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Full text of "Les bardes bretons; poèmes du VI0 siècle, tr. pour la première fois en français avec le texte en regard revu sur les manuscrits et accompagnós d'un fac-simile"

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LES 

BARDES    BRETONS 

POÈMES  DU  VI'  SIÈCLE 

TftÀDUITS  POCE   LA  PEBMIÈRB  POIS 
BN  PRAlfÇAIS 

AVEC  LE  TEXTE  EN  REGARD  REVU   SUR  LES  MANUSCRITS 
ET  ACC0MPA6NÉ8  D*ON  PAG-SIMILE 


PAA  LB  YICOHTB 

Tfa^Oc:-  HERSART^Dfi  LA  VILLEMARQUË 

HBHBEfi  DB  L'INSTITUT. 


Nouvelle    Édition. 


»»oooo^ 


PARIS 

UBRAIRIE   ACAOÉWOUE 

DIDIER  ET  G» ,  LIBRAIRES -ÉDITEURS, 

35,   QUAI  DBS   GEAIIDB-AUGUBTIMS. 
1860 

Tons  droits  réservés. 


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PRÉFACE 


CETTE  NOUVELLE  ÉDITION. 


Ce  livre  a  trouvé  près  des  amis  des  études  cel- 
tiques le  même  accueU  bienveillant  que  les  pré- 
cédeols  ouvrages  de  Tauteur  ;  plus  d'éloges 
que  de  critiques  lui  ont  été  adressés;  si  les  uns, 
venant  de  personnes  qui  m'ont  loué  sans  me  con- 
naître, 

Caressent  de  mon  cœur  l'onifileillense  foiblesse  ; 

les  autres,  inspirées  parle  seul  amourde  la  science, 
loin  d'avoir  besoin  que  je  les  pardonne^  ont  droit 
au  contraire  à  mes  remerctments.  Je  ne  sépare 
donc  pas,  dans  ma  reconnaissance,  ceux  dont  j'ai 
eu  l'approbation  entière  de  ceux  qui  ne  m'ont 
approuvé  qu'avec  une  réserve  bien  naturelle;  et, 
en  leur  offrant  à  tous  indistinctement  l'expression 
publique  de  mes  sentiments,  je  serais  ingrat  de  ne 
point  avouer  que  je  suis  peut-être  moins  redevable 
aux  encouragements  des  premiers,  qu'à  l'aiguillon 
vif  des  seconds. 

Le  choix  des  textes  réunis  dans  ce  volume ,  la 
méthode  orthographique  qu'on  leur  a  appliquée , 
leur  interprétation,  les  commentaires  dont  ils 
sont  l'objet;  tout,  jusqu'à  la  question  de  savoir 
préalablement  si  un  autre  qu'un  Gallois  avait 
qualité  pour  entreprendre  un  pareil  ouvrage ,  a 


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I 


été  débattu  par  la  critique.  Hésiode  et  Pindare  j 
traduits  pour  la  première  fois ,  n'auraient  pas  été 
plus  curieusement  examinés  que  les  poèmes  des 
bardes  bretons  et  le  travail  de  leur  éditeur. 

Pour  ce  qui  esl  de  la  question  de  compétence 
soulevée  par  une  Revue  française,  voici  la  ré- 
ponse trop  aimable  d'une  Revue  anglaise  impor- 
tante t 

«  L^édileur  n^est  poini  du  tout  uo  guide  in* 
compâent.  U  est  déjà  favorablement  connu  dans 
oe  pays  par  la  publication  des  Chants  breOms.  11 
entreprend  aujourd'hui  des  études  sur  un  terrain 
qui,  pour  être  moins  immédiatement  le  sien,  est 
cependant  celui  d'un  peuple  frère  ;  et,  quoique 
versé  peut-être  moins  profondément  dans  la 
science  de  nos  Bretons  insulaires  qu'un  petit 
nombre  dliommes  spéciaux,...  il  est  au  moins 
aussi  bien  qualifié  que  la  généralité  même  des 
littérateurs  gallois  pour  formuler  une  opinion  sur 
nos  plus  anciens  poèmes  bretons,  et  beaucoup 
mieux  doué  qu'eux  pour  cette  œuvre  générale 
qui  rend  le  critique  capable  d'agir  en  même 
temps  comme  inteiprète.  »  ^ 

De  son  qôté,  M.  Adolphe  Pictet  a  bien  voulu 
croire  que  Tauteur  a  eu  raison  k  de  ne  pas  re- 
culer devant  ce  problème  redoutable,  pour  la 
solution  duquel  il  était,  à  vrai  dire,  mieux  pré- 
paré que  tout  autre.  »  ^ 

Mais  pourquoi  rappeler  une   question  aban- 

«  Th»  OutOmiy-RêPiew,  Td.  xa,  n»  glxxxh,  p.  277.  — 1852. 
*  Biblioihèqm  universelle  de  Genève ,  L  xxxiv  de  ia  4«  sé- 
rie, n*  93,  p.  12.  —  1853. 


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donnée  d'ailleurs  spontanément  i  dans  une  nou- 
velle rédaction  de  son  article ,  ^  par  celui-là 
même  qui  Tavait  posée?  —  Les  autres  sont  plus 
sérieuses. 

£n  jetant  les  yeux  sur  la  table  des  matières 
contenues  dans  ce  volume,  on  s^est  demandé  le 
motif  d'un  choix  aussi  restreint  parmi  tant  de 
pièces  de  divers  genres  de  V  Archéologie  galloise^ 
Assurément,  il  ne  serait  pas  difficile  au  nouvel 
éditeur  de  donner  de  bonnes  raisons  de  son 
triage  ;  on  les  lira  dans  Pavant  propos  ;  ici  encore 
il  aime  mieux  laisser  au  bienveillant  critique  an- 
glais le  s(Mn  de  sa  défense  : 

«  Il  a  sagement  a^,  dit  la  Quaterljr^Rei^iew , 
en  limitant  le  champ  de  ses  présentes  opén^iM, 
et  en  se  bornant  aux  pièces  des  bardes  du  Vi*  siè- 
cle dont  l'authenticité  ne  peut  être  contestée 
phis  longtemps....  Dans  notre  opinion,  ajoute 
l'auteur,  s'il  s'est  trompé,  c'est  plutôt  par  cir- 
conspection que  par  crédulité.  » 

Cette  critique^  je  l'avoue ,  m'a  plus  flatté  qu^un 
coni{diment,  et  je  n'ai  pas  cru  devoir  élargir  le 
cercle  que  je  m'étais  tracé  pour  y  introduire  des 
pièces  d'une  antiquité  contestable. 

Une  controverse  bien  autrement  grave  s'est 
élevée  au  sujet  de  l'orthographe  qui  convient 
aux  textes  des  bardes  du  VP  siècle,  qui,  on  le  sait, 
ne  nous  sont  point  parvenus  sous  leurs  formes 
idiomatiques  et  orthq^phiques primitives,  assez 


>  Cf.  les  Essais  de  moraU  et  de  critique  de  M.  Renan,  p.  429, 
-^  1869  —  et  hB0Vue  des  Dmo-Mondes,  tV,  p.  496.  —  1854. 


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diffërentes  de  celles  qu'on  leur  a  'imposées  au 
moyen-âge  dans  le  pays  de  Galles. 

Tout  en  observant  que  «  c'est  là  ëvidemment 
une  question  purement  galloise,  et  dont  nul  étran- 
ger ne  saurait  se  faire  juge ,  »  Tëmineixt  philologue 
genevois  Fa  tranchée.  N'était-ce  pas  aller  un  peu 
vite  en  besogne?  A  d^autres  philologues  non  moins 
compétents  la  question  n'a  point  paru  aussi  facile 
à  résoudre.  J^en  ai  trouvé  de  fort  hésitants  ;  à  plus 
forte  raison  ai-je  hésité  moi-même. 

Il  n'y  avait  que  trois  partis  à  prendre  ; 

Ou  extraire  de  l'ouvrage  imprimé  de  Myvyr  les 
textes  rajeunis  des  Bardes,  et  se  borner  à  en 
donner  une  nouvelle  édition  expulsée  des  fautes 
grossières  dont  elle  fourmille,  —  travail  de  copiste 
que  le  premier  venu  pouvait  entreprendre  ;  — 

Ou  choisir  le  manuscrit  le  plus  ancien  du 
moyen-âge  de  chacun  des  grands  poètes  du  Vr 
siècle,  et  le  reproduira  fidèlement ,  en  l'éclairant 
à  l'aide  de  variantes  fournies  par  d'autres  ma- 
nuscrits. Telle  avait  été  naturellement  ma  pre- 
mière idée ,  et  j'avais  copié  dans  ce  but  les  poèmes 
contenus  dans  ce  volume.  Si  j'y  ai  renoncé,  c'est 
qu'à  la  réflexion  il  m'a  paru  que  des  copies  pos- 
térieures de  sept,  huit  et  même  neuf  cents  ans 
aux  oeuvres  originales  ;  des  copies  où  la  vieille 
orthographe  et  le  style  primitif  ont  été  plus  ou 
moins  défigurés  par  un  système  arbitraire  de  l'in- 
vention des  Gallois,  ne  pouvaient  former  la  base 
l^itime  d'une  édition  vraiment  historique  des 
Bardes. 

Restait  une  dernière  combinaison ,  consistant  à 


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rétablir  scientifiquemeDt  les  textes  sous  leur  forme 
première,  d'après  les  modèles  que  nous  avons 
encore  y  et  à  leur  rendre  ainsi ,  avec  leur  couleur 
et  leur  physionomie  propres ,  la  place  qui  leur 
convient  parmi  les  monuments  du  premier  &ge 
de  la  langue  des  anciens  Bretons. 

En  suivant  hardiment  cette  méthode  l(^que , 
je  devais  trouver  des  contradicteurs.  Je  m'y  at- 
tendais. Mais,  chose  très-rèmarquable ^  ils  ne 
devaient  venir  ni  des  pays  celtiques,  ni  des  juges 
naturels.  U  y  a  mieux  :  le  présent  essai ,  tout  im* 
parfait  qu'il  est ,  a  eu  des  imitateurs  parmi  les 
Gallois  eux-mêmes  ;   je  citerai  entre  autres  le 
vénérable  et  savant  archidiacre  Williams,  dont  le 
suffrage  m'a  été  précieux  ;  il  en  a  eu  parmi  les 
premiers  celtistes  d'Allemagne^  et  Zeuss  n'a  pas 
craint,  lui  aussi,  de  braver  les  foudres  de  l'école 
routinière,  en  reconstituant,  d'après  la  langue  des 
Bretons  du  Vi*  siècle,  des  textes  rajeunis  par  des 
mains  galloises  du  XIIP.  Ajouterai-je  que  ce  qui 
a  le  plus  contribué  à  me  donner  confiance  dans  la 
méthode  que  j'ai  adoptée,  c'est  l'approbation  de 
celui  des  men^res  de  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres  qui  représente  avec  le  plus  d'au- 
torité, en  Europe,  l'étude  comparative  des  lan- 
gues écrites  ou  pariées  dans  l'occident  de  l' Ancien- 
Monde?  Mon  illustre  ami  et  maître  Jacob  Grimm 
a  trouvé  à  cette  méthode ,  indépendamment  de 
ses  mérites  scientifiques,  l'avantage  de  faciliter 
aux  étrangers  l'étude  des  idiomes  celtiques,  si 
étrangement  écrits  pour  eux  d'ordinaire ,  et  parti- 
culièrement de  l'ancien  breton ,  rendu  parfois 


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méconnaissable  à  l'œil  sous  son  traTestisseUient 
gallois.  Déjà,  précédemment,  notre  Eugène  Bur- 
nouf  m'avait  exprimé  la  même  opinion  ;  seule* 
ment ,  il  m'avait  suggéré  une  idée  heureuse  que 
j'ai  exécutée  :  je  lui  dois  la  pensée  de  mon  double 
texte  ;  le  texte  courant ,  avec  l'orthographe  pri* 
mitive  rétablie  autant  que  possible;  le  texte  du 
bas  des  pag^ ,  avec  celle  des  manuscrits  du 
taK>yen*âge. 

Dôis-je  aujourd'hui  changer  de  méthode  ?  Je 
n'hésiterais  pas  si  je  n'avais  lieu  d'errer  que  le 
premier  et  le  plus  éminent  de  mes  contradicteurs 
a  changé  lui-même  d'avis ,  après  une  étude  plus 
approfondie  des  sources ,  et  que  la  simple  vue  du 
fac-similé  que  j'ai  publié  des  anciens  manuscrits 
bretons  aura  porté  dans  son  esprit  une  lumière 
supérieure  à  la  démonstration  la  plus  convain- 
cante. Il  ne  dira  plus,  j'aime  à  le  croire,  que  j'ai 
eu  pour  but  de  ramener  au  bas-breton  moderne 
l'ancien  gallois;  ^  que  «  nous  ne  connaissons  pas 
Torthographe  employée  antérieurement  à  l'an 
1000,  et  qu'il  est  évident  que  la  forme  première 
des  poèmes  du  Vr  siècle  nous  reste  et  nous  restera 
probablement  toujours  inconnue.  »  Il  n'insinuera 
plus  qu'ils  ne  furent  point  écrits  dès  le  début  avec 
l'alphabet  romain  ;  il  y  regardera  de  près  avant  de 
donner  sa  confiance  à  l'alphabet  prétendu  drui- 

<  Singnlière  méprise  4u  savant  critique  !  comme  si  j'étais  cause 
que  le  breton  de  nos  jours  est,  de  tous  les  dialectes  celtiques, 
celui  qui  a  le  plus  de  rapports  de  style  et  d'orthographe  avec 
l'ancien  gallois,  précisément  parce  qu'il  a  été  moins  cultivé  que 
le  gallois  nouveau  ! 


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dîque  des  poètes  GaQoisdu  XYl*  siècle ,  au  fameux 
Coelbrgn  y  àeirdd;  car  le  Coetbren  a  juste  le  degré 
d^authenticitë  de  ce  Kyvrjmac'h,  ou  Mystère  des 
Bardes,  dont  il  s*est  épris  bien  malheureusement. 

J'ai  ëprouTé ,  je  Parvoue  ^  on  vrai  soulagement 
en  Toyant  un  philologue  que  pei^sonne  n^honore 
autimt  que  moi,  traiter  plus  favorablement  ma 
traduction  des  Bardes.  Ici,  en  dfet,  ce  n'est  pas 
de  la  forme,  c'est  du  fond  même  qu'il  s'agit, 
c^est^à-dire  de  la  vie  ou  de  la  mort  du  livre. 

3e  ne  puis  résister  au  plaisir  de  citer  les  paroles 
de  H.  Pictet.  Si  on  les  trouve  trop  flatteuses, 
qu'on  y  Toie  son  désir  de  tempérer  par  l'indul- 
gence les  sévérités  de  ses  critiques  : 

«  Dans  la  traduction ,  dit-il ,  il  y  a  beaucoup 
plus  à  louer  qu'à  critiquer,  vu  la  grande  difficulté 
de  l'entreprise.  Profondément  initié  par  ses  tra- 
vaux antérieurs  et  ses  prédilections  au  génie  de  la 
poésie  celtique ,  le  traducteur  a  su  s'inspirer  très- 
heureusement  de  la  rude  simplicité  des  vieux 
Bardes ,  sans  s'abandonner  comme  les  Gallois  à 
cet  enthousiasme  aveugle  qui  s'efforce  de  dissi- 
muler par  des  artifices  de  traduction  les  aspérités 
un  peu  barbares  de  cette  sombre  muse,  et  qui 
cherche  des  allusions  profondes  là  où  il  n'y  a 
bien  souvent  que  de  Tobscurité.  Sa  version  est 
constamment  simple,  claire,  concise,  poétique 
aussi ,  par  cela  même  qu'elle  est  simple  et  sans 
prétentions  académiques.  Elle  laisse  bien  loin 
derrière  elle,  sous  ce  rapport^  les  traductions 
anglaises  qui  l'ont  précédée.  Quant  à  Pexactitude, 
elle  leur  est  assurément  très-supérieure.  » 


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Le  critique  de  la  Quaterljr^Review  veut  bien  ren- 
dre le  même  jugement;  seulement,  il  trouve  la  tra- 
duction encore  trop  élégante  telle  qu'elle  est.  «  Le 
traducteur,  dit-il,  laisse  voir  peut-être  des  traces 
d'un  certain  amour  français  pour  Tél^ance  qui 
dépasse  parfois  la  mesure  de  la  simple  exactitude  ; 
mais,  en  général ,  son  interprétation ,  autant  que 
nous  avons  pu  la  contrôler,  nous  a  paru  substan- 
tiellement correcte.  »  D'autres  autorités,  soit  gal- 
loises, soit  anglaises,  deux  critiques  surtout, 
d'autant  plus  respectables  qu^ils  se  sont  eux* 
mêmes  attaqués  courageusement  aux  poèmes  des 
Bardes ,  M.  Stephens  et  M.  Nash ,  ont  adhéré  aux 
sentiments  de  \^  Bibliothèque  unii^erselle  de  Genèi^e 
et  de  la  QuaterlyReuiew.  Mais  l'unanimité  des 
suffrages  ne  peut  me  faire  illusion  sur  les  parties 
défectueuses  de  ma  traduction  :  d^une  part,  la 
subtilité  de  l'esprit  bardique  ,  de  l'autre,  l'alté- 
ration des  textes ,  y  ont  multiplié  les  obscurités. 
Je  sais  mieux  que  personne  tout  ce  qu'elle  laisse 
à  désirer,  et  je  me  joins  de  grand  cœur  à  M.  Pictet 
pour  souhaiter  aux  études  celtiques  un  Jacob 
Grimm  qui  vienne  défricher  le  champ  inculte 
des  vieux  Bardes  ,  et  lui  rende  toutes  ses 
fleurs. 

Ce  que  je  dis  de  ma  traduction ,  je  ne  fais  nulle 
difficulté  pour  l'avouer  de  mes  commentaires.  Si 
des  historiens  de  la  valeur  d'Augustin  Thierry, 
de  Henri  Martin  et  de  Beale-Poste;  si  des  cri- 
tiques comme  celui  du  recueil  genevois  ou  de  la 
principale  Revue  anglaise  ont  admis  mes  hypo- 
thèses géographiques,  chronologiques  et  histori- 


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ques  y  et  trouvé  que  j'avais  «  édairci  beaucoup 
d'obscurités  de  noms  d'hommes  ^  de  lieux ,  d'é- 
vénements et  de  dates ,  »  je  les  remercie  sincère- 
ment de  leur  confiance;  mais  plusieurs  de  ces 
hypothèses  n'en  restent  pas  moins  pour  moi  ce 
qu'elles  sont  en  réalité  ;  et  contrairement  à  l'opi- 
nion de  M.  Pictet ,  qui  trouve  «  la  critique  du 
commentateur  toujours  pleine  de  mesure  et  de 
sagacité ,  »  je  me  range  humblement  à  l'avis  de 
mon  savant  confrère  >  M.  Renan ,  qui  la  juge  «  loin 
d'être  à  l'abri  de  tout  reproche.  »  Je  n'ai  pas  la 
prétention  qu'on  accepte  tous  mes  commentaires 
sans  contrôle,  et  j'admets  volontiers  que  la  con- 
fiance absolue  avec  laquelle  on  les  a  cités  a  pu 
avoir  des  inconvénients.  Il  faut  se  garder  d'intro- 
duire dans  l'austère  domaine  de  l'histoire  des  don- 
nées qui  pourraient  fort  bien  n'être  que  des  chi- 
mères. Quel  tort  a  fait  à  la  vérité  historique  et 
philosophique  l'adoption  pure  et  simple,  quedis- 
je ,  Tamplification  éclatante  des  commentaires  sur 
le  Mystère  des  Bardes,  misérable  rapsodie  moderne 
où  il  n'y  a  d'ancien  que  trois  lignes,  et  qui  contient 
les  doctrines  religieuses,  non  pas  des  Druides,  mais 
de  quelques  poètes  chrétiens  hétérodoxes  du  pays 
de  Galles ,  des  premiers  temps  de  la  Réformel 

Pour  qu'un  commentaire  fût  adopté  par  Fhis-f 
toire  ou  la  philosophie ,  je  voudrais  le  voir  dé- 
montré presque  mathématiquement  ;  je  voudrais 
que  les  fouilles  de  l'archéologue  vinssent  en  aide 
aux  assertions  du  philologue,  comme  cela  est 
précisément  arrivé  un  an  après  la  publication  de 
ce  livre.  Le  fait  vaut  la  peine  d^être  cité;  je  l'em- 


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pruote  à  un  estimable  recueil  gallois,  VJrch€(h 
hgia  Cambreruis  (janvier  1851  )• 

Oo  lira  dans  lespoèmesde  Liwarc'h*Heon  qu^uu 
de  ses  fils  t  appelé  Gwenn ,  fut  tué  par  les  Ânglo- 
Saxons  eu  faisant  le  guet  au  bord  du  Morlaz,  qu'il 
l'enterra  luinnéme  non  loin  de  la  rivière ,  sous  un 
poirier  9  et  que,  pendant  la  cérémonie  funèbre, 
sur  la  plus  haute  branche  de  Tarbre ,  un  oiseau 
chantait  dopt  la  voix  joyeuse  lui  brisa  le  cœur. 

J^avais  remarqué  dans  les  environs  d'Os westry, 
à  peu  de  distance  du  Morlaz,  un  tumulus  appelé 
Gorsedd^Gwenn,  c'est<4i-dire  le  Tertre  de  Gwenn  y 
et  j'aurais  voulu'  le  voir  fouiller ,  espérant  qu'il 
contiendrait  les  restes  du  fils  de  Liwarc'h-Henn. 

Ge  désir  devait  être  réalisé  ;  quelques-uns  de 
mes  savants  confrères  de  la  SodtU  cambrienne 
ont  fouillé  le  tumulus,  et  ils  y  ont  trouvé  le  sque- 
lette d'un  homme  de  six  pieds»  a  Le  nom  de 
Gwenn,  roaoarque  la  Quaierl/-Reifiew  ^  à  propos 
de  ce  fait  intéressant,  répond  bien  à  celui  du 
fils  de  Liwarc'h-Henn  ;  la  position  géographique 
du  tombeau  est  justement  celle  qu'on  peut  dési- 
rer, et  la  taille  du  squelette  s'accorde  avec  la 
description  que  fait  le  barde  de  la  stature  de  son 
fils«  Jamais  peut-être  aucun  poète  jusqu'ici  n'avait 
reçu  des  événements  une  confirmation  plus  écla- 
tante de  sa  véracité.  Hé  bien  !  poursuit  le  cri- 
tique anglais,  avec  un  grand  bonheur  de  raf^ro- 
chement ,  nous  ne  savons  si  ce  témoignage  sorti 
de  la  tombe  est  plus  remarquable  que  la  vie 
extraordinaire  qui  respire  dans  les  poèmes  du 
vieux  barde  et  de  ses  frères  en   poésie.   Après 


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H 
UD  sommeil  peu  interronqm  pendaot  des  siècles, 
leur  voix  se  &it  de  nouveau  entendre  au  milieu 
de  notre  ciyiUsation  moderne^  et  leurs  ouvrages 
ont  été  jugés  dignes  du  grand  jour  de  la  publicité 
dans  le  Fans  de  1850.  j> 

Les  dix  années  qui  se  sont  écoulées  depuis 
cette  époque,  et  Texamen  à  froid  de  mon  oeuvre, 
ne  m'y  ont  fait  rien  remarquer  d'assez  grave  pour 
nécessiter  des  changeivents  notables.  La  décou- 
verte de  manuscrits  antérieurs  à  ceux  que  nous 
avons  m'aurait  seuleibrcé  de  publier  une  édition 
nouvelle  avec  un  autre  texte  et,  par  suitç,  une 
traduction  plus  ou  moins  modifiée.  Jusqu'à  cette 
découverte,  je  crob  devoir  maintenir  en  général 
la  version  que  j'ai  suivie  et  mon  interprétation. 
Mais ,  ai-je  besoin  de  dire  combien  c'est  à  con- 
tre-cœur, combien  je  serais  heureux  de  refaire 
mon  livre  pour  l'améliorer  I 

J'ai  voulu  du  moins,  aujourd'hui,  donner  une 
idée  de  ce  qu'il  serait  s'il  était  tout  composé  de 
textes  archaïques ,  et  l'un  d'eux ,  conservé  à 
Cambridge,  me  l'a  permis.  Il  ne  porte  aucune 
trace  de  la  grande  réforme  littéraire  accomplie 
dans  le  pays  de  Galles,  au  XIP  siècle;  nulle  com- 
plication, nulle  subtilité,  nul  raffinement  dans 
la  reproduction  du  système  phonétique  par  l'é- 
criture; c'est  la  simplicité  même,  l'indigence  pri- 
mitive ,  la  barbarie ,  si  l'on  veut ,  telle  qu'elle  a 
persisté  chez  les  peuples  littérairement  attardés 
du  Ck>mwall  et  de  l'Ârmorique  ;  c'est  du  vieux 
breton,  enfin,  du  brythonek ,  conune  l'appelait 
dès  Tannée  f  140  Geoiïroi  de  Monmouth  ,  pour 


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12 

le  distinguer  du  gallois  de  son  temps,  qu'il  nom- 
mait et  qu'on  nonmie  encore  kymraek. 

Je  le  place  au  frontispice  de  ce  livre  conmie 
un  diamant  respecte  du  ciseiiu,  et  couvert  encore 
de  sa  poussière  vénérable  ;  à  la  dernière  page , 
je  le  tradub  et  le  commente  après  les  poésies  de 
de  Liwarc'h ,  d^Aneurin  et  de  Taliésin ,  qu'il 
éclaire  et  couronne.  Puisse-t-il,  en  montrant 
sous  son  véritable  costume  historique  un  poème 
des  anciens  Bardes  bretons,  faire  juger  du  tra- 
vestissement qu'ik  ont  subi  au  moyen-àge  et  jus- 
tifier  du  même  coup  l'œuvre  de  restauration  que 
j'ai  tentée.  De  pareils  textes,  multipliés,  l'auraient 
rendue  heureusement  inutile,  et  je  ne  désespère 
pas  qu'elle  le  devienne  un  jour. 


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AVANT-PROPOS. 


J'ai  recueilli  et  publié,  d'après  la  tradition  orale,  les  chants 
populaires  de  la  Bretagne  armoricaine.  Encouragé  par  une 
distinction  flatteuse  de  rAcadémie  française ,  je  traduis  au- 
jourd'hui les  poèmes  des  bardes  bretons  insulaires ,  tels  que 
je  les  trouve  dans  des  recueils  déjà  qualifiés  d'anciens  au  XII'' 
siècle.  ' 

Longtemps  enfouis  dans  la  poussière  des  bibliothèques,  et 
connus  seulement  par  le  catalogue  des  documents  gallois  iné- 
dits que  l'antiquaire  Lhuyd  fit  paraître ,  en  1707,  sous  le  ti- 
tre A^ArcluBologia  britannim,^  ces  manuscrits  semblaient  être 
destinés  à  ne  jamais  être  imprimés,  quand  une  pensée  géné- 
reuse résolut  de  les  mettre  au  jour  pour  la  gloire  du  pays  de 
GaUes. 

On  croira  peut-être  qu'un  aussi  beau  trait  de  patriotisme 
fut  l'œuvre  de  la  famille  royale  d'Angleterre ,  dont  l'héritier 
présomptif  porte  le  nom  de  prince  de  Galles  :  rien  n'eût  été 
plus  naturel  assurément  ;  les  Pisistratides  sauvèrent  de  l'oubli 
les  poèmes  d'Homère ,  et  Chairlemagne  recueillit  et  copia  les 
antiques  chants  des  Germains.  Du  moins  pensera-t-on  que 
cette  entreprit  a  été  exécutée  par  quelque  descendant  des  an- 
ciens chefs  gallois  jaloux  de  la  gloire  de  ses  ancêtres ,  gloriœ 
tnajorum  :  par  quelque  lord ,  quelque  nd)le ,  quelque  gentil- 
homme libéral ,  quelque  membre  savant  du  clergé  britanni- 

*  Bardi  Cambrenses  in  eorom  ubris  antiquis  et  authenticis. 
(Giraldas  Cambrensis  naïus  A.  D.  1150.  Cambriœ  Deicriptio,  6.d. 
de  Gale,  p.  885.) 

*  AfUiqua  Britannia  lingua  seriplorum  quœ  non  imprena  suni 

caUdogw;  Oxford,  in-folio. 

V  1* 


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que ,  ou  enfin  par  quelque  riche  bourgeois  de  Galles.  U  n'en 
est  rien.  L'auteur  de  la  publication  littéraire  qui  fait  le  plus 
d'honneur  au  pays  de  [Galles  et  qui  est  incontestablement 
l'une  des  plus  importantes  des  temps  modernes ,  n'était  ni 
roi  y  ni  prêtre ,  ni  noble ,  ni  boui^eois^  c'était  un  paysan. 

n  s'appelait  Owen  Jones ,  et  naquit  en  1741 ,  au  comté  de 
Denbigh ,  dans  la  vallée  de  Myvyr ,  dont  il  prit  le  nom  plus 
tard,  suivant  une  coutume  des  bardes  gallois. 

Tout  enfant ,  en  gardant  ses  vaches,  il  pouvait  voir  de  loin 
s'élever  dans  les  airs  le  pic  couvert  de  neiges  du  Snowdon , 
ce  Parnasse  celtique  où  l'on  ne  s'endort  jamais  sans  se  réveil- 
ler inspiré.  D  le  gravit  même  plus  d'une  fois ,  et  son  heureuse 
inspiration  ferait  croire  qu'il  y  a  dormi. 

Devenu  grand ,  U  fut  souvent  témoin  de  joutes  poétiques  sur 
cette  montagne ,  entre  les  bardes  et  les  joueurs  de  harpe  des 
divers  cantons  du  pays  :  il  fut  initié  par  eux  à  la  poésie ,  à  la 
musique ,  à  toutes  les  traditions  nationales  et  litt&*aires  de  la 
race  celtique ,  traditions  dont  l'amour  natt  pour  amsi  dire 
avec  la  vie  dans  le  cœur  de  tous  les  Gallois  ;  il  apprit  des  bar- 
des quels  dépôts ,  plus  fidèles ,  plus  sûrs  et  plus  complets  que 
leur  mémoire  fugitive ,  recelaient  les  monuments  littéraires 
des  anciens  Bretons;  et,  passant  au  pied  des  vieux  donjons 
possesseurs  du  trésor  poétique  de  sa  race ,  il  conçut  le  hardi 
projet  de  le  fairQ  connaître  au  monde. 

Par  malheur,  ces  jardins  des  Hespérides  celtiques,  si  gra- 
cieusement ouverts  aiiyourd'hui  à  quiconque  sait  toucher  aux 
fruits  sans  les  gâter ,  avaient  alors  des  gardiens  non  moins  fa* 
rouches  que  les  dragons  de  la  fable  :  l'entrée,  plus  d'une  fois 
promise  au  savant  auteur  de  YArchcsologia  britanniea  lui-mô- 
me >  lui  avait  toujours  été  interdite;  '  quelle  chance  de  suc- 
cès pouvait  donc  avoir  un  pauvre  paysan? 

Comprenant  que  la  fortune  seule  lui  fournirait  le  rameau 

I  Haad  semel  pollicitus  esi  possessor;  ai  posK^a  a  quilMudam 


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d'or  qui  coqjure  tous  les  dragons ,  il  dit  adieu  à  son  pays  par 
amour  pour  ce  pays  même  :  il  se  rendit  à  Londres  (1 760) ,  il 
eatm  comme  employé  dans  le  magasin  d'un  marchand  de 
fourrures  de  Tames's  street ,  et,  après  être  devenu  d*homme 
de  peine  commis ,  de  commis  associé  y  et  enfin  chef  de  réta- 
blissement, à  la  mort  du  propriétaire,  après  avoir,  durant 
quarante  ans,  prélevé,  jour  par  jour,  shelling  par  sheUing, 
sur  ses  économies ,  la  somme  nécessaire  pour  faire  copier, 
puis  imprimer  les  textes  des  anciens  poèmes  bretons  ;  enoou-* 
ragé  par  quelques  amis  exilés  avec  lui  du  sol  de  la  patrie , 
avec  lui  pleurant  bien  souvent  au  souvenir  du  pays  natal , 
soutenu  même  et  provoqué  par  les  injustes  préventions ,  les 
doutes  iiyurieux ,  et  les  grossières  railleries  des  étrangers 
contre  les  bardes,  il  les  publia,  en  iSOl ,  sous  le  titre  A'Ar- 
ehéoiogie  gaOaise  de  Mffvyr  ou  Mtvtrian  archaiology  of  Wa- 

LBS.  > 

L'épigraphe  du  recueil  :  Toute  chose  inconnue  eêt  mm  en 
doute,  paroles  empruntées  aux  maximes  des  bardes ,  fut  une 
réponse  aux  préjugés  dont  ils  étaient  l'objet. 

Afin  de  détruire  jusqu'à  l'ombre  d'un  soupçon  sur  l'exis- 
tence des  manusorits  originaux ,  l'éditeur  poussa ,  on  peut  le 
dire ,  à  l'excès  la  réserve  et  le  scrupule ,  en  les  livrant  à  l'im- 
pression, n  les  reproduisit  tels  quels ,  sans  altération ,  sans 
changement  d'aucune  espèce ,  pi»  même  pour  corriger  les  er- 
reurs de  copie  les  plus  manifestes.  Malgré  ces  précautions 
prescrites  en  quelque  sorte  par  l'incrédulité  régnante ,  le  re- 
cueil des  anciens  bardes  ne  reçut  point  d'abord  l'accueil  que 
méritaient  le  désintéressement  patriotique ,  les  vues  élevées 

magis  pseodopolilicis,  at  opiner,  qaam  litteratis  dissnasas  promis- 
sain  revocavit.  (E.  Lhnyd,  Àrchœologia  6rttonntca,  p.  261 .) 

*  Trois  Tolnmes  de  cette  collection ,  qni  devait  en  aToir  davan- 
tage ,  ont  seuls  pam.  (London ,  1801-1807,  in-8<»,  édition  épntsée.) 
Owen  Jones  Myvyr  s'associa  pour  Féditer  k  Edward  Williams  et 
^  Williams  Owen,  père  du  savant  tradoctenr  des  lois  galloises. 


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IV 

et  le  long  et  aride  travail  de  Téditeur.  Au  lieu  d'examiner 
avec  scrupule ,  comme  cela  devenait  possible ,  dit  M.  Fan- 
nel  y  des  productions  dont  on  n'avait  pu  jusque  là  raisonner 
que  sur  parole ,  on  persista  à  dire ,  sans  les  avoir  lues ,  qu'il 
fallait  être  Gallois  pour  se  faire  illusion  à  leur  égard. 

L'opinion  ne  changea  qu'à  l'apparition  d'un  ouvrage  de 
M.  Turner  où  l'auteur  de  YHistoire  des  An^-Saxons  se  con- 
stitua le  défenseur  des  Bardes.  Sous  le  titre  de  Vindxcation  of 
genuiness  of  the  ancient  hritish  bards,  continue  M.  Fauriel ,  il 
publia  sur  les  poètes  bretons  du  VI®  siècle  une  dissertation  des 
plus  curieuses  par  son  objet,  et  qui  mérite  d'être  citée  comme 
un  modèle  de  méthode ,  de  raisonnement  et  de  goût  :  et  de- 
puis «qu'elle  a  paru ,  des  hommes  amis  de  la  vérité  et  d  un  ju- 
gement difficile  n'ont  pas  hésité  à  en  adopter  les  conclusions. 

M.  Fauriel,  en  rendant  compte  du  Myvyrian,  dans  l'article 
des  Annales  littéraires  et  philosophiques,  auquel  j'emprunte  ces 
paroles ,  ajoutait  :  «  Des  différents  ouvrages  publiés  dans  le 
Myvyrian ,  il  n'en  est  aucun  qui  ne  soit  intéressant  sous  plus 
d'un  rapport ,  et  plusieurs  sont  faits  pour  exciter  la  curiosité 
la  plus  vive  et  la  plus  sérieuse.  '  > 

Un  autre  critique  français,  H.  Ampère,  dont  l'autorité 
n'est  pas  moindre  que  celle  de  M.  Fauriel ,  ayant  eu  occasion 
lui-même  d'examiner  les  poèmes  des  bardes  dans  le  premier 
volume  de  son  excellente  histoire  littéraire  de  France,  en 
parle  de  la  même  manière  ;  et  naguère  un  de  ses  collègues  de 
l'Institut,  H.  Charles  Hagnin,  auquel  il  appartenait  si  bien  de 
recueillir  les  voix  de  la  science ,  et  de  prononcer  en  dernier 
ressort,  a  résumé  et  clos  la  discussion. 

Ainsi  ont  été  vengés  à  la  fois  les  bardes  et  leur  généreux 
éditeur. 

Toutefois ,  après  la  publication  des  textes  faite  par  Hyvyr 
et  la  dissertation  de  M.  Turner,  n'y  a-t-il  plus  rien  à  faire? 

•  1818,  t.  3,  p.  88. 


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Ce  serait  se  tromper  que  de  le  croire.  La  mine  est  ouverte , 
de  précieux  lingots  en  ont  été  extraits  ;  leur  valeur  générale 
est  constatée  ;  il  s^agit  maintenant  de  les  soumettre  au  creu- 
set de  la  discussion  ,  de  les  classer  selon  leur  titre.  Voilà  où 
en  est  la  question.  M.  Magnin  Ta  parfaitement  posée  en  ces 
termes  :    ^ 

€  La  critique ,  dit-il,  est  aujourd'hui  à  peu  près  unanime  : 
il  n*y  a  plus  guère  de  controverse  que  sur  la  plus  ou  moins 
grande  pureté  des  textes.  >  ' 

Or ,  envisagés  sous  ce  rapport,  les  documents  les  plus  im- 
portants contenus  dans  le  Myyyrian,  qui  sont,  comme  on 
sait ,  les  poèmes  d'Aneurin ,  de  Liwarc'h-Henn ,  de  Taliésin 
et  de  Merzin ,  donnent  le  résultat  suivant  : 

Les  œuvres  de  Liwarc'h-Henn  et  d'Aneurin  offirent  peu 
de  traces  d'interpolations ,  et  ne  paraissent  point  avoir  été 
altérées,  au  moins  à  dessein.  Leurs  imperfections,  tout  ac- 
cidentelles ,  sont  généralement  le  fait  des  copistes. 

Une  portion  seulement  des  poésies  de  Taliésin ,  et ,  par 
malheur ,  la  moins  considérable ,  a  conservé  le  cachet  origi- 
nel. La  majeure  partie  a  été  retouchée ,  remaniée,  rajeunie , 
arrangée  systématiquement,  avant  le  Xn«  siècle ,  et,  quant 
à  cette  dernière ,  il  ne  faut  tenir  pour  certaine  que  la  date 
des  manuscrits. 

Ce  qui  est  vrai  pour  Taliésin ,  Test  encore  davantage  pour 
Merzin  ou  Merlin  :  on  ne  peut  pas  citer  une  seule  pièce,  une 
seule  strophe  originale  de  ce  barde  :  toutes  portent  des  tra- 
ces nombreuses  de  remaniements.  Si  j'ai  cru  le  contraire  dans 
un  temps  avec  M.  Tumer ,  et  fait  une  exception  comme  lui , 
je  me  suis  trompé.  La  raison  de  ces  retouches ,  ou  plutôt  de 
ces  refontes  complètes  de  toutes  les  œuvres  de  Merzin  et  d'une 
partie  de  celles  de  Taliésin  est  que  l'un  et  l'autre  étaient  re- 

<  Journal  des  savants,  mai  1847,  article  sur  le  Bctriaz-Breiz , 
Chants  populaires  de  la  Bretagne,  recueil  couronné  par  rAcadémie 
française,  p.  262. 


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gardés  comme  prophètes  y  et  l'autorité  de  leur  nom  iuYoquée 
pour  domier  cours  à  certaines  opinions  politiques ,  pour  faire 
naître ,  au  gré  des  parties  intéressées  ,  certains  événements 
que  l'on  regardait  ensuite  comme  Taccomplissement  de  pré- 
dictions bardiques. 

Dès  le  Xn«  siècle ,  un  critique  gallois ,  mentionnant  les  poè- 
mes de  Merlin,  se  plaignait  de  ce  que  les  bardes  avaient  cor« 
rompu ,  en  y  mettant  beaucoup  du  leur ,  les  œuvres  des  an- 
ciens poètes  bretons  auxquels  ils  prêtaient,  dit-il ,  des  com- 
positions écrites  dans  l'idiome  moderne  bien  différent  de  l'an- 
tique, simple  et  rude  langage  des  ancêtres,  i 

La  critique  moderne  ne  s'exprimerait  pas  avec  plus  de 
mesure  et  de  solidité. 

J'ai  donc  écarté ,  sans  hésiter ,  les  œuvres  apocryphes  de 
Meriin,  pour  ne  donner  place  qu'aux  poésies  de  Liwarc'h- 
Henn,  d'Aneurin  et  de  Taliésin;  encore  me  suis-je  borné  à 
celles  dont  ils  sont  le  plus  incontestablement  les  auteurs  :  on 
en  peut  voir  la  liste  à  la  table  des  matières. 

De  plus ,  je  ne  me  suis  pas  contenté  des  textes  publiés  par 
Myvyr  :  si  ce  dernier  les  a  imprimés  tels  que  l'exigeait  l'état 
de  la  question  et  des  esprits  en  180i ,  laissant  aux  judicieux 
et  candides  philologues ,  comme  il  dit,  le  soin  de  les  purger 
de  leurs  erreurs  de  tout  genre,  ils  ne  suffiraient  plus  aujour- 
d'hui :  il  ne  serait  plus  permis  de  présenter  jointes  ensemble 
des  pièces  qui  devaient  être  séparées ,  ou  séparées  celles  qui 
devaient  être  réunies;  des  variantes  comme  partie  du  texte  ; 
des  stances  transposées;  des  vers  boiteux  qu'on  eût  pu  re- 
dresser; des  mots  brisés  dont  une  moitié  s'attache  à  celui  qui 
précède,  l'autre  à  cehii  qui  suit;  des  expressions  identiques 

*  Bardoram  trs  ioYida  Dtlaram  adallerans  ronlta  de  sois...  ad- 
jecit,  CQDctis  moderoi  sermonîs  composilioDem  redolenlibus...  (Gî- 
rtldas  Cambrensis,  Vetirum  epUlolarum  hibemiewmm  tyUoge. 
Ap«dU88er,p.li7.) 


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vy 
orthographiées  de  plusieurs  manières  difGirentes,  dont  au- 
cuae  n'est  légitime;  enfin  y  des  phrases  sans  ponctuation.  Afin 
de  remédier  autant  que  possible  à  tous  ces  défauts,  l'auteur 
de  cette  édition,  chaîné ,  il  y  a  quelcpies  années ,  d'une  mis- 
sion littéraire  en  An^eterre,  a  consulté  et  comparé  ensemble 
le  plus  grand  nombre  possible  de  textes  manuscrits. 

Les  cidlections  principales  sont  celle  d'Hengurt,  apparte- 
nant à  la  famille  Yaughan,  maintenant  y*ansportée  à  Rug, 
près  Corwen,  dans  le  Herionethsfah^e;  celle  du  collège  de  Jésus, 
à  Oxford;  celle  du  comte  de  Hacdesfield,  voisin  de  cette  ville, 
qui  a  hérité  des  documents  gallois  réunis  par  le  père  du  cé- 
lèbre sir  WOliams  Jones;  ceUe  des  Mostyn  de  Gloddaith ;  des 
Panton  de  Pias  Gwyn,  dans  Ttle  d'Anglesea;  de  sir  Watkin 
William  Wynn,  de  Wynestay  ;  sans  parler  de  plusieurs  au- 
tres moins  importantes ,  telle  que  ceUe  de  feu  M.  Bosanquet 
et  du  musée  britannique  de  Londres. 

De  tous  ees  manuscrits ,  dont  le  nombre  s'élève  à  plusieurs 
centaines  de  vohimes  sur  vélm ,  il  en  est  trois  qu'on  cite  gé- 
néralement pour  leur  antiquité  :  Ce  sont,  l^  le  Livre  noir 
M  Kirvbrzin;  2«  le  Livre  d'Aneurin;  ^  le  Livre  de  Ta* 

LOÉSIN. 

Le  Livre  Nom  passe  pour  avoir  été  copié  par  les  moines 
d'un  prieuré  voisin  de  la  ville  de  Kaermarthen  ou  Kerverzin. 
Après  avoir  appartenu  au  trésor  de  l'église  de  Saint-David  et 
à  l'antiquaire  sir  John  Prys ,  il  passa  dans  la  bibliothèque 
d'Hengurt  :  c'est  un  volume  in-4^  de  cinquante-quatre  fo- 
lios :  il  contient,  entre  autres  morceaux ,  plusieurs  poèmes 
de  Liivaro'h-Henn  et  diverses  pièces  apocryphes  de  Taliésin 
et  de  Menin. 

D'après  l'antiquaire  Lhuyd ,  la  première  moitié  de  ce  vo- 
lume (il  aurait  dû  dire  les  quarante-cinq  premiers  folios,) 
semble  très^antérieure au  XII*  siècle;  selon  le  docteur  Owen , 
elle  serait  du  IX*  siècle;  suivant  M.  Tumer,  le  recueil  aurait 
été  commencé  au  X«  siècle ,  ou  à  peu  près ,  et  terminé  dans 


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VIIJ 

le  courant  du  XII''.  Ëaiin,  si  l'on  en  croit  le  modeste  et  sa- 
vant M.  Aneurin  Owen ,  juge  encore  plus  compétent,  le  vo- 
lume serait  tout  entier  de  cette  dernière  époque  et  de  la 
même  main. 

La  preuve ,  observe-t-il  avec  infiniment  de  raison ,  c'est 
que  dans  la  première  partie ,  regardée  par  Lhuyd  comme  la 
plus  ancienne ,  on  trouve  une  élégie  sur  la  mort  d'Howel , 
arrière-petit-fils  du  Législateur  gallois  du  X«  siècle,  qui  périt 
en  Tannée  1104. 

Le  Livre  d'Aneurin  et  le  Livre  de  Taliésin  ,  deux  vo- 
lumes in-8''  de  la  collection  d'Hengurt ,  dont  les  titres  indi- 
quent assez  le  contenu ,  ont  été  écrits  à  la  fin  du  XI"  siècle ,  à 
ce  que  pense  le  docteur  Owen;  au  XII<»,  suivant  M.  Tumer. 
Malheureusement,  le  premier  qui  a  été  consulté  et  décrit 
par  Lhuyd ,  a  disparu  il  y  a  quelques  années ,  et  Ton  ne  sau- 
rait maintenant  vérifier  rage  qu'on  lui  attribue.  Quant  aux 
pièces  qu'il  renfermait,  elles  ont  été  transcrites ,  et  nous  les 
retrouvons  dans  différents  recueils  tant  anciens  que  moder- 
nes ;  j'indiquerai ,  entre  autres  copies ,  celle  de  feu  mon  ami , 
le  révérend  Thomas  Price  de  Crickhowel,  laquelle  semble  du 
XIU*'  siècle  ;  celle  de  H.  Théophile  Jones ,  le  savant  auteur  de 
l'histoûre  du  Brecknockshire ,  à  peu  près  de  la  même  époque, 
dit-on ,  mais  que  je  n'ai  pas  vue;  et  celle  des  Panton  de  Plas 
Gwyn ,  qu'on  croit  du  XIV"  siècle. 

Aux  trois  recueils  d'Hengurt  dont  nous  venons  de  parler , 
il  faut  joindre ,  comme  le  plus  volumineux  et  le  plus  complet 
de  cette  collection ,  une  copie  sur  vélin  des  poèmes  de  li- 
warc'h-Henn ,  d'Aneurin  et  de  Taliésin ,  faite  seulement  du 
temps  de  Charles  I*',  mais  d'après  de  très  anciens  manus- 
crits détruits  depuis  lors  dans  un  incendie.  Ce  fut  le  noble 
propriétaire  d'Hengurt  lui-même ,  le  savant  Robert  Vaughan, 
qui  le  transcrivit  de  sa  propre  main.  Il  est  intitulé  :  Les 
Bardes  PRiiirnFS  gallois. 
î^ous  ne  passerons  point  en  revue  les  autres  compilations 


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des  poèmes  de  ces  bardes ,  que  le  moyen-âge  nous  a  léguées 
et  qui  se  trouvent  dans  les  bibliothèques  indiquées  plus  haut; 
mais  il  en  est  une  qui  mérite  une  mention  spéciale. 

Elle  appartient  à  la  bibliothèque  du  collège  de  Jésus  à  Ox- 
ford, et  porte  le  titre  de  Livre  rouge  de  Herghest  :  c'est  un 
gros  volume  in-folio  vélin ,  dont  la  plus  grande  partie  y  qui 
est  de  la  fin  du  XIV»  siècle ,  comme  Ta  fait  justement  obser- 
ver Lhuyd,  a  été  copiée  sur  différents  manuscrits  beaucoup 
plus  anciens.  Il  contient^  indépendamment  d'une  foule  d'ou- 
vrages en  prose  et  en  vers ,  toutes  les  œuvres  de  Liwarc'h- 
Henn,  et  quelques-uns  des  poèmes  de  Taliésin.  On  peut  voir 
un  fac-similé  de  récriture  à  la  tète  de  Tinappréciable  recueil 
des  Mabinoghion ,  traduits  pour  la  première  fois ,  et  annbtés 
avec  un  si  rare  talent  par  lady  Charlotte  Guest. 

Les  plus  anciens  des  manuscrits  qu'on  vient  d'énumérer, 
éclairés ,  rectifiés  les  uns  par  les  autres ,  ont  servi  de  base  au 
texte  de  la  présente  édition.  Les  variantes  placées  au  bas  des 
pages  ont  été  fournies  par  différentes  copies  de  différentes 
dates,  depuis  le  XIV*  siècle. 

Inutile  d'ajouter  que  l'édition  du  Myvyrian  a  été  aussi  con- 
sultée avec  fruit,  quoique  faite  en  général  d'après  des  ma- 
nuscrits modernes ,  au  grand  regret  du  patriotique  éditeur , 
impuissant,  disait-il,  à  vaincre  certaines  résistances  systéma- 
tiques. 

Après  le  travail  ]de  collation ,  il  restait  à  reproduire  les 
textes  avec  l'orthographe  convenable  ;  mais  laquelle  suivre  ? 
celle  des  manuscrits?  elle  est  on  ne  peut  plus  variable ,  toute 
remplie  de  contradictions,  et  relativement  moderne.  Celle 
des  lexicographes  gallois?  Ils  ne  sont  pas  d'accord  entre  eux  : 
Jean  Davies  a  écrit  d'une  façon;  Edv^ard  Lhuyd  d'une  autre; 
le  docteur  Oveen  de  deux  manières;  et,  si  j'en  juge  par  les 
très  savantes  et  très  judicieuses  Remarques  du  révérend  John 
Jones  (Tegid)  sur  Vorthographe  galloise,  elle. ne  serait  pas 
encore  fixée.  Celle  des  Bretons  d'Armorique  l'est  désormais^ 


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grâce  aux  travaux  de  Le  Gonidec,  le  Jhonson  de  la  pénin- 
sule y  qui  en  a  puisé  les  éléments  aux  diverses  sources  bre- 
tonnes comparées  de  Ttle  et  du  continent.  >  J'ai  donc  suivi, 
pour  le  texte,  l'orthographe  historique ,  m^hodiquement  res- 
taurée par  hii,  d'après  eltes.  Quant  aux  variantes  J*ai  dû  suivre 
les  manuscrits  gallois,  et  les  ai  données  d'ordinaire  in  ex- 
tetuoy  presque  comme  un  second  texte,  afin  de  satisfiedre 
toutes  les  exigences  de  la  critique. 

Ainsi,  j'aurai  mis  le  lecteur  à  même  non  seulement  de 
confronter  les  plus  importantes  leçons  des  poèmes ,  mais  en- 
core de  comparer  l'orthographe  relativement  moderne  des 
manuscrits  avec  l'orthographe  primitive,  l'une  pleine  de  ra* 
fin^nents,  de  permutations  de  lettres  et  d'euphonismes , 
l'autre  de  rudesse  et  de  simplicité ,  rudis  et  plana  simpUtitas , 
conune  disait  Giraud  de  Barry.  > 

Les  textes  une  fois  reproduits  sous  leur  couleur  natureUe, 
il  fallait  les  traduire.  Myvyr  et  ses  coUaborateurs  expriment 


«  L*exameo  de  ces  éléraeiiu  faii  le  sujet  d'ane  partie  du  diicoors 
prélimiiMire  que  j'ai  pUcé  k  la  tète  du  Dictiornauib  rRAiiÇAi84iRB- 
TON  de  Le  Gonidec,  complété  et  publié  par  moi  en  1847.  J*ai  es- 
sayé d*y  foire  V histoire  de  la  langue  bretonne  depuie  Ui  temp$  les 
plus  reculés  jusqu'à  nos  jours,  {i  vol.  îo-4<»,  à  Paris,  chez  Franck, 
rue  Richelieu ,  69  ;  k  Saint-Brieuc ,  chez  Prodbomme.) 

«  Avaol  le  X«  siècle,  les  permutations  de  lettres  avaient  lieu  seu- 
lement dans  la  langue  parlée.  Ce  n'est  que  postérieurement  que  les 
auteurs  bretons  ont  eu  Theureuse  idée  de  reproduire  pour  les  yeux, 
dans  la  langue  écrite,  les  altérations  subies  par  les  consonnes  ini- 
tiales, en  vertu  des  lois  grammaticales  ou  euphoniques  :  les  anciens 
écrivains  donnaient  les  mots  sous  leur  forme  radicale ,  laissant  au 
lecteur  instruit  k  faire  les  permutations,  s'il  lisait  tout  haut.  Quel- 
que bizarre  que  semble  aujourd'hui  la  méthode  de  ces  derniers ,  la 
critique  historique  m'a  (ait  un  devoir  de  m'y  conformer,  contraire- 
ment k  l'éditeur  de  V Archéologie  galloise. 


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ce  vœu  dans  leur  préface,  laissant,  disent-ils,  à  ceui  qui  en 
sont  capables,  le  soin  de  raccomplir« 

L'ingénieux  auteur  de  Britannta  after  the  Roinans,  Ta  aussi 
exprimé  en  1836  : 

c  Le  public,  obsenre-t-il ,  n'a  que  faire  d'extraits  et  de 
spécimoss;  il  veut  une  édition  critique  de  ces  poèmes  cu- 
rieux. Une  complète  et  classique  édition  des  anciens  bardes 
avec  des  variantes,  une  traduction  et  des  notes,  exécutée 
avec  le  soin  qu'on  mettrait  à  publier  Pindare  ou  Eschyle, 
serait  un  ouvrage  très  désirable,  et  il  y  a  longtemps  qu'il 
aurait  dû  être  (ait.  » 

Enfin,  il  y  a  peu  d'années,  la  curiosité  du  monde  savant 
fut  éveillée  au  plus  haut  point  par  une  annonce  ainsi  conçue, 
publiée  dans  les  journaux  anglais  : 

€  Voilà  longtemps  qu'on  regrette  vivement  que  les  trésors 
de  l'ancienne  littérature  bretonne,  recueillis  par  H.  Owen 
Jones,  de  la  vallée  de  Myvyr ,  sous  le  titre  de  Myvyrian  ar- 
CHAI0L06T,  n'aient  pas  encore  été  rendus  accessibles  aux  lit^ 
térateurs  modernes  de  l'Europe. 

»  Le  premier  volume,  contenant  les  débris  bardiques  des 
plus  anciens  poèmes  bretons ,  présente  des  matériaux  très 
intéressants  et  de  nature  à  jeter  le  plus  grand  jour  sur  l'his- 
toire, les  coutumes,  la  littérature,  la  philosophie,  et  la  my- 
thologie des  Bretons  nos  ancêtres. 

»  On  propose  donc  de  publier  par  souscription  une  traduc- 
tion de  la  portion  la  plus  précieuse  de  ces  anciens  monu- 
m^ts  du  féme  celtique» 

€  Le  traducteur  est  le  révérend  John  WiDiams,  M.  A.  F. 
R.  S.  C.  archidiacre  de  Cardigan  et  recteur  de  l'académie 
d'Edimburgh.  » 

Certes  aucun  nom  n'était  mieux  fait  pour  attirer  les  sous- 
cripteurs, et  cependant  l'ouvrage  n'a  point  paru  ! 

Personne  ne  le  regrette  plus  que  celui  qui  écrit  ces  lignes , 
il  le  dit  du  fond  de  son  âme  :  c'était  au  respectable  M.  Wil* 


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xy 

liams ,  c'était  aux  Charlotte  Guest,  aux  Pridiard ,  aux  Aiieu- 
rin  Owen,  aux  Tegid,  aux  Williams  Rees,  aux  Stephens, 
aux  Robert  Williams ,  à  tant  de  Gallois  si  capables,  qu*il  ap- 
partenait d'interpréter  dignement  les  anciens  bardes  bretons. 

Quant  au  présent  traducteur,  la  tâche  qu'il  s'est  imposée  a 
failli  excéder  ses  forces  et  sa  patience ,  et  il  ne  l'aurait  jamais 
entreprise ,  s'il  en  eût  aperçu  d'abord  toutes  les  difficultés.. 

Du  reste ,  un  Gallois  fort  instruit  du  dernier  siècle ,  le  ré- 
vérend Evan  Evans ,  faisait  le  même  aveu  sur  la  difficulté  de 
traduire  les  anciens  bardes  : 

<  Plusieurs  des  poèmes  de  Taliésin ,  à  cause  de  leur  grande 
antiquité,  dit-il,  sont  très  obscurs;  il  en  est  de  même  de 
ceux  des  poètes  ses  contemporains.  » 

Evans  insiste  particulièrement ,  et  avec  beaucoup  de  rai- 
son ,  sur  la  difficulté  de  traduire  le  grand  poème  d'Aneurin , 
écrit,  comme  il  le  remarque,  dans  le  dialecte  des  Bretons 
septentrionaux ,  et ,  pour  cela ,  peu  intelligible  aux  Bretons 
gallois;  puis ,  revenant  à  Taliésin ,  il  ajoute  que  «  les  meil- 
leurs antiquaires  et  critiques  de  son  temps  confessent  tous 
qu'ils  ne  peuvent  entendre  plus  de  la  moitié  d'aucun  des 
poèmes  de  ce  barde  ou  des  autres.  > 

Un  pareil  langage  aujourd'hui  serait  un  peu  exagéré,  après 
les  nombreux  travaux  de  la  philologie  contemporaine;  cepen- 
dant il  suffit  d'ouvrir  l'histoire  du  pays  de  Galles ,  écrite  en 
gallois  par  le  révérend  Thomas  Price ,  où  l'on  trouve  le  vieux 
texte  breton  de  quelques  poèmes  des  bardes,  avec  une  tra- 
duction galloise  de  ces  poèmes  en  regard,  pour  se  convaincre 
que  la  langue  des  pères  n'est  pas  toujours  claire  pour  les  en- 
fants. 

En  face  de  tant  de  difficultés ,  je  n'ai  pas  la  prétention  de 
ne  m'étre  jamais  trompé  :  de  pareilles  bonnes  fortunes  sont 
le  privilège  des  Swedenborg.  A  la  révision  de  mon  travail ,  il 
m'est  arrivé  de  corriger  plusieurs  contre-sens;  et  j'ai  hésité 
longtemps  sur  certains  passages  dont  le  sens  m'a  paru  dou- 


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xiij 

teux.  Dans  ce  dernier  cas ,  et  en  général  toutes  les  fois  qucf 
j'ai  été  embarrassé ,  le  secours  des  divers  dialectes  comparés 
de  la  langue  celtique,  savoir  :  le  gallois,  le  comique,  Tar- 
moricain ,  le  gaël  d'Ecosse  et  le  gaêl  d'Irlande ,  m'a  été  de  la 
plus  grande  utilité.  La  connaissance  du  dialecte  gallois  est 
sans  doute  le  phare  le  plus  sûr  qui  puisse  guider  un  traduc- 
teur parmi  tant  de  ténèbres  et  d'écueils,  mais  elle  ne  suffirait 
pas  toujours  pour  Tempècher  de  sombrer. 

J'ai  aussi  profité  de  quelques  traductions  partielles  soit  an- 
glaises ,  soit  galloises ,  d'un  petit  nombre  de  poèmes  ou  frag- 
ments des  bardes,  entre  autresde  celles  de  MM.  Sharon  Tumer, 
Evans,  Owen  et  Price,  dans  lesquelles  certains  passages  obscurs 
et  difficiles  ont  été  éclaircis  avec  succès;  mais  presque  toutes 
sont  de  heUes  infidèles,  pour  parler  comme  d'Ablanoourt,. té- 
moins celles  d'Edward  Davies;  ou  même  des  infidèles  assez 
laides ,  comme  l'essai  de  M.  Probert  :  l'inadvertance  du  der- 
nier est  d'autant  plus  étrange  qu'il  a  visé  à  la  fidélité ,  et  que 
sa  traduction  d'Aneurin  est  presque  mot  à  mot. 

Toutefois ,  un  mauvais  portrait  peut  servir  à  en  faire  un 
bon. 

Celui  que  j'ai  peint  des  vieux  bardes  est-il  ressemblant  ? 
Les  connaisseurs  en  décideront;  du  moins,  j'ose  croire  qu'à 
défaut  d'autre  mérite ,  ils  ne  lui  refuseront  pas  les  traits 
rudes ,  farouches  et  sans  fard  des  modèles. 

Qu'on  traduise  avec  élégance  les  élégants  poètes  classiques; 
les  bardes  sont  des  barbares. 

L'interprétation  de  la  lettre  des  textes  avait  besoin  d'être 
accompagnée  d'expositions,  de  commentaires,  d'éclaircisse- 
ments sur  l'esprit  de  chaque  poème ,  sur  leurs  obscurités  et 
difficultés  sans  nombre,  sur  les  personnes ,  les  localités,  les 
mœurs,  les  coutumes ,  les  croyances  qu'on  y  trouve,  et , 
avant  tout ,  sur  leurs  dates  probables.  Une  chronologie  des 
poèmes  des  bardes  manquait  jusqu'à  ce  jour  ;  on  s'était  can- 


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XIV 

tenté  de  fixer  arbitrairement  dans  la  table  du  Uyvyrian  » 
répoque  où  chacun  d*eux  vécut  :  j'ai  essayé,  dans  cette  édition, 
de  rétablir  preuves  en  main ,  au  moyen  de  données  précises, 
de  rapprochements  concernant  les  dates,  d'allusions  se  rap- 
portant aux  événements  on  aux  faits  contemporains. 

Enfin ,  j'ai  esquissé  l'histoire  des  anciens  bardes  ,  de  leur 
institution ,  de  leurs  ouvrages  et  de  leur  siècle  ;  histoire  peu 
connue  jusqu'ici  et  de  nature  peut-être  à  éclairer  d'un  jour 
nouveau  l'étude  de  la  civilisation  en  Europe. 

Les  premières  recherches  que  je  viens  d'indiquer  simt 
l'ol^et  des  arguments  et  des  notes  et  éclaircissements;  les 
autres  de  l'introduction  générale  de  ce  recueil. 

U  ne  me  reste  plus  qu'à  oflBrir  mes  remerefments  aux 
personnes  qui ,  par  leurs  travaux,  m'ont  rendu  le  mien  plus 
facile ,  et  à  tous  ceux  qui  ont  bien  voulu  me  communiquer 
leurs  manuscrits,  ou  les  faire  transcrire  pour  moi  : 

A  lady  Charlotte  Guest ,  dont  les  ouvrages  sont  des  meil- 
leurs qu'ait  jamais  produits  la  littérature  gaUoise ,  et  la  plus 
belle  gloire  actuelle  de  cette  littérature; 

A  H.  Sharon  Tumer,  l'illustre  défenseur  des  bardes; 

A  M.  Aneurin  Owen  qui  a  si  bien  justifié  la  confiance  de 
l'ancien  propriétaire  des  manuscrits  d'Hengurt ,  et  que  sa 
traduction  des  lois  anciennes  du  pays  de  Galles  recommande 
particulièrement  à  l'estime  des  vrais  savants  ; 

A  H.Thomas  Stephens,  l'ingénieux  auteur  couronné  de 
l'ouvrage  intitulé  :  lAterature  of  the  Kymry  during  the  twelfth 
and  two  tucceeding  centuries; 

Au  révérend  John  Jones  (Tegid),  le  docte  éditeur  des 
poèmes  du  barde  Lewis  Glyn  Cothy,  qui  prépare  une  histoire 
très  intéressante  des  gwerres  des  deux  Roses  ; 

Au  vénérable  docteur  Foulques ,  principal  du  collège  de 
Jésus ,  à  Oxford ,  dont  la  bienveillance  égale  le  savoir; 

A  la  mémoire  du  colonel  Vaughan ,  ce  type  de  politesse  et 


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XV 

de  complaisance,  si  dignement  représenté  par  son  fils,  sir 
Robert  Vaugfaan; 

A  la  mémoire  du  révérend  Thomas  Price  de  Crickhoveel , 
trop  tôt  enlevé  aux  lettres  gaUoises  et  à  ses  amis; 

A  celle  de  M.  Taliésin  Williams ,  fils  d'un  des  éditeurs  du 
Myvyrtan  ; 

A  ceUe  de  M.  Bosanquet ,  aux  neveux  duquel  je  suis  heu- 
reux d'offirir  aussi  l'expression  de  ma  reconnaissance  ; 

Enfin  à  celle  des  lexicographes  gallois ,  bretons ,  écossais 
et  irlandais,  Owen  Pughe,  Le  Gonidec,  Amstrong,  et  O'brien  ; 

Hais ,  par  dessus  tout ,  à  la  mémoire  du  noble  paysan  dont 
le  nom  sera  l'étemel  honneur  de  la  race  celtique ,  à  Owen 
Jones ,  de  Myvyr. 

Dans  un  cimetière  ,  au  bord  de  la  Tamise ,  on  voit  une 
pierre  noircie  par  le  temps  ,  les  vents  et  la  brume,  adossée 
contre  la  muraille  :  elle  n'a  rien  de  remarquable ,  tandis 
qu'autour  d'elle  maint  somptueux  monument  semble  vouloir 
porter  jusqu^au  del,  comme  dit  admirablement  Bossuet,  le 
magnifique  témoignage  de  notre  néant  ;  seulement ,  elle  se  tient 
debout,  et  regarde  vers  l'Orient.  C'est  la  tombe  d'Owen  Jones; 
l'attitude  de  son  granit  funèbre,  dans  le  cimetière  d'Allhallovrs, 
fut  la  sienne  durant  toute  sa  vie.  Inébranlable  en  ses  desseins, 
alors  même  qu'il  était  pauvre  et  que  le  vent  de  l'adversité 
l'assaillait  le  plus  violemment,  il  eut  toujours  les  yeux  tournés 
vers  l'œuvre  de  lumières  et  de  progrès  que  l'amour  sacré  du 
pays  faisait  briller  pour  lui,  à  l'horison,  comme  le  lever  d'une 
nouvelle  aurore. 


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DISCOURS  PRELIMINAIRE. 

LES  BARDES 

CHU 

LES   ANCIENS   BRETONS, 


Les  Bardes  étaient  les  poètes  de  ces  peuples ,  frères  de  sang 
et  de  langage ,  desquels  devaient  sortir  un  jour  les  deux  nations 
les  plus  civilisées  du  monde  :  la  France  et  TAngleterre. 

C'est  donc,  en  quelque  sorte,  un  héritage  de  famille  pour 
nous ,  fils  des  Gaulois  ou  des  Bretons ,  que  le  trésor  poétique 
des  hommes  inspirés  dont  le  génie  fut  l'interprète  harmonieux 
des  sentiments  de  nos  ancêtres. 

Méconnue  longtemps  par  une  critique  frivole ,  dédaigneuse 
ou  prévenue ,  longtemps  exagérée  par  un  patriotisme  étroit 
et  peu  intelligent ,  la  valeur  du  trésor  des  bardes  celtiques  est 
aujourd'hui  appréciée.  Nul  aussi  n'en  fait  plus  la  propriété 
exclusive  d'un  pays  ou  d'un  peuple  ;  il  entre  dans  le  domaine 
commun  de  la  littérature  européenne  et  s\joute  un  diamant 
de  plus  à  sa  couronne  intellectuelle.  Quand  difërentes  rivières 
ont  confondu  leurs  eaux  pour  former  un  grand  fleuve ,  les 
herbes  et  les  fleurs»  les  rochers,  les  coteaux,  les  bois,  le 
soleil ,  tout  ce  qui  ^aie  ,  ombrage ,  éclaire  ou  fleurit  ses  ri- 
vages n'appariient-il  pas  pour  jamais  à  chacun  des  courants 
unis?  Ainsi  de  la  littérature  européenne  ;  les  chants  des  Scaldes 
Scandinaves  ,  des  Hinaésingers  allemands ,  des  Troubadours 
du  Midi ,  des  Trouvères  du  Nord  et  des  Bardes  celtiques  s'y 


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iviij 

croisent  et  s*y  répondent  pour  ne  former  qu'un  hymne  en 
rbonneur  de  l'esprit  humain. 

Interpréter  une  des  strophes  les  plus  obscures  de  cet  hymne» 
mettre  en  lumière  des  vérités  laissées  dans  Tombre  par  l'his- 
toire qui  trop  souvent  néglige  les  petits ,  les  malheureux, 
les  vaincus,  pour  adorer  les  grands  «  les  heureux ,  les  vain- 
queurs ,  proclamer  des  noms  oubliés  qui  revendiquent  leurs 
droits,  des  noms  qui  feront  battre  le  cœm*  de  Thomme  aussi 
longtemps  que  la  religion,  la  justice,  la  patrie  et  la  liberté 
auront  des  autels  sur  la  terre ,  voilà  toute  mon  ambition  et 
tout  l'objet  de  ce  discours. 

n. 

Un  soir  d'hiver,  il  y  a  deux  siècles,  un  vieillard  aveugle  était 
assis  près  du  feu  dans  un  manoir  du  pays  de  Galles.  Sa  tète 
blanchie  par  les  années ,  que  couronnaient ,  comme  une  au- 
réole ,  les  rayons  d'une  lampe  de  fer  suspendue  au  plafond, 
se  penchait  sur  les  cordes  d'une  hai*pe  placée  entre  ses  genoux  : 
en  face  de  lui,  un  jeune  homme ,  le  cou  tendu  en  avant , 
prêtait  avidement  l'oreille  à  d'anciennes  poésies  avec  peme 
obtenues  du  vieillard  qui  les  chantait  de  mémoire ,  d'un  air 
mystérieux ,  en  s'accompagnant  de  la  harpe  et  non  sans  un 
certain  plaisir  élégant ,  tandis  que  la  flamme  pétillait  dans 
Pâtre  et  qu'au  dehors  le  vent  des  montagnes ,  gémissant  de 
concert,  faisait  tourbillonner  les  feuilles.  Craignant  sans  doute 
de  n'avoir  plus  jamais  peut-être  l'occasion  d'entendre  ces 
chants  d'autrefois  si  religieusement  conservés,  et  rendu  au- 
dacieux par  l'infirmité  du  vieillard  qui  ne  le  pouvait  voir , 
le  jeune  homme  tira  Turtivemeut  ses  tablettes ,  et,  sans  que  le 
barde  s'aperçftt  de  rindiscrétion  ,  il  lui  déroba  et  confia  au 
papier  plusieurs  poèmes  alors  enfouis  dans  la  poussière  des 
bMothèques ,  et  connus  seulement  de  quelques  initiés.  < 

*  ll«vie$  Blea,  IntUimUona  limgum  Cpnmeca,  p.  182,  éd.  de 


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XIX 

Rien  ne  peint  mieux  que  cette  histoire  arrivée ,  dans  sa 
jeunesse,  au  grammairien  gallois  Davies  Rhes,  le  voile  dont 
s'enveloppa  toujours  la  poésie  bardique  et  le^moyens  détournés 
qu'on  employait  pour  Técarter  :  si ,  à  la  fin  du  XVI*  siècle  il 
était  micore  aussi  épais,  qu'était-ce  donc  primitivement? 
Comme  le  chantre  de  Tibur ,  les  anciens  bardes  haïssaient  les 
regards  indiscrets  du  vulgaire ,  et  le  tenaient  à  l'écart.  Ils 
aimaient  les  sentiers  couverts,  la  solitude,  les  retraites 
ignorées  ,  les  forêts  profondes  ;  et  l'on  ne  connaissait  guère 
de  leur  institution  que  ce  qui  avait  pu  transpirer  au  dehors.  i 

Nous  savons  donc  fort  peu  de  chose  sur  sa  nature,  sa 
naissance  et  ses  développements  :  quand  les  données  de- 
viennent plus  nombreuses ,  elle  était  déjà  en  décadence ,  ou , 
si  l'on  veut,  elle  se  transformait.  Toutefois,  le  peu  de  rensei- 
gnements que  nous  offrent ,  sur  son  histoire  primitive ,  les 
récits  plus  ou  moins  fondés  des  écri  vain3  étrangers  ne  manquent 
pas  d'intérêt ,  et  cet  intérêt  croit  à  mesure  que  la  transfor- 
mation s'opère. 

D'après  les  auteurs  grecs  et  latins ,  on  donnait ,  en  langue 
celtique,  le  nom  de  Bardes  aux  membres  de  la  caste  bardiqife, 
qui  avaient  pour  ofiQce,  entre  autres  fonctions ,  de  chanter  les 
louanges  des  guerriers  vaillants.  * 

Us  étaient  tellement  vénérés  qu'on  les  mettait ,  avec  les 
druides  et  les  augures ,  au  nombre  des  trois  classes  les  plus 
honorables  de  la  nation  gauloise.  Mais  le  respect  dont  ils 
étaient  l'objet  ne  provenait  pas  uniquement  de  l'excellence 
de  leur  caste  et  de  leur  caractère  poétique  et  national  :  il 
prenait  principalement  sa  source  dans  les  fonctions  reU- 


*  Docent...  ctom...  in  êpecu.,.  aut  in  abdiUs  sailtibus...  Unom 
ex  lis  quae  pneeipiuDt  m  vulgut  efHuœit,  (Mêla ,  De  $Uu  orbis.) 

*  Bardas  gallice  cantor  appeUatiur,  qui  yiroram  fortiom  laudes 
canit,  agentebardorum.iSeiiw Pompeius Feslus»  0to«iar.,  lib.  5.) 


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XX 

g;ieuses  dont  les  hauts  dignitaires  de  Tordre  étai^t  hérédi- 
tairement investis. 

Chaque  sanctuaire  avait  son  barde ,  comme  chaque  cour , 
comme  chaque  tribu;  le  barde  de  td  ou  tel  dieu  devenait 
son  prêtre ,  et  occupait  naturellement  la  première  place  dans 
la  hiérarchie.  C'est  ce  qu'atteste  un  écrivain  grec  antérieur  de 
deux  siècles  et  demi  à  l'ère  chrétienne,  Hécatée,  cité  par  Dio- 
dore  de  SicUe.  Du  temps  où  U  vivait ,  existait  dans  une  île 
située  en  face  de  la  Gaule  celtique  une  caste  de  bardes  prêtres 
du  soleil»  dont  les  fonctions  étaient  héréditaires  et  consistaient 
à  chanter  sur  la  harpe  les  actions  glorieuses  du  dieu,  à  garder 
son  temple  et  à  donner  des  lois  à  une  viUe  voisine  de  ce 
temple.  ' 

Six  cents  ans  plus  tard ,  la  Gaule  avait  encore  sa  caste  sa- 
cerdotale de  bardes  ministres  du  soleil.  Ausone  parle  de  Tun 
d'eux  nommé  Phœbitius ,  qui  était ,  dit-il ,  barde  de  Bélen  9 
et  sortait  de  la  caste  druidique  armoricaine. 

Par  cette  confusion  remarquable  de  la  caste  des  bardes  et 
de  celle  des  druides,  que  d'autres  écrivains  anciens  distinguent, 
tout  en  les  associant,  Ausone  semble  attribuer  aux  premiers  la 
science  augurale,  prophétique,  divinatoire  et  presque  univer- 
selle des  seconds  :  les  principaux  d'entre  eux  auraient  donc  ré- 
uni le  caractère  de  poète ,  de  prêtre ,  de  prophète  et  de 
savant,  et  la  triade  celtique  des  trois  classes  les  plus  vénérées 
de  la  nation  gauloise,  citée  par  Strabon,  aurait  eu  raison  de  les 
placer  avant  les  druides  et  les  devins. 

Si  les  degrés  supérieurs  de  la  hiérarchie  bardique  appar- 
tenaient aux  prêtres  de  la  caste ,  les  degrés  inférieurs  étaient 
occupés  par  des  espèces  de  lévites ,  qu'on  me  passe  le  mot , 
affiliés  à  l'ordre ,  mais  probablement  sans  caractère  religieux, 
et  simples  poètes. 

Tandis  que  les  bardes-prêtres  chantaient  les  dieux  dans  les 

•  Diodore  de  Sicile,  édit.  Petr.  Wess,  t.  1 ,  lib.  2,  p.  159. 


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temples,  ceux-ci  célébraient  les  héros  sur  les  champs  de 
bataille ,  ou  dans  la  cour  des  chefs  ;  et  leur  talent  fut  assez 
remarquablepour  mériter  les  éloges  d'un  de  ces  poètes  deRome^ 
habitués  à  traiter  de  barbare  tout  ce  qui  n'était  pas  latin ,  les 
éloges  de  Lucain  qui  leur  adressa  cette  belle  apostrophe  : 

€  Vous  dont  les  panégyriques  donnent  l'immortalité  aux 
ftmes  des  héros,  aux  âmes  des  guerriers  tués  dans  les  combats, 
Bardes ,  pendant  longtemps  en  pleine  sécurité ,  tous  avez  fait 
entendre  des  chants  nombreux.  » 

Après  les  chantres  des  dieux  et  ceux  des  héros  morts  pour 
la  patrie ,  Tenaient  les  poètes  attachés  à  la  cour  ou  à  la  per-* 
sonne  des  chefs.  Appien  qui  parait  avoir  recueilli  une  triade 
bardique  concernant  leurs  devoirs ,  observe  que  leurs  chants 
avaient  trois  thèmes  :  la  généalogie,  la  richesse  et  la  valeur 
des  rois.  Pour  mieux  juger  du  courage  de  ces  rois ,  ils  les 
accompagnaient  à  la  guerre ,  les  enflammaient  pendant  le. 
combat ,  et ,  vainqueurs  ou  vaincus ,  morts  ou  vivants ,  leurs 
patrons  étaient  sûrs  d'être  exaltés  par  eux.  Toutefois ,  ils  ne 
composaient  pas  seulement  des  panégyriques  :  s'ils  étaient  pro- 
digues de  louanges  envers  ceux  qu'ils  aimaient  ou  envers  les 
braves ,  ils  faisaient  aussi  des  satyres  contre  leurs  ennemis 
ou  contre  les  lâches.  Diodore  de  Sicile  dit  expressément  qu'ils 
louaient  les  uns  et  raillaient  les  autres. 

Quant  à  l'éloge  de  la  race  ou  des  richesses  de  leurs  patrons, 
c'était  principalement  le  siget  de  leurs  chants,  dans  la  paix  , 
au  milieu  des  festins ,  où  ils  avaient  une  place  privilégiée. 
Hais  autant  la  guerre  était  favorable  à  leur  art ,  autant  la 
paix  lui  était  funeste  ;  ils  tombaient  alors  dans  une  espèce  de 
servilité,  confondus  avec  les  officiers  du  palais,  ou  même  avec 
les  parasites ,  et  Possidonius ,  qui  leur  donne  ce  nom ,  nous 
apprend  que  plusieurs  se  trouvaient  réduits  à  un  état  plus 
infime  encore.  Ceux-ci  étaient  les  bardes  gyrovagues  qui  fai- 
saient métier  d*aller  chanter  dans  les  banquets  pour  de  l'ar- 
gent, et  payaient  en  compliments  exagérés  les  libéralités  de 


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leurs  bMes.  Selon  le  philosophe  d'Apamée ,  les  chefs  gaulois 
avaient  coutume  d'en  rassembler  un  très  grand  nombre ,  et 
nul  n'aimait  autant  à  en  réunir  autour  de  sa  table  qu'un  cer- 
tain roi  des  Arvernes  appelé  Louem,  c'est-à-dire  le  Renard. 
Un  jour  que  ce  chef  avait  donné  une  fête ,  il  trouva  sur  la 
route,  en  s'en  retournant ,  un  barde  attardé  qui  se  mit  à 
courir  après  son  char  y  en  chantant  ses  louanges  et  en  déplo- 
rant l'infortune  du  convive  qui  arrive  au  banquet  quand  tout 
le  monde  est  parti.  Charmé  des  vers  du  poète ,  Louem  prit 
une  bourse  d'or  et  la  lui  jeta.  Le  barde  s'en  saisit,  et  con- 
tinuant à  suivre  le  char ,  il  chantait  :  c  Les  roues  de  ton  char 
sur  la  terre ,  6  roi ,  font  germer  l'or  et  les  faveurs.  » 

L'un  des  premiers  critiques  de  France  qui  se  soit  occupé 
de  la  littérature  bardique,  H.  Ampère,  a  observé,  avec  sa  sa- 
gacité ordinaire ,  que  l'attitude  de  ce  barde  courant  après  les 
roues  du  char  de  Louem ,  rappelle  celle  des  mendiants  qui 
suivent  en  chantant  une  chaise  de  poste,  et  qu'elle  atteste  la 
dégradation  où  étaient  tombés,  sinon  tous  les  bardes,  au 
moins  un  certain  nombre  d'entre  eux. 

Ce  qui  était  l'exception  et  l'état  des  poètes  de  la  dernière 
classe ,  lors  du  voyage  du  philosophe  stoïcien  en  Gaule,  c'est- 
à-dire  cinquante  ans  avant  l'ère  chrétienne ,  tendit  à  devenir 
la  règle  générale  et  la  condition  du  plus  grand  nombre  au  IV* 
siècle. 

Forcés  de  se  cacher  pour  éviter  le  sort  de  leurs  frères ,  les 
druides;  persécutés  et  mis  à  mort  par  les  empereurs  ro- 
mains ,  ils  virent  décimer  insensiblement  la  caste  à  laquelle 
ils  appartenaient  :  la  persécution  détachant  un  à  un  de  leur 
fîront  les  rayons  de  l'auréole  sacerdotale ,  ne  leur  laissa  qu'une 
couronne  de  feuillage ,  une  couronne  de  feuilles  de  bouleau , 
arbuste  et  symbole  de  l'ordre,  et ,  de  ces  pontifes  du  soleil,  de 
ces  gouverneurs  de  cités,  de  ces  prophètes,  de  ces  devins, 
il  ne  resta  plus  que  des  poètes. 

Ausone ,  né  vers  l'an  310,  parie  du  barde  de  Bélen ,  Phoebi- 


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tius^comme  du  grand-père  d'un  de  ses  contemporains;  il  ajoute 
qu'il  mourut  pauvre  et  que  le  ministère  de  prêtre  du  ^leil  ne 
l'enrichit  point.  De  son  côté ,  Prudence ,  opposant  harde  à 
augure,  relègue  les  augures  ou  les  devins  dans  le  passé  parmi 
les  aïeux  des  bardes  de  son  temps. 

D'après  ce  qu'on  vient  de  lire  ,.il  y  aurait  lieu  de  croire 
qu'il  n'y  avait  plus  de  sacerdoce  bardique,  du  moins  publique- 
ment reconnu ,  au  IV*  siècle.  Hais  si  les  corps  sacerdotaux 
meurent  y  ils  laissent  de  longs  souvenirs  après  eux  ;  si  les  insti- 
tutions s'altèrent,  eUes  ne  disparaissent  jamais  complète- 
ment. Comme  l'ftme  survit  à  la  destruction  de  son  enveloppe 
matérielle ,  les  traditions  survivent  aux  castes  abolies ,  et  re- 
construisent sur  de  nouvelles  bases  quelque  chose  ^'analogue 
à  ce  qui  exista. 

L'institution  bardique  y  après  que  les  légions  romaines  eu- 
rent quitté  la  Grande-Bretagne ,  se  réorganisa  donc  sur  un 
nouveau  plan,  et  de  tous  ses  éléments  non  détruits  compatibles 
avec  l'esprit  du  christianisme,  il  se  forma,  chez  les  Gaëls  d'Ir- 
lande et  chez  les  Bretons  insulaires,  des  associations  bardiques 
unies  par  les  mêmes  lois ,  les  mêmes  devoirs  et  les  mêmes 
droits. 

La  comparaison  des  traits  communs  que  nous  offriront  ces 
associations,  en  achevant  de  nous  faire  connaître  un  des  côtés 
de  l'institution  primitive ,  nous  permettra  de  mieux  juger  de 
ce  qu'elle  devint  une  fois  transformée. 

L'Iriande  ayant  été  l'tle  celtique  envahie  le  moins  souvent, 
et  la  plus  fidMe  au  culte  des  traditions  primitives ,  fixera  d'a- 
bord notre  attention.  Malheureusement ,  elle  s'est  mieux  pré- 
servée des  incursions  étrangères  que  des  invasions  de  la  fausse 
critique ,  et  les  érudits  de  cet  infortuné  pays  ont  trop  souvent 
eu  des  prétentions  patriotiques  insoutenables.  Quoi  qu'il  en 
soit  et  jusqu'à  ce  qu'un  autre  Tumer  ou  M.  O'Donovan  vienne 
débrouiller  le  fil  de  leurs  antiquités  nationales ,  voici  ce  qui 
en  ressort  le  plus  clairement. 


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XXIV 

Aussi  haut  que  l'on  peut  raisonnablement  remonter  à 
Taide  des  traditions  gaéliques ,  on  trouve  en  Irlande  des  bar- 
des constitués  à  Tétat  d'ordre  civil ,  sinon  religieux.  Les 
princes  de  Tordre  figurent  non  plus  comme  ministres  des 
dieux  dans  les  temples ,  mais  dans  les  cours  des  rois  y  à  côté 
du  prêtre  et  du  conseiller ,  parmi  les  trois  premiers  officiers  : 
ils  y  exercent  une  certaine  magistrature  qui  rappelle  leurs 
antiques  fonctions  sacerdotales  ;  ils  veillent  à  la  conservation 
et  à  l'exécution  des  lois  ;  ils  excitent  les  hommes  par  le  blâme 
et  par  la  louange  ;  ils  célèbrent  les  actions  vertueuses  ou  infli- 
gent aux  méchants  le  châtiment  mérité  ;  enfin ,  et  c'est  là  leur 
occupation  habituelle,  ils  gardent  le  dépôt  des  traditions  de 
la  famille  et  de  la  patrie  et  les  souvenirs  nationaux.  Comme 
tels  y  ils  sont  réellement  les  historiens  de  la  race ,  et  même  on 
leur  donne  un  nom  généralement  réservé  en  Irlande  aux  sa- 
vants et  aux  docteurs ,  le  nom  d'otiam. 

Ces  difTérentes  fonctions  étaient  relevées  par  une  qualité 
précieuse  qui  leur  imprimait  un  caractère  de  durée*  et  de  sta- 
bilité remarquable:  l'hérédité.  L'office  de  barde  se  transmet- 
tait de  père  en  fils  avec  la  harpe,  et  les  nouvelles  générations 
de  poètes  croissaient  â  l'abri  de  vieilles  générations ,  comme 
les  jeunes  chênes  â  l'ombre  de  chênes  séculaires  dont  ils  sont 
sortis;  l'antique  esprit  de  caste  n'avait  point  péri,  il  survi- 
vait à  la  ruine  du  sacerdoce  bardique  et  animait  encore  de  son 

^  souffie  l'institution  transformée. 

Tout  naturellement ,  elle  jouissait  de  nombreux  privilèges  ; 

,  entre  autres  droits ,  la  famille  de  barde  royal  possédait  héré- 
ditairement une  certaine  portion  du  territoire  :  il  était  vêtu , 
lui  et  sa  femme ,  par  le  roi  qui  leur  devait  un  vêtement  d'une 
richesse  et  d'un  prix  fort  considérables  pour  le  temps ,  à  savoir 
du  prix  de  trois  vaches.  De  plus ,  sa  personne  était  inviolable  : 
n  n'est  pas  d'exemple  qu'aucun  ait  été  mis  â  mort:  je  me 
trompe,  un  d'eux  périt  assassiné;  mais  l'auteur  de  ce  meurtre 


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XXV 

est  resté  marqué ,  dans  Thistoire  d'Irlande ,  du  stigmate  de 
rinflEunie ,  et  son  nom  est  parvenu  jusqu'à  nous  avec  le  sobri- 
quet de  tête  déshonorée. 

Après  le  barde  de  la  cour ,  venait  celui  delà  tribu  ;  il  occu- 
pait le  même  rang  près  du  chef  de  dan  que  son  confrère 
près  du  roi  ;  il  avait  les  mêmes  devoirs  à  remplir,  dans  une 
sphère  moins  élevée,  et  jouissait  des  mêmes  prérogatives. 
Le  législateur  irlandais  régla  avec  une  sollicitude  égale  les  at- 
tributions et  les  privilèges  des  uns  et  des  autres;  il  fit  pour 
la  harpe  du  barde  royal,  comme  pour  celle  du  barde  do- 
mestique ,  une  législation  spéciale ,  en  attendant  qu'en  sou- 
venir des  services  rendus  par  elle  à  la  patrie ,  les  rois  la  pla- 
çassent avec  bonheur  sur  leur  bouclier ,  non  pour  épouvanter 
l'ennemi ,  comme  la  tète  de  l'antique  Méduse,  mais  pour  le 
charmer.  ^ 

Comme  les  bardes  irlandais,  ceux  de  la  Bretagne  préten- 
daient être  aussi  anciens  que  le  monde ,  et  dataient  leur  his- 
toire du  berceau  du  genre  humain  :  selon  eux ,  ce  furent  trois 
de  leurs  ancêtres  appelés  Gwizon ,  Hu-Gadarn  etTiden ,  père 
de  la  muse ,  qui  inventèrent  à  la  fois  la  poésie  et  la  musique, 
et  jetèrent  les  fondements  du  bardisme.  Si  Tiden  était  le 
même  que  Tentâtes,  l'inventeur  des  arts,  et  si  Hu-Gadarn 
ou  le  Fort  n'était  autre  qu'Hesus,  le  Mars  des  Gaulois,  l'ins- 
titution bardique  se  rattacherait  par  la  tradition  de  son  ori- 
gine ,  à  la  mythologie  celtique ,  comme  Ta  pensé  H.  Ampère. 

Beaucoup  plus  tard  et  sous  le  règne  d'un  chef  breton  ap- 
pelé Moelmud ,  dont  l'âge  n'est  pas  encore  fixé ,  trois  autres 
personnes  auraient  achevé  l'œuvre  commencée  à  l'origine  du 
monde,  en  fondant  un  système  de  discipline  et  de  privilèges, 
et  promulguant  les  premières  lois  concernant  les  bardes.  On 


<  Voyez,  sur  les  bardes  irlandais,  Walker,  Historical  memoirs 
of  ihe  Irisb  bords,  et  miss  Brook ,  Irish  poelry. 


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croira  ce  qu'on  voudra  de  cette  législation  primitive  qui  n*a 
d'ailleurs  comme  texte  aucun  caractère  d'authenticité ,  et  dont 
la  langue  et  le  style  sont  du  moyen-âge,  mais  elle  présente 
par  moments  des  traces  tellement  visibles  d'antiquité ,  quant 
au  fond;  elle  est  si  souvent  confirmée  par  le  témoignage  des 
écrivains  classiques  y  et,  en  la  comparant  avec  un  code  d*une 
date  positive ,  un  code  du  X*  siècle ,  plus  ancien  de  rédaction, 
dont  nous  parlerons  tout  à  l'heure ,  on  lui  trouve  de  tels  si- 
gnes d'antériorité  qu'on  doit  nécessairement  en  tenir  quelque 
compte.  ■ 

Le  premier  devoir  que  Moehnud  impose  aux  bardes  est  de 
garder  les  traditions  historiques,  c  Le  barde,  dit-il,  conservera 
le  souvenir  de  toute  chose  digne  d'éloges  concernant  l'indi- 
vidu ,  la  race  et  les  événements  contemporains.  »  « 

n  leur  défend  de  porter  les  armes,  interdiction  qui  les  rat- 
tache aux  bardes-prêtres  des  temps  primitifs,  à  ces  druides 
étrangers,  comme  on  sait,  aux  dioses  de  la  guerre,  et  qui 
montre  toute  l'estime  du  législateur  pour  leur  art.  Convenait- 
il  en  effet  qu'elles  fussent  souillées  de  sang  les  mains  de  celui 
qui  devait  calmer  par  ses  chants  les  blessures  du  glaive?  L'o- 
bligation où  ils  étaient  primitivement  de  rester  des  hommes 
pacifiques,  était  telle  que  la  tradition  nous  a  conservé  le  nom 
de  trois  bardes  destitués  de  leurs  fonctions  pour  s'être  faits 
guerriers ,  et  de  trois  guerriers  qui  renoncèrent  au  métier 
des  armes  pour  devenir  bardes. 

Historiens  et  messagers  de  paix ,  ils  exerçaient  de  plus  une 
fonction  hnportante  comme  docteurs  :  c'étaient  eux  qui  ins- 
truisaient le  peuple  :  ils  devaient ,  dit  la  loi ,  maintenir  et  ré- 
pandre partout  l'instruction  avec  l'amour  de  la  vertu,  de  la 

*  Parmi  ces  signes,  j'iodiquerai  le  partage  annuel  des  terres,  es- 
pèce de  loi  agraire  en  osage  chez,  les  Gaulois,  an  témoignage  de 
César. 

•Myfyrian,  t.  3,  p.  291 


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sagesse  et  de  l'hospitalité.  Ils  formaient  le  corps  enseignant  ré- 
gulièrement constitué  de  la  nation  y  et  comme  tels  encore ,  ils 
r^résentent ,  sous  un  rapport ,  leurs  ancêtres  les  druides  y  ces 
instituteurs  de  la  jeunesse,  et  ces  anciens  bardes  qui  cfirent 
fleurir  en  Gaule  de  louables  études,»  selon  Texpression  d'Am- 
mien  Harcellin. 

Mais  cette  belle  prérogative  appartenait  de  droit  à  ceux  à 
qui  il  a  été  dit  :  AUez,  enseignez  toutes  les  nations.  Les  bardes 
durent  bientôt  la  partager  avec  eux  ;  ils  leur  cédèrent  même 
peu  à  peu  le  privilège  non  moins  honorable  d'être  les  seuls  de 
tout  le  peuple  dont  la  loi  craignit  de  profaner  le  caractère  au- 
guste ,  en  les  assujétissant  au  service  militaire  :  du  reste , 
quand  la  guerre  était  partout,  pouvaient-ils  s'en  préserver? 
quand  la  patrie  était  en  danger,  pouvaient-ils  rester  neutres 
et  ne  pas  armer  du  glaive  la  main  qui  maniait  la  harpe? 

Ainsi ,  les  révolutions  amenaient  et  expliquent  les  transfor- 
mations successives  de  leur  instttujtion:  avec  le  code  d'Hoel- 
da ,  commence  sa  troisième  phase  historique. 

Hoel  eut  pour  but  de  fixer  par  l'écriture,  en  les  amendant , 
les  vieilles  lois  br^mmes  en  usage  depuis  le  V«  siècle ,  époque 
de  la  première  invasion  saxonne,  jusqu'au  X«.  Cent  soixante- 
dix  évêqueset  huit-cent-trente-six  députés  laïques  de  chaque 
canton ,  du  pays  de  Galles,  se  réunirent  à  cet  effet ,  et,  après 
avoir  ainsi  que  le  roi ,  jeûné  et  prié  pendant  quarante  jours , 
ils  nommèrent  une  commission  composée  de^iouze  personnes, 
plus  un  rapporteur,  chargée  du  recueil  des  lois  nationales  :  une 
fois  achevée,  la  compilation  fut  promulguée,  et  le  roi  or^ 
donna  qu'on  en  fit  une  copie  pour  chacune  des  trois  grandes 
divisions  du  pays  de  Galles;  puis,  il  partit  pour  Rome,  suivi  d'un 
grand  nombre  de  ses  chefs  de  clan ,  afin  de  la  soumettre  au 
pape  Anastase  qui  l'approuva.  > 

'  Voyet  réditioD  et  la  iraducUoa  de  ces  lois  faite  par  y.  Aueuriii 
Oweo ,  il  la  requête  du  roi  Guillaume  IV.  Londres ,  1841 . 


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L'institution  bardique  était  trop  importante  pom*  que  le 
législateur  négligeât  de  recueillir  les  statuts  qui  la  régissaient; 
aussi  occupent-ils  une  assez  grande  place  dans  le  code  breton- 
gallois. 

Nous  pouvons ,  diaprés  lui ,  nous  faire  une  idée  très  nette  et 
très  précise  de  la  condition,  des  devoirs  et  des  droits  des 
bardes  dans  la  Grande-Bretagne  depuis  la  chute  de  la  domi- 
nation romaine. 

La  première  chose  qui  me  frappe,  est  leurs  rapports 
entre  eux ,  et  les  difiërents  degrés  qu'il  leur  faut  franchir 
pour  arriver  aux  dignités  de  Tordre.  Hs  se  divisaient  réguliè- 
rement en  trois  classes  :  les  bardes  aspirants ,  les  simples  bar- 
des ,  les  chefs  des  bardes. 

Les  bardes  aspirants  étaient  les  disciples  de  ces  derniers. 
Selon  les  commentateurs  et  la  tradition ,  ils  formaient  diverses 
catégories  et  subissaient  durant  plusieurs  années  divers  stages 
ou  épreuves  devant  un  chef  des  bardes  qui ,  d'après  leur  plus 
ou  moins  de  génie  poétique,  les  admettait  dans  l'ordre  ou  les 
repoussait.  Les  aspirants  ayant  part  aux  largesses  des  chefs, 
et  recevant  des  rétributions  en  aident ,  lorsqu'ils  chantaient 
dans  les  banquets  ou  qu'ils  assistaient  aux  mariages ,  devaient 
au  chef  des  bardes  pour  prix  de  ses  leçons,  le  tiers  de  leur 
gain.  Toutefois,  s'ils  quittaient  leur  instituteur,  soit  par 
manque  de  capacité  et  après  avoir  échoué  dans  les  épreuves , 
soit  pour  toute  autre  cause ,  ils  avaient  droit  à  une  harpe  ; 
la  loi  leur  assurait  ainsi  leur  gagne-pain. 

Au  contraire ,  l'aspirant  qui  était  sorti  vainqueur  de  toutes 
les  épreuves ,  parvenait  au  second  degré  de  l'ordre ,  et  pre- 
nait place  parmi  les  bardes  royaux.  Ceux-ci  faisaient  partie 
de  la  cour  et  y  occupaient  un  rang  assez  élevé.  On  les  voyait 
figurer ,  aux  côtés  du  roi ,  avec  ses  premiers  officiers ,  quand, 
le  soir ,  il  était  assis  à  table  près  du  feu  ,  dans  la  salle  de  son 
palais  de  bois  à  voûte  basse  et  ceintrée,  que  soutenaient  six 


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TOIX 

colonnes  feites  de  troncs  de  chêne  polis  a^ec  soin ,  et  qu'é- 
clairaient des  torches  d'arbres  résineux. 

Le  Imrde  royal  tenait  à  la  main  une  harpe ,  présent  du 
prince ,  et  portait  au  doigt  un  anneau  d'or  reçu  de  la  reine  le 
jour  où  il  était  entré  en  fonction,  et  il  ne  devait  jamais  à  aucun 
prix  se  dessaisir  de  ces  objets.  Si  le  chef  du  palais  désirait  qu'il 
chantât ,  il  devait  faire  entendre  trois  chants  de  trois  espèces 
différentes;  si  c'était  la  reine  qui  l'en  priait  et  qu'elle  le  mandât 
dans  sa  chambre ,  il  devait  se  rendre  à  ses  vœux  et  lui  dire 
trois  chants  d'amour,  mais  à  demi-voix  pour  ne  pas  troubler 
la  cour.  Si  un  noble  lui  demandait  de  chanter ,  il  devait  aussi 
chanter  trois  chants,  «mais  si  un  paysan  l'en  prie,  qu'il 
chante  jusqu'à  l'épuisement,  »  dit  le  législateur,  voulant 
montrer  par  là  que  le  barde  appartient  bien  plus  au  peuple 
qu^auxrois ,  aux  reines  et  aux  nobles. 

Au  jour  du  combat,  il  devait  chanter  pendant  la  bataille 
le  chant  national  de  la  Domination  bretonne,  et ,  lors  du  par- 
tage des  dépouilles ,  U  avait  droit  à  im  boeuf,  hors  part ,  plus 
à  une  portion  de  guerrier. 

Indépendamment  de  la  harpe  et  de  l'anneau  d'or ,  il  possé- 
dait cinq  acres  de  terre  sans  redevance  ;  il  montait  un  che- 
val des  écuries  du  roi ,  et  logeait  chez  le  préfet  du  palais. 
Son  plus  beau  privilège,  dans  un  temps  où  la  force  brutale 
régnait  trop  souvent  sans  partage ,  était  de  pouvoir  arrêter  et 
conduire  au  roi  tout  homme  qui  en  insultait  un  autre,  et 
de  prot^er  quiconque  manquait  de  protecteur  :  il  jouis- 
sait de  cette  noble  prérogative ,  reste  évident  des  attributions 
du  pacifique  sacerdoce  bardique ,  depuis  son  premier  chant, 
au  lever  de  l'aurore,  jusqu'à  son  dernier  chant  du  soir,  c'est- 
à-dire  constamment. 

L'injure  qu'on  lui  faisait  à  lui-même  était  punie  d'une  a- 
mende  de  sjx  vaches  et  de  cent^ vingt  blancs  ou  sols  d'ai^ent; 
et  sa  mort ,  d'une  amende  de  deux  fols  cent  vingtrsix  vaches 
ou  de  deux  cent-cinquante-deux  blancs  ;  prix  énorme  pour 


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cette  époque ,  car  le  meurtre  dujnédecin  du  roi ,  personnage 
important ,  était  évalué  moitié  moins.  Le  législateur  voulait-il 
donner  à  entendre  que  l'homme  qui  calme  de  ses  chants  les 
douleurs  de  Tesprit ,  vaut  deux  fois  mieux  que  celui  qui  guérit 
de  ses  drogues  les  douleui*s  du  corps? 

Quant  à  la  dignité  de  chef  des  bardes ,  elle  ne  s'obtenait 
qu'au  concours. 

Tous  les  trois  ans ,  avait  lieu  en  plein  air ,  sur.  une  mon- 
tagne ,  une  assemblée  solennelle  des  bardes  du  pays.  Leurs 
réunions  se  rattachaient  sans  doute  par  l'origine  aux  synodes 
bardiques  et  druidiques ,  qui  se  tenaient,  dit  César,  dans  un 
lieu  consacré ,  au  centre  même  de  la  Gaule  :  les  lois  de  Moel- 
mudles  nonunent  des  congrès  privilégiés  de  fraternité  et  d'u- 
nion, et  il  y  a  lieu  de  croire  qu'elles  faisaient  primitivement 
partie  des  institutions  religieuses  des  nations  celtiques.  La 
chute  du  druidisme,  en  les  dépouillant  de  leur  caractère 
payen ,  ne  put  toutefois  leur  ôter  leur  esprit  national  civil  et 
littéraire.  Elles  continuèrent  d'être  utiles  à  la  conservation  de 
l'art  poétique  et  musical  parmi  les  descendants  des  bardes  pri- 
mitifs, et  c'est  comme  telles  qu'elles  florissaient  à  l'époque 
qui  nous  occupe.  On  décernait  alors,  en  présence  des  cheEs  du 
pays  et  d'un  immense  concours  de  peuple ,  le  prix  de  l'inspi- 
ration ,  faculté  que  l'ancienne  langue  bretonne  exprime  par 
le  mot  :  Awenn.  Le  vainqueur  aux  joutes  poétiques  recevait 
du  juge  royal  l'investiture  de  la  harpe  d'argent;  on  le  ceignait 
d'une  écharpe  bleue,  on  Tûfistallait  sur  un  siège  d'or,  et  il 
était  déclaré  chef  des  bardes  du  pays  et  barde  intronisé,  aux 
accords  des  harpes  celtiques  et  aux  acclamations  de  la 
foule. 

Le  rapport  de  ces  joutes  intellectuelles  avec  les  combats  lit- 
téraires du  même  genre ,  que  se  livraient  des  poètes  du  VI* 
siècle ,  à  Rome,  où  le  sénat  décernait  au  vainqueur  un  tapis 
de  drap  d'or  pour  couvrir  son  fauteuil  académique;  leur  res- 
semblance avec  les  fêtes  dionysiaques,  où  l'on  couronnait  les 
plus  belles  hymnes  en  l'honneur  de  Bacchus ,  n'est  pas  ce  qui  ' 


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me  frappe  le  plus.  Le  croirait-on?  C*est  avec  les  cérémonies 
religieuses  de  la  Samotfarace  qu'elles  ont  le  plus  de  rapport, 
c'est  avec  les  mystères  auxquels  Orphée  et  Pythagore  allèrent 
se  faire  initier.  Ceint  d'une  écharpe  de  pourpre ,  comme  le 
barde  d'une  écharpe  bleue;  couronné  d'un  rameau  d'olivier, 
comme  le  barde  peutp^tre  d'une  branche  de  bouleau  (symbole 
bardique  de  la  victoire),  le  poète  initié  était  installé  sur  un 
si^e:  tous  les  autres  initiés  présents  formaient  un  cercle  autour 
de  lui,  et ,  se  tenant  par  la  main ,  ils  dansaient  une  ronde ,  en 
chantant.  Cette  cérémonie ,  dit  Platon ,  s'appelait  d/»ovc<7fioç 
on  ifUronisation,  et  Tinitié  recevait  le  même  nom  que  le  chef 
des  bardes  bretons  :  enfin  l'un  ainsi  que  l'autre  devait  gar- 
der pendant  toute  sa  vie  l'écharpe  initiatrice,  i 

Maintenant ,  si  Ton  observe  que  la  Samothrace  était  le 
sanctuah*e  de  ces  initiations,  et  que  le  culte  cabyrique,  reli- 
gion de  la  Samothrace,  se  répandit  dans  le  pays  des  Celtes  et 
particulièrement  dans  les  tles  britanniques ,  où  les  Grecs  l'ont 
positivement  reconnu,  selon  le  témoignage  formel  de 
Diodore  de  Sicile  et  de  Strabon;  ^  si  l'on  se  rappelle,  d'autre 
part,  que  les  Pythagoriciens  passaient  pour  les  mstituteurs 
des  bardes  et  des  druides  celtiques,  '  peut-être  pensera-t-on 
que  les  joutes  poétiques  des  bardes  bretons  du  VI*  siècle , 
étaient  l'ombre  de  certaines  initiations  religieuses  d'autrefois. 

Quoi  qu'il  en  soit,  à  dater  du  jour  de  son  intronisation,  celui 
qui  était  devenu  chef  des  bardes  du  pays  ne  faisait  plus  partie 
des  officiers  du  roi ,  au-dessus  desquels  l'élevait  sa  nouvelle 
dignité  :  il  avait  droit  à  un  présent  de  nocesde  la  part  des 
filles  non  seulement  des  simples  bardes ,  mais  de  toutes  celles 

*  Platon  Eothydem.  p.  405.  Voyez  anssî  l'excelleDle  traduction 
de  la  Symbolique  de  Greuier ,  par  M.  Goigniaut  (p.  320) ,  traduc- 
lion  qui  a  to«t  le  Boérite  d'un  original. 

•  Scndm»  IV,  p.  198.  Diodore,  IV,  p.  50. 
'  Idm,  V.  p  S09. 


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XXXIJ 

qui  se  mariaient.  Nul  barde  ne  pouvait  solliciter  aucune 
faveur  dans  sa  juridiction  sans  son  agrément ,  à  moins 
d'être  poète  d'un  pays  limitrophe.  Si  le  roi  défendait  par  une 
loi  de  rien  accorder  aux  sollicitations  des  bardes  dans  les 
domaines  royaux,  pendant  une  certaine  ^oque  de  Tannée , 
leur  dief  n'était  point  assujéti  à  cette  loi;  présent  conmie  ab- 
sent ,  il  avait  une  part  double  de  tous  les  honoraires  accordés 
aux  simples  bardes.  Il  avait  droit  au  logement  chez  l'héritier 
présomptif,  qui  était  toujours  le  fils,  le  frère  ou  le  neveu  du 
roi ,  et  à  une  certaine  étendue  de  terres  quittes  de  redevance. 
S'il  était  à  la  cour,  personne  ne  pouvait  lui  disputer  l'hon- 
neur de  chanter  le  premier  :  dès  qu'il  paraissait  à  l'entrée  de 
la  salle  du  festin ,  et  que  le  roi  lui  faisait  signe ,  il  devait  en- 
tonner deux  chants  sur  le  seuil  de  la  porte ,  l'un  en  l'honneur 
de  Dieu ,  l'autre  en  l'honneur  des  rais  bretons;  quand  il  avait 
fini,  le  bardç  de  la  cour  se  levait ,  et ,  par  une  déférence  mar- 
quée pour  son  supérieur ,  il  allait  chanter  hors  de  la  salle , 
plus  bas  que  le  vestibule ,  dit  la  loi. 

Ses  chants  finis,  le  chef  des  bardes  venait  s'asseoir  à  table, 
à  droite  de  l'héritier  présomptif,  et  sa  place  était  d'autant 
plus  honorable  qu'après  elle  ,  observe  le  législateur,  il  n'y  en 
avait  plus  de  privilégiée. 

Là,  selon  une  autre  observation  du  même  législateur,  tandis 
que  la  plupart  des  convives  étaient  astremts  à  une  certaine 
ration  légale,  appelée  tn^srire  ennuyeuse,  le  chef  des  bardes  du 
pays  pouvait  boire  et  manger  sans  ennuis.  Cet  article  du 
code  breton ,  sous  sa  forme  naïve  et  barbare,  achève  de  ca- 
ractériser la  valeur  du  chef  des  bardes  :  à  coup  sûr ,  c'était 
un  personnage  fort  important  dans  l'état  que  celui  qui 
jouissait  à  table  d'une  liberté  illimitée,  et  d'une  souveraineté 
absolue  sur  tous  les  vins  et  tous  les  mets  ! 

Un  privilège  plus  sérieux  était  ses  fonctions  dans  la  de- 
meure de  Théritier  du  prince.  En  souvenir  d'antiques  attri- 
butions perdues  et  peut-être  par  respect  pour  elles ,  il  était. 


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XXXiJj 

chargé  d'élever  et  d'instruire  un  certain  nombre  de  jeunes 
garçons,  appartenant  aux  familles  nobles  du  pays,  qui  étaient 
mis ,  par  leurs  pères ,  à  l'âge  de  quatorze  ans,  à  la  disposition 
du  suzerain  y  et  confiés  aux  soins  deThéritier  de  la  couronne. 

L'influence  des  bardes  sur  leurs  contemporains ,  malgré 
toutes  les  révolutions ,  commençait  donc  toujours  presque  dès 
le  berceau ,  comme  du  temps  de  César. 

Après  avoir  si  nettement  défini  la  valeur  de  ces  poètes ,  la 
loi  pouvait-elle  oublier  l'instrument  dont  il  a  été  dit  : 

»  11  n*e8t  ni  ange  ni  homme 

Qai  ne  pleure  quand  chante  la  harpe  ?  » 

Le  prix  de  celle  du  chef  des  bardes  est  de  cent  vingt  blancs; 
c'est  juste  aussi  cher  que  le  chêne ,  cet  arbre  sacré ,  que  la 
harpe ,  le  grenier  et  le  manteau  du  roi  ;  c'est  deux  fois 
autant  que  le  chaudron  royal,  qui  ne  valait  que  soixante  blancs; 
cinq  fois  plus  que  le  bouclier  d'or ,  ou  d'argent ,  ou  d'azur 
du  guerrier,  et  que  l'épée  la  plus  belle  à  poignée  d'argent; 
c'est  trente  fois  autant  que  la  lance;  et,  sans  pousser  plus 
loin  cette  énumération  ,  onze  fois  plus  que  la  charrue  :  le 
noble  peuple  qui  observait  ces  lois  trouvait  donc  que  la  parole, 
cette  puissance  divine  dont  la  harpe  du  barde  était  le  poétique 
symbole ,  vaut  mieux  que  la  nourriture  d'un  roi ,  mieux  que 
le  pain  produit  par  la  charrue ,  mieux  que  le  bouclier  qui 
protège,  mieux  que  la  lance  ou  l'épée  qui  tue,  mieux  que  la 
force. 

Chaque  composition  poétique  avait  aussi  son  prix ,  d'après 
la  loi  ;  elle  ne  l'indiqiJe  pas ,  mais  c  tout  chef  des  bardes  devait 
le  connaître,  »  dit- elle,  et  la  tradition  nous  apprend  que 
chacune  des  stances  d'un  poème  du  temps  dont  nous  parlons 
valait  deux  blancs. 

«  Le  barde  intronisé ,  ajoute  le  législateur ,  devra  de  plus 
savoir  par  cœur  les  anciens  poèmes  en  l'honneur  des  princes 

3- 


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xmy 

et  rois  Slustres  de  la  nation  bretonne  ^  et  particoliër^nent 

ceux  des  ^ieuz  chefs  des  bardes  de  Ttle  de  Bretagne.  >  > 

Ainsi  se  maintenait  parmi  ces  poètes  une  tradition  qu'il  est 
d'une  importance  capitale  de  constater.  Soutaiant  la  chaîne 
et  formant  le  nœud ,  tout  nouvel  initié  venait  joindre  son 
anneau  d'or  à  ceux  de  ses  prédécesseurs,  et  la  chaîne,  d'anneau 
en  anneau,  allait  remontant  jusqu'aux  âges  les  plus  lointains. 

Telle  était  la  part  de  devoirs  et  d'immunités  que  faisait  au 
poète  la  législation  bretonne;  elle  est  large,  comme  on  le  voit, 
et  sauf  ses  prérogatives  de  l'époque  théocratique ,  on  cher- 
cherait en  vain ,  ce  semble ,  ce  qui  pouvait  lui  manquer  :  mais 
possédait-il  la  liberté,  ce  bien  plus  cher  que  la  harpe  d'argent 
et  l'anneau  d'or,  le  siège  d'or ,  les  terres,  les  rétributions ,  les 
honoraires ,  tous  les  avantages  bardiques?  Ne  l'avait-il  point 
perdue  avec  sa  couronne  druidique  ? 

Nous  savons  d'abord  que  les  trois  byoux  d'une  race  :  le 
livre ,  la  harpe  et  Tépée  ne  pouvaient  être  saisis  par  la  justice 
en  aucun  cas  ;  il  s'ensuit  que  les  œuvres  du  barde  et  sa  harpe 
étaient  libres  ;  après  cela  ,  il  serait  étrange  que  sa  personne 
ne  l'eût  pas  été.  Toutefois,  ce  ne  serait  qu'une  hypothèse  plus 
ou  moins  probable,  dans  le  silence  de  la  loi,  tandis  qu'au 
contraire,  c'est  un  fait,  car  elle  dit  :  L'esclave  a  trois  fils 
libres;  le  pi'emier  est  le  barde;  le  second  est  le  clerc;  or, 
dès  que  le  fils  du  serf ,  igoute-t-elle ,  a  reçu  la  tonsure  cléri- 
cale ou  pris  ses  premiers  degrés  bardiques ,  son  maître  n'a 
plus  aucun  droit  sur  lui.  La  poésie  affiranchissait  donc  comme 
le  sacerdoce  :  mais  quel  rapprochement  hardi!  l'ordination 
ecclésiastique  et  l'ordination  bardique  assimilées!  D  fallait 
que  l'institution  sacerdotale  des  bardes  eût  laissé  des  traces 
bien  profondes  dans  les  moeurs  bretonnes. 

Après  tout ,  n'eût-il  pas  été  singulier  que  le  rameau  de 
hùuleau  quiUre  le  pied  de  l'entrave,  comme  dit  un  de  ces  poètes, 

*  Rbes,  ImlUutionei  lingum  CymraeeŒf  p.  146. 


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xxxv 

c'est-à-dire  que  rhomme  inspiré  dont  les  chants  étaient  la 
sauvegardé  de  la  liberté,  ne  l'eût  pas  reçue  de  la  loi? 

Le  secret  de  la  force  du  barde  est  surtout  dans  cette  puis- 
sante faculté  que  lui  attribuaient  si  justement  les  législateurs 
primitifs.  Haton  chassait  les  poètes  de  sa  république,  après  les 
avoir  couronnés  ;  les  hommes  d'état  des  âges  civilisés  les 
traitent  encore  plus  mal ,  car  ils  les  congédient  sans  cérémo^ 
nie  ;  à  peine  s'ils  les  regardent  comme  un  ornement  de  la  so- 
ciété ,  et  ils  les  appellent  volontiers  amuseurs  de  fous  curieux  : 
9  n'en  était  pas  de  même  dies  les  anciens  peuples  jaloux  de 
leur  indépendance;  la  poésie  leur  servait  d'auxiliaire  contre 
l'ennemi ,  et  si  la  lyre  de  Tirtée  valut  souvent  une  épée  pour 
les  Grecs ,  plus  d'une  fois  la  harpe  du  barde  (ut  le  bouclier 
des  Bretons. 

La  poésie  s'étant  trouvée  toiyours  liée  de  la  sorte  à  leur  vie 
sociale,  ayant  toiyours  été  l'organe  de  leurs  intérêts  nationaux 
et  de  leurs  sentiments  patriotiques,  offirant  par  conséquent  un 
dsuractère  historique  et  national ,  il  est  essentiel ,  pour  la  faire 
bien  comprendre ,  denq[>peler  en  peu  de  mots  les  grands  évé- 
nements dont  les  bardes  furent  è  la  fois  les  témoins  et  les 
historiens ,  aux  ¥•  et  VI*  siècles. 


III. 


A  l'^oque  de  l'incendie  du  capitole ,  sous  Vitellius ,  un 
chant  prophétique  des  druides  s'éleva  d'un  bout  des  Gaules  à 
l'autre ,  annonçant  aux  peuples  celtiques  la  chute  de  la  puis- 
sance romaine  et  leur  prochaine  prééminence  dans  les  affaires 
du  monde. 

Quand  les  Romains,  en  410 ,  après  quatre  cents  ans  de 
domination  oppressive,  quittèrent  l'tle  de  Bretagne,  réalisant 
la  prédiction  druidique ,  semblable  cri  de  délivrance  retentit 
et  se  prolongea  depuis  la  pointe  de  ComouaiUe  jusqu'à  l'em- 
bouchure delà  Clyde.  C'était  là  en  efiet ,  c'était  sur  cette  côte 


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xxxyj 

occidentale  de  l'Ile  que  s'échelonnait,  au  bord  d'une  mer 
sauvage ,  parmi  les  rochers,  les  montagnes  et  les  forêts ,  la 
véritsèle  race  bretonne ,  avec  ses  différentes  tribus.  Souvent 
vaincus ,  jamais  subjugués ,  aimant  mieux  vivre  libres  et  mal- 
heuoeux  qu'heureux  et  avilis  sous  la  servitude  étrangère ,  les 
Bretons  de  la  Comouaille  et  du  Dévonshire ,  ceux  de  la  Cam- 
brie  qui ,  plus  'tard ,  portèrent  le  nom  de  Gallois ,  ceux  du 
Cumberland  et  du  Lancashire ,  ceux  enfin  du  val  de  laClyde, 
ou  de  Strath  Clyde ,  furent  les  premiers  de  toute  l'tle  qui 
saluèrent  le  réveil  de  l'indépendance  nationale ,  les  premiers 
qui  rétablirent  leur  vieille  forme  de  gouvernement. 

Les  anciens  chefs  de  clan  succédèrent  aux  gouverneurs  é- 
trangers  ;  l'édifice  administratif  fondé  par  les  Romains  fut 
renversé  de  fond  en  comble;  pendant  quarante  ans  les  cités 
bretonnes  se  gouvernèrent  d'après  leurs  propres  lois,  et  revin- 
rent au  système  de  fédération  en  vigueur  chez  elles  avant  l'in- 
vasion romaine. 

Pour  achever  d'exalter  leur  enthousiasme ,  plusieurs  suc- 
cès remportés  sur  de  puissants  ennemis  du  dedans,  contre 
lesquels  les  Romains  semblaient  seuls  capables  de  les  proté- 
ger, vinrent  signaler  leurs  premiers  combats. 

Ces  ennemis  étaient  les  Scots  et  1^  Pietés,  tribus  calédo- 
niennes ,  qui  habitaient,  les  uns  sur  les  côtes  du  grand  ar- 
chipel du  nord-ouest,  les  autres  à  l'est  sur  les  bords  de 
l'Océan  germanique ,  et  qu'un  rempart  élevé  à  l'embouchure 
de  la  Clyde  et  prolongé  jusqu'au  golfe  du  Forth ,  séparait  des 
tribus  bretonnes. 

Ainsi  animés  par  ce  qu'ils  regardaient  comme  l'accomplis- 
sement de  leurs  prophéties  nationales,  enivrés  par  la  liberté 
renaissante,  soutenus  par  des  victoires,  ouvrant  leurs  cœurs 
à  l'espérance  et  bercés  des  plus  douces  illusions  patriotiques , 
les  Bretons  se  trouvèrent  tout  armés  de  force  morale  pour  tra- 
verser les  temps  difficiles  que  le  ciel  leur  réservait,  temps 
mêlés  d'abord  de  succès  et  de  revers ,  puis  où  les  revers  do- 


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xxxvy 

miDèrent  à  la  lon^e ,  entraînant  à  leur  suite  les  plus  épouvan- 
tables malheurs. 

L'épreuve  leur  vint  d'étrangers  stipendiés  qui ,  débarqués 
dans  leur  tle,  sous  prétexte  de  les  défendre  contre  les  Pietés 
et  les  Scots ,  ne  songeaient  en  réalité  qu'à  les  opprimer ,  dit 
GUdas. 

Conune  un  troupeau  de  lionceaux  qui  s'élancent  de  l'antre 
de  la  lionne ,  leur  mère,  continue-t-il,  les  Saxons  enfoncèrent 
leurs  ongles  terribles  dans  le  sol  de  l'tle  de  Bretagne,  et  une 
fois  maîtres  du  terrain,  ils  ne  lâchèrent  plus  leur  proie. 

Non  seulement  ils  voulurent  la  partager  avec  les  indigènes, 
mais  tournant  bientôt  leurs  armes  contre  eux ,  il  firent  al- 
liance avec  ceux-là  même  qu'ils  s'étaient  engagés  à  com- 
battre. 

Attaqués  par  trois  ennemis  à  la  fois ,  au  nord ,  au  midi  et 
à  l'est ,  les  Bretons  déployèrent  un  courage  héroïque  et  oppo- 
sèrent aux  forces  combinées  de  leurs  adversaires  une  résis- 
tance opiniâtre  :  tout  ce  que  l'amour  du  pays  et  de  la  liberté 
peut  inspirer  de  ruses,  de  stratagèmes,  d'eflbrts  désespérés  fut 
mis  en  œuvre  ;  et  d'éclatants  succès,  dont  le  fameux  Artbur 
devait  être  plus  tard  la  personnification  poétique ,  couronnè- 
rent ces  efforts. 

Mais  quelle  digue  assez  puissante  pour  contenir  un  adver- 
saire immensément  supérieur  en  nombre ,  dont  les  flots , 
comme  une  marée  de  flammes ,  selon  la  belle  image  de  Gildas, 
montaient,  montaient  toujours,  de  la  mer  d'Orient  à  la  mer 
d'Occident,  ravageant  campagnes  et  villes? 

Hs  ne  purent  toutefois  franchir  les  remparts  de  granit,  les 
marécages,  les  vallées  profondes,  et  les  écueils  derrière  les- 
quels les  Bretons  abritaient  leur  vie  inquiète  et  retrouvaient, 
consolés ,  la  patrie  et  la  liberté.  Toutes  les  autres  peuplades 
de  l'tle ,  au  contraire ,  à  l'est  et  au  midi ,  se  soumettaient  à  la 
servitude  étrangère  et  rompant  même  les  derniers  liens  de 
l'antique  fraternité  bretonne,  ils  devenaient  les  alliés  des 


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uxviy 

Saxons  :  telles  d'abord  les  tribus  des  Logriens,  ces  Bretons  dé- 
générés (530),  et  plus  tard ,  à  la  fin  du  VI^"  siède ,  les  peuples 
de  Déir  et  de  Bemteie  conquis  par  les  Angles. 

Les  Angles  formaient  le  dernier  ban  des  envahisseurs  ger- 
mains :  ils  débarquèrent  en  grand  nombre  entre  le  golfe  do 
Forth  et  l'embouchure  de  la  Tweed ,  guidés  par  Ida  et  ses 
douce  fils.  Ce  chef  s'avança  de  l'est  à  l'ouest,  exerçant  des 
ravages  si  grands  sur  son  passage  que  les  Bretons  lui  don- 
nèrent le  surnom  de  Porte4randon  :  mais  sa  foreur  devait  se 
briser  ccmtre  le  génie  et  le  courage  du  premier  prince  indi- 
gène qu'il  attaqua.  Vaincu  plusieurs  fois  par  Urien ,  Ida , 
malgré  treize  ans  d'eiforts  constants,  ne  put  faire  aucun  pro- 
grès à  l'ouest;  9  fiait  par  périr  de  la  main  du  fils  aîné  du  roi 
breton ,  au  bord  de  la  Clyde ,  dont  les  eaux  se  teignirent  du 
sang  étranger.  (560.) 

Laveuvedel'Anglo-Saxon  ne  fut  pas  plus  heureuse  que 
son  mari ,  et  trouva  la  mort  en  voulant  le  venger. 

Agresseurs  à  leur  tour  pour  la  premike  fois,  sous  Urien  y 
les  Bretons  qui  jusque  là  n'avaient  guère  fait  que  se  défen(hre , 
portèrent  le  théâtre  de  la  guerre  au  coeur  même  des  con- 
quêtes anglo-saxonnes,  et  en  enlevèrent  une  partie;  peut^-étre 
eussent-ils  pu  les  reprendre  toutes  et  déraciner  de  leur  soi , 
comme  dit  S.  Gildas ,  les  plantes  amères  semées  par  Tétran- 
ger ,  si  le  défaut  d'union ,  trop  souvent  fatal  à  la  race  cel-» 
tique  n'eût  paralysé  plusieurs  fois  les  efforts  du  chef  suprême, 
et  si  la  jalousie,  cet  autre  vice  de  la  même  rice ,  n'eût  fini 
par  le  désigner  au  poignard  d'un  assassin. 

Avec  la  chute  de  ce  grand  prince,  commença  la  série  de 
désastres  sans  compensation  et  sans  trêve ,  dont  Dieu  frappa 
les  malheureux  Bretons.  Au  nord-ouest,  les  Angles  sous  les 
fils  d'Ida,  fondèrent  les  royaumes  de  Déir  et  de  Bemicie ,  aidés 
par  les  Pietés  et  les  Scots;  et  ces  derniers  francUrent  moins 
difficilement  désormais  le  rempart  qui  les  empêchait  de  piller 
la  Clyde  et  le  Cumberiand. 


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XIXU 

Au  midi,  par  la  prise  de  trois  grandes  Tilles  bretonnes  et  la 
mort  de  trois  rois  bretons  (577),  les  Saxons  unis  aux  Lo- 
griens ,  refoulant  la  population  indigtoe  vers  la  mer  de  l'Ouest, 
assignèrent  pour  borne  orientale  aux  Bretons-Gallois  la  li- 
mite dans  laquelle  plus  tard  un  dief  saxon  les  enferma.  En 
même  temps,  ils  imposèrent  un  dur  tribut  à  toutes  les  peu- 
plades bretonnes  isolées  de  la  grande  masse  encore  libre  de  la 
nation,  qui ,  moinsjieureuses  que  les  clans,  presque  aussi  mi- 
sérables pourtant  mais  indépendants,  de  ComouaOle,  de 
Powys,  du  golfe  de  Solway,des  monts  du  Cumb^land,  ou 
des  vallées  profondes  de  la  Clyde ,  n'étaient  pas  fortifiées  par 
la  nature ,  et  à  l'abri  des  spoliations  saxonnes. 

Tels  sont  les  principaux  événements  politiques  de  l'histoire 
des  Bretons  insulaires,  depuis  l'an  410  Jusqu'à  l'an  600  :  tel 
estle  pauvre  coin  de  terre  qui  leur  servait  d'asile,  et  qu'ils 
défendirent  courageusement,  les  uns  jusqu'à  la  fin  du  IX« 
siècle,  comme  les  Comouaillais,  les  autres,  jusqu'au  X«, 
comme  les  tribus  des  cAtes  du  Lancashire ,  du  Cumberiand ,  de 
la  Clyde  et  du  val  d'Annan  ;  les  derniers ,  beaucoup  plus  tard, 
comme  les  Bretons  du  pays  de  Galles  auxquels  nous  devons 
principalement  de  connaître  la  résistance  que  leurs  frères  du 
nord-ouest  opposant  aux  conquérants  germains. 

Maintenant ,  il  nous  reste  à  voir  qudle  part  les  bardes  ont 
prise  à  cette  résistance. 

IV. 

La  chute  de  la  domination  romaine  et  l'avènement  du  gou- 
vernement national  réveillèrent  le  gteie  bardique  :  les  vic- 
toires des  Bretons  sur  les  Saxons  le  tinrent  en  haleine  ;  leurs 
malheurs,  en  le  nourrissant  de  regrets  et  d'espoir,  le  per- 
pétuèrent. 

Aucuns  monuments  authentiques  ne  nous  restent  de  la  pre- 
mière époque;  la  seconde  est  représentée  par  Taliésin, 
barde  dlJrien;  la  troisième  par  Aneurin,  dief  du  val  de  la 


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xl 

Glyde,  et  par  Liwarc'h-Henn ,  prince  breton  de  l'Argoeu,  ou 
des  forêts  duCumberland. 

L'un  ne  célèbre  que  des  succès  ;  les  deux  autres  que  des  re- 
vers y  et  cependant  les  poèmes  de  ceux-d  n'ont  pas  été  moins 
religieusement  conservés  :  c'est  que  le  peuple  garde  en  son 
cœur,  avec  le  même  respect  filial,  les  souvenirs  de  joie  de  la 
patrie  et  les  souvenirs  de  larmes  ;  c'est  qu'à  U*avers  ces 
larmes  des  Bretons ,  un  rayon  d'espérance  vint  luire  et  sou- 
rire toujours. 

