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Full text of "Les altérations de la personnalité"

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BIBLIOTHÈQUE 

SCIENTIFIQUE  INTERNATIONALE 

PUBLIÉE   SOUS   LA   DIRECTIOM 

DE    M.    ÉM.    ALGLAVE 
LXXIV 


BIBLIOTHEQUE 
SCIENTIFIQUE     INTERNATIONALE 

PUBLIÉE   SOUS   LA   DIRECTION 

DE    M.    ÉM.    ALGLAVE 

Volumes  in-8,  reliés  en  toile  anglaise.  —  Prix  :   6  fr. 
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Psychir  lif'p.  of  Micro-nrrianism.s,  traduction  anglaise  de  Me  Cormack.  Chi- 
cago, 1890. 

Da/t  Seelenlehen  der  kleisnslen  Lelteivesen ,  traduction  allemande  du 
D'  W.  -Mcdiciis.  Halle,  1892. 

Donljle  conaeiousness.  Chicago,  18'.M. 


COILOMMIKH'-;.    —  Iinil.    l'ALL   BRODAHU. 


LES  ALTÉRATIONS 


DE 


LA  PERSONNALITÉ 


ALFRED    BINET 

Directeur  adjoint  du  laboratoire  de  psychologie  physiologique 
de  la  Sorbonne  (Hautes  Études) 


AVEC    FIGURES    DANS    LE    TEXTE 


PARIS 

ANCIENNE  LIBRAIRIE  GERMER  BAILLIÈRE  ET  C" 

FÉLIX  ALCAN,  ÉDITEUR 

108,    BOULEVARD    SAINT- G E R MA IN  ,    108 

1892 

Tous  droits  réservés. 


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\z.O  ,\%%:. 


M.  TH.   RIBOT 


PROFESSEUR    DE    PSYCHOLOGIE    EXPERIMENTALE    ET    COMPARE! 
AU    COLLÈGE    DE    FRANCE 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  ;With  funding  from 

Open  Knowledge  Gommons, and  Harvard  Médical  School 


http://www.archive.org/details/lesaltrationsd1892bine 


INTRODUCTION 


Il  y  a  une  quinzaine  d'années  qu'on  a  commencé  en 
France,  en  Angleterre,  et  dans  quelques  autres  pays,  des 
recherches  de  psychologie  pathologique,  fondées  sur  l'étude 
de  l'hystérie  et  de  la  suggestion;  nous  savons  tous  avec 
quelle  ardeur  les  physiologistes  et  les  philosophes  se  sont 
livrés  à  cette  étude  nouvelle,  et  en  un  très  court  espace  de 
temps  on  a  recueilli  une  quantité  vraiment  considérable 
d'observations  et  d'expériences  de  toutes  sortes;  l'halluci- 
nation, les  paralysies  par  suggestion,  les  altérations  de  la 
personnalité,  les  troubles  de  la  mémoire,  le  sens  muscu- 
laire, les  suggestions  pendant  l'état  de  veille  et  pendant 
l'hypnose,  les  suggestions  inconscientes,  etc.,  telles  sont 
les  principales  questions  qui  ont  été  examinées  et  profon- 
dément fouillées. 

A  mesure  que  les  recherches  se  multipliaient  et  s'éten- 
daient, il  s'est  élevé  entre  les  expérimentateurs  de  nom- 
breuses discussions;  non  seulement  on  ne  s'est  pas  mis 
d'accord  sur  les  théories,  mais  des  faits  importants 
affirmés  par  les  uns  ont  été  niés  par  les  autres;  on  a  même 
vu  s'élever  école  contre  école.  Les  controverses,  qu'on  a 
pu  regretter,  mais  qui,  en  somme,  sont  constantes  et 
même  nécessaires  dans  toute  recherche  nouvelle,  ont  jeté 
quelque  doute  sur  la  valeur  véritable  des  matériaux 
amassés. 

Mon  intention,  en  écrivant  ce  livre,  n'est  point  de  conli- 


VIII  INTRODUCTION 

nuer  la  tradition  des  discussions  d'école;  au  lieu  cropposcr 
mes  expériences  à  celles  des  autres  autours,  je  vais 
prendre  dans  leur  ensemble  tous  les  résultats  qui  ont  été 
obtenus  dans  l'étude  d'une  question,  pour  rechercher 
quels  sont,  parmi  ces  résultats,  ceux  qui  s'accordent  et 
peuvent  être  groupés  dans  une  même  synthèse.  Je  retiendrai 
seulement  les  expériences  qui  se  répètent  entre  toutes  les 
mains,  et  qui  donnent  toujours  la  môme  conclusion, 
quelle  que  soit  la  fin  cherchée;  je  mettrai  au  contraire  en 
réserve,  sans  les  juger,  tous  les  phénomènes  qui  n'ont 
encore  été  observés  que  par  une  seule  personne,  et  qui  ne 
se  rattachent  pas  logiquement  à  un  ensemble  de  faits 
connus  et  acquis;  et  bien  entendu  je  ferai  subir  cette  épu- 
ration à  mes  propres  travaux  comme  à  ceux  des  autres 
auteurs. 

L'occasion  me  paraît  être  favorable  pour  tenter  cette 
oeuvre  d'éclectisme;  il  se  produit  en  ce  moment  un  fait 
assez  curieux  :  un  grand  nombre  d'observateurs  qui  n'ap- 
partiennent ni  à  la  même  école  ni  au  même  pays,  qui 
n'expérimentent  pas  sur  le  même  genre  de  sujets,  qui  ne 
se  proposent  pas  le  même  objet  d'expérience,  et  qui  parfois 
s'ignorent  profondément,  arrivent  au  même  résultat,  sans 
le  savoir;  et  ce  résultat,  auquel  on  parvient  par  des 
chemins  divers,  et  qui  fait  le  fonds  d'une  foule  de  phéno- 
mènes de  la  vie  mentale,  c'est  une  altération  particulière  de 
la  personnalité,  un  dédoublement  ou  plutôt  un  morcelle- 
ment du  moi.  On  constate  que  chez  un  grand  nombre  de 
personnes,  placées  dans  les  conditions  les  plus  diverses, 
l'unité  normale  de  la  conscience  est  brisée;  il  so  produit 
plusieurs  consciences  distinctes,  dont  chacune  peut  avoir 
ses  perceptions,  sa  mémoire  et  jusqu'à  son  caractèi'c 
moral;  nous  nous  proposons  d'exposer  en  détaille  résultat 
de  ces  recherches  récentes  sur  les  altérations  de  la  person- 
nalité. 

Sainl-Valery,  IS'Jl. 


LES   ALTÉRATIONS 

DE  LA  PERSONNALITÉ 


PREMIÈRE  PARTIE 

LES    PERSONNALITÉS    SUCCESSIVES 


CHAPITRE   PREMIER 

LES    SOMNAMBULISMES    SPONTANÉS 

Les   phénomènes  psychologiques   spontanés.  —  Les  somnambulismes.  — 
La  dame  américaine  de  Mac-Nish. —  Observation  de  M.  Azam  sur  Félida. 

—  Double  existence  psychologique.—  Caractères  distinctifs  de  ces  deux 
existences.  —  Un  problème.  —  Observation  de  M.  Dufay.  —  Observation 
de  MM.  Bourru  et  Burot  sur  Louis  V...  —  Observation  de  M.   Proust. 

—  Observation  de  M.  Weir-Mitchell.  —  La  division  de  conscience  chez 
les  hystériques.  —  Observations  analogues  dans  les  intoxications,  les 
rêves  et  divers  états  pathologiques. 

I 

Ce  qui  fait  l'intérêt  des  phénomènes  psychologiques 
spontanés,  c'est  qu'ils  ont  subi  une  influence  très  minime 
des  personnes  qui  les  observent;  ils  n'ont  pas  été  pré- 
parés de  longue  main  et  d'une  manière  inconsciente  par 
un  auteur  qui  avait  son  opinion  faite;  ils  ne. répondent 
par  conséquent  à  aucune  théorie  préconçue;  c'est  par  eux 
que  nous  commencerons  nos  études  *. 

1.  M.  Ribot,  dans  la  préface  de  son  livre  sur  les  Maladies  de  la  Person- 
nalité a  insisté  sur  ceUe  idée,  que  nous  croyons  très  importante. 
A.    BiNET.  1 


■2  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

Les  altérations  de  la  personnalité  qui  peuvent  se  pro- 
duire chez  des  malades  revêtent  un  très  grand  nombre  de 
formes  différentes;  il  n'est  nullement  question  de  les  passer 
toutes  en  revue.  Nous  nous  bornons  ici,  comme  nous 
l'avons  dit,  à  étudier  un  seul  type  de  ces  altérations,  les 
dédoublements  de  la  personnalité  ou  plutôt  la  formation 
de  personnalités  multiples  chez  un  même  individu. Ce  phé- 
nomène peut  se  présenter  chez  plusieurs  catégories  de 
malades;  nous  l'envisagerons  spécialement  dans  l'hystérie, 
où  il  a  été  surtout  étudié  dans  ces  derniers  temps. 

On  a  souvent  désigné  sous  le  nom  de  somnambules  les 
personnes  qui  présentent  ces  altérations  de  la  personnalité  ; 
nous  avons  conservé  ce  terme  de  somnambulisme;  il  a 
besoin  d'être  expliqué,  car  on  ne  lui  a  pas  toujours  donné 
un  sens  précis,  et  les  recherches  récentes,  en  multipliant 
le  nombre  et  la  variété  des  somnambulismes,  ont  singu- 
lièrement compliqué  la  question.  Il  en  est  de  cette  ques- 
tion comme  de  l'aphasie  qui,  à  l'époque  où  Broca  l'étudiait, 
pouvait  recevoir  une  définition  simple;  c'était  la  perte  de 
la  parole  articulée;  aujourd'hui  qu'on  a  découvert  et  ana- 
lysé tant  d'autres  formes  des  maladies  du  langage,  telles 
que  l'agraphie,  la  cécité  verbale,  la  surdité  verbale  et  bien 
d'autres  encore,  il  n'y  a  plus  une  aphasie,  il  y  a  des  apha- 
sies. De  même,  le  terme  de  somnambulisme  doit  élargir 
sa  signification;  il  n'y  a  pas  un  somnambulisme,  un  état 
nerveux  toujours  identique  à  lui-même,  il  y  a  des  som- 
nambulismes. 

Dans  le  sens  vulgaire  et  populaire  du  mot,  on  appelle 
somnambulisme  naturel  l'état  des  individus  qui  se  lèvent 
la  nuit  et  accomplissent  des  actes  automatiques  ou  intelli- 
gents ;  ils  s'habillent,  reprennent  leur  travail  de  la  journée, 
font  aller  un  métier,  ou  résolvent  un  problème  dont  ils  ont 
vainement  jusque-là  cherché  la  solution;  puis,  ils  se  recou- 
chent, se  rendorment,  et  le  lendemain  matin,  ils  ne  con- 
servent aucun  souvenir  de  s'être  levés  pendant  la  nuit;  et 
ils  sont  souvent  très  surpris  de  voir  terminé  un  travail 
qui  la  veille  au  soir  était  encore  inachevé.  D'autres  font 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  3 

des  promenades  sur  les  toits  et  une  foule  d'excentricités. 
Les  auteurs  ne  sont  pas  encore  complètement  d'accord 
sur  la  nature  de  ce  noctambulisme;  on  tend  cependant  à 
admettre  aujourd'hui  que  c'est  là  un  ensemble  hétéroclite 
de  phénomènes,  qui  ne  se  ressemblent  qu'en  apparence, 
et  qui  diffèrent  de  nature.  Parmi  les  somnambules  noc- 
turnes, il  faut  d'abord  faire  la  part  des  épileptiques,  dont 
un  certain  nombre  peuvent  présenter  ce  qu'on  appelle 
«  l'automatisme  ambulatoire  ».  On  admet  encore,  au  moins 
provisoirement,  que  des  personnes  saines  peuvent  figurer 
parmi  les  promeneurs  nocturnes,  et  que  par  conséquent  il 
existe  un  noctambulisme  physiologique.  Mais  la  majorité, 
l'immense  majorité  des  somnambules,  il  n'en  faut  pas 
douter,  est  fournie  par  l'hystérie;  ce  sont  des  hystériques 
en  état  de  crise,  avec  cette  particularité  que  leur  attaque 
a  une  échéance  nocturne  ^ 

On  peut  voir  dans  ces  phénomènes  un  exemple  de 
dédoublement  de  la  personnalité  ;  il  y  a  deux  personnes 
chez  les  noctambules;  la  personne  qui  se  lève  la  nuit  est 
bien  distincte  de  celle  qui  veille  pendant  le  jour,  puisque 
cette  dernière  ne  sait  rien  et  ne  conserve  aucun  souvenir 
de  ce  qui  s'est  passé  pendant  la  nuit;  mais  il  serait  peu 
utile  de  faire  une  analyse  attentive  de  cette  situation,  les 
éléments  d'étude  en  sont  trop  rares. 

Il  existe  une  autre  forme  de  somnambulisme  naturel 
qu'on  peut  mieux  étudier,  c'est  le  somnambuhsme  qui  se 
manifeste  pendant  le  jour,  ou  vigilambulisme  :  c'est  celui 
dont  nous  nous  occuperons  exclusivement.  On  doit  dis- 
tinguer, avons-nous  vu  plus  haut,  plusieurs  somnam- 
bulismes  naturels  ou  spontanés.  Les  distinctions  à  établir 
reposent  sur  les  conditions  particulières  où  ces  somnam- 
bulismes  se  produisent  et  aussi  sur  les  caractères  qu'ils 
présentent.  Nous  nous  attacherons,  dans  ce  chapitre,  à  une 
forme  de  somnambulisme  naturel  qui  offre  les  caractères 
suivants  :  il  s'agit  de  malades  hystériques  qui  présentent, 

i.  Consulter,  à  ce  sujet,  une  leçon  de  M.  Charcot  publiée  dans  la  Gazette 
hebd.  de  mëd.  et  de  chrr.,  22  mars  1890,  par  M.  Blocq. 


4  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

outre  leur  vie  normale  et  régulière,  une  autre  existence 
psychologique,  ou,  comme  on  dit,  une  condition  seconde, 
dont  ils  ne  gardent  point  de  souvenir  au  retour  de  l'état 
normal;  le  caractère  propre  de  cette  condition  seconde, 
c'est  qu'elle  constitue  une  existence  psychologique  com- 
plète; le  sujet  vit  de  la  vie  commune,  il  a  l'esprit  ouvert 
à  toutes  les  idées  et  à  toutes  les  perceptions,  et  il  ne  délire 
pas.  Une  personne  non  prévenue  ne  saurait  pas  reconnaître 
que  le  sujet  est  en  état  de  somnambulisme. 

Les  meilleurs  exemples  qu'on  puisse  citer  de  ce  som- 
nambulisme que  nous  venons  de  définir,  se  trouvent  dans 
les  observations  déjà  anciennes  d'Azam,  de  Dufay  et  de 
quelques  autres  médecins.  Ces  observations  sont  aujour- 
d'hui bien  connues,  banales;  elles  ont  été  publiées  et  ana- 
lysées dans  une  foule  de  recueils  médicaux  et  même  pure- 
ment littéraires;  mais  nous  espérons  que  les  recherches 
récentes  de  psychologie  expérimentale  sur  les  altérations 
de  conscience  ajouteront  quelque  chose  de  nouveau  à  ces 
faits  anciens;  nous  les  étudierons  à  un  point  de  vue  un 
peu  différent  de  celui  sous  lequel  on  les  a  envisagés 
jusqu'ici,  et  peut-être  arriverons-nous  à  mieux  les  com- 
prendre. Considérés  tout  d'acord  comme  des  phénomènes 
rares,  exceptionnels,  comme  de  véritables  curiosités  patho- 
logiques, faites  pour  étonner  plutôt  que  pour  instruire,  ces 
dédoublements  de  la  personnalité  nous  apparaissent  main- 
tenant comme  le  grossissement  d'un  désordre  mental 
qui  est  très  fréquent  dans  l'hystérie  et  dans  des  états  voi- 
sins. 

Une  des  observations  les  plus  célèbres  est  celle  de  la 
dame  américaine  de  Mac-Nish  ^  :  «  Une  jeune  dame  ins- 
truite, bien  élevée,  et  d'une  bonne  constitution,  fat  prise 
tout  à  coup  et  sans  avertissement  préalable  d'un  sommeil 
profond  qui  se  prolongea  plusieurs  heures  au  delà  du 
temps  ordinaire.  A  son  réveil,  elle  avait  oublié  tout  ce 
qu'elle  savait,  sa  mémoire  n'avait  conservé  aucune  notion 

1.  Mac-Nish,  P/u7oso;)/t,y  ofsleep,  1830.  L'observalion  appartient,  paraît-il, 
à  .Mitchcll  ot  Nott  et  a  paru  pour  la  première  fois  en  1816. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  S 

ni  des  mots  ni  des  clioses;  il  fallut  tout  lui  enseigner  de 
nouveau;  ainsi,  elle  dut  réapprendre  à  lire,  à  écrire  et  à 
compter;  peu  à  peu,  elle  se  familiarisa  avec  les  personnes 
et  avec  les  objets  de  son  entourage,  qui  étaient  pour  elle 
comme  si  elle  les  voyait  pour  la  première  fois;  ses  pro- 
grès furent  rapides. 

((  Après  un  temps  assez  long,  plusieurs  mois,  elle  fut, 
sans  cause  connue,  atteinte  d'un  sommeil  semblable  à 
celui  qui  avait  précédé  sa  vie  nouvelle.  A  son  réveil,  elle 
se  trouva  exactement  dans  le  même  état  où  elle  était  avant 
son  premier  sommeil,  mais  elle  n'avait  aucun  souvenir  de 
tout  ce  qui  s'était  passé  pendant  l'intervalle;  en  un  mot, 
pendant  Xétat  ancien,  elle  ignorait  \état  nouveau.  C'est 
ainsi  qu'elle  nommait  ses  deux  vies,  lesquelles  se  conti- 
nuaient isolément  et  alternativement  par  le  souvenir. 

«  Pendant  plus  de  quatre  ans,  cette  jeune  dame  a  présenté 
à  peu  près  périodiquement  ces  phénomènes.  Dans  un  état 
ou  dans  l'autre,  elle  n^a  pas  plus  de  souvenance  de  son 
double  caractère  que  deux  personnes  distinctes  n'en  ont 
de  leurs  natures  respectives;  par  exemple,  dans  les 
périodes  d'état  ancien,  elle  possède  toutes  les  connais- 
sances qu'elle  a  acquises  dans  son  enfance  et  sa  jeunesse; 
dans  son  état  nouveau,  elle  ne  sait  que  ce  qu'elle  a  appris 
depuis  son  premier  sommeil.  Si  une  personne  lui  est  pré- 
sentée dans  un  de  ces  états,  elle  est  obligée  de  l'étudier  et 
de  la  reconnaître  dans  les  deux,  pour  en  avoir  la  notion 
complète.  Et  il  en  est  de  même  de  toute  chose. 

«Dans  son  état  ancien, elle  a  une  très  belle  écriture,  celle 
qu'elle  a  toujours  eue,  tandis  que  dans  son  état  nouveau, 
son  écriture  est  mauvaise,  gauche,  comme  enfantine;  c'est 
qu'elle  n'a  eu  ni  le  temps  ni  les  moyens  de  la  perfec- 
tionner . 

«  Cette  succession  de  phénomènes  a  duré  quatre  années, 
et  Mme  X...  était  arrivée  à  se  tirer  très  bien  d'affaire,  sans 
trop  d'embarras,  dans  ses  rapports  avec  sa  famille.  » 

Il  est  inutile  de  s'attarder  dans  l'analyse  de  cette  obser- 
vation incomplète;  le  seul  avantage  qu'elle  présente  est 


6  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

de  nous  donner  une  idée  sommaire  des  ultérations  de  la 
personnalité  que  nous  cherchons  à  étudier.  On  voit  de 
prime  abord  que  ce  qui  caractérise  chacune  de  ces  person- 
nalités, ce  qui  les  distingue  les  unes  des  autres,  ce  qui  fait 
qu'elles  sont  plusieurs  et  non  une  seule,  c'est  un  état  par- 
ticulier de  la  mémoire.  Dans  l'état  1,  la  personne  ne  se 
souvient  pas  de  ce  qui  s'est  passé  dans  l'état  2;  et,  récipro- 
quement, quand  elle  se  retrouve  dans  l'état  2,  elle  oubhe 
l'état  1  ;  cependant,  la  mémoire  propre  à  chacun  de  ces- 
états  est  bien  organisée  et  en  relie  toutes  les  parties,  de 
sorte  que  la  personne,  au  moment  où  elle  est  dans  un  état, 
se  rappelle  l'ensemble  des  événements  qui  s'y  rattachent. 

Nous  nous  arrêterons  plus  longtemps  sur  l'observation 
de  Félida,  recueillie  par  M.  Azam  (de  Bordeaux).  L'obser- 
vation a  été  très  longue,  très  minutieuse;  elle  a  commencé 
en  1858,  elle  dure  encore;  elle  s'étend  donc  sur  un  espace 
de  plus  de  trente  ans.  Nous  allons  la  reproduire  presque 
in  extenso  \ 

Féhda  est  née  en  1843,  à  Bordeaux,  de  parents  bien 
portants.  Son  développement  s'est  fait  d'une  façon  régu- 
lière. Vers  l'âge  de  treize  ans,  peu  après  la  puberté,  elle 
a  présenté  des  symptômes  dénotant  une  hystérie  commen- 
çante, accidents  nerveux  variés,  douleurs  vagues,  hémor- 
ragies pulmonaires,  que  n'expliquait  pas  l'état  des  or- 
ganes de  la  respiration. 

Bonne  ouvrière  et  d'une  intelligence  développée,  elle 
travaillait  à  la  journée  à  des  ouvrages  de  couture. 

Yers  l'âge  de  quatorze  ans  et  demi,  sans  cause  connue, 
quelquefois  sous  l'empire  d'une  émotion,  Féhda  éprouvait 
une  douleur  aux  deux  tempes,  et  tombait  dans  un  accable- 
ment profond,  semblable  au  sommeil.  Cet  état  durait 
environ  dix  minutes.  Après  ce  temps,  et  spontanément, 
elle  ouvrait  les  yeux,  paraissant  s'éveiller,  et  entrait  dans 
le  deuxième  état,  qu'on  est  convenu  de  nommer  condition 
seconde;  il  durait  une  heure  ou  deux,  puis  l'accablement 

1.  Uijpno Usine,  double  conscience  el  allérations  de  la  Personnalité,  Paris. 
1887. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  7 

et  le  sommeil  reparaissaient  et  Félida  rentrait  dans  l'état 
ordinaire. 

Cette  sorte  d'accès  revenait  tous  les  cinq  ou  six  jours,  ou 
plus  rarement;  ses  parents,  et  les  personnes  de  son  entou- 
rage, considérant  le  changement  de  ses  allures  pendant 
cette  sorte  de  seconde  vie  et  son  oubli  au  réveil,  la 
croyaient  folle. 

Bientôt  les  accidents  de  l'hystérie  proprement  dite  s'ag- 
gravèrent. Félida  eut  des  convulsions  et  les  phénomènes 
de  prétendue  foKe  devinrent  plus  inquiétants. 

M.  Azam  fut  appelé  à  lui  donner  des  soins  en  juin  1858  ; 
voici  ce  qu'il  constata  en  octobre  de  la  même  année  : 

Félida  est  brune,  de  taille  moyenne,  assez  robuste  et 
d'un  embonpoint  ordinaire;  elle  est  sujette  à  de  fréquentes 
hémoptysies,  probablement  supplémentaires;  très  intelli- 
gente et  assez  instruite  pour  son  état  social,  elle  est  d'un 
caractère  triste,  même  morose;  elle  parle  peu,  sa  conver- 
sation est  sérieuse,  sa  volonté  est  très  arrêtée  et  son  ardeur 
au  travail  très  grande.  Ses  sentiments  affectifs  paraissent 
peu  développés.  Elle  pense  sans  cesse  à  son  état  maladif 
qui  lui  inspire  des  préoccupations  sérieuses,  et  souffre  de 
douleurs  vives  dans  plusieurs  points  du  corps,  particuliè- 
rement à  la  tête;  le  symptôme  nommé  clou  hystérique  est 
chez  elle  très  développé. 

On  est  particulièrement  frappé  de  son  air  sombre  et  du 
peu  de  désir  qu'elle  a  de  parler;  elle  répond  aux  ques- 
tions, mais  c'est  tout. 

Si  on  l'examine  avec  soin  au  point  de  vue  intellectuel, 
on  trouve  ses  actes,  ses  idées  et  sa  conversation  parfaite- 
ment raisonnables. 

Presque  chaque  jour,  sans  cause  connue,  ou  sous  l'empire 
d'une  émotion,  elle  est  prise  de  ce  qu'elle  appelle  sa  crise; 
en  fait,  elle  entre  dans  son  deuxième  état;  elle  est  assise, 
un  ouvrage  de  couture  à  la  main  ;  tout  d'un  coup,  sans 
que  rien  puisse  le  faire  prévoir,  et  après  une  douleur  aux 
tempes  plus  violente  que  d'habitude,  sa  tête  tombe  sur  sa 
poitrine,   ses  mains   demeurent   inactives  et   descendent 


8  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

inertes  le  long  du  corps;  elle  dort  ou  paraît  dormir,  mais 
d'un  sommeil  spécial,  car  aucun  bruit,  aucune  excitation, 
pincement  ou  piqûre,  ne  saurait  Téveilier;  de  plus,  cette 
sorte  de  sommeil  est  absolument  subit.  Il  dure  deux  à  trois 
minutes;  autrefois,  il  était  beaucoup  plus  long. 

Après  ce  temps,  Félida  s'éveille,  mais  elle  n'est  plus 
dans  l'état  intellectuel  où  elle  était  quand  elle  s'est 
endormie.  Tout  paraît  différent.  Elle  lève  la  tète,  et  ouvrant 
les  yeux,  salue  en  souriant  les  personnes  qui  l'entourent, 
comme  si  elles  venaient  d'arriver;  la  physionomie,  triste  et 
silencieuse  auparavant,  s'éclaire  et  respire  la  gaieté;  sa 
parole  est  brève,  et  elle  continue  en  fredonnant  l'ouvrage 
d'aiguille  que  dans  l'état  précédent  elle  avait  commencé; 
elle  se  lève,  sa  marche  est  agile  et  elle  se  plaint  à  peine 
des  mille  douleurs  qui  quelques  minutes  auparavant  la 
faisaient  souffrir;  elle  vaque  aux  soins  ordinaires  du 
ménage,  sort,  circule  dans  la  ville,  fait  des  visites,  entre- 
prend un  ouvrage  quelconque,  et  ses  allures  et  sa  gaieté 
sont  celles  d'une  jeune  fille  de  son  âge  bien  portante;  nul 
ne  saurait  trouver  quelque  chose  d'extraordinaire  à  sa 
façon  d'être.  Seulement  son  caractère  est  complètement 
changé;  de  triste,  elle  est  devenue  gaie  et  sa  vivacité 
touche  à  la  turbulence;  son  imagination  est  plus  exaltée; 
pour  le  moindre  motif  elle  s'émeut  en  tristesse  et  en  joie; 
d'indifférente  à  tout,  elle  est  devenue  sensible  à  l'excès. 

Dans  cet  état,  elle  se  souvient  parfaitement  de  tout  ce 
qui  s'est  passé  pendant  les  autres  états  semblables  qui  ont 
précédé  et  aussi  pendant  sa  vie  normale.  Il  est  bon  d'ajouter 
qu'elle  a  toujours  soutenu  que  l'état,  quel  qu'il  soit,  dans 
lequel  elle  est  au  moment  où  on  lui  parle,  est  l'état  normal 
qu'elle  nomme  sa  raison^  par  opposition  à  l'autre  qu'elle 
appelle  sa  crise. 

Dans  cette  vie  comme  dans  l'autre,  ses  facultés  intellec- 
tuelles et  morales,  bien  que  différentes,  sont  incontesta- 
blement entières  :  aucune  idée  délirante,  aucune  fausse 
appréciation,  aucune  hallucination.  Félida  est  autre,  voilà 
tout.  On  peut  même  dire  que  dans  ce  deuxième  état,  dans 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  9 

cette  condition  seconde,  comme  l'appelle  M.  Azam,  toutes 
ses  facultés  paraissent  plus  développées  et  plus  complètes. 

Cette  deuxième  vie,  oii  la  douleur  physique  ne  se  fait 
pas  sentir,  est  de  beaucoup  supérieure  à  l'autre;  elle  l'est 
surtout  par  ce  fait  considérable  que,  pendant  sa  durée, 
Félida  se  souvient  non  seulement  de  ce  qui  s'est  passé  pen- 
dant les  accès  précédents,  mais  aussi  de  toute  sa  vie  nor- 
male, tandis  que  pendant  sa  vie  normale,  elle  n'a  aucun 
souvenir  de  ce  qui  s'est  passé  pendant  ses  accès. 

Après  un  temps  variable,  tout  à  coup  la  gaieté  de  Félida 
disparaît,  sa  tête  se  fléchit  sur  sa  poitrine  et  elle  retombe 
dans  un  état  de  torpeur.  Trois  à  quatre  minutes  s'écoulent 
et  elle  ouvre  les  yeux  pour  rentrer  dans  son  existence  ordi- 
naire. On  s'en  aperçoit  à  peine,  car  elle  continue  son  tra- 
vail avec  ardeur,  presque  avec  acharnement;  le  plus  sou- 
vent c'est  un  travail  de  couture  entrepris  dans  la  période 
qui  précède;  elle  ne  le  connaît  pas,  et  il  lui  faut  un  effort 
d'esprit  pour  le  comprendre.  Néanmoins  elle  le  continue 
comme  elle  peut,  en  gémissant  sur  sa  malheureuse  situa- 
tion; sa  famille,  qui  a  l'habitude  de  cet  état,  l'aide  à  se 
mettre  au  courant. 

Quelques  minutes  auparavant  elle  chantonnait  quelque 
romance;  on  la  lui  redemande;  elle  ignore  absolument  ce 
qu'on  veut  dire.  On  lui  parle  d'une  visite  qu'elle  vient  de 
recevoir;  elle  n'a  vu  personne.  L'oubli  ne  porte  que  sur  ce 
qui  s'est  passé  pendant  la  condition  seconde,  aucune  idée 
générale  acquise  antérieurement  n'est  atteinte,  elle  sait 
parfaitement  lire,  écrire,  compter,  tailler,  coudre,  etc.,  et 
mille  autres  choses  qu'elle  savait  avant  d'être  malade  ou 
qu'elle  a  apprises  pendant  ses  périodes  précédentes  d'état 
normal. 

Yers  1858,  s'est  montré  un  troisième  état  qui  n'est  qu'un 
épiphénomène  de  l'accèg.  M.  Azam  a  vu  cet  état  seulement 
deux  ou  trois  fois,  et  pendant  seize  ans  son  mari  ne  l'a 
observé  qu'une  trentaine  de  fois  :  étant  dans  sa  condition 
seconde,  elle  s'endort  de  la  façon  déjà  décrite,  et  au  lieu 
de  s'éveiller  dans  l'état  normal  comme  d'habitude,  elle  se 


10  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

trouve  dans  un  état  spécial  que  caractérise  une  terreur 
indicible;  ses  premiers  mots  sont  :  «  j'ai  peur...,  j'ai  peur.  » 
Elle  ne  reconnaît  personne,  sauf  le  jeune  homme  qui  est 
devenu  son  mari.  Cet  état  quasi  délirant  dure  peu. 

La  séparation  des  deux  existences  est  très  nette,  comme 
le  fait  suivant  peut  le  démontrer.  Un  jeune  homme  de 
dix-huit  à  vingt  ans  connaissait  Félida  X...  depuis  son 
enfance,  et  venait  dans  la  maison;  ces  jeunes  gens  ayant 
l'un  pour  l'autre  une  grande  affection  s'étaient  promis  le 
mariage.  Pendant  sa  condition  seconde,  elle  s'abandonne  à 
lui  et  devient  grosse.  Dans  sa  période  de  vie  normale,  elle 
l'ignore. 

Un  jour,  Félida,  plus  triste  qu'à  l'ordinaire,  dit  à  son 
médecin,  les  larmes  dans  les  yeux,  que  «  sa  maladie  s'ag- 
grave, que  son  ventre  grossit  et  qu'elle  a  chaque  matin  des 
envies  de  vomir  »;  en  un  mot  elle  lui  fait  le  tableau  le 
plus  complet  d'une  grossesse  qui  commence;  elle  le  con- 
sulte sur  les  troubles  physiologiques  de  sa  grossesse  qu'elle 
prend  pour  des  maladies.  Dans  l'accès  qui  suit  de  près, 
Félida  dit  :  «  Je  me  souviens  parfaitement  de  ce  que 
je  viens  de  vous  dire,  vous  avez  dû  facilement  me  com- 
prendre, je  l'avoue  sans  détours,...  je  crois  être  grosse.  » 
Dans  cette  deuxième  vie,  sa  grossesse  ne  l'inquiétait  pas, 
et  elle  en  prenait  assez  gaiement  son  parti.  Devenue 
enceinte  pendant  sa  condition  seconde,  elle  l'ignorait  donc 
pendant  son  état  normal  et  ne  le  savait  que  pendant  ses 
autres  états  semblables.  Mais  cette  ignorance  ne  pouvait 
durer;  une  voisine  devant  laquelle  elle  s'était  expliquée 
fort  clairement  et  qui,  plus  sceptique  qu'il  ne  convient, 
croyait  que  Félida  jouait  la  comédie,  après  l'accès  lui 
rappela  brutalement  sa  confidence.  Cette  découverte  fit  à 
la  jeune  fille  une  si  forte  impression  qu'elle  eut  des  con- 
vulsions hystériques  très  violentes. 
.  A  l'âge  de  dix-sept  ans  et  demi,  Félida  a  fait  ses  pre- 
mières couches,  et  pendant  les  deux  années  qui  ont  suivi, 
sa  santé  a  été  excellente;  aucun  phénomène  particulier  n'a 
été  observé. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  11 

Vers  dix-neuf  ans  et  demi,  les  accidents  reparaissent 
avec  une  moyenne  intensité.  Un  an  après,  deuxième  gros- 
sesse très  pénible,  crachements  de  sang  considérables  et 
accidents  nerveux  variés,  se  rattachant  à  l'hystérie,  tels 
que  accès  de  léthargie  qui  durent  trois  et  quatre  heures. 

A  ce  moment  et  jusqu'à  l'âge  de  vingt-quatre  ans,  les 
accès  se  sont  montrés  plus  nombreux,  et  leur  durée,  qui  a 
d'abord  égalé  celle  des  périodes  d'état  normal,  commence 
à  les  dépasser.  Les  hémorragies  pulmonaires  sont  deve- 
nues plus  fréquentes  et  plus  considérables.  Félida  a  été 
atteinte  de  paralysies  partielles,  d'accès  de  léthargie, 
d'extase,  etc. 

De  vingt-quatre  à  vingt-sept  ans,  la  malade  a  eu  trois 
années  complètes  d'état  normal,  puis  la  maladie  a  reparu. 
Dans  l'espace  de  seize  années,  Félida  a  eu  onze  grossesses 
à  terme  ou  fausses  couches. 

La  condition  seconde,  la  période  d'accès  qui  en  1858  et 
1859  n'occupait  qu'un  dixième  environ  de  l'existence,  a 
augmenté  peu  à  peu  de  durée;  elle  est  devenue  égale 
à  la  vie  normale,  puis  l'a  dépassée  pour  arriver  graduelle- 
ment à  l'état  actuel  oii  elle  remplit  l'existence  presque 
entière. 

En  1875,  M.  Azam,  après  avoir  longtemps  perdu  de  vue 
Félida,  la  retrouve  mère  de  famille  et  dirigeant  un  magasin 
d'épicerie;  elle  a  trente-deux  ans;  elle  n'a  que  deux  enfants 
vivants.  Elle  est  amaigrie,  sans  avoir  l'aspect  maladif.  Elle 
a  toujours  des  absences  de  mémoire  qu'elle  nomme  impro- 
prement des  crises. 

Seulement  ces  prétendues  crises,  qui  ne  sont,  après  tout, 
que  les  périodes  d'état  normal,  sont  devenues  beaucoup 
plus  rares.  L'absence  des  souvenirs  qui  les  caractérise  lui 
a  fait  commettre  de  telles  bévues  dans  ses  rapports  avec 
des  voisines  que  Félida  en  a  conservé  le  plus  pénible  sou- 
venir, et  craint  d'être  considérée  comme  folle.  Elle  est 
très  malheureuse  quand  elle  pense  à  sa  condition  normale, 
aussi  parfois  elle  a  des  idées  de  suicide.  Elle  reconnaît 
que,  dans  ces  moments,  son  caractère  se  modifie  beau- 


12  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

coup  :  elle  devient,  dit-elle,  méchante  et  provoque  dans 
son  intérieur  des  scènes  violentes. 

Elle  raconte  certains  épisodes  qui  montrent  bien  la 
raison  de  son  tourment.  Un  jour  qu'elle  revenait  en  fiacre 
des  obsèques  d'une  dame  de  sa  connaissance,  elle  sent 
venir  la  période  qu'elle  nomme  son  accès  (état  normal), 
elle  s'assoupit  pendant  quelques  secondes,  sans  que  les 
dames  qui  étaient  avec  elle  dans  le  fiacre  s'en  aperçoivent, 
et  s'éveille  dans  l'autre  état,  ignorant  absolument  pourquoi 
elle  était  dans  une  voiture  de  deuil,  avec  des  personnes 
qui,  selon  l'usage,  vantaient  les  qualités  d'une  défunte 
dont  elle  ne  savait  pas  le  nom.  Habituée  à  ces  situations, 
elle  attendit;  par  des  questions  adroites,  elle  se  fit  mettre 
au  courant,  et  personne  ne  put  se  douter  de  ce  qui  s'était 
passé. 

Elle  perd  sa  belle-sœur  à  la  suite  d'une  longue  maladie. 
Or,  pendant  les  quelques  heures  de  son  état  normal,  elle  a 
eu  le  chagrin  d'ignorer  absolument  toutes  les  circonstances 
de  cette  mort;  à  ses  habits  de  deuil  seulement,  elle  a 
reconnu  que  sa  belle-sœur,  qu'elle  savait  malade,  avait 
succombé. 

Ses  enfants  ont  fait  leur  première  communion  pendant 
qu'elle  était  en  condition  seconde;  elle  a  aussi  le  chagrin 
de  l'ignorer  pendant  la  période  d'état  normal. 

11  est  survenu  une  certaine  différence  dans  la  situation 
delà  malade.  Autrefois FéHda  perdait  entièrement  connais- 
sance pendant  les  courtes  périodes  de  transition  ;  cette 
perte  était  même  si  complète  qu'un  jour,  en  1859,  elle 
tomba  dans  la  rue  et  fut  ramassée  par  des  passants.  Après 
s'être  réveillée  dans  son  autre  état,  elle  les  remercia  en 
riant,  et  ceux-ci  ne  purent  naturellement  rien  comprendre 
à  cette  singulière  gaieté.  Cette  période  de  transition  a  peu 
à  peu  diminué  de  longueur,  et  bien  que  la  perte  de  con- 
naissance soit  aussi  complète,  elle  est  tellement  courte, 
que  Eélida  peut  la  dissimuler  en  quelque  lieu  qu'elle  se 
trouve.  Certains  signes  à  elle  connus,  tels  qu'une  pression 
aux  tempes,  lui  indiquent  la  venue  de  ces  périodes.  Dès 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  13 

qu'elle  les  sent  venir,  elle  porte  la  main  à  la  tête,  se  plaint 
d'un  éblouissement,  et  après  une  durée  de  temps  insaisis- 
sable, elle  passe  dans  l'autre  état.  Elle  peut  ainsi  dissi- 
muler ce  qu'elle  nomme  une  infirmité.  Or  cette  dissimula- 
tion est  si  complète,  que  dans  son  entourage  son  mari 
seul  est  au  courant  de  son  état  du  moment. 

Les  variations  de  caractère  sont  très  accusées.  Dans  la 
période  d'accès  ou  de  condition  seconde  elle  est  plus  fîère, 
plus  insouciante,  plus  préoccupée  de  sa  toilette;  déplus 
elle  est  moins  laborieuse,  mais  beaucoup  plus  sensible;  il 
semble  que  dans  cet  état  elle  porte  à  ceux  qui  l'entourent 
une  plus  vive  affection. 

Dans  son  état  normal,  elle~est  d'une  tristesse  qui  touche 
au  désespoir.  Sa  situation  est  en  effet  fort  triste,  car  tout 
est  oublié,  affaires,  circonstances  importantes,  connais- 
sances faites,  renseignements  donnés.  C'est  une  vaste 
lacune  impossible  à  combler.  Le  souvenir  n'existe  que 
pour  les  faits  qui  se  sont  passés  dans  les  conditions  sem- 
blables. Onze  fois  Félida  a  été  mère.  Toujours  cet  acte 
physiologique  de  premier  ordre,  complet  ou  non,  s'est 
accompli  pendant  l'état  normal.  Si  on  lui  demande  à 
brùle-pourpointladatedecejour,  elle  cherche  et  se  trompe 
de  près  d'un  mois. 

On  lui  avait  donné  un  petit  chien,  qui  s'habitua  à  elle 
et  la  caressait  chaque  jour.  Après  quelque  temps,  survient 
une  période  de  vie  normale;  à  son  réveil  dans  cette  vie,  ce 
chien  la  caresse,  elle  le  repousse  avec  horreur,  elle  ne  le 
connaît  pas,  elle  ne  l'a  jamais  vu  :  c'est  un  chien  errant 
entré  par  hasard  chez  elle. 

Les  sentiments  affectifs  ne  sont  plus  de  la  même  nature 
dans  les  deux  conditions.  Félida  est  indifférente  et  mani- 
feste peu  d'affection  pour  ceux  qui  l'entourent;  elle  se 
révolte  devant  l'autorité  naturelle  qu'a  son  mari  sur  elle. 
«  Il  dit  sans  cesse  :  Je  veux ^  dit-elle;  cela  ne  me  convient 
pas,  il  faut  que  dans  mon  autre  état  je  lui  aie  laissé  prendre 
cette  habitude.  Ce  qui  me  désole,  ajoute-t-elle,  c'est  qu'il 
m'est  impossible  d'avoir  rien  de  caché  pour  lui,  quoiqu'en 


14  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

fait  je  n'aie  rien  à  dissimuler  de  ma  vie.  Si  je  le  voulais,  je 
ne  le  pourrais  pas.  Il  est  bien  certain  que  dans  mon  autre 
vie  je  lui  dis  tout  ce  que  je  pense.  »  De  plus  son  caractère 
est  plus  hautain,  plus  entier. 

Ce  qui  la  touche  particulièrement,  c'est  l'incapacité  rela- 
tive qu'amènent  les  absences  de  mémoire,  surtout  en  ce 
qui  touche  son  commerce.  «  Je  fais  erreur  sur  la  valeur 
des  denrées  dont  j'ignore  le  prix  de  revient,  et  suis  con- 
trainte à  mille  subterfuges,  de  peur  de  passer  pour  une 
idiote!  » 

Il  est  plusieurs  fois  arrivé  que,  s'endormant  le  soir  dans 
son  état  normal,  elle  s'est  éveillée  le  matin  dans  l'accès, 
sans  que  ni  elle  ni  son  mari  en  aient  eu  connaissance;  la 
transition  a  donc  eu  lieu  pendant  le  sommeil. 

Félida  dort  comme  tout  le  monde  et  au  moment  ordi- 
naire, seulement  son  sommeil  est  toujours  tourmenté  par 
des  rêves  ou  des  cauchemars;  de  plus  il  est  influencé  par 
des  douleurs  physiques;  ainsi  elle  rêve  souvent  d'abattoirs 
et  d'égorgements.  Souvent  aussi  elle  se  voit  chargée  de 
chaînes  ou  liée  avec  des  cordes  qui  brisent  ses  membres. 
Ce  sont  ses  douleurs  musculaires  ordinaires  qui  se  trans- 
forment ainsi. 

On  sait  quel  rôle  jouent  les  habitudes  dans  l'existence. 
Félida  conserve-t-elle,  pendant  ces  courtes  périodes  d'état 
normal,  alors  qu'elle  paraît  avoir  tout  oublié,  des  habi- 
tudes acquises  pendant  la  condition  seconde?  M.  Azam  a 
remarqué  que  pendant  les  courtes  périodes  d'état  normal, 
Félida  a  oublié  les  heures  des  repas;  or,  prendre  sa  nour- 
riture chaque  jour  à  la  môme  heure,  paraît  être  une  habi- 
tude. 

En  1877,  Félida  a  trente-quatre  ans.  Elle  vit  en  famille 
avec  son  mari  et  les  deux  enfants  qui  lui  restent.  A  la 
suite  de  circonstances  diverses,  elle  a  repris  son  ancien 
métier  de  couturière  et  dirige  un  petit  atelier.  Sa  santé 
générale  est  déplorable,  car  elle  souffre  de  névralgies, 
d'hémorragies,  de  contractures,  de  paralysies  locales,  etc.; 
elle  est  cependant  fort  courageuse,  surtout  dans  la  condi- 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  15 

tion  seconde,  où  ses  douleurs  ont,  du  reste,  une  moindre 
intensité. 

La  période  de  transition  qui  fait  entrer  Félida  en  con- 
dition seconde  est  de  plus  en  plus  courte.  Bien  qne  Félida 
soit  devenue  plus  habile  à  la  dissimuler,  la  perte  de  con- 
naissance est  complète.  Dans  ces  derniers  temps,  dit 
M.  Azam,  sur  ma  demande,  son  mari  a  constaté,  comme 
je  l'avais  fait  antérieurement,  qu'elle  y  était  toujours  abso- 
lument étrangère  à  toute  action  extérieure. 

La  veille  et  le  sommeil  sont  normaux,  et  les  accidents 
décrits  surviennent  indifféremment  dans  les  deux  états. 

Comme  la  condition  seconde  constitue  maintenant  la  vie 
presque  entière  de  Félida,  on  y  peut  observer  à  loisir 
divers  phénomènes  hystériques  d'une  grande  rareté.  Ce 
sont  des  congestions  spontanées  et  partielles.  A  un  moment 
donné,  sans  cause  appréciable,  et  tous  les  trois  à  quatre 
jours,  Félida  ressent  une  sensation  de  chaleur  en  un  point 
quelconque  du  corps;  cette  partie  gonfle  et  rougit.  Cela  se 
passe  souvent  à  la  face,  alors  le  phénomène  est  frappant, 
mais  le  tégument  externe  est  trop  solide  pour  se  prêter  à 
l'exsudation  sanguine  :  une  fois  seulement,  un  suintement 
de  cette  nature  a  eu  lieu  pendant  la  nuit  au  travers  de  la 
peau  de  la  région  occipitale,  reproduisant  les  stigmates 
saignants. 

En  1878,  Féhda  est,  au  premier  abord,  semblable  à  tout 
le  monde;  cette  ressemblance  est  si  grande  que,  devenue 
très  habile  à  dissimuler  son  amnésie  et  les  troubles  qui 
l'accompagnent,  elle  cache  très  bien  une  infirmité  dont 
elle  a  honte.  Couturière  et  mère  de  famille,  elle  remplit  à 
la  satisfaction  de  tous  ses  obligations  et  ses  devoirs.  D'une 
bonne  constitution,  elle  n'est  qu'amaigrie  par  des  douleurs 
nerveuses,  par  de  fréquentes  hémorragies  pulmonaires 
ou  autres. 

Dans  sa  condition  seconde,  elle  est  à  peu  près  comme 
tout  le  monde.  Enjouée  et  d'un  heureux  naturel,  elle 
souffre  peu  ;  son  intelhgence  et  toutes  ses  fonctions  céré- 
brales, y  compris  la  mémoire,  sont  parfaitement  complètes. 


46  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

Un  jour,  le  plus  souvent  quand  elle  a  eu  quelque  cha- 
grin, elle  éprouve  à  la  tête  une  sorte  de  serrement,  une 
sensation  à  elle  connue,  qui  lui  annonce  son  prochain 
changement  d'état.  Alors  elle  écrit\  si  on  lui  demande 
l'explication  de  cet  acte,  elle  répond  :  «  Gomment  ferais-je, 
si  je  n'écrivais  pas  ce  que  j'aurai  à  faire?  Je  suis  couturière; 
j'ai  sans  cesse  à  travailler  d'après  des  mesures  déterminées; 
j'aurais  l'air  d'une  imbécile  auprès  de  mon  entourage,  si  je 
ne  savais  pas  les  dimensions  exactes  des  manches  et  des 
corsages  que  j'ai  à  tailler.  «  Bientôt,  Félida  est  prise  d'une 
perte  de  connaissance  complète,  mais  tellement  courte 
(une  fraction  de  seconde)  qu'elle  peut  la  dissimuler  à  tous. 
A  peine  ferme-t-elle  les  yeux,  puis  elle  revient  à  elle  et 
continue  sans  mot  dire  l'ouvrage  commencé. 

Alors  elle  consulte  son  écrit  pour  ne  pas  commettre  des 
erreurs  qu'elle  redoute;  mais  elle  est  en  quelque  sorte  une 
autre  personne,  car  elle  ignore  absolument  tout  ce  qu'elle 
dit,  tout  ce  qu'elle  fait,  tout  ce  qui  s'est  passé  pendant  la 
période  précédente,  celle-ci  eùt-elle  duré  deux  ou  trois  ans. 
Cette  autre  vie,  c'est  l'état  normal,  c'est  la  personnaHté,  le 
naturel  qui  caractérisaient  Félida  à  l'âge  de  quatorze  ans, 
avant  toute  maladie. 

Cette  période,  qui  n'occupe  aujourd'hui  qu'un  trentième 
ou  un  quarantième  de  l'existence,  ne  diffère  de  ces  périodes 
précédentes  que  par  le  caractère.  Alors  Félida  est  morose, 
désolée;  elle  se  sent  atteinte  d'une  infirmité  intellectuelle 
déplorable,  et  elle  en  éprouve  un  chagrin  qui  va  jusqu'au 
désespoir  et  jusqu'au  désir  du  suicide.  Après  quelques 
heures,  aujourd'hui,  survient  une  période  de  transition  et 
notre  jeune  femme  rentre  dans  la  période  seconde  qui 
constitue  presque  toute  son  existence. 

Un  fait  spécial,  un  drame  intime,  donne  la  mesure  de 
la  profondeur  de  la  séparation  que  creuse  l'absence  de 
souvenir  entre  les  deux  existences  de  Féhda,  c'est  comme 
un  abîme  : 

Au  mois  d'avril  1878,  étant  en  condition  seconde,  Féhda 
croit  avoir  la  certitude  que  son  mari  a  une  maîtresse;  elle 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  17 

se  répand  en  menaces  contre  elle;  prise  d'un  affreux  déses- 
poir, elle  se  pend.  Mais  ses  mesures  sont  mal  prises,  ses 
pieds  renversent  une  table,  les  voisins  accourent  et  on  la 
rappelle  à  la  vie.  Cette  épouvantable  secousse  n'a  rien 
changé  à  son  état.  Elle  s'est  pendue  en  condition  seconde, 
en  condition  seconde  elle  se  retrouve.  «  Gomme  je  serais 
heureuse,  disait-elle  deux  jours  après,  si  j'avais  ma  crise 
(c'est  ainsi  qu'elle  désigne  ses  courtes  périodes  de  vie  nor- 
male); alors  au  moins  j'ignore  mon  malheur.  »  Elle 
l'ignore,  en  effet,  si  bien  que  pendant  les  périodes  sui- 
vantes d'état  normal,  rencontrant  cette  femme,  elle  la 
comble  de  prévenances  et  de  marques  d'amitié. 

En  1882,  Félida  vit  à  peu  près  toujours  en  condition 
seconde;  la  vie  normale,  avec  sa  perte  de  souvenir  si 
caractéristique,  n'apparaît  plus  qu'à  des  intervalles  de 
quinze  jours  à  trois  semaines  et  ne  dure  que  quelques 
heures;  les  périodes  de  transition,  qui  ne  duraient  que 
quelques  minutes,  se  sont  réduites  à  quelques  secondes  ou 
à  une  durée  si  inappréciable  que  Félida,  qui  veut  que  son 
entourage  ignore  sa  maladie,  peut  les  dissimuler  complè- 
tement. Après  quinze  jours,  un  mois,  deux  mois,  apparais- 
sent de  courtes  périodes  de  vie  normale  précédées  et  sui- 
vies de  transitions  inappréciables.  Leur  apparition  est 
quelquefois  spontanée,  mais  elle  est  le  plus  souvent  pro- 
voquée par  une  contrariété  quelconque;  les  apparitions 
spontanées  ont  surtout  lieu  la  nuit. 

Dans  les  premières  années  de  la  maladie,  la  vie  ordinaire 
de  Félida  était  tourmentée  par  des  manifestations  doulou- 
reuses des  plus  pénibles,  et  son  caractère  était  triste, 
même  sombre  et  taciturne.  Cette  tristesse,  à  un  moment, 
a  été  telle  que  la  malade  a  tenté  de  se  suicider,  tandis 
que,  par  opposition,  les  périodes  de  condition  seconde 
étaient  caractérisées  par  l'absence  des  douleurs  et  par  une 
grande  gaieté.  En  un  mot,  Félida  avait,  en  même  temps 
que  deux  existences,  deux  caractères  absolument  diffé- 
rents. Petit  à  petit,  soit  sous  l'influence  des  années  et  des 
épreuves  de  la  vie,  soit  par  toute  autre  cause,  les  condi- 

A.   BiNET.  2 


18  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

tions  secondes,  qui  sont  devenues  la  vie  à  peu  près  entière, 
n'ont  plus  présenté  ni  gaieté  ni  liberté  d'esprit,  mais  la 
gravité  et  le  sérieux  de  toute  personne  raisonnable.  On 
peut  dire  que  les  deux  caractères  se  sont  égalisés  et  comme 
fondus  l'un  dans  l'autre. 

Enfin,  en  1887,  Fëlida  a  quarante- quatre  ans;  son  état 
est  le  même  qu'en  1882,  les  périodes  de  vie  normale 
deviennent  de  plus  en  plus  rares. 

On  peut  en  résumé  retenir  de  l'observation  précédente 
les  faits  suivants  :  L'altération  de  la  personnalité  présentée 
parFélida  est  sous  la  dépendance  de  la  névrose  hystérique  ; 
cela  est  incontestable;  Félida  a  présenté  un  si  grand 
nombre  de  phénomènes  hystériques,  tels  que  le  clou,  les 
hémoptysies,  les  altérations  de  la  sensibihté,  les  convul- 
sions, les  attaques  de  léthargie,  qu'on  ne  saurait  conserver 
de  doute  à  cet  égard.  De  temps  en  temps,  la  malade 
change  de  condition  mentale,  on  peut  même  dire  de  per- 
sonnalité; la  transition  ne  se  fait  pas  insensiblement,  mais 
toujours  avec  une  perte  de  connaissance.  Au  début,  il  se 
produisait  un  sommeil  profond  pendant  lequel  la  malade 
ne  sentait  aucune  excitation  ;  ce  sommeil  s'est  abrégé  avec 
le  temps,  mais  il  reste  toujours  une  perte  de  connaissance, 
qui  creuse  l'abîme  entre  les  deux  existences.  11  est  à  noter 
qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  convulsions  au  moment  du  pas- 
sage, bien  que  Félida  ait  eu  à  d'autres  occasions  des  atta- 
ques d'hystérie  convulsive. 

En  se  réveillant  dans  sa  condition  nouvelle,  la  malade 
est  devenue  une  autre  personne.  Son  caractère  est  changé; 
il  était  triste,  morose,  pendant  sa  condition  normale;  il 
devient  plus  tendre,  plus  gai,  plus  affectueux;  en  revanche, 
la  malade  est  moins  active,  moins  travailleuse.  Son  intelli- 
gence est  plus  développée,  et  sa  sensibilité  paraît  plus 
délicate  (malheureusement,  ce  point  important  n'a  pas  été 
examiné  avec  un  soin  suffisant).  A  la  modification  du 
caractère  s'ajoute  une  modification  de  la  mémoire;  pen- 
dant la  condition  seconde,  Félida  conserve  le  souvenir  de 
tous  ses  états,  et  de  tous  les  faits  appartenant  aux  deux 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  19 

existences;  cest  à  ce  moment  que  sa  mémoire  présente 
Je  maximum  d'étendue.  Puis,  à  un  certain  moment,  il  sur- 
vient brusquement  une  nouvelle  perte  de  connaissance 
semblable  à  la  première;  la  malade  repasse  dans  la  pre- 
mière condition;  elle  retrouve  son  caractère  triste  et  son 
activité,  et,  en  même  temps,  elle  présente  une  perte  de 
mémoire  bien  curieuse  :  elle  ne  peut  se  rappeler  les  faits 
appartenant  à  sa  condition  seconde,  et  nous  avons  vu  les 
nombreuses  conséquences,  si  pénibles  pour  elle,  de  cette 
amnésie  périodique. 

La  distinction  des  deux  conditions  mentales  repose  donc 
sur  deux  éléments  principaux,  un  changement  de  caractère 
et  une  modification  de  la  mémoire;  c'est  ce  qui  fait  que 
Félida  est  réellement  deux  personnes  morales,  et  qu'elle  a 
réellement  deux  moi;  son  second  moi  n'est  point  un  moi 
factice,  inventé  dans  une  intention  purement  littéraire, 
pour  faire  image;  il  est  parfaitement  bien  organisé,  capable 
de  lutter  contre  le  premier  moi,  capable  même  de  le  rem- 
placer, puisque  nous  voyons  aujourd'hui  cette  malade 
continuer  son  existence  avec  ce  second  moi  qui,  d'abord 
accidentel  et  anormal,  constitue  maintenant  le  centre  régu- 
lier de  sa  vie  psychique. 

Il  nous  reste,  en  terminant,  à  indiquer  avec  précision  le 
problème  psychologique  posé  par  l'histoire  de  Féhda;  voilà 
deux  vies  mentales  qui  se  déroulent  alternativement,  sans 
se  confondre  ;  chacune  de  ces  existences  consiste  dans  une 
série  d'événements  psychologiques  liés  les  uns  aux  autres; 
si  Félida  se  trouve  dans  l'état  prime,  elle  peut  se  rap- 
peler les  événements  de  cet  état;  au  contraire  il  lui  est 
impossible,  sans  l'aide  d'autrui,  de  retrouver  le  souvenir 
des  événements  appartenant  à  l'état  second.  Pourquoi? 
Cette  amnésie  ne  s'explique  point  psychologiquement  par 
les  lois  si  bien  étudiées  de  l'association  des  idées.  D'après 
ces  lois,  tous  les  souvenirs  peuvent  se  réveiller  par  l'action 
de  la  ressemblance  et  de  la  contiguïté;  nous  voyons  ici  ces 
deux  forces  d'association  en  défaut;  les  souvenirs  de  la 
condition  seconde  ne  reparaissent  pas  pendant  la  condition 


20  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

normale,  alors  même  qu'ils  pourraient  être  évoqués  par 
les  associations  d'idées  les  plus  efficaces;  nous  n'en  vou- 
lons pour  preuve  que  ce  petit  chien,  que  Félida  comble  de 
caresses  pendant  la  seconde  vie  et  ne  reconnaît  pas  pen- 
dant la  première.  On  n'a  pas  suffisamment  remarqué, 
croyons-nous,  combien  cette  amnésie  caractéristique  est 
contraire  aux  idées  reçues  sur  l'association  des  idées.  11  est 
de  fait  qu'entre  les  deux  synthèses  mentales  constituant 
les  deux  existences  de  Félida,  l'association  d'idées  ne  joue 
plus. 

Nous  aurons  souvent  l'occasion  de  répéter  cette  remarque. 

M.  Dufay,  de  Blois,  a  publié  une  observation  sur  une 
malade  analogue  à  la  précédente  \  Nous  citerons  les  pas- 
sages les  plus  intéressants  de  cette  observation. 

«  C'est  vers  1845  que  je  commençai  à  être  témoin  des 
accès  de  somnambulisme  de  Mlle  R.  L.,  et  j'eus  pendant 
une  douzaine  d'années  l'occasion  à  peu  près  quotidienne 
d'étudier  ce  phénomène  si  bizarre.  Mlle  R.  L.  pouvait  avoir 
alors  vingt-huit  ans  environ.  Grande,  maigre,  cheveux 
châtains,  d'une  bonne  santé  habituelle,  d'une  susceptibilité 
nerveuse  excessive,  Mlle  R.  L.  était  somnambule  depuis 
son  enfance.  Ses  premières  années  se  passèrent  à  la  cam- 
pagne, chez  ses  parents;  plus  tard  elle  entra  successive- 
ment en  qualité  de  lectrice  ou  demoiselle  de  compagnie 
dans  plusieurs  familles  riches,  avec  lesquelles  elle  voyagea 
beaucoup;  puis  enfin  elle  choisit  un  état  sédentaire  et  se 
livra  au  travail  d'aiguille. 

<(.  Une  nuit,  pendant  qu'elle  était  encore  chez  ses  parents, 
elle  rêve  qu'un  de  ses  frères  vient  de  tomber  dans  un 
étang  du  voisinage;  elle  s'élance  de  son  lit,  sort  de  la 
maison  et  se  jette  à  la  nage  pour  secourir  son  frère.  C'était 
au  mois  de  février  ;  le  froid  la  saisit;  elle  s'éveille  saisie  de 
terreur,  est  prise  d'un  tremblement  qui  paralyse  tous  ses 
efforts;  elle  allait  périr  si  l'on  n'était  arrivé  à  son  secours. 
Pendant  quinze  jours  la  fièvre  la  retint  au  lit.  A  la  suite  de 

1.  Revue  scienlifu/uc,  15  juillet  i87G. 


LES  SOMNAMBULISMBS  SPONTANÉS  21 

cet  événement,  les  accès  de  somnambulisme  cessèrent 
pendant  plusieurs  années.  Elle  rêvait  à  haute  voix,  riait  ou 
pleurait,  mais  ne  quittait  plus  son  lit.  Puis,  peu  à  peu,  les 
pérégrinations  nocturnes  recommencèrent,  d'abord,  rares, 
ensuite  plus  fréquentes,  et  enfin  quotidiennes. 

«  Je  remplirais  un  volume  du  récit  des  faits  et  gestes 
accomplis  par  Mlle  R.  L.  pendant  ce  sommeil  actif.  Je  me 
bornerai  à  ce  qui  est  indispensable  pour  faire  connaître 
son  état. 

«  Je  copie  sur  mes  notes  : 

«  Sa  mère  est  l'objet  fréquent  de  ses  rêves.  Elle  veut 
partir  pour  son  pays,  fait  ses  paquets  en  grande  hâte,  «  car 
la  voiture  l'attend  »  ;  elle  court  faire  ses  adieux  aux  per- 
sonnes de  la  maison,  non  sans  verser  d'abondantes  larmes; 
s'étonne  de  les  trouver  au  lit,  descend  rapidement  l'esca- 
lier et  ne  s'arrête  qu'à  la  porte  de  la  rue,  dont  on  a  eu 
soin  de  cacher  la  clé,  et  près  de  laquelle  elle  s'affaisse, 
désolée,  résistant  longtemps  à  la  personne  qui  l'engage  à 
remonter  se  coucher,  et  se  plaignant  amèrement  «  de  la 
tyrannie  dont  elle  est  victime  ».  Elle  finit,  mais  pas  tou- 
jours, par  rentrer  dans  son  lit,  le  plus  souvent  sans  s'être 
complètement  déshabillée,  et  c'est  ce  qui  lui  indique,  au 
réveil,  qu'elle  n'a  pas  dormi  tranquille,  car  elle  ne  se  rap- 
pelle rien  de  ce  qui  s'est  passé  pendant  l'accès. 

«  Yoilà  le  somnambulisme  tel  qu'on  l'observe  assez  fré- 
quemment. C'est  un  rêve  en  action  commencé  pendant  le 
sommeil  normal,  et  se  terminant  par  un  réveil,  soit  spon- 
tané, soit  provoqué. 

«  Mais  ce  n'est  pas  ce  qui  arrivait  le  plus  ordinairement 
pour  Mlle  R.  L. 

«  Je  copie  encore  :  «  Il  est  huit  heures  du  soir;  plusieurs 
ouvrières  travaillent  autour  d'une  table  sur  laquelle  est 
posée  une  lampe;  Mlle  R.  L.  dirige  les  travaux,  et  y  prend 
elle-même  une  part  active,  non  sans  causer  avec  gaieté. 
Tout  à  coup,  un  bruit  se  fait  entendre;  c'est  son  front  qui 
vient  de  tomber  brusquement  sur  le  bord  de  la  table,  le 
buste  s'étant  ployé  en  avant.  Voilà  le  début  de  l'accès. 


22  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

«  Elle  se  redresse  après  quelques  secondes,  arrache  avec 
dépit  ses  lunettes  et  continue  le  travail  qu'elle  avait  com- 
mencé, n'ayant  plus  besoin  des  verres  concaves  qu'une 
myopie  considérable  lui  rend  nécessaires  dans  l'état  nor- 
mal, et  se  plaçant  même  de  manière  à  ce  que  son  ouvrage 
soit  moins  exposé  à  la  lumière  de  la  lampe.  A-t-elle  besoin 
d'enfiler  son  aiguille,  elle  plonge  ses  deux  mains  sous  la 
table,  cherchant  l'ombre,  et  réussit  en  moins  d'une  seconde 
à  introduire  la  soie  dans  le  chas,  ce  qu'elle  ne  fait  qu'avec 
difficulté  lorsqu'elle  est  à  l'état  normal,  aidée  de  ses 
lunettes  et  d'une  vive  lumière. 

«  Elle  cause  en  travaillant,  et  une  personne  qui  n'a  pas 
été  témoin  du  commencement  de  l'accès  pourrait  ne  s'aper- 
cevoir de  rien,  si  Mlle  R.  L.  ne  changeait  de  façon  de  parler 
dès  qu'elle  est  en  somnambulisme. 

«  Alors,  elle  parle  nègre,  remplaçant  j^^  par  moi^  comme 
les  enfants;  ainsi  elle  dit  :  quand  moi  est  bête.  Gela  signifie  : 
quand  je  ne  suis  pas  en  somnambulisme. 

«  Son  intelligence,  déjà  plus  qu'ordinaire,  acquiert  pen- 
dant l'accès  un  développement  remarquable;  sa  mémoire 
devient  extraordinaire,  et  Mlle  R.  L.  peut  raconter  les 
moindres  événements  dont  elle  a  eu  connaissance  à  une 
époque  quelconque,  que  les  faits  aient  eu  lieu  pendant 
l'état  normal  ou  pendant  un  accès  de  somnambulisme. 

«  Mais,  de  ces  souvenirs,  tous  ceux  relatifs  aux  périodes 
de  somnambulisme  se  voilent  complètement  dès  que 
l'accès  a  cessé,  et  il  m'est  souvent  arrivé  d'exciter  chez 
Mlle  R.  L,  un  étonnement  allant  jusqu'à  la  stupéfaction,  en 
lui  rappelant  des  faits  entièrement  oubliés  de  la  fille  bôte^ 
suivant  son  expression,  que  la  somnambule  m'avait  fait 
connaître. 

«  La  difi'érence  de  ces  deux  manières  d'être  est  on  ne 
peut  plus  tranchée. 

«  Mlle  R.  L.  a  été  débarrassée  de  sa  personnalité  anor- 
male à  l'époque  de  la  ménopause.  » 

On  voit  que  Mlle  R.  L.  a  deux  personnalités;  elle  a  même 
conscience  de  ce  dualisme,  car  elle  parle  de  Vautre  à  la 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  23 

troisième  personne,  et  elle  ignore  dans  son  état  premier  ce 
que  cet  autre  a  fait  dans  l'état  second.  Le  reste  de  l'obser- 
vation n'a  d'autre  intérêt  que  d'être  une  répétition  et  par 
conséquent  une  confirmation  de  celle  de  Félida. 


II 


Il  a  été  souvent  question,  dans  ces  dernières  années,  de 
Louis  V...,  hystérique  mâle  qui  a  présenté  de  curieuses 
successions  de  personnalité.  Nous  extrayons  les  renseigne- 
ments suivants  de  l'ouvrage  de  MM.  Bourru  et  Burot  *. 

«  L'histoire  de  Louis  V...,disent-ils,est déjà  connue  dans 
la  science.  M.  Gamuset  ^  l'a  racontée  le  premier,  et  après 
lui,  M.  Ribot,  M.  Legrand  du  SauUe,  M.  P.  Richer,  en 
ont  parlé;  M.  J.  Voisin  ^  a  fait  deux  importantes  communi- 
cations sur  ce  malade. 

«  Né  à  Paris,  rue  Jean-Bar t,  n°  6,  le  12  février  1863,  de 
mère  hystérique  et  de  père  inconnu,  il  a  passé  une  partie 
de  son  enfance  à  Luysan,près  de  Chartres;  sa  mère  le  mal- 
traitait et  il  était  devenu  vagabond.  Il  paraît  avoir  eu  dès 
son  bas  âge  des  crises  d'hystérie  accusées  par  des  crache- 
ments de  sang  et  des  paralysies  passagères.  Le  23  octobre 
1871,  il  est  condamné  pour  vol  domestique  à  la  détention 
dans  une  maison  de  correction  jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  ans. 
Il  est  envoyé  à  la  colonie  des  Douaires,  puis  dirigé  sur  la 
colonie  agricole  de  Saint-Urbain  (Haute-Marne),  où  il  reste 
du  27  septembre  1873  au  23  mars  1880.  Occupé  plusieurs 
années  à  des  travaux  agricoles,  il  reçoit  en  même  temps 
l'instruction  primaire  dont  il  profite  très  bien,  car  il  est 
docile  et  inteUigent.  Un  jour,  pendant  qu'il  est  occupé 
dans  une  vigne  à  ramasser  des  sarments,  une  vipère  s'en- 
roule autour  de  son  bras  gauche,  sans  le  mordre.  Il  en  eut 

1.  Changements  de  j:)ersonnalité,  p.  19. 

2.  Camuset,  Annales  mécUco-'psychologiques,  janvier  1882. 

3.  J.  Voisin,  Archives  de  neurologie,  septembre  1885,  p.  212. 


24  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

une  frayeur  extrême  et  le  soir,  rentré  à  la  colonie,  il  perdit 
connaissance  et  eut  des  crises.  Les  attaques  se  renouve- 
lèrent; il  survint  enfin  une  paralysie  des  membres  infé- 
rieurs, l'intelligence  restant  intacte. 

«  En  mars  1880,  il  fut  transféré  à  l'asile  de  Bonneval 
(Eure-et-Loir).  Là,  on  constate  que  le  malade  a  la  physio- 
nomie ouverte  et  sympathique,  que  son  caractère  est  doux, 
qu'il  se  montre  reconnaissant  des  soins  qu'on  a  pour  lui. 
Il  raconte  l'histoire  de  sa  vie  avec  les  détails  les  plus  cir- 
constanciés, même  ses  vols  qu'il  déplore,  dont  il  est  hon- 
teux; il  s'en  prend  à  son  abandon,  à  ses  camarades  qui 
l'entraînaient  au  mal.  Il  regrette  fort  ce  passé  et  affirme 
qu'à  l'avenir  il  sera  plus  honnête.  Il  sait  lire,  écrire  à  peu 
près.  On  se  décide  à  lui  apprendre  un  état  compatible  avec 
sa  paraplégie,  son  infirmité.  On  le  porte  tous  les  matins  à 
l'atelier  des  tailleurs;  on  l'installe  sur  une  table  où  il  prend 
naturellement  la  posture  classique,  grâce  à  la  position  de 
ses  membres  inférieurs  paralysés  et  contractures.  Au  bout 
de  deux  mois,  Y...  sait  coudre  assez  bien;  il  travaille  avec 
zèle,  on  est  satisfait  de  ses  progrès.  Un  jour,  il  est  pris 
d'une  crise  qui  dure  cinquante  heures,  à  la  suite  de  laquelle 
il  n'est  plus  paralysé.  Au  réveil,  Y...  veut  se  lever.  Il 
demande  ses  habits,  et  il  réussit  à  se  vêtir,  tout  en  étant 
fort  maladroit;  puis  il  fait  quelques  pas  dans  la  salle;  la 
paralysie  des  jambes  a  disparu. 

«  Une  fois  habillé,  il  demande  à  aller  avec  ses  camarades 
aux  travaux  de  culture.  On  s'aperçoit  vite  qu'il  se  croit 
encore  à  Saint-Urbain,  et  qu'il  veut  reprendre  ses  occupa- 
tions habituelles.  En  effet,  il  n'a  aucun  souvenir  de  sa  crise 
et  il  ne  reconnaît  personne,  pas  plus  le  médecin  et  les  infir- 
miers que  ses  camarades  du  dortoir.  Il  n'admet  pas  avoir 
été  paralysé  et  dit  qu'on  se  moque  de  lui.  On  pense  à  un 
état  vésanique  passager  très  supposable  après  une  forte 
attaque  hystérique,  mais  le  temps  s'écoule  et  la  mémoire 
ne  revient  pas.  V...  se  rappelle  bien  qu'il  a  été  envoyé  à 
Saint-Urbain,  il  sait  que  Vautre  jow%  il  a  eu  peur  d'un  ser- 
pent, mais  à  partir  de  ce  moment  il  y  a  une  lacune.  Il  ne 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  23 

se  rappelle  plus  rien.  Il  n'a  pas  même  le  sentiment  du 
temps  écoulé. 

«  Naturellement  on  pense  à  une  simulation,  à  un  tour 
d'hystérique,  et  on  emploie  tous  les  moyens  pour  le  mettre 
en  contradiction  avec  lui-même,  mais  sans  jamais  y  par- 
venir. Ainsi  on  le  fait  conduire  sans  le  prévenir  à  l'atelier 
des  tailleurs.  On  marche  à  côté  de  lui,  en  ayant  soin  de  ne 
pas  l'influencer.  Quant  à  la  direction  à  suivre,  V...  ne  sait 
pas  où  il  va.  Arrivé  à  l'ateher,  il  a  tout  l'air  d'ignorer  l'en- 
droit où  il  se  trouve  et  il  affirme  qu'il  y  vient  pour  la  pre- 
mière fois.  On  lui  montre  les  vêtements  dont  il  a  fait  les 
grosses  coutures  alors  qu'il  était  paralysé;  il  rit,  a  l'air  de 
douter,  mais  enfin  il  se  résigne  à  croire. 

«  Après  un  mois  d'expériences,  d'observations,  d'épreuves 
de  toutes  sortes,  on  reste  convaincu  que  V...  ne  se  sou- 
vient de  rien.  Le  caractère  s'est  aussi  modifié.  Ce  n'est 
plus  le  même  sujet,  il  est  devenu  querelleur,  gourmand  et 
il  répond  impoliment.  Il  n'aimait  pas  le  vin  et  donnait  le 
plus  souvent  sa  ration  à  ses  camarades,  maintenant  il  vole 
la  leur.  Quand  on  lui  dit  qu'il  a  volé  autrefois,  mais  qu'il 
ne  devrait  pas  recommencer,  il  devient  arrogant  :  «  S'il  a 
volé,  il  l'a  payé  puisqu'on  l'a  mis  en  prison.  »  On  l'occupe 
au  jardin.  Un  jour,  il  s'évade  emportant  des  effets  et 
soixante  francs  à  un  infirmier.  Il  est  rattrapé  à  cinq  lieues 
de  Bonneval  au  moment  où,  après  avoir  vendu  ses  vête- 
ments pour  en  acheter  d'autres,  il  s'apprête  à  prendre  le 
chemin  de  fer  pour  Paris.  Il  ne  se  laisse  pas  arrêter  faci- 
lement; il  frappe  et  mord  les  gardiens  envoyés  à  sa 
recherche.  Ramené  à  l'asile,  il  devient  furieux,  il  crie,  se 
roule  à  terre.  Il  faut  le  mettre  en  cellule. 

«  Pendant  le  reste  de  son  séjour  à  Bonneval,  il  continue 
à  présenter  quelques  manifestations  névrosiques,  attaques 
convulsives,  anesthésies  et  contractures  passagères.  Il  sort 
de  cet  asile  le  24  juin  1881  ;  il  paraît  guéri. 

«  Il  passe  quelque  temps  à  Chartres  chez  sa  mère,  puis 
on  l'envoie  aux  environs  de  Mâcon,  chez  un  grand  proprié- 
taire agricole.  Il  tombe  malade,  reste  un  mois  à  l'Hôtel- 


26  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

Dieu  de  Màcon  et  est  transféré  à  l'asile  Saint-Georges,  près 
de  Bourg  (Ain),  le  9  septembre  1881. 

«  Pendant  ses  dix-huit  mois  de  séjour  dans  cet  asile,  il 
a  présenté  des  crises  qui  n'avaient  aucune  régularité,  sou- 
vent très  fortes,  parfois  légères,  d'autres  fois  survenant 
par  séries;  tantôt  il  était  exalté  comme  un  paralytique 
général,  tantôt  presque  stupide  et  imbécile.  Dans  certains 
cas,  il  n'a  reculé  devant  aucune  responsabilité,  obéissant 
à  ses  instincts  et  à  ses  impulsions  les  plus  dangereuses, 
sachant  habilement  les  couvrir  de  sa  qualité  de  fou  dont 
il  se  parait  et  de  son  irresponsabilité  matérielle  qui  résul- 
tait de  son  internement  dans  un  asile  d'aliénés.  V...  est 
sorti  de  Saint-Georges,  le  28  avril  1883,  amélioré  et  muni 
d'un  pécule  pour  rentrer  dans  son  pays. 

«  Il  arrive  à  Paris,  on  ne  sait  comment;  il  est  admis 
successivement  dans  plusieurs  services,  en  dernier  lieu  à 
Sainte-Anne  et  enfin  à  Bicêtre  où  il  entre  le  31  août  1883 
dans  le  service  de  M.  J.  Voisin  qui  le  reconnaît  comme 
étant  le  sujet  de  M.  Camuset,  sans  savoir  ce  qu'il  était 
devenu  entre  Bonneval  et  Bicêtre. 

«  Du  mois  d'août  1883  au  mois  de  janvier  1884,  ses  atta- 
ques sont  rares  et  observées  seulement  par  les  surveillants. 
Le  17  janvier  1884,  nouvelle  attaque  très  violente  qui  se 
répète  les  jours  suivants  avec  accès  de  thoracalgie  et  alter- 
natives de  paralysies  et  de  contractures  du  côté  gauche  et 
du  côté  droit.  Le  17  avril,  à  la  suite  d'une  crise  légère,  la 
contracture  du  côté  droit  a  disparu.  Il  s'est  endormi,  le 
corps  phé,  les  mains  derrière  la  tête  et  a  tranquillement 
sommeillé.  Le  matin,  il  se  réveille  et  demande  ses  habits 
à  l'infirmier.  Il  veut  aller  travailler.  Il  s'étonne  que  ses 
vêtements  ne  soient  pas  au  pied  de  son  lit;  il  s'imagine 
qu'on  vient  de  les  lui  cacher  par  plaisanterie.  Il  se  croit  au 
26  janvier  (jour  d'apparition  de  sa  contracture).  On  l'amène 
auprès  du  chef  de  son  service.  Il  reste  ébahi  quand  on  lui 
fait  remarquer  que  les  feuilles  sont  aux  arbres,  que  le 
calendrier  marque  17  avril,  que  le  personnel  du  service 
est  modifié.  L'élocution  est  normale.  Il    ne  se  souvient 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  27 

pas  d'avoir  été  contracture  du  côté  droit.  Il  est  faible  sur 
ses  jambes  et  se  dandine  en  voulant  se  tenir  debout.  La 
pression  dynamométrique  de  la  main  droite  est  plus  faible 
que  celle  de  la  main  gauche.  L'hémianesthésie  sensitivo- 
sensorielle  persiste. 

«  Les  mois  suivants,  il  est  calme  et  se  promène  dans  la 
section.  Le  10  juin,  le  malade  a  une  série  de  crises  et  à 
leur  suite  la  contracture  du  côté  droit  est  revenue.  Il  est 
resté  plusieurs  jours  au  lit,  dans  l'état  où  il  était,  du  mois 
de  janvier  au  mois  d'avril.  Il  se  croyait  au  17  avril.  Il  par- 
lait impersonnellement  comme  alors.  Le  lendemain  la  con- 
tracture avait  disparu  et  le  sujet  était  revenu  à  son  état 
primitif. 

«  Pendant  les  six  derniers  mois  de  l'année  1884, V...  n'a 
présenté  aucun  phénomène  nouveau.  Son  caractère  est 
modifié.  Il  était  doux  pendant  la  période  de  contracture  ; 
en  dehors  de  ces  périodes  il  est  indiscipliné,  taquin,  voleur. 
Il  travaille  irrégulièrement.  Les  attaques  sont  toujours 
assez  fréquentes.  La  contracture  ne  reparaît  pas  une  seule 
fois,  mais  l'hémianesthésie  conserve  son  caractère  de 
stigmate  indélébile.  V...  garde  quelques  idées  délirantes. 
Le  2  janvier  1885,  après  une  scène  de  somnambulisme 
provoqué,  suivie  d'une  attaque,  il  s'évade  de  Bicêtre  en 
volant  des  efiets  d'habillement  et  de  l'argent  à  un  infir- 
mier, comme  lors  de  son  évasion  de  Bonneval. 

«  Il  reste  plusieurs  semaines  à  Paris,  en  compagnie  d'un 
ancien  compagnon  d'asile  dont  il  avait  fait  la  rencontre. 
Le  29  janvier  1885,  il  se  fait  engager  dans  l'infanterie  de 
marine  et  arrive  à  Rochefort  le  31  janvier.  Pendant  son 
séjour  à  la  caserne  il  commet  des  vols.  Envoyé  devant  le 
conseil  de  guerre,  une  ordonnance  de  non-lieu  est  pro- 
noncée le  23  mars  1885,  et  le  27  mars,  il  entre  en  obser- 
vation. Dès  son  entrée,  il  est  pris  d'une  série  d'attaques 
d'hystéro-épilepsie.  Le  30  mars,  il  présente  une  contrac- 
ture de  tout  le  côté  droit,  qui  se  dissipe  au  bout  de  deux 
jours,  mais  il  reste  paralysé  et  insensible  de  toute  la  moitié 
droite  du  corps.  » 


28  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

L'observation  de  Louis  Y...  est  certainement  la  plus 
complexe  et  la  plus  riclie  en  détails  que  nous  possédions, 
bien  qu'elle  contienne  quelques  parties  obscures.  Un  pre- 
mier fait  s'en  dégage,  c'est  qu'à  certains  moments, 
Louis  V...  perd  brusquement  le  souvenir  de  périodes 
importantes  de  son  existence  antérieure  et  entre  dans  un 
nouvel  état  psychologique  où  il  change  totalement  de 
caractère,  et  oîi  la  distribution  de  la  sensibilité  et  du  mou- 
vement se  fait  dans  son  corps  d'une  façon  tout  à  fait  dif- 
férente. L'état  nouveau  se  distingue  donc  du  précédent  par 
trois  signes  principaux:  1°  l'état  de  la  mémoire;  2°  l'état  du 
caractère;  3°  l'état  de  la  sensibilité  et  du  mouvement.  Ce 
dernier  point  est  un  de  ceux  qui  constituent  l'originalité 
de  l'observation  de  ce  malade;  chez  les  autres  hystériques 
dont  on  a  rapporté  l'histoire  jusqu'ici,  on  n'a  point  étudié 
les  changements  de  sensibilité  qui  se  rapportent  aux 
changements  d'état  psychologique.  M.  i\.zam  y  fait  à  peine 
allusion,  en  ce  qui  concerne  Félida;  il  passe  rapidement, 
tandis  qu'on  aurait  désiré  une  étude  méthodique.  Le  cas 
de  Louis  Y...  remplit  donc  une  lacune  importante  dans 
nos  connaissances;  probablement,  il  ne  présente  rien 
d'exceptionnel  à  cet  égard,  et  tous  les  malades  qui  ont  des 
états  seconds  doivent  présenter  comme  lui  des  modifications 
sensitivo-sensorielles  qui  sont  le  signal  du  passage  dans 
un  nouvel  état.  Cela  est  nécessaire,  logique  :  du  moment 
que  le  caractère  se  modifie,  et  que  la  mémoire  change 
d'amplitude,  il  est  naturel  que  la  faculté  de  percevoir  des 
sensations  soit  également  atteinte;  c'est  le  contraire  qui 
nous  étonnerait. 

Les  auteurs  ont  profité  de  ces  variations  de  la  sensibilité 
pour  faire  une  série  de  recherches  expérimentales  sur  leur 
sujet;  ils  sont  parvenus  à  provoquer  en  quelque  sorte  à 
volonté  telle  ou  telle  des  personnalités  de  leur  malade,  ce 
qu'on  n'avait  pas  encore  obtenu  jusque-là  dans  la  môme 
mesure,  et  avec  autant  de  méthode.  C'est  là  en  somme  le 
grand  intérêt  de  cette  observation,  et  ce  qu'elle  nous  a 
appris  de  plus  nouveau.  Nous  y  reviendrons  dans  la  partie 


LES  SOMNAMBULISMES  SPOxNTANES  29 

de  ce  livre  qui  est  consacrée  aux  phénomènes  expérimen- 
taux. 

Il  reste  à  définir  et  à  classer  l'état  pathologique  de  V.... 
On  a  comparé  ce  cas  à  celui  de  Félida;  cette  comparaison 
est  justifiée  par  bien  des  faits,  et  les  analogies  sont  frap- 
pantes; il  y  a  des  changements  d'état  psychologique, 
marqués  par  le  caractère  et  la  mémoire;  sans  doute,  ces 
états  sont  plus  nombreux  chez  Y.,.,  on  en  a  même  compté 
jusqu'à  six,  qui  ont  chacun  leur  mémoire  propre,  comme 
l'expérimentation  sur  le  malade  a  permis  de  le  montrer; 
mais  cette  question  de  chiffre  n'a  point  une  importance 
générale,  et  du  reste  il  a  existé  chez  Félida  au  moins  trois 
états  distincts. 

M.  Proust  a  publié  récemment  *  un  cas  curieux  d'automa- 
tisme ambulatoire  chez  un  hystérique.  Voici  son  observation  : 

«  Emile  X...,  trente-trois  ans  ;  fils  d'un  père  original  et 
buveur;  mère  nerveuse,  un  frère  cadet  rentrant  dans  la 
catégorie  des  arriérés.  Lui,  au  contraire,  est  d'une  intelli- 
gence assez  vive.  Il  a  fait  de  bonnes  études  classiques  et 
remporté  même  des  succès  dans  les  concours  académiques. 
Après  avoir  étudié  la  médecine  pendant  quelques  mois,  il 
est"  passé  à  l'étude  du  droit,  s'est  fait  recevoir  licencié,  et, 
depuis  quelques  années,  il  est  inscrit  au  tableau  de  l'ordre 
des  avocats  à  Paris. 

«  Emile  X...  a  présenté  les  signes  les  plus  manifestes 
de  la  grande  hystérie  (attaques,  troubles  de  sensibilité,  de 
motilité,  etc.,  etc.).  Il  est  presque  instantanément  hypno- 
tisable.  Il  suffit  qu'il  fixe  un  point  dans  l'espace,  qu'il 
entende  un  bruit  un  peu  fort,  qu'il  éprouve  une  impres- 
sion vive  et  subite  pour  que,  aussitôt,  il  tombe  dans  le  som- 
meil hypnotique.  Il  était,  un  jour,  au  café,  place  de  la  Bourse. 
11  se  regarde  à  la  glace.  Immédiatement  il  s'endort.  Eton- 
nées et  effrayées  les  personnes  avec  lesquelles  il  se  trouvait 
le  conduisirent  à  l'hôpital  de  la  Charité  où  on  le  réveilla. 

«  Une  autre  fois,  au  Palais,  pendant  qu'il  plaide,  le  pré- 

\.  Tribune  médicale,  27  mars  1890. 


30  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

sident  le  regarde  fixement.  Il  s'arrête  court,  s'endort,  et 
ne  peut  reprendre  sa  plaidoirie  que  lorsqu'un  de  ses  con- 
frères, qui  connaît  son  infirmité,  l'a  éveillé. 

«  Mais  ce  n'est  pas  tout. 

((  A  certains  moments,  Emile  X...  perd  complètement  la 
mémoire.  Alors,  tous  ses  souvenirs,  les  plus  récents  comme 
les  plus  anciens,  sont  abolis.  11  a  complètement  oublié  son 
existence  passée.  Il  s'est  oublié  lui-même.  Cependant, 
comme  il  n'a  pas  perdu  la  conscience,  et  que,  pendant 
toute  la  durée  de  cette  sorte  d'état  de  condition  seconde, 
—  qui  peut  se  prolonger  pendant  quelques  jours,  —  il 
aura,  comme  dit  Leibniz,  «  l'aperception  de  ses  percep- 
tions »,  une  nouvelle  vie,  une  nouvelle  mémoire,  un  nou- 
veau moi  commencent  pour  lui.  Alors  il  marche,  monte  en 
chemin  de  fer,  fait  des  visites,  achète,  joue,  etc. 

((  Quand,  subitement,  par  une  façon  de  réveil,  il  revient  à 
sa  condition  première,  il  ignore  ce  qu'il  a  fait  pendant  les 
jours  qui  viennent  de  s'écouler,  c'est-à-dire  pendant  tout 
le  temps  de  sa  condition  seconde. 

«  Ainsi,  le  23  septembre  1888,  il  a  une  altercation  avec 
son  beau-père  (le  second  mari  de  sa  mère).  Il  est  vivement 
impressionné  par  cette  altercation  dont  il  a  gardé  le  sou- 
venir très  présent.  Mais  il  ignore  ce  qu'il  a  fait  depuis  cette 
date  du  23  septembre  jusqu'au  miheu  d'octobre  suivant.  A 
cette  dernière  époque,  c'est-à-dire  trois  semaines  après  sa 
dispute  avec  son  parent,  on  le  retrouve  à  Yillars-Saint- 
Marcelin  (Haute-Marne).  Gomment  a-t-il  vécu?  où  est-il 
allé?  11  l'ignore.  Ce  qu'il  en  sait,  il  l'a  appris  depuis  par  des 
rapports  venus  de  divers  côtés.  On  lui  a  dit  qu'il  s'était 
rendu  chez  le  curé  de  Yillars-Saint-Marcelin,  «  qui  l'avait 
trouvé  bizarre  »,  qu'il  était  allé  faire  visite  à  un  de  ses  oncles, 
évoque  in  partibiis  dans  la  Haute-Marne,  et  que  là,  il  aurait 
brisé  difiérents  objets,  déchiré  des  livres  et  même  des 
manuscrits  de  son  oncle.  11  a  su,  depuis,  qu'il  avait  con- 
tracté cinq  cents  francs  de  dettes  pendant  ses  pérégrinations, 
qu'il  avait  été  traduit  devant  le  tribunal  de  Yassy  pour 
acte  de  filouterie  et  condamné  par  défaut. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  31 

«  Autre  épisode  : 

«  Le  11  mai  1889,  il  déjeune  dans  un  restaurant  du 
quartier  latin.  Deux  jours  après,  il  se  retrouve  sur  une 
place  de  Troyes.  Qu'a-t-il  fait  pendant  ces  deux  jours?  Il 
n'en  sait  pas  le  premier  mot.  Tout  ce  qu'il  se  rappelle, 
c'est  qu'en  revenant  à  lui,  il  s'aperçut  qu'il  avait  perdu 
son  pardessus  et  son  porte-monnaie  contenant  deux  cent 
vingt-six  francs. 

«Dans  l'observation  d'Emile  X...  comme  dans  les  obser- 
vations similaires,  on  relève,  notamment,  les  deux  points 
suivants  : 

«  1°  Une  rupture  dans  la  continuité  des  phénomènes  de 
conscience,  et  ce,  bien  que  l'individu,  pendant  cette  rup- 
ture, aille,  vienne,  agisse  conformément  aux  habitudes  de 
la  vie  courante. 

«  2°  S'il  y  a  discontinuité  entre  les  phénomènes  de  cons- 
cience de  la  période  de  condition  seconde  et  ceux  de  la  vie 
normale,  il  y  a,  au  contraire,  continuité  entre  les  phéno- 
mènes de  conscience  des  périodes  de  condition  seconde. 

«  Ainsi,  Emile  X...,  dans  son  état  normal,  ignore  ce  qu'il 
a  fait  pendant  les  périodes  d'automatisme  ambulatoire, 
mais  il  suffit,  en  le  plongeant  dans  le  sommeil  hypno- 
tique, de  le  replacer  en  condition  seconde  pour  qu'aussitôt 
il  se  rappelle  les  moindres  détails  de  ses  pérégrinations. 
Éveillé,  il  ne  sait  ce  qu'il  a  fait  du  23  septembre  au  15  octo- 
bre; endormi  il  révèle  les  incidents  de  son  voyage.  S'il  a 
dépensé  cinq  cents  francs  c'est  qu'il  a  joué.  11  dit  les  sommes 
perdues,  et  à  quel  jeu.  11  donne  le  nom  de  son  partenaire. 
Il  raconte  tout  ce  qu'il  a  fait  et  dit  chez  le  curé  son  ami,  et 
chez  l'évêque  son  oncle. 

«  Même  chose  pour  sa  fugue  à  Troyes.  Pendant  le  sommeil 
provoqué  il  dit  :  «  Le  17  mai,  au  sortir  du  restaurant,  j'ai 
pris  une  voiture,  je  me  suis  fait  conduire  à  la  gare  de  l'Est. 
Je  me  suis  embarqué  par  le  train  de  1  h.  25  et  suis  arrivé  à 
Troyes  à  5  h.  27;  je  suis  descendu  à  l'hôtel  du  Commerce, 
chambre  n°  5.  J'ai  déposé  mon  pardessus,  qui  renfermait 
mon  porte-monnaie,  sur  le  dossier  d'un  fauteuil.  Je  suis 


32  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

ensuite  allé  au  café  place  Notre-Dame,  puis  je  suis  rentré 
dîner  à  6  h.  et  demie.  Je  suis  allé  faire  visite  à  un  négociant 
de  ma  connaissance,  M.  C...,  et  j'ai  passé  chez  lui  la  soirée 
jusqu'à  9  heures.  Puis  je  suis  revenu  me  coucher.  Je  me 
suis  levé  le  lendemain  à  8  heures,  j'ai  déjeuné  chez  M.  G.... 
Je  l'ai  quitté  après  déjeuner,  j'ai  pris  la  rue  de  Paris  et  me 
suis  senti  malade.  Je  me  suis  alors  adressé  à  un  sergent  de 
ville  qui  m'a  conduit  chez  le  commissaire  de  police,  et  de  là 
à  l'hôpital  de  Troyes,  où  on  m'a  réveillé.  » 

«  A  titre  de  renseignement  complémentaire,  j'ajouterai 
le  détail  suivant  : 

«  Après  avoir  appris  du  malade  endormi  l'endroit  où  il 
avait  laissé  son  pardessus,  nous  l'avons  engagé,  après  son 
réveil,  à  écrire  à  l'hôtel  du  Commerce.  Le  surlendemain,  à 
son  grand  étonnement,  il  recevait  son  pardessus  et  son 
porte-monnaie  avec  les  226  francs  qu'il  renfermait.  Ces 
objets,  je  l'ai  dit,  étaient  égarés  depuis  plus  de  six  mois, 
et  notre  malade  manquait  d'argent. 

«Emile  X... avait  été  condamné, par  le  tribunal  de  Vassy, 
pour  filouterie  commise  pendant  sa  période  d'automatisme 
ambulatoire.  Le  jugement  a  été  annulé  quand  on  a  su  dans 
quelles  conditions  le  délit  avait  été  commis. 

«  Plus  récemment  Emile  X...  a,  de  nouveau,  été  inculpé 
d'escroquerie.  11  aurait  emprunté  une  somme,  d'ailleurs 
minime,  à  un  employé  du  palais  de  justice,  en  se  targuant 
d'une  qualité  fausse. 

«  Sur  un  rapport  de  MM.  Motet  et  Ballet,  une  ordon- 
nance de  non-lieu  a  été  rendue  en  sa  faveur.  » 

L'observation  de  M.  Proust  se  rapproche  beaucoup  de 
celle  de  Félida  :  changement  de  caractère  pendant  les 
états  seconds,  et  perte  de  mémoire  à  la  suite;  mais  tout 
cela  aurait  besoin  d'être  étudié  avec  soin,  et  un  grand 
nombre  de  détails  font  défaut.  Notons  en  passant  un  point 
intéressant,  et  qui  ne  se  rencontre  pas  dans  les  observa- 
tions précédentes;  mis  en  somnambulisme  hypnotique, 
Emile  X...  retrouve  les  souvenirs  de  l'état  second. 

Il  faut  ajouter  à  la  série  d'observations  qu'on  vient  de 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  33 

lire  celle  qui  a  été  publiée  par  Weir-Mitchell;  elle  constitue 
elle  aussi  une  répétition  intéressante  du  cas  de  Félida.  Il 
s'agit  d'une  jeune  fille  âgée  de  vingt  ans,  de  caractère 
triste,  mélancolique,  timide;  celte  personne  est  envahie  par 
un  sommeil  qui  dure  plus  de  vingt  heures;  au  réveil,  on 
s'aperçoit  qu'elle  a  oublié  totalement  son  existence  anté- 
rieure, ses  parents,  son  pays,  la  maison  où  elle  demeure; 
on  peut  la  comparer,  dit  l'auteur,  à  une  enfant  qui  serait 
à  l'état  de  maturité.  On  est  obligé  de  recommencer  son 
éducation;  on  luij apprend  à  écrire,  et  on  remarque  à  ce 
propos  qu'elle  écrit  de  droite  à  gauche,  comme  dans  les 
langues  sémitiques. 

Elle  n'avait  à  sa  disposition  que  cinq  ou  six  mots,  vrais 
réflexes  d'articulation  qui  étaient  pour  elle  dénués  de  sens. 
Le  travail  de  rééducation,  conduit  méthodiquement,  dura 
de  sept  à  huit  semaines.  Son  caractère  avait  subi  un  chan- 
gement aussi  profond  que  sa  mémoire;  timide  à  l'excès 
dans  son  premier  état,  elle  était  devenue  gaie,  expansive, 
bruyante,  hardie  jusqu'à  la  témérité;  elle  courait  les  bois, 
les  montagnes,  attirée  par  les  périls  de  la  contrée  sauvage 
qu'elle  habitait.  Puis  une  nouvelle  attaque  de  sommeil  se 
produit;  la  malade  revient  à  son  premier  état;  elle  en 
retrouve  tous  les  souvenirs,  elle  en  reprend  le  caractère 
mélancohque,  qui  paraît  s'être  aggravé;  nul  souvenir 
conscient  ne  subsiste  du  second  état.  Une  nouvelle  attaque 
fit  revenir  ce  second  état,  avec  les  phénomènes  de  cons- 
cience qui  l'accompagnaient  la  première  fois.  La  malade 
passa  successivement  un  grand  nombre  de  fois  d'un  de  ces 
états  à  l'autre;  ces  changements  se  répétèrent  pendant  une 
période  de  seize  ans.  Au  bout  de  cette  période,  les  varia- 
tions cessèrent;  la  malade  avait  alors  trente-six  ans;  elle 
vécut  dans  un  état  mixte,  mais  plus  voisin  du  second  que 
du  premier;  le  caractère  n'était  ni  triste,  ni  bruyant,  mais 
raisonnable.  Elle  mourut  à  soixante-cinq  ans  \ 

Il  faut  terminer  ici  la  liste  des  observations;  celles  que 

1.  Cité  par  William  James.  Psychology,  I,  383. 

A.    BiNET.  3 


34  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

nous  avons  reproduites  sont,  à  part  quelques  divergences 
de  détail,  d'une  remarquable  uniformité,  et  les  autres  que 
nous  pourrions  y  ajouter  ne  nous  apprendraient  rien  de 
bien  nouveau;  ce  n'est  pas  que  tout  soit  dit  sur  ces  cas 
pathologiques;  nous  croyons  au  contraire  qu'il  y  aurait  lieu 
d'en  pousser  l'étude  plus  loin,  et  nous  avons  le  soupçon 
que  l'état  second  présente  un  très  grand  nombre  de  carac- 
tères psychologiques  intéressants;  on  trouve  malheureu- 
sement peu  d'éclaircissements  sur  ce  point  dans  les 
observations  publiées  jusqu'à  ce  jour;  toutes  paraissent  à 
peu  près  calquées  sur  le  même  modèle,  celui  de  Félida  \. 

En  général,  les  observateurs  n'ont  noté  chez  leurs 
malades  que  deux  conditions  différentes  d'existence;  mais 
ce  nombre  de  deux  n'a  rien  de  constant  ni  de  fatidique, 
il  n'est  peut-être  même  pas  aussi  général  qu'on  le  croit; 
en  y  regardant  bien,  on  trouve  trois  personnalités  chez 
Félida,  et  un  bien  plus  grand  nombre  chez  Louis  V.... 
C'en  est  assez  pour  repousser  l'expression  de  dédouble- 
ment de  la  personnalité  qu'on  a  voulu  appliquer  à  ces 
phénomènes;  il  peut  y  avoir  dédoublement,  comme  il  peut 
y  avoir  morcellement  en  trois,  quatre  personnahtés,  etc.  ^ 

Je  suis  persuadé  que  les  alternances  et  successions  de 
personnalité  chez  les  hystériques  ne  sont  point  des  phéno- 
mènes exceptionnels.  Ce  qui  est  exceptionnel,  c'est  de 
trouver  des  sujets  types,  comme  Féhda  et  comme  Louis  V..., 
chez  lesquels  le  dédoublement  est  marqué  en  si  gros  carac- 
tères qu'il  a  pu  frapper  des  esprits  non  prévenus.  Peut-être 
même  que  si  on  regardait  bien  attentivement  beaucoup 
d'hystériques,  on  en  rencontrerait  d'autres  qui  ne  le  céde- 
raient en  rien  aux  précédents.  En  tout  cas,  la  succession 
de  personnalités  distinctes  doit  exister,  à  quelque  degré, 
chez  plusieurs;  ce  phénomène  doit  se  traduire,  non  par 

1.  Voir  une  observation  de  M.  Myers,  Vroceedings  of  the  Socklij  for 
Psychical  Research,  1887,  p.  230.  —  Ladamc,  Rev.  de  l'Iiypn.,  30  jan- 
vier 1888,  elc. 

2.  On  a  prclenilu  expliquer  par  la  dualité  des  hémisphères  cérébraux  les 
dédoublements  de  la  personnalité.  M.  Ribot  a  réfuté  d'une  manière  qui  me 
parait  délinitivo  cette  opinion  bien  étraugc. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  35 

des  symptômes  bruyants,  mais  par  des  amnésies  et  des 
changements  de  caractère  rappelant  en  petit  ceux  de 
Félida  et  de  Louis  V...,  et  se  systématisant,  se  rattachant  à 
certaines  périodes  d'existence.  Ce  sont  là  des  symptômes 
qu'il  faut  chercher^  comme  disait  Lasègue  en  parlant  de 
l'anesthésie. 

Nous  sommes  restés  jusqu'ici  confinés  dans  l'hystérie. 
Tous  les  malades  dont  nous  avons  raconté  l'histoire  sont 
incontestablement  des  hystériques.  La  question  se  pose  de 
savoir  si,  en  dehors  de  cette  névrose,  on  rencontre  des 
divisions  analogues  de  la  conscience  et  de  la  personna- 
lité. 

Si  on  prend  comme  signe  de  ces  divisions  l'état  de  la 
mémoire,  toujours  plus  facile  à  constater  d'une  manière 
précise  que  les  changements  de  caractère,  il  faut  répondre 
affirmativement  à  la  question  posée;  on  trouve  dans  des 
conditions  très  diverses  des  fragments  de  vie  psycholo- 
gique qui  ont  pour  trait  essentiel  de  posséder  une  mémoire 
propre;  nous  entendons  par  là  que  ces  états  ne  laissent 
point  de  souvenirs  pendant  la  veille,  mais  que  le  retour 
du  même  état  ramène  les  souvenirs  de  sa  manifestation 
antérieure,  et  la  personne  se  rappelle  tous  les  faits  qu'elle 
avait  oubliés  pendant  sa  vie  normale. 

Parfois  l'existence  d'une  mémoire  propre  à  ces  états  se- 
conds se  manifeste  sous  une  forme  un  peu  différente  et 
plus  élémentaire  ;  le  sujet  recommence  toujours  les  mêmes 
actes.  On  rencontre  des  exemples  aujourd'hui  bien  connus 
de  ces  particularités  psychologiques  dans  le  rêve,  les  in- 
toxications par  l'alcool,  l'éther,  le  haschich,  etc.,  les  folies 
circulaires,  l'épilepsie.  11  existe  même  chez  quelques  épi- 
leptiques  une  double  vie  psychologique  présentant  les 
mêmes  caractères  que  dans  l'hystérie  \ 

1.  Bulletin  médical,  1889,  n.  18. 


CHAPITRE   II 

LES     SOMNAMBULISMES    SPONTANÉS    (suite) 


Systématisation  de  l'activité  psychologique.  —  Observation  de  M.  Mesnet 
sur  le  sergent  de  Bazeilles.  —  Analyse  de  cette  observation.  —  La  con- 
science ne  disparait  point  pendant  la  crise.  —  Discussion  de  l'opinion 
de  M.  Huxley  sur  le  rôle  de  la  conscience.  —  Observations  de  M.  Char- 
cot.  —  Opinion  de  M.  Charcot  sur  la  nosographie  des  somnarabu- 
lismes. 


I 

Le  somnambulisme  spontané  peut  présenter,  chez  les 
hystériques,  un  caractère  un  peu  différent  de  celui  que 
nous  venons  de  décrire.  Dans  toutes  les  observations  que 
nous  avons  reproduites  jusqu'ici,  l'état  second  du  sujet 
a  les  allures  générales  de  l'état  prime,  considéré  comme 
l'état  normal;  le  sujet  a  l'esprit  ouvert  à  toutes  les  idées 
et  à  toutes  les  perceptions,  il  est  capable  de  vivre  de 
la  vie  commune,  en  un  mot  il  ne  délire  pas.  On  a  depuis 
longtemps  remarqué  que  les  sujets  de  ce  genre,  pour  un 
observateur  non  prévenu,  paraissent  normaux,  et  rien 
n'avertit  qu'ils  se  trouvent  dans  un  état  second. 

Mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi,  tant  s'en  faut.  On  a 
observé  que,  dans  des  circonstances  un  peu  différentes  de 
celles  que  nous  avons  étudiées,  le  caractère  psychologique 
du  sujet  est  dans  l'état  2  tout  à  fait  différent  de  l'état  1  ;  le 
sujet  ne  vit  plus  de  la  vie  commune;  il  est  dominé  par  une 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  37 

idée,  ou  par  un  groupe  d'idées,  qai  impriment  à  toute 
son  existence  une  orientation  particulière.  II  n'entend  pas 
ce  qu'on  lui  dit,  quand  les  paroles  prononcées  n'ont  aucun 
rapport  avec  son  idée  fixe  et  ne  peuvent  pas  s'y  incor- 
porer; les  objets  qui  l'entourent  le  laissent  indifférent,  ou 
ne  sont  pas  perçus  d'une  manière  consciente,  quand  ils 
ne  se  rapportent  pas  à  sa  préoccupation  habituelle. 

Ces  phénomènes  constituent  bien  une  altération  de  la 
personnalité  par  fractionnement  spontané;  aussi  rentrent- 
ils  logiquement  dans  le  cadre  de  ce  chapitre. 

Nous  avons  vu  que  le  cas  type  de  la  première  série  d'ob- 
servations est  le  cas  de  Félida.  On  peut  dire  que  cette  nouvelle 
série  possède  aussi  un  cas  type,  aujourd'hui  bien  connu; 
c'est  celui  du  sergent  de  Bazeilles,  publié  par  M.  Mesnet  \ 
Nous  reproduisons  in  extenso  cette  observation  impor- 
tante. 

«  F...,  âgé  de  vingt-sept  ans, sergent  à  l'armée  d'Afrique, 
reçut,  dans  les  batailles  livrées  sous  Sedan,  une  balle  qui 
lui  fractura  le  pariétal  gauche.  La  balle,  tirée  obliquement, 
fit  une  plaie  de  8  à  10  centimètres  de  longueur,  parallèle 
à  la  suture  temporale,  et  située  à  2  centimètres  environ  au- 
dessous  de  cette  suture. 

«  Au  moment  où  il  reçut  cette  blessure,  F...  eut  encore  la 
force  de  renverser  d'un  coup  de  baïonnette  le  soldat  prus- 
sien qui  venait  de  le  frapper;  mais,  presque  aussitôt,  son 
bras  droit  se  paralysa,  et  il  dut  abandonner  son  arme  pour 
échapper  à  l'incendie  et  aux  obus  qui  pleuvaient  sur  le 
village  de  Bazeilles  en  feu.  Il  put  marcher  environ 
2'00  mètres,  puis  sa  jambe  droite  se  paralysa  à  son  tour,  et 
il  perdit  complètement  connaissance.  Ce  n'est  que  trois 
semaines  après  que  F...,  reprenant  Fusage  de  ses  sens,  se 
trouva  à  Mayence,  où  il  avait  été  transporté  par  une  ambu- 
lance prussienne. 

«  A  ce  moment, l'hémiplégie  du  côté  droit  était  complète, 
la  perte  du  mouvement  absolue.  Six  mois  après,  trans- 

-  1.  De  l'automatisme  de  la  mémoire  et  du  souvenir  dans  le  somnambulisme 
pathologique.  (Union  médicale,  21  et  23  juillet  1874.) 


38  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

porté  en  France,  il  fut  placé  dans  divers  hôpitaux  militaires 
de  Paris,  et  resta  paralysé  pendant  environ  une  année. 
Néanmoins,  il  fut  assez  heureux  pour  guérir  de  cette  para- 
lysie, qui  ne  laisse  plus  aujourd'hui  d'autres  traces  qu'une 
légère  faiblesse  du  côté  droit,  à  peine  sensible  pour  le 
malade,  appréciable  seulement  au  dynamomètre. 

((  Dès  l'époque  où  le  malade  était  encore  à  Mayence, 
trois  à  quatre  mois  environ  après  sa  blessure,  il  présenta 
des  troubles  de  l'inteHigence,  se  manifestant  par  accès 
périodiques,  caractérisés  surtout  par  l'occlusion  partielle 
des  organes  des  sens  et  par  une  activité  cérébrale  différente 
de  l'état  de  veille.  Depuis  cette  époque,  même  après  la 
guérison  de  l'hémiplégie,  ces  accès  n'ont  point  cessé  de  se 
reproduire,  toujours  semblables  à  eux-mêmes,  à  la  diffé- 
rence près  de  la  périodicité  plus  ou  moins  éloignée(moyenne  : 
quinze  à  trente  jours),  et  de  la  durée  de  l'accès  plus  ou 
moins  allongée  (moyenne  :  quinze  à  trente  heures). 

«  Les  troubles  nerveux  que  nous  nous  proposons  d'étu- 
dier chez  F...  ont  donc  un  point  de  départ  matériel  indé- 
niable :  une  fracture  du  pariétal  avec  destruction  de  l'os 
dans  une  étendue  facile  à  constater  encore  aujourd'hui,  et, 
à  l'occasion  de  cette  fracture,  une  lésion  du  cerveau  dans 
son  hémisphère  gauche,  comme  en  témoigne  l'hémiplégie 
de  toute  la  moitié  droite  du  corps  pendant  plus  d'une 
année.  Quelle  a  pu  être  la  lésion  du  cerveau?  Vraisembla- 
blement une  encéphalite  locale  ou  un  abcès  dans  la  sub- 
stance nerveuse,  puisque  la  plaie  extérieure  et  la  paralysie 
ont  guéri  presque  au  même  moment,  après  une  durée  d'un 
an,  et  ont  permis  aux  fonctions  de  sensibilité  et  de  mouve- 
ment, si  longtemps  abolies  dans  le  côté  droit  du  corps,  de 
reprendre  leur  équilibre  normal.  Que  reste-t-il  donc  aujour- 
d'hui? Un  simple  trouble  fonctionnel^  apparu  au  moment 
où  le  cerveau  était  matériellement  malade,  et  persistant 
alors  même  que  toutes  les  fonctions  de  la  vie  de  relation 
sont  rétablies  \ 

1.  On  considère  aujourd'hui  l'ctat  de  F...  comme  un  cas  d'hystcrie  Irau- 
malique.  (Voir  Ci.  Gui  non,  l'rorjrès  médical,  189i,  n"  20.) 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  39 

«  Depuis  quatre  années,  la  vie  de  F...  présente  deux 
phases  essentiellement  distinctes  :  l'une,  normale;  l'autre, 
pathologique. 

«  Dans  son  état  ordinaire,  F...  est  un  homme  assez  intel- 
ligent pour  pourvoir  à  ses  besoins,  pour  gagner  sa  vie  ;  il  a 
été  commis  dans  différentes  maisons,  chanteur  dans  un 
café  des  Champs-Elysées;  et  ses  fonctions  de  sergent,  lors- 
qu'il était  au  régiment,  révèlent  certaines  aptitudes  qui 
l'avaient  fait  remarquer  de  ses  chefs.  Depuis  qu'il  est  entré 
dans  mon  service  d'hôpital,  il  se  montre  serviable,  bien- 
veillant pour  les  autres  malades,  et  il  n'a  donné  lieu  à 
aucun  reproche  grave  pour  sa  conduite.  Sa  santé  ne  laisse 
rien  à  désirer  et  toutes  ses  fonctions  sont  régulières. 

«  L'intérêt  que  présente  ce  malade  est  dans  la  phase 
pathologique  que  nous  allons  étudier,  et  dans  le  trouble 
qui,  tout  à  coup,  survient  dans  l'exercice  de  ses  facultés 
intellectuelles.  La  transition  de  l'état  normal  à  l'état  de 
maladie  se  fait  en  un  instant,  d'une  manière  insensible. 
Ses  sens  se  ferment  aux  excitations  du  dehors;  le  monde 
extérieur  cesse  d'exister  pour  lui;  il  ne  vit  plus  que  de  sa 
vie  exclusivement  personnelle;  il  n'agit  plus  qu'avec  ses 
propres  excitations,  qu'avec  le  mouvement  automatique  de 
son  cerveau.  Bien  qu'il  ne  reçoive  plus  rien  du  dehors  et 
que  sa  personnalité  soit  complètement  isolée  du  milieu 
dans  lequel  il  est  placé,  on  le  voit  aller,  venir,  faire,  agir, 
comme  s'il  avait  ses  sens  et  son  intelligence  en  plein  exer- 
cice; à  tel  point  qu'une  personne,  non  prévenue  de  son 
état,  le  croiserait  dans  sa  promenade,  se  rencontrerait  sur 
son  passage,  sans  se  douter  des  singuliers  phénomènes 
que  présente  ce  malade. 

«  Sa  démarche  est  facile,  son  attitude  calme,  sa  physio- 
nomie paisible;  il  a  les  yeux  largement  ouverts,  la  pupille 
dilatée;  le  front  et  les  sourcils  contractures,  avec  un  mou- 
vement incessant  de  nystagmus  accusant  un  état  de 
malaise,  de  souffrance  vers  la  tête;  et  un  mâchonnement 
continu.  S'il  marche,  s'il  se  promène  dans  le  miheu  qu'il 
habite  et  dont  il  connaît  les  dispositions  locales,  il  agit  avec 


40  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

toute  la  liberté  d'allure  qu'il  a  dans  sa  vie  habituelle;  mais 
si  on  le  place  dans  un  autre  milieu  dont  il  ne  connaît  point 
les  êtres,  si  on  se  plaît  à  lui  créer  des  obstacles  en  lui  bar- 
rant le  passage,  il  heurte  légèrement  chaque  chose,  s'arrête 
au  moindre  contact,  et,  promenant  les  mains  sur  l'objet,  il 
en  cherche  les  contours  et  le  tourne  facilement.  Il  n'offre 
aucune  résistance  aux  mouvements  qu'on  lui  imprime;  soit 
qu'on  l'arrête,  soit  qu'on  le  fasse  changer  de  direction, 
soit  qu'on  précipite  sa  marche,  soit  qu'on  la  ralentisse,  il  se 
laisse  diriger  comme  un  automate  et  continue  son  mouve- 
ment dans  la  direction  qu'on  a  voulu  lui  donner. 

«  Pendant  toute  la  durée  de  ses  crises,  les  fonctions  ins- 
tinctives et  les  appétits  s'accomplissent  comme  à  l'état  de 
santé;  il  mange,  il  boit,  il  fume,  il  s'habille,  se  promène  le 
jour,  se  déshabille  le  soir,  se  couche  aux  heures  où  il  a 
l'habitude  de  le  faire.  Sous  quelle  influence  tous  ces  actes 
s"" accomplissent-ils?  Sont-ils  provoqués  par  des  besoins 
réels,  par  des  sensations  organiques,  ou  bien  ne  sont-ils 
pas,  eux  aussi,  automatiques,  le  simple  résultat  des  habi- 
tudes de  la  veille  continuées  dans  le  sommeil?  Je  serais 
disposé  à  accepter  cette  dernière  interprétation  \  car  chaque 
fois  que  j'ai  vu  le  malade  manger,  il  mangeait  avec  glou- 
tonnerie, sans  discernement,  mâchant  à  peine  les  aliments, 
avalant  tout  ce  qu'il  avait  sous  la  main  sans  arriver  jamais 
à  la  satiété,  témoignage  certain  de  la  satisfaction  donnée  au 
besoin.  Il  boit  de  même  tout  ce  qu'on  lui  présente,  vin 
ordinaire,  vin  de  quinquina,  eau,  assa  fœtida,  sans  témoi- 
gner d'aucune  impression  agréable,  pénible  ou  indiffé- 
rente. 

«  L'examen  de  la  sensibihté  générale,  et  de  la  sensibilité 
spéciale  des  organes  des  sens,  accuse  une  perturbation 
profonde.  La  sensibilité  générale  de  la  peau,  des  muscles, 
est  absolument  éteinte;  on  peut  impunément  piquer  la 
peau  des  différentes  parties  du  corps,  aux  mains,  aux  bras, 
aux  pieds,  aux  jambes,  à  la  poitrine,  à  la  face.  Le  malade 

\.  Nous  montrerons  plus  loin  cjuc  cette  interprétation  n'est  probable- 
ment pas  exacte,  et  que  F...  n'est  point  un  inconscient  pendant   sa  crise. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  41 

n'éprouve  également  aucune  sensation  si,  prenant  une 
épingle  ou  une  broche,  on  traverse  le  derme  et  on  l'en- 
fonce dans  la  profondeur  des  muscles.  Il  en  est  de  même 
des  expériences  faites  avec  une  forte  pile  électrique;  le 
malade  est  insensible  à  l'action  des  plus  forts  courants 
portés  sur  les  bras,  la  poitrine,  la  face,  bien  que  l'excita- 
tion électrique  se  révèle  par  la  saillie  et  la  contraction  la 
plus  énergique  des  muscles. 

«  La  sensibilité  générale  est  donc  réduite  à  néant. 

«  La  sensibilité  musculaire  est  conservée. 

((  Ouïe  complètement  fermée.  Il  ne  reçoit  aucune  impres- 
sion des  bruits  qui  se  font  autour  de  lui.  Le  conduit  auditif 
est,  dans  toute  sa  profondeur,  insensible  aux  chatouille- 
ments et  aux  piqûres. 

((  Le  goût  n'existe  plus.  Il  boit  indifféremment  :  eau,  vin, 
vinaigre,  assa  fœtida.  Les  muqueuses  de  la  bouche,  de  la 
langue,  sont  insensibles  à  la  piqûre, 

«  Odorat.  Aucune  odeur,  bonne  ou  mauvaise,  n'est  perçue 
par  le  malade  ;  ni  le  vinaigre,  ni  l'assa  fœtida.  La  muqueuse 
des  fosses  nasales  est  insensible  dans  toute  sa  profondeur. 
On  peut  enfoncer  un  corps  étranger  à  travers  les  fosses 
nasales,  jusqu'au  voile  du  palais,  sans  provoquer  ni  cha- 
touillement ni  éternuement. 

«  Vue.  La  vue  est,  comme  les  autres  sens,  fermée  aux 
impressions  extérieures,  mais  peut-être  d'une  façon  moins 
complète.  Le  malade  nous  a  semblé,  à  plusieurs  reprises, 
n'être  point  insensible  aux  effets  des  objets  brillants;  mais 
la  sensation  qu'ils  déterminent  en  lui  ne  lui  donne  que  des 
notions  si  confuses,  qu'il  appelle  aussitôt  le  toucher  à  son 
aide  pour  arriver  à  la  connaissance  de  la  forme,  du  volume, 
des  contours,  etc. 

«  Le  toucher.  Le  toucher  est,  de  tous  les  sens,  le  seul  qui 
persiste  et  met  le  malade  en  rapport  avec  le  monde  exté- 
rieur. La  délicatesse  avec  laquelle  il  promène  ses  mains 
sur  les  objets,  l'usage  qu'il  a  su  faire  du  toucher  dans 
mille  occasions  auxquelles  nous  avons  assisté,  témoignent 
d'une  finesse,  d'une  subtilité  de  ce  sens,  supérieures  à  la 


42  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

moyenne  de  son  exercice  clans  les  conditions  normales  de 
la  santé. 

«  L'isolement  dans  lequel  F...  se  trouve  placé  est  donc  la 
conséquence  d'un  trouble  considérable  apporté  dans  l'exer- 
cice de  ses  fonctions  nerveuses.  F...  est  un  malade  chez 
lequel  l'innervation  cérébrale  perd  momentanément  ses 
attributs  de  sensibilité  générale  et  spéciale  qui  'mettent 
l'homme  en  échange  incessant  avec  les  choses  extérieures. 
Il  est  atteint  d'un  trouble  fonctionnel  qui  présente  tous  les 
caractères  des  névroses,  et  qui,  bien  que  très  singulier,  très 
exceptionnel  dans  ses  manifestations,  n'est  pas  pour  cela 
sans  exemple  et  sans  précédents  dans  l'histoire  des  mala- 
dies du  système  nerveux. 

«  Le  trouble  nerveux  que  présente  F...  ne  se  manifeste 
que  par  crises  ou  accès  de  courte  durée,  relativement  à  la 
période  intermédiaire.  Le  premier  de  ces  accès  remonte 
aux  premiers  mois  de  1871,  alors  que  F...  était  encore  pri- 
sonnier en  Allemagne  et  hémiplégique  du  côté  droit.  A 
cette  époque,  les  crises  se  répétaient  à  intervalles  plus 
courts,  et  il  en  fut  ainsi  tant  que  la  plaie  du  crâne  resta 
ouverte,  c'est-à-dire  un  peu  plus  d'une  année-,  à  dater  de 
cette  époque,  elles  s'éloignèrent,  et  la  période  intermé- 
diaire, qui  était  de  cinq  à  six  jours  au  début,  devint,  en 
moyenne,  de  quinze  à  trente  jours.  Depuis  deux  ans 
environ,  elles  ont  conservé  cette  périodicité,  à  moins  que 
quelques  écarts  de  régime  ou  quelques  excès  du  malade 
viennent  en  précipiter  le  retour.  Quoi  qu'il  en  soit,  elles 
sont  toujours  semblables  à  elles-mêmes  et  marquées  au 
sceau  de  l'activité  inconsciente.  Le  début  de  la  crise  est 
précédé  d'un  malaise,  d'une  pesanteur  vers  le  front,  que 
le  malade  compare  à  Tétreinte  d'un  cercle  de  fer;  il  en  est 
de  même  de  sa  terminaison,  car,  plusieurs  heures  après, 
il  se  plaint  encore  de  pesanteur  à  la  tête  et  d'engourdisse- 
ment. La  transition  de  la  santé  à  la  maladie  se  fait  rapide- 
ment, en  quelques  minutes,  d'une  manière  insensible, 
sans  convulsions,  sans  cris;  il  saute  de  lune  à  C autre  sans 
passer  par  les  demi-teintes  de  jour  et  de  raison^  qu'on 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  43 

retrouve  à  Vheure  où  le  sommeil  va  venir;  et  Vêtre  con- 
scient, responsable,  en  pleine  possession  de  lui-même, 
n'est  plus  ^  un  instant  après,  qu'un  instrument  aveugle,  un 
automate  obéissant  à  t activité  inconsciente  de  son  cer- 
veau. Il  se  meut  avec  des  apparences  de  liberté  qu'il  n'a 
pas;  il  semble  vouloir,  et  il  n'a  qu'une  volonté  inconsciente 
et  impuissante  à  le  débarrasser  des  plus  minces  obstacles 
opposés  à  ses  mouvements. 

«  Tous  les  actes  auxquels  il  se  livre,  toute  l'activité  qu'il 
montre  dans  sa  crise,  ne  sont  que  la  répétition  de  ses  habi- 
tudes de  la  veille.  Il  est  incapable  de  concevoir  aussi  bien 
que  d'imaginer;  et  cependant  il  est  un  acte,  étrange,  — 
que  nous  étudierons  plus  tard  isolément,  —  qui  s'est 
montré  dès  la  première  crise,  alors  qu'il  était  encore 
soldat,  qui  chaque  fois  se  reproduit  dans  les  mêmes  condi- 
tions, et  semble  le  but  spécial  de  son  activité  maladive  : 
c'est  l'entraînement  au  vol  ou  plutôt  à  la  soustraction  de 
tous  les  objets  qui  lui  tombent  sous  la  main  et  quil  cache 
indistinctement  là  où  il  se  trouve.  Le  besoin  de  sous- 
traire et  de  cacher  est  un  fait  tellement  dominant  chez  ce 
malade  qu'apparu  dès  la  première  crise,  il  n'a  cessé  de  se 
montrer  dans  les  accès  ultérieurs.  Tout  lui  est  bon  à 
prendre,  même  les  choses  les  plus  insignifiantes;  et  s'il  ne 
trouve  rien  sur  la  table  de  son  voisin,  il  cache  avec  les 
apparences  du  mystère,  alors  qu'une  nombreuse  assistance 
l'entoure  et  le  surveille,  les  différents  objets  qui  lui  appar- 
tiennent :  montre,  couteau,  porte-monnaie,  etc. 

«  Tout  le  temps  que  dure  l'accès  est  une  phase  de  son 
existence,  dont  le  souvenir  n'est  pas  pour  lui  au  réveil; 
l'oubU  est  tellement  complet,  qu'il  exprime  la  plus  grande 
surprise  lorsqu'on  lui  relate  ce  qu'il  a  fait;  il  n'a  pas  la 
notion,  même  la  plus  obscure,  du  temps,  du  lieu,  du  mou- 
vement, des  investigations  dont  il  a  été  l'objet,  ni  des  dif- 
férentes personnes  qui  l'ont  assisté. 

«  La  séparation  entre  les  deux  phases  de  sa  vie,  santé  et 
maladie,  est  absolue  ! 

«  Arrivons  à  l'étude  psychologique  de  cet  homme,  par 


44  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

l'interprétation  des  faits  qui  se  produisent  pendant  la  crise, 
sans  négliger  toutefois  les  détails  de  l'observation  de 
chaque  jour,  qui  trouvera  sa  place  dans  une  autre  partie 
de  ce  mémoire. 

(.<■  La  sensibilité  générale  est,  avons-nous  dit,  complète- 
ment éteinte.  —  La  sensibilité  musculaire  conservée.  — 
L'ouïe,  l'odorat,  le  goût,  sont  fermés  aux  excitations  du 
dehors.  —  La  vue  ne  donne  plus  que  des  impressions 
obscures,  sans  connaissance.'^ —  Le  toucher  est  conservé, 
et  semble  même  acquérir  une  finesse,  une  sensibilité  exa- 
gérées. 

«  Et  c'est  au  milieu  de  cette  perturbation  nerveuse,  consi- 
dérable, que  nous  avons  à  déterminer  la  valeur  et  la 
signification  des  actes  que  nous  allons  décrire. 

«  L'activité  de  F. . . ,  pendant  sa  crise,  est  presque  la  même 
que  dans  son  état  normal,  à  cela  près  que  le  mouvement 
est  moins  rapide;  il  marche  l'œil  ouvert,  le  regard  fixe;  si 
on  le  dirige  sur  un  obstacle,  il  le  heurte  légèrement  et  le 
tourne;  que  ce  soit  un  arbre,  une  chaise,  un  banc,  un 
homme,  une  femme,  ce  n'est  pour  lui  qu'un  obstacle  dont 
il  ne  connaît  pas  les  différences.  L'expression  de  sa  physio- 
nomie est  le  plus  ordinairement  immobile,  impassible,  et 
cependant  elle  reflète  parfois  les  idées  qui  se  présentent 
spontanément  à  son  esprit,  ou  que  les  impressions  du  tou- 
cher réveillent  dans  sa  mémoire.  Ses  expressions,  son 
geste,  sa  mimique, 'qui  ont  cessé  d'être  en  rapport  avec  le 
monde  extérieur,  sont  exclusivement  au  service  de  sa  per- 
sonnalité ou,  mieux  encore,  de  sa  mémoire.  —  C'est  ainsi 
que  nous  assistâmes  à  la  scène  suivante  : 

«  Il  se  promenait  dans  le  jardin,  sous  un  massif  d'arbres; 
on  lui  remet  à  la  main  sa  canne  qu'il  avait  laissé  tomber 
quelques  minutes  avant.  Il  la  palpe,  promène  à  plusieurs 
reprises  la  main  sur  la  poignée  coudée  de  sa  canne,  — 
devient  attentif,  —  semljle  prêter  l'oreille,  —  et,  tout  à 
coup,  appelle  :  «  Henri!  »  Puis  :  «  Les  voilai  ils  sont  au 
moins  une  vingtaine!  A  nous  deux,  nous  en  viendrons  à 
bout!  »  Et  alors,  portant  la  main  derrière  son  dos  comme 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  45 

pour  prendre  une  cartouche,  il  fait  le  mouvement  de 
charger  son  arme,  se  couche  dans  l'herbe  à  plat  ventre,  la 
tête  cachée  par  un  arbre,  dans  la  position  d'un  tirailleur, 
et  suit,  l'arme  épaulée,  tous  les  mouvements  de  l'ennemi 
qu'il  croit  voir  à  courte  distance.  —  Cette  scène,  pleine  de 
péripéties  rapportées  avec  détails  dans  le  cours  de  l'obser- 
vation, a  été  pour  chacun  de  nous  l'expression  la  plus 
complète  d'une  hallucination  provoquée  par  une  illusion 
du  tact,  qui,  donnant  à  une  canne  les  attributs  d'un  fusil, 
a  réveillé  chez  cet  homme  les  souvenirs  de  sa  dernière 
campagne,  et  reproduit  la  lutte  dans  laquelle  il  a  été  si 
grièvement  blessé.  J'ai  voulu,  dans  la  crise  survenue 
quinze  jours  plus  tard,  chercher  la  confirmation  de  cette 
idée,  et  je  ne  crois  pas  possible  de  mettre  en  doute  l'inter- 
prétation, puisque  le  malade,  ayant  de  nouveau  été  placé 
dans  les  mêmes  conditions,  j'ai  vu  la  même  scène  se  repro- 
duire à  l'occasion  du  même  objet.  Il  m'a  donc  été  possible 
de  dirioer  l'activité  de  mon  malade  dans  un  ordre  d'idées 
que  je  voulais  faire  naître,  en  mettant  en  jeu  les  impres- 
sions du  tact,  alors  que  tous  les  autres  sens  ne  me  permet- 
taient aucune  communication  avec  lui. 

