains à Ouled Djellal
sont :
Des fractions des Selmïa.
— des Bou A'zid.
Ouled A'zy.
D'Ouled Djellal à Sidi Khaled la route est coupée de
ravins où coulent, pendant Fhiver seulement, les
rivières que nous avons déjà nommées.
SIDI KHALED.
Sidi Khaled , sur la rive droite de l'Oued Djedi, est
un k'sar de deux cents à deux cent cinquante maisons,
entouré d'une mauvaise enceinte et d'une petite forêt
de palmiers.
Khelaïça, en dehors des murailles, est une mosquée
surmontée d'un minaret , appelée Djema' en Nebi Sidi
Khaled. Elle a donné son nom au village.
SIDI KHALED. 15i
Les fractions des Ouled Na'ïl qui y disposent leurs
grains sont :
Ouled Saci.
Ouled H'arkat.
Douaouda.
Selmïa.
Rah'man.
Bou A'zid.
Ouled Rah'ma.
On y fabrique de la poudre qui est vendue aux
Arabes du désert et à Tougourt. Le chemin qui conduit
à cette ville débouche en face de Sidi Khaled sur la
rive opposée de rOued Djedi, par un ravin appelé Oued
Khenafsa.
lifUM.
4« jour, de Sidi Khaled au puits d'El Ouba, en traversant
rOued R'zas et rOued el Djer 7
5* . . . d'El Ouba, en traversant l'Oued Betaban, à R'omra,
village abandonné, sur la idvière du même nom. 7
6* . . . de R'omraà A'moura, village abandonné , sur la
rivière du même nom , sur le penchant de Dje-
bel Bou Kah'U 8
7» . . .de A'moura à Demed , sur la rivière du même
nom 6
152 D£ BISKRA A EL AR'OUAr.
DEMED.
Demed est un petit village de trente à quarante mai-
sons basses et mal construites, entoure de jardins
bien plantés d^arbres fruitiers et dans lesquels on cul-
tive beaucoup de légumes et des raisins très-estimés.
On y trouve quelques dattiers, mais leurs fruits sont de
mauvaise qualité.
Les gens de Demed fabriquent de la poudre qui a
une grande réputation dans le désert; elle se vend en-
fermée dans de petits tubes de roseau de la grosseur et
de la longueur d'une cartouche.
Les femmes tissent des vêtements de laine.
Des fractions des Ouled Na'ïl déposent leurs grains à
Demed; ce sont les
Ouled el A'ouer.
Ouled A'ïfa.
Ouled A'ïça.
Ouled Medjeber.
Ouled el A'trech.
Ouled Tabag.
Ouled A'mer.
Ouled Faf ma.
Ouled Lek'h'al.' ««-.
8« jour, de Demed au puits de Bedjeran, en passant par
Msa'ad, surTOued H'amouïda 9
Msa'ad est à deux lieues ouest de Demed ^^ c'est
un k'sar de quarante à cinquante maisons , as-
sez bien bâties , entourées de jardins plantés
A reporter 9
DJEBEL SAHm. 153
Report 9
d'arbres fruitiers et de légumes. Il n'y a point
de dattiers. 11 s'y fabrique de la poudre, mais
. d'une qualité inférieure à celle de Demed.
Les mêmes fractions des Ouled Na'il déposent
leurs grains dans les deux villages.
9* ... de Bedjeran à K'sir el H'aïran, en traversant le
village abandonné d'Entila 10
lO* . . . deK'sirelH'aïranàElAr'oua't 6
Total 79
DJEBEL SAH'RI.
La chaîne de montagnes appelée Djebel Sah'ri , sans
doute parce qu'elle sépare le Tell du Sahara, s'étend
sur une largeur variable de six à onze lieues , en chan-
geant de nom à chaque pas et sur chaque versant, de-
puis Biskra, à l'est, jusqu'au Djebel A'mour, à l'ouest.
Il ne nous a pas été possible d'obtenir la hauteur, même
approximative de ses points culminants qui, du reste,
sont peu élevés.
L'intérieur en parait, dans son ensemble, haché,
tourmenté par des ravins plus ou moins abrupts , plus
ou moins profonds ; il est boisé sur presque tous ses
versants et sur la plupart de ses sommets , et coupé
de vallées arrosées, même en été, par des sources
abondantes qui, l'hiver, deviennent des torrents.
Des ruines nombreuses attestent que c'était là un
des grands centres de l'occupation romaine.
154 ROUTE DE BOU SA'OA A DEMED.
C'est le pays des Ouled Na'ïl, grande tribu arabe,
qui vit dans des gourbis ou campe sous la tente. De
rares k'sour, mal bâtis, appi^issent cependant de loin
en loin ; mais ils ne sont point habites : ce sont des gre-
niers où les Ouled Na'd déposent leurs grains et que
gardent quelques hommes.
Le Djebel Sah'ri est sillonné de sentiers difficiles
servant de communication entre son versant nord el
son versant sud. Nous ne donnerons que les principaux.
ROUTE DE BOU SA'DA A DEMED.
DIRECTION DU NOBD AU SUD-OUEST.
liran.
!•' jour, de Bou Sa'da, en passant par le défilé d'A*ïn el
R'rab (la fontaine du corbeau) , on entre dans
la montagne et on s'arrête à une distance de. 1 1
î* ... on marche encore dans la montagne Il
S* ... on suit un plateau que les Arabes appellent
Moalba, jusqu'au pied du Bou K'aïl 11
4* ... on quitte le massif du Sah'ri par un petit défilé
appelé El Bab (la porte), et on s'arrête sur le
versant sudàA'moura, k'sar inhabité, dépôt
de grains des Ouled Na'ïl 6
5* ... à Demed » 6
Total 45
ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAr. 155
ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAT,
PAR LE MILIEU DU DJEBBL 8AHRI.
lieun.
l*' jour i
'' I Ces trois premières étapes sont les mêmes que
' ' ( les précédentes 33
4* ... au pied du Djebel Zekkar à K'sar Zekkar 9
5* ... on traverse le Djebel Zekkar, on suit le versant
sud de la montagne et on s'arrête dans la plaine. 9
6« ... à El Ar'ouat'. 9
TOTU 60
ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAT,
FAR CHAREF ZI^ LONGEANT LA MOIfTAGNE.
lieaes.
1» jour, on s'arrête dans la plaine au pied du Djebel Dra'
el H'amel 10
2* ... sur rOued Hedjedel , en suivant la montagne. . 9
L'Oued Medjedel descend du Djebel Ben A'iïa, et
vient se perdre dans Tun des deux marais appe-
lés Zar'ez. Ce sont deux marais salés, très-rap-
prochés Tun de l'autre , peu profonds , dans
lesquels viennent mourir plusieurs rivières , et
que l'été dessèche : ils se couvrent alors d'un
sel excessivement fin , d'une blancheur de
neige , qiii , de loin , produit un effet de mirage
tel qu'on les prend pour des lacs; nos soldats
A reporter 19
156 ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAT.
lieues.
Report 19
de l'expédition de El Ar'ouaf furent la dupe de
ce phénomène.
Le bassin des Zar'ez est limité, au sud, par la
montagne du Sah'ri , depuis Bou Sa'da jusqu'à
Charef ; et au nord, par celles qui partent de
Bou Sa'da, et s'étendent jusqu'à Souagui, sur
la route de Biskra à El Ar'ouaf , en prenant les
noms divers de Djebel Zemera , Djebel Mega-
rez , Djebel Bah'im , Djebel Khider, Djebel
Seba' Rous.
Les montagnes du Djebel Sah'ri y déversent plu-
sieurs rivières , qui sont :
Pour le Zar'ez de l'est :
A'ïoun es Sba, qui descend du Djebel Kasmara.
Oued el Medjedel , ) qui descendent du Djebel
Oued SidiBouzid, ) A'iïa.
Oued Medroeh', qui vient du Djebel H'ariga.
Pour le Zar'ez de l'ouest :
Oued Daïet es Souf, qui descend du Djebel
Besdama et vient mourir auprès d'un mamelon
de sel placé entre les deux Zar'ez, et appelé
Koun Djaïa.
Oued el Maleh', qui descend du Djebel Sba
Mokran, dans l'intérieur du Sah'ri, passe par
une coupure formée du Djebel Besdama et du
' Djebel Khouïni.
Oued Kerirech , ) qui descendent du Djebel
OuedAdjîa, ) Khouïni.
3« . . . sur l'Oued el Maleh' 11
4' . . , à Charef. 9
Report 39
ROUTE DE BOU SA'DA A SIDI KHALEO. 157
lirars.
A reporter 39
Charef est un petit village de quarante ou cin-
quante maisons mal bâties, où quelques tribus
des Ouled NaTl viennent déposer leurs grains.
6* ... à A'ïn Msa'oud, dans le Djebel es Zereg 11
6* ... on coupe , par une suite de défilés, le groupe de
montagnes qui relient le Djebel Sah'ri au Djebel
A'mour et on s'arrête au marabout' de Sidi
Mekhelouk' sur le versant sud 11
7* ... à El Ar'ouat' 9
Total 70
ROUTE DE BOU SA'DA A SIDI KHALED.
DIRECTION DU NORD AU SUD.
tiettes.
l** jour, à A'ïn Medjedel, dans Tintérieur du Sah'ri. ... 9
2* ... à Ain el Heh'aguen , au pied des montagnes du
même nom 6
3* ... à A'ïn el Maleh', au pied du Djebel Ksoum , sur le
sommet duquel sont deux ruines romaines ap-
pelées Tita et El A'rab 8
4* ... à Sidi Khaled, par un petit défilé 10
Total 33
IM ROUTE DE CHAHEP A DEMED.
ROUTE DE CHAREF A DEMED.
mMCnON DU NOM) AU SUD.
Ii««n.
l*' jouir, au pied du Debjel Bou Kah'il , dans le massif du
Sah'ri , à un endroit appelé El Bab Il
2* ... à A'moura, sur le versant sud du Sah'ri 6
$• . . . à Demed 6
Total. . . , . . 23
TRIBU DÈS OULED NA'IL.
Les Ouled Na'ïl forment une tribu immense qui se
divise en deux grandes fractions y nommées de leurs
positions. Tune Ouled Na^'dCheraga ou de Test, Fautre
Ouled Na^ïl R'eraba ou de Fouest, et qui se subdivisent
ainsi :
OULED NA^ÏL GHERAGA.
Ouled Khaled.
Ouled A'mara.
Ouled Rah'ma.
Ouled Rabah'.
Ouled Saçi.
Ouled H'arkat.
Ouled Melkhoua.
Ouled Zir.
Ouled Salah'.
TRIBU DES OULED NA'IL. 169
Ouled Tabâ\
Ouled Alça.
Ouled Alfa.
Ouled Ferredj.
Ouled Sidi Zïan.
Ouled el A'ouer.
Ouled Ah'med.
Ouled A'mer,
OULED Na'ÏL r'eRABA.
Ouled lahlà Ben Salem.
Ouled Ennoeh'.
Ouled Sâ'd Ben Salem.
Ouled si Mah'med.
Ouled Kerd el Ouad.
Ouled Medjeber.
Ouled Moh'ammed Ben Mbarek.
Ouled el R'ouïni Ben Salem.
Mbarka ou A'bid Allah'.
Chacune de ces divisions se subdivise encore en un
grand nombre de fractions dont nous avons cru inutile
de donner les noms , et qui campent , en nomades , sur
le territoire borné au nord par Bou SaMa, à Touest
par Charef et El Ar'oual', au sud par l'Oued Djedi, à
Test par Ouled Djellal, Mdoukal etMsila; c'est-à-dire
tout le Djebel Sah'ri et la plus grande partie du bassin
de rOued Djedi.
Par exception au mode de gouvernement qui régit
presque toutes les tribus arabes , les Ouled Na'û n'ont
jamais eu , ni pour les Cheraga ni pour les R'eraba , un
160 DE BISKRA A EL AR'OUAr.
k'aid commandant à toutes les fractions; chacune déciles
se désigne un cheikh et vit indépendante de ses voisines.
Le cheikh est toujours choisi parmi les plus nobles^ les
plus riches 9 (c parmi ceux qui ont le plus d^ épaules , »
selon Fexpression de celui qui nous a donné ces ren-
seignements.
Les familles les plus puissantes sont chez les Ouled
Na^ildeFest:
Alla Ben Brahim , des Ouled A'ïça.
El Nahouma, des Ouled Aifa.
Et chez ceux de l'ouest :
El T'oumi Ben T'oumi, des Ouled Ennoeh'.
Moh'ammed Ben Chetoeh', des Ouled Sâ'd Ben
Salem.
Moh'ammed BenFoudil, des Ouled si Mah'med.
L'ensemble du pays habité par les Ouled Na'ïl , bien
que cultivé sur certains points , ne produit cependant
pas assez de céréales pour suffire aux besoins de tous.
Chaque année ^ après la moisson^ une émigration de la
tribu vient dans le Tell faire des achats de grains , que
chacun emmagasine au retour dans les silos ou dans
les k'sour les plus voisins de leur lieu de campement ,
et qui sont :
Charef,
H'erteba.
Meça'd.
H'amoura.
El H'amel.
TRIBU DES OULED NA'IL. 161
A'ïn R'erab, Silos. A'ïn el Maleh', Silos.
Sidi Khaled. A'ïn Rich, Silos.
Bou Ferdjoun. El Guedid.
.; A'inel Medjedel, Silos. Demed.
Ouled Djellal. Bou Sa'da.
Le but de ces voyages est d'aller vendre où échanger
contre des grains , qui approvisionneront la famille
pour toute Tannée, les étoffes de laine, l^ernous et
h'aïck', et les tentes en laine ou en poil de chameau
que les femmes ont tissées pendant leurs longs loisirs.
Mais là ne se bornent pas les courses des Ouled Na'ïl ;
presque tous sont riches en chameaux ; quelques familles
en possèdent sept à huit cents ; elles les louent aux mar-
chands voyageurs , dont le métier est de venir acheter
dans les villes d'entrepôt et d'aller revendre dans le
Sahara les objets de première nécessité et de luxe
même qui y ont été apportés, soit de Tunis, soit au-
trefois d'Alger et de Constantine. Aussi retrouve-t-on
ces colporteurs infatigables sur les marchés de Bou
Sa'da, de tous les villages des Ziban, de Biskra, de
El Ai''ouat', des Béni Mzab et de Tougourt.
Placée sur la ligne intermédiaire du Tell et du Sahara,
cette tribu industrieuse , que ses penchants semblent
avoir faite plutôt commerçante que guerrière, bien
qu'elle puisse lever de nombreux cavaliers, était admi-
rablenaent servie par sa position pour le genre d'in-
dustrie qu'elle exploite, et qui lui procure de grands
bénéfices en argent.
Sa richesse propre est d'ailleurs considérable et con-
41
162 DE BISKRA A EL ARGUAT',
siste, comme celle de tous les Araires de la tente, en
troupeaux de bœufs, de chameaux, de moutons et
d'ânes. Le prix d'un mouton varie de 5 à 6 fr.; celui
d'un chameau est de 4 50 à 1 60. Certains chefs, comme
les patriarches de la Bible , en possèdent une si grande
quantité que le chiffre en parait fabuleux.
Ce sont là des fortunes qui, plus d'une fois, tentèrent
l'âpre avidité des beys du gouvernement turc; les Ou-
led Na'ïl Cheraga relevaient alors de Constantine, les
R'eraba de Titteri , et payaient aux beys de ces deux
provinces des redevances énormes , appelées Feussa ou
lazma , pour avoir le droit de venir acheter les grains
du Tell. Mais il est arrivé souvent qu'après les provisions
Eûtes, les voyageurs étaient, au retour, assaillis et pillés
par les cavaliers du bey, embusqués sur la route.
Sous A'bd el K'ader, les Ouled Na'ïl Cheraga rele-
vaient du khalifat de Biskra, et les R'eraba, du khalifat
de Médéah. Outre le zekkat et l'a'chour, ils payaient
l'eussa.
Les Ouled Na'ïl sont, dit-on, généralement bons et
hospitaliers, mais de mœurs fort dissolues. Leurs
femmes , et surtout leurs filles , jouissent d'une très-
grande liberté ; ce sont elles qui fournissent à la prostitu-
tion dans les villes du désert, en concun^ence avec les
filles de la tribu des Ar'azlïa dans le Sahara , celles de la
tiîbu des A'mer, dans les environs de Sétif , et celles
des Ouled Our'abah', Kabyles des environs de Bougie.
Cette tribu est aujourd'hui entièrement soumise.
ROUTE
DE BISKRA A TEBESSA.
DIRECTION DE l'oUEST A l'eST.
De Biskra à Tebessa il y a plusieurs routes, dont deux
principales : F une \a passer dans la plaine à El Feïd,
l'autre suit le chemin de la montagne par A'mar
Khedou.
V ROUTE.
lieues.
!•' jour à Sidi O'kba 6
a** . . . à A'ïn Naga 5
3« . . . à Sidi Salah' 6
4« . . . à El Feïd 10
6" ... à Taberdega 9
6« . . . à A'ïn Semar 12
7* . . . au marabout' de Sidi A'bid 14
8« . . . au Djebel Dir 7
9* . . . à A'ïn Chabrou (fontaine) 14
10« . . . à Tebessa 3
Total 86
16^ I)F BISKRA A TEBESSA.
2' ROUTE.
lienet.
l"jour au Djebel A*mar Khedou 8
2* . . . à Mekhder el A'mer 7
. à H'adjer Sefer 8
. à Messeloula 8
. à un marais appelé R'dran 7
. à Djebel Djafa 9
. à A'ïn Chabrou 12
. à Tebessa 3
ToTAt 62
TEBESSA.
Les renseignements que nous allons donner sur Te-
bessa, sont extraits d'un rapport de M. le général
Négrier, qui y est entré à la tète d'une colonne le
31 mai 1842.
« La ville arabe de Tebessa , Fancienne Thevesta des
(( Romains, se trouve dans l'un des sites les plus heu-
(( reux de la province de Constantine ; elle est bâtie au
« pied du versant nord des montagnes de Bou-Rou-
(( mann, qui enceignent le bassin de l'Oued-Chabrou.
« On y trouve des eaiix excellentes , des jardins dé-
(( licieux, et, devant elle, se développe une plaine im-
« mense , arrosée par des sources nombreuses dont les
(( eaux se jettent dans l'Oued Chabrou, qui serpente au
(( fond de la vallée. La quantité de ruines romaines
(( éparpillées dans les environs , les monuments qu'on
« retrouve dans la ville même de Tebessa, attestent que
TEBESSA. 165
(( les Romains ont apprécié la valeur de cette portion
i( de leur conquête, et que là où se trouve aujourd'hui
« une population de 12 à 15,000 âmes, ils ont eu de
(( 30 à 40,000 habitants.
f( La forteresse romaine de Thevesta est encore de-
« bout; sa forme est rectangulaire , et ses quatre faces
f( sont à peu près égales. Le développement total de la
« muraille est de 1370 mètres; les murs sont bâtis en
« belles pierres de taille. En saillie , sur le mur d'en-
« ceinte , sont construites quatorze tours carrées , dont
« quatre aux angles du rectangle; les dix autres sont
« espacées irrégulièrement sur le reste de la fortifica-
(( lion. — • La hauteur de la muraille varie de 5 à 1 mè-
« très, et l'épaisseur de 2 mètres à 2 mètres 50.
« Il y a deux portes que les Arabes appellent Bab el
« Djedid et Bab el Kedim. — La première donne accès
« dans la ville par Fintervalle qui sépare deux des tours
« du front est ; la seconde est ouverte dans un arc de
« triomphe qui date des beaux temps de la domination
(( romaine. Ce monument existe presque entier. L'arc
« est d'ordre corinthien , tous les détails et les orne-
ra ments d'architecture sont d'une pureté et d'une déli-
te catesse remarquables.
(( Dans l'intérieur de la viUe, et près de la porte El
(( Kedim, on trouve un petit temple conservé tout en-
« lier , qui rappelle la maison carrée de Nismes. — Les
(( Arabes en ont fait une savonnerie.
« Vers le sud-est de la ville , à 200 mètres environ
« de la porte El Djedid , on voit un grand cirque de
166 DE SOUF A R'DAMÊS.
« forme elliptique , qui pouvait contenir 6,000 specta-
« teurs.
« Un aqueduc qui existe encore alimentait la ville
« romaine ; il a 700 mètres de développement.
« k i j200 mètres au nord de Tebessa se trouvent
« d'immenses ruines , qui paraissent être celles d^un
(( temple de la justice.
« Les principaux dVntre les Arabes de Tebessa ont
« la démarche, les formes et la mise des habitants des
« villes d'Afrique; mais la masse de la population porte
« sur elle le cachet de la misère. — On fait à Tebessa
« quelque commerce en chaussure, tabacs, haïes,
« dattes, tapis, quincaiUerie , etc. La première res-
« source des habitants consiste dans leurs grains et
i( dans les fruits de leurs jardins ; mais ils ne cultivent de
K la plaine que la partie la plus rapprochée de la ville ,
« dans la crainte d'être pillés par les montagnards. »
ROUTE DE SOUF A R'DAMÈS.
DIRECTION GÉNÉRALE DU NORD Al) SUD-EST, AU MILIEU
DES SABLES.
lirucs.
l«'jour de Souf à Dra' el Khezin 6
2« . . . à Sah'an ed Diba 9
3" ... à AVbïa .... 8
4« . . . àDjedid(puits, le seul de la route) 8
5* . . . àOudïanel Baguel .'. 8
6° . . . àOuedSemri, ravin 8
7* ... à Mouï A'ïça 8
A reporter. ... 55
ROUTE DE SOUF A R'DAMÈS. 167
Report, ... 55
8* ... à Oudïan el Kebar 8
Ici se trouvent des arbres.
9* ... à Sebit Reguieg 7
10* . . . àZemoul el Kebar 7
!!• , . . à El Guemîr, où des poutres plantées dans les sa-
bles indiquent la route 7
12* . .* . àR'ourdel Khenech 7
13* . . . àZmoul Teboul 7
14* . . . àR'ourd Tenïa 7
Ici sont des arbres aux branches desquels les
chasseurs partis de Souf ou de R'damês dépo-
sent une partie de leurs provisions pour les
soustraire aux chakals pendant la durée de leur
chasse.
16* . . . àElFedj 7
16* ... à R'ourd Ah'med Ben M\\ 8
17* . ... à El Ouedj el A'reg 8
Jusqu'ici l'on a marché à travers des mame-
lons , des dunes de sables mouvants ; tous les
lieux que nous avons indiqués ne sont que de
simples stations habituelles et connues des
voyageurs; à Ouedj el A'reg on traverse les
mamelons qui terminent le Djebel Batten, à
Test, et Ton entre sur la terre ferme dite
ITamada,
18* ... à la Zaouïa de Sidi Mabed, en traversant un ma-
rais salé 8
19« . . . à R'damês 2
Total 138
168 DE SOUF A RT)AMÈS.
R'DAMÈS.
R'damés dépend de la régence de Tripoli ; c'est une
ville d'un millier de maisons , entourée d'un mur d'en-
ceinte haut de 1 2 ou 15 pieds , crénelé et flanqué de
petits forts.
Quatre portes y donnent entrée :
Bab el Bah'ira»
Bab el Touareg.
Bab elTedjar.
Bab Cheikh el Médina.
R'damés a deux mosquées principales , dont une est
remarquable par sa grandeur ; elle a aussi une k'asbah',
nommée Dar el Ouacchi.
Ses environs sont plantés de jardins potagers et frui-
tiers où l'on cultive un peu d'orge , les légumes et les
arbres que nous avons déjà nommés ailleurs. Une forêt
de dattiers , qui lui fait face au nord , l'embrasse à l'est
et à l'ouest; mais rien ne la protège au sud contre
l'envahissement des sables qui, chassés par les vents
du désert, s'amoncellent en vagues solides sur ce côté
de ses murailles.
Quelques maisons ont des puità. Une source très-
abondante jaillit en dehors de la ville à côté de la
porte du sud , arrive par des canaux dans chaque
quartier et arrose les plantations extérieures.
A deux ou trois lieues de la ville , à Test et au nord ,
R'DÂMÊS. 169
s' élèvent deux petits marabout' au centre de deux
k'sour à peu près en ruine.
La zone brûlante sous laquelle R'damés est située, la
nécessité de se garantir et des vents du désert et des
rayons incandescents du soleil , expliquent le caractère
particulier de constructions qui distingue cette ville.
Les maisons, couvertes en terrasses, sont toutes réunies
à leur sommet, et forment ainsi une voûte continue, à
travers laquelle, de distance en distance, sont ména^
gées des ouvertures pour donner de l'air et de la lu-
mière aux rues intérieures ; ces rues ne sont que de vé-
ritables corridors où ne pénètre jamais le soleil.
Cette combinaison bizarre a peut-être eu pour but
encore de séquestrer complètement les femmes et de
mettre ainsi la jalousie musulmane à Tabri de toute in-
quiétude. Cest par les toits, et d'une terrasse à l'autre,
que les femmes se visitent le soir sur cette immense
plate-forme , sans qu'il leur soit permis de descendre
dans les rues intérieures^ spécialement affectées aux
hommes, aux esclaves et aux négresses. Après trois
heures du soir on ne peut plus y marcher sans lan-
ternes.
Un mur de la hauteur des maisons coupe R'damés en
deux parties à peu près égales, et fait ainsi deux quar-
tiers distincts, dont les habitants, voisins soupçonneux,
jadis en guerre et presque toujours en querelle , n'ont
pour communiquer ensemble que trois petites portes
ménagées dans la cloison de séparation , si basses et si
170 DE SOUF A R'DAMÈS.
étroites qu'un homme n'y peut passer qu^à pied. La
défiance mutuelle est si grande que, par crainte d'être
assassinés » les marchands ne se rendent point en per-
sonne au marché de la ville , et qu'ils y envoient leurs
esdaves.
Une division politique a précédé et nécessité cette
division de territoire. De temps immémorial deux fa-
milles principales sont , dans R'damés , en possession
du pouvoir :
L'une s'appelle Ouled el H'adj Âh'med ;
L'autre A'bd el Djellil.
11 y a quatre-vingts ans, à peu près, qu'une lutte
s'engagea entre elles, et, comme toujours, elle était
signalée par des combats et des massacres qui l'en-
venimaient chaque jour davantage , quand loucef , pa-
cha de Tripoli, s'interposa comme suzerain; sa mé-
diation fîit acceptée, et il décida que la ville serait
partagée en deux quartiers, dans chacun desquels com«
manderait un chef indépendant de son voisin. C'est
alors que la muraiUe de séparation dont nous avons
parlé Ait élevée. Cette mesure amena la paix , et rien
depuis ne l'a troublée.
Les cheïkh actuellement au pouvoir s'appellent :
Celui de l'est , Moh'ammed el Ouaohi ;
Celui de l'ouest, A'ii.
L'un et l'autre demeurent dans une k'asbah', ou petit
château fortifié.
H'damés échappe trop facilement , par sa position , à
R'DAMÉS. 171
l'autorité dii*ecte de Tripoli pour n'avoir pas tente de
se rendre indépendante. C'est ce qui est airivé il y a
quelques années : le refus des impôts, si difTiciles à
percevoir sur ces points éloignés , fut probablement le
motif de rupture ; mais une armée partie de Tripoli
vint mettre le siège devant la ville rebelle , la prit après
une lutte acharnée , et lui imposa un tribut considé-
rable; elle dut livrer notamment vingt-cinq chameaux
chargés de poudre d'or. 11 serait curieux de constater
ce fait 9 dont nous ne garantissons point l'authenticité ,
et que nous révoquons même en doute ; car, quelque
riches que nous supposions les sables aurifères du désert,
les difHcultés que présente la chasse à la poudre d'or,
comme disent les nègres, et la très-petite quantité qui
en est apportée sur les marchés des villes du Sahara ne
nous peimettent pas de croire qu'une seule d'entre elles
ait pu en charger vingt-cinq chameaux. Peut-être ce-
pendant était-ce là un trésor en réserve et depuis long-
temps accumulé.
I^es habitants de R'damês sont presque tous voya-
geurs et marchands ; ils ne restent chez eux que pendant
la saison des grandes chaleurs, qu'ils appellent smaïen.
Leur ville est à la fois l'entrepôt des marchandises qu'ils
reçoivent de l'intérieur et de celles qu'ils vont chercher
à Tripoli et à Tunis.
Bien qu'ils aient de nombreux chameaux, ils louent
encore , pour ces voyages , ceux des tribus nomades^
leurs voisines.
172 DE SOUF A R'DAMÊS.
ils portent à Tunis et à Tripoli :
Des esclaves.
De la poudre d'or.
Des peaux de tigre du pays des nègres.
Des dents d'éléphant.
Des étoffes (saïes).
Des boucles d'oreilles et des bracelets en or.
Des lames de sabre.
Des bracelets en corne qui viennent des Touareg.
Des chaussures en forme de brodequins.
lis en rapportent :
De la verroterie de toute couleur, par quintaux.
De hautes chachïa.
Des draps de toutes les couleurs, moins la noire.
Des cotonnades.
Des foulards.
Des habillements confectionnés.
Des miroirs.
De la soie rouge, en grande quantité.
Des essences.
De Tantimoine pour noircir les paupières.
Des chaussures noires.
Des épiceries.
Des scies , des pioches , des Hmes , des ser-
rures , etc.
De la coutellerie.
La plus grande partie de ces marchandises , les ver-
roteries et les chachïa surtout, s'écoulent dans le désert
et jusque dans le pays des nègres, sous la protection des
Touareg, que F intérêt d'un commerce régulier attache
R'D.VMÈS. J73
aux habitants de R'damês, et qui se cliai^gent, moyen-
nant redevance, de faire arriver leurs caravanes à desti-
nation.
Les tribus arabes qui déposent leurs grains à R'damés
sont les
S'iouf.
Ouled A'bd ol Kamel.
Our'emina.
Quelques Touareg campent aux environs de la ville.
L'histoire de la fondation de R'damés , conune celle
de presque toutes les villes du désert , ne repose que
sur une légende :
Autrefois un riche habitant du Fezzân étant mort,
une querelle s'engagea entre ses trois fils au sujet de
son héritage. Un des trois fut tué par les deux autres,
qui , effrayés de leur crime , s'enfuirent dans le désert,
emmenant avec eux leurs femmes et leurs troupeaux.
Le hasard les conduisit dans une petite oasis arrosée
par deux sources, et naturellement plantée de dattiers ;
ils s'y établirent. A peu près à la même époque, un
homme était chassé de El Ar'ouat^ par un marabout'.
Après avoir longtemps marché , il se trouva face à face
avec les proscrits du Fezzân , dont les gourbis encore
peu nombreux n'entouraient qu'une des deux sources
de l'oasis, celle de l'est.
« D'où viens-tu? » lui demandèrent les premiers oc-
cupants ; sa conscience avait de bonnes raisons pour prê-
ter une phrase évasive à sa langue : il craignait d'avoir
174 »K SOUF A R'DAMÉS.
affaire à de braves gens. « Jeviens, leur répondit"il, itoù
H f(U dinéhiery en arabe, i^da âmes. » On respecta sa
discrétion, pour ne pas Tautoriser à devenir indiscret
lui»méme; peu à peu la connaissance devint plus in-
time; il était jeune, une des filles de ses hôtes était en
âge de mariage , on la lui donna, et une nouvelle tente
s^ établit sur la source de Fouest. Bientôt les gourbis se
multiplièrent , des maisons plus solides s'élevèrent ça
et là, et formèrent enfin une ville à laquelle il ne man-
quait plus qu'un nom. On se souvint alors du r^da âmes
du El Ar'ouati, et, pour consacrer sa bienvenue, on
nomma la cité nouvelle R'damés.