Taliésin  a  laissé  plus  de  U*aces  dans  la  U*adition  que  dans 
\  l'histoire  ;  la  réalité  de  sa  vie  s'est  évanouie  dans  la  poésie  de 
sa  l^ende,  aussi  riche  en  faits  merveilleux  que  son  histoire 
est  pauvre  en  détails  positife.  Mais  sous  des  erreurs  maté- 
rielles ,  les  légendes  cachent  souvent  de  précieuses  vérités  mo- 
rales, et  celle  de  Taliésin  mérite  qu'on  en  tienne  compte. 
Elle  a  été  recueillie  de  la  bouche  du  peuple  au  XIV*  siède 
par  un  prêtre  gallois.  > 

Un  puissant  chef  breton  avait  un  fils ,  pauvre  innocent  à 
qui  rien  ne  réussissait,  qui  se  nommait  Elfin;  son  père  s'en 
affligeait  beaucoup ,  pensant  qu'il  était  né  à  une  heure  fatale. 
Or,  sur  le  conseil  de  ses  amis,  il  lui  confia ,  pour  une  année,  le 
soin  d'une  pêcherie  qu'il  possédait  au  bord  de  la  mer,  afin 
de  voir  si  le  jeune  homme  en  pourrait  tirer  avantage. 

La  première  fois  qu'Elfin  alla  visiter  la  pêcherie,  il  n'y 
trouva  pas  le  plus  petit  poisson ,  quoique  à  cette  époque  de 
l'année  on  en  prit  toujours  un  grand  nombre.  H  s'en  revenait 
donc  tristement  quand  il  aperçut,  échoué  sur  l'empellement 
de  récluse,  un  objet  qui  lui  sembla  une  outre,  etl'édusier 
lui  dit  : 

«Vraiment,  vous  n'avez  pas  de  chance!  faut-il  que  vous 
ayez  détruit  la  vertu  de  cette  pêcherie!  tous  les  ans ,  au  pre- 


t  Lady  Charlotte  Gaest]*a  Iradoite.  Mabinogkion,  i.  5,  p.  556. 


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mier  mai,  elle  valait  cent  livres  d'argent,  et  ce  matin  elle 
ne  contint  qu'une  outre  !  > 

Sur  quoi,  ils  s'approchèrent  de  l'outre  prétendue  et  voyant 
que  c'était  un  berceau  d'osier  recouvert  de  cuir ,  ils  en  otèrent 
le  couvercle  :  mais  quel  fut  leur  étonnementi  Dans  le  berceau 
dormait  un  petit  enfant  beau  comme  le  jour,  qui  ouvrit  les 
yeux ,  en  leur  tendant  les  bras,  et  leur  fit  maint  doux  ris. 

Malgré  sa  beauté ,  cet  enfant  avait  été  condamné  à  périr; 
il  avait  été  exposé  sur  la  mer  et  jeté  par  elle  dans  la  pêcherie 
du  chef  breton. 

—  Oh  !  TAL-KSiN  !  TAL-iKsm  !  s'écria  l'édusier,  ce  qui  veut 
dire  en  langue  bretonne  :  Quel  front  rayonnant! 

—  Taliésin  !  répéta  le  jeune  homme  en  prenant  l'enfant 
dans  ses  bras;  que  ce  soit  donc  son  nom! 

Et  il  l'emporta  sur  son  cheval. 

Or ,  tandis  qu'Elfin  chevauchait  doucement  afin  de  ne  point 
Uesserle  petit  enfant,  et  qu'il  pleurait,  voici  que  l'enfant  se 
mit  à  chanter ,  et  son  chant  était  fait  pour  consoler  Elfin. 

«  Cesse  de  pleurer ,  cher  Elfin ,  disaitril ,  le  désespoir  ne 
sert  à  rien;  sèche  tes  joues;  la  tristesse  n'est  point  bonne. 
Quoique  petit,  je  suis  merveilleusement  doué;  de  l'abtme  des 
mers,  du  haut  des  montagnes  et  di\  fond  des  fleuves,  Dieu 
envoie  le  bonheur  à  l'homme.  Tu  ne  seras  pas  toiyours  mal- 
heureux. Tout  faible  et  tout  petit  que  je  suis ,  au  jour  de 
l'infortune,  je  te  serai  plus  utile  que  trois  cents  saumons. 
Que  ta  mauvaise  fortune  ne  t'abatte  pas!  Bien  que  je  sois  ainsi 
couché  sans  force  dans  mon  berceau ,  ma  langue  possède  une 
vertu  ;  tant  que  je  te  protégerai,  tu  n'auras  pas  grand'chose  à 
craindre.» 

Elfin  cessa  donc  de  pleurer  sa  mauvaise  fortune,  et  il  arriva 
àla  maison. 

—  Hé  bien!  qu'as-tu  pris ,  lui  dit  son  père  ? 

—  Ce  qui  vaut  mieux  que  du  poisson ,  répondit  Elfin. 
-^  Bl  qu<n  donc ,  mon  fils ,  demanda  le  père. 


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— Un  barde,  répliqua  Elfin. 

—  Un  barde  !  hélas  !  mon  fils  y  de  quel  profit  peut-il  être 
pour  toi  y  dit  tristement  le  dief  breton? 

Alors ,  Taliésin  prenant  lui-même  la  parole  : 

—  D  lui  sera  d'un  profit  plus  grand ,  dit-il ,  que  jamais  n'a 
été  pour  toi  ta  pêcherie. 

—  Es-tu  en  état  de  parler ,  petit  comme  tu  es ,  s'écria  le 
père  étonné. 

—  Plus  en  état  de  parler  que  toi  de  m'intorroger ,  répliqua 
le  barde ,  et  il  se  mit  à  chantor  : 

c  Touto  la  science  du  monde  habite  dans  mon  sein  ;  je  sais 
tout  ce  qui  a  été ,  tout  ce  qui  arrivera.  » 

Or ,  Elfin  donna  une  tendre  nourrice  à  l'enâmt ,  et  depuis 
le  jour  ou  Taliésin  entra  dans  la  demeure  de  son  jeune  patron, 
elle  prospéra  de  plus  en  plus  chaque  année  pendant  treize 
ans  qu'il  y  passa. 

Ici  s'arrête  la  première  partie  delà  légende  populaire  re- 
cueillie par  le  prêtre  gallois ,  Thomas  Ab  Einion;  le  peuple 
y  a  peint  sous  les  couleurs  de  la  poésie ,  eette  grande  figure 
des  bardes  que  l'histoire  nous  a  ofierte  précédemment  sous 
des  traits  plus  sévères ,  mais  c'est  toiqonrs  la  même  image. 

Nous  y  trouvons  oppquées  à  dessein  les  deux  grandes  puis* 
sances  du  monde;  la  force  matérielle  et  la  force  morale.  Nous 
voyons,  d'une  part,  un  chef  riche  et  heureux  à  qui  tout  réussit, 
de  l'autre ,  un  pauvre  idiot  voué  au  malheur;  un  berceau,  un 
enfant  condamné  dès  sa  naissance,  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
dédaigné  :  mais  le  front  de  cet  enfant  rayonne,  il  vaut  plus 
que  la  chair  de  trois  cents  poissons  muets;  plus  que  tout 
l'aident  et  toutes  les  richesses  du  monde  ;  et  si  ses  membres 
sont  délicats,  s'ils  sont  emprisonnés  dans  des  langes,  sa  langue 
est  libre,  elle  est  douée  d'une  verto  magique,  il  parle,  il 
chante,  il  prophétise ,  il  connaît  le  passé  et  l'avenir,  il  promet 
le  bonheur  aux  déshérités  du  monde;  il  le  leur  apporte ,  il 
les  console  ;  sa  présence  ranime  la  joie  dans  les  cdM^'et 


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tarit  les  larmes  y  sous  le  toit  hospitalier  qui  l'aociieille  ;  il  y 
entre  le  premier  jour  du  mois  de  Mai ,  avec  le  soleil  du  prin- 
temps ,  aTOC  les  haleines  des  fleurs  :  c'est  le  chef  général  des 
bardes  d'occident. 

De  protégé ,  TaUésin  devient  protecteur ,  de  libéré  j  libé- 
rateur. Gomme  il  arrivait  à  sa  quatorzième  année,  son  patron 
fut  invité  à  une  grande  fête  que  donnait,  dans  le  temps  de  Pâ- 
ques, le  roi  Maelgoun  de  Gwfoed,  et,  parmi  les  questions^que 
s'adressèrent  les  uns  aux  autres  les  conviés  étaient  cdles-ci  : 

<  Y  a-^4l  au  monde  un  plus  grand  roi  que  Maelgoun?  ou 
qui  ait  une  reine  plus  accomplie,  des  guerriers  plus  vaillants, 
de  plus  beaux  coursiers,  des  lévriers  plus  rapides,  des  bardes 
plus  habiles  ou  plus  sages?  » 

Or ,  dans  ce  tençs-là ,  continue  la  légende ,  les  bardes 
étaient  en  grande  laveur  près  des  grands  du  royaume ,  et  U  y 
en  avait  vingt-quatre  à  la  fête  dans  le  palais  de  Maelgoun ,  et 
leur  chef  s'appelait  le  barde  Heinin. 

Quand  ils  eurent  cessé  de  faire  l'éloge  du  roi  et  de  ses 
largesses  : 

€  En  vérité,  dit  Elfin,  nul  autre  qu'un  roi,  ne  saurait  entrer 
en  contestatiMi  avec  un  roi;  mats  puisqu'aucun  roi  n'est  en 
cause,  je  dirai  que  ma  femme  est  aussi  vertueuse  qu'aucune 
autre  dame  du  royaume ,  et  de  plus  que  j'ai  un  barde  phis 
habile  que  tous  les  bardes  du  roi!  » 
Grand  émoi  dans  la  cour  : 

Ce  récit  effhnUé 
Avec  un  grand  scandale  au  prince  est  rapperté, 

Elfin  est  jeté  en  prison  et  il  y  restera  jusqu'à  ce  qu'il 
prouve  ce  qu'il  a  avancé  touchant  les  qualités  supérieures  de 
sa  femme  et  la  sagesse  de  scm  barde. 

Les  vortus  de  l'^use  d'Elfin  furent  aisément  constatées , 
grâce  aux  enchantements  de  Taliésîn;  elle  eût  pu  du  reste  fort 
bien  s'en  passer  :  tontes  les  dames  étaient  vertueuses  en  ce 
temps-là  ;  mais  tous  les  bardes  n'étaient  pas  aussi  sages  que 


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Taliésin.  Die  fit  bien  Toir  à  ceux  de  Haelgoun,  et  voici 
comment. 

n  se  rendit  à  la  cour  un  jour  solennd  où  le  roi  recevait  les 
hommages  des  grands ,  et  entrant  dans  la  salle  du  festin ,  il  se 
blottit  dans  un  coin  obscur ,  près  d*un  endroit  où  les  bardes 
avaient  coutume  de  passer,  quand  ils  allaient  présenter  leurs 
hommages  au  roi.  Et  au  moment  où  ils  passèrent ,  suivant 
l'usage  j  le  barde  enfant  leur  fit  la  moue,  et  posant  Tindex 
sur  sa  lèvre  inférieure ,  il  se  mit  à  faire  blerom ,  hlerom,  avec 
son  doigt.  Aucun  des  bardes  n'y  prit  garde,  mais  quand  ils 
furent  debout  devant  le  roi  pour  lui  rendre  hommage  et  chan- 
ter,  ils  ne  purent  rien  hormis  faire  la  moue  au  roi  et  blerom 
blerom  avec  le  doigt  sur  leurs  lèvres,  à  l'exemple  de  Taliésin. 
Le  roi  les  crut  ivres  et  leur  fit  dire  par  un  de  ses  officiers  de 
se  taire  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  rappelé  leurs  esprits ,  mais  ils 
n'en  continuèrent  pas  moins  de  fahre  blerom  blerom  :  alors , 
il  leur  donna  ordre  de  sortir ,  et  comme  ils  hésitaient,  il  fit 
fustiger  leur  chef  avec  une  verge  de  genêt. 

Se  relevant  et  se  tratiîant  sur  les  genoux  jusqu'aux  pieds 
du  roi ,  le  barde  Heinin  lui  parla  ainsi  : 

€  0  roi ,  sache  votre  grftce  que  ce  n'est  point  par  suite 
d'un  excès  de  boisson ,  que  nous  nous  trouvons  empêchés  , 
mais  par  un  esprit  qui  se  tient  dans  le  coin  de  la  salle  sous  la 
figure  d'un  enfant.  » 

Entendant  ces  paroles,  le  roi  fit  venir  devant  lui  Taliésin , 
et  lui  demanda  qui  il  était  et  d'où  il  venait  :  sur  quoi  l'enfant 
lui  répondit  : 

«  Je  suis  le  chef  des  bardes  d'Elfin ,  et  ma  terre  natale  est 
le  pays  des  étoiles  de  l'été  ;  je  suis  un  être  merveilleux  dont 
l'origine  est  inconnue  ;  je  suis  capable  d'instruire  l'univers.  » 

Il  ajouta  qu'il  avait  subi  mille  transformations  par  la  mé- 
tempsycose, qu'il  existait  depuis  le  commencement  du  monde, 
qu'il  avait  assisté  à  toutes  les  révolutions  du  globe ,  et  qu'il 
vivrait  jusqu'au  jour  du  jugement  dernier. 


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Le  roi  M  très  émerveîUé  de  voir  un  aussi  jeune  enfant 
s'exprimer  de  la  sorte,  et  quand  i]  sut  que  c'était  le  barde 
d'Elfin ,  il  fit  signe  à  Heinin  y  le  chef  et  le  plus  sage  de  ses 
bardes,  d'entrer  en  lutte  avec  lui. 

Mais  au  moment  de  commencer,  Heinin  ne  put,  comme 
précédemment,  faire  autre  chose  sinon  blerom  hleram  sur  ses 
lèvres,  et  Maelgoun  ayant  ordonné  à  chacun  de  ses  vingt- 
quatre  bardes  de  chanter ,  ils  ne  purent  faire  autre  chose 
aussi. 

—  Et  que  veux-tu  donc,  enfant,  demanda  le  roi  à  Ta- 
liésin. 

L'enfant  lui  répondit  : 

«  Je  veux  essayer  de  disputer  le  prix  du  chant  h  ces  misé- 
rables bardes;  je  veui:  réparer  les  pertes  que  j'ai  faites  de- 
puis qu'Elfin,  est  prisonnier  dans  le  château  de  D^anwy ,  je 
veux  gagner  le  siège  bardique  dans  le  château  de  Déganwy  : 
soutenu  par  ma  muse ,  je  suis  fort;  là  où  je  suis,  ni  pierres 
ni  chaînes  de  fer  ne  peuvent  tenir  contre  moi  ;  je  veux ,  moi , 
Taliésin ,  chef  des  bardes  de  l'Ouest,  je  veux  délivrer  Elfin 
de  ses  fers  dorés. 

cUn  être  étrange  •  vient  de  la  mer;  il  va  punir  l'iniquité  de 
Maelgoun ,  roi  de  Gwéned ,  dont  le  visage ,  les  cheveux ,  les 
imis  et  les  yeux  deviendront  jaunes  comme  l'or  ;  il  va  lui 
donner  la  mort...  C'est  Dieu  qui  l'a  formé  entre  toutes  les 
créatures, de  son  soufBe  terrifiant  ^  pour  décharger  sa  colère 
sur  Maelgoun,  roi  de  Gwéned!  » 

Or ,  tandis  qu'il  chantait  ainsi  près  de  la  porte  du  palais , 
une  trombe  de  vent  si  furieuse  s'engoufifira  dans  la  salle  que 
le  roi  et  ses  nobles  crurent  que  le  château  allait  s'écrouler  sur 
leurs  tètes  :  et  Maelgoun  fit  sortir  en  toute  hâte  Elfin  de  sa 
prison ,  et  on  le  conduisit  à  Taliésin  ,  et  le  barde  aussitôt 

<  La  peste  jaune. 


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dianta  un  chant  si  beau  que  les  chaînes  d'ESfin  tombèrent 

d'elles-mêmes. 

Tel  est  le  récit  de  la  légende.  Ne  met-elle  pas  merveilleu- 
sement en  relief  tout  ce  que  la  yieille  institution  bardique  a 
laissé  debout  dans  les  hnaginations  populaires  longtemps  après 
sa  transformation? 

Ce  barde  supérieur  (dès  son  jeune  âge)  A  tous  les  chantres 
de  son  temps ,  qui  les  nargue  ^  qui  les  rend  ridicules ,  qui  les 
foit  en  quelque  sorte  tomber  en  enfance  et  fustiger  comme 
des  marmots ,  qui  triomphe  de  leur  chef  dans  une  joute  poé- 
,  tique  et  le  réduit  au  silence  ;  qui  est  né  parmi  les  étoiles ,  qui 
est  presque  doué  d'immortalité ,  qui  menace  les  rois  sur  leur 
trAne ,  qui  les  anathématise  en  leur  prophétisant  d'épouvan- 
tables malheurs ,  contre  lequel  enfin  ni  les  murs  des  prisons  > 
ni  les  fers  de  l'esclavage ,  ni  toutes  les  tyrannies  du  monde  ne 
peuvent  prévaloir ,  et  qui  semble  tenir  dans  sa  main  la  mort 
et  les  tempêtes ,  tout  prêt  à  les  lancer  contre  l'oppresseur  des 
petits  et  des  malheureux ,  ce  barde  n'est-il  pas  le  légitime 
descendant  des  prêtres  du  soleil;  ne  rappelle-t-il  pas  ces  hom- 
mes dont  un  ancien  i  a  dit  : 

,  €  Ds  vaquent  à  l'étude  de  la  sagesse ,  ils  prédisent  l'avenir  ; 
les  rois  n'osent  rien  entreprendre  sans  leur  avis  et  sans  leur 
agrément.  Ds  régnent,  et  les  rois,  bien  que  logés  dans  des 
palais  magnifiques  et  assis  sur  des  trônes  d'or  ne  sont  que 
leurs  serviteurs.  » 

Mais  l'humanité  est  venue  adoucir  l'éclat  du  diadème  qui 
couronne  k  front  raymnant.  Un  sentiment  inconnu  de  l'anti- 
quité ,  un  sentiment  né  du  Christianisme  attendrit  sa  muse  ; 
elle  se  voile  sous  les  traits  grftdeux  d'un  enfant,  et  si  elle 
opère  des  prodiges,  ces  prodiges  sont  obtenus  contre  la  force 
et  la  violence  par  l'intelligence  et  l'amour. 

Rien  de  phis  caractéristique  dans  les  vieilles  légendes  des 

*  DioD  de  Prusse. 


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xlvij 
bardes  que  la  puissance  morale  qu'elles  leur  donnent ,  à  dé- 
faut de  puissance  matérielle.  Merzin ,  condamné  tout  enfant 
par  les  bardes  de  Voftigem  à  être  ofTertnen  sacrifice  sur  les 
fondements  d'une  citadelle ,  confond  ces  horribles  sacrifica- 
teurs, absolument  comme  Taliésin  confond  les  chanteurs  de 
Haelgoun  ;  il  prédit  à  Yortigem  des  malheurs  épouTantables , 
et  il  édiappe  à  la  mort.  Ce  sont  deux  nersions  d'une  légende 
identique  ;  mais  dans  celle  de  Taliésin  y  on  sent  quelque  chose 
de  plus  pur  et  de  plus  fort  que  la  seule  autorité  de  l'eniant 
de  génie ,  yainquau*  de  chanteurs  féroces  et  stupides ,  on 
sent  battre  le  cœur  de  l'homme  reconnaissant  et  dévoué.  Mer* 
zm  se  sauve  lui-même  ;'  Taliésin  sauve  son  patron. 

L'histoire  se  dégage  ici  de  la  légende  >  ou  plutôt  la  légende 
devient  de  l'histoire. 

Cette  dernière  y  teUe  qu'on  en  peut  juger  par  les  documrats 
gallois  et  par  les  poèmes  authentiques  de  Taliésin  y  est 
toute  pleine  du  dévouement  du  barde  au  chrf  royal  qui 
l'adopta. 

D  naquit  dans  la  première  moitié  du  VI*  siècle  y  sans  qu'on 
puisse  préciser  au  juste  en  quelle  année  :  les  meilleurs  cri- 
tiques g^ois  s'accordent  à  croire  qu'il  commença  de  fleurir 
vers  l'an  520.  Quoique  le  pays  de  Galles  prétende  4  l'hon- 
neur de  lui  avoir  donné  naissance  >  il  y  a  tout  lieu  de  penser 
qu'il  vmt  au  monde  dans  le  Cumberland. 

Son  père  s'appelait  Henoug  ou  Honis ,  selon  que  l'on  s'au 
rapporte  aux  autorités  cambriennes  ou  aux  plus  anciens  his- 
toriens de  la  Bretagne-Armorique. 

Mais  s'il  n'est  pas  né  en  Cambrie ,  il  paraît  y  avoir  été 
élevé  à  l'école  de  saint  Kadok  :  là ,  il  avait  pour  condisciple 
Gildas  y  venu  aussi  lui  du  nord  dans  le  midi  pour  étudier  les 
lettres  humaines  sous  le  savant  abbé  de  Lankarvan.  On  rap- 
porte que  sept  d'entre  les  écoliers  de  samt  Kadok  étaient  des- 
tinés à  devenir  des  bardes  illustres,  et  même  les  sept  sages 
de  la  race  bretonne  :  comme  le  saint  leur  adressait  un  jour 


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xlviy 

cette  question  :  c  Quel  est  rhomme  le  plus  riche?  >  Gildas 
répondit  :  c  C'est  celui  qui  ne  convoite  pas  le  bien  d'au- 
trui.  > 

—  Elle  plus  pauvre?  continua  Kadok  :  -^  «  Celui  qui  n'ose 
pas  jouir  de  son  bien,  »  répliqua  Taliésin. 

Ses  études  finies,  Taliésin  quitta  Lankarvan,  et  au  moment 
de  partir  étant  venu  demander  sa  bénédiction  à  son  mattre , 
le  saint  abbé ,  l'ayant  embrassé ,  lui  donna  ces  sages  conseils  : 

€  Mon  fils  y  avant  de  parler ,  considère  premièrement ,  de 
quoi  tu  parles  ;  secondement ,  de  quelle  manière  tu  paries  ; 
troisièmement ,  à  qui  tu  parles;  quatrièmement ,  au  sujet  de 
qui  tu  parles  ;  puis ,  ce  qui  résultera  de  ce  que  tu  parles  ;  en- 
suite s'il  y  a  quelque  avantage  à  ce  que  tu  parles  ;  enfin  quel 
est  celui  qui  peut  ^écouter  tandis  que  tu  parles.  Par  dessus 
tout  y  mets  ta  parole  au  bout  de  ton  doigt  avant  de  parler  » 
et  retourne  la  sept  fois  avant  de  parler  y  alors  aucun  malheur 
n'arrivera  de  ce  que  tu  auras  parlé.  » 

Ainsi  se  formait  la  parole  harmonieuse  qui  devait  un  jour 
enchanter  la  patrie  bretonne. 

L'Irlande ,  cette  aïeule  savante  et  cette  première  institu- 
trice de  la  race  celtique ,  semble  en  avoir  été  jalouse  y  ou 
peut-être  devait-elle  achever  de  perfectionner  le  talent  du 
jeqne  barde.  Quoi  qu'il  en  soit,  conmie  U  pédiait  en  pleine 
mer ,  dans  une  de  ces  nacelles  d'osier  recouvertes  de  cuir , 
dont  se  servaient  et  dont  se  servent  toujours  les  pécheurs 
Cambrions ,  des  pirates  irlandais  remmenèrent  captif. 

Mais  sa  captivité  fut  moins  longue  que  celle  du  grand  Pa- 
trice y  enlevé  lui  aussi  par  des  pirates  d'Irlande  ;  étant  par- 
venu à  tromper  la  vigilance  de  ses  gardiens  et  à  leur  re- 
prendre sa  nacelle ,  il  s'enfuit  y  maniant  en  guise  de  rame , 
un  bouclier  de  bois  qu'il  leur  avait  dérobé.  Ce  fut  dans  ce 
trajet  de  l'tle  au  continent  voisin ,  que  la  mer ,  après  avoir 
emporté  son  fragile  aviron  y  le  jeta  dans  la  pêcherie  où  Elfin 
le  trouva  échoué ,  comme  la  légende  le  rapporte. 


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xlix 

Or  j  Elfin  était  un  des  fils  d'Urien;  son  père  lui  donna  Ta- 
liésin  pour  instituteur  avec  une  certaine  portion  de  terre  en 
toute  propriété  y  seule  manière  dont  un  chef  pût  alors  ré- 
compenser de  pareils  services. 

Une  fois  introduit  à  la  cour  du  roi  suprême  des  Bretons , 
Taliésin  y  devint  le  barde  attitré ,  et,  comme  tel,  il  jouit  de 
tous  les  privilèges  que  la  loi  accordait  aux  poètes  de  premier 
ordre. 

Nous  le  voyons  suivre  Urien  à  la  guerre ,  se  plaçant,  au 
moment  du  combat,  en  avant  du  front  de  bataille  pour  en- 
flammer les  guerriers  par  ses  chants  ,  puis  un  peu  à  l'écart 
et  sur  une  éminence,  pendant  Taction,  pour  mieux  voir  et 
mieux  chanter  ensuite  le  résultat  de  la  bataille. 

Dans  toutes  les  grandes  circonstances  de  la  vie  dlJrien , 
dans  toutes  les  victoires  qu'il  remporta  sur  les  Anglo-Saxons, 
nous  le  trouvons  aux  côtés  du  prince. 

A  la  bataille  d'Argoed  livrée  à  Ida ,  dans  la  vallée  de  la 
Clyde,  un  samedi  de  Tannée  547  environ,  et  qui  dura  depuis 
le  lever  jusqu'au  coucher  du  soleil ,  il  voit  et  chante  ces  guer- 
riers bretons  qui  firent  déborder  le  sang  saxon  comme  un 
ruisseau,  et  rougirent  le  plumage  noir  des  corbeaux ,  con- 
fondant en  un  même  désastre  l'envahisseur  et  ses  auxiliaires. 

De  547  à  560,  au  siège  de  Gwenn-Estrad ,  aujourd'hui 
probablement  Strad  Quen's  ferry ,  il  est  témoin  d'un  nouveau 
désastre  de  l'ennemi ,  que  ni  la  plaine  ni  les  bois  ne  purent 
sauver ,  quand  les  hommes  libres  de  la  terre  bretonne  accou- 
rurent ,  comme  des  flots  qui  s'élancent  par-dessus  la  rive.  D 
peint  le  rempart  de  la  citadelle  abattue ,  l'herbe  jaunie  sous 
les  pieds  des  guerriers ,  les  chefs  Anglo-Saxons ,  au  passage 
d'un  gué ,  roulant  sous  les  vagues ,  en  laissant  échapper  leurs 
armes,  les  mains  en  croix,  le  visage  pâle f sous  les  coups 
d'Urien. 

Au  combat  de  Henao,  vers  560 ,  il  aperçoit  Ida  qui  tremble 

4* 


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1 

et  frissonne  y  dont  les  cheveux  blancs  sont  lavés  dans  le  sang, 
et  qu'on  emporte  enfin  sur  un  brancard. 

U  compte  une  à  une  les  tètes  de  bétail  du  butin ,  les  vaches, 
les  veaux,  les  bœufs  enlevés  à  Tennemi ,  et  pousse  un  cri  de 
triomphe  en  Thonneur  d*Urien  dont  le  lieutenant ,  dit-il ,  est 
la  Mort. 

Si  le  barde  a  des  chants  guerriers  pour  le  défenseur  du 
pa;fs,  il  a  aussi  des  hymnes  de  fête  pour  lui. 

Le  voici  à  la  table  du  roi  :  c'est  le  soir  ou  le  lendemain 
d'une  victoire  des  Bretons  ;  un  grand  festin  donné  dans  le  pa- 
lais y  réunit  une  foule  immense,  le  chef  a  fait  d'abondantes  lar- 
gesses à  tous  ;  il  a  semé  le  cuivre  comme  du  grain ,  et  comblé 
de  faveurs  les  bardes.  Taliésin  se  lève  et  célèbre  la  magniH- 
cence  de  celui  qui  est  la  joie ,  la  gloire  et  la  fortune  du  dis- 
pensateur de  l'éloge  ;  il  chante  les  nobles  qualités  de  ses  fils , 
et  proteste  qu'il  cessera  de  sourire  le  jour  où  il  cessera  de 
chanter  Urien. 

Telle  est  la  conclusion  et  comme  le  refrain  de  tous  ses 
poèmes  ;  il  mêle  quelque  chose  de  touchant  et  d'affectueux 
à  l'expression  d'éloges  un  peu  exagérés  :  ces  éloges,  du  reste, 
changent  de  caractère,  quand  on  songe  qu'ils  étaient  adressés 
à  la  patrie  elle-même  dans  la  personne  de  son  chef  des  cheGs 
électif,  que  la  piété  bretonne  devait  mettre  au  nombre  des 
saints ,  à  la  patrie  sauvée  et  illustrée  par  lui,  et  non  à  un  ty- 
ran superbe.  Le  poète  alors  n'est  plus  le  flatteur,  c'est  Tami. 

La  légende  nous  a  déjà  représenté  Taliésin  sous  ce  rapport; 
toutefois  l'idéal  qu'elle  a  voulu  peindre  ne  fait  point  tort  à  la 
réalité  :  les  consolations  imaginaires  du  barde  à  Elfin ,  ont  un 
accent  moins  attendri  que  la  plainte  réelle  de  l'ami  dévoué 
qui  s'afflige  avec  Urien  et  le  console ,  au  moment  où  le  prince, 
dont  les  vertus  et  la  douceur  ont  trouvé  grâce  devant  Gildas 
qui  n'épargne  aucun  roi  breton,  gémit  de  l'ingratitude  de  ses 
contemporains.  Urien  dut  sourure  en  voyant  le  barde,  la  tête 
baissée ,  les  larmes  aux  yeux ,  s'avancer  vers  lui  timidement , 
comme  par  un  détour,  et  finir  par  chanter  ainsi  : 


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Ij 

€  Le  lion  est  dans  la  douleur ,  je  ne  rirriterai  pas  »  mais  je 
in'approeherai  d'Urim  et  je  chanterai  peur  lui*»  Il  dut  se  «m- 
tir  ému  quand  le  barde  ajouta  : 

€  Je  ne  m'adresse  pas  aux  autres  rois  du  nord ,  peu  m'im- 
porte qu'il  m'aiment,  quand  je  possède  le  bien  suprême  avec 
mon  prince ,  ma  lumière.  Devant  toi  mardiera  la  douleur  au 
jour  de  ta  mort;  quand  die  viendra  te  prendre ,  elle  me  me^ 
naeera  moi-même  :  hélas!  ce  mattre  que  j'invoque ,  je  n'au- 
rais pu  en  aimer  un  meilleur  pendant  tout  le  temps  que  je  le 
connus!» 

Le  cœur,  après  treise  cents  ans ,  s'attendrit  encore  à  de  pa- 
reils accents ,  et  l'émotion  augmente  à  la  pensée  que  la  déli- 
cate fiction  du  poète ,  parlant  au  passé  et  supposant  son  mal^ 
heur  d^à  consommé  ,  tarda  peu  à  se  réaliser. 

Taliésin  devint  barde  du  fils  atné  d'Urien,  du  chef  Owen , 
à  la  droite  duquel  il  avait  été  si  longtemps  assis  à  table , 
dans  la  cour  d'Urien ,  et  dont  la  demeure  avait  dû  être  la 
sienne  pendant  tant  d'années. 

Hais  le  fils  ne  survécut  guère  au  père;  il  avait  déjà  ces- 
sé d'exister  en  582 ,  et  Taliésin  pleurait  sa  mort  dans  une  élé- 
gie, où,  après  avoir  recommandé  àDieu  l'ême  deson  bien-aimé 
souverain ,  il  rappelle  que  ce  fut  d'un  coup  de  lance  d'Owen  que 
périt  le  saxon  Ida,  et  qu'Owen  surprit  dormant;  dormant  avec 
une  torche  dans  les  yeux,  répète  le  barde  qui ,  par  cette  vive 
image,  peint  admirablement  la  guerre  acharnée  faite  par  son 
patron  aux  Germains.  On  dit  qu'après  la  mort  de  tous  les  fils 
d'Urien,  Taliésin  se  retira  près  d'un  lac  de  Kaemarvon,  en 
QaHes,  où  un  chef  du  pays  lui  avait  donné  un  champ  et  une 
cabane  sur  la  rive ,  et  que ,  se  promenant  seufsur  le  bord  de 
ce  lac ,  on  l'entendait  répéter  tristement  : 

>  Hélas  I  j^ai  vu  tomber  le  rameau  et  les  fleurs  !  » 

Ou  bien  encore: 

c  Où  sont  maintenant  les  trèfles  fleurissants,  et  la  rosée  des 
gazons ,  où  sont  les  bardes?  » 


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Au  X*  siècle ,  les  hommes  <f  Arvon  redisaient  aussi  d*autres 
vers  du  même  poète  en l^u*  honneur,  que  le  législateur  gal- 
lois n'a  pas  dédaigné  de  recueillir  et  de  consigner  dans  son 
code  : 

€  Les  hommes  des  épieux  à  tète  noire ,  remarque-t-il  j  les 
guerriers'  d'Arvon  marchèrent  à  Tavant-garde  et  ils  étaient 
vaillants;  c*est  ce  qu'atteste  TaHésin  quand  il  chante  : 

c  Voyez  s'avancer ,  avec  des  lames  ardentes  et  guidée  par 
Run  [fils  d'Urien],  la  plus  rouge  des  armées  ;  ce  sont  les 
guerriers  d' Arvon  aux  lances  rougies  !  > 

Devenu  vieux  et  dépouillé  de  son  pauvre  coin  de  terre  de 
Kaemarvon ,  le  barde  abandonna  le  pays  de  Galles  :  ce  fut, 
selon  un  très  vieil  historien  armoricain ,  pour  passer  la  mer 
et  venir,  pèlerin  et  exilé,  demander  un  asile ,  dans  la  pres- 
qu'île de  Rhuys ,  à  son  ami  d'enfance  et  condisciple ,  saint 
Gildas,  qui  s'était  retiré  lui-même  en  Armorique  depuis 
plusieurs  années ,  à  l'exemple  de  leur  commun  maître  Ka- 
dok.  ' 

Y  finit-il  doucement  ses  jours  au  sein  de  Dieu  et  de 
l'amitié  ?  On  ne  sait  ,  mais  il  serait  consolant  de  le 
croire. 


c  Taliésin ,  Aneurin  et  Liwarc'h,  dit  un  écrivain  latin  du 
X«  siècle,  collecteur  d'anciens  souvenirs  bretons ,  fleurirent 
ensemble ,  en  un  même  siècle ,  dans  la  poésie  bretonne.  >  a 

Ce  témoignage  est  confirmé ,  par  des  vers  d' Aneurin  lui- 
même  ,  en  l'honneur  de  Taliésin ,  et  par  des  vers  de  Taliésin 
à  la  louange  d'Aneurin. 

«  TaliesioDS  bardas,  ûlins  Onis,...  ad  proTindam  Waroki,  ad  lo- 
cnm  Gildae  peregrinus  et  exul.  (logooiar.  Barxax^Breix ,  p.  x.) 

*  Sîmul  une  tempera  in  poemate  britaonico  daraerunt.  f  Nennias. 
Gale,  XV,  vol.  3,  p.  116.) 


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«g 

Voici  les  propres  paroles  du  premier  : 

«  Nous  avons  même  renom ,  Aneurin  le  panégyriste , 
VInspiré,  et  moi,  Taliésin,  du  bord  du  lac  de  Keirionez.  » 

L'autre  barde  dit  à  son  tour  : 

c  Je  sais  moi,  Aneurin ,  ce.  que  sait  Taliésin  qui  est  en 
union  d'esprit  avec  moi.  > 

Ces  poètes  partageaient  donc  en  frères  leur  couronne  ;  bel 
exemple ,  mais  rare ,  dit-on ,  parmi  les  favoris  des  muses. 

Aneurin  vint  au  monde  un  peu  plus  avant  vers  le  nord  que 
son  ami  :  suivant  toute  probabilité,  il  vit  le  jour  à  Dumbarton, 
capitale  des  Bretons  de  la  Clydé,  située  sur  la  frontière  de 
TEcosse.  Il  était  fils  d'un  de  leurs  chefs  appelé  Kaou ,  désigné 
par  d'anciens  historiens  comme  roi  d'Albanie ,  quoiqu'il  n'en 
possédât  réellement  qu'une  partie.  Son  grand-père  régnait  à 
l'autre  extrémité  de  la  côte  occidentale,  sur  les  Bretons  de 
Comouaille  et  de  Dévon,  et  périt  glorieusement  à  la  bataille 
de  Longport,  livrée  aux  Saxons  en  501 .  Un  de  ses  frères  était 
Gildas;  peut-être  naquirent-ils  jumeaux ,  car  on  a  été  jusqu'à 
les  confondre  :  ce  qui  parait  certain  c'est  qu'ils  se  suivirent 
de  près  dans  la  vie,  et  l'année  de  la  naissance  de  l'un  doit 
nous  donner  celle  de  l'autre  approximativement.  Or ,  Gilda$ 
nous  apprend  qu'il  est  né  le  jour  du  fameux  siège  de  Bath,oû 
les  Bretons,  dit-il,  tantôt  vainqueurs  et  tantôt  vaincus  jusque 
là,firentéprouver  aux  envahisseurs  unedéfaite  terrible,  qui  fail- 
lit être  la  demière,et  procura  aux  indigènes  environ  quarante- 
quatre  ans  de  repos.  Malheureusement ,  les  historiens  va- 
rient beaucoup  sur  la  date  précise  de  cet  événement,  les  uns 
le  plaçant  en  494,  les  autres  en  520 ,  et  les  Bénédictins  eux- 
mêmes  sont  restés  indécis. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Aneurin,  comme  Gildas,  vit  se  lever 
sur  son  berceau  l'astre  qui  éclairait  le  triomphe  de  la  liberté 
bretonne; et  si  autrefois  le  soleil,  frappant  le  marbre  de 
Memnon,  le  fit  tressaillir  et  chanter ,  un  de  ses  rayons  éga- 
rés ,  glissant ,  en  un  jour  de  victoire ,  sur  le  front  endormi 


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lit 

du  fils  d*un  des  vainqueurs ,  alluma  au  cœur  de  l'enfont  une 
flamme  de  génie  qui  devait  briller  à  jamais. 

Des  bardes,  dont  plusieurs  (Usaient  romemeht  de  la  cour 
de  Kaou ,  cultivèrent  sans  doute  ce  génie  :  ils  furent  chargés , 
on  doit  le  croire ,  de  l'éducation  d'Aneurin,  comme  ils  Té- 
taient de  celle  de  son  frère,  qu'ils  instruisirent  non  seulement 
dans  la  poésie  et  la  musique ,  mais  dans  les  sept  arts  libéraux, 
selon  la  remarque  expresse  du  plus  ancien  historien  de  6il- 
das,  et  qu'ils  élevèrent  jusqu'à  l'adolescence ,  où  il  quitta  le 
pays  pour  aller  en  Galles  étudier  à  Lankarvan.  ' 

Aneurin  ne  l'y  accompagna  pas,  car  il  ne  figure  point  parmi 
les  bardes ,  disciples  de  S.  Kadok  :  leurs  destinées  se  séparè- 
rent donc  au  seuil  du  monastère,  et  ne  se  rejoignirent  plus 
que  dans  les  souvenirs  ecclésiastiques  où,  substituant  leurs 
noms  à  deux  noms  consacrés  par  les  plus  anciennes  traditions 
nationales,  comme  ceux  des  derniers  législateurs  de  l'institu- 
tion bardique  ,  le  moine  LiliusGiraldus  cite  comme  clés  trois 
princes  des  poètes  de  l'tle  :  Plenyd ,  Aneurin  et  Gildas.  > 

Aneurin  mérite  effectivement  ce  titre  de  prince  des  bardes , 
mais  non  pour  avoir  achevé  l'œuvre  des  fondateurs  du  bar- 
disme  :  Gildas  ne  le  porta  jattiais. 

Nous  avons  vu  que  Taliésin,  contemporain  d'Aneurin,  lui 
donne  un  second  titre,  celui  d'tfMtpii^,  en  langue  bretonne 
awennez;mm  l'expression  française  ne  rend  qu'à  demi  le  mot 
celtique ,  et  il  a  besoin  de  commentaires  pour  bien  préciser 
ridée  qui  s'y  rattachait  et  celle  que  nous  devons  nous  faire  du 
caractère  poétique  d'Aneurin. 

€  Parmi  les  Gambriens,  dit  un  historien  gallois  du  XII* 
siècle ,  il  existe  certaines  gens  qu'on  appelle  awennizion  :  ils 
semblent  le  jouet  d'un  esprit;  quand  on  les  consulte  sur 
quelque  chose  d'obscur ,  on  les  voit  soudain  frémir  sous  le 

«  Siudait  smdiosus  assidue  inter  vûie$f  in  artibus  seplem.  {Vila 
GUém^  Stevenson,  p.  31.) 


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Iv 
sotiflle  de  l'esprit;  ils  sont  comme  ratis  hors  d'eux-mêmes  et 
comme  en  extase  :  toutefois ,  ce  n'est  pas  incontinent  qu'ils 
donnent  la  réponse  qu'on  leur  demande,  mais  insensible- 
ment, après  beaucoup  de  détours  et  de  circonlocutions,  de 
discours  oiseux,  tains  et  sans  liaison,  quoique  trës-omés; 
et  le  questionneur,  qui  y  a  bien  fait  attention,  y  trouve,  dans 
quelque  membre  de  phrase,  la  réponse  qu'il  attendait.  Ds 
sortent  de  cette  extase  comme  d'un  profond  sommeil;  il  faut 
qu'on  les  réreille  violemment  pour  les  rendre  à  eux-mêmes. 
C'est  en  effet  une  fois  endormis  et  par  intuition ,  qu'ils  reçoi- 
vent le  plus  souvent  ces  dons  de  prophétie;  il  semble  à  quelques 
uns  qu'on  leur  met  dans  la  boudie  du  lait  ou  du  miel  ;  à  d'au- 
tres, une  cédnle  écrite:  c'est  ce  qu'A  rapportent  publique- 
ment aussitôt  éveillés.  Pendant  leurs  vaticinations ,  ils  font  des 
invocations  au  Dieu  vivant  et  à  la  sainte  Trinité ,  afin  que  les 
péchés  du  monde  ne  les  empêchent  pas  de  découvrir  la  vérité. 
On  trouve  peu  de  ces  prophètes  Che2  d'autres  peuples  que  les 
Bretons.  Or ,  on  rapporte  que  ce  fut  ain^  que  Merlin  autrefois 
rendit  ses  oracles,  quand  la  monarchie  bretonne  était  encore 
debout  ;  mais  comme  on  ne  lit  pas  grand'chose  touchant  la  sain- 
teté et  la  dévotion  de  ce  barde ,  il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  était 
mspiré  plutôt  du  soufOe  des  Pythonisses  que  de  celui  du  Saint- 
Esprit.» 

«  De  nos  jours ,  poursuit  l'écrivain  gallois ,  un  de  ces  hommes 
vivait  dans  la  ville  de  Kerléon;  il  se  nommait  Mêler,  et  avait 
la  science  des  choses  futures  et  secrètes.  »  ^ 

Ce  Mêler  qui  nous  représente  si  bien  Âneurhi  Tinspiré,  est 
un  barde  dont  les  poèmes  sont  venus  jusqu'à  noua.  D  forme 
le  nœud  qui  rattache  la  poésie  prophétique  des  Cambriens  du 
Jlb  siècle  à  celle  du  temps  de  Merzin  et  de  Taliésin  qui,  lui 
aussi,  était  prophète.  Les  scaldes  avaient  la  même  préten- 
tion :  l'un  d'eux  nommé  Coedmon  rêvait  en  vers  et  compo- 

•  Giraldiis  Cambrensis,  éd.  de  Gamden,  p.  892  et  537. 


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sait  des  poèmes  en  dormant;  poésie  est  songe ,  dit  Chateau- 
briand. On  reconnaissait  ces  inspirés  à  leur  air ,  ajoute-t-il , 
ils  semblaient  iirres;  leurs  regards  et  leurs  gestes  étaient  dé- 
signés par  un  mot  consacré  skaUviengl,  c  folie  pi>étique.  > 

C'est  précisément  le  sens  du  mot  celtique  atvenn,  et  nous 
verrons  plus  tard  Âneurin  animé  du  même  esprit. 

Gildas,  brûlant  ce  qu'il  avait  adoré,  ce  qu'Aneurin  adorait 
toujours,  et  englobant  son  frère  dans  un  anathême  général, 
s'élève  avec  une  grande  violence  contre  les  inspirés  de  son 
temps,  et  contre  les  prêtres  du  Seigneur  (jui ,  au  lieu  d'aller  à 
l'église  entendre  de  saintes  mélodies  et  les  louanges  de 
Dieu  doucement  chantées  par  les  clercs,  dressent  stupidement 
l'oreille  aux  chants  que  vocifèrent  d'une  bouche  écumante 
des  hommes  qu'on  prendrait,  dit-il,  pour  des  bacchantes,  i 
D  semble  opposer  aux  poètes  bretons  de  son  temps,  et  par 
conséquent  à  son  frère ,  l'illustre  barde  Hélie,  comme  il  l'ap- 
pelle ,  et  ces  bardes  saints  de  Judée,  lesquels  empêchaient  le 
mal  et  encourageaient  le  bien  ;  il  invoque  Samuel,  qui  était, 
lui ,  un  prophète  véridique,  un  prophète  vraiment  fameux  et 
réellement  admirable ,  par  la  bouche  duquel  tonnait  l'Esprit- 
Saint;  il  en  appelle  jusqu'à  quatre-vingts  fois  en  quelques 
pages  à  l'autorité  des  prophètes  de  l'Ancien  Testament. 

Quant  aux  bardes  domestiques ,  il  n'a  pas  assez  de  mépris 
pour  eux  et  pour  leurs  auditeurs  des  cours  :  il  fait  revivre 
comme  une  injure  le  titre  de  parasite  que  leur  donnait  Possi- 
donius  :  «  Les  langues  menteuses  de  vos  parasites  vous  exal- 
tent publiquement,  écrit-il  à  un  roi  breton,  mais  c'est  du 
bout  des  lèvres  et  non  du  fond  du  cceur.  »  ^ 

Puis ,  s*adressant  à  d'autres  rois  : 

f  Recevez  enfin  le  salaire  de  vos  bonnes  et  de  vos  mauvaises 


I  Ed.  de  Gale,  p.  15elâ2. 
1  Ed.  de  StevensoD,  p.  45. 


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Ivij 

actions ,  non  pas  celui  que  vous  chantent  ou  plutôt  que  vous 
sifflent  aux  oreilles  les  bouches!  venimeuses  de  vos  parasites 
vénérés.  > 

Et  il  ajoute ,  par  une  allusion  aux  présents  dont  les  rois 
bretons  comblaient  les  bardes  qui  siégeaient  à  leur  table  : 

c  La  Bretagne  a  des  rois  ;  non!  mais  des  tyrans!  Ils  tra- 
quent les  brigands  dans  toute  la  patrie  »  et  ceux-là  qui  pren- 
nent place  à  leur  table ,  ces  voleurs ,  non-seulement  il  les  ai- 
ment, mais  il  les  récompensent!  > 

n  faut  passer  quelque  chose  sans  doute  à  la  fureur  poétique 
du  barde  converti,  dont  le  cœur  bat  toujoiurs,  malgré  lui,  sous 
la  peau  de  chèvre  du  moine  ;  toutefois,  en  faisant  la  part  de 
l'exagération  pieuse,  on  trouve  souvent  son  langage  confirmé 
par  la  tradition  des  bardes  eux-mêmes.  N'avons-nous  pas  en- 
tendu Taliésin  tonner  contre  Haelgoun  de  Gwéned,  un  des 
rois  bretons  que  Gildas  charge  d'anathêmes?  La  légende  bar- 
dique  ne  nous  a-t-elle  pas  montré  ce  même  chef,  faisant  sai- 
sir au  milieu  d'une  fête  et  jeter  en  prison ,  au  mépris  des  lois 
de  l'hospitalité,  le  jeune  Elfîn,  invité  à  sa  cour?  N'est-ce  pas 
la  traduction  littérale  de  cette  phrase  de  Gildas  :  «  Ils  tiennent 
dans  les  fers  des  captifs  qu'ils  ont  chargés  de  chahies,  plutôt 
par  ruse  que  par  droit.  »  Enfin  ces  bardes  domestiques  aux- 
quels le  saint  reproche  leurs  flatteries  mensongères,  n'en 
avons-nous  pas  vu  vmgt-quatre  flagellés  par  Taliésin  comme 
de  vils  adulateurs? 

Mais  de  cela  même  que  le  barde  Taliésin  se  joint  à  saint 
Gildas  pour  tonner  contre  plusieurs  de  ses  confrères  dégra- 
dés, il  résulte  que  tous  et  lui-même  ne  l'étaient  pas,  et  qu'à 
travers  d'épais  nuages  perçait  un  rayon  d'idéal. 

Aneurin,  comme  Taliésin,  le  vit  briller  et  s'y  guida. 

On  a  souvent  accusé  Gildas  d'esprit  anti-national;  un  prêtre 
gallois  est  même  allé  jusqu'à  dire  que  le  dessein  du  moine 
avait  été  très  certainement  de  déprécier  les  Bretons  ;  comme 
si  le  digne  ministre  méthodiste  était  moins  bon  patriote,  parce 


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qu'il  tonne  du  haut  de  la  chaire  contre  les  Tîces  de  ses  pa- 
roissiens! A  ce  compte,  Aneurin  serait  presque  aussi  coupable 
que  son  frère,  car  il  laisse  planer  sur  les  princes  du  Nord , 
ses  compatriotes, les  seuls  de  tous  les  rois  de  Tlie  que  Gildas 
eût  épai^és,  le  reproche  d'avoir,  par  leur  intempérance, 
perdu  la  patrie  bretonne.  D  y  met ,  il  est  vrai ,  plus  de  formes 
que  le  saint  moine;  il  découvre  d'une  main  délicate  et  comme 
en  la  charmant ,  h  plaie  de  ses  contemporains ,  dont  le  reli- 
gieux déchh*e  l'appareil  et  fait  crier  la  douleur;  mais  en 
somme ,  le  prédicateur  qui  a  composé  k  Hvre  da  lametUaHonê 
êur  les  malheurs  de  la  Bretagne,  attribués  par  lui  aux  péchés 
du  pays ,  et  le  moraliste  qui  a  chanté  la  longue  élégie  de  (ro- 
dodin,  sur  le  désastre  de  trois  cent  soixante  chefs  du  Nord- 
Ouest,  massacrés  par  suite  du  plus  grand  vice  des  Bretons, 
l'ivrognerie,  sont  deux  bardes  jaloux  tous  deux  de  donner  au 
monde  un  grand  enseignement ,  et  de  garder  à  leurs  conci- 
toyens cette  noble  chose,  plus  précieuse,  dit  saint  Gildas  lui- 
même,  que  la  fortune,  qu'une  épouse ,  des  enfants  et  la  vie, 
la  liberté  ! 

Vers  Tan  578 ,  tous  les  clans  bretons ,  depuis  le  golfe  de 
Solway  jusqu'au  lac  Lomond,  et  depuis  l'embouchure  du 
Forth  jusqu'à  celle  de  laClyde,  avaient  formé  une  de  ces 
vastes  confédérations  renouvelées  dans  les  grands  dangers  de 
la  patrie ,  pour  s'opposer  à  une  «rmée  de  Pietés ,  de  Scots , 
de  Logriens  et  d'Anglo-Saxons  de  Déûr  et  de  Bemicie ,  qui 
s'avançaient  du  Nord ,  une  aile  à  la  mer  d'Occident,  une  autre 
à  la  mer  du  Midi ,  prête  à  franchir  le  boulevard  élevé  jadis 
par  les  Romains  de  Dumbarton  à  Edimbourg ,  pour  préserver 
la  Bretagne  contre  les  invasions  des  Calédoniens. 

Dix-huit  postes  ou  châteaux-forts  étai^t  établis  sur  toute 
la  ligne;  quatre  escadrons  de  cavalerie  et  qvaiorxe  cohortes, 
formant  un  corps  de  dix  mille  hommes,  pouvaient  les  occu- 
per ;■  les  chefs  indigènes,  au  nombre  de  trois  cent  soixante- 

I  Nolil.  iinp.  roman.  Paucirol.  f.  176.  Spart.  îd  Se?.  321. 


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lix 
trois 9  accoururent  pour  s'y  placer.  Parmi  eux  figurait,  au 
premier  rang  y  le  barde  Aneuriu ,  devenu  chef  d'un  canton  de 
la  Clyde  appelé  Gododi»,  son  ami  Owen,  fils  aîné  d'Urien, 
qui  avait  succédé  à  ce  prince ,  et  Hénésok ,  roi  d'Edimbourg  y 
généralissime  des  confédérés. 

La  défense  dura  sept  jours  ;  elle  se  concentra  particulière* 
ment  dans  la  citadelle  de  Kaltraez ,  bAtie  près  d'un  passage 
du  même  nom ,  et  l'une  des  positions  les  plus  importantes  du 
rempart.  Les  premiers  combats  furent  favorables  aux  Bretons; 
le  chef  des  Scots  périt;  la  reine  des  Anglo-Saxons ,  la  veuve 
d'Ida  elle-même,  resta  étendue  morte  sur  les  remparts  de  la 
citadelle  bretonne ,  en  pflture  aux  corbeaux ,  et  l'ennemi  pro- 
posa un  accommodement. 

Mais  les  confédérés  jurèrent  de  se  battre  tant  que  l'un  d'eux 
serait  debout ,  et  le  combat  se  ranima  avec  plus  de  fureur  que 
jamais.  En  même  temps,  les  bardes  de  toutes  les  tribus  indi^ 
gènes,  acteurs  dans  la  bataille,  et  dont  les  chants ,  selon  l'ex- 
pression d'Aneurin ,  coulaient  comme  des  torrents  d'hydro- 
mel, se  ranimèrent.  Ses  hymnes  guerriers  à  lui-même  écla<' 
taient  avec  le  choc  de  son  épée  sur  l'armure  ennemie ,  pareils, 
aux  vieilles  imprécations  druidiques  et  aux  antiques  incanta- 
tions, dévouant  l'étranger  à  la  mort,  armant,  comme  d'un 
bouclier ,  les  Bretoas  de  toutes  les  vertus  magiques ,  de  tou& 
les  enchantements  que  peuvent  procurer  l'art  et  la  science 
des  bardes ,  et  appdant  la  victoire  sur  leurs  bataillons. 

Elle  vint;  mais  fait  prisonnier  et  jeté  au  fond  d'un  cachot 
souterrain ,  une  chaîne  autour  des  genoux ,  le  barde,  hélas  ! 
ne  put  répondre  à  son  sourire  par  un  sourire. 

Quand  ua  fils  généreux  de  Liwarc'h-Henn ,  peut-être  à  la 
penéée  de  son  vieux  père,  ami  d'Aneurin,  racheta  le  pri^. 
sonnief  au  poids  de  l'ader ,  de  l'or  et  de  l'argent ,  la  victoire 
avait  déjà  passé  du  cOté  de  l'ennemi. 

Présomptueux  dans  le  succès ,  les  Bretons  manquèrent  de 
vigilance  ;  vainqueurs  le  jour,  ils  passèrent  toutes  les  nuits  k 


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Ix 

table,  et  les  torches  de  leurs  bapquets  s'allumèrent  pour  leurs 
funérailles.  Une  fois  énervés  par  Fintempérance ,  ils  offiirent 
à  Tennemi  Toccasion  d'une  facile  revanche;  car  une  demeure 
trop  remplie  de  succulente  nourriture,  comme  le  remarque 
Aneurin,  ne  saurait  être  défendue  contre  l'attaque  des  honunes 
de  guerre;  vieux  et  jeunes ,  poursuit  le  barde,  et  même  les 
plus  forts ,  tous  succombèrent,  avant  que  le  ciel  leur  donnât 
le  temp^  d'aller  dans  les  églises  pour  faire  pénitence.  Des 
trois  cent  soixante-trois  guerriers  qui  portaient  le  collier  d'or, 
marque  de  haut  commandement ,  il  n'échappa  que  trois  : 
deux,  grâce  à  la  force  de  leurs  épées,  et  Âneurin  grâce  au 
mérite  de  ses  chants.  Or,  au  souvenir  de  cet  afireux  désastre, 
où ,  parmi  tant  de  frères  d'armes ,  il  a  vu  périr  Owen ,  son 
meilleur  ami,  le  barde  s'écrie  avec  un  accent  pathétique  : 
«  J'aurais  voulu  tomber  au  premier  rang  â  Kaltraez ,  et  payer 
de  mon  sang  l'hydromel  et  le  vin;  j'aurais  voulu ,  plutôt  que 
de  voir  une  tache  sur  mon  épée,  être  tué  par  le  pâle  breu- 
vage. Quel  malheur  pour  moi  d'avoir  survécu  aux  combat- 
tants, d'avoir  un  jour  à  souffrir  la  mort  d'une  manière  diffé- 
rente !  Ah!  jusqu'à  ce  que  la  terre  recouvre  Aneurin ,  les  la-^ 
mentations  et  Aneurin  seront  inséparables!  > 

Le  poème  de  Gododin ,  qui  doit  son  titre  au  canton  où 
régnait  l'auteur,  fut  chanté  par  lui-même,  aux  funérailles  des 
guerriers  bretons ,  et  dût  l'être  tous  les  ans ,  à  la  fête  commé- 
morative  de  leur  mort,  tant  que  dura  le  royaume  des  Bre- 
tons de  la  Clyde. 

Il  le  composa  pour  perpétuer  le  souvenir  patriotique  des 
trois  cent  soixante  défenseurs  de  la  Bretagne,  ces  rivaux  de 
gloire  des  trois  cents  compagnons  de  Léonidas,  aux  Thermo- 
piles ,  mais  aussi  pour  faire  éternellement  éviter  et  maudire 
la  cause  de  leur  désastre.  C'était  s'appuyer  sur  le  sentiment 
national  pour  combattre  un  vice  national ,  c'était  louer  et 
blâmer  en  même  temps  avec  adresse  :  la  leçon  était  de  nature 
à  faire  une  impression  durable. 


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hj 

Chose  bien  remarquable!  peu  d'années  avant  qu*Aneurin 
donnât  cette  leçon  aux  princes ,  ses  contemporains ,  devenus 
tributaires  des  Northumbriens ,  la  voix  de  son  frère  Gildas, 
sortant  du  fond  du  clottre  de  Rhuys  et  traversant  les  mers  , 
avait  murmuré  à  Toreille  des  victimes  de  Kaltraez  ces 
sombres  menaces  d'Isaîe  : 

f  Malheur  à  vous,  qui  vous  levez  le  matin  pour  vous  eni- 
vrer et  pour  boire  jusqu'à  ce  que  le  vin  vous  échauffe! 
la  harpe  y  et  la  lyre ,  et  le  tambour,  et  la  flûte ,  et  le  vin  ,  font 
la  joie  de  vos  banquets,  et  vous  ne  considérez  point  l'œuvre  de 
Dieu;  c'est  pourquoi  mon  peuple  a  été  fait  captif  et  ses  nobles 
sont  morts  de  faim.  > 

De  telles  menaces  trop  promptement  réalisées,  firent  de 
GOdas  un  prophète  dans  l'opinion  populaire  ;  Âneurin,  sans 
voir  ses  prédictions  s'accomplir  comme  celles  de  son  frère  , 
fut  prophète  aussi  lui,  mais  non  pas  de  malheur.  Pour  relever 
le  courage  de  ce  peuple  devenu  captif,  de  ces  nobles  mourant 
de  faim,  il  finit  ou  laissa  terminer  son  poème  par  un  cri  de 
délivrance,  écho  des  espérances  bretonnes;  il  annonça  un 
libérateur  aux  opprimés.  Hais  ce  Messie  promis  ne  fut  ni 
l'Arthur  de  la  fable ,  vieille  divinité  celtique,  auquel  Aneurin 
fait  quelque  part  allusion ,  ni  celui  qui ,  dans  le  midi,  opposa 
une  digne  aux  premiers  flots  de  l'invasion  saxonne ,  et  dont 
les  compatriotes  attendirent  longtemps  le  retour  ;  ce  fut  le 
héros  de  la  bataille  de  Longport ,  l'aïeul  d'Âneurin  lui-même, 
Ghérent,  prince  de  Gornouaille,  quoique  mort  depuis  soi- 
xante dix-huit  ans ,  plus  célèbre  alors  que  l'étemel  sauveur 
de  la  nation  bretonne.  A  lui ,  guerrier  tempérant ,  l'honneur 
de  venger  le  désastre  de  Kaltraez ,  à  lui  de  purifier  la  corne 
aux  cercles  d'or ,  souillée  par  l'ivresse  et  le  sang  des  Bretons. 

Le  prophète  de  leur  espérance ,  leur  consolateur  et  leur 
soutien ,  ne  doit  pas  avoir  survécu  longtemps  à  la  ruine  de 
sa  patrie.  Une  satyre  contre  un  chef  resté  lâchement  en  dehors 
de  la  grande  fédération  nationale ,  atteste  le  talent  du  barde 


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pour  la  poésie  railleuse,  et  peut-être  doit-on  attribuer  sa 
perte  à  cette  arme  en  tout  pays  terrible ,  mais  nulle  part 
autant  que  chei  la  race  bretonne ,  où  on  Ta  vue  donner  si-- 
multanément  la  mort  et  à  Thomme  qu^elle  attaquait  et  à 
celui  qui  la  maniait. 

Quoiqu'il  en  soit  Âneurin  fut  assassiné  :  un  guerrier  appelé 
Edin  lui  fendit  la  tête  d'un  coup  de  sa  hache  de  bataille ,  et 
cette  hache ,  est  dérouée ,  par  les  annales  bretonnes ,  à  l'exé- 
cration de  la  postérité. 

Ainsi  périt  ce  barde ,  victime  de  la  fureur  des  armes  qu'un 
des  premiers  il  porta,  contrairement  aux  lois  bardiques  pri« 
milives. 

f  La  science ,  abri  et  voile  de  qui  la  possède ,  »  comme  il 
disait,  et  qui  l'avait  déjà  sauvé  une  fois,  ne  déroba  pas 
l'Orphée  breton  au  fer  d'un  assassin  :  Ia  mu$e  nepA  dé-^ 
fendre  son  fils  : 

....  Nor  could  the  Muse  défend 
Her  son.  ' 

VI. 

Le  sort  des  Bretons  du  nord-ouest,  subissant  le  joug  des 
Anglo-saxons  par  suite  de  la  mort  de  leurs  cbeis  à  Kaltraes, 
inspirait  cette  réflexion  à  un  sage  du  pays  de  Galles  : 

c  Us  portent  un  collier  d'esclave,  ceux  qui  sont  joyeux 
après  boh^.  % 

L'hcmune  qui  pariait  de  la  sorte  avait  cent  ans  ;  vêtu  d'une 
peau  de  chèvre  et  soutenant  son  corps  voûté  sur  une  béquille, 
il  regardait  paître  une  vache,  en  gémissant.  Hais  à  la  miyesté 
de  son  visage,  qui  n'était  pas  uniquement  celle  de  la  vieillesse, 
an  aurait  pu  se  demander  si  son  cœur  avait  toiyours  battu 
BOUS  le  sayon  de  poil  de  chèvre ,  s'il  n'avait  point  porté  la 
pourpre.  En  effet  il  avait  régné  :  mais  à  qui  l'eût  interrogé, 

'  Mîlion.  Parodiée  lo$i. 


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Iliij 

ethii  eût  dit:  Etiez-vous  roi?  Il  aurait  répondu  peut-être 
comme  Lear  :  c  Moi,  roi?  non;  j*étais  pèrel  '  i 

Vingt-quatre  fils  formaient  sa  garde  ;  on  les  voyait  rangés 
autour  de  lui  dans  les  batailles ,  comme  des  tours ,  sur  leurs 
chevaux.  L'enceinte  protectrice  dont  ils  environnaient  son 
corps  y  était  tombée  pièce  à  pièce,  laissant  exposée  sans  dé- 
fense aux  coups  de  Tennemi  la  nugestueuse  citadelle  qu'ils 
avaient  longtemps  protégée  :  elle-même  tombait  en  ruines , 
démantelée ,  percée  à  jour  de  toutes  parts.  Hais  d'une  forte- 
resse assi^ée  retentissent  parfois  les  sons  d'une  musique 
guerrière  mêlée  à  des  chants  de  défi  jetés  à  la  mort ,  jusqu'à 
ce  que  les  ruines  croulantes  étoulOTent  les  sons  et  la  voix.  Ainsi 
le  roi  sans  couronne  et  le  père  sans  enfants ,  au  moment  de 
mourir,  charmait  par  ses  chants  sa  vieillesse  et  défiait  le  mal- 
heur :  il  était  barde ,  et  se  nommait  Liwarc'h-Henn ,  c'est*à<^ 
dire  Liwarc'h-fe-Fieiu;. 

A  l'époque  de  sa  naissance,  qui  dut  suivre  de  près  celle  du 
chef  Ghérent ,  né  probablement  vers  l'année  480,  Dieu ,  pour 
me  servir  de  sa  belle  image ,  fit  ouvrir  toutes  grandes  les 
portes  du  paradis ,  comme  un  roi  de  la  terre  qui  reçoit  les 
princes  ses  vassaux  dans  une  fête  solennelle  :  il  accorda  aux 
Bretons  toutes  les  grâces  qu'ils  demandèrent  ;  à  la  Bretagne , 
des  jours  de  bonheur  et  de  gloire.  C'était  l'âge  d'or  de  l'in- 
d^ndance  bretonne  personnifiée  plus  tard  dans  Arthur. 

Liwarc'h  fut  élevé  dans  le  Nord ,  au  milieu  des  forêts  de 
l'Argoed ,  où  régnait  son  père ,  qui  s'appelait  Elidir ,  et  où  il 
devait  régner  lui-même. 

Du  Nord ,  il  passa  jeune  encore  dans  le  Midi ,  et  vint  à  la 
cour  d'Erbin,  roi  de  ComouaiUe  et  de  Dévon,  ayant  été 
pnriMblement  recommandé  par  son  père  à  ce  prince ,  suivant 
l'usage  du  temps.  D'anciennes  traditions  galloises  recueillies 
au  Xn*  siècle,  confirment  le  fait  de  son  voyage  au  Midi  ;  seu- 
lement ,  elles  le  font  confier  au  roi  Arthur ,  dans  le  palais  du- 

•  Shakespeare.  King  Lear, 


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Ixiv 

quel  il  aurait  passé  sa  première  jeunesse  :  postérieurement , 
selon  elles ,  il  serait  devenu  ministre  du  monarque  y  et  aurait 
fini  par  se  dégoûter  de  sa  cpur ,  assertion  qu'aucun  témoi- 
gnage contemporain  ne  corrobore  ni  ne  dément.  Ce  qui  est 
confirmé  par  les  poèmes  de  Liwarc'h,  c'est  qu'Arthur  était 
alors  à  la  tète  des  Bretons  du  midi  confédérés  contre  les  Saxons, 
et  que  Ghérent,  fils  d'Erbin ,  se  trouvait  sous  ses  ordres. 

D'après  les  lois  bretonnes,  Obèrent ,  en  qualité  d'béritier 
présomptif  du  trône ,  devait  loger  cbez  lui  les  jeunes  recom- 
mandés; il  bébergeait  donc  notre  barde,  et  quand  il  partit 
pour  aller  combattre  Porta ,  débarqué  sur  la  côte  de  Cor- 
nouaille ,  il  l'y  emmena  avec  lui. 

Telle  fut  sans  doute  la  première  affaire  à  laquelle  Liwarc'h 
assista  ;  il  pouvait  avoir  dix-sept  ans.  L'impression  qu'elle  fit 
sur  lui  a  laissé  une  vive  et  profonde  empreinte  dans  un  cbant 
qu'il  composa  pour  les  funérailles  de  son  jeune  patron  , 
f  tombé  dans  la  bataille  en  écrasant  les  Saxons.  > 

D  a  peint  sous  les  couleurs  les  plus  saisissantes,  et  comme 
s'il  l'avait  encore  devant  lui,  l'horrible  boucherie  qu'il  a  vue, 
de  ses  propres  yeux  vue,  répète-t-il  jusqu'à  treize  fois.  11 
n'était  pas  encore  accoutumé  à  voir  le  sang  couler ,  monter 
jusqu'aux  genoux  des  guerriers ,  rouler  comme  un  torrent 
dans  les  vallées ,  emporter  des  cadavres.  L'effroi  des  chevaux 
blanchissant  leur  mors  d'écume  et  bondissants  ,  l'impétuosité 
surtout  des  coursiers  rouges  de  Ghérent  qu'il  compare  à  des 
aigles ,  frappa  aussi  beaucoup  sa  jeune  intelligence;  et,  chose 
assez  curieuse ,  il  exprime  son  étonnement  à  la  manière  des 
enfants  dans  leurs  jeux,  supposant  qu'il  existe  des  aigles,  non 
seulement  noirs  et  gris,  blancs  ou  tachetés,  mais  bleus, 
rouges,  de  toute  couleur;  on  serait  tenté  d'en  conclure  que 
l'auteur  était  encore  plus  jeune  qu'il  n'y  a  lieu  de  le  supposer. 

Les  années  l'aguerrirent  aux  spectacles  qui ,  dans  son  en- 
fance ,  lui  faisaient  horreur  :  jeune  homme ,  il  était  déjà  si 
familiarisé  avec  les  idées  de  carnage  qu'on  ne  passait  jamais , 


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dii^l,  la  charrue  sur  ses  terres,  sans  y  verser  du  sang,  comme 
une  rosée  fécondante.  L'étranger,  craignant  sa  colère,  le 
respectait  et  n'osait  passer  les  frontières  de  l'Argoed  ;  les  ha- 
bitants de  ce  pays  le  chérissaient  et  le  servaient  avec  fidélité; 
sa  lance  était  regardée  comme  la  plus  vaillante  des  lances , 
son  javelot  comme  le  mieux  poussé ,  son  bras  comme  le  plus 
vigoureux  ;  vêtu  de  pourpre ,  le  casque  orné  d'un  panache 
jaune ,  chaussé  d'éperons  d'or ,  il  montait  des  chevaux  ra- 
pides ;  le  coursier  gris  du  Saxon  et  la  fille  de  l'étranger  de- 
venaient facilement  sa  conquête;  pas  de  montagne,  si  haute 
qu'elle^ût,  qui  put  l'empêcher  d'enlever  la  vache  de  l'ennemi, 
n  était  aimé  des  jeunes  filles ,  les  jeunes  femmes  vantaient  la 
blancheur  de  ses  dents ,  l'éclat  de  ses  yeux ,  la  beauté  de  sa 
chevelure,  le  charme  de  toute  sa  personne.  Assis  près  de  lui, 
sur  le  bord  de  sa  couche  ,  selon  l'usage  de  cette  époque ,  les 
guerriers,  ses  compagnons  d'armes,  devisaient  d'actions  glo- 
rieuses ;  une  fois,  il  reçut  de  l'un  d'eux ,  comme  un  tribut 
d'hommage  à  sa  valeur ,  un  fer  de  javelot  plus  aigu  que  l'é- 
pine ,  enfermé  dans  une  boite  de  prix.  La  jeunesse  se  jouait 
à  sa  suite  ;  son  existence  était  douce,  honorée ,  ses  chants  or- 
nés et  beaux;  ils  jaillissaient  harmonieusement  des  trois  sour- 
ces fécondes  de  l'inspiration  :  c  le  bonheur ,  les  relations  so- 
ciales et  la  louange.  > 

De  toutes  les  cours  souveraines  de  Tile,  nulle  ne  lui  offrit 
plus  d'avantages  que  celle  d'Urien,  son  parent  ;  il  l'avait  pré- 
férée, ce  semble ,  à  la  cour  de  Haelgoun  de  Gwéned ,  ce  roi 
de  Galles,  supérieur  à  beaucoup  d'autres  par  sa  puissance,  dit 
S.  Gildas,  mais  aussi  par  ses  vices. 

Urien  ayant  fait  présent  à  Liwarc'h,  comme  dief  et  comme 
barde ,  d'une  corne  de  bufDe  à  sonner  et  à  boire ,  ornée  de 
cercles  d'or ,  en  lui  disant,  comme  un  autre  chef  à  Roland  :  i 
<  Sonn^  pour  m'appeler  s'il  t'arrive  malheur  ;  >  l'avait  attiré 
à  sa  cour  et  enchaîné  à  sa  personne. 

•  Voyez  l'admirable  poème  de  M.  Â.  de  Vigny,  inUtalé  Le  Cor. 


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Ixvj 

Admis  dans  cette  cour  au  privilège  du  lit  d'honneur,  il  avait 
part  aux  dons  de  la  générosité  d*Urien  ;  il  avait  place  près  du 
feu ,  autour  de  la  chaudière  où  fumait  la  venaison ,  fruit  de 
la  chasse  ou  des  prises  d'Owen ,  et  quand ,  dans  ces  banquets 
d'amis ,  la  corne  à  boire  passait  de  main  en  main  à  la  lueur 
des  torches ,  quand  les  guerriers  joyeux  et  les  solliciteurs  sa- 
tisfaits poussaient  leurs  acclamations ,  quand  les  harpes  des 
bardes  ravissaient  le  palais,  il  mêlait  ses  chants  à  leurs  chants. 

Mais  un  jour  que  du  palais  incendié ,  il  ne  restait  plus  que 
la  froide  pierre  de  l'âtre,  parmi  les  orties  et  les  ronces ,  on  le 
vit  assis  sur  cette  pierre  et  on  l'entendit  murmurer  :  c  Le 
malheur  d'Urien  est  un  malheur  pour  moi  ;  silence ,  souffle 
mspirateur ,  ils  seront  rares  désormais  les  chants  d'éloges , 
Urien  n'est  plus  !  > 

Compagnon  d'armes  du  malheureux  prince  à  Lindisfame  , 
où  ils  assiégeaient  ensemble  le  chef  northumbrien  Théodorik, 
de  l'an  572  à  l'an  579,  il  avait  vu  tomber  la  tète  d'Urien  sous 
le  fer  de  l'assassin,  et  fidèle  à  l'amitié  jusqu'au  bout,  il  l'avait 
emportée  loin  du  champ  de  bataille ,  suspendue  au  pommeau 
de  sa  selle  pour  la  ravir  à  l'étranger. 

A  la  mort  d'Urien ,  les  guerres  civiles,  autant  que  les  An- 
glo-Saxons, le  forcèrent  de  renoncer  à  son  petit  royaume  d'Ar- 
goed ,  et  il  vint  demander  asile ,  en  Galles,  à  Kendelann,  roi 
de  Powys ,  ce  paradis  des  Cambriens ,  comme  il  l'appelle , 
ce  pays  de  la  poésie  et  de  la  renommée ,  comme  s'exprime  un 
autre  poète. 

Kendelann  s'était  associé  aux  hommes  parlant  la  langue  na- 
tionale, pour  résister  aux  Anglo-Saxons.  Il  reçut  le  barde  avec 
tous  les  égards  (pie  méritaient  l'Âge,  le  talent  et  le  malheur. 
Liwarc*h  nous  parle  lui-même  des  honneurs  qu'on  lui  rendit 
dans  l'assemblée  des  hommes  de  Powys,  c  ce  refuge  des  exi- 
lés. >  Durèrent-ils  long-temps?  Ce  n'est  pas  l'ordinaire,  et 
l'histoire  ne  nous  permet  point  de  croire  qu'ils  se  prolongè- 
rent au-delà  de  l'année  577,  époque  où  Kendelann  périt 
avec  deux  autres  rois  bretons,  Konmaël  et  Karanmaêl,  dans 


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Ixvij 
une  grande  bataille  livrée  aux  Saxons  Kouthwin  et  Keawlin. 

Le  nouvel  asile  de  Liwarc*h-Henn  lui  manqua  donc  encore. 
Sauvé  par  la  muse  bardique  dans  le  désastre  de  son  protec^- 
ieur  et  de  ses  frères  d'armes ,  comme  un  vieux  chêne  resté 
seul  debout  de  toute  une  forêt  en  proie  aux  flammes ,  grâce 
au  lierre  qui  l'enveloppe ,  ses  larmes  firent  les  funérailles  de 
toute  la  famille  massacrée  de  Kendelann.  Elles  coulèrent  toute 
une  nuit  sur  le  cercueil  du  prince,  dans  cette  salle  à  présent 
déserte  y  silencieuse  et  sombre ,  qu'il  charmait  par  ses  chants 
de  fête,  et  qu'épouvantent  maintenant  par  leurs  cris  féroces  des 
aigles  avides  de  chair  humaine ,  que  sa  présence  seule  éloigne 
de  la  bière  de  Kendelann.  Elles  arrosèrent,  à  l'aurore,  la 
tombe  de  toute  la  famille  du  prince ,  et  sous  les  pleurs  du 
barde,  devaient  pousser  un  jour,  au  lieu  de  ces  trèfles  blancs 
qui  naissent,  disent  les  Bretons ,  sous  les  pas  du  bonheur  et 
de  la  beauté  ,  des  trèfles  rouges ,  rouges  de  sang. 

Puis ,  entendant  venir  l'ennemi  et  sentant  déjà  la  lance  du 
Saxon  s'enfoncer  dans  sa  chair,  il  se  hftta  de  chercher  quelque 
nouvelle  retraite  parmi  les  forêts  et  d'aller  y  rejoindre  ses 
malheureux  compatriotes ,  rendus  par  la  faim  semblables  aux 
sangliers,  et  réduits,  comme  ces  animaux,  à  se  nourrir  de  ra- 
cines sauvages. 

Le  ciel  jadis  ouvert  pour  les  Bretons  s'était  fermé. 

Désormais,  le  vieux  barde-roi  habita  sous  le  chaume ,  il  se 
retira  dans  une  cabane  de  feuillage  au  bord  de  la  Dee ,  près 
de  l'abbaye  de  Lanvor ,  à  peu  près  aux  confins  des  pays  de 
Powys  et  de  Merioneth ,  où  un  lieu  isolé  porte  encore  son 
nom  :  c'est  là  que  nous  l'avons  trouvé  sous  le  sayon  de  poil 
de  dièvre ,  appuyé  siîi;  une  béquille  et  devenu  berger.  Pour 
toute  fortune ,  pour  toute  compagnie ,  il  avait  une  vache,  une 
vadïhe  bien  douce ,  observe-t-il ,  qui  partageait  avec  lui  son 
tott,  et  dont  le  lait  le  nourrissait.  De  ses  vingt^quatre  fils , 
aucun  ne  lui  restait  peur  consoler  sa  vieillesse ,  adoucir  ses 
douleurs,  le  soulever  sur  sa  couche.  La  maladie,  le  chagrin. 


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la  toux ,  l'insomnie  étaient  ses  hâtes  habituels  et  le  rendaient 
farouche.  Pourtant  un  hôte  différent  le  vint  visiter  une  ibis. 
Comme  il  déplorait  sa  destinée  y  à  l'heure  longue  de  minuit , 
accusant  la  fatalité  acharnée  à  sa  perte ,  et  rappelant  cet  ana- 
théme  qui  faisait  dire  à  un  ancien  :  Le  crime  de  Phomme  est 
d*étre  né;  Tombre  d'une  femme  vénérable  passa  devant  sa 
face ,  et  une  voix  connue  :  «  Que  ton  esprit  ne  soit  point  af- 
fligé, dit-elle,  si  le  vent  est  piquant,  si  le  prmtemps  est  rude 
pour  toi.  » 

Se  soulevant  sur  son  lit  de  douleur ,  à  Taccent  de  cette  voix 
qui  le  fit  tressaillir  conune  un  remords ,  et  étendant  la  main 
comme  pour  écarter  une  malédiction  : 

—  Ah  I  ne  me  maudis  pas ,  s'écria-t-il ,  ma  mère,  je  suis 
ton  fils! 

Sous  la  neige  de  Tâge  couvait  toujours  le  feu  du  génie  ;  on 
en  sentait  la  chaleur  lorsqu'il  disait  à  sa  béquille  avec  une 
sorte  de  pitié  pour  lui-même  :  c  0  ma  béquille ,  tiens-toi 
droite,  toi  qu'on  nomme  le  bois  fidèle  aux  pas  chancelants; 
je  ne  suis  plus  Liwarc'h  pour  bien  longtemps  !  » 

Ou  quand  il  s'écriait  avec  une  espèce  de  rage  désespérée  : 

«  Je  suis  vieux ,  je  suis  seul ,  je  suis  difforme  et  glacé  ;  je 
suis  plié  en  trois ,  je  suis  inconsidéré ,  je  suis  intraitable,  je 
suis  décrépit ,  je  suis  vieux.  » 

On  voyait  que  s'il  avait  cent  ans,  son  cœur  en  avait  toujours 
vingt ,  et  que  vraiment  la  jeunesse ,  comme  il  disait ,  lui  était 
restée  fidèle ,  qu'elle  survivait  à  son  signe  détruit. 

Avec  un  autre  solitaire  illustre  venu  dix  siècles  après  lui , 
il  eût  pu  ajouter  :  t  Quand  mes  douleurs  me  font  tristement 
mesurer  la  longueur  des  nuits,  que  l'agitation  de  la  fièvre 
m'empêche  de  goûter  un  seul  instant  de  sommeil ,  souvent  je 
me  distrais  de  mon  état  présent,  en  songeant  aux  divers  évé- 
nements de  ma  vie,  et  les  repentirs,  les  doux  souvenirs ,  les 
regrets ,  l'attendrissement  se  partagent  le  soin  de  me  faire 
oublier  quelques  moments  mes  souffrances,  i^  ' 

(  Rousseau. 


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Ixix 

Le  plus  cuisant  de  ses  regrets ,  était  celui  que  lui  faisait 
éprouver  la  mort  de  ses  vingt-quatre  fils,  tués  dans  les  ba- 
tailles; il  aimait  particulièrement  Taîné  appelé  Gwenn.    ' 

€  J'ai  eu  vingt-quatre  fils  portant  le  collier  d'or  et  chefs  de 
guerre  ;  le  plus  vaillant  était  Gwenn ,  l'enfant  chéri  de  son 
père;  comme  il  était  mon  enfant ,  il  ne  reculait  jamais.  j> 

Aussi  fut-il  la  première  victime  faite  par  les  Logriens  dans 
la  famOle  du  barde.  Quand  on  le  mit  dan$  la  tombe ,  un  oiseau 
vint  se  poser  sur  un  poirier  au-dessus  de  sa  tête ,  et'  chanta 
d'une  voix  si  mélancolique  et  si  douce  que  ses  chants  percèrent 
le  cœtir  du  malheureux  père. 

Ce  qui  désolait  le  vieillard  était  de  ne  pouvoir  venger 
son  fils  :  voyant  la  mer  se  briser  sur  la  grève  de  Lanvor,  il 
s'écriait  : 

cQue  la  vague  brise  avec  fracas!  Qu'elle  couvre  le  rivage  ! 
Malheur  à  qui  est  trop  vieux,  mon  fils,  poiir  te  venger!  Mal- 
heur à  qui  t'a  perdu ,  il  a  trop  vécu  !  Âh  !  malheur!  prends- 
moi  vile,  6 mort!  » 

Un  autre  père ,  un  autre  prince ,  un  autre  barde ,  exilé  aussi 
en  Galles ,  dont  il  apprit  et  honora  la  langue  par  ses  poésies , 
Robert  de  Normandie ,  le  même  à  qui  les  croisés  ofûrirent  la 
couronne  de  Jérusalem ,  devait  s*inspirer  un  jour  des  navrantes 
paroles  de  Liwarc'h-Henn ,  en  songeant  à  son  fils ,  pauvre  en- 
fant qu'il  laissait  dans  le  monde  et  qu'on  lui  enlevait  pour  tou- 
jours: cet  enfant  se  nommait  Guillaume  et  on  entendait  Ro- 
bert appeler  la  nuit:  Guillaume!  Guillaume!  Enfermé  dans  le 
château  de  KardifT,  au  bord  de  la  mer  dont  les  flots  battaient 
sous  ses  yeux  le  promontoire  de  Pennarz ,  il  disait  à  un  chêne 
qui  égayait  d'un  peu  de  feuillage  la  fenêtre  de  sa  prison  : 
cO  chêne  qui  domines  la  forêt  du  promontoire  et  qui  vois  les 
flots  de  la  Saveme  lutter  contre. la  mer,  malheur  à  l'homme 
que  la  mort  oublie!  malheur  à  l'homme  qui  n'est  pas  assez 
vieux  pour  mourir!» 

Si,  après  la  mort  de  Gwenn,  Liwarc'h'Henn  rencontrait  par 


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lu 

hasard  quelque  chose  qu*eûi  aimé  son  enfant  chéri ,  ses  yeux 
se  remplissaient  de  larmes  et  sa  douleur  s'exhalait  en  poésie. 
On  rapporte  que  passant  un  jour  sur  un  pont  où  blan- 
chissait la  tète  décharnée  d'un  cheval ,  quelqu'un  la  hii  mon- 
tra ^  disant  :  «Voici  la  léte  du  cheval  de  Gwenn;  »  à  quoi  le 
vieillard  répliqua: 

«  J'ai  vu  les  beaux  jours  de  ce  cheval  j  il  avait  des  yeux  de 
eerf,  il  frappait  fièrement  la  terre;  ah!  personne  n*eût 
foulé  aux  pieds  sa  tôte ,  tandis  qu'il  était  monté  par  Gwenn.  t 
Le  secondais  de  Uwarc'h  s'appelait  Peil;  on  eût  bâti  une 
salle  avec  les  boucliers  mis  en  pièces  par  lui,  dit  le  vieillard, 
D  lyoute  que  les  bardes  du  pays  breton  aimaient  tout  particu- 
lièrement Peil,  qu'ils  chantaient  souvent  ses  louanges ,  et  que 
s'il  eût  vécu  plus  longtemps  »  il  leur  eût  dû  l'immortalité  :  le 
vieux  barde  ne  pensait  pas  que  Peil  la  devrait  à  l'un  des  plus 
fameux  d'entre  eux ,  à  son  propre  père. 

Gwenn  et  Peil  et  leurs  vingt-deux  frères  une  fois  morts , 
ainsi  qu'Urien  et  ses  fib ,  Kendelann  et  toute  sa  famille,  la 
t mesure  du  malheur  de  Liwarc'h-Henn  était  comblée,  il  ne 
lui  restait  plus  rien  à  faire  au  monde ,  et ,  dans  son  désespoir, 
tantôt  il  invoquait  la  mort ,  l'accusant  d'infidélité,  maudissant 
ses  lenteurs,  comme  celle  d'une  amante  oublieuse  et  légère; 
tantôt,  il  invoquait  l'ombre  de  quelque  ancien  héros  breton 
qu'il  appelait  à  son  secours  et  qui  devait  quitter  la  tombe  pour 
venger  ses  fils ,  sa  race  et  son  pays;  tantôt ,  apercevant  de 
l'autre  côté  de  la  rivière,  le  toit  du  monastère  de  Lanvor,  la 
vue  de  ce  pieux  asile  dp  la  paix  et  de  la  vertu ,  les  chants  reli- 
gieux qui  parvenaientàsonoreille,réveillaientdans  son  àmedes 
idées  différentes.  Il  se  demandait  s'il  n'eût  pas  été  plus  avan- 
tageux à  ses  fils  d'éb*e  morts  et  d'avoir  été  enterrés  dans  la 
compagnie  des  hommes  gris  du  monastère  que  sur  le  champ 
de  bataille  :  se  rappelant  le  temps  de  sa  jeunesse  où  il  parait 
avoir  adoré  les  astres,  il  se  reprochait  de  les  avoir  honorés 
trop  longtemps.  A  ce  propos ,  on  observera  que  si  l'astre  au- 


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quel  il  fait  aUusioo  était  la  Grande-Ourse  ou  le  Chariot  d'Ar- 
thur, ainsi  que  l'appelaient  les  anciens  Bretons,  et  non  le  so- 
leil ,  la  triade  qui  le  dit  ministre  d'Arthur,  puis  dégoûté  de 
la  cour  du  roi,  serait  le  symbole  de  son  renoncement  aux 
vieilles  superstitions  druidiques.  ^ 

A  la  même  époque ,  S.  Gildas  accusait  un  prince  breton 
d'être  le  cocher  du  char  de  r Ourse ,  '  c'est  à-dire  du  dieu  Ar- 
thur ,  car  tel  est  le  sens  de  ce  nom ,  d'après  un  auteur  du  X*" 
siède.f 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  barde  tournait  ses  pensées  vers  le 
ciel;  mais  un  doute  afireux  le  saisit;  il  a  déjà  prié  Dieu  pour 
ses  fils  et  Dieu  ne  l'a  point  exaucé.  Que  fera-t^il  donc,  le 
malheureux?  à  quelle  branche  de  saluts'attacher  ?  Il  revien- 
dra à  ses  superstitions  :  quand  Dieu  se  tait ,  le  sorcier  parle  : 
il  demandera  des  consolations  à  l'oiseau  sacré  que  ses  frères 
les  Armoricains  de  l'embouchure  de  la  Loire  vénéraient 
aussi,  et  consultaient  anciennement;  il  invoquera  le  cor- 
beau. 

Fol  espoir!  c'est  la  blanche  colombe ,  et  non  l'oiseau  noir, 
qui  porte  le  rameau  sauveur. 

Hais  quelle  est  cette  voix  qui  vient  consoler  l'infortuné  père? 

f  0  vieux  Liwarc'h  ,  ne  sois  point  abattu ,  tu  trouveras 
bientôt  une  douce  retraite,  sèche  tes  yeux ,  tais-toi,  ne  pleure 
plus.  > 

Ce  n'est  pas  l'ombre  de  sa  mère  ;  c'est  un  ange  sous  les 
traits  vénérables  d*un  bon  religieux  de  Lanvor ,  d'un  de  ces 
hommes  bénis  qui ,  selon  les  Triades,  aimaient  à  visiter  la 
demeure  du  pauvre ,  n'acceptant  de  personne  ni  honoraire,  ni 
nourriture,  ni  breuvage,  et  au  contraire,  distribuant  aux  in- 
digents ,  argisnt ,  nourriture  et  vêtement. 

*  Aurigt  cnrriis  recepUcnli  arsi,  Dei  contempler.  (Slevenson, 
p.  40.) 

*  Arthur  arsum  sonat'.  (Neonius.) 


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Izxij 

A  ces  paroles  consoiatrices ,  le  barde  répond  d'un  air  fa- 
rouche : 

€  Je  suis  vieux,  je  ne  te  reconnais  pas  ;  le  don  qui  me  sied 
est  une  tombe;  je  Timplore  ;  Urien  est  mort!  la  douleur  pèse 
sur  moi  !  » 

Le  saint  religieux  poursuit  : 

«  Pourquoi  consulter  le  corbeau  au  chant  sinistre  et  criard  ?  i 

—  «  Liwarc'h  ne  croit  point  le  corbeau,  réplique  le  barde, 
il  n'en  obtiendra  pas  de  protection ,  il  le  sait  bien ,  le  pâtre 
débile  qui  a  été  jadis  un  homme  d'armes  voyageur.  » 

Alors,  montrant  du  doigt  le  port  au  vieux  navigateur  sans 
étoile ,  qui  s'en  éloigne ,  et  s'expose  à  n'y  entrer  jamais  : 

€  Voici  l'église  de  Lanvor  au  delà  du  fleuve ,  mais  je  ne 
sais  si  tu  as  rien  de  commun  avec  elle.  > 

Le  vieillard  en  convient,  et  le  religieux  profite  de  cet 
humble  aveu  pour  lui  donner  d'une  manière  délicate  et  dé- 
tournée le  conseil  de  faire  un  effort  sur  lui-même ,  d'imiter 
le  fleuve  qui  s'enfle,  se  grossit  pour  surmonter  ses  bords. 

Le  barde  se  tait,  comme  accablé  sous  le  poids  d'une  desti- 
née qui  semble  le  vouer  au  malheur;  il  s'éloigne,  et  dans  le 
lointain,  ce  cri  qu'il  a  déjà  fait  entendre  s'échappe  de  nou- 
veau de  sa  poitrine  : 

c  Ah!  quel  triste  destin  fut  réservé  à  Liwarc'h  la  nuit  de 
sa  naissance;  de  longues  peines  dont  il  ne  sera  jamais  dé- 
chargé. > 

Mais  le  souvenir  de  son  fils  bien-aimé  lui  traverse  soudain 
l'esprit,  et  le  vieillard  incapable,  il  n'y  a  qu'un  moment,  de 
faire  le  moindre  effort  pour  élever  vers  Dieu  sa  tête  et  son 
cœur  languissants ,  se  redresse ,  père  et  guerrier ,  choque  son 
bouclier  placé  sur  son  flanc  droit ,  et  toute  usée  qu'est  son 
armure ,  tout  cassé  qu'il  est  lui-même,  il  se  sent  capable  de 
veiller  au  bord  du  gué  où  a  péri  son  fils,  et  de  tirer  vengeance 
de  l'étranger  qui  l'a  tué. 


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Ixxiij 

Serait-ce  pour  échapper  aux  pieuses  importunités  des 
moines  de  Lanvor,  que  le  barde  quitta  les  bords  de  la  Dee? 
On  ne  sait ,  mais  toujours  est-il  qu'il  revint  dans  le  Paradis 
des  Cambriens  et  s'établit  au  fond  de  la  vallée  d*Aber-Kiok. 

Le  mois  de  mai  s'ouvrait  alors,  dit  Liv«rarc'h-Henn ,  les 
bois  reprenaient  leur  robe  d'été,  caressés  par  la  brise;  les 
brandies  des  arbres  étaient  fleuries  ;  la  cime  des  chênes  était 
pleine  de  voix  joyeuses;  les  oiseaux  chantaient  sur  le  bord  de 
leurs  nids,  et,  parmi  eux,  le  gris  coucou,  cher  aux  amants, 
faisait  retentir  dans  la  vallée,  dès  l'aurore,  ses  mélodieux 
appels.  Hais  que  voulait  le  printemps  au  vieillard  morose? 
Sa  vue  l'attristait,  le  zéphir  lui  semblait  piquant,  le  chant 
des  oiseaux  fatigant,  le  coucou  babillard;  il  lui  disait  :  c  Ta 
voix  affecte  désagréablement  mon  esprit  »  Il  eût  presque  dit 
au  rossignol ,  comme  le  marquis  de  Ximénès  :  f  Te  tairas-tu, 
vilaine  bête?  »  Son  esprit  était  troublé  par  l'angoisse  de  la 
maladie  :  assis  sur  la  montagne ,  il  suivait  le  long  cours  du 
soleil ,  moins  long  que  ses  ennuis  ;  ses  jours  devaient  être 
courts  désormais;  sa  demeure  était  en  ruines;  tout  le  monde 
l'abandonnait,  car  l'exilé  semble  indifférent,  disait-il,  avec 
amertume. 

L'exilé  est  en  effet  trop  souvent  l'objet  de  l'indifiërence  de 
l'homme,  mais  non  du  Dieu  des  malheureux;  à  qui  perd 
tout.  Dieu  reste  encore,  et  il  pardonne  à  ses  enfants  d'être 
faibles  dans  l'infortune. 

Le  fils  de  la  douleur,  comme  le  barde  se  nomme  lui-même , 
trouva  donc  pitié  près  de  lui  ;  c'est  en  vain  qu'il  le  fuyait  : 
il  emportait  de  Lanvor  une  semence  qui  têt  ou  tard  devait 
germer  et  fleurir. 

Ses  fruits  ne  se  firent  pas  attendre  Un  rayon  du  ciel 
les  mûrit,  et,  devenu  chrétien,  le  barde  centenaire,  com- 
prenant enfin  la  destinée  humaine,  laissa  échapper  ces  pa- 
roles: 

€  Mes  soupirs  continuels  me  disent  assez,  après  tous  mes 


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Ixxiv 

réyes  de  félicilé ,  que  Dieu  ne  donne  point  ie  bonheur  aux 
prévaricateurs  ;  ils  n*ont  que  tristesse  et  soucis.  » 

Et  formant  un  vœu  que  le  ciel  exauça  sans  doute ,  il  syou- 
tait  : 

€  U  fut  jeune,  le  fils  de  la  douleur;  il  fut  chef  dans  la  cour 
du  roi  suprême  des  Bretons;  puisse-t-il  voir  Dieu,  mainte- 
nant qu*il  va  quitter  la  terre!  » 

De  tels  sentiments ,  écho  des  saintes  écritures ,  prouvent 
que  ses  relations  avec  les,  moines  de  Lanvor  ne  furent  point 
passagères.  La  tradition  Tatteste  en  lui  donnant  pour  sépul* 
ture  rég^ise  même  du  monastère,  et  la  découverte  de  son 
nom  sur  une  pierre  du  mur  de  la  nef,  achève  de  persuader 
qu'avant  d*y  reposer  à  Tombre  de  Fautel ,  il  y  vint  plier  le 
genou  et  incliner  son  front  chargé  d*un  siècle. 

Avec  la  dépouille  mortelle  de  Liwarc'h-Henn,  l-abbaye 
recueillit  probablement  le  manuscrit  de  ses  poésies ,  et  il  y  a 
lieu  de  croire  que  c'est  à  elle  que  nous  les  devons. 

Indépendamment  des  pièces  historiques,  à  Taide  desquelles 
je  viens  d'esquisser  l'histoire  de  sa  vie,  il  a  laissé  des  poèmes 
gnomiques  où  l'on  trouve  sous  une  forme  sententieuse ,  ses 
idées  sur  la  supériorité  intellectuelle  et  morale.  Ds  achèveront 
de  nous  le  faire  connaître  en  nous  montrant  dans  lui  le  sage. 

Plusieurs  des  sentences  du  barde  sont  en  parfaite  harmonie 
avec  les  sentiments  de  son  âme ,  après  sa  conversion  :  témoin, 
les  beUes  maximes  suivantes  : 

€  Quand  chacun  dort  sur  sa  couche ,  Dieu  ne  dort  pas 
lorsqu'il  donne  assistance.  » 

«  La  miséricorde  est  le  premier  devoir  de  Dieu  ;  le  devoir 
des  clercs  est  d'intercéder  près  de  lui.  » 

€  Au  grand  jour ,  quand  Dieu  jugera ,  le  mensonge  sera  mis 
dans  les  ténèbres ,  la  vérité  dans  la  lumière.  Qu'il  soit  le 
bonheur  du  sage ,  le  Dieu  qui  l'élève  !  » 

Et  il  donne  ce  conseil  aux  malheureux  comme  lui  :  «  Fie- 
toi  à  Dieu ,  il  ne  te  trompera  pas.  » 


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Ixxv 

Pour  lui,  comme  pour  tout  vieillard ,  il  le  dit  lui-méiue , 
le  bonheur  consistait  dans  le  repos,  et  il  le  trouvait  au  sein 
de  la  religion. 

n  employa  saps  doute  les  loisirs  que  Dieu  lui  faisait,  après 
une  vie  orageuse ,  à  rédiger  les  maximes  qu'on  vient  de  lire , 
qu'il  dicta  peut-être  avec  ses  autres  poèmes  à  quelque  clerc 
de  Lanvor.  Ses  pensées  sur  des  sigets  étrangers  à  la  religion , 
ne  le  peignent  pas  moins  vivement  que  celles  qui  ont  Dieu 
pour  objet.  Les  dons  du  ciel  les  plus  appréciaUes ,  selon  lui, 
sont  :  le  savoir  qui  toujours  veut  agrandir  son  cercle  ;  Tinstruc- 
ction  nulle  sans  le  génie;  le  génie  qui  n*est  autre  chose  que  de 
la  ténacité ,  dit-il,  en  vrai  Celte,  comme  Chateaubriand;  l'in- 
telligence ,  qu'il  définit  la  plus  belle  lumière  du  monde ,  et  à 
laquelle  il  ne  voit  rien  d'égal ,  quand  elle  est  unie  à  la  force. 

Les  vertus  que  recommande  particulièrement  le  barde, 
sont  :  la  bonté- ,  supérieure  à  la  beauté  et  de  même  âge  que  le 
bonheur  ;  la  prudence,  qui  même  quand  elle  blesse  ne  fait  pas 
de  longue  blessure  ;  la  discrétion  et  l'amour  du  silence ,  tou- 
jours les  bienvenus  ;  la  gaieté ,  que  Dieu  loue  dans  l'homme; 
la  loyauté,  à  laqueUe  manque  le  fou  lui  seul;  la  fidélité  à  sa 
parole,  chose  sacrée  pour  un  clan  ;  la  générosité  envers  tout 
le  monde,  mais  surtout  envers  le  barde  quand  on  l'aime  (on 
voit  qu'il  ne  s'oubliait  pas,  Pindare était  du  même  avis)  ;  la 
civilité,  qui  est  une  des  qualités  les  plus  aimables ,  comme  la 
grossièreté  est  le  pire  des  défauts,  recommandation  ou  perce 
un  sentiment  de  civilisation  qu'on  ne  s'attend  guère  à  trouver 
dans  des  temps  barbares  ;  du  reste ,  il  n'y  est  pas  isolé ,  et 
d'autres  pensées  du  barde  le  respirent  encore  davantage  : 
telles  sont  celles-ci  sur  l'amour  et  l'amitié  :  c  L'esprit  rit  à 
qui  l'aime.  > 

€  Cest  le  fait  de  l'homme  discret  d'aimer  loyalement.  » 

«  Heureux  l'homme  qui  voit  son  ami!  » 

Telle  est  cette  autre  réflexion  d'une  délicatesse  et  d'une 
profondeur  étonnantes  : 


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Ixxvj 

€  La  femme  doit  apporter  le  sommeil  à  la  douleur.  > 

Ne  dirait-on  pas  une  pensée  de  Fénélon?  Et  comme  on  y 
sent  le  cœur  du  pauvre  malade  qui,  sur  sa  couche  de  douleur, 
rêvait ,  à  Vheure  longue  et  froide  de  minuit ,  à  la  vue  d'un  tor- 
rent éclairé  des  rayons  de  la  lune ,  et  disait  :  c  D'ordinaire 
l'homme  heureux  dort  bien;  les  soucis  d'ordinaire  habitent 
avec  le  vieillard  ,  comme  les  abeilles  dans  la  solitude.  » 

La  soufTrance  personnelle  mêlait  ainsi  sa  pointe  aigûe  aux 
maximes  de  la  sagesse  bardique ,  et  s'y  faisait  sentir  comme 
l'épine  à  travers  un  buisson  de  roses  sauvages. 

Mais  elle  ne  le  rendit  pas  mdifTérent  aux  maux  des  autres  ; 
il  a  pour  le  malheur  d'autrui  des  paroles  de  pitié  touchantes, 
et  qui  font  souvenir  qu'au  temps  de  sa  prospérité  il  y  joignait 
l'action  en  soignant  les  pestiférés  :  U  plaint  ses  frères  exilés 
dont  les  besoins  sont  bien  amers;  il  s'apitoie  sur  le  sort  du 
prisonnier  aveugle  encore  plus  malheureux  que  lui ,  dont  un 
voile  couvre  l'aurore;  entendant  les  oiseaux  chanter,  il 
souhaite  que  ceux  qui  les  écoutent  ne  soient  point  malades 
comme  lui.  Sous  la  grossière  peau  de  chèvre,  son  cœur  était 
resté  le  même  que  sous  l'acier  ou  sous  la  pourpre. 

Bientôt  il  cessa  de  souffrir.  Feuille  ballottée  par  le  vent , 
vieille ,  quoique  née  dans  l'année,  pour  emprunter  son  image 
sublime ,  il  alla  rejoindre  en  un  monde  meilleur  le  feuillage 
épars  de  sa  race  : 

Quand  la  feuille  des  bois  tombe  dans  la  prairie , 
Le  vent  du  soir  se  lève  et  Tarracbe  aux  vallons; 
Et  moi,  je  suis  semblable  à  la  feuille  flétrie, 
Emportez-moi  comme  elle,  orageux  aquilons  !  ^ 

VIL 

n  nous  reste  à  examiner  les  ouvrages  des  anciens  bardes 
sous  le  double  rapport  du  fond  et  de  la  forme.  On  a  Vu  qu'ils 
n'ont  guère  qu'un  thème  :  les  destinées  de  la  patrie ,  ses  vic- 
toires, ses  désastres  et  ses  espérances;  les  joies  de  la  mêlée, 

'  Lamartine ,  première  Méditation  poétique. 


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Ixxvij 

du  carnage  et  du  butin ,  la  domiru^tum  bretonne,  comme  s'ex- 
priment les  lois  galloises;  la  haine  de  l'étranger,  la  résistance 
à  l'ennemi ,  la  glorification  des  chefe  nationaux  qui  savent  le 
vaincre ,  et  surtout  de  ceux  qui  ont  été  victimes  de  leur  dé- 
vouement au  pays  ;  des  panégyriques ,  des  incantations  ou 
des  imprécations  poétiques,  de  nombreuses  élégies  guer- 
rières, des  satyres  en  très-petit  nombre,  enfin  des  poèmes 
gnomiques,  tels  sont  les  principaux  genres  cultivés  au  W  siècle. 
Je  ne  parle  pas  du  genre  religieux  dolit  malheureusement  il 
ne  nous  reste  aucun  monument  authentique  que  l'on  puisse , 
avec  quelque  raison ,  attribuer  aux  grands  bardes  de  cette 
époque. 

Le  caractère  général  de  leur  poésie ,  c'est  qu'elle  pleure 
presque  toujours  :  de  là,  le  nom  de  lev  ou  le,  plainte  ou 
pleur,  qu'on  lui  donnait  au  moyen-âge;  de  là  le  lai  breton,  si 
vanté  par  tous  les  anciens  poètes  français  et  anglo-normands. 
La  mélancolie  profonde  qu'elle  respire  est  accompagnée  d'une 
sorte  de  majesté  barbare  et  de  solennité  qui  rappelle  l'Orient 
et  fait  songer  à  l'origine  asiatique  des  Kemris-Bretons. 

Aces  deux  caractères,  joignez  quelque  chose  de  mysté- 
rieux ,  de  lugubre ,  de  sombre ,  de  farouche,  parfois  de  mys- 
tique, une  certaine  grandeur  sauvage  qui  étonne,  un  accent 
qui  fait  tressaillir,  et  contraste  d'une  manière  frappante  avec 
des  sentiments  plus  doux;  tel  est,  par  exemple,  ce  cri  de  joie 
féroce  d'Aneurin  :  €  Son  épée  résonna  sur  la  tête  des  mères 
saxonnes!  plus  d'une  mère  en  pleura!  »  Et  cette  plainte  tou- 
chante du  même  bar^e,  où  il  s'agit  des  Bretons  :  c  Qu'il  m'est 
pénible  de  rappeler  leur  immense  désastre  :  ce  n'est  pas 
leur  mère ,  au  lieu  de  leur  naissance ,  qui  leur  eût  servi  ce 
poison!  » 

Les  images  qu'affectionne  cette  poésie  sont  à  l'avenant  ; 
elle  associe ,  par  une  étrange  fantaisie  qui  trahit  un  vieux-fond 
payen,  les  peintures  sanglantes  et  celles  de  la  volupté  :  le  vin 
et  l'hydromel  coulant  d'un  côté ,  le  sang  de  l'autre ,  on  mêlés 


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lixviij 

dans  la  même  coupe;  les  loups  faisant  festin  avec  la  chair  du 
jeune  homme  prêt  à  s'asseoir  au  banquet  nuptial  ;  Tai^e  sui- 
vant le  guerrier  à  la  piste,  et  attendant  de  lui  sa  pâture  eonmie 
le  chien  TattiBnd  de  son  maître  ;  les  corbeaux  noirs  sur  des 
poitrines  blanches ,  aux  champs  de  bataille ,  et  mille  autres 
non  moins  sinistres. 

Taliésin  est  y  des  trois  bardes ,  celui  qui  ofifî*e  le  moins  des 
traits  sauvages  que  je  cite  ;  Aneurin ,  celui  qui  en  présente  le 
plus  :  chez  Livirarc'h-Henn ,  ils  sont  adoucis  par  des  signes 
multipliés  de  sensibilité. 

Ces  trois  poètes  sont  invoqués  par  leurs  successeurs,  comme 
les  trois  colonnes  de  l'art  bardique  au  VI«  siècle.  Si  d'autres 
avant  eux  furent  les  législateurs  et  les  jurisconsultes  de  l'état 
littéraire,  ils  en  ont  été  les  soutiens.  Le  code  des  anciens 
bardes  de  l'île  de  Bretagne ,  plus  ou  moins  modifié  par  le 
temps ,  contient  les  préceptes  suivants  : 

€  Trois  éléments  constituent  la  poésie  en  général  :  le  langage, 
rinvention  et  l'art. 

»  Trois  choses  excellentes  distinguent  la  poésie  parfaite  : 
lasimplicité  du  langage,  la  simplicité  du  sujet ,  la  simplicité 
d'invention.  » 

Horace  disait  autrement,  mais  ne  disait  pas  mieux;  quant 
au  langage  lui-même,  les  bardes  mettaient  au  nombre  des 
qualités  essentielles  qu'il  devait  avoir:  la  pureté,  la  ridiesse , 
la  propriété  des  termes  ; — la  clarté ,  l'agrément ,  l'origina- 
lité des  expressions; — le  naturel ,  la  variété  des  tournures 
et  l'élégance.  Selon  eux,  l'ordre,  la  force  et  l'heureux  choix 
des  mots  étaient  les  trois  soutiens  du  langage ,  et  il  n'y  avait 
pas  de  bon  style  sans  construction  correcte ,  sans  expressions 
correctes  et  sans  correcte  prononciation;  et  les  trois  facultés 
indispensables  à  l'écrivain  devaient  être,  de  bien  chanter 
(bien  composer) ,  de  bien  apprendre  et  de  bien  juger. 

Voilà  toute  une  poétique  à  l'usage  des  bardes  ;  nous  allons 
voir  si  leur  conduite  y  r^oudit. 

Sans  avoir  la  perfection  du  gaël  d'Irlande ,  ce  tronc  de 


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Ixxix 
Tarbre  celtique  où  la  sève  orientale  circule  beaucoup  plus 
abondante,  leur  langue ,  pour  commencer  par  elle,  offre  de$ 
qualités  précieuses. 

Les  voyelles  et  les  consonnes,  dont  le  corps  même  des 
mots  est  formé ,  présentent  dés  contours  et  des  proportions 
mnarquablas  ;  les  consonnes  qui  soutiennent  les  syllabes  et 
éutnent  au  mot  sa  forme ,  ont  une  force  très  grande  qu'elles 
doivent  à  leur  nombre  et  à  leur  âolidité  :  Tétude  de  Talphabet 
breton  en  fait  voir  le  système  complet,  ou  chacun  des  trois 
organes  de  la  voix  humaine,  les  lèvres ,  la  langue  et  la  gorge 
produisent  trois  articulations  douces,  fortes  et  aspirées, 
comme  les  tombes  d'un  orgue  articulent  les  sons.  Les 
voyelles,  élément  beaucoup  moins  essentiel,  que  je  compare- 
rais volontiers  aux  tuyaux  inintelligents  du  même  instrument, 
sont  très-riches,  et  de  leur  réunion  naissent  des  diphtongues 
singulièrement  variées  et  éclatantes.  Elles  donnent  aux  mots 
de  la  majesté  par  les  longues ,  de  réléganee  par  les  brèves , 
de  Tampleur  par  les  désinences  dans  toute  leur  plénitude , 
leur  étendue  et  leur  sonorité.  C'est  bien  un  peuple  chez  le- 
quel la  poésie  et  la  musique  étaient  aussi  intimement  unies 
que  la  parole  l'est  à  la  pensée ,  et  dont  les  bardes  étaient 
à  la  fois  poètes  et  musiciens.  Du  reste ,  ces  qualités  ne  sont 
pas  particulières  au  breton:  elles  sont  celles  de  toutes  les 
langues  jeunes.  M.  Ampère  l'a  dit  avec  autant  de  bonheur  que 
de  justesse  :  <  Elles  commencent  par  être  une  musique  et  fi- 
nissent par  être  une  algèbre.  » 

Des  autres  tnnts  distinctifs  de  l'idiome  des  bardes ,  le  plus 
digne  de  remarque  est  la  faculté  qu'il  avait,  comme  le  grec, 
de  tirer  de  lui-même  ses  ressources  par  la  facilité  avec  la- 
quelle il  pouvait  créer ,  grftce  à  une  multitude  de  racines  sim- 
ples ,  des  dérivés  et  des  composés  sans  nombre. 

Cette  fadlité  de  néologisme  national ,  qui ,  en  hii  permet- 
tant de  se  passer  d'emprunts  faits  aux  langues  étrangères ,  de- 
vait sauvegarder  l'originalité  de  son  vocabulaire,  ne  le  mit 
pourtant  pas  toujours  à  l'abri  de  leur  influence ,  et  amena  à 


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Ixxx 

la  longue ,  sinon  dans  son  essence  et  sa  constnidioQ  gram- 
maticale, au  moins  dans  son  dictionnaire,  des  variations 
assez  importantes  pour  que  dès  le  X*  siècle,  le  législateur 
des  Bretons-Cambriens  crût  nécessaire  de  faire  unediffi&rence 
entre  Vandenne  langue  bretonne  et  la  nouveUe.  Tel  met ,  ob- 
serve-t-il ,  se  dit  de  cette  manière  dans  J'idiôme  moderne  ; 
tel  autre,  ainsi ,  dans  l'ancien  idiome.  Et  une  chose  bien  sin- 
gulière, c'est  que  Tun  des  mots  qu'il  cite  est  précisément  le 
nom  que  donnent  à  une  de  leurs  armes  de  guerre ,  les  Indiens 
civilisés  ou  Padoukas,  qui  passent  pour  être  une  colonie  cam- 
brienne et  avoir  découvert  TAmérique  au  XII*  siècle;  c'est  le 
fameux  Tomaok,  ou  casse-tête ,  qui  signifie  tout  ce  qui  brise , 
fracture ,  fracasse ,  ou  fait  écl^r ,  comme  la  pierre ,  le  fer  ou 
la  chaleur, et  dont  la  racine  parait  être  le  verbe  armoricain 
Uma. 

Si  ces  variations  du  langage,  quelque  peu  importantes 
qu'on  veuille  les  supposer,  existaient  au  X*  siècle,  et  jetaient 
déjà  de  l'obscurité  sur  certaines  vieilles  expressions  bretonnes, 
combien ,  depuis  huit  cents  ans ,  n'ont-elles  pas  dû  se  multi- 
plier? De  là  vient  la  difficulté  d'entendre  les  anciens  bardes. 

A  la  désuétude  de  plusieurs  locutions  ou  à  leurs  acceptions 
différentes,  comme  cause  de  l'obscurité  de  leurs  poèmes,  il 
faut  joindre  le  laconisme  exagéré  et  l'extrême  concision  de 
leur  style.  Très  souvent  les  mots  sont  juxtaposés  sans  aucun 
lien  grammatical;  prépositions,  adverbes, pronoms possessiCs, 
conjonctions,  verbes  même,  tout  cela  souvent  est  sous-en- 
tendu. Entraîné  par  son  inspiration  fougueuse,  le  barde 
bondit ,  haletant,  hors  de  lui ,  confondant  les  personnes,  les 
sujets,  les  temps  et  les  lieux^  roulant,  tourbillonnant  comme 
le  diar  celtique ,  fait  du  tronc  du  bouleau,  dont  rien ,  ni  cuir, 
ni  bois ,  ni  fer ,  ne  paraissait  lier  ensemble  l'essieu  ,  le  timon 
et  les  roues,  et  qui  n'emportait  pas  moins  sûrement  au  but 
l'athlète  victorieux. 

Le  barde  y  arrive  aussi ,  lui,  mais  souvent  épuisé  par  une 


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Ixxxj 
course  sans  frein,  sans  règle,  sans  guide  et  sans  repos; 
course  ordinairement  monotone,  comme  un  voyage  intermi- 
nable à  travers  des  steppes  prolongées  démesurément. 

Le  défaut  de  plan ,  d'ordre  et  de  méthode  de  ces  poètes , 
dans  la  plupart  de  leurs  poèmes ,  la  malheureuse  habitude 
qu'ils  ont  d'épuiser  la  veine  poétique,  s'ils  la  rencontrent,  de 
gâter,  par  des  variations  infinies,  le  motif  dont  ils  ont  su  tirer 
d'abord  d'heureux  effets ,  ne  saurait  trouver  grâce  aux  yeux 
du  goût. 

L*écrivain  français  de  notre  siècle ,  qui  possède  au  plus 
haut  degré  ce  sentiment  délicat  et  fm ,  si  rare  atyourd'hui  ; 
celui  dont  les  ouvrages  excellents  en  offrent  le  plus  parfait 
modèle ,  a  fait,  en  parlant  des  poésies  barbares ,  une  obser- 
vation très  profonde  et  très  juste,  qui  pourrait  s'appliquer  à 
quelques  poèmes  de  nos  bardes  :  C'est  trop  long,  a  dit  M.  Vil- 
lemain  ,  parce  que  ce  n'est  pas  beau. 

Leurs  contemporains  ,  moins  difficiles  en  jugeaient  autre- 
ment :  les  longueurs  et  les  redites  qui  nous  choquent,  les 
charmaient;  l'auditoire  auquel  elles  étaient  destinées, aimait 
à  entendre  reproduire  sous  toutes  les  formes ,  l'idée  qui  le 
préoccupait  et  que  traduisait  le  poète.  Il  aimait  qu'on  lui 
répétât  à  satiété  le  vers  qui  l'avait  le  plus  frappé,  afin  de  le 
mieux  retenir  :  telle  est  l'origine  du  refrain  dans  les  chansons; 
telle  est  celle  des  litanies  ;  c'est  la  raison  qui  fait  redire  vingt 
fois  dans  la  même  pièce  lyrique,  au  poète  hébreu  :  «  Confiez- 
vous  au  Seigneur  parce  qu'il  est  bon ,  parce  que  sa  miséri- 
corde est  étemelle.  » 

Le  cœur  a  ses  besoins  comme  l'esprit. 

L'un  et  l'autre,  à  défaut  de  morceaux  d'ensemble  achevés, 
trouvent  dans  les  vieux  poèmes  bretons  assez  de  beautés  de 
détails 'pour  aimer  leurs  auteurs,  et  l'on  y  peut  cueillir  au 
moins  de  quoi  faire  un  bouquet  pour  fleurir  la  tombe  des 
bardes. 

Toutefois ,  s'ils  offrent  quelque  charme  à  l'esprit  et  au 

6* 


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Ixxxîj 

coeur ,  c'est  à  l'oreille  qu'ils  en  présentent  le  plus  :  mais 
ne  va-t-oni  pas  sourire ,  et  me  dire  comme  à  Walter  Scott, 
qui  crantait  l'agréent  du  pibroc'h  écossais  :  c  II  faut  être 
Celte  ou  corbeau,  sauf  votre  grâce,  pour  goûter  les  croasse- 
ments. » 

Et  dans  le  fait,  un  étranger  ne  peut  guère  sentir  l'harmonie 
de  la  poésie  celtique.  S'il  est  en  état  de  juger  que  le  mètre  et 
la  rime  en  forment  la  base  ;  s'il  voit  que  chaque  espèce  de 
vers  se  compose  d'un  certain  nombre  de   syUabes ,  et  les 
stances  d'un  certain  nombre  de  vers,  depuis  deux,  trois,  quatre, 
sur  une  même  rime,  ou  à  rimes  croisées,  de  même  mesure,  ou 
de  mesure  différente ,  jusqu'à  un  nombre  beaucoup  plus  con- 
sidérable ;  il  est  dérouté ,  quand  il  trouve ,  à  la  Un  du  premier 
vers  d'un  tercet  régulier ,  un  mot  qui  parait  isolé  de  l'en- 
semble et  ne  rime  avec  aucun  autre  ;  son  étonnement  redouble, 
quand  il  voit  des  rimes,  non  seulement  à  la  fin  du  vers, 
mais  encore  à  l'intérieur  et  répétées  coup  sur  coup  :  enfin  , 
sa  surprise  est  au  comble  lorsqu'il  observe,  qu'aux  diJDQcultés 
indiquées ,  vient  se  joindre  une  certaine  répétition ,  un  certain 
balancement  des  mêmes  consonnes  dans  un  même  vers,  qu'on 
appelle  allitération,  et  il  la  repousse  comme  un  assemblage 
bizarre  de  sons  rudes,  heurtés ,  choquants,  de  pomtes,  de 
jeux  de  mots  puérils ,  de  détestables  eonceUi  ;  comme  un 
raffinement  barbare  :  c'est  de  la  sorte ,  en  effet ,  que  les  cri- 
tiques qualifient ,  quand  ils  la  rencontrent  chez  les  auteurs 
du  moyen-âge ,  cette  forme  singulière  à  laquelle  fait  allusion 
le  saint  frère  d'Aneurin ,  qui  l'emploie  dans  sa  prose  poétique , 
qui  la  loue ,  et  la  nomme  complaisamment  une  suave  congon- 
nance.  ' 

Le  barde  ne  parait  barbare  qu'à  ceux  qui  ne  le  comprennent 
pas  ;  l'allitération  peut  entraver  l'essor  de  son  génie  et  nuire, 
par  là  même ,  à  ses  compositions  ;  mieux  vaut  certainement 
l'allure  franche  et  vive  de  la  poésie  populaire, 

I  CoDSonnanlia  sua  vis.  (Ed.  de  Gale,  p.  4.) 


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Ixxxiîj 

Celle  fillette  preste  ' 

Qui  taote  le  buissoD , 

Pied  leste , 
En  cbantaDt  sa  chanson  ;  ' 

Mais  la  poésie  d'art  n'en  doit  pas  moins  à  Taliitération  ft 
ne  sais  quoi  de  musical  et  d'accentué,  qui  s'harmonise  admira-* 
biement  avec  les  modulations  de  la  harpe  :  d'ailleurs ,  cette 
forme  est  si  naturelle ,  qu'elle  existe  dans  les  ira  la  h,  ira  la 
/a,  ou  les  don-daine  et  don-don  insignifiants  y  refrains  obligés 
de  tous  les  chants  populaires  :  les  bardes  n'ont  fait  que  les  ré- 
duire en  principe  et  leur  donner  une  âme. 

J'ajouterai  que  l'allitération  jaillissait  d'elle-même  au  son 
de  la  harpe,  quand  le  barde  rêveur,  d'abord,  et  attentif,  se- 
lon l'usage ,  aux  modulations  qni  naissaient  soi|s  ses  doigts  ou 
sous  la  main  capricieuse  de  l'accompagnateur  dont  il  étudiait 
le  ton,  prenait  enfin  son  vol,  au  second  ou  au  troisième  temps 
de  la  mesure. 

Cette  union  de  la  poésie  et  de  la  musique ,  chez  les  anciens 
Bretons,  est  ce  qui  fit  donner  à  ces  deux  arts,  un  seul  père 
par  les  bardes  ;  aussi  le  dernier  o£Bre-t-il  les  mêmes  difficultés 
d'exécution  et  les  mêmes  rafGnemelQts  de  rhythme  que  le  pre- 
mier, n  n'est  pas  jusqu'à  leurs  instruments  de  musique  qui  ne 
participassent  de  la  complication  de  leur  poésie  :  les  deux 
principaux,  la  rhote  et  la  harpe,  étaient  les  plus  ingrats  qu'on 
pût  imaginer  :  l'un ,  espèce  de  viole ,  de  forme  à  peu  près 
carrée  et  à  quatre  cordes ,  n'avait  pas  d'échancrure  pour  lais- 
ser passer  l'archet;  l'autre ,  comme  la  harpe  des  Gallois  mo- 
dernes, était  sans  pédales,  et  présentait  trois  rangs  de  cordes, 
les  deux  rangs  extérieurs  montés  à  l'unisson ,  celui  du  milieu 
otBrant  les  notes  bémolisées  et  diésées. 

C'était  sur  de  tels  instruments  de  musique ,  et  avec  une 
pareille  prosodie  que  les  bardes  composaient  leurs  chants. 

n  y  a  donc  lieu  de  s'étonner,  non  pas  des  défauts  qu'on  y 
trouve,  mais  des  beautés  qu'ils  renferment. 

<  A.  de  Musset. 


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Ixxxiv 

Si  mille  difGcuItés  rhythiiiiques  n'ont  pas  empêché  Taliésin 
de  produire  des  œuvres  d'un  mérite  réel ,  où  le  travail  s'allie 
à  la  simplicité  y  à  la  précision,  à  la  netteté  du  style,  où  une 
certaine  saveur  vous  excite ,  où  je  ne  sais  quoi  d'original , 
d'inattendu,  de  saisissant  vous  enlève,  où  l'inspiration  fou- 
gueuse ne  détruit  point  l'ordre  naturel;  quels  poèmes  eût- 
il  composés,  débarrassé  de  ces  liens  qu'il  a  le  bon  esprit  de 
briser  plus  souvent  que  les  autres  bardes? 

Si  Liwarc'h-Henn ,  à  force  de  malheurs ,  s'élève  à  une  gran- 
deur presque  gigantesque;  s'il  a  des  pensées  profondes,  des 
sentiments  délicatement  rendus  ;  s'il  n'est  pas  plus  diffus ,  plus 
prolixe  et  plus  bavard,  pour  me  servir  de  son  expression,  c'est 
qu'il  a  lui-même  été  moins  préoccupé  des  mots ,  enfants  de  la 
terre ,  que  des  idées,  filles  du  ciel. 

Aneurin ,  au  contraire ,  qui  a  été  plus  curieux  de  forme  et 
d'art  qu'aucun  de  ses  contemporains,  qui  a  le  style  tourmenté, 
obscur,  entortillé,  rempli  de  phrases  incidentes,  de  paren- 
thèses ,  d'inversions  laborieuses ,  de  lieux  communs ,  d'inuti- 
lités', de  désespérantes  longueurs,  et  absolument  tel  que  ce- 
lui de  son  frère  Gildas;  Aneurin  dont  les  vers  passaient  pour 
être  les  plus  travaillés  de  toute  l'ancienne  poésie  bretonne, 
dont  le  poème  de  Gododin  était  estimé ,  par  la  loi ,  au  prix 
d'un  blanc  la  strophe ,  et  dont  les  incantations  valaient  autant , 
dit^on ,  que  les  trois  cent  soixante-trois  stances  primitives  du 
poème  entier;  Aneurin  qui  a  plus  de  talent  peut-être,  qui 
montre  plus  de  finesse  d'esprit  que  Liwarc'h-Henn ,  autant 
d'art,  pour  éveiller  et  soutenir  l'attention,  queTaliésm,  ne 
les  égale  cependant  pas,  l'un  et  l'autre,  en  génie,  quoiqu'il 
ait  fréquemment  des  traits  d'un  style  sombre  et  grand ,  et 
qu'il  soit,  par  moment ,  sublime  d'emportement  guerrier. 
Pourquoi  cela?  je  l'ai  dit,  c'est  un  poète  de  métier. 

Enfin ,  est-il  besoin  de  faire  observer  que  non  seulement  la 
poésie  bretonne  présentait  des  difficultés  rhytbmiques  très- 
embarrassantes  ,  mais  encore  que  ces  difficultés  devaient  être 
enlevées,  conuneau  vol, par  l'improvisation? 


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Ixxxy 

De  là  y  toupies  défauts  qu'elle  oflire,  mais  aussi  toutes  les 
raisons  qu'ont  les  bardes  d*étre  excusés.  S'il  leur  en  fallait 
une  dernière,  ils  la  trouveraient  dans  le  cœur  de  l'homme  qui 
sent  le  prix  du  travail;  le  prix  du  dévouement  à  Fart,  au  beau, 
à  l'idéal  ;  le  prix  de  la  lutte  opiniâtre ,  acharnée  contre  ce  qui 
s'oppose  à  la  conquête  du  mieux  rêvé;  mais  surtout  dans  le 
cœur  de  celui  qui  aime  son  pays  y  et  qui  sait  apprécier  des 
chants  qui  gagnent  des  batailles ,  ou  consolent  dans  les  revers, 
comme  la  voix  de  l'espérance. 
Vffl. 

L'espérance!  on  ne  saurait  trop  le  répéter ,  les  anciens  Bre- 
tons ne  la  perdirent  jamais;  jamais  l'ange  de  la  patrie  ne  re- 
ploya la  bannière  de  neige  développée  par  les  bardes  à  l'aube 
de  la  liberté  reconquise  ;  parfois  même  descendant  du  ciel ,  il 
vint  soutenir  leur  courage. 

Un  jour,  les  Saxons  avaient  envahi  le  pays  de  Glamorgan , 
dont  le  roi,  nommé  Teudirik,  s'était  retiré  dans  la  solitude, 
laissant  la  couronne  à  son  fils,  qui  était  menacé  d'être  dé- 
pouillé par  l'ennemi.  Et  le  vieux  roi  disait  :  c  Je  n'ai  jamais 
été  vaincu  par  l'étranger;  en  voyant  ma  face  dans  la  bataille, 
U  s'enfuyait.  » 

Or ,  l'ange  du  Seigneur  lui  apparut  en  songe  et  lui  parla 
ainsi:  c  Quitte  le  cloître  demain  matin,  et  va  défendre  le 
peuple  de  Dieu  contre  les  ennemis  du  Christ  :  que  revêtu  de 
ton  armure ,  tu  te  tiennes  debout  au  milieu  du  champ  de  ba- 
taille, et,  à  la  vue  de  ton  visage,  l'étranger  qui  le  connaît 
bien ,  prendra  fa  fuite  comme  toujours;  et  pendant  trente  an- 
nées,  il  n'osera  mettre  le  pied  dans  la  patrie;  mais  toi,  tu 
mourras!» 

Obéissante  la  voix  de  l'ange,  comme  un  soldat  sublime  à 
l'ordre  de  son  général ,  le  vieux  roi ,  joyeux  de  mourir  pour 
sauver  son  pays ,  monta,  dès  l'aurore,  à  cheval  ;  il  se  mit  à  la 
tête  de  l'armée  bretonne  qui  s'avançait ,  et  arrivé  sur  le  champ 
de  bataille,  il  s'y  tint  debout,  tout  armé  :  or,  ce  qui  avait 
été  prédit  par  l'ange  des  Bretons  eut  lieu  ;  la  vue  du  visage 


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Ixxxvj 

du  roi  mit  les  étrangers  en  fuite  ;  mais  lui  y  atteint,  d'un  coup 
de  javelot ,  il  tomba  mort.  ' 

Ce  fut  au  prix  du  même  héroïsme  que  tant  de  chefs  in- 
digènes sauvèrent  leur  pays  :  aussi  la  reconnaissance  de  leurs 
concitoyens,  dont  ils  sauvegardèrent  la  religion  avec  la  liberté, 
les  mit,  comme  Urien,  comme  Ghérent,  Teudirik  et  bien 
d'autres,  au  nombre  des  saints  nationaux. 

Le  patriotisme  des  Bretons,  qui  colorait  d'une  teinte  pro- 
phétique Texpression  de  leurs  vœux,  put  croire  un  moment 
à  la  réalisation  de  ces  vœux  tant  de  fois  trompés. 

