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Full text of "Les Cent nouvelles nouvelles"

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LES 



CENT NOUVELLES 



NOUVELLES 



^ I 



Paris. Imprimé par Guiraudet bt Jouaust, u8, r. S.-Honoré. 
avep les caractères elzeviriens de P. /annvt» 



LES CENT 

NOUVELLES 

NOUVELLES 
Publiies d'après le seal manuscrit (oanu 



H. THOMAS WRIGHT 
KembK corropoodant de rinitimi de Pnnce 



A PARIS 
Chez P. Jannbt, Libraire 



\ * — 



"s ' 



I 



LA Lie NOUVELLE. 

PAR l'acteur. 




' Paris n'a guères vi voit une femme qui 
en son temps fiit mariée à ung bon 
^simple homme, qui tout son temps 
^fut de noz amys, si trèsbien qu'on ne 
^pourroit plus. Geste femme, qui bel- 
le et gente et gracieuse estoit ou temps qu'elle 
fut noeve , car el avoit l'œil au vent, fut requise 
d'amours de pluseurs ; et pour la grand courtoi- 
sie que nature n'avoit pas oubliée en elle, elle 
passa légèrement les rec)uestes de ceulx qui 
mieubc luy pleurent, et joyrent d'elle, et eut 
en son temps, tant d'eulx que de son mary, 
xij ou xiiij enfans. Advint qu'elle fut malade 
trèsfort et au lit de la mort acouchée ; si eut 
tant de grâce qu'elle eut temps et loisir de se 
confesser et penser à ses péchez et disposer 
de sa conscience. Elle véoit, durant sa ma- 
ladie, ses enfans trotter devant elle, qui luy 
bailloient au cueur trèsgrand regret de les 
laisser. Si se pensa qu'elle feroit mal de lais- 
ser son mary chargé de la pluspart d'eulx, 
car il n'en estoit pas le père, combien qu'il le 



6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

cuidast et que la tenist aussi bonne que nulle 
de Paris. Elle fist tant, par le moyen d'une 
femme qui la gardoit, que vers elle vindrent 
deux hommes qui ou temps passé Pavoient en 
amours bien servie. Et vinarent de si bonne 
heure que son mary estoit en la ville, et à 
cest cop devers les medicins et apothicaires, 
ainsi (qu'elle luy avoit ordonné et prié. Quand 
elle vit ces deux hommes, elle fit tantost venir 
touz ses enfans ; si commence à dire : « Vous, 
ung tel, vous savez ce oui a esté entre vous et 
mdy du temps passé , aont il me desplaist à 
ceste heure amèrement. Et si n'est la miséri- 
corde de nostre Seigneur, à qui me recom - 
mende, il me sera en l'autre monde bien chè- 
rement vendu. Toutesfoiz, j'ay fait une folie, 
je le cognois; mais de faire la secunde ce se- 
roit trop mal fait. Véezcy telz et telz de mes 
enfans; ilz sont vostres, et mon mary cuide 
qu'ilz soient siens. Si feroye conscience de les 
laisser en sa charge ; si vous prie tant que je 
puis au'après ma mort, qui sera brefment, 
vous les prenez avecques vous et les entre- 
tenez, nourrissez et élevez, et en faictes 
comme bon père doit faire , car ilz sont vos- 
tres. » Pareillement dist à l'autre, et luy mons- 
tra ses aultres enfans : « Telz et telz sont à 
vous, je vous en asseure; je les vous recom- 
mende, en vous priant que vous en acquic- 
tez; et s'ainsi le me voulez promectre, j'en 
mourray plus aise. » Et comme elle faisoit ce 
partage, son mary va revenir à l'ostel et fut 
perceu par ung petit de ses filz qui n'avoit 



Nouvelle LI. 7 

environ que iiij ou vj ans, qui vistement des- 
cendit en bas encontre de luy efFrayement, et 
se hasta tant de dévaler la montée qu'il estoit 
presque hors d'alayne. Et comme il vit son 
père , à quelque meschef que ce fut il dist : 
c< Helas ! mon père , avancez vous tost , pour 
Dieu ! — Quelle chose y a il de nouveau / dit 
le père; ta mère est elle morte? — Nenny, 
nenny, dit l'enfant ; mais avancez vous d'aller 
en hault, ou il ne vous demourra enfans nesun. 
Hz sont venuz deux hommes vers ma mère, 
mais elle leur donne tous mes frères et mes 
seurs; si vous n'allez bien tost, elle donnera 
tout. » Le bon homme ne scet que son filz 
veuh dire; si monta en hault et trouve sa 
femme bien malade , sa garde, et deux de ses 
voisins, et ses enfans ; si demanda que signi- 
fie ce que un^ tel de ses filz luy avoit dit du 
don qu'elle fait de ses enfans. « Vous le sce- 
rez cy après », dit elle. Il n'en enquist plus 
avant pour l'heure , car il ne se doubtoit de 
rien. Ses voisins s'en allèrent et commendè- 
rent la malade à Dieu , et luy promisrent de 
faire ce qu'elle leur avoit requis, dont elle les 
remercya. Comme elle approucha le pas de la 
mort, elle crya mercy à son mary, et luy dist 
la faulte qu'elle luy a fait durant qu'elle a esté 
allyée avecques luy, et comment telz et telz 
de ses enfans sont à ung tel , et telz et telz 
sont à ung tel , c'est assavoir à ceulz dont 
dessus est touché , et que après sa mort ilz les 
prendront et n'en ara jamais charge. Il fut 
bien esbahy d'oyr ceste nouvelle; néantmains 



8 Les Cent Nouvelles nouvelles, ! 

il luy pardonna tout, et puis elle mourut; et 
il envoya ses enfans à ceulx qu'elle avoit or- 
donné , qui les retindrent. Et par ce point il 
fut quitte de sa femme et de ses enfans ; et si 
eut beaucop mains de regret de la perte de sa 
femme que de celle de ses enfans. 




LA Llle NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE LA ROCHE. 

'a guères que ung grand gentilhom- 
me, sage, prudent, et beaucop ver- 
'tueux, comme il estoit au lit de la 
mort, et eust fait ses ordonnances et 
disposé de sa conscience au mieulx qu'onc- 
quespeut, il appella ung seul filz qu'il avoit, 
auquel il laissoit foison de biens temporelz. Et 
après qu'il luy eut recommendé son ame, celle 
de sa mère, qui n'a guères estoit allée de vie 
par mort, et généralement tout le collège de 
purgatoire, il l'advisa trois choses pour la der~ 
renière doctrine que jamais luy vouloit bail- 
lier, en disant : « Mon trèscher filz, je vous 
advise tout premier que jamais vous ne hantez 
tant en l'ostel de vostre voisin que l'on vous y 
serve de pain bis. Secundement , je vous en- 
joinctz que vous gardez trèsbien de jamais 
courre vostre cheval en la valée. Tiercement, 
que vous ne prenez jamais femme d'estrange 
nacion. Souvienne vous de ces trois poins, et 



Nouvelle LU. 9 

je ne double point que bien ne vous en vienne ; 
mais si vous faictes au contraire, soiez seur 
que vous trouverez quç la doctrine de vostre 
père vous vaulsist mieulx avoir tenue. » Le bon 
filz mercya son père de son bon advertisse- 
ment, et luy promect d'escripre ses enseigne- 
mens au plus profiind de son entendement, et 
si trèsbien en aura mémoire que jamais n'yra 
au contraire. Tantost après son père mourut, 
et furent faictes ses funérailles <:omme à son 
estât et homme de tel lieu qu'il estoit appar- 
tenoit : car son filz s'en voult bien acquitter, 
comme celuy qui bien avoit de quoy. Ung 
certain temps après, comme l'on a accoin- 
tance plus en ung lieu que en l'autre, ce bon 
gentilhomme, qui estoit orphenin de père et 
de mère et à marier, et ne savoit que c'estoit 
de mesnage, s'accointa d'un voisin qu'il avoit, 
et de fait la pluspart des jours buvoit et men- 
geoit léens. Son voisin, qui maryé estoit et 
avoit une trèsbelle femme, se bouta en la 
doulce rage de jalousie , et luy vindrent faire 
rapport ses yeulx suspeçonneux que nostre 
gentilhomme ne venoit en son hostel fors à 
l'occasion de sa femme , et que vrayement il 
en estoit amoureux, et que à la longue il la 
pourroit emporter d'assault. Si n'estoit pas 
bien à son aise , et ne savoit penser comment 
il se pourroit honnestement de luy desarmer, 
car luy dire la chose comme il la pense ne 
vauldroit rien; si conclud de luy tenir telz 
termes petit à petit qu'il se pourra assez per- 
ceyoir^ s'il n'est trop beste^ que sa hantise 



LES 



CENT NOUVELLES 



NOUVELLES 



12 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

donna, lequel il avoit mal retenu. Il se con- 
forta toutesfoiz et dist bien en soy mesmes c|ue 
la chose n'est pas si avant qu'il n'en saiHe 
bien. Au lendemain, le bon chapellain, son 
lieutenant pour la nuyt , et son prédécesseur, 
se leva de bon matin , et d'adventure il oblya 
ses brayes soubz le chevet du lit à l'espousée. 
Et nostre bon gentilhomme , sans faire sem- 
blant de rien , vint au lit d'elle et la salua gra- 
cieusement, comme il savoit bien faire, et 
trouva façon de prendre les braies du prestre 
sans ce qu'il fust d'ame apperceu. On fist 
grand chère tout ce jour ; et quand vint au 
soir, le lit à l'espousée fut paré et ordonné 
tant richenient que merveilles, et elle y fiit 
couchée. Si dist on au sire des nopces aue 
meshuy, quand il luy plairast, pourra il aller 
coucher avecques sa femme. Il estoii fourny 
de sa response , et dist au père et à la mère et 
aux parens qui le voulrent oyr : « Vous ne savez 
qui ]e suis, et à qui vous avez donné vostre 
nlle , et en ce m'avez fait le plus hault hon- 
neur qui jamais fut fait à jeune gentilhomme 
estrangier, dont je ne vous saroie assez mer- 
cier. Neantmains toutesfoiz , j'ay conclud en 
moy mesmes , et suis ad ce résolu , de jamais 
coucher avec elle si que luy auray monstre et à 
vous aussi qui je suis, quelle chose j'ay et 
comment je suis logié. » Le père print tantost 
la parolle et dist : « Nous savons trèsbien que 
vous estes noble homme et de hault lieu , et 
n'a pas Dieu mis en vous tant de belles vertuz 
sans les accompaigner d'amys et de richesses. 



Nouvelle LU. 13 

Nous sommes contens de vous, ne laissez jà à 
parachever vostre mariage ; tout à temps sce- 
rons nous plus avant de vostre estre quand il 
vous plaira. » Pour abréger, il voa et jura de 
jamais coucher avec elle si n'estoiten son 
hostel , et Vj amenèrent son père et sa mère , 
et pluseurs de ses parens et amys. Il fist met- 
tre son hostel à point pour les recevoir, et y 
vint ung jour devant eulx. Et tantost qu'il fut 
descendu , il print les brayes du prestre qu'il 
avoit , et les pendit en sa sale auprès du pain 
bis et de la peau du cheval. Trèsgrandemçnt 
furent receuz et festoiez les .parens et amis de 
la bonne espousée ; et furent bien esbahiz de 
veoir Tostel d'un tel jeune gentilhomme si 
bien foumy de vaisselle , de tapisserie et de 
tout aultre meuble ; et se reputôient trèseu- 
reux d'avoir si bien allyée leur belle fille. 
Comme ilz regardoient par léens, ilz vindrent 
en la grand sale, qui estoit pourtenduede belle 
tapisserie; si perceurent au milieu le pain bis, 
la peau du cheval , et unes brayes qui pen- 
doient , dont ilz furent beaucop esbahiz , et en 
demandèrent la signifiance à leur hoste, le 
sire des nopces. Et il leur dit que voluntiers et 
pour cause il leur diroit ce qui en est quand 
ilz auroient mangé. Le disner futprest et Dieu 
scet qu'ilz furent bien serviz. Hz n'eurent pas 
si tost disné qu'ilz ne demandèrent l'interpre- 
tacion et le mistère du pain bis, de la peau 
du cheval, etc., et le bon gentilhomme leur 
compta bien au long, et dist que son père au 
lit de la mort, comme dessus est narré, luy 



14 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

avoit baillé trois advisemens. Le premier fut 
que jamais ne se trouvast tant en ung lieu 
que Ton le servist de pain bis. » Je ne retins 
pas bien ceste doctrine : car depuis sa mort je 
nantay tant ung mien voisin qu'il se bouta en 
jalousie pour sa femme , et , en lieu de pain 
blanc que je y eu long temps , on me servit 
du bis ; et en mémoire et approbacion de la 
vérité de cest enseignement, j'ay là fait mettre 
ce pain bis. Le deuxiesme enseignement que 
mon père me bailla fut que jamais ne cou- 
russe mon cheval à la valée. Je ne le retins 
pas bien , ung jour qui passa ; si m'en print 
mal : car, en courant une valée après le liè- 
vre et mes chiens , mon cheval se rompit le 
col , et je fuz trèsbien blecié ; et en mémoire 
de ce est là pendue la peau du cheval qu'alors 
je perdy. Le troisiesme enseignement que mon 
père me bailla si fut que jamais n'espousasse 
femme d'estrange région. Or y ay je failly, et 
vous diray comment il m'en est prins. Il est 
vray que la première nuyt que vous me refu- 
sastes le coucher avecques vostre fille, qui cy 
est, je fu logié en la chambre au plus près de 
ia sienne ; et car la paroy qui estoit entre elle 
et moy n'estoit pas trop forte, je la pertuisay 
de mon espée , et vy venir coucher avec elle 
le chapellain de vostre hostel , qui soubz le 
chevet du lit oublya ses braies le matin qu'il 
se leva ; lesquelles je recouvray, et sont celles 
que veez là pendues , qui tesmoignent et ap- 
prouvent la canonicque vérité du troisiesme 
enseignement que jadiz feu mon père me bailla. 



Nouvelle LUI. 15 

lequel je n'ay pas bien retenu ; mais, affin que 
plus n'y renchoye en la faulte des deux advis 
precedens, ces trois bagues que veez m'en fe- 
ront doresenavant sage. Et car, la Dieu mercy, 
je ne suis pas tant obligé à vostre fille qu'elle 
ne me puisse bien quicter, je vous prie que la 
remenez et retournez en vostre marche , car 
jour que je vive ne me sera de plus près ; mais 
pource que je vous ay fait venir Je loing et 
vous ay bien voulu monstrer que je ne suis 
pas homme pour avoir le demourant d'un 
prestre, je suis content de paier voz despens. » 
Les aultres ne sceurent que dire, qui se veoient 
conclus et leur tort , voyans aussi qu'ilz sont 
loing de leur pays, et que la force n'est pas 
leur en ce lieu ; si furent contens de prendre 
argent pour leurs despens et s'en retourner 
dont ilz vindrent , et qui plus y a mis plus y 
a perdu. Et par ce compte avez oy que les 
trois advis que le bon père bailla à son filz ne 
sont pas à oublier ; si les retienne chascun pour 
autant qu'il sentira qu'il luy peut toucher. 



LA Lille NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR L' AMANT DE BRUXELLES. 

'a guères que en l'église de saincte 
Goule, à Bruxelles, estoient à ung 
matin pluseurs hommes et femmes 
qui dévoient espouser à la première 
messe , qui se dit entre quatre et cmq heu- 




i6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

res; et entre aultres qui dévoient emprendre 
ce doulx et seur estât de mariage , et pro- 
mectre en la main du prestre ce que pour rien 
ne vouldroient trespasser, il y avoit ung jeune 
homme et une jeune fille qui n'estoient pas 
des plus riches , mais bonne volunté avoient, 
oui estoient l'un près de l'autre , et n'atten- 
doient fors que le curé les appellast pour 
espouser. Auprès d'eulz aussi y avoit ung 
homme ancien et une femme vieille qui grand 
chevance et foison de richesses avoient , et 
par convoitise et grand désir de plus avoir 
avoient promis foy et loyaulté l'un à l'autre , 
et pareillement attendoient à espouser à ceste 
première messe. Le curé vint et chanta ceste 
messe trèsdesirée ; et en la fin, comme il est de 
coustume, devant luy se misrent ceulx qui es- 
pouser dévoient, dont y avoit pluseurs , sans les 
quatre dont je vous ay compté. Or devez vous 
savoir que ce bon curé, qui tout prest estoit de- 
vant l'aultier pour faire et accomplir le mis- 
tère d'espousailles, estoit borgne, et avoit, par 
ne sçay quel meschef, puis pou de temps 

Î)erdu ung œil. Et n'y avoit aussi guères grand 
uminaire en la chapelle ne sur l'aultier ; il es- 
toit aussi en yver, et faisoit fort brun et noir. 
Si faillit à choisir : car, quand vint à besoignier 
et espouser, il print le vieil homme riche et la 
jeune fille pouvre et les joignit par l'aneau 
du moustier ensemble. D'aultre costé aussi il 
print le jeune homme pouvre et l'espousa à la 
vieille femme riche, et ne s'en donnèrent onc- 
ques garde en l'église ne les hommes ne les 



Nouvelle LUI. 17 

femmes, dont ce fut grand merveille, par 
especial des hommes, car ilz osent mieux le- 
ver les yeux et la teste quand ils sont devant 
le curé à ^enouz que les femmes, qui sont à 
cest cop simples et coyes et n'ont le regard 
fiché qu'en terre. Il est de coustume que, au 
saillir des espousailles , les amis de Pespousée 
la prennent et mainent. Si fut menée la pou- 
vre jeune fille à l'ostel du riche homme , et 
pareillement la vieille riche fut menée en la 
pouvre maisonnette du jeune compaignon. 
Quand la jeune espousée se trouva en la court 
et en la grand sale de Postel de l'homme qu'elle 
avoit par mesprise espousé , elle fut bien es- 
bahie et cogneut bien qu'elle n'estoit pas par- 
tie de léens ce jour. Quand elle fut arrière en 
la chambre à parer, qui estoit bien tendue de 
belle tapisserie, elle vit le beau ^and feu , 
la belle table couverte où le beau desjuner esloit 
tout prest ; elle vit le beau buffet bien foumy 
de vaisselle : si fut plus esbahie que par avant, 
et de ce se donne plus grand merveille qu'elle 
ne cognoistame de ceulx qu'elle ot parler. Elle 
fut tantost desarmée de sa faille, où elle estoit 
bien enfermée et embronchée, et comme son 
espousé la vit à descouvert, et les aultres qui 
là estoient, créez qu'ilz furent autant soupnns 
que si cornes leur venissent. « Comment! dit 
respousé, et est cecy ma femme? Nostre 
Dame ! je suis bien eureux ! Elle est bien chan* • 
gée depuis hier, je croy qu'elle a esté à la > 
fontaine de Jouvence. — Nous ne savons, 
■^dirent ceulx qui l'avoient amenée, dont elle- 

Cent Nouy, — II. 2 



-W 



i8 Les Cent Nouvelles iiouvelles. . 

vient , ne qu'on luy a fait; mais nous savons 
certainement que c'est celle que vous avez huy 
espousée , et que nous prismes à l'aultier, car 
oncques puis ne nous partit des braz. » La com- 
paipie fut bien esbanie et longuement sans 
mot dire; mais, que que fust simple et esbahy, 
la pouvre espousée estoit toute aesconfortée> 
et ploroit des yeulx tendrement, et ne savoit 
sa contenance; elle amast trop mieulx se trou- 
ver avecques son amy, qu'elle cuidoit bien 
avoir espousé ce jour, L'èspousé, la voyant se 
desconforter, en eut pitié et lui dist : « M'amye, 
ne vous desconfortez jà , vous estes arrivée 
en bon hostel, si Dieu plaist, et n'ayez double, 
on ne vous y fera jà desplaisir; mais dictes 
moy, s'il vous plaist , qui vous estes , et à vos- 
tre advis dont vous venez cy. » Quand elle 
l'oyt si courtoisement parler, elle s'asseura 
ung peu et luy nomma son père et sa mère, 
et dist qu'elle estoit de Bruxelles , et avoit 
fiancé ung tel qu'elle luy nomma , et le eut- 
doit bien avoir espousé. L'espousé et tous 
ceux qui là estoient commencèrent à rire , 
et dirent çiue le curé leur a fait ce tour. « Or 
)oé soit Dieu , dist de rechef l'espousé, de ce 
change ! je n'en voulsisse pas tenn* bien grand 
diose que Dieu vousa envoyée à moy, et je vous 
promet par ma foy de vous tenir bonne corn- 
paignie. — Nenny, ce dit-elle en plorant, 
vous n'estes pas mon mary. Je veil retourner 
devers celuy à qui mon père m'avoit donnée. — 
Ainsi ne se fera pas, dit-il; je vous ay es- 
pousée en saincte église, vous n'y povez con- 



Nouvelle LUI. 19 

tredire ; vous estes et demourrez ma femme , 
et soiez contente, vous estes bien eureuse. 
J'ay, la Dieu mercy ! de biens assez, dont vous 
serez dame et maistresse , et vous feray bien 
jolye. » Il la prescha tant, et ceux qui là es- 
toient , qu'elle fut contente d'obéir. Si des- 
junèrent leçierement et pujs se couchèrent; 
et fist le vieil homme du mieux qu'il sceut. Or 
retournons à nostre vieille et au jeune com- 
paignon. Pour abréger, elle fut menée à l'hos- 
tel du père à la fille qui à ceste heure est cou- 
chée avecques le vieil homme. Quand elle se 
trouva léens, elle cuida bien enrager, et dist 
tout haut : « Et que fays je céens ? Que ne me 
maine l'on en ma maison , ou à l'ostel de mon 
mary ? L'espousé, qui vît ceste vieille et l'oyt 
parler, fut bien esbahy ; si furent son père et 
sa mère , et tous ceulx de l'assemblée. Si sail- 
lit avant le çère et la mère de léens, qui co- 
gnent la vieille, et trèsbien savoit à parler 
de son mariage, et dit : « On vous a baillé , 
mon fils, la femme d'un tel, et créez qu'il a la 
vostre-^ et ceste faulte vient par nostre curé, 
qui voit si mal ; et ainsi m'aïstDieu, Jasoît que 
je fusse loing de vous quand espousastes, si 
me cuiday je percevoir de ce change. — Et 
qu'en doy je faire l dit l'espousé. — Par ma 
roy , dist son çère , je ne m'y cognois pas 
bien , mais je faiz grand doubte que vous ne 

Suissez avoir aultre femme. — Saint Jehan ! 
ist la vieille , je ne le veil point, je n'ay cure 
d'un tel chetif ! Je seroye bien eureuse d'avoir 
ung tel jeune galant qm n'aroit cure de moy , et 



20 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

me despendroit tout le mien, et , si j'en son- 
noye mot, encores aroie je la teste torchée. 
Ostez, ostez, mandez vostre femme, et me 
laissez aller où je doy estre. — Nostre Dame ! 
dit Tespousé, si je la puis recouvrer, je l'ayme 
trop mieulx que vous , quelque pouvre qu^elle 
soit ; mais vous n'en irez pas, si je ne la puis 
finer. » Son père et aucuns ses parens vin- 
drent à l'ostel où la vieille youlsist bien es- 
tre ; et vindrent trouver la compaignie qui des- 
jeunoit au plus fort, et qui faisoient le chaudeau 
pour porter à l'espousé et à l'espousée . I Iz comp- 
tèrent leur cas , et on leur respondit : « Vous 
venez trop tard : chacun se tienne à ce qu'il 
a; le seigneur de céens est content de la femme 
que Dieu luy a donnée , il l'a espousée et n'en 
veult point d'aultre. Et ne vous en dolezjà, 
vous ne fustes jamais si eureux que d'avoir iiUe 
alyée en si hault lieu; vous en serez une foiz tous 
riches. » Ce bon père retourne en son hostel, 
et vient faire son rapport, dont la vieille cuida 
bien enrager, (c Voire, dist elle , suis je en ce 
point deceue? Par Dieu! la chose n'en de- 
mourra pas ainsi, ou la justice me fauldra. » 
Si la vieille estoit bien mal contente, encore 
l'estoit bien autant ou plus le jeune espousé, 
qui se veoit frustré de ses amours ; et encores 
l'eust il légèrement passé s'il eust peu finer de 
la vieille à tout son argent ; mais nenny, il la 
. faillit laisser aller à sa maison , tant menoit 
laide vie. Si fut conseillé de la faire citer par- 
devant monseigneur de Cambray, et elle pa- 
reillement fist citer le vieil homme qui ha la 



Nouvelle LIV. 21 

jeune femme ; et ont encommencé ung gros 
procès dont le jugement n'est encores rendu , 
si ne vous en sçay que dire plus avant. 




LA LIVe NOUVELLE. 

PAR MAHIOT d'aNQUASMS. 

ng gentil chevalier de la conté de 
Flandres, jeune , bruyant , jousteur, 
danseur et bien chantant , se trouva 
_ point ou pays de Haynault, en la 
compaignie d'un aultre gentil chevalier de sa 
sorte, et demourant ou dit pays, qui le hantoit 
trop plus que la marche de Flandres où il avoit 
sa résidence et belle et bonne. Mais, comme 
souvent advient , amours estoit cause de sa 
retenue , car il estoit feni et attaint bien au vif 
d'une damoiselle de Maubeuge, et à ceste 
occasion Dieu scet qu'il faisoit. Trèssouvent 
foustoit, faisoit mommeries, bancquetz, et 
généralement tout ce qu'il pensoit qui peust 
plaire à sa dame et à luy possible, il le faisoit. Il 
fut assez bien en grâce pour ung temps, mais 
non pas si avant qu'il eust bien voulu. Son 
compaignon le chevalier de Haynau , qui sa- 
voit tout son cas , le servoit au mieulx qu'il 

Eovoit , et ne tenoit pas à sa diligence que ses 
esoignes ne fussent oien bonnes et meilleures 
qu'elles ne furent. Qu'en vauldroit le long 
compte ? Le bon chevalier de Flandres ne sceut 



22 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

oncques tant faire, ne son compaignon aussi, 

3u'ii peust obtenir de sa dame le gracieux don 
e mercy , ainçois la trouva tout temps rigo- 
reuse, puis qu'il tenoit langage sur ces ter- 
mes. Force luyfiit toutesfoiz, ses besoignes 
estans comme vous oez , de retourner en Flan- 
dres. Si print ung gracieux congé de sa dame , 
et luy laissa son compaignon , promist aussi , 
s'il ne retoumoit de bref, de luy souvent es- 
cripre et mander de son estât. Et elle promist 
de sa part luy faire savoir de ses nouvelles* 
Advint certain jour après que nostre chevalier 
fut retourné en Flandres , que sa dame eut 
volunté d'aller en pèlerinage , et disposa ses 
besoignes ad ce. Et comme le chariot es- 
toit devant son hostel, et le charreton de- 
dans, qui estoit ung trèsbeau compaignon, 
fort et viste , qui l'adouboit , elle luy gecta 
ung coussin sur la teste , et le fîst cheoir à pâ- 
tes, et puis commença à rire trèsfort et bien 
hault. Le charreton se sourdit et la regarda 
rire, et dist: « Par Dieu, madamoiselle, vous 
m'avez fait cheoir ; mais créez que je m'en 
vengeray bien , car avant qu'il soit nuyt je 
vous feray tumber. — Vous n'estes pas si mal 
gracieux», dist elle. Et, en ce disant, elle 
prend ung aultre coussin, que le charreton ne 
s'en donnoit garde, et le fait arrière cheoir 
comme devant; et s'elle risit fort au par 
avant, elle ne s'en faindit pasàceste heure. 
« Et qu'est cecy, dit le charreton, madamoi- 
sette ? Vous en voulez à moy, faictes ; par ma 
foy , si i'estoie emprès vous , je n'attendroye 



Nouvelle LIV. 23 

pas de moY venger aux champs, — Et que 
feriez vous ? dit elle. — Se j'estoie en hault, 
je le vous diroye , dit il. — Vous feriez mer- 
veilles, dit elle , à vous oyr ; mais vous ne vous 
7 oseriez trouver, — Non, dit il, et vous le 
verrez. » Il saulta jus du chariot, entra dedans 
l'ostel , et monta en hault , où madamoiselle 
estoit en cotte simple, tant joyeuse c^u'on ne 
pourroit plus ; il la commence à assaillir, et, 
pour abréger le compte, elle fut contente qu'il 
luy toUist ce que par honneur donner ne luy 
povoit. Cela se passa, et au terme accoustumé 
elle fist ung trèsbeau petit charreton, ou pour 
mieulx dire ung trèsbeau filz. La 'chose ne 
fut pas si seaète que le chevalier de Haynau 
ne le sceust tantost , dont il fut bien esbahy ; 
il escripvit bien à haste par ung propre mes- 
sage à son compaignon en Flandres comment 
sa dame avoit fait uns enfant à l'ayde d'un 




gnon, et luy pria qu'ilz allassent veoir sa dame, 
et qu'il la veult trop bien tancer et luy dire la 
laschetéetnéanté ae son cueur. Combien que, 
pour son meschief advenu, elle ne se monstra 
encores guères à ce temps, si trouvèrent façon 
ces deux chevaliers, par moyens, qu'ilz vm- 
drent ou lieu où elle estoit. Elle fut bien hon- 
teuse et desplaisante de leur venue, comme 
celle qui bien scet qu'elle n'orra chose d'eubc 
qui luy plaise; au fort elle s'asseura, et les 
receut comme sa contenance luy apporta. Hz 



24 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

commencèrent à deviser d'unes et d'aultres 
matières ; et nostre bon chevalier de Flandres 
va commencer son service et luy dit tant de 
villanie qu'on ne pourroit plus : «Or estes vous, 
dist il, du monde là femme plus reproucbée et 
mains honorée , et avez monstre la grand las- 
cheté de vostre cueur, qui vous estes haban* 
donnée à uns meschant villain charreton ; tant 
de gens de bien vous ont offert leurs services 
et vous les avez tous reboutez. Et pour ma 
part, vous savez que j'ay fait pour vostre 
grâce acquérir; et n'estois-je pas nomme pour 
avoir ce butin ou mieulx que ung paillard 
charreton qui ne fist oncques rien pour vous. 
— Je vous requier, monseigneur, ait elle, ne 
m'en parlez plus, ce qui est fait ne peut aultre- 
ment estre ; mais je vous dy bien que si vous 
fussez venu à l'heure du charreton, que autant 
eusse je fait pour vous que je feiz pour luy. — 
Est-ce cela ? dit il. Saint Jehan ! il vint à bonne 
heure! Le dyable y ait part, que je ne fu si 
eureux que âe savoir vostre heure! — Vraye- 
ment, oit elle, il vint à Theure qu'il falioit 
venir. — Au dyable, dit il, soit l'heure, vous 
aussi, et vostre charreton! » Et à tant se part et 
son compaignon le suyt, et oncques depuis 
n'en tint compte, et à bonne cause. 



