Skip to main content

Full text of "Le Sahara algérien; études géographiques, statistiques et historiques sur la région au sud des établissements franc̜ais en Algérie;"

See other formats


This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 
to make the world's books discoverable online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover. 

Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the 
publisher to a library and finally to y ou. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to 
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying. 

We also ask that y ou: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for 
Personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine 
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. 

+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of 
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web 



at |http : //books . google . corn/ 




A propos de ce livre 

Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec 
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en 
ligne. 

Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression 
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à 
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont 
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont 
trop souvent difficilement accessibles au public. 

Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir 
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. 

Consignes d'utilisation 

Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre 
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les 
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. 

Nous vous demandons également de: 

+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. 
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un 
quelconque but commercial. 

+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez 
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer 
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. 

+ Ne pas supprimer r attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet 
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 

+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de 
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans 
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier 
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. 

À propos du service Google Recherche de Livres 

En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite 
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer 



des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse ] ht tp : //books .google . corn 



NYFL RESEARCH LIS RA RI ES 



l| 
3 3433 Ô8244972 3 



LE 



SAHARA ALGERIEN 



pour servir de complément au Sahara algérien : 

r CARTE DU SAHARA ALGÉRIEN, dédiée à M. le 
Maiuéchal duc d'Islt, gouverneur général de l'Al- 
gérie, par la direction des affaires arabes, 1845. 

Cette carte a été dressée , d'après les renseignements 
pris et fournis par le lieutenant-colonel Daumas , 
directeur central des affaires arabes à Alger, par 
M. Gaboriaud, capitaine d'état-major, attaché à la 
direction centrale des affaires arabes ,,^f)luilles grand 
aigle, prix : 8 fr. 

2" CARTE D'UNE PARTIE SEPTENTRIONALE DE 
L'AFRIQUE, dressée, d'après les renseignements pris 
et fournis parle lieutenant-colonel Daumas, directeur 
central des affaires arabes à Alger, par M. Gabo- 
riaud, capitaine d'état-major, attaché à la direction 
des affaires arabes. 1 feuille colombier, prix : 3 fr. 

PÎOTA. Les deux cartes ont été gravées sous la direction du 
dépôt de la guerre; la première est coloriée. Chacune se 
vend séparément. On peut aussi se les procurer, 

Collées sur toiles et réunies dans un étui 18 fr. 

Montées avec gorge et rouleau 20 fr. 



DE L^INPRIMERIE DE CRAPELET, RUE DE VAUGIRARD , 9. 



(XCJ 



LE 



SAHARA ALGERIEN 

ÉTUDES 

GÉOGRAPHIQUES, STATISTIQUES ET HISTORIQUES 

SUR 

LA RÉGION AU SUD DES ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS 

EN ALGÉRIE 

OUVRAGE 

RKDieK «Cil UCS DOCUMUrrS RKCVEILLU VAR XJU MMIIS 

DE M. LE LIEUTBMANT-COLOIIBL PAUMAS 

Directeur cealral 4e» affcire» vnibu» h Alger 
ET PUBLIÉ AVEC L'AUTORISATION DE 

M. LE MARÉCHAL, DUC DE DALMATIE 

PRKSIDKlfT DU COlffBIL, MIMISTRB DB LA OVBKKE 



PARIS 

ILANGLOIS ET LECLERCQ \ FORTIN, MASSON ET C 

RUE DB LA HARPE, 81 V PLACE DE L'ÉCOLE - DE - MÉDECINE 

ALGER, DUBOS FRÈRES, RUE BAB-AZOUN 



1845 



A MONSIEUR 



LE MARECHAL BUGEAUD, 

DUC DISLY, 

OOUVEftNEUR GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE. 



Monsieur le Maréchal, 

Après plus de deux années d'études opiniâtres, 
la direction centrale des affaires arabes vient en- 
fin d'accomplir le travail dont elle a l'honneur de 
vous faire hommage. 

La conquête de l'Algérie, maintenant achevée, 
a victorieusement résolu la question si longtemps 
débattue de l'occupation générale et de l'occupa- 
tion restreinte. Vous avez ramené tout le motide 
à cette opinion que nous devions être , ici , par- 
tout, sous peine de n'y être en sécurité nulle 



Yj DÉDICACE. 

part. Mais si , grâce à vous , toutes les tribus du 
Tell nous sont soumises, nous avons été mis, par 
ce fait même, en contact avec des populations 
nouvelles. 

Arrivés à cette limite extrême des terres culti- 
vables sur laquelle nous avons trouvé , de l'ouest 
à l'est, les postes de Sebdou, Saïda, Frenda, 
Takdimt, Tïaret, Tenïat el Had, Boghar, Bou 
Saâda, Msila, Biskra et Tebessa, nous avons cru 
d'abord , sur la foi des anciens géographes , que 
nous étions en plein désert, que là commençait le 
vide , et qu'à part quelques tribus égarées, erran- 
tes dans les sables ou fatalement circonscrites dans 
d'étroites oasis , il n'y avait plus, sur ce sol déshé- 
rité, ni famille humaine ni végétation. 

Ce désert fameux, nous l'avons sondé : et à 
mesure que nous avancions dans ses plaines , sa 
limite gagnait au large. Partout, ou presque par- 
tout, des villes et des villages; partout des tentes , 
partout la vie ; vie exceptionnelle , il est vrai , mais 
active, importante' à étudier pour les relations 
communes que nous allions avoir avec elle ; cu- 
rieuse pour tout ce qu'elle allait révéler à la science. 

Le désert proprement dit existait-il ou non? 
Les tribus nomades , les populations sédentaires 



DÉDICACE. vij 

que nous y trouvions étaient-elles nombreuses? 
Quel était leur commerce, quelle était leur in- 
dustrie? Qu'avions -nous à craindre, que pou- 
vions-nous espérer? 

Si elles étaient nombreuses, ne pouvait-il pas 
s'élever au milieu d'elles un fanatique , un autre 
Abd el Kader peut-être, qui , lui aussi, au nom 
de la religion et de la nationalité menacées , ameu- 
terait les masses contre nous? Etudier le pays, en 
faire la statistique , c'était nous mettre à même de 
parer à cette éventualité. 

Au cas oii leur commerce et leur industrie se- 
raient de quelque importance, ne devions-nous 
pas chercher à nous en assurer les bénéfices? 

Cette question complexe ime fois posée , nous 
avons dû , avant tout , et pour arriver à sa solution 
sinon exacte, du moins probable, tenter une re- 
connaissance du pays , en relever tous les points , 
en faire enfin la carte. 

Nous avons donc pris pour nord de la carte 
destinée à servir de complément à cet ouvrage, la 
limite de nos possessions, les forts de sépara- 
tion qui couronnent le Tell et dominent le Sa- 
hara. Partis de là, nous nous sommes avancés de 
renseignements en renseignements dans l'espace. 



viij DÉDICACE. 

Un jour viendra sans doute, peut-être n'est-il 
pas loin , où quelque autre plus heureux , et nous 
lui en aurons facilité les moyens, pourra voir par 
ses yeux ce que nous n'avons pu voir que par les 
yeux des autres , et rectifier les erreurs qui , sûre- 
ment, nous auront trahis dans notre bonne volonté ; 
mais, sûrement aussi, l'œuvre que nous avons 
accomplie , sera longtemps encore d'un utile ensei- 
gnement. 

Pour l'exécuter, la position de directeur des affai- 
res arabes m'a été en effet singulièrement favorable. 

Alger est maintenant le grand centre de com- 
merce , le rendez-vous obligé de tous les voyageurs 
indigènes qui viennent forcément se mettre en 
contact avec nous. 

Pour Test , nous avions sous la main les gens de 
Biskra, qui exercent ici le métier de portefaix, 
les marchands-voyageurs de Bon Saàda, de la 
grande tribu des Ouled Nayl, de Tougourt, de 
SoufetdeNefta. 

Pour le centre, ceux de Kl Agouat, d'Aïn 
Madhi, des K'sours de cette circonscription, de la 
grande tribu des Arbâ, des Béni Mzab et d'Ouargla. 

Pbur l'ouest, ceux des Chamba, ces intelligents 
colporteurs du l^hâra , de Metlili , de Gueléa , des 



DÉDICACE. ix 

ouled Sidi Cheikh y des Hamian , de Figuig , du 
pays de Touat, et enfin la corporation des nègres, 
dont plusieurs sont nés à Tembek'tou et dans 
d'autres villes du Soudan. 

Pour tout l'ensemble à la fois, nous avions les 
nombreux pèlerins de la Mecque qui passent par 
Alger. 

Nous ne nous sommes réellement appesantis que 
sur le Sahara algérien, sur le sud proprement dit de 
nos possessions ; et si nous avons , à l'ouest, péné- 
tré dans l'empire de Maroc, à l'est, dans la régence 
de Tunis, c'était seulement pour indiquer les 
grandes routes commerciales et servir plus tard à 
l'intelligence du travail que nous préparons sur 
le commerce de l'intérieur. 

Pas un point de cette carte , pas un mot de sa 
notice , n'ont été placés ou écrits qu'après rensei- 
gnements fournis par des gens du lieu même ; et 
toujours , pour chaque localité , ces données de la 
veille étaient contrôlées le lendemain par des gens 
inconnus aux premiers. 

Pour les distances , les Arabes ne connaissant 
ni les heures ni les lieues , nous prenions comme 
terme de comparaison un point des environs d'Al- 
ger qui nous était mutuellement connu. 



X DÉDICACE. 

J'ai interrogé moi-même tous les jours, pendant 
deux ans , des Arabes de tous les pays et de toutes 
les conditions, au nombre de mille au moins; 
M. Gaboriaud, capitaine d'état-major, dessinait, 
séance tenante , et coordonnait ensuite le tracé de 
tous les lieux dont la connaissance était ainsi ob- 
tenue ; M. Ausone de Ghancel , secrétaire archiviste 
de la direction centrale des affaires arabes , pre- 
nait des notes et c'est ainsi qu'il a rédigé le travail 
que j'ai l'honneur de soumettre à votre haute ap- 
préciation- 

Je n'insisterai pas , monsieur le Maréchal , sur 
toutes les difficultés qu'il no!is a fallu vaincre , sur 
tout ce qu'il nous a fallu dépenser de patience et 
d'adresse pour fouiller, ainsi que nous l'avons 
fait , un pays oii les chrétiens sont des profanes , 
et dans lequel nous n'avions pour guides que des 
gens soupçonneux, malveillants, intéressés à nous 
tromper. Quelque répugnance que j'éprouve à 
parler de moi , qu'il me soit permis d'invoquer 
en faveur d'un travail auquel je me suis livré tout 
entier pendant si longtemps , et qui a été exécuté 
avec la conscience la plus scrupuleuse, les titres 
de garantie dont je puis l'appuyer. 

Si quelques travaux de même nature , exécutés 



DEDICACE. xj 

dans la province d'Oran , avant la conquête , et 
auxquels la connaissance réelle du pays n'a pas 
donné de grands démentis ; si les nombreuses ex- 
péditions que j'ai eu l'honneur de faire avec vous, 
monsieur le Maréchal ; si huit années passées au 
milieu des Arabes, dont deux en qualité de rési- 
dent de France à IVIascara, auprès d' Abd el Kader, 
si une étude constante des mœurs des indigènes 
et la connaissance familière de leur langue, n'ont 
pas suffi pour nous faire arriver à un résultat 
d'une vérité mathématique, au moins pouvons- 
nous espérer que cette longue expérience nous a 
été d'im grand secours pour nous faire éviter 
toute erreur grossière. 

Toutefois nous prendrons franchement nos ré- 
serves : nous n'en doutons pas , beaucoup d'irré- 
gularités de détail se sont glissées dans ce vaste 
ensemble , bien que nous ayons à cinq fois re- 
commencé la carte et la notice ; mais si , dans l'é- 
tat actuel des choses, nous sommes parvenus à 
donner la position à peu près exacte de toutes les 
montagnes du désert , des cours d'eau, des puits, 
des villes , des villages ; le nom des tribus , en in- 
diquant leurs dépôts de grains , leur territoire de 
station et de parcours; si nous avons recueilli 



xij DEDICACE. 

quelques notions sur le commerce, l'industrie, les 
races, les mœurs, le langage de ces peuplades, 
nous espérons que les esprits sérieux apprécieront 
tout ce qu'il nous a fallu de peine et de travail 
pour arriver à ce résultat , et nous sauront gré de 
nos efforts. 

Vous avez donné l'Algérie à la France , mon- 
sieur le Maréchal ; rien de ce qui s'accomplit en 
elle ou pour elle ne vous est étranger , ne peut 
vous être indifférent ; c'est donc à vous que reve- 
nait de droit l'hommage de notre œuvre ; daignez 
l'accepter et comme témoignage de notre haute 
admiration pour les grandes choses que vous avez 
faites , et comme tribut de notre reconnaissance 
pour la protection dont vous n'avez cessé d'hono- 
rer la direction des affaires arabes. 

J'ai l'honneur d'être , avec un profond respect, 
monsieur le Maréchal , votre très-humble et très- 
obéissant serviteur. 

Le lieutenant-colonel , directeur central des affaires arabes, 

E. Daumas. 



MODE DE TRANSCRIPTION 



MOTS ARABES EN CARACTERES FRANÇAIS 

ADOPTÉ POUR LA PUBLICATION 
BBS TRAVAUX DE LA COMBUSSION SCIENTIFIQUE d'aLGÉRIE. 



On a cherché à représenter les mots arabes de la 
manière la plus simple et en même temps la plus con- 
forme îi la prononciation usuelle. 

Il a paru convenable de rejeter les lettres purement 
conventionnelles , dont l'emploi augmente les difficul- 
tés de r orthographe, sans retracer plus exactement 
Texpression phonique. 

Il a été reconnu que, sauf deux exceptions, tous les 
caractères arabes rencontrent des caractèi^s ou identi- 
ques ou analogues dans Falphabet français. On a donc 
rendu par les lettres françaises simples ceux des ca- 
ractères arabes qui leur sonf identiques pour la .pro- 
nonciation, et par les mêmes lettres, accompagnées 
d'un accent *, ceux qui leur sont analogues. 

Les deux lettres qui n'ont, dans notre langue, ni 

* Cet accent est celui qui, désigné en algèbre sous le nom de prime^ 
y est employé comme signe de Fanalogie entre les quantités. 



xiv TRANSCRIPTION DES MOTS ARABES 

identiques, ni analogues , sont le c et le ^. La pre- 
mière est partout remplacée par une apostrophe , ac- 
compagnée des voyelles que la prononciation rend 
nécessaires; la seconde, par la double lettre M, con- 
formément à r usage. 

Trois autres caractères , qui n'ont pas dans la langue 
française d'identiques ou d'analogues simples , ont été 
rendus par des lettres doubles, savoir : le ^ par djj 
le ^jSi par ck, le ^ par ou, La prononciation arabe se 
trouve ainsi fidèlement reproduite. 

Les avantages qu'a paru offrir ce mode de trans- 
cription sont surtout : 

l"" De ne point exiger la fonte de caractères nou- 
veaux, et de pouvoir être ainsi adopté, sans aucune 
dépense, dans tous les établissements typographiques. 

2" De fournir un moyen facile de rétablir les mots 
dans leurs caractères primitifs. 



Leltrcs. Valeur. 

L^emploi de ces divers caractères est aéterminé 



t A, É, I, 0. I par la prononciation et Taccentuation de la 
let 



lettre arabe. 
B. 



j ( Ces deux lettres sont généralement confondues 
( dans la prononciation. 



s Dj. 



Z 
t 



H'. 
Kh. 



:)»• 



(Généralement confondues. 



EN CARACTÈRES FRANÇAIS. xv 



LeUios. 
J 



R. 
Z. 

^ S C (i I l^'c'np'oi de ces trois lettres sera régJé de ma- 

*^ >'*••• j „ièrg I, conserver le son sifflant de PS. 

(jà Ch. 

^jo S', C, Ç'. . Même observation que pour (j*. 

O^ ) ( Ces deux lettres sont confondues par tous les 

. [ D' { Barbaresques dans la prononciation et dans 

^ ) \ l'écriture. 

fc T. 

( Apostrophe précédée ou suivie de celle des 

f ' \ voyelles dont la prononciation nécessite 

\ remploi. 



fc 



t 



>^ 



R'. 



O F. 

L Va g et le gu. seront employés dans les mots 
^ K, G,Gu. .j où Pusage attribue au i la prononciation 
I V gutturale du ^r; ex. : Ga/k'a, Guélma, 

J L. 



M. 

» 11. 

^ Ou,0. 

c^ 1,1 

OBSERVATIONS. 

1** Dans les mots qui, étant précédés de F article, 
commencent par une lettre solaire, on se conformera 
il la prononciation en redoublant la lettre initiale. Ainsi 
on écrira 'y4hd er RaHmciriy Nàder ed Din^ et non 'Ahd 
el Rcdlmda, Ndi^er elDin. 



xvj TRANSCRIPTION DES MOTS ARABES, ETC. 

2^ L^s mots termines par la lettre ^ , qui prend 
alors le son de Va sans aspiration y seront terminés , 
dans la transcription française , par la lettre a simple 
et non par ah. On écrira donc Milidna , Bltda , et non 
pas Milidnah. Blidah, 

2!* Les consonnes placées à la fin d^une syllabe ne 
seront jamais suivies de Ve muet. Toutefois il ne faut 
pas oublier que dans la langue ai*abe les consonnes 
se prononcent toutes distinctement , et qu'aucune ne 
prend le son nasal ni ne s'élide. Ainsi Bihdn doit se 
^Yononcev Bibdne ; ManJow\ ManiiJour ; T^j-^r se pro- 
nonce Tôsere; Kouinin, Kouînine ; Zdi^ez, Zdi^ezz; 
Gdbes, Gdbess. 



LE 

SAHARA ALGÉRIEN. 

APERÇU GÉNÉRAL. 



Nous avons consulté beaucoup de livres , et beau- 
coup de t'olba (lettrés) pour trouver la définition et 
Fétymologie du mot Sahara. 

Les livres nous ont donné cette définition : (( Le 
Sahara est une contrée plate et très-vaste, où 41. n'y a 
que peu d'habitants, et dont la plus grande partie est 
improductive et sablonneuse. » 

Les tfolba nous ont donné cette étymologie : 

« On appelle sehaur ce moment presque insaisis- 
sable qui précède le point du jour (fedjer), et pendant 
lequel nous pouvons^ncore , en temps de jeûne , man- 
ger, boire, fumer. L'abstinence la plus rigoureuse doit 
commencer, dès qu'on peut distinguer un fil blanc d'un 
fil noir. 

. ^ ^ 1 



2 APERÇU GÉNÉRAL 

« Le sehaur est donc une nuance enti^e la nuit et le 
point du jour qu'il nous est important de saisir, de 
préciser, et sur laquelle a dû se porter Fattention de nos 
mar&bout^. Un d'entre eux, Ben el Djirami, en partant 
de ce principe que le sehaur est plus facilement et plus 
tôt appréciable pour les habitants des plaines, dont rien 
ne borne l'horizon , que pour les habitants des mon- 
tagnes, enveloppés qu'ils sont dans les plis du terrain, 
en a conclu que du nom du phénomène on avait formé 
celui du pays où il était plus particulièrement appa* 
rent, et qu'on l'avait nommé Sahara, le pays du 
sehaur. » 

Cette étymologie, si elle n'est pas sévèrement gram- 
maticale, car l'un des deux mots commence par un 
Jdd (Ç) et l'autre par un sin (S), n'en est pas moins 
ingénieuse, et nous la donnons à défaut d'autres. 

Elle serait confirmée par celle du mot tell^ qu'on 
s'accorde généralement à faire dériver de tellus, terre 
cultivable ; mais qui , selon le même savant , serait tout 
simplement un dérivé du mot arabe tali, qui signifie 
dernier y et désignerait ainsi le pays en arrière du Sa- 
hara, où le sehaur n'apparaîtrait qu'en dernier. Cette 
phrase : Enta tellia ou saHaraoui? qui, vulgairement, 
veut dire : Es-tu des gens du tell ou des gens du désert? 
représenterait celle-ci : Es-^tu des premiers ou des der* 
nier s à ^^oir le sehaur? 

Un autre t'aleb (savant), Fekheur el R'âzi^ dit la même 
chose dans un opuscule estimé , et il ajoute que tali 



DU SAHARA ALGÉRIEN. 3 

el tell^ le dernier après le dernier^ signifie 1à mer^ a 
cause de sa position en arrière du Tell. 

Quoi qu'il en soit, le mot Sahara n'entraîne poiht 
nécessairement Fidëe d'une immensité déserte. Habité 
sur certains points , il s'appelle Fiaflj habitable sur 
certains autres ^ il prend le Hom de Kifar, mot dont la 
signification est la même que celle du mot vulgaire 
Rhela ^ abandonné ; inhabité et inhabitable sur d'autres 
encore , on le nomnie Falat. 

Ces trois mots représentent chacun un des caractèreit 
du Sahara. 

Fiafi^ c'est l'oasis où la vie s'est retirée autour des 
sources et des puits , sous les palmiers et les arbres 
fruitiers, à l'abri du soleil et du choub (simoun). 

Kifar, c'est la plaine Sablonneuse et vide, mais qui 
fécondée un moment par les pluies de l'hiver^ se couvi^e 
d'herbes (a'cheb) au printemps , et où les tribus noma- 
des, campées ordinairement autour des oasis, vont alors 
&ire paître leurs ti*oupeaux. 

Falat, enfin, c'est l'in^nensité stérile et nue, la tner 
de sable , dont les vagues éternelles, agitées aujourd'hui 
par le choub (simoun), demain seront amoticelées^ 
immobiles, et que sillonnent lentement ces flottes ap^ 
pelées caravanes. 

D'après les observations de M* Fournel^ la lisière du 
Sahara^ contrairement à toutes les opinions jusqu'à 
présent acceptées, ne serait que très-peu élevée au- 
dessus du niveau de la mer^ 



4 APERÇU GÉNÉRAL 

« J'ai fait à la lisière du désert, dit le savant ingé- 
nieur, une soixantaine d'observations barométriques, 
qui , comparées à celles qui se faisaient simultanément 
à Gonstantine, me donnent 75 mètres pour la hauteur 
de Biskra au-dessus du niveau de la mer. 

« A partir du littoral, le terrain s'élève successive- 
ment jusqu'à un point qui est à une ou deux lieues de 
Bat'na, et que j'ai trouvé être de 1 083 mètres. Par 
ce point passe la ligne de partage des eaux ; à partir de 
là , on redescend vers le Saliara, dont la lisière est assez 
peu élevée (75 mètres), pour qu'on puisse suppo- 
ser, que les grands lacs de l'intérieur sont, comme la 
mer Caspienne, au-dessous du niveau de la Médi- 
terranée. » 

Ajoutons que le sol du désert se relève dans la région 
placée au sud d'Oran et deTlemsen, entre le 32'' et le 29"" 
de latitude , sous le nom de Djebel Batten. La ligne de 
partage des eaux suit cette arête, et présente alors deux 
grandes pentes , l'une , de l'est à l'ouest, vers l'Océan ; 
l'autre , de l'ouest à l'est, vers l'intérieur du Saliara. 

Selon Strabon , Cnéius Pison comparait le désert à 
une peau de léopard. II y a longtemps que l'on vit sur 
cette comparaison, moins exacte que poétique. Celui 
qui, le premier, l'a comparé à un océan pai^emé d'îles, 
et nous ne savons à qui en revient l'honneur, a été plus 
heureux. Disons, toutefois, en continuant la méta- 
phore , que ces îles , pressées en archipels dans la zone 
nord , entre les 36° et 29** de latitude, ne sont plus, en 



DU SAHARA ALGÉRIEN. 5 

partant de là, que des points égares dans l'espace , et 
disparaissent enfin tout à fait jusqu'aux archipels in- 
connus du Soudan. 

A partir du 29** de latitude, nous sommes dans le dé- 
sert proprement dit, El Falat. La vie semble cesser 
jusqu'au 27", où elle reparait un moment dans les mon-* 
tagnes des Touareg, et disparait enfin tout à fait jus- 
qu'au pays des nègres. Les Touareg, ces géants pillards, 
se hasardent seuls dans ces vastes solitudes, où ils guet- 
tent les caravanes*, les protègent ou les pillent, selon 
qu'elles paient un droit de passage et de protection , ou 
qu'elles cherchent à passer en contrebande. 

Nous n'avons à nous occuper ici que de cette partie 
du Sahara qui fait face à nos possessions , et qui , com- 
prise , à l'est et à l'ouest , entre deux lignes qui prolon- 
geraient les frontières de Tunis et du Maroc, est bornée 
au sud par une ligne brisée sur laquelle se trouvent 
NefVa , S'ouf , Ouargla et Ins'alah'. Nous ne l'esquisse- 
rons qu'à grands traits : les détails de sa physionomie 
ressortiront du cadre de cet ouvrage. 

Dans son ensemble, le Sahara présente sur un fond de 
sable, ici des montagnes , là des ravins ; ici des marais , 
là des mamelons ; ici des villes et des bourgades, là des 
tribus nomades dont les tentes en poil de chameau sont 
groupées comme des points noirs dans l'espace fauve. 

Les montagnes, toujours parallèles à la mer, sont 
d«ns la zone nord , élevées , rocheuses , accidentées à 
l'est, mais elles s'abaissent graduellement en courant à 



6 ABERÇU GÉNËRÀL 

Foii^st , et sa fondent enfin par une s^iccession de naa^ 
melons et de dunes mouvantes que les Arabes appel- 
lent a'rouk' (veines) ou chebka (filet), selon que le sysi- 

* tème 0n est simple ou composé. Presque toutes sont 
abrpptes sur le versant qui fait face au Tell ; et, du côté 

•du sud 9 toutes, après plus ou moins de convulsions, 
Vpnt mourir de langueur dans les sables. 

De ces montagnes descendent, à la saison des pluies^ 
d^innombrables cours d'eau , dont les lits, desséchés au 
premier soleil, usuipentu huit mois de Tannée, le nom 
d^ rivière (oued). L'hiver, c'est un réseau de torrents; 
Tété , c'est un réseau de ravins. Tous ces oued , à l'ex- 
ceptipn de l'Oued Djedi et de l'Oued Mïa qui sont en- 
caissés entre des montagnes parallèles à la mer, offrent 
cette particularité qu'ils coulent du nord au sud, et 
qu'ils se perdent dans les* sables. 

L'hiver laisse inégalement réparties , dans le Sahara, 
des flaques d'eau que les chaleurs de l'été dessèchent; 
quelques-unes sont des marais salants bordés de végér 
tation marine. 

Dans la première zone du Sahara, les centres de po- 
pulation, quoique beaucoup plus nombreux que d^ns le 
Tell, sont quelquefois séparés entre eux par des espaces 
complètement nus, cpmplétement stériles et distants de 
plusieurs journées de marche. Cependant, sur toutes 
les lignes, dans toutes les directions, des puits échelon- 
nés servent à la fois de lieu de station et d'indication 
pour les routes. Il est rare de voyager trois jours sans 



DU SAHARA ALGÉRIEN. 7 

en trouver un; et d^ailleurs F eau ne manquera jamais 
aypQ deux outres pleines pendues aux flancs du ch^r 
me^u qui fait trente lieues par jour, et peut rester trois 
jours sans boire. 

Chaque grande oasis du Sahara a sa ville principale , 
autour de laquelle rayonnent les k's'our (villages) de sa 
dépendance et les tentes des tribus ses alliées , errantes 
au printemps pour faire paître leurs troupeaux , émi- 
grant pendant Tété pour aller acheter des grains dans 
le Tell , toujours de retour en novembre pour les em- 
magasiner, pour cueillir les dattes ou s'en approvision- 
ner, et passer Thiver en famille sous la maison de poU. 

Une observation frappe tout d'abord : comment trou** 
vons-nous dans le Sahara tant de populations séden- 
taires? Pourquoi les hommes s'y sont-ils pour la plu- 
part groupés dans des enceintes? Pourquoi tous n'y 
vivent-ils pas de la vie nomade ? 

Un double motif a concouru, selon nous, à établir 
cet ordre de choses. 

D'abord, c'est que les soins incessants à donner aux 
palmiers ont du groupei- les populations autour du pied 
de l'arbre qui les nourrit. Il est remarquable ensuite que 
celles-ci ne sont point de race arabe : leurs pères vi- 
vaient autrefois, sur le littoral, dans des villes et des vil- 
lages; chassés par les invasions successives, refoulés 
dans l'intérieur, ils y ont porté leurs instincts séden- 
tatres, et se. sont établis où nous retrouvons leurs eur 
fants , Vd seulement où la vie leur devenait possible. 



8 APERÇU GÉNÉRAL 

Après ces premiers occupants sont arrivés les Arabes, 
apportant, eux aussi, leurs instincts éminemment vaga- 
bonds, comme ceux de tous les peuples pasteurs, et 
auxquels se prêtait merveilleusement la configuration 
du sol qui, pour eux, allait devenir une patrie nouvelle. 
Dédaigneux de la vie sédentaire et même agricole , ce 
qu'il fallait à leur indépendance, c'était l'espace sans li- 
mites : que leur importait une étroite oasis où leurs trou- 
peaux n'eussent pu tenir; où, pour vivre, il leur eût 
fallu descendre au travail de jardinier ? Quelques-uns, 
des environs de Tougourt, disaient à M^ le duc d'Au- 
male : « Nos pères n'ont jamais touché la terre, nous 
« ferons comme eux. » 

Aussi tous tiennent-ils en mépris, non-seulement 
leurs voisins les sédentaires, mais leurs fi'ères dégénérés 
du Tell. L'Arabe de la tente croirait déchoir s'il donnait 
sa fille en mariage au plus riche habitant des Wour. 

Toutefois, forcés de vivre côte à côte et d'une vie qui 
se complète par l'association , il est arrivé de leurs rela- 
tions habituelles que les uns et les autres sont devenus 
propriétaires sur le même sol, dans la même enceinte ; 
mais le nomade qui possède ne cultive pas : il est sei- 
gneur , le citadin est son fermier ; par contre , celui-ci 
s'est donné des troupeaux qu'il a confiés aux bergers 
de la tribu ; pendant que le nomade les conduira dans 
les pâturages, l'habitant de la ville ou du k's'ar veillera 
sur les grains en dépôt, et cultivera les palmiers. 

Il y a d'ailleurs entre eux double solidarité d'intérêt; car 



DU SAHARA ALGÉRIEN. 9 

les dattes ne peuvent suffire à la nourriture commune ; 
non point qu'il ne s'en récolte pas assez , mais parce 
que, mangées sans mélange, elles deviennent nuisibles. 

Or, nous Pavons dit déjà, les céréales manquent 
presque absolument aux habitants du Sahara ; de là la 
nécessité de venir en demander au Tell. 

Ces approvisionnements périodiques se font chaque 
année à Fépoque des moissons. Les tribus arabes , cam- 
pées autour des villes , quittent alors leurs campements 
pour se rapprocher du nord , où leurs troupeaux qui , 
avec le soleil , ont dévoré toutes les herbes du sud , 
trouveront des pâturages; et, moyennant un impôt, 
Lazma, Eussa, qu'il nous importe de régulariser, elles 
se rendent sur les marchés du Tell , pour y échanger 
contre des grains les produits de leur sol ou de leur in- 
dustrie : dattes, h'aïk fins, bernous, plumes d'autruche 
et objets venus du Soudan. 

Les nomades ne sont pas seuls cependant à accomplir 
ces pérégrinations : les marchands des villes se mettent 
sous leur protection et les suivent. Pendant que leurs 
frères de la tente font leurs achats , ils vont , eux , dans 
les viUesdu littoral, se fournir d'objets manufacturés 
en Europe , et tous ensemble ils reprendront la route 
de leur oasis , de leurs villages , de leurs Wour , où les 
blés achetés par les nomades seront emmagasinés , d'où 
les objets achetés par les marchands s'écouleront, soit 
en détail , soit par caravanes , sur toute la surface du 
Sahara et jusque dans le Soudan. 



10 APERÇU GÉNÉRAL 

l^e Tell est le grenier du Sahara dont nous tenon# {e^ 
habitants par la faynine; ils le savppt si bien , ils Tont si 
bifn compris qu'ils s'en expriment franchement pp» 
cette phrase , devenue proverbiale : a Nous ne pouvons 
(( être ni musulmans , ni juifs , ni chrétiens ; nous som- 
« mes forcément les amis de notre ventre. » 

Pp toutes ces observations , maintenant acquises à 
l'histoire , il résulte cette conséquence importante ; 

Que les habitants du Sahara sont forcément soun^is 
au peuple qui tient le Tell, de quelque religion qu'il 
soit : « La terre du Tell est notre mère, disent les 
Sahariens; celui qui l'a épousée est notre père. )) 

Si donc la sûreté des routes , si la protection et la 
justice leur assurent chez nous des garanties qu'elWnp 
trouvent ni à Tunis ni à Fês (Fas) , le prix de nos mar^ 
chaudises n'étant pas d'ailleurs plus élevé que dans les 
États musulmans , ces populations viendront à nous j 
non point que nous puissions espérer en faire de long- 
temps encore nos alliées de cœur; mais, soumises 
d'abord, elles paieront l'impôt; et, en cas de querelle 
entre nous et leurs voisins , elles resteront neutres par 
intérêt; plus tard , et à mesure qu'une politique intelli- 
gente nous les attachera , elles deviendront nos auxi- 
liaires. 

Ainsi a-t-il été déjà fait : 

Sur la lisière du Sahara , nos postes ne dépassent pas 
Bor'ar au sud d'Alger et Biskra au sud de Cpnstantine, 
et cependant nous dominons en réalité , d'un côté , jus- 



DU SAHARA ALGÉRIEN. 11 

qu'à El Ar'ouatf où nous avons un khalifah; de l'autre, 
jusqu'à Tougourt, qui a payé l'impôt à S. A. R. M"* le duc 
d'Aumale, et dont le chef a reçu le bernons d'investi- 
ture : déjà le^ Beqi Mz((b, qui ^o^t à quaraqlchuit 
lieues sud d'El Ai'^oual', ont fait des ouvertures de sou- 
missioi) , et Ouargla qui est à cinquante-deux lieues sud 
des Béni M^ab et le point le plps avancé du désert , a 
anvoyp un des çbefe de sa djema' (assemblée natiopale) 
pour prendre connaissance du pays, et savoir s'il y 
aurait pour elle avantage à se lier de commerce avec 
nous. 

n p'est donc pa« besoin , et qous ii)si«toD« sur c^ fait , 
il n'est donc pas besoin pour dominer les deux gones 
de l'Algérie, d'étendre l'occupation jusqu'aux dernières 
limites du pays habité , ainsi que semblaient le craindre 
quelques personnes qui faisaient de cette nécessité mp^ 
posée un obstacle à l'accomplissement de notre con- 
quête. 

Ce qu'il faut, mais ce qu'il faut absolument , c'est 
occuper vigoureusement le Xell et le^ pa43fige|i princi^ 
paux qui sont les portes du Sahara. 



Ce livre n'est que la mise en ordre de documents recueillis 
pendant deux années de la bouche même de 2000 Arabes au 
moins , voyageurs , pèlerins ou marchands. 

En les suivant pas à pas à travers le Sahara , nous noua sommes 
arrêtés avec eux partout où il y avait une étude géographique à 
faire; une oasis à visiter, un village à décrire, des renseigne- 
ments à prendre sur le commerce, les mœurs et l'industrie 
des peuplades sédentaires ou nomades chez lesquelles nous 
voyagions. 

Nous avons ainsi obtenu un réseau de routes qui couvre le 
Sahara algérien et qui toutes viennent se nouer à des points 
principaux. Cet ouvrage en est Thistorique. 

La division en deux grandes parties, Tune orientale , l'autre 
occidentale, que nous avons adoptée, nous a été tracée par le 
caractère des populations de Test et de l'ouest , les unes particu- 
lièrement agricoles , les autres éminemment guerrières. 

La grande ligne d'Alger à Ouargla qui partage nos possessions 
d'Afrique et le Sahara algérien en deux portions à peu près 
égales, Kmitera la distinction que nous venons d'établir et sera 
notre point de départ. Nous la suivrons dans toute son étendue ; 
ensuite , procédant toujours par itinéraire , nous étudierons tout 
l'est jusqu'aux frontières de Tunis , et enfin tout l'ouest jusqu'aux 
frontières du Maroc. 



PARTIE ORIENTALE 



HOlIl'E 

B'ALGER A OUAHGLA. 



2* 
6* 



!«' jour àlBlida 12 

à Médéa 9 

à Bouroua'gttia 6 

à Bor'ar 8 

sur rOued Moudjeliel 3 

sur rOued Nahr Ouaçel (on laisse sur sa gauche 

les trois lacs appelés Cha'bounia) 7 

7' . . . auprès du marabout de Sidi el A'djel , situé au 
confluent de TOued Soufsellem et de TOued 
Tagttin , qui par leur réunion forment le Che« 

lif 6 

8* . . . à Souagui el Fritissa^ petits villages as^is sur 
une chaîne de montagnes qui s'étend de Test 

à l'ouest 7 

9* ... à Taguin; on entre dans la plaine de Taguin 
que l'on suit jusqu'au village de ce nom , vil- 
lage abandonné , situé sur un sol marécageux 
et sillonné de sources qui donnent naissance à 

l'Oued Taguin 9 

10*. . . à Mekhaoula , sur l'Oued el Beïda qui vient se 
perdre dans les marais de Taguin. On a voyagé 

A reporter. ... 67 



16 D'ALGER A OUARGLA. 

Report 67 

dans une plaine de sable en laissant des mame- 
lons de sable sur la gauche 7 

11* jour à Sidi Bou-Zid, petit village situé sur le versant 
est du Djebel A'mour; on a remonté le cours 
de rOued Sidi Bou Zid jusqu'à sa source, près 
du village 9 

12* . . . à R'orfa, autre village du Djebel A'mour. . . 5 

13' . . . à Debdeba , situé sur un des contre-forts du 

Djebel A'mour ' . 6 

14' . . . à Tadjemout, joli petit village situé sur TOued 
Mzi. Depuis Sidi Bou Zid, jusqu'à Tadjemout, 
on a voyagé à travers le Djebel A'mour, par une 
route très-difiBcile et très-accidentée 3 

15' . . . à El Ar'ouat' en suivant l'Oued Mzi 10 

TOTAL • 107 



La route que nous venons de donner est ceUe qui a 
été suivie par la colonne expéditionnaire , au mois de 
mai 1844. 



EL AR^OUAr. 

El Ai-'ouatf , qui se trouve par 33** 48' latitude , et 
par 0'' 48' longitude ouest , est le centre , le chef-lieu 
du khalifat de ce nom, créé cette année dans cette par- 
tie du désert ; il est borné : 

Au nord , par Djebel A'mour ; 



EL AR'OUAT'. 17 

A Test , par les Ouled Nâïl ; 
Au sud j par les Béni Mzab ; 
A Fouest^ par la tribu de El Avouât' K'sal. 
U comprend les villes , villages et tribus dont les 
noms suivent : 

VILLES ET VILLAGES. 

El Outaia'. 
Tadjemout. 
El H'aouita. 
El Assaiia. 
A'ïn Màd'i. 
K'sir el H'aïran. 

TRIBUS. 

La grande tribu des Arba'. 
Les Ouled Sidi At'allah'. 
Les AVazUa. 

El Ai''ouat/ est une viDe de sept à huit cents maisons , 
bâtie sur les pentes nord et sud d^une petite montagne 
à Test de laquelle coule FOued Mzi. Elle est entourée 
d'une enceinte rectangulaire , crénelée et défendue par 
deux tours élevées sur les points culminants, et aux- 
queUes viennent se rattacher les murailles. 

EUe peut lever sept à huit cents fusils. 

El Ar'ouatf est très-ancienne et a tour à tour dépendu 
du Maroc et des Turcs. Avant 1 830 elle payait un tribut 
de sept nègres au dey d'Alger pour avoir le droitd' ache- 
ter des grains dans le Tell. 

2 



U D'ALGER A OUARGLA. 

Elle a été du reste toujours fort impatiente de ses 
suzerains qui ne pouvaient exercer sur elle qu^une ac- 
tion très-indirecte y et leur a souvent résisté avec succès. 
Se^ divisons intestinesFont seules empêchée fums doute 
de vivre tout à fait indépendante. 

El Ar'ouat' est divisée en deux quartiers bien dis- 
tincts : Fun, celui de Fouest, habité par les Ouled 
Ser'rin; Fautre, celui de Test, parles H'allaf; chacun 
ayant autrefois ses chefs , son gouvernement , ses inté- 
rêts à part. 

Le pouvoir, bien qu'héréditaire, n'était pourtant 
point absolu. Le chef de Test, comme celui de Fouest, 
n'était, à proprement parler, que le président de sa 
djema' , ou assemblée nationale , composée des chefs 
du quartier et des villages qui en relevaient. 

Cette combinaison bizarre était une source intaris- 
sable de querelles. Les deux quartiers faisaient alors le 
cQMp de fusil sur leur ligne de démarcation et dans leurs 
jardins, jusqu'à ce que Fun des deux imposât un tribut 
à Fautre. 

L'Oued LekhW , petit ruisseau qui prend sa source 
à une lieue de la ville, dans, un endroit sablonneux ^ 
traverse les jardins du quartier des H'allaf î aussi pou* 
vaient-ils soutenir la lutte Uen plus longtemps que leurs 
voisins, réduits en temps de guerre à Feau très-rare de 
leurs puits. 

Des chances diverses donnèrent le pouvoir tantôt 
aux H'allaf, tantôt aux Ouled Sei^rin » jusqu^à ce qu^çnr 



EL AR'OUAr. IQ 

fin, en 1838, le parti d^Ah^med Ben Salem, mainte- 
nant notre khalifah, ayant massacre Lakhdar, chef du 
quartier des Ouled Ser^rin , resta maître de la ville. 

Les jardins d^El Ar'ouatf forment, au nord et au sud 
des mamelons sur lesquels elle est assise , deu^ forêts 
de 3 000 mètres de longueur. On y trouve péle-méle 
des poiriers , des abricotiers , des grenadiers , des 
figuiers, des amandiers. Aux troncs de presque tous 
ces arbres grimpent des vignes qu^on ne taille jamais , 
et qui courent de Fun à l'autre : c'est un fouillis sans 
ordre , comme tous les vergers du Sahara. Çà et là des 
carrés mieux cultivés fournissent des légumes de toute 
espèce : concombres, pastèques, oignons, etc. Les 
plantations de dattiers sont à part ; bien que très- vastes , 
elles ne suffisent pourtant point à la consommation des 
habitants. 

Jardins et dattiers sont arrosés par FOued Lekhïer^, 
d'où partent de nombreuses saignées. Chaqye proprié- 
taire a le droit , droit écrit sur son acte de propriété , à 
un arrosement d'une heure, de deux heures, plus ou 
moins. Ce temps est mesuré avec un sablier, par un 
hcmime qui se tient à la tête de l'écluse de déversement , 
et qui l'ouvre pour ceux-ci et la ferme pour ceux-là à 
heure dite. 

Les maisons d'El Ar'ouatf sont construites en ter- 
rasses d'une maçonnerie assez mauvaise; quelques- 
unes sont Uanchies à l'extérieur, presque toutes le sont 
à l'intérieur* 



20 D'ALGER A OUARGLA. 

Chaque quartier avait autrefois son marché ; celui des 
Ser'rin s^ appelait Souk' et Ka', et celui des H'allaf, Souk' 
Lekhïer'. Il est situé sur l'Oued Lekhïer'. Ce dernier 
quartier a de plus unFondouk'dontles arcades forment 
une espèce de péristyle où les marchands se mettent à 
Fombre pour traiter leurs affaires. 

Ces marchés sont fréquentés par : 

Les Arba'. 

Les A'mour. 

Les Ouled Khelif. 

Les Ouled Cha'ïb. 

Les Mekhalif. 

Les Ouled Nâïl. 

Les Rah'man. 

Les Boni Mzab. 

Les AVazlia. 

Les Ouled Mokhtar. 

Les Ouled Sidi At'allah'. 

Les Sa'ïd. 

Les H'all Bou Sa'da. 

Les Chamba, etc. 

Les Béni Mzab y apportent de la poudre et quelques 
nègres; les Ar'azlia, par Tougourt, des armes, des 
pierres à fusil qui viennent de Tunis ; les gens de Bou 
Sa'da , des laines et de Thuile ; les tribus nomades, du 
beurre, des dattes, des grains venant du Tell, des 
moutons, du fromage, etc.; les Chamba y conduisent 
des nègres qui sont revendus ou échangés dans le Tell 
contre des grains. Un beau nègre vaut de 1 20 à 1 80 



EL AR'OUAr 21 

boudjous. Les habitants d'El Allouât' achètent ces 
divers objets, ou les échangent contre des bemous 
blancs et noirs , des h'aïk de toute quaUtë , des gan- 
doura de laine fabriquées par leurs femmes; contre de 
la couteUerie , des pioches , des socs de charrues, des 
fers pour les chevaux , des épiceries , des essences , du 
sucre , du café , dont les riches usent seuls, de la verro- 
terie, des ornements de femme, etc., etc., qui leur 
venaient autrefois de Tunis parTougourt, et qu'ils com- 
mencent à tirer directement d'Alger. 

On trouve d'ailleurs dans la ville : des forgerons, des 
armuriers qui réparent les armes tant bien que mal , des 
menuisiers et quelques petites boutiques des choses les 
plus usueUes. Quinze ou vingt familles de juifs y exer- 
cent comme partout les métiers de cardeurs de laine , 
d'orfèvres, de teinturiers, etc. 

A certaines époques de l' année , ordinairement après la 
moisson, les gens d'El Ar'ouat' partent en petites bandes 
et vont dans le Tell s'approvisionner de grains argent 
comptant ou par échange ; cette excursion rayonne de- 
puis l'Oued Ser'oua jusqu'à Tak'demt. 

Autrefois, point de zekkah, point d'a'chour, le gou- 
vernement des deux quartiers vivait des amendes nom- 
breuses levées sur les délits de tout genre et des droits 
sur les marchés; les pauvres étaient nourris à frais com- 
muns. A la saison des dattes chaque famille était tenue 
de désigner un palmier de son jardin , dont les fruits 
versés à la mosquée étaient distribués aux nécessiteux ; 



It D'ALGBR A OUARGLA. 

ces palmiers s^appelaient les palmiers de Famour d$ 

Dieu. 

Les habitants d^Ël Ar'ouat' ont la réputation d'être 
bons y humains et hospitaliers. Si quelqu'un se réfugie 
chez eux^ disent les Arabes, ils mourraient plutôt que 
de le livrer! A la saison des fruits , les voyageurs peu- 
vent entrer dans les jardins et en manger à discrétion. 

Les mœurs sont généralement pm*es dans l'intérieur 
de la viUe; cependant les filles des Ouled Nâïl et des 
Ar^azlia viennent y faire , comme autour de toutes les 
grandes villes du Sahara, commerce de leurs amours. 

Ah'med ben Salem , seul maître du pouvoir dans El 
AVouatf depuis 1 828 , gouvernait sans opposition | il 
s'était rallié tous les esprits lorsqu'A'bd el K'ader, qui, 
en 1838, voulait de gré ou de force se donner le 
Sahara, vint mettre le siège devant A'în Mad'i, où 
conunandait un homme que cette guerre a rendu célè- 
bre : le vieux marabout^ Tedjini. Yahïaben Salem^ frère 
du chef d'El Ar'ouat/, s'était jeté dans la place assié- 
gée ; belle occasion que ne laissa point échapper l'émir 
d'attaquer El Ar'ouat/. 

Justement il avait sous la main l'homme qu'il lui fal- 
lait : Sid el H'adj el A'rbi, marabout', l'un des anciens 
chefs des Ouled Ser'rin, chassés par Ah'med ben Salem. 

Double garantie sur la même tête : El A'rbi , le pro- 
scrit, serait, sans nul doute, aveuglément fidèle à celui 
qui lui rendrait sa patrie ; El A'rbi le marabout' devait 
être un instrument puissant dans la main de l'émir, qui, 



EL AhOUAr. IS 

marabout^ luMnémè, voulait constituer êon autorité ^ar 
la théocratie absolue. 

(f Voici une pièce de canon et un bataillon, lui dit 
A^bd el K'ader f va J^rendre El Allouât', chaases-én Ben 
8alem , je te fais khalifah à sa place. » 

A quelques jours de là, en effet, Ben Salem, trop fki'- 
bte ou mal préparé à la résistance, fuyait devant son 
compétiteur et allait demander un asile aux Béni Msab. 

Cependant le nouveau khalifah imposé par Tétran** 
ger se trouvait face à face avec la haine énergique du 
parti national ; il dominait , mais ne possédait pas% 

A^bd el K'ader s'aveuglait sur cet état de choses ; car 
par un des articles de la capitulation d^A'ln Mad'i, il 
permettait aux Ben Salem de rentrer dans £1 Ar'ouat' 
et à Tedjini d'y aller chercher un refuge : c'était donner 
des chefs à ses ennemis. 

Sa conquête d'A'ïn Mad'i lui avait d'aîUeurs aliéné 
toute la population de la tente et des kVour; c'était 
par là fraude qu'il l'avait faite, et Tedjini, l'homme qu'il 
avait trompé (voir A'ïn Mad'i), était le plus saint mara«» 
bout' du pays. 

Le parti national d'El Ar'ouat^, fort à l'intérieur de la 
présence des Ben Salem et de Tedjini, fort au dehoi*s de 
la sympathie des masses, se fit bientôt si puissant que le 
khalifah' de l'émir, n'osant pas même s'en remettre aux 
chances d'un combat, se sauva dans le petit village d'El 
Assafia, à une lieue d'El Ai^'ouatf, et s'y enferma avec 
trois cents fantassins. 



24 D'ALGER A OUARGLA. 

De là il demanda des secours à A'bd el Reader qui, 
pour toute réponse, le destitua et nomma à sa place Sidi 
K'addour ben A^bd el Bak'i , de la tribu des Ouled Khelif. 

A'bd el Bak'i , appuyé de huit compagnies d^inEamte- 
rie et de quelques canons , vint camper à Tadjemout , 
d^oii il signifia aux Ben Salem la volonté de Fémir : 
force leur fut de lui ouvrir El Ar'oual/, où ils conservè- 
rent toutefois une paît aux affaires ; c^ était une condi- 
tion du traité. Leur ami Tedjini, moins confiant dans la 
parole de Fémir, se retira chez les Béni Mzab. 

Les relations du nouveau khalifah avec les Ben Sa- 
lem n^accusèrent d^abord aucune mauvaise foi. Mais 
peu à peu, sous prétexte d'assurer la tranquillité de la 
ville, A'bd el Bak'i dispersa des soldats dans tous les 
quartiers , et dès qu'il crut ses précautions suffisantes, 
il en écrivit à A'bd el K'ader qui lui répondit : 

« Tue les chefs , saccage la ville , coupe les arbres. » 

Ce coup de main fut tenté quelques jours après : 
quinze membres de la famille des Ben Salem , attaqués 
brusquement, furent faits prisonniers ; mais aux pre- 
miers coups de fusil la ville s'était soulevée , le com- 
bat s'était engagé sur tous les points, et les soldats du 
khalifah, poursuivis et acculés de maison en maison, 
furent presque tous massacrés. Les trésors d'A'bd el 
Bak'i, ses deux canons, tous ses bagages, tombèrent aux 
mains des El Ar^ouati; lui-même n'eut la vie sauve et 
n'acheta la liberté qu'à la condition de ne jamais re- 
mettre les pieds dans la ville. 



EL AR'OUAT'. 25 

Â'bd el Reader, forcé peu après d'abandonner A^'in 
Mad'iy inquiété qu'il était constamment par les nomades 
voisins , n'en poursuivait pas moins, avec la ténacité 
qu-on lui connaît, ses idées d'envahissement sur le 
Sahara et renomma khalifah d'£l Ar^ouat' £1 H'adj el 
A'rbi, rentré en grâce auprès de lui. 

Cette fois la grande tribu des Arba' prit parti dans la 
querelle , moitié pour le parti national , moitié pour £1 
A'rbi, qui avait commencé les opérations par s'emparer 
de KVir el H'aïran. Battu dans un premier combat où il 
perdit beaucoup de monde, il vit, le lendemain , ses al- 
liés de la veille , les Arba' , l'abandonner pour se joindre 
à quatre cents hommes envoyés d'El Ar'ouat' contre lui. 
Battu une seconde fois, il reprit encore la campagne peu 
de temps après, à la tête des débris de sa troupe régulière 
et de quelques Arba' , dont il payait la fidéUté par des pro- 
messes de pillage ; mais sa cause et celle d' A'bd el K'ader 
étaient à jamais perdues dans le Sahara ; toutes les po- 
pulations s'étaient soulevées; mille fantassins comman- 
dés par les deux Ben Salem, et appuyés des deux pièces 
de canon prises autrefois à Sidi K'addour ben A'bd el 
Bak'i, enlevèrent K'sir el H'aïran, massacrèrent la troupe 
entière du khalifah , et lui-même fut fait prisonnier. 

Il fallait en finir avec cet homme, et Yah'iaben Salem 
le fit tuer par son domestique, i^onr ne pas se souiller 
du sang d'un traître. 

A ces nouvelles, la fureur impuissante d' A'bd el K'a- 
der, alors occupé de la guerre contre nous, éclata dans 



M D'ALGER A OUARGLA. 

cette imprëcftikm t (y Je jure de firîre âiYàchef iM yeux 
ir à tous les halntants d'El At^oud^ qui tomberont etitre 
or mes mainS) de les foire ëcorchef^ et de fidré ùite dei 
K tambours avec leurs peaux. » 

Cette terriUe menace a reçu une fois son exécution ^ 
en partie du moins. Un malheureux el At^oUà^^ prison* 
nier de Témir , a eu les yeuk arrachée avec un éperon 
arabe. 

Ah'med ben Salem ^ depuis la mort d'el AVbi ^ jouis* 
sait à El At^oualf d^une autorité incontestée : il avait 
compris cependant que, pour parer aux éventualités dé 
révolutions nouvelles, il devait s^étayer d'une puissance 
qui pût le protéger contre A'bd el K'ader, et au mois 
d'avril 1844 il envoya de son propre mouvemekit de* 
mander à M. le gouverneur général Finvestiture et la 
confirmation du titre de khalifah d'El Âr'ouatf : « Car, » 
disait*il, (c tous les sultans musulmans à qui je me suis 
« confié m'ont trahi ; je trouverai peut-être le repos 
K dans la justice du sultan français. » 

L'occasion fut saisie avec empressement de fkire suc* 
céder l'ordre à l'anarchie dans cette partie du Sahara , 
d'y opposer l'exemple de notre justice au souvenir 
des vexations et des cruautés de l'émir, de régula- 
riser le commerce de grains que les tribus font avec 
le Tell, et de leur ouvrir la route et les marchés 
d'Alger. 

Ben Salem a guidé lui-même la colonne expédition- 
naire qui^ sous les ordres de M. le général Marey, est 



TADJEKOirr. 17 

allëe le flûre>econiiaitre dans son gouvernemait. Cette 
mission s^est accomplie sans coûter un seul homtne ^ un 
seul mulet, un seul coup de fusil; et El Allouât' est à 
cent sept lieues du littoral. Quand M. le maréchal duc 
d'Isly est arrivé en Afrique , il y a quatre ans, la Metidja 
était en feu. 

Nous ayons à dessein insisté sur cette guêtre d^Â^bd 
el K'ader dans le Sahara j et nous y reviendrons en 
parlant d' A'ïn Mad'i , parce qu^il en réstdte ce fait im- 
portant ^ qu^elle lui a pour jamais aliéné les populations 
sahariennes. Ne craignons pas qu^il y recrute des 
troupes ; peut-être pourrait-il soulever encore quelques 
fanatiques, mais jamais une armée. 

En nous rattachant £1 Ar^ouatf, nous nous sommes 
ouvert le désert qu'elle venait de fermer à l'émir. Déjà 
ses habitants et ceux des kVour et des tentes du khali- 
fah dont elle est le centre, viennent à dos marchés < 
Ah'med ben Salem a été le premier à céder à cette 
nécessité du ventre dont nous avons parlé plus haut, 
et qui doit amener forcément à nous, les maîtres du 
Tell, tous les habitants du Sahara. 



TADJEMOUT. 



Tadjemout est un joli petit village d'une centaine 
de maisons, situé dans la plaine à sept lieues nord-est 
d'A'ïn Mad'i, et dix lieues nord-ouest d'El Aî'ôuat'. Il 



^ D'ALGER A OUARGLA. 

n'a point de murs d'enceinte, mais les jardins au milieu 
desquels il est bâti, et qui lui font ceinture, sont circon- 
scrits par une muraille, dans laquelle sont ménagées 
deux portes surmontées de petits forts crénelés. 

Ces portes se nomment : 

Celle du côté d' A'ïn Mad'i , Bab Sfaïn ; 

Celle du côté d'Ël Ar'ouatf, Bab Ouled Moh'am- 
med. 

Les jardins de Tadjemout sont très-fertiles ; on y cul- 
tive tous les arbres fruitiers dont nous avons déjà parlé 
ailleurs, et beaucoup de légumes. Les dattes n'y sont 
pas en très-grande quantité. 

La grande rivière de F Oued Mzi qui, dans cette par- 
tie de son cours, a de Teau toute Tannée, baigne les jar- 
dins de Tadjemout et les arrose par deux saignées prati- 
quées Tune au nord, l'autre au sud de son lit. 

L'Oued Mzi est, assure-t-on , très-poissonneux , mais 
nous n'avons pu parvenir à constater les espèces de 
poissons qui s'y trouvent. 

Sur un petit mamelon, au-dessus de la ville, s'élève, 
au milieu des arbres, le dôme blanchi à la chaux du 
maraboutf Sidi At'allah'. 

Deux ou trois maisons seulement partagent avec le 
marabout? l'honneur d'éclater blanches au milieu de 
leurs voisines d'un gris sombre et la plupart mutilées 
encore par la guerre d'il y a deux ans. 

Tadjemout est célèbre par le massacre de deux cents 
fantassins réguliers qu'A'bd el K'ader y avait envoyés 



EL H'AOUITA. 29 

sous la conduite du khalifah Sid el H'adj el A'rbi, pour 
inquiéter de là Tedjini, rentré à A' in Mad'i. 

Les Ouled Salah', fraction des Arba', et les Sidi At!al- 
lah', tribu de marabout', déposent leurs grains à Tadje- 
moût, dont les habitants, pauvres en terres lal)oura- 
bles, vivent de dattes, des fruits de leurs jardins et 
des grains que leur vendent ou leur échangent leurs 
voisins. 

Leur industrie se borne à la fabrication de vêtements 
de laine. 

Le chef de ce petit k's'ar se nomme Fa l ben el A'rbi; 
il peut fournir au khalifah d'£l Ar'ouat' un contingent 
de cent vingt fusils à peu près. 



EL H'AOUITA. 

El H'aouita est un k's'ar de quarante à cinquante mai- 
sons, à cinq lieues sud-est d'A'ïn Mad'i et douze lieues 
ouest d'El Ar'ouat'. Il est bâti au-dessus d'un ravin où 
coule une source qui prend naissance à très-peu de dis- 
tance au sud, baigne les jardins et va se perdre un peu 
plus loin dans les sables. Elle se nomme Oued Dakhela. 

, El H'aouita est entouré d'une petite muraille en mau- 
vais état. 

Les Ouled Sidi At'allah' et certaines fractions des 
Arba' y déposent leurs grains. 



30 D ALGER A OUARGLA. 

EL ASSAFIA. 

£1 Assafia est un kVar d'une trentaine de maisons, si* 
tué en plaine à deux ou trois lieues est d'El Ai^ouatf. 
U n'a point de murailles d'enceinte, mais toutes les 
maisons se touchent et font corps ; quelques-unes sont 
crénelées. La mosquée est au centre. 

Une source abondante, qui prend naissance dans les 
jardins et qui se déverse dans un bassin , les arrose. U 
n'y a qu'une trentaine de dattiers. 

Les Ma'mera, fraction de la tribu des Arba', déposent 
leurs grains à £1 Assafia. 

C'était autrefois une ville considérable, et dont le 
voisinage inquiétait fort £1 Ar^ouat', avec laquelle elle 
était en mauvaise intelligence habituelle et souvent en 
guerre. 

Si l'on en croit la tradition, les habitants d'£l Ar'oualf 
intercédèrent auprès d'un maraboutf vénéré, el H'adj 
A'iça, pour qu'il détruisit El Assafia^ et promirent de lui 
payer ce miracle argent con^itant. Le saint homme se 
mit en prière, et une grêle liorrible^ avec tous les ac- 
cessoires d'une tempête, comme on n'«a avait pas vu 
de mémoire d^hoomie » détruisit de ftœd en comble la 
ville maudite. Cependant l'aident promis n'arrivant pas 
à la zaouïa du marabout', il se prit d'indignation con- 
tre les faussaires et leur prédit qu'ils se déchireraient 
toujours entre eux. De leur côté, les gem d'El Assafia' 



K'Sm EL H'AIRAN. 31 

vinrent le trouver les maina pleines et lui demander des 
prières et des conseils . « Bâtissez une ville un peu au- 
ff dessus de Tendrait où était Tautre, leur dit^il, et Dieu 
« la protégera. » Il en fut ainsi fait, et les habitants d^ As- 
safia, à Falnî cette fois d^un coup de maiii par leur 
poaîtiany vécurent trèfrrlongtemps sans être inquiétés 
par les gens d^El Ar'o^at^ 

Le khalifah de Fémir ^ Sid el Ifadj d AVbi , a ruiné 
la moitié de cette nouvelle ville dans la dernière 
guerre. 



K'S'IR EL H'AIRAN. 

K's'ir el H'aïran est situé à cinq ou six lieues sud-est 
d'El Allouât!; c'est un kVir de cent à cent vingt mai- 
sons , avec cours et 3iIos ; il est entouré par un mur 
d'enceinte en mauvais état, mais a^se% élevé. Les genf 
de KVir el If aïran se nofnmept les Kab'mau. Leurs jai*- 
dins sont peu étendus et peu fertiles, les dattiers y sont 
rares ; mais leurs terres arables suffisent à leur consom- 
maticm en orge et en blé \ elles sont arrosées par des 
puits auprès desquels spnt creusés des bassins : Veau 
qu'on y verse avec des seaux de peau de bouc s'en 
écoule par des rigoles à travers les obamps. 

L'Oued Mzi passe très-près de KVir el H'aïran f mais 
y est à sec une partie de l'année. Un puits creusé au 
milieu du village pourrait^ en cas de UoeuS| fournir m^ 



32 D ALGER A OUARGLA. 

besoins des habitants, mais Veau en est très*inau- 
vaise. 