Les habitants de R'damés, dont le plus grand nombre
est de sang mêlé, parlent un langage particulier qui
semble tenir de celui des Touareg , leurs voisins. Leurs
mœurs sont, dit-on, sévèrement surveillées, et, par
suite, assez pures. La femme qui divorce ne trouve plus
à se remarier. Celle qui se prostitue est chassée de la
ville.
On n'y trouve point de juifs.'
ROUTE
DE TOUGOURT A GARDAIA.
DIRECTION DE l'eST A l'oUEST.
Les routes que nous allons donner sont les prin*
cipales de celles qui sillonnent le terrain compris entre
le Chebka Mta' el Ar'ouat', Mer'ïer, Tougourt et Gar*
daïa : terrain de sable , coupé de marais et de ma-
melons , tourmenté par de nombreuses ravines dont
rhiver fait des torrents, et que Tété dessèche. C'est le
pays de station et de parcours de la grande tribu des
Ar'azlïa. Ces sables, fécondés un moment par les pluies
de rhiver, se voilent, au printemps, d'une herbe abon*
dante, appelée a'cheb et sont alors envahis par les nom-
breux troupeaux des tribus nomades, qui déposent
leurs grains à Tougourt et dans les villages de l'Oued
Rîr', à El Guerrara, à Gardaïa, à El Ar'ouat' et à K'sir el
iFaïran.
lieues.
l«'jour à K'rat ou Dinar. . . . i 12
C'est un lieu habituel de station , mais où l'on ne
trouve point d'abri.
2« . . . àElA'lïa 12
176 DE TOI COURT A GARDAIA.
EL VLIA.
El Alïa est une mauvaise bourgade d'une vingtaine
de maisons mal bâties , que les jardins de dattiers pro-
tègent mal contre Tenvahissement des sables; on y
trouve de Feau.
£1 Âlia j comme tous les petits k'sour semës sur les
routes qui relient entre eux les grands centres, est
une espèce de caravansérail , où les voyageurs laissent
leurs chameaux malades, pour les reprendre au retour;
mais il arrive souvent que le dépositaire infidèle , à la
foi duquel on est obligé de s'en rapporter, vend ou
mange la béte. A une demi-lieue au nord de El A'iia^
sont deux autres villages, de trente à quarante maisons,
situés à un quart de lieue de distance Fun de l'autre ,
et tous deux appelés Taïbat; chétives bicoques mal
bâties , envahies par les sables , mais où l'on trouve de
très-bonne eau et des dattiers.
3* jour à Guerrara 12
Deux routes également fréquentées conduisent de
El A'iïa à Guerrara : Tune passe au sud , par le
petit marabout' de Sidi el H'adj Ah'med; Vautre,
au nord, par le marabout' de Sidi Mah'moud.
4« . . . à L'Oued enNça 13
. à Gardaïa 13
En traversant les petits mamelons qui sont à l'est
de Gardaïa, et en laissant Berlan à deux lieues
au nord , environ.
Total. 62
n«
'S
DZIOIIA. 177
ROUTE DE TOUGOURT A EL AR^OUAT.
DIRECTION DU SUD AU NORD-OUEST.
Ilfues.
1*' jour à El Bereg, lieu de station habituel, à la pointe
ouest du petit marais qui est en avant de Tou-
gourt 9
2* ... à Dzioua 8
DZIOUA.
Misérable village, de trente à quarante maisons, situé
au pied ouest d'un mouvement de sable , appelé Oum
el A'oud. Là vient mourir im torrent , desséché pen-
dant rété, qui se nomme Oued el Atar, et qui descend
d'un mamelon de sable situé au nord, appelé Aza ou
A'mer. Dzioua n'a que peu de dattiers et point de jar-
dins; point de sources , mais des puits; les habitants,
qui sans doute sont divisés en deux familles, portent
le nom, les uns de Draïça, les autres d'Ouled Sidi A'bd
Allah'. Ils font le commerce du sel qu'ils recueillent sur
les bords d'un petit lac voisin.
lieue*.
3« . . . à la pointe occidentale du marais appelé Mader
el Atar, en suivant FOued Atar 8
On côtoie la rive occidentale du même marais
pendant 22
A reporter, . . 47
12
178 ROUTE DE TOUGOIÎRT A DEMED.
lirtirs.
Report 47
7* . . . àZeraïb, simple lieu de station 10
8" ... au marais do Mdaguin 7
situé sur le versant nord des mamelons de sable
appelés Chebka Mta' el Ar'ouat'. Le marais do
Mdaguin donne naissance à un petit ruisseau
qui porte le même nom , et va se jeter à six
lieues au nord dans FOued Djedi.
9* ... à K'sir el H'aïran 7
lO» . . . à El Ar'ouat' 6
Total 77
ROUTE DE ÏOUGOURT A DEMED.
DIRECTION Dl SUD AIT TVOBD-OUEST.
lieufs.
Jusqu'au 6* jour, elle est la même que celle de )
Tougourt à Sidi Khaled )
6* jour arrivé au puits de Moul Adam , on appuie à Touest
et on s'arrête sur l'Oued el R'aba 8
7* . . . à El Mekaïtz, lieu de station dans la plaine , où
sont quelques bet'om ( térébinthes ) 6
8* ... on marche à travers des mamelons de sable , et
on s'arrête à Rouïs Eddin 6
9* ... à Demed 9
Total 66
ROUTE DE TOUGOURT A SIDl KHALED. 179
ROUTE DE TOUGOURT A SIDI KHALED.
DIRECTION DU SUD AU NORD.
1*' jour à El Bereg 9
2* ... à Dzioua 8
3*^ ... au petit marais de Zourez 8
En traversant TOued Ben Sour, qui vient du
mamelon de sable appelé Aza ou A'mer, trar
verse le marais de El Adimat, et va mourir,
après vingt-huit lieues de cours environ, au pied
du mamelon de sable appelé Oum el A'oud; à
Zourez, vient se perdre, après vingt-deux lieues
de cours , TOued Berer'em , qui descend , elle
aussi , de Aza ou A'mer.
4* ... à Drâ' Zaïman , lieu de station dans la plaine où
Ton trouve une forêt de bet'om ( térébinthes ). 6
6* ... au puits nommé H'assi ed Dïab (le puits des cha-
cals), sur l'Oued Retem 6
L'Oued Retem descend du Chebka Mta' el Ar'ouat',
et coule , du nord au sud , sur trente-quatre
lieues de cours à peu près, en changeant souvent
de nom ; à sa source, on l'appelle Oued el Bïod ;
plus bas. Oued el R'aba, ensuite Oued Moul
Adam, et enfin Oued Retem, un peu avant qu'elle
ne se jette dans un marais appelé Merara. L'Oued
Retem reçoit, sur sa rive droite, un affluent
appelé Oued Mekhoura, qui descend de Aza ou
A'mer, et vient tomber au-dessous du puits
Hassi ed Dïab, après treize lieues de cours.
6« . . . à un puits sur l'Oued Moul Adam 7
A reporter 44
1*^0 ROITK DK S1T)Î KHALEÎ) A GARDAIA.
lieu»'*.
Report 44
:• . . . à rOued Zebouilj 7
8' ... à rOued Itel 7
9* ... au petit marais appelé Zeraria , sur FOued Khe-
nafsa 9
10* ... à Sidi Khaled 7
Tous les ravins auxquels nous venons de donner
le nom de Oued (rivière) n*ont d'eau que pen-
dant Vhiver.
ToTAi 74
ROUTE DE SIDI KHALED A GARDAIA.
DIRECTION DU NORD AU SUD-OUEST.
lienr».
!•' jour à El Zeraria, simple lieu de Station 7
2* ... à Mader el Ferd, simple lieu de station sur l'Oued
Itel 10
3* . . . au marais appelé Daïet el Gueleb 11
4* ... à Kheleften , simple lieu de station dans la plaine. 9
5* ... au marais de Gueraret Okherzman, sur l'Oued
Zeguerir 9
6' ... au marais de Gueraret Fat'ma, sur l'Oued Semar. 9
7* ... au marais de Gueraret et T'îr, sur l'Oued en Nça. 6
8* . . . au marais de Stafa 4
9* ... à Ban Loeh', simple lieu de station 10
10* ... à Gardaïa 3
Total 78
ROUTE DE SIDI KHALËD A EL GUEKHARA. 181
ROUTE DE SIDI KHALED A EL GUERRARA.
DIRECTION DU NORD AU SUD,
lieues.
l"jour àZerarïa 7
2* ... à Mader el Ferd, sur l'Oued Itel 10
3*^ ... à rOued Zeboudj . 7
4" ... à rOued Mek'roura 9
5* ... au marais de El A'diihat 9
6' ... on traverse le grand marais de El Zerarîa et on
s'arrête au petit marais de Daïet Chebaret. . . 8
7* ... au marais Oudïe Seder 7
S* . . . à un mamelon de sable appelé Rek'izert ou Mazer. 8
9* ... de bonne heure à Guerrara 3
Total 68
ROUTE DE DEMED A GARDAIA.
DIRECTION DU NORD AU SUD-OUEST.
licae*
1" jour on traverse l'Oued Djediet l'on s'arrête sur l'Oued
el H'amar 10
2* ... au marais O'glat Mdaguin 8
3' ... à travers des mamelons jusqu'à l'Ou d el A'chach 9
4*' . . . à rOued en Nça. . 8
5* . . . à la pointe nord du marais appelé Stafa 8
6* ... à Sidi T'aleb, au pied du Chebka des Béni Mzab. 7
7* ... à Gardaïa, en passant par Ban Loeh' 10
Total 60
18i ROUTE DE BISKRA A GARDAIA.
ROUTE DE BISKRA A GARDAIA.
DIRECTION GÉNÉRALE DE l'eST AU SUD-OUEST.
lienm.
l*' jour, en passant par Oumach, à un puits situé sur la
rive sud de rOued Djedi 14
2* ... au puits de El K'sar, sur TOued Itel (ruines ro-
maines) 18
3* ... à l^Oued Zeboudj 13
4* ... au pied d'un mamelon appelé Aza ou A'mer, sur
rOued Berer'em 15
5* . . . auprès du marais GueraretOkherzman, sur rOued
Zeguerir 11
6* ... au marais Gueraret Fat'ma 9
7* ... en traversant le marais Et Tîr, au marais de
Stafa 10
8« . . . à Ban Loeh' 10
9« . . . à Gardaïa 3
Total ia3
RODTE
DE TOUGOURT A OUARGLA.
DIRECTION SUD-OUEST.
De Tougourt à Ouargla on marche constamment
dans une plaine de sables où Ton ne trouve de végéta-
tion qu'autour des villes et des villages.
lieue*.
!•' jour de Tougourt à Blidet A'mer , en passant par le
k'sar de Sidi Bou Djenan et la ville de Temacin. 14
BOU-DJENAN.
A une lieue sud de Tougourt, dont il dépend, est
un village de soixante à quatre-vingts maisons mal
construites, au centre desquelles est une mosquée que
rien ne distingue. Les jardins qui F entourent sont plan-
tés de dattiers et arrosés par une source ; ce village
n'est remarquable que par le tombeau d'un marabout/
célèbre, tombeau qui a le droit d'asile , et dans lequel
les malfaiteurs, comme dans nos églises au moyen âge,
trouvent un refuge inviolable , en attendant que leurs
parents ou leurs amis les aient réconciliés , à prix d'ar-
gent ou autrement, avec la partie intéressée. Les flots
184 DE TOIGOLRT A OUARGLA.
de sables, incessamment roulés parles vents du sud,
s^ amoncellent autour de Bou Djenan et menacent de
Tengloutir, comme presque tous les k'sour du désert
qui ne sont pas protégés par une muraille d'enceinte-
TEMACiN.
Temacin est une petite ville de quatre ou cinq cents
maisons y située à sept ou huit lieues sud-ouest de
Tougourt, entourée d'une muraille crénelée et d'un
fossé que les pluies de l'hiver remplissent d'eau, mais
que les chaleurs de l'été dessèchent.
Temacin a six mosquées, dont deux avec de hauts
minarets; elle renferme aussi des t'olba, des écoles, etc.
Son marabout' le plus vénéré se nomme El H'adj A'ii ;
il habite, auprès de la mosquée nommée Djema' A'ïn
el Bellouta, une très-belle maison ornée de marbre
et de carreaux de faïence tirés de Tunis.
Beaucoup moins puissante que Tougourt, Temacin
vit cependant indépendante et s'est faite la rivale de sa
voisine. Comme Tougourt, elle est entourée de jardins
plantés de dattiers nombreux et arrosés de sources
abondantes, d'où ses habitants, comme ceux de l'Oued
Rir', ont pris le nom de Rouai-'a. Jalouse de voiries
tribus nomades affluer, pendant l'hiver, dans la cir-
conscription de Tougourt , Temacin cherche , par tous
les moyens possibles, en h^î^^^nt, par exemple, le
TEMACIX. 185
prix des dalles , à les allirer chez elle; de là cjuerelle el
guerre presque conslanle y et si les Rouai*^a du sud sonl^
par le nombre, inférieurs aux Rouar'a du nord, ils ont
pour eux d'être plus guerriers et plus adroits au métier
des armes. Deux tribus arabes, toujours campées sous
les murs de Temacin , les Sa'ïd Ouled A'mer et les
Ouled Seïali', sont d'ailleurs ses alliées et la soutiennent
activement. Elle a pour elle encore plusieurs villages
de la circonscription de Souf; tels sont :
El Oued.
Guemar.
El Beh'ima.
Debila.
Cependant , comme Tougourt est le grand centre où
viennent aboutir toutes les relations commerciales de
cette partie du Sahara , Fentrepôt général de toutes les
marchandises dont les habitants de Temacin eux-mêmes
ont besoin et dont ils ne peuvent s'approvisionner que
là, si Tougourt leur ferme les marchés, ils se trouvent
forcés, bon gré mal gré , à demander un accommocle-
ment. Quelques milliers de boudjous et deux chevaux
de soumission en font ordinairement les frais; à ce prix
les gens de Temacin rentrent en grâce, jusqu'à ce qu'un
nouveau sujet de querelle vienne leur donner occasion
de rompre le traité. En temps de paix Temacin paie
annuellement mille boudjous pour avoir le droit de
vendre et d'acheter sur les marchés de sa suzeraine ;
cet impôt s'appelle h'ak' el souk' (droit du marché).
186 DE TOIGOURT A OUARGLA.
Les habitants de Temacin sont tous de sang mélë , à
l'exception de deux familles qui probablement ne s'al-
lient qu'entre elles.
Temacin, conune Tougourt , accueille les juifs voya-
geurs qui y viennent, à certaines époques, exercer
leur industrie d'orfèvres, cardeurs de laine, cour-
tiers, etc.; mais ils n'y sont jamais qu'en passage; la
saison des fièvres les effraie et les chasse périodique-
ment. Deux familles juives y sont pourtant sédentaires.
L'industrie de la ville se borne à l'exercice des mé-
tiers de première nécessité, ceux de menuisiers, for-
gerons, tailleurs, armuriers, etc. La langue qu'on y
parle s'appelle le lir'ia et semble avoir beaucoup de
rapport avec le mzabïa, car les Mzabites et les Rouar'a
se comprennent , ou à peu près.
Des pierres immenses, dont beaucoup sont taillées
avec art , se retrouvent dans les constructions de Tema-
cin ou gisent dans les sables. Sont-ce là des ruines
romaines? il est remarquable qu'on ne trouve point
de carrière aux environs; par conséquent, romaines
ou non , ces pierres ont été apportées.
Les cimetières sont en dehors de la ville ; et, comme
à Tougourt, les tombes des riches y sont distinguées
parle soin particulier avec lequel elles sont faites, et
par un œuf d'autruche qui leur sert d'ornement.
Pour dernier point de comparaison avec Tougourt ,
Temacin obéit maintenant à une femme qui s'appelle
Lella Chouïcha, et qui prend le titre de chouïkha (la
BLIDET A'MER. 187
cheïkh ). A la mort de son mari , le cheikh A'bd Allah',
marabout', elle se déclara enceinte , et, comme le pou-
voir est héréditaire, la djema', ou assemblée des prin-
cipaux habitants , décida que la femme du chef défunt
gouvernerait en attendant son accouchement , sauf à
remettre ensuite le pouvoir à son fils. Le cas où elle
pourrait mettre au monde une fille ne semble pas
avoir été prévu ; quoiqu'il soit arrivé , Lella Chouïcha
continue à dii'iger les affaires , probablement à titre de
régente.
A six lieues sud de ïemacin on trouve Blidet A' mer.
BIJDET A'MER.
C'est un k'sar d'une centaine de maisons, entouré
d'une ceinture crénelée et d'un fossé. Ses jardins sont
abondamment arrosés par des sources et plantés de
dattiers. Blidet A'mer a une k'asbah', une mosquée,
des écoles. Les habitants obéissent à un cheïkh qui se
nonmie cheïkh Moh'ammed. Ils relèvent de Tougourt
et lui paient des contributions.
Pendant l'hiver, des fractions des Ouled A'mer et des
Ouled Seïah' campent sous les murs de Blidet A'mer.
C'est, ainsi que nous l'avons dit, la première étape de
la route de Tougourt à Ouargla.
Pendant les deux journées de marche qui vont suivre
on ne trouve point d'eau.
188 UOUTK DE TOLGOLKT A K'EFSA.
lieues.
2* jour de Blidet A'mer à ua mamelon de sable appelé ,
à cause de sa couleur sans doute, A*reg edDem
( la veine de sang) , en laissant à droite les deux
hameaux de El Goug et Tah'ibin 14
C'est à six lieues sud de ce point que va mourir
rOued en Nça (la rivière des femmes), dans un
petit marais appelé H'assi en Naga.
3* ... à Ngoussa 12
A quatre lieues nord-ouest de Ngoussa va mourir
rOued Mzab,«qui passe à Gardaïa.
4* ... à Ouargla 10
Total 50
ROUTE DE TOUGOURT A K'EFSA.
EN PASSANT PAR SOUF ET NEFTA.
Direction de F ouest à Test , à travers des sables arides
et mouvants , en suivant les puits échelonnés à distances
inégales sur la route , et qui sont : u,^
l"jour BouMesoued.
El Ouabed.
Si Louba.
Sif Soult'an.
Ce puits est le lieu ordinaire de station 10
i*" . . . Oued Djeder.
Bou A'mar.
Ourmas.
Au village de El Oued , le premier du district de
Souf. 12
mSTRîCT r>K SOIT. 18îl
DISTRICT DE SOIjF.
Le nom de Souf n'est poinl particulier à une ville;
il représente Fidée multiple d'un district, appelé par
les Arabes Oued Souf, et formé par les sept villages
suivants :
El Oued,
de 400
maisons à peu près.
El Koiiïnin ,
de 150
—
Tar'zout,
de 150
—
El Guemar,
de 200
—
El Beh'ima ,
de 60
—
Débita,
de .100
—
Ez Zeguem ,
de 150
—
En dehors de ces villages principaux, tous fort mal
bâtis du reste et sans murs d'enceinte, sont groupés des
gourbis où les étrangers voyageurs trouvent un abri ,
et où les plus pauvres familles logent pêle-mêle avec les
bêtes de somme. Tout cet ensemble misérable occupe
un terrain aride, sablonneux, mais planté de très-
nombreux dattiers , coupé de jardins où Ton cultive
des concombres , des pastèques , des melons , des
oignons, etc., et surtout du tabac. 11 n'y a point d'ar-
bres fruitiers dans ce district.
Les plantations sont arrosées par l'eau de quelques
puits, d'où, après l'avoir extraite à bras dans des seaux
de cuir, on la déverse dans des rigoles.
Les villages du district de Souf sont gouvernés cha-
cun par une djema' (assemblée des notables), qui
190 DE TOUGOURT A K'EFSA.
traite des intérêts généraux ; dans chacun d'eux encore
la justice est particulièrement confiée aux soins d'un
k'ad'i , et le culte religieux à un marabout'. I.,es crimes
y sont , dit-on , fort rares.
Cette petite république n'est pourtant point indé-
pendante : elle a deux suzeraines , Tougourt et Tema-
cin. Trois villages relèvent de Tougourt :
Kouïnin,
Tar'zout,
Ez Zeguem,
et lui paient , pour avoir le droit d'aller à ses marchés,
un impôt fixé, par mille dattiers , à 40 h'aïc d'étoffe
grossière, valant de 2 francs à 2 fi*ancs 50 centimes
l'un. Les dattiers sont comptés par la djema', et le
nombre en est enregistré.
Les quatre villages qui relèvent de Temacin semblent
avoir fait avec elle une alliance offensive et défensive.
Les causes de cette scission se rattachent à l'éléva-
tion au pouvoir de la famille des Ben Djellal qui régnent
à Tougourt. (( C'est une chose d'orgueil , » nous ont
répondu tous les Arabes que nous avons interrogés à ce
sujet.
L'orgueil est, on le sait, un des sentiments caractéris-
tiques des Arabes, et les haines d'orgueil sont, chez eux,
presque ineffaçables; aussi, les villages de Souf, malgré
la raison d'isolement qui devrait les porter à l'union,
sont-ils souvent en discorde et quelquefois en guerre.
Le caractère général des Souafa ^habitants de l'Oued
DISTRICT DK SOUF. 191
Souf) est pourtant la douceur; ils sont très-hospita-
liers. Le voyageur qui traverse leur territoire, non-
seulement y est bien accueilli , mais jouit encore du
droit acquis à tout étranger d'entrer dans les jardins
et de s'y rassasier de fruits, à la seule condition de
n'en point emporter et de laisser les noyaux des dattes
au pied du dattier.
Les habitants de Souf ne récoltent point de céréales ;
ils s'en approvisionnent dans le Djerid , dans le Ziban
et dans le pays intermédiaire , chez les Sidi A'bid. Ces
achats périodiques se font à prix d'argent ou par échange
contre des dattes , du tabac et des vêtements de laine
que les femmes ont tissés. Au retour de ces voyages , et
après que leurs grains sont emmagasinés, ils s'occupent
de la double récolte du tabac et des dattes. Pendant
l'hiver ils vivent en famille , et dès que les premiers
jours du printemps ont tapissé d'a'cheb ( herbe )
le désert, ils y mènent paître leurs troupeaux à des
distances souvent fort éloignées , et toujours par
groupes assez nombreux pour se défendre contre les
Touareg , ces hardis pillards qui parcourent les
plaines presque toute l'année. A la même époque,
ceux d'entre eux qui sont marchands se rendent à
R'damés, à Tougourt, à Gardaïa, à Ouargla et quel-
ques-uns à Tunis , soit pour s'y approvisionner des
choses de première nécessité , soit pour y vendre leurs
produits. L'objet principal de ce commerce est leur
tabac, qui jouit, dans le désert, d'une très-grande
192 Î>E TOLGOIRT A K'EFSA.
réputation , bien qu'il soit si fort , qu'il faille , pour en
faire usage , le mélanger avec d'autres plantes appelées
akil et trouna.
Ce tabac se vend au prix ordinaire de 20 boudjous
d'Alger le quintal ^ 30 francs à peu près.
Quatre tribus arabes possèdent des terrains dans le
district de Souf, y déposent leurs grains et y habitent
une partie de l'année; ce sont les
Rebaîa.
Souamech.
Ferdjan.
Ouled H'amid.
Comme presque tous les habitants du désert , les
Souafa sont doués d'une perspicacité de sens prodi-
gieuse. Nous admettons facilement , en principe , que
l'habitude d'une vie errante dans des plaines mono-
tones où rien ne rappelle, au retour, la route que
l'on a suivie ; que la nécessité de veiller sans cesse de
l'oreille et des yeux, d'étudier à la fois l'horizon où
l'ennemi vous attend peut-être, et les plis de terrain
qui peuvent le cacher, nous admettons que cette
lutte incessante développe, jusqu'à un certain point,
chez un individu les facultés de l'ouïe, de l'odorat
et de la vue; tous les voyageurs l'ont constaté; mais^
nous l'avouons, nous n'avons jamais accueilli sans
défiance les merveilleux exemples qui nous ont été
cités mille fois, et nous ne les donnons nous-même
qu'en faisant nos réserves.
DISTRICT DE SOUF. 193
Si nous en croyons les Souafa que nous avons inter-
rogés et quelques juifs voyageurs qui avaient long-
temps habité Souf , les habitants de ce district sont les
marcheurs les plus intrépides du Sahara : ils feraient
facilement trente lieues par jour à pied. « De Tougourt
(( à Sif Soult'an , nous disait l'un d'eux , il y a loin
« comme de mon nez à mon oreille, » et pourtant il
y a dix lieues.
« Je passe , ajoutait-il , pour n'avoir pas une très-
ce bonne vue ; mais je distingue une chèvre d'un mou-
« ton à un jour de marche. J'en connais , disait-il
(( encore, qui , à trente lieues dans le désert , éventent
« la fumée d'une pipe ou de la viande grillée. Nous
« nous reconnaissons tous à la trace de nos pieds sur
« le sable; et, quand un étranger traverse notre terri-
« toire, nous le suivons à la piste, car pas une tribu
« ne marche comme une autre; une femme ne laisse
i( pas la même empreinte qu'une vierge. Quand un lièvre
(( nous part, nous savons à son pas si c'est un mâle ou
« une femelle, et, dans ce dernier cas, si elle est pleine
« ou non ; en voyant un noyau de datte , nous recon-
« naissons le dattier qui l'a produit. »
Et comme nous ne semblions pas ajouter une foi
bien naïve à ce qu'il nous racontait : (( Vos médecins ,
« nous dit-il , ne reconnaissent-ils pas la maladie d'un
(( homme rien qu'à le voir et à le toucher? »
Quelque ingénieux que soit ce raisonnement, tout
cela , nous le répétons , nous semble fort exagéré ; mais
13
194 DE TOUGOURT A K'EFSA.
il est constant que les sens des peuplades sahariennes ,
et particulièrement des habitants de Souf , que leur
instinct fait voyageurs et dont la plupart sont toujours
en course sur les routes du désert, ont acquis un dé-
veloppement extraordinaire.
Leurs mœurs d'intérieur sont , pour cette raison-là
peut-être, fort dissolues.
Deux routes , également fréquentées , conduisent de
SoufàNefta.
I'' ROUTE DE SOUF A NEFTA.
(STIFTE DE LA ROUTE DE TOl^GOTIRT A KEFSA.)
lieu*^.
3* jour, on s'arrête à des mamelons de sable appelés El
H'aouaïdj 13
A trois lieues de Souf, on a trouvé un puits
nommé H'assi Khelifa.
4« . . . au puits nommé Bir Bou Na'nb il
5« jour à Nefta 12
2*^ ROUTE DE SOUF A NEFFA.
(sriTE DE LA HOliTE DE TOITGOLRT A KEFSA.)
lieues.
3* jour à El Chouachi. \ 8
4* I puits 12
5* ... à El A'sli. . . ) 14
6' ... à Nefta 6
NEFTA. 195
NEFTA.
Nefta relève de la régence de Tunis; elle est située
à trente-cinq ou quarante lieues nord-est de Souf; c'est
moins une ville proprement dite , qu'une aggloméra-
lion de villages qui , séparés entre eux par des jardins ,
occupent une étendue de terrain deux fois grande
comme Alger ; ces villages sont :
H'al Guema.
Zebda.
Msa'ba
Ouled Cherif.
Béni Zeïd.
Béni Ali.
Cherfa.
Zaouiet Sidî Ah'med.
La position de Nefta et ses environs sont très-pitto-
resques. Les eaux y sont très-abondantes; une source
principale qui, sous le nom d'Oued Nefta, prend
naissance au nord de la ville, au milieu d'un mouve-
ment de terrain, entre les villages de Cherfa et de
Zaouïet Sidi Ah'med , la divise en deux, et féconde ses
jardins plantés d'orangers, de' grenadiers, de fi-
guiers, etc.; la même source arrose , au moyen de ri-
goles, une forêt de dattiers qui s'étend à plusieurs
lieues. Un k'aïd, k'aïd el ma (k'aïd des eaux), veille
à leur répartition dans les propriétés de chacun.
r^s maisons de Nefta sont généralement bâties en
briques, quelques-unes avec goût et même avec luxe.
196 DE TOUGOURT A K'EFSA.
Celles-ci sont ornées, à F intérieur, de carreaux de
faïence apportés de Tunis.
Chaque quartier a sa mosquée et son école, et , dans
le centre de Fagglomération des villages, une place,
appelée Rebot, située sur le bord de F Oued Nefta,
sert de marché commun.
Les trois quartiers , H'al el Guema , Ouled Cherif et
Béni Zeïd , semblent être plus spécialement habités par
les grands propriétaires; celui de Zebda est habité par
les commerçants.
Les cherfa (cherifs), descendants du prophète,
ainsi que l'indique leur nom , sont les nobles de la cité ,
les seigneurs, « les maîtres du bras. » C'est parmi les
cherfa , sans doute , que le bey de Tunis choisit d'or-
dinaire le chef qui gouverne la ville. Celui du moment
s'appelle Brahim Ould Ah'med Ben A'oum.
Nefta n'est pas assez avancée dans le désert pour que
les alliances de ses habitants avec les négresses esclaves
soient très-communes , et pour que la couleur blanche
de leur race en ait subi une altération.
Leurs mœurs sont aussi beaucoup plus pures que
celles des peuplades du Sahara. On les dit très-religieux
observateurs de la loi et très-hospitaliei^s.
Quelques juifs artisans et courtiers se sont glissés
parmi eux et sont tolérés, aux conditions connues de
porter un mouchoir noir à la tête, de ne pas monter à
cheval, etc.
Nefta est l'entrepôt intermédiaire des marchandises
NEFTA. 197
que sa métropole écoule vers le Sahara. Aussi les Arabes
Fappellent-ils : « le port de Tunis. » Le commerce ,
dont elle est le centre, a deux grands mouvements
dans Tannée : au commencement du printemps, et
à la fin de Fêté. Au commencement du printemps,
parce qu'une armée sort alors de Tunis pour aller
percevoir les contributions dans le vaste rayonne-
ment au sud de la régence, qui, par sa position,
échappe à Faction purement administrative du bey.
Cette armée se divise ordinairement en trois corps :
les fantassins, qui forment le premier, s'arrêtent à
K'efsa, à vingt-cinq ou trente lieues en deçà de Nefta;
le second, sous les ordres du chef, s'arrête à dix-
huit ou vingt lieues plus loin, à Touzer; et le troi-
sième, qui est le makhzen (cavahers du gouverne-
ment), s'avance jusqu'à Nefta; les routes sont donc
parfaitement sûres.
Tous les marchands du désert , les uns à pied , les
autres montés sur leurs chameaux, tous armés, munis
de leurs produits et d'argent, se dirigent alors sur
Nefta, et de là se rendent à Tunis, protégés par le retour
de la colonne. Mais les vexations de toutes sortes qu'ils
ont à subir, les impôts directs et indirects dont on les
accable, peuvent nous faire espérer de les attirer peu
à peu à Constantine et à Alger, où quelques-uns sont
déjà venus. Nos routes sont en eftet plus sûres, et
nous leur donnerons une protection qu'on leur vend
dans la régence de Tunis. Le tarif en est ainsi fixé :
198 DE TOUGOURT A K'EFSA.
A Nefta d'aboiti :
3 boudjous par lêle.
1 — ^ par chameau.
— ^ par âne.
1 rial par mulet.
Encore leur faut-il payer, à Tunis, des droits pour tout
ce qu'ils y achètent.
Ils y apportent .
Des dattes.
Des plumes d*autruche.
De la poudre d'or (en petite quantité).