«  Tous  les  actes,  toutes  les  expressions  de  F...  sont  ou  la 
répétition  de  tout  ce  qu'il  fa,it  chaque  jour,  ou  sont  provo- 
qués par  les  impressions  que  les  objets  produisent  sur  le 
tact.  Il  suffit  d'observer  ce  malade  pendant  quelques 
heures  pour  se  faire,  à  ce  sujet,  une  conviction  bien  assise. 
C'est  en  le  suivant  dans  ses  pérégrinations  à  travers  l'hô- 
pital Saint-Antoine  que  nous  avons  été  témoins,  M.  Maury 
et  moi,  de  mille  faits  nés  du  hasard,  mais  tous  intéressants 
au  point  de  vue  psychologique. 

«  Nous  étions  au  fond  d'un  corridor,  devant  une  porte 
fermée.  F...  promène  les  mains  sur  cette  porte,  trouve  le 
bouton,  le  saisit,  et  veut  ouvrir;  la  porte  résiste;  il  cherche 
la  serrure,  puis  la  clef  qu'il  ne  trouve  point.  Il  promène 
alors  ses  doigts  sur  les  vis  qui  fixent  la  serrure,  essaye  de 
les  saisir  et  de  les  faire  tourner,  dans  le  but  de  détacher  la 
serrure.  —  Toute  cette  série  d'actes  témoigne  d'un  mouve- 


46  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

ment  de  l'esprit  en  rapport  avec  l'objet  qui  l'occupe.  Il 
allait  quitter  cette  porte  et  se  diriger  vers  un  autre  lieu, 
quand  je  présente  à  ses  yeux  un  trousseau  de  sept  à  huit 
clefs;  —  il  ne  les  voit  pas;  —  je  les  agite  avec  bruit  à  son 
oreille,  —  il  n'entend  pas;  —  je  les  lui  mets  dans  la  main  : 
il  les  saisit  aussitôt,  et  les  présente  tour  à  tour  au  trou  de 
la  serrure,  sans  en  trouver  une  seule  qui  puisse  entrer.  Il 
quitte  alors  la  place,  et  s'en  va  dans  une  salle  de  malades, 
prenant  sur  son  passage  divers  objets  dont  il  remplit  ses 
poches,  et  arrive  devant  une  petite  table  servant  aux  écri- 
tures de  la  salle. 

«  Il  promène  les  mains  sur  cette  table;  elle  était  vide  ;  il 
rencontre,  en  la  palpant,  le  bouton  d'un  tiroir;  il  l'ouvre; 
il  prend  une  plume,  et,  tout  aussitôt,  cette  plume  éveille  en 
lui  ridée  d'écrire,  car,  à  l'instant  même,  il  fouille  le  tiroir, 
en  retire  plusieurs  feuilles  de  papier,  puis  un  encrier,  qu'il 
place  sur  la  table.  Il  prend  une  chaise,  et  commence  une 
lettre  dans  laquelle  il  se  recommande  à  son  général  pom^ 
sa  bonne  conduite  et  sa  bravoure,  en  lui  demandant  de 
s'occuper  de  lui  pour  la  médaille  militaire. 

«  Cette  lettre  est  écrite  en  termes  fort  incorrects,  mais 
équivalents,  comme  expression  et  orthographe,  à  tout  ce 
que  nous  lui  avons  vu  faire  dans  son  état  de  santé.  L'ex- 
périence à  laquelle  nous  faisait  assister  le  malade,  en  écri- 
vant cette  lettre,  nous  a  conduit,  séance  tenante,  à  recher- 
cher dans  quelle  mesure  le  sens  de  la  vue  concourait  à 
l'accomplissement  de  cet  acte.  La  facilité  avec  laquelle  il 
traçait  ses  caractères  et  suivait  ses  lignes  sur  le  papier,  ne 
nous  laissait  aucun  doute  sur  l'exercice  de  la  vision  appli- 
quée à  l'écriture;  mais,  pour  faire  la  preuve  irrévocable, 
nous  avons  à  diverses  reprises  placé  une  épaisse  plaque  de 
tôle  entre  ses  yeux  et  sa  main  qui  écrivait;  bien  que  tous 
les  rayons  visuels  fussent  interceptés,  il  n'interrompit 
point  immédiatement  la  ligne  commencée;  il  continua  à 
tracer  quelques  mots  encore,  écrits  d'une  manière  presque 
illisible,  avec  des  jambages  enchevêtrés  les  uns  dans  les 
autres;  puis  il  s'arrêta  sans  manifester  de  mécontentement 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  47 

ni  d'impatience.  L'obstacle  levé,  il  reprit  la  ligne  inachevée, 
et  en  recommença  une  autre. 

«  Le  sens  de  la  vue  était  donc  bien  en  pleine  activité,  et 
nécessaire  à  l' expression  écrite  de  la  pensée  du  malade. 

«  Il  nous  a  été  facile  d'appeler  en  témoignage  une  seconde 
épreuve  non  moins  démonstrative  :  pendant  que  le  malade 
écrivait  nous  substituons  de  l'eau  à  l'encre  dont  il  se  ser- 
vait; la  première  fois  qu'il  y  trempe  sa  plume,  il  obtient 
encore  des  demi-teintes  suffisantes  pour  que  l'écriture  reste 
visible;  mais  à  la  seconde  reprise,  la  plume,  qui  n'avait 
plus  que  de  l'eau,  traça  des  caractères  frustes  dont  il  s'aper- 
çut aussitôt.  Il  s'arrêta,  essuya  le  bout  de  sa  plume,  la 
frotta  sur  la  manche  de  son  habit  et  voulut  recommencer 
à  écrire  ;  —  mêmes  effets;  —  nouvel  examen  de  sa  plume, 
qu'il  regarde  plus  attentivement  encore  que  la  première 
fois  ;  —  nouvel  essai  infructueux  ;  —  et  ce  malade,  enrayé 
dans  son  action  par  notre  volonté,  n'eut  pas  un  instant 
l'idée  de  chercher  l'obstacle  dans  l'encrier.  Sa  pensée  était 
incapable  de  spontanéité;  et  sa  vue,  ouverte  sur  le  papier 
et  la  plume  qu'il  tenait  à  la  main,  restait  fort  incomplète 
à  l'endroit  de  l'encrier,  avec  lequel  il  n'avait  aucun  point 
de  contact.  Cette  seconde  expérience  confirme  la  première; 
Vune  comme  l'autre  nous  démontre  que  la  vue  existe  réel- 
lement; mais  il  nous  a  semblé  résulter  de  ce  fait,  que  le 
champ  de  la  vision  était  exclusif  et  restreint  à  un  cercle 
absolument  personnel  au  malade;  que  le  spms  de  la  vue  ne 
s'éveillait  qu'à  l'occasion  du  toucher,  et  que  son  exercice 
restait  limité  aux  objets  seulement  avec  lesquels  il  était 
actuellement  en  rapport  par  le  toucher.  D'autres  observa- 
tions viendront  plus  tard  à  l'appui  de  cette  idée;  mais, 
avant  de  passer  à  un  nouvel  ordre  de  faits,  je  veux  signaler 
une  hallucination  fort  curieuse  que  nous  fîmes  naître  for- 
tuitement au  moment  où  F...  était  occupé  à  écrire. 

«  Il  avait  pris  pour  écrire  plusieurs  feuilles  de  papier,  il  y 
en  avait  une  dizaine  superposées;  il  écrivait  sur  la  pre- 
mière page,  lorsque  nous  vint  l'idée  de  la  retirer  brusque- 
ment; sa  plume  continue  à  écrire  sur  la  deuxième  feuille, 


48  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

comme  s'il  ne  s'était  point  aperçu  de  la  soustraction  que 
nous  venions  de  faire,  et  il  achève  sa  phrase  sans  même 
s'arrêter,  sans  autre  expression  qu'un  léger  mouvement  de 
surprise.  Il  avait  écrit  dix  mots  sur  le  deuxième  feuillet, 
lorsque  nous  l'enlevâmes  rapidement  comme  le  premier; 
et  il  termina  sur  le  troisième  feuillet  la  ligne  commencée 
sur  le  précédent,  exactement  au  point  où  sa  plume  était 
restée  placée.  Nous  enlevons  de  même  et  successivement 
le  troisième  feuillet,  puis  le  quatrième,  et,  arrivé  au  cin- 
quième, il  signe  son  nom  au  bas  de  la  page,  alors  que  tout 
ce  qu'il  venait  d'écrire  avait  disparu  avec  les  feuillets  pré- 
cédents. Nous  le  voyons  alors  diriger  ses  yeux  vers  le  haut 
de  cette  page  blanche;  relire  tout  ce  qu'il  venait  d'écrire, 
avec  un  mouvement  de  lèvres  accusant  chaque  mot;  puis, 
à  diverses  reprises,  tracer  avec  sa  plume,  sur  différents 
points  de  cette  page  blanche,  là  une  virgule,  là  un  e,  là  un 
^,  en  suivant  attentivement  l'orthographe  de  chaque  mot, 
qu'il  s'applique  à  corriger  de  son  mieux  ;  et  chacune  de  ces 
corrections  répond  à  un  mot  incomplet  que  nous  retrouvons 
à  la  même  hauteur,  à  la  même  distance  sur  les  feuillets 
que  nous  avons  entre  les  mains. 

«  Quelle  signification  donner  à  cet  acte  d'apparence  si  sin- 
gulière? 11  nous  semble  avoir  sa  solution  dans  l'état  hallu- 
cinatoire qui  crée  Vidée-image,  et  donne  à  la  pensée  ou  à 
la  mémoire  une  telle  puissance  de  réflexion  vers  les  sens, 
que  ceux-ci,  entrant  en  exercice,  donnent  soit  à  la  pensée, 
soit  au  souvenir,  une  réalité  extérieure.  C'est  l'hallucina- 
tion telle  que  nous  la  rencontrons  dans  le  sommeil,  dans 
les  rêves,  dans  les  névropathies  cérébrales.  F...  relit  dans 
sa  mémoire  la  lettre  qu'il  vient  d'écrire,  alors  que  ses  yeux 
fixés  sur  cette  feuille  blanche  lui  donnent  la  sensation 
fausse  de  lignes  qui  n'existent  pas;  de  même  que,  dans 
une  des  précédentes  expériences,  il  avait,  présents  devant 
ses  yeux,  les  soldats  prussiens  dont  il  surveillait  les  mou- 
vements, afin  de  les  surprendre  à  l'heure  convenable. 

u  Sa  lettre  terminée,  F...  quitte  la  table,  se  remet  en  mou- 
vement, parcourt  de  nouveau  une  longue  salle  de  malades. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  49 

prenant  indistinctement  tous  les  objets  qu'il  rencontre  sous 
sa  main,  les  mettant  dans  sa  poche,  et  les  cachant  ensuite 
sous  une  couverture,  sous  un  matelas,  sous  une  housse  de 
fauteuil,  sous  une  pile  de  draps.  Arrivé  au  jardin,  il  prend 
dans  sa  poche  un  cahier  de  papier  à  cigarettes,  l'ouvre,  en 
détache  une  feuille,  prend  son  sac  de  tabac,  et  roule  une 
cigarette  avec  la  dextérité  d'un  homme  habitué  à  cet  exer- 
cice. Il  cherche  sa  boîte  d'allumettes,  frotte  l'une  d'elles, 
allume  sa  cigarette,  jette  à  terre  son  allumette  encore 
enflammée,  met  le  pied  dessus  pour  l'éteindre,  et  fume  sa 
cigarette  en  se  promenant  de  long  en  large  dans  toute 
l'étendue  du  jardin,  sans  qu'aucun  de  ces  actes  présente 
la  plus  légère  déviation  de  leur  manière  d'être  à  l'état 
normal.  Tout  ce  qu'il  venait  de  faire  était  la  reproduction 
fidèle  de  sa  vie  ordinaire. 

«  Cette  première  cigarette  terminée  il  se  prépare  à  en 
fumer  une  autre;  nous  intervenons  alors  et  lui  créons  des 
obstacles.  Il  a  à  la  main  une  nouvelle  feuille  de  papier 
prête  à  recevoir  du  tabac  ;  il  cherche  dans  sa  poche  son  sac 
qu'il  ne  trouve  pas;  je  le  lui  avais  volé.  Il  le  cherche  dans 
"une  autre  poche,  parcourt  tous  ses  vêtements,  revient  à  la 
première  poche  pour  le  chercher  encore,  et  sa  physionomie 
exprime  la  surprise.  Je  lui  présente  le  sac,  il  ne  le  voit  pas; 
je  l'approche  de  ses  yeux,  il  ne  le  voit  pas  plus;  je  l'agite 
à  la  hauteur  de  son  nez,  il  ne  voit  rien.  Je  le  mets  au  con- 
tact de  sa  main,  il  le  saisit  aussitôt  et  achève  sa  cigarette. 
Au  moment  où  il  porte  à  sa  cigarette  une  de  ses  allumettes 
qu'il  vient  d'allumer  lui-même,  je  la  souffle  et  lui  présente 
à  la  place  une  allumette  en  feu  que  je  tiens  à  la  main;  il 
ne  la  voit  pas;  je  l'approche  de  ses  yeux,  si  près,  que  j'ai 
pu  lui  brûler  quelques  cils,  il  ne  la  voit  pas  davantage,  il 
n'a  pas  même  le  plus  léger  mouvement  de  chgnement.  Il 
allume  de  nouveau  une  autre  allumette  à  lui,  je  la  souffle 
encore  et  lui  substitue  la  mienne,  même  indifférence  de  sa 
part.  Je  la  mets  au  contact  de  la  cigarette  qu'il  tient  à  la 
bouche,  je  brûle  le  tabac  de  sa  cigarette,  il  ne  s'aperçoit  de 
rien,  ne  fait  aucun  mouvement  d'aspiration.  Cette  expé- 

A.    BlNET.  4 


50  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

rience,  si  remarquable  par  sa  simplicité  et  par  ses  résultats, 
vient  à  l'appui  de  la  précédente  :  toutes  deux  nous  prou- 
vent que  le  malade  voit  certains  objets  et  ne  voit  pas  cer- 
tains autres;  que  le  sens  de  la  vue  est  ouvert  sur  tous  les 
objets  personnels  en  rapport  avec  lui  par  les  impressions 
du  toucher,  et  fermée  au  contraire,  sur  les  choses  exté- 
rieures à  lui;  il  voit  son  allumette  et  ne  voit  pas  la  mienne. 
J'ai,  à  différentes  reprises,  dans  les  accès  ultérieurs,  répété 
la  même  expérience  et  obtenu  les  mêmes  résultats;  le 
malade  restait  indifférent  à  tout;  son  œil,  terne  et  fixe, 
n'offrait  ni  clignement  ni  contraction  pupillaire. 

«  Depuis  plus  de  deux  heures,  M.  Maury  et  moi  nous 
suivions  ce  malade,  observant  ses  mouvements,  son  allure, 
épiant  sa  pensée;  nous  avions  parcouru  avec  lui  la  plus 
grande  partie  de  l'hôpital,  et  nous  nous  trouvions  alors 
dans  le  département  de  la  cuisine.  Je  le  dirige  vers  le 
cabinet  de  la  religieuse,  où  il  n'était  jamais  entré;  il  se 
guide  avec  les  mains,  fait  le  tour  delà  pièce,  touche  chaque 
chose;  sent  un  placard,  l'ouvre;  palpe  quelques  fioles,  les 
prend,  les  regarde;  voit  du  vin,  le  boit. 

«  Arrivé  à  un  petit  bureau,  sa  vue  est  impressionnée  par 
quelques  objets  brillants  placés  sur  une  étagère,  il  les 
prend,  les  examine,  les  met  tous  successivement  dans  sa 
poche.  Je  jette,  sur  le  bureau  où  il  promène  ses  mains, 
quelques  plumes  que  ses  doigts  rencontreront  et  qui  lui 
donneront,  j'espère,  l'idée  d'écrire  de  nouveau. 

«  A  peine  les  a-t-il  touchées  qu'il  prend  une  chaise  et 
commence  une  lettre  adressée  à  une  de  ses  amies.  11  lui 
dit  :  «  Qu'il  faut  changer  l'heure  du  rendez-vous,  qu'il 
«  chante  ce  soir  au  café  des  Champs-Elysées,  et  qu'il  ne  sera 
«  pas  rentré  chez  lui  avant  onze  heures.  »  Nous  le  laissons 
achever  sa  lettre  sans  lui  créer  aucun  embarras.  Il  la  met 
sous  enveloppe,  l'adresse  à  Mlle  X...  et  ajoute  :  A  envoyer 
par  un  commissionnaire .  Cette  indication  spéciale  signi- 
fiait évidemment  que  cette  lettre  avait  pour  lui  une  cer- 
taine importance  et  qu'il  tenait  à  la  faire  parvenir  sans 
retard.  Il  la  met  dans  sa  poche,  se  lève,  et  au  même  ins- 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES        •  SI 

tant  je  prends  sans  précautions,  sans  aucune  subtilité  de 
main,  cettre  lettre  à  laquelle  il  attache  tant  d'importance. 
Il  ne  s'aperçoit  même  pas  de  la  soustraction  que  je  lui  fais, 
bien  que  ma  main  vienne  intentionnellement  heurter  sa 
poitrine  et  son  bras  pour  arriver  jusqu'à  sa  poche.  Les 
termes  de  la  lettre  me  firent  penser  que  notre  malade  était 
dans  un  ordre  d'idées  que  nous  désirions  beaucoup  lui 
voir  prendre,  mais  qu'il  nous  était  impossible  de  lui  sug- 
gérer. Il  avait,  dans  sa  crise  précédente,  chanté  plusieurs 
romances  de  son  répertoire,  à  un  moment  où  le  souvenir 
de  son  ancienne  profession  de  chanteur  lui  avait  sponta- 
nément traversé  l'esprit;  nous  attendions  donc  de  quelque 
hasard  heureux  qu'il  voulût  bien  chanter  encore,  car  nous 
n'avions  nul  moyen  de  l'engager  dans  cette  voie.  A  peine 
avait-il  fait  quelques  pas  dans  la  cour  qu'il  commença  à 
fredonner  des  airs  qui,  du  reste,  lui  semblaient  familiers; 
après  quoi  il  se  dirigea  vers  la  salle  qu'il  habite  depuis  son 
entrée  à  l'hôpital.  Arrivé  à  son  lit,  il  prend  sur  sa  tablette 
son  peigne,  sa  glace;  il  se  roule  les  cheveux,  se  brosse  la 
barbe,  ajuste  son  col,  ouvre  son  gilet,  procédant  avec  soin 
à  tous  les  détails  de  sa  toilette. 

«  M.  Maury  retourne  sa  glace;  il  n'en  continue  pas  moins 
ses  mêmes  soins  de  toilette,  en  se  regardant,  comme  devant, 
dans  sa  glace  qui  ne  reflète  plus  aucune  image.  Plus  de 
doutes  pour  nous,  il  se  prépare  à  une  représentation  théâ- 
trale. Il  prend  sur  son  lit  le  vêtement  qu'il  avait  quitté,  et 
le  rejette  aussitôt,  —  c'était  sa  capote  d'hôpital,  —  il  pro- 
mène rapidement  les  mains  sur  sa  chaise,  sur  l'appui  de  la 
croisée,  en  témoignant  de  quelque  impatience. 

«  L'expression  de  mécontentement  du  malade  était  trop 
claire  pour  que  chacun  de  nous  ne  vît  pas  qu'il  lui  man- 
quait un  vêtement  en  rapport  avec  l'idée  qu'il  poursuivait; 
sa  redingote,  qui  d'habitude  était  sur  un  des  meubles  du 
voisinage,  ne  se  trouvait  pas  à  sa  disposition.  L'un  de  nous 
quitte  la  sienne,  la  lui  met  entre  les  mains;  aussitôt  il  la 
revêt.  Son  œil  est  attiré  par  l'éclat  d'an  ruban  rouge,  il  le 
touche,  le  regarde,  l'enlève.  Il  rencontre  sur  son  lit  plu- 


32  •  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

sieurs  livraisons  d'un  roman  périodique  qu'il  feuillette 
rapidement  sans  trouver  ce  qu'il  cherche.  Que  peut-il  cher- 
cher ainsi?  Quelques  pages  de  musique.  Je  prends  une  de 
ces  livraisons,  je  la  roule  sur  elle-même  et,  en  la  lui  met- 
tant ainsi  toute  roulée  dans  la  main,  je  satisfais  à  son  désir 
en  lui  donnant  l'illusion  d'un  rouleau  de  musique;  car 
aussitôt  il  prend  sa  canne  et  traverse  la  salle  d'un  pas  lent, 
dégagé.  —  Chemin  faisant,  on  l'arrête  pour  lui  enlever  le 
vêtement  qu'il  avait  sur  lui,  il  se  laisse  faire  sans  aucune 
résistance;  l'infirmier  lui  met  entre  les  mains  sa  propre 
redingote,  il  s'en  revêt,  cherche  sa  boutonnière,  voit  son 
ruban  de  la  médaille  militaire,  et  paraît  satisfait.  Il  des- 
cend agilement  l'escalier  qu'il  fréquentait  chaque  jour, 
traverse  la  cour  de  l'hôpital  avec  l'allure  d'un  homme 
afi'airé,  et  se  dirige  vers  la  porte  de  sortie.  Arrivé  là,  je  lui 
barre  le  passage  et  le  tourne  le  dos  contre  la  porte;  il  se 
laisse  faire  sans  aucune  résistance,  puis  reprend  sa  marche 
dans  la  nouvelle  direction  que  je  viens  de  lui  donner,  et 
entre  en  tâtonnant  dans  la  loge  du  concierge,  ouverte  sur 
le  passage  où  nous  étions. 

«  A  ce  moment,  le  soleil  éclairait  d'une  vive  lumière  un 
vitrage  de  verre  qui  ferme  la  loge  du  côté  de  la  cour.  Il 
parut  n'être  point  insensible  à  l'éclat  de  cette  lumière,  qui 
vraisemblablement  lui  créa  une  illusion  delà  vue,  en  éveil- 
lant une  sensation  adéquate  à  l'idée  qui  le  faisait  agir. 
Cette  lumière  dut  lui  donner  l'illusion  d'une  rampe,  car  il 
se  plaça  aussitôt  vis-à-vis  d'elle,  rajusta  sa  toilette,  ouvrit 
le  rouleau  de  papier  qu'il  avait  à  la  main,  fredonna  douce- 
ment un  air,  parcourant  des  yeux  les  pages  qu'il  feuilletait 
lentement,  et  marquant  avec  la  main  une  mesure  parfaite- 
ment rythmée.  Puis  il  chanta  à  pleine  voix,  d'une  manière 
fort  agréable,  en  nuançant  habilement  son  chant,  une 
romance  patriotique  que  nous  écoutâmes  tous  avec  plaisir. 
Ce  premier  morceau  terminé,  il  en  chanta  un  second,  puis 
un  troisième.  Nous  le  vîmes  alors  prendre  son  mouchoir, 
s'essuyer  la  figure;  je  lui  présentai  un  demi-verre  d'eau 
fortement  vinaigrée,  qu'il  ne  vit  pas;  je  plaçai  le  verre 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  53 

soLis  son  nez  sans  que  l'odeur  du  vinaigre  fût  perçue  par 
lui;  je  le  lui  mis  dans  la  main,  et  il  but  sans  accuser  aucune 
sensation, 

«  Quel  rôle  le  sens  de  l'ouïe,  absolument  fermé  aux 
impressions  du  dehors,  a-t-il  joué  dans  l'exécution  si  par- 
faite des  trois  romances  que  nous  venons  de  lui  entendre 
chanter?  S'entendait-il  chanter"?  Avait-il  la  perception  réelle 
de  sa  voix,  alors  qu'il  n'entendait  ni  la  mienne  lorsque  je 
lui  parlais,  ni  les  bruits  éclatants  et  variés  que  nous  faisions 
retentir  à  ses  oreilles?  De  même  que,  dans  une  précédente 
expérience  sur  le  sens  de  la  vue,  nous  avions  constaté 
qu'il  voyait  l'allumette  qu'il  tenait  à  la  main,  et  restait 
absolument  étranger  à  l'allumette  que  je  lui  présentais. 

«  La  scène  à  laquelle  nous  venions  d'assister  ne  nous  per- 
mettait point  de  trancher  la  question,  car  la  mise  en  œuvre 
de  ses  romances  pouvait  être  un  simple  mouvement  auto- 
matique, tout  aussi  bien  que  la  lutte  vigoureuse  engagée 
entre  lui  et  le  soldat  prussien,  au  moment  où  il  s'était  cru 
armé  d'un  fusil,  n'avait  été  qu'un  souvenir  en  action.  — 
Ses  gestes,  sa  tenue,  ses  inflexions  de  voix,  les  nuances 
de  sentiment  et  de  chaleur  qu'il  exprimait  dans  son  chant, 
étant  choses  apprises  depuis  longtemps,  et  répétées  par  lui 
un  grand  nombre  de  fois,  pouvaient  donc  n'être  qu'un  épi- 
sode de  sa  vie  habituelle,  une  simple  réminiscence,  une 
expression  vocale  inconsciente,  automatique  comme  tant 
d'autres  faits  qui  venaient  de  se  passer  sous  nos  yeux. 
Nous  avions  le  plus  vif  désir  de  résoudre  ce  nouveau  pro- 
blème par  une  expérience  décisive;  et  c'est  encore  par  la 
voie  des  impressions  du  toucher  que  nous  avions  songé  à 
interroger  le  sens  de  l'ouïe. 

«  Nous  savions  que  le  contact  d'une  plume  éveillait  chez 
F...  l'idée  d'écrire;  nous  savions  que  du  tabac  mis  dans  sa 
main  lui  faisait  naître  l'idée  de  fumer,  nous  pouvions  donc 
penser  que,  en  lui  faisant  rencontrer  un  archet,  nous  lui 
suggérerions  l'idée  de  musique,  car  il  avait  l'habitude  de 
se  servir  d'un  violon  pour  étudier  ses  romances.  Nous 
avions,  à  cet  effet,  préparé  un  violon  complètement  désac- 


o4  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

cordé  que  nous  voulions  lui  mettre  entre  les  mains;  et  nous 
allions  trouver,  dans  cette  expérience,  une  démonstration 
complète  de  l'exercice  ou  du  non-exercice  du  sens  de 
Fouie,  si  F...  avait  pu  rétablir  l'accord  et  se  servir  de  son 
violon  comme  il  le  faisait  d'habitude.  —  Mais  la  crise  s'est 
terminée  avant  que  nous  ayons  pu  faire  cette  expérience  si 
simple. 

«  Cette  scène,  que  je  me  suis  attaché  à  reproduire  fidèle- 
ment, est  intéressante  par  l'enchaînement  des  faits  qui  se 
sont  succédé  depuis  la  lettre  écrite  sous  nos  yeux  à  son 
amie  ;  elle  marque  le  moment  où  l'idée  de  concert  se  pré- 
sente à  son  esprit.  Depuis  lors,  jusqu'au  moment  où  il  la 
réalise,  tout  s'harmonise  et  concourt  au  même  but;  il  pour- 
suit la  même  idée  pendant  au  moins  trois  quarts  d'heure 
sans  que  rien  ne  l'en  puisse  distraire  un  instant. 

«  C'est  là  un  des  points  de  vue  tout  particulièrement  inté- 
ressants dans  cette  observation,  car  il  accuse  clairement  la 
différence  essentielle  qui  existe  entre  l'état  psychologique 
du  sommeil  et  du  rêve  et  les  conditions  spéciales  que  la 
maladie  de  F...  a  créées  à  son  innervation  cérébrale.  » 

L'histoire  du  sergent  de  Bazeilles  présente  des  analogies 
frappantes  avec  celle  des  somnambules  hystériques  qui  ont 
été  cités  plus  haut,  et  en  même  temps  on  peut  relever  des 
difi'érences  notables  qui  ne  permettent  pas  de  réunir  cette 
observation  aux  précédentes. 

L'analogie,  c'est  l'existence  de  plusieurs  vies  psycholo- 
giques séparées.  F...,  à  la  suite  d'une  blessure  à  la  tète, 
présente,  par  accès,  une  activité  psychique  spéciale  qui  se 
distingue  de  sa  vie  normale  et  constitue,  si  l'on  veut  user 
de  ce  terme,  un  état  de  condition  seconde;  la  séparation 
des  deux  existences  est  faite  ici,  comme  dans  le  cas  de 
Félida,  surtout  par  la  mémoire;  le  malade  rentré  dans  sa 
vie  normale  ne  se  souvient  plus  de  ce  qu'il  a  fait,  de  ce 
qu'il  a  dit  pendant  sa  crise,  des  assistants  qui  l'ont  entouré 
et  des  épreuves  auxquelles  on  l'a  soumis.  L'état  de  crise 
diffère  aussi,  semble-t-il,  de  l'autre  état  par  un  changement 
de  caractère,  et  notamment  par  cette  impulsion  au  vol  per- 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  55 

sistante,  qui  fait  que  le  malade  saisit  et  cache  tous  les  objets 
qu'il  rencontre.  Voilà  donc  deux  éléments,  la  mémoire  et 
le  caractère,  qui  différencient  nettement  la  condition  se- 
conde et  la  condition  première;  et  dans  tout  ce  qui  pré- 
cède, les  analogies  entre  F...  et  les  autres  malades  que 
nous  avons  décrits  sont  remarquables. 

Les  différences  consistent  dans  la  forme  de  l'activité 
mentale  que  F...  manifeste  pendant  sa  crise.  Tandis  que 
Félida,  Louis  V...  et  les  autres  montrent,  pendant  leur 
condition  seconde,  une  intelligence  ouverte  à  toutes  les 
excitations  extérieures,  l'intelligence  de  F...  est  au  contraire 
fermée  à  toutes  les  excitations  qui  n'ont  point  de  rapport 
avec  l'idée  dominante  du  moment.  On  vient  de  le  voir  par- 
courir pendant  deux  heures  un  hôpital  entier,  traverser 
les  corridors,  les  salles  de  malades,  se  promener  dans  le 
jardin  sans  se  douter  des  nombreuses  personnes  qui  le 
Suivent  et  qui  l'épient  ;  il  ne  voit  pas  ces  personnes,  parce 
que  leur  présence  n'entre  pas  dans  son  cercle  d'idées;  il  ne 
voit  de  même  aucun  des  objets  qui  n'ont  point  de  rapport 
avec  le  roman  intérieur  qu'il  rumine  tout  en  marchant  ; 
quand  il  sent  le  besoin  de  fumer,  et  que  M.  Mesnet,  après 
avoir  éteint  son  allumette,  lui  en  présente  une  tout 
enflammée,  il  ne  la  voit  pas,  et  se  laisse  brûler  les  sourcils 
par  la  flamme;  mais  il  a  perçu  la  plume  dont  il  se  sert  pour 
écrire,  et  le  papier  à  lettre  sur  lequel  il  écrit,  et  le  corridor 
qu'il  traverse  et  la  porte  qu'il  ouvre  :  tous  ces  objets  sont 
en  relation  avecsesidéesdominantes.  C'est  ce  que  M.  Mesnet 
a  très  bien  compris  et  très  bien  décrit,  et  il  a  aussi  noté 
avec  soin  le  rôle  directeur  exercé  par  le  toucher  sur  l'intel- 
hgence  de  son  malade. 

Ainsi  l'activité  mentale  de  F...,  pendant  ses  crises,  pré- 
sente surtout  un  développement  systématique.  M.  Mesnet 
admet  en  outre,  et  même  il  affirme  à  plusieurs  reprises, 
que  c'est  une  activité  inconsciente,  purement  réflexe  et 
machinale.  11  n'y  aurait  donc,  pendant  la  crise,  aucune 
trace  de  pensée  consciente,  de  jugement,  d'imagination. 
Cette   interprétation,   émanant  de  l'auteur  qui  avait  lui- 


S6  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

même  observé  les  faits,  s'est  présentée  avec  une  telle 
garantie  de  rectitude  que  plusieurs  ps^^chologues  n'ont  eu 
aucune  difficulté  à  l'accepter.  Il  a  donc  été,  pendant  un 
temps,  admis  couramment  que  chez  certains  malades,  une 
activité  mentale  inconsciente  et  aveugle  peut,  à  certains 
moments,  se  substituer  à  la  conscience,  prendre  en  main 
les  rênes  du  gouvernement  de  l'organisme  et  produire 
toute  une  série  d'actes  compliqués.  Cette  hypothèse  —  car 
c'en  est  une  —  a  été  reprise  par  un  naturaliste  anglais 
bien  connu,  M.  Huxley,  et  lui  a  servi  à  édifier  sa  théorie 
de  la  conscience  épiphénomène.  A  quoi  sert  la  conscience, 
s'est-il  demandé,  puisqu'on  peut  si  bien  se  passer  d'elle, 
puisque  le  cerveau,  pendant  son  absence,  peut  accomplir  des 
actes  ayant  un  caractère  intelligent?  La  conscience  est  un 
luxe  de  l'esprit,  c'est  une  chose  inutile,  un  phénomène 
surajouté,  qui  éclaire  le  processus  physiologique,  qui  le 
révèle,  mais  ne  le  constitue  pas.  On  a  donc  comparé  la 
conscience  à  l'ombre  qui  suit  le  pas  du  voyageur,  à  la 
lumière  qui  sort  du  foyer  d'une  machine,  au  timbre  qui, 
en  sonnant,  nous  apprend  l'heure  marquée  au  cadran  de  la 
pendule;  supprimez  l'ombre,  la  lumière,  le  timbre,  tous 
ces  signes  extérieurs,  le  mécanisme  interne  qu'ils  révèlent 
n'en  fonctionnera  pas  moins;  et  de  même,  si  la  conscience, 
par  hypothèse,  était  supprimée,  le  cerveau  continuerait  à 
fonctionner,  les  idées  se  suivraient,  et  les  jugements  se 
coordonneraient  en  raisonnements  comme  ils  le  faisaient 
auparavant. 

On  commence  à  reconnaître  aujourd'hui  que  ces  hypo- 
thèses sont  bien  hasardées,  et  qu'en  tout  cas  les  faits  qui 
leur  servent  de  point  de  départ  principal  peuvent  recevoir 
une  tout  autre  interprétation.  11  n'est  nullement  démontré 
que  l'activité  mentale  du  sergent  de  liazeilles  pendant  ses 
crises  soit  celle  d'un  pur  automate;  loin  de  là,  si  on  relit 
avec  soin  son  observation,  on  rencontre  à  chaque  instant 
des  signes  de  conscience;  il  est  même  étonnant  qu'on  ne 
s'en  soit  pas  rendu  compte.  Regardons-le,  au  moment  où 
dominé  par  le  souvenir  de  son  métier  de  chanteur,  il  fait 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  57 

sa  toilette  pour  monter  en  scène,  et  cherche  une  redingote; 
sa  main  errant  autour  de  lui,  il  ne  trouve  pas  le  vêtement 
cherché,  et  donne  des  signes  de  mécontentement  ;  à  un 
autre  moment,  pendant  qu'il  est  occupé  à  écrire  une  lettre 
à  son  général,  on  enlève  rapidement  la  feuille  de  papier 
sur  laquelle  il  écrit,  et  il  donne  un  signe  de  surprise;  sur- 
prise, mécontentement,  qu'est-ce  que  tout  cela,  sinon  des 
signes  de  conscience?  Et  ne  suffit-il  pas  de  ces  quelques 
faits  pour  jeter  les  doutes  les  plus  sérieux  sur  l'hypothèse 
de  l'homme-machine? 

A  mesure  que  nous  avancerons  dans  notre  sujet,  nous 
aurons  plus  d'une  fois  l'occasion  de  montrer  que  la  con- 
science n'abdique  pas  si  facilement  ses  droits  qu'on  l'a 
admis  jusqu'ici,  et  qu'elle  peut  subsister  au  sein  d'une 
activité  psychologique  rudimentaire. 


II 


Depuis  la  publication  du  mémoire  de  M.  Mesnet,  il  a 
paru  un  certain  nombre  d'observations  du  même  genre, 
qui  en  ont  confirmé  l'exactitude. 

Les  plus  importantes  de  ces  observations  nouvelles  sont, 
sans  contredit,  celles  qui  ont  été  recueillies  et  publiées 
récemment  par  M.  Gharcot  et  ses  élèves.  M.  Gharcot  a  eu 
l'obligeance  de  me  montrer  ses  malades  et  j'ai  trouvé  une 
ressemblance  psychologique  complète  avec  le  cas  de 
M.  Mesnet.  Ges  malades  présentent  tous  cette  systématisa- 
tion exagérée  de  l'activité  intellectuelle,  qui  leur  fait  perce- 
voir certains  objets  avec  une  très  grande  finesse,  tandis  que 
d'autres  passent  complètement  inaperçus.  Voici  une  de  ces 
observations;  je  l'emprunte  à  une  pubhcation  très  intéres- 
sante de  M.  Guinon  ^  : 

«  Il  s'agit  d'un  nommé  de  B...,  âgé  de  vingt-neuf  ans, 

1.  Progrès  médical,  1891,  n°"  20  et  sq. 


38  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

journaliste.  C'est  un  homme  qui  ne  fait  pas  partie  de  la 
clientèle  hospitalière  habituelle.  Il  a  été  bien  élevé,  il  a 
reçu  une  bonne  instruction,  il  est  bachelier  es  lettres.  Ses 
parents  étaient  rentiers  et  lui  ont  laissé  une  certaine  for- 
tune qu'il  a  dissipée  de  dix-huit  à  vingt  ans. 

«  A  vingt  ans  il  part  pour  le  service  militaire  comme 
volontaire  d'un  an,  dans  les  hussards.  Là  il  eut  une  fièvre 
typhoïde  grave  pour  laquelle  il  fut  soigné  à  l'hôpital  mili- 
taire. Pendant  sa  convalescence,  il  était  un  peu  sourd, 
avait  les  jambes  enflées  et  présentait  des  troubles  assez 
accentués  de  la  mémoire.  Au  bout  de  deux  mois  de  conva- 
lescence il  fut  enfin  guéri,  mais  deux  mois  plus  tard  écla- 
tèrent les  premiers  accidents  nerveux. 

«  Le  début  de  ces  troubles  eut  lieu  sans  cause  connue. 
Un  soir,  chez  lui,  après  dîner,  il  sentit  une  boule  qui  lui 
remontait  à  la  gorge  et  l'étouffait,  puis  perdit  connaissance. 
Pendant  deux  ou  trois  heures,  il  se  débattit,  se  roulant  sur 
le  plancher  et  ces  convulsions  étaient  entrecoupées  de 
périodes  d'assoupissement.  Dans  la  suite  il  n'eut  pas  d'au- 
tres crises  pendant  huit  ans. 

«  A  l'âge  de  vingt-quatre  ans,  complètement  ruiné, 
n'ayant  appris  aucun  métier  et  obligé  de  travailler  pour 
vivre,  il  se  mit  à  faire  du  journalisme.  Il  était  reporter  (faits 
divers,  compte  rendu  des  tribunaux,  théâtres,  etc.). 

«  En  mai  1890,  il  est  envoyé  à  Marseille  par  un  journal 
parisien  pour  faire  du  reportage  à  l'occasion  du  voyage  du 
président  de  la  République  en  Corse.. Il  avait  déjà  depuis 
quelque  temps  une  sorte  de  tremblement  de  la  main  droite 
qui  le  gênait  beaucoup  pour  écrire  et  se  faisait  accom- 
pagner, en  guise  de  secrétaire,  par  un  jeune  garçon,  à 
qui  il  dictait  ses  dépêches,  ses  articles. 

«  Pendant  son  séjour  à  Marseille,  il  se  surmena  beaucoup 
et  faillit  avoir  une  attaque  de  nerfs,  dont  il  ressentit  tous 
les  prodromes.  A  ce  moment  le  tremblement  de  la  main 
était  à  son  maximum.  C'est  dans  cette  .ville  qu'il  s'aperçut 
qu'il  était  porteur  d'une  hémiancsthésie  droite. 

«  Après  avoir  repris  son  travail  pendant  un  mois,  il  se 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  S9 

présenta  à  la  consultation  du  mardi,  à  la  Salpêtrière,  le 
21  octobre  1890,  parce  qu'il  ressentait  de  nouveau  les  pro- 
dromes d'une  crise  nerveuse. 

«  Ces  prodromes  sont  toujours  les  mêmes.  Ils  consistent 
en  maux  de  tête,  inappétence,  nausées  suivies  quelquefois 
de  vomissements  par  régurgitation,  frissons,  sensations  de 
chaud  et  de  froid.  A  cela  s'ajoute  une  sorte  de  trouble  de 
la  mémoire,  il  ne  se  rappelle  plus  rien,  oublie  ce  qu'il  a  fait 
la  veille  et  ce  qu'il  doit  faire  le  lendemain.  Cette  espèce  de 
malaise  général  a  précédé  presque  toutes  les  crises  ou  les 
séries  de  crises  qui  se  sont  produites  depuis  quelque  temps. 

«  Lorsqu'il  se  présente  à  nous,  c'est  un  homme  de  force 
moyenne,  d'aspect  pas  très  robuste,  un  peu  pâle,  l'air 
abattu  et  triste.  Tous  ses  organes  fonctionnent  normale- 
ment. Il  n'a  rien  au  cœur  ni  dans  les  poumons. 

«  La  moitié  droite  du  corps  est  le  siège  d'une  anestliésie 
absolue  au  contact,  à  la  douleur  et  à  la  température.  La 
perte  du  sens  musculaire  de  ce  côté  n'est  point  absolue;  il 
sent  qu'on  remue  un  doigt,  mais  sans  indiquer  toujours 
sûrement  lequel.  La  sensibilité  profonde,  musculaire  et 
articulaire  est  abolie  complètement. 

«  Il  existe  dans  la  fosse  iliaque  droite  un  point  doulou- 
reux. La  pression  sur  ce  point,  seulement  la  pression 
profonde,  donne  lieu  aux  phénomènes  de  l'aura  (boule, 
battements  dans  les  tempes,  sifflements  dans  les  oreilles). 
De  plus,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  elle  arrête  aussi  l'at- 
taque. 11  en  existe  un  autre  au  niveau  du  condyle  interne 
du  fémur  du  côté  droit  également. 

«  Le  goût  est  aboli  sur  la  moitié  droite  de  la  langue, 
l'odorat  complètement  perdu  pour  le  côté  droit.  L'ouïe  est 
diminuée  du  même  côté.  En  ce  qui  concerne  la  vue,  on 
constate  du  côté  droit  un  rétrécissement  du  champ  visuel 
à  30".  A  gauche  le  champ  visuel  est  normal.  De  plus, 
achromatopsie  et  polyopie  monoculaire. 

«  Le  malade  nous  dit  qu'il  est  hypnotisable  et  que  danfi 
les  services  hospitaliers  oii  il  a  servi  de  sujet  à  diverses 
expériences^  on  l'hypnotisait  à  Vaide  de  la  pression  sur 


60  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

les  globes  oculaires.  On  verra  plus  loin  quel  est  l'état  dans 
lequel  on  met  en  réalité  le  malade  à  l'aide  de  ce  procédé. 

«  Deux  jours  après  son  entrée,  le  malade  nous  prie  de 
vouloir  bien  V hypnotiser,  comme  on  avait  déjà  fait  à  Mont- 
pellier et  ailleurs,  parce  qu'il  ressent  une  certaine  amélio- 
ration à  la  suite  de  ces  sommeils  provoqués.  Nous  déférons 
volontiers  à  son  désir  et,  après  l'avoir  fait  asseoir  sur  une 
chaise,  nous  répétons  la  manœuvre  qu'il  dit  avoir  été  déjà 
employée  dans  ce  but  :  l'occlusion  des  yeux  avec  une 
légère  pression  sur  les  globes  oculaires. 

«  Au  bout  de  quelques  secondes,  le  malade  présente  des 
mouvements  de  déglutition  et  de  régurgitation  assez  pro- 
noncés :  on  dirait  qu'il  va  vomir,  mais  les  vomissements 
ne  se  produisent  pas.  Bientôt  les  membres  se  raidissent 
légèrement;  ils  sont  étendus  suivant  l'axe  du  corps  qui 
s'incurve  un  peu  en  arrière;  les  membres  inférieurs  rap- 
prochés l'un  contre  l'autre,  le  pied  en  extension  forcée. 
Les  membres  supérieurs  sont  rapprochés  du  corps;  les 
avant-bras  en  pronation  forcée;  la  paume  de  la  main  en 
arrière  et  en  dehors,  les  doigts  fléchis.  Le  bras  soulevé 
reste  dans  la  position  qu'on  lui  donne.  Puis  le  malade  est 
agité  de  quelques  frissonnements  et  bientôt  les  membres 
redeviennent  souples  et  le  malade  reste  assis,  calme,  la 
tête  un  peu  inclinée  sur  la  poitrine,  les  yeux  fermés,  dans 
l'attitude  de  quelqu'un  qui  sommeille. 

«  Quelques  instants  après,  le  malade,  les  yeux  toujours 
fermés,  commence  à  réciter  à  voix  basse  des  vers  d'Horace; 
à  ce  moment,  nous  lui  crions  dans  l'oreille  droite  :  «  Des 
soldats  !  »  Le  malade  cesse  sa  citation  d'fïorace,  et  au 
bout  de  quelques  secondes,  après  avoir  prononcé  entre  les 
dents  des  paroles  inintelligibles,  il  crie  à  haute  voix,  avec 
l'intonation  du  commandement  :  «  En  avant!  marche!... 
Par  le  flanc  droit!...  droite!...  »  Puis,  il  ouvre  les  yeux,  et 
le  regard  fixe,  comme  porté  au  loin,  les  paupières  large- 
ment ouvertes,  le  corps  incliné  en  avant,  le  cou  tendu,  il 
paraît  suivre  avec  une  attention  très  vive  quelque  chose 
qui  se  passe  à  quelque  distance. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  61 

«  On  frappe  alors  quelques  coups  de  gong,  légers  et 
rythmés  :  le  malade  prend  une  attitude  plus  calme,  qui 
semble  exprimer  le  recueillement,  il  dit  :  «  Marguerite 
entre  dans  la  chapelle...  Méphistophélès...  » 

«  A  ce  moment,  on  pique  avec  une  épingle  le  côté  droit 
de  la  face,  qui  était  anesthésique  à  l'état  de  veille;  aussitôt 
le  malade  manifeste  que  la  sensation  est  perçue,  en  faisant 
une  grimace,  et  en  portant  la  main  de  ce  côté.  Du  côté 
gauche,  au  contraire,  il  y  a  une  anesthésie,  qui  n'existait 
pas  à  l'état  de  veille.  En  même  temps,  il  s'écrie  :  «  Oh!  les 
mouches  !...  » 

«  On  lui  ouvre  les  yeux  et  on  lui  présente  un  verre  coloré 
en  rouge.  Au  bout  de  quelques  secondes,  le  malade,  avec 
anxiété,  s'écrie  :  «  Ohl  l'incendie...  )),  et  en  parlant  à  lui- 
même,  changeant  de  ton  :  «  En  voilà  au  moins  pour 
soulignes  de  copie!...  » 

«  On  frappe  trois  coups  sur  une  table.  Le  malade,  avec 
autorité:  «  En  scène,  mesdemoiselles!...  »  Changeant  de 
ton  :  «  Tiens,  la  petite  Ehse...,  où  a-t-elle  pris  cette  poi- 
«  trine-là?  Je  ne  la  lui  connaissais  pas...,  c'est  son  habil- 
«  leuse  qui  lui  aura  arrangé  cela...  »  Avec  raillerie  :  «  X... 
«  (un  nom  d'artiste),  qui  fait  le  Delaunay  au  petit  pied!  » 

«  On  présente  au  malade  un  verre  coloré  en  bleu;  avec 
admiration  :  «  Oh!  que  c'est  beau!...  Superbe,  ce  dernier 
«  tableau...,  il  a  des  tons  d'émail...;  c'est  l'Exposition  du 
«  Blanc  et  Noir. . .  » 

((  On  lui  présente  un  verre  rouge;  toujours  avec  admira- 
tion :  «  La  belle  sanguine!...  »  Puis,  changeant  de  ton, 
avec  anxiété  :  «  Au  feu!...  » 

«  On  lui  présente  un  verre  bleu.  Le  malade,  avec  ironie, 
sur  un  ton  emphatique  :  «  Tiens,  je  suis  dans  Théo- 
ce  phile  Gautier!..  Je  regarde  ma  princesse  derrière  un 

((  vitrail Nous  irons  chanter  tous  les  deux  la  chanson 

«  de  nos  vingt  ans!  » 

«  On  frappe  trois  coups  sur  la  table.  Le  malade,  chan- 
geant de  ton,  et  comnie  s'il  se  parlait  à  lui-même,  écou- 
tant :    «   Voici  l'ouverture...  ;   trémolo  à  l'orchestre...  » 


62  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

Interrogeant  :  «  Qu'est-ce?  un  vaudeville?...  »  Pais  comme 
s'il  critiquait  la  pièce  :  «  Voilà  la  scène  à  faire,  comme  dit 
«  Sarcey....;  le  dialogue  est  mou...  » 

«  En  frappant  sur  un  aimant,  on  produit  comme  le  son 
d'une  cloche.  Le  malade  imitant  le  ton  des  employés  : 
«  Ghâleau-Chillon!...  Vevey!...  Embarquez!  »  Puis  chan- 
geant de  ton,  comme  s'il  s'adressait  à  un  des  employés  qui 
le  presse  :  «  On  y  va...,  on  embarque...;  nous  n'allons  pas 
«  faire  de  plongeon,  au  moins?...  » 

«  En  frappant  sur  une  table  avec  les  doigts,  on  imite  le 
bruit  du  tambour.  Le  malade,  se  parlant  à  lui-même  avec 
tristesse  :  «  C'est  une  parade  d'exécution...,  on  va  le 
«  dégrader,  le  pauvre  malheureux...,  il  ira  aux  compagnies 
«  de  discipline...,  tandis  que  l'espion  de  Nancy  s'en  tirera 
«  avec  cinq  ans  de  prison...  Cet  homme,  qui  représente  le 
«  commissaire  du  gouvernement,  manque  de  majesté...  » 

«  Gomme  on  le  voit,  les  conceptions  délirantes  portent 
au  suprême  degré  le  cachet  de  la  personnalité  du  malade. 
C'est  un  journaliste,  un  «  gendelettres  »,  sans  fortune, 
vivant  tant  bien  que  mal  de  sa  plume.  Il  ne  parle  que  de 
reportage,  de  théâtre,  de  misère  d'écrivain  à  la  tâche.  Voilà 
pour  le  côté  professionnel.  Pour  ce  qui  est  du  caractère,  il 
ne  se  dément  pas  non  plus  :  il  est  sceptique,  désillusionné, 
et  toutes  ses  idées  délirantes  sont  marquées  à  ce  sceau-là. 
Dans  la  suite,  de  nouvelles  scènes  s'ajoutèrent.  Au  bout  de 
quelque  temps  de  séjour  à  la  Salpêtrière,  après  avoir 
observé  choses  et  gens  autour  de  lui,  il  parlait  souvent, 
dans  son  délire,  de  l'hôpital,  des  malades,  des  médecins, 
toujours  avec  cette  note  sceptique  et  désillusionnée. 

«  Quelques  jours  après  son  entrée  à  l'hospice,  le  malade, 
qui  observait  avec  intérêt  tout  ce  qui  se  passait  autour  de  lui 
dans  la  maison,  avait  manifesté  à  plusieurs  reprises  l'in- 
tention d'écrire  quelque  chose,  une  nouvelle,  un  petit 
roman  sur  la  Salpêtrière.  Profitant  d'un  moment  où  il  était 
dans  sa  crise  délirante,  nous  attirons  son  attention  sur  ce 
sujet  en  lui  criant  aux  oreilles  à  diverses  reprises  :  «  La 
Salpêtrière!  »  et  en  plaçant  devant  lui  une  plume,  de  l'encre 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANES  63 

et  du  papier.  Au  bout  de  quelques  instants  il  se  met  à  écrire 
et  remplit  ainsi,  sans  s'interrompre  autrement  que  pour 
allumer  quelques  cigarettes  que  nous  lui  offrons,  douze 
feuillets  de  papier,  composant  une  sorte  de  prologue  à  son 
roman.  Il  décrit  la  consultation  externe  de  l'hospice  un 
mardi  matin,  les  allures  et  la  physionomie  des  nombreux 
malades  et  des  personnes  de  service.  Il  s'étend  peu  sur  la 
description  des  membres  du  personnel  médical,  raconte 
ses  émotions,  son  passage  au  bureau  des  entrées,  etc.  De 
temps  en  temps,  comme  s'il  se  trouvait  avec  un  camarade 
dans  un  bureau  de  rédaction  de  quelque  journal,  il  parle  à 
cet  ami  imaginaire,  se  plaignant  de  l'exigence  du  prote  qui 
n'a  jamais  assez  de  copie,  demandant  quelques  conseils, 
raturant  des  mots  impropres,  faisant  des  additions  et  des 
renvois  régulièrement  numérotés.  Ces  douze  pages  sont 
écrites  dans  l'espace  d'une  heure  environ. 

«  On  le  réveille  alors  en  lui  soufflant  sur  la  face  et  en 
pressant  sur  un  point  hystérogène  qu'il  porte  dans  le  flanc 
gauche.  Il  revient  à  lui  après  quelques  mouvements  con- 
vulsifs  et  on  lui  met  sous  les  yeux  le  manuscrit  qu'il  vient 
de  composer.  Il  reconnaît  bien  son  écriture  et  paraît  fort 
étonné  d'avoir  écrit  tout  cela  en  une  heure.  Il  pense  qu'on 
a  dû  le  faire  écrire  pendant  qu'il  «  dormait  »,  car  il  n'avait 
encore  rien  composé  là-dessus  à  l'état  de  veille,  et,  d'autre 
part,  dans  cet  état  de  veille,  il  lui  eût  fallu  deux  bonnes 
heures  pour  écrire  ainsi  douze  pages  presque  sans  retou- 
ches. 

«  Trois  jours  après  on  recommence  l'expérience.  Le 
malade  prend  la  plume  et,  délibérém^ent,  sans  hésitation, 
numérote  sa  première  feuille  :  13  et  au  haut  de  la  page  il 
écrit  le  dernier  mot  de  son  précédent  manuscrit  '.  Ce  jour- 
là  il  écrit  sept  pages  consécutivement,  dont  la  dernière 
(feuillet  19)  n'est  remplie  qu'à  moitié. 


1.  «  On  sait  que  c'est  une  coutume  chez  les  personnes  qui  écrivent  pour 
l'impression  de  répéter  au  haut  de  chaque  page  le  dernier  mot  de  la 
page  précédente.  Le  malade  ne  manque  jamais  d'agir  ainsi  à  chaque 
page  blanche  qu'il  commence.  « 


64  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

«  Le  lendemain  nouvelle  expérience.  Il  commence  à 
numéroter  son  feuillet  :  19  bis  en  traçant  en  haut  le  dernier 
mot  de  la  feuille  précédente,  et  écrit  une  demi-page.  Le  sur- 
lendemain il  recommence  et  continuant  la  page  19  bis  ina- 
chevée il  numérote  19  ter,  puis  s'arrête  à  la  page  20. 

«  Nous  le  laissons  alors  vingt  jours  sans  lui  reparler  de 
son  roman,  et,  au  bout  de  ce  temps,  nous  attirons  de  nou- 
veau son  attention  sur  ce  sujet.  Il  prend  la  plume,  numérote 
sans  hésitation  son  premier  feuillet  :21  en  traçant  comme 
toujours  en  haut  les  deux  derniers  mots  de  la  dernière 
feuille,  écrite  vingt  jours  auparavant.  » 

Le  malade  observé  par  MM.  Gharcot  et  Guinon  diffère 
principalement  de  celui  de  M.  Mesnet  par  l'éveil  d'une 
plus  grande  activité  sensorielle  ;  le  toucher  acquiert  une 
importance  moindre,  car  la  vue  et  l'ouïe  sont  plus  éveillées; 
en  outre,  le  malade  a  l'usage  de  la  parole,  et  il  laisse 
échapper  des  réflexions  souvent  raisonnables,  et  parfois 
piquantes,  qui  indiquent  de  la  façon  la  plus  nette  qu'il 
n'est  point  un  automate  dépourvu  de  conscience.  Les  obser- 
vations de  M.  Gharcot  lèvent  donc  tous  les  doutes  qui 
pouvaient  encore  subsister  sur  ce  point  important.  Nous 
croyons  inutile  d'insister,  tant  la  démonstration  nous  paraît 
complète.  La  conscience  est  aussi  bien  présente  chez  ces 
malades  pendant  leurs  crises,  que  chez  les  somnambules 
étudiés  au  chapitre  précédent. 

Le  journaliste  B.  présente  aussi  d'autres  différences  psy- 
chologiques; il  est  moins  concentré  dans  son  délire  que  le 
sergent  de  Bazeilles;  celui-ci  non  seulement  ne  parle  pas, 
mais  il  ne  comprend  pas  ce  qu'on  lui  dit,  et  par  consé- 
quent il  est  inaccessible  aux  suggestions  verbales  ;  le  jour- 
naliste a  un  délire  avec  lequel  on  peut  entrer  en  relation 
directe,  puisqu'il  entend  et  comprend  ce  qu'on  lui  dit  ;  mais 
son  état  intellectuel  reste  cependant  bien  différent  de  celui 
des  somnambules  hypnotiques,  car  les  hallucinations  et 
conceptions  délirantes  qu'on  lui  communique  se  déve- 
loppent sans  se  laisser  conduire  au  gré  de  l'expérimen- 
tateur. 


LES  SOMNAMBULISMES  SPONTANÉS  65 

■  En  résumé,  le  somnambulisme  des  sujets  précédents  a 
pour  caractère  psychologique  fondamental  le  délire;  ces 
sujets  ont  bien  deux  personnalités,  celle  de  l'état  normal  et 
celle  de  la  condition  seconde;  mais  cette  seconde  personne 
est  délirante. 

Nous  avons  \u  que  chez  les  somnambules  de  notre  pre- 
mier type  les  diverses  manifestations  de  l'état  second  sont 
reliées  entre  elles  et  unifiées  par  le  souvenir;  le  malade, 
quand  il  se  trouve  dans  un  de  ces  états,  se  rappelle  ce  qui 
s'est  passé  dans  les  autres  états  ;  la  personnalité  seconde  peut 
donc  conserver  son  unité  et  persister  toujours  la  même, 
avec  le  même  caractère,  dans  les  crises  successives  de  som- 
nambulisme. En  est-il  de  môme  dans  le  somnambulisme 
du  second  type?  La  seconde  personnabté,  qui  est  délirante, 
conserve-t-elle  le  souvenir  de  ce  qui  s'est  passé  dans  les 
crises  antérieures?  Dans  bien  des  cas,  il  est  difficile  de  le 
savoir;  car  le  malade,  pendant  son  délire,  ne  peut  pas  être 
soumis  à  un  interrogatoire  régulier;  il  ne  fie  pas  conversa- 
tion avec  l'expérimentateur,  et  il  est  bien  incapable  de 
donner  les  renseignements  qu'on  lui  demande.  Mais  par- 
fois la  forme  même  de  son  délire,  ou  les  actes  qu'il  accom- 
plit, peuvent  nous  éclairer.  Ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
remarqué  plus  haut,  il  y  a  deux  preuves  principales  de  la 
continuité  de  la  mémoire  :  la  première,  c'est  le  témoignage 
conscient  du  sujet  ;  la  seconde,  c'est  la  répétition  ou  la 
continuation  d'un  acte  commencé  dans  la  crise  précédente. 
Le  journaliste  B. . .  fournit  cette  seconde  preuve,  et  à  ce  point 
de  vue,  son  observation  est  bien  plus  instructive  que  celle 
du  sergent  de  Bazeilles.  On  se  rappelle  que  B...  a  com- 
mencé à  écrire  pendant  un  de  ses  somnambulismes  une 
nouvelle  sur  la  Salpêtrière.  Dans  ses  crises  successives,  il 
reprend  son  travail  exactement  au  point  où  il  l'a  laissé, 
bien  qu'on  ne  lui  laisse  pas  voir  les  feuillets  déjà  écrits;  et 
suivant  l'usage  des  personnes  qui  font  de  la  copie,  il  répète 
au  haut  de  la  première  page  le  dernier  mot  de  la  page  pré- 
cédente; un  jour  il  s'est  souvenu  aussi  du  dernier  mot  qu'il 
avait  écrit,  trois  semaines  auparavant  :  c'est  donc  bien  la 

A.    BlNET.  5 


66  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

même  personnalité  qui  se  manifeste  dans  les  crises  succes- 
sives. 

Nous  avons  employé  jusqu'ici  le  mot  de  crise,  sans  y 
attacher  un  sens  bien  défini.  Il  serait  intéressant  de  savoir 
dans  quelles  conditions  précises  l'activité  mentale  des 
malades  tels  que  F...,  se  manifeste.  On  est  longtemps 
resté  dans  l'incertitude  à  ce  sujet,  et  l'observation  de 
M.  Mesnet,  quoique  très  détaillée,  ne  nous  apprend  rien;  il 
paraît  seulement  que  le  sergent  de  Bazeilles  éprouve  une 
sensation  d'éblouissement  et  quelques  autres  sensations 
subjectives  avant  d'entrer  dans  sa  crise.  Les  études  de 
M.  Gharcot  ont  été  entreprises  principalement  avec  l'in- 
tention de  répartir  chacun  de  ces  faits  dans  leurs  cadres 
nosographiques  ;  l'éminent  professeur  s'est  donc  attaché  à 
préciser  les  événements  physiologiques  dont  les  altérations 
de  conscience  dépendent.  Nous  dirons  un  mot  très  bref 
des  conclusions  auxquelles  il  est  arrivé,  car  la  nature  exchi- 
sivement  psychologique  de  notre  étude  nous  oblige  à  passer 
rapidement  sur  les  détails  médicaux. 

M.  Gharcot  admet  que  les  phénomènes  somnambuliques 
ou  pseudo-somnambuliques  de  l'ordre  de  ceux  que  nous 
venons  d'étudier  font  partie  de  la  grande  attaque  hysté- 
rique; ils  représentent  la  phase  intellectuelle  de  la  grande 
attaque,  celle  qui  se  manifeste  seulement  à  la  suite  des 
convulsions  des  membres;  c'est  la  période  des  attitudes 
passionnelles  et  la  période  de  déhre,  qui,  dans  une  attaque 
vulgaire,  sont  généralement  peu  développés,  et  qui  pré- 
sentent ici  une  exagération  si  considérable  qu'à  eux  seuls 
ils  constituent  presque  toute  l'attaque  ;  on  peut  toutefois, 
en  y  regardant  de  près,  constater  dans  les  cas  relativement 
complets,  l'existence  de  quelques  convulsions  des  mem- 
bres; et  cet  élément  convulsif,  si  réduit,  représente  les 
phases  de  mouvements  toniques  et  cloniques  qui  sont  si 
importants  dans  les  autres  attaques  d'hystérie. 


CHAPITRE   III 

LES    SOMNAMBULISMES    PROVOQUÉS 


Les  chances  d'erreurs  dans  les  expériences  de  laboratoire.  —  Le  somnam- 
bulisme artificiel;  comment,  on  le  produit;  en  quoi  il  consiste.  —  Rôle 
de  la  psychologie  dans  l'étude  de  ces  questions.  —  Modiflcations  du 
caractère  dans  les  somnarabulismes.  —  Modifications  de  la  mémoire.  — 
Survivance  d'un  état  somnambulique  pendant  la  veille.  —  Expériences 
de  M.  Gurney,  au  moyen  de  l'écriture  automatique.  —  Dédoublement 
de  conscience;  deux  pensées  qui  coexistent  et  qui  s'ignorent. 


I 

Nous  quittons  ici  l'histoire  des  altérations  spontanées 
de  la  conscience;  nous  allons  entrer  dans  le  domaine  des 
faits  provoqués  artificiellement;  nous  allons  chercher  à 
étudier  le  fractionnement  de  la  personnalité  tel  qu'il  appa- 
raît dans  des  expériences  de  laboratoire. 

L'importance  de  ces  expériences  et  surtout  leur  valeur 
psychologique  ont  été  appréciées  de  façon  bien  différente 
dans  ces  dernières  années.  A  la  première  heure,  quand  les 
études  sur  l'hypnotisme  et  le  somnambulisme  furent  remises 
en  honneur  par  M.  Gharcot,  il  y  eut  un  grand  mouvement 
d'enthousiasme.  Depuis  cette  époque,  il  faut  bien  le  recon- 
naître, l'enthousiasme  a  un  peu  diminué;  on  s'est  aperçu 
que  ces  études  présentent  une  foule  de  causes  d'erreur, 
qui  en  faussent  bien  souvent  les  résultats,  à  l'insu  de  l'ex- 
périmentateur le  plus  soigneux  et  le  plus  prudent,  et  per- 


68  LES   PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

sonne  ne  peut  se  vanter  de  n'avoir  jamais  failli.  Une  des 
principales  causes  d'erreurs  incessantes,  on  la  connaît, 
c'est  la  suggestion,  c'est-à-dire  l'influence  que  l'opérateur 
exerce  par  ses  paroles,  ses  gestes,  ses  attitudes,  ses  silences 
mêmes,  sur  l'intelligence  si  subtile  et  souvent  si  éveillée 
de  la  personne  qu'il  a  mise  en  somnambulisme. 

Il  n'y  a  pas  dans  la  possibilité  de  ces  causes  d'erreurs  un 
motif  suffisant  pour  nous  faire  abandonner  une  méthode 
féconde  ;  tout  procédé  d'observation,  pour  peu  qu'on  l'em- 
ploie assez  longtemps,  se  montre  défectueux  par  plusieurs 
côtés;  c'est  ainsi  que  la  méthode  graphique,  si  merveil- 
leuse en  certains  cas,  peut  donner  heu  à  des  méprises 
capitales  sur  la  forme  des  mouvements;  l'anatomie  elle- 
même,  qui  de  toutes  les  sciences  biologiques  paraît  le  plus 
solidement  assise,  peut  se  tromper  et  prendre  des  appa- 
rences pour  la  réalité.  C'est  à  l'observateur  de  veiller;  il 
doit  se  méfler  constamment  de  sa  méthode  et  de  ses  appa- 
reils. La  principale  précaution  à  prendre  ici  consiste, 
comme  nous  l'avons  dit  déjà,  à  tenir  compte  seulement  des 
observations  qui  se  répètent  et  se  vérifient  entre  toutes  les 
mains,  et  auxquelles  on  parvient  par  des  chemins  tout  à 
fait  différents. 

Avant  d'entrer  en  matière,  il  ne  sera  pas  inutile  de  rap- 
peler en  quelques  mots  ce  qu'est  le  somnambulisme  hypno- 
tique, et  quels  sont  les  moyens  de  le  provoquer.  Pour  tous 
les  détails  dans  lesquels  nous  ne  pouvons  pas  entrer,  on 
peut  se  reporter  à  un  de  nos  ouvrages  antérieurs  *  où  le 
somnambuhsme  provoqué  a  été  étudié  en  lui-même,  en 
tant  qu'état  psycho-pathologique.  Nous  ne  considérons  ici 
cet  état  que  dans  ses  rapports  avec  la  théorie  des  dédouble- 
ments de  conscience;  aussi  ne  prendrons-nous  de  nos 
descriptions  précédentes  que  ce  qui  nous  est  essentiel  '\ 

1.  Le  Mar/niHisme  animal,  par  Binct  et  Féré.  Biljliolkrrjuc  scientifique 
internalionale. 

2.  Le  somnambulisme  que  nous  allons  décrire  ne  diffère  point  du  som- 
nambulisme naturel  et  du  somnambulisme  d'attaque  par  ce  fait  qu'il  est 
provoqué;  celle  dllférence  est  fort  peu  de  chose,  et  du  reste  on  peut  pro- 
voquer artificiellement  le  somnambulisme  d'attaque  et  le  somnambulisme 


LES  SOMNAMBULISMES  PROVOQUÉS  69 

Les  moyens  efficaces  pour  provoquer  le  somnambulisme 
sont  extrêmement  nombreux,  si  nombreux  qu'il  serait  trop 
long  d'en  donner  la  liste  complète  et  hétéroclite.  Un  des 
procédés  les  plus  anciennement  connus  est  celui  de  Braid; 
il  consiste  dans  la  fixation  du  regard;  le  sujet  sur  lequel 
on  va  expérimenter  est  assis,  on  fait  silence  autour  de 
lui,  et  l'expérimentateur  le  prie  de  regarder  fixement  un 
petit  objet,  brillant  ou  non,  qu'il  approche  de  ses  yeux  de 
façon  à  déterminer  une  convergence  forcée  et  fatigante 
de  ses  globes  oculaires  ;  au  bout  de  quelque  temps,  la  vue 
se  trouble,  les  paupières  battent  et  frémissent,  et  le  sujet 
s'endort.  On  peut  encore  hypnotiser  une  personne  avec 
un  bruit  monotone  et  prolongé,  ou  un  bruit  violent  et 
soudain;  un  jet  de  lumière  électrique,  la  pression  légère 
ou  forte  sur  une  partie  du  corps,  comme  le  vertex  chez 
les  hystériques,  la  constriction  des  pouces,  les  passes  sont 
autant  de  moyens  qui  réussissent.  On  a  essayé  de  mettre 
un  peu  d'ordre  dans  ces  divers  procédés  d'hypnotisation, 
on  a  même  voulu  en  donner  une  explication  physiologique; 
mais  leur  diversité,  la  légèreté  de  l'excitation  nécessaire 
pour  produire  l'effet  (il  suffit  parfois  d'un  souffle,  d'un 
geste),  et  enfin  ce  fait  si  caractéristique  que  chez  une  per- 
sonne souvent  endormie  tout,  absolument  tout  peut  réussir 
à  endormir,  toutes  ces  considérations  amènent  à  supposer 
que  les  causes  psychologiques  jouent  ici  le  grand  rôle. 

Seulement,  il  est  bien  clair  que  celte  explication  ne  va 
pas  loin,  et  que  ceux  qui  affirment  que  la  suggestion  est  la 
seule  cause  productrice  de  l'hypnose  ne  nous  renseignent 
guère  sur  le  mécanisme  de  l'opération.  La  plupart  des 
sujets  s'endorment  parce  qu'ils  savent  qu'on  veut  les 
endormir  :  cela  est  évident,  incontestable;  mais  comment 
cette  idée  amène-t-elle  le  somnambulisme?  Il  est  bien 
curieux  qu'une  personne  qui  n'a  jamais  été  endormie  et  à 


naturel.  Il  y  a  sans  doute  d'autres  différences,  encore  mal  connues;  toutes 
ces  questions  sont  loin  d'être  élucidées.  Pour  ne  rien  préjuger,  nous  don- 
nerons au  somnambulisme  expérimental  le  nom  de  somnambulisme  hypno- 
tique. 


70  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

qui  on  impose  cette  idée  de  sommeil  entre  dans  cet  état 
particulier  qui  n'est  point  le  sommeil  normal  et  dont  elle 
n'a  pas  encore  l'expérience.  Expliquer  cela  par  la  sugges- 
tion, c'est  se  contenter  d'un  mot.  Avouons-le,  nous  savons 
bien  peu  de  chose  de  tous  ces  phénomènes;  pour  provo- 
quer le  somnambulisme  hypnotique,  nous  possédons  quel- 
ques recettes  utiles,  voilà  tout. 

Le  somnambulisme  a  été  provoqué,  par  suggestion  ou 
autrement.  En  quoi  consiste  cet  état  nouveau?  En  quoi 
diffère-t-il  de  l'état  de  veille  ?  quelle  transformation  a-t-on 
fait  subir  au  sujet  en  lui  commandant  de  dormir?  Il  serait 
peut-être  aussi  difficile  de  répondre  à  cette  question  qu'à 
la  précédente.  Ce  que  l'on  connaît  le  mieux,  ce  sont  les 
modifications  psychologiques  présentées  parle  sujet  hypno- 
tisé, c'est-à-dire  les  altérations  qui  se  produisent  dans  son 
intelligence  et  dans  ses  sentiments.  Il  est  probable,  il  est 
même  certain  que  ces  altérations  ont  pour  base  des  modifi- 
cations matérielles  qui  se  produisent  dans  les  centres  ner- 
veux du  somnambule  et  dans  d'autres  parties  de  son  orga- 
nisme; mais  on  ignore  complètement  la  nature  de  ces 
phénomènes  purement  physiologiques,  et  tout  ce  qu'on  a 
écrit  à  ce  propos  me  paraît  être  de  la  fantaisie.  La  psy- 
chologie de  l'hypnose  est  encore  ce  que  l'on  connaît  le 
mieux,  c'est  le  seul  flambeau  qui  pour  le  moment  puisse 
nous  guider  dans  ces  recherches.  Sans  doute,  il  serait 
désirable  d'aller  plus  loin,  d'ajouter  à  l'étude  des  fonctions 
psychiques  celle  des  fonctions  physiologiques,  d'expliquer 
les  altérations  de  la  conscience  par  des  expériences  dirigées 
sur  l'état  des  centres  nerveux;  car  on  ne  doit  pas  se  dissi- 
muler que  tous  ces  phénomènes  de  conscience  que  nous 
décrivons  sont  souvent  vagues,  incertains,  à  contours  mal 
dessinés  ;  et  un  esprit  précis  peut  ne  pas  être  satisfait  par 
leur  description,  et  déclarer  que  leur  étude  n'a  point  un 
caractère  scientifique  ;  mais  nous  sommes  obligés  de  nous 
contenter  de  ces  notions  vagues,  parce  qu'à  tout  prendre 
elles  valent  mieux  que  des  notions  fausses,  et  nous  les  pré- 
férons résolument  à  des  hypothèses  physiologiques,  qui 


LES  SOMNAMBULISMES  PROVOQUÉS  71 

paraissent  plus  précises  et  sont  en  réalité  beaucoup  plus 
sujettes  à  caution  \ 

Si  donc  on  s'en  tient  au  point  de  vue  psychologique 
pour  caractériser  le  somnambulisme,  on  s'aperçoit  vite 
qu'il  constitue  pour  le  sujet  un  mode  d'existence  nouveau. 
Les  anciens  magnétiseurs  avaient  bien  raison,  quand  ils 
voyaient  dans  le  somnambulisme  l'émergenced'une  seconde 
personnalité. 

Deux  éléments  fondamentaux  constituent  une  personna- 
lité, c'est  la  mémoire  et  le  caractère.  En  ce  qui  concerne 
ce  dernier  point,  le  caractère,  peut-être  le  somnambulisme 
provoqué  ne  se  distingue-t-il  pas  toujours  nettement  de 
l'état  de  veille. 

Il  peut  arriver  assez  souvent  que  le  somnambule  n'aban- 
donne pas  le  caractère  qu'il  avait  avant  d'être  endormi. 
Les  raisons  en  sont  multiples.  D'abord,  les  expérimentateurs 
qui  placent  une  personne  en  somnambulisme  ont  en 
général  quelque  suggestion  à  lui  donner;  on  ne  s'attarde 
pas  à  étudier  ce  qu'il  y  a  de  spontané  dans  l'état  produit. 
Les  modifications  du  caractère,  si  elles  existent,  peuvent 
bien  passer  inaperçues.  Puis,  il  faut  remarquer  qu'une 
modification  du  caractère,  et  en  particulier  une  modifi- 
cation du  to}ius  émotionnel  est  un  phénomène  important, 
qui  a  le  plus  souvent  une  origine  interne,  dans  des  sensar 
tiens  inconscientes,  et  il  traduit  au  dehors  une  modification 
importante  de  l'organisme  physique.  Nous  avons  vu  se 
produire  de  tels  phénomènes  dans  les  dédoublements  spon- 
tanés de  la  personnalité,  et  particulièrement  dans  les  cas 
où  l'état  second  dure  pendant  des  années.  Une  modification 
aussi  radicale  ne  se  produit  pas  en  général  dans  les  états 
de  somnambulisme  provoqué,  qui  durent  peu  de  temps  et 
sont  provoqués  par  des  excitations  parfois  d'une  légèreté 
extrême. 

11  n'en  est  pas  de  même  pour  le  second  élément  de  la 
personnalité,  la  mémoire.  On  a  remarqué  depuis  longtemps 

1.  Les  lecteurs  qui  se  rappellent  mes  autres  écrits  l'econnaîtront  que  sur 
ce  point  important  j'ai  modifié  mes  opinions  anciennes. 


72  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

que  c'est  la  mémoire  qui  fournit  le  principal  signe  de  Tétat 
nouveau  et  permet  de  le  distinguer  de  l'état  antérieur, 
c'est-à-dire  de  Fétat  normal.  Le  somnambule  présente  en 
efiFet  une  curieuse  modification  dans  l'étendue  de  ses  sou- 
venirs, et  il  peut  se  produire  chez  lui  les  mêmes  phéno- 
mènes réguliers  d'amnésie  que  pendant  les  variations 
spontanées  de  la  personnalité. 

Deux  propositions  résument  les  principales  modifica- 
tions de  la  mémoire  qui  accompagnent  le  somnambulisme 
hypnotique  provoqué  :  1°  le  sujet,  pendant  son  état  de 
veille,  ne  se  rappelle  aucun  des  événements  qui  se  sont 
passés  pendant  le  somnambulisme;  2"  au  contraire,  mis 
en  somnambulisme,  il  se  souvient,  non  seulement  de  ses 
somnambulismes  antérieurs,  mais  encore  des  événements 
appartenant  à  son  état  de  veille. 

L'exactitude  de  la  première  proposition  a  pu  être  vérifiée 
facilement  par  tous  ceux  qui  ont  fait  des  expériences  ou 
qui  y  sont  assisté.  Le  plus  souvent,  quand  on  met  une 
personne  en  somnambulisme,  on  la  laisse  dans  cet  état 
pendant  une  heure  et  plus,  et  on  emploie  le  temps  à  faire 
sur  elle  une  foule  d'expériences;  au  réveil,  le  sujet  ne  se 
souvient  de  rien  ;  il  est  obligé  de  regarder  l'heure  à  la  pen- 
dule pour  savoir  combien  de  temps  on  l'a  laissé  en  som- 
nambulisme ;  si  on  lui  a  présenté  des  personnes  pendant 
son  état  second,  il  ne  les  reconnaît  pas  au  réveil,  pour  les 
avoir  déjà  vues  ;  si  même  on  lui  montre  une  lettre  qu'on 
vient  de  lui  faire  écrire  en  somnambulisme,  il  peut  bien 
reconnaître  son  écriture,  mais  il  ne  se  souvient  pas  d'avoir 
écrit,  et  il  ne  peut  pas  dire  un  mot  du  contenu  de  la  lettre. 
11  faut  se  hâter  d'ajouter  que  rien  n'est  absolument  constant 
dans  des  phénomènes  aussi  délicats;  il  y  a  des  souvenirs 
qui  parfois  peuvent  être  retrouvés,  surtout  chez  certains 
sujets  qui  ont  un  somnambulisme  léger;  en  les  aidant  un 
peu,  en  les  mettant  sur  la  voie,  en  leur  répétant  par  exemple 
les  premiers  mots  d'une  poésie  qu'on  vient  de  leur  réciter^ 
on  favorise  le  réveil  des  souvenirs  somnambuhques;  à  plus 
forte  raison  est-ce  possible  si  on  dresse  les  sujets  à  se  sou- 


LES  SOMNAMBULISMES  PROVOQUÉS  73 

venir,  si  on  leur  donne  la  suggestion  positive  de  tout  se 
rappeler  au  réveil,  ou  si  comme  l'a  ingénieusement  imaginé 
M.  Delbœuf,  on  les  réveille  brusquement  pendant  que, 
plongés  dans  le  somnambulisme,  ils  accomplissent  un  acte 
commandé;  alors,  pris  sur  le  fait  au  moment  du  réveil,  ils 
peuvent  se  rappeler  l'acte  qu'ils  étaient  en  train  d'exécuter, 
ils  peuvent  se  rappeler  l'ordre  reçu,  et  de  cette  façon  la 
continuité  psychique  de  la  veille  et  du  somnambulisme  se 
trouve  établie. 

Mais  ce  sont  là  des  artifices,  qui  n'ôtent  rien  à  l'exac- 
titude de  la  règle  posée;  l'oubli  reste  la  vérité  dans  l'im- 
mense majorité  des  cas,  et  presque  tous  les  observateurs 
sont  d'accord  pour  le  reconnaître.  Le  livre  de  la  vie  som- 
nambulique  se  ferme  au  réveil,  et  la  personne  normale  ne 
peut  pas  le  lire. 

D'après  notre  seconde  proposition,  le  sujet  retrouve  dans 
un  somnambulisme  nouveau  les  souvenirs  des  premiers 
somnambulismes,  et  il  se  rappelle  également  son  état  de 
veille.  C'est  donc  pendant  le  somnambulisme  que  la  mé- 
moire atteint  son  maximum  d'extension,  puisqu'elle  em- 
brasse à  la  fois  les  deux  existences  psychologiques,  ce  que 
la  mémoire  normale  ne  fait  jamais.  Nous  avons  déjà  trouvé 
cette  supériorité  de  la  mémoire  somnambulique  dans  les 
observations  de  somnambuHsme  naturel;  Féhda,  avons- 
nous  vu,  quand  elle  est  dans  l'état  second,  se  rappelle  à  la 
fois  cet  état  et  l'état  prime.  C'est  une  ressemblance  nou- 
velle à  ajouter  à  tant  d'autres.  On  peut  même  remarquer 
que  la  somnambule,  quand  il  s'agit  de  se  rappeler  cer- 
taines particularités  de  l'état  normal,  a  plus  de  mémoire 
que  la  même  personne  éveillée. 

Cet  ensemble  de  faits,  dont  l'exactitude,  nous  le  répé- 
tons, a  été  vérifiée  par  un  si  grand  nombre  d'auteurs  qu'il 
est  inutile  de  citer  des  noms,  suffit  amplement  pour  con- 
clure que  le  somnambulisme  provoqué  présente  les  mêmes 
caractères  de  mémoire  que  le  somnambulisme  naturel,  et 
Braid  a  pu  dire  avec  raison  que  le  somnambulisme  artificiel 
est  une  division  de  conscience. 


74  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

Une  dernière  remarque  sur  les  changements  de  person- 
nalité que  produisent  les  somnambulismes  artificiels.  Bien 
que  l'idée  qu'un  individu  se  fait  de  sa  personnalité  ne 
constitue  pas  cette  personnalité,  mais  n'en  soit  qu'un  élé- 
ment accessoire,  il  est  intéressant  de  constater  comment 
certaines  personnes  placées  en  somnambulisme  se  repré- 
sentent leur  état.  Malheureusement,  l'interrogation  des 
somnambules  ne  provoque  pas  toujours  une  réponse  satis- 
faisante, car  bien  souvent  cette  réponse  est  clairement 
dictée  par  des  suggestions  antérieures.  On  trouve  par 
exemple  des  malades  qui  affirment  qu'elles  sont  en  som- 
nambulisme; elles  répètent  simplement  ce  qu'elles  ont 
entendu  dire. 

Nous  retiendrons  seulement  ce  fait  curieux  que  plusieurs 
personnes,  lorsqu'elles  entrent  pour  la  première  fois  dans 
la  vie  somnambulique,  éprouvent  un  sentiment  d'étonne- 
ment;  elles  trouvent  que  tout  est  changé;  quelques-unes 
disent  qu'elles  se  sentent  «  drôles,  bizarres  »;  d'autres, 
parlant  plus  clairement,  affirment  qu'elles  ne  sont  pas  la 
personne  de  l'état  de  veille;  elles  parlent  de  cette  personne 
comme  d'une  étrangère.  Nous  en  emprunterons  un  exemple 
à  M.  Pitres  : 

«  Une  jeune  femme  que  j'ai  pu  étudier  à  loisir,  Margue- 
rite X...,  présentait  nettement  ce  phénomène.  Quand  elle 
était  endormie,  elle  ne  parlait  d'elle  qu'à  la  troisième  per- 
sonne': «  Marguerite  est  souffrante  aujourd'hui,  disait-elle; 
elle  n'est  pas  contente;  elle  a  été  contrariée;  il  faut  la 
laisser  tranquille.  —  Mais  qui  êtes-vous  donc,  lui  deman- 
dai-je  un  jour,  pour  parler  ainsi  au  nom  de  Marguerite? 
—  Je  suis  son  amie.  —  Et  comment  vous  appelez-vous, 
s'il  vous  plaît?  —  Je  ne  sais  pas,  mais  j'aime  beaucoup 
Marguerite,  et  quand  on  lui  fait  de  la  peine,  cela  m'at- 
triste. » 

«  Dans  cet  état,  elle  reconnaissait  toutes  les  personnes 
avec  lesquelles  elle  était  en  relations  quotidiennes;  mais 
elle  ne  leur  parlait  pas  avec  la  même  familiarité  qu'à  l'état 
de  veille.  Elle  ne  tutoyait  plus  ses  parents.  Son  mari  était 


LES  SOMNAMBULISMES  PROVOQUÉS  75 

le  mari  de  son  amie  Marguerite  et  non  pas  son  mari  à 
elle.  Elle  aimait  beaucoup  les  liqueurs  et  s'en  privait 
d'ordinaire  pour  ne  pas  contrarier  sa  mère.  «  Voulez-vous 
un  verre  d'anisette?  lui  dis-je  après  l'avoir  hypnotisée.  — 
Oh!  oui,  répondit-elle,  cela  me  fera  grand  plaisir.  Mar- 
guerite n'en  boit  pas  parce  qu'on  le  lui  a  défendu;  mais 
moi  je  suis  libre.  Donnez- moi  vite  un  verre.  » 

Nous  verrons  à  plusieurs  reprises,  dans  des  conditions 
différentes,  une  conscience  se  distinguer  de  la  même  façon, 
par  le  langage,  des  autres  personnalités  qui  habitent  le 
même  individu;  il  y  a  même  là  quelques  questions  psycho- 
logiques très  intéressantes,  sur  lesquelles  nous  revien- 
drons quand  nous  aurons  décrit  un  plus  grand  nombre  de 
faits. 


II 

L'expérimentation,  qui  est  à  tant  de  titres  inférieure  à 
l'observation  des  faits  spontanés,  présente  cependant  un 
grand  avantage;  multipliant  et  variant  à  l'infini  les  condi- 
tions de  l'observation,  elle  permet  de  considérer  un  fait 
sous  un  grand  nombre  de  faces,  et  elle  fait  parfois  surgir 
des  phénomènes  nouveaux  qu'une  observation  passive 
aurait  vainement  attendus.  C'est  un  peu  ce  qui  s'est  passé 
ici.  En  mettant  la  main  sur  les  états  somnambuliques,  les 
expérimentateurs  sont  arrivés  à  découvrir  quelques  phé- 
nomènes extrêmement  instructifs,  dont  on  n'a  aucune  idée 
en  lisant  par  exemple  l'observation  des  somnambules 
naturels,  et  qui  cependant  doivent  exister  chez  les  malades 
de  cet  ordre. 

Nous  avons  vu  la  séparation  des  deux  existences  psycho- 
logiques qui  constituent,  l'une  la  vie  normale,  l'autre  le 
somnambuhsme;  nous  avons  vu  également  que  lorsque 
la  vie  normale  se  développe,  tous  les  souvenirs  du  som- 
nambulisme sont  pour  un  moment  effacés.  Que  devient 
donc  cette  existence  surajoutée  pendant  cette  éclipse  tem- 


■76  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

poraire?  Elle  avait  ses  souvenirs,  son  caractère,  ses  émo- 
tions, ses  préoccupations.  Est-ce  que  toute  cette  activité 
somnambulique  disparaît  quand  la  vie  régulière  reprend 
son  cours?  L'observation  simple  ne  nous  dit  rien;  l'expéri- 
mentation, fouillant  plus  profondément,  va  nous  montrer 
qu'un  reste  de  la  vie  somnambulique  peut  subsister  à 
l'état  de  veille,  sans  que  le  sujet  normal  en  ait  le  moindre 
soupçon. 

Une  des  expériences  qui  le  montre  le  mieux  est  celle-ci, 
que  nous  devons  à  Gurney,  psychologue  anglais  de  beau- 
coup de  talent  \  On  a  dit  un  nom,  cité  un  chiffre,  raconté 
un  fait,  récité  une  poésie  devant  une  personne  qui  est  en 
somnambulisme  artificiel;  et  on  ne  lui  a  donné  aucune 
suggestion  particulière,  relativement  aux  paroles  qu'on  a 
prononcées;  on  réveille  la  personne;  elle  ne  se  souvient 
de  rien,  comme  c'est  la  règle;  ce  n'est  pas  un  oubli  de  com- 
plaisance, c'est  un  oubli  sincère,  et  si  profond,  que  malgré 
la  promesse  d'un  souverain  —  moyen  employé  par  Gurney 
comme  critérium  de  sincérité  —  le  sujet  ne  peut  retrouver 
un  mot  de  ce  qu'on  a  dit  devant  lui  quelques  instants  aupa- 
ravant.  Alors,  on  prend  sa  main,  on  place  un  crayon  entre 
ses  doigts,  ou  bien,  ce  qui  revient  au  même,  on  lui  fait 
poser  la  main  à  plat  sur  une  planchette  spéciale,  munie 
d'un  crayon,  et  on  lui  cache  sa  main  et  l'instrument  au 
moyen  d'un  grand  écran  interposé.  En  moins  d'une  minute 
la  main  s'agite,  elle  écrit,  et  ce  qu'elle  écrit,  ce  sont  pré- 
cisément les  mots  qu'on  vient  de  prononcer  devant  le 
sujet  en  somnambulisme,  et  que  son  moi  normal  de  l'état 
de  veille  ne  connaît  pas. 

Le  résultat  de  cette  expérience  est  déjà  bien  curieux  ; 
les  conditions  spéciales  dans  lesquelles  on  la  produit  le 
sont  encore  davantage.  La  main  du  sujet  écrit,  et  lui- 
même  ne  sait  pas  ce  que  sa  main  écrit;  alors  même  que  sa 
main  et  son  bras  ne  sont  pas  insensibles,  et  peuvent  per- 
cevoir pressions  et  piqûres,  le  sujet  ne  perçoit  rien;  parfois, 

l.  Proc.  Soc.  l'sych.  Researcfi,  18S7,  294. 


LES  SOMNAMBULISMES  PROVOQUÉS  77 

il  arrive,  avec  un  peu  d'exercice,  à  sentir  le  mouvement 
et  à  en  deviner  la  nature;  mais  c'est  là  une  modification 
du  phénomène  qui  résulte  de  ce  que  le  sujet  y  applique 
son  attention;  dès  les  premières  expériences,  il  ne  perçoit 
rien,  et  il  y  a  des  personnes  qui,  quoi  qu'elles  fassent, 
n'ont  jamais  rien  perçu.  En  revanche,  le  sujet  éprouve  une 
sensation  subjective  assez  bizarre;  il  lui  semble,  dit-il,  que 
c'est  l'instrument,  la  planchette  qui  est  animée  d'un  mou- 
vement spontané  et  entraîne  sa  main;  le  mouvement  est 
parfois  accompagné  de  sensations  tactiles  douloureuses  qui 
rendent  l'expérience  fort  peu  attrayante. 

Ajoutons  encore  quelques  détails  pour  compléter  la  phy- 
sionomie du  phénomène.  Dans  la  forme  où  l'expérience  a 
été  faite  par  Gurney,  le  sujet  qu'on  vient  d'éveiller  ne 
cherche  point  à  mettre  la  main  sur  la  planchette  ou  à 
prendre  un  crayon,  comme  il  le  ferait  certainement  s'il 
obéissait  à  une  suggestion  précise,  si  par  exemple  on  lui 
avait  dit  :  «  A  votre  réveil,  vous  ferez  ceci  ou  cela.  »  Il  ne 
fait  preuve  d'aucune  spontanéité;  c'est  passivement,  sans 
savoir  ce  qu'on  lui  veut,  qu'il  se  laisse  mettre  la  main 
sur  l'instrument,  et  pendant  que  l'écriture  se  trace,  son 
moi  normal  s'en  désintéresse  complètement;  il  ne  prête 
ni  attention,  ni  bonne  volonté  à  la  petite  opération  qui 
s'accomplit.  C'est  dire  qu'à  ce  moment  il  est  dans  un  état 
de  dédoublement;  en  lui  sont  deux  personnes,  l'une  qui 
est  la  personne  normale,  qui  cause  avec  les  assistants,  et 
l'autre  qui  écrit;  la  première  ne  s'occupe  pas  de  ce  que 
fait  la  seconde. 

C'est  un  état  de  dédoublement,  disons-nous;  la  divi- 
sion de  conscience,  en  effet,  se  rapproche  beaucoup  de 
celle  que  nous  avons  étudiée  dans  les  précédents  chapitres; 
tous  les  cas  ont  ceci  de  commun  qu'un  ensemble  de  phé- 
nomènes psychologiques  bien  coordonnés  entre  eux  et  se 
suffisant,  font  bande  à  part  et  vivent  en  dehors  de  la  con- 
science normale;  ces  consciences  secondaires,  chez  les  som- 
nambules naturels,  n'arrivent  au  premier  plan  que  lorsque 
la  conscience  principale  s'efface;  la  condition  seconde  suc- 


78  LES  PERSONNALITES  SUCCESSIVES 

cède  à  la  condition  prime  :  il  y  a  alternance;  ici,  il  y  a 
coexistence;  en  un  même  moment,  les  deux  consciences 
vivent  côte  à  côte. 

Gurney  s'est  d'abord  attaché  à  montrer  que  c'est  bien  la 
vie  somnambulique  qui  survit  au  sein  de  la  vie  normale 
rétablie,  et  pour  cela  il  a  observé  que  si  on  remet  le  sujet 
en  somnambulisme  après  l'expérience  de  l'écriture,  il  se 
rappelle  non  seulement  les  mots  qu'il  a  écrits,  mais  encore 
il  peut  dire  qu'il  s'est  servi  de  la  planchette  et  qu'il  a  effec- 
tivement écrit  ces  mots-là.  La  mémoire  relie  donc  les 
deux  états  et  en  démontre  l'unité  psychologique. 

Un  autre  soin  de  Gurney,  en  relatant  ces  curieuses 
expériences,  a  été  de  reconnaître  que  le  phénomène  de 
mémoire  attesté  par  l'écriture  automatique  n'a  point  le 
caractère  d'une  répétition  machinale  et  inintelligente.  En 
général,  il  est  vrai,  l'écriture  automatique  répète  fidèle- 
ment la  phrase  dite  au  sujet  pendant  le  somnambuHsme, 
et  même  si  on  l'a  interpellé  par  son  nom,  en  lui  disant  la 
phrase,  le  nom  est  reproduit  comme  le  reste;  mais  l'emploi 
de  certains  artifices  d'expérimentation  montre  la  part  de 
l'inteUigence  dans  ces  phénomènes  d'écriture. 

Ainsi,  il  est  possible  de  dicter  au  sujet  en  somnambu- 
lisme plusieurs  chiffres,  en  le  priant  de  faire  l'addition; 
puis,  si  on  le  réveille  brusquement  après,  sans  lui  avoir 
donné  le  temps  de  terminer  son  calcul,  il  le  termine  à 
l'état  de  veille  quand  on  lui  met  la  main  sur  la  plan- 
chette; on  peut  aussi  lui  faire  exécuter  des  calculs  plus 
compliqués,  lui  demander  par  exemple  combien  il  y  a 
de  lettres  dans  telle  phrase,  et  le  forcer  encore  à  faire  le 
calcul  après  son  réveil,  etc. 

Nous  avons  placé  les  observations  de  Gurney  dans  ce 
chapitre,  où  il  n'est  question  que  d'hystériques,  parce 
qu'il  est  facile  d'en  reconnaître  l'exactitude  en  étudiant  les 
hystériques;  mais  il  importe  d'ajouter  que  Gurney  n'a 
point  étudié  spécialement  et  uniquement  ce  genre  de 
malades.  Les  personnes  qui  se  sont  prêtées  à  ses  expé- 
riences sont,  à  ce  qu'il  prétend,  des  personnes  en  bonne 


LES  SOMNAMBULISMES  PROVOQUÉS  79 

santé;  c'est  une  affirmation  que  les  auteurs  anglais  font 
souvent;  ils  sont  très  discrets  et  très  réservés  quand  ils  par- 
lent de  leurs  sujets,  et  semblent  craindre  souvent  d'appli- 
quer le  nom  d'hystérie  à  des  personnes  qui  cependant  ont 
notoirement  des  crises  de  nerfs.  Il  n'importe.  Nous  ferons 
remarquer  à  cette  occasion,  que  les  hystériques  ne  sont 
pour  nous  que  des  sujets  d'élection,  agrandissant  des  phé- 
nomènes qu'on  doit  nécessairement  retrouver  à  quelque 
degré  chez  une  foule  d'autres  personnes  qui  ne  sont  ni 
atteintes  ni  même  effleurées  par  la  névrose  hystérique. 

L'importance  des  résultats  obtenus  par  Gurney  est 
augmentée  par  ce  fait  que  ce  savant  auteur  est  arrivé  le 
premier  en  Angleterre  à  reconnaître  le  dédoublement  de 
la  personnalité  qui  se  réalise  chez  l'hypnotisé,  et  qu'il  a 
fait  ses  recherches  sans  avoir  connaissance  de  celles  qui 
ont  eu  lieu  en  France  à  peu  près  vers  la  même  époque  \ 

Le  propre  des  expériences  de  Gurney  est  de  consister 
dans  une  exploration  de  la  mémoire  d'une  personne  à 
laquelle  on  n'a  adressé  aucune  suggestion  spéciale.  Par  le 
procédé  déhcat  et  ingénieux  de  l'écriture  automatique,  le 
psychologue  anglais  a  montré  la  persistance  à  l'état  de 
veille  des  états  somnambuliques. 

Arrêtons-nous  un  moment  devant  cette  situation  psy- 
chologique, car  c'est  la  première  fois  que  nous  la  rencon- 
trons; la  personne  en  expérience  est  revenue  à  l'état  de 
veille;  elle  a  retrouvé  son  moi  normal,  elle  a  repris  l'orien- 
tation ordinaire  de  ses  idées;  en  elle  survit,  sans  qu'elle 
en  ait  conscience,  un  reste  de  la  vie  somnambulique 
qu'elle  vient  de  franchir.  C'est  une  collection  de  phéno- 
mènes psychologiques  qui  restent  isolés  de  sa  conscience 
normale,  et  qui  cependant  sont  doués  de  conscience;  ils 
forment  une  petite  conscience  à  côté  de  la  grande,  un  petit 
point  lumineux  à  côté  d'un  grand  foyer  de  lumière.  Cet 
exemple  doit  servir  de  transition  entre  les  études  qui  nous 
ont  occupé  jusqu'ici,  et  celles  qui  vont  remphr  la  deuxième 

1.  Myers,  The  ^co7'k  of  Edmiind  Gurney.  Proceedings  S.  P.  R.,  décem- 
bre 1888,  p.  369. 


80  LES  PERSONNALITÉS  SUCCESSIVES 

partie  de  ce  livre.  Nous  connaissons  la  succession  régu- 
lière des  personnalités,  leur  alternance  dans  les  somnam- 
bulismes  naturels  et  dans  les  somnambulismes  hypno- 
tiques; nous  venons  de  voir  que  cette  succession  peut 
faire  place  à  une  coexistence;  le  moi  somnambulique,  la 
condition  seconde  ne  s'efface  pas  toujours  complètement, 
au  moment  du  retour  de  la  veille;  ces  états  peuvent  sur- 
vivre, coexister  avec  la  pensée  normale  et  donner  lieu  à 
des  phénomènes  complexes  de  division  de  conscience. 

Nous  allons  maintenant  étudier  les  personnalités  coexis- 
tantes. Abandonnant  les  précédentes  recherches  sur  le 
somnambulisme,  nous  allons  envisager  le  sujet  à  l'état  de 
veille,  et  décrire  les  procédés  capables  de  montrer  les 
divisions  de  conscience  qui  se  font  en  lui. 


DEUXIEME  PARTIE 

LES    PERSONNALITÉS    COEXISTANTES 


CHAPITRE   PREMIER 

l'insensibilité  des  hystériques.  —  LES  ACTES  SUBCONSCIENTS 
DE  RÉPÉTITION 


Historique  de  la  question.  —  Observation  de  M.  Taine.  —  Deux  conditions 
principales  de  la  division  de  conscience,  l'anesthésie  et  la  distraction. 
—  L'anesthésie  hystérique.  —  Ses  principaux  caractères.  —  Dangers  de 
simulation  :  moyen  de  les  éviter.  —  Mouvements  intelligents  qu'on  peut 
provoquer  dans  un  membre  anesthésique,  à  l'insn  du  sujet.  —  Mouve- 
ments de  répétition.  —  Mouvements  graphiques,  leurs  caractères. —  Cor- 
rection d'une  faute  d'orthographe.  —  Mouvements  de  répétition  pro- 
voqués par  des  excitations  tactiles  insensibles  ou  par  des  excitations 
visuelles  non  perçues.  —  Répétition  inconsciente  des  mouvements  volon- 
taires. —  Le  bégaiement  de  l'écriture.  —  Diffusion  des  mouvements 
inconscients.  —  Leur  fatalité.  —  Leur  caractère  psychologique.  —  Rôle 
de  la  suggestion.  —  Définition  de  plusieurs  espèces  de  suggestions. 


I 

La  question  des  personnalités  multiples  et  coexistantes  a 
suscité  pendant  ces  dernières  années  en  France,  en  Angle- 
terre et  ailleurs,  un  très  grand  nombre  de  travaux;  mais 
l'historique  de  la  question  se  réduit  à  fort  peu  de  chose. 
Nous  ne  tenons  pas  compte,  bien  entendu,  des  théories 
qui  ont  été  émises  par  les  philosophes   sur  les  petites 

A.    BiNET.  6 


82  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

consciences  distinctes  et  sur  le  dédoublement  du  moi, 
antérieurement  à  l'époque  où  les  faits  de  dédoublement 
ont  pu  être  observés  directement.  Ces  théories,  qui  remon- 
tent à  Leibniz,  et  qu'on  a  reprises  et  analysées  dans  ces 
derniers  temps,  ne  peuvent  pas  figurer  dans  l'historique 
d'une  question  qui  n'a  progressé  que  le  jour  où  elle  a  pris 
la  forme  expérimentale. 

Nous  devrions  ici,  suivant  l'ordre  que  nous  avons 
adopté  dans  nos  premiers  chapitres,  décrire  en  premier 
lieu  les  phénomènes  spontanés,  ceux  qui  se  sont  mani- 
festés en  dehors  des  laboratoires,  car  ce  sont  là  les  phéno- 
mènes profonds,  durables,  ceux  en  somme  que  les  théories 
d'une  école  ou  d'un  chef  d'école  ont  le  moins  modifiés, 
et  qui  reflètent  le  plus  fidèlement  la  vraie  nature  des 
choses.  Mais  il  y  a  des  raisons  pour  abandonner  cet  ordre 
d'exposition;  la  principale,  c'est  que  les  phénomènes  spon- 
tanés de  dédoublement  simultané  sont  les  phénomènes  du 
spiritisme,  c'est-à-dire  les  tables  tournantes  et  les  évoca- 
tions d'esprit.  Or,  il  est  clair  que  si  ces  phénomènes  con- 
tiennent, comme  nous  le  croyons,  une  grande  part  de 
vérité,  cependant  cette  part  a  été  tellement  obscurcie  par 
la  naïveté  des  uns  et  la  fourberie  des  autres,  que  les 
esprits  sages  ont  tojuours  éprouvé  un  grand  scepticisme. 
Bien  qu'il  soit  possible  de  débrouiller  cet  écheveau,  de 
classer  les  faits  démontrés  ou  démontrables,  et  de  les  distin- 
guer soit  des  théories  sans  fondement,  soit  des  pures  absur- 
dités, nous  ne  pouvons  pas  commencer  ici,  dès  les  pre- 
mières pages,  une  étude  aussi  difficile.  Nous  sommes  donc 
obligés  de  reporter  un  peu  plus  loin  l'étude  du  spiritisme. 

Cette  élimination  faite,  il  ne  nous  reste  à  signaler 
qu'une  seule  observation  pouvant  servir  d'introduction 
aux  recherches  récentes;  c'est  une  observation  très  nette 
de  dédoublement  mental  spontané;  elle  a  été  recueillie 
par  M.  Taine;  l'éminent  auteur  l'a  publiée  dans  la  préface 
de  V Intelligence  ',  livre  qui  a  plus  de  vingt  ans  de  date, 

\    De  l'In(cllif/(;nce,  l.  I,  p.  IG. 


l'insensibilité  des  hystériques  83 

et  qui  cependant  contient  l'indication  de  presque  tous  les 
résultats  de  la  psychologie  contemporaine. 

((  Les  manifestations  spirites  elles-mêmes,  dit  M.  Taine, 
nous  montrent  la  coexistence,  au  même  instant,  dans  le 
même  individu,  de  deux  volontés,  de  deux  actions  dis- 
tinctes, l'une  dont  il  a  conscience,  l'autre  dont  il  n'a  pas 
conscience  et  qu'il  attribue  à  des  êtres  invisibles. 

«  J'ai  vu  une  personne  qui  en  causant,  en  chantant, 
écrit,  sans  regarder  son  papier,  des  phrases  entières,  sans 
avoir  conscience  de  ce  qu'elle  écrit.  A  mes  yeux,  sa  sin- 
cérité est  parfaite;  or,  elle  déclare  qu'au  bout  de  la  page 
elle  n'a  aucune  idée  de  ce  qu'elle  a  tracé  sur  le  papier; 
quand  elle  lit,  elle  en  est  étonnée,  parfois  alarmée.  L'écri- 
ture est  autre  que  son  écriture  ordinaire.  Le  mouvement 
des  doigts  et  du  crayon  est  raide  et  semble  automatique. 
L'écrit  finit  toujours  par  une  signature,  celle  d'une  per- 
sonne morte,  et  porte  l'empreinte  de  pensées  intimes,  d'un 
arrière-fond  mental  que  l'auteur  ne  voudrait  pas  divul- 
guer. Certainement  on  constate  ici  un  dédoublement  du 
moi,  la  présence  simultanée  de  deux  séries  parallèles  et 
indépendantes,  de  deux  centres  d'action  ou,  si  l'on  veut, 
de  deux  personnes  morales  juxtaposées  dans  le  même 
cerveau,  chacune  a  une  œuvre  et  une  œuvre  différente, 
l'une  sur  la  scène,  l'autre  dans  la  coulisse.  » 

Nous  allons  maintenant  étudier  de  près,  et  dans  tous 
ses  détails,  cette  curieuse  situation  psychologique  d'une 
personne  en  état  de  dédoublement.  Pour  établir  tout  de 
suite  le  plan  de  notre  exposition,  nous  indiquerons  quelles 
sont  les  conditions  les  plus  fréquentes  oii  l'on  peut  observer 
la  coexistence  de  deux  moi  distincts.  Elles  sont  au  nombre 
de  deux.  La  première,  c'est  l'insensibihté  hystérique;  si 
une  partie  du  corps  d'une  personne  est  insensible,  elle 
ignore  ce  qui  s'y  passe,  et  d'autre  part  les  centres  nerveux 
en  relation  avec  cette  région  insensible  peuvent  continuer 
à  agir,  comme  cela  a  lieu  dans  l'hystérie  ;  il  en  résulte  que 
certains  actes,  souvent  simples,  mais  parfois  très  compli- 
qués, peuvent  s'accomphr  dans  le  corps  d'une  hystérique 


84  LES   PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

et  à  son  insu  ;  bien  plus,  ces  actes  peuvent  être  de  nature 
psychique  et  manifester  une  intelligence  qui  sera  par 
conséquent  distincte  de  celle  du  sujet,  et  constituera  un 
second  moi,  coexistant  avec  le  premier. 

Une  seconde  condition  peut  amener  la  division  de  con- 
science; ce  n'est  pas  une  altération  de  la  sensibilité,  c'est 
une  attitude  particulière  de  l'esprit,  la  concentration  de 
l'attention  sur  un  point  unique;  il  résulte  de  cet  état  de 
concentration  que  l'esprit  devient  distrait  pour  le  reste,  et 
en  quelque  sorte  insensible,  ce  qui  ouvre  la  carrière  aux 
actions  automatiques;  et  ces  actions,  en  se  compliquant 
comme  dans  le  cas  précédent,  peuvent  prendre  un  carac- 
tère psychique  et  constituer  des  intelligences  parasites, 
vivant  côte  à  côte  avec  la  personnalité  normale  qui  ne  les 
connaît  pas. 

Nous  étudierons  successivement  ces  deux  conditions  de 
la  division  de  conscience.  Il  en  existe  sans  doute  bien 
d'autres;  mais  celles  que  nous  venons  d'examiner  sont  les 
seules  qui  aient  été  nettement  observées  jusqu'ici*. 


II 

On  trouve  chez  un  grand  nombre  d'hystériques,  exa- 
minés à  l'état  de  veille  et  en  dehors  de  leurs  crises  convul- 
sives,  un  stigmate,  connu  depuis  fort  longtemps,  mais 
dont  on  n'a  compris  la  valeur  réelle  que  dans  ces  der- 
nières années  ;  ce  stigmate,  —  qu'on  appelait  autrefois  la 
marque  des  possédées,  ou  la  greffe  du  diable,  —  c'est  l'in- 
sensibilité. Le  siège  et  l'étendue  de  l'insensibibté  hysté- 
rique  sont  très  variables;  parfois,  elle  envahit  le  corps 

d.  Les  auteurs  fiui  ont  étudié  dans  ces  dernières  années  les  persouua- 
lllés  coexistantes  sont  nombreux,  et  nous  indiquerons  leurs  observations 
dans  le  cours  de  notre  travail.  —  Nous  citerons  ici  seulement  deux 
études  critiques,  très  intéressantes  :  ])as  Doppel  Ich,  par  Max  Dessoir, 
et  un  remarquable  article  de  M.  Iléricourt  sur  VActmlé  inconscienle  de 
l'esprit,  Revue  scientifique,  31  août  18SU. 


l'insensibilité  des  hystériques  83 

entier;  plus  souvent,  elle  n'occupe  qu'une  moitié  du  corps, 
par  exemple  la  moitié  gauche,  intéressant  à  des  degrés 
divers  la  sensibilité  générale,  le  toucher,  le  sens  muscu- 
laire et  les  sens  spéciaux  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  l'odorat 
et  du  goût;  chez  d'autres  l'insensibilité,  dont  la  distribu- 
tion ne  s'explique  par  aucune  particularité  anatomique  ou 
physiologique  connue,  se  limite  dans  une  petite  région  du 
tronc  ou  des  membres  et  se  présente  par  exemple  sous  la 
forme  d'une  petite  plaque  de  la  peau,  qu'on  peut  piquer, 
pincer,  brûler  et  exciter  de  la  façon  la  plus  énergique  sans 
éveiller  la  moindre  sensation  de  douleur,  sans  même  que 
le  contact  soit  perçu  \ 

L'authenticité  de  l'anesthésie  se  démontre  au  moyen 
d'épreuves  variées,  et  aussi  par  certains  signes  physiques 
qui  l'accompagnent  fréquemment.  Les  principaux  de  ces 
signes  sont  l'abaissement  de  température  des  parties  non 
sensibles,  l'absence  d'hémorragie  après  les  piqûres,  la 
diminution  de  la  force  musculaire  volontaire  mesurée  au 
dynamomètre,  la  forme  de  la  contraction  musculaire, 
l'absence  de  fatigue,  l'allongement  du  temps  de  réaction, 
et  enfin  l'absence  de  cri  de  douleur  ou  de  mouvement  de 
surprise  lorsqu'on  excite  brusquement  et  fortement  la 
région  insensible  à  l'insu  du  malade.  Aucun  de  ces  phé- 
nomènes n'a  la  valeur  d'un  signe  constant;  mais  la  pré- 
sence de  quelques-uns  est  une  sérieuse  garantie  pour 
l'observateur. 

On  s'est  longtemps  mépris  sur  la  vraie  nature  de  l'anes- 
thésie hystérique,  et  on  la  comparait  à  une  anesthésie  vul- 
gaire, de  cause  organique,  due  par  exemple  à  l'interruption 
des  nerfs  conducteurs  des  impressions.  Cette  manière  de 
voir  doit  être  complètement  abandonnée,  et  nous  savons 
aujourd'hui  que  l'anesthésie  hystérique  n'est  pas  une  insen- 
sibilité véritable;  c'est  une  insensibilité  par  inconscience, 
par  désagrégation  mentale;  en  un  mot,  c'est  une  insensi- 
bilité psychique,  qui  provient  simplement  de  ce  que  la 

1.  On  peut  consulter  pour  plus  de  détails  une  excellente  brochure  de 
M.  Pitres  :  Des  Anesthësies  hystériques,  Bordeaux,  1887. 


86  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

personnalité  du  malade  est  entamée,  ou  même  complète- 
ment dédoublée.  Aussi  l'expérimentation  pratiquée  sur  ce 
phénomène  si  banal  de  l'hystérie  va-t-elle  nous  permettre 
d'étudier  de  près  un  cas  tout  à  fait  remarquable  de  désor- 
ganisation de  la  personnalité. 

Choisissons  pour  ces  expériences  une  femme  hystérique 
qui  présente  une  insensibilité  étendue  à  un  membre  tout 
entier /par  exemple  au  bras  droit.  Fréquemment,  chez  ces 
malades,  les  formes   si  complexes  de  la  sensibilité  des 
téguments  sont  dissociées;  la  peau  peut  rester  sensible 
tandis  que  les  tissus  sous-jacents,  les  masses  musculaires, 
les   articulations   perdent  leur   sensibilité  et  deviennent 
indolores  quand  on  les  comprime  fortement;  ou  bien,  c'est 
le  contraire  qui  a  lieu,  la  sensibilité  abandonne  la  super- 
ficie du  tégument  et  se  conserve  dans  les  parties  plus  pro- 
fondes. Ou  bien  encore,  par  une  complication  nouvelle, 
certaines  régions  peuvent  ne  pas  perdre  à  la  fois  la  sensi- 
bilité au  contact,  à  la   pression,  à  la   température,  aux 
courants  électriques,  mais  rester  accessibles  à  une  seule 
espèce  de  ces  excitations.  Ces  modifications  si  nombreuses 
de  la  sensibilité  chez  les  hystériques  ont  souvent  fait  croire 
l'observateur  non  prévenu  à  une  simulation  qui  n'existait 
réellement  pas.  Pour  plus  de  simplicité,  nous  aurons  soin 
de  choisir  une  malade  dont  le  bras  soit  complètement  et 
parfaitement  insensible,  présentant  une  anesthésie  super- 
ficielle et  profonde  et  une  perte  du  sens  musculaire;  de 
cette  façon  nous  n'aurons  pas  à  surveiller  les  notions  qui 
pourraient  être  fournies  au  sujet  par  un  reste  de  sensi- 
bilité. De  plus,  il  sera  avantageux  que  la  sensibilité  du 
malade  choisi  présente  un  état  relativement  fixe  et  ne  soit 
pas  sujette  à  ces  changements,  ces  oscillations  qui  s'obser- 
vent quelquefois,   et  dont  les  causes  sont  si  difficiles  à 
saisir.  Lorsqu'on  expérimente  sur  des  hystériques,  on  ne 
saurait  prendre  assez  de  précautions. 

Il  n'est  pas  nécessaire  d'endormir  le  sujet;  on  le  prend 
dans  son  état  normal,  pendant  la  veille,  sans  lui  faire 
subir  aucune  sorte  de  préparation;  le  seul  dispositif  des 


l'insensibilité  des  hystériques  87 

expériences  consiste  à  lui  cacher  la  vue  de  son  bras  anes- 
thésique  en  le  ramenant  derrière  son  dos  ou  en  faisant 
usage  d'un  écran.  Les  choses  étant  ainsi  disposées,  il  est 
facile  —  au  moins  dans  certains  cas  —  de  provoquer,  à 
l'insu  du  malade,  dans  son  membre  insensible  des  mou- 
vements intelligents  \ 

Nous  allons  assister  à  l'éveil  d'une  intelligence  incon- 
sciente; nous  pourrons  même  entrer  en  communication 
avec  elle  et  la  diriger,  entretenir  avec  elle  une  conversa- 
tion suivie,  mesurer  l'étendue  de  sa  mémoire  et  l'acuité  de 
ses  perceptions. 

L'exislence  de  phénomènes  inconscients  chez  les  hysté- 
riques n'est  pas  faite  pour  nous  étonner,  car  chacun  de 
nous  peut,  en  se  surveillant  avec  un  soin  suffisant,  sur- 
prendre des  séries  d'actes  automatiques,  exécutés  sans 
volonté  et  sans  conscience.  Marcher,  s'asseoir,  tourner  la 
page  d'un  livre,  sont  des  actes  que  nous  exécutons  sans  y 
penser;  mais  il  est  assez  difficile  d'étudier  chez  l'homme 
normal  l'activité  inconsciente;  et  de  plus,  cette  activité  se 
montre  surtout  routinière,  faite  d'habitudes,  vivant  de 
répétitions;  en  général,  elle  invente  peu,  parfois  elle 
paraît  juger  et  raisonner,  mais  ce  sont  des  jugements  et 
des  raisonnements  anciens  qu'elle  répète;  en  tout  cas,  elle 
acquiert  rarement  un  développement  notable,  et  presque 
jamais,  peut-on  dire,  elle  ne  s'élève  à  la  dignité  d'une  per- 
sonnalité indépendante.  Les  conditions  d'étude  sont  bien 

1.  L'étude  de  ces  dissociations  a  été  faite  pour  la  première  fois  par 
M.  Féré  et  par  moi.  (Arch.  de  phys.,  octobre  1887.)  J'ai  ensuite  poursuivi 
seul  les  recherches,  et  mes  principaux  articles  ont  paru  dans  la  Revue 
philosophique  (mai  1888,  février  et  avril  1889,  février  et  août  1890),  dans 
Open  Court  (année  1889,  passim),  et  dans  le  Mind  (janvier  1890).  Il  est 
important  de  remarquer  qu'antérieurement  à  ces  diverses  publications 
M.  Pierre  Janet,  M.  Myers  et  M.  Gurney,  pour  ne  citer  que  les  principaux 
auteurs,  avaient  déjà  exposé  une  théorie  de  la  désagrégation  mentale, 
avec  de  nombreuses  expériences  à  l'appui.  Si  dans  mon  exposition  je  ne 
suis  pas  l'ordre  historique,  c'est  que  je  crois  que  nos  expériences  sont 
plus  aptes  que  les  autres  à  donner  tout  de  suite  une  démonstration  expé- 
rimentale très  simple  de  la  double  conscience.  Je  saisis  cette  occasion 
pour  adresser  mes  plus  vifs  remerciements  à  M.  Charcot  qui  a  bien  voulu 
me  permettre  de  travailler  pendant  de  longues  années  dans  son  service 
de  la  Salpêtrière. 


88  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

plus  favorables  lorsqu'on  s'adresse  aux  sujets  hystériques, 
non  pas  à  tous,  mais  à  quelques-uns  que  nous  appren- 
drons plus  tard  à  reconnaître;  supposons  que  nous  avons 
sous  les  yeux  un  de  ces  sujets  d'élite,  et  voyons  ce  qui  se 
passe. 

On  a  souvent  donné  aux  mouvements  et  actes  qui  peu- 
vent se  produire  dans  les  conditions  précédentes  le  nom 
de  mouvements  inconscients.  Ceci  veut  simplement  dire 
que  ces  mouvements  ne  sont  pas  connus  du  sujet,  restent 
pour  lui  ignorés,  et  par  conséquent  inconscients;  le  mot 
inconscient  n'a  qu'un  sens  tout  relatif;  nous  aurons  à 
examiner,  après  avoir  décrit  tous  les  faits  d'expérience, 
si  ces  phénomènes,  inconscients  pour  le  sujet,  sont  aussi 
inconscients  en  eux-mêmes  et  pour  eux-mêmes,  ou  s'il 
n'est  pas  plus  probable  qu'ils  appartiennent  à  une  seconde 
conscience.  Disons-le  tout  de  suite,  c'est  à  cette  seconde 
solution  que  nous  donnerons  la  préférence;  en  tout  cas, 
pour  ne  rien  présupposer  dans  un  sens  ou  dans  l'autre, 
nous  substituerons  au  terme  d'inconscient  celui  de  sub- 
conscient. 

Commençons  par  des  mouvements  de  répétition;  ce  sont 
les  plus  simples  et  peut-être  les  plus  faciles  à  produire.  Le 
bras  insensible  du  sujet  lui  étant  caché  par  un  écran,  on 
fait  exécuter  à  ce  bras  avec  lenteur  ou  rapidement  un  mou- 
vement régulier,  comme  un  mouvement  de  va-et-vient  vers 
la  bouche,  ou  bien  on  fait  tourner  Favant-bras  autour  du 
coude,  ou  on  anime  un  doigt  de  mouvements  alternatifs 
de  flexion  et  d'extension;  si  on  abandonne  brusquement 
le  membre  au  milieu  de  sa  course,  on  le  voit  continuer 
le  mouvement  pendant  un  certain  temps,  qui  varie  avec 
les  sujets;  chez  les  uns,  le  mouvement  communiqué  se 
prolonge  très  peu  ;  le  poignet  qu'on  vient  de  fléchir  plu- 
sieurs fois  de  suite  se  redresse  à  peine  quand  on  l'aban- 
donne; le  mouvement  est  si  léger  et  si  fugitif  qu'à  moins 
d'être  averti  on  ne  le  remarquerait  pas.  Au  contraire,  chez 
d'autres  malades,  le  mouvement  communiqué  peut  être 
répété  plusieurs  fois  de  suite,  et  même  nous  avons  vu 


l'insensibilité  des  hystériques  89 

des  hystériques  chez  lesquels  la  répétition  a  lieu  plus  de 
cent  fois,  sans  interruption.  Le  nombre  cent  n'est  pas  une 
métaphore;  les  mouvements  ont  été  comptés. 

Il  est  bien  entendu  que  ces  divers  mouvements  restent 
ignorés  du  sujet;  car  son  bras  est  anesthésique,  et  tou- 
jours caché  par  un  grand  écran  interposé  ;  parfois  le  sujet 
perçoit  un  léger  bruit  produit  par  le  froissement  de  ses 
vêtements,  et  il  en  conclut  qu'on  touche  son  bras  ou  qu'on 
le  déplace;  mais  il  ne  reçoit  aucune  impression  directe 
venant  du  membre;  il  n'a  conscience,  ni  des  mouvements 
que  l'expérimentateur  imprime  à  sa  main,  ni  de  ceux  que 
sa  main  répète  avec  docilité;  à  plus  forte  raison  ne  fait-il 
aucun  effort  volontaire  pour  mouvoir  la  main;  son  esprit 
reste  à  peu  près  complètement  étranger  à  l'expérience  \ 

On  peut  reproduire  le  môme  acte  de  répétition  en  pro- 
voquant dans  le  membre  des  contractions  faradiques  ou 
des  mouvements  réflexes  ;  dans  cet  ordre  d'expériences, 
la  plus  délicate  et  aussi  la  plus  intéressante  est  la  répéti- 
tion de  mouvements  graphiques.  Dès  qu'on  met  un  crayon 
dans  la  main  insensible,  en  le  glissant  entre  le  pouce  et 
l'index,  ces  deux  doigts  se  rapprochent  pour  serrer  le 
crayon,  et  la  main  prend  l'attitude  nécessaire  pour  écrire. 
A  ce  moment,  si  on  demande  au  malade  ce  qu'on  fait  de 
sa  main,  il  répond  presque  toujours  :  «  Je  ne  sais  pas.  » 
Puis  l'expérience  commence;  on  imprime  au  crayon  un 
mouvement  quelconque,  par  exemple  un  mouvement  cir- 
culaire; la  main  du  malade,  pendant  cet  acte,  ne  suit  pas 
mollement  celle  de  l'expérimentateur;  on  éprouve  au  con- 
traire une  sensation  particulière  en  la  tenant;  elle  résiste 
un  peu  à  certaines  impulsions,  surtout  à  celles  qui  déter- 
minent un  changement  de  direction;  mais,  quand  il  s'agit 
d'un  trait  à  continuer,  c'est-à-dire  d'une  direction  donnée 
à  poursuivre,  la  main  devance  en  quelque  sorte  le  mou- 
vement, comme  si  elle  le  devinait.  Bref,  le  mouvement 
qu'on  réussit  à  lui  communiquer  ne  peut  pas  s'appeler  un 

1.  Ceci  n'est  pas  tout  à  fait  juste,  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 


00  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

mouvement  passif,  car  la  malade  y  collabore.  S'il  fallait 
user  d'une  comparaison,  nous  dirions  que  l'expérimenta- 
teur dirige  la  main  du  malade  comme  un  cavalier  dirige 
un  cheval  intelligent. 

On  n'éprouve  d'ailleurs  cette  sensation  toute  particulière 
que  lorsqu'on  a  affaire  à  une  malade  qui  est  apte  à  répéter 
toute  seule  les  mouvements  graphiques  communiqués. 
Chez  les  sujets  qui  ne  reproduisent  rien,  la  main  reste 
molle  et  inerte,  une  vraie  main  de  mannequin. 

Après  la  communication  du  mouvement  passif,  on  aban- 
donne la  main  du  malade,  en  ayant  soin  de  laisser  l'extré- 
mité du  crayon  appliquée  sur  une  feuille  blanche;  chez 
quelques  hystériques,  la  main  tombe  sur  le  côté  dès  qu'on 
l'abandonne;  chez  d'autres,  elle  n'a  pas  cette  flaccidité,  elle 
reste  en  position,  tenant  correctement  le  crayon,  comme 
si  elle  allait  écrire;  mais  rien  ne  vient;  on  perçoit  par- 
fois un  fin  tremblement  dans  le  poignet  et  dans  les  doigts; 
parfois  aussi  le  crayon  trace  sur  le  papier  quelques  traits 
légers,  indistincts,  et  c'est  tout.  Mais  il  en  est  d'autres  chez 
lesquels  le  mouvement  subconscient  est  bien  plus  mani- 
feste. Les  doigts  continuent  à  se  serrer  autour  du  crayon, 
et  le  mouvement  graphique  qu'on  a  imprimé  est  reproduit, 
soit  tout  de  suite,  soit  quelques  instants  après. 

Avec  quel  degré  d'exactitude  le  mouvement  est-il  repro- 
duit? Si  on  fait  l'essai  sur  un  sujet  normal,  dont  la  main 
est  sensible,  celui-ci  arrive  à  deviner  quel  mot  on  fait 
écrire  à  sa  main;  mais  quand  le  mot  est  long,  quand  le 
mouvement  est  rapide,  quand  les  caractères  sont  petits,  il 
se  trompe  très  souvent.  Il  n'en  est  pas  de  même  chez  les 
hystériques;  et  on  peut  dire  d'une  manière  générale  que 
bien  qu'elles  n'aient  pas  la  perception  consciente  du  mou- 
vement passif,  elles  peuvent  le  répéter  souvent  avec  plus 
d'exactitude  qu'un  sujet  normal.  Mais  il  y  a  de  grandes 
variétés  d'un  malade  à  l'autre,  et  nous  devons  en  tenir 
compte. 

Les  uns  ne  savent  répéter  que  des  mouvements  gros- 
siers, comme  des  boucles  ou  des  hachures;  mais  une  fois 


l'insensibilité  des  hystériques  91 

que  ce  mouvement  a  été  reproduit,  il  se  continue  très  long- 
temps, presque  indéfiniment;  je  l'ai  vu  se  continuer  une 
fois  pendant  un  quart  d'heure.  D'autres  mains  se  mon- 
trent plus  intelligentes,  ont  plus  de  mémoire;  elles  sont 
capables  de  reproduire  dans  les  mêmes  conditions  des 
signes  empruntés  au  langage  écrit,  des  chiffres,  des  lettres 
isolées,  des  mots  composés  de  plusieurs  lettres,  et  même 
des  phrases  entières.  Parfois  la  répétition  a  lieu  aussitôt 
que  l'expérimentateur  cesse  de  tenir  la  main  insensible  ; 
d'autres  fois,  il  s'écoule  un  temps  de  repos,  puis  la  main 
se  met  en  mouvement. 

Jusqu'ici,  dans  les  épreuves  auxquelles  nous  avons  soumis 
la  main  anesthésique,  celle-ci  n'a  fait  preuve  que  de  mé- 
moire; la  répétition  a  semblé  machinale, automatique;  il  se 
produit  quelque  chose  de  plus,  une  opération  mentale  plus 
complexe,  quoique  toujours  subconsciente,  lorsque  l'on 
fait  écrire  à  la  main  un  mot  connu,  dont  on  altère  volon- 
tairement l'orthographe;  il  est  intéressant  alors  de  sur- 
veiller le  phénomène  de  répétition;  au  moment  où  la  main 
insensible  arrive  à  la  lettre  inexacte,  elle  s'arrête,  semble 
hésiter,  puis  tantôt  elle  passe  outre,  reproduisant  l'erreur, 
tantôt  au  contraire  elle  la  corrige  et  rétablit  le  mot  avec 
son  orthographe  exacte. 

La  reproduction  peut  se  faire  non  seulement  à  l'occasion 
de  mouvements  graphiques  communiqués,  mais  par  un 
autre  procédé  plus  détourné,  qui  fait  également  intervenir 
des  sensations  inconscientes.  Ainsi,  lorsque  le  sujet  tient 
un  crayon  dans  sa  main  insensible,  il  suffît  souvent  de 
tracer  avec  une  pointe  mousse  des  chiffres,  des  caractères 
quelconques  sur  le  dos  de  la  main  pour  que  bientôt  après 
le  crayon  reproduise  tout  cela;  il  se  produit  alors  quelque 
chose  de  plus  qu'une  répétition  de  mouvement;  c'est  une 
traduction;  les  sensations  cutanées  sont  traduites  en  leurs 
équivalents  graphiques.  De  même  si  l'on  place  le  sujet 
hystérique  devant  une  échelle  typographique  à  une  dis- 
tance, qu'on  trouve  par  tâtonnement,  où  il  ne  peut  pas  lire 
le  tableau,  il  n'est  pas  rare  de  voir  la  main  reproduire  les 


92  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

caractères  que  le  sujet  se  dit  incapable  de  déchiffrer.  Natu- 
rellement, si  on  augmente  trop  la  distance  du  sujet  au 
tableau,  la  main  s'arrête  et  n'écrit  plus  rien  du  tout.  Il 
peut  donc  s'opérer  une  traduction  de  certaines  sensations 
visuelles  inconscientes  en  leurs  équivalents  moteurs. 

Ce  sont  là  des  opérations  psychologiques  très  simples, 
avec  lesquelles  l'habitude  d'écrire  nous  a  familiarisés;  c'est 
sans  aucun  effort  conscient  de  traduction  que  nous  copions 
une  page  imprimée,  et  nous  ne  remarquons  même  pas 
que  copier,  c'est  substituer  à  une  image  visuelle  l'image 
graphique  correspondante.  Il  n'en  est  pas  moins  intéressant 
de  voir  que  les  mouvements  inconscients  de  l'hystérique 
peuvent  supposer  une  substitution  analogue,  et  que  dans 
ce  cas,  l'opération  inconsciente  met  en  jeu  non  seulement 
des  mouvements,  non  seulement  des  images  motrices,  mais 
encore  des  images  visuelles,  et  des  associations  mentales 
entre  ces  différentes  images. 