Les femmes de ce Wir fdent et tissent des laines ; les 
hommes s^occupent de culture. 

K's'ir el HWan est de fondation toute nouvelle; il a 
été créé , il y a quarante ans environ , par un chef d'El 
Ar^ouatfy Ah'med ben Salem, qui se donna ainsi un 
poste avancé dans Test, d^où il peut dominer les tribus 
voisines pendant la guerre, et où il leur loue des 
magasins pendant la paix. Des fractions des Ouled Nad 
et des Arba' y déposent des grains. C'est dans ce k's'ir 
que fut tué le khalifah d' A'bd el K'ader , Sid el H'adj el 
A'rbi. 



AIN MAiyi. 

A'tn Mad'i est située sur un petit mamelon à quinze 
lieues ouest d'El Ar^ouat', dans une plaine légère- 
ment ondulée et très-aride, à six lieues environ et à 
l'ouest du village de Tadjemout. Ses maisons, très-rap- 
prochées les unes des autres, sont circonscrites par 
une muraille d'enceinte dont les créneaux, coiffés de 
petits chapiteaux en pyramides , sont d'un effet très-pit- 
toresque. La ville décrit une ellipse, de sorte qu'à une 
certaine distance elle présente la forme d'un œuf d'autru- 
che que l'on aurait coupé en deux dans le sens de la 
longueur. On entre à A'ïn Mad'i par deux portes, l'une 
à l'est, Bab el Kebir, l'autre au nord-ouest, Bab el Sa- 



A'IN MAD'I. 33 

k'ia. Bab el Kebir est double, c'est-à-dire qu'après avoir 
passé une première porte, pratiquée dans Fépaisseur de 
la muraille et flanquée de deux grosses tours carrées, 
on se trouve dans une espèce de place d'armes de qua- 
rante pas de longueur, sur trente de largeur, et que 
pour entrer dans la ville il faut passer par une seconde 
porte. La disposition de ces deux issues n'est pas sans 
intelligence : elles ne sont pas vis-à-vis Tune de l'autre, 
de telle sorte que les boulets qui enfileraient la première 
ne viendraient pas donner dans la seconde. Les mu- 
railles peuvent avoir 2 mètres d'épaisseur et 8 mètres 
de hauteur. Elles sont crénelées, bâties en pierres et 
bien entretenues. Nos obusiers de campagne ne pour- 
raient certainement rien contre elles. 

En dehors de ces murailles sont les jardins qui en 
suivent les contours sur une largeur d'environ 1 50 mè- 
tres ; ils sont eux-mêmes protégés par un mur de clô- 
ture en très-mauvais état , de sorte que la ville est en- 
tourée d'une double enceinte; mais celle des jardins, 
loin de servir à la défense , offrirait au contraire à l'as- 
siégeant un abri derrière lequel il rassemblerait ses 
troupes pour les lancer à l'escalade ou à la brèche que 
la sape aurait faite. 

Rien n'est plus triste et plus aride que l'aspect d' A'ïn 
Mad'i et de ses environs. Un seul arbre s'élève au-dessus 
des murs des jardins; c'est le seul qui ait échappé à la 
colère d'A'bd el K'ader, encore est-il mutilé. Cependant 
les traces de dévastation laissées par Fémir s'effacent 

3 



34 D'ALGER A OUARGLA. 

peu à peu 9 et d'autres arbres fruitiers remplacent déjà 
ceux qu'il a coupes; mais ils sont trop petits encore 
pour qu'on les aperçoive du dehors. 

La 'source appelée Â'tn Mad'i prend naissance à une 
demi*lieue nord en dehors des murs , au pied d'une 
montagne appelée £1 Merkeb , contre-fort du Djebel 
A'mour, Arrivée à la porte Bab el Sak'ia, elle se déverse 
dans un bassin d'où elle va par deux écluses arroser les 
jardins. Un honmie veille, le sablier à la main, à la 
répartition exacte des eaux. Ce sablier est l'horloge 
de la ville; les habitants viennent souvent le con^ 
sulter. 

A'in Mad'i a de plus quatre puits qui , pendant le siège 
de neufmois qu'elle eut à soutenir contre A'bd el K'ader, 
suffirent à la population. Les maisons, au nombre de 
cent cinquante à deux cents , sont mal bâties en pisé ou 
en petites pierres ; elles n'ont qu'un rez-de-chaussée et 
une terrasse. Quelques-unes ont un étage, mais très* 
bas. La maison de Tedjini est seule bien et solidement 
construite; on la distingue de loin entre toutes les 
autres ; car c'est aussi la seule qui soit blanchie. Une 
mosquée sans minaret est en harmonie par sa simplicité 
avec les habitations particulières. Les mes sont si 
étroites qu'on peut à peine y passer à cheval. 

Les habitants d' A'ïn Mad'i sont proprement vêtus, et 
se distinguent de leurs voisins par le calme et la dou-' 
ceur de leur physionomie. 

La réception qu'ils ont faite aux officiers français^ lors 



A IN MAD'I. 35 

de rexpédition du mois de mai 1 844, a été simple, natu* 
relie et amicale. Ils parlent de leur chef Tedjini avec vé- 
nération ; A'bd el K'ader, au contraire, a laissé chez eux 
un sentiment de haine qu^ils ne cherchent point à dégui- 
ser, et que pourra mettre à profit une politique habile. 

Tedjini est chérif d'une famille originaire de Fês ; il se 
nomme El tfadj Moh'ammed ben Ah'med Tedjini. Ses 
ancêtres ont des zaouta ou chapelles à Fés et à Tunis. 
Sa mère était négresse ; c'est un maraboutf renommé 
par son courage , sa probité , sa religion ; il ne sort ja- 
mais que pour se rendre à la mosquée, le vendredi. 
Tout occupé des affaires du ciel , il ne s'est jamais mêlé 
que par force aux révolutions de son pays. 11 a juré , 
dit-on , de ne voir jamais la figure d'un sultan; et l'on 
assure qu'il n'a pas voulu se montrer au bey H'assan, 
en 1828, ni à A'bd el K'ader, avant, pendant, ni après 
le siège d'A'ïn Mad'i. Le général commandant l'expédi- 
tion d'El Ar'ouat' en 1 844, ne l'a pas vu non plus. 

A'in Mad'i a soutenu plusieurs sièges sous le règne 
des Turcs. Presque tous les bey d'Oran ou de Maskara, 
à l'exception du bey Mousftfafa, ont fait une expédition 
contre elle. Toujours ses chefs, pour se débarrasser 
d'un ennemi importun, qui très-probablement n'eût 
point pris leur ville , mais qui l'eût fatiguée par la lon- 
gueur d^un siège, la privation du commerce et la dé- 
vastation de ses jardins, en ont fini en payant un impôt. 

Les plus remarquables de ces expéditions, et les 
seules dont nous parlerons, sont celles du bey Moh'am-' 



36 D'ALGER A OUARGLA. 

med el Kebir , en 1783 et 1785; celle du bey H'assan , 

en 1826, et enfin celle d'A'bd el K'ader, en 1838. 

En 1 783 , le bey d'Oran, Moh'ammed el Kebir, trouva 
A'in Mad^ dans un état de dénûment complet et incapa- 
ble de résister; il somma donc Tedjini (un des ancê- 
tres du Tedjini d'aujourd'hui ) de capituler, et il lui 
imposa une forte contribution. 

Tedjini comprit qu'il devait, pour l'avenir, mettre 
sa ville à l'abri de l'arbitraire des Turcs : il en releva 
donc les murailles ; et quand, deux ans après , le bey 
Moh'ammed revint lui demander de nouvelles contribu- 
tions , il la trouva en bon état de défense et bien ap- 
provisionnée. Pendant deux mois et demi il tint le siège 
devant elle et la bombarda ; mais il fut enfin contraint 
de se retirer. 

La puissance des Tedjini s'accrut de ce succès, et 
tous les successeurs du bey Moh'ammed vinrent comme 
lui échouer devant A'ïn Mad'i. 

En 1 825 , le frère aîné de Sidi Moh'ammed Tedjini , 
Ben Salem , loin de redouter les Turcs , résolut d'aller 
les attaquer sur leur terrain. Appelé par les H'achem au 
pied de Maskara, il part à la tête des tribus du désert, 
ses voisines, pour tenter un coup de mahi sur cette 
ville , et prend d'assaut deux de ses faubourgs, A'rgoub 
Isma'ïl et Bab A'ii ; mais trahi par les H'achem , qui pas- 
sent aux Turcs, et contraint de se replier, ben Salem 
opère son mouvement de retraite par la plaine d'El 
R'ris, où il espérait se défendre avec plus d'avantage. 



VIN MAm. 37 

Enveloppé par des masses d^ennemis, il range autour 
de lui ses chameaux et ses bagages , place sa petite in- 
fanterie au centre de cette redoute vivante , et tous ses 
soldats y genou à terre , brûlent jusqu^à leur dernière 
amorce, et meurent bravement accablés par le nombre. 
Quelques jours après , la tête de Ben Salem Tedjini , 
dont le vainqueur avait fait hommage au dey d^ Alger, 
pendait aux crocs de Bab Âzoun. 

L'année suivante, le bey H'assan marcha sans ob- 
stacle jusqu'à Â'in Mad'i; mais la place était bien gar- 
dée à Fintérieur, et protégée à Fextérieur par les tribus 
du désert. Après quatorze jours de siège , forcé de se 
retirer dans le plus grand désordre, il signala toute- 
fois son mouvement de retraite par une ruse qui le 
débarrassa des Arba', acharnés à le poursuivre. 

A la nuit tombante, il ordonna d' allumer dans son 
camp de grands feux d'âlfa, dont la fumée le cacha 
bientôt à ses ennemis, qui, le croyant parti et déjà 
loin, fondirent en désordre sur le bivouac abandonné 
pour le piller. H'assan fit alors un brusque retour 
offensif, tomba sur les pillards , en tua un grand nom- 
bre, et put regagner Maskara, sans être inquiété sur la 
route. 

A'ïn Mad'i afiranchie, par F énergie des Tedjini, du 
tribut que les Turcs lui avaient jusque-là imposé, 
vivait indépendante et tranquille, lorsqu'en 1838, 
A'bd el K'ader, qui songeait déjà à reprendre la guerre 
contre nous, voulut s'en emparer, pour y mettre à 



38 D'ALGER A OUARGLA. 

Fabri sa fieunille, ses trésors, ses objets les plus pré* 
deux et ses munitions, au cas où nous viendrions à lui 
enlever les établissements qu^il avait créés sur la lisière 
du désert. A'ïn Mad'i devait être sa ligne extrême de 
défense , son dernier quartier de ravitaillement. 

Miloud ben A'rach , envoyé de F émir en France , ne 
lui avait pas dissimulé que la reprise des hostilités 
entre nous et lui devenait inévitable , s^il persistait dans 
les voies ambitieuses où il était entré. L'occupation 
d'A'ïn Mad'i fut dès lors résolue; cependant A'bd el 
K'ader, sentant qu^il ne pouvait pas , sans se déconsi- 
dérer aux yeux des siens , chasser ainsi brutalement un 
chérif qui ne lui avait donné aucun sujet de plainte , et 
dont les ancêtres étaient au pouvoir depuis si long- 
temps , prit occasion d'attaquer Tedjini , sous prétexte 
qu'il ne s'était point rendu à un rassemblement de 
guerre contre les chrétiens , auquel tous les cheft niaho*> 
métans avaient été convoqués. 

Il réunit donc un corps d'armée composé d'infante- 
rie , de cavaliers réguliers , de quelques pièces de ca- 
non, et sur l'assurance qui lui fut donnée qu'un seul 
assaut suffirait pour emporter la place, il vint y mettre 
le siège. 

Tous les k'sour et toutes les tribus voisines, que rat- 
tachaient à Tedjini sa réputation de bravoure , ses titres 
de chérif et de marabout', se déclarèrent en sa faveur. 
Prévenu à temps , il approvisionne sa ville de bois , de 
blé, de dattes, etc. , et pour ne pas se chai^r de 



A'IN MABl. 3» 

bouches inutiles, il s^y renferme avec trois cent dft* 
quante hommes seulement, mais les meilleurs tireun 
du désert. 

Le siège dura huit mois; À'bd el K'ader dérasta tous 
les jardins, coupa les eaux , canonna, mina et boni* 
barda la place , promit des récompenses à ceux de ses 
soldats qui voudraient s'inscrire pour monter à Fassaut : 
tout fut inutile. Les tireurs de Tedjini faisaient des pro* 
diges ; leur adresse avait tellement eflfrayé les assaillants 
que pas un n'osait plus se montrer à portée j w tous 
c( leurs coups vont dans Tœil, » disait-on. M. le colonel 
Oaumas , alors consul de France à Maskara , assure , 
en effet, y avoir vu rapporter beaucoup de soldats de 
. Vémir blessés à la tète. 

Il y allait cependant de Thonneur d^A'bd el K'ader 
d'entrer dans la place , et ce qu'il ne pouvait obtenir 
par la force, il TobtUit par l'adresse. Une ambassade de 
marabout', conduite par son beau«frère SidelH'adj 
MousVafa ben Tami, khalifah de Maskara, fiit envoyée 
à Tedjini pour traiter d'un accommodement. 

w A'bd el K'ader, » lui exposèrent-ils, « a juré d'aller 
(( faire sa prière dans la mosquée d' A'ïn Mad'i ; dans 
« quelle déconsidération tomberait donc l'islamisme, si 
« celui qui s'en est déclaré le soutien contre les Fran- 
ce çais ne pouvait pas accomplir un vœu sacré , et cela 
« par l'opiniâtreté même d'un homme chérif et mara* 
c< bout' ! n 

Le pieux et trop confiant Tedjini , cédant à ces consi- 



40 D'ALGER A OUARGLA. 

dérations religieuses , de discussions en concessions , 

conclut enfin ce traita : 

« Tedjini évacuera la ville et se retirera à El Ar'ouat', 
et pour que sa sortie ne soit point inquiétée, F émir 
porterason campàSidiBouZid; il prêtera ses chameaux 
et ses mulets pour le transport des effets de Tedjini et de 
sa suite ; le fils de Tedjini restera en otage entre 
les mains de l'émir jusqu'au retour desbétes de charge. 
La famille de Ben Salem renti'era à El Ar'ouatf ; on lui 
rendra ses bieps et elle y reprendra sa part dans le gou- 
vernement. Après cinq jours seulement de séjour dans 
la ville, Fémir l'évacuera, et Tedjini pourra y rentrer et 
y reprendre le commandement. » 

Les bases de ce traité hypocrite furent acceptées , et 
leur exécution jurée sur le Koran ; mais une fois dans 
A' in Mad'i, A'bd el K'ader en fit abattre les murs et rui- 
ner les maisons ; celle de Tedjini , où il s'était logé , fut 
seule épargnée. Cette trahison souleva contre lui toutes 
les populations du désert ; chaque jour ses convois 
étaient attaqués et leurs escortes massacrées ; la posi- 
tion n'était plus tenable. Pressé d'ailleurs parles événe- 
ments, il évacua la ville, en proclamant bien haut sa 
victoire , et en ordonnant à tous les vrais croyants de 
s'en réjouir sous peine de la tête. 

Nous sommes heureux de pouvoir citer ici la traduc- 
tion littérale de la lettre qu'il écrivit en cette occasion 
à son consul (Oukil) à Oran , El H'adj el H'abib-Oulid 
el Meh'or. 



A'IN UADI. 41 

Cette lettre prouve ëvideiniiient qu' A'bd el K'ader ne 

s^ abusait point sur le mauvais effet produit par Fimmo- 

ralitë de son expédition , et qu'il cherchait à en atténuer 

les conséquences possibles sur Tesprit des populations. 

« A notre parfait ami le respectable, le bien élevé, notre 
« Oukil à Oran, que Dieu le protège. 

M Dieu nous ayant donné mission de veiller sur les intérêts 
« des musulmans et de prendre la direction de tous les peuples 
u soumis à la loi de notre seigneur Moh'ammed (salut surlui !}, 
« nous sommes allé dans le désert, non pour nuire aux croyants, 
M les combattre , les abaisser, les détruire , mais avec l'intention 
« de les instruire dans la loi du prophète, de réunir les divers 
« intérêts et d'établir Tordre. Tous ont écouté notre voix , tous 
M nous ont obéi et nous ont accepté, autant que cela peut être , 
w pour leur chef. Le fils de Tedjini seul ne nous a pas écouté. 
M (Dieu nous préserve de parler et d'agir comme le fils de 
«( Tedjini. ) Nous nous sommes trouvé face à face avec ceux 
« qui lui obéissaient; ils étaient prêts à combattre pour l'amour 
M de Dieu et de son prophète; nous les avons conjurés de se 
« réunir à nous, en leur citant les paroles saintes ; tout a été 
u inutile. Alors nous avons désespéré de sa conversion ; nous 
M avons vu que nous ne pourrions rien gagner de cet homme, 
M et que nous ne pourrions lui donner le pardon. Craignant de 
« manquer le but que nous voulons atteindre, qui est de réunir 
« les intérêts des vrais croyants et de les instruire dans la loi du 
H prophète, d'empêcher le mauvais exemple de germer chez les 
« autres, de purifier la corruption qui les souille (comme cela 
tt est connu des Maures et des Arabes), eux , leurs biens, leurs 
M femmes et leurs enfants ; usant alors du droit des conquérants, 
« et eux d'ailleurs commençant à nous attaquer les premiers, 
«< nous avons autorisé nos soldats protégés de Dieu à les com- 
<i battre; la religion me l'ordonnait. 



4% D'ALGER A OUARGLA. 

» Et lorsqu'ili se sont trouvés face à faoe avec noniy ils se 
n sont enfuis , et nous les avons suppliés de nouveau , au nom 
a du Dieu puissant; eux, ils ont refusé avec dédain, et lui, le 
« fils de Tedjini , nous a dit : Je compte sur mes remparts et sur 
« ma ville. Alors nous Tavons bloqué, et nos soldats, sur lesquels 
« veillait Dieu , sont arrivés jusqu'à ces remparts. Voyant alors 
« que la victoire allait être pour nous , puisque nos mines arri« 
« valent jusqu'au pied de leurs murailles, ils out demandé le 
•« pardon et l'aman; je leur ai accordé l'un et l'autre, bien qu'ils 
« m'aient trahi plusieurs fois. En cela nous avons obéi au Très- 
*» Haut, qui a dit : Pardonnez et oubliez! J'espère qu'il me 
« tiendra compte un jour d'avoir fait ces négociations , d'avoir 
a évité l'effusion du sang des hommes et des enfants, d'avoir 
« respecté les femmes; car elles ne se sont pas dévoilées devant 
« les hommes. Nous leur avons accordé l'aman à la condition 
« de quitter les remparts et la ville , laissant chacun d'eux libre 
« d'aller là où il voudrait. . 

« Alors ils sont sortis de leurs habitations, et on ne leur a 
« point fait de mal; le fils de Tcdjhii a laissé ses femmes, sa 
« famille et ses enfants; nous les avons envoyés à El Ar'ouat'; 
tt lui, est allé dans le]désert. Ainsi , toute guerre, toute discussion 
« sont terminées. Je vous écris ces mots de la maison de 
a Tedjini , sur la terrasse , décidé à détruire cette ville pour 
w l'exemple des autres ; que Dieu nous conserve la victoire et 
« nous préserve d'une mauvaise fin. Musulmans, priez Dieu 
« pour votre émir; il ne travaille que dans votre intérêt. Ré- 
«< jouissez-vous et priez Dieu de le fortifier : croyez en la misé- 
« ricorde du Très-Haut et lisez le chapitre du Koran , el Mouedna, 
M qui dit que la terre appartient à Dieu et qu'il la donne à la 
« créature qu'il chérit le plus. 

« Écrit le h'âd au matin, 27 cboual 1254 ( dimanche, 12 jan- 
« vierl839). »» 



AIN MADl. 43 

D^autres proclamations en grand nombre furent 
écrites dans le même sens à tous les chefs des tribus 
sous l'obéissance de Fémir; mais si elles trompèrent 
un moment les populations, le retour précipité du 
conquérant à Tak'demt dévoila bientôt sa fraude. 

Après les diverses vicissitudes de sa fortune , Tedjini 
rentra dans A'ïn Mad'i, en restaura les murailles , et 
n^a pas cessé d^y commander tranquillement depuis. Il 
jouit dans tout le désert d^une haute réputation de 
sainteté. Ce qu^il veut , c'est de vivre tranquille dans son 
gouvernement j sans se mêler des affaires de personne 
et sans qu'on se mêle des siennes : « car, n écrivait«il 
dernièrement à M. le maréchal duc d'isly, (c je suis ohé- 
(c rif et marabout'; je ne veux que faire le bien ; je ne 
.(( suis pas de ce monde. » Cette abnégation des choses 
humaines n'exclut pourtant point chea le marabout' 
le courage et Ténergie. Pendant le siège d' A'ïn Mad'i , il 
fit proposer plusieurs fois à A'bd el K'ader d'en finir 
en combat singulier. L'émir aurait peut-être accepté la 
provocation ; (c mais , » lui opposèrent les t'olba et les 
marabout' de son camp , « Tedjini est couvert de talis- 
« mans et d'amulettes, la partie ne serait pas égale. » 
A'bd el K'ader, tout marabout' qu'il est lui-même, 
n'osa pas braver les sacrés talismans. 



44 D'ALGER A OUARGLA. 



TADJROUINA. 



Cest un village d'une centaine de maisons, défendu 
par une muraille de deux hauteurs d'homme , surmon- 
tée de quatre petites tourelles et ouverte par une seule 
porte. Tout cela est en assez mauvais état. L'enceinte 
elle-même n'est pas continue; sur plusieurs points , 
les maisons, mal appuyées les unes contre les autres, 
lui font suite en laissant entre elles des sorties sur la 
campagne, mais pai* lesquelles un cheval ne peut point 
passer. Dans ce groupe d'un gris sale, trois ou quatre 
maisons seulement et la mosquée sont blanchies à la 
chaux. 

Les habitants de Tadjrouna vivent des fruits de leurs 
jardins qu'ils cultivent avec beaucoup de soin , et des 
blés du Tell ; ils sont riches d'ailleurs en troupeaux de 
bœufs, de moutons et de chèvres. Ils ont pour industrie 
particulière de fabriquer des éperons, des mors, des 
selles et des objets de harnachement qu'ils vendent aux 
tribus voisines. 

Le chef du k's'ar et du territoire est nommé par la 
djema' ; le chef actuel s'appelle Si T^aïeb el Moulei. 

Les Ouled lalc'oub er Raba', qui sont les djouad 
( nobles) de la tribu des Ouled la'k'oub , déposent leurs 
grains à Tadjrouna. 

Ce kVar payait un impôt à l'émir; et nous ferons ici 
cette observation générale , que les droits prélevés par 



TRIBU DES ARBA\ 45 

A^bd el K'ader sur les villages du Sahara étaient de 
deux sortes : les ksour qui avaient des dattiers payaient 
tant de vêtements de laine , selon la quantité de leurs 
arbres; ceux qui n'en avaient pas, payaient , dans les 
derniers temps , l'a^chour sur les grains qu'ils allaient 
acheter dans le Tell. Cette mesure avait été prise, parce 
que les tribus et les k'sour se plaignaient d'exactions 
nombreuses commises par les préposés au prélèvement 
delaËussa. 



TRIBU DES ARE A'. 

La tribu nomade des Arba' campe aux environs d'El 
Ar'ouatf; elle se divise en trois grandes fractions, subdi- 
visées elles-mêmes ainsi qu'il suit : 

Fractions. Subdivisions. 

( ElSekaska. 
El Ma'mera. { 

( Ouled Sidi A'ïça. 

1 ( Ouled Ouneis. 

E,Arba'.|ElH'edjadj. I^^^^^^^^j^ 

Ouled Da'oud. 
V Ouled Salah'.| Ouled A'tïa. 
El A'babda. 

De temps immémorial et surtout pendant et depuis 
les expéditions d'A'bd el K'ader contre A'ïn Mad'i et 



46 D'ALGER A OUARGLA. 

dans le district d^El Ar'ouatfy ces diverses fractions de la 
tribu des Arba^ vivaient en très-mauvaise intelligence; 
les unes avaient pris parti pour, les autres contre Tex- 
ëmir ; mais depuis la nomination de notre khalifah Sid 
Al/med ben Salem , les germes de dissension conunen* 
cent à s'effacer. Chacune des trois grandes fractions 
obéit à un k'aïd ou cheikh relevant de Sid Ah'med ben 
Salem. 

L'histoire des Arba' , confiée à la tradition comme 
celle de toutes les peuplades du désert, n'existe plus 
maintenant qu'à l'état de légende. Nous ne croyons 
point cependant devoir négliger ces contes populaires: 
dans presque tous le vrai s'y fait jour à travers le mer- 
veilleux. Ceci sera notre réponse faite une fois pour 
toutes à ceux qui pourraient nous reprocher de les 
reproduire ou d'y attacher trop d'importance. 

Voici donc ce qu'on dit des Arba'. Ils campaient 
autrefois près de Sidi O'kta et y possédaient même des 
jardins et des dattiers; mais ils y commettaient toute 
sorte d'excès contre les habitants du pays, qui s'en 
plaignirent enfin à leur maraboutf Sidi O'k'ba. « Je vais 
« demander à Dieu, » répondit le saint homme, (c que les 
« Arba' s'éloignent de vous. Je planterai sur le Djebel 
« A'mour un piquet où je les tiendrai attachés du côté 
w du sud et du côté du nord. » Les Arba' émigrèrent 
en effet au pays d'El Allouât', et depuis ce temps-là , 
soit qu'ils se rendent où leur commerce les appelle , 
soit qu'ils aillent fiedre paître leurs troupeaux , ils passent 



TRIBU DES ARBA\ 47 

par le Djebel A'mour, sans jamais mettre les pieds sur 
le territoire des Sidi 0^kl)a. 

Leur vie est celle de toutes les tribus nomades du dé^ 
sert. Ils passent Fautomne sous la tente, aux environs 
dEl Ar'ouat', de Tadjemout, de K'sir el H'aïran, d'El 
H'aouïta, d'A'ïn Mad'i et d^£l Assafia, où ils déposent 
leurs grains. £n hiver, ceux d^entre eux qui font le com« 
merce laissent leurs troupeaux et leurs tentes, les 
femmfô, les enfants, les vieillards, aulieudu campement, 
et vont s^ approvisionner de dattes et de divers objets à 
Temaçin , à Ouargla , à Tougourt , et y vendre ou ëchan* 
ger leurs produits. Au printemps tous reprennent la vie 
nomade et conduisent leurs troupeaux dans le désert , 
presque partout couvert alors d^une herbe appelée 
a^cheb. A la fm de Tété , ils vont acheter des grains dans 
le Tell. 

Les Arba^ vendent aux villes et villages du désert, 
des moutons, de la laine, du beurre, etc. Ils re- 
çoivent en échange des bemous , des Waïks , des vé* 
tements tout d^tme pièce, espèce de longue chemise en 
laine , appelée djellaba , qu'ils iront échanger encore 
conti*e les blés duTell. Presque tous font, de plus, métier 
de louer leurs chameaux aux marchands des grandes 
villes Tougourt, Gardaïa, El Ai'^ouatf, etc. Le prix 
d'un chameau est de 4 ou 5 boudjous d'El Ar'ouat' à 
Gardaïa , c'est-à-dire pour une distance de quarante- 
cinq ou cinquante lieues. 

Leurs femmes ne font absolument que des tentes en 



4S D'ALGER Â OUARGLA. 

poil de chameau , des vêtements de laine qu^elles tei 
gnent en noir avec du sebr'a, et des sacs à porter des 
fardeaux , appelés r'eraïer. 

Comme presque toutes les femmes des tribus no- 
mades, elles vont la figure découverte. 

Les Arba' sont très-braves et peu soucieux d'éviter 
des rencontres à main armée ; car, nous disait Fun d'eux, 
« nos fusils sont longs. » Ils mettent un grand luxe dans 
leurs armes : tous leurs chefs ont deux fusils, Fun de 
guerre, l'autre de parade; l'un simple et sûr, l'autre 
enjolivé de corail et monté en aident. Leur vie est aven- 
tureuse, et d'ailleurs leur instinct violent et pillard 
les met trop souvent en contact avec d'autres tribus, 
pour ne pas leur avoir fait des ennemis nombreux. 
La question du premier occupant pour une source 
ou pour un pâturage les met souvent en querelles, tou- 
jours vidées à coups de fusil, avec les Ouled la'k'oub, 
les H'arar, les Chamba', les Mekhadma, les el Ar'ouatf 
K'sal, les Ma'ka de l'ouest du Djebel A'mour, qui, eux 
aussi, courent la même partie du Sahara à la même 
époque. 



TRIBU DES A'R'AZLIA. 49 



TRIBU DES A'R'AZUA. 

La tribu des AVazlïa campe dans le quadrilatère 
compris entre Sidi Khaled, Tougourt, les Béni Mzab et 
El Ar'ouat'. 

Elle se divise en deux fractions principales qui sont 
les : 

Ouled Sidi Seliman. 
Ouled Sidi la'hla. 

Elle ne possède que des chameaux et des moutons. 
Les chefs seuls, et les plus riches, ont des chevaux, une 
cinquantaine au plus. 

Les AVazlïa mènent la vie nomade une partie de 
Tannée , et après la récolte des dattes, ils vont s'en ap- 
provisionnera Temaçin et Tougourt, pour aller ensuite 
les vendre à Djebel SaWari, Djebel A'mour , El Ar'ouat', 
et chez les Béni Mzab, contre des vêtements de laine ou 
des objets de première nécessité. 

Comme les Arba', ils louent leurs chameaux aux ha- 
bitants des k'sour pour les transports des denrées ou 
des marchandises. 

Les AVazlïa sont plutôt portés au commerce et à la 
paix qu'à la guerre ; cependant ils ne reculent pas de- 
vant la nécessité de la faire. Us sont braves au besoin , 
mais peu querelleurs de leur nature. 

Leurs femmes, qui passent pour très-belles, sont fort 

4 



60 D ALGER A OUARGLA. 

débauchées ; beaucoup d'entre elles vont se prostituer 
à Tougourt, à El Ar'ouatf et dans les autres villes et 
k'sour du désert. 



TRIBU DES OULED SIDI ATALLAir. 

Les Ouled Sidi At'allah' sont une petite tribu de ma- 
rabout/ qui campe ordinairement dans les environs de 
Tadjemout^ où quelques-uns ont des maisons, et où tous 
déposent leurs grains. 

Les marabout/ et les tombeaux de leurs ancêtres 
s'élèvent au nord et très-près de Tadjemout, sur un pe- 
tit mamelon : ils y vont tous les ans Êdre leurs prières 
eu grande pompe. 

Les Ouled Sidi At/allah' n^ont pas plus de cinquante 
chevaux et une centaine de tentes. 

Ils possèdent des moutons et des chameaux qu^ils 
louent, comme toutes les autres tribus du désert, aux 
marchands des k'sour et des villes. 

Leurs che& principaux se nomment Si K'ouïder ben 
Moh'ammed et Si Boubeker ben lah'ïa. 



D'ALGER A OUARGLA. 51 



SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A OUARGLA. 

lieaei. 

16« jour en partant d*El Ar'ouat' on va à Ras Nili, la 
source du Nili sur une chaîne de mamelons de 
sable (A'reg), appelée Chebka Mla' el Ar'ouat'. 
Chebka veut dire proprement filet ; nous le re- 
trouverons souvent employé dans une signifi- 
cation figurée , pour représenter un ensemble 
de mamelons capricieusement croisés comme 
les mailles d'un filet. Le Chebka Mta' el Ar'ouat' 
porte encore le nom de Ras el Feïad, parce 
que de son versant s'écoulent pendant Thiver 
une foule de petites rivières alimentées par les 
eaux pluviales , et à sec pendant les deux tiers 
de Tannée. On a voyagé dans le sable 

17« . . . on suit rOued Nili jusqu'à Safi el Feiad; — pays 

de sable. 9 

18* ... au pied du Djebel Mazedj, montagne rocheuse et 
très-élevée, appelée aussi Chebka Mta' Reni 
Mzab; elle s'étend vers l'ouest en s' abaissant 
graduellement jusqu'au méridien de Timimoun, 
où elle se termine en A'reg ; — pays de sable. 9 

19* . . . à un puits nommé Ranloh'; on a marché entre les 
contre^'orts rocheux et broussailleux du Djebel 
Hazedj , que l'on a traversé du nord au sud. 9 

20* ... de Ranloh' à Gardaïa; on a marché entre des 

mamelons. 4 

Total d'El Ar'ouat' à Gardaïa 40 



52 D ALGER A OUARGLA. 

Arrivés à Gardaïa, et avant d'aller plus loin , nous fe- 
rons connaître en entier la circonscription des Béni 
Mzab. 



CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB. 

Les Béni Mzab forment, au milieu des populations 
du désert , une nation à part qui se distingue par la sé- 
vérité de ses inœui^s , son langage particulier, sa probité 
proverbiale , et par quelques modifications dans ses 
pratiques religieuses , bien que sa religion soit la musul- 
mane. 

Il serait hors de notre sujet d'ajouter une page, sans 
doute inutile , à toutes celles où Ton a déjà discuté les 
origines probables des peuplades du Tell et du désert 
semées au milieu des tribus arabes. Ce point de la 
science ne pourra s'éclaircir sans doute que par le rap- 
prochement des idiomes et la découverte des filiations; 
ces données manquant encore presque absolument. 

Un vieux juif très-intelligent, et savant de cette science 
d'expérience que donnent les longs voyages et les re- 
lations de commerce, nous a dit que les Béni Mzab 
prétendent descendre des Moabites ; il serait difficile 
d'appuyer ici la tradition de preuves authentiques. Con- 
statons toutefois que les Beiii Mzab sont ti*ès-blancs ; 
beaucoup ont les yeux bleus et les cheveux blonds. 



CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB. 63 

Leur langue 9 qui s^ appelle le mzabïa, semble être un 
dialecte de la langue berbère. 

Les chefs et les gens riches en contact habituel avec 
les tribus nomades parlent cependant Tarabe , et tous 
font leur prière en cette langue , que Ton enseigne dans 
les écoles. 

Les Béni Mzab sont mahométans, mais khouaredj 
(sortants 9 schismatiques ). 

11 existe 9 pour cette raison sans doute , entre eux 
et les Arabes une haine traditionnelle , mal déguisée 
par les relations de pur intérêt qui les unissent. Dans le 
désert comme dans les villes du littoral, une foule de 
contes populaires signalent les Béni Mzab au mépris des 
vrais croyants. Quand ils sont morts, il leur pousse des 
oreilles d'âne ; ils n^ auront qu'un cinquième dans les 
joies du paradis , etc. Nous avons dû rechercher l'ori- 
gine du schisme des Mzabit, et voici ce que nous avons 
trouvé dans l'ouvrage du savant Sidi Khelil , un des 
t/olba musulmans les plus vénérés. Nous traduisons 
textuellement : 

« Les khouaredj ont transgressé les préceptes de Sid A'ii; ils 
« habitaient H'aroura, petite ville dépendante de K'oufa, dont 
« elle n'est éloignée que de deux milles. 

« Les khouaredj n'ont changé que quelques préceptes; ils 
»« ont qualifié d'impiété tout péché. 

« Les Béni Mzab en général et quelques habitants de Djerba 
« (royaume de Tunis) appartiennent à cette secte. 

u Ils sont désignés khouaredj, parce qu'ils sortent du Medheb 
« H'all Senna, du chemin des gens qui suivent les préceptes du 



64 D'ALGER A OUARGLA. 

« prophète , c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent à asacune des 
« quatre sectes autorisées : 

« El Maleki. 
« El H'anafi. 
« El Chefa'ï. 
« El H'anbeli. 

« Les Béni Mzab s'appellent ainsi piurce que la terre qu'ils 
« habitent s'appelle Mzab, ou peut-être mieux encore parce 
« qu'ils ont sur cette terre une rivière qui porte ce nom. 

M 11 ne faut pas croire cependant que tous ceux qui habitent 
« la terre des Mzab ou de Djerba soient khouaredj ; car on 
« trouve chez eux des gens qui suivent les préceptes de notre 
«t seigneur Moh'ammcd ; ceci a été démontré et prouvé par les 
«t paroles du cheikh el Djouhari, qui a dit : 

u Les Imam des gens de Djerba connus pour khouaredj ne 
u sont point valables , et leur témoignage ne peut être accepté 
« en justice. Ne faites point d'alliance avec eux; il y a même des 
« gens très-respectables qui m'ont assuré qu'un homme de 
M Djerba, reconnu khouaredj, étant mort dans le Soudan, sa 
tt tête s'était changée en tête d'âne. 

A Ils ne sont point de la secte de Malek, quoiqu'ils prétendent 
» en être, en s'appuyant sur ce qu'ils habitent les pays de l'oUest ; 
" mais dans le cœur, ils ne suivent ni la secte de Malek ni les 
« autres ; ceci est prouvé par leurs actes. » 

Il résulte de l'opinion de Sidi Khelil que ce qui carac- 
térise les khouaredj , c'est qu'ils appellent infidèles, et 
repoussent comme ayant fait scission avec la loi , tous 
ceux qui commettentdespéchés, tandisque lescroyants, 
plus indulgents pour les pécheurs , admettent que les 
révoltés contre Dieu peuvent rentrer dans sa grâce; 



CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB. 56 

qu^ilg diffèrent des autres sectes dans la pratique du 
culte; qu'en un mot^ ils n'admettent point laSenna^ 
mais seulement le Ferd y ou cette partie du Koran re- 
gardée comme de révélation divine , comme donnée 
par Dieu. 

C'est sans doute pour la raison que les Béni Mzab 
foiment une cinquième secte , qu'ils sont ironiquement 
désignés parles Arabes sous le nom de Kliamsïa^ qui 
veut dire les cinquièmes. Cette qualification a pris le 
caractère d'une injure tellement grave que, chez eux , 
Us puniraient de mort tout individu qui les appellerait 
Khamsïa. 

Quoi qu'il en soit , les Béni Mzab sont beaucoup plus 
sévèrement religieux que les Arabes ; ils ont pour la 
prière des vêtements particuliers que ne souillent point 
les pratiques de la vie habituelle; ils jeûnent , prient et 
font leurs ablutions exactement. 

Leur pureté de mœurs est poussée jusqu'au rigo- 
risme : ce sont les puritains du déseit. Ils peuvent, il est 
vrai, épouser quatre femmes, mais, contrairement aux 
habitudes du Sahara, ils les cachent soigneusement aux 
yeux de tous. Un fils ne peut voir que sa mère, un frère 
ne peut voir sa belle-sœur ; sortent-elles, elles se voilent 
entièrement, et de manière à ne laisser paraître qu'un 
œil* L'adultère est lapidée; son complice paie une 
amende très*forte , reçoit cinq cents coups de bâton, et 
est banni du pays. 

Religieux observateurs de la foi donnée, ennemis 



66 D'ALGER A OUARGLA. 

jurés du mensonge , ils mourraient de faim auprès du 
dépôt qui leur est confié; un Béni Mzab vous a dit : 
« Dieu soit avec vous ! » Dormez tranquille, il veille. 

Généralement très-sobres, ils ne mangent que des 
mets préparés chez eux et par eux ; ils ne prisent ni ne 
fument, c'est un péché. Ils ont Fivresse en telle horreur 
que, si quelque juif vient à s'enivrer, des perquisitions 
sont faites dans sa maison ou même chez tous ses core- 
ligionnaires ; les jarres de vin et d'eau-de-vie de figues 
(ma'ia) sont brisées sur la place publique. 

Si une juive se livre à la prostitution, elle est honteu- 
sement bannie. 

Il est assez remarquable que les Béni Mzab , une fois 
sortis de chez eux , oublient si complètement lem* édu 
cation nationale, qu'il serait fort difficile d'en retrouver 
les traces chez nos Mzabit d'Alger et des villes du litto- 
ral. Ceiix-ci sont ivrognes et débauchés à l'excès ; aussi 
sont - ils complètement désavoués par leurs compa- 
triotes. Quand iils sortent de leur pays, ils sortent de leur 
religion ; ils sont oubliés comme des morts ; leurs fenunes 
peuvent se remarier; et pour rentrer chez eux, ils sont 
forcés de faire amende honorable , de subir une expia- 
tion : ils se coupent soigneusement les ongles des mains 
et des pieds; ils se purifient dans de la graisse chaude ; 
ils se lavent de la tète aux pieds; ensuite, les mains 
croisées sur la poitrine, ils se rendent auprès du cheïkh 
Baba et l'abordent en lui disant : 

Jna men Allah ou men eil Taïebin (Je suis des gens 



CIRCONSCRIPTION DES BENI MZAB. 67 

de Dieu et des gens qui s^amendent). Le cheikh Baba lit 
sur eux le fath'a, leur donne le pardon et ils rentrent 
seulement alors dans la vie commune. 

Comme au milieu de tous les grands centres de po- 
pulations du désert^ quelques juifs se sont glissés dans 
le pays des Béni Mzab, et là^ plus qu^ ailleurs , ils trou- 
vent une tolérante hospitalité ; à la seule condition , mais 
à la condition rigoureuse, de se conformer aux lois du 
pays et de respecter les habitudes de leurs hôtes , ils 
jouissent d'une liberté d'action complète. Ils ont leur 
synagogue, leurs rabbins, leurs écoles; il leur est per- 
mis de s'habiller à peu près comme les Béni Mzab, mais 
pour signe distinctif, ils ne portent point le h'aïk et sont 
forcés de se rouler un mouchoir noir autour de la tête. 
Ils ne peuvent pas non plus monter à cheval ; comme 
partout ils sont marchands^ cardeurs de laine, teintu- 
riers et orfèvres. 

Cette tolérance est d'autant plus inexplicable qu'elle 
ne s'étend point aux Arabes. L'intérêt seul est le lien 
qui semble unir les tribus de la tente et les Béni Mzab, 
et si dans le désert un Béni Mzab est respecté, c'est que 
s'il était insulté, les marchés de la ville seraient fermés 
à la tribu d'où partirait l'msulte. L'an dernier les chefs 
de Gardaïa ont expulsé quarante familles arabes de leur 
ville, en leur signifiant que, pour y acquérir le droit de 
bourgeoisie, elles devaient se faire Béni Mzab ; et s'il 
arrive, ainsi que cela s'est vu quelquefois, qu'un Arabe 
consente à cette abjuration , il est obligé de faire une 



58 D* ALGER A OUARGLA. 

profession de foi nouvelle entre les midns du cheikh 
Baba : encore n^ est-il jamais considéré comme pur Mza* 
bit ; sa postérité ne jouira même de ce privilège qu'à la 
quarantième génération. 

Voici bien des traits caractéristic[ues d'une organisa- 
tion gouvernementale et religieuse, curieuse à étudier. 
Malheureusement il nous manque, pour en tirer des 
conséquences , des documents précis sur l'origine de 
ce peuple singulier. 

Le pays des Béni Mzab s'étend depuis El Guerara à 
l'est, jusqu'à Metlili à l'ouest, et depuis le Chebka Mta' 
Béni Mzab, jusqu'à une ligne indéterminée à moitié 
chemin d'Ouargla à Gardala. Il est, dans sa partie nord, 
tourmenté de ravins et de montagnes rocheuses et très- 
escarpées, où se trouvent, dit-on, des mines de cuivre 
et d'or. 

Les villes principales de la confédération des Béni 
Mzab, sont : 

Gardaïa. 
Mellika. 
Bou Noura. 
Béni Isguen. 
El A'tef. 
Berrïan. 
El Guerara. 



GAftDAIA. 50 



GARDAIA. 



Gardaïa, sur la rive droite de TOued Mzab, est situëe 
par 0"* 20 longitude ouest, et 33** 25 latitude nord envi- 
ron; c'est une ville presque aussi grande qu^ Alger. Sa 
muraille d^ enceinte est crénelée et défendue de distance 
en distance par neuf tours également à créneaux et qui 
peuvent contenir de trois à quatre cents combattants. 

Elle est entourée de petits pics appelés kaf. Une 
chaîne de montagnes rocheuses, nommée Djebel Ma- 
zedj, lui fait face à douze lieues au nord, court vers 
l'ouest par une succession de mamelons de moins en 
moins élevés, jusqu'à huit jours de marche au delà de 
Timimoun, et va mourir dans les sables. 

Gardaïa a dix portes, dont les principales sont : 

Bab el Brabechia. 
Bab Salem ou Â'ïça. 
Bab Errehi. 
Bab el Djedid. 
Bab Ouled Naïl. 
Bab el Mer'rara. 
Bab el Kharadja. 
Bab el H'Stouch. 

Les maisons de Gardaïa sont bien construites et blan- 
chies à la chaux. On y remarque six mosquées dont l'une 
est immense. Les cimetières sont en dehors des mu- 
railles. D'immenses vergers , arrosés par des puits dont 
quelques-uns ont de cent à cent cinquante brasses de 



60 D'ALGER A OUARGLA. 

profondeur, entourent la ville. On y cultive la vigne, les 
figuiers de Barbarie, les pêchers, les abricotiers, les 
pommiers, des lëgumes de toute espèce. 11 est remar- 
quable qu'on n'y trouve ni oranges ni citrons, mais 
seulement des limons. 

Le terrain des environs est montueux et raviné. Les 
montagnes principales sont : 

Bou Ziza. 

Bou H'amid. 

Bin Djebelin. \ ,, . j i 

^ , •* , , } Montagnes de roches. 

Baba Sa*d. ^ ^ 

Baba ou El Djema'. 

Sidi A'ïça. 

La rareté des pluies y rend presque nulle la culture 
des céréales ; mais il suffit qu'il pleuve une année en 
temps opportun et en abondance, pour que la terre en 
produise, pendant deux ou trois ans de suite, en quan- 
tité suffisante à tous les besoins. 

Les approvisionnements ordinaires d'orge et de blé 
se font dans le Tell. 

Gardaïa est administrée par une assemblée nationale, 
composée de douze membres , présidée par un chef 
suprême. Il ne peut rien décider toutefois , sans avoir 
pris l'avis du chef de la religion, qui s'appelle cheikh 
Baba et dont la parole a force de loi , non-seulement 
à Gardaïa, mais dans toutes les autres villes du district. 

Ce gouvernement est donc à proprement parler 
théocratique. 



GARDAIA. 61 

Les juifs ont , à Gardaïa , un quartier à part , appelé 

Âzkak ei llioud; ils y vivent aux conditions dont 

nous avons déjà parlé. Le chef de leur religion prend 

le titre de cheïkh. Us ont une synagogue. 

Les objets de fabrication indigène sont peu impor- 
tants. Les femmes tissent des étoffes de laine : gan- 
doura, bemous, h'aïk, etc. Les juifs y sont orfèvres, 
armuriers, mais seulement capables de réparer les 
armes , serruriers , etc. 

11 s^y fabrique aussi de la poudre, mais en petite 
quantité. 

La ville est donc oWigée de vivre du commerce 
qu'elle fait avec l'extérieur et dont les objets principaux 
sont: 

Huile, qui vient de Bou Sa'da. 

Blé et orge, du Tell. 

Fèves, qu'ils récoltent. 

Beurre , qui vient des Arabes. 

Alun et henna , apportés de Touest. 

Nègres. 

Kermès. 

Peaux tannées , nommées filali , qui viennent de 

Touest. 
Chaussures. 
Épiceries. 
Poteries. 

Cotonnades, qui autrefois étaient tirées de Tunis, 
et qui sont maintenant tirées d'Alger. 

Les Arabes qui déposent leurs grains à Gardaïa sont : 
Les Ouled la'k'oub. 



6t D'ALGER A OUARGLA. 

Les Sa'ïd A'teba. 
Les Mekbadma. 

Tout auprès de Gardaïa sont les ruines d^une ville 
immense que les indigènes appellent Baba Sa^d. Elle 
était située sur une montagne. Ce n^est plus qu'un 
péle-méle de pierres de taille bouleversées ; cependant 
on y remarque encore des bassins et des damiers ^ nous 
disait le Mzabitque nous avons interrogé. De nouvelles 
questions nous ont amenés à découvrir que ces damiers 
étaient des mosaïques. Cest là sans doute encore le 
vestige d'une de ces villes romaines que le temps a 
oubliées dans le désert. 



MELUKA. 

Mellika, ville de deux à trois cents maisons, sur la 
rive gauche de F Oued Mzab, au sud de Gardaïa, est bâtie 
sur une montagne appelée Sidi A'ïça ou El A'rgoub. 
Elle est entourée d'une muraille défendue par deux 
tours. Elle a trois portes : 

Bab el A'rgoub. 
Bab el A'trach. 
Bab el H'amidoUé 

Les tribus qui y déposent leurs grains sont des frac- 
tions des Ai'ba' et des Chamba. 



BENI ISGUEN. «3 

Elle s'administre par nue djenia' sous les ordres de 
celle de Gardaïa. 

Mellika est la ville sainte des Béni Mzab; le mara- 
bout' le plus vénéré du pays , Sidi A'ïça, y est enterré, 
et son tombeau attire une foule de pèlerins. 

Elle a trois mosquées | dont une assez vaste. On p'y 
trouve point de juifs. 



BOU NOURA. 

Bou Noura est à 400 mètres plus au sud ; c'est la 
plus petite ville des Béni Mzab ; elle a pourtant son 
enceinte surmontée de quatre tours. Ses trois portes se 
nonunent : 

Bàb el Sour. 
Bab Béni Isguen. 
Bab Mellika. 

Elle est gouvernée par une djema' sous les ordres de 
celle de Gardaïa. Peu de tribus y déposent leurs grains. 
Ses habitants cultivent, sous ses murs, quelques jar- 
dins peu fertiles. 



BENI ISGUEN. 

Béni Isguen est à 600 mètres au sud de Bou Noura, 
sur la rive droite de TOued Mzab. Cest une ville un peu 
moins grande que Gardaïa, mais plus solidement bâtie« 



64 D'ALGER A OUARGLA. 

Elle est entourée d'un rempart surmonté de cinq tours. 
Ses portes se nomment : 

Bab Entissa. 
Bab el R'arbi. 
Bab el K'obli. 

Les Mekhadma y déposent leurs grains. 



EL A'TEF. 

El A'tef est^ au sud, à 600 mètres de Béni Isguen; 
c'est une ville de cinq ou six cents maisons, entourée 
d'une enceinte garnie de tours. 

Elle a trois mosquées et deux portes. 

Les Mekhadma et les Béni A'ilal y déposent leurs 
grains. 



BERRIAN. 

Berrïan est à neuf lieues est de Gardaïa ; c'est un 
village de deux cent cinquante à trois cents maisons , 
entouré d'une enceinte crénelée. Ses jardins sont arro- 
sés par des puits. 11 y a des écoles et des mosquées. 

Les Mekhalif et les Ouled lahïa y déposent leurs 
grains. 



GUERARA. 65 



GUERARA. 



Guerara est à Test de Gardaîa , et à deux jours de 
marche sur FOued Ser'rin , qui vient du Chebka Mta^k 
el AVouat'. C'est une \ille un peu moins grande que 
Gai*daïa ; elle est entourée d'une enceinte très-élevée, 
et percée de trois portes , qui sont : 

Bab el R'arbi. 
Bab el Cherki. 
Bab el Oued. 

Entre Gardaîa et Guerara le terrain est pierreux; 
cependant on trouve auprès de FOued en-Nça des 
cèdres et des bethom ( térébinthes ). 

Les jardins de Guerara sont remarquables par leur 
étendue et leur fertilité ; des puits assez nombreux per- 
mettent de les arroser fréquenunent. 

Cette ville était autrefois sous la dépendance de 
Gardaîa ; mais, depuis longtemps déjà, elle se gouverne 
elle-même par une djema'. 

On y a constaté la présence de quatre Européens : 
trois Espagnols et un Français qui se dit officier, et qui 
s'appelle El H'adj loucef. 

Les tribus qui déposent leurs grains à Guerara sont : 

Les Mekhalif. 

Les A't'atcha. 

Ouled A'mer. ) , . , . 

^ , j ^ . > Fractions des Arba . 

Ouled Ounais. ) 

5 



M D'ALGER A OUARGLA. 

El AVazUa. 

Ouled Seiab'. 

H'all raïbat. 

Ouled Sidi Bd K'assem. 

La confédération des Béni Mzab est un centre où 
viennent afHuer toutes les tribus du désert; selon ses 
besoins, chacune y vient acheter ou vendre. 

Celles qui fréquentent le plus habituellement les 
marchés des Béni Mzab sont : 

El Keraîch. 

Ouled Lek'red. 

Ouled Cherif. 

H'alouïa. 

Flitla. 

El H'arar. 

El H'adjalat. 

El A'mour. 

Ouled Sidi Cheikh. 

ElAVouftfK'sal. 

Ouled Zïad. 

Ouled Naïl. 

H'all Bou Sa'da. 

Ouled Sidi Zian. 

Ouled Sassi. 

Ouled H'arkat. 

Ouled Armera. 

Embarka ou A'bid Allah'. 

El A'r'azlïa. 

El Arba\ 

Ouled Iak'oub. 



GUERABA. 67 

Said. 

El Mekhadma. 

Cbambet Bou Rouba. 

El Medabeh'. 

El Mekhalif. 

Ouled lah'ïa'. 

Ouled Seïah' 

Said Ouled A'mei'. 

Ouled Moulât. 

Selmïa. 

Ouled Sidi Bel K'assem. 

A'rba'ïa. 

H'all N'efta. 

H'all Ouargla. 

H'all el Oued. 

H'all es-Souf. 

H'all Tougourt. 

H'all Temacin. 

H'all Gourara. 

H'all Kela'. 

Touareg, 

El AYouat'. 

A"m Mad'i. 

Tadjemout. 

K'sir el H'aïran. 

Ouled Mokhtar ben A'ouda. 

Rah'man. 

El Mefatah'. 

Douaïr. 

Ces tribus apportent aux Béni Mzab ; 

Des laines en quantité. 



68 D'ALGER A OUARCLA. 

Du blé, deVorge. 

Beurre de brebis. 

Moutons. 

Chevaux. 

Anes. 

Quelques bœufs. 

De rbuile. 

Des peaux tannées. 

Nègres. 

Henna. 

Alun. 

Poudre. 

Dents d'éléphant. 

Poudre d'or. 

Plumes d'autruche. 

Glands doux. 

Fèves, pois chiches. 

Chachia. 

Ceintures. 

Chaussures. 

Indiennes. 

Cotonnades. 

Soies. 

Du drap en quantité. 

Épiceries. 

Mercure. 

Armes. 

VeiTotcrie. 

Coutellerie. 

Un peu de sucre. 

Un peu de kermès pour teinture. 

Garance. 

Dattes. 



GUERARA. 69 

Acier. 

Fer. 

Tapis. 

Des gazelles, des lièvres, du gibier vivant. 

Des autruches vivantes , etc. 

11 y a peu de temps encore que la plupart de ces 
marchandises étaient appoitées de Tunis. Elles com- 
mencent à venir d'Alger ; et il est probable que plus nos 
rapports deviendront directs avec la première zone du 
désert , nos routes étant d'ailleurs plus sures que celles 
de Tunis j plus nous accaparerons tout le commerce des 
Béni Mzab. 

Les germes d'irritation qu'A'bd el K'ader a laissés 
dans le désert, et particulièrement chez les Béni Mzab , 
les ont à jamais éloignés de lui , et disposés peut'^ti'e 
à établir avec nous des relations sur lesquelles ils pour- 
raient compter un jour, en cas d'une nouvelle incur- 
sion de l'émir dans le sud. Quand A'bd el K'ader fai- 
sait le siège d'A'ïn Mad'i, il écrivit aux Béni Mzab, pour 
leur ordonner de reconnaître son gouvernement , et de 
se soumettre à lui ; cai*, ajoutait-il. Dieu m'a donné la 
victoire , il m'a choisi ; tous les musulmans doivent me 
reconnaître. Il terminait en menaçant, s'ils ne se sou- 
mettaient pas , de faire couper la tète à tout Mzabit qui 
tomberait entre ses mains. 

Les Béni Mzab lui répondirent : 

« Nous ne sortirons pas du chemin qu'ont suivi nos 
« ancêtres; nos voyageurs, nos commerçants te paie- 



70 D'ALGER A OUARGLA. 

« ront, dans les pays qu ils traverseront, les droits ou 
(( tributs qu'ils payaient aux Turcs , mais nous ne te li- 
« vrerons jamais nos villes^ et le jour où tu viendras 
(( avec tes canons et tes bataillons , nous abattrons les 
(( remparts de nos villes , nous te le jurons, pour que 
« rien ne sépare les poitrines de nos jeunes gens des 
« poitrines de tes soldats ; tu nous menaces de nous 
(c priver des grains du Tell, mais nous avons pour 
« vingt ans de provisions de poudre et de dattes , et 
« nous récoltons ce qu'il nous faut à peu près de blé 
« pour vivre. Tu nous menaces de faire mettre à mort 
« tous les Béni Mzab qui habitent tes villes ; tue-les si 
« tu veux, que nous importe ! Ceux qui ont quitté notre 
« pays ne sont plus de nous ; fais plus , écorche-les ; et 
« si tu manques de sel pour conserver leurs peaux, nous 
« t'en enverrons en quantité. 

«' Tout ce que tu as dans les mains, apporte-le. » 

A'bd el K'ader fut violemment irrité de cette réponse 
noblement orgueilleuse , mais il dissimula son ressenti- 
ment jusqu'à son retour à Tak'dim. Une fois dans le 
centre de son gouvernement, il donna l'ordre d'incarcé- 
rer immédiatement tous les Béni Mzab qui se trouvaient 
à Médéa, Miliana, Taza,Bor'ar, Maskara, Tak'dim, etc. 
Les motifs qu'il donnait de cette mesure arbitraire 
étaient que les Béni Mzab avaient envoyé des se- 
cours àTedjini, pendant le siège d'A'in Mad'i; qu'ils 
avaient des intelligences suivies avec les chrétiens 



D'AliGliR A OUARGLA. 71 

d'Alger et d'Oran, enfin, qu'ils n'étaient que des mu- 
sulmans schismatiques. 

Il n'osa pourtant pas pousser plus loin une vengeance 
dont le véritable motif, si bien déguisé qu'il fût , n'était 
point inconnu , et il se vit contraint par l'opinion pu- 
blique , de rendre la liberté à ses prisonniers ; ce qu'il 
ne fit toutefois qu'après les avoir frappés d'une amende 
qui les réduisit tous à la mendicité. 



SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A OUARGLA. 



lt«MM< 



21« jour on traverse Béni Isguen et El AHef en laissant 
rOued Mzab sur la gauche , et Ton arrive à 
un puits nommé El Noumerat; c'est le seul 
endroit sur la route où l'on trouve de Teau ; 
on a fait treize lieues dans les sables 13 

22" . . . à A'reg Mta* Gourfan , petit mamelon de sables. 13 

23* ... à Khou el A' trous (le Frère du Bouc) , mamelons 

de sables 13 

24* . . . pendant onze lieues on marche encore dans le 
désert, et Ton arrive au pied des montagnes 
qui cachent Ouargla, et que Ton appelle 
Cha'bet el Meh'al, Sur le versant nord se trou- 
vent les ruines d'un village abandonné, nommé 
Bamendil. Leur versant sud est planté de dat- 
tiers , Ouargla est à deux lieues en avant ; cette 

journée est donc de treize lieues 13 

Total 52 



72 D'ALGER A OUARGLA. 

BiCAPITVLATIOir DE Là ROUTE d'aLGEB A ODABGLA. 

Ueues. 

d'Alger à El AVouatf 107 

de El AVouat' à Gardaïa 40 

de Gardaïa à Ouargla 52 

Total général 199 



OUARGLA. 

Du sommet aride et nu de Chabetel Meh'al, le voya- 
geur a sous les pieds une forêt de dattiers , échelonnée 
sur le versant sud de la montagne, et qui, gagnant la 
plaine, s^étend jusqu^à une lieue plus loin dans un sol 
marécageux. 

A mesure qu'on s'avance , la physionomie devient 
différente : les dattiers sont moins pressés , des arbres 
fruitiers de toute espèce leur disputent le terrain , et 
des carrés de culture annoncent Facûon de la main 
de Fhomme. 

Dans le centre à peu près de cette forêt devenue jar- 
din, une muraille crénelée, couronnée de quarante 
forts à, deux étages , en terrasses , crénelés eux-mêmes , 
enceint un immense périmètre, coupé de jardins inté- 
rieurs, semé de cinq ou six cents maisons blanchies au 
plâtre, que dominent trois mosquées et une k'asbaW; 
c'est Ouargla, 

Ouargla est située par 31 ® de latitude nord et 0", 25' 



OUARGLA. 73 

longitude ouest , à cent quatre-vingt-dix-neuf lieues 
d'Alger, et à cinquante-deux du pays des Béni Mzab. 
Comme Tougourt , elle est protégée par un fossé paral- 
lèle à sa muraille d'enceinte, et que l'on peut à volonté 
remplir d'eau. 
Elle a six portes : 

Bab el Rebïa. 
Bab Baba Ah'mcd. 
Bab Rebah'. 
Bab Bou Isaak'. 
Bab A'mar. 
Bab A'zi. 

Chacune d'elles s'ouvre en face d'un pont en maçon- 
nerie jeté sur le fossé. 

Au milieu des jardins extérieurs de la ville , vient 
mourir l'Oued el Mïa (la rivière des Cent) , que l'on ap- 
pelle ainsi parce qu'elle reçoit, dit-on, cent rivières sur 
sa route. Elle vient de Djebel Baten , à quatre jours de 
marche N.-E. duTidikelt. 

Malgré ces nombreux affluents l'Oued el Mia n'a d'eau 
qu'eu hiver; son lit est très-large, et c'est pour cette 
raison sans doute qu'elle est à sec pendant tout l'été ; 
il suffit cependant d'y creuser à une très-petite profon- 
deur pour y trouver de l'eau. 

Ouargla , ainsi posée sur un sol marécageux , est vive- 
ment affectée de fièvres pendant les mois de mai et 
d'octobre; quand les pluies cessent et quand elles com- 
mencent. Ces fièvres ne sont toutefois dangereuses 



74 D ALGER A OUARGLA 

que pour les étrangers; là, oomme sur beaucoup d^au« 

très points, elles sont rarement mortelles pour les 

indigènes. 

Ouargla ne possède pas de sources; elle est fournie 
d^eaux par des conduits qui les prennent dans les jardins 
extérieurs, et vont, en passant sur les ponts , alimenter 
des bassins publics. 

La ville est divisée en trois quartiers appelés du nom 
des habitants. 

Béni Siçin. 
Béni Ouakeïr. 
Béni Brahim. 