Lorsque  la  bataille  d'Hathfeld,  en  633 ,  donnait  la  victoire 
aux  indigènes  commandés  parKadwalIon;  que  le  sang  d'Edwin, 
de  ses  deux  fils  et  de  toute  la  famille  du  chef  northumbrien 
lavait  la  tache  de  la  couronne  de  Bretagne  ;  que  Tannée  du 
roi  de  Gwéned ,  passant  triomphante  du  nord  au  midi ,  re- 
couvrait une  à  une  les  portions  du  territoire  envahi  par 
l'étranger,  et  qu'un  barde,  imitateur  deLiwarc'h-Henn,  cé^ 
lébrait  avec  enthousiasme  les  quatorze  grandes  batailles,  les 
soixante  escarmouches ,  les  campemements  divers  du  chef 
suprême  des  Bretons  sur  le  territoire  de  Kent,  au  bord  du 
Don ,  de  la  Wye ,  du  Taf ,  du  Teivi ,  de  la  Saveme ,  à  l'orient, 
au  nord ,  au  midi,  au  couchant  ;  alors,  une  seule  voix  for- 
mée de  cent  mille  voix  indigènes ,  écho  d'un  seul  cœur , 
répétait  avec  le  poète  du  nionarque  victorieux  : 

€  Avant  que  Kadwallon  vint  au  monde ,  son  Créateur  avait 
comblénos  vœux!  s  1 

Ce  ne  fut  toutefois  qu'un  éclair,  et  le  flambeau  de  la  liberté 
ne  s'y  raHuma  que  pour  pftlir  bientôt,  en  projetant  une  lueur 
sombre  sur  la  tombe  de  la  monarchie  bretonne. 

Mais  un  peupk  ne  meurt  jamaiê,  et  les  grands  souvenirs  du 
passé ,  perpétuellement  ravivés  par  la  tradition  bardique,  sur 
l'ordre  du  législateur  qui  imposait  eq)ressément  aux  bardes 

I  Liber  LaodaveDsis.  Ed.  de  M.  Rees,  p.  155. 

1  Cbaol  de  mort  de  Kadwallon.  Myvyr,  areh.,  t.  f ,  p.  121. 


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Ixxxvij 

la  conaaismiee  des  «ndenspoàÉMs  prophéfiques^^se  joigni- 
rent à  rinTinciUe  espérance  pour  inspirer  de  grandes  vertus 
aux  fils  des  vieux  Bretons. 

Dans  leur  combat  de  quinze  siècles,  ils  pensèrent  totyours 
à  leurs  pères  et  à  leurs  enfants,  et,  le  cembattfini,  ib  y 
pensèrent  encore  :  ils  marchaient  le  front  haut  parmi  les  au-^ 
1res  nations  ;  €  la  nature,  dit  un  vieil  auteur,  leur  avait  donné 
à  tous  et  même  aux  plus  petits  d'entre  eux,  un  langage  hardi 
et  une  r^tîque  assurée  en  présence  des  graads  et  des  princes 
du  monde.  ^  Les  bardes ,  en  vrais  descendants  des  Taliésin 
et  des  Gildas ,  donnaient  l'exemple  de  ce  langage  fier  et  digne, 
et  après  les  proscriptions  dont  la  tyrannie  les  frappa ,  comme 
des  fauteurs  de  rébellion,  après  la  diûte  de  h  patrie  caoH 
hrienne ,  plus  d'un  fut  encore  ^  victîme  de  son  amour  pour  la 
justice,  pour  le  vrai ,  pour  la  liberté  de  oonsdence. 

Dans  le  temps  op.  le  fiuatisme  rdigieux  et  l'intolérance 
i'flenri  Yin  faisaient,  parmi  les  infortunés  catholiques  de  la 
Grande-Bretagne,  autant  de  victimes  qu'il  y  avait  de  sujets  û" 
dèles  auDieu de  leurs  pères , un  vieillard  aveugle, une  harpe 
à  la  main ,  parut  à  la  porte  du  diâteau  de  AVindsor ,  et  se 
mit  à  chanter  en  s'accompagnent  de  la  harpe.  Le  roi  demanda 
quel  était  cet  homme ,  et  apprenant  qu'il  était  barde  et  qu'il 
venait  de  quelque  endroit  du  côté  de  la  Weleherie^  il  se  fit  tnh- 
duire  les  diants  de  l'aveugle»  C'étaient  ces  versde  Taliésin-: 

\  .€  Je  veux  apprendre  à  votre  roi  ce  qui  doit  lui  arriver  : 
un  (être  étrange  vient  de  la  mer;  il  va  punir  l'miquité  de 
Maelgoun,  roi  de  Gwéned,  dont  le  visage,  les  cheveux,  les 
dents  et  les  yeux  deviendiNmt  jaunes  comme  de  l'or;  il  n 
donner  la  mort  à  Madgoun,  rm  deiGwénedli 

Oes  vers  vengeurs ,  on  se  le  rappelle ,  avaient'  brisé  les  tes 
d'Elan;  loin  de  ron^e  les  chaînes  des  coreligionnaires  du 
barde,  ils  lui  en  donnèrent  à  lui-même  :  entraîné  violem- 
ment ,  sur  l'heure ,  et  garrotté  comme  un  crmùnel  de  lèfe- 
majesté,  par  ordre  du  roi  fiirienx,  il  fut  tiré  à  quatre  dievaux. 
'  Ed.  de  U.  AaeiiriD  Owea,  t.  2,  p.  598. 


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Ixxxviq 

Ainsi  périt  le  dernier  barde;  son  nom  est  resté  inconnu  ; 
mais  sa  mémoire  sera  l'étemel  honneur  de  sa  race  et  de 
rhomme,  et  il  méritait  une  place  dans  l'étude  que  je  finis. 

c  La  muse  aime  à  rappeler  le  souvenir  des  grands  com- 
bats ,  »  dit  Pindare  ;  le  genre  dé  poésie  des  bardes  rappelle 
naturellement  aussi  le  nom  de  ce  grand  poète  lyrique.  Ce 
n'est  pas  qu'il  y  ait  grand  rapport  entre  le  ciel  gris  de  la 
Bretagne  et  le  beau  ciel  d'Elide  et  d'Olympie,  entre  le  bou- 
leau de  la  Clyde  et  le  lauri^  d'Alphée ,  entre  les  morts  et 
les  vaincus  y  le  plus  souvent  chantés  par  les  bardes ,  et  les  vi- 
vants couronnés ,  sujets  des  chants  du  poète  grec ,  ces  athlètes 
devant  lesquels  tombaient,  pour  leur  livrer  passage,  les  murs 
de  leur  ville  natale;  entre  les  cérémonies  funèbres  où  les  uns 
se  faisaient  entendre ,  et  les  banquets  olympiques  où  Pindare 
enivrait  la  muse  dans  la  coupe  de  Vallégrme;  entre  les  larmes 
des  vieux  bardes ,  et  les  chants  du  poète  grec  en  Fhonneur 
d'unAghésias  vainqueur  à  la  course  des  chars,  ces  chants 
qu'accompagnaient  les  pas  légers  du  chœur  guidé  par  le 
scytale  harmonieux  du  chorège;  mais  dussé-je  irriter  l'ombre 
superbe  du  poète  qui  se  comparait  à  l'aigle  fondant  sur  sa 
proie ,  et  traitait  de  geais  ses  rivaux  ;  qui  voyait  la  gloire 
de  ses  chants  s'accroître  de  siècle  en  siècle ,  et  les  fleurs  qu'ils 
répandaient  devenir  immortelles  comme  eux  ;  je  dirai  qu'il  y 
a  quelque  ressemblance  entre  son  génie  et  celui  des  bardes. 
Quoique  pense  M.  Boekh  de  son  prétendu  calme,  autrement 
jugé  par  Horace,  qui  devait  un  peu  s'y  connaître;  cette  im- 
pétuosité, ces  mesures,  ces  pensées  et  jusqu'à  ces  mots  fré- 
quemment rompus;  ces  tableaux  à  demi  esquissés ,  ces  pas- 
sages brusques  et  sans  transition  apparente;  ce  vers  ner- 
veux, vif  et  hardi;  ces  stophes  rapides ,  pressées ,  véhé- 
mentes; ce  style  qui  roule  avec  l'idée  et  se  teint  de  sa  cou- 
leur; ces  images  soudaines  comme  l'édair ,  et ,  comme  lui , 
éblouissantes  ;  cette  phrase  enfin ,  à  la  fois  si  lyrique  et  si  fi- 
nement travaillée,  tout  cela  n'est-il  pas  le  caractère  des 


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poèmes  de  Taliésin  ?  Il  n'est  pas  jusqu'aux  sentences  pressées» 
comme  dit  Montaigne,  aux  pieds  nombreux  de  la  mesure, 
dont  Pindare  sème  ses  ouvrages,  qui  ne  lui  donnent  avec  les 
vieux  bardes  une  analogie  sérieuse. 

Le  malheur  de  ceux-ci  est  d'être  nés  barbares,  de  n'avoir 
pas  connu  la  science  véritable ,  c'est-à-dire  guidée  par  le 
goût,  qui  nourrit  et  cultive  la  fleur  de  la  vie,  selon  Tex- 
pression  du  gran^  poète  grec. 

A  défout  d'elle,  ils  ont  un  genre  d'intérêt  qui  lui  manque 
et  que  nous  avons  essayé  de  foire  sentir  dans  ce  discours  :  ils 
ont  un  charme  qui  ne  tient  ni  au  temps  ni  aux  lieux ,  et  qui  a 
ses  racines  au  fond  même  du  coeur  de  l'homme  ;  je  ne  sais  si 
je  dois  l'avouer ,  mais  Pindare  me  paraît  froid  avec  ses  fonda- 
teurs de  villes ,  ses  dieux  et  ses  héros ,  ses  mules  et  ses  che- 
vaux vainqueurs  dans  la  lice ,  quand  j'entends  gémir  Aneurin 
sur  les  désastres  de  son  pays  ;  quand  Liwarc'h-Henn  aux  che- 
veux blancs  m'émeut  par  le  récit  de  sa  vieillesse  et  de  ses  mal- 
heurs; quand  l'enthousiasme  national  dicte  à  Taliésin  ses 
chants  patriotiques  en  l'honneur  des  héros  bretons  qui  sa- 
vent vaincre  et  punir  l'étranger  :  homo  mm,  humant  nihil  a  me 
alienum  jmto!  Toute  terre  que  les  hommes,  nos  frères,  ont  trem- 
pée de  leur  sang,  de  leurs  sueurs  et  de  leurs  larmes,  est  sa- 
crée pour  nous  :  on  s'agenouille  aux  Thermopyles ,  et  devant 
la  stade  banale  où  les  Amphictions  couronnaient  les  vain- 
queurs à  la  course  des  chars ,  on  passe. 

A  l'intérêt  de  sentiment  qui  s'attache  aux  poèmes  des 
bardes ,  il  faut  joindre  Tintérêt  historique.  Si  l'on  retrouvait 
aujourd'hui  le  récit  des  guerres  puniques  écrit  par  Annibal , 
de  quelle  importance  il  serait  pour  la  vérité  !  On  pourrait  con- 
fronter les  relations  des  écrivains  romains  avec  celle  du  héros 
cSurthaginois,  et  rétablir  des  faits  dénaturés  peut-être.La  décou- 
verte des  poèmes  des  bardes,  qu'un  éloquent  professeur  de  la 
Sorbonne,  M.  Ozanam,  a  appelée,  avec  M.  Fauriel,  une  des 
plus  belles  conquêtes  de  la  critique  contemporaine,  et  que 
l'illustre  H.  Jacob  Grinun  juge  les  plus  anciens  qui  existent 


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xc 

dans  aucune  langue  moderne ,  otite  une  importance  de  même 
nature.  Nous  n'avions  guère  jusquici,  pour  édairer  l'histoire 
de  lintasion  des  Germains  dans  la  Grande-Bretagne,  qu'uùe 
chronique  écrite  par  eux-mêmes  ;  nous  pouvons  désormais 
opposer  à  leur  récit  celui  de  leurs  adversaires  :  Aneuriri  et 
Liwarc'h-Henn ,  ces  diefs  au  collier  d'or  et  au  front  cou- 
ronné d'ambre ,  ont  tracé  le  tableau  de  leur  résistance  à  l'en- 
nemi de  la  même  main  qui  le  combattit.  Le  lion  ne  pourra 
plus  dire  :  c  Ah  I  si  mes  confrères  savaient  peindre  1..  >  Il  a 
pria  lui-même  les  pinceaux. 

Enfin,  les  poèmes  des  bardes  offrent  un  certam  intérêt  lit- 
téraire et  philosophique  ;  ils  comblent  une  lacune  notable 
dans  la  littérature  européenne;  ils  jettent,  pour  ainsi  dire,  un 
pont  sur  un  abtme  de  plusieurs  siècles;  ils  relient  la  barba- 
rie féconde  à  la  civilisation  sa  fille  ;  le  moyen-âge  à  l'antiquité 
celtique.  Tout  n'est  ni  latin  ni  germain  dans  notre  civilisation; 
les  historiens  de  nos  jours  commencent  à  le  reconnaître;  elle 
ne  sort  tout  entière  ni  de  la  décadence  romaine  ni  des  in- 
vasions germaniques  :  les  Romains  une  fois  partis ,  et  les 
Germains  à  peine  arrivés ,  le  champ  restait  libre;  c'est  dans 
ce  champ  que  semèrent  les  bardes  dont  les  ouvrages  nous 
sont  parvenus. 

On  rapporte  que  les  solitaires  qui  défrichèrent  les  forêts  et 
les  bruyères  de  l'Armorique  se  trouvèrent  fort  embarrassés, 
après  les  premiers  travaux ,  n'ayant  pas  de  blé  à  semer.  Or , 
comme  ils  étaient  ainsi  dans  l'embarras ,  un  petit  oiseau  vint 
volant ,  qui  se  posa  près  d'eux  sur  un  buisson ,  tenant  un  grain 
de  froment  dans  son  bec.  Tout  joyeux  de  cet  heureux  présage., 
les  solitaires  suivirent  l'oiseau ,  et  il  les  mena  dans  une  clai- 
rière de  la  forêt ,  où  ils  trouvèrent  des  épis ,  reste  d'une  riche 
culture  depuis  longtemps  abandonnée. 

Je  voudrais ,  comme  cet  oiseau ,  avoir  frayé,  parmi  les  hal- 
liers  de  Bretagne ,  la  route  aux  explorateurs,  vers  le  champ 
cultivé  autrefois  par  les  bardes. 


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POÉSIES  DE  LIWARC'H-HENN. 


WIHMlrtlF  PAKTIE. 


POÈMES  HISTORIQUES- 


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CHANT  DE  MORT 
DE  GtiÉRENT,  ÏÏLS  D'ERBIN, 

PRINCE  DB  CORNOUAILLB.  . 


(501.) 
ARGUMENT. 

U  y  a^ail  sur  la  côte,  à  la  pointe  de  la  Cornouaille,  ua  en* 
droit  favorable  aux  descentes  des  Saxons  :  C'est  là  qu'abor- 
dèrent ,  en  501 ,  deux  vaisseaux  germains  chargés  d'ennemis , 
sous  la  conduite  d'un  chef  appelé  Port,  en  mémoire  duquel 
les  étrangers  nommèrent  ce  lieu  Portes-Muthe  ou  le  Havre  de 
Port. 

D'après  un  chroniqueur  saxon ,  seul  flambeau  que  Thistoire 
ait  admis  jusqu'ici  pour  se  guider  dans  les  temps  obscurs  de 
l'invasion  germanique,  les  indigènes  accourus  pour  repousser 
leurs  ennemis  auraient  vainement  cherché  à  leur  disputer  le 
rivage ,  et  même  ils  auraient  fait  une  perte  fort  importante 
dans  la  personne  d'un  de  leurs  chefs ,  jeune  Breton  de  trè^-no- 
hle  race  ^ . 

fl  Addo  501 .  Hoc  anno  Porta  (Port)  alqueduo  filîi  soi,  Bleda  et 
Naegli,  in  BritaDDÎam  appaleruat  cum  duobus  navibus,  ia  eo  loco 
qui  appellatar  Portes-Mulke ,  ac  statim  Httas  occopabant  et  ibf  ia- 
terfecenint  adolescentem  quemdam  Britonem  vimm  praeDobilem. 
(Cbroivîque  Saxonne,  édit.  de€ibson,  p.  17.) 

i 


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Ce  noble  Breton  ,  dont  la  chronique  saxonne  n'a  point  pris 
la  peine  de  nous  conserver  le  nom  ,  était ,  je  pense ,  le  jeune 
prince  comouaillais  Obèrent ,  ftls  d'Erbin ,  mort  en  défendant 
son  pays  :  la  dénomination  du  lieu  où  son  panégyriste  y  le 
barde  Liwarc'h-Henn ,  le  Catit  combattre  et  succomber ,  con- 
iirme  mon  opinion.  Je  retrouve  dans  Longbortb,  qui  est  le  nom 
de  ce  lieu ,  ou  plutôt  Longport  (comme  on  Ta  primitivement 
•écrit),  la  traduction  exacte  de  Portes-Muthe  :  tous  les  dia- 
lectes celtiques ,  le  breton-gallois ,  le  breton-armoricain ,  le 
gaêl-irlandais ,  le  gaêl-écossais  s'accordent  en  effet  pour  don- 
ner au  mot  long  la  même  signification  qu'au  mot  anglo-saxon 
nwthe  ou  meulk  '  ;  et  quant  au  nom  du  chef  germain  Port , 
il  est  bien  fadle  à  reconnaître  :  si  sa  lettre  initiale  a  subi , 
dans  les  moins  anciens  manuscrits ,  une  légère  altération , 
4^'est  uniquement  en  vertu  des  lois  de  Teuphonie. 

En  identifiant  Portsmouth  et  Longport ,  je  suis  d'accord 
avec  rahistre  historien  des  Anglo-Saxons ,  M.  Sharon  Tur- 
ner  t  seulement  on  pourrait  douter  de  cette  identité  à  voir  la 
ra^n  qu'il  eh  donne,  sur  la  foi  de  quelques  écrivains  gallois  : 
<  Comme  Longborth ,  dit-il ,  signifie  littéralement  le  port  des 
vauseaux ,  et  était  un  havre  de  la  côte  occidentale ,  nous  pou- 
vons penser  qu'il  s'agit  du  combat  de  Portsmouth ,  lors  du 
<lébarquement  de  Porta  •.  » 

Une  connaissance  plus  approfondie  de  la  langue  celtique  , 
A  la  confrontation  des  manuscrits  originaux  auraient  sans 

<  Le  dictioDDaire  gallois  d*Owen  traduit  long  par  opening  a  pas- 
sage, qui  ouvre  un  passage  (t.  S,  p.  290);  le  dictionnaire  breton 
de  Legonidcc  par  ovoloir,  gouffre  (p.  113);  le  dictionnaire  gaêl- 
écossaîs  et  gacl-irlandais  de  VHighland  Society  d'Ecosse,  pwgula, 
gueule,  orifice  oftke  gullet,  ouverture  du  goiier;  goulet,  sinus, 
baie(t.  2,p.  116). 

t  History  of  ihc  Anglo-Saxons,  t.  1 ,  p.  284,  éd.  de  1828. 
\ 


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doute  conduit  réminent  critique  au  même  résultat  que  nous , 
par  le  même  chemin. 

A  la  bataille  de  Longport ,  s'il  faut  en  croire  Liwarc'h- 
Henn ,  les  cheCs  des  petites  souverainetés  indépendantes  du 
sud  de  rUe  de  Bretagne  auraient  été  confédérés  sous  les  or- 
dres du  fameux  Arthur ,  dont  la  renommée  fabuleuse  obscur- 
cit plus  tard  la  gloire  historique  ;  mais  l'une  ne  devait  com- 
mencer qu'à  la  mort  du  prmce  breton ,  et  l'autre ,  à  ce  qu'il 
semble ,  malgré  sa  longue  et  mémorable  résistance  à  Kerdic , 
méritait  moins  à  cette  époque  l'admiration  que  l'estime  de  ses 
contemporains,  car  Liwarc*h-Henn  donne  plus  d'éloges  aux' 
guerriers  du  général  en  chef,  et  particuliërement  à  Ghérent, 
qu'au  généralissime  lui-même.  C'est  ce  qu'on  va  voir  dans 
l'élégie  guerrière  qui  suit  :  elle  se  divise  en  deux  parties , 
l'une  consacrée  au  héros  de  la  pièce ,  l'autre  à  ses  chevaux 
de  bataille. 


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I. 

MARONÂD 
GERENT,  MAB  ERBIN. 


I. 


Pan  ganet  Gèrent,  oezagoret — pers  nev;- 
ftoze  Krisl  a  arc*het  ; 
Pred  miren  Preden,  gogoned.  l 

Molet  pob  é  niz  Gèrent , 
Ài^louiz  ;  molam  menneu  Gèrent ,  2 
Gelen  i  Sais,  kar  i  sent.  ^ 

Rag  Gèrent  9  gelen  dic'hrad, 
Gweliz  ê  roeïrc'h  kemruz  oc'h  kad  y 
Ha  9  gouede  gwaour,  garv  poelliad.  ^ 


*     Pan  anet  Gereint  oed  agoret  pyrlh  nef 
Rhodei  Grist  a  arc'het 
Prjt  mirein  Prydein  ogonet. 

(Le  Lhre  rouge  de  Herghal.) 

Le  texte  de  ce  poème,  imprimé  dans  le  Mtvtrun  ârch410logy 

OF  Wales»  ne  diflfëre  guères,  en  général ,  de  celui  des  manoscrits, 

que  par  l'orthographe.  Yoyez  celte  précieuse  collection ,  i^  partie, 

Gaiiiadad  Llywâbgb  Hen,  marwnad  Geraint  ab  Erbin,  t.  i ,  p.  101 . 


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I- 

CHANT  DE  MORT 
DE  GHERENT,  FILS  D'ERBIN. 


I. 

Quand  Ghérent  naquit  ^  les  portes  du  ciel  s'ou- 
vrirent ;  le  Christ  accorda  ce  qu^on  lui  demanda  : 
temps  heureux  y  gloire  à  la  Bretagne. 

Que  chacun  célèbre  le  rouge  Ghérent ,  le  chef 
d'armée;  je  célèbre  moi-même  Ghérent ,  l'enne- 
mi des  Saxons  9  Tami  des  Saints. 

Devant  Ghérent  ^  impitoyable  envers  Tennemi^ 
j'ai  vu  les  chevaux  [menacés]  d'un  commun  dé- 
sastre-par  la  bataille  y  et,  après  le  cri  de  guerre, 
un  rude  effort. 

*     Molet  pawb  j  md  Ereint 
Âr^wyd  molaf  innaa  Errât.  {Le  Lhre  Rxmge.) 

*  Ce  tloîsième  Ten  manque  dans  le  Livre  rouge  de  EergheU, 
mais  se  troii?e  dans  le  lÀûtemir  de  Kerversin  ei  dans  la  plupart 
.  des  antres  manoscrits. 

«     Rhag  Gereînt  glynn  dibat 
Gweleis  y  Tsirch  cymmmd  ogad 
A  gwedy  gwawr  garu  bwylliad.  (Le  Livre  rouffe,) 


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6 
Rag  Gèrent,  gelen  kezruz, 
Gweliz  ê  meïrc'h  tao  kemruz , 
Ha,  gouede  gwaour,  garv  ac'hluz.  ^ 

Rag  Gèrent,  gelen  gormes, 
Gweliz  é  meïrc'h  kan  heu  krees, 
Ha ,  gouede  gwaour,  garv  ac'hes.  2 

Enn  Longport ,  gweliz  tredar. 
Ha  geloraour  enn  gwear. 
Ha  gouir  ruz  rag  ruzr  eskar.  5 

Enn  Longport ,  gweliz  é  gwezent , 
Ha  geloraour  moui  na  ment, 
Ha  gouir  ruz ,  rag  ruzr  Gèrent.  ^ 

Enn  Longport ,  gweliz  gwaedfreu , 
Ha  geloraour  rag  armeu , 
Ha  gouir  ruz  rag  ruzr  Ankeu.  ^ 

Enn  Longport ,  gweliz  é  gotoeu 

t     Rhag  Gereint  gelyn  cythrud 

GwdeU  y  veîrch  tan  gymmrud 

  gwedy  gwawr  gtrw  acUod.    (Le  Livre  rouge.) 
s  CeUe  siropbe  manque  dant  le  Limre  rouge. 

s     Yn  Llongborlb  gweleis  drydar 

Ac  elorawr  yn  ngwiar 

A  gwyr  rhud  rbag  rhulhr  esgar .  (  Ibid.  ) 

*     Yn  Uongborlh  gweleis  y  wyllieinl 

Ac  elorawr  mwy  no  meinl 


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7 
Devant  Ghéreot,  effroi  de  renuemi^  j'ai  vu  les 
chevaux    sous    [le    coup   d^un]    commun   dé- 
sastre,  et  9  après  le  cri  de  guerre ,  une  furieuse 
résistance. 

Devant  Ghérent,  fléau  de  Tennemi  ^  j^ai  vu  les 
chevaux  blancs  d'écume^  et,  après  le  cri  de 
guerre,  un  furieux  torrent  [de  guerriers]. 

A  Longport ,  j'ai  vu  du  tumulte ,  et  des  ca- 
davres ^  [nageant]  dans  le  sang,  et  des  hommes 
rouges  [de  sang]  devant  Tassant  ennemi. 

A  Longport,  j'ai  vu  le  carnage,  et  des  ca- 
davres en  grand  nombre ,  '^  et  des  hommes  rouges 
[de  sang]  devant  Tassant  de  Ghérent. 

A  Longport ,  j'ai  vu  le  sang  couler,  et  des  ca- 
davres devant  les  armes ,  et  des  honmies  rouges 
[de  sang]  devant  l'assaut  de  la  Mort. 

A  Longport,  j'ai  vu  les  éperons  d'hommes  qui 

A  gwyr  rhud  rhag  rhathr  Gereint. 

(Msi.  de  HerghesL) 
'^     Td  LloDgborth  gweleis  waed  frau 
Ac  elorawr  rhag  arnau 
A  gwyr  rud  rhag  rhatbr  angao.         (Ibid,) 
*  A  la  lettre  :  des  eereueUs ,  des  bières  ou  UeHqum^ei  plus  par- 
ticulièrement cette  espèce  de  brancards  sur  lesquels  on  porte  les 
morts  en  terre. 

'  Littéralement  :  plus  que  beaucoup,  , 


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8 
Gouir  ne  kilient  rag  oun  gwaeu  y 
Hag  evet  gwin  oc'h  gwezr  gloeu.  i 

Enn  Longport,  gweliz  é  mogedorz, 
Ha  gouir  eon  gozef  amborz 
Ha  gorvod  gouede  gorborz.  j 

Enn  Longport ,  gweliz  ê  armeu 
Gouir,  ha  gwear  enn  tineu. 
Ha  9  gouede  gwaour,  garv  adneu.  ^ 

Enn  Longport  y  gweliz  kemminad, 
Gouir  enn  kren,  ha  gwaed  ar  iad , 
Rag  Gèrent ,  maour  niab  he  tad.  ^ 

Enn  Longport  y  gweliz  trabluz; 
Ar  mein  braîn  ar  goluz  ; 
Hag  y  ar  gran  Kenrann,  man  ruz.  ^ 

Enn  Longport ,  gweliz  é  briz-red 


>     Yn  LIoDgborth  gweleis  y  oUew 
Gwyr  ni  gyllint  rbago?D  gwaew 
Âc  yvet  gwio  o  wydr  gloew,  (Ibid,) 

*     Yn  Llongbortb  gweleis  y  vigedorth 
A  gwyr  yo  godde  ambortb 
Ha  gorvod  g wedy  gorbor ih .  (  Ibid .  ) 

*  Celle  slrophe  manque  dans  le  Livre  rouge  de  Hergheit, 


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9 
ne  reculaient  point  devant  la  peur  des  lances ,  et 
qui  avaient  bu  du  vin  dans  des  verres  brillants. 

A  Longport,  j'ai  vu  [s'élever]  une  épaisse  va- 
peur^  et  des  hommes  endurant  des  privations  et 
le  manque  après  l'abondance. 

A  Longporty  j'ai  vu  [briller]  les  armes  des 
guerriers^  et  [couler]  le  sang  dans  les  vallées, 
et  9  après  le  cri  de  guerre ,  une  terrible  confla- 
gration. 

A  Longport^  j'ai  vu  l'engagement,  des  hom- 
mes en  émoi  et  du  sang  sur  la  joue  j  devant  Ghé- 
rent ,  l'illustre  fils  de  son  père. 

A  Longport,  j'ai  vu  du  tumulte;  sur  les  ro- 
chers les  corbeaux  faisant  festin;  et,  sur  le 
sourcil  du  général  en  chef,  une  tache  rouge. 

A   Longport,    j'ai   vu    une    presse    roulante 


4     Yn  Llongborth  grveleis  gyinynat 

Porlhit  gnif  bob  cyniuiat 

Rhag  Gereint  mawr  mab  ei  dad. 

(Mst.  de  Hergketi,) 
»     Yn  LIoDgborlh  gweleis  drablad 

Er  vein  breÎD  ar  golud 

Ac  ar  gran  Cynrao  man  rhud.  (ibid.) 


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10 
Gouir  eun  ked ,  ha  gwaed  ar  traed  : 
«  A  bo  gouir  Gèrent  bretiet  »  !  i 

Enn  Longporty  gweliz  brouedrin 
Gouir  enn  ked,  ha  gwaed  het  deu  giin, 
Rag  ruzr  maour  mab  Erbin.  ^ 

Enn  Longport  ë  laz  Gèrent  y 
Gour  deour  ôc'h  koet-tir  Deuvnent , 
Houint-hoqei  enn  laz,  keda  he  lazent.  ^ 

Enn  Longport  laz  i  Âxzur 
Gouir  deour  kenunenent  oc'h  dur  ; 
Amperoder,  leviader  lavur.  * 

II. 

Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gèrent , 
Gar  hirion^  greun  heiz, 
Ruzr  gozaez  ar  difez  menez.  ^ 

*  Yd  LIougborUi  gweleis  y  vrithred 
Gwyr  yggryt  a  gw»et  am  draet 

A  TO  gwyr  i  Ereint  brysiet. 

(Mn,deHergh€sL) 

*  Yn  Llongbortb  gweleis  y  vnvydrio 
Gwyr  yggryd  a  gwaet  byd  deulin 

Rbag  rbathr  mawr  mab  Erbin.  (ibid.) 

^     Yn  Uongborth  y  lias  Gereint 
Gwr  dewr  o  godir  Dyuneint 
Wyntwy  yn  lad  gyd  asledeint.         ,    (Ibid.) 

*  Yn  Llongbortb  Uas  i  Arthur 


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d'hommes  réunis /et  du  sang  aux  pieds  :  «  Que 
ceux  qui  sont  les  guerriers  de  Ghérent  se  pressent!  » 

k  Longport,  j*ai  vu  un  conflit  tumultueux 
d'hommes  réunis ,  du  sang  jusqu'aux  deux  ge- 
noux  y  devant  l'assaut  du  grand  fils  d'Erbin. 

k  Longport  a  été  tué  Ghérent,  le  vaillant 
guerrier  du  pays  boisé  de  la  Domnonée,  ^  les 
tuant  j  ceux-là  qui  le  tuèrent. 

k  Longport  furent  tu^  à  Arthur  de  vaillants 
soldats  qui  tranchaient  avec  l'acier;  [à  Arthur] 
le  généralissime,  le  conducteur  des  travaux  [de 
la  guerre]. 

II. 

ils  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse  de 
Ghérent,  hauts  sur  jambes  [nourris  de]  grain 
d'orge,  impétueux  [comme  le]  feu  de  broussailles 
sur  la  montagne  déserte.  ^ 

Gwyr  dewr  kymmyDjnt  o  dur, 
Âmberawdyr  UyvUwdyr  llavar.  (  Ibid.  ) 

s     Oed  re  redeîot 
Dan  vodwyd  Gereint 
Gar  hirion  grawo  hyd 

Rhathr  godeith  ar  dbifeith  tynyd.  {ibid.) 

*  Le  Devonsbire  actuel. 

'  Les  lois  galloises  du  X*  siècle  donnent  le  nom  de  goddaelh  à 
Topération  qui  consisuit  k  briler,  sur  les  collines,  le  chaume,  la 
bruyère  et  la  lande,  au  mois  de  mars  de  chaque  année,  pour  fé- 
conder le  sol  et  améliorer  les  pâturages. 


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i2 
Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gèrent , 
Gar  hirion  ,  greun  goteu , 
Ruzion  y  ruzr  ereron  gleu.  l 

Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gèrent , 
Gar  hirion ,  greun  mehen  ,  2 
Ruzion,  ruzr  ereron  gwenn.  ^ 

Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gèrent, 
Gar  hirion ,  greun  moloc'h , 
Ruzion,  ruzr  ereron  koc'h. 

Oez  re  redent  , 
Tan  morzoued  Gèrent, 
Gar  htrion  ;  greun  heu  boued  ;  a 
Ruzion,  ruzr  ereron iloued.  5 

Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gèrent, 
Gar  hirion,  greun  azdas,  6 
Ruzion,  ruzr  ereron  glas. 

I     Oed  re  redeînt 

Dao  ▼ordwyd  Gereint 

Gar  birioo  grawn  odew 

RhadioD  rhuihr  eryron  glew.    (Le  Livre  rouge.  ) 
f     Garhirion  graun  wehyn.  (Ibid.) 


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<5 
Ils  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse 
de  Ghérent,  hauts  sur  jambes  [nourris  de]  gros 
grain 9  rouges ,   impétueux  [comme  les]  aigles 
forts. 

Ils  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse  de 
Ghérent,  hauts  sur  jambes  [nourris  de]  grain 
gras,  rouges,  impétueux  [comme  les]  aigles  blancs. 

Ils  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse 
de  Ghérent ,  hauts  sur  jambes  [nourris  de]  grain 
vanné,  rouges,  impétueux  [comme  les]  aigles 
rouges. 

Ils  étaient  légers  les  coursier^  sous  la  cuisse 
de  Ghérent,  hauts  sur  jambes;  du  grain  [était] 
leur  nourriture;  [ils  étaient]  rouges,  impétueux 
[comme  les]  aigles  gris. 

Ils  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse 
de  Ghérent ,  hauts  sur  jambes  [  nourris  d'  ]  ex- 
cellent grain,  rouges,  impétueux  [comme  les] 
aigles  bleus. 

s  Â  partir  de  ce  vers  les  strophes  suivent  an  antre  ordre  dans  le 
IÀ9T9  nmge  de  Herghêit, 

«Grawnenbwyd.  {Ibid.) 

«Erjronllwyd.  (Ibid.) 

•Grawnadbas.  (IMtf.) 


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14 
Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gèrent  y 
Gar  hirion  y  greun  magu,  i 
Ruzion,  ruzr  ereron  du. 

Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gèrent , 
Gar  hirion,  greun  gwiniz,  2 
Ruzion,  ruzr  ereron  briz. 

Oez  re  redent 
Tan  morzoued  Gcorent, 
Gar  hirion ,  greun  heu  c'hoant, 
Blaour;  blaen  heu  reun  enn  ariant. 

iGraanvagtt.  (f^-) 

*  Garbirion  grtwn  gwenid .  (  Ibid^J 

s  Graiin  au  chwant.  {fbid.,  et  dans  un  autre  manuscrit.) 


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15 
Ils  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse  c}^ 
Ghérent ,  hauts  sur  jambes ,   nourris  de  grain , 
rouges,  impétueux  [comme  les]  aigles  noirs. 

Us  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse  de 
Ghérent,  hauts  sur  jambes ,  [nourris  de]  grain 
de  froment,  rouges,  impétueux  [comme  les]  ai- 
gles tachetés. 

Ils  étaient  légers  les  coursiers  sous  la  cuisse  de 
Ghérent,  hauts  sur  jambes,  [nourris  de]  grain 
à  souhait ,  gris  ;  [et  ils  portaient  à]  Textrémité  de 
leurs  crinières  [des  ornements]  en  argent. 

*  BUwr  blaen  eu  rhaan  un  yn  ariant. 

{Le  Livre  rouge.) 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


D*après  une  tradition  galloise ,  le  corps  de  Ghérent  aurait 
été  transporté  à  Ker-Faouet ,  maintenant  Hereford ,  où  U  au- 
rait reçu  les  honneurs  funèbres  ;  s*il  en  est  ainsi ,  il  y  a  lieu 
de  croire  que  Féloge  qu'on  vient  de  lire  fut  composé  pour 
cette  cérémonie,  et  chanté  sur  ces  mêmes  harpes  au  son  des- 
quelles les  Bretons  venaient  de  marcher  au  combat.  Peut-être 
les  i^ants  de  Ghérent  lui-même  contribuèrent-ils ,  comme 
son  ^ée ,  à  soutenir  lôor  courage,  car  il  était  barde ,  et  un 
de  ses  confrères  du  X*  siède  nous  a  conservé  de  ses  vers  : 

f  As-tu  entendu ,  dit-il ,  ce  que  chantait  Ghérent ,  fils  d'Er- 
bm  :  [Ghérent]  Thomme  juste  et  habile?  [Elle  est]  courte  la  vie 
de  l'ennemi  des  Saints  '.  » 

Au  lieu  où  furent  déposés  les  restes  du  guerrier  comouail- 
lais ,  on  bâtit  une  chapelle  qui  lui  fut  dédiée  ;  car  la  piété  re- 
connaissante de  ses  compatriotes  ne  se  borna  pas  à  honorer 
dans  sa  personne  un  héros^  elle  fit  un  saint  du  martyr  de 
l'mdépendance  bretonne  et  de  la  religion  chrétienne  menacées 
l'une  et  l'autre  par  les  Saxons.  Ceux  des  Bretons  qui  passè- 
rent en  Armorique ,  peu  d'années  après  sa  mort ,  fuyant  de- 
vant les  envahisseurs  qu'O  avait  si  vaillamment  combattus , 
ne  l'oublièrent  pas  davantage  ;  ils  mirent  sous  son  invocation 
plusieurs  églises ,  dont  l'une  existe  encore  chez  les  Bretons  de 

t     A  glevaz-te  a  gan  Gèrent 
Mab  Erbin,  kewir,  kewreol  : 
a  Ber  oedlok  desktsok  sent.  » 

(Myvyrian  arehaiotogy^  1. 1 ,  p.  172). 


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17 

l'ancien  Ckmité  nantais;  '  et  Tintérèt  poissant  attaché  à  son  nom 
par  le  sentiment  national  entretint  irivantes  au  milieu  d*eui  les 
traditions  glorieuses  dont  il  était  l'objet,  liais  insensiblement 
réloignement  de  la  ierre  natale  les  dépouiUa  de  leur  caractère 
historique  et  national  ;  elles  prirent  les  fausses  couleurs  du 
roman;  et ,  ainsi  altérées  ^  dles  se  transminent  de  bouche  en 
bouche  et  de  déde  en  siède  jusqu'aux  âges  chevaleresques , 
qui  leur  imprimèrent  un  nouveau  cachet.  De  là  vient  que  le 
Gfaérent  des  traditions  <l'Armmque  ressemble  asser  peu  à 
cehii  de  Tile  et  des  anciens  bardes.  Cependant  elles  ont  gardé 
quelques  traits  de  sa  physionomie ,  et  voici  le  portrait  qu'elles 
nous  ont  transmis  du  jeune  <^hef  bret<m ,  tel  qu'on  le  trouve 
dans  les  MMnoghian  gallois  publiés  par  lady  Charlotte 
Ouest  : 

c  C'était ,  dîsent-dies ,  un  jeune  homme  à  l'air  noble ,  aux 
cheveux  longs,  aux  jambes  nues;  il  portait  au  côté  une  épée 
à  garde  d'or;  il  était  vêtu  d'une  robe  et  d'un  manteau  de  sa- 
Ifai ,  chaussé  de  fins  souliers  de  cuir ,  et  ceint  d'une  écharpa 
de  pourpre  bleue ,  aux  deux  bouts  de  laquelle  pendaient  deux 
pommes  d'or.  U  montait  un  jeune  courtier,  d'une  haute  taille, 
qui  mardiait  d'un  pas  relevé ,  vif  et  fier.  >  ^ 

FidMe  ou  transformé,  ce  portrait  est  curieux,  et  on  le  rap- 
prodiera  avec  intérêt  du  poème  de  lâwarcli-Henn  :  il  est  re- 
marquable que  le  conteur  populaire  imite  le  barde  contem- 
porain ,  en  ne  séparant  pas,  dans  l'ébge,  le  cheval  de  son  ca- 
valier. 

Mais  les  descendants  armoricains  des  compatriotes  de  Ghé- 

*  Près  d'ÂDcenis.  Dom  Lobineaa  s'excuse  de  ne  pouvoir  retrou* 
ver  les  traces  de  ce  Saint  en  Ârmorîqoe;  il  y  a,  comme  on  le 
Toit>  de  bonnes  raisons  pour  cela.  Le  Martyrologe  romain  l'appelle 
GeruiUiui,  dit-il.  (Catal.  des  Saints  db  Bret.,  éd.  de  i  724,  p.  10.) 

*  Contes  populaires  des  anciens  Bretons,  t.  2,  p.  8. 

2 


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48 

rent  ne  se  contentèrent  pas  de  changer  son  histoire  en  ro*- 
jnan  de  chevalerie ,  ils  finirent  par  s'imaginer  qu^il  avait  ^ 
comme  leors  ancêtres ,  traversé  la  mer  ;  qu'il  avait  régné  sur 
le  continent ,  comme  beaucoup  d'autres  chefs  insulaires  y  et 
été  couronné  à  Nantes  roi  de  Bretagne-Ârmorique.  C'est  Chré- 
tien de  Troyes,  trouvère  du  XII*  siède ,  qui  nous  l'apprend. 
€  Son  père  étant  mort,  ditril ,  une  députation  d'Ânnorique 
vint  lui  annoncer  cette  nouvelle,  et  le  chercher  pour  lui  suc- 
céder, n  partit  donc ,  aprè»  avoir  pris  congé  d'Arthur ,  son 
seigneur  suzerain,  qui  lui  donna  Tinvestiliire  de  ses  nouveaux 
états, 

Et  dit  :  aller  vous  en  convimit 

D'ici  à  Nantes ,  en  Breteigrie , 

Là  porterez  roiale  enseigne , 

Couronne  en  chef  et  sceptre  au  poing.  >i 
Sauf  la  circonstance  de  l'hommage  et  de  l'investiture ,  il  n'y 
aurait  ici  rien  que  de  très  naturel  et  dans  leà  moeurs  du  temps 
où  vivait  Ghérent  :  l'aventure  que  lui  prêtent  les  traditions 
rapportées  par  le  trouvère  arriva  de  point  en  point  au  chef 
comoui^ais  Budik,  son  parent  :  il  reçut  un  jour  une  ambas- 
sade qui  venait  lui  offrir  le  trône  de  la  Comouaille  contineii- 
tale ,  resté  vacant  par  la  mort  du  roi.^ 

Cependant,  aucun  témoignage  contemporain  ne  nous  ap- 
prenant que  Ghéreirt  ait  r^é  à  k  fois  sur  les  Bretons  de  l'tle 
et  sur  ceux  du  continent,  et  les  triades  galloises  purdant  le 
même  sQence ,  nous  devons  conclure  que  la  tradition  n'a  pas 

*  Le  roman  d*Erec  et  d'Enide.  Bibliothèqae  royale  de  Paris. 
Ms8.  Cangé,  n.  73. 

t  liissis  legatis  ad  eum,  ul  sine  mora,  cain  Iota  faniUîa  sua,  et 
auxilio  Britannorum ,  ad  recîpiendum  regnam  Ârmoricae  gentis  ve- 
nîret:  defuncto  rege  illonim,  illam  volebant  recipere  natnm  de  rc- 
gali  progenie.  (Liber  Landavensîs,  p.  123,  éd.  de  Bées,  1840.) 


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19 

de  fondement.  Les  Bretons  d'Annorique  auront  été  trompés, 
à  la  longue ,  par  la  similitude  de  nom  de  Gbérent  et  de  Ghé- 
rek ,  chef  armoricain  du  même  temps  ;  mais  Terreur  où  ib 
sont  tombés  n'est  pas  indifférente  à  la  gloire  du  chef  insu- 
laire ;  die  prouve  à  quel  point  le  peuple  tenait  à  honneur  dV 
voir  été  gouverné  par  lui ,  et  montre  que  la  voix  des  bardes 
populaires  de  TÂrmorique  répondait,  à  travers  l'Océan ,  aux 
fraternelles  mélodies  de  la  harpe  galloise. 

Aiyourd'hui  que  ses  notes  arrivent  de  nouveau  à  nos  oreil- 
les ,  non  seulement  après  avoir  traversé  les  mers ,  mais  les 
siècles ,  elles  nous  paraissent  bien  étranges ,  bien  rudes ,  sur- 
tout celles  où,  diangeant  de  rhythme,  le  barde  s'est  plu  à  imi- 
ter le  bruit  strident  des  harnais  des  chevaux  de  Ghérent;  elles 
offrent  même  quelque  chose  de  puéril ,  qui  tient  sans  doute 
à  Textréme  jeunesse  de  l'auteur,  et  semble  un  écho  de  la 
poésie  populaire. 

De  plus ,  toutes  ne  sont  pas  égalem^t  &dles  à  saisir.  Sans 
répéter  ici  ce  que  nous  avons  remarqué  dMis  notre  introduc- 
tion touchant  le  laconisme  des  bardes  (caractère  général 
de  leurs  poèmes ,  qui  les  fait  ressembler  à  des  édifices  bA- 
tis  à  pierres  sèches) ,  la  désuétude  de  cerUûnes  locutions 
jette  souvent  beaucoup  d'obscurité  sur  le  sens  des  phrases. 
Qu'on  ne  s'étonne  donc  pas  si  le  docteur  Owen ,  qui  en  a 
donné  des  spécimen  avec  une  traduction  anglaise ,  diffère  si 
souvent  des  traducteurs  ses  compatriotes ,  et,  chose  plus  ex- 
traordmaire  encore ,  de  lui-même;  et  s'il  traduit,  dans  deux 
ouvrages ,  les  mêmes  morceaux  de  trots  manières  :  à  plus 
forte  raison  ne  devra-t-on  pas  être  surpris  de  me  voir  en  dés- 
accord avec  lui  sur  plusieurs  points  dans  le  morceau  qu'on 
vient  de  lire;  non  certes,  que  j'aie  la  prétention  de  mieux 
savoir  l'ancienne  langue  bretonne  que  l'auteur  du  Diction- 
naire gallois-anglais ,  le  plus  com|riet  qu'on  ait  encore  pu- 
blié, mais  parce  qu'il  a  manqué  de  critique,  et  négligé  de 


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s'édairer  des  autres  dialectes  celtiques ,  sans  lesquels  il  me 
semble  difficile  de  bien  saisir  toujours  le  sens  des  bardes  pri- 
imtifs.  Pour  juger  des  contradictions  de  cet  écrivain,  d'ailleurs 
estimable  à  beaucoup  d'égards,  il  suffit  de  comparer  sa  tra- 
duction de  la  strophe  quatrième  de  Télégie  de  Obèrent ,  dans 
ses  Héroic  Élégies,  de  i 792,  et  dans  son  Dictionnaire, 
(  édition  de  i832  )  ;  d'abord,  il  traduit  ainsi  : 

€  Devant  Ghérent  qui  soufflait  la  terreur  sur  l'ennemi ,  j'ai 
vu  les  chevaux  portant  les  compagnons  mutilés  de  leurs  tra- 
vaux ,  et ,  après  le  cri  de  guerre,  une  terrible  obscurité.  »  ' 

Oubliant  cette  première  interprétation ,  il  donne  cette  se- 
conde dans  son  dictionnaire  : 

€  J'ai  vu  les  chevaux  épouvantés  par  les  travaux  partagés 
de  la  bataille,  et,  après  le  cri  de  guerre,  un  terrible  ef- 
fort »  ^^ 

Enfin,  dans  un  autre  endroit  du  même  ouvrage,  il  rend  In 
rotaie  strophe  de  cette  troisième  manière  : 

€  Devant  Ghérent,  ennemi  courroucé,  j'ai  vu  les  chevaux 
portant  les  blessés  après  la  terrible  résistance  d'un  guer- 


I  est  la  version  exacte  et  à  laquelle  des  trois  devra  se 
tenir  le  lecteur? 

Cette  difficulté  m'a  fait  recourir  aux  différentes  sources 
celtiques,  et  elles  m'ont  conduit  à  traduire  comme  on  Ta  vu 

*  Before  Geraint,  tbat  breathed  terrer  on  tbe  foe,  I  saw  steeds 
bearing  tbe  maimed  sbarers  or  tbetr  toil,  and  afler  tbe  sbont  of  war 
a  fearfal  obscarity.  (P.  5.) 

*  Ibeheld  sleedê  hugged  toilh  mulual  tail  from  balUe ,  and  after 
$ke  ikomt  a  frigfuful  impeUing,  ( Welsh  mer.,  i.  2,  p.  44i .) 

^  Before  Geraint,  tbe  wtasfnll  foe ,  I  bave  seen  sieeds  bearing  tbe 
maimed  after  tbe  lerrible  opposing  oî  a  warior. 

(I5i4.,  t.  4,p.  4.) 


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21 

plus  haut.  J*ai  donc  rendu  les  mots  gelen  kezr-Mz  par  ef^  de 
l'ennemi;  littéralement  :  sur  Vewnem  répandant  la  terreur; 
{m  effet,  kezr,  contraction  de  kezmir ,  signifie  qui  répond; 
et  ta  ou  heuz  ^eut  dire  terreur;)  et  j'ai  traduit  le  vers 
Gwdiz  êmeirch  tan  kemrfuz,  par  : 

«J'ai  vu  les  chevaux  sous  (le  coup  d'un)  commun  démêtre^%. 
Si  le  mot  eût  été  français ,  j'aurais  mis  sous  un  oo-désastre  , 
et ,  si  j'avais  visé  à  l'élégance ,  menacée  d*un  commun  déeaetre; 
ruz  ou  reuz  signifiant  désastre ,  en  breton ,  et  la  coiycmctioii. 
hem  répondant  au  eum  des  latins ,  qui  marque  concomitance. 

Quant  au  troisième  vers  du  ternaire,  je  ne  conçois  pas 
qu'Owen  ait  pu  le  traduire  comme  il  l'a  fait,  en  dernier  lieu , 
car  rien  ne  conduisait  à  cette  interprétation  :  impossible  de 
donner  aux  mots  : 

Ha,  gouede  gwaour,  garv  ac'hluz, 
d'autre  sens  que  :  Et,  après  (le)  cri  de  guerre,  (une)  furieuse 
résistance. 

D  l'a  reconnu  lui-même  dans  S£^  première  traduction  qui 
ne  différait  de  la  nôtre  que  par  le  sens  à  donner  à  ac'hluz, 
qu'il  rend,  dans  la  troisième,  par  résistance,  comme  nous. 
Si ,  toutes  les  fois  que  le  mot  gwaour  se  présente ,  il  signifie 
guerrier,  et  non  cri  de  guerre,  à  la  lettre,, cri  de  malheur, 
(de  gwa  ou  gwae!  malheur!)  les  strophes  où  il  se  trouve  de- 
viennent inintelligibles. 

J'ai  insisté  sur  ces  anomalies,  non  pour  le  triste  plaisir 
de  mettre  en  désaccord  avec  lui-^méme  un  homme  hono- 
rable dont  les  traductions  m'ont  été  utiles  quelquefois, 
et  le  dictionnaire  souvent;  i^ais  parce  qu'elles  montrent 
combien  les  poèmes  des  bardes  présentent  de  difficultés  à 
ceux  qui  sont  le  plus  versés  dans  l'étude  de  l'ancienne 
littérature  bretonne  :  en  devenant  indulgent  pour  eux,  le 
lecteur,  le  sera,  j'ose  l'espérer,  pour  moi-même.  Désirant 
toutefois  qu'il  juge  par  ses  propre^  yeux,  non  seulement  de 


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Vmpni  bardique  qui  s'évapore  trop  souvent  en  passant  dans 
une  langue  étrangère,  mais  de  la  lettre  toute  nue,  je  veux 
joindre  à  la  traduction  française  que  j'ai  d^à  donnée ,  une 
traduction  littérale  en  latin  :  elle  aura ,  en  outre ,  pour  ré- 
sultat de  faire  apprécier  le  plus  ou  moins  de  fidéIRé  de  mon 
interprétation. 

Voici  donc  les  {premières  strophes  de  l'élégie  de  GHirent 
latmisées  mot  à  mot.  Je  demande  pardon  d'avance  en  faveur 
de  t'idiAme  barbare  qu'on  va  lire. 

Quando  genitus  Gerentius,  fuerunt  apert»  port»  coeti; 
Dédit  Ghristus  quod  petitum  : 
Tempus  faustum  Britannias ,  gloriam. 
Laudet  quisque  rubrum  Gerentium, 
Ducem;  laudo  egomet  Gerentium, 
Hostem  Saxonum ,  amicum  sanctorum. 

Ante  Gerratium ,  hostibus  indementem , 
Vidi  equos  coUapsuros  in  praelio , 
Et,  post  clamorem,  atrocem  conatum. 

Ante  Gerentium ,  hostes  terrificantem , 
Vidi  eqbos  sub  coUapsu , 
Et,  post  damorem,  atrocem  oppositum. 

Ante  Gerentium,  hostium  luem, 
Vidi  equos ,  cand^te  eorum  spuma , 
Et,  post  clamorem,  atrocem  torreotem. 

Longoportœ ,  vidi  tumultum , 
Etferetraincruore, 
Et  viros  rubros  ante  impetum  inimici. 

Long(^rtid^,  vidi  stragem , 
Et  feretra  phisquam  multa , 
Et  viros  rubros  ante  impetum  Gerentii. 


Erant  rapidi  cursores 
Sub  femore  Gerentii , 


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Crura  longa ,  granum  hordei , 

Impetus  ignis  dumosi  super  desertum  montem. 

Je  me  borne  à  ce  spécimen  pour  ne  pas  abuser  de  la  pa- 
tience du  lecteur. 

Le  plus  ancien  texte  de  Télégie  de  Ghérent  se  trouve  dans  le 
LIVRE  Nom  DE  Kerverzin  et  dans  le  livre  rouge  de  Herghest, 
manuscrits  qui  a[q[)artiennent,  Tun,  à  la  bibliothèque  parti- 
culière de  la  famille  Vaughan  de  Hengurt;  l'autre,  à  celle  du 
collège  de  Jésus,  à  Oxford.  Sans  négliger  le  second,  que  j*ai 
cité  en  note ,  j'ai  suivi  de  préférence  le  premier  qui  est  du 
xn*  siède,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs.  Mon  texte  s'éloigne  peu 
de  celui  du  Myvyrian  *archaiology  of  Wales,  imprimé  d'a- 
près des  copies  beaucoup  plus  modernes.  J'ai  cru  devoir,  à 
l'exemple  des  éditeurs  de  ce  recueil,  et  contrairement  aux 
manuscrits ,  ouvrir  par  cette  pièce  la  série  des  poèmes  de 
Liwarc'h-Henn. 


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CHANT  DE  MAENWINN. 


(iM£  554  A  550.) 


ARGUMENT. 


Maenwinn  était  intendant  de  Haelgoun ,  chef  des  Bretons 
de  Gwéned ,  province  du  nord  de  la  Cambrie.  Attaqué  par  les 
étrangers ,  probablement  les  Angles ,  il  aima  mieux  capituler 
que  se  défendre.  Mais  cette  conduite  si  peu  digne  de  ses  bra- 
ves compatriotes ,  ea  lui  laissant  la  vie  »  ne  le  sauva  point  du 
déshonneur.  Quand  il  fut  désarmé ,  Tennemi  le  dépouilla  de 
ses  vêtements ,  les  (oula  aux  pieds ,  en  signe  de  mépris ,  bris«i 
les  bornes  de  ses  terres ,  et  se  livra ,  envers  lui ,  à  mille  ava- 
nies. La  lâcheté  de  Maenvrinn,  Tinsulte  faite  à  la  patrie  com- 
mune et  la  honte  qui  en  rejaiBissait  sur  les  Bretons ,  inspi- 
rèrent au  barde-roi  Liwarc'h  les  vers  énei^iques  qu'on  va 
lire  :  il  reproche  au  jeune  officier  sa  c(Miduite  ,  et  conseille 
au  chef  Maelgoun  de  choisir  un  antre  intendant 

Madgoun  ayant  été  élu  roi  suprême  dA  la  Cambrie  y  vers 
Tan  534 ,  comme  nous  rapprend  Gildas ,  ^on  contemporain  y 
qui  rappelle  Maglocunus,  et  étant  mort  vers  550,  il  faut  placer 
entre  ces  deux  époques  la  composition  du  chant  suivant  : 


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II. 


KANMAENWIM. 


Maenwinn ,  tra  boum  e'z  oed , 
Ne  sezret  mê  lenn-i  a  troed  ; 
Ned  erzed  meti  tir-i  heb  gwaed.  l 

Maenwiiui  ^  tra  boum  e'z  erben  9 
Am  ieuenkted  e'm  dtten ,  ^ 
Ne  torre  gwas«all  men  terven. 

BlaeDwinn  tra  boum  e*z  erled 
E'm  dilen  me  ieuenkted , 
Ne  kare  gwas-all  men  gwezled.  5 

SfeenwioDy  tra  boumi  e  turas, 
O  dtten  diwall  galanas , 
Gounaoun  gwezred  gour,  tra  bezoun  gwas.  4 

*  MtenwynD  tra  fum  ilh  oet 
Ni  setbrit  fy  lien  i  a  ihrtet 

Nid  erdit  fy  nhir  i  heb  waet.   (Mu.  de  UergkeiL) 

*  Am  ieoeDclit  im  dilyn 

Ni  thorrei  gasseil  fyn  terfyn.  (Ibid.  ) 


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II. 


CHANT  DE  MAENWIM. 


MaenwiDD ,  quand  j'étais  à  ton  âge,  on  ne  fou- 
lait pas  mon  manteau ,  à  moi ,  aux  pieds  ;  on  ne 
labourait  point  ma  terre,  à  moi,  sans  [y  ver- 
ser] du  sang. 

Maenwinn ,  quand  j'étais  dans  ta  position  ^  ma 
jeunesse  à  ma  suite ,  Tétranger  ne  brisait  point 
ma  borne. 

Blaenwinn,  quand  j'étais  dans  ta  situation ,  à 
ma  suite  ma  jeunesse,  l'étranger  n'aimait  point 
ma  colère. 

Maenwinn ,  quand  j'étais  dans  ma  fleur  y  sui- 
vant le  furieux  carnage,  je  faisais  Touvrage  d^un 
homme,  quoique  je  fusse  jeune. 

'Ni  charei  gesseil  fyn  gwjthlid.  (M$ê*  de  Hirgkêil.} 
*     M aenwyn  tra  fum  i  e  vrai 

Oeduli  diwai  galanas 

Gwaawn  weitbred  gwr  tra  bydwn  gwas. 

(Mu.de  Herghen) 


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28 
Men  deuis,  ë  kefrann  ha  he  gaen  —  ar- 
n-han^y  — 
Enn  lemm,  megis  draen. 
Ned  ober  gen-i-mem  hogi  maen  2. 

Ânrek  r^eingallad,  oc^hdefren  Meverniaoun, 
Enn  kuz  enn  keloum  , 
Haearn  lemm,  laez  oc*h  dourn.  3 

Blaenwinn ,  mezer  te  enn  gall  ; 
Anken  keisouet  ar  gwall  !^ 
Keisiet  Maelgoun  maer  arall  ! 

Bet  bendiget  er  ankesbel  —  gwrac*h  — 
A  diwed  oc'h  Ireuz  he  kel  : 
a  Maenwinn ,  nag  azav  té  kellel  !  >  ^ 

*  Vyn  deais  y  gyfrao  acgaen  arnau.  (  Ibid.  ) 
*Nid  over  gDytymbogi  maen.  [Ibid.  ) 
'     Anrheg  rym  gall  0  Djffiryn  Meiniiâwii 

Yd  gud  yn  nghelwra 

Uaearn  llym  llaes  0  Dwro.  (  ibid.  ) 

*  llaenwn  medyr  dt  yn  gall 

Angen  kyssoeil  ar  wall.  (  ibid.  ) 

*  Boet  bendigel  yr  anghysbell  wrach 
A  dywawl  o  drws  ai  chell 


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29 
Ce  que  j'aimais  [alors] ,  c'était  un  fer  de  lance 
recouvert  de  sa  gaine,   [un  fer]  aigu  comme 
l'épine.  [Alors]  ce  n'était  pas  un  travaO  pour  rtioi 
de  soulever  le  rocher.^ 

[Aussi]  en  présent  m'envoya-t-on,  delà  vallée 
de  Mévernion ,  enfermé  dans  une  botte ,  un  fer 
aigu  qu'on  lance  de  la  main.'' 

Maenwinn ,  juge-toi  avec  sévérité  ;  que  le  re- 
pentir chasse  la  faute!  que  Maelgoun  cherche 
un  autre  intendant  ! 

Qu'elle  soit  bénie  la  vieille  [femme]  solitaire 
qui  avait  crié  du  seuil  de  sa  cabane  :  «  Maenwinn , 
ne  rends  pas  ton  poignard  !  »  ^ 

Maenwyn  Dag  adav  dy  gyllell. 

{Mss.  de  Hergliesl.) 
€  Allusion  an  nom  de  Maenwinn  qui  signifie  un  homme  qui 
soulève  dei  fnerret,  des  rochers ,  h  la  lettre  levier  ht  rocher  (de 
mam,  pierre,  roc,  et  du  breton- gallois,  gwyn  y  en  bretoo  ar- 
moricain gwiniy  levier.) 
»  Un  javelot. 

•  A  la  lettre  :  Ne  eonfie pas,  n'ettgage  pas  ion  eouieau  :  ne  te 
désarme  pas. 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Le  poète  finit  par  invoquer  une  autorité  siqpérieure  à  la 
sienne.  Mais  quelle  est  cette  autorité?  Pour  remporter  sur 
celle  d'un  barde ,  d'un  chef  illustre  dans  les  combats ,  qui  se 
donne  pour  modèle  aux  jeunes  gens,  il  fallait  qu'dle  eut  une 
bien  grande  valeur.  Aussi,  je  ne  pense  pas  qu'il  veuille  parler 
d'une  femme  ordinaire  ;  j'ai  traduit  son  nom  par  vieille  fem- 
me ,  et  c'est  aujourd'hui  le  sens  qu'il  a  dans  les  dialectes  bre- 
tons ,  mais,  au  moyen-âge ,  il  signifiait  sorcière,  et  à  l'époque 
où  nous  sommes ,  fl  avait  déjà  sans  doute  la  même  significa- 
tion. Je  ne  suis  donc  pas  éloigné  de  voir  en  elle  une  de  ces 
magiciennes  jadis  affiliées  à  l'ordre  des  druides ,  une  com- 
pagne solitaire  et  sans  autels,  mais  toujours  écoutée,  de  celles 
que  Lampride  appelle  driades  ou  druidesses.  L'empereur 
Alexandre  Sévère  traversant  la  Gaule,  ee  Tan  234,  Ait  apostn^ 
phé  par  l'une  d'elles,  comme  l'est  Maenwinn  dans  la  pièce  de 
Livirarc'h-Henn  ^  Une  pareille  coïncidence  ne  peut  guère  être 
l'effet  du  hasard  ;  ces  femmes ,  on  le  sait ,  prenaient  part,  avec 
tout  l'entraînement  de  leur  sexe,  aux  affidres  publiques ,  et  le 
caractère  presque  divin  que  leur  prétait  le  peuple ,  donnait 
un  grand  poids  à  leurs  avis. 

Le  texte  manuscrit  du  chant  de  Maenwinn  se  trouve  à  la 
fois  dans  le  livre  Nom  de  Kerverzin  et  dans  le  livre  rodgb 
de  Herghest,  comme  le  précédent ,  et  il  a  été  aussi  imprimé 
éBûasleMyvyrianarchtMogy,  oùonpeutlevoir,  àlapagelSO 
du  premier  volume.  La  version  que  je  publie  n'en  difEère  guères 
que  par  l'orthographe  et  la  transposition  d'une  strophe ,  la 
septième ,  qui  se  trouve  placée  la  cinquième  dans  le  Myvy^ 
rian. 

«  Mulier  Druias  eanti  exclainavit  gtllîoo  sennooe.  (Yiu  Alexan- 
dri  Severi.) 


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CHANT  DE  MORT 
D'URIËN^  PRINCE  DE  REGHËD. 


(DE  572  A  579.) 


ARGUMENT. 


Urien,  chef  des  Bretons  de  Re^ied ,  ou  du  Cumberland, 
qui  descendaient  d'anciens  émigrés  de  la  Gaule  Armoricaine , 
parait  avoir  été  revêtu  de  la  dignité  de  roi  suprême  de  toute 
la  Bretagne  et  avoir  tenu  tête ,  pendant  plusieurs  années  ^  aux 
conquérants  germains.  Il  remporta  sur  eux  différentes  victoi- 
res dont  les  bardes,  et  particulièrement  Taliésin,  nous  ont 
conservé  le  souvenir.  Ce  fut  lui  qui,  vers  l'an  547 ,  époque 
où  les  vaisseaux  des  Angles ,  venant  des  rivages  de  la  Mer 
Baltique ,  abordèrent  entre  les  embouchures  du  Forth  et  de  la 
Tweed,  commandés  par  Ida  et  ses  douze  fik,  et  alliés  aux 
Pietés,  poussa  le  premier  cri  de  guerre  :  rassemblant  les 
hommes  des  montagnes  d'où  descend  la  Clyde ,  il  leur  adressa 
ces  paroles  que  Taliésin  a  retenues  et  que^nous  lui  entendrons 
répéter  : 

c  Hommes  de  ma  famille ,  ici  réunis ,  levons  notre  éten- 
dard sur  la  montagne,  et  marchons  contre  les  envahisseurs 
de  la  plaine*,  et  toumcms  nos  lances  contre  la  tête  des  guer- 
riers, et  cherchons  le  forte^nundon  *  au  milieu  de  son  ar- 
mée ,  et  tnims  avec  faii  ses  alliés.  » 

<  Cesl  le  sorooin  que  les  Bretons  donnaient  à  Ida, 


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7â 

Quand ,  repoussés  du  Cumberland ,  les  Angles  établis  dans 
la  terre  des  Bemiciens  firent  de  nonvelles  tentatives ,  de  572 
à  579 ,  sous  la  conduite  de  Théodorik ,  un  des  fils  d*Ida , 
pour  subjuguer  leurs  voisins  Bretons,  tefutenoore  Urien  qui 
commandait  ces  derniers.  Le  chef  ennemi  fut  vaincu  ;  et ,  forcé 
de  fuir,  il  se  retrancha  dans  l'Ile  de  Medcaud,  maintenant 
Lindisfame ,  où  les  Bretons  le  poursuivirent  et  le  tinrent  as- 
siégé. Malheureusement  la  division ,  si  souvent  fatale  aux  in- 
digènes, et  qui  contribua  peutrétre  plus  encore  à  leur  asser- 
vissement que  les  armes  des  Germains ,  se  mit  parmi  eux  : 
d'un  côté,  à  ce  qu'il  paraît,  le  mélange ,  sous  les  mêmes 
drapeaux ,  de  guerriers  Gaëls  et  Bretons ,  réunis  pour  la  dé- 
fense commune,  mais  ennemis  natm^ls ,  et  dont  l'antipathie , 
phis  forte  que  celle  de  race ,  remontait  sans  doute  à  une  con- 
quête primitive;  d'autre  part,  la  jalousie  des  chefs  contre  leur 
généralissime,  détruisirent  les  résultats  de  la  victoire,  et,  en 
leur  faisant  lever  le  siège ,  les  empêchèrent  de  profiter  de  ce 
succès  pour  en  obtenir  un  définitif.  Ds  bloquaient  Théodorik 
depuis  trois  jours  et  trois  nuits ,  lorsqu'Urien  périt  assassiné 
par  un  de  ses  soldats  appelé  Lovan,  homme  de  race  gaële , 
comime  l'indiquent  son  nom  et  le  surnom  de  Main  étran- 
gère ^  que  lui  donnent  les  traditions  galloises,  qui  fut  poussé, 
dit-on,  à  ce  lâche  attentat  par  Morgant  ou  Morkan ,  prince 
de  Strath-Clyde.* 

■  Lavo  cstrawn  ou  Iaio  eslron.  Lao  nvro.  Myvyr.  arch. ,  l.  4 
p.  78. 

•  Deodric  centra  iUam  [Urbgeo]  cum  filiis  dimicabal  foriiier. 
in  illo  aatem  tempore  aliqoando  hostes,  noue  cives,  vincébtfli- 
tur  :  et  ipse  conclusit  eos  tribas  diebus  et  tribus  nocfibns  in  insiila 
Medeaud ,  et  don  état  in  expeditione  jugnlatns  est,  Moroanto 
destinante ,  pro  invidia ,  qoia  in  ipso  pre  omoibas  fegibos  ik" 
tns  maxima  erat  in  insuuratione  belli.  (Gbnbalogu  Saxonuh  , 
Nennius,  p.  53;  Stevenson,  édit.  Londin,  1838.) 


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53 

Liwarc1i-Henn,  compagnon  d'armes  d'Urien,  voulut  trans- 
mettre à  la  postérité  le  souvenir  glorieux  du  chef  breton ,  et 
composa  le  chant  qu'on  va  lire. 

On  y  remarque  six  parties  bien  distinctes. 

Dans  la  première ,  le  barde  guerrier ,  respirant  l'ardeur  de 
la  vengeance ,  a  l'air  de  poursuivre  l'assassin  de  son  général , 
au  galop  de  son  cheval ,  la  lance  en  arrêt,  et  mêle  l'éloge  in* 
cohérent  du  prince  à  raille  cris  de  guerre. 

La  vue  de  la  tête  tranchée  d'Urien ,  qu'il  a  recueillie  et 
qu'il  emporte  avec  lui ,  augmente  son  exaltation  ;  et  comme 
un  honune  dont  la  raison  s'égare  et  qui  répète  à  satiété  la 
phrase  qui  peint  sa  douleur  ou  son  étonnement,  il  commence 
quatorze  strophes  par  la  même  pensée  poignante  dont  il  varie 
à  peine  la  monotonie  par  l'éloge  des  vertus  d'Urien. 

n  ne  renmice  à  cette  idée  que  pour  une  autre  non  moias 
triste ,  à  laquelle  il  revient  sept  fois  :  les  funérailles  du  prince 
qui,  ravi  à  son  afifection ,  va  être  emprisonné  pour  jamais 
sous  les  pierres  de  la  tombe. 

Alors  son  propre  chagrin  le  fait  songer  à  celui  de  Leu , 
frère  bien-aimé  d'Urien ,  et  à  Eurzel ,  sœur  du  chef  breton  : 
il  la  voit  passant  ses  nuits  à  pleurer,  et ,  comme  tlachèl ,  ne 
pouvant  se  consoler  parce  qu'il  n'est  pluê! 

Mais  les  larmes  ne  conviennent  qu'aux  femmes ,  et  tandis 
qu'Eurzel  se  désole ,  Leu  cherche  à  tirer  vengeance  du  meur- 
trier de  son  frère  que  Liwarc'h,  dans  un  langage  mystérieux, 
familier  aux  bardes ,  nous  représente  sous  la  figure  d'un  ani- 
mal dévastateur. 

Cependant  l'armée  bretonne ,  privée  de  dief ,  lui  semble 
conune  un  essaim  sans  ruche;  frappé  de  cette  belle  image, 
le  poète  veut  la  développer ,  et ,  rappelant  le  souvenir  d'un 
pr^nt  qu'on  lui  a  fait,  il  en  tire  une  induction  allégorique 
en  faveur  des  guerriers  bretons  auxquels  manque  celui  qui  les 
rassemblait  comme  la  ruche  réunit  les  abeilles  :  s'il  insiste  à 

3 


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34 

cet  égard,  son  grand  âge  et  son  expérience  consommée iui 
en  domient  le  droit;  d^ailleurs,  sa  prédilection  bien  naturelle 
pour  le  généralissime  ne  le  rend  pas  kyuste  envers  les  chefs 
subalternes  :  Dunod  ^  surnommé ,  dans  les  Annales  galloises , 
un  des  trois  piliers  de  la  Bretagne ,  titre  qu'il  partageait  avec 
Urien  i  ;  Gwallok,  chef  de  la  vallée  de  Shrevi^sbury ,  que  les 
triades  mettent,  comme  Dunod,  au  nombre  des  trois  guerriers 
bretons  les  plus  habiles  en  stratégie^;  Moi^^ant,  quoiqu'il 
fût  probablement  l'instigateur  du  meurtre  d'Urien ,  comme  le 
dit  Nennius  ;  (hmï ,  Pasken ,  et  Elfln ,  fils  d'Urien  ;  Peil ,  se- 
cond fils  de  Liwarc'h-Renn,  tous  jaloux  de  se  surpasser  Tuo 
l'autre  en  actions  d'éclat,  et  enfin  le  barda  hii*-méme,  qui 
n'hésite  pas  à  se  mettre ,  quoique  le  dernier,  à  leur  suite, 
et  à  faire  son  propre  éloge.  Toutefois,  c'est  uniquenient  pour 
ramener  le  souvenir  d'Urien  dont  la  gloire  est  incomparable  : 
c'est  po«r  crier  de  nouveau  vengeance  contre  l'assassin  qu'il 
désigne  aux  poignards  de  ses  compatriotes. 

Dans  l'épilogue ,  nous  trouvons  Liwarc'h-^Henn  assis,  parmi 
les  ruines,  sur  la  pierre  de  Tàtre  de  son  illustre  frère  d'ar- 
mes :  il  se  rappelle  les  joyeux  visiteurs  réunis  jadis  autour 
d'elle;  les  banquets  dont  die  fut  si  souvent  témoin;  les  splen* 
dides  fêtes  de  nuit ,  à  la  lueur  des  tordies;  les  chaudières  fu- 
mantes, l'hydromel  couknt  à  flots;  la  corne  à  boire,  passant 
de  main  en  main  ;  les  gais  propos  des  amis  ;  la  munificence  du 
prince,  les  acclamations  des  gu^riers ,  les  chants  des  bordes , 
unis  au  son  des  harpes;  et  ne  voyant,  au  lieu  de  toute  cette 
félicité,  qu'un  sol  couvert  d'orties,  de  ronces,  d'épines  et 
d^oseilles  sauvages,  brouté  parla  chèvre  du  pttre,  ou  labouré 
par  les  pourceaux ,  son  inspiration  l'abandonne ,  et  il  ne  peut 
plus  que  pleurer. 

■  MvvTRiAN  Abciuiolocy,  i.  3,  p.  5. 
,  IM,,  p.  i4. 


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35 

Ce  préambule  était  nécessaire  pour  bien  saisir  l'ensemble 
du  poème  suivant,  un  des  phis  obscurs  du  barde  et  des  plus 
difficiles  à  traduire. 

L'auteur  débute  en  adreasaM  la  parole  à  un  de  ses  com- 
pagnons de  guerre ,  au  vieux  Unour'h  ' ,  fils  d'Esbouez ,  chef 
breton  du  Merionethsbire  actuel  :  il  baUtait  près  de  la  ville 
de  Dolgelly ,  dans  un  lieu  appelé ,  de  son  nom ,  Kerunour'h  ; 
ses  infortunes  lui  firent  donner  le  sobriquet  d*Unarc*hen, 
c'est-à-dire  qui  n'a  qu'un  seul  vêtement  :  les  Saxons  ne  lui 
laissèrent  pas  autre  chose. 

'  Voyez  Texcelleote  édition  de«  Lois  galloises,  traduites  par 
M.  Aneurin  Owen,  61s  de  l'auteur  du  Dictionnaire ,  t.  II ,  p.  48. 


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m. 

MARONAD 
URIEN  REGED. 


I. 

Demkefarweziady  Unhouc'h  —  diwall!  — 
Baran  enn  kevlouc'h  ! 
Gwell  ez  laz  nag  ez  edolouc'h  !  ^ 

Demkerarweziad,  Unhouc'h  —  diwall  !  — 
Diwezet  enn  treuz  lec'h  : 
«  Dunody  mab  Pabo ,  ne  tec'h.  »  ^ 

Demkefarweziad  y    Unhouc'h    diwall  !    — 
c'houerv  — 
Bloung  c^hoarzin  mor  revel  —  torviozead  — 
llrien  Reged,  greidiol  gavael.  5 

Erer  gall ,  Unhouc'h ,  gleu ,  hael , 
Revel  gozik,  budik  mael , 

*  Dymkywarwjdyat  Unhwcb  di^-al 
Barau  ygkyaloch 

Gwell  yd  lad  nog  yd  ydoluch. 

(Mis,  deHergheU,) 

*  Diaedyd  yn  nrws  Uech 


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IIL 

CHANT  DE  MORT 

D'URIEN  DE  REGHED. 


I. 

En  avant  !  terrible  Unour'h  !  [bonne]  conte- 
nance dans  la  bataille  !  mieux  vaut  tuer  que  par- 
lementer ! 

£n  avant  !  terrible  Unour'h  !  on  a  crié  du  seuil 
du  Ler'h  *  :  «  Dunod ,  le  fils  de  Pabo ,  ne  recule 
[jamais],  ji 

En  avant  !  terrible  Uuour*h  !  Il  était  amer ,  [il 
était]  sombre  comme  le  rire  de  la  mer,  le  tu* 
multe  de  la  guerre  [autour]  d'Urien  au  poignet  vi- 
goureux. 

[C'était],  Unour'hy  un  aigle  puissant,  brave, 
généreux;  un  poursuivant  [toujours]  vainqueur, 

Dunawd  vab  Pabo  ni  tbech.        (JVm.  de  VLw^\mi^ 
3     Dymkywarwydiat  unocb  dyif^U  chwemr 
BlwDg  ebwerthjD  mor  ryvel  donrlodyat 
Urien  Reged  greidiawl  gaoel .  (  l\Àà.  ) 

^  Grolle.  Voyez  plus  loin  les  notes  et  éclaircissements. 


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38 
Urien  f  greidiol  gavael  ;  ^ 

Erer  gall ,  Unhouc'h , 
Perc'hen  enaour , 
Ken  leir,  ken  eber,  gwer  glaour.  ^ 


II. 


Penu  a  porzam  oc^h  men  lu 
Bou  kerc'heniad  roug  deu  lu , 
Mab  KeD¥arc*h,  balc'h  bieuvu.  ^ 

Penn  a  porzam  ar  men  tu , 
Penn  Urien  lari  levie  lu  : 
Hag  ar  he  bron  gwenn ,  bran  du  !  ^ 

Penn  a  porzam  enn  mé  krez 
Penn  Urien  lari  levie  lez  ;, 
Hag  ar  he  bron  gwenn  bran  a  hea.  5 

Penn  a  porzam  em  nezer 

*  Graidiol  er^r  gadi  Unhwc  glen  hael  rbyfei 
Goddig  buddîg  fael 

Urien  greidiol  gafael .  (  Mu .  de  Herghesl.  ) 

>     Gattel  eryr  gall  Unhwch 
Berdieo  eoawr 
Kell  llyr  kak  ebyr  gwyr  glawr.  (  Ibid.  ) 

*  Penn  a  bortbaf  o  unlu 
Bu  kyrch  yoat  rhwng  dcolii 


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39 

de   combats   acharnés ,  qu'Urien  au  vigoureux 
poignet  ; 

Cétait  »  Unour'hy  un  aigle  puissant ,  plein  d*in- 
telligence  j  aussi  bien  sur  le  rivage  des  mers  que 
dans  les  défilés  et  les  vertes  plaines. 

II. 

Je  porte  à  mon  côté  la  tête  de  celui  qui  com- 
mandait Tattaque  entre  deux  armées ,  [  la  tête  ] 
du  fils  de  Kenvarc'h  qui  vécut  magnanime. 

Je  porte  sur  mon  côté  la  tête  d^Urien  qui  dou- 
cement commandait  Tarmée  :  sur  sa  poitrine 
blanche,  un  corbeau  noir! 

Je  porte  dans  ma  tunique  la  tête  d^llrien  qui 
doucement  commandait  la  cour  ;  sur  sa  poitrine 
blanche  le  corbeau  se  gorge. 

Je  porte  à  la  main  une  tête  qui  n'était  jamais 

Mtb  Kynvarch  baleh  bieufo. 

(Ma.  de  HergheU.) 
*     Peoft  a  borihaf  ar  vy  nhu  penn  Urien 
Llary  Uyw  ei  lu 

Âe  ar  ei  vroo  wenn  vran  dda.  (IM,  ) 

'  Pen  a  borihaf  mywn  vy  nghrys  pen  Urien 
Llary  Uywiai  liyt 
Âc  ar  ei  vron  wen  vreio  ai  bys.        (iMi-) 


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40 
Enn  er  ec'houez  oez  neg  er  t 
Teïrn  bron  treuliad  kenniouer.  i 

Penn  a  porzam  tu^m  morzoued 
Oez  eskoued  ar  he  gwlad,  oez  kolovn  enn  kad, 
Oez  klezev  kad  kewiad  roued.  2 


Peno  a  porzam  ar  men  klez 
Gwell ,  e  beo ,  nag  ez  he  mez  ; 
Oez  dinas  i  henourez.  5 

Penn  a  porzam  oc'h  gorzir  Pennok ,  4 
Pell  henook  —  he  lued  ;  — 
Urîen  geriaok  —  klod-red.  —  ^ 

Penn  a  porzam  ar  me  eskouez 
N'em  arvoUe  gwaradouez:^ 
Gwae  raë  lao  !  laz  më  arglouez  !  ^ 

Penn  a  porzam  ar  mé  brec'h 

*      PenD  a  borthaf  ym  vedeir 
Yr  yrechwjd  oed  Biigeil 
Teyrnvron  treulyat  genoweir. 

(Msê.  de  UergheH.) 
'      Penn  a  borlhaf  tu  mordwyd 

Oed  ysgwyd  ar  ei  wlad  oed  olwyn  yn  nghad 
Oed  cledyf  cal  ky ulal  ruyl.  (  Ibid.  ) 

Celle  slroplie  parall  aToir  éié  altérée  par  les  copistes,  comme  la 
deuxième  et  la  troisième. 


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41 
en  repos  :  la  pourriture  ronge  la  poitrine  du 
chef. 

Je  porte  du  côté  de  ma  cuisse  une  tête  qui 
était  un  bouclier  pour  son  pays,  une  colonne 
dans  le  combat^  une  épée  de  bataille  pour  ses 
libres  compatriotes. 

Je  porte  à  ma  gauche  une  tête  meilleure ,  de 
son  vivant,  quen^était  son  hydromel;  [une  tête] 
qui  était  une  citadelle  pour  les  vieillards. 

Je  porte,  depuis  le  promontoire  de  Pennok  S, 
un  chef  dont  les  armées  sont  célèbres  au  loin  ; 
le  chef  d'Urien  Téloquent  [dont]  la  renommée 
court  [à  travers  le  monde]. 

Je  porte  sur  mon  épaule  une  tête  qui  ne  me . 
faisait  point  honte  :  malheur  à  ma  main  !  mon 
maître  est  tué  ! 

La  télé  que  je  porte  sur  mon  bras  n'a-t-elle  pas 

>     PeDD  a  bortbaf  ar  vy  Dgled 

Gwell  ei  wyw  nog  it  ei  ved 

Oed  dînas  i  henwred.  (  Mss.  4e  Uergkett. } 

* 0  goUr  Penawc    .  (Ibid.) 

^      Pelljniawc  ei  Ikiyd 

UrieD  geiritwg  glodryd.  (  Ibid.  ) 

•  N*iin  arIbUai  waradwyd.  {Ibid,) 

'  Gwae  vy  Uaw  iiad  vy  argloyd.  (Ibid.) 

*  En  (ace  de  l*tic  de  Lindiafaroe  qa'assiégeaienl  les  Bretons. 


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42 
N^ez  goru^z  tir  Brenec'h  ? 
Gouede  gwaour,  geloraour  meïrc'h.  * 

PenD  a  porzam  enn  ankad  —  me  lac 
Lari  az  levie  he  gwlad  ;  2 
Penn  post  Preden  reallad. 

Penn  a  porzam  oc*h  du  paol , 
Penn  Urien,  uc'h  dragonol. 
Ha  keit  dei  deiz  breud ,  n*em  tavor  !  ' 


Penn  a  porzam  am  porzez  ; 
Ned  adwen  ;  na  deiV  më  lez. 
Gwae  më  lao  !  lam'm  digonez  !  4 

Penn  a  porzam  oc'h  tu  riou 
Hag  he  geneu  e  gwenriou  —  gwaed;  — 
Gwae  Reged  oc'h  heziou  !  ^ 

Ne  lervez  më  brec'h;  regarzouez  mè  aez  ; 


<      Neus  gorig  0  dir  Bryneich 

Gwedy  gwawr  gelorawr  veirch .         (  Ms$.  de  Bergk.  ) 
«  Lary  ^à  Uywnri  wlid.  (/6td.  ) 

^      Peon  Urien  ad  dragonawl 

A  chyd  del  dydd  brawd  nini  Uwr.  (Ibid,  ) 

*  Neiid  adwen  d»I  yr  ty  Ues 

Gwae  vy  Uaw  Uyu  digones  (Ibid.) 

*  Penn  a  bortbaf  0  du  riw 


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43 
conquis  la  terre  des  Beroîcieiis  ?  6  Après  le  crî 
de  guerre,  les  chevaux  [traioent]  des  corbillards. 

Je  porte  dans  le  creux  de  ma  main  une  tête 
qui  commandait  doucement  son  pays,  la  tête  d'un 
puissant  pilier  de  la  Bretagne. 

La  tête  que  je  porte  au  bout  d'une  pique  noire 
est  la  tête  d'Urien  ,  le  sublime  Dragon  ''.  Âh  ! 
jusqu'à  ce  que  le  jour  du  jugement  arrive,  je  ne 
me  tairai  point  ! 

La  tête  que  je  porte  me  porta  ;  je  ne  le  retrou- 
verai ptuÉ  ;  il  ne  viendra  plus  à  mon  secours. 
Malheur  à  ma  main  !  mon  bonheur  m'est  ravi  ! 

La  tête  que  j'emporte  du  penchant  de  la  mon- 
tagne, a  la  bouche  écumante  de  sang;  malheur  à 
Reghed  de  ce  jour! 

Mon  bras  n'est  point  affaibli;  [mais]  mon  re- 


Ao  ei  «aeu  «wynrio  gmed 
Gwae  fteged  o  beddiw .  (  ilnd.  ) 

«  Ce  pays  8*étendait  tu-delà  de  la  Tine  »  jusqu'au  détroit  d'E- 
cosse, et  compreDait  le  pays  moniaeui  borné,  au  midi,  par  la  Iran- 
cbée  de  Sévère. 

'  C'esl-à-dire  le  chef  des  cbefe.  Gildas  donne  à  Maelgoun  de  Gwé- 
nedy  roi  suprême  des  Bretons,  le  nom  de  dragon  insulaire,  tTifu- 
laris  draco.  (De  excidio  Britanni»,  édit.  de  Gale,  p.  12.) 


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44 
Meo  kalon ,  n'er  terrez  ? 
Penn  a  porzam  am  porzez  !  ^ 

III. 

He  kelan  gwan-gM^enn  a  goloer  heziou 
Adan  priz  ha  mein  ; 
Gwae  mê  lao  !  laz  tad  Owen.  * 

He  kelan  gwan<^gwenn  a  goloer  heziu 
£nn  mesk  priz  ha  deru  ;  ^ 
Gwae  mê  lao  \  laz  mê  kevenderu  ! 

He  kelan  gwan-gwenn  a  goloer  heno 
Adan  mein  ha  he  deouet  ; 
Gwae  mê  lao  !  lamm  r^em  tonket  !  4 

He  kelan  goan-gwenu  a  goloer  heno 
£nn  mesk  priz  ha  teouarc'h  :  ^ 
Gwae  mê  lao  !  laz  mab  Kenvarc'h  ! 

He  kelan  gwan-gwenn  a  goloer  heziuo 
Tan  gwered  hag  arwez  ;  ^ 
Gwae  mê  lao  !  laz  mê  arglouez. 

•  Ni  tbyruis  vy  mnich  rhygardwys  ^y  aïs 
Vy  Dgalon  neor  dores 

Peno  a  borlhaf  am  porthes.  (Mu.  de  Hergkesl.) 

*  Y  gelÎD  veinwen  a  oloir  heddiu 
Âdan  bridd  a  mein 

Gwae  vy  llaw  llad  lad  Owein.  (Ibid.) 


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4S 
pos  est  troublé;  mon  cœur,  ne  te  brîsea^tu  pas? 
La  tête  que  je  porte  m'a  porté! 


ni. 


Son  corps  délicat  et  blanc  sera  couvelrt  au- 
jourd'hui de  mortier  et  dp  pierres;  nwlheiir  à 
ma  main  !  le  père  d'Owen  est  tué  ! 

Son  corps  délicat  et  blanc  sera  couvert  au- 
jourd'hui de  mortier  et  de  chêne;  malheur  à 
ma  main!  mon  cousin-germain  est  tué! 

Son  corps  délicat  et  blanc  sera  couvert  cette 
nuit  de  pierres  choisies  ;  malheur  à  ma  main  ! 
A  quelle  chute  étais-je  destiné  ! 

Son  corps  délicat  et  blanc  sera  couvefi;  cette 
nuit  de  mortier  et  d'épais  gazon  ;  malheur  à  ma 
main!  le  fils  de  Kenvarc'h  est  tué! 

Son  corps  délicat  et  blanc  sent  couvert  au- 
jourd'hui de  mottes  surmontées  d'un  signe;  mal- 
heur à  ma  main  !  mon  seigneur  est  tué  ! 

>  Ynmhlith  prid  a  deru.  (Ibid,) 
^     Adan  vein  ai  dewid 

Gwae  vy  llaw  lamn  rym  lyogid.  (Ibid.) 

»  YDmhlilh  prid  a  ihjweircb.  (Ibid.) 

'^  Dan  weryd  ae  arwydd.  (Ibid.) 


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46 
He  keian  gwan-gwenn  a  goloer  heziuo 
Adan  priz  ha  tevaod  ; 
Gwae  më  lao  !  lamm  r^em  daeraod  !  i 

He  kelan  gwan-gwenn  a  goloer  heziou 
Adan  priz  ha  lenad  : 
Gwae  më  lao  !  lamm  r'em  gallad  !  ^ 

He  kelan  gwaD^wenn  a  goloer  heziou 
Adan  priz  ha  mein  glas;  ^ 
Gwae  më  lao  !  lamm  r'em  gallas  ! 

IV. 

Anoez  bel  ;  braod  bou  enn  kennuU , 
Am  kern  buelen ,  am  truU , 
Rebez  miled  Reged  tull.4 


Anoez  bel  ;  braod  bou  enn  kennouez , 
Am  kern  buelen  amouez, 

*  Âdio  prid  a  lh3rw«^(l 

Gwae  vy  llaw  lam  rym  dearawd.     (JUm.  de  Herghenl.  ) 
^     Âdan  prid  a  dynad 

Gwae  ry  llaw  llam  rym  gallad.  (  Ibid.j 

%     Âdan  bridd  a  mein  glas 

Gwae  vy  llaw  Uam  rym  gallas.  (Ibid.) 

*  Annoeth  byd  brawd  boyn  kynnull 
Amgyro  buelyn  am  dmll 


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47 
Son  corps  délicat  et  blanc  sera  couvert  cette 
nuit  de  mortier  et  de  gravier;   malheur  à  ma 
main  !  Quelle  chute  m^était  réservée! 

Son  corps  délicat  et  blanc  sera  couvert  au- 
jourd'hui de  mortier  et  d'orties;  malheur  à  ma 
main  !  Quelle  chût^  pour  m^  puissance! 

Son  corps  délicat  et  blanc  sera  couvert  au- 
jourd'hui de  mortier  et  de  pierres  bteues;  malheur 
à  ma  main  !  Quelle  chute  pour  mon  pouvoir  !  ^ 


IV. 


Ordre  en  a  été  [donné]  ;  ^  le  frère  ^  s'est  mis 
à  poursuivre,  au  son  de  la  cqrne  de  buffle,  [de 
la  corne]  du  festin,  la  béte  sauvage  qui  a  dé- 
vasté Reghed  la  sombre. 

Ordre  en  a  été  [donné];  le  frère  s'est  mis  à 
poursuivre  au  son  de  la  corne  retentissante  de 

Rebjd  Tiki  Reged  duU.  (  lind.) 

^  Cette  strophe  esl  à  cette  pjboe  dm^  le  IMs*  de-Hergliest  ;  mais 
dans  les  antres  Mss.  elle  Tient  avaol  la  précédente. 

*  Le  docteur  Owen  donne  une  antre  aigflificatîon  an  mot  anoez 
(et  il  en  a  plosienrs,  à  k  vérité);  niais  le  savant  Ed.  Lbnyd  le  tra- 
dnit  par  ordre,  injonction  ^  eommandemmt  egpitèi,  dans  son  dic- 
tionnaire ,  et  nous  croyons  qv*îl  a  raison ,  pgar  fe  cas  présent. 
'  Len,  frère  d*Urien. 


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48 
Rebez  miled  Regedouez.  ^ 

Handid  Eurzel  avlaouen  —  henoez  — 
A.  luosez  amgen  : 
Enn  aber  Leu  laz  Urien*  ^ 

Ez  trist  Eurzel  oc'h  traillaod  —  heuo  — 
Hag  oc'h  lamm  am  daeraod  ; 
Enn  aber  Leu  laz  he  braod.  ^   - 

Diou  Gwener ,  gweliz  é  digwez  —  maour  — 
Àr  bezinaour  badez , 
Hed  heb  modridaf  er  gwez.  ^ 

N*em  rozez  i  Run,  revelvaour, 
Kaut  hied ,  ha  kant  eskoued  aour  ? 
Hag  un  hed  oez  gwell  pell  maour.  "> 

N'em  rozez  i  Run ,  rouev  iolez 

*  Ânnoelh  byd  brawl  buyn  kynn^js 
ÂiDgyrn  bueljn  amwys 

^     Aebyd  vilel  regelbwis.  (Mis.  de  fierghnl.) 

'      HaDdit  Euyrdyï  arlawtti  henoeth 
A  Uaosed  amgen 
Ytt  aber  Lley  llad  Urien .  (  Ibid.  ) 

*  Ts  trist  Eardyl  or  drallawd  heno 
Ac  or  Ilam  am  daerawd 

Yd  aber  Lleo  lad  eti  brawd.  (  Ibid.) 

*  Daw  Gwener  gwelais  y  diuyd  mawr 


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49 
buffle  la  béie  sauvage  qui  a  dépouillé  les  hommes 
de  R^hed. 

Pour  Eurzel ,  elle  est  dans  la  douleur  j  cette 
nuit,  privée  qu'elle  est  du  chef  d'armée  :  au 
h&vre  de  Leu  ^  a  été  tué  Urien. 

Elle  est  triste  y  cette  nuit,  Eurzel,  par  suite  des 
tribulations  et  de  la  chute  qui  m^étaient  réser- 
vées :  au  havre  de  Leu  a  été  tué  son  frère. 

Vendredi  9  j^ai  vu  une  grande  anxiété  parmi 
les  armées  baptisées,  semblables  à  un  essaim 
sans  ruche. 

N'ai-je  pas  reçu  de  Run ,  7  le  guerrier  illustre, 
cent  essaims  et  cent  boucliers  d'or?  Mais  un  de 
ces  essaims  valait  beaucoup  plus  [que  les  autres]. 

N'ai-je  pas  reçu  de  Run,  le  roi  célèbre,  cent 

Ar  vyddiDtwr  bedydd 
Heid  heb  fodrydaf  hobyd. 

(Mss.  de  HergKeiL) 
<*     Neum  rhodez  i  Rod  ryvedliawr 
Kant  held  t  cbtnt  ysgwydawr 
Ac  on  heid  oed  well  pell  oiiwr.  (Ihid.) 

•  Â  l*emboiichore  do  Fortb,  qui  portait,  dans  cet  endroit,  le  nom 
du  frère  aîné  d'Urien,  dont  les  domaines  bordaient  le  fleave. 

*  Fils  d'Urien,  selon  Nennius,  qoi  l'appelle  Run  mab  Urbgen, 
(Ëd.  de  Stevenson,  p.  54.) 

4 


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30 
Kant  trev  ha  kant  eizionez  j 
Hag  un  oez  gwell  nag  hez.  ^ 

Enn  beo  Run ,  r^der  dihez , 
Deren  anwir  enn  bezez  ; 
Haearn  ar  meïrc'h  aowirez.  2 

Maour  eo,  gogoun ,  më  anam  ; 
Ar  Ueo  pob  un,  enn  pob  ham, 
Ne  gœr  neb  nebaod  ar-n-am.  3 


Poelle  Dunod ,  marc'hok  gwaen , 
Erec^houez  gouneuzur  kelen , 
Enn  erbenn  herruset  Owen!  * 

Poelle  Dunod,  uz  prezen ,  ^ 
Erec'houez  gouneuzur  kadouen , 
Enn  erbenn  kevresed  Pasken  !  6 

Poelle  Gwallok,  marc'hok  trin, 

<      Neum  rhodes  i  Run  rwjf  ydydd  kantref 

A  cbant  eidionyd 

Ac  un  œd  well  oogyd.  {Msi.  de  Berghesl.) 

«     Yn  myw  Run  rbeawdyr  dyhed 

Dyrain  enwir  eu  byded 

Heiyrn  ar  veirch  enwired.  (Ibid,) 

>     Mor  ui  gogwn  vy  anaf 


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51 
\illages  et  œnt  domaines?  Mais  un  d'eux  valait 
mieux  que  tous. 

Quand  vivait  Run ,  le  coureur  infatigable ,  le 
méchant  tombait  dans  ses  pièges;  il  enchaînait 
les  chevaux  de  Tinjustice. 

Mon  génie )  je  le  sais,  est  grand;  à  entendre 
chacun  de  chaque  âge,  pa^sonne  ne  sait  rien  de 
plus  que  moi. 


Quels  eflbits  faisait  Dunod ,  le  cavalier  rapide , 
impatient  de  faire  des  cadavres ,  en  face  du  bouil- 
lant Owen  ! 

Quels  eflbrts  faisait  Dunod ,  le  chef  impétueux, 
impatient  d'entraver  [Tennemi]  en  face  de  Pas- 
ken  y  impétueux  comme  lui  ! 

Quels  efforts  faisait  Gwallok ,  le  cavalier  du  tti- 

i 

Arglyw  pob  on  yn  mbob  baf 

Ni  wyr  neb  nebawd  arnaf.  {Ibid.) 

*  Pwyllei  DaDawd  marcbauc  gwain 
Er  ccbwyd  gwneuthur  kelain 

Yn  crbyn  crysscd  Owcin.  (Ibid.) 

»      Pwyllai  Donawd  od  prescn.  (Ibid,) 

*  Yd  erbyn  kyvrysed  PasgeD.  (Ibid.) 


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52 
Erec'houez  gouneuzur  tefin ,  i 
Enn  erbenn  kevresed  Elfin  ! 

Poelle  Bran ,  mab  Mellern  ! 
Bou'n  diol  e  loski  oc^h  ifem , 
Bleiz  a  mouge  ourz  he  bern.  2 

Poelle  Morgant ,  he  hag  he  gouîr  ! 
Bou'n  diol  o  loski ,  enn  tempir  ^ 
Loc'h  a  krave  ourz  klegir.  ^ 

Poelliz*em ,  pan  laz  Elgno  ! 
Frouelle  laven  a  reizio 
Peil ,  a  pebel  oc'h  he  bro.  * 

Eil  gwaez  gweliz ,  gouede  gwezien  , 
Aour  eskoued  ar  eskouez  Urien  : 
Bon  eil  eno  Ëlgno*henn.  ^ 


«  Erecbwyd  gwneàlhiir  dyvin.        (Mu.  de  Berghcst.) 

*  Pwylle  vran  vab  y  Mcllyrn 
Fiio  diol  i  losgi  a  yfTern 

Bleid  a  uagei  wrth  ebyrn.  (Itnd.) 

*  Pwyllei  Vorgant  ef  ai  wyr 
Bun  diol  i  losgi  yD  lyinyr 
Llog  a  grafai  wrth  glegyr. 

*  Pwellais  i  pan  lad  Ëlgoo 
FroueiUei  llafyD  areidyo 

Pyll  a  pbebyll  oi  vro.  (Ibid.  ) 

g      Eilwaith  gweleis  gwcdy  gweitbyeu 
Aor  ysgwyd  ar  ysgwydd  Urien 


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55 
multe,  impatient  d'élever  un  rempart  en  face 
d^Elfin  j  6  impétueux  comme  lui  ! 

Quels  efforts  faisait  Bran ,  le  fils  de  Mellern  ! 
C^était  un  démon  brûlant  de  l'enfer  ^  un  loup  qui 
étoufl&it  sous  son  fardeau. 

Quels  efforts  faisait  Morgant ,  lui  et  ses  guer- 
riers !  C'était ,  par  tempérament ,  un  démon  brû- 
lant, un  levier  attaquant  des  rocs.  '^ 

Quels  efforts  je  faisais  moirméme  quand  fut  tué 
Elgno!  ^  quand  tournoyait  la  lame  rayonnante 
de  Peil ,  9  cette  tente  de  son  pays  ! 

Je  revis ,  après  l'action ,  le  bouclier  d'or  sur 
l'épaule  d'Urien.  II  fut  là  un  second  Elgno-henn. 


Bu  ail  yno  Elgno  ben.  (/6ûi.) 

•  Od  se  rappelle  qo'ElBn,  comme  Pasken ,  Rno  etOwen,  éuient 
fils  d*Urien. 

Nous  les  voyons  ici  rivalisant  de  bravoure  avec  Dunod ,  Gwallok , 
Bran  et  Morgant.  Le  premier  figure  dans  des  actes  du  VI«  siècle. 
(Voy.  le  It^er  Xatukroenm,  p.  i 70  et  179,  poiwm.) 

7  Ce  cbef  est  sans  doute  le  même  que  le  Morkanî  de  Nennîus  ^ 
l'instigateur  du  meurlre  d'Urien. 

•  Elgno-Henn,  ou  le  vieux,  figure  comme  témoin  dans  un  acte  du 
cartulaire  de  Landaf,  où  il  est  aussi  question  de  Morgant,  (Liber 
Landaveosb,  p.  193.) 

•  Fils  de  LiwarcVUenn. 


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54 
Àr  erec'houez  ezeo  gwalt 
Oc'h  braou  marc'hok  esgwall  ; 
A  bez  biz  Urien  arall  ?  ^ 

Es  moelmé  arglouez  euz  he  braz  —  gourz  • — 
IN'ez  kar  kadouir  he  kas  ; 
Liaoz  gwledik  redruliaz.  2 

Angerz  Urien  ez  agro  —  gen-em  — 
Kerc'henniad  enn  pob  bro, 
Enn  gwesk  Lovan  lao  divro  !  ^ 

Tavel,  avei,  te,  hegleo! 
Odid  a  bo  moledio , 
Nam  Urien  ken  n'edeo.4 

Laouer  ki  gelik,  hag  hebok  gwerenik 
A  lizived  ar  ë  laour, 
Ken  bou  Kerleon  laouedraour  5 

VI. 

Er  aeloued  bon  a  goglud  gaour , 

I      Ar  erechwydd  ethyw  gwalk 

0  vraw  raarchawg  ysgueîll 

A  fydd  uylh  Urien  arall. 

(Mss.  de  Herghesl.) 
s      Ys  moel  yD  fy  arglwydd  yS  euras  gwrlh 

Nis  car  cedwyr  ei  gas 

Lliaws  gwledig  rhydreulias.  (  Ibid.) 

3      ADgerdd  Urien  ys  a  gro  genyf 

Kyrcbyniad  yn  mhob  bro 


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Les  cheveux  se  hérissaient  de  firayeur  [à  la 
vue]  du  guerrier  terrible  ;  y  aura-t-il  jamais  un 
second  Urien? 

Quoique  mon  seigneur  fttt  chauve  depuis  sa 
verte  jeunesse ,  les  guerriers  n'ahnaient  point  sa 
colère  ;  maints  souverains  furent  abattus  par  lui. 

Le  malheur  d'Urien  est  un  malheur  pour  moi. 
Qu'on  fasse  des  recherches  en  chaque  canton, 
pour  découvrir  Lovan  à  la  main  étrangère  ! 

Silence  à  toi,  souffle  inspirateur  !  Ils  seront  ra- 
res désormais  les  chants  d'âoges,  hormis  pour 
Urien  qui  n'est  plus  ! 

Plus  d'un  chien  de  chasse ,  et  plus  d^un  faucon 
gris  ont  été  attirés  par  lui  sur  le  champ  [de  ba- 
taille], 6  avant  que  [la  ville  de]  Keriéon  fût  désolée. 

VI. 

Ce  foyer  où  s'attache  la  chèvre,  était  plus  ac- 

Tn  wisk  Loatn  law  difiro.  (  IM.) 

*     Tawel  awel  to  hirglyw 
Odid  a  fo  mokdyw 

Nim  Urien  kea  ny  diw.  (Ibid,) 

a     Lawer  ki  geîlig  t  bebawg  wirenig 
  lilhiwyd  ar  y  llawr 

Ryn  bu  Ertteon  llawedrawr.  (/did.) 

•  G'esl-à-dire  qu'il  apprêta  souvent  un  repas  aux  chiens  et  aux 
oiseaux  de  proie  avec  les  cadavres  < 


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56 
Moui  gorzevnase  ar  he  laour 
Mez  ha  mezvion  geriaour.  i 

£r  aeloued  hon  n*ez  kuz  lenad  ? 
Tra  bou  beo  he  gwarc^hedouad ,  2 
Moui  gorzevnase  erc'hiad.  5 

£r  aeloued  hon  n''ez  kuz  glazin  ? 
£nn  beo  Owen  hag  Elfin , 
Bervase  he  per  brezin.  * 

Ër  aeloued  hon  n'ez  kuz  kallaouder  loued 
Moui  gorzevnase,  am  he  boued, 
Klezeval  diwall  diarsouet.  ^ 

£r  aeloued  hon  n'ez  kuz  kae  bieri? 
Koed  keuneudok  oez  izhi  ; 
Gorzevnase  reged  rozi.  ^ 

Er  aeloued  hon  n'ez  kuz  drein  ? 
Moui  gorzevnase  ë  kengren 
Kemmouenaz  kewezaz  Owen.  '^ 

t      Yr  aelwyd  hon  ae  goglyt  gavr 
Mwy  gorddyfrasai  ar  ci  lawr, 
Medd  a  medduoD  eiriawl.  (Msê.  de  ^ergheêi.) 

*  Tr  aelwyd  bon  neus  cod  dynad 
Tra  vu  vyw  ei  gwarcheidwad. 

'  Ce  dernier  vers  manque  dans  le  Mss.  de  Herghesi. 

*  Yr  aelwyd  hon  neus  cud  glesin 
Yo  myw  Owein  ac  Elphin 

Breuasei  ei  pheir  breiddin.  (Ibii.) 


Digitized  by  VjOOQIC 


57 
coutume  à  voir  aulour  de  lui  de  l'hydromel  et  des 
buveurs  jasant. 

Ce  foyer  n'est-il  pas  couvert  d'orties?  Tant  que 
vécut  son  gardien,  il  était  plus  accoutumé  aux 
solliciteurs. 

Ce  foyer  n'est-il  pas  couvert  de  gazon  ?  Tant 
que  vécurent  Owen  et  EUin  y  dans  son  chaudron 
la  venaison  bouillait.. 

Ce  foyer  n'est-il  pas  couvert  de  champignons 
moisis?  Il  était  plus  accoutumé  [à entendre]  au- 
tour de  la  table  le  bruit  de  l'épée  terrible  du  [guer- 
rier] sans  peur. 

Ce  foyer  n'est-il  pas  couvert  par  une  haie  de 
ronces?  Il  était  [rempli]  de  bois  de  chauffage  ; 
il  était  accoutumé  aux  dons  de  la  libéralité. 

Ce  foyer  n'est-il  pas  couvert  d'épines?  Il  était 
plus  accoutumé  à  la  visite  des  bons  compa- 
gnons d'Owen. 

«     Yr  aelwyd  bon  ne«s  cod  eaUtwdjr  Hwyd 

Mwy  gorddyfoasai  aro  ei  bwyd 

Cleddyfal  dywal  diarswyd. 

{Ms»^  de  Herghesl.) 
"      Koed  kynneoawg  oed  iddi 

Gorddyfnasai  rcged  roddi.  [Ibid.) 

7      Neus  cud  drain 

Mwy  gorddyfnasai  ei  cbyograin 

Ky mm wynas  kyweitbas  Owei  n .  (  Ibid .  )î 


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58 
Er  aeloued  hon  n'ez  kuz  meir  ? 
Moui  gorzevnase  babir  —  gloeou  - 
Ha  kevezeu  kewir.  i 

Ër  aelouçd  hon  n'ez  kuz  tavaoul  ? 
Moui  e  gorzevnase  ar  he  laour 
Mez  ha  mezvion  geriaouri  2 

Er  aeloued  hon  n^ez  klaz  houc^h  ? 
Moui  gorzevnase  elouc'h 
Gouir>  hag  amgern  kevezouc'h.  3 

Er  aeloued  hon  n'ez  klaz  keouen  ? 
N'ez  ezigane  anken, 
Enn  beo  Owen  hag  Urien  ;  4 

Er  estavel  hon ,  ha'r  hon  drao , 
Moui  gorzevnase  amdanao 
Elouc'h  lu  y  ha  loueber  anao!  5 

'      Neazkyd  myr 

Mwy  gordyfoasai  babyr  gioyw 

A  chyvedau  kywir.  {Ms$-  de  Hergkeil.) 

*      Neus  kyd  uiawl 

Mwy  y  gorddyfDtsai  ar  ei  iawr 

Med  a  medaon  eiriawl.  (/6id.) 

*  Mwy  gorddyfnasai  elwch 

Gwyr  ac  amgyrn  kyfedwch.  {Ibid,) 


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Ce  foyer  n'est-il  pas  couvert  de  fourmis?  Il  était 
plus  accoutumé  aux  torches  brillantes  et  aux 
banquets  des  amis. 

Ce  foyer  n*est-il  pas  couvert  d'oseilles  sauva- 
ges? Il  était  plus  accoutumé  à  voir  autour  de  lui 
de  rhydromel  et  des  buveurs  jasant. 

Ce  foyer  n*est-il  pas  labouré  par  le  pourceau  ?  Il 
était  plus  accoutumé  au  cri  des  guerriers^  et  à  la 
corne  circulant  dans  le  banquet. 

Ce  foyer  n'est-il  pas  gratté  par  le  poulet  ?  Il  ne 
souffrait  point  de  la  disette  ^  quand  vivaient  Owen 
et  Urien  ; 

[Alors]  cette  salle  et  cette  autre  étaient  plus 
accoutumées  aux  acclamations  de  l'armée  et  aux 
concerts  des  bardesl  ^ 

*     Nys  eidiganei  anghen 
Yd  myw  Owein  ac  Urien.  (ibid.) 

^     Yr  ystwiwl  hwn  ar  hwn  drau 
Mwy  gorddyfbasai  amdaoau 
Elwch  lu  a  iaybyr  arnau.  (  Ibid,) 

<  A  la  lettre  :  Aux  PàSSàGES  du  ehanteur  ou  du  génw,  le  mol 
passage  étant  pris  dans  le  sens  d'ornement  musical. 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Il  y  a  dans  ces  dernières  strophes  un  sentiment  profond  de 
tristesse ,  une  grandeur  d*images  poétiques  dont  la  monoto- 
nie de  la  forme  particulière  au  barde  ne  peuvent  diminuer 
l'impression.  Mais  revenons  à  Thistoire. 

L'assassin  d'Urien  subit  le  châtiment  de  son  crime  :  pour- 
suivi ,  comme  on  l'a  vu ,  par  le  frère  du  chef  breton ,  et  vou- 
lant regagner  l'Irlande ,  son  pays  y  il  trouva  sa  tombe,  dit  un 
poète  presque  contemporain,  sur  les  grèves  du  Menai,  (bras 
de  mer  qui  sépare  Tile  d'Anglesea  du  Pays  de  Galles  ) ,  dans 
un  endroit  du  rivage  où  les  vagues  se  précipitent  avec  fracas.^ 

Les  traditions  nationales  des  Cambriens  l'ont  mis  au  nom- 
bre des  trois  guerriers  célèbres  par  un  meurtre  impie.  *  Urien 
fut  regardé  comme  un  martyr  par  ses  compatriotes ,  qui 
firent  de  lui  un  saint ,  et  les  moines  de  Bangor  composèrent, 
dit-on ,  un  office  en  son  honneur.  Du  nord ,  son  culte  passa 
dans  le  midi  de  la  Cambrie ,  dont  les  hagiographes ,  peut- 
être  par  un  souvenir  des  funestes  démêlés  nationaux  qui 
coûtèrent  la  vie  à  Urien ,  ou  pour  rendre  sa  mémoire  plus 
chère  aux  méridionaux ,  prétendirent  que  leurs  ancêtres  lui 
devaient  l'expulsion  d'une  colonie  gaêle ,  établie  dans  le  pays 
depuis'  le  temps  des  Romains.  Une  fois  honoré  des  Bretons 
insulaires ,  il  ne  pouvait  manquer  de  l'être  de  ceux  d'Armo- 
rique.  des  derniers  mirent  trois  églises  sous  son  invocation  ; 
et  aujourd'hui  que  son  culte  est  aboli  au  Pays  de  Galles ,  on 

«  Myvyrian  archaiology  of  WaUs,  t.  i  ,  p.  78. 
«  Ibid.,  1.2,  p.  13. 


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61 

voit  avec  un  pieux  étonnement  qu'un  grand  nombre  des  Ar- 
moricains, restés  plus  fidèles  que  les  Gallois  à  la  religion  des 
ancêtres ,  et  particulièrement  les  habitants  des  paroisses  de 
Saint-Urien,  deLann-Urien  et  de  Plurien  dans  Tévêché  de 
Quimper ,  vénèrent  comme  leur  patron  le  vieux  chef  des  Bre- 
tons du  nord. 

Il  me  reste  à  donner  quelques  explications  sur  deux  ou 
trois  points  obscurs  du  poème,  et  à  faire  différentes  remarques 
philologiques. 

Dès  le  début,  cette  phrase  arrête  le  lecteur  :  cOn  a  crié 
du  seuil  du  Ler'h  :  Dunod,  le  fils  de  Pabo,  ne  recule  jamais!  » 

n  est  facile  de  voir  que  le  barde  rappelle  à  sa  mémoire , 
pour  s'encourager  lui-même ,  une  parole  fameuse  adressée 
à  un  de  ses  plus  illustres  compatriotes ,  surnommé  dans  les 

^.  Annales  bretonnes ,  le  Sage ,  le  pilier  de  bataille  de  Vile  de 

Bretagne ,  >  et  qu'il  s'en  fait  l'application.  Mais  d'où  vient  ceOe 
parole? 

Qu'est-ce  que  cette  cabane  mystérieuse?  Qu'est-ce  que  ce 
ler'k  d'où  elle  sort?  c  En  Basse-Bretagne ,  dit  Dom  Le  Pel- 
letier, on  donne  par  excellence  le  nom  de  1er* h  à  certaine^ 
grandes  pierres  plates ,  un  peu  élevées  de  terre ,  sous  les- 
quelles on  peut  être  à  couvert ,  et  qui  sont  l'objet  de  fables 
parmi  les  paysans.^  » 

Quelques  personnes,  dit  un  autre  lexicographe  breton  ,  < 
les  désignent  sous  le  nom  de  Dolmen  ou  tables  de  pierres.  En 
Galles ,  elles  ont  la  même  signification ,  ^  ainsi  qu'en  Irlande 
et  en  Ecosse.  ^  Maintenant ,  un  écrivain  gallois ,  du  Xn*"  siè- 

«  Far...  post  kad  enez  Preden.  (Myvyr.  arch.,  i.  2,  p.  3.) 
fl  Dictionnaire  de  la  langue  bretonne  au  mot  leeh. 
^  Le  Gonidec,  dictionnaire  breton-français ,  p.  308. 
^  Owen's  Dictionary,  t.  2,  p.  268. 

»  Dictionary  of  tbe  gaelic  language,  puëlislied  under  the  direction 
of  the  HighUnd  society  of  Scotland ,  vol.  1 ,  p.  226. 


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62 

cle ,  nous  apprend  que  de  son  temps ,  dans  son  pays ,  on  les 
appelait  les  pierres  qui  parlent  ou  qui  rendent  de$  oracles ,  en 
breton  ler'h  lavar.  Une  d'elles ,  dit-il ,  était  jetée  connue  un 
pont  sur  une  rivière  :  les  pieds  des  passants  lui  avaient  donné 
le  poli  et  l'édat  du  marbre  ;  elle  était  fendue  par  le  milieu , 
et ,  cette  fente ,  selon  une  antique  tradition  populaire ,  pro- 
venait de  ce  qu'on  y  avait  déposé  un  cadavre  dont  le  contact 
avait  fait  subitement  parler  la  pierre.  On  racontait  aussi  que, 
d'après  une  prédiction  de  Merzin ,  un  roi  des  Anj^es ,  vain- 
queur des  Gaêls  d'Iriande ,  et  blessé  en  ce  pays  par  un  hom- 
me à  la  main  rouge ,  devait  mourir  sur  la  pierre  qm  parle,  i 
Un  siède  auparavant,  un  conteur  populaire  breton  nous 
n^ontre ,  au  fond  d'une  forêt ,  un  ler*h  sous  lequel  dort  un 
guerrier  noir ,  mystérieux ,  invincible ,  enchanté ,  qui ,  toutes 
les  fois  qu'on  lui  jette  un  triple  défi ,  se  lève,  apparaît  monté 
sur  un  squelette  de  cheval ,  revêtu  d'une  armure  rouillée ,  at- 
taque son  ennemi ,  se  remet  en  selle  aussi  souvent  qu'on  le 
désarçonne ,  et  finit  par  disparaître ,  emmenant  le  cheval  de 
son  adversaire.  ^  Dans  une  imitation  en  vers  du  conte  dont  je 
parle ,  le  mot  1er' h  est  rendu  par  tombel,  ^  et  c'est  probable- 
ment sa  véritable  signification  ;  car  on  trouve  des  ossements 
calcinés  et  des  armures  sous  la  plupart  de  ces  monuments ,  et 
l'on  peut  conclure  de  plusieurs  passages  de  poèmes  bretons , 
principalement  d'un  de  ceux  attribués  au  barde  Merzin, 
que  c'étaient  des  tombeaux.  Prophétisant  à  ses.  malheureux 
compatriotes  qu'un  héros  de  leur  race  sortira  de  la  tombe 
pour  venir  les  venger  des  Saxons ,  il  s'écrie  :  <  Un  des  six  les 

'  Sonti  tiitem  ler'h  lavar,  lapis  loqnax.  (Giraldus  Cambrensis. 
hinerariom  Cambria,  p.  778.) 

*  G>ntes  populaires  des  anciens  Bretons ,  i.  2 ,  p.  348. 

s  Pereeval'4e'GaUois ,  par  Chrétien  de  Troyes.  Bibliothèque 
royale  de  Ptfîs ,  ma.  n^  7525,  et  Contes  populaires,  p.  299,  t.  2. 


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63 

plus  illustres  se  lèvera  de  dessous  le  ler'k  où  il  est  enfermé 
depuis  longtemps ,  et  il  sera  vainqueur,  i  » 

De  tous  ces  témoignages  je  conclus  que  c*est  la  voix  de  la 
tombe,  la  voix  d*un  héros  de  la  patrie,  couché  sous  la  pierre 
du  sépulcre ,  qui  a  jeté  le  cri  belliqueux  dont  Liwarc'h-Henn 
rappeDe  le  souvenir  encourageant. 

Un  autre  point  du  poème  auquel  le  lecteur  a  pu  chercher 
une  explication ,  comme  les  antiquaires  Gallois ,  et  que  ces 
derniers  n'ont  pas  éclairci ,  est  la  mention  faite  par  le  barde 
de  la  tête  d'Urien  qu'il  emporte.  cD  semble,  dit  le  docteur 
Owen ,  que  Liwarc'h  mit  en  sûreté  la  tête  de  son  ami  ;  s'il  le 
fit,  quelle  fut  son  intention?  Ceci  ne  fait-il  pas  allusion  à 
quelque  coutume  particulière  ailx  Bretons?  > 

Effectivement ,  ils  conservaient  avec  vénération  la  tète  de 
leurs  grands  hommes.  Nous  voyons,  dans  les  Triades  de  l'tle 
de  Bretagne ,  les  compagnons  d'un  prince  Breton  appelé  Bran- 
le-Béni ,  tué  dans  un  combat  contre  les  Gaêls  d'Irlande ,  em- 
porter du  champ  de  bataille  la  tète  de  leur  général,  et  la  garder 
religieusement  comme  un  palladium  contre  les  invasions  étran- 
gles :  tant  qu'ik  possédèrent  ce  sacré  dépAt,  disentles  Triades, 
les  Saxons  ne  purent  prévaloir  contre  les  Bretons,  mais  Arthur 
ayant  dédaigné  un  pareil  talisman ,  et  ne  voulant  chercher 
d'appui  que  dans  son  propre  courage  pour  défendre  sa  patrie , 
l'Ue  de  Bretagne  fut  envahie.  ^  H  y  a  tout  lieu  de  croire  que 
la  tête  d'Urien  fut  remise  aux  mains  des  moines  de  Bangor , 
et  déposée  dans  le  sanctuaire  de  leur  église,  parmi  les  reli- 
ques des  autres  Saints  nationaux  :  les  Apôtres  du  Christia- 
nisme naissant  avaient  de  bonne  heure,  on  le  sait,  '  consacré, 


<  Myvyr,  arck.,  i.  1 ,  p.  144. 
1  Triades.  Myvyr.  orcA.,  t.  2. 
*  Ex  tniiqaîs  oonstitatioiiibas  Ecdesiarum  OrienUdiam.  G.  62. 


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64 

en  le  purifiant,  l'usage  païen  d*honorer  les  restes  des  objets  de 
la  vénération  populaire.  On  lit  dans  les  Constitutions  de 
l*Eglise  d'Orient  suivies  par  les  Bretons  :  c  Que  les  ossements 
des  saints  martyrs  qui  ont  combattu  le  bon  combat  pour  le 
Christ  et  la  foi  orthodoxe ,  soient  déposés  dans  les  églises  ; 
car  ils  sont  les  amis  de  Dieu,  et  la  couronne  du  peuple  chré- 
tien. » 

Or ,  U  ne  faut  pas  oublier ,  qu'en  réalité ,  Urien  mourut  en 
défendant,  contre  la  barbarie  et  les  Saxons  païens ,  la  cause 
du  Christ  et  de  la  civilisation. 

J'arrive  à  l'examen  du  texte  du  poème. 

C'est  un  de  ceux  qui  ont  été  le  plus  altérés  par  les  copistes, 
et  rendus  ainsi  des  plus  obscurs ,  comme  je  l'ai  déjà  fait 
observer.  Pour  rétablir  autant  que  possible  la  version  primi- 
tive, j'ai  comparé  et  éclairé  l'un  par  l'autre  le  texte  du  lÀvre 
noir  de  Kerverzin  et  celui  du  lÀvre  rouge  d'IIerghest;  mais 
tous  deux  ont  évidemment  bien  souffert.  Je  me  suis  aussi 
servi  du  texte  de  V Archéologie  galloise  suivi  par  Owen  ;  mal- 
heureusement ,  ni  elle  ni  lui  n'ont  pu  m'ètre  d'aucune  uti- 
lité :  ce  dernier  même  est  moins  propre  à  jeter  du  jour  que 
des  ombres  sur  le  sujet ,  car ,  selon  sa  coutume ,  il  traduit 
souvent  de  plusieurs  manières  différentes  :  par  exemple ,  dans 
son  Dictionnaire ,  il  rend  ainsi  le  premier  vers  de  la  pièce  : 
Que  le  furieux  Unhouc'h  me  guidel  >  et  dans  ses  Élégies  :  En 
avant,  â  toi,  lance  de  frêne  meurtrière  !  2  Puis,  oubliant 
qu'après  avoir  pris,  avec  raison,  le  mot  Unkouc*h  pour  un 
nom  d'homme ,  il  lui  a  donné  ensuite  le  sens  de  lance  de 
frêne,  il  le  rend  par  assaut  violent,  et  traduit  le  premier  vers 
de  la  quatrième  strophe  :  Uaigle  du  Gaulois  de  violent  assaut ,  3 

■  May  the  furious  Unhwcb  lead  me  on.  (Vol.  2,  p.  549.) 

*  Let  me  be  goided  onward,  Uiou  asben  spear  of  dealh.  (P.  73.) 

s  The  eagle  of  Gai  of  vident  thrn&t.  (Dictionary,  ?ol.  2,  p.  57.) 


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65 

qu'il  a  interprété  précédemment  :  Comme  l'aigle ,  un  ennemi 
avec  une  lance  de  frêne  ' .  Il  n'est  guère  de  strophe  du  poème 
où  on  ne  le  trouve  ainsi  en  désaccord  avec  lui-même ,  et,  ce 
qu'il  y  a  de  plus  fâcheux ,  c'est  qu'il  a  induit  en  erreur  le  yé- 
nérable  Sharon  Tumer  *.  Me  sera-t-il  donc  permis  de  réda- 
mer pour  ma  traduction  un  peu  de  l'indulgence  dont  la  sienne 
a  besoin? 


«  Like  ihe  eagle  a  foe  with  an  asben  spear.  (Elégies,  p.  23.) 
s  History  of  (he  Anglo-Saxons,  1. 1 ,  p.  305,  éd.  de  1828. 


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CHANT  DE  MORT 


KENDELANN,  HLS  DE  KENDROUEN. 


(577.) 

ARGUMENT. 

On  lit  dans  la  Chronique  Saxonne  : 

«  En  Tan  577 ,  Kouthwin  et  Keawlin  combattirent  les  Bre- 
tons et  leur  tuèrent  trois  rois  :  Konmael ,  Kendelann  et  Ka- 
renmael ,  en  un  lieu  appelé  Deorham ,  et  leur  prirent  trois 
villes  :  Glocester ,  Cirencester  et  Bath.  >  > 

Ce  Kendelann  que  les  divers  manuscrits  gallois  appellent 
indifféremment  Kynddylan,  Kondolen  et  Kandilen,  et  les 
auteurs  saxons  Condidan  et  Candidan ,  en  altérant  son  nom , 
est  le  héros  d'une  des  élégies  de  Liwarc'h-Henn.  Il  régnait 
sur  les  Bretons  de  Powys,  maintenant  Montgommery ,  et  suc- 
comba sous  les  forces  combinées  des  Saxons  et  des  Logriens. 
Karenmael  ou  Keranmael  dont  la  Chronique  Saxonne  le  fait 
accompagner ,  et  qu'elle  nomme  improprement  Farinmael , 
était  le  fils  de  Kendelann ,  et  figure  également  parmi  les  plus 
illustres  compagnons  du  prince  chanté  par  le  barde.  Quant  au 
chef  Konmael ,  il  ne  le  mentionne  pas ,  et  il  est  difficile  de 
deviner  auquel  des  guerriers  dont  il  parle ,  ce  surnom  fort 
commun  s'adresse.  On  chercherait  aussi  vainement  dans  le 

>  Chnmicon  Sax. ,  édit.  de  Gibson,  p.  22.  Oxford,  1692.  De- 
orham est  mtinteoant  Derham  dans  le  Glocestersbire. 


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67 

poème  les  deax  chefe  saxons  de  la  Chronique.  Selon  une  ha- 
bitude particulière  aux  bardes,  Tennemi  des  Bretons  s'y 
trc^uVe  personnifié  sous  la  figure  d'un  sanglier ,  en  langue  cel- 
tique tourc'k ,  dénomination  où  les  écrivains  gallois  moder- 
nes, prenant  le  Piréepour  un  homme»  ont  vu  le  nom  d'un  chef 
saxon. 

n  B>st  guère  plus  aisé  de  déterminer  d'une  manière  pré- 
cise la  position  des  lieux  honorés  par  les  combats  de  Km^ 
dèlann  :  cependant  on  sait  positivement  à  quels  comtés  ac^ 
tuels  de  rile  de  Bretagne  appartiennent  ceux  qui  8<mt  le  phia 
souvent  cités  dans  son  âégie  :  ainsi  Pengwem  est  maintenant 
Shrewsbury ,  viBe  du  Shropshire  ;  Trenn  est  la  ville  actuelle 
dé  Tem,  éx  même  éOnlté ,  et  Bagas  celle  de  Bteing,  dans  le 
Rampsdire.  Du  reste ,  on  comprend  sans  peine  cette  difficulté 
de  retrouver  tous  les  noms  celtiques  sous  les  noms  saxons  im^ 
posés.par  les  conquérants  :  dans  les  pays  de  frontières ,  tou- 
jours les  premiers  envahis ,  comme  Font  été  ceux  dont  nous 
pâirtons,  et  qui,  à  chaque  invasion  nouvdle,  passent  en  de  nou- 
velles mains ,  rien  n*est  plus  variable  que  les  dénominations 
géographiques  ;  et  la  recherehe  des  noms  prlmitife  sur  la 
carte  est  une  entreprise  oà  l'on  doit  rarement  espérer  de 
réussir. 

Les  noms  d'hommes  et  de  lieux  sommairement  onœtatés , 
je  passe  à  l'exposition  des  idées  développées  par  notre  barde. 

Ce  sont  d'al)ord  les  vertus  de  Kendelann  qu'il  chante  ;  sa 
générosiié ,  son  courage ,  son  obstinaâon ,  sa  finesse ,  son  ar- 
deur guerrière  égale  à  celle  du  limier ,  du  feucon ,  du  san- 
glier ,  du  lion  ;  ardeur  qui  enflamme  les  coeurs  et  les  entraine 
à  soi  comme  à  une  fête ,  comme  à  un  assaut.  Heureux  le 
peuple  qui  a  pour  chef  un  pareil  défenseur ,  car  voilà  qu'on 
entend  le  bruit  sourd  de  l'ennemi  qui  s'avance  :  il  Ciut  se 
serrer  en  faisceau  et  se  fortifier  sur  les  hauts  lieux. 

Vains  efforts!  L'armée  étrangère  composée  d'Angio-Saxons , 


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que  le  barde  appelle  Franks ,  et  de  Logriens ,  peuples  de 
TAngleterre  aciucUe ,  a  triomphé  de  la  résistance  des  indigè- 
nes; et,  après  avoir  tout  détruit,  tout  pillé,  elle  s'élc^e 
pour  aller  porter  ailleurs  la  désolation  et  la  mort. 