Des dents d'éléphant.
Desh'aïck', des bernons.
Des tentes en poil de chameau.
Des peaux tannées du Maroc (filali).
Des tellis, sacs tissés en feuilles de palmier.
Des chameaux.
Des esclaves.
Des monnaies de France et d'Espagne qui seront
converties en bijoux.
Ils y achètent :
Des calicots de toute qualité.
Des étoffes du genre de celles que nous appelons
rouenneries.
Des chachïa, dont beaucoup sont fabriquées à
Marseille.
Des draps français communs.
Des mousselines anglaises et françaises.
Des foulards simples ou dorés , V , . , , ,
^ . „. , . /fabriques a Lyon
Des cemtures d homme en lame > \ r^ .
\ ou a Tunis,
ou en soie , ;
NEFTA. 199
Des bernons sousti de Tunis.
Du benbazar, mousseline de Smyrne pour faire
des manches de chemise.
Du coton de Marseille et de Tunis.
Des turbans.
Des turbans de soie , pour les femmes , fabriqués
à Tunis.
Des ceintures de courses, servant de bourses, en
cuir et en laine.
Des fils de Marseille en chanvre et en coton.
Des soies teintes de Lyon.
Du corail de toute quaUté , pour chapelets et col-
Uers de femmes. •
Des chapelets d'Egypte.
Des bracelets en corne de bœuf sauvage de
Tunis.
De la verroterie de Trieste.
Des coquillages de Tunis, appelés el ouda, et qui
leur serviront de monnaie dès qu'ils seront ar-
rivés dans le Soudan.
Du musc du Caire et d'Alexandrie.
Des essences de Smyrne et de Tunis.
Du papier à écrire de Gênes ou de Marseille.
De Tantimoine , de Marseille et du Maroc , pour
teindre les yeux et les sourcils.
Des tuyaux de pipe de Constantinople.
Du tabac de Souf.
Du sucre et du café.
Des teintures anglaises.
Du soufre de Marseille.
Du cobalt.
Du bleu de Prusse
200 DE TOUGOURT A K'EFSA.
Du safraa pour teinture.
Du louk (substance rouge pour teindre).
De Talun de Marseille et de Londres.
Des épiceries anglaises.
Du riz d'Alexandrie.
Des ustensiles en cuivre de Tunis et de K'aïrouan.
Des lunettes.
De la coutellerie commune anglaise et de Marseille.
Des serrures de Tunis.
Des fers à cheval de Tunis.
Des fils de fer pour cardes , \
Des clous et des pointes ,
Des fils de laitoji ,
Des feuilles de cuivre et de fer- ) de Marseille,
blanc ,
Des aciers, mais qui ne sortent
qu'en contrebande ,
Des fers de Suède et d'Angleterre.
Des armes : — fusils de Smyrne et de Tunis
sabres de Smyrne.
ïatar'an —
pistolets —
Des pierres à fusil de Tebessa et de Tunis.
De la poudre de Tunis, qu'ils achètent en contre-
bande.
Ces emplettes une fois terminées, il ne serait pas
prudent aux voyageurs de s'exposer, en temps ordi-
naire, à travers le territoire des Araires toujours au guet
d'une r'azïa; car si la caravane est assez nombreuse
pour se défendre au départ, elle se divise à mesure
qu'elle avance, chacun prenant, à certain point, le che-
NEFTA. 201
miii qui le ramène à sa tente , à son village , à sa tribu ;
et r armée n'est plus là pour leur vendre sa protection.
Aussi , le mouvement de retour est-il calculé d'avance ,
et il ne s'opère jamais qu'à l'époque de la moisson •
alors que les Arabes , même les plus pillards , partis
pour acheter des grains dans le Tell , laissent les routes
à peu près libres.
Tous les habitants de Nefta ne sont pas commer-
çants ; les riches propriétaires et les cherfa , qui repré-
sentent l'aristocratie, vivent de la vie tranquille des
nobles, la plus insouciante et, peut-être , la plus heu-
reuse que la philosophie contemplative ait rêvée.
L'oasis de Nefta, si nous en croyons les voyageurs
que nous avons interrogés, est la plus poétique du dé-
sert; ses jardins sont délicieux; ses oranges, ses limons
doux, ses dattes sont les meilleurs fruits de la régence de
Tunis ; presque toutes les femmes y sont belles de cette
beauté particulière à la race orientale, et les plus riches,
qui ne s'exposent jamais à l'âpre soleil de la journée,
sont blanches comme des mauresques.
Les tribus qui déposent leurs grains à Nefta sont :
Des fractions des Nememcha.
— des Ouled Sidi Cheïkh.
— des Ouled Sidi A'bid.
Selon qu'on a pris, de Souf à Nefta, l'une ou l'autre
des deux routes que nous avons indiquées , on est en
avance ou en retard d'un jour. Nous continuerons à
compter comme ayant pris la route la plus courte.
20Î DE TOUGOURT A K'EFSA.
e*" jour à partir de Nefta, la physionomie du terrain change
presque subitement.
De cette ville à Touzer on voyage dans une oasis
plantée de dattiers et d'arbres fruitiers ; la di-
stance est de $
TOUZER.
Touzer a beaucoup changé sans doute depuis que le
voyageur Desfontaines écrivait d'elle, en 1784 : « Le
(( bey fit dresser le camp au côté droit de la ville, si Ton
« peut donner ce nom à un assemblage de maisons de
(( boue. » Cette phrase, qui nous préoccupait, a dû nous
faire insister davantage sur les renseignements que nous
avons pris auprès des Arabes de Touzer même , et des
voyageurs qui Font vue et habitée. Tous ont été una-
nimes sur ce point , que Touzer est une des plus belles
villes du Belad el Djerid.
Desfontaines ne Taura vue sans doute que de loin, et
n'y sera pas entré.
Cette ville est grande comme Alger et entourée d'un
mur d'enceinte en pisé , haut de 12 ou 1 5 pieds et cré-
nelé. On y entre par deux portes, Bab el H'aoua et Bab
el Zît. Au centre est une vaste place qui sert de marché.
Elle a des mosquées, des écoles, deux bains maures,
des fondouk', etc. Ses maisons sont à terrasses, et gêné-
TOUZER. 203
ralement bien bâties, la plupart avec les débris d'une
ville romaine.
On y trouve des forgerons , des menuisiers , des ar-
muriers et de nombreux marchands. Les juifs y sont
tolérés et y exercent les métiers de teinturiers, car-
deurs de laine, orfèvres, etc.
Une partie de Farmée du bey de Tunis qui, ainsi que
nous l'avons déjà dit, s'avance chaque année dans le
sud, pour faire payer les contributions, s'arrête à Tou-
zer, où les chefs , qui sont ordinairement des parents
du bey, ont des maisons.
Touzer, située dans une plaine, est dominée au
nord-ouest par une petite montagne rocheuse d'où sort
une source très-abondante qui prend le nom d'Oued
Mechra, longe les murailles de la ville au sud , se divise
ensuite en trois branches, arrose les jardins et va se per-
dre un peu plus loin, après avoir également arrosé les
plantations de plusieurs villages; ces villages sont :
Cherfa.
Belad el Ader.
Zaouïet et Tounsïa.
Djin.
A^bas.
Zaouïet Sidi A1i Bou Lifa.
Zaouïet Sah'raoui.
Les puits de l'intérieur de Touzer sont insuffisants
pour la consommation des habitants , qui puisent leur
eau dans l'Oued Mechra.
Î04 DE TOUGOLRT A K'EFSA.
Les tribus arabes qui déposent leurs grains à Touzer
ou dans les villages voisins sont :
Des fractions des Ouled Sidi Cheikh.
— des Ouled Sidi A'bid.
— des H'ammama.
Le cheikh de la ville se nomme El Taïeb.
?• jour, on s'arrête à Taguïous et El H'amma; les oliviers
commencent à reparaître 9
8« . . . à rOued Maleh' 6
9« . . . à K'efsa 6
Total 85
K'EFSA.
K'efsa , située entre deux montagnes arides , est une
ville de sept à huit cents maisons ; elle n'a point de
muraille d'enceinte y mais elle est défendue par une
k'asbah' assez forte où il y a une garnison de fantas-
sins et quelques canons.
Les jardins qui Fentourent sont plantés de figuiers,
de grenadiers, d'orangers, etc. , et surtout de dattiers
et d'oliviers. On y fait beaucoup d'huile qui s'écoule
dans le désert, jusqu'à Tougourt, et de là sans doute à
Gardaïa, à Ouargla et dans les tribus nomades.
K'EFSA. 205
K'efsa est à la porte du Sahara ; c'est la limite du
Belad el Djerid ; les sables commencent à disparaître ;
la terre devient meilleure et produit quelques céréales.
Trois villages sont situés aux environs :
Lala.
El K'sir.
El Guetar.
Une fraction des H'ammama dépose ses grains à
K'efsa.
PARTIE OCCIDENTALE
ROUTE
D'ALGER A INSALA».
DIRECTION GÉNÉBALE Dl^ JVORD AU SUD-Ol^KST.
La route que nous allons donner n'est point directe :
ce n'est point celle que devraient suivre des voyageurs
que des besoins quelconques appelleraient dans la cir-
conscription de Tidikelt; nous ne l'avons prise que
pour embrasser un plus grand espace de terrain, que
pour voir le pays; nous donnerons l'autre plus loin.
Par celle-ci, nous voyagerons en touristes ; par l'autre,
en marchands.
D'Alger à Sidi Bouzid on compte quatre-vingt-trois
lieues, faites ordinairement en onze étapes, que nous
avons indiquées plus haut ( Route d'Alger à Ouargla).
Nous commencerons donc ici à compter du douzième
jour. ^ V.
12« jour en quittant Sidi Bouzid^ on tourne à l'ouest et
Ton entre dans le Djebel A'mour que Ton tra-
verse dans toute sa longueur de Test à Touest,
et Ton atteint El R'icha. 9
13« . . . de El R'icha à El H'amouïda, en suivant la mon-
tagne. 10
14
210 D ALGER A INSALAH'.
DJEBEL A MOIR.
Le Djebel Sah'ri , arrivé à hauteur de Sidi Bouzid ,
prend une plus grande élévation, et s'étend, par une
succession de pics et de vallées, sur un espace de quinze
lieues en longueur et de huit à dix lieues en largeur. Ce
pâté prend le nom de Djebel A'mour. Sidi Bouzid est
donc son point de départ à Test; il est borné , à Fouesl,
par un pic très-élevé , que Ton appelle Touïla Mta' el
Makena.
Des sources et des rivières nombreuses jaillissent
dans les plis intérieurs du terrain, et^ de ravins en val-
lées, s'écoulent hors des deux versants, par des gorges,
des pentes douces légèrement ondulées ou des an-
fractuosités rocheuses.
Toutes ces eaux rendent la végétation si active que
l'ensemble de la montagne a^ de loin, Taspect d'une
forêt, mais fortement accidentée, et dont la physio-
nomie pittoresque est esquissée par les lignes hardies
de quelques pitons très-élevés. Les arbres y sont si pres-
sés sur certains points^ et les buissons si fourrés, qu'on
ne peut s'y frayer un passage ; çà et là , la place est vide
' et forme d'immenses clairières, où campent les tribus.
Les chênes verts et les chênes à glands doux y do-
minent. On y trouve des pins d'une si grande hauteur
qu'on pourrait en faire des mâts à nos vaisseaux, des
bet'om ( térébinthes ) , dont quelques-uns^ dit -on,
couvrent trente cavaliers , et dont le fruit se mange
DJEBEL AMOUR. 211
mêlé avec du lait ^ ou ^ pressé ^ donne de Fhuile ; de
grands arbres appelés taga, d^ autres appelés arar, qui
donnent de la résine, dont on se sert pour goudronner
les chameaux. Auprès des fontaines et des rivières
s'élèvent des trembles magnifiques , safsaf* Les vergers
sont plantés, pêle-mêle, de pommiers, de poiriers, de
pêchers, d'amandiers; on cultive dans des jardins les
melons, les pastèques, les concombres, les navets, les
ognons , etc. , et les vallées fournissent, en temps ordi-
naire, aux habitants, du blé et de Forge en quantité
largement nécessaire; mais, en temps de disette, ils
sont forcés de recourir à leurs voisins du sud pour avoii
des dattes, et aux tribus du Tell pour avoir des grains.
Tous les versants intérieurs et extérieurs de la mon-
tagne, quand ils ne sont pas couverts d'arbres, sont
parsemés de buissons de myrtes, de lentisques, et sur-
tout de cédrats que les chameaux mangent avec avidité.
Les espaces nus, où Ton mène paître les troupeaux,
fournissent des herbes abondantes , a'cheb , al& ,
chieh'.
Quelques villages dispersés sur le Djebel A'mour, et
généralement assis à la source ou sur le bord des ri-
vières, outre qu'ils ont leurs habitants sédentaires, sont
encore des greniers où les fractions de la tribu des Ou-
led A'mour, qui peuplent la montagne et vivent sous
la tente, déposent leurs grains.
Les villages et les rivières du versant nord sont , de
l'est à l'ouest :
212 D'ALGER A INSALAH'.
SidiBouzid, de cinquante ou soixante maisons, situe
à la corne Est du Djebel. Ses habitants, qui prennent le
nom de Ifal Sidi Bouzid, sont marabout'; ce village
n'est remarquable que par une k'oubba (marabout') en
grande vénération dans le pays.
L'Oued Mok'ta' prend sa source un peu au sud de ce
village, et va se jeter dans FOued Beïda , qui descend
de huit lieues plus à Touest; réunies, elles s'appellent
Oued Taguin , et, selon les Arabes, forment la source
du Chelif.
A quelques lieues de Sidi Bouzid, dans la montagne,
se trouve un groupe d'une vingtaine de maisons : c'est
le k'sar appelé A' flou, auprès duquel sort une source
qui prend le même nom, s'appelle, un peu plus au
nord. Oued el Medçous, et va se jeter dans l'Oued
Beïda.
A quatre lieues d' A' flou est situé Tadmama , k'sar de
vingt-cinq ou trente maisons; il donne son nom à une
source qui va se jeter dans l'Oued Medçous.
A cinq lieues de Tadmama, se trouve un endroit re-
marquable par sa végétation, appelé Ras el A'ïoun (la
tête des sources), et d'où s'échappent plusieurs filets
d'eau très-abondants qui, encaissés dans le même lit,
prennent, en sortant de la montagne, le nom d'Oued el
Goubab, reçoivent l'Oued Tadmama et forment l'Oued
T'oud. A l'ouest de Ras el A'ïoun , deux sources, appe-
lée^ BeridaetTamellaket, serpentent dans la montagne,
où elles meurent en formant des marais.
DJEBEL AMOUR. 213
VILLAGES ET RIVIERE
DV VERSANT SUD DE l'eST A l'oUEST.
A cinq ou six lieues, en face de Sidi Bouzid et de
Tautre côté de la montagne, se trouve le marabout' de
Sidi loucef, au pied duquel FOued el Merra prend sa
source. El R'icha, village d'une centaine de maisons,
est situé à quatre ou cinq lieues plus à l'ouest, et donne
son nom à l'Oued R'icha , qui va se jeter dans l'Oued
Merra ; réunies, elles sortent de la montagne et passent
à Tadjemout, où elles prennent le nom d'Oued Mzi.
A cinq lieues de l'Oued R'icha , l'Oued Reddad sort
entre deux mamelons, va passer au sud d'A'ïn Mad'i,
prend le nom d'Oued Messa'ad, et se jette dans l'Oued
Mzi, au delà de El Ar'ouat'.
A quatre lieues de l'Oued Reddad, entre deux mame-
lons très-élevés , dont l'un s'appelle Djebel el Maleh'
(la montagne de sel), et aux pieds desquels sont assis
deux villages , Khodra , de trente maisons, et Taouïala^
de cent maisons , sort un ruisseau salé très-abondant ^
appelé Oued MaleW. Si nous en croyons les Arabes, des
mines de plâtre considérables s'annoncent entre R'ichai
et Khodra.
Au nord, et très-près de ce dernier village, un groupe
d'une vingtaine de maisons forme un k'sar appelé Anfous.
A deux ou trois lieues de l'Oued Maleh', on trouve El
H'amouïda , village de vingt-cinq à trente maisons ; il
314 D'ALGER A INSALAH'.
donne son nom à TOued Ifamouïda, qui sort à ses
pieds et va se jeter dans FOued Maleh', avant de quitter
la montagne.
A quatre lieues sud-ouest de la partie la plus avancée
du Djebel A'mour, se trouve un village d'une vingtaine
de maisons, appelé Bou A'iam (le père du drapeau),
dont les environs sont, sur une assez grande étendue ,
très-riches en céréales.
Le Djebel A'mour est habité par une tribu arabe ré-
putée de race noble (djouad) , qui prend son nom de la
montagne, ou qui peut-être lui a donné le sien. Elle
parle la langue arabe pure et vit sous la tente, bien que
tous les chefs de ses diverses fractions aient des maisons
dans les villages. Mais, ainsi que nonsFavons dit, cesont
là leurs greniers, où le père et le fils, à tour de rôle, vont
veiller à la garde des grains et des provisions de la famille .
Elle se divise en sept grandes fractions, qui sont :
1^ Les Ouled Mimoun, djouad en possession du
pouvoir, qui habitent ordinairement dans les environs
de Ras el A^ïoun. Ils sont riches en moutons , en bœu&
et en chameaux , qu'ils font paître , en été , dans le^
pâturages de Ras el A'ïoun ; en automne , du côté de
Khodra et de Taouïala; en hiver, au sud d'A'ïn Mad'i;
au printemps, du côté d'Ask'oura. Ils peuvent mettre
sur pied soixante chevaux ;
2® Les Oïded A'ii Ben A'raer, qui campent dans les
envii'ons de TOued Merra , et qui mènent la même vie ,
à peu près, que les OuledMimoun; ils ont cent chevaux;
DJEBEL A'MOUR. 215
3^ Les Ouled Rah'mena, qui campent du côte
d'A^flou; ils ont trente chevaux;
4^ Les A^maza , qui habitent le même pays à peu
près. Ils ont trente chevaux et beaucoup de fantassins ;
5** Les Ouled Iak'oub el R'aba (de la forêt), qui
campent du côté de R'icha. Ils peuvent lever cent che-
vaux et six cents fantassins tout armés ;
6** Les Makna, qui campent dans les environs de
rOued H'amouïda; une famille de Cherfa se trouve
dans cette fraction. Ils peuvent lever trente ou qua-
rante chevaux et quatre cents fantassins armés ;
7* Les H'adjalat, qui habitent les environs de SidiBou-
zid et de TOued el Beïda. Cette fraction est, entre toutes,
renommée par son courage , et c'est sur elle que s'ap-
puient particulièrement les Ouled Mimoun. Us peuvent
lever trois cents chevaux et beaucoup de fantassins.
Ainsi la tribu des A'mour est forte de six cents à
six cent cinquante chevaux , et de trois mille fantas-
sins, sans y comprendre une petite tribu de Ka-
byles venus on ne sait d'où, et qui vivent à part,
sur le pic le plus élevé de la montagne £1 Ga'da.
« Us sont là , nous disait un Arabe , perchés conune
« des oiseaux. » On les appeUe Kemamta. Quelques-
uns, les chefs seuls, sans doute, parlent l'arabe,
encore le prononcent-ils mal.
Tout le Djebel A'mour obéit à un cheikh nommé
Djelloul Ben Yah'ia, djied (noble) des Ouled Mimoun,
dont la famille a , de temps immémorial, le pouvoir en
•216 D.VLGKK A INSALAir.
maiii. Djelloul esl âgé de ({uaranle ans à peu près;
c est un homme brave et fort, froid et sérieux; on ne
Fa jamais vu rire. Il s'est révélé de bonne heure dans
toute sa sauvage énergie, parle meurtre de son oncle,
qui voulait le spolier. Avant lui , le Djebel A'mour,
souvent ensanglanté par des guerres de fractions à frac-
tions, était en état continuel de révolte contre les chefs ;
mais Djelloul, toujours ferme et sévère, au besoin, jus-
qu'à la cruauté , a fait plier ou tomber devant lui toutes
les têtes. C'est le soult'an de la montagne : il tue, bannit,
bâtonne, pardonne en monarcjue absolu. Les contribu-
tions qu'il prélève sont considérables; mais il les dépense
généreusement pour les pauvres et les voyageurs.
A'bd el K'ader le tenait en grande estime et lui avait
confirmé le pouvoir.
En cas de guerre avec les tribus voisines, outre que
le Djebel A'mour est à peu près imprenable pour une
armée arabe , il resterait encore un dernier refuge à ses
habitants, le sommet du Ga'da. C'est le pic le plus élevé,
le plus escaipé de ce paie montagneux : on ne peut y
grimper qu'un à un , par un sentier tortueux , difficile ,
suspendu entre deux précipices, ou bordé d'arbres,
derrière chacun desquels il y aurait un homme et un
fusil. Ces Thermopyles s'appellent Trik' el Ga'da. A son
sommet le Ga'da offre une plate-forme assez vaste
pour donner asile à toute la tribu , femmes , enfants ,
troupeaux; des sources coulent sur les flancs, assez
abondantes pour suffire a tous.
DJEBEL AMOUR. 217
Des tigres , des panthères , des linx , des hyènes , des
chacals, des sangliers, vivent au milieu de ce pâté monta- .
gneux torturé de pics et de ravins. Dans les vallées on
trouve des lièvres, des perdrix, des cailles, des poules de
Cailhage; dans les bois, des corbeaux, des ramiers, des
bécasses ; au bord des sources et dans les marais , des
poules d^eau, des bécassines; et sur les pics les plus
élevés , des aigles , des vautours, des faucons.
Aussi la chasse est-elle en grand honneur dans la
tribu, surtout cette chasse au faucon que nous avons
abandonnée , et que les nobles arabes , comme nos sei-
gneurs du moyen âge, aiment passionnément.
Il est assez remarquable qu'il n'y ait point de lions
dans un lieu si bien fait, ce semble, pour leur donner un
sûr asile et fournir au luxe de leurs repas de roi. Cette
observation n'a pas manqué de frapper les Arabes , et
faute de pouvoir l'expliquer par une cause naturelle,
ils se sont, comme toujours, rejetés sur la légende :
« Autrefois , disent-ils , les lions étaient nombreux
« dans le Djebel A'mour, si nombreux qu'ils décimaient
« les troupeaux et se passaient souvent le caprice de
« commencer par le berger. Un saint marabout', nommé
« Sidi A'ïca, fut prié d'intervenir dans celte affaire; la
« commission était difficile ; mais Dieu est grand ! Il se
« mit en prière à travers la montagne , en ordonnant
(( aux lions d'aller chercher un gîte ailleurs. On n'en
c( a pas vu depuis. »
L'animal que Shaw appelle fislhall, el leroui, qu'il
218 D'ALGER Â INSÂLAH'.
écrit, daiis son orthographe anglaise, lerwee, habite les
sommets les plus ardus de la montagne. Les Arabes et le
dictionnaire de Freytag l'appellent aroui. 11 est de la
grosseur d'un veau d'un an, de couleur fauve ; ses
cornes, presque unies sur le front, sont canelées et re-
jetées en arrière; une toufTe de poils d'un pied de long
lui couvre la nuque , le poitrail et les genoux. Selon
Shaw, c'est le tragelaphus de Pline.
SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAH'.
lieurs.
14* jour de El H'amouïda à Stiten 8
A une lieue de El H'amouïda on quitte le Djebel
A'mour, en passant au pied d'un pic élevé ap-
pelé Djebel T'ouïla ; on entre alors dans le Dje-
bel K'sal , sur le versant sud duquel est situé
le petit village de Bou A'iam.
BOU A'LAM.
Village de trente ou quarante maisons, entourées de
jardins arrosés par des sources.
Les Rezigat, fraction des Ouled K'sal, y déposent
leurs grains ; mais dernièrement une querelle s'est en-
gagée entre eux et les Chàmba de M etlili, qui sont tom-
bés sur le village et Font pillé.
STITEN. 219
STITEN.
Petit village de trente ou quarante maisons ^ entouré
d'un mauvais mur d'enceinte en pisé, ouvert par une
seule porte. Ce village a une petite mosquée et une école.
En dehors, du côté du sud, s'étendent quelques jar-
dins potagers; il n'y a point de dattiers et très-peu
d'arbres fruitiers ; ils sont arrosés par une source que
Ton appelle A'in Stiten, où les habitants du village, qui
n'ont pas de puits, vont chercher leur eau. Dans les
environs se trouvent quelques terres labourables que
l'on cultive à la pioche.
Les habitants de Stiten s'occupent de commerce;
leurs femmes tissent des laines.
Le chef de ce kW s'appelle El H'adj el A'rbi.
Des fractions de la tribu des El Ar^ouat' K'sal y dépo-
sent leurs grains.
On n'y trouve ni Béni Mzab, ni Juifs, si ce n'est de
passage.
MECHERIA.
Un peu à l'ouest de Stiten, se trouve le petit hameau
de Mecherïa, d'une vingtaine de maisons. Il est entouré
de jardins et de quelques terres cultivables.
C'est un dépôt de grains des El Ar'ouat' K'sal.
Auprès de Stiten sort une rivière qui prend le nom
de Oued Stiten, passe au village de R'açoul, où elle
i20 D'ALGER A INSALAH'.
s^ appelle Oued R'açoùl, coule vers Brizina, où elle
s'appelle Oued Brizina, et sous le nom d'Oued Segguer
va mourir dans les sables au pied des AVeg de
Guelea'.
litmtt.
15* jour de Stiten à El R'açoul , en suivant la vallée de
rOued Stiten 9
EL R'AÇOUL.
C'est un village de quarante à cinquante maisons,
entouré d'un mur d'enceinte en pisé de deux hauteurs
d'hommes, et crénelé. Il a une mauvaise petite mosquée
et une école pour les enfants. Le village est dessei-vi par
une source qui vient du nord , et que l'on nomme
Bou Selah'. Des juifs de passage y cardent les laines et
y font le métier d'orfèvres. Quelques marchands y
revendent des cotonnades et des épiceries. Comme
les précédents, il est entouré de jardins et de terres
cultivables. C'est un dépôt de grains des El Ar^ouat'
lieurs.
16* jour de El R'açoul à Brizina 12
A El R'açoul on quitte la vallée de TOued Stiten ,
on traverse les montagnes qui la dominent à
gauche , auprès d'un pic élevé appelé Tenaïat
Temer, on longe des mamelons de sables que
Ton traverse pour entrer dans la vallée de
rOued Brizina , en face de ce village.
BRIZINA. 521
BRIZINA.
Cest un village de cent cinquante maisons à peu
près, entouré d'un mauvais mur d'enceinte en pisé,
crénelé, ouvert par une seule porte.
Au centre est une petite place où se tiennent les
marchés ; il a une mosquée avec un minaret, et des
écoles pour les enfants ; la justice y est confiée à un
k'ad'i.
Il n'y a point de sources dans l'intérieur; on va s'ap-
provisionner d'eau aux puits qui arrosent les jardins
potagers et les vergers extérieurs, ou dans l'Oued
Brizina.
Quelques dattiers sont semés çà et là dans l'ensemble
des jardins.
L'industrie de Brizina est la même que celle de tous
les K'sour du Sahara : de mauvais armuriers y raccom-
modent les fusils ; des forgerons y font des clous, des
fers à cheval et des pioches. Ils tirent leurs fers des
Béni Mzab. Quelques-uns fabriquent de la poudre assez
bonne, et dont ils reconnaissent, disent-ils, la qualité
quand, après en avoir fait enflammer une pincée dans
le creux de la main, elle n'y laisse ni traces très-sen-
sibles, ni brûlure. Le soufire qu'ils emploient à cette fa-
brication leur vient des Béni Mzab, et ils se fournissent
de salpêtre dans les anfractuosités d'une montagne si-
tuée à une demi-lieue du village et appelée R'iran el Ba-
roud (les cavernes de la poudre).
2«2 D ALGER A INSALAH'.
L^ occupation principale des hommes est le jardinage ;
cependant ils ne récoltent que très-peu de céréales et
vont, à la suite des tribus arabes, en acheter dans le
•Tell. Les femmes tissent des vêtements de laine.
Le cheikh de Brizina se nomme Moh^ammed Ben
K'addour ; il gouverne à Faide d^une djema\
Les montagnes des environs, comme toutes celles des
Ouled Sidi Cheïkh, sont riches en carrières de plâtre.
TRIBU DES EL AR'OUAr K'SAL.
Cette tribu habite le territoire borné :
A Test, par Sidi Ah'med Ben el A^bbasj
A Touest, par El R'açoul ;
Au sud, par Djebel Cherïa ;
Au nord, par Mecherïa et Stiten.
Elle se divise en quatre fractions :
Les Ouled Moumen , qui ont pour chef A'bd Allah'
Ben el Gourari, et qui déposent leurs gi*ains à El
R'açoul.
Les Rezigat qui ont pour chef Ben Khaled Ould ed
Din Ben el Bellout, et qui déposent leurs grains à El
R'açoul.
Les Ouled A^mran^ qui ont pour chef Ben Tenna, H
qui déposent leurs grains à Mecherïa et à Stiten.
Les Ouled A'ïça, dont le chef nous est inconnu, et
qui déposent leurs grains à Brizina.
SID EL H'ADJ ED DIN. î^l
Cette tribu se distingue par cette particularité^ que
chacune des fractions n'obéit qu'à son chef, et qu'elle
n'a point de chef unique ; mais elle est sous l'entière
dépendance de la grande tribu des Oulçd Sidi Cheikh,
tribu de marabout', dont F influence religieuse est con-
sacrée sur un inunense rayonnement.
Les El Ai''ouat' K'sal peuvent mettre sur pied quatre
cent chevaux ; il sont riches en troupeaux de chameaux,
de moutons, et, par exception, ils élèvent, assure-t-on,
des bœufs qui trouvent des pâturages convenables et
suffisants dans les marais et les montagnes.
Us ont pour industrie particulière de confectionner
des bois de selles et des objets de harnachement, brides,
poitrails, etc. Au retour de leurs voyages dans le Tell,
où ils vont acheter des grains, ils rapportent des étriers,
des mors et des éperons.
La beauté de leur sang est renommée, comme celle
des Ouled Sidi Cheïkh ; mais si ces derniers sont éga-
lement cités pour la sévérité de leurs mœurs, cet exem-
ple ne profite guère aux El Ar'ouat' K'sal , qui sont,
hommes et femmes, très-dissolus.
lieues.
!?• jour de Brizina on gagne Sid el H'adj ed Din 5
SID EL H'ADJ ED DIN.
Petit k'sar de quinze ou seize maisons seulement ,
mais remarquable par un très-beau marabout' qui a
donné son nom au village. C'est un lieu en grande vé-
224 I) ALGER A INSALAH .
nération, où de nombreux visiteurs apportent des of-
frandes, où les pauvres pèlerins reçoivent Fliospitalité ;
et les voyageurs sont nombreux ; car tout ce qui vient
de Gardaîa, de Metlili, de Guelea' et de Gourara pour
se rendre au pays des Ouled Sidi Cheïkh , passe par
Sid el H'adj ed Din. Les riches y laissent des présents
que les pauvres dépensent. Le cheïkh de ce village, qui
se nomme H'amza el Flatati est Foukil de la R'oubba
( chargé d'affaires du marabout!).
Les environs sont fécondés par des puits nombreux,
alimentés, selon la tradilion du pays, par une mer sou-
terraine.