Chaque quartier a sa mosquée, ses écoles (medeasa) 
où des 'lolba enseignent aux enfants la lecture , l'écri- 
ture et la religion. Les maisons sont généralement assez 
mal construites en briques crues et en pierre ; il semble 
au reste que ce soit là le moindre souci des habitants , 
car le minaret de Tune des trois mosquées , celle des 
Béni Brahim , est à peu près en ruine , et la k^asbah', qui 
autrefois avait ses jardins, ses écuries, ses prisons, ses 
bassins , sa mosquée , est elle-même dans un tel état de 
délabrement qu'il y reste à peine un logement pour le 
sultan. 

Bien que les habitants des trois quartiers d' Ouargla 
semblent former trois familles très-distinctes, tous 
obéissent ordinairement à un chef suprême , qui prend 
le nom de sultan , et qui est élu par la djema\ 

Nous avons déjà parlé souvent de la djema' , ou as* 



OUARGLA. 75 

semblée des notables ; nous la retrouverons dans presque 
toutes les villes du désert ^ mais toujours plus ou moins 
soumise à un maître absolu et même héréditaire. A 
Ouai^la au contraire , c'est la djema^ qui est le véri- 
table pouvoir exécutif; elle se composç de douze mem- 
bres dont chaque quartier fournit un tiers , et si elle se 
nomme un chef, elle peut aussi prononcer sa dé- 
chéance; au reste, elle s'en passe assez volontiers, et 
c'est le cas présent ; elle gouverne alors elle-même le 
pays. 

Ouargla se prétend la ville la plus ancienne du désert ; 
si Ton en croit la tradition, voici en quelle circon- 
stance fut él^ son premier sultan. Jusque-là elle s'était 
administrée tant bien que mal et sans forme précise 
de gouvernement ; mais le désordre et la rivalité des 
grands l'ayant jetée dans l'anarchie, les paitis s'égor- 
geaient , et l'on convint enfin de se donner un chef. Le 
prendre dans la ville c'eût été blesser trop de suscep- 
tibilités, soulever trop de haines, ne rien consolider 
pour l'avenir ; il fut convenu qu'on demanderait à 
l'empereur de Maroc d'envoyer un chérif , un descen- 
dant du prophète , devant lequel toutes les ambitions se 
tamdent, et qui serait nommé sultan. Contre toute at- 
tente, l'empereur refusa ; c'était une raison de plus pour 
insister, et les gens d'Ouargla firent offrir à Sa Majesté 
le poids en poudre d'or du prince qu'elle voudrait bien 
leur donner ; le marché fut conclu. 

Le sultan y accu^i par tous, fut logé dans la k'as- 



76 D'ALGER A OUARGLA. 

baW, et « pour qu'il ne vécût pas du bien des pauvres^ 
(f et ne fut pas forcé de piller pour vivre , on lui donna 
(c autant de jardins qu'il y a de jours dans Tannée. » 

Ce premier sultan et ses enfants furent bons princes ; 
mais^ plus tard, ^ famille s' étant considérablement ac- 
crue ^ les ambitions rivales ramenèrent Fanarchie; peu 
à peu d'ailleurs les sultans avaient aliéné et vendu les 
jardins que Ton avait donnés à leurs ancêtres. Devenus 
pauvres, ils furent déposés, et la ville, ou plutôt la 
djema' s'en nomma de nouveaux. 

La race des Cherfa, autrefois princes d'Ouai^la, 
existe encore ; l'an dernier même , un de ses membres 
fut élu sultan ; mais il oublia bientôt la sévère leçon 
qui avait été jadis donnée à sa famille : « Il mangeait 
« impudemment le bien des pauvres, et se laissait aller 
« à toute sorte d'excès ; » aussi fut-il déposé après quatre 
mois seulement de règne. 

La déposition d'un sultan se fait avec tous les égards 
dus à la dignité déchue, sans formes brutales, et conune 
par une convention tacite sanctionnée par l'usage; à 
l'heure où la musique du sultan joue, c'est-à-dire aux 
heures des prières , un des membres de la djema' fait 
signe aux musiciens de se taire. Il n'en faut pas davan^ 
tage, le sultan a compris, il n'est plus que simple par- 
ticulier , et il rentre dans la vie commune. 

Le sultan d'Ouargla n'a plus, comme autrefois, un 
domaine particulier; chaque quartier de la ville défraie 
tour à tour sa maison ; de plus , il lui est annuellement 



OUARGLA. 77 

alloué 1 80 saâ de dattes ( le saâ est une mesure variable 
de quarante à cinquante livres ). Au moment de la récolte 
on prélève encore , à son profit j une charge de cha- 
meau sur le produit de cent dattiers ; cet impôt lui con- 
stitue un revenu considérable, car le district d^Ouargla 
ne contient pas moins de soixante mille dattiers , dont 
le nombre est rigoureusement enregistré. 

Les amendes qu^il impose pour les vols et les délits 
de toute sorte lui sont également attribuées. 

Il n^a aucun droit sur TA^chour proprement dit; 
r A'chour qui n'est autre chose que la dîme , est perçu 
par la djema' et sert à nourrir les pauvres et les pèlerins 
malheiu*eux, qui de Fouest gagnent la Mecque par le 
désert. ^ 

La justice est confiée aux soins du k'ad'i de la cité ; 
le k'ad'i actuel se nomme Si Moh'ammed Oulid Sidi 
A't'aUah'. 

Voici quelques fragments des lois pénales que ce 
magistrat est chargé d'appliquer : 

Les voleurs sont exposés à un poteau sur une place 
publique et frappés d'une amende. Les meurtres peu- 
vent être rachetés à prix d'argent. La femme adultère 
qui, d'après la loi musulmane, doit être battue de 
lanières et lapidée, est beaucoup moins sévèrement 
punie à Ouai^gla , où , comme dans tous les grands cen- 
tres de commerce , les mœurs sont fort relâchées : elle 
est simplement répudiée ou châtiée par son maiî. 

Les habitants d'Ouargla sont d'une couleur fortement 



78 D ALGER A OUARGLA. 

altérée par leurs alliances habituelles avec leurs escla- 
ves négresses ; et^ bien que la couleur brune n^influe en 
rien sur les droits d^héritage et de nationalité, eUe 
semble cependant entacher Findividu d^une espèce de 
réprobation morale; ainsi, les blancs purs prennent 
avec orgueil le titre de el h'arar (gens de race), et 
désignent les sangs mêlés par ce terme de mépris, el 
khelatia (les abandonnés). Presque tous les chefs de la 
djema' sont blancs , et les femmes blanches sont parti- 
culièrement recherchées en mariage j d'où Ton pour- 
i*ait conclure que Taristocratie du pays évite le mélange 
de sa race avec les races inférieures ; elle a d'ailleurs en 
elle un sentiment de dignité qui se traduit par ce trait 
caractéristique : les femmes nobles se voilent le visage , 
les autres vont la figure découverte. 

Les mœurs de la population entière sont, du reste, 
fort dissolues : non-seulement nous retrouvons près des 
murs de la ville et sous la tente ces espèces de lupanars 
qui se recrutent des belles filles du désert; mais, ce dont 
nous douterions sans les témoignages nombreux qui 
nous Font affirmé, c'est que, dans la ville même, on 
trouve des mignons qui font ouvertement métier et 
marchandise de leui's débauches. Ce sont de très-jeunes 
gens, qui vivent à la manière des femmes, se teignent 
comme elles les cheveux , les ongles , les sourcils et les 
lèvres ; ils sont , il est vrai , généralement méprisés et 
relégués dans la classe des filles publiques , mais ils vi- 
vent, ce qui prouve que leurs compatriotes, malgré 



OUARGLA. t# 

leurs dëdaîns affectes, sont en secret plus qu^indul- 
gents. 

A certaines époques de Tannée , Ouai*gla a d^ ailleurs 
ses saturnales 9 son carnaval avec ses débauches , ses 
mascarades et son laisser aller nocturne. 

Aux fêtes d' Aid-el-Kebir, d'El A'choura et d'El Mou- 
loud, on habille tant bien que mal des jeunes gens en 
costumes européens d^homme et de femme, car nos 
habits étriqués sont un sujet intarissable de plaisante- 
ries; on figure des lions en fureur; des enfants enfari- 
nés sont déguisés en chats; on affuble de haillons et 
d^ oripeaux bizarres un individu qui représente le diable ; 
et cette mascarade , escortée de la jeunesse montée sur 
des chameaux , et pressée par la foule des curieux ac- 
courus de tous les environs , court pendant sept nuits 
les rues et les marchés de la ville. 

Ce jeu singulier s'exécute de temps immémorial; sa 
tradition , comme celle de notre carnaval , ne remonte 
pas jusqu'à son origine. 

La langue des gens d'Ouargla n est point l'arabe, elle 
semble tenir du mzabla et du zenatïa; cependant tous 
les chefs de la ville et les tfolba parlent arabe. 

Ouargla a sous sa dépendance quelques villages dont 
les plus importants sont : 



80 D'ALGER A OUARGLA. 



EL ROUISSAT. 



A une lieue et demie ouest; c'est un groupe de qua- 
rante maisons , bâties dans une forêt de dattiers et sur 
un sol tellement fertile, qu'on ne prend aucun soin 
d'irrigation. L'hiver, les environs de Rouissat sont ma- 
I récageux, et l'été, bien qu'il n'y ait pas de sources 

jaillissantes , des puits très-peu profonds, de cinq ou six 
pieds au plus , doiment de l'eau en abondance. 

Entre Rouissat et Ouargla , on voit des carrières de 
plâtre.. 



EL H'EDJADJA ei A'IN A'MER. 

A une lieue et demie ou deux lieues au sud, on trouve, 
en face l'un de l'autre et très-rapprochés , les deux vil- 
lages d'El H^edjadja et d' Aïn-A'mer : le premier de cin- 
quante ou soixante maisons, l'autre de cent à peu près. 
Toujours des dattiers et des jardins, arrosés par de 
nombreuses sources jaillissantes. 

A moitié chemin entre Ouargla et ces villages , on 
rencontre un lac salé appelé Sebkha et Malah', qui fourr 
nit du sel en si grande quantité qu'on peut en enlever, 
à certaine saison, quatre ou cinq cents charges de cha- 
meau, sans qu'il y paraisse ; c'est du moins ce que nous 
disait l'Arabe à qui nous devons ces renseignements. 



SIDl KHOnLEO. 81 



SIDI KHOUILED. 



A cinq ou six lieues au sud-est est situé le village de 
Sidi Khouiled, habité par une famille de maraboutf et , 
pour cette raison^ exempt d'impôt. Bien que situé au 
milieu des sables, Sidi Khouïled est entouré de dattiers 
et de jardins bien cultivés, car on trouve beaucoup 
d'eau à quelques pieds sous terre. 

Dans tous ces villages on ne parle que Farabe. 

A une lieue et demie, sud-ouest, du village de Rouïs- 
sat s'élève une montagne en forme de piton nommée 
Djebel Kiima ; au sommet on trouve un puits très-pro- 
fond, et les ruines d'un village que la difficulté de la 
position aura sans doute fait abandonner. On appelait 
ce village Krima. 

A une lieue plein nord de Krima s'élève une autre 
montagne nommée Djebel el Ao'bad (montagne des ^ 
adorateurs), et à une lieue est de Djebel el Ao'bad se 
trouvent les débris d'une grande ville abandonnée que 
Ton nomme Cedrata, et qui, selon la tradition, aurait été 
détruite par un chérif du Maroc, appelé K'aïd el Man- 



s'our. 



Sous les flots de sable on distingue encore les restes 
de la muraille d'enceinte et les ruines d'une mosquée. 
Une source très-abondante, et qui se divise en quatre 
petits ruisseaux, coule à quelque distance de ces ruines. 

G 



8t D'ALGER A OUARGLA. 

 deux lieues en avant de H^edjadja, sept mamelons 
de sable se prolongent vers Djebel Krima. On les appelle 
El Bek'erat, les jeunes chamelles ; ce nom consacre un 
miracle : 

Un soir, uil chamelier arrivant du désert, fatigue et 
mourant de soif, s'arrêta à une source connue pour 
boire et faire boire ses sept chamelles ; mais la place 
était prise , un homme y puisait de l'eau pour arroser 
ses palmiers ; « dépêche-toi, méchant corbeau noir, lui 
cria le chamelier. » LUmprudent venait d^insulter un 
marabout'. Le saint leva les yeux au ciel , étendit les 
mains, et les sept chamelles se couchèrent pour ne plus 
se relever, elles n'étaient plus que du sable. 

Les trois grandes tribus des : 

Mekhadema , 
Chambet Bou Rouba , 
Sa'ïd. 

campent dans le territoire d'Ouargla, et quelquefois sous 
les murs de la ville où elles déposent leurs grains* 
Chacune d'elles se compose de plusieurs h'actions : 

Beiii H'assan. 

Ouled Nçer. 

m, 1 1. j I Béni Khelifa. f 60 chevaux. 

Mekhadma. < ^ . , } — 

BeniTour. ( 500 fusils. 

El A'rimat. 

Ouled Ah'med. 



TRIBUS. 83 

Les Ouled Ah'med qui y exercent le pouvoir sont 

djouad (nobles). 

Le chef principal de toute la tribu se nomme Cheïkh 

Â'bdAUah'BenKhaled. 

Ouled Ismaïl. 
Ouled Bou Beker. 
Chambel ) Doui. f 30 chevaux. 

Boa Rouba. ] Ouled Ferredj. ( De 200 à 300 fusils. 
Ouled Bou Sa'ïd. 
Ouled Zeït. 



100 chevaux. 



Fatnassa ou Rah'ba. 
Béni Mans'our. 
Sa'ïd. { Sebrat. 

El A'marat. \ û^ f^^ls- 

Ouled Fedoul. 

Les Ouled Fedoul sont les djouad en possession du 
pouvoir. Le chef principal de toute la tribu se nomme 
Cheïkh Sa'd. 

Les Sa'ïd déposent leurs grains à Gardaïa, Ouargla, 
Ngousca. Us ont des troupeaux de moutons nombreux 
et beaucoup de chameaux qu'ils louent pour le trans- 
port des objets de commerce entre Ouargla et les Béni 
Mzab. 

Leurs femmes, comme celles des Mekhadma et des 
Chambet Bou Rouba, tissent des vêtements de laine. 

Quoique ces tribus aient peu de chevaux , elles sont 
très-nombreuses, ainsi qu'on en peut juger par le 



84 D'ALGER A OUARGLA. 

nombre de leurs fusils ; et ce sont pour les habitants 
cFOuargla des voisins souvent exigeants et toujours 
inconunodes. I.es honunes de la tente prennent, en 
effet , part à toutes les querelles de la ville , et quand 
un puissant veut se faire élire sultan , il cherche par 
tous les moyens possibles à se les attacher. Plus d'une 
fois ils ont mis le siège devant Ouargla, dévasté les jar- 
dins, coupé les conduits d'eau, et ce n'est jamais qu'en 
payant un impôt que les assiégés ont pu sortir de celte 
position difficile. Toutefois, si les gens d'Ouargla res- 
taient unis, ils n'en ont pas grand' chose à craindre. La 
politique de Machiavel , qui sans doute est dans la na- 
ture, puisque nous la retrouvons si loin, est la meil- 
leure sauvegarde d'Ouargla contre les Arabes. Au 
moindre signe de menace elle divise ses ennemis par 
des présents ou des espérances , et elle achète ainsi la 
paix; aussi n'est-il pas rare de voir les Sa'id et les 
Mekhadma en venir au mains. LesCliambet Bou Rouba, 
trop faibles pour faire un tiers parti , tiennent selon leur 
intérêt pour les uns ou les autres , mais le plus souvent 
pour les Sa' ïd- 

Les tribus qui fréquentent les marchés d'Ouargla, 
sont : 

Tous les Arba'. 
Les Ouled Iak'oub. 
Les Beni-A'llal. 
Les El AYouat' K'sal. 
Tous les Ouled sidi Cheikh. 



COMMERCE. 85 

Les Béni Mzab. 

Les Chamba de Metlili. 

Quelques Touareg y apportent, de loin en loin, des 
dents d'éléphant, de la poudre d'or et des nègres. 

Quelques rares individus de R'edamés y apportent 
un peu de poudre d'or, de Tor fondu en torsades et 
des esclaves. 

Ces tribus s'approvisionnent à Ouargla de tout ce 
qui leur est nécessaire, car c'est là un des entrepôts du 
désert, autrefois alimenté par des provenances que les 
marchands allaient chercher à Tunis en passant par 
Souf et par Tougourt. Le voyage était de vingt jours ; ils 
en rapportaient : 

Des épiceries de toute espèce. 

Des essences. 

Des armes. 

Des indiennes , des cotonnades. 

Des chachïa. 

Des bernons communs. 

Des draps. 

Des habits confectionnés. 

Des turbans. 

Des chaussures d'homme et de femme. 

De la quincaillerie. 

Des bijoux de femme, bracelets, pendants 

d*oreilles. 
Des coquillages pour faire des ornements do 

femme et d'enfant. 






86 D'ALGER A OUARGLA. 

Des pelles, des pioches, des clous, des marteaux, 

des fers de chevaux , etc. 
Des mulets et des ânes, car on n'en élève pas 

dans le pays. 
Beaucoup de poudre qui vient de Gourara , et qui 

ne se vend que deux boudjous les cinq livres 

de quatorze onces. 
Du plomb de Tunis, de Tougourt et des Béni 

Mezab. 

Les petits marchands d^Ouargla garnissent leurs 
boutiques à rarrivée des marchands voyageurs, et 
vendent, toute Tannée, aux Arabes nomades. C'est 
surtout à Fëpoque de la récolte des dattes qu'il y a 
recrudescence de commerce. 

La ville renferme quelques échoppes de foirerons , 
d'armuriers, cordonniers, menuisiers , tailleui*$ , enfin 
d'artisans indispensables à tout centre de population. 
L'orfèvrerie y est faite par des juifs voyageui-s qui y 
viennent passer quelques mois et se sauvent quand 
vient la saison des fièvres. 

Notre monnaie est tenue en grande estime à Ouargla, 
et non-seulement elle y a cours comme le douro d'Es- 
pagne , mais on la fond pour faire des bijoux. 

Tous les renseignements que nous venons de donner 
sur cette ville curieuse , nous les devons à un chef 
même de la djema' , nommé Cheikh el H'adj el Ma'ïza, 
du quartier des Béni Ouâkin. 

« Mes compatriotes, nous a-t-il dit, m'ont envoyé 
« pour étudier votre pays; car on vante beaucoup au 



COMMERCE. 87 

« désert vos richoMas, votre justice et votre puissance, 
(( Voici deux Qns que nous n^ avons pas été à Tunis , 
« vexés que nous sommes sur toute la route par une 
(( infmité de petits cheïkh qui nous imposent des tributs 
(( sur leur territoire; la route d'ailleurs n'est pas sûre. 
« Chez vous, au contraire, on voyage en sûreté et sans 
u rien payer, nous y viendrons faire nos achats. » 

El M'aïza a visité avec nous tous nos établissements 
publics ; et si nous en croyons l'impression sous laquelle 
il est reparti , nous devons espérer que des relations 
régulières ne tarderont pas à s'établir entre ce point 
extrême du Sahara et nos établissements, 

La position d'Ouargla , à deux cents lieues d'Alger, 
ne l'a pas toujours préservée de l'ambition conquérante 
des Turcs. On conserve encore dans la ville cinq ou 
six boulets que des canons algériens y ont lancés. Quel- 
ques deys aventureux ont aussi poussé jusque-là , mais 
on ignore à quelle époque. Partis d'Alger avec de nom- 
breux fantassins , ils auront traversé le Ziban et le ter- 
ritoire de Tougourt, forçant sur la route les tribus 
et les villages à leur fournir de proche en proche des 
chameaux et des mulets, et seront venus mettre le 
siège devant Ouargla jusqu'à ce qu'elle leur ait payé 
un tribut en argent, en esclaves ou en dattes, etc. 

Cheïkh el H'adj el Rla' ïza nous a assuré que la djema' 
dont il est membre , conserve un gros Hvre qui serait 
l'histoire de la ville. Il nous a même promis de nous en 
envoyer un abrégé ; nous n'osons croire à cette bonne 



^A D ALGER A OUARGLA. 

fortune, mais un jour viendra, sans doute, où nous 
pourrons aller consulter ce monument précieux. 



WGOUÇA. 

Ngouça est située à six lieues N.-E. d^Ouargla au mi- 
lieu des sables. 

C'est une petite ville de cent cinquante à deux cents 
maisons , défendue par une muraille d'enceinte crénelée 
et couronnée par vingt-cinq ou trente fortins de forme 
carrée; elle a cinq portes : 

Bab Zer'reba. 
Bab el A'ilouch. 
Bab Talmounest. 
Bab el K'asbah'. 
Bab A'în Zerga. 

Cette dernière porte doit son nom à leau d'une 
fontaine qui alimente la ville. 

Ngouça est défendue par une k'asbah' assez bien 
fortifiée; on y trouve deux mosquées et des écoles; 
un k'ad'i est chargé de la justice. 

Les habitants se nonunent Ouled Babïa; ils obéissent 
à un chef qui prend le titre de cheikh, et dans la famille 
duquel le pouvoir est héréditaire, avec cette particula- 
rité qu'il ne passe point au fils du cheikh défunt, mais 
au plus âgé de la famille. On raconte que dès qu'un 
nouveau cheïkh vient d'être élu, il se bâtit son tombeau 



NGOUÇA. 89 

qu^il orne à la façon musulmane. Chaque jour il y vient 
faire sa prière et n'en sort point sans y avoir laissé 
une offrande, qui consiste en dattes , fruits, pièces 
d'étoffe, etc., que les pauvres se partagent le ven- 
dredi. La famille régnante n'était autrefois qu'une fa- 
mille de marchands dont le chef avait prêté diverses 
sommes à presque tous ses compatriotes; dans l'impos- 
sibilité où ils étaient de s'acquitter envers lui, ils le 
nommèrent cheïkh de la ville. Cette origine d'un petit 
chef du désert rappelle involontairement celle des Mé- 
dicis. 

I^s Ouled Babïa sont presque tous de sang mêlé ; 
beaucoup même sont tout à fait noirs , mais tous sont 
également libres. 

Leur langue est leberberia; les marchands voyageurs 
et les grands de la ville que leur commerce ou leurs 
besoins conduisent quelquefois à Tougourt, à Souf et à 
Tunis, et qui d'ailleurs ont de fréquentes relations avec 
les tribus nomades , parlent l'arabe, 

Ngouça est souvent en guerre avec Ouargla, et si 
l'infériorité numérique de ses habitants semble, au pre- 
mier abord, devoir lui promettre peu de chances favo- 
rables, sa politique adroite, les nombreux Arabes 
nomades qu'elle sait toujours attirer à son parti | et les 
trop fréquentes divisions des trois quartiers d' Ouargla , 
Font souvent rendue assez forte pour qu'elle ait imposé 
des tributs à sa rivale. Elle paie cependant un impôt à 
Tougourt , pour avoir le droit de fréquenter ses mar- 



90 DALGER A OUARGLA. 

chés. Les envii'ons de Ngouça sont couveits de dattiers 
et coupés de jardins arroses par quelques sources et par 
des puits de quatre a cinq mètres de profondeur. 

L'industrie de Ngouça se borne à la fabrication de 
très-simples objets de première nécessité ; il n'y a dans 
la ville qu'un menuisier et qu'un forgeron; des juife 
voyageurs y viennent à certaine époque vendre et fiadre 
de la bijouterie de femme. 

Les habitants de Ngouça n'ont point de moutons ; 
leurs femmes confectionnent cependant beaucoup de 
vêtements avec la laine que leur apportent les Arabes. 

C'est donc par son commerce avec Tougourt que 
cette petite ville avancée dans le désert s'approvisionne; 
elle vit des dattes de ses jardins et des grains qu'elle 
achète aux nomades. 



ROUTE 

D'ALGER A TOUGOURT. 



lirars. 

!•' jour on s'arrête à A*ïn Kbodr^ 8 

2* ... on traverse TOued Khamis , TOued Zeïtoun , et 
deux lieues plus loin que cette rivière , on s'ar- 
rête à un endroit appelé H'adjer Mer'raoua . . 7 

3« . . . à Mecheta Mta' Lakhder Ben T'aleb 8 

4* ... à Sour Rezlan , petit fort en ruine , près de TOued 

elKWaL , 10 

6* . . . au Marabout' de Sidi Alça, en passant par un col 

du Djebel Dira 12 

Du Djebel Dira descend une rivière appelée Oued 
Djenan, qui coule de TouestàTest sur une lon- 
gueur de vingt-huit à trente lieues , et va mourir 
près de Msila , sous le nom d'Oued Chellal , dans 
un marais entouré de terres labourables et 
nommé Sebkha el H'adna. 
L'Oued Djenan reçoit sur sa rive droite plusieurs 

affluents : 
1*» L'Oued Chib , qui s'y jette à un endroit où s'ar- 
rêtent souvent les voyageurs, et que l'on nomme 
Foum Oued Djenan; 
2* L'Oued el Malah', qui tombe un peu au-dessous 

deSidiA'ïça; 

A reporter. ... 45 



92 D'ALGER A TOUdOUKT. 

li«-uit. 

Report 45 

3* L*Oued el Manioura, qui vient s'y jeter sous le 
nom d'Oued el H'am , à neuf lieues est de Sidi 
A'ïça. Ces trois rivières prennent leurs sources 
dans le Djebel Dira. 
L'Oued Djenan reçoit dans le haut de son cours, 
par la rive gauche , beaucoup de petits torrents , 
à sec pendant Tété, dont nous ignorons les 

noms; et plus bas : 
V L'Oued Guern Assafia; 

2*» L'Oued Targa; 
3» L'Oued elMalah'; 
4* L'Oued Besseraria; 
5^* L'Oued Faïd el H'amara. 

6" jour, on s'arrête sur l'Oued el H'am 7 

7« . . . à des ruines romaines appelées Khereman , près 

d'une rivière du même nom 7 

L'Oued Khereman descend du Djebel Sah'alat, 
grande montagne à quatre lieues ouest de Bou 
Sa'da, et vient mourir dans un marais salé ap- 
pelé Sebkha Mta' Baniou , après neuf lieues de 
cours environ. 
8- ... à Bou Sa'da 3 



BOU SA'DA. . 

( LE PÈBB DU BONHELR. ) 

Cette ville, placée entre Biskra et El A Vouât , peut 
contenir cinq ou six cents maisons , et lever un millier 
de fusils. 



X BOU SA'DA. 93 

Elle est divisée en huit quartiers qui sont : 

El H'oumanin. 

Ouled Sah'arkat. 

El Achacha. 

H'art Cherfa. 

Ouled H'ilig. 

El Zekoum. 

Ouled H'amida. 

Et El Argoub, où sont relégués les juifs. 

Ces huit quartiers semblent être un groupe de petits 
villages très-rapprochés les uns des autres et reliés par 
des jardins. 

Le chef, qui prend le nom de cheikh, se nomme 
maintenant Ah'med ben A'zïez. Cinq chefs inférieurs, 
qu'il désigne à son choix, composent avec lui le conseil, 
la djema', où sont discutées et décidées toutes les choses 
importantes. 

Bou Sa'da a cinq mosquées, dont la plus belle est 
celle du quartier des Achacha. Chaque quartier a son 
école, où l'on enseigne aux enfants la lecture, l'écriture 
et les préceptes de la religion. 

La plaine dans laquelle est située Bou Sa'da est aride 
et pierreuse; mais l'emplacement de la ville même 
est d'une fertilité remarquable et abondamment pourvu 
d'eau. 

Un petit mamelon stérile la domine seul, du côté de 
l'ouest ; sur tous les autres points, elle est entourée de 
jardins , dans lesquels coule et va se perdre une petite 



94 D'ALGER A TOUGOURT. 

rivière appelée Mek'ta el A^mer. Au milieu de la ville 

jaillissent deux sources abondantes et limpides^ dont 

Tune s^ appelle A'ïn el H'oumanin^ et Faulre A'ïn el 

KW. 

Les jardins sont plantés de grenadiers ^ de vignes, 
figuiers, abricotiers, pêchers, dattiers en quantité et de 
betliom ( térébintlie ) ; on y cultive le melon, la pastèque, 
le concombre, Fail, Toignon, etc..,. ; on trouve, à quel- 
que distance, des mines de plâtre et des fours à chaux. 

11 n^est point de ville, dans cette zone, où Tindcistrie 
ait pris un aussi grand développement qu^à Bou Sa^da. 
On y compte quarante fabriques de savon ; dix bouti* 
ques de forgerons et d^ armuriers, dont Tadres^ à faire 
des bois de fusil est en grande réputation ; plusieurs 
échoppes de maréchaux ferrants ; quatre maisons de 
teinturiers , et de nombreuses boutiques de petits mar- 
chands. Chaque famille fait sa poterie et ses vêtements. 

Les jui&, relégués dans un quartier à part, ont leur 
synagogue, leurs écoles, leur cimetière. Un mouchoir 
noir, roulé autour de la tête, est tout ce qui les distingue 
dans leur costume, qui, d^ ailleurs, est le même que ce» 
lui de leurs compatriotes. Ils ne peuvent point monter 
à cheval : c^est un honneur réservé aux seuls musul- 
mans; mais ils sont généralement traités avec beau- 
coup de tolérance ; ils exercent les métiers de cardeurs 
de laine, tailleurs, orfèvres, etc., et, comme par- 
tout, ils se sont faits les intermédiaires obligés de toutes 
les relations commerciales. 



BOU SA'DA. 95 

Par sa position entre Biskra et El AVouat', Bon Sa'da 
devient un centre de commerce important , sur lequel 
nous appelons l'attention. Les tribus du désert s'y ren- 
dent avec leurs produits^ et, delà, peuvent aisément 
les écouler vers Gonstantine et Alger, en même temps 
qu'elles s'y approvisionnent. 

Le marché de Bou Sa'da se tient dans la ville et se 
nomme Rahl)at el Nader ; c'est une foire de tous les 
jours, où il n'est pas rare devoir cinq ou six cents cha- 
meaux. Les tribus arabes qui le fréquentent sont : 

Les Ouled Mad'i. 
Les Ouled A'mer. 
Les Ouled Sidi H'amla. 
Les H'aouamed. 
Les Ouled Sidi Brahim. 
Les Ouled NaO. 
Les Mouïadat. 
Les Ouled Sidi A'ïça. 
Les Metarfa. 
Les Souama. 
Les Ouennour'a 
Les Kabiles Béni A'bbas. 
Les Zouaoua» 
Les H'all Zemoura. 

Les Béni Mzab, les A'riazlïa, les gens de Biskra, 
de Msila et de Tougourt. 

Celles de ces tribus qui habitent le Tell apportent à 
Bou Sa'da : 

Du blé. 



96 IV ALGER A TOUGOURT. 

De Voi^e. 
De rhuile. 
Des bernous. 
Des éloffes. 
Des batteries de fusil. 

Elles y conduisent : 

Quelques bœufs. 
Beaucoup de chameaux. 
Des chevaux. 
Des mulets. 
Des ânes. 

Celles qui viennent du désert y apportent : 

De la laine en quantité. 
Des moutons. 
Des plumes d'autruche. 
Des h'aik. 
Des dattes. 
Du beurre de brebis. 
Des fromages. 
Du henua. 

Des tellis (sacs à porter des fardeaux ). 
Des tentes en poil de chameau. 
Beaucoup de sel tiré de A'ïn el Meleh', à Test; et 
de Djebel Zar'ez, à Touest. 

Elles y conduisent des nègres esclaves venus à Tou- 
gourt et à Souf par R'edamés ; les AVazlïa et les Béni 
Mzab y font particulièrement le commerce des plumes 
d'autruche. 

Tous ces produits sont vendus ou échanges contre : 



BOU SA'DA. W 

Des chachia. 

Des mouchoirs d'indienne. 
Du calicot. 
De la soie. 
Des épiceries. 
Des teintures. 
Des chaussures. 
Des essences. 
Des bourses 
Des aiguilles. 
Des épingles. 

Des ceintures d'hommes et de femmes. 
Des fers et des aciers. 
Des ustensiles en cuivre pour la cuisine. 
Des pioches. 
Des pelles. 

Des socs de charrues. 
Des serrures. 
De la coutellerie. 

De la verroterie dont on fait les colliers de femmes. 
Du corail. 

Des bracelets en corne et en ébène. 
Des bijoux de femmes en or et en argent. 
Du sucre. 
Du café. 

De la cire en bougie. 
Du bleu de Prusse. 

De Talun , dont il est fait un grand usage dans la 
médecine arabe. 

Les gens de Bou Sa^da^ en venant chercher ces pro- 
duits à Alger ou à Constantine , apportent ceux qu'ils re- 
çoivent du désert. Ces échanges , déjà considérables , 

7 



08 D'ALGER A TOUGOURT, 

peuvent prendre une bien plus grande extension si 

nous savons les favoriser. 

Placée sur la limite du Tell et du Sahara, ouverte aux 
Kabyles vers le nord, voisine, au sud, des Ouled Naïl, 
sillonnée en tous temps par tous les habitants des vil- 
lages des Ziban, en relations habituelles avec Médéa, 
Constantine, Biskra, Tougourt, el AVouat^et les Béni 
Mzab, Bou Sa' da devait, par la force des choses, devenir 
le dépôt général de tout le commerce dans ce vaste 
rayonnement. 

Deux routes conduisent de Bou Sa'da à Biskra : 
Tune à Test, par Msila ; Fautre au sud-est, par les villages 
des Ziban. Nous les donnons toutes les deux, en conti- 
nuant à compter les étapes par jours de marche. 



ROUTE DE L'EST. 

9* jour, de Bou Sa'da à Msila 13 

A trois lieues de Bou Sa'da on traverse le petit 
marais appelé Sebkha Mta' Baniou; pendant 
rhiver, il est rempli d'eau et rend la route im- 
praticable. — Pays de sable. 



MSIU. 



MSILA. 

Petite \ille de deux à trois cents maisons, partage 
f n deux par TOued Msila. Elle se compose des quartiers 
suivants : 

A Test de la rivière : 

El Djafra. 
Ouled Terk. 
Chetaoua. 
H'aU Hsila. 

A Fouest 

El H'aouch. 
H'all Msila. 

Ces six quartiers sont coupes de jardins plantes 
d'arbres fruitiers et semés de légumes. Il n'y a que peu 
de dattiers. 

L'Oued Msila descend des montagnes des Ouen-nou- 
r'a, sous le nom d'Oued Ksab ; elle prend un peu plus 
loin celui d'Oued el Benïa ; plus loin encore elle prend le 
nom de El Khemiça, et enfin celui de Msila à hauteur 
de la ville. Elle va se perdre à une lieue, au sud, dans 
le Sebkha el H'adna. Le Sebkha el H'adna , dont nous 
avons déjà parlé , est un vaste marais salé qui s'étend 
de l'est à l'ouest , sur une longueur de douze ou treize 
lieues , et qui peut avoir de trois à quatre lieues de 
largeur. Les chaleurs de l'été laissent sur ses bords 



100 D'ALGER A TOUGOURT. 

desséches une grande quantité de sel que les Arabes 

recueillent , \endent ou échangent. 

Les marchés de Msila sont sans importance : Bou 
Sa^a absorbe tout le commerce. 

Quelques familles juives, au nombre de sept ou huit 
tout au plus y exercent à Msila leur industrie habi- 
tuelle d'orfèvres, teinturiers, cardeurs de laine, etc. 
Toutes leurs teintures sont faites avec du bleu de 
Prusse qu'ils tirent de Constantine ou d'Alger. 

Les fractions suivantes des Ouled Mad'i déposent à 
Msila leurs grains et leurs marchandises : 

Ouled A'bd el H'ak'. 
Ouled Matoug. 
Ouled lyeïm. 
Ouled Sd'ira. 

Cette ville est encore l'entrepôt des deux tribus : 

El Metarfa. 
El Souama. 

litmtt. 

10* jour, on va coucher, en prenant toujours lia direction 

est, aune fontaine appelée A'ïn Kelba 12 

A Test d'A'in Kelba coule l'Oued Barika, gui des- 
cend des montagnes des Ouennour'a, et va se 
jeter dans le Sebkha el H'adna. 

!!• . . . on remonte un peu au sud jusqu'à Mdoukal; à 
trois lieues de A'ïn Kelba, on traverse le lac El 
H'adna , à un gué connu des indigènes ; trois 
lieues avant d'arriver à Mdoukal , on trouve des 
sourcçs appelées Fek'arin. Cette étape est de. . 12 



MDOUKAL. 101 



MDOUKAL. 



C'est un petit \illage de cent à cent cinquante maisons 
bâties en pisé. Il est situé à Textrémité du lac Ifadna^ et 
arrosé par une source qui descend d'un pic isolé situé 
à Test de la ville. Les gens du pays s'appellent Rebot, 
ceux du \illage même H'all Mdoukal. Leur commerce 
est presque nul ; ils s'approvisionnent des choses indis- 
pensables à Bou Sa'da ou à Biskra. Leurs jardins sont 
plantés d'arbres fruitiers et de dattiers ; mais, comme 
dans toute cette zone , les dattes y mûrissent mal. La 
grande tribu des Ouled Deradj dépose ses grains à 
Mdoukal. 

A huit ou dix lieues de ce village, dans la direction 
de Constantine, on trouve, sur l'Oued Barika, des 
ruines romaines appelées Tobna. 

^ lieurs. 

12* jour, de Mdoukal la route appuie légèrement au sud- 
est jusqu'à El Out'aïa 12 

Deux lieues avant El Out'aïa, on traverse un petit 
col formé par la chfidne de montagnes qui sert 
deceinture ouest à TOued el Kantara. 

13« . . . de El Out'aïa à Biskra 31 

Total 43 



IM D ALGER A TOUGOURT. 

2* ROUTE DE BOU SA'DA A BISKRA. 

DIRECnOir SUD-EST. 

Nous reprenons au neuvième jour de marche : 

liaMs. 

9* jour, de Bou Sa'da à TOued Mechmel, source coulante 

d'une lieue de cours 8 

On traverse l'Oued Roumana qui descend du 
Djebel el H'alig et se perd dans des marais 
après six lieues de cours. A trois lieues plus 
loin, on traverse TOued D'efla qui descend éga- 
lement du Djebel el H'alig et vient se perdre 
dans le même marais que FOued Roumana. 
lO» • . . de rOued Mechmel à TOued Meh'ari, Ser'an. . . 11 

A quatre lieues de Mechmçl, on traverse FOued 
Malah' qui descend du Djebel Mah'aguen^ au 
sud du Djebel el H'alig , et vient mourir dans le 
Sebkha el H'adna après seize ou dix-huit lieues 
de cours. 

Le Meh'ari Ser'an, qui sert de terme à cette 
dixième ëtape , prend naissance dans les mon- 
tagnes des Ziban, appelées Djebel K'soum, 
court du nord au sud , et va se perdre dans les 
terres. 
11* • . . de Meh'ari Ser'an au village de Foukhala 7 

A trois lieues avant Foukhala, on trouve une petite 
rivière appelée Raïatz qui descend du Djebel 
K'soum , et va se perdre dans les sables. 

12* . . . de Foukhala à Biskra 11 

en passant par El Bordj , T^olga, Ferfar , Lichana, 

A reporter. ... 37 



BISKRA ET LES ZIBAN. 103 

lieves. 

Report. ... 37 
Bouchar'oun , tous les villages du Zab Dah'a- 
raoui. 

RiCAPITULATION. 

D* Alger à Biskra par la route de Test ï24 

— par la route du sud-est 99 



BISKRA ET LES ZIBAN. 

Biskra est moins une ville, proprement dite, que la 
réunion de sept villages ou quartiers disséminés dans 
des plantations de dattiers qui couvrent environ 20 000 
hectares de terrain. Au centre, à peu près, s^ élève la 
casbah, espèce de château fort où la garnison est caser- 
née. La mosquée principale se distingue par son mina- 
ret dont le sommet domine les plus hauts palmiers. 
L'ensemble des constructions n'a rien de remarquable; 
comme dans tout le Sahara les maisons, bâties en pisé, 
sont couvertes en terrasses. On y compte quatre mille 
habitants. 

Cette ville est la capitale politique des Ziban. 

Les Ziban sont fermés au nord par une chaîne de mon- 
tagnes habitées par des tribus insoumises ; cette chaîne 
s'étend de l'est à l'ouest depuis El Kantara jusqu'à Me- 
gaous, chez les Ouled Sultan. Ces deux défilés sont les 
seules portes qui, de ce côté, donnent passage pour 



104 DÀLGER A TOUGOURT. 

aller du Tell dans le Sahara. Le village d^El Kantara a 
pris son nom d'un pont de construction romaine^ jeté 
sur une petite rivière qu'encaisse une gorge ravinée, 
d'un effet très-pittoresque, et que les indigènes ap- 
pellent aussi El Kantara. Nous donnons son parcours 
avec la description du bassin de l'Oued Djedi. 

Les Ziban (pluriel de Zab) faisaient autrefois partie 
de la Mauritanie sitifienne; les ruines que l'on y 
trouve encore en grand nombre attestent que les 
Romains y avaient élevé des établissements nom- 
breux. 

Les Ziban sont maintenant divisés en trois parties 
appelées de leurs positions : 

Zab Dah'araoui, Zab du nord. 
Zab K'ebli , — du sud. 

Zab Cherki , — de l'est. 

I^s villages du Zab Dah'araoui sont : 

El Amri. 

El Bordj. 

Foukhala. 

Tolga (ruines romaines). 

Ferfar 

Za'tcha. 

Lichana (ruines romaines). j 

Bouchar'oun, 

Felaouch (ruines romaines). 

Les villages du Zab K'ebli sont : 
Lioua. 



BISKRA ET LES ZIBAN. 105 

Sah'ira. 

Mekhadama. 

Bentlous. 

Zaouia Sidi el A'bed. 

Ourlai. 

Melili. 

Bigou. 

Feliach. 

Oumach. 

Kora. 

Biskra. 

Sidi O^'ba. 

Nous donnerons^ à la description du bassin de TOued 
Djedi , le nom de quatorze ruines romaines qui se trou- 
vent dans le Zab K'ebli. 

Les villages du Zab Cherki sont : 

El Out'aïa. 

Branès. 

Chetma. 

Gr'ata. 

Seriana. 

Touda. 

Sidi KheUl. 

A'ïn Naga. 

Zriba. 

Zribet Ah'med. 

Bades. 

Eliana. 

El Khanga. 

El Feïd. 

Les populations de ces villages, ainsi que nous Favons 



106 D'ALGER A TOUGOURT. 

fait remarquer pour presque tous les habitants séden- 
taires du Saliara , ne sont point d'origine arabe. On 
retrouve dans leurs mœurs, dans leurs habitudes politi- 
ques, religieuses ou agricoles, les traits caractéristiques 
des aborigènes. 

Les principales tribus qui vivent sous la tente dans 
les viDages des Ziban sont les 

HalBenAii. 
Cherfa. 
Ghamera. 
Dreïdes, 

sôus la protection desquelles se sont mise^ quelques 
petites tribus ou fractions de tribus trop faibles pour 
former unité ; telles sont les 



Ouled Sidi Amer, 


qui suivent les Ghamera. 


Béni Brahim. 


— — 


Adissa. 


— — 


Kletema, 


— les Hal Ben Ali 


Frehat, 


— les Dreïdes. 


Loumouisset, 


— les Cherfa. 



Toutes ces tribus obéissent au cheickh el arab. 

Quoique le territoire des Ziban soit fertile en fruits, 
légumes et céréales, les récoltes de blé et d'orge ne 
suffisent point à la consommation des habitants, et 
les nomades viennent s'en approvisionner dans le 
Tell. 

Les palmiers constituent la véritable richesse des Zi- 



BtSKRA ET LES ZIBAN. 107 

baniend ; les plus riches propriétaires de palmîets sont 
les Hal Ben Ali et les Cherfa. 

Au printemps, quand le moment d'entrer dans le 
Tell est arrivé, les tribus se réunissent près d'Outaïa et 
s'acheminent lentement vers le but de leur voyage en 
faisant de fréquentes haltes jusqu'à El Beclieria. 

Beaucoup d'autres tribus du Sahara opèrent, à la 
même époque , le même mouvement , et toutes passent 
par les Ziban, suivies de leurs innombrables troupeaux. 
C'est un fléau périodique pour les propriétaires de jar- 
dins. Du lieu de la dernière statioti , des convois de 
chameaux, chargés de dattes et d'autres produits du 
désert, sont expédiés, dans toutes les directions, sur le 
TeU , pour y opérer des échanges. En attendant leur 
retour, les tribus passent le reste du printemps et 
une partie de l'été, campées dans les pâturages envi- 
fônnants. Auprès d'elles se rendent alors les cultiva- 
teurs du Tell pour recruter des moissonneurs , qui , se 
détachant par groupes , vont camper à proximité des 
champs qu'il faut moissonner. Chaque travailleur re- 
çoit pour salaire le douzième du blé et le dixième de 
l'orge qu'il a moissonné. 

Ces travaux terminés, les tribus se réunissent pour 
se rapprocher du grand marché de la Temania , où la 
zmâla du cheickh el arab qui doit le présider s'est déjà 
établie. A uti jour indiqué, le cheickh él arab plante 
son drapeau sur le point culminant de la colline , et 
d^ crieurs âânôtieeût que lé marché est ouvert et se 



108 D'ALGER A TOUGOURT. 

tiendra tels jours de la semaine. Des cavaliers partent 
en même temps pour aller en donner avis aux caïds des 
tribus connues pour fréquenter habituellement la Te- 
mania, et à celles qui, du Sahara, se sont rendues dans 
le Tell par Megaous. 

Le marché de la Temania est F un des plus importants 
du Tell ; c'est un rendez-vous général où tous les pro- 
duits du nord sont échangés contre ceux du sud. 

Les tribus des Ziban importent : 

Des dattes, de^ kessoua (vêtements de laine), du 
henna, des abricots séchés dont sont très-friands les 
Arabes , et dont ils usent pour accommoder certains 
mets, de la garance, des armes et autres objets appor- 
tés de Tunis par le Djerid ; elles exportent des laines 
brutes, des moutons, du beurre , de Fhuile , des fèves, 
des pois chiches, beaucoup de céréales. 

Les tribus des environs de Tougourt et quelques- 
unes des environs de Souf , exportent les mêmes den- 
rées et importent des nègres, des plumes d'autruche, 
de la poudre d'or, des kessoua, du henna. Les affaires 
terminées , le retour au désert se fait en sens inverse 
iJe l'arrivée dans le Tell. 

Depuis une douzaine d'années ce mouvement com- 
mercial , paralysé par un état de guerre continuel , avait 
subi un ralentissement notable : les tribus de Tougourt 
n'y prenaient plus qu'une part très-indirecte ; celles de 
Souf n'allaient plus qu'à Tunis; mais les relations avec 
le Djerid offrent si peu de sécurité , menacées que sont 



BISKRA ET LES ZIBAN. 109 

les caravanes par les bandes armëes qui les guettent au 
passage pour les piller, que peu de spéculafteurs osent 
s'aventurer dans ces dangereux voyages. Aussi, voyons- 
nous toutes les tribus revenir peu à peu où les appellent 
leurs intérêts et leurs besoins et reprendre le chemin 
de nos marchés. Les Oulad Moulât , tribu guerrière qui 
n'avait jamais fait de voyage dans le Tell avant la domi- 
nation française , y sont venus cette année et s'y sont 
rencontrés avec les Fetaït, les Ouled Zeït, les Béni 
Brahim, les Ouled Sidi Amer, les Ouled Na'ïl, les 
Draïssa et beaucoup d'autres petites tribus ou fraction 
de tribu venus des points les plus éloignés du Sahara. 
Le mouvement progressif de ces migrations est un 
fait d'une haute importance et qui prouve la confiance 
des tribus nomades dans l'équité de notre administra- 
tion. Il est remarquable d'ailleurs que les Sahaiîens 
n'éprouvent pas pour nous cette antipathie que nous 
avons trouvée chez les montagnards et chez les habi- 
tants du Tell. L'appât du gain domine chez eux et fait 
taire les scrupules du fanatisme. Les Cherfà, les Dreïdes 
et les Béni Brahim, tendent même à venir s'établir dans 
le Tell où plusieurs de leurs familles sont déjà fixées. 
Chaque année voit se détacher de la fraction nomade 
quelques familles nouvelles qui viennent planter leurs 
tentes près de celles de leurs frères , dès qu'elles ont pu 
réaliser les premiers éléments nécessaires pour se livrer 
à l'agriculture , ce qu'elles font en vendant leurs pal- 
miers aux Hal Ben Ali et aux Ghamera, chez lesquels 



110 D'ALGER A TOUGOURT. 

on ne retrouve point ces tendances vers la vie agri- 
cole. 



TRIBU DES HAL BEN AU. 

Les Hal Ben Ali disent descendre d^une colonie 
djouala (idolâtre) qui habitait jadis Tobna^ sur le 
versant sud du Djebel Ouled Sultan. Cest une opi- 
nion accrëditée chez eux et chez tous les Arabes ^ que 
leurs pères se seraient faits chrétiens avant de se faire 
musulmans, et qu'ils auraient ainsi subi les influenoes. 
de tous les dominateurs de TAfrique. 

Us semblent y en effet, entachés de réprobation au^ 
yeuîc des autres croyants ; car, lorsque pour la première 
fois après leur soumission à la France , ils marchèrent 
avec nous au combat , les Arabes ennemis le^ insultaient 
en leur criant : « Chiens de chrétiens ! vous êtes biep 
(c dignes de votre origine ! infidèles ! fils d'infidèles ! » 

Selon leurs tolbas, voici leur histoire ; 

Autrefois , vivait à Tobna une ancienne famille en 
grande vénération dans tout le pays et dont le chef 
s'était acquis une juste réputation de sagesse. C'était à 
l'époque de l'invasion musulmane. Cet homme, aimé 
de Dieu bien qu'il fiit idolâtre, reçut en songe cet 
avertissement, que Tobna serait menacée le jour où l'pp 
découvrirait dans les environs la trace d'un chanieau* 
Or, un jour qu'il avait envoyé un domestique chercher, 



TRIBU DE8 HAL BEN AU. ilj 

avac un âne , des fruits dans un jardin à quelques lieues 
de la ville, il vit sur le soir Fane revenir sans son 
guide et les paniers inégalement chargés ; donc on avait 
tué son serviteur, donc on avait pris des fruits dans le 
panier à moitié vide. Son rêve lui revenant à T esprit , il 
partit le lendemain pour visiter les environs , et décou*- 
vrit avec effroi les pas d'un chameau empreints dans I0 
sable. A quelques jours de là, ses préparatifs de kàie 
étaient faits , il avait réalisé tous ses biens en numéraire , 
et il allait chercher sur la montagne un refuge hospita- 
lier. Cependant Fhomme sage ne pouvait pas partir san^ 
prévenir ses compatriotes du malheur qui les menaçait ; 
il prit donc un couple de pigeons , pluma la femelle et 
la renferma sous un vase avec ce billet ; « Qui fera 
(( conune le compagnon de ce pigeon fera bien ; qui 
« ne fuira pas, sera dépouillé comme celui-ci. » Et il 
alla se réfugier sur le Bou Taleb, d'où il lâcha le second 
pigeon après lui avoir attaché au cou un billet sur le- 
quel ce seul mot, Bou Taleb, était écrit. 

Les habitants de Tobna qui n'avaient pu s'expliquer 
l'avertissement symbolique du pigeon plumé , en com-» 
prirent le sens en voyant revenir le pigeon messager, 
Tous cependant n'y voulurent pas croire ; les esprits 
forts bravèrent l'oracle , les plus peureux se sauvèrent 
sur le Bou Taleb; ceux-ci furent les plus sages, car 
Tobna, assiégée quelque temps après par Ali, chef de 
l'armée musulmane, fut prise, pillée, saccagée. 

Au milieu du désordre, une femme se sauvait à tra^ 



112 D'ALGER A TOUGOURT. 

vers les rues ensanglantées , en pressant sur son cœur 
un fardeau, enveloppe dans ses vêtemens; comme 
un soldat voulait le lui arracher , elle tomba à genoux 
en s' écriant : « C'est mon fils, Mouloud! » et elle en- 
tr'ouvrit son haïck ; Fenfant sourit au soldat en lui ten- 
dant les bras. Ali passait par là : la mère était belle, il 
la fit conduire dans sa tente. Plus tard, il adopta For- 
phelin et lui donna son nom.— -Ce fut le père des Hal 
Ben Ali. 

Mouloud Ali parvint à une haute fortune dans le Tell, 
et, à sa mort, son commandement fut partagé entre 
ses trois fils. 

Saoula, Fainé, fut hakem de Constantine ; Ali Ben 
Ali, le second, commanda dans le Tell depuis Sétif 
jusqu'au Roumel; Dif Allah, le troisième, placé direc- 
tement sous les ordres d'Ali Ben Ali, partageait avec 
lui Fautorité. 

Des querelles leur mirent bientôt les armes à la main. 
Ali Ben Ali, battu d'abord, puis abandonné par ses 
troupes, se vit enfin contraint de fuir dans le Sahara, 
où Faccueillirent les Dreïdes, alors maitres absolus du 
désert. 

Selon la chronique , il dut ce bienveillant accueil à 
cette circonstance, que les Dreïdes n'avaient pas de 
chevaux à cette époque , et qu'il arriva chez eux 
monté sur un très-beau cheval. Hardi cavalier, Ali 
fixa sur lui Fattention de ses hôtes, qui lui donnè- 
rent une tente et le marièrent à Fune des plus belles 



TRIBU DES HÀL BEN ÂLL 115 

fiUes de la tribu. Son courage à la gu^re aidant sa 
fortune , il fut bientôt j et d^une voix unanime, élevé 
à la dignité de cheikh el arab ; dignité héréditaire qui 
devait se perpétuer dans sa famille , mais qui , par suite 
de guerres et de révolutions dont il est difficile de 
suivre les phases, passa, vei*s Fépoque de Tinvasion 
turque, chez les Gannah, descendants de Dif Allah. 
Les Hal Ben Ali, restés au désert, y devinrent si puis- 
sants, bien que leur chef eût été déshérité du titre 
de cheikh el arab, qu'ils prélevaient des impôts jusque 
chez les Béni Mzab. Vaincus plus tard et soumis par 
les Turcs, ces nouveaux conquérants les tinrent 
néanmoins en si grande estime, qu'ils les consti- 
tuèrent makhzenia, titre qui les exemptait de tout 
impôt. 

Cette tribu, vraiment aristocratique, très-orgueil* 
leuse de son antique noblesse, a conservé sa race dans 
toute sa pureté; ses familles ne s'allient qu'entre elles; 
il n'est permis aux jeunes gens de déroger à cette règle 
qu'enfaveurdes belles fillesde la tribu des Abd el Nour* 

L'arbre généalogique des Hal Ben Âli était déposé 
dans la mosquée de Sidi Okba ; il a disparu , et toutes 
les recherches pour le trouver ont été vaines. Ils accu- 
sent les Hal Ben Dif Allah, leurs frères de la branche 
cadette, de l'avoir brûlé lorsque Ben-Gannah, le cheikli 
el arab, fit en 1 840 une expédition à Sidi Okba. 

La tribu des Ben Ali est du nombre de celles où se 
recrutent ces audacieux aventuriers, qui courent le dé* 

8 



114 D'AliGER A TOUGOURT. 

fsert pour piller les voyageur». Des espioi|s (iispémiRiiii 

dans toutes les oasis informent exaptemenf; leqrs ))aii4(W 

de l'arrivée d'une caravane, de la nature et de Finp- 

portance de son chargement, du nomln^ de cavaliers 

qui raccompagnent , de la direction qu'elle doit 

prendre. 

De leur côté, les chameliers étudient le terrain; ili^ 
ont eux aussi leurs espions, honmies spéciaux, roués ay 
métier d'éventer la marche des flibustiers du Sahara. 
C'est par eux que la caravane sait où croisent la bapde 
Poudène, celles de Mamraf, de Nami, et surtout celle 
de Re£èze, la plus redoutée de l'est. Si le péril est im* 
minent j si la caravane est trop faible , eUe attendra, 
dans l'oasis où elle est campée, pendant trois, quatre, 
six mois au besoin , que d'autres voyageurs viennept 
}a renforcer, ou que les pillards, fatigués, soient allés 
chercher fortune ailleurs; mais, quand ils ont flairé la 
proie , quand ils savent qu'elle est là sous les palmiers, 
à l'horizon , sous les murs de cette ville , protégée par 
une tribu amie , et qu'il faudra bien enfin qu'elle re* 
prenne la route, ils luttent avec elle de patience : 
feignant une retraite , ib la provoquent à la con- 
fiance et ce sont alors des marches et des contre^nar- 
ches dans tous les sens; au jour, ils décampent à 
grand bruit et s'enfoncent à l'est si la caravane est à 
l'ouest, au sud si elle est au nord; mais ils laissait en 
partant un espion, couché dans le sable comme un 
x^hacal au guet, ou recouvert de branches comme un 



TRIBU DES HAL BEN ALI. 115 

buisson y gardant jusqu'à la nuit Timmobilité la plus 
complète. Ils reviendront alors^ au grand galop de 
leurs chevaux ou de leurs chameaux^ au bivouac de 
la veille , interroger leur vedette. Ces hommes de fer 
manœuvrent ainsi pendant des mois entiers^ sous le 
soleil ardent, mangeant un peu de farine, buvant un 
peu d^eau saumâtre; et si enfin, les chameliers abu- 
sés , oqt plié leurs tentes et se sont remis en voyage , 
(( alors, disait Refèze , dont nous citons textuellement 
(( les paroles, il se fait dans Tair un changement que 
« je ne puis définir; mais la solitude du désert est 
« troublée , et , quoique toute une journée de marche 
(( nous sépare de la caravane , un bruit imperceptible 
(c m^apprend que le moment d^agir est arrivé. Lé- 
a gfsrs comme 1^ gazelle , nous nous élançons dans 
« upe direction qui n^est jamais la mauvaise , et nous 
i< découvrons bientôt à Vhorizon de la grande plaine 
(( le bienheqreux nuage de sable qui achève de nous 
tf orienter, » 

Ces rencontres sont d^horribles luttes ou Fun des 
4emi, partis est anéanti. 

Une de ces expéditions fiit entreprise il y a deux ans 
par cinquante cavaliers. Us avaient été avertis du pro- 
chain passage d^une riche caravane sur 1^ route du 
Djerid à Souf. Leur première halte, en sortant de 
BisHra , fut à El Haouch , nom que prend la rivière de 
Biskra à dix ou douze lieues de cette ville , au sud-est 
de Sidi Okba« Comme dans le lit desséché de beau- 



116 D'ALGER A TOUCOURT. 

coup d^autres rivières, on trouve de Feau dans celui 
de rOued Haouch en creusant à quelques centimètres 
de profondeur. 

La seconde halte (ut à Bou Loutet où Ton se procure 
de l'eau par le même procédé , peine qu'évitent sou- 
vent aux voyageurs les nombreux sangliers qui fouil- 
lent le ravin pour se désaltérer. 

La troisième halte fut à Ben Mel où Feau est rare 
et saumâtre. 

Le quatrième jour au malin, la caravane était en 
vue ; elle se composait de 69 chameaux ; à midi , elle 
était pillée. Une partie des objets volésappartenait à des 
marabouts vénérés : elle leur fut religieusement ren- 
voyée par l'intermédiaire du cheikh el arab. 

Les Ziban fournissent deux bandes de ces voleurs ; 
elles se réunissent pour faire leurs coups de main si les 
caravanes sont bien escortées. 

Refèze, chef de la bande à laquelle il a donné son 
nom , est un homme vraiment extraordinaire : c'est 
une célébrité. On dit de lui qu'il a une si gi^ande habi- 
tude du désert, qu'il lui suffit de flairer le sable pour 
reconnaître , sans jamais se tromper et quelle que soit 
d'ailleurs l'obscurité de la nuit , le lieu où il se trouve. 
La teinte plus ou moins foncée du terrain lui indique 
où gtt un filet d'eau et à quelle profondeur. 

Nous avons entendu répéter cela si souvent par tant 
d'autres Arabes, et particulièrement 'par des gens de 
Souf, que, sans oser le donner comme un fait ac* 



TRIBU DES CHERFA. tl7 

quis y Dous D^oserions pas non plus le révoquer complè- 
tement en doute. 

Avant Foccupation de Biskra par Farmée française^ 
le cheikh el arab et les cheikhs des tribus avaient une 
part de prise dans ces expéditions. 



TRIBU DES CHERFA. 

Les Cherfasont originaires du royaume de Fez /etâl 
existe encore à Tafilet une fraction considérable de 
leur famille. 

Cette tribu 9 dont le nom indique une prigine reli- 
gieuse noble j n^avait cependant pas autrefois un seul 
membre qui pût faire preuve authentique de noblesse. 
Aussi, les tribus voisines Fappelaient-elles ironiquement 
cherfa ble cherif (cherif sans cherif). Pour en finir 
avec ces plaisanteries, les Cherfa assemblés réunirent 
une somme d^argent considérable et la confièrent aux 
plus dignes avec mission d'aller à la Mecque chercher 
un cherif dont la généalogie fût incontestable. Un saint 
homme de Médine, nommé Abderahmann, descen- 
dant de père et de mère du prophète, consentit à suivre 
les ambassadeurs, à la condition qu'on lui donnerait 
son pesant d'or. Le marché conclu, Abderahmann 
partit pour le Tafilet, où les Cherfa le reçurent à 
genoux et Félurent sultan. Selon la tradition, il envahit 



119 D ALGER A TOUGOURT. 

le pays jusqu^à Merakech, et c'est de lui que desi^etidi^t 

la famille impériale du Maroc. 

La fraction des Cherfa^ maintetiant établie dans les 
Zâban , se serait détachée du gros de la tribu parce que 
son chef y Sidi Ndejim, ayant tué un de ses frères^ aurait 
été obhgé de fuir. De nouveaux émigrauts, chassés par 
les guerres qui désolaient alors le sud du Maroc, ral- 
lièrent bientôt Sidi Ndejim, et il devint si puissant que 
toutes les tribus des Ziban se Ugucrent contre lui. Cette 
haine 9 encore active, força, dans Forigine, quelques 
faibilles des Cheifa à s'exiler jusque dans le beylik de 
Tunis, et beaucoup d'autres à venir s'établir dans le Tell. 
Le noyau de la tribu habite les Ziban, mais, chaque 
année, des émigrations nolivelles viennent planter leur 
tente auprès des douars de leurs frères les Tellia. Il est 
remarquable que les nomades ne s'acclimatent que très- 
difficilement dans le Tell, et qu'ils y perdent beaucoup 
de mohde pendatit les deut premières années de sé- 
jôui^. 