L'ennemi  parti ,  la  nuit  venue ,  on  voit ,  parmi  Içs  rujne^ 
qu'il  a  faites ,  un  cercueil  dans  une  grande  salle  vide ,  sonH 
bre ,  »lencieuse ,  sans  lumière,  sans  feu ,  sans  toiturcf ,  ou- 
verte à  tous  les  vents  du  ciel ,  et,  près  de  oe  cercueS ,  le. 
barde  veillant  et  pleurant.  Tandis  qu'il  veille  ainsi ,  des  crif, 
ptf  çants  parvi^nent  à  son  oreille ,  dans  le  silence  de  la  nwt» 
C'est  la  voix  d'un  aigle  de  la  montagne ,  rouf^  du  sang  de 
Kendelann,  oà  il  «i  -étanché  sa  soif ,  et  du  sang  des  autres 
guerriers  massacrés,  où  il  se  plonge  avec  volupté  ;  c'est  Iq 
voix  d'un  second  aigle ,  posé  sur  le  fa$te  du  palais  du  chef* 
breton ,  et  qui  demande  sa  chair  à  dévorer. 

De  la  salle  funèbre ,  le  barde  accompagne  le  corps,  de. 
Kendelann  dans  l'église  où  le  prince  doit  être  înhmmé ,  et- où 
ont  été  déposés  les  restes  de  ses  compagnons  morts  en  com* 
battant. 

Parmi  ceux-ei,  il  retrouve  plusieurs  des  habii^yalS'  d'une 
ville  en  construction  appelée  la  VUk  blanche ,  dont  les  murs , 
sans  cesse  arrosés  du  sang  des  mdigènes ,  n'ont  probablement 
jamais  été  achevés. 

n  reconnaît  les  sœurs  héroïques  de  Kendelann,  qu'il  nomme 
ses  sœurs  ;  plusieurs  frères  du  chef  breton  ,  qu'il  nomme 
aussi  ses  frères ,  enfin  le  héros  Keranmael ,  qu'il  célèbre  le 
phis  après  Kendelann. 

Quand  il  a  rempli  de  la  sorte  les  devoirs  de  la  piété  frater- 
nelle, il  se  donne  à  lui-même  le  conseil  de  fuir  dans  la  soli- 
tude ,  croyant  d^à  sentir  le  froid  de  la  lance  du  Saxon  qui 
viendra  tout-à-rhenre  pour  livi*er  aux  flammes  l'église  qui 
sert  d'asile  aux  morts  illustres  qu'il  a  chantés. 

Hais  le  sang  de  tant  de  victimes ,  celui  surtout  de  Kende* 


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69 

iann  et  de  ses  sœurs ,  dont  le  barde  se  plaît  à  répéter  avec 
amour  les  noms ,  en  finissant ,  n'aura  pas  été  versé  en  vain  : 
un  guerrier  mystérieux ,  invincible ,  ne  tardera  pas  à  se  pré- 
senter à  la  tête  d'une  armée  nombreuse  ,  et  vengera  les  Bre- 
tons. 

Tel  est  le  thème  de  Télégie  qu'on  va  lire. 

L'auteur  débute  en  s'adressant  pathétiquement  aux  jeunes 
filles  de  l'Ile  de  Bretagne ,  qu'il  convie  au  spectacle  déchirant 
du  palais  de  Kendelann  et  de  tout  le  pays  en  flammes. 


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IV. 

MARONÂD 
KENDELANN,  MAB  KENDROUEN. 


I. 


Savouc'h  ac'hlan  ,  monvenion  y  ha  sel- 
louc'h  gweredre  —  Kendelann  !  — 
Lez  Pengwern  n'ez  tande  ? 
Gwae  ieuenk  a  eizun  brodre  !  ^ 

Un  prenn  ha  gwezwid  —  ar-n-han  — 
Oc^h  diank  ez  odid  ! 
  menno  Diou  deruid.  ^ 

Kendelann ,  kalon  ien  —  goam  !  — 
  gwan  tourc'h  troue  è  penn , 
Ti  a  rozez-t*kourou  Trenn.  ^ 

I      Sefwch  allsn  vorwyDion  a  selluch  werydre  Kyndylan 
Lys  Pengwern  nead  tande 


Gwae  ieuaioc  a  eidun  brotrc. 


(Mss.  de  Herghest.) 


t     Uo  preo  a  gooil  arnau 
0  dianc  ys  odid 
A  vynno  duw  dervid.  {Ibid.  ) 


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IV. 
CHANT  DE  MORT 

DE 

KENDELANN,  FILS  DE  KENDROUEN. 


Levez-vous  ^  jeuoes  fiUes ,  et  regardez  le  pays 
de  KendelaDO  !  Le  palais  de  PeDgwem  ^  n'est-il 
pas  en  feu  ?  Malheur  aux  jeunes  [persoDues]  qui 
d^irent  les  alliauces  ! 

Un  arbre  de  chèvrefeuille  couvert  échappera 
peut-être;  [mais]  ce  que  Dieu  voudra  arrivera. 


Kendelann^  au  cœur  [maintenant]  froid  [com- 
me] l'hiver,  le  sanglier^  t'a  transpercé  la  tête, 
à  toi  qui  prodiguais  la  cervoise  de  Trenn.  ^ 

'      Kyodylan  kaloo  iaen  gauaf 
A  want  iwrch  trwy  ei  ben 
Cq  a  rodeist  caruf  tren.      [Ma-  de  HergheU.) 

*  Shrewsbury  ,  dans  IcvSbropshire ,  capitale  da  pays  de  Powys , 
ou  de  Montgommery ,  avant  que  ce  fût  Matbraval. 

>  L'enoenii,  le  chef  saxon  Koutbwin,  ou  son  allié  KeaMrlio. 

•  Tern ,  dans  le  Shropsbire  ,  près  de  Wrekin. 


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72 
Kendelann,  kalon  gozaez — goaDouen^- 
O  kevlouen  am  keviez , 
Enn  amouen  Trenn ,  trev  difez.  l 


Kendelann ,  pever  post  kewlad  ; 
Kadouenok ,  kendeniok  kad  ; 
Amesker  TreDn ,  trev  é  tad.  2 


Kendelann  y  pever  pouel  oc'h  pru, 
Kadouenok  y  kendeniok  lu  , 
Âmesker  Trenn,  hed  tra  bu.  ^ 


Kendelann ,  kalon  milgi , 
Pan  diskennei  enn  kemmelri  —  kad ,  — 
Kelanez  a  lazei.  ^ 

Kendelann,  kalon  hebok, 
Bezeî'r,  enn  gwir,  kendeirtok, 
Keneu  Kendrouen  kendeniok.  5 

I      Kyndylan  kalon  godaith  wanwyn 

0  gyfloyn  amgyuyeilh 

Yo  amwyn  treo  trif  difaitb. 

(Mis.deHerghesl.) 
•      Kyndylao  bever  post  kywlat 

Kadwyoauc  kyndynnyauc  cat 

Amucsei  iren  Iref  ei  dad.  (  Ibid.  ) 

^      Ryodylan  beuyr  buyil  o  fri 


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73 
Kenddann  !  ton  cœur  était  un  feu  de  brous- 
sailles du  printemps  j  quand  tu  te  conjurais  avec 
les  hommes  de  la  langue  commune,  quand  tu 
défendais  Trenn ,  ville  maintenant  détruite. 

Kendelann  !  [tu  étais  la]  colonne  éclatante  de 
la  commune-patHe;  tu  portais  le  collier  [d'hon- 
neur]; tu  étais  le  chef  [le  plus]  obstiné  dans  le 
combat;  tu  défendis  Trenn ,  la  cité  de  ton  père. 

Kendelann!  par  ta  finesse,  tu  brillais  entre 
tous;  tu  portais  le  collier  [d'honneur];  tu  étais 
le  chef  [le  plus]  obstiné  de  l'armée  ;  tu  défendis 
Trenn,  tant  qu'elle  exista. 

Kendelann ,  cœur  de  limier  !  Quand  tu  des- 
cendais dans  la  mêlée,  tu  entassais  les  cada- 
vres. 

O  Kendelann!  cœur  de  faucon,  tu  étais,  en 
vérité ,  un  chef  indomptable ,  ô  enfant  de  Ken- 
drouen  l'obstiné! 

Radwyiiauc  kyodynyatte  lu 

Amucsei  Tren  byd  tra  vu.  (  Ibid.) 

*     Kyodylan  kalon  mUgi 

Pan  disgyoei  ya  nghymbelri  cat 

Kelanedd  a  ladeî.  (  ibid.  ) 

^     Ryodylao  kalon  hebane 

Buteir  ennwir  gynndelriauc 

Kenau  Kyndrwyn  kyndyniaac.  {Ibid,) 


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74 
KendelaoQ ,  kaloD  gwezrhoUc'h , 
Pan  diskenoei  enn  prif  huc'h — kad, 
Kelanez  enn  deu  trouc'h.  ^ 


Kenddann ,    goul-houc'h    Kenniviad 
leou,  — 
Bkiz  delen  dîskeniad  ; 
Ned  adver  tourc'h  trev  he  tad,  2 

Kendelann  ^  bed  tra  attad 
Ez  ade  ë  kalon ,  mor  gwelad  ^ 
Gant-han ,  mal  ë  tourouf  e  kad. 

Kendelann  9  Pouis  porfor  —  oez  it^  — 
Kel  e&bed  :  beoued  ior, 
Keqeu  Kendrouen  koiienitor  !  ^ 

Kendelann ,  gwenn  mab  Kendrouen , 
Ne  mad  gwisk  barv  am  he  froen , 
Gour  ne  bez  gwell  na  morwen.  ^ 


*      Kyodylan  kalon  gwlb  hwcb 
Pan  disgynei  ympriffwch  cad 
Relanedd  yii  deo  drwcb. 

(Mii.deHerg.) 
>      Kyodylan  gulhwcb  gynniliad  Jew 
Blei  dilia  disgyBÎat 

Nid  adfer  Iwrch  Iref  he  dad .  (  Ibid .  ) 

*     Ydd  adai  ei  galoo  mor  wylad 


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75 
O  Kendelann  !  cceur  de  saoglier  y  6  quand  tu 
descendais  le  premier  dans  la  mêlée  du  combat , 
de  deux  coups  [tu  faisais]  des  cadavres  [de  tous 
les  ennemis.  ] 

Kendelann  y  sanglier  vorace,  lion  belliqueux  , 
le  loup  suit  le  guerrier  descendu  [dans  la  mêlée]  ; 
le  sanglier  ne  rebâtira  pas  la  cité  de  son  père. 

Kendelann  j  tant  que  le  coeur  allait  à  toi ,  il 
était  en  grande  fête;  [il  allait]  comme  à  l'atta- 
que dans  le  combat. 

Kendelann ,  ta  étais  la  pourpre  de  Powys ,  ^  le 
refuge  des  exilés  :  ah!  qu'il  vive  immortel ^  le  fils 
de  Kendrouen  que  l'on  pleure  ! 

Kendelann ,  blanc  fils  de  Kendrouen  y  il  ne  con- 
vient pas  qu'il  porte  [comme  toi]  de  la  barbe  au- 
tour des  narines ,  l'homme  qui  n'est  pas  plus 
brave  qu'une  fille. 

Gaotâu  mal  j  goraf  i  gad.         (Mu.  de  Herg.  ) 
*     Kyodylan  Poays  borfor  wycb  yt 
Kel  esbyd  bywyd  Sor 

Keneu  Kyndrwyn  cwynitor .  (  Ibid .  ] 

»      Ni  mad  wisg  baryf  am  ei  drwyn 
Gwr  ni  les  gwell  no  roorwyn.  {Ibid.  ) 

*  Liiiôralemeot  :  cœur  de  porc  iomvage. 
'  Le  comté  actuel  de  Monlgommery. 


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76 
Kendelann,  kemmouiad  ouet; 
Ar  meized  na  bedeloued^ 
Am  trebouil  toul  té  eskoued.  1 

KendelanD ,  kae-te  er  riou  : 
Enn  hi  dai  Loegroùiz  heziou; 
Anogelez.  am  un  n'ed  eou.  ^ 

KendelaDD,  kae-te  té  penn: 
Enn  hi  dai  Loegroùiz  troue  Trenn; 
Ne  gel  ver  koed  oc'h  un  prenn.  5 

II. 

Gan  men  kalon-i  mor  dru  ; 
Keselti  estellod  du 
Gwan  knod  Kendelann^  kenrann  kant  lu!  ^ 

Estavel  Kendelmin  ez  teouel  —  heno  ,  — 
Heb  tan  9  heb  gwele  : 
Gwelani  dru,  tavam  gouede.  ^ 

'      Kyodylao  kymmwyad  wyl 
At  roeitbjd  na  bjdjiwyt 
Am  drcbwll  Iwll  dy  ysgwyd. 


(Ms8,  de Herghest.) 

Kyodylan  kae  di  y  rbiw 

Er  ydaa  Lloegyrwys  beddiw 

Aingeledd  am  un  nid  iw. 

f/6id.) 

Ni  eluir  koed  o  un  pren. 

{Ibid.) 

€aii  \y  DgbaloD  i  mor  dru 

Kyssylllu  yslyllod  du 

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77 
Kendelann ,  tu  étais  un  terrible  adversaire  ;  tu 
ne  regardais  point  à  la  peine ,  quand  ton  bou- 
clier trouait  la  mêlée. 

Kendelann ,  fortifie-toi  sur  le  rocher  :  les  Lo- 
griens  ^  vont  y  venir  aujourd'hui;  [mais]  la 
crainte  n'est  point  [faite]  pour  un  [homuàe.] 

Kendelann / fortifie-toi  [âar]  tes  hauteurs;  les 
Logriens  vont  y  venir  par  Treno;  [mais]  on  n'ap- 
pelle point  forêt  un  arbt^e.  7 

n. 

Mon  cœur  est  en  proie  à.ime  grande  tristesse ^ 
quand  je  songe  que  des  planches  noires  pressent 
la  chair  de  Kendelann ,  le  chef  de  cent  armées. 

La  salle  de  Kendelann  est  sombre,  cette  nuit, 
sans  feu  ,  sans  lit  :  je  pleure  amèrement  ^  je  me 
tais  après. 

G wyn  gnaud  K yndylan  ky ngrao  kan  lu .        (  Ibid .  ) 

»     Ystafd  Kyndylaa  js  tywylt  he^o 

Heb  dan  heb  wely 

Wylafwers  tawaf  wedy.  {Ibid,) 

•  Les  Saxons  conquérants  el  leurs  alliés  les  indigènes  du  pays 
de  Logres  on  de  TÂngleterre  orienule,  la  première  envahie  par 
les  étrangers. 

7  C'est-à-dire  :  ils  ne  méritent  pas  leur  réputation ,  ils  ne  sont 
pas  aussi  terribles  qu*on  le  oroit  ;  comme  nous  dirions  en  fran- 
çais :  Un  arbre  ne  fait  point  une  forêt. 


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78 
Esiavel  Kendelann  ez  teooel  —  lieno ,  — 
Heb  tan ,  heb  kabouel  : 
NameD  Diou ,  piou  a'm  direî  pbuel  ? 

Estavel  KendelanD  ez  teouel  *--  heno,  — 
Heb  tan ,  heb  goleaad  ; 
Ëlkl  amdav  am  danad  î 

Estavel  Kendelann  ez  teouel — 1^  non , — 
Gouede  gwenn  kevezez  : 
Gwae  ne  goura  da  he  divez  !  i 

Estavel  Kendelann  n'ed  aezoued  —  heb 
gwez?  — 
Mae  enn  bez  fé  eskoued  : 
'  Hed  tra  bou ,  ne  bou  toul  kloued  !  2 

Estavel  Kendelann  ez  digariad — ^heno  : — 
Gouede  er  neb  piaouad. 
Wi!  o  ÂnkeUy  berr  emgad  !  ^ 

Estavel  Kendelann  n'ed  esmouez — ^heno, — 
Ar  penn  karrek  Hedouez , 
Heb  ner,  heb  niver,  heb  ammouez.  * 

*      Gwedy  gwen  gyweithydd 

fiwae  ni  wna  da  ai  djayd. 

(Msi.  de  HerghmL) 
t      Ystâfel  Ryndylan  neud  aethwyd  heb  wedd 

Uttt  jm  bed  dy  yagwyd 

Ryd  tra  bo  ni  bo  doH  glwyd.  (  Ibid.  ) 

s     Gwedy  yr  neb  pienat 


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79 
La  salle  de  Kendelann  est  sombre,  cette  nuit , 
sans  feu ,  sans  lumière  :  si  ce  n'est  Dieu  /  qui  me 
donnera  du  courage? 

O  salle  de  Kendelann  !  que  tu  es  sombre,  cette 
nuit ,  sans  feu ,  sans  clartë  :  quel  silence  règne 
autour  de  toi! 

La  salle  de  Kendelann  a  de  sombres  lambris  ; 
plus  de  compagnies  souriantes;  malheur  à  qui 
ne  fait  pas  sa  fin  bonne  ! 

Salle  de  Kendeltitn,  n*es-tu  pas  privée  de  ta 
beauté  ?  C'est  que  ton  boucler  est  dans  le  tom- 
beau ;  tant  qu'il  vivait ,  il  n'était  pas  ouvert  ce 
toit  ! 

La  salle  de  Kendelann  reste  délaissée,  cette  nuit, 
après  celui  qui  la  possédait.  Ah  !  malheur  !  ô 
mort ,  prends-moi  vite  ! 

La  salle  de  Kendelann  n'est  pas  agréable ,  cette 
nuit,  au  sommet  du  rocher  dllédouez,  ^  sans 
maftre ,  sans  société ,  sans  fête. 

Wi  0  aogea  byr  ynogat.  (I6id.) 

*     Ystafel  Kyndj^an  nis  esnmylh  beno 
Ar  bênn  karec  Hydwyth 
Heb  ner  heb  nifer  heb  anuawylb.         (Ibid.) 
*  C'est  peut-être  Berry,  qai  n*est  pas  loin  de  la  eoHioe  d*Uri- 
cooium,  oa  Worcester,  ville  qui  appartenait  à  Kendelann;  peut- 
être  Hodnet,  près  de  Shrewsbury. 


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80 
Estavel  Kendelann  ez  teouel  —  heno, — 
Heb  tan ,  heb  gwerzeu  : 
Degestuz  deu-ruz  dagreu*  *  i 

Estavel  Kendc^nn  ez  leouel  —  heno , — 
H^  tan  ,  heb  teulu  ; 
Hidel-ma  ez  genu.  2 

Estavel  Kendelann  am  gwan — he  gweled — 
Heb  toed,  heb  tan  ; 
Marv  mé  gleou ,  beo  me  uoan  !  ^ 

Estayel  Kendelann  ea  pei^iok  —  heno, — 
.Gouade  kadouir  bodok  :  ^ 
Elvan,  Kendelann,  Kueok. 

Estavel  Kendelann  ez  oergre  —  heno  — 
Gouede  ë  parc'h  am  boue; 
Heb  gouir,  heb  gwragez  a  hi  kadoue.  ^ 

Estavel  Kendelann  ez  ar  tav  —  heno  — 
Gouede  kolli  he  henav. 
Oh  !  maour  trugarok  Diou  !  pa  gounav?  ^ 

*  Heb  dan  heb  gcrddau 
Drgysiudd  deunidd  dagrau. 

(Min.  de  HergheU.) 
s      Hîdyl  maa  ydgyiiu.  (Ibid.) 

*  Marw  ty  Dglyw  byw  my  bunan.  {Ibid.) 

*  Gwedy  kedwyr  Todawc.  (Ibid,) 
»      Ystafel  Ryndylan  ys  oergrai  heno 


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81 
La  salle  de  Kendelann  est  sombre  celte  nuit^ 
sans  feu ,  sans  chansons  ;  les  larmes  me  creusent 
les  deux  joues. 

La  salle  de  Kendelann  est  sombre  cette  nuit, 
sans  feu,  sans  famille;  elle  cause  mes  abondantes 
[larmes]! 

La  salle  de  Kendelann  me  brise  [le  cœur] , 
quand  je  la  vois  sans  toit,  sans  feu  ;  mon  chef  est 
mort ,  et  je  vis  ! 

La  salle  de  Kendelann  reste  ouverte  cette  nuit , 
après  avoir  été  Tasile  des  guerriers  accoutumés  : 
El  van,  7  Kendelanû,  Kuok.  « 

La  salle  de  Kendelann  est  triste  cette  nuit 
[pour  moi],  après  les  honneurs  que  j'y  reçus; 
sans  les  guerriers ,  sans  les  dames  qu'elle  rece- 
vait. 

La  salle  de  Kendelann  se  tait  cette  nuit ,  après 
la  perte  de  son  ancien  [maître].  Oh!  Dieu  très- 
miséricordieux  !  que  ferai-je? 

Gwedy  y  parch  am  buai 

Heb  wyr  heb  wragedd  ai  kadwai.  {Ibid.) 

*      Ystafel  Kyndylan  ys  ar  af  heno 

Gwedi  colli  ei  hynaf 

Y  inawr  drigawc  Daw  pa  wcaf.  (  Ibid.  ) 

7  Fils  de  Readroaen  ei  frère  de  Keodelann. 
•  Autre  frère  de  Kendelann. 


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82 
Estavel  Kendelann  ez  teouel  lie  nen  y 
Gouede  dWa  oc'h  Lo^ouiz 
Kendelann  hag  ElvaD  Pouiz. 

Estavel  Kendelann  ez  teouel  heno 
Oc^h  plant  Kendrouen  : 
Kenan^  ha  Gwion,  ha  Gwenn. 

Estavel  Kendelann  am  erwan — ^pobhaour,— 
Gouede  maour  emgennerzan 
A  gweliz  ar  té  penn-tan.  * 

III. 

Erer  Eli ,  ban  he  lev ,  - 
Leiz  eo  gouir  lenn  j 
Kreu  kalon  Kendelann  gwenn.  t 

Erer  Eli ,  gorel vi ,  —  henoz ,  — 
Enn  gwaed  gouir  gwenn  novi  ; 
Hef  enn  koed  ;  troum  hoed  i-mi  !  5 

Erer  Eli  a  klevam  —  heno  — 
Kreuled  eo;  n^ez  beiziam,  ^ 
Hef  enn  koed  ;  troum  hoed  ar-n-am  ^ 

I      YsUfel  Kyndjlaa  aro  erwan  pob  awr 

Gwedj  mawr  ymgynyrdan 

A  weleb  ar  dj  benun.  (Ma.  de  HerghesL 

»      Eryr  Eli  ban  ei  lef 

LIeisiea  gwyr  Uyn 

Kraa  kaloo  Kyndylan  wyn.  (IM.) 


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83 
La  salle  de  Kendelann  a  son  plafond  sombre, 
depuis  que  les  Logriens  ont  bnilé  Kendelann  et 
Elvan  de  Powys. 

La  salle  de  Kendelann  est  sombre  cette  nuit , 
à  cause  des  fils  de  Kendrouen  :  Kenan ,  et  G^ion , 
et  Gwenn. 

O  salle  de  Kendelann ,  tu  redoubles  mes  cha- 
grins à  toute  heure  9  depuis  [qu'a  cesse]  le  grand 
tumulte  que  je  voyais  à  ton  foyer. 


III. 


L'aigle  d'Eli  ^  élève  la  voix,  il  est  humecté  du 
sang  des  hommes ,  du  sang  du  cœur  du  blanc 
Kendelann. 

L'aigle  d'Eli  pousse  des  cris  aigus,  cette  nuit ,  il 
nage  dans  le  sang  d'hommes  blancs  :  il  est  dans  la 
forêt  ;  quels  regrels  cuisants  j'éprouve  ! 

J'entends  l'aigle  d'Eli  cette  nuit  ;  il  est  ensan- 
glanté ;  je  ne  le  défierai  pas ,  il  est  dans  la  foret  ; 
quels  regrets  cuisants  j'éprouve  ! 

*  Yn  ngwaed  gwyr  gwynn  novi 
Ef  jù  ngboed  twrwm  hoed  i  mi. 

(Mi$.  de  Herghesl,) 

*  Crewiyd  yw  nîs  beiddiaf.  (  Ibid.  ) 

*  Cesi  peut-être  la  montagne  d*Eli ,  en  Irlande ,  que  Nennias 
appelle  Krtiac'han  Eli, 


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84 
Erer  Eli  gorzremet ,  heno^ 
Defrent  Mesir  raogedok , 
Tir  Broc'hmael;  liir  regozed. 

Erer  Eli  ec^hedou  mir  ; 
Ne  treuz  peskod  enn  ebir  ; 
Gelvet,  gwelet  oc'h  gwaed  gouir.  * 

Erer  Eli  goremza  —  koed ,  — 
Kevore  koania; 
k  he  laouc'h  louezet  he  traha  !  2 

Erer  Pengwem ,  penn-karn  louet , 
Ar-uc'hel  he  adlez  : 
Eizik  am  kik  ^  a  kerez.  4  ^ 

Erer  Pengwern,  penn-karn  louet, 
Ar-uc'hel  he  levan,  5 
Eizik  am  kik  Kendelann. 

Erer  Pengwern ,  penn-karn  louet 

*  Eryr  Eli  echeidw  myr 
Ni  threidd  pysgod  ya  ebyr 

Gelwid  gwelit  0  waed  gwyr.      (Ma.  de  Herghexl.) 

*  Eryr  Eli  gorymda  koed 
Kyfore  kinyawa 

Ai  lauch  Iwyddid  et  draha.  ( Ibid.) 

^      Eryr  Pengwern  pengam  llwyd 
AmclieJ  ei  atles 
Eiddig  am  gig.  { Ibid.  ) 


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85 
L'aigle  d'Eli  a  dévasté ,  celte  iiuit^  la  vallée  de 
Mesir ,  6  la  noble ,  et  la  terre  de  Broc'hmaël  ;  7 
il  Ta  opprimée  longtemps. 

L'aigle  d'Eli  garde  les  mers;  les  poissons  n'en- 
trent point  dans  les  passages  ;  il  appelle  y  en 
voyant  du  sang  humain. 

L'aigle  d'Eli  erre  dans  la  fôrét;  dès  Taurore 
il  se  repait;  que  celui  qui  le  gorge  réussisse  dahs 
ses  ruses  ! 

L'aigle  de  Pengwern^  au  bec  gris^  [pousse] 
ses  cris  les  plus  perçants ^  avide  de  la  chair  [de 
celui  ]  que  j'aimais. 

L'aigle  de  Pengwem ,  au  bec  gris ,  pousse  ses 
gémissements  les  plus  perçants  j  avide  de  la 
chair  de  Kendelann. 

L^aigle  de  Pengwem  ^  au  bec  gris ,  pousse  les 


4  Ce  mot  est  omis  dans  le  Mss.  de  Herghest ,  le  Livre  noir  de 
Hengart  écrit  a  gereii. 

*  Arachel  eaan  [he  baa?]. 

[Mii.deHerghesL) 

«  Sceur  de  Kendelano. 

'  Prince  de  Powys,  père  de  saint  Salio.  Il  commandait»  avec 
Kadvan ,  les  Bretons  à  la  célèbre^  baUille  de  Chester,  en  607  »  où 
ils  Tarent  battus  par  Ethelred,  roi  du  Norlhomberland ,  et  où  deux 
cents  moines  de  Bangor  forent  massacrés. 


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A.r-uc'hel  he  adam, 
Eizik  am  kik  a  karam.  i 

Erer  Pengwem  pell  galvet  —  heno  — 
Ar  gwaed  gouir  gwelet  : 
Re  gelver  Trenn  trev  difed.  2 

Erer  Pengwem  pell  galvet  —  heno  — 
kr  gwaed  gouir  gwelet  : 
Re  gelver  Trenn  trev  lezret. 


IV. 


Eglouizeu  Basa  e  gorfouiz  -^  heno  — 
E  divez  emgennouiz 
Kleder  kad ,  kalon  Argoedouiz.  5 

Eglouizeu  Basa  int  faez  —  henoz  — 
Më  tavod  a  heu  gounaez  ; 
Ruz  int  houei  ;  re  më  hirraez  !  ^ 

Eglouizeu  Basa  int  enk  —  henoz  — 

I     Arachel  ei  adaf 

Eiddig  am  gig  a  garaf.     (Mu.  de  Herghai.) 
1     Eryr  P«Dgwera  pell  galaaud  heno 
Âr  waed  gwyr  gwjlat 

Rby  gelwir  Tren  tref  difaud .  (  Ibid.  ) 

>     Eglwjsan  Bassa  y  orffbwys  heoo 

Y  diwedd  ymgjDDwys 
'  Kledyr  kad  kaloD  Ârgoedwys.  (Ibid.) 


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87 
cris  les  plus  aigus  ^  avide  de  la  chair  de  celui  que 
j^aime. 

L'aigle  de  Pengwem  a  appelé  au  loin  cette 
nuit  ;  on  le  voit  dans  le  sang  des  hommes.  Trenn 
est  trop  bien  nommée  la  cité  déserte. 

L'aigle  de  Pengwem  a  appelé  au  loin  cette 
nuit  ;  on  le  voit  dans  le  sang  des  hommes.  Trenn 
est  trop  bien  nommée  la  cité  inbendiée. 


IV. 


Les  églises  de  Basa  5  [sont]  dans  un  grand 
deuil  cette  nuit  ^  en  recevant  les  restes  du  pilier 
de  la  bataille;  du  cœur  des  hommes  de  TÂr- 
goed.  û 

Les  églises  de  Basa  sont  pleines  cette  nuit  ;  ma 
langue  les  a  faites  [telles]  ^  7  elles  sont  rougies 
[de  sang];  trop  [longue  est]  mon  angoisse  ! 

Les  églises  de  Basa  sont  étroites  cette  nuit , 

*     \y  Dhafawd  ao  gWDaetb 
Rhadd  ynt  bwy  rhwy  vy  biracth  (  Ibid .  ) 

*  BasÎDg,  dans  le  Hampabire. 

•  Du  pays  boisé  ;  par  oppoaiUon  aux  cOtes.  Les  paysans  d'Armo- 
rique  divisent  encore  leur  pays  en  Ârvar,  le  rivage,  et  en  Âr- 
ffoed  ou  Argoadt  le  bois,  Tintérieur  des  terres. 

'  Le  barde  veut  dire  qu'ayant  contribué  par  ses  cbants  à  exciter 
les  guerriers  au  combat ,  il  a  été  la  cause  de  leur  mort. 


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88 
E  etivez  Kendrouen , 
[Tir]  ^  mablann  Kendelann  gwenn. 

Eglouizeu  Basa  int  tirioD  —  heno  — 
E  gwaed  heu  mellion ,  ^ 
Ruz  int-houei  ;  re  me  kalon  ! 


Eglouizeu  Basa  kollasant  heu  braint, 
Gouede  è  diva  oc'h  Loegrouiz 
Kendelann  hag  Elvan  Pouiz. 

Eglouizeu  Basa  int  diva  —  heno,  — 
Ec'hed  houînt  ne  para  : 
Goer  a  goer  ha  me  ama.  ^ 

Eglouizeu  Basa  int  barvar  —  heno  — 
Ha  menneu  oum  diar  ; 
Ruz  houei  ;  re  men  galar  !  ^ 


E  trev  gwenn  enn  brou  ê  koed, 

■  Ce  root  n'existe  que  dans  le  Livre  rmige  de  Hergbest,  je  Taî 
rétabli  d*aprè8  lui  :  oo  y  lit  : 

Tir  mablan  Ryndytan  wyu. 
*     Y  gwuaeth  eu  meillion. 

(Mu.  de  HerghiU.) 
^     Eglwysau  Bassa  jnl  difa  heno 
Ychetwyr  ui  phara 
Gwr  a  wyr  a  mi  yma.  [Ibid.) 


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89 
pour  les  descendants  de  Kendrouen^  [devenues 
qu'elles  sont]  la  sépulture  de  famille  du  blanc 
Kendelann. 

Cette  nuit  les  églises  de  Basa  sont  des  tertres 
[funèbres]  dont  les  trèfles  [croissent]  dans  le 
sang ,  et  sont  rouges  ;  ^  mon  cœur  est  trop  [  na- 
vré!] 

Les  églises  de  Basa  ont  perdu  leurs  privilèges, 
depuis  que  les  Logriens  ont  brûlé  Kendelann  et 
Elvan  de  Powys.  ^ 

Les  églises  de  Basa  sont  en  flammes  cette 
nuit,  il  n'en  reste  que  peu  [de  chose]  ;  c'est  ce  que 
sait  Celui  qui  sait  ce  que  [je  sais]  moi-même.  ^ 

Les  églises  de  Basa  sont  silencieuses  cette  nuit, 
et  moi  aussi  je  suis  triste  ;  elles  sont  rouges  [de 
sang];  trop  [vive  est]  ma  douleur! 

V. 

La  ville  blanche  au  sein  du  bois ,  depuis  qu'on 

*     Ui  iniouao  wjf  dyar 
Rbudd  bwj  rbwy  ry  ngalar.  (Ibid,) 

^  Liwarc*h-Heon  devance  ici  par  la  pensée  le  temps  où  ces  égli- 
ses, rainées  par  rcnnemi,  n*offriront  plus  à  Tœil  que  des  tertres 
de  gazon  où  fleurira  le  trèfle,  ronge  du  sang  des  guerriers  bre- 
tons. 
•  Frère  de  Kendronen. 
'  Dieu,  sans  doute,  k  qui  le  barde  se  compare  ici. 


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90 
Ëz  ev  eo  he  ervraz  j  eirioed 
Ar  enep  he  gwelt  é  gwaed.  ^ 

E  trev  gwenn^  enn  ê  tempeir 
He  ervraz  ^  he  glas  beveir 
E  gwaed  adan  traed  he  gouir.  ^ 

E  trev  gwenn  enn  è  defrent 
Laouen  e  bezer,  ourz  kevamuk  kad; 
He  gwerin  n'er  derint?  3 

E  trev  gwenn  ^  rong  Trenn  ha  Trodouez , 
Oez  gnodac'h  eskoued  ton 
Enn   deuod  oc^h   kad,   na  ged    eic'h  enn 
ec'hoez.  ^ 

E  trev  gwenn ,  rong  Trenn  ha  Traval , 

Oez  gnodac^h  er  gwaed 5 

Ar  eneb  gwelt ,  nag  aredik  braenar. 

Gwan  he  bed ,  Freuer ,  mor  eo  hent , 
Heno  y  gouede  koUi  kevnent  ! 
Oc^h  ann  faot  me  tavod  ez  lazent  !  <> 

<      Y  dref  wen  yn  inroD  y  koed 

Ys  ef  yw  ei  hearas  eiroed 

Ar  nrjnéb  ei  gweiU  y  gwaed. 

(Mtt.deHergheil.) 
«     Y  dref  weD  ynyt  bymyr 

Ei  hearas  ei  glas  fyfyr 

Ei  goaet  adaa  draei  ei  gwyr .  (  Ibid,  ) 

,     Y  dref  wen  yn  y  dyfrynt 

Lawen  y  byddair  arih  gyuannid  kad 

£i  gwerin  neur  derynt.  (I6ûf.) 


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91 
rélevait  y  [et]  toujours  [a  vu]  sur  ses  herbes  du 
sang. 

La  ville  blanche ,  depuis  le  temps  qu'on  ré- 
levait, [a  vu]  sa  verte  enceinte  dans  le  sang 
sous  le  pied  de  ses  guerriers. 

La  ville  blanche  de  la  vallée  serait  joyeuse ,  à 
la  suite  d'un  heureux  combat;  [mais]  ses  habi- 
tants sont-ils  revenus? 

La  ville  blanche ,  entre  Trenn  et  Trodouez , 
était  plus  habituée  [à  voir]  le  bouclier  brisé  re- 
venant du  combat ,  que  le  bœuf  au  repos. 

La  Ville  blanche ,  entre  Trenn  et  Traval ,  était 
plus  habituée  [à  voir]  du  sang  sur  ses  herbes , 
que  ses  jachères  labourées. 

O  Freuer  !  7  quel  malheur ,  quelle  angoisse  ,  ce 
soir,  après  la  perte  des  parents!  Cest  par  la 
faute  de  ma  langue  qu'ils  ont  été  tués  !  ^ 

*     Y  dref  wen  rhwog  Tren  a  Tbrodwytb 
Oed  gDOUck  ysgwyd  too 
Yd  dyvod  0  gad  do  gyd  ych  y  echwyd.     (ibid.  ) 
à  11  manque  ici  ud  root  dans  tons  les  Mas. 

*      Gwyo  ei  vyd  Freuer  nior  yw  beint 
HeDO  gwedy  koUi  kefoeint 
0  anfaad  ty  nhafood  yd  leseinl.  (Ibid. ) 

7  Sceor  de  Kendelano. 

■  Voilà  la  seconde  fois  que  le  barde  s'accuse  du  meurtre  de  ses 
compatriotes. 


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92 
Gwan  he  bed,  Freuer^  mor  eo  gwan, 
.HenOy  gouede  ankeu  El  van, 
Hag  erer  Kendrouen ,  Kendelann  !  ^ 

Ne  t'  ankeu,  Freuer,  a'm  te 
Heno,  amdamborz  brodeur' -de  : 
Dihunam ,  gwelam  bore.  ^ 

Ne  t'  ankeu ,  Freuer ,  a'm  gouna  hent ,  ^ 
Oc'h  derou  noz  lied  deouent ,  ^ 
Dihunam ,  gwelam  pelgent  ! 

Ne  t' ankeu ,  Freuer,  a'm  tremen — heno^ 
Â'm  gouna  grudieu  melen , 
A  koc'hao  dagreu  droz  erc'houen;  ^^ 

Ne  t'  ankeu,  Freuer,  a'm  ernivam 
Heno ,  namen  me  un ,  me  gwan-klan  ; 
Me  brodeur  ha'm  temper  a  gwelam.  ^ 

Freuer  gwenn ,  brodeur  a'z  maez 
Ne  ganoezent  oc'Ii  difaez, 
Gouir  ne  magent  megeliaez.  7 

t      Heno  gwedy  aogaa  El  van .    (  Mtt.  de  Herg.  ) 
'      Nid  angta  Frener  ann  de 

Heno  amdamorth  brodyrde 

Dihnnaf  wjlaf  bore.  (Ibid.) 

^      am  gwna  heint.  {Pnd.) 

*  Od  dechreu  nos  byd  deweinl.  {Ibid.) 

*  Am  gwna  grudyeu  melyn 


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95 
O  Freuer!  quel  malheur,  quel  malheur  ex- 
trême ,  ce  soir ,    après  la  mort  d'Elvan ,  et  de 
Taigle  de  Kendrouen ,  Kendelann  ! 

Ce  n'est  pas  ta  mort,  ô  Freuer ^  qui  me  dé- 
sole [le  plus]  cette  nuit;  c'est  le  sort  fatal  de 
nos  frères  :  je  m'éveille,  je  pleure  dès  Faurore. 

Ce  n'est  pas  ta  mort  [seule] ,  6  Freuer ,  qui 
cause  mon  angoisse  ;  depuis  Parrivée  de  la  nuit 
jusqu'à  minuit ,  je  m'éveille  ,  je  pleure  jusqu'au 
jour. 

Ce  n'est  pas  ta  mort ,  6  Freuer ,  qui  me  navre, 
cette  nuit ,  qui  rend  mes  joues  jaunes ,  qui  fait 
[couler  mes]  larmes  sur  [ma]  couche. 

Ce  n'est  pas  ta  mort,  ô  Freuer,  qui  m'afflige 
cette  nuit,  ni  d'être  moi-même  faible  et  malade; 
ce  sont  mes  frères  et  mes  contemporains  que  je 
pleure  ! 

Blanche  Freuer,  les  frères  qui  te  nourrissaient 
n'étaient  point  nés  d'un  [tronc]  mort;  c'étaient 
des  hommes  qui  ne  nourrissaient  point  la  peur. 

  cbochau  dftgrau  dros  erchwyn.         (Ibid.) 
*      Nid  aDgau  Freuer  a  aerniwaf 

NaroyD  roy  h  un  mi  wao  glaf 

Vy  mrodyr  am  tymmyr  a  gwynaf.     (Mxs.  de  Herg,) 
'     Freuer  wen  brodyr  alh  faeih 

Ni  hanoeddynl  or  difaeib 

Gwyr  ni  vegynl  vygyliaelh.  {Ibid,  ) 


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94 
Freuer  gwenn ,  brodeur  a'z  bu , 
Pan  klevent  kevrenio  lu, 
Ne  ec'hoeze  bod  gant-hu.  ^ 

Me ,  ha  Freuer ,  ha  Médian , 
Keit  bo  kad  enn  pob  ban , 
N'en  taor  ne  lazor  bon  rann.  ^ 

E  menez,  keit  a  bo  uc^houc'h, 
Ne  eizigav  am  dougenn  mem  buouc^h , 
Er  eskenn  gan  re  më  kouc^h  :  3 

Âmhaval  ar  af  Yemoui, 
Ez  aa  Tren  enn  é  Tredonoui , 
Hag  ez  aa  Tourc'h  enn  Marc'hnoui  ; 

Amhaval  ar  Elouizen, 
Ez  aa  Tredonoui  enn  Tren , 
Hag  ez  aa  Geirou  enn  Havren.  ^ 

Ken  bou  men  golc'hed  kroen 


'      Freuer  wen  brodyr  alb  fu 
Pan  glywyot  gjarenin  in , 
Ny  echyujdei  ffyd  gtothu. 


{M$$.  de  Hergluit.) 


*     Mi  a  Freuer  a  Médian 
Ryt  yt  00  cat  ymbob  mann 
Nyn  taor  ny  ladaor  an  rann.  {Itnd.) 

Y  inynydd  kyd  ad  oo  nwcb 
Nid  eiddigaf  af  y  dwyn  tym  bnch 


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95 
Blanche  Freuer,  les  frères  que  tu  avais,  quand 
ils  entendaient  le  cri  de  guerre ,  le  repos  n*était 
pas  avec  eux. 

Moi,  et  Freuer  y  et  Medlann,  quand  la  guerre 
était  partout ,  nous  ne  nous  reposions  point  que 
notre  part  [de  butin]  ne  fût  tuée. 

La  montagne ,  quelque  haute  qu'elle  fût ,  ne 
m'empêchait  pas  d'aller  enlever  ma  vache,  5  de 
monter  avec  ceux  de  ma  bande  : 

[Ainsi,]  de  compagnie  avec  la  rivière  de  Ver- 
noui ,  ^  le  Trenn  se  jette  dans  le  Tredonoui ,  et 
le  Tourc'h  se  jette  dans  le  Marc'hnoui  ; 

[Ainsi,]  de  compagnie  avec  l'Ëlouizen,  le  Tre- 
donoui se  jette  dans  le  Trenn ,  et  le  Gheirou  se 
jette  dans  la  Saverne.  ^ 

Avant  que  ma  tunique  fut  une  peau  rude  de 


Er  ysgaao  gin  rei  vy  ruch.  (Ibid.) 

*     Ac  ydd  aa  Geirw  yn  Alven.  {Ibid.) 

*  La  Tache  de  renoemî,  quand  il  allait  piller  les  terres  des 
Saxons. 

*  La  rifière  de  Vyrowy,  dans  le  comté  de  Montgomery. 

'  Le  barde  veot  dire  qae  ses  guerriers  se  joignaient  à  lui ,  pour 
butiner ,  comme  ces  différentes  petites  rivières  du  Montgoroeryshirc 
s'unissent  les  unes  aux  autres,  pour  ne  former,  à  leur  confluent , 
qu*nn  seul  fleufe  avec  la  Saverne. 


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Gaver  kalet ,  dioaDtok  i  keleii , 
R'em  gorue  enn  mezo  mez  Tren.  i 

Ken  bou  men  golc'hed  kroenen — gaver — 
Kalet  9  kelan  kar  er  gelen , 
R'em  gorue  enn  mezo  mez  Tren.  2 

Gouede  mé  brodeur  oc'h  temper  Havren , 
1  am  douilann  Douiriou  ; 
Gwae-me  !  Diou  !  me  bod  enn  beou  !  5 


Gouede  meïrc'h  hiwez  ha  koc'h-wez  dilat 
Ha  pluaour  melen , 
Meîn  men  koez^  n'em  euz  dremen  !  ^ 

Gwarzek  Edernionne  bouant — kerzenin^ — 
Ha  gan  neb  ned  aezant 
Enn  beo  Gorvinion ,  gour  oc'h  Uc'hnant.  ^ 


■      KyoD  bu  vygkylcbet  croen  gauyr 
Galet  chwannauc  i  gelein 
Ryin  gorue  yn  uedw  ued  Bryum. 

(3#M.  de  UerghesL) 
*     Galet  kelyogar  y  Hileo 
Rym  gorue  y  uedw  ued  Trenn.  {iUd.) 

Le  Livre  noir  de  Hengort  ne  contient  pas  cette  siropbe,  qui , 
du  reste,  n*est  qu'une  répétition  du  la  précédente.  Je  n*ai  pourtant 
pas  cru  devoir  Tomettre. 

»      Gwae  vi  Duw  vy  mod  yn  vyw.  (Ibid.) 

4      Mein  vygkoes  nym  oes  dudedyn.  LIbid.) 


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97 
chèvre,  [j^étais]  avide  de  carnage,  je  m^enivrais 
de  la  cervoise  de  Treon. 

Avant  que  ma  tunique  fut  une  peau  rude  de 
chèvre,  ami  du  carnage  des  étrangers,  je  m'en- 
ivrais de  la  cervoise  de  Trenn. 

Depuis  que  mes  frères  des  bords  de  la  Saveme 
[sont  morts]  sur  les  deux  rives  du  Douiriou, 
malheur  à  moi  !  Mon  Dieu  !  à  moi  qui  suis  en 
vie  ! 

Après  [avoir  eu]  des  chevaux  rapides,  et  des 
habits  d^écarlate ,  et  des  panaches  jaunes ,  ma 
cuisse  est  amaigrie,  je  n'ai  [plus]  visage  [hu- 
main. ] 

Les  troupeaux  d'Edernion  '^  n'étaient  point  er- 
rants, et  personne  ne  les  enlevait  du  vivant  de 
Gorvinion ,  ^  Thomme  d'Drhnant.  ^ 


**      Gwartbec  Edejrniawa  ni  baant  gerddenin. 
  cherd  neb  nid  aethant 
Ymbttw  Gorwjnîamn  gwir  a  Ucbnant.  {Ibid.) 

*  C'est-à-dire,  quand  j*étais  Tèta  de  pourpre,  quand  j*étais  roi. 
La  peau  de  cbèvre  était ,  an  VI*  siècle ,  le  vêtement  des  pauvres  et 
des  moines.  (Hist.  de  Bretagne  de  D.  Moriee.  Preuves,  t.  i  , 
col.  227.  Voyez  aussi  mon  introduction.) 

7  Vallée  du  Merionethsliire. 

■  Gorvinion  était  un  des  fils  de  Liwarc'h-Henn. 

*  Urbnant  est  probablement  Himanê,  petite  ville  du  Montgome- 
rysbire. 

1 


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Gwarzek  Edeirnioa  ne  boueUt— kerzenia- 
Ha  gan  neb  ne  kerzent 
Enn  beo  Gorviaion ,  gour  ezvent.  * 

Edouen  gwarz  gwarzegez  : 
Gwerz  gwil  a  negez  ; 
Ar  a  deufo  tragwarz  a  he  deubez  î^ 

Me  a  gouezoum  a  oez  da  : 
Gwaed  am  egile  gourda! . . . .  ^  . 


VI. 

Rag  gwreg  Gourzmoul  beze  gwan  ; 
Heziou  beze  ban  he  desgeir 
Hi,  gouedé  diva  he  gouir  :  ^ 

—  ccTeouarc'hen  Erkal  ar  diwal 
Gouir  oc'h  etivez  Morial  ; 
Ha  gouede  Rez  mae  reusional.  ^ 

■      à  chant  neb  dî  cberddyol 

Yn  myw  Gorwyniawn  gwp  eduynt.       (MU-  de  Herg,) 
«     Edwyn  warth  gwarsbogydd 

Gwertb  gw^la  negyd 

Ar  a  ddyfo  dragwarth  ai  deabyd.  (IM,) 

s     Me  a  m ydd^  a  oed  da 

Gwaed  am  eu  gilydd  gwrda.  (  /Wd.) 

Celle  slropbe  est  incomplète  dans  tons  les  Hss. 
^     Bei  gwraig  Gwrtfanwl  byddei  gwaa 

Heddyw  bydde  ban  ei  dysgyr 

Hi  gyua  diua  y  gwyr.  {Ibid,) 


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99 
Les  troupeaux  d'Edernion  n'étaient  point  er- 
rants ,  et  personne  ne  las  enlevait  du  vivant  de 
Gorvinion ,  ce  guerrier  qui  n'est  plus. 

Elle  est  bien  connue  [la  cause  de]  la  mort  du 
pasteur  :  il  a  refusé  le  prix  de  la  timidité  ;  que 
rinfamie  vienne  sur  celui  qui  Tobtiendra!  [ce 
prix.  ]  6 

Je  sais,  moi,  ce  qui  était  bon  :  du  sang  pour  le 
saYig  d'un  brave!  .......* 


VI. 

Devant  l'épOusa  de  GourzmoUl  '^  lignait  le 
deuil  ;  ses  gémissements  étaient  perçants  aujour- 
d'hui que  ses  guerriers  ont  été  bràlés  : 

—  «  Le  gazon  d'Ërkal  [,  disait-elle,]  a  recouvert 
les  braves  guerriers  de  la  race  de  Morial  ;  ^  et  de- 
puis [la  mort  de]  Rez  il  y  a  de  terribles  attaques. 

*     Tywarchen  Erkal  ar  erdywai 
Wyr  0  etiued  Mocial  ' 

A  gwedj  Rys  maerysmal.  (4fM.  dé  Hergheêt,) 

*  Dans  le  laogige  des  bardes,  cela  sigwfie  ^iie  le  héros  Gorri- 
nioD  avait  péri  jpar  excès  d'audace,  el  ^iie  h  déshonoeor  est  le 
partage  àm  guerriers  qui  manquent  de  cœer. 
'  Hélec ,  sosur  de  Kendelaun. 

■  Ce  guerrier  breton  est  célèbre  dans  les  poèniès  des  bardes , 
comme  ayant  eoleté  un  jour  aux  Saiiona  qaioxe  oenis  bouvillons 
dans  une  excursion  sur  )e  territoire  de  l^ouetgœd  >  mainlenaui 
Lincoln. 


,    Digitized  by 


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^00 
»  Helez  houiedik  am  gelvir  ! 
Oh  !  Diou  !  pa'd-eo  ez  rozir 
Meirc'h  me  bro  hag  hon  tir  ?  ^ 

9  Helez  houiedik  am  kiveirc^h. 
Oh  !  Uiou  !  pa^d-eo  ez  rozir  gouroum  seîrc'h  ^ 
Kendelann  hag  he  peduar-dek  meïrch., 

»  N'er  selliz  goligon  ar  tirion  —  tir  — 
Oc'h  gorsez  Gorvinion , 
Hir  heuil  heol ,  houei  men  kovion  ?  ^ 


»  N'er  selliz  oc'h  din-le  —  Vrekon  — 
Freuer  gweredre; 
Hirraez  am  tamborz  brodeurde?  * 

»  Laz  me  brodeur  ar  un  gwez  :  ^ 
Kenan  ^  Kendelann  ,  Kenvrez  ^ 
Enn  amouen  Treim ,  trev  difez. 

»  Nesange  gwehelezar  neiz — Kendelann; — ^ 

'      fleledd  bwyedic  ym  gdwir 
0  Diiw  padÎT  yth  rodif 
Meirch  iry  mro  ac  eu  tir.  (  ibid.) 

*  0  Dqw  padyw  yth  roddir  guraniseircii.     (Ibid,) 

*  Neor  sylleîs  olygon  ar  dirion  dir 
0  orsedd  Orwynion 

Hir  hwyl  baol  bwy  vy  nghoyion.  {Ibid.) 

*  A  la  SQile  de  cette  strophe ,  oo  troufe ,  dans  le  Manuscrit 


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m 

»  Je  suis  bieu  nommée  Hélez  7  depuis  long- 
temps !  Âh  !  Dieu  !  Pourquoi  a-t-on  livré  [à  Tenne- 
mi]  les  chevaux  de  mon  pays  et  notre  terre? 

»  Je  suis  bien  saluée  du  nom  d'Hélez  depuis 
longtemps.  Ah  !  Dieu  !  Pourquoi  a-t-on  livré  Far- 
mure  noire  de  Kendelann  et  ses  quatorze  che- 
vaux? 

»  N'ai-je  pas,  promenant  [mes]  regards  sur  les 
terres  de  la  patrie  [du  haut]  du  si^e  de  Gorvi- 
nion,  n'ai-je  pas  suivi  ]e  long  [cours  du]  soleil , 
moins  long  que  mes  ennuis  ? 

»  N*ai-je  pas  regardé  du  haut  de  la  montagne 
fortifiée  d'Urekon  ^  les  champs  de  Freuer,  en  gé^ 
missant  sur  le  sort  fatal  de  la  confédération  ? 

»  Us  ont  tous  été  tués  en  une  fois  mes  frères  : 
Kenan,  Kendelann,  Kenvrez,  en  défendant  Trenn, 
la  cité  déserte. 

»  On  ne  foulait  point  impmiément  aux  pieds  le 

de  Herghest ,  une  espèce  de  ftUnce  d*^ae  inesare  dîfTéreDte  et  sans 
rime ,  doot  le  dernier  vers  est  tronqué ,  le  sens,  toot-à-fait  in- 
saisissable ,  et  qoi  parait  être  nne  interpolation. 

*  Lias  Ty  mrodyr  ar  un  waith.  (Ibid,) 

•  Ni  sangei  Tehelyth  ar  nyth  Kynddylan.    (Ibid.) 

'  Le  mot  HéUx  serait  assez  bien  rendu  en  français  par  voie  d'a- 
mertume^ il  signifie  à  la  lettre  :  réservoir  d'eau  $aUe,  tali$ie. 
*  Uriconium,  maintenant  Weoxeter,  dans  le  Shropshire. 


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lOC 
Ne  tec'be  troedvez  biz  ; 
JXe  magaz  he  mamm  mab  Hz.  ^ 

»  Brodeur  am  bou  ha  ne  foll  ; 
A  deueot  Tel  gwial  kcd  ; 
A.  un  e  un  edent  hoU  !  2 

jo  Brodeur  am  bou  a  doug  Diou  rag-oum  ; 
(Men  anfaot  a  he  gorug) 
Ne  gobrenent  fam  er  fug.  $ 

»  TûDO  avel  ^  teo  tedkent  ; 
Ferez  er  rec'heu;  ne  parad  a  heu  goreu  ; 
Ar'  a  bou  ned  edent.  ^ 

»  A's  klevo  hs  Diou  ha  den , 
A's  klevo  j  ieuenk  ha  henn  : 
»  Mevel  barveu,  mazeu  eheden.  »  ^ 


*  Ni  ihethei  droedvedd  fyib 
Ni  Yagas  ei  vam  yab  Uyth. 

(Mu.  é$  Herghesi) 
a      Brodyr  ambwytd  ne  fall 
A  dyiiynt  val  goial  coll 
0  OD  i  on  edpt  oll.  (Ibid.) 

*  Brodyr  ambwyad  a  dug  Diiw  ragof 
Vy  anfowl  ai  gorug 

Ni  olnryDynt  faii  er  fîig.  [Ibid.) 

*  Teneir  awel  tew  Icdkyiit 


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105 
berceau  de  Kendelann  ;  il  ûe  reculait  jamais  d'un 
pas  ;  sa  mère  n'a  pas  nourri  un  fils  dégénéré. 

»  J'avais  des  frères  et  qui  n'étaient  point  des 
étourdis  ;  ils  poussaient  comme  des  gaules  de 
coudriers  ;  un  à  un  ils  s'en  sont  tous  allés  ! 

»  J^avais  des  frères  que  Dieu  m'a  ravis  ;  (  c'est 
ma  destinée  fatale  qui  en  est  la  cause) ,  ^  [des 
frères]  qui  n'ont  point  acquis  leur  renommée  par 
la  fuite.  7 

»  Le  vent  est  faible,  le  bruit  fort;  les  sillons 
[que  voilà]  sont  beaux;  mais  ils  ne  sont  plus 
ceux  qui  les  ont  tracés;  ceux  qui  étaient  n'exis- 
tent plus.  -T    r. 

»  Qu'ils  entendent  ceci,  et  Dieu  et  l'homme  , 
qu'ils  entendent  ceci ,  le  jeune  homme  et  le  vieil- 
lard : 

[C'est  faire]  outrage  aux  barbes  [des  hommes] 
que  de  pardonner  au  fuyard.  ^ 

Pereidd  y  rhychau  ui  pharat  au  (|preu 
Âr  a  fa  nad  ydynt.  {Ibid.) 

B     As  Rlywo  a  Duw  a  dyn 
As  klywo  y  eaeine  a  byn 
Mefyl  barfaa  maddea  hedyn.  (/6td.) 

*  Le  barde  suppose  qu'Hélez  se  croit,  comme  lai,  sous  l'empire 
de  la  faulité. 

'  Allusion  iroDiqae  \  quelque  chef  breton  qoi  aortit  foi  dans  la 
bataille. 

*  A  la  lettre  :  à  la  wAaHile. 


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104 
»  Ënn  beo  y  eheden  ehediei  ; 
Dillad  enn  araoz  gwaed  bei  ; 
Ha*r  glaz  bereu  nay  nouivei.  1 

»  Rivezav  din  klair  n'ed  eou  ! 
Eon  holl,  kilez  kelwez  Ideou  ! 
Enn  gwall,  tourc'h  torc'hi  koao-kneou.  ^ 


»  Niou  nioul  a  ai  moug; 
A  ai  kedouir  enn  kevamoug  : 
Enn  gwerglaoz  aer  ez  ez  droug.»  — ^ 


VII. 

Andaviz  oc'h  gwerglaoz  aer  :  eskoued 
Digevink  dinas  ë  Kedem  : 
Goreu  gour  Keranmael  !  ^ 


I      Yd  id^w  ehedyn  ehediaî 
Dillad  yn  araws  gwaed  vai. 


(Mii.deHergheH.) 


«      Rfayfedaf  din  clair  nadiw 

Yn  oU  kilyd  kelwyd  clyw 

Yd  ogwall  tyrch  tori  cnau  cnyw.  (Ibié.) 

^     Nywy  ae  Dywl  ae  mwc 

Ai  kedwyr  yn  kyfamwg 


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106 
»  [Tant  qu'il  sera]  en  vie ,  le  fuyard  fuira  ;  ^ 
[aussi  vrai  que]  les  vêtements  [du  guerrier]  se- 
ront [toujours]  avides  de  sang;   et  les  glaives 
bleus  du  chef  en  mouvement  [toujours]. 

»  La  très  merveilleuse  forteresse ,  ^  [désormais 
couchée]  sur -le  sol,  n'est  {dus!  désormais  plus 
de  refuge  [pour  nous]  que  l'asile  des  bois  épais, 
où  la  faim  [rend  semblable  au]  sanglier  déterrant 
des  racines  sauvages.  "^ 

»[Mais]  la  violence  du  brouillard  se  dissipera 
comme  une  fumée;  ils  marcheront  [de  nouveau] , 
les  guerriers ,  à  la  défense  commune  :  dans  la 
prairie  se  prépare  un  combat  terrible.  )»  — 


VH. 


J'ai  entendu  le  [bruit  du]  combat  livré  dans 
la  prairie  :  elle  D'à  point  été  opprimée  par  le 
boucher,  la  cité  des  Forts  :  Keranmael  est  le  plus 
brave  des  hommes  ! 

Yn  Dgweirglawd  ter  yssydd  droug.  (  !bid.) 

*     Edeweis  y  weirglawd  aer  ysgwyt 
Digyfyng  dioas  y  gedyrn 

Gorea  gwr  Garanmael.  (Ibid.) 

^  A  la  lettre  :  la  volatUe  voUra. 
*  ProbablemeDt  la  citadelle  de  Tera. 

'  A  la  lettre  :  noix  de  mareatiin,  vulgairement  terre-mix  ;  en 
ternie  de  botanique  Inmium. 


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106 
Keranroael,  kemmoain  ar^n^d! 
Azgwenn  té  estle  oc'h  kad  ! 
Gnod  man  ar  gran  kenniviad  !  i 

Kenniv  oez  ognao  lao  hael 
Mab  Kendelann,  klod  gavael 
Divezour  Kendrouenin ,  Kemnmad.  ^ 

Keraomael  oez  dihad, 
Hag  oez  diholedik  trev-tad 
À  keisouez  Keranmael^  enn  henad.  ^ 


'  KeraBinael  keraoued  ognao , 
Mab  Kendelann  klod  ar  lao  ; 
Ned  henad  kemmenad  oc'h  honao.  ^ 

Pau  gwiske  Keranmael  kad-peiz  Kendelann 
Ha  pererzie  he  ounen  j 
Ne  kave  Frank  trank  oc'h  he  penn.  ^ 


*      Karanmael  kymmwy  arnad 
Aiwen  dy  ysUo  o  gad 
Gnawd  man  ar  raD  kynnifiad. 


{M$$.  de  Herg.] 


*     Kymwed  ognaw  llaw  hael 

Mab  Ryndylan  dod  afael 

Diweddwr  kyodrwynin  Karanmael.  ([bid.) 

^     Oed  diheid  ac  oed  diholedic 


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107 
Keranmael ,  bonheur  à  toi  !  Qu'il  soit  doux  ton 
repos  après  le  combat  !  La  balafre  sied  bien  à  la 
joue  de  celui  qui  a  combattu  ! 

Au  combat  elle  était  rapide  la  main  généreuse 
du  fils  de  Kendelann ,  la  glorieuse  main  du  der- 
nier [descendant]  de  Kendrouen,  [la  main]  de 
Keranmael. 

Keranmael  était  sans  postérité ,  et  il  ne  s'est 
trouvé  personne  qui  ait  réclamé  la  ville  pater- 
nelle que  Keranmael  chercha  [à  reconquérir] , 
devenu  vieux. 

Keranmael  [le  guerrier]  à  Tattaque  rapide ,  le 
fils  de  Kendelann  à  la  main  glorieuse  ;  ses  coups 
n'étaient  pas  ceux  d'un  vieillard. 

Lorsque  Keranmael  avait  revêtu  l'habit  de 
combat  de  Kendelann ,  et  qu'il  brandissait  son 
[épieu  de]  frêne ,  le  Frank  ^  n'en  obtenait  point 
de  quartier. 

Tref  tat  a  geissjwys 

Caranmael  yn  yiiat.  (Ibid,) 

*  Mab  Kyodylân  olod  arilaw 

Nid  ynat  kyi  mysat  o  bonaw.  (Ibid.) 

*  Pan  wisgei  Garaoïnael  gadbeis  Kyndylan 
A  phyrydyaw  y  ODoen 

Ni  i^afei  Franl^  iranc  oi  bon.  (Ibid.  ) 

^  Le  guerrier  germain  «  TAnglo-Saxon. 


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108 
Amzer  e  boum  braz  boued , 
Ne  terc'hafoun  më  morzoued 
Er  gour  a  gwane  klanv  kornoued.  ^ 

Brodeur  am  boead  menneu 
N*ez  gwane  klenved  kornouideu  :  ^ 
Un  Elvan,  Kendelann  deu. 

Ne  mad^gwisk  briger  neou  diber-^our— 
Gour  enn  dirvaour  kevrisez. 
N'ed  oez  levaour  me  broder.  5 

Onid  rag  Ankeu  hag  he  aeleu — maour ,  — 
Ha  gloez  glas  bereu , 
Ne  bezam  levaour  menneu.  * 

Maez  Maozen  h^ez  kuz  reo 
O  diva  da  he  godeo  ? 
Ar  bez  Erinouez  erc'hi  teo  ?  ^ 


>      Amser  y  bum  vras  vwyd 

Ni  ddyrcbafWn  fy  morddwyd 

Er  gwr  a  gwynei  klaf  gornwyd.    {Mts.  de  Herghest.) 
'     Brodyr  ambwyad  innaa 

Nîs  cwyneî  glevyd  cornwydau .  (  IM.  ) 

^     Ni  mad  wisg  briger  Dyw  disper 

0  wr  yn  nirfawr  gywryssed 

Nid  oed  lefawr  fy  mroder.  (Ibid,  ) 

4     Onid  rag  angao  ai  aelau  maur 

A  gloes  glas  verau 

Ni  byddaf  leaawr  innaa.  {ifnd.) 


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i09 
Du  temps  que  j  avais  de  la  nourriture  en  alK>n- 
dance,  je  n'aurais  point  levé  ma  cuisse  contre 
rtionmie  que  tourmentait  le  mal  de  la  peste.  ^ 

Les  frères  que  j'avais  n'ont  point  été  tourmen- 
tés par  les  maladies  pestilentielles  :  l'un  était  El- 
van,  '7  l'autre  Kendelann. 

Il  n'est  pas  bon  qu'il  ait  sa  chevelure  ou  sa 
selle  couvertes  d'or ,  le  guerrier  au  milieu  d'un 
grand  engagement.  ^  Ils  n'étaient  pas  gémissants , 
mes  frères. 

Si  ce  n'est  devant  la  mort  [naturelle]  et  ses 
terribles  angoisses  et  la  blessure  de  ses  glaives 
bleus ,  je  ne  suis  pas  gémissant  non  plus. 

La  plaine  de  Maozen  ^  n'iest-elle  pas  couverte 
d'une  gelée  qui  brûle  les  produits  de  sa  fécon- 
dité? La  tombe  d'Erinouez  ^0  [n'est-elle  pas  cou- 
verte] de  neige  épaisse? 

»     Uses  liacddyn  oevs  kodd  rbew 
0  dîfa  da  ei  odew 
Ar  Tedd  Eirînwedd  «ry  tew.      (  Mt$.  ie  Herghett,  ) 

•  Cest-à-dire  :  /e  ne  mépritaii  pas,  je  tecoartîs  le  malhearenx 
alleint  de  la  peste.  Voyez  les  ooCes  ei  éckûreissemenls. 

'  Frèire  de  Keodelann. 

•  Les  casqaes  et  les  selles  revètns  ^*or  étaient  eo  effet  an  appAt 
pour  Tennemiy  et  metuient  d^aiOant  plus  en  péril  la  vie  des  chefs 
aniqucls  ib  appartenaient. 

•  Maozen  éuk  frère  de  Rendroaen  et  onde  de  Kendelann. 
*®  Antre  frère  de  Kendrouen. 


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Tom  Ek>uezan  n'ez  gwlec'h  gbo  i 
Mae  Maozen  âdan  hao , 
Dell  be  Kenoa  To  gwento.  ^ 

Peduar  poun  btx>deur  am  bu , 
Hag  hi  pob  un  penteulu  : 
Ne  goer  Trenn  perc^hen  ezha.  2 

Peduar  poon  brodeur  a'm  bouant, 
Hag  hi  pob  gorotiev  noiieviant  ; 
Ne  goer  Treun  perc'hea  keugant.  ^ 

Peduar  poun  terweu  hag  azgwenn 
Brodeur  i*m  bouant  oc^h  Kendrouen  : 
N'ed  euz  i  Trenn  perc^en  ihouen.  * 

Gosgo  enn  kod  ;  azoed  ar-n-od  ; 
N'ed  oud  pelgent  kevod  ; 
N'em  gwan  esgour  oc'h  gotir  devod  ?  5 


*  Tom  ElwyddaD  n6a8  g^jyeh  gwlaw 
Mae  Maoddyn  y  danaw 

Dyiyei  Gynon  y  gwynaw.  (IWd.  ) 

*  Pedwar  pwn  broder  am  bu 
Hag  bi  bob  ud  penleola 

Ni  wyr  Tren  bercben  yda.  (im,  ) 

'     Pedwar  pwD  broder  an  boant 
Ac  y  bob  gorwyfDwyfiaot 
Ni  wyr  Tren  perchen  kngaDt.  (ïb%d. ) 

*  Pedwar  pwn  terwyn  o  addwyn  frodyr 
Am  boant  o  Gyodrwyn 


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il! 
La  tombe  d^Elouezan  ^  u'est-elle  pas  humide 
de  pluie?  Au-dessous  d'elle  est  Maozen,  [cet] 
homme  que  Kenon  *?  pleure. 

J'avais  pour  compagnons  quatre  frères ,  et 
chacun  d'eux  était  chef  de  famiUe;  [et  mainte- 
nant] Trenn  ne  connaît  plus  de  maître. 

J'avais  pour  compagnons  q[uatre  frères ,  et  tous 
quatre  d'une  grande  vigueur,  [et  mainteiyint] 
Trenn  ne  connaît  plus  de  maftre  certain. 

J'avais  pour  compagnons  quatre  frères  pleins 
de  courage  et  de  beauté,  [issus]  de  Kendrouen  : 
[et  maintenant]  Trenn  n'a  plus  de  maître  chéri. 

Fuis  dans  les  lieux  les  plus  retirés  ;  là  fotalité 
[pèse]  sur  toi;  tu  ne  te  lèveras  point  avec  l'au- 
rore; ne  me  perce-t*elle  pas  [déjà]  la  lance  du 
guerrier  qui  vient  ?  ^ 


Nid  oes  i  Ur^n  btrcbem  mifvjFn. 

(Mê8.  de  Hergkeil.) 
'      Gosgo  yogod  adq4  ar  nat 
Nid  wyt  bjlgi&int  gyfo( 

Nenm  gwaot  jjsgwr  o  gwr  dy  got.  {Ibid.) 

«  Troinème  frère  de  Kendrouen. 
'  Frère  de  Maoïeo. 

•  Ueonemi,  le  Saxon,  dont  il  se  figure  déjà  sentir  Tatteinle 
mortelle.  Dans  les  anciennes  lois  galloises ,  on  appelle  gour  devod 
(gwr  dyvod)  on  aventorier»  an  homme  qui  vient  s'emparer  d'une 
terre  sur  laquelle  aucun  de  ses  ancêtres  ne  résida. 


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142 
Go8go-te  enn  kod  j  ha  tec'h  ; 
N'ed  oud  emadraoz  dibec'h  ; 
N'ed  gwiou  klain;  az  kren  e  krec'h.^ 


vm. 

Amzer  e  bouant  azgweun  j 
E  keret  merc^hed  Kendrouen  : 
Helez,  Gouladiz,  ha  Gwenzouen. 

Choarez  am  bou  dizan  ; 
Me  a  heu  koUez  hoU  ac'hlann  : 
Freuer ,  Medouel  ^  ha  Medlann  ! 

Choarez  am  bou  ived; 
Me  a  heu  kollez  holl  eget  : 
Gouleder,  Meiser  ha  Kenvred. 

Laz  Kendelann ,  laz  Kenvrez 
Enn  amouen  Trenn,  trev  difez  : 
Gwa-me  !  maour  araouz  heu  lez  ! 

Gweliz  ar  laour  maez  Togoui 
Bezinaour ,  ha  gwaour  kemmoui  ; 
Kendelann  oez  kennerzoui. 

Kelan  a  sec^h  oc*h  tu  tan 


La  pièce  8*arrèie  là  dans  ie  Livre  nmge  de  Herghesi. 


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lis 
Fuis  dans  les  lieux  les  plus  retirés;  éloigne-toi; 
parler  n'est  pas  sans  danger  pour  toi  ;  te  traîner 
[ainsi]  contre  terre  n'est  point  prudent,   ton 
mouvement  la  fait  résonner  [et  te  trahit.]  i 

vni. 

Du  temps  qu'elles  étaient  jolies,  on  aimait  les 
fdles  de  Kendrouen  :  Helez,  Gouladiz  et  Gwen- 
zouen. 

J'avais  des  sœurs  pour  me  charmer;  je  les  ai 
toutes  perdues  à  la  fois  :  Freuer,  Medouel  et 
Medlann. 

J'avais  d'autres  sœurs  encore  que  j'ai  toutes 
perdues  ensemble  :  Gouleder,  Meiser  et  Renvred. 

Kendelann  est  mort,  Kenvrez  est  mort  en  dé^ 
fendant  Trenn,  ville  détruite.  Malheur  à  moi! 
Quelle  est  déplorable,  leur  perte  ! 

J'ai  vu  sur  le  sol  du  champ  [de  bataille]  de 
Togoui  des  guerriers  aux  prises,  et  [j'ai  entendu] 
de  grands  cris;  Kendelann  était  leur  soutien. 

[Son]  squelette  sèche  [encore]  au  coin  du  feu, 


«  Il  ne  Taat  pas  perdre  de  vue  qae  c'est  un  vieillard  inflrme ,  in- 

8 


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Pan  klevoum  godourev  godaran 
Lu  Lemenik,  mab  Mahavan, 

Ârbennik  leizik  lurik 
Enn  kehoez  aer-çouez  gweiz-buzik, 
Flam  tafar,  lac'har  Lemenik. 

capable  de  marcher,  et  exposé  sans  défense  aox  attaques  de  Tcd- 
Demi ,  qai  se  parle  à  lui-même.  Voyez  plus  loin  son  élégie  sur  sa 
vieillesse,  où  il  peint  si  bien  sa  misère  et  son  impuissance. 


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que  j'entends  [déjà]  gronder  le  tonnerre  de  Tar- 
mée  de  Leménik,^  fils  de  Mahavan, 

[Que  j'entends]  le  chef  [qui  s'élance  de  sa]  cou- 
che,  [revêtu  de  sa]  cuirasse,  dans  la  mêlée  fu- 
rieuse [où  il  est]  vainqueur  ;  cehii  qui  répand 
des  flammes ,  l'indomptable  Léménik  ! 

*  Voyez  sur  ce  héros  fameux  les  notes  ei  éclaircissemenls. 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Les  anciens  Bretons  avaient  coutume,  on  le  sait,  de  con- 
server dans  des  espèces  de  châsses  ou  de  coffirets  qu'ils  pla- 
çaient en  évidence  au  coin  du  foyer  domestique ,  les  ossements 
de  leurs  parents.  Strabon  dit  qu'ils  les  embaumaient  avec  une 
essence  qu'il  nomme  huile  de  cèdre. 

Aujourd'hui  leurs  descendants  Armoricains  les  déposent 
dans  de  petites  boîtes  sur  le  devant  des  reliquaires  de  leurs 
églises  paroissiales.  C'est  à  cet  usage,  dont  nous  avons  déjà 
dit  un  mot  précédemment ,  que  notre  barde  fait  allusion  ;  et 
pour  montrer  avec  quelle  promptitude  ses  compatriotes  pren- 
dront leur  revanche ,  il  leur  prédit  la  venue  d'un  vengeur 
avant  que  le  squelette  de  Kendelann  soit  complètement  dessé- 
ché. Le  vengeur  en  question ,  le  héros  mystérieux  Léménik 
ou  Léminok  a  joui  d'une  grande  réputation  poétique. 

Il  est  le  sujet  d'un  chant  prophétique  attribué  i  Taliésin , 
par  la  tradition ,  et  à  Merzin,  par  un  barde  que  les  uns 
croient  être  Golizan ,  poète  du  YII«  siècle ,  les  autres  un  écri- 
vain gallois  du  moyen-Age.  i 

Voici  quelques  vers  du  chant  dont  je  parle  :  bien  qu'évi- 
demment rajeuni  de  style ,  Q  n'en  est  pas  moins  très  curieux 
de  fond  et  d'idées. 

>  Elle  [nous]  prédit  des  consolations,  l'inspiration  poétique , 
une  foule  de  biens ,  la  paix ,  un  vaste  empire ,  et  des  chefs 
actifs  ;  mais  après  la  paix ,  le  désordre  en  chaque  tribu  ; 

■  Lt  première  opinion  esi  celle  du  vénérable  Sharon  Tnrner,  ei 
de  mon  ami  le  Ré?.  Th.  Priée;  la  seconde  de  M.  Th.  Stepbens. 
(  LiUralwrt  of  lAe  Kymry,  p.  285. ) 


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147 
jusqu'à  la  confédération  que  formera  le  chef  des  guerriers , 
Léménik ,  revenu  au  monde ,  qui  est  un  homme  désireux  de 
dominer  Mona,  et  de  détruire  Gwéned  de  fond  en  comble , 
d'un  bout  à  l'autre  bout ,  et  de  prendre  ses  otages 

>  D  se  lèvera  comme  l'aurore ,  de  sa  cachette ,  il  fera 
autour  de  lui  une  large  tache  rouge ,  et  il  ordonnera  la  ba- 
taille; 

>  n  anéantira  les  étrangers  ;  ses  armées  s'étendront  au 
loin  ;  il  sera  la  joie  des  Bretons.  »  ^ 

Golizan  commence  par  les  quatre  premiers  vers  de  cette 
pièce  son  ode  intitulée  La  conféêératîm  de  la  Grandes-Breta- 
gne, que  j'ai  paraphrasée  il  y  a  déjà  plusieurs  années ,  et 
qu'on  peut  lire  dans  YHuUnre  de  la  conquête  de  V Angleterre 


I      Disgogan  awen  digobrisÎD  ^ 
Maniobez  a  meuei,  ha  hez  genin , 
Ha  pennaez  ehdaez,  ha  fraez  uobenD , 
Ha,  gouede  dihez,  anbez  eon  pob  uiebcn. 


Edo  regesUeoez  oc'h  pennaez  gwesion, 
Redebez  Leminok, 
A  hez  gour  c*hoantok 

1  goresken  Mon , 
Ha  reTÎnia  Gwenez , 
Oc*h  hi  heizat  a  bi  perfez, 
Oc'h  hi  dec'hreu  a  hi  divez. 

Ha  kemred  he  gwestlon  ; 

Deîza?  gonr  oc'b  knz, 
A  goana  keTamruz , 
Ha  kad  e  genin  : 
Aral!  a  zifez; 
Pellenok  he  hiez; 
Levenez  i  Breton.  {Myvyr.  Arch  ,  t.  1  ,  p.  71.) 


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118 

par  les  Normands,  i  où  M.  Augustin  Thierry  m'a  fait  Thon- 
neur  de  l'insérer.  Après  avoir  cité  la  prophétie ,  le  barde 
ajoute  :  €  Voilà  longtemps  qu'elle  a  été  prédite ,  la  venue  de 
ces  jours  d'empire ,  de  grandeur  et  de  domhiation  :  telle  est 
la  prophétie  de  Merrin  :  elle  s'accomplira.  »  ^ 

Léménik  était  donc ,  pour  les  Bretons  du  VI*  siècle ,  ce  que 
devait  être  pour  eux,  plus  tard,  le  fameux  Arthur;  ce  que 
fut  Morvan,  pour  les  Armoricains,  au  moyen-Age;  Marko, 
pour  les  Servions;  Frédéric  Baii)eroussey  pour  les  Alle- 
mands; et  aujourd'hui  même  Tamerian,  pour  les  Tartares 
Thibétains.  Ils  voyaient  en  lui  un  libérateur  de  leur  nation , 
caché  dans  quelque  retraite  ignorée,  mais  qui  n'en  devait 
pas  moins  certainement  revenir  pour  les  venger. 

On  a  vu  plus  haut  que  les  ler'h,  les  dolmen,  les  tombeaux 
enfin ,  étaient  les  cachettes  où  ils  supposaient  leurs  futurs  sau- 
veurs retirés ,  sur  l'autorité  de  Merzin.  La  même  croyance 
régnait  en  Bretagne- Armorique,  quelques  siècles  plus  tard , 
et  l'on  remarque  avec  surprise  qu'un  chant  populaire  de  ce 
pays  relatif  à  l'héroïque  Morvan ,  surnommé  Lez-Breiz ,  ou  le 
soutien  de  la  Bretagne ,  mort  en  l'an  818 ,  se  termine  par  le 
même  cri  d'espérance  que  le  chant  du  barde  Liwarc'h ,  par 
le  même  appel  à  un  vengeur  de  la  race  celtique  du  continent 
tributaire  des  Franks  : 

«  Qui  est-ce  qui  dort  sous  ce  tertre? 

—  C'est  Lez-Breiz  qui  repose  dessous.  Tant  que  durera  la 
Bretagne ,  il  sera  renommé  ; 

»Mais  il  s'éveillera  tout-à-l'heure ,  en  poussant  son  cri  de 


>  Édition  io-12  de  1846,  i.  1 ,  p.  277. 

*  Pell  disgoganer  amzer  debezen 
Teirnez ,  ba  bonez ,  ha  goresken , 
Disgogan- Merzin  :  kevervez  heu. 

(Myvyrian  Arch.t  i.  1 ,  p.  loO.) 


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il9 

guerre ,  et  il  donnera  la  chasse  à  ceux  du  pays  Gaulois.  »  ^ 

Ce  rapprochement  curieux  n*est  pas  le  seul  qu'on  puisse 
faire  entre  le  poème  du  vieux  barde  et  les  chants  des  Bretons- 
Armoricains. 

Nous  avons  entendu  l'aigle  du  mont  Eli  élever  sa  voix  dans 
la  nuit,  et  effirayer  de  ses  cris  féroces  le  barde  qui  veillait 
auprès  du  cadavre  de  Kendelaim.  L'aigle,  en  effet ,  joue  un 
grand  rôle  dans  la  poésie  galloise.  D'après  des  traditions  po- 
pulaires, transmises  jusqu'à  nous  par  un  collecteur  des  fables 
qui  couraient  parmi  les  habitants  du  pays  de  Galles  au  XII* 
siècle ,  le  lac  Lomond  d'Irlande  contenait  trois  cent  soixante 
tlots  ;  et  sur  chaque  îlot  il  y  avait  un  rocher ,  et  sur  chaque 
rocher  un  aigle ,  et  quand  tous  les  aigles  s'assemblaient  sur 
un  seul  rocher,  et  criaient ,  c^était  le  signal  de  quelque^.grande 
calamité.  ^  Un  autre  écrivain  gallois,  de  la  même  époque, 
.  Giraud  de  Barry ,  s'exprime  ainsi  :  €  Un  aigle  merveilleux 
fréquente  le  soinmet  des  montagnes  du  nord  de  la  Cambrie  ; 
perché  sur  un  certain  rocher  funeste ,  il  s'y  repatt  des  cada- 
vres des  guerriers  morts  en  combattant,  et  y  attend ,  dit-on , 
que  la  guerre  lui  procure  d'autres  victimes.  A  force  d'aigui- 
ser et  de  nettoyer  ses  serres  contre  la  pierre ,  il  l'a  creu- 
sée. »  » 

La  poésie  armoricaine  doit  pareillement  un  de  ses  effets  les 
plus  saisissants  à  la  même  association  d'idées  et  d'images  : 
comme  Liwarc'h-Henn ,  le  barde  Gwenc'hlan  fait  allusion  à 
d'horribles  festins  nocturnes  apprêtés  aux  aigles  par  la  guerre  : 

c  Tandis  que  je  dormais  doucement ,  j'entendis  l'aigle  ap- 
peler dans  la  nuit  ; 

»  n  appelait  ses  aiglons  et  tous  les  oiseaux  du  ciel  ; 

*  Barzaz-Brbiz  ,  ChatUt  populaires  de  la  Bretagne,  (ouvrage 
couroBDé  par  rAcadémie  française) ,  4«  édit.,  i846 ,  t.  i  ,  p  175. 

« Robert's  Tym/to/p.  U4. 

*  Ilinerarium  Cambriœ,  édil.  de  Gale,  p.  872. 


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120 

»  Et  il  leur  disait ,  en  les  appelant  :  Élevez-vous  vite  sur  vos 
detix  ailes  ; 

>  Ce  n'est  pas  de  la  chair  pourrie  de  chiens  ou  de  brebis , 
c'est  de  la  chair  chrétienne  qu'i^nous  faut!  >  i 

On  voit  que  la  poésie  armoricaine  n'a  ri^  à  disputer  à  sa 
sœur  ;  elle  a  même  un  accent  encore  pjus  sombre ,  plus  my- 
stérieux et  pl\is  sauvage ,  qui  tient  sans  doute  à  l'époque 
payenne  où  vivait  son  barde.  Celui-d  n'aurait  pas  eu  les  sen- 
timents humains  dont  Liwarc-Henn  donne  souvent  des  preu- 
ves ;  par  exemple  y  il  ne  se  serait  pas  fait  un  mérite  »  comme 
lui,  d'avoir  eu  pitié  des  pestiférés  de  son  temps  et  d'être 
venu  à  leur  secours. 

La  célèb^  peste  en  question ,  d^à  passée  depuis  vingt-sept 
ans ,  quand  le  barde  gallois  composa  l'élégie  de  Kendelann , 
s'était  jointe  aux  Saxons  pour  décimer  la  malheureuse  nation 
bretonne. 

Elle  sévissait  dans  toute  sa  rigueur ,  vers  l'année  550.  €  On 
la  nommait  la  peste  jaune,  dit  le  compilateur  du  lÀvre  de  Lan- 
daf,  parce  qu'elle  rendait  jaunes  et  d&iles  ceux  qu'elle  atta- 
quait; son  apparence  était  celle  d'une  colonne  d'eau  :  la  tète 
de  cette  colonne  balayait  la  terre ,  sa  queue  se  perdait  dans 
les  airs;  elle  parcourait  le  pays  à  la  manière  d'une  trombe  rou- 
lant dans  le  fond  des  vallées,  et  tous  les  êtres  animés  qu'elle 
atteignait  de  son  souffle  empesté  ou  mouraient  subitement, 
ou  tombaient  malades  et  ne  tardaient  pas  à  moinrir.  »  s 

LTimagination  populaire  se  représenta  le  terriUe  fléau  , 
tantôt  sous  la  figure  d'une  mmeme  mpère,  *  tantôt  sous  oeUe 

*  BarxaX'Breiz ,  1 ,  p.  54. 

*  la  colunina  aquosae  nabis  apparebat  hominibus ,  uDum  capul 
verrens  per  lerram,  aliad  autem  sarsum  trahens  per  aerem  el 
discurrcns  per  lolam  regionem  ad  modum  imbris  discorrenlis  per 
ima  coovallium,  p.  101.  (Édition  de  11.  Rces,  1840J 

'  Ingens  vipem  apparuit.  (  Ibid.) 


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d'un  ipectre  jaitne  ;  et  comme  le  roi  Maelgoun  de  Gwéned 
était  mort  de  la  pe^ ,  on  racontait  que  s*étant  caché,  pour 
la  fuir ,  dans  l'élise  d'un  couvent,  il  aperçut  un  jour  le  pftle 
fantôme  dardant  sur  lui  ses  yeux  caves ,  à  travers  une  fente 
de  la  porte ,  et  qu'il  tomba  foudroyé,  i 

n  est  remarquable  qu'aucun  de  ces  souvrairs  fabuleux ,  nés 
pourtant  aussitôt  après  la  cessation  du  fléau ,  n'ait  trouvé 
crédit  près  de  Liwarc'h-Henn ,  et  que  la  peste  ne  lui  fournisse 
qu'une  allusion  sérieuse,  morale,  et  toute  chrétienne;  rien 
ne  prouve  mieux  combien  sa  pièce  est  restée  à  l'abri  de  toute 
interpolation. 

Mais  comme  le  fait  observer  l'antiquaire  Lhuyd ,  quiconque 
n'aurait  jamais  ent^du  parler  du  barde  et  jugerait  de  l'au- 
teur du  poème  par  le  vers  On  m'appeUe  Hélez,  l'attribuerait 
à  la  sœur  de  Kendelann.  Elle  était  poète  effectivement,  et 
tm  de  ses  confrères  a  dit  d'elle  : 

c  As-tu  étendu  ce  que  chante  Hélei ,  fille  de  Kendrouen , 
dont  les  richesses  sont  grandes  : 

—  Ce  n'eit  pas  de  faire  raumône  qid  appauvrit.  ^ 

n  n'y  a  pourtant  aucune  raison  de  dépouiller  Liwarc'h  en 
faveur  de  cette  princesse ,  et  il  y  en  aurait  beaucoup  pour 
laisser  au  vieux  barde  l'honneur  d'avoir  chanté  Kendelann  ; 
ce  qu'on  peut  dire ,  avec  quelque  probabilité ,  c'est  qu'il  lui  a 
mis  dans  la  bouche  des  vers  composés  par  elle-même.  Plus  je 
les  étudie ,  et  plus  je  le  crois  : 

Le  style  change  ;  il  s'exalte  peu  i  peu  jusqu'au  sublime  ;  il 
devient  cà  et  là  d'une  obscurité  profonde  :  les  symboles  et  les 
figures ,  les  incohérences  abondent  ;  une  femme  inspirée ,  fré- 

'Tyssilio.p.  173. 

*     A  glevaz-te  a  gan  Helez 
Merc*h  Kendrouen,  maonr  be  reavez  : 
— •  Ned  rozi  da  a  gouna  diodez. 

{Myvyr.  Arch.,  il) 


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122 

missaote ,  hors  d'elle-même ,  peut  seule  avoir  parlé  ainsi. 
Qu'on  juge  de  la  difficulté  que  présente  la  traduction  de  ces 
strophes  y  en  apprenant  qu'un  Gallois  très  instruit  de  mes 
amis  la  croyait  presque  impossible  et  le  texte  altéré.  Le 
docteur  Owen ,  j'ose  le  dire ,  n'a  pas  toujours  saisi  lui-même 
le  sens  en  cet  endroit  ;  je  citerai  pour  preuve  les  vers  où  Hé- 
lez déplore ,  selon  moi ,  la  misère  des  Bretons ,  réduits ,  par 
suite  de  la  ruine  de  leur  citadelle,  à  cherdier  un  refuge  dans 
les  bois  et  à  disputer  sa  pâture  au  sanglier.  Par  une  coînci- 
d^ce  frappante ,  un  poète  latin  du  XII«  siècle  qui  a  décrit , 
d'après  des  traditions  galloises,  la  vie  sauvage  d'un  malheu- 
reux chef  do  même  pays  et  de  la  même  époque ,  le  fait  se 
nourrir  comme  ceux  dont  parle  Livrarc'h-Henn  et  lui  fait 
dire  : 

€  Si  je  trouve  par  hasard  des  racines  au  fond  de  la  terre , 
aussitôt  accourent  les  truies  avides  et  les  sangliers  voraces 
qui  m'enlèvent  ces  racines  que  j'arrache  du  gazon;  >  ^ 

Ce  passage  curieux  ne  justiûe-t-il pas  mon  interprétation? 
Le  texte  breton ,  serré  du  plus  près  possible ,  serait  donc,  en 
latin  : 

Mirabilissima  arx,  humi ,  non  est! 

Jamjam,  recessus  [nobis]  latebrae  arborum  densœ! 

In  defectu,  aper  evellere  bunia  [solet]. 

Cependant  le  docteur  Ov^en  a  traduit  : 

€  Je  m'étonne  qu'il  ne  soit  pas  le  plus  vil  des  ménestrels 
errants ,  après  avoir  été  un  musicien  de  mensonges  palpables , 
quand ,  dans  le  besoin ,  Tourch  casse  des  noix  de  terre.  »  ^ 

■      Inveoio  si  forte  oapos  tellure  sub  ima , 
CoDCu iront  avidieque  saes  aprique  Toraces , 
EripiuDtque  oapos  mihi  quos  de  cespite  vello. 

(VilaMerlini,  P-  ^0 
>  1  wonder  that  he  is  not  ihc  lowest  rambling  minstrel  after  be- 
ing  a  niusician  of  palpable  lies,  when  in  waot  Twrc  cracks  tbe 
earlh-nuls.  (  Heroic  degies ,  p.  97.  ) 


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123 

L'erreur  du  traducteur  anglais  vient  de  ce  qull  a  iait  un 
verbe  de  rivezav,  superlatif  de  rivez,  merveilleux;  puis  un 
seul  mot  de  dm,  forteresse,  et  de  klair  qui,  en  gallois,  comme 
en  gaêl-irlandais,  comme  en  gaêl-écossais,  comme  ^  armo- 
ricain ,  où  il  s'éorit  leur,  répond  au  latin  humi,  à  terre  ;  de 
ce  qu'il  a  rendu  ce  mot  klair  par  ménestrel  errant;  Inlez,  re- 
traite, par  musicien;  kelwez,  reAige,  asile,  cachette  des 
bois,  par  mensonges;  confondu  le  verbe  tare'hi,  fouir,  avec 
Uni,  casser;  et  enfin  pris  taure'h,  sanglier,  pour  un  nom 
d'homme. 

Après  tout,  on  est  excusable  de  se  tromper  en  une  matière 
aussi  épineuse  ;  mais  où  le  docteur  Oweia  ne  l'est  pas  autant , 
c'est  quand  il  se  contredit  lui-même ,  comme  cela  lufest  déjà 
arrivé  à  notre  connaissance.  Croirait-on  qu'en  ouvrant  son 
dictionnaire,  à  la  page  19  du  tome  second ,  on  trouve  une 
autre  version  de  la  strophe  qui  nous  occupe!  Renonçant  à  sa 
première  interprétation,  il  traduit  : 
"  €  Je  m'étonne  qu'il  ne  soit  point  un  vrai  poétereau ,  suivant 
un  musicien  drofetife;ttt(e.  >  ^  De  même,  quelques  vers  aupa- 
ravant, il  donne  aux  mots  teo  ledktnt  le  sens  de  contes  de  mi- 
sère qui  fuient  pressés,^  et,  dans  son  dictionnaire,  celui  de  ru- 
meur épaisse,  s 

Dans  le  même  ouvrage ,  au  mot  esgour  (ysgwr),  citant  le 
vers 

N'em  gwan  esgour  oc'h  gour  devod? 
qui  signifie,  ne  me  blesse-t-eUe  pas,  ne  me  peree-t-eUe  pas,  la 
pointe,  la  pique,  la  lance  de  Vhomme,  du  guerrier  q^A  vient; 
il  prétend  que  le  barde  veut  dire  : 


'  1  wooder  thaï  he  ts  not  a  meer  poeuster,  following  a  musician 
of  correct  ear.  ^ 

«  Thickly  fly  ules  of  misery.  (P.  97.) 
""  Thick  tbe  rumeur,  (t.  11  ,  p.  272.) 


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424 

«  Ne  suis-je  pi»  blessé  par  une  pique  du  coin  de  ton  dos?  i^  t 
taudis  qu'il  a  traduit  ce  vers  dans  ses  Elégies  : 

>  Puissé-je  n'être  pas  transpercé  par  une  lance  des  rangs 
qui  viennent!  >  ^ 

On  n'est  pas  moins  surpris  de  voir  Owen  se  méprendre 
complètement  sur  le  sens  parfaitement  clair  de  certaines  au- 
tres strophes  ;  témoins  les  vers 

A's  klevo  ha  Diou  ha  den! 
A's  klevo  ieuenk  ha  henn  ! 
qui  ne  présentent  aucune  difficulté ,  qu'on  pourrait  rendre 
littéralement  en  latin  par  ces  mots  : 

Quod  est  audiat  et  Deus  et  homo  ! 
Quod  est  audiat  juvenis  et  senex  ! 
et  qui ,  selon  lui ,  signifieraient  :  quand  Dieu  se  sépare  de 
l*homme,  quand  le  jeune  homme  se  sépare  du  vieiUard.^ 

Je  pourrais  multiplier  les  citations;  mais  c'en  est  déjà 
trop. 

Comme  les  autres  pièces  de  Liwarc'h ,  celle-ci  est  tirée  du 
lÀvre  noir  de  Hengurt,  confronté  avec  le  livre  rouge  de  Her- 
ghest«  Les  deux  manuscrits,  toujours  assez  d'accord,  ne  dif- 
fèrent essentiellement  que  dans  trois  endroits  :  , 

1"*  A  la  19*  strophe  de  la  section  V  de  notre  poème ,  qui 
manque  dans  le  premier  manuscrit,  et  que  j'ai  rétablie  d'après 
le  second  ; 

2"*  A  la  strophe  6*  de  la  section  VI ,  suivie  dans  le  lAvre 
rouge  de  cette  stanoe  incomplète ,  altérée ,  inintelligible ,  qui 
n'existe  pas  dana  le  Uvre  noir,  et  que  je  n'ai  pas  cru  devoir 
reproduire ,  ne  sachant  quel  sens  lui  donner  ; 

I  Âm  I  nol  woanded  by  a  spike  from  the  corner  of  thy  back  ? 
(l.  il,  p.  676.) 
*  By  a  shaft  of  the  coroiog  rows.  (  P.  103.  ) 
^     Wbeo  God  séparâtes  from  man  ; 
When  the  youDg  séparâtes  from  the  old.  (P.  97.) 


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125 

Z^  A  la  dernière  strophe  de  la  section  VII ,  el  à  la  section 
VIII ,  tout  entière  y  reproduites  ici  d'après  le  lÀvre  noir,  que 
le  copiste  du  livre  rouge,  moins  ancien  de  deux  siècles  y  n'a 
pas  recueillies ,  peut-être  à  dessein,  et  pour  ne  point  laisser 
planer  sur  la  mémoire  du  barde  un  reproche  de  paganisme, 
ou  du  moins  de  superstition. 


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CHANT 


LIWARC'H-HENN  SUR  SA  VIEILLESSE. 


(DE  578  A  r>80.) 


ARGUMENT. 


Dans  les  poèmes  qui  précèdent,  à  Texception  d*un  seul ,  le 
barde  Liwarc'h-Henn  chante  les  malheurs  des  chefs  bretons , 
ses  amis  ;  dans  celui-ci  il  chante  les  siens  propres  ;  il  y  a  bien 
fait  allusion  de  temps  à  autre ,  mais  c'était  sans  s'y  arrêter , 
et ,  pour  ainsi  dire ,  en  courant  :  maintenant  sa  pensée  re- 
tombe tout  entière  sur  lui-niôme,  conune  si  tous  les  héros 
étaient  morts,  et  qu'il  ne  lui  restât  plus  que  lui-même  à 
pleurer. 

La  pièce  qu'on  va  lire  se  divise  en  deux  parties  très  dis- 
tinctes :  l'une  relative  aux  infirmités  du  barde-roi ,  l'autre  à 
la  perte  de  ses  vingt-quatre  fils  ;  elles  sont  réunies  en  une 
seule  dans  les  manuscrits  ;  et  ni  Owen ,  ni  Hyvyr ,  en  les  im- 
primant, n'ont  songé  à  les  séparer.  H.  Sharon  Turner  a  été 
plus  clairvoyant  ;  mais  il  se  trompe  évidemment ,  en  disant 
que  la  première  partie  ne  doit  contenir  que  vingt  strophes , 
car  elle  s'arrête  seulement  à  la  stance  trente-troisième  ,  où 
finit  le  morceau  sur  la  vieillesse  de  Liwarc'h ,  et  où  commence 
l'élégie  de  ses  fils. 


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V. 

KAN 
UWARC'H-HEM  AR  HE  HENENT. 


i. 

Ken  boum  kam  baglaok , 
Boum,  kevez,  geriaok; 
Kenmeger  ;  ne  ères , 
Gouîr  Àrgoed  erioed  a'm  porzez.  i 

Ken  boum  kam  baglaok ,  boum  hi  ; 
A'm  kennouesed  enn  keverdi 
Pouiz ,  paradouez  Kemri.  ^ 

Ken  boum  kam  baglaok  boum  eirian , 
Oez  ken  gwaev  mem  par; 
Oez  ken-nouer  kevn  kroum  ; 
Oum  troum  !  oum  truan  !  ^ 


*  Cyn  bum  cain  vaglawg  cyfes  eiriawg 
Reininjgyr  ni  ères 

Gwyr  Argoed  eirioed  am  porthes.     (  Le  ÏÀvrt  nmge.) 
D'après  ce  maouscrit ,  il  fandraît  lire  kain  apparaissant ,  et 
noo  kam ,  boiteux. 

*  Cyn  bum  cain  ^aglawg  bum  hy 
Âm  cynnwysid  yn  nghyvyrdy 

Powys  paradwys  Kymry.  (  Ibid.) 


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V. 
CHANT 

DK 

LIWARC'H-HEM  SUR  SA  VIEILLESSE. 


Avant  que  je  fusse  boiteux  avec  des  béquilles , 
j'étais  éloquent  dans  le  festin;  j'étais  honoré, 
et  ce  n'est  pas  étonnant,  car  les  hommes  de 
TArgoed  ^  m'assistèrent  toujours. 

Avant  que  je  fusse  boiteux  avec  des  béquilles , 
j'étais  intrépide  ;  j'étais  reçu  dans  l'assemblée  de 
Powys ,  ce  paradis  des  Kemris.  ^ 

Avant  que  je  fusse  boiteux  avec  des  béquilles, 
j'étais  beau;  ma  lance  était  la  première  entre 
les  lances;  mon  dos  [maintenant]  voûté,  était 
le  premier  en  vigueur  ;  je  suis  lourd  !  je  suis  mi- 
sérable ! 

*     Gyn  bam  cain  vaglawg  bum  eirian 
Oedd  cynwayw  vym  par 
Oedd  cynowyr  cefyo  grwm  wyf  irwm  wyf  inian. 

(Ma,  de  Herghêit.) 
*  Le  barde  avait  été  leur  chef,  do  temps  qu*il  habitait  le  Gam- 
berland. 

■*  Les  lois  galloises  du  X«  siècle  doDoent  le  même  surnom  à  ce 
pays ,  cher  aux  Remris-Bretons. 

9 


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130 
II. 

Baglan-prenn ,  n'ed  kenhaoam , 
Ruz  raden ,  melen  kakm  ? 
N'er  digeriz  a  karam.  1 

Baglan-prenn ,  n'ed  goam  hen  , 
Ez  bez  lavar  gouir  ar  len  ? 
N*ed  diannerc'h  me  erc'houen  ?  ^ 

Baglan-prenn  y  n*ed  gwanoueo , 
Red  kogeu ,  goleu  eouen  ? 
Oum  digariâd  gan  monven.  3 

fiaglan-prenn ,  n*ed  kentevin  ? 
N'ed  ruz  rec'h,  n'ed  krec'h  egin? 
Edlid  enn  edrec'h  az  gilvin  !  ^ 

Baglan-prenn,  kangen  bozok 
Kennelec'h  henn  hiraezok, 
Liwarc'h  lèverez  nodok  ?  5 

*  Baglan  brea  nead  cyohaaaf 
Rhodd  rhedyn  melyn  calaf 

Near  digérais  a  gtraf.  (  Ibid.  ) 

*  BagUn  bren  neud  gaoaf  byn 
Td  fydd  llafar  gwyr  ar  lyn 

Nead  dianoerch  tj  erchwyo.  (^Ibid.) 

*  Baglan  bren  neud  gwanwyn 
Rhydd  cogen  golen  ewyn 


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134 

II. 

O  ma  béquille!  n'est-ce  pas  Tautomne,  [^I^^] 
la  fougère  [est]  rouge ,  le  roseau  jaune?  N*ai-je 
point  haï  ce  que  j'aime  ? 

O  ma  béquille  !  n*est«-oe  pas  rhiver  mainte- 
nant y  [que]  les  hommes  discourent  après  boire? 
Le  bord  de  mon  lit  n'est-il  pas  délaissé  ?  ^ 

O  ma  béquille!  n'est-<^  pas  le  printemps,  que 
les  coucous  parcourent  [les  airs] ,  que  l'écume 
[des  mers]  brille?  Je  ne  suis  plus  aimé  de  la 
jeune  fille. 

O  ma  béquille  !  n'est-ce  pas  le  premier  jour  de 
mai  ?  Les  sillons  ne  sont-ils  pas  rouges  ;  la  se- 
mence ne  pousse-t-el)e  pas?  Ah!  je  m'irrite  à  la 
vue  de  ta  crosse  ! 

O  ma  béquille!  le  rameau  [dont  tu  es  fieiite] 
est-il  bien  aise  de  servir  d'appui  à  un  vieillard 
morose  y  à  Liwarc'h,  le  grand  parleur? 

Wyf  digariad  gin  v«rwjD.        (  ATm.  éi  Hergheit,) 

*  Baglan  bren  nend  flyttteviii 
Nedd  rbadd  rhych  nend  cryck  ^n 

Elryt  yn  edrich  yth  ylain.  (Ibid.  ) 

*  Btglan  bren  gattgea  voddawg 
Cyonelych  ben  biraethtivg 

Lywarcb  leferydd  uodaoc.  (llndj. 

*  On  s'asseyait  sur  le  bord  des  ISls  pour  converser. 


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132 
Baglan-prenn  y  kangen  kaled  ^ 
Âm  kennouesi;  Diou  difred; 
Gelver  prenn  kewir  kennered!  i 

Bajglan-preDD  j  bez  esteouel  j 
Am  kennelec'h  a  bo  gwell; 
N'ed  oum  Liwarc'h  laouer  pell.  2 

HI. 

E  ma  henent  enn  kemoued  —  a  me  — 
O'm  gwalt  i'm  daned, 
Ar  kloen  a  kerent  er  gwraged.  ^ 

DergrouD  er  gwent  ;  gwenn  gne  godre  - 
gwez;  — 
Deour  heiz  j  diwliz  bre  ; 
Eizil  henn  ;  houer  e  dere.  * 

E  delien  bon  n^ez  kenneret  —  gwent?  — 
Gwae  bi  oc'h  bi  tonked  ! 
Hi  benn ,  elene  e  ganet.  ^ 

.  *      BigliD  bren  gangen  galed 
Am  cyoDwysi  Dow  difred 


Elwir  pren  cywir  cynoired. 


(Mu.OeHerghctt.) 


I     BagUn  bren  bydd  yslywell 

Am  cyonelych  a  fo  gwell 

Neud  wyf  Llywarch  kwer  pell.  (  Ibid.) 

*     Y  mae  heneÎDt  ynkymwed  a  mi 


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133 
O  ma  béquille  !  6  dur  rameau  !  supporte-moi  ; 
que  Dieu  te  protège  j  toi  qu'on  appelle  le  bois 
fidèle  aux  [pas]  chancelants  ! 

O  ma  béquille!  tiens-toi  droite,  tu  me  sou- 
tiendras mieux  ;  je  ne  suis  plus  Liwarc'h  pour 
bien  longtemps  ! 


IIl. 


Voici  la  vieillesse  qui  se  joue  de  moi ,  de  mes 
cheveux  à  mes  dents ,  à  mes  yeux  que  les  fem- 
mes aimaient. 

Le  vent  murmure  ;  la  ctme  des  bois  est  blan- 
che; le  cerf  est  léger  ;  la  montagne  sans  rosée;  dé- 
bile le  vieillard  ;  il  se  meut  avec  peine. 

Cette  feuille  n'est-elle  pas  ballottée  par  le  vent  ? 
Malheur  à  ce  qui  en  a  le  destin!  Elle  est  vieille , 
quoiqu'elle  soit  de  Tannée. 


Om  gwallt  im  daint 

Âr  cloyn  a  gerjnt  yr  ieoeinc .  (  ibid .  ) 

«     Dyr  fpvena  gwynl  gwyn  gne  godre  gwjdd 

Deorhyd  dinlyd  bre 

Eiddil  hoD  hwyr  y  dyre.  (/6td.) 

*     Y  ddeilen  bon  neos  cynnired  gwynl 

Gwae  bi  oi  tbynged 

Hi  ben  eleni  y  ganed.  .  (Ibid.) 


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154 
A.  kîriz-i,  ean   gwas^  ez  e  kas  —  geu- 
em  ;  — 
Merc^h  estraon  ha  marc'h  glas; 
N'ed  nad  me  heu  kevazas.  ^ 

Mem  peduar  pm  kas,  hed  em  oed , 
Emkevarvezont  enn  unoed  : 
Paz  ha  henent,  heint  ha  hoed.  2 

Oum  henn,  oum  unik,  oum  anelouik  — 
oer;  — 
Gouede  gwele  keiDmik  y 
Oum  truan,  oum  trideblig.  ^ 

Oum   trideblig   henn;    oum    anwadal  — 
drud;  — 
Oum  ehud  ;  oum  anwar  : 
E  seul  a'm  karaz  n'em  kar  ;  4 

N'em  kar  rianez.  N'em  kenneret  — neb  — 
Ne  gallam  daremred. 
Wi  !  o  Ànkeu ,  n'am  digred  !  ^ 


A  gérais  i  yn  was  jssj  gH  genyf , 
Merch  estrawn  t  mtrch  glas 
Neod  nad  ni  eu  cyfaddu. 

(Mu.éiHergheêt.) 
*     Yiupedwar  primas  einnoet 
YrogyranTddjnt  ya  uooed 
Pu  a  henaint  haint  e  boed.  (Ibid.) 

>      Wyf  hen  wyf  unig  wyf  aoelwig  oer 


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i35 
Ce  que  j^aîiQais,  étant  jeune,  m^est  odieux  : 
la  fille  de  Tétranger  et  le  coursier  gris  ;  je  ne  leur 
suis  plus  boQ  à  ri^i. 

Les  quatre  choses  que  j^ai  le  plus  détestées  dans 
ma  vie  fondent  sur  moi  ensemble  :  la  toux  et  la 
vieillesse ,  la  maladie  et  le  chagrin. 

Je  suis  vieux ,  je  suis  seul  ^  je  suis  difforme  et 
glacé  ;  plus  de  lit  d^honneur  ;  je  suis  misérable , 
je  suis  plié  en  trois. 

Je  suis  un  vieillard  plié  en  trois  ;  je  suis  tout 
chancelant  ;  je  suis  inconsidéré  ;  je  suis  intraita- 
ble :  quiconque  m'aima,  ne  m'aime  plus; 

Elles  ne  m'atment  plus  y  les  jeunes  filles  !  Per- 
sonne ne  me  soulève  [sur  ma  Qouche];  je  ne 
puis  remuer.  Ah!  malheur!  à  MqoI  !  tu  ne  m'es 
pas  favorable  ! 

Gwedy  gwely  keiimiig 

Wyf  troan  wyf  tridyMig.  (IM-) 

*  Wyf  tridyblig  ben  wyf  tnwadal  drid 
Wyfehud  wyftnwir 

Y  sawl  tm  cmwd  niin  cir.  (  Ibid.  ) 

*  Nim  car  rhianied  nlm  cynnired  neb 
Ni  albf  ddarymred 

Wi  a  agheu  oam  dygrei.  (Ibid.) 


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136 
N'em  digred  na  hun ,  na  hoen , 
Gouede  è  laz  Laour  ha  Gwenn  ; 
Oum  anwar,  abar,  oum  henn!  * 

Truan  é  tonked  a  tonkouet 
I  Liwarc'h ,  ar  è  noz  e  ganet  : 
Hir  knev ,  heb  esgor  luzed  !  * 

—  «  Na  gwisk  gouede  kouein;  na  bet  brouen 
—  te  pred , 
Lemm  avel  ha  c'houerv  gwanoiien. 
—  »  N'am  kihuz,  me  mamm;  mab  i't  oum! 

Ned  azweti  ar  men  awen  ; 
Enn  hativod  kun ,  ac'hen  : 
Tri  gwezorik  elwîk  awen.  3 

Lemm,  mem  bar,  lac'har  enn  kred; 
Armaam  e  gwelia  e  red  : 
Kennerzangev,  Dieu,  kenned!  4 

*  Nim  dygred  na  hun  na  hoen 
Gwedy  ylleas  Llawr  a  Gwen 

Wyf  anwar  abar  wyf  hen.  (Mu.  de  HergkesL  ) 

*  Truan  o  dyn^d  a  dyngwyd 
I  Lywarch  ar  y  nos  y  ganed 

Hir  gnif  heb  esgor  lludded .  (  Ibid.  ) 
^     Neud  adwen  ar  vyn  awen 
Yn  hanfod  con  aclien 

Tri  gwyddoric  elwic  awen.  (  Jbid.  ) 


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157 
[Rien]  ne  m'est  favorable ,  ni  sommeil ,  ni  bon- 
heur,  depuis  le  meurtre  de  Laour  et  de  Owenn  ;  ^ 
je  suis  farouche  j  décrépit  ;  je  suis  vieux.  ! 

Quel  triste  destin  fut  destiné  à  Liwarc'h,  la 
nuit  où  il  fut  enfanté  :  de  longues  peines  ^  sans 
délivrance  de  fardeau! 

IV. 

—  «N'orne  plus  [tes]  chants  plaintifs;  ^  que 
ton  esprit  ne  soit  pas  affligé,  [si]  le  vent  est  pi* 
quant  et  le  printemps  rude  [pour  toi.]  —  »  Ah! 
ne  me  maudis  pas,  ma  mère;  je  suis  ton  fils  ! 

H  n'y  a  pas  d'ornement  à  mon  inspiration  ; 
[  c'est]  dans  une  existence  douce  que  Ton  chante 
[bien]  :  elle  a  trois  fondements  naturels,  l'inspi- 
ration. "^ 

Tu  es  affilé,  mon  javelot,  tu  es  impatient  de 
combattre  ;  je  suis  prêt  à  veiller  au  gué  de  la  ri- 
vière :  soutien  du  faible ,  6  Dieu ,  soutenez-moi  ! 

4  Llym  vy  mbar  lltchar  yn  ngryd 
Ârmaaf  i  wyliaw  rhyd 

Kynnyt  anghyf  duo  gennyt.        [Mu.  de  H^'ghesl, ) 
'^  Ils  étaient  fils  da  barde. 

«  Â  la  lettre  :  N'habille  plus  la  plainte;  c*est-à-dire  cesse  de 
cbanter  et  de  gémir.  C'est  l'ombre  de  la  mère  du  barde  qui  vient 
le  visiter. 

'  Allusion  à  celte  triade  des  bardes  :  L'impiralion  a  trou  sou- 
tiem  :  la  prospérité,  les  relations  sociales  et  la  louange. 

{Myvyr.  Arch.,  t.  m,  p.  195.) 


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138 
Oz  diengedy  az  gwelouD^ev, 
O'z  relezir  az  gweinoun-ev  ; 
Na  koll  gweneb  gouir  ar  knev  !  ^ 

Ne  kollam  tê  gweneb,  trin  gwoseb  re': 
Pan  gwisk  gleou  er  estre , 
Porzam  knev ,  ken  mudam  le.  ^ 

Redegok  ton  ar  hed  traez  ; 
£  gadam  ;  tored  arvaez 
Kad  akdo  :  gnod  foi  ar  fraez.  3 

Ezeu  d'im*  a  lavaroum  : 
Brieu  palader  parz  e  boum  : 
Ne  lavaram ,  na  foioum.  ^ 

Mezal  mignez,  kaled  riou; 
Rag  kam  kaoun  tal  glan  a  briou  ; 
Ezevid  ni  gouneler  n^ed  eou.  ^ 

Gwasgaraot  nant  am  klaoz  kaer  ! 

I      0  diengyd  ath  welwif 
Oth  rjleddir  ath  gwynwyf  : 
Na  coll  wyneb  gwyr  ar  gnyf. 

(JVm.  de  HerghesL) 

•  Ni  collaf  dy  wyneb  irin  wosep  wr 
Pan  wisg  ^ew  yr  ystre 

Porthaf  gnif  cyn  miidif  lie.  {Ibid.  ) 

*  Rhedegawg  ton  ar  hyd  iraelK 


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139 
Si  tu  reculais,  [6  ma  lance],  je  pleurerais  sur 
toi  ;  si  tu  étais  brisëe,  je  gémirais  sur  toi  ;  oh  ! 
ne  perds  pas  de  vue  les  combattants  ! 

Je  ne  te  perds  pas  de  vue  aussi ,  prix  incer- 
tain de  la  bataille  :  quand  le  brave  a  ëquqpë  son 
coursier ,  je  porte  le. [poids  du]  combat,  avant 
de  changer  de  place. 

Elle  court,  la  vague  le  long  de  la  grève;  je 
me  retire  ;  tout  projet  de  combat  avec  Fennemi 
est  détruit  :  fuir  est  l'habitude  du  bavard. 

Quant  à  moi,  je  dis  :  il  y  a  des  tronçons  de 
lances  aux.  lieux  que  j'habite  :  je  ne  suis  ni  ba- 
vard, ni  fuyard. 

La  fondrière  [est]  molle,  dure  la  colline; 
sous  le  sabot  [du  cheval]  se  brise  le  roseau  du 
bord  du  rivage  ;  une  promesse  qu'on  n'a  point 
tenue  n'existe  pas. 

Que  le  torrent  s'épande  autour  des  murs  de 

Echadaf  torid  arvaetb  kai  acado 
\         Gnawd  fo  ar  fraeth .  (  Ibid.  ] 

*  Ysid  ym  a  lefarwyf 
Briau  pelydyr  parth  j  bwyf 
Nilefarafnafouyf.  (Ibid.) 

*  Meddal  migaed  kalet  rbyw 
Rhag  cara  kann  tal  glan  a  friw 

Eddewid  ni  wneler  nydiw.  (Ibid.) 


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140 
Ha  menneu  armaam; 
Eskoued  bez  briou  ken  tec'ham  !  i 

E  kom  az  rozez  ti  Urien  , 
HaV  arwest  aour  am  he  gen  ; 
C'houez  enn-d^ho  o'z  deu  anken.   ^ 

Er  ergred  anken  rag  angewir  Loegrouez, 
Ne  legram  me  maourez  ; 
Ne  dic'hanam  rianez. 


Tra  boum  enn  oed  é  gwas-draeu 
A  gwisk  oc'h  aour  he  gotoeu , 
Beze  re  e  ruzroun  ë  gwaeu.3 

Diheu  ,  diweir  te  gwas  ; 
Te  enn  beo ,  ha'z  test  relas  ; 
Ne  bou  eizil,  henn^  enn  gwas  !  ^ 


I      Gwasgarawd  naint  am  glawd  kaer 

A  minnaa  arinaaf 

Ysgwyd  bryd  briw  kyn  techaf . 

(Mss.  de  Uerghesl.) 
*      Y  kora  atb  roûdps  di  Urien 

Ar  arwest  aur  am  ei  en 

Chwylh  ynddo  olh  dau  angeu.  (ibid.) 


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i4i 
la  forteresse!  et  moi  aussi,  je  me  prépare;  mon 
bouclier  sera  brisé  avant  que  je  recule  ! 

Urien  t'a  fait  don  d'un  cor ,  avec  un  cercle 
d'or  à  son  ouverture  ;  souffle  dedans,  5  s'il  t'ar- 
rive  malheur. 

La  peur  [qu'il  ne  m'arrive]  malheur  de  la 
part  des  perfides  Logriens  ne  me  fera  pas  souil- 
ler mon  honneur  :  je  ne  m'attaque  point  à  des 
femmes  ! 

Quand  j'étais  à  Tàge  de  ce  jeune  homme  qui 
chausse  l'or  des  éperons ,  c'était  vigoureusement 
que  je  poussais  le  javdot. 

En  vérité ,  jeunesse ,  tu  m'es  restée  fidèle  ;  tu 
vis  encore ,  et  ton  signe  est  détruit  :  ah  !  il  n'é- 
tait pas  débile ,  celui  qui  est  vieux ,  quand  il 
était  jeune  ! 

'      Tra  fam  i  yn  oed  y  gwas  draw 

A  wisk  0  aur  ei  ottoyw 

Byddei  re  y  rhulhrwD  y  wayw.  (Mu,  de  Herg,) 

*      Diheu  diweir  dy  waes 

Ti  yn  vyw  ath  dyst  rylas 

Ni  bu  eiddil  hen  yn  was.  (Ibid.) 

*  Ponr  appeler  au  secours. 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


J'ai  déjà  insisté  dans  l'introduction  de  ce  recueil  sur  le  ca- 
ractère pathétique  et  poignant  de  ce  long  cri  d'angoisse  :  je 
n'y  reviendrai  pas 

Plus  simple  et  plus  naturel  que  la  plupart  des  pièces  de 
notre  barde ,  le  poème  qu'on  vient  de  lire  est  par  là  même 
beaucoup  moins  malaisé  à  comprendre.  Une  seule  strophe 
présente  des  difficultés ,  la  seconde  de  la  section  IV  : 
Pfed  azwen  ar  men  awen  ; 
Enn  hanvod  kun,  ae'hen  : 
Tri  gwezorik  elwik  awen. 
qu'on  pourrait  rendre  ainsi  en  latin  barbare  : 

Nen  [e$f\  omomentum  9uper  fmam  tnmam  ; 
In  eMstentia  duld,  canU  : 
Tria  fimdamenta  \mn(]  pr(^a  marne. 
Le  docteur  Owen,  selon  son  habitude,  en  pareil  cas ,  donne 
plusieurs  traductions  de  ces  vers.  Ce  peut  être  un  moyen  d'ar- 
river juste  par  hasard;  mais  la  critique  moderne  n'admet  pas 
un  tel  luxe  d'expérimentations.  Quoi  qu'il  en  soit ,  voici  les 
sens  divers  que  l'écrivain  gallois  prête  aux  vers  de  Liwarc'h- 
Henn  ;  on  n'aura  que  l'embarras  du  choix 
Premier  sens  : 

€  Est-ce  que  je  ne  reconnais  point  par  mon  sourire,  num 
origine,  ma  puissance,  ma  parenté,  les  trois  thèmes  de  la  muse 
harmonieuse?  »  ' 


I  Do  1  Doi  recogoize  by  roy  smile ,  my  desceni ,  sway  tnd  kin- 
dred,  tbree  thèmes  of  the  harmooioiu  muse?  {Elégies,  p.  127.) 


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U5 

Second  sens  : 

€  Est-ce  que  je  ne  reconnais  pas  en  ma  muse,  procédant 
d'une  source  sublime ,  les  trois  rudiments  d'une  belle  ébauche?  »  ■ 

Troisième  sens  :  ^ 

€  Est-ce  qu'ii  ne  reconnaît  pas  â  ma  mine,  qui  prouve  que 
je  descends  d'un  lignage  royal,  les  trois  principes  du  génie 
créateur?  >  « 

Qu'est-ce  qu'un  sourire  qui  se  change  en  muse ,  puis  en 
mine,  au  gré  du  traducteur? 

Qu'est-ce  qu'une  origine,  une  puissance  et  une  parenté  qui 
deviennent  le  produit  d'une  source  sublime,  et  ensuite  une 
preuve  de  descendance  d'un  lignage  royal?  ' 

Qu'est-ce  enfin  qu'une  muse  harmonieuse  qui  peut  être  en 
même  temps  un  génie  créateur  et  une  belle  ébauche? 

Je  ne  suis  pas  plus  sûr  qu'Owen  de  ma  traduction  ;  mais 
une  seule  ayant  un  sens  raisonnable  et  motivé ,  ne  vaut-elle 
pas  mieux  que  trois  n'en  ayant  point  et  se  contredisant? 

Cette  pièce  ouvre,  dans  le  lÀvre  rouge  d'Oxford,  la  série 
des  poèmes  de  Uwarc'h-Henn.  Nous  lui  avons  emprunté  nos 
variantes,  comme  notre  texte,  en  général,  au  Livre  noir  d'Hen- 
gurt. 

*  Do  I  net  recognize  in  my  nfnse  proceding  from  a  sublime 
source  tbree  rudiments  of  fair  delineation.  (  Diction. ,  t.  S , 
p.  199.) 

*  l)oth  he  not  recognise  upon  my  mien,  shewing  a  descent 
from  a  royal  line ,  tbe  tbree  principles  of  inventive  genius  ? 
(Diction.  ,  t.  2 ,  p.  23.) 


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CHANT  DE  LIWARC'H-HENN 

SUR    LA    MORT    DE    SES    FILS. 


(DE  578  A  580.) 


ARGUMENT. 


Comme  on  Ta  dit  plus  haut,  ce  poème  est  la  seconde  par- 
tie et  la  suite  du  morceau  précédent  ;  de  là  vient  que  les 
copistes  n*ont  pas  pris  la  peine  de  les  séparer ,  et  qu'ils  en 
ont  fait  une  seule  pièce. 

Nous  venons  d'entendre  les  gémissements  de  l'homme  qui 
se  plaint  d'avoir  trop  vécu  ;  écoutons  maintenant  les  lamen- 
tations du  père  qui  pleure  ses  vingt-quatre  fils  tués  sur  les 
champs  de  bataille.  '|*ous  portaient  le  collier  d'or ,  marque 
du  haut  commandement  chez  les  Bretons,  mais  aucuns  n'eurent 
plus  droit  aux  éloges  paternels  que  Gwenn ,  Peil,  Selef ,  San- 
zef ,  Madok ,  Maen ,  Medel ,  Kenlug ,  Heilen,  Làour  et  Liver  : 
leurs  frères  étaient:  Gwel,  Saouel,  Laouer,  Lenghédoué, 
Eizar ,  Ersar ,  Argad ,  Lef ,  Arao ,  Urien,  Duok  et  Kéneu.  Un 
seul ,  à  ce  qu'il  paratt,  fut  indigne  de  son  père  :  il  se  nom- 
mait Kenzilik.  —  Après  avoir  payé  un  tribut  de  larmes  à 
tous ,  et  particulièrement  à  Gwenn ,  son  enfant  chéri ,  le  barde 
converse  avec  lui-même,  et,  tour  à  tour  partagé  entre  la  foi 
et  le  doute ,  il  semble  rester  indécis  au  si^et  des  choses  du 
salut. 


10 


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VI. 

KAN  LIWARCH-HENN 

ÀR  UkKK  HE  VEIBION. 


Gwenn  ^  ourz  Laouen  ^  es  gweliaz 
Neûiour;  Arxur  ne  tec'haz; 
ket  a  traoz  ar  klaoz  gorlaz.  i 

GwenHyOurzLaoueny  ez  gweliez — neizouf- 
Hag  he  eskoued  ar  he  eskouez  ;  ^ 
Ha  y  pan  bou  mab-im^  ^  bou  evez.  3 

GweDD ,  ourz  Laouen  ^  ez  g^eliiz 
Neizour,  haV  eskoued  ar  egniz; 
Pan  bou  mab4m' ,  ne  dienkiz.  * 


I      Gwen  wrlh  Lawen  yd  welas 

Neilhwyr  athuc  ni  thechas 

Aef  âdrawd  ar  glawdd  gorlas.    {Mu.  de  Herghetl.) 
t     Ar  ysgwyd  ar  ei  ysgtvydd.  (  ftW.  ) 

s      k  cban  bu  mab  imi  bu  hywydd.  (/6ûi.) 

*      Gwen  wrth  Lauen  yd  wyliis 

Neithwyr  ar  ysgwyd  ar  ygnis 


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VI. 
CHANT   DE   LIWARC'H-HENN 

SUR   LA   MORT   UE    SES  FILB» 


I. 


Gwenn  a  veillé  hier  an  soir  au  bord  du  La- 
ouen ,  S(  là  où  Arthur  D*a  point  lâché  pied  ;  il 
s*est  élancé,  à  travers  le  carnage ,  sur  la  verte 
rive. 

Gwenn  veillait  hier  au  soir  au  bord  du  Laouen , 
son  bouclier  sur  son  épaule ,  et,  comme  il  était 
mon  fils,  il  fut  [plein]  de  vigilance. 

Gveenn  veilla  hier  au  soir  au  bord  du  Laouen, 
le  bouclier  en  mouvement  ;  comme  il  était  mon 
fils ,  il  ne  prit  point  la  fuite. 


Kân  bu  roab  i  mi  ni  dicfii.  (Mm.  de  Hirg.  ) 

*  Lmom,  towi  ou  leum ,  selon  1m  diféreots  mnirnscrits.  Pro- 
bablement le  Lmenf  eo  le  Lefan ,  (le«tede  Stnik  Oyde,  tu  bord 
duquel,  si  Ton  en  croit  Neonlos,  Ârtbor  livn  »ax  Saxons  une 
gnnde  bnuiUe.  L*autoriié  du  barde  eofttenporiin  con6rmerait 
donc  Tassertion  du  chrottiqneor.  (Voyez  TexceUente  édition  de 
M.  Stetenson,  p.  48,  note  4.) 


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148 
Gwenn  gouged,  më  pred  gorc'haour, 
Të  laz  ez  kasnar  maour  : 
N'ez  kar  a'z  levaour  ?  i 

Gwenn ,  morzoued  touU  braz ,  a  gweliaz 
Neizôur  enn  koror  red  Morlaz  ; 
Ha  pan  bou  mab-im',  né  tec'haz.  2 

Gwenn ,  gouezoum  të  eisilid  ; 
Ruzr  erer  enn  eber  oez-it  ; 
Bezoun  dedouiz ,  diankit.  3 

Ton  torvet ,  toet  ervid , 
Pan  ant  kevrein  enn  govid  ; 
Gwenn,  gwae  re  henn  o'z  edlid  !  ^ 

Ton  torved ,  tœt  ac'hez , 
Pan  ant  kevrein  enn  gnez  ; 
Gwenn,  gwae  re  henn  r^'z  koUez!  ^ 


*      Gwen  gwgyd  gochawd  rj  mryt 

Dy  Us  ys  mawr  casaar 

Nyt  car  ath  levawr.  (Mu,  de  Hetfkeit.) 

'     Gwen  vorddwyd  tyll?m  a  wyUas 

Neithwyr  yn  ngoror  ryd  vorlas 

A  cban  bu  mab  y  mi  ni  thechas.  (Ihid,)    . 

^     Gwen  gwyddwn  dy  eiaâltdd 

Rythr  eryr  yn  ebyr  oeddit 


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149 
O  Gwenn  à  la  vue  perçante ,  tourment  de  ma 
pensée ,  ta  mort  me  met  en  grande  colère  ;  as- 
tu  un  parent  qui  n'en  gémisse  pas? 

Gwenn  ,  la  cuisse  trouée  largement  ^  a  veillé 
hier  au  soir  sur  la  rive ,  au  passage  de  la  rivière 
de  Morlaz  ;  6  et  comme  il  était  mon  fils  ^  il  n'a 
pas  fui. 

O  Gwenn  !  je  connais  ta  race  ;  tu  étais  Taigle 
qui  s'abat  à  Tembouchure  des  fleuves  ;  si  j'avais 
été  heureux ,  tu  aurais  échappé  à  la  mort. 

Que  la  vague  brise  avec  fracas,  qu'elle  cou- 
vre le  rivage,  quand  les  lances  unies  combat- 
tent; 6  Gwenn,  malheur  à  qui  est  trop  vieux 
pour  te  venger  ! 

Que  la  vague  brise  avec  fracas ,  qu'elle  cou* 
vre  la  plaine,  quand  les  lances  unies  se  préci* 
pitent  ;  6  Gwenn ,  malheur  à  qui  est  trop  vieux , 
puisqu'il  t'a  perdu  ! 


Belwo  ddedwydd  dianghut.  Ubid.) 

*  Ton  tyrfyd  toid  erfyd 
Pan  aot  kyvrein  y  govid 

Gwen  gwae  ry  hen  oih  ediil.  {Ibid.) 

*  Ton  tyrvid  loid  aches 
Pan  aat  kyfvrin  ygnes 

Gwen  gwae  ry  hen  rylbgollcs.  [Ibid.) 

^  Hivièro  du  Cumberland. 


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Oez  gour  më  mab;  oez  deskeouen , 
Hael,  hag  oez  nei  i  Urien ; 
Ar  red  ]Kk>rbiz  e  lu  Gweno.  ^ 

Prenial  diw^dl  gall  esgoun 
Gorug  al  Loeger  lu  kengroun  ; 
Bez  G^enn,  mab  liwarcVHenn,  eo  houn.  ^ 


Tek  ez  kau'er  aderin  ar  perwez  prenn, 
louc^h  penn  GweDn  ^  ken  he  golo  daD  teouar- 

cTien; 
Brerae  kalc^h  Uwarc'h-Heon. 