Des fractions des Ouled Sidi Cheïkh, des M ekhadma ,
des Chamba , des El Âr^ouat^ K'sal passent ordinaire-
ment l'hiver entre Sidi el H'adj ed Din et Brizina, sur
FOued Segguer. C'est un terrain plat, où poussent
beaucoup d'herbes et de buissons très-propres à la
nourriture des chameaux, des moutons et des chevaux.
Lç descendant, à présent vivant, du marabout' El
H'adj ed Din n'a rien, assure-t-on , de Faustère sévérité
monastique de ses confrères : il se plait aux fantasia, ,
aux chansons et à la musique ; il est homme de Dieu et ,
tolérant, phénomène très-rare chez les musulmans.
lieurs.
18* jour de Sidi el H'adj ed Din on prend une direction de
Test à Touest, et on s'arrête au pied d'un ma-
melon de sables appelé Djebel A'ïrech 7 k
19* ... le lendemain on arrive à El A'bïod Mta' Ouled
SidiCheïckh
^i
EL A'BIOD MTA' SIDl CHEIKH. 226
Et Ton entre dans les montagnes rocheuses , acci-
dentées, boisées sur beaucoup de points, riches
sur certains autres en mines de sel gemme et
de plâtre, connues sous le nom de montagnes
des Sidi Cheikh, et qui s'étendent, de Test à
Touest, jusqu'au territoire de Figuig.
EL A'BIOD MTA' SIDI CHEIKH.
On donne ce nom à une réunion de plusieurs villages
qui, de temps immémorial, appartiennent aux chefs
marabout' de la tribu des Ouled Sidi Cheikh.
, El A'bïod (ou El Bïod) se divise en El Bïob Chergui
(de Test) et en El Bïod R'arbi (de Fouest).
j La première division comprend les villages de :
t El Bïod Chergui ,
K'sar el Rah'mena ,
et reconnaît pour chef Sidi H'amza Ben Bou Beker Ben
iVa'ïmi.
La seconde division comprend les villages de :
* K'sar Ouled Sidi el H'adj Ah'med.
Tin Kêt.
Ouled Bou Douaïa.
Ouled Sidi A'bd el H'akem.
i Ils obéissent à Sidi Cheïkh Ben El Taïeb, cousin du
chef précédent.
I^s jardins de ces villages sont très-clair-semés
15
29» D'ALGER A INSALAIT.
d^ arbres friBtîers et de dattiers^ qui cependsmt y réus-
siraief>t très-bien , ainsi que Patteste un des villages
d'El Rod Chergui. On y cultive des lëgumes et des
plantes potagères; des puits nombreux et peu pro-
fonds servent à les arroser. La garance y vient na-
turellement; quelques morceaux de terres arables
s'étendent aux environs, qui peuvent, quand Tannée
est bonne, suffire à la consommation des habitants ; on
les cultive à k. efaflvrue et à la pk>cbr *y c'est 1k l'occupa-
tion des hommes ; les femmes tissent des vêtements de
laine.
Du reste, Findustrie de cette population est à peu
près nulle : elle se borne à la fabrication du goudron ,
qui est vendu ou employé sur place pour goudronner
les chameaux; et de poterie grossière. De petits mar-
chands y fournissent aux besoins de nécessité première ;
ils vendent des cotonnades, des épiceries, de la quincail-
lerie, des fers, des aciers, des fers à cheval. Quelques
ji|î& y fenfc \» méA&t d'ocfévres^ d» cardeurs de hône,
de teinturiers. Figuig et les Béni Mzab fournissent au
reste.
Les montagnes voisines (à deux ou trois lieues) sont
boisées d'arbres que nous n'avons put reconnaître et
que les Arabes appellent allenday iMbl% retem (genêt),
arar, a'zir : ces deus derniers sont âes arbres rési-
neux.
Au centre des villages éclate le dôme blanc dii« toga*-
beau où reposent W ancétr<es de»Sidi Cheikh. C'est un
EL x'Aiob irfTA' sïDi Cheikh. 227
vaste et riche iti^ttaboM^ désigné sorts lé nom de 5ïo1ife
el Ferh'a'.
Six autres marabout' se trouvent entre les villages
d'El Bïod Chergui et celui dont nous venons de parler.
Ils se nomment :
Sidi el tf adj Bou H'afès.
Sidi Moh'ammed A^bd AUah^
6idi el H'adj A'fed el H'akem.
Sidi Ben ed t)in.
SidîA'bd erftah'nian.
àdi el H'adj Ah'med.
Tous ei^ *iai»aè)ôaif ont été cônstroif s par ée^ thatom
cpiePôïi a^fcftt venir de Figuig; chan^ue atinëe ite âofif
bbrtitohî* à Fiï«!ëi*iéttr et à Fexl'ëi^ietir. Oh n'y marche
que sul* éks tapisy oh àéS coussins ^nt déposas péiii^
s'asseoir à Itt feçon mu^àiane. Aux mtiraiHie^ sont à^
peifhiuB towe^ ^orté» ifoï^emeiîite dôhtiës par leà
pieux visiteurs : de^plurtieà et des œufe d'auti*uche, de^
pièces d^^tteflfes de soie et dé velours, des drapeatKc, dës'
ceiiltures, des miroirs, et chacun d'euk a SùièÉ oukil
charge de recevoir les présents dottt une partie est em-
ployée sur place à défrayer les nécessiteux, et doM
l'autre, convertie en argent, est réservée pouï* les be-
soins* imprévus. Les charges d' oukil sont confiées à des
nègres, ou plutôt à des gens de sang mêlé de la familte
des chefs.
Bes six villages* d'Ël Klod Mta' Sidreiieikhy k seul
228 DALGER A INSALAH'.
important est El Biod Chei^i ; ce sera donc le seul
dont nous parlerons.
EL BIOD CHERGUI.
C'est un groupe de cent cinquante à cent quatre-vingts
maisons qui peut lever de deux cents à deux cent cin-
quante fusils. Il est entouré d'un mur d'enceinte de dix
pieds de haut, à peu près, crénelé, défendu par quatre
petites tourelles, et ouvert par une seule porte. Il a une
petite K'asbah' appelée K'asbet Sidi Ben ed Din, une
mosquée surmontée d'un petit minaret, dans l'intérieur
de laquelle est un puits pour les ablutions, et deux
zaouïa ou chapelles, l'une dite de Sidi el H'adj Bou
If afès, l'autre de Sidi Cheïkh ; on y donne à manger à
tous les pauvres et à tous les voyageurs qui s'y présen-
tent. Comme partout, des tfolba enseignent la lecture et
l'écriture aux enfants ; un k'aJi y rend la justice.
Le puits de la mosquée est le seul qui soit dans le
village même : ceux des jardins alimentent la popu-
lation.
Dans El Bïod R'arbi, il n'y a qu'une seule zaouïa
nommée Zaouïet el R'arbïa; elle est située dans le vil-
lage de Bou Douaïa. Comme dans les autres, on y reçoit
une généreuse hospitalité.
Indépendamment de ces zaouïa, les deux che& des
TRIBU DES OULED SIDI CHEIKH. 229
Sidi Cheïkh ont, chacun dans sa tribu^ deux tentes spé-
cialement destinées aux voyageurs.
TRIBU DES OULED SIDI, CHEIKH.
Elle se divise en Sidi Cheïkh Cheraga (de l'est), et
Sidi Cheïkh R'araba (de Fouest).
SIDI CHEIKH CHERAGA,
200 CHEVAUX.
dépdts de l«urs grains.
Ouled Sidi el A'rbi. El Abïod Chergui.
Ouled Sidi el Zer'em. —
Ouled Sidi Tah'ar. Sidi el H'adj ed Din,
Ouled Sidi mah'ied Din. Brizina.
Ouled Sidi Bou en Nouar. El Bïod Chergui.
Er Rah'mena. —
SIDI CHEIKH R'ARABA,
300 CHEVAUX.
dépdts de leurs grains.
Ouled Sidi A'bd el H'akem. Sidi el H'adj A*bd el H'akem.
Ouled Sidi Moh'ammed A'bd —
Allah'.
Ouled Sidi el H'adj Ah'med. Sidi el H'adj Ah'med.
El Merâsla. Bou Semr'oun.
El Ma'bda. —
Ouled Sidi Ben A'ïça. A'cela.
Ouled Sidi et Tadj. —
Ouled Sidi Brahim. Sidi Bou Douaïa.
Ouled Ben Bou Sa'ïd. Tineket.
Ouled A'ziz. Sidi Bou Douaïa.
Ouled Sidi Sliman. —
330 P'UHm A 1M8ALÂH'.
Les Ouled Sidi d^ïjkh Cberaga ownop^t ordi^W^-
ment sur le territoire compris entre TOu^d Zergoun ^
sud, Stiten au nord, Bou A^lam à Fest, et les AVbaouat
à Fouest.
Les OjiUed 6i4i Omkk R'amba (mmpmt sur le pays
pompri^ entre El Bjip4 f!^r]H à Fest, FîÇHig k ïom^t^ et
leurs montagnes au nord..
Leurs tentes, de couleur noire, sont toutes surmon-
tées de bouquets de plumes d'aiitruche plus ou moins
gros, selon la qualité du personnage ou la fortune de
la famille; çomma presque tous sont maraboutf, c'est
là, disent-ils, un signe qui les distingue des tribus vul-
gaiies.
Ils sont riches en chanieaux, chevaux, mp^toqs, chè-
vres et ânes, mais ils n'ont point de bœufs et très-ppii de
mulets.
Les soins à donner aux troupeaux ne les occupent
point exclusivement; ils sont, par goût et par instinct,
comme tous les Arabes, trafiquants autant que pas-
teurs; on les compte en grand nombre sur les marchés
des Béni Mzab, de Mellili , de Figuig e}: de Timimoun
dans le pays de Gourara.
Us y portent :
Du beurre.
Pvi fromi^ge.
Du blé.
Pc Torge.
Des laines.
TRIBU DES OULKD SiM CHEIKH. «SI
Des moutons.
Des tapis nommés frach.
Des nattes.
D^ cordes eft ^alnrtef .
Des diapesux de pfedurfer ornés de plumes d'au-
Ils rapportent des Béni Mzab :
Des fusils.
Des pistolets»
De la poudre.
Des balles.
Des pierres à fusil.
Des bernous.
Des h'aïk' d*hommes et de femmes.
Des diemises en laine.
Des chaussures-brodequins.
Des babouches de femmes.
Du calicot.
Des épiceries.
De la coutellerie.
Du fer.
De Tacier.
Des fers à chevttl
Des feutres pour selles.
Des laines filées et teitltes.
Des teintures.
Ils rapportent de Timimoun i
Des esclaves nègres et négresses.
Des dattes.
Des vêtements de laine.
Du henna.
232 DALGER A INSALAH'.
De la poudre.
Du tabac.
Des peaux tannées appelées filali.
Des saie (pièces d'étoffes noires venues du pays
des nègres; elles n'ont que six pouces de lar-
geur; les femmes en font des ornements de
tête).
Ils rapportent de Figuig les mêmes objets que ceux
détaillés à Farticle des Béni Mzab, et, en sus, tous ceux
dont nous avons parlé ailleurs et qui sont tirés de Fâs
(Fez).
Les chefs des deux grandes fractions de la tribu sont
les mêmes que ceux des villages; nous les avons nom-
més. Ils sont cherifs et prétendent descendre du pre-
mier klialifah' du prophète, Sidi Bou Beker Seddik',
pour qui Mahomet aurait fait ce vœu :
Allah' idjal rekouhek sas. Que Dieu fasse que ta famille monte
toujours à cheval.
Ou rekebtek tenehas. Que ton genou soit toujours baisé,
Ou derritek tetâcha. Que ta postérité mange,
Ou derriti tebka helach. Quand la mienne aura faim.
Malgré cette communauté d'origine , chefs et frac-
tions ont été souvent divisés ; mais depuis quelques an-
nées ils vivent en bonne intelligence.
La sainteté des Sidi Cheikh et Finfluence de leur
qualité vénérée, non-seulement n'est point contestée,
mais , de temps immémorial , elle leur a attaché un
grand nombre de tribus qui se sont déclarées leurs
TRIBU DES OULED SIDI CHEIKH. 233
kheddam (serviteurs) et qui se font orgueil de ce titre.
Dans le principe, disent les Arabes , quand Dieu eut
consacré un homme par un prodige j cet homme fiit
reconnu marabout'. Les tribus voisines d'abord, puis,
et à mesure que sa réputation s'étendait , des tribus
plus éloignées vinrent le visiter et demander des mira-
cles à ses prières , de la pluie ou du beau temps , des
récoltes abondantes , des vœux pour les nouveau-nés,
pour les femmes stériles, pour les troupeaux malades.
C'est l'histoire de tous nos saints , avec la diflFérence
que, dans la religion mahométane, le titre de mara-
boutf est héréditaire, et, avec lui, la puissance de cette
aristocralie théocratique qui, de père en fils, rayonne
sur un plus grand nombre d'individus.
Les kheddam (serviteurs) d'un mai^about' sont obligés
d'aller, une fois l'an, visiter le tombeau où repose le
premier saint, chef de sa famille, et chaque pèlerin,
suivant sa fortune, y laisse des cadeaux, appelés
zïara.
A son tour, le marabout/, ou quelqu'un de ses pa-
rents , va visiter les kheddam , et ce voyage est encore
l'occasion d'une ample récolte de présents qui, cette
fois , prend le nom de el ouada.
Le marabout' impose à ses fidèles telle ou telle prière,
ordinairement très-courte, de quelques mots seulement,
mais qui doit être dite , à heure indiquée, souvent des
milliers de fois, que l'on compte sur un chapelet; celte
action s'appelle deker. Cependant une condition exigée,
1S4 D ALGER A IIKSALAH'.
c'ort de ciianger souvent de prière et de bû&ser diaque
foû, mi patron, qui seul peut vous en indûper une
nouveUe, une petite redevance.
A Taidede ces obligations pieuses, les marabout/ se
sont si bien emparés de Tesprit des populations que
beaucoup d^entre eux , comme certains abbes de notre
moyen âge , se sont fisiits , dans un cercle plus ou moins
étendu, plus puissants que leur soult/an lui-même, qui
les tient toujours en grande vénération , forcé qu'il est
de se ménager leur intervention ; il ne Tobtient souvent
qu'au prix d'une riche ouada. Ils sont d'ailleurs affran-
chis de toute espèce de corvées et d'impôts.
Tous les Arabes ont un grand respect pour les Ouled
Sidi Cheïkh ; mais leurs kheddam particulièrement dé-
voués de père en fils , sont :
Les Châmba.
Les gens de Ôuargla.
El Mekhadma.
H'al el Touat.
El Ar'ouat' K'sal.
La moitié des A'rba.
Ouled Khelif.
Ouled Cha%.
> Zenakha
Djebel A'mour.
La moitié des H'arar.
H'al Engad.
El H'assessena.
Béni A'mer.
TRIBU m» OULKD SIM CHEIKH. VM
H'amïan.
Douï Menïa.
Dja'fra.
Ouled A'ïad.
On comprend facilement qu'avec autant de moyens
d'action cette tribu, cjui par eM^-mêmff est peu de
chose , soit cependant une véritable puissance. Khed-
dam et tribu i>e reconnaissent, en réaliu^, (Je §ei-
gnem- et maître que leur marabout', et lui ohéisr
sent passivement, le soult/an ne vient qu'après; « çari
« disent-ils, si un soult'an peut pous faire du mal , Diau
(( peut nous en faire bien davantage. »
Une révolte s'élève-t-elle dans Ja tribu? ilnuflit gii
marabout^ d'une menace : « Que Dieu vous maudisse |
w qu'il rende vos femmes, ou vos palmiers, ou VQScbiii''
« melle$ stériles ! » pour que tous viennent lui baiser les
pieds. U en est de même pour les kbeddam ; ce Ainsi,
« nous disait un Arabe, les Ouled Sidi Cbeïkh n'w*'
(( raient que vingt chevaux, ils ordonneraient à \ê
« puissante tribu des H'airii^n, qui en » deui^ mille : ^Ue
« obéirait dans la crainte de Dieu. »
Il faut l'avouer , au reste , les Ouled Sidi Cbejik sem-
blent n'user de ce pouvoir que pour faire le bien ; géné^
reux et hospitalier^ , si leurs zaouïa s'emplissent p^r les
riches , qui y apportent ;
Des moutoH» ,
n^a 4çittep ,
Du blé,
236 DALGER A INSALAH'.
Des fruits,
Du beurre ,
Du benjoin ,
Des bougies ,
Des vêtements de laine,
De l'argent ,
Et même des chameaux ,
elles se vident par les pauvres, que les besoins d^un
voyage ou qu'une intention pieuse y appellent en
foule tous les ans , et par les malades , les estropiés et
les aveugles qui viennent y demander un miracle.
Apprennent-ils qu'il y a parmi leurs fidèles contes-
tation de tribu à tribu , de fraction à fraction , de douar
à douar , et même d'individu à individu ? ils se portent
intermédiaires, et s'ils ne peuvent, de chez eux, ai*ran-
ger la querelle, si elle s'envenime, un des chefs monte
à cheval et se rend sur les lieux ; la, assis sous la tente
la plus vaste ou en plein air, entouré d'une foule
attentive, il se fait amener les parties adverses qui ne
manquent jamais à l'appel et, par tous les moyens,
cherche à les concilier.
« J'ai assisté à une de ces scènes , nous racontait un
« Arabe, et voici ce qui se passa : Après s'être fait ex-
ce pliquer TafFaire, après avoir entendu les témoins
« pour et contre, le marabout' dit à tous : « Que Dieu
« maudisse le démon! car le prophète a dit : La dis-
« pute est comme le feu ; que Dieu maudisse celui qui
(( l'a allumé, et qu'il accorde sa miséricorde à celui qui
TRIBU DES OULED SIDI CHEIKH. Mr
« réteint! Le bien vaut mieux que le mal; du bien sor-
« tent le repos, Tagriculture , la joie, le bonheur, les
« enfants; du mal, la douleur, les pleurs, les cris, la
« famine, la destruction, les perturbations, Tinsomnie.
« Dieu m'a envoyé pour apaiser les querelles ; je n'y ai
« aucun intérêt personnel, je ne vous demande pas
« d'argent; ce que je fais, c'est pour l'amour de Dieu ;
« vous dites, n'est-ce pas, que vous êtes mes servi-
« teurs, et que vos ancêtres étaient les serviteurs de
« mes ancêtres ; eh bien ! accordez-vous pour l'amour
« de Dieu, de vos ancêtres et des miens. »
« 11 exposa aloi's ce qui était juste, et il reprit :
« Je vous ai montré le bien et le mal : choisissez. Si
« vous voulez le bien , il est là ; si vous voulez le mal ,
« vous vous en repentirez.
« Les parties intéressées s' étant entendues pour faire
« la paix , il prit un chapelet qui lui vient de son père ,
(( le passa au cou de chacun des assistants , et appela
« sur eux , sur leurs biens et sur leurs familles les béné-
« dictions de Dieu, par des prières appelées fath'a. Tous
<( les assistants levèrent alors les bras à hauteur de la
(( poitrine, et ouvrirent leurs mains comme il est prescrit
« par le rite musulman, c'est-à-dire la paume tournée
« vers le ciel, et le marabout^ continua :
'( O mes enfants, je me suis réjoui de vous, en vous
« voyant m' appeler au milieu de vous : que Dieu vous
« en sache gré , que Dieu vous protège ; que Dieu vous
i< accorde ce que vous pouvez désirer dans vos familles,
•2^* ir ALGER A fNSAtAlT.
« et qw'tt vcms rende comme Fabeitte^ en Fair, eftedit :
(( O le protecteur ! etsurhr terref: O le géftëreux!....
(( Toute Fassend^lëe avait les litriMs MU yetnc , et tous
(( ayant demanda anir saint maradooist' sa bën^dietîovif, il
(( leur dit ^
« Celui qui a quelque chose dans le cœur,
«^ (ïue tHeu Fâccomplisse !
« Qtt'il Faccomplisse promptement !
« Par kl béBédictîon de la Mecqtre et de (oirt ce^ qûî FcûtoUrfe ;
« Par eelle de lella (dame) FaVima> et de son père ;
« Par celle de ce lieu et de celui à qui il appaiftient.
(( Le» i^eui^ et tes eris redotiblant, il imposa silence
(* de la» main 9 el il termina par cette bénédiction :
« Oue Dieu vous fasse teter à tous le teton de sa miséricorde ! »
Gf âee à Fintervention patertïeBe âe leurs chefe , il est
rave cffilwàe coMestation^ entre Klieddam des Sidi Cheik
dégénère en <îplei^lle, et philS' ra!r^ surtout qn'Ss en
viennent aubi mains. Un nvomeft^ cependant la tribu
m^me a été fortement cfivisée, Fun de ses chefs, Sidi
H'amza, étant au* plus^mal avec A^bd el R'ader , depuis
1» mopl du cheïkh des Engad, £1 R^oitta¥i<, qui était
son ami et cfue FénMl* avait fait tuer, tattctts que Ben
Taïeb, au contrsdre, aval» noô-«euleraettt i*econnu
F émir , maïs lui payait des^ eontributions*. Ces symptô-
mes de mauvaise inteHigeiice se sont pett* à peu effkcés,
à mesim» que la puissance d'Aî'bil A^ K/adèr s^ est elle-*
même annSiilée.
TRIBU ses OULED SIDl €H£1KH. 2»
Les Oukd Sîdî Cheïkh ne s^aUieiit qn^ entre euxf
ces nobles àe h. tente croiraient déroger en doonoot
leurs filles à des étrangers, à inoms qii^fls ne soient^ emx
QXÊsdy iMnrabout^ de grande fnnttir , et t^e est lairéné-
ratkm générale dont il» sont entourés , me»e en ,d^
hors de kur tevritioîre^ epe F^npereur do Manroc,
AfoD^ A^bd er RaWman^ a épomé , Fannée demiève,
la sœva drSidi H^âmaa, nommée £1 Iaà'out(le ndràs).
IlnefiMidvaitpa^eninferer, toutefois, que ce maria^
usasse les deux beausi-^firères par des liens très^troil^;
les soult'ans du R'arb (deFouest) sont daa» FhriMtude
de se laisser aller facilement , et sans pour cela s'enga-
ger en rien , à contracter de ces mariages avec les filles
des familles distinguées , que Topinion publique cite
pour lem* beauté. ïls les gardent plUs ou moins long-
temps : un mois, six mois, un an; le divorce les e»
débarrasse quand le caprice est passé , mai» sans que
la femme y perde en considération; c'est, au con-
traire, un honneur très-envié des plus nobles que celui
de la réépouser au sortir du harem impérial.
Les Ouled Sidi Cheikh sont renommés pour leur
beauté ; îis ont d'ailleurs tous les goûts de nos anciens
gentilshonmie». Us aiment les beaux vêtements, les
armes riches , les brilhnts équipages de guerre et de
chasse ; ils ont des meutes de lévriers , qu'ils font porter
sur deschameau» jusqu'au, lieu dé^gné ,. oà ils courait
l'autruche et la gaseUe. Dsyis le désert même , ik pas-
sent pour d'eauîeUfiBifr cavaliers,, et learo chevaux sont
240 D'ALGER A INSALAH'.
superbes. Ceci ne s^entend évidemment que des plus
riches; mais toute la tribu se distingue néanmoins par
ses allures aristocratiques.
Leur nourriture habituelle est le lait, les dattes, le
couscouçou , la chair de mouton et celle de chameau.
On assure qu^au printemps ils abreuvent leurs che-
vaux avec le lait de leurs chamelles, et que ce régime
les engraisse d'une manière étonnante, mais de Fen-
colure et de la croupe seulement, sans leur donner de
ventre. Nous avons entendu dire la même chose de
plusieurs autres tribus du désert.
SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAtf.
20* jour d'El Bïod à Fun des deux villages appelés A'rba
el Gueblïa (du sud) et A'rba el D'ah'rouïa (du
nord) 6
En suivant la vallée fortement encaissée de TOued
el A'rba, qui prend sa source dans le Djebel
Trik' el Beïda, se nomme Oued el A'rba, à hau-
teur des villages de ce nom , passe à El Bïod
Mta* Sidi Cheikh, et s'appelle Oued el Bïod,
coule, vers le sud, dans les sables, sous le
nom d'Oued R'arbi, et va se perdre au pied
des A'reg de Guelea'.
La série de villages dont nous allons donner la des-
cription , et qui peuplent les montagnes dites des Sidi
Cheïkh , sont tous sous la dépendance plus ou moins
ARBAOUAT. 241
directe des Sidi Cheikh eux-mêmes ou des H'amïan
Cheraga et R'araba.
ARBAOUAT.
On donne ce nom à deux petits villages de trente ou
quarante maisons, appelés, de leur position, F un Et
Tah'atanïa (du bas), et Tautre El Fouk'anïa (du haut).
Leur chef se nomme Bel Diar.
Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac-
tions suivantes des H^amïan Cheraga ou Trafi.
H'al el Mahi'.
Ouled Sidi Ah'med el Medjeboud.
Akerman Cheraga.
Ouled Zïad.
lirufs.
21* jour des A'rba aux deux Chellala * . . 10
CHELLALA EL GUEBLIA (du sud).
C'est un village d'une cinquantaine de maisons con-
struites en pierres unies par de la terre glaise, sans
chaux ; il a une mosquée et une école ; il est entouré
d'un mauvais mur d'enceinte en pisé , ouvert par trois
portes que l'on appelle : Bab a'în A'mer, Bab Tafe-
rende , et Bab el Kherabich. La justice y est confiée à
un k'ad'i qui se nomme Si Moh'amed ben el MahToud.
46
t42 D'ALGER A INSALAH'.
Cette boui^de a été bâtie autour d^une source très-
abondante appelée A^ïn el Djedida ; eUe arrose les jar-
dins potagers et les vergers extérieurs, plantés d'ar-
bres fruitiers très-nombreux, de gi^enadiei-s , pêchers,
figuiers, vignes, etc. ; mais où il n'y a point de dat-
tiers. La garance y vient naturellement.
Quelques morceaux de terre cultivable donnent de
Forge à la population ; le blé lui est apporté du Tell par
les tribus nomades.
L'industrie des habitants se borne à la culture de
leurs jardins , à la vente de leurs légumes et de leurs
fruits, qui sont, dit-on, magnifiques et très-estimés ; les
femmes tissent des vêtements de laine : bemous,
h'aïk', djellaba, bonnets de femmes appelés benikaet
ceintures de femmes.
Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les Ouled
A'bd el Kerim , fraction des iPamïan Cheraga.
Le chef de ce k^sar se nomme Cheïkh Embarek ; il
peut lever quarante à cinquante fusils.
CHELLALA EL DAITRAOUIA (nu nord).
Ce village, dont le nom indique la position par rap-
port au précédent, contient une centaine de maisons,
mal bâties , sans chaux ; il est entouré d'un mauvais
tnur d'enceinte en pisé ouvert par deux portes : Bab el
CHELLALA EL GUEBLIA. 848
A^skri (la porte du Fantassin) et Bab en Nouader (la
porte dei IMleules de paille); il a une petite mosquée et
une école ; un t^aleb , qui se nomme Si bel K'açem ben
A'bbou , y remplit les fonctions de k'ad'i.
Deux sources abondantes appelées , Tune A'ïn A' mer,
Fautre A'ïn Ouled Zïan, prennent naissance dans le vil-
lage même , et vont , par des conduits, arroser les jar-
dins riches, comme ceux de Chellala el Gueblïa, en fruits
et en légumes; on y voit quelques rares dattiers, mais
dont les fruits n'arrivent que difficilement à maturité.
De mauvais armuriers, des forgerons, des menui*
sierSy des juife teinturiers, orfèvres, etc., suffisent aux
besoins de nécessité première des habitants. Comme
leurs voisins, ils font commerce de leurs fruits et de
leurs légumes; de plus qu eux, ils récoltent un tabac
très-fort qui s'écoule à bas prix chez les tribus voi-
sines, et fabriquent, avec le arar, du goudron qu'ils
vendent aux Arabes pour goudronner les chameaux.
A une ou deux lieues du village, la montagne appelée
El Medouer est riche en canîères de plâtre. On l'emploie
à blanchir les laines par ce procédé ; après qu'on l'a
fait cuire et qu'on l'a bien pilé , on le met dans de l'eau
froide où l'on met également la laine filée que l'on veut
dégraisser, et, disent les Arabes , elle y devient blanche
comme du lait.
Le savon est inconnu dans les deux Chellala ; il y
est remplacé par une argile appelée terba, qui nettoie,
dit-on , très-bien*
244 D'ALGER A INSALAH'.
Les Arabes qui déposent leurs grains à Chellala el
Dah'raouïa sont les fractions suivantes de la tribu des
H'amian Cheraga :
Cha'neb.^
Deraga.
Ouled Malla.
Et Triât.
Le cheikh du village se nomme Cheikh el H'afian ; il
peut lever une centaine de fusils.
Une vingtaine de familles juives sont tolérées à Chel-
lala , aux conditions de se distinguer de leurs compa-
triotes en portant des savates noires, un féci ou un
mouchoir noir à la tête , de laisser toujours la droite
aux musulmans , de ne point monter de chevaux. Ils
n'ont point de synagogue , et leur cimetière est à part.
Une petite rivière, appelée Oued Chellala , prend sa
source au nord des deux villages , dans la montagne
nommée CheggaSidi Seliman, et va se jeter dansFOued
Bou Semi-'oun.
lieues.
22* jour de Chellala à A'sla 8
A'SLA. 245
A'SLA.
C'est un petit village de cinquante à soixante mai-
sons, situé sur un rocher, sans mur d'enceinte. Il
donne son nom à une petite rivière qui arrose ses jar-
dins et va se jeter au sud dans l'Oued Maleh'.
Même industrie , même commerce que les précé-
dents ; pas de juifs.
Le cheïkh de El A'sla se nomme Moh'ammed ben
Mekhlouf : il peut lever de cinquante à soixante fusils
Les Arabes qui y déposent leurs grains sont une frac-
tion des H'amian Cheraga ou Trafi , appelée Ouled Sidi
Ah'med el Medjeboud , et les deux fractions suivantes
des Ouled Sidi Cheïkh R'araba :
Ouled Sidi Ben A'ïça.
Ouled Sidi et Tadj.
A cinq lieues est de El A'sla se trouve Bou Semr'oun.
BOU SEMR'OUN.
Village d'une centaine de maisons, entouré d'un
mauvais mur d'enceinte en pisé, ouvert par trois
portes : Bab el Guebli, Bab el Portas, et Bab en Nouaçi ;
il a une mosquée dans l'intérieur de laquelle est un
puits , le seul du village. Une source abondante, placée
246 D'ALGER A INSALAH'.
en dehors et nommée A^ïn Sidi Cheïkh, fournit aux be-
soins de la population.
La justice y est confiée à un k'ad'i nommé Sidi A'Wraed
ben A'chour.
Les jardins de Bou Semr'oun sont vastes , bien culti-
vés , arrosés avec soin , plantés de nombreux arbres
fi'uitiers et de vignes. On y compte de trois à quatre
mille dattiers qui fournissent à la nourriture habituelle
des pauvres , dont quelques-uns ne mangent presque
jamais de pain ni de couscouçou ; pour que les dattes
ne leur fassent point de mal , ils les mélangent , soit
avec du lait , soit avec des légumes quelquefois chauds.
Outre les fruits, les raisins et les légumes, leshabi-
bitants de Bou Semr'oun récoltent du tabac, un peu de
blé de Turquie, un peu de millet, de la garance et de
Forge; le blé leur est apporté du Tell par les tribus
voisines.
Ils possèdent des moutons , des chèvres , des cha-
meaux. Presque tous sont jardiniers, quelques-uns me-
nuisiers, forgerons, cordonniers, et très-peu sont
marchands; les étoffes de première nécessité leur
viennent du Tell, par les Arabes nomades.