TRIBU DES CRAMERA. 

Les G^tamera font remonter aux temps les plus Re- 
culés leur migration en Afrique. Leurs ancêtres , 
disent-ils, habitaient et habitent encore les bords du 
Seguiâ el Aitiera (le canal rouge), là mer Rouge sans 
doute. 



nUBU DES CRAMERA. 119 

Arrivés au pays des Nayls , ils y campèrent et vé- 
curent d'abord en bonne intelligence avec les premiers 
occupants. Mais*, entre voisins , surtout entre voisins 
arabes, la guerre est toujours imminente , et la guerre 
les refoula dans les Ziban. La cause futile de cet évé- 
nement offre un trait caractéristique de mœurs arabes : 
Un de leurs bergers , faisant paître son troupeau dans 
la plaine, eut l'imprudence de tuer un chien des Nayls 
qui s'était jeté sur un de ses moutons et l'avait étranglé. 
Aux cris du chien, le maître accourut et frappa le ber- 
ger d'un coup de sabre à la tête ; cette scène se passait 
en vue des deux tribus. Les parents du blessé vou- 
lurent le venger, les parents du vainqueur coururent à 
son secours, puis vinrent les amis de chacun, si bien 
qu'en un instant la mêlée devint générale, et que les 
Cramera perdirent quatre cents hommes^ 

Cette journée fatale, qu'ils appellent encore le com- 
bat des quatre cents et du chien noir, les réduisit à 
l'impossibilité matérielle de se maintenir plus longtemps 
chez les Nayls, et ils vinrent dans les Ziban, où ils se 
pàftagèrent* entre chaque tribu. Us vécurent ainsi, 
louant leurs services, jusqu'à ce que, devenus plus 
nombreux. Us pussent se reconstituer en tribu. 



15» D'ALGER A TOUGOURT. 



TRIBU DES DREIDES. 



Les Dreïdes n'ont conservé qu'un souvenir confus de 
leur origine; ik prétendent cependant venir du nord, 
où leurs pères Djouala ( idolâtres ) occupaient une 
grande partie du TeU, et même le Sahel. Ceux que nous 
trouvons dans les Ziban et qui sont, disent-ils, les des- 
cendants d'une très-petite fraction de leur grande fa- 
mille, se vantent d'être parvenus dans le désert à un 
haut degré de puissance, et d'avoir fait des expéditions 
jusqu'à G'redahiez. Constitués makhzenia par les Turcs, 
ils perdirent plus tard ce tilre et les prérogatives qui y 
étaient attachées pour avoir refusé à leurs maîtres de 
leur livrer un Turc proscrit, réfugié chez eux. 

Quand le premier Gannah fut élevé à la dignité de 
cheikh el arab, les Dreïdes, toujours attachés de cœur 
à leur ancien chef, subirent tant de vexations, qu'une 
partie de la tribu se sauva dans le Djerid de Tunis. 



Nous devons d'avoir pu compléter ce chapitre à la commu- 
nication toute bienveillante que S. A. R. H'' le duc d'Aumale a 
daigné nous faire de ses notes sur les Ziban. Qu'il nous soit 
permis d'en témoigner ici notre respectueuse reconnaissance à 
S. A. R. , et de la remercier des encouragements qu'elle a daigné 
donner à nos études sur le Sahara algérien. 



TOUGOURT. m 



TOUGOURT. 



L^occupation de Biskra nous a ouvert la route de 
Tougourt; d'une ville à l'autre on compte soixante-seize 
lieues dont voici les étapes : 

De Biskra à El Guera* 15 

D'ElGuera'àOuledelHalah'ouEldour. . . 12 
D'OuIed el Halah' à El Her'ier 12 

Total pour la première partie. . *. . . 39 

Cette première partie du voyage se fait à travers 
les sables; on n'y trouve que très-peu d'eau, et la route 
que nous indiquons n'est pas la seule qui s'offre au 
voyageur en sortant de Biskra ; mais, outre que toutes 
viennent se relier à Mercier, nous avons, comme dans 
tout le cours de cet ouvrage, suivi celle des marchands 
et des caravanes. „,^ 

Première partie 39 

De Her'ier à Our'lana 11 

De Our'laDa à Meguer 13 

De Heguer à Tougourt 13 

Total "^ 

Avec Mer'ier commence l'oasis de Tougourt, cette 
suite de trente-cinq villages sous une ' double haie 
de palmiers que les Arabes appellent métaphorique- 
ment une rmère: la rivière des Rouar'a, du nom de ses 
habitants, OuedRir^; c'est une vallée fertile au milieu 
des sables, abondamment pourvue d'eau, coupée de 



m D'ALGEH A TOCGOURT. 

jardins ou plutôt de vei^ers etanimëe d^une population 

nombreuse. 

Les trente-cinq villages de FOued Rir^ forment un 
petit État dont Tougourt est la capitale. Voici leurs 
noms : 

Mer'ier. 

Sidi K'relil. 

Dendouga. 

Bared. 

Zaouïa. 

Djama. 

Tineguenidin. 

Mazer. 

Our^ana Kebira. 

Ourlana Sertra 

Sidi Amran. 

Témerna bjedida. 

Temerna Kedima. 

Sidi Rached. 

Berame. 

Megguer. 

Sidi Selyman 

Kesour. 

Megarin Kedima. 

Megarin Djedida. 

Gr'omera. 

Zaoïiiel Sidi el Arbi. 

Béni Souid. 

Zaouiet Sid el Abed. 

El Harihïra. 

Zaouiet Sidi Abd Esselam. 



totiGomt. lâs 

Zaouiet Sidi Beil Hiaia. 

Nezela. 

Sidi Bou Djenan. 

Blidlamer. 

telalis. 

El Alïa. 

El Temacin. 

Cette dértlièi-e Ville, bieii (|ue ttès-Toisitiè de Toii- 
gëtirt, en est indépendante et se gouverne elle-méihè. 

Il va Sans dire que les trois villages désignés plus hâilt 
èômnle poitits de station des voyageurs dans l'Oùéd 
Rir', ne sont pas des stations obligées , mais seulemeht 
leë plus habituelles. 

Lé {lays des Rouâi^à n'est arrosé qu'artificiellement ; 
il n'a ni ruisseau ni rivière; les sources tnême y sont 
très-rares; Il seniblerait poui^tant qu'une immense nappe 
d'èàu, (( une mer souteiTaine, » baHar él taJiatanij 
èelon l'expression pittoresque des indigènes, soitem* 
j^risonnée sous le sol à une profondeur Variable dé cin- 
quante , cent, deux cents et jusqu'à quatre cents mètres. 

Schaw parle de puits profonds que creusent les 
Rouar^à ; noUs aVons recueilli à ce sujet des renseigilé^ 
inents d'une précision telle, qu'il nous est pet^mis d'af- 
firmer qUe ces puits sont de véritables puits ài^tésieris. 
Dans chaque village, nous oùt dit Virigt Ât*abes aU 
moins, on a fait des puits, et l'otl en fait encore, au 
besoin , qui ont jUscJu'à cent haiiteurJr d'homme de pro- 
fondeur. La section eii est de forme carrée; un seul 



124 DALGER A TOUGOURT. 

ouvrier est employé au travail d^ intérieur, et, au fur 
et à mesure qu^il avance, il soutient les terres avec 
quatre poutres de palmiers. A certains signes infailli- 
bles, par exemple quand la terre est noirâtre et très- 
humide, il reconnaît qu'il touche au terme de son tra- 
vail. 11 se met alors de la cire dans les oreilles et dans 
les narines pour éviter d'être suffoqué par Feau qui va 
jaillir, s'attache sous les bras avec une corde et prévient 
qu'on ait à le retirer à un signal donné. Sous un 
dernier coup de pioche enfin, l'eau jaillit avec une 
telle force d'ascension, que le malheureux travailleur 
n'est souvent ramené sur terre qu'asphyxié. 

Cette source inépuisable est commune au village qui 
l'a créée, et elle est distribuée dans les jardins par des 
conduits faits en troncs de palmiers. 

A l'est de l'Oued Rir', se trouvent des marais d'eau 
salée qui , desséchés en été , donnent une grande quan^ 
tité de sel j les Rouar'a l'écoulent dans le désert. Ces 
marais semblent suivre la parallèle de l'Oued Rir^ dans 
toute sa longueur, de Mercier à Tougourt. 

D'après ces données, on peut se faire une idée du 
pays auquel commande Tougourt et dont elle tient le 
haut bout du côté du sud. Cette ville, qui contient cinq 
ou six cents maisons, est bâtie dans une plaine, sur 
l'emplacement et, en partie, avec les ruines d'une ville 
que nous pouvons croire le Turaphylum de Ptolémée , 
le Téchort de Léon l'Africain , qui y avait longtemps 
vécu dans l'intimité du chef. La k'asbah' est tout entière 



TOUGOURT. 1» 

bâtie de pierres carrées bien taillées ; d^où les fondateurs 
de Turaphylum tiraient-ils ces pierres ? les environs ne 
donnent aucun indice de carrières. Deux Européens , 
qui sont maintenant naturalisés à Tougourt, et dont 
nous parlerons tout à Fheure, disent avec oi^eil à 
leurs nouveaux compatriotes : i< Nos ancêtres étaient là 
« avant vous ; ce sont eux qui ont bâti votre ville ! » 

Les habitants de Tougourt sont de sang mêlé ; « c^est, 
dît Léon r Africain, qu^ils se joignent avec des esclaves 
noires. » Ajoutons que là, comme dans tous les pays 
régis par la loi musulmane, le fils d^une esclave, de 
quelque couleur que soit sa mère, jouit de tous les 
droits, même dUiéritage , dont jouissent ses frères légi- 
times, et que, du jour où une esclave a donné un enfant 
à son maitre, elle fait partie intégrante de la famiUe. Ce 
fait du mélange constant de la race blanche et de la race 
nègre, sur la lisière extrême du Sahara, est depuis 
longtemps acquis à la science ; mais la tradition du pays 
donne une autre raison de Taltération de la couleur 
des indigènes : « Dans le principe, dit-elle, les familles 
de tougourt étaient noires. » Devons-nous en conclure 
que les peuplades nègres s^ avançaient autrefois jusque-là, 
et que les Berbères des côtes, refoulés dans le sud par 
les invasions romaines, vandales et même arabes, se 
seraient confondus avec leurs hôtes ? 

11 n'y a dans Tougourt que soixante familles blan*^ 
ches dont les ancêtres, encore selon la tradition, étaient 
juifs ; elles sont maintenant musulmanes. Mais pour- 



1S9 D ALGER A TOUGOURT. 

quoi pe «OQt-^Ue^ p4« m^laqgées comme les gutr^ç? 
Ser^it-ce^ quç p^r cette religion de h famîUey 3i reipapr 
qu^ble dans la r^ce jqive et dppt elle3 fiuraiept coii- 
uevsé les instincts, elles ne forment d^alliaqces qu^entFe 
^lles? C'est ^u reste ce qui résulte des renseigqpmept^ 
qui pous ont été donnés. Les juifs dont ces familles desr 
ceqdent sont peut-être de ceui^ dont parle SallustO;, et 
qui, de temps immémorial, mêlés aux populations gé- 
tules, libyennes et numides, les auraient suivies 4an$ 
leur fuite y^rs Iç sud, devant les armées cQqqi)($!r 
riinte^ des peuples d'Occident? Noqs livrons timider 
m^nt ces observations à la science* 

l^ famille régnante de To^gourt est de couleur bl^n 
che; cela s'explique par son origine arabe, et donne à 
penser que ses membre^ s'unissent seulement eptre ei|x. 

Tougourt peut lever sept k huif; cents fusils, lE^\e esiX 
entourée d'un mur d'epceinte en mauvaise maçonnerie 
§t d'un fossé profond a de dçqx bamteiirs d'horapief 
large de dix à douze semelles. >^ Ce fossé est presque 
constamment à sec ; mais, en cas d^at^taque, il peut êtni 
rempli 4' eau par les fontaines de la ville qui s'y dév«*-f 
sent par des conduits mpqag^s dans )es murailles. 

Tougourt a deux portes : l'upe à l'est, qi|i s'appelle 
Çab el Khodra; l'autre à l'ouest, qui s'appelle Pat çl 
Selam ; toutes deux sont garnies en fer- Ï^Ues s^PUvpent 
en face d'un pont-levis jeté sur le fossé de défense, et 
qu'pq relève à volopté. 

Cet ensemble de constructions, presque savantes, §st 



TOUGOURT. m 

^ideiqment calque sur le plan de la ville ancieiHie dont 
Tougourt occupe la plaee. 

Les fontaines principales sont ; A^lnel Meleh', près de 
la porte de Test, A'm el Megaria^ Mïxï Sultan ^ A'ïn el 
A^bbas, A^ïn el Mestaoua; les eaux en sont recueillies 
dans des bassins d'où partent des canaux qui vont les 
verser aux jardins extérieurs. 

La place la plus vaste de Tougourt se nomme Rahl)et 
Soufsi, et sa mosquée la plus remarquable Djema^ el 
Kebir. La ville entière est, du reste, assez mal bâtie. 
Les maisons du peuple sont basses et construites en 
briques de sable et de terre; celles des riches sont éga- 
lement en briques, mais en briques faites d'une pierre 
crayeuse qu'on trouve dans la plaine, et qui, cuite avec 
du plâtre dont les carrières sont aux environs de la 
ville, offrent une assez solide résistance. 

Les jardins dont Tougourt est entourée s'étendent 
sur un sol abondamment arrosé, presque marécageux, 
et sont d'une fertilité remarquable; mais cette cause 
même de l'active végétation qui fait la richesse de la 
ville y développe, à certaines époques de l'année, au 
milieu du printemps, au milieu de l'été et au commen- 
cement de l'automne, des fièvres très-dangereuses pour 
les indigènes, et mortelles pour les étrangers. Tout le 
pays, de Biskra à Tougourt, est alors si malsain que peu 
de voyageurs osent s'y hasarder. 

Les habitants de Tougourt, comme les Rouar'a, sont 
jardiniers plutôt qu'agriculteurs ; les terres labourables 



128 D'ALGER A TOUGOURT. 

leur manquaity et ils ne récoltent que très-peu de 
céréales. Leurs vei^ers sont plantés de figuiers, de gre- 
nadiers, d^abricotiers, de pécbers et surtout de dattiers. 
On y cultive la garance en telle quantité qu^il n^est pas 
rare de voir un seul individu en récolter cent chaînes 
de mulet. On y cultive encore des melons, des ci- 
trouilles , des concombres , des oignons , de Fail , des 
choux, des navets, du poivre rouge, du millet, du blé 
de Turquie, du coton et une plante qui s^ appelle tek- 
rouri, c^est el h'âchich. On sait que el b'àchich se fume 
seule ou mêlée avec du tabac , et qu^elle donne cette 
espèce d^ivresse extatique si fatale aux fumeurs d^ opium. 

Sous le gouvernement du dey, il y avait à Alger un 
café réservé aux fumeurs de el h'âchich. 

Tougourt et sa circonscription obéissent à un chef 
qui prend le titre de cheikh, et que les Arabes appellent 
généralement le sultan. Il gouverne avec Taide d^une 
djema^ ou conseil présidé par son khaUFah'. 

Le pouvoir est héréditaire. La famille actuellement 
régnante est celle des Ouled ben Djellab fies enfants 
des troupeaux); il est très-probable qu'elle compte une 
très-nombreuse succession de cheikh, car l'origine de 
sa puissance va se perdre dans Tombre de la légende, 
peut-être même de la fable. 

Le sultan de Tougourt était mort sans postérité , dit 
la tradition; les rivalités des grands, et pai* suite la 
guerre civile, décimaient la nation ; lassés enfin de se 
massacrer sans se vaincre, les différents partis convin- 



TOUGOURT. IStg 

rent unanimeinent que le premier individu qui aitre- 
rait dans la ville, à jour donné, serait élu sultan. Un 
pauvre Arabe du désert, conducteur de troupeaux 
(Djellab) fut, ce jour-là, le premier qui mit le pied dans 
Tougourt : le hasard Favait fait roi ! On lui obéit cepen- 
dant aussi bien, et mieux peut-être, que s'il eût été 
choisi par son peuple , et personne n'a songé depuis 
à disputer à la famille des Ouled ben Djellab le pouvoir 
ni l'hérédité. 

Le cheïkh de Tougourt est maintenant un enfant de 
douze ou treize ans , nommé A'bd er Rah'man bou Lifa ; 
il a succédé à son oncle le cheïkh A'ii; son khalifalV, 
président de la djema', se nomme El H'adj el Mad'i; il 
est de sang mêlé ; ses conseillers les plus influents sont 
El A'rbi ben el Achour et Mohammed ben el K'aïd. Par 
une anomalie assez singulière et dont les mœurs arabes 
n'offrent que de bien rares exemples , la mère du jeune 
cheïkh a la haute main dans la djema'. Cette femme, 
que l'on dit très-belle, et qui se nomme LellaA'ïchouch, 
domine le gouvernement de Tougourt, autant sans 
doute par l'influence de sa beauté, que par celle de 
son bon sens. Les Arabes l'appellent le khalifah' du 
cheïkh, et, s'ils vantent son aptitude aux affaires, ils 
parlent très-ironiquement de la sévérité de ses mœurs. 
Elle honore ouvertement de toute sa confiance un 
favori dont elle a fait tuer le prédécesseur par jalou- 
sie; on reproche surtout à Lella A'ïchouch d'aimer à 
s'enivrer en fumant le h'âcbich. 

9 



130 D'ALGER A TOUGOURT. 

Le sultan de Tougourt jouit de tous les privilèges de 
Tabsolutisme le plus complet : il demeure dans la 
k'asbah', espèce de château fort attenant aux murailles 
de la ville. Pour arriver jusqu'à la cour intérieure de ce 
que nous appellerons son palais, il faut franchir sept 
portes y à chacune desquelles veillent deux nègres 
armés. Cest là que sont renfermées ses richesses, fort 
exagérées sans doute , ses quatre femmes légitimes et 
ses cent concubines. Un mar'zen de cinquante cavaliers 
nègres qu'il tient à sa solde , lui forme une garde d'hon- 
neur quand il sort, et, au besoin, une petite armée 
suffisante pour réprimer une émeute, prélever les 
contributions et assurer la marche du gouvernement. 
Il a sous la main les six tribus arabes des Fetaït , de$ 
Ouled Moulât, desSaïd, des Ouled Sidi A'bd Allah', 
des Ouled Seg'oud , des Selmia , des Ouled Rah'man , 
fraction de la même tribu, dont les douars sont campés 
tout près de la ville , et qui peuvent lui fournir jusqu'à 
sept ou huit cenls cavaliers. Ces tribus s'éloignent de 
Tougourt au printemps pour reprendre la vie nomade 
et aller faire paitre leurs troupeaux dans le déseit. 

Le sultan ne se montre que le vendredi, et s'il sort 
quelquefois pour aller se promener dans les jardins , 
il est accompagné de sa garde nègre qui marche le fusil 
chargé , et précédé de sa musique , hautbois et tam- 
bours ; deux esclaves tiennent ses étriers, un porteur de 
parasol le garantit des ardeurs du soleil. 

Le jour, de la fête du prophète, quand il va faire sa 



TOUGOURT. ^ J31 

visite au tombeau du saint marabout' Sidi A'bd es Selam, 
des cavaliers le précèdent, des fantassins le suivant, 
des esclaves écartent la foule y et d^autres conduisent 
devant lui deux chevaux magnifiquement caparaçonnés, 
cou\ert8 de selles brodées d'or, avec des boucles d'or 
aux oreilles et des anneaux d'or aux pieds. 

N'est-ce là qu'un conte, un souvenir des Mil/e et une 
Nuits? Ce luxe au milieu du désert , cette pompe royale 
dans une oasis, nous paraissent incroyables. Tous ces 
détails nous ont pourtant été affirmés plus d'une fois 
par des gens du pays qui ne se connaissaient point et 
qui n'avaient pu se donner le mot pour nous tromper. 
Ce qui nous parait plus incroyable encore , c'est que ce 
petit souverain aurait, comme nos seigneurs du moyen 
âge , un droit fort en opposition avec le Koran et les 
mœurs arabes, un véritable droit du seigneur qui lui 
serait exclusivement réservé. Il semblerait d'ailleurs 
avoir le même droit sur toutes les femmes de son gou- 
vernement. « Il n'en use que quand elles sont jolies, » 
ajoutait naïvement l'Arabe qui nous donnait ces détails. 

Si le mari se fâche , il est pendu ou crucifié. 

Nous le répétons, nous nous tenons fort en garde 
contre ces renseignements chargés de couleur locale ) il 
nous paraîtrait toutefois bien étonnant que l'imagina- 
lion arabe, même la plus féconde, ait pu combiner 
ainsi un conte oriental avec une page du moyen âge 
européen. 

Cette exagération du pouvoir au bénéfice d'un seul 



132 D'ALGER A TOUGOURT. 

individu n^ empêche pas les rouages du gouvernement 
de fonctionner très-régulièrement, La justice est bien 
organisée ; les écoles sont très-fréquentées ; les impôts, 
qui ne sont autres que la dime (a^chour), sont facile- 
ment prélevés. Les vols sont peu nombreux , et les vo- 
leui's sévèrement châtiés ; on pend les plus coupables, 
on coupe une ou les deux oreilles aux autres. 

Dans Fintérieur de la ville les mœurs sont assez 
pures; mais là, comme autour de presque tous les 
grands centres du désert, des filles de la tribu des 
Ouled Naïl, et de celle des AVazlïa , viennent camper 
pendant l'hiver sur un petit mamelon qu'on appelle 
Drâ' el Guemel (le Mamelon des Poux), et s'y prosti- 
tuer argent comptant. Elles sont généralement très- 
belles, mais fort sales; elles vont la figure découverte, 
comme toutes les femmes du désert. 

Est-ce la misère ou le besoin qui conduit là ces pau- 
vres filles, après que toutes les provisions de leurs tri- 
bus sont épuisées ? Est-ce l'avarice de leurs parents qui 
les force d'aller extorquer quelques douros à leurs riches 
voisins? Nous ne pouvons, ici encore, que constater un 
fait, sans oser nous hasarder à en donner les motifs 
présumés , ni à en tirer des conséquences ; le temps 
n'est pas venu d'écrire l'histoire pliilosophique de ce 
monde presque inconnu. 

Les haines entre membres de la famille régnante , et 
par suite les révolutions de palais , sont fréquentes à 
Tougourt. On se ferait difficilement une idée de l'anar- 



TOUGOURT. 133 

chie qui , en pareille circonstance , déchire la ville , si 
nous ne la retrouvions pas dans Fhistoire des villes 
musulmanes de F Asie et dans celle de Constantinople. 
Ce sont alors des massacres sans fin y jusqu^à ce que le 
parti vainqueur ait imposé son sultan et s^en soit remis 
aux bourreaux pour assurer sa victoire. Les moyens 
sont toujours affreusement extrêmes : les traîtres , c'est- 
à-dire les vaincus y sont écorchés, crucifiés, ou, par 
grâce , pendus. 

Tougourt a été attaquée il y a quarante ans à peu près 
par Salah' Bey, bey de Constantine. Il avait été entraîné 
dans cette expédition par un membre mécontent de la 
famille des Ouled Ben Djellab , Cheïkh Ah'med , cousin 
du sultan régnant Cheïkh A'mer, qu'il voulait dépos- 
séder. 

Les bases du marché passé entre C}ieïkh Ah'med et 
le bey Salah' sont assez singulières : à chaque étape de 
Constantine à Tougourt le bey devait compter mille 
boudjous à Cheïkh Ah'med qui, en échange, devait, 
une fois au pouvoir, lui payer une redevance d'un mil- 
lion. Le bey Salah', guidé par le traître, se mit en 
marche à la tête d'une armée appuyée de quelques 
pièces de canon. A son approche, tous les habitants de 
l'Oued Rir' se retirèrent à Tougourt. Salah' resta six 
mois devant la place ; car, bien que ses habitants soient 
plutôt commerçants que guerriers , ils se battent avec 
beaucoup de courage s'ils sont retranchés derrière des 
murailles. Malgré cette résistance opiniâtre , l'artillerie 



184 D ALGER A TOUGOURT. 

ayant fait brèche à Fenceinte de la ville , tous le« paU 
miers environnants ayant été coupés, et la famine mena* 
çant les assiégés, le bey Salah' enleva enfin la place dans 
un assaut décisif. Les énormes contributions dont il la 
frappa , et celles qu'il leva sur tous les villages de FOued 
Rir^, le dédommagèrent largement et des frais de la 
guerre, et des boudjous qu'il avait religieusement 
comptés à Cheikh Ah'med qui, devenu sultan , paya la 
redevance convenue. 

Cependant les bey de Constantine n'ayant qu'une 
action très-indirecte sur un point aussi éloigné , les con* 
tributions que leur payaient les sultans de Tougourt 
n'ont jamais été bien régulières; elles variaient selon 
que le vassal redoutait plus ou moins son suzerain. Au 
très-redoutable bey Salah' on payait 1 million; au 
moins redoutable Ah'med el Mameluk' on ne donnait 
que 500 000 francs; aux bey qu'on ne craignait pas , on 
ne donnait que quelques nègres, 5 ou 6000 h'aïk, le 
tout d'une valeur réelle de 40 à 50000 francs à peu 
près. 

L'État de Tougourt n'a, du reste, à soutenir que de^ 
guerres peu fréquentes; d'abord, parce qu'il peut 
mettre de trois à quatre mille hommes sur pied, force 
relative très-imposante au milieu de populations no- 
mades ou circonscrites dans un très-petit territoire; 
ensuite, parce que cette ville de marchands, d'arti- 
sans et de jardiniers n'a ni haines, ni besoins, ni 
ambition. 



TOUGOURT. 135 

Cependant, une voisine jalouse, Temaçin, qui, à sept 
ou huit lieues de là , a, elle aussi , ses marchés et ses 
prétentions à la centralisation des produits du désert ♦ 
et qui y si elle est beaucoup plus petite que Tougourt , 
est beaucoup plus guerrière , Temaçin cherche souvent 
à attirer les voyageurs , en dépréciant les denrées et 
les produits de sa rivale. De là querelle, et quelquefois 
guerre. Des tribus arabes, qui campent autour de 
Temaçin et peuvent lever cent vingt à cent cinquante 
cavaliers , prennent parti pour leur mère d^ adoption , 
enveniment et prolongent la lutte. L'infériorité numé- 
rique de Temaçin la force de céder tôt ou tard, et 
toujours elle paie quelques milliers de boudjous et 
donne des chevaux de soumission, comme redevance 
annuelle jusqu'à nouvelle guerre. Les deux villes sont 
maintenant en paix. 

Ce que nous avons dit du luxe de Bou Lifa et du mil- 
lion que son prédécesseur payait^ îl y ^ quarante ans, 
au bey Salah', peut paraître exagéré, mais s'explique fa- 
cilement par les sources mêmes oii s'alimentent le trésor 
des sultans de Tougourt. Outre l'a'chour, dîme prélevée 
sur toutes les denrées, et celle sur les dattes seules est 
d'un revenu immense, ces petits autocrates reçoivent 
encore les nombreuses amendes infligées pour les 
moindres délits, et les présents en argent, objets de 
commerce ou chevaux que les tribus du désert sont 
forcées de leur offrir pour avoir le droit de vendre et 
d'acheter sur les marchés de la ville. 



136 D ALGER A TOUCOURT. 

Ces tribus, qui sont au nombre de quarante-quatre, 
se donnent rendez-vous à Tougourt de tous les points 
du Sahara. 

Celles qui viennent du Zab apportent du blé, de Foi^e, 
des sacs en laine et en lanières de palmier, nommés 
telb's ; et dont on chaîne les mulets et les chameaux 
des tapis, du beurre, des fromages de brebis, des fèves, 
des pois chiches; elles y conduisent des chameaux et 
des moutons. 

LHmmense tribu des Ouled Natl y apporte de la 
laine et y conduit aussi des chameaux et des moutons. 

Celle des Arba\ les mêmes marchandises que les 
précédentes, plus des chevaux et des ânes. 

I^es gens d'El Ar'ouatf et de Fouest, des figues, des 
raisins secs, de la garance, des laines, des bernous, des 
h'aïk. 

Les Béni Mzab, les mêmes marchandises, et de plus 
des vêtements de laine, de Fhuile provenant de Bou 
Sa^da, du poivre, de la graisse de chameau, des mou* 
tons, des nègres qu^ils achètent à Tafilet. 

Les Touareg, qui vont d^abord à Ouargla et remontent 
à Tougourt, y apportent de la poudre d'or mais en très- 
petite quantité, deFalun, du soufre, delà poudre, du 
salpêtre, des dents d'éléphant; ils y conduisent des 
nègres et des moutons d'une espèce particulière à 
F Afrique ; ils n'ont point de laine, mais un poil très-ras ; 
leur queue très-grosse et très-large traîne à terre; on les 
appelle ela'deman ; leur chair est Irès-estimée. 



TOUCOURT. 137 

Les gens de Djebel el A'mour et de Fouest viennent à 
Tougourt avec des tapis, du beurre, des fèves, des figues, 
des pistaches, des coings, des glands, des moutons. 

Toutes ces peuplades s^ approvisionnent, par achat 
ou par échange^ de fusils, pistolets, sabres, chachîa 
(calottes rouges), mouchoirs, bourses, quincaillerie, 
verroterie, lin, calicot, indiennes, papiers, miroirs, 
coutellerie , cardes pour la laine , lentilles , blé , hui- 
les en quantité, épiceries, sucre, café, pipes, écri*^ 
toires, soie, bijoux de femmes, sellerie, étriers, etc., 
tout cela venant de Tunis; ils achètent aussi du tabac 
venant de Souf, du h'âchich, des chaussures et des 
dattes en quantités incalculables. 

Les marchandises de Tunis arrivent à Tougourt, qui 
en est Fentrepôt général , par les habitants des villes et 
des villages échelonnés sur la route, et non point par 
de grandes caravanes, comme on le croit trop généra- 
lement. Ce mouvement commercial se fait à petites jour- 
nées, à la fin du printemps, sous la protection d'une 
colonne de Farmée de Tunis qui, sortie deux mois aupa- 
ravant pour aller jusqu'à Nefi^a faire rentrer les contribu- 
tions , opère alors sa marche de retour. Les routes sont 
donc parfaitement sûres; les marchands de Tougourt 
et ceux des villages qui, dans toute autre saison, pour- 
raient avoir à craindre les Arabes de proie ^ poitent leurs 
denrées et leurs produits à Tunis , et vont s'y approvi- 
sionner. Us rentrent chez eux au mois de juillet, alors 
que tous les Arabes sont occupés de leurs récoltes ou 



138 DALGER A TOUGOURT. 

sout partis pour aller acheter des grains dans le Tell. Le 
temps n^est pas loin sans doute où tout ce commerce 
prendra le chemin de Constantine et d'Alger. 

Celte foire perpétuelle, dont Tougourt est le centre, 
explique poiu'quoi cette \ille n'a pas un seul mendiant ; 
ceux qui s'y trouvent , en très-petit nombre, sont des 
Arabes venus des tribus voisines ; c'est encore là sans 
doute la raison pour laquelle les habitants de Tougourt 
sont particulièrement honorés dans le désert; ils le 
nourrissent : « c'est la reconnaissance du ventre. » 

De toutes les sources de richesses que la circonscrip- 
tion de Tougourt a en elle et qu'elle déverse sur tous les 
points du Sahara et sur Tunis, la plus féconde est assuré<- 
ment le commerce qu'elle fait de ses dattes. Ce qu'elle 
récolte de cet excellent fruit, de ce pain du désert, est 
incalculable. Les dattes sont la nourriture principale 
de tous les habitants nomades ou à établissements fixes 
du Sahara. Les plus riches seuls mangent du pain, ou 
plutôt de la galette et du kouskoussou. Il parait cepen- 
dant que, sous peine de maladie grave et même de 
mort, il faut absolument mélanger la datte avec un au- 
tre aliment tel que les fromages, le lait, la galette. 

Nous avons recueilli sur la culture du dattier et sur la 
manière de conserver les dattes quelques renseigne- 
ments qu'il n'est peut-être pas inutile de donner ici. 

liCS palmiers-dattiers venus de semis sont générale- 
ment inféconds et d'une venue beaucoup moins belle 
que ceux plantés de bouture; c'est donc ce dernier 



TOUGOURT. 18» 

mode de reproduction qui est adopté. Quand un pal- 
mier est parvenu à une hauteur de sept à huit pieds, 
il jette des scions que Ton détache et que Ton pique 
dans une terre préparée; on les arrose à grandes eaux 
et constamment, au moyen de rigoles. A six ou sept ans 
l'arbre s'élève à une hauteur de huit ou dix pieds et com- 
mence à donner des fruits. Les dattiers femelles , les 
seuls qui produisent, sont en bien plus grand nombre 
que les dattiers mâles, destinés par la nature à lafé* 
condation. Dans le Sahara, comme en Nubie, comme en 
Egypte, les indigènes aident Funion des deux sexes de 
la manière suivante : à l'époque de la floraison du mâle, 
floraison qui devance celle de la femelle d'une quinzaine 
de jours, on détache de cet arbre une grappe de fleurs, 
un des régimes (h'ardjoun) qui couronnent sa tête, et 
on l'attache sur celle du dattier femelle ; la nature fait le 
reste. Les fruits se cueillent vers le mois de novembre ; 
des magasins, destinés à les recevoir, sont ménagés 
dans chaque maison et sillonnés de petits canaux qui 
reçoivent et laissent écouler le miel de la datte à mesure 
qu'elle se dessèche. Ainsi préparées, et après dessicca- 
tion complète, elles peuvent se conserver dix ou douze 
ans : les Arabes semblent les préférer aux dattes frai* 
ches. Celles qui nous arrivent en Europe et même à 
Alger, sont d'une qualité tellement inférieure que, dans 
le pays, on les donne en nourriture aux chameaux , aux 
mulets, aux chevaux, en ayant soin de les mélanger, 
soit avec de Vorge, soit avec une herbe nommée sefsfa. 



140 D'ALGER A TOUGOURT. 

Quand un palmier est reconnu stérile , les indigènes 
en tirent parti en lui faisant, au-dessous de la tête 
qu^ils appellent roussa ou galle , une ou plusieurs inci- 
sions à la base desquelles ils appliquent un vase qui se 
remplit bientôt d^une liqueur très-bonne à boire, et qui, 
fermentée, devient enivrante : c'est le vin de palmier (el 
âguemi). L'arbre, ainsi préparé, en donne pendant plu- 
sieurs mois ; on bande alors ses blessures après les avoir 
fermées avec du sable, et, disent les Arabes, cette opé- 
ration le rend souvent fertile. 

L'affluence des étrangers est toujours considérable à 
Tougourt. Le commerce y appelle de nombreuses 
peuplades qui y arrivent au fur et à mesure de leurs 
besoins. Souvent encore, les caravanes du Maroc, qui 
se rendent à la Mecque en pèlerinage , s'y reposent 
quelques jours. 

Des juifs orfèvres, cardeurs de laine, tisserands, etc., 
y vont également pour exploiter leur industrie ; mais 
aucun d'eux n'y brave la saison des fièvres; tous s'en 
retournent, chacun chez soi, dès que la maladie com- 
mence à sévir. 

La monnaie en circulation dans la ville et dans sa 
circonscription est la monnaie de Tunis, qu'on y ap- 
pelle terbaga; elle contient beaucoup d'alliage. On y 
reçoit également les douros d'Espagne. 

Qu'il se trouve dans cette ville, égarée au milieu des 
sables, des étrangers de toutes les couleurs et des peu- 
plades les plus éloignées, même des nègres de Tom- 



TOUCOURT. 141 

bouctou , ce n'est là qu'une circonstance très-explica- 
ble; mais il est assez singulier d'y trouver deux Euro- 
péens qui semblent y avoir acquis le droit de bour- 
geoisie. 

11 y a quatre ou cinq ans que le sultan^ alors régnant^ 
voulant à toute force avoir des canons^ fît enrôler 
à Tunis quatre ouvriers européens qui se chaînè- 
rent de lui établir une fonderie et qui partirent avec 
deux femmes. Une fois arrivés , on mit à leur disposi- 
tion tout ce qu'ils demandèrent : des ouvriers, du 
charbon, du fer-blanc, du fer, du plomb, du cuivre, etc. 
C'étaient tous les jours nouvelles demandes aussitôt sa«> 
tisfaites; peut-être avaient-ils rêvé qu'on leur donnerait 
également de l'or à pleines mains. Cependant les ca- 
nons ne paraissaient pas. « C'est que le charlx)n ne vaut 
rien, dirent-ils; il nous faut du charbon d'abricotier. — 
Voici du charbon d'abricotier, » leur répondit quel- 
ques jours après le sultan qui, ne voyant pas de résul- 
tats, perdit enfin patience et fit attaquer en pleine nuit 
les prétendus fondeurs par quelques hommes de sa 
garde. Deux d'entre eux furent massacrés; les deux 
autres, plus heureux, se sont faits musulmans et 
servent dans les cavaliers réguliers ; ils se sont mariés 
et vivent de la vie des indigènes. La fille de l'un deux a 
épousé le porteur de parasol de Sa Hautesse. Peut-être 
nous attendent-ils, et peut-être qu'avant longtemps 
nous irons les délivrer. De cet ensemble de ren- 
seignements sur une ville aussi curieuse et aussi im- 



I4t p ALGER A TOUGOURT. 

portante que Tougourt y cette réflexion viendra sans 

doute à plus d'un écononûste : 

«Il ne sera certainement pas impossible d^appeler vers 
Constantine par Biskra, et vers Alger par Bou Sa^da^ 
ce grand courant commercial qui s'ëcoule de Tougourt 
à Tunis. Il y a à cela deux objections : Fantipathie re« 
ligieuse et Fhabitude; mais il est bien permis d'espérer 
qu^avec un peu. d'adresse nous pourrions atténuer 
Tune, et vaincre l'autre par quelques sacrifices. » 



ROUTE 

DE BISRRA A EL AROUAf . 



BASSIN DE L'OUED DJEDI. 

Cette route remonte l'Oued Djedi dans presque toute 
sa longueur, et est tout entière comprise dans son bassin . 

Le bassin de l'Oued Djedi s'étend, dans sa direction 
générale, de l'ouest à l'est, sur une longueur de cent 
\ingt lieues à peu près, et sur une largeur moyenne de 
dix-huit à vingt lieues. 

H est fermé au nord par les versants sud du Djebel 
A'mour de la chaîne de montagnes qui, partant d'El 
Ar'ouat', va jusqu'à Biskra en changeant de nom presque 
à chaque pas, et est généralement connue sous le nom 
de Djebel SahVi ; par le versant sud de Djebel Lakhdar, 
de Djebel A'ouras, de Djebel A'mar Khedou et Djebel 
Khanga. 

Au sud, par les versants nord d'une chaîne de ma- 
melons de sable appelée Chebk'a, qui, partant du pied 
de Djebel A'mour entre l'Oued el Maïa et l'Oued el 
Meleh', passe à neuf lieues environ d'El Ar'ouat', et va 



144 DE BISKRA A EL AROUAT. 

mourir dans la plaine, à la hauteur du village d^Ouled 

Djellal. 

L^Oued Djedi est formé, dans le Djebel A^mour, de 
la réunion de deux cours d^eau dont Fun, appelé Oued 
Merra, prend sa source au marabout' de Sidi loucef, 
et dont Fautre, appelé Oued el R'icha, prend la sienne 
un peu plus à Fest, auprès d^un village auquel elle a 
donné son nom. Un peu avant Tadjemout, FOued 
Merra et FOued el R'iclia réunis forment FOued Mzi. 

Un peu au-dessous de Tadjemout , la rivière , qui 
jusque-là a été limpide et courante , disparait dans des 
marais pour reparaître, trois lieues plus loin, dans un 
endroit nommé Recheg ; elle disparait encore presque 
aussitôt, pour reparaître de distance en distance, par fla- 
ques d^eau à la hauteur d'El Ar'ouat' à droite, d'El A's- 
safiaà gauche et de K'sir el H'aïran à droite. A partir de 
ce point le lit de FOued Djedi est presque toujours sans 
eau. Les pluies de Fhiver en font un torrent, les pre- 
mières chaleurs le dessèchent. Il en est de même de tous 
ses affluents. 

Sa direction a été jusque-là du nord au sud-est; ar* 
rivée à K'sir el H'aïran, elle tourne brusquement à Fest, 
et prend alors le nom d'Oued Djedi. En descendant son 
cours , on trouve sur la rive gauche un petit village 
al)andonné ou plutôt inhabité , appelé Entila , où les 
tribus déposent leurs grains. Près d^Entila sont des 
ruines romaines ; plus loin , sur la rive droite, le village 
de Sidi Khaled; celui d'Ouled Djellal, à quelque dis- 



BASSIN DE L'OUED DJEDI. 145 

tance sur la rive gauche; enfin ceux de Lihoua et de 
Sa^da sur la rive droite ; elle va mourir dans un grand 
lac salé appelé Sebkha Felr^ir, auprès d^un petit village 
appelé Sidi Nour ed Din. 

L'Oued Djedi reçoit sur sa route de nombreux af- 
fluents. Les affluents de droite sont : 

L'Oued Reddad, qui descend de Djebel A'mour^ 
vient tomber au-dessous d'El Ar'ouat' sous le nom 
d'Oued Msa'ad, et reçoit lui-même : 1® l'Oued Bel 
Â'roug, l'Oued Zelat el Oustanï et l'Oued Zelat el 
Guebli; 2* l'Oued Bou Ter'fin, qui tombe àK'sir elH'aî- 
ran; 3^ l'Oued Ber'rat; 4' l'Oued Medaguin; 5* l'Oued 
el H'amar ou Si A'ii Saker; 6* l'Oued Mouça; 7' l'Oued 
Ben H'annan, qui vient tomber un peu au-dessus de 
Msa'ad ; 8® l'Oued Ben Dafi, qui tombe presque en face 
de Demed; 9* l'Oued Remel; 10* l'Oued Semouin; 
ir l'Oued el Fêta; 12' l'Oued el Nakhela; 13' l'Oued 
Medeïra; 14' l'Oued Bedat Remel; 15' l'Oued Sek'eb; 
16' l'Oued Khena&a^ qui tombe en face de Sidi Kha- 
led; 17' l'Oued Bel A'rimel; 18' l'Oued K'edarek', et 
1 9' l'Oued Sa'boun, qui tombe en face d'Ouled Djellai. 

Les affluents de la rive gauche sont : 

1 ' L'Oued Mennas, qui vient tomber au village d'El 
A'ssafia ; 2' l'Oued el Bïod'; 3' l'Oued Khang es Sa'boun, 
qui tombe entre El A'ssafia et Entila; ces trois rivières 
descendent de Djebel Karabetit ; 4' l'Oued H'amouïda, 
qui passe à Msa'ad et descend du Djebel el Dja'f, sur 
le sommet duquel est un village nommé A'mra, habité 

10 



146 DE BISKRA A EL AR'OUAT'. 

par les Ouled Na'ïl; 5® FOiied Demed^ qui passe au vil- 
lage de Demed, habité par les Ouled Na^d^ et des- 
cend du Djebel Zekkar, sur le sommet duquel sont deux 
villages, Béni Maïda et Zekkar ; 6® FOued el H'amoura, 
qui descend du Djebel BoukaFil^ et passe à un village 
inhabité auquel elle a donné son nom; 7^ FOued el 
R'omm, qui vient de Djebel Kaf el A^mer, et passe 
au village abandonné de R'omra; 8® FOued Betaban, 
qui passe auprès des puits d'El Ouba; 9* FOued d 
Djer, qui descend de Djebel Djer j 1 0* FOued el R'zas, 
qui descend de Djebel el R'zas ; H • FOued el Bïod', qui 
descend de la même montagne et vient tomber à Sidi 
Khaled ; une rivière dont nous n^ avons pas le nom , qui 
descend delà même montagne et vient tomber à Ouled 
Djellal. La chaîne du Djebel Sah'ri, dont toutes les 
montagnes que nous venons de nommer font partie, 
se termine auprès de Biskra. 

Le dernier affluent que FOued Djedi reçoive par sa 
rive gauche est FOued el Kant/ara, qui prend sa source 
sous le nom d'Oued Nezebel Metaï , à El K's'our dans le 
Djebel Lakheder, pic de la chaîne de montagnes des 
Ouled Sultfan. Elle passe au petit village d'El Kant/ara, 
remarquable par un pont de construction romaine, 
qui lui donne son nom (El Kant'ara); passe à E^ 
Out'aïa, à un quart de lieue de Biskra, qu'elle laisse 
sur la droite, et vient se jeter dans FOuad Djedi, 
près du petit village de Sa'da, à douze lieues de 
Biskra 



DE BISKRA A EL ARGUAT'. 147 

L^Oued el Kant'ara, encaisse sur sa rive droite par 
des montagnes à pic, mais peu élevées, ne reçoit 
d^ affluents que des montagnes de sa rive gauche. 

Les rivières qui s'y jettent sont : 

•L'Oued Branès, qui descend de la montagne du 
même nom et vient tomber un peu au-dessus d'un 
bordj ou fort isolé. 

L'Oued Braz, qui descend de Djebel A'mar Khedou 
et vient mourir à Sa'da", au confluent de l'Oued Djedi 
et de l'Oued el Kantfara. 

L'Oued Braz reçoit elle-même l'Oued Messilîa , qui 
descend de A'mar Khedou et passe à Sidi O'k'ba. 



ROUTE DE BISKRA A EL AR'OUAT. 

La route de Biskra à El Ar'ouat' suit une direction 
générale de l'est au sud-ouest. Pendant les deux pre- 
miers jours de marche on s'avance directement dans 
le sud pour gagner l'Oued Djedi , dont on prend alors 
la rive gauche pour ne plus la quitter. 

lieae». 

!•* jour, de Biskra au petit village de Oumach, pays sa- 
blonneux. On a laissé sur la gauche des ruines 
romaines appelées Oum el H'anna 4 

2* . . . d'Oumach à Lihoua, en passant parles petits vil- 
lages de Mlili et de Bent'ious. On est alors sur 
rOued Djedi 12 



148 DE BISRRA A EL AR'OUAr. 



Uenes. 



3* . . .de Lihoua à Sidi Khaled y en longeant l'Oued 

Djedi 10 

Un peu après avoir quitté Liboua on trouve quatorze 
ruines romaines , dont voici les noms : 

El K'sir. 
K'sir el H'aîran. 
Mza el Outif . 
Toual. 

Oudïe ed Dïb. 

El Guemâ. ^ 

Dra' Remel. 
El Meckh. 
El Toual. 
Cha'ba. 
Bou A'dem. 
Bou Chougga. 
El Kebabïa. 
' ElBeldja. 

Ces ruines, échelonnées sur une distance d'une dou- 
zaine de lieues , semblent être les restes de petits forts 
derrière lesquels se serait jadis abritée la colonisation 
romaine. Toute cette première zone du désert est cou- 
verte de ruines semblables; celles dont nous parlons 
sont encore à hauteur d'homme, et, bien qu'elles soient 
inhabitables et abandonnées , quelques tribus s'y réfu- 
gient pendant l'hiver pour y fabriquer de la poudre. 
Ces tribus sont les 

Row A'îid. 



OULED DJELLAL. 149 

Ouled Djellal. 
Ouled Sidi Sliman. 
Rah'man. 
Selmîa. 

Le soufre qui sert à cette fabrication vient de Tunis. 

Le charbon est fait avec du bois de laurier-rose. 

Le salpêtre se trouve en quantité sur les lieux mêmes. 

Au printemps , c'est-à-dire quand les pluies ont cessé 
et que les voies de communication sont devenues plus 
faciles, les tribus dont nous avons parlé écoulent leurs 
poudres vers Tougourt, au sud; au nord, chez les 
Ouled Bou Taleb et les H'al el H'amma, tribus kabyles 
du sud de Setif , qui vont les revendre au prix ordi- 
naire d'un boudjou la livre à toutes les tribus du désert, 
depuis El Ar'ouatf jusqu'à Gardaïa. 

A trois lieues avant d'arriver à Sidi Khaled, on trouve 
le k'sar de Ouled Djellal , situé un peu au nord de 
l'Oued Djedi. 



OULED DJELLAL. 

Ouled Djellal contient cinq ou six cents maisons à 
peu près ; il est défendu par une enceinte crénelée, en- 
touré d'une petite forêt de dattiers et de jardins. Les 
terres des environs, cultivables en certains endroits, 
peuvent suffire, en céréales, aux besoins des habitants. 



IdO DE BISKRA A EL AR'OUAr. 

Les hommes fabriquent de la poudre y les femmes 
tissent des vêtements de laine. 

Le commerce général de cette petite ville consiste 
en blé, orge, dattes, beurre, huile qui vient de Bou 
SaMa , etc. ; quelques petits marchands y tiennent des 
boutiques approvisionnées des choses les plus essen- 
tielles à la vie. 

Les Ouled Djellal sont de mœurs fort dissolues , et 
réputés tros-hardis voleurs. 

Les tribus qui déposent leurs grains à Ouled Djellal 
sont : 

Des fractions des Selmïa. 

— des Bou A'zid. 
Ouled A'zy. 

D'Ouled Djellal à Sidi Khaled la route est coupée de 
ravins où coulent, pendant Fhiver seulement, les 
rivières que nous avons déjà nommées. 



SIDI KHALED. 

Sidi Khaled , sur la rive droite de l'Oued Djedi, est 
un k'sar de deux cents à deux cent cinquante maisons, 
entouré d'une mauvaise enceinte et d'une petite forêt 
de palmiers. 

Khelaïça, en dehors des murailles, est une mosquée 
surmontée d'un minaret , appelée Djema' en Nebi Sidi 
Khaled. Elle a donné son nom au village. 



SIDI KHALED. 15i 

Les fractions des Ouled Na'ïl qui y disposent leurs 
grains sont : 

Ouled Saci. 
Ouled H'arkat. 
Douaouda. 
Selmïa. 
Rah'man. 
Bou A'zid. 
Ouled Rah'ma. 

On y fabrique de la poudre qui est vendue aux 
Arabes du désert et à Tougourt. Le chemin qui conduit 
à cette ville débouche en face de Sidi Khaled sur la 
rive opposée de rOued Djedi, par un ravin appelé Oued 
Khenafsa. 

lifUM. 

4« jour, de Sidi Khaled au puits d'El Ouba, en traversant 

rOued R'zas et rOued el Djer 7 

5* . . . d'El Ouba, en traversant l'Oued Betaban, à R'omra, 

village abandonné, sur la idvière du même nom. 7 

6* . . . de R'omraà A'moura, village abandonné , sur la 
rivière du même nom , sur le penchant de Dje- 
bel Bou Kah'U 8 

7» . . .de A'moura à Demed , sur la rivière du même 

nom 6 



152 D£ BISKRA A EL AR'OUAr. 

DEMED. 

Demed est un petit village de trente à quarante mai- 
sons basses et mal construites, entoure de jardins 
bien plantés d^arbres fruitiers et dans lesquels on cul- 
tive beaucoup de légumes et des raisins très-estimés. 
On y trouve quelques dattiers, mais leurs fruits sont de 
mauvaise qualité. 

Les gens de Demed fabriquent de la poudre qui a 
une grande réputation dans le désert; elle se vend en- 
fermée dans de petits tubes de roseau de la grosseur et 
de la longueur d'une cartouche. 

Les femmes tissent des vêtements de laine. 

Des fractions des Ouled Na'ïl déposent leurs grains à 
Demed; ce sont les 

Ouled el A'ouer. 

Ouled A'ïfa. 

Ouled A'ïça. 

Ouled Medjeber. 

Ouled el A'trech. 

Ouled Tabag. 

Ouled A'mer. 

Ouled Faf ma. 

Ouled Lek'h'al.' ««-. 

8« jour, de Demed au puits de Bedjeran, en passant par 

Msa'ad, surTOued H'amouïda 9 

Msa'ad est à deux lieues ouest de Demed ^^ c'est 
un k'sar de quarante à cinquante maisons , as- 
sez bien bâties , entourées de jardins plantés 

A reporter 9 



DJEBEL SAHm. 153 

Report 9 

d'arbres fruitiers et de légumes. Il n'y a point 

de dattiers. 11 s'y fabrique de la poudre, mais 

. d'une qualité inférieure à celle de Demed. 

Les mêmes fractions des Ouled Na'il déposent 

leurs grains dans les deux villages. 

9* ... de Bedjeran à K'sir el H'aïran, en traversant le 

village abandonné d'Entila 10 

lO* . . . deK'sirelH'aïranàElAr'oua't 6 

Total 79 



DJEBEL SAH'RI. 

La chaîne de montagnes appelée Djebel Sah'ri , sans 
doute parce qu'elle sépare le Tell du Sahara, s'étend 
sur une largeur variable de six à onze lieues , en chan- 
geant de nom à chaque pas et sur chaque versant, de- 
puis Biskra, à l'est, jusqu'au Djebel A'mour, à l'ouest. 
Il ne nous a pas été possible d'obtenir la hauteur, même 
approximative de ses points culminants qui, du reste, 
sont peu élevés. 

L'intérieur en parait, dans son ensemble, haché, 
tourmenté par des ravins plus ou moins abrupts , plus 
ou moins profonds ; il est boisé sur presque tous ses 
versants et sur la plupart de ses sommets , et coupé 
de vallées arrosées, même en été, par des sources 
abondantes qui, l'hiver, deviennent des torrents. 

Des ruines nombreuses attestent que c'était là un 
des grands centres de l'occupation romaine. 



154 ROUTE DE BOU SA'OA A DEMED. 

C'est le pays des Ouled Na'ïl, grande tribu arabe, 
qui vit dans des gourbis ou campe sous la tente. De 
rares k'sour, mal bâtis, appi^issent cependant de loin 
en loin ; mais ils ne sont point habites : ce sont des gre- 
niers où les Ouled Na'd déposent leurs grains et que 
gardent quelques hommes. 

Le Djebel Sah'ri est sillonné de sentiers difficiles 
servant de communication entre son versant nord el 
son versant sud. Nous ne donnerons que les principaux. 



ROUTE DE BOU SA'DA A DEMED. 

DIRECTION DU NOBD AU SUD-OUEST. 

liran. 

!•' jour, de Bou Sa'da, en passant par le défilé d'A*ïn el 
R'rab (la fontaine du corbeau) , on entre dans 
la montagne et on s'arrête à une distance de. 1 1 

î* ... on marche encore dans la montagne Il 

S* ... on suit un plateau que les Arabes appellent 

Moalba, jusqu'au pied du Bou K'aïl 11 

4* ... on quitte le massif du Sah'ri par un petit défilé 
appelé El Bab (la porte), et on s'arrête sur le 
versant sudàA'moura, k'sar inhabité, dépôt 

de grains des Ouled Na'ïl 6 

5* ... à Demed » 6 

Total 45 



ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAr. 155 

ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAT, 

PAR LE MILIEU DU DJEBBL 8AHRI. 



lieun. 



l*' jour i 

'' I Ces trois premières étapes sont les mêmes que 

' ' ( les précédentes 33 

4* ... au pied du Djebel Zekkar à K'sar Zekkar 9 

5* ... on traverse le Djebel Zekkar, on suit le versant 

sud de la montagne et on s'arrête dans la plaine. 9 

6« ... à El Ar'ouat'. 9 

TOTU 60 



ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAT, 

FAR CHAREF ZI^ LONGEANT LA MOIfTAGNE. 

lieaes. 

1» jour, on s'arrête dans la plaine au pied du Djebel Dra' 

el H'amel 10 

2* ... sur rOued Hedjedel , en suivant la montagne. . 9 
L'Oued Medjedel descend du Djebel Ben A'iïa, et 
vient se perdre dans Tun des deux marais appe- 
lés Zar'ez. Ce sont deux marais salés, très-rap- 
prochés Tun de l'autre , peu profonds , dans 
lesquels viennent mourir plusieurs rivières , et 
que l'été dessèche : ils se couvrent alors d'un 
sel excessivement fin , d'une blancheur de 
neige , qiii , de loin , produit un effet de mirage 
tel qu'on les prend pour des lacs; nos soldats 

A reporter 19 



156 ROUTE DE BOU SA'DA A EL AR'OUAT. 



lieues. 



Report 19 

de l'expédition de El Ar'ouaf furent la dupe de 
ce phénomène. 

Le bassin des Zar'ez est limité, au sud, par la 
montagne du Sah'ri , depuis Bou Sa'da jusqu'à 
Charef ; et au nord, par celles qui partent de 
Bou Sa'da, et s'étendent jusqu'à Souagui, sur 
la route de Biskra à El Ar'ouaf , en prenant les 
noms divers de Djebel Zemera , Djebel Mega- 
rez , Djebel Bah'im , Djebel Khider, Djebel 
Seba' Rous. 

Les montagnes du Djebel Sah'ri y déversent plu- 
sieurs rivières , qui sont : 
Pour le Zar'ez de l'est : 

A'ïoun es Sba, qui descend du Djebel Kasmara. 

Oued el Medjedel , ) qui descendent du Djebel 

Oued SidiBouzid, ) A'iïa. 

Oued Medroeh', qui vient du Djebel H'ariga. 
Pour le Zar'ez de l'ouest : 

Oued Daïet es Souf, qui descend du Djebel 
Besdama et vient mourir auprès d'un mamelon 
de sel placé entre les deux Zar'ez, et appelé 
Koun Djaïa. 

Oued el Maleh', qui descend du Djebel Sba 
Mokran, dans l'intérieur du Sah'ri, passe par 
une coupure formée du Djebel Besdama et du 

' Djebel Khouïni. 

Oued Kerirech , ) qui descendent du Djebel 

OuedAdjîa, ) Khouïni. 

3« . . . sur l'Oued el Maleh' 11 

4' . . , à Charef. 9 

Report 39 



ROUTE DE BOU SA'DA A SIDI KHALEO. 157 

lirars. 

A reporter 39 

Charef est un petit village de quarante ou cin- 
quante maisons mal bâties, où quelques tribus 
des Ouled NaTl viennent déposer leurs grains. 

6* ... à A'ïn Msa'oud, dans le Djebel es Zereg 11 

6* ... on coupe , par une suite de défilés, le groupe de 
montagnes qui relient le Djebel Sah'ri au Djebel 
A'mour et on s'arrête au marabout' de Sidi 

Mekhelouk' sur le versant sud 11 

7* ... à El Ar'ouat' 9 

Total 70 



ROUTE DE BOU SA'DA A SIDI KHALED. 

DIRECTION DU NORD AU SUD. 



tiettes. 



l** jour, à A'ïn Medjedel, dans Tintérieur du Sah'ri. ... 9 

2* ... à Ain el Heh'aguen , au pied des montagnes du 

même nom 6 

3* ... à A'ïn el Maleh', au pied du Djebel Ksoum , sur le 
sommet duquel sont deux ruines romaines ap- 
pelées Tita et El A'rab 8 

4* ... à Sidi Khaled, par un petit défilé 10 

Total 33 



IM ROUTE DE CHAHEP A DEMED. 

ROUTE DE CHAREF A DEMED. 

mMCnON DU NOM) AU SUD. 



Ii««n. 



l*' jouir, au pied du Debjel Bou Kah'il , dans le massif du 

Sah'ri , à un endroit appelé El Bab Il 

2* ... à A'moura, sur le versant sud du Sah'ri 6 

$• . . . à Demed 6 

Total. . . , . . 23 



TRIBU DÈS OULED NA'IL. 

Les Ouled Na'ïl forment une tribu immense qui se 
divise en deux grandes fractions y nommées de leurs 
positions. Tune Ouled Na^'dCheraga ou de Test, Fautre 
Ouled Na^ïl R'eraba ou de Fouest, et qui se subdivisent 
ainsi : 

OULED NA^ÏL GHERAGA. 

Ouled Khaled. 
Ouled A'mara. 
Ouled Rah'ma. 
Ouled Rabah'. 
Ouled Saçi. 
Ouled H'arkat. 
Ouled Melkhoua. 
Ouled Zir. 
Ouled Salah'. 



TRIBU DES OULED NA'IL. 169 

Ouled Tabâ\ 
Ouled Alça. 
Ouled Alfa. 
Ouled Ferredj. 
Ouled Sidi Zïan. 
Ouled el A'ouer. 
Ouled Ah'med. 
Ouled A'mer, 

OULED Na'ÏL r'eRABA. 

Ouled lahlà Ben Salem. 

Ouled Ennoeh'. 

Ouled Sâ'd Ben Salem. 

Ouled si Mah'med. 

Ouled Kerd el Ouad. 

Ouled Medjeber. 

Ouled Moh'ammed Ben Mbarek. 

Ouled el R'ouïni Ben Salem. 

Mbarka ou A'bid Allah'. 

Chacune de ces divisions se subdivise encore en un 
grand nombre de fractions dont nous avons cru inutile 
de donner les noms , et qui campent , en nomades , sur 
le territoire borné au nord par Bou SaMa, à Touest 
par Charef et El Ar'oual', au sud par l'Oued Djedi, à 
Test par Ouled Djellal, Mdoukal etMsila; c'est-à-dire 
tout le Djebel Sah'ri et la plus grande partie du bassin 
de rOued Djedi. 

Par exception au mode de gouvernement qui régit 
presque toutes les tribus arabes , les Ouled Na'û n'ont 
jamais eu , ni pour les Cheraga ni pour les R'eraba , un 



160 DE BISKRA A EL AR'OUAr. 

k'aid commandant à toutes les fractions; chacune déciles 
se désigne un cheikh et vit indépendante de ses voisines. 
Le cheikh est toujours choisi parmi les plus nobles^ les 
plus riches 9 (c parmi ceux qui ont le plus d^ épaules , » 
selon Fexpression de celui qui nous a donné ces ren- 
seignements. 

Les familles les plus puissantes sont chez les Ouled 
Na^ildeFest: 

Alla Ben Brahim , des Ouled A'ïça. 
El Nahouma, des Ouled Aifa. 

Et chez ceux de l'ouest : 

El T'oumi Ben T'oumi, des Ouled Ennoeh'. 
Moh'ammed Ben Chetoeh', des Ouled Sâ'd Ben 

Salem. 
Moh'ammed BenFoudil, des Ouled si Mah'med. 

L'ensemble du pays habité par les Ouled Na'ïl , bien 
que cultivé sur certains points , ne produit cependant 
pas assez de céréales pour suffire aux besoins de tous. 
Chaque année ^ après la moisson^ une émigration de la 
tribu vient dans le Tell faire des achats de grains , que 
chacun emmagasine au retour dans les silos ou dans 
les k'sour les plus voisins de leur lieu de campement , 
et qui sont : 

Charef, 
H'erteba. 
Meça'd. 
H'amoura. 
El H'amel. 