Peduar  mab  ar-ugent  am  bu 
Aourtorc'hok,  tiwesok  lu; 
Oez  Gwenn  goreu  anezhu.  3 

Peduar  mab  ar-ugeot  am  bouead 
Aourtorc'bok ,  tiwesok  kad  ; 
Oez  Gwenn  goreu ,  mab  oc'h  he  tad.  * 

Peduar  mab  ar-ugent  am  bouen' 

*  Oed  gwr  vy  mtb  eadisgwea 
Ac  oed  nei  i  Urien 

Al*  ryd  Torlat  y  lat  Gwea. 

,  (Mu.deHfrgheU) 

*  Prenial  djwal  gai  ysgwn 

Gorag  ar  Loegyr  in  Kyndrwyn.  (  Uid) 

^     Peduar  roab  ar  hugeinl  am  bu 


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154 
C'était  un  homme  que  i9on  fils;  c'était  un 
héros,  un  guerrier  généreux ^  et  i)  était  neveu 
d'Urien  :  Gwenn  a  été  tué  au  gué  du  Morlaz. 

Voici  la  bière  qu'a  faite  à  êon  fier  ennemi 
vaincu,  après  Favoir  environné  de  toutes  parts, 
l'armée  des  Logriens  ;  voici  la  tombe  de  Gwenn , 
fils  du  vieux  Liwarc'h. 

Doucement  chantait  un  oiseau  sur  un  poirier, 
au-dessus  de  la  tête  de  Gwenn ,  avant  qu'on  le 
couvrit  de  gazon  ;  il  brisa  le  cœur  du  vieux 
Liwarc'h.  5 

J'avais  vingt-quatre  fils,  portant  le  collier  d'or 
et  chefs  d'weée]  Gwyenu  était  le  plus  brave 
d'entre  eux. 

J'ai  eu  vingt-quatre  fils,  portant  le  collier  d'or 
et  chefs  de  guerre  ;  Gwenn  était  le  plus  brave  ; 
['à  éuk]  le  fik  de  «on  père.  ^ 

J'eus  vingt-quatre  fils,  portant  le  collier  d'or 

Ear  dorcbawc  tjwysawc  lu 
Oed  Gwen  goreo  onaddu.  (/6t<i.) 

I     JEur  dorchawc  tywystwc  kad 
Oed  Gweo  goreu  mab  oi  dad.  {!bid.) 

<»  À  la  leilro  :  U  bri$a  la  cuuuçse  de  Liwarc'k'U-vieux, 
« C*esl-à-dire  le  iils  bienaimé ,  rcnfanl  chéri.  CeUe  expression 
csi  encore  en  usage  parmi  les  paysans  d'Armoriquc. 


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152 
Âourtorc*hok ,  tiwesok  unbenn; 
Oarz  Gwenn,  gwasionien  oezen'.  * 

Peduar  mab  ar-ugent  enn  keovaent  — 
Liwarc'h  — 
HoU  gouir  gleou  galouezaent; 
Touel  heu  devod,  klod  tra  ment.  ^ 

Peduar  mab  ar-ugent  a  gwesiaent,  —  raen 
knaod  —  ^ 
Troue  me  tavod  4  lazesaent  : 
Pa  devod  men  kod  koledaent!  ^ 


IL 


Pan  laz  Pel,  oez  teoel  —  briou^  — 
Ha  gwaed  ar  gwalt  hell  ; 
Hag  i  am  douilann  Fraou ,  frouel. 

Dec'honad  estavel  oc'h  eskel  -^  eskoiie* 
daour ,  — 


'      Peduar  mab  ar  ngeint  am  bwyn 

Eurdorchaac  lywysaac  uoben 

Wrth  wen  gweisyonein  edin.      {Mis.  de  Hergheti.) 
'      Peduar  mab  ar  ugeinl  ygkenuein  Llywarch 

0  wyr  glew  galwytbeint 

Twll  eu  dyvod  dod  trameint.  [Ibid.) 

^     Peduar  meib  ar  ugeint  a  uciiliyciut  vy  nglinawd. 

{Ibid.) 


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153 
et  chefs  suprêmes  ;  compares  à  Gwenn ,  c'étaient 
des  enfants.  ^ 

Il  y  avait  vingt-quatre  fils  dans  la  famille  de 
Liwrarc'h,  tous  gens  de  cœur,  [pleins]  de  fureur 
guerrière;  leurs  marches  étaient  secrètes,  leur 
gloire  au-delà  de  [toute]  mesure. 

Vingt-quatre  fils  gardaient  mon  corps  :  par 
ma  langue  ils  ont  été  tués  ;  ^  la  mesure  de  mon 
malheur  est  comblée  ! 


II. 


Quand  Peil  mourut ,  ce  fut  d'une  large  bles- 
sure, et  [avec  du]  sang  sur  sa  chevelure  en  dé- 
sordre ,  et  au  fracas  des  armes ,  sur  les  deux  ri- 
ves du  Fraou.  * 

On  bâtirait  une  salle  avec  les  débris  de  boucliers 


^  Ces  trois  mots  sont  omis  dans  le  lÀvre  rouge  de  Herghest. 
**    Dt  dyvod  f y  nghod  coll  edeint.  (  Ifnd.) 

«  A  la  lettre  :  de  petits  garçons. 

'  Le  barde  se  reproche  encore  ici  d'avoir  excité  ses  fils  à  com- 
battre f  et,  par  là  même,  causé  leur  mort. 

*  Il  y  a  plusieurs  rivières  de  ce  nom  en  Galles  ùi  dans  le  €um- 
berland  ;  il  est  difficile  de  dire  au  jusle  à  laquelle  le  barde  fait  al- 
lusion. 


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i54 

Tra  bezed  ean  sevel , 

k  brioaed  ar  ankad  Peil.  i 

Den  deviz  ar  mé  meibioii , 
Pan  kercliae  pob  he  gallon  y 
Peil  gwenn ,  pouel  tan  troue  livou.  ^ 

Mad  dodez  he  morzoued  troz  obel 
He  gorvez ,  ocTi  oung  hag  oc'h  pel  ^ 
Peil  j  pouel  tan  troue  saouel  !  3 

Oez  lari  !  lao  aei^e  !  —  oez  aeleu  he  luez  ! 
Oez  dinoz  ar  estre 
Pel  gwenn;  toed  erc*hel  hon  de!  4 

Pan  save  enn  treuz  pebel , 
I  ar  gorvez  erevel , 
Arzeloue  oc'h  gour  gourek  Peil.  ^ 

Breouet  rag  Peil  penglok  fer  ! 
Ez  odid  louver,  ez  lever 

I      DycboDâd  ystifell  o  esgyll  ysgwydawi 

Tra  ?ydat  yo  sefyll 

A  ?riwit  tr  aagad  PjW. 

(M$$.  àe  Hcr$.) 
*      DjQ  dewis  ar  vy  metbioQ 

Pan  gyrcbei  i>awb  ei  alon 

Pyll  wjn  pwyll  tan  irwy  luuon.  (Ibid.) 

^     If  ad  dodes  ci  vorddwyd  dros  obcU 


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ISB 
élevés  les  uns  sur  les  autres ,  €|ue  Peîl  a  brisés 
de  sa  main. 

L'homme  d'élite  entre  mes  fils,  quand  chacun 
d'eux  assaillait  son  ennemi ,  était  le  beau  Peil , 
dont  Teffort  [était  comme]  la  flamme  qui  s'é- 
lance par  le  trou  de  Pâtre. 

Qu'il  posait  bien  sa  cuisse  sur  la  selle  de  sou 
coursier ,  de  près  et  de  loin ,  Peil ,  dont  l'effort 
[était  comme]  la  flamme  qui  s^ élance  par  le  trou 
du  toit  ! 

Qu'il  était  beau  I  que  son  bras  étak  terrible 
dans  le  combat  ;  que  ses  soldats  étaient  riches  ! 
C'était  une  citadelle  que  le  beau  Peil  sur  son 
chevd  ;  quel  toit  hideux  nous  sépare  ! 

Quand  il  paraissait  au  seuil  de  sa  tente ,  monté 
sur  son  coursier  gris^  dUe  était  fièce  de  son  ^ux , 
l'épouse  de  Peil. 

Que  de  crânes  épais  ont  été  broyés  devant 
Peil!  Rarement  le  lâche,  le  pleureur  garde  le  si- 

Ei  orwydd  o  wiig  te  o  bail 

Pyll  pwyll  Un  trwy  Mwel.  (ibid,  ) 

*     Oed  llary  llaw  aergre  oe4  aeleu  ei  byd 

Oeé  dioAS  ar  yslre 

Pyll  fyn  doet  pefcbyll  eu  de.  (  /6td. } 

^      Pan  savei  ya  orws  pebyll 

1  ar  orwydd  erevyll 

Arddelweî  o  wr  wreig  Pyll.  f  Ibid.) 


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>9 


iS6 
Enn  tav  :  eizil  heb  dim  digoner.  ^ 

Peil  gwenn ,  pellenik  té  klod  ! 
Handoum  nouev  er  od  !  o'z  devod , 
Men  maby  o*z  taran  adnabod  !  ^ 

Goreu  tri  den  edan  nev 
Ha  gwarc'hedouiz  heu  hazev  : 
Pel ,  ha  Selev  ha  Sanzev.  ^ 

Eskoued  a  roziz  i  Peil , 
Ken  na  he  kouski  ne  boue  toi  ^ 
Teniao  he  hazey  argol  ?  * 

Ked  delae  Kemri  hag  elev  lu  —  oc'h  Loe- 
ger,  — 
Ha  laouer  oc'h  pob  tu 
Dangosae  Peil  pouel  izhu.  ^ 

Na  Peil,  na  Madok  ne  bezent — ^hiroedlok, — 
Oz  devaod ,  e  gelvent  : 


{BÊu.deBergkêêt.) 


I      Briwyd  rag  Pyll  peoglog  fer 
Ys  odid  llywyr  yt  lecber 
Yd  daw  eiddil  heb  dim  digoner. 

^      Pyll  wyn  peil  euoic  ci  glod 

Handwyf  nwyv  erod  olli  dy vod 

Yn  vab  atharao  adnabod .  (  Ibid .  ) 

'      Goreu  tri  den  y  dan  nef 


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157 
lence  ;  le  faible  se  contente  de  rien. 

Beau  Peil  !  qu'elle  s'étend  loin ,  ta  renommée  ! 
que  tu  m'as  donné  de  force  !  Quand  tu  es  venu 
[au  monde],  6  mon  fils,  j'ai  reconnu  [en  toi] 
la  foudre  ! 

Les  trois  hommes  sous  le  ciel  qui  ont  le  mieux 
défendu  leur  demeure  :  Peil  et  Selef  et  Sanzef. 


Le  bouclier  que  je  doimai  à  Peil ,  avant  de 
s'endormir  [pour  jamais] ,  ne  l'a-l-il  pas  troué  en 
sauvant  sa  demeure  de  la  ruine  ? 

Quand  s'avançaient  les  Kemris  contre  l'armée 
dévastatrice  des  Logriens,  avec  de  nombreux 
[auxiliaires]  de  chaque  côté,  c^était  Peil  qui  leur 
donnait  l'élan. 

Ni  Peil,  ni  Madok  n'ont  vécu  longtemps.  Si, 
selon  la  coutume,  on  leur  criait  : 

A  warcbedwis  ea  hâddef 

Pyll  a  Selyf  a  Saozef.  [Mu.  de  Hergheil.) 

*     Ysgwyd  a  roddeis  i  Byll 

Kyn  Doi  gysgu  nea  ba  doll 

Dimiao  y  haddef  ar  wall.  {Ilnd.) 

'^     Kyd  delei  kymni  ac  elyflu  o  Lloegyr 

  Uawer  o  bell  tu 

Dangosei  Byll  bwyll  uddu .  (  Ilnd.  ) 


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158 
«  Rozint  ?  —  Na  rozmt  !  —  Ncd  kengraer  biz 
erc'hent  !  i 


Lema  mè  mab  ;  o«  difoe.  —  Tringar 
I  Beirz\  ez  he  glod  nid  elae 
Peil ,  pe  pellâc'h  parae.  * 

Maen ,  ha  Madok  ha  Medel , 
Deour  gouir ,  diesik  broder , 
Sdev,  Heilen,  Laour,  Liver 

Bez  Gwel  enn  Riou-meleD, 
Bez  Saouel  enn  Langollen  ; 
Gwarc'hedou  Laouer  boulc'h  Lorien. 

Bez  roz  n'ez  kuz  teouarc'h  ? 
N*ez  evrez  gwered  Ammarc'h 
Bez  Lengedoue,  mab  Liwarc^h?s 

Goreu  tri  gouir  enn  heu  gwlad 


'      Na  Phwyll  na  madawc  ni  byddynl  hiroedlawc 

Or  dewawt  a  getwynt 

Rbodyn  na  roddyn  kyngreir  vyt  uis  erchynt. 

{Mss.  de  Herg,) 
*     Llyma  y  mab  oed  difai  tringar 

I  feirdd  ys  ei  glod  He  nid  elei 

Byll  pei  bellach  par  ei.  (/6t4.) 

^     Bed  ras  neus  kud  lywarch 


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159 
«  Se  rendent-ils  [vos  hommes]?  —  Ils  ne  se 
rendent  pas  !  —  [  répondaient-ils.  ]  Jamais  ils  ne 
demandaient  quartier! 

Ici  [repose]  mon  fils;  il  était  sans  défauts. 
Très  chère  aux  bardes  y  où  la  gloire  de  Peil  ne 
serait-elle  point  parvenue,  s*il  eût  vécu  plus 
longtemps  ! 

Maen,  et  Madok  et  Médel  [étaient]  des  guer- 
riers vaillants  y  frères  intrépides  de  Selef,  Hei- 
len  y  Laour  et  Liver. 

La  tombe  de  Gwel  est  à  Riou-Vélen  ^;  la 
tombe  de  Saouel  à  Langollen  ;  ^  Laouer  garde  le 
fort  du  Lorien. 

Cet  épais  gazon  ne  oache-t-il  pas  une  tombe 
sanglante  ?  L*herbe  d' Ammarc'h  ^  est-elle  souillée 
par  la  tombe  de  Lenghédoué^  fils  de  Liwarc'h? 

Les  trois  hommes  de   leur  pays  qui  défen- 


Nis  eurydd  gweryd  Âmmarch 
Bed  Llyngedwy  vab  Uywârch.  {tM.) 

Après  ceU6  strophe,  Tordre  change  dans  ce  mannscnt;  et,  au 
lien  des  yers  Gi^reu  tri  gtmir,  on  trouve  PéU  oe'h  aman  Aber  Leou, 
et  les  trois  stances  suivantes  qui  terminent  le  poème. 
^  Dans  le  Merionetbshire,  près  de  Bala. 
»  Vallée  célèbre  du  comté  de  Denbigh. 
*  Dans  le  comté  de  Montgomery. 


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160 
E  amzifeDD  heu  treoad  : 
Ëizar,  hi^  Ersar  hag  Ârgad. 

Tri  mab  Liwarc'b  ,  tri  ankemmen — kad  ; 
Tri  keimiad  anlaouen  : 
Lev,  hag  Àrao  hag  Urien. 

Handid  haoz  he  amc*houeson , 
O'hi  adao  ar  lann  avon , 
Eged  ha  lu  oc*h  gouir  louedion.  ^ 

Taro  trin ,  revel  adoun , 
Kleder  kad  j  kanouel  esgoun , 
Reen  nev ,  re  a  eudevid  houn  !  ^ 

E  bore  gan  sav  ë  dez , 
Pan  kerc'houed  Moug-maour-trevez ,  5 
Ned  oes  tagod  meirc*h  Mec'hez.  * 

Kevarvan  a^m  kavall ,  ^ 
Kelaen  ar  gwear  ar  gwall  : 
Kevrank  Rud  haV  drud  arall. 


<      Handid  haws  i  amcbuysion 
Oi  adaw  ar  lan  avon 

Y  gjd  a  lia  ewyr  llwydon.      (Mt$.  de  Plas  Gwyn,) 
*     Taru  trin  ryyel  adun 
Cledir  cad  canuill  oguuin 
Ren  neu  ruy  a  ondeid  hun.  {ibid.) 

>  Après  ce  vers,  dans  le  Livre  noir ,  on  lil  en  glose,  d*une  au- 
tre écriture  :  Brenin  y  Soeion ,  c'est-à-dire  le  prince  des  Saxom, 


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161 
daient  le  mieux  leur  habitation  étaient  Eizar,  et 
Ersar  et  Argad. 

Les  trois  fils  de  Liwarc*h,  tous  trois  indomp- 
tables dans  le  combat ,  tristes  voyageurs  tous 
trois  :  Lef,  et  Arao  et  Urien. 

Il  eût  mieux  valu ,  pour  leur  avantage ,  être 
enterrés  sur  les  bords  de  la  rivière,  ^  dans  la 
compagnie  des  hommes  gris  :  '' 

Le  taureau  du  tumulte,  le  chef  de  guerre ,  le 
soutien  dans  la  bataille ,  le  flambeau  sublime , 
le  régulateur  du  ciel  ^  a  été  trop  écouté  ! 

A  Taurore ,  au  lever  du  jour,  lorsque  s'avança 
le  Grand  Brûleur  de  villes ,  ^  ils  ne  furent  point 
étranglés,  les  chevaux  de  Mer'hez.  10 

En  face  de  ma  cabane,  il  y  a  dans  la  plaine 
un  cadavre  dans  le  sang  :  c'est  par  suite  de  la 
rencontre  de  Run  1^  et  d'un  autre  brave. 


*  Nid  oéd  vagawd  meirch  mechit.  (Ibid.) 

*  Kyaarvan  am  cafall.  (Ibid.  ) 

•  La  Dee,  sur  les  rives  de  laquelle  s*élève  l'église  de  Lanvor. 
'  Des  moines  de  Lauvor. 

•  L.e  Dieu  Soleil. 

'  Ida,  surnommé  Par  le- brandon. 
*o  Peiii-flls  de  Liwarc*h-Henn. 
**  Filsd'Urien. 

H 


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i6^ 
Diaspad  a  doder  eun  gwarsav  I^pg-^mepez- 
Oziouc^h  penn  bez  Kenlug  : 
«  Ma  kerez,  me  a  lie  gorug  !  )>  * 

Odid  erc'ki  toet  estrad  ; 
Devrisient  kedouir  i  kad  ; 
Me  ned  am ,  ariav  n'em  gad  ! 

Ned  oud  te  eskolaek ,  ned  oud  j^laeg  ; 
Unbenn  n'ez  gelver ,  eon  deiz  red  ; 
Oh  !  Kenzilik ,  na  buost'  goureg  !  ^ 


Pell  oc'h  aman  Aber  Leou  , 
Pellac^h  bon  doui  kevedliou  ; 
Talan ,  teliz  té  degr  beziou.  3 

Er  evez  è  gwin  oc*h  kaok , 
Ev  a  ragwan  rag  reiniok  : 
Eskd  gwaouf  oezgwaev  maour  Duok.  ^ 


■      Diaspad  a  dodir  ygwarthao  lilug  vynydd 
Odducb  ben  bed  kyollqg 
Mau  gerit  me  a  e  goroc. 

{Mi$,  de  HergfieiL) 

*  Ny  doid  li  ysgolbeic  nid  nid  eleic 
Unbcn  nilh  einir  in  did  reii 

Ocb  Kyndilic  na  buost  gureic.  (Ibid.) 

*  Pell  oddyman  Aberlyi^- 
Pdlach  ein  dwy  gyvediiw 


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165 
Un  cri  s'^lèvç  du  sommet  cUi  nom  Lug,  ^  du 
haut  de  la  tombe  de  Kenlug  :  «  Màn  cJkdtimenty 
cest  moi  qui  me  Finfligél  » 

En  vain  la  vallée  est  couverte  de  neige  ;  les 
guerriers  volent  au  combat  :  moi,  je  n'y  vais 
point  ;  la  maladie  ne  me  quitte  pas. 

Tu  n'es  pas  clerc ,  toi ,  [  mon  fils  ] ,  tu  n'es 
pas  ermite  ;  et  [cependant^  tu  ne  aéras  ifBs  ap- 
pelé [du  nom  de]  chef,. au  jour  de  la  néçessilé;  ^ 
oh  !  Kenzilik  !  que  n'as-tu  été  femme  ! 

[Il  est]  loin  d'ici  le  havre  de  Leu,  7  plus  loin 
encore  nM  deux  dans;  ô  Talatl  !*  j^ai  mérité  tes 
larmes  aujourd'hui  f 

Depuis  que  j'ai  bu  le  vin  de  ma  coupe ,  une 
rencontre  a  eu  lieu  entre  des  hommes  armés  de 
lances  :  comme  les  ailes  de  l'aurore,  brillait  la 
grande  lance  de  Duok. 

Talan  leleis  df  àifk^t  heà^.  (  /6ûi.  ) 

^  Er  yreis  i  win  e  gtwc 
Ef  a  ngw»o  rac  rcwftiawo 
Esgyll  gwawr  oed  wft|waiwt  Diwg. 

s  Probablement  y  Lug-Vallno»,  qijâ  eal  «oe  àndene  yille  du 
CumberlaDd  actuel,  djêsignée  par  Ptûiéti4e. 
*  Aa  jour  du  jugement. 
'  Aber-Leu  ;  e'est  U  que  péri)  Udeft.  (Vo|ea  son  dégie.  ) 


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164 
Oes  edivar  gen-etn  pan  em  ere*hiz , 
Nad  gaiit^ho  ë  deviz  ; 
Kenez  e  be  hael  hoedel  miz.  ^ 

Azwen  lèverez  keni  —  bran  :  — 
«  Pau  diskennei  enn  keverdi , 
Penn  gouir,  pan  gwin  a  delei.  »  ^ 

Méregok  marc'hok  maez  \ 
Tra  menouz  Douez  mê  lez , 
Ned  ezonm ,  megiz  moc*h  ,  mez  ! 

—  Liwarc*h4enn ,  na  bez  te  gwel  ; 
Trouezed  a  kevi-te  anouel  ; 

Tarn  te  lagad;  tao ,  na  gwel.  ^ 

—  Henn  oum-rae,  n'az  oziwezam; 
Roz  y  am  kuzul  y  kouz  ;  arc*hani  : 
Marv  llrien  !  anken  ar-n-am.  * 


*  Edifar  gennyf  pao  ymerofaeis 
Nat  ganln  y  diewis 

Rynny  dy?ei  hael  hoedl  mis.      (Mit.  de  Herghai.) 

*  Ataen  leveryd  kyni  fran 
Pftn  diagynnei  ygkyordy 

Pan  gur  pan  goio  a  dyly.       (Mê$.  de  PUu  fiioyn.) 
La  pièce,  dans  le  Livre  rouge  de  Hergbest,  finit  avec  ces  yen. 
s      Llyuarcb  hen  na  vyà  dî  wyl 
Trwyddet  a  gefi  di  anwyl 


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165 
J'ai  eu  regret  d'avoir  . fait  une  demande  [à 
Dieu],  puisqu'ils  n'ont  ps^ obtenu  ce  qu'ik  vou- 
laient, [mes  fik]  :  que  leur  vie  fût  généreusement 
augmentée  d'un  mois. 

Il  plait ,  le  langage  du  corbeau  ,  ^  dans  le  mal- 
heur :  «  Quand  dans  rassemblée  [,  dit-il,]  des- 
cendra le  chef  des  guerriers,  ^  il  méritera  une 
coupe  de  vin.  » 

Que  le  cavalier  [soit]  vainqueur  [dans  la] 
plaine!  Tant  que  Dieu  voudra  mon  bien ,  je  ne 
me  nourrirai  point ,  comme  le  pourceau ,  de 
glands  ! 

—  O  vieux  Uwarc'h ,  ne  sois  point  abattu  ; 
tu  trouveras  [bientôt]  une  douce  retraite  ;  sèche 
ton  œil  ;  tais-toi ,  ne  pleure  pas. 

—  Je  suis  vieux ,  je  ne  te  reconnais  pas  ;  le 
don  ,  à  mon  avis  ,  [qui  me  sied,  est]  une 
tombe;  je  Timplore  :  Urien  est  mort!  La  dou- 
leur [pèse]  sur  moi! 

Tarn  dy  lagad  tan  na  gwyl.  {Ibid.) 

*     Hen  wyf  fy  nitli  oddiweddaf 
Roi  am  gyssat  cwdd  arohaf 
Marw  Urien  angen  arnaf.  (Ibid.  ) 

'^  Les  corbeaux,  selon  Strabou,  prédisaieol  Tavenir  aox  Bretons. 
•  Dnnod »  6U  de  Pabo.  Voyez  l'élégie  d'Urien,  et  pins  bas.  On  se 
rappelle  qu'il  étail  un  des  trois  piliers  de  bataille  de  File  de  Bre- 
tagne. Dieu  ne  Tayant  pas  exaucé,  le  barde  en  appelle  à  ce  héros 
de  la  patrie  et  met  son  espoir  en  lui. 


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166 
— •  Ha  e  të  kuziil  kerc'hî  brào , 
Kan  dioug  hag  argeiian? 
Marv  meibion  Urieii  ac'hlan.  ^ 

—  Na  kred  bran ,  na  kred  Dunod , 
Na  kae  gant  beu  un  fosod, 
Bugel-loe,  lavnaour  louebrod.  ^ 

—  Ez  ez  Lanvor  Ira  gweilgi 
E  gouna  mor  molud  ourz4ii  ; 
Lallogan  ni  goun  a  hi.  ^ 

—  Ez  ez  Lanvor ,  tra  banok , 
Ez  aa  Kloued  enn  Klevedok  ; 
Hag  ni  jg;oun  a  bi  lallok.  4 

—  Aez  Deverdoui  enn  he  terven , 
Oc'h  Mieloc*b  bed  Traweren  , 
Bpgel-Loe,  lava^ur  louebran.  ^  — 

*      Ai  dy  gyssul  kyrchu  bran 
Gan  diwc  ac  argyoan 

Marw  meibion  Urieo  achlao .  f  ibid.  ) 

^     Na  chred  vran  na  ebred  Dunaud 

Na  chai  gant  bndd  yn  Fosaud 

Bugeil  loi  Llanvor  llwybraud.  (Ibid.) 

>      Issydd  Lanvor  dra  gweilgi 

Y  gwna  mor  molad  wrthi 

Llallogan  ni  vrn ai  hi.  (Ibid.) 

*     Yssydd  llafnfawr  ira  bannawc 

Vdd  aa  €lwyd  yghlywedawc 

Âc  ni  wn  ai  llallawc.  (Ibid} 


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<67 

—  Ësl-ce  ton  avis  de  consulter  le  corbeau ,  au 
chant  sinistre  et  criard  ?  Ils  sont  tous  morts ,  les 
fils  d'Urien  !  6 

—  Il  ne  croit  point  le  corbeau ,  il  ne  croit 
point  Dunod;  ^  il  n'en  obtiendra  pas  de  pro- 
tection ,  le  pâtre  débile  8  [qui  a  été  jadis]  un 
homme  d'armes  voyageur. 

—  Voici  [l'église  de]  Lanvor  au-delà  de  ce 
fleuve  dont  la  mer  se  fait  gloire;  [mais]  je  ne 
sais  [si  tu  as  rien]  de  commun  avec  elle. 

—  [Oui,]  voici  Lanvor,  la  majestueuse ,  où  la 
Kloued  ^  se  joint  au  Klévédok  ;  j'ignore  en  elïet 
si  avec  elle  [j'ai  rien  de]  commun. 

—  Le  Deverdoui  a  surmonté  ses  bords  ;  *^  [  il  a 
roulé  ]  du  Melor'h  au  Trawéren ,  6  pâtre  dé- 
bile ,  jadis  homme  d'armes  voyageant.  — 

*      Ueis  Dyvyrdwy  yn  ei  thervyn 
0  Veloch  byd  Traweryn 
Bogeil  lloi  lafDawr  Hwybryn.  {Ibid.) 

*  C*est  une  réponse  à  la  confiance  superstitieuse  que  le  barde  a 
témoignée  pour  le  corbeau,  dans  sa  détresse.  (Voyez  p.  165.) 

'  Voyez  plus  haut. 

*  A  la  lettre  :  le  patleur  de  veaux  :  c*est-^-dire  Liwarc*b,  devenu 
berger. 

*  Clwydf  rivîèit}  qui  parcourt  la  vallée  du  même  nom,  dans  le 
comté  de  Denbigh.  Lanvor  est  dans  fc  Merionethshire. 

*<*  Le  barde  se  donue,  de  cette  manière  délicate,  le  conseil  de  su 
surmonter  lui-même ,  pour  songer  sérieusement  aux  choses  de  l'é- 
ternité. 


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168 

IV. 

Truan  ë  tonked  a  tonkoued 
I  Liwarc'h ,  e  noz  i  gaoed  : 
Hir  knev ,  heb  esgor  luzed  !  ^ 

Tano ,  më  eskoued ,  ar  asoue  men  tu  ! 
Ke  boum  henn ,  oz  gallam , 
Ar  rodouez  Morlaz  gweliam  !  ^ 


*      Truan  o  dyoged  a  dynged 

A  dyngwyd  i  Lywarcb  y  bos  i  gaued 

Hir  gni?  beb  esgor  Ilndded.  [Ilrid.) 

■      Teneu  vy  ysgwyd  ar  asswy  vy  nbu 

Kw  bwyf  hen  as  gallaf 


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169 
IV. 


Ah  !  quel  triste  destin  fut  destiné  à  Liwarc*h , 
la  nuit  où  il  est  né  :  de  longues  peines  sans  dé- 
livrance de  fardeau  !  ' 

Il  est  bien  aniinci ,  mon  bouclier,  sur  mon 
flanc  droit  !  Je  suis  bien  vieux  !  et  cependant , 
si  je  puis  ,  je  veillerai  sur  les  bords  du  Mor- 
laz  U 

Ar  roé^dd  Torlas  gwyliaf .  (  I(M.  ) 

>  Voili  la  seconde  fois  qu'il  exprime  cette  pensée  dans  les  mê- 
mes termes.  J*ai  traduit  à  dessein  :  desêm  desHnè, 

*  Cest  \k  qœ  fut  tué  Gwenn ,  Tenfant  chéri  dn  barde ,  comme 
on  Ta  TU  plus  haut. 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


On  peut  juger,  par  plusieurs  strophes  de  ce  poème  pathéti- 
que, du  plus  ou  jçiioin&  de  fondement  des  conjectures  que  J'ai 
faites I  dans  l'introduction  de  ce  recueil,  touchant  les  luttes 
que  la  foi  et  le  doute  se  livrèrent  dans  Fâme  du  vieux  barde , 
aux  demiètes  années  de  sa  vie. 

J'ai  fait  observer  combien  il  est  curieux  de  le  voir  consul- 
ter le  corbeau ,  après  avoir  invoqué  Dieu  ;  regretter  pour  ses 
fils  morts  la  sainte  compagnie  et  les  prière»  4e6  nloines ,  dé- 
goûté du.  culte  du  soleil ,  ce  culte  de  ses  pères ,  qu'9  aurait 
longtemps  pratiqué  ;  puis  s'excitant  lui-même  &  espérer ,  et 
combattant  Tespérance;  se  demandant  s'il  doit  croire  aux 
présages  des  oiseaux ,  à  la  résurrection  des  héros  de  la  pa- 
trie qui  viendraient  à  son  aidé ,  et  répondant  non;  s'il  a  rien 
de  commun  avec  Lanvor,  c'est-à-dire  avec  l'église,  et  répon- 
dant encore  par  le  doute  ;  enfin ,  s'encourageant  à  vaincre 
son  propre  cœur,  comme  le  fleuve  les  obstacles  que  lui  oppose 
la  nature,  et  cependant  retombant  de  nouveau,  accablé  sous 
le  poids  d'un  désespérant  fatalisme ,  et  ne  trouvant  d'énergie 
qu'au  souvenir  de  son  fils  le  plus  cher ,  qu'à  l'espérance  de 
le  venger. 

On  peut  crohre  que  son  dialogue  avec  lui-même  est  un  écho 
de  quelque  colloque  du  même  genre  avec  les  moines  de  Lan- 
vor.  Ces  tentatives  de  l'Église  pour  convertir  les  bardes  ont 
laissé  des  traces  profondes  dans  les  traditions  celtiques  ;  le 
pays  de  Galles ,  l'Armorique  et  l'Irlande  n'ont  qu'une  voix  à 
cet  égard  :  dans  un  chant  populaire  breton ,  le  barde  Merziu , 
après  un  pompeux  étalage  de  sa  science  druidique ,  s  entend 
apostropher  ainsi  : 


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171 

c  Menôn,  Meratn ,  conT^isez-vouB  ;  tl  n'y  a  dt  devin  que 
Dieu!  »  ' 

Ossian ,  dans  un  chant  irlandais ,  plus  authentique  4pie  tous 
ceux  de  Ibrcpbersen ,  dispute  auisi  avec  saint  Patrice  qui  tente 
sa  contorsion  :  ia  «tnatfon  du  barde  de  Hrlande  otEre ,  avec 
la  position  du  barde  gallois,  une  sim3itude  frappante. 

Le  vieil  Ossi$û  regrette  le  tettipe  des  héros,  comme  Li- 
warcli*llenn ,  et  ttussi  les  fêtes  aiaqnelles  il  assistait  jadis  ;  Q 
pleure  la  mort  de  son  père  Fingall,  comme  LiwarcTh  \k  mort 
de  ses  fils;  il  voudrait  veiller  aussi  hii  à  la  garde  des  c6tes  de 
la  patrie  ;  le  saint  loi  reproché  la  vanité  de  ses  pensées  : 

Patrice. 

«  Gesse  de  te  livrer  à  ces  feUes  pensées  :  les  héros  que  ta 
pitures  sont  morts;  peovent^-ils  renaître?  6  fils  d*un  chef  de 
guerre  puissant  ;  leur  gloire  a  passé,  tu  le  sais  I  Crois  daiis 
cebii  dont  b  pouvoir  suprême  domine  tous  ceux  de  la  terre  ; 
courbe  devant  lui  les  genoux ,  et  conbacre-hii  ta  vie.  % 

Ossian. 

«  Tes  pannes  soot  bien  dures  à  MMite^  et  leur  sens  est 
bien  triste  !  elles  déehir^  mon  oreille,  «t  tourmentent  mon 
coeur.  Je  pleure ,  mais  ce  n'est  pas  pour  ton  IMeu  qse  mes 
larmes  coulent  comme  un  torreoL,  c'est  pour  iiiaii  père  et 
mon  srignesr  .^ui  doH  mUintenant  dans  le  tdmbeau  ;  j*en  ai 
iMses  jUt  pour  que  ton  Dieu  me  soit.propice;  j'ai  renoncé  à 

tous  les  plaisirs  pour  demeurer  avec  les  clercs  ; pbs  de 

manteau  de  roi ,  plus  de  banquet  hospitalier ,  plus  de  concerts 

ni  de  joie  pour  moi  : 6  Ynis  Failli  pourquoi  Ossias  ne 

veille^t-il  plus  à  la  garde  de  tes  côtes?  pourquoi  ne  peut-il 
plus  donner  la  mort  à  Tétranger  qui  les  profane  !  >  ^ 

1  ChmU  popwiairM  de  ia  Brêtapu,  1. 1  »  p.  100;  4«  édii. 
*  Miss  Brooke,  ReMeks  of  Irith  potiry ,  p.  75. 


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172 

C*est  au  poème  de  Uwarc'h-Hemi  sur  ses  enfants  que  se 
rattache  le  touchant  souvenir  historique  cité  dans  notre  intro- 
duction. 

La  strophe  huitième  :  <  que  b  vague  iurise  avec  Anhas  , 
qu'elle  couvre  le  rivage!  %  etc^,  ella^suivanlle ,  ontétè  le  mo- 
tif dont  s'inspira  le  rojal  prisonnter  du  diMeau  de  KardiflL 
EHes  étaient  souvent  rappelées  à  son  esprit;  par  la  mer  qu'il 
■voyait,  des  fenêtres  de  sa  prison ,  br^er  au  [Hod  du  promon- 
toire de  Pennarz. 

La  manière  dont  le  docteur  Oweû  a  traduit  la  preatnièrede 
ces  deux  strophes^  dans  ses  Htrcic  ek^^  m'élbnne  beau- 
coup; car  elle  ne  me  paraissait  pas  offirir  de  difficulté  : 

€  Que  la  surface  du  sol  soit  retournée ,  dit-il  ;  que  les  as- 
saillanta  soient  ^couverts ,  quand  des  dieb  se  rendent  aux  tra- 
vaux de  la  guerre  :  Gvi^nn  y  malheur  à  celui  qui  est  trop 
vieux  ;  pour  toi  il  est  irrité  !  »  ' 

n  est  vrai  que,  dans  son  dictionnaire,  il  traduR  plus  éaac^ 
tement  :  «  Que  la  vague  bruîsse  ;  qu'elle  couire  la  côte ,  quand 
les  lames  volent  ensemble  dans  le  combat  ;  Gwenn,  malheur 
à  qui  est  trop  vieux  à  cause  de  sa  furetir.  » 

Biais  ici  encore ,  U  me  semble  ne  pas  avoir  compris  les  der- 
niers mots  du  texte ,  et  ce  cri  sublime  d*un  père  désespéré , 
que  Fége  empêche  de  venger  son  fils , 

liattieur  à  qui  est  trop  vieux  pour  te  venger  ! 
est  perdu  pour  les  lecteurs  du  traducteur  anglais. 

Je  ne  ferais  point  remarquer  ces  différences,  entre  la  traduc- 
tion du  docteur  Owen  et  ia  mienne ,  et  je  n'insisterais  pas  sur 
le  désaccord  où  il  est  si  souvent  avec  hii-méme ,  si  je  ne  crai- 
gnais qu'en  comparant  mon  interprétation  avec  la  sienne ,  6n 


«  l^t  ihe  face  of  ihe  ground  be  luroed  up ,  let  ihe  assaillanU  be 
covered ,  iwben  chiefs  repair  to  the  toil  of  war  :  Gwen,  woe  to  him 
that  18  0¥er  old  ;  for  tbee  he  is  iodigoanl!  (P.  i35.) 


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173 

ne  (ùi  porté  naturellement  à  juger  qu'entre  lui  et  moi  les  pré- 
somptions favorables  doivent  être  de  son  côté.  ' 

Le  texte  que  je  donne  s'éloigne  peu  de  celui  du  Myvyrian  ; 
j'ai  suivi ,  comme  l'éditeur  de  ce  recueil ,  l'ordre  des  strophes 
du  manuscrit  d'Hengurt,  qui  m'a  semblé  le  meilleur. 

Les  stances  comprises  entre  la  16«  et  la  37«  de  notre  sec- 
tion n ,  ne  se  trouvent  pas  dans  le  lAvre  rouge  d'Oxford ,  elles 
y  sont  remplacées  par  la  28*  et  les  trois  suivantes  de  notre 
texte,  qui  y  terminent  le  poème,  en  laissant  de  côté  le  dia- 
logue important  du  barde  avec  lui-même  :  déjà  les  copistes 
du  lÀvre  rouge ,  en  excluant  les  strophes  20®  et  21* ,  ont  passé 
sous  silenice  les  aveux  qu'il  nous  fait  touchant  sa  première  vie 
païenne ,  aveux  d'un  prix  inestimable  pour  l'histoire,  et  dont 
j'ai  essayé  de  tirer  parti.  Quel  a  été  leur  but?  Évidemment 
de  sauver  leur  auteur ,  qu'ils  savaient  mort  en  bon  chrétien , 
et  enterré  dans  l'égUse  de  Lanvor ,  du  reproche  de  paganisme , 
ou  tout  au  moins  de  scepticisme. 

Le  même  motif,  probablement,  leur  a  fait  omettre  les  deux 
dernières  strophes  de  l'élégie  de  Kendehnn ,  comme  on  l'a 
vu  plus  haut.  Ils  attachaient  donc  beaucoup  d'importance  à 
ces  traces  de  superstitions  païennes ,  puisqu'ils  voulaient  les 
effiicer  ;  çà  été  pour  nous  une  raison  de  plus  de  les  étudier 
avec  soin. 

*  Les  persoDoes  cunenses  de  coofrooter  les  diverses  trtdacUoDs 
des  strophes  de  la  pièce  qai  dous  occupe ,  peaveot  rapprocher  les 
pages  i35,  i37,  i39,  i45  ei  147  de  ses  HeroU  èUgies,  des  pi- 
ges 38,  50,  478  da  tome  second  de  son  dîctioaDaire(éd.de  1832), 
et  des  pages  407,  327 ,  473  et  123  do  premier  volume. 


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L 


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POÉSIES  DE  LIWARC'H-HENN. 


nCOÊaHB  PAKTIE. 


POÈMES   GNOMIQUES. 


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POÈMES  GNOMIQUES. 


ARGUMENT. 

Les  six  morceaux  qui  suivent ,  savoir  :  les  Calendes  de 
l'hiver ,  LE  Vent,  les  Rameaux ,  les  Splendeurs,  la  pièce 
intitulée  Soir!  et  celle  qui  a  pour  titre  le  Chant  du  coucou, 
forment  ce  qu'on  pourrait  appeler  le  trésor  de  sages^  de 
LîwarcTi-Henn.  Chaque  barde  avait  son  trésor  de  ce  genre, 
qu'O  se  faisait  un  devoir  de  partager  avec  ses  contemporains. 
Les  Druides  enseignaient  ainsi  la  sagesse;  et  quelques-unes 
de  leurs  maximes,  quelques-uns  de  leurs  proverbes  et  de 
leurs  atomes  ont  pu  arriver  jusqu'au  temps  où  vivait  Liwarc'h- 
Henn.  Ses  poèmes  gnomiques  ont  donc  une  importance  réelle  : 
leurs  strophes  ont  généralement  trois  vers,  mais  d'ordi- 
naire les  deux  premiers  sont  là  uniquement  pour  amener  le 
dernier ,  contenant  la  vérité  morale  que  le  sage  veut  ensei- 
gner, et,  sans  doute  aussi,  pour  aider  la  mémoire  par  une  sorte 
de  jnnémonique ,  assez  semblable  à  celle  connue  dans  les 
écoles  sous  le  nom  de  racines  grecques.  Plusieurs  des  maximes 
de  notre  poète  sont  remarquablement  belles  ;  mais  ce  qui  leur 
donne  surtout  un  caractère  d'originalité,  c'est  le  sentiment 
personnel  qu'elles  respirent  souvent  ;  c'est  qu'on  entend  le 
cœur  de  l'homme ,  le  cœur  du  vieillard  infirme  et  malheu- 
reux gémir  par  la  bouche  du  sage. 


12 


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I. 

KALAN-GAEAM. 


Kalan-gaeam ,  kaled  greun , 
Deil  ar  kerc'houein ,  lennoueii  leun , 
E  bore  ken  na  monet  : 
Gwae  a  emziried  i  estren  !  i 

Kalan-gaeam,  kann  kevriii , 
Kevred  avel  ha  drec'hin  : 
Gweiz  kel  louez  eo  keli  rin.  2 

Kalan-gaeam  j  kul  heizod , 
Melen  blaen  bezou ,  gwezou  havod  : 
Gwae  a  haez  mevel  e'r  bec'hod  ! 


Kalan-gaeam ,  kroum  blaen  gouresk 
Gnod  oc'h  penn  diried  tervesk  ; 
Lec'h  ne  bo  don,  ne  bez  desk. 


*  Ralaogaeaf  kaled  grauo 
Deil  ar  gychwyn  llyoowyn  laan 
Y  bore  kyo  noi  vyned 

Gwae  a  ymdiiiried  î  estraun.        (Mit.  de  Herghett.) 
Celte  sirophe  est  altérée  dans  tous  les  manuscrits. 

*  Kalangaeaf  kein  gyvriu 


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I. 

LES  CALENDES  DE  L'HIVER. 


Aux  calendes  d'hiver,  ^  grain  dur,  feuille  tom- 
bante; mare  pleine  dès  le  matin,  avant  qu'on 
sorte.  Malheur  à  qui  se  fie  à  l'étranger  ! 

Aux  calendes  d'hiver,  intérieur  brillant;  à  la 
fois  vent  et  tempête  :  c'est  un  travail  très  lourd 
que  de  cacher  un  secret. 

Aux  calendes  d'hiver,  les  chevreuils  [sont]  mai- 
gres ;  la  tête  du  bouleau  jaunit;  la  maison  d'étés 
[devient]  veuve.  Malheur  à  qui  fait  un  reproche 
pour  une  bagatelle  ! 

Aux  calendes  d'hiver  se  courbe  le  bout  des 
branches  ;  le  désordre  [sort]  habituellement  de 
la  tête  du  méchant  ;  là  où  il  n'y  a  pas  de  don 
[du  génie],  il  n'y  aura  pas  d'instruction. 

Kyyred  awel  a  drychin 

Gweilh  kelwydd  yw  kelu  rhin.  (Ibid.) 

^  Â  la  Toussaint. 

*  Noos  sayoos  de  Gildas ,  contemporain  de  Liwarc*b-Henn ,  qii*à 
cette  époque  les  chefs  bretons  avaient  deux  habitations ,  Tune  d'hi- 
ver et  l'autre  d'été. 


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180 
Kalan^aeam ,  garo  hin  ; 
Ânhebig  i  kentevin  ;  * 

Namen  Diou ,  ned  euz  devin. 

Kalan-gacam,  kann  gifreu  —  adar,  — 
Berr  deiz ,  ban  kogeu , 
Trugar  daffar  Diou  goreu.  l 

Kalan^eam^  kaled,  kras; 
Purzu  bran  ,  buanoc'h  bras  ; 
A  m  gwemp  henn,  c'hoerzed  gwen  gwas.  ^ 

Kalan-gaeam,  kul  karoued. 
Gwae  gwan,  pan  ser  berr  bez  bet  ! 
Gwir,  gwell  hegarouc'h  na  pred.  5 

Kalan-gaeam ,  loum  godaez  ; 
Arader  enn  rec'h,  eic'h  enn  gweiz: 
Oc'h  kanty  odid  kedemmaez. 

<      Kftbngaeaf  kein  gyfreu  adar 

Byrrdyd  ban  cogeu 

Trugar  dafiar  Daw  goreu.  (  Ibié.) 

•      Ralangaeaf  caled  cras 

Purddu  bran  buan  o  vras 


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181 
Aux  calendes  d'hiver,  rude  température;  [c'est] 
le  contraire  au  premier  mai  ;  hormis  Dieu ,  il  n^y 
a  point  de  devin. 

Aux  calendes  d'hiver  y  la  plume  des  oiseaux 
est  blanche  y  le  jour  court  y  les  coucous  gémis- 
sent :  la  miséricorde  est  le  premier  devoir  de 
Dieu. 

Aux  calendes  d'hiver,  [il  fait]  dur,  [il  fait] 
sec  ;  le  corbeau  est  noir  de  jais  ;  plus  rapide  [la 
flèche  s'élance]  de  l'arc  ;  quand  le  vieillard  tombe, 
la  lèvre  du  jeune  homme  rit. 

Aux  calendes  d'hiver,  les  cerfs  pâtissent.  Mal- 
heur au  malade,  quand  les  astres  ont  fourni  une 
courte  carrière  !  *  en  vérité ,  mieux  vaut  bonté 
que  beauté. 

Aux  calendes  d'hiver ,  point  de  feu  de  brous- 
sailles [sur  les  monts]  ;  charrue  dans  le  sillon , 
bœuf  à  l'ouvrage  :  sur  cent ,  rarement  un  ami. 

Am  gwyrop  hen  cbwerddid  gwen  gwas.       (Ibid.) 
s     Kalangaeaf  col  kerwjt 
Gwae  waon  pan  syrr  byrr  vyd  byt 
Gwir  gwell  begarwch  nophryt.  (Ibid,) 

«  Durant  Tbiver. 


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IL 
GWENT. 


Gnod  gwent  oc'h  deheu;  gnod  adneu 
enn  lann;  — 
Gnod  gour  gwan  gotaoeu  ; 
Gnod  i  den  goven  c'houedieu , 
Gnod  i  mab  ar  raaez  moezeu.  i 


Gnod  gwent  oc'h   douiren  ;  —  gnod  den 
bronraen  balc*h;  — 
Gnod  mouialc'h  emlez  draen  ; 
Gnod ,  rag  traha ,  tra-levaen  ; 
Gnod,  enn  gonik,  kael  kik  oc'h  braen.  ^ 

Gnod  gwent  oc'h  goglez;  —  gnod  rianez- 
c'houek,  —  3 
Gnod  gour  tek ,  enn  Gwenez  ; 
Gnod  i  teïrn  arloui  gwelez  ; 
Gnod,  gouede  lein,  ledvredez. 


I 


Ce  vers  ne  se  trouve  pas  dans  le  Livre  noir  de  Hengurl,  mais 
dans  le  Livre  rouge  de  Herghest;  il  peut  n^être  pas  auiheoUquo. 
*  Gnawd  yn  ngwic  kâel  kig  o  vrein.  (  Mis.  de  Herghest.) 


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IL 
LE  VENT. 


D'ordinaire  le  vent  [souffle]  du  sud;  d'ordi- 
naire les  dons  [abondent]  dans  le  lieu  saint;  d'or- 
dinaire rhomme  débile  [est]  très  svelte;  [il  est] 
ordinaire  à  Thomme  de  demander  des  nouvel- 
les, ordinaire  à  Tenfant  à  la  nourrice  [de  de- 
mander] des  friandises. 

D'ordinaire  le  vent  souffle  de  l'est;  d'ordinaire 
l'homme  à  la  poitrine  proéminente  est  fier;  d'or- 
dinaire le  merle  [chante]  parmi  les  épines;  d'ordi- 
naire,  devant  l'oppression,  [s'élève]  un  grand  cri; 
d'ordinaire ,  dans  les  recoins ,  on  trouve  de  la 
chair  à  corbeaux. 

D'ordinaire  le  vent  [souffle]  du  nord  ;  d'ordi- 
naire les  dames  [sont]  douces,  d'ordinaire  l'hom- 
me est  beau,  en  Gwéned  ;  d'ordinaire  le  prince 
préside  à  la  fête  ;  d'ordinaire ,  après  le  repas ,  la 
torpeur. 

^      Goawd  gwynl  or  gogledd  gnawd  rhyanedd  chwec. 

{Ibid.) 


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i84 
Gnod  gwent  oc'h  mor;  gnod  degevor  — 
'  lano;  — 
Gnod  i  bano  magi  bor  ; 
Gnod  i  moc'h  turia  kelor. 

Gnod  gwent  oc'h  menez;  gnod  merez — enn 
bro  ;  — 
Gnod  kael  lo  enn  gweunez  ; 
Gnod  ar  laez  maez  den  krefez;  i 
Gnod  deil  ha  gwial  e  gwez.  ^ 
• 

Gnod  neiz  erer  enn  blaen  dar , 
Hag  enn  keverdi  gouir  lavar, 
/  Goloug  menud  ar  a  kar.  3 

Gnod  deiz  a  tanlouez  enn  kenlaez — gaeam — 
Kenreinion  ken  rouez  iez; 
Gnod  aeloued  difeiz  enn  difez.  ^ 


*  Gnawd  arlaetb  maelh  dyn  creuyd. 

{M$$.  de  PUu  Gwyn.) 
Ce  yen  n'est  donné  que  ptr  ce  manuscrit  et  par  le  Livre  rouge 
de  Hei^best  ;  s'il  n'est  pas  satyriqne ,  il  ne  peat  être  de  Liware'h- 
Henn ,  l'usage  du  lait  étant  interdit  aux  moines  bretons  a?ant  le 
XI1I«  siècle.  (Voyez  la  Vie  de  saini  GUdas,  édit.  de  Stevenson , 
p.  32.) 

>      Gnawd  dail  a  gwyail  a  gwydd.     (Mu,  de  Hergh.) 

*  Gnawd  nylh  eryr  yn  mlaen  dar 


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185 
b^ordinaire  le  vent  [souffle]  de  la  mer;  d'or- 
dinaire la  vague  est  orageuse;  [il  est]  ordinaire 
à  la  laie  de  se  nourrir  d^ordures  ;  ordinaire  aux 
pourceaux  de  déterrer  des  racines  sauvages.  ^ 

D'ordinaire  le  vent  [souffle]  de  la  montagne  ; 
d'ordinaire  [il  y  a]  des  flaques  d'eau  dans  le 
pays  [plat];  d'ordinaire  on  trouve  du  chaume 
dans  les  marais;  d'ordinaire  Thonmie  de  reli- 
gion se  nourrit  de  laitage  ;  d'ordinaire  les  arbres 
[ont]  des  feuilles  et  des  rameaux. 

D'ordinaire  y  l'aire  de  l'aigle  [est]  à  la  cime  du 
chêne,  et  les  hommes  jasent  à  l'assemblée,  et 
l'œil  de  l'amant  [est]  sur  celle  qu'il  aime. 

D'ordinaire,  [tout]  le  jour,  le  feu  brille  pen- 
dant l'humidité  de  l'hiver,  entoure  des  guerriers 
au  langage  très  libre;  d'ordinaire,  le  foyer  du 
félon  [se  change]  en  solitude. 

Âc  yp  Dgbyfyrdy  gwyr  Uacbar 
Golwg  fjnad  ar  a  gar.         (Hm.  de  Pku  Gwyn.) 
*     Gnawd  dydd  ag  anUwyth  ygkynlleith  ginav 
Kynreinion  kjDrwyddieith 
Gnawd  aelwyd  ddifydd  yn  ddifeith,  (!bid.) 

*  C'est  cette  mèD»e  racine,  doot  j*ai  parlé  préeédemment,  que 
les  bounistes  appellent  Bunivmt  et  le  peuple  naia  de  terre  ^  oa 
terre- noix. 


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m. 

ER  GWIAEL.  » 


Krin  kalam  ha  liv  enn  uant. 
Kevneoued  Saïz  hag  ariant  ; 
Digun  ened  mamm  gaou-plant.  2 

E  delien  a  treoet  —  gwent  ;  — 
Gwae  hi  oc'h  hi  tooked  ! 
Henn-hi,  elene  e  ganet.  ^ 

Ked  bez  bic'han  ^  ez  kelfez 
Ez  adeil  adar  enn  gorvez  —  koed  :  — 
Kevoed  bez  da  ha  dedouez. 

Oer,  gwleb  menez;  oer,  glas  ia;  ^ 
Emdiried  i  Diou;  n^ez  touelia; 
Ned  edeo  hirbouel  hir  pla. 


I  D'après  le  Livre  rouge  de  Hcrghest,  les  quatre  premières  stro- 
phes de  cette  pièce  feraient  partie  de  la  précédente. 

*  Crin  kalaf  a  lliu  yn  nant 
Kyfoewid  sais  ac  ariant 

Digu  eneid  mam  gau  blant.  (  Ibid.  ) 

*  Y  ddeilcn  a  dreuyi  gwynt 


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III. 

LES  RAMEAUX. 


Le  roseau  [est]  fragile  et  Finondation  [règne] 
dans  la  vallée.  Le  Saxon  et  Taisent  sont  alliés. 
[C'est  une]  âme  dure  [que  celle]  de  la  marâtre! 

La  feuille  tournoie  au  gré  du  vent  ;  malheur 
à  ce  qui  en  a  le  destin!  Elle  est  vieille,  [quoi- 
que] née  dans  Tannée.  ^ 

Quoiqu'il  soit  petit ,  il  a  une  demeure  artiste- 
ment  [bâtie],  Toiseau,  dans  le  fond  des  bois  : 
de  même  âge  sont  bonheur  et  bonté. 

Froide 9  humide  [est]  la  montagne;  froide ,  hu- 
mide la  neige  ;  fie-toi  à  Dieu  ;  il  ne  te  trompera 
pas;  trop  de  prudence  ne  fait  pas  de  longue 
blessure.  ^ 


Gwae  hioe  ihynged.  {Ibid.) 

*  Oer  wlyb  mynydd  oerlasia.  {Ibid,) 

«  Cette  strophe,  OD  s*en  soa  vient,  se  trouve  déjà  dans  la  pièce 
du  barde  sur  la  vieillesse  ;  il  D*y  a  ici  qu^une  légère  variante. 

•  —  Trop  de  prudence  ne  nuit  pas. 


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i88 
Baglok  bezin  j  bagouei  on  ;  ^ 
Houied  enn  lenn ,  graenwenD  Ion  ; 
Trec'h  na  kant  kestuz  kalon.  2 


Hir  noz,  gorziar  morva; 
Gnod  tervesk  en  kemanva; 
Ne  kevred  diriad  ha  da. 

Hir  noz,  gorciar  menez; 
Goc'houihan  gwent  ouc'h  blaen  gwez; 
Ne  touel  droug-anian  dedouez. 

Marc'hgwial  bezou  brig  glas 
À  tenn  men  troed  oc'h  gwanas  : 
Nag  azav  tê  rin  i  gwas.  3 

Marc'bgwial  deru,  meoun  louen, 
A  tenn  men  troed  oc'h  kadouen:  ^ 
Nag  azav  rin  i  morwen. 

Marc'bgwial  deru  deiliar 
k  tenn  men  troed  oc'h  kac'har  : 
Nag  azav  rin  i  lavar. 

■  C'est  ptr  cette  strophe  que  commence  la  pièce  dans  le  Livrerouge. 

*  Trecb  na  chani  ky$sul  calon.  (/6id.) 
Le  mot  où  je  crois  lire  kyssul  est  à  demi  effacé. 

*  Marchweil  bedw  bridas 
A  dynn  uyntroet  o  wanas 

Nac  adef  dy  rin  y  was.  (Mu,  de  Htrgheil.) 

«      Marcliwyeil  deru  mywn  llwyn 
A  dynn  vyniroet  o  gadwyn.  (Ibid,) 


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189 
Le  buis  sert  de  béquille  ;  le  frêne  est  noueux  ; 
les  sarcelleis  fréquentent  le  lac;  la  vague  blan- 
chit sur  la  grève;  plus  forte  que  cent  [hommes] 
est  Taffliction  du  cœur.  5 

[Pendant]  les  longues  nuits,  Tocean  est  bruyant; 
le  tumulte  est  ordinaire  dans  le  combat  :  le  mal 
et  le  bien  ne  font  point  société. 

Pendant  les  longues  nuits,  la  montagne  est 
bruyante;  le  vent  siffle  dans  la  cime  des  arbres; 
le  bonheur  ne  charme  pas  le  mauvais  naturel. 

Le  rameau  vigoureux  du  bouleau  à  la  tête 
verte  tire  mon  pied  de  Tentrave  :  ^  ne  confie 
point  ton  secret  au  jeune  homme. 

Le  rameau  vigoureux  du  chêne,  dans  le  bois, 
tire  mon  pied  de  la  chaîne  :  '^  ne  confie  pas  un 
secret  à  la  jeune  fille. 

Le  rameau  vigoureux  du  chêne  feuillu  tire 
mon  pied  de  prison  :  ne  confie  point  un  secret 
au  bavard. 

*  Celte  maxime  est  attribuée  à  Avaon ,  fils  de  Taliesin,  par  un 
barde  da  X«  siècle.  (Afyvyr.  Àrch,^  t-  ^  t  p*  i^S.) 

•  C'est-à-dire  les  chants  du  barde  rendeot  la  liberté  au  captif. 
Mare'hgmal  signifie  proprement  rejeUm.  Le  bouleau  était  le  sym- 
bole du  barde. 

'  Les  chants  du  druide  brisent  les  fers.  Le  chêne  était  Tarbre  des 
druides.  Je  crois  les  deux  premiers  vers  de  chacune  de  ces  deux 
strophes  d*une  grande  antiquité. 


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190 
Marc^hgwial  tresi  ha  mouiar  ar-n-hi , 
Ha  mouialc'h  ar  he  neiz, 
Ha  kelouesok  ne  tav  biz.  ^ 

Gwlao  allan;  gwlec'het  raden;  ^ 
Gwenn  gro  mor,  goron  eouen; 
Tekav  kanouél  pouel  i  den. 

Gwlao  allan  ;  enkav  gledour, 
Melen  eizin,  krin  evour; 
Diou  reen  nev,  pe  pereîst  levour!  5 

Gwlao  allan;  gwlec*het  men  gwalt; 
Koenvanuz  gwan,  difouez  ait, 
Gwelougan  gweilgi ,  heli  hait.  ^  ^ 

Gwlao  allan  ;  gwlec'het  eikiaoun  ; 
Goc'houiban  gwent  ouc'h  blaen  kaoun  : 
Gwedou  pob  kamp  heb  he  daoun.  ^ 

*  A  chelwyddawc  oi  theu  vytL.         [Mss.  de  Eerghett.) 

2  Gwlaw  allaD  gwlycb  redyn.  [Ihid.) 

^  Dow  reen  py  bereist  lyvwr.  (Ihid,) 

«  Gwynvaous  gwan  diflwys  ait.  {Ibid,) 
»      Gwlaw  allan  gwlychyd  eigiawn 

Gorchwiban  gwyot  uch  blaen  cawn 

Gwedy  pawb  camp  heb  y  dawn.  (/Wrf.) 


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191 
Le  rameau  vigoureux  de  la  ronce  couverte  de 
mûres,  et  le  merle  sur  son  nid,  et  le  conteur, 
ne  se  taisent  jamais. 

Il  pleut  au-dehors!  la  fougère  est  mouillée;  le 
sable  de  mer  est  blanchi;  Técume  [des  flots] 
est  gonflée;  la  plus  belle  lumière  [c'est]  Tintel- 
ligence  de  Thomme. 

Il  pleut  au-dehors!  [Mon]  abri  [est]  très  étroit, 
la  bruyère  jaunissante,  le  panais  maigre.  Dieu, 
roi  du  ciel,  pourquoi  a&-tu  créé  un  pleureur 
[comme  mof?] 

Il  pleut  au-dehors!  mes  cheveux  sont  humi- 
des; le  malade  est  gémissant;  la  montagne  à 
pic;  rOcéan  sombre;  la  mer  salée. 

Il  pleut  au-dehors  !  il  pleut  dans  Tocéan  ;  le 
vent  siffle  dans  la  cime  des  roseaux;  tout  jeu 
sans  gain  est  stérile.  6 

^  A.  h  lettre  :  est  veuf.  La  pièce  s'arrête  ici  dans  le  Lwre  nçir 
de  Herghest  et  dans  le  Livre  rouge  d*Hengurt.  Le  mss.  de  Pku^ 
gwyn,  moins  ancien,  contient  d*aotres  strophes,  mais  sans  rap- 
port entré  elles,  et  dont  plosienrs  ne  sont  que  des  variantes  ou 
des  reproductions  de  stances  qui  trouvent  leur  place  naturelle  dans 
d'autres  poèmes  de  Liwarc'h-Henn. 


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IV. 
GORWENNION. 


Gorwenn  blaen  on;  hir  gwenion  bezent; 
Pan  deuant  enn  blaen  nent  ; 
Bron  koula,  hiraez  he  hent.  ^ 

Gorwenn  blaen  nent,  deouent  —  hir;  — 
Kenmegir  pob  keourent; 
Deie  bun  poûez  hun  i  hent.  2 

Gorw^in  blaen  halek;  eilek  pesk  —  enn 

lenn  —  5 
Gorc'houiban  gwent  iouc^h  blaen  gouresk  — 

man  — 
Trec'h  anian  nag  azesk. 

Gorwenn  blaen  eizin,  az  kevrin  —  a  doez, — 
Hag  andoez  diskevrin  :  4 
Namen  Diou,  ned  euz  devin.  ^ 


I  BroD  gwla  biraelh  ei  beint. 

{Mu.  de  Hergkêst.) 
t  Dyly  bon  pwyth  hun  i  heint.  (Ibid.) 


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IV. 

LES  SPLENDEURS. 


[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  des  frênes 
[fleuris]  qui  sont  longtemps  blancs  quand  ils 
croissent  dans  le  torrent  :  le  cœur  malade  [voit] 
durer  longtemps  sa  douleur. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  surface  du  tor- 
rent, à  rheure  longue  de  minuit  :  tout  homme 
intelligent  doit  être  honoré  :  la  femme  doit  ap- 
porter le  sommeil  à  la  douleur. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  du  saule 
[en  fleurs];  le  poisson  est  joyeux  dans  le  lac; 
le  vent  siffle  dans  Textrémité  des  menues  bran- 
ches :  la  nature  remporte  sur  Tinstruction. 


[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  de  la 
bruyère  [en  fleurs];  fie-toi  au  sage,  et  défie-toi 
du  fou  :  il  n'y  a  de  devin  que  Dieu. 

*  Gorwyn  blaen  belyc  eilic  pysc  yn  Uyn.        (Ibid.  ) 
^  Ac  aonoeth  dysgethrin.  (Ibid.) 

*  Namyn  Duw  nid  oes  devin.  (Ibid,) 

13 


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194 
Gorwenn   blaen    mellion  ;   digalon  —  le- 
vour  —  * 
Luzedik  eizigion  : 
Gnod  ar  eizil  ovalon, 

Gorwenn  blaen  kaoun,  gwez  laon — eizik; — 
Ez  odid  ha  he  digon  :  2 
Gwezred  kall  eo  karou  enn  iaon.  3 


Gorwenn  blaen  menezez  —  rag  anhunez 
gaeam^ 
Krin  kaoun  ;  ^  Iroum  eo  traousez  : 
Rag  naouen ,  n'es  euz  gwelez. 

Gorwenn  blaen  menezez  —  heder  oervel 
gaeam;  — 
Krin  kaoun  ;  krouiber  ar  mez  : 
G'houevris  gwall  enn  alltudez. 

Gorwenn  blaen  derv ,  c'houerv  brig  on  ; 
Rag  houied  gwesgered  ton  ; 
Peber  touel  ;  pell  oval  e'm  kalon. 


•  Gorwyn  blaen  meillion  digalon  llyfwr.  (M$$.  de  Herg.) 
»  Ta  odid  ai  digaun.  (IMd.) 

*  Gweithred  call  yw  carn  yn  iaun.  {Ihid,) 


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195 
[Elle  est]  bieii  éblouissante ,  la  tige  du  trèfle; 
rhomme  sans  courage  est  gëmissant  ;  les  envieux 
[sont]  exténués  :  d'ordinaire  les  soucis  [fondent] 
sur  rhomme  faible. 

[Elle  est]  bien  éblouissante^  la  cime  du  roseau 
[fleuri]  :  l'envieux  [est]  plein  de  colère,  rare- 
ment se  trouve-t-il  [quelqu'un]  qui  le  satisfasse: 
c'est  le  fait  de  l'homme  discret  d'aimer  loyale- 
ment. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  crête  des  mon- 
tagnes pendant  l'hiver,  ennemi  du  sommeil  :  le 
roseau  [est]  fragile;  lourde  est  l'oppression  : 
devant  la  faim,  il  n'y  a  pas  de  timidité.  ^ 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  crête  des  mon- 
tagnes [exposées]  au  froid  violent  de  l'hiver  : 
le  roseau  est  fragile;  l'écume  couvre  l'hydro- 
mel :  les  besoins  sont  amers  dans  l'exil. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cioie  du  chêne; 
amer  [est]  le  bourgeon  du  frêne;  devant  les  ca- 
nards, s'ouvrent  les  vagues  :  puissante  est  la 
tromperie  :  depuis  longtemps  les  soucis  [habi- 
tent] dans  mon  cœur. 

*  MyDjrddedd  rag  aDbanedd  gieaf.  (  Ibid.) 

«  UawQ  cnil  cawD.  {Ma.  de  Beng,) 

*^  Ventre  affiiDié  n*a  point  d'oreilles. 


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196 
Gorwenn  blaen  derv ,  c^houerv  brig  on  ; 
C'houek  evour  ;  c'hoerziniad  ton  : 
Ni  kei  gruz  kestuz  kalon*^ 

Gorwenn  blaen  egroez;  nid  moez  —  ka- 
ledi;  — 
Kadvet  bob  he  eirioez  ; 
Gwasav  anav  eo  anvoez. 

Gorwenn  blaen  banadel ,  kennadel  i  serc*- 
haoky^ 
Gorvelen  kangeu  magouiaok  ;  ^ 
Baz  red  gnod  hevred  enn  hunaok. 

Gorwenn  blaen  aval;  amgall  —  pob  de- 
douiz;  — 
C'houevriz  i  arall  ; 
Ha  y  gouede  karou,  kadou  gwall.  4 

Gorwenn  blaen  aval;  amgall  —  pob  de- 
douiz  ;  — 
Hir  deîz  merez  mail  ;  * 
Kroueber  ar  gwaour  karc'harour  dall.  ^ 


>  Ce  proYerbe  est  attribué,  par  un  barde  du  X«  siècle,  à  Héles , 
sœur  de  notre  poète,  et  par  un  autre,  à  Avaon,  fils  de  Taliésîn. 
*  Gorwyn  blaen  banedyl  kynnadyl  i  serchawc.     (Mm.  de  Herg.) 
*  Gonrelyn  cai^au  baowyawc.  {^M-) 


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197 
[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  du  chêne; 
amer  [est]  le  bourgeon  du  frêne ,  doux  le  pa* 
nais,  rieur  le  flot  :  la  joue  ne  cache  point  le 
trouble  du  cœur. 

[Elle  est]  bien  éblouissante ^  la  tête  de  Téglan- 
tier  [fleuri];  nécessite  7  n'a  pas  de  loi  ;  que  cha- 
cun retrouve  son  foyer  :  le  pire  des  défauts , 
c'est  l'incivilité. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  tête  du  genêt 
[fleuri];  l'amoureux  converse  [longuement];  jaunes 
d'or  [sont]  les  branches  bien  nourries  [du  ge- 
nêt] ;  le  gué  [est]  peu  profond  :  d'ordinaire 
l'homme  heureux  dort  bien. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  tête  du  pom- 
mier [fleuri]  ;  tout  homme  heureux  est  bien  ac- 
cueilli, [il  est]  insupportable  aux  autres,  et, 
après  l'amour ,  indiscret. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  tête  du  pom- 
mier [fleuri]  ;  tout  homme  heureux  est  bien  ac- 
cueilli; dans  les  longs  jours,  les  mares  [sont] 
tièdes  :  un  voile  [s'étend]  sur  l'aurore  du  pri- 
sonnier aveugle. 

*  Celte  strophe  ne  se  trouve  que  dans  le  mss.  de  Uergbest. 
*  Hirddydd  merydd  mail.  (  Ibid.) 

^  Crwybjr  aruaur  carcharaur  dall.  {Ibid.) 

'  A  la  lettre  :  la  d%trelé. 


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198 
Gorwenn  blaen  koU  ger  Digoll  —  bre  — 
Diael  bez  pob  foll  ;  i 
Gweizred  kadam,  kadou  arvoll. 

Gorwenn  blaen  korsez ,  —  gnod  merez  enn 
droum  — 
Ha  ieuenk  deskedez  ; 
Ne  tor,  namen  foll,  he  feiz.  ^ 

Gorwenn  blaen  elester  ;  bez  menester  y  pob 
drud;  5 
Ger  teulu  enn  eskoun  :  4 
Gnod  gan  angewir  ger  toun.  ^ 

Gorwenn  blaen  krug;  gnod  seuzug  ar  lou- 
ver  ; 
Heder  bez  douyer  ar  tal  glan  : 
Gnod  gan  kewir  ger  kevan.  ^ 

Gorwenn  blaen  brouen  ;  kemmouen  biou  ; 
Redegok  iné  dager  heziou  :  ^ 
Amgelez  a  den  ned  ediou. 

Gorwenn  blaen  raden,  melen  kadavarz;  ^ 


*  Diaele  vyd  pob  foll. 

[M$$, 

de  Hergheêt, 

•NîthjrnamyDfolyfifdd. 

(Ibid.) 

s  Bid  venestyr  pob  drud. 

(Jbid.) 

«  Geir  teulu  yn  ysgwn. 

(Ibid.) 

»  Gnaud  gan  anghywir  eir  twn. 

(Ibid.) 

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199 
[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  tête  du  cou- 
drier [fleurissant]  sur  le  mont  Digoll  9  :  tout  fou  est 
irréprochable.  C'est  l'œuvre  d'un  héros  que  d'ob- 
tenir un  armistice. 

[Elle  est]  bien  éblouissante ,  la  tête  du  roseau 
[en  fleur];  d'ordinaire  les  mares  [sont]  endor- 
mies, et  les  jeunes  gens  [occupés]  à  s'instruire  : 
il  n'y  a  que  le  fou  qui  rompe  sa  foi. 

[Elle  est] bien  éblouissante,  l'aigrette  de  l'iris; 
que  tout  héros  soit  un  grand  buveur;  que  la  pa- 
role de  la  famille  soit  sacrée  :  d'ordinaire  le 
menteur  manque  à  sa  parole. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  surface  de  la 
bruyère  ;  d'ordinaire  l'insuccès  suit  la  timidité  ; 
l'onde  brise  avec  violence  sur  la  rive;  d'ordi- 
naire l'homme  véridique  tient  parole. 

[  EHe  est  ]  bien  éblouissante ,  l'extrémité  des 
joncs;  elle  est  douce,  ma  vache;  elles  coulent,  mes 
larmes  aujourd'hui;  il  n'y  a  pas  de  consolation 
pour  l'homme. 

[Elle  est]  bien  éblouissante ,  la  crête  de  la  fou- 

^     Gorwyn  blaen  grug  gnaud  seutbvg  ar  Iwvyr 

Hydyr  vydd  dwfyr  ar  dal  glao 

Gnawd  gaa  gywir  eir  kyvan.  (Ibid,) 

'  Rbedegauc  vy  neigyr  heddiw.  (Ibid,) 

*  GorwyDii  blaen  rhedyo  melyn  cadavarlii.  (Ibid.) 
>  Dans  le  comlé  de  Monlgommery ,  en  Galles. 


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200 
Mor  bez  diward  dallion  ;  ^ 
Redegoky  maDok,  meibion. 

Gorwenn  blaen  keriaval  ;  —  gnod  goval  ar 
henn;  — 
Ha  gwenen  enn  enial  ; 
Namen  Diou  n'ez  euz  dial. 


Gorwenn  blaen  dar ,  didor  trec'hin  ;  2 
Gwenen  enn  uc'hel ,  keuvel  krin  ;  ^ 
Gnod  gan  reouez  re  c'hoerzin.  -* 

Gorwenn  blaen  kelli  ;  gogehed — esouez, — 5 
Ha  deil  deru  digouedet:  ^ 
A  gwel  a  kar  gwenn  he  bed.  '^ 

Gorwenn  blaen  deru  ;  —  oer ,  berv  dou ver  ; 
Kerc^hed  biou  blaen  bedoueru  ! 
Gounelit  aez  saez  i  siberu  ! 


Gorwenn  blaen  kelen  kalet ,  hag  he  deil 
aour  agored;  ^ 

<  Mor  vydd  boarth  deillion.  {M$$>  de  Heng,) 

*  GorwyoD  blaen  dar  didor  drychin. 

{Ma.  de  HergheH.) 
'  Gwanyn  yn  uchel  geuvel  crin,  (Ibld.) 

«  Goaud  gan  rewydd  rychwerthin.  (  Ibid.) 


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201 
gère  ;  jaune  [est]  la  fleur  du  souci  ;  la  mer  sans 
barrière  pour  les  aveugles;  les  enfants  coureurs^ 
remuants. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  du  cor* 
mier;  d'ordinaire  les  soucis  [habitent  avec]  le 
vieillard  y  comme  les  abeilles  dans  la  solitude  : 
[A  personne]  qu'à  Dieu  n'appartient  la  ven- 
geance. 

Elle  est]  bien  éblouissante ,  la  cime  du  chêne- 
vert  ;  violente  la  tempête ,  fragile  la  broussaille  : 
d'ordinaire  le  folâtre  rit  trop. 

[Il  est]  bien  éblouissant ,  le  d6me  du  bosquet 
de  coudrier  ;  ainsi  de  la  fougeraie.  Voici  les  feuil- 
les poussées  aux  chênes  :  quiconque  voit  ce  qu'il 
aime  est  heureux. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  du  chêne; 
froides  et  bouillonnantes  sont  les  eaux  :  que  la 
vache  cherche  la  tige  du  bouleau  !  que  la  flèche 
fasse  une  blessure  au  superbe  ! 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  du  houx 
dur,  lorsqu'il  ouvre  ses  feuilles  dorées.  Quand 

"  Gorwyn  blaen  kelli  gogybjd  y  gwyd. 

{Msi.dcUerglust.) 
«  A  deil  deri  digayddyd.  (Mss.  de  Heng.) 

'  A  wyl  a  gar  gwyn  ei  vyd.  (.ffw.  de  Hergheil.  ) 

*  Ac  ereill  aur  agoret.  (/6td.) 


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202 
Pan  kousko  pob  ar  kolc'hed ,  < 
Ne  kousk  Diou,  pan  ro  gwared.  ^ 

Gorwenu  blaen  halek ,  heder ,  elouik , 
Gorvez  hir  deîz  derliedik ,    * 
k  karo  egile  n'ez  dirmik.  ^ 

Gorwenn  blaen  brouen,  brigaok  gwez; 
Pan  tenner  dan  obenez  ;  ^ 
Mezoul  serc'hok  siberu  bez.  ^ 

Gorwenn  Uaen  esbezad  ;  —  heder  gweliad 
gorvez ;  — 
Gnod  serc'hok  erienad  ;  ^ 
Gounelit  da  dioued  kennad  ! 

Gorwenn  blaen  berour; — ^bezinour  gorvez, — 
Kan  kivreu  koed  i  laour  ; 
C'hoerzet  pred  ourz  a  karour.  7 

Gorwenn  blaen  perz  ;  heouerz  gorvez  ;  ^ 
£z  da  pouel  geda  nerz  ; 
Gounelit  angelvez  annerz. 


'  P«D  gysgo  paob  ar  gylched.  {Ma.  de  Hergke$L) 
t  Ni  cbwsc  Daw  pau  rydd  gwared.  (Ibid,) 

*  Â  garo  eu  gilydd  nis  dig.  (Mts.  de  Heng,) 

*  Paa  dauner  dan  obenydd.  (l/<i.  de  Oerghest,) 
**  Meddwl  serchauc  sy berw  •  vydd .  (  Ihid .  ) 

<      Gorwyn  blaen  ysbyddai  bydyr  bwylyat 
Gnaud  serchauc  erlyoiai.  (  Ibid.  ) 


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205 
chacun  dort  sur  son  matelas,  Dieu  ne  dort  pas, 
lui,  lorsqu^il  donne  assistance.  ^ 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  d'un  saule 
fragile  et  tendre;  le  coursier ,  dans  les  longs  jours 
[d'étë  est]  mou  :  qui  aime  autrui  ne  le  dédaigne 
pas. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  pointe  des  joncs; 
rames  [sont]  les  arbres  :  quand  il  s'est  retiré 
sous  ses  draps,  le  galant  a  l'esprit  superbe. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  tête  de  l'aubé- 
pine [en  fleur]  :  hardi  est  l'œil  du  coursier  : 
d'ordinaire  l'amant  [est]  reconnaissant;  bonne 
aventure  au  messager  pressé  ! 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  feuille  du  cres- 
son ;  le  cheval  est  belliqueux  ;  le  bois  est  la  pa- 
rure du  sol  ;  l'esprit  rit  à  qui  l'aime. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  du  buis- 
son [fleuri];  le  cheval  est  précieux;  c'est  une 
bonne  [chose]  que  l'intelligence  unie  à  la  force  : 
que  l'incapable  soit  sans  puissance  ! 

'      KeÎDgyfren  coed  i  lawr 
Chwerdyt  bryd  wrth  a  garawr.  (Ibid,) 

•  Penh  hywertb  gorwydd.  Llbid.) 

»  Cet  axiome  est  attribué,  par  on  barde  du  X*  siècle,  aa  barde- 
roi  Riogbed ,  qui  le  chanta ,  dit-on ,  lorsqu'il  eut  recouvré  son 
royaume  avec  Taide  de  Dieu.  (Myvyr,  arc/i.,  p.  175.) 


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204 
Gorwenn  blaen  perzi  ;  kan  kivreu — adar; — 
Hir  deiz  daoun  goieu  ; 
Trugar  dafar  Diou  goreu. 

Gorwenn    blaen  erouen  ;  hag   elaen   enn 
louenn , 
Gouec^her  gwent  gwez  migeuein  :  i 
Eiriaol  ne  gorol,  ne  kengaen.  ^ 

Gorwenn  blaen  eskao,  hedr  anao — unik; — 
Gnod  taer  i  treisiao;  5 
Gwall  a  doug  dafar  oc'h  lao. 


•  Gwycbyr  gwynt  guyd  mîgyein  {Mss,  de  Herg.)  ni  gywein 
{Mit.  de  Heng.) 

*  Eiryawl  ni  garawl  ny  gygfaein.         (Mm.  de  HergheH.) 


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205 
[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  cime  des  bos- 
quets;   les  oiseaux  sont  un  bel   ornement;  le 
long  jour  est  un  don  du  soleil  ;  la  miséricorde 
est  le  premier  devoir  de  Dieu.  ^ 

[Ils  sont]  bien  éblouissants ,  lessillons,  et  bien 
harmonieux  les  bois  ;  violemment  le  vent  souffle 
[parmi]  les  arbres  :  n'intercède  pas  pour  l'hom- 
me endurci,  c'est  inutile. 

[Elle  est]  bien  éblouissante,  la  tige  du  sureau 
[en  fleur];  impatient  est  le  chanteur  solitaire  ; 
d'ordinaire  l'homme  violent  opprime ,  et  le  vice 
6te  le  bien  des  mains. 

s     Gnaut  y  dreîssic  drelssyau 
Gwall  a  ddwg  daffar  o  llau.  (Ibid,} 

*  Noos  afODS  déjii  w  ce  beau  vers  précédemmeot. 


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V. 
BEZ! 


Bez  koc'h  klip  kiliok,  bez  anianoi 
He  lev,  oc'h  gwele  buzigol  : 
LaoueDez  den  Diou  he  moL  ^ 

Bez  laouen  moc'hiad    ourz  uc'heued   — 
gwent;  — 
Bez  tavel  enn  teled.  ^ 
Bez  gnod  avlouez  ar  dirîed. 

Bez  kehuzok  keisiad,  bez  kniviad — ^goued; — 
Ha  bez  kennaez  dillad  : 
A.  karo  barz  bez  harz  roziad.  ' 


Bez  gleou  unbenn ,  ha  bez  aoui  ; 
Ha  bez  bleiz  ar  bleiz,  ar  adoui; 
Ni  kado  gweneb  ar  na  rozoui.  ^ 


*  Bid  coch  crib  keiliauc  bid  anianaal 
Eî  lef  0  wely  boddugaiil 

Uaweojdd  dyn  Dav  ei  roaul.  {Mit.  de  Herg,) 

*  Bid  laweD  meicbyeit  urt  acbeneit  gwÎDt 

Bid  uwel  yn  deleit.  (tbid.) 

>      Bid  gubodyat  keîsiad  bid  gniviad  gwyd 
A  bid  gynnwys  dillat 


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V. 
SOITl 


Qu'elle  soit  rouge,  la  crête  du  coq;  qu^elle 
[s'élève]  perçante  sa  voix  de  sa  coudie  triom- 
phale ;  la  joie  de  rhomme ,  Dieu  la  loue. 

Qu'il  soit  joyeux,  le  porcher,  quand  souflBe  le 
vent;  ^  que  l'ami  du  silence  soit  le  bienvenu. 
Que  toujours  le  malheur  [fonde]  sur  le  méchant. 

Qu'il  soit  habile  à  prévenir ,  le  sergent  ;  qu'il 
soit  un  tourment,  le  mal;  et  qu'ils  soient  amples 
les  vêtements;  que  celui  qui  aime  le  barde  soit 
très-généreux. 

Qu'il  soit  brave,  le  chef,  et  qu'il  soit  libéral; 
et  qu'il  soit  loup  contre  le  loup  sur  la  brèche; 
et  qu'il  ne  tourne  son  visage  vers  [personne]  à 
qui  il  n'ait  fait  un  don. 

A  garo  bardd  bid  bardd  roddiat.  (/6t4l.  ] 

*     Bit  awy  uDbeDD  a  bel  lew 
A  bit  vleid  ar  adwj 

Ni  cbeida  y  wyneb  ar  ny  rodwy.  (  Ibid,) 

s  Parce  que  le  veDt  fait  tomber  des  glands  poar  ses  porcs.  L'in- 
tention da  poète,  dans  cette  pièce,  est  de  dire  qn*il  faut  que  chaque 
chose  suive  sa  loi. 


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208 
Bez  buan  redent  enn  ardai  —  menez;  — 
Bez  enn  keudod  gofai , 
Bez  anniweir  anouadal. 

Bez  amlolik  marc'hok  ;  bez  gogelok  —  le- 
der;i 
Touellet  goureg  golidok; 
Kefel  bleiz  bugel  diok. 

Bez  gwir  baglok ,  bez  redegok — kelouez  ;  — 
Bez  mab  leen  enn  c'hoaniok , 
Bez  anniweir  daoueriok. 


Bez  gourm  biouc'h  j  bez  louet  bleiz  ;  2 
Ëskut  gorvez  i  ar  heîz,  3 
Goesket  goan  greun  enn  he  kreiz.  * 

Bez  krom  pezar,  bez  troum  kaou; 
Eskut  gorvez  enn  kadaou  ; 
Goesket  goan  greun  en  he  adnaou. 

Bez  anouadal,  ehud;  bez  aha  bouzar; 
Bez  enved  emlazgar; 
Dedouiz  ar  he  a  gwel  he  kar.  ^ 


*  Bit  amlwc  marchaac  bit  redegauc  gorwyd. 

'  [Mis.  de  HergheH.) 

*  Bit  gwrm  bîw  a  bit  Iwyl  bleid.  (Ibid.) 
3  EsgQt  gorwydd  i  ar  beid.                           (  Jhid.) 


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209 
Qu'ik  soient  vifs^  les  coursiei^,  aus:  confins  de 
là  montagne;  que  le  chagrin  [habite]  dans  mon 
cœur;  qu'il  soit  libertin  Tinconstant. 

Qu^il  soit  dans  la  lumière ,  le  cavalier;  qu'il 
soit  dans  Tombre,  le  voleur;  elle  est  [facilement] 
séduite,  Tépouse  du  riche;  il  est  camarade  du 
loup,  le  berger  paresseux. 

Qu'elle  marche  avec  des  béquilles,  la  vérité; 
qu'elle  courre ,  Terreur  ;  que  le  -fils  de  la  science 
sôit  désireux  [d'apprendre];  que  lé  libertin  ait 
deux  paroles. 

Qu'elle  soit  brune,  la  vache;  qu'il  soit  gris,  le 
loup;  et  vif  le  cheval  [nourri]  d'orge,  [le  che- 
val qui  a]  du  grain  tendre  pressé  dans  ses  flancs. 

Qu'il  soit  couri)e ,  le  piège  ;  qu'il  soit  dur,  le 
cachot;  [qu'il  soit]  vif  dans  les  combats,  le  cheval 
[qui  a]  du  grain  tendre  pressé  dans  son  coffre. 

Que  l'étourdi  soit  inconstant;  que  le  sourd 
soit  incertain  ;  que  le  fou  soit  batailleur  :  heu- 
reux celui  qui  voit  son  ami  ! 


*  Guescyl  guan  graun  yn  y  ureid.        (Mst.  de  Heng.) 

*  Bit  aba  byddar  bid  anwadal  chud 
Bit  yaayt  ymJadgar 

Dedwydd  or  ai  gwyl  ai  car.  (If M.  de  Hergkeit.) 

14 


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210 
Bez  douvn  lenn ,  bez  lemm  gwaev  *maour 
Bez  gran  klanv  gleou  ourz  gwaour  ; 
Bez  doez  dedouiz,  Diou  ha  he  maour.  l 


Bez  lemm  ezio , 
Bez  ezein  alltud ,  bez  desgezrin  —  drud ,  — 
Bez  c'hoantok  enved  e  c^hoerzin.  2 

Bez  gwleb  rec'h  ;  bez  menec'h  mac'h  ; 
Bez  gwen  kU^v,  bez  laouen  iac'h  ; 
Bez  c'houeraiad  kolouep ,  bez  gwenouen  gw- 
rac'h.  ^ 


Bez  diaspad  aele,  bez  ae  bezin  ; 
Bez  peskitor  dire  ; 
Bez  drud  gleou ,  ha  bez  reou  bre. 

Bez  gwenn  gwelan ,  bez  ban  ton  ; 
Bez  hevagel  gwear  ar  on  ;  * 
Bez  louet  reou  ;  bez  leou  kalon. 


Bez  glas  luarz ,  bez  diwarz  —  geriad  ;  —  ^ 

<      Bit  dfnryn  lljn  bjt  lynn  gwaywtwr 

Bit  gran  claf  glea  urth  awr 

Bit  doelh  dedwyth  Da?  ai  mawr.    (JtfM.  de  Herghul,) 
1     Bit  euein  alltut,  bit  dyagethrin  drad 

Bit  chwannauc  ynvyt  y  cbwerthin.  {Ibid*) 


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214 
Qu'il  soit  profond ,  le  lac  ;  qu'elle  soit  aiguë , 
la  grande  lance  ;  que  la  joue  du  gueiTier  malade 
s'enflamme  au  cri  de  guerre  ;  qu'il  soit  le  bon- 
heur du  sage ,  le  Dieu  qui  l'ëlève  ! 

Qu'il  soit  piquant,  Tajonc;  qu'il  soit  erfant, 
l'étranger  ;  qu'il  soit  rude ,  le  héros  ;  que  le  fou 
aime  à  rire  ! 

Qu'il  soit  mouillé,  le  sillon;  qu'elles  soient 
nombreuses ,  les  cautions  ;  qu'il  soit  débUe ,  le 
malade;  qu'il  soit  joyeux,  l'homme  bien  portant; 
qu'il  soit  grognon  le  bichon  ;  qu'elle  soit  bour- 
rue, la  vieille  femme. 

QuUl  soit  lamentable,  le  cri  [de  la  douleur]  ; 
qu'elle  soit  mouvante ,  l'armée  ;  que  le  parasite 
soit  badin  ;  que  le  guerrier  soît  brave ,  et  qu'elle 
soit  [couverte]  de  gelée,  la  montagne. 

Qu'il  soit  blanc,  legoélandf  qu'elle  soit  bruyante, 
la  vague  ;  qu'il  aime  à  se  cailler,  le  sang ,  sur  la 
lance  [de  frêne];  que  la  gelée  soit  grise  ;  que  le 
cœur  soit  un  lion. 

Qu'elle  soit  verdoyante  la  plaine;  qu'il  soit 

*  Bit  chwyrn  colwyn ,  bit  wedw^d  gwrâch.    (Ma.  de  Heng,) 

*  Bit  wen  gwylâii  bit  na  ton 

Bit  byvagyl  hwyar  ar  un.  (Jjbfii.  dé  tierghai.) 

*  Bit  las  luarth  bit  diwarth  eiribyat 

Bit  reiniat  ygky vartb .  (  /6td.) 


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212 
Béz  reiniad  enii  kevarz  ; 
Bez  goureg  droug  a  he  raenec'h  gwarz. 

Bez  grafaDgog  iar,  hez  tridar — gan  leou; — 1 
Bez  enved  emlazgar  ; 
Bez  ton  kalon  gan  glac^har.  ^ 

Bez  hofder  laouer  a  he  heirc'h  ; 
Bez  gwenn  tour,  bez  goroum  seirc'h;  ^ 
Bez  glout  c'hoantok;  4  bez  rengok  Ueirc'h. 

Bez  anhegar  diriez  ;  ^ 
Bez  henent  i  delodez; 
Bez  azgwenn ,  enn  ankouen ,  mez. 

Bez  c'honerniad  kolouen  ,  bez  gwenouen 
neider  ; 
Bez  noviao  red,  ourz  peleder  ; 
Ned  gwell  er  otour  naV  leider. 

Bez  gwer  gwelgi  j  bez  gora>^en  ton  ; 
Bez  kouein  pob  glac'haruz  ; 
Bez  avlaouen  henn  heinuz. 

*  Rit  gogor  gao  iar  bit  uydar  gan  lew.   (Le  Livre  noir.) 

*  Bit  ton  kalon  gan  alar.  (Mit.  de  Herghett.) 

*  Bit  wynn  twr  bit  orwn  seirch 

Bit  hoffder  llawer  ae  heirch.  (Ibid.  ) 


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213 
sans  reproche,  l'orateur;  que  la  lance  repousse  la 
lance  dans  la  mêlée  ;    que  la  femme  méchante 
mérile  le  blâme. 

Que  la  potile  gratte  ;  que  le  lion  cause  du  tu- 
multe; que  le  fou  aime  à  batailler;  qu'il  soit 
brisé,  le  cœur,  par  la  douleur. 

Que  la  beauté  soit  convoilée  par  plusieurs  ; 

que  la  tour  soit  blanche;  qu'il  soit  noir  le  har* 

nois  ;  que  le  glouton  soit  avide  ;  que  les  clercs 

soient  intercesseurs. 

♦ 
Qu'il  soit  détesté  le  méchant  ;  que  la  vieillesse 

soit  indigente  ;  qu'il  soit  délicieux  ,  l'hydromel  ,* 

dans  le  banquet. 

Qu'il  soit  grognon  le  bichon  ;  qu^il  soit  veni- 
meux le  serpent  ;  qu'on  passe  le  gué  à  la  nage , 
malgré  les  lances  :  l'adultère  ne  vaut  pas  mieux 
que  le  voleur.  ^ 

Que  la  mer  soit  verte,  que  la  vague  brise  avec 
fracas  ;  qu'il  soit  gémissant  celui  qui  est  dans  la 
douleur;  qu'il  soit  triste  le  vieillard  en  peine. 

*  Bit  lyth  chuaoDaac.  (tbid.) 

1*  Cette  strophe  et  les  deax  soivantes  manquent  dans  le  Livre 
rtmge  de  Herghest. 
*  Est  aussi  coupable  que  le  voleur.  L*adultère  est  un  vol. 


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VI. 
KAN  ER  KOG. 


Goreiste  ar  bren,  aergwen — mem — ^pred; — 
Hag  ivez  n'em  kerc'houen  ; 
Berr  men  deiz,  difez  men  tizen.  ^ 


Lemm  avel ,  loum  pened  er  beou  ; 
Pan  gorwisk  koed  ham  teleou , 
Terriz  klanv  oum  heziou.  < 

N'ed  oum  enn  hued,  miled  —  ne  kadvam; 
Ne  gallam  tarempred  ; 
Tra  bo  da ,  kan  kog  kanet  !  ' 

Kog  lavar  a  kan  gan  deiz 
Kifreu  eic'hiok  enn  dolez — Kiok:  ^ 
«  Gwell  koraok  na  kibez.  » 

Ënn  aber  Kiok  —  ez  kanant  kogeu  — 

>      Goreîste  arrryn  aerwjn  vjm  brjd 

A  beiyd  nim  kyrchwyn 

Bjr  vy  nheith  difeilh  vyn  hyddyD.  {Mu.  de  Hergh9$$.) 
*      Lem  aael  Uwm  beoedyr  byw 

Pan  orwîsc  coel  teglyw  haf 

T«rydd  glaf  wyT  baddyw.  ( im.) 


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VI. 
LE  CHANT  DU  COUCOU. 


Assis  sur  la  montagne,   [je  sens]  mon  esprit 
guerrier  abattu  ;  et  aussi  ne  me  pousse-t-il  plus 
en  avant;  mes  jours  [seront]  courts  désormais; 
f    ma  demeure  est  en  ruines. 

Le  vent  est  coupant  ;  la  vie ,  une  lourde  pé- 
nitence; quoique  le  bois  reprenne  sa  robe  d'été, 
je  suis  terriblement  malade  aujourd'hui. 

Je  ne  suis  point  à  la  chasse ,  je  n'ai  point  de 
limiers;  je  ne  puis  promener  :  tant  qu'il  lui  con- 
viendra, que  le  coucou  chante  son  chant! 

Le  coucou  babillard  chante  avec  le  jour  ses 
mélodieux  appels  dans  les  vallées  de  Kiok  :  a  mieux 
vaut  le  riche  que  le  pauvre,  [dit-il.]  » 

Au  havre  de  Kiok  ^  chantent  les  coucous  sur 

»  Tra  vo  da  gan  gog  canet.  {Mu,  de  Hergketl,) 

4  Kyvrea  eichiaac  yn  nolydd  tuauc.  (/èid.) 

*  Aber  ÏLkk,  (maintenaDt  Abercoawg)  «st  oelte  ?allée  da  comté 
de  Mootgooiery,  où  Liwarc'li-Aftii  féeai  daM  «ne  cabane,  pen- 
dant les  derniers  jonrs  de  sa  vie,  et  o(k  probablement  il  est 
mort. 


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216 
Ar  kangeu  blodeuok  : 
Gwae  klanv  ha  heu  kleo ,  enn  bozok  !  l 

Enn  Âber  Kiok  kogeu  a  kanant  : 
GaD  men  pred  ez  adgwant  ;  2 
Ha  heu  kleo  ivez  ne'z  klanvant  ! 

N'ez  andeviz  er  kog  ar  eiliorok  prenn? 
N'ez  laesouiz  men  kelc'houi? 
Edlid  a  keriz  ;  a  keriz  n'ed  moui.  ^ 

Enn  è  ban ,  oziouc'h  Ion  dar  ^ 
£z  andeviz-i  laïs  adar  ; 
Kog  ban  ;  kov  gan  pob  a  kar. 

Kezlez  kazel  bozok ,  hiraezok  —  té  lev  ;  — 
Taez  gozav  tiz  hebok; 
Kog  y  breuver  enn  Aber  Kiok!  ^ 

Gorziar  adar ,  gwleiz  nent , 
Luc'hed  loer  ;  oer  deouent  ! 
Krai.mem  pred  rag  govit  hent  ! 


*  Coc  lavar  csoet  yrâue.  (Mm.  de  HergheH.) 

*  Ys  adwaal  gan  vym  bryd.  (IM.) 
'     Neus  edewis  i  gog  ar.eiddionvg  breo 

Neus  laeswys  vyn  gylchwy 


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217 
les  branches  fleuries;  malheur  au  malade  qui  les 
écoute  dans  leur  joie  ! 

Au  havre  de  Kiok  les  coucous  chantent  ;  leur 
chant  affecte  désagréablement  mon  esprit  ;  que 
ceux  qui  les  entendent  ne  soient  point  malades 
aussi  ! 

N^ai-je  pas  entendu  le  coucou  [chanter]  sur 
Tarbre  entouré  de  lierre?  N^ai-je  pas  laissé  [tom- 
ber] mon  bouclier?  Ce  que  j'aimai  m^est  odieux  ; 
ce  que  j'aimai  n'est  plus. 

Sur  la  colline  9  de  la  cime  joyeuse  du  chêne , 
j'ai  entendu  [descendre]  une  voix  d^oiseau  :  [la 
voix  du]  coucou  de  la  colline,  [dont  la]  pensée 
[est]  avec  chaque  amant. 

Chanteur  de  chants  joyeu];^  y  ta  voix  m'est  en- 
nuyeuse! Habitué  à  errer,  à  fuir  le  faucon,  6 
coucou ,  tu  es  bien  bruyant  au  havre  du  Kiok  ! 

Qu'ils  sont  bruyants ,  les  oiseaux  !  Les  vallées 
sont  mouillées;  la  lune  a  lui;  comme  le  minuit 
est  froid  !  comme  mon  esprit  est  troublé  par 
l'angoisse  de  la  maladie  ! 


Edlid  a  gereisa  gercis  nend  niay.  (tbid.) 

«      Kethlydd  catbylvoddauc  biraetliaOc  ei*  lef 
Teith  oddef  tnth  hebaiic 
Cog  vreuer  jo  aber  caaiic.  (  Ibid.) 


/" 


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218 
GweDD  gwarzav  nent  !  deouent  hir  ! 
Kemmeger  pob  keourent; 
Deliet  pouez  hun  i  henent.  ^ 

Gorziar  adar,  gwieb  gro  ; 
Deil  kouezet,  divred  divro; 
Ne  gwadam^  oum  klanv  heno  ! 

Gorziar  adar^  gwleb  traez  ; 
Eglour  Douevre,  ehelaez  —  Ion;  — 
Gwev  kalon  rag  hiraez  ! 

Gorziar  adar,  gwleb  traez; 
Eglour  ton ,  tiz  ehelaez  ; 
A  great  em  mabolaez 
Karoun ,  pe  kavoun  etouaez  ? 

Gorziar  adar  ;  ar  edred  c'houez  ; 
Ban  lev  koun  enn  difez; 
Gorziar  adar  eil  gwez  !  * 

Kentevin  >  kann  pob  amhad, 
Pan  bresiant  kadouir  i  kad  j 
Me  ne  dam  anav  n^em  gad.  3 

•  DylywD  pwyth  bon  i  heoenit.         {Mu*  éê  Herghêit.) 

*  Gordëytr  adar  ar  edrywyard 
Ban  lef  cwn  yn  nyfeilb 

GoHdyar  adar  cilweiih.  (Mit.  de  Herghetl.) 


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il9 
Comme  elle  est  blanche  la  surface  de  la  vallée! 
Comme rheure  de  minuit  est  longue!  On  honore 
chaque  mérite  ;  mais  il  n*a  droit  à  aucun  égard,  le 
sommeil  de  la  vieillesse.  * 

Qu'ils  sont  bruyants  las  oiseaux  !  Il  est  humide 
le  rivage  ;  les  feuilles  sont  tombées  ;  Texilé  [semble] 
indifférent  ;  je  ne  le  cache  pas  :  je  suis  bien  ma- 
lade j  cette  nuit. 

Qu'ils  sont  bruyants  les  oiseaux!  Le  sable  est  hu- 
mide, clair  le  firmament ,  la  vague  enflée  :  comme 
il  se  flétrit ,  le  cœur ,  par  Tennui  ! 

Qu'ils  sont  bruyants  les  oiseaux  !  [Il  est]  humide 
le  rivage;  [il  est]  brillant  le  flot  ;  [sa]  course  [est] 
rapide;  ce  que  je  fis  dans  '  ma  jeunesse ,  Taimerais^ 
je ,  si  je  le  trouvais  encore  ? 

Qu'il  sont  bruyants  las  oiseaux!  Ils  sentent  l'o- 
deur de  la  chair!  Qu'elle  est  retentissante  la  voix 
des  chiens  dans  le  désert?  Qu'ils  sont  bruyants  les 
oiseaux  de  rechef! 

A.U  premier  mai ,  [quand]  brille  toute  semence , 
quand  les  guerriers  volent  au  combat,  je  n'y  vaisi 
point,  mes  infirmités  ne  mêle  permettent  pas. 

>      Pan  trysiaiit  kedwyr  i  gad 
Mi  nid  if  anaf  nim  gad.  ( /Md.> 

*  AllusioD  an  chanl  du  coucou  qui  Tcmpèche  de  dormir. 


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Kentevin ,  kanD  ar  estre  ; 
Pan  brez  kadouir  i  kadle , 
Me  ne  dam ,  anav  amde. 


Louet  gwarzav  menez  ;  brao  blaen  on  ; 
Oc'h  eber  dehepger  ton;  * 
Pever  pell  c'hoerzin  o'm  kalon  ! 


Ah  !  zi-me  !  heziou  penn  ê  miz, 
Enn  hi  gwestva  ;  n^ez  adaviz  : 
Krai  mem  pred  ;  kred  a^m  deviz.  ^ 

Amloug  goloug  gweliadour  ; 
Gouneled  seberoued  segour  ! 
Krai  men  pred ,  klenved  am  kour  ! 

Alavy  enn  tail  mail  am  mez, 
Ned  eizun.  Dedouiz ,  dihez. 
Âmaeroui  adnabod ,  amenez. 


Alav  9  enn  tail  mail  am  lad  y 
Lizredaour  leuren ,  Ion  kaouad , 
Ha  douvh  red  ;  berved  pred  brad .  ^ 


I      Llwyd  gwarthaf  mvDjdd  brtu  blaeo  on 
0  ebyr  dybebgyr  ton .  (  Jbid .  ) 

*      Assimi  hcddyw  pcnn  y  mis 
Ynn>  weslfa  vdd  cdewi» 


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221 
Au  premier  mai,  lorsque  brillants  sur  leurs 
chevaux ,  les  guerriers  courent  au  champ  de  ba- 
taille,  je  n'y  vais  point,  les  inBrmités  m'enve- 
loppent. 

Il  est  gris,  le  sommet  de  la  montagne;  elle  est 
b^le,  la  cime  du  frêne.  A  l'entrée  [des  fleuves]  la 
vague  est  repoussee  ;  le  doux  rire  est  loin  de  mon 
cœur! 

Ah!  que  je  souffre!  c'est  aujourd'hui  le  bout 
du  mois,  c'est  la  fête  ;  je  n'y  vais  plus  :  mon  esprit 
est  trouble;  la  fièvre  est  mon  partage. 

Il  eÉt  perçant  le  regard  de  la  sentinelle  ;  qu'il 
fasse  des  fanfaronnades  le  lâche  !  [pour  moi]  mon 
esprit  est  trouble ,  la  maladie  m'accable. 

O  richesse ,  [vous  êtes]  semblable  au  vase 
[d'argile]  qui  renferme  l'hydromel,  je  ne  vous 
désire  point.  Le  bonheur,  [c'est]  le  repos.  La  clé 
du  savoir ,  [c'est]  la  ténacité. 

O  richesse,  [vous  êtes]  semblable  au  vase 
[d'argile]  qui  contient  la  liqueur,  au  serpent  qui 
disparaît ,  à  l'ondée  abondante ,  et  au  gué  profond. 
[Vous  êtes  pour]  l'esprit  un  ferment  de  trahison. 

Crei  vym  bryd  crjd  am  dewis.       (  Afts.  de  Herghetl.) 
*     Alaf  yo  ail  mail  am  lad 
Uithredawr  Uyry  lion  cawad 
A  dirvyn  ryd  berwyd  bryd  brad.  (Ibid.) 


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Berved  bradanvad  ober; 
fiezo  dc^our ,  pan  purer 
Gwerzi  bic'hod  er  laouer.  ^ 

BervWor  brad  er  anwir  1  2 
Pan  barao  Douez  ^  deiz  hir, 
Teouel  bez  gaou ,  golaou  gwir. 

Perigel  enn  tir  divad;  kerc'heniad  —  ka- 
ouîk,  — 
Laouengouir  oziouc'h  lad; 
Krin  kalam  alav  enn  teiliad  !  ^ 

Keglev  ton  troum  ,  he  taolo ,  —  ban ,  — 
E  rong  graean  ha  gro; 
Krai  mem  pred  rag  ledvred,  heno. 

Osglokblaen  derv,  c'houerv  cTiouezon, 
C'houek  evour,  c'hoerziniad  ton  : 
Neke)  gruzkestuz  kalon. 

Emong  uc'hened  a  diwed  —  ar-n-ao,  — 
Enn  holl  men  korzevned  : 
«  Ne  kad  Diou  da  î  direid.  «  -* 

'      Berwyd  brad  attnd  o  ber 
Byddant  dolwr  pan  borer 

Gwertha  bychod  er  llawer.  (  Mtt.  de  Herghat.) 

•  Preator  preennwir .  (  /6td.  ) 

*  Perygyl  yndirthîvat  kyrchynyet  kewi.  (/Wd.)  Pirygyl  yn  bor- 
ibiat.  (JTm.  deHeng.) 


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"m 

C'est  un  ferment  de  trahison  qu'une  mauvaise 
action  ;  elle  trouvera  [son]  châtiment  j  quand  se- 
ront purifiés  ^  ceux  qui  vendent  cher  [des  objets 
de]  peu  [de  valeur.] 

Qu'il  fomente  la  trahison ,  le  menteur  !  quand 
Dieu  jugera  y  an  grand  jour,  le  mensonge  sera 
[mis]  dans  les  ténèbres ,  la  vérité  dans  la  lumière. 

[U  y  a]  péril  sur  [cette]  terre  mauvaise  ;  [ils  por- 
tent] un  collier  d'esdave,  ceux  qui  sont  joyeux 
après  boire;  fragile  roseau  [que]  richesse  en  mon- 
ceau! 

Ecoutez  tous  la  vague  pesante;  que  ses  coups 
sont  bruyants  parmi  le  gravier  et  les  galets;  mon 
esprit  est  accablé  par  la  torpeur ,  cette  nuit. 

Il  est  branchu  le  front  du  chêne,  amer  le  goût 
[de  la  feuille]  du  frêne,  doux  le  panais,  rieur  le 
flot  :  la  joue  ne  cache  pas  l'angoisse  du  cœur.  ^ 

Mes  soupirs  continuels  me  disent ,  après  tous 
mes  rêves  de  félicité  :  «  Dieu  ne  donne  point  le 
bonheur  aux  prévaricateurs.  » 

4      YmwDg  ucheneid  a  dynet  araaw 
In  ol  TjD  gorddy?neit 

Ni  ad  Dav  da  i  ddirieid.  [Mu.  HergheiL) 

«  Dans  les  flammes  du  purgatoire. 
•  Ce  rers  se  troute  déjà  plus  haut. 


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224 
Da  i  diried  ni  ater , 
Namen  tristed  ha  preder  ; 
Ne  adouna  Diou  ar  a  goupel. 

Oez  makoui  mab  klanv ,  oez  goelin 
Rewran  enn  lez  brenin, 
Poed  gwel  Diou  ourz  he  edvin  !  * 

Oc'h  a  gouneler  hen  dere,  * 
Estiried  her  ha  he  darle  :  ^ 
Kas  den  aman ,  eo  kas  Diou  hre*  ^ 


*  Oed  luacwy  mab  claf  oed  goëin.         (Ma.  Hergke$L) 
*  Or  a  wneler  yn  dei^.  (/6td0  I)ei7D,  (livnsftotr.) 

s  Ystîrieit  yr  ae  derily.  (  Mu.  Hirghêsl,) 

*  Cas  dyn  yman  ywcas  Duv  vry.  (Ibid.) 


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225 
Le  bonheur!  aux  prévaricateurs  il  n'est  point 
donné;  [ils  n'ont]  que  tristesse  et  souci  :  Dieu  ne 
défait  point  ce  qu'il  a  fait. 

Il  fut  jeune ,  le  fils  de  la  douleur  ;  il  fut  chef 
dans  la  cour  du  prince.  ^  Puisse-il  voir  Dieu 
[maintenant]  à  son  départ!  [de  la  terre.] 

De  l'œuvre  dépend  l'événement  :  ^  qu'il  y  réflé- 
chisse bien,  celui  qui  lit  ceci  :'«  [l'objet  de]  la  haine 
de  l'homme  ici  bas,  l'est  de  la  haine  de  Dieu  là 
haut.  » 

«DUrien... 

•  A  la  lettre  :  De  ce  qui  ett  fait  il  arrive. 
"*  On  peut  conclure  de  ce  vers  que  Liwarc*h-Henn  écrivait  ses 
poèmes. 


15 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


n  n'est  pas  bien  sûr  que  ce  dernier  morceau  soit  tout  entier 
de  Liwarc*h-Henn ,  ou  du  moins  qu'il  n'ait  pas  été  un  peu 
modifié  et  rajeuni.  Quant  à  l'opinion  qui  en  ferait  l'œuvre 
d'un  barde  du  XIV*  siècle,  nommé  Mabklaf ,  ou  Mabklanv,  fils 
d'un  autre  Liwarc'h ,  elle  est  insoutenable,  car  la  pièce  se 
trouve  dans  le  livre  fwir  d'Hengurt,  antérieur  de  deux  siècles 
à  l'auteur  supposé.  Ce  qui  a  donné  lieu  à  la  conjecture  que  je 
combats,  ce  sont  les  mots  mah  klanvy  qu'on  trouve  efiective- 
ment  au  milieu  d'une  strophe  du  poème;  mais  ils  n'ont  rien 
d'extraordinaire.  Le  docteur  Owen  a  pressmiti  la  vérité  lors- 
qu'il dit  :  cil  est  possible  que  ce  Soit  une  épithète  prise  par 
Liwarc'h-Henn;  »  i  On  n'en  peut  douter;  et  le  traducteur  gal- 
lois eût  pu  l'affirmer  sans  crainte  de  se  compromettre. 

n  a  aussi  fort  bien  traduit  ce  surnom  du  barde  par  fils  de 
la  douleur.  ^ 

Si  le  Chant  du  coucou  a  subi ,  comme  je  le  pense ,  quelque 
modification ,  il  l'a  due  à  l'influence  populaire.  Tout  ce  qui 
passe  par  la  bouche  du  peuple  conserve  son  empreinte. 

Or,  le  cachet  dont  il  marque  ses  œuvres  ou  celles  qu'il  s'est 
appropriées ,  est  très-nettement  empreint  dans  la  quatrième 
strophe ,  et  dans  les  cinq  suivantes  auxquelles  la  pièce  doit 
son  titre.  De  tout  les  chants  populaires  celtiques  que  je  con- 
nais, il  n'en  est  guères  où ,  le  coucou  étant  le  sijyet,  on  ne 
trouve  le  messager  du  printemps  en  compagnie  d'un  jeune 
homme  à  qui  il  prédit  le  bonheur,  ou  d'un  vieillard  qu'il  im- 

1  There  is  a  doubt  wheler  tbis  in  an  epilhet  for  the  bard  or  a 
propername.  {EUgies.  p.  67.) 

*  The  son  of  sickness.  {Itnd.  ) 


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portune.  En  voici  un  tris  répandu  en  Armorique  »  dont  M. 
Emile  Souvestre  à  donné  une  version ,  dans  son  charmant  ou- 
vrage intitulé  les  Demiert  Brdonê.  i  On  ne  le  rapprochera  pas 
sans  intérêt  des  six  strophes  désignées  plus  haut. 

c  Dimanche  matin ,  en  me  levant ,  dimanche ,  premier  jour 
de  mai,  j'allai  dans  mon  verger,  dans  Tespoir  de  me  pro- 
mener. 

»  Or,  un  coucou  chantait  à  la  cime  d'un  pommier  fleuri. 
Hélas!  il  avait d^n  ailes ,  et  moi  je  n'étais  plus  agile ,  ôomme 
du  temps  de  ma  jeunesse;  hélas  !  je  n'aurais  pu  le  suivre. 

>  Il  avait  le  coBor  gai,  et  j'avais  le  coBur  triste;  il  chantait 
pour  les  amoureux ,  et  j'ai  passé  le  temps  des  amours. 

>  —  Dites-moi ,  6  vieillard ,  pourquoi  soupirex-vousT  Avei- 
vous  maladie  de  ccBur  ou  tourment  d'esprit? 

c — Ce  n'est  point  maladie  de  cœur  ou  tourment  d'esprit 
qui  me  fait  soupirer;  mais  le  souvenir  de  ma  jeunesse  qui 
m'a  depuis  longtemps  quitté. 

>  —  Si  elle  vous  a  quitté ,  vieillard ,  quitté  pour  tout  de 
bon ,  quand  même  vous  auriez  mes  deux  ailes ,  vous  ne  pour- 
riez l'atteindre; 

c  La  jeunesse  est  la  plus  belle  fleur  qui  soit  au  monde, 
mais  le  temps  la  coupe  comme  la  faux  du  moissonneur. 

»  —  Petit  coucou ,  gris  coucou,  pourquoi  m'importuner 
ainsi?  va4-en  chanter  ailleurs ,  si  tu  n'a  pas  dessein  de  te  mo- 
quer de  moi. 

«Chante  pour  les  jeunes  gens  et  non  pour  un  vieillard  à 
qui  tu  fais  regretter  les  plaisirs  d'mitrefois. 

>  Autrefois,  quand  j'étais  jeune  homme,  je  vivats  sans 
soucis,  j'avais  de  l'argot ,  des  amis,  je  fréquentais  les  hô- 
telleries. 

>  Autrefois ,  j'étais  un  beau  jeune  homme ,  j'étais  un  beau 

*  Edition  de  1845,  p.  51-52. 


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danseur;  maintenant  plus  de  bal  sur  la  fougère  ;  la  vieillesse 
ma  démis  le  pied. 

>  Maintenant  soucis  et  chagrins ,  et  un  bâton  pourm'ap- 
puyer.  Adieu  ma  jeunesse  et  tous  mes  plaisirs  I  > 

La  teinte  populaire  est  plus  foncée  dans  ce  chant,  mais 
elle  n'en  existe  pas  moins  dans  le  poème  gallois  ;  quant  au 
sentiment,  il  y  est  exactement  le  même. 

Peut-être  les  quatre  dernières  strophes  du  poème  de 
Liwarc'h ,  ont-elles  aussi  éprouvé  quelque  modification  : 
elles  respirent  en  efiet  un  esprit  chrétien  beaucoup  plus  pro- 
noncé que  la  fin  de  la  pièce  du  barde  sur  ses  enfants;  je  di- 
rais même  tout-à-fait  chrétien,  s'il  n'y  avait  une  légère 
nuance  entre  le  nom  de  prévaricateur,  ou  d'homme  déréglé, 
que  se  donne  le  poète ,  et  qui  appartient  à  toutes  les  langues , 
et  celui  de  pécheur  qui  n'appartient  qu'à  la  langue  chré- 
^enne. 

Dans  le  cas  où  il  d'y  aurait  pas  ici  d'interpolation ,  la  dif- 
férence de  ses  idées  et  de  son  langage  actuel  pourraient  s'ex- 
pliquer par  le  triomphe  définitif  de  la  foi  catholique  sur  ses 
doutes ,  à  une  époque  un  peu  postérieure  à  celle  de  la  com- 
position du  poème  où  on  les  a  vus  en  lutte ,  et  tout-à-fait  à  la 
fin  de  sa  vie. 

J'iyouterai  que  tous  les  manuscrits  s'accordent  à  donner  in 
extenso  les  douze  derniers  vers ,  et  les  reproduisent  presque 
sans  autre  changement  que  l'orthographe;  il  y  a  donc  une 
îorte  présomption  en  faveur  de  l'opinion  consolante  suggérée 
par  les  sentiments  chrétiens  dont  ils  sont  la  poétique  et  tou- 
chante expression. 

Le  chant  du  coucou  de  la  vallée  de  Kiok  paraît  être  le 
chant  du  cygne  du  vieux  barde-roi. 


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POÉSIES 

D'ANEURIN. 


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LE   GODODIN. 


(DE  S72  A  S80.) 


ÀR€UMBNT. 


De  tous  les  anciens  poèmes  bretons  ^  il  n'en  est  aucun  <j[iii 
ait  été  moins  expliqué  et  plus  diversement  compris  que  le  &h 
dodin  d'Aneurin  ;  les  critiques  en  conviennent  unanimement, 
et  H.  Sharon  Turner,  avecTautorité  de  smi  nom,  Ta  con- 
staté f  à  plusieurs  époques ,  dans  sa  belle  histoire  des  Anglo- 
Saxons.  Depuis  la  dernière  édition  de  cet  ouvrage ,  où  il  in-  ' 
siste  sur  l'obscurité  du  sujet ,  sur  la  diffic\(lté  de  dire  d'une 
manière  précise  à  quels  événements  le  poème  s'applique , 
quelles  localités  il  concerne^  *  la  question  n'a  pas  fait  un  pas  : 
j'en  juge  par  l'aveu  d'un  savant  gallois  dont  la  candeur  éga- 
lait l'instruction ,  mon  respectable  ami ,  le  révérend  Tho- 
mas Priée ,  qui  n'a  pas  hésité  à  confesser  aussi  Timpuisçanoe 
où  il  était  de  donner  au  poème  une  explication  suffisante.  ^ 
Plus  récemment  encore  y  un  autre  écrivain ,  non  moins  es- 
timable du  pays  de  Galles ,  reproduisant  la  même  opinion, 
ajoutait:  «Aucune  critique  de  ce  poème  où  le  sqjet  ne  sera 
pas  traité  dans  son  ensemble ,  ne  peut  manquer  d'être  impar- 
faite, j  3 

'  If  18  diflleuh  t»  say  lo  wbil  preoîse  event  or  loeility  it  aounlly 
s^plies.  (T.  1 ,  p.  309,  5«  éd.  de  1828.) 

*  Ni  welais  erioed  un  esponiad  boddbad  îddo.  (Battes  Cymru^ 
p.  355,  1838.) 

•  Aoy  criiicism  of  this  poem,  which  dîd  nol  treal  the  sobject  al 

length  could  not  fail  to  be  unsatisfactory.  (Tke  lUeralure  of  Uie  \ 

Kymry^  by  Thomas  Siephens,  p.  11  ,  1849.; 


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Rien  de  mieux  dit  assurément;  mais  si  l'avis  est  excellent, 
l'exécution  y  répontfra-t-elle  ? 

Tentons  cependant  l'entreprise ,  quelque  téméraire  qu'elle 
soit;  eiy  pour  mettre  un  peu  d'ordre  en  cette  matière ,  ana- 
lysons d'abord  le  poème.  Appelant  ensuite  à  notre  aide  l'his- 
toire et  la  géographie,  nous  verrons  de  quelles  lumières  elles 
éclairent  le  sujet. 

L'éloge  de  parents,  d'amis,  de  compatriotes ,  de  compa- 
gnons d'armes ,  chefs  au  collier  d'or ,  tués  dans  une  bataille  : 
voilà  le  sujet  des  chants  d'Aneurin  :  les  suites  funestes  de 
rîvrognerie ,  cause  de  leur  désastre  ;  telle  est  la  moralité  de 
son  œuvre  :  elle  ressort  de  toutes  les  stances  du  poème  ;  èUe 
est  jointe  au  récit  même  des  exploits  qu'il  célèbre  :  il  loue  la 
bravoure  des  héros ,  mais  il  déplore  en  même  temps  le  pen- 
chant qui  les  a  perdus. 

C'est  l'époque  d'une  fête  solennelle  appelée  Koekcrz ,  qui 
a  lieu  tous  les  ans  sur  ime  grève ,  aux  environs  d'une  cita- 
delle du  pays  de  Gododin ,  nommée  Kaltraez ,  et  qui  dure  plu- 
sieurs jours  :  les  guerriers  du  nord  de  l'ile  de  Bretagne 
s'y  rendent  de  tous  cêtés ,  du  fort  d'Édin ,  d'Arc'hlud ,  de 
l'Argoed ,  du  Lenn ,  du  Lechléiku  et  d'ailleurs  ;  le  barde  fait 
partie  de  ces  bandes  :  il  accompagne  un  puissant  chef  cou- 
ronné de  ses  amis,  Owen,  fils  d'Urien,  à  qui  l'auteur  s'adresse 
dès  le  début ,  et  dont  l'éloge  ouvre  le  Gododm ,  tenant  Neu  de 
l'iiivocation  à  la  Muse  et  de  l'exposition  classiques  obligées. 

Les  bandes  qui  se  rendent  à  Kaltraez  sont  bruyantes  et 
joyeuses  :  en  partant  ou  en  route ,  elles  se  sont  égayées  par  de 
copieuses  libations  ;  l'une  d'elles  ne  tarde  pas  à  être  punie  de 
Sun  intempérance  :  placés  en  ^nbuscade ,  les  Déiriens  et  les 
Bemiciens  la  surprennent  et  la  massacrent  sans  bruit. 

Ce  premier  succès  enhardit  l'ennemi  :  il  attaque  un  second 
corps  de  quatorze  cents  hommes  du  dan  de  Ménézok ,  autre 
chef  de  guerre  illustre  :  quoique  pris  de  vin ,  les  guerriers 
bretons  font  bonne  contenance  ;  ils  se  défendent  vaillamment, 


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tout  en  battant  en  retraite ,  et  s*ils  succombent ,  ce  n'est  pas 
sans  avoir  tué  plus  d'un  aventurier  païen. 

Survient  un  troisième  dan  breton ,  le  plus  nombreux  de 
tous ,  parti  du  fort  d'Édin ,  et  sous  la  conduite  d*un  chef  ap- 
pelé Tudvoulr'h-le-Grand.  TudvouLr'h  se  poste  au  bord 
d'un  rempart 9  derrière  lequel  les  Bretons  s'abritent»  et  le 
sang  ennemi  coule  à  flots ,  quand  la  marée  montante  aivahit 
la  plage  et  sépare  les  combattants. 

Rentrés  dans  la  forteresse  de  Kaltraez ,  les  Bretons  passent 
la  nuit  à  boire  à  la  lueur  des  torches. 

Dès  le  point  du  jour ,  Tudvouhr'h  monte  au  sommet  de  la 
citadelle  pour  observer  l'ennemi  :  puis ,  poussant  le  cri  de 
guerre ,  il  fait  une  sortie  vigoureuse ,  suivi  d'un  grand  nombre 
des  siens  qui  se  battent  le  long  de  la  tranchée ,  jusqu'à  ce  que 
la  nouvelle  marée  les  fasse  reculer  comme  kT veille. 

Troisième  engagement  le  lendemain ,  et  plus  terrible  encore 
dans  la  tranchée  même.  Cette  fois ,  le  parti  des  Bretons ,  grossi 
d'une  foule  d'auxiliaires  successivement  arrivés,  est  extrême- 
ment nombreux  ;  ils  forment  trois  armées  qui  ont  à  leur  tète 
trois  chefs  de  peuples ,  dont  l'un  spécialement  distingué  par  le 
poète  est  Kenon ,  fils  de  Kledno,  d'Édin  :  les  deux  autres, 
Kenren  et  Kenrik ,  partagent  avec  lui  la  gloire  de  n'avoir  ja- 
mais subi  le  joug  des  Déiriens. 

Ils  font  un  grand  carnage,  mais  ils  en  eussent  fait  un  plus 
grand  encore ,  s*ils  avaient  bu  modérément.  Eux  aussi ,  et  dif- 
férents che£s  dont  le  poète  chante  les  louanges,  ne  reculent 
que  devant  les  vagues  de  la  mer. 

Moins  imprudent  que  ses  compagnons  d'armes ,  Owen ,  le 
favori  du  barde ,  ne  cherche  point  à  combattre  en  état  d'i- 
vresse :  il  reste  dans  la  salle  du  festin  ;  les  fumées  du  vin  une 
fois  dissipées ,  il  combattra  mieux. 

Les  Logriens,  alliés  au  parti  du  Dragon  blanc,  c'estrà-dirc 
aux  Saxons  de  Déir  et  de  Bemicie ,  et  les  hommes  du  pays 
tatoué,  autrement  dits  les  Scols  ou  les  Pietés,  vont  faire  l'é- 


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preuve  de  son  épée.  On  entend  un  appel  aux  armes;  un  long 
cri  de  mort  et  de  malédiction  s'élève  contre  l'ennemi  ;  et  le 
chef  des  Scots ,  le  fils  d*Héoki ,  malgré  sa  lance  enchantée  ^ 
son  impétuosité  d'aigle ,  son  ardeur  comparable  à  celle  du  so- 
leil ,  est  mis  en  déroute.  Percé  au  coeur  de  la  main  d'Owen , 
il  tombe  ;  ses  nobles  l'abandonnent  parmi  la  rosée  ;  son  ca- 
davre devient  la  proie  des  corbeaux. 

Dans  cette  mémorable  afibire ,  une  foule  de  guerriers  bre- 
tons s'illustrent  aux  côtés  d'Owen  :  les  phis  dignes  d'éloges 
sont  Budvan ,  qui  meurt  près  de  la  palissade,  plutôt  que  d'a- 
bandonner son  poste;  Gwennaboui,  qui  ne  grevait  pas  ses  co- 
lons pour  ses  armements;  Marc'hieu,  qui  a  payé  préràdemment 
le  tribut  à  l'ennemi,  mais  qui  s'en  est  libéré,  et  défend  aujour- 
d'hui, comme  Budvan,  et  avec  non  moins  de  bravoure ,  un  des 
passages  de  la  même  tranchée  :  Karédik,  barde  et  guerrier , 
qui  tombe  aussi  près  d'elle,  en  gardant  son  pays;  Karadok, 
également  victime  d'une  rencontre  avec  l'ennemi  sur  la  brè- 
che du  rempart;  PeU,  second  fils  du  barde  Liwarc'h-Henn  ; 
GwioD ,  frère  de  Kendelann  ;  Gwlighed  de  Gododin ,  qui  a 
blâmé  éloquemmentl'inopportunitédu  festin;  Ruvon,  généreux 
envers  les  prêtres  et  les  bardes  ;  Morien ,  chef  étranger  fameux, 
vassal  de  Hénésok ,  et  Kenon  lui-même ,  qui  n'abandonne  la 
plage  qu'en  voyant  les  flots  engloutir  les  cadavres  des  combat- 
tants. 

Kenon  était  assis  sur  s<hi  trône,  dans  une  salle  magnifique 
et  crénelée  de  la  forteresse  de  Kaltraez ,  où  il  traitait  somp- 
tueusement les  guerriers  bretons ,  quand  retentit  l'appel  aux 
armes  :  ordonnant  aussitôt  que  l'on  cessât  de  boire ,  il  s*était 
levé  précipitamment ,  il  avait  couru  à  la  tranchée ,  et,  pareil 
à  un  feu  de  bruyère ,  il  avait  dévoré  la  plaine.  Cependant  ses 
coups  ne  furent  pas  aussi  bien  dirigés  qu'à  l'ordinaire  ;  l'efiet 
de  l'hydromel  rendit  son  bras  moins  ferme. 

A  la  suite  du  succès  remporté  par  les  Bretons ,  un  vieillard 
vient  faire,  de  la  part  des  ennemis,  des  propositions  de  paix  : 


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mais  les  Bretons  refusent  d'entrer  en  accommodement ,  et  ju- 
rent héroïquement  que  les  guerriers  d'Arc*hlud  ne  seront 
point  opprimés  ayant  que  toute  leur  armée  ne  soit  couchée  sur 
le  champ  de  bataille. 

Ds  poussent  donc  de  nouveau  le  cri  de  guerre ,  sur  l'avis  de 
Morien  peut-être ,  et,  tandis  que  le  poète  entonne  en  Thonneuf 
de  ce  chef  un  bardit  d'incantation  mêlé  d'imprécations  terri- 
bles contre  une  princesse  qu'il  appelle  Bun,  la  Bdk  Tlrot- 
tresse;  elle  périt  avec  un  de  ses  généraux  les  plus  fameux;  les 
Logriens ,  ses  soldats ,  s'envolent  comme  des  oiseaux  de  proie 
devant  les  hommes  d'Arc'hlud,  et  son  corps  demeure  exposé 
sur  les  remparts  de  la  citadelle  bretonne. 

Mais  cette  nouvelle  journée  de  gloire  devait  être  fatale  au 
poète.  Demandant  la  permission  de  parier  de  lui-même ,  après 
avoir  tant  parié  des  autres ,  et  s'adressant  au  chef  Kéneu , 
fils  du  barde-roi  Liwarc'h-Henn  y  il  énumère  les  vertus  du 
chef,  vertus  parmi  lesquelles  il  place  en  première  ligne  sa 
charité  envers  les  captifs  et  son  penchant  à  les  racheter  :  or , 
Aneurin  a  été  fait  prisonnier,  à  la  suite  des  trop  copieuses  li- 
bations auxqudles  il  a  pris  part;  il  a  été  jeté  au  fond  d'un  caohot 
souterrain  où  il  composait  son  chant  de  Gododin,  quand  le 
fils  généreux  du  barde  Liwarc'h-Henn  l'est  venu  délivrer. 