La  répétition  inconsciente  peut  se  produire  à  la  suite 
d'un  mouvement  volontaire  du  sujet,  tout  comme  à  la 
suite  d'un  mouvement  passif.  Le  cas  est  peut-être  plus 
rare  que  les  précédents  ;  pour  bien  l'observer ,  il  faut 
demander  à  l'hystérique  d'exécuter  plusieurs  fois,  sans 
s'arrêter,  un  même  mouvement,  par  exemple  de  toucher 
un  point  de  son  visage  avec  l'index  de  la  main  anesthé- 
sique,  puis  de  toucher  un  point  de  la  table;  après  plu- 
sieurs répétitions  volontaires  de  cet  acte,  et  quand  l'hysté- 
rique veut  s'arrêter,  sa  main  continue  le  mouvement  et 
se  soulève  en  quelque  sorte  toute  seule  jusqu'à  son  visage; 
ce  mouvement  inconscient  peut  souvent  être  supprimé 
par  la  volonté,  mais  parfois  il  s'exécute  malgré  la  volonté 
contraire  du  sujet,  fort  étonné  de  cette  insubordination 
inattendue  d'un  de  ses  membres.  La  répétition  incon- 
sciente des  mouvements  graphiques  volontaires  est  plus 
curieuse  encore;  et  elle  donne  à  l'écriture  de  quelques 
hystériques  un  caractère  tout  particulier. 

Nous  avons  pu  nous  procurer  des  brouillons  de  lettres 
écrites  par  des  sujets  antérieurem.ent  à  l'époque  où  nous 


l'insensibilité  des  hystériques  93 

les  examinions;  un  peu  d'attention  permet  d'y  découvrir 
la  manifestation  de  ces  troubles  moteurs;  on  voit  que  la 
malade  est  obligée  d'écrire  plusieurs  fois  de  suite  la  même 
lettre;  c'est  une  sorte  de  bégaiement  de  la  main.  Parfois, 
la  malade  s'en  aperçoit,  elle  biffe  le  trait  redoublé  et 
recommence  le  mot  un  peu. plus  loin;  parfois,  au  con- 


L-'"'  ^^'iè^     ^yjKpi^AtJ^ 


y>' 


WlAnni     :,'^^'^f''/.^ry-''i^ul^'^^      t^    -^e-l./K'-     -•''  •<^*C^^^- 


Fip:.  1.  —  Écriture  hystérique,  tracée  avec  la  main  droite  insensible,  les  yenx 
ouverts.  La  malade  a  écrit  les  mots  suivants  :  «  Chère  Marie,  tu  vas  me  trouv  (trouver) 
bien  négligemte  ddde  ne  pas  reppp  répondre  à  la  bonne  ettt  et  charmmante  lettre  qui 
ttt  tu  poux  le  ccc  croire  m'a  bien  fff  fait  rire;  ce  portrait  pein^M  de  main  de  maître 
surtout...  >) 

traire,  elle  ne  s'aperçoit  de  rien,  et  les  erreurs  pour- 
raient être  considérées  comme  de  légères  fautes  d'ortho- 
graphe, si  les  m  à  quatre  jambages  et  les  u  à  trois  jam- 
bages n'indiquaient  pas  clairement  le  contraire.  11  est 
possible  de  reproduire  expérimentalement  sur  quelques 
sujets  ces  altérations  de  l'écriture,  en  les  priant  d'écrire 
plusieurs  fois  la  même  lettre,  puis  de  s'arrêter;  quand  ils 
veulent  s'arrêter,  la  main  continue  à  écrire,  malgré  eux, 
et  souvent  ils  ne  mettent  fin  à  l'obsession  qu'en  jetant  la 
plume. 


94  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

Les  mouvements  précédents  présentent  le  caractère  par- 
ticulier d'être  la  répétition  de  mouvements  volontaires; 
l'inconscient  que  nous  venons  de  voir  à  l'œuvre  imite  l'acte 
du  personnage  conscient,  ce  qui  n'avait  pas  lieu  dans  les 
autres  expériences. 

Nous  terminerons  en  décrivant  plusieurs  caractères  com- 
muns aux  mouvements  inconscients  de  répétition  ;  ce  sont  : 

1°  Leur  diffusion;  ils  ne  restent  pas  absolument  localisés 
dans  un  membre;  ils  ont  une  tendance  à  se  généraliser, 
et  souvent,  ils  gagnent  le  membre  symétrique;  quand  on 
fait  écrire  des  chiffres  à  une  main,  au  bout  de  quelque 
temps  l'autre  s'agite,  et  si  elle  tient  un  crayon,  elle  tra- 
cera les  mêmes  chiffres  que  la  première;  ce  qui  est  très 
curieux,  c'est  que  parfois  alors  une  main,  douée  de  sensi- 
bilité, répète  le  mouvement  communiqué  à  l'autre  main, 
€t  cependant  le  malade  ne  perçoit  pas  le  mouvement;  le 
mouvement  reste  subconscient  alors  même  qu'il  a  pour 
instrument  un  organe  sensible. 

Nous  verrons  plus  loin  que  la  plupart  des  modifications 
du  mouvement  qu'on  peut  produire  chez  un  sujet  hysté- 
rique dans  une  moitié  seulement  du  corps  offrent  cette 
même  tendance  à  la  généralisation. 

2°  Un  second  caractère  des  mouvements  inconscients  de 
répétition,  c'est  leur  fatalité.  Quand  la  main  va  répéter  un 
mouvement  communiqué,  fùt-il  aussi  délicat  que  celui  de 
l'écriture,  elle  se  raidit,  devient  dure  au  toucher,  tandis 
que  dans  les  conditions  ordinaires  elle  a  la  flaccidité  d'un 
membre  frappé  de  paralysie  ou  la  plasticité  de  la  cire. 
Si  l'on  essaye  d'empêcher  le  mouvement,  pendant  qu'il 
s'exécute,  en  maintenant  les  doigts  dans  une  position 
fixe,  on  éprouve  une  grande  résistance;  il  est  très  difficile 
d'immobiliser  les  doigts;  lorsqu'on  enlève  le  crayon,  les 
doigts  continuent  à  faire  dans  le  vide  les  mêmes  mou- 
vements graphiques.  La  constriction  du  poignet  retarde 
un  peu  le  mouvement.  Chez  les  malades  auxquelles  on 
peut  donner  des  contractures  par  l'excitation  des  muscles 
et  des  nerfs,  il  est  difficile  d'en  produire  au  moment  où 


l'insensibilité  des  hystériques  95 

la  main,  chargée  en  quelque  sorte  par  un  mouvement 
passif,  va  le  décharger  en  reproduisant  ce  qu'on  lui  a 
fait  écrire;  quand  on  arrive  à  produire  une  contracture 
suffisante  pour  arrêter  le  mouvement,  il  peut  arriver  que 
quelques  instants  après,  si  on  fait  cesser  la  contracture, 
le  mouvement  recommence. 

En  terminant  l'énumération  de  cette  série  d'expériences, 
il  faut  remarquer  que  leur  intérêt  réside  dans  leur  simpli- 
cité. Rien  n'est  plus  facile  que  de  chercher  à  les  reproduire 
chez  une  malade  hystérique  présentant  de  l'anesthésie; 
et  comme  les  actes  de  répétition  inconsciente  ou  sub- 
consciente sont  les  premiers  indices  de  la  désagrégation 
mentale,  il  en  résulte  que  la  désagrégation  mentale,  ce 
phénomène  psychologique  de  la  plus  grande  complexité, 
peut  être  vérifiée  au  moyen  des  procédés  les  plus  simples 
et  les  plus  élémentaires.  Nous  sommes  parvenus,  croyons- 
nous,  à  en  donner  une  démonstration  clinique. 

Il  nous  paraît  superflu  de  démontrer  que  ces  actes  sont 
intelligents;  quelques  expériences  prouvent  nettement  que 
certains  mouvements  de  répétition  ne  sont  pas  de  purs 
réflexes.  Mais  dans  quelle  mesure  exacte  l'intelhgence 
intervient-elle?  c'est  ce  qu'il  faut  préciser  un  peu. 

Toutes  les  expériences  précédentes  ont  ce  trait  commun 
que  l'expérimentateur  force  le  sujet,  ou  une  partie  de  son 
sujet,  à  répéter  un  acte  qu'il  lui  indique;  il  le  force  sans 
exercer  sur  lui  de  violence  physique;  il  agit  par  action 
morale,  donc  par  suggestion.  Erigeons  en  personnage,  pour 
la  commodité  de  notre  exposition,  l'inconscient  qui  répète 
les  mouvements;  nous  dirons  que  l'expérimentateur,  en  tou- 
chant la  main  et  le  bras,  donne  à  ce  personnage  inconscient 
l'idée  de  répéter  l'acte,  et,  en  définitive,  le  suggestionne. 

Mais  ce  mot  de  suggestion,  nous  l'avons  déjà  critiqué,  il 
est  vague,  il  laisse  confondre  plusieurs  choses  distinctes; 
et  par  conséquent  nous  ne  devons  pas  nous  en  contenter. 
Indiquons  rapidement  les  diverses  interprétations  possibles 
du  phénomène  de  répétition  subconsciente,  considérée 
comme  un  effet  de  suggestion. 


^6  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

On  peut  donner  à  une  personne  éveillée  ou  en  somnam- 
bulisme l'ordre,  la  suggestion  d'imiter  tous  les  mouve- 
ments qu'on  exécute  devant  elle,  ou  de  continuer  indéfini- 
ment le  mouvement  régulier  qu'on  imprime  à  une  partie 
de  son  corps;  on  fait  tourner  ses  mains  l'une  autour  de 
l'autre,  on  lui  dit  :  «  Vos  mains  tournent,  vous  ne  pouvez  plus 
les  arrêter  »,  et,  en  effet,  si  le  sujet  est  docile  à  la  sugges- 
tion, il  se  produit  une  série  de  mouvements  irrésistibles. 
On  comprend  combien  cette  expérience  est  compliquée;  le 
mouvement  est  commandé  par  l'expérimentateur,  et  con- 
senti par  le  sujet,  qui  sait  ce  qu'il  fait,  qui  se  rend  compte 
et  qui  obéit  à  celte  suggestion  comme  il  pourrait  obéir  à 
une  suggestion  d'acte  beaucoup  plus  compliquée,  exigeant 
de  sa  part  des  opérations  intellectuelles  d'un  ordre  élevé. 
Mais  ceux  qui  ont  fait  une  étude  approfondie  de  la  sugges- 
tion savent  bien  qu'un  même  acte  peut  être  exécuté  dans 
des  conditions  mentales  tout  à  fait  différentes;  la  continua- 
tion d'un  mouvement  peut  se  faire,  soit  par  obéissance, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  soit  tout  simplement  parce 
qu'une  image  a  été  évoqut'e  dans  l'esprit  du  patient,  et  que 
cette  image  est  une  source  de  mouvements;  on  fait  écrire 
une  lettre  à  une  main  anesthésique;  le  mouvement  de  cette 
main  provoque  quelque  part  dans  l'esprit  de  l'inconscient 
des  images  motrices;  ces  images  ne  sont  contredites  par 
rien  ;  elles  vont  se  dépenser  en  acte,  et  le  mouvement  se 
répète;  il  n'y  a  point  là  d'obéissance,  mais  un  phénomène 
psychologique  plus  simple,  plus  élémentaire. 

Je  ne  puis  dire  quelle  est  l'explication  qui  convient  aux 
phénomènes  de  répétition  décrits;  probablement  les  deux 
explications  sont  vraies,  chacune  pour  un  sujet  différent, 
et  pour  des  conditions  d'expériences  différentes;  tantôt  la 
répétition  du  mouvement  est  un  acte  d'obéissance  intelli- 
gente provenant  d'un  inconscient  qui  a  compris  ce  qu'on 
lui  demande  et  qui  l'exécute;  tantôt  la  répétition  est  une 
affaire  d'images  évoquées.  On  voit  qu'il  y  a  là  des  cas  à 
distinguer,  et  que  le  mot  sommaire  de  suggestion  ne  rend 
pas  comi)lc  do  tous  les  phénomènes. 


l'insensibilité  des  hystériques  97 

Ce  qui  est  significatif,  c'est  que  beaucoup  de  sujets  ne 
peuvent  pas  recevoir  à  l'état  de  veille  de  suggestion  com- 
pliquée par  l'intermédiaire  de  l'écriture  inconsciente.  On 
n'obtient  que  la  répétition  de  l'ordre  qu'on  a  fait  écrire. 
On  a  fait  écrire  à  la  main  le  mot  :  «  toussez  !  »  le  sujet  ne 
tousse  pas,  mais  sa  main  écrit  plusieurs  fois  de  suite  le 
mot  «  toussez  »;  pose-t-on  une  question,  toujours  par  le 
moyen  indiqué,  la  main  n'y  répond  pas,  mais  répète  la 
question.  «  Gomment  vous  portez-vous?  »  La  main  écrit  : 
«  Comment  vous  portez-vous?  »  Rien  n'a  été  compris, 
semble-t-il,  par  le  personnage  inconscient,  qui  est  encore 
trop  rudimentaire  pour  juger,  raisonner,  et  qui  ne  sait  faire 
qu'une  chose  :  imiter  \  Ce  qui  me  paraît  démontrer  aussi 
que  dans  certains  cas  la  répétition  n'est  qu'un  automatisme 
d'images,  c'est  que  cette  répétition  peut  continuer  presque 
indéfiniment.  Faisons  tracer  une  boucle  à  la  main  insensible, 
celle-ci  va  dessiner  cette  boucle  vingt  fois,  cent  fois  et 
davantage,  sans  y  rien  changer,  sans  se  fatiguer,  sans 
perdre  patience.  C'est  une  machine  montée  qui  ne  sait 
pas  s'arrêter. 

Mais  chaque  sujet  mérite  d'être  examiné  en  lui-même, 
et  chaque  personnage  inconscient  a  très  probablement  son 
état  mental  particuher;  ce  qui  est  vrai  de  l'un  est  faux  de 
l'autre;  il  est  donc  inutile  de  poser  des  règles  générales, 
qui  seraient  inexactes. 

Enfin,  nous  devons  rappeler  en  terminant  sur  ce  point 
qu'alors  même  qu'un  inconscient  ne  paraît  pas  comprendre 
une  suggestion  compliquée,  celle-ci  produit  souvent  un 
certain  eflet,  qu'il  faut  bien  connaître;  la  suggestion  non 
comprise  persiste  à  l'état  de  souvenir;  et  ce  souvenir, 
renaissant  dans  un  nouvel  état  psychologique,  pourra 
être  compris  alors  pour  la  première  fois;  étant  compris, 
il  deviendra  le  point  de  départ  d'une  suggestion  tardive, 
qui  s'accomplira  à  un  moment  oii  personne  ne  pense  plus 

1.  Les  faits  de  répélilion  des  actes  se  rencontrent  dans  la  catalepsie 
hypnotique  (voir  Magnétisme  animal,  p.  133)  avec  les  mêmes  carac- 
tères. 

A.    BiNET.  7 


98  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

à  elle.  Reprenons  notre  dernier  exemple;  on  a  fait  écrire 
à  la  main  un  mot  quelconque;  ce  mot  n'a  pas  été  compris, 
mais  il  est  resté  dans  la  mémoire  de  l'inconscient;  que 
celui-ci  se  développe  plus  tard,  comme  nous  en  verrons 
des  exemples,  il  pourra  retrouver  la  suggestion,  la  com- 
prendre et  l'exécuter.  On  ne  doit  pas  perdre  de  vue  cette 
cause  possible  d'erreur. 


CHAPITRE  II 

l'insensibilité    des    hystériques    (suite) 

LES  ACTES  SUBCONSCIENTS  d'aDAPTATION 


I.  Actes  d'adaptation  inconscieute.  —  Une  ancienne  expérience  de  Lasëgiie. 
—  Caractères  de  la  catalepsie  partielle.  —  Absence  de  tremblement, 
d'effort  et  de  fatigue.  —  Durée  de  la  conservation  de  l'attitude. —  Inter- 
prétation du  phénomène. 

II.  Actes  d'adaptation  plus  compliqués.  —  Réactions  produites  par  des 
excitations  douloureuses  non  senties.  —  Électivité.  —  Paroles  incon- 
scientes. —  Écriture  automatique  spontanée. 


I 

Lasègue  a  donné,  il  y  a  longtemps  déjà,  un  excellent 
exemple  de  mouvements  subconscients  d'adaptation,  quand 
il  a  décrit  ce  qu'il  appelle  des  catalepsies  partielles  *  ; 
elles  consistent  dans  l'aptitude  des  hystériques  à  conserver 
très  longtemps  avec  un  membre  insensible  la  position 
qu'on  lui  donne,  sans  que  le  sujet  éprouve  de  fatigue, 
sans  même  qu'il  perçoive  la  position  de  son  membre,  si 
on  a  pris  la  précaution  de  le  lui  cacher  ;  la  catalepsie  par- 
tielle peut  s'observer  en  dehors  de  l'hystérie,  dans  des 
conditions  mentales  équivalentes  ;  mais  nous  décrirons  ici 
ce  phénomène  tel  qu'on  peut  l'observer  chez  les  hysté- 
riques. 

1.  Lasègue,  Éludes  médicales,  II,  33. 


100  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

Soulevons  par  exemple  le  bras  insensible  du  sujet,  tou- 
jours pris  à  l'état  de  veille,  et  avec  le  dispositif  de  l'écran; 
si  nous  lâchons  brusquement  le  bras,  parfois  il  retombe  le 
long  du  corps  avec  la  lourdeur  d'un  membre  atteint  de 
paralysie  flaccide,  et  chez  certains  sujets  on  n'arrive  pas  à 
autre  chose;  chez  d'autres,  le  bras  soulevé  reste  en  l'air. 
Supposons  que  nous  avons  à  étudier  un  de  ces  derniers 
malades.  En  soulevant  le  bras  insensible,  on  peut,  au 
moyen  d'un  tour  de  main  spécial,  le  faire  retomber  ou  le 
maintenir  levé.  Si  on  veut  qu'il  retombe,  il  faut  l'aban- 
donner brusquement;  si  on  veut  qu'il  ne  retombe  pas,  il 
faut  le  maintenir  en  position  pendant  une  seconde,  ou  le 
serrer  un  peu.  Le  membre  anesthésique  paraît  comprendre 
à  merveille  le  désir  de  l'expérimentateur;  il  le  comprend 
si  bien  que  lorsqu'on  n'est  pas  averti,  on  ne  sait  pas  com- 
ment il  se  fait  que  le  membre  reste  levé  quand  on  désire 
qu'il  reste  levé,  et  retombe  quand  on  désire  qu'il  retombe. 
Pour  provoquer  ces  deux  effets  opposés,  il  suffit  d'une 
nuance.  Cet  exemple  est  un  des  plus  frappants  qu'on  puisse 
citer  pour  démontrer  l'intelligence  qui  peut  résider  dans 
les  mouvements  subconscients  de  l'hystérique. 

Le  caractère  le  pliTs  saillant  du  phénomène,  celui  sur 
lequel  la  simulation,  si  elle  tentait  de  se  produire,  ne  pour- 
rait s'exercer  *,  c'est  la  durée  de  la  conservation  de  la 
pose.  Nous  ne  dirons  pas  avec  Lasègue  que  cette  durée 
est  indéfinie,  ce  n'est  là  qu'un  mot.  Lasègue,  qui  était  un 
brillant  initiateur  plutôt  que  l'homme  des  recherches  appro- 
fondies, dit  plaisamment  que  «  l'expérimentateur  se  fatigue 
d'attendre  avant  que  le  malade  soit  fatigué  de  l'immobi- 
lité ».  En  effet,  l'expérience  peut  durer  fort  longtemps. 
Chez  un  de  nos  sujets,  le  bras  droit  étendu  horizontale- 
ment et  l'avant-bras  légèrement  fléchi  ont  mis  une  heure 
vingt  minutes  à  tomber;  ce  n'est  qu'au  bout  de  ce  temps 
de  pose  véritablement  considérable  que  le  coude,  qui  bais- 
sait lentement,  est  arrivé  au  contact  du  corps,  ce  qui  a 

1.  Nous  parlons  sculemenl  de  la  simulation  tcnlce  par  une  personne  non 
hystérique. 


l'insensibilité  des  hystériques  101 

mis  fin  à  l'expérience.  Gliez  une  autre  femme,  l'expérience 
n'a  pu  être  prolongée  jusqu'à  la  fin,  mais  nous  avons  con- 
staté qu'au  bout  de  trois  quarts  d'heure,  l'extrémité  du 
membre  supérieur  droit,  qui  était  étendu  horizontalement, 
avait  baissé  à  peine  de  cinq  à  six  centimètres. 

Si  on  demande  à  ces  malades  de  conserver  la  pose  en 
même  temps  avec  le  bras  sensible,  les  deux  bras  étant 
étendus  horizontalement,  on  s'aperçoit  de  la  différence 
qu'il  y  a  entre  les  deux  côtés;  le  bras  sensible  se  fatigue, 
il  se  fatigue  même  assez  vite,  et  la  malade  est  obligée  de 
le  baisser  pour  le  reposer,  alors  que  le  bras  insensible 
reste  encore  en  position. 

La  conservation  de  l'attitude  n'est  pas  seulement  remar- 
quable par  sa  durée;  elle  présente  ce  signe  particulier 
qu'elle  a  lieu  sans  tremblement  ;  la  main  étendue  ne  pré- 
sente pas  ces  légères  Irémulations  qu'on  observe  chez  l'in- 
dividu normal  fatigué  de  la  pose;  le  membre  du  sujet  offre 
seulement  de  légères  oscillations  qui  le  soulèvent  tout 
d'une  pièce  et  semblent  en  rapport  avec  les  mouvements 
respiratoires. 

A  l'absence  de  tremblement  s'ajoute  l'absence  des  signes 
qui  caractérisent  l'effort  et  la  fatigue,  comme  on  peut  s'en 
assurer  en  prenant  les  tracés  des  mouvements  respiratoires; 
la  respiration  peut  conserver  son  rythme  régulier  à  un 
moment  où  chez  un  sujet  normal  elle  présenterait  des  irré- 
gularités qui  révèlent  la  fatigue  et  l'effort  destiné  à  la  mas- 
quer. Enfin,  en  dernier  lieu,  le  malade,  si  on  en  croit  son 
témoignage,  n'éprouve  point  de  sensation  consciente  de 
fatigue. 

Ces  différents  signes  physiques  sont  loin  d'être  constants. 
J'ai  vu  des  malades  chez  lesquels  les  tracés  de  la  respira- 
tion présentent  au  bout  de  quelque  temps  un  trouble 
notable,  une  irrégularité  et  une  précipitation  qui  sont  cer- 
tainement sous  l'influence  de  la  fatigue,  bien  qu'ils  soient 
bien  moindres  que  ceux  qu'on  peut  observer  chez  ces 
mêmes  sujets  quand  c'est  le  bras  sensible  qui  conserve  la 
pose.  Pendant  ce   temps,   le  sujet   déclare  qu'il  ne  sent 


102        LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

aucune  fatigue;  nous  le  croyons  sincère,  et  le  démenti  que 
lui  donne  la  méthode  graphique  est  bien  curieux;  certaine- 
ment, dirons-nous,  il  y  a  eu  fatigue,  le  tracé  en  fait  foi, 
mais  fatigue  inconsciente  et  atténuée. 

On  a  observé  parfois  que  les  sujets,  quand  ils  se  prêtent 
à  l'expérience  décrite,  éprouvent  une  sensation,  non  de 
fatigue,  mais  de  douleur.  Cette  douleur  peut  occuper  un 
point  du  corps  assez  éloigné  du  membre  en  expérience; 
c'est  par  exemple  la  région  précordiale,  le  flanc,  ou  l'épaule 
du  côté  opposé.  Les  malades  distinguent  nettement  cette 
sensation  douloureuse  de  la  sensation  de  fatigue;  il  paraît 
que  c'est  tout  autre  chose. 

Je  n'insiste  pas  davantage  sur  l'étude  de  ce  phénomène; 
je  me  contente  de  renvoyer  le  lecteur  qui  voudrait  plus 
de  détails  aux  articles  et  ouvrages  de  Lasègue,  Saint- 
Bourdin  \  Liébeault  %  Binet  et  Féré,  Ségias  et  Ghaslin  ^ 
Pitres  S  etc.  Je  signalerai  seulement  deux  questions  par- 
ticulières. 

La  première  est  une  question  d'interprétation  :  quelle 
est  la  nature  de  ce  phénomène  de  plasticité  cataleptique? 
On  l'a  longtemps  décrit  comme  un  phénomène  neuro-mus- 
culaire, et  on  en  a  placé  l'origine  dans  un  état  d'hyperexci- 
tabilité  des  centres  nerveux,  expression  commode  qui 
n'explique  rien,  mais  ne  compromet  personne.  On  semble 
admettre  aujourd'hui,  avec  plus  de  raison,  que  la  psycho- 
logie a  le  droit  de  revendiquer  ces  phénomènes;  le  fait  est 
que  leur  origine  psychologique  n'est  pas  douteuse  chez  un 
grand  nombre  de  sujets;  le  tour  de  main  nécessaire  pour 
mettre  en  jeu  cette  plasticité  le  montre  suffisamment. 

S'ensuit-il  que  ce  soit  là  une  simple  suggestion?  Oui, 
si  l'on  veut,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  conserva- 
tion de  l'attitude  peut  avoir  lieu  pour  plusieurs  raisons  bien 
distinctes,  et  qui  ne  sont  vraies  chacune  que  pour  un  cas 


1.  Catalepsie,  p.  '.'A). 

2.  Du  So77niïeil,  p.  72. 

3.  La  Calatonie  (Arcli.  de  neurologie,  n"'  44,  4îj,  40,  lï 

4.  L'Aneslhcsie  hysléririue,  p.  72. 


L'INSENSIBILITÉ  DES  HYSTÉRIQUES  103 

particulier;  dans  tel  cas,  par  exemple,  l'inconscient  ne  laisse 
pas  retomber  le  bras  soulevé  parce  qu'il  a  compris  le  désir 
de  l'expérimentateur  et  veut  s'y  conformer.  «  Pour  mettre 
un  membre  en  catalepsie,  dit  M.  Bernheim,  il  suffit  de 
lever  ce  membre,  de  le  laisser  quelque  temps  en  l'air,  au 
besoin  d'affirmer  que  ce  membre  ne  peut  plus  être  baissé; 
il  reste  en  catalepsie  suggestive  ;  l'hypnotisé  dont  la  volonté 
ou  le  pouvoir  de  résistance  est  affaibli  conserve  passive- 
ment l'attitude  imprimée.  »  C'est  de  l'obéissance;  et  l'ex- 
plication nous  paraît  exacte  pour  tous  les  cas  où  le  phéno- 
mène a  été  produit  par  suggestion  verbale,  dans  les  cas 
aussi  où  le  sujet  a  assisté  à  des  expériences  analogues  sur 
d'autres  malades,  et  dans  les  cas  enfin  où  l'inconscient  de 
l'hystérique  est  assez  développé  pour  se  rendre  compte  de 
la  pensée  de  l'opérateur;  mais,  dans  d'autres  conditions, 
chez  d'autres  malades,  il  semble  que  la  cause  de  la  cata- 
lepsie, tout  en  restant  psychologique,  est  plus  simple;  c'est 
une  pure  inertie  mentale,  ou  ce  qu'on  a  appelé  un  état  de 
monoidéisme;  l'inconscient  subit  sans  la  comprendre,  sans 
la  raisonner,  et  par  conséquent  sans  y  résister,  l'attitude 
qu'on  lui  donne.  En  termes  plus  précis,  nous  dirons  :  quand 
une  attitude  est  imprimée  au  bras,  on  provoque  un  certain 
nombre  de  sensations  tactiles  et  musculaires,  qui  représen- 
tent l'attitude,  et  qui,  en  continuant  à  se  produire,  deviennent 
une  cause  d'excitation  pour  les  muscles  dont  la  contraction 
maintient  l'attitude;  c'est  un  automatisme  de  sensations, 
d'images  et  de  mouvements,  peut-être  aussi  de  désirs  et 
volitions  rudimentaires,  qui  est  de  tous  points  comparable 
à  celui  qui  peut  déterminer  une  répétition  de  mouvements. 
Ainsi,  il  y  a  tantôt  suggestion  par  obéissance  raisonnée, 
tantôt  suggestion  par  automatisme.  Dans  tous  les  cas,  la 
plasticité  cataleptique  a  sa  source  dans  l'état  mental  du 
sujet  et  s'explique  par  des  raisons  psychologiques. 


104  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 


II 


La  conservation  d'une  atlitude  est  un  acte  d'adaptation 
simple;  en  voici  d'autres  plus  compliqués. 

Si  pendant  que  le  bras  est  soulevé,  on  le  charge  de  poids, 
le  membre  étendu  peut  ne  pas  se  fléchir  brusquement;  il 
fait  un  effort  approprié  à  la  charge  nouvelle,  de  manière 
à  conserver  la  position  qui  lui  a  été  donnée.  Dans  ce 
nouvel  exemple,  on  peut  s'assurer  que  le  membre  insen- 
sible fait  preuve  de  perspicacité,  car  si  on  presse  tout  dou- 
cement sur  le  membre  étendu,  on  le  fait  baisser,  tandis 
que,  lorsqu'on  attache  à  ce  membre  l'anneau  d'un  poids  de 
2  kilogrammes,  le  bras  reste  en  position;  c'est  que^  dans 
les  deux  cas,  l'intention  de  l'expérimentateur  est  différente, 
et  se  traduit  par  des  mouvements  différents,  que  le  sujet 
paraît  bien  comprendre. 

On  provoque  des  mouvements  complexes  d'adaptation 
en  plaçant  dans  la  main  insensible  des  objets  connus  ;  le 
contact  de  ces  objets  en  suggère  l'usage,  et  détermine  des 
mouvements  appropriés;  les  deux  premiers  doigts  étant 
placés  dans  les  anneaux  d'une  paire  de  ciseaux,  la  main 
reconnaît  le  ciseau,  l'ouvre  et  le  ferme  comme  si  elle  cher- 
chait à  couper  quelque  chose.  Si  on  met  le  dynamomètre 
dans  la  main  d'un  sujet,  qui  a  l'habitude  de  se  servir  de 
cet  instrument,  et  qu'on  rapproche  les  doigts  des  branches, 
la  main  serre  sans  en  avoir  conscience;  elle  serre  une 
fois,  deux  fois,  vingt  fois  de  suite,  et  davantage;  le  propre 
de  ces  mouvements  d'adaptation  est  de  se  continuer  très 
longtemps.  Le  chiffre  de  pression  est  en  général  un  peu 
inférieur  à  celui  que  donne  le  même  sujet  quand  il  presse 
volontairement.  Ce  qu'il  faut  remarquer  encore,  c'est  l'as- 
sociation, la  coordination  des  mouvements  inconscients 
entre  eux  et  avec  les  impressions  qui  leur  servent  de  point 
de  départ.  Si  on  tiie  les  deux  bras  en  avant,  le  sujet  étant 
assis  et  ayant  les  yeux  bandés,  tout  le  corps  se  soulève, 


l'insensibilité  des  hystériques  105 

et  les  mouvements  se  coordonnent  pom'  maintenir  la  sta- 
tion debout  sans  que  le  sujet  se  doute  qu'il  soit  levé.  Mais 
en  général,  l'harmonie  des  mouvements  ne  va  pas  jusqu'à 
s'établir  entre  la  physionomie  et  les  attitudes  imprimées 
aux  membres  ;  si  on  ferme  énergiquement  le  poing  anes- 
thésique,  la  figure  ne  prend  pas  une  expression  de  colère; 
si  on  joint  les  mains,  la  figure  ne  prend  pas  une  expression 
extatique;  cependant  cette  influence  du  geste  sur  la  physio- 
nomie est  dans  la  logique  des  choses,  et  on  l'a  vue  parfois  se 
réahser  pendant  la  catalepsie  partielle  de  l'état  de  veille  '.  Il 
y  a  là  une  générahsation  de  mouvements  inconscients  qui 
est  analogue  à  celle  que  nous  avons  déjà  signalée  pour  la 
répétition  inconsciente. 

Les  mouvements  d'adaptation  les  plus  curieux  se  pro- 
duisent à  la  suite  d'excitations  douloureuses,  comme  des 
pincements  de  la  peau  ou  des  brûlures  ;  le  personnage 
inconscient  exécute  alors  des  mouvements  de  défense  pour 
se  soustraire  à  la  douleur.  Seulement,  il  ne  suffit  pas  en 
général  pour  provoquer  ces  mouvements  de  défense,  de 
piquer,  même  profondément,  la  main  anesthésique.  Si  le 
procédé  de  la  piqûre  était  suffisant,  comme  c'est  celui 
qu'on  emploie  dans  la  clinique  courante  pour  explorer  la 
sensibilité,  il  y  aurait  longtemps  que  les  médecins  se 
seraient  aperçus  des  mouvements  d'adaptation  que  nous 
allons  décrire.  En  réalité,  les  pincements  et  piqûres  ne  pro- 
duisent pas  en  général  des  mouvements  de  défense  ou  de 
fuite;  quoique  piquée,  la  main  insensible  reste  immobile, 
sans  se  défendre.  Pour  lui  faire  donner  un  signe  de  douleur, 
il  faut  une  excitation  qui  ait  une  signification  et  détermine 
la  perception  d'un  objet  connu.  Des  impressions  simples 

1.  Pierre  Janet,  Automatisme  psi/chologique,  p.  232.  Nous  aurons  à  citer 
souveût  cet  important  ouvrage,  dans  lequel  la  question  de  la  dissociation 
mentale  a  été  traitée  avec  une  grande  largeur  d'idées.  Nous  exposons  ici 
le  même  sujet  que  M.  Pierre  Janet,  mais  en  nous  plaçant  à  un  point  de 
vue  un  peu  différent  du  sien;  nous  n'avons  point  cherché,  comme  lui,  à 
faire  valoir  nos  opinions  personnelles;  nous  nous  attachons  plutôt  à 
exposer  les  résultats  acquis  et  admis  pat-  la  majorité  des  auteurs;  c'est 
pour  cette  raison  que  nous  laissons  de  côté  plusieurs  de  nos  expériences 
personnelles  qui  n'ont  pas  encore  été  répétées  et  vérifiées  par  d'autres. 


106  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

provoquées  par  une  pointe  de  compas  ou  d'épingle  sont 
comme  des  lettres  isolés,  a,  b,  c,  qui  n'éveillent  aucune 
idée,  tandis  que  les  impressions  complexes  d'une  boîte,  d'un 
porte-plume  sont  comme  des  mots  qui  suggèrent  une  idée. 

Yoici  une  des  expériences  que  nous  avons  imaginées  : 
mettre  dans  la  main  insensible  du  sujet  qui  ne  voit  pas 
sa  main  une  boîte  d'allumette,  et  chercher  s'il  peut  faire 
flamber  une  allumette  et  éviter  la  flamme.  Les  résultats 
de  l'expérience  ont  beaucoup  varié  suivant  les  malades. 
L'une  n'ouvre  pas  la  boîte;  et  même,  chose  assez  plai- 
sante, elle  commet  une  erreur  de  perception;  elle  serre  la 
boîte  de  toutes  ses  forces,  en  la  confondant  sans  doute 
avec  le  dynamomètre  qu'on  avait  placé  dans  sa  main 
quelque  temps  auparavant.  Une  autre  malade,  dans  les 
mêmes  conditions,  montre  plus  de  sagacité;  sa  main 
insensible  palpe  la  boîte,  parvient  à  l'ouvrir  après  beau- 
coup d'hésitations,  tâte  les  allumettes  avant  d'en  prendre 
une,  et,  quand  elle  en  a  pris  une,  ne  cherche  pas  à  l'al- 
lumer, mais  la  tient  immobile  entre  ses  deux  doigts.  Ici 
encore,  curieuse  erreur  de  perception  :  la  main  croit  tenir 
un  crayon  et  essaye  d'écrire.  Nous  enflammons  nous-mème 
l'allumette  et  nous  la  lui  donnons.  Le  pouce  et  l'index  ne 
paraissent  pas  s'apercevoir  de  la  flamme  qui  approche  et 
qui  vient  s'éteindre  à  leur  contact  en  brûlant  et  fondant  le 
bout  des  ongles.  Chez  une  troisième  malade  la  reconnais- 
sance de  la  nature  de  l'objet  a  été  complète;  au  bout 
d'un  instant  de  contact,  la  main  entoure  la  boîte,  la  palpe, 
paraît  la  reconnaître,  pousse  en  dehors  le  tiroir  qui  con- 
tient les  allumettes,  en  prend  une,  la  frotte  contre  les 
parois  de  la  boîte,  l'allume,  et  la  tient  allumée,  en  l'in- 
clinant un  peu;  à  mesure  que  la  flamme  s'avance,  les 
doigts  reculent,  comme  s'ils  fuyaient  devant  la  chaleur, 
et  quand  la  flamme  approche  à  l'extrémité  de  l'allumette, 
les  doigts  se  desserrent,  et  l'allumette  tombe;  évidem- 
ment, tout  a  été  perçu,  et  la  main  a  même  exprimé  par 
son  geste  la  crainte  d'être  brûlée. 

On  peut  voir  d'après  ce  qui  précède  que  malgré  l'insen- 


l'insensibilité  des  hystériques  107 

sibilité  apparente  toutes  les  espèces  de  sensibilité  peuvent 
être  conservées  et  mises  en  jeu  par  des  moyens  appropriés. 
Mais  ce  n'est  pas  tout  ;  l'étude  attentive  des  réactions  pré- 
cédentes montre  que  bien  qu'elles  émanent  d'une  pensée, 
cette  pensée  est  encore  incomplète  sur  bien  des  points, 
puisqu'elle  ne  peut  aboutir,  dans  certains  cas,  qu'à  des 
mouvements  d'adaptation  erronés  et  qu'elle  est  incapable 
de  se  corriger  elle-même.  M.  Myers,  en  analysant  ces 
expériences,  a  remarqué  avec  raison  qu'elles  rappellent 
un  peu  celles  où  l'on  étudie  les  mouvements  instinctifs 
d'un  animal,  après  l'avoir  privé  d'un  certain  nombre  de 
ses  ganglions  nerveux;  tel  mouvement  instinctif  peut  se 
produire  encore,  mais  sans  discernement. 

Nous  avons  déjà  passé  en  revue  la  sensibilité  tactile, 
musculaire,  douloureuse;  il  nous  reste,  pour  être  complet, 
à  faire  mention  de  la  sensibilité  élective.  On  entend  par 
cette  expression  l'aptitude  que  présentent  certaines  malades 
à  être  influencées  par  une  personne  et  par  celle-là  seule- 
ment; tel  somnambule,  par  exemple,  ne  voit,  n'entend  que 
son  hypnotiseur  et  n'obéit  qu'à  lui.  Peut-être  ne  devrait-on 
pas  donner  le  nom  de  sensibilité  à  un  phénomène  qui  est 
certainement  beaucoup  plus  compliqué  que  la  faculté  de 
percevoir  des  sensations.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  observe 
de  l'électivité  dans  les  phénomènes  inconscients  qu'on 
peut  provoquer  à  l'état  de  veille  chez  une  hystérique,  et 
en  voici  un  exemple  très  net.  Chez  certains  sujets,  le 
bras  qu'on  lève  pour  le  mettre  en  catalepsie  ne  reste  levé 
que  si  c'est  l'expérimentateur  habituel  qui  le  tient;  le  con- 
tact d'une  autre  personne  peut  être  reconnu  et  distingué, 
car  souvent  l'ordre  d'une  autre  personne  n'est  pas  obéi; 
et  c'est  en  vain  que  celle-ci  soulève  le  bras  et  cherche  à 
le  maintenir  en  l'air  un  moment;  aussitôt  qu'elle  le  quitte, 
il  retombe;  et  parfois  même,  il  refuse  de  se  soulever  et 
se  raidit  pour  résister. 

Nous  abordons  ici  des  phénomènes  complexes,  dont 
l'analyse  est  difficile  pour  le  moment,  et  qui  même  seraient 
révoqués  en  doute  s'ils  n'étaient  pas  en  continuation  avec 


J08  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

ceux  que  nous  venons  d'étudier.  Nous  ne  nous  y  arrêterons 
pas  longtemps  ;  nous  devons  cependant  les  mentionner.  11 
arrive  parfois  que  lorsqu'on  vient  de  piquer  la  main  insen- 
sible, derrière  l'écran,  celle-ci  se  retire  brusquement  et  le 
sujet  s'écrie  :  «  Vous  m'avez  fait  mal  !  »  Un  observateur 
non  prévenu,  qui  assisterait  à  cette  expérience  pour  la  pre- 
mière fois,  serait  en  droit  de  conclure  que  le  sujet  n'a  pas 
perdu  sa  sensibilité;  mais  il  faut  remarquer  que  le  sujet  a 
prononcé  ces  mots  sans  conscience;  quand  on  lui  adresse 
ensuite  la  parole  pour  lui  demander  si  la  douleur  a  été 
très  vive,  il  répond  qu'il  n'a  rien  senti,  et  il  soutient 
même  qu'il  n'a  pas  dit  un  mot;  sans  doute  son  témoi- 
gnage, pris  isolément,  paraîtra  suspect;  mais  si  ce  sujet 
présente  en  outre  une  anesthésie  régulièrement  constatée, 
et  s'il  a  des  mouvements  inconscients  très  développés, 
nous  serons  disposés  à  admettre  la  sincérité  de  son  affir- 
mation; nous  admettrons  que  le  personnage  subconscient 
qui  est  en  lui  a  perçu  la  douleur,  et  que  ce  personnage,  qui 
peut  exprimer  la  douleur  par  des  mouvements  de  la  main, 
peut  aussi,  par  occasion,  les  exprimer  au  moyen  de  la 
parole.  Quand  l'attention  de  l'observateur  est  dirigée  de 
ce  côté,  il  peut  relever  assez  souvent  au  cours  des  expé- 
riences des  signes  d'impatience,  des  tressaillements,  et 
même  des  mots  murmurés  à  voix  basse  qui  appartiennent 
certainement  au  personnage  inconscient.  Il  est  bien  entendu 
que  ces  phénomènes  sont  toujours  d'une  interprétation 
délicate. 

Enfin,  l'inconscient  peut  s'affirmer  d'une  manière  encore 
plus  complète  par  l'écriture  automatique  spontanée.  C'est 
la  dernière  observation  que  nous  rapporterons,  car  ici  les 
phénomènes  que  nous  étudions  sont  bien  prêts  de  se  con- 
fondre avec  ceux  du  spiritisme,  qui  feront  l'objet  d'un  autre 
chapitre.  Nous  avons  vu  déjà  précédemment  que  lorsqu'on 
fait  répéter  à  la  main  insensiljle  un  mot  contenant  une 
faute  d'orthographe,  elle  peut  corriger  la  faute;  c'est  une 
première  preuve  d'initiative;  l'inconscient  peut  en  donner 
bien  d'autres.  Il  y  a  des  malades  auxquels  il  suffit  de  faire 


L  INSENSIBILITE  DES  HYSTERIQUES  109 

écrire,  par  la  main  insensible,  une  seule  lettre  pour  que 
le  mot  entier  qui  commence  par  cette  lettre,  soit  écrit;  on 
fait  tracer  la  lettre  P,et  le  sujet  écrit  Paris,  et  ainsi  de  suite. 
Parfois,  à  la  suite  de  ce  premier  mot,  la  main  en  écrit  un 
second,  sans  en  avoir  conscience  ;  parfois  même,  c'est  une 
phrase  entière  qui  apparaît;  et  j'ai  vu  des  sujets  hystériques 
auxquels  il  suffit  de  mettre  un  crayon  dans  la  main 
insensible  pour  que  des  pages  entières  se  couvrent  d'écri- 
ture, sans  que  le  sujet  cesse  de  parler  de  toute  autre  chose  ; 
et  il  paraît  n'avoir  pas  conscience  de  ce  que  fait  sa  main. 
Tout  se  passe  à  peu  près  comme  dans  l'observation  de 
M.  Taine,  rapportée  plus  haut.  Nous  pouvons  rappeler  à 
l'occasion  de  ces  observations  les  réserves  que  nous  venons 
de  faire  sur  l'interprétation  des  cris  de  douleur  du  person- 
nage inconscient;  rien  ne  prouve  que  le  malade  ne  simule 
pas,  et  la  simulation  serait  dans  ce  cas  particulièrement 
facile;  mais  ce  n'est  pas  sur  une  expérience  isolée  qu'il  faut 
fonder  sa  conviction;  il  faut  étudier  un  ensemble  de  faits 
et  voir  s'ils  s'enchaînent. 


CHAPITRE  III 

l'insensibilité  des  hystériques  (suite) 

CARACTÈRES  GÉNÉRAUX  DES  ACTES  SUBCONSCIENTS 


I.  Enregistrement  par  la  méthode  graphique  des  mouvements  subcon- 
scients. —  Générante  de  ces  mouvements.  —  La  forme  de  ces  mouve- 
ments dépend  de  l'acte  d'adaptation  provoqué.  —  Temps  physiologique 
de  réaction. 

II.  Interprétation  générale  des  phénomènes.  —  Ils  supposent  non  seule- 
ment des  sensations  inconscientes,  et  des  mouvements  inconscients, 
mais  des  souvenirs  et  des  jugements  inconscients.  —  Pourquoi  on 
n'observe  pas  ces  réactions  chez  tous  les  hystériques  :  nécessité  d'une 
coordination  préalable. 

III.  L'anesthésie  visuelle  chez  les  hystériques.  —  Ses  principaux  caractères. 
—  Discussion  sur  certains  phénomènes  singuliers.  —  Hypothèse  anato- 
mique.  —  Expériences  directes  qui  la  réfutent.  —  Hypothèse  psycho- 
logique. 


I 

Maintenant  que  nous  connaissons  la  grande  variété  de 
mouvements  subconscients,  d'actes  subconscients  et  de 
réactions  de  toutes  sortes  qu'on  peut  produire  dans  un 
membre  insensible,  il  n'est  pas  difficile  d'iinaginer  ceux 
qui  peuvent  être  enregistrés  par  la  méthode  graphique  ; 
tous  peuvent  l'être  avec  plus  ou  moins  de  commodité. 
Pour  rester  dans  les  conditions  les  plus  simples,  on  peut 
employer  comme  mode  d'excitation,  des  piqûres  d'épingle; 
à  chaque  piqûre,  faite  sur  la  région  insensible,  il  se  produit 
un  petit  mouvement  responsif  dans  la  région  où  le  tam- 


L'INSENSIBILITÉ  DES  HYSTÉRIQUES  111 

boLir  récepteur  de  l'appareil  graphique  est  appliqué;  trois 
excitations  successives  produisent  trois  mouvements  et 
ainsi  de  suite.  De  même  si  on  fait  battre  un  métronome 
près  du  sujet,  on  recueille  des  contractions  musculaires 
qui  suivent  le  rythme  des  battements  du  métronome,  qui 
s'arrêtent  quand  on  l'arrête,  se  précipitent  quand  on  l'ac- 
célère, et  ainsi  de  suite.  Le  caractère  en  apparence  très 
simple  et  tout  à  fait  élémentaire  de  ces  réactions,  les  a  sou- 
vent fait  prendre  pour  des  mouvements  réflexes;  mais, 
sans  méconnaître  que  les  mouvements  inconscients  peu- 
vent se  compliquer  de  mouvements  purement  réflexes,  il 
ne  faut  pas  oublier  que  ces  mouvements  inconscients  ont 
un  caractère  hautement  psychique.  Nous  en  donnerons, 
chemin  faisant,  de  nombreuses  preuves. 

L'appareil  qu'on  emploie  en  général  pour  recueillir  les 
contractions  inconscientes  est  un  tambour  myographique, 
présentant  un  bouton  en  bois  que  l'on  met  en  contact  avec 
le  tégument  de  la  région  qu'on  cherche  à  explorer.  Il  est 
à  peine  besoin  de  remarquer  que  ce  mode  d'enregistrement 
est  tout  à  fait  défectueux  quand  il  s'agit  d'étudier,  non  pas 
la  contraction  isolée  d'un  muscle,  mais  le  mouvement  total 
d'un  membre;  car  ce  mouvement  fait  intervenir  dans 
l'ordre  le  plus  compliqué  toutes  les  puissances  motrices 
appliquées  à  ce  membre;  tantôt  tel  groupe  musculaire 
entre  en  action,  tantôt  tel  autre,  tantôt  un  troisième; 
l'appareil  ne  nous  renseigne  que  sur  l'activité  d'un  seul 
groupe;  c'est  un  peu  comme  si,  pour  connaître  une  phrase 
musicale,  nous  ne  pouvions  percevoir  qu'une  seule  note. 
Il  faudrait  trouver  d'autres  procédés  pour  étudier  les  mou- 
vements coordonnés.  En  attendant,  servons-nous  de  ce  que 
nous  avons  entre  les  mains,  mais  rappelons-nous  tout  ce 
que  les  tracés  présentent  d'insuffisant. 

L'emploi  de  la  méthode  graphique  permet  d'acquérir 
une  connaissance  plus  exacte  et  en  quelque  sorte  plus 
intime  des  précédents  phénomènes,  en  mettant  bien  en 
lumière  les  caractères  de  durée,  de  grandeur  et  de  forme 
des   mouvements  inconscients.  M.  Gley  a  eu  le  premier 


112  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

l'idée  d'appliquer  les  graphiques  à  l'étude  de  ces  mouve- 
ments, mais  il  se  plaçait  dans  des  conditions  un  peu  diffé- 
rentes de  celles  qui  nous  occupent  actuellement  et  nous 
aurons  à  revenir  plus  loin  sur  ses  expériences. 

Généralité  des  mouvements  sutjconscients .  —  Parmi 
les  faits  bien  élucidés  par  la  méthode  graphique,  il  faut 
d'abord  signaler  la  générahté  des  mouvements  subcon- 
scients; ces  mouvements  ne  se  produisent  pas  seulement, 
comme  on  pourrait  le  croire,  dans  les  régions  insensibles, 
mais  dans  toutes  les  parties  mobiles  où  l'on  applique  un 
appareil  enregistreur. 

11  en  est  ainsi  notamment  pour  les  mouvements  respira- 
toires de  la  cage  thoracique.  Si  on  prend  le  tracé  respira- 
toire, on  constate  que  les  excitations  de  la  peau,  dans  une 
région  insensible,  peuvent  le  modifier  chez  certains  sujets, 
de  telle  façon  qu'on  ne  peut  pas  mettre  en  doute  la  pré- 
sence d'une  pensée  inconsciente;  j'ai  vu  chez  quelques 
personnes  le  mouvement  respiratoire  suivre  le  rythme 
d'une  série  de  piqûres  ou  d'une  série  de  battements  du 
métronome,  alors  même  que  les  excitations  se  suivaient 
à  des  intervalles  d'une  seconde  seulement.  Une  telle 
influence  des  excitations  extérieures  sur  les  mouvements 
de  la  respiration  n'est  pas  extraordinaire,  si  on  l'explique 
par  des  causes  purement  psychologiques;  et  nous  verrons 
bientôt  la  preuve  qu'il  y  a  dans  la  malade  une  intelligence 
inconsciente  qui  fait  exprès,  en  quelque  sorte,  de  produire 
ces  résultats. 

Importance  des  mouvements .  —  L'importance  des  mou- 
vements subconscients  est  généralement  plus  grande  dans 
les  régions  insensibles. 

Pour  bien  constater  cette  différence,  il  ne  suffirait  pas 
d'appliquer  deux  tambours  enregistreurs  sur  deux  régions 
symétriques,  dont  l'une  serait  sensible  et  l'autre  ne  le 
serait  pas;  les  résultats  qu'on  obtiendrait  par  cette 
méthode  seraient  tout  à  fait  défectueux,  par  suite  do  la 
difficulté  où  on  se  trouve  d'avoir  des  appareils  rigoureuse- 
ment comparables.  Le  mieux  est  de  faire  deux  expériences 


L'INSENSIBILITÉ  DES  HYSTÉRIQUES  M  3 

successives  sur  une  même  région,  en  laissant  les  instru- 
ments en  place,  et  en  supprimant  dans  une  des  expériences 
l'insensibilité  de  la  région  par  une  suggestion  verbale;  on 
voit  alors  très  souvent,  je  n'ose  pas  dire  toujours,  qu'avec 
le  retour  de  la  sensibilité  les  mouvements  inconscients 
diminuent,  -tandis  que  la  disparition  de  la  sensibilité  sous 
l'influence  d'une  nouvelle  suggestion  les  exagère. 

Forme  des  mouvements .  ■ —  La  forme  du  mouvement 
subconscient  dépend  en  premier  lieu  de  la  nature  de 
l'appareil  récepteur  appliqué  à  la  malade.  Si  on  a  mis  un 
dynamographe  dans  la  main  insensible,  l'instrument  est 
serré  à  chaque  excitation;  si  c'est  un  tambour  qui  a  été 
placé  sur  les  masses  musculaires  de  Favant-bras,  le  sujet 
fait  avec  les  doigts  un  mouvement  tout  différent,  mais 
toujours  approprié  aux  circonstances,  montrant  ainsi  une 
fois  de  plus  que  les  mouvements  inconscients  ont  le  carac- 
tère de  mouvements  d'adaptation.  Si  on  avait  mis  un 
crayon  dans  la  main,  à  chaque  excitation  de  la  peau  le 
crayon  aurait  dessiné  un  trait.  Voilà  une  première  démon- 
stration du  caractère  psychologique  de  ces  mouvements 
inconscients. 

La  nature  de  l'excitation  peut,  elle  aussi,  influer  sur  la 
forme  de  la  réponse;  quand  le  malade  a  un  dynamographe 
dans  la  main  insensible,  une  excitation  brève  de  la  peau 
provoque  une  pression  brève  de  l'instrument;  si  on  excite 
plus  longtemps,  la  pression  est  plus  longue.  Les  rapports 
entre  l'excitation  et  la  réponse  sont  surtout  bien  frappants, 
quand  on  se  sert  du  métronome.  La  première  fois  qu'on 
fait  marcher  le  métronome  à  côté  du  sujet  qui  tient  dans 
sa  main  insensible  —  et  toujours  derrière  l'écran  —  un 
dynamographe,  le  plus  souvent  il  ne  se  produit  rien;  la 
main  insensible  ne  comprend  pas  en  quelque  sorte  qu'il 
faut  presser  à  chaque  battement;  elle  reste  immobile;  mais 
peu  à  peu  les  contractions  commencent,  et  une  fois  amor- 
cées, elles  se  continuent  régulièrement.  Or,  il  est  bien 
curieux  de  voir  que  si  le  métronome  bat  suivant  un  rythme 
très  rapide,  puis  qu'on  l'arrête  brusquement,  en  dehors  de 

A.    BiNET.  8 


114  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

la  vue  de  la  malade,  la  main  de  celle-ci  ne  s'arrête  pas 
tout  de  suite,  mais  fait  en  plus  une  contraction,  ou  une 
demi-contraction,  comme  si  elle  avait  prévu  à  chaque  fois 
le  bruit  nouveau.  Ces  réactions  anticipées  sont  encore 
une  preuve  excellente  que  les  mouvements  inconscients 
ont  un  caractère  psychologique. 

Temps  physiologique  de  réaction.  —  Les  quelques 
expériences  que  nous  venons  de  résumer  font  naître  assez 
naturellement  Tidée  de  mesurer  le  temps  de  réaction  des 
mouvements  inconscients;  mais  pour  ma  part  j'ai  été 
empêché  de  le  faire,  par  suite  de  la  difficulté  suivante  : 
lorsqu'on  prend  le  temps  de  réaction  d'une  personne,  on 
l'instruit  de  l'expérience  qu'on  va  exécuter  et  on  lui  recom- 
mande de  réagir  avec  autant  de  rapidité  que  possible  ;  or, 
on  ne  peut  pas  faire  une  recommandation  de  ce  genre  à 
l'hystérique  dont  on  étudie  les  mouvements  inconscients, 
puisque  ces  mouvements  restent  en  dehors  de  sa  person- 
nalité et  de  sa  volonté.  En  outre,  lorsqu'on  donne  le 
signal  à  l'improviste,  la  main  anesthésique  ne  produit  son 
mouvement  que  très  longtemps  après,  plusieurs  secondes 
après;  et  si  on  donne  au  contraire  plusieurs  signaux  suc- 
cessifs séparés  par  des  temps  égaux,  il  y  a  prévision  du 
signal,  et  la  réponse  peut  être  simultanée.  Toutes  ces  rai- 
sons rendent  l'expérience  bien  difficile. 

Pour  l'exécuter  correctement,  il  faut  prendre  un  détour, 
qui  demande  quelques  explications. 

Nous  n'avons  pas  encore  parlé  des  mouvements  volon- 
taires qu'une  hystérique  peut  exécuter  avec  un  membre 
insensible;  l'étude  de  ces  mouvements  sera  faite  un  peu 
plus  loin.  Nous  verrons  que  le  mouvement  volontaire,  sui- 
vant qu'il  est  exécuté  par  un  membre  sain  ou  anesthésié, 
présente  de  grandes  différences;  la  principale  est  une  diffé- 
rence dans  le  temps  de  réaction;  le  mouvement  du  membre 
insensible  est  presque  toujours  en  retard  sur  l'autre. 

On  peut  recueiUir  le  mouvement  de  réponse  par  diffé- 
rents procédés,  en  faisant  interrompre  un  courant  élec- 
trique, ou  tout  simplement  en  faisant  presser  un  dynamo- 


L'INSENSIBILITE  DES  HYSTÉRIQUES  115 

graphe  relié  par  un  tube  de  caoutchouc  à  la  plume  d'un 
appareil  enregistreur;  ce  dernier  procédé  est  moins  cor- 
rect que  le  précédent,  mais  il  a  l'avantage  de  montrer  le 
fait  suivant,  qui  est  extrêmement  curieux  ;  lorsque  le  sujet 
serre  volontairement  avec  la  main  insensible,  pour  répondre 
aussi  vite  que  possible  à  un  signal  convenu,  on  voit  parfois 
que,  bien  qu'on  lui  ait  recommandé  de  ne  serrer  qu'une 
fois  seulement,  il  a  donné  deux  pressions  :  l'une  des  pres- 
sions correspond  au  temps  moyen  de  réaction  de  la  main 
insensible  ;  l'autre,  au  contraire,  généralement  beaucoup 
moins  forte,  correspond  au  temps  moyen  de  réaction  de  la 
main  sensible;  et  la  différence  entre  ces  deux  moyennes  est 
assez  grande  pour  qu'il  soit  impossible  de  les  confondre; 
de  plus,  cette  seconde  pression  est  involontaire  et  incon- 
sciente, car  le  sujet  ne  croit  avoir  pressé  qu'une  fois;  enfin, 
quand  il  ne  se  produit  qu'une  seule  pression,  ce  qui  est  le 
cas  le  plus  fréquent,  cette  pression  unique  et  volontaire 
présente  toujours  le  temps  moyen  de  la  main  anesthésique. 
Toutes  ces  raisons  nous  déterminent  à  croire  que  la  réac- 
tion supplémentaire  dont  nous  venons  de  parler  appartient 
à  la  catégorie  des  mouvements  inconscients;  et  il  en  résulte 
cette  conclusion  importante  que  même  pour  un  membre 
insensible,  la  durée  de  la  réaction  inconsciente  est  à  peu 
près  égale  à  celle  de  la  réaction  consciente  pour  un  membre 
sensible. 

En  terminant  ce  paragraphe,  j'insiste  encore  sur  le 
caractère  psychologique  des  réactions  que  nous  venons 
d'enregistrer;  ce  sont  des  réactions  inconscientes,  mais 
elles  n'en  émanent  pas  moins  d'une  intelligence.  Il  serait 
dangereux  de  l'oublier,  et  de  croire  que  par  cela  seul  qu'on 
se  sert  d'un  cylindre  enregistreur  et  d'un  papier  enfumé, 
on  n'a  pas  à  craindre  les  causes  d'erreurs  psychologiques. 


|IC>  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 


II 

Il  est  temps  de  laisser  de  côlé  le  détail  des  expériences, 
et  de  chercher  à  en  dégager  une  idée  générale.  Toutes  les 
expériences  ont  été  faites  avec  un  dispositif  uniforme,  con- 
sistant, comme  nous  l'avons  dit  et  répété  souvent,  à  cacher 
à  la  malade  les  épreuves  auxquelles  on  soumet  son  membre 
insensible  et  les  réactions  qui  se  produisent  dans  ce 
membre.  Il  en  résulte  que  lorsque  l'expérimentateur  n'a 
pas  l'imprudence  de  parler  à  la  malade,  celle-ci  reste  étran- 
gère à  l'expérience,  et  de  fait,  elle  peut  s'occuper  de  toute 
autre  chose.  Elle  n'a  point  la  sensation  consciente  de  ce 
qui  se  passe  dans  ses  membres,  à  moins  qu'il  ne  se  pro- 
duise, au  cours  des  recherches,  un  retour  de  sensibilité 
dont  il  faut  toujours  se  méfier,  et  qui  s'expliquerait  en 
partie  par  un  trop  grand  nombre  d'excitations  portées  sur 
une  même  région. 

Les  malades  sur  lesquels  on  peut  reproduire  les  phéno- 
mènes en  cause  sont  assez  nombreux;  j'ai  pu  en  étudier 
plus  d'une  trentaine;  et,  d'autre  part,  depuis  que  mes 
recherches  et  celles  de  M.  Féré  ont  été  publiées,  elles  se 
sont  trouvées  conflrmées  par  les  observations  concordantes 
d'autres  auteurs  (Babinski,  OnanofF,  Blocq,  P.  Janet,  etc.), 
ce  qui  semble  une  preuve  de  leur  exactitude. 

Nous  devons  remarquer  que  parmi  les  hystériques,  les 
hommes  en  général  se  prêtent  peu  à  ces  recherches  :  soit 
que  l'insensibihté  de  l'hystérie  mâle  soit  plus  grave,  plus 
profonde  que  celle  de  la  femme,  soit  pour  toute  raison  que 
j'ignore,  il  est  parfois  malaisé  de  provoquer  dans  le  membre 
insensible  d'un  sujet  mâle  des  mouvements  subconscients. 
Parmi  les  femmes,  il  faut  faire  une  distinction  importante; 
celles  qui  ont  été  fréquemment  soumises  à  des  manœuvres 
d'hypnotisation  présentent  des  mouvements  inconscients 
bien  plus  développés  que  les  autres  femmes.  Cette  circon- 
stance, la  fréquence  del'hypnotisation,  a  une  importance  bien 


l'insensibilité  des  hystériques  117 

plus  décisive  que  le  degré  de  l'anesthésie;  d'après  ce  que  j'ai 
vu,  il  n'existe  pas  de  proportion  entre  le  degré  de  l'anes- 
thésie et  le  développement  des  mouvements  inconscients. 

Les  faits  précédents  démontrent  quelle  est  la  vraie 
nature  de  l'anesthésie  hystérique.  On  a  souvent  soupçonné 
que  l'insensibilité  hystérique,  dans  un  certain  nombre  de 
cas,  ne  supprime  pas  nécessairement  la  sensation,  comme 
le  fait  une  anesthésie  de  cause  organique;  ce  soupçon  fait 
maintenant  place  à  la  certitude.  Les  mouvements  de  répé- 
tition, d'adaptation  que  nous  venons  de  solliciter  dans  un 
membre  complètement  dépourvu  de  sensibilité  consciente 
n'auraient  pas  pu  se  produire  si  rien  n'avait  été  perçu; 
pour  que  la  main  entoure  le  crayon  glissé  entre  les  doigts, 
pour  qu'elle  ouvre  une  boîte  d'allumettes,  serre  un  dyna- 
mographe, ou  tout  simplement  répète  fidèlement  un  mou- 
vement de  flexion  qui  a  été  imprimé  à  un  des  doigts,  il  est 
de  toute  nécessité  que  certaines  impressions  aient  été  recueil- 
lies par  ce  tégument  soi-disant  anesthésique;  il  y  a  donc 
eu  une  perception  bien  réelle,  quoique  ignorée  du  sujet, 
une  perception  inconsciente,  et  l'anesthésie  hystérique 
apparaissant  alors  comme  une  suppression  delà  conscience 
pourrait  être  appelée  une  anesthésie  par  inconscience. 

Il  y  a  plus;  l'hypothèse  doit  aller  plus  loin;  pour  expli- 
quer la  production  des  actes  inconscients,  il  ne  faut  pas  se 
contenter  de  supposer  des  sensations  inconscientes;  iso- 
lées, des  sensations  ne  produiraient  rien;  or,  en  analysant 
les  principales  observations  recueillies,  nous  avons  vu 
intervenir  des  phénomènes  de  mémoire  et  de  raisonne- 
ment, de  sorte  que  les  mouvements  inconscients  nous 
révèlent  l'existence  d'une  intelligence  qui  est  autre  que 
celle  du  moi  du  sujet,  et  qui  agit  sans  son  concours  et 
même  à  son  insu.  C'est  là  une  conclusion  nécessaire,  elle 
s'impose;  de  quelque  manière  qu'on  conçoive  cette  intelli- 
gence secondaire,  accessoire,  parasite  en  quelque  sorte,  il 
est  certain  que  chez  certains  sujets  elle  existe  et  qu'elle  agit. 

11  est  vrai  que  chez  de  nombreux  hystériques  anesthé- 
siques  et  notamment  chez  des  hommes,  on  ne  peut  rien 


118        LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

produire  de  semblable  ;  mais  il  ne  faut  pas  se  hâter  d'en 
conclure  que  leur  insensibilité  est  d'une  nature  différente. 
La  manifestation  des  mouvements  inconscients  et  d'une 
intelligence  en  général  est  soumise  à  une  condition  capi- 
tale, qui  peut  manquer  :  c'est  la  coordination.  Pour  qu'un 
mouvement  passif  communiqué  au  bras  soit  répété,  il  ne 
suffit  pas  qu'il  soit  perçu,  il  faut  que  la  perception  puisse 
être  coordonnée  avec  les  mouvements  de  réponse  corres- 
pondants, et  que  tout  cela  s'enchaîne.  C'est  si  bien  la 
coordination  qui  fait  défaut  chez  certains  sujets  auxquels 
on  ne  peut  pas  donner  de  mouvements  inconscients,  que 
si  par  un  artifice  quelconque  on  établit  cette  coordination, 
on  arrive  souvent  à  faire  apparaître  les  mouvements 
inconscients;  témoin  l'expérience  suivante,  que  j'ai  bien 
souvent  répétée  :  on  place  un  dynamomètre  dans  la  main 
insensible  cachée  derrière  un  écran  ;  il  ne  se  produit  rien  ; 
mais  si  on  prie  le  sujet  de  serrer  volontairement,  plusieurs 
fois  de  suite,  l'instrument,  en  regardant  sa  main,  et  qu'on 
vienne  ensuite  à  lui  replacer  le  même  instrument  dans  la 
main  anesthésique,  derrière  l'écran,  la  main  serre  sans  en 
avoir  conscience;  cela  se  comprend,  l'expérience  prélimi- 
naire a  créé  la  coordination  qui  manquait  entre  le  contact 
de  l'instrument  et  Faction  de  serrer;  cette  coordination 
une  fois  établie,  l'inconscient  se  manifeste. 


III 

Comme  appendice  aux  études  précédentes  doivent 
trouver  place  un  certain  nombre  d'expériences  qui  ont 
été  faites  sur  l'œil  hystérique.  Nous  n'insisterons  pas  lon- 
guement sur  cette  question,  qui  est  complexe  et  encore  un 
peu  obscure;  nous  devons  cependant  en  dire  quelques 
mots  parce  que  l'étude  de  l'anesthésie  visuelle  hystérique 
a  conduit  quelques  auteurs,  qui  en  général  ne  s'accordent 
guère  avec  ceux  que  nous  avons  eu  l'occasion  de  citer  jus- 


L'INSENSIBILITÉ  DES  HYSTERIQUES  H9 

qu'ici,  à  admettre  que  l'anesthésie  hystérique  est  une 
insensibilité  de  nature  psychique. 

M.  Gharcot  et  ses  élèves  (spécialement  M.  Landolt)  ont 
montré  que  dans  l'hystérie,  les  organes  des  sens  et  en 
particulier  Tceil  participent  à  l'insensibilité  de  la  peau.  Il 
est  rare  que  l'anesthésie  visuelle  soit  complète;  en  général, 
on  observe  un  rétrécissement  du  champ  visuel,  une  modi- 
fication dans  la  perception  des  couleurs  et  des  troubles 
divers  dans  l'accommodation. 

On  a  longtemps  cherché  à  comprendre  le  mécanisme 
de  l'anesthésie  rétinienne  des  hystériques  ;  les  auteurs  ' 
qui  se  sont  occupés  de  la  question  ont  constaté  un  cer- 
tain nombre  de  particularités  complexes,  et  si  difficiles 
à  comprendre  qu'ils  ont  parfois  mis  en  doute  la  sincérité 
de  cette  anesthésie.  Citons  un  exemple  :  il  y  a  des  hysté- 
riques qui  perçoivent  bien  certaines  couleurs  quand  elles 
se  servent  simultanément  des  deux  yeux,  et  qui  cessent 
de  les  percevoir  quand  elles  ne  se  servent  que  d'un  œil, 
du  droit  ou  du  gauche.  D'autres  hystériques  se  plaignent 
d'une  cécité  de  l'œil  droit,  quand  on  ferme  leur  œil  gauche, 
et  cependant  elles  voient  de  cet  œil  droit,  sans  s'en  douter, 
quand  elles  ont  les  deux  yeux  ouverts. 

Voici  dans  quelles  conditions  on  peut  observer  avec  pré- 
cision ce  trouble  visuel.  On  se  sert  d'une  boîte  qui  est 
percée  de  deux  orifices  pour  les  yeux,  et  qui  porte  sur  sa 
face  postérieure  et  interne  deux  points  de  couleur  diffé- 
rente; l'un  est  à  droite,  l'autre  à  gauche,  et  par  un  dispositif 
ingénieux  le  sujet  perçoit  avec  son  œil  droit  le  point  situé 
à  gauche  et  avec  son  œil  gauche  le  point  situé  à  droite. 
Cet  instrument  est  employé  pour  déjouer  la  simulation, 
par  exemple  chez  les  conscrits.  Le  simulateur,  qui  prétend 
ne  pas  voir  avec  l'œil  droit,  dira  qu'il  ne  voit  pas  le  point 
qui  lui  apparaît  à  droite,  et  c'est  précisément  le  point  qui 
est  vu  par  l'œil  gauche.  Maintenant  comment  se  comporte 
l'hystérique  qui  ne  voit  pas  avec  l'œil  droit?  Tout  diffé- 

1.  Pitres,  op.  cit.,  p.  59. 


120  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

remment;  quand  il  regarde  dans  la  boîte,  avec  ses  deux 
yeux  ouverts,  il  voit  les  deux  points,  celui  de  droite  et 
celui  de  gauche;  il  voit  donc  avec  les  deux  yeux. 

Pour  expliquer  ce  fait  d'observation,  qui,  si  étrange  qu'il 
paraisse,  est  cependant  tout  à  fait  exact,  quelques  auteurs 
ont  eu  recours  à  une  hypothèse  anatomique.  Ils  ont  sup- 
posé qu'il  existe  dans  Técorce  cérébrale  des  centres  visuels 
de  deux  sortes;  il  y  en  a  deux  qui  sont  monoculaires,  c'est- 
à-dire  qui  sont  en  rapport  avec  la  vision  par  un  seul  œil; 
et  il  y  en  a  un  troisième  qui  est  binoculaire,  c'est-à-dire 
qui  est  spécial  à  la  vision  simultanée  et  combinée  des  deux 
yeux.  On  a  admis  que  chez  les  hystériques  qui  ne  per- 
çoivent pas  exactement  les  couleurs  avec  un  seul  œil,  le 
centre  monoculaire  d'un  œil  ou  de  chacun  des  deux  yeux 
est  atteint;  mais,  si  le  malade  emploie  les  deux  yeux,  un 
autre  centre  de  vision,  le  centre  binoculaire,  entre  en 
action;  et  comme  ce  centre-là  n'est  pas  altéré,  la  perception 
des  couleurs  se  fait  exactement. 

Il  est  inutile  de  discuter  longuement  une  hypothèse  ana- 
tomique, qui  est  en  contradiction  avec  tout  ce  qu'on  sait 
sur  l'anesthésie  hystérique  du  tégument;  l'anesthésie  de 
la  rétine,  qui  n'est  en  somme  qu'une  partie  du  tégument 
devenue  sensible  à  la  lumière,  ne  peut  pas  se  produire  par 
un  autre  mécanisme  que  l'anesthésie  du  reste  du  corps. 
D'ailleurs,  quelques  expériences  directes  ruinent  complète- 
ment la  prétendue  distinction  des  centres  monoculaires  et 
binoculaires.  En  voici  deux,  qui  suffiront.  Si  on  place 
devant  l'œil  le  plus  anesthésique  d'une  hystérique  (l'autre 
œil  étant  fermé),  une  échelle  de  caractères  typographiques, 
à  une  distance  où  cet  œil  ne  peut  plus  les  lire,  il  suffit  sou- 
vent de  mettre  un  crayon  dans  la  main  du  sujet  pour  que 
cette  main  écrive,  à  l'insu  du  sujet,  certains  mots  de 
l'échelle.  L'emploi  de  l'écriture  automatique  montre  donc 
que  quoique  réduit  à  son  prétendu  centre  monoculaire  le 
sujet  continue  à  percevoir  les  lettres;  l'ouverture  de  l'autre 
œil  ne  fait  que  rendre  cette  perception  consciente. 

Autre  exemple.  On  a  donné  par  suggestion  une  cécité  mo- 


l'insensibilité  DES  HYSTÉRIQUES  121 

noculaire  à  une  hystérique,  on  a  supprimé  pour  elle  la  vision 
de  l'œil  droit.  On  ferme  l'œil  gauche  de  la  malade,  on  place 
devant  son  œil  droiUm  livre,  et  bien  qu'elle  affirmequ'elle  ne 
voit  rien,  le  crayon  placé  dans  sa  main  reproduit  les  mots 
du  livre.  Comment  cette  écriture  automatique  serait-elle 
possible  si  le  centre  de  vision  monoculaire,  qui  seul  est 
appelé  à  fonctionner  dans  cette  expérience,  était  paralysé? 

Une  autre  hypothèse,  d'un  genre  tout  différent,  a  été 
faite  il  y  a  quelques  années  par  M.  Bernheim  \  Cette 
seconde  hypothèse,  disons-le  tout  de  suite,  nous  paraît 
être  beaucoup  plus  près  de  la  vérité  que  la  première. 
M.  Bernheim  a  nettement  saisi  que  la  cause  de  l'anesthésie 
rétinienne  est  psychique  ;  or  toutes  les  études  que  nous 
avons  rappelées  sur  l'anesthésie  hystérique  aboutissent  à 
la  même  conclusion;  quelle  que  soit  sa  forme,  quel  que  soit 
son  siège,  l'anesthésie  hystérique  est  de  nature  psychique. 

Malheureusement  l'auteur  que  nous  citons  n'a  point  clai- 
rement exprimé  sa  pensée;  peu  familiarisé  sans  doute  avec 
le  langage  de  la  psychologie,  il  emploie  des  termes  confus, 
parfois  contradictoires,  sur  lesquels  nous  jugeons  inutile 
de  nous  appesantir;  l'essentiel,  en  somme,  c'est  qu'il  a 
répété  quelques-unes  des  expériences  citées,  et  qu'il  est 
arrivé  à  cette  conclusion  importante  que  l'hystérique  voit 
et  perçoit,  sans  en  avoir  conscience,  dans  certaines  circons- 
tances où  toute  perception  paraît  abolie.  A  ce  titre  les  expé- 
riences de  M.  Bernheim  et  sa  théorie  méritent  une  mention. 

Nous  ne  quitterons  pas  cette  question  complexe,  dont 
nous  avons  à  dessein  simplifié  un  peu  les  difficultés,  sans 
indiquer  avec  précision  le  point  obscur,  qui  appelle  des 
recherches  nouvelles.  Ce  qui  paraît  acquis  c'est  que,  dans 
un  certain  nombre  de  cas  au  moins,  l'anesthésie  de  la 
rétine  est  une  anesthésie  par  perte  de  conscience;  mais  il 
reste  à  comprendre  comment  une  perception  qui  ne  se  fait 
que  d'une  façon  subconsciente  pendant  la  vision  monocu- 
laire peut  devenir  consciente  pendant  la  vision  binoculaire. 

1.  De  V amaurose  hystérique  et  de  Vamaurose  suggestive.  Revue  de  l'iivp., 
1886,  6S. 


CHAPITRE  IV 

l'insensibilité  des  hystériques   (suite  et  fin) 

LE    SEUIL    DE    LA    CONSCIENCE 


Importance  présentée  par  l'intensité  des  excitations.  —  Une  expérience 
sur  le  sens  visuel.  —  Analogie  entre  les  effets  de  l'anesthésie  et  ceux 
d'une  diminution  dans  l'intensité  des  excitations.  —  Expériences  sur  le 
seuil  des  excitations  conscientes  pour  un  œil  amblyopique.  —  Expé- 
riences sur  la  concurrence  des  champs  visuels.  —  Théories  sur  le  seuil 
de  la  conscience. 


Il  peut  arriver  qu'un  sujet  hystérique  ne  perçoive  pas 
certaines  excitations  sensorielles  parce  que  celles-ci  ne 
sont  pas  suffisamment  intenses,  et  que  cependant  ces  exci- 
tations non  perçues  ne  restent  pas  sans  effet;  elles  pour- 
ront produire  un  ensemble  de  réactions  intelligentes,  qui, 
comme  l'excitation  initiale,  demeureront  étrangères  à  la 
conscience  du  sujet  et  formeront  à  l'occasion  une  seconde 
conscience,  une  seconde  personnalité  plus  ou  moins  rudi- 
mentaire.  Pour  fixer  les  idées,  supposons  une  hystérique 
qui  présente,  à  l'examen  visuel,  fait  selon  les  méthodes 
ordinaires,  une  acuité  visuelle  faible;  la  malade,  placée  à 
telle  distance  d'une  l'échelle  de  caractères  typographiques, 
ne  peut  pas  hre  tel  mot;  cependant  si  on  retient  un  mo- 
ment son  attention  sur  ce  mot  qu'elle  n'arrive  pas  à  lire,  on 
aura  parfois  la  preuve  qu'elle  l'a  lu  et  perçu  d'une  manière 
inconsciente,  car  l'écriture  automatique  peut  le  reproduire 
et  môme  le  commenter;  le  mot  peut  devenir  le  point  de 


L'INSENSIBILITÉ  DES  HYSTERIQUES  123 

départ  d'une  série  de  pensées  qui  se  traduiront  par  des 
gestes  et  des  actes.  Si  le  mot  est  un  ordre,  comme  «  levez- 
vous  »,  il  pourra  être  exécuté,  etc. 

La  cause  de  la  division  de  conscience  se  trouve  ici  dans 
la  faible  intensité  de  l'excitant. 

Si  on  y  regarde  de  près,  on  s'aperçoit  qu'il  existe  une 
grande  analogie  entre  ces  deux  causes  de  division  de  con- 
science, l'anestliésie  et  la  faiblesse  de  l'excitation.  L'anes- 
thésie  est  comparable,  jusqu'à  un  certain  point,  à  une 
paresse  fonctionnelle  des  organes  des  sens,  paresse  d'où 
il  résulte  que  les  organes  ne  s'ébranlent  que  sous  l'in- 
fluence d'excitations  très  fortes  et  les  excitations  d'intensité 
moyenne  ne  sont  point  perçues.  Supposons  l'organe  moins 
anesthésique,  c'est-à-dire,  pour  employer  la  même  image 
littéraire,  plus  facile  à  ébranler;  si  en  revanche  l'excitation 
est  plus  légère,  le  résultat  sera  le  même  que  dans  le  cas 
d'une  anesthésie  complète  :  l'organe  n'entrera  pas  en  exer- 
cice, l'excitation  ne  sera  pas  perçue. 

Pour  appuyer  cette  interprétation,  malheureusement  un 
peu  vague,  on  peut  invoquer  un  certain  nombre  d'expé- 
riences curieuses;  nous  n'en  citerons  que  deux.  La  pre- 
mière montre  bien  que  l'anestliésie  équivaut  à  la  dimi- 
nution d'intensité  des  excitations.  Pour  la  comprendre,  il 
faut  se  rappeler  que  dans  les  cas  d'hémianesthésie  clas- 
sique, quand  une  hystérique  est  insensible  d'une  moitié 
du  corps,  les  organes  des  sens  et  en  particulier  l'œil  placé 
du  côté  insensible,  sont  généralement  atteints,  mais  moins 
que  le  tégument;  prenons  l'exemple  d'une  malade  hémi- 
anesthésique  à  droite,  et  dont  l'œil  droit  présente  un 
champ  visuel  rétréci  et  une  perte  du  sens  de  certaines 
couleurs;  le  violet  n'est  pas  perçu,  mais  le  rouge  continue 
à  être  perçu  par  l'œil  droit.  L'œil  gauche,  situé  du  côté  sain, 
perçoit  toutes  les  couleurs  et  notamment  le  rouge.  Le  rouge 
est  donc  perçu  par  les  deux  yeux,  mais  d'une  manière  diSe- 
rente;  c'est  ici  que  l'intensité,  la  force,  en  un  mot  la  quan- 
tité de  l'excitation  devient  importante;  en  effet,  le  minimum 
perceptible  n'est  pas  le  même  pour  les  deux  yeux;  pour 


124  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

qu'un  même  morceau  de  papier  rouge  soit  vu  rouge  par 
l'œil  droit,  il  faut  qu'il  présente  une  certaine  surface,  plus 
grande  que  celle  qui  est  nécessaire  pour  donner  la  sensa- 
tion de  rouge  à  l'œil  gauche;  avec  une  certaine  dimension, 
le  papier  est  vu  rouge  par  l'œil  gauche  et  gris  par  l'œil 
droit;  bref,  par  suite  de  l'anesthésie  légère  qu'il  présente, 
l'œil  droit  a  besoin  d'une  excitation  plus  forte  pour  sentir 
que  s'il  était  sain;  l'anesthésie  a  pour  effet  de  déplacer  le 
minimum  perceptible  :  en  d'autres  termes,  elle  agit  comme 
si  elle  diminuait  l'intensité  de  l'excitation. 

Une  seconde  expérience,  qu'on  peut  pratiquer  sur  le 
même  sujet,  corrobore  la  première;  si  on  adapte  dans  une 
paire  de  lunettes  deux  verres,  l'un  rouge,  l'autre  vert,  qui 
vus  chacun  par  un  œil  donnent  l'impression  complexe 
d'une  succession  irréguhère  de  rouge  et  de  vert  (c'est  ce 
qu'on  appelle  la  lutte  des  champs  visuels),  l'hystérique 
n'éprouve  pas  cette  sensation;  il  perçoit  seulement  la  cou- 
leur du  verre  qu'on  aura  placé  devant  son  œil  gauche, 
c'est-à-dire  devant  l'œil  le  moins  anesthésique  :  preuve  évi- 
dente que  dans  la  lutte  des  deux  champs  visuels,  l'excita- 
tion reçue  par  l'œil  gauche  est  la  plus  forte,  puisqu'elle  a 
constamment  l'avantage. 

Ce  qu'on  appelle  le  seuil  de  l'excitation  n'est  donc  point 
chez  l'hystérique  une  limite  au-dessous  de  laquelle  une 
excitation  ne  produit  aucun  effet  psychologique;  les  exci- 
tations inférieures  à  un  certain  minimum  de  conscience 
produisent  des  phénomènes  de  sous-conscience.  C'est  là 
un  fait  intéressant,  qui  jette  quelques  doutes  sur  une  opi- 
nion généralement  admise.  On  enseigne,  en  se  fondant 
sur  les  expériences  de  psycho-physique,  que  la  conscience 
qui  accompagne  les  excitations  des  sens  n'est  point  con- 
tinue, mais  discontinue;  si,  par  artifice,  dit-on,  on  arrive  à 
diminuer  graduellement,  et  d'une  manière  très  lente,  l'in- 
tensité d'une  excitation  donnée,  par  exemple,  le  son  d'un 
timbre,  on  atteint  un  certain  degré  d'excitation  où  la  con- 
science est  complètement  supprimée;  au  delà  de  ce  point, 
c'est  le  néant  mental  :  plus  rien  n'est  senti  ni  perçu  pour  la 


l'insensibilité  des  hystériques  12d 

conscience.  On  comprend  la  gravité  de  cette  conclusion, 
qui  peut  conduire  à  toute  une  théorie  sur  la  répartition  de 
la  conscience  dans  le  monde.  Nous  inclinons  à  croire,  sans 
être  absolument  affirmatifs,  que  le  point  de  départ  de  cette 
théorie  n'est  point  solide. 

Son  point  de  départ,  c'est  la  croyance  un  peu  naïve  que 
la  conscience  qui  nous  est  personnelle,  et  au  centre  de 
laquelle  nous  nous  trouvons,  est  la  seule  qui  existe  en  nous, 
et  qu'en  dehors  d'elle  rien  n'a  conscience  de  rien. 

Les  expériences  qu'on  vient  de  lire  montrent  que  chez 
l'hystérique  le  seuil  de  la  conscience  n'a  qu'une  valeur 
toute  relative;  c'est  simplement  le  seuil  à.' une  conscience; 
au-dessous,  il  y  en  a  d'autres,  et  probablement  la  conscience 
se  perd  et  se  dégrade  par  transitions  insensibles,  absolu- 
ment comme  tous  les  phénomènes  physiques  que  nous 
connaissons. 

On  ne  se  doute  pas  de  la  faible  quantité  d'excitation  qui 
suffît  chez  certains  sujets  pour  faire  naître  la  conscience. 
Nous  touchons  ici  à  des  questions  encore  bien  obscures, 
et  qui  seront  sans  doute  dans  l'avenir  l'objet  de  décou- 
vertes importantes.  A  titre  de  suggestion  seulement,  je 
mentionnerai  quelques  expériences  inachevées  que  j'ai 
faites,  et  qui  semblent  montrer  que  l'inconscient  peut 
avoir  une  acuité  de  perception  tout  à  fait  remarquable.  Je 
suis  parvenu,  en  m'adressant  au  sens  tactile  d'un  membre 
insensible,  à  faire  enregistrer  par  l'écriture  automatique 
des  excitations  tellement  faibles  et  délicates  que  jamais 
le  toucher  normal  ne  les  aurait  perçues.  J'ai  placé  sur  le  té- 
gument insensible  du  dos  de  la  main,  du  cou,  etc.,  des  lettres, 
des  objets  de  petite  dimension  et  en  rehef,  et  la  main  du 
sujet  est  parvenue  souvent  à  dessiner  exactement  la  lettre  et 
l'objet  en  relief.  D'après  les  calculs  que  j'ai  pu  faire,  la 
sensibilité  inconsciente  d'une  hystérique  est  à  certains 
moments  cinquante  fois  plus  fine  que  celle  d'une  personne 
normale.  Peut-être  que  dans  quelques  circonstances  la  pré- 
tendue action  de  la  pensée  à  distance  peut  s'expliquer  par 
cette  hyperacuité  sensorielle  vraiment  extraordinaire. 


CHAPITRE  V 


LA     DISTRACTION 


Définition  de  l'attention  et  de  la  distraction.  —  Comparaison  entre  les 
effets  de  la  distraction  et  ceux  de  l'anesthésie  hystérique.  —  Les  hysté- 
riques sont  faciles  à  distraire.  —  Développement  du  personnage  incon- 
scient produit  pendant  un  état  de  distraction.  —  Il  répond  aux  questions 
posées.  —  Moyens  de  communiquer  avec  lui.  —  Il  ditye,  il  peut  accepter 
un  nom.  —  Rôle  de  la  suggestion  dans  la  construction  de  cette  person- 
nalité. —  Existence  d'une  possibilité  psychologique.  —  Suggestions 
reçues  par  le  personnage  subconscient.  —  Comment  il  les  exécute.  — 
Son  défaut  de  résistance.  —  Danger  des  suggestions  qui  s'emmagasinent. 
—  Le  personnage  subconscient  est  de  nature  somnambulique.  —  Preuves. 


I 

Il  est  possible  d'observer  des  consciences  multiples  qui 
ne  résultent  point  de  l'anesthésie,  et  cette  circonstance  est 
fort  importante,  car  elle  permet  d'étudier  la  désagrégation 
mentale  chez  un  très  grand  nombre  de  personnes,  et  elle 
donne  à  ces  phénomènes  une  portée  qu'ils  n'auraient  pas  s'ils 
n'existaient  que  dans  une  certaine  catégorie  de  malades. 

C'est  l'état  de  distraction,  qui  peut  produire  le  même 
efifet  que  l'anesthésie;  cet  état  de  distraction  est  une  atti- 
tude particulière  de  l'esprit  qui,  à  première  vue,  semble  ne 
présenter  aucun  rapport  avec  une  anesthésie,  avec  une 
abolition  de  sensations  visuelles  ou  tactiles.  Mais  il  n'est 
pas  difficile  de  prouver,  en  ce  qui  concerne  partictiliè- 


LA   DISTRACTION  127 

rement  l'anesthésie  hystérique,  dont  nous  avons  montré  la 
nature  essentiellement  psychique,  qu'il  existe  une  relation 
des  plus  étroites  entre  l'état  de  distraction  et  l'insensibiHté. 

On  sait  que  l'attention  est  un  efifort  de  l'esprit  et  de  l'or- 
ganisme entier,  qui  a  pour  résultat  d'augmenter  l'intensité 
de  certains  états  de  conscience;  en  se  portant  sur  une  per- 
ception, par  exemple,  l'attention  la  rend  plus  rapide,  plus 
exacte,  plus  détaillée  ;  elle  y  arrive  soit  en  agissant  sur 
l'accommodation  de  l'organe  sensoriel  en  exercice,  soit  en 
suscitant  les  images  mnémoniques  appropriées  à  la  percep- 
tion de  l'objet,  soit  par  d'autres  procédés  que  nous  igno- 
rons. Cette  adaptation  convergente  de  toutes  les  forces 
disponibles  de  l'organisme  sur  un  seul  phénomène,  qui 
peut  être  une  sensation,  une  image,  un  sentiment,  etc., 
a  pour  conséquence  de  produire  un  état  temporaire  de 
monoidéisme.  Lorsque  notre  attention  se  porte  avec  force 
sur  une  chose,  nous  ne  pensons  pour  un  moment  à  rien 
autre  ;  et  chacun  sait  que  si  nous  sommes  absorbés  par  une 
lecture  attachante,  il  peut  arriver  que  d'autres  personnes 
causent  autour  de  nous  sans  que  nous  entendions  leur 
voix.  De  même,  lorsque  nous  attendons  avec  impatience 
une  personne  et  que  nous  la  voyons  venir  de  loin,  dans  la 
rue,  elle  se  détache  pour  nous  de  la  foule  qui  l'environne; 
si  nous  épions  son  pas,  nous  pouvons  percevoir  ce  bruit 
léger  du  milieu  d'une  foule  d'autres  bruits  beaucoup  plus 
intenses,  que  nous  cessons  parfois  d'entendre.  L'attention 
met  donc,  peut-on  dire,  nos  organes  des  sens  dans  un  état 
d'hyperesthésie  spéciale,  locale,  c'est-à-dire  systématisée, 
relative  à  une  certaine  sensation,  et  en  revanche,  il  se 
produit  en  même  temps,  pour  tout  ce  qui  n'est  pas  cette 
sensation  ou  pour  tout  ce  qui  ne  s'y  rapporte  pas,  un  état 
passager  de  sensibilité  moindre,  disons  même  d'anesthésie. 
L'attention  ne  va  pas  sans  la  distraction;  on  ne  fait  pas 
attention  à  certaines  choses  sans  se  distraire  des  autres; 
l'attention,  c'est  le  côté  de  la  lumière,  et  la  distraction, 
c'est  le  côté  de  l'ombre. 

Or,  si  l'attention  peut  indirectement  produire  une  ânes- 


128  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

thésie  psychique,  elle  peut  aussi  produire  une  division  de 
conscience,  puisque  les  deux  phénomènes  sont,  jusqu'à  un 
certain  point,  équivalents;  notre  nouvelle  étude  se  rattache 
donc  à  la  précédente;  peut-être  aussi  est-ce  la  même  étude 
qui  va  continuer,  sous  une  forme  un  peu  différente. 

La  distraction  est  une  anesthésie  passagère,  a-t-on  dit, 
et  l'anesthésie  (psychique)  est  une  distraction  permanente. 
L'hystérique,  dont  le  bras  est  insensible,  se  trouve  à  peu 
près  dans  la  même  situation  d'esprit  que  si  elle  ne  pensait 
jamais  à  son  bras,  si  elle  s'en  désintéressait,  si  elle  fixait 
ailleurs  toutes  les  forces  de  son  attention.  Eh  bien,  faisons- 
en  l'expérience,  retenons  sur  un  point  l'attention  de  cette 
hystérique,  et  examinons  les  effets  spéciaux  de  la  division 
de  conscience  par  distraction. 

Les  premières  expériences  ont  été  faites  par  M.  Pierre 
Janet,  sur  des  malades  hystériques.  C'est  à  ses  recherches 
"que  nous  devons  une  étude  très  détaillée  de  la  distraction 
dans  ses  rapports  avec  les  phénomènes  inconscients. 

La  production  de  Tinconscience  par  distraction  repose  sur 
des  données  psychologiques  connues;  cependant  j'avoue 
avoir  longtemps  hésité  à  m'engager  dans  cette  voie,  faute  de 
preuves  objectives  suffisantes,  car  l'état  de  distraction  ne 
peut  pas  se  constater  avec  autant  de  précision  qu'une  anes- 
thésie. M.  Pierre  Janet  a  eu  raison  de  ne  pas  se  laisser 
arrêter  par  des  scrupules  que  je  reconnais  moi-même  un 
peu  exagérés. 

Les  expériences  qu'il  a  faites  sont  plus  faciles  à  répéter 
et  à  contrôler  qu'on  ne  le  croirait  de  prime  abord.  On  pour- 
rait s'imaginer  que  si  complète  que  soit  l'attention,  la  dis- 
traction qu'elle  amène  ne  vaut  point  une  anesthésie  véri- 
table. Ceci  serait  vrai  pour  une  personne  normale.  Essayons 
de  la  distraire,  d'occuper  ailleurs  son  attention,  nous  n'y 
réussirons  qu'avec  peine.  Pendant  qu'on  l'engage  dans 
une  conversation  avec  une  tierce  personne  ou  qu'on  lui 
fait  lire  un  ouvrage  intéressant,  elle  garde  une  arrière- 
pensée  qui  l'empêche  de  se  livrer  entièrement  à  ces  occu- 
pations; et  malgré  elle,  de  temps  en  temps,  son  attention 


LA  DISTRACTION  129 

oscille,  et  se  porte  précisément  sur  les  points  qu'on  veut 
lui  dérober. 

Il  en  est  tout  autrement  chez  les  hystériques.  On  ne 
saurait  croire  avec  quelle  facilité  l'attention  de  ces  malades 
se  laisse  distraire;  dès  qu'elles  causent  avec  une  autre  per- 
sonne, elles  vous  oublient  et  ne  savent  plus  qu'on  est  dans 
la  chambre;  ces  malades  ont,  comme  dit  M.  Janet,  un 
rétrécissement  du  champ  de  la  conscience.  Profilant  de 
l'état  de  distraction  produit,  on  n'a  qu'à  s'approcher  par 
derrière  et  prononcer  quelques  mots  à  voix  basse  pour  se 
mettre  en  relation  avec  le  personnage  inconscient.  La 
phrase  n'est  point  entendue  par  la  personnalité  principale, 
dont  l'esprit  est  ailleurs;  mais  le  personnage  inconscient 
l'écoute  et  en  fait  son  prolît. 

Au  moyen  d'artifices  très  simples,  que  la  moindre  habi- 
tude suggère  à  chacun,  on  commence  par  s'assurer  que 
la  communication  s'est  établie;  on  donne  à  l'inconscient 
de  menus  ordres,  on  lui  dit  de  mettre  la  main  sur  la 
table,  ou  de  remuer  la  tête,  etc.  Si  l'ordre  est  exécuté,  et 
si  d'autre  part  la  personne  principale  semble  ne  pas  l'en- 
tendre et  continue  son  occupation,  lecture  ou  conversation, 
il  est  vraisemblable  que  la  division  de  conscience  s'est  déjà 
opérée,  et  on  n'aura  plus  qu'à  continuer  l'usage  des  mêmes 
procédés  pour  que  cette  division  s'accuse  davantage. 

Il  est  en  effet  bien  curieux  de  voir  avec  quelle  rapidité 
l'inconscient  se  développe  dans  les  expériences  de  ce  genre. 
L'effet  est  plus  saisissant,  quoique  peut-être  moins  sûr, 
que  dans  les  expériences  pratiquées  sous  le  couvert  de 
l'anesthésie.  Ce  que  nous  avons  étudié  jusqu'ici,  dans  les 
chapitres  sur  l'anesthésie  hystérique,  se  réduit  en  somme  à 
peu  de  chose  :  quelques  petits  mouvements  de  la  main  ou  du 
corps,  mouvements  isolés,  qu'il  a  fallu  suivre  de  près  pour 
y  trouver  de  l'intelligence;  et  ce  n'est  que  par  un  hasard 
exceptionnel  que  l'inconscient  prononce  quelques  mots. 
Par  cette  méthode,  on  arrive  à  se  convaincre  que  cet 
inconscient  existe,  on  donne  même  une  démonstration 
excellente  de  son  existence,  mais  on  ne  sait  pas  au  juste  ce 

A.    BiNET.  9 


130  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

qu'il  pense  ni  ce  qu'il  est.  Si  l'on  cherche  à  causer  avec  lui 
par  l'intermédiaire  de  récriture,  si  on  lui  pose  une  ques- 
tion ou  si  on  lui  donne  un  ordre,  on  n'obtient  pas  la 
réponse  désirée  et  l'ordre  n'est  pas  exécuté  ;  fait-on  écrire  à 
la  main  :  «  levez-vous  »,  le  sujet  le  plus  souvent  ne  se  lève 
pas.  Sa  main  insensible  se  contente  de  répéter  l'ordre  donné 
en  l'écrivant  spontanément  une  seconde  fois  \ 

Le  procédé  de  la  distraction,  employé  sur  les  mêmes 
personnes,  donne  des  résultats  bien  meilleurs,  car  la  ques- 
tion posée  reçoit  une  réponse  intelligente,  et  l'ordre  donné 
est  exécuté  dans  son  sens  véritable.  Il  y  a  donc  une  grande 
différence  entre  les  effets  des  deux  méthodes;  ce  n'est,  bien 
entendu,  qu'une  différence  de  degré,  qui  tient  au  déve- 
loppement qu'a  pris  le  personnage  inconscient;  en  outre, 
on  trouve  des  malades  qui  font  la  transition,  et  chez 
lesquels  l'ordre  transmis,  de  quelque  façon  que  ce  soit, 
est  exécuté  ponctuellement.  Néanmoins  il  est  utile  de 
signaler  une  différence  qui  présente  un  grand  intérêt 
psychologique. 

Rien  n'est  instructif  comme  les  conversations  qu'on  peut 
entretenir  avec  le  personnage  inconscient.  Il  faut  d'abord 
que  l'expérimentateur  indique  à  ce  personnage  comment 
celui-ci  transmettra  les  réponses;  les  moyens  sont  nom- 
breux ;  il  y  en  a  un  qui  consiste  dans  les  gestes  de  la  main  ; 
on  conviendra  que  le  sujet  répondra  oui  ou  non  en  agitant 
l'index;  ceci  ne  va  pas  loin;  on  peut  aussi  avoir  recours  à 
l'écriture  automatique;  on  glisse  un  crayon  dans  la  main 
du  sujet,  puis,  au  lieu  de  diriger  la  main,  car  dans  ce  cas 
elle  répéterait  indéfiniment  l'impulsion  graphique  commu- 
niquée, on  pose  une  question  à  voix  basse  :  «  Quel  est 
votre  nom?  »,  etc.,  et  la  main  écrit  la  réponse.  On  pourrait 
encore  convenir  avec  l'inconscient  qu'il  doit  répondre  ver- 
balement. L'échange  des  idées  une  fois  établi,  on  arrive  à 

1.  Renouvelant  une  ancienne  théorie  de  Maine  de  13iran,  et  s'inspirant 
des  idées  ingénieuses  de  M.  Fouillée  sur  les  dégradations  de  la  conscience, 
M.  Pierre  Janet  a  essayé  de  montrer  que  dans  ces  expériences  et  dans 
d'autres  analogues,  il  se  produit  une  conscience  impersonuelie  sans  idée 
flu  rnoi  (op.  cil.,  p.  42). 


LA  DISTRACTION  131 

bien  connaître  l'inconscient  et  à  résoudre  de  la  sorte  une 
foule  de  problèmes.  Nous  aurons  à  indiquer,  dans  la  troi- 
sième partie  de  notre  ouvrage,  plusieurs  applications  ins- 
tructives de  ce  procédé  d'étude. 

Pour  le  moment,  nous  examinerons  quatre  points  :  1°  les 
perceptions  du  personnage  subconscient;  2°  l'étendue  de 
sa  mémoire  ;  3"  l'idée  qu'il  se  fait  de  sa  personnalité;  4°  sa 
suggestibilité. 

Les  perceptions  de  V inconscient.  —  Pour  les  perceptions, 
l'observation  qu'il  est  le  plus  important  de  faire,  c'est  que 
le  personnage  subconscient  perçoit  les  sensations  provo- 
quées sur  des  régions  anesthésiques.  Pour  lui,  l'anesthésie 
n'existe  point  ;  elle  n'existe  qu'au  regard  de  la  personne 
principale.  Aussi  peut-on,  en  utilisant  les  divers  genres  de 
signaux  que  nous  avons  énumérés,  mesurer  exactement  la 
sensibilité  d'une  région  soi-disant  anesthésique;  un  esthé- 
siomètre  est  promené  sur  la  peau,  et  le  personnage  sub- 
conscient répond  par  signes  s'il  sent  une  pointe  ou  deux. 
M.  Pierre  Janet  qui  a  employé  ce  procédé  a  vu  que  la  sen- 
sibilité peut  être  assez  fine,  aussi  fine  que  celle  des  régions 
normales.  J'incline  à  croire  qu'elle  peut  l'être  davantage. 

On  ne  sait  pas  au  juste  si  le  personnage  subconscient 
perçoit  aussi  ce  que  perçoit  la  conscience  normale;  les 
auteurs  font  des  réserves  sur  ce  point,  qui  appelle  de  nou- 
velles études. 

Mémoire  de  l'inconscient.  —  En  ce  qui  concerne  la 
mémoire,  on  peut  s'assurer  que  le  personnage  subconscient 
se  rappelle  exactement  tout  ce  qu'on  lui  a  fait  faire  à  une 
époque  antérieure,  en  employant  les  mêmes  procédés  :  lui 
a-t-on  cité  un  fait,  il  y  a  huit  jours,  il  y  a  un  an,  le  fait 
n'est  pas  oublié  ;  et  à  la  condition  qu'on  se  mette  en  rela- 
tion avec  lui  par  les  mêmes  moyens,  on  pourra  lui  faire 
répéter  ce  qu'on  lui  a  dit.  —  C'est  donc  le  même  inconscient 
qu'on  a  évoqué  à  des  moments  différents,  et  la  mémoire 
prouve  qu'il  reste  le  même  dans  ses  apparitions  successives. 
Seulement,  il  faut  tenir  compte  d'une  circonstance  impor- 
tante qui  parfois  change  les  résultats  attendus.  L'incon- 


132  LES  PERSONNALITÉS   COEXISTANTES 

scient  est  électif;  appelé  à  l'existence,  ou  développé  par  une 
personne,  il  se  rappelle  cette  personne,  il  lui  obéit  de  pré- 
férence aux  autres,  avec  cette  complaisance  qui  est  un 
des  caractères  des  somnambules,  et  l'inconscient  qui  est 
habitué  à  communiquer  avec  tel  expérimentateur  peut  ne 
pas  vouloir  répondre  à  un  autre.  Il  en  résulte  que  la 
première  personne  venue  n'est  souvent  pas  capable  de 
retrouver  chez  un  sujet  les  phénomènes  subconscients  qui 
ont  été  étudiés  par  l'expérimentateur  habituel.  Nous  avons 
déjà  signalé  un  fait  semblable  dans  l'état  d'anesthésie;  il 
s'agissait  alors  d'obliger  le  bras  anesthésique  soulevé  à 
conserver  la  pose;  le  bras  n'obéit  pas.  toujours,  disions- 
nous;  il  peut  rester  en  l'air  quand  une  personne  le  sou- 
lève, et  retomber  quand  c'est  une  autre.  C'est  un  phéno- 
mène électif,  c'est-à-dire  un  phénomène  très  complexe,  qui 
se  compose  de  sensations,  de  perceptions,  de  sympathies  et 
d'antipathies  ;  il  n'est  pas  étonnant  de  retrouver  ces  mêmes 
électivités  dans  des  conditions  où  l'inconscient  est  très 
développé. 

Personnalité  de  l'inconscient.  —  Passons  maintenant  à 
l'étude  de  la  personnalité.  Grâce  à  l'état  de  distraction  il 
s'est  produit  une  personnalité  complète.  En  efïét,  comme 
le  remarque  M.  Pierre  Janet,  «  l'écriture  subconsciente 
emploie  à  chaque  instant  le  mot  «  je  »  ;  elle  est  la  mani- 
festation d'une  personne,  exactement  comme  la  parole 
normale  du  sujet....  J'eus  un  jour  avec  Lucie  la  conversa- 
tion suivante,  pendant  que  son  moi  normal  causait  avec 
une  autre  personne.  M'entendez- vous,  lui  dis-je?  —  (Elle 
répond  par  écrit.)  Non.  —  Mais  pour  répondre  il  faut 
entendre.  —  Oui,  absolument.  —  Alors,  comment  faites- 
vous?  —  Je  ne  sais.  —  Il  faut  bien  qu'il  y  ait  quelqu'un 
qui  m'entende?  —  Oui.  —  Qui  cela?  —  Autre  que  Lucie. 

—  Ah!  bien,  une  autre  personne.  Voulez-vous  que  nous 
lui  donnions  un  nom? — Non!  —  Si,  ce  sera  plus  commode. 

—  Eh  bien,  Adrienne.  —  Alors,  Adrienne,  m'entendez- 
vous?  —  Oui.  » 

Il  est  évident  que  M.  Janet,  en  baptisant  ce  personnage 


LA  DISTRACTION  133 

inconscient,  mieux  encore,  en  affirmant  que  quelqu'un  doit 
exister  pour  lui  répondre,  M.  Janet,  dis-je,  a  beaucoup  aidé 
à  sa  formation  ;  c'est  même  lui  qui  l'a  créé  par  suggestion. 
Le  procédé  de  la  distraction  présente  cet  avantage,  ou  si 
l'on  veut,  cet  inconvénient,  qu'il  permet  à  la  suggestion  de 
s'exercer  avec  une  puissance  considérable. 

Néanmoins,  il  faut  bien  remarquer  que  si  la  personnalité 
d'  «  Adrienne  »  a  pu  se  créer,  c'est  qu'elle  a  rencontré  une 
possibilité  psychologique;  en  d'autres  termes,  il  y  avait  là 
des  phénomènes  désagrégés,  vivant  séparés  de  la  con- 
science normale  du  sujet;  la  désagrégation  a  préparé  le 
personnage  inconscient,  et  pour  que  celui-ci  réunît  et  cris- 
tallisât ces  éléments  épars,  il  a  fallu  bien  peu  de  chose.  Du 
reste,  l'expérience  ne  fait  que  renouveler  ici  l'œuvre  de  la 
nature;  il  n'y  a  point  eu  de  suggestion  spéciale  dans  l'es- 
prit de  Félida,  de  Louis  V...  et  de  tant  d'autres,  chez  les- 
quels toute  une  portion  séparée  de  la  conscience  normale 
s'est  organisée  en  personnalité  secondaire. 

11  est  à  remarquer  que  le  personnage  subconscient 
désigne  en  général  le  moi  normal  à  la  troisième  personne, 
et  l'appelle  Vautre.  Quand  on  demande  à  ce  personnage  s'il 
est  bien  la  personne  éveillée,  le  plus  souvent  il  proteste, 
et  prétend  qu'il  n'a  rien  de  commun  avec  cette  personne. 
Nous  avons  vu  de  même  une  malade  de  M.  Pitres, 
qui,  mise  en  somnambulisme,  appelle  l'autre  la  personne 
éveillée. 

Suggestibilité  de  rinçons cietit.  —  Arrivons  aux  sugges- 
tions qu'on  peut  faire  exécuter  au  personnage  inconscient; 
la  suggestibilité  doit  être  considérée,  avons-nous  vu, 
comme  un  des  meilleurs  caractères  de  l'état  mental  que 
produit  la  distraction  ;  nous  entendons  ici  par  suggestion, 
car  il  faut  toujours  définir  ce  mot  vague,  une  idée  qu'une 
personne  met  en  œuvre  en  se  rendant  compte  de  ce  qu'elle 
fait.  C'est  de  la  suggestion  intelligente  par  opposition  à  la 
suggestion  automatique.  Dans  la  division  de  conscience 
qui  résulte  de  l'anesthésie,  les  suggestions  ainsi  comprises 
ne  produisent  pas  souvent  d'effet,  faute  d'une  intelligence 


134  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

suffisante  pour  les  comprendre;  les  actes  et  mouvements 
du  sujet  résultent  d'un  automatisme  de  sensations  et 
d'images;  ici,  le  personnage  inconscient  que  la  distraction 
a  découpé  dans  la  personnalité  normale  possède  assez 
d'intelligence  pour  comprendre  le  sens  de  l'ordre  mur- 
muré à  voix  basse;  il  va  donc  pouvoir  exécuter  des  mouve- 
ments et  des  actes  dont  la  conscience  normale  ne  connaîtra 
pas  l'origine. 

Il  se  produit  alors  une  situation  psychologique  que  nous 
avons  déjà  rencontrée  une  fois,  et  sur  laquelle  le  moment 
est  venu  d'insister.  Yoici  une  hystérique  à  qui,  pendant 
qu'elle  est  assise  et  cause  avec  une  autre  personne,  on  a 
dit  de  se  lever  et  de  tirer  sa  montre;  par  suite  de  son  état 
de  distraction,  elle  n'a  pas  entendu  ce  qu'on  lui  disait;  l'in- 
conscient a  entendu  et  va  s'exécuter;  jusqu'ici,  rien  de 
plus  simple,  tout  se  comprend,  mais  une  difficulté  se  pré- 
sente maintenant.  Il  faut  que  l'hystérique  se  lève,  quitte  sa 
chaise,  pour  obéir  à  l'ordre  reçu  ;  il  faut  que  ses  mains  se 
portent  à  son  corsage,  et  tirent  la  montre,  comme  on  le  lui 
a  dit.  De  quelle  façon  ces  actes  pourront-ils  s'accomplir? 
Le  conscient  et  l'inconscient  vont  se  trouver  en  présence, 
en  face  l'un  de  l'autre;  vont-ils  se  voir  et  se  recon- 
naître? 

A  cette  question,  une  réponse  unique  est  impossible.  Un 
grand  nombre  de  variations  ont  lieu,  d'un  sujet  à  l'autre, 
dans  l'exécution  des  actes  provoqués  pendant  un  état  de 
distraction;  tout  dépend  du  sujet  et  de  la  nature  de  la  sug- 
gestion. En  général,  d'après  le  récit  de  M,  Pierre  Janet,  que 
nous  prenons  pour  guide  dans  ces  descriptions,  la  con- 
science principale  du  sujet  reste  éveillée,  mais  elle  ignore 
l'acte  qui  s'accomplit.  On  a  dit  à  voix  basse  :  »  Dénouez 
votre  tablier.  »  Les  mains  s'avancent  tout  doucement  et  le 
tablier  est  dénoué;  il  tombe  sans  que  le  moi  normal  s'en 
soit  aperçu. 

«  Un  jour,  dit  M.  Janet  *,  Léonie  tout  affairée  causait 

1.  op.  cit.,  p.  239. 


LA  DISTRACTION  135 

avec  des  personnes  présentes  et  m'avait  complètement 
oublié;  je  lui  commandai  tout  bas  de  faire  des  bouquets  de 
fleurs  pour  les  offrir  aux  personnes  qui  l'entouraient.  Rien 
n'était  curieux  comme  de  voir  sa  main  droite  ramasser  une 
à  une  des  fleurs  imaginaires,  les  déposer  dans  la  main 
gauche,  les  lier  avec  une  ficelle  aussi  réelle  et  les  offrir 
gravement,  le  tout  sans  que  Léonie  s'en  fût  doutée  ou  ait 
interrompu  sa  conversation.  » 

Il  y  a  beaucoup  de  malades  hystériques  qu'on  ne  peut 
pas  suggestionner  à  l'état  de  veille,  ou  plus  exactement,  car 
tout  est  relatif,  qui  peuvent  résister  aux  suggestions  de  tel 
et  tel  expérimentateur;  elles  discuteront  l'ordre,  et  s'il  ne 
leur  plaît  pas,  elles  ne  l'exécuteront  pas.  La  suggestion  par 
distraction  permet  de  les  surprendre,  et  les  obhge  à  obéir, 
car  leur  personnalité  principale  n'entend  pas  la  suggestion, 
et  par  conséquent  ne  peut  pas  s'y  opposer,  et  l'acte 
ordonné  s'exécute  à  l'insu  des  malades. 

Ce  qui  est  un  procédé  commode  de  suggestion  peut 
devenir  d'autre  part  l'occasion  de  grossières  erreurs  dans 
les  expérimentations. 

Il  est  prudent  que  les  expérimentateurs  pensent  souvent 
à  cet  inconscient  qui  existe  chez  les  hystériques,  même  à 
l'état  de  veille;  il  faut  apprendre  à  s'en  méfier,  et  bien 
savoir  qu'alors  que  l'hystérique  consciente  ne  voit  pas  et 
n'entend  pas,  l'inconscient  peut  voir  et  entendre,  et  par 
conséquent  recevoir  des  suggestions.  Tout  se  passe,  en 
somme,  quand  on  étudie  une  hystérique,  comme  si  on 
expérimentait  sur  le  plus  rusé  des  fourbes. 

Le  danger  est  d'autant  plus  grand  qu'il  est  permanent; 
il  subsiste  dans  tous  les  états  naturels  ou  artificiels,  si 
nombreux  et  si  variés,  par  lesquels  peut  passer  une  hys- 
térique. 


136  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 


II 

Nous  avons  terminé  la  description  des  procédés  qui  per- 
mettent de  découvrir  des  consciences  et  des  personnalités 
secondaires  chez  l'hystérique  éveillé.  Les  conclusions  aux- 
quelles nous  sommes  parvenus  sont  trop  complexes  pour 
tenir  dans  une  formule  simple  ;  le  fait  le  plus  important  qui 
s'en  dégage,  c'est  la  division  de  conscience,  c'est-à-dire  la 
juxtaposition  de  plusieurs  existences  psychologiques  qui 
ne  se  confondent  pas.  Cette  conclusion,  nous  l'avons  déjà 
trouvée  dans  des  recherches  un  peu  différentes,  quand  nous 
avons  examiné  la  survivance  partielle  d'un  état  somnambu- 
lique  pendant  la  veille;  on  se  rappelle  dans  quelles  circon- 
stances cette  survivance  peut  être  mise  en  lumière,  d'après 
M.  Gurney;  l'écriture  automatique  provoquée  pendant 
la  veille  garde  le  souvenir  de  ce  qui  s'est  passé  pendant 
l'état  somnambulique,  et  on  peut  en  conclure  que  le  moi 
somnambulique  subsiste  à  quelque  degré  pendant  la 
veille. 

Il  reste  à  montrer,  pour  achever  la  démonstration,  que 
le  moi  secondaire  formé  à  la  faveur  de  l'anesthésie  ou  de 
la  distraction  ne  fait  qu'un  avec  le  moi  somnambuhque. 
C'est  le  moi  somnambuhque  lui-même,  qui  se  montre  ici  et 
là  dans  des  conditions  un  peu  différentes.  M.  Pierre  Janet 
l'a  établi  par  des  expériences  qui  ne  laissent  aucun 
doute. 

L'état  de  la  mémoire  a  servi  à  cette  démonstration;  c'est 
par  la  mémoire  que  l'on  parvient  à  distinguer  et  à  déli- 
miter des  personnalités  coexistantes;  c'est  aussi  par  la 
mémoire  qu'on  est  parvenu  à  s'assurer  que  des  états 
psychologiques  qui  apparaissaient  à  des  moments  diffé- 
rents et  dans  des  occasions  différentes  sont  les  mêmes.  Si 
l'on  donne  au  personnage  subconscient  de  la  veille  un  ordre 
ou  une  idée,  en  lui  murmurant  quelques  paroles  à  l'oreille, 
la  conscience  normale  ne  sait  rien  et  n'entend  rien;  il  faut 


LA  DISTRACTION  137 

placer  le  sujet  en  somnambulisme,  et  pour  cela  se  servir 
des  procédés  connus  et  décrits  plus  haut  (chapitre  III)  ;  puis 
on  l'interroge,  et  on  constate  que  le  plus  souvent  il  a  gardé 
le  souvenir  de  la  parole  prononcée  et  peut  la  répéter.  S'il 
s'en  souvient,  c'est  qu'il  se  trouve  dans  la  même  condition 
psychologique  que  le  personnage  subconscient  de  l'état  de 
veille,  c'est  que  c'est  bien  lui  qui  a  entendu;  la  mémoire 
sert  à  réunir  ces  divers  éLats  et  nous  en  montre  l'identité. 

Il  est  important  d'ajouter  que  ces  continuités  de  person- 
nalités, dont  nous  venons  de  faire  une  description  toute 
schématique,  peuvent  se  comphquer  beaucoup;  il  arrive 
parfois  que  le  souvenir  qu'on  cherche  à  retrouver  ne  se 
réveille  pas  pendant  un  premier  somnambulisme;  pour  le 
reproduire,  il  faut,  une  fois  le  sujet  en  somnambulisme, 
l'hypnotiser  de  nouveau  comme  s'il  ne  l'était  pas  déjà;  on 
fait  naître  ainsi,  chez  certaines  hystériques,  un  second 
somnambulisme,  et  même  un  troisième,  qui  se  distinguent 
des  précédents  par  un  état  différent  de  la  mémoire.  Ces 
faits  ont  été  observés  par  MM  Gurney,  Pierre  et  Jules  Janet. 

Une  autre  considération,  empruntée  aussi  aux  précé- 
dents auteurs,  permet  de  rattacher  le  moi  somnambuHque 
au  moi  subconscient  de  veille,  c'est  que  les  actes  subcon- 
scients de  la  veille,  en  se  développant,  amènent  le  somnam- 
bulisme. 

«  J'avais  déjà  remarqué,  a  rapporté  M.  Pierre  Janet,  que 
deux  sujets  surtout,  Lucie  et  Léonie,  s'endormaient  fré- 
quemment malgré  moi  au  miheu  d'expériences  sur  les 
actes  inconscients  à  l'état  de  veille,  mais  j'avais  rapporté 
ce  sommeil  à  ma  seule  présence  et  à  leur  habitude  du  som- 
nambulisme. Le  fait  suivant  me  fit  revenir  de  mon  erreur. 
M.  Binet  avait  eu  l'obligeance  de  me  montrer  un  des  sujets 
sur  lesquels  il  étudiait  les  actes  subconscients  par  anes- 
thésie,  et  je  lui  avais  demandé  la  permission  de  reproduire 
sur  ce  sujet  les  suggestions  par  distraction.  Les  choses  se 
passèrent  tout  à  fait  selon  mon  attente  :  le  sujet  (Hab...) 
bien  éveillé  causait  avec  M.  Binet;  placé  derrière  lui,  je  lui 
faisais  à  son  insu  remuer  la  main,  répondre  à  mes  ques- 


138  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

lions  par  signes,  etc.  Tout  d'un  coup,  Hab...  cessa  de 
parler  à  M.  Binet,  et  se  retournant  vers  moi,  les  yeux 
fermés,  continua  correctement,  par  la  parole  consciente,  la 
conversation  qu'elle  avait  commencé  avec  moi  par  signes 
subconscients  \  d'autre  part,  elle  ne  parlait  plus  du  tout  à 
M.  Binet,  elle  ne  l'entendait  plus,  en  un  mot  elle  était 
tombée  en  somnambulisme  électif.  Il  fallut  réveiller  le 
sujet,  qui  naturellement  avait  tout  oublié  à  son  réveil.  Or, 
Hab...  ne  me  connaissait  en  aucune  manière;  ce  n'était 
donc  pas  ma  présence  qui  l'avait  endormie;  le  sommeil 
était  donc  bien  ici  le  résultat  du  développement  des  phé- 
nomènes subconscients,  qui  avaient  envahi,  puis  effacé  la 
conscience  normale  *.  » 

Toutes  ces  expériences  nous  conduisent  à  une  même 
conclusion  :  la  sous-conscience  que  nous  venons  de  voir  à 
l'œuvre  est  identique  avec  la  conscience  somnambulique; 
c'est  un  fragment  de  la  vie  somnambuhque  qui  survit  à 
l'état  de  veille.  11  y  a  longtemps  déjà  que  M.  Richet,  devan- 
çant le  résultat  d'expériences  précises,  et  se  laissant  guider 
par  de  simples  vues  de  l'esprit,  supposait  qu'il  existe  chez 
beaucoup  de  personnes  même  éveillées  un  état  d'hémi- 
somnambulisme,  permettant  à  une  conscience  qui  n'est  pas 
la  leur  d'accomplir  des  actes  intelligents. 

((  Supposons,  dit-il,  qu'il  y  ait  chez  quelques  individus 
un  état  d'hémi-somnambuhsme  tel  qu'une  partie  de  l'encé- 
phale perçoive  des  pensées,  reçoive  des  perceptions,  sans 
que  le  moi  en  soit  averti.  La  conscience  de  cet  individu 
persiste  dans  son  intégrité  apparente;  toutefois  des  opé- 
rations très  compHquées  vont  s'accomplir  en  dehors  de  la 
conscience  sans  que  le  moi  volontaire  et  conscient  paraisse 
ressentir  une  modification  quelconque.  Une  autre  personne 
sera  en  lui  qui  agira,  pensera,  voudra,  sans  que  la  con- 
science, c'est-à-dire  le  moi  réfléchi,  conscient,  en  ait  la 
moindre  notion  -.  » 


1.  op.  cit.,  p.  329. 

2.  Rev.  phiL,  18S4,  II,  p.  GSiO. 


LA  DISTRACTION  139 

M.  Richet  a  raison  de  donner  à  cet  état  le  nom  d'hémi- 
somnambulisme;  ce  terme  indique  la  parenté  de  cet  état 
avec  le  somnambulisme  véritable,  et  ensuite  il  laisse 
comprendre  que  la  vie  somnambulique  qui  se  manifeste 
durant  la  veille  est  réduite,  déprimée,  par  la  conscience 
normale  qui  la  recouvre.  Le  personnage  somnambulique 
perd  pendant  la  veille  la  liberté  de  ses  allures;  son  cercle 
d'existence  est  tout  à  fait  rétréci,  et  sans  l'élude  de  la 
mémoire,  qui  nous  sert  de  fil  conducteur  dans  nos  recher- 
ches, on  ne  se  serait  jamais  douté  que  ces  deux  êtres  n'en 
font  qu'un. 


CHAPITRE  VI 


LES    ACTIONS    VOLONTAIRES    ET    INCONSCIENTES 


I.  Les  relalions  des  consciences  distinctes.  —  Leur  étude  dans  l'exécution 
des  mouvements  volontaires.  • —  Définition  de  l'activité  motrice  volon- 
taire. —  Importance  des  impressions  kinesthésiques. 

II.  Situation  mentale  d'une  hystérique  anesthésique.  —  Perte  des  sensa- 
tions et  des  images  motrices.  —  Conservation  de  la  faculté  de  coordina- 
tion. —  Observations  de  M.  Charcot  et  d'autres  auteurs.  —  Interpréta- 
tion proposée  de  ces  expériences.  —  La  théorie  du  courant  centrifuge. 
—  Discussion  et  réfutation  de  cette  théorie.  —  Rôle  méconnu  de  la  divi- 
sion de  conscience. 

III.  Étude  détaillée  de  l'écriture  tracée  avec  une  main  insensible,  les  yeux 
fermés.  —  Plusieurs  catégories  de  malades.  —  Les  images  visuelles  direc- 
trices. —  Correspondance  entre  les  images  visuelles  et  les  mouvements. 

IV.  Autres  caractères  des  mouvements  exécutés  par  les  membres  anesthé- 
siques.  —  Diminution  dans  la  force  de  pression  au  dynamomètre.  — 
Allongement  du  temps  physiologique  de  réaction.  —  Forme  particulière 
de  la  contraction.  —  Durée  de  l'état  de  contraction. 


I 

On  a  vu  jusqu'ici  comment  chez  une  même  personne 
plusieurs  faits  de  conscience  peuvent  vivre  séparément 
sans  se  confondre,  et  donner  lieu  à  l'existence  simultanée 
de  plusieurs  consciences,  et  même,  dans  certains  cas,  de 
plusieurs  personnalités.  Nous  avons  surtout  insisté  sur  la 
séparation  des  consciences;  c'était  le  premier  fait  à  bien 
mettre  en  lumière.  Nous  devons  maintenant  montrer  que 
si  ces  consciences  sont  séparées  à  un  certain  point  de  vue, 
elles  peuvent  être  réunies  à  un  autre  point  de  vue,  elles 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  141 

peuvent  entretenir  l'une  avec  l'autre  des  relations.  Ce  sont 
là  des  phénomènes  très  complexes,  et  très  intéressants 
pour  la  psychologie. 

Cette  question  n'a  pour  ainsi  dire  pas  d'historique  ;  je  crois 
avoir  été  le  premier  à  la  traiter  dans  mes  articles  de  la  Revue 
philosophique,  et  M.  Pierre  Janet  l'a  enrichie  ensuite  de 
plusieurs  faits  curieux;  je  montrerai,  dans  la  Bipartie  de  ce 
livre,  combien  l'étude  des  rapports  entre  les  consciences 
distinctes  éclaire  les  suggestions  classiques  du  somnambu- 
lisme, dont  une  foule  de  détails  sont  restés  jusqu'ici  inexpli- 
qués. Les  relations  de  deux  consciences  peuvent  prendre 
deux  formes  distinctes,  l'antagonisme  et  la  collaboration. 
Nous  étudierons  d'abord,  dans  ce  chapitre, leur  collaboration. 

Si  l'on  suit  avec  attention  les  mouvements  et  les  actes 
d'un  sujet  qui  a  perdu  la  sensibilité  consciente  dans  un 
ou  plusieurs  de  ses  membres,  on  n'a  pas  de  peine  à  saisir 
sur  le  fait  le  personnage  subconscient  au  moment  où  il 
intervient  pour  aider  de  son  travail  silencieux  la  pensée 
ou  la  volonté  de  la  conscience  principale.  Mais  on  ne  peut 
bien  comprendre  ce  rôle  de  l'inconscient  que  si  on  a  une 
idée  de  l'activité  motrice  normale. 

Cette  activité  motrice  a  été  très  bien  analysée  par  M.  Wil- 
liam James  dans  son  remarquable  mémoire  sur  le  Sens 
de  VEffort.  Lorsque,  dit-il  en  résumé,  un  sujet  normal 
exécute,  les  yeux  ouverts,  avec  un  membre  qui  n'est  ni 
paralysé  ni  insensible,  une  action  volontaire,  simple  ou 
comphquée,  ce  mouvement  implique  tout  d'abord  certains 
états  préparatoires,  qui  sont  :  1°  une  idée  préalable  de  la 
fin  que  le  sujet  désire  atteindre;  2°  un  fiat,  un  ictus  de  la 
volonté;  puis  au  moment  du  passage  de  la  volonté  à  l'acte, 
d'autres  éléments  interviennent;  un  événement  physiolo- 
gique; 3"  les  contractions  musculaires  appropriées;  et  un 
événement  psychique;  4°  la  perception  sensible  du  mouve- 
ment, à  mesure  qu'il  s'exécute. 

Mettons  à  part  les  contractions  musculaires,  qui  sont 
d'ordre  purement  physiologique;  mettons  aussi  à  part  le 
fiât  de  la  volonté,  qu'il  est  difficile  d'analyser,  et  dont  nous 


142        LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

n'aurons  pas  à  nous  occuper  par  la  suite  ;  il  reste  deux  faits 
principaux  :  i°  la  représentation  du  mouvement,  avant 
qu'il  s'accomplisse,  et  2°  la  perception  du  mouvement, 
à  mesure  qu'il  s'accomplit.  C'est  sous  ces  deux  formes  que 
notre  intelligence  entre  en  relation  avec  l'activité  motrice 
de  nos  membres  :  une  représentation  antérieure  au 
mouvement  et  une  perception  postérieure;  un  état  de 
conscience  modèle.,  et  un  état  de  conscience  copie. 

La  représentation  antérieure,  à  quoi  sert-elle?  à  déter- 
miner la  nature  et  la  forme  du  mouvement;  c'est  un  mo- 
dèle mental  du  mouvement,  un  modèle  que  notre  membre 
cherche  en  quelque  sorte  à  copier;  si  je  veux  asséner  un 
coup  de  poing,  et  que  je  réfléchisse  à  mon  acte  quelque 
temps  avant  de  l'accomplir,  j'ai  la  représentation  de  ma 
main  qui  se  ferme  et  de  mon  bras  qui  se  lève.  En  quoi 
consiste  cette  représentation  de  l'acte?  en  perceptions  de 
mouvement  renouvelées  ;  chez  un  sujet  normal,  cette 
représentation  est  très  riche;  elle  est  composée  d'images 
visuelles,  tactiles,  musculaires  et  autres;  on  voit  son  poing 
qui  se  lève,  et  en  même  temps,  on  a  la  sensation  anticipée 
de  ce  qu'on  va  éprouver  dans  le  bras  et  dans  la  main  au 
moment  de  la  contraction.  Dans  les  actes  réflexes,  les 
actes  idéo-moteurs,  l'expression  des  émotions,  les  actes 
associés  en  série,  etc.,  la  notion  consciente  qui  précède  le 
mouvement  paraît  s'effacer  et  perdre  son  importance;  ces 
cas  mériteraient  une  discussion  à  part,  que  nous  n'avons 
pas  le  temps  de  faire;  nous  nous  en  tenons  à  un  acte 
hautement  volontaire,  et  bien  réfléchi,  dans  lequel  on  a  la 
représentation  de  l'acte  avant  de  l'accomplir. 