Nouvelle LV. 25 




LA LVe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE YILUERS. 

'année du pardon de Romme n'a 
guères passé, estoit ou Daulphiné 
la pestilence si grande et si horrible 

que la pluspart des gens de bien 

habandonnèrent le pais. Durant ceste persé- 
cution, une belle fille, gente et jeune, se sentit 
férue de la maladie; et tout tantost se vint 
rendre à une sienne voisine, femme de bien 
et de grand façon, et desjà sur l'eage, et lui 
compta son piteux cas. La voisine , qui estoit 
femme sage et asseurée, ne s'eiliraya de rien 

aue l'autre luy comptast, mesme eut bien tant 
e courage et d'asseurance en elle. Qu'elle la 
conforta de paroUes et de tant pou ae medi- 
cine qu'elle savoit. « Hélas ! ce dist la jeune 
fille malade, ma bonne voisine, j'av grand 
regret que force m'est auiourd'huy haoandon- 
ner ce monde çt les beauls et bons passetemps 
que j'ay euz longtemps; mais encores, par 
mon serment, à dire entre vous et moy, mon 
plus grant regret si est qu'il fault oue (e meure 
avant que savoir et sentir des oiens de ce 
monde; telz et telz m'ont maintesfoiz priée, 
et si les ay refusez tout plainement, dont me 
desplaist ; et créez que si j'en peusse finer 
d'un k ceste heure^ il ne m'esehapperoit ymm 



26 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

devant qu'il m'eust monstre comment je fiiz 
eaignée. L'on me fait entendre que la façon- 
du faire est tant plaisante que je plains et 
complains mon gent et jeune corps (ju'il fault 
pourrir sans avoir eu ce désiré plaisir. Et à 
vérité dire, ma bonne voisine, il me semble 
si je peusse quelque pou sentir avant ma mort, 
ma fin en seroit plus aisée et plus legière à 
passer, et à mains de regret. Et que plus est , 
mon cueur est à cela que ce me pourroit estre 
medicine et cause de garison. — Pleustà Dieu, 
dist la vieille, qu'il ne tenistà autre chose, 
vous seriez tost garie, ce me semble; car, 
Dieu mercy, nostre ville n'est pas encores si 
desgamye de gens qu'on n'y trouvast ung 
gentil compaignon pour vous servir à ce be- 
soing. — Ma bonne voisine, dit la jeune fille, 
je vous requier que vous allez devers ung tel , 
quMle luy nomma, ^ui estoit ung trèsbeau 
gentilhomme, et qui aultrefoiz avoit esté 
amoureux d'elle, et faictes tant qu'il vienne 
icy parler à moy . » La veille se mect au chemin, 
et nst tant qu'elle trouva ce gentilhomme, 
qu'elle envoya en sa maison. Tantost qu'il 
fut léens, la jeune fille malade, et à cause de 
sa maladie plus et mieux colorée, luy saillit 
au col et le Daisa plus de vingt foiz. Le jeune 
filz, plus joyeux qu'oncques mais de veoir 
celle que tant avoit amée ainsi vers luy haban- 
donnéè, la saysit sans demeure, et luy mon* 
stra ce que tant desiroit assavoir. Elle ne fut 
pas honteuse de le requerre et prier de conti- 
nuer ce qu'il avoit encommencé. Et pour abre* 



Nouvelle LV. 27 

ger^ tant luy fist elle recommencer qu'il 'n'en 
peut plus. Quand elle vit ce , comme celle qui 
n'en avoit pas son saoul, el osa bien dire : «Mon 
amy^ vous m'avez autresfoiz priée de ce dont 
je vous requier aujourd'uy, vous avez fait ce 
qu'en vous est, je le sçay bien. Toutesfoiz je 
ne sçaj que j'ay ne c^u'il me fault, mais je 
cognois que je ne puis vivre se quelque ung 
ne me fait compai^ie en la façon que m'avez 
fait ; et pourtant, je vous prie c^ue veillez aller 
vers ung tel et l'amenez icy, si cher que vous 
avez ma vie. — Il est bien vray,m'amye, je le 
sçaybien il feracequevous vouldrez.» Ce gentil 
homme fut esbahy de ceste requeste ; toutes- 
foiz, caril avoit tant labouré que plus nepovoit, 
il fiit content d'aller querre son compaignon 
et l'amena devers elle, qui tantost le mist en 
besongne, et le laissa ainsi que l'autre. Quand 
elle l'eut matté comme son compaignon , elle 
ne fut pas mains privée de luy dire son cou- 
rage, mais luy prya, comme elle avoit fait 
l'aultre , d'amener vers elle ung aultre gentil- • 
homme, et il le fist. Or sont jà trois qu'elle a 
laissez et desconfiz par force d'armes ; mais 
vous devez savoir que le premier gentilhomme 
se sentit malade et féru de l'epidimie tantost 
qu'il eut mys son compaignon en son lieu ; si 
s'en alla hastivement vers le curé, et tout le 
mieuk qu'il sceut se confessa, et puis mourut 
entre les braz du curé. Son compaignon aussi , 
le deuxiesme venu, tantost que au tiers il eut 
baillé sa place, se sentit desja trèsmalade, etde- 
mandoitpartoutaprès celui qui desjàestoitmort; 



28 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

il vint rencontrer le curé plorant et démenant 
grand dueil, qui luy compta la mort de son bon 
compaignon. « Ha ! monseigneur le curé , je 
suis fera tout comme luy, coraessez moy. » Le 
curé en grand crainte se despescha de le con- 
fesser. Et quand ce fut fait, ce gentilhomme 
malade, à deux heures près de sa fin, s'en 
vint à celle qui luy avoit baillé le cop de la 
mort, et à son compaignon, aussi, et là trouva 
celuy qu'il y avoit amené , et luy dist : « Mau- 
dicte femme ! vous m'avez baillé la mort et à 
mon compaignon aussi. Vous estes digne de 
estre brallée et mise en cendre. Toutesfoiz Je 
le vous pardonne , Dieu le vous veille par- 
donner. Vous avez l'ep^dimie et l'avez bailiiée 
à mon compaignon, qui en est mort entre les 
braz du prestre, et je n'en ay pas mains.» Il se 
partit à tant et s'en ala mourir une heure 
après, en sa maison. Le lue gentilhomme, qui 
se voyoit en l'espreuve où^es deux compai- 
gnons estoient mors, n'estoit pas des plus as- 
seurez. Toutesfoiz il print courage en soy 
mesmes et mist et paour et crainte arrière dos ; 
et s'asseura que celuy qui en beaucop de pe- 
rilz et de mortelz assaulx s'estoit trouvé ; et 
vint au père et à la mère de celle qui l'avoit 
deceu et fait morir ses deux compaignons, 
et leur compta la maladie de leur fille et quon 
y prinst garde. Cela fait, il se conduisit telle- 
ment qu'il eschappa du péril où ses deux 
compaignons estoient mors. Or devez vous 
savoir que quand ceste ouvrière de tuer gens 
fut ramenée .en l'ostel de son père, tandiz 



J 



Nouvelle LVI. 29 

qu'on luy faisoit ung lit pour reposer et la faire 
suer, elle manda secrètement le filz d'un cor- 
donnier son voisin , et le fist venir en l'estable 
des chevaulx de son père et le mist en euvre 
comme les aultres , mais il ne vesquist pas 
quatre heures après. Elle Ait couchée en ung 
ht, et la fist on beaucop suer. Et tantost luy 
vindrent quatre bosses dont elle fiit depuis 
trèsbien garie. Et tiens qui en aroit à faire , 
qu'on la trouveroit aujourd'huy ou reng de 
noz cousines, en Avignon, à Vienne, à Va- 
lence, ou en quelque aultre lieu ou Daulphiné. 
Et disent les maistres qu'elle eschappa de 
mort à cause d'avoir senty des biens de ce 
monde, c^ui est notable et véritable exemple à 
pluseurs jeunes filles de point refuser ung bien 
quand il leur vient. 



LA LVIe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE VILLIERS. 

'a guères que en ung bourg de 
ce royaume, en la duché d'Au- 
vergne, demouroit ung gentilhom- 
me ; et de son maleur avoit une 
trèsbelle jeune femme. De sa bonté devisera 
mon compte. Geste bonne damoiselle s'ac- 
cointa d'un curé qui estoit son voisin de de- 
mye lieue , et furent tant voisins et tant pri- 
vez l'un de l'autre que le bon curé. tenon le 




90 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

lieu du gentilhomme toutes foiz qu'il estoit 
dehors. Et avoit ceste damoiseile une cham- 
brière qui estoit secrétaire de leur fait et 
portoit souvent nouvelles au curé et l'advisoit 
du lieu et de l'heure pour comparoir seure- 
ment vers sa maistresse. La chose ne fut pas 
en la parfin si bien celée que mestier fut à la 
compaisnie ; car un^ gentilhomme prochain 
parent oe celuy à qui ce deshonneur se fai- 
soit fut adverty du cas, et en advertit celuy 
à qui plus touchoit en la façon et manière 
qu'oncques mieulx sceut et peut. Pensez que 
ce bon gentilhomme, quand il entendit que 
à son absence sa femme se aidoît de ce curé, 
qu'il n'en fut pas content, et si n'eust esté 
son cousin, il en eust prins vengence crimi- 
nelle et de main mise, tantost qu'il en fut ad- 
verty. Toutesfoiz il fut content de différer sa 
volunté jusques à tant qu'il eust prins au fait 
et l'un et l'autre. Et conclurent, luy et son 
cousin, d'aller en pèlerinage à quatre ou six 
lieues de son hostel, et de y mener sa femme 
et ce curé pour mieulx se donner garde des 
manières qu'ilz tiendront l'un vers l'autre. Au 
retourner qu'ilz firent de ce pèlerinage , où 
monseigneur le curé servit amours le mieulx 
qu'il peut, c'est assavoir de oeillades et d'au- 
tres menues entretenances , le mari se fist 
ms^nder quérir par un^ messagier affaictié , 
pour aller vers ung seigneur du pais. Il fist 
semblant d'en estre mal content et de se par- 
tir à regret; neantmoins, puisque le bon sei- 
gneur le mande, il n'oseroit désobéir. Si part 



J 



Nouvelle LVI. 31 

et s'en va , et son cousin , l'autre gentilhom- 
me, dit qu'il luy fera compaignie, car c'est 
assez son chemin pour retourner en son hos- 
tel. Monseigneur le curé et mademoiselle ne 
furent jamais plus joyeux que d'oyr ceste nou- 
velle : si prindrent conseil et conclusion en- 
semble que le curé se partira de léens et 
prendra son congié affin que nul de léens n'ait 
suspicion de luy, et environ la mjmuyt, il re- 
tournera et entrera vers sa dame par le lieu 
où il a de coustume. Et ne demoura guères 
puis ceste conclusion prinse que nostre curé 
se part de léens et dit son adieu. Or devez 
vous savoir que le mary et le gentilhomme 
son parent s^estoient embuschez en un des- 
troict par où nostre curé devoit passer; et ne 
povoit ne aller ne venir par ailleurs sans so^ 
trop destoumer de son droit chemin. Il vi- 
rent passer nostre curé, et leur jugeoit le cueur 
qu'il retourneront la nuyt dont il estoit party ; 
et aussi c'estoit son intencion. Hz le laissèrent 
passer sans arrester ne dire mot, et s'advisè- 
rent de faire ung piège trèsbeau, à l'aide 
d'aucuns paisans qui les servirent à ce be- 
soing. Ce piège fut en haste bel et bien fait, 
et ne demoura guères que ung loup passant 
pays ne s'attrappa léens. Tantost après, véezcy 
maistre curé qui vient, la robe courte vestue 
et portant le bel espieu à son col. Et quand 
vint à l'endroit du piège, il tumbe dedans, 
avecques le loup, dont il fut bien esbahy. Et 
le loup, qui avoit fait l'essay, n'avoit pas mains 
paour du curé que le curé avoit de luy. Quand 



32 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

noz deux gentilzhommes voyent que nostre 
curé est avecques ie loup logé, ilz en firent 
joye merveilleuse; et dist bien celuy à qui le 
fait touchoit plus, ^ue jamais n'en partiroit 
en vie, et qu'il l'occira léens. L'autre le blas- 
moit de ceste volunté et ne se veult accorder 
qu'il meure, trop bien est il content qu'on luy 
trenche ses genitoires. Le maiy toutesfoiz le 
vouloit avoir mort. En cest estnf demourèrent 
longuement, en attendant le jour et qu'il feist 
cler. Tantdiz que ceste attente se faisoit , ma- 
damoiselle, qui attendoit son curé, ne savoit 
que penser qu'il tardoit tant ; si se pensa d'y 
envoyer sa ctiambrière, affin de le faire avan- 
cer. La chambrière, tirant son chemin vers 
l'ostel du curé, trouva le piège et tumba 
avecques le loup et le curé. Qui fut esbahy, 
ce fût la chambrière, de se trouver en la fosse 
emprès du loup et du curé. « Ha! dit le curé, 
je suis perdu, mon fait est descouvert; quel- 
que ung nous a pourchassé ce passage. » Et 
le mary et le gentilhomme son cousin, qui 
tout entendoient et véoient, estoient tant aises 
qu'on ne pounoit plus; et se pensèrent, 
comme si le saint esperit leur eust révélé, que 
la maistresse pourroit bien suyvir la cham- 
brière, ad ce qu'ilz entendirent de la cham- 
brière, que sa maistresse l'envoyoit devers le 
curé pour savoir qu'il tardoit tant de venir 
oultre Pheure prinse entre eulx deux. La mais- 
tresse, voyant que le curé et la chambrière 
point ne retoumoient, et que le jour commen- 
ceoit à approucher, se doubta que la cham- 



Nouvelle LVI. jj 

brière et le curé ne feissent quelque chose à 
son préjudice, et qu'ilz se pourroieni entre- 
rencontrer à petit bois q[ui estoit à Tendroit 
où le piège estoit fait , si conclud qu'elle ira 
veoir s'elle orra nulles nouvelles. Et tire pais 
vers l'ostel du curé , et elle venue à l'endroit 
du piège, tumbe dedans la fosse avecques les 
aultres. Il ne faut pas demander, quand ceste 
compaignie se voit ensemble, qui fut le plus 
esbahy, et se chacun faisoit sa puissance de 
soy tirer hors de la fosse; mais c'est pour 
néant ; chacun d'eulx se répute mort et des- 
honoré. Et les deux ouvriers, c'est asavoir le 
mary de la damoiselle et le gentilhomme son 
cousin, vindrent au dessus de la fosse saluer 
la compaignie, et leur disoient qu'ilz feissent 
bonne chère et qu'ilz aprestoient leur desju- 
ner. Le mary, qui mouroit de faire ung cop 
• de sa main, trouva façon d'envoyer son cou- 
sin veoir que faispient leurs chevaulx, qui es- 
toient en ung hostel assez près; et tantdiz 
qu'il se trouva descombré de luy, il fist tant, 
à quelque meschef que ce fust, qu'il eut de 
Testrain largement et l'avala dédans la fosse, 
et y mist le feu ; et là brulla la compaignie, 
femme, curé, chambrière et loup. Après ce, 
il se partit du pais et manda vers le roy qué- 
rir sa remission, laquelle il. obtint de legier. 
Et disent les aucuns que le roy deut dire 
qu'il n'y eut dommage que du pouvre loup qui 
fut brullé, qui ne povoit mais du meffait di^s 
aultres. 

Cent Nottv. — II. x 



..^ , . *. V , 



}6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

rïvière du Rone, qui battoit à l'ostel où sa dame 
demouroit. Et quand le jour venoit , luy fail- 
loit arrière repasser le Rone ; et ainsi s'en re- 
toumoit à sa oergerie. Et continua ceste ma- 
nière de faire une grand espace de temps, 
sans qu'il fust descouvert. Pendant ce temps 
pluseurs gentilzhommes du pais demandèrent 
ceste damoiselle, devenue bergière, à ma- 
.riage ; mais nul ne venoit à soit gré, dont son 
fière n'estoit pas trop content, et luy disoit 
ptuseurs fois. Mais elle estoit tousjours gamye 
d'cxcusanses" et responses largement, dont 
elle -advertissoit son amy le bergier, auquel ung 
soir elle promist que, s'il vouloit, elle n'aroit 
jamais auitre mary que luy. Et il dit qu'il ne 
demanderoit aultre bieii : « Mais la chose ne se 
pourroit , dit il, conduire, pourvostre frère et 
aultres voz amys. — Ne vous chaille , dit elle ; 
laissez m'en faire, j'en cheviray bien. » Ainsi 
promisrent l'un à l'aultre. Neantmains toutes- 
foiz il vint ung gentilhomme qui fist arrière 
requerre nostre damoiselle bergière , et la 
vouloit seulement avoir vestue et habillée 
comme à son estât appartenoit, sans aultre 
chose. A laquelle chose le frère d'elle eust vo- 
luntiers entendu , et cuida mener sa seur ad 
ce qu'elle se y consentist , luy remonstrant ce 
qu'on scet faire en tel cas ; mais il n'en peut 
venir à chef, dont îl fut bien mal content. 
Quand 'elle vit son frère indigné contre elle, 
eïïe le tira d'une part et luy dist : « Mon frère, 
vous m'avez beaucop pressée et preschée de 
moy marier à telz et à telz, et je ne m'y suis 



» Jr 



Nouvelle LVII. 37 

voulu consentir; dont vous requier aue n^ 
m'en sachez mal gré, et me veillez pardonner 
le maltalent qu'avez vers moy conceu , et je 
vous diraj la raison qui à ce me meut et con- 
traint en ce cas , mais que me veillez asseurer 
que ne m'en ferez ne vouldrez pis. » Son frère 
iuy promist voluntiers. Quand elle se vit as- 
seurée , elle Iuy dist qu'elti estoit mariée au- 
tant vault , et que jour, de sa vie aultre homme 
n'aroit à mary que celuy qu'elle Iuy monstre- 
roit ennujrt, s'il veult. «Je le veil oien veoîr, 
dit il , mais oui est il ? — Vous le verrez par 
temps », dit elle. Quand vint à l'heure acouslu- 
mée , véezcy bon oergier qui se vint rendre 
en la chambre de sa dame , Dieu scet com- 
ment mouillié d'avoir passé la rivière ; et le 
frère d'elle regarde et voit que c'est le bergier 
de son voisin ; si ne fut pas pou esbahy, et le 
bergier encores plus, qui s'en cuida fuyr quand 
il le vit. « Demeure, demeure , dist if, tu n'a$ 
garde. Est-ce , dit il à sa seur, celuy dont vous 
m'avez parlé ? — Oy vrayement , mon frère , 
dit elle. — Or Iuy faictes, dit il, bon feu, 
pour soy chaufer, car il en a bon mestier; et 
en pensez comme du vostre ; et vrayement , 
vous n'avez pas tort si vous Iuy voulez du 
bien, car il se mect en grand dangier pour 
l'amour de vous. Et puis que voz besoigues 
sont en telz termes, et que vostre courage est 
à cela que d'en faire vostre mary, à moy nç 
tiendra , et maudit soit qui ne s'en despeschel 
— Amen, dit elle, à demain c|ui vouldra. — 
Je le veii^ dit il. Et vous^ dit il au bergier. 



•<-. ^ -• 



>A 



;8 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

qu'en dictes vous ? — Tout ce qu'on veult. — 
H n'y a remède , dit il , vous estes et serez 
mon frère ; aussi suis je pieça de la houlette , 
si doy bien avoir ung bergier à frère. » Pour 
abréger le compte du bergier, le gentilhomme 
consentit le mariage de sa seur et du bergier, 
et fîit fait, et les tint tous deux en son hostel, 
combien qu'on en parlast assez par le pais. 
Et quand il estoit en lieu que l'on en devisoit 
et on disoit que c'estoit merveille qu'il n'avoit 
fait batre ou tuer le bergier, il respondoit que 
jamais ne pourroit vouloir mal à rien que sa 
seur amast , et que trop mieulx vouloit avoir 
le bergier à beau-frère, au gré de sa seur, que 
ung aultre bien grand maistre au desplaisir 
d'elle. Et tout ce disoit par farce et esbate- 
ment , car il estoit et a esté toujours trèsgra- 
cieux et nouveau et bien plaisant gentilhom- 
me ; et le faisoit bon oyr deviser de sa seur, 
voire entre ses amys et privez compaignons. 



LA LVIIIe NOUVELLE. 

PAR monseigneur LE DUC. 

e congneuz au temps de ma verte 
et plus vertueuse jeunesse deux 
gentilzhommes , beaulx compai- 
w^^^^ gnons, bien assovis et adressez de 
tout ce qu'on doit ou peut loer ung gentil- 
homme vertueux. Ces deux cstoient tant amys, 




fj/ 






Nouvelle LVIII. 39 

allyez , et donnez l'un à l'autre , que d'habii- 
lemens, tant pour leurs corps, leurs gens, leurs 
chevaulx, tousjours estoient pareiiz. Advint 
qu'ilz devindrent amoureux ae deux belles 
jeunes filles, gentes et gracieuses , et le mains 
mal qu'ilz sceurent firent tant qu'elles furent 
adverties de leur nouvelle empnnse, du bien, 
du service , et de cent mille choses que pour 
elles faire vouldroient. Ilz furent escoutez, 
mais aultre chose ne s'en ensuyvit. Espoir 
qu'elles estoient de serviteurs pourveues, ou 
que d'amours ne se vouloient entremettre; 
car, à la vérité dire , ilz estoient beaulx com- 
paignons tous deux, et valoiént bien d'estre 
retenuz serviteurs d'aussi femmes de bien 
qu'elles estoient. Quoy que fust, toutesfoiz 
ilz ne sceurent oncques tant faite qu'ilz fus- 
sent en grâce, dont ilz passèrent mamtes nuiz, 
Dieu scet à quelle peine, maudisans puis for- 
tune , puis amours , et trèssouvent leurs da- 
mes qu'ilz trouvoient tant rigoreuses. Eulx 
estans en ceste rage et desmesurée langueur, 
l'un dit à son compaignon : « Nous voyons à 
l'oeil que noz dames ne tiennent compte de 
nous , et toutesfoiz nous enrageons après , et 
tant plus nous monstrent de nertez et de ri- 
gueurs, tant plus les desirons complaire , ser- 
vir, et obeyr, qui est, sur ma foy, une haulte 
folye. Je vous requier que nous ne tenons 
compte d'elles ne qu'elles font de nous , et 
vous verrez, s'elles pevent cognoistre que nous 
soyons à cela , qu'elles enrageront après nous, 
comme nous faisons maintenant après elles. 



4t5: Les Cent Nouvelles nouvelles. 

— Helas ! dit l'autre, le bon conseil, qui en 
pourroit venir à chef! — J'ay trouvé la manière, 
dit le premier ; j'ay tousdiz oy dire , et Ovide 
le mect en son livre du Remède d'amours, que 
beaucop et souvent faire la chose que savez 
fait oublyer et pou tenir compte de celle qu'on 
ayme, et dont on est fort féru. Si vous diray 
Que nous ferons : faisons venir à nostre logis 
aeux jeunes jolies de noz cousines , et cou- 
chons avec elles, et leurs faisons tant la folye 
que nous ne puissons les rains traisner, et 
puis venons devant noz dames ; et de nous 
au dyable qui en tiendra compte. » L'aultre s'i 
accorda, «t comme il fut proposé et délibéré 
fut fait et accomply, car ilz eurent chacun une 
belle fille. Et après ce, se vindrent trouver 
devant leurs dames, en une feste où elles es- 
toient, et faisoient bons compaignons la roe, 
et se pourmenoient par devant elles , devisans 
d'un costé et d'aultre , et faisans cent mille ma- . 
nières pour dire : « Nous ne tenons compte de 
vous», cuidans, comme ilzavoient proposé, que 
leurs dames en deussent éstremal contentes, 
et qu'elles les deussent rappeller ores ou aul- 
trefoiz ; mais-aultrement alla , car s'ilz mon- 
stroient semblant de peu tenir compte d'elles, 
elles monstroient tout apertement de rien y 
compter, dont ilz se perceurent trèsbien et ne 
s'en savoient assez esbahir à l'heure. Si dist 
l'un à son compaignon : <( Scez tu comment il 
est? Par la mort Dieu i noz dames ont fait la 
folie comme nous. Etnevoiztu comment elles 
sont fières? Elles tiennent toutes telles maniè- 



^. 



Nouvelle LIX. 41 

res que nous faisons ; si ne me croy jamais 
s'elles n'ont fait comme nous. Elles ont prins 
chacune ung compaignon et ont fait jusques à 
oultrance la folye ; au deable les crapaudes ! 
laissez les là. — Par ma foy ! dit l'autre , je le 
croy comme vous le dictes, je n'ay pas aprins 
de les veoir telles. » Ainsi pensèrent les com- 
paignons que leurs dames eussent fait comme 
eulx, pource qu'il leur sembla à Pheure qu'el- 
les n'en tenissent compte , comme ilz ne te- 
noient compte d'elles, combien qu'il n'en fust 
rien , et est assez legier à croire. 




LA LIXe NOUVELLE. 

PAR PONCELLET. 

n la ville de saint Omer avoit na- 
guères ung gentil compaignon ser- 
gent de roy, lequel estoit marié à 
une bonne et loys^e femme qui aul- 
tresfoiz avoit esté mariée, et luy estoit demouré 
ung filz qu'elle avoit adressée en mariage. 
Ce bon compaignon, jasoit ce qu'il eust bonne 
et preude Jtemme, neantmains toutesfoiz il 
s'employoit de jour et de nuyt de servir amour 
partout où il povoit , et tant qu'il luy estoit 
possible. Et pour ce que en temps d'yver 
sourdent pluseurs foiz les inconveniens plus 
de legier qu'en aultre temps à poursuivir la 
queste loing, il s'advisa et délibéra qu'il ne 






44 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

moient si bien qu'ils ne s'esveillèrent pour per- 
sonne qui y entrast) ne pour lumière qu'on y 
portast. Et de fait, pour la joye qu'elle eut de 
ce que son mary n'estoit point si mal ne si 
desvoyé qu'elle esperoit, ny que son cueur 
luy avoit jugié , elle s'en alla quérir ses en-f 
fans et les varletz de l'ostel etles mena veoir 
la belle compaignie , et leur enjoignit expres- 
sément qu'ilz n'en feissent aucun semblant ; 
et puis leur demanda en basset qui c'estoit 
ou lit de la chambrière qui là dormoit avec 
elle. Et ses enfans respondirent que c'estoit 
leur père , et les varletz aue c'estoit leur mais- 
tre. Et puis les ramena dehors, etlesfist aller 
recoucher, car il estoit trop matin pour euU 
lever; et aussi elle s'en alla elle pareillement 
rebouter en son lit , mais depuis ne dormit 
guères, tant qu'il fut heure de lever. Toutes- 
foiz, assez tost après, la compai^ie des vraiz 
amans s'esveilla, et se despartirent l'un de 
i'aultre amoureusement. Si s'en retourna nos- 
tre maistre en son lit^ enprès sa femme, sans 
dire mot; et aussi ne ^st elle, et faignoit 
qu'elle dormoist , dont il fut moult joyeulx , 
pensant qu'elle ne sceust rien de sa bonne 
fortune ; car il la cremoit et doubtoit à mer- 
veilles , tant pour sa paix comme pour la fille.! 
Et de fait se reprint nostre maistre à dormir 
bien fort, et la bonne damoiselle, qui point 
ne dormoit, si tost qu'il fut heure de descou- 
cher, se leva, et pour festoyer son mary et luy 
donner quelque chose confortative après la 
medicipe laxative qu'il avoit prinse celle nuyt,! 