En dehors du viUage, on voit quatre marabout'strès-
vénérés dans le pays. Ils s'appellent :
Sidi A'bd el K'ader Djilali.
Sidi Bou H'afes el H'adj.
Sidi Bou Semr'oun.
Sidi Ab'med et Tedjini.
BOU SEMR'OUN. 247
Ce dernier a été bâti en Fhonneur du père de Tedjini,
qui commande à A^ïn Mad'i , et qui est y ainsi que nous
l'avons dit, d'une famille de Cherfa. Ces maraboutfs,
comme tous les autres , sont enrichis par les riches pè-
lerins, et défraient les pauvres.
A cinq ou six lieues de Bou Semr'oun, la montag;ne
appelée Touasez el A'mer fournit du plâtre employé à
blanchir les laines.
Les Arabes qui déposent leurs grains dans ce kW,
sont :
Kzaïna, fraction des Trafi,
OuledSidiAbdelH'akem, \
Ouled Sidi Moh'ammed A'bd r fractions des Ouled
Allah', l Sidi Cheikh R'eraba.
Ouled Sidi el H'adj Ah'med, /
El Merasla.
El Ma'da.
Le cheïkh de Bou Semr'oun est élu par la population ;
celui actuellement au pouvoir se nomme Cheïkh ben
Zïan ben Ma mer ; il dispose d'une centaine de fusils.
L'Oued Bou Semr'oun prend sa source au Djebel
Tamedda et se jette dans l'Oued Malell^
lirues.
23* jour de El A'sla on se rend à Tlout 9
248 D'ALGER A INSALAH'.
rioiT.
Village de cent à cent cinquante maisons, sans mur
d'enceinle. Il a une mosquée , une école , etc. Ses jar-
dins sont bien plantés d'arbres fruitiers , de nombreux
dattiers , de beaucoup de vignes.
Tiout est dominé au nord par Djebel d R'oundjaïa,
d'où coulent deux sources, Tune appelée A'ïn el
Mourdj, l'autre A'ïn el Mecaoud ; réunies, elles forment
rOued Tïout qui traverse le village, arrose les jardins
par des conduits, s'écoule au sud par un col appelé
Klieneg el Meçarig, et va se jeter dans l'Oued el Maleh'.
Le clieïkh de Tiout se nomme Ah'med ben iPadi , et
lek'ad'iElIfadjelA'rbi.
Ce village peut lever décent cinquante à deux cents
fusils.
Les Arabes qui y déposent leurs grains sont :
Chaïa, \
Ouled Embarek , f ^ . ,..,.. , ,
,,,,,, > fractions des H'amian R'araba.
Sbabha, i
El Megan , )
4* jour de T'ïout on se rend à A'ïn Sefra 6
A'IN SEFRA. 249
A'IN SEFRA.
Cest une bourgade de deux cent cinquante maisons
à peu près , sans mur d'enceinte , et menacée , du côté
du sud, par les sables que les vents amoncèlent en
petits mamelons. Elle a une mosquée et une école.
Du côté du nord , beaucoup de sources qui descendent
de la montagne arrosent ses jardins , sous le nom
d'Oued Sefra, et vont se jeter dans FOued Tïout.
A'ïn Sefra n'a pas de dattiers.
Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac-
tions suivantes des H'amïan R'araba ou Clia'fa :
Béni Metteref.
Da'mecha.
Djenba.
Le chedih de ce village se nomme El lazid , le k'ad'i
Sid Sah'ali.
Il y a eu autrefois mésintelligence entre A'ïn Sefra et
Tiout; comme il arrive toujours en pareille circon-
stance , les Arabes de la tente, voisins des deux villages,
avaient pris, selon leurs intérêts, parti pour ou contre
dans la querelle. Ils vivent maintenant en paix.
lifuet.
25* jour d'A'ïn Sefra on se rend à Seficifa 6
250 D ALGER A INSALÂH'.
SEFICIFA.
C^est une petite ville de trois cent cinquante maisons
à peu près , sans mur d^ enceinte. Sa mosquée n^a point
de minaret; c'est du haut de la terrasse que le moued-
din appelle à la prière.
Seficifa est dominée au nord pai* Djebel Mer'ad , d'où
descendent des sources qui, réunies, arrosent les jar-
dins sous le nom d'Oued Seficifa, tournent à Fouest,
et vont se jeter dans FOued Ich, dont nous parlerons
plus bas.
Le commerce de ce k'sar est le même que celui des
autres villages.
Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac-
tions suivantes des H'amian R'araba ou ChaTa :
El Mekhaoula.
Béni A'gueba.
Seficifa peut lever trois cent cinquante fusils à peu
près.
Au sud de A'ïn Sefira et de Seficifa se trouvent deux
villages, voisins Fun de Fautre, appelés, Fun El
Mer'erarel Tah'atanïa(duba8), Fautre El Mer'erar el
Fouk'anïa (du haut).
MER'EhAR EL FOUR'ANIA. S5t
MER'ERAR EL FOUK'ANIA.
Cest un village de cent cinquante maisons en mau*
vaise construction, avec mosquée, école, puits, etc.
Ses jardins, riches en légumes, arbres fruitiers et
dattiers, sont arrosés par F Oued Mer'erar qui descend ,
sous le nom d'Oued El H'aïmer , de Djebel el H'aimer ,
prend le nom d'Oued Mer'erar à hauteur des villages,
s'appelle plus bas Oued Keçab et se jette dans l'Oued
Namous, qui est la continuation de l'Oued Maleh'.
Le cheïk de Mer'erar el Fouk'anïa s'appelle Bou Ras ;
le k'ad'i, Si Ah'med ben Guedda. Ce k'sar peut lever
cent cinquante fusils à peu près.
Les deux fractions suivantes de la tribu des H'amïan
R'araba y déposent leurs grains :
El Khïatra.
A'kerma R'araba.
MER'ERAR EL TAH'ATANIA.
Ce village est situé un peu au-dessous du précé-
dent. Il se compose de deux cents maisons à peu près,
sans mur d'enceinte. Il a des puits, une mosquée, une
école. Se» jardins sont riches en légumes , arbres frui-
tiers et vignes. On y compte quatre ou cinq mille dat^
tiers , dont les fruits sont renommés pour leur grossem*
252 D'ALGER A INSALAH'.
et très-estimés. Toutes ces plantations sont arrosées
par des sources et par FOued Mer'erar.
Le cheikh de ce k'sar se nomme Sid Moh'ammedben
Cherif; le k'ad'i, Sid Moustafa. Il peut lever deux cents
fusils à peu près.
Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac-
tions suivantes des Ifamïan R'araba ou ChaTa ;
Sendan.
El Negagueza.
Ouled Serour.
II fait un commerce très-suivi avec Figuig.
lieun.
26* jour de Seficifa à Ich 7
ICH.
Petit village de soixante à quatre-vingts maisons , bâti
au pied d'un rocher très-élevé , nommé Er Ragouba. Il
aune petite mosquée, dans Fintérieur de laquelle est
un puits.
Au nord est une montagne qui donne naissance à
Foued Ich ; cette rivière arrose les jardins et les plan-
tations de dattiers du village , se jette dans Foued Dje-
raouin qui se décharge dans Foued Maleh'; ce cours
d'eau, sous le nom d'oued Namous, coule vers le sud
et va mourir dans la chaîne des A'reg, qui de GueFea
se rend à Timimoun.
ICH. 253
Ich est le dépôt de grains des fractions suivantes de
la tribu des H'amian R'araba :
Ouled A'zi.
El A'mour.
Ouled Farês.
Le cheikh de ce k'sar se nomme Moula Seliman , et
le k'ad'i, Moula Ah'med. Tous les deux sont cherfa.
Ich est le dernier village des montagnes dites des
Sidi Cheikh. Un peu plus petits , un peu plus grands,
tous, on le voit, ont entre eux une grande ressemblance ;
c'est toujours une bourgade située dans une gorge ou
sur un mamelon, entourée ou non d'un mauvais mur
d'enceinte , et qui sert de dépôt de grains aux tribus
les plus voisines. Habitans des k'sour ou de la tente,
sédentaires ou nomades, tous sont de race arabe, sans
mélange bien caractérisé , malgré leurs alliances avec
leurs esclaves négresses. Outre les soins du jardinage ,
qui les occupent particulièrement , et leur industrie ,
qui consiste surtout à fabriquer du goudron , ils font un
commerce très-actif avec Figuig , d'où ils rapportent
Du plomb.
De la poudre.
Des armes, fusils, sabres, pistolets qui viennent
du Maroc.
Des vêtements de laine.
Des peaux tannées (filali).
Du calicot.
Des indiennes.
De la soie.
254 D'ALGER A INSALAH'.
Des chachia du R'arb (de Vouegi) , qui soQt moins
bonnes que celles de Tunis , mais à meilleur
marché.
Des ceintures d'hommes et de femmes.
Des chaussures jaunes.
Des épiceries.
Du cuivre, \
Du fer, > qui seront travaillés.
De Tacier, j
Ces marchandises , dispersées dans les petites bouti'-
ques dé tous les k'sour, sont vendues aux nomades à
prix dWgent, ou échangées pour les blés apportés du
TeU.
L'émir^ quand il était au plus fort de sa puissance ,
avait déjà &it sentir son action sur les villages de ces
montagnes; après les moissons , il envoyait, chaque
année , des cavaliers de son Makhzen prélever un impôt
fixé, pour chaque individu, à un h'axk' commun du prix
de 3 ou 5 boudjous. Cet impôt, qui représentait
Fa^chour, ne les dispensait pas de payer les droits de
lezma, quand ils venaient acheter des grains dans le
Tell.
A. quelques lieues de Ich , nous quittons les monta-
gnes et le pays des Ouled Sidi Cheïkh pour entrer dans
le territoire de Figuig ; mais avant de nous y engager,
nous reviendrons sur nos pas , pour étudier la grande
tribu des H'amïan que nous avons laissée au nord des
Sidi Cheïkh.
TRIBU DES H'AMIAN. 855
TRIBU DES H'AMIAN.
I.es versants nord de la chaîne de montagnes des
Ouled Sidi Cheikh, et les rives sud des deux chot' qui
leur font une parallèle , sont séparés par un espace
vide qui s'étend sur une largeur variable de quinze
ou vingt lieues. Cest là que campe ordinairement la
grande tribu des H'amian. Cependant, comme toute
les tribus du désert, elle a dans Tannée deux mouve-
ments de fluctuation qui la jettent, l'un au sud, et
elle passe alors la montagne pour aller faire paitre ses
troupeaux , l'autre au nord , et elle déborde alors sur
le T^ell , pour aller y chercher des grains.
On sait que ce va-et-vient périodique s'opère d'un
côté au printemps, de l'autre à la fin de l'été : l'hiver
est la saison du repos sur le territoire national.
La tribu des tfamïan se divise en deux grandes firac-
tions, qui s'appellent, de leur position :
H'amian Cheraga , ou Trafi.
H'amïan R'araba, ou Cha'fa.
Ces fractions se subdivisent elles-mémc ainsi :
H'AMIAN CHERAGA (de Test), ou TRAFI.
dépâts de lears grain*.
Ouled A'bd el Kerim. Chellala el GuebHa.
Cba'neb. Chellda el Dah'raouïa.
Derraga. — —
Ouled Ma'lla. — —
El Triât. — —
25G
D'ALGER A INSALAH'.
Rezaina.
Ouled Zïad.
H'al el Mah'i.
A'kenna Cheraga.
Ouled Sidi Ah'med el Medjeboud.
dépôts ie l«nrs fraios.
Bou Semr'oua.
Arba' el Tah'atanïa.
Arba' el Fouk'anïa.
A'sla.
H'AMIAN R'ARABA (de l'ouest), ou CHA'FA.
Chaïa.
Ouled Embarek.
Sbabh'a.
El Megann.
El Mer'aoula.
Béni A'gueba.
Béni Metteref.
Djenba.
Da'mecha.
El A'mour.
Ouled Fares.
Ouled A'â.
Sendan.
El Negagueza.
Ouled Serour.
El R'ïatra.
A'kerma R'araba.
dépôts de lears grain».
Tlout
Seficifa.
Ain Sefra.
Ich.
Mer'erar el Tah'atania.
Mer'erar el Fouk'ania.
La tribu entière des H'amian peut mettre deux mille
chevaux sur pied.
Le chef des Cheraga se nomme Cheikh el T'aleb,
celui des R'araba, Cheikh el Meh'aïcha. Aucun des
deux n'est marabout', mais tous deux sont djouad
(nobles) et très-riches, par conséquent puissants. Bien
que maîtres absolus chez eux , ils sont cependant ,' ainsi
TRIBU DES H'AMIAN. 257
que nous rivons dit , klieddam ( serviteurs) des Ouled
Sidi Cheikh , et leur sont dévoués de tête et de cœur.
(Voir au paragraphe des Ouled Sidi Cheikh. )
Les H'amïan possèdent d'immenses quantités de
moutons, beaucoup de chevaux et surtout des cha-
meaux. Les riches en ont jusqu'à deux mille; le plus
pauvre en a deux au moins. Dans le désert, ces trou-
peaux ne paissent point confusément; ils sont divisés,
les moutons, par groupes de quatre cents, et chacun de
ces groupes prend le nom de a'ça , mot qui signifie pro-
prement le bâton d'un berger et qui représente ici la
quantité de moutons confiée à la garde d'un individu j
les chameaux sont divisés par groupes de cent têtes,
appelés ibel. Il n'est pas rare de trouver des Arabes
riches de vingt a'ça (8 000 moutons) et de quinze à
vingt ibel (1 500 à 2 000 chameaux).
Essentiellement voyageurs et marchands, les H'amïan
fréquentent :
Figuig,
Touat*,,
Gourara ,
Beui Mzab ,
Tafilalet,
et dans le Tell, les Béni A' mer et les environs de Tlem-
cen. Ils y portent leurs produits et en rapportent les
marchandises citées ailleurs.
Beaucoup d'entre eux font encore métier de louer
leurs chameaux aux caravanes.
17
258 D ALGER A INSALAH'.
Un H'amïan nous disait : « Ce que nous aimons le
mieux au monde c^est :
El Slougui (le lévrier).
T'ir el H'or (l'oiseau de race, le faucon).
El Mra (la femme).
El A'ouda (la jument).
Cette phrase caractéristique, devenue proverbiale
dans la trO^u, signale suffisamment les mœurs des
H'amïan. Ils sont bons cavaliers, chasseurs, fort adon-
nés à Famour, et guerriers au besoin.
Leurs ennemis naturels sont les Chamba de Mettili
et de Gueléa, avec lesquels ils sont presque toujours
en guerre , malgié la distance et les difficultés de ter-
rain qui séparent les deux camps.
Mais, nous l'avons déjà dit, les H'amïan s'avancent
au printemps dans le sud, souvent jusqu'aux A'reg
de Gueléa, et c'est le moment que choisissent les
Chamba pour tomber sur eux et leur enlever des
troupeaux. De leur côté les Chamba remontent dans
le nord jusqu'à El Bïod Mta' Sidi Cheikh, et les
H'amïan prennent alors leur revanche. C'est une que-
relle traditionnelle incessamment alimentée par des
r'azia.
A la guerre et dans leurs chasses, ils montent de
préférence des juments; elles supportent mieux que les
chevaux , disent-ils , la soif, la faim et la &tigue. Les
poulains sont vendus dans le T'ell.
Ils chassent, avec des meutes de lévria:^, l'autru^
TRIBU DES H'AMIAN. 259
che, la gazelle, rarouï, le begar el ouach, espèce d'an-
tilope qui a quelque ressemblance avec un veau. Nous
en avons vu un chez M. le gouverneur général : il est
de couleur fauve, ses cornes sont recourbées en ar-
rière, cannelées, peu séparées sur le front.
Le petit gibier se chasse au faucon.
Comme les Sidi Cheikh , les H'amïan se distinguent
par la beauté de leur race et le luxe des vêtements ; leurs
femmes sont, elles aussi, fort belles et très-parées.
Elles portent des bracelets de pieds et de mains, des
colliers en pièces de monnaie, en corail ou en clous de
girofle, des bagues en argent, en or ou en cuivre.
Elles vont la figure découverte, ainsi que toutes les
femmes du désert. Tous ces instincts de coquetterie ne
se sont développés chez elles qu'aux dépens de la sé-
vérité des mœurs.
A'bd el K'ader avait compris de quelle importance il
était pour lui de dominer par Fimpôt, ne pouvant
mieux &ire, 1^ tribus sahariennes du sud de Tlemcen.
Ce problème tiouvait sa solution toute àimple dans la
régul£»*isation des droits ( lezma ) qu'elles devaient
payer, chaque année, sur les marchés du T^ell, et dont
quelques-unes, comme les H'amian, s'étaient affran-
chies à la feveur des derniers troubles.
Cette exigence de l'émir révoltait la fierté des
H'amïan, qui ne voulaient pas le reconnaître, et, pen-
dant plusieurs années, pour ne pas venir chez lui, ils
allèrent dans le Maroc acheter leurs grains. Mais ils
Î60 D'ALGER A INSALAH'.
reconnurent bientôt que leurs intérêts étaient froissés
par ces longs voyages : pour aller dans le Maroc , ils
avaient quinze ou vingt jours de marche ; pour venir
dans les montagnes des Béni A'mer ou dans les envi-
rons de Tlemcen, ils n'en avaient que quatre ou cinq;
leur susceptibilité ombrageuse dut céder à ces consi-
dérationSy et ils se soumirent.
SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAH'.
DISTRICT DE FIGUIG.
A quelques lieues de Ich , la chaîne de montagnes
qui va toujours en s'amoindrissant prend le nom de
Djebel el Ma'ïz (montagne des chèvres), un peu plus
loin celui de Djebel Rekna el KaVala (le coin noir),
plus loin encore, de Djebel Zoubïa (montagne des or-
dures), et enfin de Djebel el H'alouf (montagne du
sanglier). Ces quatre mamelons sont reliés entre eux
par une succession de a'reg et de ravines. De Djebel
Kekna el K'ah'ala descend TOued Zeboudj; de Djebel
Zoubïa descend F Oued Zoubïa ; de Djebel el H'alouf
descend FOued el H'alouf, qui reçoit sur la rive gau-
che la rivière précédente, et va, comme FOued Ze-
boudj , se jeter, au sud, dans FOued Namous. Ce ter-
ritoire, qui fait partie du Maroc, forme le district de
Figuig. On donne ce nom à une agglomération de
douze villages qui sont :
DISTRICT DE FIGUIG. 261
OuledSidi A'bdelOuafi.
Béni Ounnis.
El Ma'ïz.
Ouled Seliman.
Tarla.
El Oudartr.
El H'ammam el Tah'atani.
Béni A'roun.
El H'ammam el Fouk'ani.
El Abid.
El Zenaga.
El Mah'arza.
Les plus considérables de ces villages sont : Ma'ïz,
qui compte huit cents maisons; El Oudar'ir, qui en
compte cinq cents, et Zenaga, qui en compte douze
cents. Les autres varient de cent à deux cents. Un peu
plus , un peu moins éloignés les uns des autres , mais
jamais à plus d'un quart de "lieue, tous descendent
rOued el H'alouf et sont reliés par des jardins plantés
d'arbres fruitiers de toute espèce, de figuiers de Barba-
rie et de beaucoup de dattiers.
Souvent en guerre entre eux, ils ont dû se mettre à
l'abri des attaques; aussi tous sont-ils entourés de murs
d'enceinte crénelés et défendus par des tourelles. Ils
sont d'ailleurs beaucoup mieux cbnstruits que ceux
dont 'nous avons parlé plus haut ; leurs maisons sont
généralement à terrasses, et plusieurs à deux étages.
Cha un d'eux a sa mosquée, son cheikh, son k'ad'i,
262 D'ALGER A INSALAH'.
son école ; Fensemble est commandé par un chef re-
connu par Fempereur du Maroc.
Outre les fruits de toute espèce et les légumes, les
habitants de Figuig cultivent beaucoup de garance,
qui est vendue aux k'sour voisins et aux Arabes pour
teinture, et du tabac. Ils récoltent également de Forçe
en quantité suffisante pour leur consommation ; mais
le blé leur vient du Tell.
L'Oued el H'alouf, qui féconde et jardins et terres à
céréales, n'a d'eau courante, comme toutes les autres
rivières , que pendant Thiver ; mais on a paré à cet in-
convénient en creusant, de distance en distance, sur
son cours et dans son lit , des puits appelés taouedj ,
qui sont autant de citernes intarissables. La répartition
de ces eaux dans les propriétés de chacun est confiée à
un moul el ma (maître de Feau), qui est chargé de
veiller à ce qu'elle sôit faite en toute justice. Du réser-
voir commun partent des canaux principaux sur les-
quels, de distance en distance, sont élevées des digues
pour arrêter les eaux, et qui les déversent par des ri-
goles sur telle ou telle portion de terrain, selon que
le moul el ma ouvre telle ou telle écluse. Les divers
propriétaires , moyennant une certaine somme an-
nuelle, ont droit à tant d'heures d'arrosage. Ces heures,
qui sont calculées ailleurs, ainsi que nous Favons vu
pour A'ïn Mad'i, à l'aide d'un sablier, sont comptées à
Figuig avec une clepsydre. Le moul el ma de garde est
chargé de cette opération , et voici comment il y pro-
DISTRICT DE FIGUIG. 263
cède : sur un grand bassin plein d^eau, il place un vase
conique en cuivre percé au fond par un petit trou , et
qui doit se remplir en un temps connu. Quand, pai* une
ou plusieurs immersions du vase, il a été averti qull
doit fermer les écluses d'un côté, il annonce, en tirant
un coup de fusil, qu'il va les ouvrir par Pautre. A ce si-
gnal convenu, chaque intéressé se rend à son champ,
à sa plantation de dattiers, à son jardin, pour utiliser
les eaux qui vont lui arriver.
Grâce à ces précautions prises dans chaque localité
du district, les terres cultivables ne manquent jamais
d'eau , et il est rare que des contestations s'élèvent
d'individu à individu pour les droits d'arrosage. Il
n'en est pas de même de village à village; cet élément
de prospérité, partout précieux, mais surtout dans le
Sahara, divise fréquemment les populations, et se joint
aux mille autres sujets de querelles inévitables entre
voisins; il devient pour les k'sour de Figuig un prin-
cipe éternel de discorde.
Mais ces raisons toutes simples des guerres qu'ils se
font ne pouvaient pas suffire au besoin de merveilleux
qui tourmente les imaginations arabes ; selon eux ,
leurs ancêtres ont été maudits par un marabout' des
Sidi Clieïkh, qui, pour les punir et du relâchement de
leurs mœurs et de leur peu de religion, leur aurait
lancé cet anathème : « Que Dieu vous rende, jusqu'au
w jour du jugement dernier, comme des cardes , l'une
« rongeant l'autre ! »
264 D'ALGER A INSALAH'.
Quoi qu'il en soit, leurs guerres sont les plus cruelles
que se livrent les habitants du Sahara ; car ils ravagent
jusqu'aux palmiers, malgré la convention tacite, res-
pectée partout ailleurs, de ne s'en prendre qu'aux
hommes et d'épargner l'arbre nourricier des vain-
queurs à la fois et des vaincus. Ils ont d'ailleurs à leur
service un élément de destruction qui leur est propre ;
ils excellent dans l'art de faire des mines. Leur réputa-
tion, comme mineurs, depuis longtemps établie, s'est
encore augmentée dans deux occasions maintenant
historiques.
En 1793, quand le bey Moli'ammed el Kebir s'em-
para d'Oran , il avait avec lui des habitants de Figuig
qui minèrent et firent sauter presque tous les forts
avancés de la place; et, lorsque A'bdel K'ader faisait
le siège d' A'ïn Mad'i, en 1 838, il appela à lui un nommé
Taïeb ben Beza, de Figuig, pour enseigner à ses fan-
tassins la science de destruction qu'il avait apprise de
ses compatriotes.
Dans leurs sièges de k'sar à k'sar, c'est toujours par
des mines que procèdent les assiégeants. Le sol géné-
ralement ferme et solide du territoire favorise l'opé-
ration; ils savent d'ailleurs prévenir les éboulements.
Après avoir marché sous terre à des distances considé-
rables, quelquefois de deux ou trois cents pas , arrivés
sous le point indiqué , ils y déposent une grande quan-
tité de poudre, la pressent entre les parois d'une ma-
çonnerie solide, en ménageant, sur l'une des faces,
DISTRICT DE FIGUIG. 266
une ouverture d'où part une traînée de poudre dans
toute la longueur du souterrain , et à laquelle ils met-
tent le feu ; si les assièges n'ont pas été assez heureux
pour contre-miner ces tiavaux, il est rare qu'une hor-
rible explosion ne les ensevelisse pas sous les décom-
bres de la place.
Cependant les instincts industrieux de cette popu-
lation singulière ne se révèlent pas seulement dans la
guerre : chaque k'sar a ses brodeurs, ses cordonniers ,
ses forgerons, ses selliers, ses bouchers, ses menui-
siers, ses armuriers. Le bois de palmier est le seul qui
s'emploie aux ouvrages de menuiserie ; la fibre en est
naturellement un peu lâche ; mais il acquiert avec le
temps de la dureté, et passe pour être incorruptible. Les
bois de fusil sont faits en noyer ou en tremble venus
durell.
Tous sont d'ailleurs jardiniers et surtout commer-
çants. S'il y a deux frères dans une famille, il est rare
que l'un des deux ne soit pas à courir les marchés de
Fez, de Tafilalet, deTouat, où il porte
Des vêtements tissés et confectionnés sous la
tente.
Des broderies de soie faites avec beaucoup d'art.
Des bottes et pantoufles, piquées de soie, très-
renommées.
Des bernons noirs et blancs , d'un tissu si serré
qu'ils sont imperméables; ils peuvent durer dix
ans, et se vendent 10 douros d'Espagne.
Des h'aïk', nominés djerbi ou figuigui , teints à
S66 D* ALGER A INSALAH'.
raies rouges, avec du kermès : même prix que
les beraous.
Des h'aïk' d'hommes, communs, qui se vendent
2 douros.
Des h'aïk' d'hommes, fins, 4 ou 5 douros.
Des gandoura, ou chemises de laine, 2 douros.
Des ceintures de femmes de couleurs bigarrées ,
3 douros.
Des cordes de poil de chameau pour turban ,
1 ou 2 boudjous.
Des coiffes de femmes , nommées bekhnoug ,
2 boudjous.
Ils rapportent de Fez :
Des cachïa très-hautes.
Du calicot anglais.
Des draps anglais.
Des ceintures en soie.
Des mouchoirs d'indienne.
Des foulards.
De la mousseline.
De la soie.
Du cumin.
Du kermès.
Du benjoin pour parfumer les marabout'.
De l'acier.
Des armes, pas de ïatar'an.
Des pierres à fusil.
Des pioches.
Des ustensiles de cuivre.
De l'huile ; car ils n'ont pas d'oliviers.
Des chevaux , des mulets, des ânes achetés à bon
marché.
DISTRICT DE FIGUIG. Vfï
De la laine.
Du savon.
Du sucre et du café.
Beaucoup de thé.
Du sel.
Des essences.
De Fa'chîch.
De Tantimoine pour teindre les cils.
Du mercure.
Du fer.
Des couteaux.
Des ciseaux.
Des miroirs de femmes.
Ils rapportent de Tafîlalet :
De la poudre , qu'ils achètent un demi-boudjou la
livre et revendent un boudjou.
Des balles.
Du plomb.
Du salpêtre, qu'ils appellent sel de poudre.
Des cuirs tannés (filali).
Des cordes en soie , pour la tète.
Des babouches.
Des petits poignards à fourreaux en cuivre.
Des étriers, des mors, de la sellerie en soie et or.
Des épiceries.
Ils rapportent de Touat :
Des esclaves mâles et femelles.
Un beau nègre vaut, à Piguig, de 150 à 200 fr. ;
une belle négresse de 200 à 400; car, dans le
Maroc, elles sont très-aimées et préférées aux
femmes blanches, surtout aux femmes légitimes.
268 DALGER A INSAÏAH'.
Des dattes, qui y sont à très-bon marché.
Des fusils, qu'ils assurent venir du Soudan.
Des sabres , qui sûrement en viennent.
De Tivoire.
De la poudre d'or.
Des h'aïk'.
De la poudre, qui leur coûte de 15 à 16 boudjous
le quintal.
De ra'chich.
Du tabac.
Du sel.
Arrivés chez eux, ils colportent ces marchandises
ou les exposent dans des boutiques, où les Arabes
viennent s'en approvisionner, soit argent comptant,
soit en échange pour des chameaux , des moutons , du
beurre, de la laine, etc.
Tous ces éléments de prospérité et de bien-être et
l'importance de son commerce ont fait donner à Figuig
le surnom de Fas Servir , le petit Fas (Fez).
La nourriture habituelle de la population est le
kouskouçou , la datte , la chair des bœufs qui lui vien-
nent du Tell et la chair de chameau. La graisse de ce
dernier animal sert à préparer les aliments , sa peau à
couvrir du bois de selles , ou à faire des semelles de
chaussures.
Il est assez remarquable que , contrairement aux ha-
bitudes des femmes du désert , celles de Figuig ne sor-
tent que voilées de manière même à ne laisser voir
qu'un œil. Elles sont, du reste, tenues très-sévèrement.
DISTRICT DE FIGUIG. 269
Ainsi que nous l'avons dit, Figuig relève du Maroc,
mais n'en dépend réellement que depuis une vingtaine
d'années. Avant cette époque, les contribution^ ne s'y
percevaient que très-mal et très^difïicilement. L'empe-
reur en finit en envoyant une armée qui bombarda les
douze villages et les frappa d'une amende considé-
rable. Depuis cette leçon sévère, aucun d'eux n'a
tenté de se soustraire à l'impôt, qui est d'un demi-
boudjou par dattier , payé en argent ^ et que vont per-
cevoir, chaque année après la moisson, quelques ca-
valiers marocains.
Les fractions suivantes de la grande tribu des Douï,
Menïa ou Zegdou , déposent leurs grains à Figuig :
Daou Belal.
A'rib.
Sedja'.
El A'ouara.
Ouled Sidi A1i.
Ouled Djerid.
Ouled Seliman.
Ouled Bou H'anan.
270 D'ALGER A INSALAH'.
TRIBU DES DOUI MENIA OU ZEGDOU.
La tribu des Douï Menïa ou Zegdou est tellement
considérable que nous ne croyons pas utile de donner
le nom de toutes ses fractions , placée qu'elle est en
dehors du territoire que nous nous sonmies proposé
d'étudier.
Nous avons cherché à nous expliquer pourquoi cette
tribu a deux noms^ et nous avons été conduits à cette
observation , que tous deux sont caractéristiques de la
force et du nombre : Douï Menïa veut dire , en effet, la
tribu qui se préserve, qui se défend ; et Zegdou est évi-
demment un dérivé du verbe nezer'ed, qui se prononce
dans le désert nezegued , et qui veut dire fourmiller.
Placée entre Figuig à Test , Kerzas au sud et Tafilalet ,
dont elle possède la moitié du district, à Fouest , elle a
fait donner à son territoire le nom de Belad el Mou-
kahla (le pays du fusil). Elle est là comme une bar-
rière où viennent se briser les Berbères de l'ouest qui
convoitent incessamment Figuig et qui , sans cet
obstacle, l'auraient, souvent saccagée, ou tout à fait
anéantie. Très-peu soumise à l'empereur du Maroc, pas
plus que les Berbères , et presque toujours en guerre
avec ces âpres montagnards, elle traite avec eux de
puissance à puissance, sans qu'aucun des partis s'in-
quiète beaucoup de son suzerain, qui ne peut pas être
TRIBU DES DOUl MENIA OU ZEGDOU. 271
toujours là avec une armée, et qu^ils ne regardent en
réalité que comme leur chef religieux.