Tel  est  l'état  de  conscience  qui  précède  le  mouvement  ; 
celui  qui  le  suit,  ou  plutôt  l'accompagne  à  mesure  qu'il 
s'exécute,  est  aussi  important  que  le  précédent;  car  c'est 
lui  qui  permet  de  coordonner  le  mouvement,  de  le  diriger, 
de  le  rectifier  quand  le  but  est  manqué.  Comment  se  fait  ce 
contrôle? 

Supposons,  par  exemple,  que  notre  main  soit  posée  sur 
nos  genoux,  ouverte;  nous  voulons  la  fermer,  et  nous  la 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET   INCONSCIENTES  143 

fermons.  Gomment  savons-nous  qu'elle  est  fermée?  D'abord 
nous  le  savons  parce  que  nous  avons  conscience  de  notre 
volonté  ;  mais  une  cause  quelconque  aurait  pu  s'opposer  à 
notre  mouvement,  et  notre  acte  de  volonté  serait  resté 
identique;  avoir  conscience  de  sa  volonté,  ce  n'est  donc 
pas  avoir  conscience  du  mouvement  lui-même  ;  ce  qui 
nous  permet  de  percevoir  le  mouvement  à  mesure  qu'il 
s'exécute,  c'est  la  vue  et  la  sensibilité  du  membre  qui  agit. 
Ces  deux  ordres  de  sensations  sont  de  nature  centripète; 
ce  sont  des  faits  extérieurs,  transmis  au  cerveau  par  les 
nerfs  sensitifs;  ce  sont,  de  plus,  des  impressions  consécu- 
tives au  mouvement  exécuté;  elles  sont  postérieures  au 
mouvement,  elles  en  sont  la  copie;  elles  donnent  au  sujet 
le  sentiment  de  l'énergie  qui  a  été  déployée. 

Le  premier  et  le  plus  simple  moyen  d'information  est 
celui  de  la  vue.  Lorsque  l'individu  a  les  yeux  ouverts  et 
fixés  sur  son  membre  en  action,  il  est  informé  par  sa  per- 
ception visuelle  de  la  position  occupée  par  son  membre 
et  de  l'acte  exécuté.   S'il  écrit,  la  vue  de  sa  plume  lui 
apprend  à  chaque  instant,  et  avec  une  précision  parfaite, 
la  lettre  qu'il  vient  de  tracer.  La  vue  n'est  pas  seulement  le 
témoin  du  mouvement,  elle  en  est  aussi,  et  par  voie  de 
conséquence,  le  régulateur;  elle  le  précise,  le  rectifie,  le 
corrige.  Lorsqu'on  ferme  les  yeux,  les  mouvements  diffi- 
ciles ou  inusités  deviennent  incertains,  et  l'on  sait  à  quel 
point  une  personne  qui  commence  à  jouer  du  piano  a  besoin 
du  contrôle  visuel  pour  ne  pas  faire  de  fausses  notes. 
.    Le  sens  de  l'ouïe  nous  fournit  une  autre  source  d'infor- 
mations, mais  de  valeur  bien  moindre.  On  peut,  les  yeux 
fermés,  se  rendre  compte  qu'on  écrit  en  écoutant  le  bruit 
de  la  plume  sur  le  papier.  Mais  c'est  surtout  pour  connaître 
la  qualité  des  sons  émis  par  la  voix  que  l'oreille  nous  est 
utile.  Le  rôle  de  direction  qu'elle  exerce  sur  les  mouve- 
ments des  organes  vocaux  est  tout  à  fait  remarquable;  on  a 
souvent  observé  que  les  sourds  ont  une  parole  rude  et  peu 
harmonieuse,  parce  qu'ils  ne  s'entendent  pas  parler  et  qu'ils 
ne  peuvent  pas  régler  l'émission  de  leur  voix. 


144  LES  PERSONNALITÉS   COEXISTANTES 

En  troisième  lieu,  des  notions  sur  le  mouvement  accom- 
pli nous  viennent  des  sensations  que  l'on  rapporte  à  la  sen- 
sibilité générale;  ces  sensations,  plus  obscures  et  plus  mal 
définies  que  les  précédentes,  sont  extrêmement  nombreu- 
ses; tout  d'abord,  lorsqu'on  exécute  un  mouvement  diffi- 
cile, la  bouche  se  ferme,  la  glotte  se  resserre,  la  respiration 
s'arrête  ou  précipite  ses  mouvements  ;  ces  synergies  muscu- 
laires doivent  contribuer,  selon  Ferrier  et  W.  James,  à  la 
genèse  de  la  sensation  de  l'eftbrt;  en  outre,  il  se  produit 
d'autres  sensations,  mieux  localisées,  qui  proviennent 
directement  des  membres  en  action;  lorsqu'on  meut  son 
bras  ou  sa  jambe,  les  yeux  fermés,  on  sent  que  le  membre 
se  déplace;  sans  doute  on  a  connaissance  du  mouvement 
par  le  seul  fait  qu'on  a  conscience  de  la  volonté  qui  le  com- 
mande; mais  ce  n'est  pas  tout;  il  y  a  une  impression  spé- 
ciale, d'origine  périphérique,  qui  nous  avertit  de  la  con- 
traction de  nos  muscles  volontaires;  nous  connaissons 
l'énergie,  la  durée,  la  vitesse,  l'étendue,  la  direction  de 
nos  mouvements;  nous  connaissons  la  situation  de  nos 
membres  et  des  différentes  parties  de  notre  corps;  enfin, 
nous  connaissons  les  mouvements  actifs  et  passifs  exécutés 
par  notre  corps  pris  en  totalité.  Ces  impressions  de  mouve- 
ments (sensations  kinesthésiques  de  Bastian)  auxquelles  la 
psychologie  moderne  fait  jouer  un  rôle  considérable,  déri- 
vent probablement  des  muscles  contractés,  des  ligaments 
tirés,  des  articulations  comprimées,  de  la  peau  tendue  ou 
relâchée,  plissée  ou  froissée.  Ce  sont  elles  qui,  indépen- 
damment de  la  vue,  nous  donnent  la  notion  de  la  résistance 
des  corps,  de  leur  poids,  de  leur  consistance,  de  leur  forme. 
Seulement,  on  n'est  pas  encore  parvenu  à  déterminer  avec 
certitude  ce  qui,  dans  ces  sensations  totales  de  mouvement, 
revient  au  muscle,  à  la  peau,  aux  surfaces  articulaires  \ 


\.  Pour  rélude  de  cette  quesliou,  je  renvoie  à  rimporlant  ouvrage  de 
M.  lîeaunis  :  les  Serisatiovs  inferves.  (Bibl.  scient,  inter.). 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  LNGONSCIENTES 


II 

Si  maintenant  on  considère  un  hystérique  présentant 
un  membre  insensible,  on  pensera  que  ce  malade  est  apte 
à  nous  montrer,  par  la  méthode  de  différence,  quelles  sont 
les  fonctions  remplies  par  la  sensibilité  de  la  peau,  du 
muscle  et  de  l'articulation.  En  effet,  les  malades  de  ce 
genre,  dès  qu'ils  cessent  de  voir  leurs  membres  insensibles, 
n'ont  plus  de  conscience  de  leur  position;  ils  ignorent  s'ils 
sont  en  état  de  flexion  ou  d'extension,  ils  ne  sentent  pas 
quels  sont  les  mouvements  passifs  que  l'expérimentateur 
leur  imprime.  Briquet  parle  d'une  hystérique,  à  ce  point 
insensible  de  tout  le  corps  qu'on  pouvait,  après  lui  avoir 
bandé  les  yeux,  l'enlever  de  son  lit  et  l'étendre  par  terre 
sans  qu'elle  eût  la  moindre  idée  de  ce  qui  s'était  passé. 
Elle  comparait  la  sensation  qu'elle  éprouvait  ordinairement 
à  ce  que  devrait  éprouver  une  personne  suspendue  en  l'air 
par  un  ballon.  J'ai  observé  à  la  Salpêtrière  un  certain 
nombre  d'hystériques  qui  sont  anesthésiques  totales  et  sur 
lesquelles  il  est  facile  de  répéter  des  expériences  analogues 
à  celle  de  Briquet. 

Les  auteurs  ont  donc  cherché,  depuis  longtemps,  à  pro- 
fiter de  l'expérience  toute  faite  que  leur  offre  la  maladie 
hystérique;  il  a  paru  important  de  savoir  quels  sont  les 
désordres  de  l'activité  volontaire  qui  sont  produits  chez  les 
hystériques  par  la  perte  des  sensations  kinesthésiques.  Ce 
mode  de  recherche  n'offre  aucune  difficulté;  on  prie  le 
sujet  de  fermer  les  yeux,  ou  mieux  encore  on  lui  cache  la 
tête  derrière  un  écran  et,  ceci  fait,  on  l'invite  à  exécuter  un 
certain  nombre  d'actes,  simples  ou  compliqués,  avec  son 
membre  insensible. 

Quand  l'expérience  est  disposée  de  la  sorte,  dans  quelle 
situation  le  sujet  se  trouve-t-il  placé?  Pour  voir  ce  qui  lui 
manque,  reportons-nous  au  schéma  de  l'activité  volontaire 
et  normale.  L'hystérique  conserve  la  faculté  de  vouloir  le 

A.   BlNET.  10 


146  LES  PERSONNALITES   COEXISTANTES 

mouvement,  ce  que  nous  avons  appelé  d'un  mot  sommaire 
le  fiât  de  la  volonté.  Les  muscles,  n'étant  point  paralysés, 
peuvent  se  contracter.  Tout  ceci  subsiste,  mais  les  deux 
états  de  conscience  modèle  et  copie  sont  gravement  atteints. 
D'abord  la  perception  du  mouvement ,  à  mesure  qu'il 
s'exécute,  est  supprimée;  plus  de  sensations  visuelles, 
puisqu'on  interpose  un  écran;  plus  de  sensations  tactiles  et 
kinesthésiques  en  retour,  puisque  le  membre  est  anesthé- 
sique.  Ainsi,  le  sujet  cesse  d'être  en  communication  avec 
son  membre,  il  n'en  reçoit  plus  de  nouvelles.  Voilà  pour 
l'état  de  conscience  copie.  Quant  au  modèle^  cette  repré- 
sentation si  complexe  et  si  ricbe  chez  une  personne  nor- 
male, nous  allons  voir  qu'elle  s'est  notablement  appauvrie. 

En  effet,  le  sujet  ne  peut  plus  se  représenter  le  mouve- 
ment sous  la  forme  motrice  ;  il  a  perdu  à  la  fois  les  sensa- 
tions kinesthésiques  et  les  images  correspondantes;  c'est 
du  moins  la  règle;  l'anesthésie  d'un  sens  entraîne  en 
général  la  perte  de  la  mémoire  de  ce  sens  '.  A  défaut 
d'image  motrice  pour  se  représenter  l'acte  avant  de  l'exé- 
cuter, l'hystérique  peut  faire  appel  à  d'autres  images,  qui 
jusqu'à  un  certain  point  remplaceront  les  précédentes;  il 
pourra  surtout  employer  les  images  visuelles,  si  du  moins 
il  a  une  bonne  mémoire  visuelle,  ce  qui  n'est  pas  toujours 
le  cas;  il  se  fera  donc  tant  bien  que  mal  une  représenta- 
tion mentale  du  mouvement  à  accomplir.  Les  images 
auditives  ne  peuvent  guère  lui  servir.  L'image  visuelle 
est  en  somme  tout  ce  qui  lui  reste. 

Pas  absolument  tout,  cependant  :  nous  avons  mentionné 
simplement  la  perte  des  sensations  kinesthésiques;  ce  n'est 
pas  une  perte  complète,  absolue,  ou,  du  moins,  cette  perte 
n'a  lieu  que  pour  la  personnalité  principale  ;  tout  ce  qu'on 
doit  admettre,  c'est  que  le  moi  principal  du  sujet  a  perdu 
la  perception  de  ces  sensations;  mais  à  côté  et  en  dehors 
de  ce  moi,  il  y  a  une  autre  conscience  capable  de  recueillir 
et  de  coordonner  les  sensations  qui  sont  en  apparence  per- 

1.  Il  y  a,  je  crois,  des  exceptions  à  cotte  rè{:(le  :  on  peut  dire  seulement 
que  très  fréquemment  l'anestliésie  d'un  sens  en  entraîne  l'amnésie. 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES         147 

dues;  nous  en  avons  donné  déjà  de  nombreuses  preuves. 

Du  reste,  il  suffit  de  quelques  expériences  très  simples 
pour  mettre  en  lumière  la  collaboration  des  deux  person- 
nalités. Il  est  beaucoup  de  sujets  qui  corrigent  à  leur  insu 
la  déviation  qu'on  imprime  à  leur  main  pendant  que  celle- 
ci  exécute  un  mouvement  volontaire.  Ainsi  on  leur  laisse 
croire  que  leur  main  insensible  est  sur  les  genoux;  on 
l'éloigné  doucement  du  corps  et  on  la  place  dans  une  posi- 
tion insolite  :  puis  on  commande  au  sujet,  qui  a  les  yeux 
fermés,  de  toucher  son  front  avec  la  main  insensible,  qui 
est,  croit-il,  sur  ses  genoux.  Il  y  a  des  malades  dont  la 
main  est  désorientée;  d'autres  au  contraire  corrigent  sans 
le  savoir  la  déviation,  et  leur  main  insensible,  qu'on  l'élève 
en  l'air,  ou  qu'on  la  place  derrière  le  dos,  se  dirige  toujours 
directement  vers  la  figure. 

Il  est  clair  que  chaque  malade  a  sa  façon  propre  de 
réagir,  ce  qui  tient  à  ce  que  les  deux  personnalités  ne  col- 
laborent jamais  de  la  même  façon;  chez  les  unes,  la  colla- 
boration est  tout  à  fait  rudimentaire,  chez  d'autres  elle  est 
au  contraire  si  parfaite  qu'il  semble  n'exister  aucun  trouble 
de  la  sensibilité;  entre  ces  deux  extrêmes  on  trouve  tous 
•les  intermédiaires. 

Dressons,  pour  finir  ces  préliminaires,  le  bilan  d'une 
hystérique  anesthésique.  Elle  a  pour  exécuter  des  mouve- 
ments, quand  elle  ne  se  sert  pas  de  la  vue  : 

1°  Sa  mémoire  visuelle,  qui  peut  être  excellente,  ou  pas- 
sable, ou  très  mauvaise  ; 

2"  Des  sensations  et  images  kinesthésiques  qui  forment 
une  sous-conscience,  et  cette  sous-conscience  peut  être 
plus  ou  moins  bien  coordonnée;  tantôt  elle  prête  un  con- 
cours très  efficace  à  la  personnalité  principale,  tantôt  elle 
ne  lui  sert  de  rien. 

Nous  voyons  déjà  toutes  les  complications  que  la  théorie 
prévoit  dans  l'exécution  des  mouvements.  Il  y  en  a  quel- 
ques autres,  d'importance  moindre,  que  nous  passons  sous 
silence,  pour  simpUfier.  Citons  maintenant  quelques  obser- 
vations. 


148  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 


III 


Les  mouvements  de  récriture  sont  de  ceux  qui  se  con- 
servent le  mieux  chez  les  hystériques  anesthésiques;  de 
plus,  ils  se  prêtent  assez  bien  à  l'analyse;  aussi  feront-ils 
l'objet  de  notre  première  étude;  nous  allons  résumer  ici 
des  observations  faites  avec  M.  Féré  sur  une  trentaine  de 
malades. 

Ce  sont  ces  expériences  qui  m'ont  conduit  à  reconnaître 
la  division  de  conscience  chez  les  hystériques.  J'avais  eu 
l'idée  a  priori  que  si  une  hystérique  écrivait  les  yeux 
fermés  avec  sa  main  insensible,  l'absence  de  sensations 
musculaires  se  ferait  gravement  sentir  et  l'écriture  serait 
tout  à  fait  incoordonnée.  J'ignorais  complètement,  à  ce 
moment,  la  nature  de  l'anesthésie  hystérique.  Je  fis  l'expé- 
rience et  le  résultat  donna  tort  à  mon  idée  préconçue.  Je 
fus  amené  alors,  avec  M.  Féré,  à  étudier  les  sensations 
kinesthésiques,  et  progressivement  je  constatai  avec  lui 
le  rôle  des  images  visuelles  et  la  séparation  des  cons- 
ciences. 

La  plupart  des  malades  hystériques  peuvent  écrire  les 
yeux  fermés,  avec  leur  main  insensible;  pour  ces  expé- 
riences il  faut  préférer  ceux  qui  ont  la  main  droite 
insensible.  L'écriture  tracée  les  yeux  fermés  ne  diffère 
pas  beaucoup  de  l'écriture  tracée  les  yeux  ouverts;  un 
observateur  non  prévenu  ne  les  distinguerait  pas  ;  les 
deux  spécimens  d'écriture  ont  la  même  grandeur,  et  nous 
paraissent  appartenir  au  même  type  graphique  ;  parfois 
on  observe  le  redoublement  ou  l'omission  d'un  jambage 
ou  d'une  lettre,  irrégularités  légères  que  l'on  retrouve 
chez  un  sujet  normal  écrivant  les  yeux  fermés;  parfois 
aussi  l'écriture  tracée  les  yeux  fermés  se  dislingue  par 
son  amplitude.  Quand  le  malade  est  insensible  de  la 
main  gauche  et  écrit  avec  cette  main,  l'écriture  peut  être 
renversée  de  droite  à  gauche;  c'est  ce  qu'on  appelle  l'écri- 


LES  ACTIONS   VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  149 

ture  «  en  miroir  »  ;  mais  le  plus  souvent  les  malades  écri- 
vent de  gauche  à  droite,  dans  le  sens  normal. 

Il  est  important  de  fixer  avec  précision  quelles  sont 
les  impressions  éprouvées  par  le  sujet  hystérique  au 
moment  où  il  écrit  avec  sa  main  insensible.  Il  s'agit  là,  il 
est  vrai,  d'un  état  subjectif,  qu'on  ne  peut  connaître  que 
par  conjecture,  en  interrogeant  les  malades  et  en  essayant 
de  comprendre  des  explications  qui  ne  sont  pas  toujours 
claires.  Cependant  nous  sommes  convaincu  que  chez  les 
hystériques  anesthésiques  l'état  psychique  qui  dirige  les 
mouvements  de  l'écriture  n'est  pas  le  même  que  celui  d'un 
scripteur  normal.  En  effet,  tous  ceux  qui  ont  de  l'insensibi- 
lité profonde  dans  le  bras  et  la  main  s'accordent  à  dire 
qu'ils  ne  se  sentent  pas  écrire;  en  d'autres  termes,  ils  n'ont 
pas  conscience  du  mouvement  volontaire  exécuté  par  leur 
main.  Aussi,  les  mouvements  de  l'écriture,  exécutés  par  la 
main  anesthésique,  sont-ils  à  la  fois  volontaires  et  incon- 
scients. Au  contraire,  quand  le  sujet  se  sert  de  sa  main 
sensible,  il  a  la  notion  des  mouvements  graphiques  qu'il 
exécute  et  il  apprécie  très  bien  la  différence. 

De  plus,  chez  la  plupart  des  malades,  l'écriture  incon- 
sciente de  la  main  insensible  est  guidée  par  un  état  de  con- 
science visuel;  les  sujets,  interrogés  avec  précision,  affir- 
ment presque  tous  {\uils  se  voient  écrivant  ;  cela  veut 
dire  qu'ils  se  représentent  dans  leur  esprit  l'image  de  leur 
main  qui  écrit,  ou  l'image  de  la  lettre  qu'ils  écrivent;  c'est 
ce  modèle  que  copie  le  mouvement  graphique  inconscient. 
Bien  entendu,  ce  fait  n'est  pas  constant,  il  est  seulement 
assez  général,  et  tient  à  ce  que  les  malades  appartiennent 
au  type  visuel  '.  J'ai  pu  étudier  à  cet  égard  une  malade 
très  intéressante,  qui  a  si  peu  de  mémoire  visuelle  qu'elle  ne 
peut  pas  se  rappeler  la  couleur  des  yeux  de  ses  meilleures 
amies,  à  moins  qu'on  ait  fait  allusion  devant  elle  à  cette 
couleur  (alors,  c'est  la  mémoire  verbale  qui  intervient); 
cette  malade,  quand  elle  écrit   les  yeux  fermés  avec  sa 

1.  Sur  l'existence  du  type  visuel,  voir  ma  Psychologie  dit  raisomiement, 
cliap.  I. 


150  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

main  sensible,  fait  appel  à  la  mémoire  motrice;  elle  se 
rend  bien  compte  que  les  yeux  fermés,  elle  ne  copie  pas 
dans  son  esprit  un  modèle  visuel;  elle  se  représente  le 
mouvement  qu'elle  doit  exécuter.  Si  on  lui  demande 
d'écrire  avec  la  main  insensible,  elle  peut  à  peine  tracer 
quelques  lettres  informes;  cela  tient  probablement  à  ce 
que,  dans  ces  conditions,  la  mémoire  motrice  l'abandonne; 
en  effet,  elle  ne  peut  se  représenter,  en  termes  musculaires, 
les  mouvements  d'une  main  insensible;  la  sensation  motrice 
étant  perdue  pour  sa  conscience,  l'image  motrice  l'est  égale- 
ment; et  d'autre  part,  comme  la  malade  n'a  presque  pas  de 
mémoire  visuelle,  il  ne  reste  à  sa  disposition  aucune  image 
pour  guider  sa  main. 

Les  autres  malades,  qui  ont  une  mémoire  visuelle  meil- 
leure, sont  obligés  de  recourir  à  un  artifice  pour  écrire  les 
yeux  fermés  avec  leur  main  insensible;  ils  ont  soin  de  ne 
pas  fermer  les  yeux  tout  de  suite;  ils  veulent  regarder  leur 
main,  quand  elle  tient  la  plume  et  qu'elle  est  déjà  en  posi- 
tion sur  le  papier,  afin  de  pouvoir  se  la  représenter  ensuite 
avec  plus  de  netteté  et  de  force.  Ce  petit  détail  d'expérience 
qui  manque  rarement  peut  servir  à  contrôler  le  témoi- 
gnage des  sujets. 

Du  moment  que  Thystérique,  dans  les  conditions  parti- 
culières où  on  le  place,  ne  sent  pas  sa  main  écrire,  on  peut 
supposer  qu'il  ne  peut  pas  davantage  percevoir  exactement 
à  quel  moment  il  commence  à  écrire,  à  quel  moment  il 
finit,  et  quelle  lettre  il  trace  à  un  moment  donné.  Mais 
une  observation  attentive  montre  qu'à  ce  point  de  vue  les 
sujets  ne  se  comportent  pas  tous  de  la  même  façon  ;  il 
faut  en  distinguer  au  moins  deux  catégories. 

Les  premiers,  très  nombreux,  ne  se  rendent  pas  du  tout 
compte  de  ce  que  fait  leur  main;  s'ils  arrivent,  sans  trop  se 
tromper,  à  dire  les  yeux  fermés  quand  ils  ont  fini  d'écrire 
un  mot,  c'est  parce  qu'ils  calculent,  comme  ils  le  remar- 
quent eux-mêmes,  le  temps  écoulé  depuis  le  commence- 
ment de  l'acte.  Ils  ne  perçoivent  rien,  mais  ils  font  une 
conjecture.  On  peut  les  mettre  facilement  en  défaut  pour 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  loi 

peu  qu'on  complique  l'expérience,  par  exemple  en  les 
priant  d'écrire  un  certain  nombre  de  fois  la  même  let- 
tre; malgré  tous  leurs  efforts,  ils  ne  font  point  le  compte 
exact;  ayant  douze  lettres  à  écrire,  ils  en  écrivent  presque 
toujours  quelques-unes  de  plus  ou  de  moins.  Lorsqu'on  les 
en  avertit,  ils  en  sont  étonnés,  car  ils  prétendent  s'être  vus 
écrivant  le  nombre  de  fois  prescrit.  Un  second  genre  de 
sujets,  chez  lesquels  les  mouvements  de  l'écriture  sont 
aussi  inconscients  que  chez  les  premiers,  arrivent  néan- 
moins à  écrire,  les  yeux  fermés,  le  nombre  exact  de  lettres 
qu'on  leur  indique,  ils  se  rapprochent  donc  beaucoup  plus 
que  les  précédents  de  l'état  psychologique  d'un  scripteur 
normal;  cependant  avec  un  peu  de  soin,  on  peut  encore 
trouver  des  différences  ;  ainsi,  quand  on  arrête  brusquement 
leur  main  insensible,  et  qu'on  leur  demande  d'indiquer 
avec  précision  quelle  lettre  ils  viennent  de  tracer,  bien 
souvent  ils  se  trompent. 


IV 

D'une  manière  générale,  les  mouvements  graphiques 
sont  bien  conservés  et  s'exécutent  correctement.  Mais  il 
n'en  est  pas  ainsi  des  autres  mouvements.  Nous  allons 
examiner  ces  autres  mouvements  et  faire  à  ce  sujet  quel- 
ques observations. 

11  faudrait,  pour  bien  faire,  passer  en  revue  une  série  de 
malades  et  prendre  des  observations  sur  chacun  d'eux,  car 
chacun  présente  un  grand  nombre  de  phénomènes  qui 
lui  sont  propres.  Nous  ne  pouvons  entreprendre  un  aussi 
long  travail.  Nous  sommes  obligé  de  réunir  tous  les 
malades,  et  aussi  un  peu,  de  les  confondre  dans  une  des- 
cription générale  ;  ce  procédé  expéditif  a  des  inconvénients, 
car  notre  description,  si  elle  est  vraie  dans  son  ensemble, 
ne  s'appliquant  à  aucun  malade  en  particulier,  ne  sera 
vraie  de  personne. 


152  LES   PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

Les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  l'anestliésie  hystérique  sont 
arrivés  souvent  à  des  conclusions  contradictoires,  qui  tien- 
nent à  ce  que  l'on  peut  tout  rencontrer  chez  l'hystérique 
anesthésique,  depuis  la  paralysie  complète  des  mouve- 
ments jusqu'à  leur  intégrité  parfaite.  On  a  eu  le  tort  de  ne 
tenir  compte  que  de  l'un  ou  l'autre  de  ces  phénomènes  et 
d'en  tirer  des  conclusions  particulières,  qui  en  général  se 
sont  trouvées  fausses.  Nous  devons  essayer  de  fournir  des 
explications  capables  de  s'appliquer  à  des  faits  en  appa- 
rence contradictoires.  Voici  ces  faits. 

La  majorité  des  sujets  hystériques  arrive,  les  yeux 
fermés,  à  se  servir  de  leur  membre  insensible  avec  presque 
autant  de  précision  et  de  sûreté  que  s'ils  avaient  les  yeux 
ouverts.  «  Certains  sujets,  dit  M.  Charcot  *,  certains  sujets, 
hystériques  pour  la  plupart,  privés  de  tous  les  modes  de  la 
sensibilité  dans  un  membre,  ont  conservé  cependant  en 
grande  partie  la  faculté  de  mouvoir  ce  membre  librement, 
les  yeux  étant  fermés.  Notre  malade  Pin...  offre  aujourd'hui 
un  bel  exemple  du  genre.  Chez  lui,  comme  on  l'a  vu,  la  sen- 
sibilité cutanée  et  la  sensibilité  profonde  sont  complète- 
ment éteintes  dans  toute  l'étendue  du  membre  supérieur 
gauche,  et,  lorsque  les  yeux  sont  fermés,  il  ne  possède 
aucune  notion  des  mouvements  passifs  imprimés  aux  divers 
segments  de  ce  membre,  non  plus  que  de  la  position  que 
ceux-ci  affectent.  Les  yeux  étant  ouverts,  les  mouvements 
volontaires,  généraux  et  partiels,  du  membre,  tant  pour  la 
variété  que  pour  la  précision,  présentent  tous  les  caractè- 
res de  l'état  normal.  Ces  mouvements  persistent,  en  grande 
partie,  quand  les  yeux  sont  fermés;  seulement,  ils  sont  plus 
incertains,  comme  hésitants,  nullement  incoordonnés  tou- 
tefois; ils  s'opèrent  en  un  mot  comme  à  tâtons.  Pin...  peut 
encore,  les  yeux  clos,  diriger  ses  doigts  avec  une  certaine 
précision  vers  son  nez,  sa  bouche,  son  oreille,  ou  encore 
vers  un  objet  placé  à  distance,  et  réussit  à  atteindre  le 
but.  ).  Plus  récemment,  en  mai  1887,  M.  Babinski  a  insisté 

1.  I.pçoHs  sur  les  mal'Klic.s  du  syslinne  aerverix,  III,  appendice. 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  153 

sur  ces  mêmes  faits  dans  une  communication  à  la  Société 
de  psyciiologie  physiologique.  Nous-même,  dans  un  travail 
en  collaboration  avec  M.  Féré,  nous  sommes  arrivé,  d'une 
façon  indépendante,  au  même  résultat;  nous  avons  cons- 
taté que  si  l'on  étudie  des  sujets  hystériques,  chez  lesquels 
la  perte  de  conscience  des  mouvements  passifs  est  si  fré- 
quente, et  coïncide  le  plus  souvent  avec  l'insensibilité  de 
la  peau,  on  reconnaît  facilement,  et  pour  ainsi  dire  au  pre- 
mier examen,  que  même  lorsque  le  sujet  ne  voit  pas  son 
membre,  les  mouvements  volontaires  de  ce  membre  sur- 
vivent presque  toujours  à  la  perte  de  conscience  des  mou- 
vements passifs.  C'est  ainsi  que  le  sujet  peut,  sans  le 
secours  de  la  vue,  donner  une  direction  générale  aux 
mouvements  volontaires  de  son  bras  insensible,  fléchir  iso- 
lément le  doigt  qu'on  lui  désigne,  ramener  en  avant  le  bras 
insensible  qu'on  a  placé  derrière  son  dos,  tirer  la  langue  et 
la  rentrer,  se  tenir  debout,  maintenir  un  objet  entre  ses 
doigts,  écrire,  serrer  un  dynamomètre  et  parfois  même 
graduer  l'effort  de  pression. 

Les  faits  de  ce  genre  ont  été  vus  depuis  longtemps,  mais 
donnaient  lieu  à  des  interprétations  inexactes.  Quelques 
auteurs  disaient  :  «  Les  hystériques  ne  perdent  que  rare- 
ment le  sens  musculaire,  et  alors  que  toutes  les  autres 
sensibihtés  tactiles  ou  affectives  sont  abolies,  elles  ont  con- 
servé la  faculté  de  coudre,  de  tricoter,  d'écrire,  mouve- 
ments qui  exigent  des  sensations  très  parfaites  et  très 
complexes.  » 

On  comprend  maintenant  la  confusion  commise  par  ces 
auteurs;  partant  de  ce  fait  que  des  mouvements  coordonnés 
sont  possibles  pour  des  membres  insensibles,  ils  en  con- 
cluaient que  le  sens  musculaire  est  conservé;  or  rien  n'est 
moins  exact;  la  vérité  est  que  les  mouvements  volontaires 
peuvent  survivre  à  la  perte  de  conscience  des  mouvements 
passifs,  c'est-à-dire  à  la  perte  de  ce  qu'on  appelle  le  sens 
musculaire;  seulement,  la  perte  n'est  pas  absolue,  elle  n'a 
lieu  que  pour  la  personnalité  principale,  et  à  côté  d'elle  une 
autre  pensée,  une  autre  conscience  coordonne  les  sensations 


lo4  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

provenant  des  membres  insensibles  et  combine  les  mouve- 
ments. 

D'autres  auteurs  ont  proposé  une  interprétation  diffé- 
rente, mais  qui  n'est  pas  plus  juste.  Nous  devons  en  dire 
quelques  mots,  car  la  question  qui  est  ici  en  jeu  est  très 
importante  :  c'est  la  question  du  sens  musculaire,  de  sa 
nature  et  de  son  siège. 

Nous  avons  rappelé  plus  haut  quels  sont  les  états  de 
conscience  qui  nous  mettent  en  relation  avec  notre  activité 
motrice.  On  a  pensé  que  le  sujet  qui  exécute  un  mouve- 
ment volontaire  est  averti,  en  outre,  de  l'exécution  de  ce 
mouvement  par  des  impressions  d'un  autre  ordre;  ces 
impressions,  au  lieu  d'être  centripètes,  seraient  centrales; 
elles  correspondraient  au  courant  de  sortie  de  l'influx 
moteur;  le  sujet  aurait  le  sentiment  de  l'innervation,  de  la 
décharge  motrice,  au  moment  même  oîi  la  décharge  se  fait 
dans  les  cellules  motrices  de  l'axe  cérébro-spinal,  par  con- 
séquent avant  que  les  contractions  musculaires  appro- 
priées se  produisent.  Cette  hypothèse  n'est  pas  née  d'hier; 
elle  est  au  contraire  fort  ancienne.  Développée  déjà  par 
J.  Millier,  le  physiologiste  bien  connu,  elle  a  été  reprise  de 
nos  jours  par  Bain,  Hughlings-Jackson,  Wundt,  Bern- 
hardt,  etc. 

Récemment,  quelques  auteurs,  en  étudiant  l'hystérie, 
ont  cru  y  trouver  un  argument  en  faveur  de  la  thèse  que 
nous  venons  d'indiquer,  et  que  l'on  désigne  sous  le  nom 
de  «  thèse  du  courant  centrifuge  ».  Ces  auteurs  ont  pensé 
que  si  les  hystériques  peuvent  coordonner  les  mouvements 
de  leurs  membres  insensibles,  les  yeux  fermés,  c'est  une 
preuve  que  les  sujets  de  ce  genre  possèdent  un  sentiment 
d'innervation  motrice  guidant  leurs  mouvements  volon- 
taires; en  effet,  disent-ils,  ces  malades  ont  perdu  le  secours 
des  sensations  motrices,  puisque  le  membre  dont  ils  se 
servent  est  insensible;  ils  sont  en  outre  privés  temporai- 
rement du  sens  de  la  vue,  par  la  fermeture  des  yeux;  donc, 
pour  qu'ils  restent,  dans  ces  conditions,  capables  de  diriger 
leur  activité  volontaire,  qu'ils  puissent  par  exemple  porter 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET   INCONSCIENTES  155 

directement  leur  main  sur  un  point  de  leur  face,  il  faut 
qu'un  état  de  conscience  les  éclaire  incessamment  sur  la 
nature  de  leurs  mouvements,  et  leur  indique  à  chaque  ins- 
tant la  position  de  leur  membre  ;  cet  état  de  conscience 
nécessaire  ne  peut  être  que  le  sentiment  de  la  décharge,  le 
sentiment  de  l'innervation  motrice. 

Cette  interprétation,  on  l'a  compris,  doit  être  rejetée, 
car  elle  découle  logiquement  d'une  observation  inexacte. 
Il  n'est  pas  vrai  que  les  malades  anesthésiques  perdent  le 
bénéfice  des  sensations  kinesthésiques  ;  ces  sensations 
appartiennent  à  une  seconde  conscience,  qui  peut  colla- 
borer avec  la  conscience  normale. 

En  résumé,  tout  s'exphque  par  1°  :  la  conservation  d'une 
bonne  mémoire  visuelle;  2"  la  survivance  des  sensations  et 
images  motrices  dans  une  conscience  séparée. 

Nous  avons  distingué  deux  catégories  de  sujets  et  nous 
avons  décrit  les  premiers.  Les  seconds,  quand  ils  cessent 
de  voir  leurs  membres  anesthésiques,  deviennent  incapa- 
bles de  les  diriger  et  même  de  les  mouvoir. 

Cette  incoordination,  plus  exactement  cette  impuissance 
motrice,  qui,  chez  certains  hystériques,  survient  après  Toc- 
clusion  des  yeux,  a  été  étudiée  par  Duchenne  de  Boulogne 
sous  le  nom  de  «  perte  de  la  conscience  musculaire  ».  Ce 
nom  a  le  tort  de  supposer  une  explication  du  phénomène, 
explication  qui  est  même  inexacte,  et  par  conséquent  on  doit 
la  rejeter.  Si  l'expHcation  est  difficile,  les  observations  sont 
très  nettes.  Il  s'agit  d'hystériques  qui  sont  incapables,  quand 
on  éteint  la  lumière,  de  se  lever  de  leur  chaise  ou  de  tendre 
la  main;  pendant  la  nuit,  ces  malades  restent  immobiles 
dans  leur  lit,  sans  pouvoir  changer  de  place;  surpris  par 
le  crépuscule  dans  la  campagne,  ils  ne  peuvent  plus  mar- 
cher. Quand  ils  marchent  en  plein  jour,  on  les  voit  s'avancer 
la  tête  baissée;  leur  regard  est  fixé  sur  leurs  pieds;  si  on  les 
distrait,  et  qu'ils  cessent  de  regarder  leur  main,  ils  lâchent 
les  objets  qu'ils  tenaient,  et  on  a  cité  l'exemple  d'une  mère 
qui,  dans  ces  conditions,  était  sur  le  point  de  laisser  tomber 
l'enfant  auquel  elle  donnait  le  sein;  j'en  ai  vu  qui  fléchis- 


156  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

sent  sur  eux-mêmes  et  tombent,  dès  qu'on  ferme  leurs 
yeux.  Quand  on  place  la  main  anesthésique  de  ces  malades 
derrière  leur  dos,  ils  ne  peuvent  pas  la  retirer,  et  il  faut 
qu'une  autre  personne  leur  rende  ce  service.  On  pourrait 
remplir  plusieurs  pages  en  citant  tous  les  exemples  qui  ont 
été  rapportés  par  les  auteurs.  Nous  en  avons,  pour  notre 
part,  observé  un  bon  nombre,  qui  ne  nous  ont  laissé  aucun 
doute  dans  l'esprit  \ 

Pour  expliquer  cette  impuissance  motrice  qui  succède  à 
l'occlusion  des  yeux,  il  faudrait  faire  l'étude  détaillée  de 
chaque  malade;  nous  croyons  peu  à  la  vérité  d'une  explica- 
tion générale;  chaque  malade,  nous  l'avons  dit  souvent, 
doit  être  envisagé  séparément,  et  ce  qui  est  vrai  de  l'un  est 
souvent  faux  d'un  autre.  Ne  pouvant  pas  faire  ici  une  étude 
aussi  minutieuse,  nous  nous  bornerons  à  quelques  indica- 
tions. 

On  a  vu  par  l'analyse  détaillée  de  l'activité  motrice  quel 
est  le  concours  d'états  de  conscience,  de  perceptions  et  de 
représentations,  qui  est  nécessaire  pour  l'accomplissement 
d'un  mouvement  les  yeux  fermés.  L'altération  de  chacun 
de  ces  états  retentira  sur  le  mouvement.  Prenons  d'abord 
la  représentation  antérieure  à  l'acte;  cette  représentation 
est  généralement  de  nature  visuelle  chez  une  hystérique 
anesthésique.  Si  la  mémoire  visuelle  du  sujet  est  mauvaise, 
s'il  ne  peut  pas  voir  clairement,  dans  son  esprit,  la  position 
de  sa  main  et  le  mouvement  à  exécuter,  il  ne  saura  pas 
au  juste  quel  est  le  mouvement  qu'il  doit  commander  à  son 
membre,  et  en  conséquence  il  y  aura  impuissance  motrice 
plus  ou  moins  complète.  Même  résultat  si  on  a  empêché 
le  sujet  de  regarder  sa  main  avant  de  lui  fermer  les  yeux, 
ou  bien  s'il  ignore  la  position  actuelle  de  son  membre;  son 
ignorance  l'empêche  de  se  représenter  visuellement  sa 
main,  et  par  conséquent  il  ne  peut  plus  la  diriger  \ 

\.  Recherches  expérim.  sur  Iti  p/iys.  des  moitvemeids,  par  Binet  et  Féré  : 
Arch.  de  phys.,  octobre  1887. 

2.  L'importance  des  images  visuelles  dans  ces  expériences  a  été  bien 
mise  en  Inniièrt!  par  M.  Pierre  Janet  dans  plusieurs  passages  de  son  livre 
déjà  cité. 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES   ET   INCONSCIENTES  157 

Il  est  des  cas  cependant  où  le  mouvement  du  membre 
anesthésique  n'a  pas  besoin  d'être  dirigé  par  une  image 
visuelle  consciente  et  peut  se  produire  correctement,  bien 
que  le  sujet  soit  incapable  de  se  le  représenter.  M.  Pitres 
en  a  donné  un  exemple  fort  intéressant;  on  imprime  un 
mouvement  de  rotation  aux  deux  mains;  ce  mouvement 
peut  continuer  après  la  fermeture  des  yeux,  parce  que  l'une 
des  deux  mains  n'est  point  anesthésique,  et  qu'elle  associe 
l'autre  à  son  mouvement,  elle  l'entraîne. 

L'hystérique  arrive  encore  à  se  passer  de  l'image  visuelle 
en  la  remplaçant  par  une  image  tactile  du  même  ordre,  qui 
joue  le  même  rôle,  c'est-à-dire  averlit  le  sujet  de  la  posi- 
tion de  sa  main;  ainsi  Lasègue  a  vu,  et  M.  Pitres  après  lui, 
que  quand  le  sujet  a  les  yeux  fermés  et  ne  peut  agiter  volon- 
tairement les  doigts  d'une  main  anesthésique,  on  peut 
rendre  ce  mouvement  possible  en  posant  la  main  du  sujet 
sur  sa  tête  qui  est  sensible  ;  le  contact  provoque  des  sen- 
sations tactiles  conscientes  qui  renseignent  le  sujet  sur  la 
position  de  sa  main  et  dès  lors  la  main  peut  se  mouvoir. 

La  cause  de  l'impuissance  motrice  peut  résider  aussi  dans 
l'absence  des  sensations  kinesthésiques;  il  est  vrai  que  ces 
sensations  ne  sont  pas  perdues  ;  elles  se  retrouvent  dans 
d'autres  consciences  ;  mais  ces  secondes  consciences  sont 
souvent  mal  organisées;  elles  ne  savent  pas  collaborer  avec 
la  conscience  principale,  et  les  éléments  psychologiques 
qui  les  composent  restent  disséminés  et  ne  rendent  aucun 
service.  Nous  avons  montré  déjà  plus  d'un  fait  qui  prouve 
l'importance  de  la  coordination  dans  la  mise  en  œuvre  des 
phénomènes  subconscients. 

Aux  deux  circonstances  que  nous  venons  de  signaler,  et 
qui  sont  capables  d'expliquer  dans  un  certain  nombre  de 
cas  l'affaibhssement  musculaire  des  malades  hystériques 
quand  on  leur  ferme  les  yeux,  il  faut  ajouter,  avec  quelque 
réserve,  une  troisième  circonstance  :  la  lumière  paraît  être 
pour  ces  malades  à  système  nerveux  atîaibli  un  excitant 
physiologique  nécessaire;  si  on  leur  ferme  les  yeux  ou 
qu'on  les  place  dans  l'obscurité,  un  grand  nombre  de  leurs 


lo8  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

fonctions  physiologiques  se  ralentissent  ;  leur  force  dyna- 
mométrique diminue,  même  dans  le  côté  sensible  ;  les 
mouvements  des  membres  sensibles  deviennent  moins 
précis  et  moins  rapides;  leur  mémoire  et  leur  pensée  sont 
plus  paresseuses.  C'est  bien  la  suppression  de  la  lumière 
qui  produit  ces  résultats,  comme  M.  Féré  l'a  fait  voir  dans 
une  série  d'expériences.  L'expérience  de  Strumpel  conduit 
à  la  même  conclusion  *. 


Y 

Nous  n'avons  pas  encore  terminé  l'étude  des  mouve- 
ments volontaires  exécutés  par  des  membres  anesthési- 
ques;  ces  mouvements  présentent  plusieurs  caractères  objec- 
tifs, qui  dépendent  de  l'anesthésie  et  qu'on  peut  résumer 
de  la  manière  suivante  : 

1°  Une  diminution  dans  la  force  de  pression  dynamomé- 
trique ; 

2"  Un  allongement  du  temps  physiologique  de  réaction; 

3°  Une  forme  particulière  de  la  contraction  volontaire  ; 

4°  Une  augmentation  dans  la  durée  de  l'état  de  contrac- 
tion, augmentation  produite  par  l'absence  de  fatigue  et 
d'effort. 

La  simple  énumération  de  ces  différents  points  fera  sans 
doute  supposer  qu'il  s'agit  de  phénomènes  purement  phy- 
siologiques, qui  n'intéressent  que  médiocrement  la  psycho- 
logie ;  ce  serait  une  erreur.  La  psychologie  n'a  pas  à  tirer 
profit  seulement  des  expériences  qui  se  passent  en  conver- 
sations ;  il  y  a  des  phénomènes  purement  matériels,  tels 
qu'une  contraction  musculaire,  qui  peuvent  nous  rensei- 
gner sur  un  phénomène  mental,  et  c'est  précisément  ce  qui 
se  passe  ici. 

Quand  l'hystérique  exécute  un  mouvement  volontaire 

1.  Nous  ne  faisons  qu'indiquer  la  question.  Pour  plus  de  détails,  il  faut 
lire  l'ouvrage  de  Fcré  :  Sensalioti  et  Mouvement,  un  article  de  Raymond 
{ftevii.efj/-  miideriiip.  IbUl)  et  une  uote  de  Pick  (Neiirol.  CnUralh.,  1891,  n»  15). 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  159 

avec  sa  main  insensible,  c'est  une  sous-conscience,  avons- 
nous  vu,  qui  reçoit  l'ordre  et  qui  se  charge  de  l'exécuter; 
or  si  l'on  étudie  de  près  la  façon  dont  cet  ordre  est  exécuté, 
si  on  recueille  la  contraction  musculaire  avec  des  appareils 
de  précision,  on  trouve  dans  le  tracé  de  cette  contraction 
des  caractères  qui  démontrent  l'existence  d'une  sous-con- 
science. C'est  là  une  question  fort  intéressante,  et  qui  mérite 
qu'on  s'y  arrête  un  instant. 

1°  Force  de  pression  dynamométrique .  —  On  mesure 
dans  la  clinique  médicale  la  force  volontaire  d'un  sujet  au 
moyen  du  dynamomètre,  qui  indique  la  force  de  contrac- 
tion des  muscles  fléchisseurs  des  doigts. 

Depuis  les  recherches  de  Briquet,  et  de  Burcq,  l'inventeur 
de  la  métallothérapie,  on  sait  que  la  force  de  pression  est 
moindre  dans  le  côté  anesthésique  que  dans  le  côté  sain. 
Cette  différence,  sans  être  constante,  est  cependant  si 
générale  qu'elle  peut  servir  de  signe  objectif  à  l'anesthésie; 
depuis  que  nous  faisons  des  études  de  psychologie  sur  les 
hystériques,  nous  relevons  toujours  l'état  des  forces  dans 
la  main  droite  et  dans  la  main  gauche,  et  nous  n'avons 
pas  trouvé  plus  de  deux  ou  trois  exceptions  à  la  règle  de 
Burcq.  M.  Pitres  en  a  signalé  aussi  quelques-unes  \ 

La  difî'érence  de  force  entre  les  deux  côtés  offre  une 
grande  variété  suivant  les  sujets  ;  tantôt,  elle  est  presque 
insignifiante  et  consiste  en  quelques  kilogrammes  de  plus 
ou  de  moins  ;  par  exemple,  la  main  anesthésique  donnera 
une  pression  de  25  kilogrammes  et  la  main  sensible  une 
pression  de  28  kilogrammes.  Si  c'est  le  côté  gauche  qui  est 
anesthésique,  une  différence  de  2  ou  3  kilogrammes  n'in- 
dique pas  un  affaiblissement,  car  elle  est  normale  chez  les 
droitiers.  Dans  d'autres  cas,  la  différence,  plus  accusée,  peut 
s'élever  à  10  ou  même  20  kilogrammes  et  davantage.  On 
ignore  la  raison  de  ces  différences,  et  on  n'est  pas  parvenu 
à  les  rattacher  à  une  cause  bien  déterminée,  par  exemple 
au  degré  de  l'anesthésie. 

1.  Op.  cit.,  p.  33. 


160  LES   PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

Comme  compensation,  l'anesthésie  hystérique  produit 
souvent  une  augmentation  de  force  dans  les  membres  qui 
ont  conservé  leur  sensibilité  ;  on  peut  constater  cette 
augmentation  de  force  en  modifiant  la  sensibilité  par  voie 
de  suggestion,  et  en  explorant  l'état  des  forces  avant  et 
après.  (Binet.) 

Si  l'anesthésie  se  complique  de  paralysie,  le  membre 
symétrique  qui  n'est  ni  insensible  ni  paralysé  présente  une 
augmentation  de  force  (Binet  et  Féré)  ;  c'est  là  un  carac- 
tère d'autant  plus  important  que  dans  les  paralysies  de 
causes  organiques  (Pitres,  Friedlander)  le  côté  non  paralysé 
présente  un  affaiblissement  moteur. 

La  diminution  du  chiffre  de  pression  dans  un  membre 
insensible  dépend  de  cette  insensibilité,  et  par  conséquent, 
dans  une  certaine  mesure,  de  la  division  de  conscience  :  ce 
qui  le  prouve  bien,  c'est  qu'en  frappant  d'insensibilité,  par 
suggestion,  un  membre  sain,  on  diminue  son  chiffre  de 
pression.  Gomment  expliquer  ce  résultat?  Nous  pouvons 
supposer  que  la  force  de  contraction  —  qui  dépend  autant 
de  la  volonté  que  du  muscle  —  est  en  relation  avec  le  degré 
de  développement  du  moi  qui  commande  la  contraction  ;  si 
le  moi  se  réduit  à  quelques  phénomènes  psychologiques 
élémentaires,  il  n'y  aura  point  en  jeu  d'états  émotionnels 
aussi  importants  que  s'il  s'agit  d'un  moi  complet,  d'une 
personnalité  véritable.  Ainsi  pourrait-on  comprendre  que 
le  personnage  sous-conscient  a  moins  de  force  que  le  per- 
sonnage principal;  il  serait  facile  de  contrôler  cette  hypo- 
thèse en  prenant  la  force  dynamométrique  d'une  même 
personnalité  à  ses  diverses  étapes  de  développement. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  notre  hypothèse,  que  nous  indiquons 
à  titre  de  suggestion,  il  y  a  un  cas  où  le  chiffre  de  contrac- 
tion dépend  certainement,  d'une  façon  directe,  de  causes 
psychologiques  :  c'est  celui  où  on  oblige  le  sujet  à  serrer 
simultanément  avec  les  deux  mains;  alors  le  chiffre  de  pres- 
sion s'abaisse  dans  des  proportions  souvent  considérables. 
Cette  diminution  tient  évidemment  à  un  défaut  d'attention; 
le  sujet  est  forcé  de  penser  et  de  vouloir  simultanément 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES         461 

-deux  mouvements  volontaires;  on  l'oblige  à  partager  son 
attention  entre  les  deux  actes;  et  c'est  pour  ce  motif  qu'il 
donne  une  pression  faible.  C'est  là,  ce  nous  semble,  une 
démonstration  excellente  des  idées  émises  par  M.  Pierre 
Janet  sur  le  rétrécissement  du  champ  de  la  conscience  chez 
les  hystériques.  Nous  avons  déjà  parlé  de  ce  rétrécissement,  à 
propos  de  la  distraction  ;  nous  donnons  maintenant,  pour  la 
première  fois  peut-être,  une  preuve  matérielle  de  saréahté. 

2"  Temps  physiologique  de  réaction.  —  L'anesthésie 
produit  un  allongement  du  temps  physiologique  de  réaction 
pour  les  mouvements  volontaires. 

Duchenne  (de  Boulogne)  a  mis  le  fait  en  relief  dans 
une  expérience  très  nette  et  bien  simple,  une  vraie  expé- 
rience clinique.  On  prie  un  sujet  hémianesthésique  de  rap- 
procher ses  deux  mains  et  de  les  ouvrir  et  fermer  simultané- 
ment. Le  sujet  doit  avoir  les  yeux  fermés.  Le  plus  souvent, 
une  des  deux  mains  est  en  retard  sur  l'autre  ;  c'est  la  main 
anesthésique.  Mais  les  résultats  varient  un  peu  suivant  les 
sujets,  et  suivant  les  conditions  où  on  les  place. 

En  général  quand  les  yeux  sont  ouverts,  les  mouvements 
des  deux  mains  sont  à  peu  près  simultanés  ;  ceci  tient  à  ce 
que  le  sujet  porte  de  préférence  son  attention  et  son  regard 
sur  la  main  anesthésique,  dont  il  hâte  en  quelque  sorte  le 
mouvement.  Mais  si  on  lui  ferme  les  yeux,  la  simultanéité 
des  mouvements  est  gravement  compromise.  Presque  tou- 
jours, chez  les  malades  que  nous  avons  observés,  le  retard 
de  la  main  anesthésique  devient  très  appréciable  à  une  ins- 
pection sommaire;  tantôt  elle  exécute  un  nombre  de  mouve- 
ments égal  à  celui  de  la  main  sensible,  mais  avec  un  retard 
constant  ;  tantôt  elle  diminue  le  nombre  de  ses  mouvements, 
et  ne  se  fermera  par  exemple  que  cinq  fois  pendant  que  la 
main  sensible  se  ferme  douze  à  quinze  fois  ;  ces  mouvements 
de  la  main  anesthésique  sont  souvent  incomplets;  la  fer- 
meture du  poing  est  à  peine  esquissée,  et  les  ongles  ne  se 
cachent  pas  dans  la  paume  de  la  main;  il  peut  arriver,  par 
exagération  du  phénomène  précédent,  que  la  main  anes- 
thésique reste  immobile,  alors  que  le  sujet,  qui  a  les  yeux 

A.    BlNET.  H 


102  LES  PERSONNALITÉS   COEXISTANTES 

fermés,  est  persuadé  qu'il  l'ouvre  et  la  ferme  alternative- 
ment. On  pourrait  dire,  dans  ce  cas,  que  le  retard  est 
infini. 

Cette  description  générale  ne  convient  pas  à  tous  les 
malades,  et  nous  en  citerons  quelques-uns  pour  faire  voir 
quelle  série  de  variations  peut  présenter  un  phénomène  qui 
est  en  somme  assez  simple.  Léonie  L...  est  anesthésique  à 
droite,  et  hypoesthésique  à  gauche;  les  temps  de  réaction 
sont  plus  longs  à  droite  qu'à  gauche,  les  yeux  ouverts; 
la  différence  augmente  quand  les  yeux  sont  fermés.  Dem... 
est  anesthésique  à  droite  seulement.  Quand  le  sujet  ferme 
les  deux  mains  en  les  regardant,  et  dans  ce  cas  il  a  soin  de 
les  rapprocher,  le  mouvement  est  simultané;  des  mesures 
rigoureuses  prises  avec  des  appareils  enregistreurs  ne  lais- 
sent aucun  doute  à  cet  égard.  Si  Dem...  ferme  les  yeux,  la 
main  droite  insensible  se  ferme  en  même  temps  que  l'autre, 
à  la  condition  que  Dem...  pense  spécialement  et  fortement 
à  sa  main  droite  ;  dès  que  son  attention  se  fatigue,  la  main 
droite  cesse  tout  mouvement.  Il  en  résulte  que  lorsqu'on 
prie  Dem...  de  serrer  deux  tubes  de  caoutchouc  reliés  à  un 
appareil  enregistreur,  on  a  d'abord  cinq  ou  six  mouvements 
simultanés  des  deux  mains,  puis  on  n'obtient  plus  que 
des  mouvements  de  la  main  sensible.  Il  faut  interpeller  le 
sujet,  lui  montrer  qu'il  n'a  pas  employé  la  main  anesthé- 
sique et  solliciter  vivement  son  attention  pour  obtenir  de 
nouveau  des  mouvements  des  deux  mains.  Enfin,  nous 
citerons  Saint-A...,  anesthésique  à  droite;  chez  elle,  que  les 
yeux  soient  ouverts  ou  fermés,  les  contractions  des  deux 
mains  sont  simultanées. 

Yoici  maintenant  quelques  chiffres  de  temps  de  réac- 
tion; chez  P.  S.,  anesthésique  à  droite,  les  temps  de  réaction 
à  une  excitation  sonore  (bruit  sec  d'un  métronome)  sont  : 


Temps  moyen 

Temps  maximum... 
Temps  minimum  . . . 
Variation  moyenne; 


Côlé  sensible. 

Côté 

insensible. 

0,1  r. 

0,35 

0,1S 

0,50 

(),H 

0,28 

0,018 

0,073 

LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  163 

Ces  quelques  chiffres  montrent  que  non  seulement  le 
temps  de  réaction  est  plus  court  du  côté  sensible,  mais 
encore  que  la  réaction  est  plus  régulière,  car  la  variation 
moyenne  est  beaucoup  plus  faible.  Le  temps  maximum  du 
côté  sensible  est  même  resté  inférieur  au  temps  minimum 
du  côté  anesthésique. 

M.  Féré  a  fait  des  expériences  analogues  qui  l'ont  con- 
duit au  même  résultat  ;  il  a  observé  en  outre  que  lorsque  la 
sensation  qui  sert  de  signal  est  mal  perçue,  ce  qui  peut 
tenir  à  ce  que  le  signal  est  donné  en  touchant  une  région 
■peu  sensible,  le  temps  de  réaction  est  encore  retardé. 

Nous  avons  dit  plus  haut,  en  étudiant  la  force  de  pres- 
sion, que  lorsque  les  deux  mains  serrent  simultanément, 
le  chiffre  dépression  se  trouve  abaissé  des  deux  côtés  à  la 
fois;  c'est  du  moins  ce  qui  se  passe  chez  quelques  sujets 
hystériques.  Ce  qui  vérifie  cette  première  expérience,  c'est 
qu'on  peut  la  répéter  sur  les  temps  de  réaction  ;  ces  temps 
deviennent  plus  longs  lorsque  les  deux  mains  sensible  et 
anesthésique  doivent  répondre  en  même  temps  au  signal. 
Voici  quelques  chiffres,  obtenus  chez  P.  S. ,  dans  cette  der- 
nière condition  ;  pour  tout  le  reste  du  dispositif,  l'expérience 
ne  diffère  pas  de  la  précédente. 

Cùté  sensible.  Côté  insensible. 

Temps  moyen 0,277  0,709 

Temps  maximum 0,29  0,88 

Temps  minimum 0,18  0,4b 

Variation  moyenne 0,027  0,078 

La  comparaison  de  ces  chiffres  avec  ceux  que  nous 
avons  donnés  plus  haut  montre  que  l'allongement  du  temps 
de  réaction  produit  par  l'action  combinée  des  deux  mains 
se  fait  sentir  des  deux  côtés,  mais  qu'il  est  beaucoup  plus 
considérable  pour  le  côté  anesthésique. 

C'est  chez  ce  même  sujet  P.  S.,  pour  le  dire  en  passant, 
que  nous  avons  constaté,  pendant  les  réactions  du  côté 
anesthésique,  la  réaction  supplémentaire  dont  nous  avons 
parlé  *  ;  cette  réaction  diffère  de  la  réaction  ordinaire  du  côté 

1.  Voir  chap.  m. 


.164  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

insensible,  d'abord  par  des  caractères  psychiques  que  nous 
avons  déjà  signalés,  et  ensuite  et  surtout  par  le  moment  où 
elle  se  produit;  la  réaction  ordinaire  (dans  une  réponse 
bilatérale)  se  produit  après  un  temps  moyen  de  0,709.  la 
réaction  exceptionnelle  après  un  temps  moyen  de  0,53. 

En  définitive,  le  retard  du  temps  de  réaction,  comme  la 
diminution  du  chiffre  de  pression,  peut  être  mis  dans  une 
certaine  mesure  sur  le  compte  de  la  désagrégation  mentale; 
ce  sont  des  signes  auxquels  on  peut  reconnaître  la  forme 
inférieure  d'une  conscience;  ils  sont,  à  ce  point  de  vue, 
comparables  aux  phénomènes  d'imitation,  que  l'on  ren- 
contre si  fréquemment  dans  les  consciences  rudimentaires. 

3°  Forme  de  la  contraction  volontaire.  —  Deux  mots  suffi- 
ront. Si  on  compare  la  courbe  de  contraction  du  côté  sen- 
sible à  celle  du  côté  anesthésique,  on  constate  que  la  ligne 
d'ascension  est  généralement  plus  courte,  et  plus  redressée 
dans  la  contraction  volontaire  du  côté  sensible.  La  diffé- 
rence est  extrêmement  nette,  chez  quelques  malades, 
lorsque  les  deux  contractions  ont  été  faites  simultanément. 

4°  Durée  de  l'état  de  contraction.  —  Les  différences  signa- 
lées jusqu'ici  entre  les  mouvements  volontaires  du  côté 
sensible  et  du  côté  anesthésique  n'ont  point  l'importance 
de  celles  qu'il  nous  reste  à  voir.  Nous  allons  nous  occuper 
de  la  durée  de  l'état  de  contraction,  ou  de  la  tension  mus- 
culaire. Nous  allons  rechercher  pendant  combien  de  temps 
le  sujet  peut  se  maintenir  en  état  de  contraction. 

Il  peut  sembler  que  c'est  là  un  phénomène  purement 
musculaire;  mais  ce  serait  une  erreur  de  le  croire.  Nous 
avons  vu  déjà  quelle  influence  l'attention  peut  exercer  sur 
le  temps  de  réaction,  à  ce  point  que  lorsque  tel  malade, 
Dem....,  par  exemple,  pense  à  sa  main  insensible,  elle 
répond  à  l'excitation,  tandis  que  lorsqu'elle  cesse  d'y  penser 
la  main  devient  immobile.  Nous  avons  vu  aussi  que  lors- 
qu'on oblige  le  sujet  hystérique  à  presser  en  même  temps 
le  dynamomètre  des  deux  mains,  le  chiffre  de  pression  est 
plus  faible  que  celui  donné  par  chaque  main  pressant 
isolément;  ce  qui  tient  très  probablement,  avons-nous  dit. 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  165 

à  ce  que  dans  le  premier  cas  le  sujet  est  obligé  de  diviser 
son  attention,  au  lieu  delà  concentrer  sur  une  seule  main. 
Les  études  que  nous  faisons  sur  les  mouvements  volon- 
taires sont  donc,  par  plus  d'un  côté,  des  études  psycholo- 
giques, et  constituent   une  analyse  de  l'acte  de  volonté 
autant  qu'une  analyse  d'un  phénomène  moteur.  C'est  ce 
que  les  observations  qui  suivent  vont  démontrer  encore. 
Il  est  utile,  dans  ces  sortes  d'expériences,  de  commencer 
par  se  soumettre  soi-même  aux  épreuves  qu'on  fait  subir 
aux  sujets;  on  peut  ainsi  se  rendre  compte  des  conditions 
mentales  où  l'hystérique  se  trouve  placé.  Si  l'on  essaye  de 
mesurer  le  temps  pendant  lequel  on  est  capable  de  con- 
server une  pose  fatigante,  ou  de  presser  sur  le  dynamo- 
mètre, on  s'aperçoit  tout  de  suite  que  ce  temps  est  livré  à 
l'arbitraire   du   sujet.  En  effet,  en   me   prenant   comme 
exemple,  j'observe  que,  quand  je  presse  le  dynamographe, 
il  se  passe  en  moi  des  phénomènes  très  complexes,  dont 
on  n'a  pas  l'habitude  de  tenir  compte.  Si  quelqu'un  m'in- 
terroge sur  ce  que  j'éprouve,  je  dirai  peut-être  que  j'ai 
ressenti  au  bout  de  quelque  temps  un  sentiment  de  fatigue 
qui  m'a  obhgé  à  lâcher  l'instrument.  Ce  n'est  pas  abso- 
lument exact;  la  fin  de  la  contraction  musculaire  n'a  pas 
été  amenée  directement  par  la  fatigue;  quand  la  fatigue 
s'est  produite,  j'ai  réfléchi  à  la  sensation  douloureuse  que 
j'éprouvais,  et  je  me  suis  demandé  si  elle  était  suffisam- 
ment intense  pour  que  je  suspendisse   mon  effort;  j'ai 
délibéré  sur  ce  point,  j'ai  réfléchi  à  la   longueur  de  la 
courbe  dynamographique;  je  me  suis  proposé  de  résister 
encore   pendant   une   demi-révolution  du   cylindre,    etc. 
Après  avoir  déhbéré,  j'ai  pris  une  décision,  j'ai  résolu  de 
desserrer  mes  doigts;  c'est  donc  en  définitive  ma  volonté 
qui  a  fixé  le  terme  de  l'état  de  contraction;  la  fatigue  et 
les  autres  motifs  assez  frivoles  que  je  viens  de  signaler 
n'ont  été  que  des  causes  indirectes;  la  cause  directe  qui 
amène  la  fin  de  la  contraction  volontaire,  c'est  la  volonté 
du  sujet. 
Je  ne  doute  pas  que  des  états  de  conscience  analogues  se 


166  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

produisent  chez  l'hystérique;  je  soupçonne  par  conséquent 
que  si  tel  sujet  pris  comme  type  soutient  très  peu  de  temps 
un  efîort  de  contraction,  cela  peut  tenir  autant  à  un  affai- 
hlissement  de  sa  volonté,  à  un  caprice,  à  un  sentiment 
d'ennui  ou  de  mauvaise  humeur,  enfin  à  une  circonstance 
frivole,  qu'à  un  affaiblissement  réel  du  pouvoir  moteur; 
de  même  un  long  effort  pourra  être  attribué  à  une  bonne 
volonté  exceptionnelle  produite  par  la  vanité,  la  coquet- 
terie, etc.,  et  par  conséquent  la  longueur  de  l'état  de  con- 
traction ne  saurait  avoir  une  valeur  absolue. 

Ceci  ne  s'applique  bien  entendu  qu'autant  que  l'hysté- 
rique se  trouve  placé  dans  les  conditions  d'un  sujet 
normal,  c'est-à-dire,  se  servant  d'un  membre  sensible,  et 
exposé  aux  sensations  de  la  fatigue  et  de  l'effort.  Ce  sont 
les  mouvements  du  membre  sensible  qui  sont  surtout 
soumis  à  ces  influences  psychologiques  dont  nous  venons 
de  parler. 

Quand  le  sujet  hystérique  se  sert  de  son  membre  insen- 
sible, les  conditions  mentales  de  l'expérience  sont  tout  à 
fait  différentes  ;  la  volonté  consciente  (c'est-à-dire  la  volonté 
de  la  personnalité  principale)  n'intervient  qu'à  un  seul 
moment  de  l'expérience,  au  début;  prie-t-on  le  sujet  de 
serrer  un  dynamomètre  et  de  continuer  la  pression,  sa 
volonté  commande  la  contraction,  la  met  en  train;  puis  la 
main  continue  à  serrer  sans  qu'il  en  ait  conscience  et  sans 
qu'il  ait  besoin  de  s'en  préoccuper;  de  même,  quand  on  lui 
demande  de  garder  |une  attitude,  de  maintenir  le  bras 
horizontalement  étendu,  si  le  bras  est  anesthésique,  le 
sujet  n'a  qu'à  prendre  la  pose  qu'on  lui  commande;  puis 
il  ne  reçoit  plus  aucune  sensation  provenant  de  son  bras, 
il  n'a  plus  à  s'en  occuper;  et  le  bras  reste  en  l'air,  comme 
oublié.  On  voit  donc  que  les  deux  situations  mentales  ne 
sont  pas  comparables. 

Le  premier  fait  à  signaler,  c'est  que  le  membre  insen- 
sible reste  en  général  plus  longtemps  en  état  de  contraction 
que  le  membre  sensible;  la  force  de  contraction  est  moins 
considérable,  mais  en  revanche,  la  durée  est  plus  grande. 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  167 

Si  l'on  prend  la  courbe  dynamographique  du  côté  sensible 
et  du  côté  anesthésique  et  si  on  les  compare,  on  constate 
cette  différence  de  longueur  et,  en  même  temps,  la  courbe 
du  côté  anesthésique  est  plus  lisse,  plus  régulière  :  elle  ne 


Fig.'  2.  —  Courbe  dynamographique  d'un  sujet  hystérique.  Les  trois  figures  sont 
des  fragments  d'un  même  tracé  qui  se  lit  de  droite  à  gauche;  dans  chaque  figure,  la 
courbe  d'en  haut  appartient  à  la  main  sensible,  et  la  courbe  d'en  bas  appartient  à  la 
main  anesthésique.  La  première  de  ces  courbes  est  courte;  on  ne  la  suit  que  sur  la 
première  et  la  seconde  portion  du  tracé  ;  elle  disparait  sur  la  troisième,  où^  l'on  ne 
voit  plus  que  la  ligne  des  abscisses;  de  plus,  elle  est  un  peu  tremblée  et  irrégulière, 
et  dans  sa  première  phase,  elle  s'élève  assez  haut.  La  courbe  de  la  main  anesthésique 
est  plus  longue  ;  après  une  ligne  d'ascension  lente,  elle  se  développe  presque  proba- 
blement à  la  ligne  des  abscisses,  et  on  la  suit  sur  les  trois  portions  du  tracé,  qu'elle 
parcourt  deux  fois  avant  de  se  confondre  avec  la  ligne  des  abscisses.  (Réduit  au  tiers.) 

présente  point  de  tremblement.  C'est  ce  que  montre  bien 
la  figure  contenant  deux  courbes  dynamographiques  prises 
sur  P.  S.,  qui  est  anesthésique  à  droite;  en  haut,  est  repro- 
duite la  courbe  de  contraction  de  la  main  gauche,  sensible; 
elle  est  courte  et  tremblée;  la  courbe  de  contraction  de  la 
main  droite,  anesthésique,  a  été  prise  aussitôt  après  et  avec 


108  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

le  même  dispositif  expérimental;  elle  est  environ  deux  fois 
et  demie  plus  longue,  et  plus  lisse,  plus  régulière. 

D'autre  part  le  chiffre  maximum  de  pression  est  moins 
considérable  que  dans  le  premier  cas,  et  on  voit  en  effet 
que  la  courbe  ne  s'élève  pas  autant  au-dessus  de  la  ligne  des 
abscisses;  on  pourrait  donc  supposer  qu'il  y  a  là  une  com- 
pensation, et  que  si  le  sujet  essayait  de  maintenir  une 
pression  légère  avec  sa  main  sensible,  il  arriverait  à  repro- 
duire la  courbe  de  contraction  de  la  main  anesthésique; 
mais  ce  serait  une  erreur;  j'ai  pu  m'en  convaincre. 

La  vraie  raison  pour  laquelle  la  courbe  de  contraction 
donnée  parla  main  anesthésique  est  la  plus  longue  est  une 
raison  d'ordre  psychologique;  la  longueur  de  la  courbe 
tient  à  l'absence  de  sensation  de  fatigue  ;  c'est  la  sensation 
de  fatigue  qui  d'ordinaire,  chez  un  sujet  de  bonne  volonté, 
met  un  terme,  par  son  caractère  déprimant,  à  un  effort 
longtemps  continué;  la  fatigue  intervient  bien  avant  l'épui- 
sement musculaire  et  nous  en  garantit.  Dans  une  con- 
science secondaire  étroite,  la  sensation  de  fatigue  ne  se 
produit  pas,  ou  du  moins,  si  elle  se  produit,  elle  n'est  pas 
aussi  nette,  aussi  intense,  aussi  bien  coordonnée  avec  les 
mouvements  du  bras  que  dans  une  conscience  large  et 
riche;  elle  n'avertit  pas  le  sujet,  elle  ne  fait  pas  cesser 
l'état  de  contraction.  Le  prolongement  de  cet  état  est 
donc,  comme  tous  les  autres  caractères  que  nous  avons 
signalés,  la  marque  d'une  forme  inférieure  de  la  conscience. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  qu'on  trouve  en  germe, 
dans  les  contractions  de  la  main  insensible,  les  caractères 
des  contractures  hystériques  spontanées  ou  provoquées; 
ces  caractères  sont  :  1°  un  état  de  demi-contraction,  car 
quand  un  membre  est  contracture,  on  peut  encore  aug- 
menter la  contracture  par  la  faradisation  (Richer)  et  de 
plus  le  bruit  musculaire  du  muscle  contracture  est  plus 
faible  que  celui  du  muscle  en  état  de  contraction  volon- 
taire (Boudet  de  Paris  et  Brissaud);  2°  quand  on  exerce  une 
traction  sur  un  membre  contracture,  il  cède  à  la  traction, 
mais  bien  plus  lentement  qu'un  membre  raidi  par  la  volonté  ; 


LES  ACTIONS  VOLONTAIRES  ET  INCONSCIENTES  169 

il  cède  en  outre,  sans  fatigue,  sans  modification  du  rytlime 
respiratoire  (Cliarcot  et  Riclier). 

On  peut  étudier  sous  une  autre  forme  le  travail  moteur 
du  membre  insensible  :  c'est  la  conservation  d'une  attitude. 
Le  sujet  peut  garder  très  longtemps  avec  le  bras  insensible, 
plus  longtemps  en  général  qu'avec  le  bras  sensible,  une 
position  fatigante;  il  peut  donc  se  mettre  volontairement 
en  état  de  catalepsie  partielle. 

Tous  ces  faits  nous  montrent  que  les  phénomènes  de 
catalepsie  et  de  contracture  sont,  dans  une  certaine  mesure, 
l'expression  des  divisions  de  conscience;  ils  supposent 
l'éveil  de  consciences  fragmentaires,  qui  ne  contiennent 
guère  qae  des  images  motrices  et  qui  sont  trop  petites  pour 
connaître  le  phénomène  de  la  fatigue. 


CHAPITRE  VII 

l'écriture  automatique  chez  les  hystériques 


Ecriture  automatique.  —  Définition.  —  Procédé  nécessaire  pour  la  provo- 
quer. —  Ses  caractères,  son  exagération  chez  les  hystériques.  —  Son 
emploi.  —  Théorie.  —  L'écriture  automatique  ne  consiste  pas  dans  un 
simple  réflexe  d'idées.  —  Complexité  du  phénomène:  expérience  de 
M.  Babinski.  —  Expérience  de  M.  OnanoIT  sur  le  temps  de  réaction.  — 
Description  générale  des  mouvements  subconscients  produits  par  des 
états  psychologiques  conscients.  —  Enregistrement  de  ces  mouvements. 
—  Influeuce  de  l'anesthésie  sur  leur  développement.  —  Influence  de 
l'intensité  des  excitations  sur  l'amplitude  des  mouvements. 


I 

La  collaboration  de  plusieurs  consciences,  chez  l'hysté- 
rique, se  manifeste  d'une  façon  tout  à  fait  remarquable 
dans  ce  qu'on  a  appelé  «  l'écriture  automatique  »  ;  l'intérêt 
de  ce  phénomène  se  trouve  encore  augmenté  par  la  fré- 
quence avec  laquelle  il  se  produit  dans  un  très  grand 
nombre  de  circonstances,  chez  les  spirites  et  même  chez 
les  sujets  sains;  mais  nulle  part,  croyons-nous,  son  méca- 
nisme n'est  aussi  facile  à  étudier  et  à  démontrer  que  chez 
les  hystériques;  aussi  la  question  mérite-t-elle  bien  d'être 
traitée  dans  un  chapitre  distinct. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  l'écriture  automatique  et  notam- 
ment au  chapitre  iv,  quand  nous  cherchions  à  démon- 
trer l'existence  du  personnage  subconscient  pendant  l'état 


l'écriture  automatique  chez  les  hystériques      171 

de  veille.  Rappelons  brièvement  les  faits  :  nous  avons  vu 
que  si  on  dirige  la  main  anesthésique  pour  lui  faire  écrire 
un  mot,  la  main  répète  ce  mot;  c'est  un  premier  exemple 
d'écriture  automatique;  nous  avons  vu  aussi  que,  dans  une 
division  de  conscience  produite  par  distraction,  l'incon- 
scient peut  répondre  par  l'écriture  aux  questions  qu'on  lui 
pose  à  voix  basse;  c'est  un  second  exemple  d'écriture 
automatique,  et  ici,  l'écriture  est  plus  développée,  car  elle 
ne  se  contente  pas  de  reproduire  la  question,  elle  y  répond. 

Dans  les  deux  circonstances  que  nous  rappelons,  le  mou- 
vement de  l'écriture  sert  de  moyen  d'expression  au  per- 
sonnage inconscient  et,  de  plus,  il  traduit  des  perceptions 
et  des  idées  qui  appartiennent  à  ce  personnage,  et  que  la 
conscience  principale  ne  connaît  pas.  La  séparation  des 
consciences  est  complète,  absolue. 

Dans  nos  recherches  actuelles,  où  nous  étudions  les 
relations  des  consciences  distinctes,  l'écriture  automatique 
va  jouer  un  rôle  différent;  elle  va  servir  de  trait  d'union 
entre  les  deux  consciences;  l'idée  à  traduire  appartient  à 
l'une  des  consciences,  et  le  mouvement  graphique  qui 
exprime  cette  idée  appartient  à  l'autre.  On  le  voit,  c'est 
une  collaboration. 

Yoici  comment  l'expérience  réaUse  cette  collaboration. 
On  prie  l'hystérique  de  penser  pendant  quelque  temps  à 
un  objet,  ou  à  un  mot;  on  ne  lui  dit  pas  autre  chose;  on 
ne  lui  commande  de  rien  écrire,  car  si  cet  ordre  lui  était 
donné,  on  provoquerait  un  acte  volontaire  du  genre  de 
ceux  que  nous  venons  d'étudier  dans  le  chapitre  précé- 
dent; en  ce  moment,  ce  n'est  pas  un  mouvement  que  nous 
voulons  étudier,  mais  une  idée;  pour  que  le  but  soit 
atteint,  il  est  bon  de  choisir,  parmi  les  idées  qu'on  suggère, 
une  de  celles  qui  ne  contiennent  pas  une  invitation  motrice 
évidente;  si  par  exemple  on  prie  l'hystérique  de  penser  à 
la  personne  avec  qui  elle  vient  de  causer,  à  la  lettre  qu'elle 
vient  de  recevoir,  ou  à  un  autre  souvenir  du  même  genre, 
il  est  clair  qu'on  ne  suscite  pas  en  elle  une  idée  d'acte  à 
exécuter,  mais  un  simple  phénomène  d'idéation. 


172  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

Laissons-la  s'absorber  un  moment  dans  son  idée,  puis 
glissons  un  crayon  dans  sa  main  insensible,  qui  lui  est 
cachée  derrière  un  écran;  bientôt  la  main  s'agite;  elle  serre 
le  crayon,  elle  se  met  à  écrire,  et  ce  qu'elle  écrit,  c'est  le 
mot  pensé.  Quand  le  sujet  se  représente,  non  pas  un  signe, 
mais  un  objet  complet,  comme  une  tête,  une  figure 
humaine,  on  voit  parfois  la  main  anesthésique  qui  cherche 
à  tracer  le  dessin  de  ces  objets,  révélant  ainsi  à  l'expéri- 
mentateur le  fond  intime  de  la  pensée  de  son  sujet. 

Cette  expérience,  qui  peut  paraître  délicate  à  réaliser,  est 
au  contraire  très  facile,  et  réussit  chez  beaucoup  de  malades 
qui  ne  présentent  guère  d'autres  phénomènes  de  dédouble- 
ment mental.  La  traduction  graphique  d'un  état  de  l'esprit 
par  la  personnahté  secondaire  doit  donc  être  considérée 
comme  un  acte  subconscient  d'un  ordre  élémentaire  chez 
les  hystériques.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  on  peut  repro- 
duire l'expérience  de  l'écriture  automatique  chez  une  foule 
de  personnes  non  hystériques;  ce  qui  est  spécial  à  l'hys- 
térie, c'est  l'exagération  du  phénomène;  le  mouvement 
est  si  net  et  pour  ainsi  dire  si  grossier  que  pour  le  voir  il 
suffit  de  regarder  la  main  insensible. 

La  figure  3  n'a  d'autre  intérêt  que  de  montrer  avec 
quelle  facilité  l'écriture  automatique  se  manifeste.  Une  hys- 
térique était  assise  dans  le  laboratoire,  près  d'une  table;  à 
quelques  mètres,  un  robinet  ouvert  laissait  tomber  de  l'eau 
avec  bruit.  On  glisse  un  crayon  dans  la  main  droite  anes- 
thésique de  la  malade,  sans  qu'elle  s'en  aperçoive,  et  l'écri- 
ture traduit  l'agacement  que  le  bruit  de  l'eau  lui  causait. 

Ainsi,  l'écriture  automatique  peut  exprimer  soit  les  pen- 
sées qu'on  suggère  à  l'hystérique,  soit  ses  pensées  volon- 
taires; si  sa  main  tient  une  plume  ou  un  crayon,  elle  enre- 
gistre aussitôt  rétat  de  conscience  prédominant.  Il  n'est 
môme  pas  besoin  que  l'idée  soit  obsédante,  car  il  suffit 
que  le  sujet  lise  à  haute  voix  pour  que  la  plume  se  mette 
à  écrire.  Naturellement,  la  plume  ne  va  pas  aussi  vite  que 
la  lecture;  aussi,  arrive-t-il  généralement  que  l'écriture 
automatique  trace  seulement  quelques  mots  du  texte  lu; 


L'ÉCRITURE  AUTOMATIQUE  CHEZ  LES  HYSTÉRIQUES      173 

ici,  c'est  un  mot  entier,  plus  loin,  une  seule  lettre,  ou  un 
chiffre.  Quand  le  mot  entier  est  écrit,  il  ne  coïncide  plus 
avec  la  lecture  qui  va  toujours;  le  sujet  est  parfois  arrivé 
deux  ou  trois  lignes  plus  loin,  quand  la  main  achève  d'écrire 
le  mot;  il  y  a  donc  simultanéité  de  deux  pensées  diffé- 
rentes. J'ai  remarqué  que  souvent  les  sujets  écrivent  moins 
facilement  pendant  qu'on  provoque  à  leur  insu  l'écriture 


Fig.   3.    —  Écriture    automatique   d'une    bystôrique.   Elle   a  écrit  :    «   C'est    agaçant, 
cette  fontaine.  » 

automatique;  ils  hésitent,  s'arrêtent,  paraissent  troublés 
ou  agacés,  sans  pouvoir  en  donner  la  raison. 

Les  mouvements  automatiques  sont,  dans  une  certaine 
mesure,  en  relation  avec  l'intensité  des  pensées.  Dès  que 
la  malade  fait  un  effort  intellectuel  pour  se  rappeler,  ou 
pour  raisonner,  ou  pour  deviner  quelque  chose,  on  voit  sa 
main  insensible,  tenant  un  crayon,  qui  prend  l'attitude 
nécessaire  pour  écrire  ;  dès  que  le  problème  est  résolu  ou 
abandonné,  la  main  laisse  tomber  la  plume  et  s'affaisse 
dans  une  attitude  de  résolution. 


II 

Dans  tous  les  cas  précédents,  c'est  une  représentation 
mentale  consciente  qui  provoque  un  mouvement  subcon- 
scient. Fixons  par  un  exemple  le  point  où  le  phénomène 
reste  conscient.  On  demande  au  sujet  quel  est  son  âge.  k\x 
moment  où  il  va  répondre,  ou  même  quelques  secondes 
avant  qu'il  réponde,  la  plume  qu'on  a  eu  le  soin  de 
glisser  entre  l'index  et  le  pouce  anesthésiques  fait  la  môme 


1-4  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

réponse  écrite.  Le  sujet  a  la  représentation  consciente  de 
son  âge,  il  n'a  pas  conscience  de  ce  qu'il  écrit.  Le  processus 
psycho-moteur  est  conscient  dans  sa  première  moitié,  sub- 
conscient dans  la  seconde. 

Si  on  s'en  tenait  à  ce  qui  précède,  on  pourrait  croire  que 
l'écriture  automatique  consiste  dans  de  simples  mouve- 
ments réflexes  produits  par  des  idées.  Il  sera  facile  de 
montrer  l'insuffisance  de  cette  interprétation;  en  réalité,  il 
y  a  dans  toutes  ces  expériences  deux  pensées  qui  s'entre- 
croisent et  collaborent  l'une  avec  l'autre.  Ainsi,  le  membre 
insensible  ne  commence  à  écrire,  en  général,  que  lorsqu'on 
a  mis  une  plume  entre  les  doigts.  Tant  que  la  main  ne 
reçoit  pas  Tattitude  nécessaire  pour  écrire,  elle  reste  immo- 
bile, ou  bien  exécute  des  mouvements  vagues,  indéter- 
minés, faciles  à  distinguer  d'un  mouvement  graphique 
véritable.  Chez  quelques  sujets,  il  est  vrai,  la  main  insen- 
sible écrit  sans  qu'on  lui  ait  donné  l'attitude  nécessaire; 
elle  écrit,  à  défaut  de  plume,  avec  le  bout  de  son  index,  ce 
qui  exige  un  mouvement  tout  différent.  Ainsi  l'attitude 
imprimée  au  membre  change  la  forme  de  la  réponse.  Nous 
avons  vu  déjà  un  fait  semblable  dans  les  mouvements  sub- 
conscients qui  répondent  à  une  sensation  également  sub- 
consciente \  Cette  influence  de  l'attitude  est  une  première 
complication  du  phénomène. 

En  voici  d'autres,  comme  le  montre  l'ingénieuse  expé- 
rience qui  a  été  imaginée  par  M.  Babinski,  et  qu'il  a  bien 
voulu  me  communiquer  ^  On  demande  au  sujet,  pris  à 
l'état  de  veille,  de  penser  à  un  chiffre  ;  puis  on  prend  sa 
main  insensible,  et  à  son  insu,  par  exemple  derrière  son 
dos,  on  lui  soulève  le  doigt  un  certain  nombre  de  fois; 
quand  on  arrive  au  chiffre  pensé,  le  doigt  se  raidit,  et 
indique  ainsi  le  chiffre  à  l'expérimentateur.  Inutile  de 
remarquer  que  ce  résultat  ne  peut  guère  s'expliquer  par  un 


1.  V<jif  [).  113. 

2.  M.  Dabinski  est  arrivé  d'une  façon  indépendante  à  observer  j)lusieiirs 
des  faits  que  je  vais  maintenant  décrire.  Il  en  est  de  même  pour  M.  Onanoll". 
(Ai-cfi.  (le  ntiurolor/ie.  ISIJO.) 


l'écriture  automatique  chez  les  hystériques      175 

simple  mouvement  réflexe.  Pour  arrêter  l'expérimentateur 
au  moment  voulu,  il  faut  qu'il  y  ait  dans  le  sujet  une  intel- 
ligence qui  laisse  fléchir  le  doigt,  compte  le  nombre  des 
flexions,  puis  quand  ce  nombre  est  égal  au  nombre  pensé, 
raidit  le  doigt  dans  l'intention  évidente  d'arrêter  l'expéri- 
mentateur dans  sa  numération. 

M.  Onanoff  a  cherché  à  mesurer  le  temps  de  réaction  de 
ces  mouvements  inconscients  produits  par  des  idées  con- 
scientes. Voici  comment  il  a  disposé  l'expérience.  On  pro- 
pose au  sujet  de  penser  à  un  nombre.  Supposons  qu'il  ait 
pensé  au  nombre  2.  On  touche  le  membre  une  première 
fois;  le  moment  du  contact  est  marqué  sur  le  cylindre 
enregistreur;  le  doigt  du  sujet  ne  bouge  pas;  on  touche  une 
seconde  fois,  le  doigt  du  sujet  se  déplace;  le  contact  de 
l'expérimentateur  et  le  mouvement  du  sujet  s''inscrivent 
sur  le  même  cylindre  et  la  distance  entre  les  deux  marques 
donne  la  mesure  du  temps  de  la  réaction  subconsciente. 
La  lecture  des  tracés  a  montré  que  le  temps  de  la  réac- 
tion subconsciente  est  moindre  que  le  temps  de  réaction 
d'un  même  sujet  accomplissant  un  mouvement  volon- 
taire, avec  son  membre  non  anesthésié.  En  effet,  le  temps 
est  de  0",07  à  0",11,  chez  des  sujets  présentant  dans  les 
mouvements  volontaires  un  temps  de  réaction  de  0",127  à 
0",196.  Cette  expérience  fournit  un  bon  signe  objectif  contre 
la  simulation  ;  elle  s'accorde  du  reste  avec  celle  que  nous 
avons  rapportée  plus  haut  relativement  à  la  réaction  sub- 
consciente qui  accompagne  un  mouvement  volontaire  d'un 
membre  anesthésique. 

En  appendice  à  la  série  d'expériences  précédentes,  nous 
devons  noter  un  fait  un  peu  diS'érent,  qui  prouve  avec 
quelle  complexité  de  formes  parfois  se  réalise  la  collabora- 
tion des  deux  consciences.  Dans  l'écriture  automatique  que 
nous  avons  décrite,  une  des  consciences  représente  l'idée 
et  l'autre  l'exprime.  Il  est  possible  que  la  conscience  prin- 
cipale, au  lieu  de  provoquer  le  processus  d'un  acte  dans  le 
domaine  de  l'autre  conscience,  provoque  seulement  une 
tendance,  une   orientation   particulière   des   idées;  voici 


176         LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

dans  quelles  circonstances  se  produit  cette  sorte  d'induc- 
tion psychique,  que  je  crois  très  intéressante,  car  on  la 
retrouve  en  dehors  de  l'hystérie,  et  dans  des  cas  très 
nombreux.  On  demande  au  sujet  le  nom  d'une  personne 
ou  d'un  objet  qu'il  a  peine  à  se  rappeler;  on  peut  faire 
l'expérience  sur  une  date,  sur  un  événement  quelconque; 
le  sujet  cherche  a  se  rappeler,  mais  n'y  parvient  pas;  il 
dit  qu'il  a  le  mot  sur  le  bout  de  la  langue,  mais  ses  efforts 
pour  le  prononcer  ne  servent  à  rien.  Si  alors  on  met 
un  crayon  dans  la  main  anesthésique,  qui  est  habituée 
déjà  à  l'écriture  automatique,  il  peut  arriver  que  celle-ci 
écrive  sur-le-champ  le  mot  que  le  sujet  cherche  vaine- 
ment. Ceci  nous  prouve  :  d'abord  que  la  seconde  cons- 
cience peut  avoir  une  mémoire  plus  étendue,  sur  certains 
points,  que  la  mémoire  de  la  première  conscience;  l'obser- 
vation est  intéressante,  et  vaut  la  peine  d'être  enregistrée, 
car  des  expériences  très  bien  faites  ont  conduit  au  même 
résultat  d'autres  observateurs,  et  ont  montré  également 
que  la  mémoire  inconsciente  est  plus  étendue  que  la 
mémoire  consciente  '.  Mais  ce  n'est  pas  pour  mettre  en 
lumière  ce  fait  que  j'ai  rapporté  l'expérience  précédente; 
c'est  pour  donner  un  nouvel  exemple  de  collaboration  des 
deux  consciences.  Dans  cette  recherche  d'un  mot  oublié, 
la  première  conscience  donne  l'impulsion  à  la  seconde;  il  y 
a  donc  eu  là  une  influence  complexe  et  assez  difficile  à 
définir,  réelle  pourtant,  entre  les  deux  consciences. 

Il  est  bien  curieux  que  malgré  ces  communications  si 
directes  et  si  intimes,  les  deux  consciences  restent  sépa- 
rées, et  que  l'une  d'elles  au  moins,  la  conscience  princi- 
pale, continue  à  ignorer  complètement  l'existence  de  l'autre. 
Il  m'a  semblé  qu'une  telle  situation  ne  se  prolonge  jamais 
longtemps,  et  que  si  on  multiplie  expérimentalement  les 
points  de  contact  de  ces  deux  consciences,  l'une  d'elles, 
l'anormale,  tend  à  se  développer  aux  dépens  de  l'autre; 
nous  avons  déjà  assisté  une  fois  à  ce  développement  des 

1.  Hcauriis,  Les  Sen.'salioris  inlo'jir.s,  p.  133.  ,' 


L'ÉCRITURE  AUTOMATIQUE  CHEZ  LES  HYSTÉRIQUES      177 

phénomènes  subconscients,  capables  d'envahir  le  moi 
normal  et  même  de  l'effacer  '.  Nous  avons  vu  que  si  pen- 
dant un  état  de  distraction  on  excite  un  peu  le  personnage 
subconscient,  la  personne  normale  s'endort,  et  le  person- 
nage subconscient  passe  au  premier  plan,  ce  qui  amène  le 
somnambulisme.  Il  se  produit  ici  un  fait  du  même  genre. 
Si  on  oblige  une  hystérique  à  penser  à  une  série  d'idées, 
pendant  qu'à  son  insu  l'écriture  automatique  se  manifeste 
et  traduit  tous  ses  états  de  conscience,  il  arrive  un  moment 
où  la  malade  s'arrête  avec  inquiétude;  elle  sent  fuir  les 
idées  qu'elle  vient  d'évoquer,  elle  en  perd  la  conscience 
nette;  si  c'est  à  un  calcul  mental  qu'on  l'a  occupée,  elle 
s'embrouille  au  milieu  de  ses  chiffres,  ne  se  les  rappelle 
plus,  et  se  déclare  incapable  de  trouver  le  nombre  total, 
alors  que  l'écriture  automatique,  qui,  elle,  n'a  rien  oublié, 
écrit  le  nombre  sans  hésitation.  Le  subconscient,  dans  ces 
expériences,  s'étend  sur  le  terrain  de  la  conscience  prin- 
cipale, et  accapare  quelques-unes  de  ses  idées;  facilement, 
il  pourrait  les  accaparer  toutes  et  amener  le  somnambu- 
lisme. 


III 

Il  faut,  pour  rester  fidèle  aux  faits,  élargir  un  peu  la 
description  de  ce  que  nous  avons  appelé  l'écriture  automa- 
tique. Ce  terme,  depuis  longtemps  consacré  par  l'usage, 
mais  fort  incolore,  ne  peut  s'appliquer  qu'à  une  catégorie 
restreinte  de  mouvements,  aux  mouvements  graphiques 
ignorés  de  la  conscience  principale.  En  réalité,  ee  ne 
sont  pas  les  seuls  qui  peuvent  se  produire  dans  les 
conditions  que  nous  avons  fixées.  Les  sensations,  les 
idées,  les  états  de  toutes  sortes  qui  se  produisent  dans 
la  conscience  principale  peuvent  amener  dans  la  con- 
science secondaire  un  très  grand  nombre  de  mouve- 
ments variés.  Si  l'écriture  se  produit  pour  enregistrer  ces 

1.  Voir  chap.  v,  p.  138. 

A.    BiNET.  12 


178  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

états,  c'est  parce  qu'on  a  mis  un  crayon  dans  la  main,  ou 
pour  une  autre  raison  analogue.  Rien  n'est  plus  facile  que 
de  modifier  la  forme  de  l'enregistrement,  car  elle  dépend 
en  grande  partie  de  l'attitude  donnée  au  membre  insen- 
sible ou  de  l'appareil  enregistreur  qu'on  met  en  contact 
avec  lui.  Plaçons  dans  la  main  insensible  un  tube  de  caout- 
chouc relié  à  un  cylindre  enregistreur,  et  prions  le  sujet 
de  penser  à  un  nombre;  la  main  va  changer  la  nature  de 
son  mouvement;  au  lieu  d'écrire,  elle  presse  le  tube  et  le 
nombre  de  pressions  indique  le  chiffre  pensé.  La  netteté 
de  ces  pressions  est  montrée  par  la  figure  4. 

Si  l'on  met  l'appareil  d'exploration  sur  une  autre  partie 
du  corps,  quelle  qu'elle  soit,  cette  partie  du  corps  expri- 
mera à  sa  manière  l'idée  dominante  du  sujet.  Le  mouve- 
ment respiratoire  lui-même  peut  se  trouver  modifié  par 
cette  influence  psychologique. 

Ces  résultats  curieux  s'expliquent  de  la  façon  la  plus  satis- 
faisante lorsqu'on  a  compris  le  jeu  des  sous-consciences. 
Le  personnage  inconscient  a  saisi  l'idée  poursuivie  par  l'ex- 
périmentateur et  il  fait  son  possible  pour  s'y  soumettre. 

La  méthode  graphique  a  l'avantage  d'éclaircir  un  cer- 
tain nombre  de  particularités  qui  passeraient  inaperçues  ou 
resteraient  bien  peu  visibles  si  on  s'en  tenait  à  l'écriture 
automatique.  Le  premier  point  sur  lequel  nous  voulons 
attirer  l'attention,  c'est  l'influence  qu'exerce  sur  les  mou- 
vements du  personnage  subconscient  l'intensité  de  l'exci- 
tation. Nous  avons  dit  que  l'écriture  automatique  traduit 
spécialement  les  états  d'obsession.  11  est  clair  que  si,  en  un 
même  instant,  par  hypothèse,  deux  idées  de  force  inégale 
sillonnent  le  champ  de  la  conscience,  c'est  l'idée  la  plus 
forte,  la  plus  colorée,  la  plus  intéressante  qui  dirigera 
le  mouvement  subconscient  de  la  main.  Il  est  intéressant 
de  voir  cette  différence  se  marquer  sur  les  tracés.  Nous 
réalisons  l'expérience  en  plaçant  un  métronome  près  du 
sujet,  et  nous  prions  celui-ci  de  ne  pas  écouter  les  bat- 
tements; sa  main  insensible  tient,  à  son  insu,  un  dyna- 
mographe relié  à    un   cylindre   enregistreur,  et  on   peut 


L'ÉCRITURE  AUTOMATIQUE  CHEZ  LES  HYSTÉRIQUES      179 

voir  par  la  ligne  droite  qui  se  trace  d'abord  sur  le  cylin- 


fa  s .« 


•dre,  que  la  main  n'a  exercé  aucune  pression  (fîg.  5).  Le 
sujet  s'efforçant  de  ne  pas  entendre  le  bruit  de  l'instrunaent, 


180  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

l'excitation  auditive  a,  au  point  de  vue  psychologique, 
diminué  de  force.  Puis,  renversant  les  conditions  de  l'expé- 
rience, on  demande  au  sujet  d'écouter  avec  attention  le 
métronome,  et  on  voit  qu'aussitôt  de  fortes  pressions  de  la 
main  qui  se  font  rythmiquement  et  restent  inconscientes, 
viennent  montrer  que  la  sensation  acoustique  a  augmenté 
d'intensité,  ou  en  tout  cas  d'importance. 

11  est  un  second  point  que  les  appareils  graphiques 
mettent  bien  en  lumière,  et  c'est  en  le  signalant  que  nous 
terminerons  ce  chapitre. 

Les  mouvements  subconscients  du  genre  de  ceux  que  nous 
étudions  s'accomplissent  en  général  dans  les  parties  insen- 
sibles du  corps;  c'est  là  du  moins  que  l'expérimentateur 
cherche  surtout  à  les  produire,  parce  qu'il  désire  être  mis  à 
l'abri  des  simulations  par  la  présence  d'une  anesthésie  bien 
contrôlée.  Mais  l'anesthésie  n'est  pas  une  condition  néces- 
saire de  la  division  de  conscience,  et  un  état  de  distraction 
est  capable  de  produire  des  effets  analogues.  Nous  avons 
donc  pensé  qu'il  serait  utile  d'étudier  l'influence  qu'exerce 
l'anesthésie  sur  l'intensité  des  mouvements  subconscients. 

La  recherche  a  été  faite  sur  une  jeune  fille  hystérique  qui 
était  insensible  du  bras  droit.  Deux  appareils  enregistreurs 
sont  placés,  l'un  sur  le  bras  droit,  l'autre  sur  le  bras  gauche 
et  dans  une  première  expérience,  on  fait  battre  un  métro- 
nome; dans  une  seconde,  on  prie  le  sujet  de  penser  à  un 
chiffre.  Quatre  tracés  réunis  dans  la  figure  6  expriment  les 
résultats  de  ces  premières  épreuves.  Au  premier  coup 
d'œil,  on  voit  que  les  mouvements  subconscients,  très  nets 
sur  les  tracés  qui  correspondent  au  membre  insensible,  ne 
sont  pas  marqués  sur  le  tracé  du  membre  sensible;  il  ne 
faut  pas  faire  trop  grand  fond  sur  cette  différence,  car  elle 
résulte  d'une  comparaison  entre  tracés  pris  avec  deux 
appareils  différents;  or  comme  jamais  on  n'obtient  des 
tambours  et  des  leviers  qui  soient  strictement  compa- 
rables, on  ne  peut  dire  dans  quelle  mesure  la  différence 
des  tracés  dépend  des  phénomènes  enregistrés,  et  dans 
quelle  mesure  elle  dépend  des  appareils. 


l'écriture  automatique  chez  les  hystériques      181 

Mais,  pour  tirer  profit  des  tracés  précédents,  il  faut,  sans 
modifier  les  appareils  en  place,  changer  la  distribution  de 
la  sensibilité  du  sujet;  une  suggestion  hypnotique  nous  suf- 
fira pour  frapper  le  iDras  gauche  d'insensibilité  et  de  paralysie  ; 


picr.  G.  —  Enregistrement  graphique  de  mouvements  inconscients  chez  une  hysté- 
rique. Le  premier  tracé  et  le  second  correspondent  à  une  même  expérience;  un  métro- 
nome est  mis  en  mouvement  à  côté  du  sujet  ;  le  tracé  du  bras  insensible  (1)  indique  que 
des  mouvements  inconscients  se  sont  produits  dans  ce  bras  sous  l'influence  du  bruit;  le 
tracé  du  bras  sensible  (2)  n'indique  aucun  mouvement.  Les  deux  tracés  suivants  ©nt 
été  pris  pendant  que  le  sujet  pense  au  nombre  cinq;  le  tracé  du  bras  insensible  (3) 
présente  des  mouvements  inconscients,  qui  traduisent  bien  l'idée  du  nombre  cinq,  celui 
■du  bras  sensible  (4)  n'en  indique  pas. 

puis  le  sujet  est  réveillé,  le  cylindre  est  remis  en  mouve- 
ment, et  on  recueille,  comme  avant,  deux  sortes  de  mouve- 
ments subconscients,  d'abord  en  utilisant  le  bruit  du  métro- 
nome, et  ensuite  en  priant  le  sujet  de  penser  à  un  chifTre. 
Les  tracés  qu'on  obtient  (fig.  7)  ne  doivent  pas  être  comparés 
entre  eux,  pour  les  raisons  que  nous  avons  indiquées;  ils 
doivent  être  comparés  à  ceux  de  la  figure  précédente. 

J'attire  simplement  l'attention  sur  les  lignes  qui  concer- 
nent le  bras  gauche;  pendant  qu'il  est  sensible,  les  mou- 
vements inconscients  qu'il  présente  sont  nuls;  dès  qu'il 


182  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

est  frappé  de  paralysie,  ces  mouvements  deviennent  très 
considérables.  La  différence  est  si  nette  qu'elle  se  passe 
de  tout  commentaire. 
Ajoutons  encorCjUne  remarque  de  détail  qui  est  peut- 


Fig.  1.  —  Même  expérience  que  celle  do  la  figure  prooédento  avec  cette  différence 
que  le  bras  sensible  a  été  frappé  d'anesthésie  et  de  paralysie  par  suggestion.  Les 
tracés  1  et  3  correspondent  au  bras  primitivement  anesthésique  (anesthésie  spontanée); 
les  tracés  2  et  4  correspondent  au  bras  rendu  anesthésique  par  suggestion. 

être  nécessaire,  car  si  précise  qu'elle  soit,  la  méthode 
graphique  a  besoin  d'être  interprétée  incessamment  pour 
ne  point  donner  lieu  à  des  erreurs.  Il  ne  faudrait  pas 
croire  que  les  membres  sensibles  ne  présentent  aucun 
mouvement  subconscient.  Le  résultat  négatif  des  tracés 
est  dû  en  grande  partie  à  ce  qu'on  a  fait  une  exploration 
bilatérale;  les  deux  tambours  enregistreurs  ont  été  appli- 
qués simultanément  sur  une  région  sensible  et  sur  une 
région  insensible.  Par  là,  on  a  en  quelque  sorte  obligé  le 
personnage  inconscient  à  s'occuper  simultanément  de  deux 
points  du  corps;  il  a  préféré  se  rendre  dans  la  région  in- 
sensible. Si  l'exploration  est  unilatérale,  si  le  tambour  est 
appliqué  seulement  sur  la  région  sensible,  on  obtient  des 
tracés  tout  différents,  où  la  présence  des  mouvements  sub- 
conscients est  bien  marquée. 


CHAPITRE  VIII 


LES    IDÉES    D  ORIGINE    SUBCONSCIENTE 


Les  idées  d'origine  subconsciente.  —  En  quel  sens  l'iiystérique  perçoit  les 
effets  d'une  excitation  sur  une  région  insensible.  —  L'expérience  des 
piqûres.  —  Idée  abstraite  suggérée.  — Caractère  obsédant  de  cette  idée. 
—  Illusion  fréquente  des  sujets  soumis  à  l'expérience.  —  Expériences 
analogues  pendant  un  état  de  distraction.  —  Hallucination  suggérée  à 
la  seconde  conscience  et  perçue  par  la  première.  —  Conclusion. 


I 

Dans  les  recherches  que  nous  exposons  en  ce  moment 
sur  la  collaboration  des  consciences  distinctes,  nous  avons 
vu  jusqu'ici  que  lïdée  conçue,  la  volonté  d'exécuter  un 
acte,  enfin  le  point  de  départ  et  l'initiative  du  phénomène 
appartiennent  à  la  conscience  principale,  à  celle  qui  parle 
par  la  bouche  du  sujet  éveillé.  Les  rôles  peuvent  être 
intervertis,  et  le  courant  peut  changer  de  sens.  Nous  allons 
voir  l'initiative  passer  à  la  seconde  conscience,  à  celle  qui 
ne  parle  pas,  et  qui  reste  dans  bien  des  cas  si  rudimentaire 
qu'on  a  cru  longtemps  qu'elle  se  réduisait  à  quelques  petits 
mouvements  insignifiants.  11  peut  arriver  qu'une  sensation 
perçue  par  la  seconde  conscience  éveille  une  idée  qui  sera 
transmise  à  la  première  conscience,  sans  que  celle-ci  en 
reconnaisse  l'origine. 

Nous  avons  supposé  qu'il  suffisait  d'avoir  reconnu  l'in- 


184  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

sensibilité  d'une  région  quelconque,  chez  un  sujet  hysté- 
rique, puis  de  cacher  au  sujet  la  vue  de  cette  région  par  un 
écran  pour  lui  faire  ignorer  complètement  tous  les  phé- 
nomènes qu'on  provoque  dans  des  parties  insensibles  de 
son  corps.  Ce  n'est  là,  avouons-le,  qu'une  situation  idéale; 
il  faudrait  que  la  division  de  conscience  fût  bien  par- 
faite, tout  à  fait  schématique,  pour  que  le  moi  normal  du 
sujet  ne  perçût  absolument  rien  de  ce  qui  se  passe  dans 
une  partie  de  son  organisme.  Si  nous  avons  fait  cette  sup- 
position, tout  en  la  sachant  erronée,  c'est  parce  qu'il  faut 
mettre  de  l'ordre  dans  la  description  des  faits;  nous  ne 
pouvons  pas  décrire  à  la  fois  la  division  de  conscience,  et 
les  influences  réciproques  de  deux  consciences  distinctes, 
qui  rendent  la  division  moins  parfaite.  Nous  allons  main- 
tenant revenir  sur  nos  premières  descriptions,  et  y  ajouter 
quelques  traits,  afin  de  les  rendre  plus  fidèles. 

Ce  qui  est  tout  à  fait  exact,  au  moins  d'après  ce  que  j'ai 
observé,  c'est  que  le  sujet  ne  perçoit  pas  les  excitations 
qu'on  applique  sur  une  région  insensible;  il  ne  les  perçoit 
pas  avec  leur  forme  réelle,  et  ne  les  localise  pas  au  point 
excité.  Si  on  lui  pique  la  paume  de  la  main  avec  une  épin- 
gle, il  ne  rapporte  pas  à  cet  endroit  une  sensation  de  piqûre; 
du  reste,  s'il  le  faisait,  il  cesserait  par  là  même  d'être  anes- 
thésique.  Les  sensations  provoquées  dans  les  régions  anes- 
Ihésiques  restent  donc  inconscientes;  mais  elles  produisent 
d'autres  phénomènes,  qui  pénètrent  dans  la  conscience 
normale;  ce  sont  des  idées,  des  images,  et  parfois  des 
perceptions  fausses,  des  hallucinations.  Ainsi,  le  sujet  ne 
perçoit  pas  l'excitation,  mais  il  peut  avoir  l'idée  de  cette 
excitation,  sans  savoir  bien  entendu  pourquoi  et  comment 
cette  idée  lui  est  venue. 

Voici  une  expérience  qui  permettra  de  saisir  ce  curieux 
effet  mieux  qu'une  longue  description.  Nous  prenons  la 
main  insensible,  nous  la  plaçons  derrière  l'écran,  et  nous 
la  piquons  neuf  fois  avec  une  épingle;  pendant  ce  temps, 
ou  après  avoir  cessé  les  piqûres,  nous  demandons  au 
sujet   de  penser  à  un  chiffre  quelconque  et  de  nous  le 


LES  IDÉES  d'origine  SUBGONSGIENTE  18o 

dire;  il  répond  qu'il  a  choisi  le  chiCfre  9,  c est-à-dire  celui 
qui  correspond  au  nombre  des  piqûres.  Il  n'a  point  senti 
le  coup  d'épingle,  il  ne  sait  pas  qu'on  l'a  piqué,  il  est  resté 
aneslhésique;  et  cependant  il  a  bien  senti  quelque  chose, 
comme  le  prouve  la  concordance  que  nous  venons  de 
signaler.  L'excitation,  quoique  non  sentie,  non  perçue  par 
son  moi  normal,  a  produit  un  certain  effet  sur  ce  moi;  elle 
y  a  amené  une  idée,  l'idée  du  nombre  des  piqûres  \ 

Ce  résultat  ne  semble  nullement  singulier  quand  on 
arrive  à  embrasser  d'un  seul  coup  d'œil  l'ensemble  des 
altérations  de  conscience;  on  voit  alors  que  tout  s'en- 
chaîne, et  que  tel  fait,  qui  est  étrange  quand  on  le  regarde 
isolément,  est  un  effet  logique  et  nécessaire.  Mais  les  con- 
naissances générales  ne  s'acquièrent  pas  de  prime  abord; 
quand  je  commençai  ces  études  sur  l'anesthésie,  je  ne 
compris  rien  au  phénomène  que  je  viens  d'indiquer,  et 
quand  je  commençai  à  comprendre,  je  me  crus  la  dupe 
d'une  illusion.  A  plusieurs  reprises,  je  notais  sur  mon 
cahier  d'observations  qu'une  hystérique,  dont  l'anesthésie 
avait  été  bien  contrôlée,  affirmait  qu'à  un  certain  moment 
elle  avait  deviné  ce  qu'on  faisait  sur  la  région  anesthésique. 
Un  jour,  une  femme,  la  nommée  Mel...,  anesthésique  du 
bras  droit,  à  qui  je  faisais  écrire  le  mot  Salpêtrière,  déclara 
qu'elle  avait  vu  ce  mot  lui  apparaître  «  écrit  en  blanc  sur 
fond  noir  »  et  cependant,  elle  n'avait  pas  vu  sa  main,  et 
celle-ci  ne  sentait  ni  les  contacts  ni  les  piqûres.  J'écrivis 
ce  singulier  témoignage,  mais  étant  occupé  à  d'autres 
recherches,  je  ne  continuai  pas  celle-là.  Deux  ans  après, 
j'eus  l'occasion  de  reprendre  mes  études  sur  l'anesthésie 
hystérique;  je  fis  méthodiquement  l'examen  de  cette  ques- 
tion, et  ne  tardai  pas  à  m'assurer  qu'en  effet  une  excitation 
non  sentie  peut  amener  une  idée  dans  l'esprit  du  malade. 

En  somme,  voici  comment  il  nous  semble  qu'on  doit  se 
représenter  ce  processus,  pour  le  rendre  compréhensible. 
Toute  excitation  sensorielle  produit  chez  un  individu  nor- 

1.  M.  Babiaski  a  observé  ce   fait  en  même  temps  que  nous  et  d'une 
manière  indépendante.  (Communication  orale.) 


186  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

mal,  la  suggestion  d'une  série  d'images  associées;  l'individu 
normal  a  conscience  de  tout  cela,  des  images  évoquées 
comme  de  la  sensation  qui  en  est  le  point  de  départ;  chez 
l'hystérique,  la  sensation  excitatrice  reste  dans  l'ombre; 
elle  demeure  inconsciente  ;  mais  elle  conserve  sa  propriété 
suggestive,  et  continue  à  évoquer  le  même  cortège  d'images 
que  si  elle  était  perçue  et  reconnue.  Le  processus  a  donc 
son  développement  habituel;  si  l'on  fait  six  piqûres  sur  le 
dos  d'une  main  sensible,  le  sujet  les  comptera  et  pensera 
par  conséquent  au  chiffre  six  comme  le  ferait  un  individu 
normal;  seulement,  chez  l'hystérique,  la  première  partie  du 
processus  se  passe  dans  une  conscience,  et  la  seconde  dans 
une  autre. 

Nous  trouverons  plus  d'un  exemple  de  ces  phénomènes 
psychologiques  dans  des  observations  de  suggestion  rap- 
portées par  d'autres  auteurs  ;  nous  les  désignerons  et  nous 
les  étudierons  sous  le  nom  diQ  suggestions  à  point  de  repère 
inconscient.  Le  caractère  particulier  des  expériences  que 
nous  allons  exposer  maintenant,  c'est  que  l'excitation  non 
sentie  éveille  des  associations  d'idées  naturelles,  et  en 
quelque  sorte  normales;  l'idée  de  nombre  survenant  après 
une  suite  de  piqûres  n'est  point  une  idée  artificielle,  elle 
résume  tout  un  côté  de  la  perception  et  la  représente  sous 
une  autre  forme.  Il  est  très  curieux  de  voir  ces  associations 
naturelles  se  conserver  malgré  la  désagrégation  mentale, 
et  servir  de  trait  d'union  entre  des  consciences  distinctes 
qui  ne  se  connaissent  plus. 

Voilà  donc  une  idée  d'origine  subconsciente  qui  émerge 
dans  la  conscience  normale  de  l'hystérique.  Que  va  devenir 
cette  idée?  Quelle  forme  va-t-elle  prendre?  Quels  événe- 
ments va-t-elle  provoquer?  Il  pourrait  se  produire  ici  une 
foule  de  complications,  dont  nous  montrerons  d'ailleurs 
plusieurs  exemples  quand  à  l'appui  des  faits  actuels  nous 
en  citerons  d'autres  empruntés  à  la  pathologie  mentale; 
tantôt  ridée  subconsciente  devient  une  voix  qui  parle  au 
sujet,  qui  le  conseille  ou  le  menace;  tantôt  elle  est  la 
source  d'une  impulsion  motrice,  provoque  des  mouvements 


LES  IDÉES  D'ORIGINE  SUBGONSCIENTE  187 

et  des  actes,  etc.;  elle  peut  encore  devenir  l'origine  d'un 
délire.  Rien  de  tout  cela  n'a  eu  lieu  chez  nos  sujets,  nous 
ignorons  pourquoi  ;  l'expérimentation  suppose  un  certain 
nombre  de  conditions  artificielles,  souvent  ignorées,  qui 
aiguillent  un  phénomène  dans  une  certaine  direction,  au 
milieu  d'une  foule  de  directions  possibles;  nos  expériences 
ont  pris  la  direction  du  sens  visuel;  l'idée  suggérée  par  les 
sensations  subconscientes  a  toujours  été  une  idée  visuelle, 
et  souvent  même  une  hallucination  de  la  vue. 

Je  ne  crois  pas  avoir  notablement  contribué  à  donner 
cette  forme  aux  idées  suggérées,  car  je  suis  resté  bien 
longtemps  sans  la  comprendre;  quand  je  faisais  trois  exci- 
tations, par  exemple,  sur  une  main  anesthésique,  le  sujet 
répondait  simplement  à  la  question  :  «  A  quoi  pensez-vous? 
—  Je  pense  au  chiffre  3.  »  Cette  réponse  n'indiquait  pas 
autre  chose  qu'une  idée  quelconque,  peut-être  même  une 
idée  abstraite.  Mais  peu  à  peu  quelques  réponses  se  préci- 
sèrent; tel  sujet  disait  :  «  Je  pense  à  trois  sous  la  forme 
de  trois  points.  »  Un  autre  disait  :  «  Je  vois  des  barres, 
des  bâtons.  »  Un  troisième  :  «  Je  vois  des  colonnes  ».  Je 
ne  savais  que  penser  de  ces  bizarreries,  et  je  les  mettais 
sur  le  compte  de  l'imagination  des  malades;  mais  un  jour, 
brusquement,  je  m'aperçus  que  le  sujet  voyait  des  points 
quand  je  le  piquais,  et  qu'il  voyait  des  bâtons  ou  des 
colonnes  quand  j'agitais  son  doigt  anesthésique;  plus  de 
doute,  c'était  une  image  visuelle  de  sa  main  ou  de  l'exci- 
tation qui  lui  apparaissait,  et  toutes  mes  expériences  ulté- 
rieures vinrent  confirmer  mon  interprétation. 


II 

Nous  allons  étudier  deux  points  principaux  : 

1°  Quelles  sont  les  excitations  inconscientes  qui  peuvent 

impressionner  indirectement  la  conscience  normale  du  sujet; 
2°  Sous  quelle  forme  ces  excitations  pénètrent  dans  cette 

conscience. 


188  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

Toutes  les  excitations  d'un  organe  sensoriel  anestbésique 
peuvent  éveiller,  par  voie  de  suggestion,  des  idées  con- 
scientes. Nous  avons  cité  des  excitations  tactiles;  il  faut 
ajouter  qu'en  mettant  en  jeu  le  sens  musculaire  on  arrive 
au  même  résultat;  fait-on  écrire  à  la  main  une  lettre  ou  un 
mot,  le  sujet,  prié  de  penser  à  une  lettre  ou  à  un  mot, 
peut  indiquer  ceux  qu'on  lui  a  fait  écrire  sans  qu'il  le 
sût;  de  même,  imprime -t- on  plusieurs  fois  le  même 
mouvement  à  un  doigt,  le  nombre  de  ces  mouvements 
deviendra  le  nombre  pensé.  On  peut  aussi,  en  appliquant 
sur  le  tégument  des  lettres  ou  des  dessins  en  relief,  sus- 
citer l'image  de  lettres  et  de  dessins  dans  l'esprit  du 
sujet,  qui  en  parlera  si  on  lui  demande  à  quoi  il  pense;  on 
reconnaîtra  aussi  de  cette  façon  que  le  sujet  peut  se  repré- 
senter sa  main  ou  son  bras  anestbésique  dans  la  position 
où  précisément  on  vient  de  les  placer  bors  de  sa  vue.  Il 
suffit  aussi  de  lui  deuiander  de  penser  à  un  point  quelconque 
de  sa  main  pour  s'apercevoir  que  c'est  le  point  où  on  le 
pique,  ce  qui  prouve  qu'il  localise  en  quelque  sorte  l'exci- 
tation, quoiqu'il  ne  la  perçoive  pas.  Ces  procédés  fournis- 
sent un  moyen  détourné  de  mesurer  avec  un  estbésiomètre 
la  sensibilité  d'un  membre  anestbésique.  D'une  manière 
générale,  les  cboses  se  passent  comme  si  le  sujet  percevait 
l'excitation  traduite  dans  le  langage  d'un  autre  sens  que 
le  sens  tactile  ou  musculaire  ;  ainsi  tous  les  détails  de  l'ex- 
citation tactile  qui  peuvent  être  transposés,  par  exemple 
dans  le  langage  visuel,  seront  conservés. 

L'expérience  peut  être  conduite  de  telle  façon  que  l'ex- 
citation soit,  non  de  nature  sensorielle,  mais  de  nature 
intellectuelle;  faisons  écrire  à  la  main  anestbésique  plu- 
sieurs cbifîres,  et  disposons  les  uns  au-dessous  des  autres, 
comme  pour  faire  une  addition;  le  moi  du  sujet  pensera, 
non  pas  à  toute  la  série  de  ces  chiffres,  mais  au  cbiffre 
total. 

Ces  divers  genres  d'excitation  ne  produisent  pas  toujours 
les  effets  psychiques  dont  nous  allons  parler;  si  le  sujet  est 
fortement  préoccupé,  il  est  bien  possible  que  le  léger  relen- 


LES  IDÉES  D'ORIGINE  SUBCONSGIENTE  189 

tissement  de  toutes  ces  excitations  ne  soit  pas  entendu  et 
remarqué;  il  faut  s'adresser  au  malade,  le  faire  asseoir 
dans  une  pièce  où  on  ne  fait  aucun  bruit;  on  prend  ensuite 
sa  main  insensible,  on  la  cache  et  on  l'excite.  11  est  probable 
que  le  personnage  inconscient  qui  est  dans  tout  hystérique 
comprend  vite  la  pensée  de  l'expérimentateur;  il  entend 
celui-ci  interroger  le  sujet  et  lui  demander  de  penser  à  un 
chiffre;  il  perçoit  en  même  temps  que  Texpérimentateur 
fait  un  nombre  déterminé  de  piqûres  à  la  main  insensible; 
avec  un  peu  de  perspicacité,  il  doit  comprendre  le  but  de 
la  recherche;  alors  il  s'y  prête,  et  il  cherche  à  influencer  la 
conscience  normale  du  sujet;  il  la  suggestionne  à  son  tour, 
comme  nous  verrons  plus  loin,  dans  le  chapitre  vi,  qu'il  le 
fait  en  mainte  autre  circonstance;  c'est  cet  inconscient,  je 
n'en  doute  pas,  qui  souffle  à  la  conscience  prime  l'idée  du 
nombre,  et  celle-ci  reçoit  l'idée  sans  savoir  d'où  elle  lui 
vient.  Nous  ne  croyons  donc  pas  qu'on  puisse  décrire  le 
processus  comme  une  série  d'associations  d'idées;  il  y  a 
dans  tout  cela  des  actions  et  des  réactions  d'un  ordre  plus 
complexe. 

Passons  sur  cette  partie  un  peu  obscure  de  la  question, 
et  arrivons  au  résultat  final.  L'idée,  dont  nous  avons  étudié 
l'origine,  vient  d'apparaître  dans  la  conscience  normale; 
c'est  par  exemple  une  idée  de  nombre;  on  a  fait  neuf 
piqûres  à  la  main  anesthésique,  et  le  sujet  a  pensé  au 
nombre  neuf.  Gomment  est-il  arrivé  à  ce  nombre?  On 
pourrait  croire  qu'il  a  compté  les  sensations;  et  même» 
il  est  évident  qu'il  faut  que  quelqu'un  les  ait  comptées 
pour  en  savoir  la  somme;  mais  ce  quelqu'un,  souvent, 
n'est  pas  la  conscience  normale;  la  conscience  normale 
ne  sait  rien  de  tout  cela;  le  sujet  ne  peut  dire  qu'une  chose, 
c'est  qu'il  a  pensé  au  chiffre  9  ;  une  autre  conscience  a 
fait  l'addition  et  la  lui  a  servie  toute  faite;  il  ne  connaît  que 
la  somme. 

Le  sujet,  ignorant  l'origine  de  l'idée  du  neuf,  n'hésite  pas 
à  se  l'attribuer;  il  a  l'illusion  qu'il  a  choisi  librement  ce 
chiffre,  et  il  est  persuadé  que,  s'il  l'avait  voulu,  il  aurait 


190  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

pu  en  choisir  un  autre;  mais  on  lui  montrera  le  con- 
traire en  refaisant  la  même  expérience,  ce  qui  le  met  dans 
l'impossibilité  temporaire  de  penser  à  un  autre  chiffre  que 
celui-là.  J'ai  aussi  employé  quelquefois  l'artifice  suivant 
qui  intrigue  beaucoup  les  malades;  on  écrit  un  chiffre  quel- 
conque, par  exemple  trois,  sur  un  morceau  de  papier,  qu'on 
plie  en  quatre,  puis  on  donne  ce  papier  au  malade  en  le 
priant  de  choisir  un  chiffre  quelconque  et  d'y  penser  quel- 
ques instants;  pendant  que  le  malade  cherche  le  chiffre, 
on  fait  sur  sa  main  anesthésique  trois  piqûres,  ce  qui 
l'oblige  à  penser  au  chiffre  trois;  puis,  quand  il  a  déclaré 
ce  trois  qu'il  croit  avoir  choisi  au  hasard,  on  lui  fait  déplier 
le  papier,  et  on  lui  moutre  qu'on  avait  prévu  d'avance  sa 
pensée;  la  réussite  de  cette  petite  expérience  est  à  peu 
près  certaine. 

Tout  ce  qui  précède  montre  bien  que  le  malade  ne  saisit 
point  l'origine  de  l'idée  qui  vient  tout  à  coup,  brusque- 
ment, envahir  le  champ  de  sa  conscience  normale.  Jamais, 
remarquons-le  avec  insistance,  jamais  les  sujets  que  nous 
avons  étudiés  ne  se  sont  doutés  de  l'origine  de  ces  idées; 
la  séparation  de  conscience  a  toujours  été  complète, 
absolue,  malgré  les  communications  qui  s'étabhssent 
entre  les  deux  consciences. 

C'est  un  des  caractères  les  plus  curieux  de  cette  expé- 
rience que  l'état  d'obsession  où  elle  place  la  personne 
pendant  un  moment;  cet  état  com.mence  parfois  dès  qu'on 
fait  la  première  piqûre;  le  sujet  ne  peut  pas  penser  à  un 
nombre  avant  que  la  série  de  piqûres  soit  terminée,  fût-elle 
de  cent;  et,  comme  nous  l'avons  dit,  c'est  le  nombre  des 
excitations  qui  s'impose  à  son  esprit.  11  y  a  cependant 
quelques  sujets  qui  réussissent  à  se  soustraire  à  cette 
action  obsédante,  en  employant  un  subterfuge;  priés  de 
penser  à  un  chiffre,  ils  se  servent  du  nombre  des  excita- 
tions comme  chiffre  des  dizaines,  ou  bien  ils  peuvent  le 
faire  entrer  dans  une  autre  combinaison. 

A  la  longue,  quand  les  expériences  se  répètent,  les  idées 
suggérées  par   des  perceptions  inconscientes  deviennent 


LES  IDÉES  d'origine  SUBCONSCIENTE  191 

extrêmement  intenses;  je  les  ai  vues  prendre  le  plus  sou- 
vent la  forme  d'images  visuelles.  L'image  visuelle  est 
devenue  aussi  éblouissante  au  dire  des  malades  qu'une 
sensation  produite  par  la  lumière  électrique;  elle  s'extério- 
risait et  pouvait  couvrir  les  objets  extérieurs  à  la  façon 
d'une  hallucination,  si  bien  que  le  sujet  qui  lit  un  journal 
pendant  l'expérience  est  obligé  de  suspendre  la  lecture, 
il  cesse  de  voir  les  caractères  imprimés;  quand  les  sujets 
arrivent  à  ce  degré  de  sensibilité,  des  excitations  extrême- 
ment légères  apparaissent  aussitôt  sous  la  forme  visuelle, 
et  il  arrive  parfois  qu'ils  croient  voir  l'excitation  qui  est 
portée  sur  le  tégument. 

Un  exemple  sera  nécessaire  pour  se  faire  une  idée  nette 
de  ce  qui  se  passe.  J'applique  un  jour  sur  la  nuque  anes- 
thésique  d'une  jeune  fille  hystérique  un  petit  disque  en 
cuivre,  de  2  cent.  5  de  diamètre,  et  portant  un  petit  dessin 
en  relief;  le  disque,  que  la  malade  n'avait  jamais  vu, 
cela  va  sans  dire,  est  maintenu  pendant  quelques  instants 
au  contact  de  la  peau;  la  malade  s'agite,  elle  se  plaint 
d'avoir  deséblouissements;  elle  voit  des  taches  lumineuses 
de  forme  circulaire  qui  brillent  devant  ses  yeux;  chaque 
fois  qu'on  augmente  la  pression  sur  le  disque,  l'éclat  de 
la  sensation  augmente,  et  si  la  pression  devient  trop  forte, 
elle  peut  produire  le  même  effet  qu'un  jet  de  lumière 
électrique,  elle  immobihse  la  malade  en  catalepsie.  Mais 
n'allons  pas  jusque-là;  maintenons  simplement  le  contact, 
pour  chercher  jusqu'à  quel  point  la  perception  du  disque 
de  cuivre  se  fait  exactement.  Pour  ne  pas  faire  des  inter- 
rogations fertiles  en  suggestions,  je  prie  la  malade  de 
prendre  un  crayon  et  de  dessiner  ce  qu'elle  voit.  C'est  une 
pauvre  fille  sans  grande  instruction,  qui  n'a  jamais  appris  à 
dessiner,  et  qui,  en  outre,  est  atteinte  d'amyotrophie  juvé- 
nile; les  masses  musculaires  de  son  bras,  dont  elle  se  sert 
pour  dessiner,  sont  atrophiées  au  point  qu'elle  peut  à  peine 
le  soulever  jusqu'à  sa  tête.  Malgré  ces  conditions  défec- 
tueuses, la  malade  arrive  à  tracer  le  dessin  suivant,  que 
nous  plaçons  ici  à  côté  de  l'original;  et  pour  permettre  la 


192  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

comparaison,  nous  ajoutons  im  troisième  dessin,  fait  dans 
les  mêmes  conditions  par  une  personne  normale.  Cette 
expérience  nous  révèle  chez  l'inconscient  une  acuité  de 
perception  bien  remarquable  (fîg.  8). 


(1) 


(•2) 


(3) 


Fig.  S.  —  (1),  le  modèle  du  dessin  en  relief  qui  est  appliqué  sur  la  région  nuoale 
du  sujet  en  expérience,  de  façon  à  provoquer  une  impression  laolile  complexe;  (2),  re- 
présentation par  le  dessin  de  Tinipression  provoquée;  sujet  normal;  (3),  représentation 
par  le  dessin  de  l'impression  provoquée;  sujet  hystérique.  (Lavr.) 

Trois  ans  après,  nous  revoyons  la  même  malade,  nous 
répétons  sur  elle  la  même  expérience  avec  un  dessin  dif- 


Fig.  9.  —  (1),  le  modèle  du  dessin  en  relief  qui  est  appliqué  sur  la  région  nucalo- 
du  sujet  en  expérience,  de  façon  à  provoquer  une  impression  tactile  complexe  ;  (2),  re- 
présentation par  le  dessin  de  l'impression  provoquée;  sujet  normal;  (S),  représentation 
par  le  dessin  do  l'impression  provoquée;  sujet  hystérique.  (Lavr.) 

férent,  et  nous  obtenons  encore  un  résultat  bien  curieux, 
qui  est  représenté  par  la  figure  9. 

Il  est  possible  que  ces  expériences  donnent  la  clef  du 
phénomène  décrit  souvent  sous  le  nom  de  transposition 
des  sens,  et  qui  consisterait  dans  l'aptitude  présentée  par 
certaines  personnes  à  voir  au  moyen  des  organes  du  tou- 


LES  IDÉES  D'ORIGINE  SUBGONSGIENTE  193 

cher.  Les  détails  que  nous  venons  de  rapporter  montrent 
que  la  transposition  des  sens  tout  en  étant,  à  strictement 
parler,  une  illusion,  résulte  cependant  d'un  phénomène 
psychologique  de  suggestion  d'images,  qui  est  bien  réel  *. 