H , '-^ 



Nouvelle LIX. 4^ 

fist ses cens lever et appetla sa chambrière , 
et luy dist qu'elle prinst les deux meilleurs 
chapons de la chaponnière de l'ostel , et les 
appoinctast trèsbien , et puis qu'elle allast à 
la boucherie quérir le meilleur morseau de 
beuf qu'elle pourroit trouver, et si cuisist tout 
à une bonne eaue pour humer , ainsi qu'elle 
le saroit bien faire ; car elle estoit maistresse 
et ouvrière de faire bon brouet. Et la bonne 
fille , qui de tout son cueur desiroit complaire 
à sa damoiselle et encores plus à son maistre, 
à l'un par amours, à l'aultre par crainte , dist 
Que trèsvoluntiers le feroit. Et tantdiz la bonne 
damoiselle alla oyr la messe, et au retour 
passa par l'ostel de son filz , dont il a esté 
parié, et luy dist que venist disner à l'ostel 
avec son mary, et si amenast avec luy trois 
ou quatre bons compaîgnons qu'elle luy nom- 
ma , et que son mary et elle les prioient qu'ilz 
venissent disner avec eulx. Et puis s'en re- 
tourne à Tostel pour entendre à la cuisine, que 
le humet ne soit espandu comme par maie 
garde il avoit esté la nuytée ; mais nenny , 
car nostre bon mary s'en estoit allé à l'église. 
Et tantdiz , le filz à la damoiselle alla prier 
ceulx qu'elle luy avoit nommez , qui esloient 
les plus grands farseurs de toute la ville de 
saint Omer. Or revint nostre maistre de la 
messe , et fist une grand brassée à sa femme , 
et luy donna le bon jour ; et aussi fist elle à 
luy. Mais pour ce ne pensoit point mains ; 
toutesfoiz luy dist elle qu'elle estoit bien joyeuse 
de sa santé , dont il la mercya et dist : « Vqi- 



\/ 



46 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

rement suis je assez en bon point , m'am^e , 
auprès de la vesprée , et me semble que j'ay 
trèsbon appétit ; si vouldroye bien aller dis- 
ner, si vous vouliez. » Et elle luy dist : « J'en 
suis bien contente ; mais il fault ung peu at- 
tendre ^ue le disner soit prest , et que telz et 
telz qui sont priez de disner avecques vous 
soient venuz. — Priez , dit il , et à quel pro- 
pos ? Je n'en ay cure, et amasse mieulx qu'ilz 
demourassent; car ilz sont si grands farseurs 
que s'ils scevent que j'aye esté malade, ilz 
ne m'en feront q^ue somer. Au mains , belle 
dame , je vous pne qu'on ne leur en die rien. 
Et si a une aultre chose : que mengeront ilz ?» 
Et elle dist qu'il ne se souciast et qu'ilz aroient 
assez à mençer, car elle avoit fait appointer 
les deux meilleurs chapons de léens , et un 
trèsbon mousseau pour l'honneur de luy, dont 
il fut bien joieux et dist que c'estoit bien fait. 
Et tantost après vindrent ceulx que l'on avoit 
priez ^ avecques le filz de la damoiselle. Et 
quand tout fust prest, ilz allèrent seoir à table 
et firent trèsbonne chère, etparespecial l'oste, 
et buvoient souvent , et d'autant l'un à l'au- 
tre. Et disoit l'oste à son beau filz : «Jehan, 
mon amy, je vous pry que vous buvez à vos- 
tre mère , et faictes bonne chère. » Et il dit 
que trèsvoluntiers le feroit. Et ainsi qu'il eut 
beuà sa mère, la chambrière, qui servoit, sur- 
vint à la table. A ce cop et lors la damoi- 
selle l'appella et luy dist : « Venez çà , ma 
doulce compaigne, buvez à moyetje vous 
plegeray. — Compaigne dya, ditnostreamou- 



Nouvelle LIX. 47 

reux, et dont vient maintenant celle grand 
amour ? Que maie paix v puist mettre Dieu, 
veezcy grand nouvelleté! — Voire vraiement, 
c'est ma compaigne certaine et loyale ; en avez 
vous si grand merveille? — Ha aya, Jehanne, 
gardez que vous dictes ; jà penser pourroit on 
quelque chose entre elle et moy. — Et pour- 
quoy ne feroit ? dist elle. Ne vous y ay je 
point ennuyt trouvé couché en son lit et dor- 
mant braz à braz ? — Couché ! dit il. — Voire, 
vraiement, dit elle. — Et par ma foy, beaulx 
seigneurs, il n'en est rien , et ne le fait que 
pour me faire despit, et à la pouvre fille blasme ; 
car oncques ne m'y trouva. — Non dya ? fist 
elle ; vous l'orrez dire tantost et le vous feray 
dire par tous ceulx de céens. » Adonc appella 
ses enfans et les varletz qui estoient devant la 
table , et leur demanda s'ilz avoient point veu 
leur père couché avec la chambrière , et ilz 
dirent que oy. Et leur père respondit : « Vous 
mentez, mauvais earçons, vostre mère le vous 
fait dire. — Sauf vostre grâce, père, nous 
vous y vismes couché ; aussi firent nos var- 
letz. — Qu'en dictes vous ? dit la damoiselle. 
— Vrayement il est vray, dirent ilz. » Et lors 
il y eut grand risée de ceux qui là estoient, 
et le menèrent terriblement aux abaiz, car la 
damoiselle leur compta comment il s'estoit 
fait malade et toute la manière de faire , ainsi 
qu'elle avoit esté, et comment, pour le fes- 
toyer, elle avoit fait appareiller le disner et prier 
ses amys, qui de plus en plus renforcèrent la 
chose, dont il fut si honteux queàpeinesavoit 



48 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

il tenir manière, et ne se sceut aultrement sau- 
ver que de dire : « Or avant , puis cjue chacun 
est contre moy, il fault bien que je me taise 
et que j'accorde tout ce qu'on veult , car je 
ne puis tout seul contre vous tous. » Après, 
commenda que la table fut ostée , et inconti- 
nent grâces rendues, appella son beau fils et 
luy dist : « Jehan, mon amy, je vous prie 
que si les aultres m'accusent de cecy, que 
m'excusez en gardant mon honneur, et allez 
veoir à ceste pouvre fille qu'on luy doit , et la 
paiez si largement qu'elle n'ayt cause de soy 
plaindre, puis la faictes partir; car je sçay 
bien que vosire mère ne la souffrera plus de- 
mourer céens. » Le beau filz alla faire ce qui 
luy estoit commendé , et puis retourna aux 
compaignons qu'il avoit amenez, lesquelz il 
trouva parlans à sa mère , et la remercyoient 
de ses tiens, puis prindrent congié et s'en 
allèrent. Et les aultres demourèrent à l'ostel ; 
et fait à supposer oue depuis en eurent main- 
tes devises ensemble. Et le gentil amoureux 
ne beut point tout l'amer de son vaisseau à ce 
disner ; et à ce propos peuj on dire de chiens, 
d'oiseaux, d'armes, d'amours : Pour ung plai- 
sir mille doleurs. Et pour ce nul ne s'i doit 
bouter s'il n'en veult à la foiz gouster. Et 
ainsi doncques, comment qu'il en advenist, 
acheva le gentil compaignon sa queste en 
ceste partie, par la manière que dit est. 




Nouvelle LX. 49 

LA LXe NOUVELLE. 

PAR PONCELET. 

'a pas guères qu'en la ville de Ma- 
Unes avoit trois damoiselles, femmes 
de trois bourgois de la ville, riches, 
puissans et bien aisiez, lesquelles 
furent amoureuses de trois frères mineurs; 
et pour plus celéement et couvertement leur 
fait conauire, soubz umbre de dévocion se 
levoient chacun jour une heure ou deux de- 
vant le jour, et quand il leur sembloit heure 
d'aller veoir leurs jimoureux, elles disoient à 
leurs mariz qu'eUes alloient à matines et à 
la première messe. Et par le grand plaisir 
qu'elles y prévoient, et les religieux aussi ^ 
souvent advenoit que le jour les sourprenoit 
si largement qu'elles ne savoient comment 
saillir de l'ostel que les aultres religieux ne 
s'en apperceussent. Pourquoy, doubtans les 
grans perilz et inconveniens qui en povoient 
sourdre , . fut prinse conclusion par eulz tous 
ensemble que chacune d'elles aroit habit de 
religieux^ etferoient faire^grands corones sur 
leurs testes, comme s'elles'estoient du convent 
de léens ; tant que finalement à ung certain 
jour qu'elles y retournèrent après, tantdiz 
que leurs manz guères n'y pensoient, elles 
venues es chambres de leurs amys, ung bar- 

Cent NOttV. — H. a 



50 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

bier secret fut mandé , c'est asavoir une des 
frères de léens^ qui fist aux damoiselïes à 
chacune une corone sur la teste. Et auand 
vint au départir, elles vestirent leurs nabiz 
qu'on leur avoit appareilliez, et en cest estât 
s'en retournèrent devers leurs hostelz et s'en 
allèrent devestir, et mettre jus leurs habiz de 
devocion sus certaines matrones affaictées, 
et puis retournèrent emprès leurs mariz. Et 
en ce point continuèrent grand temps sans ce 

3ue personne s'en apperceust. Et pource que 
ommage eust esté que telle devocion et tra- 
veil n'eust esté congneu, fortune promist et 
voult que à certain jour que l'une de cesbour- 
gciises s'estoit mise au chemin pour aller au 
Beu accoustumé, l'embusche fut descouverte, 
etide fait fut prinse à tout i'abit dissimulé par 
son mary, qui l'avoit poursuye , et luy dist : 
« Beau frère, vous soiez le trèsbien trouvé! 
je vous'pry que retournez à PôStel, car j'ay 
Dien' à parler à vous de conseiL » Et en cest 
estât la remena, dont elle ne fist jâ fe^te. Or 
advint, quand ilz forent à l'ostel, le mary com- 
mença à dire en manière de farse : « Très 
doulce compaigne, dictes vous, par vostrefoy^ 

3ue la vraye devocion dont tout ce temps 
'y ver avez esté esprise vous fait endosser 
I'abit de saint Frapçôys, et porter coronne 
semblable aux bons frères? Dictes moy, je 
vous requier, qui a esté vostrç recteur, ou, par 
saint François, vous l'amenderez. » Et fist 
semblant de tirer sa dague. Adoncques la pou- 
vrette se jecta à genoux et s'esciya à haulte 



Nouvelle LX. 51 

voix, iKsant : « H^élasl mon mary, je vous cry 
mercy, aiez pitié de moy, car j'ay esté se- 
duicte par mauvaise compaignie. Je sçay bien 
que je suis morte, si vous voulez, et que 
je n'ay pas fiait comme je deusse; mais je ne 
suis pas seule deceue en celle manière, et si 
vous me voul^ promettre que ne me ferez 
rien , je vous diray tout. » Adonc son mary 
s'i accorda. Et adonc elle luy dit comment 
pluseurs foiz elle estoit allé au dit monastère 
avec deux de sescompaignes, desquelles deux 
des religieux s'estoient énamourez; et en les 
compaignâns aucunesfoiz à faire coilacion en 
)eur$ chambres, h tiers fut d'elle esprins d'a- 
moiHrs, tn luy faisant tant d'humbles et doulces 
requestes, qu'dle nes'en estoit sceu excuser; 
et mesmement par l'insâgacion et enortement 
de ses dictes compaignes , disans qu'elles 
aroient bon temps ensemble, et si n'en saroit- 
on rien. Lors'Oémanda le mary qui estoient 
ses cortipai^nes^; et elle les nomma. Adonc 
sceut^l qui estoient leurs mariz ^ et dit le 
compte qu'ik buvoient souvent ensemble; 
puis demanda qui estoit le barbier, et elle luy 
dit, et les noms des trois religieux. Le bon 
mary, consyderant ces choses, avecques les 
doloreuses ammiracions et piteux regretz de 
ia femmelette, dh : « Or garde bien que tu ne 
dyes à personne que je sache parler de ceste 
matère, et je te promectz que ]e ne te feray jà 
mal. y> La bonne damoiselle luy promist que 
tout à son plaisir elle feroit. Et mcontinent se 
part et alla prier au lendemain au 4isner les 



52 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

deux mariz et les deux damoiselles', les trois 
cordeiiers et le barbier, et iiz promisrent d'y 
veiiir. Lesquelz venuz, et eulx assis à table, 
firent bonne chère sans penser à leur n»le 
adventure. Et après que les tables furent 
ostées, pour conclure de l'escot, firent ptu- 
seurs manières de faire mises avant joyeuse- 
ment sur quoy l'escot seroit prins et sous- 
tenu ; ce toutesfoiz qu'ilz ne sceurent trouver, 
n'estre d'accord, tant que l'oste dist : a Puis- 
que nous ne savons trouver moien de payer 
nostre escot par ce qui est mis en termes, je 
vous diray que nous ferons : nous le ferons 
paier à ceulx de la compaignîe qui la plus 
grande coronne portent sur la teste, reservez 
ces bons religieux, car ilz ne paieront rien à 
présent» » A quoy ilz s'accordèrent tous, et fu- 
rent contens qu'ainsi en fust, et le barbier en 
fiit le juge. Et quand tous les hommes eurent 
monstre leurs coronnes, l'oste dist qu'il falloit 
yeoir si leurs femmes en avoient nulles. Si ne 
fault pas demander s'il en y eut en la com- 
paignîe qui (eurent leurs cueurs estrains. Et 
sans plus attendre, l'oste print sa femme par 
la teste et la descouvrit. Et quand il vit cestc 
coronne, il fist une grand admiracion, ^in- 
dant que rien n'en sceust , et dist : « Il 
fault veoir les aultres s'elles sont coronnées 
aussi. » Adonc leurs mariz les firent deffu- 
bler, qui pareillement furent trouvées coron-^ 
nées comme la première, de quoy ilz ne fi- 
rent jà trop grand feste, nonobstant qu'ilz en 
feissent grandes risées, et tout en manière de 



Nouvelle LXI. 5} 

jouyeuseté dirent que l'escot estoit gaigné, et 
que leurs femmes le dévoient. Mais il failloit 
savoir à quel propos ces coronnes avoient 
esté enchargées, et Poste, qui estoit assez 
joyeux du mistére et de leur adventure, leur 
compta tout le démené de la chose, sur telle 
protestacion qu'ilz le pardonneroient à leurs 
femmes pour ceste foiz, parmy la pénitence 
que les bons religieux en porteroient en leur 
présence; laquelle chose les deux mariz ac- 
cordèrent. Et incontinent Poste fist saillir qua- 
tre ou cinq roiddes galans hors d'une cham- 
bre, tous advertiz oe leur fait, et prindrent 
beaulx moynes, et leur donnèrent tant des 
biens de leens (ju'ilz en peurent entasser sus 
leurs dos, et puis les boutèrent hors de Pos- 
tel ; et les aultres demourèrent illec encores 
une espace , en laquelle ne favlt doubler qu'il 
n'y eust pluseurs devises qui longues seroient 
à racompter : si m'en passe pour cause de 
brefté. 



LA LXIe NOUVELLE. 

PAR PONCELET. 

ng jour advint que en une bonne 
ville dé Haynaut avoit ung bon mar- 
chant maryé à une vaillant femme, 
lequel trèssouvent alloit en mar- 
chandise > qui estoit par adventure occasion à 




54 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

sa femme qu'elle amoit aultre que luy, en la- 
quelle chose elle continua assez longuement. 
Néantmains toutesfoiz l'embusche fut descou- 
verte par ung sien voisin qui parent estoit au 
mary, et demouroit à l'opposite de l'ostel du 
dit marchant, dont il vit et'apperceut sou- 
vent le galant entrer de nuyt, et saillir hors 
de l'ostel au marchant. Laquelle chose ve- 
nue à la co^oissance de celuy à qui le dom- 
n^age se faisoit , par l'advertissement du voi- 
sin, fut moult desplaisant; et, en remer- 
ciant son parent et voisin, dit que brefvement 
y pourvoiroity et qu'il se bouteroit du soir en 
sa maison , pour mieulx veoir qui yroit et 
viendroit en son hostel. Et finalement fienndit 
d'aller dehors et dist à sa femme et à ses gens 
qu'il ne savoit quand il reviendrdt ; et iuy, 
party au plus matin, ne demoura que jusques 
à la vesprée, qu'il bouta son cheval quelque 
part , et s'en vint couvertement sus son cou- 
sin, et là regarda par une petite treille, at- 
tendant s'il verroit ce que guères ne lui plai- 
roit. Et tant attendit que environ neuf heures 
de nuyt, le galand, à qui la damoiselle avoit 
fait savoir aue son mary estoit hors, passa 
ung tour ou aeux par devant l'ostel de la belle 
et regarda à l'huys pour veoir s'il y pourroit 
entrer; mais encores le trouva il fermé. Se 
pensa bien qu'il n'estoit pas heure , pour les 
doubtes; et ainsi qu'il varioit là entour, le 
bon marchant, qui pensoit bien que c'estoit 
^n homme , descendit et vint à l'huys et dist : 
« Mon amy, nostre damoiselle vous a bien 



Nouvelle LXI. ' jj- 

Oy, et pource qu'il est encores temps assez ^ 
et qu'elle a double que nostre maistre ne re- 
tourne , elle m'a requis que je vous mette de- 
dens, s'il vous plaist. » Le compaignon, Gui- 
dant que ce fust le varlet , s'adventura et en- 
tra léens avecques luy, et tout doulcement 
l'huys fut ouvert, et le mena tout derrière en: 
une chambre , où il avoit une moult grand 
huche, laquelle il defferma et le fist entrer 
ens , que si le marchand revenoit , qu'il ne 
le trouvast pas , et que sa maistresse le vien- 
droit assez tost mettre hors et parler à luy. 
Et tout ce souffrit le gentil calant pour mieubc 
avoir, et aussi pour tant ç^u'il pensoit que l'au- 
tre dist vérité. Et incontinent se partit le mar- 
chand le plus celéement qu'il peut, et s'en 
alla à son cousin et à sa femme et leur dist : 
(( Je vous promectz que le rat est prins; mais 
il nous fault adviser qu'il en est de faire. » Et 
lors son cousin , et par especial sa femme , 
ajii n'aimoit point l'autre, furent bien joyeulx 
de la venue , et dirent qu'il seroit bon qu'on 
le montrast aux parens de la femme, afBn 
qu'ils cognoissent son gouvernement. Et celle 
conclusion prinse , le marchand alla à l'ostel 
du père et de la mère de sa femme et leur, dist 
que si jamais ilz vouloient veoir leur fille eh 
vie qu'ilz venissent hasûvement en son logis. 
Tantost saillirent sus, et tantdiz qu'ilz s'ap- 
poinctoient, il alla pareillement quérir deux 
des frères et des seurs d'elle, et leur dist 
comme il avoit fait au père et à la mère. Et 
.puis les mena tous en la maison de son cou- 



$6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

sin, et illec leur compta toute la chose ainsi 

Qu'elle estoit, et la pnnse du rat. Or convient 
ss^voir comment le gentil galant, pendant ce 
temps, se gouverna en celle huche, de laquelle 
il fut gaillardement délivré , attendu l'adven- 
ture; et la damoiselle , qui se donnoit grands 
merveilles se son amy ne viendroit point, alloit 
devant et derrière pour veoir s'elle en orroit 
point de nouvelle. Et ne tarda guères que le 
gentil compaignon, qui oyt bien (fie l'en pas- 
soit assez près de luy, et si le laissoit on là , 
print à hurter du poing à sa huche tant que 
la damoiselle l'oyt qui en fut moult espoentée. 
Neantmains demanda elle qui c'estoit, et le 
compaignon luy respondit : a Helasl trèsdoulce 
damoiselle, ce suis je qui me meurs icy de 
chault et de doute, et qui me donne grand 
merveille de ce que m'y avez fait bouter, et 
si n'y allez ne venez. » Çui fort lors fut esmer- 
veillée, ce fut elle, et dist : « Ha! vierge Ma- 
rie! et pensez vous, mon amy, que je vous 
y aye fait mectre ? — Par ma foy, dit il , je 
ne scay, au mains est venu vostre varlet à 
moy , et m'a dit que luy aviez requis qu'il me 
mist en l'ostel , et que j'entrasse en cèste hu- 
che , affin que vostre mary ne me trouvast , 
si d'adventure ilretoumoit pour ceste riuyt. — 
Ha ! dit elle , sur ma vie ! ce a esté mon mary. 
A ce coup suis je une femme perdue , et est 
tout nostre fait sceu et descouvert. — Savez 
vous qu'il y a? dit-il. Il convient que l'on me 
mette dehors , ou je rompray tout, car je n'en 
puis plus endurer. — Par ma foy! dit la da- 



Nouvelle LXI. 57 

moiselle , je n'en ay point la clef, et si vous le 
rompez je suis deffaicte , et dira mon maiy 
que je l'aray fait pour vous sauver. » Finale- 
ment la damoiselle chercha tant qu'elle trouva 
des vieilles clefs entre lesquelles en y eut une 
qui délivra le pouvre prisonnier. Et quand il 
fut hors il troussa sa dame , et luy monstra le 
courroux qu'il avoit sur elle , laquelle le print 
paciemment. Et à tant se voult partir le gentil 
amoureux; mais la damoiselle le print et ac- 
cola , et luy dist que s'il s'en aloit ainsi , elle 
estoit aussi bien desnonorée que s'il eust rompu 
la huche : « Qu'est-il donc de faire f dist le 
calant. — Si nous ne mettons quelque chose 
dedans et que mon mary le treuve , je ne me 
pourray excuser que je ne vous aye mis hors. 
— Et quelle chose y mettra l'on ? ait le galant, 
affin que je parte , car il est heure. — Nous 
avons, dit -elle , en cest estable ung asneque 
nous y mettrons , si vous me voulez aider. — 
Oy, par ma foy, diril. » Adonc fut cest asne 
jecté en la hucne , et puis la refermèrent, et le 
galant print congé d'un doulx baiser et se 
partit en ce point par une yssue de derrière, 
et la damoiselle s'en alla prestement coucher. 
Et après ne demoura guères que le mary, oui, 
tantdiz que ces choses se faisoient , assempla 
ses gens et les amena à l'ostel de son cousin , 
comme dit est, où il leur compta tout l'estat 
de ce qu'on lui avoit dit , et aussi comment 
il avoit prins le galant à ses barres. « Et à 
celle fin, dit il, que vous ne disiez que je 
veille imposer à vostre fille blasme sans cause, 



58 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

je vous monstreray à l'œil et au doy le rib^uld 
qui ce deshonneur nous a fait ; et prie, avant 

âu'il saille hors, qu'il soit tué. » Adonc chacun 
it que si seroit il. «Et aussi , dit le marchant, 
je vous rendray vostre fille pour telle qu'elle 
est. » Et de là se partent les aultres avec^ 
ques luy, qui estoient moult dolens des nou-* 
velles, et avoient torches et flambeaulx pour 
mieulx choisir par tout , et que rien ne leur 
peust eschapper. Et hurtèrent à l'huys si ru- 
dement que la damoiselle y vint premier avant 
que nul de léens s'esveillast, et leur ou- 
vrit L'huys. Et quand ilz furent entrez, elle 
ledangea son mary, son père , sa mère et les 
aultres, en monstrant qu'elle estoit bien es- 
merveillée quelle chose à celle heure les ame- 
noit. Et à ces motz son mary hausse et luy 
donne belle buffe , et luy dit : « Tu le sceras 
tantost, faulse telle et quelle que tu es. — Ha ! 
regardez que vous dictes ; amenez vous pour 
ce mon père et ma mère ici i — Oy , dist la 
mère, faulse garse que tu es, on te monstrera 
ton loudier prestement. » Et lors ses seurs di- 
rent : « Et par Dieu , seur, vous n'estes pas 
venue de lieu pour vous gouverner ainsi. — 
Mes seurs, dit elle, par tous les sains de 
Romme, je n'ayrien fait que une femme de 
bien ne doyve et puisse faire, ne je ne doubte 
point qu'on doye le contraire monstrer sur 
moy. — Tu as menty , dit son mary, je le 
monstraray tout incontinent, et sera le ribauld 
tué en ta présence. Sus tost, ouvre moy eeste 
huche. — Moy! dit elle ; et en vérité je croy 



Nouvelle LXl. 59 

que vous resvez, ou que vous estes hors du 
sens; car vous savez bien que je n'eaportay 
oncques la clef , mais pend à vostre cincture 
aveopies les vostres dès le temps que vous y 
mettiez voz estres. Et pourtant, si vous la vou- 
lez ouvrir, ouvrez la. Mais je prie à Dieu que 
ainsi vrayement qu'onc<{ues je n'euz compai- 
gnie avecques celuy qui est là dedens enclos, 
qu'il m'en délivre à joye et à honneur, et que 
la mauvaise envre qu'on a sur moy puisse icy 
estre avérée et aemonstrée ; et aussi sera elle, 
comme j'ay bon espoir. — Je croy, dit le 
maiy, qui la veoit à genoux, plorant et gémis- 
sant, qu'elle scét bien faire la chate moiitée, 
et, qui la vouldroit croire, elle sceroit bien 
abuser gens; et ne doublez, je me suis pieçà 
perceu de la traynée. Or sus, je vois ouvrir 
la huche; si vous prie, messeigneurs, que 
chacun tienne la mam à ce ribauld , qu'il ne 
nous eschappe , car il est fort et roidde. — 
N'ayez paour, dirent ilz tous ensemble, nous 
en scerons bien faire. » Adonc tirent leurs 
espées et prindrent leurs mailletz pour assom- 
mer le pouvre amoureux , et luy airent : « Or, 
te confesse là , car jamais n'aras prestre de 
plus près. » La mère et les seurs, qui ne vou- 
loient point veoir celle occision, se tirèrent 
d'une part ; et , ainsi que le bon homme eut 
ouvert la huche , et que cest asne veist la lu- 
mière, il commença à recaner si hideusement 
qu'il n'y eut là si hardjr qui ne perdist sens 
et mémoire. Et quand ilz. virent que c'estoit 
ung asne, et qu'il les avoit ainsi abusez, ilz 



6o Les Cent Nouvelles nouvelles. 

se vouldrent prendre au marchant, et lu}[ di- 
rent autant de honte qu'oncques saint Pierre 
eut d'honneurs, et mesmes les femmes luy 
vouloient courre sus. Et de fait , s'il ne s'en 
fust fuy, les frères de la damoiselle l'eussent 
là tué^ pour le grand blasme et deshonneur 
qu'il luy avoit fait et voulu faire. Et finalement 
en eut tant à faire qu'il convint que la paix 
et traictié en fussent refaiz par les notables de 
la ville , et en furent les accuseurs tousjours 
en indignacion du marchant. Et dit le compte 
que à celle paix faire y eut grand difficulté et 
pluseurs protestacions des amys de la damoi- 
selle, et a'aultre part pluseurs promesses bien 
estroictes du marchant , qui depuis bien et 
gracieusement s'i gouverna, et ne fut oncques 
homme meilleur à femme qu'il fut toute sa vie; 
et ainsi usèrent leurs jours ensemble. 



. LA LXUe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE QyEVRAIN. 

nviron le mois de juillet, alors aue 
certaines convencions et assemblée 
se tenoit entre la ville de Calais et 
Gravelinghes, assez près du chas- 
tel d'Oye, à laquelle assemblée estoient plu- 
seurs princes et grands seigneurs, tant de la 
partie de France comme d'Angleterre, pour 
adviser et traictier de la rençon de roonsei^ 




Nouvelle LXII. 6i 

gneur d'Orléans, estant lors prisonnier du 
roy d'Angleterre ; entre lesquels de la dicte 
partie d'Angleterre estoit le cardinal de Vis- 
cestre, oui à ladicte convencion estoit venu 
en grana et noble estât, tant de chevaliers, 
escuierSy que d'autres gens d'église. Et entre 
les autres nobles hommes avoit ung qui se 
nommoit Jehan Stocton, escuier troichant, et 
Thomas Brampton, eschanson du dit cardinal, 
lesquels Jehan et Thomas Brampton se en* 
treaymoient autant ou plus que pourroient 
faire deux frères germains ensemble ; car de 
vestures, hamois et habillemens estoient tous- 
jours d'une façon au plus près que ilz pou- 
voient ; et la plus part du temps ne faisoient 
que ung lict et une chambre, et oncques n'a- 
voit on veu que entr'eulx deux que aucune- 
ment y eut quelque courroux, noise ou mal*« 
talent. Et quand le dit cardinal fut arrivé au 
dit lieu de Calais, on bailla pour le logis des 



ditz nobles hommes l'hostel de Richard F< 

3ui 
e Calais; et ont de coustume les grands 



lui est le plus grand hostel de la dicte ville 



seigneurs, quand ilz arrivent au dit lieu pas-, 
sans et revenans, d'y logier. Le dit Ricnard 
estoit marié, et estoit sa femme de la nacion 
du pays de Hollande, qui estoit belle , gra- 
cieuse , et bien luy advenoit à recevoir cens. 
Et durant la dite convencion, à laquelle on 
fut bien l'espace de deux mois, iceulx Jehan 
Stocton et Thomas Brampton, qui estoient si 
comme en l'aage de xxvi) à xxviij ans, ayans 
leur couleur de cramoisy vive, et en point *de 



62 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

faire armes par nuyt et par jour; durant le- 
((uel temps, nonobstant lesprivautez et ami- 
tiez qui estoit entre ces deux seconds et 
compaignons d'armes, le dit Jehan Stocton, 
au deceu du dit Thomas, trouva manière 
d'avoir entrée et faire le gracieulx envers leur 
dite ho'stesse , et y continuoit souvent en de- 
vises et semblables gracieusetiez que on a de 
coustume de feire en la queste d'amours ; et 
en la fin s'enhardit de demander à sa dicte 
hostesse la courtoisie, c'est asavoir, qu'il peust 
estre son amy et elle sa dame par amours. A 
quoy, comme faindantd'estre esbahie de telle 
requeste, lui respondit tout froidement que luy 
ne aultre elle ne haioit, ne ne vouldroit hayr, 
et qu'elle amoit chacun par bien et par hon-^ 
neur. Mais il povoit sembler à la manière de 
sa dicte requeste, qu'elle ne pourroit ycelle 
accomplir que ce ne fiit grandement a son 
déshonneur et scandale, et mesmanent de sa 
vie, et que pour chose du monde à ce ne 
vouldrdt consentir. Adonc le dit Jehan res- 
pliqua , disant qu'elle lui povoit trèsbièn ac- 
corder : car il estoit celuy qui luy vouloit 
garder son hoilneur jusqu'à la mort , et ame- 
roit mieulx estve pery et en l'autre siècle toor- 
menté que par sa coiilpe elle eust deshonneur ; 
et qu'eue ne doubta en rien que de sa part 
son honneur ne fut gsffdé, luy suppliant de 
rechef que sa requeste luy voulsist accorder, 
et à tousjours mais se reputeroit son serviteur 
et loyal amy. Et à ce elle respondit, faisant 
manière de trembler, disant que de bomie 



Nouvelle LXII. 63 

foy il iuy faisoit mouvoir le san^ du corps, 
de crainte et de paour qu'elle avoit de Iuy ac- 
corder sa requeste. Lors s'approucha d'elle, 
et luj requist un^ baiser, dont les daines et 
damoiselles du dit pays d'Angleterre sont as* 
ses libérales de l'accorder; et en la baisant 
Iuy pria doulcement qu'elle ne fut paoureuse 
et que de ce qui seroit entre eulx deux jamais 
nouvelle n'en seroit à personne vivant. Lors 
elle lui dist : «Je voys bien que je ne puis de 
vous eschapper que je ne face ce que vous 
voulez; et puis qu'il fault que je face quelque 
chose pour vous, sauf toutesfoiz tousjours 
mon bon honneur, vous savez l'orçionnance 
qui est faicte de par les seigneurs estans en ceste 
ville de Calais, comment il convient que cha- 
cun chief d'hostel face une foys la sepmaine^ 
en personne, le guet par nuyt, sur la muraille 
de la dicte ville. Et pour ce que les seigneurs 
et nobles hommes ae monseigneur le cardi- 
nal, vostre maistre, sont céens logez en grand 
nombre, mon maiy a tant fait par le moien 
d'aucuns ses amis envers mon dit seigneur le 
cardinal, ^u'il ne fera qu'ung demy guet, et 
entens qu'il le doit faire jeudy prochain, de- 
puis la cloche du temps au soir jusques à la 
mynuyt ; et pour ce, tantdiz que mon dit mary 
sera au guet, si vous me voulez dire aucunes 
choses, les orray trèsvoluntiers, et me trou* 
verez en ma chambre, avecques ma cham- 
brière » , la quelle estoit en grand vouloir de 
conduire et acomplir les volumes et plaisirs 
de sa maistresse. Lequel Jehan Stocton fut de 