Après  avoir  ainsi  payé  son  tribut  de  reconnabsance,  Aneu- 
rin reprend  le  fil  interrompu  du  récit. 

Quoique  les  Logriens  soient  en  fuite,  tout  n'est  pas  fini  : 
voici  venir  les  Bemici^is  dont  ils  sont  les  alliés  ;  ils  vont  sur^ 
prendre  les  Bretons  vainqueurs  qui  se  sont  remis  à  boÉre. 
Hais  réchanson  du  festin ,  honteux  des  excès  de  ses  compa- 
gnons d'armes ,  fait  résonner  son  épée  au  milieu  de  l'orgie , 
puis  dans  la  bataille,  car  la  salle  du  banquet  envahie  par 
Tennemi ,  devenue  le  théfttre  même  du  combat,  se  remplit  de 
chevaux  morts,  de  sang  et  de  harnais  poudreux  :  son  épée^ 
sonne  comme  un  glas  funèbre  sur  la  tête  des  Bemidens  ;  i» 
garnison ,  sortant  comme  un  torrent ,  les  repousse ,  et  rentre  j 


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comme  un  torrent ,  dans  le  fort.  L'échanson  et  ses  frères  d'ai*- 
mes  commandés  par  Kenon  y  ce  taureau  du  tumulte  y  brise  le 
firont  de  bataille  ennemi  :  les  étrangers  s'enfuient  comme  des 
daims.  Le  barde  alors  entonne  un  chant  de  triomphe  où  il 
rappdle  la  défaite  et  la  mort  du  chef  des  Scots ,  de  ce  fils 
d'Héoki  qu'il  a  déjà  chanté,  auquel  il  donne  ici  le  surnom  de 
Brec'h  ou  de  Tatoné. 

Hais  où  est  Morien?  Comment  n*a-t-il  point  pris  part  au 
nouyeau  succès  des  Bretons ,  lui  si  valeureux  et  si  vanté  na- 
guère? Quoi!  le  chef  ennemi  a  pu  venir  piller  les  Bretons,  la 
Belle  Traîtresse  a  incendié  leur  pays,  et  il  n*a  été  vu  ni  au 
premier  ni  au  dernier  rang  de  ceux  qui  ont  repoussé  les 
Saxons?  Non  !  Morien ,  à  moitié  ivre ,  est  étendu  dans  le  cel- 
lier, dévorant  un  quartier  de  daim! 

Malheureusement ,  à  la  suite  du  combat ,  il  trouva  beau- 
coup d'imitateurs  :  une  orgie  générale  recommence  au  cré- 
puscule ,  en  face  du  champ  de  bataille ,  pour  finir  au  crépus- 
cule :  aussi  les  frontières  bretonnes  sont-elles  de  nouveau  en- 
vahies par  des  bandes  altérées  de  sang ,  de  pillage  et  de  ven- 
geance. Un  petit  fils  d'Aneurin ,  appelé  Huvelin ,  se  lève  pour 
les  repousser,  avec  les  guerriers  confédérés  :  digne  de  son  clan 
et  de  son  aïeul,  il  se  fait  un  piédestal  des  cadavres  du  parti 
de  Brec*h  :  Kenon  ,  lui  aussi ,  le  barde  Eidol,  Peil ,  le  fils 
de  Liwarc'h-Henn ,  et  beaucoup  d'autres  officiers  illustres  du 
clan  de  Ménézok  tuent  sept  fois  autant  de  guerriers  ennemis 
qu'ils  sont  de  combattants.  Vain  succès  !  Courant  au  secours 
de  la  tranchée ,  sans  être  suivi  des  siens  que  l'ivresse  assou- 
pit ,  Owen  est  tué  sur  la  brèche  :  le  barde  et  les  lamentations 
seront  désormais  inséparables  ! 

Ménézok  périt  également;  posté  avec  un  corps  nombreux 
au  principal  passage  de  la  tranchée,  il  a  défendu  héroïque- 
ment les  Thermopyles  de  la  Bretagne,  et  si  les  ennemis  ont 
passé ,  ce  n'est  qu'après  sa  moi*t. 

L'appel  aux  arme^  et  les  malédictions  des  bardes  contre 


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237 

eux  avaient  été  inutiles  :  c'est  de  même  inutilement  qu'un 
héroSy  neveu  d'Aneurin,  non  content  de  blâmer  l'inoppor- 
tunité du  festin,  comme  Gwlighed  ,  ou  de  brandir  son  épée, 
dindignation ,  dans  la  salle  du  banquet ,  comme  l'échan- 
son ,  renverse  les  tables  des  die&  et  celles  des  soldats,  et 
montre  un  courage  héroïque;  c'est  vainement  encore  qu'un 
nouvel  appel  aux  armes  et  au  secours  retentit  sur  le  champ 
debataOle  :  une  fois  enivrés,  les  Bretons  sont  présomptueux: 
la  citadelle  est  prise  ;  le  cellier ,  la  salle  du  festin  deviennent 
le  théâtre  d'une  horrible  boudierie  :  les  flots  eux-mêmes ,  con- 
jurés contre  les  Bretons ,  montent  dans  la  mêlée ,  et ,  de  trois 
cent  soixante-trois  chefs  au  collier  d'or,  il  n'en  échappe 
qu'un  sur  cent,  après  sept  jours  de  combat. 

Le  barde  se  nomme  parmi  les  quatre  guerriers  survivants , 
dontlepremierestKenon, attribuant  leur  salut  à  la  valeur 
de  leurs  armes ,  et  le  sien  au  mérite  de  ses  diants  :  il  reste 
pour  pleurer  les  guerriers  qu'il  a  vus  se  rendre  à  la  fête  du 
Koelkerz,  qu'il  a  vus  perdus  par  leurs  excès ,  noyés  dans  les 
flots  et  le  sang ,  dépouillés  de  leurs  biens ,  chargés ,  en  la  per- 
sonne de  leurs  compatriotes ,  d'un  tribut  onéreux;  qu'il  a  vus 
tomber  avec  la  patrie  bretonne;  mais  qu'il  a  vus  aussi  semer 
le  champ  de  bataille  d'ossements  étrangers ,  et  donner  la  tête 
du  principal  chef  ennemi ,  la  tête  de  Domnal  Brec'h  a  dévorer 
aux  corbeaux;  il  reste  pour  pleurer  solennellement  avec  tous , 
dans  la  fête  funèbre  annuelle ,  les  braves  gardiens  du  rempart , 
qu'avec  tous ,  il  a  aimés. 

Ainsi  finit  le  Gododin. 

Suit  un  épilogue  habilement  soudé  au  poème ,  et  du  reste 
presqu'aussi  ancien ,  mais  que  je  croirais  plutôt  l'œuvre  d'un 
barde  du  clan  d'Aneurin  que  d'Aneurin  lui-même  ;  (j'en  di- 
rai plus  tard  la  raison.)  Evidemment ,  l'auteur  a  pour  but  de 
rendre  le  courage  et  l'espérance  aux  Bretons  abattus  par  le 
désastre  de  Kaltraez  :  c'est  l'éloge  du  fameux  Ghérent,  grand- 
père  d'Aneurin ,  tué  à  la  bataille  de  Longborz. 


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238 

Prédisant  à  la  manière  des  bardes ,  quoiqu'il  parle  au  passé, 
ou  célébrant  une  victoire  déjà  due  à  l'assistance  miraculeuse 
du  Saint,  l'auteur  attribue  à  Ghérent  l'honneur  d'avoir  vengé 
la  patrie  bretonne  et  efiacé  la  honte  du  désastreux  banquet. 

Les  vers  par  lesquels  il  finit  renferment,  sous  une  forme 
voilée ,  tout  l'enseignement  du  poème  :  héros ,  lui  aussi ,  pen- 
dant sa  vie ,  d'un  autre  banquet  d'hydromel ,  le  saint  en  bu- 
vant sobrement,  avait  honoré  la  coupe. 

Makitenant  à  quels  événements  de  l'histoire ,  à  quelles  lo- 
calités de  rtle  de  Bretagne,  le  Gododm  a-t-il rapport? 

Bien  que  l'histoire  nous  apprenne  peu  de  chose  sur  les  an- 
ciens Bretons  du  nord ,  elle  nous  en  dit  assez  pour  nous  gui- 
der dans  nos  recherches. 

Du  temps  où  vivait  saint  Gildas ,  frère  d'Aneurin ,  on  voyait 
un  rempart  qui  commençait  à  la  ville  aujourd'hui  nommée 
Dumbarton,  patrie  du  Saint,  et  allait  de  l'ouest  à  l'est, 
presque  jusqu'à  la  ville  actuelle  d'Edinbourg,  traversant 
dans  toute  sa  largeur  l'isthme  resserrée  entre  l'embouchure 
de  la  Clyde  et  celle  du  Forth. 

>  Les  Romains,  dit  Gildas,  avaient  fait  construire  ce  rempart 
d'une  mer  à  l'autre ,  pour  arrêter  l'ennemi  et  pour  mettre 
l'Ile  à  l'abri  des  incursions  du  côté  du  nord:  malheureuse- 
ment, les  ouvriers  inexpérimentés  à  qui  furent  confiés  les 
travaux,  manquant  de  guides  pour  les  diriger ,  y  mirent  moins 
de  pierres  que  de  gazon ,  et  ils  ne  furent  d'aucune  utilité,  i 

>  En  effet,  conUnue  l'historien  contemporain ,  la  nation  des 
Scots  ou  des  Pietés ,  ces  premiers  ennemis  que  nous  ayons 

*  [Imperiam  romaDum]  jussit  coostruere,  înter  dao  maria,  irans 
insulam,  maram,  nt  esset  arcendis  hoslibus...  ci?ibiisque  tuia- 
mini.  Qui  valgo  irrationabili  absque  rectore  factus  non  tanlam  lapi- 
dibus  quam  cespilibas,  non  profuit.  (Gildas,  de  exeidio  BrUan- 
nt<9,  éd.  de  Gale,  p.  4.) 


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239 

eu  à  combattre ,  percent  souvent  le  rempart,  et  massacrant 
les  habitants,  fauchant,  battant,  comme  une  moisson  mûre , 
tout  ce  qu'ils  trouvent  ;  Us  passent!  ^  > 

De  distance  en  distance ,  ce  rempart  était  muni  de  fortes 
tours  ^  et  de  citadelles,  faisant  face  à  la  mer  du  midi  pour 
pouvoir  épier  les  navires  saxons;  il  était  bordé  de  plusieurs 
villes  où  il  y  avait  garnison  du  temps  des  Romains.  > 

A  ces  détails ,  Bède  en  ajoute  d'assez  importants.  Sdon 
lui  j  le  rempart  n'était  pas  un  mur ,  mais  une  tranchée  ;  c  car 
un  mur,  observe-t-il ,  est  de  pierres,  tandis  qu'une  tranchée 
est  de  gazon ,  arrangé  en  forme  de  mur.  Uue  palissade  de 
pieux  domine  celui-ci  ;  au  devant ,  existe  un  fossé  d'où  le  ga- 
zon a  été  tiré  :  le  fossé  est  très  profond  et  garni  de  redoutes , 
d'une  mer  à  l'autre  :  elle  devait  servir  de  barrière  contre  l'en- 
nemi partout  où  l'eau  ne  lui  en  opposait  pas  une  toute  natu- 
relle :  elle  commence  à  l'est,  et ,  se  prolongeant  vers  l'ouest , 
elle  finit  à  la  ville  d'Alcluith  (Dumbarton.  ^  )> 

C'était  comme  on  le  voit  Un  véritable  tMiUtfm. 

Quoique  postérieur  à  Gildas  de  quatre  cents  ans ,  et  de  deux 
cents  à  Bède ,  le  chroniqueur  populaire  Nennius  mérite  que 
nous  tenions  aussi  compte  de  son  témoignage ,  car ,  il  complète 
les  leurs ,  sans  les  contredire. 

D'après  les  traditions  nationales  dont  il  s'est  fait  l'écho ,  la 
tranchée  aurait  été  défendue  par  sept  châteaux  parmi  lesquels 

*  Gens  Scotorum  Piciorumve...  illi  priores  ioimici,..  termines 
mmpuDt,  csedant  omnia,  et  qoaeqae  ob^ia  matnram  ceu  segetem , 
metuDt,  calcant,  transeunt.  f/frtd.,  p.  f$.) 

*  Tarres  per  inlervalla  coUoeant  ad  prospectum  maris.  (/6ûi., 
ibid,) 

s  Urbes  coUocatae  fuerant  in  littore  ooeani  ad  meridianam  plagam 
qua  DaTes  eoram  [hosliam]  habebantur. ..  et  inde  limebantor.  {Ibid, , 
Urid.) 

*  Beda.  HUtor.  eccles,,  lib.  1 ,  éd.  de  Gale. 


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24o 

on  voyait  un  édifice  de  forme  ronde,  bftti  en  pierres  t>olies, 
qui  était  un  arc  de  triomphe.  ■ 

Les  bornes  qu'il  donne  à  la  tranchée  sont  celles  assignées 
par  Gildas  et  Bède;  *  il  i\joute  seulement  que  les  Bretons  la 
nommaient  CuMi^  ou  Gwaaid,  traduction  littérale  du  latin 
Vallum  ;  ^  et  que ,  depuis  une  rivière  appelée  Riminden ,  jus- 
qu'à une  autre  rivière  appelée  Kaldrj  elle  portait  le  nom  de 
Penltun.  ♦ 

A  tous  ces  détails ,  il  faut  joindra  quelques  observatioi» 
très  intéressantes  faites  sur  les  lieux  mêmes  par  Camden. 
De  son  temps ,  on  pouvait  encore  suivre  les  traces  du  rem- 
part; il  montait  ou  descendait  suivant  la  nature  du  terrain;  il 
était  à  pic  en  rase  campagne  et  bordé ,  en  dehors ,  du  vallum 
ou  tranchée  profonde  (maintenant  comblée)  dont  on  vient 
de  parler;  en  dedans ,  existait  une  chaussée ,  interrompue  ça 
et  là ,  qui  était  la  voie  militaire.  Quelques  rumesdes  villes  de 
guerre  bâties  également  à  l'intérieur ,  de  mille  en  mille  pas , 
où  habitèrent  primitivement  les  {garnisons  romaines  dites  are- 
anorum,  se  voyaient  aussi.  L'empire ,  à  son  déclin ,  comme  le 
remarque  Ammien  Marcellin ,  finit  par  abandonner  la  défense 
de  ces  forts  aux  indigènes,  dont  l'intérêt  propre  était  la  meil- 
leure sauvegarde  pour  le  pays  :  c  Ne  défendaient-ils  pas  en 
effet  leurs  terres,  leurs  fortunes,  leurs  épouses,  leurs  enfants, 
leur  vie ,  et  un  bien  plus  précieux  encore ,  leur  liberté ,  »  se- 
lon la  belle  observation  de  Gildas? 

«  Septem  casiellis  inter  utraque  oslia,  domumque  rolondam  po- 
litis  bpidibus...  fornicein  triurophalem.  (Nenniui,  p.  i9,  ad  cal- 
cem,  éd.  de  Stevenson.) 

*  Âd  ostium  flaminis  Cluth  (la  Glyde)  et  Rerpentaloch...  mains 
-ille  finitor  rastico  opère.  (Ibid.) 

s  Vocatnr  britannico  senuone  Guaul.  (Ibid,)  Gaaul.  GwU.Gawil. 
(Ibid.) 

*  Penltun  dicitur  a  flumine  KMra  usque  ad  Riminden.  {ibid,) 


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241 

C'est  ce  qu'ils  faisaient  de  son  temps,  c'est  ce  que  firent 
glorieusement  les  guerriers  chantés  par  son  frère;  (car  on 
a  deviné  le  but  d*une  aussi  longue  eiposition:  )  les  hommes 
du  fort  d'Arc'hlud  ou  Alclwyd ,  maintenant  Dumbarton ,  com- 
patriotes d'Aneurin;  ceux  du  fort  d'Edin,  la  ville  actuelle  de 
Karidin,  si  ce  n'est  Edimbourg,  postés,  les  uns  et  les  autres, 
aux  deux  extrémités  de  la  tranchée  ;  ceux  du  Lenn  ou  du  Len- 
nox;  ceux  de  Gododin,  ou  de  Manau  Guôtodin,  comme  Tap* 
pelle  Nennius ,  '  dont  Aneurin  était  le  chef,  et  dont  il  a  donné 
le  nom  à  son  poème ,  qui  peuvent  être  les  Ottadini  de  Ptolé- 
mée;  ceux  de  Lee'hleiku  ou  du  Linlythquo;  ceux  de  Reghed 
et  de  TArgoed,  ou  du  Cumberland  actuel;  enfin  tous  les  guer- 
riers bretons  du  val  de  la  Clyde  et  des  contrées  circonvoi- 
sines,  de  la  mer  à  la  mer,  veillaient  à  la  garde  de  cette 
tranchée  qui  les  défendait,  d'un  c^té ,  contre  les  Pietés  et  les 
Scots,  et  de  l'autre ,  contre  les  Logriens  et  les  Angles  établis 
dans  le  pays  des  anciens  Déiriens  et  Bemiciens. 

Ce  fait  constaté ,  il  me  reste  à  trouver  sur  qud  point  de  la 
tranchée  les  héros  du  Gododin  combattirent  et  moururent;  en 
d'autres  termes,  où  est  situé  le  champ  de  bataille  de  Kaltraez. 

Existe-i-il un  lieu  ainsi  nommé?  Jusqu'ici,  tous  les  anti- 
quaires ,  sans^  exception ,  ont  répondu  qu'il  n'y  en  avait  point: 
l'assertion  est  un  peu  téméraire ,  et  je  crois  qu'on  peut  la 
combattre. 

Je  ferai  d'abord  une  simple  observation  :  Fusage  a  prévalu 
d'écrire  Kattraez,  mais  il  y  a  autant  d'autorités  pour  écrire 
Kaltraei  :  les  manusorits  orthographient  indifiëremment  des 
deux  manières,  comme  on  peut  le  voir  par  celui  qu'a  suivi 
l'éditeur  du  Jlfj^vyrian,^  et  comme  on  le  verra  par  nos  va- 
riantes. 

*  De  parte  siaistrali ,  id  est  de  regione  qnse  vocatur  Manau  Guo- 

iodin.  (Ed.  de  SteveDSon,  p.  53.) 

«  P.  5.  vers  29,  el  p.  6,  ?ers  21  el  22. 

16 


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242 

Je  remarquerai  en  second  lieu  que  cette  localité  ne  dotait 
pas  être  trop  éloignée  de  la  mer ,  puisqu'Aneurin  parle  plu- 
sieurs fois  de  la  grève  voisine ,  et  de  la  marée ,  sous  laquelle , 
dit-il ,  la  grève  disparaît. 

Elle  était  donc  située  vers  une  des  extrémités  de  la  tranchée^ 
du  côté  d'Edin  ou  du  côté  de  Dumbarton ,  à  une  distance  telle 
que  la  mer  en  entrant ,  soit  dans  le  fleuve  du  Forth ,  soit  dans 
cêkii  de  la  Glyde,  pût  faire  sentir  son  flux  jusqu'au  fond  des 
terres. 

Maintenant  si  nous  dirigeons  nos  recherches  selon  ces  in* 
éications ,  nous  trouvcms  à  quelques  milles  de  Dumbarton ,  au 
bord  môme  de  la  tranchée  qu'elle  coupe,  et  près  de  Templa- 
eemesoi  d'une  ancienne  citadelle,  une  rivière  dont  les  eaux 
grossies  de  celles  da  grand  canal  de  Cumbemald  et  de  celles 
delaClyde,  inondaient  la  plage  aux  grandes  marées;  or,  comme 
cette  rivière  est  la  Kaidr  de  Nennius,  (aujourd'hui  appelée 
Calder  ;  )  et  comme  fdage  ou  grève  se  rend  par  Traez ,  dans  tous 
les  dialectes  celtiques ,  je  ne  doute  pas  que  celle-ci  n'ait  été 
nommée  i^aMr-7rae2,  oup%»deiraUf  par  les  anciens  Bre- 
tons, et  qu'elle  ne  soit  conséquemment  le  lieu  célèbre  qu'A* 
neurin  appelle  KaUraez.  ' 

Sa  positiim,  à  portée  du  flux  de  la  mer,  était  d'ailleurs 
celle  de  différentes  citadelles  de  la  tranchée ,  et  probablement 
avait-on  recherché  cette  seconde  barrière  contre  l'ennemi , 
car  Camden  remarque,  en  parlant  d'une  autre  place  de  guerre 
du  voisinage ,  estimée ,  dit^il ,  la  plus  forte  de  toute  l'Ecosse , 
que  sa  plaine  est  très^haurbeuie  à  cause  du  fiux  de  la  mer,  qui 
la  œuvre  tout  entière. 

*  Davies  écrit  Traelk,  selon  rorlhographe  galloise,  elle  rend 
par  liUus,  arena,  Owen  Paghe,  par  «  skore,  sand  between  higb  and 
law  water  marks.  »  Dom  Le  Pelletier,  selon  l*orthographe  bretonne, 
écrit  traez f  et  le  traduit  par((«a6(«,  grève,  rivage,  qui  se  découvre 
à  mesure  que  la  mer  baisse.»  Un  de  nos  vieux  dictionnaires,  dit-il, 
porte  arène.  Le  Gonidec  écrit  treaz,  sable,  grève,  rivage. 


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243 

A  en  juger  par  la  description  pompeuse  qu*Aneurin  (ait  de 
la  salle  de  Kaltraez ,  cette  place  deyaitétre  une  des  plus  belles 
forteresses  de  la  tranchée ,  et  dans  le  genre  de  celle  dontNen- 
nms  vante  Tare  de  triomphe  et  les  [nerres  polies.  La  beauté 
et  la  grandeur  de  ses  pierres ,  non  moins  que  le  vin  qu'on  y 
but  et  les  étrangers*  qui  Fenvahirent ,  ont  aussi  frappé  divers 
bardes  postérieurs  à  Aneurin.  c  Kaltraez,  dit  l'un  d^eux,  si 
eél^re  par  ses  étrangers ,  et  ses  pierres ,  et  son  royal  ban- 
quet. »  I 

Développant  le  témoignage  de  notre  barde,  lorsqu'il  fait  al- 
lusion aux  tours  de  Kaltraez  et  qu'il  nous  montre  le  chef  Tud- 
voulr'h  à  leur  sommet,  pour  épier  l'ennemi,  un  autre  poète 
gallois  nous  en  apprend  le  nombre  exact  : 

€  L'antique Kaltraec ,  remarque-t-il  ,avaittrois  tours.»  •  C'é- 
tait la  tradition  du  XV<  siècle ,  ^oque  où  ce  poète  vivait.  On 
se  rappelait  aussi  de  son  temps,  qu'Owen,  fils  d'Drien,  n'a- 
vait pas  été  étranger  aux  affaires  de  cette  citadelle  :  seule- 
ment, on  avait  perdu  le  fil  de  la  vérité  historique,  et  Ton  se 
figurait  qu'il  l'avait  reprise  aux  Saxons  et  détruite,  ^  tandis 
qu'au  contraire  il  y  avait  trouvé  la  mort. 

La  tradition  écossaise  du  moyen-âge  avait  mieux  gardé  le 
souvenir,  si  non  de  la  date ,  du  moins  d'un  des  principaux 
événemoits  passés  dans  ces  lieux  :  d'accord  avec  Aneurin ,  qui 
y  fait  vaincre  et  tuer  le  chef  des  Scots,  Domnal  Brec'h ,  par 
le  fils  dIJrien ,  un  chroniqueur  écossais  du  XIV«  siècle ,  nom- 
mé Jean  de  Fordun ,  dit  en  propres  termes  :  »  Domnal  Brec'h 
fut  vaincu  à  la  bataille  de  Kaltraez....  il  était  filsd'Héoki.  4 

■      Kaltraez  maour  megedok 
Allmer,  ha  maec ,  La  gwin  ioQok. 

(Myvyr,  arch.,  t.  1 ,  p.  180.) 
9  E  tri  zour  enn  Galtraez  benn. 

[LewU  Glyn  Colky,  6d.  du  Rév.  J.  Jones,  p.  140.) 
>  Boarioz  Owen  ab  Urien.  (Ibid.) 

*  Bellum  KalcUras  in  quo  victus  est  Domnal  Brec...    Dovenald 


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2U 

Et  il  ajoute  : 

«Il  fut  tué  par  OweD ,  roi  des  Bretons.  »  i 

Malheureusement,  Jean  de  Fordun  ne  nous  apprend  pas 
Tannée  exacte  de  la  mort  de  Domnal  Brec'h;  il  donne  à  cet 
événement  trois  dates  différentes  »  642 ,  678  et  686 ,  dont  au- 
cune ne  peut  nous  convenir ,  et  nous  laisse  ainsi  ignorer  l'é- 
poque du  désastre  deKaltraez. 

Mais  peut-être  n'est-il  pas  impossible  d'obtenir  d'ailleurs 
les  renseignements  qui  nous  manquent. 

L'antiquaire  Lhuyd  place  la  bataille  vers  510;  le  docteur 
Ov^en  Pughe,  vers  530;  M.  Sharon  Tumer ,  sous  Ida  ou  son 
successeur,  c'est-à-dûre  de  547  à  568.  Le  révérend  Thomas 
Price ,  de  520  à  570  ;  M.  Augustin  Thierry ,  après  560. 

Ecartons  d'abord  comme  insoutenables  les  dates  données 
par  Lhuyd  et  Owren  Pughe ,  qui,  au  surplus,  n'allèguent  pas 
l'ombre  d'une  preuve  en  leur  faveur. 

Reste  l'opinion  des  trois  autres  critiques  :  je  m'attache  à  la 
plus  importante  par  l'autorité  du  nom. 

€  Dans  une  bataille  désisive ,  où  figurèrent  d'un  côté  les 
Pietés  et  les  Angles,  dit  le  grand  peintre  de  la  conquête  de  l'An- 
gleterre, de  l'autre  les  hommes  du  val  de  la  Clyde,  les 
honunes  du  Forth  et  ceux  de  Déifr  et  de  Brynidi ,  c'estrà-dire 
du  pays  montueux  situé  au  nord  de  l'Humber ,  la  cause  bre- 
tonne fut  vaincue.  Il  y  périt  un  grand  nombre  de  chefs  por- 
tant le  collier  d'or ,  marque  du  hautconunandement  chez  les 
Bretons.  Aneurin ,  l'un  des  bardes  les  plus  célèbres ,  y  com- 

Varius,  Blios  Eocbi.  (Johan.  Fordun.  ScoUo-ekromcon,  p.  20, 
in-fol.,  éd.  de  Goodal.  Edimbourg.)  FarttM,  tatoué,  bigarré,  est 
la  traduction  du  celtique  brec'h;  en  gaêl  brek;  en  gallois  brilh;  en 
breton* armoricain,  briz  el  brech.  J.  Davies  écrit  brUh,  et  le  tra- 
duit par  diversicolor,  variegaiui,  varius,  Owen  Pughe  écrit  aussi 
bryck,  vanegated,  brindled. 

*  Inlerfectus  est  ab  Hoan ,  rege  Brittonum.  {Ibid  ) 


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245 

battu  au  premier  rang,  et  survécut  à  cette  grande  défaite 
qu'il  chanta  dans  un  poènie  qui  s*est  conservé  jusqu'à 
nous.»  1 

Selon  M.  Thierry,  cet  événement  eut  lieu  après  la  mort 
d'Ida  arrivée  vers  Tan  560,  et  l'on  ne  peut  guère  douter  du 
fait  :  seulement,  ayant  pris  par  mégarde  ces  hommes  de  Déifr 
et  de  Brynich,  autrement  dits  les  Déiriens  et  Berniciens ,  pour 
les  amis  des  Bretons,  tandis  qu'Aneurin  en  fait  expressément 
les  auxiliaires  des  Saxons,  il  semble  donner  à  entendre  que 
la  bataille  de  Kaltraez  fut  livrée  avant  rétablissement  définitif 
des  royaumes  Anglo-Saxons  de  Déiret  de  Bemicie. 

Pour  moi,  s'il  n'y  avait  pas  quelque  outrecuidance,  en  face 
d'une  telle  autorité,  à  émettre  une  autre  opinion,  je  dirais  que 
le  fameux  combat  est  du  temps  où  les  conquérants  germains 
s'intitulaient  déjà  Déiriens  et  Berniciens  ;  j'irais  même  plus 
loin ,  et ,  prenant  pour  point  de  départ  l'an  568 ,  fixé  comme 
dernier  terme  par  M.  Turner,  je  reculerais  de  plusieurs  an- 
nées l'époque  probable  de  la  bataille. 

Mes  raisons ,  les  voici  : 

Owen ,  le  héros  favori  d'Aneurin ,  assistait ,  d'après  Li- 
warc'h-Henn ,  au  siège  de  Medcaud ,  avec  Urien  qui  y  tint 
bloqué  Théodorik,  monté  sur  le  trône  en  572 ,  mort  en  579. 
Plus  heureux  que  son  père,  assassiné  devant  le  fort ,  il  sur- 
vécut à  cette  affaire ,  et  Aneurin  le  fait  périr  à  la  bataille  de 
Kaltraez  ;  j'en  conclus  que  la  bataille  de  Kaltraez  fut  posté- 
rieure au  siège  de  Medcaud. 

Maintenant ,  Liwarc'h-Henn  nous  apprend  encore  dans  son 
poème  sur  la  mort  de  ses  fils,  dont  on  ne  peut  guère  reculer 
la  date  au-delà  de  580,  qu'à  l'époque  où  il  le  composa,  Owen 
n'existait  plus. 

La  mort  du  chef  breton ,  et  conséquemment  l'affaire  de 

*  Hisloire  de  la  couquète  de  TAngleterre  par  les  Normands,  7« 
édit,,  t.  1 ,  p.  4i. 


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246 

Kalbraez ,  puisqu'il  y  fîit  tué ,  a  ckmc  eu  lieu  de  572  à  S8Q. 
Si  Tanoée  578  était,  par  hasard ,  la  date  réelle ,  le  cbro^ 
niqueur  écossais  ,  Jean  de  Fordun ,  qui  la  met  en  678 ,  ne  se 
serait  trompé  que  d*un  chiCBre. 

On  s*étonnait  beaucoup  de  ne  voir  figurer  dans  le  Godo- 
din  9  ni  Arthur  ;  ni  Maelgoun  de  Gwéned ,  ni  Redere*h-Ie-Gé- 
néreux ,  ni  Gwall'ok ,  ni  le  roi  Kaou ,  père  d'Âneurin  »  ni 
Huél ,  son  frère ,  ni  Kendelann ,  ni  Urien ,  ces  iameux  che& 
bretons  qui  presque  tous  illustrèrent  la  première  moitié  du 
VI«  siède.  On  n'aura  plus  lieu  d'être  surpris  qu'Aneurin  n'ait 
pas  fait  revivre  des  morts. 

En  revanche ,  il  nous  donne  une  longue  liste  de  leurs  amis 
et  parents  à  tous  les  degrés,  frères,  fils ,  petit»*fîls ,  neveux 
et  cousins  :  c'est  le  fils  de  Keidio ,  c'est  celui  de  Peîzan ,  c'est 
Nouézon ,  tous  trois  petiis-fils  de  Kaou  et  neveux  du  barde  : 
c'est  Kenzelik  d'Aéron ,  son  petit^fils  ;  c'est  Hadok,  petit-fils 
d'Urien  et  neveu  d'Owen  ;  c'est  le  fils  d'une  fille  de  Gwallok, 
nommée  Douéoué.  Ce  sont  les  chefs  Keneu  et  Peil ,  fils  de  Li- 
warc'h-Henn  ;  c'est  Gwennaboui ,  fils  de  Gwenn,  fils  aîné  de  ce 
barde;  c'est  Gv^ion ,  frère  de  Kenddann ,  Rei ,  son  ami , 
Kenon ,  son  oncle ,  qui ,  tous  trois ,  d'après  Liwarc'b-Henn , 
vivaient  eocore  ft  l'époque  du  siège  de  Hadcaud. 

Mais  pourquoi ,  dit-on ,  Aneurin  ne  nomme-tril  par  leur 
nom  aucun  des  cheb  Saxons  Déiriens  et  Bemidens ,  aucun 
des  fils  d'Ida,  dont  l'un  régnait  alors? 

S'il  ne  les  nomme  pas,  il  poursuit  de  ses  malédictions  teiir 
mère  Bun,  femme  à  qui  Aneurin  donne  le  sobriquet  de  <rai- 
treue,  en  vantant  sa  beauté  funeste. 

Quoique  Bretonne ,  quoique  née  au  bord  de  la  Clyde ,  et 
même  belle-sœur  d'Owen,  à  en  croire  les  Triades  galloises 
qui  l'appellent  une  des  trois  princesses  impudiques  de  111e  de 
Bretagne,  '  elle  aurait  épousé  le  féroce  Ida,  et  changé  son 
nom  celtique  en  celui  de  Ban  ou  Bihan,  qu'il  donna,  en 

»  Myvyr.  arch.,  l.  2,  p.  14. 


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247 

l'honneur  d'elle  ,  à  l'un  des  premiers  forts  saxons  bâti  sur  la 
côte  orientale  de  Ttle.  ' 

Au  reste ,  le  barde ,  sans  le  désigner  autrement  que  par  le 
sobriquet  de  sanglier,  fait  encore  allusion  à  un  chef  saxon  qui 
pourrait  être  le  Keawlin  ou  le  Kouthwin  i.e  la  Chronique 
saxonne ,  désigné  de  la  même  manière  par  Liwarc'h-Henn  :  la 
concordance  de  577 ,  époque  à  laquelle  »  selon  cette  Chroni- 
que historique ,  les  deux  cheCs  combattirent  les  Bretons ,  et 
de  578 ,  date  approximative  de  la  bataille  de  Kaltraez ,  don- 
nerait quelque  fondement  à  cette  opinion. 

En  déterminant  d'une  manière  probable  le  lieu  et  l'époque 
du  grand  désastre  pleuré  par  Aneurin;  en  constatant  histori- 
quement la  valeur  de  son  poème ,  j'ai  battu,  ce  me  semble , 
en  brèche  tous  les  systèmes  auxquels  le  Gododin  a  donné 
lieu,  y  compris  une  hypothèse  que  je  hasardai  moi-même,  il 
y  a  un  grand  nombre  d'années ,  avant  d'avoir  assez  étudié  le 
siyet.  M.  Sharon  Turner  avait  déjà  sans  peine  victorieusement 
réfuté  celui  d'Edward  Davies ,  le  plus  extravagant  de  tous ,  re- 
nouvelé par  d'autres,  qui  plaçait  à  Stone-Uenge ,  et  en  472 , 
la  bataille  de  Kaltraez.  Dans  l'état  actuel  de  la  critique  histo- 
rique ,  de  pareilles  témérités  tombent  d'elles-mêmes  et  ne  de- 
vraient pas  se  reproduire.  Je  ne  m'arrêterai  donc  pas  à  dis- 
cuter des  assertions  de  tout  point  gratuites  ;  et  j'aborde  enfin 
le  texte  et  la  traduction  du  Gododin  :  le  lecteur  y  trouvera , 
j'ose  l'espérer ,  la  justification  de  mes  conjectures. 

Soit  par  un  caprice  de  poète ,  soit  par  une  lacune  dans  les 
manuscrits ,  Aneurin  entre  brusquement  en  matière  de  la  ma- 
nière suivante. 

'  Bambourg,  d'abord  appelée  Banbarcb  ou  BebbaDburch.  La  Gé- 
néalogie saxonne  coDvient  du  même  fait  :  De  nomine  sum  uxoris 
suscepit  [Dinguardy]  nomen,  id  est  Bebbanburcht  dit-elle.  Mais 
elle  De  s'accorde  pas  avec  les  Annales  bretonnes  et  avec  les  aulres 
écrivains  saxons,  quant  au  chef  que  Bun  épousa.  D'après  elle,  ce  ne 
fut  point  Ida,  ce  fut  un  de  ses  fils.  (Nennius,  éd.  de  Stevenson, 
p.  52.) 


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j 


ER  GODODIN. 


I. 

Grezev  gour  oez ,  gwas  : 
Gourzet  enn  dias  ; 
Marc'h  mouz ,  moung  bras, 
Adan  morzoued ,  meger  gwas  ;  ^ 

Eskouet  eskavn ,  ledan ,  2 
kr  pedrein  mein  buhatr; 
Kleze  maour,  glas,  glaii; 
Eze,  aour  a  ban.  ^ 

Ne  be  hef  ha  mi 
Kas  ;  e  roim  a  ti 
Gwell  gouneim  ;  a  ti 
Ha'z  mol  dé  raoli.  ^ 

Keut  é  gwaed  é  laour 
Nâg  it  è  neizîaour  ;  ^ 

*      Gredyf  gwr  oed  gwas 
Gwrthyl  am  dias 
Meirch  mwlh  myngvras 
A  dan  vordwyl  megyrwas. 

{Mss-  de  CrickhawcL  Yoy.  ausssi  le  Myvyr, 
arch.y  t.  1  ,  p.  1. 
«  Ysgwyt  ysgafo  livdan.         [Mss.  de  Plas  Gttyn.) 
s  Âr  bedrein  mein  viiau 
Kleduawr  glas  glan 


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LE  GODODIN. 


I. 

Tout  jeune,  il  possédait  les  qualités  d^un  hom- 
me :  [il  était]  vaillant  dans  les  combats  ;  un  cour- 
sier vif,  à  longue  crinière,  [chevauehait]  sous  sa 
cuisse,  tout  jeune  [et  déjà]  fameux  ;  6 

Un  bouclier  léger,  large,  couvrait  la  croupe 
fine  de  son  rapide  [coursier];  son  épée  [était] 
grande,  bleue,  étincelante;  ses  éperons,  d'or  qui 
brille. 

[O  chef!  ]  ce  n'est  pas  moi  qui  te  donnerai 
[sujet  de]  mécontentement;  je  ferai  de  mon 
mieux  pour  toi;  pour  toi  et  pour  chanter  tes 
louanges. 

Plus  tôt  la  terre  [but]  le  sang  que  toi  le  [vin 
du]  banquet; 

Elhy  enr  a  pbiD.  {Miê.  de  CrUkhinoH.) 

*     Ny  bi  ef  a  vi 
Eas  erof  a  tbi 
Gweil  gwneif  a  ibi 

Âr  wawt  dy  noli.  (/6td.) 

'      Kjnt  y  waet  elawr 

Nogyl  y  neitbyawr.  (Ibid,)    > 

^  Comme  oq  l'a  dit  dans  rarguoioiil ,  il  s'agit  ici  d*Oweii ,  ou 
Evein,  fiis  d'Urien. 


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250 
Kent  ë  boued  ê  breïn 
Nage  argevrein.  ^ 

Kukefel,Owen!  * 
Kouli  bot  adan  brein.  ^ 

Marz  enn  pa  bro  ^ 
1^7.  un  mab  Marc'ho.  ^ 

II. 

Kaeaok  kenhaeok ,  men  ez  ae,  ^ 
DifuD,  eDD  blaen  puD ,  mez  a  tallaet;  '^ 
Toul  tal  he  rodaour  ;  enn  e  klevae  ^ 
Gwaour,  ne  rozae  naoz  men  dilenae;  ^ 
Ne  kiliae  oc'h  kamaoun,  enn  e  berae 
Gwaed;  mal  brouen  komene  gouir;  ne  terc'hae.  ^û 


«      Kynl  y  vwyt  y  frein 
Noc  y  argyarein .  ( M$$ .  de  Crickhawel.) 

*  Ko  kyaeillt  Ewein.  (Ibid.)  EiMÎn.     (Ma  de  PUu  Gwyn.) 
»  Kwl  y  uot  a  dao  vrein.  (Affi.  de  CrickhotoeL) 

*  Marlh  ym  pa  vro.  [Ibid.)  March.  {Mu,  de  Hengurl.) 

»  Llad  vn  mab  Marro.  {M$8.  de  CriMi.)  Marco.  (Mu,  de  Heng.) 

*  Caeawc  cyohorawc  men  y  delei.  (Mes.  de  Plas  Gwyn.)  Gynhaiawc 
men  y  dehai.  (Mu.  de  Heng.) 

'  Diphon  ymlaen  ban  med  a  dalbei.  ^Mu.  de  PL  (i  J  Le  docteur 
Pagbe  (dicl.  t.  2»  p.  470 ,)  écrit  diffyn  et  modd,  c%  qui  change  le 
sens. 


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Plus  tôt  les  corbeaux  eurent  la  pâture  que 
les  lances  ne  furent  poussées  en  aidant. 

Owen  !  doux  compagnon  !  ton  corps  disparait 
sous  les  corbeaux. 

La  tristesse  est  au  pays  où  fut  tué  un  fils  des 
Marc'ho.  «t 


II. 


Ce  chef  couronné ,  [partout]  où  il  allait,  sans 
mesure,  devant  son  bataillon,  il  versait  Thydro- 
mel;  ^2 

Le  haut  de  son  bouclier  i3  était  troué  ;  quand 
il  avait  entendu  le  cri  de  guerre,  il  ne  faisait 
point  de  quartier  là  où  il  courait  ;  il  ne  quittait  pas 
le  champ  de  bataille ,  lorsque  le  sang  coulait  ; 
comme  des  joncs  il  fauchait  les  guerriers  ;  il  ne 
reculait  [jamais.] 

•  Toi  tal  i  rodawr  yn  y  ciywei.      (  J/m.  de  Ploê  Gwyn.) 

*  Aor  ni  rodei  Daad  meint  dilyDei.  {Ibid,  ) 
*o  Ny  cbiliei  o  gamhawn  yni  lerei,w»el 

Mal  brwyn  gymyiiei  gwyniyd  edie.  {Ibid,) 

*■  Mare'ko  est  synoDyuie  de  MHre'kion ,  oom  die  la  triba  à  la^ 

quelle  Owen  apparteDaU. 

I*  M.  Sharon  Tarner  a  cra  qa*U  s'agiseait  ici  d'in  autre  chef  que 

d'Owen ,  el  je  Taî  cra  moi-mâme  ;  naîa  il  y  a  plusieurs  raisons  de 

penser  le  contraire,  conme  on  le  verra  aui  notes  el  éclairasse* 

nenu. 

**  A  la  lettre  :  le  frotU  de  ea  randaeke. 


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252 
N'ez  adraoz  GododÎD ,  ar  laour  mordae , 
Rag  pebei  Madok,  pan  atkorae, 
Namen  un  oc*h  kant,  enn  e  deiae.  ^ 

III. 

Kaeaok  kenneviad,  kevlaz  hef  erouet  ;  2 
Ruzer  erer  enn  er  leir,  pan  liziouet  ;  5 
He  ammod  a  bou  not  a  karouet  ;  ^ 
Gwella  gounaez  he  arvaez;  ne  kiliouet 
Rag  bezin  Gododin ,  o  terc'houet  ;  ^ 
Hezer,  kemmellae  brezel  ;  banaouet;  ^ 
Ne  nodi  naz  eskez  nag  eskouet  ;  '^ 
Ne  hellir  annez  re  faez  bouet 
llag  erged  kadvanneu  kadouet.  8 


IV. 
Kaeaok  kenoraok ,  bleiz  he  baran ,  ^ 

■  Nys  adraud  Gododin  ar  lawr  merdei 
Rac  pebyll  Madauc  pao  ateorei 
Namyn  an  o  gant  yn  y  delei.       {llÊsi.  de  Pla$  Gtoyn.) 

•  Caeawc  cyuni?iad  cyulad  e  rwyt.  (Ilrid.) 
'  Ruibyr  eryr  yn  ebyr  pan  lithiwyt.  (l(nd.) 
^  Y  amot  a  va  nol  a  gatwyt.  (/6ùf.) 
'^  Gwell  a  wnaeth  y  araaeth  ny  giliwyl 

Rag  bedin  ododin  o  lechouyt.      (Mss.  de  Criekhùwel.} 

*  Hyder  gymmell  ar  vreiihel  vanawyt.  (Ikid-) 


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Le  Gododin  ne  compte ,  sur  le  rivage  de  la 
mer,  devant  les  tentes  de  Madok,  ^û  quand  il 
revint ,  qu'un  [guerrier]  sur  cent  de  retour, 

iir. 

Ce  chef  couronné ,  avec  son  javelot  [toujours] 
prêt ,  avait  Timpëtuosité  de  Taigle  du  rivage  j 
quand  il  a  été  alléché  [par  une  proie]  ;  sa  pro- 
messe était  une  marque  de  son  amitié  ;^1  il  exé- 
cuta de  son  mieux  son  projet;  il  ne  quitta  pas 
l'armée  de  Gododin ,  en  prenant  la  fuite  ;  intré- 
pide ,  il  excitait  la  guerre  ;  il  y  fut  exalté  ;  mais 
ni  lance,  ni  bouclier  ne  le  protégèrent  :  il  n'est 
pas  possible  qu'une  demeure  trop  [remplie]  de 
succulente  nourriture  soit  défendue  contre  l'at- 
taque des  hommes  de  guerre.  ^^ 

IV. 

Ce  chef  couronné  à  mine  de  loup,  [portait]  de 

7  Ne  nodi  nao  b^sgeib  Dtg  ysgwyt.  ("Jlfit.  de  Plas  Owyn.) 
•  Ny  ellir  anet  ry  vaetb  f wyt 
Rac  ergit  cadfaonaa  catwyt.  (Ibid.) 

"  Caeauc  kphorawc  bleid  e  maran.  (  IM4.) 

«0  II  était  petit-fils  d'Urien  et  nevea  d'Oweo. 
*  I  D'après  la  versioii  du  Uaa,  de  Plas  Gwyo ,  il  faudrait  traduire  : 
Sa  promesse  était  sacrée;  U  la  tenait. 

■*  C'est  le  sens  de  cette  maxime  de  Cicéron  :  NU  potest  venter 
cibo  et  poiUme  completus. 


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j 


254 
Gwevraour  godroueaour  torc'haour  amran'  :  ^ 
Bou  gwevraour  gwerz  maour ,  ^  gw6rz  maoor  gwin 

man.  ^ 
Hef  gourzodez  gouriz  gouir  diskran 
Ez  deue  Gwened-a-Goglez,  o  rann , 
Oc'h  kesul  mab  Eskerann , 
Eskouedour  aokefan.  ^ 

•  o 


Kaeaok  kenoraok  arvaok  eoD  gaour ,  ^ 
Kent  lia  diw^,  gour  gourz  enn  gweâour ,  ^ 
ILenraim  cdd  rak  gwan  ^  rag  bezinaour , 
Koueze  pemp  pemp-pouDt  rag  he  lavnaoar  :  "2 
Oc'h  gouir  Deuir  ha  Brenec'h  y  dic^hraour , 
Ugent  kant  e  divant  enn  un  haour.  ^ 
Kent  ë  kik  ê  bleiz  nag  it  ê  neiziaour.  ^ 


<  Guefrtwr  godrwyawr  torchawr  am  raD.    (J|f««.  dt  Plas  Gtoyn.) 

*  Gwefrawr  godiw  awr.  (  Ibid,) 

*  Gwenhvawr  gwÎDTan  {Ma.)  gnerlh  gwiD  vtn.  (Wfi.  de  Heng.) 

*  Ef  gwrihodes  gwrys  gwyar  discrein 
Kyt  diffei  wyned  a  Gogled  eî  ran 

0  gyssol  mab  ysgyraD 

Tsgwydawr  angkyfan.  {Ma.  de  Plas  Ovfyn.) 

0  J*indiqvey  par  ces  poinu«  les  laeenes  qii  me  paraisseoi  exis- 
1er  dans  le  llss. 

*  Ceeawe  kynhorauc  amawc  ygkawr.  (  /M.) 

*  RyDodiwygwr  gwrd  eggwyawr.  (Ibid,) 


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Tambre  en  forme  de  bandeau  tordu  autour  de 
ses  tempes  :  l'ambre  avait  coûte  cher;  cher 
coûta  le  vin  de  l'orgie  :  il  dédaigna  la  fureur 
d'hommes  vils  venant  en  Gwéned-au-Nord,  ^0  pour 
partager  [nos  dépouilles] ,  d'après  les  conseils  du 
fils  d'Eskerann^  le  guerrier  au  bouclier  brisé.     . 


Ce  chef  couronné,  armé  en  guerre,  brave,  ar- 
dent au  milieu  du  sang  ruisselant,  ce  chef,  avant 
qu'il  n'eût  été  affaibli,  avait,  au  front  de  bataille, 
fait  tomber  cinq  fois  cinq  bataillons  [ennemis] 
sous  les  coups  de  sa  lance  :  des  guerriers  Déiriens 
et  Berniciens, —  hommes  terribles, —  deux  mille 
périrent  en  une  heure.  Plus  tôt  loup  eut  la  chair 
que  toi  le  [vin ,  du]  banquet;  [6  guerrier.] 

'  Kyuran  ym  raeuan  rac  bydÎMwr 

Cwydei  pym  pymant  rac  j  la  awr  (/6ûi.)  ne  y  ta  awr  (Wm.  de 
Heng.) 

•  0  wyr  deifr  a  Bryneicb  dychiawr 

Ugeiotcant  en  diuant  yn  in  awr.  {Êfa.  êê  Pla$  Owffn.) 

*  Rynt  y  gîg  y  vleid  nog  yt  e  neithiawr. 

*^  On  donnait  le  nom  de  Gwimd^iU'Nord,  ponr  le  disUngter 
de  G^oénêd-^n-OaUêit  an  petit  royaame  des  Bretons  de  Strtih- 
Clyde ,  qn*on  nommait  aussi  royaume  de  Goglez  ou  du  Nord.  (Th. 
Priée,  Eanes  Cymru,  p.  277.) 


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256 
Kent  he  buz  é  bran  nag  it  é  gelaour  ;  ^ 
Keût  nag  ai^evrein  ê  gwaed  é  laour ,  2 
Gwerz  mez ,  eun  kentes^ ,  gan  Uvedaour.  ^ 
Kenet  hir!  erm^ir,  tra  bo  kerzaour  !  ^ 


VI. 

Gouir  a  aez  Gododin  c'hoerzin'  ognao  ;  ^ 
Chouerven  trin,  alaen  en  emzuliao;  6 
Berr  blenez  enn  hez  ez  int  int-hao  :  '^ 
Mab  Bodgad  gounaez  goueniez  gouniz  be  lao.  ^ 
Kentelouentelanueu  e  penitiao,  9 
Ha  henn  ha  ieuank  ha  hezer  a  lao  j  ^^ 
Dadeldiheu  Ankeu  enn  heu  treiziao.  ^^ 


'  Ryut  e  vud  y  vran  noi  yt  alUwr  {Mss.  de  PL  G»)  y  elawr  (Mst. 
de  Heng.) 

>  Kynt  DOC  argyvreio  e  waet  e  lawr.  (!#««.  lie  PL  €f.) 

Ce  ters  manque  dans  le  Mss.  de  Hengurt. 

»  Gwerth  med  ygkynted  gan  liwedawr  {Ms$.  de  PL  0.)  Hwed 
awr.  (Msi.  de  Heng.) 

*  Ryfeid  hir  ermygir  tra  uo  kerdawr  {Mes  de  Pi.  G.)  kyoeid  hir 
ermygir.  (Mss.  de  Heng.) 

Le  docteur  0.  Paghe  a  lo  Hynetiddhir  (dict.  t.  2 ,  p.  287,)  vx 
a  cra  que  c*était  le  nom  d'ua  chef.  Evan  Evans  est  tombé  dans  la 
même  erreur. 

^  Gwyr  a  aeih  Ododin  chwerlhîn  ogoaw.  (Mss.  de  PL  G.) 

*  Chwerw  yn  trin  a  laio  yn  ymduiiaw.  (Ibid.) 


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257 
Plus  tôt  le  corbeau  eut  sa  proie  que  toi  un  cer- 
cueil ;  12  plus  tôt  que  les  lances  ne  furent  pous- 
sées en  avant,  la  terre  [but]  le  sang,  prix  de  Thy- 
dromel [verse ,]  sous  les  portiques,  ^^  à  la  foule. 
Ah!  sois  célébré  longtemps!  sois  glorifié,  tant 
qu'existera  le  chanteur  ! 

VI. 

Les  guerriers  qui  partirent  pour  Gododin  riaient 
fort.  Le  combat  [fut]  très  rude ,  avec  des  épées  qui 
s'entrechoquaient;  les  années  qu'ils  passèrent  en 
paix  furent  courtes;  le  fik  de  Bodgad,  à  la  main 
vaillante,  en  fit  des  plaintes.  Avant  qu'ils  pussent 
aller  dans  les  églises  pour  foire  pénitence,  U  et  les 
Yieui,  et  les  jeunes^  et  les  [plus}  vigoureux  de 
poignet ,  les  traits  sûrs  de  la  mort  les  traneperoè- 
rent[tous.] 

'  Byrr  vlyned  yn  ked  yà  ynt  yndaw  {Ibid.)  udynt  yndaw  (Hm.  âe 

Heng.) 

*  Mab  Botgat  ganaetb  guynieth  gunith  e  Itw.    {Ma*  de  PL  6.) 
»  Kyt  elwynt  y  lanDeu  y  benytîaw.  (IMd,)  M.  Sharon  Turner  a 

cru  qa'on  devait  lire  :  Kyt  elwynt  y  lawn  eu  y  benytîaw  ;  mais  il 

s'est  évidemment  trompé. 

*®  A  hen  a  ieneinc  a  bydr  allaw.  {Ibid,) 

"  Dadyl  dihea  angeu  yn  en  treidiaw.  {IMJ) 

'*  Eb  suivant  la  version  du  Mas.  de  Plas  Ghryn,  on  traduirait  :  Le 

corbeau  eut  «a  proie  plus  tôt  que  l*antel. 

•s  A  la  lettre  :  à  l'enirêe  [dé  la  sdle]  ;  dam  le  vestibule. 

**  On  ne  doit  pas  oublier  qu'Aueurii  éuit  chrétien  et  frère  de 

saint  Gildas,  le  Jérémie  breto». 

17 


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258 
VII. 

Gouir  a  aez  Gododin  c'hoerzin'  gwanar  :  ^ 
Diskennez  enn  bezin  trin  diac'har  ;  2 
Houei  laze  a  lavnaour ,  heb  maour  tridar ,  ^ 
Kolovn  gleou ,  reîz ,  beo  ;  roze  arfar.  -* 


VIII. 

Gouir  a  aez  Kaltraez  oez  fraez ê  lu;  ^ 
Glas  mez,  heu  ankouen ,  ha  heu  gweoouenbu;  6 
Tric'haDt,  troue  peiriant,  ennkadaû;  7 
Ha ,  gouede  elouc'h ,  tavelouc'h  bu  :  ^ 
Kent  elouent  e  lanneu  e  penitu ,  9 
Dadel  diheu  Ankeu  enn  heu  treuzu.  ^0 


•  Gwyr  a  teth  Ododin  chweribin  wanar.  (Mu.  di  Ploi  Oufffn») 
t  Digyn  aei  em  bydin  Irin  dîachar  {Ihid,)  digynuy  ei  emm  bydin. 

(M$$.  de  Heng.) 

s  Wy  ledi  a  lavnawr  eb  vawr  drydar.      {Mu,  de  Pku  Owyn.) 

*  Colofo  glyw  reith  ?yw  rodi  arwar.  (Ibid.) 
'(  Gwyr  a  aeih  Gallraetb  oed'fraeth  y  lu.  (/Md.) 


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259 

VII.    \ 

Les  guerriers  qui  partirent  pour  Gododin  riaient 
en  marche  :  [soudain]  une  descente  perfide  [jeta] 
le  tumulte  dans  Farmée;  [les  ennemb]  tuèrent  à 
coups  de  lances  y  sans  grand  bruit ,  une  colonne 
vaillante ,  bien  rangée ,  vive  ;  ils  la  rendirent 
muette. 


VIII. 

Des  guerriers  qui  partirent  pour  Kaltraez  Tar- 
mëe  était  bruyante  ;  le  pâle  hydromel ,  leur  breu- 
vage ,  devint  leur  poison  ;  trois  cents  [s'élancèrent,] 
à  travers  les  lances  y  en  combattant;  mais,  après 
le  bruit ,  ce  fut  le  silence  :  avant  qu'ils  pussent 
aller  dans  les  églises  pour  faire  pénitence,  les 
traits  sûrs  de  la  Mort  les  transpercèrent . 


*  Glâsved  eu  haocwyn  a  e  gweowyn  vu.     {Mts.  de  Criekh&wd.) 
'  Trychant  trwy  bdriant  yn  caUu.  (M»,  de  PL  O.) 

•  A  gwedy  elwch  tawelwch  vn,  (Ibid.) 
^     Ryt  élwyDt  y  lanuea  y  beoytu. 

<«  Dadyl  dieu  augeu  yn  eu  treadu  (/Md.)  y  eu  trenda.  {Ma*  de 
Heng.) 


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IX. 

Gouir  aaez  Kaltraez,  mez  maez  mezoun\  ^ 
Ferv,  frouez  laoun  ;  oez  kam  na^z  kempouelloun;  2 
Eam  lavnaour  kodi,  gormaour,  gourmcun,^ 
Doues,  dengen  ez  emlazen'  aer-koun.  ^  • 
Ha  !  V  teuhi  Brinec'h  !  pe  ec'h  barnasoun , 
Difiou  den  enn  beo  n'ez  gadaoasoan  !  ^ 
Refel  a  kolliz  difleiz  oz  oun  ;  6 
Rugel  en  emwerzrein  ren  riadoun  ;  *? 
Ne  mennouez  gouraoul  gwadaoul  c'hou^^roiin , 
Maban  ê  Kian,  oc'h  Maen  gwenn  koun.  ^ 


Gouir  a  aez  Kaltraez,  gan  gwaour^ 

■  Gwyr  i  telh  Gattraez  TedYseth  vedwa.        {M$$..de  Criekh.) 

*  Phyra  fraythlaun  oed  cam  dis  cymhoyllwn.    {Mss.  de  PI.  6.) 
'  Y  am  lavnawr  cocb  gorfawr  gwrmwD.  (Ibid.) 

*  Dwjs  dengyn-  yd  ymledyn  aergwD.  (Ibid. ) 
»  Ar  dealu  Bryneich  be  ich  baraaaswn 

Diiiw  dyD  yn  vyw  nys  gadanfwfw.  (41m.  d$  Criekk.) 

Le  doctenv  Owen  a  ici  raison  eomm  Bian  Evant,  <|»  a  hi  dyUf, 
déloge. 

*  Cyueillt  a  goUeis  dipbleis  od  awn,  (Mn.  de  PI.  fi.) 
Owen  Pttgbe  a  cm  qo^il  fallait  lite  oediim  (j'étaîe);  maïs  pea 

un  seul  mannscril,  à  ma  connaissance,  ne  porte  celte  fariante, 


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264 
IX. 

Les  guerriers  qui  partirent  pour  Kaltraez, 
après  s'être  enivres  d'hydromel ,  [étaient]  iné- 
branlables,  pleins  de  vigueur;  (ce  serait  mal,  si 
je  ne  les  mentionnais  pas)  :  avec  des  lames  rou- 
ges, immenses,  sombres,  incessamment,  opiniâ- 
trement combattirent  ces  chiens  de  guerre.  Ah  ! 
maison  de  Bernicie!  si  vous  m'aviez  eu  pour 
juge,  je  n'aurais  pas  laissé  en  vie  [chez  vous] 
Pombre  d'un  homme  !  Je  perdis  un  compagnon 
inaccessible  à  la  crainte;  il  tomba  en  résistant 
au  terrible  oppresseur  ;  il  ne  demanda  point  la 
dot  [de  sa  femme]  à  son  beau-père ,  9  le  brave, 
le  fils  de  Kian ,  ^^  de  la  Roche  au  blanc  som- 
met. ^* 


Les  guerriers  qui  partirent  pour  Kaltraez,  avec 

aussi  peo  naturelle  que  sa  traduction  de  ce  vers.  (V.  son  Dict.  1. 1 , 
p.  447. 
'  Ragyl  yn  ymwertbryn  ryn  riadwn.  (Mu*  de  Chrick.) 

•  Ny  mynws  gwrawl  gwadawl  chwegrwn 
liaban  y  Gian  o  vaea  gwyngwn.  (  JIm.  de  PL  0») 

•  C.'à'd.  il  ne  se  maria  point. 

*<>  Ce  guerrier  est  peut-être  Kian»  sunommé  Gwwc'hlan,  barde 
du  V«  siècle. 

il  Probablement  la  ville  actuelle  de  Manchester,  dont  les  Romains 
auraient  changé  le  nom  breton  M aengwenkoun  (par  conlncUon  Nan* 
koun)  en  Maneunium,  Voy.  la  carte  de  Ptolémée. 


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262 
Travodent  enn  hed  enn  hovnaouF  :  i 
Mil  kant  ha  tric'hant  a  emtavlaour  ; 
Gwear  leiz  a  gwenodent  gwaev  laour  ; 
Enn  gorzav,  enn  gouriav,  enn  gouriaour, 
Rag  koskorz  Menezok  mouenvaour.  2 


XI. 


Gouir  a  aez  Kaltraez ,  gan  gwaour , 
Digemeniz  heu  hoed,  heu  ankenaour;  ^ 
Mez  event  melen ,  melus,  maglaour  ; 
Bioezen  bou  leuen  ;  laouen  kerzaour  ;  4 
Koc'h  heu  kleze  maour  ha  plumaour  ^  ^ 
Heu  lavn  gwenn  gwalc'h  ha  pedriolet  peunaour, 
Rag  koskorz  Menezok  mouenvaour.  ^ 


XII. 
Gouir  a  aez  Kaltraez ,  gan  dez, 

I  Gwyr  a  aelb  Gattraeib  gao  uawr 
TravodyDt  eu  hed  eu  hofoawr.  {itss.  de  PL  G.) 

•  Milcant  a  trychanl  a  emdaflawr 
GwyarUyt  a  gwynodynt  waeulawr 
Ef  gorsaf  eng  gwriaf  eug  gwriawr 

Rac  goagord  Mynydawc  mwyu  vawr.  (I6td.) 

*  Dygymynis  ou  hoel  eu  haganawr.  ilàid.) 


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263 
l*aurore ,  se  défendirent  dans  la  déroute  en  bra- 
ves :  onze  cents  et  trois  cents  s'entrechoquèrent  ; 
dégoûtante  de  sang,  leur  lance  traçait  un  sentier 
sur  la  terre;  [ils  moururent]  debout ,  en  braves, 
en  héros,  au  premier  rai^g  de  Tarmée  de  Méné- 
zok,  le  [guerrier]  courtois. 

XI. 

Les  guerriers  qui  partirent  pour  Kaltraez,  avec 
l'aurore ,  sont  respectables  par  leur  malheur , 
par  leurs  angoisses  :  ils  burent  l'hydromel  jaune , 
mielleux ,  enivrant  ;  leur  vie  fut  un  météore  ;  ils 
réjouirent  les  chanteurs;  ils  rougirent  [de  sang] 
leur  grande  épée  et  leurs  panaches ,  leurs  lames 
bien  fourbies  et  leurs  heaumes  à  quatre  côtés ,  à 
l'avant-garde  de  l'armée  de  Ménézok,  le  [guer- 
rier] courtois. 

XII. 

Les  guerriers  qui  partirent  pour  Kaltraez,  avec 

*  Ifed  yvyDl  melyn  melys  miglawr 

Blwydyn  ba  llewyn  lltwer  kerdawr.  (Ibid,) 

*  Goch  eu  cledyfawr  na  phlavawr.  [Ibid,) 

*  E\i  Uain  gwyngalc'li  a  phedryolet  benawr 
Rac  gosgordd  mynydawr  mwynvawr. 

(Mu,  de  Oiekhowel.) 


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264 
Ne'z  goreu^  o  kadaû,  kewUez?  ^ 
Houei  gounaezant  enn  keugant  gelorouez 
A  lavnaour  y  ladun  anaaoud  hemb  bedez  I  % 
Goreu  eo  hen  ken  kesdouo  karentez.  5 
Eoeint  kreu  hag  ankeu  oc'h  henez,  4 
Rag  bezin  Gododin ,  pan  bou  dez  ;  ^ 
Ne'z  goreu,  dan  poelliad,  nerziad  gouec'hez?  ^ 


XIII. 

Gour  a  aez  Kaltraez ,  gan  dez ,  7 
Ne  leouez  hef  mez  gwenn  be  Doezez  ?  ^ 
Bou  truan  kenadkan  kevlouez;  9 
E  neges  hef  oc'h  trac'hourez  dringedez.  ^^ 
Ne  kresiaz  Kaltraez 
Maour  mor  ehelaez 
E  arvaezy  uc'h  arwez  ;  ** 


'  Gwyr  a  aetb  Gattraeth  gan  dyd 
Neu8  gorea  0  gadea  gewilyd.  (M$$.  de  PUu*  Gw^.) 

*  Wy  gwDaetbantyn  geugantgelorwyd 

A  llafnaar  UawD  anaawd  em  bedyd.  (/6«d.) 

>  Goreu  yw  byn  kyn  kysUwB  oarennyd.  (Mm-  de  Crick.) 

^  EmeiDtcren  ae  angeu  ce  bemnyd.  (Mat.  PI.  0») 

*  Rac  bedyn  Ododin  pan  bn  dyd.  (if es,  de  Criek.) 

*  Ce  vers  manque  dans  le  manascril  de  Pbs  Gwya. 
'  Ce  vers  manque  aussi  dans  le  même  manuaoril. 

*  Ne  lewes  ef  med  gwyn  Teinoethyd .  (  Ibid.) 
'  Bu  truan  gynatcan  gyuluyd.                                   (Ibid.) 


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le  jour,  ne  firent-ils  pas,  eo  combattant,  la  plus 
belle  défense  unanime  ?  Ils  firent  certes  Uen  des 
cercueils  avec  leurs  lames  ^  [bien  des  cercueils] 
remplis  d'aventuriers  sans  baptême  !  ^^  Gela  vaut 
mieux  que  de  former  des  aUiances  :  13  ils  rani- 
mèrent leur  vie  dans  le  sang  et  la  mort,  ^*  à 
Tavant-garde  de  Farmée  de  Gododin ,  quand  vint 
le  jour  :  n'est-elle  pas  d^autant  plus  énei^;ique 
qu'elle  est  plus  comprimée,  la  vigueur  du  brave  ? 

XIII. 

Un  des  guerriers  ^5  qui  partirent  pour  Kal- 
traez,  avec  le  jour,  n'avait-il  pas  bu  [aussi] 
rhydromel  brillant  qui  lui  fut  fatal?  un  sort  mi- 
sérable lui  avait  été  prédit;  mais  son  occupation 
habituelle  était  de  tout  surmonter  avec  une  ardeur 
extrême.  Il  n'alla  point  à  Kaltraez  de  chef  d'une 
ambition  plus  vaste,  d'un  étendard  plus  haut; 

■<^  Y  neges  ef  0  dncbwres  dringledyd.  {Mu.  PL  6.) 

Il  Ny  chryssius  Gaitraeth  mawr 
M  or  ebelaetb  y  anraeih  och  arwyd.  (Ibid.) 

L'éditeur  du  Myvyrian  archoMogy  a  détniit  la  mesure  de  ces 
trois  vers  eo  les  publiant  ainsi. 

**  De  Saxons  payens. 

'S  On  se  rapelie  ce  vers  de  Liwarc*h-Henn  :  Malheur  a^  jeunet 
gens  qui  rechercherU  le$  alliancei! 

^*  Littéralement  :  Le  eang  et  la  mort  [furent]  le  baume  de  leur 
vie, 

''^  Le  chef  Tudvoulr'h-hir. 


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Ni  bou  mor  kefor, 

Oc'h  Eidin  eskor ,  * 

A  eskare  oswez  :  * 

Tudvoulc*h-hirl  ec'h  è  tir  a  he  trevez  ! 

Hef  laze  Saezon  seizved  dez  !  ' 
Ferez  he  goured  enn  gour  reiz ,  ^ 
Hag  he  koven  gan  ugent  keveeez.  ^ 
Pan  deve  Tudvoulc*h ,  tud  nerzez, 
Oez  gwaed  lan  gwialvan  mab  Kilez.  ^ 


XIV. 

Gouir  a  aez  Kaltraez^  gan  gwaour, 
Gweneb  uzen  eskorva  eskouedaour  ;  '^ 
Kreu  kerc'hent ,  ken  hent  treiaour  ;  8 
Enn  kenvan  mal  taran  tourf  aesaour.  9 
Gour  gorventy  gour  ezwent,  gour  laour 

•  Ny  bu  mor  gyfor 
0  Eidin  yscor.  (llnd,) 

t  Âescarei  oswyd  (Iffid,)  0  ysgar  ei  oswys.  {Ma-  de  Heng.) 
%  Totfwlchir  ech  y  dir  te  drevyd 
Ef  laddei  SaesoD  seilhved  dyd.      (U$s,  de  PL  G.) 
*  Perheit  ei  wrhyd  yo  wr  rhyd.  (Ifnd.) 

Owen  a  In  pareU  ce  qui  change  le  temps  de  l'action ,  et  un  peu 
le  sens. 

<*  Âe  govein  gan  ugein  gyweiihyd.  {Ibid.) 
•  Pan  dy?u  Dudfwlch  dut  nerlbyd 
Oed  gwaetlan  gwiaUan  vab  Rilyd.  (/6td.)  Le  manus- 
crit de  Heng.  écrit  mal  Eilyd, 


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267 
il  n'y  eut  pas  de  plus  grande  armée,  venant  du 
fort  d'Edin,  qui  dispersa  mieux  les  ravageurs 
que  la  sienne  :  Tudvoulr'h-hir  !  Une  butte  de 
terre  [est  maintenant]  sa  demeure!  qu'il  tua  de 
Saxons  le  septième  jourl  ^^  Son  courage  le  main- 
tint  bomme  libre,  et  son  souvenir  [est  gardé] 
par  tous  ses  auxiliaires.  H  Quand  périt  Tud- 
voulr'h  j  ce  renfort  de  sa  nation ,  il  fut  [changé 
en]  un  lieu  de  sang,  le  poste  du  fils  de  Riiez  ^^ 
sur  la  tranchée.  ^^ 

XIV. 

Les  guerriers  qui  partirent  pour  Kaltraez  , 
avec  l'aurore,  ne  tentèrent  point  de  se  mettre 
à  Tabri  de  leurs  écus;  ils  cherchèrent  du  sang, 
avant  le  reflux  de  la  marée  ;  dans  le  combat , 
comme  le  tonnerre ,   retentissaient  leurs  bou* 

7  Wyneb  udjû  ysgor?a  ysgwydawr.  (Mu.  de  Criek,) 

.  Créa  kynhyot  cynoullint  reiaoar.  (3U$,  de  PI.  Q.) 

9  Yn  gynyan  mal  larao  twrf  aesawr.  (M$t.  de  Crick.) 

*^  Le  lundi;  on  ?erra  plus  loin  qu'on  se  battit  une  semaine 

entière. 
it  Littéralement  :  par  vingt  de  ses  auxiliaires.  M.   Edward 

Davies  a  lu  ei  ^«tn(ses  illustres);  mais  ici ,  comme  toujours,  Tima- 

gination  de  ce  trop  ingénieux  antiquaire  a  lu  par  ses  yeux. 

**  Le  héros  Kilbonr*h  ou  Kilhwc*b ,  si  célèbre  plus  Urd  dans  les 

contes  populaires  gallois. 

"  Littéralement  :  au  poste  de  la  palissade.  (De  gwial,  gaule ^ 

pieu,  palissade,  et  de  man,  lieu,  poste.) 


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268 
Hef  rouege,  a  kezre  a  kezraour.  ^ 
Oz  uclij  le,  lazez,  a  lavDaour,  ^ 
Enn  kestuz,  haeam,  dur,  arbennaour;  5 
E  mordaei  estenge  a  deladaour  ;  4 
Rag  erze  e  tec'he  bezinaour.  5 


XV. 

Oc'h  brezel  Kaltraez  pan  azrodir ,  ^ 
Maon  dec'hourant  ;  heu  hoed  bo  hir  ;  "^ 
Edem  diedern ,  ha  mogen  tir , 
Ha  meibion  Godebok,  gwerin  enwir, 
Deporzent  gouesaour  keloraour  hir.  ^ 
Bou  truan  tonkedven ,  anken  kewir  ^ 
A  tonket  i  Tudvoulc'h  ha  Kevoulo'h  hir  ; 
Keil  event  mez  gloeou ,  ourz  liou  pabir  ;  ^^ 

•      Gwr  gortyot  gwr  el^vjnl  gwr  llawr 
Ef  rwegei  t  chethrei  a  chethrawr.     (Ms*.  de  Crick.) 

*  Od  ucb  lied  lladei  y  lafoawr.  (JlfM.  de  PI.  G.)  0  dduch  lie  lla- 
des  a  llafoawr.  (JlfM.  de  Heng.) 

*  Tg  gystud  beyrn  dar  arbennawr.  {U$$.  de  PL  G.) 

*  Y  mordai  ystynget  a  dyledawr.  (Mit,  de  Crick.) 

*  Rac  erthei  erthycbei  vydiDawr.  {Mss,  de  PL  0.)  Erlrychei 
vidÎDawr.  {Ms*.  de  Heng.) 

«  0  vreiibell  Gatlraeth  pan  adrotir.  {Ma.  de  Criek.) 


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cliers.  Le  guerrier  léger ,  le  guerrier  lâche ,  un 
guerrier  rival  le  déchirait ,  et  se  battait  avec  un 
combattant  [digne  de  lui.  ]  De  haut  en  bas ,  en 
travers 9  avec  leurs  lames,  les  chefs  coupaient, 
dans  le  tumulte ,  le  fer  et  Tacier  ;  [tant  que]  le 
rivage  de  la  mer  s'abtma  sous  les  vagues  ;  et 
devant  la  marée,  se  retirèrent  les  [deux]  ar- 
inées. 

XV 

Lorsque  Ton  parlera  de  la  bataille  de  Kaltraez, 
les  peuples  pleureront;  leur  regret  sera  long;  [ils 
pleureront]  la  souveraineté  sans  souverain,  et 
la  terre  [natale]  assombrie ,  et  les  fils  de  Godébok , 
troupe  loyale,  que  de  longs  chars  funèbres  por- 
tèrent à  la  tombe,  il  II  fut  misérable  le  sort ,  il  se 
vérifia,  le  destin  assigné  à  Tudvoulr'h  et  à  Ké- 
voulr^h-hir;  ensemble  ils  burent  Fhydromel  bril- 

'*  Maon  djchurani  en  boed  b»  bir  {Ibid.)  djcbtriDt.  {Mu  de 
PL  G.) 

•  Edyn  died^  t  B jg]fB  dir 

A  meibion  Godebawc  gwefin  enwir 

D|phortbjDi  gowysawr  gdertwr  bir.    (Mu.  4$  Ortcik.) 

*  Bq  trnad  dyngedven  togea  gywhr 

A  d^Bgtd  i  Dndvwlcb  a  ajnrkb  bir.        (/M.) 
*«  Aed  jfent  vet  gloew  wrtb  Hw  bdbir.  {ibiê.)  Cyt  yfen  ted. 

{M$$.  de  Bêng,) 
'■  Littévale«ent  :  à  la  emmmpUom. 


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270 
Keit  be  da  he  blas ,  he  kas  bou  hir  <  ^ 


XVI. 

Blaen,  ec'h  ec'hong-kaer  klaer ,  e  gwgae;  * 
Gouir  gwerez  gwanar  a  he  delenae ,  ^ 
Blaen,  digoUovet  buàl,  er  eouenaour  mordae;  4 
Blaeoy  gwiraod  bragaod  hef  debezae  ;  ^ 
Blaen,  aour  ha  porfor  kan  a  he  megae;  ^ 
Blaen^  he  destraour  pask  ahe  gwaredae^ 
Gwarslev ,  hag  heno  pred  a  he  derledae  ;  ^ 
Blaen,  e  gwere  gwaeourbuzvaour,  trae;  9 
H'ars  enn  louroii ,  bis*houer  e  tec'hae.  ^^ 


XVII. 
Enn  haour  kenhornan  ^^ 

•  Cyt  vel  dt  ei  vUs  ei  gas  bn  hir.  (JVm.  de  Criek.)  Cyt  Tei  dt  ei 
vlas  j  gasba  bir.  {Mss,  de  Heng.) 

I  Blaen  echeching  gaer  glaer  ewgei.  [Mti  de  PL  0,)  Blaen  ych 
echiniggaer  y  negei.  (Mu.  de  Heng,) 

sGwyr  gweryd  gwanar  a  e  dilynm.  (Mt$,  de  Criek.) 

*  Ce  vers  est  tronqué  dans  tous  les  manuseriis ,  et  je  oe  réponds 
pas  de  l'avoir  bien  rétabli  ;  on  Ut  dans  le  manuscrit  de  Hengurt  : 
Blaen  ar  y....  dygalonnit  vual;  dans  les  autres  :  Blaen  ar  y  blndue 
dlgoUovit  vual  er  ewyvnawr  vordei. 


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271 
lant,  à  la  lueur  des  torches;  ensemble  [ils  trou- 
vèrent] son  goût  agréable ,  [mais]  ^n  ressentiment 
fut  long. 

XVI. 

Le  premier ,  des  hauteurs  de  la  belle  citadelle 
close ^  [Tudvoulr'h]  regarda;  suivi  de  ses  guerriers 
en  marche  parmi  la  verdure,  le  premier,  [il  s'é- 
lança,] bu(Te  délié,  sur  le  rivage  écumeux  ;  le  pre- 
mier ,  il  avait  versé  la  limpide  cervoise  ;  le  pre- 
mier, brillant  d'or  et  de  pourpre,  il  s'illus- 
tra; le  premier,  les  chevaux  qu'il  avait  nour- 
ris le  préservèrent  de  toute  injure ,  et  il  mérita 
une  belle  renommée;  le  premier,  il  avait  poussé 
le  cri  de  guerre  qui  donne  le  butin ,  à  la  marée 
montante,  et,  si  elle  ne  l'eut  arrêté,  jamais  il  n'eut 
reculé. 

XVII. 
A  l'heure  où  se  leva  le  premier  rayon  du  so- 

^  Blaen  gwirawt  vragaut  ef  dybydei.  (Mu.  de  PI,  G.) 

•  Blaen  ear  a  porphor  cein  as  mygei.  {Ibid.) 

'  Blaen  eddyslraour  pasc  aegwaredei.  {Ilrid.)  Blaen  eddysUawr. 

{Ma.  de  Heng,) 
'•  Gwarthlef  ag  evo  bryd  ai  derllydei.  {Ibid.  ) 

»  Blaen  erwyre  gawr  bodvawr  drei.  {Ibid.) 

«»  Ârth  yn  llwrw  byth  hwyr  y  tecbei.  (Mss.  de  Criek.) 

<«  Ânawr  gynboraan.  {Ma.  de  PL  G.)k  nawr  gynbornan.  {Mu. 
Heng.) 


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272 
Huan  arweran ,  i 
Gwledik  ged  kevkaen , 
Nev  enez  Preden ,  * 
Garv  red  rag  ren 
Aes  f  e  lourou  buzen  !  ^ 

Bual  oez  arwenn  ^ 
£nn  kentez  Ëiden  ;  ^ 
Erc'hez  reodres  é  mez  mezouod;  ^ 
Eve  gwiii  gwirod; 
Oez  erfid  fedel  ; 
Eve  gwin  govel ,  ^ 
Aer  bez  eûn  arfel  ; 
Aer  geai  'nn  fedel,  ^ 
Aer  adan  klaer ,  ^ 
Keinen,  kennet,  aer,  iO 
Aer  sehrcliiaok, 
Aer  edenaok.  ^^ 

N'ez  oez  diref  eskouet  ^2 

<  Hmnn  trw^inti.  (Ifr^.  PT.  £r.)Hiiàn  ar  wyfav.  (JVra .  île  tieng.) 

*  Gwledig  gyd  gyfgein 

Nef  ynys  Brydein.  {M$$  de  Crick .) 

*  Garw  ryt  rac  rhyn 

Aes  e  Iwrw  budyD .  (  Ibid.) 

A  Boal  oed  arwyn  {Ibid,)  an^yn.  {Mss.  de  Heng,) 
■  Tgkented  Eidyn.  {Uu.  de  PI.  G.)  Vgeunted.  (Mis.deBeng.) 

•  Erc*hyd  ryodres  e  ved  medwawd.  {l/ss.  de  PU  Cf.)  Tribyd 

ryodres  eved  medaaud.  {Mss,  de  Heng.) 
'  Tveî  wÎD  gwirawt 
Oed  er?id  fedel 


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275 
leii,  ce  roi  avec  ses  splendeurs,  dans  le  ciel  de 
Tîle  de  Bretagne ,  quelle  rude  course  devant  Tas- 
saut  du  bouclier,  dans  l'intention  [de  faire]  du 
butin  ! 


Le  buffle  ^^  était  [là]  resplendissant ,  sous  les 
portiques  d'Edin;  *^il  demanda  d'un  ton  d'au- 
torité de  l'hydromel  enivrant  ;  il  but  le  vin  lim- 
pide, [puis]  un  engagement  eut  lieu  dans  la  tran- 
chée; il  but  le  vin  transparent;  ce  fut  en  signe  de 
défi  guerrier;  le  combat  prit  naissance  dans  la 
tranchée  ;  un  combat  à  aile  déployée ,  un  brillant, 
un  flamboyant  combat  ;  un  combat  armé  de  pied 
en  cap,  un  combat  ailé. 


H  n'y  avait  point  de  bouclier  immobile  devant 


Yvei  wingowel. 

(Mw.  de  PL  G.) 

«  Aerveid  yn  arvel 

Aer  gennin  vedel. 

(ibid.y 

•  Aer  a  dan  glaer.  [Ibid.  )  Adan. 

{M$8.  de  Ueng.) 

*^  Renyokenit  aer. 

(Ms*.  de  PL  G.) 

•»  Aer  seirchiawc 

Aer  edeoawc. 

{ilnd.) 

"  Nid  oed  diryf  y  ysgwyd. 

(tbid.) 

**  Le  baffle  délié,  ttôimiié  précédeiniiieiit, 

c.à.d.Tudtoulf'h. 

•«  La  tffle  «tetééflë  deCaridlti,  ou  Edlmboarg  même. 

18 


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274 
Gan  gwaeaour;  plemnoued  ^ 
Kouezen'  kenwezioo.  ^ 

Enn  kad  plemnoued ,  ^ 
Diesik  ez  eaz  ; 
Divevelez  talaz; 
Hud  ez  ewiliiaz  ^ 
Ken  be  é  laour  glas  4 
Bez ,  goiir  gwelink  bras!  ^ 


XVIII. 

Teizieamgant, 
Tri  loure  novant , 
Pemp  pount  ha  pemp  kant 
Trec'houn ,  ha  tric'hanl  ;  6 
Tric'hant  kad  marc'haok  ^ 
Eidin  aour  uc'haok;  ^ 
Tri  lulorigaok; 
Tri  aour  teîrn  torc'haok  ;  ^ 

I  Gan  ^aeawr  plymnwyt.  {Mis,  de  PL  fî.) 

^  Cuydyn  gyvoedyon.  {Ibid.)  Cnydyn  gynvedyon.  (JH$s.  de  Oeng.) 
^  Ygcal  blymowyt.  (JVm.  de  Cri^k.) 

*  Diyssic  yd  ias 

Divevyl  as  talas 

Hudit  ewyllyâs 

Ryn  by  dawrglas.  {Mu.  de  PL  (?.) 

s  Bed  gwrweling  traisc.  (Ibid.)  BréUk  étant  évidemffleni  pour 
broi^  je  n*ai  pas  hésité,  malgré  Fantorité  de  tons  les  nanuscrits» 
à  lire  broi ,  et  à  le  rétablir  dans  le  texte. 


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S7S 
les  lances  ;  dans  la  mêlée  tombaient  les  combat- 
tants. 

Dans  la  mélëe  dé  la  bataille,  sans  faiblir,  il 
marcha;  sans  reproche,  il  affronta [rennemi];  des 
charmes,  il  en  désira,  avant  qu'il  eut  la  terre 
verte  pour  tombe,  le  héros  de  la  |;rande  plaine  ! 


xvin; 

Autour  [de  TudvourPh]  s^avançaient,  en  trois 
torrents  impétueux,  cinq  escadrons  et  cinq 
cents  guerriers,  plus  trois  cents;  trois  cents  ca- 
valiers de  bataille  brillants  de  Tor  d'Edin;  trois  ar- 
mées cuirassées;  trois  chefs  portant  le  collier  d'or; 


«  Teilhi  aroganl 

Tri  Hwrj  Bovant 

Pymwnt  a  phnincaiit 

ErchwD  a  trychaot.  (I6ûl.)  Trvjchwn  a  tryehant.  (Mê$,  de 

Heng.) 
'  Tri  chaot  chad  varchawg.  {Ihid.)  Tri  chat  varchawc.  (Uu,  de 

Heng.) 
•  Eidjn  eorachawc.  (iftf««.  de  PL  G.) 

«  Tri  lu  Innigawc 

Tri  enrdeyrn  dorchawc.  (  /6ttf .) 


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276 
Tri  marc'haok  diwal  ; 
Tric'bantkehaval;* 
Tri ,  kevnet  kasnar ,  * 
CTiouerv  gweskent  eskar  ;  5 
Tri ,  enn  trin ,  enn  troum , 
Gleou  lazent  ploum  :  ^ 
Aour  ê  kad  kengron , 
Tri  teim  maon 
A  deue  oc'h  Breton  : 
Kenrik  ha  Kenon , 
Kenren  oc'h  Aeron.  ^ 

Gogegwerz  enn  hou 
Deuir  diwerogion  ! 
Ha  deue  oc'h  Breton 
Gour  gwell  na  Kenon , 
Sarfseri  gallon?  ^ 

XIX. 

Eviz  ë  gwin  ha  mez  ë  mordae  ! 

•  Tri  iiiarcbawc  dywal 

Trichât  gyhafal.  {Ibid.)  Trichant.  (JVm.  de  Heng.) 

•  Tri  chysDeil  cysnar.  {Mst,  de  PLG.)  Trithjfheît.  (Mn^Heng,) 
»  Ckmem  flysgyDt  eagar.  (Uu.  diPl  G-)  Chwerfysgyni.  (Ma, 

de  Heng.) 

•  Tri  yn  drin  yn  drwm 

Uew  Uedynt  flwm.  (nm .  de  PI  O.) 

*EurygitgyBgrwn 
Tri  theyro  mton 
A  dyt«  0  Vrython 


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Î77 
trois  cavaliers  terribles;  trois  cents  [autres]  sem- 
blables à  eux;  [tous]  trois ,  réuuis  par  la  haine  , 
pressaient  rudement  TenDemi;  [tous]  trois  inces- 
semment ,  lourdement ,  tuaient  raides  des  braves  : 

Couronne  d'or  de  la  bataille ,  ces  trois  chefs  de 
peuple  étaient  fils  de  Bretons  :  [c'étaient]  Kenrik 
et  Kenonet  Kenren  d'Aéron.  7 


Louange  ^ale  à  ces  [braves]  non  subjugués  par 
lesDéiriens!  Naquit-il  des  Bretons,  guerrier  plus 
vaiUant  que  Kenon,  ce  serpent  [redoutable]  aux 
insolents  étrangers  ? 

XIX. 

J'ai  bu  du  vin  et  de  l'hydromel  sur  la  grève  !. . 

kyoric  t  GicBon 

Kynrmn  0  Âeroo.  {Usm.  de  PL  G.) 

«     Gogy verlh  yn  hon 

Dsiwyr  diverogion 

A  dyfu  0  VryihoD 

Wr  well  DO  ChynoD 

Sarph  seri  aUoD.  (Mm.  de  Crick.) 

'  Celte  place  éiait  un  de  ces  fort»  bltis  de  mille  pas  en  mille 
pas,  pour  défendre  le  rempart,  el  conlenanl  les  garnisons  appe- 
lées en  latin  Àreanorum;  de  là  le  nom  d'Aèrim. 


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218 

Maour  ment  é  gwaevir ,  i 
Enn  kevarvod,  gouir,  ^ 

Bouet  è  erer  eresmege 
Pan  gresie  kediwai  kevdouerç;  5 
Gwaeour  y  gan  gwirz  gwaoul ,  ken  e  dode  ;  4 
Âesaour  deit  am  pelt  a  azave  ; 
Pareu  renn  rouegiad  degemmene;  ^ 
E  kad ,  blaen  bragad  brève 
MabSemno ,  siouedez  a  he  goueze,  ^ 
Awerzuz  é  enet,  7 
Er  gweneb  gribouillet,  8 
Alavnlivetlaze;  ^ 
Lazese  hag  a  grouez  hag  a  pre ,  ^0 
Er  a  mod  arvod  arvaeze.  ^* 
Ermege  kelanez  ^^ 
Oc'h  gouir  gouec'her ,  kounnez , 
Enn  blaen  Gwened  gwane.*^ 


*  Mawr  meînl  y  veliyr.  (Ifw  de  Pi.  G,) 
»  Ygkyvarvod  gwyr.  (Ihid.) 

»  Biwyt  y  eryr  erysmygei 
Pangryssieigydywilcyfdwyreei.  {Ibid.) 

*  Aour  gan  gwyrd  wawl  cyn  y  dodei.  {Ibid  )  Gwyrd  waur.  ( Ma- 
de  Hengwrt.) 

»  Aessawr  délit  am  beli  a  adawei.  (Mu^  de  PI.  G.) 

*  Y  gad  blaen  bragad  driwei 

Mab SyvDo  syvedyd  ai  gwydei.  [Ihid.) 

'  A  werthus  y  eneit.  [IM.^ 


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279 


[Elles  ëtàient]  d'une  grande  longueur,  les  lances 
des  guerriers,  dansje  combat. 

Il  brûlait  de  gorger  les  aigles  quand  il  s'élan- 
çait avec  fureur  à  la  charge;  il  poussa  d'abord  le 
cri  de  guerre,  du  haut  du  rempart  verdoyant; 
sous  les  boucliers  [qu'il  mit]  en  pièces  le  sol  s'ex- 
haussa ;  de  ses  lances  il  fit  de  terribles  blessures  ; 
dans  la  mêlée,  il  brisa  le  front  de  bataille  [ennemi,] 
le  fils  de  Semno ,  qui  était  savant  en  astrologie , 
qui  avait  une  âme  non  vénale  et  un  visage  impo- 
sant ;  il  tua  avec  une  lame  aigûe  ;  il  eut  tué  avec 
plus  d'ardeur  encore  et  de  célérité,  si  la  coutume 
ordinaire  avait  été  observée.  ^^  Il  s'illustra  par  les 
cadavres  des  guerriers  de  vaillance ,  de  haut  rang , 
qu'il  perça  sous  les  yeux  de  [l'armée  de]  Gwéned. 


•  Yr  wyncb  grybwylliel  (!bid.)  grybwieit.  (Mss.  de  Heng  ) 
»  A  lafa  lifeil  ladei.  (Mss.  de  PI.  G.) 

*^  Ledessit  ag  athrwys  ac  affrei.  {Mts.dePl.  G.)  Lledessîe  ag  a 
cbrwys  a  phrei.  {Mis.  de  Heng.) 

*•  Er  a  mot  aruotaroaetbei.  (Mss,  de  PL  6r.) 

<«  Dirmygei  gelaDed^  (Ibid,)  Ermygei.  {Mss.  de  Hefig.) 

•  »  0  wyr  gwycbyr  gwDoed 

Ym  blaenGwyoedgwanei.  (Ma-  de  PI.  G  ) 

**  La  coatume  de  ne  pas  s'enivrer  avanide  se  baUre. 


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980 
Eviz  oc'h  gwin  ha  mez  ë  mordae  !  i 
Kan  eviz  y  diskenniz  gan  fin  manlud^S 
Neb  didrac'heved  kobn^drud.  ^ 
Pan  diskenne  pob  ti  diskennud  ;  ^ 
Ez  deupo  gwaeaned  gwarz,  na  tec'hiid  :  s 
Présent  adraoz  oe%  breic'hiaol  glud.  ^ 

XX. 

Gouir  a  aez  Kaltraez  bouant  henouok  ; 
Gwin  ha  mez  oc'h  aour  bou  heu  gwiraod  :  7 
Bloezen  heu  erben  urzen  devaod.  ^ 
Tri  gour  ha  triugentha  tric*hant  aour  torc'haod, 
Oc'h  seul  a  gresiasant ,  uc'h  gormant  gwiraod , 
Ne  dianke  namen  tri ,  ocli  gouredri  fosaod  :  ^ 


*  Yveis  0  mn  a  med  y  mordei.  (  M$$>  de  PL  6.) 

*  Çan  y veis  disgynneis  caD  ffin  ffaut  ul.  (/6ûf.)  Gan  fin  fanlnt. 

(Mu.  Heng.) 
'  Nyt didracbyvet  colwed  drat.  (M$$.  de  PL  G.)  Gobnet  dnid. 

(Ms$.  de  Heng.) 

*  Pan  disgynnei  paub  ti  disgynnot.  (JVm.  de  PL  G.) 

*  Ys  deupo  gwacanet  gwerth  na  pechot.  (Ihid.)  Âth  uodi  gwas 
nym  gwartb  na  lechud  (/6td.),  et  dans  le  Mu.  de  Crickhowel  à  la 
suite  du  GwARCHAN  Maelderw.  Voyez  aussi  le  Myvyrian  areh.  I . 
p.  62,  col.  2  et  p.  83,  col.  2.) 

«  Présent  adrawt  ocd  vreicbvawr  drud.  (Mis.  de  PL  G.)  Pré- 
sent ky?adraud  oed  breychiawl  glud.  (Ibid.  tbid.  loeo  ettalo^  et 
Myvyr.  toc.  ct(.)  La  multitude  des  variantes  rend  ces  deux  vers 
très  obscurs  :  le  docteur  Owen  les   a  traduits   de   deux    manières 


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281 
J'ai  bu  du  vin  et  de  l^hydromel  sur  la  grève  ! 
après  avoir  bu,  je  descendis  en  côtoyant  le  bord 
des  fortifications  y  non  sans  ambitionner  le  ci- 
mier de  ce  brave.  ^^  Quand  il  descendit  [lui- 
même]  ,  chaque  maison  descendit;  et ,  si  les 
vagues  ne  fussent  venues  [couvrir]  le  rivage ,  il 
n'eût  point  reculé  :  le  présent  [poème]  rapporte 
que  c'était  un  chef  au  bras  invincible. 

XX. 

Les  guerriers  qui  partirent  pour  Kaltraez  étaient 
renommés  ;  le  vin  et  Thydrooid  doré  avaient  été 
leur  breuvage  :  l'époque  de  Tannée  était  pour  eux 
consacrée  par  la  coutume.  ^^  De  trois  guerriers  et 
trois  vingt  et  trois  cents  portant  le  collier  d'or, 
de  tous  ceux  qui  coururent  [au  combat] ,  après 

dans  soD  diclioDoaire  (édil.  de  1832,)  1. 1  ,  p.   167,  el  1.2, 
p.  138. 

7      Gwjfr  »  aeth  Gatraei  buant  eowawc 
GwÎD  a  med  o  ear  tu  eu  gwirawl.   (Mu,  de  Crick.) 
Med  oc  eur.  (M$$.  de  PL  G.) 
•  Blwydyn  jn  erbyo  urdyD  deawd  (Ibid.)  tridyn  defawd.  (  Ibid.) 
Blwydjn  eu  erbjn  vrdyn  deuawt.  {Ma.  de  Crieh.) 

»      Tri  wyr  a  tbri  ugeint  a  tri  chant  eur  dorchawc 
Or  saw)  ylgrysayaaaotuch  gormaDt  wirawt 
Ni  dîeogis  Damyn  tri  o  wrbydri  fossawt.  {Ibid.)  Ny  di- 
engei.  (\M$i.  de  fleng.  ) 
*»  C'est-à-dire,  la  gloire  du  fils  de  Semno  doM  il  vieat  de 
parler. 

"  C'était  la  fête  du  Koeiken. 


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282 
Deu  kadki  Aerou  ha  Kenon  taeraod  ^ 
Ha  meoneu ,  o*iii  gwaedfreu ,  gwerz  më  gwenn* 
gwaod.  * 


XXI. 

Men  kar,  euu  gwinbar,  ned  gogerc'haod 
Oc'h  Deb  un  e  be  oc'h  Gweun  Dragon  deuod. 
Ne  didolet  enn  kentez  oc'h  mez  gwiraod  ; 
Hef  gounae  arbeizik  perzin  arvodiaok  :  ^ 
Hef  diskrein  enn  kad ,  diskrein  enn  aelaod.  * 
Ned  adraoz  Gododin ,  gouede  fosaod , 
Pan  be  no  liven  lemmac^h  nebaod.  ^ 


XXII. 

(c  —  Arv  amkennuU  ! 

'      Deu  gatki  Aeron  a  ChenoB  dayrawl 
Ha  mynheuoiD  gwaelfreagwerlh  vy  gwenowawt.  (Mu. 
de  Crick,) 
*    Vygkar  yngwynvar  nyn  gogyrfaawd 
0  Deb  ony  bei  o  gwyn  dragon  deueawt.  (Ma.  de  PL  G.) 

Deucant.  [Mss.  de  Ueng,) 
^  Ny  didolil  ygkynted  o  ved  gwiraat 
Ef  gwnei  arbeilbiDgperzing  arnodiauc.  (M»i>  de  PL  (r.) 
Es  gwnei  arceiihing.  (M$$.  de  Heng.) 
*  Ef  discrein  ygkal  discrein  yn  aelawl.   (Mu.  PL  0.)  Es  dis- 
crein.  (Mu.  de  Heng.) 

«  Panfei  no  lliuyen  Uimmach  nebawl.  (Mss.  de  PL  G.)  Pan  vei 
noUwyen.  (Mss  de  Heng.) 


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283 

avoir  bu  à  l'excès,  il  n'échappa  que  trois,  grâce 
à  la  vigueur  de  leurs  coups  :  les  deux  chiens  de 
guerre  d'Aëron ,  ^  et  Renon  l'intrépide  ;  et  moi- 
même  ,  inondé  de  moti  sang ,  grâce  au  mérite 
de  mes  chants. 

XXI. 

Mon  ami  7  ne  chercha  à  combattre ,  dans  la 
fureur  de  la  boisson ,  aucun  de  ceux  qui  étaient 
venus  du  parti  du  Dragon-Blanc,  g  H  ne  quitta 
pas  [alors]  les  portiques  où  coulait  l'hydromel  ; 
[plus  tard]  il  fit  des  actions  d'éclat,  comme  il  ap- 
partient à  celui  qui  en  trouve  l'occasion;  [plus  tard] 
il  abattit  dans  le  combat,  il  abattit  [bien]  des 
membres.  Le  Gododin  ne  rapporte  point,  après 
l'action ,  s^il  y  eut  une  lame  plus  tranchante. 

XXII. 
<x  —  Que  les  armes  s'unissent  !  ^  que  tes  rangs 

•  Le  barde  tes  Domme  Kadleu  et  KadreiZy  dans  un  aatre 
poème.  Voy.  les  notes  et  éclaircissemeot. 

'  Le  chef  Owen ,  auquel  le  barde  s'est  adresssé  dès  le  début. 

•  Le  parti  des  Saxons  :  le  Dragon  Rouge,  au  contraire,  était  le 
symbole  des  Bretons. 

»  Une  autre  pièce  attribuée  non  sans  raison  à  notre  barde  et  in- 
titulée Incantation  de  Tudvoutr'h,  débute  par  ce  Ters;  lés  treize 
qui  suivent  me  semblent  une  imprécation  contre  Tennemi ,  chan- 
tée par  Âneurin  sur  le  champ  de  bataille:  ]*ai cru  devoir  les  guille- 
metter  tous. 


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284 
»  Amkemaii  duU  ! 
»  Amkesgoget!  ^ 
»  Trac'heouet! 
»  Maour  treigleset! 
39  Laouer  Loegrouiz  kiouet 
»  Haïset!^ 

»  Aïs  e  kengor  9  aïs  enn  kad  befeû  !  ^ 
»  Gorve  gouir  ludu  !  -* 
))  Ha  gwragez  gwezu 
D  Ken  nag  ankeu  ! 
»  Greit ,  mab  Heoki , 
»  Hagesperi 
»  E  perî  kreu  !  ^  —  » 

Arour  e  doug  eskouet  adan  ^ 
He  tal  brizy  hag  eil  tiz  Pridwan.  '^ 
Bou  tridar  enn  aervre  ;  bou  tan ,  ^ 


*  Ârf  angkyDDuI 
ADgkyman  doll 

Agkysgogel.  (Ma.  de  Crick.) 

s  Trâ  cbiwel 
Mawr  treiglyssyt 

Llawer  LIoegrwys  giwei.  (Ibid.) 

Ces  six  vers  n'en  font  que  trois  dans  Myvyrian,  par  udc  erreur 
évidente.  Les  deux  premiers  se  trouvent  au  commencement  d*un 
autre  poème  d*Ânearln,  tronqué  dans  le  Myvyr.  t.  i,  p.  21,  col. 
4,  V.  16. 

'  Eis  ygkynuor  eis  ygkat  verw.  (Mt$.  de  Crick») 

«Gorue  gwyriludu.  {Mu,  de  PI.  G.)  Gome  wyr  lludw.  {M$$.  de 
Heng.) 


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285 
»  se  foment  !  que  tout  s'ébranle  !  de  rensemble  ! 
))  que  le  chef  soit  percé  !  que  beaucoup  de  Tar- 
»  mée  des  Logrieos  soient  abattus  !  qu'ils  man- 
»  quent  de  conseil ,  qu'ils  manquent  de  lances , 
»  dans  la  bataille  ! 

«  Que  leurs  guerriers  soient  couchés  dans  la 
»  poussière,  et  que  leurs  femmes  deviennent  veu- 
Dves  avant  de  mourir!  qu'il  soit  brûlé ,  le  fils 
»  d^Héokiy  ^  avec  ses  javelots  qui  firent  [couler] 
»  le  sang  !  —  » 


Ce  chef  des  chefs  [ennemis]  portait  sur  l'épaule 
un  bouclier  dont  le  front  était  peint  de  diverses 
couleurs,  et  qui  ne  le  cédait  en  rapidité  qu'à 


»  A  gwraged  gwjdn 
Cyn  Doî  anj^heu 
Greit  vab  Hoewgi 
Ac  ysperi 
y  berî  creu.  {Mis.  âe  Crick.) 

*  Aroory  dwy  ysgwyd  adao.  (Ibid,) 

'  Tdalfrilh  ac  eiltith  Orwyden.  {Mts.  de  PL  0.)  Ac  eltith 
Prwydan.  /  (Jlfit .  de  Heng.) 

*  Ba  trydar  yo  arvao  bu  uo.  (Knd.) 

*  Cest  ce  fameux  chef  des  Seots  oa  des  Pietés  mentionné  par 
Jean  de  Fordan  sons  le  nom  de  Dominai  Bree'h  ou  Brek,  fiUui 
Eochif  dont  il  a  été  parié  dans  Targument. 


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286 
Bou  hud  lie  gwaev  raaour  ;  bou  huan;  ^ 
Bou  bouet  brein,  bou  bud  ë  bran,  ^ 
Ha  ken  edeoui^  he  reizon  »  ' 
Gan  g\?liz ,  erer  tiz  tirion  : 
Hag  oc'h  tu  gwaskar ,  gwanet  lu  bron. 
Beirz  biz  barnant  gouir  a  kalon  !  ^ 


xxin. 

Diaberz  ë  kaez ,  ë  kengir ,  ^ 
Diva  oez  enn  kevrein  gan  gouir ,  ^ 
Ha  ken  he  golo  oc*h  dan  elerc'h,  "^ 
Un  ez  oez  goured  enn  ë  eirc'h  ;  ^ 
Gorgolc^'hez  e  kreu  ê  seirc*h, 
Budvan  mab  Bleizvan  dihavarc'h. 
Kam  e  adaou  heb  kov  kamb  ebelaez, 
Ned  adave  adoui  er  adouriaez , 

■  Bu  but  y  waawr  bu  buan.  (Ibid,)  Bu  cbut  y  waewawr.  (Mu- 
de  PL  G.) 

*  Bu  bwytbrembu  bud  y  vran.  (Ibid,) 

^  Âcbyn  edeiwt  yn  rydou.  {Ibid.)  Yn  rbydion.  (Mti»  de  Heng.) 

*  Gan  wlilb  eryt  iirh  tirion 

Ac  0  du  gwasgar  gwanec  tu  bron 

Beird  byd  barnant  wyr  o galon.  {Mss.  de  PL  G-) 

*  Diebyrih  y  gerth  y  gyngbyr.  {Mu.  de  PL  G.)  Diebyrtb  y  geith. 

{Msi.  de  Heng.) 


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287 
Pridwaan  :  ^c'était  le  tumulte  [en  personne] 
dans  la  bataille  ;  c'était  le  feu  ;  sa  gtande  lance 
était  enchantée;  c'était  un  soleil.  Or,  il  est  de- 
venu la  pâture  des  corbeaux,  il  est  devenu  le 
butin  du  corbeau ,  lui  qui,  avant  que  ses  soldats 
Tabandonnassent  parmi  la  rosée,  avait  Timpé- 
tuosité  de  Taigle  superbe  :  dans  la  déroute  il  a 
été  atteint  du  côté  du  sein.  Les  bardes  rendront 
toujours  justice  aux  guerriers  vaillants! 

XXIU. 

Libre  de  servitude,  [libre]  d'oppression,  il  fut  tué 
dans  le  combat  par  les  guerriers  [ennemis];  mais 
avant  qu'il  fut  enterré  sous  un  rocher,  il  était 
parvenu  au  plus  haut  point  de  la  vaillance ,  il 
avait  lavé  le  harnais  dans  le  sang,  le  brave 
Budvan,  le  fils  de  Bleizvan.  ^^  Ce  serait  un  tort 
que  de  délaisser,  sans  les  rappeler,  ses  actions  su- 
blimes, à  lui  qui  ne  délaissa  pas   son  passage 

«  Diva  oed  y  gynrein  gan  wyr.  (Mm.  PL  G.)  Dîva  oed  ^  gy- 
frein.  {Mss.  de  Heng.) 

^  '  Achyn  i  ol  o  dan  deirch.  (Hm.  de  PL  G.) 

•  Ure  yloed  wrhyl  yn  y  eirch.  {Ibid. ) 

»  Bonelier  de  TÂrthor  myihologiqae.  La  variélé  des  coaleovs  in- 
dique id  le  chef  des  Scols  ou  des  Pietés ,  PicH. 

*<>  Ce  Badvan  est  peat-ètre  le  même  que  S.  Boâvan ,  palfoo 
d*Abergwyngregyn,  dans  le  Caernarvonshire  actuel. 


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388 
Ned  edéouis  ê  lez,  les  kerzorion  Preden*  i 


Dieu  kalan  ionaour,  enn  he  arvaez , 
Ned  erzit  he  tir  ke  be  difez  ;  * 
Trac'has  enn  dias,  dreik  ehelaez, 
Dragon  enn  gwear  gouede  gwinmaez,  ' 
Gwennaboui,  mab  G^^enn,  kenhen  Kaltraez.  ^ 


XXIV. 

Bou  gwir  mal  è  mez  é  kazleu  !  ^ 
Ne  deliis  meïrc'h  neb  Maro'hleu ,  ^ 
Heesit  maenor  ë  gleu  , 
E  ar  Lemenek  loueber  deeu.  '^ 
Gan  be  baged ,  enn  bern  amporz  ^ 

i  Nyd  edewisy  lys  les  kerdorioa  Prydein.  (Mit.  de  Oie!;.) 
9  Dow  kalan  ionawr  yo  y  arnaeth 

Nyterdii  y  dir  cyyei  diffeUb.  {àiês.  êf  Pi,  G.) 
s  Drtcbas  anias  dreig  ehelaeth 

Dragon  ^ggwyar  gwedy  gwinraeth.  (Jlli«.  de  Cridt.) 

*  Gwenabwy  vab  Gwen  gynhen  Gakrtelb.  (/6td.)  Gyoben  Gal- 
llrattb.  (  JfM.  de  Heng,)  Gynben  Gaiiraetb.  (Ma.  de  Crkk.) 

»  Bu  gwir  mal  y  medd  y  gatbiea»  {Msi>  de  PI.  (7.)  Mal  y  mead. 
(Mu.  de  Heng.) 

•  Ny  deliis  meirob  neb  marchleu.  {Ifnd,) 
'  Heessil  maenor  y  glyw 


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avec  lâcheté;  ^  qui  ne  dévissa  pas  sa  oour  [si] 
profitable  aux  chapteurs  de  Bretagne 


Le  jour  des  calendes  de  janvier ,  pour  son  ar- 
mement, il  ne  laboura  point  sa  terre  jnsqu'à  ce 
qu'elle  fut  dévastée  ;  ^  il  était  Teffiioi  de  la  mê- 
lée, le  dragon  sublime,  ^^  le  dragon  [nageant] 
dans  le  sang  après  Torgie ,  le  fils  de  Gwenn  , 
Gwennaboui ,  à  la  bataille  de  Kaltraez. 

XXIV. 

Ils  étaient  limpides  comme  l'hydromel ,  les 
chants  [des  bardes.]  ^^  Aucun  cheval  ne  devança 
celui  de  Marc'hleu  ;  le  héros  lança  son  clan  en 
a^vant ,  il  vint  [se  poster]  à  l'entrée  du  passage 
de  Léménik  ;  ^"^  avec  ses  troupes ,  dans  ce  lieu 

Y  ar  Uemeoig  llwybr  dew.  (Ilnd.)  Ces  deux  vers  raapqneat 

daos  le  maposcrit  iê  Pbs  Gwyn . 
•  Keny  vaget  am  Tyrn  ty  mamborth  (Ibid.)  Ceny  vacet  am  «rym 
awborMi.        ,  (Jfn.XÏf  i^Hf.) 

»  Le  passage  de  la  tranchée  qoMl  était  chargé  de  garder. 
^«  C'csfc-à-dijra,  U  né  greva  pa$  êfi$  colonie  iutQu'é  ^  rmvt0r. 
.  «•  On  ^  âéi^  TU  qae  drt^/on  e%ehêf  sçm  synopyn^,  4^9S  Taii- 
cienoe  langue  bretonne. 
**  Qui  excitaient  le  courage  des  guerriers  d^ms  le  ooo^iiat. 
<«Héroç  mythologique  célèbre  jdoot  il  a  été  question  daiif  Li- 
warc'hHenn.  (Voy.  p.  iU,  146,  ii7.) 

19 


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296 
Diwall  é  klezeval  emporz.  ^ 
Hiset  oun  oc'h  pedreoled  he  lac  ;  * 
E  ar  meinkel  mogedorz,  3 
Ez  bane  reguz  rewin  ;  ^ 
Ez  laze  a  laven  breic'h  oc'h  eizin ,  ^ 
Mal  pau  del  medel  ar  breizin  ;  6 
E  gouDe  Marc'hleu  gwaedlin.  '^ 

Issak  anvonoky  oc'h  parz  deheu  ^  ^ 
Tebek  mor  liant  ;  he  devodeu 
Oc'h  gweled  ha  lariez.  ^ 

Hag  hen  evez  mez  lo 
Meu  ez  klaoz  ofer;  e  pouez  mazeu;  ^^ 
Ni  bou  hill  dihill  na  henn  diheu ,  ^^ 
Seniesit  he  kleze  enn  penn  mammeu  ; 
Mur  kreid  oez;  molei  hef,  mab  Gwezneu  !  iz 


*  DywaI  y  gledjval  ymborth.  {Ms$.  de  Heng.)  manque  dans  ce- 
loi  de  Plas  Gwyn. 

•  Heessitoon  o  bedryolU  y  law.  {Mu.  de  PL  G.)  0  bedryolel. 
{Msi.  de  Heng.) 

»  Y  ar  veDoiell  vygedorth,  [Mu.  de  PI,  G.)  Yar  veingel  (Mes. 
de  Heng.) 

*  Yt  fan  nei  vygu  ryvin.  {Mes.  de  PL  G.)  Yt  yannoi  rygn  f7uin. 
[Msi.  de  Heng.) 

*  Yt  ladeî  a  ll^vyn  vreich  o  eithin  {Ms$.  de  PL  G.) 

•  Mal  pan  del  medel  ar  yreidin.  {IMd.)  Vreithin.  {Mi$.  de 
Heng.) 

1 Y  gwnei  Varchleu  waetlin.  (IHd*) 

•  Yssac  anyonawc  o  barth  dehea .  (  Ihid.) 
»  Tebyg  mor  liant  y  devodeu 


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291 
fortifié  de  la  coUiDe,  il  supporta  bravement  Tas- 
saut  des  épées  [ennemies.]  be  sa  main  s*élançait 
le  [javelot]  carré  de  frêne;  à  demi-caché  dans 
le  brouillard  ^  il  paraissait  invisible  à  plusieurs  ; 
il  abattait  avec  sa  lame  des  brassées  de  bruyère ,  ^^ 
comme  le  moissonneur  quand  vient  le  beau 
temps  ;  Marc'hleu  faisait  ruisseler  le  sang. 

Envoyé  d'Issak^  i^  du  côté  de  Test,  [il  était] 
semblable  à  une  mer  qui  monte  ;  ses  manières 
[étaient  pleines]  de  retenue  et  de  douceur. 

Lui  aussi  avait  bu  Thydromef  [aux  bords]  du 
rempart  inutile;  *^  il  s'était  libéré  du  tribut;  ce  ne 
fut  pas  un  père  sans  enfant ,  ni  un  vieillard  sans 
renom;  son  épée  résonna  sur  la  tête  des  mères; 
c'était  un  grand  esprit;  qu'il  soit  loué,  le  fils  de 
Gwezneu  ! 


0  wyled  a  llaried.  (Ibid.) 

*•  Achain  yvedd  medd.  {Mu,  de  PI.  G.)  0  chair  jved  med.  (Mu. 
de  Heng.) 

«  Heu  yih  glawd  offer  y  bwyth  madeu.         {Mu,  de  PL  G.) 

«*  Ny  bahyU  dihyll  na  heodibea.  (/6ûi.)Ny  bu  hil  dibil.  {Mu. 
de  Heng.) 

**  SeÎDyessity  gledyf  ym  pen  inammeu 
Margreid  oed  molei  ef  mab  Gwydoea.  (M$$,  de  Crick.) 

<«  C'est-à-dire,  de  guerriers  d*uD  rang  inférieur. 

**  La  Tille  à*Tp$aemn  des  Romains;   VHexam  des  Ang1o-Sa- 
xons. 

<•  Par  le  grand  nombre  de  brèches  qu*il  offrait  :  Non  profuit, 
dit  Gildas,  p.  4. 


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292 
XXV. 

Karedik,  karadoui  he  klod^ 
Ac'hube,  gwarc'hadouc  nod  ;  ^ 
Ledwigen  ez  tavel  ken  deuod 
Deiz  gowec'hed  ë  gwebod  ;  * 
£z  deupo  kar  kerz  kevnod 
E  gwlad  uev ,  azev  adnabod.  ^ 

Karedik  kargdpui  kenrann  ^ 
KeipUd  enn  kad  gow;»qn, 
Eskouet  aoMr  gorw<&dr  ka41ann , 
Gwaoaour  usoued  eoD  kevaon.  4 

Klez^val  diwall,  diwahan , 
Stol  gour  kadouç  gwialvan , 
Ken  kestuz  daear;  ken  afan, 
Oc'h  dafar  difenne  he  man.  ^ 
Ez  deupo  kennouez  enn  keman 
Gan  Trindod,  enn  undod  kevan.  6 


'  Garedic  caradwy  y  glol 

Achubei  gwarchalwei  not.  (  ibid .  ) 

*  Ledvegin  is  Miwel  cyn  divol 

Dyd  gowychyd  y  wybot.  (Ibid.) 

,  Ys  deupo  car  k^  liLyfDol 

Y  wlat  nef  addef  adnabol .  (Pla$  6.) 

^  Caredig  caradwy  ^nran 

Keinyat  ygkal  gowan 

Ysgwyl  aor  orwydr  cadlan 

Gwaeawr  uswyd  agkyfan.  {Criek,) 


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395 
XXV. 

Karedik;  '7  dooi  la  fenamAiëe  m'est  chère , 
mérita ,  garda  sft  réputation.  La  larve  est  §flen« 
cieuse  avant  Tarrivée  du  jour  où  elle  s'élance 
joyeuse  vers  le  savoif  ;^  ^  ainsi,  à  TheUre  mar- 
quée y  Tami  de  là  poésie!  arrivera  dasB  le  pays  du 
ciel  9  séjour  de  [loule]  science^ 

Karedik,  le  ctief  bien-aimé,  le  chanteur  au 
milieu  du  combat  furieux  ,  [portait]  un  bouclier 
d'or,  [resplendissant  comme  là]  gelée  du  ma- 
tin j  sur  le  champ  de  bataille  ;  il  mettait  en  piè- 
ces les  lances. 

A.  coups  d'épée  furieux,  indistincts,  comme 
un  homme  il  garda  son  poste  sur  la  tranchée,  9 
avant  que  la  terre  pesât  sur  lui  ;  avant  son  ago- 
nie ,  accomplissant  son  devoir  f  il  défendit  son 
pays.  [Aussi,  une  fois]  parfiiit,  viendra  [Theur^ 
de]  son  admission  par  la  Trinité  f  parfaite  en 
unité. 

'^  Gleddyfal  dywall  diwaD 
Mal  gwr  catwei  wyalvao 

0  dapbar  diphyonei  y  yano.  {Mêè.  iê  Pt.  6.) 

•  Ys  deupo  kynnwys  ygkyman 

Gan  drindawtyn  undawt  gyno.  (Mis,  ée  CHti.) 

7  11  éfaîl  èàrde  et  guerrier. 

*  AUasion  à  Tun  des  trois  cercles  de  fe^AnetiCé,  éàtt^  téê  tibilles. 
superstition?  bretonnes.  (Voy.  les  note».) 

<*  Â  la  lettre:  il  garda  la  paUêsade, 


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294 

XXVI. 

Pan  kresie  Karadok  e  kad,  ^ 
Mal  baez  koet  troc'houn  troc'hiad ,  * 
Taro  bezin  enn  trin  komeniad  ; 
Hef  lizie  gwez  koun  oc'h  he  ankad  ; 
Ez  men  test  Owen  mab  Eulad, 
Ha  Gwrien  ha  Gwenn  ha  Gwriad.  ^ 
Oc'h  Kaltraez  oc'h  komeniad, 
Oc'b  bren  hedoun  kenkafad, 
Gouede  mez  gloeou  ar  ankad ,  ^ 
Ne  gwelez  burhun  he  tad.  ^ 

XXVII. 

Gouir  a  kresiasant  bouant  kevnet  ; 
Hoedel  berrion  mezouon  ucTi  mez  hidlet, 
Koskorz  Menezok  henook  enn  red  : 
Gwerz  heu  gwlez  oc'h  mez  bou  heu  ened  :  ^ 
Karadok  ha  Madok  Peil  hag  leuan 
Gwgan  ha  Gwion  Gwenn  ha  Kenvan , 

■  Pan  gryssie  Garadawc  y  gat.  (ibid.) 

*  Mab baed  coc'h  trychwn  trycbiat.  (Bm§.)Mii  baed  coet.(Oic&.) 
'  Tarw  bedio  yn  trio  gomyoyat. 

Ef  lithyei  wyd  gwn  oe  aogbat 

Ys  Ty  nbyst  euein  vab  ealat 

Ha  Gwrien  a  Gwyno  a  Gwriat.  (  Crick.) 

*  0  Galllraetb  o  gomyniat 
0  vryn  bydwo  kyn  caffat 


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295 

XXVI. 

Lorsque  Karadok  volait  au  combat,  son  choc 
meurtrier  était  comme  celui  du  sanglier  des  bois , 
[comme  celui]  du  taureau  de  bataille  dans  le  tu- 
multe du  carnage  ;  il  attirait  les  chiens  sauvages 
par  ses  captures  :  j'en  ai  pour  garants  Owen  j  fils 
d'Eulad,  Gwrien,  et  Gwenn  et  Gwriad.  Par  suite 
du  carnage  de  Kaltraez ,  par  suite  de  la  rencon- 
tre à  la  brèche  du  rempart ,  après  avoir  pris  le 
limpide  hydromel ,  il  ne  revit  point  son  père. 


XXVII. 

Les  guerriers  qui  volaient  au  combat  étaient 
confédérés;  [une  fois]  enivrés  d'hydromel  lim- 
pide, ils  eurent  des  vies  courtes,  [les  officiers 
de]  l'armée  de  Ménézok ,  renommés  dans  la 
charge  :  leur  âme  fiit  le  prix  de  l'hydromel  de 
leur  banquet.  Karadok  et  Madok,  Peil  et  leuan, 

Gwedy  ^ed  gloew  ar  anghat.  {Pla$  G.) 

*  Ny  wdes  uran  y  dat.  (Ibid.)  Burhun,  en  breton  armoricain 
du  dialecte  de  Yannes,  signifie  miette,  et  répond  au  vieux  mot 
français  mte»  point. 

•  Gwyr  a  gryssiasant  buant  gytneit 
Hoedlverryon  medduon  uch  med  hidleit 
Gosgord  vynydawc  eurawc  yn  rheit 

Gwerth  eu  gwled  o  ved  vu  eu  heneit.  {Heng.) 


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896 
Peredur  armeu  dir ,  Gwaourdur  hag  Aedan , 
Àc'hubiad  enn  gaour ,  eskôuedaour  eDn  keman , 
Ha  keit  lezesint  houei  lazasant  : 
Neb  e  beu  temper  ned  atkorasant.  i 


XX  VIII. 

Gouir  a  kresiasant  bouant  kedvaez, 8 
Blouezen ,  oziouc'h  mez  maour  he  garvaez  : 
Mor  dru  eo  adraoz  bouei  ankaol  hiraez  ! 
G^enouen  heu  badlam  n'euz  mamm  a  heu  maez^ 
Edd  hoU  gouir  peber  tamper  gwînvaez.  ^ 
Mor  hir  heu  edlid  hag  heu  edgellaéz  ! 
GwUged  oc'h  Gododin  enn  erben  fraez 
AokoueB  Menezok  henook  e  gounaez; 
Ha  prid  er  prenn  e  brezel  Kaltraez.  ^ 


XXIX. 

Gouir  a  aez  Kaltraez,  enn  kad»  enn  gwaour, 


*  Peredur  arveu  dur  gwawr  dur  ac  Aedau 
Âchubiat  eggaur  ysgwydawr  âgkymdn 
Achet  lledessyot  wy  l^daMadt 

Neb  y  eu  tymbyr  nyt  atcorttàM.  (PUti  0.) 

•  Gwyi*  a grysiasaui  buant  gfbMilk.  (Uenf.) Gyttâélb.  {Mai G] 


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297 
G\fgan  et  Gwioo,  Gwenn  et  iienvan,  Peredtir 
aux  armes  d'acier ,  Gwnourdur  et  Aédati^  ces 
soutiens  dans  la  mêlée  ^  ces  parfaite  bondiers^ 
tandis  qu'on  les  tuait  ^  tuèrent  :  aucun  d'eux  ne 
revint  chez  lui. 

XXVIII. 

Les  guerriers  qui  volaient  [au  combat]  s'étaient 
fêtés  mutuellement,  cette  année ,  avec  de  l'hy- 
dromel d'une  grande  forcé  :  qu'il  est  pénible  de 
rappeler  leur  immense  désastre  !  Il  n'est  mère  au 
lieu  de  leur  naissance  qui  leur  eût  servi  ce  poi- 
son ,  ce  vin  du  banquet  qui  les  brûla  tous  comme 
une  torche ,  ces  guerriers  vaillants.  Que  longues 
lurent  leur  oppression  et  leur  douleur!  Gwlî- 
ghedy  de  Gododin,  s'éleva  éloquemment  contre 
le  festin  donné  par  Ménézok ,  l'illustre  ;  et  il  en 
retire  de  Thonneur  de  la  guerre  de  Raltraez. 

XXIX. 

Les  guerriers  qui  étaient  partis  pour  Kaltraez  en 


s  GweDwjD  eu  hadland  nyd  mam  au  maeth.  (Ibid») 

*  Ce  vers  manque  dans  le  manuscrit  de  Plas  Gwyn. 
'^  ÂDCwyn  Myoydawc  enwawc  y  gwnaeth 
Apbryder  prynnu  breilhel  Galltraelh.  (PUu  G-^ 


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Nerz  meïrc'h  ha  gwroum  seirc'h  hag  eskouedaour . 

Peleder  a  kec'houeD*  a  lemm  gwaevaour, 

A.  lorikeu  klaer  a  klezevaour. 

Ragore  toulle  troue  bezinaour ,  i 

Koueze  pemp  pemp-pouDt  rag  he  lavnaour,  i 

Ruvon  hir  !  he  roze  aour  ê  allaour  y 

Ha  ked  ha  koelvein  kaen  i  kerzaour.  ^ 


XXX. 

Ne  gounaezpouet  neouaz  mor  gorc'hemaD  j  4 
Mor  maour,  mor  oc'h  gwaour  è  kevlavan.  ^ 
Derlidez  mezoud  Morien  taD  ; 
Ne  tfaeze  na  gwele  Kenon  kelan  ^ 
Enn  seirc'hiaok  safoueaok  ton  ledan.  7 
Senieset  ê  klezev  enn  penn  garzan  8 
Nok  hag  Eskik ,  kerrek  maour ,  e  kehed  ban  ;  ^ 


I  Gwyr  a  aetb  Galtrteth  ygkat  ygcawr 

Nerlh  meirch  a  gururoseirch  ac  ysgwydawr 

Pelydr  ar  gycbwyn  a  llym  waeawr 

  luniceu  claer  a  cbledyfawr 

Ragorei  tjllei  trwy  vydioawr.  {Criek.) 

*  Gwydei  bum  pumwot  rag  y  lafîiawr.  {Ibid.)  Cym  pymwynt. 

'  RhutawD  hir  ef  rodeî  eur  y  aUawr 
Achet  a  choelvein  gein  y  gerdawr.  {PUu  Cf.) 

^  Nywnaethpwyd  neuadd  mor  orchyman  (Ibid.) 


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299 
équipage  de  combat ,  en  poussant  le  cri  de  guerre  j 
avaient  des  chevaux  [pleins]  de  vigueur ,  et  des 
harnais  et  des  boucliers.  Leurs  lances  recherchè- 
rent les  lances  aiguës,  et  leurs  épees  les  cuiras- 
ses brillantes.  A.  leur  tête ,  il  fit  une  trouée  à  tra- 
vers l'armée  [ennemie] ,  et  en  fit  tomber  cinq  fois 
cinq  escadrons  devant  sa  lame,  Ruvon-Hir,  qui 
donnait  de  Tor  à  l'autel ,  des  présents  et  des  dis- 
tinctions honorifiques  aux  bardes.  *^ 

XXX. 

Il  ne  fut  jamais  bâti  de  salle  [de  festin]  plus 
magnifique ,  plus  grande ,  plus  de  la  couleur  du 
carnage.  Morien,  le  chef  [plein]  de  feu,  mérita 
bien  l'hydromel  ;  Kenon  ne  se  retira  de  la  grève 
qu'en  voyant  des  cadavres  d'hommes  armés  de 
la  lance,  couverts  par  la  vague  étendue. 

Que  l'épée  résonne  sur  le  sommet  du  promon- 
toire de  Nok  et  d'Eskik ,  **  ces  grands  rochers  d'é- 

^  Monrawrmor  orvawr  y  gyflavan.  (Ibid,)  Mor  vtyrt  mor  o  vtwr. 
(Heng.) 

*  Djrlydod  medud  Morien  tan 

Ny  thraethei  Da  wele  Kenon  kelain.  (Crick.) 

'  Tn  seirchiawc  saphwyîawc  son  elydan  elyduan.  {Pku  G»)  Ton 
Uydnan.  (Heng.) 

*  Seinyessil  y  giedyf  ymhen  garehan.  {Ifnd.)  Gorcban.  (Heng,) 
'  Noc  ac  Eskyc  carec  yyr  vawr  y  cbahydfan.  (PL  G.)  Noc  ac  Eseye 

carrée  vawr  y  cbyhadvan.  {Heng.) 

*<*  Ru  von  éiait  un  des  amis  d^Owen,  selon  les  Triades. 
^'  Au  bord  du  golfe  de  la  Clyde. 


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300 
N«  noui  kaikoget  out,  mab  Peizan!  i 

XXXI. 

Ne  gouDaezpouet  neouaz  mor  anoovok.  i 
Os  ne  be  AIoï:îen  eil  Karadok^  3 
Ne  dienkiz  eau  troum,  e  lourou  mennok  :  4 
Diwall  diwallac'h  na  mab  Pedrok  y  ^ 
Fer  i  lao  fagleu^  Pouis  marc'hok, 
Gleou  dias,  dinas  ê  lu  ovDok^ 
Rak  bezin  Gododin  bou  gwaskarok  :  6 
He  kelc'houi  dan  è  kemmouî  bou  adenok  ;  '^ 
Enn  deiz  gwes,  bou  estouez;  neu^  pouez  azfelliokjS 
Derlide  mez  kem  eilt  Menezok!  ^ 


XXXII. 

Ne  gounaezpouet  neouaz  mor  diesik.  ^^ 

■  Nid  rowy  gysgogit  uil  mab  peilbaB.  {Ploê.  ér.)  Mi  ww|  jfigogit 
vit  mab  teitbao.  (Heng,) 

•  Nj  ^oaeihpwyd  mor  anvonawc.  (PL  6.)  Mor  Mmo^tmc. (Beng.) 
>  Ony  bei  Vorien  eil  Garadauc.  (Jfrtd.) 

•  Nj  diengi»  yr  eu  trwm  y  Ivra  myoAwe.   (iMd.)  Yi  trwro. 
(Heng.) 

»  Dywell  dywalach  do  mab  Pherawc.  (Criêk,)  Pk«rfwe«  (Um^.) 
Pbedrawc.  {PL  6.) 

•  Fer  i  law  ffagleu  Fowys  farcbawc 


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301 
gale  hauteur  !   [Toi  aussi]  tu   n'ëtais   pas  plus 
ébranlé  qu^eux^  ô  fUs  de  Peizan  !  11 

XXXI. 

Il  ne  fut  jamais  bâti  de  salle  plus  tumultueuse. 
Si  Morien  n'eût  été  un  second  &aradok«  ilpa$e 
fut  point  tiré  de  presse  y  selon  ses  désirs  ;  terri- 
ble, plus  terrible  que  le  fils  de  Pédrok,  ^^  ee 
cavalier  de  Powys,  à  la  main  [armée]  de  flaair 
mes  dévorantes ,  c^  héros  du  tumulte ,  cette  for^ 
teresse  pour  une  armée  épouvantée ,  devant  les 
bataillons  des  Gododiniens  il  dispersa  tout  :  son 
bouclier  dans  le  carnage  avait  des  ailes  de  feu  ; 
au  jour  de  la  colère,  c'étidt  un  courant;  certes , 
sur  le  point  de  mourir ,  il  mérita  bien  les  cor- 
nes d'hydromel,  l'étranger  [vassal]  de  Ménézok! 