TRIBU DES OULED NA'IL. 161 

A'ïn R'erab, Silos. A'ïn el Maleh', Silos. 

Sidi Khaled. A'ïn Rich, Silos. 

Bou Ferdjoun. El Guedid. 

.; A'inel Medjedel, Silos. Demed. 

Ouled Djellal. Bou Sa'da. 

Le but de ces voyages est d'aller vendre où échanger 
contre des grains , qui approvisionneront la famille 
pour toute Tannée, les étoffes de laine, l^ernous et 
h'aïck', et les tentes en laine ou en poil de chameau 
que les femmes ont tissées pendant leurs longs loisirs. 
Mais là ne se bornent pas les courses des Ouled Na'ïl ; 
presque tous sont riches en chameaux ; quelques familles 
en possèdent sept à huit cents ; elles les louent aux mar- 
chands voyageurs , dont le métier est de venir acheter 
dans les villes d'entrepôt et d'aller revendre dans le 
Sahara les objets de première nécessité et de luxe 
même qui y ont été apportés, soit de Tunis, soit au- 
trefois d'Alger et de Constantine. Aussi retrouve-t-on 
ces colporteurs infatigables sur les marchés de Bou 
Sa'da, de tous les villages des Ziban, de Biskra, de 
El Ai''ouat', des Béni Mzab et de Tougourt. 

Placée sur la ligne intermédiaire du Tell et du Sahara, 
cette tribu industrieuse , que ses penchants semblent 
avoir faite plutôt commerçante que guerrière, bien 
qu'elle puisse lever de nombreux cavaliers, était admi- 
rablenaent servie par sa position pour le genre d'in- 
dustrie qu'elle exploite, et qui lui procure de grands 
bénéfices en argent. 

Sa richesse propre est d'ailleurs considérable et con- 

41 



162 DE BISKRA A EL ARGUAT', 

siste, comme celle de tous les Araires de la tente, en 
troupeaux de bœufs, de chameaux, de moutons et 
d'ânes. Le prix d'un mouton varie de 5 à 6 fr.; celui 
d'un chameau est de 4 50 à 1 60. Certains chefs, comme 
les patriarches de la Bible , en possèdent une si grande 
quantité que le chiffre en parait fabuleux. 

Ce sont là des fortunes qui, plus d'une fois, tentèrent 
l'âpre avidité des beys du gouvernement turc; les Ou- 
led Na'ïl Cheraga relevaient alors de Constantine, les 
R'eraba de Titteri , et payaient aux beys de ces deux 
provinces des redevances énormes , appelées Feussa ou 
lazma , pour avoir le droit de venir acheter les grains 
du Tell. Mais il est arrivé souvent qu'après les provisions 
Eûtes, les voyageurs étaient, au retour, assaillis et pillés 
par les cavaliers du bey, embusqués sur la route. 

Sous A'bd el K'ader, les Ouled Na'ïl Cheraga rele- 
vaient du khalifat de Biskra, et les R'eraba, du khalifat 
de Médéah. Outre le zekkat et l'a'chour, ils payaient 
l'eussa. 

Les Ouled Na'ïl sont, dit-on, généralement bons et 
hospitaliers, mais de mœurs fort dissolues. Leurs 
femmes , et surtout leurs filles , jouissent d'une très- 
grande liberté ; ce sont elles qui fournissent à la prostitu- 
tion dans les villes du désert, en concun^ence avec les 
filles de la tribu des Ar'azlïa dans le Sahara , celles de la 
tiîbu des A'mer, dans les environs de Sétif , et celles 
des Ouled Our'abah', Kabyles des environs de Bougie. 

Cette tribu est aujourd'hui entièrement soumise. 



ROUTE 

DE BISKRA A TEBESSA. 

DIRECTION DE l'oUEST A l'eST. 



De Biskra à Tebessa il y a plusieurs routes, dont deux 
principales : F une \a passer dans la plaine à El Feïd, 
l'autre suit le chemin de la montagne par A'mar 
Khedou. 

V ROUTE. 



lieues. 



!•' jour à Sidi O'kba 6 

a** . . . à A'ïn Naga 5 

3« . . . à Sidi Salah' 6 

4« . . . à El Feïd 10 

6" ... à Taberdega 9 

6« . . . à A'ïn Semar 12 

7* . . . au marabout' de Sidi A'bid 14 

8« . . . au Djebel Dir 7 

9* . . . à A'ïn Chabrou (fontaine) 14 

10« . . . à Tebessa 3 

Total 86 



16^ I)F BISKRA A TEBESSA. 

2' ROUTE. 

lienet. 

l"jour au Djebel A*mar Khedou 8 

2* . . . à Mekhder el A'mer 7 

. à H'adjer Sefer 8 

. à Messeloula 8 

. à un marais appelé R'dran 7 

. à Djebel Djafa 9 

. à A'ïn Chabrou 12 

. à Tebessa 3 



ToTAt 62 

TEBESSA. 

Les renseignements que nous allons donner sur Te- 
bessa, sont extraits d'un rapport de M. le général 
Négrier, qui y est entré à la tète d'une colonne le 
31 mai 1842. 

« La ville arabe de Tebessa , Fancienne Thevesta des 
(( Romains, se trouve dans l'un des sites les plus heu- 
(( reux de la province de Constantine ; elle est bâtie au 
« pied du versant nord des montagnes de Bou-Rou- 
(( mann, qui enceignent le bassin de l'Oued-Chabrou. 

« On y trouve des eaiix excellentes , des jardins dé- 
(( licieux, et, devant elle, se développe une plaine im- 
« mense , arrosée par des sources nombreuses dont les 
(( eaux se jettent dans l'Oued Chabrou, qui serpente au 
(( fond de la vallée. La quantité de ruines romaines 
(( éparpillées dans les environs , les monuments qu'on 
« retrouve dans la ville même de Tebessa, attestent que 



TEBESSA. 165 

(( les Romains ont apprécié la valeur de cette portion 
i( de leur conquête, et que là où se trouve aujourd'hui 
« une population de 12 à 15,000 âmes, ils ont eu de 
(( 30 à 40,000 habitants. 

f( La forteresse romaine de Thevesta est encore de- 
« bout; sa forme est rectangulaire , et ses quatre faces 
f( sont à peu près égales. Le développement total de la 
« muraille est de 1370 mètres; les murs sont bâtis en 
« belles pierres de taille. En saillie , sur le mur d'en- 
« ceinte , sont construites quatorze tours carrées , dont 
« quatre aux angles du rectangle; les dix autres sont 
« espacées irrégulièrement sur le reste de la fortifica- 
(( lion. — • La hauteur de la muraille varie de 5 à 1 mè- 
« très, et l'épaisseur de 2 mètres à 2 mètres 50. 

« Il y a deux portes que les Arabes appellent Bab el 
« Djedid et Bab el Kedim. — La première donne accès 
« dans la ville par Fintervalle qui sépare deux des tours 
« du front est ; la seconde est ouverte dans un arc de 
« triomphe qui date des beaux temps de la domination 
(( romaine. Ce monument existe presque entier. L'arc 
« est d'ordre corinthien , tous les détails et les orne- 
ra ments d'architecture sont d'une pureté et d'une déli- 
te catesse remarquables. 

(( Dans l'intérieur de la viUe, et près de la porte El 
(( Kedim, on trouve un petit temple conservé tout en- 
« lier , qui rappelle la maison carrée de Nismes. — Les 
(( Arabes en ont fait une savonnerie. 

« Vers le sud-est de la ville , à 200 mètres environ 
« de la porte El Djedid , on voit un grand cirque de 



166 DE SOUF A R'DAMÊS. 

« forme elliptique , qui pouvait contenir 6,000 specta- 

« teurs. 

« Un aqueduc qui existe encore alimentait la ville 
« romaine ; il a 700 mètres de développement. 

« k i j200 mètres au nord de Tebessa se trouvent 
« d'immenses ruines , qui paraissent être celles d^un 
(( temple de la justice. 

« Les principaux dVntre les Arabes de Tebessa ont 
« la démarche, les formes et la mise des habitants des 
« villes d'Afrique; mais la masse de la population porte 
« sur elle le cachet de la misère. — On fait à Tebessa 
« quelque commerce en chaussure, tabacs, haïes, 
« dattes, tapis, quincaiUerie , etc. La première res- 
« source des habitants consiste dans leurs grains et 
i( dans les fruits de leurs jardins ; mais ils ne cultivent de 
K la plaine que la partie la plus rapprochée de la ville , 
« dans la crainte d'être pillés par les montagnards. » 

ROUTE DE SOUF A R'DAMÈS. 

DIRECTION GÉNÉRALE DU NORD Al) SUD-EST, AU MILIEU 
DES SABLES. 

lirucs. 

l«'jour de Souf à Dra' el Khezin 6 

2« . . . à Sah'an ed Diba 9 

3" ... à AVbïa .... 8 

4« . . . àDjedid(puits, le seul de la route) 8 

5* . . . àOudïanel Baguel .'. 8 

6° . . . àOuedSemri, ravin 8 

7* ... à Mouï A'ïça 8 

A reporter. ... 55 



ROUTE DE SOUF A R'DAMÈS. 167 

Report, ... 55 
8* ... à Oudïan el Kebar 8 

Ici se trouvent des arbres. 

9* ... à Sebit Reguieg 7 

10* . . . àZemoul el Kebar 7 

!!• , . . à El Guemîr, où des poutres plantées dans les sa- 
bles indiquent la route 7 

12* . .* . àR'ourdel Khenech 7 

13* . . . àZmoul Teboul 7 

14* . . . àR'ourd Tenïa 7 

Ici sont des arbres aux branches desquels les 
chasseurs partis de Souf ou de R'damês dépo- 
sent une partie de leurs provisions pour les 
soustraire aux chakals pendant la durée de leur 
chasse. 

16* . . . àElFedj 7 

16* ... à R'ourd Ah'med Ben M\\ 8 

17* . ... à El Ouedj el A'reg 8 

Jusqu'ici l'on a marché à travers des mame- 
lons , des dunes de sables mouvants ; tous les 
lieux que nous avons indiqués ne sont que de 
simples stations habituelles et connues des 
voyageurs; à Ouedj el A'reg on traverse les 
mamelons qui terminent le Djebel Batten, à 
Test, et Ton entre sur la terre ferme dite 
ITamada, 
18* ... à la Zaouïa de Sidi Mabed, en traversant un ma- 
rais salé 8 

19« . . . à R'damês 2 



Total 138 



168 DE SOUF A RT)AMÈS. 

R'DAMÈS. 

R'damés dépend de la régence de Tripoli ; c'est une 
ville d'un millier de maisons , entourée d'un mur d'en- 
ceinte haut de 1 2 ou 15 pieds , crénelé et flanqué de 
petits forts. 

Quatre portes y donnent entrée : 

Bab el Bah'ira» 
Bab el Touareg. 
Bab elTedjar. 
Bab Cheikh el Médina. 

R'damés a deux mosquées principales , dont une est 
remarquable par sa grandeur ; elle a aussi une k'asbah', 
nommée Dar el Ouacchi. 

Ses environs sont plantés de jardins potagers et frui- 
tiers où l'on cultive un peu d'orge , les légumes et les 
arbres que nous avons déjà nommés ailleurs. Une forêt 
de dattiers , qui lui fait face au nord , l'embrasse à l'est 
et à l'ouest; mais rien ne la protège au sud contre 
l'envahissement des sables qui, chassés par les vents 
du désert, s'amoncellent en vagues solides sur ce côté 
de ses murailles. 

Quelques maisons ont des puità. Une source très- 
abondante jaillit en dehors de la ville à côté de la 
porte du sud , arrive par des canaux dans chaque 
quartier et arrose les plantations extérieures. 

A deux ou trois lieues de la ville , à Test et au nord , 



R'DÂMÊS. 169 

s' élèvent deux petits marabout' au centre de deux 
k'sour à peu près en ruine. 

La zone brûlante sous laquelle R'damés est située, la 
nécessité de se garantir et des vents du désert et des 
rayons incandescents du soleil , expliquent le caractère 
particulier de constructions qui distingue cette ville. 
Les maisons, couvertes en terrasses, sont toutes réunies 
à leur sommet, et forment ainsi une voûte continue, à 
travers laquelle, de distance en distance, sont ména^ 
gées des ouvertures pour donner de l'air et de la lu- 
mière aux rues intérieures ; ces rues ne sont que de vé- 
ritables corridors où ne pénètre jamais le soleil. 

Cette combinaison bizarre a peut-être eu pour but 
encore de séquestrer complètement les femmes et de 
mettre ainsi la jalousie musulmane à Tabri de toute in- 
quiétude. Cest par les toits, et d'une terrasse à l'autre, 
que les femmes se visitent le soir sur cette immense 
plate-forme , sans qu'il leur soit permis de descendre 
dans les rues intérieures^ spécialement affectées aux 
hommes, aux esclaves et aux négresses. Après trois 
heures du soir on ne peut plus y marcher sans lan- 
ternes. 

Un mur de la hauteur des maisons coupe R'damés en 
deux parties à peu près égales, et fait ainsi deux quar- 
tiers distincts, dont les habitants, voisins soupçonneux, 
jadis en guerre et presque toujours en querelle , n'ont 
pour communiquer ensemble que trois petites portes 
ménagées dans la cloison de séparation , si basses et si 



170 DE SOUF A R'DAMÈS. 

étroites qu'un homme n'y peut passer qu^à pied. La 
défiance mutuelle est si grande que, par crainte d'être 
assassinés » les marchands ne se rendent point en per- 
sonne au marché de la ville , et qu'ils y envoient leurs 
esdaves. 

Une division politique a précédé et nécessité cette 
division de territoire. De temps immémorial deux fa- 
milles principales sont , dans R'damés , en possession 
du pouvoir : 

L'une s'appelle Ouled el H'adj Âh'med ; 

L'autre A'bd el Djellil. 

11 y a quatre-vingts ans, à peu près, qu'une lutte 
s'engagea entre elles, et, comme toujours, elle était 
signalée par des combats et des massacres qui l'en- 
venimaient chaque jour davantage , quand loucef , pa- 
cha de Tripoli, s'interposa comme suzerain; sa mé- 
diation fîit acceptée, et il décida que la ville serait 
partagée en deux quartiers, dans chacun desquels com« 
manderait un chef indépendant de son voisin. C'est 
alors que la muraiUe de séparation dont nous avons 
parlé Ait élevée. Cette mesure amena la paix , et rien 
depuis ne l'a troublée. 

Les cheïkh actuellement au pouvoir s'appellent : 

Celui de l'est , Moh'ammed el Ouaohi ; 

Celui de l'ouest, A'ii. 

L'un et l'autre demeurent dans une k'asbah', ou petit 
château fortifié. 

H'damés échappe trop facilement , par sa position , à 



R'DAMÉS. 171 

l'autorité dii*ecte de Tripoli pour n'avoir pas tente de 
se rendre indépendante. C'est ce qui est airivé il y a 
quelques années : le refus des impôts, si difTiciles à 
percevoir sur ces points éloignés , fut probablement le 
motif de rupture ; mais une armée partie de Tripoli 
vint mettre le siège devant la ville rebelle , la prit après 
une lutte acharnée , et lui imposa un tribut considé- 
rable; elle dut livrer notamment vingt-cinq chameaux 
chargés de poudre d'or. 11 serait curieux de constater 
ce fait 9 dont nous ne garantissons point l'authenticité , 
et que nous révoquons même en doute ; car, quelque 
riches que nous supposions les sables aurifères du désert, 
les difHcultés que présente la chasse à la poudre d'or, 
comme disent les nègres, et la très-petite quantité qui 
en est apportée sur les marchés des villes du Sahara ne 
nous peimettent pas de croire qu'une seule d'entre elles 
ait pu en charger vingt-cinq chameaux. Peut-être ce- 
pendant était-ce là un trésor en réserve et depuis long- 
temps accumulé. 

I^es habitants de R'damês sont presque tous voya- 
geurs et marchands ; ils ne restent chez eux que pendant 
la saison des grandes chaleurs, qu'ils appellent smaïen. 
Leur ville est à la fois l'entrepôt des marchandises qu'ils 
reçoivent de l'intérieur et de celles qu'ils vont chercher 
à Tripoli et à Tunis. 

Bien qu'ils aient de nombreux chameaux, ils louent 
encore , pour ces voyages , ceux des tribus nomades^ 
leurs voisines. 



172 DE SOUF A R'DAMÊS. 

ils portent à Tunis et à Tripoli : 

Des esclaves. 

De la poudre d'or. 

Des peaux de tigre du pays des nègres. 

Des dents d'éléphant. 

Des étoffes (saïes). 

Des boucles d'oreilles et des bracelets en or. 

Des lames de sabre. 

Des bracelets en corne qui viennent des Touareg. 

Des chaussures en forme de brodequins. 

lis en rapportent : 

De la verroterie de toute couleur, par quintaux. 
De hautes chachïa. 

Des draps de toutes les couleurs, moins la noire. 
Des cotonnades. 
Des foulards. 

Des habillements confectionnés. 
Des miroirs. 

De la soie rouge, en grande quantité. 
Des essences. 

De Tantimoine pour noircir les paupières. 
Des chaussures noires. 
Des épiceries. 

Des scies , des pioches , des Hmes , des ser- 
rures , etc. 
De la coutellerie. 

La plus grande partie de ces marchandises , les ver- 
roteries et les chachïa surtout, s'écoulent dans le désert 
et jusque dans le pays des nègres, sous la protection des 
Touareg, que F intérêt d'un commerce régulier attache 



R'D.VMÈS. J73 

aux habitants de R'damês, et qui se cliai^gent, moyen- 
nant redevance, de faire arriver leurs caravanes à desti- 
nation. 

Les tribus arabes qui déposent leurs grains à R'damés 
sont les 

S'iouf. 

Ouled A'bd ol Kamel. 

Our'emina. 

Quelques Touareg campent aux environs de la ville. 

L'histoire de la fondation de R'damés , conune celle 
de presque toutes les villes du désert , ne repose que 
sur une légende : 

Autrefois un riche habitant du Fezzân étant mort, 
une querelle s'engagea entre ses trois fils au sujet de 
son héritage. Un des trois fut tué par les deux autres, 
qui , effrayés de leur crime , s'enfuirent dans le désert, 
emmenant avec eux leurs femmes et leurs troupeaux. 
Le hasard les conduisit dans une petite oasis arrosée 
par deux sources, et naturellement plantée de dattiers ; 
ils s'y établirent. A peu près à la même époque, un 
homme était chassé de El Ar'ouat^ par un marabout'. 
Après avoir longtemps marché , il se trouva face à face 
avec les proscrits du Fezzân , dont les gourbis encore 
peu nombreux n'entouraient qu'une des deux sources 
de l'oasis, celle de l'est. 

« D'où viens-tu? » lui demandèrent les premiers oc- 
cupants ; sa conscience avait de bonnes raisons pour prê- 
ter une phrase évasive à sa langue : il craignait d'avoir 



174 »K SOUF A R'DAMÉS. 

affaire à de braves gens. « Jeviens, leur répondit"il, itoù 
H f(U dinéhiery en arabe, i^da âmes. » On respecta sa 
discrétion, pour ne pas Tautoriser à devenir indiscret 
lui»méme; peu à peu la connaissance devint plus in- 
time; il était jeune, une des filles de ses hôtes était en 
âge de mariage , on la lui donna, et une nouvelle tente 
s^ établit sur la source de Fouest. Bientôt les gourbis se 
multiplièrent , des maisons plus solides s'élevèrent ça 
et là, et formèrent enfin une ville à laquelle il ne man- 
quait plus qu'un nom. On se souvint alors du r^da âmes 
du El Ar'ouati, et, pour consacrer sa bienvenue, on 
nomma la cité nouvelle R'damés. 

Les habitants de R'damés, dont le plus grand nombre 
est de sang mêlé, parlent un langage particulier qui 
semble tenir de celui des Touareg , leurs voisins. Leurs 
mœurs sont, dit-on, sévèrement surveillées, et, par 
suite, assez pures. La femme qui divorce ne trouve plus 
à se remarier. Celle qui se prostitue est chassée de la 
ville. 

On n'y trouve point de juifs.' 



ROUTE 

DE TOUGOURT A GARDAIA. 

DIRECTION DE l'eST A l'oUEST. 



Les routes que nous allons donner sont les prin* 
cipales de celles qui sillonnent le terrain compris entre 
le Chebka Mta' el Ar'ouat', Mer'ïer, Tougourt et Gar* 
daïa : terrain de sable , coupé de marais et de ma- 
melons , tourmenté par de nombreuses ravines dont 
rhiver fait des torrents, et que Tété dessèche. C'est le 
pays de station et de parcours de la grande tribu des 
Ar'azlïa. Ces sables, fécondés un moment par les pluies 
de rhiver, se voilent, au printemps, d'une herbe abon* 
dante, appelée a'cheb et sont alors envahis par les nom- 
breux troupeaux des tribus nomades, qui déposent 
leurs grains à Tougourt et dans les villages de l'Oued 
Rîr', à El Guerrara, à Gardaïa, à El Ar'ouat' et à K'sir el 
iFaïran. 

lieues. 

l«'jour à K'rat ou Dinar. . . . i 12 

C'est un lieu habituel de station , mais où l'on ne 
trouve point d'abri. 
2« . . . àElA'lïa 12 



176 DE TOI COURT A GARDAIA. 

EL VLIA. 

El Alïa est une mauvaise bourgade d'une vingtaine 
de maisons mal bâties , que les jardins de dattiers pro- 
tègent mal contre Tenvahissement des sables; on y 
trouve de Feau. 

£1 Âlia j comme tous les petits k'sour semës sur les 
routes qui relient entre eux les grands centres, est 
une espèce de caravansérail , où les voyageurs laissent 
leurs chameaux malades, pour les reprendre au retour; 
mais il arrive souvent que le dépositaire infidèle , à la 
foi duquel on est obligé de s'en rapporter, vend ou 
mange la béte. A une demi-lieue au nord de El A'iia^ 
sont deux autres villages, de trente à quarante maisons, 
situés à un quart de lieue de distance Fun de l'autre , 
et tous deux appelés Taïbat; chétives bicoques mal 
bâties , envahies par les sables , mais où l'on trouve de 
très-bonne eau et des dattiers. 

3* jour à Guerrara 12 

Deux routes également fréquentées conduisent de 
El A'iïa à Guerrara : Tune passe au sud , par le 
petit marabout' de Sidi el H'adj Ah'med; Vautre, 
au nord, par le marabout' de Sidi Mah'moud. 

4« . . . à L'Oued enNça 13 

. à Gardaïa 13 

En traversant les petits mamelons qui sont à l'est 
de Gardaïa, et en laissant Berlan à deux lieues 
au nord , environ. 

Total. 62 



n« 



'S 



DZIOIIA. 177 

ROUTE DE TOUGOURT A EL AR^OUAT. 

DIRECTION DU SUD AU NORD-OUEST. 

Ilfues. 

1*' jour à El Bereg, lieu de station habituel, à la pointe 
ouest du petit marais qui est en avant de Tou- 
gourt 9 

2* ... à Dzioua 8 



DZIOUA. 

Misérable village, de trente à quarante maisons, situé 
au pied ouest d'un mouvement de sable , appelé Oum 
el A'oud. Là vient mourir im torrent , desséché pen- 
dant rété, qui se nomme Oued el Atar, et qui descend 
d'un mamelon de sable situé au nord, appelé Aza ou 
A'mer. Dzioua n'a que peu de dattiers et point de jar- 
dins; point de sources , mais des puits; les habitants, 
qui sans doute sont divisés en deux familles, portent 
le nom, les uns de Draïça, les autres d'Ouled Sidi A'bd 
Allah'. Ils font le commerce du sel qu'ils recueillent sur 
les bords d'un petit lac voisin. 

lieue*. 

3« . . . à la pointe occidentale du marais appelé Mader 

el Atar, en suivant FOued Atar 8 



On côtoie la rive occidentale du même marais 
pendant 22 



A reporter, . . 47 
12 



178 ROUTE DE TOUGOIÎRT A DEMED. 

lirtirs. 

Report 47 

7* . . . àZeraïb, simple lieu de station 10 

8" ... au marais do Mdaguin 7 

situé sur le versant nord des mamelons de sable 
appelés Chebka Mta' el Ar'ouat'. Le marais do 
Mdaguin donne naissance à un petit ruisseau 
qui porte le même nom , et va se jeter à six 
lieues au nord dans FOued Djedi. 

9* ... à K'sir el H'aïran 7 

lO» . . . à El Ar'ouat' 6 

Total 77 



ROUTE DE ÏOUGOURT A DEMED. 

DIRECTION Dl SUD AIT TVOBD-OUEST. 

lieufs. 

Jusqu'au 6* jour, elle est la même que celle de ) 

Tougourt à Sidi Khaled ) 

6* jour arrivé au puits de Moul Adam , on appuie à Touest 

et on s'arrête sur l'Oued el R'aba 8 

7* . . . à El Mekaïtz, lieu de station dans la plaine , où 

sont quelques bet'om ( térébinthes ) 6 

8* ... on marche à travers des mamelons de sable , et 

on s'arrête à Rouïs Eddin 6 

9* ... à Demed 9 



Total 66 



ROUTE DE TOUGOURT A SIDl KHALED. 179 

ROUTE DE TOUGOURT A SIDI KHALED. 

DIRECTION DU SUD AU NORD. 

1*' jour à El Bereg 9 

2* ... à Dzioua 8 

3*^ ... au petit marais de Zourez 8 

En traversant TOued Ben Sour, qui vient du 
mamelon de sable appelé Aza ou A'mer, trar 
verse le marais de El Adimat, et va mourir, 
après vingt-huit lieues de cours environ, au pied 
du mamelon de sable appelé Oum el A'oud; à 
Zourez, vient se perdre, après vingt-deux lieues 
de cours , TOued Berer'em , qui descend , elle 
aussi , de Aza ou A'mer. 
4* ... à Drâ' Zaïman , lieu de station dans la plaine où 

Ton trouve une forêt de bet'om ( térébinthes ). 6 
6* ... au puits nommé H'assi ed Dïab (le puits des cha- 
cals), sur l'Oued Retem 6 

L'Oued Retem descend du Chebka Mta' el Ar'ouat', 
et coule , du nord au sud , sur trente-quatre 
lieues de cours à peu près, en changeant souvent 
de nom ; à sa source, on l'appelle Oued el Bïod ; 
plus bas. Oued el R'aba, ensuite Oued Moul 
Adam, et enfin Oued Retem, un peu avant qu'elle 
ne se jette dans un marais appelé Merara. L'Oued 
Retem reçoit, sur sa rive droite, un affluent 
appelé Oued Mekhoura, qui descend de Aza ou 
A'mer, et vient tomber au-dessous du puits 
Hassi ed Dïab, après treize lieues de cours. 
6« . . . à un puits sur l'Oued Moul Adam 7 

A reporter 44 



1*^0 ROITK DK S1T)Î KHALEÎ) A GARDAIA. 

lieu»'*. 

Report 44 

:• . . . à rOued Zebouilj 7 

8' ... à rOued Itel 7 

9* ... au petit marais appelé Zeraria , sur FOued Khe- 

nafsa 9 

10* ... à Sidi Khaled 7 

Tous les ravins auxquels nous venons de donner 
le nom de Oued (rivière) n*ont d'eau que pen- 
dant Vhiver. 

ToTAi 74 



ROUTE DE SIDI KHALED A GARDAIA. 

DIRECTION DU NORD AU SUD-OUEST. 



lienr». 



!•' jour à El Zeraria, simple lieu de Station 7 

2* ... à Mader el Ferd, simple lieu de station sur l'Oued 

Itel 10 

3* . . . au marais appelé Daïet el Gueleb 11 

4* ... à Kheleften , simple lieu de station dans la plaine. 9 
5* ... au marais de Gueraret Okherzman, sur l'Oued 

Zeguerir 9 

6' ... au marais de Gueraret Fat'ma, sur l'Oued Semar. 9 

7* ... au marais de Gueraret et T'îr, sur l'Oued en Nça. 6 

8* . . . au marais de Stafa 4 

9* ... à Ban Loeh', simple lieu de station 10 

10* ... à Gardaïa 3 



Total 78 



ROUTE DE SIDI KHALËD A EL GUEKHARA. 181 
ROUTE DE SIDI KHALED A EL GUERRARA. 

DIRECTION DU NORD AU SUD, 



lieues. 



l"jour àZerarïa 7 

2* ... à Mader el Ferd, sur l'Oued Itel 10 

3*^ ... à rOued Zeboudj . 7 

4" ... à rOued Mek'roura 9 

5* ... au marais de El A'diihat 9 

6' ... on traverse le grand marais de El Zerarîa et on 

s'arrête au petit marais de Daïet Chebaret. . . 8 

7* ... au marais Oudïe Seder 7 

S* . . . à un mamelon de sable appelé Rek'izert ou Mazer. 8 

9* ... de bonne heure à Guerrara 3 

Total 68 



ROUTE DE DEMED A GARDAIA. 

DIRECTION DU NORD AU SUD-OUEST. 

licae* 

1" jour on traverse l'Oued Djediet l'on s'arrête sur l'Oued 

el H'amar 10 

2* ... au marais O'glat Mdaguin 8 

3' ... à travers des mamelons jusqu'à l'Ou d el A'chach 9 

4*' . . . à rOued en Nça. . 8 

5* . . . à la pointe nord du marais appelé Stafa 8 

6* ... à Sidi T'aleb, au pied du Chebka des Béni Mzab. 7 

7* ... à Gardaïa, en passant par Ban Loeh' 10 

Total 60 



18i ROUTE DE BISKRA A GARDAIA. 

ROUTE DE BISKRA A GARDAIA. 

DIRECTION GÉNÉRALE DE l'eST AU SUD-OUEST. 

lienm. 

l*' jour, en passant par Oumach, à un puits situé sur la 

rive sud de rOued Djedi 14 

2* ... au puits de El K'sar, sur TOued Itel (ruines ro- 
maines) 18 

3* ... à l^Oued Zeboudj 13 

4* ... au pied d'un mamelon appelé Aza ou A'mer, sur 

rOued Berer'em 15 

5* . . . auprès du marais GueraretOkherzman, sur rOued 

Zeguerir 11 

6* ... au marais Gueraret Fat'ma 9 

7* ... en traversant le marais Et Tîr, au marais de 

Stafa 10 

8« . . . à Ban Loeh' 10 

9« . . . à Gardaïa 3 

Total ia3 



RODTE 

DE TOUGOURT A OUARGLA. 



DIRECTION SUD-OUEST. 



De Tougourt à Ouargla on marche constamment 
dans une plaine de sables où Ton ne trouve de végéta- 
tion qu'autour des villes et des villages. 

lieue*. 

!•' jour de Tougourt à Blidet A'mer , en passant par le 

k'sar de Sidi Bou Djenan et la ville de Temacin. 14 



BOU-DJENAN. 

A une lieue sud de Tougourt, dont il dépend, est 
un village de soixante à quatre-vingts maisons mal 
construites, au centre desquelles est une mosquée que 
rien ne distingue. Les jardins qui F entourent sont plan- 
tés de dattiers et arrosés par une source ; ce village 
n'est remarquable que par le tombeau d'un marabout/ 
célèbre, tombeau qui a le droit d'asile , et dans lequel 
les malfaiteurs, comme dans nos églises au moyen âge, 
trouvent un refuge inviolable , en attendant que leurs 
parents ou leurs amis les aient réconciliés , à prix d'ar- 
gent ou autrement, avec la partie intéressée. Les flots 



184 DE TOIGOLRT A OUARGLA. 

de sables, incessamment roulés parles vents du sud, 
s^ amoncellent autour de Bou Djenan et menacent de 
Tengloutir, comme presque tous les k'sour du désert 
qui ne sont pas protégés par une muraille d'enceinte- 



TEMACiN. 

Temacin est une petite ville de quatre ou cinq cents 
maisons y située à sept ou huit lieues sud-ouest de 
Tougourt, entourée d'une muraille crénelée et d'un 
fossé que les pluies de l'hiver remplissent d'eau, mais 
que les chaleurs de l'été dessèchent. 

Temacin a six mosquées, dont deux avec de hauts 
minarets; elle renferme aussi des t'olba, des écoles, etc. 
Son marabout' le plus vénéré se nomme El H'adj A'ii ; 
il habite, auprès de la mosquée nommée Djema' A'ïn 
el Bellouta, une très-belle maison ornée de marbre 
et de carreaux de faïence tirés de Tunis. 

Beaucoup moins puissante que Tougourt, Temacin 
vit cependant indépendante et s'est faite la rivale de sa 
voisine. Comme Tougourt, elle est entourée de jardins 
plantés de dattiers nombreux et arrosés de sources 
abondantes, d'où ses habitants, comme ceux de l'Oued 
Rir', ont pris le nom de Rouai-'a. Jalouse de voiries 
tribus nomades affluer, pendant l'hiver, dans la cir- 
conscription de Tougourt , Temacin cherche , par tous 
les moyens possibles, en h^î^^^nt, par exemple, le 



TEMACIX. 185 

prix des dalles , à les allirer chez elle; de là cjuerelle el 
guerre presque conslanle y et si les Rouai*^a du sud sonl^ 
par le nombre, inférieurs aux Rouar'a du nord, ils ont 
pour eux d'être plus guerriers et plus adroits au métier 
des armes. Deux tribus arabes, toujours campées sous 
les murs de Temacin , les Sa'ïd Ouled A'mer et les 
Ouled Seïali', sont d'ailleurs ses alliées et la soutiennent 
activement. Elle a pour elle encore plusieurs villages 
de la circonscription de Souf; tels sont : 

El Oued. 
Guemar. 
El Beh'ima. 
Debila. 

Cependant , comme Tougourt est le grand centre où 
viennent aboutir toutes les relations commerciales de 
cette partie du Sahara , Fentrepôt général de toutes les 
marchandises dont les habitants de Temacin eux-mêmes 
ont besoin et dont ils ne peuvent s'approvisionner que 
là, si Tougourt leur ferme les marchés, ils se trouvent 
forcés, bon gré mal gré , à demander un accommocle- 
ment. Quelques milliers de boudjous et deux chevaux 
de soumission en font ordinairement les frais; à ce prix 
les gens de Temacin rentrent en grâce, jusqu'à ce qu'un 
nouveau sujet de querelle vienne leur donner occasion 
de rompre le traité. En temps de paix Temacin paie 
annuellement mille boudjous pour avoir le droit de 
vendre et d'acheter sur les marchés de sa suzeraine ; 
cet impôt s'appelle h'ak' el souk' (droit du marché). 



186 DE TOIGOURT A OUARGLA. 

Les habitants de Temacin sont tous de sang mélë , à 
l'exception de deux familles qui probablement ne s'al- 
lient qu'entre elles. 

Temacin, conune Tougourt , accueille les juifs voya- 
geurs qui y viennent, à certaines époques, exercer 
leur industrie d'orfèvres, cardeurs de laine, cour- 
tiers, etc.; mais ils n'y sont jamais qu'en passage; la 
saison des fièvres les effraie et les chasse périodique- 
ment. Deux familles juives y sont pourtant sédentaires. 

L'industrie de la ville se borne à l'exercice des mé- 
tiers de première nécessité, ceux de menuisiers, for- 
gerons, tailleurs, armuriers, etc. La langue qu'on y 
parle s'appelle le lir'ia et semble avoir beaucoup de 
rapport avec le mzabïa, car les Mzabites et les Rouar'a 
se comprennent , ou à peu près. 

Des pierres immenses, dont beaucoup sont taillées 
avec art , se retrouvent dans les constructions de Tema- 
cin ou gisent dans les sables. Sont-ce là des ruines 
romaines? il est remarquable qu'on ne trouve point 
de carrière aux environs; par conséquent, romaines 
ou non , ces pierres ont été apportées. 

Les cimetières sont en dehors de la ville ; et, comme 
à Tougourt, les tombes des riches y sont distinguées 
parle soin particulier avec lequel elles sont faites, et 
par un œuf d'autruche qui leur sert d'ornement. 

Pour dernier point de comparaison avec Tougourt , 
Temacin obéit maintenant à une femme qui s'appelle 
Lella Chouïcha, et qui prend le titre de chouïkha (la 



BLIDET A'MER. 187 

cheïkh ). A la mort de son mari , le cheikh A'bd Allah', 
marabout', elle se déclara enceinte , et, comme le pou- 
voir est héréditaire, la djema', ou assemblée des prin- 
cipaux habitants , décida que la femme du chef défunt 
gouvernerait en attendant son accouchement , sauf à 
remettre ensuite le pouvoir à son fils. Le cas où elle 
pourrait mettre au monde une fille ne semble pas 
avoir été prévu ; quoiqu'il soit arrivé , Lella Chouïcha 
continue à dii'iger les affaires , probablement à titre de 
régente. 

A six lieues sud de ïemacin on trouve Blidet A' mer. 



BIJDET A'MER. 

C'est un k'sar d'une centaine de maisons, entouré 
d'une ceinture crénelée et d'un fossé. Ses jardins sont 
abondamment arrosés par des sources et plantés de 
dattiers. Blidet A'mer a une k'asbah', une mosquée, 
des écoles. Les habitants obéissent à un cheïkh qui se 
nonmie cheïkh Moh'ammed. Ils relèvent de Tougourt 
et lui paient des contributions. 

Pendant l'hiver, des fractions des Ouled A'mer et des 
Ouled Seïah' campent sous les murs de Blidet A'mer. 
C'est, ainsi que nous l'avons dit, la première étape de 
la route de Tougourt à Ouargla. 

Pendant les deux journées de marche qui vont suivre 
on ne trouve point d'eau. 



188 UOUTK DE TOLGOLKT A K'EFSA. 



lieues. 



2* jour de Blidet A'mer à ua mamelon de sable appelé , 
à cause de sa couleur sans doute, A*reg edDem 
( la veine de sang) , en laissant à droite les deux 

hameaux de El Goug et Tah'ibin 14 

C'est à six lieues sud de ce point que va mourir 
rOued en Nça (la rivière des femmes), dans un 
petit marais appelé H'assi en Naga. 

3* ... à Ngoussa 12 

A quatre lieues nord-ouest de Ngoussa va mourir 
rOued Mzab,«qui passe à Gardaïa. 

4* ... à Ouargla 10 

Total 50 



ROUTE DE TOUGOURT A K'EFSA. 

EN PASSANT PAR SOUF ET NEFTA. 

Direction de F ouest à Test , à travers des sables arides 
et mouvants , en suivant les puits échelonnés à distances 
inégales sur la route , et qui sont : u,^ 

l"jour BouMesoued. 

El Ouabed. 

Si Louba. 

Sif Soult'an. 

Ce puits est le lieu ordinaire de station 10 

i*" . . . Oued Djeder. 

Bou A'mar. 

Ourmas. 

Au village de El Oued , le premier du district de 
Souf. 12 



mSTRîCT r>K SOIT. 18îl 

DISTRICT DE SOIjF. 

Le nom de Souf n'est poinl particulier à une ville; 
il représente Fidée multiple d'un district, appelé par 
les Arabes Oued Souf, et formé par les sept villages 
suivants : 



El Oued, 


de 400 


maisons à peu près. 


El Koiiïnin , 


de 150 


— 


Tar'zout, 


de 150 


— 


El Guemar, 


de 200 


— 


El Beh'ima , 


de 60 


— 


Débita, 


de .100 


— 


Ez Zeguem , 


de 150 


— 



En dehors de ces villages principaux, tous fort mal 
bâtis du reste et sans murs d'enceinte, sont groupés des 
gourbis où les étrangers voyageurs trouvent un abri , 
et où les plus pauvres familles logent pêle-mêle avec les 
bêtes de somme. Tout cet ensemble misérable occupe 
un terrain aride, sablonneux, mais planté de très- 
nombreux dattiers , coupé de jardins où Ton cultive 
des concombres , des pastèques , des melons , des 
oignons, etc., et surtout du tabac. 11 n'y a point d'ar- 
bres fruitiers dans ce district. 

Les plantations sont arrosées par l'eau de quelques 
puits, d'où, après l'avoir extraite à bras dans des seaux 
de cuir, on la déverse dans des rigoles. 

Les villages du district de Souf sont gouvernés cha- 
cun par une djema' (assemblée des notables), qui 



190 DE TOUGOURT A K'EFSA. 

traite des intérêts généraux ; dans chacun d'eux encore 
la justice est particulièrement confiée aux soins d'un 
k'ad'i , et le culte religieux à un marabout'. I.,es crimes 
y sont , dit-on , fort rares. 

Cette petite république n'est pourtant point indé- 
pendante : elle a deux suzeraines , Tougourt et Tema- 
cin. Trois villages relèvent de Tougourt : 

Kouïnin, 
Tar'zout, 
Ez Zeguem, 

et lui paient , pour avoir le droit d'aller à ses marchés, 
un impôt fixé, par mille dattiers , à 40 h'aïc d'étoffe 
grossière, valant de 2 francs à 2 fi*ancs 50 centimes 
l'un. Les dattiers sont comptés par la djema', et le 
nombre en est enregistré. 

Les quatre villages qui relèvent de Temacin semblent 
avoir fait avec elle une alliance offensive et défensive. 

Les causes de cette scission se rattachent à l'éléva- 
tion au pouvoir de la famille des Ben Djellal qui régnent 
à Tougourt. (( C'est une chose d'orgueil , » nous ont 
répondu tous les Arabes que nous avons interrogés à ce 
sujet. 

L'orgueil est, on le sait, un des sentiments caractéris- 
tiques des Arabes, et les haines d'orgueil sont, chez eux, 
presque ineffaçables; aussi, les villages de Souf, malgré 
la raison d'isolement qui devrait les porter à l'union, 
sont-ils souvent en discorde et quelquefois en guerre. 

Le caractère général des Souafa ^habitants de l'Oued 



DISTRICT DK SOUF. 191 

Souf) est pourtant la douceur; ils sont très-hospita- 
liers. Le voyageur qui traverse leur territoire, non- 
seulement y est bien accueilli , mais jouit encore du 
droit acquis à tout étranger d'entrer dans les jardins 
et de s'y rassasier de fruits, à la seule condition de 
n'en point emporter et de laisser les noyaux des dattes 
au pied du dattier. 

Les habitants de Souf ne récoltent point de céréales ; 
ils s'en approvisionnent dans le Djerid , dans le Ziban 
et dans le pays intermédiaire , chez les Sidi A'bid. Ces 
achats périodiques se font à prix d'argent ou par échange 
contre des dattes , du tabac et des vêtements de laine 
que les femmes ont tissés. Au retour de ces voyages , et 
après que leurs grains sont emmagasinés, ils s'occupent 
de la double récolte du tabac et des dattes. Pendant 
l'hiver ils vivent en famille , et dès que les premiers 
jours du printemps ont tapissé d'a'cheb ( herbe ) 
le désert, ils y mènent paître leurs troupeaux à des 
distances souvent fort éloignées , et toujours par 
groupes assez nombreux pour se défendre contre les 
Touareg , ces hardis pillards qui parcourent les 
plaines presque toute l'année. A la même époque, 
ceux d'entre eux qui sont marchands se rendent à 
R'damés, à Tougourt, à Gardaïa, à Ouargla et quel- 
ques-uns à Tunis , soit pour s'y approvisionner des 
choses de première nécessité , soit pour y vendre leurs 
produits. L'objet principal de ce commerce est leur 
tabac, qui jouit, dans le désert, d'une très-grande 



192 Î>E TOLGOIRT A K'EFSA. 

réputation , bien qu'il soit si fort , qu'il faille , pour en 
faire usage , le mélanger avec d'autres plantes appelées 
akil et trouna. 

Ce tabac se vend au prix ordinaire de 20 boudjous 
d'Alger le quintal ^ 30 francs à peu près. 

Quatre tribus arabes possèdent des terrains dans le 
district de Souf, y déposent leurs grains et y habitent 
une partie de l'année; ce sont les 

Rebaîa. 
Souamech. 
Ferdjan. 
Ouled H'amid. 

Comme presque tous les habitants du désert , les 
Souafa sont doués d'une perspicacité de sens prodi- 
gieuse. Nous admettons facilement , en principe , que 
l'habitude d'une vie errante dans des plaines mono- 
tones où rien ne rappelle, au retour, la route que 
l'on a suivie ; que la nécessité de veiller sans cesse de 
l'oreille et des yeux, d'étudier à la fois l'horizon où 
l'ennemi vous attend peut-être, et les plis de terrain 
qui peuvent le cacher, nous admettons que cette 
lutte incessante développe, jusqu'à un certain point, 
chez un individu les facultés de l'ouïe, de l'odorat 
et de la vue; tous les voyageurs l'ont constaté; mais^ 
nous l'avouons, nous n'avons jamais accueilli sans 
défiance les merveilleux exemples qui nous ont été 
cités mille fois, et nous ne les donnons nous-même 
qu'en faisant nos réserves. 



DISTRICT DE SOUF. 193 

Si nous en croyons les Souafa que nous avons inter- 
rogés et quelques juifs voyageurs qui avaient long- 
temps habité Souf , les habitants de ce district sont les 
marcheurs les plus intrépides du Sahara : ils feraient 
facilement trente lieues par jour à pied. « De Tougourt 
(( à Sif Soult'an , nous disait l'un d'eux , il y a loin 
« comme de mon nez à mon oreille, » et pourtant il 
y a dix lieues. 

« Je passe , ajoutait-il , pour n'avoir pas une très- 
ce bonne vue ; mais je distingue une chèvre d'un mou- 
« ton à un jour de marche. J'en connais , disait-il 
(( encore, qui , à trente lieues dans le désert , éventent 
« la fumée d'une pipe ou de la viande grillée. Nous 
« nous reconnaissons tous à la trace de nos pieds sur 
« le sable; et, quand un étranger traverse notre terri- 
« toire, nous le suivons à la piste, car pas une tribu 
« ne marche comme une autre; une femme ne laisse 
i( pas la même empreinte qu'une vierge. Quand un lièvre 
(( nous part, nous savons à son pas si c'est un mâle ou 
« une femelle, et, dans ce dernier cas, si elle est pleine 
« ou non ; en voyant un noyau de datte , nous recon- 
« naissons le dattier qui l'a produit. » 

Et comme nous ne semblions pas ajouter une foi 
bien naïve à ce qu'il nous racontait : (( Vos médecins , 
« nous dit-il , ne reconnaissent-ils pas la maladie d'un 
(( homme rien qu'à le voir et à le toucher? » 

Quelque ingénieux que soit ce raisonnement, tout 
cela , nous le répétons , nous semble fort exagéré ; mais 

13 



194 DE TOUGOURT A K'EFSA. 

il est constant que les sens des peuplades sahariennes , 
et particulièrement des habitants de Souf , que leur 
instinct fait voyageurs et dont la plupart sont toujours 
en course sur les routes du désert, ont acquis un dé- 
veloppement extraordinaire. 

Leurs mœurs d'intérieur sont , pour cette raison-là 
peut-être, fort dissolues. 

Deux routes , également fréquentées , conduisent de 
SoufàNefta. 



I'' ROUTE DE SOUF A NEFTA. 

(STIFTE DE LA ROUTE DE TOl^GOTIRT A KEFSA.) 



lieu*^. 



3* jour, on s'arrête à des mamelons de sable appelés El 

H'aouaïdj 13 

A trois lieues de Souf, on a trouvé un puits 
nommé H'assi Khelifa. 

4« . . . au puits nommé Bir Bou Na'nb il 

5« jour à Nefta 12 



2*^ ROUTE DE SOUF A NEFFA. 

(sriTE DE LA HOliTE DE TOITGOLRT A KEFSA.) 

lieues. 

3* jour à El Chouachi. \ 8 

4* I puits 12 

5* ... à El A'sli. . . ) 14 

6' ... à Nefta 6 



NEFTA. 195 



NEFTA. 



Nefta relève de la régence de Tunis; elle est située 
à trente-cinq ou quarante lieues nord-est de Souf; c'est 
moins une ville proprement dite , qu'une aggloméra- 
lion de villages qui , séparés entre eux par des jardins , 
occupent une étendue de terrain deux fois grande 
comme Alger ; ces villages sont : 

H'al Guema. 

Zebda. 

Msa'ba 

Ouled Cherif. 

Béni Zeïd. 

Béni Ali. 

Cherfa. 

Zaouiet Sidî Ah'med. 

La position de Nefta et ses environs sont très-pitto- 
resques. Les eaux y sont très-abondantes; une source 
principale qui, sous le nom d'Oued Nefta, prend 
naissance au nord de la ville, au milieu d'un mouve- 
ment de terrain, entre les villages de Cherfa et de 
Zaouïet Sidi Ah'med , la divise en deux, et féconde ses 
jardins plantés d'orangers, de' grenadiers, de fi- 
guiers, etc.; la même source arrose , au moyen de ri- 
goles, une forêt de dattiers qui s'étend à plusieurs 
lieues. Un k'aïd, k'aïd el ma (k'aïd des eaux), veille 
à leur répartition dans les propriétés de chacun. 

r^s maisons de Nefta sont généralement bâties en 
briques, quelques-unes avec goût et même avec luxe. 



196 DE TOUGOURT A K'EFSA. 

Celles-ci sont ornées, à F intérieur, de carreaux de 

faïence apportés de Tunis. 

Chaque quartier a sa mosquée et son école, et , dans 
le centre de Fagglomération des villages, une place, 
appelée Rebot, située sur le bord de F Oued Nefta, 
sert de marché commun. 

Les trois quartiers , H'al el Guema , Ouled Cherif et 
Béni Zeïd , semblent être plus spécialement habités par 
les grands propriétaires; celui de Zebda est habité par 
les commerçants. 

Les cherfa (cherifs), descendants du prophète, 
ainsi que l'indique leur nom , sont les nobles de la cité , 
les seigneurs, « les maîtres du bras. » C'est parmi les 
cherfa , sans doute , que le bey de Tunis choisit d'or- 
dinaire le chef qui gouverne la ville. Celui du moment 
s'appelle Brahim Ould Ah'med Ben A'oum. 

Nefta n'est pas assez avancée dans le désert pour que 
les alliances de ses habitants avec les négresses esclaves 
soient très-communes , et pour que la couleur blanche 
de leur race en ait subi une altération. 

Leurs mœurs sont aussi beaucoup plus pures que 
celles des peuplades du Sahara. On les dit très-religieux 
observateurs de la loi et très-hospitaliei^s. 

Quelques juifs artisans et courtiers se sont glissés 
parmi eux et sont tolérés, aux conditions connues de 
porter un mouchoir noir à la tête, de ne pas monter à 
cheval, etc. 

Nefta est l'entrepôt intermédiaire des marchandises 



NEFTA. 197 

que sa métropole écoule vers le Sahara. Aussi les Arabes 
Fappellent-ils : « le port de Tunis. » Le commerce , 
dont elle est le centre, a deux grands mouvements 
dans Tannée : au commencement du printemps, et 
à la fin de Fêté. Au commencement du printemps, 
parce qu'une armée sort alors de Tunis pour aller 
percevoir les contributions dans le vaste rayonne- 
ment au sud de la régence, qui, par sa position, 
échappe à Faction purement administrative du bey. 
Cette armée se divise ordinairement en trois corps : 
les fantassins, qui forment le premier, s'arrêtent à 
K'efsa, à vingt-cinq ou trente lieues en deçà de Nefta; 
le second, sous les ordres du chef, s'arrête à dix- 
huit ou vingt lieues plus loin, à Touzer; et le troi- 
sième, qui est le makhzen (cavahers du gouverne- 
ment), s'avance jusqu'à Nefta; les routes sont donc 
parfaitement sûres. 

Tous les marchands du désert , les uns à pied , les 
autres montés sur leurs chameaux, tous armés, munis 
de leurs produits et d'argent, se dirigent alors sur 
Nefta, et de là se rendent à Tunis, protégés par le retour 
de la colonne. Mais les vexations de toutes sortes qu'ils 
ont à subir, les impôts directs et indirects dont on les 
accable, peuvent nous faire espérer de les attirer peu 
à peu à Constantine et à Alger, où quelques-uns sont 
déjà venus. Nos routes sont en eftet plus sûres, et 
nous leur donnerons une protection qu'on leur vend 
dans la régence de Tunis. Le tarif en est ainsi fixé : 



198 DE TOUGOURT A K'EFSA. 

A Nefta d'aboiti : 

3 boudjous par lêle. 

1 — ^ par chameau. 

— ^ par âne. 
1 rial par mulet. 

Encore leur faut-il payer, à Tunis, des droits pour tout 
ce qu'ils y achètent. 
Ils y apportent . 

Des dattes. 

Des plumes d*autruche. 

De la poudre d'or (en petite quantité). 

Des dents d'éléphant. 

Desh'aïck', des bernons. 

Des tentes en poil de chameau. 

Des peaux tannées du Maroc (filali). 

Des tellis, sacs tissés en feuilles de palmier. 

Des chameaux. 

Des esclaves. 

Des monnaies de France et d'Espagne qui seront 
converties en bijoux. 

Ils y achètent : 

Des calicots de toute qualité. 

Des étoffes du genre de celles que nous appelons 

rouenneries. 
Des chachïa, dont beaucoup sont fabriquées à 

Marseille. 

Des draps français communs. 

Des mousselines anglaises et françaises. 

Des foulards simples ou dorés , V , . , , , 
^ . „. , . /fabriques a Lyon 

Des cemtures d homme en lame > \ r^ . 

\ ou a Tunis, 
ou en soie , ; 



NEFTA. 199 

Des bernons sousti de Tunis. 

Du benbazar, mousseline de Smyrne pour faire 

des manches de chemise. 
Du coton de Marseille et de Tunis. 
Des turbans. 
Des turbans de soie , pour les femmes , fabriqués 

à Tunis. 
Des ceintures de courses, servant de bourses, en 

cuir et en laine. 
Des fils de Marseille en chanvre et en coton. 
Des soies teintes de Lyon. 
Du corail de toute quaUté , pour chapelets et col- 

Uers de femmes. • 
Des chapelets d'Egypte. 
Des bracelets en corne de bœuf sauvage de 

Tunis. 
De la verroterie de Trieste. 
Des coquillages de Tunis, appelés el ouda, et qui 

leur serviront de monnaie dès qu'ils seront ar- 
rivés dans le Soudan. 
Du musc du Caire et d'Alexandrie. 
Des essences de Smyrne et de Tunis. 
Du papier à écrire de Gênes ou de Marseille. 
De Tantimoine , de Marseille et du Maroc , pour 

teindre les yeux et les sourcils. 
Des tuyaux de pipe de Constantinople. 
Du tabac de Souf. 
Du sucre et du café. 
Des teintures anglaises. 
Du soufre de Marseille. 
Du cobalt. 
Du bleu de Prusse 



200 DE TOUGOURT A K'EFSA. 

Du safraa pour teinture. 

Du louk (substance rouge pour teindre). 

De Talun de Marseille et de Londres. 

Des épiceries anglaises. 

Du riz d'Alexandrie. 

Des ustensiles en cuivre de Tunis et de K'aïrouan. 

Des lunettes. 

De la coutellerie commune anglaise et de Marseille. 

Des serrures de Tunis. 

Des fers à cheval de Tunis. 

Des fils de fer pour cardes , \ 

Des clous et des pointes , 

Des fils de laitoji , 

Des feuilles de cuivre et de fer- ) de Marseille, 
blanc , 

Des aciers, mais qui ne sortent 
qu'en contrebande , 

Des fers de Suède et d'Angleterre. 

Des armes : — fusils de Smyrne et de Tunis 
sabres de Smyrne. 
ïatar'an — 
pistolets — 

Des pierres à fusil de Tebessa et de Tunis. 

De la poudre de Tunis, qu'ils achètent en contre- 
bande. 

Ces emplettes une fois terminées, il ne serait pas 
prudent aux voyageurs de s'exposer, en temps ordi- 
naire, à travers le territoire des Araires toujours au guet 
d'une r'azïa; car si la caravane est assez nombreuse 
pour se défendre au départ, elle se divise à mesure 
qu'elle avance, chacun prenant, à certain point, le che- 



NEFTA. 201 

miii qui le ramène à sa tente , à son village , à sa tribu ; 
et r armée n'est plus là pour leur vendre sa protection. 
Aussi , le mouvement de retour est-il calculé d'avance , 
et il ne s'opère jamais qu'à l'époque de la moisson • 
alors que les Arabes , même les plus pillards , partis 
pour acheter des grains dans le Tell , laissent les routes 
à peu près libres. 

Tous les habitants de Nefta ne sont pas commer- 
çants ; les riches propriétaires et les cherfa , qui repré- 
sentent l'aristocratie, vivent de la vie tranquille des 
nobles, la plus insouciante et, peut-être , la plus heu- 
reuse que la philosophie contemplative ait rêvée. 

L'oasis de Nefta, si nous en croyons les voyageurs 
que nous avons interrogés, est la plus poétique du dé- 
sert; ses jardins sont délicieux; ses oranges, ses limons 
doux, ses dattes sont les meilleurs fruits de la régence de 
Tunis ; presque toutes les femmes y sont belles de cette 
beauté particulière à la race orientale, et les plus riches, 
qui ne s'exposent jamais à l'âpre soleil de la journée, 
sont blanches comme des mauresques. 

Les tribus qui déposent leurs grains à Nefta sont : 

Des fractions des Nememcha. 

— des Ouled Sidi Cheïkh. 

— des Ouled Sidi A'bid. 

Selon qu'on a pris, de Souf à Nefta, l'une ou l'autre 
des deux routes que nous avons indiquées , on est en 
avance ou en retard d'un jour. Nous continuerons à 
compter comme ayant pris la route la plus courte. 



20Î DE TOUGOURT A K'EFSA. 

e*" jour à partir de Nefta, la physionomie du terrain change 
presque subitement. 
De cette ville à Touzer on voyage dans une oasis 
plantée de dattiers et d'arbres fruitiers ; la di- 
stance est de $ 



TOUZER. 

Touzer a beaucoup changé sans doute depuis que le 
voyageur Desfontaines écrivait d'elle, en 1784 : « Le 
(( bey fit dresser le camp au côté droit de la ville, si Ton 
« peut donner ce nom à un assemblage de maisons de 
(( boue. » Cette phrase, qui nous préoccupait, a dû nous 
faire insister davantage sur les renseignements que nous 
avons pris auprès des Arabes de Touzer même , et des 
voyageurs qui Font vue et habitée. Tous ont été una- 
nimes sur ce point , que Touzer est une des plus belles 
villes du Belad el Djerid. 

Desfontaines ne Taura vue sans doute que de loin, et 
n'y sera pas entré. 

Cette ville est grande comme Alger et entourée d'un 
mur d'enceinte en pisé , haut de 12 ou 1 5 pieds et cré- 
nelé. On y entre par deux portes, Bab el H'aoua et Bab 
el Zît. Au centre est une vaste place qui sert de marché. 
Elle a des mosquées, des écoles, deux bains maures, 
des fondouk', etc. Ses maisons sont à terrasses, et gêné- 



TOUZER. 203 

ralement bien bâties, la plupart avec les débris d'une 
ville romaine. 

On y trouve des forgerons , des menuisiers , des ar- 
muriers et de nombreux marchands. Les juifs y sont 
tolérés et y exercent les métiers de teinturiers, car- 
deurs de laine, orfèvres, etc. 

Une partie de Farmée du bey de Tunis qui, ainsi que 
nous l'avons déjà dit, s'avance chaque année dans le 
sud, pour faire payer les contributions, s'arrête à Tou- 
zer, où les chefs , qui sont ordinairement des parents 
du bey, ont des maisons. 

Touzer, située dans une plaine, est dominée au 
nord-ouest par une petite montagne rocheuse d'où sort 
une source très-abondante qui prend le nom d'Oued 
Mechra, longe les murailles de la ville au sud , se divise 
ensuite en trois branches, arrose les jardins et va se per- 
dre un peu plus loin, après avoir également arrosé les 
plantations de plusieurs villages; ces villages sont : 

Cherfa. 

Belad el Ader. 

Zaouïet et Tounsïa. 

Djin. 

A^bas. 

Zaouïet Sidi A1i Bou Lifa. 
Zaouïet Sah'raoui. 

Les puits de l'intérieur de Touzer sont insuffisants 
pour la consommation des habitants , qui puisent leur 
eau dans l'Oued Mechra. 



Î04 DE TOUGOLRT A K'EFSA. 

Les tribus arabes qui déposent leurs grains à Touzer 
ou dans les villages voisins sont : 

Des fractions des Ouled Sidi Cheikh. 

— des Ouled Sidi A'bid. 

— des H'ammama. 

Le cheikh de la ville se nomme El Taïeb. 

?• jour, on s'arrête à Taguïous et El H'amma; les oliviers 

commencent à reparaître 9 

8« . . . à rOued Maleh' 6 

9« . . . à K'efsa 6 

Total 85 



K'EFSA. 



K'efsa , située entre deux montagnes arides , est une 
ville de sept à huit cents maisons ; elle n'a point de 
muraille d'enceinte y mais elle est défendue par une 
k'asbah' assez forte où il y a une garnison de fantas- 
sins et quelques canons. 

Les jardins qui Fentourent sont plantés de figuiers, 
de grenadiers, d'orangers, etc. , et surtout de dattiers 
et d'oliviers. On y fait beaucoup d'huile qui s'écoule 
dans le désert, jusqu'à Tougourt, et de là sans doute à 
Gardaïa, à Ouargla et dans les tribus nomades. 



K'EFSA. 205 

K'efsa est à la porte du Sahara ; c'est la limite du 

Belad el Djerid ; les sables commencent à disparaître ; 

la terre devient meilleure et produit quelques céréales. 

Trois villages sont situés aux environs : 

Lala. 
El K'sir. 
El Guetar. 

Une fraction des H'ammama dépose ses grains à 
K'efsa. 



PARTIE OCCIDENTALE 



ROUTE 

D'ALGER A INSALA». 

DIRECTION GÉNÉBALE Dl^ JVORD AU SUD-Ol^KST. 



La route que nous allons donner n'est point directe : 
ce n'est point celle que devraient suivre des voyageurs 
que des besoins quelconques appelleraient dans la cir- 
conscription de Tidikelt; nous ne l'avons prise que 
pour embrasser un plus grand espace de terrain, que 
pour voir le pays; nous donnerons l'autre plus loin. 
Par celle-ci, nous voyagerons en touristes ; par l'autre, 
en marchands. 

D'Alger à Sidi Bouzid on compte quatre-vingt-trois 
lieues, faites ordinairement en onze étapes, que nous 
avons indiquées plus haut ( Route d'Alger à Ouargla). 
Nous commencerons donc ici à compter du douzième 
jour. ^ V. 

12« jour en quittant Sidi Bouzid^ on tourne à l'ouest et 
Ton entre dans le Djebel A'mour que Ton tra- 
verse dans toute sa longueur de Test à Touest, 
et Ton atteint El R'icha. 9 

13« . . . de El R'icha à El H'amouïda, en suivant la mon- 
tagne. 10 



14 



210 D ALGER A INSALAH'. 

DJEBEL A MOIR. 