III 


11  est  toujours  intéressant  de  trouver  la  confirmation 
d'une  expérience  dans  d'autres  expériences  d'un  genre  dif- 
férent; c'est  pour  cette  raison  que  nous  montrerons  que 
dans  les  divisions  de  conscience  produites  par  distraction 
on  rencontre  également  des  influences  psychiques  exercées 
par  la  conscience  secondaire  sur  la  conscience  principale. 

En  général,  dans  l'état  de  distraction,  la  division  de  con- 
science s'opère  d'une  façon  si  systématique  que  les  con- 
sciences multiples  ne  se  mélangent  pas.  Nous  avons  vu 
que  lorsque,  par  un  ordre  donné  à  l'inconscient,  on  le 
force  à  se  lever  ou  à  marcher,  le  personnage  principal 
ne  s'aperçoit  de  rien;  il  croit  rester  assis  et  immobile, 
tandis  que  ses  bras  et  son  corps  entier  obéissent  à  l'ordre 
reçu.  Une  hallucination  lui  couvre  les  yeux  et  l'empêche 
de  voir  les  actes  de  l'inconscient.  Dans  ces  cas,  la  sépa- 
ration des  consciences  reste  aussi  complète  qu'elle  peut 
l'être. 

Mais  il  y  a  d'autres  circonstances  où  le  mélange 
s'opère,  et  M.  Pierre  Janet  en  a  cité  quelques-unes  qui  sont 
bien  curieuses.  On  a  adressé  une  suggestion  d'hallucina- 
tion à  l'inconscient.  «  Le  commandement  n'est  pas  entendu 
par  le  sujet,  l'origine  de  l'hallucination  est  inconsciente, 
mais  l'hallucination  elle-même  est  consciente,  et  entre 
tout  d'un  coup  dans  l'esprit  du  sujet.  Ainsi,  pendant  que 
Léonie  ne  m'écoute  pas,  je  lui  dis  tout  bas  que  la  personne 
à  qui  elle  parle  a  une  redingote  du  plus  beau  vert.  Léonie 

1.  J'ai  pu  étudiei"  longuement,  grâce  à  ce  procédé,  le  phénomèue  de  la 
Vision  mentale.  Voir  Reoue  philosophique,  1890. 

A.    BiNET.  13 


194  LES   PERSONNALITES  COEXISTANTES 

semble  n'avoir  rien  entendu,  et  cause  encore  avec  cette 
personne,  puis  elle  s'interrompt  et  éclate  de  rire  :  «  Oh! 
mon  Dieu,  comment  vous  êtes-vous  habillé  ainsi,  et  dire 
que  je  ne  m'en  étais  pas  encore  aperçue.  »  Je  lui  dis  de 
même  tout  bas  qu'elle  a  un  bonbon  dans  la  bouche;  elle 
semble  bien  n'avoir  rien  entendu,  et  si  je  l'interroge,  elle 
ne  sait  ce  que  j'ai  dit,  mais  la  voici  cependant  qui  fait  des 
grimaces  et  qui  s'écrie  :  «  Ah  !  qui  est-ce  qui  m'a  donc  mis 
cela  dans  la  bouche?  »  Ce  phénomène  est  fort  complexe, 
il  comprend  un  mélange  de  faits  inconscients  et  de  faits 
conscients  reliés  à  un  certain  point  de  vue  et  cependant 
séparés  à  un  autre  \  » 

L'auteur  arrive,  on  le  voit,  à  la  même  conclusion  que 
nous.  L'exemple  cité  e^t  d'autant  plus  intéressant  qu'il 
peut  être  considéré  comme  le  type  de  la  plupart  des 
suggestions.  Nous  reviendrons  plus  tard  sur  cette  ques- 
tion importante. 

Et  maintenant,  si  nous  jetons  un  coup  d'œil  d'ensemble 
sur  l'objet  des  trois  chapitres  précédents,  nous  voyons 
que  la  division  de  conscience,  telle  qu'elle  existe  chez 
l'hystérique,  ne  constitue  pas  une  démarcation  brusque, 
suspendant  toute  relation  entre  les  consciences.  Loin  de 
là  ;  les  phénomènes  psychologiques  de  chaque  groupe  exer- 
cent sur  le  groupe  voisin  une  influence  incessante,  et  la 
division  de  conscience  ne  suspend  même  pas  le  jeu  de 
l'association  des  idées;  il  arrive  qu'une  idée  associée  à  une 
autre  l'éveille  et  la  suggère,  bien  que  les  deux  appartien- 
nent à  des  consciences  différentes.  La  division  laisse  donc 
subsister  l'automatisme  des  images,  des  sensations  et  des 
mouvements;  elle  consiste  seulement  dans  une  limitation 
de  la  conscience;  chacun  des  moi  ne  connaît  que  ce  qui  se 
passe  dans  son  domaine. 

Dans  tout  ce  qui  précède  et  dans  tout  ce  qui  va  suivre, 
nous  ne  cessons  pas  de  rester  dans  un  sujet  très  limité; 
nous  ne  cultivons  qu'un  petit  coin  du  vaste  domaine  de  la 

1.   0//.  ciL,  p.  242. 


LES  IDEES  D'ORIGINE  SUBCONSGIENTE  195 

pathologie  mentale  et  nerveuse;  ainsi,  nous  négligeons 
complètement  l'étude  des  aliénés,  pensant  que  sur  ce 
point  rien  de  décisif  n'a  été  fait  depuis  l'ouvrage  de 
M.  Ribot,  qui  a  Lien  montré  dans  quelle  mesure  ces 
malades  peuvent  présenter  des  personnalités  multiples.  Il 
faut  cependant  franchir  ici,  une  fois  seulement,  les  limites 
que  nous  nous  sommes  tracées,  car  les  faits  que  nous 
venons  d'étudier  trouvent  dans  la  pathologie  mentale  une 
application  tellement  directe  qu'on  ne  peut  se  dispenser 
de  la  signaler. 

En  effet,  s'il  est  exact  qu'on  rencontre  fréquemment  chez 
les  aliénés  et  dans  une  foule  d'autres  conditions  morbides 
des  séparations  de  conscience,  on  doit  rencontrer  bien 
plus  fréquemment  encore  des  consciences  qui,  quoique 
séparées,  continuent  à  agir  les  unes  sur  les  autres,  ce  qui 
produit  des  résultats  d'une  grande  complexité. 

Nos  expériences,  qui  ont  porté  presque  uniquement  sur 
des  suggestions  d'images  visuelles,  ne  donnent  pas  une 
idée  du  nombre  considérable  de  formes  que  la  communi- 
cation de  consciences  peut  revêtir;  il  peut  se  produire 
non  seulement  des  hallucinations  visuelles,  mais  des  hal- 
lucinations de  tous  les  autres  sens  et  des  idées  fixes;  la 
volonté  et  les  sentiments  peuvent  être  également  affectés, 
et  c'est  là  probablement  ce  qui  exphquerait  un  certain 
nombre  des  impulsions  irrésistibles  que  le  malade  subit 
sans  perdre  la  conscience  de  son  identité. 

Dans  ces  derniers  temps  M.  Séglas  *  a  montré  plus  claire- 
ment qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'ici  que  certains  malades 
peuvent  contenir  des  groupes  distincts  de  phénomènes 
psychologiques,  et  qu'il  peut  y  avoir  entre  ces  groupes,  à 
des  moments  donnés,  des  communications  d'idées;  ces 
idées  prennent  chez  les  aliénés  de  préférence  la  forme 
auditive  ou  la  forme  motrice;  le  plus  communément,  ce 
sont  des  voix  qui  se  font  entendre  au  malade;  les  voix 

1.  Progrès  médical,  n°'  33,  34,  1888,  et  Annales  médico-psycho.,  janv.  et 
juillet  1889.  Voir  aussi  un  très  intéressant  article  de  F.  de  Sarlo  [Rivista 
di  Freniatria,  II  et  III,  1891). 


196  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

prononcent  des  paroles  ayant  un  sens,  et  répondant,  comme 
on  a  pu  s'en  assurer,  à  un  état  de  préoccupation  dont  le 
malade  n'a  point  la  conscience  claire;  parfois,  le  malade 
n'entend  pas  distinctement  le  son,  mais  il  perçoit  un 
mouvement  d'articulation  qui  se  produit  dans  sa  bouche, 
et  il  comprend  le  sens  des  paroles  qui  sont  sur  le  point 
d'être  émises;  c'est  l'hallucination  motrice  verbale;  d'autres 
fois,  sa  main  écrit  spontanément  sans  quïl  en  ait  cons- 
cience. Il  n'est  pas  besoin  d'insister  longuement  pour 
montrer  l'intérêt  de  ces  observations  et  leur  analogie  avec 
celles  que  l'on  fait  sur  les  hystériques. 


CHAPITRE  IX 


LA  PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS 


i.  Historique.  —  Le  pendule  explorateur.  —  Idées  de  Chevreul.  —  L'écri- 
ture automatique.  —  La  lecture  de  pensée.  —  Expériences  de  M.  Richet 
et  de  ^\.  Gley.  —  Interprétation  des  recherches  précédentes.  —  Les  pro- 
priétés motrices  des  images.  —  Insuffisance  de  cette  explication. 

II.  La  division  de  l'attention  volontaire.  —  Ses  effets  ordinaires.  —  L'in- 
conscience fréquente,  preuve  d'une  tendance  au  dédoublement. 

m.  Les  manifestations  subconscientes  pendant  l'état  de  distraction.  — ■ 
Anesthésie.  —  Répétition  des  mouvements  communiqués.  — •  Caractère 
intelligent  de  cette  répétition.  —  La  suggestion  par  le  sens  du  toucher. 
—  L'écriture  automatique.  —   Conclusion. 


I 

Il  est  aujourd'hui  devenu  banal  de  remarquer  que  la 
plupart  des  expériences  qu'on  a  pratiquées  sur  des  per- 
sonnes hystériques  se  répètent  avec  des  résultats  à  peu 
près  équivalents  mais  amoindris  chez  des  personnes  saines, 
et  que  par  conséquent  l'hystérie,  dont  les  troubles  intellec- 
tuels ont  été  étudiés  avec  une  si  grande  prédilection  par 
la  psychologie  française  contemporaine,  doit  être  consi- 
dérée comme  un  réactif  permettant  de  rendre  plus  appa- 
rents certains  phénomènes  délicats  de  l'intelligence  nor- 
male. Nous  allons  trouver  ici  une  nouvelle  démonstration 
de  cette  vérité. 

Deux  procédés  d'exposition  sont  à  notre  disposition.  On 
pourrait   d'abord  chercher  des  exemples  de  dissociation 


198  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

mentale  dans  les  observations  de  la  vie  courante,  montrer 
par  exemple  que  de  tous  temps  les  moralistes  et  les  poètes 
ont  soutenu  qu'il  existe  en  chacun  de  nous  plusieurs  moi, 
qui  se  révèlent  principalement  dans  les  manifestations 
violentes  de  la  passion.  Malgré  l'intérêt  littéraire  de  ces 
recherches,  nous  croyons  utile  de  les  négliger,  parce 
qu'elles  donnent  des  résultats  trop  incertains;  il  est  pré- 
férable, à  tous  les  points  de  vue,  d'employer  un  autre 
procédé. 

Nous  allons  nous  borner  à  relater  les  expériences  qui 
ont  été  faites  sur  des  personnes  saines  ou  à  peu  près,  et 
qui  contiennent  des  preuves  de  dissociation  de  conscience; 
ces  expériences  sont  précises,  autant  du  moins  que  des 
expériences  psychologiques  peuvent  l'être;  et  leurs  résul- 
tats, sans  avoir  la  généralité  et  le  caractère  brillant  des  des- 
criptions des  poètes,  nous  paraissent  mille  fois  préférables  \ 

Toutes  les  expériences  qui  vont  suivre  ont  pour  trait 
commun  de  placer  une  personne  dans  une  condition  telle 
qu'elle  trahit  au  dehors,  sans  le  vouloir  et  souvent  sans  le 
savoir,  la  pensée  secrète  qui  l'occupe.  En  d'autres  termes, 
cette  personne  est  amenée  à  exécuter  des  mouvements 
inconscients. 

L'interprétation  psychologique  de  ces  expériences  a  un 
peu  varié;  celle  qu'on  avait  imaginée  autrefois  était  assez 
simple.  On  admettait  que  le  caractère  principal  des  mouve- 
ments inconscients  est  une  action  des  pensées  sur  les  mou- 
vements; toute  pensée,  et  particulièrement  si  elle  est  con- 
crète, si  elle  est  image,  a  une  tendance  à  se  dépenser  en 
mouvement;  elle  contient  en  elle  un  germe  moteur;  bien 
plus,  elle  est  un  mouvement  qui  commence,  qui  s'ébauche; 
penser,  a-t-on  dit  avec  raison,  c'est  se  retenir  d'agir,  c'est 
exercer  une  action  d'arrêt  sur  la  tendance  motrice  des 
images  qui  occupent  l'esprit  à  un  moment  donné.  Suppo- 


1.  Ces  études  sur  les  réacUons  des  sujets  sains  comparés  aux  hysté- 
nijucs,  soulèvent  des  proljlèmes  encore  disciilcs,  par  exemple  celui  des 
rapports  de  l'hystérie  avec  l'hypnotisme.  Nous  laissons  ces  problèmes  de 
côté  et  nous  nous  contentons  de  décrire  une  série  d'expériences. 


PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     199 

sons  que  pour  une  raison  quelconque  cet  arrêt  n'ait  pas 
lieu;  la  pensée  va  se  traduire  en  acte,  l'état  psychique 
interne  va  prendre  une  forme  extérieure,  indépendamment 
de  la  volonté  de  la  personne,  et  souvent  à  son  insu.  C'est 
l'automatisme  des  images,  et  pour  qu'il  se  manifeste,  une 
seule  condition  est  requise,  ne  pas  l'empêcher,  laisser  faire. 

Telle  est,  résumée  en  quelques  mots,  la  théorie  de  l'au- 
tomatisme qu'on  a  admise  pendant  longtemps;  il  semble, 
comme  nous  l'avons  dit,  qu'on  doive  un  peu  la  compli- 
quer, en  y  ajoutant  le  jeu  simultané  de  plusieurs  synthèses 
mentales.  Les  mouvements  inconscients  des  individus 
normaux  doivent  être  considérés,  à  ce  qu'il  semble,  non 
comme  de  simples  effets  des  propriétés  motrices  des 
imases,  mais  comme  des  effets  d'un  dédoublement  mental 
très  léger.  Par  là  ils  se  rattachent  aux  observations  et  aux 
expériences  qui  ont  été  faites  sur  les  hystériques,  et  on 
pourra  chemin  faisant  s'assurer  que  ce  sont  comme  des 
épisodes  incomplets,  fragmentaires  de  l'histoire  des  plura- 
lités de  conscience. 

Il  faut  maintenant  citer  les  faits  et  les  expériences.  En 
suivant  Tordre  historique ,  nous  examinerons  d'abord 
l'expérience  du  pendule  explorateur,  qui,  comme  on  le 
sait,  a  été  bien  analysée  pour  la  première  fois  par  Ghe- 
vreul;  nous  étudierons  ensuite  l'écriture  automatique  et  la 
lecture  de  pensées. 

Le  pendule  explorateur  est  un  instrument  assez  simple; 
il  se  compose  d'un  corps  solide  suspendu  à  un  fil,  dont 
l'extrémité  libre  est  tenue  entre  les  doigts.  Mais  si  l'instru- 
ment est  simple,  les  phénomènes  qu'il  permet  d'observer 
sont  assez  déhcats,  et  l'interprétation  qu'on  en  a  donnée  a 
beaucoup  varié. 

Il  est  utile  de  reproduire  presque  entièrement  la  lettre 
que  Ghevreul  écrivit  à  Ampère  sur  «  une  classe  particulière 
de  mouvements  musculaires  «.Cette  lettre  fut  publiée  dans 
la  Revue  des  Deux  Mondes  le  1"  mai  1832;  elle  contient 
un  résumé  des  expériences  de  Chevreul  sur  le  pendule 
explorateur. 


200  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

«  Mon  cher  ami, 

«  Vous  me  demandez  une  description  des  expériences  que 
je  fis  en  1812  pour  savoir  s'il  est  vrai,  comme  plusieurs 
personnes  me  l'avaient  assuré,  ([u' un  pendule  formé  d'un 
corps  lourd  et  d'un  fil  flexible  oscille  lorsqu'on  le  tient  à  la 
main  au-dessus  de  certains  corps,  quoique  le  bras  soit 
immobile.  Vous  pensez  que  ces  expériences  ont  quelque 
importance;  en  me  rendant  aux  raisons  que  vous  m'avez 
données  de  les  publier,  qu'il  me  soit  permis  de  dire  qu'il  a 
fallu  toute  la  foi  que  j'ai  en  vos  lumières  pour  me  déter- 
miner à  mettre  sous  les  yeux  du  public  des  faits  d'un  genre 
si  différent  de  ceux  dont  je  Tai  entretenu  jusqu'ici.  Quoi 
qu'il  en  soit,  je  vais,  suivant  votre  désir,  exposer  mes 
observations;  je  les  présenterai  dans  l'ordre  où  je  les  ai 
faites. 

«  Le  pendule  dont  je  me  servis  était  un  anneau  de  fer 
suspendu  à  un  fîl  de  chanvre;  il  avait  été  disposé  par  une 
personne  qui  désirait  vivement  que  je  vérifiasse  moi-même 
le  phénomène  qui  se  manifestait  lorsqu'elle  le  mettait  au- 
dessus  de  l'eau,  d'un  bloc  de  métal,  ou  d'un  être  vivant; 
phénomène  dont  elle  me  rendit  témoin.  Ce  ne  fut  pas,  je 
l'avoue,  sans  surprise,  que  je  le  vis  se  reproduire,  lors- 
qu'ayant  saisi  moi-même  de  la  main  droite  le  fil  du  pen- 
dule, j'eus  placé  ce  dernier  au-dessus  du  mercure  de  ma 
cuve  pneumato-chimique,  d'une  enclume,  de  plusieurs  ani- 
maux, etc.  Je  conclus  de  mes  expériences  que  s'il  n'y  avait, 
comme  on  me  l'assurait,  qu'un  certain  nombre  de  corps 
aptes  à  déterminer  les  oscillations  du  pendule,  il  pourrait 
arriver  qu'en  interposant  d'autres  corps  entre  les  premiers 
et  le  pendule  en  mouvement,  celui-ci  s'arrêterait.  Malgré 
ma  présomption,  mon  élonnement  fut  grand,  lorsqu'après 
avoir  pris  de  la  main  gauche  une  plaque  de  verre,  un  gâteau 
de  résine,  etc.,  et  avoir  placé  un  de  ces  corps  entre  du 
mercure  et  le  pendule  qui  oscillait  au-dessus,  je  vis  les 
oscillations  diminuer  d'ampHtude  et  s'anéantir  entière- 
ment. Elles  recommencèrent  lorsque  le  corps  intermédiaire 


PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     201 

eut  été  retiré,  et  s'anéantirent  de  nouveau  par  l'interposi- 
tion du  même  corps.  Cette  succession  de  phénomènes  se 
répéta  un  grand  nombre  de  fois  et  avec  une  constance  vrai- 
ment remarquable,  soit  que  le  corps  intermédiaire  fût  tenu 
par  moi,  soit  qu'il  le  fût  par  une  autre  personne.  Plus  ces 
effets  me  paraissaient  extraordinaires,  et  plus  je  sentais  le 
besoin  de  vérifier  s'ils  étaient  réellement  étrangers  à  tout 
mouvement  musculaire  du  bras,  ainsi  qu'on  me  l'avait 
affirmé  de  la  manière  la  plus  positive.  Cela  me  conduisit  à 
appuyer  le  bras  droit,  qui  tenait  le  pendule,  sur  un  support 
de  bois  que  je  faisais  avancer  à  volonté  de  l'épaule  à  la 
main  et  revenir  de  la  main  vers  l'épaule.  Je  remarquai 
bientôt  que,  dans  la  première  circonstance,  le  mouvement 
du  pendule  décroissait  d'autant  plus  que  l'appui  s'appro- 
chait davantage  de  la  main,  et  qu'il  cessait  lorsque  les 
doigts  qui  tenaient  le  fil  étaient  eux-mêmes  appuyés, 
tandis  que  dans  la  seconde  circonstance,  l'effet  contraire 
avait  heu;  cependant  pour  des  distances  égales  du  sup- 
port au  fil,  le  mouvement  était  plus  lent  qu'auparavant.  Je 
pensai,  d'après  cela,  qu'il  était  très  probable  qu'un  mouve- 
ment musculaire  qui  avait  lieu  à  mon  insu  déterminait  le 
phénomène,  et  je  devais  d'autant  plus  prendre  cette  opi- 
nion en  considération  que  j'avais  un  souvenir,  vague  à  la 
vérité,  d'avoir  été  dans  un  état  tout  particulier,  lorsque 
mes  yeux  suivaient  les  oscillations  que  décrivait  le  pendule 
que  je  tenais  à  la  main. 

«  Je  refis  mes  expériences,  le  bras  parfaitement  libre,  et  je 
me  convainquis  que  le  souvenir  dont  je  viens  de  parler 
n'était  pas  une  illusion  de  mon  esprit,  car  je  sentis  très  bien 
qu'en  même  temps  que  mes  yeux  suivaient  le  pendule  qui 
oscillait,  il  y  avait  en  moi  une  disposition,  ou  tendance  au 
mouvement,  qui,  toute  involontaire  qu'elle  semblait,  était 
d'autant  plus  satisfaite  que  le  pendule  décrivait  de  plus 
grands  arcs;  dès  lors,  je  pensai  que  si  je  répétais  les  expé- 
riences les  yeux  bandés,  les  résultats  pourraient  être  tout 
différents  de  ceux  que  j'observais;  c'est  précisément  ce  qui 
arriva.  Pendant  que  le  pendule  oscillait  au-dessus  du  mer- 


•20-2  LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

cure,  on  m'appliqua  un  bandeau  sur  les  yeux  :  le  mouve- 
ment diminua  bientôt;  mais  quoique  les  oscillations  fussent 
faibles,  elles  ne  diminuèrent  pas  sensiblement  par  la  pré- 
sence des  corps  qui  avaient  paru  les  arrêter  dans  mes  pre- 
mières expériences.  Enfin,  à  partir  du  moment  où  le  pen- 
dule fut  en  repos,  je  le  tins  encore  pendant  un  quart 
d'heure  au-dessus  du  mercure,  sans  qu'il  se  remît  en 
mouvement,  et  dans  ce  temps-là,  et  toujours  à  mon  insu, 
on  avait  interposé  et  retiré  plusieurs  fois,  soit  le  plateau 
de  verre,  soit  le  gâteau  de  résine. 

«  Voici  comment  j'interprète  ces  phénomènes  : 
«  Lorsque  je  tenais  le  pendule  à  la  main,  le  mouvement 
musculaire  de  mon  bras,  quoique  insensible  pour  moi,  fît 
sortir  le  pendule  de  l'état  de  repos,  et  les  oscillations  une 
fois  commencées  furent  bientôt  augmentées  par  l'influence 
que  la  vue  exerça  pour  me  mettre  dans  cet  état  particulier 
de  disposition  ou  tendance  au  mouvement.  Maintenant,  il 
faut  bien  reconnaître  que  le  mouvement  musculaire,  lors 
même  qu'il  s'est  accru  par  cette  même  disposition,  est 
cependant  assez  faible  pour  s'arrêter,  je  ne  dis  pas  sous 
l'empire  de  la  volonté,  mais  lorsqu'on  a  simplement  la 
pensée  d'essayer  si  telle  chose  l'arrêtera.  Il  y  a  donc  une 
liaison  intime  établie  entre  l'exécution  de  certains  mouve- 
ments et  l'acte  de  la  pensée  qui  y  est  relative,  quoique  cette 
pensée  ne  soit  point  encore  la  volonté  qui  commande  aux 
organes  musculaires.  C'est  en  cela  que  les  phénomènes 
que  j'ai  décrits  me  semblent  de  quelque  intérêt  pour  la 
psychologie,  et  môme  pour  l'histoire  des  sciences;  ils  prou- 
vent combien  il  est  facile  de  prendre  des  illusions  pour  des 
réalités,  toutes  les  fois  que  nous  nous  occupons  d'un  phé- 
nomène où  nos  organes  ont  quelque  part,  et  cela  dans  des 
circonstances  qui  n'ont  pas  été  analysées  suffisamment. 

«  En  effet,  que  je  me  sois  borné  à  faire  osciller  le  pen- 
dule au-dessus  de  certains  corps,  et  aux  expériences  où  ses 
oscillations  furent  arrêtées,  quand  on  interposa  du  verre, 
de  la  résine,  etc.,  entre  le  pendule  et  les  corps  qui  sem- 
blaient en  déterminer  le  mouvement,  et  certainement  je 


PLURALITE  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     203 

n'aurais  point  eu  de  raison  pour  ne  pas  croire  à  la  baguette 
divinatoire  et  à  autre  chose  du  même  genre.  Maintenant, 
on  concevra  sans  peine  comment  des  hommes  de  très 
bonne  foi,  et  éclairés  d'ailleurs,  sont  quelquefois  portés  à 
recourir  à  des  idées  tout  à  fait  chimériques  pour  expliquer 
des  phénomènes  qui  ne  sortent  pas  réellement  du  monde 
physique  que  nous  connaissons  ^  Une  fois  convaincu  que 
rien  de  vraiment  extraordinaire  n'existait  dans  les  effets  qui 
m'avaient  causé  tant  de  surprise,  je  me  suis  trouvé  dans 
une  disposition  si  différente  de  celle  où  j'étais  la  première 
fois  que  je  les  observai,  que  longtemps  après  et  à  diverses 
époques,  j'ai  essayé,  mais  toujours  en  vain,  de  les  repro- 
duire... 

«  Les  faits  précédents,  et  l'interprétation  que  j'en  ai 
donnée,  m'ont  conduit  à  les  enchaîner  à  d'autres  que  nous 
pouvons  observer  tous  les  jours;  par  cet  enchaînement, 
l'analyse  de  ceux-ci  devient  à  la  fois  plus  simple  et  plus 
précise  qu'elle  ne  l'a  été,  en  même  temps  que  l'on  forme 
un  ensemble  de  faits  dont  l'interprétation  générale  est  sus- 
ceptible d'une  grande  extension.  Mais  avant  d'aller  plus 
loin,  rappelons  bien  que  mes  observations  présentent  deux 
circonstances  principales  : 

«  I.  Penser  qu'un  pendule  tenu  à  la  main  peut  se  mouvoir, 
et  qu'il  se  meuve  sans  qu'on  ait  la  conscience  que  l'organe 
musculaire  lui  imprime  aucune  impulsion  :  voilà  un  pre- 
mier fait. 

«  IL  Voir  ce  pendule  osciller,  et  que  ses  oscillations  devien- 
nent plus  étendues  par  l'influence  de  la  vue  sur  l'organe 
musculaire,  et  toujours  sans  qu'on  en  ait  la  conscience  : 
voilà  un  second  fait. 

1.  «  Je  conçois  très  bien  qu'un  homme  de  bonne  foi,  dont  l'attention  tout 
entière  est  fixée  sur  le  mouvement  qu'une  baguette  qu'il  tient  en  ses  mains 
peut  prendre  par  une  cause  qui  lui  est  inconnue,  pourra  recevoir,  de  la 
moindre  circonstance,  la  tendance  au  mouvement  nécessaire  pour  amener 
la  manifestation  du  phénomène  qui  l'occupe.  Par  exemple,  si  cet  homme 
cherche  une  source,  s'il  n'a  pas  les  yeux  bandés,  la  vue  d'un  gazon  vert, 
abondant,  sur  lequel  il  marche,  pourra  déterminer  en  lui,  à  son  insu,  le 
mouvement  musculaire  capable  de  déranger  la  baguette,  par  la  liaison 
établie  entre  l'idée  de  la  végétation  active  et  celle  de  l'eau.  » 


204  LES   PERSONNALITES  COEXISTANTES 

«  La  tendance  au  mouvement  déterminée  en  nous  par  la 
vue  d'un  corps  en  mouvement  se  retrouve  dans  plusieurs 
cas,  par  exemple  : 

«  1°  Lorsque  l'attention  étant  entièrement  fixée  sur  un 
oiseau  qui  vole,  sur  une  pierre  qui  fend  l'air,  sur  de  l'eau 
qui  coule,  le  corps  du  spectateur  se  dirige  d'une  manière 
plus  ou  moins  prononcée  vers  la  ligne  du  mouvement; 

«  2°  Lorsqu'un  joueur  de  boule  ou  de  billard  suivant  de 
l'œil  le  mobile  auquel  il  a  imprimé  le  mouvement,  porte 
son  corps  dans  la  direction  qu'il  désire  voir  suivre  à  ce 
mobile,  comme  s'il  lui  était  possible  encore  de  le  diriger 
vers  le  but  qu'il  a  voulu  lui  faire  atteindre... 

«  La  tendance  au  mouvement  dans  un  sens  déterminé, 
résultant  de  l'attention  qu'on  donne  à  un  certain  objet,  me 
semble  la  cause  première  de  plusieurs  phénomènes  qu'on 
rapporte  généralement  kV imitation)  ainsi,  dans  le  cas  où  la 
vue  et  même  l'audition  porte  notre  pensée  sur  une  personne 
qui  bâille,  le  mouvement  musculaire  du  bâillement  en  est 
ordinairement  chez  nous  la  conséquence;  je  pourrais  en 
dire  autant  de  la  communication  du  rire,  et  cet  exemple 
même  présente,  plus  que  tout  autre  analogue,  une  circons- 
tance qui  me  paraît  appuyer  beaucoup  l'interprétation  que 
je  donne  de  ces  phénomènes;  c'est  que  le  rire,  faible 
d'abord,  peut,  s'il  se  prolonge,  passez-moi  l'expression, 
^'accélérer  (comme  nous  avons  vu  les  oscillations  du  pen- 
dule tenu  à  la  main  augmenter  d'amplitude  sous  l'in- 
fluence de  la  vue),  et  le  rire  ^'accélérant  peut  aller  jusqu'à 
la  convulsion.  » 

Le  mérite  de  Chevreul  est  d'avoir  bien  vu  que  les  oscil- 
lations du  pendule  ont  une  cause  psychologique  et  tiennent 
à  l'état  d'esprit  de  l'observateur  en  expérience  ;  le  pen- 
dule, en  somme,  n'est  qu'un  instrument  commode  pour 
enregistrer  les  mouvements  inconscients  de  la  main  ;  et  il  les 
rend  visibles  en  les  amplifiant.  Si  on  cherche  à  condenser 
en  quelques  mots  les  explications  un  peu  diffuses  de  Che- 
vreul, on  voit  qu'il  a  attribué  le  phénomène  à  ce  que  l'on 
désigne  aujourd'hui  sous  le  nom  de  pouvoir  moteur  des 


PLURALITE  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     205 

images.  Nous  reviendrons  sur  cette  explication,  après  avoir 
cité  quelques  autres  exemples  de  mouvements  inconscients. 

\a  écriture  automatique  peut  être  considérée  comme  une 
action  psychologique  de  même  ordre  que  celle  du  pendule 
explorateur;  l'action  est  seulement  un  peu  plus  délicate  et 
plus  complexe;  voici  en  quoi  elle  consiste  et  dans  quelles 
conditions  on  peut  la  provoquer.  Nous  empruntons  les 
détails  suivants  à  une  note  intéressante  que  M.  Gley  a 
publiée  à  propos  d'un  de  nos  articles  sur  l'anesthésie  hysté- 
rique et  sur  les  mouvements  inconscients  qu'on  peut  y 
observer. 

«  La  personne  sur  laquelle  je  fais  Texpérience,  dit 
M.  Gley,  prend  une  plume  ou  un  crayon;  je  lui  dis  de 
pensera  un  nom  et  que  je  vais,  sans  qu'elle  me  dise  rien, 
bien  entendu,  écrire  ce  nom;  alors  je  lui  saisis  la  main  et, 
tenant  celle-ci  et  paraissant  la  diriger  comme  lorsqu'on 
apprend  à  écrire  à  un  enfant,  en  réalité  je  la  laisse  aller, 
car  c'est  la  personne  môme  qui  écrit  le  nom  en  question 
sans  en  avoir  conscience.  Inversement,  on  peut  tenir  soi- 
même  la  plume  et  se  faire  conduire  la  main  par  le  sujet  en 
expérience.  La  pratique  toutefois  m'a  montré  qu'on  réussit 
mieux  de  la  première  manière.  Une  précaution  utile  à 
prendre  consiste  à  faire  fermer  les  yeux  au  sujet  ou  à  le 
prier  de  regarder  droit  devant  lui  ou  en  l'air,  bref,  ailleurs 
que  sur  le  papier. 

«  J'ai  réussi  cette  petite  expérience  sur  un  très  grand 
nombre  de  personnes  d'âges  divers  et  de  l'un  ou  de  l'autre 
sexe,  de  conditions  sociales  variées,  très  bonnes  en  général. 
C'est  dire  qu'il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  d'un  état  plus 
ou  moins  morbide  du  système  nerveux  (hystérie  par 
exemple).  Dans  la  plupart  des  cas,  les  mouvements  graphi- 
ques sont  absolument  inconscients;  dans  quelques  cas,  au 
bout  d'un  temps  variable,  mais  toujours  très  appréciable, 
le  sujet  s'aperçoit  qu'il  exécute  des  mouvements;  ceux-ci 
cessent  conséquemment  d'être  inconscients  pour  devenir 
simplement  involontaires.  J'ai  toujours  réussi  jusqu'à  pré- 
sent, et  du  premier  coup,  avec  les  personnes  qui  savent  un 


•20(5  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

peu  dessiner,  à  plus  forte  raison  avec  des  peintres,  avec  des 
sculpteurs,  etc.  » 

Des  expériences  analogues  ont  été  faites  avec  les  mêmes 
résultats  par  un  très  grand  nombre  d'auteurs,  Preyer, 
Sikorsky,  etc.  Les  variantes  sont  si  insignifiantes  qu'elles 
ne  méritent  pas  d'être  signalées. 

Il  est  facile  de  reconnaître  que  l'écriture  automatique 
est  la  même  opération  psychologique  que  celle  du  pendule 
explorateur;  dans  les  deux  cas  un  mouvement  se  produit, 
sans  que  le  sujet  en  ait  conscience,  et  ce  mouvement  de  la 
main  traduit  une  pensée  interne;  c'est  la  pensée  d'une 
direction  dans  l'espace,  comme  dans  l'expérience  de  Ghe- 
vreul,  ou  la  pensée  d'un  mot  à  écrire,  comme  dans  l'ex- 
périence de  l'écriture  automatique.  L'analogie  des  deux 
expériences  est  si  frappante  qu'on  leur  a  donné,  et  avec 
raison,  une  explication  commune.  Ceux  qui  ont  cherché  à 
expliquer  les  mouvements  du  pendule  explorateur  par  le 
pouvoir  moteur  des  images  ont  invoqué  ici  le  même  fait 
psychologique.  A  ce  titre,  il  sera  intéressant  de  repro- 
duire l'interprétation  de  M.  Gley. 

((  Si  les  choses  se  passent  ainsi,  c'est,  je  crois,  parce  qu'il 
entre  dans  toute  représentation  des  éléments  moteurs, 
ceux-ci  jouant  pour  la  constitution  et  par  suite  dans  le 
rappel  de  l'image  un  rôle  plus  ou  moins  important  suivant 
les  individus.  Qu'est-ce  en  particulier  qu'un  nom?  Il  y  a 
déjà  longtemps  que  M.  Gharcot  a  montré  de  la  façon  la 
plus  claire  (voy.  en  particulier  Progrès  médical^  1883)  que 
le  mot  est  un  complexus,  constitué  par  l'association  de 
quatre  espèces  d'images  :  auditive,  visuelle,  motrice  d'arti- 
culation et  motrice  graphique;  et  ses  recherches  anatorno- 
cliniques  ont  prouvé  que  du  trouble  de  l'un  ou  de  l'autre 
des  organes  cérébraux  nécessaires  à  cette  fonction  si  com- 
plexe du  langage  résulte  une  forme  déterminée  d'aphasie 
(surdité  ou  cécité  verbales,  aphasie  motrice,  agraphie). 

«  Mais  chaque  groupe  d'images  n'est  pas  également  impor- 
tant chez  tous  les  individus.  On  sait  très  bien  que  les  uns 
ont  phitôt  des  images  auditives,  les  autres  sont  plutôt  des 


PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS  207 

visuels,  suivant  l'expression  usitée  aujourd'hui,  et  les 
autres  des  moteurs.  Penser  à  un  nom  pour  les  uns  c'est 
donc  surtout,  et  pour  quelques-uns  même,  c'est  exclusive- 
ment entendre  ce  nom  (image  auditive);  pour  les  autres, 
c'est  le  voir;  pour  d'autres  encore,  c'est  le  prononcer  (image 
motrice  d'articulation)  et  pour  un  dernier  groupe  c'est 
l'écrire  (image  graphique).  Qu'on  n'oublie  pas  que  pour 
beaucoup  (les  indifférents^  comme  les  a  appelés  M.  Ghar- 
cot),  les  images  des  trois  catégories  peuvent  être  utilisées. 
Par  suite,  je  suis  porté  à  croire  que,  si  on  trouvait  un  audi- 
tif pur,  et  qu'on  tentât  avec  l'expérience  dont  il  s'agit  ici, 
on  n'obtiendrait  aucun  résultat. 

«  Je  ferai  cependant  une  réserve.  Ne  se  pourrait-il  pas  que 
même  chez  un  auditif,  dans  quelques  cas,  soit  sous  l'in- 
fluence de  la  légère  émotion  produite  par  cette  expérience 
d'apparence  un  peu  étonnante  pour  le  vulgaire,  soit  sur- 
tout à  cause  de  l'attitude  prise  (et  M.  Binet  dans  l'article 
cité  plus  haut  a  bien  montré  l'importance  de  l'attitude  pour 
la  production  de  ces  mouvements  inconscients  chez  les 
hystériques),  soit  pour  ces  deux  raisons  réunies,  l'expé- 
rience réussît?  —  Mais  alors  une  conclusion  ne  s'impose- 
t-elle  pas?  C'est  que  dans  toute  image  il  y  a  des  éléments 
moteurs,  comme  éléments  intégrants  :  aucune  perception 
de  la  vue  n'est  possible  sans  mouvements  des  muscles  de 
l'œil  et  du  muscle  accommodateur;  la  formation  de  toute 
image  tonale  ne  résulte  pas  seulement  de  la  transmission 
au  cerveau  des  sons  entendus,  mais  implique  aussi  des 
mouvements  des  muscles  intrinsèques  de  l'oreille.  Tous 
ces  phénomènes  de  mouvement  laissent  leur  trace  dans  le 
cerveau;  et  ces  résidus  moteurs  doivent  s'associer  aux 
autres  résidus  de  même  nature  qui  résultent  des  mouve- 
ments graphiques.  Seulement  celte  association  est  sans 
doute  plus  ou  moins  forte.  En  tout  cas,  on  voit  que,  même 
chez  les  auditifs  ou  les  visuels  purs,  toute  image  comprend 
des  éléments  moteurs  qui,  dans  certains  cas,  peuvent  réveiller 
des  images  graphiques,  bien  que  celles-ci  chez  ces  individus 
ne  jouent  aucun  rôle  dans  l'exercice  habituel  de  la  pensée. 


208  LES   PERSONNALITES  COEXISTANTES 

«  Il  importe  de  remarquer  maintenant  que  très  générale- 
ment cette  partie  motrice  de  la  représentation  mentale  est 
inconsciente,  si  toutefois  l'on  excepte  le  phénomène  connu 
sous  le  nom  de  parole  intérieure'^  encore  sait-on  qu'il  est 
besoin  d'ordinaire  d'une  certaine  habitude  de  l'observation 
de  soi-même  pour  que  la  parole  intérieure  n'échappe  pas  à 
la  conscience.  En  effet,  toute  représentation  mentale  n'est 
qu'une  résultante;  c'est  de  cette  résultante  seule,  ce  semble, 
que  l'on  a  habituellement  conscience  :  les  éléments  simples 
constituants  ne  se  dégagent  pas.  C'est  ainsi  que  le  timbre 
d'un  son  est  dû  à  ce  que  des  notes  accessoires  s'unissent  à 
la  note  principale;  et  le  son  musical  perçu  est  formé  par 
des  sensations  plus  simples,  agglomérées  pour  ainsi  dire, 
et  qui  ne  sont  point  perçues;  sans  elles  néanmoins,  la  sen- 
sation n'aurait  point  lieu.  Pour  montrer  que  cette  dernière 
implique  les  premières  à  titre  d'éléments  intégrants,  il  faut 
un  artifice  expérimental.  De  cette  manière  peut,  ce  me 
semble,  s'interpréter  l'expérience  que  j'ai  décrite.  De  même, 
les  phénomènes  organiques,  cardiaques,  vaso-moteurs, 
sécrétoires,  etc.,  qui  accompagnent  presque  tous,  sinon 
tous  les  états  affectifs,  aident  sans  doute  ces  états  à  se  con- 
stituer et  peut-être  même  précèdent  le  phénomène  con- 
scient, loin  de  le  suivre;  ils  n'en  restent  pas  moins,  dans 
nombre  de  cas,  inconscients. 

«  Gomme  conséquence  ultime  on  pourrait  dire  que,  pour 
toute  une  classe  d'individus  surtout  (les  moteurs),  se  repré- 
senter un  acte,  c'est  en  ébaucher  l'exécution.  Et  ainsi  on 
trouverait  une  raison  psychologique  profonde  à  la  vieille 
maxime  juridique,  à  savoir  que  l'intention  doit  être 
réputée  pour  le  fait.  » 

La  lecture  de  pensée^  ou  ce  qu'on  appelle  de  ce  nom,  sup- 
pose l'existence  de  mouvements  inconscients,  qui  sont  de 
môme  nature,  à  peu  près,  que  l'écriture  automatique.  Cette 
opération  a  été  souvent  étudiée  et  décrite,  surtout  par  des 
gens  du  monde,  et  elle  constitue  en  effet  un  jeu  de  société; 
elle  fait  partie  de  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  psychologie 
amusante.  Cependant  quelques  hommes  de  science  se  sont 


PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     200 

occupés  de  la  question,  d'abord  M.  Bird  en  Amérique,  puis 
MM.  Richet,  Gley,  de  Varigny,  qui  ont  fait  plusieurs  com- 
munications à  la  Société  de  Biologie  en  1884,  et  MM.  Ro- 
bertson,  Galton,  Romanes,  etc.,  en  Angleterre,  Preyer, 
Sikorsky,  etc.,  en  Allemagne.  Voici  comment  l'expérience 
se  dispose  dans  la  plupart  des  cas.  Une  personne  est 
priée  de  penser  fortement,  avec  autant  de  fixité  que  pos- 
sible, à  un  objet;  l'objet  peut  être  absent,  ou  présent. 
Une  seconde  personne  prend  la  main  de  la  première, 
et  doit  chercher  à  deviner  sa  pensée,  sans  l'interroger 
verbalement.  S'il  s'agit  d'un  objet  présent  dans  le  lieu  où 
l'on  se  trouve,  et  qu'on  a  eu  le  soin  de  cacher,  la  personne 
qui  devine  doit  se  diriger  avec  l'autre  personne  vers  l'en- 
droit de  la  cachette.  Telle  est  l'expérience;  le  nombre  des 
réussites  exclut  l'explication  du  hasard  et  l'honorabilité 
des  personnes  avec  lesquelles  on  a  pu  la  réussir  exclut 
toute  idée  de  simulation.  Comment  donc  une  personne  peut- 
elle  deviner  la  pensée  d'une  autre,  en  lui  tenant  simple- 
ment la  main?  C'est  par  les  mouvements  de  cette  main, 
mouvements  faibles,  délicats,  presque  imperceptibles,  mais 
cependant  bien  significatifs  pour  quiconque  a  le  tact  un 
peu  exercé  et  l'esprit  prompt;  grâce  à  ces  mouvements,  on 
est  conduit  vers  l'objet  cherché  avec  une  précision  dont  on 
ne  se  doute  pas  avant  d'avoir  fait  soi-même  l'expérience. 
M.  Bird  a  donc  eu  raison  de  donner  à  cette  lecture  le  nom 
de  lecture  de  mouvements  musculaires  (muscle-reading). 

La  nature  exacte  de  ces  mouvements  est  difficile  à  décrire, 
elle  varie  du  reste  beaucoup  d'une  personne  à  l'autre;  mais 
il  est  facile  de  comprendre  ce  qu'ils  peuvent  être  dans  un 
certain  nombre  de  cas.  Lorsqu'on  entraîne  loin  de  l'objet 
caché  la  personne  qui  pense  à  cet  objet,  il  peut  arriver  que 
sa  main  résiste  un  peu,  extrêmement  peu,  à  ce  mouvement; 
elle  résistera  moins  si  le  mouvement  la  dirige  vers  l'objet; 
et  enfin,  quand  elle  passera  devant,  il  se  pourra  qu'elle 
exécute  avec  la  main  un  petit  mouvement  de  flexion  ou 
d'extension,  ou  qu'elle  ait  un  petit  soubresaut  qui  indiquera 
que  l'objet  est  là.  Les  personnes  calmes,  pondérées,  qui  ne 

A.    BiNET.  14 


210  LES  PERSOiNNALITES  COEXISTANTES 

donnent  pas  de  signes  d'impatience,  qui  savent  gouverner 
leurs  muscles,  n'ont  pas  de  ces  mouvements. 

Remarquons  bien  que  les  mouvements  ne  sont  en  général 
ni  volontaires  ni  conscients  pour  la  personne  qui  les  exé- 
cute. Il  y  a  mieux  encore;  il  peut  arriver  que  la  personne 
qui  joue  le  rôle  de  devin  ne  perçoive  pas  les  mouvements, 
et  cependant  se  dirige  vers  l'objet  ou  devine  la  pensée  sans 
se  rendre  compte  du  moyen  qu'elle  emploie  pour  y  arriver. 

Cette  explication  de  la  lecture  des  pensées  par  les  mou- 
vements de  la  main  a  été  bien  établie  par  M.  Bird,  pour 
la  première  fois.  M.  Gley  a  eu  l'idée  ingénieuse  d'enre- 
gistrer directement  les  mouvements;  et  les  résultats  de 
cette  méthode  si  démonstrative  sont  assez  intéressants 
pour  mériter  une  publication  intégrale. 

«  Gomme  on  peut  le  voir  sur  les  graphiques,  dit  M.  Gley, 
il  se  produit  tout  le  temps  de  l'expérience  dans  la  main 
du  sujet  des  contractions  fibrillaires,des  petits  mouvements 
de  pression,  etc.,  qui  indiquent,  on  le  comprend  aisément, 
la  direction  à  suivre  et  qui,  en  général,  augmentent  d'inten- 
sité quand  on  arrive  devant  l'objet.  A  ce  moment  d'ailleurs, 
on  est  encore  renseigné  par  l'immobilité  soudaine  du  sujet, 
par  la  cessation  de  tous  mouvements  dans  sa  main,  et  on 
éprouve  même  la  sensation  du  relâchement  qui  survient 
dans  ses  muscles.  Il  y  a  là  une  sorte  de  phénomène 
d'arrêt,  consécutif  à  l'état  de  tension  continue,  de  tonicité 
exagérée,  par  lequel  ses  muscles  viennent  de  passer.  — 
Quant  aux  mouvements  eux-mêmes,  il  est  possible  d'en 
distinguer  de  deux  sortes,  suivant  les  sujets  :  parmi  ceux- 
ci  en  effet,  les  uns  donnent  les  petits  mouvements  de  la 
main,  les  frémissements  musculaires  dont  je  viens  de 
parler;  chez  les  autres,  il  y  a  comme  un  mouvement  de 
traction  de  tout  le  bras  et  de  la  main,  et  dans  ce  cas,  on  se 
sent  quasi  entraîné  vers  l'objet;  chez  quelques-uns  enfin 
on  observe  à  la  fois  cette  traction  et  les  pressions  de  la 
main.  D'autre  part,  il  m'a  semblé  dans  plusieurs  expé- 
riences que  les  sujets  qui  présentent  les  mouvements  de 
pression  sont  ceux  dont  la  main  se  relâche,  lorsqu'on  est 


PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     211 

arrivé  devant  l'objet;  la  main  des  autres,  au  contraire,  à  ce 
moment  reste  contractée  comme  par  une  sorte  de  geste 
impératif. 

«  J'ai  inscrit  ces  mouvements  d'une  manière  très  simple. 
Je  place  dans  la  paume  de  la  main  droite  du  sujet  le  tam- 
bour d'un  cardiographe  double;  ma  propre  main  s'applique 
sur  la  face  métallique  de  ce  tambour,  et  sur  le  dos  de  ma 
main  se  voient  les  doigts  du  sujet.  Ce  petit  appareil  est  mis 
en  relation  avec  un  tambour  dont  le  levier  style  écrit  sur 
un  cylindre  enregistreur.  Dans  quelques  expériences  je  me 
suis  servi  du  myographe  pour  l'homme,  placé  sur  les  mus- 
cles fléchisseurs  de  l'avant-bras,  et  j'ai  obtenu  des  tracés 
analogues.  —  Gomme  je  ne  pouvais  pas  augmenter  déme- 
surément la  longueur  des  tubes  de  caoutchouc  transmet- 
teurs, la  recherche  de  l'objet  ne  s'est  jamais  faite  que  dans 
un  rayon  assez  court,  et  par  conséquent  ces  expériences 
ont  toujours  eu  peu  de  durée. 

«  Assurément  l'analyse  des  mouvements  obtenus  de  cette 
façon  n'est  pas  très  facile  ;  est-elle  même  possible?  car  la 
forme  de  ces  légères  contractions  musculaires,  fîbrillaires 
si  l'on  veut,  est  peu  distincte,  ce  qui  tient  sans  doute  au 
mode  d'inscription  que  j'ai  imaginé,  dont  je  ne  me  dissi- 
mule pas  les  défauts.  Mais  j'ai  cru  que  pour  le  moment, 
alors  qu'on  a  essayé  de  parler  de  suggestion  mentale,  l'es^ 
sentiel  était  de  montrer  la  réalité  des  mouvements  dont  il 
s'agit  et  par  conséquent  d'en  fournir  une  preuve  objective 
et  véritable  ^  » 

M.  Gley,  dans  des  expériences  ultérieures  faites  avec 
M.  Richet,  a  vu  qu'à  la  suite  d'un  empoisonnement  léger 
par  le  haschisch,  qui  a  pour  effet  d'augmenter  la  vivacité 
des  images  mentales,  l'écriture  automatique  et  les  autres 
mouvements  subconscients  peuvent  se  manifester  chez  des 
personnes  qui  ne  présentent  pas  ces  réactions  pendant 
leur  état  norm,al. 


1.  Il  est  à  désirer  qu'on  construise  des  appareils  spéciaux  pour  enre- 
gistrer les  mouvements  inconscients  dans  toutes  les  conditions  néces- 
saires. 


212  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

Les  expériences  que  nous  venons  de  résumer  ont  été 
groupées  sous  le  nom  de  mouvements  inconscients,  et, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  elles  ont  été  expliquées  le 
plus  souvent  par  les  propriétés  motrices  des  représenta- 
tions mentales.  Il  nous  reste  à  montrer  que  cette  interpré- 
tation, sans  être  absolument  inexacte,  est  insuffisante,  et 
que  Tespèce  de  mimique  inconsciente  par  laquelle  une 
personne  traduit  dans  certains  cas  une  pensée  interne  ne 
peut  s'expliquer  que  par  des  phénomènes  de  double  cons- 
cience. Nous  chercherons  par  conséquent  à  substituer  aux 
théories  communément  admises,  une  théorie  un  peu  diffé- 
rente, plus  générale  et  plus  compréhensive. 

Le  lecteur  qui  nous  a  suivi  jusqu'ici  a  dû  être  frappé, 
et  à  plusieurs  reprises,  de  l'analogie  qui  existe  entre  les 
mouvements  dits  inconscients  des  sujets  sains  et  les  réac- 
tions si  variées  des  personnahtés  secondaires  des  hys- 
tériques. Tous  ces  phénomènes  sont  identiques  au  fond  ; 
ils  ne  diffèrent  que  par  le  milieu,  les  circonstances  exté- 
rieures ou  le  degré  de  développement.  Prenons  par  exemple 
l'écriture  automatique.  On  peut,  comme  le  montre  M.  Gley, 
amener  une  personne  normale  à  écrire  le  mot  auquel  elle 
pense  ;  sa  main  l'écrit  sans  le  vouloir.  Il  en  est  de  même 
pour  l'hystérique,  chez  lequel  l'écriture  automatique  est 
développée  à  tel  point  qu'il  n'est  besoin  d'aucun  dispositif 
spécial,  d'aucun  tour  de  main,  pour  l'observer.  Or,  nous 
avons  vu  en  détail  que  cette  écriture  automatique  de  l'hys- 
térique n'est  point  un  phénomène  isolé,  sans  lien  avec  le 
reste;  c'est  une  partie  dans  un  ensemble;  c'est  un  des  mille 
moyens  par  lesquels  les  personnalités  secondaires  affleurent 
et  se  manifestent;  et  il  existe  des  rapports  multiples  entre 
cette  manifestation  de  la  pluralité  de  conscience  et  les  autres. 
Pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même  chez  un  individu 
normal?  Il  est  bien  probable  que  chez  lui  aussi  l'écriture 
automatique,  étant  de  môme  ordre  que  chez  les  hysté- 
riques, fait  partie  d'un  même  ensemble  de  phénomènes, 
et  remonte  à  une  même  cause  primordiale,  la  désagré- 
gation. 


PLURALITE  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS    213 

L'hypothèse  que  nous  présentons  paraîtra  si  vraisem- 
blable à  quiconque  a  observé  de  près  l'hystérie  qu'il  sem- 
blera inutile  de  la  démontrer.  Nous  avons  cru  cependant 
qu'il  serait  intéressant  d'étudier  méthodiquement  la  ques- 
tion, en  soumettant  quelques  sujets  normaux  exactement 
à  la  même  série  d'expériences  que  des  hystériques.  Nous 
résumerons  par  conséquent  nos  idées  personnelles  sur  la 
question. 

Si  la  pluralité  de  consciences  et  de  personnalités  chez 
les  hystériques  avait  pour  condition  nécessaire  l'anesthésie 
d'une  partie  du  corps,  on  renoncerait  à  en  trouver  l'équi- 
valent chez  une  personne  normale,  dont  la  sensibilité  est 
intacte.  Mais  on  a  vu  déjà  que  la  division  de  conscience 
peut  se  produire  à  une  autre  occasion;  ce  que  fait  l'insen- 
sibilité des  organes  sensoriels,  un  état  particulier  de  l'es- 
prit peut  le  faire  aussi.  11  en  est  de  même  chez  des  sujets 
sains;  ces  sujets  peuvent  présenter  des  attitudes  spéciales 
de  l'esprit  qui  permettent  à  la  désagrégation  mentale  de  se 
manifester. 

Ces  conditions  mentales  sont  assez  nombreuses,  mais 
nous  n'en  examinerons  que  deux. 

Nous  étudierons  d'abord  une  situation  qui  est  très  nette 
et  très  facile  à  définir  :  c'est  celle  où  une  personne  s'efforce 
de  comprendre,  en  même  temps,  dans  sa  conscience,  plu- 
sieurs phénomènes  psychologiques  différents  :  par  exemple 
elle  cherche  à  percevoir  en  même  temps  un  grand  nombre 
de  sensations,  provenant  d'objets  différents  ;  ou  bien  elle 
essaye  d'exécuter  un  certain  nombre  de  mouvements  qui 
n'ont  rien  de  commun,  ni  la  forme,  ni  le  but. 

En  second  lieu,  nous  examinerons  ce  qui  se  produit 
quand  l'attention  du  sujet,  au  lieu  de  se  diviser  entre  les 
divers  phénomènes  qu'on  provoque  en  lui,  ne  se  fixe  que 
sur  un  seul,  déterminant  ainsi  un  état  de  distraction  pour 
tout  le  reste.  Nous  verrons  que  cette  orientation  particulière 
de  l'attention  produit  des  effets  bien  différents  de  ceux 
qu'on  observe  dans  le  cas  d'attention  collective. 


214  LES   PERSONNALITES  COEXISTANTES 


II 

Chacun  a  remarqué  qu'il  est  difficile  de  suivre  en  même 
temps  deux  pensées  différentes,  comme  lire  et  écouter  une 
conversation  :  une  des  opérations  est  entravée  par  l'autre; 
pour  savoir  exactement  ce  qui  se  passe  dans  ce  cas,  on 
peut  faire  l'expérience  suivante  :  une  personne  est  priée 
d'exécuter  en  même  temps  une  opération  intellectuelle,  et 
une  opération  musculaire.  Comme  la  méthode  graphique 
permet  de  décomposer  cette  dernière  opération  en  un  tracé, 
on  pourra,  au  moyen  des  caractères  présentés  par  ce  tracé, 
connaître  l'altération  mentale  qui  résulte  du  conflit. 

L'opération  motrice  qu'on  doit  enregistrer  peut  être  très 
simple  :  ainsi,  on  place  entre  les  mains  de  la  personne  en 
expérience  un  tube  de  caoutchouc  fermé  et  rehé  à  un 
appareil  enregistreur;  on  la  prie  de  serrer  le  tube  un  cer- 
tain nombre  de  fois  suivant  un  certain  rythme  qu'elle  doit 
s'efforcer  de  conserver  pendant  le  cours  de  l'expérience; 
puis  on  lui  demande  d'exécuter  en  même  temps  un  travail 
intellectuel,  tel  qu'une  lecture  à  haute  voix,  la  récitation 
d'un  morceau  appris  par  cœur,  un  calcul  mental  ou  la 
solution  d'un  problème  quelconque. 

Le  tracé  pris  dans  ces  conditions  présente  des  irrégula- 
rités qui  commencent  au  moment  où  le  travail  mental  sup- 
plémentaire se  produit,  et  finissent  avec  ce  travail.  Etudions 
ces  irrégularités.  En  quoi  consistent-elles  ?  La  plus  légère 
est  un  allongement  des  intervalles  de  repos  qui  séparent 
chaque  pression  de  la  main.  Quand  on  n'a  l'esprit  occupé 
par  aucune  autre  opération,  on  arrive  assez  facilement  à 
placer  entre  les  pressions  de  la  main  des  intervalles  de  repos 
sensiblement  égaux.  Cette  faculté  de  mesurer  le  temps  est 
celle  qui  se  trouble  la  première.  Je  l'observe  sur  moi- 
même  lorsque  je  fais  une  addition  de  tête  pendant  qu'avec 
la  main  droite  je  fais  une  série  de  pressions  en  essayant 
de  conserver  les  intervalles  que  j'ai  d'aJjord  adoptés;  les 


PLURALITE  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     215 

pressions  qui  coïncident  avec  cette  petite  opération  de 
calcul  sont  plus  espacées  que  les  précédentes;  parfois  le 
ralentissement  persiste  après  que  le  calcul  a  cessé.  Chez 
d'autres  personnes,  il  y  a  un  allongement  très  considé- 
rable ;  parfois  on  cesse  de  serrer,  sans  le  vouloir,  pendant 
deux  ou  trois  secondes  ;  il  y  a,  peut-on  dire,  un  oubli,  une 
perte  de  mémoire  temporaire. 

Il  se  produit  aussi,  très  fréquemment,  des  altérations 
dans  la  forme  de  la  courbe;  sa  hauteur  diminue,  ou  sa 
ligne  d'ascension  s'allonge. 

Dans  le  cas  où  on  doit  faire  plusieurs  pressions  entre 
chaque  intervalle  de  repos,  il  peut  arriver  que  le  nombre 
des  pressions  soit  diminué  ou  augmenté.  Parfois  on  oublie 
complètement  le  nombre  convenu.  On  a  commencé  par 
faire  cinq  pressions;  puis,  pendant  le  calcul  mental,  ce 
nombre  tombe  à  quatre  ou  s'élève  à  six;  le  calcul  terminé, 
quand  on  peut  fixer  de  nouveau  son  attention  sur  les  mou- 
vements de  la  main,  on  ne  sait  plus  combien  de  fois  on 
doit  presser. 

11  est  aussi  très  fréquent  de  voir  l'incoordination  s'intro- 
duire dans  le  tracé;  deux  séries  de  contractions  qui  devraient 
être  séparées  par  un  intervalle  de  repos  se  mélangent  ;  la 
contraction  musculaire  peut  présenter  les  formes  les  plus 
accidentées  ;  une  seconde  contraction  commence  avant  que 
la  première  ait  cessé  ;  deux  contractions  successives  sont 
tout  à  fait  inégales  comme  durée  ;  il  y  en  a  qui  peuvent  se 
prolonger  pendant  plus  d'une  seconde,  tandis  que  d'autres 
durent  à  peine  un  dixième  de  seconde;  enfin,  dans  certains 
tracés,  il  y  a  du  tremblement.  Ces  irrégularités  peuvent 
être  considérées  comme  un  véritable  délire  moteur,  qui  est 
du  reste  l'expression  d'un  délire  d'idéation  correspondant. 

Mais  les  modifications  les  plus  intéressantes  sont  celles 
qui  se  produisent  dans  le  domaine  de  la  conscience,  et  par 
là  ces  expériences  ne  sont  point  sans  analogie  avec  celles 
que  l'on  peut  faire  sur  l'hystérique.  Exerçant  des  pressions 
pendant  qu'on  fait  un  calcul  mental,  on  perd  la  conscience 
nette  des  mouvements  exécutés  ;  l'expérience  terminée,  on 


216  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

est  souvent  incapable  de  dire  si  on  a  serré  une  fois  de  trop 
ou  une  fois  de  moins,  ou  si  la  forme  de  la  contraction  est 
restée  régulière  ou  non.  Ce  n'est  pas  de  l'inconscience,  car 
on  sait  qu'on  a  serré;  c'est  une  conscience  vague,  affaiblie. 
L'altération  de  la  conscience,  fait  bien  instructif,  peut 
exister  parfois  alors  que  le  tracé  est  tout  à  fait  régulier  et 
ne  révèle  aucun  désordre  mental.  Aussi,  prié  de  serrer  par 
série  de  cinq  pendant  un  calcul  mental,  on  arrive  parfois 
à  faire  le  nombre  de  pressions  voulues,  mais  sans  le  savoir; 
et  avant  d'avoir  vu  son  tracé,  on  ne  peut  pas  dire  s'il  est 
bon  ou  mauvais. 

Cette  perte  de  conscience,  dans  les  conditions  indiquées, 
donne  un  caractère  psychologique  intéressant  aux  mouve- 
ments de  la  main  ;  ils  restent  des  mouvements  volontaires, 
mais  ils  deviennent  inconscients,  comme  ceux  que  nous 
avons  étudiés  au  chapitre  v. 

11  est  bien  probable  que  les  personnes  qui  produisent, 
sans  en  avoir  conscience,  des  tracés  réguliers,  présentent 
une  tendance  très  nette  à  la  division  de  conscience  et  à 
l'indépendance  de  plusieurs  synthèses  mentales. 

Le  dispositif  d'expérience,  que  nous  Amenons  de  décrire, 
ne  permet  d'étudier  qu'une  seule  des  opérations  mentales 
en  conflit,  celle  qui  a  une  forme  motrice  et  qui  s'inscrit  sur 
le  cylindre;  il  est  facile  d'obtenir  simultanément  le  tracé  des 
deux  opérations,  et  pour  cela  on  prie  la  personne  d'exé- 
cuter simultanément  avec  chaque  main  un  travail  différent. 

Dans  ce  cas,  comme  dans  ceux  que  nous  venons  d'exa- 
miner, la  perfection  des  deux  opérations  est  en  général 
beaucoup  moins  grande  que  si  on  les  exécutait  chacune 
isolément.  Mais  le  fait  le  plus  frappant,  c'est  la  tendance 
que  présente  chacun  des  deux  genres  de  mouvements 
à  introduire  quelques-uns  de  ses  éléments  caractéristiques 
dans  l'autre  mouvement.  Les  deux  synthèses  motrices  étant 
en  présence,  chacune  semble  chercher  à  influencer  l'autre. 
Nous  avions  déjà  constaté  ce  fait  quand  nous  cherchions  à 
faire  coexister  une  opération  intellectuelle  avec  un  mouve- 
ment compliqué  de  la  main.  Nous  avions  remarqué  chez 


PLURALITE  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     217 

une  personne  que,  pendant  qu'elle  lisait  des  vers  à  haute 
voix,  sa  main  en  suivait  le  rythme.  Mais  l'accord  était  fugitif. 
Lorsque  ce  sont  des  mouvements  des  deux  mains  qui  coïn- 
cident, cette  influence  est  beaucoup  plus  nette. 

Résumant  ce  qui  précède,  nous  pouvons  retenir  ce  qui 
suit  :  lorsqu'une  personne  partage  son  attention  entre  deux 
opérations  psychiques  volontaires,  qu'elle  s'efforce  d'exé- 
cuter simultanément,  chacune  des  opérations,  surtout  au 
début,  est  faite  moins  correctement  que  si  elle  était  faite 
isolément;  en  second  lieu,  il  arrive  souvent  qu'une  des 
opérations  tend  à  imposer  aux  autres  sa  forme  particulière, 
son  rythme. 

Mais  ce  qui  domine,  ce  qui  nous  semble  surtout  impor- 
tant à  constater,  c'est  que  chez  certaines  personnes,  il  se 
produit  une  division  de  conscience  ;  une  des  opérations  en 
conflit  sort  de  la  conscience  du  sujet,  et  continue  à  s'exé- 
cuter sans  qu'il  la  dirige  et  qu'il  la  perçoive  nettement. 


III 

Ce  que  la  division  de  l'attention  arrive  à  faire  quelquefois, 
on  peut  le  provoquer  directement,  et  plus  sûrement,  par 
un  autre  procédé,  l'état  de  distraction.  On  se  rappelle  qu'il 
est  facile  d'entretenir  chez  les  hystériques,  en  concen- 
trant sur  un  seul  point  leur  attention,  un  état  de  distrac- 
tion assez  intense  pour  que  des  phénomènes  subconscients 
extrêmement  compliqués  se  développent.  Nous  avons 
cherché  à  répéter  la  mêm.e  expérience  sur  des  sujets  sains, 
et  nous  avons  obtenu  des  résultats  équivalents. 

Ainsi  qu'il  était  facile  de  le  prévoir,  on  retrouve  sur  des 
personnes  saines,  non  seulement  l'écriture  automatique, 
mais  toute  la  série  d'actes  subconscients,  dont  l'écriture 
automatique  n'est  qu'un  terme,  et  qui,  par  leur  ensemble, 
sont  les  signes  de  la  division  de  conscience.  Il  y  a  donc, 
croyons-nous,  ressemblance  très  grande  à  ce  point  de  vue 
entre  les  hystériques  et  les  individus  sains. 


218         LES  PERSONNALITÉS  COEXISTANTES 

Le  dispositif  de  l'expérience  est  le  même  dans  les  deux 
cas;  peut-être  cependant  faut-il,  quand  le  sujet  n'est  pas 
hystérique,  user  de  quelques  précautions  supplémentaires 
pour  augmenter  l'état  de  distraction,  qui  n'est  point  aussi 
intense  que  dans  l'hystérie.  En  général,  il  ne  suffit  point 
de  faire  lire  à  une  personne  un  livre  intéressant,  ou  de  la 
faire  causer  avec  un  tiers,  pour  que  lorsqu'on  lui  prend 
la  main,  elle  ne  s'occupe  point  de  ce  qu'on  \-à  faire  avec 
cette  main;  malgré  elle,  son  attention  revient  vers  l'expé- 
rimentateur, au  lieu  de  se  fixer  ailleurs,  et  il  faut  ici  for- 
tifier l'état  de  distraction  par  un  artifice. 

Celui  que  j'ai  employé  est  si  naturel  qu'il  viendra  certai- 
nement à  l'esprit  de  tous  ceux  qui  voudront  répéter  mes 
observations.  Nous  allons  voir  que  dans  la  plupart  des 
expériences  on  oblige  la  main  de  la  personne  à  se  mouvoir 
spontanément  en  dehors  de  sa  volonté.  Le  point  important 
est  d'éviter  que  la  personne  remarque  ces  mouvements 
spontanés  de  sa  main  ;  car  si  elle  s'en  occupait,  l'incon- 
science et  l'automatisme  disparaîtraient.  Pour  parer  à  cet 
inconvénient,  il  faut  laisser  croire  que  la  main  est  conti- 
nuellement inerte  et  passive,  et  que  c'est  l'expérimenta- 
teur qui,  de  temps  en  temps,  pour  les  besoins  d'une 
expérience  qu'on  n'explique  pas,  imprime  à  la  main  un 
mouvemenL  Cela  suffît  pour  tranquilliser  le  sujet,  qui  dès 
lors  abandonne  sa  main  sans  résistance,  s'en  désinté- 
resse, et  se  trouve  dans  des  conditions  mentales  excel- 
lentes pour  que  sa  conscience  se  divise. 

Après  ces  quelques  mots  préliminaires,  nous  allons  indi- 
quer rapidement  les  principales  épreuves  psychologiques 
qu'on  peut  faire  subir  au  sujet. 

C'est  d'abord  l'anesthésie  par  distraction.  La  personne 
distraite  n'est  point  devenue  absolument  insensible  comme 
ime  hystérique  distraite,  dont  on  peut  traverser  la  peau  ou 
lever  le  bras  sans  qu'elle  s'en  aperçoive;  sa  sensibilité  n'est 
pas  détruite,  mais  la  finesse  de  certaines  de  ses  perceptions 
est  bien  diminuée;  deux  pointes  de  compas  appliquées  sur 
la  main  et  enlevées  rapidement  donnent  la  sensation  d'une 


PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS     219 

piqûre  unique,  alors  qu'avec  le  même  écart,  et  sur  la 
même  région,  les  deux  pointes  auraient  été  perçues  iso- 
lément si  le  sujet  avait  fixé  son  attention  sur  sa  main; 
c'est  donc  de  l'anesthésie  par  distraction;  elle  est  fugitive, 
par  conséquent  trompeuse,  mais  elle  existe. 

Les  mouvements  passifs  de  répétition  sont  aussi  très 
faciles  à  provoquer.  Un  crayon  étant  placé  dans  la  main  du 
sujet,  qui  est  prié  de  le  tenir  comme  s'il  voulait  écrire,  on 
dirige  la  main  et  on  lui  fait  tracer  un  mouvement  uniforme, 
choisissant  celui  qu'elle  exécute  avec  le  plus  de  facilité, 
des  traits,  des  hachures,  des  boucles  ou  des  petits  points. 
Après  avoir  communiqué  ce  mouvement  pendant  quelques 
minutes,  on  abandonne  doucement  la  main  à  elle-même, 
ou  on  reste  en  contact  avec  elle,  pour  que  la  personne  ne 
s'aperçoive  de  rien;  mais  on  cesse  d'exercer  une  action 
directrice  sur  les  mouvements.  La  main  abandonnée  à 
elle-même  fait  quelques  légers  mouvements.  On  reprend 
l'expérience  d'entraînement,  on  la  répète  avec  patience 
pendant  plusieurs  minutes,  le  mouvement  de  répétition  se 
perfectionne  ;  au  bout  de  quatre  séances,  j'ai  vu  chez  une 
personne  la  répétition  si  nette  que  la  main  ne  traça  pas 
moins  de  quatre-vingts  boucles  sans  s'arrêter. 

La  présence  de  ces  mouvements  subconscients  de  répé- 
tition nous  apprend  qu'il  y  a  là  un  personnage  inconscient, 
que  l'expérience  vient  de  dégager;  mais  il  est  clair  que  ce 
personnage  est  loin  d'avoir  le  même  développement  que 
chez  une  hystérique.  La  'peine  qu'on  éprouve  à  lui  faire 
répéter  des  mouvements  en  est  la  preuve.  L'expérimenta- 
teur ne  peut  pas  imprimer  des  mouvements  au  hasard  ;  il 
est  obligé  de  choisir  ceux  qui  réussissent  le  mieux.  En 
général  ceux  qu'on  peut  exécuter  d'un  seul  trait  sans 
changement  de  direction  et  sans  arrêt  se  répètent  assez 
bien. 

Les  mouvements  graphiques,  par  leur  délicatesse,  attirent 
moins  l'attention  du  sujet  que  des  mouvements  de  flexion 
et  d'extension  des  membres;  ceux-ci  cependant  peuvent 
être  répétés  par  l'inconscient,  et  à  ce  propos,  il  est  curieux 


220  LES  PERSONNALITES  COEXISTANTES 

de  remarquer  que  la  flexion  du  poignet  se  répète  mieux 
que  la  flexion  isolée  d'un  doigt. 

Le  caractère  tout  à  fait  rudimentaire  de  l'inconscient  est 
bien  marqué  par  la  facilité  avec  laquelle  on  lui  donne  cer- 
taines habitudes.  Lorsqu'on  a  fait  écrire  plusieurs  fois  de 
suite  des  boucles,  la  main  s'accoutume  à  ce  mouvement 
et  le  reproduit  à  tort  et  à  travers  ;  car  si  l'on  veut  ensuite 
lui  faire  tracer  des  hachures,  les  mouvements  se  déforment 
bien  vite  et  se  changent  en  boucles.  La  mémoire  de  cet 
inconscient  est  si  peu  étendue  qu'il  n'est  même  pas  capable 
de  conserver  le  souvenir  de  plusieurs  espèces  de  mouve- 
ments. 

L'inconscient  n'a  pas  seulement  de  la  mémoire,  il  peut 
encore  recevoir  et  exécuter  quelques  suggestions,  qui  sont, 
il  est  vrai,  d'un  ordre  absolument  élémentaire.  Ces  sug- 
gestions peuvent  être  données  au  moyen  du  toucher.  Avec 
une  simple  pression,  on  agit  sur  la  main  et  on  la  fait 
mouvoir  dans  toutes  les  directions.  Ce  n'est  point  une 
impulsion  mécanique,  c'est  bien  une  suggestion  tactile. 
Si  avec  une  pression,  on  fait  mouvoir  la  main,  une  autre 
pression,  tout  aussi  légère,  l'arrête,  l'immobilise;  une 
autre  pression,  d'un  genre  un  peu  différent,  la  fait  écrire. 
11  est  difficile  de  dire  la  différence  de  ces  pressions  ;  mais 
l'expérimentateur,  en  les  faisant,  a  une  certaine  intention, 
et  cette  intention  est  souvent  comprise  avec  beaucoup  de 
finesse  par  la  main  de  la  personne.  Rien  n'est  plus  curieux 
que  cette  sorte  d'hypnotisation  partielle,  grâce  à  laquelle 
une  personne  croit  être  et  se  trouve  en  effet  complètement 
éveillée  et  en  possession  d'elle-même,  tandis  que  sa  main 
obéit  docilement  aux  ordres  tactiles  de  l'expérimentateur. 

Ces  quelques  détails  me  semblent  suffire  amplement  pour 
démontrer  la  possibilité  d'éveiller  un  inconscient  chez  des 
personnes  saines  ou  à  peu  près  saines.  Cet  inconscient, 
nous  le  répétons,  n'a  ni  le  développement  ni  l'éclat  de  celui 
des  hystériques;  ce  n'est  pas  lui  qui  écrira  spontanément 
des  lettres  et  des  confessions,  mais  c'est  déjà  quelque  chose 
qu'il  existe. 


PLURALITÉ  DES  CONSCIENCES  CHEZ  LES  SUJETS  SAINS  221 

Son  existence,  bien  constatée,  nous  permet  de  montrer 
que  récriture  automatique,  telle  qu'on  la  provoque  chez 
des  personnes  saines,  telle  que  M.  Gley  l'a  décrite,  est  un 
phénomène  de  division  de  conscience,  et  non  un  simple 
effet  du  pouvoir  moteur  des  images.  En  effet,  prévenu  par 
mes  expériences  antérieures  sur  les  hystériques,  j'ai  pu 
retrouver  dans  l'écriture  automatique  des  personnes  saines 
certains  traits  qui  ne  laissent  aucun  doute. 

Examinons  bien  la  façon  dont  la  main  se  comporte 
pendant  l'expérience  de  l'écriture  automatique.  Si  on  la 
guide,  cherchant  à  deviner  ses  mouvements,  on  ne  voit 
rien;  mais  si  on  l'abandonne  à  elle-même,  on  constate  un 
fait  bien  significatif  :  avec  une  légère  pression,  on  l'em- 
pêche d'écrire;  avec  une  petite  poussée,  on  accélère  le 
mouvement  graphique;  la  main  étant  devenue  immobile, 
il  suffît  souvent  de  la  toucher  pour  qu'elle  recommence  à 
écrire.  Elle  reste  donc,  pendant  toute  l'expérience,  sugges- 
tible;  et  cette  suggestibilité  montre  bien,  à  notre  avis, 
qu'un  inconscient  dirige  ses  mouvements.  Du  reste,  nos 
autres  expériences  nous  en  ont  déjà  appris  l'existence 
et  le  rôle,  et  tout  ce  que  nous  avons  observé  et  décrit  chez 
les  hystériques  vient  plaider  en  faveur  de  cette  opinion. 


TROISIÈME  PARTIE 

LES    ALTÉRATIONS    DE    LA    PERSONNALITÉ 
DANS  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 


CHAPITRE  PREMIER 

LES    PERSONNALITÉS    FICTIVES    CRÉÉES    PAR    SUGGESTION 

La  suggestion  :  définition.  — ■  Changements  de  personnalité  volontaires  ou 
simulés.  —  Changements  de  personnalité  produits  par  suggestion.  — 
Expériences  de  M.  Richet.  —  Expériences  de  MM.  Ferrari,  Hèricourt  et 
Richet  sur  les  modifications  de  l'écriture  produites  par  les  changements 
de  personnalité.  —  Discussion  des  expériences.  —  Le  changement  de 
personnalité  a  pour  condition  une  amnésie.  —  Division  de  conscience 
qui  en  résulte. —  Controverse  sur  le  mode  d'exécution  de  certaines  sug- 
gestions. —  Opinion  de  M.  Delbœuf.  —  Opinion  de  M.  fiernheim.  — 
Conciliation. 

Le  problème  psychologique  que  nous  étudions  dans  ce 
livre  présente  comme  caractère  principal  de  rester  tou- 
jours un,  sous  ses  formes  multiples;  chaque  chapitre  nou- 
veau ne  fait  qu'amener  un  aspect  nouveau  du  même 
phénomène.  Nous  allons  en  trouver  ici  la  preuve. 

Nous  devons  étudier  dans  cette  troisième  partie  ce  qui 
se  passe  dans  la  situation  psychologique  suivante  :  une 
personne  a  été  régulièrement  mise  dans  un  état  de  som- 
nambulisme artificiel;  elle  a  reçu  une  suggestion,  donnée 
par  les  procédés  classiques;  celte  suggestion  s'exécute  soit 
pendant  le  somnambuUsme,  soit  après  le  retour  de  l'état 


-224         LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

de  veille.  Notre  but  est  de  prouver,  par  l'analyse  des 
expériences,  que  la  suggestion  provoque  le  plus  souvent 
une  division  de  conscience  et  ne  peut  se  réaliser  qu'à  ce 
prix. 

Or,  il  n'est  pas  difficile  de  montrer  par  quel  lien  logique 
cette  nouvelle  étude  se  rattache  aux  précédentes. 

Nous  avons  étudié  jusqu'ici  des  suggestions  communi- 
quées au  personnage  subconscient  pendant  un  état  de  dis- 
traction ou  d'anesthésie.  Nous  savons  que  le  personnage 
subconscient  n'est  pas  autre  chose  qu'un  personnage  som- 
nambulique;  cest  donc  la  même  personne,  prise  dans 
des  conditions  un  peu  différentes,  qui  va  recevoir  les  sug- 
gestions et  les  exécuter. 

En  se  plaçant  au  point  de  vue  particulier  des  altérations 
de  la  personnalité,  on  peut  diviser  les  suggestions  en  deux 
groupes  :  celles  qui  ont  pour  but  et  pour  effet  direct  de 
créer  une  personnalité  nouvelle,  et  celles  dont  le  but,  tout 
différent  de  celui-là,  ne  peut  cependant  être  atteint  que  par 
une  division  de  conscience.  Un  chapitre  distinct  sera  con- 
sacré à  chacune  de  ces  catégories  de  suggestion.  Il  y  a  sans 
doute  des  relations  très  étroites  et  même  des  phénomènes 
de  passage  entre  les  deux  catégories  que  nous  établissons; 
mais  nous  ne  devons  pas  moins  conserver  nos  classifica- 
tions, et  même  en  exagérer  un  peu  l'importance;  car  les 
phénomènes  de  division  de  conscience  sont  si  complexes 
et  parfois  si  subtils  que  si  on  les  réunissait  tous  dans  une 
description  commune  on  n'arriverait  pas  à  les  faire  com- 
prendre. 

La  suggestion  peut,  avons-nous  dit,  avoir  à  la  fois  pour 
but  et  pour  eflet  direct  de  créer  une  personnalité  nouvelle. 
C'est  alors  l'expérimentateur  qui  fait  choix  de  cette  per- 
sonnalité et  oblige  le  sujet  à  la  réaliser.  Les  expériences 
de  ce  genre,  qui  réussissent  sur  un  grand  nombre  de  som- 
nambules, et  qui  produisent  le  plus  souvent  des  effets 
très  curieux,  sont  connues  depuis  assez  longtemps,  et 
elles  ont  été,  on  peut  le  dire,  répétées  à  satiété  dans  ces 


PERSONNALITES  FICTIVES  CREEES  PAR  SUGGESTION     225 

dernières  années.  M.  Richet  est  le  premier  auteur  qui  les 
ait  étudiées  méthodiquement,  et  la  description  qu'il  en  a 
donnée  est  assez  intéressante  pour  mériter  d'être  reproduite 
in  extenso;  c'est  une  observation  type. 

Comme  introduction  à  ces  faits  nouveaux,  rappelons 
brièvement,  avec  l'auteur,  quelques  notions  de  psycho- 
logie courante. 

Lorsque  nous  sommes  éveillés  et  en  pleine  possession 
de  toutes  nos  facultés,  nous  pouvons  imaginer  des  senti- 
ments différents  de  ceux  que  nous  éprouvons  d'ordinaire. 
Par  exemple,  alors  que  je  suis  tranquillement  assis  à  ma 
table,  occupé  à  composer  ce  livre,  je  puis  concevoir  les 
sentiments  que  dans  telle  ou  telle  situation  vont  éprouver 
un  soldat,  une  femme,  un  peintre,  un  Anglais.  Mais  quelles 
que  soient  les  conceptions  fantaisistes  que  nous  formions, 
nous  ne  cessons  pas  d'être  conscients  de  notre  existence 
personnelle.  L'imagination  a  beau  s'élancer  dans  l'espace, 
il  reste  toujours  le  souvenir  de  nous-mêmes.  Chacun  de 
nous  sait  qu'il  est  lui  et  non  pas  un  autre,  qu'il  a  fait  ceci 
hier,  qu'il  a  écrit  une  lettre  tout  à  l'heure,  qu'il  doit  écrire 
telle  autre  lettre  demain,  qu'il  y  a  huit  jours  il  était  hors  de 
Paris,  etc.  C'est  ce  souvenir  des  faits  passés,  souvenir  tou- 
jours présent  à  l'esprit,  qui  fait  la  conscience  de  notre  per- 
sonnalité. 

11  en  est  tout  autrement  chez  les  deux  femmes  A  et  B, 
que  M.  Richet  a  étudiées. 

«  Endormies  et  soumises  à  certaines  influences.  A...  et 
B...  oublient  qui  elles  sont;  leur  âge,  leurs  vêtements, 
leur  sexe,  leur  situation  sociale,  leur  nationalité,  le  lieu 
et  l'heure  où  elles  vivent,  tout  cela  a  disparu,  il  ne  reste 
plus  dans  l'inteUigence  qu'une  seule  image,  qu'une  seule 
conscience  :  c'est  la  conscience  et  l'image  de  l'être  nou- 
veau qui  apparaît  dans  leur  imagination. 

«  Elles  ont  perdu  la  notion  de  leur  ancienne  existence. 
Elles  vivent,  parlent,  pensent,  absolument  comme  le  type 
qu'on  leur  a  présenté.  Avec  quelle  prodigieuse  intensité 
de  vie  se  trouvent  réalisés  ces  types,  ceux-là  seuls  qui  ont 

A.    BlNET.  15 


22G  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

assisté  à  ces  expériences  peuvent  le  savoir.  Une  descrip- 
tion ne  saurait  en  donner  qu'une  image  bien  affaiblie  et 
imparfaite. 

«  Au  lieu  de  concevoir  un  type,  elles  le  réalisent,  l'ob- 
jectivent. Ce  n'est  pas  à  la  façon  de  l'halluciné,  qui  assiste 
en  spectateur  à  des  images  se  déroulant  devant  lui;  c'est 
comme  un  acteur,  qui,  pris  de  folie,  s'imaginerait  que  le 
drame  qu'il  joue  est  une  réalité,  non  une  fiction,  et  qu'il 
a  été  transformé,  de  corps  et  d'âme,  dans  le  personnage 
qu'il  est  chargé  de  jouer. 

«  Pour  que  cette  transformation  de  la  personnalité 
s'opère,  il  suffit  d'un  mot  prononcé  avec  une  certaine 
autorité.  Je  dis  à  A....  :  «  Vous  voilà  une  vieille  femme  »; 
elle  se  voit  changée  en  vieille  femme,  et  sa  physionomie, 
sa  démarche,  ses  sentiments  sont  ceux  d'une  vieille  femme. 
Je  dis  à  B....  :  «  Vous  voilà  une  petite  fille  »;  et  elle  prend 
aussitôt  le  langage,  les  jeux,  les  goûts  d'une  petite  fille. 

«  Encore  que  le  récit  de  ces  scènes  soit  tout  à  fait  terne 
et  incolore  comparé  à  ce  que  donne  le  spectacle  de  ces 
étonnantes  et  subites  transformations,  je  vais  cependant 
essayer  d'en  indiquer  quelques-uns. 

«  Voici  quelques-unes  des  objectivations  de  M....  : 

«  En  paysanne.  Elle  se  frotte  les  yeux,  s'étire.  «  Quelle 
heure  est-il?  quatre  heures  du  matin!  »  (Elle  marche 
comme  si  elle  faisait  traîner  ses  sabots...)  «  Voyons,  il 
faut  que  je  me  lève!  allons  à  l'étable.  Hueî  la  rousse! 
allons,  tourne-toi...  »  (Elle  fait  semblant  de  traire  une 
vache...)  «  Laisse-moi  tranquille,  Gros-Jean.  Voyons,  Gros- 
Jean,  laisse-moi  tranquille,  que  je  te  dis!...  Quand  j'aurai 
fini  mon  ouvrage.  Tu  sais  bien  que  je  n'ai  pus  fini  mon 
ouvrage.  Ah!  oui,  oui!  plus  tard » 

((  En  actrice.  Sa  figure  prend  un  aspect  souriant,  au  lieu 
de  l'air  dur  et  ennuyé  qu'elle  avait  tout  à  l'heure.  «  Vous 
voyez  bien  ma  jupe.  Eh  bien!  c'est  mon  directeur  qui  l'a 
fait  rallonger  \  Ils  sont  assommants,  ces  directeurs.  Moi 

\.  "  C'est  une  femme,  très  respectable  mère  de  famille,  et  très  religieuse 
de  sentiments,  qui  parle.  » 


PERSONNALITES  FICTIVES  CREEES  PAR  SUGGESTION     227 

je  trouve  que  plus  la  jupe  est  courte,  mieux  ça  vaut.  Il  y 
en  a  toujours  trop.  Simple  feuille  de  vigne.  Mon  Dieu,  c'est 
assez!  Tu  trouves  aussi,  n'est-ce  pas,  mon  petit,  qu'il  n'y 
a  pas  besoin  d'autre  chose  qu'une  feuille  de  vigne?  Regarde 
donc  cette  grande  bringue  de  Lucie,  a-t-elle  des  jambes, 
hein! 

«  Dis  donc,  mon  petit!  (Elle  se  met  à  rire.)  Tu  es  bien 
timide  avec  les  femmes;  tu  as  tort.  Yiens  donc  me  voir 
quelquefois.  Tu  sais,  à  trois  heures,  je  suis  chez  moi  tous 
les  jours.  Viens  donc  me  faire  une  petite  visite,  et  apporte- 
moi  quelque  chose.  » 

«  En  général.  «  Passez-moi  ma  longue-vue.  C'est  bien! 
c'est  bien!  Où  est  le  commandant  du  premier  zouave?  Il  y 
a  là  des  Kroumirs!  Je  les  vois  qui  montent  le  ravin...  Com- 
mandant, prenez  une  compagnie  et  chargez-moi  ces  gens- 
là.  Qu'on  prenne  aussi  une  batterie  de  campagne...  Ils  sont 
bons,  ces  zouaves!  Comme  ils  grimpent  bien....  Qu'est-ce 
que  vous  me  voulez,  vous...?  Comment,  pas  d'ordre?  [A 
pari  \)  C'est  un  mauvais  officier,  celui-là;  il  ne  sait  rien 
faire.  —  Vous,  tenez...  à  gauche.  Allez  vite.  —  [A  port.) 
Celui-là  vaut  mieux...  Ce  n'est  pas  encore  tout  à  fait  bien. 
{Haut.)  Voyons,  mon  cheval,  mon  épee.  (Elle  fait  le  geste 
de  boucler  son  épée  à  la  ceinture.)  Avançons.  Ah!  je  suis 
blessé!  » 

«  En  prêtre.  (Elle  s'imagine  être  l'archevêque  de  Paris,  sa 
figure  prend  un  aspect  très  sérieux.  Sa  voix  est  d'une  dou- 
ceur mielleuse  et  traînante  qui  contraste  avec  le  ton  rude 
et  cassant  qu'elle  avait  dans  l'objectivation  précédente.) 
[A  part.)  «  11  faut  pourtant  que  j'achève  mon  mandement.  » 
(Elle  se  prend  la  tête  entre  les  mains  et  réfléchit.)  [Haut.) 
«  Ah!  c'est  vous,  monsieur  le  grand  vicaire;  que  me 
voulez-vous?  Je  ne  voudrais  pas  être  dérangé...  Oui,  c'est 
aujourd'hui  le  l'^''  janvier,  et  il  faut  aller  à  la  cathédrale... 
Toute  celte  foule  est  bien  respectueuse,  n'est-ce  pas,  mon- 
sieur le  grand  vicaire?  Il  y  a  beaucoup  de  religion  dans  le 

1.  «  Les  apartés  de  ces  dialogues  sont  aussi  1res  intéressants.  Ils  sont 
dits  à  voix  très  basse,  mais  distincte,  en  remuant  à  peine  les  lèvres.  » 


228  LES  EXPERIENCES  UE  SUGGESTION 

peuple,  quoi  qu'on  fasse.  Ah!  un  enfant!  qu'il  approche, 
je  vais  le  bénir.  Bien,  mon  enfant.  (Elle  lui  donne  sa  bague 
[imaginaire]  à  baiser.)  (Pendant  toute  cette  scène,  avec  la 
main  droite  elle  fait  à  droite  et  à  gauche  des  gestes  de 
bénédiction...)  «  Maintenant,  j'ai  une  corvée  :  il  faut  que 
j'aille  présenter  mes  hommages  au  président  de  la  Répu- 
blique... Monsieur  le  Président,  je  viens  vous  offrir  tous 
mes  vœux.  L'église  espère  que  vous  vivrez  de  longues 
années;  elle  sait  qu'elle  n'a  rien  à  craindre,  malgré  de 
cruelles  attaques,  tant  qu'à  la  tête  du  gouvernement  de  la 
République  se  trouve  un  parfait  honnête  homme.  »  (Elle  se 
tait  et  semble  écouter  avec  attention.)  (A  part.)  «  Oui,  de 
l'eau  bénite  de  cour.  Enfin!...  Prions!  »  (Elle  s'agenouille.) 

«  En  religieuse.  Elle  se  met  aussitôt  à  genoux,  et  com- 
mence à  réciter  ses  prières  en  faisant  force  signes  de  croix, 
puis  elle  se  relève  :  «  Allons  à  l'hôpital.  Il  y  a  un  blessé 
dans  cette  salle.  Eh  bien!  mon  ami,  n'est-ce  pas  que  cela 
va  mieux  ce  matin?  Voyons!  laissez-moi  défaire  votre  ban- 
dage. (Elle  fait  le  geste  de  dérouler  une  bande.)  Je  vais 
avec  beaucoup  de  douceur;  n'est-ce  pas  que  cela  vous  sou- 
lage? Voyons!  mon  pauvre  ami,  ayez  autant  de  courage 
devant  la  douleur  que  devant  l'ennemi.  » 

«  Je  pourrais  encore  citer  d'autres  objectivations  de  A... 
soit  en  vieille  femme,  soit  en  petite  fille,  soit  en  jeune 
homme,  soit  en  cocotte.  Mais  il  me  paraît  que  les  exemples 
donnés  ci-dessus  sont  suffisants  pour  qu'on  se  fasse 
quelque  idée  de  cette  transformation  absolue  de  la  person- 
nalité dans  tel  ou  tel  type  imaginaire.  Ce  n'est  pas  un 
simple  rêve  :  c'est  un  rêve  vécu. 

«  Les  objectivations  de  B...  sont  tout  aussi  saisissantes 
que  celles  de  A...  En  voici  quelques-unes  : 

«  En  général.  —  Elle  fait  «  hum,  hum!  »  à  plusieurs 
reprises,  prend  un  air  dur,  et  parle  d'un  ton  saccadé... 
Allons  boire!  —  Garçon,  une  absinthe!  Qu'est-ce  que  ce 
godelureau?  Allons,  laissez-moi  passer...  (ju'est-ce  que  tu 
me  veux?  »  (On  lui  remet  un  papier,  qu'elle  fait  semblant 
de  lire.)  «  Qu'est-ce  qui  est  là?  »  (Rép.  C'est  un  homme  de 


PERSONNALITÉS  FICTIVES  CRÉÉES  PAR  SUGGESTION     229 

la  l"""  du  3.)  —  «  Ah!  bon!  voilà!  (Elle  griffonne  quelque 
chose  d'illisible.)  Vous  remettrez  ça  au  capitaine  adjudant- 
major.  Et  fllez  vite.  —  f]h  bien!  et  cette  absinthe?  »  (On 
lui  demande  s'il  est  décoré).  «  Parbleu!  »  —  (Rép.  C'est 
qu'il  a  couru  des  histoires  sur  votre  compte.)  —  «  Ah! 
quelles  histoires?  Ah!  mais!  Ah!  mais!  Sacrebleu!  Quelles 
histoires?  Prenez  garde  de  m'échauffer  les  oreilles.  Qu'est- 
ce  qui  m'a  f...  un  clampin  comme  ça?  »  (Elle  se  met  dans 
une  violente  colère,  qui  se  termine  presque  par  une  crise 
de  nerfs.) 

«  En  matelot.  Elle  marche  en  titubant,  comme  le  matelot 
qui  descend  à  terre  après  une  longue  traversée.  «  Ah!  te 
voilà,  ma  vieille  branche!  allons  vadrouiller!  je  connais 
un  caboulot  où  nous  serons  très  bien.  Il  y  a  là  des  filles 
chouettes.  »>  Nous  renonçons  à  décrire  le  reste  de  l'histoire. 

«  En  vieille  femme.  On  lui  demande  :  «  Gomment  allez- 
vous?  »  elle  baisse  la  tête  en  disant  :  «  Hein!  »  —  «  Gom- 
ment allez-vous?  »  Elle  dit  de  nouveau  :  «  Plein!  Parlez 
plus  haut,  j'ai  l'oreille  dure.  »  Elle  s'assoit  en  geignant, 
tousse,  se  tâte  la  poitrine,  les  genoux,  en  se  disant  à  elle- 
même  :  «  C'est  les  douleurs  !  Aïe  !  Aïe  !  —  Ah  !  vous  m'amenez 
voire  fille!  Elle  est  gentille,  cette  enfant.  Embrasse-moi, 
mignonne,  et  va  jouer.  Avez-vous  un  peu  de  tabac?  » 

«  En  petite  fille\  Elle  parle  comme  une  petite  fille  de  cinq 
à  six  ans  :  «  Ze  veux  zouer.  Raconte-moi  quelque  sôse. 
Jouons  à  cache-cache,  etc..  »  Elle  court  en  riant,  se  cache, 
fait  cou.  Ce  jeu,  très  fatigant  pour  nous,  dure  j)rès  d'un 
quart  d'heure.  Il  est  remplacé  par  colin-maillard,  puis 
cache-tampon,  etc.  Ensuite  elle  veut  jouer  à  la  pépé,  la 
berce.  On  lui  fait  raconter  l'histoire  du  petit  Chaperon 
rouge,  elle  dit  que  c'est  très  joli,  mais  triste.  On  lui 
demande  si  c'est  moral,  et  elle  répond  qu'elle  ne  sait 
pas  ce  que  c'est  que  moral.  Elle  ne  veut  pas  raconter 
d'autre  histoire,  se  fâche,  tire  la  langue,  pleure,  tape  du 


1.  '<  Cette  objectivation  a  duré  une  heure  et  demie,  sans  que  B...  se  soit 
démentie  une  seule  fois  dans  soa  langage  enfantin  ou  dans  ses  allures.  » 


230  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

pied,  etc.;  ne  veut  pas  d'un  polichinelle,  parce  que  c'est 
un  joujou  de  petit  garçon,  dit  qu'elle  sera  bien  sage, 
demande  sa  poupée  ou  des  confitures. 

«  En  M.  X...^ pâtissier.  —  Cette  dernière  objectivation 
était  particulièrement  intéressante,  car,  il  y  a  plusieurs 
années,  étant  au  service  de  M.  X...,  elle  fut  brutalisée  et 
frappée  par  lui,  si  bien  que  la  justice  s'en  mêla,  je  crois. 
B...  s'imagine  être  ce  M.  X.  :  sa  figure  change  et  prend 
un  air  sérieux.  Quand  les  pratiques  arrivent,  elle  les  reçoit 
très  bien.  «  Parfaitement,  monsieur,  pour  ce  soir  à  huit 
heures,  vous  aurez  votre  glace  !  Monsieur  veut-il  me 
donner  son  nom?  Excusez-moi  s'il  n'y  a  personne,  mais 
j'ai  des  employés  qui  sont  si  négligents.  R...!  B...!  Vous 
verrez  que  cette  sotte-là  est  partie.  Et  vous,  monsieur,  que 
me  voulez-vous?  »  (Réponse  :  Je  suis  commissaire  de 
police,  et  je  viens  savoir  pourquoi  vous  avez  frappé  votre 
domestique.)  —  «  Monsieur,  je  ne  l'ai  pas  frappée.  » 
(Réponse  :  Cependant  elle  se  plaint.)  —  Elle  prend  un  air 
très  embarrassé.  «  Monsieur,  elle  se  plaint  à  tort.  Je  l'ai 
peut-être  poussée,  mais  je  ne  lui  ai  pas  fait  de  mal  Je  vous 
assure,  monsieur  le  commissaire  de  police,  qu'elle  exa- 
gère. Elle  a  fait  un  esclandre  devant  le  magasin...  »  (Elle 
prend  un  air  de  plus  en  plus  embarrassé.)  «  Que  cette 
fille  s'en  aille.  Je  vous  assure  qu'elle  exagère.  Et  puis  je  ne 
demande  qu'à  entrer  en  arrangement  avec  elle.  Je  lui  don- 
nerai des  dédommagements  convenables.  »  (Réponse  : 
Vous  avez  battu  vos  enfants.)  «  Monsieur,  je  n'ai  pas  des 
enfants  :  j'ai  un  enfant,  et  je  ne  l'ai  pas  battu.  » 

((  On  voit  que  dans  cette  objectivation  de  B...,  quoique  le 
personnage  qu'elle  représentait  lui  soit  très  antipathique, 
elle  n'a  pas  cherché  à  le  représenter  ridicule  ou  odieux. 
Elle  cherchait  au  contraire  à  l'excuser,  tellement  elle  était 
entrée  dans  le  rôle.  Son  air  ennuyé  et  contraint,  ses 
réponses  évasives,  mais  polies,  étaient  absolument  con- 
formes à  ce  que  peut  dire,  penser  et  faire  un  individu  inter- 
rogé par  un  magistrat,  et  qui  est  coupable. 

«  Ce  n'est  pas  du  reste  un  des  moins  curieux  phénomènes 


PERSONNALITÉS  FICTIVES  CRÉÉES  PAR  SUGGESTION     231 

de  ces  objectivations,  que  la  transformation  complète  des 
sentiments.  A...  est  timide;  mais  elle  devient  très  hardie, 
quand  elle  objective  un  personnage  hardi.  Elle  est  très 
religieuse;  elle  devient  irréligieuse,  quand  elle  représente 
un  personnage  irréligieux.  B...  est  silencieuse;  elle  devient 
bavarde  quand  elle  représente  un  personnage  bavard.  Le 
caractère  a  complètement  changé.  Les  goûts  anciens  ont 
disparu  et  sont  remplacés  par  les  goûts  nouveaux  qu'est 
supposé  avoir  le  nouveau  type  représenté.  » 

Dans  un  travail  plus  récent,  fait  en  collaboration  avec 
MM.  Ferrari  et  HéricOurt  \  M.  Richet  a  ajouté  un  détail 
curieux  aux  expériences  précédentes;  il  a  montré  que  le 
sujet  auquel  on  impose  un  changement  de  personnalité 
n'adapte  pas  seulement  ses  paroles,  ses  gestes  et  ses  atti- 
tudes à  la  personnalité  nouvelle;  son  écriture  même  peut 
se  modifier  et  se  mettre  en  relation  avec  les  idées  nouvelles 
qui  envahissent  sa  conscience;  cette  modification  de  l'écri- 
ture est  d'autant  plus  intéressante  à  constater  que  l'écri- 
ture, pour  certains  graphologues  contemporains,  n'est  pas 
autre  chose  qu'une  partie  de  la  mimique.  Voici  quelques 
exemples  empruntés  aux  précédents  auteurs. 

On  suggère  successivement  à  un  jeune  étudiant  qu'il  est 
un  paysan  madré  et  retors,  puis  Harpagon,  et  enfin  un 
homme  extrêmement  vieux.  En  même  temps  qu'on  voit  les 
traits  de  la  physionomie  et  les  allures  générales  du  sujet 
se  modifier  et  se  mettre  en  harmonie  avec  l'idée  du  person- 
nage suggéré,  on  observe  que  son  écriture  subit  des  modi- 
fications parallèles,  non  moins  accentuées,  et  revêt  éga- 
lement une  physionomie  spéciale  particuUère  à  chacun 
des  nouveaux  états  de  conscience.  En  un  mot,  le  geste 
scripteur  s'est   transformé  comme  le   geste   en  général. 

Dans  une  note  sur  l'écriture  hystérique,  j'ai  montré  que 
sous  l'influence  d'émotions  suggérées,  ou  sous  l'influence 
d'excitations   sensorielles,  l'écriture  de  l'hystérique  peut 


1.  La  Personnalité  et   l'écriture,  essai   de  graphologie    expérimentale. 
(Revue  phiL,  avril  1886.) 


•232  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

se  modifier;  elle  s'agrandit,  par  exemple,  dans  le  cas  d'exci- 
tations dynamogènes  \ 

Les  suggestions  que  nous  venons  d'étudier  ont  pour 
caractère  de  ne  pas  porter  spécialement  sur  une  perception 
ou  sur  un  mouvement,  c'est-à-dire  sur  un  élément  psy- 
chique limité;  ce  sont  des  suggestions  d'ensemble;  elles 
imposent  au  sujet  un  thème  qu'il  se  trouve  obhgé  de  déve- 
lopper avec  toutes  les  ressources  de  son  inteUigence  et  de 
son  imagination;  et  si  on  examine  avec  soin  les  observa- 
tions, on  voit  aussi  que  dans  ces  suggestions  les  facultés 
de  perception  sont  intéressées  et  perverties  au  même  titre 
que  celles  de  l'idéation;  ainsi  le  sujet,  sous  l'action  de  sa 
personnalité  d'emprunt,  cesse  de  percevoir  le  monde  exté- 
rieur tel  qu'il  est  ;  il  éprouve  des  hallucinations  en  rapport 
avec  sa  nouvelle  personnalité  psychologique  :  évêque,  il  se 
croit  à  Notre-Dame  et  voit  la  foule  des  fidèles;  général,  il 
se  croit  entouré  de  troupes,  etc.  Tout  ce  qui  s'harmonise 
avec  la  suggestion  est  évoqué.  Ce  développement  systé- 
matique des  états  de  conscience  appartient  à  tous  les  genres 
de  suggestions,  mais  il  n'est  peut-être  nulle  part  aussi 
marqué  que  dans  les  transformations  de  la  personnalité. 

A  l'inverse,  tout  ce  qui  peut  contredire  la  suggestion  se 
trouve  inhibé,  et  sort  de  la  conscience  du  sujet.  On  a 
remarqué  que  les  changements  de  personnalité  supposent 
un  phénomène  d'amnésie;  le  sujet,  pour  revêtir  la  per- 
sonnalité d'emprunt,  doit  commencer  par  oublier  sa  per- 
sonnalité vraie;  l'immense  quantité  de  souvenirs  qui  repré- 
sentent son  existence  passée  et  constituent  la  base  de  son  moi 
normal  se  trouve  pour  un  moment  effacée,  parce  que  ces  sou- 
venirs sont  en  contradiction  avec  l'idée  de  la  suggestion. 

Il  se  produit  donc  dans  la  conscience  du  sujet  une  divi- 
sion, un  partage;  et  c'est  par  là  que  ces  phénomènes 
rentrent  dans  le  cadre  de  notre  livre.  Par  suite  de  la 
suggestion  imposée,  la  personnalité  vraie,  avec  une  partie 
de  son  cortège  d'états  de  conscience,  quitte  la  scène;  elle 

1.  Éludes  de  p.iychol.  e.rpiîrimenlale.  Doin,  2"  édition,  1891. 


PERSONNALITÉS  FICTIVES  GRÉÉES  PAR  SUGGESTION     233 

est  réléguée  au  second  plan,  elle  est  temporairement 
oubliée,  et  une  personnalité  nouvelle,  dirigée  par  l'expé- 
rimentateur, se  forme  et  évolue,  empruntant  à  l'ancienne, 
qu'elle  semble  ne  pas  connaître,  quelques-uns  de  ses  élé- 
ments, et  notamment  les  habitudes  motrices  du  geste  et  du 
langage  sans  lesquelles  il  lui  serait  impossible  de  s'ex- 
primer. C'est  du  reste  ce  que  M.  Richet  a  très  bien  exprimé 
en  disant  :  «  L'objectivation  des  types  dépend  d'un  trouble 
de  la  mémoire  et  d'un  trouble  de  l'imagination.  La  mémoire 
de  notre  personnalité  étant  pervertie,  la  conscience  de 
notre  personne  disparaît.  L'imagination  étant  surexcitée, 
les  hallucinations  se  produisent;  et  alors  le  moi  nouveau 
dépend  uniquement  de  la  nature  de  ces  hallucinations'.  » 

Il  est  incontestable  que  cette  division  de  conscience  est 
un  phénomène  superficiel  et  temporaire,  dans  les  condi- 
tions où  l'expérience  a  été  tentée  jusqu'ici.  L'individu  n'est 
pas  réellement  scindé  en  deux,  comme  l'était  par  exemple 
Félida. 

La  division  de  conscience  qui  se  manifeste  chez  les 
somnambules  naturels  a  des  causes  internes,  inhérentes 
à  l'organisme  même  du  sujet;  c'est  un  phénomène  psy- 
chique traduisant  un  état  de  souffrance  des  centres  ner- 
veux. Il  en  est  tout  autrement  chez  un  sujet  dont  on  a 
transformé  la  personnalité  par  simple  suggestion;  ici,  la 
division  résulte  d'une  cause  externe;  elle  est  le  produit 
d'une  idée  communiquée  au  sujet  par  une  autre  personne 
et,  par  conséquent,  elle  ne  présente  pas  en  général  la  même 
gravité. 

Quelques  auteurs  sont  même  allés  très  loin  dans  cette 
voie;  ils  ont  soutenu  que  dans  les  expériences  de  transfor- 
mation de  la  personnalité  le  sujet  joue  un  rôle,  une  sorte, 
de  comédie;  il  serait  comparable  à  un  acteur,  qui  exprime 
des  sentiments  sans  les  ressentir.  Les  auteurs  qui  adoptent 
cette  interprétation,  et  parmi  eux  nous  citerons  M.  Del- 
bœuf  ^  ne  pensent  point  que  le  sujet  cherche  à  simuler  et  à 

d.  Même  article  p.  235. 

•1.  Revue  de  V Hypnotisme,  janvier  et  février  1889. 


•234  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

tromper  l'expérimentateur;  la  vieille  idée  de  la  simulation 
est  aujourd'hui  abandonnée;  ils  pensent  que  le  sujet  obéit 
à  un  mobile  un  peu  différent.  Ayant  reçu  un  ordre,  comme 
celui  de  représenter  un  soldat  ou  un  paysan,  il  exécute 
l'ordre  de  son  mieux,  n'ayant  d'autre  désir  que  celui  de 
complaire  à  celui  dont  il  a  reçu  la  suggestion.  Il  joue  la 
comédie,  mais  pour  le  bon  motif.  C'est  là,  en  somme,  un 
état  psychologique  très  complexe,  mais  cependant  facile  à 
comprendre. 

Cette  opinion  a  été  vivement  combattue  par  d'autres 
auteurs,  notamment  M.  Bernheim  \  qui  ont  soutenu  que 
dans  tous  les  cas  le  sujet  est  sincère  et  croit  réellement  à 
la  suggestion  reçue;  on  lui  a  communiqué  une  personnalité 
nouvelle,  il  l'accepte,  parce  que  la  suggestion  est  pour  lui 
la  réalité  même,  et  que  pour  un  moment  il  oublie  complè- 
tement sa  personnalité  ancienne. 

Nous  jugeons  inutile  d'opter  entre  ces  deux  opinions 
d'apparence  contradictoire,  parce  que  nous  les  considérons 
toutes  deux  comme  également  justes;  elles  s'appliquent 
seulement  à  des  cas  différents.  11  y  a  des  personnes  qui 
ne  sont  point  dupes  des  suggestions  qu'on  leur  donne,  et 
qui  les  exécutent  quand  même,  ne  pouvant  résister  à  l'as- 
cendant de  l'opérateur  :  celles-ci  n'oublient  point  qui  elles 
sont;  qu'on  leur  dise  de  représenter  un  prêtre,  un  général, 
une  religieuse,  elles  seront  capables  de  le  faire  comme 
chacun  de  nous  peut  le  faire;  elles  savent  qu'elles  jouent 
un  rôle;  elles  s'efforcent  de  feindre  et  elles  conservent 
toujours  le  souvenir  de  leur  personnaHté.  D'autres  au  con- 
traire sont  complètement  victimes  de  l'illusion  suggérée, 
parce  que  le  souvenir  de  leur  moi  antérieur  est  pour  un 
moment  complètement  effacé. 

Ce  sont  là  des  effets  différents  qui  tiennent  à  la  nature 
psychique  de  chaque  sujet,  et  aussi  peut-être  au  mode 
employé  pour  le  suggestionner.  Il  est  donc  inutile  d'élever 
des  discussions  relativement  à  ces  points  de  fait;  deux 

1.  La  controverse  a  porté,  non  sur  le  genre  spécial  de  suggestions  que 
nous  éludions,  umis  sur  tous  les  genres  de  suggestion. 


PERSONNALITÉS  FICTIVES  CREEES  PAR  SUGGESTION     235 

faits,  ne  l'oublions  pas,  peuvent  être  différents  sans  être 
contradictoires. 

Laissant  de  côté  cette  discussion  épisodique,  nous  rap- 
pellerons en  terminant  ce  chapitre  que  les  moralistes  et  les 
philosophes  ont  souvent  constaté  dans  le  cours  de  la  vie 
humaine  des  variations  de  personnalité,  qui  ressemblent 
beaucoup  à  celles  que  la  suggestion  peut  produire.  Nous 
renvoyons ,  à  cet  égard ,  à  un  intéressant  ouvrage  de 
M.  Paulhan,  r Activité  mentale  et  les  éléments  de  r esprit. 


CHAPITRE  II 

LE  RAPPEL  DES  PERSONNALITÉS  ANCIENNES  PAR  SUGGESTION 


Rappel  d'une  existence  psychologique  antérieure.  —  En  quoi  consiste  le 
rappel.  —  Moyens  de  le  produire  :  suggestions,  eslhésiogènes.  —  Expé- 
riences de  MM.  Bourru  et  Burot  sur  Louis  V...  et  quelques  autres  sujets.  — 
Caractères  de  la  division  de  conscience  qui  se  manifeste  dans  ces  expé- 
riences. —  Le  jeu  de  l'association  des  idées  est  suspendu  sur  certains 
points. 


La  suggestion  de  changement  de  personnalité  peut  être 
faite  dans  des  conditions  un  peu  différentes  de  celles 
que  nous  venons  de  décrire.  Au  lieu  d'imposer  au  sujet 
une  personnalité  de  fantaisie,  on  évoque  dans  son  esprit 
le  souvenir  d'une  époque  antérieure  de  son  existence  et  on 
le  force  à  revivre  cette  époque.  Au  lieu  de  lui  affirmer 
qu'il  a  changé  de  sexe,  ou  qu'il  est  devenu  prêtre  ou 
soldat,  on  lui  suggère  qu'il  a  huit  ans,  ou  quinze  ans.  Ce 
n'est  point  une  transformation  aussi  complète  de  sa  per- 
sonnalité, mais  c'est  cependant  une  modification  :  car, 
comme  on  le  sait  bien,  notre  personnalité  se  modifie  avec 
le  temps;  la  personnalité  n'est  point  une  entité  fixe,  per- 
manente et  immuable;  c'est  une  synthèse  de  phénomènes, 
qui  varie  avec  ses  éléments  composants,  et  qui  est  sans 
cesse  en  voie  de  transformation.  Dans  le  cours  d'une  exis- 
tence même  normale  un  grand  nombre  de  personnalités 
distinctes  se  succèdent;  c'est  par  artifice  que  nous  les  réu- 


RAPPEL  DES  PERSON.   ANCIENNES   PAR  SUGGESTION     237 

nissons  en  une  seule,  car  à  vingt  ans  de  distance  nous 
n'avons  plus  la  même  manière  de  sentir  et  déjuger. 

Si  l'on  vient,  par  suggestion,  à  replacer  le  sujet  à  une 
période  antérieure  de  son  existence  et  à  faire  revivre,  pour 
un  moment,  une  de  ses  personnalités  mortes,  il  en  résulte 
que  le  souvenir  de  son  moi  actuel  disparaît  pour  un 
moment,  ainsi  que  toutes  les  connaissances  acquises  pos- 
térieurement à  la  date  fixée  par  la  suggestion;  il  se  produit, 
comme  dans  les  cas  où  l'on  suggère  une  personnalité  de 
fantaisie,  une  division  de  conscience;  toute  une  synthèse 
de  phénomènes  disparaît,  est  oubliée,  pour  faire  place, 
temporairement,  à  une  synthèse  plus  ancienne. 

Nous  verrons  en  outre,  un  peu  plus  loin,  que  ces  expé- 
riences ont  une  portée  plus  grande  que  les  précédentes, 
car  la  personnalité  évoquée  est  une  personnalité  vraie  et 
non  une  personnalité  fictive,  créée  de  toutes  pièces  par 
l'imagination.  11  ne  faudrait  cependant  pas  aller  jusqu'à 
croire  que  c'est  la  synthèse  ancienne  qui  reparaît;  ce  n'en 
est  que  le  souvenir,  Técho  affaibli. 

MM.  Bourru  et  Burot  se  sont  les  premiers  engagés  dans 
cette  voie;  ils  ont  fait  leurs  premières  expériences  sur  V..., 
cet  hystéro-épileptique  mâle  dont  nous  avons  relaté  plus 
haut  l'histoire  accidentée;  ils  ont  ensuite  étendu, leurs 
recherches  à  d'autres  malades.  Pour  ramener  Je  sujet  à 
une  époque  antérieure  de  son  existence,  ils  ont  employé 
deux  moyens  :  l'un  des  deux  est  très  simple,  c'est  la  sug- 
gestion, consistant  à  affirmer  au  sujet  qu'il  a  tel  âge,  ou 
qu'on  est  en  telle  année,  etc.  La  suggestion  est  dans  ce 
cas  facile  à  imaginer,  et  nous  n'en  dirons  pas  davantage. 
Le  second  moyen,  plus  compliqué,  mais  aussi  plus  intéres- 
sant et  plus  instructif,  c'est  l'évocation  directe  d'un  état 
psychologique  ancien,  ayant  une  date  précise;  et  cet  état, 
une  fois  apparu,  éveille  à  son  tour  par  association  d'idées 
la  série  de  phénomènes  qui  se  sont  trouvés  groupés  autour 
de  lui.  Supposons,  pour  fixer  les  idées,  qu'une  personne 
hystérique  ait  eu  vers  l'âge  de  quinze  ans  le  bras  droit 
paralysé;  elle  est  depuis  longtemps  guérie,  et  le  bras  droit 


238  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

est  redevenu  sensible  et  mobile;  si  par  suggestion  on 
fait  renaître  la  paralysie,  il  y  a  des  chances  pour  que  les 
souvenirs  reliés  à  celui  de  la  paralysie  réapparaissent  et 
donnent  au  sujet  l'illusion  qu'il  a  quinze  ans.  Il  y  a  là  toute 
une  chaîne  d'idées;  si  on  tire  sur  un  anneau,  la  traction 
passe  d'un  anneau  à  l'autre  et  parcourt  toute  la  chaîne  *. 

Seulement,  ici,  la  question  se  complique  un  peu  par 
suite  du  mode  d'expérience  qui  a  été  adopté  par  MM.  Bourru 
et  Burot.  Ces  auteurs  avaient  à  leur  disposition,  à  l'hôpital 
de  Rochefort,  ce  V...,  qui  avait  été,  à  des  époques  diverses 
de  sa  vie,  frappé  de  paralysie  dans  des  parties  différentes 
de  son  corps;  il  n'était  pas  difficile  de  réaliser  de  nou- 
veau chacune  de  ces  paralysies,  par  suggestion,  afin 
d'évoquer  par  là  même  la  période  d'existence  qui  s'y  rat- 
tachait. Les  auteurs  n'ont  pas  manqué  de  faire  cette  expé- 
lience,  mais  ils  en  ont  aussi  fait  une  autre;  ayant  re- 
marqué que  V...  était  extrêmement  sensible  à  l'action  des 
métaux  à  distance,  ils  ont  cherché  à  provoquer  chez  le 
malade  un  changement  d'état  somatique  (c'est-à-dire  un 
changement  dans  la  distribution  de  la  sensibilité  et  de  la 
motilité  conscientes)  en  le  soumettant  à  l'action  des  esthé- 
siogènes. 

Je  ne  puis  pas,  bien  entendu,  garantir  l'exactitude  de  ces 
expériences;  l'action  des  eslhésiogènes  sur  le  système  ner- 
veux des  hystériques  est  encore  mise  en  doute  par  de  très 
bons  esprits,  et  la  question  me  paraît  loin  d'être  élucidée. 
On  est  donc  libre  d'admettre  que  les  barreaux  aimantés, 
le  fer,  l'or  et  les  autres  métaux  dont  on  s'est  servi  pour 
modifier  l'état  de  Louis  V...,  n'ont  agi  que  par  suggestion, 
ou  par  un  moyen  analogue. 

Cette  interprétation  n'enlève  pas  tout  intérêt  aux  expé- 
riences, puisqu'on  peut  à  la  rigueur  les  mettre  sur  le 
compte  de  la  suggestion. 

Grâce  aux  esthésiogènes,  les  auteurs  ont  pu  produire  et 

1.  J'ai  indiqué,  depuis  longtemps,  dans  une  noie  faite  en  collaboration 
avec  M.  Férc,  le  rôle  de  ces  associatious  d'idées  dans  les  suggestions 
rétrospectives.  {Revue  pfiilosop/i/q7(p.  18ls<).) 


RAPPEL  DES  PERSON.  ANCIENNES  PAR  SUGGESTION     239 

fixer  six  états  somatiques  principaux.  Ce  sont  :  V  une  hémi- 
plégie droite  avec  anesthésie  droite;  2°  une  hémiplégie 
gauche,  face  comprise,  avec  anesthésie  gauche;  3°  une 
hémiplégie  gauche,  face  non  comprise,  avec  anesthésie 
gauche;  4"  une  paraplégie  avec  anesthésie  des  membres 
paralysés  ;  5"  une  légère  parésie  avec  anesthésie  de  la  jambe 
gauche;  6°  un  état  où  il  n'existe  point  de  paralysie,  mais 
une  hyperesthésie  de  la  jambe  gauche.  En  même  temps 
que  ces  changements  physiques,  se  produisent  des  trans- 
formations constantes  de  Fétat  psychique  du  sujet,  notam- 
ment de  son  caractère  et  de  sa  mémoire,  et  les  deux 
choses  sont  intimement  hées  l'une  à  l'autre;  dès  qu'on  a 
provoqué  un  certain  état  somalique,  l'état  de  conscience 
correspondant  s'éveille,  et  le  sujet  se  trouve  transformé. 
En  voici  un  exemple  :  prenons  Louis  V...  au  moment  où 
il  se  trouve  paralysé  et  insensible  de  tout  le  côté  droit. 
C'est  ainsi  qu'il  s'est  présenté  à  l'observation,  pendant  son 
séjour  à  l'hôpital  militaire  de  Rochefort.  Il  a  le  caractère 
d'une  mobilité  excessive,  doux  mais  facilement  irritable. 
Il  est  violent  et  arrogant  dans  ses  paroles,  sa  physionomie 
et  son  attitude.  Il  est  bavard,  son  langage  est  grossier;  il 
tutoie  tout  le  monde  et  donne  à  chacun  un  surnom  irré- 
vérencieux; il  fume  du  matin  au  soir,  et  obsède  chacun 
de  ses  demandes  indiscrètes  de  tabac  et  d'argent.  Sa 
mémoire  est  précise  pour  les  choses  actuelles;  il  récite  des 
colonnes  entières  de  journal  \  Son  souvenir  dans  le  temps 
est  borné  à  sa  présence  actuelle  à  Rochefort,  à  son  séjour 
à  Bicêtre  et  à  la  deuxième  partie  de  son  séjour  à  Bonneval. 
Il  ne  sait  comment  il  a  été  transporté  à  Bonneval;  il  croit 
qu'il  y  est  venu  tout  enfant.  Si  on  lui  dit  qu'il  a  appris  le 
métier  de  tailleur,  quand  il  était  paralysé  des  deux  jambes, 
il  répond  qu'on  se  moque  de  lui;  il  n'a  jamais  été  paralysé 
des  deux  jambes,  jamais  il  n'a  appris  à  coudre,  et  en  effet, 
il  ne  sait  pas  tenir  une  aiguille  en  main.  A  Bonneval,  on 

1.  Il  est  regrettable  que  les  auteurs  n'insistent  pas  davantage  sur  ce 
point.  L'étude  de  la  mémoire  présente  assez  d'importance  pour  mériter 
plus  de  précision. 


240  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

l'a  toujours  employé  aux  travaux  du  jardin;  du  reste,  il 
passait  son  temps  à  fumer  des  cigares.  Il  se  rappelle  par- 
faitement avoir  volé  soixante  francs  et  des  effets  à  un 
infirmier,  s'être  évadé  et  avoir  été  ramené  à  l'asile.  De 
Bonneval,  il  se  trouve  à  Bicêtre  sans  pouvoir  dire  ni  pour- 
quoi ni  comment,  ayant  oublié  toutes  les  étapes  intermé- 
diaires. Il  donne  des  renseignements  très  complets  sur 
Bicêtre;  il  parle  souvent  des  médecins  qui  le  soignaient,  de 
M.  J.  Voisin  et  de  M.  Bourneville.  Tout  ce  qu'il  a  fait  au 
régiment  pendant  les  deux  mois  qu'il  a  été  soldat  est 
présent  à  sa  mémoire. 

Un  état  tout  différent  du  précédent  est  produit  par  l'ap- 
plication de  l'aimant  sur  la  nuque.  La  respiration  s'accélère, 
le  sujet  reste  immobile,  les  yeux  fixes;  on  constate  un 
léger  tremblement  des  lèvres,  puis  un  certain  mouvement 
de  mâchonnement  et  de  déglutition,  enfin  bâillement  et 
réveil.  La  paralysie  des  deux  jambes  est  complète  avec  con- 
tracture en  extension.  La  perte  de  sensibilité  est  étendue 
sur  toute  la  partie  inférieure  du  corps.  Toute  la  partie  supé- 
rieure jouit  de  la  sensibilité  et  du  mouvement.  La  phy- 
sionomie est  triste,  les  yeux  sont  baissés,  il  n'ose  regarder 
autour  de  lui,  il  est  poli  et  même  timide.  La  prononciation 
est  nette,  mais  enfantine.  On  lui  présente  un  livre,  il  épelle 
les  lettres  et  les  syllabes  comme  s'il  commençait  à 
apprendre  à  lire.  Il  se  croit  à  Bonneval  :  il  vient  de  voir 
M.  Gamuset  et  d'autres  personnes  de  cet  asile.  Son  occupa- 
tion ordinaire  est  le  travail  à  l'atelier  des  tailleurs;  il  coud 
en  homme  du  métier  et  fait  un  sac  avec  adresse.  Son  intel- 
ligence est  très  obtuse,  ses  connaissances  générales  sont 
nulles.  Il  ne  connaît  que  deux  endroits  :  Bonneval  où  il 
se  trouve  et  Saint-Urbain  d'où  il  vient;  il  se  rappelle  avoir 
vu  à  Saint-Urbain  une  vipère  qui  lui  a  fait  peur,  qui  l'a 
rendu  malade.  Sa  mémoire  correspond  à  la  période  assez 
limitée  de  son  existence  pendant  laquelle  il  a  été  paralysé 
des  deux  jambes. 

11  serait  trop  long  de  décrire  les  uns  après  les  autres  les 
étals  par  lesquels  peut  passer  Louis  V...  Pour  ne  point 


RAPPEL  DES  PERSON.   ANCIENNES  PAR  SUGGESTION     241 

revenir  encore  sur  l'histoire  de  ce  malade,  que  nous  avons 
longuement  racontée  dans  la  première  partie  de  ce  livre, 
nous  emprunterons  à  MM.  Bourru  et  Burot  l'histoire  d'un 
autre  sujet,  Jeanne  R...,  sur  laquelle  ils  ont  pu  refaire  des 
expériences  analogues. 

«  Jeanne  R...,  âgée  de  vingt-quatre  ans,  est  une  jeune 
fille  très  nerveuse,  et  profondément  anémique.  Elle  est 
sujette  à  des  crises  de  pleurs  et  de  sanglots;  pas  de  crises 
convulsives,  mais  de  fréquents  évanouissements;  elle  est 
facilement  hypnotisable;  elle  dort  d'un  sommeil  profond 
et  à  son  réveil  elle  a  de  l'amnésie. 

((  On  lui  dit  de  se  réveiller  à  l'âge  de  six  ans.  Elle  se 
trouve  chez  ses  parents;  on  est  au  moment  de  la  veillée, 
on  pèle  des  châtaignes.  Elle  a  envie  de  dormir  et  demande 
à  se  coucher;  elle  appelle  son  frère  André  pour  qu'il 
l'aide  à  finir  sa  besogne;  mais  André  s'amuse  à  faire  des 
petites  maisons  avec  des  châtaignes  au  lieu  de  travailler  : 
«  Il  est  bien  fainéant,  il  s'amuse  à  en  peler  dix,  et  moi  il 
faut  que  je  pèle  le  reste.  » 

((  Dans  cet  état,  elle  parle  le  patois  limousin,  ne  sait  pas 
lire,  connaît  à  peine  l'A  B  G.  Elle  ne  sait  pas  parler  un  mot 
de  français.  Sa  petite  sœur  Louise  ne  veut  pas  dormir  : 
«  Il  faut  toujours,  dit-elle,  dandiner  ma  sœur  qui  a  neuf 
mois.  »  Elle  a  une  attitude  d'enfant. 

«  Après  lui  avoir  mis  la  main  sur  le  front,  on  lui  dit  que 
dans  deux  minutes  elle  se  retrouvera  à  l'âge  de  dix  ans. 
Sa  physionomie  est  toute  diflérente;  son  attitude  n'est  plus 
la  même.  Elle  se  trouve  aux  Fraiss,  au  château  de  la 
famille  des  Moustiers,  près  duquel  elle  habitait.  Elle  voit 
des  tableaux  et  elle  les  admire.  Elle  demande  où  sont  les 
sœurs  qui  l'ont  accompagnée,  elle  va  voir  si  elles  viennent 
sur  la  route.  Elle  parle  comme  un  enfant  qui  apprend  à 
parler;  elle  va,  dit-elle,  en  classe  chez  les  sœurs  depuis 
deux  ans,  mais  elle  est  restée  bien  longtemps  sans  y 
aller;  sa  mère  étant  souvent  malade,  on  l'obligeait  à  garder 
ses  frères  et  ses  sœurs.  Elle  commence  à  écrire  depuis 
six  mois,  elle   se  rappelle  une  dictée  qu'elle  a  donnée 

A.   BiNET.  16 


242  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

mercredi  et  elle  écrit  une  page  entière  très  couramment 
et  par  cœur;  c'est  la  dictée  qu'elle  a  faite  à  l'âge  de  dix 
ans. 

«  Elle  dit  ne  pas  être  très  avancée  :  «  Marie  Coutureau 
aura  moins  de  fautes  que  moi;  moi,  je  suis  toujours  après 
Marie  Puybaudet  et  Marie  Coutureau,  mais  Louise  Rol- 
land est  après  moi.  Je  crois  que  Jeanne  Baulieu  est  celle 
qui  fait  le  plus  de  fautes.  » 

(c  De  la  même  manière,  on  lui  commande  de  se  retrouver 
à  l'âge  de  quinze  ans.  Elle  sert  à  Mortemart  chez  Mlle  Bru- 
nerie  :  «  Demain,  nous  allons  aller  à  une  fête,  à  un 
mariage.  —  Au  mariage  de  Baptiste  Colombeau,  le  maré- 
chal. C'est  Léon  qui  sera  mon  cavalier.  Oh!  nous  allons 
bien  nous  amuser!  Oh!  je  n'irai  pas  au  bal,  Mlle  Brunerie 
ne  veut  pas;  j'y  vais  bien  un  quart  d'heure,  mais  elle  ne 
le  sait  pas.  »  Sa  conversation  est  plus  suivie  que  tout  à 
l'heure.  Elle  sait  lire  et  écrire.  Elle  écrit  le  Petit  Savoyard. 