(54 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

ceste response moult joyeux, et en remerciant 
sa dicte hostesse \\xy ait que point n'y aroit 
de faulte que au dit jour il ne venist comme 
elle luy avoit dit. Or se £aisoient ces devises 
le lunay précèdent après disner, mais il ne 
&it pas à oublier de dire comment le dit Tho- 
mas Brampton avoit ou desceu de son dit 
compaignon Jehan Stocton fait pareilles dili- 
gences et requestes à leur, dicte hostesse, la- 
quelle ne luy. avoit oncques voulu quelque 
chose accorder, fors luy bailler l'une foiz 
espoir, et l'autre doubte, en luy disant et re* 
monstrant qu'il pensoit trop peu à l'honneur 
d'elle, car s'elle faisoit ce qu'il requeroit, 
elle savoit de vray que son msLVj et ses pa- 
rent et amys luy osteroient la vie du corps. 
Et ad ce respondit le dit Thomas : <c Ma très- 
dpulce damoiselle et hostesse, pensez que je 
suis noble homme, et pour chose qui me peust 
advenir ne vouldroye faire chose qui toumast 
à vostre deshonneur ne blasme ; car ce ne 
seroit point usé de noblesse. Mais créez fer-, 
m^ement que vostre honneur vouldroye garder 
comme le mien ; et ameroye mieulz à morir 
qu'il en fust nouvelles, et n'ay amy ne per- 
sonne en ce monde, tant soit mon privé, à qui 
je vouldroye en nulle manière descQuvrir nos- 
tre fait. » Laquelle, voyant la singulière af-. 
fection et desir du dit Thomas, luy dit le 
mercredy ensuyvant que le dit Jehan avoit 
eu la gracieuse response cy dessus de leur 
dicte hostesse, que, puis qu'el le véoit en si 
grand volunté de luy faire service en tout bien 



Nouvelle LXîI. 65 

et en tout honneur, qu'elle n'estoit point si 
ingrate qu'elle ne le vousist recognoistre. Et 
lors luy alla dire comment il convenoit que 
son mary, lendemain au soir, allast au guet 
comme les aultres cbefz d'ostel de la ville, 
en entretenant l'ordonnance qui sur ce estoit 
faicte par la seigneurie estant en la ville ; mais^ 
la Dieu mercy, son mary avoit eu de bons 
amis entour monseigneur le cardinal, car ilz 
avoient tant fait envers luy qu'il ne feroit que 
demy guet, c'est assavoir depuis myiiuyt jus- 
aues au matin seulement, et aue si ce pen- 
dant il vouloit venir parier à elle, elle orroit 
voluntiers ses devises ; mais pour Dieu qu'il 
y vint si secrètement Qu'elle n'en peust avoir 
blasme. Et le dit Thomas luy sceut bien 
respondre que ainsi desiroit il de faire. Et à 
tant se partit en prenant congié. Et le lende^ 
main, qui fut le dit jour de jeudy, au vespre, 
après ce que la cloche du guet avoit esté son- 
née , le dit Jehan Stocton n'oblya pas à aller 
à l'heure que sa dicte hostesse luy avoit mise. 
Et ainsi qu'il vint vers la chambre d'elle, il 
entra et la trouva toute seulle ; laquelle le receut 
et luy fist trèsbonne chère, caria table y estoit 
mise. Lequel Jehan requist que avecques elle 
il peust soupper, affin de eulx mieulx ensemble 
deviser, ce qu'elle ne luy voult de prime face 
accorder, disant qu'elle pourroit avoir charge 
si on le trouvoit avec elle. Mais il luy requis, 
tant qu'elle le luy accorda; et le soupper fait, 
qui sembla estre audit Jehan moult long, se 
joignit avecques sa dicte hostesse ; et après 

Cent Nouv. — II. 5 



66 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

ce s'esbatirent ensemble si comme nu à nu. 
Et avant qu'il entrast en la dicte chambre, il 
avoit bouté en ung de ses doiz unganeau d'or 
garny d'un beau gros dyamant qui bien po- 
voit valoir la somme de trente nobles. Et en 
eulx devisant ensemble, ledit aneau luy cheut 
de son doy dedans le lit, sans ce qu'il s'en 
apperceust. Et quand ilz eurent iilec esté en- 
semble jusques après la xj. heure de la 
nuyt, la dicte damoiselle luy pria moult doul- 
cément que en gré il voulsist prendre le plai- 
sir qu'elle luy avoit peu faire, et que à tant il 
fust content de soy habiller et partir de la 
dicte diambre, affin qu'il n'y fust trouvé de 
son mary, qu'elle attendoit si tost que la my- 
nuyt seroit sonnée, et qu'il luy voulsist gar- 
der son honneur, comme il luy avoit promis. 
Lequel , ayant doubte aue ledit mary ne re- 
toumast incontinent, se leva, habilla et partit 
d'icelle chambre ainsi que xij heures estoient 
sonnées, sans avoir souvenance de son dit 
dyamant qu'il avoit laissé ou lit. Et en ys- 
sant hors de la dicte chambre et au plus près 
d'icelle^ le dit Jehan Stocton encontra le dit 
Thomas Brampton, son compaignon, cuidant 
que ce fust son hoste Richard. Et pareille- 
ment le dit Thomas, qui venoit à l'heure que 
sa dame luy avoit mise, semblablement cuida 
que le dit Jehan Stocton fust le dit Richard, 
et attendit ung peu pour savoir quel chemin 
tiendroit celuy qu'il avoit encontre. Et puis 
s'en alla et entra en la chambre de la aicte 
hostesse, qu'il trouva comme entrouverte, la- 



Nouvelle LXII. 67 

quelle tint manière comme toute esperdue et 
effrayée, en demandant au dit Thomas, en 
manière de grand doubte et paour, s'il avoit 
point eneontré son mary qui partoit d'illec 
pour aller au guet. Lequel luy dist que trop 
bien avoit encontre ung homme , mais il ne 
savoit qui il estoit, ou son mary ou aultre, et 
qu'il avoit ung peu attendu pour veoir quel 
chemin il tiendroit. Et quand elle eut ce oy, 
elle print hardiement de le baiser, et luy dist 
qu'il fiist le bien venu. Et assez tost après, 
sans demander qui l'a perdu ne gaigné, le dit 
Thomas trousse la damoiselle sur le lit en fai- 
sant cela. Et puis après , auand elle vit que 
c'estoit , à certes se despoillèrent et entrèrent 
tous deux ou lit , car ilz firent armes en sa- 
crifiant au Dieu d'amours et rompirent plu- 
seurs lances. Mais en faisant les dictes armes 
il advint au dit Thomas une adventure, car il 
sentit soubz sa cuisse le dyamant que le dit 
Jehan Stocton y avoit laissé ; et comme non 
fol ne esbahy, le print et le mist en l'un de 
ses doiz. Et quand ilz eurent esté ensemble 
jusques à lendemain de matin , que la cloche 
du guet estoit prochaine de sonner, à la re- 
queste de la dicte damoiselle il se leva, et en 
partant s'entreaccolèrent ensemble d'un bai- 
sier amoureux. Ne demoura guère que le dit 
Richart retourna dû guet, où il avoit esté 
toute lanuyt, en son hostel, fortrefroidy ei es- 
chargé du fardeau de sommeil, qui trouva sa 
femme qui se levoit ; laquelle luy fist faire du 
feu, et s'en alla coucher et reposer, car il 



68 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

estoit traveillé de la nuyt. Et fait à croire aue 
aussi estoit sa femme : car, pour la douote 
qu'elle avoit eue du traveil de son mary, elle 
avoit bien peu dormy toute la nuyt. Et envi- 
ron deux jours après toutes ces choses faictes, 
comme les An^ois ont de coustume après 
qu'ilz ont oy la messe de aller desjeuner en 
la taverne, au meilleur vin, lesdictz Jehan et 
Thomas se trouvèrent en une compaignie 
d'aultres gentilzhommes et marchans , et allè- 
rent ensemble desjeuner, et se assirent les 
dictz Stocton et Brampton Pun devant l'autre. 
Et en mengeant, le dict Jehan regarda sur les 
mains du ait Thomas, qui avoit en l'ung de 
ses doiz le dict dyamant. Et quand il Teut 
grandement advisé, illuy sembloitvrayement 
que c'estoit celuy qu'il avoit perdu, ne savoit 
en quel lieu et quand, et pria au dit Thomas 
qu'il luy voulsist monstrer le dit dyamant, le- 
quel luy bailla. Et quand il l'eut en sa main, 
il recongneut bien que c'estoit le sien, et de- 
manda au dit Thomas dont il luy venoit, et 
qu'il estoit sien. A quoy le dit Thomas re- 
spondit au contraire que non , et que à luy 
appartenoit. Et le dit Stocton maintenoit que 
depuis peu de temps l'avoit perdu, et que, s'il 
l'avoit trouvé en leur chambre où ilz cou- 
choient, ou'il ne faisoit pas bien de le retenir, 
attendu ramour et fraternité qui tousjours 
avoit esté entre euk deux ; tellement que plu- 
seurs haultes paroUes s'en ensuyvirent, et 
fort se animèrent et courroussèrent l'un con- 
tre l'autre. Toutesvoies le dit Thomas vou- 



Nouvelle LXII. É9 

loit tousjoun ravoir le dit dyamant; mais 
n'en peut finer. Et quand les aultres gentils- 
hommes et marchans virent la dicte noise, 
chacun s'employa à raccordement d'icelle, 
I>our trouver manière de les appaiser ; mais 
rien n'y valoit , car celuy qui perdu avoit le 
dit dyamant ne le voaloii laisser partir de ses 
mains, et celuy qui l'avoit trouvé le vouloit 
ravoir, et tenoit à la belle adVenture que l'a- 
voir eu cest eur et avoir ioy de l'amour de 
sa dame; et ainsi estoit la chose difficile i 
appoinaer. Finalement l'un desdictz mar- 
cnans, voyant que ou démené de la matère 
on n'y prouffitoit en rien, si dîst qu'il luy 
sembjoit qu'il avoit advisé ung aultre expé- 
dient, dont les dictz lehan et Thomas de- 
vroient estre contens ; mais il n'en diroit mot 
si les dictes parties ne se soubzmettoient, en 
peine de dix nobles, que de tenir ce qu'il en 
diroit; dont chacun de ceulx estans en la 
dicte compaignîe dirent que bien avoit dit 
le marchant, et incitèrent les dictz Jehan et 
Thomas de bire la dicte soubzmission , et 
tant en furent requis qu'ilz s'i accordèrent. 
Lequel marchant ordonna que le dit dyamant 
seroit mis en ses mains, puis que tous ceulx 

Sui du dit différent avoient parié et requis 
e l'appaiser n'en n'avoient peu estre creuz, 
et que après ce, que, eulx partiz de l'ostel où 
ilz estoient, au premier homme, de quelque 
estai ou condicion qu'il fust , quilz rencon- 
treroient à l'yssue du dit hostel, compteroicnt 
toute la manière du dit différent et noise es- 



; 



70 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

tant entre les ditz Jehan et Thomas; et ce 
qu'il en diroit ou ordonnerait seroit tenu 
ferme et stable par les dictes deux parties.. 
Ne demoura guères que du dit hostel se par- 
tit toute la compaignie, et le premier homme 
qu'ilz encontrèrent au dehors d'icelluy, ce 
fut le dit Richard, hoste des dictes deux par- 
ties ; auquel par le dit marchant fut dit et 
narré toute la manière du dit différent. Lequel 
Richard , après ce qu'il eut tout oy et qu'il 
eut demandé à ceulx qui illec estoient pres- 
sens si ainsi en estoit allé, et que les dictes 
parties ne s'estoient voulu laisser appoincter 
et appaisier par tant de notables personnes, 
dist par sentence que le dit dyamant luv de- 
mourroit comme sien et que l'une ne l'autre 
des parties ne Taroit. Et quand le dit Tho- 
mas vit qu'il avoit perdu l'adventure de la 
treuve du dit dyamant, fut bien desplaisant. 
Et fait à croire que autant estoit le ait Jehan 
Stocton, qui l'avoit perdu. Et lors requist le 
dit Thomas à tous ceulx qui estoient en la 
compaignie, réservé leur dit noste, qu'ilz voul- 
sissent retourner en l'ostel où ilz avoient des- 
jeuné , et qu'ilz leur donneroit à disner, af- 
fm qu'ilz fussent advertiz de la manière et 
comment le dit diamant estoit venu en ses 
mains; tous lesquelx luy accordèrent. Et en 
attendant le disner qui s'appareilloit, leur 
compta l'entrée et la manière des devises 
qu'il avoit eu avecques son hostesse, comment 
et à quelle heure elle luy avoit mis heure pour 
se trouver avecques elle , tantdiz que son- 



Nouvelle LXII. 71 

mary serait au guet, et le lieu où le dyamant 
avoit esté trouvé. Lors le dit Jehan Stocton, 
oyant ce, en fut moult esbahy, soy donnant 
grand merveille; et en soy signant, dist que 
tout le semblable luy estoit avenu en la pro- 
pre nuyt, ainsi que cy devant est déclaré, et 
que il tenoit fermement avoir laissé cheoir 
son dyamant où le dit Thomas l'avoit trouvé, 
et auMl luy devoit faire plus mal de l'avoir 
perau qu'il ne faisoit au dit Thomas, lequel 
n'y perdoit rien, car il luy avoit chier cousté. 
A quoy le dit Thomas respondit qu'il ne le 
devoit point plaindre si leur hoste l'avoit ad- 
jugé estre sien , attendu ^ue leur hostesse en 
avoit eu beaucop à souffrir, et qu'il avoit eu 
le pucellaige de la nuytée; et le dit Thomas 
avoit esté son page et de son esquyrie et al* 
lant après luy. Et ces choses contentèrent 
assez bien le dit Jehan Stocton de la perte de 
son dyamant, pource que aultre chose n'en 
pouvoit avoir. Et de ceste adveniure tous 
ceulx qui présens estoient commencèrent à 
rire et menèrent grand joye. Et après ce qu'ilz 
eurent disné, chacun retourna où bon lui 
sembla. 




72 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

r 

LA LXIIIe NOUVELLE. 

PAR M. MONTBLERU. 

ontbleru se trouva, a environ deux 
ans, à la foyre d'Envers, en la corn- 
paignie de monseigneur d'Estampes, 
-qui le defTrayoit, qui est ^ine chose 
qu'il prend assez bien en gré. Ung'jour entre 
les aultres , d'adventure il rencontra maistre 
Ymbert de Plape , maistre Roland Pipe, et 
Jehan Le Tourneur, qui luy firent ç:and 
chère. Et pour ce qu'il est plaisant et gracieux, 
comme chacun scet, ilz désirèrent sa compai- 
gnie et luy prièrent de venir loger avec eulx, 
et qu'ilz feroient la meilleure chère de jamais. 
Montbleru de prinsault s'excusa sur monsei- 
gneur d'Estampes, qui l'avoit là amené , et 
dist qu'il ne l'oseroit nabandonner : « Et la rai- 
son y est bonne, car il me deffraye de tout 
point)), dit-il. Néantmainstoutesfoizil fut con- 
tent d'abandonner monseigneur d'Estampes, 
ou cas que entre eulx le voulsissent deffrayer; 
et eulx, qui ne desiroient que sa compaignie, 
accordèrent legierement et de bon cueur ce 
marcbié. Or escoutez comment il les paya. 
Ces trois bon seigneurs, maistre Ymbert , 
maistre Roland, et Jehan Le Tourneur, de- 
mourerent à Envers plus qu'ilz ne pensoient 
quand ilz partirent de la court, et soubz espe- 



Nouvelle LXIII. 7^ 

rance de bref retourner, n'avoient apporté 
chacun qu'une chemise; si devindrent les 
leurs, leurs couvrechefz et petiz draps, bien 
salçs , et à grand regret leur venoit d'eulx 
trouver en ce party, car il faisoit bien chault, 
comme en la saison de Penthecoste. Si les 
baillèrent à blanchir à la chambrière de leur 
logis ung samedy au soir, quand ilz se cou* 
chèrent , et les dévoient avoir blanches au 
lendemain , à leur lever. Et si eussent ilz, mais 
Montbleru les en garda bien. Et pour venir au 
fait, la chambrière, quand vint au matin, 
qu'elle eut blanchy ces chemises, couvrechefe 
et petiz draps, les séchez au feu, et ploiez 
bien et gentement, elle fut appellée de sa 
maistresse pour aller à la boucherie faire la 
provision pour le disner. Elle fist ce que sa 
maistresse luy commenda , et laissa en la cui-» 
sine, sur une scabelle, tout ce bagage, che*- 
mises, couvrechefz, et petiz draps, espérant li 
son retour les retrouver; à quoy elle faillit, 
car Montbleru , quand il peut veoir du jour, 
se lève de son lit et print une robe longue sur 
sa chemise, et descendit en bas. Il vint veoir 
qu'on disoit en la cuisine , où il ne trouva ame, 
fors seuUement ces chemises, couvrechiefz , 
et petiz draps, qui ne demandoient que mar* 
chand. Montbleru con^eut tantost que c'es*» 
toit sa charge , si y mist la main , et fut en 

Srand efhroy où il les pourroit sauver. Une foiz 
pensoit de les bouter dedans les phaudièrea 
et grands potz de cuyvre qui estoient en la 
cuisine^ auWoiz de les bouter en sa manche { 



74 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

bref il les bouta en l'estable de ses chevaulx, 
bien enfardelées dedans le fain et ung gros 
monceau de fiens ; et cela fait , il s'en revint 
coucher dont il estoit party d'emprès de Jehan 
Le Tourneur. Or veezcy la chamoriere retour- 
née de la boucherie , qui ne trouve pas ces 
chemises, qui ne fut pas bien contente, et 
commence à demander par tout qui en scet 
nouvelles. Chacun à qui elle en demandoit 
disoit qu'il n'en savoit rien , et Dieu scet la vie 
qu'elle menoit. Et veezcy les serviteurs de ces 
bons seigneurs qui attendent après leurs che- 
mises, qui n'osent monter vers leurs maistres, 
et enragent tous vifz , si font l'oste et Postesse 
et la cnambriere. Quand vint environ neuf 
heures, ces bons seigneurs appellent leurs 
gens, mais nul ne vient, tant cramdent à dire 
les nouvelles de ceste perte à leurs maistres. 
Toutesfoiz en la fin , qu'il estoit entre xj et 
xij , l'oste vint et les serviteurs ; et ^t dit à 
ces bons seigneuis comment leurs chemises 
estoient desrobées, dont les aucuns perdirent 
pacience, comme maistre Ymbert et maistre 
Roland. Mais Jehan Le Tourneur tint assez 
bonne manière, et n'en faisoit que rire, et ap- 
pella Montbleru, qui faisoit la dormeveiile, qui 
savoit et oyoit tout, et luy dist : << Montbleru, 
veezcy compaignons bien en point : on nous 
a desrobé noz chemises. — Saincte Marie ! 
que dictes vous. r^ dit Montbleru, contrefaisant 
l'endormy, veezcy mal venu. » Quand on eut 
grand pièce tenu pariement de ces chemises 
perdues, dont Montbleru cognoissoit bien le 



Nouvelle LXIII. 75 

larron, ces bons seigneurs dirent: « Il est jà 
tard , nous n'avons encores point oy de messe, 
et si est Dimenche ; et si ne povons bonne- 
ment aller sans chemises : qu'est il de faire ? 
— Par ma foy, dist Poste, je n'y sçay d'aul- 
tre remède, (}ue je vous preste chacun une 
chemise des miennes, telles qu'elles sont; elles 
ne sont pas pareilles aux vostres, mais elles 
sont blanches, et si ne povez mieulx faire.» Hz 
furent contens de prendre ces chemises de 
i'oste, qui estoient courtes et estroictes, et de 
dure et aspre toille, et Dieu scet qu'il les fai- 
soit bon veoir. Hz furent prestz. Dieu mercy ; 
mais il estoit si tard qu'ilz ne savoient où ilz 
pourroient oyr messe. Alors dist Montbleru , 
qui tenoit trop bien manière : «Tant que d'oyr 
messe , il est meshuy trop tard ; mais je sçay 
une église en ceste ville où nous ne fauldrons 
point de veoir Dieu. — Encores vault il mieulx 
que rien , dirent ces bons seigneurs. Allons , 
allons, et nous avançons vistement , c'est trop 
tardé : car perdre noz chemises, et ne oyr 
point aujourdhuy de messe, ce seroit mal sur 
mal ; et pourtant il est temps d'aler à l'église, 
si meshuy nous voulons ouyr la messe. » Mont- 
bleru les mena en la grand église d'Envers, 
où il y a ung Dieu sur ung asne. Q^uand ilz 
eurent chacun dit une patemostre , ïïz dirent 
à Montbleru: « Où est ce que nous verrons 
Dieu? — Je le vous monstreray », dit il. Alors 
il leur monstra ce Dieu sur l'asne , et leur dist : 
<c Véezlà Dieu : vous ne fauldrez jamais à quel- 
que heure de veoir Dieu , céens. jy Hz se corn- 



76 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

mencèrënt à rire, jasoit ce que la doleur de 
Leurs chemises ne fust pas encores appaisée. 
Et sur ce point ilz. s'en vindrent disner et fu- 
rent depuis ne sçaj quans jour$ à Envers ; et 
après se despartirent sans avoir leurs chemises , 
car Montbleru les mist en Lieu sauf, et Les 
vendit depuis cinq escuz d'or. Or advint, 
comme Dieu le vouh, que en la bonne sep* 
maine de quaresme ensuyvaht le mercredy, 
Montbleru se trouva au disner avecques ces 
trois bons seigneurs dessuz nommez ; et en* 
tre aultres paroUes il leur ramenlut leurs che- 
mises qu'ilz avoîent perdues à Envers, et dist : 
a Hélas ! le pouvre larron oui vous desroba , il 
sera bien damné si son menait ne lui est par- 
donné de par Dieu , et de par vous ; vous ne 
le vouldriez pas ? — Ha ! dit maistre Ymbert, 
par dieu , beau sire , il ne m'en souvenoit plus, 
je l'ay pieçà oublié. — Au mains, dit Mont- 
bleru, vous luy pardonnez , faictes pas? — 
Saint Jehan , dist il , je ne vouldroye pas qu'il 
fust damné pour moy. — Et par ma foy, c'est 
bien dit, oist Montbleru. Et vous, màistre 
Roland , ne luy pardonnez vous pas aussi ^ >> 
A grand peine disoit-il le mot; toutesfoiz il 
dist qu'il luy pardonnoit, mais pour ce qu^il 
pert à regret , le mot luy coustoit plus à pro- 
noncer. « Et vrayement , vous luy pardonnerez 
aussi, maistre Roland, dist Montbleru; qu'a* 
vez vous gaigné d'avoir damné ung pouvre 
larron pour une mescfaante chemise et ung 
couvrechef ? — Et je luy pardonne vrayement, 
dist il lors , et l'en clame quiae , puisqu'ainsi 



Nouvelle LXIIL ' ^7 

est due aultre chose n'en puis avoir. — Et par 
ma foy,vous estes bon homme », dist Mont^ 
bléru. Or vint le tour de Jehan Le Tourneur^ 
Si luy dist Montbleru : n Or çà, Jehan, vous ne 
ferez pas pis que les aultres, tout est pardonné 
à ce pouvre larron de chemises , si à vous ne 
tient. — A moy ne tiendra pas, dit il, je luy 
av pieçà pardonné, et luy en baille de rechef 
absolucion. — On ne pourroit mieulx dire, dit 
Montbieni, et par ma foy, je vous sçay très* 
bon gré de la quictance que vous avez faicte 
au larron de voz chemises, et en tant qu^il me 
touche, car je suis le larron mesmes qui vous 
desrobay voz chemises à Envers; je prens ceste 
quictance à mon prouffh, et vous en mercye 
toutesfioiz, car jele doyfaire. » Quand Mont- 
bleru eut confessé ce larrecin, et qu'il eut 
trouvé sa quictance.par le party qu'avez oy, il 
ne faute pas demander si maistre Ymbert, 
maistre Roland et Jehan Le Tourneur furent 
bien esbahizj car ilz ne se fussent jamais 
doubtez qui leur eust fait ceste courtoisie. Et 
luy fut bien reprouçhé,r voire en esbatant , ce 
pouvre larrecin. Mais luy, qui scet son entre- 
gens, se desarmoit gracieusement de tout ce 
dont charger le vouloient ; et leur disoit bien 
que c'estoit sa coustume que de gaigner et de 

Ï»rendre ce qu'il troùvoit sans garde, specia- 
emènt à telles gens qu'ilz estoient. Hz n'en 
firent que rire ; mais trop. bien demandèrent 
comment il les desroba. Et il leur déclara tout 
au long , et dist aussi qu'il avoit eu de tout ce 



78 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

butin cina escuz , dont Hz n'eurent ne deman- 
dèrent auttre chose. 




LA LXIVe NOUVELLE. 

PAR MESSIRE MICHAULT DE CHANGY. 

1 est bien vray que naguères, en ung 
lieu de ce pays que je ne puis nom- 
mer, et (>our cause; mais au fort, qui 
le scet si s'en taise comme je fays, 
avoit ung maistre curé qui faisoit raige de con- 
fesser ses parrochiennes. Défait, il n'eneschap- 
poit pas une qui ne passast par là, voire des 
plus )eunes. Au regard des veilles, il n'en te- 
noit compte. Quand il eut longuement main- 
tenu ceste saincte vie et ce vertueux exercice, 
et que la renommée en fut espandue par toute 
la marche et es terres voisines, il fut puny en 
la façon que vous orrez, et par Pindustne de 
l'un ae ses parrochiens, à qui toutesfoiz il nV 
voit encores rien meffait touchant sa femme. 
Il estoit ung jour au disner, et faisoit bonne 
chère en l'ostel de son parrochien que je vous 
dy. Et comme il estoient ou meilleur endroit 
de leur disner et qu'ilz faisoient le plus grand 
het, veezcy leens venir ung homme qui s'ap- 
pelle Trenchecoille, lequel se mesle de tailher 
gens, d'arracher dens, et d'un grand tas d'aul- 
très brouilleries; et avoit ne sçay quoy à be- 



Nouvelle' LXIV. 79 

soigner à l'oste de léens. L'oste rencueillit 
tresbien et le fist seoir, et sans se faire beau- 
coup prier, il se fourre avecques noslrecuré et 
les aultres; et s'il estoit venu tard, il met 
peine d'aconsuyvir ceulx qui le mieulx avoient 
viande. Ce maistre curé , qui estoit grand 
farseur et fin homme, commence à prendre la 
parolle à ce trenchecoille et luy va deman- 
der de son mestier et de cent mille choses , et 
le trenchecoille luj respondoit au propos le 
mieulx (^u'il savoit. A chef de pièce, maistre 
curé se vire verz Poste et en Poreilie luy dist : 
« Voulons nous bien tromper ce trenche- 
coille ? — Oy , je vous en prie, ce dit l'oste ; 
mais en queue manière le pourrons-nous faire? 
— Par ma foy, dit le curé, nous le tromperons 
trop bien , si vous me voulez aider. — Et je 
ne demande aultre chose , dit Toste. — Je vous 
diray que nous ferons, dit le curé •: je fain- 
dray avoir mal au coillon et marchanderay à 
lui de le m'oster , et me feray lyer et mettre 
sur la table tout en point, comme pour le 
trencher. Et quand il viendra près et il voul- 
dra veoir que c'est pour ouvrer de son mes- 
tier, je me leverav et luy monstreray le der- 
rière. — Et que c^est bien dit, dist roste, qui 
à coup pensa ce qu'il vouloit faire j vous ne 
feistes jamais mieulx; laissez nous faire entre 
nous aultres, nous vous aiderons bien à par- 
faire la farce. — Je le veil, dit le curé. » Après 
ces paroles monseigneur le curé rassaillit nos- 
tre trenchecoille d'unes et d'aultres, et en la 
parfin luy dist, pardieu, qu'il avoit bien mes- 



8o, Les Cent Mouvelles nouvelles* 

tier d'un tel homme qu'il estoit , et qu'il avoit 
ung coillon tout poUrry et gasté, et vouldroit 
qu'il luy eust cousté bonne chose, et qu'il eust 
trouvé homme oui bien luy sceust oster. Et si 
froidement le aisoit que le le trenchecoille 
cuidoit véritablement qii'il deist voir. Lequel 
luy respondit : « Monseigneur le curé, je veil 
bien que vous sachez, sans nul despriser, ne 
moy vanter de rien, qu'il n'y a homme en ce 
pays qui mieulx que moi vous sceust aider; 
et pour Pamour ae l'oste de ceens, je vous 
feray de ma peine telle courtoisie, si vous vous 
voulez mettre en mes mains, que par droit vous 
en devrez estre content. — Et vrayment, dit 
maistre curé, c^estbien dit. » Conclusion, pour 
abréger, ilz furent d'accort. Et tost après fut 
la table ostée, et commença maistre trenche- 
coille à faire ses préparatoires pour besoigner ; 
et d'aultre part le bon curé se mettoit à point 
pour faire la farse, qui ne lui tourna pas à jeu, 
et devisoit à Toste et aux aultres comment il 
devoit faire. Et tantdis que ces approuches 
d'un costé et d'aultre se faisoient, l'oste de 
léens vint au trenchecoille, et luy dist : 
« Garde bien, quelque chose que ce prestre te 
dye, quand tu le tiendras pour ouvrer à ses 
collions, que tu les lui trenches tous deux rasi- 
bus , et n'y fay faulte , si cher que tu as ton 
corps. — Saint Martin, si feray je, dist le 
trenchecoille, puis qu'il vous plaist. J'ai ung 
instrument si prest et si bien trenchant, que je 
vous feray présent de ses genitoires avant qu'il 
ait loisir de moy rien dire. — Or on verra que tu 



Nouvelle LXIV. 8i 

feras, dist l'oste; si tu faulx, je ne te fauldray 
pas. » Tout fut prest , et la table apportée , et 
monseigneur le curé en pourpoint, qui bien 
contrefaisoit l'adolé, et promectoit bon vin à 
ce trenchecoille. L'oste aussi et les serviteurs 
de léens, qui dévoient tenir bon curé, qui n'a- 
voient garde de le laisser eschapper. Et affin 
d'estre plus seur, le lièrent trop bien, et luy 
disoient que c'èstoit pour mieux faire la farce, 
et quand il vouldroit ilz le laisseroient aller; 
et il les creut comme fol. Or vint ce vaillant 
trenchecoille gamy à la couverte main de son 
petit rasoir, et commença à vouloir mettre les 
mains aux coillons de monseigneur le curé : 
« A dya ! dit monseigneur le curé, faictes à 
traict et tout beau ; tastez les le plus doulcement 
()ue vous pourrez, et après je vous diray leauel 
je veil avoir osté. — Trop bien », dit il : et lors 
tout souef lève la chemise et prend ses mais- 
très coillons , gros et quarrez , et sans en plus 
enquérir, subitement les luy trencha tous aeux 
d'un seulcop. Et bon curé de cryer, et de faire 
la plus maie vie que jamais fist homme. « Hola! 
hoIa, dist l'oste, pille lapacience, ce qui est fait 
est fait; laissez-vous adouber. » Alors le tren- 
checoille le mect à point du surplus qui en 
tel cas appartient, et part et s'en va, attendant 
de Poste il savoit bien quoy. Or ne fault-il pas 
demander se monseigneur le curé fut bien 
camus de se veoir ainsi desgamy. Et mectoit 
sus à l'oste qu'il estoit cause de son meschef ; 
mais Dieu scet qu'il s'en excusoit bien, et di- 
soit que si le trenchecoille ne se fust si tost 

Cent Nouv. — II 6 



82 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

sauvé, qu'il Teust mis en tel estât que jamaià 
n'eust fait bien après, a Pensez vous, dit il, 
qu'il ne me desplaist bien de vostre ennuy^ et 
plus beaucop qu'il est advenu en mon hostel ?». 
Ces nouvelles furent tost voilées par toute la 
ville ; et ne fault pas dire que aucunes dan^oi-: 
selles n'en furent bien marries d'avoir pierduz 
les instrumens de monseigneur le coré; mais 
aussi d'aultre part les doiens roariz en furent 
si jo^euU qu^on ne vous saroit direm'escnpre 
la dixiesme partie de leur lyesse. Ainsi que 
vous avez oy fut maistre curé puny, qui tant 
d'aultres avûit trompez et deceuz ; et oncques 
depuis ne se osa veoir entre ^ns , mais reclus 
et plain de melencolie fina bien tost après ses 
doiens jours. 