XXXII. 

Il  ne  fut  jamais  bâti  de  salle  plus  solide.  Ni 

Glew  dias  dînas  y  lu  ovoawc 

ftac  bedin  Ododin  b«  waacaMwc.  (PI.  G.) 

'  Y  sylchwy  dan  y  gymwy  bu  adeua^g.  (/Md.)  ▲deaawe.  (H£ng,) 
«  Yo  dyd  guych  bu  ystuylh  neu  bu  buytb  at?«i]iawc.  LIbié,) 
0  Dyrlydei  ?ed  kyro  eilU  Mynydawc.  (  Ibid.) 

10  lliNr  diysig.  (Bm^§.) 

11  Peixan  ou  Peilhian ,  «n  kib  Peiêon^^  élait  sœur  d'ànaurin. 
**  B«d«««r,  écbanson  d* Arthur. 


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302 
Na  KenoD ,  lari  bron,  gleinioD  gwledik,  ^ 
Ned  hef  eisteze  eDo  tal  leizik  \ 


E  neb  a  gwane  ned  azgwanit. 

Raklemm  he  gwaev  maour  ; 
Kalc'h  tree ,  toulle  bezinaour  ; 
Rakbuhan  be  meïrc'h ,  rakrekiaour.  2 
Enn  deiz  gwes,  azgwez  oez  he  lavnaour , 
Pan  kresie,  Renon,  gan  gwirz  gwaoul.  ^ 


XXXIII. 

Diskensez  enn  troum ,  enn  kesevin  : 
Hef  diodez  gormes ,  hef  dodez  fin.  ^ 
Hud  efid  he  goured,  he  louri  Elfin  ; 
Erger  gwaev  rieu  revel  c'hoerzin;  ^ 


>  NyCbyDOD  lary  yron  glynoyon  wledic.  (/6iif.)^Doyon*  {PI*  G.) 
s  T  neb  a  wanei  nyt  adweinit 

Raglym  y  wteawr 

Galchdei  tyllei  yydinawr 

Ragyuan  y  yeirch  rag  rygiawr.  {Btn§.) 

>  Yn  dydd  gwych  alwytb  oed  y  lafnawr. 

Pan  gryssei  gynon  gan  wyrd  vawi.  (/6ûf.) 

4  Disgynsit  yn  trwm  ygkessevÎD 


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303 
Kenon,  lui  aussi ,  [le  chef]  au  cœur  content,  le 
prince  des  magnificences,  ne  resta  point  assis  sur 
son  trône  élevé; 

Quiconque  il  perça  ne  fut  plus  repercé.     .     . 

Sa  grande  lance  était  la  plus  aiguë;  il  perforait 
les  cuirasses ,  il  trouait  les  bataillons  ;  ses  che- 
vaux étaient  les  plus  rapides,  ils  devançaient  les 
plus  nerveux.  Au  jour  de  la  colère,  sa  lance  était 
un  courant  revenant  sur  soi-même ,  quand  il  vo- 
lait, Kenon,  au  bord  de  la  verte  tranchée. 


XXXIII. 

11  était  descendu  dans  la  mêlée ,  avec  les  pre- 
miers levés  :  il  avait  versé  le  fléau  [liquide],  il 
y  mit  une  digue.  6  Sa  vigueur  était  celle  du  cui- 
vre enchanté  ;  7  sa  vitesse ,  celle  d'Elfin  ;  8  l'as- 


Ef  diodes  gorme^  ef  dodesfin.  {PUu  6.) 
"  Ergyr  gwaew  rhieu  ryvel  chwenhin 
Hud  ephyt  y  wrbyd  y  Iwrw  EliBn.  (Itnd,) 

*  Ceet-à-dire,  il  avait  donné  la  fête ,  il  y  mit  fin.  Dans  un  anlre 
endroit  le  barde  dit  qu'elle  fut  donnée  par  Ménéxok  :  mais  tous  deux 
peuvent  y  avoir  contribué. 

'  Charmé ,  ensorcelé  par  les  chants  magiques  des  bardes. 

*  Frère  d*Owen,  et,  comme  lui ,  fils  d*Urien. 


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304 
Eîzin  enn  goled,  mur  kreid,  taro  trin.  ' 


Diskansez  enu  U'oum ,  enn  kasevia  ;  2 
Gwerz  mez,  enn  kentez,  ha  gwirod  gwin 
Haïsez  he  laynaour,  rong  diou  bezin.  ^ 

Eizio  enn  goled ,  mur  kreîd ,  taro  trin , 
Diftkensez  enn  troum,  rag  alavez  gwerin  :  ^ 
Gwere  lu  laeis  eskouedaour ,  ^ 
Eskouet  brecMi  rag  biou  beli  bloezœaour, 
Nag ,  oziouc'h  gwear ,  fin  festiniaour.  ^ 


Hon  deliz  ken  loued  é  arkengoraour  "^ 
Gorvez  gware ,  briz ,  mi  ez  aourtorc'haour ,  ^ 
Xourc^h,  gorug  ammot  enn  blaen  estre  estrifaour.^ 


■  EithÎD  jD  oleit  mur  greid  tarw  Urin.  (Hmg,  ) 

*  Disginsit  yo  trwm  ygkjssevia.  {iHas  Q.) 
>  Gwerth  med  ygkyDied  a  gwirawt  gwîn 

Heyessit  y  lavnawr  rhwng  dwy  vydin.  (CrUk.) 

4  EifliiB  yo  fioleii  mur  greit  tarw  trin 

Disgynsit  yn  trwm  rac  alanued  wyrein.  (FUi  G.) 

«  Wyr«  Mu  liaws  ysgwydawr.  (JWd.)  Ltes.  {Hmg.)   • 

•  Ysguyt  vriw  rac  biw  beli  bloedvawr 


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305 
saut  de  sa  laDce,  celui  des  rois  de  guerre  qui 
rient  [en  combattant.]  C'était  une  bruyère  en- 
flammée,  un  mur  crénelé,  un  taureau  du  tu- 
multe. 

Il  était  descendu  dans  la  m^ée ,  avec  les  pre- 
miers levés;  mais  le  précieux  hydromel  et  le  vin, 
versés  sous  les  portiques,  afTaiblirent  sa  lame, 
entre  les  deux  armées. 

Bruyère  enflammée ,  mur  crénelé ,  taureau  du 
tumulte,  il  était  descendu  dans  la  mêlée,  avant 
que  les  siens  se  fussent  levés  :  il  se  leva  une 
armée  innombrable  de  boucliers ,  et  les  boucliers 
[ennemis]  furent  brisés  devant  les  troupes  du 
chef  de  guerre  mugissant ,  volant ,  à  travers  le 
sang,  au  rempart. 

Alors  vint  à  nous  un  homme  à  cheveux  gris , 
un  sage  conseiller  [monté]  sur  un  coursier  cara- 
colant, tacheté,  un  des  [ennemis]  portant  le  col- 
lier d'or,  un  Sanglier  [de  guerre]  ^^  qui  fit  [une 
proposition  de]  traité  entre  les  combattants  im- 
pétueux. 


Nar  oddech  gwyar  ffln  fesiiniawr .  (Pia$  6.) 

'  An  delnt  cynllujt  yargyngorawr.  {Ibid.) 

9  Gorwyd  gwarenfritb  un  ytheardorchawr.  {Heh§.)  Gware  rith 
rin  eurdorchawr.  [Pioi  G.) 

»  Twrcfa  goruc  amot  ym  laen  ystre  ystrywawr  (idid.) 

«<>  Nous  afODs  déjà  yo  le  barde  Lîwarc*li-Heno  représeoter  Yen- 
nemi  soas  la  figure  d'un  sanglier;  peut-être  a-t^i1  yoidn  désigner  ici 
les  chefs  Kouthwin  ou  Keawlin.  [Voy.  p.  70.] 

20 


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306 
Teilingdez  gourziad  gwaour  : 
«  Hon  gellouit  ê  nev  I  bet  ac'hledaour  ! 
Â.mit  hef  !  kraÎDit  ê  kad  gwaevaour  I  ^ 
KadvanDeu  er  Arc^hlud^idodvaour,  ^ 
N'ec^h  enkenoit  na  be  lu  ezho  laour  !  »  ^ 


XXXIV. 

ce  —  A.m  trenni ,  trelaou ,  trelenn , 
»  Âm  louez,  am  difoues  teouarc^hen  ,  ^ 
»  Am  gwezeu  gwalt  e  ar  he  penn,  ^ 
»  E  am  gouir ,  erer  Gwedien  !  6 
»  Gwizouk  n'ez  amouk  ha  he  gwaen ,  ^ 
»  Arduliad ,  tevelliad  he  perc'hen  ? 
»  Amouk  Morien ,  gwenn  awen ,  ^ 
D  Murdein  ha  kevranneu  penn  !  ^ 
))  Prim  e  gwerez  hag  am  nerz  hag  am  en  !  ^^ 


I  Teiliogdeiih  gwrihiat  gawr 
An  gelwit  y  oef  bit  achledawr 
Emytefcrennyt  y  gai  waewawr.  (Heng.) 

*  Cat  nanoen  yra  elud  clotvawr.  (/6ûf.)  Catvannea  era  cial  dot 
yawr.  {PUu  G.)  Tous  les  manuscrits  ont  rendu  inintelligible  ce  vers, 
en  le  tronquant  ;  je  crois  Tavoir  rétabli  dans  mon  texte. 

'  Ny  chynhennit  na  bei  llu  iddaw  llawr.  (Heng,) 

*  Âm  drynni  drylaw  drylenn 

Âm  Iwys  am  diffwys  dywarcben.  (PUu  G.) 

<*  Amgwyddaw  gwallt  iar  e  ben.  (llnd,) 

*  lam  wyr  eryr  Gwydien.  (Ibid.) 
'  Gwydduc  neus  amnc  ae  waeDr^/ètd.)  Ae  waea.    (Beng.) 


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307 
Un  noble  cri  d'opposition  [s'éleva]  : 
a  Que  le  ciel  nous  fortifie  !  qu'il  soit  notre  re- 
fuge !  qu'il  nous  protège  !  que  les  lances  jonchent 
le  champ  de  bataille  !  que  les  guerriers  d'Ar- 
c'hlud,  iMa  glorieuse ,  ne  soient  pas  opprimés 
avant  que  leur  armée  ne  soit  par  terre  !  » 

XXXIV. 

«  —  Qu'avec  ardeur,  adresse  et  art,  qu'avec 
»  succès ,  à  l'entour  du  rempart  de  gazon  ,  ses 
»  cheveux  flottants  autour  de  sa  tête ,  et  ses 
«guerriers  autour  de  lui,  l'aigle  de  Gwédien 
»  [s'élance]!  ^^ 

y>  La  science  ne  défend-elle  pas  qui  l'honore,  ^^ 
»  [la  science]  abri  et  voile  de  qui  la  possède? 

»  Qu'elle  défende  Morien ,  la  nmse  sacrée , 
y>  des  ruines  et  de  la  pointe  des  lances  poussées 
»  en  avant  !  Qu'il  soit  le  premier  sur  le  champ 

*  Arduliat  diwylljat  ;  berchen 

Amuc  Morien  gwennawt.  (Heng.)  Gwanwawd.  (Plat  G)  11  faut 
évidemment  lire  gwenn  awen  ;  la  rime  l'indique  :  do  reste  ces 
mots  sont  synonymes. 

'  Nurdein  a  chyvrannea  penn.  (P{a«  G.)  Murdeina  chyvrannu. 
(Hmg.) 

*®  Prif  eggweryt  ac  amnerth  acamhan.  {PUu  G.)  Prif  egweryd 
ac  an  nerth  ac  am  hen.  (Heng.) 

Il  Maintenant  Dumbartont  patrie  d*Anenrin. 

**  G*est  encore  une  espèce  d'tncanlaiton  ;  voilà  pourquoi  j'ai 
encore  guillemetté  le  texte.  L'aigle  de  Gwédien  est  Morien. 

'^  Le  barde  lui  dut  la  fie,  cx^mme  on  Ta  vu  plus  haut,  p.  283. 


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308 
»  Trefierer  bod  Bun  Bradwenn , 
»  Deudek  Gwennaboui ,  mab  Gwenn  !  t 


XXXV. 

Am  trenni ,  trelaou  ^  trelenn , 
Gweineziaour ,  eskouedaour  enn  gwezen,  ^ 
Enn  hareal  klezeval  am  penn 
E  Loeger  ^  troc'hion  raktroc^hant  uobenn  ^ 
A  talc'he  mouog  bleiz  heb  penn 
Enn  he  lao.  ^  Gnod  gwic^hnod  enn  ë  Lenn  !  ^ 
O  kevrank  gwez  hag  askenn  !  ^ 
Trenkiz,  ne  dienkiz  Bradwenn;  '^ 


Hag  ar  mur  kaer  eskrouediad.  ^ 

*  Tryoeyrer  bot  Bun  Bratwenn 

Deodec  Gweoabwy  vab  Cweno.  (Ihid.)  Deheuee.  (PUu  G.) 

*  Gweinydiawr  ysgwydawr  yiçgweithen.  (Ibid.) 

*  Yn  aryal  cledyval  am  benn 

Yd  LIoegr  drychioo  racdrychaDt  un  benn. 
«  Â  dalwymwDg  bleid  heb  benn 
Yd  y  glaw.  {Heng.)  Ydo  e  law.  {PUu  G.) 

*  Gnawd  gwycfanawt  yn  y  Lenn .  (  Ibid .  ) 

*  0  gyvrauggwyth  ag  asgen.  {Ibid.)  Gyvrang  gwylb.  {Heng,) 
'  Trengis  ni  dicngis  Bratwenn.  (Ibid.) 


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309 
»  [de  bataille]  et  par  la  vigueur  et  par  le  cou- 
»  rage  !  qu'il  soit  transperce  de  la  lance,  le  corps 
»  de  Bun,  la  Belle  Traîtresse,  douze  [fois]  par 
»  Gwennaboui ,  fils  de  Gwenn  !  »  ^  — 

XXXV. 

Et  avec  ardeur ,  adresse  et  art ,  officiers  et 
écuyers  s'élançant ,  en  brandissant  leurs  ëpées 
terribles  sur  la  tête  des  Lc^riens ,  à  grands  coups 
coupèrent  en  morceaux  un  chef  qui  tenait  [  en 
guise  d'étendard]  le  quartier  de  devant  d'un  loup 
sans  tête  à  la  main.  ^0  La  bravoure  est  ordi- 
naire [aux  guerriers]  dans  le  Lennok!  a  leur 
colère  est  d'un  choc  terrible  et  fatal  1  Elle  përit 
[aussi]  j  elle  ne  peut  échapper  à  la  mort,  la  Belle- 
Traîtresse; 

Et  sur  le  mur  de  la  citadelle  son  cadavre  de- 


•  AcarTurcaerysgrwyditt.  (Ihid.)  Eop  ar  vup.  {Heng.)  Eup  ar 
mur  caer  crisgwîtiat.  (PUu  0.) 

•  Ces  deux  deraiers  vers  sont  une  imprécation  contre  Tépouse 
bretonne  do  chef  saxon  Ida. 

'<*  Ce  singulier  étendard  dont  le  nom  littéralement  rendu  serait 
%me  crinière  de  loup  $an$  tête,  est  un  yesUge  évident  dinflnence 
romaine.  Les  Romains  eurent  pour  étendard,  des  loups,  des 
aigles,  des  chevaux,  des  dragons.  (Lipsius,  de  re  mUiiari.  T.  4, 
p.  266.) 

'I  Je  n*ai  pa^B  hésité  ^  traduire  Lenn  par  Lennok,  le  Lennox  ac- 
tuel ,  une  des  limites  du  pays  d'àneurin. 


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310 
Aer  kret  tena  ;  taer  aeroloziad  ;  i 
Ëna,  rag  Ârc'hludir,  argadouiad  ^ 
Adar  brouedriad.  3 


XXXVI. 

Sellovir  reen  !  n'ez  adraoz  a  bo  moui  ^ 
Oz  damouen  ë  eilloui  ^ 
Oz  amlouc'h  livanent ,  ^ 
Edd  haour  pelgent  ?  '^ 
Na  be  kenhaval  keneillouent,  ^ 
Pan  buost  e  kennevin  klod  ^ 

^  Aer  crei  ty  na  thaer  aer  olodiat.  (Plas  G.)  Aer  cret  tyna  chaer 

aevlodyat.  (Heng.) 
Dair  caret  na  hair  airmlodyat.  {PUu  G.) 
s  Yn  ara  ai  leissyr  ar  gatwyt.  (Pto  G.)  Yn  ara  ae  lyssur  argat- 
wyt.  Una  sara  secisiar  argoundoit.  {Ibid.,  aux  variantes,  à  la  suito 
du  Gu>,  Mael.) 

*  AdarCrwydriar.  (Pku  G-)  Adarbro  uual.  {Ibid.  loc.  $up.  eil.) 

*  Syll  0  yireiin  neus  adrawdd  a  vo  mwy.  (Heng)  Pelloidinirein 
Dis  adrawd  a  vob yw  (P£a«  G.  auzTariantes  qui  suivent  le  Gto.  MaeL) 
Tous  les  manuscrits  ont  reproduit  ce  vers  en  Faltérant  plus  ou 
moins;  éridemment  autun  des  copistes  n*a  compris  ce  qu*il 
écrivait. 

*  0  ddanwynnyeit  llwy.  {Plas  G.)  0  dam  gweiniet  lui.  {Ibid.  loc. 
iup.  ni.)  Ce  vers  manque  dans  le  manuscrit  de  Hengurt. 


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311 
meura  couché.  Le  combat  s'anime  alors;  le  com- 
bat s^étend  furieux;  alors ,  devant  les  hommes 
d'Arc'hlud,  font  retraite  les  oiseaux  de  bataille.  ^ 


XXXVI. 

O  roi  des  Selgoviens,  l^  ne  sera-t-il  pas  aussi 
fait  mention  de  ce  qui  arriva  au  chanteur  du 
golfe  où  des  fleuves  coulent;  H  [de  ce  qui  lui 
arriva]  à  la  première  heure  du  jour?  Il  n'était  point 
de  concerts  comparables  [aux  siens]  quand  tu 
étais  [occupé] y  dans  cette  glorieuse  querelle,  à 

•  Od  amlwch  Uifinat.  (PUu  6)  0  dam  laD  loch  livanat.  (Ibid. 
Loe,  iup,  cil.) 

'  Yn  awr  blygeint.  (Heng.)  Yn  llawr  bylgeint.  {Plas  G.)  En  did 
pleîmier.  (Ibid,) 

•  Na  bei  kyohawel  kyDheilweing  {Ibid.)  GyDhafoI  cpheilw. 
(Heng.)  Na  bei.  (Ibid,) 

•  Les  gaerriers  eoDemis. 

'<>  Les  Selgavii  de  Ptolémôe  :  en  breton ,  SeUomr  ou  Selloffwir, 
c'est-à-dire ,  les  gnerriers à  fiie  perçante,  comme  Âneorin  loi- 
même  va  nous  l'apprendre.  Leur  chef  était  Réneu,  fils  de  Liwarc*h- 
Henn,  comme  je  l'ai  dit. 

*'  Au  barde  du  golfe  de  la  Glyde,  à  Ânenrin  lai*mème.  Les 
fleuves  dont  il  parle  sont  la  Clyde  et  le  Leven ,  an  confluent  des- 
quels éuit  bâtie  Arc'Mudt  sa  ville  naule. 


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312 
Enn  amouen  teouis  enn  gortirod.  ^ 
Os  aezot  enn  gelver  edrec'h  gouir  nod,  2 
Oez  tre  tor,  diac'hor  oez  tor  din  tre.  ' 


Oez  menez  ourz  goluz  a  he  kerc'he  ;  ^ 
Oez  dinas  é  bezin  a  he  krete  ;  5 
Ne  elouit  gwinvouet  men  oa  be,  ^ 
Keit  be  kaouaour  enn  un  ti, 
Azdcuen  govalon  keni, 
Penn  ê  gouir  talbenik  a  deli.  '^ 

XXXVII. 

Ned  oum  menok ,  blin  ; 
Ne  dialam  me  gorzin  ; 
Ne  c^hoarzam  e  c'hoerzin.  ^ 

Adan  traed  ronin  ^ 


I  Pan  TU06t  i  kyDuyvm  clod 
Yo  amwyn  tiayssen  gortirot.  (PUu  (?.) 

*  0  daeddot  yn  gelwir  edrych  gwyr  not.  {PUu  G.)  Ce  vers  manque 
dans  le  manuscrit  de  Hengurt. 

*  Oed  drei  dor  dîachor  oed  dor  din  drei.  {PUu  G.)  0  haedot  dia- 
chor  dîndrei.  {Heng.) 

*  Oed  mynydwrtholutae  cyrchei.  {Heng.) 

N  Oed  dinas  y  vydin  ae  i  crelei.  {PUu  G-)  Oed  divas.  {Heng.) 


\ 

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513 
défendre  ton  pouvoir  dans  les  hautes  terres. 
Si  tu  marchais  [au  combat]  appelant  [à  toi]  ces 
guerriers  renommes  par  leur  coup-d'œil,  ^  tu 
étais  la  falaise  devant  la  mer  qui  monte  ;  tu  étais 
l'insurmontable  rempart  qui  brise  le  flux  de  la  mer. 


C'était  une  montagne  qui  arrêtait  ceux  qui  le 
poursuivaient  ;  c'était  une  citadelle  pour  l'armée 
qu'il  animait;  la  fête  n'allait  point  où  il  n'était  pas. 
Depuis  si  longtemps  que  fut  un  captif  dans  une 
prison 9  portant  l'angoisse  des  soucis,  il  devait  sa 
rançon  à  ce  chef  des  guerriers. 

XXX  VIL 

[Et  moi  j]  je  ne  suis  plus  commandant  ;  [je  suis] 
opprimé;  je  ne  venge  point  mon  échec  ;  je  ne  ris 
point  en  voyant  rire. 

[Mais  quoique  j'aie]  sous  les  pieds  un  anneau 


*  Ni  elwyt  gwinwytmen  na  bei. 

{Heng,) 

'  Kyl  bei  cauuawr  yn  an  li. 

Atwen  OTalon  keny 

Penn  y  gwyr  Ulbeing  a  dely. 

(Ploi  G.) 

•  Nyl  wyf  vynawc  blin 

Ni  dialaf  vy  ordin 

Ny  chwardaf  y  chwerlbin. 

{PUu  G.) 

"  Les  Selgoviens. 

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314 
Estenniok  men  klin ,  ^ 
Ha  buntat  e  ink  ^ 
EtidaeariDy 
Katouen  haearnin 
Am  penn  mé  deu-glin ,  ^ 
Oc'h  mez,  oc'h  buelin ,  * 
Oc^h  Kaltraez  gounin  ;  ^ 
Me  ana ,  me ,  Aneurin , 
Ez  goer  Taliesin , 
GoveU  kevrennin  :  ^ 
N'e  kenik  Gododin ,  '^ 
Ken  gwaour  deiz  dilin? 

XXX  VIII. 

Gourolez  goglez  gour  a  he  goroug  , 
Lari  bron ,  baela  doD  ne  eselloug ,  ^ 
N'ez  emda  daear ,  n'ez  e  ong  mamm  doug  ;  ^ 
Mir  eirian  kadam ,  baearn  kadouk,  1^ 
Oc'h  nerz  be  kleze ,  klaer  e  amouk , 
Oc'b  karc'bar  anwar  daear  em  doug ,  ** 

<  Adan  draed  ronin 
Ystyooyawc  vygglio.  {Plas  G.) 

*  Â  buDdat  y  yo.  (Plas  G.)  Ce.  vers  manque  ailleurs. 
»  Y  ty  deyerin 

Catuyn  heyeruin 

Am  benn  vy  deulin.  {Ibid.) 

*  Oved  0  TaeliD.  {Ibid,)  Ce  vers  manque  ailleurs. 

»  0  Galtraez  wnin.  {Ibid,) 

*  Mi  a  na  vi  Aneurin 


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315 
qui  tend  mon  coude-pied ,  [quoique]  renfermé  à 
rétroit  dans  cette  maison  souterraine,  avec  une 
chaine  de  fer  autour  de  mes  deux  genoux ,  par 
suite  de  Thydromel,  des  cornes  à  boire  et  du  mas- 
sacre de  Kaltraez;  je  sais ,  moi ,  Aneurin ,  ce  que 
sait  Taliésin ,  qui  est  en  union  d'esprit  avec  moi  : 
mon  chant  du  Gododin  n'est-il  pas  plus  beau  que 
Tauroredu  jour? 


XXXVIII. 

Un  héros  du  nord,  auteur  de  maint  exploit, 
joyeux  de  cœur ,  tel  qu'on  n'en  vit  jamais  de  plus 
généreux  en  ses  dons,  tel  qu'il  n'en  marcha  jamais 
sur  la  terre ,  tel  qu'aucune  mère  n'en  porta  jamais 
dans  son  sein  ;  un  guerrier  au  radieux  visage  et  au 
fer  sombre;  par  la  force  de  son  épée ,  brillante  dan» 

Ys  gwyr  Taliessin 

OvegCyvrenhin.  (Ibid.) 

'  Nea  cheing  e  Ododin.  (I6ûi.)  Neu  ehenig  Ododin.  [Heng») 
'  •  Goroled  gogled  gwr  ae  gorag 
Lary  vron  hacla  don  Dy  yssylac.  (PUu  (?•) 

•  Nyt  ymda dorear  nid  ymduc  mam.  (Ibid,) Nytyon  dac.  (Heng,} 
*^  Mer  eirîam  gadarn  haearn  gadac.  (Ilnd.)  Mor  eirian.  (PUu  (y.) 

*  *  0  nerlh  y  deddyf  daer  y  hamuc 

0  garchar  anwar  dacar  ym  duc.  (Pla$  G-^) 


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316 
Oc'h  kevle  Ankeu  y  oc'h  ankor  tud  : 
Keneu  mab  Liwarc'h,  dihavarc*h  drud.  ^ 


XXXIX. 

Ned  hef  porze.  gwarz  gorsez, 
Senelt  ha  he  lestri  laoun  mez  : 
Gorzoleve  klezev  e  karez ,  2 
Gorzoleve  lemen  e  revel  ;  ^ 


Deporze  kenouesaour,  oc'h  brec'h,  ^ 
Rag  bezin  Gododin  ha  Brinec'h. 

Gnod  enn  ë  neouaz  bez  meirch 
Gwear  ha  gouroum  seirc'h  ;  5 
Keîii  e  el  hiriel  oc*h  he  lao 
Hagenn  egilez  bresiao.  ^ 


*  0  gyfle  anghea  0  anghar  dut 

Kenea  vab  Uywarch  dihafarch  drod.  (Beng.) 

*  Nyf  ef  borihei  gwarth  gorsed 
Senyllt  ai  lestri  lawn  med 

Gordolei  gledy  i  gared.  (PUu  G.  ) 

*  Cordoler  lemenei  0  rjvel.  {Ibid.)  Gordoleyi  lemenei  y  ryfel. 
(Heng.)  Les  édiieti»  dn  Myvyrian  ont  dénaturé  ce  vers  et  le 
suivant. 


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517 
la  défense  y  m'a  retiré  de  Thorrible  cachot  souter- 
rain ,  du  lieu  où  j'habitais  avec  la  Mort ,  du  mi- 
lieu des  ennemis  des  hommes  :  [c'est]  Kéneu  ^  fils 
de  Liwarc'h  ,  le  héros  intrépide. 


XXXIX. 

Il  ne  put  supporter  la  honte  de  l'assemblée^ 
TEchanson  aux  vases  pleins  d'hydromel  :  ^  il  fit  ré- 
sonner son  épée  au  milieu  de  l'excès;  il  fit  réson- 
ner sa  lame  dans  la  bataille; 

Il  soutint,  de  son  bras,  ses  compatriotes,  en  pré- 
sence de  l'armée  des  Gododiniens  et  de  celle  des 
Berniciens. 

[Autour  de  lui]  dans  la  salle,  séjournèrent  in- 
cessamment chevaux,  sang  et  harnais  noircis; 
d^éblouissants  éclairs  jaillissaient  de  sa  main  et  vo- 
laient pressés  à  l'ennemi. 

«Dypboithei  cynwysawr  oe  frejch.  {Plas  6.)  Dypborihedeil  yn 
iDuyssaar  o  freycb.  (Heng.) 
>  Goawd  yo  y  oewad  fyth  meircb 

Gwyar  a  gwrwmseirch.  (Ploi  0.) 

•  KeÎDgyell  hyriell  oe  law. 

Âg  yn  elyd  bryssiaw .  (  Ibid.) 

7  Cet  échansoD  éuit  pevt-ètre  le  barde  Eidol  dont  il  va  èvte 
question  plas  loin.  Il  y  a  évidemment  ici  dans  le  texte  une  grande 
lacune. 


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318 

Gwen  hag  emhourzwen  bourzbleit , 

Diseirc'h  ha  seirc'h  ar  tro. 

Gouir  n'ez  oezent  traed  fo 

Heilin  ac'hubiad  pob  bro. 

Lec^hleiku  tud  gleou  douere;  l 

Gododin  estre;  2 

Estre,  ragwor 

Arëankady  5 

Aokadkengor; 

I  leuver  kad ,  * 

Kangen  kaer-gwes ,  ^ 

Keue  dreilloues  5  ^ 

Temper  tempestel , 

Tempestel  temper  ;  -^ 

E  péri  rester 

Rag  riallu  ;  ^ 

Oc'h  din-ti  gwes  enn  devu , 

Gwes  enn-z-hi  novu.  ^ 


*  Uech  Leiicu  tud  leu  leudwre.  (Heng.)  LIech  Lenlu  tud  Icud- 

vre.  {Plas  G.) 
Lecch  bead  ud  tut  leuvre.  (Crick.  à   la  suite  du    Gumrchan 

Maelderw.) 
'  Gododin  stre  stre.  [Ihid.  Ibid.) 

»  Ystre  raguo  ar  y  angad.  (Pla$  G.)  Ce  vers  manque  dans  le 
manuscrit  de  Heogurt. 

*  Anghat  gyngor  i  leuier  cat.  (/Wd.)  Ancat  ancat  cyngor  cyn- 
gbr.  {Crick.  lococilaio.) 

^  Cangen  gaerwys.  (Plat  G.) 


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319 


La  rage  et  la  fureur  transportaient  les  combat- 
tants 9  désarmés  et  armes  tour  à  tour;  ils  n'étaient 
pas  gens  à  fuir  d'un  pied  lâche,  [les  compagnons] 
de  TEchanson ,  ce  pourvoyeur  de  chaque  pays. 

Ceux  de  Lec'hleiku,  iO  hommes  vaillants, 
s'élançaient  ;  ceux  de  Gododin  volaient  ;  ils  vo- 
laient ,  excellant  à  contenir  [l'ennemi]  et  à  tenir 
conseil  ;  illuminant  la  bataille  ,  soutenant  la  gar- 
nison ,  brisant  toute  entrave  ;  à  temps  tempêtant, 
tempêtant  à  temps;  faisant  carnage  devant  cent 
mille;  sortant  de  la  forteresse  en  torrent,  en  tor- 
rent y  rentrant. 


*  Keny  daliwys.  (Heng.)  Keuy  drillwys.  (Plas  G.) 
"i  Tyraor  tymheslyl 

Tymhestyl  dymmor.  {PUu  G.)  Od  lit  dans  des  variaotes  placées 
k^  la  suite  da  Gododin ,  dans  le  même  manuscrit  :  tymyr  tymor 
tymestyl. 

•  Y  beri  restp. 

Rhac  rhi  allu.  (Plat  G.)  Tramerin  lestyr  tra  merîn  lu.  {Ibid.  aux 
variantes  :  Ruyd  rac  rhiallu.) 
t  0  dindywyt  yn  dy vu 
WytyudynoTu.  {Plas  G.) 

*^  C'est  le  Lylhquo  on  LinlUhquo  actuel ,  comme  je  l'ai  déjà 
dit.  Tous  les  manuscrits  sont  tellement  défectueux  dans  cet  endroit 
du  poème  qu'on  ne  sait  si  l'ancien  nom  de  ce  comté  des  frontières 
d'Ecosse  éuit  Lec'hleucu,  Lec'hlenluo}i  Leech  leiku. 


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320 

XL 

Doues  ed  boden ,  * 
Lemm  hed  gwenen ,  ^ 
Louer  genenlu,  5 
Eskouet  r^in ,  * 
Rag  taro  trin  ^ 
He  tal  breou  bu,  ^  . 

Er  kren  ê  gallon ,  er  afar , 
E  brouedrin  trin  trac'houar ,  7 
Amgour  e  man  karo.  8 


—  »  Heïset  Brec'h  !  brevaet  bar  ;  9 
»  Hemp  pouel  ;  dister ,  enn  distar  ;  *0 
»  Hemp  pouel ,  hemb  rod-ri ,  hemp  rec'hoarz.  1^ 

j     .     .      .      . 


*  Dwys  yl  uodyn.  (Pto  (J.) 
•Llymytwenyn.  (Oie*.) 

*  Llwyrgenyn  la.  (Ibid.)  Meîdlyawii  let  lin  lo.  (Crick.  Gwarch. 
MaeL  Var.; 

*  Ysgwyt  rygyn.  [PUu  G.)  Ys  gwyl  pygyn.  (Ibid.  aux  variantes.) 
Scwytgnigyn.  (Crick.,  loco  cil,) 

»  Rac  Urw  trin.  {PUu  fi.)  Rac  dolou  irin.  (i6td.  aux  var.)  Y 
raclaryf  irun.  (Crick.,  loeo  ct(.) 

«  Y  dal  vriw  vu.  (Pla$  G.)  Talorin  vu.  (Ibid.  aux  var.)  Tal  briw 
bu.  (Crick.  lococU.) 


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321 


XL. 


Serrée  [comme  les]  grains  d'un  épi,  perçante 
[comme  un]  essaim  d'abeilles ,  l'innombrable  ar- 
mée ennemie  )  aux  boucliers  fourbis ,  eut  son 
front  de  bataille  brisé  devant  le  taureau  du  tu- 
multe. ^2 

Les  étrangers  dans  le  tremblement  et  la  dou- 
leur, dans  le  désordre  de  la  mêlée  furieuse,  cou- 
rent ça  et  là  à  la  manière  du  daim. 


» — Brec'h  n'est  plus;  sa  fureur  a  été  brisée, 
»  [on  Ta  vu]  sans  force ,  sans  bandeau  de  roi ,  sans 
sourire. 


Il  est  presque  inutile  de  faire  observer  que  ces  six  vers  et  les 
douze  qui  les  précèdent  n'en  font  que  neuf  dans  le  Myvyrian, 
7  Er  cryn  y  alon  ar  afar 
Y  brwydrin  trin  tracbwar.  (Piat  G.) 

*  Âmgwr  y  van  carw.  Ç/Md.  )  Cwr  y  van  ceirw.  {Ibid.) 

*  Hyssed  Brych  briwawt  bar.   (Ihid.)  Byssed    Brych  brinant 
barr.  (Heng.) 

■^  Am  bwyll  disteir  am  distar.  {I(nd.) 

*■  \m  bwyll  am  rhodic  am  rychward.  (/6itf.)  Am  rhod  ri.  [Beng.) 

**  Devant  Kenon. 

21 


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322 
n  He  broez  brestreuliaz  Rez,  ^ 
»  HoD  riou  Drek  ;  ne  bou ,  ne  kavo  ke  n^es  ;  2 
»  Ned  angou  he  oc'h  man ,  ne  ozigwez.  ^ 


»  Ne  mad  manpouet  eskouet  ^ 
»  Ar  groumal  karnouet  ;  ^ 
»  Ne  mad  dodez  he  morzoued 
»  Ar  bruched  mein  loued.  — »  ^ 


XLI. 

—  y»  Gel ,  *  paladr  gel 
»  Gelac'h ,  oc'h  pell ,  7 
»  E  mae  té  gour  enn  he  kel , 
»  Enn  knoi  angel  bouc^h ^ 


*  Ys  broys  brys  treulyaut  Rhys.  (Crkk.) 

*  Yd  rhiw  drec  ni  bu  ny  gtffè  y  neges.  (Ibiâ.)  Yo  rbra  dr«c  ny 
b«  Dygftffio.  [Hèng,) 

s  Nyt  anghw  y  0  van  ny  oddiwes.  {Ibid.)  Nyt  anghwy  •  wa  noy 
oddiwes.  (P[(U  6.) 

*  Ny  mat  vtnpwyi  ysgwyt.  (Ihéi.) 

»  Ar  gyowal  carnwyt.  {Ibid.)  Ar  grymal  carnayt.  {Beng.) 

*  Ny  mat  dodes  y  vordwyt 


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523 
»  En  un  instant,  son  pays  a  été  consumé  par 
»  Rez ,  9  notre  Dragon  du  versant  de  la  montagne  : 
»  il  n'a  point  atteint,  il  n'atteindra  pas  son  but;  il 
»  ne  s'approchera  plus  de  ce  lieu  ;  il  n'y  reviendra 
»plus. 

»  Ce  n'est  pas  pour  son  bien  ique  son  bouclier 
a  avait  été  placé  sur  la  croupe  de  son  cheval  ;  ce 
»  n'est  pas  pour  son  bien  qu'il  avait  posé  sa 
»  cuisse  sur  le  poitrail  de  sa  fine  [monture]  grise! — » 


XLl. 


»  — ^  Compagnon  languissant  du  [chef]  brun  à 
la  lance  brune,  ^^  voilà  bien  longtemps  qu'il  est 
dans  le  cellier ,  ton  maître ,  à  dévorer  son  jambon 
de  daim 


Ar  vreicbit  mein  llwyt.  {Ibid,)  Ar  vreichir.  (Eeng.) 
'  GeU  y  balardr  gdl 
Gellach  y  obell.  {PUu  G.)  Gellach  o  beU.  {Heng.) 

•  T  mae  dy  wr  yn  y  gell 

Yn  cooi  aogell  bwch.  (PUu  6^ 

*  Nous  avoDS  déjà  va  ce  chef  figurer  parmi  les  cesopagnons  de 
KeDdelaDD ,  cbantés  par  Lîwarc'h. 

10  Le  chef  Morien. 


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324 
»  Buz  oc'h  lao  ezhao  pouet  enn  pell.  ^ 

»  Da  e  daez  adon  houei  azdouen  ;  ^ 
ȣma  deusez  Gwenn  beli,  Bradweun;  ^ 
]»  Gounelez,  lazez^  loskez;  ue,  Morien  ,  ^ 
»  Ne  gwaes  gounelit? 5 

x>  Ne  delez-d  nag  eizam  na  kengor  ?  ^ 
«Eskenn!  drem  dibennor!  '^ 
»  Ne  gwelez-ti  mor  c'houez  marc'hogioD  ?  ^ 
»*Ne  lazez  houei  rozint  naouz  i  Saezon  ?9 


XLII. 

Gododin ,  gomenam  të  pleged,  iO 
Te  noeu ,  tra  irineion  Irin ,  baïset  ^* 
Gwas  c'hoant  ë  ariant  ;  heb  emwed 

*  Bad  oe  law  yddaw  poel  poet  ymbell  angell.  {Itnd.)  Badd  oe 
lawyddaw  poet  y  abell.  (Heng,)  Toas  les  maoascrits  sont  très  dé- 
fectueux en  cet  endroit. 

*  Da  e  daeth  Adonwy  atwen.  (PUu  G')l^9i  dyvot  AdonwyAdonwy 
am  a  dawssut.  (Ibid.y  à  la  suite  du  Gtoarch.  Mael.)  Da  dyuot 
Adonny  am  adaussyt.  (Crick,  Itnd.) 

*  Ym  a  dawssyt  wen  heli  Bratwen.  (Ibii.)  Wen  beli.  (PUu  G.) 
4  Gwnelut  lladut  losgut  no  Morien.    (  I(nd.)  A  wneli  Yintwen 

gwnelut  lladut  losgut.  (Ibid.,  aux  variantes  du  Gtoareh,  Mad.) 

*  Ny  waeth  wndnt.  (Ilrid.)  Ny  naeth  wnelnt.  (Heng.) 

*  Ny  delyeist  nac  eithaf  na  chyngor.  {PUu  (j.)  Ny  chedweist  naî 


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325 

»  Le  profit  que  sa  main  rapporte  nous  fait  dé- 
»  faut  depuis  longtemps 

»  U  est  venu  leur  chef ,  [aux  ennemis,]  et  il  a 
emporté  nos  biens  ;  elle  est  venue  ici,  la  Beauté  de 
la  dévastation,  la  belle  Traîtresse;  elle  a  fait  [du 
B  butin ,]  massacré,  brûlé  ;  toi ,  Morien ,  ne  feras- 
tu  pas  pis? 

»  Ne  marchera&^tu  plus  ni  à  Tarrière-garde ,  ni 
D  au  premier  rang?  Debout!  front  sans  casque! 
»  Ne  verras-tu  plus  la  grande  mer  de  cavaliers  qui 
»  s^enfle?  Ne  tueras-tu  plus  ceux  qui  ont  donné 
»  asile  aux  Saxons?»  — 

XLIL 

O  Gododin  !  je  m'intéresse  à  toi ,  à  tes  rem- 
parts tumultueusement  abattus  par  les  bandes 
d'un  goujat  avide  d'argent;  [à  tes  remparts]  qui 

eithaf  na  chynnor.  {Ibid.y  aux  variantes  du  Gwarch,  àiael.) 

'  Tsgwo  drem  dibeonor.  {Ibid,)  Ysgwo  drein.  (Him^.).  Ysgwn 
tref  dy  beawel.  {Pla»  (?.,  aux  variâmes  du  Gwareh.  Mael.) 

*  Ny  weleîst  y  morcbnyd  mawr  marchogion.  (Pla$  G.)  Ny  weleis 
or  mor  bwyr  mor.  {Ibid.,  loe.  cit.) 

*  Wy  nedin  wy  rodio  oawd  y  Saeson.  (Pla$  G.)  Ny  leddin  my 
roddin.  {Heng.) 

*^  Gododin  gomynaf  dy  blegyt.  (Ibid.)  Gomynnaf  oth  blegyt. 
{Ibid..,  aux  variantes.) 

<<  Tynoeu  tra  thrumein  drum  essyth.  {Ploi  G.)  Tyno  en  dra  thri- 
nuein  drinnessy.  (Heng.) 


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326 
Oc*h  kesul  mab  Doueoue,  té  goured !  ^ 


Ned  o^  kengor  gwan.  ^ 


Gwael  j  rag  lano  gweiin ,  3 
Oc'hluc'bour  i  luc'hour,  laaanii»)  ^ 
Luc'hdor  ë  porfor  peirierin  ! 
Laz  gDod  gwan  maous  mur  trin  !  ^ 
Hed  pan  ai  é  daear  ar  Aneurtn , 
Anesgarad  bou  ê  nad  hag  Aneurin  !  ^ 


XUIl. 

Keouerein  kedouir  kenrennin 
E  Kaltraez ,  gwerin  fraez ,  fesgioliD  ; 
Gwerz  mez  enn  kentez  ha  gwirod  gwin 
Halsez  ë  lavDaour ,  rong  doui  bezin  , 
Arzerc'hokmarc'hok,  rag  Gododin,  '^ 
Eîzin  enn  goled,  mur  kreid,  taro  trin.  ^ 


*  Gwas  chwiDt  y  ariant  heb  ymwyt 

0  gysnl  mab  dwywe  dy  wrhyd.  (Ptoi  6.)  Mab  dwyre.  {Eetiç.) 

*  Nid  ked  gynghoman.  (P/(u  G.jNyoed  gyoghor  oann.  {Heng,) 
'  Uael  rac  UnueUbin.  {PUu  6.)  Rachn  Teitbio.  {Heng,) 

«  0  lychwr  y  lycbwr  lolbbin.  (IMd)  Lwcbbin.  (PUu Q.) 

*  Lucbdor  y  borfforberyerÎD. 

Lad  goaws  gwan  maws  mur  tmi.  (CHck) 

«  ÀDysgarat  ac  un  y  nad  ac  ÂDeorio.  {PUuG.)  Anys  garât  vo  yiial 
ac  Aneurin.  (Hmg,) 

'  Kywerein  ketwyr  cynrennin 


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3Î7 
ne  peuvent  plu»  faire  appel  aux  conseils  du  fils  de 
E>ouéoué;  9  [Je  m'intéresse]  à  ta  vaillance!   .    . 
Ses  conseils  nMtaienI  pas  stériles^ 

En  face  du  champ  de  bataille,  à  quelle  fu- 
neste oi^e,  depuis  le  crépuscule  jusqu'au  cré- 
puscule,  [se  livrèrent]  des  officiers  brillant  de 
l'éclat  de  la  pourpre!  ^Oquel  carnage  toqt  na- 
turel détruisit  la  joie  de  leur  boulevard  belliqueux! 
^  ^  Âh  !  jusqu'à  ce  que  la  terre  recouvre  Aneurin , 
les  lamentations  et  Aneurin  seront  inséparables! 

XLIII. 

Ils  se  levèrent  tous  ensemble,  les  guerriers  con- 
fédérés de  Kaltraez ,  —  foule  bruyante  et  impé- 
tueuse ;  —  mais  l'hydromel  de  prix  et  le  vin  versé 
sous  les  portiques  aflaihlirent ,  entre  les  deux  ar- 
mées y  devant  Gododin ,  la  lame  du  Cavalier  su- 
prême, cette  bruyère  enflammée ,  ce  mur  crénelé, 
ce  taureau  de  bataille. 

Y  Gallneth  gwerin  (raelh  fysgiolioii 

Gwerih  med  ygkynted  a  gwiraut  wio 

Heessit  y  hvnawr  rbwDg  dwy  fydto 

Ârdderebawe  varchawe  rao  Gododin.  (Plë»  G-) 

*  Eîtbin  WD  ooleit  mur  greid  tarw  trio.  (Ilnd.)  Eith  iuyo  volait. 

•  DouéoQé  on  Dwywe,  selon  Torthographe  galloise,  éuit  feaune 
de  Dnnod  et  fiUe  de  Gwallok,  priacea  chantés  par  Liwarc'h-'Hean. 

•0  De  racp.  royale. 

**  De  leur  général  en  chef,  de  Kenoo. 


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328 
KeouereiD  kedouir  kenrenuin  ; 
Gwlad  atwel  koc^h  livet  heu  dilÎD  ;  ^ 
Degoglaoz  tonn  pever  peirieiin  !  2 


Men  edint  e  liosam  kelein  ^ 
Oc'h  pra  Brech ,  ne  gwelec'h  Huvdin ,  ^ 
Ne ,  kemet  ha  he  tud  a  korzin ,  ^ 
Ne  porz  mefel?  Morial  heu  dilin , 
Lavn  diraot ,  paraod  é  gwaed  lin.  6 

Keouerein  kedouir  y  keourennin  ;  ^ 
Gwlad  atwel  koc^h  Uyet  heu  dilin. 

Hef  lazaoz,  ac^h  é  maon ,  a  lain 

A  karnezaour,  tra  gogehuc'h ,  gouir  trin.  8 


Keouerein  kedouir,  kevarv^nt 

•  Gwlât  attal  gychljwet  ea  dilin.  {Pla$  G.)  Gwht  atwel  gochly- 
wet  eu  dilio.  {Ibid,) 

1  Dy  goglawd  ton  bevyr  peryerin.  (IHd.) 

'Nenydynteiliossaf  eleÎD.  fidûl.)  Men  ydynt  eiliosstf  elein. 
{Hfng,) 

^ObreiVrycb  ay  uelych  Uevelin.  {Ibid.)  0  brei  Vrych  ny 
uelych  Ueylio.  {Fias  G.) 

»  Ny  chemyt  hae  dud  a  gordin.  {Ibid.)  Ny  chemyd  baedud  a 
gorddio.  {Heng.) 

•  Ny  phyrth  ineuyl  moryal  eu  dilin 


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329 
lisse  levèrent  tous  ensemble,  les  guerriers  con- 
fédérés ;  ils  poursuivirent  l'envahisseur  du  pays,  et 
tous  ceux  [qui  portaient  des  habits]  de  couleur 
rouge.  Que  la  vague  ensevelit  d'officiers  illus- 
tres! 

Là  où  sont  les  plus  nombreux  les  cadavres  du 
parti  de  Brec'h ,  ne  voyez-vous  pas  Huvelin ,  9  qui, 
pas  plus  que  les  hommes  de  son  clan ,  ne  peut 
supporter  un  outrage?  Morial  les  accompagne 
avec  sa  lance  acérée,  prompte  à  verser  le. sang.  iO 

Us  se  levèrent  ensemble ,  les  guerriers  confé- 
dérés ;  ils  poursuivirent  Tenvahisseur  du  pays , 
le  chef  aux  habits  de  couleur  rouge. 

Avec  son  épée,  le  chef  du  peuple  massacra, 
entassa,  à  une  hauteur  égale  à  la  sienne,  les  hom- 
mes de  guerre  [ennemis.] 

Ils  se  levèrent  ensemble,  les  guerriers^  ils  at- 

Lafn  darawt  barawt  y  waeth  lio.  (Pku  G») 

'  Cywreio  cetwyrcywreniiin.  {PUu,  G*)  Ce  vers  et  le  saivant 
miDqoent  dans  le  manuscrit  de  Hengnrt. 

*  Ef  ladawd  a  cbymawn  a  lain 

A  charnedawr  tra  gogyhwe  gwyr  trin.  {PUu  G.)  Tra  gogyhne. 
(Heng.) 

*  Hnvelin ,  ou  Uvelwyn ,  était  pelit-flls  d*Anearin.  * 

10  Le  barde  Liwarc'h-Uenn  ,  mentionne  ce  chef  dans  Télégie  de 
RendelanD. 


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330 
Eged,  eun  ud  prcd,  ez  kerc'hasant; 

Berr  heu  hoedel,  hir  heu  hoed  ar  heu  karant; 
Seiz  kemeut  oc'h  Loegrouiza  lazasant;  ^ 
Oc'h  kevresez  gwragez  gouec'h  a  gounasant  ; 
Laouer  mamm  ha  he  deger  ar  he  ainrant!  ^ 


XLIV. 

Ne  gouraez  pouetneouaz  mor  dianam, 
Leou  mor  hael,  baran  leou ,  loueber  nouiam 
Ha  Kenou ,  lari  bron  ^  adon  tekam  i 
Dinas  ë  dias  ar  led ,  eizam 
Dor  angor  y  bezin  buz  eliosam  !  ^ 

Er  seul  a  gweliz  hag  a  gwelam 
Emet,  enn  emzouen  arev,  greidgoured,  gou- 

riam, 
Hef  laze  osouez  a  lavn  lemmam  , 
Mal  broeo  ez  kouezeot  rag  he  adam  ; 
Mab  Kledno  klod  hir  i  ti  kanam , 

*  Kywrein  ketwyr  cyfarQoant 
Ygyt  yn  un  yryt  yt  gyrchassant 

Byr  en  hoedal  hir  eo  hoet  aren  carant. 

Seilh  gyroeint  o  Loegrwys  a  ladassant.  {PUu  G.) 

*  Ogyvrysed  gwraged  gM^ych  a  unnethant 

Liawer  mam  ae  deigyr  ar  ei  hamrant.  (Ibid.) 


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331 
laquèrent  leur  adversaire  ave^  uDaoiinitë ,  avec 
une  même  rësolulion. 

Leur  vie  fut  courte ,  longs  les  regrets  qu'ils 
laissent  à  ceux  qui  les  aimaient.  Ils  tuèrent  sept 
fois  autant  de  Logriens  [qu'ils  étaient  de  guer- 
riers] :  au  jugement  des  femmes,  ils  firent  des 
prodiges  :  plus  d'une  mère  en  a  eu  des  larmes 


aux  yeux  ! 


XLIV. 


Jamais  il  n'y  eut  salle  plus  parfaite  ;  lion  plus 
généreux  à  face  de  lion ,  sur  une  plus  vaste  arène , 
que  Kenon ,  au  cœur  joyeux;  [jamais]  plus  beau 
chef  j  forteresse  de  guerre  plus  spacieuse ,  plus 
lai^e  porte  de  salut  pour  une  armée;  [jamais] 
butin  plus  abondant  ! 

Et  de  tous  ceux  que  je  vis  et  que  je  verrai 
[jamais]  ensemble  porter  les  armes  avec  le  plus 
d'ardeur ,  avec  la  vaillance  la  plus  héroïque ,  il 
était  celui  qui  tua  les  ennemis  de  la  lance  la  mieux 
affilée;  comme  des  joncs,  ils  tombaient  sous  sa 
main  ;  6  fils  de  Kiedno  !  elle  dur^a  longtemps  y 

^  Nj  woaethpwyd  neuad  mor  dianaf 
Lew  mor  hael  baran  lew  Iwybr  mayaf 
  chynoo  lary  vron  adon  decaf 
Dioas  y  dias  ar  ied  eitbaf 
Dor  anghor  bydin  bud  ei  lyossaf.  [Ibid.)  Eilyassaf.  {Ueng.) 


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532 
Oc*h  klod  y  heb  or ,  heb  eizam  !  l 

XLV. 
Oc'h  gwiavaez  ha  mezvaez  degozolin ,  ^ 

Goun  leiz  mamm  goureiz  Eidol ,  enn  ial.  ^ 

Ermege  rag  bre. 
Rag  bron  buzigre , 
Breïn  douere 
Gwebr  eskenaial;  ^ 
Kenrein  enn  kouezao ,  ^ 
Vel  glas  hed,  am-n-hao  , 
Heb  kiliao  kehaval ,  ^ 
Senouir,  estouir,  estemel,  7 
E  ar  gweilion  gwebel ,  ^ 
Hag  arzemel  klezfal 
Blaen  ankouen  anhun  ;   ^ 
Heziou ,  enn  dihun  ^0 
Mamm  reizin  rouev  tredar  !  U 

■  Er  saal  a  weleis  ac  a  welaf 

Ymyt  yn  ymdwyn  aryf  gryt  garyt  guryaf 

Ef  ladei  oswyd  a  llafn  lymmaf 

Mal  brwyn  y  gwyddyot  rac  y  adaf 

Mab  clytDO  clothir  canaf  yti 

Or  clod  heb  or  heb  eithaf.  (Plas  G.) 

*  0  wiDveith  a  medveîth  dygodolyo.  (/6td.) 

>  Gwn  leith  mam  hwrreitb  Eidol  yn  ial.  {Ibid,) 

*  Ermygei  rac  vre 


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333 
ta  gloire  que  je  chante  ;  ta  gloire  sera  sans  li- 
mite ,  sans  fin  ! 

XLV. 

Par  suite  du  banquet  où  coulèrent  le  vin  et 

rhydromel, 

elle  est  mouillée  [de  larmes],  je  le  sais,  la  mère 
du  brave  Eidol,  dans  la  plaine. 

11  s'illustra  sur  la  colline.  Devant  son  ardeur 
victorieuse ,  les  corbeaux  s'élevaient  et  montaient 
dans  les  airs;  les  combattants  tombaient,  com- 
me un  essaim  azuré  [de  moucherons] ,  autour  de 
lui ,  paraissant  incapables  de  fuir ,  éblouis  ,  agi- 
tés ,  épars ,  la  lèvre  livide ,  sous  les  coups  du 
glaive  à  deux  tranchants  de  ce  noble  [convive] 
du  banquet  de  la  veillée;  et  aujourd'hui,  elle 
est  sans  sommeil,  la  mère  de  ce  glorieux  roi  de 
la  bataille  ! 


Rac  bron  badugre 

Breeio  dwyre 

Wybr  ysgynnyal. 

[Ibid.) 

»  Kynreio  yn  cwydaw.  {Ibid.)  Yn  cynydaw. 

(Hengj 

*  Val  glas  heid  aroaw 

Heb  gilyaw  gybatal. 

(PUu  G.) 

»  Synwyr  ystwyr  ystemel. 

(Ibid.) 

•  T  ar  weillion  gwebyl.  (Ibid.)  Yar  Deilyoo gwebyl.  (Heng.) 

•  Ac  ardemyl  gleddfal 

BlaeD  ancwyn  aDhom. 

(Heng.) 

«0  Hediw  andiboD.  {Ibid,)  Hediu  ar  dihoo. 

(Hmg.) 

**  Nam  reidyn  rwyf  trydar/  (PUu  G.)  Mam 

reiddyn.  (Heng,) 

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334 

XLVl. 

Oc'h  gwinvaez  ha  mezvaez  ez  aezant 
E  keDgen  lorigogion  ;  ^ 

N'ez  goun  laz  letkent.  ^ 

KeD  loueret  heu  laz  dezarvu  !  3 
Rag  Kaltraez ,  oez  fraez  heu  lu 
Oc*h  koskorz  Menezok ,  maour  tru  : 
Oc'h  tric'hant ,  namen  un  gour  a  devu ,  4 


XLVir. 

Oc'h  gwinvaez  ha  mezvaez ,  ez  gresiasant 
Gouir  enn  red  molet,  eneit  dic'hoant. 
Gloeou  duU ,  ê  am  truUez ,  kedvaezant , 
Gwin  ha  mel  ha  mal  amuesant.  ^ 


■  0  wÎDveith  a  medfaelh  ydd  aeibaot 

Tgynhenlarygogyon {Plat  G-) 

«  Nit  gwn  lailh  ledkynt.  (Ikid.  ) 

s  Kyn  Iwydred  eu  lias  djdarfu.  (Ilrid.)  Cynlwyded  eo  leas  dyd- 
darfu.  {Hfng.) 

«  Rac  Gailraeih  oed  fraeih  eu  lu 


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355 
XLVL 

Après  le  banquet  où  coulèrent  le  vin  et  Thy- 
dromel,  ils  marchèrent  au  combat ,  les  [hom- 
mes] cuirassés  ; 

Je  ne  connais  pas  de  récit  de  carnage  [pareil].    . 

Si  complet  fut  leur  massacre  !  A  Kaltraez ,  ils 
formaient  une  armée  bruyante ,  les  guerriers  du 
clan  de  Ménézok,  le  grand  infortuné  :  de  trois 
cents,  rien  qu'un  homme  ne  revint. 

XLVIl. 

Après  le  banquet  où  coulèrent  le  vin  et  l'hy- 
dromel ,  ils  se  hâtèrent  ces  guerriers  qu'il  faut 
célébrer,  [ces  guerriers]  prodigues  de  leur  vie. 
En  bel  ordre,  autour  des  liqueurs,  ils  s'étaient 
fêtés ,  ils  s'étaient  enivrés  de  vin ,  d'hydromel  et 
de  joie. 


0  osgord  f  ynydawr  vawr  dru 

0  trychant  Damyn  un  gwr  ny  dy  fn.  {Plas  0.) 

»  0  winveitb  a  medfeith  yt  gryssiasant 
Gwyr  yu  rheit  moleit  eueit  dichwant 
Gloyw  dull  y  am  drnlytgytvaethant 
Gwin  a  mel  a  mal  amwesant.  [Plas  fi.) 


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336 
Oc*h  koskorz  Menezok ,  * 
Adoui  azwelioky   2 
  rouev  a  kolliz  a' m  gwir  karant.  ^» 

Oc'h  tric'hant  ri  a  lu  ez  gresiasant  Kaltraez,  4 
Tru  !  namen  un  gour  ned  azkorsaez  ^ 

Hu  beze  enn  kevrein  prezent  mab  Peil  ;   ^ 
•     ■•••••••>•     .«. 

Ha  re  hu  beze ,  enn  e  be  atre  "^ 

Hud  ha  moug  Gododin  oc*h  gwin  ha  mez.  ^ 

Enn  diedink ,  enn  kestrink  estre , 

Hag  adan ,  kadvanneu ,  koc^h ,  re 

Meïrc'h  marc'hok ,  godrud  ë  bore.  ^ 


•  0  osgord  vynydawc.  {Ibid.) 

*  Au  dwyf  adveyllia^c.  {Ibid.)  Am  duy  atvyliawr.     {Heng,) 

s  A  rbwyf  a  golleis  am  gwir  garant.  (Ibid,)  Rwy  e  ry  golleis  y 
om  gwir  garant.  {Ibid.  G.  Mael.) 

4  0  drychant  rhi  a  lin  yt  gryssiasant  Gattraeth.  ilbid.)  Odrichant 
enrdorchawc  a  gryssyws  (  Ibid.  Ibid.) 

**  Tru  namyn  un  gwr  ny  alcorsaot.  {Ibid.)  Tru  namen  un  gwr 
nyt  angbassant.  {Ibid,  Ibid.)  Ce  temps  est  une  faute  grossière  et 
manifeste  de  copiste  ;  et  je  n*ai  pas  hésité  à  la  corriger. 


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337 
Dans  Tarmée  de  Ménëzok ,  ce  suprême  gardien 
du  passage  [de  Raltraez]^  j'ai  perdu  un  roi  de 


mes  vrais  amis.  ^^ 


De  trois  cents  chefs  d'armée  qui  se  pressaient 
à  Kaltraez ,  6  misère  !  rien  qu'un  homme  ne  re« 
tourna  chez  lui! 

•  •••>•■••••.•» 

Il  fut  vaillant  dans  le  présent  combat ,  le  fils 
dePeil;** 

mais  il  eût  été  extrêmement  vaillant,  s'il  n'eût 
été  égayé  et  fasciné  par  la  fumée  du'  vin  et  de 
l'hydromel  de  Gododin. 

Sans  entraves ,  lancés  ensemble  dans  la  car- 
rière, et  sous  eux ,  des  hommes  de  guerre ,  ib  cou- 
raient sanglants ,  les  chevaux  du  cavalier  qui  fut 
un  héros  le  matin. 


*  Ha  bydei  ygkywrein  présent  mal  pel.  {PUu  G») 
»  Ar  J  ehu  bedei  yn  y  ? ei  aire.  (IHd.) 

*  Hat  a  mag  Ododin  o  win  a  med.  ^     ilbid.) 

*  Yn  diedingygkystringystre 
Ac  adan  catvannaa  oocbre 

Veirch  marchawc  godrud  y  more.  (Criek.y 

*^  Le  roi  Owen.  (Yoy.  plus  haot  les  strophes  I  et  V.) 

*  *  Peil  était  fils  de  Liwarc'h-Henn  ;  le  guerrier  dont  il  est  ici 
question  était  petit-fils  du  barde-roi . 

22 


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338 
XL  VIII. 

Anker  deour  daen;  ^ 
Sarf  seri  graen ,  ^ 
Sanki  gouroum  gaen ,  3 
Enn  blaen  bezin  ;  * 

Arz  ai'wenaoul , 
Trusiad  treisiaour,  ^ 
Sanki  gwaevaour  ^ 
Enn  deiz  kadouenaour ,  '^ 
Enn  klaoz  gwernin  ;  ^ 

EUNezikNar, 
N'ex  dûug,  troue  bar, 
Gwlez  adar, 
Tredar  trm?^ 

Kewir  az  gelver  o'z  enwir  gweizred,  ^^ 

*  Ângor  deur  daen.  (Crick,)  Angor  deor  daen.  (I6id.  G.  Mael, 
aux  varO  ^^^  ^^^îo-  [Jàid»  Ibié.) 

*  Sarph  seri  raen.  (Ibid.)  Sarph  saphwy  graen.  (Ibid*  G.  Mael. 
aux  var.) Sarph  saffwy  grain.  {Ibid*  Ibid.) 

*  Sengi  urymgaen.  {ibid.)  Ânysgogel  vaen.  {Ibid»  Q,  Mail,  aux 
variantes.) 

*  Tmlaeti  bydin.  {Ibid.)  Blaen  bedin.  (Ibid,  loc.  mp.  cil.) 

><  Agih  arnynawl  dru68yai  dr6Î8&yawr.  {Hêng.)  Artk  arwynawl. 
iPUsQ,) 

*  Sengi  uaenawr  {Heng.)  Sengi  waywawr<  (Plai  Cr.) 


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3S8 
XLVIII. 

Brave  répandant  la  terreur;  serpent  redou» 
table  aux  barbares ,  tu  foulas  aux  pieds  les  noires 
armures,  en  avant  de  Tannée; 


Ours  furieux,  boulevard  contre  redresseur, 
tu  foulas  aux  pieds  les  lances  au  jour  de  la  con» 
fédération ,  dans  la  tranchée  [pleine]  d'aunes  ; 


Second  NezikNar,^^  ne  préparft5-4u  p»,6D  ta 
fureur,  un  banquet  aux  oiseaux  cle  proie,  dans 
le  tumulte  du  combat? 

On  te  nommait  le  juste  à  cause  de  tes  actions 
équitables,  6  chef,  6  guide  des  combattants  sur 


'  Y&dyd  cadwynawr.  (Hmg.)  Yn  dyddctdiawr.  (Pèai  0.) 
^  Tgkkwd  gwemio.  (ibid.) 
»EilNedicNar  | 

NtittB  doc^nffVât 
Gwledyâdir 

Drydar  drin.  (Cftdk.; 

•0  Kiwif  ytii  etwir  enwir  weillifCii.  (HMif .)  Ottieanir  weiifared. 
{PUu  6.)  EDwir  yt  elvir  oUi  gywir  wehlrM.  (Md.  0.  Mâd.  mu 
ttriames.) 

*•  Nain  qai  diise  «■  rond.  [?oy.  les  notea.] 


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34a 

Ragan ,  roueviadour  mur  kadouiled ,  ^ 
Merin^  mab  Madied^  mad  ez  ganet!  ^ 

XLIX. 

Ardeledok  kanu  keman  kafat  3 
Kedouir  am  Kaltraez  a  gounaez  brezred,  * 
Brezhagwear,  sazarsanket.  ^ 

Sanki  uz  Gwened  ^  bual ,  hemp  talmez  ^ 
Ha  kelanez  keouiringeti  "^ 
Ned  adraoz  kibno  ket, 
Pe  keman  keîn  daeret, 
Gouede  kefro  kad.  ^ 


I  Rhagan  rwyuîadwr  mur  catailet.  [Heng.)  Rhagaf  rhwy^adwr. 
{PUu  (r.)  Rettor  rwyfyadar  mur  pob  Kiwet.  {IMd,  6f.  MaeL  aux 
variantes.)  Rector  rbv^yvyadar.  (Ifyvyr.  Àreh,  i.  p.  62.)  Là  va- 
riante r^ltor  ou  r«c(or ,  mot  puremeat  latin,  indique  qu'il  faut 
lire  ragan. 

*  Merin  a  Madyen  matyth  anet.  {Heng,)  Meryn  mab  Madyeith. 
(PUu  G»  G.  Mael.  aux  variantes.)  Meruyn  mab  Madyeith  mad  ytb 
anet.  (Myvyr.  4.  p.  62.) 

*  Ar  dyledawr  canu  cyman  caffat.  {PUu  G.)  Erdiledaf  canu  ci- 
man  cafia.  (îhid.  G.  Mael  aux  variantes.) 

*  Ketuyr  am  Gattraetb  a  wnaetb  brythret.  {PUu  G.)  Yn  oetwir 
am  Gatraeth  ri  guanaid  brit  rec.  {Ibid.  (pc.  sup.  cU») 


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344 
le  rempart;  6  Mérin  j  fils  de  Madien ,  si  heureu- 
sement ne  ! 

XLIX. 

C'est  un  devoir  [pour  moi]  de  chanter  tout  ce 
qu'acquirent  [de  gloire]  les  compagnons  qui  fi- 
rent la  guerre  à  Kaltraez  ;  [de  chanter]  le  tumulte 
et  le  sang  débordant,  celui  qui  foulait  foulé  [à 
son  tour]  aux  pieds;  [de  te  chanter],  toi  aussi, 
ôchefde  Gwéned,  ô  buffle,  qui  foulas  sans  re;- 
làche  les  cadavres  des  guerriers  !  Mais  je  ne  rap- 
pelle pas  la  mesure  du  tribut  [et]  à  combien  de 
blancs  ^  nous  fumes  taxés ,  après  le  tumulte  de 
la  bataille .- 


«»  Brithwya  wyir  satbar  sanget.  (PUu  G.)  Briih  a  uyar.  {Heng.) 
Britgae  ad  guiar  sathar  sanget.  [Plas  G.  G  Mael,  aux  varianteâ.') 

*  Sengi  uitgwyoed  bual  am  dalmed.  (tbid.)  Sengit  guit  guned 
dial  am  dal  med.  {Ibid.  loco  $mp,  cU.)  ■" 

'  Achalaned  cynyringet.  (/6id[.)  0  gaianed  mes  riget.   (Ibid. 
loeo  $up,  eii.) 

'  Nyt  ardrawd  cibno  ced.  {Heng,) 

Nyt  adrawd  cibno  widi  cyflGrocad  ced.  {Plas  (i.) 

Nia  cibno  guedi  cyffro  cat. 

Kevei  cimwyn  idau  ci?i  daeret.  {tbid.  locotùp.  cit.) 

*  Espèce  de  monnaie  :  en  latin  toliduê  :  dans  les  lois  galloises 
da  X«  siècle,  keinok;  en  breton*armoricain ,  gwennek. 


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342 


Ardeledok  kanu  keman  oc*h  pri ,  ^ 
Tourv ,  tan  ha  taran  ha  reverzi , 
Goured  arzerc'hok  marc'hok  meski , 
Ruz  medel  j  revel  a  eizuni  ; 
Gouir  gouned  divuziok  dimoungiei 
Edd  kad  j  ocIol  ment  gwlad  éz  e  klevi  ;  2 
Hag  he  eskouet  ar  he  eskouez,  hed  a  rolei^ 
Laen ,  mal  gwih  gloeu  oc'h  gwezr  lestri ,  4 
Arîant  am  é  gwez ,  aour  telei ,  ^ 
Gwinvaez;GwaednerZ)  mabLeourî.  ^ 


LI. 


Ardeledok  kanu  klaer  gorc*horzon 
Ha  f  gouede  terraez ,  deleinou  avon ,  '^ 
Digonez  lovlen  penn  ereron 
Louet.  Hef gore  bouet  ê  eskiolion , 

'  Ardeledawc  canu  kyoïao  o  vri.  (Hm  G) 

*  Turf  Un  a  iharao  a  rbyuerlhi 

Gurbyt  ardecbawc  marchawc  mjsgi 

Rud  Tedel  rhyfel  a  eiduni 

Gwr  gwoed  divodiawc  diinjngei 

Ygat  ormeÎBtgwlatyt  y  clywi.  (/M.) 

-  Ae  ysgwyi  ar  y  ysgwjd  had  arroli.  (/M.)  Hal  a  roli.  {Heng.j 


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343 


d'est  un  devoir^ tle  chanter  tant  de  gloire ,  de 
tumulte  y  de  feu,  de  tonnerre  et  de  tempêtes;  [de 
chanter]  la  vaillance  sublime  du  cavalier  de  la 
mêlée  9  du  sanglant  moissonneur  avide  de  com- 
bats; [du  cavalier]  qui  décapita  inutilement  des 
guerriers  de  cœur  dans  la  bataille,  et  dont  on 
entendait  [parler]  dç  maint  pays;  [du  cavalier] 
qui,  sou  bouclier  sur  son  épaule,  faisaU  couler 
le  sang  comme  le  vin  brillant  [qui  coule]  du  cris- 
tal dans  des  coupes  entourées  de  cet^cles  d'ar- 
gent à  l'ouverture,  d^or  à  Tintérieur,  pour  le 
banquet;  [du  cavalier]  Gwadœrz,  fils  de  LéourL' 


U. 


C'est  un  devoir  de  chanter  les  illustres  chefs 
qui,  à  la  suite  du  combat,  firent  déborder  [de 
sang]  le  fleuve;  qui,  de  leurs  captures,  rassasièrent 
le  bec  des  aigles  gris.  Paraii  ceux  qui  les  gçrgè- 

4  Wmb  mal  gwio  gloew  o  wjdc  lattri.  (Mot  6.)  Uon  mû  gwis. 
(Heng.) 

*  Amm  am  ytet  aur  dylyi  {Ibid.)  Âriaoi  an  y  ved  e«r.  (Bmg.) 

•  Gwinvaelh  oed  Taetnerlh  ^ab  Llywiri.  {FUt$  ff.)  VaeUieilii 
Ljarî.  (Hing.) 

'  Ardyledawc  canadaer  orehyrdon 
A  gwedy  dyrraiil  dylekiu  afon.  ( /èûi.)  Dyleîau  aaron.  (PEoifif.) 


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344 
Oc^h  a  aez  Kaltraez,  oc^h  aour  torc'hogion  y 
Âr  negez  Menezok ,  menok  maon  ^  ^ 
Ned  oez,  enn  diwarz,  oc'h  parz  Breton  * 
Gododiii,  gour  bell,  gwell  na  Kenon.  5 


UI. 

Ardeledok  kauu  keman  kigweinit  ^ 

Laouen  logel ,  bît^ 
'    Bou  di  (Kc'hoant,  ^ 

Ha  mennei  enn  kelc'h  bit  7 
Eidol anant ; 
Er  aour  ha  meîrc'b  maour  ba  mez  mezveipt.  ^ 

Namen  un  ne  delei  oc'b  bouet  bofeint 
Kenzelik  Àeron  gouir  annofeint.  ^ 


«  DiDcomes  lovlen  ben  eryron 
Luyl  ef  goreu  vuyi  y  ysgyolyon 
'   Or  •  aeth  Gàttraeth  0  aurdorehogion 
Âr  neges  Mynydauc  myoawc  maon.  (Ibid.) 

•  Ny  doeth  yn  dîwarth  o  bartb  vrython.  {PUu  6f.)  Oed  odlt  îmit 
0  barlh  Vrython.  (  Ibid.  loc.  sup.  cU.) . 

^  OdodiD  wr  bell  w«ll  no  Cbynon.  {PUu  ff.)  GododUi  0  bell  gaell 
no  Cbenon  (Ibid,  Ibid.) 

*  Àrdyledawc  canu  cemann  cynreinl.  {Ibid,)  Ceman  kyareiût. 
{Ploê  G,)  Erdyledam  cana  y  eenon  cig  uerea.  {Ibid,  loe,  mp, 
cil,)  flrdiledaf  caon  cioian  ci  guernit.  ^Ibid,  Ibid,) 


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349 
rent  le  mieux ,  parmi  les  héros  qui  allèrent  à  Kal- 
traez,  parmi  les  hommes  aux  colliers  d'or,  du 
clan  de  Ménézok,  chef  du  peuple,  il  n'y  avait 
point,  en  vérité,  du  parti  des  Bretons  de  Godo- 
din,  un  homme  de  guerre  supérieur  à  Kenon. 


IJl. 


C'est  un  devoir  de  chanter  Thorrible  boucherie , 
[qiii  eut  lieu]  dans  la  saUe  joyeuse,  les  muids cou- 
lants dédaignés,  ces  muids  qu'on  faisait  circuler 
aux  accords  d'Eidol  ;  [déchanter]  l'or  et  les  grands 
chevaux  et  Thyromel  enivrant 

Rien  qu'un  ne  revint  du  trop  délicieux  ban- 
quet de  tous  les  guerriei^s  indomptables  de  Ken- 
zelikd'AéronJO 


»  Llawen  llogel  byt.  (/6i4.)  Uawen  llogel  bit.  (/M.  \oc. 
sup.  eU.) 

*  Ba  didichwtnt.  (/6ût.)  Badit  did  dî.  {ExplicU.  Ibid,  Ibid,) 
'  Htt  mymieî  eDgkylch  bit.  (Ibid.) 

*  Tr  aur  a  meirch  maur  a  mad  meddweint.  {Ibid,)  Peu  de  pas- 
sageadn  Qodoàm  oot  été  plu  altérés  qoe  eeloUci»  et  je  ne  ré- 
ponds pas  de  mon  texte,  en  cet  endroit. 

*  Namyn  yn  y  delei  o  nyt  hoffeint 

Gyndilic  Âeron  wyr  en  o  naot.  (llnd,) 

•0  Ce  chef  était  petit- fils  d*Anearin,  selon  certains  maniiscrîis  ; 
selon  d'autres, petit-fils  de  S.  Gildas,  frère  du  barde. 


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346 


un. 

Àrdeledok  kanu  klaer  gorc*horzou 
Âr  negez  Menekok ,  menok  maon , 
Ha  merc^h  Eudaf-hir ,  treis  gwanao  bon ,  i 
Oez  porfor  gwiskiadur ,  tir  amtroc^hion  ;  2 

Deporzez  meiner  molud  neived.  5 

Baran  tan  teriz  ban  keneuet ,  4 

Diou  Meurz ,  gwiskiasant  beu  gouroum  tuzed  ;  ^ 

Diou  Merc'ber,  perizentbeu  kalc^hdoed  ;  6 

Diôu  leu  9  bou  dibeu  beu  diwed  ;  7 

Diou  Gwener,  kelanez  amzouget  ;  g 

Diou  Sadourn,  bou  divurn  beu  kedweizred  ,9 

Diou  Sul,  beu  lavueu  ruz  amzouget  ;  ^^ 

Diou  Lun ,  bed  penn  glin  gwaed  lenn  gwelet  ;  i^ 

Ned  adraoz  Gododin ,  gouede  luzed ,  i^ 

*  Ardjfledawc  carnu  daer  orcbyrdon 
Ar  Deges  Mynydawc  mjnaac  maon 

  merch  Eadafbir  dreit  gwanaw  hon.  (/6fd.)  Dieis  gwaoâwhoo. 
(Heng,) 

*  Oed  porpbor  gaysgyadur  dir  amdrychioD.  {Ploi  Q.) 

*  Dyph^rihes  neinyr  molud  nyvei.  (Ihià,) 

^  BtraD  tan  tevyd  ban  gyneuet.  (Uing.)  Tebibit  Usteryd  Irai  cûh 
ncoed.  (PUu  0.  à  la  saite  da  G.  Mael.) 

*  DuQ  manrih  guisgyasani  y  gwrym  ditdet.  {IHd.)  GwiacisaaDt 
eu  cein  dohei.  {PUu  G*  loc.  tup.  cU.) 

*  Duw  merchyr  peryddeîni  eu  calchdoet.  (/Md.)  Diw  mercbyr  bu 
guero  eu  cit  uoet.  (Plas  G.) 


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547 


un. 

C'est  un  devoir  de  chanter  les  officiers  illustres 
du  cfan  de  Ménézoky  chef  de  peuple  et  [du  clan] 
de  la  fille  d'Eudaf-le-Grand  ;  *^  celui-ci  [mainte- 
nant] ënervë  par  l'oppression  y<|ui  jadis  était  vêtu 
de  pourpre  et  dont  la  terre  est  morcelée;.  •  .  . 
du  clan  de  la  jeune  vierge  qui  remporta  le  prix 

de  sainteté 

Semblables  au  feu  ardent  allumé  sur  la  monta- 
gne ,  le  mardi ,  ils  revêtirent  leurs  sombres  ar- 
mures ;  le  mercredi ,  ils  fourbirent  leurs  cuiras- 
ses émaillées  ;  le  jeudi ,  leur  destruction  devint 
certaine;  le  vendredi ^  ils  emportèrent  des  ca- 
davres ;  le  samedi  j  leurs  travaux  de  fortifications 
furent  ruinés  ;  le  dimanche ,  ils  remportèrent 
leurs  lames  rougies  ;  le  lundi ,  on  vit  une  mare 
de  sang  leur  monter  jusqu'aux  genoux;  et  le  Go- 

'  Dyvyieu  bu  dilMu  eo  diitoei.  (Ibid.)  Ceunaideu  amodet.  (Ploi 
Q.  loe,  sup,  cil.) 

'  Daa  gw^ner  ctlaoed  amdjgei.  {Itrid.)  C^ned  a  cimvet» 
(Plas  0.  loc,  sup.  eti.) 

9  Oui  sffdwro  ba  divsni  eu  cytueitbret.  (JM.)  Bttdidwro  en  cil 
goeîthret.  (PUu  6-) 

*o  Dttu  w\  en  lavoeu  rbud  amddyget.  (Heng.)  Dio  sql  rud  a  al 
raobei.  (Plas  G.  loe,  tup.  ctl.) 

**  Daa  IloD  byl  ben  doa  gaaelloD  goelet.  (Ibid,)  Dia  Urni  byt 
beao  clao  gKraedkio  gueiel.  {Plas  G.) 

<*  Neos  adrawd  Gododin  gwed)ftluddel.(/M'd.)  Nys  adraud  Godo- 
din  gwedy  lludet.  (Plas  G.) 

(^  Elle  se  nommait  Hélène. 


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348 
Rag  pebel  Madok ,  pan  azkoret ,  i 
Namen  un  gour  oc'h  kant  j  enn  e  delet.  ^ 

LIV. 

Moc'h  douereok  ébore,  ^ 
Kenniv  aber  rag  estre.  * 
Bou  boulc'h,  bou  toulc'h  tande  !  ^' 
Mal  tourc'h  eteouesezt'  bre; 

Bou  gwlpuz  mounous  !  bou  le  !  ^ 
Bou  gwear  gweïlc'h  gouroumde  !  '^ 

Moc'h  douereok  ê  meitin  ,8 
A  kennin  aber  rag  fin  ;  ^ 
Oc'h  dines  tiwes  enn  dilîn  :  ^0 
Rag  kant  hef  gwant  kesevin.  ** 

Oez  garv  e  gouneouc'h  c'houi  gwaed  lio  !  12 

'  Rac  pebyll  Madawc  pan  atcoryet.  (Ihid.)  Hir  rac  pebyll  Ma- 
dauc  panatcorhet.  {PUu  G.) 

*  NamyD  un  gwr  o  gant  yn  y  ddelhet.  (Ibid.)  Ce  vers  manque 
dans  les  variantes  da  manuscrit. 

3(  M oeh  dwyreawe  ym  more.  {PUu  G.)  Mùch  aniîreit  t  more. 
(Ibid.  loc.  tup,  cit,) 

*■  Oynnif  aber  rac  ystre.  (Jbid.)  Y  cinim  a  pherym  ac  stre. 
{Ibid,  ibid.) 

»  Bn  bwich  bu  twtcii  tandde.  {Ibid,) 

•  Bu  golut  mynut  bu  le.  {Pla$  G.)  Bu  gootnt  mynat  bu  le.  {Ibid. 
aux  variantes.) 


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349 
dodin  ne  compte,  après  le  désastre ,  devant  la 
tente  de  Madok,  quand  il  revint,  qu'un  guerrier 
sur  cent  de  retour. 

UV. 

aussitôt  le  lever  de  Paurore ,  les  combattants 
affluent  dans  la  carrière. 

Quelle  brèche  !  quelle  montagne  de  flammes  ! 
Comme  un  sanglier  tu  laboures  la  colline  ! 

Que  de  richesses  englouties  !  quelle  multitude! 
que  de  sang  sous  les  noirs  faucons  ! 

Aussitôt  le  lever  [de  Tastre]  du  matin  ^  les 
combattants  affluent  devant  les  remparts ,  suivant 
de  près  leur  général.  Lui,  entre  cent  guerriers, 
il  atteint  le  plus  éminent. 

Ce  fut  rudement  que  vous  fîtes  couler  le  sang  ! 

'  Bu  gwyar  gweilch  gwrwnde.  (Ibid,)  Ba  guanar  gaeilgin  gar- 
jmde.  (/&ûI.(oc.  ctl.) 

•  Moch  dwyreaucy  meiitin.  {PUu  G.)  Toi  eilin.  '{Heng.)  Moeh 
arTireit  i  meitit.  (PUu  0.  U>e.  sup.  cil,) 

*  0  gynra  aber  rac  ùu.  {Ibid.) 

"  Odiuysynlyoys  dylin.  (Hêng.)0  dywys  tywys  yn  dylin.  (Pta$ 
6.)  0  douis  ia  towys  eo  ilin.  {Ihid.  loeo  iup,  ciUUo.) 

Il  Rac  cant  ef  gwant  cessefln.  (Ibid.)  Rac  cant  em  gwant  ces- 
senin.  {Ibid.  lœ.  tup.  dl.) 

**  Oed  gara  y  gWDewchui  waetlin.  {ibid.) 


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3B0 
Mal  evet  mez,  troue  c'hoamûl  ^ 
Oez  gleou  e  lâzouc'h  c'houi  denin ,  ^ 
Klezeval,  diwall  feskiolin  !  ^ 

Oez  mor  diac'hor  ez  laze  ^ 
Eskar  gour  haval  enn  e  be.  ^ 

Diskennouiz  enn  afoue'z  tra  penn  ; 
Ne  deliiz  gen-it  kevrennin  penn  ;  ^ 
Diskiaour  breint  bou  az  laz  ar  gagen  ;  '^ 

Kennezev ,  Owen  ^  eskennu  ar  esire  ;  ^ 

Estonk  ken  goror ,  gore  kangen  !  ^ 


Diled ,  deleoum  kazleu  dilen  ^^ 
Levi  leviodez ,  rouec'h  hag  asken 
AnglaSy  bà  he  souezeu;  lovlen  ^^ 
Deporzez  a  he  lao;  lorik  gwehen  ;  *2 

<  Mal  ivet  med  neu  win.  {JM,  loc,  iup.  dl.) 

*  Oedlew  y  ladeuch  cbwi  dyuin.  (/M.)  Dyvio.  (Heti§,)  Oed  nor 
giMBauo idiDin*  (PUu  G) 

»  Cleddyfal  dywal  flyscjolin.  (IM.) 

*  Oed  mor  diachor  ytladei.  {PUu  G»)  Oed  mor  diachar  yl  wanei 
escar.  (ihid.  loc.  tup.  cit.) 

*  Esgar gwr haval  yn ybei.  (Ibid.) 

«  Dysgyonwys  yn  apbwys  dra  pbenn 
Ny  deliitgynytcywrenmobeD.  (/6ùi.)  ' 


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35i 
[Ce  fut]  comme  vous  bûtes  l'hydromel,  [ce  fut] 
en  riant  !  Ce  fut  vaillamment  que  vous  tuâtes  des 
hommes,  à  coups  d'épées,  6  terribles  héros  ! 

Ce  fut  très  irrésistiblement  qu'il  tua  lui-même 
tout  guerrier  ennemi  qu'il  trouva  son  égal.     .     . 

Tu  descendis  précipitamment  des  hauteurs  ; 
[mais]  les  chefs,  tes  compagnons  ,  n'allèrent 
point  avec  toi  ;  ta  mort,  sur  la  brèche ,  fut  la 
ruine  de  leurs  privilèges; 


D'ordinaire,  Owen  ,  tu  étais  monté  sur  ton 

cheval; 

[et  te  voilà]  abattu  devant  la  tranchée ,  toi ,  le 
plus  beau  rameau  [de  ta  race  !  ] 

C'est  sans  mesure ,  c'est  sans  fin  que  je  lui 
dois  des  chants  à  ce  chef  des  chefs ,  sur  qui  s'é- 
tend et  que  presse  [maintenant],  ainsi  que  ses 
officiers,  un  tertre  vert  ;  13  [à  ce  chef]  dont  h 

'  Diflgîawr  breint  va  e  lad  ar  gagen.  (Hêng) 

*  Cynnedyf  y  Eweîn  eskynna  ar  ystre.  (IMd). 

*  Ystang  cyn  gorot  goreu  gangeo.  (Ibid.) 

*o  Dilyd  dyleyn  cathleu  dilin.  {J(nd,)  Cathku  dilen.  {Heng.) 
'<  Llyui  llivioded  niych  âc  asgen 
ÂDglas  asswyden  loYlen.  (PUu  G.) 
**  Dyphorthes  a  e  law  luiiic  wehio*  (/frûl.) 

*  *  Taliésin,  pleurant  Oweo,  dît  aussi  :  «  le  chef  de  Reghed  est  eaché 
soQs  un  Urlre  verl.  [Voy.  le  Chani  demœl  d'Choen,  fils  d'Urien.] 


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352 
Demgwaleu  gwledik  tal  oc'h  priz  prennial.  ^ 


LV. 

Eidol  adoer  kreu;  granuaour  gwenn; 
piskiaour  pan  be  Bun  barn  penn , 
Perc'hen  meirc'h  ha  gouroumseîrc'h 
Hag  eskouedaour  iaen. 
Kevoed  .a  keverger ,  eskenn ,  diskenn ,  ^ 
Aer  tîwes ,  re  tiwes  revel , 
Gwlad  y  korz  kare  ;  gourz  medel 
Gourz  gwerez  gwaed  am  irwez  :  ^ 
Sankiad  am  seïrc'h  ;  meirc'h  sankiad 
Seirc'hiok.  Nam  gruz  ez  bez  ^ 
AV  delou  laz  drougiaour  luzed , 
Peleder  enn  heis  enn  dec'hreu  kad. 
HeiDt  amgoleu ,  bou  godeu  peleidriad  ;  ^ 
Keint  am  naot  ;  am  divet  è  kel  ^ 


I 


Dymgualau  gwledio  dal  oe  brid  breanyal.   (/6id.)  Dymwalaii. 
(Heng.) 

*  Eidol  adoer  creî  graoaawr  gwyn 
Oysgiawr  pan  tei  Ban  barn  beon 
Perchen  meirch  gwrymseircb 

Âc  esgwydaur  yaen 

Cyvoet  a  gyvergyr  escyn  discyn.  {PUu  G.) 

*  Aer  dywys  ry  dywys  ry  vil 
Cwlat  gordd  garei  gwrd  vedel 


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353 
main  fit  tant  de  captures  ;   dont  la  cuirasse  est 
vide  [maintenant],  et  dont  Targile  et  le  bois  du 
cercueil  environnent  le  front  de  roi. 


LV. 


Le  sang  d'Ëidol  est  glace  j  son  visage  est  blê- 
me ;  la  décision  de  Bun  a  été  la  ruine  du  pays 
de  ce  chef,  si  riche  en  chevaux  et  en  noires 
armures  et  en  boucliers  brillants.  Avec  les 
guerriers  de  son  âge,  il  attaque,  il  monte,  il 
descend ,  ce  roi  de  la  bataille ,  ce  bouillant  roi 
de  la  guerre  qui  aimait  son  pays  et  son  clan  ;  ce 
moissonneur  ardent ,  ardemment  fait  jaillir  le 
sang  autour  [de  lui]  sur  Therbe  :  il  foule  aux 
pieds  à  la  ronde  les  harnais  ;  les  chevaux ,  il  les 
foule  aux  pieds  harnachés.  Mais  autour  de  lui , 
ils  ont  sur  la  joue  Timage  de  la  mort  [peinte], 
ses  malheureux  compagnons  appesantis  y  dont  les 
lances  furent  affaiblies  dès  le  commencement  de 

Gwrd  neryt  gwaei  am  irwed.  (Ploê  6») 

*  Seingîat  am  seirch  seingiat 

Seirchîawc  am  gnid  yt  Yedd.  (Beng.)  Am  y  nidd.  {Plas  G-) 

*  Ar  delw  leilh  drygyawr  ladet 
Peleîdyr  yn  eis  yn  dechrea  cat 

Hynt  am  olen  bu  godea  beleidryat.  (Ibid.) 

*  Ceint  amnad  am  divad  y  gell.  {Ibid.)  Seint  amnani  am  dina  dy 
gell.  (PUu  G.) 

23 


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354 
Hag  estavel  ez  beze  derledel 
Mez  melus,  maglaour, 
Gourez  aer  ken  kles  gan  gwaour  ^ 
Ged  lues  Loegrouiz  liwedaour  :  ^ 
,  Re  pened  ar  hed  é  attaour  !  ^ 


LVI. 

Geillt  Gweuez  klever  he  arzerc'hez  : 
Gwan  am  bon  bet  mez  ;  ' 
Safoue  radaoDOue  Gwenez , 
Taro  bezin  ,  treis  tria  teirnez  j 
Ken  keouez  hef  daear,  ken  gorvez  ^ 
Bet  orfin  Gododin  bez.  ^ 


fieziû  gorzevnat  enn  ageru 
M enok  luezok ,  lao  c'houeru  ; 
fiou  doez  )  ha  koez ,  ha  seberu , 
Ned  oez  hef  ourz  kevoez  goc'houeru  ;  ^ 

*  Âc  ystaveU  yi  vydeî  dyrlydel 
Med  melys  maglawr 
Gwrys  aer  gayuglys  gan  uawr 

Cet  luys  Loergrwys  liwedar.  {Ilnd.) 

*  Rhy  benyt  hyd  ydd  attawr.  (Ibid.)  Ar  hyt  y  attawr.  {Heng> 
s  Eilll  wyned  clywer  y  ardercbed 

Gwananhon  byt  ved.  (PUu  G.) 

*  Safwy  rodanwy  Gwyned 


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355 
la  bataille.  D'éclato  de  lumière  environné ,  le 
retranchement  est  rayonnant;  la  guerre  enve- 
loppe la  vallée;  elles  enveloppent,  elles  consu- 
ment le  cellier  et  la  salle  où  coula  Thydromel 
mielleux  et  enivrant,  les  flammes  de  la  guerre 
allumée  dès  l'aurore  par  l'armée  de  1&  nation 
Logrienne  :  châtiment  excessif  suivi  de  repentir  ! 

LVI. 

On  entendra  les  rochers  de  Gwéned  [  procla- 
mer] son  renom  !  "^  Pour  lui  aussi  fut  fatal  Thy- 
dromel  ;  [pour  lui  qui]  de  sa  bnce  comblait  de 
dons  Gwéned  ;  pour  ce  Tauneim  d'armée ,  supé- 
rieur aux  rois  du  tumulte ,  avant  que  la  terre  ne 
l'emprisonnât,  avant  que  les  frontières  de  Gô- 
dodin  ne  fussent  le  tombeau  où  on  le  coucha. 

[Il  avait]  une  armée  accoutumée  [à  coral)attre] 
dans  les  brouillards,  le  chef  belliqueux  à  la  main 
rude;  il  était  sage  et  brave  et  magnifique;  il 
n^était  point  dur  pour  les  siens;  l'argent  gagné 

Tarw  bydin  treis  trio  teyrned 

Gyj)  kyuefi  i  daear  cya  gorved.  (Plas  G.) 

•  BytorfTuD  Gododin  bed.  (Ibid.)  Byt  or6n.  (Ueng.) 
0  Bydin  orddyvnat  yn  a^rtu 

M ynnawc  luydawc  law  chweru 

Bu  doeth  a  choelh  a  syberw 

Nyl  oed  ef  wrlh  gyfed  gochweru .  (Ploi  G.) 

'  Le  reaom  d'Eidol. 


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356 
Buzen  keïnion ,  ar  heu  helu ,  ^ 
Ned  oez  ar  les  bro  pob  delu.  ^ 

LVII. 

—  a  Hon  gelver  !  mor  ra  kenouer  enn  plem- 
»  Doued ! 
»  Emtrefrouet  peleder ,  peleder  gogemouet  ! 
D  Goglesir  haearn  lemet ,  lavn  enn  ased  ! 
»  Serzir  é  konin  enn  tredar 
D  Gour  frouezkoun,  flammdir,  rag  eskar!  ^ 

»  Deporzet  kad  meïrc'h  ha  kad  seirc'h 
»  Kreulet  aV  Kaltraez  koc'h  re  ! 

»  Mae  blaenouezy  bezin  dinas  !  ^ 

»  Aer  ki  gwec'h  gwarz  bre!  ^ 

»  Hon  gelver-ni!  Ban  klaer  gwere  ^ 

D  Ec'hadav  eizen  :  haearn  de!  »  "^ 


I  Badyn  geioyon  ar  eu  hela.  (OteJk.)  Mudyn.  {Heng,)  Gnissint 
gusvilon  ar  e  helo.  {PUu  6.  aax  yar.j 

*  Nyt  oed  arles  bro  pob  delà.  (Ihid.)  Nit  oed  ar  les  bro  bot 
ero.  (Ibid.  toc.  mp.  cU.) 

*  An  gelwir  mor  a  cbynnwr  ym  plymnwyt 
Yntryvruyt  peleidyr  peleidyr  gogymayt 
Goglyssor  hayam  Hveid  lavn  yn  assed 
Syrchyn  ygkomn  yD  trydar 

Gwr  ffrwythlawn  flamddar  rag  ysgar  {ibid,) 


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357 

qu'ils  possédaient  y  ne  profita  pas  au  pays  ta- 
toué. 8 

LVII. 

—  (X  Appelons  !  que  la  mer  [monte]  jusque  dans 
»  la  mêlée  !  échangeons  nos  javelots ,  nos  javelots 
»  paiement  terribles;  poussons  le  fer  aigu,  la  lame 
y>  meurtrière!  qu'elle  tombe  dans  le  tumulte,  la 
y>  couronne  du  guerrier  replet ,  à  Tacier  de  flam- 
y>  me  y  [la  couronne]  du  chef  ennemi  !    - 

D  Qu'il  ramène  ses  chevaux  de  bataille  et  ses  équi- 
»  pages  de  guerre  dégoûtant  de  sang ,  du  sanglant 

»  combat  de  Kaltraez  ! 

»  Le  voilà  sur  la  hauteur,  le  fort  de  notre  armée  ! 

»  Le  chien  de  guerre  héroïque  domine  la  colline  ! 
»  Appelons-nous  !  levons  notre  étendard  brillant 
»  au  point  culminant  du  champ  de  bataille  !  pous- 
»  sons  le  fer  !  —  » 

4  Dyphortbeit  cadveirch  a  cbadseirch 
Grenlet  ar  Gattraez  cochre 
Mae  blaenwyd  bydÎD  dînas.  {Pku  G-} 

•  Aergigwyth  gaarth  vre.  (ibid,) 

•  Ad  gelwir  ni  flaw  glaer  ffwyre.  (ibid.)  Fanglaer  wyre.  (Heng.) 
'  Echadaf  heydyn  haearn  de.  (Ibid,) 

'  Littéralemeoi  :  Le  buHn  de  blancs  [de  soas]  en  leur  po$$e$tion 
nefulpoiou  pro/U  du  pay$  de  toute  espèce  de  figures ,  c'est-à-dire 
du  pays  des  Scois  ou  des  Pietés,  qui  se  peignaient  le  corps. 


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358 
LVIIl. 

Menok  Gododin ,  traez  e  antor ,  * 
Menok-amrann  koueniator, 
Rag  eizen  arial  flamm  ned  azkor  ;  ^ 
Hef  dodezhef,  diles,  enn  kenhor;  ^ 
Hef  dodez  rag  trusi  teodor;  * 
Enn  arial  ar  trewal  diskennouez;  ^ 
Gan  leouez  porzez  maour  pouez.  ^ 
Oc^h  koskorz  Menezok  ne  diankouez 
Namen  unarev,  ainzirurv,  amzifouez.  '^ 

Oc'h  gwlez  bore  hef  ne  bon  aesaour, 
Deporzen  traez ,  e  ennin  laoùr  ! 
Re  dougoc'h  he  lovlen  glas  lavnaour; 
Peleder  pouez  periglen  penn  periglaour.  ^ 
Hefar  gorwez  erc'hlaSy  peûQ-é*>mezaour,  ^ 
Trin  degouez  trouc'h  trac'h  he  lavnaour,  ^^ 
Pangorvez;  oc'h  kad  ne  bou  foaour,  ^* 

*  Meoawc  Gododin  traeth  e  annor.   (PUu  G»)  Traeth  y  anoor. 
,  (Heng.) 

*  Menawc  am  rann  cwyohyalor 

Rac  eidyD  arial  pblaro  nyt  atcor.  (Plas  G  ) 
^  Ef  dodes  ef  dilys  ygkynhor.  {Ibid.)  y  gephor.  {Beng.) 

*  Ef  dodes  ractrisi  teudor.  (Ploï  G.)  Raotrasi.  (Heng.) 
»  Yn  aryal  ar  drywal  disgyonwys.  (Ibid.) 

«  Gan  llewes  ponhes  mawr  bwys.  {Plas  G-)  Can  lieues  porihcs 
mam  bwys.  (Heng.) 

'  0  osgord  Vynydawc  ni  diang^ys 


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359 

Lvm. 

Le  chef  de  Gododin ,  i2  au  point  sans  brèche 
du  rivage,  le  général  en  chef  que  Ton  pleure, 
n'avait  point  reculé  devant  la  flamme  ardente  du 
conflit;  il  s'était  placé  lui-même,  inébranlable, 
au  passage  principal  ;  il  s'y  était  placé  à  la  tète 
d'une  garde  compacte  ;  avec  vigueur  il  avait  fon- 
du sur  les  [ennemis]  dispersés  ;  avec  vaillance  il 
avait  porté  une  grande  charge.  Du  clan  de  Mené- 
z^k ,  il  n'échappa  qu'une  arme  tout  informe  et 
toute  mutilée. 

Quoique,  par  suite  du  banquet  du  matin ,  il 
n'eût  pas  de  bouclier,  il  défendit  bien  le  rivage , 
il  brilla  au  champ  de  bataille!  Le  glaive  bleu  de 
sa  main  porta  des  coups  rapides;  le  poids  de  ses 
javelots  mit  en  péril  la  tête  de  quiconque  l'af- 
fronta. Monté  $ur  son  coursier  gris ,  le  chef  des 
chefs  y  il  faisait  tomber  les  ennemis  sous  les  coups 

Namyn  yn  aryf  amdyphryf  amddilwys.  {Plas  0-) 

•  Ogoledmoryefoy  bu  aessawr 
Dyphortbyn  Iraetb  y  eonyo  Uawr 
Rhy  duc  oe  lovlen  glas  lavnaour 

Peleîdyr  pwys  preiglyn  beo  penglawr.  (Pieu  G.) 

*  Y  ar  orwyd  erchlas  peoweddawr.   (Ibid.)  Penifedawr  {Hmg.) 
*<>  Trio  digwyd  irwcb  tracb'  y  lavoawr.  (Ihid.) 

*'  Pan  orwydd  oc  cad  ni  bu  ffbawr.  (/Wd.)  Par  orwydd.  (Heng.) 
•*  Le  barde  veut  saiis  doute  parler  de  Méiézoà. 


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360 
HoD  derled  molet  mez  melus,  maglaour  !  i 

LIX. 

Gweliz  ê  doull ,  oc'b  penn-tir  Adoen ,  2 

Âberz  am  Koelkerz ,  a  diskennen'  ;  3 

Gweliz  oez  kennevin  ar  trev  Redegein ,  * 

Ha  gouir  Nouezon  re  kolesen'  ;  ^ 

Gweliz  gouir  ddliaour ,  gan  gwaour^  azdeuen\  6 

Ha  penn  Deuvnwal-Brec*h ,  breîn  a  he  knoen'  ;  7 

Mad  mudik  ;  eskavn  gwenn  askora  advaon 

Ha  he  glasok  tebedok ,  tra  mordoui  gallon. 

Gouraol ,  amzefrouez ,  gormaour  ê  lu, 

Goured  bron ,  gourvan ,  gwan  beu  armeu  , 

£  kennezev  diskenni  ragnao  riallu , 

Enn  gwezgwaed  ba  gwlad  ba  gorzevneu  1  ^ 

ft  Ad  dyrlys  molet  med  melys  maglawr.  (ibid.) 

*  Gweleis  y  dwll  o  beno  tir  Adoen.  {Plat  G.)  0  benn  tir  Odren. 
{Heng.)  Gweloys  y  dull  o  bentir  Adoen.  (Plas  G.  aux  variantes  à  la 
suite  de  Gododin.) 

>  Aberth  am  goefcerlb  a  dysgynnyn.  {Ibid.)  Aberlhach  goel 
certh  a  ymddygyn.  (  Ibid.  Ibid.) 

*  Gweleis  oedceyuevio  ar  dref  ffledegein.  {Heng.)  Dref  Redegein. 
{Plas  G')  Gweleis  y  ddeu  ac  eu  tre  ry  gwyddyn.  (Ibid,  ibid.) 

*  A  gwir  Unytbion  ry  golessyn.  (Heng,)  Gwyr  Nwython.  (Plas 
G.)  0  eir  NunytboD  ry  godessyn.  {Ibid.  Ibid.) 

*  Gweleis  gwyr  dullyawr  gan  awr  addeuyn.  {Ibid.)  Gweleis  ywyr 
tyll  vawr  gan  uawr  adsen.  {Ibid.  Ibid.) 

'A  pbeu  Dyfnual  a  breicb  brein  ae  cnoyn.  {Ibid,)  A  phen  Dy- 
Tynnal  vrych.  (Ibid.  Ibid.)  Dyrynaul  Trych.  {Heng.  aux  Tariantes 
du  Gododin.) 


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361 
de  sa  lame  y  quand  il  tomba  lui-même;  mais  il  ne 
s'enfuit  pas  du  champ  de  bataille ,  celui  dont  on 
doit  célébrer  Fhydromel  doux  et  enivrant. 

LIX. 

J'ai  vu  des  flots  [de  guerriers]  qui ,  du  promon- 
toire d'Aédon,  ^  descendaient  pour  la  fêle  du 
Koelkerz;  *^  j'ai  vu  ce  qui  était  d'usage  dans  la 
cité  de  Rédeg ,  et  les  hommes  de  Nouézon  perdus 
par  leurs  excès  ;  ^*  j'ai  vu  des  guerriers  en  ordre 
de  bataille ,  dès  l'aurore  arriver ,  et  la  tête  de 
Domnal-Brec'h  que  des  corbeaux  dévoraient.  [J'ai 
vu]  des  richesses  enlevées^  un  monceau  blanc  d'os- 
sements d'envahisseurs  aux  bannières  azurées,  d'é- 
trangers venus  d'au-delà  de  la  mer;  une  grande 
armée  vaillante,  entourée  d'eau,  au  cœur  magna- 
nime, tumultueuse,  aux  armes  affaiblies,  résolue 
à  tomber  devant  cent  mille  hommes,  à  verser 
son  sang  pour  son  pays  et  ses  coutumes  ! 

'  Mad  madic  ysgafn  uyn  asgwrn  advaon 
Âe  lassauc  lebebauc  tra  mordwy  a  ion 
Gwrawl  amddoyvrwys  goruawry  1o 
Guryt  vron  garvan  gwan  au  arueu 
T  gynneddyf  disgyoou  rac  naw  rialla 
Tg  gwyd  gwaed  a  gulat  a  gordifoeu.  {Plas  G-) 

*  Plusieurs  des  forts  de  la  tranchée  se  nommaient  ainsi  ;  selon 
Camden ,  à  cause  des  escadrons  de  cavalerie  qui  y  séjournaient. 
*®  Voyez  les  notes  et  éclaircissements. 

*' Nouézon  était  petit-61s  de  Raou,  et  par  conséquent  nevea 
d*Aneurin. 


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362 
Karam  të  buzik  leizik ,  tra  bou  anaou , 
Kenzelik  Âeron ,  keneu  leou  ;  ^ 
Karasoun  diskenni  enn  Raltraez  kesefin , 
Gwerz  mez  enn  kentez  ha  gwirod  gwin  ; 
Karasoun  ne  kablouez  ar  laîn , 
Ken  bou  ë  laz  oc'h  glas  ufin  ; 
Karasoun  eil  klod  deporzez  gwaed  lin , 
Hef  dodez  he  klezev  enn  goezin  : 
N'ez  adraoz  goured  rag  Gododin  ?  ^ 
Na  be  j  mab  Keidio  ^  klod  un  gour  trin  ?  3 


LX. 

Truan  eogen-em,  gouede  luzed, 
Gozav  gloes  anken  troue  ankevred  ! 
Hag  eil  troum  truan  gen-em-me  gwelet 
Degoueze  bon  gouir-ni  penn-oc'h-traed  î 
Hag  uc'hened  hir,  hageilioued 
Enn  holl  gouir  peber ,  temer  tutoued , 
Ruvon  ha  Gwgan  Gwion  ha  Gwlighed, 

'  Caraf  dy  vuddir  leitbic  a  vu  anau 

Cpdilic  AeroD  cenheu  lew.  {Ibid.) 

*  Carasswn  disgynna  y  Gattraeth  gessevin 

Gwerlh  med  ygkented  a  gwirawd  gwin 

Carasswn  neu  chablwys  ar  lain 

Cyn  bu  y  lias  ae  las  upbin 

Carasswn  eil  clôt  dyphortbcs  gwaellin 

Cf  dodes  y  gledef  y  g  goethin 


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365 
Je  veux  [voir]  ton  trône  triomphant ,  tant  que 
mon  inspiration  durera ,  6  Kenzelik  d'Aeron ,  6 
fils  de  lion  ;  4  j'aurais  voulu  tomber,  au  premier 
rang,  à  Kaltraez,  et  payer  [de  ma  vie]  l'hydro- 
mel des  portiques  et  le  vin  limpide  ;  j'aurais  vou- 
lu, plutôt  qu'une  tache  sur  mon  glaive,  être  tué 
par  le  pâle  breuvage;  j'aurais  voulu  la  gloire 
qu'un  autre  remporta  à  travers  un  lac  de  sang , 
en  poussant  son  épée  en  brave  :  sa  vaillance  ne 
sera-t-elle  pas  rappelée  dans  le  Gododin  ?  n'eut-il 
pas  la  gloire  d'un  héros ,  le  fils  de  Keidio  ?  ^ 

LX. 

Qu'il  est  malheureux  pour  moi,  d'avoir  survé- 
cu aux  combattants!  d'avoir  [un  jour]  à  soufTrir 
Tangoisse  de  la  mort  d'une  manière  différente  [de 
la  leur!]  Qu'il  m'est  pénible  aussi  d'avoir  vu  tous 
nos  guerriers  tomber ,  depuis  le  premier  jusqu'au 
dernier  ;  d'avoir  à  pleurer  depuis  si  longtemps,  et 
à  gémir  sur  le  sort  de  ces  hommes  vaillants  de 

Neus  adrawd  gwrhyt  ne  rac  Gododin.         (Plu  G.) 

*  Na  bei  mab  Ceidiaw  clôt  un  gwr  trin.  (Heng.)  Ce  vers  man^ 
que  dans  Tautre  manuscrit. 

*  Selon  quelques  manuscrits ,  il  était  petitûls  du  barde;  selon 
d'autres ,  petit-GIs  de  saint  Gildas ,  son  frère ,  comme  je  Tai  dit 
précédemment. 

"*  Gwendoleu.  Ce  Keidio  était  frère  d'Aneurin  lui-même  (** 


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364 
Gouir  gorsav  ^  gouriav  ,  gwrz  enn  kaled.  i 
Ez  deupo  heu  ened  houei ,  gouede  trined , 
Kennouez  enn  gwlad  nev  ^  azey  aoneued  !  2 


LXL 

Hef  gourzodez  très ,  tra  gwear  lenn  ;  3 
Hef  laze  vel  deour  duU  ne  'tec'hen' ,  ^ 
Taolae,  ag  eskez,  taoleu  gwezrin  ^ 
A  mez  y  rag  teimez ,  taoleu  bezin.  6 


Mentekengor,  7 
Men  na  lavareliaos?  ^ 
Hag  pe  annaos,  ned  edeuez;  ^ 
Rag  ruzer  poelladeuez.  ^^ 

*  Traan  yu  gennyf  gwedy  lladet 
Godef  gloes  anghea  trwy  agkyffrct 
Ac  eil  trwm  truan  genoyf  fy  gwelet 
Dygwyddai  an  gwyr  ny  pen  0  draet 
Âc  ucheneit  hir  ae  eilywet 
Yd  ol  gwyr  pybyr  temyr  tutwet 
Rhavaon  a  gwgaiiii  gwiann  a  gwylyget 
Gwyr  gorsaf  gwriaf  gwrdd  ygkalet.  {Plas  ff .) 

*  Ys  deopo  eu  heneit  wy  wedy  trinet 

Gynnwys  yggwlat  nef  addef  anneuet.  {Ibid.) 

*  Ef  gwrthodes  très  tra  gwyar  lyn.  (  Ibid,) 

*  Efladdeival  dewrdnll  nad  erchyn.  (l6td.)Nyterchyn.  {Heng.) 


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365 
notre  terre  natale,  sur  Ruvon  et  Gwgan  et  Gwion 
et  Gwlighedy  de  ces  hommes  si  fermes ,  si 
courageux 9  morts  à  la  peine.  Puisse  leur  âme, 
après  leurs  travaux ,  avoir  été  reçue  dans  le  ro-r 
yaume  des  cieux,  le  séjour  du  repos! 

LXL 

Celui  qui  brava  les  dangers,  à  travers  un  lac 
de  sang  ;  ^^  celui  qui  abattit ,  comme  un  b^ros,  les 
rangs  qui  ne  reculaient  point  [devant  lui ,]  avait 
renversé,  à  coups  de  pique,  les  tables  et  les  verres 
d'hydromel  des  chefs,  comme  les  tables  de 
Farmëe 

Grand  dans  le  conseil,  où  la  multitude  ne  par- 
lait-elle pas  de  lui  ?  Et  dans  les  difficultés,  il  ne 
fuyait  point;  à  l'assaut,  il  opposait  l'assaut. 


*  Taulojeac  ysgeth  taviei  wydrin.   (PUu  G.)  Tauloyu  acysgeth 
taolet  wydrin.  (Heng.) 

*  Â  med  rac  teyrned  Uvlai  vydin.  {PUu  6.) 

'  Meint  y  gyoghor.  {PUu  G»)  Ce  vers  manque  dans  celui  de 
Hengurt. 
'  Men  na  lavarei  liaws.  (Ibid.) 

*  Âc  vei  annaws  nyd  edewyt.  (/6id.)  Nyd  edeint.  (Heng.)    , 

10  Rac  rulhyr  bwyllyadett.  (PUu  fi.)  Rac  ruthyr  bwyll  yaddeo. 
{Hmg,) 

11  Gwendolen,  fils  de  Keidio,  nevea  d'Anenrin  (Toyez la  strophe 
LIX,  vers  19.) 


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—  »  A  klezevaour  liveir!  ^ 
D  Handit  gwelir  ^ 
»  Lavar  leïr  !  ^ 
»  Porzloez  bezio  ! 
»  Porzloez  laïn  !  -* 
»  Ha  lu  ragwez  ^ 
»  Enn  ragerwez  ! 
»  Etin  deiz  gounez  ! 
»  Enn  kevresez  !  ^  »  — 

Bouan'  gwec'hod  ^ 
Gouede  me^^; 
Ha  mez  evet, 
Ne  bon  gwared.  '^ 

Lxn. 

Hon  gorwelam^ 
Ened  frouez  lamm  !  ^ 
Pan  adraozer 
Torret  ergir 

•  A  dedjvawr  lyveit.  {Plas  G) 
«  Handit  gwelir.  {Ibid.) 
>  Uvarleir.  (llnd.)  Lavar  lein.  (Heng.) 
«  Porthloed  vydin 

Porihioed  iain.  [Ploi  Q. 

'^  A  Uu  rac  nedd.  {Heng.)  Rac  ued.  (Ueng.) 
«      Yo  ragyrued 
Yd  dyd  guoed 


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367 


»  —  Qu'on  aiguise  les^aives!  voici  venir  de 
»  Tocéan  des  voix  bruyantes  I  Du  secours  à  Par- 
i>  mée  I  Du  secours  aux  lances  I  que  l'avant-garde 
A'  prenne  une  attitude  menaçante  !  c'est  le  jour 
»des  suprêmes  efforts  ;  [le  jour]  de  la  bataille!» — 


Mais  ils  furent  présomptueux,  [nos  guerriers] 
après  s'être  enrvrés  ;  et  l'hydromel  bu ,  il  n'y  eut 
plus  de  salut  [pour  eux.] 


LXII. 

Pleurons  solennellement  la  chute  de  nt)s  âmes 
d'élite!  aujourd'hui  que  Ton  rappelle  le  souvenir 
de  l'énergie  brisée  de  leurs  chevaux  et  de  leurs 
gens  9  prédestinés  à  un  sort  fatal  ;  aujourd'hui  que 

Ygkywryssed  (Plat  G.) 

7      Boant  gwychawd 

Gwedy  medawt 

A  medyret 

Ni  bu  waret.  {llnd.) 

n  Angoroylain.  (Plas.  G.)  An  goraylam.  (Heng.) 
0  Enoyd  phrwylblam.  {Plas  G.) 


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368 
Oc'h  meïrc'h  ha  gouir , 
Tonker  tonked;^ 
Pan  emzewed 
Liaos  preder, 
Prederam  foun 
Funen  ar  tek ,  * 
Ar  real,  rodek  3 
Ar  hent  gwelao.  ^ 

Kekestuzoum  ;  ^ 
Kekarasoun,  ^ 
Keleïk  fao,  "^ 
Hag  Argoedouiz, 
Gwal  gorzevuouiz  8 
Enemduliao.  ^ 

<  Pan  adrodder 

Torret  ergyr 

0  veirch  a  gwyr 

Tpgyrtyoget.  {Uid 

*  FfaoeD  ar  dec.  (Ibid.)  Ffuo  en  ar  dec.  {Beng.) 
»  Ar  yal  rodec.  (Plas  G.)  Aryal.  (Heng.) 


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369 
s^ëpanche  de  toutes  parts  la  douleur  de  la  mul- 
titude, j 'épanche  aussi  la  mienne  avec  abon- 
dance, au  sujet  de  notre  confédération  si  belle, 
si  invincible ,  au  retour  de  cet  anniversaire  de 
larmes. 


Avec  tous ,  je  les  pleure  ;  avec  tous  je  les  aimai , 
ces  héros  du  bocage ,  et  ces  hommes  de  TÂrgoed, 
habitués  à  se  battre  sur  le  rempart. 


«  Arhynt  wyhw.  {Plas,  G) 

»  Gy  cjstodiwD.  (Ibid.)  Cy  cystyio.  (Beng.) 

•  Ga  carasswD.  {Plas  6f.) 

'  Gelleic  fiaw.  (  Ihid.)  Geieic  fau.  {Hmg.) 

•  Ac  argoedwys 

Gwae  gordyvnwys.  {Plas  0.)  Gwal  gordyvDwys.  {Heng,) 
*T  emdolyaw.  (PtofG.) 


24 


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310 
DIWEZ. 


Hef  dadodez 

Ha'r  louez  pouez , 

HaV  les  rieu ,  ^ 

Ha'r  dilion  koed  ;  ^ 

HaV  dileou  hoed 
Er  kevezeu  5 

Kevezouogouet  ; 
Hef  hon  dizoug  ha'r  tan  adloeou ,  ^ 
Hag  ar  kroen  gwenn  gosgroeou ,  ^ 
Gèrent  rag  deheu  :  gwaour  azdodez ,  ^ 
Louc'h  gwenn  toull  ;  ar  eskouez 

lor  espar ,  lari  ior  ; 

Molud  menez,  mor!  '^ 

Gogoun  hef  esilez  ;  gogefie  Gèrent.  ^ 
Hael  menok  oez-out  ; 


«  Ëf  dadodes 
Ar  Iwyd  pwys 

Arles  rieu.  [PUuG.) 

s  Ar  dilion  goed.  (/frid.)  Ar  dilyvuD  goet.  (Heng.) 
3  Ar  dilin  hoet 

Yr  cyveddeu.  (Ibid.) 

4  Ef  an  dyddnc  ar  dan  advoyu.  {ibid,)  Ar  dan  adloyw.  (Heng.) 
«  Ac  ar  groengwynn  gosgroyw.  (Ibid.) 


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374 

ÉPILOGUE. 


Celui  qui  a  rétabli  et  la  prospérité  du  pays  et 
les  bénéfices  des  che&,  et  les  édifices  de  bois,  ef- 
façant le  regret  du  festin  où  Ton  festoya  ; 

Celui  qui  nous  a  ramenés  et  au  feu  rallumé  [de 
la  guerre]  et  aux  peaux  blanches  parsemées  de  fi- 
gures; ^  c'est  Ghérent,  le  chef  du  sud  :  il  a  pous- 
sé de  nouveau  le  cri  de  guerre ,  au  déversoir  du 
lac  blanchissant  9  ^^  ayant  sur  l'épaule  sa  lance 
d'immortel  9  ce  bienheureux  immortel;  qu'on  cé- 
lèbre sur  la  montagne  et  sur  la  mer. 


Je  connais  aussi  sa  postérité.  Ghérent  la  fit  à  sa 

ressemblance. 

Oui!  tu  étais  un  généreux  prince!  sans  cesse  ta 
renommée  grandit;  tu  étais  une  ancre  de  salut 
dans  le  conflit,  un  aigle  indomptable,  la  sauve- 

«  Gèrent  ne  deben  gawr  a  ddodet.  (Ibid.) 
'  Llwch  gWyn  dwll  ar  ysgwyt 

Yof  yspar  lary  yor 

Molut  myoyt  mor.  (Ibid.) 

•  Gogwneif  heissylut  gugyvei  GereiDt.  (Heng.)  Gogwnei  Gereiut. 
(PUu  G.) 

»  Les  Scots  ou  les  Pietés. 

*o  Le  lac  qui  a  voisinait  la  ville  natale  d'Aneurin. 


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372 
Diannod  te  klod  e  kludvan  ; 
Diac'hor  ankor  enn  kemman , 
Diec'her  erer,  gouir  gwaran,  * 
Trin  gozev  eizav  ;  oez  eirian  ; 
Ragore  è  meirc'h  rag  buhan 
Eon  trin;  ledvegiii  gwin  oc'h  pan  :  2 
Ken  glas  bez  a  glase  enn  ran ,  ^ 
Bou  gour  gwlez  uc'h  mez,  megiroc'hpan!  ^ 

*  Hael  myaawc  oeddat 

Diannot  y  g1ut?an 

Diacbor  angor  ygkyman 

Diechyr  eryr  gwyr  gowaran .  {Ikid.) 

«  Trin  oddef  eiddef  oed  eirian 


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373 
garde  de  tes  guerriers ,  leur  soutien  dans  la  plus 
grande  chaleur  de  la  bataille  ;  tu  étais  beau  ;  tu 
devançais  les  chevaux  les  plus  rapides  dans  la  car- 
rière ;  et  tu  avais  bu  sobrement  le  vin  de  la  coupe  : 
oui!  avant  que  la  verte  tombe  verdit  sur  toi, 
tu  avais  été  le  héros  d^un banquet  d'hydromel;  tu 
avais  honoré  la  coupe  1 


Ragotei'teircb  rtevoan 

Tb  trin  ledfegin  gwio  o  Imn.  (Ihid.) 

s  Gyn  glas  ved  a  glassa  ea  rhan.  (Ibid.)  Yo  rhan.  (Heng,) 
*  Ba  gwr  od  ach  gwledd  vaeà  mygr  oban.  (Pla$  G.)  Gwr  gwledd 
Qcb  medd.  (Htng*) 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Pour  bien  saisir  l'esprit  de  cet  épilogue ,  il  faut  se  rappeler 
qu'effectivement  Ghérent  avait  été  le  héros  d'un  banquet  donné 
avant  la  bataille  de  Longport  où  ce  prince  perdit  la  vie ,  en 
l'année  501  :  il  faut  se  rappeler  ces  vers  du  barde  Liwarc'h- 
Henn  : 

€  A  Longport,  j'ai  vu  les  éperons  d'hommes  qui  ne  recu- 
laient point  devant  la  peur  des  lances ,  et  qui  avaient  bu  du  pin 
dans  des  verres  trUlants t  i 

On  ne  doit  pas  ouMier  aussi  que  Ghérent ,  leur  chef,  était 
déjà  au  nombre  des  saints  à  l'époque  où  fut  composé  l'épi- 
logue du  Gododin. 

Si  les  vers  relatifs  au  martyr  breton  ne  sont  pas  d'Aneu- 
rin  dont  le  poème  se  termine  d'une  manière  on  ne  peut 
plus  naturelle  par  les  larmes  qu'il  répand  sur  la  tombe  de 
ses  compagnons  d'armes ,  dans  la  funèbre  cérémonie  commé- 
morative  de  leur  désastre ,  ils  doivent  y  avoir  été  lyoutés  par 
quelque  autre  barde  de  son  temps  et  de  son  clan.  Ce  qui  me 
porte  beaucoup  à  le  croire ,  c'est  que  Ghérent  était  précisé- 
ment le  chef  du  clan  ou  de  la  famille  d'Aneurin  ;  qu'il  était 
père  de  Kaou ,  prince  d'Arc'hlud ,  grand'père  du  barde ,  et 
qu'il  devait  être  en  aussi  grande  vénération  près  des  habitants 
de  la  Clyde  qu'en  Comouaille  même. 

De  là,  cette  assistance  miraculeuse  obtenue  ou  sollicitée 
par  eux,  à  la  suite  de  leur  désastre. 

Deux  fragments  de  poèmes ,  qui  semblent  plutôt  d'Aneurin 
que  l'épilogue  même ,  et  comme  les  corollaires  poétiques  du 

•  Voyez  p.  8  et  9. 


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375 

Gododin ,  eompiètent  les  renseignements  donnés  par  le  barde 
stn*  les  héros  de  Kaltraez.  Les  manuscrits  les  intitulent  Gar" 
c'haneu,  c'est-à-dire  IncantatioM ,  et  ils  méritent  ce  nom  par 
leor  ressemblance  avec  les  efiusions  poétiques  du  même  genre 
contenues  dans  le  Godoâin.  Malheureusement,  ils  ont  trop 
souffert  pour  qu'on  puasse  les  citer  en  entier. 

L'un,  consacré  au  chef  TudvouLr'h ,  et  débutant  par  les 
deui  vers  de  la  stance  XXII«  : 

c  Que  les  armes  s'unissent!  que  les  rangs  se  forment  1  > 
poursuH  ainsi  : 

€  Que  le  tumulte  commence  !  En  avant  les  braves  !  en  avant 
les  grands  !  en  avant  4es  bons  ! 

»  Voici  que  Tépieu  d'aune  est  roi;  qu'il  s'entoure  des  cors 
arrondis  !  qu'il  s'entoure  des  glaives  recourbés  ! 

>  Loué  soit  le  chef  des  peuples  de  la  plaine  ;  [le  cbef]  au 
large  front!  i»  — 

Hais  Tudvoulr'h  tombe  blessé  à  mort  : 
€  Ah  !  tu  es  blessé  !  blessé  dangereusement,  è  toi  que  ché- 
rissaient les  dames  ! 

>  Je  t'aimai  à  peine  en  vie  ;  je  t^aimais  vivant ,  ô  Taureau 
méchamment  abattu;  je  te  pleure  mort. 

>  Tu  fus  oehii  qui  partagea,  [quand  il  coula]  des  cornes 
bleues ,  l'hydromel  au  matin  ; 

>  Tu  Ais  un  homme!  [tu  fus]  un  grand  prince,  vêtu  de 
pourpre ,  le  soutien  de  Tarmée  : 

f  Tu  fu^  une  colline ,  6  Tudvoulr'h  !  [tu  avais  ]  l'apparence 
du  sanglier  dévastateur. 

*      Touref  eon  agoued  !  E  am  kam  kern  ! 

Ë  rak  meuved  !  E  am  kam  klez  ! 

E  rak  maovrwed  !  E  molir  ri 

E  rak  matecd  !  Al  laour  peizi, 

Pan  67.  tîem  gwero ,  Peiz  liou  rakwez  ! 

{Mu-  de  Criekho%oel  et  de  Plas  (rloyn.) 


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576 

>  La  tête  [90uinée]  de  sang  et  de  vin ,  gorgés  d'hydromel , 
[nos  guerriers]  allèrent  se  battre ,  au-delà  de  leurs  puissan- 
tes limites. 

>  Les  travaux  de  palissade,  faits  pour  préserver  nos  eonlu- 
mesy  avaient  été  nivelés  [par  Tennemi.] 

>  Le  roi  Kenon ,  venu  de  Menao  pour  défendre  nos  privil^ 
ges ,  et  Tudvoulrli  se  (rayèrent  un  passage  vars  les  haitteurs 
des  citadelles. 

>  Avec  Ménézok ,  elles  furent  désastreuses ,  leurs  libations  : 
cause  annuelle  de  regret  touchant  ces  hommes  de  Kaltraai 
qui  me  soutenaient;  [cause  de  regret]  pour  moi;  [de  r^fret 
touchant]  leurs  lames  d'acier,  leur  hydromel»  leur  fureur 
[de  boire] ,  leurs  fers  ! 

>  Que  les  armes  s'unissent!  que  les  rangs  se  forment!  N'en- 
tends-je  pas  le  tumulte?  t  < 


•  Gwelet  ez  oaet! 
Gwelet  ena  rouet» 
Riein  karet. 
Kar  it  breiz-beo , 
Karoan  te  bec  ; 
Kam  huniok  ttro» 
KoaeÎDam  te  maro. 
Gour  gwelleaz 
Oc'ii  korn  glas 
Mez  meitin; 
Goor,  teirn  raor, 
Oc*h  pliz  porfor, 
Porzloed  bezin  ; 
Bre  eic*hy  Tudvoulc'b, 
fiaran  ret  tourc*h. 
Penn  gwaed,  gwÎDy 
Er  mez  a  maourev 
Ez  aezant  aerev 


Tros  hea  haoa  fin. 
Gwtalvan  gweîz 
E  kadou  kevreiz 
Bon  kdvievin. 
Kenan  Kenos 
Teizie  oc*h  Mod 
Ar  breiotgoriiii; 
Tndfoolc'b ,  ke? OHk'b 
A  gore  boalc'b 
Ar  ban  kaereu. 
Gaa  Menezok 
Bon  adfeiliok 
Ueu  gwirodeu; 
Bloezen  birraez 
E  gouir  Kaltraez 
A'm  maez,  ez  roeu. 
Hen  la  voeu  dur  i 
Heu  mez ,  heu  biir , 


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377 

La  mâle  Tîgaeor  de  ee  bardît  guerrier  feit  vivement  regret- 
ter que  son  état  de  détérioration  empêche  de  le  traduire  com- 
plètement, n  oflfire  phiâeurs  traits  remarquables  qu'en  re- 
trouve dans  un  chant  de  guerre  armoricain  :  tel  est  T^ieu 
d*aune  roi  [de  la  mêlée]  :  le  barde  du  continent  s'écrie  t 

«  0  glaive  !  6  grand  roi  du  champ  de  la  bataille  !  6  glaive  ! 
6  grand  roi  !  > 

Tel  est  cet  aflBreux  mélange  de  sang  et  de  vin  célébré  par 
Aneurin  : 

€  J'ai  bu  sang  et  vin  dans  la  mêlée  terrible ,  dit  le  poète 
armoricain  ;  j'ai  bu  sang  et  vin.  > 

Et  il  ajoute  avec  une  joie  sauvage  : 

€  Vin  et  sang  nowrissent  qifl  en  boit  ;  vin  et  sang  nourris- 
sent! >  I 

L'autre  poème  tronqué  d'Aneurin ,  offirant  des  allusions  à  la 
bataille  de  Kaltraez ,  se  termine  par  une  strophe  où  le  barde 
développe  un  fait  de  cette  bataille  qui  n'est  qu'indiqué  dans  le 
Gododin  : 

€  De  trois  cent  soixante-trois.guerriers  qui  allèrent  à  la  ba- 
taflle  de  Kaltraez,  et  qui  s'y  pressèrent  autour  des  ministres 
de  l'hydromel ,  rien  que  trois  ne  revinrent  :  Kenon  et  Kadreiz , 
et  Kadleu  de  Eadnant ,  et  moi-même  [inondé]  de  mon  sang  ; 
on  prit  en  pitié  le  fils  [  de  la  fête]  du  Koelkerz  ;  on  donna  ma 
valeur  en  or  pur,  en  acier  et  en  argent.  *  * 

Hea  bualeu.  AmkeoMin  duU! 