«  La  différence  des  deux  écritures  est  très  grande.  A  son 
réveil,  elle  est  étonnée  d'avoir  écrit  le  Petit  Savoyard, 
qu'elle  ne  sait  plus.  Quand  on  lui  fait  voir  la  dictée  qu'elle 
a  faite  à  dix  ans,  elle  dit  que  ce  n'est  pas  elle  qui  l'a 
écrite  \  » 

Depuis  l'époque  où  ces  expériences  ont  été  publiées,  un 
grand  nombre  d'auteurs  en  ont  fait  d'autres  du  même 
genre,  et  ont  obtenu  les  mêmes  effets.  M.  Pitres  et  ses 
élèves  ont  étudié  ces  phénomènes  sous  le  nom  d'ecmnésie. 
Nous  croyons  qu'on  ne  saurait  trop  insister  sur  l'impor- 
tance de  ces  suggeslions  rétrospectives,  car  cette  impor- 
tance n'a  pas  encore  été  bien  sentie. 

Ce  mode  de  suggestion,  qui  permet  de  replacer  une  per- 
sonne à  des  époques  antérieures  de  son  existence,  recevra 
certainement  un  jour,  j'en  suis  convaincu,  de  nombreuses 
applications  médicales;  car  d'une  part,  il  éclairera  le  dia- 
gnostic en  permettant  de  découvrir,  dans  ses  détails,  l'ori- 
gine et  le  mode  de  production  d'un  symptôme  hystérique; 

\.   Op.  cil.,   p.    1;J2. 


RAPPEL  DES   PERSON.  ANCIENNES  PAR  SUGGESTION     243 

et  d'autre  part,  peut-être  verra-t-on  qu'en  reportant  le 
malade,  par  un  artifice  mental,  au  moment  même  où  le 
symptôme  a  apparu  pour  la  première  fois,  on  rend  ce 
malade  plus  docile  à  une  suggestion  curative.  En  tout  cas, 
c'est  une  expérience  à  tenter. 

Au  point  de  vue  purement  psychologique,  qui  seul  nous 
intéresse,  les  suggestions  rétroactives  nous  apprennent 
quelque  chose  de  nouveau  sur  le  mécanisme  de  la  division 
de  conscience.  Elles  nous  apprennent  d'abord  qu'une  foule 
de  souvenirs  anciens,  que  nous  croyons  morts,  car  nous 
sommes  incapables  de  les  évoquer  à  volonté,  continuent  à 
vivre  en  nous;  par  conséquent  les  limites  de  notre  mémoire 
personnelle  et  consciente  ne  sont  pas  plus  que  celles  de 
notre  conscience  actuelle  des  limites  absolues;  au  delà  de 
ces  lignes,  il  y  a  des  souvenirs,  comme  il  y  a  des  percep- 
tions et  des  raisonnements,  et  ce  que  nous  connaissons  de 
nous-même  n'est  qu'une  partie,  peut-être  une  très  faible 
partie,  de  ce  que  nous  sommes. 

Les  lois  de  l'association  des  idées,  dont,  à  la  suite  des 
psychologues  anglais,  on  a  tant  usé  et  même  abusé  pour 
expliquer  une  foule  de  phénomènes  de  l'esprit,  se  mon- 
trent ici  en  défaut  ;  elles  sont  incapables  de  nous  faire  com- 
prendre pourquoi  et  comment  des  souvenirs  conservés  ne 
revivent  pas  à  l'appel  des  impressions  nouvelles  qui  leur 
sont  associées.  Tel  événement  d'enfance,  qui  ne  se  repré- 
sente plus  à  notre  esprit,  mais  qu'une  suggestion  rétro- 
active peut  y  ramener,  n'a  certainement  pas  manqué  d'oc- 
casions, dans  le  cours  de  la  vie  normale,  pour  remonter  à 
la  surface  de  la  conscience;  un  grand  nombre  d'événe- 
ments similaires  ont  dû  se  produire  depuis;  si  donc  il  n'a 
point  obéi  à  cet  appel  de  la  similitude,  c'est  que  le  jeu  des 
associations  d'idées  n'était  point  suffisant  pour  le  provo- 
quer, et  ne  suffit  pas,  par  conséquent,  à  expliquer  le  déve- 
loppement de  notre  vie  mentale;  il  y  a  sans  doute  autre 
chose  que  ces  liens  légers  pour  attacher  les  idées.  Des 
causes  plus  profondes,  et  dont  nous  avons  peine  à  démêler 
la  nature,  car  elles  sont  inconscientes,  agissent  pour  répartir 


244  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

nos  idées,  nos  perceptions,  nos  souvenirs,  et  tous  nos  états 
de  conscience,  en  synthèses  autonomes  et  indépendantes. 
Lorsque  nous  sommes  dans  une  de  ces  synthèses,  nous 
avons  peine  à  réveiller  une  idée  appartenant  à  une  syn- 
thèse différente;  en  général,  une  association  d'idées  ne 
suffît  pas;  mais  quand  plusieurs  éléments  de  cette  seconde 
synthèse  ont  été  ressuscites  pour  une  raison  ou  pour  une 
autre,  la  synthèse  entière  réapparaît. 


CHAPITRE  III 


SUGGESTIONS     D  ACTES 


Exécution  des  suggestions  post-liypaotiques.  —  Changements  de  physio- 
nomie. —  La  conscience  normale  ignore  l'ordre  reçu. —  L'oubli  après 
l'acte  :  observations  de  M.  Beaunis.  —  L'exécution  subconsciente  des  sug- 
gestions :  observations  de  MM.  Delbœuf,  Janet,  etc.  ■ — ^  Retour  de  l'état 
somnambulique.  —  Explication  de  ces  phénomènes. 


-  Les  changements  de  personnalité  provoqués  par  sugges- 
tion hypnotique  créent  une  situation  psychologique  assez 
simple;  en  général,  il  n'y  a  pas  coexistence  de  personnalités 
distinctes;  une  seule  occupe  la  scène,  reléguant  les  autres 
dans  la  coulisse. 

Nous  allons  voir  la  situation  se  compliquer  beaucoup 
plus  dans  d'autres  genres  de  suggestions,  où  le  concours, 
la  coexistence  de  deux  conditions  mentales  distinctes  sera 
bien  visible. 

Le  sujet  étant  en  somnambulisme,  un  ordre  lui  est 
donné,  et  cet  ordre  lui  est  donné  de  telle  sorte  qu'il  ne 
puisse  être  exécuté  qu'au  réveil.  Transportons-nous  au 
moment  de  l'exécution,  et  observons  le  sujet  agissant. 
Cette  observation  a  été  faite  avec  le  plus  grand  soin  par 
beaucoup  d'auteurs,  et  ils  ont  relevé,  les  uns  intentionnelle- 
ment, les  autres  sans  en  avoir  le  soupçon,  certains  signes 
psychiques  qui  prouvent  qu'au  moment  où  la  suggestion 
post-hypnotique  se  réaUse,  il  y  a  un  retour  momentané  de 


•246  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

l'état  somiiambulique  initial.  Les  observations  de  Gurney, 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut\  trouvent  ici  une  confir- 
mation d'autant  plus  sérieuse  qu'elle  résulte  d'expériences 
appartenant  à  un  ordre  d'idées  différent. 

Il  faut  d'abord  rappeler  en  quelques  mots  le  mode  habi- 
tuel d'exécution  des  suggestions  post-hypnotiques.  En 
général  le  sujet  qui  a  reçu  l'ordre  d'exécuter  tel  ou  tel  acte 
après  son  réveil,  par  exemple  dix  minutes  après  son  réveil 
ou  bien  à  un  signal  convenu  d'avance,  ce  sujet,  en  se 
réveillant  du  sommeil  hypnotique,  semble  reprendre  la 
libre  et  entière  possession  de  son  intelligence;  il  n'est  plus 
suggestible,  ou  l'est  devenu  beaucoup  moins;  il  ne  sait  rien 
du  somnambulisme  qui  vient  de  s'écouler,  il  n'a  même  pas 
connaissance  de  cette  suggestion,  qu'il  va  cependant  exé- 
cuter dans  un  instant.  Si  on  lui  en  parle  avant  que  l'heure 
sonne  ou  que  le  signal  soit  donné,  il  ne  comprend  pas 
ce  qu'on  veut  lui  dire,  il  rit  et  se  moque.  Puis,  tout  à  coup, 
brusquement,  le  tableau  change;  la  conversation  entamée 
s'arrête,  on  voit  la  physionomie  du  sujet  se  modifier,  et  par- 
fois prendre  une  expression  frappante  de  résolution  vio- 
lente, et  la  suggestion  est  exécutée  (Beaunis,  Liégeois). 

D'après  les  auteurs  qui  n'ont  point  reconnu  le  phéno- 
mène de  division  de  conscience,  c'est  le  sujet  normal,  le 
sujet  d'état  de  veille,  qui  accomplit  la  suggestion  post- 
hypnotique. Le  cas  peut  en  effet  se  présenter;  mais  en  ana- 
lysant quelques  détails  des  observations  classiques,  on 
voit  déjà  poindre  la  division  de  conscience.  Ainsi,  on  a 
donné  au  sujet  en  somnambulisme  l'ordre  d'un  vol  ou 
l'hallucination  d'un  oiseau;  il  commet  le  vol  pendant  l'état 
de  veille;  il  éprouve  l'hallucination;  il  se  rappelle  donc  la 
suggestion,  mais  non  la  suggestion  entière;  il  a  oublié  la 
parole  de  l'expérimentateur;  il  ne  sait  pas  de  qui  il  a  reçu 
l'ordre;  il  ne  sait  même  pas  qu'un  ordre  lui  a  été  donné. 

Cet  oubli  partiel,  que  j'ai  décrit  ailleurs  avec  M.  Féré  ', 


i.  Voir  p.  70. 

2.  Mar/netismc  animal,  p.  loi. 


SUGGESTIONS  D  ACTES  247 

qui  n'est  point  constant,  mais  très  fréquent,  et  qu'on  ne 
comprend  guère  à  première  vue,  s'éclaire  d'un  jour  tout 
nouveau  si  on  le  compare  à  ce  qui  se  passe  dans  les  sug- 
gestions données  pendant  un  état  de  distraction  ou  même 
à  la  faveur  de  l'anesthésie.  Rappelons  brièvement  les  faits. 
Quand  l'hystérique  est  distraite,  et  qu'on  commande  une 
hallucination  au  personnage  inconscient,  la  conscience 
principale  n'entend  rien  des  mots  murmurés  à  voix  basse, 
mais  elle  perçoit  l'hallucination  \  De  même,  quand,  sur  la 
main  insensible,  on  dessine  une  lettre  avec  une  pointe 
mousse,  le  sujet  ne  sent  point  le  contact  de  la  pointe,  mais 
il  a  la  représentation,  parfois  même  l'hallucination  de  la 
lettre  écrite  ^ 

Dans  les  deux  cas,  même  opération  psychologique;  la 
parole  prononcée,  comme  la  sensation  tactile  faite  sur  la 
main  ont  amené  des  images  associées,  mais  le  premier 
terme  de  l'association  est  resté  dans  la  conscience  secon- 
daire, et  le  second  terme,  l'image,  a  seul  fait  son  entrée 
dans  la  conscience  principale.  Or,  c'est  bien  ce  qui  se  passe 
dans  toutes  les  suggestions  données  pendant  le  somnam- 
bulisme et  se  continuant  pendant  l'état  de  veille  :  la  con- 
science principale  ne  connaît  que  l'effet,  le  dernier  terme 
de  la  suggestion;  c'est  la  conscience  somnambuhque  qui 
a  entendu  les  paroles  de  la  suggestion;  ajoutons  que  la 
conscience  somnambulique,  qui  joue  ici  le  même  rôle  que 
le  personnage  subconscient  de  l'état  d'anesthésie  et  de 
l'état  de  distraction,  est  identiquement  le  même  person- 
nage. C'est  encore  un  point  sur  lequel  pleine  lumière  a 
été  faite  ". 

Il  faut  donc  considérer  les  suggestions  classiques,  celles 

qui  sont  données  pendant  un  état  de  somnambulisme  pour 

être  exécutées  ou  simplement  pour  se  continuer  pendant  la 

"veille,  comme  des  opérations  psychologiques  qui  exigent 

une  duahté  de  consciences. 


1.  Voir  p.  193. 
■2.  Voir  p.  188. 
3.  Voir  p.  138. 


248  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

Dans  un  certain  nombre  de  cas,  il  paraît  même  démontré 
qu'au  moment  de  l'exécution  d'une  suggestion  post-hyp- 
notique, la  personnalité  normale  de  l'état  de  veille,  qui  ne 
connaît  pas  la  suggestion  reçue,  qui  du  reste  ignore  toutes 
les  péripéties  de  l'expérience,  et  qui  s'est  souvent  recons- 
tituée d'une  façon  assez  complète  pour  lutter  contre  une 
suggestion  nouvelle,  s'efface,  disparaît,  est  anéantie;  c'est 
la  personne  somnambulique  qui  envahit  la  scène.  Nous 
avons  hâte  d'énumérer  les  faits  qui  le  démontrent. 

Le  premier  de  ces  faits  a  été  relevé  par  M.  Beaunis  \ 
c'est  l'oubli  rapide  qui  suit  l'exécution  d'une  suggestion 
post-hypnotique.  On  a  dit  au  sujet  endormi  d'exécuter  au 
réveil  un  acte  quelconque,  changer  un  meuble  de  place, 
ou  tourner  rapidement  ses  mains  l'une  autour  de  l'autre; 
pendant  qu'il  obéit  à  cet  ordre,  on  appelle  d'une  façon 
toute  particulière  son  attention  sur  ce  qu'il  fait;  on  lui 
dit  de  remarquer  son  mouvement,  et  on  peut  s'assurer 
qu'il  a  pleine  conscience  de  son  acte.  C'est  du  moins 
ainsi  que  les  sujets  se  comportent  dans  les  expériences 
de  M.  Beaunis.  Or,  malgré  la  conscience  avec  laquelle 
ils  accomphssent  les  ordres  suggérés,  tout  est  oublié 
quelques  instants  après;  vient-on  à  leur  demander  ce  qu'ils 
ont  fait  avec  leur  main,  ils  ne  se  rappellent  rien  et  ne  com- 
prennent pas  la  demande. 

Cet  oubli  n'est  peut-être  pas  un  phénomène  constant. 
Quel  est  le  phénomène  constant  en  psychologie?  Mais  il  est 
fréquent,  et  ceci  nous  montre  que  lorsqu'une  action  est 
accomplie  sous  l'empire  d'une  suggestion,  alors  elle  diffère 
grandement  d'une  action  volontaire  et  spontanée;  cette 
différence  persiste  même  pour  les  actes  suggérés  qu'on 
exécute  à  l'état  de  veille,  car  si  par  exemple  le  sujet  avait 
spontanément,  en  dehors  de  tout  commandement,  déplacé 
un  meuble  ou  fait  un  geste,  il  en  aurait  sûrement  con- 
servé le  souvenir. 

L'oubli  après  l'acte  exécuté  nous  paraît  comparable  à 

1.  Le  Somnambulisme  provor/uf',  p.  121.  Paris,  1SS7. 


SUGGESTIONS  D'ACTES  249 

l'oubli  qui  succède  au  somnambulisme;  il  marque  bien,  à 
notre  avis,  que  le  sujet,  au  moment  précis  où  l'acte  est 
exécuté,  se  trouve  dans  la  condition  mentale  du  somnam- 
bulisme, puisque  le  signe  psychique  principal  de  cet  état, 
c'est-à-dire  l'amnésie  qu'il  laisse  après  lui,  peut  se  vérifier 
à  cette  occasion. 

D'autres  expériences,  celles  de  Gurney,  de  M.  Delbœuf, 
de  M.  Pierre  Janet,  de  MM.  Fontan  et  Ségard,  et  les 
miennes,  viennent  confirmer  cette  interprétation,  qui,  si 
elle  ne  s'appuyait  pas  sur  un  plus  grand  nombre  de  faits, 
resterait  un  peu  hypothétique. 

Chez  les  sujets  du  genre  de  ceux  que  M.  Beaunis  a  étu- 
diés, l'état  somnambuHque  ne  renaît  que  partiellement  à  ce 
moment  décisif  où  la  suggestion  post-hypnotique  se  réalise; 
ils  gardent  conscience  d'eux-mêmes,  et  la  seule  preuve 
que  l'activité  somnambulique  est  intervenue,  c'est  l'oubli 
de  l'acte.  Il  est  d'autres  personnes  pour  qui,  dans  les 
mêmes  circonstances,  le  retour  de  l'état  somnambulique 
est  plus  net,  plus  frappant,  plus  complet;  il  n'y  a  pas  seu- 
lement oubli  après  l'acte,  mais  inconscience  pendant  que 
l'acte  suggéré  s'accomplit.  Le  moi  normal  reste  étranger  à 
la  suggestion;  c'est  en  dehors  de  lui,  de  sa  volonté  et  de 
son  intelligence  qu'elle  s'exécute;  et  c'est  par  rapport  à  lui 
qu'elle  est  inconsciente.  L'inconscience,  ainsi  comprise,  est 
une  sorte  d'oubli  anticipé.  La  perte  de  conscience,  vraie 
aggravation  de  la  perte  de  mémoire,  contribue  à  établir 
définitivement  la  division  des  consciences. 

Il  faut  citer  quelques  exemples.  Nous  en  empruntons  un 
à  M.  Pierre  Janet.  «  Après  avoir  étudié  sur  Lucie,  rapporte 
cet  auteur,  les  suggestions  ordinaires  pendant  l'état  hypno- 
tique je  lui  donnai  des  ordres  à  accomphr  après  le  réveil, 
et  je  fus  frappé  de  la  manière  singulière  dont  elle  les  exé- 
cutait. Elle  avait  à  ce  moment  l'apparence  la  plus  naturelle, 
parlait  et  agissait  en  se  rendant  bien  compte  de  tous  les 
actes  qu'elle  faisait  spontanément;  mais,  au  travers  de  tous 
ces  actes  naturels,  elle  accomplissait  comme  çav  dis  trac  tw?i 
les  actes  commandés  pendant  le  sommeil.  Non  seulement, 


250  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

comme  la  plupart  des  sujets,  elle  les  oubliait  après  les  avoir 
accomplis,  mais  elle  ne  paraissait  pas  les  connaître,  au 
moment  même  oîi  elle  les  exécutait.  Je  lui  dis  de  lever  les 
deux  bras  en  l'air  après  le  réveil;  à  peine  est-elle  dan&j 
l'état  normal  qu'elle  lève  les  deux  bras  au-dessus  de  sa 
tête,  mais  elle  ne  s'en  inquiète  pas;  elle  va,  vient,  cause, 
tout  en  maintenant  ses  deux  bras  en  l'air.  Si  on  lui  demande 
ce  que  font  ses  bras,  elle  s'étonne  d'une  pareille  question 
et  dit  très  sincèrement  :  «  Elles  ne  font  rien  du  tout,  mes 
mains,  elles  sont  comme  les  vôtres  *.  » 

Chez  d'autres  sujets,  le  retour  de  l'état  somnambulique 
se  montre  plus  complet  encore;  on  a  pu  constater  qu'il 
ramène  l'état  delà  sensibilité  qui  le  caractérise  chez  chaque 
sujet,  et  que  celui-ci  acquiert  même  une  suggestibilité  qu'il 
n'a  pas  pendant  la  veille  (Gurney)'.  Mieux  encore,  certains 
sujets  s'endorment  de  nouveau  pour  exécuter  l'acte  post- 
hypnotique, et  un  auteur  a  pu  dire,  exagérant  un  peu 
un  fait  qui  n'est  vrai  que  de  certaines  personnes,  que 
toute  suggestion  post-hypnotique  équivaut  à  celle-ci  : 
«  Après  votre  réveil,  vous  vous  endormirez  de  nouveau 
pour  accomplir  la  suggestion.  »  Il  est  clair  qu'un  tel  ordre 
n'a  été  ni  donné,  ni  sous-entendu,  et  que  si  l'état  somnam- 
bulique renaît,  c'est  que  les  conditions  mentales  qu'il 
implique  sont  nécessaires  à  l'accomplissement  de  la  sug- 
gestion donnée. 

Ainsi,  chaque  individu  a  sa  manière  propre  de  se  con- 
duire; chez  les  uns,  oubli  après  l'acte;  chez  les  autres, 
inconscience  de  l'acte;  chez  d'autres  enfin,  perle  absolue, 
totale  de  conscience  et  somnambulisme.  Ceci  nous  montre 
avec  combien  de  variantes  un  même  acte  peut  s'ac- 
complir. 

Ces  variantes,  du  reste,  se  ramènent  à  un  fait  unique, 
la  division  de  conscience,  et  l'importance  comparée  des 
deux  consciences  en  action.  Les  Hmites  de  ces  consciences 


1.  Op.  ril.^  p.  2oo. 

2.  S.  F'.  It.,  4887,  p.  271. 


SUGGESTIONS  D' ACTES  2ol 

n'ont  rien  de  fixe  et  d'immuable;  nous  l'avons  vu  déjà  à 
deux  reprises  *,  le  subconscient  tend  sans  cesse  à  se  déve- 
lopper et  à  submerger  la  personnalité  principale,  et  les 
différences  observées  d'un  sujet  à  l'autre  résultent  du  degré 
variable  de  développement  atteint  par  le  moi  somnambu- 
lique. 

i.  Voir  p.  d38  et  m. 


CHAPITRE  IV 

LES    SUGGESTIONS    A     POINT    DE    REPÈRE    INCONSCIENT 
LES    HALLUCINATIONS 


Sugfrestions  où  le  but  seul  est  indiqué,  le  moyen  étant  confié  à  l'initiative 
du  sujet.  —  Hallucinations  à  point  de  repère.  —  Principaux  caractères. 
—  Optique  hallucinatoire.  —  Le  point  de  repère  est  l'objet  d'une  per- 
ception inconsciente.  —  Démonstration  directe  de  cette  perception.  — 
Intelligence  du  personnage  subconscient. 


S'il  fallait  s'en  tenir  à  ce  qui  précède,  les  rapports  des 
deux  consciences,  pendant  l'exécution  des  suggestions, 
seraient  assez  simples  ;  un  acte  est  commandé ,  avons- 
nous  vu;  la  conscience  somnambulique,  qui  a  recueilli  la 
suggestion  et  s'en  rend  bien  compte,  se  contente  d'intro- 
duire ridée  de  l'acte  dans  la  conscience  principale,  ou  bien 
elle  se  substitue  à  la  conscience  principale  pour  réaliser 
la  suggestion.  Mais  on  peut  créer,  par  artifice,  des  situa- 
tions assez  complexes,  qui  entraînent  une  complexité  cor- 
respondante dans  les  rapports  des  deux  consciences.  En 
d'autres  termes,  on  a  pu  obliger  le  moi  somnambulique  à 
collaborer  avec  le  moi  normal,  de  sorte  que  la  suggestion 
devient  leur  œuvre  commune. 

Pour  bien  comprendre  ce  point,  il  faut  remarquer  tout 
d'abord  que  dans  beaucoup  de  cas  la  suggestion  pose  un 
problème;  elle  indique  au  sujet  un  but  à  atteindre,  sans 
lui   en  indiquer  le  moyen  ;  la  question  du   comment  est 


LES  SUGGESTIONS  A  POINT  DE  REPÈRE  INCONSCIENT     25^ 

laissée  à  son  initiative,  elle  ne  fait  pas  partie  de  l'idée 
suggérée. 

Ainsi,  on  donne  au  sujet  l'ordre  d'exécuter  un  mouvement 
huit  minutes  après  son  réveil,  mais  on  ne  lui  indique  pas 
comment  il  doit  apprécier  le  temps  pour  ne  faire  le  mou- 
vement ni  trop  tôt  ni  trop  tard.  De  même,  on  lui  commande 
de  ne  plus  voir  un  objet,  sans  lui  apprendre  le  moyen 
qu'il  doit  employer  pour  ne  pas  le  voir.  De  même  encore, 
on  lui  montre  une  hallucination  sur  une  carte  blanche, 
qu'il  devra  retrouver  ensuite  parmi  dix  cartes  semblables, 
et  on  ne  lui  suggère  aucun  procédé  pouvant  le  guider  dans 
sa  recherche.  Voilà  trois  exemples  typiques  :  ce  sont  du 
reste  les  seuls  dont  nous  ayons  l'intention  de  parler.  Ils 
offrent  ce  trait  commun  que  le  but  est  indiqué,  mais  que  le 
moyen  de  l'atteindre  est  laissé  à  l'initiative  du  sujet.  Or, 
nous  allons  montrer  par  une  étude  détaillée  que  le  sujets 
interrogé  pendant  la  veille,  ne  sait  rien  des  moyens  em- 
ployés. C'est  le  moi  somnambulique  qui  intervient  ici,  qui 
invente  les  moyens,  qui  écarte  les  causes  d'erreurs,  et  qui 
se  charge  de  mener  à  bonne  fin  la  suggestion.  Il  y  a,  si 
l'on  veut,  collaboration,  mais  à  parts  inégales;  le  rôle 
intelligent  est  tenu  par  le  personnage  somnambulique. 

Nous  commencerons  par  dire  un  mot  des  hallucinations 
avec  point  de  repère.  Nous  en  avons  longuement  parlé 
ailleurs  *,  et  si  nous  y  revenons,  c'est  pour  ajouter  à  notre 
description  quelques  détails  complémentaires,  que  nous 
avons  appris  depuis,  et  qui  sont  relatifs  au  dédoublement 
de  conscience. 

Une  règle  paraît  dominer  les  hallucinations  visuelles 
qu'on  impose  par  suggestion  verbale  aux  personnes  hyp- 
notisées :  c'est  que  l'objet  imaginaire  est  vu  à  peu  près 
dans  les  mêmes  conditions  que  s'il  était  réel.  C'est  ainsi 
que  lorsque  la  suggestion  a  créé  un  objet  inerte  et  immo- 
bile, cet  objet  imaginaire  occupe  à  poste  fixe  la  position 
indiquée  par  l'expérimentateur;   le   livre,  la  clef,  pour 

1.  Magnétisme  animal,  par  Binet  et  Féré,  p.  136. 


'254         LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

prendre  des  exemples  simples,  qu'on  aura  fait  apparaître 
sur  un  coin  de  table  y  resteront  placés;  le  sujet  ne  verra 
ces  objets  imaginaires  que  quand  il  se  tournera  vers  la 
table;  s'il  ferme  les  yeux,  s'il  détourne  ses  regards,  s'il 
sort  de  la  pièce,  il  perd  conscience  de  son  hallucination, 
comme  il  perdrait  la  perception  de  l'objet  réel  correspon- 
dant; rhallucination  reste  là,  fixée  à  la  table  :  elle  attend  le 
sujet,  qui  la  retrouvera  quand  il  reviendra  dans  la  chambre  '. 
Vu  de  loin,  l'objet  imaginaire  paraît  se  rapetisser,  il  est 
perçu  d'une  façon  moins  distincte  que  de  près,  etc.  A  ces 
quelques  faits  très  simples,  viennent  s'en  ajouter  d'autres 
qui  ne  peuvent  être  mis  en  lumière  que  par  des  expériences 
un  peu  plus  compliquées,  mais  qui  sont  cependant,  je  crois, 
de  même  nature.  Lorsqu'on  presse  mécaniquement  sur  un 
des  yeux  de  l'halluciné,  pendant  qu'il  regarde  son  halluci- 
nation, l'objet  imaginaire  est  vu  double,  comme  les  objets 
réels  ^;  un  prisme  le  dévie,  des  lentilles  peuvent  l'agran- 
dir, le  rapetisser,  ou  le  faire  paraître  renversé,  suivant  la 
distance  de  l'objet  au  foyer  de  la  lentille.  Ces  expériences 
d'optique  hallucinatoire  ont  été  répétées  par  de  nombreux 

1.  Il  est  curieux  de  voir  avec  quelle  persistance  durent  les  hallucinations 
bien  associées  à  un  point  de  repère.  J'ai  parlé,  dans  ma  Psycholorjie  du 
raisonnement,  d'une  hallucination  donnée  à  W. ..  en  1884;  on  lui  avait 
suggéré  qu'elle  était  représentée  nue  sur  une  photographie  qui  en  réalité 
représentait  une  vue  des  Pyrénées.  Mon  excellent  ami,  M.  Londe,  chef  des 
travaux  chimique  de  la  Salpêtrière,  m'apprend  que  cette  hallucination  ne 
s'est  pas  encore  effacée  (juin  1891);  il  suffit  de  montrer  la  photographie  à 
W...pour  qu'elle  croie  y  voir  son  propre  portrait.  Aucune  suggestion  n'a 
été  faite  dans  l'intervalle  pour  renouveler  son  hallucination;  mais  on  lui 
a  montré  la  photographie  quatre  ou  cinq  fois. 

2.  En  relatant  pour  la  première  fois  cette  série  d'expériences  sur  la 
modification  des  hallucinations  visuelles  yjar  des  moyens  physiques,  j'ai 
commis  une  curieuse  erreur;  j'ai  attribué  à  Brewstcr  le  mérite  d'avoir  le 
premier  constaté  qu'on  peut  en  pressant  sur  l'œil  d'une  personne  en  état 
d'hallucination  dédoubler  son  hallucination.  L'erreur  a  été  relevée  par 
M.  Gurney  et  M.  Hack-Tuke.  En  réalité,  Hrewster  n'a  fait  aucune  expé- 
rience de  ce  genre;  consulté  par  une  personne  qui  lui  demandait  un 
moyen  de  distinguer  un  objet  réel  et  une  apparition  imaginaire,  il  répondit 
qu'il  fallait  chercher,  en  pre?sant  sur  l'œil,  ù  obtenir  une  double  image;  il 
pensait  que  l'image  de  l'objet  réel  pouvait  seule  être  dédoublée.  Je  lui  ai 
donc  attribué  gratuitement  une  expérience  qu'il  n'a  jamais  faite,  et  une 
opinion  qui  est  juste  le  contraire  de  la  sienne.  Nous  voyons  d'autre  part 
que  le  critérium  qu'il  indique  pour  distinguer  la  réalité  de  l'hallucination 
ne  pourrait  pas  servir  pour  les  hystériques  hypnotisés. 


LES  SUGGESTIONS  A  POINT  DE  REPÈRE  INCONSCIENT     2oo 

observateurs,  qui  sont  arrivés,  quelques-uns  même  d'une 
manière  indépendante,  à  admettre  la  théorie  du  point  de 
repère,  que  j'ai  formulée  le  premier  \  Cette  théorie  se 
résume  ainsi  :  l'hypnotique  s'arrange  pour  associer  l'image 
hallucinatoire  à  une  sensation  d'un  objet  réel,  existant 
dans  le  monde  extérieur;  les  instruments  d'optique,  en 
modifiant  cette  sensation  réelle,  donnent  au  sujet  l'idée 
d'une  modification  correspondante  dans  l'hallucination;  si 
le  sujet  reçoit  à  un  certain  moment  deux  sensations  au  lieu 
d'une,  il  étendra  ce  phénomène  de  dédoublement  à  l'hal- 
lucination elle-même,  et  il  percevra  deux  objets  imaginaires. 
Parmi  les  expériences  qui  semblent  démontrer  l'exactitude 
de  l'interprétation  précédente,  j'en  rappellerai  une,  bien 
des  fois  citée  par  les  auteurs  ;  on  montre  à  une  personne 
en  somnambuUsme  un  portrait  imaginaire  sur  une  carte 
en  apparence  toute  blanche,  et  on  confond  ensuite  cette 
carte  avec  plusieurs  autres,  après  l'avoir  marquée  d'un 
signe  pour  qu'on  puisse  la  retrouver  à  coup  sur;  le  sujet 
retrouve  'très  souvent  le  portrait  sur  la  même  carte  qu'on 
lui  a  montrée,  et  il  peut  même  très  souvent  aussi  replacer 
la  carte  dans  la  même  position;  on  doit  en  conclure  qu'il 
reconnaît  sans  doute  le  papier  de  la  carte  à  quelque  signe 
particuher.  Ce  signe  lui  sert  de  point  de  repère. 

Réduit  à  ces  proportions,  le  phénomène  que  nous  étu- 
dions devient  assez  banal,  et  récemment,  on  a  pu  soutenir 
qu'une  hallucination  à  point  de  repère  extérieur  ne  peut 
rien  prouver  contre  la  simulation  ;  si  le  sujet  a  en  effet  la 
perception  d'un  point  de  repère  qu'il  voit  se  modifier 
régulièrement  quand  on  place  devant  ses  yeux  des  instru- 
ments d'optique,  il  peut,  alors  même  qu'il  n'est  pas  hallu- 
ciné, décrire  des  modifications  correspondantes  dans 
l'objet  imaginaire  qu'il  prétend  voir.  Mais  je  trouve  que  le 
raisonnement  précédent  n'a  qu'une  apparence  de  rigueur, 
et  les  expériences  d'optique  hallucinatoire  me  paraissent 

1.  Revue  philosophique,  mai  1884.  —  Voir  Bernheim,  De  la  Suggestion, 
p.  108;  Lombroso  el  OUolengiii,  Pierre  Janet,  op.  cit.,  p.  154;  Seppili,  Revista 
di  Freniatria,  1890. 


250  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

demeurer  un  excellent  critérium  contre  la  simulation,  si 
nous  voulons  nous  placer  à  ce  point  de  vue  spécial. 

En  effet,  le  point  de  repère  auquel  le  sujet  suggestionné 
attache  son  hallucination  présente  quelques  caractères  par- 
ticuliers et  difficilement  simulables.  En  premier  lieu,  il  est 
à  noter  que  dans  les  expériences  de  portrait  que  nous 
avons  rappelées  plus  haut,  le  sujet  ne  peut  pas  indiquer 
comment  il  reconnaît  le  carton  qui  sert  de  support  à 
l'image  hallucinatoire;  lui  demande-t-on  pourquoi  il 
désigne  ce  carton-ci  plutôt  que  celui-là,  il  répond  invaria- 
blement que  c'est  parce  que  le  premier  est  un  portrait; 
mais  comme  le  portrait  est  purement  imaginaire,  ce  n'est 
pas  là  ce  qui  lui  sert  réellement  d'indice,  et  sa  réponse, 
quoique  sincère,  ne  nous  éclaire  pas;  certainement  le 
carton  présente  un  point  noir,  une  ombre,  n'importe  quoi; 
et  bien  que  le  sujet  soit  incapable  de  nous  les  désigner,  il 
doit  s'en  servir  d'une  façon  ou  d'une  autre. 

Yoici  du  reste  une  expérience  qui  montre  bien  que  la 
perception  du  point  de  repère  se  fait  d'une  manière  incon- 
sciente :  prenons  une  photographie  et  fixons  dessus,  par 
suggestion,  l'hallucination  d'un  portrait.  Le  sujet,  à  qui  on 
présente  ensuite  la  photographie,  voit  le  portrait,  mais  ne 
voit  point  la  photographie  qui  est  dessous;  l'imaginaire 
cache  le  réel;  le  sujet  voit  ce  qui  n'existe  pas,  il  ne  voit 
pas  ce  qui  existe.  Dans  ces  conditions  la  photographie  invi- 
sible, c'est-à-dire  non  perçue  d'une  manière  consciente, 
sert  de  point  de  repère,  car  si,  quelque  temps  après,  huit 
jours  après,  on  vient  à  montrer  au  sujet  une  seconde 
épreuve  de  la  même  photographie,  il  y  apercevra  un 
second  portrait  imaginaire.  Ces  hallucinations  si  bien  loca- 
lisées renferment  donc  toujours  une  perception  incon- 
sciente qui  leur  sert  d'attache. 

L'expression  de  perception  inconsciente  que  nous  venons 
d'employer  met  déjà  sur  la  voie  de  l'explication  de  ce  qui 
précède;  nous  avons  vu  que  bien  souvent  chez  les  sujets 
hypnotisés  ce  qui  paraît  inconscient  ne  l'est  pas,  mais 
appartient  à  une  autre  conscience,  et  constitue  l'indice  d'un 


LES  SUGGESTIONS  A  POINT  DE  REPÈRE  INCONSCIENT     257 

état  de  désagrégation  mentale.  On  peut  donc  supposer  que 
le  point  de  repère  est  perçu  par  une  personnalité  et  que 
l'hallucination  est  perçue  par  l'autre,  et  que  ce  cas  est  un 
exemple  de  collaboration  de  deux  personnalités.  C'est  en 
effet  ce  qui  a  lieu,  comme  M.  Pierre  Janet  a  pu  s'en  assurer 
le  premier.  Après  avoir  donné  une  hallucination  de  por- 
trait sur  un  carton,  il  a  dédoublé  son  sujet  par  le  procédé 
de  la  distraction;  il  s'est  mis  en  communication  avec  la 
seconde  personnalité  et  lui  a  demandé  ce  qu'elle  voyait 
sur  le  carton;  celle-ci  lui  a  désigné  un  point  noir,  bien 
réel  ;  c'est  ce  point  noir  qui  lui  permettait  de  ne  pas  con- 
fondre le  carton  avec  d'autres;  la  personnalité  principale 
qui  était  seule  hallucinée,  voyait  le  carton  et  le  portrait, 
mais  ne  voyait  pas  le  point  noir.  La  théorie  du  dédouble- 
ment mental  se  trouve  donc  au  bout  de  toute  cette  série 
d'expériences  que  nous  venons  de  résumer,  et  qui  ont  été 
entreprises  en  1883,  c'est-à-dire  à  une  époque  où  les  phé- 
nomènes de  dédoublement  n'étaient  guère  connus.  Je  vois 
dans  ces  rencontres  et  ces  confirmations  multiples  la  preuve 
que  nous  n'avons  point  été  l'objet  d'illusions  et  que  nous 
avons  pu  découvrir  un  peu  de  la  réalité. 

Il  est  utile  de  se  rendre  compte  qu'on  a  fait  un  pas  en 
avant;  il  est  utile  aussi  de  ne  pas  oublier  qu'on  est  encore 
loin  du  but.  Les  expériences  précédentes,  en  mettant  en 
évidence  le  point  de  repère  qui  sert  à  retrouver  l'halluci- 
nation, qui  sert  à  l'extérioriser,  etc.,  nous  ont  appris  un  fait 
intéressant;  mais  combien  d'autres  demeurent  inexpliqués! 
Pour  se  rendre  compte  du  résultat  des  expériences,  il  ne 
suffit  point  de  constater  que  le  personnage  inconscient 
retrouve  le  point  de  repère  :  il  faut  en  outre  supposer  qu'il 
le  cherche,  pour  le  retrouver  quand  il  est  peu  visible;  et 
là  ne  doit  pas  s'arrêter  son  rôle.  Quand  l'opérateur  vient 
à  dédoubler  le  point  de  repère,  par  la  pression  oculaire 
ou  autrement,  le  sujet  halluciné  n'a  pas  la  perception  que 
le  point  de  repère  est  doublé;  c'est  l'inconscient  qui  doit 
s'en  apercevoir  ;  c'est  donc  à  lui  qu'il  appartient  de  dédou- 
bler l'image  hallucinatoire  ;  il  intervient  également  quand, 

A.   BiNET.  17 


2o8  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

par  différents  moyens  optiques,  on  modifie  de  différentes 
façons  le  point  de  repère.  C'est  lui  en  somme  qui  tient  le 
grand  rôle  ;  il  cherche  à  exécuter  le  mieux  possible  la  sug- 
gestion qui  lui  a  été  confiée;  et  s'il  s'arrange  pour  que 
l'objet  imaginaire  soit  perçu  à  peu  près  dans  les  mêmes 
conditions  que  s'il  était  réel,  c'est  parce  que  cela  fait 
partie  de  la  suggestion  qu'il  a  reçue;  l'hallucination  serait 
bien  vite  reconnue  fausse  et  démasquée  si  elle  ne  simulait 
pas  la  réalité.  Je  suis  donc  enclin  à  admettre  que  tous  ces 
signes  divers  de  l'hallucination  hypnotique  que  nous  avons 
décrits  doivent  se  rencontrer  surtout  chez  les  sujets  dont 
l'inconscient  est  intelligent,  et  a  du  savoir  faire. 

Quant  à  la  conscience  normale,  elle  ne  paraît  pas  être  au 
courant  de  tout  ce  travail  de  critique  et  d'élaboration  qui 
se  passe  au-dessous  d'elle  et  comme  dans  un  plan  infé- 
rieur; le  moi  normal  ne  sait  qu'une  chose  en  se  réveillant 
du  sommeil  hypnotique  :  c'est  qu'il  a  devant  lui  un  objet 
qui  lui  paraît  réel,  et  si  cet  objet  lui  paraît  tel,  c'est  qu'il 
est  bien  imité. 

On  s'est  demandé  si  des  expériences  semblables  pour- 
raient se  répéter  sur  des  hallucinations  spontanées,  dans 
des  cas  autres  que  l'hystérie  et  la  suggestion.  Nous  croyons 
pouvoir  répondre  aujourd'hui  à  cette  question  que  pour 
que  des  expériences  aussi  délicates  réussissent,  elles  ont 
besoin  d'un  inconscient  bien  organisé. 


CHAPITRE  V 

LES    SUGGESTIONS    A   POINT    DE    REPÈRE    INCONSCIENT    (suite) 
LA    MESURE    DU    TEMPS 


Suggestions  à  longue  échéance.  —  Nécessité  d'une  mesure  du  temps.  — 
Inconscience  du  sujet.  —  Discussions,  —  Explication  proposée  par 
M.  Bernheim.  —  Expériences  de  M.  Pierre  Janet  :  c'est  le  personnage 
subconscient  qui  calcule  le  temps. 


Nous  avons  à  décrire  maintenant  les  suggestions  d'acte 
à  longue  échéance,  opérations  dans  lesquelles  on  trouve 
un  nouvel  exemple  de  dédoublement  mental.  L'étude 
que  nous  venons  de  faire  sur  les  hallucinations  visuelles 
nous  permettra,  malgré  sa  brièveté,  d'être  encore  plus  bref 
sur  cette  seconde  question;  car  en  réalité  les  deux  phéno- 
mènes sont  calqués  l'un  sur  l'autre.  Ce  sont  tous  deux  des 
suggestions  à  point  de  repère  inconscient. 

Les  suggestions  à  échéance  flxe  sont  de  deux  genres.  On 
peut  d'abord  donnera  la  personne  hypnotisée  l'ordre  d'exé- 
cuter une  suggestion  après  son  réveil,  et  à  une  échéance 
marquée  par  un  signal,  comme  lorsqu'on  lui  commande  de 
dire  telle  parole  à  M.  X...,  quand  elle  le  rencontrera;  nous 
n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  de  ce  genre  de  suggestion. 
Dans  un  second  genre  de  suggestions,  l'échéance  n'est 
point  marquée  par  un  événement  extérieur,  mais  par  un 
certain  laps  de  temps;  le  sujet  doit  commettre  tel  acte, 


260  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

éprouver  telle  hallucination  dans  cinq  minutes,  dans  treize 
jours,  dans  un  mois.  Ainsi,  on  commande  à  une  personne 
en  somnambulisme  de  revenir  au  bout  de  quinze  jours  : 
le  jour  dit,  à  l'heure  dite,  elle  revient.  On  s'est  plu,  pour 
augmenter  le  caractère  merveilleux  de  l'expérience,  à 
allonger  indéfiniment  le  délai;  on  l'a  étendu  même  à  une 
année;  mais  cette  variante,  qui  prouve  simplement  la  téna- 
cité de  la  mémoire  du  sujet,  ne  complique  pas  beaucoup  la 
suggestion,  et  il  est  aussi  difficile  de  comprendre  comment 
le  sujet  se  rappelle  l'échéance  de  quinze  jours  que  celle 
d'une  année  entière. 

Précisons  bien  la  difficulté.  En  quoi  consiste- t-elle?  En 
ceci  :  d'une  part,  on  impose  au  sujet  un  acte  qu'il  ne 
peut  accomplir  correctement  que  s'il  mesure  le  temps;  et 
d'autre  part,  si  on  cherche  à  pénétrer  dans  sa  conscience, 
quand  il  est  sous  l'empire  de  la  suggestion,  on  constate 
que  non  seulement  il  n'a  aucune  préoccupation  relative  à 
cette  mesure  du  temps,  mais  encore  il  a  complètement 
oubhé  la  suggestion.  On  lui  dit  de  faire  un  acte  dans 
quinze  jours;  réveillé,  il  ne  se  souvient  de  rien,  et  cepen- 
dant, dans  quinze  jours,  l'acte  sera  fait. 

M.  Bernheim  a  fait  une  première  tentative  d^explication; 
cette  mesure  du  temps,  dit-il  en  substance,  a  lieu  con- 
sciemment; de  temps  en  temps,  le  souvenir  de  la  sugges- 
tion est  revenu  dans  la  conscience,  et  de  temps  en  temps 
le  sujet  a  compté  les  jours  écoulés,  mais  ce  calcul  a  été 
fait  rapidement  et  ensuite  oublié.  Le  sujet  ne  se  souvient 
plus  qu'il  s'est  souvenu  '.  La  supposition  est  intéressante; 
malheureusement  elle  ne  concorde  pas  exactement  avec 
les  faits.  Bien  des  sujets,  si  on  les  interroge  soigneusement 
avant  l'échéance  de  la  suggestion,  ne  peuvent  absolument 
rien  en  dire;  jusqu'au  moment  où  elle  se  réalise,  la  sug- 
gestion leur  est  inconnue;  elle  reste  dans  une  nuit  com- 
plète, elle  n'est  point  éclairée  d'une  manière  intermittente, 
comme  le  suppose  M.  Bernheim.  Il  y  a  là  non  pas  un 

1.  Berulieim,  Du  la  Sitgfjrs/.io)i,  p.   172-174. 


LES  SUGGESTIONS  A  POINT  DE  REPÈRE  INCONSCIENT     261 

oubli,  mais  une  inconscience  véritable  '.  La  solution  de 
cette  difficulté  doit  donc  être  cherchée  ailleurs. 

M.  Pierre  Janet  est  le  premier  auteur  qui  ait  nettement 
posé  la  question,  et  qui  l'ait  résolue,  en  faisant  intervenir 
les  phénomènes  de  la  division  de  conscience.  Il  a  d'abord 
montré  que  l'exécution  d'une  suggestion  à  échéance  lixe 
ne  peut  pas  être  produite  par  une  simple  association  latente, 
mais  exige  des  remarques,  des  comptes,  en  un  mot  des 
jugements  qui  persistent  dans  la  tête  de  l'individu  jusqu'au 
moment  où  la  suggestion  se  réalise.  Voici  comment  l'auteur 
dispose  l'expérience  :  «  Lucie  étant  en  état  de  somnambu- 
hsme  constaté,  je  lui  dis  du  ton  de  la  suggestion  :  «  Quand 
j'aurai  frappé  douze  coups  dans  mes  mains,  vous  vous 
rendormirez.  »  Puis,  je  lui  parle  d'autre  chose,  et  cinq  ou 
six  minutes  après,  je  la  réveille  complètement  L'oubli 
de  tout  ce  qui  s'était  passé  pendant  l'état  hypnotique  et 
de  ma  suggestion  en  particuher  était  complet.  Cet  oubli, 
chose  importante  ici,  m'était  garanti,  d'abord  par  l'état 
de  sommeil  précédent  qui  était  un  véritable  somnambu- 
lisme avec  tous  les  signes  caractéristiques,  par  l'accord 
de  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  ces  questions  et  qui 
ont  tous  constaté  l'oubli  au  réveil  de  semblables  sugges- 
tions, enfin  par  la  suite  de  toutes  les  expériences  précé- 
dentes faites  sur  ce  sujet  où  j'avais  toujours  constaté  cette 
inconscience.  D'autres  personnes  entourèrent  Lucie  et 
lui  parlèrent  de  différentes  choses;  cependant,  retiré  à 
quelques  pas,  je  frappai  dans  mes  mains  cinq  coups  assez 
espacés  et  assez  faibles.  Remarquant  alors  que  le  sujet 
ne  faisait  aucune  attention  à  moi  et  parlait  vivement,  je 
m'approchai  et  je  lui  dis  :  «  Avez-vous  entendu  ce  que 
je  viens  de  faire?  —  Quoi  donc,  je  ne  faisais  pas  atten- 
tion. —  Et  cela?  (Je  frappe  dans  mes  mains.)  —  Vous 
venez  de  frapper  dans  vos  mains.  —  Combien  de  fois?  — 
Une  seule.  »  Je  me  retire  et  continue  à  frapper  un  coup 
plus  faible  de  temps  en  temps;  Lucie  distraite  ne  m'écoute 

1.  Beaunis,  Somnambulisme,  p.  243. 


26-2         LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

plus  et  semble  m'avoir  complètement  oublié.  Quand  j'ai 
ainsi  frappé  six  coups  qui,  avec  les  précédents,  faisaient 
douze,  Lucie  s'arrête  immédiatement,  ferme  les  yeux  et 
tombe  en  arrière  endormie.  «  Pourquoi  dormez-vous?  lui 
dis-je.  —  Je  n'en  sais  rien,  cela  m'est  venu  tout  d'un 
coup.  »  Si  je  ne  me  trompe,  c'est  là  l'expérience  de 
MM.  Richet  et  Bernheim,  mais  réduite  à  une  plus  grande 
simplicité.  La  somnambule  avait  aussi  dû  compter,  car 
je  m'appliquais  à  faire  les  coups  égaux  et  le  douzième  ne 
se  distinguait  pas  des  précédents;  mais,  au  lieu  de  compter 
des  jours,  ce  qui  avait  fait  croire  à  une  mesure  de  temps, 
elle  avait  compté  des  bruits.  Il  n'y  avait  aucune  faculté 
nouvelle,  car  tous  les  coups  étaient  faciles  à  entendre, 
quoiqu'elle  prétendît  n'en  avoir  entendu  qu'un  seul  :  elle 
avait  dû  les  écouter  et  les  compter,  mais  sans  le  savoir, 
inconsciemment.  L'expérience  était  facile  à  répéter  et  je 
l'ai  refaite  de  bien  des  manières  :  Lucie  a  compté  ainsi 
inconsciemment  jusqu'à  43,  et  les  coups  furent  tantôt 
réguliers,  tantôt  irréguliers,  sans  que  jamais  elle  se  soit 
trompée  sur  le  résultat.  Une  des  expériences  les  plus 
frappantes  fut  celle-ci.  Je  commande  :  «  Au  troisième 
coup  vos  mains  se  lèveront;  au  cinquième  elles  se  bais- 
seront; au  sixième  vous  ferez  un  pied  de  nez;  au  neu- 
vième vous  marcherez  dans  la  chambre;  au  seizième  vous 
vous  endormirez  dans  un  fauteuil,  »  Nul  souvenir  au 
réveil  et  tous  ces  actes  s'accomplissent  dans  l'ordre  voulu, 
tandis  que,  pendant  tout  le  temps,  Lucie  répond  aux  ques- 
tions qu'on  lui  adresse,  et  n'a  aucune  conscience  qu'elle 
compte  des  bruits,  qu'elle  fait  un  pied  de  nez  ou  qu'elle 
se  promène. 

«  Après  avoir  répété  l'expérience,  il  fallait  songer  à  la 
varier  et  j'ai  essayé  d'obtenir  ainsi  des  jugements  incon- 
scients très  simples.  La  disposition  de  l'expérience  reste 
toujours  la  même;  les  suggestions  sont  faites  pendant  le 
sommeil  hypnotique  bien  constaté,  puis  le  sujet  est  com- 
plètement réveillé ,  les  signes  et  l'exécution  ont  lieu 
pendant  la  veille.  «  Quand  je  dirai  deux  lettres  pareilles 


LES  SUGGESTIONS  A   POINT  DE  REPÈRE  INCONSCIENT     263 

l'une  après  l'autre,  vous  resterez  toute  raide,  »  Après  le 
réveil,  je  murmure  les  lettres  «  a...  c...  d...  e...  a...  a...  », 
Lucie  demeure  immobile  et  entièrement  contracturée  ; 
c'est  là  un  jugement  de  ressemblance  inconscient.  Voici 
des  jugements  de  différence  :  «  Vous  vous  endormirez 
quand  je  dirai  un  nombre  impair  »,  ou  bien  :  «  Vos  mains 
se  mettront  à  tourner  Tune  sur  l'autre  quand  je  pro- 
noncerai un  nom  de  femme.  »  Le  résultat  est  le  même  : 
tant  que  je  murmure  des  nombres  pairs  ou  des  noms 
d'homme,  rien  n'arrive;  la  suggestion  est  exécutée  quand 
je  donne  le  signe  :  Lucie  a  donc  inconsciemment  écouté, 
comparé  et  apprécié  ces  différences. 

«  J'ai  essayé  ensuite  de  compliquer  l'expérience  pour 
voir  jusqu'où  allait  cette  faculté  inconsciente  de  jugement. 
Quand  la  somme  des  nombres  que  je  vais  prononcer  fera 
10,  vos  mains  enverront  des  baisers.  »  Mêmes  précau- 
tions; elle  est  réveillée,  l'oubli  est  constaté  et,  loin  d'elle, 
pendant  qu'elle  cause  avec  d'autres  personnes  qui  la 
distraient  le  plus  possible,  je  murmure  2...  3...  1...  4... 
et  le  mouvement  est  fait.  Puis  j'essaye  des  nombres  plus 
compliqués  ou  d'autres  opérations  :  «  Quand  les  nombres 
que  je  vais  prononcer  deux  par  deux,  soustraits  l'un  de 
l'autre,  donneront  comme  reste  six,  vous  ferez  tel  geste  », 
ou  des  multiplications,  ou  même  des  divisions  très  sim- 
ples. Le  tout  s'exécute  presque  sans  erreur,  sauf  quand 
l'opération  devient  trop  compliquée  et  ne  pourrait  plus 
être  faite  de  tête.  Gomme  je  l'ai  déjà  remarqué,  il  n'y 
avait  là  aucune  faculté  nouvelle,  mais  des  phénomènes 
ordinaires  s'exécutant  inconsciemment. 

«  Il  me  semble  que  ces  expériences  se  rapportent  assez 
directement  au  problème  de  l'exécution  intelhgente  des 
suggestions  qui  paraissent  oubliées.  Les  faits  signalés  sont 
parfaitement  exacts  ;  les  somnambules  peuvent  compter 
les  jours  et  les  heures  qui  les  séparent  de  l'accomplisse- 
ment d'une  suggestion,  quoiqu'ils  n'aient  aucun  souvenir 
de  cette  suggestion  elle-même.  En  dehors  de  leur  con- 
science, il  y  a  un  souvenir  qui  persiste,  une  attention  tou- 


264  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

jours  éveillée,  et  un  jugement  bien  capable  de  compter 
les  jours,  puisqu'il  peut  faire  des  multiplications  et  des 
divisions  '.  » 

Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  cette  conclusion,  parfaite- 
ment exacte;  nous  nous  contentons  de  rappeler  combien  de 
fois  déjà  dans  ce  livre  une  série  d'expériences  nous  a  con- 
duit à  cette  notion  des  sous-consciences,  qui  travaillent  en 
dehors  de  la  conscience  principale. 

1.  Pierre  Janet,  op.  cit.,  p.  263. 


CHAPITRE   VI 

l'anesthésie  systématique 


I.  Confusion  de  la  terminologie.  —  Définition  de  l'anesthésie  systématique. 

—  Insensibilité  hystérique  incomplète  et  partielle.  —  Insensibilité  en 
îlots.  —  Valeur  des  signes  locaux.  —  Insensibilité  relative  à  certains 
objets.  —  L'anesthésie  systématique  suggérée. 

II.  Historique.  —  Bertrand,  Charpignon,  Braid.  —  Expériences  de  M.  Beru- 
beim.  —  Expériences  de  MM.  Binet,  Féré  et  Richer  sur  la  conservation  des 
images  complémentaires,  et  sur  la  reconnaissance  de  l'objet  rendu  invi- 
sible. —  Expériences  de  M.  W.  James.  —  Expériences  de  M.  Bernheim. 

—  Expériences  de  M.  Liégeois.  —  Expériences  de  M.  Pierre  Janet. 
m.  Résumé  des  faits.  —  Interprétation  psychologique. 


I 

Il  nous  reste  à  parler  d'un  troisième  et  dernier  phéno- 
mène psychologique,  produit  par  suggestion.  Ce  phénomène 
a  vivement  attiré  l'attention  des  observateurs  dans  ces  der- 
nières années;  il  a  donné  lieu  à  de  nombreuses  discussions, 
qui  du  reste  n'ont  pas  été  sans  profit  pour  nos  connais- 
sances; les  noms  qu'on  lui  a  appliqués  sont  nombreux,  et 
quelques-uns  renferment  toute  une  théorie;  M.  Bernheim 
et  ses  collègues  de  Nancy  se  servent  du  mot  à.'' hallucina- 
tion négative;  nous  avons  proposé,  avec  M.  Féré,  celui 
dUanesthésie  systématique)  on  pourrait  aussi  donner  à  ce 
phénomène  le  nom  de  perception  inconsciente  ;  mais  il  ne 
faut  pas  attacher  trop  d'importance  à  ces  questions  de  ter- 


266  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

minologie;  l'essentiel  est  de  se  mettre  d'accord  sur  la  nature 
des  choses. 

On  peut  décrire  ce  phénomène  comme  résultant  d'une 
espèce  particulière  d'anesthésie;  nous  avons  longuement 
parlé  dans  les  pages  précédentes  de  l'anesthésie  hystérique, 
nous  avons  cherché  à  en  préciser  la  nature  et  à  en  fixer  les 
hmites.  Pour  la  facilité  de  nos  descriptions,  nous  avons 
pris  comme  type  une  anesthésie  à  la  fois  totale  et  com- 
plète; définissons  bien  ces  termes;  l'anesthésie  est  totale 
quand  elle  comprend  toutes  les  espèces  de  sensibilités 
d'une  région,  et  elle  est  complète  lorsque  les  excitations, 
quelle  qu'en  soit  l'énergie,  ne  peuvent  éveiller  aucune 
trace  de  conscience.  Voici  par  exemple  une  malade  dont 
le  bras  est  insensible.  On  transperce  sa  main  avec  une 
longue  épingle,  on  brûle  la  pulpe  de  ses  doigts  avec  un 
thermo-cautère,  on  exerce  une  pression  profonde  sur  les 
masses  musculaires  du  bras,  on  fait  parcourir  une  portion 
du  membre  par  un  courant  électrique  d'une  grande  inten- 
sité, et  pendant  toutes  ces  épreuves  la  malade  reste  indif- 
férente, et  ne  perçoit  rien,  ni  sensation  ni  douleur.  On 
dit  alors  que  son  anesthésie  est  totale,  parce  qu'elle  porte 
sur  tous  les  modes  de  la  sensibilité  cutanée,  et  complète, 
parce  que  les  excitations  les  plus  énergiques  ne  provoquent 
aucune  réaction  dans  sa  conscience  \ 

Mais  ce  cas  est  réellement  un  peu  théorique,  et  je  ne 
garantis  pas  qu'on  ait  pu  l'observer  une  seule  fois.  D'abord, 
il  faut  faire  une  première  réserve  sur  les  anesthésies  com- 
plètes. De  bons  juges  pensent  que  jamais  l'anesthésie  hys- 
térique n'est  complète;  l'insensibilité  est  purement  relative, 
elle  n'a  lieu  que  pour  des  excitations  modérées;  si  l'on 
augmente  l'énergie  de  l'excitation,  il  arrive  un  moment  où 
celle-ci  pénètre  dans  la  conscience  du  sujet,  et  peut  même 
provoquer  un  retour  passager  de  la  sensibilité,  retour  pen- 
dant lequel  des  excitations  beaucoup  plus  légères  seront 
perçues. 

i.  Pitres,  op.  cil..,  p.  11. 


L'ANESTHÉSIE   systématique  267 

Il  faut  ajouter,  à  ce  qu'il  me  semble,  des  réserves  analo- 
gues relativement  à  l'anesthésie  totale;  le  plus  souvent,  et 
même  dans  les  cas  où  il  s'agit  d'une  insensibilité  de  vieille 
date,  tous  les  modes  de  la  sensibilité  ne  sont  pas  éteints;  la 
sensibilité  à  la  température  peut  survivre  à  l'extinction  de 
la  sensibilité  tactile  ;  il  peut  y  avoir  toutes  les  dissocia- 
tions possibles,  et  une  des  plus  fréquentes  est  la  conserva- 
tion de  la  sensibilité  au  courant  électrique,  ou  à  l'action 
des  métaux.  Les  anesthésies  partielles  sont  aussi  fréquentes, 
et  peut-être  plus,  que  les  anesthésies  totales. 

La  dissociation  peut  aller  plus  loin.  Il  n'est  pas  rare 
d'observer  que  dans  un  groupe  d'excitants  s'adressant  au 
même  sens,  par  exemple  au  sens  tactile  ou  au  sens  de  la 
pression,  certains  de  ces  excitants  peuvent  être  perçus  tandis 
que  d'autres  ne  le  sont  pas;  la  forme  de  l'excitation  tactile 
peut  avoir  dans  ce  cas  une  grande  influence,  et  je  citerai  à 
l'appai  une  observation  que  j'ai  faite  moi-même  sur  plu- 
sieurs malades;  ils  étaient  insensibles  à  la  piqûre,  à  la  pres- 
sion et  au  courant  électrique,  alors  même  qu'on  donnait  à 
ces  excitations  une  grande  énergie;  mais  il  suffisait  d'asso- 
cier deux  de  ces  excitations,  de  piquer  avec  une  épingle  en 
même  temps  qu'on  pressait  sur  la  peau  insensible  avec  un 
corps  mousse,  pour  éveiller  aussitôt  une  sensation  de  dou- 
leur extrêmement  vive.  Chez  ces  sujets,  l'anesthésie  était 
partielle  au  point  de  ne  pas  comprendre  tous  les  genres 
d'excitants  mécaniques  \ 

Ce  même  caractère  se  présente  dans  tous  les  cas,  si  fré- 
quents, où  l'anesthésie  ne  s'étend  pas  uniformément  sur 
une  région  entière,  mais  existe  en  îlots  distribués  sur  la 
peau  sensible  de  la  façon  la  plus  irrégulière  et  la  plus 
variable,  sans  affecter  le  moindre  rapport  avec  la  distri- 
bution anatomique  des  nerfs  de  la  région.  Si  l'on  promène 
alors  une  pointe  d'épingle  sur  le  tégument,  le  sujet  peut 
sentir  une  piqûre  légère  sur  un  point,  et  ne  rien  perce- 
voir du  tout  quand,  un  centimètre  plus  loin,  on  enfonce 

1.  Contribution  à  l'étude  de  la  douleur  (Revue  philosophique,  1889). 


268         LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

répingle  dans  une  plaque  insensible.  Phénomène  bizarre 
et  d'autant  plus  important  que  cette  sorte  de  tatouage  anes- 
thésique  est  extrêmement  fréquente.  Puisqu'aucun  fait 
analomique  ne  peut  en  rendre  compte,  il  semble  qu'on  puisse 
en  demander  l'explication  à  la  physiologie  des  sens.  Or,  il 
a  été  soutenu  par  de  nombreux  expérimentateurs  que  chaque 
point  de  notre  tégument  a  une  manière  spéciale  de  sentir 
et  que  la  qualité  de  la  sensation  varie  avec  la  région  de  la 
peau;  c'est  là  ce  qui  nous  permet  de  distinguer  le  point  où 
nous  sommes  touchés,  et  de  ne  pas  confondre  une  piqûre 
au  front  et  une  piqûre  à  la  main.  Cette  hypothèse  des  signes 
locaux  —  car  ce  n'est  jusqu'ici  qu'une  hypothèse  —  peut 
servir  à  rendre  plus  compréhensible  le  tatouage  hystérique; 
dans  un  îlot  d'insensibihté,  ce  qu'il  faut  considérer,  ce  n'est 
pas  le  territoire  devenu  insensible,  c'est  un  groupe  de  sen- 
sations semblables,  ayant  une  nuance  locale  commune; 
et  si,  un  peu  plus  loin,  à  quelques  centimètres  de  là,  l'ex- 
citation est  sentie,  c'est  que  la  sensation  tactile  est  un  peu 
différente  de  la  première;  elle  a  sa  nuance,  son  signe,  qui 
permet  de  la  reconnaître  et  qui  ne  la  laisse  pas  confondre 
avec  les  précédentes;  nous  trouverions  donc  ici  —  si  notre 
hypothèse  était  vérifiée —  un  nouvel  exemple  d'anesthésies 
partielles,  c'est-à-dire  spéciales  à  certains  groupes  de  sen- 
sations tactiles  '. 

Nous  sommes  déjà  loin  de  cette  anesthésie  totale  et  com- 
plète, qu'on  ne  trouve  guère  que  dans  les  hvres;  nous 
allons  nous  en  éloigner  encore  davantage;  voici  de  nou- 
veaux faits  qui  vont  nous  montrer  sous  un  jour  intéres- 
sant la  complexité  de  ce  phénomène  hystérique;  je  les 
emprunte  à  M.  Pierre  Janet.  Il  y  a  des  malades  qui  sem- 
blent totalement  insensibles  et  qui  peuvent  cependant 
reconnaître  encore  certains  objets  en  particulier.  Une 
dame  hystérique  semblait  avoir  totalement  perdu  toute 
sensibilité  cutanée  aux  deux  bras  et  aux  deux  mains;  elle 

1.  M.  Janet  indique  une  hypothèse  voisine  de  la  nôtre,  op.  cit.,  p.  292.  Pour 
l'(Hude  des  signes  locaux,  je  renvoie  à  ma  l'sycholof/ie  du  Raisonnement, 
p.  99. 


L'aNESTHÉSIE  systématique  269 

ne  ressentait  aucune  douleur,  n'appréciait  aucun  objet. 
Cependant  elle  reconnais?ait  parfaitement  au  contact  cer- 
tains objets  habituels  de  sa  toilette.  Elle  savait,  en  touchant 
son  oreille,  si  elle  avait  ou  n'avait  passes  boucles  d'oreille, 
elle  reconnaissait  sa  bague  et  savait  quand  on  la  lui  met- 
tait ou  quand  on  la  lui  retirait,  sans  avoir  besoin  de  rien 
regarder....  Elle  sentait  également  dans  ses  cheveux  ses 
épingles  en  fer  ou  en  écaille,  qu'elle  pouvait  chercher  par 
le  contact,  ôter  ou  remettre,  même  si  on  les  déplaçait....  Le 
fait,  ajoute  M.  Janet,  ne  doit  pas  être  rare  chez  les  hysté- 
riques. »  Je  suis  fort  disposé,  pour  ma  part,  à  accepter 
cette  opinion,  et  mes  observations  m'ont  souvent  montré 
que  chez  l'hystérique  l'anesthésie  s'accommode  aux  besoins 
pratiques  du  sujet;  celui-ci  arrive  assez  généralement  à 
percevoir  ce  qu'il  a  besoin  de  percevoir. 

Les  faits  précédents  nous  servent  de  transition  pour 
aborder  le  phénomène  de  suggestion  auquel  nous  avons 
donné  le  nom  d'anesthésie  systématique.  C'est  une  ânes- 
thésie  partielle,  comme  celle  que  nous  venons  d'étudier;  et 
elle  présente,  comme  chez  la  dame  observée  par  M.  Janet, 
le  caractère  d'être  spéciale  à  un  certain  objet.  La  sugges- 
tion qu'on  adresse  au  sujet  hypnotisé,  ou  pris  à  l'état  de 
veille,  mais  docile,  consiste  à  lui  défendre  de  percevoir  un 
objet  en  particulier.  Cette  interdiction  ne  lui  enlève  que 
la  perception  de  l'objet  dont  on  lui  parle,  et  il  continue  à 
percevoir  les  autres.  De  là  le  nom  d'anesthésie  systéma- 
tique que  l'on  donne  au  phénomène;  l'anesthésie  est  sys- 
tématique parce  qu'elle  supprime  un  système  de  sensations 
et  d'images,  qui  sont  afférentes  à  un  objet  particulier. 

Quelques  auteurs,  nous  l'avons  dit,  ont  élevé  des  contes- 
tations sur  le  nom  que  nous  avions  donné  à  ce  phéno- 
mène; ils  ont  cru  qu'on  avait  tort  d'en  faire  une  anesthésie, 
car  l'anesthésie  signifie  une  destruction  de  la  sensation, 
une  paralysie  de  la  sensibilité;  or,  nous  verrons  tout  à 
l'heure  que  la  suggestion  ne  va  pas  jusque-là;  lorsqu'on 
défend  à  un  sujet  de  percevoir  un  objet,  la  défense  se 
borne  à  lui  enlever  la  perception  consciente,  mais  elle  ne 


270  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

supprime  pas  la  sensation;  il  n'y  a  point  là  d'anesthésie 
vraie  ;  et  on  peut  même,  au  moyen  de  certains  artifices  que 
nous  indiquerons  plus  loin,  montrer  que  le  sujet,  au 
moment  où  il  ne  paraît  rien  voir,  et  ne  rien  entendre,  per- 
çoit et  enregistre  ce  qui  se  passe  autour  de  lui  avec  une 
acuité  sensorielle  remarquable.  Cependant  ces  raisons  ne 
nous  empêcheront  point  de  conserver  l'expression  d'anes- 
thésie  systématique;  nous  conviendrons  seulement  do  ne 
donner  à  cette  expression  qu'un  sens  relatif;  il  sera  bien 
entendu  que  s'il  y  a,  dans  ces  expériences,  de  Tanesthésie, 
c'est  une  anesthésie  par  inconscience.  Du  reste,  c'est  ce  qui 
a  lieu  également,  dans  bien  des  cas,  pour  l'anesthésie  hys- 
térique; alors  même  qu'elle  paraît  totale  et  complète,  elle 
peut  ne  pas  consister  dans  une  destruction  de  la  sensation , 
et  résulter  d'une  simple  perte  de  conscience;  le  motif  n'a 
pourtant  pas  paru  suffisant  pour  changer  le  nom  de  l'anes- 
thésie hystérique. 

Le  fait  important,  celui  que  la  terminologie  doit  bien 
indiquer,  c'est  que  l'anesthésie  systématique  n'est  qu'une 
forme,  une  variété  de  l'anesthésie  hystérique  spontanée; 
elle  n'en  représente  qu'un  degré  de  compHcation;  la  légi- 
timité de  ce  rapprochement  me  paraît  hors  de  doute,  et  je 
vois  avec  satisfaction  que  beaucoup  d'auteurs  partagent 
aujourd'hui  cette  opinion,  que  M.  Féré  et  moi  avons  été, 
croyons-nous,  les  premiers  à  indiquer. 

C'est  précisément  ce  que  nous  allons  essayer  de  montrer 
encore  une  fois;  les  nombreuses  expériences  qui  ont  été 
faites  dans  ces  dernières  années  rendront  notre  travail 
facile  ;  et  nous  arriverons  finalement  à  conclure  que  l'anes- 
thésie systématique,  étant  de  môme  nature  que  l'anesthésie 
spontanée,  illustre  par  un  nouvel  exemple  la  théorie  de  la 
désagrégation  mentale;  car  la  perception  interdite  par  sug- 
gestion subit  le  même  sort  que  les  sensations  provenant 
des  régions  anesthésiques;  elle  est  reléguée  dans  une 
seconde  conscience,  où  elle  détermine  des  idées,  des  rai- 
sonnements et  des  actes  qui  sont  également  inconscients 
pour  la  personnalité  principale. 


L'ANESTHÉSIE  systématique  271 

Nous  pourrions  procéder  tout  de  suite  à  la  démonstra- 
tion régulière  de  cette  thèse;  mais  il  nous  paraît  plus 
intéressant  de  prendre  un  autre  chemin,  un  peu  plus  long, 
qui  nous  conduira  au  même  but.  Ce  que  nous  cherchons 
surtout  à  mettre  en  lumière  dans  ce  livre,  ce  sont  les  ren- 
contres des  observateurs  qui  ne  se  cherchaient  pas,  ce  sont 
les  accords  inattendus  d'expériences  tout  à  fait  diffé- 
rentes. A  ce  point  de  vue,  l'historique  de  la  question 
présente  un  avantage  sans  pareil;  car  il  nous  fait  assister  à 
une  série  de  tentatives  isolées  qui,  sans  avoir  été  concer- 
tées, ont  toutes  convergé  au  même  point.  Fait  assez  singu- 
lier, la  question  de  l'anesthésie  systématique  est  une  de 
celles  qui  ont  soulevé  le  plus  de  controverses,  et  c'est  peut- 
être  celle  sur  laquelle  tous  les  expérimentateurs  sont  le 
mieux  d'accord,  mais  sans  le  savoir. 


II 

Les  faits  de  ce  genre  sont  connus  depuis  fort  longtemps; 
Bertrand  est  peut-être  un  de  ceux  qui  les  ont  décrits  le  plus 
clairement  :  «  J'ai  vu,  dit-il,  la  personne  qui  magnétisait 
les  somnambules  leur  dire  quand  elles  étaient  endormies  : 
Je  veux  que  vous  ne  voyiez  en  vous  éveillant  aucune  des 
personnes  qui  se  trouvent  dans  la  chambre,  mais  que  vous 
croyiez  voir  telle  ou  telle  personne  qu'il  leur  désignait  et 
qui  souvent  n'était  pas  présente.  La  malade  ouvrait  les 
yeux,  et  sans  paraître  voir  aucune  des  personnes  qui  l'en- 
touraient, adressait  la  parole  à  celles  qu'elle  croyait  voir  \  » 
On  trouve  des  descriptions  analogues  dans  les  livres  de 
Teste,  de  Charpignon,  de  Braid,  de  Durand  (de  Gros),  de 
Liébeault,  etc.  Le  plus  souvent,  il  est  vrai,  l'expérimenta- 
teur prenait  un  moyen  indirect  pour  supprimer  la  percep- 
tion d'un  objet  ou  d'une  personne;  il  les  transformait;  il 

1.   Ti^aité  du  somnambulisme,    p.  236.    Gonf.  P.  Janet,   op.  cit.,    p.  271, 
auquel  j'emprunte  quelques-uQS  des  détails  suivants. 


272  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

donnait  par  exemple  la  suggestion  qu'une  personne  pré- 
sente était  une  autre  personne;  alors  le  sujet  voyait  la 
personne  fictive,  avec  les  traits  et  le  costume  qu'il  lui  con- 
naissait, et  en  même  temps  il  ne  voyait  pas  la  personne 
réellement  présente;  riiallucination  faisait  office  d'écran, 
qu'on  nous  passe  cette  comparaison  grossière,  et  rendait 
invisible  un  objet  réel.  Mais  dans  d'autres  circonstances, 
l'expérimentateur  s'est  efforcé  directement  de  produire  une 
anesthésie  systématique.  On  a  dû  songer  à  expliquer  un 
phénomène  aussi  bizarre  que  l'abolition  d'un  objet  présent. 
Mais  les  premières  explications  qu'on  en  a  trouvées  sont 
bien  naïves.  Teste  dit  que  c'est  le  «  fluide  magnétique, 
vapeur  inerte,  opaque  et  blanchâtre  séjournant  comme  un 
brouillard  où  la  main  le  dépose,  qui  cache  les  objets  à  la 
somnambule  ».  Gharpignon  prétend  de  son  côté  qu'il  a  pu 
rendre  un  objet  invisible  en  l'entourant  d'une  couche 
épaisse  de  fluide.  On  n'a  pas  grand'chose  à  tirer  de  ces 
théories-là.  Du  reste,  elles  n'étaient  pas  communes  à  tous 
les  magnétiseurs.  Bertrand  déjà  avait  bien  compris  l'in- 
fluence de  la  suggestion,  de  l'idée  imposée  au  somnam- 
bule. C'est  sur  cette  action  d'une  pensée  que  Braid,  Durand 
(de  Gros)  et  Liébeault  insistèrent  aussi.  «  L'impression  sug- 
gérée, dit  Braid,  s'est  à  tel  point  emparée  de  l'esprit  du 
patient  que  l'on  peut,  sous  son  influence,  suspendre  les 
fonctions  de  la  vue,  la  rendre  aveugle  pour  un  objet  placé 
devant  lui  *...  » 

C'était  déjà  beaucoup  de  comprendre  la  cause  véritable 
de  ce  phénomène,  et  de  le  rapporter  à  la  suggestion;  mais 
nous  devons  cependant  reconnaître  que  cette  explication 
n'est  que  partielle,  et  reste  en  chemin.  C'est  ici  le  moment 
de  répéter  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  au  sujet  des 
hallucinations  à  point  de  repère;  l'expérimentateur,  en  se 
servant  du  procédé  de  la  suggestion,  indique  à  l'hypnotisé 
le  but  à  atteindre,  mais  il  ne  lui  fournit  pas  les  moyens  d'y 
arriver;  la  théorie  de  la  suggestion  ne  nous  renseigne  pas 

1 .  Neu7-7/pnolof/ù.',  p.  247. 


L'ANESTHÉSIE   systématique  273 

sur  le  comment  des  choses,   et  par  conséquent  elle  ne 
donne  pas  satisfaction  complète  à  l'esprit. 

En  1884,  M.  Bernheim  reprit  cette  étude  et  donna  aux 
faits  précédents  le  nom  d'hallucination  négative  ;  il  les  isola 
bien  des  hallucinations  positives,  et  montra,  par  plusieurs 
expériences,  que  la  suggestion  peut  supprimer  directement 
une  perception  des  objets  présents*.  La  description  était 
excellente,  mais  ce  n'était  qu'une  description.  Peu  après, 
parut  un  travail  de  M.  Féré  et  de  moi  sur  les  paralysies  par 
suggestion  ^  Dans  ce  travail,  nous  cherchions  d'abord  à 
rapprocher  les  anesthésies  systématiques  des  anesthésies 
hystériques  totales,  dont  les  premières  ne  forment  qu'une 
variété;  et  nous  citions  à  ce  propos  une  expérience  qui  a 
été  vérifiée  depuis  par  d'autres  observateurs  :  l'objet  invi- 
sible, regardé  fixement  pendant  quelques  instants,  peut 
produire  une  image  de  couleur  complémentaire  :  fait-on 
disparaître  par  suggestion  un  petit  carré  rouge,  le  sujet 
qui  ne  le  voit  pas,  mais  qui  contemple  pendant  quelques 
minutes  le  point  de  l'espace  occupé  par  le  papier  rouge, 
verra  apparaître  au  bout  de  quelque  temps  à  la  même  place 
un  carré  de  couleur  verdàtre;  cette  seconde  sensation,  de 
couleur  complémentaire,  se  distingue  d'une  image  consé- 
cutive ordinaire  par  son  mode  de  production,  car  elle  dure 
tout  le  temps  que  le  sujet  regarde  le  carré  rouge  invisible  ^ 
et  si  le  sujet  fixe  ensuite  son  regard  sur  un  autre  point,  il 
peut  voir  apparaître  l'image  consécutive  de  ce  carré  vert. 
Cette  expérience  concorde  avec  celle  de  M.  Regnard,  qui  a 
vu  que  dans  la  dyschromatopsie  hystérique  spontanée,  les 
couleurs  non  perçues  peuvent  donner  lieu  à  des  images 
complémentaires.  Donc  le  petit  carré  rouge  qui  est  là,  sous 
les  yeux  du  sujet  et  que  celui-ci  prétend  ne  pas  percevoir, 
a  réellement  impressionné  sa  sensibilité  rétinienne. 


1.  De  la  Suggestion,  1884,  p.  27. 

2.  Revue  scientifique,  d884. 

3.  Nous  réparons  ici  une  erreur  commise  dans  l'interprétation  du  phé- 
nomène précédent  que  nous  avions  considéré  jusqu'ici  comme  une  image 
consécutive.  {Magnétisme  animal,  p.  235.) 

A.    BiNET.  18 


274  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

Une  autre  expérience  peut  servir  à  montrer  que  l'objet 
invisible  est  réellement  perçu. 

Cette  expérience  est  beaucoup  plus  importante  que  la 
première,  et  présente  un  intérêt  capital,  car  elle  peut 
donner  une  idée  de  la  vraie  nature  de  l'anesthésie  systéma- 
tique. Entre  dix  cartons  d'apparence  semblable,  nous  en 
mentirons  un  à  la  somnambule,  en  lui  suggérant  qu'elle 
ne  le  verra  pas  à  son  réveil,  mais  qu'elle  verra  et  recon- 
naîtra tous  les  autres  Au  réveil,  nous  lui  présentons  les 
dix  cartons,  elle  les  prend  tous,  sauf  celui  que  nous  lui 
avons  montré  pendant  le  somnambulisme,  et  que  nous 
avons  rendu  invisible  par  suggestion.  GoQiment  le  sujet 
peut-il  arriver  à  exécuter  une  suggestion  aussi  compliquée? 
Gomment  se  fait-il  qu'il  ne  confonde  pas  le  carton  invisible 
avec  les  autres?  Il  faut  bien  qu'il  le  reconnaisse;  s'il  ne  le 
reconnaissait  pas,  il  ne  le  verrait  pas  :  d'où  cette  conclusion 
en  apparence  paradoxale  que  le  sujet  est  obligé  de  recon- 
naître l'objet  invisible  pour  ne  pas  le  voir. 

On  peut  du  reste  montrer  très  facilement  la  nécessité 
de  ce  travail  de  perception,  de  comparaison  et  de  recon- 
naissance; car  lorsque  les  cartons  sont  trop  pareils,  les 
confusions  sont  fréquentes,  et  elles  le  sont  encore  plus  si 
on  ne  montre  qu'un  coin  des  cartons.  Le  sujet  voit  si 
bien  le  carton  que  si  on  lui  donne  la  suggestion  de  ne  pas 
voir  au  réveil  le  carton  sur  lequel  on  écrit  le  mot  «  invi- 
sible » ,  malgré  la  contradiction  apparente  que  renferme 
cette  suggestion,  elle  peut  être  parfaitement  exécutée. 

Donc,  dans  les  faits  de  ce  genre,  il  ne  peut  être  ques- 
tion de  paralysie  vraie  et  de  perception  abolie;  il  y  a  tou- 
jours un  raisonnement  inconscient  qui  précède,  prépare 
et  guide  le  phénomène  d'anesthésie;  la  perception  de 
l'objet  interdit  continue  à  se  faire,  mais  elle  devient  incon- 
sciente. 

Telle  est  la  conclusion  à  laquelle  nous  nous  sommes 
arrêtés;  et  il  convient  d'ajouter  que  nous  y  avons  été 
rejoints  par  M.  Paul  Richer,  qui  faisait  vers  la  même 
époque  des  recherches  sur  cette  question,  et  qui  a  imaginé 


L'ANESTHÉSIE  SYSTÉMATIQUE  275 

des  expériences  analogues  aux  nôtres.  De  son  côté,  un 
psychologue  américain  que  nous  avons  plusieurs  fois 
cité,  M.  William  James,  a  fait  quelques  remarques  inté- 
ressantes qui  confirment  et  complètent  les  précédentes  ^ 
On  fait  un  trait  de  plume  sur  une  feuille  blanche  et  on 
commande  à  son  sujet  de  ne  pas  le  voir;  docile  à  cet 
ordre,  il  ne  voit  que  la  feuille  blanche;  si  on  double  le 
trait  de  plume  en  plaçant  devant  un  de  ses  yeux  un 
prisme  de  seize  degrés,  il  dira  qu'il  voit  un  trait  de 
plume,  celui  dont  l'image  est  déviée.  Ce  résultat  est  bien 
curieux.  Le  sujet  ne  paraît  aveugle  que  pour  un  seul  trait 
de  plume,  qui  occupe  une  position  fixe  sur  la  feuille 
de  papier;  c'est  cependant  une  des  images  de  ce  trait  de 
plume  qui  est  déviée  par  le  prisme,  et  s'il  la  perçoit,  c'est 
probablement  qu'il  ne  la  reconnaît  pas  comme  étant  celle 
qu'on  lui  a  défendu  de  voir.  L'expérience  peut  être  con- 
tinuée. Les  deux  yeux  de  la  personne  sont  restés  jusqu'ici 
ouverts;  si  on  ferme  l'œil  devant  lequel  le  prisme  n'a  pas 
été  placé,  le  sujet  continue  à  voir  le  trait  à  travers  le 
prisme;  la  fermeture  de  cet  œil  ne  produit  pas  de  modi- 
fication; mais  si  alors  on  enlève  le  prisme,  le  trait  dis- 
paraît même  pour  l'œil  qui  continuait  à  le  voir  à  travers 
cet  instrument;  ce  que  j'expliquerai  encore  en  disant  que 
le  sujet  vient  de  reconnaître  l'objet  invisible,  quand  celui-ci 
a  repris  sa  position  primitive,  et  que  l'ayant  reconnu,  il 
se  hâte  d'obéir  à  la  suggestion  en  ne  le  percevant  pas. 

Tout  ce  qui  précède  nous  montre  de  la  façon  la  plus 
claire  que  le  sujet  se  comporte  comme  une  personne  qui 
a  le  désir,  la  volonté  de  ne  pas  voir  l'objet  invisible;  il 
s'arrange  pour  ne  pas  le  percevoir,  il  s'y  applique;  et  il 
cherche  surtout  à  ne  pas  le  confondre  avec  d'autres  dont 
la  perception  lui  est  laissée;  il  le  distingue  des  autres,  le 
reconnaît;  mais  parfois,  il  se  laisse  tromper,  il  ne  le  recon- 
naît pas,  et  alors  il  le  perçoit. 

Si  réellement  le  sujet  faisait  ce  travail  avec  conscience 

l.  Psychology,  II,  p.  607. 


276  LES  EXPERIENCES  DE   SUGGESTION 

—  et  peut-être  y  en  a-t-il  qui  ont  conscience  de  tout  cela, 

—  le  phénomène  serait  assez  simple  à  comprendre;  le 
sujet  serait  docile  à  la  suggestion,  sans  en  être  la  dupe, 
il  mettrait  toute  sa  bonne  volonté  à  exécuter  ce  qu'on  lui 
demande,  il  jouerait  en  quelque  sorte  la  comédie  pour 
le  bon  motif.  Mais  si  on  y  regarde  avec  soin,  on  s'aperçoit 
que  ce  travail  mental  préliminaire  de  perception  et  de 
reconnaissance  n'est  point  conscient;  si  on  demande  au 
sujet  ce  qui  se  passe  en  lui  quand  on  lui  présente  l'objet 
invisible,  il  ne  peut  donner  aucun  renseignement;  il  ne 
voit  rien,  il  ne  peut  pas  en  dire  davantage.  Voilà  du 
moins  ce  que  j'ai  constaté  chez  un  hystérique  très  intel- 
ligent, que  j'avais  averti  de  la  suggestion  que  je  lui 
avais  donnée. 

Résumons-nor  donc  en  disant  que  l'anesthésie  systé- 
matique est  préc*^Jée  d'un  certain  nombre  de  phénomènes 
psychologiques  inconscients. 

Continuons.  L'objet  invisible  a  été  perçu  et  reconnu. 
Que  se  passe-t-il  ensuite?  Une  fois  que  la  perception  et  la 
reconnaissance  ont  eu  lieu,  on  pourrait  supposer  que  tout 
cela  est  oublié,  que  le  sujet  redevient  absolument  aveugle 
et  sourd,  et  que  l'anesthésie  est  complète.  Il  n'en  est  rien; 
la  perception  de  l'objet  continue,  seulement  elle  se  fait 
encore  d'une  manière  inconsciente.  C'est  ce  que  vont  nous 
montrer  les  expériences  de  M.  Bernheim. 

Ici  se  place  un  fait  assez  curieux.  Il  est  toujours  intéres- 
sant de  voir  des  auteurs  faire  des  expériences  qui  confir- 
ment des  thèses  qu'ils  ont  combattues  ou  qu'ils  seraient 
disposés  à  combattre.  On  connaît  la  position  prise  dès  la 
première  heure  par  M.  Bernheim  dans  les  études  sur  l'hyp- 
notisme. Cet  auteur  soutient  avec  une  très  grande  force,  mais 
sans  restriction  et  sans  nuance,  la  théorie  de  la  suggestion; 
pour  lui,  la  suggestion  est  la  clef  de  tous  les  phénomènes 
hypnotiques,  elle  explique  tout  et  suffît  à  tout.  Il  y  a  dans 
ses  ouvrages  ce  qu'un  peintre  appellerait  un  grand  parti 
pris  de  simplification;  et  je  suis  persuadé  que  ce  caractère 
est  la  raison  véritable  du  succès  de  ses  idées.  Or,  nous 


L'ANESTHÉSIE   systématique  277 

allons  voir  que  l'expérience  imaginée  par  M.  Bernheim 
confirme  d'une  part  les  nôtres,  et  suppose  d'autre  part  que 
le  sujet  renferme  plusieurs  foyers  de  conscience. 

C'est  un  fait  d'observation  que  quand  la  suggestion  inhi- 
bitoire  a  été  bien  donnée,  le  sujet  n'a  la  perception  con- 
sciente de  rien  de  ce  qui  se  passe  autour  de  lui;  il  peut 
devenir  aveugle  et  sourd  au  point  de  subir  sans  protester 
un  simulacre  d'attentat  aux  mœurs.  M.  Bernheim  a  pu 
néanmoins  se  convaincre  que,  malgré  les  apparences,  le 
sujet  ne  perd  rien  de  ce  qui  se  passe;  et  la  preuve,  c'est 
que  si  on  le  rendort,  si  on  lui  donne  la  suggestion  rétro- 
spective qu'il  a  tout  vu,  et  tout  entendu,  et  qu'on  lui  com- 
mande avec  énergie  de  raconter  la  scène,  il  arrive  à  la 
décrire  avec  la  fidélité  d'un  témoin  attentif  qui  n'a  laissé 
échapper  aucun  détail. 

Nous  reproduisons  textuellement  les  expériences  de  l'au- 
teur *  : 

«  Elise  B...,  âgée  de  dix-huit  ans,  domestique,  est 
affectée  de  sciatique.  C'est  une  jeune  fille  honnête,  de 
conduite  régulière,  d'intelligence  moyenne,  ne  présentant, 
en  dehors  de  sa  sciatique,  aucune  manifestation,  aucun 
antécédent  névropathique. 

«  Elle  a  été,  dès  la  première  séance,  très  facile  à  mettre 
en  somnambulisme,  avec  hallucinabilité  hypnotique  et 
post-hypnotique  et  amnésie  au  réveil.  Je  développe  chez 
elle  facilement  une  hallucination  négative.  Je  lui  dis,  pen- 
dant son  sommeil  :  «  A  votre  réveil,  vous  ne  me  verrez 
plus;  je  serai  parti.  »  A  son  réveil,  elle  me  cherche  des 
yeux  et  ne  paraît  pas  me  voir.  J'ai  beau  lui  parler,  lui 
crier  dans  l'oreille,  lui  introduire  une  épingle  dans  la 
peau,  dans  les  narines,  sous  les  ongles,  appliquer  la  pointe 
de  l'épingle  sur  la  muqueuse  oculaire;  elle  ne  sourcille 
pas.  Je  n'existe  plus  pour  elle,  et  toutes  les  impressions 
acoustiques,  visuelles,  tactiles,  etc.,  émanant  de  moi,  la 
laissent    impassible;    elle    ignore    tout.    Aussitôt    qu'une 

1.  Revue  de  l'hypnotisme,  l^'  décembre  1888. 


278  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

autre  personne  la  touche,  à  son  insu,  avec  une  épingle, 
elle  perçoit  vivement  et  retire  le  membre  piqué. 

«  J'ajoute,  en  passant,  que  cette  expérience  ne  réussit 
pas  avec  la  même  perfection  chez  tous  les  somnambules. 
Beaucoup  ne  réalisent  pas  les  suggestions  sensorielles 
négatives;  d'autres  ne  les  réalisent  qu'en  partie.  Certains, 
par  exemple,  quand  j'ai  affirmé  qu'ils  ne  me  verront  pas 
à  leur  réveil,  ne  me  voient  pas;  mais  ils  entendent  ma 
voix,  ils  sentent  mes  impressions  tactiles.  Les  uns  sont 
étonnés  de  m'entendre  et  de  se  sentir  piqués,  sans  me 
voir;  les  autres  ne  cherchent  pas  à  se  rendre  compte; 
d'autres  enfin  croient  que  cette  voix  et  cette  sensation 
émanent  d'une  autre  personne  présente.  Ils  récriminent 
violemment  contre  elle;  cette  personne  a  beau  protester 
que  ce  n'est  pas  elle  et  chercher  à  le  leur  démontrer,  ils 
restent  convaincus  que  c'est  elle. 

«  On  arrive  parfois  à  rendre  l'hallucination  négative 
complète  pour  toutes  les  sensations  en  faisant  la  sugges- 
tion ainsi  :  «  A  votre  réveil,  si  je  vous  touche,  si  je  vous 
pique,  vous  ne  le  sentirez  pas;  si  je  vous  parle,  vous  ne 
m'entendrez  pas.  D'ailleurs,  vous  ne  me  verrez  pas;  je 
serai  parti.  »  Quelques  sujets  arrivent  ainsi,  à  la  suite  de 
cette  suggestion  détaillée,  à  neutraliser  toutes  leurs  sen- 
sations; d'autres  n'arrivent  à  neutraliser  que  la  sensa- 
tion visuelle,  toutes  les  autres  suggestions  sensorielles 
négatives  restant  inefficaces. 

«  La  somnambule  dont  je  parle  réalisait  tout  à  la  per- 
fection. Logique  dans  sa  conception  hallucinatoire,  elle 
ne  me  percevait  en  apparence  par  aucun  sens.  On  avait 
beau  lui  dire  que  j'étais  là,  que  je  lui  parlais;  elle  était 
convaincue  qu'on  se  moquait  d'elle.  Je  la  fixe  avec  obsti- 
nation et  je  lui  dis  :  «  Vous  me  voyez  bien  ;  mais  vous  faites 
comme  si  vous  ne  me  voyiez  pas  !  vous  êtes  une  farceuse, 
vous  jouez  la  comédie!  »  Elle  ne  bronche  pas  et  continue 
à  parler  aux  autres  personnes.  J'ajoute,  d'un  air  con- 
vaincu :  «  D'ailleurs,  je  sais  tout!  Je  ne  suis  pas  votre 
dupe!  Vous  êtes  une  mauvaise  fille.  Il  y  a  deux  ans  déjà. 


L'ANESTHÉSIE   SYSTÉMATIQUE  279 

VOUS  avez  eu  un  enfant  et  vous  l'avez  fait  disparaître!  Est- 
ce  vrai?  On  me  l'a  dit!  «  Elle  ne  sourcille  pas;  sa  physio- 
nomie reste  placide.  Désirant  voir,  dans  un  intérêt  médico- 
légal,  si  un  abus  grave  peut  être  commis  à  la  faveur  d'une 
hallucination  négative,  je  soulève  brusquement  sa  robe  et 
sa  chemise:  cette  jeune  fille  est  de  sa  nature  très  pudi- 
bonde. Elle  se  laisse  faire  sans  la  moindre  rougeur  à  la 
face.  Je  lui  pince  le  mollet  et  la  cuisse  :  elle  ne  manifeste 
absolument  rien.  Je  suis  convaincu  que  le  viol  pourrait 
être  commis  sur  elle  dans  cet  état,  sans  qu'elle  oppose  la 
moindre  résistance. 

«  Gela  posé,  je  prie  mon  chef  de  clinique  de  l'endormir 
et  de  lui  suggérer  que  je  serai  de  nouveau  là,  au  réveil. 
Ce  qui  a  lieu,  en  effet.  Elle  me  voit  de  nouveau  et  ne  se 
souvient  de  rien.  Je  lai  dis  :  «  Vous  m'avez  vu  tout  à 
l'heure!  Je  vous  ai  parlé.  »  Etonnée,  elle  me  répond  : 
«  Mais  non,  vous  n'étiez  pas  là!  —  J'y  étais;  je  vous  ai 
parlé.  Demandez  à  ces  messieurs.  —  J'ai  bien  vu  ces 
messieurs.  M.  P.  voulait  me  soutenir  que  vous  étiez  là! 
Mais  c'était  pour  rire!  Vous  n'y  étiez  pas!  —  Eh  bien! 
lui  dis-je,  vous  allez  vous  rappeler  tout  ce  qui  s'est  passé 
pendant  que  je  n'y  étais  pas,  tout  ce  que  je  vous  ai  dit, 
tout  ce  que  je  vous  ai  fait  !  —  Mais  vous  n'avez  rien 
pu  me  dire,  ni  faire,  puisque  vous  n'étiez  pas  là!  »  J'in- 
siste d'un  ton  sérieux  et,  la  regardant  en  face,  j'appuie 
sur  chaque  parole  :  «  Je  n'y  étais  pas ,  c'est  vrai  !  Vous 
allez  vous  rappeler  tout  de  même.  »  Je  mets  ma  main  sur 
son  front  et  j'affirme  :  «  Vous  vous  rappelez  tout,  absolu- 
ment tout!  Là!  Dites  vite!  Qu'est-ce  que  je  vous  ai  dit?  » 
Après  un  instant  de  concentration,  elle  rougit  et  dit  : 
«  Mais  non,  ce  n'est  pas  possible  :  vous  n'étiez  pas  là!  Je 
dois  avoir  rêvé  !  —  Eh  bien  !  qu'est-ce  que  je  vous  ai 
dit  dans  ce  rêve?  »  Elle  ne  veut  pas  le  dire,  honteuse! 
J'insiste.  Elle  finit  par  me  dire  :  «  Vous  m'avez  dit  que 
j'avais  eu  un  enfant!  —  Et  qu'est-ce  que  je  vous  ai  fait?  — 
Vous  m'avez  piquée  avec  une  épingle!  —  Et  puis?  »  Après 
quelques  instants  :  «  Mais  non,  je  ne  me  serais  pas  laissée 


•280  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

faire!  C'est  un  rêve!  —  Qu'est-ce  que  vous  avez  rêvé? 
—  Que  vous  m'avez  découvert,  etc.  » 

<(  J'arrive  ainsi  à  évoquer  le  souvenir  de  tout  ce  qui  a  été 
dit  et  fait  par  moi  pendant  qu'elle  était  censée  ne  pas  me 
voir!  Donc,  elle  m'a  vu  en  réalité,  elle  m'a  entendu,  malgré 
son  inertie  apparente.  Seulement,  convaincue  par  la  sug- 
gestion que  je  ne  devais  pas  être  là,  sa  conscience  restait 
fermée  aux  impressions  venant  de  moi,  ou  bien  son  esprit 
neutralisait  au  far  et  à  mesure  qu'elles  se  produisaient  les 
perceptions  sensorielles;  il  les  effaçait,  et  cela  si  complète- 
ment, que  je  pouvais  torturer  le  sujet  physiquement,  et 
moralement  ;  elle  ne  me  voyait  pas,  elle  ne  m'entendait 
pas  !  Elle  me  voyait  avec  les  yeux  du  corps,  elle  ne  me 
voyait  pas  avec  les  yeux  de  l'esprit.  Elle  était  frappée  de 
cécité,  de  surdité,  d'anesthésie  psychiques  pour  moi;  toutes 
les  impressions  sensorielles  émanant  de  moi  étaient  bien 
perçues,  mais  restaient  inconscientes  pour  elle.  C'est  bien 
une  hallucination  négative,  illusion  de  l'esprit  sur  les  phé- 
nomènes sensoriels. 

«  Cette  expérience,  je  l'ai  répétée  chez  plusieurs  sujets 
«  susceptibles  d'hallucinations  négatives.  Chez  tous  j'ai  pu 
«  constater  que  le  souvenir  de  tout  ce  que  les  sens  ont 
«  perçu  pendant  que  Tesprit  effaçait,  a  pu  être  reconstitué.  » 

Ces  expériences,  d'une  simplicité  remarquable,  sont 
de  celles  qui  montrent  le  mieux  le  dédoublement  de  la 
conscience  du  sujet,  au  moment  où  il  obéit  à  certaines  sug- 
gestions. Comment  pourrait-on  comprendre  en  effet  qu'une 
personne  se  rappelle  avec  tant  de  vérité  ce  qu'on  lui  a 
défendu  de  voir,  s'il  n'y  a  pas  eu  quelque  part  en  elle,  pen- 
dant toute  la  durée  de  l'expérience,  quelqu'un  qui  était 
attentif  aux  choses  interdites?  Il  s'est  produit  évidemment 
toute  une  série  de  perceptions  inconscientes,  retenues 
ensuite  par  une  mémoire  inconsciente  ;  et  l'expérimenta- 
teur n'a  point  donné  à  son  sujet  l'idée  de  tout  cela  ;  il  n'y  a 
pas  pensé  lui-môme  ;  il  s'est  borné  à  imposer  de  toutes  ses 
forces  l'idée  de  ne  pas  voir,  il  n'a  point  indiqué  comment 
cette  prohibition  devait  être  exécutée.  Il  s'est  donc  passé 


L'ANESTHÉSIE  systématique  281 

dans  cette  expérience  de  suggestion  quelque  chose  qui  n'est 
pas  de  la  suggestion,  et  qui  consiste  en  un  dédoublement 
de  la  personnalité  du  sujet.  Nous  ne  forçons  pas  beaucoup 
l'interprétation  des  faits  en  disant  que  M.  Bernheim  vient 
ici,  bon  gré  mal  gré,  apporter  sa  pierre  à  la  théorie  de  la 
désagrégation  mentale. 

Nous  trouvons  maintenant  à  citer  de  curieuses  observa- 
tions de  M.  Liégeois,  un  jurisconsulte  de  Nancy,  qui  tra- 
vaille avec  M.  Liébeault  et  M.  Bernheim  et  partage  la  plu- 
part de  leurs  idées.  Les  études  qu'il  a  faites  sur  ce  qu'on 
appelle  à  Nancy  l'hallucination  négative  conduisent  à  la 
même  conclusion  que  celles  de  M.  Bernheim  ;  elles  ne 
s'expliquent  pas  si  on  ne  fait  pas  l'hypothèse  que  l'individu 
suggestionné  contient  à  un  certain  moment  deux  person- 
nalités distinctes.  M.  Liégeois  a  eu  l'avantage  de  voir  clai- 
rement cette  conclusion;  il  l'a  comprise,  il  l'a  même  pro- 
clamée, et  il  a  cru  qu'il  décrivait  un  état  psychologique 
nouveau.  11  est  vrai  qu'à  cette  époque  les  expériences  de 
M.  Pierre  Janet,  dont  il  nous  reste  à  parler,  avaient  été  déjà 
publiées  dans  la  Revue  philosophique;  mais  M.  Liégeois  n'y 
fait  pas  allusion,  et  très  probablement  il  ne  les  connais- 
sait pas. 

Yoici  comment  on  peut  résumer  ses  expériences  :  il 
donne  à  une  personne  en  somnambuhsme  la  suggestion 
qu'au  réveil  elle  ne  pourra  ni  le  voir  ni  l'entendre,  ni  le 
percevoir  d'aucune  façon  ;  la  suggestion  s'exécute  correcte- 
ment; au  réveil,  la  somnambule  ne  le  voit  pas  et  ne  lui 
répond  pas  quand  il  lui  parle  ;  l'anesthésie,  dans  l'observa- 
tion rapportée,  était  même  si  complète  que  l'expérimenta- 
teur pouvait  enfoncer  une  épingle  dans  le  bras  de  son  sujet 
sans  que  l'épingle  fût  vue  ou  provoquât  de  la  douleur;  le 
sujet  avait  cependant  toute  sa  sensibilité,  mais  il  était  telle- 
ment dominé  par  la  suggestion  qu'il  ne  percevait  rien  de 
ce  qui  provenait  de  la  personne  rendue  invisible.  M.  Lié- 
geois s'aperçut  cependant  qu'il  avait  un  moyen  de  rester  en 
communication  avec  cette  personne  ;  c'était  de  lui  parler 
d'une  façon  impersonnelle,   de   lui   dire    par  exemple  : 


282         LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

«  X...  a  soif,  X...  a  faim,  X...  veut  se  promener.  »  Le  sujet 
paraît  ne  rien  entendre,  mais  au  bout  de  quelques  minutes, 
il  exécute  l'acte  indiqué;  il  l'exécute  sans  avoir  conscience 
de  ce  qu'il  fait,  en  tout  cas  sans  en  garder  le  souvenir;  car  si 
quelqu'un  des  assistants  lui  demande  ce  qu'il  a  fait,  il  ne  peut 
pas  en  rendre  compte.  Si  nous  rappelons  ces  phénomènes 
d'inconscience,  ce  n'est  pas  qu'ils  présentent  pour  nous 
quelque  chose  d'intéressant  ou  de  bien  nouveau  ;  l'impor- 
tant est  de  voir  qu'un  expérimentateur  non  prévenu  arrive 
exactement  au  même  résultat  que  d'autres.  M.  Liégeois, 
interprétant  ses  expériences,  dit  :  «  Ceci  montre  que  pen- 
dant l'hallucination  négative  le  sujet  voit  ce  qu'il  paraît  ne 
pas  voir  et  entend  ce  qu'il  paraît  ne  pas  entendre.  Il  y  a  en 
lui  deux  personnalités;  un  Moi  inconscient  qui  voit  et  qui 
entend,  et  un  Moi  conscient  qui  ne  voit  pas  et  n'entend 
pas\..  »  Je  pense  inutile  d'insister.  Je  ne  suis  pas  le  pre- 
mier à  constater  l'intérêt  de  cette  coïncidence  ;  elle  a  déjà 
frappé  un  grand  nombre  de  personnes,  même  celles  qui 
sont  étrangères  à  ces  études.  Je  me  contente  de  citer  in 
extenso  une  des  expériences  de  M.  Liégeois. 

«  Je  n'existe  plus  pour  Mme  M...,  à  qui  M.  Liébeault  a, 
sur  ma  demande,  suggéré  que,  une  fois  éveillée,  elle  ne 
me  verra,  ni  ne  m'entendra  plus.  Je  lui  adresse  la  parole, 
elle  ne  me  répond  pas  ;  je  me  place  devant  elle,  elle  ne 
me  voit  pas;  je  la  pique  avec  une  épingle,  elle  ne  ressent 
aucune  douleur;  on  lui  demande  où  je  suis,  elle  dit  qu'elle 
l'ignore,  que  sans  doute  je  suis  parti,  etc. 

«  J'imagine  alors  de  faire  à  haute  voix  des  suggestions 
à  cette  personne,  à  qui  je  semble  être  devenu  totalement 
étranger,  et,  chose  singulière,  elle  obéit  à  ces  suggestions. 

«  Je  lui  dis  de  se  lever,  elle  se  lève;  de  s'asseoir,  elle 
s'assied;  de  tourner  ses  mains  l'une  autour  de  l'autre,  elle 
les  tourne. 

«  Je  lui  suggère  un  mal  de  dents,  et  elle  a  mal  aux  dents; 
un  éternuement,  et  elle  éternue;  je  dis  qu'elle  a  froid,  et 

1.  JJe  la  suggestion  ei  du  somnambulisme  dans  leurs  rupporls  avec  la 
jurisprudence,  etc.,  1889,  p.  701  à  7H. 


L'ANESTHÉSIE  systématique  283 

elle  grelotte  ;  qu'elle  doit  aller  près  du  poêle,  dans  lequel 
il  n'y  a  d'ailleurs  pas  de  feu,  et  elle  y  va,  jusqu'à  ce  que 
je  lui  dise  qu'elle  a  chaud,  et  alors  elle  se  trouve  bien. 
Pendant  tout  ce  temps,  elle  est,  pour  tous  les  assistants, 
aussi  complètement  éveillée  qu'eux-mêmes;  interrogée 
par  eux,  elle  répond  que  je  suis  absent,  elle  ne  sait  pas 
pourquoi;  peut-être  vais-je  revenir  tout  à  l'heure,  etc. 
Interpellée  par  moi,  en  mon  nom  personnel,  toutes  mes 
demandes  restent  sans  réponse.  Elle  ne  réahse  que  les 
idées  que  j'exprime  impersonnellement,  si  je  puis  ainsi 
parler,  et  comme  si  elle  les  tirait  de  son  propre  fonds  ; 
c'est  son  moi  inconscient  qui  la  fait  agir,  et  le  moi  con- 
scient n'a  aucune  notion  de  l'impulsion  qu'elle  reçoit  du 
dehors. 

«  L'expérience  me  parut  assez  intéressante  pour  être 
renouvelée  avec  un  autre  sujet,  et  voici  le  résumé  succinct 
des  épreuves  et  des  vérifications  faites  quelques  jours 
plus  tard  avec  la  jeune  Camille  S... 

«  Camille  S...,  dix-huit  ans,  est  une  très  bonne  somnam- 
bule; M.  Liébeault  et  moi,  nous  la  connaissons  depuis  près 
de  quatre  ans;  nous  l'avons  endormie  souvent;  nous 
l'avons  toujours  trouvée  d'une  entière  bonne  foi  :  elle  nous 
inspire,  en  un  mot,  toute  confiance.  Cette  constatation 
était  nécessaire,  on  va  le  voir,  pour  donner  quelque  poids 
aux  singuliers  résultats  que  j'ai  obtenus,  et  qui  confirment 
d'ailleurs  absolument  la  première  observation  concernant 
Mme  M... 

«  M.  Liébeault  endort  Camille,  et  sur  ma  demande,  il  lui 
suggère  qu'elle  ne  me  verra  ni  ne  m'entendra  plus,  puis 
il  me  laisse  expérimenter  à  ma  guise.  Réveillé,  le  sujet 
est  en  rapport  avec  tout  le  monde;  seul,  je  n'existe  pas 
pour  lui;  mais,  ainsi  que  je  vais  le  démontrer,  cela  n'est 
pas  tout  à  fait  exact  :  il  y  a  en  lui  comme  deux  person- 
nahtés,  dont  l'une  me  voit,  quand  l'autre  ne  me  voit  pas, 
et  m'entend,  quand  l'autre  ne  fait  aucune  attention  à  mes 
paroles. 

«  D'abord  je  m'assure  de  l'état  de  la  sensibilité  :  chose 


284  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

curieuse,  celle-ci  existe  au  regard  de  tous  les  assistants 
et  n'existe  pas  pour  tout  ce  qui  vient  de  moi;  si  on  la 
pique,  elle  retire  vivement  son  bras  ;  si  je  la  pique,  elle 
ne  sent  rien  ;  je  lui  plante  des  épingles  qui  restent  sus- 
pendues à  ses  bras,  à  sa  joue,  elle  n'accuse  aucune  sensa- 
tion, elle  ne  les  voit  même  pas. 

«  Ce  fait  d'anesthésie,  non  pas  réelle,  mais  personnelle 
en  quelque  sorte,  est  déjà  assurément  fort  singulier;  il 
est,  si  je  ne  me  trompe,  tout  à  fait  nouveau.  De  même,  si 
je  place  un  flacon  d'ammoniaque  sous  son  nez,  elle  ne  le 
repousse  pas  ;  elle  s'en  éloigne,  au  contraire,  si  c'est  une 
main  étrangère  qui  le  lui  présente. 

«  Nous  allons  voir  maintenant  —  toujours  pendant  quelle 
ne  peut^  en  appareiice  du  moins,  ni  me  voir  ni  m'en- 
tendre  —  se  dérouler  à  peu  près  toute  la  série  des  sug- 
gestions qui  peuvent  être  faites  à  l'état  de  veille.  Je  les 
résume,  ainsi  qu'il  suit,  d'après  les  notes  que  j'ai  prises, 
au  moment  même,  le  14  juin  1888. 

«  Je  rappelle,  en  tant  que  de  besoin,  que,  si  je  m'adresse 
directement  à  Camille  S...,  si  je  lui  demande,  par  exemple, 
comment  elle  va,  depuis  quand  elle  n'est  pas  venue,  etc., 
sa  physionomie  reste  impassible  :  elle  ne  me  voit,  ni  ne 
m'entend;  au  moins  n'en  a-t-elle  pas  conscience. 

«  Je  procède  alors,  comme  je  l'ai  dit  tout  à  l'heure, 
impersonnellement  ;  parlant,  non  pas  en  mon  nom,  mais 
comme  s'il  s'agissait  d'une  voix  intérieure,  exprimant  des 
pensées  que  le  sujet  tirerait  de  son  propre  fonds.  Et  alors 
l'automatisme  somnambulique  se  montre,  sous  cette  forme 
nouvelle  et  imprévue,  aussi  complet  que  sous  toute  autre 
déjà  connue. 

«  Je  dis  à  haute  voix  :  «  Camille  a  soif;  elle  va  aller 
demander,  à  la  cuisine,  un  verre  d'eau  qu'elle  apportera 
sur  cette  table.  »  Elle  semble  n'avoir  rien  entendu,  et 
cependant,  au  bout  de  quelques  instants,  elle  fait  la 
démarche  indiquée  et  l'accomplit  avec  l'allure  vivo  et 
impétueuse  déjà  plusieurs  fois  signalée  chez  les  somnam- 
bules. On  lui  demande  pourquoi  elle  a  apporté  le  verre 


L'ANESTHÉSIE  systématique  28S 

qu'elle  vient  de  poser  sur  la  table;  elle  ne  sait  ce  qu'on 
veut  lui  dire  ;  elle  n'a  pas  bougé;  il  n'y  a  là  aucun  verre. 

«  Je  dis  :  «  Camille  voit  le  verre;  mais  ce  n'est  pas  de 
l'eau  comme  on  veut  le  lui  faire  croire  ;  c'est  du  vin,  il  est 
très  bon,  elle  va  le  boire  et  il  lui  fera  du  bien.  »  Elle  exé- 
cute ponctuellement  l'ordre  donné;  puis  aussitôt  elle  a 
tout  oublié. 

«  Je  lui  fais  dire  successivement  des  paroles  peu  conve- 
nables :  «  Coquin  de  sort!  Cré  nom  d'un  chien!  Cr...  »  et 
elle  répète  tout  ce  que  je  lui  ai  suggéré,  perdant  d'ailleurs 
instantanément  le  souvenir  de  ce  qu'elle  vient  de  dire. 

«  A  M,  F...,  qui  s'étonne  de  ces  faits,  qui  lui  reproche 
ces  propos  inconvenants  elle  dit  :  «  Mais  je  n'ai  pas  pro- 
noncé ces  vilains  mots;  pour  qui  me  prenez- vous?  vous 
rêvez,  vous  êtes  donc  fou  ?  » 

«  Elle  me  voit  sans  me  voir.  En  voici  la  preuve.  Je  dis  : 
«  Camille  va  s'asseoir  sur  le  genou  de  M.  L...  »;  aussitôt, 
elle  s'y  jette  violemment  et  déclare,  sur  interpellation, 
qu'elle  est  toujours  sur  le  banc  où  elle  s'est  placée  un 
moment  auparavant. 

«  M.  Liébeault  m'adresse  la  parole;  comme  elle  ne  me 
voit  pas  et  ne  m'entend  pas  consciemment^  elle  s'en 
étonne  et  alors  elle  engage  avec  lui  un  colloque  où  je 
joue  le  rôle  de  souffleur;  mais  d'un  souffleur  qui  serait  logé 
dans  son  cerveau  même.  C'est  moi  qui  lui  suggère  toutes 
les  paroles  suivantes,  qu'elle  prononce,  convaincue  qu'elle 
exprime  sa  pensée  propre  : 

«  Monsieur  Liébeault,  vous  parlez  donc  aussi  au  mur 
maintenant?  11  faudra  que  je  vous  endorme  pour  vous 
guérir  ;  nous  changerons  ainsi  de  rôle,  etc.  » 

«  Monsieur  F...,  comment  va  votre  bronchite?  » 

«  M.  F...  lui  demande  pourquoi  et  comment  elle  dit  tout 
cela.  Et  elle  de  répondre,  après  que  je  lui  ai  soufflé  : 

«  Mais  comment  voulez-vous  que  cela  me  vienne?  comme 
à  tout  le  monde.  Comment  les  idées  vous  viennent-elles 
à  vous-même?  »  et  elle  continue  à  développer  le  thème  que 
je  lui  ai  donné. 


286  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

(c  Elle  paraît  être  dans  un  état  absolument  normal  et  tient 
tête  à  tous  les  assistants  avec  beaucoup  de  présence  d'es- 
prit. Seulement,  elle  intercale,  au  milieu  de  sa  conver- 
sation, les  phrases  que  je  suscite  dans  son  esprit  et  qu'elle 
fait  siennes  inconsciemment. 

((  Ainsi,  pendant  qu'elle  discute  avec  M.  F...,  à  qui  elle 
dit  qu'elle  le  conduira  à  Maréville  \  son  interlocuteur 
ayant  objecté  :  «  Mais  je  ne  suis  pas  fou?  »  elle  lui  répond  : 
«  Tous  les  fous  disent  qu'ils  ne  sont  pas  fous  ;  vous  dites 
que  vous  n'êtes  pas  fou,  donc  vous  êtes  fou,  »  Elle  est 
très  flère  de  son  syllogisme  et  ne  se  doute  pas  qu'elle  vient 
de  me  l'emprunter. 

«  Voulant  m'assurer,  une  fois  de  plus,  qu'elle  me  voit 
sans  en  avoir  conscience,  je  dis  :  «  Camille  va  prendre 
dans  la  poche  du  gilet  de  M.  L...  un  flacon  dans  lequel  il 
y  a  de  l'eau  de  Cologne,  elle  le  débouchera  et  en  appré- 
ciera la  délicieuse  odeur.  »  Elle  se  lève,  vient  droit  à  moi, 
cherche  d'abord  à  gauche,  puis  à  droite,  prend  dans  ma 
poche  un  flacon  d'ammoniaque,  le  débouche  et  en  aspire 
avec  plaisir  les  émanations.  Il  faut  que  je  le  lui  retire  des 
mains. 

«  Puis,  toujours  par  suggestion,  elle  me  défait  mon  sou- 
lier droit.  M.  F...  lui  dit  :  «  Qu'est-ce  que  vous  faites  là? 
Vous  ôtez  à  M.  L...  un  de  ses  souhers!  »  Elle  est  offus- 
quée :  «  Mais  à  quoi  pensez-vous?  M.  L...  n'est  pas  là,  je 
ne  puis  donc  lui  ôter  son  soulier.  Mais  vous  êtes  donc 
encore  plus  fou  que  tout  à  l'heure!  »  Et  comme  M.  F... 
lève  les  bras  au  ciel  en  me  parlant,  Camille  s'écrie  : 
«  Décidément,  il  faudra  que  je  vous  conduise  à  Maréville. 
C'est  dommage!  Pauvre  M.  F...!  »  Celui-ci  ne  se  tient  pas 
pour  battu  :  «  Mais  enfin,  ce  souher  que  vous  tenez  là, 
qu'est-ce  que  c'est?  »  Je  viens  au  secours  de  mon  sujet, 
et  je  dis  :  «  C'est  un  soulier  que  Camille  doit  essayer,  elle 
n'a  pu  le  faire  ce  matin  chez  elle,  parce  que  son  cordon- 
nier lui  a  manqué  de  parole  ;  il  s'est  enivré,  et  il  vient  de 

1.  Asile  d'aliénés,  près  de  Nancy. 


L'ANESTHÉSIE  systématique  287 

l'apporter  seulement  tout  à  l'heure;  elle  va  l'essayer  ici 
même.  » 

«  Tout  cela  est  accepté,  répété  exactement,  exécuté  ponc- 
tuellement, toujours  comme  par  une  inspiration  spontanée. 
Par  convenance,  elle  se  tourne  vers  le  mur  pour  essayer 
mon  soulier;  elle  le  trouve  un  peu  large,  parce  que  je  dis 
qu'il  est  un  peu  large  et  me  le  remet,  parce  que  je  dis 
qu'elle  doit  me  le  remettre. 

(.(  Enfin,  sur  ma  suggestion,  elle  reporte  le  verre  à  la  cui- 
sine; à  son  retour,  interrogée  par  M.  F...,  elle  déclare 
qu'elle  n'est  pas  sortie  de  la  pièce  où  nous  nous  trouvons; 
qu'elle  n'a  rien  bu,  qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  verre  entre 
ses  mains.  Vainement  on  lui  montre  le  cercle  humide  que 
le  pied  du  verre  a  laissé  sur  la  table;  ce  cercle,  elle  ne  le 
voit  pas,  il  n'y  en  a  pas,  on  veut  lui  en  faire  accroire  !  et 
alors,  pour  prouver  son  dire,  elle  passe,  à  plusieurs 
reprises,  la  main  sur  la  table,  faisant  voler,  sans  les  voir, 
les  feuilles  sur  lesquelles  je  prends  des  notes  et  qui  par- 
ticipent à  mon  privilège  d'invisibilité;  nul  doute  que,  s'il 
y  avait  eu  là  un  encrier,  il  n'eût  été  projeté  sur  le  parquet. 

«  Pour  mettre  fin  à  cette  série  d'épreuves,  je  dis  à  haute 
voix  :  «  Camille,  vous  allez  me  voir  et  m'entendre.  Je 
vous  souffle  sur  les  yeux.  Yous  vous  portez  maintenant 
fort  bien.  »  Je  suis  à  trois  mètres  d'elle,  mais  la  sugges- 
tion opère;  Camille  passe,  sans  transition  apparente,  de 
l'état  d'hallucination  négative  dans  lequel  l'avait  plongée 
M.  Liébeault,  à  l'état  normal  qui,  pour  elle,  naturellement, 
s'accompagne  d'une  amnésie  complète.  Elle  n'a  aucune 
notion  de  tout  ce  qui  vient  de  se  passer;  ces  expériences 
nombreuses,  variées  de  toute  façon,  ces  hallucinations, 
ces  paroles,  ces  actes  dans  lesquels  elle  a  joué  le  prin- 
cipal rôle,  tout  cela  est  oubUé,  tout  cela,  c'est  pour  elle 
le  néant  absolu.  » 

Les  expériences  de  M.  Pierre  Janet  sur  cette  question  ne 
diffèrent  pas  de  celles  de  M.  Liégeois  par  le  fond,  mais  la 
forme  en  est  plus  curieuse  et  plus  savante;  M.  Liégeois 
n'est  amené  que  par  le  raisonnement  à  admettre  une  dua- 


288  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

lité  de  personne;  M.  Janet  nous  fait  voir  le  dédoublement; 
il  nous  fait  assister  au  travail  de  deux  consciences  qui 
restent  distinctes  et  qui  s'ignorent. 

Les  procédés  employés  pour  mettre  en  lumière  la  seconde 
conscience  sont  variés,  mais  le  plus  simple  et  le  plus  direct 
est  toujours  celui  de  la  distraction.  Nous  en  avons  déjà 
tant  parlé  qu'il  est  oiseux  d'insister  longuement.  Rappelons 
seulement  qu'on  occupe  l'attention  du  sujet  sur  un  point, 
par  exemple  en  le  faisant  causer  avec  une  autre  personne, 
et  que  pendant  qu'il  est  dans  cet  état  de  distraction,  on  lui 
parle  à  voix  basse,  et  on  convient  avec  lui  qu'il  répondra 
aux  questions  par  l'écriture;  de  cette  façon,  sa  personna- 
lité se  scinde  en  deux;  il  y  a  une  conscience  qui  parle 
avec  le  premier  interlocuteur,  et  une  autre  conscience  qui 
échange  des  idées  avec  le  second.  Par  ce  procédé,  l'expé- 
rimentateur peut  connaître  la  seconde  conscience,  appré- 
cier ses  facultés  et  savoir  en  particulier  ce  qu'elle  perçoit 
du  monde  extérieur.  Si  on  opère  pendant  que  le  sujet  a 
reçu  une  suggestion  d'anesthésie  systématique,  on  peut 
reconnaître  facilement  que  la  perception  interdite  a  pris 
place  dans  la  seconde  conscience,  et  que  tandis  que  la 
personnalité  prime,  celle  qui  parle,  ne  sait  rien  de  l'objet 
invisible,  la  personnalité  seconde  peut  souvent  le  décrire 
dans  tous  ses  détails. 

M.  Pierre  Janet  est  arrivé  à  faire  cette  observation,  en 
appliquant  la  suggestion  d'anesthésie  à  un  objet  pris  dans 
une  collection  d'objets  semblables;  c'est  du  reste  cette 
forme  d'expérience  qui  est  la  plus  instructive,  car  elle 
montre  mieux  que  les  autres  combien  l'anesthésie  systé- 
matique a  un  mécanisme  compliqué.  Yoici  par  exemple  un 
sujet  en  somnambulisme  auquel  on  montre  cinq  cartes 
blanches  dont  deux  sont  marquées  d'une  petite  croix;  on 
lui  donne  l'ordre  de  ne  plus  voir  au  réveil  les  cartes  mar- 
quées d'une  petite  croix.  Tandis  que  le  sujet,  c'est-à-dire  sa 
personnalité  principale  obéit  à  la  suggestion  et  voit^au  réveil 
seulement  les  trois  cartes  blanches,  la  seconde  personna- 
lité se  comporte  tout  autrement;  si  on  lui  parle  à  voix 


L'ANESTHÉSIE  systématique  289 

basse  et  qu'on  lui  demande  de  décrire  ce  qu'il  y  a  sur  les 
genoux,  elle  répond  qu'il  y  a  deux  cartons  marqués  d'une 
petite  croix.  La  même  épreuve  peut  être  répétée  en  substi- 
tuant aux  croix  des  points  de  repère  beaucoup  plus  com- 
pliqués, qui  exigeront  pour  être  reconnus  un  calcul;  par 
exemple,  on  peut  suggérer  au  sujet  de  ne  pas  voir  les 
carrés  de  papier,  qui  portent  un  chiffre  pair,  ou  un  mul 
tiple  de  six,  etc.  Le  résultat  de  ces  expériences  est  exacte- 
ment le  même  que  celui  des  précédentes,  bien  que  la 
seconde  conscience  ne  puisse  pas  se  borner  à  un  simple 
coup  d'œil  pour  reconnaître  la  carte  que  l'autre  conscience 
ne  doit  pas  voir.  Ceci  nous  prouve  que  cette  seconde  con- 
science peut  faire  acte  de  raisonnement.  On  a  en  outre  varié 
les  expériences  de  mille  façons  et  toujours  obtenu  à  peu 
près  le  môme  résultat. 

Il  est  intéressant  de  remarquer  à  ce  propos  qu'il  est  pos- 
sible, au  moins  chez  certaines  personnes,  de  provoquer 
de  l'anesthésie  systématique  sans  la  suggérer  directement. 
Quand  on  a  donné  un  ordre  en  somnambulisme,  et  que 
cet  ordre  doit  être  exécuté  à  l'état  de  veille,  il  arrive  sou- 
vent, comme  nous  l'avons  déjà  dit  plus  haut,  que  pendant 
l'exécution  de  l'acte  la  personne  se  dédouble;  une  des  con- 
sciences exécute  l'acte,  et  l'autre  conscience,  la  conscience 
principale  de  la  veille,  reste  étrangère  à  l'expérience  *.  Le 
bras  peut  se  lever,  la  main  peut  exécuter  une  opération 
compliquée  sans  que  le  moi  normal  en  soit  averti;  on  a  vu 
parfois  des  sujets  qui  font  ainsi  une  promenade  sans  s'en 
douter.  Or,  ce  sont  là  de  remarquables  exemples  d'anes- 
Ihésie  systématique,  produits  par  une  voie  indirecte,  par 
une  suggestion  post-hypnotique.  Celle-ci  s'adresse  au  per- 
sonnage inconscient;  c'est  lui  qu'elle  regarde,  au  moins 
chez  les  sujets  dont  nous  parlons,  de  même  que  c'est  lui 
■qui,  dans  les  cas  où  l'on  suggère  directement  l'anesthésie, 
accapare  les  perceptions  interdites;  il  n'est  donc  pas  éton- 
nant que  le  résultat  soit  à  peu  près  le  même  ^ 

i.  Voir  p.  249. 

2.  Pierre  Jauet,  op.  cit.,  p.  282. 

A.    DlNET.  19 


290  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

Il  y  a  sans  doute  quelques  différences  psychologiques 
entre  les  deux  expériences,  car  la  suggestion  n'est  pas 
donnée  de  la  même  façon;  dans  un  cas,  on  suggère  au 
sujet  de  ne  pas  voir,  on  lui  fait  une  défense,  on  emploie 
une  suggestion  négative;  et  dans  l'autre  cas,  on  suggère 
au  sujet  d'exécuter  un  acte,  on  lui  donne  une  suggestion 
positive;  mais  nous  n'avons  pas  à  insister  sur  des  diffé- 
rences accessoires,  car  notre  but  est  principalement  de 
rapprocher  des  faits  de  môme  genre,  et  de  faire  saisir  des 
analogies  importantes. 

Après  toute  la  série  d'études  précédentes,  on  arrive  à 
cette  proposition  que  dans  la  suggestion  d'anesthésie  la 
perception  n'est  point  supprimée,  détruite,  mais  elle  peut 
être  retrouvée  comme  faisant  partie  d'une  autre  cons- 
cience. C'est  absolument  la  conclusion  à  laquelle  nous  avait 
déjà  conduit  l'étude  de  l'insensibilité  hystérique  spontanée, 
et  on  aurait  pu  prévoir  celte  conclusion  a  priori^  en  se 
fondant  sur  cette  simple  considération  que  l'anesthésie 
systématique  ne  diffère  que  par  la  forme  de  l'anesthésie 
spontanée.  Mais  nous  avons  préféré  montrer  qu'on  peut 
atteindre  ce  résultat  en  employant  une  méthode  différente. 


III 

Il  nous  reste  maintenant  à  critiquer  et  à  modifier  légère- 
ment la  conclusion  à  laquelle  nous  venons  d'arriver;  il  ne 
nous  semblerait  pas  tout  à  fait  exact  d'admettre  que  toute 
suggestion  d'anesthésie  systématique  a  pour  effet  direct  de 
créer  un  dédoublement  de  la  personnalité  et  de  faire  passer 
d'une  personnahté  A  à  la  personnalité  B  la  perception 
frappée  d'interdit.  Ce  n'est  évidemment  pas  là  ce  que  les 
auteurs  précédents  ont  affirmé,  et  les  faits  se  présentent 
sous  un  jour  un  peu  différent. 

La  nature  du  phénomène  dépend  beaucoup,  à  ce  qu'il 
nous  semble,  de  la  préparation  psychologique  qu'on  a  fait 
suljir  à  la  personne  sur  laquelle  on  expérimente.  Si  cette 


L'ANESTHÉSIE  systématique  291 

personne  a  été  fréquemment  hypnotisée,  si  elle  offre  tous 
les  phénomènes  de  la  désagrégation  mentale,  si  elle  pos- 
sède déjà  un  personnage  subconscient  bien  organisé  et 
toujours  prêt  à  entrer  en  action,  il  est  bien  possible  que  ce 
personnage,  qui  est  aux  écoutes  pendant  l'expérience, 
comprenne  ce  qu'on  veut,  se  jette  en  quelque  sorte  sur  la 
perception  de  l'objet  invisible,  et  s'en  empare.  C'est  bien 
ainsi  que  les  choses  se  passent  chez  les  sujets  de  M.  Pierre 
Janet;  et  je  n'en  veux  pour  preuve  que  cet  échantillon 
de  dialogue  échangé  entre  l'opérateur  et  son  sujet.  On  a 
défendu  à  Lucie  de  voir  les  cartons  marqués  d'une  croix. 
((  A  ce  moment,  dit  l'auteur,  je  m'éloigne  d'elle,  et  profi- 
tant d'un  instant  de  distraction  suffisant,  je  commande  de 
prendre  un  crayon  et  d'écrire  ce  qu'il  y  a  sur  les  genoux. 
La  main  droite  écrit  :  «  Il  y  a  deux  papiers  marqués  d'une 
petite  croix.  —  Pourquoi  Lucie  ne  me  les  a-t-elle  pas  remis? 
—  Elle  ne  peut  pas,  elle  ne  les  voit  pas.  »  Qu'on  analyse 
cette  dernière  réponse,  et  qu'on  juge  de  sa  complexité. 
Nous  avons  ici  un  personnage  subconscient  qui  non  seule- 
ment se  rend  compte  de  ce  qu'il  voit,  mais  juge  l'autre 
personnage,  le  conscient,  sait  ce  que  celui-ci  peut  voir, 
peut  dire  et  peut  faire.  Un  tel  développement  psychique  a 
dû  être  le  terme  d'un  entraînement  véritable;  il  a  fallu  que 
le  sujet  eût  fréquemment  l'occasion  de  se  dédoubler  pour 
le  faire  avec  cette  rigueur.  Après  tout,  si  le  phénomène 
n'avait  pas  présenté  ce  grossissement  artificiel,  on  ne  l'au- 
rait pas  reconnu.  Mais  je  suis  persuadé  que  lorsqu'on 
essaye  pour  la  première  fois  chez  une  personne  qui  n'a  pas 
eu  l'occasion  de  se  dédoubler  une  suggestion  d'anesthésie 
systématique,  il  ne  se  produit  rien  de  pareil  ;  une  certaine 
perception  se  trouve  exclue  de  la  sphère  d'une  conscience, 
et  c'est  tout;  cette  exclusion  est  le  fait  principal.  Que 
devient  cet  état  psychologique?  Reste-t-il  isolé?  Ou  bien 
est-il  recueilli  par  une  seconde  personnalité  naissante? 
Yoilà  ce  qui  me  paraît  très  variable. 