LA LXVe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR LÉ PRÉVOST DÇ WAS- 

TENNES. 

omme souvent l'on mect eh terme 
pluseurs choses dont ep (a fin on se 
repent, et à tard, advint n^guères 
que ung^entiI'Compaignon,demou- 
rant en ung village assez. près du Mont-Saint- 
Michel, se devisait à ung soupper, présent sa 
femme , et aucuns estrângiers et pluseurs de 
ses voisins, d'un hostellain dudit Mont*-Saint- 







Nouvelle LXV. 8j 

Michel , et disoit , affermoit et juroit sur son 
honneur, qu'il portoit le plus beau membre, le 
plus gros et le plus qUarré qui fùst en toute 
la marche d'environ ; et avecques ce, qui n'em- 
pire pas le jeu, il s'en aidoit tellement et si 
bien que les quatre, les v, les six foiz ne luy 
coustoient non plus que s'on les prinst en 
la corne de son chaperon. Tous ceulx de la 
table oyrent bien voluntiers le bon bruyt qu'on 
donnoit à cet hostellain du Mont^Saint-Mi- 
chel, et en parlèrent chacun comme il l'enten- 
doit. Mais qui oue y prinst garde, la dame de 
leenis, femme au racorapteur de l'ystoire, y 
presta trèsbien l'ol^eille, et hy sembla bien 
que la femme estoit eureuse et bien fortunée 
qui de tel mary estoit douée. Et pensa dèslors 
en son cueur que, s^dle povoît trouver hon- 
neste voye et subtille, elle se trouvera quel- 
que jour audit Saint-Michel, et à Tostel de 
l'homme au gros membre se logèrent ; et ne 
tiendra que à luy qu'elle n'espreuve si le bon 
bruyt qu'on luy donne est vray. Ponr exécu- 
ter ce qu'elle avoit proposé et en son courage 
délibéré, au chef dfe vj ou viij jours, elle print 
congé de son maiy, pour aller en pekrinage 
au Mont-Saint-Michel. Et pour colorer l'oc- 
casion de son voyage, elle, comme femmes sça- 
vent bien faire, trouva ^ine bourde toute af- 
faictée. Et son mary ne luy refiisa pas le con- 
gé , combien qu'il se doubta tantost de ce qui 
estoit. Au partir, son mary luy dist qu'elle 
feist son offrande à saint Michel , et iqu'èHe se 
logeast à l'ostel dtidit hostellain, et qu'elle le' 



84 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

recommendast à luy cent mille foiz. Elle pro- 
mist de tout accomplir, et sur ce prend con- 
gé, et s'en va, Dieu scet, désirant beaucop 
se trouver au lieu de Saint-Michel. Tantost 
qu'elle fut partie , et bon mary de monter à 
cheval, et par aultre chemin que sa femme te- 
noit picque tant qu'il peut au Mont-Saint-Mi- 
chel , et vint descendre tout secrètement avant 
aue sa femme à l'ostel de l'ostellain dessus 
it, lequel trèslyément le receut , et luy fist 
grand chère. Quand il fut en sa chambre, il 
dist à l'oste : <c Or ça, mon hoste, vous estes 
mon amy de pieçà, et je suis le vostre ; je 
vous veii dire qui m'amaine en ceste ville 
maintenant. Il est vray qu'environ v ou vj 
jours a, nous estions au soupper, en mon hos- 
tel, un grant tas de bons compaignons; et 
comme Ton entre en devises, je commençay à 
compter comment on disoit en ce pays qu'il 
n'y avoit homme mieux oustillé de vous » ; et 
au surplus luy dist au plus près qu'il peut tou- 
tes les parollesqui alors touchant le propos fu- 
rent dictes, et comme dessus est touché. « Or 
est il ainsi, dit il, que ma femme entre les 
aultres recueillit trèsbien mes paroUes, et n'a 
jamais arresté tant qu'elle ayt trouvé manière 
de impétrer son congé pour venir en ceste 
ville. Et par ma foi, je me doubte fort et croy 
véritablement que sa principale intencion est 
d'esprouver, s'elle peut, si mes paroUes sont 
vrayes que j'ay dictes touchant vostre gros 
membre. Elle sera tantost ceens, je n'en doubte 
point, car il luy tarde de soy y trouver; si 



Nouvelle LXV. 85 

vous prie, quand elle viendra, que la recueil- 
lez lyement et luy faictes bonne chère, et luy 
demandez la courtoisie, et faictes tant qu'elle 
le vous accorde. Mais toutesfoiz ne me trom- 
pez point : gardez bien que vous n'y touchez ; 
prenez terme d'aller vers elle quand elle sera 
couchée, et je me mettray en vostre lieu, et 
vous orrez après bonne chose. — Laissez 
moy faire , par ma foy, dist l'ostellain, et je 
veil bien et vous promectz que je feraj bien 
mon personnage. — A dya, toutesfoiz , dit 
l'autre, ne me faictes point de desloyauté; je 
sçai bien qu'il ne tiendra pas à elle que ne le 
facez. — Par ma foy,<iist l'ostellain, je vous 
asseure que jen'y toucheray »; etnon fist il. Il ne 
demoura guères que vecy venir nostre gouge 
et sa chamberière, bien lassées, Dieu le scet. 
Et bon hoste de saillir avant, et de recevoir la 
compaignie comme il luy estoit enjoinct , et 
qu'il avoit promis. Il fist mener madamoiselie 
en une trèsbelie chambre , et luy faire du bon 
feu et apporter tout du meilleur vin de leens, 
et alla quérir de belles cerises toutes fresches, 
et vint bancqueter avec elle, en attendant le 
soupper. Il commence de faire ses approuches 
quand il vit son point; mais Dieu scet com- 
ment on le ^ecta loing de prinsault. En la par- 
fin toutesfoiz, pour abréger, marché fut fait 
qu'il viendroit coucher avec elle environ la 
mynuyt tout secrètement. Et ce contract ac- 
cordé, il s'en vint devers le mary de la gouge 
et luy compta le cas , lequel à l'heure prinse 
entre elle et l'ostellain, il se vint bouter en 



86 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

son lieu et besongna le mieulx qu'il peult, et 
se leva devant le jour, et se vint remettre en 
son lit. Quand le jour fut venu, nostre ^ouge, 
toute melencolieuse, pensive et despiteuse , 
car point n'avoit trouvé ce qu'elle cuidoit, 
appella sa chambrière, et se levèrent, et le 
plus hastivemçni qu'elles peurent s'abillèrent, 
et voulrentpaier Toste et leur escot ; mais Poste 
dist qu'il ne prjendroit rien d'elle. Et sur ce» 
adieu, et se part madamoiselle, sans aller ne 
oyr messe ne véoir saint Michel, ne desjeu- 
ner aussi ; et sans ung seul mot dire, s'en vint 
en sa maison. Mais il vous fault savoir que 
son maiT y estoit desjà, ()ui luy demanda qu'on 
dlspit de Don à saint Michel. Elle, tant mar- 
rye qu'on ne pourroit plus, à peine s'elle dai- 
gnoit respondre. « Et quelle chère, dit le ma- 
ry, vous a fait vostre hoste ! Par Dieu, il est 
bon compaignon. — Bon compaignon! dit- 
elle ; il n'y a rien d'oultrage : je ne m'en sa- 
roie louer que tout à point. — Non , dame, 
dist il; et par saint Jehan, je pensoye que 
pour l'amour de moy il vous eust deu festoyer 
et faire bonne chère. — Il ne me chault, dist- 
elle, de sa chère : je ne vois paç en pèlerinage 
pour la bonne chère de luy ne d'aultre ; je ne 
pense qu'à ma devocion. — Devocion I da- 
me, dit il, nostre Dame, vous y avez failly ; 
je sçay trop bien pourquoy vous estes tant 
raffroignée, et que le cueur avez tant enflé* 
Vous n'avez pas trouvé ce que vous cuidiez; 
il y a bien à dire une once, largement. Dya , 
dya, madame» j'ay bien sceu la cause de vos- 



Nouvelle LXVî. 87 

tre pelierinage: vous cuidiez taster et esprou- 
ver le ^rand brtchouan de nostre hoste de 
saint Michel ; mais, par saint Jehan, je vous 
en ay bien gardée, et garderay, si je puis. Et 
af^n que vous ne pensiez pas que je vous men* 
tisse quand je vous disoje qu^il l'avoit si 
grand, par Dieu, je n'ay dit chose qui ne soit 
vraye ; mais il n'est jà mestier que vous en 
sachez plus avant que par oyr dire, combien 
que, s'il vous eust voulu croire, et je n'y eusse 
contredit, vous aviez^ bonne devodon d'es- 
sayer sa puissance. Regardez comment je 
sçay les choses. Et pour vous mettre hors de 
suspection , sachez de voir qtie je vins ennu3rt 
à l'heure que iuy aviez mise, et ay tenu son 
lieu ; si prenez en gré ce que j'ay sceu faire, et 
vous passez doresenavant de ce que vous avez. 
Four ceste foiz il vous est pardonné, mais de 
recheoir gardez vous en, pour autant qu'il 
vous touche.» La damoiselle, toute confuse et 
esbahie, voyant son tort évident, (^uand elle 
peut parler, crya mercy, et promist de non 
plus faire. Et je tiens que non fist elle de sa 
teste. 



LA LXVIe NOUVELLE. 

PAR PHILIFE DE LOAN. 

'a guères que j'estoie à Saint-Omer 
avec ung grand tas de gentilz com- 
paignons , tant de céens comme de 
Bouloigne et d'ailleurs, et après le 
jeu de paulme nous allasmes soupper en l'os- 





88 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

tel d'un tavemier qui est homme de bien et 
beaucop joyeux ; et a une trèsbeiie femme, 
et en grand point , dont il a un trèsbeau filz, 
environ de l'eage de six à sept ans. Comme 
nous estions tous assis au soupper, le taver- 
nier, sa femme, et leur filz d'emprès elle, 
avecques nous , les aucuns commencèrent à 
deviser, les aultres à chanter, et faisions la 
plus grand chère de jamais; et nostre hoste, 
pour l'amour de nous, ne s'i faindoit pas. Or 
avoit esté sa femme ce jour aux estuves , et 
son petit filz avecques elle. Si bien s'advisa 
nostre hoste , pour faire rire la compaignie , 
qu'il demanderoit à son filz de l'estat et gou- 
vernement de celles qui estoient aux estuves 
avecques sa mère. Si luy va dire : « Vien çà , 
mon filz ; par ta foy, dy moy laquelle de tou- 
tes celles qui estoient aux estuves avecques 
ta mère avoit le plus beau con et le plus 
gros. » L'enfant, qui se oyoit questionner de- 
vant sa mère , qu'il craindoit comme enfans 
font de coustume, vers elle regardoit et ne 
disoit mot. Et le père, qui n'avoit pas aprins 
de le veoir si muet , luy dist de rechef : « Or 
me dy, mon filz , qui avoit le plus gros con ? 
dy hardiment. — Je ne sçay, mon père, dit 
l'enfant, toujours virant le regart vers sa 
mère. — Et par dieu , tu as menty , ce dist 
son père; or le me dy, je le veil savoir. — Je 
n'oseroye, dit l'enfant, pour ma mère; elle 
me batteroit. — Non fera, non, dit le père, 
tu n'as garde, je t'asseure. » Et nostre hos- 
tesse sa mère, non pensant que son fils deust 



Nouvelle LXVI. 89 

dire ce qu'il dist, luy dit : « Dy, dy hardiment 
ce que ton père te demande. — Vous me bàlte- 
riez , dit il. — Non feray, non. » Et le père , 
qui vit que son filz eut congé de souldre sa 
question, luy demanda de rechef: « Or ça, 
mon filz , par ta foy, as tu bien regardé tous les 
cons de ces femmes qui estoient aux estuves f — 
Saint Jehan, oy, mon père. — Et y en avoit il 
largement ? dy, ne mens point. — Je n'en vy 
oncques tant : ce sembloit une droicte garenne 
de cons. — Or çà , dy nous maintenant qui 
avoit le plus bel et le plus gros. — Vravment, 
ce dist l'enfant, ma mère avoit tout le plus 
bel et le plus gros, mais il avoit un si grand 
nez. — Si grand nez ? dit le père : va, va, 
tu es bon filz. )> Et nous comménceasmes tous 
à rire et à boire d'autant, et parler de cest 
enfant qui caquetoit si bien. Mais sa mère 
n'ensavoit sa contenance, tant estoit hon- 
teuse , pource que son filz avoit parlé du nez; 
et croy bien depuis il en fut trèsbien torché, 
car il avoit encusé le secret de l'escole. Nos- 
tre hoste fist du bon compaienon ; mais il se 
repentit assez depuis d'avoir fait la question , 
dont la solucion le fist rougir. C'est tout pour 
le présent. 




9a Les Cent Nouvelles nouvelles. 
LA LXVIIe NOUVELLE. 

PAR PHILIPE de LOAN. 

res a trois ans ou environ ^ue une 
assez bonne adventure advint à ung 
chaperon fourré de parlement de 
Pans. Et affin qu'il en soit mémoire, 
j'en fourniray ceste nouvelle, non pas que je 
veille toutesfoiz dire que tous les chaperons 
fourrez ne soient bons et véritables ; mais car 
il y eut non pas ung peu de desloyaulté en 
cestuy cy, mais largement, qui est chose es- 
trange et non accoustumée, comme chacun 
scet. Or, popr venir au fait, ce chaperon fourré, 
en lieu de dire ce seigneur de parlement, de- 
vint amoureux à Paris de la femme d'un cor- 
doannier qui estoit belle et gente, et enlanga- 
gée à l'advenant et selon le terrôuer. Ce mais-» 
tre chaperon fourré fist tant, par moyens d'ar- 
gent et aiiltrement , qu'il parla à la Selle cor- 
doannière dessoubz sa robe et à part , et s'il 
avoit d'elle esté bien amoureux avant la jqis^ 
sance , encores en fut il trop plus féru depuis , 
dont elle se parcevoit et donnoit trèsbien 
garde, s'en tenoit trop plus fière, et se faisoit 
acheter. Luy estant en ceste rage, pour man- 
dement, pnère, promesse, don, ne requestp 
qu'il sceust faire , elle s'appensa de non plus 



Nouvelle LXVII. 91 

comparoir, affin encores de luy rengreger et 
plus accroistre sa maladie. Et veezcy. nostre 
chaperon fourré oui envoyé ses ambaxadeurs 
devers sa dame la cordoannière ; mais c'est 
pour néant, elle n'y viendroit pour morir. Fi- 
nalement , pour abréger, affin qu'elle voulsist 
venir vers luy comme aultresfoiz , il hiy pro* 
mist en la présence de trois ou de iiij qui es- 
toient de son conseil quant à telles besoignes, 
qu'il la prendroit à femme si son raary termi- 
noit vie par mort. Quand elle eut ceste pro- 
messe , elle se laissaïerrer et vint, comme elle 
souloit, au lever et aux aultres heures qu'elle 
povoit eschapper , devers le chaperon fourré, 
qui n'estoit pas mains féru que l'autre jadiz 
d'amours. Et elle, sentant son mary desjà vieil 
et ancien, et ayant la promesse desusdicte^ 
se reputoit desjà comme sa femme. Pou dé 
temps après, la mort trèsdesirée de ce cor-- 
doannierfut sceue et publiée; et bonne cor- 
doannière se vient bouter de plain saulf en 
l'ostel du chaperon fourré, qui la receut joyeu* 
sèment , promist aussi de rechef qu'il la pren-^ 
droit à femme. Or sont maintenant ensemble 
ces deux bonnes gens, le chaperon fourré et 
sa dame la cordoannière. Mais , comme sou*« 
vent chose eue en dangier est trop plus cher 
tenue que celle qu'on a à bandon, ainsi advint 
ycy; car nostre chaperon fourré se commença 
à ennuyer et lasser de la cordoannière, et soy 
refroider de l'amour d'elle* Et elle le pressoit 
tousjours de paraccomplir le mariage dont il 
avoit fait la promesse, mais il iûy àki: « M'a- 



92 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

raye, par ma foy, je ne me puis jamais ma- 
rier, car je suis homme d'eglise et tiens béné- 
fices telz et teiz , comme vous savez ; la pro- 
messe que je vous faiz jadis est nulle , et ce 
que j'en feis lors estoit pour la grand amour 
que je vous portoye, espérant aussi par ce 
moyen vous attraire plus legièrement. « Elle, 
cuidant qu'il fust lyé à l'église, et soy voyant 
aussi bien maistresse de léens que s'elle fust 
sa femme espousée , ne parla plus de ce ma- 
riage et alla son chemin accoustumé. Mais 
nostre chaperon fourré fist tant par belles pa- 
rolles et pluseurs remonstrances , qu'elle fut 
contente de se partir de luy et espouser ung 
barbier, leur voisin, auquel il donna iij c. 
escuz d'or contens ; et Dieu scet s'elle partit 
bien baguée. Or, vous devez savoir que nos- 
tre chaperon fourré ne fist pas legièrement 
ceste despartie ne ce mariage , et n'en fiist 
point venu à bout si n'eust esté qu'il disoit à 
sa dame qu'il vouloitdoresenavant servir Dieu 
et vivre de ces bénéfices et soy du tout ren- 
dre à l'église. Or fist il tout le contraire, 
quand il se vit desarmé d'elle et allyée au 
barbier ; car il fist secrètement traicter, environ 
ung an après , pour avoir en mariage la fille 
d'un notable et riche bourgois de Paris. Et 
fut la chose faicte et passée, et fut jour prins 
et assigné pour les nopces; disposa aussi de 
ses bénéfices, qui ne sont cjue à simple tonsure. 
Ces choses sceues aval Pans et venues à la cog- 
noissance de la cordoannière, maintenant bar- 
bière, créez qu'elle fut bien esbahie : « Voire, 



Nouvelle LXyiI. 9j 

dist elle, le traistre, m'a il en ce point deceue ? 
il m'a laissée soubz umbre d'aller servir Dieu 
et m'a baillée à ung aultre. Et par nostre Dame 
de Clery, la chose nedemourra pas ainsi.» Non 
fist elle , car elle fist comparoir nostre chape- 
ron fourré devant Tevesque, et illec son pro- 
cureur remonstra bien et gentement sa cause , 
disant comment le chaperon fourré avoit pro- 
mis à la cordoannière, en présence de plu- 
seurs, que si son mary mouroit qu'il la pren- 
droit à temme. Son mari mort, il l'a tousjours 
tenue jusques environ à ung an qu'il l'a baillée 
à ung barbier. Pour abregeV, les tesmoings 
ouy, et la chose bien debatue, l'evesque ad- 
nichilla et jugea estre nul ledit mariage de la- 
dicte cordoannière au barbier, et enjoindit et 
commenda au chaperon fourré qu'il la prinst 
comme sa femme ; car elle estoit sienne, et de 
droit, puisau'il avoit eu compaignie chamelle 
avec(}ues elle après la promesse dessus dicte. 
Ainsi fut nostre chaperon fourré ramené des 
meures ; il faillit d'avoir la belle fille du bour- 
gois , et si perdit ses iij c. escus d'or que le 
barbier eut , et si luy maintint sa femme plus 
d'un an. Et s'il estoit bien mal content d'a- 
voir sa cordoannière, le barbier estoit aussi 
joyeux d'en estre despesché. En la façon qu'a-, 
vez oy s'est depuis naguères gouverné l'un 
des chaperons fourré du parlement de Paris. 



I 
N 



94 L.ES Cent Nouvelles nouvelles. 




LA LXVIIIe NOUVELLE.. 

PAR MESSIRE CHRESTIAN DE DYGOYNE, 
CHEVALIER. 

1 n'est pas chose pou acoustumée 
ne de nouvel mise sus que femmes 
ont fait leurs mariz jaloux, voire, 
par Dieu, et coux aussi. Si advint 
naguères, en la ville d'Envers, ce propos, aoe 
une femme mariée, qui n'estoit pas des plus 
seures du monde, fut requise a'un tresgen- 
til compaignon de faire la chose que savez. 
Et elle , comme courtoise et telle qu'elle es- 
toit , ne refusa pas le service qu'on luy pre- 
sentoit , mais debonnaireraent se laissa ferrer, 
et maintint ceste vie assez et longuement. En 
la parfin, comme fortune voult, qui ennemye 
et desplaisante estoit de leur bonne chevance, 
fist tant que le mary trouva la brigade en pré- 
sent menait, dont eçj eut de bien esbaniz. 
Ne sçay toutesfoiz lequel , ou l'amant, ou Pa- 
raye, ou le mary; toutesfoiz, l'amant, à l'aide 
d'une bonne espée à deux mains dont il estoit 
saisy , se sauva sans nul mal avoir , et ne fut 
de ame poursuy. Or demourèrent le mary et 
la femme ; de quoy leurs propos furent, il se 
peut assez penser. Après toutesfoiz aucunes 
paroUes dictes, et d'un costé et d'aultre, le ma- 
ry, pensant ensoy mesmes, puis qu'elle avoit 



^a^^aa^ 



Nouvelle LXVIII. ' 95 

encommencé à faire la folye, que fort seroit de 
l'en retirer, et quand plus elle n'en feroit, si 
estoit tel le cas, que, venu à la cognoissance du 
monde , il en estoit noté comme deshonnoré; 
consydera aussi de la batre ou injurier de pa- 
roUes que c'estoit peine perdue; si s'advisa 
à chef de pièce qu'il la^chassera paistre ensus 
de luy, et ne sera jamais d'elle ordoyée sa 
maison au mains qu'il puisse. Si dist à sa femme 
assez doulcement ; « Or cà , je voy bien que 
vous ne m'estes pas t^lle que vous deussiez 
estre par raison; toùtesvoies, espérant que ja- 
mais ne vous adviendra , de ce qui est fait ne 
soit il plus parlé; mais devisoins d'un aultre. 
J'ay ung aftaire qui me touche beaucop, et à 
vous aussi; si vous fault engager tous noz 
joyaulx , et si vous avez quelque minot d'ar^ 
gent à part , il le Vous faolt mettre avant ; 
car le cas le requiert. — »• Par ma foy , dit la 
gouge, je leieray voluntiers et de bon cueur; 
mais queivous me pardonnez vostre maltalent. 
— N'en parlez plus, dit il, hen plus que moy.» 
Elle, cuiidant estre absolue et avoir rentission 
de tous ses péchez, pojar complaire à son 
mary, aprè^ la noise dessus dicte, bailla ce 
qu'elle avoit d'argent, ses verges, ses tixus, 
aucunes bourses estoffées bien richement, ung 
grand tas de couvrechèfs bien fins , pluseui^ 
pennes entières et de tresbonne valeur ; bref, 
tout ce qu'elle avoit , et^que son mary voulut 
demander, elle luy bailla pour en faire son bon 
plaisir* « En dya , dist il , encores n'ay je pas 
assez.)) Quana il eut ^ut jusques à la robe et 



96 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

la cotte simple qu'elle avoit sur elle, « Il me 
f ault avoir ceste robe , dit il. — Voire , dit-elle, 
et je n'ay aultre chose à vestir ; voulez vous 
que je voise toute nue ? — Force est , dit il , 
que vous la me baillez, et Ja cotte simple aussi, 
et vous avancez; car, soit par amours ou par 
force , il la me fault avoir. » Elle, voyant que 
la force n'estoit pas sienne , se desarma de sa 
robe et de sa cotte simple , et demoura en 
chemise : <( Tenez , dit elle , fays je bien ce 
qu'il vous plaist? — Vous ne l'avez pas tous- 
jours fait, dit il ; si à ceste heure vous m'obeis- 
sez, Dieu scet si c'est de bon cueur; mais 
laissons cela, parlons d'ung aultre. Quand je 
vous prins à mariage à la maie heure , vous 
ne apportastes guères avecques vous , et en- 
core le tant peu que ce fut, si l'avez vous et 
forfait et confisqué ; il n'est jà mestier que j^e 
vous redye vostre gouvernement : vous sça- 
vez mieulx quelle vous estes que nul aultre ; 
et pour telle que vous estes à ceste heure , je 
vous baille le êrand congé et vous dy le grand 
adieu; veezla l'huys, prenez garin, et si vous 
faictes que sage, ne vous trouvez jamais de- 
vant mojT. » La pouvre gouge, plus esbahie 
que jamais, n'osa plus demourer après ces 
horribles paroUes, après cest horrible ban, 
ains se partit et s'en vint rendre, ce croy je, 
à l'ostel de son amy par amours , pour ceste 
première nuyt, et nst mettre sus beaucop 
d'ambaxadeurs pour ravoir ses bagues et ha- 
billemens de corps ; mais ce fut pour néant , 
car son mary, obstiné et endurcy en son pro- 



Nouvelle LXIX. 97 

pos , n'en voult oncaues oyr parler, et encores 
mains de la reprenare ; si en fut il beaucop 
pressé , tant des amis de son costé comme de 
ceulx de la femme ; si fut sa bonne femme 
contrainte de gaigner au mieulx (qu'elle peut 
des aultres habillemens , et en lieu de mary 
user d'amy, attendant le rappaisement de son 
dit mary, oui à l'heure de ce compte estoit 
encores mat content de sa dicte femme , et 
aucunement ne la vouloit veoir. 




LA LXIXe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR. 

r n'est pas seuUement cogneu de 
ceulx de la ville de Gand , où le cas 
que j'ay à vous descripre n'a pas 
long temps advint , mais de la plus 
part de ceulx de Flandres^ et de vous qui es- 
tes cy presens, cj[ue à la bataille qui fut entre 
le roy de Honagne.et monseigneur le duc Je- 
han, que Dieu absoille, d'une part, et le grand 
Turc en son pais de Turquie d'aultre, plu- 
sieurs chevaliers et escuiers françois, tlamens, 
alemans et picards furent prisonniers, dont les 
aucuns furent mors et exécutez, présent le 
dit Turc , les aultres en chartre à perpétuité , 
les aultres condemnez à estre et faire office 
d'esclave , du nombre des quelx fut ung gen- 
til chevalier du dit pais de Flandres, nommé 

Cent Nouv, — II. 7 



98 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

messire Ciayz Utenhoven. Et par pluseurs ans 
exercea ledit office, qui ne luy estoit pas petit 
labeur, mais martire intoUerabie , attendu les 
délices où il avoit esté nourry et l'estat dont 
il estoit. Or devez vous savoir qu'il estoit ma- 
rié pardeçà à Gand, et avoit espousé une 
trèsbelle et bonne dame qui de tout son cueur 
Tamoit et tenoit cher, laquelle prioit Dieu 
journellement que bref le peust ravoir etreveoir 
par deçà, si encores il estoit vif; s'il estoit 
mort, que par sa grâce luy voulsistses péchez 
pardonner et le mettre au nombre des glo- 
rieux martirs qui pour le reboutement des mfi- 
dèles et l'exaltacion de sa saincte foy catholic- 
aue se sont voluntairement offers et haban- 
donnez à la mort temporelle. Geste bonne 
dame, qui riche, belle et bonne estçit, et de 
grans amys continuellement pressée estoit et 
assaillye de ces amys qu'elle se voulsist rema- 
rier; lesquelx disoient et asseurement affer- 
moyent que son mary estoit mort, et que s'il 
fust vif il fut retourné comme les aultres; s'il 
fiist aussi prisonnier, on eust eu nouvelle de 
luy pour faire sa.frnance. Quelque chose qu'on 
dist à ceste bonne dame , ne raison qu'on luy 
sceust amener de apparence en cestuy fait, 
, elle ne vouloit condescendre à ce mariage , 
et au mieulx qu'elle savoit s'en excusoit. Mais 
que luy valut ceste excusance , certes pou ou 
rien ; car elle fut ad ce menée de ses parens et 
amys qu'elle fut contente d'obéir. Mais Dieu 
scet que ce ne fut pas à pou de regret, et es- 
toient environ neuf ans passez qu'elle estoit 



Nouvelle LXIX. 99 

privée de la présence de son bon et loyal mary, 
lequel elle reputoit pieça mort ; et si faisoient 
la plus part, et presque tous ceulx qui le co- 
gnoissoient. Mais Dieu , qui ses serviteurs et 
champions garde et préserve , Tavoit aultre- 
ment disposé ; car encores vivoit , faisant son 
ennuyeux office d'esclave. Pour rentrer en 
matère , ceste bonne dame fut mariée à ung 
aultre chevalier, et fut environ demi an en sa 
compaignie, sans aultres nouvelles oyr de 
son bon mary que les précédentes , c'est asa- 
voir qu'il étoit mort. D'adventure , comme 
Dieu le voult, ce bon et loyal chevalier mes- 
sire Clays estant encore en Turquie à l'heure 
que madame sa femme s'est ailleurs allyée , 
faisant le beau mestier d'esclave , fist tant par 
le moien d'aucuns crestians gentilzhommes et 
marchans qu'il fut délivré, et se mist en leur 
galée, et s'en retourna par deçà. Et comme il 
estoit sur son retour, il rencontra et trouva , 
passant pays , pluseurs de sa congnoissance 
qui trèsjoyeux furent de sa délivrance : car à 
la vérité dire il estoit trèsvaillant homme, 
bien renommé et vertueux. Et tant s'espandit 
le trèsjoyeux bruit de sa désirée délivrance 
qu'il parvint en France , en Artoys et en Pi- 
cardie, où ses vertuz n'estoient pas mains 
cogneues que en Flandres , dont il estoit na- 
tif. Et de ces marches ne tarda guères qu'elles 
vindrent en Flandres et jusques aux oreilles 
de satrèsbelle et bonne dame et espouse, qu 
fut bien esbahie , et de tous ses sens tant al-* 



100 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

terée et soupprinse qu'elle ne savoit sa con- 
tenance, (c Ha ! dist elle , à chef de pièce y 
quand elle sceut parler, mon cœur ne fut onc- 
ques d'accord de faire ce que mes parens et 
amys m'ont à force contrainte de faire. Hélas! 
et qu'en dira mon trèsloyal seigneur et mary, 
auquel je n'ay pas garaé loyaulté comme je 
deusse , mais comme femme fresle , légère et 
muable de courage, ay baillé part etporcion 
à aultruy de ce dont il estoit et devoit estre 
le seul seigneur et maistre ? Je ne suis pas 
celle qui doit ou ose attendre sa présence ; je 
ne suys pas aussi digne qu'il me doye ou 
veille regarder, ne jamais veoir en sa compai- 
gnie.» Et ces paroles dictes, accompaignées de 
grands larmes, son trèshoneste, trèsvertueux 
et loyal cueur s'évanuyt , et cheut paulmée. 
Elle nit prinse et portée sur ung lit , et luy 
revint le cueur; mais depuis ne fut en puis- 
sance d'homme ne de femme de la faire man- 
ger ne dormir, ainçois fut trois jours conti- 
nuelz tousjours plorant, en la plys grand tris- 
tesse de cueur que jamais femme fut. Pen- 
dant lequel temps elle se confessa et ordonna 
comme bonne chrestienne, priant mercy à 
tout le monde , spécialement à monseigneur 
son mary. Et tost après elle mourut, dont 
ce fut trèsgrand dommage; et n'est point à 
dire le desplaisir qu'en pnnt mon dit seigneur 
son mary, quand il en sceut la nouvelle ; et 
à cause de son dueil fut en trèsgrand dan- 
ger de suyvir par semblable accident sa très- 



Nouvelle LXX. ioi 

loyale espouse ; mais Dieu , qui l'avoit sauvé 
d'aultres grands perilz, le préserva de ce 
dangier. 