Le Djebel Sah'ri , arrivé à hauteur de Sidi Bouzid , 
prend une plus grande élévation, et s'étend, par une 
succession de pics et de vallées, sur un espace de quinze 
lieues en longueur et de huit à dix lieues en largeur. Ce 
pâté prend le nom de Djebel A'mour. Sidi Bouzid est 
donc son point de départ à Test; il est borné , à Fouesl, 
par un pic très-élevé , que Ton appelle Touïla Mta' el 
Makena. 

Des sources et des rivières nombreuses jaillissent 
dans les plis intérieurs du terrain, et^ de ravins en val- 
lées, s'écoulent hors des deux versants, par des gorges, 
des pentes douces légèrement ondulées ou des an- 
fractuosités rocheuses. 

Toutes ces eaux rendent la végétation si active que 
l'ensemble de la montagne a^ de loin, Taspect d'une 
forêt, mais fortement accidentée, et dont la physio- 
nomie pittoresque est esquissée par les lignes hardies 
de quelques pitons très-élevés. Les arbres y sont si pres- 
sés sur certains points^ et les buissons si fourrés, qu'on 
ne peut s'y frayer un passage ; çà et là , la place est vide 
' et forme d'immenses clairières, où campent les tribus. 
Les chênes verts et les chênes à glands doux y do- 
minent. On y trouve des pins d'une si grande hauteur 
qu'on pourrait en faire des mâts à nos vaisseaux, des 
bet'om ( térébinthes ) , dont quelques-uns^ dit -on, 
couvrent trente cavaliers , et dont le fruit se mange 



DJEBEL AMOUR. 211 

mêlé avec du lait ^ ou ^ pressé ^ donne de Fhuile ; de 
grands arbres appelés taga, d^ autres appelés arar, qui 
donnent de la résine, dont on se sert pour goudronner 
les chameaux. Auprès des fontaines et des rivières 
s'élèvent des trembles magnifiques , safsaf* Les vergers 
sont plantés, pêle-mêle, de pommiers, de poiriers, de 
pêchers, d'amandiers; on cultive dans des jardins les 
melons, les pastèques, les concombres, les navets, les 
ognons , etc. , et les vallées fournissent, en temps ordi- 
naire, aux habitants, du blé et de Forge en quantité 
largement nécessaire; mais, en temps de disette, ils 
sont forcés de recourir à leurs voisins du sud pour avoii 
des dattes, et aux tribus du Tell pour avoir des grains. 

Tous les versants intérieurs et extérieurs de la mon- 
tagne, quand ils ne sont pas couverts d'arbres, sont 
parsemés de buissons de myrtes, de lentisques, et sur- 
tout de cédrats que les chameaux mangent avec avidité. 

Les espaces nus, où Ton mène paître les troupeaux, 
fournissent des herbes abondantes , a'cheb , al& , 
chieh'. 

Quelques villages dispersés sur le Djebel A'mour, et 
généralement assis à la source ou sur le bord des ri- 
vières, outre qu'ils ont leurs habitants sédentaires, sont 
encore des greniers où les fractions de la tribu des Ou- 
led A'mour, qui peuplent la montagne et vivent sous 
la tente, déposent leurs grains. 

Les villages et les rivières du versant nord sont , de 
l'est à l'ouest : 



212 D'ALGER A INSALAH'. 

SidiBouzid, de cinquante ou soixante maisons, situe 
à la corne Est du Djebel. Ses habitants, qui prennent le 
nom de Ifal Sidi Bouzid, sont marabout'; ce village 
n'est remarquable que par une k'oubba (marabout') en 
grande vénération dans le pays. 

L'Oued Mok'ta' prend sa source un peu au sud de ce 
village, et va se jeter dans FOued Beïda , qui descend 
de huit lieues plus à Touest; réunies, elles s'appellent 
Oued Taguin , et, selon les Arabes, forment la source 
du Chelif. 

A quelques lieues de Sidi Bouzid, dans la montagne, 
se trouve un groupe d'une vingtaine de maisons : c'est 
le k'sar appelé A' flou, auprès duquel sort une source 
qui prend le même nom, s'appelle, un peu plus au 
nord. Oued el Medçous, et va se jeter dans l'Oued 
Beïda. 

A quatre lieues d' A' flou est situé Tadmama , k'sar de 
vingt-cinq ou trente maisons; il donne son nom à une 
source qui va se jeter dans l'Oued Medçous. 

A cinq lieues de Tadmama, se trouve un endroit re- 
marquable par sa végétation, appelé Ras el A'ïoun (la 
tête des sources), et d'où s'échappent plusieurs filets 
d'eau très-abondants qui, encaissés dans le même lit, 
prennent, en sortant de la montagne, le nom d'Oued el 
Goubab, reçoivent l'Oued Tadmama et forment l'Oued 
T'oud. A l'ouest de Ras el A'ïoun , deux sources, appe- 
lée^ BeridaetTamellaket, serpentent dans la montagne, 
où elles meurent en formant des marais. 



DJEBEL AMOUR. 213 



VILLAGES ET RIVIERE 

DV VERSANT SUD DE l'eST A l'oUEST. 

A cinq ou six lieues, en face de Sidi Bouzid et de 
Tautre côté de la montagne, se trouve le marabout' de 
Sidi loucef, au pied duquel FOued el Merra prend sa 
source. El R'icha, village d'une centaine de maisons, 
est situé à quatre ou cinq lieues plus à l'ouest, et donne 
son nom à l'Oued R'icha , qui va se jeter dans l'Oued 
Merra ; réunies, elles sortent de la montagne et passent 
à Tadjemout, où elles prennent le nom d'Oued Mzi. 

A cinq lieues de l'Oued R'icha , l'Oued Reddad sort 
entre deux mamelons, va passer au sud d'A'ïn Mad'i, 
prend le nom d'Oued Messa'ad, et se jette dans l'Oued 
Mzi, au delà de El Ar'ouat'. 

A quatre lieues de l'Oued Reddad, entre deux mame- 
lons très-élevés , dont l'un s'appelle Djebel el Maleh' 
(la montagne de sel), et aux pieds desquels sont assis 
deux villages , Khodra , de trente maisons, et Taouïala^ 
de cent maisons , sort un ruisseau salé très-abondant ^ 
appelé Oued MaleW. Si nous en croyons les Arabes, des 
mines de plâtre considérables s'annoncent entre R'ichai 
et Khodra. 

Au nord, et très-près de ce dernier village, un groupe 
d'une vingtaine de maisons forme un k'sar appelé Anfous. 

A deux ou trois lieues de l'Oued Maleh', on trouve El 
H'amouïda , village de vingt-cinq à trente maisons ; il 



314 D'ALGER A INSALAH'. 

donne son nom à TOued Ifamouïda, qui sort à ses 
pieds et va se jeter dans FOued Maleh', avant de quitter 
la montagne. 

A quatre lieues sud-ouest de la partie la plus avancée 
du Djebel A'mour, se trouve un village d'une vingtaine 
de maisons, appelé Bou A'iam (le père du drapeau), 
dont les environs sont, sur une assez grande étendue , 
très-riches en céréales. 

Le Djebel A'mour est habité par une tribu arabe ré- 
putée de race noble (djouad) , qui prend son nom de la 
montagne, ou qui peut-être lui a donné le sien. Elle 
parle la langue arabe pure et vit sous la tente, bien que 
tous les chefs de ses diverses fractions aient des maisons 
dans les villages. Mais, ainsi que nonsFavons dit, cesont 
là leurs greniers, où le père et le fils, à tour de rôle, vont 
veiller à la garde des grains et des provisions de la famille . 

Elle se divise en sept grandes fractions, qui sont : 

1^ Les Ouled Mimoun, djouad en possession du 
pouvoir, qui habitent ordinairement dans les environs 
de Ras el A^ïoun. Ils sont riches en moutons , en bœu& 
et en chameaux , qu'ils font paître , en été , dans le^ 
pâturages de Ras el A'ïoun ; en automne , du côté de 
Khodra et de Taouïala; en hiver, au sud d'A'ïn Mad'i; 
au printemps, du côté d'Ask'oura. Ils peuvent mettre 
sur pied soixante chevaux ; 

2® Les Oïded A'ii Ben A'raer, qui campent dans les 
envii'ons de TOued Merra , et qui mènent la même vie , 
à peu près, que les OuledMimoun; ils ont cent chevaux; 



DJEBEL A'MOUR. 215 

3^ Les Ouled Rah'mena, qui campent du côte 
d'A^flou; ils ont trente chevaux; 

4^ Les A^maza , qui habitent le même pays à peu 
près. Ils ont trente chevaux et beaucoup de fantassins ; 

5** Les Ouled Iak'oub el R'aba (de la forêt), qui 
campent du côté de R'icha. Ils peuvent lever cent che- 
vaux et six cents fantassins tout armés ; 

6** Les Makna, qui campent dans les environs de 
rOued H'amouïda; une famille de Cherfa se trouve 
dans cette fraction. Ils peuvent lever trente ou qua- 
rante chevaux et quatre cents fantassins armés ; 

7* Les H'adjalat, qui habitent les environs de SidiBou- 
zid et de TOued el Beïda. Cette fraction est, entre toutes, 
renommée par son courage , et c'est sur elle que s'ap- 
puient particulièrement les Ouled Mimoun. Us peuvent 
lever trois cents chevaux et beaucoup de fantassins. 

Ainsi la tribu des A'mour est forte de six cents à 
six cent cinquante chevaux , et de trois mille fantas- 
sins, sans y comprendre une petite tribu de Ka- 
byles venus on ne sait d'où, et qui vivent à part, 
sur le pic le plus élevé de la montagne £1 Ga'da. 
« Us sont là , nous disait un Arabe , perchés conune 
« des oiseaux. » On les appeUe Kemamta. Quelques- 
uns, les chefs seuls, sans doute, parlent l'arabe, 
encore le prononcent-ils mal. 

Tout le Djebel A'mour obéit à un cheikh nommé 
Djelloul Ben Yah'ia, djied (noble) des Ouled Mimoun, 
dont la famille a , de temps immémorial, le pouvoir en 



•216 D.VLGKK A INSALAir. 

maiii. Djelloul esl âgé de ({uaranle ans à peu près; 
c est un homme brave et fort, froid et sérieux; on ne 
Fa jamais vu rire. Il s'est révélé de bonne heure dans 
toute sa sauvage énergie, parle meurtre de son oncle, 
qui voulait le spolier. Avant lui , le Djebel A'mour, 
souvent ensanglanté par des guerres de fractions à frac- 
tions, était en état continuel de révolte contre les chefs ; 
mais Djelloul, toujours ferme et sévère, au besoin, jus- 
qu'à la cruauté , a fait plier ou tomber devant lui toutes 
les têtes. C'est le soult'an de la montagne : il tue, bannit, 
bâtonne, pardonne en monarcjue absolu. Les contribu- 
tions qu'il prélève sont considérables; mais il les dépense 
généreusement pour les pauvres et les voyageurs. 

A'bd el K'ader le tenait en grande estime et lui avait 
confirmé le pouvoir. 

En cas de guerre avec les tribus voisines, outre que 
le Djebel A'mour est à peu près imprenable pour une 
armée arabe , il resterait encore un dernier refuge à ses 
habitants, le sommet du Ga'da. C'est le pic le plus élevé, 
le plus escaipé de ce paie montagneux : on ne peut y 
grimper qu'un à un , par un sentier tortueux , difficile , 
suspendu entre deux précipices, ou bordé d'arbres, 
derrière chacun desquels il y aurait un homme et un 
fusil. Ces Thermopyles s'appellent Trik' el Ga'da. A son 
sommet le Ga'da offre une plate-forme assez vaste 
pour donner asile à toute la tribu , femmes , enfants , 
troupeaux; des sources coulent sur les flancs, assez 
abondantes pour suffire a tous. 



DJEBEL AMOUR. 217 

Des tigres , des panthères , des linx , des hyènes , des 
chacals, des sangliers, vivent au milieu de ce pâté monta- . 
gneux torturé de pics et de ravins. Dans les vallées on 
trouve des lièvres, des perdrix, des cailles, des poules de 
Cailhage; dans les bois, des corbeaux, des ramiers, des 
bécasses ; au bord des sources et dans les marais , des 
poules d^eau, des bécassines; et sur les pics les plus 
élevés , des aigles , des vautours, des faucons. 

Aussi la chasse est-elle en grand honneur dans la 
tribu, surtout cette chasse au faucon que nous avons 
abandonnée , et que les nobles arabes , comme nos sei- 
gneurs du moyen âge, aiment passionnément. 

Il est assez remarquable qu'il n'y ait point de lions 
dans un lieu si bien fait, ce semble, pour leur donner un 
sûr asile et fournir au luxe de leurs repas de roi. Cette 
observation n'a pas manqué de frapper les Arabes , et 
faute de pouvoir l'expliquer par une cause naturelle, 
ils se sont, comme toujours, rejetés sur la légende : 

« Autrefois , disent-ils , les lions étaient nombreux 
« dans le Djebel A'mour, si nombreux qu'ils décimaient 
« les troupeaux et se passaient souvent le caprice de 
« commencer par le berger. Un saint marabout', nommé 
« Sidi A'ïca, fut prié d'intervenir dans celte affaire; la 
« commission était difficile ; mais Dieu est grand ! Il se 
« mit en prière à travers la montagne , en ordonnant 
(( aux lions d'aller chercher un gîte ailleurs. On n'en 
c( a pas vu depuis. » 

L'animal que Shaw appelle fislhall, el leroui, qu'il 



218 D'ALGER Â INSÂLAH'. 

écrit, daiis son orthographe anglaise, lerwee, habite les 
sommets les plus ardus de la montagne. Les Arabes et le 
dictionnaire de Freytag l'appellent aroui. 11 est de la 
grosseur d'un veau d'un an, de couleur fauve ; ses 
cornes, presque unies sur le front, sont canelées et re- 
jetées en arrière; une toufTe de poils d'un pied de long 
lui couvre la nuque , le poitrail et les genoux. Selon 
Shaw, c'est le tragelaphus de Pline. 



SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAH'. 



lieurs. 



14* jour de El H'amouïda à Stiten 8 

A une lieue de El H'amouïda on quitte le Djebel 
A'mour, en passant au pied d'un pic élevé ap- 
pelé Djebel T'ouïla ; on entre alors dans le Dje- 
bel K'sal , sur le versant sud duquel est situé 
le petit village de Bou A'iam. 



BOU A'LAM. 

Village de trente ou quarante maisons, entourées de 
jardins arrosés par des sources. 

Les Rezigat, fraction des Ouled K'sal, y déposent 
leurs grains ; mais dernièrement une querelle s'est en- 
gagée entre eux et les Chàmba de M etlili, qui sont tom- 
bés sur le village et Font pillé. 



STITEN. 219 



STITEN. 



Petit village de trente ou quarante maisons ^ entouré 
d'un mauvais mur d'enceinte en pisé, ouvert par une 
seule porte. Ce village a une petite mosquée et une école. 

En dehors, du côté du sud, s'étendent quelques jar- 
dins potagers; il n'y a point de dattiers et très-peu 
d'arbres fruitiers ; ils sont arrosés par une source que 
Ton appelle A'in Stiten, où les habitants du village, qui 
n'ont pas de puits, vont chercher leur eau. Dans les 
environs se trouvent quelques terres labourables que 
l'on cultive à la pioche. 

Les habitants de Stiten s'occupent de commerce; 
leurs femmes tissent des laines. 

Le chef de ce kW s'appelle El H'adj el A'rbi. 

Des fractions de la tribu des El Ar^ouat' K'sal y dépo- 
sent leurs grains. 

On n'y trouve ni Béni Mzab, ni Juifs, si ce n'est de 
passage. 



MECHERIA. 

Un peu à l'ouest de Stiten, se trouve le petit hameau 
de Mecherïa, d'une vingtaine de maisons. Il est entouré 
de jardins et de quelques terres cultivables. 

C'est un dépôt de grains des El Ar'ouat' K'sal. 

Auprès de Stiten sort une rivière qui prend le nom 
de Oued Stiten, passe au village de R'açoul, où elle 



i20 D'ALGER A INSALAH'. 

s^ appelle Oued R'açoùl, coule vers Brizina, où elle 

s'appelle Oued Brizina, et sous le nom d'Oued Segguer 

va mourir dans les sables au pied des AVeg de 

Guelea'. 

litmtt. 

15* jour de Stiten à El R'açoul , en suivant la vallée de 

rOued Stiten 9 



EL R'AÇOUL. 

C'est un village de quarante à cinquante maisons, 
entouré d'un mur d'enceinte en pisé de deux hauteurs 
d'hommes, et crénelé. Il a une mauvaise petite mosquée 
et une école pour les enfants. Le village est dessei-vi par 
une source qui vient du nord , et que l'on nomme 
Bou Selah'. Des juifs de passage y cardent les laines et 
y font le métier d'orfèvres. Quelques marchands y 
revendent des cotonnades et des épiceries. Comme 
les précédents, il est entouré de jardins et de terres 
cultivables. C'est un dépôt de grains des El Ar^ouat' 

lieurs. 

16* jour de El R'açoul à Brizina 12 

A El R'açoul on quitte la vallée de TOued Stiten , 
on traverse les montagnes qui la dominent à 
gauche , auprès d'un pic élevé appelé Tenaïat 
Temer, on longe des mamelons de sables que 
Ton traverse pour entrer dans la vallée de 
rOued Brizina , en face de ce village. 



BRIZINA. 521 



BRIZINA. 



Cest un village de cent cinquante maisons à peu 
près, entouré d'un mauvais mur d'enceinte en pisé, 
crénelé, ouvert par une seule porte. 

Au centre est une petite place où se tiennent les 
marchés ; il a une mosquée avec un minaret, et des 
écoles pour les enfants ; la justice y est confiée à un 
k'ad'i. 

Il n'y a point de sources dans l'intérieur; on va s'ap- 
provisionner d'eau aux puits qui arrosent les jardins 
potagers et les vergers extérieurs, ou dans l'Oued 
Brizina. 

Quelques dattiers sont semés çà et là dans l'ensemble 
des jardins. 

L'industrie de Brizina est la même que celle de tous 
les K'sour du Sahara : de mauvais armuriers y raccom- 
modent les fusils ; des forgerons y font des clous, des 
fers à cheval et des pioches. Ils tirent leurs fers des 
Béni Mzab. Quelques-uns fabriquent de la poudre assez 
bonne, et dont ils reconnaissent, disent-ils, la qualité 
quand, après en avoir fait enflammer une pincée dans 
le creux de la main, elle n'y laisse ni traces très-sen- 
sibles, ni brûlure. Le soufire qu'ils emploient à cette fa- 
brication leur vient des Béni Mzab, et ils se fournissent 
de salpêtre dans les anfractuosités d'une montagne si- 
tuée à une demi-lieue du village et appelée R'iran el Ba- 
roud (les cavernes de la poudre). 



2«2 D ALGER A INSALAH'. 

L^ occupation principale des hommes est le jardinage ; 
cependant ils ne récoltent que très-peu de céréales et 
vont, à la suite des tribus arabes, en acheter dans le 
•Tell. Les femmes tissent des vêtements de laine. 

Le cheikh de Brizina se nomme Moh^ammed Ben 
K'addour ; il gouverne à Faide d^une djema\ 

Les montagnes des environs, comme toutes celles des 
Ouled Sidi Cheïkh, sont riches en carrières de plâtre. 



TRIBU DES EL AR'OUAr K'SAL. 

Cette tribu habite le territoire borné : 

A Test, par Sidi Ah'med Ben el A^bbasj 

A Touest, par El R'açoul ; 

Au sud, par Djebel Cherïa ; 

Au nord, par Mecherïa et Stiten. 

Elle se divise en quatre fractions : 

Les Ouled Moumen , qui ont pour chef A'bd Allah' 
Ben el Gourari, et qui déposent leurs gi*ains à El 
R'açoul. 

Les Rezigat qui ont pour chef Ben Khaled Ould ed 
Din Ben el Bellout, et qui déposent leurs grains à El 
R'açoul. 

Les Ouled A^mran^ qui ont pour chef Ben Tenna, H 
qui déposent leurs grains à Mecherïa et à Stiten. 

Les Ouled A'ïça, dont le chef nous est inconnu, et 
qui déposent leurs grains à Brizina. 



SID EL H'ADJ ED DIN. î^l 

Cette tribu se distingue par cette particularité^ que 
chacune des fractions n'obéit qu'à son chef, et qu'elle 
n'a point de chef unique ; mais elle est sous l'entière 
dépendance de la grande tribu des Oulçd Sidi Cheikh, 
tribu de marabout', dont F influence religieuse est con- 
sacrée sur un inunense rayonnement. 

Les El Ai''ouat' K'sal peuvent mettre sur pied quatre 
cent chevaux ; il sont riches en troupeaux de chameaux, 
de moutons, et, par exception, ils élèvent, assure-t-on, 
des bœufs qui trouvent des pâturages convenables et 
suffisants dans les marais et les montagnes. 

Us ont pour industrie particulière de confectionner 
des bois de selles et des objets de harnachement, brides, 
poitrails, etc. Au retour de leurs voyages dans le Tell, 
où ils vont acheter des grains, ils rapportent des étriers, 
des mors et des éperons. 

La beauté de leur sang est renommée, comme celle 
des Ouled Sidi Cheïkh ; mais si ces derniers sont éga- 
lement cités pour la sévérité de leurs mœurs, cet exem- 
ple ne profite guère aux El Ar'ouat' K'sal , qui sont, 
hommes et femmes, très-dissolus. 

lieues. 

!?• jour de Brizina on gagne Sid el H'adj ed Din 5 



SID EL H'ADJ ED DIN. 

Petit k'sar de quinze ou seize maisons seulement , 
mais remarquable par un très-beau marabout' qui a 
donné son nom au village. C'est un lieu en grande vé- 



224 I) ALGER A INSALAH . 

nération, où de nombreux visiteurs apportent des of- 
frandes, où les pauvres pèlerins reçoivent Fliospitalité ; 
et les voyageurs sont nombreux ; car tout ce qui vient 
de Gardaîa, de Metlili, de Guelea' et de Gourara pour 
se rendre au pays des Ouled Sidi Cheïkh , passe par 
Sid el H'adj ed Din. Les riches y laissent des présents 
que les pauvres dépensent. Le cheïkh de ce village, qui 
se nomme H'amza el Flatati est Foukil de la R'oubba 
( chargé d'affaires du marabout!). 

Les environs sont fécondés par des puits nombreux, 
alimentés, selon la tradilion du pays, par une mer sou- 
terraine. 

Des fractions des Ouled Sidi Cheïkh, des M ekhadma , 
des Chamba , des El Âr^ouat^ K'sal passent ordinaire- 
ment l'hiver entre Sidi el H'adj ed Din et Brizina, sur 
FOued Segguer. C'est un terrain plat, où poussent 
beaucoup d'herbes et de buissons très-propres à la 
nourriture des chameaux, des moutons et des chevaux. 
Lç descendant, à présent vivant, du marabout' El 
H'adj ed Din n'a rien, assure-t-on , de Faustère sévérité 
monastique de ses confrères : il se plait aux fantasia, , 
aux chansons et à la musique ; il est homme de Dieu et , 
tolérant, phénomène très-rare chez les musulmans. 

lieurs. 

18* jour de Sidi el H'adj ed Din on prend une direction de 
Test à Touest, et on s'arrête au pied d'un ma- 
melon de sables appelé Djebel A'ïrech 7 k 

19* ... le lendemain on arrive à El A'bïod Mta' Ouled 
SidiCheïckh 



^i 



EL A'BIOD MTA' SIDl CHEIKH. 226 

Et Ton entre dans les montagnes rocheuses , acci- 
dentées, boisées sur beaucoup de points, riches 
sur certains autres en mines de sel gemme et 
de plâtre, connues sous le nom de montagnes 
des Sidi Cheikh, et qui s'étendent, de Test à 
Touest, jusqu'au territoire de Figuig. 



EL A'BIOD MTA' SIDI CHEIKH. 

On donne ce nom à une réunion de plusieurs villages 
qui, de temps immémorial, appartiennent aux chefs 
marabout' de la tribu des Ouled Sidi Cheikh. 

, El A'bïod (ou El Bïod) se divise en El Bïob Chergui 
(de Test) et en El Bïod R'arbi (de Fouest). 

j La première division comprend les villages de : 

t El Bïod Chergui , 

K'sar el Rah'mena , 

et reconnaît pour chef Sidi H'amza Ben Bou Beker Ben 
iVa'ïmi. 
La seconde division comprend les villages de : 

* K'sar Ouled Sidi el H'adj Ah'med. 

Tin Kêt. 

Ouled Bou Douaïa. 
Ouled Sidi A'bd el H'akem. 

i Ils obéissent à Sidi Cheïkh Ben El Taïeb, cousin du 
chef précédent. 
I^s jardins de ces villages sont très-clair-semés 

15 



29» D'ALGER A INSALAIT. 

d^ arbres friBtîers et de dattiers^ qui cependsmt y réus- 
siraief>t très-bien , ainsi que Patteste un des villages 
d'El Rod Chergui. On y cultive des lëgumes et des 
plantes potagères; des puits nombreux et peu pro- 
fonds servent à les arroser. La garance y vient na- 
turellement; quelques morceaux de terres arables 
s'étendent aux environs, qui peuvent, quand Tannée 
est bonne, suffire à la consommation des habitants ; on 
les cultive à k. efaflvrue et à la pk>cbr *y c'est 1k l'occupa- 
tion des hommes ; les femmes tissent des vêtements de 
laine. 

Du reste, Findustrie de cette population est à peu 
près nulle : elle se borne à la fabrication du goudron , 
qui est vendu ou employé sur place pour goudronner 
les chameaux; et de poterie grossière. De petits mar- 
chands y fournissent aux besoins de nécessité première ; 
ils vendent des cotonnades, des épiceries, de la quincail- 
lerie, des fers, des aciers, des fers à cheval. Quelques 
ji|î& y fenfc \» méA&t d'ocfévres^ d» cardeurs de hône, 
de teinturiers. Figuig et les Béni Mzab fournissent au 
reste. 

Les montagnes voisines (à deux ou trois lieues) sont 
boisées d'arbres que nous n'avons put reconnaître et 
que les Arabes appellent allenday iMbl% retem (genêt), 
arar, a'zir : ces deus derniers sont âes arbres rési- 
neux. 

Au centre des villages éclate le dôme blanc dii« toga*- 
beau où reposent W ancétr<es de»Sidi Cheikh. C'est un 



EL x'Aiob irfTA' sïDi Cheikh. 227 

vaste et riche iti^ttaboM^ désigné sorts lé nom de 5ïo1ife 
el Ferh'a'. 

Six autres marabout' se trouvent entre les villages 
d'El Bïod Chergui et celui dont nous venons de parler. 
Ils se nomment : 

Sidi el tf adj Bou H'afès. 
Sidi Moh'ammed A^bd AUah^ 
6idi el H'adj A'fed el H'akem. 
Sidi Ben ed t)in. 
SidîA'bd erftah'nian. 
àdi el H'adj Ah'med. 

Tous ei^ *iai»aè)ôaif ont été cônstroif s par ée^ thatom 
cpiePôïi a^fcftt venir de Figuig; chan^ue atinëe ite âofif 
bbrtitohî* à Fiï«!ëi*iéttr et à Fexl'ëi^ietir. Oh n'y marche 
que sul* éks tapisy oh àéS coussins ^nt déposas péiii^ 
s'asseoir à Itt feçon mu^àiane. Aux mtiraiHie^ sont à^ 
peifhiuB towe^ ^orté» ifoï^emeiîite dôhtiës par leà 
pieux visiteurs : de^plurtieà et des œufe d'auti*uche, de^ 
pièces d^^tteflfes de soie et dé velours, des drapeatKc, dës' 
ceiiltures, des miroirs, et chacun d'euk a SùièÉ oukil 
charge de recevoir les présents dottt une partie est em- 
ployée sur place à défrayer les nécessiteux, et doM 
l'autre, convertie en argent, est réservée pouï* les be- 
soins* imprévus. Les charges d' oukil sont confiées à des 
nègres, ou plutôt à des gens de sang mêlé de la familte 
des chefs. 

Bes six villages* d'Ël Klod Mta' Sidreiieikhy k seul 



228 DALGER A INSALAH'. 

important est El Biod Chei^i ; ce sera donc le seul 
dont nous parlerons. 



EL BIOD CHERGUI. 

C'est un groupe de cent cinquante à cent quatre-vingts 
maisons qui peut lever de deux cents à deux cent cin- 
quante fusils. Il est entouré d'un mur d'enceinte de dix 
pieds de haut, à peu près, crénelé, défendu par quatre 
petites tourelles, et ouvert par une seule porte. Il a une 
petite K'asbah' appelée K'asbet Sidi Ben ed Din, une 
mosquée surmontée d'un petit minaret, dans l'intérieur 
de laquelle est un puits pour les ablutions, et deux 
zaouïa ou chapelles, l'une dite de Sidi el H'adj Bou 
If afès, l'autre de Sidi Cheïkh ; on y donne à manger à 
tous les pauvres et à tous les voyageurs qui s'y présen- 
tent. Comme partout, des tfolba enseignent la lecture et 
l'écriture aux enfants ; un k'aJi y rend la justice. 

Le puits de la mosquée est le seul qui soit dans le 
village même : ceux des jardins alimentent la popu- 
lation. 

Dans El Bïod R'arbi, il n'y a qu'une seule zaouïa 
nommée Zaouïet el R'arbïa; elle est située dans le vil- 
lage de Bou Douaïa. Comme dans les autres, on y reçoit 
une généreuse hospitalité. 

Indépendamment de ces zaouïa, les deux che& des 



TRIBU DES OULED SIDI CHEIKH. 229 

Sidi Cheïkh ont, chacun dans sa tribu^ deux tentes spé- 
cialement destinées aux voyageurs. 



TRIBU DES OULED SIDI, CHEIKH. 

Elle se divise en Sidi Cheïkh Cheraga (de l'est), et 
Sidi Cheïkh R'araba (de Fouest). 

SIDI CHEIKH CHERAGA, 

200 CHEVAUX. 

dépdts de l«urs grains. 

Ouled Sidi el A'rbi. El Abïod Chergui. 

Ouled Sidi el Zer'em. — 

Ouled Sidi Tah'ar. Sidi el H'adj ed Din, 

Ouled Sidi mah'ied Din. Brizina. 

Ouled Sidi Bou en Nouar. El Bïod Chergui. 

Er Rah'mena. — 

SIDI CHEIKH R'ARABA, 

300 CHEVAUX. 

dépdts de leurs grains. 

Ouled Sidi A'bd el H'akem. Sidi el H'adj A*bd el H'akem. 
Ouled Sidi Moh'ammed A'bd — 

Allah'. 

Ouled Sidi el H'adj Ah'med. Sidi el H'adj Ah'med. 

El Merâsla. Bou Semr'oun. 
El Ma'bda. — 

Ouled Sidi Ben A'ïça. A'cela. 
Ouled Sidi et Tadj. — 

Ouled Sidi Brahim. Sidi Bou Douaïa. 

Ouled Ben Bou Sa'ïd. Tineket. 

Ouled A'ziz. Sidi Bou Douaïa. 
Ouled Sidi Sliman. — 



330 P'UHm A 1M8ALÂH'. 

Les Ouled Sidi d^ïjkh Cberaga ownop^t ordi^W^- 
ment sur le territoire compris entre TOu^d Zergoun ^ 
sud, Stiten au nord, Bou A^lam à Fest, et les AVbaouat 
à Fouest. 

Les OjiUed 6i4i Omkk R'amba (mmpmt sur le pays 
pompri^ entre El Bjip4 f!^r]H à Fest, FîÇHig k ïom^t^ et 
leurs montagnes au nord.. 

Leurs tentes, de couleur noire, sont toutes surmon- 
tées de bouquets de plumes d'aiitruche plus ou moins 
gros, selon la qualité du personnage ou la fortune de 
la famille; çomma presque tous sont maraboutf, c'est 
là, disent-ils, un signe qui les distingue des tribus vul- 
gaiies. 

Ils sont riches en chanieaux, chevaux, mp^toqs, chè- 
vres et ânes, mais ils n'ont point de bœufs et très-ppii de 
mulets. 

Les soins à donner aux troupeaux ne les occupent 
point exclusivement; ils sont, par goût et par instinct, 
comme tous les Arabes, trafiquants autant que pas- 
teurs; on les compte en grand nombre sur les marchés 
des Béni Mzab, de Mellili , de Figuig e}: de Timimoun 
dans le pays de Gourara. 

Us y portent : 

Du beurre. 
Pvi fromi^ge. 
Du blé. 
Pc Torge. 
Des laines. 



TRIBU DES OULKD SiM CHEIKH. «SI 

Des moutons. 

Des tapis nommés frach. 

Des nattes. 

D^ cordes eft ^alnrtef . 

Des diapesux de pfedurfer ornés de plumes d'au- 

Ils rapportent des Béni Mzab : 

Des fusils. 

Des pistolets» 

De la poudre. 

Des balles. 

Des pierres à fusil. 

Des bernous. 

Des h'aïk' d*hommes et de femmes. 

Des diemises en laine. 

Des chaussures-brodequins. 

Des babouches de femmes. 

Du calicot. 

Des épiceries. 

De la coutellerie. 

Du fer. 

De Tacier. 

Des fers à chevttl 

Des feutres pour selles. 

Des laines filées et teitltes. 

Des teintures. 

Ils rapportent de Timimoun i 

Des esclaves nègres et négresses. 

Des dattes. 

Des vêtements de laine. 

Du henna. 



232 DALGER A INSALAH'. 

De la poudre. 

Du tabac. 

Des peaux tannées appelées filali. 

Des saie (pièces d'étoffes noires venues du pays 
des nègres; elles n'ont que six pouces de lar- 
geur; les femmes en font des ornements de 
tête). 

Ils rapportent de Figuig les mêmes objets que ceux 
détaillés à Farticle des Béni Mzab, et, en sus, tous ceux 
dont nous avons parlé ailleurs et qui sont tirés de Fâs 
(Fez). 

Les chefs des deux grandes fractions de la tribu sont 
les mêmes que ceux des villages; nous les avons nom- 
més. Ils sont cherifs et prétendent descendre du pre- 
mier klialifah' du prophète, Sidi Bou Beker Seddik', 
pour qui Mahomet aurait fait ce vœu : 

Allah' idjal rekouhek sas. Que Dieu fasse que ta famille monte 

toujours à cheval. 
Ou rekebtek tenehas. Que ton genou soit toujours baisé, 

Ou derritek tetâcha. Que ta postérité mange, 

Ou derriti tebka helach. Quand la mienne aura faim. 

Malgré cette communauté d'origine , chefs et frac- 
tions ont été souvent divisés ; mais depuis quelques an- 
nées ils vivent en bonne intelligence. 

La sainteté des Sidi Cheikh et Finfluence de leur 
qualité vénérée, non-seulement n'est point contestée, 
mais , de temps immémorial , elle leur a attaché un 
grand nombre de tribus qui se sont déclarées leurs 



TRIBU DES OULED SIDI CHEIKH. 233 

kheddam (serviteurs) et qui se font orgueil de ce titre. 
Dans le principe, disent les Arabes , quand Dieu eut 
consacré un homme par un prodige j cet homme fiit 
reconnu marabout'. Les tribus voisines d'abord, puis, 
et à mesure que sa réputation s'étendait , des tribus 
plus éloignées vinrent le visiter et demander des mira- 
cles à ses prières , de la pluie ou du beau temps , des 
récoltes abondantes , des vœux pour les nouveau-nés, 
pour les femmes stériles, pour les troupeaux malades. 
C'est l'histoire de tous nos saints , avec la diflFérence 
que, dans la religion mahométane, le titre de mara- 
boutf est héréditaire, et, avec lui, la puissance de cette 
aristocralie théocratique qui, de père en fils, rayonne 
sur un plus grand nombre d'individus. 

Les kheddam (serviteurs) d'un mai^about' sont obligés 
d'aller, une fois l'an, visiter le tombeau où repose le 
premier saint, chef de sa famille, et chaque pèlerin, 
suivant sa fortune, y laisse des cadeaux, appelés 
zïara. 

A son tour, le marabout/, ou quelqu'un de ses pa- 
rents , va visiter les kheddam , et ce voyage est encore 
l'occasion d'une ample récolte de présents qui, cette 
fois , prend le nom de el ouada. 

Le marabout' impose à ses fidèles telle ou telle prière, 
ordinairement très-courte, de quelques mots seulement, 
mais qui doit être dite , à heure indiquée, souvent des 
milliers de fois, que l'on compte sur un chapelet; celte 
action s'appelle deker. Cependant une condition exigée, 



1S4 D ALGER A IIKSALAH'. 

c'ort de ciianger souvent de prière et de bû&ser diaque 
foû, mi patron, qui seul peut vous en indûper une 
nouveUe, une petite redevance. 

A Taidede ces obligations pieuses, les marabout/ se 
sont si bien emparés de Tesprit des populations que 
beaucoup d^entre eux , comme certains abbes de notre 
moyen âge , se sont fisiits , dans un cercle plus ou moins 
étendu, plus puissants que leur soult/an lui-même, qui 
les tient toujours en grande vénération , forcé qu'il est 
de se ménager leur intervention ; il ne Tobtient souvent 
qu'au prix d'une riche ouada. Ils sont d'ailleurs affran- 
chis de toute espèce de corvées et d'impôts. 

Tous les Arabes ont un grand respect pour les Ouled 
Sidi Cheïkh ; mais leurs kheddam particulièrement dé- 
voués de père en fils , sont : 

Les Châmba. 
Les gens de Ôuargla. 
El Mekhadma. 
H'al el Touat. 
El Ar'ouat' K'sal. 
La moitié des A'rba. 
Ouled Khelif. 
Ouled Cha%. 
> Zenakha 
Djebel A'mour. 
La moitié des H'arar. 
H'al Engad. 
El H'assessena. 
Béni A'mer. 



TRIBU m» OULKD SIM CHEIKH. VM 

H'amïan. 
Douï Menïa. 
Dja'fra. 
Ouled A'ïad. 

On comprend facilement qu'avec autant de moyens 
d'action cette tribu, cjui par eM^-mêmff est peu de 
chose , soit cependant une véritable puissance. Khed- 
dam et tribu i>e reconnaissent, en réaliu^, (Je §ei- 
gnem- et maître que leur marabout', et lui ohéisr 
sent passivement, le soult/an ne vient qu'après; « çari 
« disent-ils, si un soult'an peut pous faire du mal , Diau 
(( peut nous en faire bien davantage. » 

Une révolte s'élève-t-elle dans Ja tribu? ilnuflit gii 
marabout^ d'une menace : « Que Dieu vous maudisse | 
w qu'il rende vos femmes, ou vos palmiers, ou VQScbiii'' 
« melle$ stériles ! » pour que tous viennent lui baiser les 
pieds. U en est de même pour les kbeddam ; ce Ainsi, 
« nous disait un Arabe, les Ouled Sidi Cbeïkh n'w*' 
(( raient que vingt chevaux, ils ordonneraient à \ê 
« puissante tribu des H'airii^n, qui en » deui^ mille : ^Ue 
« obéirait dans la crainte de Dieu. » 

Il faut l'avouer , au reste , les Ouled Sidi Cbejik sem- 
blent n'user de ce pouvoir que pour faire le bien ; géné^ 
reux et hospitalier^ , si leurs zaouïa s'emplissent p^r les 
riches , qui y apportent ; 

Des moutoH» , 
n^a 4çittep , 
Du blé, 



236 DALGER A INSALAH'. 

Des fruits, 

Du beurre , 

Du benjoin , 

Des bougies , 

Des vêtements de laine, 

De l'argent , 

Et même des chameaux , 

elles se vident par les pauvres, que les besoins d^un 
voyage ou qu'une intention pieuse y appellent en 
foule tous les ans , et par les malades , les estropiés et 
les aveugles qui viennent y demander un miracle. 

Apprennent-ils qu'il y a parmi leurs fidèles contes- 
tation de tribu à tribu , de fraction à fraction , de douar 
à douar , et même d'individu à individu ? ils se portent 
intermédiaires, et s'ils ne peuvent, de chez eux, ai*ran- 
ger la querelle, si elle s'envenime, un des chefs monte 
à cheval et se rend sur les lieux ; la, assis sous la tente 
la plus vaste ou en plein air, entouré d'une foule 
attentive, il se fait amener les parties adverses qui ne 
manquent jamais à l'appel et, par tous les moyens, 
cherche à les concilier. 

« J'ai assisté à une de ces scènes , nous racontait un 
« Arabe, et voici ce qui se passa : Après s'être fait ex- 
ce pliquer TafFaire, après avoir entendu les témoins 
« pour et contre, le marabout' dit à tous : « Que Dieu 
« maudisse le démon! car le prophète a dit : La dis- 
« pute est comme le feu ; que Dieu maudisse celui qui 
(( l'a allumé, et qu'il accorde sa miséricorde à celui qui 



TRIBU DES OULED SIDI CHEIKH. Mr 

« réteint! Le bien vaut mieux que le mal; du bien sor- 
« tent le repos, Tagriculture , la joie, le bonheur, les 
« enfants; du mal, la douleur, les pleurs, les cris, la 
« famine, la destruction, les perturbations, Tinsomnie. 
« Dieu m'a envoyé pour apaiser les querelles ; je n'y ai 
« aucun intérêt personnel, je ne vous demande pas 
« d'argent; ce que je fais, c'est pour l'amour de Dieu ; 
« vous dites, n'est-ce pas, que vous êtes mes servi- 
« teurs, et que vos ancêtres étaient les serviteurs de 
« mes ancêtres ; eh bien ! accordez-vous pour l'amour 
« de Dieu, de vos ancêtres et des miens. » 

« 11 exposa aloi's ce qui était juste, et il reprit : 

« Je vous ai montré le bien et le mal : choisissez. Si 
« vous voulez le bien , il est là ; si vous voulez le mal , 
« vous vous en repentirez. 

« Les parties intéressées s' étant entendues pour faire 
« la paix , il prit un chapelet qui lui vient de son père , 
(( le passa au cou de chacun des assistants , et appela 
« sur eux , sur leurs biens et sur leurs familles les béné- 
« dictions de Dieu, par des prières appelées fath'a. Tous 
<( les assistants levèrent alors les bras à hauteur de la 
(( poitrine, et ouvrirent leurs mains comme il est prescrit 
« par le rite musulman, c'est-à-dire la paume tournée 
« vers le ciel, et le marabout^ continua : 

'( O mes enfants, je me suis réjoui de vous, en vous 
« voyant m' appeler au milieu de vous : que Dieu vous 
« en sache gré , que Dieu vous protège ; que Dieu vous 
i< accorde ce que vous pouvez désirer dans vos familles, 



•2^* ir ALGER A fNSAtAlT. 

« et qw'tt vcms rende comme Fabeitte^ en Fair, eftedit : 
(( O le protecteur ! etsurhr terref: O le géftëreux!.... 
(( Toute Fassend^lëe avait les litriMs MU yetnc , et tous 
(( ayant demanda anir saint maradooist' sa bën^dietîovif, il 
(( leur dit ^ 

« Celui qui a quelque chose dans le cœur, 

«^ (ïue tHeu Fâccomplisse ! 

« Qtt'il Faccomplisse promptement ! 

« Par kl béBédictîon de la Mecqtre et de (oirt ce^ qûî FcûtoUrfe ; 

« Par eelle de lella (dame) FaVima> et de son père ; 

« Par celle de ce lieu et de celui à qui il appaiftient. 

(( Le» i^eui^ et tes eris redotiblant, il imposa silence 
(* de la» main 9 el il termina par cette bénédiction : 

« Oue Dieu vous fasse teter à tous le teton de sa miséricorde ! » 

Gf âee à Fintervention patertïeBe âe leurs chefe , il est 
rave cffilwàe coMestation^ entre Klieddam des Sidi Cheik 
dégénère en <îplei^lle, et philS' ra!r^ surtout qn'Ss en 
viennent aubi mains. Un nvomeft^ cependant la tribu 
m^me a été fortement cfivisée, Fun de ses chefs, Sidi 
H'amza, étant au* plus^mal avec A^bd el R'ader , depuis 
1» mopl du cheïkh des Engad, £1 R^oitta¥i<, qui était 
son ami et cfue FénMl* avait fait tuer, tattctts que Ben 
Taïeb, au contrsdre, aval» noô-«euleraettt i*econnu 
F émir , maïs lui payait des^ eontributions*. Ces symptô- 
mes de mauvaise inteHigeiice se sont pett* à peu effkcés, 
à mesim» que la puissance d'Aî'bil A^ K/adèr s^ est elle-* 
même annSiilée. 



TRIBU ses OULED SIDl €H£1KH. 2» 

Les Oukd Sîdî Cheïkh ne s^aUieiit qn^ entre euxf 
ces nobles àe h. tente croiraient déroger en doonoot 
leurs filles à des étrangers, à inoms qii^fls ne soient^ emx 
QXÊsdy iMnrabout^ de grande fnnttir , et t^e est lairéné- 
ratkm générale dont il» sont entourés , me»e en ,d^ 
hors de kur tevritioîre^ epe F^npereur do Manroc, 
AfoD^ A^bd er RaWman^ a épomé , Fannée demiève, 
la sœva drSidi H^âmaa, nommée £1 Iaà'out(le ndràs). 
IlnefiMidvaitpa^eninferer, toutefois, que ce maria^ 
usasse les deux beausi-^firères par des liens très^troil^; 
les soult'ans du R'arb (deFouest) sont daa» FhriMtude 
de se laisser aller facilement , et sans pour cela s'enga- 
ger en rien , à contracter de ces mariages avec les filles 
des familles distinguées , que Topinion publique cite 
pour lem* beauté. ïls les gardent plUs ou moins long- 
temps : un mois, six mois, un an; le divorce les e» 
débarrasse quand le caprice est passé , mai» sans que 
la femme y perde en considération; c'est, au con- 
traire, un honneur très-envié des plus nobles que celui 
de la réépouser au sortir du harem impérial. 

Les Ouled Sidi Cheikh sont renommés pour leur 
beauté ; îis ont d'ailleurs tous les goûts de nos anciens 
gentilshonmie». Us aiment les beaux vêtements, les 
armes riches , les brilhnts équipages de guerre et de 
chasse ; ils ont des meutes de lévriers , qu'ils font porter 
sur deschameau» jusqu'au, lieu dé^gné ,. oà ils courait 
l'autruche et la gaseUe. Dsyis le désert même , ik pas- 
sent pour d'eauîeUfiBifr cavaliers,, et learo chevaux sont 



240 D'ALGER A INSALAH'. 

superbes. Ceci ne s^entend évidemment que des plus 
riches; mais toute la tribu se distingue néanmoins par 
ses allures aristocratiques. 

Leur nourriture habituelle est le lait, les dattes, le 
couscouçou , la chair de mouton et celle de chameau. 

On assure qu^au printemps ils abreuvent leurs che- 
vaux avec le lait de leurs chamelles, et que ce régime 
les engraisse d'une manière étonnante, mais de Fen- 
colure et de la croupe seulement, sans leur donner de 
ventre. Nous avons entendu dire la même chose de 
plusieurs autres tribus du désert. 



SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAtf. 

20* jour d'El Bïod à Fun des deux villages appelés A'rba 
el Gueblïa (du sud) et A'rba el D'ah'rouïa (du 

nord) 6 

En suivant la vallée fortement encaissée de TOued 
el A'rba, qui prend sa source dans le Djebel 
Trik' el Beïda, se nomme Oued el A'rba, à hau- 
teur des villages de ce nom , passe à El Bïod 
Mta* Sidi Cheikh, et s'appelle Oued el Bïod, 
coule, vers le sud, dans les sables, sous le 
nom d'Oued R'arbi, et va se perdre au pied 
des A'reg de Guelea'. 

La série de villages dont nous allons donner la des- 
cription , et qui peuplent les montagnes dites des Sidi 
Cheïkh , sont tous sous la dépendance plus ou moins 



ARBAOUAT. 241 

directe des Sidi Cheikh eux-mêmes ou des H'amïan 
Cheraga et R'araba. 



ARBAOUAT. 

On donne ce nom à deux petits villages de trente ou 
quarante maisons, appelés, de leur position, F un Et 
Tah'atanïa (du bas), et Tautre El Fouk'anïa (du haut). 
Leur chef se nomme Bel Diar. 

Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac- 
tions suivantes des H^amïan Cheraga ou Trafi. 

H'al el Mahi'. 

Ouled Sidi Ah'med el Medjeboud. 

Akerman Cheraga. 

Ouled Zïad. 

lirufs. 

21* jour des A'rba aux deux Chellala * . . 10 



CHELLALA EL GUEBLIA (du sud). 

C'est un village d'une cinquantaine de maisons con- 
struites en pierres unies par de la terre glaise, sans 
chaux ; il a une mosquée et une école ; il est entouré 
d'un mauvais mur d'enceinte en pisé , ouvert par trois 
portes que l'on appelle : Bab a'în A'mer, Bab Tafe- 
rende , et Bab el Kherabich. La justice y est confiée à 
un k'ad'i qui se nomme Si Moh'amed ben el MahToud. 

46 



t42 D'ALGER A INSALAH'. 

Cette boui^de a été bâtie autour d^une source très- 
abondante appelée A^ïn el Djedida ; eUe arrose les jar- 
dins potagers et les vergers extérieurs, plantés d'ar- 
bres fruitiers très-nombreux, de gi^enadiei-s , pêchers, 
figuiers, vignes, etc. ; mais où il n'y a point de dat- 
tiers. La garance y vient naturellement. 

Quelques morceaux de terre cultivable donnent de 
Forge à la population ; le blé lui est apporté du Tell par 
les tribus nomades. 

L'industrie des habitants se borne à la culture de 
leurs jardins , à la vente de leurs légumes et de leurs 
fruits, qui sont, dit-on, magnifiques et très-estimés ; les 
femmes tissent des vêtements de laine : bemous, 
h'aïk', djellaba, bonnets de femmes appelés benikaet 
ceintures de femmes. 

Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les Ouled 
A'bd el Kerim , fraction des iPamïan Cheraga. 

Le chef de ce k^sar se nomme Cheïkh Embarek ; il 
peut lever quarante à cinquante fusils. 



CHELLALA EL DAITRAOUIA (nu nord). 

Ce village, dont le nom indique la position par rap- 
port au précédent, contient une centaine de maisons, 
mal bâties , sans chaux ; il est entouré d'un mauvais 
tnur d'enceinte en pisé ouvert par deux portes : Bab el 



CHELLALA EL GUEBLIA. 848 

A^skri (la porte du Fantassin) et Bab en Nouader (la 
porte dei IMleules de paille); il a une petite mosquée et 
une école ; un t^aleb , qui se nomme Si bel K'açem ben 
A'bbou , y remplit les fonctions de k'ad'i. 

Deux sources abondantes appelées , Tune A'ïn A' mer, 
Fautre A'ïn Ouled Zïan, prennent naissance dans le vil- 
lage même , et vont , par des conduits, arroser les jar- 
dins riches, comme ceux de Chellala el Gueblïa, en fruits 
et en légumes; on y voit quelques rares dattiers, mais 
dont les fruits n'arrivent que difficilement à maturité. 

De mauvais armuriers, des forgerons, des menui* 
sierSy des juife teinturiers, orfèvres, etc., suffisent aux 
besoins de nécessité première des habitants. Comme 
leurs voisins, ils font commerce de leurs fruits et de 
leurs légumes; de plus qu eux, ils récoltent un tabac 
très-fort qui s'écoule à bas prix chez les tribus voi- 
sines, et fabriquent, avec le arar, du goudron qu'ils 
vendent aux Arabes pour goudronner les chameaux. 

A une ou deux lieues du village, la montagne appelée 
El Medouer est riche en canîères de plâtre. On l'emploie 
à blanchir les laines par ce procédé ; après qu'on l'a 
fait cuire et qu'on l'a bien pilé , on le met dans de l'eau 
froide où l'on met également la laine filée que l'on veut 
dégraisser, et, disent les Arabes , elle y devient blanche 
comme du lait. 

Le savon est inconnu dans les deux Chellala ; il y 
est remplacé par une argile appelée terba, qui nettoie, 
dit-on , très-bien* 



244 D'ALGER A INSALAH'. 

Les Arabes qui déposent leurs grains à Chellala el 
Dah'raouïa sont les fractions suivantes de la tribu des 
H'amian Cheraga : 

Cha'neb.^ 
Deraga. 
Ouled Malla. 
Et Triât. 

Le cheikh du village se nomme Cheikh el H'afian ; il 
peut lever une centaine de fusils. 

Une vingtaine de familles juives sont tolérées à Chel- 
lala , aux conditions de se distinguer de leurs compa- 
triotes en portant des savates noires, un féci ou un 
mouchoir noir à la tête , de laisser toujours la droite 
aux musulmans , de ne point monter de chevaux. Ils 
n'ont point de synagogue , et leur cimetière est à part. 

Une petite rivière, appelée Oued Chellala , prend sa 
source au nord des deux villages , dans la montagne 
nommée CheggaSidi Seliman, et va se jeter dansFOued 
Bou Semi-'oun. 

lieues. 

22* jour de Chellala à A'sla 8 



A'SLA. 245 



A'SLA. 



C'est un petit village de cinquante à soixante mai- 
sons, situé sur un rocher, sans mur d'enceinte. Il 
donne son nom à une petite rivière qui arrose ses jar- 
dins et va se jeter au sud dans l'Oued Maleh'. 

Même industrie , même commerce que les précé- 
dents ; pas de juifs. 

Le cheïkh de El A'sla se nomme Moh'ammed ben 
Mekhlouf : il peut lever de cinquante à soixante fusils 

Les Arabes qui y déposent leurs grains sont une frac- 
tion des H'amian Cheraga ou Trafi , appelée Ouled Sidi 
Ah'med el Medjeboud , et les deux fractions suivantes 
des Ouled Sidi Cheïkh R'araba : 

Ouled Sidi Ben A'ïça. 
Ouled Sidi et Tadj. 

A cinq lieues est de El A'sla se trouve Bou Semr'oun. 



BOU SEMR'OUN. 

Village d'une centaine de maisons, entouré d'un 
mauvais mur d'enceinte en pisé, ouvert par trois 
portes : Bab el Guebli, Bab el Portas, et Bab en Nouaçi ; 
il a une mosquée dans l'intérieur de laquelle est un 
puits , le seul du village. Une source abondante, placée 



246 D'ALGER A INSALAH'. 

en dehors et nommée A^ïn Sidi Cheïkh, fournit aux be- 
soins de la population. 

La justice y est confiée à un k'ad'i nommé Sidi A'Wraed 
ben A'chour. 

Les jardins de Bou Semr'oun sont vastes , bien culti- 
vés , arrosés avec soin , plantés de nombreux arbres 
fi'uitiers et de vignes. On y compte de trois à quatre 
mille dattiers qui fournissent à la nourriture habituelle 
des pauvres , dont quelques-uns ne mangent presque 
jamais de pain ni de couscouçou ; pour que les dattes 
ne leur fassent point de mal , ils les mélangent , soit 
avec du lait , soit avec des légumes quelquefois chauds. 

Outre les fruits, les raisins et les légumes, leshabi- 
bitants de Bou Semr'oun récoltent du tabac, un peu de 
blé de Turquie, un peu de millet, de la garance et de 
Forge; le blé leur est apporté du Tell par les tribus 
voisines. 

Ils possèdent des moutons , des chèvres , des cha- 
meaux. Presque tous sont jardiniers, quelques-uns me- 
nuisiers, forgerons, cordonniers, et très-peu sont 
marchands; les étoffes de première nécessité leur 
viennent du Tell, par les Arabes nomades. 

En dehors du viUage, on voit quatre marabout'strès- 
vénérés dans le pays. Ils s'appellent : 

Sidi A'bd el K'ader Djilali. 
Sidi Bou H'afes el H'adj. 
Sidi Bou Semr'oun. 
Sidi Ab'med et Tedjini. 



BOU SEMR'OUN. 247 

Ce dernier a été bâti en Fhonneur du père de Tedjini, 
qui commande à A^ïn Mad'i , et qui est y ainsi que nous 
l'avons dit, d'une famille de Cherfa. Ces maraboutfs, 
comme tous les autres , sont enrichis par les riches pè- 
lerins, et défraient les pauvres. 

A cinq ou six lieues de Bou Semr'oun, la montag;ne 
appelée Touasez el A'mer fournit du plâtre employé à 
blanchir les laines. 

Les Arabes qui déposent leurs grains dans ce kW, 
sont : 

Kzaïna, fraction des Trafi, 
OuledSidiAbdelH'akem, \ 
Ouled Sidi Moh'ammed A'bd r fractions des Ouled 
Allah', l Sidi Cheikh R'eraba. 

Ouled Sidi el H'adj Ah'med, / 
El Merasla. 
El Ma'da. 

Le cheïkh de Bou Semr'oun est élu par la population ; 
celui actuellement au pouvoir se nomme Cheïkh ben 
Zïan ben Ma mer ; il dispose d'une centaine de fusils. 

L'Oued Bou Semr'oun prend sa source au Djebel 
Tamedda et se jette dans l'Oued Malell^ 

lirues. 

23* jour de El A'sla on se rend à Tlout 9 



248 D'ALGER A INSALAH'. 

rioiT. 

Village de cent à cent cinquante maisons, sans mur 
d'enceinle. Il a une mosquée , une école , etc. Ses jar- 
dins sont bien plantés d'arbres fruitiers , de nombreux 
dattiers , de beaucoup de vignes. 

Tiout est dominé au nord par Djebel d R'oundjaïa, 
d'où coulent deux sources, Tune appelée A'ïn el 
Mourdj, l'autre A'ïn el Mecaoud ; réunies, elles forment 
rOued Tïout qui traverse le village, arrose les jardins 
par des conduits, s'écoule au sud par un col appelé 
Klieneg el Meçarig, et va se jeter dans l'Oued el Maleh'. 

Le clieïkh de Tiout se nomme Ah'med ben iPadi , et 
lek'ad'iElIfadjelA'rbi. 

Ce village peut lever décent cinquante à deux cents 
fusils. 

Les Arabes qui y déposent leurs grains sont : 

Chaïa, \ 

Ouled Embarek , f ^ . ,..,.. , , 
,,,,,, > fractions des H'amian R'araba. 

Sbabha, i 

El Megan , ) 
4* jour de T'ïout on se rend à A'ïn Sefra 6 



A'IN SEFRA. 249 

A'IN SEFRA. 

Cest une bourgade de deux cent cinquante maisons 
à peu près , sans mur d'enceinte , et menacée , du côté 
du sud, par les sables que les vents amoncèlent en 
petits mamelons. Elle a une mosquée et une école. 
Du côté du nord , beaucoup de sources qui descendent 
de la montagne arrosent ses jardins , sous le nom 
d'Oued Sefra, et vont se jeter dans FOued Tïout. 

A'ïn Sefra n'a pas de dattiers. 

Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac- 
tions suivantes des H'amïan R'araba ou Clia'fa : 

Béni Metteref. 

Da'mecha. 

Djenba. 

Le chedih de ce village se nomme El lazid , le k'ad'i 
Sid Sah'ali. 

Il y a eu autrefois mésintelligence entre A'ïn Sefra et 
Tiout; comme il arrive toujours en pareille circon- 
stance , les Arabes de la tente, voisins des deux villages, 
avaient pris, selon leurs intérêts, parti pour ou contre 
dans la querelle. Ils vivent maintenant en paix. 

lifuet. 

25* jour d'A'ïn Sefra on se rend à Seficifa 6 



250 D ALGER A INSALÂH'. 

SEFICIFA. 

C^est une petite ville de trois cent cinquante maisons 
à peu près , sans mur d^ enceinte. Sa mosquée n^a point 
de minaret; c'est du haut de la terrasse que le moued- 
din appelle à la prière. 

Seficifa est dominée au nord pai* Djebel Mer'ad , d'où 
descendent des sources qui, réunies, arrosent les jar- 
dins sous le nom d'Oued Seficifa, tournent à Fouest, 
et vont se jeter dans FOued Ich, dont nous parlerons 
plus bas. 

Le commerce de ce k'sar est le même que celui des 
autres villages. 

Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac- 
tions suivantes des H'amian R'araba ou ChaTa : 

El Mekhaoula. 
Béni A'gueba. 

Seficifa peut lever trois cent cinquante fusils à peu 
près. 

Au sud de A'ïn Sefira et de Seficifa se trouvent deux 
villages, voisins Fun de Fautre, appelés, Fun El 
Mer'erarel Tah'atanïa(duba8), Fautre El Mer'erar el 
Fouk'anïa (du haut). 



MER'EhAR EL FOUR'ANIA. S5t 

MER'ERAR EL FOUK'ANIA. 

Cest un village de cent cinquante maisons en mau* 
vaise construction, avec mosquée, école, puits, etc. 
Ses jardins, riches en légumes, arbres fruitiers et 
dattiers, sont arrosés par F Oued Mer'erar qui descend , 
sous le nom d'Oued El H'aïmer , de Djebel el H'aimer , 
prend le nom d'Oued Mer'erar à hauteur des villages, 
s'appelle plus bas Oued Keçab et se jette dans l'Oued 
Namous, qui est la continuation de l'Oued Maleh'. 

Le cheïk de Mer'erar el Fouk'anïa s'appelle Bou Ras ; 
le k'ad'i, Si Ah'med ben Guedda. Ce k'sar peut lever 
cent cinquante fusils à peu près. 

Les deux fractions suivantes de la tribu des H'amïan 
R'araba y déposent leurs grains : 

El Khïatra. 
A'kerma R'araba. 



MER'ERAR EL TAH'ATANIA. 

Ce village est situé un peu au-dessous du précé- 
dent. Il se compose de deux cents maisons à peu près, 
sans mur d'enceinte. Il a des puits, une mosquée, une 
école. Se» jardins sont riches en légumes , arbres frui- 
tiers et vignes. On y compte quatre ou cinq mille dat^ 
tiers , dont les fruits sont renommés pour leur grossem* 



252 D'ALGER A INSALAH'. 

et très-estimés. Toutes ces plantations sont arrosées 

par des sources et par FOued Mer'erar. 

Le cheikh de ce k'sar se nomme Sid Moh'ammedben 
Cherif; le k'ad'i, Sid Moustafa. Il peut lever deux cents 
fusils à peu près. 

Les Arabes qui y déposent leurs grains sont les frac- 
tions suivantes des Ifamïan R'araba ou ChaTa ; 

Sendan. 

El Negagueza. 

Ouled Serour. 