Les Zedgou , incessamment tourmentés par un in-
stinct de pillage et de vagabondage, outre qu^ ils s'im-
miscent à toutes les querelles de leurs voisins, notam-
ment à celles des k'sour de Figuig, font souvent des
r'azïa sur les Chamba et les Ouled Sidi Cheikh Cheraga.
Des espions adroits vont à la découverte, et, sur leur
indication, une partie de la tribu, douze ou quinze
cents hommes quelquefois, montés à deux sur des cha-
meaux aux flancs desquels pendent des outres pleines
d'eau et les provisions du voyage, se portent sur le
lieu du coup de main, tombent à Timproviste sur les
troupeaux mal gardés et les enlèvent. S'ils trouvent de
la résistance, des deux cavaliers l'un tient le chameau,
l'autre fait le coup de fusil. Ces expéditions hasardeuses
sont souvent poussées à de très-grandes distances, et
sont toujours conduites par sept ou huit chefe, les seuls
de la troupe qui soient à cheval.
Si ces pillards ont leurs ennemis naturels, ils ont
aussi leurs amis; tek, par exemple, les H'amïan Che-
raga et R'iu*abâ, et les Ouled Sidi Cheïkh R'araba. On
se souvient que les deux grandes fractions des Orded
Sidi Cheïkh ont été pendant quelque temps divisées ;
les Zedgou avaient alors pris parti dans la querelle, et,
malgré la paix qui s'est faite, ils sont restés ce qu'ils
étaient, alliés des uns par habitude, ennemis des antres
par intérêt.
272 D'ALGER A INSALAH'.
Comme toutes les tribus du Sahai*a9 celle des Zedgou
s^ occupe avec passion du commerce. Elle fréquente les
marche'sde Fez, deGourara, deTimimoun, de Tafilalet,
y porte et en rapporte les objets déjà connus.
Elle vit sous la tente : elle a des k'ad'i, des t'olba, des
écoles, et, bien qu'elle exerce le brigandage en grand,
ainsi que nous Favons vu , les vols d'individu à indi-
vidu sont, dit-on, des exceptions très-rares, générale-
ment réprouvées et très-sévèrement châtiées sur son
territoire. L'assassinat y est puni selon toute la rigueur
de la loi mahométane, par le talion. Le chef le plus
influent des Zegdou se nomme Ould el H'adj Yaïch
H'arak Oudnou.
Les Zedgou parlent l'arabe; presque tous pourtant
sont de sang mêlé ; quelques chefs sont même tout à
fait noirs. Ils n'ont que peu de moutons, quelques ânes
seulement, pas de bœufs, pas de mulets; mais ils sont
riches en chameaux, dont ils mangent la chair, quand
un accident les rend impropres au service de la guerre
ou du commerce.
Leur nourriture principale est le lait de chamelle et
les dattes : les plus riches mangent du kouskouçou le
soir. Fez et, plus loin, Dermami et A'ïn el Djaba leur
fournissent du blé.
Ils sont généralement élancés, bien faits, très-vigou-
reux comme tous les Arabes du Sahara ; car, selon le pro-
verbe, (( le maître de la datte est toujours mince et fort.»
Leurs moeurs trahissent à la fois et l'ardeur du sang
D ALGER A INSALAH'. 273
nègre quHls tiennent de leurs mères, et la vigueur de
leur tempérament. Ceci s'entend des femmes aussi bien
que des hommes.
Pour arriver de Ich, au district de Figuig , où nous
sommes maintenant, et dont nous nous sommes un
moment écartés pour donner la description des lieux
et des tribus qui l'environnent, il a fallu deux journées
de marche.
* jour )
\ de Ich à El Ma'ïz, en deux jours 15
• . . . )
27* jour
28<
SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAH'.
En quittant la montagne de Figuig, on entre dans
les sables dont rien n'interrompt la monotonie. Point de
végétation , si ce n'est l'herbe rare que font croître au
printemps les pluies de l'hiver, et quelques buissons
rachiliques épars çà et là. D'espace en espace des veines
de sable, un peu moins prononcées que les a'reg, et
que les Arabes appellent koudiat, dessinent les plis du
terrain, en courant vers le sud, pour aller se rattacher
aux a'reg de Gueléa à Timimoun.
Après avoir traversé ces a'reg, dans lesquels les cha-
meaux enfoncent et n'avancent que difficilement, nous
sommes dans le pays de Touat.
Pour ne pas morceler la description, nous allons
18
274 DALGER A ÏNSALAH^
donner d^un jet la route jusqu'à Insalah'^ en la repre-
nant à El Ma'ïz.
Ii«acs.
29« jour de El Malz à rOued Zeboudj 10
30* • . . à rOued Zirek 10
31' ... à rOued Ouakeda 10
32* ... à Sa'ïd el Khebiz, mamelon de sable 10
nous sommes au pied des A'reg , que Ton ne
peut traverser qu'en trois jours , bien que la
^ ' * ' f distance , en ligne droite , pour arriver d'El
* * t Khebiz à Moula Khezas, ne soit que de. . . 10
36* ... I
les chameaux enfoncent dans le sable jus-
qu'au poitrail.
36^ . . . à El H'assian T'ouïl (puits) 10
37« . . .à Timimoun 10
\ de Timinoun à K'asbah' el H'amera 20
' * / que Ton fait en trois jours, en s'arrctant, au
' ' ' k choix , dans un des nombreux villages qui se
* * y trouvent sur la route.
41« . . . \
42*. . . ] de K'asbah' elH'amera à A'oulef. 40
43* ... > que Ton fait en cinq jours en s'arrétant,
44* . . .1 comme précédemment, où l'on veut.
45* ... /
46* ... à Inr'er 6
47V. .à Teïd 7
48* ... à Insalah' 8
D'Alger à Insalah', par la route capricieuse que
nous avons prise , on compte donc quarante-
huit jours et trois cent soixante-huit lieues.
PAYS DE TOUAT. V6
PAYS DE TOUAT.
Il est divisé en cinq grandes circonscriptions qui
s'étendent du nord au sud sur une longueur de soixante-
quinze à quatre-vingts lieues environ. 11 renferme une
très-grande quantité de villages que les Arabes portent
à tiois cent soixante ; ce nombre est sans doute exagéré.
Noi^ en avons £iit Fobservation à celui qui nous don-
nait ces renseignements. « Vous pouvez me croire^
« nous a-t-il répondu, car il est connu qu^un marchand
(( ayant fait saillir sa jument dans la circonscription de
« Mah'arza, et s' étant mis en route à travers le ïouat,
« pour des affaires y il visita chaque jour un village j et
i( sa jument mit bas en arrivant à Tidikelt. » Nous
n'avons vu là^ bien entendu, qu^un conte populaire,
accrédité par ramour-.propre des habitants du Touat,
mais qui, évidemment, n^ aurait pas été inventé s^il y
avait UBe grande différence entre le nombre des jourd
de la ge^ation d'une jument et le nombre des village»
du pays de Touat.
Les cinq circonscriptions sont , en les abordant par
le nord :
1° celles de Mah'arza, chef-lieu, Tabalk'ouza;
2° — de Gourara, — Timinoun;
3° — d'A'ouguerout , — K'asbah'el H'amera;
4° — de Touat, — • Sba;
ô*» — de Tidikelt, — Insalab'.
Î76 D'ALGER A INSALAH'.
La population de cet immense district peut se divi-
ser en deux grandes catégories, de races évidenmient
différentes : V Les H'all Touat, proprement dits, qui
habitent les villes et les k'sour, et qui sont de sang très-
mélé^ ou même tout à fait noirs, bien qu'il n'aient rien
des traits du nègre ; leur nez est aquilin , leurs lèvres
sont minces, leurs pieds cambrés ; ils prennent le nom
de Zenata et parlent la langue appelée zenatla. 11 est à
remarquer d'ailleurs que la couleur noire de leur peau,
très-peu accusée dans la circonscription de Mah'arza,
gagne en intensité de circonscription en circonscrip-
tion, jusqu'à la plus extrême au sud , celle de Tidikelt.
Nous en trouvons la raison, moins dans la différence
de latitude que dans les alliances avec les négresses,
nécessairement presque générales dans le Tidikelt , et
de moins en moins fréquentes en remontant jusqu'à
Tabalk'ouza.
La seconde catégorie comprend toutes les tribus
d'origine arabe, dont les individus peuvent passer pour
blancs, leurs mélanges avec les négresses n'étant que
des exceptions, et bien qu'ils soient fortement basanés
par le soleil. Elles traduisent le sentiment de leur di-
gnité parle titre de djouad (nobles), et croiraient dé-
choir en s' alliant de famille avec leurs voisins, qu'elles
affectent de mépriser, mais avec lesquels des intérêts
communs les tiennent en bonne intelligence.
Toutes vivent sous la tente et parlent la langue arabe ;
elles usent du zenatïapour leurs relations de commerce
PAYS DE TOUAT. 277
Les iTall Touat proprement dits pratiquent la reli-
gion mahométane dans tous ses rites; ils prient, ils
jeûnent, font des ablutions , rendent le témoignage au
prophète parle cheh'ada, et sont circoncis. Ils ont des
mosquées et des écoles où des t'olba lisent le Koran et
des commentaires du livre sacré.
Leurs femmes sont généralement belles, avec de très-
beaux yeux, des dents très-blanches et la peau dorée ;
tout cela ne serait rien pourtant si elles n^ étaient pas
grasses; les maigres sont déconsidérées. Toutes, à
l'exception des plus nobles, vont la figure découverte :
(c hommes et femmes ont beaucoup d'amour dans la
« tête et dans le cœur; » aussi, d'un bout à l'autre de la
circonscription, les mœurs sont-elles fort dissolues. Les
maris ferment volontiers les yeux sur les caprices de
leurs femmes ; c'est un moyen de se ménager des aven-
tures. Généreux et hospitaliers, ils s'arrachent les étran-
gers , voyageurs et marchands, qui ne partent jamais
sans legretter leurs hôtes, et presque jamais, quand ils
sont jeunes, sans emporter bon souvenir des tendres
soins de leurs hôtesses.
La population de Touat vit de clifiir de mouton et
de chameau, de beurre, de kouskouçou, ceci s'entend
des plus riches, et de dattes; le blé lui vient du Tell
par les tribus nomades.
Ils ont réuni dans un proverbe toute l'histoire de
leurs repas :
El a'îch, douk :
rS D'ALGER A INSALAH'.
Deh'an, chemm :
Ou temer, kauU
Le kouskouçou, goûte4e :
Le beurre, sens-le :
Et les dattes, manges-eii.
Le costume est à peu près le même pour les
quatre premières circonscriptions ; les hommes portent^
f( comme les Français, » une espèce de culotte longue,
bordée au bas d^ un ruban en soie, rouge ou noir; point
de chemise, point de ceinture, mais une espèce de robe
en laine, nommée abaîa, et un h'aïck lié à la tête , soit
par un turban en cotonnade , soit par une corde en
poil de chameau ; par-dessus le tout un bemous blanc.
Quelques-uns ont des boucles d'oreilles, presque tous
des amulettes suspendus au cou; aucun n^a de tar
touage, si ce n'est pourtant dans les tribus arabes.
Les femmes portent le h'aïck avec une ceinture ; une
pièce d'étoffe en laine leur recouvre la tête et vient
s'attacher sous le menton. Des bracelets d'or, d'argent
ou de corne cerclent leurs jambes nues au-dessus de la
cheville et leurs bras aux poignets. De grands colliers
en clous de girofle ou en monnaies d'or et d'argent,
alternées de corail , ornent leurs cous. Tout ce monde
est assez propre, extérieurement au moins. Mais ajou-
tons que pas un des k'sour n'a de bains publics.
Nous parlerons du costume porté à Tidikelt à la
description de cette circonscription.
Tous les villages du Touat ont à peu près la même
CIRCONSCRIPTION DE MAH'ARZA. 279
physionomie. Généralement bâtis de pâtés de terre
cuite au soleil, car la pierre et la chaux manquent, ib
Bont d^un aspect un peu terne , mais qui gagne en pit-
toresque au milieu des dattiers et des arbres fruitiers
qui les entourent.
Dans quelques-uns , comme à Sba et à Ouled Mah'^
moud y on &brique de la poudre ; tous ont les artisans
indispensables. A certaines époques de Tannée, des
jui6 viennent s'y établir et y exercer leurs métiers
ordinaires, mais ils n'y sont jamais que de passage.
L'amour de l'argent les y attire périodiquement, bien
qu'ils y soient assez mal traités.
CIRCONSCRIPTION DE MàH'ARZA.
C'est un pays de sable, monotone^ pl^t? coupé de
quelques mamelons. Son chef-lieu est Tabalk'ouza,
de deux cents à deux cent cinquante maisons. Comme
toutes les villes et tous les villages du Touat , ceci soit
dit pour ne plus y revenir, Tabalk'ouza est défendu par
une enceinte crénelée , en mauvaise construction, en-v
tourée de jardins potagers et de vergers confus, où des
vignes nombreuses grimpent aux troncs des figuiers,
des grenadiers, des térébinthes, etc. Ces plantations
sont arrosées par des puits qui, comme ceux de Tou-
gourt, sont de véritables puits artésiens, non point ce-
pendant que l'eau jaillisse au-dessus du sol, mais elle
280 D'ALGER A INSALAH'.
se soutient toujoui*s jusqu'à un ou deux pieds de Fem-
bouchure du puits^ et, par des saignées, elle est dirigée
de bassins en bassins, échelonnés suivant la pente du
terrain, dans toutes les propriétés.
Tabalk'ouza est gouvernée par une djema' qui per-
çoit le zekkat et Fa^chour, dont le produit est employé
aux frais du culte, aux besoins généraux, à aider les
pauvres, et à payer les éclaireurs chargés de surveiller
les mouvements des Berbères. Ceci encore s'entend de
tous les chefs-lieux du Touat.
La circonscription de Mah'arza est indépendante de
sa voisine, souvent même elle est en guerre avec elle,
et, bien que Timimoun soit plus considérable que Ta-
balk'ouza, celte dernière a presque toujours Favantage,
aidée qu'elle est par des tribus nombreuses, et par les
Berbères des environs de Tafilalet. Cette alliance s'ex-
plique pai* une espèce de solidarité ou plutôt de sym-
pathie de race ; les gens de Mah'arza étant beaucoup
moins mélangés de sang nègre que les autres habitants
du Touat, les Arabes et les Berbères , à chance égale
de bénéfice, leur prêtent plus volontiers assistance. Ils
sont d'ailleurs réputés très-braves. Us croient descendre
des Chamba de Metlili; que cette opinion soit fondée
ou non, ils tirent vanité de la pureté de leur sang, et
ce qui prouverait qu'ils sont en effet d'une autre origine
que ceux de Timimoun , c'est qu'ils leur disent dédai-
gneusement : i( Nous sommes, nous, des gens de race
(h'arar); vous êtes, vous, des nègres. » Ce que nous
CIRCONSCRIPTION DE MAH'ARZA. 281
avons dit plus haut des mœurs générales du Touat leur
est cependant applicable, aussi bien qu'aux autres
Touatïa. Leurs femmes vont la figure découverte et sont
plus que faciles, mais elles y mettent certain air de
mystère.
Les villages que nous connaissons dans cette circon-
scription , sont :
Tabalk'ouza, \
Stantas , 1
Zaouïa, f * 1» *
' a 1 est.
Outir'a, i
Inguellon , \
Sidi Mans'our , J
Béni A'ïça ,
Teganet,
Tinetbou ,
Telamna,
Charouïn ,
Ousfaoun ,
Adjelate ,
Ouled A'ïça ,
à Touest.
ÎM »' ALGER A INSALAH'.
CIRCONSCRIPTION DE GOURARA.
Elle est située au sud de la première, et, comme elle,
peuplée de nombreux villages. Son chef-lieu est Timi-
moun, de cinq cents à six cents maisons seulement,
coupées de jardins, et par conséquent jetées sur
une très-grande étendue ; quelques-unes sont à deux
étages. Le tout est entouré par un mur d'enceinte en
pisé, crénelé, et par un fossé sans eau , profond d'une
douzaine de pieds, large de sept ou huit.
Timimoun est divisée en quatre quartiers, dont trois
seulement ont chacun sa mosquée. Dans le centre à
peu près de la ville s'élève, sur un mamelon, une petite
forteresse carrée qui prend le nom de k'asbah' ; on n'y
entre que par une seule porte. C'est une espèce de
garde-meuble divisé en quatre compartiments dans cha-
cun desquels tous les citoyens, selon qu'ils appar-
tiennent à tel ou tel quartier, viennent déposer, sous la
garde permanente de quelques individus, leur argent
et leurs effets les plus précieux en cas d'une attaque des
Berbères. U y a dix ou douze ans à peu près quç ces
peuplades des montagnes de l'ouest , secondées par les
Mah'arza, tentèrent sur Timimoun un coup de main
dont elle n'a pas oublié les terribles conséquences.
Malgré sa muraille et son fossé, elle est vulnérable
en cela que, recevant l'eau des sources ou des puits
extérieurs, elle ne peut soutenir longtemps un siège si.
CIRCONSCRIPTION DE GOURARA. t83
comme il arrive presque toujours, les assiégeants com*
mencent par détruire les conduits qui alimentent les
assiégés. Dans Fattaque dont nous parlons, Tarmée
ennemie s'était divisée en deux bandes, dont l'une s'était
cachée dans les palmiers, et dont l'autre se porta ouver-
tement vers les puits. Les assiégés, trompés par cette
ruse , coururent en masse à la défense de leurs eaux
menacées, et, à la faveur du combat qui s'engagea sur
ce point, le corps de réserve escalada la place dégarnie
et s'en empara. Pendant huit jours ce fut un horrible
pillage ; tout ce qui pouvait porter une arme fut massa-
cré, toutes les femmes, et même les petites filles furent
violées; toutes les maisons furent ruinées, détruites, et
les vainqueurs ne se retirèrent qu'après avoir mis le
feu aux magasins h dattes. Us n'avaient pas découvert
cependant toutes les cachettes où les habitants de la
malheureuse ville avaient enfoui leur argent ; et beau-
coup retrouvèrent leur petit trésor où ils l'avaient mis,
sous les conduits des eaux. Les magasins d'approvi-
sionnement étaient d'ailleurs si abondamment pour-
vus qu'on put retrouver assez de dattes pour suffire
aux premiers besoins. En face de cette calamité
publique, la djema' rendit un décret par lequel il
était ordonné à chacun de déclarer ses ressources et
de les mettre à la disposition de tous. Des distribu-
tions furent faites ; les tribus arabes des environs qui
commercent avec Timimoun, et dont l'intérêt était
de venir à son secours, lui apportèrent des grains, des
284 D'ALGER A INSALAH'.
moutons, etc.; quelques mois après, enfin, elle renais-
sait de ses ruines et recommençait à vivre.
Cependant la djema^ avait envoyé des émissaires se
plaindre à Fempereur du Maroc, de qui relevaient à la
fois Timimoun et les Berbères ; mais, avec la meilleure
volonté du monde. Moula A'bd er Rah'man n^ aurait pu
atteindre les coupables, qui, par leur position, échap-
pent complètement à son autorité, et de ce moment
Timimoun a cessé de lui payer des impôts; elle s'est
déclarée indépendante.
Maintenant, tout à fait reconstruite, elle est, comme
autrefois, un des grands centres de commerce du
Sahara.
Les tribus et les gens des villes qui fréquentent ses
marqjiés, sont :
1® Les Chamba de Metlili, de Gueléa et de Ouargla,
qui y apportent tous les objets que nous avons
nommés ailleurs, et qui sont tirés de Tunis par les
Béni Mzab et par Tougourt;
De rhuile provenant de Bou Sa'da.
Des chameaux engraissés pour la tuerie.
Des moutons.
Des vêtements de laine fabriqués chez les Béni
Mzab et à Metlih.
Une espèce de gomme appelée mesteba.
Us en rapportent :
Des peaux tannées, qui viennent de Tafilalet.
Des h'aîck fins, fabriqués sur les lieux.
CIRCONSCRIPTION DE GOURARA. 285
Du henna , qui vient de Tjdikelt.
De Tantimoine lire des mines du Touat.
Un bois, nommé acerrla, que les femmes font
brûler pour se parfumer.
De la poudre, fabriquée dans le Touat; elle y
coûte 9 à 10 sous la livre.
Du plomb et des balles qui viennent de Fez.
Des étoffes noirâtres , appelées saïe , qui viennent
du pays des nègres , par les Touareg , et par
R'damês, et que recherchent les femmes arabes
pour leur toilette.
Des chaussures de Fez et de Tafilalet.
Des plumes d'autruche, qui viennent des Khenafsa.
De la poudre d'or.
Des esclaves.
Des jeunes chamelles.
Des dattes , quand elles sont à très-bon marché.
2" Les gens de R'damês y apportent :
Toutes les provenances de Tunis.
Des saïe qui leur viennent du Soudan par les
Touareg.
3" Les gens de Tidikelt y apportent :
Des nègres qui leur sont amenés par les Touareg.
4<'Les A'rib,
Les Djakana,
Les Daou Belal ,
Les A'bda ,
Les Moula Kerkas.
ô^LesH'amîan,
2S6 D ALGER A INSALAH'.
Les Ouled Sidi Cheîch ,
LesElAr'ouat'K'sal,
Qui y apportent :
Du beurre.
Des fromages secg.
Des moutons.
Des chevaux.
Des laines.
Du blé.
De Forge.
Tous s'y approvisionnent des objets que nous avons
détaillés en parlant des Chamba.
On comprend que ces nombreux étrangers enri-
chissent Timimoun, et qu'il est de son intérêt de leur
accorder la plus efficace protection ; aussi y jouissent-
ils d'une espèce de droit d'asile. Une fois entré dans la
ville, aucun marchand ne peut y être arrêté pour quel-
que faute qu'il ait commise à l'extérieur. Sur les marchés,
qui sont au nombre de trois, et dont le plus considé-
rable se nomme Souk' el Lh'am (le marché de la
viande ), règne le plus grand ordre ; chaque denrée y
est déposée à part , sous la surveillance d'agents spé-
ciaux. L'hiver et le printemps sont ks époques de la
recrudescence de ce commerce que paralysent néces-
sairement les chaleurs de l'été et la récolte des dattes
pendant l'automne.
Sous les murs de Timimoun campent ordinairement
trois tribus arabes :
CIRCONSCRIPTION DE GOURARA. 887
Ouled Talah'.
El Khenafsa.
Ouled el H'adj À'ii.
Ces nomades n'ont que peu de chevaux; ils font
leurs voyages et leurs expéditions montes sur des cha-
meaux. Us passent Tété, Tautomne et Fhiver à leur
lieu de campement, et reprennent au printemps la
vie errante; leurs bergers vont alors faire paître les
troupeaux jusqu'à Gueléa.
Toute la circonscription de Gourara est gouvernée
par deux djema\ de cinq membres chacune, qui repré-
sentent les deux éléments , blancs et sang-mélé , dont
se composent la population. Les notables sont élus en
assemblée générale ; les chefs des villages leur obéissent
et s'assemblent tous les vendredis au chef-lieu pour
prendre leurs ordres ou leurs conseils.
Il n'y a cependant pas parité de pouvoir entre les
deux djema' ; celle des sang-mélé est soumise à l'aris-
tocratie de celle des h'arar ( gens de race ). C'est là un
principe accepté qui ne semble pas souffrir d'opposi-
tion, bien que les familles purement blanches soient
très-peu nombreuses. Celles qui tiennent le premier
rang par leur fortune et leur influence se nomment,
l'une, Ouled el Mah'adi, l'autre, Ouled Brahim.
Les environs de Timimoun , comme ceux des vil-
lages, sont riches en dattiers et en jardins ; çà et là se
trouvent quelques espaces de terre labourable, mais
288 D'ALGER A INSALAH'.
insuffisante aux besoins généraux ; on n^y récolte guère
que de Forge.
Si nous en croyons les Arabes, ces jardins toujours
verts, bien ombragés et rafraîchis par Feau des mille ri-
goles qui les fécondent, sont envahis chaque soir par
la population, hommes et femmes pêle-mêle, que n'en
chasse pas toujours la nuit. La facilité de mœurs des
habitants du Touat n'exclut point chez eux un sem-
blant de religion, ce qui du reste est remarquable dans
tous les climats méridionaux. Les fêtes du prophète
sont célébrées en grande pompe, et par de véritables
processions, où Fon accourt de tous les villages,
chaque groupe ayant son drapeau en tête, pour aller
faire ses dévotions au marabout^ de Sid el H'adj Bel
K'acem, qui s'élève entre des palmiers, à Fouest et
trèsr-près de Timimoun.
Les principaux villages de cette circonscription
sont :
Sammota ,
ElKaf,
Ir'ezer,
El Telalet ,
Badrîan
ZaouïaSidelH'adjBelK'acem, ) est.
BenlMah'allan,
Taducit,
ElK'achda,
Temanet,
Bel R'azi ,
CIRCONSCRIPTION DE A'OUGUEROUT. 289
OuledelH'adjA'U,
Oulcd A'bbas ,
Ouled Sa'ïd ,
Kali ou Bou A'ii ,
Zaouïet Moula el T'aïeb , } ouest.
El A'mer,
El H'aouinat ,
Guentour,
Our'Iana.
CIRCONSCRIPTION DE A'OUGUEROUT.
Son chef-lieu est K'asbah el H'amera , de cent cin^
quante maisons à peu près ; vingt-cinq ou trente villages,
beaucoup plus petits, sont semés sur son territoire , et
obéissent, comme le chef-lieu, à une djema'.
Bien que cette circonscription affecte des airs d'indé-
pendance, elle n'en subit pas moins l'influence de sa
puissante voisine, Timimoun , à laquelle la rattachent
d'ailleurs des intérêts de commerce.
Les chefs les plus intluents de A'ouguerout se
nomment Sid el H'adj A'bd el K'ader et Ben A'bdallah'
el Aden.
Même vie, mêmes éléments de fortune , dattes, jar-
dinage, troupeaux, que dans les autres circonscrip-
tions.
Les tribus qui campent sur son territoire sont les
Ouled TalaW, El Khenafsa et Ouled laïch.
49
SM D'ALGER A INSAUH'.
Les principaux villages de la drconscription sont
Bou Guema ,
Charef ,
Zaouiet Sidi O'mar,
Al)oud ,
Akhbour,
K'sarelH'adj,
Tibelr'amin ,
Deldoul ,
TinrlUi ,
Talah',
Zaouia Sid el H'adi Mah'moud , ,
rx n > est.
Oufran ,
Ouled Mah'moud (fabrique de
poudre ,
CIRCONSCRIPTION DE TOUAT.
Elle est située à Fouest de la précédente. Son chef-
lîeu est Sba, de cent maisons à peu près. Jardins^
palmiers^ nombreux villages, comme précédemment.
Elle est indépendante et gouvernée par une djema',
à laquelle se paient de bonne volonté le zekkat et
Ta^chour, et qui prélève des amendes, le tout au béné-
fice des pauvres, des étrangers et des besoins publics.
Elle est riche en troupeaux de chèvres et de cha-
melles dont le lait fait, avec les dattes, la principale
KiOurriture des habitants s
CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT^ f9i
Ses principaux viUages sont :
Tekaberten ,
Tsabit»
ElMa'ïz, ^^^^^
Sba ( fabrique de poudre ) ,
Touat,
Timmi ,
Ouled Rached,
Mtarfa,
Tinilat ,
Bouda,
Titaouïû,
«. ^ y ouest.
Titaf,
Oufran ,
Âzguemir,
Temantid ,
El H'ebela,
aRCONSCFOPTION DE TIDIKELT.
Cette circonscription est à elle seule plus grande que
les quatre autres. Son chef-lieu est Insalah', et non pas
A'in Salali'(la fontaine des saints), comme récrivent
presque tous les auteurs. L'assentiment général des
gens du Touat et des voyageurs arabes ne nous laisse
aucun doute à ce sujet. Us nous ont également affirmé
qu'il n'existe point de ville du nom de Tidikelt. C'est
une erreur générale à relever : on a pris le nom de la
circonscription pour un nom de ville.
Î93 D'ALGER A LNSALAH'.
Insalal/ est une viUe de cinq ou six cents maisons et,
par exception , sans muraille d'enceinte. Les Arabes
donnent pour raison de cette anomalie , qu' étant , par
sa position, en relation continuelle avec les Touareg,
elle est assez forte de cette alliance pour ne rien re-
douter de ses ennemis. Ses guerres se bornent en effet
à quelques coups de main tentés sur les troupeaux de
la circonscription par les Chand^a de Gueléa, d'Ouai^la
et de Mettili , et réciproquement ; mais ces échauffou-
rées ne durent jamais plus de cinq ou six jours. Si les
Chamba deviennent trop menaçants, on leur achète,
à prix d'argent, une paix qu'ils ont toujours intérêt à
conclure pour rétablir leurs relations de commerce. A
vingt-trois lieues ouest environ d'Insalah' se trouve
A'oulef, qui semble comme une seconde capitale de la
circonscription. C'est une ville de quelques centaines
de maisons, et le lieu de résidence de l'un des chefs
principaux du pays nommé Moula H'aïba.
Les tribus qui campent dans le Tidikelt sont :
El Khouari,
Ouled Bou H'ammou,
Ouled Zenan,
Ouled KheUfa,
Ouled Mokhtar,
Ouled H'ami A'ïça,
et, tout à fait au sud, une fraction des Touareg nommée :
Touareg el Beïd.
Propriétaires de dattiers, de jardins et de maisons
CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 293
dans les kVour où elles déposent leurs grains y ces tri-
bus sont liées d'intérêts à la circonscription entière et
prennent parti dans ses guerres. Campées les trois
quarts de Tannée dans le lieu habituel de leurs stations,
elles ne s'en éloignent qu'au printemps pour faire
paître leurs troupeaux. Encore ne vont-elles jamais à
plus de quinze ou vingt lieues.
C'est dans le Tidikelt surtout que se fait sentir la
puissance de l'aristocratie de race; ainsi qu'il est facile
de se l'expliquer par ce que nous en avons déjà dit, les
habitants des k'sour et du chef-lieu, qui reçoivent de
première main les esclaves du Soudan , sont de sang
très-mêlé et beaucoup tout à fait nègres. Les tiîbus
arabes, qui partagent avec eux le même territoire,
au contraire , usent plus sobrement des négresses , par
un instinct de respect pour leur sang, et dominent
le pays. Tous les chefs de la djema' sont Arabes et
commandent absolument. Les deux chefs les plus puis-
sants sont , avec Moula H'aïba qui, réside à A'oulef ,
H'amoud Ould Bou Djouda et H'adj Ah'med Ould Ben
Mokhtar, qui résident à Insalah'.
Le costume de cette circonscription n'est pas tout à
fait celui des autres : les hommes portent une h^abaïa,
espèce de robe faite en saïe , de couleur poire , des cu-
lottes comme les Européens, et une ceinture noire.
Comme les Touareg , leurs voisins , les plus nobles se
voilent tout le visage excepté les yeux , à la manière
des Mauresques avec une pièce d'étoffe noire. Si nous
S94 D'ALGER A INSALAH'.
en croyons les Arabes, un sentiment exagère de leur
dignité les ferait se voiler ainsi devant le vulgaire et
même devant leurs femmes qui, elles, vont la figure dé-
couverte. Quoi qu^il en soit, ils tiennent cette coutume
des Touareg. Les fenunes portent le costume de Timi-
moun.