LA LXXe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR. 

n gentil chevalier d'Alemaigne , 
grand voyageur, aux armes preux , 
cortois , et de toutes bonnes ver- 
tuz largement doué, au retourner 
d'un loingtain voiage, luy estant en ung 
sien chasteau , fut requis d'une son subject 
demourant en sa ville mesme d'estre parrain 
de tenir sur fons son enfant, dont la mère 
s'estoit délivrée droit à la coup du retour du 
dit chevalier. Laquelle reaueste fut au dit 
bourgois libéralement accoraée, et jasoit que 
le dit chevalier eust en sa vie pluseurs enfans 
tenuz sur fons, si n'avoit il jamais donné son 
entente aux sainctes parolles par le prestre pro- 
férées ou mistère de ce saint et digne sacre- 
ment, comme il fist à ceste heure ; et luy sem- 
blèrent, comme elles sont à la vérité, plaines 
de haulx et divins mistères. Ce baptesme 
achevé, comme il estoit libéral et courtois, 
affin d'estre veu de ses hommes, demoura à 
disner en la ville, sans monter au chasteau, 
et luy tindrent compaignie le curé, son com- 
pèrci et aucuns aultres des plus gens de bien. 



102 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

■ 

lesquels, après pluseurs devises, montèrent en 
jeu d'unes et d'aultres matères, tant que mon- 
seigneur commença à loer beaucop le digne 
sacrement de baptesme, et dist hault et cler, 
oyans tous : « Si je savoye véritablement que 
à mon baptesme eussent esté pronuncées les di- 
gnes et sainctes paroUes que j'ay oyes à ceste 
heure au baptesme de mon nouveau filleul , je 
ne craindroye en rien le dyable qu'il eust sur 
moy puissance ne autorité, sinon seulement 
de moy tempter, et me passeroye de foire le 
signe de la croix; non pas, afTin que bien vous 
m'entendez , que je ne sache trèsbien que ce 
signe est suffisant à rebouter le diable ; mais 
ma foy est telle que les paroles dictes .au 
baptesme d'un chascun cnstien , s'elles sont 
telles que aujourd'uy j'ay oyes, sont valables 
à rebouter tous les dyaoles d'enfer, s'il en y 
avoit encores autant. — Çn vérité, respondit 
alors le curé , monseigneur, je vous asseure , 
in verbo sacerdotis^ que les mesmes paroles 
oui ont esté dictes aujourd'uy au baptesme 
ae vostre filleul furent dictes et célébrées à 
vostre baptesme; je le sçay bien, car je mes- 
mes vous baptisay, et en ay aussi fresche mé- 
moire comme si ce eust hier esté. Dieu fasse 
mercy à monseigneur vostre père ; il me de- 
manda le lendemain de votre baptesme qu'il 
me sembloit de son nouveau fils; telz et telz 
furent vos parrains^ et telz et telz y estoient. » 
Et racompta toute la manière du baptisement, 
et le fist bien certain que root avant ne mot 
arrière n'eut en son baptisement de celuy à 



Nouvelle LXX. io; 

son filleul. « Et puisqu'ainsi est , dist alors ce 
gentil chevalier, je promectz à Dieu mon créa- 
teur tant honorer de ferme foy le saint sacre- 
ront de baptesme que jamais, pour auelque 
péril, encontre ou assault aue le dyaole me 
race, je ne feray le signe de la croix , mais par 
la seule mémoire du sacrement de baptesme 
l'en chasseray ensus de moy, tant ay ferme 
foy en ce divin mistère ; et ne me semblera 
jamais possible que le dyable puisse nuyre à 
homme armé de tel escu ; car il est tel et si 
ferme que seul y vault sans aultre aide, voire 
acompaigné de vraye foy. » Ce disner se pas- 
sa, et ne sçay quants ans après, «e bon cheva- 
lier se trouva en une bonne ville enAlemaigne, 
pour aucuns affaires qui Py tirèrent, et fut logé 
en Phostéllerie. Comme il estoit ung soir avec 
ses gens, après soupper, devisant et esbatant 
avec eulx, tain luy print d'aller au retrait; et 
car ses gens s'esbatoient , n'en voult nulz 
oster de l'esbat ; si print une chandelle et tout 
seul s'en va au retrait. Comme il entroit de- 
dans, il vit devant luy ung grand monstre 
horrible et terrible, ayant grandes et longues 
cornes , les yeux plus alumés que flambe de 
fomaise, les braz gros et longs, les griffes 
aguez et trenchans, et bref c'estoit ung mons- 
tre trèsespoventable , et ung dyable , comme 
je croy. Et pour tel le tenoit le bon chevalier, 
leauei de prinsault fut assez esbahi d'avoir 
telle rencontre. Néantmains toutesfoiz print 
cueur, hardement et vouloir de soy défendre 
s'il estoit assailly ; et luy souvint du veu qu'il 



104 Les Ceht Nouvelles nouvelles. 

avoit fait, et du saint et divin mistère de bap- 
tesme. Et en ceste foy marche vers ce mons- 
tre, que j'appelle dyable, et luy demanda qur 
il estoit, et qu'il demandoit. Ce dyable, sans 
mot dire, le commença à compter, et bon che- 
valier de se défendre , qui n'avoit toutefifoiz 
pour toutes armeures que ses mains, car il 
estoit en pourpoint comme pour aller coucher, 
et son bon escu de ferme foy au saint mistère 
de baptesme. La lucte dura longuement, et 
fut ce bon chevalier tant las que merveilles de 
soutenir ce dur assault. Mais il estoit tant fort 
armé de son escu de foy que pou luy nuysoient 
les coups de fon ennemy. En la parfm que ceste 
bataille eut bien dure une bonne heure, ce 
bon chevalier se print aux cornes de ce dya- 
ble, et luy en esracha une dont il le bacula 
trop bien et malgré luy. Comme victorieux se 
partit de luy, et le laissa là comme recréant, 
et vint trouver ses gens qui s'esbatoient, com- 
me ilz faisoient par avant son parlement, qui 
furent bien efPraiez de veoirleur maistreence 
point eschauffé qu'il estoit tant esgratigné le 
visage, le pourpoint, chemises, chausses et 
tout desrompu et deschiré , et comme tout hors 
d'alaine. « Ha! monseigneur, dirent-ilz, dont 
venez vous, et qui vous a ainsi habillé ? — 
Qui P dit il ; ce a esté le deable, à qui je me 
SUIS tant combatu que j'en suis tout hors 
d'alaine et en tel point que vous veez; et 
vous asseure par ma foy que je tien véritable- 
ment qu'il m'eust estranglé et dévoré , se à 
ceste heure ne me fust souvenu de mon bap- 



Nouvelle LXX. ^q. 

tesme et du hault mistère de ce saint sacre- 
ment, et démon veu que jefeis ores a ne sçai 
quants ans ; et créez que je ne l ai pas faulsé : 
car, quelque danger que ] aye eu, oncques ne 
feis le signe de la croix, mais souvenant du 
saint sacrement dessus drt , me suis hardy- 
ment défendu et franchement eschappé, dont 
je loe et mercye nostre seigneur, qui par ce 
bonescu de saincte foy m a si sauvement pré- 
servé. Viennent tous les aultres qui en enfer 
sont, tant que ceste enseigne demeure, je ne 
les crains ; vive, vive nostre benoist Dieu, qui 
ses chevaliers de telles armes scet adouber ' » 
Les gens de cel)on seigneur, oyans leur mais- 
tre ce cas racompter, lurent bien joyeux de le 
veoir en bon point, mais esbahis de la corne 
qu'il leur monstrort, qu'il avoit à ce dyable 
de la teste esrachée. Et ne savoient juger , 
non fist oncques personne qui depuis la vlist 
de quoi elle estoit, si c'estoit os ou corne, 
comme aultres comw sont , ou que c'estoit. 
Alors une des gens de ce chevaher dist qu'il 
vouloit aller veoir se ce dyable estoit encores 
où son maistre 1 avoit laissé, et s'il le trouvoit 
il se combatroit à luy etluy arracheroit l'aul- 
tre corne. Son maistre luy dist qu'il n'y allast 
point ; il dist que si feroit. « N'en fay rien, 
dist son maistre , le penl y est trop grand. — 
Ne m'en chault, dit l'autre, je y veil aller. 
_ Si tu me croiz d,t s^n tamtn, tu n'yras 
pas. » Quoy q".» rast. il y voult aller, et dés- 
obéir à son maistre. Il prjnt en sa main une 
torche et une grande hache, et vint au lieu où 



io8 Les CENt Nouvelles nouvelles. 

dont d'eulx il iiit ie plus esbahy de trop , et en 
reculant subitement, doubtant les empescher 
et destourber de la douice oeuvre qu'ilz fai- 
soient, leur dist, pour toutes menaces et ten- 
çons : « Et par la mort bieu , vous estes bien 
meschantes gens , et à vostre fait mal regar- 
dans, qui n'avez eu tant de sens, quand vous 
voulez faire telz choses, que de serrer et tirer 
les huys après vous. Or pensez que c'eust esté 
si ung aultre que moy vous eust trouvez ! Et , 
par Dieu, vous estiez gastés et perduz, et eust 
esté vostre fait décelé, et tantost sceu par 
toute la ville. Faictes aultrement une aultre 
foiz , de par le dyable ! » Et saiïs plus dire tire 
Phuys et s'en va ; et bonnes gens de raccorder 
leurs musettes, et de parfaire la note encom- 
mencée. Et quand ce fut fait, chacun s'en alla 
à sa chacune, sans faire semblant de rien ; et 
n'eust esté, espoir, leur cas jamais descouvert 
ou au mains si publicque que de venir à l'o- 
reille de vous ne de tant d'aulttes gens , si 
n'eust esté le mary , qui ne se doubtoit pas tant 
de ce qu'on l'avoit tait coupaut que de l'huis 
qu'il trouva desserré. 



Nouvelle LXXII. 109 




LA LXXIIe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE QUIEVRAIN. 

propos de la nouvelle précédente, 
es marches de Picardie avoit na- 
guères ung gentilhomme , et - tien 
que encores y soit il à ceste heure , 
qui tant amoureux estoit de la femme d'un 
chevalier son voisin, qu'il n'avoit ne bon jour 
ne bonne heure s'il n'estoit auprès d'elle , ou 
à tout le mains qu'il en eust nouvelle, et il 
n'estoit pas mains cher tenu d'elle, qui n'est 
pas pou de chose. Mais la doleur estoit qu'ilz 
ne savoient trouver fasson ne manière d'estre 
à part et en lieu secret, pour à loisir dire et 
déceler ce qu'ilz avoient sur le cueur que, pour 
rien en la présence de nul, tant fust leur amy, 
n'eussent voulu descouvrir. Au fort, après tan- 
tes maies nuitz et jours doloureux, amour, qui 
ses serviteurs loyaulx aide et secoure quand 
bien luyplaist, leurappresta ung jourtrès- 
desiré, ou quelle doloreux mary, plus jaloux 
aue nul homme vivant, contrainct fut d'aban- 
donner le mesnaige et aller aux affaires qui 
tant luy touchoient, que sans y estre en per- 
sonne il perdoit une grosse somme de deniers, 
et par sa présence il la povoit conquérir, ce 
qu'il fist; en laquelle gaignant, il conquist 
bien meilleur butin , comme d'estre nommé 



iio Les Cent Nouvelles nouvelles. 

coux, avec jaloux qu'il avoit nom auparavant ; 
car il ne fut pas si tost sailly de Tostel, que le 
gentilhomme, qui ne glatissoit après aultre 
beste, vint pour se fourrer dedans, et, sans 
faire long séjour, incontinent exécuta ce pour 
quoy il venoit, et print de sa dame tout ce 
qfie ung serviteur en ose ou peut demander, 
si plaisantement et à si bon loisir qu'on ne 
pourroit mieulx souhaitter. Et ne se donnèrent 

Sarde que le mary les surprint ; dont ne se 
onnèrent nul mal temps , esperans la nuyt 
parachever ce que le jour trèsjoieulx, et 
pour eulx trop court, avoyent encommencé, 
pensant à la vérité que le dyable de mary ne 
deust retourner jusques au lendemain au dis- 
ner, voire au plus tost. Mais aultrement alla, 
car les deables le rapportèrent à l'ostel , ne 
scay et aussi ne me chault de savoir comment 
il sceut tant abréger ses besoingnes ; assez 
souffist dire qu'il revint le soir, dont la com- 
paignie , c'est assavoir des deux amans , fut 
bien esbahie ; et furent si surprins , car point 
ne se doubtoient de ce dolent retourner, que 
le pouvre gentilhomme n'eut aultre advis que 
de se bouter ou retraict de la chambre, espé- 
rant en saillir par quelque voye que sa dame 
trouveroit avant que le chevalier y mist le pié ; 
dont il advint tout aultrement, car nostre 
chevalier, qui pour ce jour avoit chevauché 
XV ou xvj grosses lieues, estoit tant las qu'il 
ne povoit les rains trayner ; et voulut souper 
en sa chambre où il s'estoit deshousé , et il 
fist couvrir, sans aller en la sale. Pensez que le 



Nouvelle LXXII. m 

bon gentilhomme rendoit bien gorge du bon 
temps qu'il avoit eu ce jour, car il mouroit de 
faim, de froit et de paour. Et encores, pour 
plus enrager et engreger son mal, une toux le 
va prendre si grand et horrible que merveille, 
et ne failloit guères que chacun coup qu'il 
toussoit qu'il ne fust oy de la chambre où 
estoit l'assemblée du chevallier, de la dame et 
des aultres gens de léens. La dame, qui avoit 
l'oeil et l'oreille tousjours à son amy, l'en- 
treoyt d'adventure, dont elle eut granafrayeur 
au cueur, doubtant que son mary ne l'oyst 
aussi. Si trouva manière, tantost après soup- 
per, de se bouter seulette en ce retraict, et 
dist à son amy pour Dieu qu'il se gardast^ 
d'ainsi tousser. « Helas! dit il, m'am]^e, je 
n'en puis mais ; Dieu scet comment je suis pu- 
ny ; et , pour Dieu, pensez de moy tirer d'icy. 
— Si feray je » , dit elle. Et à tant se part , et^ 
bon escuyer de recommencer sa chanson de' 
tousser, voire si trèshault qu'on l'eust bien 
peu oyr de la chambre, si n'eussent esté les 
devises que la dame faisoit mettre en termes. 
Quand ce bon escuyer se vit ainsi assailly de 
la toux, il ne sceut aultre remède , affiÂ' de 
non estre oy, que de bouter sa teste <tti per- 
tuis du retrait , où il fut bien encensé ,^'Dîeu le 
scet , de la conficture de léens ; mais encores 
amoit il ce mieulx que d'estre oy. Pour abré- 
ger, il fut long temps la teste en ce retraict , 
crachant, mouchant et toussant, et sembloit 
que jamais ne deust faire aultre chose. Neant- 
mains, après ce bon coup^ sa toux le laissa, 



I \2 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

et se cuida tirer dehors ; mais il n'estoit en sa 
puissance de soy ravoir, tant parestoit avant 
et fort bouté ieens. Pensez qu'il estoit bien à 
son aise. Bref il ne savoit trouver fasson d'en 
saillir, quelque peine qu'il y mist. Il avoit tout 
le col escorché et les oreilles detrenchées. En 
laparfin, comme Dieu le voulut , il s'efforça 
tant qu'il eracha Pays percé du retrait , et le 
rapporta à son col ; mdis en sa puissance 
n'eust esté de l'en oster, et quoy qu'il luy fust 
«nnuyeux, si amoit il mieux estre ainsi que 
comme il estoit par avant. Sa dame le vint 
trouver en ce point, dont elle fut bien esba- 
hie, et ne luy sceut secourir, mais luy dist, 
pour tous potages, qu'elle ne sàroit trouver 
fasson-du monoe de le traire de Ieens. « Est- 
ce cela? dist il; hola, hola! par la mort bieu, 
je suis assez armé pour en combatre ung aul- 
tre , mais que j'aye une espée en ma main » , 
dont il fut tantost saisy d'une trèsbonne. La 
dame le voyant en tel point, quoy qu'elle eust 
trèsgrand doubte , ne se pouvoit tenir de rire, 
ne l'escujer aussi. <c Or çà, à Dieu me côm- 
roend , dist il lors, je m'en voys essayer com- 
ment je passeray par céans ; mais premier 
brouillez moy le visage bien noir.» Sifist elle, et 
le commenda à Dieu. Et bon compaignon, à tout 
l'ajrs du retraict en son col , l'espée nue en sa 
main, lafaceplus noire que charbon, commence 
à saillir en la chambre, et de bonne adventure 
le premier qu'il encontra ce fut le dolent mary, 
qui eut de le veoir si grand paour, cuidant que 
ce fust ung dyable, qu'il se laissa tumber du 



Nouvelle LXXII. ii} 

hault de luy à terre aue à pou qu'il ne se rom- 
pit le col, et fut longuement comme tout 
paulmé. Sa femme, l'oyant en ce point, saillit 
avant, monstrant plus de semblant d'effroy 
qu'elle ne sentoit beaucop, et le print aux 
braz, luy demandant qu'il avoit. A chef de 
pièce (ju'il fut revenu à luy, il dist à voix 
casse bien piteuse : <( Et n'avez vous veu ce 
dyable que j'ay encontre ? -*- Certes si ay, dit 
elle ; à peu que je n'en suis morte, de la grand 
frayeur que j'ay eue à le veoir. — Et dont 
peut il venir ceens , dit il , ne qui le nous a 
envoyé ? Je ne seray de cest an ne de l'autre 
rasseuré , tant ay esté espoventé. — Par Dieu, 
ne moy aussi , dist la dévote dame ; créez que 
c'est signifiance d'apcune chose. Dieu nous 
veille garder et défendre de toute maie ad- 
venture ! Le cueur ne me gist pas bien de 
ceste vision. » Alors tous çeulx de l'ostel di- 
rent chacun sa rastçlée de ce dyable, cuidans 
à la vérité que la chose fust vraye. Mais la 
bonne dame savoit bien la trainnée , qui fut 
bien joyeuse de les veoir tous en ceste opi- 
nion ; et depuis continua avec le dyable des- 
sus dit le mestier que chacun fait volentîers, 
^u desceu du mary et de tous aultres , fors 
d'une chambrière secrétaire de leurs affaires. 



Cent Nouv. — II. 8 



114 Les Cent Nouvelles nouvelles. 




LA LXXIIIe NOUVELLE. 

PAR MAISTRE JEHAN LAUVIN. 

n la bonne et douice conté de saint 
Pol, naguères, en ung gros village 
assez prochain de la ville de saint 
Pol , avoit ung bon simple labou- 
reur marié avec une femme belle et en grand 
point; de laquelle le curé du dit village estoit 
tant amoureux que l'on ne pourroit plus. Et 
pour ce qu'il se sentoit si esprins du feu d^a- 
mours et que difficile luy estoit de servir sa 
dame sans estre sceu ou atout le mains sus- 
picionné, ^ pensa qu'il ne povoit bonnement 
parvenirà la joissance d'elle sans premier avoir 
celle du mary, mesmement que nécessaire luy 
estoit ainsi faire. Cest advis descouvrit à sa 
dame pour en avoir son oppinion, qui luy 
conseilla souverainement estre propice et très 
bonne pour mener à fin leurs amoureuses in- 
tencions. Nostre curé donc, en ensuyvant le 
conseil tant de sa dame comme le sien propre, 
se fist par gracieux et subtilz moyens accoincte 
de celuy dont il vouloit estre compaignon ou 
lieutenant , et tant bien se conduisit avec le 
bon homme qu'il ne buvoit ne mangoit quel- 
que jour, meismement quand aultre euvre 
faisoit, que tousjours ne parlast de son bon 
curé ; chacun jour de la sepmaine le vouloit 



Nouvelle LXXIH. ii;j 

avoir à disner, ou à souper; bref riens n'estoit 
bien fait à Postel du bon homme si le curé 
n'estoit présent. Et à ce moien , toutesfoiz qu'il 
vouloit , il venoit à l'ostel et à telle heure que 
bon luy sembloit. Mais quand les voisins de 
ce simple laboureur, voyant par adventure ce 
qu'il ne povoit veoir, oostant la credence et 
faebleté qui luy avoient bandé et caché les 
yeulx , luy dirent qu'il ne luy estoit honeste 
d'avoir ainsi journellement le repaire du curé, 
et que ce ne se povoit ainsi continuer sans le 
grand deshonneur de sa femme , mesmement 
que les aultres voisins et ses amis l'en notoient 
et parloient en son absence. Quand le bon 
homme se sentit ainsi aigrement reprins de 
ses voisins, et qo'ilz luy blasmoient le repaire 
de son curé en son hostel , force luy fut de 
dire au curé qu'il se deportast de hanter en sa 
maison ; et de fait, luy défendit par motz e;L- 
près et menasses que jamais ne s'i trouvast 
s'il ne luy mandoit , affermant par grands ser- 
mens que s'il l'y trouvoit , il compteroit avec- 
ques luy et le feroit receveur ouhre son plaisir, 
et sans luy en savoir gré. La défense despleut 
au curé plus que ne vous saroie dire ; mais 
nonobstant qu'elle fust aigre , pourtant ne fu- 
rent les amourettes rompues, car elles estoient 
si parfond enracinées es cueurs des autres deux 
parties par les exploiz qui s'en estoient en- 
suyz, que impossible estoit les desrompre 
ne desjoindre, quelque menace qui sourdre 
prist. Or, oez comment nostre curé se gou- 
verna après que la defence luy fut faiçte. 



1 16 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

Par l'ordonnance de sa dame, il print règle et 
coustume de ta venir visiter toutes les foiz 
qu'il sentoit le mary estre absent. Mais assez 
louniement sM conduisit, car il ne sceut faire 
sa visitacion sans le sceu des voisins qui 
avoient esté cause que la défense avoit esté 
faicte , ausquelx le fait autant desplaisoit que 

• s'il leur eust touché singulièrement. Le bon 
homme fut de rechef adverty par eulx , qui luy 
dirent que le curé avoit prins accoustumance 

• d'aller estaindre le feu en son hostel comme 
paravant la défense. Nostre simple mary, 
oyant ces nouvelles, fut bien esbahy et encou- 
res plus courroucé la moitié , lequel , pour y 
trouver expédient et convenable remède, pensa 
tel moyen que je vousdiray. Il dist à sa femme, 
sans monstrer aultre semblant que tel qu'il 
avoit accoustumé, qu'il vouloit aller, ung jour tel 
qu'il nomma , mener à saint Omer une char- 
rettéé de blé , et que pour mieulx besoigner, 
il y vouloit mesmes aler. Quand le jour nom- 
me qu'il vouloit partir fut venu, il fist, ainsi 
qu'on a de coustume en Picardie , et spécia- 
lement entour saint Omer , charger son cha- 
riot de blé à mynuyt, et à celle mesme heure 
voulut partir, et quand tout fut appareillé et 
prest , print congé à sa femme , et vuida avec- 
ques son chariot. Et si tost qu'il fut hors de 
sa porte , elle la ferma et tous les huys de sa 
maison. Or vous devez entendre que. nostre 
marchant de blé fist son saint Omer de l'ostel 
d'un de ses amys qui démouroit au bout de 
la ville, où il alla arriver, et mist son chariot 



Nouvelle LXXIII. 117 

en la cour du dit amy, qui savoit toute la 
traynnée , et leqpiel il envoya pour faire le 
guet et escouter à l'entour de sa maison pour 
veoir si quelque larron y viendroit. Ce bon 
voisin et amy, quand il fut à Fendroit où il 
devoit asseoir son guet, il se tapit au coing 
d'une forte haye espesse , duquel lieu luy ap- * 
paroient toutes les entrées de la maison au 
dit marchant, dont il estoit serviteur et grand 
amy en ceste partie. Guères n'eut escouté que 
veezcy maistre curé qui vient pour alumer sa 
chandelle , ou pour mieulx dire pour l'estain- 
dre , et tout coyement et doulcement hurte à 
Phuys . de la court ; lequel fut tantost oy de 
celle qui n'avoit pas talent de dormir eil'celle 
attente: c'estoit sa dame , laquelle sortit ha- 
bilement en chemise , et vint mettre ens son 
confesseur, et puis ferme l'huys, le menant au 
lieu où son mary deust avoir esté. Or reve- 
nons à nostre guet, qui, auand il parceut tout 
ce qui fut fait, se leva ae son guet, et s'en 
alla sonner sa trompette et déclara tout au 
bon mary. Sur quoy incontinent conseil fut 
prins et ordonné en ceste manière : le mar- 
chand de blé faindit retourner de son.voyaige 
avecques son chariot de blé , pour certaines 
adventures qu'il doubtoit luy aa venir ou estre 
advenues ; si vint hurter à sa porte et hucher 
sa femme, qui se trouva bien esbàhie auand 
elle oyt sa voix ; et tant ne le fut qu'elle ne 

{)rint bien le loisir de mucer son amoureux 
e curé en ung casier qui estoit en la chambre. 
Et pour vous donner à entendre quelle chose 



1 18 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

c'est ung casier , c'est ung garde-mangier en 
la façon d'une huche , long et estroict par rai* 
son et assez profund. Après que le curé fut 
musse où l'on musse les œufz^ le beurre, le 
fourmaçe et aultres telles vitailles, la vaillante 
mesnagière, comme moitié dormant, moitié 
'veillant, se présenta devant son maiy, et luy 
dist : « Helas ! mon bon mary , quelle adven* 
ture pouvez vous avoir, que si hastivement re- 
tournez ? certainement il y a aucune chose et 
meschef qui ne vous laisse faire vostre voyage ? 
Helas! pour Dieu, dictes le moy tost.» Le bon 
homme, qui ne povoit plus s'il n'enrageoit, 
combien que semblant ne fist, voulut aller 
en sa chambre , et illec dire les causes de son 
hastif retour. Quand il fut où il cuidoit trou- 
ver son curé , c'est assavoir en sa chambre , 
commença à compter les raisons de la romp- 
ture de sonvoyaige. Premier dit que pour la 
suspicion qu'il avoit de la desloyaulté d'elle , 
cramdoit trèsfort estre du reng de bleuz ves- 
tuz , qu'on appelle communément noz amis , 
et que au moien de ceste suspicion estoit il 
ainsi tost retourné. Item, que ceste suspicion 
avoit si trèsfort frappé et hurté à son ymagi- 
nacion^ que, quand il s'estoit trouvé hors de sa 
maison, aultre chose ne luy venoit au devant^ 
que le curé estoit son lieutenant tantdiz qu'il 
alloit marchander. Item, pour expérimenter 
son ymaginacion, dit qu'il estoit ainsi retourné, 
et à celle heure voulut avoir la chandelle et 
regarder si sa femme osoit bien couscher sans 
compaignie en son absence. Quand il eut 



Nouvelle LXXIII. 119 

achevé les causes de son retour, ia bonne 
dame s'escrya, disant : « Ha ! mon bon mary, 
dont vous vient maintenant ceste vaine jalou- 
sie ? Avez vous perceu en moy aultre chose 
qu'on ne doit veoir ne juger d'une bonne, 
loyale et preude femme r Helas 1 que mau- 
dicte soit l'heure qu'oncques je vous cogneu , 
et que Talyance fut de moy avec vous, pour 
ainsi à tort estre suspicionnée de ce que mon 
cueur ne sceut oncques penser. Ha ! vous me 
cognoissez encores mal , et ne savez combien 
net et entier mon cueur veult estre et démou- 
ler. » Le bon marchant eust peu estre contraint 
de croire ses bourdes^ s'il n'eust rompu sa 
paroUe; si dist qu'il vouloit avérer son yma- 
ginacion. Incontinent , et sans plus la laisser 
.sermonner, vint sercher et visiter les angletz 
de sa chambre à tous lez au mieulx qu'il luy 
fut possible ; esquelx lieux, quand il les eut 
visitez et qu'il n'y trouvoit pomt ce qu'il que- 
roit, il se donna garde du casier, et jugea 
qu'il convenoit que son compaignon y fust, et 
sans en monstrer semblant, hucha sa femme 
et luy dist: « M'amye, combien que sans 
cause et à grand tort je vous suspicionne 
d'estre vers moy desloyale, et que telle ne 
soiez que ma faulse ymaginacion m'apporte, 
toutesfoiz je suis si ahurté et enclin à croire et 
m'arrester en mon opinion, que impossible 
m'est d'estre jamais plaisamment avecques 
vous. Et pour ce je vous prie que soiez con- 
tente que la divorce et separacion soit faicte 
de nous deux, et que amoureusement partis- 



120 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

sons noz biens communs j^regale plorciori.n 
La gouge, qui desiroit assez ce marché, affin 
que plus aiséement se trouvast avec son curé ^ 
accorda sans guères dissimuler à la requeste 
de son mary, par telle condicion toutesToifs 
qu'elle faisant la part des meubles, elle com^ 
menceroit et feroit le premier choix, a Et 
pour quelle raison , dit le mary, voulez vous 
choisir la première? c'est contre tout droit et 
justice. » Hz furent longtemps en diffèrent pour 
choisir premier ; mais en la fin le mary vainct 
quit , qui print le premier et print le casier, où 
il n'y avoit que flans, tartes et fourmages, et 
aultres menues vitaîlles, entre lesquels nostre 
curé estoit ensevely, et lequel oyoit ces bons 
devis qui à sa cause se faisoient. Ouand le 
mary eut choisy le casier, la dame cKbisit la. 
chaudière, puis le mary unç aultfe meuble , 
puis elle ung aultre , et ainsi consequemment 
lusques ad ce que tout fut party et porcionné . 
Après laquelle parchon faicte le bon mary dist : 
« Je suis content que vous demourez en ma 
maison jusques ad ce que aurez trouvé logis 
pour vous ; mais de ceste heure je veil empor- 
ter ma part, et latnectre à l'ostel d'un de 
mes voisins. -^ Faictes en, dist elle,.vostre 
bon pUisir. » Et il demanda une bonne longue 
corde, et en lya et ^idouba son casier, puis 
fist venir son charreu>n, à qui fist atteler son 
casier d'un cheval, et hiy chargea qa'il le 
menast à Postel d'un td son vdshi. La bonne 
dame, oyant ceste deliberacion, laissoittout 
convenir, car de donner conseil aa centiaire 



Nouvelle LXXIII. 121 

ne s'osoit avancer, doublant que ie casier ne 
fust ouvert ; ainsi abandonna tout à telle ad- 
venture que advenir povoit. Le casier, ainsi 
que dit est, fut attelé au cheval , et mené par 
la rue , pour aller où le bon homme l'avoit 
ordonné. Mais cuères n'ala loing que le mais- 
tre curé , à qui les œufz et le beurre crevoient 
les yeulx, cria pour Dieu mercy. Le charre- 
ton, oyant ceste voix piteuse resonnant de ce 
casier, descendit tout esbahy, et hucha les 

gens et son maistre, qui ouvrirent le casier, où 
z trouvèrent le pouvre prisonnier, doré et 
empapiné d'œufz, de fromaige, de laict et 
aultres choses plus de cent. Ce pouvre amou- 
reux estoit tant piteusement appoincté qu'on 
ne savoit du quel il avoit le plus. Et quand le 
bon mary le vit en ce point , il ne se peut 
tenir de rire , combien que courroussé deust 
èstre. Si le laissa courre, et vint à sa femme 
monstrer comment il n'avoit eu trop grand 
tort d'estre suspicionneux de sa fauise des- 
loyauté. Elle, qui se vit par exemple vaincue, 
cna mercy, et il luy fut pardonné par telle 
condicion que si jamais le cas luy advenoit, 
elle fust mîeulx advisée de mettre son homme 
aultre part que ou casier, car le curé en avoit 
eu sa robe en péril d'estre à tousjours gastée. 
Et après ce, ilz demourèrent ensemble long 
temps, et rapporta l'omme son casier, et ne 
sçay point que son curé s'i trouvast depuis, le- 
quel, aumoien de ceste adventure, fut, comme 
encores est, appelle sire Baudin casier. 