II fait un commerce très-suivi avec Figuig. 

lieun. 

26* jour de Seficifa à Ich 7 



ICH. 



Petit village de soixante à quatre-vingts maisons , bâti 
au pied d'un rocher très-élevé , nommé Er Ragouba. Il 
aune petite mosquée, dans Fintérieur de laquelle est 
un puits. 

Au nord est une montagne qui donne naissance à 
Foued Ich ; cette rivière arrose les jardins et les plan- 
tations de dattiers du village , se jette dans Foued Dje- 
raouin qui se décharge dans Foued Maleh'; ce cours 
d'eau, sous le nom d'oued Namous, coule vers le sud 
et va mourir dans la chaîne des A'reg, qui de GueFea 
se rend à Timimoun. 



ICH. 253 

Ich est le dépôt de grains des fractions suivantes de 
la tribu des H'amian R'araba : 

Ouled A'zi. 
El A'mour. 
Ouled Farês. 

Le cheikh de ce k'sar se nomme Moula Seliman , et 
le k'ad'i, Moula Ah'med. Tous les deux sont cherfa. 

Ich est le dernier village des montagnes dites des 
Sidi Cheikh. Un peu plus petits , un peu plus grands, 
tous, on le voit, ont entre eux une grande ressemblance ; 
c'est toujours une bourgade située dans une gorge ou 
sur un mamelon, entourée ou non d'un mauvais mur 
d'enceinte , et qui sert de dépôt de grains aux tribus 
les plus voisines. Habitans des k'sour ou de la tente, 
sédentaires ou nomades, tous sont de race arabe, sans 
mélange bien caractérisé , malgré leurs alliances avec 
leurs esclaves négresses. Outre les soins du jardinage , 
qui les occupent particulièrement , et leur industrie , 
qui consiste surtout à fabriquer du goudron , ils font un 
commerce très-actif avec Figuig , d'où ils rapportent 

Du plomb. 

De la poudre. 

Des armes, fusils, sabres, pistolets qui viennent 
du Maroc. 

Des vêtements de laine. 

Des peaux tannées (filali). 

Du calicot. 

Des indiennes. 

De la soie. 



254 D'ALGER A INSALAH'. 

Des chachia du R'arb (de Vouegi) , qui soQt moins 
bonnes que celles de Tunis , mais à meilleur 
marché. 

Des ceintures d'hommes et de femmes. 

Des chaussures jaunes. 

Des épiceries. 

Du cuivre, \ 

Du fer, > qui seront travaillés. 

De Tacier, j 

Ces marchandises , dispersées dans les petites bouti'- 
ques dé tous les k'sour, sont vendues aux nomades à 
prix dWgent, ou échangées pour les blés apportés du 
TeU. 

L'émir^ quand il était au plus fort de sa puissance , 
avait déjà &it sentir son action sur les villages de ces 
montagnes; après les moissons , il envoyait, chaque 
année , des cavaliers de son Makhzen prélever un impôt 
fixé, pour chaque individu, à un h'axk' commun du prix 
de 3 ou 5 boudjous. Cet impôt, qui représentait 
Fa^chour, ne les dispensait pas de payer les droits de 
lezma, quand ils venaient acheter des grains dans le 
Tell. 

A. quelques lieues de Ich , nous quittons les monta- 
gnes et le pays des Ouled Sidi Cheïkh pour entrer dans 
le territoire de Figuig ; mais avant de nous y engager, 
nous reviendrons sur nos pas , pour étudier la grande 
tribu des H'amïan que nous avons laissée au nord des 
Sidi Cheïkh. 



TRIBU DES H'AMIAN. 855 

TRIBU DES H'AMIAN. 

I.es versants nord de la chaîne de montagnes des 
Ouled Sidi Cheikh, et les rives sud des deux chot' qui 
leur font une parallèle , sont séparés par un espace 
vide qui s'étend sur une largeur variable de quinze 
ou vingt lieues. Cest là que campe ordinairement la 
grande tribu des H'amian. Cependant, comme toute 
les tribus du désert, elle a dans Tannée deux mouve- 
ments de fluctuation qui la jettent, l'un au sud, et 
elle passe alors la montagne pour aller faire paitre ses 
troupeaux , l'autre au nord , et elle déborde alors sur 
le T^ell , pour aller y chercher des grains. 

On sait que ce va-et-vient périodique s'opère d'un 
côté au printemps, de l'autre à la fin de l'été : l'hiver 
est la saison du repos sur le territoire national. 

La tribu des tfamïan se divise en deux grandes firac- 
tions, qui s'appellent, de leur position : 

H'amian Cheraga , ou Trafi. 
H'amïan R'araba, ou Cha'fa. 

Ces fractions se subdivisent elles-mémc ainsi : 

H'AMIAN CHERAGA (de Test), ou TRAFI. 

dépâts de lears grain*. 

Ouled A'bd el Kerim. Chellala el GuebHa. 

Cba'neb. Chellda el Dah'raouïa. 

Derraga. — — 

Ouled Ma'lla. — — 

El Triât. — — 



25G 



D'ALGER A INSALAH'. 



Rezaina. 

Ouled Zïad. 

H'al el Mah'i. 

A'kenna Cheraga. 

Ouled Sidi Ah'med el Medjeboud. 



dépôts ie l«nrs fraios. 

Bou Semr'oua. 
Arba' el Tah'atanïa. 
Arba' el Fouk'anïa. 

A'sla. 



H'AMIAN R'ARABA (de l'ouest), ou CHA'FA. 



Chaïa. 

Ouled Embarek. 

Sbabh'a. 

El Megann. 

El Mer'aoula. 

Béni A'gueba. 

Béni Metteref. 

Djenba. 

Da'mecha. 

El A'mour. 

Ouled Fares. 

Ouled A'â. 

Sendan. 

El Negagueza. 

Ouled Serour. 

El R'ïatra. 

A'kerma R'araba. 



dépôts de lears grain». 

Tlout 



Seficifa. 
Ain Sefra. 



Ich. 



Mer'erar el Tah'atania. 



Mer'erar el Fouk'ania. 



La tribu entière des H'amian peut mettre deux mille 
chevaux sur pied. 

Le chef des Cheraga se nomme Cheikh el T'aleb, 
celui des R'araba, Cheikh el Meh'aïcha. Aucun des 
deux n'est marabout', mais tous deux sont djouad 
(nobles) et très-riches, par conséquent puissants. Bien 
que maîtres absolus chez eux , ils sont cependant ,' ainsi 



TRIBU DES H'AMIAN. 257 

que nous rivons dit , klieddam ( serviteurs) des Ouled 
Sidi Cheikh , et leur sont dévoués de tête et de cœur. 
(Voir au paragraphe des Ouled Sidi Cheikh. ) 

Les H'amïan possèdent d'immenses quantités de 
moutons, beaucoup de chevaux et surtout des cha- 
meaux. Les riches en ont jusqu'à deux mille; le plus 
pauvre en a deux au moins. Dans le désert, ces trou- 
peaux ne paissent point confusément; ils sont divisés, 
les moutons, par groupes de quatre cents, et chacun de 
ces groupes prend le nom de a'ça , mot qui signifie pro- 
prement le bâton d'un berger et qui représente ici la 
quantité de moutons confiée à la garde d'un individu j 
les chameaux sont divisés par groupes de cent têtes, 
appelés ibel. Il n'est pas rare de trouver des Arabes 
riches de vingt a'ça (8 000 moutons) et de quinze à 
vingt ibel (1 500 à 2 000 chameaux). 

Essentiellement voyageurs et marchands, les H'amïan 
fréquentent : 

Figuig, 
Touat*,, 
Gourara , 
Beui Mzab , 
Tafilalet, 

et dans le Tell, les Béni A' mer et les environs de Tlem- 
cen. Ils y portent leurs produits et en rapportent les 
marchandises citées ailleurs. 

Beaucoup d'entre eux font encore métier de louer 
leurs chameaux aux caravanes. 

17 



258 D ALGER A INSALAH'. 

Un H'amïan nous disait : « Ce que nous aimons le 
mieux au monde c^est : 

El Slougui (le lévrier). 

T'ir el H'or (l'oiseau de race, le faucon). 

El Mra (la femme). 

El A'ouda (la jument). 

Cette phrase caractéristique, devenue proverbiale 
dans la trO^u, signale suffisamment les mœurs des 
H'amïan. Ils sont bons cavaliers, chasseurs, fort adon- 
nés à Famour, et guerriers au besoin. 

Leurs ennemis naturels sont les Chamba de Mettili 
et de Gueléa, avec lesquels ils sont presque toujours 
en guerre , malgié la distance et les difficultés de ter- 
rain qui séparent les deux camps. 

Mais, nous l'avons déjà dit, les H'amïan s'avancent 
au printemps dans le sud, souvent jusqu'aux A'reg 
de Gueléa, et c'est le moment que choisissent les 
Chamba pour tomber sur eux et leur enlever des 
troupeaux. De leur côté les Chamba remontent dans 
le nord jusqu'à El Bïod Mta' Sidi Cheikh, et les 
H'amïan prennent alors leur revanche. C'est une que- 
relle traditionnelle incessamment alimentée par des 
r'azia. 

A la guerre et dans leurs chasses, ils montent de 
préférence des juments; elles supportent mieux que les 
chevaux , disent-ils , la soif, la faim et la &tigue. Les 
poulains sont vendus dans le T'ell. 

Ils chassent, avec des meutes de lévria:^, l'autru^ 



TRIBU DES H'AMIAN. 259 

che, la gazelle, rarouï, le begar el ouach, espèce d'an- 
tilope qui a quelque ressemblance avec un veau. Nous 
en avons vu un chez M. le gouverneur général : il est 
de couleur fauve, ses cornes sont recourbées en ar- 
rière, cannelées, peu séparées sur le front. 

Le petit gibier se chasse au faucon. 

Comme les Sidi Cheikh , les H'amïan se distinguent 
par la beauté de leur race et le luxe des vêtements ; leurs 
femmes sont, elles aussi, fort belles et très-parées. 
Elles portent des bracelets de pieds et de mains, des 
colliers en pièces de monnaie, en corail ou en clous de 
girofle, des bagues en argent, en or ou en cuivre. 
Elles vont la figure découverte, ainsi que toutes les 
femmes du désert. Tous ces instincts de coquetterie ne 
se sont développés chez elles qu'aux dépens de la sé- 
vérité des mœurs. 

A'bd el K'ader avait compris de quelle importance il 
était pour lui de dominer par Fimpôt, ne pouvant 
mieux &ire, 1^ tribus sahariennes du sud de Tlemcen. 
Ce problème tiouvait sa solution toute àimple dans la 
régul£»*isation des droits ( lezma ) qu'elles devaient 
payer, chaque année, sur les marchés du T^ell, et dont 
quelques-unes, comme les H'amian, s'étaient affran- 
chies à la feveur des derniers troubles. 

Cette exigence de l'émir révoltait la fierté des 
H'amïan, qui ne voulaient pas le reconnaître, et, pen- 
dant plusieurs années, pour ne pas venir chez lui, ils 
allèrent dans le Maroc acheter leurs grains. Mais ils 



Î60 D'ALGER A INSALAH'. 

reconnurent bientôt que leurs intérêts étaient froissés 
par ces longs voyages : pour aller dans le Maroc , ils 
avaient quinze ou vingt jours de marche ; pour venir 
dans les montagnes des Béni A'mer ou dans les envi- 
rons de Tlemcen, ils n'en avaient que quatre ou cinq; 
leur susceptibilité ombrageuse dut céder à ces consi- 
dérationSy et ils se soumirent. 



SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAH'. 

DISTRICT DE FIGUIG. 

A quelques lieues de Ich , la chaîne de montagnes 
qui va toujours en s'amoindrissant prend le nom de 
Djebel el Ma'ïz (montagne des chèvres), un peu plus 
loin celui de Djebel Rekna el KaVala (le coin noir), 
plus loin encore, de Djebel Zoubïa (montagne des or- 
dures), et enfin de Djebel el H'alouf (montagne du 
sanglier). Ces quatre mamelons sont reliés entre eux 
par une succession de a'reg et de ravines. De Djebel 
Kekna el K'ah'ala descend TOued Zeboudj; de Djebel 
Zoubïa descend F Oued Zoubïa ; de Djebel el H'alouf 
descend FOued el H'alouf, qui reçoit sur la rive gau- 
che la rivière précédente, et va, comme FOued Ze- 
boudj , se jeter, au sud, dans FOued Namous. Ce ter- 
ritoire, qui fait partie du Maroc, forme le district de 
Figuig. On donne ce nom à une agglomération de 
douze villages qui sont : 



DISTRICT DE FIGUIG. 261 

OuledSidi A'bdelOuafi. 

Béni Ounnis. 

El Ma'ïz. 

Ouled Seliman. 

Tarla. 

El Oudartr. 

El H'ammam el Tah'atani. 

Béni A'roun. 

El H'ammam el Fouk'ani. 

El Abid. 

El Zenaga. 

El Mah'arza. 

Les plus considérables de ces villages sont : Ma'ïz, 
qui compte huit cents maisons; El Oudar'ir, qui en 
compte cinq cents, et Zenaga, qui en compte douze 
cents. Les autres varient de cent à deux cents. Un peu 
plus , un peu moins éloignés les uns des autres , mais 
jamais à plus d'un quart de "lieue, tous descendent 
rOued el H'alouf et sont reliés par des jardins plantés 
d'arbres fruitiers de toute espèce, de figuiers de Barba- 
rie et de beaucoup de dattiers. 

Souvent en guerre entre eux, ils ont dû se mettre à 
l'abri des attaques; aussi tous sont-ils entourés de murs 
d'enceinte crénelés et défendus par des tourelles. Ils 
sont d'ailleurs beaucoup mieux cbnstruits que ceux 
dont 'nous avons parlé plus haut ; leurs maisons sont 
généralement à terrasses, et plusieurs à deux étages. 
Cha un d'eux a sa mosquée, son cheikh, son k'ad'i, 



262 D'ALGER A INSALAH'. 

son école ; Fensemble est commandé par un chef re- 
connu par Fempereur du Maroc. 

Outre les fruits de toute espèce et les légumes, les 
habitants de Figuig cultivent beaucoup de garance, 
qui est vendue aux k'sour voisins et aux Arabes pour 
teinture, et du tabac. Ils récoltent également de Forçe 
en quantité suffisante pour leur consommation ; mais 
le blé leur vient du Tell. 

L'Oued el H'alouf, qui féconde et jardins et terres à 
céréales, n'a d'eau courante, comme toutes les autres 
rivières , que pendant Thiver ; mais on a paré à cet in- 
convénient en creusant, de distance en distance, sur 
son cours et dans son lit , des puits appelés taouedj , 
qui sont autant de citernes intarissables. La répartition 
de ces eaux dans les propriétés de chacun est confiée à 
un moul el ma (maître de Feau), qui est chargé de 
veiller à ce qu'elle sôit faite en toute justice. Du réser- 
voir commun partent des canaux principaux sur les- 
quels, de distance en distance, sont élevées des digues 
pour arrêter les eaux, et qui les déversent par des ri- 
goles sur telle ou telle portion de terrain, selon que 
le moul el ma ouvre telle ou telle écluse. Les divers 
propriétaires , moyennant une certaine somme an- 
nuelle, ont droit à tant d'heures d'arrosage. Ces heures, 
qui sont calculées ailleurs, ainsi que nous Favons vu 
pour A'ïn Mad'i, à l'aide d'un sablier, sont comptées à 
Figuig avec une clepsydre. Le moul el ma de garde est 
chargé de cette opération , et voici comment il y pro- 



DISTRICT DE FIGUIG. 263 

cède : sur un grand bassin plein d^eau, il place un vase 
conique en cuivre percé au fond par un petit trou , et 
qui doit se remplir en un temps connu. Quand, pai* une 
ou plusieurs immersions du vase, il a été averti qull 
doit fermer les écluses d'un côté, il annonce, en tirant 
un coup de fusil, qu'il va les ouvrir par Pautre. A ce si- 
gnal convenu, chaque intéressé se rend à son champ, 
à sa plantation de dattiers, à son jardin, pour utiliser 
les eaux qui vont lui arriver. 

Grâce à ces précautions prises dans chaque localité 
du district, les terres cultivables ne manquent jamais 
d'eau , et il est rare que des contestations s'élèvent 
d'individu à individu pour les droits d'arrosage. Il 
n'en est pas de même de village à village; cet élément 
de prospérité, partout précieux, mais surtout dans le 
Sahara, divise fréquemment les populations, et se joint 
aux mille autres sujets de querelles inévitables entre 
voisins; il devient pour les k'sour de Figuig un prin- 
cipe éternel de discorde. 

Mais ces raisons toutes simples des guerres qu'ils se 
font ne pouvaient pas suffire au besoin de merveilleux 
qui tourmente les imaginations arabes ; selon eux , 
leurs ancêtres ont été maudits par un marabout' des 
Sidi Clieïkh, qui, pour les punir et du relâchement de 
leurs mœurs et de leur peu de religion, leur aurait 
lancé cet anathème : « Que Dieu vous rende, jusqu'au 
w jour du jugement dernier, comme des cardes , l'une 
« rongeant l'autre ! » 



264 D'ALGER A INSALAH'. 

Quoi qu'il en soit, leurs guerres sont les plus cruelles 
que se livrent les habitants du Sahara ; car ils ravagent 
jusqu'aux palmiers, malgré la convention tacite, res- 
pectée partout ailleurs, de ne s'en prendre qu'aux 
hommes et d'épargner l'arbre nourricier des vain- 
queurs à la fois et des vaincus. Ils ont d'ailleurs à leur 
service un élément de destruction qui leur est propre ; 
ils excellent dans l'art de faire des mines. Leur réputa- 
tion, comme mineurs, depuis longtemps établie, s'est 
encore augmentée dans deux occasions maintenant 
historiques. 

En 1793, quand le bey Moli'ammed el Kebir s'em- 
para d'Oran , il avait avec lui des habitants de Figuig 
qui minèrent et firent sauter presque tous les forts 
avancés de la place; et, lorsque A'bdel K'ader faisait 
le siège d' A'ïn Mad'i, en 1 838, il appela à lui un nommé 
Taïeb ben Beza, de Figuig, pour enseigner à ses fan- 
tassins la science de destruction qu'il avait apprise de 
ses compatriotes. 

Dans leurs sièges de k'sar à k'sar, c'est toujours par 
des mines que procèdent les assiégeants. Le sol géné- 
ralement ferme et solide du territoire favorise l'opé- 
ration; ils savent d'ailleurs prévenir les éboulements. 
Après avoir marché sous terre à des distances considé- 
rables, quelquefois de deux ou trois cents pas , arrivés 
sous le point indiqué , ils y déposent une grande quan- 
tité de poudre, la pressent entre les parois d'une ma- 
çonnerie solide, en ménageant, sur l'une des faces, 



DISTRICT DE FIGUIG. 266 

une ouverture d'où part une traînée de poudre dans 
toute la longueur du souterrain , et à laquelle ils met- 
tent le feu ; si les assièges n'ont pas été assez heureux 
pour contre-miner ces tiavaux, il est rare qu'une hor- 
rible explosion ne les ensevelisse pas sous les décom- 
bres de la place. 

Cependant les instincts industrieux de cette popu- 
lation singulière ne se révèlent pas seulement dans la 
guerre : chaque k'sar a ses brodeurs, ses cordonniers , 
ses forgerons, ses selliers, ses bouchers, ses menui- 
siers, ses armuriers. Le bois de palmier est le seul qui 
s'emploie aux ouvrages de menuiserie ; la fibre en est 
naturellement un peu lâche ; mais il acquiert avec le 
temps de la dureté, et passe pour être incorruptible. Les 
bois de fusil sont faits en noyer ou en tremble venus 
durell. 

Tous sont d'ailleurs jardiniers et surtout commer- 
çants. S'il y a deux frères dans une famille, il est rare 
que l'un des deux ne soit pas à courir les marchés de 
Fez, de Tafilalet, deTouat, où il porte 

Des vêtements tissés et confectionnés sous la 

tente. 
Des broderies de soie faites avec beaucoup d'art. 
Des bottes et pantoufles, piquées de soie, très- 

renommées. 
Des bernons noirs et blancs , d'un tissu si serré 

qu'ils sont imperméables; ils peuvent durer dix 

ans, et se vendent 10 douros d'Espagne. 
Des h'aïk', nominés djerbi ou figuigui , teints à 



S66 D* ALGER A INSALAH'. 

raies rouges, avec du kermès : même prix que 
les beraous. 
Des h'aïk' d'hommes, communs, qui se vendent 

2 douros. 

Des h'aïk' d'hommes, fins, 4 ou 5 douros. 
Des gandoura, ou chemises de laine, 2 douros. 
Des ceintures de femmes de couleurs bigarrées , 

3 douros. 

Des cordes de poil de chameau pour turban , 

1 ou 2 boudjous. 

Des coiffes de femmes , nommées bekhnoug , 

2 boudjous. 

Ils rapportent de Fez : 

Des cachïa très-hautes. 
Du calicot anglais. 
Des draps anglais. 
Des ceintures en soie. 
Des mouchoirs d'indienne. 
Des foulards. 
De la mousseline. 
De la soie. 
Du cumin. 
Du kermès. 

Du benjoin pour parfumer les marabout'. 
De l'acier. 

Des armes, pas de ïatar'an. 
Des pierres à fusil. 
Des pioches. 
Des ustensiles de cuivre. 
De l'huile ; car ils n'ont pas d'oliviers. 
Des chevaux , des mulets, des ânes achetés à bon 
marché. 



DISTRICT DE FIGUIG. Vfï 

De la laine. 

Du savon. 

Du sucre et du café. 

Beaucoup de thé. 

Du sel. 

Des essences. 

De Fa'chîch. 

De Tantimoine pour teindre les cils. 

Du mercure. 

Du fer. 

Des couteaux. 

Des ciseaux. 

Des miroirs de femmes. 

Ils rapportent de Tafîlalet : 

De la poudre , qu'ils achètent un demi-boudjou la 

livre et revendent un boudjou. 
Des balles. 
Du plomb. 

Du salpêtre, qu'ils appellent sel de poudre. 
Des cuirs tannés (filali). 
Des cordes en soie , pour la tète. 
Des babouches. 

Des petits poignards à fourreaux en cuivre. 
Des étriers, des mors, de la sellerie en soie et or. 
Des épiceries. 

Ils rapportent de Touat : 

Des esclaves mâles et femelles. 

Un beau nègre vaut, à Piguig, de 150 à 200 fr. ; 
une belle négresse de 200 à 400; car, dans le 
Maroc, elles sont très-aimées et préférées aux 
femmes blanches, surtout aux femmes légitimes. 



268 DALGER A INSAÏAH'. 

Des dattes, qui y sont à très-bon marché. 

Des fusils, qu'ils assurent venir du Soudan. 

Des sabres , qui sûrement en viennent. 

De Tivoire. 

De la poudre d'or. 

Des h'aïk'. 

De la poudre, qui leur coûte de 15 à 16 boudjous 

le quintal. 
De ra'chich. 
Du tabac. 
Du sel. 

Arrivés chez eux, ils colportent ces marchandises 
ou les exposent dans des boutiques, où les Arabes 
viennent s'en approvisionner, soit argent comptant, 
soit en échange pour des chameaux , des moutons , du 
beurre, de la laine, etc. 

Tous ces éléments de prospérité et de bien-être et 
l'importance de son commerce ont fait donner à Figuig 
le surnom de Fas Servir , le petit Fas (Fez). 

La nourriture habituelle de la population est le 
kouskouçou , la datte , la chair des bœufs qui lui vien- 
nent du Tell et la chair de chameau. La graisse de ce 
dernier animal sert à préparer les aliments , sa peau à 
couvrir du bois de selles , ou à faire des semelles de 
chaussures. 

Il est assez remarquable que , contrairement aux ha- 
bitudes des femmes du désert , celles de Figuig ne sor- 
tent que voilées de manière même à ne laisser voir 
qu'un œil. Elles sont, du reste, tenues très-sévèrement. 



DISTRICT DE FIGUIG. 269 

Ainsi que nous l'avons dit, Figuig relève du Maroc, 
mais n'en dépend réellement que depuis une vingtaine 
d'années. Avant cette époque, les contribution^ ne s'y 
percevaient que très-mal et très^difïicilement. L'empe- 
reur en finit en envoyant une armée qui bombarda les 
douze villages et les frappa d'une amende considé- 
rable. Depuis cette leçon sévère, aucun d'eux n'a 
tenté de se soustraire à l'impôt, qui est d'un demi- 
boudjou par dattier , payé en argent ^ et que vont per- 
cevoir, chaque année après la moisson, quelques ca- 
valiers marocains. 

Les fractions suivantes de la grande tribu des Douï, 
Menïa ou Zegdou , déposent leurs grains à Figuig : 

Daou Belal. 
A'rib. 
Sedja'. 
El A'ouara. 
Ouled Sidi A1i. 
Ouled Djerid. 
Ouled Seliman. 
Ouled Bou H'anan. 



270 D'ALGER A INSALAH'. 



TRIBU DES DOUI MENIA OU ZEGDOU. 

La tribu des Douï Menïa ou Zegdou est tellement 
considérable que nous ne croyons pas utile de donner 
le nom de toutes ses fractions , placée qu'elle est en 
dehors du territoire que nous nous sonmies proposé 
d'étudier. 

Nous avons cherché à nous expliquer pourquoi cette 
tribu a deux noms^ et nous avons été conduits à cette 
observation , que tous deux sont caractéristiques de la 
force et du nombre : Douï Menïa veut dire , en effet, la 
tribu qui se préserve, qui se défend ; et Zegdou est évi- 
demment un dérivé du verbe nezer'ed, qui se prononce 
dans le désert nezegued , et qui veut dire fourmiller. 

Placée entre Figuig à Test , Kerzas au sud et Tafilalet , 
dont elle possède la moitié du district, à Fouest , elle a 
fait donner à son territoire le nom de Belad el Mou- 
kahla (le pays du fusil). Elle est là comme une bar- 
rière où viennent se briser les Berbères de l'ouest qui 
convoitent incessamment Figuig et qui , sans cet 
obstacle, l'auraient, souvent saccagée, ou tout à fait 
anéantie. Très-peu soumise à l'empereur du Maroc, pas 
plus que les Berbères , et presque toujours en guerre 
avec ces âpres montagnards, elle traite avec eux de 
puissance à puissance, sans qu'aucun des partis s'in- 
quiète beaucoup de son suzerain, qui ne peut pas être 



TRIBU DES DOUl MENIA OU ZEGDOU. 271 

toujours là avec une armée, et qu^ils ne regardent en 
réalité que comme leur chef religieux. 

Les Zedgou , incessamment tourmentés par un in- 
stinct de pillage et de vagabondage, outre qu^ ils s'im- 
miscent à toutes les querelles de leurs voisins, notam- 
ment à celles des k'sour de Figuig, font souvent des 
r'azïa sur les Chamba et les Ouled Sidi Cheikh Cheraga. 
Des espions adroits vont à la découverte, et, sur leur 
indication, une partie de la tribu, douze ou quinze 
cents hommes quelquefois, montés à deux sur des cha- 
meaux aux flancs desquels pendent des outres pleines 
d'eau et les provisions du voyage, se portent sur le 
lieu du coup de main, tombent à Timproviste sur les 
troupeaux mal gardés et les enlèvent. S'ils trouvent de 
la résistance, des deux cavaliers l'un tient le chameau, 
l'autre fait le coup de fusil. Ces expéditions hasardeuses 
sont souvent poussées à de très-grandes distances, et 
sont toujours conduites par sept ou huit chefe, les seuls 
de la troupe qui soient à cheval. 

Si ces pillards ont leurs ennemis naturels, ils ont 
aussi leurs amis; tek, par exemple, les H'amïan Che- 
raga et R'iu*abâ, et les Ouled Sidi Cheïkh R'araba. On 
se souvient que les deux grandes fractions des Orded 
Sidi Cheïkh ont été pendant quelque temps divisées ; 
les Zedgou avaient alors pris parti dans la querelle, et, 
malgré la paix qui s'est faite, ils sont restés ce qu'ils 
étaient, alliés des uns par habitude, ennemis des antres 
par intérêt. 



272 D'ALGER A INSALAH'. 

Comme toutes les tribus du Sahai*a9 celle des Zedgou 
s^ occupe avec passion du commerce. Elle fréquente les 
marche'sde Fez, deGourara, deTimimoun, de Tafilalet, 
y porte et en rapporte les objets déjà connus. 

Elle vit sous la tente : elle a des k'ad'i, des t'olba, des 
écoles, et, bien qu'elle exerce le brigandage en grand, 
ainsi que nous Favons vu , les vols d'individu à indi- 
vidu sont, dit-on, des exceptions très-rares, générale- 
ment réprouvées et très-sévèrement châtiées sur son 
territoire. L'assassinat y est puni selon toute la rigueur 
de la loi mahométane, par le talion. Le chef le plus 
influent des Zegdou se nomme Ould el H'adj Yaïch 
H'arak Oudnou. 

Les Zedgou parlent l'arabe; presque tous pourtant 
sont de sang mêlé ; quelques chefs sont même tout à 
fait noirs. Ils n'ont que peu de moutons, quelques ânes 
seulement, pas de bœufs, pas de mulets; mais ils sont 
riches en chameaux, dont ils mangent la chair, quand 
un accident les rend impropres au service de la guerre 
ou du commerce. 

Leur nourriture principale est le lait de chamelle et 
les dattes : les plus riches mangent du kouskouçou le 
soir. Fez et, plus loin, Dermami et A'ïn el Djaba leur 
fournissent du blé. 

Ils sont généralement élancés, bien faits, très-vigou- 
reux comme tous les Arabes du Sahara ; car, selon le pro- 
verbe, (( le maître de la datte est toujours mince et fort.» 
Leurs moeurs trahissent à la fois et l'ardeur du sang 



D ALGER A INSALAH'. 273 

nègre quHls tiennent de leurs mères, et la vigueur de 
leur tempérament. Ceci s'entend des femmes aussi bien 
que des hommes. 

Pour arriver de Ich, au district de Figuig , où nous 
sommes maintenant, et dont nous nous sommes un 
moment écartés pour donner la description des lieux 
et des tribus qui l'environnent, il a fallu deux journées 
de marche. 



* jour ) 
\ de Ich à El Ma'ïz, en deux jours 15 

• . . . ) 



27* jour 
28< 



SUITE DE LA ROUTE D'ALGER A INSALAH'. 

En quittant la montagne de Figuig, on entre dans 
les sables dont rien n'interrompt la monotonie. Point de 
végétation , si ce n'est l'herbe rare que font croître au 
printemps les pluies de l'hiver, et quelques buissons 
rachiliques épars çà et là. D'espace en espace des veines 
de sable, un peu moins prononcées que les a'reg, et 
que les Arabes appellent koudiat, dessinent les plis du 
terrain, en courant vers le sud, pour aller se rattacher 
aux a'reg de Gueléa à Timimoun. 

Après avoir traversé ces a'reg, dans lesquels les cha- 
meaux enfoncent et n'avancent que difficilement, nous 
sommes dans le pays de Touat. 

Pour ne pas morceler la description, nous allons 

18 



274 DALGER A ÏNSALAH^ 

donner d^un jet la route jusqu'à Insalah'^ en la repre- 
nant à El Ma'ïz. 

Ii«acs. 

29« jour de El Malz à rOued Zeboudj 10 

30* • . . à rOued Zirek 10 

31' ... à rOued Ouakeda 10 

32* ... à Sa'ïd el Khebiz, mamelon de sable 10 

nous sommes au pied des A'reg , que Ton ne 
peut traverser qu'en trois jours , bien que la 
^ ' * ' f distance , en ligne droite , pour arriver d'El 

* * t Khebiz à Moula Khezas, ne soit que de. . . 10 
36* ... I 

les chameaux enfoncent dans le sable jus- 
qu'au poitrail. 

36^ . . . à El H'assian T'ouïl (puits) 10 

37« . . .à Timimoun 10 

\ de Timinoun à K'asbah' el H'amera 20 

' * / que Ton fait en trois jours, en s'arrctant, au 
' ' ' k choix , dans un des nombreux villages qui se 

* * y trouvent sur la route. 
41« . . . \ 

42*. . . ] de K'asbah' elH'amera à A'oulef. 40 

43* ... > que Ton fait en cinq jours en s'arrétant, 
44* . . .1 comme précédemment, où l'on veut. 
45* ... / 

46* ... à Inr'er 6 

47V. .à Teïd 7 

48* ... à Insalah' 8 

D'Alger à Insalah', par la route capricieuse que 
nous avons prise , on compte donc quarante- 
huit jours et trois cent soixante-huit lieues. 



PAYS DE TOUAT. V6 



PAYS DE TOUAT. 



Il est divisé en cinq grandes circonscriptions qui 
s'étendent du nord au sud sur une longueur de soixante- 
quinze à quatre-vingts lieues environ. 11 renferme une 
très-grande quantité de villages que les Arabes portent 
à tiois cent soixante ; ce nombre est sans doute exagéré. 
Noi^ en avons £iit Fobservation à celui qui nous don- 
nait ces renseignements. « Vous pouvez me croire^ 
« nous a-t-il répondu, car il est connu qu^un marchand 
(( ayant fait saillir sa jument dans la circonscription de 
« Mah'arza, et s' étant mis en route à travers le ïouat, 
« pour des affaires y il visita chaque jour un village j et 
i( sa jument mit bas en arrivant à Tidikelt. » Nous 
n'avons vu là^ bien entendu, qu^un conte populaire, 
accrédité par ramour-.propre des habitants du Touat, 
mais qui, évidemment, n^ aurait pas été inventé s^il y 
avait UBe grande différence entre le nombre des jourd 
de la ge^ation d'une jument et le nombre des village» 
du pays de Touat. 

Les cinq circonscriptions sont , en les abordant par 
le nord : 

1° celles de Mah'arza, chef-lieu, Tabalk'ouza; 

2° — de Gourara, — Timinoun; 

3° — d'A'ouguerout , — K'asbah'el H'amera; 

4° — de Touat, — • Sba; 

ô*» — de Tidikelt, — Insalab'. 



Î76 D'ALGER A INSALAH'. 

La population de cet immense district peut se divi- 
ser en deux grandes catégories, de races évidenmient 
différentes : V Les H'all Touat, proprement dits, qui 
habitent les villes et les k'sour, et qui sont de sang très- 
mélé^ ou même tout à fait noirs, bien qu'il n'aient rien 
des traits du nègre ; leur nez est aquilin , leurs lèvres 
sont minces, leurs pieds cambrés ; ils prennent le nom 
de Zenata et parlent la langue appelée zenatla. 11 est à 
remarquer d'ailleurs que la couleur noire de leur peau, 
très-peu accusée dans la circonscription de Mah'arza, 
gagne en intensité de circonscription en circonscrip- 
tion, jusqu'à la plus extrême au sud , celle de Tidikelt. 
Nous en trouvons la raison, moins dans la différence 
de latitude que dans les alliances avec les négresses, 
nécessairement presque générales dans le Tidikelt , et 
de moins en moins fréquentes en remontant jusqu'à 
Tabalk'ouza. 

La seconde catégorie comprend toutes les tribus 
d'origine arabe, dont les individus peuvent passer pour 
blancs, leurs mélanges avec les négresses n'étant que 
des exceptions, et bien qu'ils soient fortement basanés 
par le soleil. Elles traduisent le sentiment de leur di- 
gnité parle titre de djouad (nobles), et croiraient dé- 
choir en s' alliant de famille avec leurs voisins, qu'elles 
affectent de mépriser, mais avec lesquels des intérêts 
communs les tiennent en bonne intelligence. 

Toutes vivent sous la tente et parlent la langue arabe ; 
elles usent du zenatïapour leurs relations de commerce 



PAYS DE TOUAT. 277 

Les iTall Touat proprement dits pratiquent la reli- 
gion mahométane dans tous ses rites; ils prient, ils 
jeûnent, font des ablutions , rendent le témoignage au 
prophète parle cheh'ada, et sont circoncis. Ils ont des 
mosquées et des écoles où des t'olba lisent le Koran et 
des commentaires du livre sacré. 

Leurs femmes sont généralement belles, avec de très- 
beaux yeux, des dents très-blanches et la peau dorée ; 
tout cela ne serait rien pourtant si elles n^ étaient pas 
grasses; les maigres sont déconsidérées. Toutes, à 
l'exception des plus nobles, vont la figure découverte : 
(c hommes et femmes ont beaucoup d'amour dans la 
« tête et dans le cœur; » aussi, d'un bout à l'autre de la 
circonscription, les mœurs sont-elles fort dissolues. Les 
maris ferment volontiers les yeux sur les caprices de 
leurs femmes ; c'est un moyen de se ménager des aven- 
tures. Généreux et hospitaliers, ils s'arrachent les étran- 
gers , voyageurs et marchands, qui ne partent jamais 
sans legretter leurs hôtes, et presque jamais, quand ils 
sont jeunes, sans emporter bon souvenir des tendres 
soins de leurs hôtesses. 

La population de Touat vit de clifiir de mouton et 
de chameau, de beurre, de kouskouçou, ceci s'entend 
des plus riches, et de dattes; le blé lui vient du Tell 
par les tribus nomades. 

Ils ont réuni dans un proverbe toute l'histoire de 
leurs repas : 

El a'îch, douk : 



rS D'ALGER A INSALAH'. 

Deh'an, chemm : 
Ou temer, kauU 
Le kouskouçou, goûte4e : 
Le beurre, sens-le : 
Et les dattes, manges-eii. 

Le costume est à peu près le même pour les 
quatre premières circonscriptions ; les hommes portent^ 
f( comme les Français, » une espèce de culotte longue, 
bordée au bas d^ un ruban en soie, rouge ou noir; point 
de chemise, point de ceinture, mais une espèce de robe 
en laine, nommée abaîa, et un h'aïck lié à la tête , soit 
par un turban en cotonnade , soit par une corde en 
poil de chameau ; par-dessus le tout un bemous blanc. 
Quelques-uns ont des boucles d'oreilles, presque tous 
des amulettes suspendus au cou; aucun n^a de tar 
touage, si ce n'est pourtant dans les tribus arabes. 

Les femmes portent le h'aïck avec une ceinture ; une 
pièce d'étoffe en laine leur recouvre la tête et vient 
s'attacher sous le menton. Des bracelets d'or, d'argent 
ou de corne cerclent leurs jambes nues au-dessus de la 
cheville et leurs bras aux poignets. De grands colliers 
en clous de girofle ou en monnaies d'or et d'argent, 
alternées de corail , ornent leurs cous. Tout ce monde 
est assez propre, extérieurement au moins. Mais ajou- 
tons que pas un des k'sour n'a de bains publics. 

Nous parlerons du costume porté à Tidikelt à la 
description de cette circonscription. 

Tous les villages du Touat ont à peu près la même 



CIRCONSCRIPTION DE MAH'ARZA. 279 

physionomie. Généralement bâtis de pâtés de terre 
cuite au soleil, car la pierre et la chaux manquent, ib 
Bont d^un aspect un peu terne , mais qui gagne en pit- 
toresque au milieu des dattiers et des arbres fruitiers 
qui les entourent. 

Dans quelques-uns , comme à Sba et à Ouled Mah'^ 
moud y on &brique de la poudre ; tous ont les artisans 
indispensables. A certaines époques de Tannée, des 
jui6 viennent s'y établir et y exercer leurs métiers 
ordinaires, mais ils n'y sont jamais que de passage. 
L'amour de l'argent les y attire périodiquement, bien 
qu'ils y soient assez mal traités. 



CIRCONSCRIPTION DE MàH'ARZA. 

C'est un pays de sable, monotone^ pl^t? coupé de 
quelques mamelons. Son chef-lieu est Tabalk'ouza, 
de deux cents à deux cent cinquante maisons. Comme 
toutes les villes et tous les villages du Touat , ceci soit 
dit pour ne plus y revenir, Tabalk'ouza est défendu par 
une enceinte crénelée , en mauvaise construction, en-v 
tourée de jardins potagers et de vergers confus, où des 
vignes nombreuses grimpent aux troncs des figuiers, 
des grenadiers, des térébinthes, etc. Ces plantations 
sont arrosées par des puits qui, comme ceux de Tou- 
gourt, sont de véritables puits artésiens, non point ce- 
pendant que l'eau jaillisse au-dessus du sol, mais elle 



280 D'ALGER A INSALAH'. 

se soutient toujoui*s jusqu'à un ou deux pieds de Fem- 
bouchure du puits^ et, par des saignées, elle est dirigée 
de bassins en bassins, échelonnés suivant la pente du 
terrain, dans toutes les propriétés. 

Tabalk'ouza est gouvernée par une djema' qui per- 
çoit le zekkat et Fa^chour, dont le produit est employé 
aux frais du culte, aux besoins généraux, à aider les 
pauvres, et à payer les éclaireurs chargés de surveiller 
les mouvements des Berbères. Ceci encore s'entend de 
tous les chefs-lieux du Touat. 

La circonscription de Mah'arza est indépendante de 
sa voisine, souvent même elle est en guerre avec elle, 
et, bien que Timimoun soit plus considérable que Ta- 
balk'ouza, celte dernière a presque toujours Favantage, 
aidée qu'elle est par des tribus nombreuses, et par les 
Berbères des environs de Tafilalet. Cette alliance s'ex- 
plique pai* une espèce de solidarité ou plutôt de sym- 
pathie de race ; les gens de Mah'arza étant beaucoup 
moins mélangés de sang nègre que les autres habitants 
du Touat, les Arabes et les Berbères , à chance égale 
de bénéfice, leur prêtent plus volontiers assistance. Ils 
sont d'ailleurs réputés très-braves. Us croient descendre 
des Chamba de Metlili; que cette opinion soit fondée 
ou non, ils tirent vanité de la pureté de leur sang, et 
ce qui prouverait qu'ils sont en effet d'une autre origine 
que ceux de Timimoun , c'est qu'ils leur disent dédai- 
gneusement : i( Nous sommes, nous, des gens de race 
(h'arar); vous êtes, vous, des nègres. » Ce que nous 



CIRCONSCRIPTION DE MAH'ARZA. 281 

avons dit plus haut des mœurs générales du Touat leur 
est cependant applicable, aussi bien qu'aux autres 
Touatïa. Leurs femmes vont la figure découverte et sont 
plus que faciles, mais elles y mettent certain air de 
mystère. 

Les villages que nous connaissons dans cette circon- 
scription , sont : 

Tabalk'ouza, \ 

Stantas , 1 

Zaouïa, f * 1» * 

' a 1 est. 

Outir'a, i 

Inguellon , \ 

Sidi Mans'our , J 

Béni A'ïça , 

Teganet, 

Tinetbou , 

Telamna, 

Charouïn , 

Ousfaoun , 

Adjelate , 

Ouled A'ïça , 



à Touest. 



ÎM »' ALGER A INSALAH'. 

CIRCONSCRIPTION DE GOURARA. 

Elle est située au sud de la première, et, comme elle, 
peuplée de nombreux villages. Son chef-lieu est Timi- 
moun, de cinq cents à six cents maisons seulement, 
coupées de jardins, et par conséquent jetées sur 
une très-grande étendue ; quelques-unes sont à deux 
étages. Le tout est entouré par un mur d'enceinte en 
pisé, crénelé, et par un fossé sans eau , profond d'une 
douzaine de pieds, large de sept ou huit. 

Timimoun est divisée en quatre quartiers, dont trois 
seulement ont chacun sa mosquée. Dans le centre à 
peu près de la ville s'élève, sur un mamelon, une petite 
forteresse carrée qui prend le nom de k'asbah' ; on n'y 
entre que par une seule porte. C'est une espèce de 
garde-meuble divisé en quatre compartiments dans cha- 
cun desquels tous les citoyens, selon qu'ils appar- 
tiennent à tel ou tel quartier, viennent déposer, sous la 
garde permanente de quelques individus, leur argent 
et leurs effets les plus précieux en cas d'une attaque des 
Berbères. U y a dix ou douze ans à peu près quç ces 
peuplades des montagnes de l'ouest , secondées par les 
Mah'arza, tentèrent sur Timimoun un coup de main 
dont elle n'a pas oublié les terribles conséquences. 

Malgré sa muraille et son fossé, elle est vulnérable 
en cela que, recevant l'eau des sources ou des puits 
extérieurs, elle ne peut soutenir longtemps un siège si. 



CIRCONSCRIPTION DE GOURARA. t83 

comme il arrive presque toujours, les assiégeants com* 
mencent par détruire les conduits qui alimentent les 
assiégés. Dans Fattaque dont nous parlons, Tarmée 
ennemie s'était divisée en deux bandes, dont l'une s'était 
cachée dans les palmiers, et dont l'autre se porta ouver- 
tement vers les puits. Les assiégés, trompés par cette 
ruse , coururent en masse à la défense de leurs eaux 
menacées, et, à la faveur du combat qui s'engagea sur 
ce point, le corps de réserve escalada la place dégarnie 
et s'en empara. Pendant huit jours ce fut un horrible 
pillage ; tout ce qui pouvait porter une arme fut massa- 
cré, toutes les femmes, et même les petites filles furent 
violées; toutes les maisons furent ruinées, détruites, et 
les vainqueurs ne se retirèrent qu'après avoir mis le 
feu aux magasins h dattes. Us n'avaient pas découvert 
cependant toutes les cachettes où les habitants de la 
malheureuse ville avaient enfoui leur argent ; et beau- 
coup retrouvèrent leur petit trésor où ils l'avaient mis, 
sous les conduits des eaux. Les magasins d'approvi- 
sionnement étaient d'ailleurs si abondamment pour- 
vus qu'on put retrouver assez de dattes pour suffire 
aux premiers besoins. En face de cette calamité 
publique, la djema' rendit un décret par lequel il 
était ordonné à chacun de déclarer ses ressources et 
de les mettre à la disposition de tous. Des distribu- 
tions furent faites ; les tribus arabes des environs qui 
commercent avec Timimoun, et dont l'intérêt était 
de venir à son secours, lui apportèrent des grains, des 



284 D'ALGER A INSALAH'. 

moutons, etc.; quelques mois après, enfin, elle renais- 
sait de ses ruines et recommençait à vivre. 

Cependant la djema^ avait envoyé des émissaires se 
plaindre à Fempereur du Maroc, de qui relevaient à la 
fois Timimoun et les Berbères ; mais, avec la meilleure 
volonté du monde. Moula A'bd er Rah'man n^ aurait pu 
atteindre les coupables, qui, par leur position, échap- 
pent complètement à son autorité, et de ce moment 
Timimoun a cessé de lui payer des impôts; elle s'est 
déclarée indépendante. 

Maintenant, tout à fait reconstruite, elle est, comme 
autrefois, un des grands centres de commerce du 
Sahara. 

Les tribus et les gens des villes qui fréquentent ses 
marqjiés, sont : 

1® Les Chamba de Metlili, de Gueléa et de Ouargla, 
qui y apportent tous les objets que nous avons 
nommés ailleurs, et qui sont tirés de Tunis par les 
Béni Mzab et par Tougourt; 

De rhuile provenant de Bou Sa'da. 

Des chameaux engraissés pour la tuerie. 

Des moutons. 

Des vêtements de laine fabriqués chez les Béni 

Mzab et à Metlih. 
Une espèce de gomme appelée mesteba. 

Us en rapportent : 

Des peaux tannées, qui viennent de Tafilalet. 
Des h'aîck fins, fabriqués sur les lieux. 



CIRCONSCRIPTION DE GOURARA. 285 

Du henna , qui vient de Tjdikelt. 

De Tantimoine lire des mines du Touat. 

Un bois, nommé acerrla, que les femmes font 

brûler pour se parfumer. 
De la poudre, fabriquée dans le Touat; elle y 

coûte 9 à 10 sous la livre. 
Du plomb et des balles qui viennent de Fez. 
Des étoffes noirâtres , appelées saïe , qui viennent 

du pays des nègres , par les Touareg , et par 

R'damês, et que recherchent les femmes arabes 

pour leur toilette. 
Des chaussures de Fez et de Tafilalet. 
Des plumes d'autruche, qui viennent des Khenafsa. 
De la poudre d'or. 
Des esclaves. 
Des jeunes chamelles. 
Des dattes , quand elles sont à très-bon marché. 

2" Les gens de R'damês y apportent : 

Toutes les provenances de Tunis. 
Des saïe qui leur viennent du Soudan par les 
Touareg. 

3" Les gens de Tidikelt y apportent : 

Des nègres qui leur sont amenés par les Touareg. 

4<'Les A'rib, 

Les Djakana, 
Les Daou Belal , 
Les A'bda , 
Les Moula Kerkas. 

ô^LesH'amîan, 



2S6 D ALGER A INSALAH'. 

Les Ouled Sidi Cheîch , 
LesElAr'ouat'K'sal, 

Qui y apportent : 

Du beurre. 

Des fromages secg. 

Des moutons. 

Des chevaux. 

Des laines. 

Du blé. 

De Forge. 

Tous s'y approvisionnent des objets que nous avons 
détaillés en parlant des Chamba. 

On comprend que ces nombreux étrangers enri- 
chissent Timimoun, et qu'il est de son intérêt de leur 
accorder la plus efficace protection ; aussi y jouissent- 
ils d'une espèce de droit d'asile. Une fois entré dans la 
ville, aucun marchand ne peut y être arrêté pour quel- 
que faute qu'il ait commise à l'extérieur. Sur les marchés, 
qui sont au nombre de trois, et dont le plus considé- 
rable se nomme Souk' el Lh'am (le marché de la 
viande ), règne le plus grand ordre ; chaque denrée y 
est déposée à part , sous la surveillance d'agents spé- 
ciaux. L'hiver et le printemps sont ks époques de la 
recrudescence de ce commerce que paralysent néces- 
sairement les chaleurs de l'été et la récolte des dattes 
pendant l'automne. 

Sous les murs de Timimoun campent ordinairement 
trois tribus arabes : 



CIRCONSCRIPTION DE GOURARA. 887 

Ouled Talah'. 
El Khenafsa. 
Ouled el H'adj À'ii. 

Ces nomades n'ont que peu de chevaux; ils font 
leurs voyages et leurs expéditions montes sur des cha- 
meaux. Us passent Tété, Tautomne et Fhiver à leur 
lieu de campement, et reprennent au printemps la 
vie errante; leurs bergers vont alors faire paître les 
troupeaux jusqu'à Gueléa. 

Toute la circonscription de Gourara est gouvernée 
par deux djema\ de cinq membres chacune, qui repré- 
sentent les deux éléments , blancs et sang-mélé , dont 
se composent la population. Les notables sont élus en 
assemblée générale ; les chefs des villages leur obéissent 
et s'assemblent tous les vendredis au chef-lieu pour 
prendre leurs ordres ou leurs conseils. 

Il n'y a cependant pas parité de pouvoir entre les 
deux djema' ; celle des sang-mélé est soumise à l'aris- 
tocratie de celle des h'arar ( gens de race ). C'est là un 
principe accepté qui ne semble pas souffrir d'opposi- 
tion, bien que les familles purement blanches soient 
très-peu nombreuses. Celles qui tiennent le premier 
rang par leur fortune et leur influence se nomment, 
l'une, Ouled el Mah'adi, l'autre, Ouled Brahim. 

Les environs de Timimoun , comme ceux des vil- 
lages, sont riches en dattiers et en jardins ; çà et là se 
trouvent quelques espaces de terre labourable, mais 



288 D'ALGER A INSALAH'. 

insuffisante aux besoins généraux ; on n^y récolte guère 

que de Forge. 

Si nous en croyons les Arabes, ces jardins toujours 
verts, bien ombragés et rafraîchis par Feau des mille ri- 
goles qui les fécondent, sont envahis chaque soir par 
la population, hommes et femmes pêle-mêle, que n'en 
chasse pas toujours la nuit. La facilité de mœurs des 
habitants du Touat n'exclut point chez eux un sem- 
blant de religion, ce qui du reste est remarquable dans 
tous les climats méridionaux. Les fêtes du prophète 
sont célébrées en grande pompe, et par de véritables 
processions, où Fon accourt de tous les villages, 
chaque groupe ayant son drapeau en tête, pour aller 
faire ses dévotions au marabout^ de Sid el H'adj Bel 
K'acem, qui s'élève entre des palmiers, à Fouest et 
trèsr-près de Timimoun. 

Les principaux villages de cette circonscription 
sont : 

Sammota , 

ElKaf, 

Ir'ezer, 

El Telalet , 

Badrîan 

ZaouïaSidelH'adjBelK'acem, ) est. 

BenlMah'allan, 

Taducit, 

ElK'achda, 

Temanet, 

Bel R'azi , 



CIRCONSCRIPTION DE A'OUGUEROUT. 289 

OuledelH'adjA'U, 

Oulcd A'bbas , 

Ouled Sa'ïd , 

Kali ou Bou A'ii , 

Zaouïet Moula el T'aïeb , } ouest. 

El A'mer, 

El H'aouinat , 

Guentour, 

Our'Iana. 



CIRCONSCRIPTION DE A'OUGUEROUT. 

Son chef-lieu est K'asbah el H'amera , de cent cin^ 
quante maisons à peu près ; vingt-cinq ou trente villages, 
beaucoup plus petits, sont semés sur son territoire , et 
obéissent, comme le chef-lieu, à une djema'. 

Bien que cette circonscription affecte des airs d'indé- 
pendance, elle n'en subit pas moins l'influence de sa 
puissante voisine, Timimoun , à laquelle la rattachent 
d'ailleurs des intérêts de commerce. 

Les chefs les plus intluents de A'ouguerout se 
nomment Sid el H'adj A'bd el K'ader et Ben A'bdallah' 
el Aden. 

Même vie, mêmes éléments de fortune , dattes, jar- 
dinage, troupeaux, que dans les autres circonscrip- 
tions. 

Les tribus qui campent sur son territoire sont les 
Ouled TalaW, El Khenafsa et Ouled laïch. 

49 



SM D'ALGER A INSAUH'. 

Les principaux villages de la drconscription sont 

Bou Guema , 

Charef , 

Zaouiet Sidi O'mar, 

Al)oud , 

Akhbour, 

K'sarelH'adj, 

Tibelr'amin , 

Deldoul , 

TinrlUi , 

Talah', 

Zaouia Sid el H'adi Mah'moud , , 
rx n > est. 

Oufran , 

Ouled Mah'moud (fabrique de 

poudre , 



CIRCONSCRIPTION DE TOUAT. 

Elle est située à Fouest de la précédente. Son chef- 
lîeu est Sba, de cent maisons à peu près. Jardins^ 
palmiers^ nombreux villages, comme précédemment. 

Elle est indépendante et gouvernée par une djema', 
à laquelle se paient de bonne volonté le zekkat et 
Ta^chour, et qui prélève des amendes, le tout au béné- 
fice des pauvres, des étrangers et des besoins publics. 

Elle est riche en troupeaux de chèvres et de cha- 
melles dont le lait fait, avec les dattes, la principale 
KiOurriture des habitants s 



CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT^ f9i 

Ses principaux viUages sont : 

Tekaberten , 

Tsabit» 

ElMa'ïz, ^^^^^ 

Sba ( fabrique de poudre ) , 

Touat, 

Timmi , 

Ouled Rached, 

Mtarfa, 

Tinilat , 

Bouda, 

Titaouïû, 

«. ^ y ouest. 

Titaf, 

Oufran , 
Âzguemir, 
Temantid , 
El H'ebela, 



aRCONSCFOPTION DE TIDIKELT. 

Cette circonscription est à elle seule plus grande que 
les quatre autres. Son chef-lieu est Insalah', et non pas 
A'in Salali'(la fontaine des saints), comme récrivent 
presque tous les auteurs. L'assentiment général des 
gens du Touat et des voyageurs arabes ne nous laisse 
aucun doute à ce sujet. Us nous ont également affirmé 
qu'il n'existe point de ville du nom de Tidikelt. C'est 
une erreur générale à relever : on a pris le nom de la 
circonscription pour un nom de ville. 



Î93 D'ALGER A LNSALAH'. 

Insalal/ est une viUe de cinq ou six cents maisons et, 
par exception , sans muraille d'enceinte. Les Arabes 
donnent pour raison de cette anomalie , qu' étant , par 
sa position, en relation continuelle avec les Touareg, 
elle est assez forte de cette alliance pour ne rien re- 
douter de ses ennemis. Ses guerres se bornent en effet 
à quelques coups de main tentés sur les troupeaux de 
la circonscription par les Chand^a de Gueléa, d'Ouai^la 
et de Mettili , et réciproquement ; mais ces échauffou- 
rées ne durent jamais plus de cinq ou six jours. Si les 
Chamba deviennent trop menaçants, on leur achète, 
à prix d'argent, une paix qu'ils ont toujours intérêt à 
conclure pour rétablir leurs relations de commerce. A 
vingt-trois lieues ouest environ d'Insalah' se trouve 
A'oulef, qui semble comme une seconde capitale de la 
circonscription. C'est une ville de quelques centaines 
de maisons, et le lieu de résidence de l'un des chefs 
principaux du pays nommé Moula H'aïba. 

Les tribus qui campent dans le Tidikelt sont : 

El Khouari, 
Ouled Bou H'ammou, 
Ouled Zenan, 
Ouled KheUfa, 
Ouled Mokhtar, 
Ouled H'ami A'ïça, 

et, tout à fait au sud, une fraction des Touareg nommée : 
Touareg el Beïd. 
Propriétaires de dattiers, de jardins et de maisons 



CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 293 

dans les kVour où elles déposent leurs grains y ces tri- 
bus sont liées d'intérêts à la circonscription entière et 
prennent parti dans ses guerres. Campées les trois 
quarts de Tannée dans le lieu habituel de leurs stations, 
elles ne s'en éloignent qu'au printemps pour faire 
paître leurs troupeaux. Encore ne vont-elles jamais à 
plus de quinze ou vingt lieues. 

C'est dans le Tidikelt surtout que se fait sentir la 
puissance de l'aristocratie de race; ainsi qu'il est facile 
de se l'expliquer par ce que nous en avons déjà dit, les 
habitants des k'sour et du chef-lieu, qui reçoivent de 
première main les esclaves du Soudan , sont de sang 
très-mêlé et beaucoup tout à fait nègres. Les tiîbus 
arabes, qui partagent avec eux le même territoire, 
au contraire , usent plus sobrement des négresses , par 
un instinct de respect pour leur sang, et dominent 
le pays. Tous les chefs de la djema' sont Arabes et 
commandent absolument. Les deux chefs les plus puis- 
sants sont , avec Moula H'aïba qui, réside à A'oulef , 
H'amoud Ould Bou Djouda et H'adj Ah'med Ould Ben 
Mokhtar, qui résident à Insalah'. 

Le costume de cette circonscription n'est pas tout à 
fait celui des autres : les hommes portent une h^abaïa, 
espèce de robe faite en saïe , de couleur poire , des cu- 
lottes comme les Européens, et une ceinture noire. 
Comme les Touareg , leurs voisins , les plus nobles se 
voilent tout le visage excepté les yeux , à la manière 
des Mauresques avec une pièce d'étoffe noire. Si nous 



S94 D'ALGER A INSALAH'. 

en croyons les Arabes, un sentiment exagère de leur 
dignité les ferait se voiler ainsi devant le vulgaire et 
même devant leurs femmes qui, elles, vont la figure dé- 
couverte. Quoi qu^il en soit, ils tiennent cette coutume 
des Touareg. Les fenunes portent le costume de Timi- 
moun. 

Insalah' est dominée au sud par des mamelons plan- 
tés en vergers, où la population, le soir oisive, va 
prendre le frais après souper, et danser au son de la 
flûte en roseau et des tambourins. Des improvisateurs 
arabes égaient ces fêtes quotidiennes de leurs chansons. 

Les principaux villages de cette circonscription, sont: 

Fougaret ezZoua, 

Zaouïet Sid el H'adj R'acem , 

Sala el Fouk'anïa , 

SalactTahatanïa, 

H'assi el H'adjer, 

Melïana , 

Gouslen, 

Insalah', 

K'sar el Ar'a, 

OuledBelK'acem, 

Akhbour, 

Ouled cl H'adj , 

Der'amcha, 

Agabli, 

Teïd, 

Sidi Bou Na'ma , 

Zaouïet Moula Haïba, \ ouest. 

A'oulef, 

Inr'er, 



CIRCONSCRIPTION DE TIMKELT. 205 

Agabli j dont tant de voyageurs ont parlé, est le plus 
au sud de tous ces villages. Il est habite par des mara- 
bout' qui se disent cherife, et qui sont très-riches en 
troupeaux 9 en dattiers, et très-grands en influence. 
Ils se livrent au commerce et organisent des caravanes 
pour Timbek'tou. 

Le territoire de Tidikelt est, autour des k'sour, bien 
planté, bien arrosé, et, sur certains points, se trou- 
vent même quelques terres propres à la culture des 
céréales. On y récolte un peu de blé et d'orge , du 
millet (bechna) du blé de Turquie (seboulet ed d'ra'), 
des fèves , des pois chiches , etc. ; mais les principaux 
éléments du bien-être de la population lui sont appor- 
tés par son commerce. 

Les tribus arabes qui fréquentent les marchés du 
Tidikelt sont, pour le sud: 

Les Touareg de Sekmaren. 

— de Djebel h'oggar. 

— de Djebel azeguer. 

Ils y apportent : des chamelles, des ânes, des dé- 
pouilles d'autruches, des esclaves, de l'ivoire, delà 
poudre d'or. Les Ouled Sid el Bekri (du Djebel Foukas), 
y apportent les mêmes marchandises, à peu près, et 
n'en emportent que des dattes et des vêtements de 
laine. 

Pour l'est : les Chamba de Gueléa et de Metlili, qui y 
apportent des chevaux, des bemous, des robes de 



296 D'ALGER A INSALAH. 

laine (h'abaïa), des pioches , etc., et en emportent des 

nègres, des plumes d^ autruche. 

Les gens de R'damés , qui y apportent des saïe , étof- 
fes noires venues du Soudan, des épiceries, des cali- 
cots, de la quincaillerie, des armes qui viennent de 
Tunis. 

Ils en emportent de la poudre d'or, des dents d'élé- 
phant, des nègres, dont ils trafiqueront avec Tunis et 
Tripoli. 

Timimoun et Insalah' sont deux grands entrepôts où 
les marchandises s'accumulent par l'est et par l'ouest, 
apportées par les tributs nomades de Tunis, d'un côté, 
et des ports du Maroc, de l'autre, et s'écoulent avec 
les caravanes de Fez jusqu'à Timbek'tou et dans tout 
le Soudan. 

Alger fournissait autrefois beaucoup au Touat; elle 
avait cet avantage sur Oran et Tlemcen qu'elle était fa- 
cilement approvisionnée par l'Egypte, Tunis, Livoume, 
Marseille, etc., tandis que ses concurrents ne trafi- 
quaient guère que d'objets indigènes. 