Ar?  amkenDoll!  Toarev  D*ez  kiglea  ! 

(/Md.,  et  dans  le  BÊyvyr,  areh,,  p.  2i.) 
I      Gwad  ha  gwin  efiz  Gwin  ha  gi^^'ad  a  ve? 

Er  gwall  vriz.  Neb  a  ev, 

Gwad  ha  gwin  eviz  !  Gwin  ha  gwad  a  vev  ! 

{Barzat'Breix t  Chants  populaires  de  I» 
Breugne,  t.  2,  p.  79,  4«  édition.) 
-  *  Tri  gouir  ha  tri  ugeot  ha  tric^bant 


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378 

Aneurin,  dans  le  Godèdin,  nomme  seulèm^it  Kenon  parmi 
les  survivants ,  et  se  contente  de  désigner  les  deux  autres 
comme  deux  chiens  beUiqueuxde  gammn. 

Dans  le  cours  de  ce  petit  poème,  après  avoir  maudit  les 
Angles ,  après  s'être  écrié  : 

>  Que  le  torrent  de  la  ftreur  [déborde]  contre  les  Angles  ! 
il  est  bon  de  tuer!  il  est  bon  d*empiler  les  cadavres  pour  les 
corbeawi.  »  ' 

Le  barde  peint  avec  des  traits  encore  plus  vifs  que  ceux  du 
Gododtn  le  résultat  du  carnage  de  la  salle  du  banquet , 

<  L'angoisse  profonde  ;  les  belles  eoupes  dorées  avec  des 
cercles  de  sang  ;  le  sang  cachant  l'écume  de  rkydromel  jaune 
et  hmllant;  le  ^ng  formant  de  nouveaux  «ardes.  >  ^ 

Sa  conclusion  est  toujours  la  même  : 

c  Prince  des  hommes  de  Tbarmonie,  mèn  partage  est  de 


E  brezel  Raltraez  ez  aezant , 

Oç!h  seul  e  kresiasaot 

Uc'b  uioz  meneslri , 

Nameu  tri 

Ned  azkorasani  : 

Kenon  ha  Kadreiz  ha  Kadieu  oc*h  Kadnanl 

Ha  menneu  o'm  kreu  ;  dec'hourant 

Mab  Koelkerz  ;  men  gwers  a  gounaezanl 

Oc*h  aour  pur,  ha  dir,  bag  ariant. 

(Ms8.  de  Crick,  Voy.  aussi  le  Myvyr.  arch.,  t.  i,  p.  61.) 

*  Rouet  gwen  rag  eingl  !  iaoun  laz  ! 

laouD  brini  enbrenial  !  (  Ibid  ^  Und.) 

*  A  galar  douvien.. 
E  gweuD  tased  melen 
Ë  kreu  oc'h  kelc*ben  ; 
Keledik  eouen 

Mez,  meger,  melcn.  ^ 

Eil  kreu  oc'h  kelc'hcn.  (/fttrf.) 


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379 

pleurer  jusqu'à  ce  que  le  jour  de  [l'éternel]  silence  arrive.  »  < 

Ces  fragments,  par  leur  liaisoa  intime  avec  le  siqet  et  par 

leur  importance  ^  m'ont  paru  valoir  la  peine  d^étre  traduits. 

Nous  trouvons  dans  les  Triades  les  plus  anciennes,  dans 
celles  qui  sont  restées  pures  des  traditions  fid>ul«ise8  du 
moyen-âge ,  quelques  renseignements  qu'on  peut  joindre  à 
ceux  de  l'histoire  et  des  bardes  contemporains  sur  les  guer- 
riers de  Kaltraez  les  plus  illustres. 

Elles  mettent  l'armée  que  Ménézok  y  conduisit  au  nom- 
bre des  trois  armées  célèbres  par  la  garde  de  passages  dif- 
ficiles ;  ^  et  des  trois  armées  désintéressées  de  Tile  de  Breta- 
gne :  «  On  lui  donna  ce  nom ,  disent-elles ,  parce  qu'elle  se 
rendit  à  Kaltraez  à  ses  propres  frais,  sans  y  être  sollicitée , 
et  sans  demander  ni  paie  ni  présent ,  soit  au  pays ,  soit  au 
souverain.  »  ^ 

A  répoque  où  les  Triades  s'exprimaient  ainsi ,  un  prince- 
barde  du  pays  de  Galles ,  nommé  O^wen  Kévâiok ,  faisait  le 
même  éloge  du  clan  de  Ménézok  :  «  Écoutez,  s'écriait-il ,  en 
s'adressantà  ses  nobles ,  écoutez  comment  à  la  suite  des  liba- 
tions d'hydromel ,  il  partit  avec  son  chef  pour  Kaltraez  ,  légi- 
time expédition ,  après  avoir  aiguisé  ses  armes ,  le  clan  de 
Hénézok  ;  et  comment  il  y  trouva  la  mort  et  la  renommée , 
ainsi  que  son  intrépide  et  malheureux  général.  »  ^ 


'  Teirn  tud  anao , 
Ez  roeu  e  gweînao, 
Edd  e  bez  ê  deiz  Uo.  (Ibid.) 

«  Myvyr.  arch.,  t.  2,  p.  8  el  77. 

^  Ibid.,  t.  2,  p.  69. 

*  Kigleu  am  tal  mez  mened  Dreik  Kaltraez, 
Kewir  heu  arvaez,  arvcu  livet, 


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380 

D'accord  avec  le  barde  Àneurin ,  les  Triades  font  périr  Ru- 
von  dans  la  bataille ,  et  nous  apprennent  cette  particularité 
curieuse ,  que  son  corps  ayant  été  racheté  au  poids  de  Tor , 
on  le  surnomma  Yun  des  trois  corps  d'or  de  VUe  de  Bretagne  :  i 
sa  mémoire  y  comme  celle  d'Owen ,  ffls  d*Urien ,  est  bénie  par 
les  méùies  annales ,  et  sa  tombe  est  honorée  par  les  bardes 
des  XII«  et  Xin«  siècles. 

Morien,  qu*elle8  sumonmient  le  chef  à  h  longue  barhe, 
était ,  selon  elles,  un  prince  étranger  qui  régna  dans  Tile  de 
Bretagne  :  s  le  sotMÎquet  de  guerrier  hrun  que  lui  donne  Aneu- 
rin ferait  croire  à  une  origine  mauresque. 

Le  clan  de  Gwendoleu ,  fils  de  Keidio ,  est  mis  au  rang  des 
trois  dans  du  nord,  les  plus  fameux  par  leur  patriotisme. 

Si  l'on  en  croit  les  hagiographes  gallois,  ce  fut  saint  Iltud  qui 
éleva  Gwendoleu.  Il  mérita  des  bardes,  dont  il  fut  le  protec- 
teur, le  surnom  de  Colonne  de  la  poésie ,  3  et ,  des  guerriers  de 
rtle  de  Bretagne,  celui  de  Taureau  de  bataiUe  ou  de  tumulte,  ^ 
titre  honorable  qu'Aneurin  prodigue  dans  son  poème ,  et  qui 
devait  être  très  ancien ,  car  les  chefs  bretons  le  portaient  d^ 
du  temps  des  Romains  :  j'en  jugç  par  plusieurs  médailles  où 
l'on  trouve  de  face  une  effigie  de  prince ,  et  au  revers ,  un 
taureaii  dans  une  attitude  menaçante ,  tète  baissée  et  cornes 
en  avant,  emblème  flatteur  du  guerrier. 


Kosgorz  Menezok  ;  am  beu  kousked 
RsTsant,  ë  adnoK  kas  blaoz  bleinieid. 

(Myvyr.  arch.,  t.  i,  p.  i66.) 
'Ifrtd.,  t.  2,p.  69. 

*  Ibid.,  t.  2,  p.  64. 

'  Kotoven  kerzeu.  Myvyr.  arch.,  t.  1,  p.  166. 

*  Taro  kad*  Myvyr.  arch.,  t.  2,  p.  4. 


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381 

Certaines  traditions  galloises  font  mourir  Gwendoleu  en 
577  ;  d'autres  en  593. 

Madok,  Gwgan  et  Gwion,  qu'Aneurin  semble  grouper  à 
dessein,  sont  aussi  réunis  dans  les  Triades ,  sous  la  même  au- 
réole glorieuse  :  dies  nous  représentent  le  second,  armé  d'une 
épée  sanglante ,  et  les  dit  célèbres  tous  trois  pour  avoir  com- 
mandé des  sentinelles. 

Karadok ,  dont  elles  font  un  prince  comouaillais ,  aurait  été 
célèbre  comme  capitaine  de  cavalerie.  Dans  un  ternaire 
attribué  au  fameux  Arthur ,  le  chef  breton  l'appelle  un  de  ses 
trois  caoalier»  de  bataille  et  la  colonne  des  Kemris,  c'esU-à- 
dire  de  la  nation  bretonne.  ' 

Je  ne  passerai  pas  en  revue  tous  les  autres  chefs  chantés 
par.  Aneurin ,  que  les  Triades  mentionnent  honorablement  : 
cela  m'entraînerait  trop  loin.  Hais  je  ne  puis  omettre  la  men- 
tion flatteuse  qu'elles  font  du  héros  favori  du  barde.  Elles  le 
mettent,  avec  Gwgan,  au  nombre  des  trois  guerriers  bretons 
possesseurs  de  chevaux  enlevés  à  l'ennemi ,  et  avec  Ruvon  , 
au  nombre  des  trois  princes  accomplis  de  111e  de  Bretagne  ; 
et  qu'on  ne  croie  pas  que  ce  dernier  témoignage  soit  un  écho 
des  nombreuses  fables  populaires  dont  ce  chef  était  le  stqet 
au  moyen-Age;  cent  ou  cent-cinquante  ans  après  la  plus  an- 
cienne rédaction  des  Triades ,  un  barde ,  fidèle  gardien  de  la 
tradition  historique ,  donnait  à  Owen  le  surnom  même  par 
lequel  Aneurin  a  consacré  en  quelque  sorte  son  héros ,  le  sur- 
nom de  kaéaok  kenrann,  c'estrà-dire  de  chef  couronné,  de 
chef  au  front  ceint  d'un  bandeau  royal,  joignant  à  ce  Utre  ce- 
lui de  pourvoyeur  des  oiseaux  [de  proie] ,  par  une  allusion 
évidente  aux  vers  du  Gododin  sur  les  corbeaux  d'Owen.  ^ 

*  Myvyr.  arch. ,  t.  2 ,  p.  21 . 

«  Àdar  gweinidok  kteaok  kennoD,  dmd.  {Myvyr,  arek.,  t.  1 , 
p.  298.)  Aneurin  dit,  sUnce  cinquième  :  Kaeaokkeoonak,  arraok.,. 
Kenrann  cnn  rag  gwan . 


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382 

Ces  corbeaux  qu'Aneurin  associe  au  héros  breton,  dans 
deux  endroits  au  début  du  poème ,  lui  sont  expressément  don- 
nés pour  compagnons  y  non  seulement  par  les  auteurs  des 
Mabinoghion,  mais  encore  par  un  barde  du  XIV«  siècle  qui 
dit ,  à  réloge  d'un  de  ses  patrons  :  c  II  poussait  les  oiseaux 
[de  proie]  sur  les  combattants  [morts] ,  comme  Owen  ses 
corbeaux  carnassiers  avides  de  pâture.  >  Chose  plus  remarqua- 
ble encore ,  ils  figurent  aujourd'hui  dans  le  blason  d'une  il- 
lustre famille  y  d'origine  galloise  ,  qui  prétend  descendre 
d'Owen.  ^  L'association  si  caractéristique  dont  je  viens  de 
parler  y  et  la  répétition ,  à  la  stance  V® ,  des  vers  de  la  pre- 
mière stance ,  relatifs  à  la  mort  du  fils  d'Urien  ,  ne  permet- 
tent pas  de  supposer  qu'Aneurin  ait  voulu  dianter  deux  hé- 
ros différents ,  comme  je  l'ai  cru  d'abord  moi-même  avec 
M.  Tumer;  l'un  ,  qui  serait  notre  Owen  ,  l'autre,  un  pré- 
tendu guerrier  nommé  Kaéok ,  sur  lequel  on  n'aurait  aucun 
renseignement ,  quoiqu'il  eût  dû  être  extrêmement  célèbre , 
à  en  juger  par  la  place  d'honneur  qu'il  occupe  dans  le  60- 
dodin. 

Si ,  après  avoir  demandé  aux  poèmes  anciens  et  authenti- 
ques et  aux  Triades  restées  pures  d'interpolations ,  des  éclair- 
cissements sur  l'œuvre  d'Aneurin ,  nous  en  demandons  aux 
poèmes  anonymes  et  sans  date  certaine ,  aux  Triades  moder- 
nes ,  aux  chroniques  et  traditions  populaires ,  la  fable  rem- 
place l'histoire ,  et  nous  avons  une  toute  autre  explication 
du  Gododin.  Cependant,  comme  les  fables  mêmes  ont  leurs 
vérités ,  il  ne  sera  pas  sans  profit  de  les  examiner. 

La  plus  ancienne  autorité ,  d'une  date  positive ,  qui  donne 
un  démenti  à  Aneurin ,  c'est  Nennius.  Le  chroniqueur  du  IX* 
siècle  semble  le  propagateur,  sinon  le  père,  de  la  tradition  ro- 

1  Gour  a  wnaez  adao  adar  ar  genrein , 
Val  kik  vrein  Oweu  awez  dafar.  (/6td.,  p.  365.) 
s  Les  Dyocvor. 


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383 

manesque  au  styei  de  Kaltraez ,  comme  le  barde  du  VI*  est  le 
fondateur  de  la  tradition  historique  relative  au  désastre  dont 
les  Bretons  furent  les  victimes. 

Selon  Nennius ,  ce  n*est  point  par  leur  propre  faute  et  par 
suite  d'extès  qu^ils auraient  péri;  une  semblable  solution  flat- 
tant trop  peu  Torgueil  national  de  ses  compatriotes ,  il  in* 
venta  ou  propagea  la  poétique  fable  que  voici  : 

€  Les  Saxons  ne  pouvant  vaincre  les  Bretons  par  la  force , 
voulurent  les  prendre  par  la  ruse  :  leur  ehef  Henghist  fit  donc 
des  propositions  de  paix  à  Vortigem ,  roi  des  indigènes ,  qui 
les  agréa  ;  et,  pour  sceller  d*une  manière  durable  leur  al- 
liance ,  il  rinvita ,  avec  trois  cents  de  ses  nobles ,  à  un  grand 
banquet,  où  Saxons  et  Bretons ,  désormais  amis,  se  rendraient 
sans  armes.  Vortigem  ayant  accepté  Toffire ,  Henghist  choisit 
trois  cents  de  ses  guerriers,  leur  communiqua  ses  projets  de 
trahison ,  et  ajouta  :  —  c  Que  chacun  de  vous  cache  son  cou- 
»  teau  dans  sa  chaussure  ;  que  chacun ,  placé  à  côté  d'un 
»  Breton,  enivre  adroitement  son  voisin,  et  quand  je  vous 
>  crierai,  en  langue  saxonne  :  Nimith  eure  saxes,  tirez  vos 
»  couteaux ,  et  frappez  les  Bretons  !  b 

Or,  une  fois  assis  au  banquet  fraternel  et  enivrés  de  vin , 
les  trois  cents  nobles  Bretons  furent  massacrés,  au  signal  du 
chef  Saxon.  ' 

Sur  ce  fond  romanesque ,  les  chroniqueurs  populaires  gal- 
lois ,  postérieurs  à  Nennius,  brodèrent  diflërents  ornements  : 
ils  localisèrent  le  banquet  dont  Nennius  ne  dit  point  le  lieu , 
le  placèrent,  à  Stone  Henge ,  dans  la  grande  plaine  de  Salis- 
bury,  et  le  firent  coïncider  avec  le  1^  mai,  époque  d'une  fête 
solennelle  dont  cette  plaine  aurait  été  tous  les  ans  le  théâtre. 
Us  portèrent  aussi,  de  trois  cent  à  quatre  cent-soixante,  le 
nombre  des  chefs  bretons  égorgés  ;  et,  n'ayant  retenu  qu'un 
seul  nom  de  tous  les  convives  de  Kaltraez,  celui  d'Eidol ,  ils 

*  Nennins,  p.  37,  éd.  de  Stevenson. 


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384 

ie  firent  échapper  seul  au  prétendu  complot  des  longi  cou- 
teaux, comme  ils  disent ,  c  grâce  i  un  levier  qu*il  trouva 
sous  son  pied ,  et  avec  lequel  il  tua  soixante-dix  Saxons.  >  > 

Les  Triades  fabuleuses  vont  plus  loin  :  à  les  en  croire ,  Ei- 
dol  ne  tua  pas  seulement  soixante-dix ,  mais  six  cent  soixante 
Saxons  dans  TafEBire  des^  Longs  Couteaux ,  sans  autre  arme 
qu'un  rameau  de  sorbier,  et  en  un  seul  jour  !  ' 

L'auteur  inconnu  d'un  poème  attribué  mal  à  propos  à  un 
barde  du  Vin«  siècle ,  car  il  est  évidemment  du  moyen-Age , 
fait  aussi  l'éloge  d'Eidol  :  il  q^pose  sa  sagesse  consommée  s 
à  la  perfidie  ordinaire  au  chîef  ennemi;  ^  perfidie  trompée, 
dit-il ,  dans  son  attente  à  l'égard  des  Bretons ,  et  ne  réussis- 
sant qu'à  demi.  *  Gomme  les  chroniques  populaires ,  il  place  à 
Stone  Henge,  qu'il  nomme  le  Grand  Cercle,  le  théâtre  du 
fatal  banquet. 

c  C'était  là,  dit-il,  qu'avait  lieu  d'ordinaire ,  au  nombre  de 
trois  cents  [convives]  y  à  l'équinoxe,  une  assemblée  solen- 
nelle pour  un  banquet  :  l'hydromel  et  le  vin  y  étaient  distri- 
bués par  un  chevalier  de  l'enceinte.  >  * 

*  Hag  ni  diengis  neb  o  holl  dywsogioo  yays  Brydain  namya  Ei- 
diol,  iarl  caerloyw,  a  dieogis  o  nerih  trosol  a  gtfas  hef  dan  y  droel, 
ac  a  trosol  hwnw  bef  a  las  deng  gwr  a  thrygain  wyr.  {Brui  y  Bre- 
nined.  Myvyr.  arch.,  t.  2,  p.  256. 

>  Ifnd,,  p.  68. 
s  Goor  oez  Eideol 
Oordezol  doez.  {Myvyr.  arch.^  t-  i  •  p-  161.) 

*  Gnod  bradooriaez.  {l(nd.) 
«  Gosparz  Breton 

Gogenan  gweith.  {Ibid.) 

«  Gnod  trîc'banez , 
Gnod  kehedez , 
GoFsez  mezvez  : 
Mez,  gwin,  kerran 
Marc'hok  midlan.  (Ilnd.) 


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385 

Puis,  le  poète  peint  l'épouvante  qui  saisit  les  convives  bre- 
tons ,  les  chants  interrompus  d'Eidol  el  des  autres  bardes , 
les  cris  prolongés ,  éclatants ,  la  lutte  acharnée ,  corps  à  corps , 
avec  les  Saxons ,  toute  cette  scène  d'horreur ,  résultat  du  com- 
plot secrètement  tramé  par  le  chef  du  banquet. 

Le  poème  inédit  intitulé  :  Le  complot  des  Longs  Couteaux, 
oeuvre  du  moyen-âge  encore  y  quoiqu'attribuée  à  Taliésin , 
acheva  de  confondre  avec  la  fable  de  Stone  Henge,  agréable 
à  l'orgueil  breton,  les  souvenirs  beaucoup  moins  flatteurs  de 
Kaltraez.  Ceux-ci  finirent  par  être  tout-à-fait  oubliés,  et,  au- 
jourd'hui ,  chose  bien  étrange ,  la  Nuit  des  Morts ,  les  paysans 
gallois  pleurent,  de  temps  immémorial,  non  pas  les  victimes 
du  désastre  de  Kaltraez ,  mais  les  guerriers  bretons  massacrés 
par  Henghist,  dans  le  prétendu  complot  des  Lonigs  Couteaux! 

Toutefois ,  l'erreur  populaire  est  concevable  et  excusable. 
En  peut-on  dire  autant  de  celle  des  antiquaires  anglais,  qui , 
à  la  suite  de  Davies,  ont  fait  mentir  l'histoire  et  fait  violence 
au  texte  d'Aneurin,  pour  ériger  en  système  raisonné  une  tra- 
dition postiche?  Croirait-on  qu'ils  sont  parvenus  à  trouver 
les  noms  et  l'histoire  d'Henghist,  de  Rowena ,  de  Vortigem  ; 
que  dis-je?  de  Vénus,  d'Adonis,  et  de  tous  les  dieux  de  l'Olympe 
celtique ,  dans  le  Gododin;  dépassant  les  conceptions  les  plus 
folles  d'un  cerveau  malade? 

Les  excentricités  d'Edouard  Davies ,  et  ses  données  apo- 
cryphes en  feit  de  mythologie ,  contre  l'invasion  desquelles  on 
ne  saurait  protester  trop  énergiquement ,  nous  conduisent  à 
examiner  le#broyances  superstitieuses  consignées  dans  le  Go- 
dodin. 

J'en  suis  bien  fliché  pour  les  mythographes  anglais  ,  mais 
elles  ne  sont  pas  nombreuses ,  et  se  bornent  à  de  simples  al- 
lusions. 

La  première  que  je  signalerai  concerne  le  Koelkerz,  cette 
fête  avec  laquelle  coïncida  le  désastre  de  Kaltraez  :  on  donne 
indifféremment  ce  nom ,  en  Galles ,  aux  feux  de  joie  allumés 

25 


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386 

chaque  année  le  i^  mai  et  le  !«•  novembre ,  et  c'est  précisé- 
ment,  réunis  autour  d'eux,  dans  la  Nuit  des  Morts,  que  les  pay- 
sans gallois  font  la  commémoration  pieuse  dont  j'ai  parié  plus 
haut.  De  sa  coïncidence  av^  le  désastre ,  il  résulte  que  l'évé- 
nement eut  lieu,  soit  au  commencement  du  printemps ,  soit 
au  commencement  de  l'hiver  :  les  chroniques  populaires  gal- 
loises, nous  l'avons  vu,  et  le  poète  anonyme  du  moyen-âge 
que  nous  avons  cité,  le  rapportent ,  les  unes,  à  la  fête  du 
mois  de  mai ,  l'autre ,  à  l'un  des  équinoxes ,  sans  doute  à  ce- 
lui du  printemps  :  rien  ne  contredit  ici  leur  témoignage. 

Des  idées  superstitieuses,  débris  du  paganisme,  s'atta- 
chaient au  feu  du  Koelkerz  :  un  chant  breton  armoricain ,  de 
la  plus  haute  antiquité ,  parie  de  c  huit  feux  avec  un  feu  prin- 
cipal, aUumiaummdetnai  sur  la  montagne  delà  guerre:  ji  i 
l'auteur  d'une  espèce  d'hymne  pyrolatrique ,  qu'on  croit  être 
le  barde  Avaon,  fils  deTaliésin,  s'écrie:  €  Axa  équinoxes , 
aux  solstices ,  aux  quatre  saisons,  je  te  dbanterai ,  juge  de 
feu  1  '  >  Enfin,  tout  le  monde  sait  que  les  Celtes  d'Irlande  allu- 
maient sur  les  montagnes ,  en  l'honneur  du  soleil ,  précisé- 
ment au  mois  de  mai ,  un  feu  qu'ils  nommaient  Bd^Tan ,  ou 
feu  du  dieu  Bel. 

A  toutes  les  preuves  de  l'origine  païenne  du  Koelkerz ,  nous 
devons  joindre  un  dernier  trait. 

L'afiaire  de  Kaltraez ,  on  s'en  souvient ,  a  duré  sept  jours , 
et,  \ejeitdi,  la  iesiruction  des  Bretons  devint  certaine,  dit 
Aneurin. 

I  Ëiz  ian  gaad  tan  aon  tan-tad, 
E  mil  mae  e  menei  kad.        {Barzax-Breix,  l.  1 ,  p.  8,  4«  éd  ) 

*  Ourz  pob  beuelis , 
Oarz  heuelit  nonezoo , 
Ourz  pedeir  avaoi , 
Arzoueream-mi  ba  barn  gwrez!         {Hyvyr,  arch.j  t.  1,  p.  i3.) 


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587 

Or ,  d'après  les  croyances  celtiques ,  le  jeudi  était  un  jour 
néfaste  y  un  jour  de  meurtre ,  selon  Texpression  d'un  vieux 
barde  ;  ■  le  proverbe  gaélic  dit  de  son  côté  :  «  Malheur  à  la 
mère  du  FUs  du  Sage,  quand  le  Bel-Tan  arrive  un  jeudi  !  » 

Quel  rapport  frappant  entre  cette  mère  du  fils  du  Sage , 
vouée  au  malheur  parce  que  la  fête  du  Bel*Tan  est  tombée 
in  jeudi ,  et  la  mère  du  sage  Eidol ,  inondée  de  larmes ,  parce 
que  la  fiftte  du  Koelkrez  s'est  trouvée  le  même  jour  ! 

Outre  l'allusion  dont  je  viens  de  parler,  Aneurin  en  fait 
d'autres  qui  témoignent  de  sa  croyance  à  certaines  idées  su- 
perstitieuses des  anciens  Bretons  y  telles  que  les  incantations , 
les  armes  enchantées,  les  esprits  de  la  terre  ou  de  Tair ,  tes 
difiérents  cercles  de  l'eXBtence humaine,  la  fatalité. 

Par  leurs  incantations  en  rfaonneur  des  chefs  qu'ils  ai- 
maient,  les  bardes  prétendaient  les  rendre  invincibles  :  c  était 
pndmblonent  une  des  prétenticms  des  Druides ,  car  les  Drui- 
desses  s'attribuaient  une  puissance  encore  plus  grande ,  s'ima* 
ginant  qu'dles  pouvaient ,  de  leurs  chants,  soulever  les  mers 
et  les  vents ,  ^  souvenir  qu  on  retrouve  dans  un  poème  armo- 
ricain  où  une  sorcière  s'écrie  : 

<  Je  sais  une  chanson  à  faire  fendre  les  cieux  et  tressaillir 
la  grande  mer  et  trembler  la  terre.  *  » 

Les  bardes  avaient  cela  de  commun  avec  les  Scaldes ,  qui 
partageaient  aussi  l'opinion  bretonne  que  certaines  armures , 
et  généralement  l'airain ,  le  cuivre ,  le  fer ,  tous  les  métaux , 
soumis  à  l'action  de  quelque  parole  mystérieuse  ,  acquéraient 
une  vertu  magique.  Tel  était  ce  bouclier  merveilleux  nommé 
Pridufann  auquel  Aneurin  fait  allusion ,  et  que  d*antres  poètes 


*  La/,  enn  deiz  dizieu.  (Ibid.,  ibid.,  p.  31.) 

*  Maria  et  veotot  conciuri  carminibas. 

(Mêla,  de  Situ  ortU,  lib.  5,  c.  6.) 
'  Barzak-Breiz,  t.  1 ,  p.  227,  4«  éd. 


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388 

et  chroniqueurs  gallois  placeut  sur  l'épaule  de  l'Arthur  fabu- 
leux, n  ne  le  portait,  disent-ils,  que  lorsqu'il  partait  pour 
quelqu'expédition  périlleuse. 

Deux  agents  surnaturels  seulement  de  la  même  mythologie 
sont  nommés  par  Aneurin  :  l'un  appelé  Vaigle  de  Gwéâien , 
l'autre,  Nézik  nar.  Gwédien  ou  Gwydion ,  à  l'aide  duquel  il 
compare  son  héros  Morien,  était  fils  d'un  génie  nommé 
Don,  qui  présidait  à  la  constellation  Cassiopée ,  appelée  en 
gaUois ,  la  cour  de  Don  :  génie  de  l'air  lui-même ,  il  a  donné 
son  nom  à  la  voie  lactée  ou  cercle  de  Gwédkn,  comme  disent 
les  Gallois  ;  un  poème  mythologique  lui  fait  créer,  c  par  ses 
enchantements,  une  femme,  avec  des  fleurs.  >  Les  Triades  le 
mettent  au  nombre  des  trois  plus  illustres  pasteurs  et  des  trois 
plus  grands  astronomes  de  l'tle  de  Bretagne.  ■ 

Nézik  nar ,  nain  qui  danse  en  rond,  ou  qui  tourne, comme 
un  fuseau ,  dont  le  héros  Merin  est  la  parfaite  image ,  selon 
Aneurin ,  appartient  à  la  famille  sublunaire  des  lutins,  go- 
belins ,  farfadets  celtiques ,  ces  pygmées ,  sorciers ,  magiciens , 
jongleurs  et  danseurs ,  enfants  des  Corybantes ,  Courètes ,  Ca- 
rikines  et  Cabyres  d'Asie ,  dont  le  culte  importé  par  les  Phé- 
niciens dans  rtle  de  Bretagne  ,  y  existait  encore ,  dit  Stra- 
bon ,  au  ni«  siècle  de  notre  ère.  3 

L'allusion  de  notre  barde  aux  trois  cercles  de  la  vie  hu- 
maine ,  complète  les  indications  du  Gododin  sur  les  croyan- 
ces superstitieuses  de  l'auteur.  Ici,  toutefois,  nous  trouvons 
un  singulier  mélange  de  réminiscences  païennes  et  de  dogmes 
chrétiens. 

D'abord  il  s'exprime  de  la  sorte ,  en  parlant  du  héros  Ka- 
redik  : 

>  MjTyr.  arch.,  t.  i,  p.  45,  et  t.  2,  p.  505. 

>  Surabon  ,  t.  4,  p.  198.  V.  aussi  Dîodore  de  Sicile,  t.  i,  p. 
56.  y.  aussi  Fadminble  traduction  de  la  Symbolique  de  Creuur, 
par  M.  Goigniaut,  de  rinstUot. 


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389 

c  La  larve  est  silencieuse  avant  Tarrivée  du  jour  où  elle 
s'élance  joyeuse  vers  le  savoir  :  de  même,  à  l'heure  marquée, 
Karedik,  l'ami  de  la  poésie,  arriv^^  dans  le  pays  du  ciel , 
séjour  de  toute  science,  ji 

Rien  là  que  d'assez  conforme  aux  idées  païennes  consignées 
dans  différents  autres  poèmes  anciens ,  gallois  ou  armoricains , 
et  dans  les  Triades  bardiques. 

Tout  homme ,  selon  les  poèmes  gallois ,  commence  par  être 
une  larve  informe ,  et ,  de  degrés  en  degrés ,  de  transforma- 
tion en  transformation ,  parvient  à  la  science  universelle.  Uns 
précis ,  un  barde  populaire  armoricain  dit  qu'il  y  a  <  pour 
l'homme,  comme  pour  le  chêne,  trois  commencements  et  trois 
fins ,  >  1  et  les  Triades,  qu'il  y  a  trois  cercles  à  parcourir  : 

1«  Le  cercle  de  l'infini,  où  il  n'y  a  rien  de  mort  ni  de  vi- 
vant, si  ce  n'est  Dieu  ;  2«  le  cetde  d'épreuve,  où  tous  les  êtres 
sont  tirés  de  la  mort  ;  ^  le  cercle  de  la  félicité ,  où  tous  les 
êtres  arrivent  à  la  plénitude  de  la  lumière  et  de  la  vie ,  au 
del  ;  ce  qui  se  résume  pour  l'homme  en  trois  nécessités,  sa- 
voir :  commencer  dans  le  grand  abtme  ;  s'avancer  dans  le 
cercle  d'épreuve  ;  trouver  la  plénitude  dans  le  cercle  de  la 
félicité.  ^  Mais  un  moment  après  avoir  paru  adopter  la  croyance 
aux  sphères  de  l'existence ,  Aneurin  revient  sur  sa  première 
idée,  et,  au  lieu  de  la  doctrine  de  la  déchéance  et  de  la  r^a- 
bilitation  humaine ,  présentée  sous  les  couleurs  ethcées  dont 
les  Bretons  païens  la  peignaient ,  il  proclame  le  dogme  ca- 
tholique de  la  purification  après  la  mort ,  comme  il  a  pro- 
clamé ,  en  plusieurs  endroits  du  poème ,  celui  de  hi  pénitence 
pendant  la  vie. 

c  Avant  que  la  terre  pesât  sur  lui ,  reprend-il ,  Karedik  dé- 
fendit son  pays;  aussi  une  fois  qu'il  sera  parfait,  viendra 

*  Tri  derou  ba  tri  divez , 
IVann  den  ha  d'ann  denr  ivez.  {Barzaz-BreiXj  t.  1,  p.  4,  4«  éd.) 
>  Owen  Pugb«,  WeUk.  diction.,  t.  2,  p.  214,  2«  éd. 


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390 

Ilieure  de  son  admission  par  la  Trinité ,  parfaite  en  onité.  i 

Quant  à  la  croyance  à  la  fatalité  y  je  ne  in*y  arrêterai  pas  ; 
Anenrin  la  partageait  avec  tous  les  bardes ,  ses  contempo- 
rains de  rtle  et  du  continent.  U  subissait  ainsi  rinfluenee 
d*un  Yîeux  dogme  comnmn  à  la  pfaipart  des  peuples  de  Tanti- 
quitéy  dont  le  destin  était  le  Dieu  suprême. 

Je  passe  donc  à  Texamen  des  manuscrits  de  son  poème. 

lis  sont  en  bien  fàdieux  état  ;  non  que  l'écriture  de  plu- 
sieurs soit  mauvaise  ^  mais  la  copie  primitive  sur  laqueiie  ils 
ont  été  faits,  à  différentes  époques  du  OMyen-Age,  offluit  évi- 
demment quantité  de  lacunes ,  et  des  erreurs  de  toute  na- 
ture. Nous  apprenons  d'une  note  placée  à  la  marge  d'une  des 
copies  à  qui  elle  a  servi,  que  le  Gododin  avait  prmaitivemeil 
trois  cent  sooante-trois  stances,  une  pour  chacun  des  chefe 
de  ta  bataille  de  Kaltraez;  or,  je  n'en  trouve  plus  que 
soixante-trois.  Afin  de  remédier  aux  lacunes  dont  je  parle , 
les  copistes  ont  recueiUi  çà  et  là ,  et  accolé  au  Gododin  quel- 
ques stances  dénaturées  du  poème ,  plusieurs  vers  isolés  et 
sans  aucun  lien  entre  eux ,  simples  variantes  altérées  de  dif- 
férents vers ,  de  difiérentes  stances,  qu'on  a  pris  plus  tard  à 
tort  pour  une  continuation  de  l'ouvrage.  —  Us  ont  aussi  mis 
à  la  suite  deux  fragments  attribués  à  Aneurin ,  l'un  qui  peut 
effectivement  appartenir  au  Gododin,  mais  qu'ils  ne  savaient 
où  placer  ;  l'autre,  d'un  genre  tout  différent,  et  qui  lui  est 
sans  doute  étranger. 

Si  nous  avions  nous-môme  trouvé  la  place  du  premier  frag- 
ment ,  nous  l'aurions  inséré  dans  le  texte  ;  quant  au  second , 
il  doit  figurer  à  part.  Ce  n'est  pas  qu'ils  offrent  rien  de  bien 
remarquable ,  mais  leur  antiquuité  leur  donne  droit  à  nos 
égards ,  et  je  me  détermine  à  les  ptdilier  ici  sous  forme  d'ap- 
pendice. 

Voici  la  traduction  du  plus  important  des  deux  :  il  regarde 
le  chef  Morien  et  ses  guerriers  : 

«  Sans  rivaux  sur  aucun  champ  de  bataille,  se  jouanl  de  toute 


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391 

»  espèce  d'entraves  j  le  front  de  kurs  boucliers  percé,  [ani- 
ji  mes]  d'une  longue  haine ,  qu*ils  étaient  furieux  les  défen- 
»  seurs  du  pays  des  Courants  I  A  la  seconde  aflbire,  ils  s'ap- 
»  pelèrent  en  grande  hâte  ;  leurs  chevaux  de  bataille  et  leurs 
ji  harnais  étaient  ensanglantés.  0  année  !  Comme  tu  étais  iné- 
>hranlable  dans  le  combat!  Comme  Horien  rougit  le  sol, 

>  quand  on  l'insulta  t  Comme  il  frappa  pesamment  de  sa 
»  lance  dans  le  tumulte!  Quel  rude  fardeau ,  par  suite  du 
»  combat ,  il  s'était  préparé  à  porter  au  pcemier  du  mois  ! 
1  Qu'il  perça  bien  Aédan,  le  fils  d'Hervé!  Qu'il  perça  bien 

>  Aédan ,  le  sanglier  énorme ,  et  la  Reine  [Bun] ,  et  sa  sui- 
»  vante ,  et  le  chef  [ennemi]  !  Tout  fils  que  celui-ci  fut  d'un 
»  grand  prince,  son  sang  arrosa  GYtéueày  notre  refuge.  Avant 
1  que  le  gazon  recouvrit  la  joue  joyeuse  du  généreux  [chef] 
ji  qui  n'est  plus,  il  fit  sagement  une  moisson  de  gloire  et  de 
ji  trésors  et  de  renom.  N'a-t^il  pas  sa  tombe  sur  le  long  pro- 
»  montoire  du  pays  des  Courants?  »  ' 

*  Diheoez  e  pob  laour  laoûed , 
E  huai  amhavâl  airneuet , 
TouU  (al  beu  rodaoar,  kas  oc'h  bir: 
Gwezok  Revoniok  difrediet. 
Eil  gweiz  gelvident  a  uialled  ; 
E  kadveTrc'h  ha  sèire'h  kreulei. 
Bezin  ankeakoget  ex  ooei  kad  ! 
MorieQ  ooc'hro  lan ,  pan  regoxel! 
Troam  enn  ino  a  lavn  ez  laze  ! 
Garv  rebez,  oc'h  kad,  dizouge,  ^ 

Gan  kelao  a  darroerze  ! 
Hef  gwaniz  Âedan  inab  Hervé! 
Uef  gwaniz  Âedan ,  toorc'h  trahok , 
Ha*n  Rietn ,  ha  inorwen ,  ha  menok  ! 
Ha  pan  oez  mab  teim  leiziok , 
Eiin  Gwened  gwaedleiz  gwaredok. 


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392 

Ce  pays  des  Courants ,  ou  Reveniok,  est  le  comté  actuel  de 
Denbigh ,  dans  le  nord  du  pays  de  Galles  ;  '  si  Aneurin  est 
l'auteur  des  vers  qu*on  vient  de  lire ,  il  ferait  honneur  à  Mo- 
rien ,  non  plus  seulement  de  la  mort  du  roi  des  Scots,  Dom- 
nal ,  qu'il  lui  attribue ,  comme  on  l'a  vu  y  mais  de  celle  de  la 
reine  Bun ,  ajoutant  à  ces  exploits^  la  déconfiture  d'Aédan , 
prince  de  Strath-Clyde,  surnommé  le  TraUre  par  les  Triades^ 
qui  le  mettent  au  nombre  des  trois  chefs  bretons  infidèles  à  la 
cause  nationale  et  alliés  aux  Saxons.  En  tout  cas ,  l'auteur  de 
ce  fragment  semble  avoir  eu  pour  but  de  corriger  l'impres- 
sion fâcheuse  laissée  par  la  dernière  strophe  du  Gododin  qui 
parle  de  Morien  d'une  manière  peu  flatteuse.  Quoique  l'autre 
fragment  soit  à  la  suite  des  vers  qu'on  vient  de  lire,  le  ton 
change  tout  à  coup  et  devient  burlesque  : 

€  C'est  Dinogad  [le  guerrier]  à  l'habit  d'Arlequin,  [& 
»  l'habit  1  de  peau  écorchée,  à  l'habit  bigaré;  c'est  le  fin 
»  merle  [passé  mattre]  en  tour  de  passe-passe ,  que  je  vais 
»  chanter ,  que  je  chanterais  sur  huit  tons  [différents.] 

»  —  Quand  ton  père  allait  à  la  chasse ,  l'épieu  sur  l'é- 
»  paule ,  le  javelot  à  la  main ,  il  parlait  ainsi  à  ses  chiens 
f  bondissants  :  —  Prend»!  tiens!  piUe!  piUe!  apporte!  ap- 

>  porte!  n  eût  tué  un  poisson  mort  ^  comme  un  lion  puissant 
»  tue  en  sa  fureur  ! 

»  Quand  ton  père  allait  à  la  montagne,  il  rapportait  une 
1  tète  de  daim ,  une  tête  de  sanglier ,  une  tète  de  cerf,  voire 

>  une  tète  de  coq  de  bruyère  tacheté  ;  [il  rapportait  même] , 

Keo  golo  gwerei  ar  graz  lari 
Hael  ezvenl,  digezruz  ^ 

Oc'b  kiod  ba  ked  eic'hiok  :  n'eut  bes 
Garzoaes  hir  oc'h  tir  Revoniok  ? 

{Mss.  de  Hengurl  et  de  PUu  Gwyn.) 
*  Ryuooioc,  oow  Deobighland.  (Humfrey  Lhoyd,  Dtscriplùm  of 
Cambria,  p.  28,  éd.  de  1584.) 


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393 

»  de  la  montagne,  la  tête  d'un  des  poissons  de  la  cascade  du 
*  Derventl  ^ 

»  De  tous  les  animaux  qui  venaient  d'eux-mêmes  à  ton  père 
»  pour  se  faire  percer  de  sa  lance ,  de  tous  les  sangliers  cre* 
»  vés  et  éreintés ,  il  ne  manquait  aucun ,.-  si  ce  n'est  ceux 

>  qui  pouvaient  courir! 

»  Quand  il  revenait  sans  compagnons  de  qudque  excur- 
»  sion  y  il  n'en  revenait  aucun  chef  qui  fftt  plus  terrible  ;  nul 
»  qui  fût  plus  intrépide  que  lui  dans  une  salle  à  manger;  nul 
»  qui  fût  plus  débonnaire  à  la  guerre  ;  son  cheval  se  trouvait 

>  au  gué  du  bout  de  la  Clyde ,  au  bout  de  la  rivière  !  Comme 
»  sa  renommée  s'étend  loin  !  Comme  sa  cuirasse  était  bien 
»  dose  !  Oui  !  avant  que  le  gazon  recouvrit  Gweir-le-Grand , 
»  [ton  père]  mérita  d'obtenir  mainte  corne  d'hydromel  d'un 
»  des  fils  de  Mervarc'h.  »  ^ 

*  CbOie  d*eau  de  rYorckshire  actuel. 

*  Peiz  DÎDOgad  e  breiz-breiz; 
Oc'h  kroeD  balaol,  pan  breiz; 
C*houil  c'hooal  c*bouidogez, 
Goc'hanoum ,  goc*benouD  wciz  keiz. 
—  ff  PaD  elae  tê  tad-te  i  helia» 
Laz  ar  eskouez  lari  eno  ê  lac, 
Hef  gelve  koun  gogehoug  : 
Kip!  kafl  date!  date!  dougl  daugf 
Hef  laze  pesk  eoD  korouk , 
Ma]  bar  laz  leou  leoueonk. 
Pan  elêe  le  lad-te  i  menez, 
Dizouge  hef  penn  ioarc'b , 
Penn  gwez-boac*b,  penn  beiz, 
Penn  krug-iar  breiz  oc*b  menez , 
Penn  pesk  o  raeader  Dervenez  ! 
Oc*b  senl  a  kerc*bade  tê  tad-te  ar  kigoueiu 
Oc'b  gwez-boac'b  a  leouin ,  a  lonvein , 
Ne  anke  boll , . . .  ne  be  oc*b  aden  ! 


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394 

Le  chef  que  l'auteur  de  ces  y&rs  persifle  de  la  sorte  se 
nommait  Kenan  Garwemi ,  c'est-à-dire ;am6e  fine;  il  semble 
avoir  servi  de  plastron  à  plusieurs  bardes ,  car  on  attribue  à 
Taliésin  une  satyre  dont  il  est  le  styet.  > 

Quant  à  son  fils  Dinogad  y  conmie  les  Triades  ne  parlent  de 
lui  qu'avec  éloge  y  et  vont  même  jusqu'à  dire  qu'il  acquit  une 
renommée  durable ,  ^  on  peut  voir  en  lui  un  autre  Mimneur  de 
la  Police,  victime  du  caprice  d'un  autre  poète  satyrique. 

Sous  les  noms  de  gué  du  bout  de  la  Clyde  y  et  de  h&ut  de  la 
rmère,  le  barde  veut  probablement  désigner  le  lieu  de  la  ba- 
taille de  Kaltraez.  Dans  cette  hypothèse ,  il  adresserait  au 
père  de  Dinogad  d'ironiques  éloges  pour  s'être  fait  représen- 
ter par  son  cheval  à  cette  bataille.  Le  chef  Gweir-le-Grand  y 
qu'il  semble  lui  opposer,  était  un  des  trois  guerriers  de  l'tle 
de  Bretagne  que  rien  ne  pouvait  détourner  de  leurs  projets. 

Dans  tous  les  manuscrits  que  j'ai  pu  consulter ,  le  curieux 
fragment  relatif  à  Kenan  Garwenn  précède  immédiatement 
une  variante  de  la  stance  LIX®  commençant  par  les  mots  : 
«  J'ai  vu  des  flots  de  guerriers  ;  »  celle-ci  est  suivie  d'une  va- 
riante de  la  LXII«  :  «  0  Gododin ,  je  m'intéresse  à  toi ,  »  sui- 
vie elle-même  de  la  stance  XXXIX<» ,  qui  se  trouve  reproduite 

Pan  doze  hef  ankevun ,  o  ankevarc'h , 

Nemb  dao  nemb  doTez  a  be  trimniac*h; 

( 

Ne  magouet  enn  neouaz  a  be  leouac'h 

Nag  bef ,  nag  eon  kad  a  be  gwasdadac'h  ; 

Hag  ar  red  peoD  Kluid  pennant  oez  be  marc'h. 

Pellenik  be  klod ,  peiius  be  kalc*b. 

Ha  ken  golo  Gweir  bir  adan  teooarc^b , 

Derlede  mez  kera  o'n  mab  Mervarc'b. 

(Msê.  de  Hengurt.) 
*  Tretugan  Kenan  ganoen  (Myvyr.  arcb.,  l.  2«  p.  168.) 
'  Dioogad  mab  KcoaogarweoD...  glod  agavax  bed  beziou.  (i6ûl., 
1.2,  p.  8.) 


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396 
d'une  maniëre  incomplète ,  et  qu*on  a  toute  dénaturée.  En* 
suite  vient  une  seconde  leçon  du  fragment  sur  Morien ,  cité 
plus  haut  :  c  Sans  personne  qui  le  devançât,  etc.  »  Les  dix- 
huit  vers  tronqués  et  isolés  qu*on  lit  après ,  et  qui  sont  les 
derniers ,  appartiennent  pour  la  plupart  aux  stances  XXXIV** 
et  XXXV®  :  «  Qu*avec  ardeur,  adresse  et  art ,  etc.  » 

S'étant  fait  un  devoir  de  reproduire  intégralement  les  ma- 
nuscrits y  sans  y  rien  corriger ,  pas  même  les  erreurs  de  copie 
les  plus  évidentes ,  comme  je  l'ai  fait  remarquer  dans  l'avant- 
propos  de  ce  recueil ,  l'éditeur  du  Myvyrian  a  imprimé ,  à  la 
suite  du  Gododin,  toutes  les  variantes, additions  et  retoudies 
dont  je  viens  de  parler.  Un  tel  excès  de  réservQ  et  de  scru- 
pule était  presque  nécessaire  alors  pour  faire  tomber  les 
doutes  répandus  sur  l'existence  de  plusieurs  des  manuscrits  : 
mais  aujourd'hui  que  ces  doutes  sont  heureusement  dissipés  y 
le  jour  de  la  critique  arrive. 

U  y  aurait  donc  lieu  de  s'étonner  en  voyant  plusieurs  écri- 
vains anglais  prendbre  pour  le  dénouement  du  Gododin  les 
lambeaux  que  je  viens  d'examiner,  et  les  traduire  comme 
tels ,  si  ces  écrivains  avaient  entendu  le  poème  ;  par  bonheur 
pour  notre  vénérable  barde ,  il  n'en  est  rien.  Des  deux  seuls 
qui  y  aient  eu  quelques  prétentions,  Edouard  Davies  et 
M.  Probert ,  l'un  a  été  d'une  liberté  qui  va  jusqu'à  la  licence  : 
<  il  s'éloigne  tant  du  sens  littéral,  >  dit  M.  Tumer,  traducteur 
excellent  lui-même,  comme  Evans,  d'un  trop  petit  nombre 
de  strophes  ;  c  ses  Commentaires  sont  d'une  si  grande  au- 
dace, qu'il  faut  regarder  son  essai  comme  l'illusion  d'une 
imagination  échauffée.  » 

Afin  d'éviter  le  reproche  adressé  à  Davies,  M.  Probert  a 
suivi  le  mot  à  mot  :  mais ,  selon  l'observation  de  l'honorable 
Herbert ,  juge  très  compétent ,  sa  tentative  n'a  pas  été  plus 
heureuse  :  il  n'a  réussi  qu'à  être  presqu'aussi  ininteUigible  et 
presque  aussi  obscur  que  l'original.  Du  reste,  toutes  les  fois 
qu'il  l'a  pu  ,  il  a  pris  pour  guide  son  ami ,  le  docteur  Owen , 


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396 
dont  nous  connaissons  le  système  élastique  de  traduction  ad 
libitum,  système  illustré,  quant  au  Gododin^  par  de  trop 
nombreux  exemples  qu'on  trouvera  dans  son  dictionnaire ,  et 
qui  grossissent  la  liste  de  ses  contradictions  philologiques. 

S'ensuit-il  que  la  critique  doive  être  sévère  pour  eux?  Je 
ne  le  pense  pas  :  tout  en  constatant  leur  échec ,  et  en  évitant 
dé  les  prendre  pour  guides ,  elle  doit  leur  tenir  compte  d'ef- 
forts qui  ont  trouvé ,  on  peut  m'en  croire ,  des  obstacles  sou- 
vent presque  insurmontables.  Peut-être  dira-t-on  qu'en  plai- 
dant leur  cause  je  plaide  aussi  la  mienne  :  à  la  vérité ,  je 
n'ai  pas  moins  besoin  de  bienveillance ,  car  J'ai  rencontré  les 
mêmes  difficultés  ,  sans  pouvoir  espérer ,  plus  qu'eux ,  de  les 
avoir  toujours  vaincues. 

L'examen  de  ces  difficultés ,  la  justification  des  textes  que 
j'ai  adoptés ,  la  manière  dont  j'ai  divisé ,  groupé  ou  scandé 
les  vers ,  le  sens  que  j'ai  donné  à  chacun  d'eux,  demanderait 
un  volume  d'explications  :  dans  l'impossibilité  d'entreprendre 
ici  un  travail  d'une  telle  étendue ,  dont  j'ai  d'ailleurs  tous  les 
éléments  entre  les  mains,  j'affirmerai  qu'il  n'est  pas  une 
stance  du  poème ,  pas  un  vers ,  pas  un  mot  dont  je  ne  puisse 
justifier  l'interprétation  à  l'aide  des  lumières  fournies  par 
quelqu'un  des  dialectes  de  la  langue  celtique,  et,  le  plus  sou- 
vent ,  par  celui  d'Armorique. 

Le  texte  que  j'ai  pris  pour  base  de  cette  édition  du  Godo- 
din ,  a  été  copié  sur  un  manuscrit  du  X\b  siècle ,  aujourd'hui 
perdu ,  intitulé  :  le  Livre  d'Aneurin  ,  lequel  appartenait  à 
la  bibliothèque  particulière  de  la  femille  Vau^an  d'Hengurt. 
Je  dois  les  variantes  à  deux  manuscrits ,  l'un  du  XIII*  siècle , 
appartenant  à  mon  ami  M.  Price ,  de  Krickhowel  ;  l'autre ,  du 
XIV« ,  de  la  bibliothèque  de  famille  des  Panton ,  de  Plas- 
Gwyn ,  dans  l'tle  d'Anglesea. 


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POÉSIES 

DE  TALÏÉSIN. 


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LA    BATAILLE 

D'ARGOED-LOUÉVEN. 

(VERS  547.) 

ARGUMENT. 

Nous  avons  déjà  fait  allusion  au  chant  relatif  à  cette  ba- 
taille ,  dans  l'argument  de  Télégie  guerrière  composée  par 
Liwarc'h-Henn ,  en  l'honneur  d'Urien.  Elle  fut  une  des  pre- 
mières livrées  par  les 'Bretons  du  nord  aux  Anglo-Saxons. 

€  Pour  mieux  réussir  contre  les  habitants  de  ces  contrées , 
dit  l'illustre  historien  de  la  conquête  des  Normands ,  ils  firent 
alliance  avec  les  Pietés  ;  et  ces  deux  ennemis  confédérés  s'a- 
vancèrent de  Test  à  l'ouest ,  frappant  les  indigènes  d'un  tel 
effiroi  que  le  roi  des  An{^  reçut  d'eux  le  surnom  d'homme  de 
feu.  » 

»  Malgré  sa  férocité  et  sa  bravoure,  Ida  rencontra ,  au  pied 
des  montagnes  d'où  descend  la  Clyde,  une  population  qui  lui 
résista.  »  ^ 

Urien  était  à  la  tète  des  hommes  de  Reghed ,  ses  sujets , 
et  de  ceux  de  Godeu  ou  Godo,  probablement  le  pays  de  Godo- 
din ,  gouverné  par  Aneurin  ;  il  avait  pour  auxiliaires  son  fils 
Owen,son  cousin  Kéneu,  fils  de  Koel,  et  TaIiésin,son  barde, 
qui  a  chanté ,  comme  on  va  voir ,  sa  victoire  sur  les  Ger- 
mains. 

*  A  la  lellre  :  porle^flamme  ^  porle-brandon . 
•T.  4,  p.  40,  7«  édition. 


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KAD  ARGOED  LOUEVEN. 


E  bore  diou  sadorn  kad  maour  a  bu  y 
Oc'h  pan  douere  heol  hed  pan  kennu. 
Degresouez  Flamzouen  enn  peduar  lu 
Godeu  ha  Reged  i  emzuUu.  ^ 


Dévoue  oc*h  argoed  hed  ar  menez , 
Ne  kefent  eirioez  hed  er  un  dez.  2 

AtoreWiz  Flamzouen  maour  trebestaod  : 
«  —  A  dodent  hon  gwestlon,  haintparaod?  »  - 
Er  attebouez  Owen  doueren  fosaod  : 
a  —  Ne  dodent ,  ned  edint ,  ned  ent  paraod.  »  ^  - 
Ha  Keneu ,  mab  Koel ,  beze  kemoueaod — leou- 
Ken  e  taie  oc'h  gwestl  nebaod.  4 


Y  bore  Dduw  SadwrD  cad  fawr  a  fu 
Or  pan  ddwyre  haal  hyd  pan  gynoa 
Dygrysowys  iOamddwyD  yn  bedwarllu 
Goddea  a  Reged  i  ymdaliu 

(Msi.  de  Herghest  et  Myvyr.  arch.y  t.  i»  p.  53.) 

Dyfwy  0  Ârgoed  byd  Ârfynydd 
Ni  cbeflynt  eiryoes  hyd  yr  andydd.  (I6ûl.) 


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I. 

LA  BATAILLE  DARGOED-LOUÉVEN. 


Samedi  matin ,  un  grand  combat  a  eu  lieu  ; 
[il  a  duré]  depuis  le  lever  du  soleil  jusqu^à  son 
coucher.  Le  Porte-brandon  se  précipitait  avec 
quatre  bataillons  j  pour  combattre  Godeu  et  Re- 
ghed. 

Ils  s'étendirent  des  bois  aux  montagnes  y  mais 
ils  ne  vécurent  qu'un  jour. 

Le  Porte-brapdon  criait  d'une  voix  forte  : 

—  c/  Nous  seront-ils  livrés,  nos  otages',  sont-ils 
prêts?  »  — 

Owen  répondit,  en  tirant  son  épée  : 

—  ce  Ils  ne  te  seront  pas  livrés ,  ils  ne  sont 
pas ,  ils  ne  seront  jamais  prêts.  »  — 

Kéneu  aussi ,  le  fils  de  Koel ,  aurait  été  op- 
primé, le  lion,  plutôt  que  de  livrer  un  [seul] 
otage  à  (Personne. 

^      Aioreiwis  fflamddwyn  fawr  drybestawd 

A  ddodynt  yn  gwysUon  a  ynt  parawd 

Yr  attebwys  OwaÎD  ddwyrain  ffossawd 

Nid  dodyot  nid  ydynl  nid  yol  parawd.  (/6til.) 

4      A  cheneu  mab  coel  byddai  cymwyawg  llew 

Gyn  atulai  o  wysil  nebawd.  [Ibid.) 

26 


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402 
Atorelviz  Urien ,  uz  er  ec'houez  : 
<c  —  O  bez  enn  kevarvod  am  karentez, 
Derc'hafoun  eidoed  oziouc'h  menez  !  * 

Hag  emporzoun  gweneb  oztouc^h  emeil  ! 

Ha  trec'hafoun  peledr  oziouc'h  penn  gouir  !  * 

Ha  kerc'houD  Flamzouen  enn  he  luez  ! 
Ha  lazoun  hag  hef  he  kevezez  !  —  »  ^ 

Ha  rag  gweiz  Argoed  Loueven 
Bou  laouer  kelen  :  * 

Ruze  breîn  rag  revel  gwez.  ^ 

Ha  gwerin  a  kresouez  gan  ê  nevez  ; 

Ha  rioam  ê  bloezen  ^  nad  bouem  kennez.  ^ 

Hag  enn  e  fallouem  henn  ; 
I*m  degn  Ankeu  anken,  '^ 
Ne  bezim  eno  dirwen, 
Na  molouem  Urien.  ^ 


s 


Âtoreiwis  Urien  udd  yr  ecbwjdd  * 

0  bydd  yDghyfarfod  am  garennydd 
Dyrchaiwo  eidoed  oddach  roynydd.  (Ibid.) 

Ac  ymporthwD  wyneb  oddach  emyl 
A  drychafwn  beleidr  oddach  ben  gwyr.  {Ibid.) 

A  chyrchwn  fflamdwyo  yn  ei  laydd 
A  laddwn  ag  ef  ai  gyweithydd.  (Ibid.) 

Bu  lawer  celaia.  (Ibid.) 


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403 

[Alors]  Urien,  le  chef  de  la  plaine  cultivée , 
s'écria  : 

—  «  Hommes  de  ma  famille  y  ici  réunis ,  le- 
vons notre  étendard  sur  la  montagne  ! 

»  Et  marchons  contre  les  envahisseurs  de  la 
plaine!  et  tournons  nos  lances  contre  la  tête  des 
guerriers  ! 

»  Et  cherchons  le  Porte-brandon  au  milieu  de 
son  armée  !  et  tuons  avec  lui  ses  alliés  !  d  — 

Or,  dans  la  bataille  d'Argoed-Louéven,  il  y 
eut  bien  des  cadavres. 

Dans  les  ruisseaux  [sanglants]  du  combat ^  les 
corbeaux  rougirent.  Et  le  peuple  se  hâta  de  pu* 
blier  la  nouvelle  ;  et  moi ,  je  célébrerai  cette  an- 
née jusqu'à  ce  que  je  ne  gravite  plus.  ^ 

Oui  y  jusqu'à  ce  que  je  défaille  et  [devienne] 
vieux  ;  jusqu^à  ce  que  la  rude  angoisse  de  la  Mort 
arrivé  y  je  ne  sourirai  point,  si  je  ne  loue  pas 
Urien  ! 

*  Kuddai  Irain  rhag  rhjfel  ^wyi.  (IM.) 

*  A  gwerin  a  gryaswys  gtft  ei  Mwydd 

Axinaf  y  blwjddyn  ad  wyf  ItjMydd.  (IM*) 

7     Ac  yo  j  fallwyf  beo 
Ym  dygD  aogeo  aogen.  (/6id.) 

*  Ces  deux  derniers  vers  laaoqueot  dans  ce  mas.^  maia  eadstent 
dans  celai  de  Hengart ,  que  j*ai  suivi. 

•  Allusion  aux  sphères  de  Texislence  bumainey  Voyez  les  niâtes 
du  Gododin. 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Ida  est  resté  célèbre  dans  la  poésie  gaUoise^  sous  le  sobri- 
quet que  lui  donne  Taliésin  :  un  barde  du  XII^'  siècle  ne  croit 
pas  pouvoir  mieux  louer  son  patron ,  qu'en  disant  :  c  D  cou- 
rait à  l'assaut  comme  le  Porte-hranion  incendiaire.^  >  Le  même 
barde,  parlant  d'un  autre  prince ,  compare  sa  bravoure  à 
celle  d'Owen ,  son  homonyme ,  à  la  bataille  d'Ârgoed  :  c  ainsi 
dit-il ,  l'héroïque  Owen ,  ce  roi  de  la  mêlée ,  entassait  les  ca- 
davres au  combat  d'Argoed  Louéven.  %  D  fut  Uvré ,  comme 
le  titre  l'indique,  dans  cette  partie  boisée  de  la  Clyde  dont 
Liwarc'h-Henn  était  le  chef.  A  en  juger  par  le  mot  Louéven, 
un  ormeau  s'élevait  sur  le  champ  de  bataille,  auquel  il  a 
laissé  son  nom.  C'est  ainsi  que  le  nom  de  combat  du  chêne  est 
resté  à  notre  glorieuse  affaire  de  Mi-Yoie ,  parce  qu'on  voyait 
un  grand  chêne  dans  la  plaine  où  Beaumanoir  et  ses  Bretons 
battirent  les  Saxons  de  Bambourch.  La  victoire  de  VOrmeau 
d'Argoed  fut  gagnée  un  samedi ,  et  ceUe  du  Chêne  de  Mi-Yoie 
(je  ne  puis  m'empêcher  de  signaler  cette  coïncidence) ,  un 
samedi  aussi.  A  ce  bon  samedi,  observe  le  panégyriste  de 
Beaumanoir,  son  contemporain  : 

A  ce  bon  samedi ,  Beaumanoir  si  jeûna , 
Grand  soif  eut  le  baron,  à  boire  demanda  : 
—  Bois  ton  sang ,  Beaumanoir ,  la  soif  te  passera  ! 
Ce  jour  était  donc  non  moins  propice  aux  Bretons  que  fatal 
à  leurs  ennemis  :  ils  le  regardaient ,  et  le  regardent  encore , 
en  Armorique ,  comme  un  des  jours  heureux  de  la  semaine. 

*  Mtvtr.  akch.,  i.  i ,  p.  255  et  207. 


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LA  BATAILLE 

DE  GWEM-ESTRAD. 

(DE  547  A  579.) 

ARGUMENT. 

Urien  est  encore  le  héros  de  ce  chant  de  Taliésln. 

La  garnison  de  Kaltraez,  qui,  plus  tard,  devait  être  si  cruel- 
lement décimée,  marchait  sous  les  ordres  du  prince  de  Reghed 
contre  les  Angles,  campés  dans  une  vallée  de  la  Clyde,  appe- 
lée Gwenn-Estrad,  où  s*élevait  une  forteresse  bretonne  du 
même  nom ,  dont  les  ennemis  s'étaient  emparés. 

La  citadelle  ne  put  résister  aux  Bretons  ;  les  Angles  furent 
ensevelis  sous  les  ruines  Jde  ses  remparts,  ou  noyés  dans  les 
eaux  de  la  rivière  voisine ,  en  voulant  la  passer  à  gué.  Peu 
d'entre  eux  échappèrent  par  la  fuite  à  la  mort. 

Témoin  du  combat,  le  barde  d'Urien  chanta  la  nouvelle 
victoire  de  son  royal  patron. 


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IL 
KAD  GWENN-ESTRAD. 


Arouere  gouir  Kaltraez  gan  dez 
A.m  gwledik  gweiz  buzik  gwarzegez 
Urien ,  houn  anaod  heneuez  j 
Kevadeilad  teirnez — a  he  goven  revelgar — 
Rouesk,  anouar  rouev  badez!  ^ 


Gouir  Preden  a  deuzent  enn  luez 
GwenD-Estrad ,  estadl  kad  kinnigez. 
Ne  dodez  na  maez  na  koedez 
Tud  ac^hles,  diormes  pan  deuez 
Mal  tonnaour  tost  a  gaour  troz  elvez.  ^ 

Gweliz  gouir  gwec'hr  enn  luez  j 
Ha,  gouede  bore  kad,  briou  kik; 
Gweliz  hi  tourv  teirvlin  trankedik; 

*      Arwyre  gwyr  RaUnez  gan  dydd 
Am  wledig  gwaith  faddig  gwarthegydd 
Urien  hwD  awawd  eineajdd 
Gyfeddeilj  teyniedd  ai  golyn  rhyfelgar 
Rwysg  anwar  rwyf  bedydd. 

(Hergheit  et  le  Myvyr.  arck.,  t.  1,  p.  52.) 


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IL 
LA  BATAILLE  DE  GWENN-ESTRAD. 


Ils  s'étaient  levés  avec  le  jour,  les  guerriers  de 
Kaltraez,  pour  la  bataille  du  prioce,  ce  victo- 
rieux pasteur  [d^hommes],  ce  vieillard  tant 
chanté ,  ce  soutien  d^un  royaume  qui  sollicite  sa 
puissance  belliqueuse,  cet  indomptable  roi  bap- 
tisé! 

Les  guerriers  de  Bretagne  étaient  venus  en 
armes  à  Gwenn-Estrad ,  et  avaient  offert  le  com- 
bat au  camp  des  ennemis.  Ni  la  plaine ,  ni  les 
bois  ne  purent  sauver  ces  gens,  quand  les  hom- 
mes libres  accoururent  comme  des  vagues  fu- 
rieuses qui  s'élancent  par-dessus  le  rivage. 

J'ai  vu  en  armes  les  guerriers  vaillants,  et,  après 
le  combat  du  matin,  des  chairs  en  lambeaux.  Je 
les  ai  vus  dans  la  mêlée  tomber,  accablés  de  fa- 

*      Gwjr  Prydaia  t  dwythein  yn  lluydd 
Gweo  ysirad  jsudl  cad  cyoDygydd 
Ni  ddodes  na  mtes  na  coodydd 
Tud  acbles  diormes  pan  ddyfydd 
Mal  tonnawr  totl  ei  gawr  iroa  elfydd.  (Ilnd). 


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408 
Gwaed  gohoeou  govaran  gwlec'hit. 

En  amouen  Gwenn-Estrad  e  gwelit  —  go- 
vur  — 
Hag  angwer  laour' luzedik. 

Enn  treuz  red  gweliz  é  gouir  ledruzion 
Eïrv  dilong  rag  hlaour  goved  tonn.  * 
Unent  tank  gan  aezent  golluzion, 
Lao  enn  kroez ,  gred  e  gro ,  granwenion ,  * 
Kevezouent  ê  kenren  keouen  tonn, 
Gwanekaour  golec^hent  reun  è  kavon.  ^ 


Gweliz  é  gouir  gospeizik  gospelad^ 
Ha  gwear  a  magie  ar  dillad  y  * 
A  duiliao  diaflem  douez  ourz  kad; 
Kad  gourzo  ;  ni  bou  fo  pan  pouellad. 
Gleou  Reged  revezai,  pan  peiziad!  ^ 


Gweliz  i  gran  greodik  gan  Urien 


I 


^ 


In  orws  rhyd  givelats  i  wyr  ledruddion 
Eirf  dillwng  rhag  bltwr  gofedon.  {Ibid.) 

UoyDt  tanc  gan  aeibant  golloddion 
Llaw  yoghroes  gryd  y  gro  granwynioR.  {Ibid.) 

Ryfeddwynt  y  genrhein  kywyn  don 


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409 
ligue;   [j*ai  vu]  le  sang  ruisselant  inonder  la 
plaine  au  loin. 

J^ai  vu  le  rempart  qui  défendait  Gwenn-Es- 
trad  abattu  sur  Therbe  jaunie. 


J'ai  vu,  au  passage  du  gué,  des  guerriers  avec 
des  taches  rouges ,  livrer  leurs  armes  à  la  vague 
grise  en  fureur  :  au  moment  où  leurs  solides 
remparts  s'en  allaient  [emportés]  d'assaut ,  les 
mains  en  croix  j  tremblants  sur  la  grève ,  le  vi- 
sage pâle  9  leurs  chefs  s'en  allaient  de  concert 
[rouler]  sous  les  flots  débordés,  et  les  vagues  la- 
vaient les  crins  [sanglants]  des  envahisseurs. 

J'ai  vu  nos  brillants  guerriers  presque  hors 
d'eux-mêmes ,  dont  le  sang  souillait  les  vêtements , 
porter  des  coups  furieux  et  continuels  dans  le 
combat  ;  le  combat,  ils  le  soutinrent  bien  ;  la  fuite 
ne  fut  pas  possible ,  grâce  à  leurs  efforts.  Le  chef 
de  Reghed  est  terrible,  quand  on  l'a  bravé! 

J'ai  vu  la  joue  d'Urien  enflammée  par  la  co- 

Gwaneicawr  gollychyol  rawD  y  caffon.  {Ibid.) 

*     Gweleis  i  wyr  gospeithig  gospylad 

A  gwyar  t  oaglei  ar  ddilad.  (Ibid.) 

^     Cad  gworiho  ni  baffo  pan  bwylled 

Glyw  Reged  rhyfeddaf  pan  feiddad.  {ibid,} 


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440 
Pap  amoueze  gallon  enn  lec'h  Gwenn  Kales- 

ten,* 
E  gweziant  oez  laveo  -*-  aesaour  gouir;  — 
Goberzit  ourz  Ânken  !  2 

Awez  kad  a  divo  Euroooui  !  3 
Hag  enn  e  fallouem-mi  —  henn  — 
l'm  degen  Ânkeu  anken^^ 
Ne  bezim  eon  dirwen, 
Na  molouem-mi  Urien. 

*  Gwdes  i  nn  raodig  gan  Urieo 

Pam  tmwyth  ai  alon  jd  llech  wen  Galystom.     (/6td.) 

•  Ei  wythiant  oedd  llafii  aesawr  gwyr 


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4H 
1ère  9  quand  il  attaquait  avec  rage  les  étrangers 
près  de  la  Pierre  Blanche  de  Kalesten;  sa  lame 
en  fureur  s'enfonçait  dans  les  boucliers  des  guer- 
riers ;  elle  était  portée  par  la  Mort  ! 

Que  Tardeur  des  combats  dévore  Euronoui! 
Et  moi,  jusqu^à  ce  que  je  défaille  [et  devienne] 
vieux,  jusqu'à  ce  que  la  rude  angoisse  de  la 
Mort  arrive,  je  ne  sourirai  pas  si  je  ne  loue  pas 
Urien  ! 


Gobenhid  wrth  Aogen.  .    (Pnd.) 

^  Âwydd  cad  a  ddiffo  Euronwj.  (ifnd.) 

4  Iro  dygjD  aoghea  angher.  (Ilnd,) 

\ 
\ 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


On  s'accorde  généralement  à  croire  la  victoire  de  Gwenn- 
Estrad  gagnée  contre  Ida  de  547  à  560.  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain ,  c'est  qu'elle  est  antérieure  au  siège  de  Medcaud  et  au 
désastre  de  Kaltraez.  On  se  souvient  en  effet  qu'Urien  périt 
au  siège  dont  je  viens  de  parler,  qu'il  n'assistait  pas  à  la  ba- 
taille de  Kaltraesi,  et  que  la  garnison  de  cette  citadelle,  vic- 
torieuse avec  lui,  fut  égorgée  plus  tard  avec  son  fils  Owen. 
Serait-ce  la  forteresse  de  Gwenn-Estrad  qu'on  appelle  au- 
jourd'hui pasMge  de  Strad  Quen,  ou  Strad  Quen's  ferry? 
Entre  Strad  Quen  et  Gwenn-Estrad,  il  n'y  a  d'autre  différence 
que  le  changement  de  Gwenn  en  quen,  et  celui  d'Estrad  en 
strad.  Le  premier  est  une  altération  manifeste  ;  le  second  est 
tout  naturel;  le  gaël-écos$ais  strad  (vallée)  répondant  exac- 
tement au  breton-gallois  estrad  (ystrad).  Quant  à  la  position 
du  mot  Gwenn ,  elle  est  arbitraire,  et  l'on  a  dit  indifférem- 
ment Gwenn  Estrad  et  Strad  Gwenn.  Ajoutons  à  cette  simili- 
tude de  nom ,  l*'  que  le  passage  de  Strad  Quen  était  l'un  des 
points  les  plus  importants  de  la  Grande  Tranchée,  du  côté  de 
l'orient  ;  2o  qu'il  était  défendu  par  un  fort;  S®  qu'une  rivière, 
où  la  mer  montait,  baignait  ses  remparts;  trois  caractères 
qui  conviennent  tout-^-fait  aux  lieux  où  les  Germains,  suivant 
Taliésin ,  furent  engloutis  sous  les  flots,  en  voulant  passer  la 
rivière  à  gué. 

Une  connaissance  plus  approfondie  que  la  mienne  de  la  to- 
pographie de  l'Ecosse,  fera  découvrir  sans  doute  l'autre  lieu 
qu'indique  Taliésin.  Euronoui,  dont  il  enflamme  l'ardeur  bel- 
liqueuse, était  une  princesse  bretonne,  sœur  du  héros  Kenon, 
chanté  par  Âneurin,  et  fille  de  Kledno,  d'Edin ,  citadelle  si- 
tuée à  quelques  milles  de  Strad  Quen's  ferry. 


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LE  COMBAT  DE  MENAO. 

(vers  560.) 


ARGUMENT. 

Le  remarquable  chant  auquel  nous  donnons  ce  titre ,  n'en 
porte  aucun  dans  les  manuscrits;  Téditenr  du  Myvyrian  Ar- 
ehaiohgy  of  Wales,  l'intitule  vaguement ,  a  Urien  ,  comme 
les  deux  pièces  qui  le  précèdent  et  celle  qui  le  suit  :  évidem- 
ment, une  pareille  qualification  ne  saurait  lui  sufifire;  il  en 
méritait  une  plus  précise. 

Taliésin  y  célèbre  une  nouvelle  victoire  de  son  royal  patron 
sur  les  Angles,  victoire  dont  personne ,  à  notre  connaissance, 
n'a  encore  parlé.  Agresseurs  cette  fois,  et  portant  leurs  armes 
sur  le  territoire  ennemi ,  les  Bretons  firent  un  grand  carnage 
des  Germains ,  et  revinrent  chargés  de  butin. 


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IIL 
KÂD  MENAO. 


Ar  UD  blenez, 
Un  enn  darwez  ^ 
Gwio  ha  mai  ha  mez. 
Ha  gourhed  digasez, 
Hag  hef  leouez  —  gorod  ;  —  * 

Ha  hed  am  bereu ,  3 
Ha  he  penn  funeu, 
Ha  he  tek  gwezvaeu  ;  * 
Houei  pob  oc'h  gwez, 
Deuvent  enn  plemnouez;  ^ 

Hag  he  marc'h  edao  hao , 
Edd  gozev  gweiz  Menao, 
Ac^hoanek  anao.  ^ 

Buz  am  lu  amlaou  ! 


*  Ud  yn  darwedd.  {Myvyr.  arch.,  i-  1  »  p-  56.) 

*  A  gwrhyd  digassed 

Ac  ei  lewjdd  gorod .  (  Ibid .  ) 

'  A  baid  am  fereu.  (Ibid,) 

*  Ai  phen  fluneu 

Ai  leg  wyddfrea.  (Ibid.) 


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III. 


LE  COMBAT  DE  »IENAO. 


Cette  année  y  un  chef  prodigue  de  vin,  de 
pièces  [d'or]  et  d'hydromel  et  de  courage  sans 
barbarie,  a  franchi  les  frontières; 


Et  suivi  d^uû  essaim  de  lances ,  et  de  ses  chefs 
unis  y  et  de  ses  brillants  nobles,  tous  bien  dispo- 
sés, il  est  allé  au  combat; 


Et  monté  sur  son  cheral,  il  a  soutenu  le  combat 
de  Menao,  enflammant  la  muse  [bardique]. 

Quel  butin  abondant  pour  Tarmée  !  Huit  [fois] 


Ei  bawb  oi  wyd 
Dyfyni  ynblymnwyd.  {Ilfid.) 

Ai  firch  y  daoaw 
Yngoddeu  gwaith  Mjrnaw 
A  chwaneg  anaw.  (Ihid,) 


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416 
Oueiz-ugent  un  liou 
Oc'h  loi  ha  biou!  * 

Biou  bliz  hag  ec^heu 
Ha  pob  kein  amgen.  ^ 

Ne  be2X>uii  laouen 
Pe  laz  Urien!  ^ 

Eski  ken  iezed 
Saïz  kengren ,  kengred  ;  ^ 
A  briger  gwenn  golc'het, 
Ar  gelor  e  douget, 
Ha  gran  gwearlet^ 
Am  gwaed  gouir  gonozet.  ^ 

A  gour  heongr  bezik 
A  be  gwezou  he  gwreik.  ^ 


Am  euz  gwin  felek! 
Am  euz  gwin  menec'h  get-houn  ! 
Am  sorz!  am  porz!  am  pem[)! 
Ken  na  par  kevoueren  !  7 


Bodd  am  li  am  law 

Wyth  ugein  unlliw 

0  loi  a  biw. 

{Ibid.) 

Bîw  blith  ag  ychen 

A  phob  cein  amgen. 

.     (ibid) 

Ni  byddwD  lawen 

Bei  lleas  Urien. 

(Ibid.) 

Ys  en  cyn  iethydd 

Sais  cyngryn  cyngryt. 

(Ibid.) 

A  brîger  wen  olched 

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417 
viDg:t[bétesj  d'une  seule  couleur,  veaux  et  vaches! 

I 

Vaches  de  lait  et  bœufs,  et  des  richesses  de 
toute  es|)èce  ! 

Ah  !  j'aurais  cessé  d'être  gai  si  Urien  eût  péri! 

Il  a  été  haché  y  le  chef  aux  langages  [divers]; 
tremblant,  frissonnant,  le  Saxon  a  eu  ses  che- 
veux blancs  lavés  [dans  son  sang];  on  Ta  em- 
porté sur  un  brancard ,  le  front  sanglant ,  mal 
défendu  par  le  sang  des  siens  ! 

Ce  brave  et  insolent  guerrier  laisse  son  épouse 
veuve. 

J'ai  du  vin  de  mon  chef!  J'ai  souvent  du 
vin,  grâce  à  luil  C'est  lui  qui  m'inspire,  lui  qui 
me  soutient ,  lui  qui  me  guide  !  Aucun  ne  l'^ale 
en  grandeur! 


Ar  elor  ei  djnged 

A  grskD  gwyarlled 

{/Wd.) 

A  gwr  hewr  bythig 

A  fei  feddw  ei  wreig. 

[Ibid.) 

Am  ys  gwin  ffeJaig 

Am  ys  gwin  myDych  gyllwn. 

Am  sonh  am  porth  am  pen 

Cyn  Da  phar  cyfwyrein. 

{Ikid.) 

27 

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418 
Kemaran  Cïirao! 
Gwas  ë  treuz,  gwrandao!  * 

Pe  trouz  !  hag  he  daear  a  kren  ? 
Hag  he  mor  a  digen, 
Degoueaok  kec'bengar  ourz  é  pedez?  ^ 

Os  ed  uc'h  cfnn  nant, 
N'ed  Urien  a  gwant?  ^ 

Os  ed  uc'h  menés, 
N'ed  Urten  a  gorfez?  ^ 

Os  ed  uc'h  enn  riou, 
N'ed  Urien  a  briou? 

Os  ed  uc'h  enn  kaoz, 
Ned  Urien  a  plaoz?  5 

Uc'h  henty  ucTi  as, 
Uc'h  enn  pob  kamas  !  ^ 


Nag  un  tev  nadao; 

Ne  naoz  ê  rag  hao!  '^ 

«      KymaraD  tarau 

Gwas  y  drws  gwrandaw. 

(Ibid.J 

•      Py  drwsl  ai  dayar  a  gf7n 

Ai  mor  a  ddugyn 

l)y  gwyawg  ychyogar  wrth  y  pedydd. 

{Ibid.) 

j     Ossid  uch  ym  mhaDt 

Nead  Urien  ai  gwanl. 

(/6td.) 

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419 

Mais  des  ennemis  se  battent!  Oificier  de  la 
porte,  écoute! 

Quel  bruit!  estH:se  la  terr«  qui  tremble?  Est- 
ce  la  mer  qui  monte,  débordant  son  cercle  ha- 
bituel jusqu'aux  pieds  [des  hoaunes?] 

S'il  s'élève  un  gémissement  dans  la  vallée, 
n'est-ce  pas  Urien  qui  frappe? 

S'il  s'élève  un  gémissement  sur  la  montagne, 
n'est-ce  pas  Urien  qui  triomphe? 

S'il  s'élève  un  gémissement  sur  le  coteau, 
n'est-ce  pas  Urien  qui  broie? 

S'il  s'élève  un  gémissement  dans  l'enceinte  for- 
tifiée, n'est-ce  pas  Urien  qui  le  fait  pousser? 

Gémissement  dans  le  chemin,  gémissement 
dans  la  plaine,  gémissement  dans  tous  les  dé- 
filés! 

Il  n'est  personne  qui  fasse  taire  ses  gémisse- 
ments; il  n'est  point  de  refuge  contre  lui. 


4      Ossid  ucb  ym  mynydd 

Neud  Urien  a  orfydd. 

(Ibid.) 

<*      Ossid  Qch  yngbawdd 

iNeol  Urien  a  blawdd. 

{Ibid.) 

0  Ucb  ymbob  kamas. 

{Fbid.j 

7      Nag  un  lew  na  dau 

Ni  nawdd  y  rageu. 

{Ibid.) 

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420 
Ne  beze  ar  neuen 
A  preiziei  enn  he  kelc'hen.  * 

Regoriaok,  gorlasaok,  gorlasar, 
EU  Ankeu  ez  he  par , 
Enn  laz  he  eskar!  ^ 

Hag  enn  e  fallouem  henn^ 
Vm  degen  Ankeu  anken, 
Ne  bezîm  enn  dirwen , 
Na  molouem  Urien  ! 


Ni  byddei  ar  newyn 
A  phreiddieu  yn  ei  gylchyn.  {ïbid») 


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421 
Il  n'est  point  de  famine  pour  ceux  qui  pillent 
dans  sa  compagnie. 

Quand  il  combat,  vêtu  de  son  armure  email- 
lée  d'azur  éblouissant ,  sa  lance  azurée  est  le 
lieutenant  de  la  Mort,  dans  le  carnage  de  ses 
ennemis. 

Ah!  jusqu'à  ce  que  je  défaille ,  en  vieillissant, 
et  que  la  rude  angoisse  du  trépas  arrive,  je  ne 
sourirai  point  si  je  ne  célèbre  Urien! 


Gygoriawg  gorlassawg  gorlassar 
Âil  angea  oed  ei  bar 
Yn  lladd  ei  esgar.  (Ibid.) 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Cette  pièoe,  qui  se  trowre,  comme  let^deux  précédentes^ 
dans  le  lÀvre  de  TaUésin,  manuscrit  du  XII*  siècle,  n'offire, 
au  premier  coup-d'œil^  d'importance  que  par  son  incontes- 
table mérite  littéraire  ;  mais ,  en  Fexaminant  de  prés,  on  lui 
découvre  une  valeur  historique  assez  grande.  Nous  avon;s  vu, 
dans  les  notes  du  Gododin,  que  Bun,  la  Belle  Traîtresse, 
épouse  d'Ida  y  avait  survécu  à  son  mari.  Ne  serait-ce  pas  elle 
que  Taliésin  désigne  sous  les  traits  de  cette  femme  qu'un 
chef  Saxon  laisse  veuve?  Nous  connaîtrions  alors  les  circons- 
tances, ignorées  jusqu*ici ,  de  la  mort  dlda  :  on  savait  seule- 
ment, par  un  autre  pièce  de  Taliésin  qu'on  lira  bientôt,  qu'il 
avait  péri  de  la  main  du  fils  d'Urien. 

Adda  ayant  succédé  à  son  père  vers  l'an  560 ,  il  faudrait 
placer  dans  la  même  année  l'événement  chanté  par  notre 
barde  et  la  composition  de  son  poème. 

Menao  ou  Mynaw,  pays  près  des  frontières  duquel  se  livra 
la  bataille  qu'il  célèbre,  doit  être  le  Manau  de  Nennius,  partie 
limitrophe  de  l'isthme  resserré  entre  l'embouchure  du  Forth 
et  ceDe  de  la  Clyde  où  régnait  Cunéda,  bisaïeul  du  roi  Mael- 
goun. 


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CHANT  A  URIEN. 


ARGUMENT. 

Urien,  après  d'abondantes  largesses,  donnait  à  ses  guer- 
riers un  splendide  banquet. 

La  fête  s'était  prolongée  dans  la  nuit;  le  palais  rayonnait 
de  réclat  d'un  grand  feu  allumé  dans  l'àtre  ;  réunis  autour 
de  leur  père ,  les  fils  du  chef  breton  se  faisaient  remarquer 
parmi  les  convives,  et  plusieurs  bardes,  Taliésin  à  leur  tête, 
occupaient  au  festin  leur  place  accoutumée. 

Peui-ôtre  une  des  trois  victoires  que  nous  l'avons  entendu 
célébrer,  avait-elle  favorisé,  la  veille,  les  armes  des  Bretons, 
car,  élevant  la  voix,  le  prince  des  bardes  chanta  ainsi  : 


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IV. 
KAN  I  URIEN. 


Urien  er  ec'houez, 
Haelam  den  bedez! 
Liaos  a  rozez 
I  denion  efez!  ^ 

Mal  e  keoDullouet 
Ed  gweskeret! 

Laoun  beirz  bedez! 
Tra  bo  të  gwec'hez!  2 

Ez  moui  laouenez 
Gan  klodvan  klodrez; 

Ez  moui  gogoniant 
Fod  Urien  ha  he  plant  ; 

Hag  hef  enn  arbennik 
Enn  goruc'hei  gwledik. 

Pellenik  enn  keniad  : 
Keuta  er  Loegrouiz  a  he  koueziad.  ^ 

Lliaws  a  roddydd 
I  ddynion  elfydd.  (HÊyvyr.  arch.,  l.  i ,  p.  55%)  Efydd. 
(i6td.,  p.  51.) 


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IV. 
CHANT  A  URIEN. 


13 rien,  [chef]  de  la  plaine  cultivée,  6  le  plus 
généreux  des  humains  en  tes  dons!  Combien  tu 
as  donné  de  cuivre  à  tes  hommes! 


Ils  en  ont  recueilli,  comme  [on  recueille]  du 
blé  répandu! 

Les  bardes  sont  comblés  de  faveurs!  Ta  vail- 
lance surpasse  tout! 

Il  est  la  plus  grande  joie  du  dispensateur  de 
réloge,  le  [chef]  renommé; 

Elle  est  sa  plus   grande    gloire,   la    fortune 
d'Urien  et  celle  de  ses  fils; 

Sa  fortune  à  lui,  surtout,  le  chef  suprême! 


Il  commande  au  loin  :  les  Logriens,  les  pre- 
miers, sont  tombés  [sous  ses  coups]. 

*      LlawD  beirdd  bedydd 
Tra  fo  du  ucbydd.  (Ibid,)  Dy  wychydd.  (P.  51.) 
*  Gyntau  IJoegrwys  ai  gwyddiad.  [Ibid.)  Cyntair  Uoegrwys  ei 
gwyddiead.  (P.  51.; 


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426 
Enn  dinas  pellenik, 
Edd  kenîad  kentaik. 

Loegrouiz  a  kouezant. 
Pan  emadrozant  : 
Ankeu  a  kavsant 
Ha^méDec'h  koziant.  ^ 

Loski  heu  treved. 
Ha  dougen  heu  luzed,  2 
Hag  emik  koUet ,  3 
Ha  maour,  amkevret ,  ^ 
Heb  kavet  gwared  ^ 
Rag  UrieD  Reged! 

Reged  difreidiad! 
Klod  ior,  ankor  gwlad, 
Më  moz  ez  ez  ar-n-ad  ^ 
Oc'h  pob  erglevad;  "^ 
Douez  të  peledrad 
Pau  erglevad  kad;  ^ 

Kad  pan  e  kerc'hout,  ^ 
Gweniez  a  gounaout. 

Tan  enn  tai,  ken  dez,  ^^ 
Rag  uz  er  ec^houez , 

*  Â  mynych  goddiaDt.  (Idid.)  Ce  vers  et  le  précédent  se  trouvent 
le  cinquième  et  le  sixième  dans  Taulre  manascrit. 

*  Âdwyn  eu  tudded.  {Ibid.) 

*  Ac  eimwng  colled  (P.  rtîî.)  Emmic  colhet.  (P.  5i .) 

*  A  mawr  amgyffred.  (P.  55.)  Angbyfrel.  (P.  8i.) 


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427 
Sur  les  citadelles  lointaines,  il  commande  en 
souverain. 

Les  Logriens  sont  tombes,  qu^ils  parlementaient 
[encore]  :  ils  ont  trouvé  la  mort  et  mille  anxiétés. 


Leurs  villes  ont  été  brûlées,  et  leurs  armes 
enlevées,  et  leurs  richesses  perdues,  en  grand 
nombre,  à  la  fois,  sans  qu^ils  aient  trouvé  de 
protection  contre  Urien  de  Reghed! 


O  défenseur  de  Reghed!  chef  glorieux ,  ancre 
[de  salut]  du  pays,  ma  muse  [bardique]  te  célèbre, 
toi  dont  chacun  entend  [parler  au  loin]  ;  [elle  cé- 
lèbre] ta  lance  qui  ne  cesse  de  frapper,  quand 
elle  a  entendu  le  [bruit  du]  combat; 

Quand  tu  prends  part  au  combat ,  faisant  dés 
prodiges  de  valeur. 

Le  feu  [brille]  plus  que  le  jour  dans  le  pa- 
lais, devant  le  chef  de  la  plaine  cultivée; 

,Heb  gaffelgwarel.  (P.  51.) 

•  Fy  modd  y  sydd  aniad.  (P.  55.) 

'  0  bob  erglywat.  (lind.)  0  bob  herciyiuid.  (P.  51 .) 

•  Pan  erglywat  cad.  (/6td.)  Pan  erglywat...  (P.  51 .) 
»  Cad  pan  i  cyrchud.  (I6t4.)  Cyrcbynt.  {Ibid.) 

*®  Tan  ynbai  cyn  dydd.  {Ibid.) 


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428 
Er  ec'houez  tekam , 
Ha  he  denion  haelam. 

Gnod  Engl  heb  gwaesam 
A'm  teirn  gleouam; 

Gleouam  esilez 
Ti-te  goreu  ez  ez. 
Oc'h  a  bou  hag  a  bez, 
Ned  oez  kestedlez,  * 
Pan  dremer  ar-n-hao.  * 

Ez  helaez  ë  brao.  ^ 
Gounaot  gwlez  amtan-hao  ^ 
A*m  teirn,  gognao,^ 

Amtan-hao  gwelez,  ^ 
Ha  liaos  maranez ,  '^ 
Eurteirn  goglez,  ^ 
Arbennik  teîrnez!  ^ 

Hag  enn  e  fallouem  henn, 
Vm  degn  Ankeu  ankeu, 
Ne  bezim  enn  dinvenn , 
Na  molouem  Urien! 

I  Ce  vers  et  le  précédent  maLoq^ent  dans  la  version  du  Myvyrian 
de  la  page  51  ;  ils  sont  remplacés  par  ceux-ci  : 

Teccaf  ai  dynion 

Haelargwawd... 
«  Pan  dremher  amaw.  (P.  35.)  Pan  dremir.  (P.  52.) 
*  Ys  helaeth  y  braw.  (P.  55.)  Es  helaeth.  (P.  52.) 


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429 

De  la  plaine  si  belle,  [dans  le  palais]  où  il  a 
réuni  ses  guerriers. 

Les  Angles  sont  sans  homnmge  de  la  part  de 
mon  brave  souverain  et  de  sa  brave  postérité; 

De  ta  postérité ,  la  plus  brillante  qui  ait  existé 
et  qui  existera  [jamais],  à  laquelle  on  n'en 
trouve  point  de  comparable ,  quand  on  la  con- 
temple. 

La  terreur  [qu'elle  inspire]  est  grande.  [Cette 
nuit]  il  donne  un  festin  à  ceux  qui  Tentourent, 
mon  souverain,  selon  sa  coutume. 

Autour  de  lui  quelle  fête!  et  quelle  immense 
multitude  environne  le  roi  magnifique  du  nord  y 
le  chef  des  chefs! 


Ah!  jusqu'à  ce  que  je  défaille  [en  devenant] 
vieux,  et  que  la  rude  angoisse  de  la  Mort  ar- 
rive, je  ne  sourirai  point,  si  je  ne  loue  pas  Urien! 


•  Gwnawd  gwledd  am  dâoaw.  (P.  55.)  Goawd  gwyledd.  (P.  52.) 
»  Âm  deyrH  gognawd.  (P.  55.)  Gognaw.  (P.  52.) 

•  Âm  danaw  gwyledd.  (P.  55.)  Gwyled.  (P.  52.) 

'  A  lliaws  teyrnedd.  (P.  5i.)  Maraobedd.  (P.  55.) 

•  Eodeyrn  gogledd.  (P.  55.)  Eurdeyrn.  (P.  52.) 

•  ArbeoDÎg  Teyrnedd.  (P.  55.) 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


D  ne  serait  pas  impossible  que  cette  fête  eût  été  donnée  en 
r^ouîssance  de  la  bataille  d'Argoed ,  et  Téli^  qu'on  vient  de 
lire  composé  pour  la  même  circonstance.  La  place  qu'il  oc- 
cupe dans  les  manuscrits ,  où  il  vient  immédiatement  après 
la  bataille  en  question  y  pourrait  le  faire  croire. 

J'ai  fait  remarquer ,  dans  le  discours  préliminaire ,  le  rap- 
port de  ce  chant  avec  un  poème  dont  Possidonius  nous  a  con- 
servé le  souvenir.  Le  barde  gaulois  à  qui  le  chef  Louam  jeta 
une  bourse  pleine ,  comme  Urien  à  Taliésin ,  ne  fut  pas  moins 
sobre  d'éloges  que  ce  dernier.  Du  reste ,  si  le  poète  broton 
montre  un  peu  d'avidité  pour  le  cuivre  de  sm  patron,  sa  re^ 
connaissance  et  son  dévoûment  ne  l'excusent-ils  pas  un  peu? 

Le  texte  de  ce  poème  existe  dans  la  collection  des  Bardes 
prinûlifs  gaUm  de  la  bibliothèque  d'Hengurt,  et  dans  plu- 
sieurs autres  manuscrits. 


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DÉDOMMAGEMENT  A  URIEN. 


ARGUMENT. 

On  ne  connaît  point  précisément  le  motif  qui  fit  adresser 
cette  pièce  à  son  patron  par  Taliésin  :  quelque  chef  breton 
aurait-il  blessé  Urien?  Les  démêlés  funestes  qui  entraînèrent 
sa  mort  9  la  jalousie  dont  il  devint  l'objet  commençaient-ils 
déjà  à  troubler  le  repos  d'une  vie  toute  dévouée  à  la  défense 
de  son  pays?  Pures  suppositions,  mais  tout-à-fait  fondées.  Un 
mot  de  Gildas ,  son  proche  voisin  et  son  contemporain ,  eu  je 
crois  voir  une  allusion  aux  vertus  d'Urien,  raj^roché  du  pas- 
sage de  NenniuSy  cité  précéd^fnment,  ne  peut  laisser  de  doute 
en  eflet  sur  les  chagrins  qui  abreuvèrent  les  derniers  jours 
du  prince  breton.  Mennius,  on  s'en  souvient,  dit  qu'il  périt 
victime  c  de  l'envie,  parce  qu'il  possédait  des  qualités  guer- 
rières très  éminentes  et  très  supérieures  à  celles  de  tous  les 
autres  rois.» 

Gildas  s'exprime  ainsi,  de  son  côté,  dans  son  pieux  lan- 
gage :  «  Si  quelqu'un  de  ces  rois  était  plus  humain  que  les 
autres  et  plus  ami  de  la  vérité,  c'était  vers  lui  que  se  diri- 
geaient, comme  vers  le  perturbateur  de  toute  la  Bretagne, 
toutes  les  haînes  et  tous  les  traits.  '  » 

N'oublions  pas  que  Taliésin  parle  de  la  bravoure  sans  bar- 
barie d'Urien ,  et  que  ce  prince  fut  mis  au  nombre  des  Saints. 

*  Si  qois  eoram  niiiior  et  veriuti  tliqnatenus  propior  videreiur , 
in  huDC  BritaDDÎse  qnasi  sobversorem  omnia  odia  tetaque  torque- 
baDtar.  (Ed.  de  Gale,  p.  15.) 


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V. 

DADOLOUC'H  URIEN. 


Leou  bez  egasam; 
Me  n'hef  dirmegam  ; 
Urien  ez  kerc'ham, 
Ezhao  ez  kanam.  ^ 

Pan  del  men  gwacsam, 
Kenoues  a  kavam  ^ 
Oc'h  parz  goreuam, 
Edan  eilasam.  ^ 

Ned  maour  n'im  tavam, 
Bez  gwehelez  a  gwelam;  * 
Atad  hint  ned  am , 
Gant  hint  ne  bezam  ;  ^ 


Ne  kevarc'ham-me  goglez 

Ha  he  moui  teirnezi 

Ken  pe  am  laouerez 

E  gweloum  kengwestlez;  ^ 

*      Llea  uydd  echassaf 

Mi  nyw  dirmygaf 

Urien  yd  gyrchaf 

Iddaw  yd  ganaf.                       (Ms$.  de  HergheU.) 

«      Pao  ddet  fyogwaessaf 

Cynwys  a  gaffaf . 

(ibid.) 

'  Y  dan  eilassaf. 

(Ibid.) 

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V. 
DÉDOMMAGEMENT  A  URIEN. 


Le  lion  est  très  tourmenté;  je  ne  l'irriterai 
point  9  mais  je  m'approcherai  d'Urien  et  je  chan- 
terai pour  lui. 

Quand  il  arrive ,  celui  à  qui  je  rends  hom- 
mage f  je  me  trouve  admis  à  la  place  d'honneur^ 
[et  noyé]  sous  des  flots  d'harmonie. 

Je  ne  suis  pas  grandement  interdit^  quelque 
[nobles  que]  soient  les  [autres]  tribus  que  je 
vois  ;  je  ne  vais  point  à  elles^  je  ne  suis  point  avec 
elles; 

Je  ne  m'adresse  point  au  Nord  et  à  ses  rois 
sans  nombre  9  de  quelque  multitude  d'otages  que 
je  les  voie  entourés; 

•  Ned  mawr  nim  dawr 

Byth  gweheleilh  a  welaf.  (Ilnd.) 

•  Nid  af  atudynt  ganihyu!  ni  byddaf.  (Ilnd.) 

•  Ni  cbyiarGbaf  fi  gogledd 
Âr  mei  teyrnedd , 

Gyn  pei  am  laweredd 

Y  gwelwu  gyDhwysUedd.  (Ilnd.) 

28 


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434 

Ned  red  em  hofez, 
Urien  D^em  gommez 
Louevenez  drez; 
£z  meu  heu  reuvez , 
Ez  meu  ê  gwelez , 
Ez  meu  ê  larez; 

Ez  meu  ë  deliedeu 
Hag  ë  gorevraseu,  i 
Mez  oc'h  bualeu, 
Ha  da  divisieu, 
Gan  teim  goleu, 
Haelam  regigleu!  ^ 

Teirued  pob  iez 
It  holl  edint  kaez  ;  ' 

Rag  out  ez  kweniez 
Enn  dez  te  goleiz;  * 

Ked  del  menasoun  ; 
Gwel  ë  helour  henoun 
Ned  oez  gwell  a  keroun , 
Hed  ez  gwibezoun  ;  ^ 

Nid  rhaid  ym  hoffedd 
Urien  oim  gpmmedd 
Llwyfenydd  diredd 
Ys  meu  ea  rfaenfedd 
Ys  meu  y  gwyledd 
Ys  meu  y  llaredd 
Ys  meu  y  deliedeu 
Ai  gorefrassen.  (Mi.) 


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435 
H  n*est  point  nécessaire  qn'ib  m'aiment ,  tant 
qu^Urien  ne  me  retire  point  me&  terres  de  Loue- 
yen;  et  qu'à  moi  restent  leurs  produits;  à  moi 
le  repos;  à  moi  le  contentement. 


A  moi  les  métaux ,  à  moi  toutes  les  jouissances, 
et  les  cornes  d^hydromel ,  et  le  bien  suprême , 
avec  mon  prince  de  lumière,  le  plus  généreux 
[  roi  ]  dont  certes  on  entende  parler  ! 


Les  chefs  aux  langages  divers  sont  tous  tes  es- 
claves ; 

Devant  toi  marchera  la  [douleur]  au  jour  de 
ta  mort; 

Quand  elle  viendra  [à  toi],  elle  me  menacera 
moi-même.  Hélas!  ce  maitre  que  j'invoquais,  je 
n'aurais  pu  en  aimer  de  meilleur,  pendant  tout 
le  temps  que  je  le  connus  ! 


s 


Gan  deyni  goUu 

Haelafrygiglea.  (iMd.) 

^     Teyrnedd  pob  iaith 

Il  oll  ydynt  gailb.  (/Md.) 

*  Rhagot  yt  gwynir  ys  did  dy  olailh.  (/6td.) 

"»     Gydef  mpnasswn 

Gwey  hdu  henwn 

Nid  oedd  well  a  gerwn 

Hyd  ys  gwybyddwn.  (IWd.) 


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436 
Gweisian  e  gwelam 
He  ment,  na  kavam 
Namen  ë  Diou  uc^ham, 
Nîs  dioveram.  * 

Tè  teirn-meiboD , 
Haelam  denedon, 
Houei  kaoant  heu  eskeron 
Enn  tirez  heu  gallon.  2 

Hag  enn  e  fallouem  henn, 
l'm  d^[en  Ankeu  anken , 
Ni  bezim  em  dirwen, 
Na  molouem  Urien  ! 

*      WeilhiaD  y  gwebf 

Y  meint  a  gafGif 

Namyo  j  duw  uchaf 

NU  dioferaf.  [Ibid.) 


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437 
Lorsque  je  considère  quelle  est  sa  majesté ,  je 
ne  trouve  que  Dieu  de  plus  grand  que  lui ,  et  de 
plus  utile  [aux  humains]. 


Que  les  princes  tes  fils,  les  plus  généreux  des 
hommes,  fassent  résonner  leurs  lances  sur  les 
terres  de  leurs  ennemis! 


Pour  moi,  jusqu^à  ce  que  je  défaille  en  vieil- 
lissant ,  et  que  la  rude  angoisse  de  la  Mort  m'ar« 
rive,  je  ne  sourirai  point  si  je  ne  chante  pas 
Urien! 

'^      Dy  deyro  veibon 
Haelaf  dynedoo 
Wy  eanan  eu  hysgyron 
Yn  nhired  eo  galon.  (Ibid.) 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Ainsi  chantait  le  barde  pour  dédommager  son  souverain 
des  injures  que  lui  faisaient  subir  la  haine  et  Fenvie  des  au- 
tres rois  bretons ,  et  Ton  croira  sans  peine  qu'il  y  réussit. 

Le  début  de  ce  petit  poème  et  plusieurs  traits  qu'on  y  re- 
marque,  offrent  une  adresse,  un  art  et  une  chaleur  d'âme 
qui  feraient  honneur  à  dei  poètes  d'une  époque  plus  civilisée. 
Les  quatre  derniers  vers  sont  comme  le  refrain  de  toutes  les 
pièces  de  Taliésm  en  l'honneur  d'Urien  :  ils  les  marquent 
d'un  cachet  toudiant  :  ce  n'est  pas  sans  attendrissement  qu'on 
voit  le  serviteur  fidèle,  ou  plutôt  l'ami  respectueux  du  prince, 
lu|  donner  ces  preuves  répétées  d'un  attachement  qui  ne  de- 
vait jamais  finir.  Le  Dédommagement  à  Urien  se  trouve  à  la 
fois  dans  le  Uvre  de  TaHéHn,  de  la  bibliothèque  d'Hengurt, 
et  dans  le  lAvre  rouge  de  Herghest  :  l'éditeur  du  Myvyrian 
Archaklogg  of  Wales  a  suivi  une  copie  du  premier;  je  les  ai 
éclairés  l'un  par  l'autre. 


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CHANT  DE  MORT 
D^OWEN,  nus  D^UMEN. 

(DE  572  A  580.) 


ARGUMENT. 

D  était  réservé  à  Owen  d'être  cfaaaté ,  coaune  son  père  y 
par  deux  princes  des  bardes  du  YI*  siècle  :  l'un  eut  pour  pa- 
n^yristes  le  vieux  roi  Liwarcli  et  Taliésin,  l'autre,  Taliésin 
et  le  chef  Aneurin. 

*  On  a  lu  les  stances  affectueuses  et  pleines  d'énergie  que  lui 
a  consacrées  le  dernier  de  ces  poètes  dans  le  Gododin;  voici  en 
quels  termes  le  premier  fait  son  éloge  dans  un  fragment  de 
poésie  parvenu  jusqu'à  nous,  fragment  qui  laisse  d'autant  plus 
de  regrets  de  la  perte  da  reste  de  la  pièce  »  qu'Q  est  plus  ly- 
rique et  plus  entraînant. 


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VI. 
MARONAD 

OWEN,  MAB  URIEN. 


Ened  Owen,  mab  Urien, 
Gobouelled  ë  Reen 

Oc'h  he  red  ! 
Reged  uz  a  kuz  trom  glas. 

Ned  oez  fas 

He  kevezed;  ^ 

Ëskel  kerz  klez  klodvaour, 
Ëskel  gwaev  maour 

Livet. 
Kan  ne  kesir  kestedlez 
I  uz  leouenez , 
Lazret,  ^ 

*      EDaid  Owain  ab  Urien 
Gobwyllid  ei  Reo 

Ci  Raid 
Reged  udd  ai  cudd  tromlas 
Nid  oed  fas 
Ei  gywyddeid. 

(Ma.  de  Herghest  el  le  Mytyr,  arch.y 
l.  1 ,  p.  59.) 


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VL 

CHANT  DE  MORT 

D^OWEN,  FILS  D^URIEN. 


Ame  d'Owen,  fils  d'Urien!  Que  le  Seigneur 
voie  ses  besoins! 

Le  chef  de  Reghed  est  caché  sous  un  tertre 
vert! 


Il  n'y  avait  point  d'entrave  à  sa  protection  ; 
[elle  avait]  des  ailes,  son  épee  rapide  et  glorieuse; 
des  ailes,  sa  grande  lance  affilée; 

Qu'on  ne  cherche  point  d'égal  à  ce  chef  de 
l'ouest,  3  à  ce  brillant  [prince],  à  ce  rude  mois- 


*     Isgell  cerddglyd  clodfawr 
Isgyll  gwaywawr 

LIi&id 
Gany  chessir  cjsledlydd 
I  Udd  UeweDydd 

LIathreid.  (Ibid.) 

'  L'ouest  de  la  Clyde,  par  opposition  à  l*est,  qai  était  au  pouvoir 
des  Angles  ou  des  Saxons-Logriens. 


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442 
Medd  gallon  geveliad^ 
Esilez  he  tad 
Hag  he  taed.  ^ 

Pan  lazaoz  Owen  Flamzouen, 
^     Ned  oez  fouen  : 
Oc'h  hef  kousked;^ 

Kousked  Loegr,  ledan  niver, 
A  leuver 
Enn  heu  laged!  ^ 

Ha  re  ne  foent  haeac'h  ^ 
A  oezent  [gwaes]  ac*h* 
Na  kaed  ;  ^ 

Owen  a  heu  kosbaz  enn  drud, 
Mal  knud 
Enn  emlid  deved.  '^ 

Gour  gwiou ,  ouc*h  amliou  seirc'h , 


•     Meddel  galon  gefeiUd 

Eissilnd  y  Ud 

Aiuid. 

(/Wd.) 

•     Pan  Uddawdd  Owein  Fflamddwyo 

Ned  oedd  fwyn 

Ogefkysgeid. 

(ibid.) 

>     YneuUjgaed. 

(Ibid.) 

•  A  rhai  ni  fibynt  hayacb. 

(I6W.) 

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443 
souneur  d'ennemb,  8  à  ce  [digne]  fils  de  son 
père  et  de  son  aieul! 

Quand   Owen   tua    le    Porte- brandon ,  aucun 
obstacle  ne  s'offrit  :  il  dormait,  [Pennemi]; 


Elle  dormait,  la  grande  armée  des  I^griens, 
avec  une  torche  dans  les  yeux! 


Tous  ceux  qui  ne  s'enfuirent  point  à  Finstant 
furent  traités  pire  que  des  captifs; 


Owen  les  châtia  rudement,  comme  une  bande 
de  loups  qui  traque  des  moutons. 


L'excellent  guerrier,  aux  harnais  de  diverses 


*  A  oeddynt...  ach.  (ihid.)  La  moitié  du  mot  est  effiicé  dans  le 
maDuscril  de  Hengurt,  suivi  par  les  éditeurs  du  Jfyvyrton.  Je  crois 
qu'il  faut  lire  guxuioc'h. 

•  No  chaid.  (Ilnd.) 

7  Yn  ymlid  defeid.  (Ibid.) 

9  Je  me  suis  trompé  dans  les  notes  des  Contes  popuuires  des 
ANCIENS  Bretons,  en  lisant  meddal  gaUm,  et  traduisant  en  consé- 
quence; il  est  évident  qu*il  faut  lire  medel  gàUon^ 


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I 


444 
A  roze  raeïrc'^ 
I  erc'hied;  * 

Keit  ha  e  ia*one,  mal  kaled 
Na  ranned 
Rag  he  ened  ;  ^ 

Ened  Owen,  mab  Urien, 
Gobouelled  ë  Reen 
Oc'h  he  red! 

Gwr  gwiw  uch  ei  ainliw  seirch 
A  roddei  feîrch 
I  eirchiaid.  (Ibid.) 


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445 
couleurs  9  fit  don  de  leurs  chevaux  à  ceux  qui 
lui  en  demandèrent; 

Tant  qu'il  porta  couronne ,  le  dur  tribut  ne 
fut  point  payé  devant  son  âme; 

Devant  l'âme  d'Chven,  fils  d'Urien  :  Que  le 
Seigneur  voie  ses  besoins  ! 


•      Ryd  as  cronnaî  mal  caled 
Ni  ranned 
Rhag  ei  enaîd.  {Ibiâ.) 


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NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 

Ce  poème,  qui  figure  dans  tous  les  plus  anciens  manuscrits 
des  oeuvres  de  Taliésin,  nous  révèle  un  fait  important,  c'est 
que  le  Porte-hrandon  Ida  périt  de  la  main  d'Owen.  Nul  autre 
monument,  il  est  vrai,  n'attribue  au  fils  d'Owen  la  mort  du 
chef  northombrien,  mais  aucun  aussi  ne  contredit  le  témoi- 
gnage du  barde  breton ,  et  tout  porte  au  contraire  à  le  croire 
sur  parole.  Telle  est  Topinion  de  H.  Sharon  Tumer  et  des 
meilleurs  critiques.  La  belle  image  des  Germains  dormant 
avec  une  torche  ou  une  lumière  dans  les  yeux,  est  une  allu* 
sion  saisissante  à  la  guerre  acharnée  que  leur  fit  Owen. 

D  est  inutile  de  répéter  ici  ce  que  j'ai  dit  de  lui  dans  les 
notes  relatives  à  la  bataille  de  Kaltraez,  où  il  périt  :  j*s\jou- 
terai  seulement  qu'il  devint,  après  sa  mort,  sous  le  nom  fran- 
cisé d'Ivain,  plus  célèbre  encore  que  de  son  vivant,  grftbe 
aux  auteurs  des  Mabinoghion,  aux  hagiographes  gallois^du 
Xn«  siècle,  et  à  tous  les  romanciers  européens  du  moyen-âge. 
Envisagé  sous  ce  dernier  point  de  vue,  il  a  été  pour  moi  l'objet 
d'un  examen  spécial  dans  un  Essai  sur  rorigine  des  épopées 
chevaleresque  de  la  Table-Ronde,  placé  en  tète  de  ma  ti*aduc- 
tion  des  Contes  POPULAmES  des  angkns  Bretons. 

Plusieurs  critiques  pensent  que  l'élégie  d'Owen  fiit  un 
des  derniers  poèmes  composés  par  Taliésin. 

SeraitH^e  après  la  mort  de  l'héroïque  fils  d'Urien  qu'il  se 
retira  sur  le  contment,  près  de  son  compatriote  saint  Gildas, 
conmie  le  rapporte  un  écrivain  breton  du  XI*  siècle?  L'Ar- 
morique,  où,  selon  l'opinion 4M)urante  parmi  les  insulaires, 
«  un  grand  repos  régnait  alors  ;  »  l'Armorique ,  cette  terre 
de  l'hospitalité  et  du  dévoûment,  semblait  faite ,  encore  plus 
que  le  pays  de  Powys ,  asile  de  Liwarc'h-Henn,  pour  abriter 
les  cheveux  blancs ,  la  harpe  et  le  cœur  brisés  d'un  barde  à 
qui  les  vents  apportaient ,  «  des  plages  armoricaines ,  d'heu- 
reuses nouvelles,  > disait-il,  pour  le  bien-aimé  prince  qu*il 
ne  cessa  de  célébrer  qu'en  cessant  de  sourire. 


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APPENDICE. 


CHANT  DTJN  GUERRIER 

DANS  U  DÉTRESSE. 

ARGUMENT. 

La  bibliothèque  de  rnniTersité  de  Cambridge  possède  un 
Toluroe  en  parchemin  de  couleur  jaunâtre ,  du  format  in- 
folio f  ayant  vingt-sept  centimètres  de  long  sur  vingt  de 
large  ;  il  contient  cinquante-deux  feuillets  et  porte ,  avec  le 
n«  1232,  la  marque  F.  F.  IV.  42  ;  il  n'a  point  de  titre,  mais 
il  est  aisé  d'y  reconnaître  une  copie  de  la  paraphrase  des 
Evangiles,  œuvre  du  poète  latin  Juvencus.  L'écriture  est 
saxonne ,  et  parait ,  aux  juges  les  plus  compétents,  notam- 
ment à  M.  Henri  Coxe ,  antérieure  à  l'an  700.  Au  haut  des 
pages  48,  49  et  50,  on  trouve  trois  lignes  en  caractères 
irlandais,  mais  infiniment  plus  menus  que  ceux  du  texte 
latin ,  et  qui  semblent  de  la  fin  du  YIII«  siècle  ou  du  com- 
mencement du  IX*  à  l'autorité  grave  que  je  viens  de  citer. 
La  première  de  ces  lignes  est  précédée  des  deux  mots  Hen 
vrythonœg,  c'est-à-dire  c  [Ceci  est]  de  Y  Ancien  breton.  >  Je 
crois  reconnaître  dans  cette  note  l'écriture  du  savant  anti- 
quaire gallois  Edward  Lhuyd,  auteur  de  la  découverte 
du  texte  en  question.  Il  l'a  imprimé  en  1707  y  dans 
son  grand  ouvrage,  VArcluBoïogia  britannka,  page  221, 
sous  le  n<*  5 ,  intitulé  Some  welih  werds  amitted  in  Doctor's 
DaviesMietianary.  Mais ,  comme  s'il  avait  voulu  garder  sa 
découverte  pour  ses  compatriotes,  non-seulement  il  ne  tra- 
duit point  le  texte  en  anglais,  mais  encore  il  l'accompagne 

de  considérations  écrites  en  gallois.  Quoiqu'il  en  soit,  voici, 

29 


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448 

pour  ceux  qui  ignorent  cette  hngae ,  une  traduction  des 
paroles  du  trop  mystérieux  antiquaire  : 

f  A  la  vieille  bmgue  bretonne  du  nord  de  cette  Ile,  au 
pays  où  est  aujourd'hui  le  royaume  d'Ecosse ,  appartient  le 
texte  breton  suivant.  Je  l'ai  trouvé  en  tête  d'une  page  d'un 
ancien  livre  latin  sur  vélin  écrit  il  y  a  environ  mille  ans 
(c'esUà-direau  Vil* siècle),  etdontl'écritureestirlandaise... 
C'est  le  morceau  breton  le  plus  vieux  et  le  plus  étrange  que 
j'aie  lu  jusqu'ici.  Quoiqu'il  ne  soit  pas  toujours  intelligible, 
il  m'a  paru  digne  d'être  publié  pour  donner  un  peu  de  joie 
aux  hommes  instruits  dans  notre  ancien  langage  kimrique.  > 

Après  l'avoir  reproduit  tel  qu'il  est  dans  le  manus- 
crit, c'est-à-dire  comme  de  la  prose,  l'antiquaire  gallois 
ajoute  :  c  Ainsi  l'ai-je  trouvé  écrit,  mais  on  y  reconnaît 
trois  couplets  d'un  genre  de  poésie  usité  chez  les  Cambriens 
d'autrefois,  et  appelé  Triban  milur  ou  chant  de  guerrier.  > 
Et  divisant  régulièrement  les  vers ,  il  écrit  le  texte  primitif 
d'après  le  système  d'orthographe  employé  par  les  Gallois 
modernes,  de  manière  à  reproduire  trois  strophes,  chacune 
de  trois  vers  monorimes,  dans  le  genre  des  tercets  de  Dante. 

Un  siècle  après  la  mort  de  Lhuyd ,  en  1802,  à  propos  des 
variations  de  l'ortographe  cambrienne ,  le  grammairien  gal- 
lois Owen  Pughes,  s'appuyant  sur  l'autorité  du  manuscrit  de 
Cambridge,  réimprimait  la  première  strophe  telle  que  l'a 
citée  Lhuyd ,  avec  la  forme  moderne  en  regard  ;  ^  et ,  en 
1832,  la  seconde  strophe,  qu'il  rsgeunissait  et  essayait  de 
traduire.  ^ 

Dernièrement  enlBn,  Zeuss  a  cité  le  manuscrit  de  Cam- 
bridge; mais  comme  il  ne  l'a  point  eu  entre  les  mains ,  et 
que  l'ouvrage  même  de  Lhuyd,  devenu  très-rare,  paraît 
ne  pas  lui  avoir  passé  sous  les  yeux,  il  se  borne  à  repro- 

«  A  weàlh  grammar,  p.  9. 

•  Aiktmary  ofthewélih  kmgmge,  t.  l^f.3iQ. 


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449 

doire,  d'après  Owen,  trois  vers  seulement  de  la  pièce  bre- 
tonne en  faisant  remarquer  que  c  ces  trois  vers  appartien- 
nent,  et  par  l'orthographe  et  par  les  formes  grammaticales, 
au  premier  âge  de  la  langne  cambrienne ,  primam  tingwB 
cambricœ  œtatem  scriptime  et  formé  grammatkaUbuiproden' 
tes.  i  Leur  importance  ne  pouvait  lui  échapper  ;  il  est 
fâcheux  qu'il  n'ait  pas  connu  les  antres  et  qu'il  ne  les  ait  pas 
tous  traduits.  Pour  en  juger  par  mes  propres  yeux ,  je  suis 
allé  à  Cambridge ,  et  gracieusement  secondé  par  le  vice- 
chancelier  de  l'Université ,  M.  Edwin  Guest,  par  le  docteur 
Powel,  conservateur ,  et  le  révérend  H.  R.  Luard ,  chargé 
du  catalogue  des  bibliothèques  de  la  ville,  j'ai  pu  retrou- 
ver le  précieux  texte  breton. 

La  copie  qu'en  a  prise  Lhuyd,  et  sur  laquelle  on.  a  im- 
primé ,  est  peu  exacte,  j'en  ai  acquis  la  preuve,  et  elle 
avait  besoin  d'être  comparée  avec  l'original;  mais  il  ne  s'est 
pas  exagéré  l'importance  de  la  pièce.  C'est  bien  le  chant 
d'un  chef  de  guerre  breton  :  dans  l'isolement  et  l'insomnie, 
ce  guerrier  barde  pleure  sa  ruine  et  celle  de  sa  famille. 

<  GrammalkaceUka,  t.  Il,  p.  946. 


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450 

TRIBAN  MILUR 
IN  GUETD). 


Ni  guorkosam,  n'em  heonaur,  —  henoid; 

Mi  telu  n'it  gurmaur  : 

Mi  a^m  frank;  dam  an  kalaur! 

Ni  kanuy  ni  guardam,  ni  kusam,  —  henoid^ 

Kel  iben  med  nouel  ; 

Mi  a*m  frank  ;  dam  an  patel  ! 

Na  mereît  i'm  nep  leguenid ,  —  henoid  ; 

Is  diszur  mi  kouedid; 

Don  n'am  rikeur  i^m  guetid!  ^ 


•  |Voici  ce  yieux  texte  breton  avec  l'orthographe  galloise  mo- 
derne que  Lhuyd  lui  a  imposée ,  et  le  sens  qu'il  lui  prête.  Ses 
prédécesseurs  du  moyen-âge  ont  ainsi  rajeuni  les  poèmes  des 
bardes  en  les  copiant  : 

Ni  wyrchyssaf  nam'n  un  awr 
Heno,  fy  nheulunid  gorfawr  ; 
11  amFfrank  daf  an  callawr. 

»  Ni  chanaf,  nichwraf,  nichwsaf 

Heno ,  cyhyd  ei  ben  medd  Nywell  ; 
Bfi  am  franc  daf  an  padell. 

Na  fyred  un  nèb  Ihawenydd , 
Heno  ys  discin  fy  nghyhyddydd  : 
Dau  nam  ry  ceir  y  nguadydd. 

{Archœologia  brUamica,  ^  ^1.) 


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451 

CHANT  D'UN  GUERRIER 

DANS  LÀ  DÉTRESSE.  2 


Je  ne  repose  point ,  je  ne  m'endormirai  point , 
celle  nuit  ;  ma  maison  n'est  plus  considérable  :  ^ 
[plus  personne  ici  que]  moi  et  mon  serviteur; 
plus  de  chaudière  !  ^ 

Je  ne  chante  point ,  je  ne  ris  point,  je  ne  fais 
point  Tamour,  cette  nuit,  en  buvant  Fhydromel 
vivifiant;  [plus  personne  ici  que]  moi  et  mon 
serviteur!  plus  de  coupe! 

Il  ne  me  reste  aucune  joie,  cette  nuit;  il  est 
découragé,  mon  compagnon;  personne  ne  m'as- 
siste dans  ma  détresse  ! 

*  J'ai  publié  et  traduit  pour  la  première  fois,  en  1856,  d'a- 
près le  manuscrit  original,  dans  mes  NoUees  des  prineipauxUa- 
nuscriti  des  anciens  Bretons,  le  texte  de  ce  petit  poème,  accom- 
pagné du  faC'SwUle  que  je  reproduis  plus  haut. 

s  Le  savant  M.  Nash ,  plus  heureux  d'ordinaire,  a  été  assez 
mal  inspiré  en  corrigeant  telu  (maison),  par  telyn  (harpe),  etn't^ 
(n'est),  par  U  (est).  «  Cette  substitution,  dit-il,  rend  la  première 
strophe  intelligible ,  et  donne  la  clé  de  toute  la  pièce.  >  (TaUé- 
sin,  p.  79  et  80.)  La  vérité  est  que  le  sens  est  ainsi  complète- 
ment changé ,  et  qu'une  première  erreur  a  entrahié  le  trop  in- 
génieux critique  dans  d'autres  erreurs  non  moins  regrettables. 

*  Un  soldat  firançais  dirait  moins  poétiquement  :  la  marmite 
est  renversée  t 


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452 

NOTES  ET  ÉCLAIRCISSEMENTS. 


Qaelle  est  la  date  de  ces  vers?  Â  ne  tenir  pour  certaine 
que  celle  de  l'écriture ,  dont  le  fae-Hmilé  prouve  assez 
l^antiquité ,  ils  seraient  au  moins  de  la  fin  du  Yin«  siècle 
ou  du  commencement  du  IX«  ;  mais  il  est  très-vraisemblable 
que  leur  rédaction  remonte  à  une  date  fort  antérieure  à  la 
copie.  Doit-on  toutefois  se  borner  à  dire ,  avec  Zenss  , 
qu'ils  appartiennent  au  premier  âge  de  la  langue  bretonne, 
et  n'avons-nous  aucun  moyen  de  connaître  y  soit  l'époque  où 
ils  ont  été  faits,  soit  le  nom  de  l'auteur?  D  y  en  a  un  :  c'est 
de  les  rapprocher  des  poèmes  des  bardes  bretons  du  VI«  siè- 
cle, qui  pour  nous  être  parvenus  rsgeunis  avec  des  modifi- 
cations d'orthographe  regrettables ,  n'en  sont  pas  moins 
authentiques.  Or,  parmi  ces  poèmes ,  nous  en  avons  trouvé 
un  où  la  situation  de  l'auteur,  ses  sentiments ,  son  langage, 
son  genre ,  son  style ,  sa  forme  rhythmique ,  tout  concorde 
avec  ce  que  vient  de  nous  ofirir  le  chant  de  guerrier  du  Ju- 
vencus.  Ruiné  aussi  lui ,  seul,  sans  toit,  sans  serviteurs, 
sans  chaudière ,  sans  sommeU ,  il  passe  les  nuits  à  gémir 
au  souvenir  de  sa  prospérité  passée  : 

c  La  salle  de  Kendelann  n'est  pas  agréable ,  cette  nuit, 
au  sommet  du  rocher  d'Hédouez  ;  sans  mattre ,  sans  so- 
ciété, sans^fête! 

>  La  salle  de  Kendelann  est  sombre,  cette  nuit;  sans 
feu,  sans  chansons;  les  larmes  me  creusent  les  deux 
joues. 

>  La  salle  de  Kendelann  est  triste,  cette  nuit,  après  les 
honneurs  que  j'y  reçus;  sans  les  guerriers,  sans  les  dames 
qu'elle  recevait.  >  i 

*     Ystafel  Kyndylan  nis  esmwyth,  —  heno , 


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453 

Et  s'aflaissant  tout-à-fait  sous  le  poids  de  la  douleur  : 
c  Je  suis  vieux  y  je  suis  seul ,  je  suis  difforme  et  glacé  ; 

plus  de  lit  d'honneur  pour  moi  I  je  suis  misérable  ;  je  suis 

plié  en  trois. 

>  Les  jeunes  filles  ne  m'aiment  plus  I  Personne  ne  me 
soulève  [sur  ma  couche]  ;  je  ne  puis  remuer  :  ah  !  malheur  ! 
6  mort ,  tu  ne  m'es  pas  favorable  ! 

>  Rien  ne  m'est  favorable  I  Plus  de  sommeil  I  Plus  de  bon- 
heur!.... >  i 

L'auteur  de  ces  vers  nous  est  connu  ;  on  se  le  rappelle , 
c'est  Liwarc'h,  le  centenaire ,  chef  du  Cumberland,  si  cé- 
lèbre par  ses  malheurs  comme  prince  et  comme  père  de 
famille  ;  Us  ont  une  date  bien  fixée;  ils  remontent  au  temps 
de  la  mort  du  roi  breton  Kendelann  y  qui  périt  en  l'an  577 , 
comme  on  le  sait  positivement  par  la  Chronique  saxonne. 
La  ressemblance  frappante  qu'offre  avec  eux  le  premier  mor 
ceau  ne  permet-elle  pas  de  conclure  qu'il  est  du  même 
barde,  et  par  conséquent  du  même  temps?  Si  cela  était, 
nous  posséderions  enfin ,  sous  sa  forme  orthographique  pri- 
mitive, et  sans  aucune  altération  ni  de  style  ni  d'écriture , 
l'œuvre  d'un  des  poètes  les  plus  anciens  et  les  plus  fameux 
des  Bretons. 

Ar  benn  karec  Hydwyth  ; 

Heb  ner,  heb  nifer,  heb  ammwyth. 

Ystaf el  Kyndylan  ys  tywyl ,  —  heno , 
Heb  dan,  hebgerddau; 
Dygystudd  deurudd  dagrau. 

Ystafel  Kyndylan  ys  oergrai ,  —  heno , 

Gwedy  y  parch  am  huai  : 

Heb  wyr ,  heb  wragedd  ai  kadwai. 

Voyes  plus  haut,  p.  79  et  80. 

>  P.  iU  et  136. 


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TABLE 

DES  MATIÈRES  CONTENUES 

DAlfS  CE  VOLUME. 


FÀG-SmiLE  d'un  manuscrit  des  Bardes  bretons.    .    .    Page 

Pbétage  de  cette  nonvelle  édition '  i 

AyANT-PROPOS :    .    .    .  j 

Discours  préuminaire  :  Les  Bardes  chez  les  an- 
ciens Bretons  ;  —  leor  condition  dans  la  Gaule 
et  les  Des  Britanniques;  —  leur  institution;  — 
leurs  règlements  ;  —  leur  époque.  —  Les  plus  cé- 
lèbres d'entre  eux  :  —  Taliésin,  —  Aneurin,  — 
Liwarc'fa^Henn ;—  leur  histoire;  —  leursouTrages 
sous  le  rapport  du  fond  et  de  la  forme  ;  de  l'in- 
térêt historique»  littéraire  et  philosophique.  — 

Conclusion • xvij-xc 

Poésies  de  Liwarg'h-Hbnn,  première  partie ,  poèmes 

historiques. 
Chant  de  mort  de  (lièrent,  fils  d'Erbin,  prince  de 

Comouaille 1 

Chant  de  Maenwin 25 

Chant  de  mort  dlJrien,  prince  de  Reghed.    ...  21 

Chaiit  de  mort  de  Kendelann 66 

Chant  de  Liwarc'h-Henn  sur  sa  vieillesse.    ...  127 

Chant  de  Liwarc'h-Henn  sur  la  mort  de  ses  fils.    .  145 

PoésiES  DE  Liwarg'h-Henn  ,  seconde  [partie ,  poèmes 
gnomiques. 

Les  Calendes  de  l'hiver.    .    .    .    • 178 

Le  Vent 182 

Les  Rameau 1^ 

Soit! 206 


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456 

Le  Chant  du  Coucou 214 

Poésies  d'Ameurin.  Le  Gododin.        231 

Poésies  DE  Tauésin. 

La  Bataille  d'Argoed-LoaéveD.   '......  399 

La  Bataille  de  Gweim-Estrad 405 

Le  Combat  de  Menao 413 

Chant  à  Urien 423 

Dédommagement  à  Urien. 431 

Chant  de  mort  d'Owen ,  fils  d'Urien. 439 

Appendice.  —  Chant  d'an  gnemer  dans  la  détresse.  447 


FIN. 


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