122 Les Cent Nouvelles nouvelles. 
LA LXXIVe NOUVELLE. 

PAR PHILIPPE DE LOAN. 

insi que naguères monseigneur le se- 
neschal de Boulennois chevauchoit 
parmy le pays d'une ville à l'aul- 
ire, en passant par ung hame- 
let l'on y sonnoit au sacrement, et pource 
qu'il avoit doublé de non povoir venir à la 
vile où il contendoit en temps pour oyr 
messe, car l'heure estoit près de midy, il s'ad- 
visa qu'il descendroit audit hamelet pour veoir 
Dieu en passant. Il descendit à l'huis de l'é- 
glise , et puis s'en alla rendre assez près de 
l'aultier où l'on chantoit la grand messe, et si 

Î prochain se mist du prestre qui celebroit , qu'il 
e povoit en célébrant de costé percevoir. 
Quand il eut levé Dieu et calice, et fait ainsi 
comme il appartient , pensant à part luy, après 
Qu'il eut veu monseigneur le seneschal estre 
aerrière luy, et non sachant si à bonne heure 
estoit venu pour veoir Dieu lever; ayant tou- 
tesfoiz opinion qu'il estoit venu tara , il ap- 
pella son clerc et luy fist alumer arrière la 
torche, puis en gardant les cerimonies qu'il 
fault faire et garder, leva encores une foiz 
Dieu , disant que c'estoit pour monsei^eur le 
seneschal. Et puis ce fait, procéda oultre jus- 
ques ad ce qu'il fust parvenu à son agnusDeii 



Nouvelle LXXV. 125 

lequel quant il l'eut dit trois foiz, et que son 
clerc luy bailla la paix pour baiser, la refusa , 
et, en rabrouant trèsbien son clerc, disant 
qu'il ne savoit ne bien ne honneur, la fist bail- 
ler à monseigneur le seneschal, qui la refusa 
de tous poins deux ou trois foiz. Et quand le 
prestre vit que monseigneur le seneschal ne 
vouloit prendre la paix devant luy, il laissa 
Dieu qu'il tenoit en ses mains , et print la paix 
et la porta à monseigneur le seneschal , et luy 
dist que s'il ne la prenoit devant luy il ne la 
prendroit jà luy mesmes : « Ce n'est raison, 
dist le prestre, que j'aye la paix devant vous. j> 
Adonc, monseigneur le seneschal, voyant 
que sagesse n'avoit illec lieu, s'accorda au 
curé et print la paix, puis le curé après; et ce 
fait, s'en retourna panaire sa messe de ce qui 
restoit à parfaire. 



LA LXXVe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE THALEMAS. 

u temps de la guerre des deux par- 
tiz, les ungs nommez Bourgoignons, 
les aultres Ermignacz, advint à 
Troyes, en Champai^e , une assez 
gracieuse adventure, qui trèsbien vault la ra- 
compter et mectreen compte, qui fut telle. 
Ceulx de Troies,.pour lors que par avant ilz 
eussent esté Bourgoignons, s'estoient tournez 




124. Les Cent Nouvelles nouvelles. 

Ermigoacz, et entre eulx avoit conversé ung 
corapaigQon à demy fol, non pas qu'il eust 
perdue Tentière copoissance de raison, mais 
à la vérité il tenoit plus du costé de dame 
folie que de raison, quoy que aucunesfoiz il 
executast, et de la main et de la bouche, plu- 
seurs besoingnes que plus sage de luy n'eust 
sceu achever. Pour venir doncques au propos 
encommencé,. le galant sus dit estant en 
garnison avec les Bourguignons à sainte Ma- 
nehot, mist une journée eQ termes avec ses 
compai^ons, et dist que s'ilz le vouloient 
croire, il leur badlleroit Donne doctrine pour 
attrapper une grand ost des loudiers de Troyes, 
lesquelx', à la vérité, il haioit mortellement, 
et ilz ne l'amoient guères, mais le menas-, 
soient tousjours de pendre s'ilz le povoient 
tenir. Veezcy qu'il dist : « Je m'en yrai vers 
Troyes et m'approucheray des fauxbourgs, et 
feray semblant d'espier la ville, et de tenter 
de ma lance les fossez, et si près de la ville 
m'approucheray que je seray prins. Je suis 
seur que si tost que le bon bailly me tiendra, il 
me condemnera à pendre, et nul de la ville ne 
s'i opposera pour moy, car ilz me hayent très- 
tous. Ainsi seray*je oien matin mené au gi-- 
bet, et vous serez embuschez au bosquet qui 
est au plus près. Et tantost que vous orrez 
venir mov et ma compaienie, vous sauldrez sur 
L'assemblée, et en prendrez et tiendrez à vos- 
tre volunté, et me délivrerez de leurs mains. » 
Tous les compaignons de la garnison s'i accor- 
dèrent, et dirent^ puis qu'il osoit bien entre- 



I 



Nouvelle LXXV. . 125 

Ï>rendre ceste adventure, ilz luy aideroient à 
a fournir. Et pour abréger, le gentil folastre 
s'approucha de Troyes, comme il avoit devant 
dit, et, comme il desiroit, fut prins, dont le 
bruyt s'espandit tost parmy toute la ville; et 
n'y eut celuy oui ne le condemnast à pendre ; 
mesme le bailly, si tost qu'il le vist, dist et 
jura par ses bons dieux qu'il seroit pendu par 
a gorge. « Hélas! monseigneur, disoit-il, je 
vous requier mercy, je ne vous ay rien meffait. 
— Vous mentez, ribauld, dist le bailly, vous 
avez guydé les Bourgoignons en ceste marche, 
et avez encusé les bon bourgois et marchans 
de ceste ville; vous en aurez vostre payement, 
car vous en serez au gibet pendu. — Ha ! pour 
Dieu, monseigneur, dit nostre bon compai- 
gnon , puis qu'il fault que je meure , au moins 
qu'il !vous plaise que ce soit bien matin , et 
que en la ville où j'ay eu tant de cognois- 
sance et d'accointance , je ne reçoyve trop 
publicque punicion. — Bien, bien, dist le 
bailly, on y pensera. » Le lendemain, dès le 
point du jour, le bourreau avec sa charette 
fut devant la prison , où il n'eust guères esté 
que veezcy venir le bailly à cheval et ses 
sergens et grand nombre de gens pour l'a- 
compaigner, et fut nostre homme mis, troussé 
et lyé sur la charette, et, tenant sa musette, 
dont il jouoit continuellement, on le maine 
devers la Justice, où il fut plus acompai- 
gné, quoy qu'il fust matin, que beaucoup 
d'aulires n'eussent esté, tant estoit hay en 
la ville. Or devez vous savoir que les com- 



126 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

paignons de la garnison de saincte Manehot 
n'oblièrent pas de eulx embuscher au bois 
auprès de la dicte Justice, dès la mynuyt, tant 
pour sauver leur homme, quoy qu'il ne fiist 
pas des plus sages , tant aussi pour gaigner 
prisonniers et aultres choses s'ilz povoient. 
Eulz là dohcques venuz et arrivez, disposèrent 
de leur fait comme de guerre et ordonnèrent 
une gaitte sur un arbre, qui leur devoit dire 
quand ceulx de Troyes seroient à la Justice. 
Celle gaitte ainsi mise et logée dist qu'elle 
feroit bon devoir. Or sont venuz et descenduz 
ceulx de la Justice devant le gibet, et le plus 
abrègement que faire se peut, le bailly corn- 
menae qu'on despesche nostre povre co^uard , 
qui estoit bien esbahy où ses compaignons 
estoient, qu'ilz ne venoient ferir dedans ces 
ribaulx Erminacz. Il n'estoit pas bien à son 
aise, mais regardoit devant et derrière, et le 
plus le boys ; mais il n'oyoit ne veoit rien. Il 
se confessa le plus longuement qu'il peut, 
toutesfoiz il fut osté du prestre, et, pour abré- 
ger, monte sur l'eschelle, et luy là venu fut 
bien esbahy. Dieu le scet, et regarde et veye 
tousjours vers ce bois; mais c'estoit pour 
néant, car la gaitte ordonnée pour faire saillir 
ceulx qui rescourre le dévoient étoit sur cest 
arbre endormye ; si ne savoit que dire ne que 
faire ce pouvre homme, sinon qu'il pensoit 
estre à son derrain jour. Le bourreau , à chef 
de pièce, fist ses preparacions pour luy bouter 
la hart au col pour le despescher. Et ouand il 
vit ce, il s'advisa d'un tour qui luy fut bien 



Nouvelle LXXV. ' 127 

proufitable , et dist : « Monseigneur le bailly, 
je vous prie pour Dieu que avant que on 
mette plus avant la main en moy, que je puisse 
jouer une chanson de ma musette , et je ne 
vous demande plus ; je suis après content de 
morir, et vous pardonne ma mort et à tout le 
monde. » Geste requeste luy fut passée, et sa 
musette luy fut en hault portée. Et quand il la 
tint, le plus à loysir qu'il peut, il la commence 
à sonner, et joua une chanson que les compai- 
gnons de l'embusche dessus dicte cognois- 
soient trèsbien, et y avoit : «Tu demeures trop, 
Robinet, tu demeures trop. » Et au son de la 
musette la gaitte s'esveilla, et de paour qu'elle 
eut se laissa cheoir du hault en bas de l'arbre 
où elle estoit, et dist : « On pend nostre 
homme ! Avant, avant, hastezvous tost.» Et 
les compaignons estoient tous preâtz ; et au 
son d'une trompette saillirent du bois, et se 
vindrent fourrer sur le bailly et sur tout le 
mesnage qui devant le gibet estoit. Et à cest 
effroy, le bourreau fut tant esperdu et esbahy 
qu'il ne savoit et n'eut oncques l'advis de luy 
bouter la hart au col, et le bouter jus, mais 
luy pria qu'il luy sauvast la vie, ce qu'il eust 
fait trèsvoluntiers ; mais il ne fut pas en sa 
puissance ; trop bien fist ilaultre chose et meil- 
leur, car luy, qui sur l'eschelle estoit , cryoit 
à ses compaignons : <' Prenez chula cà, prenez 
cestuy ; ung tel est riche, ung tel est mauvais 
garnement.» Bref, les Bourgoignons tuèrent un 
grand tas en venue de ceubc de Troyes, et 
prindrent des prisonniers ung grand nombre^ 



\zi Les Cent Nouvelles nouvelles. 

et ^auvàrent leur homme en la façon que vous 
oés, oui bien leur dist que jour de sa vie n'eut 
si belles affres qu'il avoit à ceste heure eu. 




LA LXXVIe NOUVELLE. 

PAR PHILIPE de LOAN. 

'on m'a pluseurs foiz dit et compté 
par gens dignes de foy ungbien gra- 
cieux cas dont je foumiray une pe- 
tite nouvelle , sans y descroistre ne 
adjouster aultre chose que servant au propos. 
Entre les auitres chevaliers de Bourgoigne 
ung en y avoit naguères, lequel, contre la 
coustume et usage du pais, tenoit à pain et 
à pot une donzelle belle et gente , en son 
chasteau que point ne veil nommer. Son cha- 

Eellain , qui estoit jeune et frez , voyant ceste 
elle fille, n'estoit pas si constant que ne fust 
par elle souvent tenté, et en devint trop bien 
amoureux. Et auand il vit mieulx son point , 
compta sa rastelée àmadamoiselle, qui estoit 
plus fine que moustarde ; car la mercy Dieu 
elle avoit rend^ et couru pais tant que du 
monde ne savoit que trop. Elle pensoit bien 
en soy mesmes que si elle accoraoit au près- 
tre sa requeste, son maistre, qui veoit cler, 
quelque^moien qu'elle trouvast , s'en donne- 
roit bien garde . et ainsi perdroit le plus pour 



Nouvelle LXXVI. 129 

k mains. Si délibéra de descouvrir l'embus- 
che à son maistre , qui n'en fist que rire , car 
assez s'en doubtoit, attendu les regards, de- 
vises et esbatemens qu'il avoît veu entre eulx 
deux ; ordonna neantmains à sa gouge qu'elle 
entretenist le prestre, voire sans faire la cour- 
toisie , et si fist elle si bien que nostre sire en 
avoit tout au long du braz. Et nostre bon 
chevalier souvetit luy disoit : « Par dieu ! par 
dieu ! nostre sire , vous estes trop privé de 
ma chambrière ; je ne sçay qu'il y a entre vous 
deux , mais si je savoye que vous y pourchas- 
sissiez rien à mon desavantage , nostre Dame ! 
je vous punyroie bien. — En vérité , monsei- 
gneur, respondit maistre domine , je n'y ca- 
lenge ne demande rien ; je me devise à elle , 
et passe temps , comme les aultres de céans ; 
jour de ma vie ne luy requis d'amours ne 
d'aultre chose. — Pour tant le vous dy je, 
dist le seigneur ; si aultrement en estoit, je n'en 
seroie pas content. » Si nostre domine avoit 
bien poursuy au paravantde ces parolles, plus 
aigrement et à toute force continua sa pour- 
suite, car où qu'il rencontrast la gouge, de tant 
près la tenoit que contraincte estoit , voulsist 
ou non , donner Poreille à sa douice requeste ; 
et elle duicte et faicte à l'esperon et à la lance, 
endormoit nostre prestre et l'assommoit, et 
en son amour tant fort le boutoit qu'il eust 
pour elle ung Ogier combatu. Si tost aue de 
luy s'estoit sauvée , tout le plaidoyé d'entre 
eulx deux estoit au maistre par elle racompté, 
qui grand plaisir en avoit. Et pour faire la 

Cent Nouv. — II. 9 



i;o Les Cent Nouvelles nouvelles. 

farse au vif, et bien tromper son chapeliain , 
il commenda à sa gouge qu'elle luy assighast 
journée d'estre en la ruelle du lit où ilz cou- 
choient , et luy dist : « Si tost que monsei- 
gneur sera endormy, je feray tout ce que vous 
vouldrez ; rendez vous donc en la ruelle tout 
doulcement.» Et fault,dit il, que tu le laisses 
faire , et moy aussi : je suis seur que quand 
il cuidera que je dorme, qu'il ne demourra 
guères à t'enferrer, et j'aray appresté à Pen- 
viron de ton devant le las jolis où il sera 
attrappé. » La gouge en fut contente, et 
fist son rapport à nostre sire, qui jour de sa 
vie ne fut plus joieux, et sans penser ne yma- 
giner péril ne danger où il se boutoit, comme 
en la chambre de son maistre , ou lit et à la 
gouge de son maistre , toute raison estoit de 
luy à cest cop arrière mise ; seuUement luy 
chailloit d'accomplir sa folle volunté , com- 
bien que naturelle et de pluseurs accoustumée. 
Pour faire fm à long procès , maistre prestre 
vint à l'heure assignée bien doulcement en la 
ruelle , Dieu le scet ; et sa maistresse luy dist 
tout bas : « Ne sonnez mot; quand monsei- 
gneur dormira , je vous toucheray de la main 
et venez emprès moy. — En la bonne heure», 
ce dit il. Le bon chevalier, qui à ceste heure 
ne dormoit mie , se tenoit à grand peine de 
rire ; toutesfoiz, pour faire la farse, il s'en garda, 
et, comme il avoit proposé et dit , il tendit 
son filé ou son las, lequel qu'on veult, tout à 
l'endroit de la partie où maistre prestre avoit 
plus grand désir de hurter. Or est tout prest. 



1 



Nouvelle LXXVI. iji 

et nostre sire appelle , et au plus doulcement 
qu'il peut entre dedans le lit , et sans guères 
barguigner il monte dessus le tas pour veoir plus 
loing. Si tost qu'il fut logé, bon chevalier tire 
bien fort son las , et dit tout hault : u Ha ! ri- 
bauld prestre, estes vous tel? » Et bon pres- 
tre de soy retirer. Mais il n'ala guères loing, 
car l'instrument qu'il vouloit accorder au be- 
don de la gouge estoit si bien du las encepé , 
qu'il n'avoit garde de deslonger, dont si très- 
esbahy se trouva qu'il ne savoit sa contenance 
ne que advenu il luy estoit. Et de plus fort 
en plus fort tiroit son maistrele las, qui grand 
douleur luy eust esté , si paour et esbahisse- 
ment ne luy eussent tollu tout sentement. A 
chef de pièce il revint à luy, et sentit trèsbien 
ces douleurs , et bien piteusement pria mercy 
à son maistre, qui tant grand faim avoit de rire 
que à peine il savoit parler. Si luy dist il 
neantmains après qu'il eust trèsbien aval la 
chambre paroondy : « Allez vous en , nos- 
tre sire, et ne vous advienne plus; ceste 
foiz vous sera pardonnée, mais la seconde 
seroit irrémissible. — Hélas! monseigneur, 
ce respond il , jamais ne m'aviendra ; elle fut 
cause de ce que j'ay fait. » A ce coup , il 
s'en alla, et monseigneur se recoucha, qui 
espoir acheva ce que l'autre encommença. 
Mais sachez bien qu'oncques puis ne s'i trouva 
le prestre au sceu du maistre. Bien peut estre 
qu'en recompense de ses maulx la çouge en 
eut depuis pitié, et, pour sa conscience ac- 
quicter, luy presta son bedon, et tellement s'ac- 



132 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

cordèrent que le maistre en valut pis tant en 
t(iens comme en honneurs. Et du surplus je 
me tais et à tant. 




LA LXXVIIe NOUVELLE. 

PAR ALARDIN. 

ng gentilhomme des marches de 
Flandres , ayant sa mère bien an- 
cienne et trèsfort débilitée de mala- 
die, plus languissant et vivant à 
malaise que nulle aultre femme de son eage, 
espérant d'elle mieulx valoir et amender, com- 
bien que es marches de France il feist sa ré- 
sidence , la visitoit souvent ; et à chacune foiz 
que vers elle venoit, tousjours estoit tant de 
mal oppressée , qu'on cuidast bien que l'ame 
en deust partir. Et une foiz entre les aultres, 
comme il Testoit venu veoir, elle au partir luy 
dist : « Adieu , mon filz , je suis seure et me 
semble que jamais vous ne me verrez ; car je 
m'en vois morir. — Ha dya, ma mère, res- 
pondit il , vous m'avez tant ceste leczon re- 
cordée que j'en suis saoul et ennuyé; deux 
ans , trois ans sont jà passés et expirez que 
tousjours ainsi m'avez dit, mais vous n'en 
avez rien fait ; prenez bon jour, je vous en 
prie , si n'y faillez point. » La bonne damoi- 
selle, oyant de son filz la response, quoyque 



Nouvelle LXXVII. ij^ 

malade et vieille fust , en soubriant lay dist 
adieu. Or se passèrent puis ung an, deux 
ans , tousjours en languissant. Geste femme si 
fut arrière de son filz visitée, et ung soir, 
comme en son lit en l'ostel d'elle estoit cou- 
chée, tant fort oppressée de mal qu'on cuidoit 
bien qu'elle allast à Mortaigne, si fut ce bon 
filz appelé de ceulx qui gardoient sa mère , 
et luy dirent que bien à haste à sa mère ve- 
nist , car seurement elle s'en alloit. « Dictes 
vous donc, dit il, qu'elle s'en va ? Par ma foy, 
je ne l'ose croire; tousjours dit elle ainsi, mais 
rien n'en fait. — Nenny, nenny, dirent ses gar- 
des, c'est à bon escient ; venez vous en, car on 
voit bien qu'elle s'en va. — Je vous diray, 
dist il : allez devant et je vous suyz ; et dic- 
tes bien à ma mère, puis qu'elle s'en veult 
aller, que par Douay point ne s'en aille , car 
le chemin est trop mauvais ; à peu que davant 
hier moy et mes chevaulx n'y demourasmes.» 
Il se leva neantmains , et housse sa robe lon- 
gue et se mect en train pour aller veoir si sa 
mère feroit la derrenière et finable grimace. 
Luy là venu, la trouva fort malade et que passé 
avoit une subite faulte qui la cuidoit bien 
emporter; mais, Dieu mercy, elle avoit ung 
petit mieulx. « N'est ce pas ce que je vous 
dy ? commence à dire ce bon filz ; l'on dit 
tousjouis ceens, et si fait elle mesme, qu'elle 
s'en va et qu'elle se meurt, et rien n'en fait. 
Prenne bon terme , de pardieu, comme tant 
de foiz luy ay dit, et si ne faille point. Je m'en 
retourne dont je vien ; et si vous advise pour 



1^4 ^^^ ^^N'T Nouvelles nouvelles. 

toutesfoiz que vous ne m'appeliez plus , s'elle 
s'en devoit aller toute seulle, si ne lui feray 
je pas à ceste heure compaignie. )) Or appartient 
que je vous compte la fin de mon emprinse. 
Geste damoiselle ainsi malade que dit est re- 
vint de ceste extrême maladie, et comme au- 
paravant depuis vesquit en languissant l'es- 
pace de trois ans, pendant lesquelx ce bon 
tilz une foiz d'adventure la vint veoir, et à ce 
coup qu'elle rendit l'esperit. Mais le bon fiit 

3uant on le vint c^uerir pour estre au trespas 
'elle , qu'il vestoit une robe neuve , et n'y 
vouloit aller. Message sur aultre venoit vers 
luy, car sa bonne mère, qui tiroit à la fin, le 
vouloit veoir et recommencer aussi son ame. 
Mais tousjours aux messagiers respondoit : 
«Je sçay bien cj^u'elle n'a point ae haste, 
qu'elle attendra bien que ma robe soit mise à 
point. En la parfin tant luy fut dit et remons- 
tré qu'il s'en alla devers sa mère , sa robe 
neuve vestue sans les manches, lequel quand 
en ce point fut d'elle regardé , luy demanda 
où estoient les manches de sa robe , et il dist : 
<( Elles sont là dedens, qui n'attendent estre 

Êarfaictes sinon que vous nous descombrez 
I place. — Si seront donc tantost achevéez, 
ce dist la bonne damoiselle : car je m'en vois 
à Dieu, au quel humblement mon ame recom- 
mende, et à toy, mon filz. » Et lorsxy prins 
cy mis, la croix entre ses braz bien serréement 
reposant, rendit l'ame à Dieu, sans plus mot 
dire ; laquelle chose voyant son bon nls, com- 
mença tant fort à plorer et soy desconforter 



Nouvelle LXXVIÏI. 155 

que jamais ne fut veu le pareil , et n'estoit nul 
qui conforter le sceust; tant fort mesmes le print 
il au cueur que devant n'en tenoit compte par 
semblant, que au bout de quinze jours de 
dueil il mourut. 




LA LXXVIIIe NOUVELLE. 