Insalah' est dominée au sud par des mamelons plan-
tés en vergers, où la population, le soir oisive, va
prendre le frais après souper, et danser au son de la
flûte en roseau et des tambourins. Des improvisateurs
arabes égaient ces fêtes quotidiennes de leurs chansons.
Les principaux villages de cette circonscription, sont:
Fougaret ezZoua,
Zaouïet Sid el H'adj R'acem ,
Sala el Fouk'anïa ,
SalactTahatanïa,
H'assi el H'adjer,
Melïana ,
Gouslen,
Insalah',
K'sar el Ar'a,
OuledBelK'acem,
Akhbour,
Ouled cl H'adj ,
Der'amcha,
Agabli,
Teïd,
Sidi Bou Na'ma ,
Zaouïet Moula Haïba, \ ouest.
A'oulef,
Inr'er,
CIRCONSCRIPTION DE TIMKELT. 205
Agabli j dont tant de voyageurs ont parlé, est le plus
au sud de tous ces villages. Il est habite par des mara-
bout' qui se disent cherife, et qui sont très-riches en
troupeaux 9 en dattiers, et très-grands en influence.
Ils se livrent au commerce et organisent des caravanes
pour Timbek'tou.
Le territoire de Tidikelt est, autour des k'sour, bien
planté, bien arrosé, et, sur certains points, se trou-
vent même quelques terres propres à la culture des
céréales. On y récolte un peu de blé et d'orge , du
millet (bechna) du blé de Turquie (seboulet ed d'ra'),
des fèves , des pois chiches , etc. ; mais les principaux
éléments du bien-être de la population lui sont appor-
tés par son commerce.
Les tribus arabes qui fréquentent les marchés du
Tidikelt sont, pour le sud:
Les Touareg de Sekmaren.
— de Djebel h'oggar.
— de Djebel azeguer.
Ils y apportent : des chamelles, des ânes, des dé-
pouilles d'autruches, des esclaves, de l'ivoire, delà
poudre d'or. Les Ouled Sid el Bekri (du Djebel Foukas),
y apportent les mêmes marchandises, à peu près, et
n'en emportent que des dattes et des vêtements de
laine.
Pour l'est : les Chamba de Gueléa et de Metlili, qui y
apportent des chevaux, des bemous, des robes de
296 D'ALGER A INSALAH.
laine (h'abaïa), des pioches , etc., et en emportent des
nègres, des plumes d^ autruche.
Les gens de R'damés , qui y apportent des saïe , étof-
fes noires venues du Soudan, des épiceries, des cali-
cots, de la quincaillerie, des armes qui viennent de
Tunis.
Ils en emportent de la poudre d'or, des dents d'élé-
phant, des nègres, dont ils trafiqueront avec Tunis et
Tripoli.
Timimoun et Insalah' sont deux grands entrepôts où
les marchandises s'accumulent par l'est et par l'ouest,
apportées par les tributs nomades de Tunis, d'un côté,
et des ports du Maroc, de l'autre, et s'écoulent avec
les caravanes de Fez jusqu'à Timbek'tou et dans tout
le Soudan.
Alger fournissait autrefois beaucoup au Touat; elle
avait cet avantage sur Oran et Tlemcen qu'elle était fa-
cilement approvisionnée par l'Egypte, Tunis, Livoume,
Marseille, etc., tandis que ses concurrents ne trafi-
quaient guère que d'objets indigènes.
Alger expédiait surtout de la soie , du cuivre et des
cotonnades.
A la faveur de la guerre, les Anglais ont accaparé tout
ce commerce, qu'ils faisaient déjà par Souïra (Moga-
dor), Rl)at, Tétouan ou Tanger. Maintenant que nos
relations avec l'intérieur semblent tendre à se rétablir,
c'est l'affaire d'une bonne politique et d'un grand inté-
rêt de chercher à le rappeler à nous
CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 297
Il n'est pas hors de notre sujet de donner ici la nomen-
clature des objets que les caravanes emportent dans le
Soudan, de ceux qu'elles en rapportent, et quelques
notions sur la manière dont se font ces transactions
commerciales.
Timbek'lou et Djenné sont les deux grands entrepôts
de Touest du Soudan. Presque tous les riches négo-
ciants de Fez y ont des succursales de leurs maisons de
commerce, tenues par des chargés d'affaire, par des re-
présentants intéressés qui, du Maroc, sont allés là cher-
cher fortune. Ces blancs, du reste fort considérés, sont
appelés par les nègres indigènes el a'neb elli ma tab ch
(le raisin qui n'est pas mûr).
Les caravanes partent chargées des marchandises que
l'on sait convenir au Soudan, et qui sont :
Des calicots qui viennent de Gibraltar ou de Li-
vourne.
Des cotonnades anglaises.
Des draps.
Des bernons noirs, en laine et des draps communs.
Des bernons très-fins, en laine noire, bordés d'une
bande de cQuleur en soie; ils viennent de Sous.
Des ceintures en soie , de Fez.
Des indiennes.
Du corail de Livourne et de Gibraltar.
De Tambre qui vient d'Egypte.
Des pipes avec des bouts en ivoire, en ambre, en
corail, en argent. Ces bouts de pipe se vendent
au poids de Tor.
Du tabac en quantité.
298 D'ALGER A INSALAH \
Des coquillages, qu'on appelle oudV, et qui, ar>
rivés à Timbek'tou , seront de la monnaie.
De la verroterie , très-estimée , dont les nègres
font des colliers pour eux, leurs femmes et leurs
chevaux.
De la nacre.
Des pierres à feu et des briquets qui se vendent
très-cher; chaque pierre représente ime valeur
d'un franc.
Du cumin.
Du poivre noir qui vient des chrétiens.
Du sucre et du thé anglais. Les nègres ne boivent
pas de café.
Des essences de Tunis.
Du musc f que Ton trouve dans le désert.
Des objets de harnachement arabe; les nègres
fabriquent leurs selles avec des os d'éléphant
et les recouvrent avec la peau du même ani-
mal.
Des peaux tannées de Fez et de Tafilalet.
Des soies de Fez, de Tunis ou d'Egypte.
Des noix muscades très-estimées.
Des sabres de Fez.
Des carabines d'un calibre énorme , d'un pouce
de diamètre; elles seront là-bas remises à
mèche ; elles ne serviront que pour la chasse
des éléphants. Les guerres d'hommes à hommes
se font avec des arcs et des flèches.
Des balles, de la grenaille.
Des chachïa de Fez.
Des fouta (mouchoirs) de soie de Fez.
- ' Des k'aftan en drap rouge, de Fez.
CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 399
Des espèces de chemises en calicot, brodées de
soie.
Des pelles, des pioches, des socs de charrues.
Des chaussures jaunes (beli^'a).
Des bottes de cavaliers (temmak').
Des chapelets du Maroc, en diverses matières.
Des bracelets , des bagues.
Des épingles en cuivre, fabriquées exprès dans 1%
Maroc.
Des couteaux ,
Des ciseaux ,
Des miroirs, ^ anglais.
Du papier,
Des aciers.
Des douros et de la monnaie d'Espagne qui se-
ront échangés contre leur poids en or.
Ainsi chargée, armée et approvisionnée d^eau, de
dattes, de farine, la caravane se met en route sous la
conduite d'un chef unique, absolu comme un capitaine
de navire à son bord, qui prend le nom de Cheikh el
Rak'eb ; il est désigné par la caravane. Trente ou qua-
rante vieux voyageurs expérimentés , que Ton appelle
El Menaïr, guideront la marche ou la précéderont en
éclaireurs pour s'assurer de l'intention des tribus et si--
gnaler les Touareg, ces étemels pillards, écumeurs du
désert.
Cette masse mouvante, à laquelle les A'rib, les Daou
Belal, les Ouled Delim, les Djakana, les Ouled Sidi
Cheïk, etc., ont loué des chameaux de transport, soit à
prix d'argent, 80 douros de Timimoun à 'imbek'tou.
300 D'ALGER A INSALAff.
soit moyennant une part dans les bénéfices, fera la
boule de neige sur la route. En passant à Datt elle y
prendra d'immenses quantités de sel gemme. Partout
grossie par les voyageurs marchands qui attendent son
passage, elle arrivera enfin à deux ou trois journées de
Tlmbek'touy où elle campera dans une forêt, et d^où
elle expédiera, par portions, ses marchandises à la ville,
non sans y payer un droit de douanes.
Les menus objets s'y vendent pour des ouda\ ces
coquillages dont nous avons parlé et qui sont la petite
monnaie du Soudan, ceux d'une valeur plus considé-
rable s'échangent contre de la poudre d'or.
Les ouda' du pays des chrétiens ne sont pas les seuls
qui aient cours ; on en pêche dans le Niger en y jetant
des peaux de bœufs fraîchement dépouillés et que l'on
en retire le lendemain , ramenant ainsi les coquillages
qui s'y sont attachés pendant la nuit.
La chasse à la poudre d!or se fait dans les sables des
bords du fleuve ou du désert; c'est là une des princi-
pales occupations des nègres. Bien lavée , bien épurée
de tous corps étrangers, la poudre d'or se met, par
poids convenu, celui de quinze douros d'Espagne à
peu près, dans de petits sachets qui prennent le nom de
serra, et dont chacun est estimé 20 000 ouda' .
Rentré à Fez, le serra vaut 1 80 douros.
Une charge de sel, deux cents kilogrammes environ,
vaut, àTimbek'tou, un serra.
Une charge de tabac, 1 serra et demi.
CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 301
Un bernous, le poids en or de 2 douros d^Espagne^
ce qui représente une valeur effective de 30 douros.
Cependant il y a hausse ou baisse , selon la quantité
de marchandises apportées. Nous ne donnons là que le
prix moyen.
La poudre d'or est quelquefois fondue en lingots^ ti-
rés ensuite en fils que Ton appelle el h'amel et qui sont
eux-mêmes échangés contre certains objets , ou contre
des douros ou des pièces quelconques en argent que les
gens de Timbek'tou estiment infmiment plus que Tor.
Après avoir vendu ses denrées, la caravane rap-
porte :
Des étoffes de colon fabriquées par les nègres , et
qui n'ont pas plus de 6 pouces de largeur. Ces
bandes cousues ensemble, dans le Maroc, font
des vêtements peu coûteux , et qui durent très-
longtemps.
Des pièces d'étoffe en lin, fin comme de la soie;
elles sont teintes en couleur bleue et se nom-
ment doumaci; c'est un objet de luxe très-
recherché par les femmes arabes.
De la gomme blanche, qui vient de l'intérieur, et
que l'on appelle aourouar. Elle va toute en An-
gleterre par Souïra.
Une autre espèce de gomme moins blanche , que
la caravane trouve sur sa route.
Des défenses d'éléphants, qui vont toutes en An-
gleterre par Souïra. Si l'on en croit les Arabes,
elles sont en grande quantité et énormes.
Des dépouilles d*autruche.
308 DALGER A INSALAH'.
Du riz très-gros, rouge, dont on fait des provi-
sions de voyage.
Du millet noir, appelé der'mou.
Des noix de coco.
Un fruit qu'ils appellent k'aroub, et qui renferme
une liqueur mielleuse.
Une matière odoriférante, appelée el adan, très-
estimée dans le Maroc ; elle est malléable comme
de la cire; les riches s'en font des cadeaux.
De la cire brune très-estimée , qui sera fabriquée
en bougie dans le Maroc, et qui se vendra au
prix de 1 fr. 60 c. la livre.
Des nègres et des négresses faits prisonniers dans
les guerres. Jeunes et vigoureux, ils valent
6 ou 6 douros par échange , sur les lieux ; arri-
vés dans les oasis du Sahara algérien, de 35 à 40,
et gagnent en valeur à mesure qu'ils s'appro-
chent de la mer.
Des fruits (clalaledj), qui ressemblent à des
glands , et dont le goût rappelle celui des noix
muscades.
Des plats faits en peaux d'un animal que Ton ap-
pelle el mcha, et qui semble être une espèce de
buffle. Cette peau fraîche dépouillée, est taillée
sur des moules en bois delà forme du vase que
Ton veut obtenir, et, séchée au soleil, elle ao-
quiert une grande dureté.
Tout cela s^ achète par échange ou par ouda'.
La caravane revient comme elle est allée, mais en se
vidant sur la route. Celles qui se dirigent du côté du
Maroc prennent , avant d'arriver à Tafitalet , mi sauf-
D'ALGER A INSALAH'. MB
conduit des principaux chefs des tribus berbères sui-
vantes :
Alt Atta.
AltH'adIddou.
A'ït Temer'at.
Et des tribus arabes •
BeDi Mah'med.
DaouBelal.
Toutes ces marchandises prennent leur écoulement
naturel vers les ports de la côte, et de là vers FEurope,
mais surtout vers l'Angleterre.
Nous traiterons plus spécialement cette question
ailleurs ; mais, pressés par le temps , et forcés que nous
sommes d^ attendre des renseignements plus précis,
nous nous bornerons ici à cet aperçu général.
ROUTE DIRECTE D'ALGER A INSALAH'.
DIRECTION GÉNÉBJJM DU NOBD AU SUD-OU£ST.
Nous ne commencerons à compter que de Tak'dimt,
la route d'Alger à ce point étant connue.
lieues.
l«jour, de Tak'dimtà A'ïn elBaranis 9
2* , . . de A^in elBaranis, où Ton quitte le T'ell pour en-
trer dans le pays des Chot', à Dar el A'rneb. . . 6
3 ... au marais d'Ask'oura ô
A reporter* • . * 20
304 D'ALGER A INSALAH'.
liears.
Report 20
4" ... à Sidi en Na'cer, village des ffarar R'araba. ... 7
5« . . . à Stiten 12
6« . . . on suit rOued Stiten jusqu'à El R'açoul 9
7- ... à Brizina 12
8- ... à Sidi el H'adj ed Din 5
9* . . . dans le Sahara , à travers les sables 9
10» . . . sur rOued Seguer, sables 9
11* ... au puits appelé H'assi Bouzid, où vient mourir
rOued Seguer, dans les sables 9
12* . . . aux a'reg de Gueléa 9
13« . . . ) k Gueléa en traversant les aVeg, où les cha-
14* . . . j meaux enfoncent jusqu'aux jarrets 8
15* . . . au puits appelé Mek'sa, on est entré dans le bassin
de rOued Mïa , dont nous donnerons plus bas la
description ^
16« . . . sur rOued Saret 10
17* . . . sur l'Oued Chebaba 10
18* . . . surTOued Sedra 11
lO* . . . sur l'Oued Mïa ou Sekhouna 10
20- . . . sur rOued Sidi el H'adj Brahim 8
21« . . . sur l'Oued Djelguem • • ^
22« . . . on traverse le Djebel Baten, et l'on marche dans
la plaine jusqu'au pied d'un mamelon appelé
DjerfelDjeda ^
23« . . . à Insalah', en passant par les villages de Fougaret,
Ezzoua et Gousten ^
Récapitulation de Tak'dimt à Insalah'. . . 191
BASSIN DE L'OUED MIA. 305
BASSIN DE L'OUED MIA.
Le bassin de TOued Mïa est formé, à Test, par une
succession de mamelons de sable qui, partant d'un
monticule appelé Si Moh'ammed ou A'ilel, court du
nord au sud sur une longueur de trente ou trente-cinq
lieues ; au nord, à l'ouest et au sud par le Djebel Baten,
qui est la continuation des a'reg de G^ieléa, et qui court
de l'est à l'ouest jusqu'à vingt-cinq lieues de Timimoun,
tourne au sud en décrivant un arc de cercle dont la
convexité regarde l'ouest, passe à quinze lieues, à peu
près, de Insalah', et va mourir dans l'est à douze lieues
de R'damês.
Cette montagne, i^ocheuse, élevée dans sa partie
nord, s'affisûsse par gradation en gagnant au sud et
finit par des a'reg.
L'Oued Mïa , qui prend sa source sur le versant est
du Djebel Baten, à vingt-cinq lieues de Timimoun,
court de l'ouest à l'est en décrivant une courbe et va
mourir dans les jardins d'Ouargla. Son lit s'élargit im-
mensément en s' approchant de cette ville ; torrentueux
pendant l'hiver, l'été le met à sec.
Son nom, qui veut dire cent, lui vient, selon les
Arabes, de ce qu'il reçoit cent affluents. Ce nombre est
sans doute exagéré ; nous n'avons pu en retrouver que
quelques-uns.
20
306 D'ALGER A INSALAH'.
AFFLUENTS DE GAUCHE.
l"" L^Oued Saret , qui prend sa source au mamelon
de Si Moh'aromed ou A'ilel, coule du nord au
sud, sur cinquante lieues de cours à peu près,
et reçoit lui-même, sur sa rive droite, TOued
Chebaba, qui descend du Djebel Baten, et a
vingt-cinq lieues de cours environ ;
2* L'Oued Sedra, qui descend du Djebel Baten,
reçoit plusieurs affluents, et fournit quarante-
cinq lieues de cours environ ;
3° L'Oued Tebaloulet, qui descend du Djebel
Baten, et a quarante-cinq lieurs de cours; il
reçoit sur sa droite un affluent appelé Tilin
Djamat.
AFFLUENTS DE DEDITE.
l^" L'Oued Sidi Brahim , de trente Ueues de cours ;
2"* L'Oued Mouça Ben A'ïch» de treate Havet de
cours;
3° L'Oued Djelguem, de quarante lieues de cours
Tous trois descendent du Djebel Baten.
LUmmense espace circonscrit par les montagnes qui
forment le bassin de FOued Mïa est un pays de sables^
stérile^ raviné par les pluies de Thiver et les petits tor-
rents qui le sillonnent alors. Inhabité ^ à propr^nent
parler^ il est envahi, au printemps, par les tribus voi-
sines qui viennent y faire paitre leurs troupeaux et né-
cessairement traversé par les caravanes des marchands
de Touest qui se rendent à Timimoun et Insalah'.
ROUTE DE EL BIOD A TIMIMOUN. 307
ROUTE DE EL BIOD A TIMIMOUN.
DIRECTION GÉN3ÉRALE DU NORD AU SUD-OUEST.
lieues.
!•' jour, à Tizemert , simple lieu de station dans la plaine. 9
2* . . . sur rOued R'arbi 9
L'Oued R'arbi descend des AVbaouat et va se
perdre dans les sables au pied des a*rég de
Gueléa.
A trois ou quatre lieues ouest de TOued R'arbi se
trouve un petit hameau d'une dizaine de mai-
sons , appelé El Benout. 11 est alimenté par une
source nommée El Mengoub. Les Ouled Sidi
Cheikh R'araba y déposent leurs grains.
3* ... à Kebach ou Matzer, simple lieu de station. ... 9
4' . . . dans la plaine deH'abilat, à Terba, simple lieu
de station 9
En quittant Terba, on commence à trouver des
mouvements de sables, peu élevés, mais très-
nombreux : les Arabes les appellent K'oudiat.
5" . . . à El Faïdja , simple lieu de station 9
au pied des a'reg de Gueléa 9
!on traverse les a'reg jusqu'au puits de Si
Moh'ammed Moul el Gandouz , situé dans la
plaine de A'mguiden 11
au puits nommé H'assi el H'amar 12
àlimimoun 12
6*
7*
8-
9'
10*
11'
Total 89
308 TRIBU DES CHAMBA.
ROUTE DE METLILI A ÏIMIMOUN.
DIRECTION GÉNÉRALE DE l'eST A l' OUEST.
Nous sommes dans le pays de la grande tribu des
Cliamba ; avant de nous y engager, nous allons en étu-
dier les habitants.
TRIBU DES CHAMBA.
Elle habite les environs de Ouargla, Metlili, Gueléa.
Ceux de Ouargla prennent les noms de Chambet
bou Rouba. Voici leurs fractions :
OUled Iffloaaïl.
Ouled Bou Bekker.
Douï.
Ouled Ferrcdj.
Ouled Bou Sald-
OuledZeït.
Ceux de Metlili prennent le nom de Berazga. Voici
leurs fractions :
Ouled H'anech.
Ouled A'mcr.
Souaiah'.
Ouled Ma'mer.
El H'aouamer.
Souïdïat.
Ouled Brahim.
TRIBU DES CHAMBA. 309
Ouled Mouça.
Ouled Sidi Zir'en.
El Cherfa.
Ouled A'Uouch.
El Guemara.
Ceux de Gueléa prennent le nom de El Mad'i. Voici
leurs fractions :
Ouled Zeït.
Ouled A'ïcha.
Ouled Ma'mer.
Ouled Ferredj.
, ,. Ûttled Sid el H'adj lah'ïa.
Les Chamba se disent originaires de la province
d'Oran et, selon la chronique, sont issus d'une même
famille ; elle campait dans le Tell et se composait de
sept frères. Le plus jeune, comme Benjamin, et peut-
être pour la même raison, était détesté des six autres.
11 se nommait Tamer ben TouUal ; le père de tous étant
mort, Tamer, pour échapper aux vexations nouvelles
qui allaient l'assaillir et qu'avait jusque-là modérées
l'autorité du chef de la tente, partit un jour avec sa
femme, ses petits enfants et quelques serviteurs, qui
guidaient au hasard ses troupeaux vers le sud. Ln de-
mi-frère, nommé Trif, chassé comme lui par la haine
jalouse de ses aînés, le rejoignit bientôt après, et tous
deux vaguèrent dans la montagne et dans la plaine,
cherchant un lieu propice où planter leurs tentes.
C'étaitl'été : le soleil avaitdesséché toutes les sources :
les Oued n'étaient plus que des ravins sans eau : ces
310 TRIBU DES CHAMBA.
pauvres exiles, haletants de chaleur et de fatigue, al-
laient mourir de soif , hommes et troupeaux , quand
Tamer vit revenir à lui sa levrette toute mouillée ; son
instinct lui avait fait découvrir F Oued Metlili ; elle y
guida son maître et la petite caravane s'y établit.
Tamer bâtit à Fouest, Trif à Fest ; les deux familles
prospérèrent, s' unirent par des mariages, multiplièrent,
élevèrent une ville qui prit son nom de la source sur
laquelle elle est située, et groupèrent leurs tentes sous
ses murs. Pour perpétuer la mémoire de la levrette, qui
s'appelait A'mba, la tribu nouvelle se donna le nom de
Chamba.
Quoi qu'il en soit de cette tradition généalogique, il
paraît constant que la tribu entière des Chamba était
autrefois réunie sur le territoire de Metlili ; mais, soit
qu'elle ait gagné en nombre et que des émigrations fus-
sent devenues nécessaires, soit que des intérêts divers
aient appelé quelques familles autour de Ouargla et de
Gueléa, les trois grandes divisions que nous avons don-
nées se sont peu à peu établies près de ces trois villes.
Malgré cette séparation, toutes les fractions sont
restées en bonne intelligence et se sont toujours prêté
un mutuel appui dans les circonstances difficiles. Leurs
ennemis communs sont les Béni Mzab, les Sa'ïd atba de
Ouargla, les A'rba, les H'amian, les Douï Menïa et les
Touareg. Leurs guerres ne sont presque jamais que des
coups de main, des r'azia ; mais ils pourraient, au be-
soin, mettre sur pied :
TRIBU DES CHAMBA. 3U
Ceux de Metlili, 50 chevaux et 1200 fantassins j
Ceux de Guelëa, 15 ou 20 chevaux et 300 fantas-
sins;
Ceux de Ouargla^ 50 chevaux et 1200 ou 1500 fan-
tassins.
Comme tous les fantassins du désert, ceux des
Chamba se transportent au point de l'expédition mon-
tés sur des ch^uneaux.
Si un danger commun les menace, ou si une des
trois grandes fractions est insultée et n^est pas assez
forte pour venger son injure sans le secours des
autres, toutes se réunissent en un lieu désigné et là, à
la face du ciel, elles se jurent assistance sur le livre de
Sidi A'bd Allah', par ce serment consacré : « Nous
« mourrons ta mort, nous perdrons tes pertes, nous
« ne renoncerons à la vengeance que si nos enfants,
(( nos biens sont perdus, et nos têtes frappées, » et ils
partent pour des expéditions quelquefois très-loin-
taines, jusque chez les Touareg du Djebel H'oggar, ce
qui parait incroyable ; mais ces gens-là, comme pres-
que tous les habitants nomades du désert, sont par
nature et par habitude infatigables ; élancés, musculeux,
d^une sobriété que peuvent satisfaire quelques dattes,
un peu de farine délayée et roulée en boulettes dans le
creux de la main, et deux tasses d^eau. Tune le matin
Fautre le soir; d^une perspicacité qui rappelle celle des
vieux Mohikans , la nuit, ils se guident par les étoiles,
le jour par des points imperceptibles pour tout autre
312 TRIBU VES GHÂMBA.
que pour eux^ et^ sans route frayée, ils vont ainsi dans
les'sablesy sans jamais s^ égarer, aussi loin que la guerre
les appelle, et partout où il y a un marché important.
« Dans nos combats, nous disait Fun d'eux, la femme,
« nous ne la dépouillons jamais; F ennemi mort, nous
« ne lui coupons point la tête; F ennemi blessé, nous
(( le respectons , et nous n'abandonnons jamais les
« nôtres. » Ils passent, en effet, pour très-braves et
ti'ès-hospitaliers.
La tribu entière vit, partie sous la tente et partie
dans ses trois villes, sur le territoire desquelles elle est
propriétaire de dattiers, de jardins, de vergers. Mais
sa richesse principale consiste en inmienses troupeaux
de chameaux et de moutons. Naturellement portés aux
excursions et au commerce , les Chamba courent les
marchés.
De Temacin.
De R'damês.
Du Tidikelt, ) ^ , ^
^ -,. . } dans le Touat.
De Timimoun , )
Du pays des Ouled Sidi Cheikh.
De A'in Mad'i.
De El AVouat'.
Et cela, soit pour leur* propre compte , soit qu'ils
aient loué leurs chameaux aux marchands leurs voi-
sins, ou qu'ils se soient chargés du transport des mar-
chandises d'un lieu à un auti*e.
De leurs provenances à eux , ils portent sur ces
marchés :
TRIBU DES CHAMBA. 313
Des chameaux et des moutons engraissés pour la
boucherie.
Du beurre de brebis.
De la laine.
Des bernous ,
i fabriqués par leurs femmes.
Des djellaba, ) ^ ^
Des douros d'Espagne qu'ils thésaurisent, et dont
ils se défont avec bénéfice.
Des dépouilles d'autruche , produit de leurs chas-
ses , car ils sont grands chasseurs.
La tribu a d'ailleurs^ sous la tente, son industrie : des
forgerons y font des pioches, des couteaux, des fau-
cilles, des instruments pour tondre les moutons, des
fers à cheval, etc.; des armuriers y raccommodent les
armes ; toutes les femmes apprêtent les laines, les poils
de chèvre et de chameau, et les tissent en h'aïk', ber-
nous, tentes imperméables, etc., avec des métiers ap-
portés des villes par le voyageur de la famille.
Sous la tente encore on fait, avec de F alfa, ou avec
des feuilles de dattiers, des nattes, des grands chapeaux,
des cordes pour tirer Veau des puits, pour attacher les
chameaux et les chevaux , des sacs pour charger les
bêtes de somme, etc. On fabrique le peu de poterie
indispensable ; on recouvre les selles en peau de cha-
meaux ; on fait des chaussures ou on les raccommode ;
des outres goudronnées à l'intérieur pour mettre l'eau
et le lait ; on prépare des peaux de boucs pour empor-
ter les provisions de voyage, des seaux en cuir tanné de
chèvre ou de brebis, etc. Ce que nous disons ici des
314 METULI.
Chamba peut, au reste^ s^appliquer à presque toutes le
tribus.
On retrouve chez eux également cette légèreté de
mœurs qui caractérise les peuplades du Sahara, et cette
poésie native qui distingue les Arabes, ce Us aiment les
(i chants, la musique, les femmes, la poudre et, par-
ce dessus tout, Findépendance. » Nous donnons cette
phrase telle qu'elle nous a été donnée par dix d'entre
eux.
A'bd el K'ader n'a jamais pu tirer aucun parti des
Chamba^ quoique presque toutes les tribus du désert
eussent à peu près reconnu son autorité. Pendant qu'il
tenait le siège devant A'in Mad'i, il fit sur eux une
r'asia de 2500 chameaux ; la soumission, ou au moins
un semblant de soumission s'ensuivit; les principaux
chefe vinrent trouver l'émir et lui faire de belles pro-
testations de fidélité. Il rendit les chameaux; mais avec
eux disparurent leurs maîtres qu'il n'a jamais revus.
METUU.
Metlili est située sur un mamelon qui domine l'Oued
Metlili. Sa muraille d'enceinte, en mauvaise maçonnerie,
est crénelée, et ouverte par trois portes, Bab el
Dah'raoui, Bab el Djara et Bab el A'rbi. Elle est entourée,
excepté du côté de Test, de jardins qui s'étendent à plus
d'une demi-lieue. Elle a une mosquée, un marché qui
METLIU. 315
s^appelle Souk' el K'eçoua (marche des habillements )y
et, en cas de siège j elle peut être suffisamment alimen-
tée par ses puits.
Quoique très-voisine du district des Béni Mzab, c'est
une ville tout arabe^ dominée , commandée et en par-
tie habitée par la fraction des Chamba Berazga appelée
Cherfa. Ses autres habitants sont les Béni Merzoug, qui
descendent des Nefzaoua, près de Nefta, et quelques
Béni Mzab. Elle obéit à une djema' dont les membres
sont tous Cherfa.
Sous ses murs et dans son territoire campent les
autres fractions des Chamba qui forment la division dite
des Berazga, et dont nous avons donné les noms plus
haut.
Les gens de Metlili sont maintenant en assez bonnes
relations avec les Béni Mzab ; il n'en a pas été toujours
ainsi. Leurs querelles ont été fréquentes j mais il sem-
blerait qu'un événement arrivé il y a trente ou quarante
ans ait été pour les Béni Mzab d'un enseignement si sé-
vère qu'ils auraient renoncé depuis à toute manifesta-
tion hostile.
Les Chamba du dehors étaient en expédition ; les
Béni Mzab saisirent ce moment pour tomber sur Metlili,
restée ainsi presque sans défense. Cependant ceux qui
y étaient renfermés firent bonne contenance et se dé-
fendirent vaillamment, à l'abri derrière leurs murailles.
L'ennemi, renonçant à enlever la ville d'assaut, crut
pouvoir la prendre par la famine, et il se mit à en rava-
316 METLIL!.
ger les environs. Mais les guerriers de la tribu, prévenus
par un courrier du danger que couraient leurs frères,
revinrent tout à coup, cavaliers et fantassins , et tom-
bèrent à rimproviste sur les Béni Mzab, en firent un si
horrible carnage, que l'on dît encore proverbialement
dans le pays : « L^année des Béni Mzab. »
Si nous en croyons la chronique , Fissue de ce com-
bat décisif aurait été un moment incertsune; mais un
saint marabout^, nommé Sidi Bou K'acem, prit une poi-
gnée de sable et la jeta sur les Béni Mzab, en invoquant
le nom de Dieu . Aussitôt un oiseau énorme, grcrs tomme
une autruche, parut en Tair, fondit à toute volée sur
eux et les mit en fuite. Ce Bou K'acem est Fanôêtre du
chambi qui nous fait ce conte ; le brave homme ci'oit
fermement au miracle, ainsi que tous ses compatriotes.
Metlili est un centre de commerce qui s'approvi-
sionne chez les Béni Mzab, le plus ordinairement, quel-
quefois à Tougourt, et même à Tunis, selon l'esprit
d'aventure de ses marchands voyageurs.