Ces  réflexions  me  conduisent  à  rappeler  ce  que  j'ai  pu 
voir  moi-même  sur  les  hystériques  dont  j'ai  étudié  pendant 


292  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

la  veille  les  mouvements  inconscients  par  anesthésie.  On 
se  rappelle  que  nous  avons  montré  maintes  fois  que  l'anes- 
thésie  peut  avoir  pour  effet  d'isoler  des  phénomènes  psy- 
chologiques comme  le  fait  un  état  de  distraction.  Ce  sont 
deux  procédés  parallèles.  Il  est  donc  logique  de  chercher 
chez  les  sujets  auxquels  on  a  donné  des  suggestions  néga- 
tives si  les  mouvements  subconscients  par  anesthésie 
peuvent  fournir  quelque  renseignement  sur  la  perception 
de  l'objet  invisible. 

Les  résultats  sont  cependant  assez  différents.  Nous  avons 
vu  quelle  réponse  fait  le  personnage  inconscient  dans  les 
expériences  de  distraction;  l'écriture  du  sujet  anesthésique 
ne  répond  pas  toujours  de  même.  Voici  à  peu  près  quelle 
distinction  il  faut  faire.  Si  la  suggestion  inhibitoire  a  con- 
sisté à  suspendre  complètement  la  perception  d'un  objet, 
si  par  exemple  on  a  dit  au  sujet  qu'il  ne  verra  plus  aucun 
des  caractères  d'une  page  imprimée,  il  peut  arriver  que  la 
main  anesthésique  reproduise  ces  caractères,  témoignant 
ainsi  que  le  personnage  subconscient  continue  à  les  per- 
cevoir; ou  bien  la  main,  traduisant  l'état  dominant  du 
sujet,  se  bornera  à  écrire  indéfiniment  :  «  Je  ne  vois  pas, 
je  ne  vois  pas.  »  Lorsque  la  suggestion  a  opéré  en  trans- 
formant l'objet,  lorsqu'on  a  par  exemple  suspendu  la  vision 
d'une  photographie  en  inculquant  l'idée  que  la  photogra- 
phie représente  toute  autre  chose,  alors  c'est  cette  vision 
hallucinatoire  qui  se  trouve  retracée  par  l'écriture  automa- 
tique. 

Ainsi,  les  résultats  sont  un  peu  moins  simples  que  dans 
l'état  de  distraction;  nous  avons  vu  déjà  pareil  fait  se 
reproduire  plusieurs  fois.  La  division  de  conscience  pro- 
duite pendant  un  état  de  distraction  a  un  caractère  plus 
net,  plus  tranché,  plus  systématique  que  celle  qui  dérive 
de  l'anesthésie,  et  les  consciences  séparées  le  sont  si  bien 
que  souvent  elles  cessent  de  communiquer.  Au  contraire, 
dans  l'anesthésie,  la  communication  persiste,  et  tout  état 
important  qui  se  trouve  dans  une  des  consciences  a  une 
tendance  à  rayonner  sur  les  autres.  Ceci  nous  explique 


L'ANESTHÉSIE  SYSTEMATIQUE  293 

assez  bien  pourquoi,  lorsqu'on  recouvre  un  portrait  par 
l'hallucination  d'un  autre  portrait,  c'est  cette  hallucination, 
suggérée  à  la  conscience  principale,  qui  envahit  les  sous- 
consciences. 

Je  ne  veux  point  quitter  cette  question  de  l'anesthésie 
systématique,  une  des  plus  importantes  que  nous  ayons  eu 
à  examiner,  sans  dire  encore  un  mot  des  obscurités  qu'elle 
présente.  Malgré  la  grande  valeur  des  résultats  acquis, 
nous  sommes  loin  de  pouvoir  décrire  d'un  bout  à  l'autre 
toute  la  série  de  phénomènes  qui  doivent  se  produire 
depuis  le  moment  où  la  suggestion  est  donnée  jusqu'à 
celui  où  elle  se  réalise.  Ce  que  nous  connaissons  assez 
bien,  c'est  le  point  d'arrivée,  le  résultat  final,  c'est-à-dire 
la  dissociation.  Mais  nous  ignorons  comment  la  perception 
d'un  objet  et  les  divers  souvenirs  qui  s'y  rattachent  ont 
opéré  leur  migration  de  la  conscience  A  dans  la  cons- 
cience B. 

Nous  avons  vu  plus  haut,  au  moyen  de  beaucoup  d'ex- 
périences, que  pour  cesser  de  voir  un  objet  et  celui-là  seu- 
lement, une  personne  doit  commencer  par  le  percevoir  et 
le  reconnaître,  de  quelque  façon  que  ce  soit,  et  le  rejet  de 
cette  perception  ne  peut  avoir  lieu  que  lorsqu'elle  est  déjà 
commencée.  De  plus,  au  fur  et  à  mesure  que  l'expérience 
se  poursuit,  si  l'expérimentateur  modifie  l'objet  invisible, 
comme  il  le  fait  par  exemple  en  interposant  un  prisme 
devant  les  yeux  de  son  sujet  (exp.  de  M.  William  James), 
il  faut  encore  qu'une  intelligence  intervienne  et  décide  si 
l'objet  ainsi  modifié  doit  être  perçu  ou  non.  Tout  ce  travail 
de  contrôle  est  nécessaire;  sans  cela  la  suggestion  serait 
exécutée  à  l'aveugle,  c'est-à-dire  fort  mal.  Or,  qui  est-ce 
qui  est  chargé  de  ce  travail  de  contrôle?  Quelle  est  l'intel- 
ligence qui  décide  à  tout  moment  que  le  sujet  doit  perce- 
voir ceci  et  non  cela?  Ce  n'est  pas  le  moi  normal,  car  il  n'a 
conscience  de  rien;  il  reçoit  en  quelque  sorte  le  travail 
tout  fait.  Ce  doit  être  un  personnage  capable  de  tout  voir, 
car  pour  que  la  suggestion  soit  bien  exécutée,  pour  que  k 
carte  qui  doit  rester  invisible  dans  un  paquet  de  dix  cartes, 


294  LES  EXPÉRIENCES  DE   SUGGESTION 

ne  soit  pas  confondue  avec  les  autres,  il  faut  qu'il  y  ait 
quelqu'un  qui  la  compare  à  toutes  les  autres,  et  par  con- 
séquent les  perçoive  toutes.  J'ignore  complètement  ce  que 
peut  être  ce  personnage,  si  même  il  existe  et  comment  il 
opère;  l'expérience  ne  m'a  rien  appris  là-dessus,  je  me 
laisse  simplement  guider  par  le  raisonnement. 

En  terminant  ces  considérations,  disons  qu'ici  encore, 
comme  pour  l'hallucination,  on  sait  peu  de  chose  en  com- 
paraison de  ce  qui  reste  à  trouver;  mais  il  y  a  des  faits 
acquis. 

Je  passe  sous  silence  plusieurs  questions  que  j'ai  traitées 
déjà  dans  la  Revue  philosophique,  par  exemple  les  rap- 
ports entre  l'anesthésie  systématique  et  la  négation.  Ce 
sont  des  vues  personnelles,  qui  n'ont  pas  leur  place  dans 
ce  livre. 


CHAPITRE  VII 


LE   DÉDOUBLEMENT   DE   LA   PERSONNALITÉ    ET    LE    SPIRITISME 


Éliminations  préalables.  —  Mouvemcnls  inconscients.  —  Une  observation 
de  M.  Myers.  —  Analyse.  —  Étendue  de  la  division  de  conscience.  — 
Les  moyens  d'expression  des  personnages  subconscients.  —  Les  causes 
de  leur  apparition. 


I 

Les  recherches  de  ces  dernières  années  ont  éclairé  d'un 
jour  nouveau  les  phénomènes  du  spiritisme,  en  nous 
montrant  que  ces  phénomènes  sont  constitués  en  grande 
partie  par  la  désagrégation  mentale;  il  n'y  a  point  de  dif- 
férence essentielle  entre  les  expériences  que  nous  avons 
vu  pratiquer  sur  les  hystériques  et  les  expériences  en 
quelque  sorte  spontanées  que  les  spiritiques  pratiquent  sur 
eux-mêmes.  Les  principales  différences  tiennent  à  des  con- 
ditions accessoires,  on  pourrait  presque  dire  à  des  condi- 
tions anecdotiques,  au  milieu,  aux  noms  employés,  aux 
exphcalions  imaginées,  etc. 

Qu'est-ce  que  le  spiritisme?  Tout  le  monde  le  connaît, 
au  moins  par  ouï-dire,  car  il  a  sévi  longtemps  en  France, 
comme  une  épidémie.  Les  manifestations  auxquelles  il  a 
donné  lieu  sont  si  nombreuses  et  si  variées  qu'on  trouvera 
peut-être  difficile  de  résumer  en  quelques  mots  les  traits 
principaux  de  cette  doctrine. 


296  LES  EXPÉRIENCES  DE   SUGGESTION 

Mais  nous  n'avons  pas  l'intention  de  traiter  la  question 
dans  son  ensemble;  nous  voulons  simplement  indiquer  ses 
points  de  contact  avec  les  théories  psychologiques  que 
nous  exposons. 

Nous  commencerons  par  quelques  éliminations  néces- 
saires. 11  existe,  au  dire  des  auteurs,  certains  phénomènes 
spirites  qui  se  produisent  en  dehors  de  l'action  d'une  per- 
sonne ou  d'une  cause  connue;  ce  sont  les  phénomènes  dits 
physiques,  comme  les  coups  dans  les  murs,  les  tables  et 
autres  meubles  qui  se  soulèvent  d'eux-mêmes,  sans  qu'on 
y  touche,  l'écriture  directe  par  des  crayons  marchant  tout 
seuls,  ou  glissés  entre  deux  ardoises,  les  apparitions  d'es- 
prits qu'on  peut  photographier  ou  même  mouler;  nous  ne 
nions  pas  ces  phénomènes,  parce  que  de  parti  pris  nous 
ne  voulons  rien  nier;  mais  la  démonstration  scientifique 
est  encore  attendue;  nous  n'en  parlerons  pas. 

Après  avoir  ainsi  circonscrit  notre  sujet  d'étude,  exami- 
nons ce  qui  reste  d'essentiel  dans  une  séance  spirite;  c'est 
un  ensemble  de  faits,  toujours  à  peu  près  les  mêmes, 
qu'on  retrouve  dans  toutes  les  descriptions  des  écrivains 
spéciaux;  ces  faits  consistent  dans  des  mouvements  incon- 
scients exécutés  par  une  personne  appelée  médium,  qui 
est  censée  servir  d'instrument  aux  esprits  lorsque  ceux-ci 
veulent  exprimer  leur  pensée  à  des  personnes  vivantes. 

Les  auteurs  qui  ont  décrit  cette  communication  de  pensée 
avec  les  esprits  des  morts  ont  eu  le  tort  de  mêler  les  des- 
criptions avec  les  hypothèses,  et  ces  dernières  sont  géné- 
ralement absurdes;  nous  sommes  donc  obligés, quand  nous 
les  reprenons,  d'opérer  un  triage  entre  le  fait  observé  et 
son  interprétation.  Nous  trouvons  ici  déjà  un  exemple  de 
cette  analyse  à  faire.  Qu'est-ce  qu'un  esprit?  La  présence 
de  l'esprit  qu'on  évoque  est-elle  réellement  prouvée,  quand 
le  médium  se  croit  en  communication  avec  lui?  Tout  cela, 
ce  n'est  que  de  l'hypothèse  gratuite.  Le  fait  d'observation, 
c'est  que  le  médium,  c'est-à-dire  une  personne  reconnue 
plus  apte  que  d'autres  au  genre  d'expérience  que  nous 
allons  décrire,  peut  exprimer  sans  en  avoir  la  volonté  et 


DÉDOUBLEMENT  DE  LA  PERSON.   ET   SPIRITISME  297 

sans  en  avoir  la  conscience  une  pensée  qui  n'est  pas  la 
sienne. 

Examinons  en  effet  les  deux  expériences  fondamentales 
auxquelles  on  peut  ramener  toutes  les  autres  :  ce  sont 
l'expérience  de  la  table  tournante  ou  parlante,  et  l'expé- 
rience de  récriture  automatique  ;  encore  les  deux  phéno- 
mènes sont-ils  au  fond  identiquement  les  mêmes. 

Quand  on  se  sert  de  la  table,  plusieurs  personnes  s'as- 
seyent autour  de  ce  meuble  et  posent  leurs  mains  dessus; 
à  la  table  on  peut  substituer  un  guéridon,  une  corbeille, 
mais  peu  importe.  Les  personnes  posent  une  question  à 
l'esprit,  et  bientôt,  sous  l'influence  des  contacts  multiples, 
la  table  tourne,  son  pied  se  soulève  ou  frappe  le  sol 
d'après  une  convention  établie  d'avance,  l'esprit  répondra 
en  faisant  frapper  un  coup  au  pied  de  la  table,  pour  dire 
oui,  et  deux  coups  pour  dire  non;  ou  bien,  procédé  plus 
ingénieux,  on  suit  sur  un  alphabet  le  nombre  des  coups 
frappés  par  la  table;  la  lettre  à  laquelle  on  s'arrête  est 
celle  désignée  par  l'esprit,  ce  qui  permet  d'obtenir  avec 
un  peu  de  patience  la  phrase  entière. 

Le  procédé  de  l'écriture  automatique  est  beaucoup  plus 
direct  et  plus  simple;  la  table  est  supprimée;  on  met  dans 
la  plume  du  médium  un  crayon,  qui  écrit  tout  seul  la 
réponse  de  l'esprit,  sans  que  le  médium  ait  la  volonté 
d'écrire  ou  la  conscience  de  ce  qu'on  lui  fait  écrire. 

C'est  à  ce  qui  précède  que  se  bornent  les  manifestations 
spirites  dont  nous  avons  à  nous  rendre  compte. 

Or,  en  quoi  consistent  ces  phénomènes?  En  mouvements 
inconscients  et  involontaires.  Gela  est  d'évidence  pour  les 
mouvements  de  l'écriture  automatique;  et  quant  aux 
tables  tournantes,  il  a  été  démontré  depuis  longtemps,  par 
les  recherches  les  plus  précises,  qu'elles  tournent  seule- 
ment sous  l'impulsion  des  mains. 

On  a  cru  longtemps  qu'il  fallait  attribuer  simplement 
ces  mouvements  à  la  supercherie,  et  il  est  de  fait  que  dans 
bien  des  cas  rien  ne  serait  plus  facile  à  simuler;  ea  pres- 
sant légèrement  sur  une  table,  on  en  soulève  le  pied,  et 


298  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

un  médium  pourrait  fort  bien  écrire  en  affirmant  qu'il  ne 
sait  pas  ce  qu'il  écrit.  Mais  nous  devons  abandonner  cette 
explication  grossière;  car  il  y  a  un  nombre  considérable 
de  personnes  dignes  de  foi  qui  affirment  avoir  été  les 
acteurs  du  phénomène,  avoir  posé  la  main  sur  des  tables 
qui  tournaient,  avoir  tenu  des  plumes  qui  écrivaient,  sans  la 
moindre  volonté  de  faire  mouvoir  la  table  ou  écrire  la  plume. 

Ce  sont  là  des  preuves  suffisantes,  quand  une  doctrine 
comme  le  spiritisme  aboutit  à  bouleverser  le  monde  entier 
et  fait  des  milliers  de  croyants.  Ceux  qui  demandent  des 
preuves  matérielles  pour  des  phénomènes  qui  n'en  com- 
portent pas  courent  le  risque  d'ignorer  ce  que  tout  le 
monde  sait,  et  de  soutenir  des  opinions  contraires  à  la 
vérité  la  plus  évidente. 

Les  premiers  observateurs  qui  cherchèrent  à  se  rendre  un 
compte  exact  des  actions  spirites  ont  eu  la  préoccupation 
exagérée  de  leur  trouver  des  analogies  dans  les  phénomènes 
de  la  vie  normale.  On  s'est  efforcé  de  montrer  que  chacun 
de  nous  exécute  des  mouvements  inconscients.  L'exemple 
qu'on  a  cité  le  plus  souvent  est  celui  du  pendule  explo- 
rateur, que  nous  avons  décrit  tout  au  long.  En  somme,  on 
a  pensé  que  «  le  pouvoir  moteur  des  images  >>,  pour  em- 
ployer le  langage  actuel  de  la  psychologie,  devait  suffire 
à  expliquer  les  phénomènes  spirites.  Explication  franche- 
ment insuffisante,  il  est  aisé  de  le  montrer,  et  on  ne  doit 
pas  s'étonner  que  les  adeptes  de  la  doctrine  ne  se  soient 
pas  laissés  convaincre. 

En  effet,  l'étude  soigneuse  des  phénomènes  indique  que 
l'écriture  automatique  provient  d'une  pensée  autre  que  la 
pensée  consciente  du  médium.  Il  y  a  en  lui,  à  un  certain 
moment,  deux  pensées  qui  s'ignorent  et  qui  ne  communi- 
quent entre  elles  que  par  les  mouvements  automatiques  de 
l'écriture;  disons  plus  exactement  :  il  y  a  deux  personna- 
lités coexistantes;  car  la  pensée  qui  dirige  l'écriture  auto- 
matique n'est  point  une  pensée  isolée  et  décousue,  elle 
a  un  caractère  à  elle,  et  même  elle  porte  un  nom,  le  nom 
de  l'Esprit  dont  on  a  invoqué  la  présence. 


DÉDOUBLEMENT  DE  LA  PERSON.   ET   SPIRITISME  299 

Nous  trouvons  donc  là  un  nouvel  et  curieux  exemple 
de  désagrégation  mentale  et  de  dédoublemenl  de  la  per- 
sonnalité. Un  des  auteurs  qui  ont  le  mieux  compris  la  vraie 
nature  des  phénomènes  spirites,  M.  Myers  ^,  a  très  exacte- 
ment résumé  la  théorie  des  personnalités  multiples  à  un 
moment  oîi  les  études  de  M.  Janet  sur  le  somnambulisme, 
et  les  nôtres  sur  l'insensibilité  hystérique,  qui  devaient 
aboutir  au  même  résultat,  n'étaient  pas  encore  commen- 
cées. Cette  nouvelle  coïncidence,  à  ajouter  à  tant  d'autres, 
augmente  la  sûreté  des  résultats,  et  nous  prouve  que 
malgré  les  imperfections  et  fautes  de  détail  qui  doivent 
exister  dans  ces  recherches,  comme  dans  toutes,  le  fond 
en  est  exact. 

De  même  que  les  expériences  de  suggestion,  celles  du 
spiritisme  réussissent  bien  sur  une  certaine  catégorie  de 
sujets,  parmi  lesquels  les  hystériques  tiennent  une  place 
importante.  Les  hystériques,  et  d'une  façon  générale  les 
somnambules,  forment  la  majeure  partie  des  bons  mé- 
diums; on  peut  s'en  assurer  en  parcourant  les  ouvrages 
de  spiritisme;  de  temps  en  temps  l'auteur  le  plus  discret 
ne  peut  pas  éviter  de  dire  que  tel  excellent  médium  a  eu 
une  crise  de  nerfs,  ou  se  fatigue  vite  par  suite  d'une  santé 
trop  délicate;  il  est  du  reste  reconnu  généralement  que 
les  opérations  du  spiritisme  prédisposent  aux  accidents 
nerveux,  ainsi  que  M.  Gharcot  en  a  rapporté  un  exemple 
frappant  ^ 


II 

Entrons  maintenant  dans  quelques  détails.  Nous  emprun- 
tons à  M.  Myers,  et  nous  publions  intégralement,  une  des 
observations  les  plus  intéressantes  qu'il  ait  recueillies. 
Celle-ci  lui  a  été  communiquée  par  M.  A.,  un  ami  dont  il 
garantit  la  bonne  foi. 

1.  Automatic  uriting,  Proceed.  S.  P.  R.,  1885. 

2.  Maladies  du  système  nerveux,  t.  III,  p.  228. 


300  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

«  L'expérience  fut  faite  une  première  fois  à  Pâques,  en 
1883;  après  un  intervalle  d'une  semaine  elle  fut  reprise  et 
continuée  pendant  trois  jours;  le  premier  jour,  dit  l'obser- 
vateur, je  fus  sérieusement  intéressé;  le  second  jour,  je 
devins  perplexe;  le  troisième,  il  me  sembla  que  j'abordais 
des  expériences  entièrement  nouvelles,  d'un  caractère  à  la 
fois  terrible  et  romantique;  le  quatrième,  le  sublime  tomba 
tristement  dans  le  ridicule. 


PREMIER   JOUR 

«  L'auteur  prend  une  plume,  et  pose  la  question.  C'est 
la  plume  qui  écrit  la  réponse. 

«  Demande.  Sous  quelles  conditions  puis -je  entrer  en 
communication  avec  l'Invisible? 

«  Réponse.  La  main  remua  aussitôt,  pour  tracer 

cette  ligne;  le  résultat  n'était  guère  favorable;  mais  comme 
l'auteur  avait  dans  la  pensée  que  la  condition  requise  pour 
communiquer  avec  l'Invisible  était  une  parfaite  rectitude, 
il  pensa  que  la  réponse  s'appliquait  exactement  à  la  de- 
mande. 

«  Demande.  Quelle  est  la  cause  qui  en  ce  moment  fait 
mouvoir  ma  plume? 

«  Réponse.  La  religion. 

«  Demande.  Quelle  est  la  cause  qui  fait  écrire  cette  ré- 
ponse à  ma  plume? 

«  Réponse.  La  conscience. 

«  Demande.  Qu'est-ce  que  la  religion? 

«  Réponse.  Adoration. 

«  Ici  s'éleva  une  difTiculté.  Quoique  l'auteur  n'expectât 
aucune  de  ces  trois  réponses,  cependant  quand  les  pre- 
mières lettres  furent  écrites,  il  prévit  le  reste  du  mot.  Ceci 
pouvait  vicier  le  résultat.  Gons...,  par  exemple,  aurait  pu 
finir  comme  ><  consciousness  »,  si  l'auteur  avait  pensé  à  ce 
mot  au  lieu  de  penser  à  conscience.  Alors,  il  se  produisit 
un  fait  singulier,  comme  si  une  intelligence  avait  voulu 
prouver  par  la  forme  de  la  réponse  qu'elle  était  la  seule 


DÉDOUBLEMENT  DE  LA  PERSON.   ET  SPIRITISME  301 

cause  de  la  réponse,  et  que  celle-ci  n'était  point  le  résultat 
de  Fexpectation;  en  effet,  les  questions  suivantes  provo- 
quèrent des  réponses  singulières. 

«  Demande.  Adoration  de  quoi? 

«  Réponse.  Wbwbwbwbwb. 

«  Demande.  Quelle  est  la  signification  de  wb? 

«  Réponse.  Win  (gagner).  Buy  (acheter). 

«  Demande.  Quoi? 

«  Réponse.  Connaissance. 

«  Ici,  l'auteur  eut  la  perception  anticipée  des  mots  qui 
allaient  être  écrits,  et  la  plume  eut  une  brusque  secousse, 
comme  pour  dire  qu'il  était  inutile  de  continuer. 

«  Demande.  Comment? 

«  Réponse. Ici,  c'était  la  première  réponse  qui  reve- 
nait. Quoique  fortement  impressionné  par  les  premières 
réponses,  qui,  à  première  vue,  semblaient  prouver  une 
intelligence  et  une  volonté  indépendantes,  l'auteur  remarqua 
qu'en  somme  il  n'avait  rien  appris  de  nouveau,  et  pensa 
que  le  tout  était  dû  à  la  cérébration  inconsciente  et  à 
l'attention  expectanle.  Ayant  posé  quelques  demandes  sur 
des  questions  de  fait  qu'il  ne  connaissait  pas,  mais  pouvait 
contrôler,  et  ayant  obtenu  des  réponses  inintelligibles  ou 
fausses,  il  abandonna  l'expérience. 

DEUXliiME   JOUR 

«  Demande.  Qu'est-ce  que  l'homme? 
«  Réjjonse.  Fhse. 

«  La  plume,  en  traçant  cette  réponse,  entra  dans  une 
violente  agitation. 

«  Demande.  Que  veut  dire  F? 

«  Réponse.  Fesi. 

«  Demande.  L? 

«  Réponse.  Le. 

«  Demande.  J? 

«  Réponse.  Ivy. 

«  Demande.  S? 

«  Réponse.  Sir  (en  français.  Monsieur). 


302  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

«  Demande.  E? 

«  Réponse.  Eye.  (en  français,  Œil).  Fesi  le  ivy  sir  eye. 

«  Demande.  Est-ce  un  anagramme? 

«  Réponse.  Oui. 

«  Demande.  Combien  de  mots  dans  la  réponse? 

«  Réponse.  4. 

«  L'auteur  essaye  de  deviner,  n'y  réussit  pas,  et  renonce. 

TROISIÈME   JOUR 

«  Demande.  Qu'est-ce  que  l'homme? 

«  Réponse.  Tefî  hasl  esble  lies. 

«  Demande.  Est-ce  un  anagramme? 

«  Réponse.  Oui. 

«  Demande.  Combien  contient-il  de  mots? 

«  Réponse.  V  (c'est-à-dire  cinq). 

«  Demande.  Quel  est  le  premier  mot? 

«  Réponse.  See  (en  français,  vois). 

«  Demande.  Quel  est  le  second  mot? 

«  Réponse.  Eeeeee. 

<(  Demande.  See?  (vois?)  Dois-je  interpréter  moi-même? 

«  Réponse.  Essaye. 

«  M.  A.  trouva  d'abord,  comme  solution  :  «  Life  is  less 
able  »  (c'est-à-dire  :  la  vie  est  le  moins  capable).  Il  reprit 
l'anagramme  du  jour  précédent,  et  trouva  :  «  Every  life  is 
yes  »  (c'est-à-dire  :  toute  vie  est  oui).  Mais  sa  plume  sembla 
indiquer  une  préférence  pour  un  autre  ordre  des  mots  : 
«  Every  life  yes,  is  »  (c'est-à-dire  :  toute  vie  oui  est). 

«  Etonné  par  la  production  de  ces  anagrammes,  qui  lui 
semblaient  prouver  une  intelligence  indépendante  de  la 
sienne,  l'auteur  devint  à  ce  moment  un  spirite  convaincu, 
et  ce  fut  avec  une  frayeur  respectueuse  qu'il  reprit  ses 
interrogations. 

'<  Demande.  Qui  es-tu? 

«  Réponse.  Clé  lia  II 

«  Demande.  Tu  es  une  femme? 

«  Réponse.  Oui. 


DÉDOUBLEMENT  DE  LA  PERSON.   ET   SPIRITISME  303 

Demande.  As-tu  jamais  vécu  sur  la  terre? 

Réponse.  Non. 

Demande.  Yivras-tu? 

Réponse.  Oui. 

Demande.  Quand? 

Réponse.  Dans  six  ans. 

Demande.  Pourquoi  t'entretiens-tu  avec  moi? 

Réponse.  E  if  Clelia  e  1. 
c  L'auteur  interprète  ainsi  :  «  I  Clelia  feel  ».  Moi,  délia, 
je  sens.  Sur  la  demande  si  c'est  là  la  solution  : 

Réponse.  E  if  Clelia  e  1  20. 
:<  Demande.  Est-ce  vingt  votre  âge? 

Réponse,  ce  (Elle  était  éternelle.) 

Demande.  Alors  20  quoi? 

Réponse.  Mots. 

L'interrogatoire  s'arrête  ici  et  est  remis  au  lendemain. 
L'auteur  croit  à  ce  moment  qu'il  est  en  relation  avec  un 
esprit  au  nom  romantique  qui  s'incarnera  dans  six  ans.  11 
est  très  agité,  dort  mal. 

QUATRIÈME   JOUR 

«  L'interrogation  est  reprise,  avec  la  même  forme  em- 
phatique. 

«  Demande.  Pourquoi  me  parles-tu? 

«  Réponse.  (Ligne  ondulée.)  L'écriture  répète  :  Pourquoi 
me  parles-tu  ? 

«  M.  A.,  sans  se  laisser  déconcerter  par  cette  répétition, 
la  considère  comme  une  réponse  solennelle  et  d'un  esprit 
pénétrant;  il  examine  les  motifs  de  sa  conduite,  purifie  sa 
pensée  de  tout  alliage  terrestre,  et  reprend  : 

«  Demande.  Pourquoi  me  réponds-tu? 

«  Réponse  (ligne  ondulée).  Pourquoi  me  réponds- tu? 

«  Demande.  Est-ce  moi-même  qui  fais  la  réponse? 

«  Réponse.  Oui. 

«  Demande,  délia  est-elle  présente? 

«  Réponse.  Non. 
-    «  Demande.  Qui  est  donc  ici? 


304  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

«  Réponse.  Personne. 

«  Demande.  Clélia  existe-t-elle? 

«  Réponse.  Non. 

«  Demande.  Avec  qui  ai-je  parlé  hier? 

«  Réponse.  Avec  personne. 

«  Demande.  Pourquoi  avez-vous  menti? 

«  Réponse  (ligne  ondulée).  Pourquoi  avez-vous  menti? 

«  Demande.  Les  âmes  existent-elles  dans  un  autre  monde  ? 

<(  Réponse.  M  B. 

«  Demande.  Qu'est-ce  que  MB  veut  dire? 

«  Réponse.  May  be  (c'est-à-dire  :  cela  peut  être).  A  partir 
de  ce  moment  la  plume  tantôt  affirme  l'existence  de  Clélia, 
tantôt  la  nie.  » 

Cette  observation,  si  intéressante  à  tous  les  points  de 
vue,  peut  nous  servir  de  base  pour  la  discussion  des  phé- 
nomènes très  complexes,  très  délicats  et  très  variés  par 
lesquels  la  division  de  conscience  se  manifeste  cliez  le 
médium  écrivant. 

Nous  ne  nous  attarderons  pas  à  prouver  en  détail,  au 
moyen  d'une  démonstration  en  règle,  que  l'esprit  évoqué 
par  le  médium  n'est  pas  autre  chose  que  le  personnage 
subconscient  des  hystériques  qui  lui  aussi  s'évoque  si  faci- 
lement pendant  l'état  de  veille.  L'analogie  des  deux  situa- 
lions  psychologiques  est  si  claire  et  si  évidente  que  je  juge 
tout  à  fait  inutile  d'insister. 

Nous  ferons  mieux  de  rechercher  ce  qu'il  y  a  d'original 
dans  l'expérience  spirite,  et  nous  étudierons  successive- 
ment :  1°  l'étendue  de  la  division  de  conscience;  2°  ses 
moyens  d'expression  et  de  manifestation;  3°  ses  causes. 

Le  premier  point  est  certainement  le  plus  connu  et 
aujourd'hui  le  mieux  étudié.  La  forme  même  du  récit  par 
demandes  et  réponses,  le  dialogue,  indique  bien  la  dualité 
des  personnalités,  et,  à  plusieurs  reprises,  l'auteur  de  l'ob- 
servation remarque  qu'il  a  eu  le  sentiment  de  converser 
avec  une  intelligence  et  une  volonté  autres  que  la  sienne. 

Bien  plus,  cette  intelligence  s'affirme  si  bien  comme 
personnage  distinct  du  moi  normal  qu'elle  se  baptise  elle- 


DÉDOUBLEMENT  DE  LA  PERSON.  ET  SPIRITISME         303 

même  et  prend  le  nom  romanesque  de  Clélia,  nom  que 
l'auteur  prétend  n'avoir  jamais  connu;  en  tout  cas,  s'il  Fa 
connu,  il  n'en  a  pas  conservé  le  souvenir  conscient.  Ce 
nom  inconnu  de  Clélia,  écrit  subitement  par  la  main  du 
médium,  semble  avoir  vivement  impressionné  l'observa- 
teur, et  il  dit  que  pendant  un  certain  temps  il  a  cru  avoir 
affaire  à  un  personnage  réel.  Chacun  de  nous  peut  s'ima- 
giner par  quelles  émotions  il  a  dû  passer  à  ce  moment-là, 
et  je  gage  que  plus  d'un  lecteur  sera  tenté  de  renouveler 
l'expérience,  contre  laquelle  je  crois  cependant  qu'il  est 
bon  de  se  tenir  en  garde,  car  on  y  perd  toujours  un  peu 
de  l'unité  de  sa  pensée  et  de  la  clarté  de  son  intelligence. 
Quant  au  contenu  des  réponses,  M.  A.  remarque  qu'il 
n'y  a  jamais  trouvé  la  révélation  de  faits  à  lui  inconnus; 
sur  ce  point,  plusieurs  observations  sont  à  présenter. 
D'une  façon  générale,  il  est  exact  de  dire  que  le  person- 
nage inconscient  qui  joue  le  rôle  d'esprit,  n'étant  qu'une 
portion  détachée  de  l'intelligence  du  médium,  ne  peut  pas 
avoir  d'autres  facultés  et  d'autres  connaissances  que  lui.  La 
lecture  des  nombreuses  évocations  spirites  qu'on  a  publiées 
et  où  l'on  a  fait  parler  des  personnages  célèbres,  tels  qu'Ar- 
chimède,  Socrate,  Aristote,  montre  qu'on  n'a  pu  tirer  de 
ces  grands  génies  aucune  pensée  profonde  et  digne  d'eux  ; 
ce  sont  en  général  des  réflexions  banales,  qui  ne  dépassent 
point  la  portée  d'une  intelligence  ordinaire.  Mais  il  faut  tenir 
compte  des  conditions  où  l'expérience  est  faite  pour  en 
apprécier  les  résultats;  la  solennité  de  l'évocation,  la  gran- 
deur du  but  poursuivi,  le  recueillement  de  l'assistance  doi- 
vent souvent  exalter  pour  un  moment  les  facultés  du  per- 
sonnage subconscient,  et  lui  faire  trouver  des  pensées 
dont  il  eût  été  incapable  pendant  un  instant  d'atonie. 
Ajoutons  que  le  personnage  subconscient  peut  avoir  une 
étendue  de  mémoire  et  une  finesse  de  perception  incon- 
nues du  personnage  normal  :  nous  en  avons  vu  la  preuve 
chez  les  hystériques  *  ;  tout  ceci  peut  contribuer  à  donner 

1.  Voir,  notamment,  p.  192. 

A.    BiNET.  20 


306         LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

aux  réponses  écrites  une  forme  mystérieuse,  dont  l'expli- 
cation naturelle  est  cependant  facile  à  trouver. 

Le  caractère  inattendu  des  réponses  est  encore  un  bon 
signe  de  division  de  conscience.  Le  médium,  avons-nous 
vu,  s'est  borné  à  poser  une  question;  pour  qu'il  connaisse 
la  réponse,  il  faut  qu'il  se  relise.  Souvent  il  ne  peut  pas 
se  relire  sans  l'assistance  d'une  autre  personne,  tant  l'écri- 
ture est  indistincte.  Il  peut  aussi  commettre  dans  sa 
lecture  des  erreurs  qui  seront  rectifiées  un  peu  plus  tard, 
par  une  nouvelle  intervention  de  l'Esprit.  La  réponse 
peut  être  d'une  nature  bizarre,  inattendue;  parfois,  c'est 
une  plaisanterie,  une  espièglerie  ou  même  une  grossièreté, 
qui  étonnent  d'autant  plus  le  médium  qu'il  avait  fait  une 
demande  sérieuse;  enfin  la  réponse  peut  prendre  la  forme 
d'un  anagramme  ou  d'un  rébus;  elle  contient  parfois  des 
faits  que  le  médium  avait  oubliés,  etc. 

Telle  qu'elle  résulte  des  faits  précédents,  la  division  de 
conscience  ne  sépare  que  des  pensées;  elle  reste  dans  le 
domaine  de  l'idéation;  nous  n'avons  point  encore  vu  la 
sensibilité  des  organes  périphériques  subir  des  modifications 
parallèles,  comme  chez  nos  hystériques.  Il  est  rare  que  les 
écrivains  spirites  fassent  mention  de  ce  point.  Ce  sont  en 
général  des  enthousiastes  et  des  mystiques,  bien  mal  pré- 
parés aux  explorations  méthodiques;  du  reste  il  est  pro- 
bable que  la  question  de  savoir  si  le  bras  du  médium  écri- 
vant devient  à  un  moment  insensible  leur  paraîtrait  une 
question  tout  à  fait  insignifiante  et  dénuée  d'intérêt.  Lors- 
qu'on cherche  à  causer  avec  les  âmes  des  morts,  on  ne 
s'abaisse  pas  à  chercher  la  sensibilité  aux  piqûres.  Il  est 
cependant  digne  de  remarque  que  dans  bien  des  cas  le 
médium,  en  racontant  ce  qui  s'est  passé  en  lui,  affirme  ne 
pas  avoir  senti  le  mouvement  de  sa  main  au  moment  où 
elle  écrivait;  d'autres  perçoivent  bien  une  agitation  de  la 
main,  mais  ne  peuvent  pas  savoir  ce  qu'elle  écrit,  avant 
d'avoir  jeté  les  yeux  sur  le  papier.  Ces  observations  ne  sont 
pas  constantes,  car  dans  d'autres  cas  le  médium  paraît  être 
resté  conscient  de  toute  l'expérience;  il  est  cependant  vrai- 


DÉDOUBLEMENT   DE  LA  PERSON.  ET  SPIRITISME         307 

semblable  que  chez  certains  sujets  l'écriture  du  médium 
entraîne  un  certain  degré  d'anesthésie. 

Une  expérience,  malheureusement  unique,  mais  bien  si- 
sniflcative,  vient  le  démontrer.  M.William  James  surveillait 
un  jour  un  jeune  homme  qui  présentait  à  un  haut  degré 
le  phénomène  de  l'écriture  automatique.  Son  bras  et  sa 
main  droite,  avant  l'expérience,  étaient  sensibles.  Pendant 
que  la  main  traçait  des  caractères,  M.  W.  James  vint  à  piquer 
fortement  cette  main,  à  plusieurs  reprises,  de  manière  à 
provoquer  une  vive  sensation  de  douleur.  Le  jeune  homme 
ne  sentit  rien,  ni  douleur  ni  contact.  Il  était  donc  devenu 
temporairement  anesthésique  du  bras  droit,  absolument 
comme  nos  hystériques  mises  en  état  de  distraction.  Cette 
anesthésie  transitoire  était  bien  le  résultat  du  dédouble- 
ment de  conscience,  et  en  voici  la  preuve  :  le  personnage 
subconscient,  qui  se  manifestait  par  l'écriture,  sentit  la 
douleur,  et  il  écrivit  ces  mots  :  «  Ne  me  faites  pas  de  mal.  » 


III 

Voilà  donc  la  division  de  conscience  nettement  établie, 
au  moins  chez  un  grand  nombre  de  médiums;  on  ne  peut 
conserver  aucun  doute  sur  ce  point.  Un  trait  particulier  de 
ces  expériences,  c'est  l'illusion  qui  paraît  dominer  le  per- 
sonnage subconscient.  Pour  bien  comprendre  cette  illu- 
sion, il  faut  se  rappeler  comment  les  faits  se  présentent 
dans  nos  paisibles  expériences  de  laboratoire,  qui  man- 
quent à  peu  près  de  tout  caractère  dramatique.  Lorsqu'on 
est  parvenu  à  découvrir  l'inconscient  que  recouvre  l'anes- 
thésie  d'une  hystérique,  on  est  en  présence  d'un  petit 
groupe  de  phénomènes  élémentaires  qui  ne  forment  guère 
qu'une  sous-conscience,  et  non  une  personnalité.  Dans  l'état 
de  distraction  provoqué,  cette  conscience  secondaire,  nous 
l'avons  dit  souvent,  est  bien  mieux  développée;  elle  se  dis- 
tingue elle-même  de  la  conscience  principale  que,  bien  sou- 
vent,chose  curieuse, elleappellelV^^^'re;  facilement, on  arrive 


308  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

à  lui  faire  accepter  un  nom  différent  :  ce  nom,  il  faut  bien 
le  remarquer,  ne  s'applique  point  à  une  personnalité  fictive  ; 
il  groupe  des  phénomènes  bien  réels,  une  vie  psychologique 
qui  a  été  réellement  vécue.  Sous  le  nom  d'Adrienne,  par 
exemple,  le  sujet  de  M.  Pierre  Janet  désigne  une  partie  de 
son  existence  présente  et  passée  découpée  dans  son  exis- 
tence totale.  C'est  ici  que  la  différence  se  manifeste  bien 
entre  nos  expériences  et  celles  des  spirites.  Le  personnage 
subconscient  du  spirite  porte  un  nom  fictif;  c'est  Socrato 
ou  Napoléon,  c'est  n'importe  quel  esprit  évoqué;  en  tout 
cas,  ce  personnage  ne  se  considère  pas  comme  une  partie 
du  médium  lui-même,  il  ne  s'apphque  pas  certains  souve- 
nirs spéciaux  au  médium.  Cette  différence  est  caractéristi- 
que, et  contribue  beaucoup  à  donner  une  physionomie  par- 
ticulière et  bien  originale  aux  manifestations  spiritiques. 

A  quoi  tient-elle?  A  ces  conditions  de  milieu  mental,  qui 
sont  si  importantes  dans  toutes  les  expériences  de  ce  genre. 
Le  médium  qui  prend  la  plume  ne  reste  point,  comm.e  nos 
hystériques,  indifîerent  et  ignorant  du  but  poursuivi;  il  a 
son  système,  ses  croyances.  Il  croit  aux  esprits  et  à  la  pos- 
sibilité de  les  évoquer;  il  est  dominé  par  une  préoccupation 
puissante;  c'est  même  lui,  ou  l'assistance,  qui  en  général 
choisit  l'Esprit  avec  lequel  on  va  entrer  en  communication  ; 
quand  même  ce  choix  ne  serait  pas  fait,  comme  dans  l'ob- 
servation de  Clélia,  le  médium  s'attend  à  converser  avec 
une  intelligence  distincte  de  la  sienne;  il  se  trouve  en  un 
mot  dans  les  meilleures  conditions  pour  faire  de  l'auto- 
suggestion. 

Seulement,  chose  curieuse,  le  moi  qui  subit  l'effet  de  la 
suggestion,  ce  n'est  pas  le  moi  normal,  c'est  le  moi  secon- 
daire. C'est  ce  dernier  qui  reçoit  la  suggestion  qu'il  est  tel 
ou  tel  personnage,  et  qui  subissant  cette  illusion  ou  s'y  prê- 
tant avec  complaisance —  on  ne  sait  trop  au  juste  comment 
les  choses  se  passent  —  va  écrire  des  messages  dans  le 
style  du  personnage  évoqué,  et  les  signera  du  nom  de  ce 
personnage.  Nous  avons  yu  plus  haut  les  curieuses  expé- 
riences de  M.  Ilichot;  dans  ces  expériences,  aujourd'hui 


DÉDOUBLEMENT  DE  LA  PERSON.   ET   SPIRITISME  309 

devenues  classiques,  on  transforme  par  suggestion  une  per- 
sonne, on  la  force  à  jouer  une  personnalité  fictive.  A  quel- 
ques nuances  près,  c'est  bien  ce  qui  se  passe  ici.  Les  choses 
ont  lieu  comme  si  dans  un  instant  de  distraction  on  avait 
pu  communiquer  avec  le  personnage  subconscient  et  lui 
imposer  une  personnalité  nouvelle. 

Cette  personnalité  suggérée,  le  subconscient  peut  l'expri- 
mer de  différentes  façons  :  d'abord  par  l'écriture,  c'est  le  cas 
le  plus  habituel;  et  c'est  à  ce  moyen  de  communication  que 
nous  devons  les  fastidieux  messages  dont  les  journaux  spi- 
rites  sont  remplis.  Les  médiums  ont  remarqué  souvent  que 
cette  écriture  ne  ressemble  pas  à  la  leur;  chose  assez  natu- 
relle, car,  comme  l'ont  montré  les  expériences  de  MM.  Richet, 
Ferrari  et  Héricourt,  les  suggestions  qui  transforment  la 
personnalité  modifient  dans  le  même  sens  l'écriture.  Si  le 
personnage  subconscient  se  développe  beaucoup,  il  ne  se 
contentera  pas  de  diriger  les  mouvements  de  la  main;  il 
aura  une  tendance  à  s'emparer  d'autres  moyens  d'expres- 
sion, il  remuera  la  tête  du  sujet,  lui  fera  faire  des  grimaces, 
il  pourra  même  se  mettre  à  parler.  Dans  ce  cas,  qui  a  été 
quelquefois  observé,  le  médium  prononce  des  paroles  dont 
son  moi  normal  n'a  pas  conscience.  Bien  plus,  on  a  vu  par- 
fois au  milieu  de  l'expérience  le  médium  se  lever,  gesti- 
culer, prendre  une  attitude  théâtrale  et  réahser  le  person- 
nage évoqué,  le  représenter;  le  médium,  bien  entendu, 
n'a  point  conscience  du  rôle  qu'il  joue;  quand  tout  cela 
sera  terminé,  sa  conscience  normale  pourra  n'en  garder 
aucun  souvenir  ;  car  ce  n'est  pas  lui,  à  proprement  parler, 
qui  a  agi,  c'est  le  personnage  subconscient.  Nous  avons 
déjà  vu  tant  de  situations  analogues  qu'il  n'est  nul  besoin 
d'expliquer  celle-là;  il  suffit  de  rappeler  que  chez  beaucoup 
de  sujets,  au  moment  où  une  suggestion  post-hypnotique 
est  exécutée,  le  moi  somnambulique  entre  en  scène,  et 
s'avance  vers  la  rampe,  tandis  que  le  moi  normal  remonte 
vers  le  second  plan  ou  disparaît  dans  la  coulisse  *. 

1.  Voir  p.  230. 


310  LES  EXPERIENCES  DE  SUGGESTION 

Ainsi,  réunissons  ces  deux  expériences  :  1°  suggestion  en 
période  somnambulique  de  transformation  de  personna- 
lité; 2"  suggestion  dont  l'exécution  est  remise  après  le 
réveil,  et  nous  arriverons  au  même  résultat  que  les  expé- 
riences de  spiritisme. 

Mais  si  le  résultat  est  semblable,  les  causes  qui  le  produi- 
sent sont  quelque  peu  différentes.  Dans  nos  précédentes 
études  nous  avons  vu  la  division  de  conscience  résulter  de 
deux  causes  principales,  l'anesthésie  hystérique  et  la  dis- 
traction. Dans  le  phénomène  spontané  de  révocation  de 
l'esprit  par  un  médium,  nous  ne  trouvons  en  jeu  aucune 
de  ces  deux  causes  ;  il  se  produit  sans  doute  des  modifica- 
tions mentales  moins  simples  et  moins  faciles  à  décrire.  Le 
recueillement  du  médium,  sa  conviction  qu'une  seconde 
intelligence  va  s'emparer  de  sa  main,  en  un  mot  l'auto-sug- 
gestion  est  ce  qui  produit  la  scission  dans  sa  conscience  ;  et 
on  pourrait,  en  communiquant  à  une  hystérique  la  même 
disposition  d'esprit,  en  reproduire  tous  les  effets. 

Nous  avons  enfin  à  noter  l'importance  comparative  des 
deux  personnalités  en  présence,  et  à  comprendre  ces  com- 
munications, qui  sont  ici  particulièrement  complexes.  Chez 
l'hystérique  en  expérience  nous  avons  vu  des  groupes 
d'idées  appartenant  à  une  conscience  suggérer,  par  asso- 
ciation, d'autres  groupes  d'idées  dans  la  seconde  conscience  ; 
la  suggestion  s'est  faite  en  général  entre  une  sensation  et 
une  image,  ou  entre  une  image  et  un  mouvement;  elle 
était  donc  d'un  ordre  tout  à  fait  élémentaire;  et  pour 
prendre  un  exemple,  qui  précisera  les  idées,  nous  rappel- 
lerons que  cinq  piqûres  faites  sur  la  main  anesthésique 
donnent  à  la  conscience  principale  l'idée  du  nombre  cinq. 
Parfois  les  relations  de  conscience  se  compliquent  un  peu, 
et  constituent  une  collaboration  plutôt  qu'une  association 
d'idées.  Dans  l'intelligence  du  médium,  ces  communica- 
tions simples  entre  personnalités  se  rencontrent  fréquem- 
ment; ainsi  il  y  a  des  médiums  qui  ont  tout  à  coup,  brus- 
quement, une  vision  mentale  d'une  idée  qu'ils  rapportent 
à  l'esprit;  parfois  aussi  ils  entendent  retentir,  comme  pro- 


DEDOUBLEMENT  DE  LA  PERSON.   ET   SPIRITISME         311 

nonce  par  une  voix  intérieure,  la  pensée  de  l'Esprit.  Tout 
ceci  peut  s'expliquer  par  des  associations  entre  des  états 
dont  les  uns  sont  conscients  et  les  autres  subconscients; 
mais  ce  qu'il  est  difficile  d'expliquer  de  cette  manière,  ce 
sont  des  communications  plus  complexes  et  plus  subtiles 
qui  ont  lieu  dans  presque  toutes  les  expériences. 

Rappelons-nous  en  effet  ce  qui  se  passe  dans  l'observation 
de  Clélia  :  un  dialogue  se  poursuit  entre  le  conscient  et  le 
subconscient;  chaque  interrogation  est  suivie  d'une  réponse 
qui  n'est  pas  quelconque,  mais  qui  prouve  que  la  demande 
a  été  entendue  et  comprise.  Or,  la  conscience  normale  ne 
connaît  pas  directement  la  conscience  secondaire  ;  pour  que 
le  médium  connaisse  la  réponse  de  l'esprit,  il  faut  qu'il 
relise  son  écriture;  c'est  de  cette  façon  que  le  dialogue 
peut  se  poursuivre.  Le  subconscient  au  contraire  n'a  pas 
besoin  de  signes  extérieurs  pour  saisir  la  pensée  de  la  con- 
science normale;  cette  pensée,  qui  peut  ne  pas  être 
énoncée  à  haute  voix,  qui  souvent  n'est  formulée  que  men- 
talement, le  subconscient  la  saisit,  la  comprend,  et  y 
répond.  C'est  à  lui  qu'appartient  en  somme  le  premier  rôle 
dans  les  expériences  du  spiritisme;  nous  sommes  du  reste 
habitué  à  l'importance  de  sa  part  de  collaboration;  nous 
avons  dit  que  dans  les  suggestions  compliquées,  c'est  lui 
qui  se  charge  de  toutes  les  opérations  délicates;  lisait  tout, 
tandis  que  le  moi  normal  ne  sait  rien.  De  même,  dans 
les  alternances  de  personnalités,  le  moi  de  la  condition 
seconde  connaît  souvent  le  moi  de  la  condition  prime,  et 
celui-ci  croit  exister  seul. 

Toutes  ces  analogies  doivent  nous  servir  de  guide  et 
assurent  notre  marche  au  milieu  de  questions  difficiles. 
C'est  cette  méthode  de  comparaison  qui,  à  notre  avis,  s'im- 
pose pour  les  recherches  futures  '. 


1.  On  pourrait  encore  étudier  les  personnalités  multiples  dans  les  phé- 
nomènes de  possession  du  moyen  âge  :  le  sujet  a  été  si  fréquemment  traité 
que  nous  pensons  inutile  d'y  revenir. 


CONCLUSION 


Le  moi  est  une  coordination.  —  Opinion  de  M.  Ribot.  —  Le  rôle  de  l'as- 
sociation des  idées  dans  la  constitution  du  moi.  — •  Les  limites  de  la 
conscience. 

I 

Depuis  que  la  psychologie  tend  à  se  séparer  de  la  littéra- 
ture et  de  Tart  oratoire,  et  à  devenir  une  science  positive, 
elle  attache  surtout  de  l'importance  aux  petits  faits  bien 
observés,  et  elle  relègue  au  second  plan  les  théories  bril- 
lantes. On  ne  sera  donc  pas  étonné  de  ne  pas  trouver  dans 
le  dernier  chapitre  d'un  livre  sur  la  personnalité  une 
théorie  personnelle  à  l'auteur  sur  la  nature  de  la  person- 
nalité. Notre  conclusion  sera  un  simple  rappel  des  faits, 
et  une  réunion  des  interprétations  éparses  que  ces  faits 
nous  ont  suggérées,  à  mesure  que  nous  les  décrivions. 

Cherchons  d'abord  à  condenser  en  quelques  lignes  la 
substance  de  ce  livre.  Depuis  le  commencement  jusqu'à 
la  fm,  nous  avons  toujours  considéré  le  même  phénomène, 
la  pluralité  de  consciences  chez  un  individu.  Nous  disons 
conscience,  nous  ne  disons  pas  personnalité,  parce  que 
conscience  désigne  simplement  une  collection  de  phéno- 
mènes psychologiques  conscients  et  réunis  ensemble, 
tandis  qu'on  ne  doit  donner  le  nom  de  personnalité  à  cette 
(itiUectidii  que  lorsqu'elle  acquiert  un  haut  degré  de  déve- 
loppement et  que  l'idée  du  moi  se  produit;  bien  que  la 
limite  soit  difficile  à  tracer  entre  les  deux  —  précisément 


CONCLUSION  313 

parce  qu'il  s'agit  moins  d'une  différence  de  nature  que 
d'une  différence  de  degré  —  il  est  clair  que  les  mouvements 
très  simples  provoqués  chez  une  personne  normale  pendant 
un  état  de  distraction  (voir  p.  217)  sont  le  signe  d'une  sous- 
conscience,  tandis  que  dans  les  mêmes  conditions,  et  avec 
les  mêmes  procédés,  on  peut  provoquer  souvent  chez  une 
hystérique  hypnotisable  une  sous-personnalité. 

Ces  consciences  et  personnalités  multiples  se  distinguent 
les  unes  des  autres  par  deux  faits  principaux,  le  caractère 
et  la  mémoire;  ce  sont  là  les  signes  qui  permettent  de  dire 
qu  il  y  a  dans  un  individu,  à  un  moment  donné,  deux, 
trois  personnalités,  ou  même  un  plus  grand  nombre.  Le 
caractère  tiré  de  la  mémoire  est  le  pkis  précis,  car  il  permet 
non  seulement  de  distinguer  les  personnalités,  mais  encore 
de  ramener  à  une  même  personnalité  plusieurs  états  de 
conscience  séparés  par  le  temps. 

Nous  avons  étudié  d'abord  la  succession  réguUère  de 
deux  ou  plusieurs  personnaHtés  chez  un  même  individu, 
dans  les  somnambulismes  naturels  et  les  somnambuhsmes 
provoqués.  L'alternance  des  conditions  prime  et  seconde, 
dont  chacune  a  sa  mémoire  et  son  caractère,  présente  une 
régularité  presque  schématique,  qui  prépare  l'esprit  à  bien 
comprendre  les  phénomènes  plus  délicats  qui  se  produi- 
sent, lorsque  les  consciences  et  personnaUtés,  au  lieu  de 
se  succéder,  coexistent.  Dans  ce  cas,  le  signe  auquel  on 
reconnaît  la  pluralité  des  consciences  n'est  point  fourni 
par  la  mémoire,  mais  par  la  conscience  elle-même.  La 
mémoire,  du  reste,  n'est  qu'une  forme  de  la  conscience  : 
c'est  la  conscience  des  choses  passées.  Ici,  la  conscience 
d'une 'partie  des  choses  présentes  est  supprimée.  Le  sujet, 
placé  dans  l'état  A,  n'a  point  conscience  d'un  certain  groupe 
de  phénomènes  constituant  l'état  B,  qui  coexiste  avec  l'état 
A,  de  même  que  dans  les  cas  de  personnalités  successives, 
le  même  sujet,  placé  dans  un  état  A,  ne  conserve  point  la 
mémoire,  ou  conscience  rétrospective,  de  l'état  B,  qui  s'est 
écoulé. 

Les  consciences  et  personnalités  coexistantes  s'obser- 


314         LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

vent  chez  les  hystériques  dans  les  états  d'anesthésie,  et  on 
peut  les  provoquer  et  les  développer  quelque  peu,  en  fai- 
sant naître  un  état  de  distraction.  Nous  avons  étudié 
l'étendue  des  consciences  secondaires,  les  phénomènes 
élémentaires  de  répétition  et  d'adaptation  qu'elles  repré- 
sentent, puis  leur  vie  indépendante,  leur  écriture  spon- 
tanée, leur  suggestibilité,  la  finesse  de  leurs  perceptions; 
nous  nous  sommes  attaché  à  déterminer  avec  soin  leurs 
points  de  contact  avec  la  conscience  principale,  et  nous 
avons  vu  que  des  associations  multiples  peuvent  se  faire 
entre  elles;  une  idée  appartenant  à  une  conscience  peut 
suggérer  une  autre  idée  dans  l'autre  conscience;  bien 
plus,  deux  consciences  peuvent  collaborer  à  une  œuvre 
commune;  mais  si,  dans  tous  ces  cas,  elles  se  mélangent  à 
un  certain  point  de  vue,  elles  restent  cependant  distinctes, 
car  le  moi  de  l'état  A  n'a  point  conscience  du  moi  de 
l'état  13. 

Nous  nous  sommes  proposé  enfin  d'établir  une  relation 
entre  les  successions  de  personnalités  et  leurs  coexistences. 
Nous  avons  vu  que  le  personnage  somnambulique,  qui, 
dans  les  expériences  d'hypnotisme  et  dans  les  accès  spon- 
tanés de  somnambulisme,  prend  un  remarquable  déve- 
loppement, peut  se  conserver  en  partie  pendant  l'état  de 
veille,  et  que  c'est  précisément  lui  qui  est  le  personnage 
subconscient  que  nous  avons  étudié  dans  les  états  d'anes- 
thésie  et  de  distraction  :  mille  preuves  nous  ont  été  four- 
nies de  son  identité,  et  la  meilleure  est  toujours  celle  de 
la  mémoire;  le  moi  somnambulique  connaît  toutes  les 
pensées  du  personnage  subconscient  de  l'état  de  veille 
(p.  137)  et  le  moi  subconscient  connaît  celles  du  moi  som- 
nambulique (p.  76).  Ce  point  étant  pleinement  démontré, 
nous  avons  examiné  les  relations  complexes  du  personnage 
somnambulique  avec  la  conscience  normale  des  sujets, 
considérés  au  moment  oii  ils  exécutent  certaines  sugges- 
tions de  nature  complexe  :  rappelons  simplement  nos 
études  sur  l'hallucination  et  l'anesthésie  systématique  qui 
nous  ont  montré  que  le  moi  somnambulique  intervient 


CONCLUSION  31è> 

incessamment  pour  assurer  la  réalisation  d'une  suggestion, 
qui  se  fait  sans  que  la  conscience  normale  puisse  se  rendre 
compte  de  rien. 

En  résumé,  nous  avons  vu  se  produire,  soit  chez  des 
malades,  soit  chez  des  sujets  en  expérience,  un  véritable 
émiettement  de  consciences;  et  de  temps  en  temps,  souvent 
avec  l'aide  d'un  peu  de  suggestion,  une  de  ces  consciences 
a  pu  atteindre  la  dignité  d'une  personnalité  véritable. 

La  personnalité  de  nos  sujets  d'observation  et  d'expé- 
rience nous  a  paru  comparable  à  un  édifice  compliqué  et 
fragile,  dont  le  moindre  accident  peut  renverser  une  partie; 
et  les  pierres  détachées  de  l'ensemble  deviennent,  chose 
curieuse,  le  point  de  départ  d'une  nouvelle  construction 
qui  s'èleve  rapidement  à  côté  de  l'ancienne.  Ce  dernier  trait, 
sans  être  spécial  à  l'hystérie,  ni  même  présent  chez  tous 
les  hystériques,  est  cependant  bien  caractéristique  des 
études  précédentes. 

Il  ne  faut  pas,  cependant,  exagérer  le  rôle  des  person- 
nages subsconscients,  et  étendre  sans  discernement  les 
conclusions  des  études  précédentes  à  la  vie  normale.  Le 
fait  primitif,  nous  l'avons  dit,  ce  ne  sont  point  les  person- 
nalités secondaires,  c'est  la  désagrégation  des  éléments 
psychologiques;  ce  n'est  qu'après  coup,  et  souvent  par 
dressage,  par  suggestion,  que  ces  éléments  épars  s'orga- 
nisent en  personnalités  nouvelles.  Ce  second  temps  du 
phénomène  est  distinct  et  indépendant  du  premier,  et  pro- 
bablement beaucoup  moins  fréquent,  surtout  chez  les  indi- 
vidus normaux;  on  ne  saurait  admettre  que  tous  les  états 
qui  se  produisent  en  nous  sans  que  nous  en  ayons  con- 
science, appartiennent  à  d'autres  personnages,  et  que  par 
exemple,  lorsque  nous  regardons  un  objet,  les  sensations 
vagues  que  nous  envoient  les  autres  objets  dans  la  vision 
indirecte  sont  accaparées  par  des  personnalités  secondaires, 
tapies  en  quelque  sorte  derrière  notre  conscience  person- 
nelle; ces  sensations  indistinctes  restent,  à  notre  avis,  sim- 
plement disséminées.  Pour  tout  dire,  trois  propositions 
principales  résument  les  faits  précédents  : 


316  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

r  Des  éléments  qui  entrent  normalement  dans  la  consti- 
tution de  notre  moi  peuvent  être  en  état  de  désagrégation  ; 

2"  Une  conscience  ne  cesse  pas  d'accompagner  ces  élé- 
ments, bien  que  notre  moi  en  perde  conscience; 

3°  Parfois,  dans  des  conditions  exceptionnelles,  patholo- 
giques ou  expérimentales,  ces  éléments  s'organisent  en 
personnalités  secondaires. 

Cette  dernière  circonstance,  si  peu  générale  qu'elle  soit, 
étant  possible,  présente  cet  intérêt  d'éclairer  la  nature 
de  notre  moi  et  son  mode  de  formation.  Yoici  com- 
ment. 

Nous  sommes  faits  de  longue  date,  par  les  habitudes 
du  langage,  par  les  fictions  de  la  loi,  et  aussi  par  les  résul- 
tats de  rintrospection,  à  considérer  chaque  personne 
comme  constituant  une  unité  indivisible.  Les  recherches 
actuelles  modifient  profondément  cette  notion  importante. 
Il  paraît  aujourd'hui  démontré  que  si.  l'unité  du  moi  est 
bien  réelle,  elle  doit  recevoir  une  définition  toute  diffé- 
rente. Ce  n'est  point  une  entité  simple,  car  s'il  en  était 
ainsi,  on  ne  comprendrait  pas  comment,  dans  des  condi- 
tions données,  certains  malades,  exagérant  un  phéno- 
mène qui  appartient  sans  doute  à  la  vie  normale,  peu- 
vent manifester  plusieurs  personnalités  distinctes;  ce  qui 
se  divise  doit  être  formé  de  plusieurs  parties;  si  une  per- 
sonnalité peut  devenir  double  ou  triple,  c'est  la  preuve 
qu'elle  est  un  composé,  un  groupement,  une  résultante 
de  plusieurs  éléments.  L'unité  de  notre  personnalité  adulte 
et  normale  existe  bien,  et  personne  ne  songerait  à  mettre 
sa  réalité  en  doute;  mais  les  faits  pathologiques  sont  là 
qui  prouvent  que  cette  unité  doit  être  cherchée  dans  la 
coordination  des  éléments  qui  la  composent. 

Cette  vérité,  l'ancienne  psychologie  n'avait  pas  peu  con- 
tribué à  la  faire  oublier,  non  seulement  par  ses  hypothèses 
sur  la  nature  du  moi  qu'elle  tenait  pour  une  entité  distincte 
des  phénomènes  de  conscience,  supérieure  à  ces  phéno- 
mènes et  ne  participant  pas  à  leurs  changements  inces- 
sants —  mais  encore  par  la  méthode  d'analyse  qu'elle 


CONCLUSION  317 

appliquait  aux  états  de  conscience.  On  sait  que  pour  les 
anciens  psychologues,  tous  ces  états  de  conscience  si  nom- 
breux, si  -variés,  si  nuancés,  qui  composent  la  vie  mentale 
sont  ramenés  à  des  facultés  de  l'esprit.  Il  y  aurait  une 
faculté  de  mémoire,  une  faculté  de  raisonnement,  une 
faculté  de  perception,  une  faculté  de  volition.  Cette  termi- 
nologie, qui  a  été  critiquée  avec  raison,  a  eu  le  désavan- 
tage de  faire  supposer  l'existence  de  certaines  entités  ima- 
ginaires; on  a  cru  qu'il  existait  ime  mémoire,  une  volonté, 
et  ainsi  de  suite.  Nous  ne  nous  laissons  plus  duper  aujour- 
d'hui par  cette  terminologie  trompeuse;  nous  n'admettons 
plus  que  par  commodité  de  langage  l'existence  de  la 
mémoire;  nous  savons  que  ce  qu'il  y  a  de  réel  et  de  vivant 
chez  un  individu,  ce  sont  des  actes  de  mémoire,  c'est-à- 
dire  de  petits  événements  particuliers  et  distincts;  l'en- 
semble de  ces  événements  peut  bien  recevoir  un  nom  par- 
ticulier, mais  ce  terme  n'ajoute  rien  à  la  connaissance  du 
phénomène;  et  tous  ces  actes  de  mémoire  locaux,  spéciaux 
sont  si  bien  distincts  qu'on  peut  voir,  dans  certains  cas  patho- 
logiques, toute  une  catégorie  de  mémoires  qui  disparaissent, 
tandis  que  d'autres  restent  intactes  ou  à  peu  près.  C'est  ainsi 
qu'une  personne  peut  perdre  la  seule  mémoire  des  choses 
visuelles,  des  formes  par  exemple  ou  des  couleurs,  et  con- 
server la  mémoire  verbale,  qu'elle  est  même  obligée  d'uti- 
liser pour  remplir  les  lacunes  de  l'autre  mémoire.  Bien 
plus,  la  perte  de  mémoire  peut  être  localisée,  spécialisée  à 
ce  point  qu'on  a  vu  des  personnes  ne  plus  savoir  lire  l'im- 
primé et  conserver  l'aptitude  à  hre  la  musique  \  Toutes 
ces  dissociations  de  la  mémoire  sont  aujourd'hui  bien 
connues,  et  nous  dispensent  d'insister  sur  les  autres  formes 
de  dissociation.  Ce  qu'il  faut  principalement  retenir  de  tout 
ceci,  c'est  que  ce  que  nous  appelons  notre  esprit,  notre 
inteUigence  est  un  groupement  d'événements  internes, 
extrêmement  nombreux  et  variés,  et  que  l'unité  de  notre 
être  psychique  ne  doit  pas  être  cherchée  ailleurs  que  dans 

1.  Psycholor/ie  du  raisonnement,  chap.  i.  - 


318  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

ragencement,  la  synthèse,  en  un  mot  la  coordination  de 
tous  ces  événements. 

Telle  est  l'idée  générale  que  M.  Ribot  a  nettement  for- 
mulée en  terminant  son  remarquable  ouvrage  sur  les  Mala- 
dies de  la  'personnalité.  «  L'unité  du  moi,  au  sens  psycho- 
logique du  mot,  c'est,  dit-il,  la  cohésion,  pendant  un  temps 
donné,  d'un  certain  nombre  d'états  de  conscince  clairs, 
accompagnés  d'autres  moins  clairs,  et  d'une  foule  d'états 
physiologiques  qui,  sans  être  accompagnés  de  conscience, 
comme  leurs  congénères,  agissent  autant  qu'eux.  Unité 
veut  dire  coordination.  »  Ces  lignes  ont  bientôt  dix  ans  de 
date  ;  elles  ont  été  écrites  à  une  époque  où  l'on  ne  connais- 
sait pas  encore,  dans  le  détail,  toutes  les  observations  des 
personnalités  multiples  que  nous  avons  cherché  à  résumer 
dans  ce  livre.  On  peut  dire  que  les  faits  nouveaux  en 
démontrent  pleinement  la  justesse. 


II 

Pouvons-nous  faire  un  pas  de  plus?  Pouvons-nous  dire 
comment  le  composé  mental  qui  représente  le  moi  se 
construit  avec  ses  éléments?  Sur  ce  point,  les  recherches 
nouvelles  apportent  un  supplément  d'information,  qui,  pour 
être  négatif,  n'en  a  pas  moins  une  grande  valeur.  Nous 
insisterons  d'autant  plus  que  nous  tenons  surtout  à  indiquer 
l'état  actuel,  et  peut-être  momentané,  de  la  question. 

Une  vérité  importante  se  dégage  de  toutes  nos  études 
psychologiques  :  c'est  que  l'association  des  idées  est  im- 
puissante à  expliquer  la  genèse  d'une  personnahté,  ou 
d'une  simple  synthèse  de  phénomènes.  Rappelons  quel- 
ques-uns des  faits  qui  nous  l'ont  déjà  bien  prouvé.  Les 
sujets  qui  partagent  leur  existence  dans  deux  conditions 
mentales  différentes,  peuvent,  dans  l'une  de  ces  condi- 
tions, ne  point  se  souvenir  des  événements  qui  se  rat- 
tachent à  la  seconde.  La  perte  de  souvenir  est  si  nette 


CONCLUSION  319 

qu'une  personne  vue  pendant  une  des  conditions  n'est 
point  reconnue  dans  la  seconde,  et  le  médecin  est  obligé 
d'être  présenté  deux  fois  pour  être  connu  par  les  deux  per- 
sonnalités. C'est  assez  dire  que  le  mécanisme  habituel  de 
la  mémoire  cesse  de  fonctionner.  Un  objet,  qui  dans  un 
état  A  suggère  une  série  de  souvenirs,  ne  suggère  plus 
rien  dans  l'état  B;  c'est  cependant  le  même  objet,  et  d'autre 
part  la  série  de  souvenirs  n'est  pas  détruite,  puisque  le  retour 
de  l'état  prime  leur  permettra  d'être  évoqués;  c'est  le 
mécanisme  du  rappel  qui  est  atteint.  De  même,  les  expé- 
riences de  suggestion  qui  font  revivre  à  une  personne  une 
époque  antérieure  de  sa  vie  ramènent  des  souvenirs  oubliés 
pendant  l'état  normal,  c'est-à-dire  des  souvenirs  que  les 
lois  ordinaires  de  l'association  sont  incapables  de  faire 
revivre.  Ces  lois  d'association  sont  par  conséquent  sou- 
mises à  des  influences  supérieures,  qui  tantôt  leur  permet- 
tent d'agir,  tantôt  les  suspendent.  A  elles  seules,  les  asso- 
ciations ne  suffisent  point  à  former  une  synthèse,  et  ce 
n'est  pas  en  associant  les  uns  aux  autres  des  événements 
psychologiques  qu'on  peut  réussir  à  expliquer  la  formation 
d'une  personnalité. 

Dans  des  conditions  d'expérience  un  peu  différentes, 
plusieurs  existences  psychologiques  coexistent  chez  un 
même  individu,  et  des  idées  appartenant  à  une  des  con- 
sciences suggèrent  d'autres  idées  à  l'autre  conscience. 
C'est  ainsi  que  lorsqu'on  provoque  l'écriture  automatique 
la  conscience  principale  pense  à  un  mot,  et  la  conscience 
secondaire  écrit  le  mot  ;  l'association  des  idées  n'est  point 
suspendue,  elle  opère  entre  deux  consciences;  mais,  par 
un  fait  assez  singulier,  les  deux  consciences  restent  cha- 
cune dans  ses  limites;  notamment  la  conscience  A  ne  sait 
rien  des  idées  et  des  mouvements  qu'elle  a  provoqués 
dans  le  domaine  de  la  conscience  B.  Ce  fait  d'expérience 
nous  montre  sous  un  jour  nouveau  l'impuissance  des 
associations  à  expliquer  la  formation  d'une  synthèse;  l'in- 
telligence ne  se  compose  pas  seulement  d'un  automatisme 
d'images  et  de  mouvements,  puisque  là  où  cet  automatisme 


320  LES  EXPERIENCES  DE   SUGGESTION 

se  poursuit  régulièrement,  une  conscience  peut  s'arrêter,  et 
une  personnalité  trouve  sa  limite. 

Tout  ceci  confirme  pleinement  les  idées  théoriques  si 
intéressantes  que  M.  Paulhan  a  récemment  développées  sur 
l'activité  des  éléments  de  la  pensée  \  M.  Paulhan  a  réduit 
quelque  peu  le  rôle  attribué  aux  associations  d'idées  et 
montré  que  ces  associations  ne  sont  que  des  ouvrières  au 
service  d'influences  supérieures  qui  les  dirigent. 

Si  ce  n'est  pas  l'association  d'idées  qui  est  le  ciment  de 
la  personnalité,  c'est-à-dire  qui  réunit  en  faisceau  des  phé- 
nomènes multiples  et  leur  donne  l'unité,  on  peut  penser 
que  ce  rôle  est  dévolu  à  la  mémoire.  On  a  longuement 
insisté  sur  la  mémoire,  comme  facteur  de  la  personnalité; 
on  a  même  plutôt  exagéré  son  rôle  qu'on  ne  l'a  diminué. 
Pour  beaucoup  de  philosophes  la  mémoire  serait  le  fonde- 
ment unique  de  notre  identité  personnelle.  Les  obser- 
vations que  nous  avons  rapportées  confirment-elles  cette 
opinion? 

Nous  avons  vu  des  personnalités  se  succéder  chez  un 
même  individu  physique;  nous  les  avons  vues  aussi  coexis- 
ter; ce  qui  a  fait  leur  séparation,  c'est  tout  d'abord  l'état 
de  la  conscience;  telle  personnalité,  avons-nous  remarqué, 
n'a  point  conscience  de  tout  un  groupe  de  phénomènes 
psychiques  intelligents;  ce  groupe  ne  fait  donc  pas  partie 
de  cette  personnalité;  l'absence  d'une  conscience  unifiante 
est  ce  qui  nous  permet  de  dire  qu'il  y  a  là  deux  personna- 
lités et  non  une  seule;  la  perte  de  conscience  prend,  dans 
certains  cas,  la  forme  matérielle  de  l'anesthésie;  dans  d'au- 
tres cas,  c'est  une  distraction,  c'est-à-dire  une  perte  de 
conscience  légère  et  fugitive.  Or,  la  perte  de  conscience 
conduit  à  la  perte  de  mémoire;  c'est  le  même  phénomène, 
avons-nous  dit  souvent,  car  la  mémoire  n'est  pas  autre 
chose  que  la  conscience  rétrospective;  l'amnésie  continue 
donc  l'anesthésie  ;  et  de  môme  que  l'anesthésie  est  la  bar- 
rière séparant  des  personnalités  coexistantes,  l'amnésie  est 

1.  l.\i.ctwilé  mentale  el  les  éléments  de  l'esprit.  Paris,  18S9. 


CONCLUSION  321 

la  barrière  qui  sépare  les  personnalités  successives.  Tous  les 
faits  que  nous  avons  étudiés  tendent  à  montrer  que  la 
mémoire  ou  d'une  façon  plus  générale  la  conscience  est  un 
facteur  de  la  personnalité. 

Est-ce  le  seul?  Nous  ne  le  croyons  pas,  et  nous  nous 
élevons,  avec  M.  Ribot,  contre  les  auteurs  qui  veulent  faire 
de  la  mémoire  le  seul  fondement  de  la  personnalité.  La 
preuve  que  cette  opinion  est  exagérée,  c'est  que  dans  cer- 
taines conditions,  une  personne  peut,  tout  en  gardant  la  cons- 
cience et  la  mémoire  de  certains  de  ses  états,  les  répudier, 
les  considérer  comme  étrangers  à  sa  personnalité.  La  som- 
nambule observée  par  M.  Pitres  se  rappelle,  comme  c'est 
la  règle,  les  événements  de  son  état  de  veille,  mais  ne  se 
les  attribue  pas;  elle  parle  de  la  personne  éveillée  comme 
d'une  personne  étrangère,  et  l'appelle  ï autre.  Même  lan- 
gage chez  le  personnage  subconscient  de  l'état  de  veille, 
qui  n'est  du  reste  qu'un  personnage  somnambulique  ;  il 
parle  à  la  troisième  personne  du  moi  normal,  qu'il  con- 
naît bien,  et  l'appelle  Vautre.  D'autres  exemples,  nom- 
breux et  démonstratifs,  pourraient  être  empruntés  aux 
ouvrages  des  aliénistes. 

Tout  ceci  montre  qu'une  seule  mémoire  peut  embrasser 
différents  états  sans  que  ces  états  soient  considérés  par 
l'individu  comme  faisant  partie  d'une  seule  personnalité. 
Le  jugement  qui  unifie  ces  états  ne  se  produit  pas.  L'indi- 
vidu ne  les  reconnaît  pas  tous  pour  siens,  il  n'y  retrouve  pas 
la  marque  de  sa  personnalité.  Pourquoi?  Nous  ne  le  savons 
pas  au  juste,  et  nous  ne  pouvons  faire  que  des  conjectures. 
Sans  doute,  il  y  a  une  manière  de  sentir  et  d'agir  qui  est 
propre  à  chacun  de  nous;  nous  avons  nos  affections,  nos 
goûts  et  nos  désirs;  nous  avons  même  notre  façon  de 
percevoir,  de  juger,  de  raisonner,  en  un  mot  de  penser; 
le  somnambule  en  se  représentant  la  période  d'existence 
de  son  état  de  veille  n'y  retrouve  ni  les  sentiments  ni  les 
pensées  ni  les  actes  de  la  vie  somnambulique;  malgré  la 
mémoire  qui  les  unit,  une  scission  se  fait  entre  ces  deux 
parties  d'une  même  existence,   et  la  somnambule  arrive 

A.   BiKET.  21 


322  LES  EXPÉRIENCES  DE  SUGGESTION 

à  cette  conclusion  :  ce  n'est  pas  moi  qui  ai  fait  tous  ces 
actes  qu'on  me  rappelle,  ce  n'est  pas  moi  qui  porte  ce  nom 
par  lequel  on  me  désigne,  c'est  une  autre. 

Il  reste  à  indiquer  la  plus  importante  conclusion  de  ces 
études.  Nous  voulons  parler  des  limites  de  la  conscience. 
On  a  admis  souvent  jusqu'ici  que  la  conscience  détermine 
elle-même  ses  limites,  et  que  là  où  elle  cesse  il  n'y  a  plus 
que  des  processus  physiologiques.  L'activité  nerveuse  de 
chacun  de  nous  serait  donc  de  deux  espèces  :  l'une  lumi- 
neuse, consciente  d'elle-même;  l'autre  aveugle,  dépourvue 
de  conscience  et  réduite  à  des  changements  matériels  qui 
s'accompliraient  dans  les  cellules  et  les  fibres  composant 
les  centres  nerveux.  On  a  même  fait  mainte  hypothèse  sur 
ces  points,  et  il  est  inutile  de  rappeler  les  théories  de  Car- 
penter,  de  Maudsley  et  de  Huxley  sur  la  cérébration  incon- 
sciente. Nous  en  avons  du  reste  déjà  dit  quelques  mots.  Il 
y  a  lieu,  semble-t-il,  de  reviser  ces  théories,  qui  ne  sont 
rien  moins  que  définitives.  Un  grand  nombre  de  théories 
physiologiques  ou  psycho-physiologiques  sont  devenues 
insensiblement  classiques,  sans  avoir  jamais  pu  justifier  de 
preuves  suffisantes;  à  force  de  les  répéter,  on  leur  a  donné 
de  l'autorité;  il  en  est  ainsi  pour  le  schéma  bien  connu  de 
l'activité  nerveuse,  qui  ne  repose  sur  aucune  donnée  his- 
tologique,  et  qui  est  même  démenti  par  les  faits  histo- 
logiques  récents;  il  en  sera  de  même,  nous  en  avons  la 
présomption,  pour  l'hypothèse  de  la  cérébration  incon- 
sciente. 

Cette  hypothèse  ne  repose  que  sur  le  témoignage  de  la 
conscience,  et  ce  témoignage  doit  être  tenu  pour  fort  sus- 
pect. Nous  avons  dit  que  l'oubli  est  souvent  purement 
relatif,  vrai  seulement  d'une  condition  mentale  particu- 
lière, et  non  pour  une  condition  mentale  différente;  nous 
avons  vu  également  que  l'inconscience  n'existe  qu'au 
regard  d'une  certaine  personnalité,  et  cesse  pour  une 
autre  synthèse  de  phénomènes.  En  un  mot,  il  peut  y 
avoir  chez  un  môme  individu,  pluralité  de  mémoires, 
pluralité  de   consciences,   pluralité  de   personnalités;   et 


CONCLUSION  323 

chacune  de  ces  mémoires,  de  ces  consciences,  de  ces  per- 
sonnalités ne  connaît  que  ce  qui  se  passe  sur  son  terri- 
toire. En  dehors  de  notre  conscience,  il  peut  se  produire 
en  nous  des  pensées  conscientes  que  nous  ignorons;  fixer 
la  nature,  l'importance,  l'étendue  de  ces  consciences  nou,s 
paraît  impossible  pour  le  moment;  il  se  peut  que  la  con- 
science soit  le  privilège  de  certains  de  nos  actes  psychi- 
ques; il  se  peut  aussi  qu'elle  soit  partout  dans  notre  orga- 
nisme; il  se  peut  même  qu'elle  accompagne  toutes  les 
manifestations  de  la  vie. 


FIN 


/•^0^i^^.:^>»^     y^^l^^^^^i.,^^  ^1^^^^ 


/2U^^^>*^^'<;2^^C^      a^^^^^^r^^^L.-i^-/^'^^    J^^^f^^^i^^^ ^ 

Introduction vu     "^L*^-"^ 

PREMIÈRE  PARTIE  t^sc^^ 
(k ,     V      5       «*       t-es  personnalités  successives. 

^  ^    T    J  ^^^^ 

/f^HAMTREfi   I-X~  Les  somnambulismes  spontanés . '^^ 

A^    A-       «y^x —  Les  somnambulismes  spontanés  (suite) ^^  ^ 

tltl —  Les  somnambulismes  provoqués 67^^^^-!*^ 

-^^.   ^       vj  DEUXIÈME  PARTIE  ^^ 

^'^        («^  Les  personnalités  coexistantes.  /7Z^^~^      -^^     ^ 

fPiTRE   f4L  —  L'insensibilité   des  hystériques.  —  Les   actes   sub-  ^^ 

conscients  de  répétition 81  ^^cj. 

•il.  —  L'insensibilité  des  hystériques  (suite).  —  Les  actes  ^^^-^^^ 

subconscients  d'adaptation 99       . 

^,    ,1IL  —  L'insensibilité  des  hystériques  (suite).  —  Caractères  /. 

^  ^       «                      généraux  des  actes  subconscients 110    '^y:^^^ 

^  S^/.      ^IV.  —  L'insensibilité  des  hystériques  (suite  et  lin).  —  Le  ^^^^L 

^_ «J  I  \f  T\               seuil  de  la  conscience 122-^/' 

^       K  J  V.  —  La  distraction 126'^--^>2^ 

^  A    —   ^  \^^-  —  Les  actions  volontaires  et  inconscientes 140                ^ 

H    \ — ■   '^  Wll.  — •  L'écriture  automatique  chez  les  hystériques 170     J^ 

\^ — V     VIIL  —  Les  idées  d'origine  subconsciente 183    ^^,^^ 

^  ^ —  V.  VlX.  —  La  pluralité  des  consciences  chez  les  sujets  sains..  197            ^-  ^ 

A   ■**        1  \  TROISIEME  PARTIE 

*"  OdLes  "itérations  de  la  personnalité  dans  les  expériences 

'i  ^  A    ^                                de  suggestion.  î2!^»y^ 

•^^pitmeIn  I.  —  Les  personnalités  fictives  créées  par  suggestion...  223 

\J    4k~"Ç/)\\  ^^*  ~~  ^^   rappel   des   personnalités   anciennes   par  sug-  *.  -^ 

iS^       •^                 gestion 236^^--^^ 

»  WV— ^>   wIL  —  Suggestions  d'actes 245 

"?)s^ — Y  i^lV.  —  Les  suggestions  à  point  de  repère  inconscient.  —  ^^ 

^^      T   L                 Les  hallucinations 252(^   ^^j; 

^     , —  \^^^'  —  Les  suggestions  à  point  de  repère  inconscient  (suite).  ***-<-<, 

*>    ^     y/û                  — La  mesure  du  temps ^^^  y^Y %^ 

'^—  $'*^'^^I-  —  L'anesthésie   systématique 265  ^^-"^'^«iîi 

N—  \     VIL  —  Le  dédoublement  de  la  personnalité  et  le  spiritisme.  293 

^-^    VIIL  —  Conclusion 312^/^ 


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H.  Maudsley.  Le  crime  et  la  folie.  6"  édition 6  fr. 

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animal,  avec  83  figures  dans  le  texte.  3«  édition 0  fr. 

Balfour  Stewarî.  La  conservation  de  l'énergie,  suivie  d'une  étude 
sur  La  nature  de  la  force,  par  P.  de  Saint-Robert.  5*^  édition.     6  fr. 

Draper.  Les  conflits  de  la  science  et  de  la  religion.  Se  édition.     6  fr. 

Léon  Dumont.  Théorie  scientifique  de  la  sensibilité.  4"^  édit.     6  fr. 

Schutzenberger.  Les  fermentations,  avec  28  figures.  5^  édition.     6  fr. 

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Bernstein.  Les  sens,  avec  91  figures  dans  le  texte.  4'=  édition.  .     6  fr. 

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Luys.  Le  cerveau  et  ses  fonctions,  avec  figures.  6^  édition,   .   .     G  fr, 

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Général  Brialmont.  La  défense  des  Etats  et  les  camps  retranchés, 
avec  nombreuses  figures  et  deux  planches  hors  texte.  3"  édit.     G  fr. 

A.  de  Quatrefages.  L'espèce  humaine.  10^  édition 6  fr. 

Blaserna  et  Helmholtz.  Le  son  et  la  musique,  avec  50  figures  dans 
le  texte.  4-e  édition ,   .   .   .    .     G  fr. 

Rosenthal.  Les  muscles  et  les  nerfs,  avec  75  fig.  3^  édit.   ...    G  fr. 

Brucke  et  Helmholtz.  Principes  scientifiques  des  beaux-arts,  suivis 
de  L'optique  et  la  peinture,  avec  39  figures.  3^  édition.   ...     G  fr, 

Wurtz.  La  théorie  atomique,  avec  une  planche.  G«  édit.  ...     G  fr, 

Secchi.  Les  étoiles.  2  vol.,  avec  60  figures  dans  le  texte  et  17  planches 
en  noir  et  en  couleurs,  tirées  hors  texte.  2e  édition 12  fr. 

N.  Joly.  L'homme  avant  les  métaux.  Avec  150  figures.  4^  édition.     G  fr. 

A.  Bain.  La  science  de  l'éducation.  7^  édition G  fr. 

Thurston.  Histoire  de  la  machine  a  vapeur,  revue,  annotée  et  aug- 
mentée d'une  Introduction  par  .7.  Hirsch,  avec  140  figures  dans  le 
texte,  16 planches  tirées  à  part  et  nombreux  culs-de-lampe.  3^  édition. 
2  vol 12  fr. 

R.  Hartmann.  Les  peuples  de  l'Afrique,  avec  91  fl.gures  et  une  carte 
des  races  africaines.  2«  édition G_  fr. 

Herbert  Spencer.  Les  bases  de  la  morale  évolutio.nniste.  4^  édi- 
tion  G  fr. 


—  II  — 

Th.. -H.  Huxley.  L'écrevisse,  introduction  à  l'étude  de  la  zoologie, 
avec  82   figures 0  fp. 

De  Roberty.  La  sociologie.  1  vol  in-8,  2«  édition 0  fr. 

O.-N.  Rood.  Théorie  scientifique  des  couleurs  et  leurs  applications  à 
Part  et  à  l'industrie,  avec  130  figures  dans  le  texte  et  une  planche 
en   couleurs 6  fr. 

G.  de  Saporta  et  Marion.  L'évolution  du  règne  végétal.  Les  crypto- 
games, avec  85  figures  dans  le  texte (3  fr. 

Charlton  Bastian.  Le  système  nerveux  et  la  pensée,  2  vol.,  avec 
d84  flg.  dans  le  texte.  2"  édition 12  fr. 

James  Sully.  Les  illusions  des  sens  et  de  l'esprit.  2°  édition.     G  fr. 

Alph.  de  CandoUe.  L'origine  des  plantes  cultivées.  3»  édition.     6  fr. 

Young.  Le  soleil,  avec  86  figures 6  fr. 

J.  Lubbock.  Les  fourmis,  les  abeilles  et  les  guêpes,  2  vol.,  avec  05  fig. 
dans  le  texte  et  13  planches  hors  texte  dont  5  en  couleurs.  .     12  fr. 

Ed.  Perrier.  La  philosophie  zoologique  avant  Darwin.  2"  éd.  .   .     6  fr. 

Stallo.  La  matière  et  la  physique  moderne.  ''2'^  édition 6  fr. 

Mantegazza.  La  physionomie  et  l'expression  des  sentiments,  avec 
8  planches  hors  texte.  2°  édition 6  fr. 

De  Meyer.  Les  organes  de  la  parole,  avec  51  figures.   ...     G  fr. 

DeLanessan.  Introduction  a  la  botanique.  Le  sapin,  avec  fig.  2'' éd.  6  fr. 

G.  de  Saporta  et  Marion.  L'évolution  du  règme  végétal.  Les  pha- 
nérogames. 2  vol.,  avec  136  figures 12  fr. 

E.  Trouessart.  Les  microbes,  les  ferments  et  les  moisissures,  avec 
107  fig.  dans  le  texte.  2'^'  édition 6  fr. 

R.Hartmann.  Les  singes  anthropoïdes,  et  leur  organisation  comparée 
à  celle  de  l'homme,  avec  63  fig.  dans  le  texte 6  fr, 

O.  Schmidt.  Les  mammifères  dans  leurs  rapports  avec  leurs  ancêtres 
géologiques,  avec  51  fig.  dans  le  texte G  fr. 

Binet  et  Féré.  Le  magnétisme  animal,  avec  figures  dans  le  texte. 
3«  édition G  fr. 

Romanes.   L'intelligence  des  animaux.  2  vol.  2°  édition.   .    .     12  fr. 

C.  Dreyfus.  L'évolution  des  mondes  et  des  sociétés.  2^  édition.     G  fr. 

F.  Lagrange.  Physiologie  des  exercices  du  corps.  5"^  édition,  G  fr. 
Daubrée.  Les  régions  invisibles  du  globe  et  des  espaces  célestes,  avec 

78  figures  dans  le  texte G  fr. 

Sir  J.  Lubbock.  L'homme  préhistorique.  2  vol.,  avec  228  flg.,  dans 

le  texte,  3^  édition 12  fr. 

Ch.  Richet.  La  chaleur  animale,  avec  graphiques  dans  le  texte.  6  fr. 
Faisan.  La  période  glaciaire,  étudiée  principalement  en  France  et  en 

Suisse,  avec  105  flg.  dans  le  texte  et  2  cartes 6  fr. 

H.  Beaunis.  Les  sensations  internes G  fr. 

Cartailhac.  La  France  préhistorique,  d'après   les  sépultures    et    les 

monuments,  avec  162  figures G  fr. 

Berthelot.  La  révolution  chimique,  Lavoisier G  fr. 

Sir  J.   Lubbock.  Les  sens,  l'instinct  et  l'intelligence  des  animaux, 

PRINCIPALEMENT    CHEZ    LES    INSECTES,    aVCC   Vlg.   danS    IC    ICXlC.     .     .       G  fr. 

Starcke.   La  famille  primitive G  fr. 

Arloing.  Les  virus,  avec  fig.  dans  le  texte G  fr. 

Topinard.  L'homme  dans  la  nature,  avec  figure- 0  fr. 

De  Quatrefages.  Darwin  et  ses  pnÉcuRSEuns  français (i  IV. 

De  Quatrefages.  Les  continuatei:rs  de  Darwin (i  fr. 

A.  Lefevre.  Les  races  et  i.ics  i..\.m;i:i:s.  {Smn^  presse.) 


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RIBOT  CTh.).  Les  maladies  de  la  mémoire.  1  vol.  in-18.  Tàd.  2  fr.  'M 

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FÉLIX  ALGAN,  Éditeur 

MEDECINE  -  SCIENCES 


CATALOGUE 

DES 

Livres  de  Fonds 


TABLE   DES    MATIÈRES 


Bibliothèque  scientifiûue  in- 
ternationale     2 

KécENTES    PUBLICATIONS    MEDI- 
CALES  ET   SCIENTIFIQUES  : 

Pathologie  et  thérapeutique  mé- 
dicales      6 

Pathologie  et  thérapeutique  chi- 
rurgicales      7 

Thérapeutique,    pharmacie,   hy- 
giène       9 

Anatomie,  physiologie, histologie.  10 
Maladies  mentales  et  nerveuses.  12 

Physique,  chimie 13 

Histoire  naturelle. . , U 

Anthropologie 15 

Magnétisme,  hypnotisme,  sciep- 

ces  occultes 15 

Histoire  des  sciences. 17 


Pages 
Bibliothèque    de    l'étudiant 

en  médecine 18 

Livres  scientifiques  et  médi- 
caux NON  CLASSÉS  DANS  LES 
SÉRIES       PRÉCÉDENTES  ,        par 

ordre   alphabétique    de    noms 
d'auteurs : 20 

Publications  périodiques  : 

Revue  de  médecine 31 

Revue  de  chirurgie 31 

Archives  italiennes  de  biologie.  31 

Journal  de  l'Anatomie 31 

Recueil  d'ophthalmologie. ......  32 

Annales  d'hydrologie 32 

Annales  des  sciences  psychi- 
ques  .'.  !  32 

Revue  mensuelle  d'anthropolo- 
gie .... . 32 

Revue  médicale  de  l'Est 32 


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CE    CATALOGUE    ANNULE    LES     PRECEDENTS 


On  peut  se  procurer  tous  les  ouvrages 

qui  se  trouvent  dans  ce  Catalogue  par  l'intermédiaire  des  libraires 

de  France  et  de  l'Étranger. 

On  peut  également  les  recevoir  franco  par  la  poste, 

sans  augmentation  des  prix  désignés,  en  joignant  à  la  demande 

des  TIMBRES-POSTE   FRANÇAIS  OU  uu  mandAt  suk  Paris 


PARIS 
108,   BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    108 

Au  coin  de  la  rue  Uautefeuille. 


JANVIER  1892 


BIBLIOTHÈQUE  SCIENTIFIQUE 

INTERNATIONALE 
Publiée  sous  la  direction  de  M.  Emile  ALGLAVE 


La  Bibliothèque  scientifique  internationale  est  une  œuvre  dirigée 
par  les  auteurs  mêmes,  en  vue  des  intérêts  de  la  science,  pour  la  po- 
pulariser sous  toutes  ses  formes,  et  faire  connaître  immédiatement  dans 
le  monde  entier  les  idées  originales,  les  directions  nouvelles,  les 
découvertes  importantes' qui  se  font  ciiaque  jour  dans  tous  les  pays. 
Chaque  savant  expose  les  idées  qu'il  a  introduites  dans  la  science  et 
condense  pour  ainsi  dire  ses  doctrines  les  plus  originales. 

On  peut  ainsi,  sans  quitter  la  France,  assister  et  participer  au  mou- 
vement des  esprits  en  Angleterre,  en  Allemagne,  en  Amérique^  en 
Italie,  tout  aussi  bien  que  les  savants  mêmes  de  chacun  de  ces  pays. 

La  Bibliothèque  scientifique  internationale  ne  comprend  pas  seule- 
ment des  ouvrages  consacrés  aux  sciences  pliysiques  et  naturelles,  elle 
aborde  aussi  les  sciejices  morales,  comme  la  philosophie,  l'histoire, 
la  politique  et  l'économie  sociale,  la  haute  législation,  etc.;  mais  les 
livres  traitant  des  sujets  de  ce  genre  se  rattachent  encore  aux  sciences 
naturelles,  en  leur  empruntant  les  méthodes  d'observation  et  d'expé- 
rience qui  les  ont  rendues  si  fécondes  depuis  deux  siècles. 

Cette  collection  paraît  à  la  fois  en  français,  en  anglais,  en  alle- 
mand et  en  italien  :  à  Paris,  chez  Félix  Alcan;  à  Londres,  chez 
C.  Kegan,  Paul  et  G'^  ;  à  New- York,  chez  Appleton  ;  à  Leipzig,  chez 
Brockhaus  ;  à  Milan,  chez  Dumolard  frères. 


LISTE  DES   OUVRAGES  PAR  ORDRE   D'APPARITION  (D 

73  VOLUMES  IN-8,  CARTONNÉS  A  l'anglaise,  CHAQUE  VOLUME  :   6  FRANCS. 

1.  J.  TYNDALL.  *  Lcm  Cilaeier«    et    les  Tranarormatlons  de  l'e*n. 

avec  figures.  1  vol.  in-8.  5«  édition.  (V.  P.)  6  fr. 

2.  BàGëHOT.  *  fiOlM  «elentlllqaes  du    déTeloppement  des  nations 

dans  leurs  rapports  avec  les  principes  de  la  sélection  naturelle  et  de 
l'hérédité.  1  vol.  in-8.  5«  édition.  6  fr. 

3.  M  VREY.  *  lia   Machine    animeile,   locomotion   terrestre  et  aérienne, 

avec  de  nombreuses  fijf.  4  vol.  in-8.  5*  édit.  augmentée.  (V.  P.)  6  fr. 

4.  BAIN.  ^  li'Eflprlt  et  le  Oorpa.   i  vol.   in  8.  5'  édition.  6  fr. 

5.  PETTIGREW.  *  I^a  JLoeoniotlon  ehea  le«  anlmanx,  marche, natation, 

1  vol.  in-8,  avec  figures.  2"  édit.  6  fr. 

S.   H  i;RBËRT  spencer.*  I.a  Science  sociale.  1  v.  in-8. 9* édit.  (Y.  P.)  6  fr. 

7.  SCHMIDT  (0.).  *  Lm  Descendance  de  riionime  et  1«  Darwinisme. 

1  vol.  in-8,  avec  fig.  5*  édition.  6  fr. 

8.  MADDSLËY.  *  f.e  Crime  et  la  Folie.  1  vol.  in-8.  5°  édit.  6  fr. 

9.  YAN  BËNEDEN.  *  i,es    Commensaux   et    les   Parasites  dans   le 

rècne  animal.  1  vol.  in-8,  avec  figures.  3* édit.  (Y.  P.)  6  fr. 

10.  BALPOUR   STEWâRT.   f.a   Conservation  de  l'énergie,  suivi  d'une 

Etude  sur  la  nature  de  la  force,  par  M.  P.  de  Saint-Robert,  avec 
figures.  1  vol.  in-8.  5'  édition.  6  fr. 

11.  DRAPER.   I.es  Confllls  de  la  science   et  de  la  relislon.  1  vol. 

in-8.  8«  édition.  6  fr. 

12.  L.  DUMONT.  *  Théorie  selentlflqae  de  la  sensibilité.  1  vol.  in-8. 

i"  édition.  6  fr. 


(1)  Lfis  titrcH  ni,iniii(!sd'iin  astérisque  ont  6U\  ailoplii.s  par  lu  Ministère  de  l'Inslruclion 
pilblique  pour  lf;s  Hibliolhcqiios  et  les  distriliutions  ([<•  prix  dos  Lycées  et  Collèges.  L'^s 
titres  inaripids  V.  1'.  sont  adojilcs  pour  les  dislributioiis  de  prix  et  les  bibliollicqucs  do  la 
ville  de  Paris. 


13.  SCHUTZENBERGER.     Cea     Fermentation*.  1  vol.  in-8,   avec  ûg. 

58  édition.  6  fr. 

14.  WHITNEY.  *  I.a  TIe  dn  lansase.  1  vol.  in-8.  3»  édit.  (V.  P.)     6  fr. 
16.    COOKE  et  BERKELEY.    I.e«  Champignons.  1  vol.  in-S,  avec  figures. 

4^  édition.  6  fr. 

16.  BERNSTEIN.  *  tea  Sens.  1  vol.  in-8,  avec  91  fig,  4^  édit.  (V.  P.)  6  fr. 

17.  BERTHELOT.  *E,a  Synthèse  eiilmiqne.  1vol. in-8.  6«édit.(V.  P.)  6  fr. 

18.  VOGEL.  *  lia  PbotoKraptaie   et  la  Chimie  de   la  lumière,  avec 

95  figures.  1  vol.  in-8.  4^  édition.  (V.  P.)  6  fr. 

19.  LUYS.  lie  *  Cerveau  et  ses  fonetions,  avec  figures.  1  vol.  in-8. 

6«  édition.    (V.P.)  6  fr, 

20.  STANLEY  JEVONS.*  La  Monnaie  et  le  Héeanlsme  de  l'échange. 

1  vol.  in-8.  4»  édition.  (V.  P.)  6  fr, 

SI.  FUCHS.  *  Les  Tolcans  et  les  Tremblements  de  terre.  1  vol.  in-8, 

avec  figures  et  une  carte  en  couleur.  4''  édition.  (V,  P.)  6  fr. 

22.  GÉNÉRAL  6RIALM0NT.  *  Les    Camps    i;etranehés   et   lenr   rôle 

dans  la  défense  des  États,  avec  fig.  dans  le  texte  et  2  plan- 
ches hors  texte.  3^  édit.  6  fr. 

23.  DE  QUATREFÂGES.  *  L'Espèce  humaine.  1  vol.  in-8.  10*  édition. 

(V.  P.)  6  fr. 

24.  BLÂSERNÂ   et  HELMHOLTZ.  *  Le  Son  et  la   Musique.  1  vol.  in-8, 

avec  figures.  4^  édition,  (V.  P.)  6  fr. 

25.  ROSENTHAL.  *  Les  Wferfs  et  les  Muscles.  1  vol.  in-8,  avec  75  figu- 

res. 3«  édition.  (V.  P.)  6  fr. 

26.  BRUCKE   et  HELMHOLTZ.   *  Principes    scientiOqnes  des   beaux- 

arts.  1  vol.  in-8,  avec  39  figures.  3^  édition.    (V.  P.)  6  fr. 

27.  WURTZ.  *  La  Théorie  atomique.  1  vol.  in-8.  5«  édition.  (V.  P.)  6  fr. 
28-29.  SECCHl  (le  père).  *  Les  Étoiles.  2  vol.  in-8,  avec  63  figures  dans  le 

texte   et  17  planches  en  noir  et  en  couleur   hors  texte.  2«  édition 
(V.  P.)  12  fr. 

30.  JOLY.*  L'Homme  avant  les  métaux.  1  vol.  in-8,  avec  figures.  4^  édi- 

tion. (V.P.)  6fr. 

31.  A. BAIN.*  LaSciencedel'éducation.  lvoLin-8.7«édit.(V.  P.)  6  fr. 
32-33.  THURSTON  (R.)  *  .Histoire  de  la  machine  à  vapeur,  précédée 

d'une  Introduction  par  M.  Hirsch.  2  vol.  in-8,  avec  140  figures  dans 
le  texte  et  16  planches  hors  texte.  3«  édition.  (V.  P.)  12  fr. 

34.  HARTMANN    (R.).    Les  Peuples    de  l'Afrique.    1    vol.  in-8,  avec 

figures.   2»  édition.  (V,  P.)  6  fr. 

35.  HERBERT    SPENCER.    Les    Bases  de  la  morale  évolutionnlste. 

1  vol.  in-8.  4«  édition.  6  fr. 

36.  HUXLEY.   L'Écrevisse,  introduction    à    l'étude  de  la  zoologie.  1  vol. 

in-8,  avec  figures.  6  fr. 

37.  DE   ROBERTY.  De  la  Sociologie.  1  vol.  in-8.  2«  édition.  6  fr. 

38.  ROOD.    Théorie   scientlOque    des    couleurs.     1     vol.    in-8,    avec 

figures  et  une  planche  en  couleur  hors  texte.  (V.  P.)  6  f r. 

39.  DE  SAPORTA  et  MARION.  L'Évolution  dn  règne  végétal  (les  Crypto. 

games).  1  vol.  in-8  avec  figures.  (V.  P.)  6  fr. 

40-41.  CHARLTON  BASTIAN.  Le  Cerveau,  organe  de  la  pensée  chn 

l'bommeetcheziesanimaax.  2vol.  in-8,  avec  figures.  2^éd.   12  fr. 

42.  JAMES  SULLY.  Les  Illusions  des    sens  et  de  l'esprit.  1  vol.  in-8, 

avec  figures.  2*  édit.    (Y.  P.)  6  fr. 

43.  YOUNG.  Le  Soleil.  1  vol.  in-8,  avec  figures.  (Y.  P.)  6  fr. 

44.  De  CANDOLLE.   L'Origine  des  plantes  cultivées.  3«  édition.  1  vol. 

in-8.  (V.  P.)  6fr. 

45-46.  SIR  JOHN  LUBBOCK.  Fourmis,  abeilles  et  guêpes.  Études 
expérimentales  sur  l'organisation  et  les  mœurs  des  sociétés  d'insectes 
hyménoptères.  2  vol.  in-8,  avec  65  figures  dans  le  texte  et  13  plan- 
ches hors  texte,  dont  6  coloriées.  (V.  P.)  12  fr. 


_  4  — 

47.  PERRIER  (Edm.).    I^a   Philosophie   zoologlque    avant  Oarwin. 

1  vol.  in-8.  2»  édition,  (V.  P.)  6  fr. 

a^.  STALLO.  I.a  Matière  et  la  PhyMqae  moderne.  1  vol.  in-8,  2«  éd. 
précédé  d'une  Introduction  par  Friedel.  6  fr. 

^9.  MA.NTEGAZZA.  lia  Physionomie  et  l'Expression  des  sentiments. 
1  vol.  in-8.  2^  édit.,  avec  huit  planches  hors  texte.  6  fr. 

60.  DE  MEYER.  lies  Organes  de  la  parole  et  lenr  emploi  poar 
la  formation  des  sons  du  langage.  1  vol.  in-8,  avec  51  figures, 
traduit  de  l'allemand  et  précédé  d'une  Introduction  par  M.  0.  Cla- 
veau. ,  ^/'■• 

51.  DE  LANESSAN,  Introduction  à  l'Étude  de  la  botanique  (le Sapin). 
1  vol.  in-8,  2"  édit.,  avec  143  figures  dans  le  texte.  (V.  P.)        6  fr. 

52-53.  DE  SAPORTA  et  MARION.  li'évolution  du  règne  végétal  (les 
Phanérogames).  2  vol.  in-8,  avec  136  figures.  12  fr. 

54.  TROUESSART.  lies  Microbes,  les  Ferments  et  les  Moisissures. 
1  vol.  in-8,  2«  édit.,  avec  107  figures  dans  le  texte.  (V:  P.)        6  fr. 

65.  HARTMANN  (R.).  lies  Singes  anthropoïdes,  et  leur  organisation 
comparée  à  celle  de  l'homme.  1  vol.  in-8,  avec  63  figures  dans 
le  texte.  6  fr. 

56  SCHMIDT  (0.).  lies  Mammifères  dans  leurs  rapports  avec  leurs 
ancêtres  géologiques.  1  vol.  in-8  avec  51  figures.  6  fr. 

67.  BINET  etFÉRÉ.  I-e  Magnétisme  animal.  1  vol.  in-8,  avec  figures. 
3«  édit.  ,  .6.  ^^^ 

58-59    ROMANES.  li' intelligence  des  animaux.  2  vol.  in-8.  2"  édition. 

(V.  P.)  \^  iT- 

60.  F.LAGRANGE.  Physiologie  des   exercices  du  corps.   1   vol.  in-8. 

à^  édition  (V.  P.)  6  fr. 

61.  DREYFUS  (Camille).  Évolution  des  mondes  et  des  sociétés.  1  vol. 

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62.  DAUBRÉE     liCS    régions    Invisibles   du    globe    et   des   espaces 

célestes.  1  vol.  in-8  avec  78  grav.  dans  le  texte.  2«  éd.  (V.  P.)   6  fr. 

63-64.  SIR  JOHN  LUBBOCK.   *  li'homme   préhistorique.   2   vol.    in-8. 

avec  228  gravures  dans  le  texte.  3«  édit.  12  fr. 

65.  RICHET  (Ch.).  lia  chaleur  animale.  1  vol.  in-8,  avec  figures.        6  fr. 

66.  FALSAN.  (A.).  lia  période  glaciaire  principalement  en  France  et 

en  Suisse.  1  vol.  in-8,  avec  105  grav.  et  2  cartes,  (V.  P.)         6  fr. 

67.  BEAUNIS  (H.).  l.es  Sensations  internes.  1  vol. in-8.  6  fr, 

68.  CARTAILHAC  (E.).  lia  France  préhistorique,  d'après  les  sépultures 

et  les  monuments.  1  vol.  in-8,  avec  162  gravures.  (V.  P.)  6  fr. 

69.  BERTHELOT.  *  lia  Révolution    chimique,    liavoisier.    1    vol.    in-8 

avec  gravures.  "  ""• 

70.  SIR  JOHN  LUBBOCK.    *    I-es  sens  et  l'instinct  chc»  les  animaux, 

principalement  chez  les  insectes.  1  vol.  in-8,  avec  150  grav.  6  fr. 

71.  STARCKE.  *  lia  famille  primitive.  1  vol,  in-8.  6  fr. 

72.  ARLOING,  *  liCs  virus.  1  vol.  in-8,  avec  fig.  6  fr. 

73.  TOPINARD  li'oom me  dans  la  Halure.  1vol.  in-8,  avec  fi^'.  1892.  6  fr. 

OUVRAGES  SUR  LE  POINT  DE  PARAITRE  : 
BINET    (Alf.).    liCS   altérations  do  la  personnalité.  1  vol.  in-8,  avec  fig. 
DE  QUATREFAGES  (Ch.).  Darwin  et  ses  précurseurs  français.   1  vol. 

iri-S".  2«  édition  refondue. 
GUIGNET.  Poteries,  verres  et  émaux.  1  vol.,   avec  gravures. 
ANDRÉ  fCh.).  liC  système  solaire.  1  vol.  in-8.,  avec  gravures. 
KUNCKEL   D'HERCULAIS.  Les  sauterelles.  1  vol.,  avec  gravures. 
ROMIEUX.  liB  topographie  et  la  géologie.  1  vol.,  avec  grav,  et  cartes. 
MO.ITILLET  (de).  L'Origine  de  l'homme.   1   vol.,  avec  figures. 
PERRIER  (E.).  li'Embryogénie  générale.  1  vol.,  avec  figures. 
LACA8SAGNE.  Lcm  Criminels.   1  vol.,  avec  figures. 
POUCHET  (G  ).  La  forme  et  la  vie.   1  vol.,  avec  figures. 
6ERTILL0N.  La  démographie.  1  vol. 
CARTAILHAC.  Les  Gaulois.  1  voU,  avec  gravures. 


—  5  — 
LISTE  PAR  ORDRE  DE  MATIÈRES   DES    VOLUMES 

COMPOSANT  LA 

BIBLIOTHÈQUE 

SCIENTIFIQUE   INTERNATIONALE 

(•73    volumes    parns) 


PHYSIOLOGIE 

BiNET  et  FÉRÉ.  Le  Magnétisme  animal,  illustré. 
Bernstein.  Les  Sens,  illustré. 
Marey.  La  Macliirie  animale,  illustré. 
Pettigrew.  La  Locomotion  chez  les  animaux,  ill. 
Rosenthal.  Les  Nerfs  et  les  Muscles,  illustré. 
James  Sully.  Les  Illusions  des  Sens  et  de  l'Es- 
prit, illustré. 
De  M«;yer.  Les  Organes  de  la  parole,  illustré. 
Lagrange.  Physiologie  des  exercices  du  corps. 
RiCHET  (Ch.).  La  chaleur  animale,  illustré. 
Beaunis.  Les  sensations  internes. 
Arloing.  Le  Virus,  illustré. 

PHILOSOPHIE    SCIENTIFIQUE" 

Romanes.  L'Intelligence  des  animaux.  2  vol.  illust. 

LUYS.  Le  Cerveau  et  ses  fonctions,  illustré. 

Charlton  Bastian.  Le  Cerveau  et  la  Pensée  chez 
l'homme  et  les  animaux.  2  vol.  illustrés. 

Bain.  L'Esprit  et  le  Corps. 

Maudsley.  Le  Crime  et  la  Folie. 

LÉON  DuMONT.  Théorie  scientifique  de  la  sensi- 
bilité . 

Perrier.  La  Philosophie  zoologique  avant  Darwin. 

Stallo.  La  Matière  et  la  Physique  moderne. 

Mantegazza.  La  Physionomie  et  l'expression  des 
sentiments,  illustré. 

Dreyfus.  L'Évolution  des  mondes  et  des  sociétés. 

LUBBOCK.  Les  Sens  et  l'Instinct  chez  Tes  animaux, 
illustré. 

ANTHROPOLOGIE 

De  Quatrefages.  L'Espèce  humaine. 
JOLY.  L'Homme  avant  les  métaux,  illustré. 
LuBBOCK.  L'Homme  préhistorique,  2  vol.  illustrés. 
Hartmann.  Les  Peuples  de  l'Afrique,  illustré. 
Cartailîiac.  La  France  préhistorique,  illustré. 
TOPINARD.  L'homme  dans  la  nature,  ilktstré. 

ZOOLOGIE 

ScHMiDT.  Les  Mammifères  dans  leurs  rapports  avec 
leurs  ancêtres  géologiques,  illustré. 
,  ScHMiDT.  Descendance  et  Darwinisme,  illustré. 

Huxley.  L'Écrevisse  (introduction  à  la  zoologie),  ill. 

Van  Beneden.  Les  Commensaux  et  les  Parasites 
du  règne  animal,  illustré. 

LUBBOCK.  Fourmis,  Abeilles  et  Guêpes.  2  vol. 
illustrés. 

Trouessart.  Les  Microbes,  les  Ferments  et  les 
Moisissures,  illustrés. 

Hartmann.  Les  Singes  anthropoïdes  et  leur  orga- 
nisation comparée  à  celle  de  l'homme,  illustré. 


règne 


BOTANIQUE  —  GEOLOGIE 

De   Saporta    et  Marion.   L'Évolulion    du 
végéta)  (les  Cryptogames),  illustré. 

De  Saporta  et  Marion.    L'Évolution    du    règne 
végétal  (les-Phanérogames).  2  vol.  illustrés. 

C00KE  et  Berkeley.  Les   Champignons,  illustré. 

De  Candolle.  Origine  des  Plantes  cultivées. 

De  Lanessan.    Le  Sapin   (iniroduction  à   la  bota- 
nique), illustré. 

FucHS.  Volcans  et  Tremblements  de  terre,  illitstré. 

Daubrée.  Les  Régions  invisibles  du  globe  et  des 
Espaces  célestes. 

CHIMIE 

WURTZ.  La  Théorie  atomique. 
Berthelot.  La  Synthèse  chimique. 
Berthelot.  La   Révolution  chimique,  Lavoisier. 
SCHUTZENBERGER.  Les  Fermentations,  illustré. 

ASTRONOMIE—   MÉCANIQUE 

Secchi  (le  Père).  Les  Étoiles.  2  vol.  illustrés. 

YouNG.  Le  Soleil,  illustré. 

Thurston.  Histoire  de  la  Machine  à  vapeur.  2  vol. 

illustrés. 

PHYSIQUE 
Balpour  Stewart.  La  Conservation  de  l'énergie, 

illustré.- 
Tyndall.   Les  Glaciers  et  les  Transformations  de 

l'eau,  illustré. 
Falsan.  La  période  glaciaire,  illustré. 
VOGEL.  Photographie  et  Chimie  de  la  lumière,  illust. 

THÉORIE    DES    BEAUX-ARTS 

Brucke  et  Helmholtz.  Principes  scientifiques  des 

Beaux-Arts,  illustré. 
RooD.  Théorie   scientifique  des  couleurs,  illustré. 
P.  Blaserna  el  Helmholtz.  Le  Son  et  la  Musique, 

illustré. 

SCIENCES    SOCIALES 
Herbert    Spencer.    Introduction    à    la    science 

sociale. 
Herbert  Spencer.  Les  Bases  de  la  Morale  évol'u- 

tionniste. 
A.  Bain.  La  Science  de  l'éducation. 
Bagehot.  Lois  scientifiques  du  développement  des 

nations. 
De  Roberty.  La  Sociologie. 
Draper.  Les  Conflits  de  la  science  et  do  la  religion. 
Stanley  Jevons.  La  Monnaie  et  le  Mécanisme  de 

l'échange. 
Brialmont  (le  général).    La   Défense  des  États  el 

les  Camps  retranchés,  illustré. 
Whitney.  La  Vie  du  langage. 
Starcke.  ~La  Famille  primitive,  ses  origines,  son 

développeraont. 


Prix  de  chaque  volume,  cartonné  à  l'anglaise. 6  francs. 


RÉCENTES  Pl]BLlCATIOPiS  MÉDIfilES  ET  SCIENTIFIQUES 


Pathologie  et  thérapeutique  médicales. 

AXENFELD  et  HUCHARD.  Traité  dos  névroses.  2^  édition,  augmentée 
de  70O  pages  par  Henri  Huchard,  médecin  des  hôpitaux.  1  fort  vol. 
in-8.  1832.  20  fr. 

BOUCHUT  ET  DESPRÉS.  Dictionnaire  de  médecine  et  de  théra- 
peutique médicale  et  cliirurgicale,  comprenant  le  résumé  de  la 
médecine  et  de  la  chirurgie,  les  indications  thérapeutiques  de  chaque 
maladie,  la  médecine  opératoire,  les  accouchements,  l'oculistique, 
l'odontotechnie ,  les  maladies  d'oreille ,  l'électrisation,  la  matière 
médicale,  les  eaux  minérales  et  un  formulaire  spécial  pour  chaque 
makidie.  5®  édit.  1889,  très  augmentée.  1  vol,  in-4,  avec950  figures 
dajHS  le  texte  et  3  cartes.  * 

Prix:  broché.  25  fr.  —  Cartonné.  27  fr.  50.  —  Relié.  29  fr. 
COHNIL  et  BABES.  £.es  bactéries,  et  leur  rôle  dans  l'histologie  patho- 
logique des  maladies  infectieuses.  2  vol.  gr.  in-8 ,  contenant  la 
description  des  méthodes  de  bactériologie,  i'  édit.  1890,  avec  385 
figUifes  en  noir  et  en  couleurs  dans  le  texte  et  12  planches  hors 
texte.  40  fr. 

DÀ'MÂSCfill^O.  lieçons  sur  les  maladies  des  voles  digestives. 
1  vol.  in-8.  3e  tirage.  1888.  14  fr. 

DAVID.  liCS  microbes  de  la  bouche.  1  vol.  in-8,  avec  113  gravures 
en  noir  et  en  plusieurs  couleurs  dans  le  texte,  précédé  d'une  letlre- 
préface  de  M.  Pasteur.   1890.  10  fr. 

DÉJiEKlNE  (J.).  Sur  Tatrophic  musculaire  des  ataxiqucs 
(névrite  motrice  périphérique  des  ataxiques),  étude  clinique  et 
anatomo-pathologique.  1  vol.  in-8.  1889.  3  fr. 

DÉJERINË  KLUMPKE  (M'"^).  Des  polynévrites  et  des  paralysies 
et  atrophies  saturnines,  étude  clinique  et  anatomo-pathologique. 

1  vol.  gr.  in-8,  avec  gravures.  1889.  6  fr. 
DEMANGE.     Etude    clinlqoe    et  anatomo-pathologique   sur  la 

vieillesse.  1  vol,  in-8,  avec  5  planches  hors  texte.  1886.  4  fr. 

DESP&ÉS,  Traité  théorique  et  pratique  de  la  syphilis,  ou  infec- 
tion purulente  syphilitique.  1  vol.  in-8.  7  fr. 

DUCKWORTH  (Sir  Dyn),  l,a  goutte,  hygiène  et  traitement,  traduit 
de  l'anglais  par  M.  le  D''  RoDET,  et  précédé  d'une  préface  de  M.  le 
D""  LÉCORCHÉ.  1  vol.  gr.  in-8,  avec  grav.  dans  le  texte.    Sous  presse. 

DURAND-FARDEL.  Traité  pratique  des  maladies  chroniques. 

2  vol.  gr.  in-8.  20  fr. 
DURAND-FARDEL,   Traité  des  eaux   minérales  de  la  France   et 

de  l'étranger,  et  de  leur  emploi  dans  les  maladies  chroniques. 
3e  édition.  1883.  1  vol.  in-8.  10  fr. 

DURAND-FARDEL.  £,es  eaux  minérales  et  les  maladies  cbro- 
Btquos.  Leçons  professées  à  l'École  pratique.  2'  édit.  1885.  cart. 
à  l'aiiglaise.  ♦  fr. 

FÉKÉ(Ch.).  Dégénérescence  et  criminalité.  1  vol. in-18, 1888. 2  fr. 50 

FÉRÉ  (Ch.).  Du  traitement  des  aliénés  dans  les  familles.  1  vol. 
in-18.  1889.  2  fr,  50 

FÉRÉ  (Ch.).  l,es  épilepsies  et  les  épileptiques.  1  vol.  gr.  in-8, 
avec  12  planches  hors  texte  et  67  figures  dans  le  texte.  1890.   20  fr. 

FINGER.  I^a  syphilis,  traduit  de  l'allemand  par  les  docteurs  DoYON  et 
Spillmann.  1   vol.  in-8'',  avec  grav.  Sous  presse. 

HÉRARD,  CORNIL  et  HANOT.  De  la  phthisie  pulmonaire,  étude 
anatomo-pathologique  et  clinique.  1  vol.  in-8,  avec  65  fig.  en  noir  et 
en  7  couleurs  dans  le  texte  et  2  planches  coloriées.  2*  édit.  entière- 
ment HOTaniée.  1888.  20  fr. 

ICARD.  lia  rcmmc  pondant  la  période  menstruelle,  étude  de 
psychologie  morbide  et  de  médecine  légale.  1  vol.  in-8.  1890.   6  fr. 

LANCEREAUX.  Traité  historique  et  pratique  de  la  syphilis. 
2*  édition,  1  vol.  gr,  in-8,  avec  fig.  et  planches  coloriées.         17  fr. 


LANDOUZY  et  DÉJERINE.  De  la  myopathie  atrophique  pro- 
gressive (Myopathie  héréditaire  sans  névropathie,  débutant  d'ordi- 
naire dans  l'enfance  par  la  face).  1  vol.  in-8,  avec  %.  1885.  S  fr,  50 

LEFÈBVRE.  »es  déformations  ostéo-articulaires,  consécutives  à 
des  maladies  de  l'appareil  pleuro-pulmonaire  (ostéo-arlhropathie 
hypertrophiante  de  Marie).  1  vol.  iii-8,  avec  gravures.  1891 .    It  fr.  50 

LEMOINE  (&).I»e  l-antisepsic  médicale.  1  vol.  in-8. 1886.     3  fr,  50 

MARTINEAU.  Traité  cliaique  des  affections  de  l'utérus.  1  foït 
vol.  gr.  in-8.  14  fr. 

MARTINEAU,  I^eçons  sur  la  thérapeutique  de  la  métrite.  1  vol. 

in-8.  .3  '"'*• 

NICATl  et  RIETSCH.  Recherches  sur  le  choléra.  1  vol.  in-8. 
2"  éd.  1886.  5  fr. 

ONIMUS  et  LEGROS.  Traité  d'électricité  médicale.  1  fort  vol. 
in-S,  avec  275  fig.  dansle  texte.  2^  éd.  parleD'^Onimus.  1887.    17  fr. 

PARISOT.  pathogénio  des  atrophies  musculaires.  1  vol.  in-8. 
1886.  ^  fr- 

PITRES.  »es  hypertrophies  et  des  dilatations  cardiaques  indé- 
pendantes des  lésions  valvulaires^  l'vol.  in-8.  1878.    3  fr.  50 

RILLIET  et  BARTHEZ.  Traité  clinique  et  pratique  des  maladies 
des  enfants.  3«  édition,  refondue  et  augmentée  par  E.  Barthez  et 

A.  Sanné. Tome  P'.  Maladies  du  système  nerveux,  maladies  dé 

l'appareil  respiratoire.  1  fort  vol.  gr.  in-8.  1884.  ICft-. 

Tome  II.  Maladies  de  Vappareil  circulatoire,  de  l'appareil  digestif 
et  de  ses  annexes,  de  Vappareil  génito-urinaire,  de  Vappareil  de^ 
l'ouïe,  maladies  de  la  peau-  1  fort  vol.  gr.  in-8.  1887.  T4!fr. 

Tome  III  terminant  l'ouvrage.  Maladies  spécifiques,  maifmies 
générales  constitutionnelles.  1  fort  vol.  gr.  in-8,  1890.  ;a§6fr. 

SPRINGER.  E,a  croissance.  Son  rôle  en  pathologie.  Essai  de  p»ttrô'- 
logie  générale.  1  vol.  in-8.   1890.  ^  _#,*•• 

TARTENSON.    Traité    clinique  dos  fièvres  larvées.   1  vol.,i,|iB8. 

1887.  C'f*"- 

Pathologie  et  thérapeutique  chirurgicales 
ANGER  (Benjamin).   Traité  iconographique    des    fractures    et 
luxations.  1  fort  vol.  in-4  avec  100  pi.  hors  texte  color.,  contenant 
254fig.etl27  bois  interc,  dansle  texte.  2nir.,  1886.  Relié.   ISCffr. 
ARMAIGNAG.    Mémoires    et     observations     d'ophtalmologie 
pratique.  1  vol.  in-8  avec  gravures,  1889.  f^^^- 

BILLROTH  et  WINIWARTER.  Traité  de  pathologie  et  de  cliiiitpue 
chirurgicales  générales,  traduit  de  l'allemand  par  M.  le  dbtteur 
Delbastaille,  d'après  la  10«  édition  allemande.  2*  édition  française, 
1886.  1  fort  vol.  gr.  in-8,  avec  180  fig.  dans  le  texte.  J2.0  fr. 

BOECKEL  (Jules).  Sur  les  Uystes  hydatiques  du  rein  au  i^oint 
de  vue  chirurgical.  1  vol.  in-8.  1887.  2  fr. 

BOECKEL  (Jules).  Oe  la  résection,  du  genou,  étude  basée  sur 
64  observations  personnelles.  1  vol.  in'8.  1889.  S' fr. 

BOECKEL    (Jules).    »es  Uystes    du    pancréas,   chirurgie    du.  pan- 
créas. 1  vol.  in-8.  1891.  f.^"^- 
DELATTRE  (G. -A.).  Traité  de  dystocie  pratique.  1886.  1  volf^îh-8, 
avec  9  planches  hors  texte.                                                            10  fr. 
DELBET.  ou  traitement  des  anévrysmes.  1  vol.  in-8.  1889.      5  fr. 
DELORME.  Traité  de  chirurgie  de  guci-re.    —  Tome  1.  Histoire 
de   la  chirurgie  militaire  française,  plaies  par  armes  à  feu  des 
parties  molles.  1  fort  vol.  gr.  in-8,  avec  95  figures  dans  le  teiW'^iét 
une  planche  en  chromolithographie.                                             rp'^^" 
Tome  II,  complétant  l'ouvrage,  paraîtra  en  mars  1892.         '    '  * 
EHRMANN.   Des  opérations  plastiques  sur  le  palais  che«**ên- 
fant.  1  vol.  in-8,  avec  12  planches  hors  texte.  1889.              ^^. 
GALEZOWSKI.    Des  cataractes  et  de  leur  traitement,  l^""  fascSMfe* 
1885.  1  vol.  in-8.                                                                        ^  ^■^f'^ 
Le  2«  fascicule  terminant  l'ouvrage.                              Sous  pmée. 


GROSS.  Manuel    du   torancarclicp,  avec   92  dessins  dans  le  texte. 

1  vol.  in- 18.  1884.  3  fr.  50 

HACHE  (M.).  Etude  clinique  sur  les  cystite».  1  vol.  in-8.  3  fr.  50 
JAMAIN  et  TERRIER.  Manuel  de  petite  chirui-gie.  1885,  6«édit., 

refondue.  1  vol.  gv.  in-18  de  1000  pages,  avec  450  figures.  9  fr. 

JAMAIN   et  TERRIER.    Manuel    de    pathologie   et    de    clinique 

chirurgicale.   3^  édition. 
Tome  premier.  1  fort  vol.  in-18.  8  fr. 

Maladies  qui  peuvent  se  montrer  dans  toutes  ou  presque  toutes 

les  parties  du  corps  :  lésions   inflammatoires,  traumatiques;  lésions 

consécutives  au  traumatisme  ou  à  l'inflamm^Uion.  Maladies  virulentes. 

Tumeurs.  —   Affections   des  divers   tissus  et  systèmes  qrganiques. 

Affections  du  tissu  ceflulaire,  maladies  des  bourses  séreuses.  Affections 

de  la  peau,  «les  veines,  d'^s  artères,   des  ganglions  lymphatiques,  des 

nerfs,  des  muscles,  des  tendons,  des  os. 
Tome  deuxième.  1  vol.  in-18.  8  fr. 

Maladies  des  articulations.  —  Affections  des  régions  et  appareils 

organiques  :  affections  du   crâne  et  du  cerveau,  du  rachis,  maladies 

de  l'appareil  olfactif,   de   l'appareil  auditif,  de  l'appareil  de  la  vision. 

Tome  tboisième,  p.  MM.  Terrier,  Broca  et  Hartmann.  1  vol.  in-18.  8  fr. 

Malad.  de  l'appareil  delà  vision  (suite),  de  la  fai'e,  des  lèvres,  des  dents. 

Tome  QUATRIÈME,  par  MM.  Terrier,  Broca   et  Hartmann.  1  vol.  in-18. 

^1889-1892.  8  fr. 

Maladies  des  gencives,   des   maxillaires,  de  la  langue,  de  la  région 

;  parotidienne,  des  amygdales,  de  l'œsophage,  des  voies  aériennes,  du 

larynx,  de  la  trachée,  du  corps  thyroïde,  du  cou,  de  la  poitrine,  du 
.iîsein,  delamamille,  etc. 

Tomes  cinqdièjâe  et  sixième  terminant  l'ouvrage.  Sous  presse. 