Alger expédiait surtout de la soie , du cuivre et des 
cotonnades. 

A la faveur de la guerre, les Anglais ont accaparé tout 
ce commerce, qu'ils faisaient déjà par Souïra (Moga- 
dor), Rl)at, Tétouan ou Tanger. Maintenant que nos 
relations avec l'intérieur semblent tendre à se rétablir, 
c'est l'affaire d'une bonne politique et d'un grand inté- 
rêt de chercher à le rappeler à nous 



CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 297 

Il n'est pas hors de notre sujet de donner ici la nomen- 
clature des objets que les caravanes emportent dans le 
Soudan, de ceux qu'elles en rapportent, et quelques 
notions sur la manière dont se font ces transactions 
commerciales. 

Timbek'lou et Djenné sont les deux grands entrepôts 
de Touest du Soudan. Presque tous les riches négo- 
ciants de Fez y ont des succursales de leurs maisons de 
commerce, tenues par des chargés d'affaire, par des re- 
présentants intéressés qui, du Maroc, sont allés là cher- 
cher fortune. Ces blancs, du reste fort considérés, sont 
appelés par les nègres indigènes el a'neb elli ma tab ch 
(le raisin qui n'est pas mûr). 

Les caravanes partent chargées des marchandises que 
l'on sait convenir au Soudan, et qui sont : 

Des calicots qui viennent de Gibraltar ou de Li- 

vourne. 
Des cotonnades anglaises. 
Des draps. 

Des bernons noirs, en laine et des draps communs. 
Des bernons très-fins, en laine noire, bordés d'une 

bande de cQuleur en soie; ils viennent de Sous. 
Des ceintures en soie , de Fez. 
Des indiennes. 

Du corail de Livourne et de Gibraltar. 
De Tambre qui vient d'Egypte. 
Des pipes avec des bouts en ivoire, en ambre, en 

corail, en argent. Ces bouts de pipe se vendent 

au poids de Tor. 
Du tabac en quantité. 



298 D'ALGER A INSALAH \ 

Des coquillages, qu'on appelle oudV, et qui, ar> 
rivés à Timbek'tou , seront de la monnaie. 

De la verroterie , très-estimée , dont les nègres 
font des colliers pour eux, leurs femmes et leurs 
chevaux. 

De la nacre. 

Des pierres à feu et des briquets qui se vendent 
très-cher; chaque pierre représente ime valeur 
d'un franc. 

Du cumin. 

Du poivre noir qui vient des chrétiens. 

Du sucre et du thé anglais. Les nègres ne boivent 
pas de café. 

Des essences de Tunis. 

Du musc f que Ton trouve dans le désert. 

Des objets de harnachement arabe; les nègres 
fabriquent leurs selles avec des os d'éléphant 
et les recouvrent avec la peau du même ani- 
mal. 

Des peaux tannées de Fez et de Tafilalet. 

Des soies de Fez, de Tunis ou d'Egypte. 

Des noix muscades très-estimées. 

Des sabres de Fez. 

Des carabines d'un calibre énorme , d'un pouce 
de diamètre; elles seront là-bas remises à 
mèche ; elles ne serviront que pour la chasse 
des éléphants. Les guerres d'hommes à hommes 
se font avec des arcs et des flèches. 

Des balles, de la grenaille. 

Des chachïa de Fez. 

Des fouta (mouchoirs) de soie de Fez. 
- ' Des k'aftan en drap rouge, de Fez. 



CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 399 

Des espèces de chemises en calicot, brodées de 
soie. 

Des pelles, des pioches, des socs de charrues. 

Des chaussures jaunes (beli^'a). 

Des bottes de cavaliers (temmak'). 

Des chapelets du Maroc, en diverses matières. 

Des bracelets , des bagues. 

Des épingles en cuivre, fabriquées exprès dans 1% 
Maroc. 

Des couteaux , 

Des ciseaux , 

Des miroirs, ^ anglais. 

Du papier, 

Des aciers. 

Des douros et de la monnaie d'Espagne qui se- 
ront échangés contre leur poids en or. 

Ainsi chargée, armée et approvisionnée d^eau, de 
dattes, de farine, la caravane se met en route sous la 
conduite d'un chef unique, absolu comme un capitaine 
de navire à son bord, qui prend le nom de Cheikh el 
Rak'eb ; il est désigné par la caravane. Trente ou qua- 
rante vieux voyageurs expérimentés , que Ton appelle 
El Menaïr, guideront la marche ou la précéderont en 
éclaireurs pour s'assurer de l'intention des tribus et si-- 
gnaler les Touareg, ces étemels pillards, écumeurs du 
désert. 

Cette masse mouvante, à laquelle les A'rib, les Daou 
Belal, les Ouled Delim, les Djakana, les Ouled Sidi 
Cheïk, etc., ont loué des chameaux de transport, soit à 
prix d'argent, 80 douros de Timimoun à 'imbek'tou. 



300 D'ALGER A INSALAff. 

soit moyennant une part dans les bénéfices, fera la 
boule de neige sur la route. En passant à Datt elle y 
prendra d'immenses quantités de sel gemme. Partout 
grossie par les voyageurs marchands qui attendent son 
passage, elle arrivera enfin à deux ou trois journées de 
Tlmbek'touy où elle campera dans une forêt, et d^où 
elle expédiera, par portions, ses marchandises à la ville, 
non sans y payer un droit de douanes. 

Les menus objets s'y vendent pour des ouda\ ces 
coquillages dont nous avons parlé et qui sont la petite 
monnaie du Soudan, ceux d'une valeur plus considé- 
rable s'échangent contre de la poudre d'or. 

Les ouda' du pays des chrétiens ne sont pas les seuls 
qui aient cours ; on en pêche dans le Niger en y jetant 
des peaux de bœufs fraîchement dépouillés et que l'on 
en retire le lendemain , ramenant ainsi les coquillages 
qui s'y sont attachés pendant la nuit. 

La chasse à la poudre d!or se fait dans les sables des 
bords du fleuve ou du désert; c'est là une des princi- 
pales occupations des nègres. Bien lavée , bien épurée 
de tous corps étrangers, la poudre d'or se met, par 
poids convenu, celui de quinze douros d'Espagne à 
peu près, dans de petits sachets qui prennent le nom de 
serra, et dont chacun est estimé 20 000 ouda' . 

Rentré à Fez, le serra vaut 1 80 douros. 

Une charge de sel, deux cents kilogrammes environ, 
vaut, àTimbek'tou, un serra. 

Une charge de tabac, 1 serra et demi. 



CIRCONSCRIPTION DE TIDIKELT. 301 

Un bernous, le poids en or de 2 douros d^Espagne^ 
ce qui représente une valeur effective de 30 douros. 

Cependant il y a hausse ou baisse , selon la quantité 
de marchandises apportées. Nous ne donnons là que le 
prix moyen. 

La poudre d'or est quelquefois fondue en lingots^ ti- 
rés ensuite en fils que Ton appelle el h'amel et qui sont 
eux-mêmes échangés contre certains objets , ou contre 
des douros ou des pièces quelconques en argent que les 
gens de Timbek'tou estiment infmiment plus que Tor. 

Après avoir vendu ses denrées, la caravane rap- 
porte : 

Des étoffes de colon fabriquées par les nègres , et 
qui n'ont pas plus de 6 pouces de largeur. Ces 
bandes cousues ensemble, dans le Maroc, font 
des vêtements peu coûteux , et qui durent très- 
longtemps. 

Des pièces d'étoffe en lin, fin comme de la soie; 
elles sont teintes en couleur bleue et se nom- 
ment doumaci; c'est un objet de luxe très- 
recherché par les femmes arabes. 

De la gomme blanche, qui vient de l'intérieur, et 
que l'on appelle aourouar. Elle va toute en An- 
gleterre par Souïra. 

Une autre espèce de gomme moins blanche , que 
la caravane trouve sur sa route. 

Des défenses d'éléphants, qui vont toutes en An- 
gleterre par Souïra. Si l'on en croit les Arabes, 
elles sont en grande quantité et énormes. 

Des dépouilles d*autruche. 



308 DALGER A INSALAH'. 

Du riz très-gros, rouge, dont on fait des provi- 
sions de voyage. 

Du millet noir, appelé der'mou. 

Des noix de coco. 

Un fruit qu'ils appellent k'aroub, et qui renferme 
une liqueur mielleuse. 

Une matière odoriférante, appelée el adan, très- 
estimée dans le Maroc ; elle est malléable comme 
de la cire; les riches s'en font des cadeaux. 

De la cire brune très-estimée , qui sera fabriquée 
en bougie dans le Maroc, et qui se vendra au 
prix de 1 fr. 60 c. la livre. 

Des nègres et des négresses faits prisonniers dans 
les guerres. Jeunes et vigoureux, ils valent 
6 ou 6 douros par échange , sur les lieux ; arri- 
vés dans les oasis du Sahara algérien, de 35 à 40, 
et gagnent en valeur à mesure qu'ils s'appro- 
chent de la mer. 

Des fruits (clalaledj), qui ressemblent à des 
glands , et dont le goût rappelle celui des noix 
muscades. 

Des plats faits en peaux d'un animal que Ton ap- 
pelle el mcha, et qui semble être une espèce de 
buffle. Cette peau fraîche dépouillée, est taillée 
sur des moules en bois delà forme du vase que 
Ton veut obtenir, et, séchée au soleil, elle ao- 
quiert une grande dureté. 

Tout cela s^ achète par échange ou par ouda'. 

La caravane revient comme elle est allée, mais en se 
vidant sur la route. Celles qui se dirigent du côté du 
Maroc prennent , avant d'arriver à Tafitalet , mi sauf- 



D'ALGER A INSALAH'. MB 

conduit des principaux chefs des tribus berbères sui- 
vantes : 

Alt Atta. 
AltH'adIddou. 
A'ït Temer'at. 

Et des tribus arabes • 

BeDi Mah'med. 
DaouBelal. 

Toutes ces marchandises prennent leur écoulement 
naturel vers les ports de la côte, et de là vers FEurope, 
mais surtout vers l'Angleterre. 

Nous traiterons plus spécialement cette question 
ailleurs ; mais, pressés par le temps , et forcés que nous 
sommes d^ attendre des renseignements plus précis, 
nous nous bornerons ici à cet aperçu général. 



ROUTE DIRECTE D'ALGER A INSALAH'. 

DIRECTION GÉNÉBJJM DU NOBD AU SUD-OU£ST. 

Nous ne commencerons à compter que de Tak'dimt, 
la route d'Alger à ce point étant connue. 

lieues. 

l«jour, de Tak'dimtà A'ïn elBaranis 9 

2* , . . de A^in elBaranis, où Ton quitte le T'ell pour en- 
trer dans le pays des Chot', à Dar el A'rneb. . . 6 
3 ... au marais d'Ask'oura ô 

A reporter* • . * 20 



304 D'ALGER A INSALAH'. 

liears. 

Report 20 

4" ... à Sidi en Na'cer, village des ffarar R'araba. ... 7 

5« . . . à Stiten 12 

6« . . . on suit rOued Stiten jusqu'à El R'açoul 9 

7- ... à Brizina 12 

8- ... à Sidi el H'adj ed Din 5 

9* . . . dans le Sahara , à travers les sables 9 

10» . . . sur rOued Seguer, sables 9 

11* ... au puits appelé H'assi Bouzid, où vient mourir 

rOued Seguer, dans les sables 9 

12* . . . aux a'reg de Gueléa 9 

13« . . . ) k Gueléa en traversant les aVeg, où les cha- 

14* . . . j meaux enfoncent jusqu'aux jarrets 8 

15* . . . au puits appelé Mek'sa, on est entré dans le bassin 
de rOued Mïa , dont nous donnerons plus bas la 

description ^ 

16« . . . sur rOued Saret 10 

17* . . . sur l'Oued Chebaba 10 

18* . . . surTOued Sedra 11 

lO* . . . sur l'Oued Mïa ou Sekhouna 10 

20- . . . sur rOued Sidi el H'adj Brahim 8 

21« . . . sur l'Oued Djelguem • • ^ 

22« . . . on traverse le Djebel Baten, et l'on marche dans 
la plaine jusqu'au pied d'un mamelon appelé 

DjerfelDjeda ^ 

23« . . . à Insalah', en passant par les villages de Fougaret, 

Ezzoua et Gousten ^ 

Récapitulation de Tak'dimt à Insalah'. . . 191 



BASSIN DE L'OUED MIA. 305 

BASSIN DE L'OUED MIA. 

Le bassin de TOued Mïa est formé, à Test, par une 
succession de mamelons de sable qui, partant d'un 
monticule appelé Si Moh'ammed ou A'ilel, court du 
nord au sud sur une longueur de trente ou trente-cinq 
lieues ; au nord, à l'ouest et au sud par le Djebel Baten, 
qui est la continuation des a'reg de G^ieléa, et qui court 
de l'est à l'ouest jusqu'à vingt-cinq lieues de Timimoun, 
tourne au sud en décrivant un arc de cercle dont la 
convexité regarde l'ouest, passe à quinze lieues, à peu 
près, de Insalah', et va mourir dans l'est à douze lieues 
de R'damês. 

Cette montagne, i^ocheuse, élevée dans sa partie 
nord, s'affisûsse par gradation en gagnant au sud et 
finit par des a'reg. 

L'Oued Mïa , qui prend sa source sur le versant est 
du Djebel Baten, à vingt-cinq lieues de Timimoun, 
court de l'ouest à l'est en décrivant une courbe et va 
mourir dans les jardins d'Ouargla. Son lit s'élargit im- 
mensément en s' approchant de cette ville ; torrentueux 
pendant l'hiver, l'été le met à sec. 

Son nom, qui veut dire cent, lui vient, selon les 
Arabes, de ce qu'il reçoit cent affluents. Ce nombre est 
sans doute exagéré ; nous n'avons pu en retrouver que 
quelques-uns. 



20 



306 D'ALGER A INSALAH'. 

AFFLUENTS DE GAUCHE. 

l"" L^Oued Saret , qui prend sa source au mamelon 
de Si Moh'aromed ou A'ilel, coule du nord au 
sud, sur cinquante lieues de cours à peu près, 
et reçoit lui-même, sur sa rive droite, TOued 
Chebaba, qui descend du Djebel Baten, et a 
vingt-cinq lieues de cours environ ; 

2* L'Oued Sedra, qui descend du Djebel Baten, 
reçoit plusieurs affluents, et fournit quarante- 
cinq lieues de cours environ ; 

3° L'Oued Tebaloulet, qui descend du Djebel 
Baten, et a quarante-cinq lieurs de cours; il 
reçoit sur sa droite un affluent appelé Tilin 
Djamat. 

AFFLUENTS DE DEDITE. 

l^" L'Oued Sidi Brahim , de trente Ueues de cours ; 
2"* L'Oued Mouça Ben A'ïch» de treate Havet de 

cours; 
3° L'Oued Djelguem, de quarante lieues de cours 

Tous trois descendent du Djebel Baten. 

LUmmense espace circonscrit par les montagnes qui 
forment le bassin de FOued Mïa est un pays de sables^ 
stérile^ raviné par les pluies de Thiver et les petits tor- 
rents qui le sillonnent alors. Inhabité ^ à propr^nent 
parler^ il est envahi, au printemps, par les tribus voi- 
sines qui viennent y faire paitre leurs troupeaux et né- 
cessairement traversé par les caravanes des marchands 
de Touest qui se rendent à Timimoun et Insalah'. 



ROUTE DE EL BIOD A TIMIMOUN. 307 

ROUTE DE EL BIOD A TIMIMOUN. 

DIRECTION GÉN3ÉRALE DU NORD AU SUD-OUEST. 

lieues. 

!•' jour, à Tizemert , simple lieu de station dans la plaine. 9 

2* . . . sur rOued R'arbi 9 

L'Oued R'arbi descend des AVbaouat et va se 
perdre dans les sables au pied des a*rég de 
Gueléa. 
A trois ou quatre lieues ouest de TOued R'arbi se 
trouve un petit hameau d'une dizaine de mai- 
sons , appelé El Benout. 11 est alimenté par une 
source nommée El Mengoub. Les Ouled Sidi 
Cheikh R'araba y déposent leurs grains. 
3* ... à Kebach ou Matzer, simple lieu de station. ... 9 
4' . . . dans la plaine deH'abilat, à Terba, simple lieu 

de station 9 

En quittant Terba, on commence à trouver des 
mouvements de sables, peu élevés, mais très- 
nombreux : les Arabes les appellent K'oudiat. 

5" . . . à El Faïdja , simple lieu de station 9 

au pied des a'reg de Gueléa 9 

!on traverse les a'reg jusqu'au puits de Si 
Moh'ammed Moul el Gandouz , situé dans la 
plaine de A'mguiden 11 

au puits nommé H'assi el H'amar 12 

àlimimoun 12 



6* 
7* 
8- 
9' 
10* 
11' 



Total 89 



308 TRIBU DES CHAMBA. 



ROUTE DE METLILI A ÏIMIMOUN. 

DIRECTION GÉNÉRALE DE l'eST A l' OUEST. 

Nous sommes dans le pays de la grande tribu des 
Cliamba ; avant de nous y engager, nous allons en étu- 
dier les habitants. 



TRIBU DES CHAMBA. 

Elle habite les environs de Ouargla, Metlili, Gueléa. 
Ceux de Ouargla prennent les noms de Chambet 
bou Rouba. Voici leurs fractions : 

OUled Iffloaaïl. 

Ouled Bou Bekker. 

Douï. 

Ouled Ferrcdj. 

Ouled Bou Sald- 

OuledZeït. 

Ceux de Metlili prennent le nom de Berazga. Voici 
leurs fractions : 

Ouled H'anech. 
Ouled A'mcr. 
Souaiah'. 
Ouled Ma'mer. 
El H'aouamer. 
Souïdïat. 
Ouled Brahim. 



TRIBU DES CHAMBA. 309 

Ouled Mouça. 
Ouled Sidi Zir'en. 
El Cherfa. 
Ouled A'Uouch. 
El Guemara. 

Ceux de Gueléa prennent le nom de El Mad'i. Voici 

leurs fractions : 

Ouled Zeït. 
Ouled A'ïcha. 
Ouled Ma'mer. 
Ouled Ferredj. 
, ,. Ûttled Sid el H'adj lah'ïa. 

Les Chamba se disent originaires de la province 
d'Oran et, selon la chronique, sont issus d'une même 
famille ; elle campait dans le Tell et se composait de 
sept frères. Le plus jeune, comme Benjamin, et peut- 
être pour la même raison, était détesté des six autres. 
11 se nommait Tamer ben TouUal ; le père de tous étant 
mort, Tamer, pour échapper aux vexations nouvelles 
qui allaient l'assaillir et qu'avait jusque-là modérées 
l'autorité du chef de la tente, partit un jour avec sa 
femme, ses petits enfants et quelques serviteurs, qui 
guidaient au hasard ses troupeaux vers le sud. Ln de- 
mi-frère, nommé Trif, chassé comme lui par la haine 
jalouse de ses aînés, le rejoignit bientôt après, et tous 
deux vaguèrent dans la montagne et dans la plaine, 
cherchant un lieu propice où planter leurs tentes. 

C'étaitl'été : le soleil avaitdesséché toutes les sources : 
les Oued n'étaient plus que des ravins sans eau : ces 



310 TRIBU DES CHAMBA. 

pauvres exiles, haletants de chaleur et de fatigue, al- 
laient mourir de soif , hommes et troupeaux , quand 
Tamer vit revenir à lui sa levrette toute mouillée ; son 
instinct lui avait fait découvrir F Oued Metlili ; elle y 
guida son maître et la petite caravane s'y établit. 
Tamer bâtit à Fouest, Trif à Fest ; les deux familles 
prospérèrent, s' unirent par des mariages, multiplièrent, 
élevèrent une ville qui prit son nom de la source sur 
laquelle elle est située, et groupèrent leurs tentes sous 
ses murs. Pour perpétuer la mémoire de la levrette, qui 
s'appelait A'mba, la tribu nouvelle se donna le nom de 
Chamba. 

Quoi qu'il en soit de cette tradition généalogique, il 
paraît constant que la tribu entière des Chamba était 
autrefois réunie sur le territoire de Metlili ; mais, soit 
qu'elle ait gagné en nombre et que des émigrations fus- 
sent devenues nécessaires, soit que des intérêts divers 
aient appelé quelques familles autour de Ouargla et de 
Gueléa, les trois grandes divisions que nous avons don- 
nées se sont peu à peu établies près de ces trois villes. 

Malgré cette séparation, toutes les fractions sont 
restées en bonne intelligence et se sont toujours prêté 
un mutuel appui dans les circonstances difficiles. Leurs 
ennemis communs sont les Béni Mzab, les Sa'ïd atba de 
Ouargla, les A'rba, les H'amian, les Douï Menïa et les 
Touareg. Leurs guerres ne sont presque jamais que des 
coups de main, des r'azia ; mais ils pourraient, au be- 
soin, mettre sur pied : 



TRIBU DES CHAMBA. 3U 

Ceux de Metlili, 50 chevaux et 1200 fantassins j 
Ceux de Guelëa, 15 ou 20 chevaux et 300 fantas- 
sins; 

Ceux de Ouargla^ 50 chevaux et 1200 ou 1500 fan- 
tassins. 

Comme tous les fantassins du désert, ceux des 
Chamba se transportent au point de l'expédition mon- 
tés sur des ch^uneaux. 

Si un danger commun les menace, ou si une des 
trois grandes fractions est insultée et n^est pas assez 
forte pour venger son injure sans le secours des 
autres, toutes se réunissent en un lieu désigné et là, à 
la face du ciel, elles se jurent assistance sur le livre de 
Sidi A'bd Allah', par ce serment consacré : « Nous 
« mourrons ta mort, nous perdrons tes pertes, nous 
« ne renoncerons à la vengeance que si nos enfants, 
(( nos biens sont perdus, et nos têtes frappées, » et ils 
partent pour des expéditions quelquefois très-loin- 
taines, jusque chez les Touareg du Djebel H'oggar, ce 
qui parait incroyable ; mais ces gens-là, comme pres- 
que tous les habitants nomades du désert, sont par 
nature et par habitude infatigables ; élancés, musculeux, 
d^une sobriété que peuvent satisfaire quelques dattes, 
un peu de farine délayée et roulée en boulettes dans le 
creux de la main, et deux tasses d^eau. Tune le matin 
Fautre le soir; d^une perspicacité qui rappelle celle des 
vieux Mohikans , la nuit, ils se guident par les étoiles, 
le jour par des points imperceptibles pour tout autre 



312 TRIBU VES GHÂMBA. 

que pour eux^ et^ sans route frayée, ils vont ainsi dans 
les'sablesy sans jamais s^ égarer, aussi loin que la guerre 
les appelle, et partout où il y a un marché important. 
« Dans nos combats, nous disait Fun d'eux, la femme, 
« nous ne la dépouillons jamais; F ennemi mort, nous 
« ne lui coupons point la tête; F ennemi blessé, nous 
(( le respectons , et nous n'abandonnons jamais les 
« nôtres. » Ils passent, en effet, pour très-braves et 
ti'ès-hospitaliers. 

La tribu entière vit, partie sous la tente et partie 
dans ses trois villes, sur le territoire desquelles elle est 
propriétaire de dattiers, de jardins, de vergers. Mais 
sa richesse principale consiste en inmienses troupeaux 
de chameaux et de moutons. Naturellement portés aux 
excursions et au commerce , les Chamba courent les 
marchés. 

De Temacin. 

De R'damês. 

Du Tidikelt, ) ^ , ^ 
^ -,. . } dans le Touat. 

De Timimoun , ) 

Du pays des Ouled Sidi Cheikh. 

De A'in Mad'i. 

De El AVouat'. 

Et cela, soit pour leur* propre compte , soit qu'ils 
aient loué leurs chameaux aux marchands leurs voi- 
sins, ou qu'ils se soient chargés du transport des mar- 
chandises d'un lieu à un auti*e. 

De leurs provenances à eux , ils portent sur ces 
marchés : 



TRIBU DES CHAMBA. 313 

Des chameaux et des moutons engraissés pour la 

boucherie. 
Du beurre de brebis. 
De la laine. 
Des bernous , 



i fabriqués par leurs femmes. 
Des djellaba, ) ^ ^ 

Des douros d'Espagne qu'ils thésaurisent, et dont 
ils se défont avec bénéfice. 

Des dépouilles d'autruche , produit de leurs chas- 
ses , car ils sont grands chasseurs. 

La tribu a d'ailleurs^ sous la tente, son industrie : des 
forgerons y font des pioches, des couteaux, des fau- 
cilles, des instruments pour tondre les moutons, des 
fers à cheval, etc.; des armuriers y raccommodent les 
armes ; toutes les femmes apprêtent les laines, les poils 
de chèvre et de chameau, et les tissent en h'aïk', ber- 
nous, tentes imperméables, etc., avec des métiers ap- 
portés des villes par le voyageur de la famille. 

Sous la tente encore on fait, avec de F alfa, ou avec 
des feuilles de dattiers, des nattes, des grands chapeaux, 
des cordes pour tirer Veau des puits, pour attacher les 
chameaux et les chevaux , des sacs pour charger les 
bêtes de somme, etc. On fabrique le peu de poterie 
indispensable ; on recouvre les selles en peau de cha- 
meaux ; on fait des chaussures ou on les raccommode ; 
des outres goudronnées à l'intérieur pour mettre l'eau 
et le lait ; on prépare des peaux de boucs pour empor- 
ter les provisions de voyage, des seaux en cuir tanné de 
chèvre ou de brebis, etc. Ce que nous disons ici des 



314 METULI. 

Chamba peut, au reste^ s^appliquer à presque toutes le 

tribus. 

On retrouve chez eux également cette légèreté de 
mœurs qui caractérise les peuplades du Sahara, et cette 
poésie native qui distingue les Arabes, ce Us aiment les 
(i chants, la musique, les femmes, la poudre et, par- 
ce dessus tout, Findépendance. » Nous donnons cette 
phrase telle qu'elle nous a été donnée par dix d'entre 
eux. 

A'bd el K'ader n'a jamais pu tirer aucun parti des 
Chamba^ quoique presque toutes les tribus du désert 
eussent à peu près reconnu son autorité. Pendant qu'il 
tenait le siège devant A'in Mad'i, il fit sur eux une 
r'asia de 2500 chameaux ; la soumission, ou au moins 
un semblant de soumission s'ensuivit; les principaux 
chefe vinrent trouver l'émir et lui faire de belles pro- 
testations de fidélité. Il rendit les chameaux; mais avec 
eux disparurent leurs maîtres qu'il n'a jamais revus. 



METUU. 

Metlili est située sur un mamelon qui domine l'Oued 
Metlili. Sa muraille d'enceinte, en mauvaise maçonnerie, 
est crénelée, et ouverte par trois portes, Bab el 
Dah'raoui, Bab el Djara et Bab el A'rbi. Elle est entourée, 
excepté du côté de Test, de jardins qui s'étendent à plus 
d'une demi-lieue. Elle a une mosquée, un marché qui 



METLIU. 315 

s^appelle Souk' el K'eçoua (marche des habillements )y 
et, en cas de siège j elle peut être suffisamment alimen- 
tée par ses puits. 

Quoique très-voisine du district des Béni Mzab, c'est 
une ville tout arabe^ dominée , commandée et en par- 
tie habitée par la fraction des Chamba Berazga appelée 
Cherfa. Ses autres habitants sont les Béni Merzoug, qui 
descendent des Nefzaoua, près de Nefta, et quelques 
Béni Mzab. Elle obéit à une djema' dont les membres 
sont tous Cherfa. 

Sous ses murs et dans son territoire campent les 
autres fractions des Chamba qui forment la division dite 
des Berazga, et dont nous avons donné les noms plus 
haut. 

Les gens de Metlili sont maintenant en assez bonnes 
relations avec les Béni Mzab ; il n'en a pas été toujours 
ainsi. Leurs querelles ont été fréquentes j mais il sem- 
blerait qu'un événement arrivé il y a trente ou quarante 
ans ait été pour les Béni Mzab d'un enseignement si sé- 
vère qu'ils auraient renoncé depuis à toute manifesta- 
tion hostile. 

Les Chamba du dehors étaient en expédition ; les 
Béni Mzab saisirent ce moment pour tomber sur Metlili, 
restée ainsi presque sans défense. Cependant ceux qui 
y étaient renfermés firent bonne contenance et se dé- 
fendirent vaillamment, à l'abri derrière leurs murailles. 
L'ennemi, renonçant à enlever la ville d'assaut, crut 
pouvoir la prendre par la famine, et il se mit à en rava- 



316 METLIL!. 

ger les environs. Mais les guerriers de la tribu, prévenus 
par un courrier du danger que couraient leurs frères, 
revinrent tout à coup, cavaliers et fantassins , et tom- 
bèrent à rimproviste sur les Béni Mzab, en firent un si 
horrible carnage, que l'on dît encore proverbialement 
dans le pays : « L^année des Béni Mzab. » 

Si nous en croyons la chronique , Fissue de ce com- 
bat décisif aurait été un moment incertsune; mais un 
saint marabout^, nommé Sidi Bou K'acem, prit une poi- 
gnée de sable et la jeta sur les Béni Mzab, en invoquant 
le nom de Dieu . Aussitôt un oiseau énorme, grcrs tomme 
une autruche, parut en Tair, fondit à toute volée sur 
eux et les mit en fuite. Ce Bou K'acem est Fanôêtre du 
chambi qui nous fait ce conte ; le brave homme ci'oit 
fermement au miracle, ainsi que tous ses compatriotes. 

Metlili est un centre de commerce qui s'approvi- 
sionne chez les Béni Mzab, le plus ordinairement, quel- 
quefois à Tougourt, et même à Tunis, selon l'esprit 
d'aventure de ses marchands voyageurs. 

Les jardins environnants sont peuplés de pigeons, de 
tourterelles, d'étourneaux, de moineaux, de cigognes, 
d'une espèce d'oiseau jaune dont nous n'avons pu sa- 
voir le nom, d'une autre encore que les Arabes appellent 
bou djerada , le père de la sauterelle , et qui semble 
avoir quelque rapport avec le corbeau. 

On trouve dans le pays des gazelles , des lapins, des 
lièvres, des chacals , des porcs-épics , un animal qu'ils 
appellent deb et que nous n'avons pu reconnaître, el 



GUELÉA. 317 

aroui, le beguar el. ouach ; point de lion, point de tigre ; 
il est remarquable au reste, contrairement à l'opinion 
reçue, qu'on n'en trouve jamais dans le désert; ils ne 
<|uittent point le ï'ell. 



Iieu«!i. 



1*' jour, en quittant Metlili, pour aller à Timimoun, on 
s'arrête sur FOued Mesk, au puits de Bel 

Guerinat 4 

2* ... sur rOued Demeran 11 

3* . . . àCha'betFat'ma, simple lieu de station 9 

4"= . . . sur rOued Djedid 8 

5" ... on rejoint les a'reg qui viennent de Gardaïa à un 

mamelon appelé Gara el Beïd'a 8 

6« . . . on suit les aVeg jusqu'à Gueléa , . 9 



GUELÉA. 

Gueléa est située sur une montagne élevée, rocbeuse, 
de forme conique très-prononcée; elle est construite 
tout entière de pierres taillées que les indigènes assu- 
rent être les débris d'une ville romaine. Aussi est-elle 
beaucoup mieux bâtie que les autres k'sour du Sahara. 
Elle compte deux cents maisons, à peu près, entourées 
par une muraille d'enceinte très-élevée, très-épaisse, 
très-solide, en larges pierres et crénelée. Elle n'a qu'une 
porte, ouverte du côté de l'ouest, et qui semble être 
celle de l'ancienne ville; une énorme pierre taillée, 
que vingt hommes ne pourraient pas remuer, gît au- 



318 GUELÉA. 

près; nous n^avons pu ^voir si on y voyait quelques 

inscriptions. 

Un puils immense, d'une grande profondeur et bien 
bâti du haut en bas, fournit de F eau en abondance aux 
habitants. On ne connaît point Fëpoque de sa construc- 
tion. C'était évidemment là une station romaine. 

La tradition raconte que Gueléa était autrefois habi- 
tée par des gens de sang mêlé, comme ceux du Touat , 
et qui parlaient le zenatïa. ils s'appelaient Khefîan ; ils 
en ont été chassés, sans doute, par les nouveaux ve- 
nus, qui sont les Chambet el Mad'i. 

Les uns vivent dans la ville , les autres campés dans 
les environs, sous la tente. Comme ceux de Metlili et de 
Ouargla, ils sont riches en troupeaux de moutons, de 
chameaux et de chèvres ; les chefs seuls ont des che- 
vaux. Comme eux encore ils se sont faits les intermé- 
diaires du commerce entre les points les plus éloignés. 

D'immenses plantations de dattiers, des jardins et 
des vergers cerclent Gueléa , et sont arrosées par l'eau 
de puits nombreux, peu profonds, faciles à creuser et 
intarissables. C'est là une fortune territoriale que se par- 
tagent et les habitants de la ville et les habitants des 
tentes; les uns et les autres sont propriétaires. 

On prétend que Gueléa a été assiégée pendant sept 
ans par les Touareg, qui s'entêtaient à vouloir la pren- 
dre par la famine. Les provisions commençaient en effet 
à s'épuiser; mais une ruse sauva les assiégés. Un matin 
les Touareg virent les murailles de la place tapissées de 



GUELÉA. S19 

bemous blancs , fraîchement lavés, qui séchaient au 
soleil; donc elle ne manquait pas d^eau. La nuit sui- 
vante de grands feux allumés sur divers points Féclai- 
raient tout entière; donc elle ne manquait pas de 
bois. Le lendemain ils trouvèrent sous les murailles , et 
presque aux portes de leur camp, des galettes de belle 
farine y des dattes , du kouskouçou, dernières ressour- 
ces que les assiégés avaient sacrifiées pour faire croire à 
leur abondance; les Touareg y crurent, et se retirèrent. 
Il y a sans doute exagération dans ce conte symbolique, 
dont le véritable sens doit se réduire à ce fait, que, par 
sa position et les provisions qu^elle peut faire, Gueléa 
est imprenable pour des Arabes. 



7* jour, de Gueléa on se rend à Si Moh'ammed ou A'Uel, 

mamelon de sable 6 

§• . . . à A'reg Sedra 9 

9* ... au puits appelé Jekna 9 

19'' . . .au puits de Si Moh'ammed Moul el Gandouz. . . 12 

11"" . . . au puits dit H'assi el H'amar 12 

12« . . . à Timimoun. 12 

Total 60 

Report de Metliii à Gueléa 49 

Total de Hetlili à Timimoun 109 



aaO ROUTE DE GUELÉA A INSALAH'. 

ROUTE DE GUELÉA A INSALAH', 

PAR LE VERSANT OUEST DU DJEBEL BATEN. 

Ur«ffl. 

1" jour, (le Gueléa au mamelon de Sidi Moh'ammed ou 

A'ilel 6 



2- . . . ) 



3« 
6« 



. dans les sables, sans eau 22 



au puits nommé H'assi Touareg. 11 

dans les sables 11 

sur rOued Guetfaïa, qui descend du Djebel Baten 
çt coule vers l'ouest pour aller mourir dans les 

sables 10 

7' . . . dans les sables 10 

8* ... à un village abandonné , envahi par les sables , 

mais où il y a des sources H 

9* . . . dans les sables 10 

10» ... à Insalah'. . 10 

Total. ....... 101 



ROUTE DE METLIU A INSALAH'. 

DIRECTION DE l'eST AU SUD-OUEST. 

De Metlili à Insalah' on traverse un grand nombre de 
rivières , qui rendraient la route impraticable, pendant 
l'hiver, mais qui ne sont que des ravins pendant Fêté. 

Toutes ces rivièies descendent d'une petite chaîne de 
mamelons de sable , située à F ouest de Gardaïa , et qui 
s'appelle El Ga'da , coulent du nord au sud , et vont se 
perdre dans les sables d'une plaine immense , appelée 



ROUTE DE METLILI A INSALAH'. 321 

El H'aniad; elle s^ étend au nord-ouest de Ouargla ; on 
n'y trouve pas un seul mouvement de terrain. 

Une seule rivière fait exception à cette généralité , 
c'est l'Oued Mahiguen^ qui descend du Djebel A'mour, 
coule du nord au sud , passe à Tadjerouna , coupe la 
chaîne de montagnes appelée El Khobta , fait alors un 
coude à l'ouest , s'encaisse entre cette chaîne et celle 
de El Ga'da , et , rencontrant des mamelons de sables 
dont le principal s'appelle El Or'ris , tourne brusque- 
ment au sud j pour aller se perdre dans les sables de 
Ouargla , sous le nom de El Loua. 

lieiics. 

!•' jour, de Metlili sur TOued el Ga'a, à un puits du même 

nom 8 

On a traversé quatre rivières qui descendent toutes 
quatre du Ga'da, et qui sont : 

V L'Oued Metlili; elle vient d'une source appelée 
Macin, et va mourir dans la plaine de El 
H'amad, à un endroit appelé El Remta. Elle 
reçoit, sur sa droite, trois afiQuents principaux, . 
l'Oued Oudïe Dïeb, l'Oued el Guerfi, l'Oued 
Merabba; 

2* L'Oued Mesk ; elle est formée par une source^ 
appelée A'ïn Goufafa, et va, comme l'Oued 
Metlili , mourir à El Remta ; 

3" L'Oued Nechouh', qui va mourir au même en- 
droit; 

4° L'Oued el Gu'a ; elle descend d'un endroit ap- 
pelé Mek'ta el Meguema, sous le nom d'Oued 
el Ga'a , et va se perdre dans les sables sous 
celui d'Oued el T'ouïl. 

A reporter, ... 8 
21 



Stt ROUTE DE METLILI À INSALAH'. 

lieMU. 

Report. ... 8- 

2* jour, de POued el Ga'a à TOued Bou Ali 10 

On a traversé TOued el Bïod, TOued el Khïar, 
l'Oued el FaT , TOued Ter'ir, TOued Demr^a , 
rOued el Loua , qui est l'Oued Mahiguen , dont 
nous avons parlé, et enfin TOued Bou A'ii. 
3' . . à un puits comblé, nommé H'assiNeuhuemar. .. . 8 
On a traversé TOued Sadana et TOued Zirara 
qui descendent d'une chaîne d'a'reg appdée 
Mezerag. 
4*' . . au pied d'un mamelon de sable, près d'un puits 

sans eau 8 

On a traversé l'Oued Djedid et l'Oued Khoua , qui 
descendent aussi des a'reg Mezerag. 

Ô* . . au milieu des a'reg, à un puits appelé Meusb* 

kerdan 8 

6* . . à un endroit appelé Ras el A'reg 8 

7* . . à un puits entouré de palmiers, appelé Meksa.. . . 8 

8* . . sur rOued Chebaba, près d'un puits 10 

9* . . à un mamelon de sable appelé Oudie Seder .... 9 

On a traversé l'Oued Oudïe Seder. 
10* . . sur l'Oued Sid el H'adj Brahim , près d'un puits 

appelé Tin Kerman 11 

On a traversé l'Oued Tebaloulet et l'Oued Mïa. 

!!• . . sur l'Oued Mouça Ben A'ich , . . . 10 

12* . . on traverse le Djebel Baten et on s'arrête sur l'Oued 

el Bïod 9 

13' . . à un puits appelé H'assi el Mengar 7 

14« . . à Insalah' 6 

ToTU 120 



TOUAREG. 323 

TOUAREG. 

Il est difficile de circonscrire exactement le territoire 
habité par les Touareg. La vie exceptionnelle que mènent 
ces pillards nomades échappe à toute appréciation 
géographique un peu certaine; nous les retrouvons 
partout dans cet immense périmètre cerclé par une 
ligne qui, du Tidikelt dans le Touat , descend à Tim- 
bek'tou, longe le Niger de l'ouest à Test, etremonte par 
le Fezzan jusqu'à R'damês , le point extrême de la pro- 
vince de Tripoli. C'est là le véritable désert, l'océan de 
sables, dont les Touareg se sont faits les pirates. 

Un grand archipel montagneux égaré dans le centre 
à peu près de cette immensité, et qu'on appelle le 
Djebel Hoggar, est le nid, le refuge habituel des véri- 
tables Touareg, des Touareg H'arar, ou de race, comme 
on les appelle. Cependant quelques fractions de leur 
grande tribu ont fait élection de domicile plus près de 
notre Sahara. Ainsi : 

Les Mouïdir dans le Djebel Sekmareu. 
Les A'zeguer dans le Djebel R'at. 
Les Foukas dans le Djebel Foukas. 

Beaucoup d'autres, sans doute, nous sont inconnus. 

Si nous gagnons le sud, nous trouvons campés en 
avant de Timbek'tou, les : 

Faradj, 
Annaoua, 
Ouled Ah'med^ 



324 TOUAREG. 

Âgbaîly 
Tallaouiy 

qui tiennent cette \ille en état de blocus perpétuel. Ja- 
lonnés dans le désert , les uns au nord , les autres au 
centre, d'autres au sud, ils gardent les portes du 
Sahara et celles du Soudan, prélevant sur les caravanes 
un droit de sortie, un droit de voyage, un droit d'en- 
trée, et si quelqu'une passe en contrebande, elle est 
impitoyablement pillée. 

Quelle est l'origine de ce peuple singulier morcelé 
ainsi en tant de bandes, si distantes les unes des autres, 
et qui toutes, dans le nord au moins, révèlent par leurs 
traits , par leurs mœurs , par leur langage , une race 
commune ? Nous renonçons, quant à nous, à résoudre 
cette question , et nous nous bornerons à résumer les 
notes éparses que nous ont fournies cent Arabes qui 
tous avaient vu les Touareg, avaient commercé avec 
eux, ou voyagé sous leur sauvegarde. 

Les Touareg prétendent descendre des Turcs ; nous 
croyons inutile de discuter cette opinion accréditée 
sans doute par leur amour-propre, car ils affectent de 
mépriser les Arabes qu'ils traitent en peuple vaincu. 
Quoi qu'il en soit, ils sont grands, forts, minces et de 
couleur blanche , même ceux qui campent sous Tim- 
bek'tou. Cependant les fractions que l'on retrouve au- 
tour des autres villes du Soudan sont de sang mêlé ; 
leurs yeux sont généralement très-beaux , leurs dents 
très-belles ; ils portent de grandes moustaches à la ma- 



TOUAREG. 325 

nière des Turcs, et, sur le sommet de la tête, une touffe 
de cheveux qu'ils ne coupent jamais, et qui, chez cer- 
tains d'entre eux , devient si longue, qu'ils sont obligés 
de la tresser. Le tour de leur tête est rasé ; tous ont des 
boucles d'oreilles. Leur costume consiste en une grande 
robe qui ressemble à la djellaba ou a'abaïa des Kabyles, 
et qu'ils appellent djeba ; elle est très-large, très-ample, 
et faite de bandes réunies de cette étoffe noire étroite 
appelée saie, qui vient du Soudan, et dont nous avons 
déjà parlé. Sous la djeba, ils portent un pantalon qui a 
quelques rapports avec celui des Européens, mais qui 
se soutient sur les hanches à l'aide d'un cordon passé 
dans une coulisse ; une ceinture en laine leur presse la 
taille. Pour coiffure , ils ont une chachïa très-élevée, 
fixée à leur tête par une pièce d'étoffe roulée en façon 
de turban , et dont un des bouts passé dans toute sa 
largeur sur leur figure n'en laisse voir que les yeux; 
« car, disent-ils, des gens nobles ne doivent pas se 
i< montrer. » Les chefs seuls portent des bernons. 

Presque tous, riches ou pauvres, ont les pieds nus ; 
si on leur en demande la raison : c'est que, répondent- 
ils, nous n'allons jamais à pieds. Ceux d'entre eux pour- 
tant qui, faute d'un chameau, sont obligés de marcher 
dans les sables, portent des espèces d'espadrilles liées à 
la jambe par des cordons. 

Leurs armes sont : une lance très-longue , dont le 
large fer est taillé en losange, un sabre large et long, à 
deux tranchants, un couteau fourré dans une gaine en 



326 TOUAREG, 

cuir appliquée sous Tavant-bras où elle est fixée par un 
cordon, de manière à ce que le manche de Tinstrument 
qui vient s'arrêter au creux de la main, soit toujours 
facile à saisir et ne gêne en rien les mouvements ; un 
grand bouclier en morceaux de peau d'éléphant, con- 
solidés par des clous, et dont ils se servent avec beau- 
coup d'adresse, complète cet arsenal portatif. Les che& 
et les plus riches seulement ont des fusils dont quel* 
ques-uns sont à deux coups. 

Très-sobres au besoin, ils resteront deux ou trois 

jours sans boire ni manger plutôt que de manquer un 
coup de main; mais très-gloutons à l'occasion, ils se 
dédommagent largement après la r'azia. 

Leur nourriture habituelle est le lait, les dattes, la 

viande de mouton et de chameau et, par exception, des 
galettes de farine ou du kouskouçou ; car ils n'ont que 

peu ou point de blé, et celui seulement qu'ils pillent. 
Ils sont riches en troupeaux de chameaux et de cette 

espèce de moutons , dont nous avons déjà parlé , qui 

n'ont point de laine, mais un poil très-court, et qui 

se distinguent par une queue énorme. 

Les Touareg parlent le targuïa. Cette langue semble 

avoir certain rapport avec le zenatïa ; car, si nous en 

croyons les habitants du Touat, ils comprennent les 

Touareg et s'en font comprendre. 

Leurs femmes vont la figure découverte ; elles sont 

très-belles et très-blanches : « blanches comme une 

« chrétienne.» Quelques-unes ont les yeux bleus, etc'est, 



TOUAREG. 327 

dans la tribu, un genre de beautë fort admiré; toutes 
sont très-sensuelles et très-faciles. Leur costume con- 
siste en un pantalon en saïe noire , une robe large de 
même étoffe et de même couleur, et une espèce de 
coiffe dont nous n'avons pu saisir la description. Les 
plus riches se chargent de bijoux; les autres n^ont 
pour tout ornement que des bracelets en corne aux 
avant-bras. Hommes et femmes portent au cou des 
colliers de talismans. 

Leur religion est la musulmane; mais ils prient peu, 
ne jeûnent point , ne font point les ablutions ordon- 
nées. Ils ne saignent point les animaux comme le veut 
la loi; ils leur coupent tout bonnement la tête d'un 
coup de sabre. Aux jours des grandes fêtes de Tisla- 
misme, au lieu de faire des prières , ils se réjouissent 
par des combats simulés, par des essais de petite 
guerre , qu'ils mettent en pratique à la première occa- 
sion. 11 n'ont, en un mot, de musulmans que le titre, 
et il serait difficile qu'il en fût autrement au milieu de 
la vie sans cesse agitée qu'ils mènent. Ce mépris du 
Koran et la terreur qu'ils inspirent aux Arabes n'ont 
pas peu contribué sans doute à exagérer leur détes- 
table réputation. Sous les tentes du Tell, on parle des 
Touareg comme autrefois, chez nous, on parlait du 
Turc. 

Il n'y a, au reste, qu'une voix sur leur compte: 
(( Quels sont leurs ennemis, demandions-nous à un 
(( Touati? Ils n'ont pas d'amis, nous répondit-il. » Un 



328 TOUAREG, 

autre nous disait : « Je n^ai rien vu de bon chez eux 
« que leur beauté et leurs chameaux. Braves, ruses, pa- 
rc tients, comme tous les animaux de proie , ne vous 
(( fiez jamais à eux ; ils sont de mauvaise parole. Si vous 
(( recevez Fhospitahté chez l'un d'eux, vous n'avez rien 
(( à craindre de lui , sous sa tente, ni quand vous serez 
H parti; mais il préviendra ses amis qui vous tueront, 
« et ils partageront vos dépouilles. » 

Si nous nous dégageons de tous ces préjugés, nous 
trouvons chez ces peuplades des vertus de famille qui 
révèlent de grandes qualités instinctives. Ainsi la poly- * 
gamie y est très-rare et tout à fait exceptionnelle. La 
dignité de la race s'y perpétue sans mélange d'alliances 
étrangères, même avec les Arabes, que les Touareg 
méprisent et dont ils se disent les seigneurs. Le deuil 
des morts aimés ou vénérés se porte religieusement et 
longtemps, et, pendant ce temps de douleur, les amis 
et les parents du mort laissent croître leur barbe et ne 
peuvent pas se marier. 

Concluons-en que là , comme partout , le bien est à 
côté du mal, et que la nécessité seule, peut-être, a com- 
promis une nature sûrement meilleure que ne le disent 
les Arabes. 

L'immense montagne appelée Djebel Hoggar, le re- 
fuge principal des Touareg du nord, forme une espèce 
de quadrilatère. Presque tous ses pics sont boisés de 
grands arbres ; ses ravins tourmentés et rocailleux sont 
autant de torrents à la saison des pluies ; il y fait alors 



TOUAREG. 329 

un froid humide contre lequel ces frileux habitants du 
désert luttent de précautions en s' enveloppant de vête- 
ments de laine, espèce de bemous doublés en peaux 
de chèvres. Ils vivent alors en famille sous leurs tentes 
circulaires, faites en peaux tannées qui leur viennent 
du pays des pègres. Leur seule distraction est la pipe 
dont abusent les hommes et dont usent largement les 
femmes. 

Au printemps, ils reprennent le désert. 

C'est également au printemps que les caravanes se 
mettent en mouvement. Elles savent d'avance que les 
Touareg les guetteront au passage ; aussi le chef des 
plus prudentes s'entendra-t-il avec le chef le plus voi- 
sin des bandes errantes, qui lui donnera quelques ca- 
valiers sous la sauvegarde desquels la caravane conti- 
nuera sa route, changeant de protecteurs d'espaces en 
espaces, et payant à tous, jusqu'à destination et selon 
l'importance de ses marchandises, un impôt forcé que 
l'amour-propre des Arabes déguise sous le nom de 
cadeau en échange d'une protection. Nous avons dit 
ailleurs ce qui arrive aux caravanes qui cherchent à 
s'en affranchir. Les plus grandes cependant passent 
hardiment, fortes de leur nombre ; mais , alors , de 
douanier, le Targui se fait brigand ou voleur, et la met 
encore à contribution. 

Dès que les espions ont éventé l'immense convoi, ils le 
suivent à la piste, de loin, prudemment, en se cachant 
dans les plis des vagues de sable, pendant que d'autres 



330 TOUAREa 

sont allës donner Fëveil à leur bande commune. Elle 
arrive sur ses rapides mah'ari, ses chameaux de course, 
se disperse dans Fespace, et quand la nuit sera venue, 
quand la caravane se reposera, sur la foi de ses senti- 
nelles, des fatigues de la journée, les voleurs sVn 
rapprocheront ; chacun laissant son chameau à la garde 
d^un complice et à quelque distance. Les plus adroits 
s^avanceront en rampant, lentement, sans bruit; et le 
lendemain, dix, quinze, vingt chameaux, plus ou 
moins, mais toujours les plus charges, manqueront au 
départ de la caravane. Ces tentatives hardies sont fré* 
quentes, non-seulement dans le désert, mais dans nos 
camps à nous. Les Arabes, comme les Touareg, sont 
venus bien souvent voler les chevaux de nos officiers 
et des faisceaux entiers de fusils , jusque sous les yeux 
des sentinelles. 

Les grandes expéditions, soit sur le pays des nègres, 
soit sur le Tidikelt ou sur les Chamba, ou sur une cara- 
vane qu^on sait être en marche , sont décidées dans un 
conseil tenu par les chefs. 

Tous ceux qui doivent partager les dangers et les bé- 
néfices de Fentreprise partent, quelquefois au nombre de 
quinze cents ou deux miUe hommes, montés sur leurs 
meilleurs mah'ari. La selle d^ expédition est placée entre 
la bosse de Tanimal et son garrot ; la palette de derrière 
en est large et très-élevée , beaucoup plus que le pom- 
meau de devant, et souvent ornée de franges en soie 
de diverses couleurs. Le cavalier y est comme dans un 



TOUAREG. 881 

fauteuil j les jambes croisées ^ armé de sa lance , de son 
sabre et de son bouclier; il guide son chameau avec 
une seule rêne attachée sur le nez de Tanimal par une 
espèce de caveçon, et parcourt ainsi des distances 
effrayantes, vingt-cinq à trente lieues par jour, sans se 
fatiguer. 

Chacun ayant sa provision d^eau et de dattes, la bande 
entière se met en marche à jour convenu , ou plutôt à 
nuit convenue; car, pour éviter les chaleurs du soleil 
et l'éclat des sables , elle ne voyage que de nuit en se 
guidant sur les étoiles. A quatre ou cinq lieues du coup 
à faire, tous mettent pied à terre, font coucher leurs 
chameaux qu'ils laissent à la garde des plus fatigués 
d'entre eux et des malades. Si c'est une cai*avane qu'ils 
veulent attaquer et qu'elle ne soit pas trop forte, ils se 
jettent sur elle en hurlant un effroyable cri de guerre ; 
ils entrent dedans à coups de sabres et de lances; non 
point qu'ils frappent au hasard cependant ; l'expérience 
leur a appris à frapper leui*s ennemis aux jambes : 
chaque coup de leur large sabre met un homme à bas. 
Quand le carnage est fini, le piUage commence : à 
chacun sa part désignée par les chefs. Les vaincus, 
morts ou blessés, ils les laissent là sans les mutiler, 
sans leur couper la tête, mais dans l'agonie du déses- 
poir, au miheu du désert ! 

Si la caravane est trop forte , ils la suivent à quel« 
ques lieues, s'arrétant quand elle s'arrête, et faisant 
épier ses mouvements par des espions que les Arabes 



33Î TOUAREG, 

appellent chouaf; quand la discipline s'y relâchera, 
quand, sur le point d'arriver à destination, elle se 
croira quitte de tout danger, de toute surprise, et se 
gardera moins bien , ils tomberont sur elle. 

Ce qui semble incroyable, c'est que ces brigands 
redoutes et si généralement détestés dans le Sahara, 
fréquentent ouvertement et souvent isolément les mar- 
chés du Tidikelt, de Agabli, de A'oulef, de R'damés, où 
ils apportent du pays des nègres des esclaves , de la 
poudre d'or, des défenses d'éléphants , des peaux tan- 
nées pour faire des tentes , des espadrilles dont les 
semelles sont inusables , des saïe , du poivre rouge , des 
dépouilles d'autruches, une espèce de fruit que Ton 
appelle daoudaoua, produit par un arbre du même 
nom, que l'on pétrit en galette et qui, séché au soleil, 
a , dit-on , goût de viande. 

Les Touareg du sud font, sur la lisière du pays des 
nègres , le même métier à peu près que leurs germains 
du nord sur la lisière du Sahara. On les appelle Sergou 
à Timbek'tou et Kilouan dans le Bemou et à H'aouça. 
Ces derniers sont de sang très-mêlé, ainsi que nous 
l'avons dit. Le pays qu'ils habitent leur fournit en 
quantité du blé et du millet; leurs troupeaux leur 
donnent du lait, du beurre, du fromage ; leurs arbres 
beaucoup de fruits. Matériellement plus heureux que 
ceux du nord , ils sont, dit-on , plus humains, plus hos- 
pitaliers , moins pillards. Aucune caravane cependant 
n'entre dans le Soudan , sans leur avoir payé un droit 



TOUAREG. 333 

de passage, ou sans s'exposer à être ravagée. Les Ser- 
gou et les Kilouan combattent avec le sabre et avec des 
flèches qu'ils portent dans un carquois pendu à leur 
côté ; elles sont empoisonnées : le seul remède à leur 
blessure est d'enlever la partie lésée. Ils n'ont point de 
fusils. 

Nous avons dit plus haut qu'ils tenaient les villes du 
Soudan , et particulièrement Timbek'tou , en état de 
blocus perpétuel ; campés à quelques heues dans les 
terres , sous leurs tentes en peaux , et toujours en grand 
nombre , ils dominent le pays , et font la chasse aux 
nègres sur les bords du Niger, dans les champs , dans 
les jardins, jusqu'aux portes des villes, les enlèvent et 
les vendent aux caravanes. Nous tenons ces détails d'un 
nègre enlevé par eux et maintenant domestique à la 
direction centrale des affaires arabes. Us nous ont été 
confirmés par le k'aïd des nègres d'Alger. Us font, au 
reste, un commerce régulier sur tous les marchés du 
Soudan , où ils portent les produits de leurs chasses , 
des peaux, de la poudre d'or, etc., et où ils s'approvi- 
sionnent d'une infinité d'objets qu'ils revendent aux 
caravanes. « Car, nous disait un nègre, les marchés du 
« pays sont très-riches; tu y trouverais tout, excepté 
« ton père et ta mère. » 



FIN. 



TABLE DES MATIÈRES. 



dédicace v 

Mode de transcription des mots arabes en caractères 

FRANÇAIS Xin 

Aperçu général 1 

PARTIE ORIENTALE. 

ROUTE D'ALGER A OUARGLA 16 

El Allouât' 16 

Tadjemout 27 

El H'aouita 29 

El Assafia 30 

K's'ir el H'aïran 31 

A'ïn Mad'i 32 

Tadjrouna , 44 

Tribu des Arba' 45 

Tribu des A'razlia 49 

Tribu des Ouled Sidi At'allah 50 

Suite de la route d'Alger a Ouargla 51 

Circonscription de Béni Mzab 62 

Gardaia * , . , . . 59 

Mellika 62 

Bou Noura 63 

Béni Isguem Ih, 

El A'tef 64 

Berrian * Ih. 

Guerrara 66 

Suite de la route d'Alger a Ouargla 71 

Ouargla 72 



336 TABLE DES BIATIÈRES. 

El Rouissat 80 

El H'edjadja et A'in A mer Ib. 

Sidi Khouiled 81 

Ngouça 88 

ROÎÎTE D ALGER A TOUGOURT 91 

Bou Sa'da 92 

Route de l*est 98 

Msila 99 

Mdoiikal '. 101 

2* ROUTE DE Roc Sa'dA A RiSKRA , DIRECTION SUD-EST. 102 

Biskra et les Ziban 103 

Tribu des Hel ben Ali 110 

Tribu des Cherfa 117 

Tribu des G'amera 118 

Tribu des Dreïdes 120 

Tougourt 121 

ROUTE DE RISKRA A EL AR'OUAT' 143 

Bassin de TOued Djedi Ib. 

Route de Biskra à El Ar'ouaf 147 

Ouled Djellal 149 

Sidi Khaled 150 

Demed 152 

Djebel Sah'ri 153 

Route de Rou Sa'da a Demed, direction du nord au 

sud-ouest 154 

Route de Bou Sa'da a El Ar'ouat', par le milieu du 

Djebel Sah'ri 155 

Route de Bou Sa'da a El Ar'ouat' , par Charef en 

longeant la montagne fô. 

Route de Bou Sa'da a Sidi Khaled, direction du 

nord au sud 157 

Route de Gharef a Demed, direction du nord au 

SUD 158 

Tribu des Ouled Na'il Ib. 

Route de Biskra a Tebessa, direction de l'ouest a 

l'est 163 

Tebessa 164 



TABLE DES MATIÈRES. 337 

Route de Souf à R' damés, direction générale du 

nord au sud-est , au milieu des sables 166 

R'damês 168 

ROUTE DE TOUGOURT A GARDAIA , direction de 

l'ouest a l'est 176 

El A'iia 176 

Route de Tougourt a El Ar'ouat', direction du sud 

AU nord-ouest 177 

Dzioua Ih. 

Route de Tougourt a Demed, direction du sud au 
nord-ouest 178 

Route de Tougourt a Sidi Khaled , direction du sud 

AU NORD 179 

Route de Sidi Khaled a Gardaia, direction du nord 

au sud-ouest 180 

Route de Sidi Khaled a Guerrara , direction nord 

AU SUD 181 

Route de Demed a Gardaia, direction nord au sud- 
ouest Ih, 

Route de Biskra a Gardaia , direction générale de 

l'est au sud-ouest 182 

ROUTE DE TOUGOURT A OUARGLA, sud -ouest 183 

Bou Djenan.^ Ih, 

Temarin 184 

Blidet A'mer 187 

Route de Tougourt a K'efsa , en passant par Souf 

ET Nefta 188 

District de Souf. 189 

1" ROUTE DE Souf a Nefta , ( suite de la route de 

Tougourt a K'efsa) 194 

2«« ROUTE DE Souf a Nefta, (suite de la route de 

Tougourt a K'efsa) Ih. 

Nefta 195 

Touzer 202 

Kessa 204 

22 



338 TABLE DES MATIÈRES. 

PARTIE OCCIDENTALE. 
ROUTE D'ALGER A INSALAH', dibectiow génékale du 

IfOlD AU SUD-OUEST ^^ 

Djebel A'mour • • • • 210 

Villages et rivières du versant sud de Test à 

l'ouest 2^^ 

Suite de la route d'Alger a Insalah' 218 

Bou Alain ^^' 

Stiten 219 

Mecheria ^' 

El R'açoul 220 

Brizina 221 

Tribu des El Ar'ouat K's'ar 222 

Sid El H'ady Ed Din 223 

El Al)iad Mta'Sidi Cheikh 225 

El Biad Chergui 228 

Tribu des Ouled Sidi Cheikh 229 

Suite de la boute d'Alger a Insalah' 240 

A'rbaouat 241 

Chellala El Gueblia (du sud) Z^- 

Chellala El Dah'raouia (du nord) 242 

A'sla 245 

Bou Semr'oun I^- 

riout 248 

A'in Sefra 249 

Seficifa 250 

Mer'erar El Fouk'ania 251 

Mer'erar El Tah'atania /&• 

Ich 252 

Tribu des H'amian 255 

Suite de la route d'Alger a Iwsalah', district de 

FiGUiG 260 

Tribu des Doui Menïa ou Zegdou 270 



TABLE DES MATIÈRES. 339 

Suite de la route d'Algeb a Insalah' 273 

Pays de Touat 275 

Circonscription de Mab'Arza 279 

— — Gourara 282 

— — A'ouguerout • 289 

— — Touat 290 

— — Tidikelt 291 

Route dibegte d'Alger a Insalah', direction géné- 
rale DU NORD AU SUD-OUEST 303 

Bassin de TOued Mia 306 

Route d'El Biad a Timimoun, direction générale du 

nord au sud-ouest 307 

Route de Metlili a Timimoun , direction générale 

DE l'est a l'ouest 

Tribu des Chamba 308 

Metlili 314 

Gueléa 317 

Route de Gueléa a Insalah', par le tersant ouest 

DU Djebel Baten 320 

Route de Metlili a Insalah', direction de l'ouest 

au sud-ouest 

Touareg 323 



FIN DE LA TABLE. 



^'^ 



Z9 mo