Les jardins environnants sont peuplés de pigeons, de
tourterelles, d'étourneaux, de moineaux, de cigognes,
d'une espèce d'oiseau jaune dont nous n'avons pu sa-
voir le nom, d'une autre encore que les Arabes appellent
bou djerada , le père de la sauterelle , et qui semble
avoir quelque rapport avec le corbeau.
On trouve dans le pays des gazelles , des lapins, des
lièvres, des chacals , des porcs-épics , un animal qu'ils
appellent deb et que nous n'avons pu reconnaître, el
GUELÉA. 317
aroui, le beguar el. ouach ; point de lion, point de tigre ;
il est remarquable au reste, contrairement à l'opinion
reçue, qu'on n'en trouve jamais dans le désert; ils ne
<|uittent point le ï'ell.
Iieu«!i.
1*' jour, en quittant Metlili, pour aller à Timimoun, on
s'arrête sur FOued Mesk, au puits de Bel
Guerinat 4
2* ... sur rOued Demeran 11
3* . . . àCha'betFat'ma, simple lieu de station 9
4"= . . . sur rOued Djedid 8
5" ... on rejoint les a'reg qui viennent de Gardaïa à un
mamelon appelé Gara el Beïd'a 8
6« . . . on suit les aVeg jusqu'à Gueléa , . 9
GUELÉA.
Gueléa est située sur une montagne élevée, rocbeuse,
de forme conique très-prononcée; elle est construite
tout entière de pierres taillées que les indigènes assu-
rent être les débris d'une ville romaine. Aussi est-elle
beaucoup mieux bâtie que les autres k'sour du Sahara.
Elle compte deux cents maisons, à peu près, entourées
par une muraille d'enceinte très-élevée, très-épaisse,
très-solide, en larges pierres et crénelée. Elle n'a qu'une
porte, ouverte du côté de l'ouest, et qui semble être
celle de l'ancienne ville; une énorme pierre taillée,
que vingt hommes ne pourraient pas remuer, gît au-
318 GUELÉA.
près; nous n^avons pu ^voir si on y voyait quelques
inscriptions.
Un puils immense, d'une grande profondeur et bien
bâti du haut en bas, fournit de F eau en abondance aux
habitants. On ne connaît point Fëpoque de sa construc-
tion. C'était évidemment là une station romaine.
La tradition raconte que Gueléa était autrefois habi-
tée par des gens de sang mêlé, comme ceux du Touat ,
et qui parlaient le zenatïa. ils s'appelaient Khefîan ; ils
en ont été chassés, sans doute, par les nouveaux ve-
nus, qui sont les Chambet el Mad'i.
Les uns vivent dans la ville , les autres campés dans
les environs, sous la tente. Comme ceux de Metlili et de
Ouargla, ils sont riches en troupeaux de moutons, de
chameaux et de chèvres ; les chefs seuls ont des che-
vaux. Comme eux encore ils se sont faits les intermé-
diaires du commerce entre les points les plus éloignés.
D'immenses plantations de dattiers, des jardins et
des vergers cerclent Gueléa , et sont arrosées par l'eau
de puits nombreux, peu profonds, faciles à creuser et
intarissables. C'est là une fortune territoriale que se par-
tagent et les habitants de la ville et les habitants des
tentes; les uns et les autres sont propriétaires.
On prétend que Gueléa a été assiégée pendant sept
ans par les Touareg, qui s'entêtaient à vouloir la pren-
dre par la famine. Les provisions commençaient en effet
à s'épuiser; mais une ruse sauva les assiégés. Un matin
les Touareg virent les murailles de la place tapissées de
GUELÉA. S19
bemous blancs , fraîchement lavés, qui séchaient au
soleil; donc elle ne manquait pas d^eau. La nuit sui-
vante de grands feux allumés sur divers points Féclai-
raient tout entière; donc elle ne manquait pas de
bois. Le lendemain ils trouvèrent sous les murailles , et
presque aux portes de leur camp, des galettes de belle
farine y des dattes , du kouskouçou, dernières ressour-
ces que les assiégés avaient sacrifiées pour faire croire à
leur abondance; les Touareg y crurent, et se retirèrent.
Il y a sans doute exagération dans ce conte symbolique,
dont le véritable sens doit se réduire à ce fait, que, par
sa position et les provisions qu^elle peut faire, Gueléa
est imprenable pour des Arabes.
7* jour, de Gueléa on se rend à Si Moh'ammed ou A'Uel,
mamelon de sable 6
§• . . . à A'reg Sedra 9
9* ... au puits appelé Jekna 9
19'' . . .au puits de Si Moh'ammed Moul el Gandouz. . . 12
11"" . . . au puits dit H'assi el H'amar 12
12« . . . à Timimoun. 12
Total 60
Report de Metliii à Gueléa 49
Total de Hetlili à Timimoun 109
aaO ROUTE DE GUELÉA A INSALAH'.
ROUTE DE GUELÉA A INSALAH',
PAR LE VERSANT OUEST DU DJEBEL BATEN.
Ur«ffl.
1" jour, (le Gueléa au mamelon de Sidi Moh'ammed ou
A'ilel 6
2- . . . )
3«
6«
. dans les sables, sans eau 22
au puits nommé H'assi Touareg. 11
dans les sables 11
sur rOued Guetfaïa, qui descend du Djebel Baten
çt coule vers l'ouest pour aller mourir dans les
sables 10
7' . . . dans les sables 10
8* ... à un village abandonné , envahi par les sables ,
mais où il y a des sources H
9* . . . dans les sables 10
10» ... à Insalah'. . 10
Total. ....... 101
ROUTE DE METLIU A INSALAH'.
DIRECTION DE l'eST AU SUD-OUEST.
De Metlili à Insalah' on traverse un grand nombre de
rivières , qui rendraient la route impraticable, pendant
l'hiver, mais qui ne sont que des ravins pendant Fêté.
Toutes ces rivièies descendent d'une petite chaîne de
mamelons de sable , située à F ouest de Gardaïa , et qui
s'appelle El Ga'da , coulent du nord au sud , et vont se
perdre dans les sables d'une plaine immense , appelée
ROUTE DE METLILI A INSALAH'. 321
El H'aniad; elle s^ étend au nord-ouest de Ouargla ; on
n'y trouve pas un seul mouvement de terrain.
Une seule rivière fait exception à cette généralité ,
c'est l'Oued Mahiguen^ qui descend du Djebel A'mour,
coule du nord au sud , passe à Tadjerouna , coupe la
chaîne de montagnes appelée El Khobta , fait alors un
coude à l'ouest , s'encaisse entre cette chaîne et celle
de El Ga'da , et , rencontrant des mamelons de sables
dont le principal s'appelle El Or'ris , tourne brusque-
ment au sud j pour aller se perdre dans les sables de
Ouargla , sous le nom de El Loua.
lieiics.
!•' jour, de Metlili sur TOued el Ga'a, à un puits du même
nom 8
On a traversé quatre rivières qui descendent toutes
quatre du Ga'da, et qui sont :
V L'Oued Metlili; elle vient d'une source appelée
Macin, et va mourir dans la plaine de El
H'amad, à un endroit appelé El Remta. Elle
reçoit, sur sa droite, trois afiQuents principaux, .
l'Oued Oudïe Dïeb, l'Oued el Guerfi, l'Oued
Merabba;
2* L'Oued Mesk ; elle est formée par une source^
appelée A'ïn Goufafa, et va, comme l'Oued
Metlili , mourir à El Remta ;
3" L'Oued Nechouh', qui va mourir au même en-
droit;
4° L'Oued el Gu'a ; elle descend d'un endroit ap-
pelé Mek'ta el Meguema, sous le nom d'Oued
el Ga'a , et va se perdre dans les sables sous
celui d'Oued el T'ouïl.
A reporter, ... 8
21
Stt ROUTE DE METLILI À INSALAH'.
lieMU.
Report. ... 8-
2* jour, de POued el Ga'a à TOued Bou Ali 10
On a traversé TOued el Bïod, TOued el Khïar,
l'Oued el FaT , TOued Ter'ir, TOued Demr^a ,
rOued el Loua , qui est l'Oued Mahiguen , dont
nous avons parlé, et enfin TOued Bou A'ii.
3' . . à un puits comblé, nommé H'assiNeuhuemar. .. . 8
On a traversé TOued Sadana et TOued Zirara
qui descendent d'une chaîne d'a'reg appdée
Mezerag.
4*' . . au pied d'un mamelon de sable, près d'un puits
sans eau 8
On a traversé l'Oued Djedid et l'Oued Khoua , qui
descendent aussi des a'reg Mezerag.
Ô* . . au milieu des a'reg, à un puits appelé Meusb*
kerdan 8
6* . . à un endroit appelé Ras el A'reg 8
7* . . à un puits entouré de palmiers, appelé Meksa.. . . 8
8* . . sur rOued Chebaba, près d'un puits 10
9* . . à un mamelon de sable appelé Oudie Seder .... 9
On a traversé l'Oued Oudïe Seder.
10* . . sur l'Oued Sid el H'adj Brahim , près d'un puits
appelé Tin Kerman 11
On a traversé l'Oued Tebaloulet et l'Oued Mïa.
!!• . . sur l'Oued Mouça Ben A'ich , . . . 10
12* . . on traverse le Djebel Baten et on s'arrête sur l'Oued
el Bïod 9
13' . . à un puits appelé H'assi el Mengar 7
14« . . à Insalah' 6
ToTU 120
TOUAREG. 323
TOUAREG.
Il est difficile de circonscrire exactement le territoire
habité par les Touareg. La vie exceptionnelle que mènent
ces pillards nomades échappe à toute appréciation
géographique un peu certaine; nous les retrouvons
partout dans cet immense périmètre cerclé par une
ligne qui, du Tidikelt dans le Touat , descend à Tim-
bek'tou, longe le Niger de l'ouest à Test, etremonte par
le Fezzan jusqu'à R'damês , le point extrême de la pro-
vince de Tripoli. C'est là le véritable désert, l'océan de
sables, dont les Touareg se sont faits les pirates.
Un grand archipel montagneux égaré dans le centre
à peu près de cette immensité, et qu'on appelle le
Djebel Hoggar, est le nid, le refuge habituel des véri-
tables Touareg, des Touareg H'arar, ou de race, comme
on les appelle. Cependant quelques fractions de leur
grande tribu ont fait élection de domicile plus près de
notre Sahara. Ainsi :
Les Mouïdir dans le Djebel Sekmareu.
Les A'zeguer dans le Djebel R'at.
Les Foukas dans le Djebel Foukas.
Beaucoup d'autres, sans doute, nous sont inconnus.
Si nous gagnons le sud, nous trouvons campés en
avant de Timbek'tou, les :
Faradj,
Annaoua,
Ouled Ah'med^
324 TOUAREG.
Âgbaîly
Tallaouiy
qui tiennent cette \ille en état de blocus perpétuel. Ja-
lonnés dans le désert , les uns au nord , les autres au
centre, d'autres au sud, ils gardent les portes du
Sahara et celles du Soudan, prélevant sur les caravanes
un droit de sortie, un droit de voyage, un droit d'en-
trée, et si quelqu'une passe en contrebande, elle est
impitoyablement pillée.
Quelle est l'origine de ce peuple singulier morcelé
ainsi en tant de bandes, si distantes les unes des autres,
et qui toutes, dans le nord au moins, révèlent par leurs
traits , par leurs mœurs , par leur langage , une race
commune ? Nous renonçons, quant à nous, à résoudre
cette question , et nous nous bornerons à résumer les
notes éparses que nous ont fournies cent Arabes qui
tous avaient vu les Touareg, avaient commercé avec
eux, ou voyagé sous leur sauvegarde.
Les Touareg prétendent descendre des Turcs ; nous
croyons inutile de discuter cette opinion accréditée
sans doute par leur amour-propre, car ils affectent de
mépriser les Arabes qu'ils traitent en peuple vaincu.
Quoi qu'il en soit, ils sont grands, forts, minces et de
couleur blanche , même ceux qui campent sous Tim-
bek'tou. Cependant les fractions que l'on retrouve au-
tour des autres villes du Soudan sont de sang mêlé ;
leurs yeux sont généralement très-beaux , leurs dents
très-belles ; ils portent de grandes moustaches à la ma-
TOUAREG. 325
nière des Turcs, et, sur le sommet de la tête, une touffe
de cheveux qu'ils ne coupent jamais, et qui, chez cer-
tains d'entre eux , devient si longue, qu'ils sont obligés
de la tresser. Le tour de leur tête est rasé ; tous ont des
boucles d'oreilles. Leur costume consiste en une grande
robe qui ressemble à la djellaba ou a'abaïa des Kabyles,
et qu'ils appellent djeba ; elle est très-large, très-ample,
et faite de bandes réunies de cette étoffe noire étroite
appelée saie, qui vient du Soudan, et dont nous avons
déjà parlé. Sous la djeba, ils portent un pantalon qui a
quelques rapports avec celui des Européens, mais qui
se soutient sur les hanches à l'aide d'un cordon passé
dans une coulisse ; une ceinture en laine leur presse la
taille. Pour coiffure , ils ont une chachïa très-élevée,
fixée à leur tête par une pièce d'étoffe roulée en façon
de turban , et dont un des bouts passé dans toute sa
largeur sur leur figure n'en laisse voir que les yeux;
« car, disent-ils, des gens nobles ne doivent pas se
i< montrer. » Les chefs seuls portent des bernons.
Presque tous, riches ou pauvres, ont les pieds nus ;
si on leur en demande la raison : c'est que, répondent-
ils, nous n'allons jamais à pieds. Ceux d'entre eux pour-
tant qui, faute d'un chameau, sont obligés de marcher
dans les sables, portent des espèces d'espadrilles liées à
la jambe par des cordons.
Leurs armes sont : une lance très-longue , dont le
large fer est taillé en losange, un sabre large et long, à
deux tranchants, un couteau fourré dans une gaine en
326 TOUAREG,
cuir appliquée sous Tavant-bras où elle est fixée par un
cordon, de manière à ce que le manche de Tinstrument
qui vient s'arrêter au creux de la main, soit toujours
facile à saisir et ne gêne en rien les mouvements ; un
grand bouclier en morceaux de peau d'éléphant, con-
solidés par des clous, et dont ils se servent avec beau-
coup d'adresse, complète cet arsenal portatif. Les che&
et les plus riches seulement ont des fusils dont quel*
ques-uns sont à deux coups.
Très-sobres au besoin, ils resteront deux ou trois
jours sans boire ni manger plutôt que de manquer un
coup de main; mais très-gloutons à l'occasion, ils se
dédommagent largement après la r'azia.
Leur nourriture habituelle est le lait, les dattes, la
viande de mouton et de chameau et, par exception, des
galettes de farine ou du kouskouçou ; car ils n'ont que
peu ou point de blé, et celui seulement qu'ils pillent.
Ils sont riches en troupeaux de chameaux et de cette
espèce de moutons , dont nous avons déjà parlé , qui
n'ont point de laine, mais un poil très-court, et qui
se distinguent par une queue énorme.
Les Touareg parlent le targuïa. Cette langue semble
avoir certain rapport avec le zenatïa ; car, si nous en
croyons les habitants du Touat, ils comprennent les
Touareg et s'en font comprendre.
Leurs femmes vont la figure découverte ; elles sont
très-belles et très-blanches : « blanches comme une
« chrétienne.» Quelques-unes ont les yeux bleus, etc'est,
TOUAREG. 327
dans la tribu, un genre de beautë fort admiré; toutes
sont très-sensuelles et très-faciles. Leur costume con-
siste en un pantalon en saïe noire , une robe large de
même étoffe et de même couleur, et une espèce de
coiffe dont nous n'avons pu saisir la description. Les
plus riches se chargent de bijoux; les autres n^ont
pour tout ornement que des bracelets en corne aux
avant-bras. Hommes et femmes portent au cou des
colliers de talismans.
Leur religion est la musulmane; mais ils prient peu,
ne jeûnent point , ne font point les ablutions ordon-
nées. Ils ne saignent point les animaux comme le veut
la loi; ils leur coupent tout bonnement la tête d'un
coup de sabre. Aux jours des grandes fêtes de Tisla-
misme, au lieu de faire des prières , ils se réjouissent
par des combats simulés, par des essais de petite
guerre , qu'ils mettent en pratique à la première occa-
sion. 11 n'ont, en un mot, de musulmans que le titre,
et il serait difficile qu'il en fût autrement au milieu de
la vie sans cesse agitée qu'ils mènent. Ce mépris du
Koran et la terreur qu'ils inspirent aux Arabes n'ont
pas peu contribué sans doute à exagérer leur détes-
table réputation. Sous les tentes du Tell, on parle des
Touareg comme autrefois, chez nous, on parlait du
Turc.
Il n'y a, au reste, qu'une voix sur leur compte:
(( Quels sont leurs ennemis, demandions-nous à un
(( Touati? Ils n'ont pas d'amis, nous répondit-il. » Un
328 TOUAREG,
autre nous disait : « Je n^ai rien vu de bon chez eux
« que leur beauté et leurs chameaux. Braves, ruses, pa-
rc tients, comme tous les animaux de proie , ne vous
(( fiez jamais à eux ; ils sont de mauvaise parole. Si vous
(( recevez Fhospitahté chez l'un d'eux, vous n'avez rien
(( à craindre de lui , sous sa tente, ni quand vous serez
H parti; mais il préviendra ses amis qui vous tueront,
« et ils partageront vos dépouilles. »
Si nous nous dégageons de tous ces préjugés, nous
trouvons chez ces peuplades des vertus de famille qui
révèlent de grandes qualités instinctives. Ainsi la poly- *
gamie y est très-rare et tout à fait exceptionnelle. La
dignité de la race s'y perpétue sans mélange d'alliances
étrangères, même avec les Arabes, que les Touareg
méprisent et dont ils se disent les seigneurs. Le deuil
des morts aimés ou vénérés se porte religieusement et
longtemps, et, pendant ce temps de douleur, les amis
et les parents du mort laissent croître leur barbe et ne
peuvent pas se marier.
Concluons-en que là , comme partout , le bien est à
côté du mal, et que la nécessité seule, peut-être, a com-
promis une nature sûrement meilleure que ne le disent
les Arabes.
L'immense montagne appelée Djebel Hoggar, le re-
fuge principal des Touareg du nord, forme une espèce
de quadrilatère. Presque tous ses pics sont boisés de
grands arbres ; ses ravins tourmentés et rocailleux sont
autant de torrents à la saison des pluies ; il y fait alors
TOUAREG. 329
un froid humide contre lequel ces frileux habitants du
désert luttent de précautions en s' enveloppant de vête-
ments de laine, espèce de bemous doublés en peaux
de chèvres. Ils vivent alors en famille sous leurs tentes
circulaires, faites en peaux tannées qui leur viennent
du pays des pègres. Leur seule distraction est la pipe
dont abusent les hommes et dont usent largement les
femmes.
Au printemps, ils reprennent le désert.
C'est également au printemps que les caravanes se
mettent en mouvement. Elles savent d'avance que les
Touareg les guetteront au passage ; aussi le chef des
plus prudentes s'entendra-t-il avec le chef le plus voi-
sin des bandes errantes, qui lui donnera quelques ca-
valiers sous la sauvegarde desquels la caravane conti-
nuera sa route, changeant de protecteurs d'espaces en
espaces, et payant à tous, jusqu'à destination et selon
l'importance de ses marchandises, un impôt forcé que
l'amour-propre des Arabes déguise sous le nom de
cadeau en échange d'une protection. Nous avons dit
ailleurs ce qui arrive aux caravanes qui cherchent à
s'en affranchir. Les plus grandes cependant passent
hardiment, fortes de leur nombre ; mais , alors , de
douanier, le Targui se fait brigand ou voleur, et la met
encore à contribution.
Dès que les espions ont éventé l'immense convoi, ils le
suivent à la piste, de loin, prudemment, en se cachant
dans les plis des vagues de sable, pendant que d'autres
330 TOUAREa
sont allës donner Fëveil à leur bande commune. Elle
arrive sur ses rapides mah'ari, ses chameaux de course,
se disperse dans Fespace, et quand la nuit sera venue,
quand la caravane se reposera, sur la foi de ses senti-
nelles, des fatigues de la journée, les voleurs sVn
rapprocheront ; chacun laissant son chameau à la garde
d^un complice et à quelque distance. Les plus adroits
s^avanceront en rampant, lentement, sans bruit; et le
lendemain, dix, quinze, vingt chameaux, plus ou
moins, mais toujours les plus charges, manqueront au
départ de la caravane. Ces tentatives hardies sont fré*
quentes, non-seulement dans le désert, mais dans nos
camps à nous. Les Arabes, comme les Touareg, sont
venus bien souvent voler les chevaux de nos officiers
et des faisceaux entiers de fusils , jusque sous les yeux
des sentinelles.
Les grandes expéditions, soit sur le pays des nègres,
soit sur le Tidikelt ou sur les Chamba, ou sur une cara-
vane qu^on sait être en marche , sont décidées dans un
conseil tenu par les chefs.
Tous ceux qui doivent partager les dangers et les bé-
néfices de Fentreprise partent, quelquefois au nombre de
quinze cents ou deux miUe hommes, montés sur leurs
meilleurs mah'ari. La selle d^ expédition est placée entre
la bosse de Tanimal et son garrot ; la palette de derrière
en est large et très-élevée , beaucoup plus que le pom-
meau de devant, et souvent ornée de franges en soie
de diverses couleurs. Le cavalier y est comme dans un
TOUAREG. 881
fauteuil j les jambes croisées ^ armé de sa lance , de son
sabre et de son bouclier; il guide son chameau avec
une seule rêne attachée sur le nez de Tanimal par une
espèce de caveçon, et parcourt ainsi des distances
effrayantes, vingt-cinq à trente lieues par jour, sans se
fatiguer.
Chacun ayant sa provision d^eau et de dattes, la bande
entière se met en marche à jour convenu , ou plutôt à
nuit convenue; car, pour éviter les chaleurs du soleil
et l'éclat des sables , elle ne voyage que de nuit en se
guidant sur les étoiles. A quatre ou cinq lieues du coup
à faire, tous mettent pied à terre, font coucher leurs
chameaux qu'ils laissent à la garde des plus fatigués
d'entre eux et des malades. Si c'est une cai*avane qu'ils
veulent attaquer et qu'elle ne soit pas trop forte, ils se
jettent sur elle en hurlant un effroyable cri de guerre ;
ils entrent dedans à coups de sabres et de lances; non
point qu'ils frappent au hasard cependant ; l'expérience
leur a appris à frapper leui*s ennemis aux jambes :
chaque coup de leur large sabre met un homme à bas.
Quand le carnage est fini, le piUage commence : à
chacun sa part désignée par les chefs. Les vaincus,
morts ou blessés, ils les laissent là sans les mutiler,
sans leur couper la tête, mais dans l'agonie du déses-
poir, au miheu du désert !
Si la caravane est trop forte , ils la suivent à quel«
ques lieues, s'arrétant quand elle s'arrête, et faisant
épier ses mouvements par des espions que les Arabes
33Î TOUAREG,
appellent chouaf; quand la discipline s'y relâchera,
quand, sur le point d'arriver à destination, elle se
croira quitte de tout danger, de toute surprise, et se
gardera moins bien , ils tomberont sur elle.
Ce qui semble incroyable, c'est que ces brigands
redoutes et si généralement détestés dans le Sahara,
fréquentent ouvertement et souvent isolément les mar-
chés du Tidikelt, de Agabli, de A'oulef, de R'damés, où
ils apportent du pays des nègres des esclaves , de la
poudre d'or, des défenses d'éléphants , des peaux tan-
nées pour faire des tentes , des espadrilles dont les
semelles sont inusables , des saïe , du poivre rouge , des
dépouilles d'autruches, une espèce de fruit que Ton
appelle daoudaoua, produit par un arbre du même
nom, que l'on pétrit en galette et qui, séché au soleil,
a , dit-on , goût de viande.
Les Touareg du sud font, sur la lisière du pays des
nègres , le même métier à peu près que leurs germains
du nord sur la lisière du Sahara. On les appelle Sergou
à Timbek'tou et Kilouan dans le Bemou et à H'aouça.
Ces derniers sont de sang très-mêlé, ainsi que nous
l'avons dit. Le pays qu'ils habitent leur fournit en
quantité du blé et du millet; leurs troupeaux leur
donnent du lait, du beurre, du fromage ; leurs arbres
beaucoup de fruits. Matériellement plus heureux que
ceux du nord , ils sont, dit-on , plus humains, plus hos-
pitaliers , moins pillards. Aucune caravane cependant
n'entre dans le Soudan , sans leur avoir payé un droit
TOUAREG. 333
de passage, ou sans s'exposer à être ravagée. Les Ser-
gou et les Kilouan combattent avec le sabre et avec des
flèches qu'ils portent dans un carquois pendu à leur
côté ; elles sont empoisonnées : le seul remède à leur
blessure est d'enlever la partie lésée. Ils n'ont point de
fusils.
Nous avons dit plus haut qu'ils tenaient les villes du
Soudan , et particulièrement Timbek'tou , en état de
blocus perpétuel ; campés à quelques heues dans les
terres , sous leurs tentes en peaux , et toujours en grand
nombre , ils dominent le pays , et font la chasse aux
nègres sur les bords du Niger, dans les champs , dans
les jardins, jusqu'aux portes des villes, les enlèvent et
les vendent aux caravanes. Nous tenons ces détails d'un
nègre enlevé par eux et maintenant domestique à la
direction centrale des affaires arabes. Us nous ont été
confirmés par le k'aïd des nègres d'Alger. Us font, au
reste, un commerce régulier sur tous les marchés du
Soudan , où ils portent les produits de leurs chasses ,
des peaux, de la poudre d'or, etc., et où ils s'approvi-
sionnent d'une infinité d'objets qu'ils revendent aux
caravanes. « Car, nous disait un nègre, les marchés du
« pays sont très-riches; tu y trouverais tout, excepté
« ton père et ta mère. »
FIN.
TABLE DES MATIÈRES.
dédicace v
Mode de transcription des mots arabes en caractères
FRANÇAIS Xin
Aperçu général 1
PARTIE ORIENTALE.
ROUTE D'ALGER A OUARGLA 16
El Allouât' 16
Tadjemout 27
El H'aouita 29
El Assafia 30
K's'ir el H'aïran 31
A'ïn Mad'i 32
Tadjrouna , 44
Tribu des Arba' 45
Tribu des A'razlia 49
Tribu des Ouled Sidi At'allah 50
Suite de la route d'Alger a Ouargla 51
Circonscription de Béni Mzab 62
Gardaia * , . , . . 59
Mellika 62
Bou Noura 63
Béni Isguem Ih,
El A'tef 64
Berrian * Ih.
Guerrara 66
Suite de la route d'Alger a Ouargla 71
Ouargla 72
336 TABLE DES BIATIÈRES.
El Rouissat 80
El H'edjadja et A'in A mer Ib.
Sidi Khouiled 81
Ngouça 88
ROÎÎTE D ALGER A TOUGOURT 91
Bou Sa'da 92
Route de l*est 98
Msila 99
Mdoiikal '. 101
2* ROUTE DE Roc Sa'dA A RiSKRA , DIRECTION SUD-EST. 102
Biskra et les Ziban 103
Tribu des Hel ben Ali 110
Tribu des Cherfa 117
Tribu des G'amera 118
Tribu des Dreïdes 120
Tougourt 121
ROUTE DE RISKRA A EL AR'OUAT' 143
Bassin de TOued Djedi Ib.
Route de Biskra à El Ar'ouaf 147
Ouled Djellal 149
Sidi Khaled 150
Demed 152
Djebel Sah'ri 153
Route de Rou Sa'da a Demed, direction du nord au
sud-ouest 154
Route de Bou Sa'da a El Ar'ouat', par le milieu du
Djebel Sah'ri 155
Route de Bou Sa'da a El Ar'ouat' , par Charef en
longeant la montagne fô.
Route de Bou Sa'da a Sidi Khaled, direction du
nord au sud 157
Route de Gharef a Demed, direction du nord au
SUD 158
Tribu des Ouled Na'il Ib.
Route de Biskra a Tebessa, direction de l'ouest a
l'est 163
Tebessa 164
TABLE DES MATIÈRES. 337
Route de Souf à R' damés, direction générale du
nord au sud-est , au milieu des sables 166
R'damês 168
ROUTE DE TOUGOURT A GARDAIA , direction de
l'ouest a l'est 176
El A'iia 176
Route de Tougourt a El Ar'ouat', direction du sud
AU nord-ouest 177
Dzioua Ih.
Route de Tougourt a Demed, direction du sud au
nord-ouest 178
Route de Tougourt a Sidi Khaled , direction du sud
AU NORD 179
Route de Sidi Khaled a Gardaia, direction du nord
au sud-ouest 180
Route de Sidi Khaled a Guerrara , direction nord
AU SUD 181
Route de Demed a Gardaia, direction nord au sud-
ouest Ih,
Route de Biskra a Gardaia , direction générale de
l'est au sud-ouest 182
ROUTE DE TOUGOURT A OUARGLA, sud -ouest 183
Bou Djenan.^ Ih,
Temarin 184
Blidet A'mer 187
Route de Tougourt a K'efsa , en passant par Souf
ET Nefta 188
District de Souf. 189
1" ROUTE DE Souf a Nefta , ( suite de la route de
Tougourt a K'efsa) 194
2«« ROUTE DE Souf a Nefta, (suite de la route de
Tougourt a K'efsa) Ih.
Nefta 195
Touzer 202
Kessa 204
22
338 TABLE DES MATIÈRES.
PARTIE OCCIDENTALE.
ROUTE D'ALGER A INSALAH', dibectiow génékale du
IfOlD AU SUD-OUEST ^^
Djebel A'mour • • • • 210
Villages et rivières du versant sud de Test à
l'ouest 2^^
Suite de la route d'Alger a Insalah' 218
Bou Alain ^^'
Stiten 219
Mecheria ^'
El R'açoul 220
Brizina 221
Tribu des El Ar'ouat K's'ar 222
Sid El H'ady Ed Din 223
El Al)iad Mta'Sidi Cheikh 225
El Biad Chergui 228
Tribu des Ouled Sidi Cheikh 229
Suite de la boute d'Alger a Insalah' 240
A'rbaouat 241
Chellala El Gueblia (du sud) Z^-
Chellala El Dah'raouia (du nord) 242
A'sla 245
Bou Semr'oun I^-
riout 248
A'in Sefra 249
Seficifa 250
Mer'erar El Fouk'ania 251
Mer'erar El Tah'atania /&•
Ich 252
Tribu des H'amian 255
Suite de la route d'Alger a Iwsalah', district de
FiGUiG 260
Tribu des Doui Menïa ou Zegdou 270
TABLE DES MATIÈRES. 339
Suite de la route d'Algeb a Insalah' 273
Pays de Touat 275
Circonscription de Mab'Arza 279
— — Gourara 282
— — A'ouguerout • 289
— — Touat 290
— — Tidikelt 291
Route dibegte d'Alger a Insalah', direction géné-
rale DU NORD AU SUD-OUEST 303
Bassin de TOued Mia 306
Route d'El Biad a Timimoun, direction générale du
nord au sud-ouest 307
Route de Metlili a Timimoun , direction générale
DE l'est a l'ouest
Tribu des Chamba 308
Metlili 314
Gueléa 317
Route de Gueléa a Insalah', par le tersant ouest
DU Djebel Baten 320
Route de Metlili a Insalah', direction de l'ouest
au sud-ouest
Touareg 323
FIN DE LA TABLE.
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