LE  FORT.   La  «orographie  cranio-céréhrale,  applications  chirur- 
gicales. 1  vo!':?if-8,  avecfig.,  2^  édition.  Sous  presse. 
MALGAIGNE    et    LE    FORT.    Manuel  de  médecine  opératoire. 

9^  édit.  2  vol. 'gf;iii'-l8  avec  787  fig.  dans  le  texte,  (1887-1889.)  16  fr. 
iÏAUNÔURY  et  SALMOM.  Manuel  de  l'art  des  accouchements, 
'a    l'usagé    clés    élèves' "è'n    médecine    et    des    élèves  sages-femmes. 

3^  édit.  1  vol.  in-18  avec  115  grav.  7  fr. 

P.ÀÇJET  (Sir  James),  i^cç^ns  de  clinique  chirurgicale,  traduites  de 
'   l'anglais  par  M.  le  docteur  JL.-H.  Petit,  et  précédées  d'une  Intro- 

ductioa  de  M.  le  professeur,  Yerneuil.  1  vol.  gr.  in-8.  8  fr. 

■ni',):    '..     ■        ^      r.        i     :,|        ::.'■•      i  M-         '.       ',11      II,  ° 

P,^N.  I,,cç«>nsi  de  cli]ÇkiqUji^|,chJ^f*,urgicale  : 

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jjijl,874,jçt  J,^.p/eijuer  semestre  de  1875.  1  fort  vol.  in-8,  avec  40  fig. 

,j intercalées  dans  le  texte  et  4  planches  coloriées  hors  texte.  Épuisé. 
,1,^     XofS,^  II,  ,P|<^,ux^ç^e  semestre  de  l|année  1875  et  annécl876.  1  fort 

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,i'    Tome  IV.  Années  1879  ci  1880.  i  fort , vol.  in-8,  avec  40  figures 

.  ^^n^,  ICj  tç^te  |et,,.7  plajaçhes  coloriées  .hor^  texte.  1886,  20  fr. 

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—  9  — 

TERRIER  (F.).  Éléments  do   pathologie  ehirui-gîcalc  générale. 

1*'' fascicule  :  Lésions  traumatifues  et  leurs  complications.  1   vol. 
in-8.  1884.  ^  7  fr. 

2^  fascicule   :    Complications  des    lésions   traumattques .   Lésions 
inflammatoires.    1   vol.  in-8.  1886.  6  fr. 

(Le  3°  et  dernier  fascicule  paraîtra  dans  l'année  1892.) 
TRUC.     Essai     sur     la     cbirurgic    du     poumon.     1     vol.     iu-8. 

1885.  2  fr.   50 
TRUC.   Traitement   chirurgical    de    la   péritonite.   1    vol.  in-8. 

1886.  a  fr. 
VILLENEUVE.  Cliniques  chirurgicales  de  l'ilôtcl-nieu  de  Mar- 
seille, leçons,  observations,  statistiques.  I'''-'  année.  1888-1889. 1  vol. 
in-8.                                                                                                         2  fr. 

YVEHT.  Traité    pratique  et   clinique   des  blessures   du  globe 

de  l'œil,   avec   Introduction  de  M.  le  docteur  Galezowski.    1    vol. 

gr.  in-8.  1880.  12  fr. 

Congrès   français   de   Chirurgie.    Procès -verbaux,    mémoires    et 

discussions,  publiés  sous  la   direction   de   MM.  S.  Pozzi,  secrétaire 

général    et    PiCQUÉ,  secrétaire  général    adjoint. 

1"  session.   Paris,  avril  1885.  1  vol.  in-8,  avec  Pgures.        14  fr. 
2°  session.  Paris,  octobre  1886.  1  vol.  in-8,  avec  figures.       14  fr. 
3^  session.  Paris,  avril  1888.  1  vol.  in-8,  avec  figures.       14   fr 
4*  session.  Paris,  octobre  1889.  1  vol.  in-8,  avec  figures.      1  6  f r 
5^  session.  Paris,  avril  1891.  1  vol.  in-8,  avec  figures.         14  fr. 

Thérapeutique.  —  Pharmacie.  —  Hygiène. 

ROSSU.  Petit  compendium  médical.  Quintessence  de  médecine 
pratique.  Dictionnaire -bijou  de  pathologie,  thérapeutique  et  hygiène 
domestique.  1  vol.  in-18.  1  fr.  25 

BOUGHâRDâT  (â.  et  G.),  nnouveau  Formulaire  magistral,  pré- 
cédé d'une  Notice  sur  les  hôpitaux  de  Paris,  de  Généralités  sur  l'art 
de  formuler,  suivi  d'un  Précis  sur  les  eaux  minérales  naturelles  et 
artificielles,  d'un  Mémorial  thérapeutique,  de  Notions  sur  l'emploi 
des  contrepoisons,  et  sur  les  secours  à  donner  aux  empoisonnés 
et  aux  asphyxiés.  1891,  29^  édition,  revue  et  augmentée  de  formules 
nouvelles,  d'une  Note  sur  r  alimentation  dans  lé  diabète  sucré 
et  de  la  Liste  complète  des  mets  permis  aux  glycosuriques.  1  vol. 
in-18.  3   fr.  50.  —  Cartonné  à  l'anglaise,  4  Ir.  —   Relié,  4  fr.  50 

BOUGHARDAT  et  VIGNARDOU.  IVouveau  formulaire  vétérinaire, 
précédé  de  notions  de  pharmacie  vétérinaire,  de  généralités  sur 
l'art  de  formuler;  suivi  de  la  technique  des  injections  hypodermi- 
ques, des  inoculations  et  vaccinations  ;  de  la  loi  sur  la  police  sani- 
taire, delà  pratique  de  la  désinfection  des  étables  et  des  règlement! 
de  pharinacie  vétérinaire  militaire,  terminé  par  un  mémoire  de 
M.  Bouchardat  sur  VÂtténuation  des  virus,  li^  édit.  conforme  au 
nouveau  Codex,  revue  et  augmentée.  1891.  1  vol.  in-18.  Broché, 
3  fr.  50.  —  Cartonné  à  l'anglaise,  4  fr.  —  Relié.  h  fr.  50 

BOUCHARDAT.  De  la  glycosurie  on  diabète  sucré,  son  traite- 
ment hygiénique.  1883,  2^  édition,  1  vol.  grand  in-8,  suivi  de  Notes  et 
documents  sur  la  nature  et  le  traitement  de  la  goutte,  la  gravelle 
urique,  sur  l'oligurie,  le  diabète  insipide  avec  excès  d'urée,  l'hip- 
purie,  la  pimélorrhée,  etc.  15  fr. 

BOUCHARDAT.  Traité  d'hygiène  publique  et  privée  basée  sur 
l'étiologie.  1  fort  vol.  gr.  in-8.  3«  édition,  1887.  18  fr. 

CORNIL  et  MARTIN  (A.-J.).  I^eçons  élémentaires  d'hygiène 
privée.  1  vol.  in-18,  avec  figures.  Sous  presse, 

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Guide  du  pharmacien  établi  et  de  l'élève  en  cours  d'études.     20  fr. 

LAGRANGE  (F.).  l.'hygiène  de  l'exercice  chex  l<'s  enfants  et  les 
jeunes  gens.  1  vol.  in-18. 1890.  br.  3  fr.  50.  cart.  à  Tang.      4  fr. 


—  10  — 

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1891.  br.  3  fr.  50.  cart.  à  l'ang.  4  fr, 

LEVILLAIN.  Hygiène  des  gens  nervenx,  précédé  de  notions  élé- 

nieataires  sur  la  structure,  les  fonctions  et  les  maladies  du  système 

nerveux.  1  vol.  in-18.  2"  éd.  1892. ir.  3  fr.  50.  cart.  à  l'ang.  Ix  fr. 
LAYET.  Traité  pratique  de  la  vaccination  animale,  avec  préface 

de  M.  le  professeur  Brouardel.  1  vol.  gr.  in-8,  contenant  22  planches 

coloi-ié-es  hors  texte.  l'889.  12  fr, 

MACARIO.  Manuel  d'hydrothérapie,  suivi  d'une  instruction  sur  les 

bains   de  mer  (guide  pratique  des   baigneurs).  1  vol.  in-8,  k^  cdit. 

remaniée.  1889.  br.  2  fr.  50.  cart.  à  l'ang.  3  fr. 

MACÉ.  Traité  pratique  et  raisonné  do  pharmacie  galcniquc. 

1  vol.  in-8.  6  fr. 

WEBER.  Climatothéraplo,  traduit  de  l'allemand  par  MM.  les  docteurs 

DOYON  et  SpiELMANN.  1  vol.  in-8.  1886.  6  fr. 

Anatomie.  —  Physiologie.  —  Histologie. 

BA/IN  (Al,),  lies  sens  et  rintelligence,  traduit  de  l'anglais  par 
M.  Gazelles.  1  fort  vol.  in-8  avec  figures,  2*  édit.  10  fr, 

BALLET  (Gilbert).  lia  parole  Intérieure  et  les  diverses  formes 
del'aphasie.  1888.  1  vol.  in-18.  2»  édit.  2  fr.  50 

BASTIAN  (Charlton).  le  cerveau,  organe  de  la  pensée,  chez 
l'homme  et  chez  les  animaux.  2  vol.  in-8,  avec  184  figures  dans  le 
texte.    2«  éd.,  1888.  12  fr. 

BEAU1S1S(H.).  les  sensations  internes.  1  vol.  in-8.  1889.  Cart.  6  fr. 

BÊRAUD  (B.-J.).  Atlas  complet  d^anatomle  chirurgicale  topo- 
graphique, pouvant  servir  de  complément  à, tous  les  ouvrages 
d'anatomie  chirurgicale,  composé  de  109  planches  gravées  sur  acier, 
représentant  plus  de  200  gravures  dessinées  d'après  nature  par 
M.  Bion,  et  avec  texte  explicatif.  1  f.  v.  in-4.  Nouveau  tirage,  1886. 
Prix  :  fig.  noires,  relié.     60  fr.  — Fig.  coloriées,  relié.       120  fr. 

BERNSTEIN.  I.es  sens.  1  vol.  in-8  avec  figures,  4«  édit.  Cart.     6  fr. 

BERTAUX  (A)  l'humérus  et  le  fémur,  considérrs  dans  les  espèces, 
dans  les  races  humaines,  selon  le  sexe  et  selon  l'âge.  1  vol.  in-8, 
avec  89  figures  en  noir  et  en  couleurs,  dans  le  texte.   1891.        8  fr. 

CORNIL.  i^eçons  d'anatomie  pathologique,  professées  pendant  le 
premier  semestre  de  l'année  1883-1884.  1  vol.  in-8.  4  fr. 

CORNIL.  leçons  sur  l'anatomie  pathologique  des  méirites  ;  des 
salpingites  et  des  cancers  de  l'utérus.  1  vol.  in-8  avec 
35  gravures  dans  le  texte.  1889.  4  fr. 

GORNIL,RANYIERetBRAULT.  Manuel  d'histologie  pathologique. 
3*  édition.  2  vol.  gr.  in-8,  avec  577  figures  dans  le  texte.  Sous  presse. 

CORNIL  et  BABES.  los  bactéries  et  leur  rôle  dans  l'histologie 
pathologique  des  maladies  infectieuses.  2  vol.  gr.  in-8,  contenant  la 
description  des  méthodes  de  bactériologie.  3^  édit.  1890,  avec  385 
figures  en  noir  et  en  coul.  dans  le  texte,  et  10  pi.  hors  texte.    40  fr. 

COTIRMONT.  le  cervelet  et  ses  fonctions,  1  vol.  in-8.  1891.  12  fr. 
Ouvrage  récompensé  par  rAcadcmie  des  Sciences  (l'rix  Mègo). 

DEBIERRE   (Gh  ).   Traité   élémentaire  d'anatomie  de  l'homme 

(anatomie   descriptive   et   dissection,    avec  notions   d'Organogénie  et 

d'Embryo'ogie  générale).  2   vol.  grand  in-8,   avec  965   grav.  en  noir 

et  en  couleurs  dans  le  texte.  1890-1891.  40  fr. 

Ouvrage  récompeusc  par  l'Académie  des  Sciences 

On  vend  séparément: 

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wisculnirf;,  nerfs  périphérif/ues.  1  vol.  in-8  de  950  p., avec  450  fig. 

en  noir  et  en  couleurs  dans  le  texte.  1890.  20  fr. 

TQ*tE  II.    Si/stètne  nerveux  cenfrnl,  organes  des  sens,  splonchnO' 

lof/ie,  système  vnsculoire,  système  nerveux  périptiériqve.  1  vol.  in-8, 

avec  51-5  gravures  en  noir  et  en  plusieurs  couleurs  dans   le  texte. 

1«91.  20  fr. 


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veux, accompagnées  d'ua  album  contenant  48  figures  schématiques 
-    avec  légendes  explicatives  se  rapportant  à  ces  vues.  1892.       20  fr. 
DEBIERRE  et  DOUMER.  Album  des  centres   nerveux.  48  figures 
schématiques  avec  légendes  explicatives.  1892.  lbr.in-18.   1  fr.  5Ô 
DUMONT  (Léon).  Théorie  scientiOque  de    la  sensibilité  (le  plaisir 
et  la  peine).  1  vol.  in-8.  3«  édit.  6  fr. 

FÂU.  'Anatoinle  des    formes  du   corps  humain,    à  l'usage  des 
peintres  et   des  sculpteurs.   1  atlas  in-folio  de    25    planches,  avec 
texte  explicatif.  Prix  :  fig.  noires.  15  fr.  —  Figures  coloriées.       30  fr. 
FÉRÉ  (Charles).  Sensation  et  mouvement.  Étude  de  psycho-méca- 
nique. 1  vol.  iu-18,  avec  figures.  2  fr.  50 
LAGRANGE  (F.).  Physiologie  des  exercices  du  corps.  1  VoL  In-8. 
U"  édition.  1890.  Cart.  à  l'angl.  6  ft. 
LAGRANGE  (F.).  (Voyez  p.  10). 

LIEBREICH  (R.).  Atlas  d'ophthalmoscopie ,  représentant  l'état  nor- 
mal et  les  modifications  pathologiques  du  fond  de  l'œil,  visibles  à 
l'ophthalmoscope.  1  atlas  in-4,  avec  12  planches  en  chromolithographie, 
avec  texte  explicatif.  3^  édition.  1885.  40  fr. 

LUYS.  I.e  cerveau,  ses  fonctions.  1  vol.  in-8.  6*  édit.,  I8S8,  avec 
figures.  Cart.  6  fr, 

MAREY.  l.a  machine  animale.  5«  édit  ,  1891,  1  v.  in^8  cart.  6.  fr. 
MEYER  (H.  de).  Eies  organes  de  la  parole  et  leur  emploi  pour   la 
formation  des  sons,  du  langage    1  vol.  in-8.  1884.  iS  fr. 

MOSSO.  £,a  peur,  étude  psycho-physiologique,  traduit  de  l'italien  par 
M.  F.  HÉMENT.  1886.  1  vol.  in-18,  avec  fig.  dans  le  texte.    2  fr.,  50 
MOSSO.  l,a  fatigue,  étude  psycho-phjsiologique,  traduit  de  l'italien, 
par  le  docteur  Langlois,  1  vol.  in-18.  {Sous. presseJ) 

PREYER.  Éléments  de  physiologie  générale,  traduit  de  ralle- 
mandparM.  Jules  Soury.  1  vol.  in-8,  1884.  5  fr. 

REITERER  (Ed.).  Développement  du  squelette  des  extrémités 
et  des  productions  cornées  ehex  les  mammifères.  1  vol.  in-8, 
avec  4  pi.  hors  texte,  1885.  4  fr. 

RICHëT  (Ch.).  Physiologie  des  muscles  et  des  nerfs^  1  fort 
vol.  in-8.  1882.  15  fr. 

RICHET(Ch.).  Essai  de  psychologie  générale.!  v.  in-18.   2fr.50 
RICHET(Ch.).I.a  chaleur  animale.  1  vol.  in-8  avec  fig.  1888.  6fr. 
RICHET(Ch.).  Du  suc  gastrique  chez  l'homme  et  chez  les  animaux. 
1  vol.  in-8,  1878,  avec  une  planche  hors  texte.  4.  fr.  50 

RIGHET  (Ch  ) .  structure  des  circonvolutions  cérébrale»  (thèse 
de  concours  d'agrégation),  ln-8.  1878.  5  fr. 

RICHET  (Ch.).  Cours  de  physiologie.  Programme  sommaire.  1891. 
1  vol.  in-12.  3  fr. 

SABOURIN  (Ch.).  Recherches  sur  l'anatomie  normale  et  patho- 
logique de  la  glande  biliaire  de  l'homme.  1  vol.  ini-8,,  avec 
233  figures  dans  le  texte  1888.  ^      8  fr. 

SERGI  (G.).  i.a  psychologie  physiologique.  1  vol.  in-8,. avec  40  fig. 
dans  le  texte.  1887.  /  7  fr.  50 

SERGUEYEFF.  Physiologie  de  la   veille  et  du  sommeil,  le  som- 
meil et  le  système  nerveux.  2  forts  vol.  in-8.  1890.  20  fr. 
SNELLEN.  Échelle  typographique  pour  mesurer   l'acuité  de  la  vi- 
sion,  par    M.   le  docteur  Snellen,   médecin  de  l'hôpital  Néerlandais 
pour  les  maladies  des  yeux,  à  lUrecht.  4  fr. 
SULLY  (James).  I^es  illusions  des  sens  et  de  l'esprit.  1  vol.,  in-8, 
avec  figures.  2"  édit.  1888.  Cart.  6  £r 
VULPIAN.  liCçons  sur  l'appareil  vaso-moteur  (physiologie  et  patho- 
logie), recueillies  par  M.  le  docteur  H.  Carville.  2  vol.  in-8.    18  fin. 
WUNDT.    Éléments    de   psychologie    physiologique,    traduits  de 
l'allemand  par  le  M.  docteur  Rouvier.  1886.  2  forts  vol.  in-8,    avec 
nombreuses  figures  dans  le  texte.                                                   20  fi". 


12  — 


Maladies  nerveuses  et  mentales. 

AUBRY.  Va  coutugiua  du  moiirfre.   1  vol.  in-8.  1837.  3  fr,  50 

AUBEK  (Ed.).  Hygiène  des  rciunics   nerveuses,  ou  Conseils  aux 

femmes  pour  les  époques  critiques  de  leur  vie.  1  vol.  gr,  iu-18.  3fr.  50 
AXENFELD  et  IIUCHAIID.  Traité  dos  névroses.  2«  édition,  augmentée 

de  700  pages  par  Henri  Huchard,  médecin  des  hôpitaux.  1  fort.  vol. 

in-8,  1882.  20  fr. 

AZAM.  Le  caractère  dans  la  santé   et  la  maladie.  1  vol.   in-8, 

avec  une  préface  de  M.  Th.  Ribot.  1887.  U  fr. 

BIGOT  (V.).   Des   périodes   raisonnantes   de  l'aliénation   luen- 

tale.  i  vol.  in-8.  10  fr. 

BRIERRE  DE  BOISMONT.  Des  hallucinations,  ou  Histoire  raisonnée 

des  apparitions,  des  visions,  des  songes,  de  l'extase,  du  magnétisme 

et  du  somnambulisme.  3'^ édition  très  augmentée.  1  vol.  ih-8.  7  fr. 
CHARBONNIER.    Maladies   et  facultés   diverses  des  mystiques . 

i  vol.  in-8.  0    fr. 

CHEVALLIER  (Paul).   De  la  paralysie  des    nerfs  vaso>nioteurs 

dans  Phémiplégie.   In-8  de  50  pages  1  fr.  50 

DÉJERINE.    Sur    l'atrophie    musculaire    des   ataxiques   (névrite 

phériphérique  des  ataxiques),  étude  clinique  et  anatomo-pathologique. 

1  vol.  in-8.  1889.  3  fr. 

DÉJERINE  KLUMPKE  (iM"").  De.«t  polynévrites  et  des  paralysies  et 

atrophies    satursiincs,    étude    clinique    et   analomo-palhologique. 

1  vol.  in-8.  1889.  6  fr. 

FÉRÉ  (Cil.).  Du  traitement  des  aliénés  dans  les  familles.  1  vol. 

in-18.  1839.  2  fr.  50 

FÉRÉ  (Ch.).    Des   épilepsies   et   des   éplleptiques.  1  vol.  gr.  in-8 

avec  67  gravures  et  12  planches  hors  texte.  1890.  20  fr. 

GURISËY,  MYERS  et  POUMORE.  L,es  hallucinations   télépathiques 

traduit  et   abrégé   des   Phutitasms  of  the  livinga    par  L.  Marillier," 

avec  une  préface  de  M.  Ch.  Richet.  1  vol.  in-8.  1891.  7  fr.  50. 

ICARD.   K,a   feiuino  pendant    la    période  luenstruelle,  étude  de 

psycholoiçie  morbide  et  de  médecine  légale.  1  vol.  in-8.  1890.  6  fr. 
KOVALEVSKY.   Uysiène  et  traitement   des  lualadics  mentales 

et  nerveuses,  i  vol.  in-8,  traduit  du  russe  par  le  D''  W.  De  Hols- 

TEiN.  1890  5  fr. 

LE'VILLAIN.    nygiène    des  gens  nerveux.    1   vol.    in-18.  2®  édit. 

br.  3fr.  50,  cait.  à  l'angl.  4  fr. 

LANDOIJZY  et  DÉJERINE.   De  la  myopathie  atrophiquc  progre.s- 

sive  (Myopathie   héréditaire   sans   névropathie,  débutant  d'ordinaire 

dans  l'enfance  par  la  face).  1  vol.  in-8.  1885.  3  fr.  50 

LOMBROSO.    L'homme    criminel   (fou  moral,    criminel-né,  épilep- 

tique),     élude    anthropologique    et    médico-légale.     1     vol.    in-8. 

1887.  10  fr. 

Atlas  de  40  planches,  accompagnant  cet  ouvrage.  12  fr. 

MACAHIO.  Des  paralysies  dynamiques  ou  nerveuses.  In-S.  2  fr.  50 

MANDOiN.  Histoire  critique  de  la  folie  instantanée,  temporaire, 

inilinctive.  1  vol.  in-8.  3  fr.  50 

MAUDbLEY.  Le  crime  et  la  folie.  1  vol.  in-8.  4«  édit.  6   fr. 

MAUDSLEY.  La  pathologie    de    Tesprit,   traduit   de    l'anglais    par 

M.  Germont.  1  vol.  in-8.  10  fr. 

MOREAU  (de  Tours).  Traité  pratique  de  la  folie  névropathiquc 

1  vol.  in-18.  3  fr.  50 

PADIOLE\U  (de  Nantes).  De  la  médecine  morale  dans  le  traite- 
ment des  maladies  nerveuses.  1  vol.  in-8  II  fr.  50 
RIBOT  (Th.).  Les  maladies  de  la  mémoire.  1  vol.  in-18,  7«  édi- 
tion. 2  fr.  50 
RIBOT  (Th.).  Les  maladies  de  la  volonté.  1  vol.  in-18.  7"  édi- 
tion.                                                                                               2  fr.  50 


—  13  — 

RIBOT  (Th.).  E,es  maladies  de  la  personnalité.  1  vol.  in-18.  2«  édi- 
tion. 2  fr.  50 

SOLLIER.  Psychologie  de  l'idiot  et  de  rimbéeile.  1  vol.  irirS, 
avec  planches  hors  texte.   4891.  5  fr. 

THULIÉ.   La  folie  et  la  loi.  2«  édit.  1  vol.  in-8.  3  fr.  50 

THOLIÉ.  De  la  manie  raisonnante  du  docteur  Campagne. 
ln-8.  2fr. 

TISSIÉ  (Ph.).  Eics  rêves,  pathologie,  physiologie,  avec  préface  de  M.  le 
Professeur  Azam,  1  vol.  in-18.  1890.  2  fr.  50 


Physique.  —  Chimie. 

BERTHELOT.  Lasyntbèse  chimique.  In-8,  Q^  édit.  1887.  Cart.  6  fr. 
BERTHLLOT.  La   Révolution    chimique,    Lavoisier,   1  vol.  in-8, 

avec  gravures.  1890.  cart.  6  fr. 

BLASEKNA.  Le  son  et  la  musique,  suivi  des  Causes  physiologiques  de 

r harmonie  musicale,  par  H.  Helmholtz.  4^  édit.  1  vol.  in-8,  avec  fig. 

Cart.  6  fr. 

DUFËT.    Cours    élémentaire    de    physique.    1    vol.  in-12,    avec 

643  figures  dans  le  texte  et  une  planche  en  couleurs.  Cart.  6  fr. 

FALSÂN.  La  période  glaciaire  principalement  en  France  et  en 

iSuisse.  1  vol.  irt-8,  avec  105  gravures  dans  le  texte  et  2  planches 

hors  texte.  1889.  Cart.  6  fr. 

GRÉHANT.  Manuel   de  physique    médicale.    1  vol.    in-18,  avec 

469  figures  dans  le  texte.  6^  édit.  augmentée.  1892.  7  fr. 

GRIMAUX.    Chimie    organique    élémentaire.  1    vol.  in-18,  avec 

figures.  ^    •  5  fr. 

GRIMAUX.  Chimie  Inorganique  élémentaire.  6°  édit.  augmentée. 

1891.  1  vol.  in-18,  avec  figures.  5  fr. 

LE  NOIR.  Physique  élémentaire.  1  vol.  in-12.  2«  édit.  1887,  avec 

455  figures  dans  le  texte.  6  fr. 

LE  NOIR,  Chimie  élémentaire.    1   vol.  in-12.  2«  édit.   1887,  avec 

72  figures.  3  fr.  50 

PISANI.    Traité    pratique  d'analyse    chimique    qualitative    et 

quantitative,  suivi  d'un  traité  A^ Analyse  au  chalumeau,  à  l'usage 

des  laboratoires  de  chimie.  4^  édit.  1892.  1  vol.  in-12.         3  fr.  50 

PISANI  et  DIRVËLL.  La  chimie  du  laboratoire.  1  v.  in-t2. 1882.  ^4fr. 
RICHE.  Manuel  de  chimie  médicale.   1  vol.  in-18,  avec  200  fig. 

dans  le  texte.  3^  édition.  1881.  8  fr. 

ROOD.  Théorie  scientiOque  des  couleurs.  1  vol.  in-8,  avec  figures 

et  une  planche  en  couleurs  hors  texte.   Cart.  6  fr. 

SAIGEY.  La  physique  moderne.  1  vol.  in-18.  2®  édit.  2  fr.  50 

SCHUTZENBERGER.  Les  fermentations^  avec  figures  dans  le  texte. 

1  vol.  in-8.  5e  édit.  1889.  Cart.  6  fr. 

SECCHI  (le  Père).  Les  étoiles.  2  vol.  in-8,  avec  63  fig.  dans  le  texte 

et  17  planches  en  noir  et  en  couleurs  hors  texte.  2^  édit.  Cart.  12  fr. 
STALLO.  La  matière  et  la  physique  moderne.  1  vol.  in-8  2'^  éd 

Cartonné.  6  fr. 

THURSTON.  Histoire  de  la  machine  h  vapeur.  2  vol.  in-8,  avec 

140  figures  dans  le  texte  et  16  planches  hors  texte.  3^  édit.        12  fr. 

TYNDALL(J.).    Lès  glaciers  et    les    transformations  de   l'eau, 

avec  figures.  1  vol.  in-8.  5^  édit.  Cart.  6  fr. 

WURTZ.  La  théorie  atomique.  1  vol.  in-8.  5^  édit.  Cart.  6  fr. 
YOUNG.  Le  §loleil.  1   vol,  in-8,  avec  figures.  Cart,  6  fr. 


14  — 


Histoire  natarelle. 

A6ÀSS1Z.    De    l'espèce   et    des    elasslOcatlons    en    zoologie. 

1  vol.  in-8.  5  fr. 

BEAUREGARD   (H.).    I.es  insectes  vésicants.  1  vol.  gr.  ia-8,  avec 

34  planches  en  lithographie  et  44  gravures  dans  le  texte.  1890.  25  fr. 
BËLZDING.   Anatoniio  et  physiologie  animales.   1  vol.  in-8,  avec 

540  figures.  2«  édit.  1891.  6  fr. 

BLANCHARD.  Itlœiirs,  instincts  et  nictaniorphoscs  des  insectes. 

1  vol.  gr.  in-8,   avec  200  figures  dans  le  texte  et  40  planches  hors 

texte.  2=^  éd.  1877.  25  fr. 

BOSSU.     Botanique    et    plantes    médicinales.     1    vol.    in-12   de 

600  pages,  avec  1029  gravures.  7  fr.  50 

CANDOLLE   (de).    I^'origlne    des    plantes  cultivées.    1  vol.   ia-8. 

3^  édition.  Cart.  6  fr. 

CARTAILHAG.  I^a  France  prétaistôritiue  d'après  lés  monuments 

et   les    sépultures.    1    vol.    in-8,    avec     150    gravures    dans  le 

texte.  1889.  Cart.  6  fr. 

COOKE  et  BERKELEY.  l,es  champignons,  avec  110  figures  dans  le 

texte.  1   vol.  in-8.  4«  édit.  Cart.  6  fr. 

DARWIN.  i.es  récifs  de  corail,  leur  structure  et  leur  distribution. 

1  vol.   in-8,   avec  3   planches  hors  texte,   traduit  de  l'anglais  par 

M.    COSSERAT.  8   fr, 

DAUBRÉE.    lies    régions    invisibles  du    globe   et   des   espaces 

célestes.  1  vol.  in-8,  avec  78  figures.  2»  édit.   1892.  Cart.       6  fr. 
FALSAN.   Ija    période  glaciaire,   principalement  en  France   et   en 

Suisse.  1  vol.  in-8,  avec  105  gravures  et  2  cartes.  1889.  Cart.  6  fr. 
HERBERT  SPENCER.  Principes  de  biologie,  traduit  de  l'anglais  par 

M.  B.  Gazelles.  2  vol.  in-8.  *  20  fr. 

HUXLEY  (Th.).  ti'écrevisse,  introduction  à  l'étude  de  la  zoologie.  1  vol. 

in-8,   avec  89  figures   dans  le    texte.    Cart.  6  fr. 

HUXLEY.  lia  physiographie,    introduction   à   l'étude   de  la  nature. 

1  vol.  in-8,  avec    128  figures    dans  le  texte  et    2    planches    hors 

texte.   2^  édit.  8  fr. 

DE  LANESSAN.  introduction  à  la  botanique  (/e Sapin).  1  vol.  in-8, 

avec  fig.  2"=  édit.  Cart.  6  fr. 

LE  MONNIER.  it^natomle   et  physiologie  végétales.    1  vol.  in-8, 

avec  103  figures  dans  le  texte.  2^  édit.  augmentée,  1888.  3  fr. 

LE  NOIR,    nistolro  naturelle  élémentaire.  1  vol.  in-12,  3*  édit., 

avec  251  figures  dans  le  texte.  5  fr. 

LUBBOCK.  liCs  fourmis,  les  guêpes  et  les  abeilles.  2  vol.  in-8, 

avec  figures  et  planches  en  couleurs.  Cart.  12  fr. 

LUBBOCK.   lies   sens    et   l'instinct  cbcai  les  animaux,  principa- 
lement chez  les  insectes.   1   vol.  in-8,  avec  136  gravures  dans  le 

texte    cartonné  à  l'anglaise.  6  fr. 

PERRIER.    lia  philosophie    zoologique    avant    Darwin.   1    vol. 

in-8,  2«  édit.  Cart.  6  fr. 

QUATREFAGES  (de).  li'espcce  humaine.  1  vol.  in-8.  10«  édit.   6  fr. 
ROMANES.  L'intelligence  des  animaux,  avec  préface  de  M.  Edm. 

Perrier.  2  vol.  in-8.  2c  édit.  .1888.  Cart.  12  fr. 

DE  SAPORTA  et  MARION.  I/évolution  du  règne   végétal. 

Tome  1  :  Les  Cryptogames.  1  vol.  in-8,  avec  85  figures  dans  le 

texte.  Cart.  à  l'anglaise.  6  fr. 

Tomes  II  et  III  :  Les  Phanérogames.  2  vol,  in-8,  avec  136  figures 

dans  le  texte.  1885.  Cart.  "  12  fr. 

SCHMIDT  (0.).  liB  descendance   de  l'homme  et  le  darwinisme. 

1  vol.  in-8,  avec  figures.  5"  édition.  Cart.  6  fr. 

SCH.MIDT  (0.).  ■..es  mammifères  dans  leurs  rapports  avec  leurs 

ancêtres  géologiques.  1887.  1  vol.  in-8,  avec  51  fig.  Cart.     6  fr. 


—   15   — 

SMEE  (A.).  Mon  jardin,  géologie,  botanique,  histoire  naturelle,  1  ma- 
gnifique vol.  gr.  in-8,  orné  de  1300   figuras.  Broché.  15  fr. 

TROUESSART.  Les  microbes,  les  ferments  et  les  moisissures. 
1  vol.  in-8  avec  107  fig.  2'=  édit.  revue  1890.  Cart.  6  fr. 

VAN  BENEDEN,  E.es  commensaux  et  les  parasites  ^ans  le 
règne  animal.  1  vol.  in-8,  avec  figures.  3^  édit.  Cart.  6  fr. 

VIANNA  DE  EIMA.  l^Hiomme  selon  le  transformisme.  1  vol.  in-18. 
1887.  2   fr.  50 

Anthropologie. 

CARTÂlLHAG.'La  France  préhistorique,  i  vol.  in-8,  avec  162  gra- 
vures. 1889.  6  fr. 

EVANS  (John).  l,es  âges  de  la  pierre.  1  beau  vol.  gr.  in-8,  avec 
467  figures  dans  le  texte.     15  fr.  —  En  demi-reliure.  18  fr. 

EVANS  (John),  t'âge  du  bronze.  1  fort  vol.  in-8,  avec  540  figures 
dans  le  texte.     15  fr.  — ^  En  demi-reliure.  18  fr. 

FUCHS.  TLes  volcans  et  les  tremblements  de  terre.  1  vol.  in-8. 
a«  édk.  Cart.  6  fr. 

GAROFALO.  I.a  criminologie.  1  vol.  in-8,  2«  édit.   1890.     7  fr.  50 

HARTMANN  (R.).  Les  peuples  de  l^frique.  1  vol.  in-8,  avec 
figures.   2"  édit.  Cart.  6  fr. 

HARTMANN  (R.).  Les  singes  anthropoïdes  et  leur  organisation 
comparée  à  celle  de  l'homme.  1886.  1  vol.  in-8,  avec  63  fig. 
Cart.  6  fr. 

JOLY.  L'homme  avant  les  métaux.  1  vol.  in-8.  4«  édit.,  avec 
figures.  Cart.  6  fr. 

LOMBROSO.  L'anthropologie  criminelle  et  ses  récents  progrès. 
1  vol.  in-18,  avec  gravures.  2^  édit.  1891.  2  fr.   50 

LOMBROSO.  L'homme  de  génie.  1  vol.  in-8,  1889,  avec  préface  de 
M.  le  professeur  Ch.  RiCHET.  10  fr. 

LOMBROSO.  L'homme  criminel.  Voy.  p.  12. 

LOMBROSO.  Nouvelles  recherches  de  psychiatrie  et  d'anthro- 
pologie criminelle.  1  vol.  in-18.  1892.  2  fr.  50 

LUBBOCK.  L'homme  préhistorique,  étudié  d'après  les  monu- 
ments et  les  costumes  retrouvés  dans  les  différents  pays  de  l'Europe, 
suivi  d'une  Description  comparée  des  mœurs  des  sauvages  modernes, 
avec  256  fig.  3«  édit.  1888.  2  vol.  in-8.  Cart.  12  fr, 

LUBBOCK.  Origines  de  la  civilisation,  état  primitif  de  l'homme 
et  mœurs  des  sauvages  modernes,  traduit  de  l'anglais.  3®  édition, 
1  vol.  in-8  avec  fig.  Broché.  15  fr.  — Relié.  18  fr. 

PIÈTREMENT.  Les  chevaux  dans  les  temps  historiques  et  pré- 
historiques. 1  vol.  gr.  in-8.  Broché,  6  fr.  —  Demi-rel.,  tranches 
dorées.  9  fr. 

SALMON.  Age  de  la  pierre,  division  industrielle  de  la  période  paléo- 
lithique quaternaire  et  de  la  période  néolithique.  1  vol.  in-8  avec  ta- 
bleaux et  planches  hors  texte.  ,1891.  3  fr, 

TARDE,  La  criminalité  comparée.  1  vol.  in-18,  2*^  édition. 
1890.  .  2  fr.  50 

TOPIWARD,  L'homme  dans  la  nature,  1  vol.  in-8  cart.  avec 
gravures,  -  6  fr. 

Hypnotisme  et  Magnétisme,  —  Sciences  occultes. 
BERGERET.    Philosophie   des   sciences  cosmologiques,   critique 

des  sciences  et  de  la  pratique  médicale,  ln-8  de  310  pages,       _  4  fr, 
BERTRAND,  Traité  du  somnambulisme,  1  vol.  in-8.  7  fr, 

BINET.  La    psychologie    du   raisonnement,   étude  expérimentale 

par  l'hypnotisme.   1886.  1  vol.  in-18.  2  fr.  50 

BINET  et  FÉRÉ.  Le  magnétisme  animal.  3^  éd.,  1890.  1  vol.  in-8, 

avec  fig.  Cartonné.  6  fr. 

BONJEAN.  L'hypnotisme,  ses  rapports  avec  le  droit,  la  thérapeutique, 

la  suggestion  mentale.  1  vol.  in-18.  1891.  3  fr. 


—  16  — 

BRIERRE  DE  BOISMONT.  Des  hallucinations,  ou  Histoire  raisonnée 
des  apparitions,  des  visions,  des  songes,  de  l'extase,  du  magnétisme  et 
du  somnambulisme.  3«  édition  très  augmentée.  1  vol.  in-8.  7  fr. 

CAHAGNET.  Abrégé  des  merveilles  du  ciel  et  de  l'enrer,  de  Swe- 
denborg. 1  vol.  gr.  in-18.  3  fr.  50 

GAHAGJSET.  Encyclopédie  magnétique  spiritualiste.  1854  à 
1862.  7  vol.  gr.  in-18.  28  fr. 

CAHAGNET.  i^ettres  odiques-magnétiqnes  du  chevalier  Reichen- 
bach,  traduites  de  l'allemand.  1  vol,  in-18.  1  fr.  50 

CAHAGNET.  niagie  magnétique,  ou  Traité  historique  et  pratique  de 
fascinations,  de  miroirs  cabalistiques,  d'apports,  de  suspensions,  de 
pactes,  de  charmes  des  vents,  de  convulsions,  de  possession,  d'envoû- 
tement, de  sortilèges,  de-  magie  de  la  parole,  de  correspondances 
sympathiques  et  de  nécromancie.  2^  édit.  1  vol.  gr.  in-18.       7  fr, 

CAHAGNET.  §ianctuaire  du  spiritualisme,  ou  Etude  de  l'âme  hu- 
maine et  de  ses  rapports  avec  l'univers,  d'après  le  somnambulisme  et 
l'extase.  1  vol.  in-18.  5  fr. 

CAHAGNET.  Méditations  d'un  penseur,  ou  Mélanges  de  philosophie 
et  de  spiritualisme,  d'appréciations,  d'aspirations  et  de  déceptions. 
2  vol.  in-18.  ^  10  fr. 

CHARPIGNON.  Physiologie,  médecine  et  métaphysique  du 
magnétisme.  1  vol.  in-8  de  480  pages.      _  6  fr. 

CHRISTIAN  (P.).  Bistoire  de  la  magie,  du  monde  surnaturel 
et  de  la  fatalité  à  travers  les  temps  et  les  peuples.  1  vol.  gr.  in-8  de 
669  pages,  avec  un  grand  nombre  de  fig.  et  16  pi.  hors  texte.      10  fr. 

DELBŒUF  (J.).  lie  magnétisme  animal,  à  propos  d'une  visite  à 
l'école  de  Nancy.  1  vol.  ia-8,  1889.  2  fr.  50 

DELB<i;UF(J.).  Magnétiseurs  et  médecins.  Ibroch.  in-8,  1890.  2fr 

DELBCEUF.    ne    l'origine    des  effets  curatifs  de   l'hypnotisme. 

1  Vol.  in-8.  1887.  1  fr.   50 
DELBŒtJF,  NÉEL  et  LEPLÂT.  De  l'étendue  de  l'action  curativo 

de  l'hypnotisme.  L'hypnotisme  appliqué  aux  altérations  de  l'organe 
visuel.  1  broch.,  avec  une  pi.  hors  texte.  1890.  1  fr.  50 

DU  POTET.  Traité  complet  de  magnétisme,  cours  en  douze  leçons. 
4"  éflition.  1  vol.  in-8.  8  fr. 

DU  POTET.  Manuel  de  l'étudiant  magnétiseur,  ou  Nouvelle 
instruction  pratique  sur  le  maguétisme,  fondée  sur  trente  années 
d'expériences  et  d'observations.  4*  édit.  1  vol.  gr.  in-18.     3  fr.  50 

DU  POTET.  E,c  magnétisme  opposé  à  la  médecine.  Ia-8.      6  fr. 

DU  POTET.  I^a  magie  dévoilée,  ou  principes  de  science  occulte. 
(//  ne  reste  que  quelques  exemplaires  de  cet  ouvrage.)  1  vol.  in-4, 
papier  fort,  rel.,  avec  grav.  dans  le  texte  et  porlr.  de  l'auteur.     100  fr. 

ELIPHAS  LEVI.  Histoire  de  la  magie,  avec  une  exposition  de  ses 
procédés,  de  ses  rites  et  de  ses  mystères.  1  vol.  in  8  avec  90  fig,  [Il  ne 
reste  plus  que  très  peu  d'exemplaires  de  cet  ouvrage).  25  fr. 

ELIPHAS  LEVI.  l,a  clef  des  grands  mystères,  suivant  Hénoch, 
Abraham,  Hermès  Trismégiste  et  Salomon.   1  vol.  in-8.  12  fr. 

ELIPHAS    LEVI.    Dogme  et  rituel  do   la  haute    magie.   2°    édit. 

2  vol.  in-8,  avec  24  fig.  •I8  fr. 
ELIPHAS  LEVI.  E.a  science  des  esprits,  révélation  du  dogme  secret 

des  cabalistcs,  esprit  occulte  des  Évangiles,  appréciations  des  doc- 
trines et  (les  phénomènes  spirites.  1  vol.  in-8.  7  fr. 

CAPtClN.  I^e  magnétisme  expliqué  par  lui-mi^me,  ou  Nouvelle 
théorie  des  phénomènes  de  l'état  magnétique,  comparés  aux  phéno- 
mènes de  l'état  ordinaire.  1  vol.  in-8.  4  fr. 

CAUTlIlKlt.  Histoire  du  somnambulisme  connu  clicx  tous  les 
peuples  sous  les  noms  divers  d'extases,  songes,  oracles,  visions. 
Examen  di's  rloclrines  de  l'antiquilé  el  des  temps  modernes,  sur  ses 
causes,  ses  effets,  ses  abus,  ses  avantages  et  l'utilité  de  son  concours 
avec  la  médecine   2  vol.  in-8.  10  fr. 


—  17  — 

GAUTHIER  (Aubin).  Revue  magnétique,  journal  des  cures   et  des 

faits  magnétiques  et  somnambuliques.  Décembre  1844-à  octobre  1846. 

2  vol.  in-8.  8  fr. 

Les  numéros  de  mai,  juin,  juillet,  août  et  septembre  ^846  n'ont  jamais  été 

publiés;  ils  foniicnl,  dans  le  tome  II,  une  lacune  des  pages  241  à  432. 

JANET  (Pierre).  Ei'automatîsine  psychologique.  Essai  sur  les  formes 
inférieures  de  l'activilé  humaine,   1  vol.  in-8.  1889.  7  fr.   50 

LA  FONTAINE.  1,'apt  de  magnétiser,  ou  le  magnétisme  vital  consi- 
déré au  point  de  vue  théorique,  pratique  et  thérapeutique.  6^  édit. 
1890.  1  vol.  in-8.    '  "  5  fr. 

LAFONTAINE.  mémoires  d'un  magnétiseur.  2  vol.  in-18.        7  fr. 

LEVI  (Eliphas).   —  Voy.  Eliphas  Lévi,  ci-dessus. 

MESMER  Mémoires  et  apborismes,  suivis  des  procédés  de  d'Eslon. 
Nouv.  édit.  avec  des  notes  par  J.-J    A.  Ricard,  ln-18:  2  fr.  50 

MORIN.  Du  magnétisme  et  des  sciences  occultes.  1  vol.  in-8.  6  fr. 

PHILIPS  (J. -P.).  Cours  théorique  et  pratique  de  braidisme,  ou 
hypnotisme  nerveux,  considéré  dans  ses  rapports  avec  la  psychologie, 
la  physiologie  et  la  pathologie,  el  dans  ses  applications  à  la  médecine, 
à  la  chirurgie,  à  la  physiologie  expérimentale,  à  la  médecine  légale 
et  à  l'éducation.  1  vol.  in-8.  3  fr.   50 

Histoire  des  Sciences. 

AUBER  (Éd.).  Institutions  d'Hippocrate,  ou  Exposé  dogmatique  des 
vrais  principes  de  la  médecine,  extraits  de  ses  œuvres.  1  volume 
gr. in-S.  10  fr- 

BOUCHARDAT.  Annuaires  de  thérapeutique,  de  matière  médi- 
cale et  de  toxicologie,  de  1841  à  1886.  49  vol.  (Voir  détails 
page  21.) 

BOUCHET.  Histoire  de  la  médecine  et  des  doctrines  médi- 
cales. 2  vol.  in-8.  16  fr. 

DAVID  (Th.).  Bibliographie  française  de  l'art  dentaire.  1  fort 
vol.  gr.  in-8,  avec  préface  du  docteur  L.-H.  Petit,  1889.  5  fr. 

GRIMAUX  (Ed.).  I^avoisier  (l'Si43-l«©4),  d'après  sa  correspondance, 
ses  manuscrits,  ses  papiers  de  famille  et  d'autres  documents  inédits. 
1  beau  vol.  grand  in-8,  avec  10  gravures  hors  texte,  en  taille-douce 
et  en  typographie,  1888.  15  fr. 

LÉPINE  Ija  thérapeutique  sons  les  premiers  Césars.  1890^ 
in-8.  1  f'-. 

NICAISE.  I.a  grande  Chirurgie  de  «uy  de  Cbauliac,  chirurgien, 
maître  en  médecine  de  l'Université  de  Montpellier,  composée  en  l'an  1363, 
revue  et  collationnée  sur  les  manuscrits  et  imprimés  latins  et  français. 
ornée  de  gravures  avec  notes,  une  introduction  sur  le  moyen  âge,  sur 
la  vie  et  les  œuvres  de  Guy  de  Chauliac,  un  glossaire  et  une  table 
alphabétique,  par  E.  Nicaise.  1  fort  vol.  grand  in  8.  1891.        28  fr. 

MAINDRON  (E.).  I.'Académie  des  sciences,  histoire  de  l'Académie, 
fondation  de  l'Institut  national,  Bonaparte  membre  de  l'Institut. 
1  beau  vol.  grand  in-8,  avec  53  gravures  dans  le  texte,  portraits, 
plans,  etc.,  8  planches  hors  texte  et  2  autographes,  d'après  des  docu- 
ments originaux,  1888.  12  fr. 

PETIT  (L.-H).  Œuvres  complètes  de  Jean  Méry,  fl«45-fl9«3 
(anatomie,  physiologie,  chirurgie),  avec  une  préface  de  M.  le  profes- 
seur Verneuil.  1  vol.  grand  in-8,  avec  3  planches  et  le  portrait  de 
Méry,  tirés  hors  texte,  1887.  16  fr. 

POUGHET  (G.).  Charles  Robin,  sa  vie  et  son  œuvre.  1  vol.  in-8, 
avec  un  beau  portrait  sur  acier  de  Gh.  Robin.  3  fr.  50 

POUGHET  (G.).  I.a  biologie  aristotélique.  1vol.  in-8.  1885.  3fr.  50 

TANNERY.  Pour  la  science  hellène,  de  Thaïes  à  Empédocle.  1  vol. 
in-8.  7  fr.  50 

TROJA.  Expériences  sur  la  régénération  des  os.  Paris,  1775, 
traduit  du  latin  avec  notes  et  introduction  par  le  D>"  Vedrènes. 
1   vol.  in-18,  1889.  4  ff    50 


—   18  — 


BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉTUDIANT  EN  MÉDECINE 

COLLECTION   d'OUVRAGES   POUR   LA   PRÉPARATION 

AUX   EXAMENS   DU  DOCTORAT,    DU    GRADE  D'oFFICIER   DE   SANTÉ 

ET   AU  CONCOURS  DE  l'EXTERNAT   ET   DE   L'INTERNAT. 


I"   EXAMEN 

(Physique,  chimie,  histoire  naturelle.) 


LE  NOIR.  —  Histoire  naturelle, 
avec  255  fi^.  dans  le  texte.  3^  édit.  5  fr. 

GREHANT.     —    M.\NUEL    DE    PHYSIQUE 

MÉDICALE.  1  vol.  gr.  in -18,  avec 
469  figures  dans  le  texte.  7  fr. 

LE  NOIR.  —  Physique  élémentaire, 
avec  455  fig.  dans  le  texte.  2»  édit.  6  fr. 

RICHE.  —  Manuel  de  chimie  médi- 
cale. 3»  édit.  1881.  1  vol.  in-18,  avec 
200  figures  dans  le  texte.  8  fr. 

GRIMAUX.  —  Chimie  organique  élé- 
mentaire. Leçons  professées  à  la 
Faculté    de    médecine.  1    vol.   in-18. 


6*  édition  augmentée.  1892.  5  fr. 

GRIMAUX.  —  Chimie  inorganique  élé- 
mentaire. 6«  édition  augmentée.  1891. 
1  vol.  in-18.  5  fr. 

DE  LANESSAN.  —  Le  sapin,  introduc- 
tion à  l'étude  de  la  botanique.  1  vol. 
in-8,  2«  édit.  6  fr. 

LE  NOIR.  —  Chimie  élémentaire. 
1  vol.  in-12,  avec  69  fig.  2«  édit.  3  fr.  50 
PISANI.  —  Traité  d'analyse  chi- 
'  MIQUE.  1  vol.  in-18.  3«  édit.  3  fr.  50 
PISANI  et  DIRVELL.  —  La  Chimie  du 
laboratoire.  1  vol.  in-18.      4  fr.  50 


2°   EXAMEN 

1"  PARTIE.  {A7ialomie,  histologie.) 


ALAVOINE.  —  Tableaux  du  système 
NERVEUX,  2  gr.  tableaux  avec  fig.    5  fr. 

DEBIERRE.  —  Traité  élémentaire 
D'anatomie  de  l'homme  (anatomie 
descriptive  et  dissection)  avec  notions 
d'organogénie  et  d'embryologie  géné- 
rale. 

Tome  I,  Manuel  de  l'amphithéâtre, 
système  locomoteur,   système  vascu- 


laire,  nerfs  périphériques,  1  fort  vol. 
gr.  în-8,  avec  450  figures  en  noir  et 
en  plusieurs  cou),  dans  le  texte.  20  fr. 
Tome  II.  Système  nerveux  central, 
organes  des  sons,  splanchnologie,  sys- 
tème vasculaire,  système  nerveux 
péi'iphcrique.  1  vol,  in  8,  avec  515  grav. 
en  noir  et  en  plusieurs  couleurs  dans 
le  texte  20  fr. 


2°  PARTIE.  (Physiologie.) 


LONGET.  —  Traité   de   physiologie. 
2«  édit.  3  vol.  gr.  in-8.  12  fr. 

BURDON-SANDERSON,     FOSTER    et 
LAUDER-BRUNTON.  —Manuel  du  la- 
boratoire DE  physiologie, 1  vol.  in-8, 


avec  184  fig.  dans  le  texte.  1884.     7  fr. 

RICHET  (Ch.). —  La  chaleur  animale. 
1  vol.   in-8.  6  fr. 

BBAUNIS  (Ed.).  — Les  sensations  in- 
ternes. 1  vol.  in-8.  0  fr 


3°   EXAMEN 

1"  PARTIE.  (Médecine  opératoire,  pathologie  externe,  accouchements.) 


BILLfiOTH  et  WINIWARTER.— Traité 

DE  pathologie  ET  DE  CLINIQUE  CHI- 
RURGICALES GÉNÉRALES.  2"  édition 
française  d'après  la  10*  édition  alle- 
mande. 1  fort  vol.  gr.  in-8,  avec  180  fig. 
dans  le  texte.  1886.  20  fr. 

JAMAIN  et  TERRIER.  —  Manuel  de 
PETITE  CHIRURGIE.  6=  éilit.  refondue. 
1  vol.  gr.  iii-18,  avec  455  fig.        9  fr. 

JAMAIN  et  TERRIER.    —  Manuel  de 

pathologie  et  de  CLINIQUE  CHIRUR- 
GICALES. 3»  édition  : 

Tome  I.  1  voL  gr.  in-18.  8  fr. 

Tome  II.  1  vol.  in-18.  8  fr. 

Tome  III.    1  vol.  in-18.  8  fr. 

Tome  IV.  1vol. in-18.  8  fr. 

MALGAIGNE  et  LE  FORT.  —  Manuel 

de  médecine  opératoire.  9"  édition, 

avec  7i4  fig.    dans   le   texte.    2   vol. 

gr.  in-18.  16  fr. 


MAUNOURY  et  SALMON.  —  Manuel 

de  l'art  des  ACCOUCHEMENTS.  3«  édit. 

j  vol.  gr.  in-18,  avec  115  fig.         7  fr. 

NÉLATON.— Éléments  de  pathologie 
chirurgicale.  2«  édition,  revue   par 
MM.  les  docteurs  Jamain,  Péan,  Des- 
prés, Horteloup  et  Gillette. 
6  vol.  gr.  in-8,  avec  795  fig.     32  fr. 

RICHARD.  —  Pratique  journalière 
de  la  chirurgie.  1  vol.  in-8  avec 
grav  ,  2°  édit.  5  fr. 

TERRIER.— Eléments  de  pathologie 
chirurgicale  générale.  Fasc.  I.  Li- 
sions traumaliques  et  leurs  compli- 
cations. 1  vol.  in-8.  7  fr. 
Fasc.  II.  Complications  des  lésions 
traumaliques.  —  Lésions  inflamma- 
toires. 1  vol.  in-8.  6  fr. 
Fasc.  III   terminant  l'ouvrage. 

(Sous  presse. 


2"  PARTIE.  (Pathologie  interne,  pathologie  générale.) 


GINTRAC—  Cours  théorique  et  pra-  i 

TIQUE  de  PATMOLOOIE   INTERNE    ET  DE 

thérapie  médicm.k.  9  vol.  in-8.    63  Ir. 
N1EMEYER.  —  Éléments  de  patho- 
logie INTERNE,  traduits  de  l'allemand. 


annotés  par  M.  Cornil.  3«  édit.  fran- 
çaise. 2  vol.  gr.  in-8,  4  fr.  50 
TARDIEU.  —  Manuel  de  pathologie 

ET     DE    clinique     MÉDICALES.     1     fofl 

vol.  in-18.  4»  édit.  2  fr.  50 


19  — 


4°  EXAMEN 

{Hygiène,  médecine  légale,  thérapeutique,  matière  médicale, 
pharmacologie.) 


CORNIL   et  A.-J.   MARTIN.  —  Leçoms 

ÉLÉMENTAIRES  d'hygiène  PRIVÉE,  Ivol. 

in-18.  2°  éd.  (Sous  presse.) 
BOUCHARDAÏ.   —  Traité    d'hygiène 

PUBLIQUE      ET       PRIVÉE      BASÉE      SUR 

l'Étiologie.  1 V.  gr.  in-8. 2«édit.  18  fr. 

KUNZE.  —  Manuel  de  médecine  pra- 
tique. 1  vol.  in-18.  1  fr.  50 

TAYLOR.  —  Traité  de  médecine 
légale,      traduit    de    l'anglais     par 


M.  H.  Coutagne.  1  vol.  gr.  in-8.  4  fr.  50 
A.  et  G.BOOCHARDAT.  — Nouveau  For- 
mulaire magistral.  29^  édit.,  revue, 
collationnée  avec  le  nouveau  Codex, 
augmentée  de  formules  nouvelles  et 
d'une  Note  sur  l'alimentation  dans  le 
diabète  sucré  et  de  la  liste  complète 
des  mets  permis  aux  glycosuriques. 
1  vol.  in-18.  3fr.  50 

Cartonné,    i  fr.  —  Relié.       4  fr.  50 


5"  EXAMEN 

1"  PARTIE.  (Cliniques  externe,  obstétricale,  etc.) 


DELORME.  —  Traité  de  chirurgie  de 
guerre. 
Tome  I.  1  vol.  in-8.  16  fr. 

Tome  II.  (Sous  presse.) 

JAMAIN  et  TERRIER.—  Manuel    de 
pathologie  et  de  clinique  chirur- 
gicales. 3«  édition  : 
4  vol.  in-18.  32  fr. 

BOUCHUT  et  DESPRÉS.  ^  Diction- 
naire DE.  MÉDECINE  ET  DE  THÉRA- 
PEUTIQUE médicale  et  chirurgi- 
cale, comprenant  le  résumé  de  la 
médecine  et  de  la  chirurgie,  les  indi- 
cations thérapeutiques  de  chaque  ma- 


ladie, la  médecine  opératoire,  les 
accouchements,  l'oculistique,  l'odonto- 
teclinie,  les  maladies  d'oreille,  l'élec- 
trisation,  la  matière  médicale,  les  eaux 
minérales,  et  un  formulaire  spécial 
pour  chaque  maladie.  5°  édit.  1889. 
1  vol.  in-4,  avec  950  figures  dans  le 
texte,  et  3  cartes.  —  Prix  :  br.  25  fr. 
—  Cart.,  27  fr.  50.  —  Relié,  29  fr. 
MAUNOURY  et  SALMON.  —  Manuel 
de  l'art  des  accouchements  ,  à 
,  l'usage  des  élèves  en  médecine  et  des 
élèves  sages-femmes.  3°  édit.,  avec 
415  figures  dans  le  texte.  7  fr. 


2°  PARTIE.  {Clinique  interne,  anatomie  pathologique.) 


AXENFELD  et  HUCHARD.  —  Des 
névroses.  1  fort  vol.  in-8.  20  fr. 

BARTELS.—  Les  maladies  des  reins. 
1  vol.  in-8.  7  fr.  50 

BOUCHARDAT.  —  De  la  glycosurie 
ou  diabète  sucré.  1  vol.  in-8, 
2=  édit.  15  fr. 

DAMASCHINO.  —  Leçons  sur  les 
maladies  des  voies  digestives.  1  vol. 
in-8.  14  fr. 

DURAND-FÂRDEL.  —  Traité  des  ma- 
ladies chroniques.  2  vol.  in-8.   20  fr. 

DURAND-FARDEL.  —Traité  des  eaux 
, minérales.  1  vol.  in-8,  31=  édit.    10  fr. 

FÉRÉ.  —  Les  épilepsies  et  les  épi- 
lep tiques.  1  vol.  in-8  avec  12  pi.  20  fr. 

MARTINEAU.  —  Traité  clinique  des 
affections  de  l'utérus.  1  vol. 
in-8.  14  fr. 

GINTRAC  (B.).  —Cours  théorique  et 

clinique  de  pathologie  interne  et 

de  thérapie  médicale.  9  vol.  gr.  in-8. 

63  fr. 

HOUEL.  — Manuel  d' anatomie  patho- 
logique générale  et  appliquée, 
contenant  :  la  description  et  le  cata- 
logue du  musée  Dupuytren.  2°  édit. 
1  vol.  gr.  in-18.  2  fr.  25 


CORNIL,  RANVIER  et  BUAULT.  — 
Manuel  d'histologie  pathologique. 
2  vol.  gr.  in-8,  avec  577  firrures  dans 
le  texte.  3»  édit.  {Sous  presse.) 

CORNIL  et  BABES.  —  Les  bactéries 

ET  LEUR  ROLE  DANS  l'HISTOLOGIE 
pathologique  des  maladies  INFEC- 
TIEUSES. 3"  édition,  avec  fig.  et  pi. 
hors  texte.  2  vol.  gr.  in-8.  40  fr.- 

GOUBERT.  —  Manuel  de  l'art  des 
autopsies  cadavériques  ,  surtout 
dans  ses  applications  à  l'anatomie 
pathologique.  1  vol.  in-8  de  500  pages, 
avec  145  gravures  dans  le  texte.    2  fr. 

HERARD,  CORNIL  et  HANOT.  —  De  la 
phtisie  pulmonaire.  1  vol.  in-8, 
2=  édit.  1888.  20  fr 

LANCEREAUX.  —  Traité  historique 
et  pratique  de  la  syphilis.  1  vol. 
in-8,  2«  édit.  17  fr. 

MURCHISON.—  De  la  fièvre  typhoïde. 
1  vol.  in-8.  3  fr. 

ONIMUS  et  LEGROS.  — Traité  d'élec- 
tricité médicale.  1  vol.  in-8, 
2'  édit.  17  fr. 

WBBBR.  —  Climatothérapie.  1  vol. 
in-8.  6  fr. 


BERTON.  Guide  et  Questionnaire  de  tous  les  examens  de 
médecine,  avec  les  réponses  des  examinateurs  eux-mêmes  aux 
questions  les  plus  difficiles;  suivi  des  Programmes  des  conférences 
pour  l'internat  et  l'externat,  avec  de  grands  Tableaux  synoptiques 
inédits  d'anatomie  et  de  pathologie.  1  vol.  in-18.  3"  édit.  {Sous presse.) 

THÉVENIN  ET  DE  VARIGNY.  Uictionnaire  abrégé  des  sciences 
physiques  et  naturelles.  1  vol.  in-18  de  630  pages,  imprimé  sur 
deux  colonnes,  cartonné  à  l'anglaise.  1889.  5  fr. 


LIVRES  SCIENTIFIQUES 

(par  ordre  alphabétique  de  noms  d'auteurs) 

NON   CLASSÉS    DANS    LES    SÉRIES    PRÉCÉDENTES 
(MÉDECINE  —  SCIENCES) 

ALAVOINE.  Tableaux  du  système  nerveux,  deux  grands  tableaux 
avec  figures.  1  fr,  50 

AMUSSAT  (Alph.).  mémoires  sur  la  galvanocaustique  thermique. 
1  vol.  in-8,  avec  44  fig.  intercalées  dans  le  texte.  1876.  3  fr.  50 

AMUSSAT  (Alph.).  Des  sondes  à  demeure  et  du  conducteur  en 
baleine.  1  brochure  in-8,  avec  fig.  dans  le  texte.  1876.  75  c. 

ARLT  (de).  Des  blessures  de  reeil  considérées  au  point  de  vue 
pratique  et  médico-légal.  1  vol.  in-18.  1  fr.  25 

ARTlGU£S.Amélle-les-JBalns^  son  climat  et  ses  thermes.  1  vol. 
in-8  de  267  pages.  1  fr,  25 

ARCHIAC  (d').  E,eçons  sur  la  faune  quaternaire  professées  au  Mu- 
séum d'histoire  naturelle.  1865.  1  vol.  in-8.  1  fr.  25 

AUBER  (Ed.).  Traité  de  la  science  médicale  (histoire  et  dogme). 
1  fort  vol.  in-8.  8  fr. 

AUBER  (Ed.).  De  la  Bèvre  puerpérale  devant  l'Académie  de 
médecine,  et  des  principes  du  vitalisrae  hippocratique  appUqués  à 
la  solution  de  cette  question,  ln-8.  3  fr.  50 

AUBEK  (Ed.).  Philosophie  de  la  médecine.  1  vol.  in-18.     2  fr.  50 

AUBfcR  (Ed  ).  Hygiène  des  femmes  nerveuses,  ou  Conseils  :  ux 
femmes  pour  les  époques  critiques  de  leui- \Me.  1  vol.  gr.  in-18.     3  fr.  50 

AUZIAS-TURENNE.  L.a  syphiliitation,  syphilis,  vaccine,  sur  les  ma- 
ladies virulentes,  variétés.  1  fort  vol.  in-8.  16  fr. 

AZAM.  i.es  toqués  (entre  la  raison  et  la  folie).  \  br.  in-8.  1891.     1  fr. 

BARTELS.  I^es  maladies  des  reins,  traduit  de  l'allemand  par 
M.  le  docteur  Edelmann;  avec  Préface  et  Notes  de  M.  le  professeur 
LÉPINE.  1  vol.  in-8  avec  fig.  1884.  7  fr.  50 

BARTHÉLÉMY  SAINT-HILAIRH:.  I.a  philosophie  dans  ses  rapports 
avec  les  sciences  et  la  religion.  1  vol.  in-8.  1889.  5  fr. 

BAUDON.    li'ovariotomie  abdominale,  ln-8.  U  fr. 

BAUDRIMONT.  Formation  du  globe  terrestre  pendant  la  période 
qui  a  précédé  l'apparition  des  êtres  vivants.  1  vol.  in-18.        2  fr.  50 

BECQUEREL.  Traité  des  applications  de  rélectrlcité  à  la  thé- 
rapeutique médicale  et  chirurgicale.  2^édit.  1  vol.  in-8.  2fr.50 

BELZUNG.  ncclierches  sur  IVrgot  de  seigle.  1  vol.  in-8,  avec 
22  gravures.  1889.  1  fr.  50 

BERGERET.  Philosophie  des  sciences  cosmologiques,  critique 
des  sciences  et  de  la  pratique  médicale.  Ia-8  de  310  pages.       4  fr. 

BERGERET.    Petit  manuel   do  la  santé.   1  vol.  in-18.  7  fr. 

BERNARD  (Claude).  Leçons  sur  les  propriétés  des  tissus  \i- 
vants,  avec  94  fig.  dans  le  texte.  1  vol.  in-8.  2  fr.  50 

BERNARD.  Champignons  observés  À  la  Rochelle  et  dans  les  envi- 
rons. 1  vol.  in-8,  avec  1  atlas,  figures  noires,  15  fr.  —  Coloriées.  25  fr. 

BERTET.  Pathologie  et  chirurgie  du  col   utérin.  In-8.      2  fr.  50 

BERTON.  Guide  et  Questionnaire  de  tous  les  examens  de  médecine, 
suivi  de  Programmes  de  conférences  pour  l'externat  et  l'internat, 
avec  Tableaux  synoptiques  inédits  d'anatomie  et  de  pathologie.  1  vol. 
in-18.  30  édit.  •  {Sous  pt^Sf^e.) 

BEYRAN.  lôléments  de  pathologie  générale.  In  18.  75  c. 

BINZ.  Abrégé  de  matière  médicale  et  de  thérapeutique.  1  vol. 
in-ia.  75  c. 

BLACKWELL  (le  D''  Elisabeth).  Conseils  aux  parents  sur  l'éduca- 
tion de  leurs  enfants.  1  vol.  in-18.  2  fr. 

BLATIN.  Bechcrchcs  physiologiques  et  cliniques  sur  la  nico- 
tine et  le  tabac.  Gr.  in-8.  4  fr. 


OUVRAGES   SCIENTIFIQUES  21 

BOGQUILLON.   Revue  du  groupe  des  Vcrbénacées.   1   vol.   gr. 
in-8  de  186  pages,  avec  20  planches  gravées  sur  acier.  15  fr. 

BOGQUILLON.  Anatouiie  et  physiologie  des  organes  reproduc- 
teurs des  Cbampignons  et  des  E,ichens.  In- 4.  2  fr.  50 
BOGQUILLON.  Mémoire  sur  le   groupe  des  Tiliacées.  Gr.  in-8 
de  48  pages.        -  2  fr. 
BONJEAN.  Monographie  de  la  rage.  1  vol.  in-18.  1879.      3  fr.  50 
BOSSANO  (P.  B.).  Recherches  expérimentales  sur  l'origine  mi- 
crobienne du  tétanos.    1  vol.  in-S.  1890.  2  fr. 
BOTKIN,  Des  maladies  du  cœur.  1  vol.  in-8.                            3  fr.  50 
BOTKIN.  De  la  flèvre.  1  vol.  in-8.                                                4  fr.  50 
BOUGHARDAT.  Annuaire  de   thérapeutique,  de  matière  médi- 
cale, de  pharmacie  et  de  toxicologie,  de  1841  à  1886,  conte- 
nant le  résumé  des  travaux  thérapeutiques  et  toxicologiques  publiés 
de  1840  à  1885,  et  les  formules  des  médicaments  nouveaux,  suivi 
de  Mémoires  divers  de  M.  le  professeur  Bouchardat. 
La  collection  complète  se  compose  de  46  années  et  3  suppléments.  49  vol.  gr.  in-32. 

Prix  des  années  1841  à  1873,  et  des  suppléments,  chacune    1  fr.  25 
—         —         1874  à  1886,  1  fr.  .50 

Les  années  1875,  1884,  1885,  1886  sont  épuisées. 
1841.  —  Monographie  du  diabète  sucré. 

1842;  —  Observations  sur  le  diabète    sucré  et  mémoire  sur  une  maladie  nouvelle, 
l'hippurie. 

1843.  —  Mémoire  sur  la  digestion. 

1844.  —  Rectierclies  et  expériences  sur  les  contrepoisons  du  sublimé  corrosif,  du 

plomb,  du  cuivre  et  de  l'arsenicl 
184.5.  —  Mémoire  sur  la  digestion  des  corps  çras. 
1846.  —  Recherches  sur  des  cas  rares  de  chimie  pathologique.et  mémoire  sur  l'action 

des  poisons  et  de  substances  diverses  sur  les  plantes  et  les  poissons. 

1846.  Supplément. —  1"  Trois  ménioires  sur  les  fermentations. 

S"  Un  mémoire  sur  la  digestion  des  substances  sucrées  et  fécu- 
lentes, et  des  recherches  sur  les  fonctions  du  pancréas. 

3°  Un  mémoire  sur  le  diabète  siicré  ou  glycosurie. 

4°  Note  sur  les  moyens  de  déterminer  la  présence  et  la  quantité 
de  sucre  dans  les  urines. 

5"  Notice  sur  le  pain  de  gluten. 
-  6»  Nature  et  traitement  physiologique  de  la  phthisie. 

1847.  —  Mémoire  sur  les  principaux  contrepoisons  et  sur  la  thérapeutique  des  em- 

poisonnements, et  diverses  notices  scientifiques. 

1848.  —  Nouvelles  observations   sur  la    glycosurie,  thérapeutique  des  affections 

syphilitiques,  influence  des  nerfs  pneumogastriques  dans  la  digestion. 

1849.  —  Mémoire  sur  la  thérapeutique  du  choléra. 

1850.  —  Thérapeutique  de»  affections  syphilitiques  et  affaiblissement  de  la  vue  coïn- 

cidant avec  les  maladies  dans  lesquelles  la  nature  de  l'urine  est  modifiée. 

1851.  —  Pathogénie  et   thérapeutique  du  rliumatisme  articulaire  aigu. 

1859.  —  Traitement  de  la  phthisie  et  du  rachitisme  par  l'huile  de  foit  de  morue. 
1856.  —  Mémoires  :  1"  sur  les  amidonneries  insalubres;  2°  sur  le  rôle  des  matières 
albumineuses  dans  la  nutrition. 

1856.  Supplément.—  1"  Histoire  physiologique  et  thérapeutique  de  la  cinchonine; 

2*  Rapports  sur  les  remèdes  proposés  contre  la  rage; 
3°  Recherches  sur  les  alcaloïdes  dans  les  veines  ; 
"  i"  Solution  alumineusè  benzinée  ; 
5"  La  table  alphabétique  des  matières  contenues  dans  les  An- 
nuaires de  1841  à  1855,  rédigée  par  M.  le  docteur. Ramon. 

1857.  —  Mémoire  sur  l'oligosurie,  avec  des  considérations  sur  la  polyurie. 

1858.  —  Mémoire  sur  la  genèse  et  le  développement  de  la  fièvre  jaune. 

1859.  —  Rapports  sur  les  farines  falsifiées,  le  pain  bis  et  le  vin  plâtré. 

1860.  —  Mémoire  sur  l'infection  déterminée  dans  le  corps  de  l'homme  par  la  fermen- 

tation putride  des  produits  morbides  ou  excrémentitiels.  Des  désinfectants 
qui  peuvent  être  employés  pour  prévenir  cette  infection. 

1861.  —  Mémoire  sur  l'emploi  thérapeutique  externe  du  sulfate  simple  d'alumine  et 

de  zinc,  par  M.  le  docteur  Homolle. 

1861.  — Supplément  (^ptiis^). 

1862.  —  Deux  conférences  faites  aux  ouvriers  sur  l'usage  et  l'abus  des  liqueurs  for  es 

et  des  boissons  ferraentées. 

1863.  —  Mémoire  sur  les  eaux  potables. 

1864.-  Origine  et    nature  de  la   vaccine  ;  inoculatU  n,  traitement  de  la  syphilis. 

1865.  —  Mémoire  sur  l'exercice  forcé  dans  le  traitement  de  la  glycosurie. 

1866.  —  Mémoire  sur  les  poisons,  les  venins,  les  virus ,  les  miasmes  spécifiques  df  ns 

leurs  rapports  avec  les  ferments. 

1867.  —  Mémoire  sur  la  gravelle. 

1868.  —  Mémoire  sur  le  café. 

1869.  —  Sur  la  production  de  l'urée.  —  Sur  l'étiologte  de  la  gljcosune. 


22  OUVRAGES   SCIENTIFIQUES. 

1870.  —  Mémoire  sur  la  goutte. 

1871-72.  —  Mémoire  sur  l'état  sanitaire  de  Paris  et  de  Meti  pendant  le  siège. 

1873.  —  Mémoire  s«r  l'étiologie  du  typlius. 

1874.  —  Mémoire  sur  l'iiygiènedu  soldat. 

1875.  —  Mémoire  sur  l'hygièite  tliérapeutique  des  maladies. 

1876.  —  Mémoire    sur  le  traitement  tiygiénique  des  maladies  chroniques  et  des 

convalescences. 

1877.  —  Mémoire  sur  l'éliologie  tliérapeutique. 

1878.  —  Nouveaux  moyens  dans  la  glycosurie. 

1879.  —  Des  vignes  phylioxérées. 

1880.  —  Mémoire  sur  le  traitement  hygiénique  des  dyspepsies. 

1881.  —  Hygiène  et  thérapeutique  du  scorbut. 

1882.  —  Sur  la  piéservation  des  maladies  contagieuses. 

1883.  —  Sur  le  traitement  hygiénique  de  la  fièvre  typhoïde,  et  sur  les  parasiticides, 

1884.  —  Sur  les  maladies  contagieuses  et  la  genèse  de  leurs  parasites  (épuisé). 

1885.  —  Notice  sur  le  choléra  asiatique,  sa  nature,  son  parasite;  hygiène,  trai- 

tement. —  Mémoire  sur  l'atténuation  des  virus  {épuisé). 
1886. —    Traitement  hygiénique  du  mal  de   Biight;  diflicultés  de  l'hygiène,  etc. 
(épîdsé). 

BOUCHÂRDàT.  jBtupplénieiK à  l'Annuaire  de  thérapeutique,  etc., 
pour  1846,  contenant  des  mémoires  :  1"  sur  les  fermentations; 
2°  sur  la  digestion  des  substances  sucrées  et  féculentes  et  sur  les 
fonctions  du  pancréas,  par  MM.  Bouchardat  et  Sandras  ;  3°  sur  le 
diabète  sucré  ou  glycosurie;  4°  sur  les  moyens  de  déterminer  la  pré- 
sence et  la  quantité  de  sucre  dans  les  urines  ;  5°  sur  le  pain  de  glu- 
ten ;  6°  sur  la  nature  et  le  traitement  physiologique  de  la  phthisie. 
1  vol.  gr.  in-32.  1  fr.  25 

BOUCHARDAT.  Supplément  à  l'Annuaire  de  thérapeutique,  etc., 
pour  1856,  contenant  :  1°  l'histoire  physiologique  et  thérapeutique 
de  la  cinchonine  ;  2°  rapport  sur  les  remèdes  proposés  contre  la  rage  ; 
3°  recherches  sur  les  alcaloïdes  dans  les  urines  ;  4"  solution  alumi- 
neuse  benzinée  ;  5°  la  table  alphabétique  des  matières  contenues 
dans  les  Annuaires  de  1841  à  1855,  rédigée  par  M.  Ramon.  1  vol. 
in-32.  1  fr,  25 

BOUCHARDAT.  Opuscules  d'économie  rurale,  contenant  les  en- 
grais, la  betterave,  les  tubercules  de  dahlia,  les  vignes  et  les  vins,  le 
lait,  le  pain,  les  boissons,  l'alucite,  la  digestion  et  les  maladies  des 
vers  à  soie,  les  sucres,  etc.  1  vol.  in-8.  3  fr.  50 

BOUCHARDAT.  Traité  des  maladies  de  la  vigne.  1  vol,  in-8.  3  fr.  50 

BOUCHARDAT.  l.e>  travail,  son  influence  sur  la  santé  (conférences 
faites  aux  ouvriers),  1  vol,  in-18.  2  fr.  50 

BOUCHARDAT.  Histoire  naturelle.  2  vol.  in-18,  avec  grav,    1  fr.  25 

BOUCHARDAT.  Physique.   1  vol.  gr.  in-18.  3«  édit,  1  fr. 

BOUCHARDAT  etQUEYENNK.  instruction  sur  l'essai  et  l'analyse 
du  lait.  1  br.  gr,  in-8.  3«  édit.  1879,  1  fr.  50 

BOUCHARDAT  et  QUEVENNE.  Du  lait,  i^'  fascicule  :  Instruction  sur 
l'essai  et  l'analyse  du  lait;  2*^  fascicule:  Des  laits  de  femme,  d'ânesse, 
de  chèvre,  de  brebis,  de  vache.  1  vol.   in-8.  6  fr. 

BOUCHARDAT  (Gustave).  Histoire  générale  des  matières  albu- 
mîiioYdcs  (Thèse  d'agrégation).  1  vol.    in-8.  2  fr.  50 

BOUCHER.  I.e  flarwinisme.  1  br.  in-8.  1891.  1  fr,  25 

BOURDEAU  (Louis),  Théorie  des  sciences.  Plan  de  science  inté- 
grale. 2  vol.  in-8.  20  fr. 

BOURDEAU  (Louis).  I.cs  forces  de  l'industrie.  Progrès  de  la  puis- 
sance humaine.  1  vol.  in-8.  5  fr. 

BOURDEAU  (Louis).  I.u  conquête  du  monde   animal,  In-8.       5  fr. 

BOUHDET  (Eiig,).  Ues  maladies  du  caractère  au  point  de  vue 
de  l'hygiène  morale  et  de  la  philosophie  positive,  ln-8.  5  fr. 

BOURDET.  i>rlnclpcs  d'éducation  positive.  In-18.  3  fr.  50 

BOURDET  (Eiig.).  Vocabulaire  des  principaux  termes  de  la 
philosophie  posiOvo.  1  vol.  iri-18.  3  fr.  50 

BOUTIGNY  (M.  H.  P.)  d'Évreux.  ibludcs  sur  le»  corps  à  l'état 
spliéroVdal.  1  vol.  in-8.  4"  édition.  10  fr, 

BOUYER  (Achille).  Ktudo  médicale  sur  la  station  hivernale 
d'Amélie-ie«-Bains,  1  vol.  in-18,  1  fr>  50 


OUVRAGES   SCIENTIFIQUES.  23 


BRAULT.  Contribution  à  l'étude  des  népbi-ites.  1881.  In-8,  avec 
3  planches.  2  fr. 

BRÉMOND  (E.).  »e  l'hygiène  de  l'aliéné.  In-S.  2  fr. 

BRIGHAM.  quelques  observations  chirurgicales.  1872.  Gr.  in-8 
sur  papier  de  Hollande,  avec  4  photographies.  1  fr.  50 

BRIERRE  DE  BOISMONT.  Bu  suicide  et  de  la  folie-suicide.  2^  édi- 
tion. 1  vol.  in-8  de  680  pages.  2  fr.  25 

BURDON-SANDERSON,  FOSTER  et  LAUDER-BRUNTON.  manuel  du 
laboratoire  de  physiologie,  traduit  de  l'anglais  par  M.  MoQUlN- 
Tandon.   1  vol.  in-8,  avec  184  figures  dans  le  texte.  1884.         7  fr. 

BYASSON  (H.)  ET  FOLLET  (A.),  étude  sur  l'hydrate  de  chloral  et 
le  trichloracétate  de  soude,   1871.  In-8  de  64  pages.  75  c. 

CABADÉ.  Essai  sur  la  physiologie  des  épithéliums.  In-8  de 
88  pages,  avec.  2  planches  gravées.  2  fr.  50 

CASTORANI.  Mémoire  sur  le  traitement  des  taches  de  la 
cornée,  néphélion,  albugo.  hi-8.  1  fr. 

CASTORANI,  Mémoire  sur  l'extraction  linéaire  externe  de  la 
cataracte.  In-8.  3  fr.  50 

CAZENEUVE,  Des  densités  -des  vapeurs  au  point  de  vue  chi- 
mique (Thèse  d'agrégation).  In-8.  1878.  3  fr.  50 

GHAïlGOT  ET  CORNIL.  Contributions  à.  l'étude  des  altérations 
anatomiques  de  la  goutte,  et  spécialement  du  rein  et  des  articu- 
lations chez  les  goutteux.  In-8  de  30  pages,  avec  pi.  1  fr.  50 

CHARCOT  et  PITllES.  Etude  critique  et  clinique  de  la  doctrine 
des  localisations  motrices  dans  l'écorce  des  hémisphères 
cérébraux  de  l'homme.  Gr.  in-8.  2  fr.  50 

CHARPIGNON.  Considérations  sur  les  maladies  de  la  moelle 
épinière.  In-8.  ^  i*"' 

CHARPIGNON.  Études  sur  la  médecine  animique  et  vitaliste. 
1  vol.  gr.  in-8  de  192  pages.  4fr. 

CHASERAY  (Alexandre).    Conférences  sur  l'âme.  In-18.  50  c. 

CHAUFFARD.  I»e  la  spontanéité  et  de  la  spéciOcité  dans  les 
maladies.  1  vol.  in-i8  de  232  pages.  3  fr. 

CHÉRUBIN.  De  l'extinction  des  espèces,  études  biologiques  sur 
quelques-unes  des  lois  qui  régissent  la  vie.  liL-18.  2  fr.  50 

CHIPAULT  (Antony).  De  la  résection  sous-périostée  dans  la 
fracture  de  l'omoplate  par  armes  à  feu.  ln-8.  3  fr.  50 

CHIPAULT.  Fractures  par  armes  à  feu.  In-8,  avec  37  pi.      25  fr. 

CHUFFART.  I^es  affections  rhumatismales  du  tissu  cellulaire 
sous-cutané  (Thèse  d'agrégation,  1886).  1  vol.  in-8.  1  fr.   50 

CLEMENCEAU.  De  la  génération  des  éléments  anatomiques. 
précédé  d'une  Introd.  par  M.  le  professeur  Robin.  In-8.        1  fr.   50 

Conférences  historiques  de  la  Faculté  de  médecine  faites  pen- 
dant l'année  1865.  {Les  Chirurgiens  érudits,  par  M.  Verneuil.  — 

-  Guy  de  Chauliac,  par  M.  Follin.  —  Celse,  par  M.  Broca.  —  Wurtzius, 
par  M.  Trélat.  —  Bioland,  par  M.  Le  Fort.  —  heuret,  par  M.  Tar- 
nier.  —  Harvey,  par  M.  Béclard.  —  Stahl,  par  M.  Lasègue.  — 
Jenner,  par  M.  Lorain.  —  Jean  de  Vier,  par  M.  Axenfeld.  — Laennec, 
par  M.  Chauffard.  —  Sylvius,  par  M.  Gubler.  —  Stoll,  par  M.  Parrot. 
1  vol.  in-8.  i  fr-  50 

CORNIL.    Des  différentes  espèces  de  néphrites,  ln-8.      3  fr.    50 
CORNIFj.  —  Voy.  Laennec  et  voy.  Charcot. 

DAMASCHINO.  Des  différentes  formes  de  pneumonie  aiguë 
chez  les  enfants,  ln-8  de  154  pages.  3  fr.  50 

DAMASCHINO.  I.a  pleurésie  purulente.    In-8.  3  fr.  50 

DAMASCHINO.  Étiologie  de  la  tuberculose. In-8  de  204  p.   2  fr.  50 
D'ARDONNE.  I>a  philosophie  de  l'expression,    étude   psycholo- 
gique. 1  vol.  in-8  de  352  pages.  8  fr. 
D'ASSIER.  Physiologie  du  langage  phonétique,  ln-18.     2  fr.  50 


24  OUVRAGES  SCIENTIFIQUES. 

D'ASSIER.  Physiologie  du  lnng;ngc  sraphiquc.  In-18.  2  fr.  50 
D'ASSIEB.    Essai    de    phllosopliie    positive    au    JLIX.^     siècle. 

Première  partie  :  le  Ciel.  1  vol.  in-18.  2  fr.  50 

D'ASSIEK.  Essai  de  philosophie  natnrelle  chez  l'homnic.  1  vol. 

in-12,  1882.  3  fr.  50 

DEGRAUX-LAURENT.   Études   ornitholosiques.   La  puissance  de 

l'aile,  ou  l'oiseau  pris  au  vol.  1  vol.  in-8.  5  fr, 

DELBCËUF.  Psychophysique,  mesure  des  sensations  de  lumière  et  de 

fatigue;  théorie  générale  de  la  sensibilité.  In-18,  1883.  3  fr.  50 
DELBŒUF.  Examen    critique  de  la   loi  psychophysique.    1  vol. 

in-18.  3fr.  50 

DELBOEUF.  l.o  sommeil  et  les  rêves.  1  vol.  in-18,  1885.  3  fr.  50 
DELBCËUF.  I^a    matière   brute    et   la  matière   vivante.     1    vol. 

in-18,  1887.  2  fr.  50 

DELVAILLE  (Camille).  Études  sur    l'histoire    naturelle.    1  vol. 

in-18.  3  fr.  50 

DELVAILLE  (Camille).  Ue  la  flèvre  de  lait.  In-8.  2  fr.  50 

DELVAILLE  (Camille).  Oe  l'exercice  de  la  médecine,  nécessité  de 

reviser  les  lois  qui  la  régissent  en  France.  In-8.  2  fr. 

DELVAILLE    (Camille),     i^ettres    médicales     sur    l'Ansloterre. 

In-8.  1  fr.  50 

DESPAGNET.  Compte   rendu  de  la  Clinique  de  M.  le  D<^  Ciale- 

zowski.  (Du  l»""  juillet  1880  au  l^'  juillet  1881.)  In-8.  3  fr.  50 

DESPAGNET.  ne  l'irido-choroïdite  snppurative  dans  le  leucome 

adhérent  de  la  cornée,  ln-8,  1887.  2  fr. 

DEVEHGIE  (Alphonse).  Médecine  légale   théorique  et  pratique, 

3«  édit.  3  vol.  in-8.  7   fr.   50 

DONDERS.  l/astigmatisme  et  les  verres  cylindriques.  Iu-8.  1  fr.  25 

DROGNAT-LANDRÉ.    De  l'extraction    de    la    cataracte.    Grand 

in-8.  50  c. 

DROGNAT-LANDRÉ.  De  la  contagion  seule  cause  de  la  propa- 
gation de  la  lèpre.  In-8.  75  c. 
DUJARDIN-BEAUMETZ.  Myélite  aiguC.  In-8.  2  fr.  50 
DURAND  (de  Gros).  Physiologie  philosophique.  1  vol.  iu-8.  8  fr. 
DURAND  (de  Gros).  De  rmnuence  des  milieux  sur  les  caractères 

de  races,  de  l'homme  et  des  animaux.  In-8.  1  fr.  50 

DURAND  (de  Gros).     Ontologie    et  psychologie   physiologique. 

1  vol.  in-18.  3  fr.  50 

DURAND  (de  Gros).  De  l'hérédité  dans  répilepsie.  50  c. 
DURAND  (de  Gros).  E.es  origines  animales  de  l'homme,  éclairées 

par  la  physiologie  et  l'anatomie  comparatives.  1  vol.  in-8.  5  fr. 

DURAND    (de    Gros).   Genèse  naturelle  des   formes  animales. 

ln-8,  avec  fi^urps,  1888.  1  fr.  25 

DURAND-FARDEL.l.ettre»  médicales  sur  Vichy.  Wéd.  1877.2fr.50 
DURAND-FARDEL.  Traité  pratique  des  maladies  dos  vieillards. 

2«  édition.  1  fort  voL  gr.  in-8.  5  fr. 

Éléments  de  science  sociale,  ou  Religion  physique  sexuelle  et 

naturelle,  par  un  D'"en  médecine,  /inédit.  1884.  1vol.  in-18.  3  fr.  50 
ELEVY.  Biarritz,  bains  de  mer  et  ville  d'hiver.  1  vol.  in-18.  1891  3  fr. 
FAIVRE(Erncst).  Delà  variabilité  des  espèces.  1  vol.  in-18.  2  fr.  50 
FERMOND.   Études  comparées   des  rouilles  dans  les  trois  grands 

embranchements  végétaux.  1  vol.  in-8,  avec  13  pi.  10  fr. 

FERMOND.  Phytogénie,  ou  Théorie   mécanique   de   la  végétation. 

1  vol.  gr.  in-8  de  708  pages,  avec  5  planches.  12  fr. 

FERMOND.  Essai  de  phytomorphie,  ou  Étude  des  causes  qui  dé- 
terminent les  principales  formes  véfiétales.  2  vol.  gr.  in-8.  30  fr. 
FERMOND.   Faits  pour  servir  à  l'histoire  générale  de  la  récon- 

datlon  chez  les  végétaux,  ln-8  de  A5  pages.  2  fr. 

FERRIER.  tes  fonctions  du  cerveau.  1  vol.  in-8,  traduit  de  l'an- 
glais par  M.  H,-C.  de  VARiGNY,avec  68fig.  dans  le  texte.  1878.     3  fr. 


OUVRAGES   SCIENTIFIQUl  S  25 

FERRIER.  Do  la  localisatiua  des  maladies  cérébrales,  traduit 
de  l'anglais  par  M.  H. -C.  DE  Varigny,  suivi  d'un  mémoire  de  MM.Char- 
COT  et  Pitres  sur  les  Localisations  motrices  dans  les  hémisphèrm  de 
Vécorce  du  cerveau.  1  vol.  in-8  et  67  fig.  dans  le  texte.  2  fr. 

PERRIÈRE.  E.'âme  est  la  roncdon  du  cerveau.  2  vol.  in-12. 
1883.  7  fr. 

FEKRIÈRE.  I^  matière  et  l'énergie.  1  vol.  in-12.  1887.     4  fr.  50 

PERRIÈRE.  l,avie  et  rame.   1  vol.  in-12.  1888.  4  fr.  50 

PERRIÈRE,  lies  erreurs  scientinques  de  la  Bible.  1  vol.  in-12. 
1891.  3  fr.  50 

FI  AUX.  li 'enseignement  de  la  médecine  en  Allemagne.  1  vol. 
in-8.  1877.  5  fr, 

FLINT.  lleeherches  expérimentales  sur  une  nouvelle  fonction 
du  foie.  in-8.   1868.  2  fr.  25 

FOY.  mémorial  do  thérapeutique  à  l'usage  du  médecin.  Ia-8. 
1862.  4  fr. 

FREDERIQ  (D').  Hygiène  populaire.  1  vol.  in-12,  18/5.       -    4  fr. 

FUMOUZE  (A.).  De  la  cantbaride  offlcinalc  (thèse  de  pharmacie). 
In-jtde  58  pages  et  5  planches.  3  fr,  50 

FUMOUZE  (V.).  tes  spectres  d'absorption  du  sang  (thèse  de  doc- 
torat). In-4  de  141  pages  et  3  pi.  4  fr.  50 

GALEZ0W8KI.  Desmârres,  sa  viç  et  ses  œuvres.  Ia-8.  2  fr. 

GÂLEZOWSKI.  tes  troubles  oculaires  dans  l'ataxie  locomotrice. 
In-8.  1884.  1  fr,  50 

GÂLEZOWSKI.  Sur  l'emploi  de  l'aimant  pour  l'extraction  des 
corps  étrangers  métalliques  de  l'œil.  In-8.  2  fr, 

GARNIËR.  Dictionnaire  annuel  des  progrès  des  sciences  et 
Institutions  médicales,  suite  et  complément  de  tous  les  diction- 
naires, précédé  d'une  Introduction  par  M.  le  docteur  Amédée  Latour. 
23  vol.  in-12  de  500  pages  chacun. 

Prix  de  la  1"  année,  1864.  1  fr.  50 

—  des  2S  3%  4%  5«  et  6«  années,  1865  à  1869,  chacune      2  fr. 

—  de  la  7^  année  1870  et  1871.  2  fr.  25 

—  des  8«,  9«,  10%  11%  12%  13%  14%  15%   16%  17%   18%  19% 
20%  21%  22^  et  23»  années,  1872  à  1887,  chacune.  2fr.  25 

GELY.  Études  sur  le  cathétérisme  curviligne  et  sur  l'emploi 
d'une  nouvelle  sonde  dans  le  cathétérisme  évacuatlf. 
1  vol.  in-4  avec  97  planches.  2  fr. 

GEOFFROY  SAINT-HILAIRE  (Etienne).  Tie,  travaux  et  doctrine 
scientifique,  par  Isid.  Geoffroy  Sai«t-Hilaire.  1  vol.  in-12.    3  fr,  50 

GERVAIS  (Paul),  zoologie.  Reptiles  vivants  et  fossiles.  In-8.       7  fr. 

GILLE.  te  traitement  des  malades  à.  domicile.  1  vol.  in-8.       6  fr. 

GINTttAG  (E.).  Cours  théorique  et  clinique  de  pathologie  In- 
terne et  de  thérapie  médicale.  1853-1859.  9  v.  gr,  in-8.    63  fr. 

GIRAUD-TEULON.  t'œil.  Notions  élémentaires  sur  la  fonction  de  la 
vue  et  ses  anomalies.  2^  édition.  1  vol.  in-12.  1  fr, 

GIRAUD-TEULON,  «Eil  schématique,  dimensions  décuples. 
1  tableau.  75  c. 

GOLDSCHMIDT  (D.),  De  la  vaccine  animale.  In-8,  1885.  1  fr. 

GOUBERT.  Manuel  de  l'art  des  autopsies  cadavériques.  1867. 
1  vol.  in-18avec  145fig.  2  fr. 

GOUJON.  Étude  d'un  cas  d'hermaphrodisnie  bisexué!  Impar- 
fait chez  l'homme.  In-8  avec  2  planches,  1872.  1  fr. 

GREHANT.  Recherches  physiques  sur  la  respiration  de 
l'homme.  In-8  de  46  pages,  avec  1  planche.  75  c. 

GROVE  (W.   R.).   Corrélation  des  forces  physiques.  In-8.  7  fr.  50 

GUl^'lER.  Essai  de  pathologie  et  de  clinique  médicales,  conte- 
nant des  recherches  spéciales  sur  la  forme  pernicieuse  de  la  maladie 
des  marais,  la  fièvre  typhoïde,  la  diphtérie,  la  pneumonie,  la  thoraco- 
centèse  chez  les  enfants,  le  carreau,  etc.  1  fort  vol.  in-8.  8  fr. 


26  OUVRAGES  SCIENTIFIQUES 

HÂNRIOT  (I\I.).  Hypothèses  sur  la  constitution  de  la  matière 

(Thèse  d'agrégation,  1880).  1  vol.  in-8.  3  fr. 

HÉMEY  (Lucien).  »e  la  péritonite  tuberculeuse.  In-8.  2  fr. 

HENRY.  (Charles).  Cercle  chromatique  présentant  tous  les  complé- 
ments et  toutes  les  harmonies  des  couleurs,  avec  une  Introduction 
sur  la  Théorie  générale  du  la  Dynamogénie,  grand  in-folio,  beau 
cart.  ^  hO  fr. 

HENRY  (Charles).  Rapporteur  esthétique,  avec  notice  sur  ses 
applications.  20  fr. 

HENRY  (Charles)  §>ur  une  loi  générale  des  réactions  psycho- 
motrices, br.  in-8.  2  fr. 

HIRIGOYEN.  ne  l'influence  des  déviations  de  la  colonne  verté- 
brale sur  la  conformation  du  bassin  (Thèse  d'agrégation, 
1880).  1   vol.  in-8,  4  fr. 

Hommage  à  91.  Chevreul  h  l'occasion  de  son  centenaire 
(31  août  *S8e).  1  beau  vol.  in-4  de  95  pages,  imprimé  sur 
papier  de  Hollande,  contenant  sept  mémoires  originaux  par  MM.  Rer- 

THELOT,      DEMARÇAY,       DUJARDIN- REAUMETZ,     A.     GAUTIER,     GrIMAUX, 

Georges  Pouchet  et  Ch.  Richet.  1   fr.  50 

HOUËL.  Alanuel  d'anatomie  pathologique  générale  et  appli- 
quée, contenant  le  Catalogue  et  la  description  des  pièces  déposées  au 
musée  Dupuytren.  2«  édition.  1  vol.  in-18  de  930  pages.        2  fr.  25 

HUGHARD  (H.).  Étude  critique  sur  la  pathogénie  de  la  mort 
subite  dans  la  flèvre  typhoïde.  1  br.  in-8,  1878.  1  fr.  25 

HUXLEY.  lia  physiographie,  introduction  à  l'étude  de  la  nature, 
traduit  et  adapté  par  M.  G.  Lamï.  1  vol.  in-8  avec  figures  dans  le 
texte  et  2  planches  en  couleurs,  broché.  2^  édition.  8  fr. 

ISAMBERT  (E.).  Études  sur  l'emploi  thérapeutique  du  chlorate 
de  potasse,  spécialement  dans  les  affections  diphtéritiques  (croup, 
angine  couenneuse,  etc.).  1  vol.  in-8.  75  c. 

ISAMBERT  (E.).  Parallèle  des  maladies  générales  et  des  mala» 
dies  locales.  In-8.  1   fr. 

JACOBY.  Phtisie  et  altitudes.  1  br.  in-8.  1889.  1  fr.  50 

JACQUES.  I^'intubation  du  larynx.   In-8.   1888.  2  fr.  50 

JAMAIN.  Des  plaies  du  cœur.  Thèse  d'agrégation.  1857.  in-8.       75  c. 

JORDAN.  Traitement  des  pseudarthroses  par  Tautoplastie 
périostiqae.  In-4  avec  3  pi.  1880.  1  fr.  25 

JOSAT.   De  la  mort  et  de  ses  caractères.  1  vol.  in-8.  7  fr. 

JOSAT.  Recherches  historiques  sur  l'épilepsle.  In-8.  2  fr. 

JOUSSET  DE  BELLESME.  Recherches  expérimentales  sur  la 
digestion  des  insectes,  et  de  la  Blatte  en  particulier,  ln-8.    3  fr. 

JOUSSET  DE  BELLESME.  Phénomènes  physiologique»  de  la 
métamorphose    chez   la  l.ibellule    déprimée.  In-8.     2  fr.  50 

JOUSSET  DE  BELLESME.  Recherches  expérim.  sur  les  fonc- 
tions du   balancier  chez  les  insectes   diptères.    In-8.      3  fr. 

KOVALEVSKY.  E,'ivrognerie,  ses  causes,  son  traitement.  1  vol.  in-8. 
1888.  Cart.  1  fr.  50 

KUNZR;.  Manuel  de  médecine  pratique,  traduit  de  l'allemand  par 
.*M.  Knoeri,  1883.  1  vol.  in-18.  1  fr.  50 

LABORDE.  L,es  hommes  et  les  actes  de  l'insurrection  de  Paris 
devant  la  psychologie  morbide.  1871.  In-18  de  150  p.      2  fr.  50 

LAHILONNE.  Kssai  de  critique  médicale.  Pau  et  ses  environs  au 
point  de  vue  des  afToctions  paludéennes.  Gr.  in-8.  2  fr. 

LAIIILONNE.  Étude  do  météorologie  médicale  au  point  de  vue 
des  voies  respiratoires.  2  fr.  50 

LAHILO.NNR.  Histoire  des  fontaines  de  Cauterets  et  de  leur  em- 
ploi au  traitement  des  maladies  chroniques.  1  vol.  in-18, 1877.  3  fr. 

LAHILONNE.  Étude  de  posologie  hydro-minérale  rationnelle 
dauM  les  troubles  de  la  respiration  et  do  la  circulation.  In-8, 
1887.  1  fr. 


OUVRAGES   SGIENTIWQUES.  27 

LANDAU.  Théorie  et  traitement  de  la  glycosurie.  In-8.  I  fr.  50 
LAUSSEDAT.  l,a  Suisse.  Études  médicales  et  sociales.  Iu-18.  1  fr.  25 
LE  FORT.    lia   chirurgie  militaire  et  les  Sociétés  de  secours  en 

France  et  à  l^étranger.  In-8  avec  gravures.  10  fr. 

LE  FORT.  Étude  sur  l'organisation  de  la  médecine  en  France  et 

à  l'étranger.  In-8,  1874.  3  fr. 

LÉPINE.  lie  ferment  glycoliptlque  et  le  pathogénie  du  diahète. 

In-8.  1891.  1  fr. 

LEYD16.    Traité   d'histologie    comparée   de   l'homme    et   des 

animaux,   1  fort  vol.  in-8  avec  200  figures,  4  fr.  50 

LIARD.     Des    définitions     géométriques     et     des    définitions 

empiriques,  i  vol.  in-18.  2«  édition.  1887.  2  fr.  50 

LIEBREIGH  (Oscar).    I^'hydrate  de    chloral.  75  c. 

LIEBREIGH  (Richard).  Nouveau  procédé  d'extraction  de  la  cata- 
racte. In-8  de  16  pages,  1872.  75  c. 
LIOUVILLE  (H.),  ne  la  généralisation  des  anévrysmesmiliaires. 

1  vol.  in-8  de  230  pages,  et  3  pi.  comprenant  19  fig.  6  fr. 

LONGET.  Traité  de  physiologie.  3^  édition.  S  vol.  gr.  in-8  avec 

figures.  12  fr. 

LONGET.    Mouvement    circulatoire    de    la    matière    dans    les 

trois  règnes.   2  grands  tableaux  avec  figures.  2  fr,  25 

LOUET.  Ouïde  administratif  du  médecin-accoucheur  et  de  la 

sage-femme.  1vol.  in-18,  1878.  1  fr.  25 

lia  lutte  contre  l'abus    du  tabac,  publication  de  la  Société  contre 

l'abus  du  tabac.  1  vol.  in-18,  1889,  Cart.  à  l'anglaise.  3  fr,  50 

MAC  GORMAG,   Manuel   de    chirurgie    antiseptique,    traduit  de 

l'anglais  par  le  docteur  Lutaud,   1  fort  vol.  in-8.  2  fr. 

MACARIO.  Entretiens  populaires  sur  la  formation  des  mondes 

et  les  lois  qui  les  régissent.  1  vol.  in-18.  2  fr.  25 

MACARIO.  liettres  sur  l'hygiène.  1  vol.  in-18.  2  fr. 

MACARIO.     De    l'Influence    médicatrice    du    climat   de    IVIce. 

4«  édition.  1886.   In-18.  1  fr. 

MAIRET.    Formes    cliniques    de   la    tuberculose    mlliaire   du 

poumon  (thèse  d'agrégation,  1878).  1  vol.  ih-8.  3  fr.  50 

MANDON.  De  la  fièvre  typhoïde,  nouvelles  considérations  sur  sa 

nature,  ses  causes  et  son  traitement.  1  vol.  in-8.  6  fr. 

MANDON.  Essai  de  dynamique  médicale.  1886.  1  vol.  in-8,  3  fr. 
MANDON.  Yan  Helmont,  sa  biographie  et  ses  œuvres.  In-4.  6  fr. 
Manuel  populaire  des  premiers  soins  à  donner  aux  malades 

et  aux  blessés    avant  l'arrivée    du    médecin,    publié   par   la 

Société  Française  d'hygiène,  1  br.  in-8.  1891.  60  c. 

MAREYV    Du    mouvement     dans     les  ^  fonctions     de     la    vie. 

1  vol,  in-8  avec  200  figures  dans  le  texte.  3  fr. 

MARTIN.  Du  traitement  des  fractures  du  maxillaire  inférieur 

par  un  nouvel  appareil.  1  vol.  in-8  avec  61  fig.  1887.         3  fr. 
MARTINY.  liO  bord  de  la  mer,  le  traitement  maritime  et  ses  rapports 

avec  l'homœopathie.  1  vol.  in-8    1889.  3  fr. 

MARX  (Edmond).  De  la  fièvre  typhoïde.  In-8.  3  fr. 

MAURIN    (A. -S.).  Dictionnaire  du  foyer  et  d'infirmerie.    1  vol. 

in-18,  2«  édition.  1886.  3  fr,  50 

MAURIN  (A.- S.).  Mouveau  formulaire  magistral  des   maladies 
des  enfants.  1  vol.  in-18,  2«  édit.  1886.  3  fr.  50 

MAURIN  (A.  S.).   Formulaire  de   l'herboristerie.    1   vol.    in-18. 
1888.  4  fr. 

MELLEZ.  Genèse  de  la  terre  et  de  l'homme.  1  vol.  in-8.  5  fr. 
MENIÈRE.  Cicéron  médecin.  Étude  médico-littéraire.  In-18.  4fr.  50 
MENIERE.  lies  consultations  de  madame  do  iSévigné.  Étude  mé- 
dico-littéraire. 1  vol.  in-8.  3  fr. 
MENIERE.  lies  moyens  thérapeutiques  employés  dans  les  ma- 
ladies de  l'oreille.  Thèse.  Gr.  in-8.  2  fr. 


28  OUVRAGES   SCIENTIFIQUES. 

MENIÈRE.  Du  traiteiuont  de  rotorrbée   puruIcHte  chronique, 

considérations  sur  la  maladie  de  Manière.  In-18.  J  fr.  25 

MEUNIER  (Stanislas).  E.lthologie  terrestre  et  comparée  (roches, 

météorites).  1  vol.  in-8,  108  pages,  1  fr.  50 

MOREL.  Traité  des  champignons.  I11-I8,  avec  grav.  col.  8  fr. 

MOUGEOT  (de  l'Âube).   itinéraire    d'un  nbiétiste  h  travers  les 

sciences  et  la  religion.  In-18.  3  fr.  50 

MOURAO-PITTA.  Madère.  Station  médicale  fixe.  Climat  des  plaines  et 

des  altitudes.  1889.  1vol. in-8,  cart.  2  fr. 

MURCHISON.   De  la  nèvre  typhoïde,  avec  Notes  et  Introduction  du 

docteur  H.  Gceneau  de  Mussy.  1  vol.  in-8  avec  figures  dans  le  texte 

et  planches  hors  texte.  3  fr. 

NÉLATON.   Éléments  do  pathologie  chirurgicale,  par  A.  Néla- 

ton,  membre  de  l'Institut,   professeur  de  clinique   à  la  Faculté  de 

médecine,  etc. 

Seconde  édition  complètement  remaniée  par  MM.  les  docteurs  Jamain, 
Péan,  Després,   Gillette  et  Horteloup,   chirurgiens  des   hôpitaux. 
Ouvrage  complet  en  6  vol.  gr.  in-8,  avec  795  fig.  dans  le  texte.  32  fr. 
On  vend  séparément  les  volumes  : 
Tome  premier,  revu  par  le  docteur  Jamain.  Considérations  géné- 
rales sur  les  opérations.  —  Affections  pouva7it  se  montrer  dans  toutes 
les  parties  du  corps  et  dans  les  divers  tissus.  1  f.  v.  gr.iu-8.  3  fr. 
Tome  deuxième,  revu  par  le  docteur  Péan.  Affections  des  os  et  des 
articulations.  1  fort  vol.  gr.  in-8,  avec  288  fig.  dans  le  texte,     5  fr. 
Tome  troisième,  revu  par  le  docteur  Péan.  Affections  des  articu- 
lations (suite),  affections  de  la  tête,  des  organes  de  l'ol/action.  i  vol. 
gr,  in-8,  avec  148  figures,  4  fr.  50 

Tome  quatrième,  revu  par  le  docteur  Péan.  Affectio7is  des  appa- 
reils de  l'ouïe  et  de  la  vision,  de  la  bouche,  du  coti,  du  corps 
thyroïde,  du  larynx,  de  la  trachée  et  de  l'œsophage.  1  vol.  gr.  in-8, 
avec  208  figures  dans  le  texte.  —  Ne  se  vend  pas  séparément. 

Tome  cinquième,  revu  par  les  docteurs  Péan  et  Després,  Affections 
de  la  poitrine,  de  l'abdomen,  de  l'anus,  du  rectum  et  de  la  région 
sacro-coccygienne .  1  vol,  gr.  in-8,  avec  61  fig.  dans  le  texte.  4  fr.  50 
Tome  sixième,   par   les   docteurs   Després,   Gillette   et   Horteloup, 
Affections  des  organes  génito-urinaires  de   l'homme.  —  Affections 
des  organes  génito-urinaires  de   la  femme.  —  Affections  des  mem- 
bres. 1  vol.  gr.  in-8,  avec  90  figures.  1885.  10  fr, 
NICAISE.    Des    lésions    de   Pintestin    dans    les    hernies.    In-8 
de  120  pages.  3  fr, 
NIEMEYER.  Éléments  de  pathologie  interne   et  de  thérapeu- 
tique,  traduit    de  l'allemand,    annoté   par  M.  CORNIL,  3"    édition 
française,  augmentée  de  notes  nouvelles.  2  vol,  gr.  in-8,       4  fr,  50 
NIVELET.   Gall  et  sa  doctrine.  1   vol.  in-8.    1890.  5  fr. 
GDIER  ET  BLACHE.  f^uolques  considérations  sur  les  causes  de 
la  mortalité  dos  nouveau-nés,  et  sur  les  moyens  d'y  remédier, 
Gr.  in-8  de  30  pages  et  XI  tableaux,                                          1  fr.  50 
OLLIVIER  (Clément),  InHuence  des  affections  organiques  sur  la 
raison,  ou  Pathologie  morale.  In-8  de  244  pages,                        4  fr, 
ONIMUS,  De  la  théorie  dynamique  de  la  chaleur  dans  les  sciences 
biologiques.  In-8.                                                                                1  fr. 
ONIMUS  et  VIRY.  Étude  critique  des  tracés  obtenus  avec  le  car- 
diographe et  le  sphygmographe,  In-8  de  75  pages.                        2  fr. 
ONIMUS  ET  VIRY,  Études  critiques  et  expérlm.  sur  l'occlusion 
des  orifices  auriculo-venlriculaires,  In-18  de  60  pages.            1  fr.  25 
PAQUET  (F.).  I.a  gutta-percha  ferrée  appliquée  à  la  chirurgie  sur 
les  champs  de  bataille  et  dans  les  hôpitaux.  In-8.                        50  c. 
PARENT  (A.).  Compte  rendu   de  la  Clinique  de  M.  le   D'  Galo- 
zowskl.(Du  l"novembre  1878  au  l*' novembre  1879.)  In-8.   1  fr.  25 
PÉAN.  Splénotomie.  Ablation  complète  de  la  rate.  In-8,            1  fr. 


OUVRAGES  SCIENTIFIQUES.  29 

PÉAN.  De  la  forcîpressure,  ou  de  l'application  des  pinces  à  l'hé- 
mostasie  chirurgicale.  In-8,  1875.  2  fr.  50 

PEAN.  Du  piacement  des  vaisseaux  coninie  moyen  d'hémo- 
stase. 1  vol.  in-8,  1877,  U  fr. 

PÉROCHË.  lies  causes  des  phénomènes  glaciaires  et  tor- 
rides,  justification.  In-8.  2  fr. 

PÉROlJHE.  Xes  oscillations  polaires  et  les  températures  géolo- 
giques. In-8,  1880.  2  fr. 

PÉROCHE.  li'honime  et  les  temps  quaternaires  au  point  de  vue 
des  glissements  polaires  et  des  influences  processionnelles.  In-8.  2  fr. 

PÉROCHE.  liCS  végétations  fossilei^  dans  leurs  rapports  avec  les 
révolutions  polaires  et  avec  les  influences  thermiques  de  la  précession 
des  équinoxes.  1886.  1  vol.  in-8.  3  fr. 

PHILIPS  (J.-P.).  mnuence  réciproque  de  la  pensée,  de  la 
sensation  et  des  mouvements  végétatifs,  ln-8.  1  fr. 

PICOT.  De  rétat  de  la  science  dans  la.  question  des  maladies 
infectieuses.  In-8,  1872.  2  fr. 

PICOT.  Recherches  expérimentales  sur  rinflammation  suppu- 
rative.  In-8  avec  4  planches.  2  fr. 

PiETRA  SANTA  (de).  Eaux  minérales  naturelles  françaises  et 
étrangères  autorisées    au  1<"^  octobre  1891.  1  vol.  in-8.     3  fr.  50 

PIGEON  (Gh.).  Du  rôle  de  l'électricité  dans  l'économie  ani- 
male. In-8,  1880.  1  fr.  50 

PITRES.  De  l'hémiplégie  syphilitique.  1  broch.  in  8.  1889.     1  fr. 

POEY.  I.e  positivisme.  1  vol.  in-l2.  4  fr.  50 

POEY.  M.  liittré  et  Aug.  Comte.   1  vol.  in-12.  3  fr.  50 

POINTE.  Hygiène  des  collèges.  In-18.  1  fr.  25 

PORAK  (Ch.).  Considérations  sur  Tictcre  des  nouveau-nés  et 
sur  le  moment  où  il  faut  pratiquer  la  ligature  du  cordon  ombilical. 
ln-8,  1878.  2  fr. 

POHAK(Ch.).  De  l'influence  réciproque  delà  grossesse  et  des 
maladies  de  cœur  (Thèse  d'agrégation,  1880).  1  vol.  in-8.     4  fr. 

POUCHET  (Georges).  Des  changements  de  coloration  sous  l'in- 
fluence des  nerfs.  1  vol.  in-8  avec  5  pi.  en  couleur.  10  fr. 

PREYER.  Phyi>iologie  spéciale  de  l'embryon,  1887.  1  vol.  in-8, 
avec  fig.  et  9  pi.  hors  texte.  7  fr.  50 

QUEVENNE  et  ROUCHARDAT.  —  Voy.  Bouchardat  et  Quevenne. 

RARBINOWICZ.  I^a  médecine  du  thalmud.  1  vol.  in-8.  10  fr. 

RABUTEAU.  Étude  expérimentale  sur  les  effets  physiologiques 
des  fluorures  et  des  composés  métalliques.  In-8.  75  c. 

RABUTEAU.  Phénomènes  physiques  de  la  vision.  In-4.  75  c. 

REGAMEY  (G™^).  Anatomie  des  formes  du  cheval  à  l'usage  des 
peintres  et  des  sculpteurs,  publié  sous  la  direction  de  M.  Félix  Regamey, 
avec  texte  par  M.  le  docteur  Kuhff  6  pi.  en  chromolithographie.  2  fr.  50 

RE  Y.  Dégénération  de  l'espèce  humaine  et  sa  régénération. 
1  vol.  in-8  de  226  pages.  3  fr. 

RICHARD.  Pratique  journalière  de  la  chirurgie.  1  vol.  gr.  in-8 
avec  215  figures  dans  le  texte.  2^  édit.,  1880,  augmentée  de  cha- 
pitres inédits  de  l'auteur,  et  revue  par  M.  le  docteur  J.  Crauk.     5  fr. 

RIETSCH.  Reproduction  des  cryptogames.  1  vol.  gr.  in-8,  avec 
figures.  5  fr. 

ROBIN  (Ch.).  Des  tissus  et  des  sécrétions.  Anatomie  et  physiologie 
comparées.  Gr.  in-18  sur  2  colonnes.  1  fr.  50 

ROBIN.  Des  éléments  anatomiqnes.  1  vol.  in-8.  1  fr.  50 

ROMIÉE.  De  l'amhlyopie  alcoolique.  In-8,  1881.  2  fr. 

ROISEL.    i.es  Atlantes.  Études  antéhistoriques.  In-8,  1874.         7  fr. 

ROTTENSTEIN.  Traité  d'anesthésie  chirurgicale,  contenant  la 
description  et  les  applications  de  la  méthode  anesthésique  de 
M.  Paul  Bert.  1880.  1  vol.  in-8  avec  figures.  10  fr. 


30  OUVRAGES    SCIENTIFIQUES 

SANDRAS    et    BOURGUIGNON.     Traité    pratique    des    maladies 
nerveuses.   2  vol.   in-8.  3  fr.   50 

SANNÉ.  Étude  sur  le  croup  après  la  trachéotomie,  évolution 
normale,   soins  consécutifs,    complications.    In-8.  4  fr. 

SAUVAGE.   2EooIogie.  Des  poissons  fossiles.  In-8.  1  ^r.  25 

SCHIFF.  I^eçons  sur  la  physiologie  de  la  digestion,  faites  au 
Muséum  d'histoire  naturelle  de  Florence.  2  vol.  gr.  in-8.         20  fr. 

SCHWEIGGER.  I^eçons  d'ophtbalmoscopie,1885,  3  fr.  50 

SOELBERG-WELLS.  Traité  pratique  des  maladies  des  yeux. 
1  fort  vol.  gr.  in-8,  avec  figures.  Traduit  de  l'anglais.  4  fr.  50 

SOUS,  manuel  d'ophthalmoscopie.  1  vol.  in-8.  1   fr.  25 

TALAMON.  Recherches  anatomo- pathologiques  et  cliniques 
sur  le  foie  cardiaque.  Gr.  in-8.  2  fr. 

TARDIEU.  Manuel  de  pathologie  et  de  clinique  médicales. 
4^  édition,  corrigée  et  augmentée.   1873.  1  vol.  gr.  in-18.   2  fr.  50 

TAULE.  IVotions  sur  la  nature  et  les  propriétés  de  la  matière 
organisée.  In-8.  1  fr.  25 

TAYLOR.  Traité  de  médecine  légale,  traduit  sur  la  7«  édition 
anglaise,  par  M.  le  docteur  Henri  Coutagne.  1  vol.  gr.  in-8.  4  fr.  50 

TERRIER  (Félix).  De  l'œsophagotomle  externe.  In-8.  3  fr.  50 

TERRIER  (Félix).  Des  anévrysmes  cirsoldes  (Thèse  d'agrégation^ 
1872).  In-8.  3  fr. 

THÉRY  (de  Langon).  Traité  de  l'asthme.  1  vol.  in-8.  5  fr. 

THÉVENIN  et  DE  VARIGNY.  Dictionnaire  abrégé  des  sciences 
physiques  et  naturelles.  1  vol.  in-18  de  630  pages  sur  deux 
colonnes.  Cart.  à  l'anglaise.  1889.  5  fr.   , 

TROLARD.  De  la  prophylaxie  des  maladies  exotiques,  impor- 
tables et  transmissibles.  Des  mesures  propres  à  remplacer  les 
quarantaines.  1  br.  ia-8.  1891.  1   fr. 

UFFELMANN.  Des  maisons  hospitalières  destinées  aux  enfants 
faibles  etscrofulenxdes  classes  pauvres,  etc.  In-8,  1884.  1  fr.  50 

VAN  ENDE  (U.).  Histoire  naturelle  de  la  croyance,  l""^  partie  : 
l'animal.  1  vol.  in-8.  1887.  5  fr. 

VARIGNY  (H.  G.  de).  Recherches  expérimentales  sur  l'exci- 
tabilité électrique  des  circonvolutions  cérébrales  et  sur 
la  période  d'excitation  latente  du  cerveau.  In-8,  1884.  2  fr. 

VASLIN  (L.).  Études  sur  les  plaies  par  armes  à  feu.  1  vol, 
gr.  in-8  de  225  pages,  accompagné  de  22  pi.  en  lithogr.  6  fr. 

VERNIAL.  Origine  de  l'homme,  d'après  les  lois  de  l'évolution  natu- 
relle. 1  vol.  in-8,  1882.  3  fr. 

VILLENEUVE  Cliniques  chirurgicales  de  l'Hôtel-Dieu  de  Marseille 
(1888-1889).  In-8,   1891.  2  fr. 

VILLENEUVE.  De  l'opération  césarienne  après  la  mort  de  la  mère, 

réponse  à  M.  le  docteur  Depaul.  Br.  in-8  de  160  pages.  2  fr.  50 

yjRGHOW.  Des  trichines,  à  l'usage   des  médecins  et  des   gens   du 

monde  .   In-8  de  55  pages  et  pi.  coloriée.  75  c. 

VIRGHOW.  Pathologie  des  tumeurs,  cours  professé  à  l'Université  de 

Berlin,  traduit  de  l'allemand  par  M.  le  docteur  Aronssohn. 

Tome  I.  1  vol.  gr.  in-8  avec  106  fig.;  3  fr.  75.  Tome  11.  1  vol. 
gr.  in-8  avec  74  fig.;  3  fr.  75.  Tome  lU.  1  vol.  gr.  in-8  avec 
49  fig;  3  fr.  75.  Tome  IV  (1"  fascicule).  1  vol.  gr.  in-8  avec  fig.  1  fr.  50 
WIET.  Do  l'élongation  des  nerfs.  1882.  In-8  avec  figures.  4  fr. 
WILLEMIN.Des  coliques  hépatiques  et  do  leur  traitement  par 
res  eaux  de  Yichy.  4^  édit.  1886.  1  vol.  in-18.  3  fr.  50 


—  31  — 

PUBLICATIONS   PÉRIODIQUES 


Revue    de    Médecine 

DIRECTEURS  :  MM. 

BOUCHARD  I  CHARCOT 

Prof,  à  la  Faculté  de  méd.  de  Paris,  Médecin   de        Prof,  à  la  Faculté  de  méd.  de  Paris,  Médecin  de  la 

Lariboisière,  Membre  de  l'Académie  des  sciences.       |       Salpêtrière,  Membre  de  l'Académie  des  sciences. 

CHAUVEAU 

Inspecteur  général  des  écoles  vétérinaires.  Membre  de  l'Académie  des  sciences. 

RÉDACTEURS  EN   CHEF   :   MM. 


LANDOUZY 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris, 
Médecin  de  l'hôpital  Tenon. 


LEPINE 

Prof,  de  clinique  médicale  à  la  Faculté  de  méd. 
do   Lyon,  Correspondant  de  l'Institut. 


Revue    de    Chirurgie 


DIRECTEURS  :   MM. 


OLLIER 

Prof,  de  clinique  chirurgicale  à  la  Faculté  de  méd. 
de   Lyon,  Correspondant  de  l'Institut. 

RÉDACTEURS  EN  CHEF  :  MM 


VERNEUIL 

Prof,  de  clinique  cnirurgicale  à  la  Faculté  de  méd. 
de  Paris,  Membre  de  l'Académie  des  sciences. 


NICAISE 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris, 
Chirurgien  de  l'hôpital  Laennec. 


F.  TERRIER 

Prof,  agrégé  à  la  Faculté  de  méd.  de  Paris,  Membre 
de  l'Acad.  de  méd.  Chirurgien  de  l'hôpital  Bichat. 


Ces  deux  Revues  paraissent  depuis  le  commencement  de  1881,  le  10  de  chaque  mois, 

chacune  formant  une  livraison  de  3  ou  6  feuilles  d'impression,  gr.  in-S". 

Elles  continuent  la  Revue  mensuelle  de  médecine  et  de  chirurgie  fondée  en  1877. 

Abonnement  pour  chaque  Revue  séparée.  i         Abonnement  pour  les  deux  Revues  réunies. 

On  an,  Paris 20  fr.        Un  an,  Paris 35  fr 

—      Départements  et  étranger 23  fr,     |  —    Départements  et  étranger 40  fr. 

Chaque  année  de  la  Revue  mensuelle  de  médecine  et  de  chirurgie,  de  la  Revue  de 
médecine  et  de  la  Revue  de  chirurgie  se  vend  séparément.    20  fr.  —  Chaque  livraison.    2  fr. 

Archives    italiennes    de    Biologie 

Publiées  en  français  par  A.  Mosso,  Prof"^  à  l'Université  de  Turin. 
Tomes  I  et  II,  1882,  30  fr.  — Tomes  II!  à  Xli  (1883  à  1890),  chacun  20  fr. 
Ces  Ai'chives  paraissent  sans  périodicité    fixe;  chaque  tome,   publié   en   3   fascicules, 
coiite  20  francs,  payables  d'avance. 

JOURNAL   DE  L'ANATOMIE   ET  DE   LA  PHYSIOLOGIE 

normales  et  pathologiques 

DE    L'HOMME     ET    DES    ANIMAUX 

Dirigé  par  MM^ 
GEORGES    POUCHET 


Professeur-administrateur 
au  Muséum  d'histoire  naturelle. 


MATHiAS  DUVAL 

Membre  de  l'Académie  de  médecine. 
Professeur    à  la  Faculté    de   médecine. 


VINGT-HDITIÉME  ANNEE  (1892) 

Ce  journal,  fondé  par  Charles  Robin,  paraît  tous  les  deux  mois  et  a  pour  objet:  la  téra- 
tologie, la  chimie,  organique,  Vhijgiène,  la  torÀcologie  et  la  médecine  légale  dans  leurs 
rapports  avec  l'anatomie  et  la  physiologie,  les  applications  de  l'anatoniie  et  de  la  phy- 
siologie à  la  pratique  de  la  médecine,  de  la  chirurgie  et  de  l'obstétrique. 

Il  forme  à  la  fin  de  l'année  un  beau  volume  grand  in-8%  de  700  page^  environ,  avec 
de  nombreuses  gravures  dans  le  texte  et  30  planches  lithographiées,  ou  en  taille-douce, 
en  noir  et  en  couleurs,  hors  texte. 

Un  an  :  pour  Paris,  30  fr.  ;  pour  les  départements  et  l'étranger,  33  fr.  —  la  lirraison,  6  fr. 

Les  treize  premières  années,  1864,  1865,  1866,  1867,  1868,  1869,  1870-71,1872^  1873, 
1874,  1875,  4876  et  1877,  sont  en  vente  au  prix  de  20  fr.  l'année,  et  de  3  fr.  50  la  livrai- 
gon.    Les  années  suivantes  depuis  1878  coûtent  30  fr.,  la  livraison  6  fr. 


—  32  — 

RECUEIL      D  OPHTALMOLOGIE 

Dirigé  par  les  D"  Galezowski  et  Boucher 
Paraissant  tous  les  mois  par  livraisons  in-8  de  4  feuilles 
3^  série,  U*  année,  1892. 
Abonnement  :  Un  an,  20  fr.,  pour  la  France  et  l'Étranger.  La  livraison,  2  francs. 
La  1"  série,  publiée  sous  le  titre   de  Journal  d'ophtalmologie,  par  MM.  Galezowski 

et  PiÉCHAUD,  année  1872.  1  vol.  in-8 20  fr. 

Les  volumes  de  la  2«  série,  années   1874,    1875,   1876,  1877,  1878,  se   vendent  chacun 

séparément 15  fr. 

La  3°  série  commence  avec  l'année  1879.  Prix  des  années  1879  à  1889:  Chacune 
séparément 20  fr. 

Annales  de  la  Société  d'Hydrologie  Médicale 

DJE     FARI8 

COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES  DE  4854  A  1891 

Abonnement  :  un  an,  Paris,  6  fr.  ;   Départements,  7  fr.  ;  Étranger  8  fr. 

34    volumes  in-8  :    Paris,  20i  fr.;  Départ,,    238  fr.   —  Chaque  volume  sép.,  7   fr. 

ANNALES  DES  SCIENCES  PSYCHIQUES 

Recueil  d'observations  et  d'expériences  paraissant  tous  les  deux  mois 
Dirigé  par  le  JD"^  DARIEX 

DEUXIÈME      ANNÉE,      1892 

Les  Annales  des  Sciences  psychiques,  dont  le  plan  et  le  but  sont  tout  à  fait  nouveaux,  paraissent 
tous  les  deux  mois  depuis  le  15  janvier  1891.  Chaque  livraison  forme  un  cahier  de  quatre  feuilles  in-8* 
carré,  de  64  pages,  renfermé  s  lUS  une  couverture. 

Elles  rapportent,  avec  force  preuves  à  l'appui,  toutes  les  observations  sérieuses  qui  leur  sont  adres- 
sées, relativement  aux  faits  soi-disant  occultes  de  télépatliie,  de  lucidité,  de  pressentiments,  de 
mouvements  d'objets,  d'apparitions  objectives. 

En  dehors  de  ces  recueils  de  faits,  sont  publiés  des  documents  et  discussions  sur  les  bonnes  condi- 
tions pour  observer  et  cjcpérimenter,  des  analyses,  des  bibliographies,  des  critiques,  etc. 
Abonnements  :  Un  an,  du  25  janvier,  12  francs  ;  la  livraison,  2  fr.  50 

REVUE      MENSUELLE 

de  l'École  d'Anthropologie  de  Paris 

PUBLIÉE    PAR    LES    PROFESSEURS 
Deuxième  Année,  1892 

La  Revue  mensuelle  de  l'École  d'Anthropologie  de  Paris  paraît  le    15  de  chaque  mois.^ 
Chaque  livraison  forme  un  cahier  de  doux  feuilles  in-S"  raisin  (32  pag'es)  renfermé  sous  une  couverture 
imprimée  et  contenant  : 

1»  Une  leçon  d'un  des  professeurs  de  l'École.  Cette   leçon,  qui  forme  un. tout    par  elle-même,  est 

accompapfnée  de  gravures,  s'il  y  a  lieu  ; 
2"  Des  analyses  et  comptes  rendus  des  faits,  des  livres  et  dos  revues  périodiques,  concernant  l'an- 
thropolof^ie    de  façon  à  tenir  les  lecteurs  au  courant  des  travaux  des  Sociétés  d'anthropologie  fran- 
çaises et  étrangères,  ainsi  que  des  publications  nouvelles  ; 
3"  Sous  le  titre:  Variétés. soai  rassemblés  des  notes  et  des  documents  pouvant  être  utiles  aux  per- 
sonnes qui  s'intéressent  aux  sciences  anthropologinues. 

Prix  d'abonnement  : 
Un  an  (à  partir  du  15  janvier)  pour  tous  pays,  10  francs;  la  livraison,  1  franc. 

REVUE    MEDICALE    DE    L'EST 

PARAISSANT  LE  1«""  ET  LE  15  DE  CHAQUE  MOIS 

Dix-neuvième  année,  181)2 

Comité  de  Rédaclion  :  MM.  les  Professeurs  Baraban,  Bernheim,  Démange,  Gross,  Hergott, 

IlEYDENREicir,  ScnMiTT,  Spili.mAnn,  (le  la  Faculté  de  Médecine  de  Nancy. 

Rédacteur  en  chef  :  M.  P.  Parisot,  Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Médecine  de  Nancy. 

Abonnement:  Un  an,  du   !•'  janvier,  France  et  Étranger:  12  francs 
Pour  les  Étudiants  en  médecine  :  P>  francs, 

7946.  —  Imprimeries  réunies,   rue   Mignon,   i,   Haris,