PAR JEHAN MARTIN. 

u pais de Brabant , qui est bonne 
marche et plaisante , foumye à droit 
et bien gamye de belles filles, et 
biea sages coustumièrement , et le 
plus et des hommes on soult dire , et se trouve 
assez véritable, quêtant plus vivent et plus 
sont sotz, naguères advint que ung gentil- 
homme en ce point né et destené s'avolenta 
d'aller voyager oultrè mer en divers lieux , 
comme eh Cypre , en Rhodes , et es marches 
d'environ ; et au derrenier fut en Hierusalem, 
oh il receut l'ordre de chevalerie. Pendant 
lequel temps de son voyage, sa bonne femme 
ne fut pas si oiseuse qu'elle ne presta son 
quoniam à trois compaignons ses voisins, les- 
quelx, comme à court plusieurs servent par 
temps et termes, eurent leur audience. Et tout 
premier ung gentil escuier (risque, frez et 
triant en bon point, qui tant rembourra son 
bas à son chier coust, tant en substance de 



ij6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

son corps que en despence de pecune , car à 
la vérité elle tant bien le pluma qu'il n'y fail- 
loit point renvoier, qu'il s'ennuya et retira , 
et de tous poins l'abandonna. L'aultre après 
vint, qui chevalier estoit et homme de grand 
bruyt , qui bien joyeux fut d'avoir gaigné la 
place , et besoi^a au mieulx qu'il peut en la 
façon comme dessus, moyennant ae quibus, 
que la gouge tant bien savoit avoir que nul 
aultre ne l'en passoit. Et bref, se l'escuierqui 
paravant avoit la place avoit esté rongé et 
plumé, damp chevalier n'en eut pas mains. 
Si tourne bride et print garin, et aux aultres la 
questé abandonna. Pour faire bonne bouche , 
la damoiselle d'un maistre prestre s'accointa, 
et , quoy qu'il fust subtil et ingénieux et sur 
argent bien fort luxurieux, si fut il rançonné 
de robes, de vaisselles, et d'aultres bagues 
largement. Or advint. Dieu mercy, que le 
vaillant mary de ceste gouge fist savoir sa 
venue , et comment en Hierusalem avoit esté 
fait chevalier ; si fist sa bonne femme i'ostel 
apprester, tendre, parer, nectoyer et orner au 
mieulx qu'il fut possible. Bref, tout estoit bien 
net et plaisant, fors elle seulement, qui en 
I'ostel estoit , car du plue et butin qu'elle avoit 
à la force de ses reins conquesté avoit acquis 
vaisselle et tapisserie , linge et aultres meu- 
bles en bonne quantité. A l'arriver que fist le 
doulx mary, Dieu scet la joye et gjrand feste 
qu'on luy fist, celle en especial qui mains en 
tenoit de compte, c'est asavoir sa vaillant 
femme. Je passe tous ses bienviengnans, et 



MMÉÉI 



Nouvelle LXXVIII. ijy 

vien ad ce que monseigneur son mary, quoy 
oue coquard fust et estoit , se donna garde 
ae foison de meubles, courant aval son hos- 
tel, qui avant son voyage n'estoit léens. 
Vint aux coffres, aux buttetz, et en assez 
d'aultres lieux, et trouve tout multiplié , dont 
l'avertin luy monta en la teste, et de prinsault 
devyna ce qui estoit ; si s'en vint tost bien 
escnaufé et trèsmal meu devers sa bonne 
femme, et demanda dont sourdoient tant 
de biens comme ceulx que j'ay dessus nom- 
mez. « Saint Jehan, ce dist ma dame, mon- 
seigneur , ce n'est pas mal demandé ; vous 
avez bien cause d'en tenir telle manière, 
et il semble que vous soies courroussé, qui 
vous voit. — Je ne suis pas trop à mon 
aise , dit il , car je ne vous laissay pas tant 
d'argent à mon partir, et si n'en povez tant 
avoir espergné que pour avoir acquis tant de 
vaisselle, tant de tapisserie, et le surplus des 
bagues que je trouve céens; il fault, et je 
n'en douote, car j'ay cause, que quel- 
qu'ung se soit de vous accointé qui nostre 
mesnaçe ait ainsi renforcé ? — Et pardieu, 
monseigneur, respond la simple femme, vous 
avez tort, qui pour bien faire me mettez sus 
telle vilannie ; )e veil bien que vous le sachez 
que je ne suis pas telle, mais meilleur en tous 
endroiz que à vous n'appartient ; et n'est-ce 
pas bien raison qu'avec tout le mal que j'ay 
eu d'amasser et espergner, pour accroistre et 
embellir vostre hostel et le mien , j'en soye 
reprochée, iesdengée et tencéeP C'est bien 



1)8 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

loing de recognoistre ma peine comme ung 
bon mary doit faire à sa bonne preude femme. 
Telle l'avez-vous, meschant maleureux, dont 
c'est dommage. » Ce procès, quoy qu'il fust plus 
long, pour ung temps se cessa, et s'avisa 
maistre mary, pourestre de Testarde sa femme 
asseuré, qu'il feroit tant avec son curé, qui son 
trèsgrana amy estoit, que d'elle orroit la aevote 
confession, ce ({u'il fist au moien du curé^ qui 
son fait conduisit ; car ung bien matin , en la 
bonne sepmaine que de son curé pour soy 
confesser s'approucha, en une chapelle se- 
crète devant il l'envoya, et à son mary vint, 
qu'il adouba de son habit , et pour estre son 
keutenant l'envoya devers sa femme. Si nostre 
mary fut joyeux , il ne le fault jà demander. 
Quand en ce point il se trouva, il vint en la 
cnappelle^etou siège du prestre sans mot dire 
entra ; et sa femme d'approcher, qui à genoux 
se mist devant ses piez , cuidant pour vray 
estre son curé, et sans tarder commença sa 
confession et dist Benedicite, Et nostre sire son 
mary respondit Dominus, et au mieulx qu'il 
sceut , comme le curé l'avoit aprins , assovit 
de dire ce qui affiert. Après que la bonne 
femme eut dit la confession générale , de- 
scendit au particulier, et vint paner comment, 
durant le temps que son mary avoit esté de- 
hors, ung escuier avoit esté son lieutenant, 
dont elle avoit en or, en argent et en bagues 
beaucop amendé. Et Dieu scet que en oyant 
ceste confession , le mary estoit bien à son 
aise; s'il eust osé, voluntiers Teust tuée à 



Nouvelle LXXVIII. 159 

ceste heure ; toutesfoiz, aflfin d'oyr encores le 
surplus, s'il y est , aura il pacience. Quand elle 
eut dit tout au long de cest escuier, du che- 
valier s'est accusée, qui comme l'autre l'avoit 
bien baguée. Et bon mary, qui de dueil se 
crève et fend , ne scet que faire de soy des- 
couvrir et bailler l'absolucion sans plus atten- 
dre ; il n'en iist rien néantmains , et print 
loysir et pacience d'escouter ce qu'il orra. 
Après le tour du chevalier, le prestre vint en 
jeu, dont elle s'accusa bien humblement; 
mais, par nostre dame , à cest coup, bon mary 
perdit pacience et n'en peut plus oyp, si jecta 
]us chape et surplis, et se monstrant , luy dist : 
« Faulse et desloyale , or voiz je et cognois 
bien vostre grana trahison ! et ne vous suffi- 
soit-il de l'escuier et puis du chevalier, sans 
à ung prestre vous donner, qui par Dieu plus 
me desplaist et courrousse que tout ce que fait 
avez. » Vous devez savoir que de pnnsault 
ceste vaillant femme fut esbahie et soupprinse ; 
mais le loysir qu'elle eut de respondre si très- 
bien l'asseura et sa contenance de manière si 
bien ordonna, que, à l'oyr, sa response estoit 
plus asseurée que la plus juste de ce monde ; 
îaisoit à Dieu son oroison ; si respondit à chef 
de pièce comme le saint esperit l'inspira, et 
dist bien froidement : « Pouvre coquard , qui 
ainsi vous tourmentez, savez-vous bien au 
mains pour quoy ? Or, oyez-moy, s'il vous 

Elaist ; et pensez-vous que je ne sceusse trè*- 
ien que c'estiez vous à qui me confessoie ? 
Si vous ay servy comme le cas le requiert, et 



140 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

sans mentir de mot vous ay confessé tout mon 
cas ; véezcy comment : De Tescuier me suis 
accusée , et c'estes vous , mon doulx amy ; 
quand vous m'eustes en mariage, vous estiez 
escuier, et lors feistes de moy ce qu'il vous 
pleut , et me foumistes, vous le savez , Dieu 
scet comment. Le chevalier aussi dont j'ay 
touché et m'en suis encoulpit, par ma foy, 
vous estes celuy, car à vostre retour vous 
m'avez fait dame. Et vous estes aussi le pres- 
tre , car nul , si prestre n'est , ne peut oyr con- 
fession. — Par ma foy, m'amye, dist lors le 
chevalier, or m'avez vous vaincu et bien 
monstre que sage, et trèsbonne vous estes, et 
que sans cause et à tort et trèsmal adverty 
vous ay chargée et dit du mal assez, dont il 
me desplaist, et m'en repens, et vous en crye 
mercy, vous promettant de l'amender à vostre 
dit. — Legièrement il vous est pardonné , ce 
dit la vaillant femme , puis que le cas vous 
cognoissez. » Ainsi qu'avez oy fut le bon che-r 
vauer deceu par le subtil et percevant engin 
de sa desloyalle femme. 




Nouvelle LXXIX. 141 

LA LXXIXc NOUVELLE. 

PAR MESSIRE MICHAULT DE CHANGY. 

u bon pays de Bourbonnoys, où vo- 
luntiers les bonnes besoignesse font, 
avoit i'aultre hierung medicin, Dieu 
scet quel ; oncques Ypocras ne Gai- 
lien ne practicquèrent ainsi la science comme il 
faisoit : car en lieu de cyrops, de buvraiges , 
de doses, d'electuaires et de cent mille auïtres 
besoignes que medicins soient ordonner tant 
à conserver la santé de l'homme que pour la 
recouvrer s'elle est perdue , il ne usoit seul- 
ement ûue d'une manière de faire , c'est as- 
savoir, de bailler clistères. Quelque maladie 
qu'on luy àpportast ou denunçast, tousjours 
faisoit bailler clistères , et toutesfoiz si bien 
luy venoit en ses besoignes et affères que cha- 
cun estoit content de luy, et garisoit chacun, 
dont son bruyt creut et augmenta qu'on l'ap^ 
peloit par tout , tant es maisons des princes et 
seigneurs comme en grosses abbayes et bon- 
nes villes. Et ne fut oncques Aristote ne Gai- 
lien ainsi autorisé , par especial du commun 
peuple , que ce bon maistre dessus dit. Et 
tant monta sa renommée que pour toute chose 
l'on demandoit son conseil ; et estoit tant en- 
tonné incessamment qu'il ne savoit au quel 



142 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

entendre. Se une femme avoit rude mary , fel 
et mauvais, elle vcnoit au remède à ce bon 
maistre. Bref, de tout ce dont on peust de- 
mander conseil d'homme , nostre bon maistre 
avoit la huée. Advint ung jour que ung bon 
simple homme champestre avoit perdu son 
asne; et après la longue (jueste d'icelluy, 
s'advisa de tirer vers ce maistre qui si très- 
sage estoit ; et à la coup de sa venue il estoit 
tant avironné de peuple qu'il ne savoit au quel 
entendre. Ce bon homme néantmains rompit 
la presse, et, quoy que le maistre parlast et re- 
spondistàpluseurs, luy compta son cas, c'est 
asavoir de son asne qu'il avoit perdu , priant 

t)Our Dieu qu'il luy voulsist radressier et bail- 
er chose dont il le peust recouvrer. Ce mais- 
tre, qui plus aux aultres que à luy entendoit, 
quand le bruyt et son de son langage, dont rien 
il n'avoit entendu, fut finy, se vira devers luy, 
cuidant qu'il eust aucune enfermeté ; et amn 
d'en estre despesché , dist à ses gens : « Bail- 
lez luy clistère. » Et ce dit , devers les aul- 
tres se tourna. Et le bon simple homme qui 
l'asne avoit perdu, non sachant que le mais- 
tre avoit dit , fut prins des gens du maistre, 
qui tantost , comme il leur estoit chargé , luy 
baillèrent ung clistère , dont il fut bien esba- 
hy, car il ne savoit que c'estoit. Quand il eut 
ce clistère , dès qu'il fut dedans son ventre , 
il picque et s'en va, sans plus demander de 
son asne, cuidant certainement par ce le re- 
trouver. Il n'eut guères esté avant que le 
ventre luy brouilla et grouilla tellement qu'il 



Nouvelle IIII". 14; 

fiit contraint de soy bouter en une vieille ma- 
sure inhabitable, pour faire ouverture au clis- 
tère, qui demandoit la clef des champs. Et au 
partir qu'il fist, il mena si grant bruyt que 
rasne du pouvre homme, qui passoit assez 
près, comme esgaré et venu d'adventure, 
commence à racaner et cryer ;. et bon homme 
de s'avancer et lever sus et chanter Te Deum, 
et venir à son asne, qu'il cuidoit avoir recou- 
vert ou trouvé par le clistère que luy fist bail- 
ler le maistre, qui eut encores plus de renom- 
mée sans comparaison que paravant. Car des 
choses perdues on le tenoit vray enseigneur, 
et de toute science aussi le trèsparfait docteur, 
quoy que d'un seul clistère toute ceste renom- 
mée venist. Ainsi avez oy comment l'asne fut 
trouvé par ung clistère, qui est chose bien 
apparente et qui souvent advient. 



LA IlII^ïe NOUVELLE. 

PAR MESSIRE MICHAULT DE CHANGY, GENTIL- 
HOMME DE LA CHAMBRE DE MON- 
SEIGNEUR. 

S marches d'Alemaigne, comme pour 
vray oy naguères compter à deux 
gentilz seigneurs dignes de croire , 
advint que une fille, de l'eage d'en- 
viron de xv.à xvj. ans, fut donnée en mariage 




iâ/ 



144 L.ES Cent Nouvelles nouvelles. 

à unçbon gentil compaignon, qui tout devoir 
faisoit de paier le deu que voluntiers deman- 
dent femmes sans mot dire, quand en cest 
eage et tel estât sont. Mais, quoy que le pou- 
vre homme feist bien la besoigne et s'efTorsast 
espoir plus souvent au'il ne deust, si n'estoit 
euvre qu'il fist agréablement receu , et ne fai* 
soit incessamment sa femme que rechigner, et 
souvent ploroit bien tendrement comme si 
tous ses amys fussent mors. Son mary, la 
voyant ainsi lamenter, ne se savoit assez es- 
banir quelle chose luy povoit falloir, et luy 
demandoit doulcement: <( Helas! m'amye, 
et qu'avez vous ? Et n'estes vous pas bien 
vesiue, bien logée, bien servye, et de tout ce 

3ue gens de nostre estât pevent par raison 
esirer bien convenablement partie ? — Ce 
n'est pas là qu'il me tient, respondit elle. — 
Et qu'est ce donc ? dictes le moy, ce dit il , 
et si je y puis remède mettre , pensez que je 
le feray pour y mettre et corps et biens. » Les 
plus des foiz elle ne respondoit mot, mais 
tousjours rechignoit et de plus en plus triste 
chère et matte elle faisoit, que le mary ne 
portoit pas bien paciemment, quand savoir 
ne povoit la cause de ceste doléance. Tant en 
enquist que partie il en sceut , car elle luy 
dist qu'elle estoit trop desplaisante qu'il estoit 
si petitement fourny de cela que vous savez , 
c'est asavoir du baston de quoy on plante les 
hommes, comme dit Bocace. «Voire! dist 
il , et est ce cela dont tant vous dolez ? Et 
par mon serment, vous avez bien cause. Tou- 



Nouvelle IIII". 145 

tesfoiz il ne peut estre aultre, et fault que 
vous en passez tel qu'il est, voire si vous ne 
voulez aller au change. » Geste vie se continua 
ung grand temps , tant que le roary, voyant 
l'extimacion d'elle^ assembla ung jour à ung 
disnerung grant tas des amys d'elle, et leur 
remonstra le cas comme il est icy dessus tou- 
ché , et disoit qu'il luy sembloit qu'elle n'avoit 
cause de se douloir de luy en ce cas, car il 
cuidoit aussi bien estre party de l'instrument 
naturel que voisin qu'il eust : « Et afifin , dist 
il, que j'en soye mieulx creu, etvous voiez 
son tort évident , je vous monstreray tout. » Il 
mist sa denrée avant sur la table , devant tous 
et toutes, et dist : « Veezci de quoy. » Et sa 
femme de plorer de plus belle : a. Et par saint 
Jehan , dirent sa mère, sa seur, sa tante, sa 
cousine, sa voisine, m'amye, vous avez tort; 
et que demandez vous i voulez vous plus de- 
mander ? et qui est celle qui ne devroit estre 
contente d'ung mary ainsi estoffé.? Ainsy m'ayde 
Dieu, je me tiendroye bien eureuse d'en avoir 
autant, voire beaucop mains ; appaisez vous, 
appaisez vous, etfaictes bonne cnère doresen- 
avant. Par dieu ! vous estes la mieulx partie 
de nous toutes, ce croy-je.» Et la jeune espou- 
sée, oyant le collège des femmes ainsi parler, 
leur dist , bien fort plorant : « Véezcy le petit 
asnon de céans, qui n'a guères d'aage avec 
demy an , et si a l'instrument grand et gros 
de la longueur d'un bras. » Et en ce disant, 
tenoit son braz destre par le coûte , et si le 
branloit trop bien. « Et mon mary, qui a bien 

Cent Nouv, — II 10 



146 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

xxiiij ans, n'en a que ce tant peu qu'il a mon- 
stre ; vous semble-t-il que j'en doyve estre 
contente P » Chacun commença à rire > et elle 
de plus plorer, tant que l'assemblée longue- 
ment fut sans mot dire. Alors la mère print la 
parolle, et à part dist à sa fille tant d'unes et 
d'aultres que aucunement se contenta ; mais 
ce fut ^ grand peine. Véezcy la cause des filles 
d'Alemaigne; si Dieu plaist, bien tost seront 
ainsi en France. 




LA nil«le NOUVELLE. 

PAR monseigneur DE VAURIN. 

uis que les comptes et histoires des 
asnes sont acevez , je vous feray en 
bref et à la vérité ung bien gracieux 
compte d'un chevalier que la plus 
part de vous, mes bons seigneurs, congnois- 
sez de pieçà. Il fiit bien vray que le dit che- 
valier s'adventura trèsfort , comme il est assez 
de coustume aux jeunes gens, d'une trèsbelle, 
gente et jeune dame, et du quartier du pays 
où elle se tenoit la plus bruyant et la plus re- 
nommée. Mais toutesfoiz, quelque pourchaz, 
quelque semblant, quelque devoir qu'il sceust 
faire pour obtenir $a grâce, jamais il ne peut 
parvenir d'estre serviteur retenu ; dont il es- 
toit mains que bien content , attendu que tant 
ardemment 9 tant loyallement et tant entière- 



Nouvelle IIII«I. 147 

ment l'amoyt que jamaiz femme ne le fut 
mieulx. Et n'est pas à oblier que autant faisoit 
pour elle qu'oncques serviteur fist pour sa 
dame, comme de joustes, d'habiliemens ; et 
néantmains, comme dit est , tousjours trouvoit 
sa dame rude et mal tractable, et luy mons- 
trant mains de semblant d'amour que par rai- 
son ne deust : car elle savoit, et de vray, que 
loyallement et chèrement de luy estoit bien 
fort aymée. Et à dire la vérité , elle luy estoit 
trop dure, et fait assez à penser qu'il procedoit 
de fierté, dont elle estoit plus que bon ne luy 
iîist , comme on disoit , remplye. Les choses 
estans comme dit est, une aultre dame voisine 
et amye de la dessus dicte, voyant la queste 
du dit chevalier, fut tant esprise de son amour 
oue plus on ne pourroit, et, par trop bonne 
fasson qui trop longue seroit à descripre, fist 
tant que ce bon chevalier s'en apperceut; 
dont il ne se meut que bien à point, tant fort 
s'estoit donné à sa rebelle et rigoreuse mais- 
tresse. Trop bien, comme gracieux qu'il estoit, 
tout sagement entretenoit celle de luy esprinse, 
affin que si à la cognoissance de l'autre fust 
parvenu, cause n'eust eu d'en rien blasmer 
son serviteur. Or escoutez quelle chose advint 
de ces amours, et quelle en fut la conclusion. 
Ce bon chevalier amoureux , qui pour la di- 
stance du lieu ne povoit estre si souvent em* 
près sa dame que son loyal cueur et trop 
amoureux desiroit, s'advisa ung jour de prier 
aucuns chevaliers et escuiers, ses bons amvs, 
qui toutesfois de son cas rien ne savoient, d^sd- 



148 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

1er esbattre, voler et auerir les lièvres en la 
marche du pais où sa dame se tenoit, sachant 
de vray par ses espies que le mary d'elle n'y 
estoit pomt, maisestoit venu à court, où sou- 
vent se tenoit, comme celluy de qui se fait ce 
compte. Comme il fut pro[)Osé de ce chevalier 
amoureux et de ses compaignons, se partirent 
le lendemain, bien matm, de la bonne ville 
où la court se tenoit, et, tout querans les liè- 
vres passèrent temps jusques à basse nonne, 
sans boire ne sans menger. Et en grand haste 
vindrent repaistre en ung petit village; et 
après le disner,qui fut court et sec, montèrent 
à cheval et de plus belles s'en vont querans 
les lièvres. Et le bon chevalier, qui ne tiroit 
qu'à une , menoit tousjours la brigade le plus 
qu'il povoit arrière de la bonne ville , où ses 
compaignons avoient grand vouloir de retirer, 
et souvent luy disoient : « La vespre approu^ 
che, il est heure de retirer à la ville; si nous 
n'y advisons , nous serons enfermez dehors, 
et nous fauldra ^esir en ung meschant vil- 
lage et tous morir de faim. — Vous n'avez 
garde, disoit nostre amoureux, il est encore 
heure assez ; et au fort je sçay ung lieu en ce 
quartier où l'on nous fera trèsbonne chère ; 
et pour vous dire, si à vous ne tient, les da- 
mes nous festieront. Comme gens de court se 
trouvent voluntiers avec les oames, ilz furent 
contens de soy gouverner à l'appétit de celuy 
qui les avoit mis en train, et passèrent le temps 
({uerans les lièvres et les perdris tant aue le 
)our dura. Or vint l'heure de venir au logis. 



Nouvelle IIII"I. 149 

si dist le chevalier à ses compaignons : « Ti- 
rons, tirons pais, je vous mainray bien. » En* 
viron une heure ou deux de nuyt, ce bon che- 
valier et sa compaignie arrivèrent à la place 
où se tenoit la dame dessus dicte , de c^ui tant 
fort estoit féru la guide de la compaignie , qui 
mainte nuyt en avoit laissé le dormir. On hurta 
à la porte du chasteau , et varletz assez tost 
vindrent avant , qui demandoient qu'on vou- 
loit. Et celuy à qui le fait touchoit print la 
parolle et leur dist : « Messeigneurs , mon* 
sei^eur et madame sont ilz céans ? — En 
venté , respondit l'un pour tous, monseigneur 
n'y est pas, mais madame y est. — Vous luy 
direz , s'il vous plaist , que telz et telz cheva* 
liers et escuiers de la court, et moy ung tel, 
venons d'esbatre et querre les lièvres en ceste 
marche, et noussommes esgarez jusquesà ceste 
heure, qui est trop tard de retourner à la ville. 
Si luy prions qu'il luy plaise nous recevoir 
pour ses hostespour meshuy. — Voluntiers», 
dist il. Il vint faire ce message à sa maistresse, 
laquelle cy prins cy mis fist faire la response 
sans venir vers eulx, qui fut telle : « Monsei- 
gneur, dit le variet, madame vous fait savoir 
que monseigneur son mary n'est pas icy, dont 
il luy despiaist, car, s'il y fust, il vousfeist 
bonne chère ; et en son absence elle n'oseroit 
recevoir personne; si vous prie que luy par- 
donnez. » Le chevalier meneur de l'assemblée, 
pensez qu'il fut bien esbahy et trèshonteux 
d'oyr ceste response, car il cuidoit bien veoir 
à loisir sa maistresse et deviser tout son cueur 



I5Ô Les Cent Nouvelles nouvelles. 

saoul, dont il se treuve arrière et bien loing; 
et encores beaucop iuy grève d'avoir amené 
ses compaignons en lieu où il s'estoit vanté 
de les bien faire festoyer. Comme sachant et 
gentil chevalier, il ne monstra pas ce que son 
pouvre cueur portoit; si dist de plain visage à 
ses compaignons : « Messeigneurs, pardonnez 
moy ^ue je vous ay fait paier la bée ; je ne 
cuidoie pas ^ue les dames de ce pais fussent 
si peu courtoises que de refuser ung giste aux 
chevaliers errans ; prenés en pacience. Je vous 
promectz par ma foy de vous mener ailleurs, 
ung peu ensus de céans , où Ton nous fera 
toute aultre chère. — Or avant donc , dirent 
les aultres, picquez avant : bonne adventure 
nous doint Dieu. » Hz se mettent au chemin ; et 
estoit rintencion de leur euide de les mener 
à l'hostel de la dame dont iïestoit le cher tenu, 
et dont mains de compte il tenoit que par rai- 
son il ne deust ; et conclud à ceste heure de 
soy oster de tous poins de l'amour de celle 
qui si lourdement avoit refusé la compaignie , 
et dont si peu de bien Iuy estoit venu estant 
en son service ; et se délibéra d'amer, servir et 
obéir tant que possible Iuy seroit celle qui 
tant de bien Iuy vouloit , et où, se Dieu plaist , 
se trouvera tantost. Pour abréger, après la 
grosse pluye que la compaignie eut plus d'une 
grosse neure et demye sur le dos, ont arrivé 
à l'hostel de la dame dont naguères parloye ; 
et hurta l'on de bon het à la porte , car il jsstoit 
bien tard, environ neuf ou dix heures de nuyt, 
et doubtoient fort qu'on ne fiist couché. Variez 



Nouvelle IIII»I. iji 

et meschinessaiilirent dehors, qui s'en vouloient 
aller coucher, et demandent qu'est ce là ? Et on 
leurdist. IIe vîndrem à leur maistresse, qui 
estoit jà en cotte simple, et avoit mis couvre- 
chef de nuyt ; et luy dirent : « Madame , à la 
porte est monseigneur de tel lieu, qui veult 
entrer, et avec luy aucuns aultres chevaliers 
et escuiers de la court, jusqoes au nombre de 
trois. — Hz soient les trèsbien venuz, dist 
elle; avant, avant, vous teiz et telz, allez 
tuer chappons et poullailles, et ce que nous 
avons de Don, et mectez en haste.» Bref, elle 
disposa comme femme de bien et de grant 
façon, comme elle estoit et encores est, tout 
suoit les besoignes comme vous orrez tantost. 
Et print bien à haste sa robe' de nuyt, et ainsi 
attoumée qu'elle estoit, le plus gentement 

Qu'elle peut vint au devant des seigneurs 
essusdis, deux torches devant elle et une 
seulle femme avecques elle, trèsbelle fille; 
les aultres mettoient tes chambres à point. Elle 
vint rencontrer ses hostes sur le pont du chas- 
teau, et le gentil chevalier qui tant estoit en 
sa grâce, comme des aultres la guide et le 
meneur, se mist en front devant, et en faisant 
les recognoissances, il la baisa, et puis après 
tous les aultres la baisèrent pareillement. Alors, 
comme femme bien enseignée, dist aux sei* 

Seurs dessus ditz : « Messeigneurs, vous soiez 
i trèsbien venuz; monseigneur tel, c'est 
assavoir leur guide, je le cognois de pieçà, 
il est, de sa grâce, tout de céens ; s'il luy plaist, 
il feia mes accointances devers vous^ » Pour 



152 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

abréger, accointances furent faictes , le soup- 
per assez test appresté, et chacun d'eulxiogié 
en belle et bonne chambre bien gamye de 
tapisserie et de toute aultre chose nécessaire. 
Si vous fault dire que tantdiz que le soupper 
s'apprestoit, la dame et le bon chevalier se 
devisèrent tant et si longuement, et se porta 
conclusion entre eulx que pour la nuyt iiz ne 
feroient.que ung lit, car de bonne adventure 
le maiy n'estoit point léens, mais plus de qua- 
rante lieues loing. Or est heure, tantdiz que 
ce soupper s'appreste, que ces devises se font, 
et que l'on souppe le plus joyeusement que 
Pon pourroit. Après les adventures du jour, 

Jue je vous dye de la dame qui son hostel re- 
isa à la brigade dessus dicte, mesmes à celuv 
que bien savoit qui plus l'amoit que tout le 
monde, et fut si mal courtoise qu'onjcques 
vers eulx ne se monstra. Elle demanda à ses 

i^ens, quand ilz furent vers elle retournez de 
aire leur message , quelle chose avoit rt-* 
spohdu le chevalier. L'un luy dist : « Mada- 
me, il le fist bien court : trop bien dist il 
qui menoit ses gens en ung lieu en sus d'icy 
où l'on leur feroit tout recueil et meilleure 
chère. >> Elle pensa tantost ce qui estoit et 
dist en soy mesmes: « Ha ! il s'en est allé à 
l'ostel d'une telle, qui, conune bien sçaj, ne le 
voit pas envis. Leens se tractera, je n'en 
doubte point, quelque chose à mon préjudi- 
ce. >> Et elle estant en ceste ymagmacion et 
pensée, subitement le dur courage que tant 
rigoreux avoit envers son serviteur porté 



Nouvelle IIII*«1. 15 j 

fut tout changé et altéré, et en trèscordial 
pX bon vouloir transmué, dont envye pour 
ceste heure fut cause et motif; conclusion 
oncques ne fut tant rigoreuse que à ceste 
heure trop plus ne soit doulce et désireuse 
d'accorder à son serviteur tout ce qu'il voul- 
droit requérir. Ainsi va la besoigne. Et doub- 
lant que la dame où la brigade estoit ne 
joyst de celuy que tant avoit traicté durement, 
escripvit unes lettres de sa main à son servi- 
teur, dont la plus part des lignes estoient de 
son précieux sang escriptes^ qui contenoit en 
effect que, tantost ces lettres veues, toutes 
aultres choses mises arrière, il venist vers 
elle avecques le porteur tout seul, et il seroit 
si agréablement receu que oncques serviteur 
ne tut plus content de sa dame qu'il seroit. 
Et, en signe de plus grand vérité, mist dedans 
la lettre ung djamant que bien cognoissoit. 
Ce porteur, qui estoit seur, print la lettre et 
vint trouver au lieu dessus dit le chevalier 
auprès de son hostesse au souper et toute 
l'assemblée. Tantost après grâces, le tira d'un 
costé, et, en luy baillant la lettre, dist qu'il 
ne feist semblant de rien , mais qu'il accom- 
plist le contenu. Ces lettres veues, le bon 
chevalier fut bien esbahy et encores plus 
joyeux ; car combm qu'il eust conclu et aeli- 
oeré de soy retirer de l'amour et accointance 
de celle qui luy escripvoit, si n'estoit il pas si 
converty que la chose que plus il desiroit ne 
luy fust par ceste lettre permise. Il tira son 
hostesse à part, et luy dist comment son mais- 



154 ^^ Ce^t Nouvelles nouvelles. 

tre le mandoit hastivement, et que force hij 
estoit de partir tout à ceste heure , et monstroit 
bien semblant que bien luy desplaisoit. Celle 

3ui estoit auparavant la plus joyeuse , atten- 
ant ce que tant avoit désiré, devint triste et 
ennuyeuse , à peu de monstre. Il monte à che- 
val et laisse ses compaignons léens, et avec 
le porteur des lettres vient et arrive tantost 
après mynu]rt à l'ostel de sa dame, de laquelle 
le mary estoit naguères retourné de court et 
s'apprestoit pour s'en aller coucher, dont 
Dieu scet en quel point en estoit celle qui son 
serviteur avoit mandé quérir par ces lettres. 
Ce bon chevalier, qui tout le jour avoit culetté 
la selle , tant en la queste des lièvres comme 
pour auerir lo^s, sceut à la porte que le mary 
de sa aame estoit arrivé, dont il fvx aussi joyeux 
que vous povez penser. Si demanda à sa guide 
qu'il estoit de faire ? Si advisèrent ensemble 
qu'il feroit semblant de soy estre esgaré de ses 
compaignons, et que de i>onne adventure il 
avoit trouvé ceste guide qui léens l'avoit 
adressé. Comme il fut dit il fut fait, en la 
maie heure , et vint trouver monseigneur et 
madame , et fist son personnage ainsi qu'il 
sceut. Après boire une foiz , qui pou de bien 
luy fist, on le mena en sa chambre pour cou- 
cher, où guères ne dormit la nuyt, et lende- 
main au matin avec son hoste à la court re- 
tourna sans riens accomplir du contenu de la 
lettre dessus dicte. Et vous dy que là ne à 
l'aultre oncques puis ne retourna, car tost après 
la court se partit du pais, et il suyvit le train , 



I 

i 



Nouvelle IIII«II. 155 

et tout ht mis en non challoir et oubly, comme 
souvent advient. 




LA IIII«IIe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE LAUNOY. 

r escoutez, s'il vous plaist, qu'il 
advint en nostre chastellenie de 
Lisie, d'un bergier des champs et 
_ d'une jeune pastorelle qui ensemble 
ou assez près l'un de l'autre gardoient leurs 
brebiz. Marché se porta entre eulx deux, une 
foif entre les aultres, à la semonce de nature, 
qui desjà les avoit élevez en eage de cognois- 
tre que c'est de ce monde , que le bergier 
monteroit sur la bergière pour veoir plus loing, 
pourveu toutesfoiz qu'il ne l'embrocheroit néant 
plus avant que le signe qu'elle mesme fist sur 
son instrument naturel du bercier de sa main, 
qui estoit environ deux doiz, la teste franche^ 
et estoit le signe fait d'une more noire qui 
croist sur les hajes. Cela fait, ilz se mettent à 
l'ouvrage de par Dieu, et bon bergier se fourre 
dedens, comme s'il ne coutast rien , sans re- 
garder mercque, ne signe, ne promesse qu'il 
eust faicte à sa bergière, car tout ce qu'il avoit 
ensevelit jusques au manche; et si plus en 
«ust eu, il trouva lieu assez pour le loger. Et 
la belle bergière, qui jamais ne Ait à telles 
nopces, tant aise se trouva que jamais ne 



ij6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

youlsist faire aultre euvre. Les armes furent 
achevées, et se tira tantost chacun vers ses 
brebis, qui desjà s'estoient d'eulx fort esioi- 
gnées, à cause de leur absence. Tout fut ras- 
semblé et mis en bon train , et bon bergier, 
pour passer temps comme il avoit de cous- 
tume , se mist en contrepoix entre deux haloz 
sur une.balochouère, et là s'esbatoit et estoit 
plus aise que ung roy. La bergière se mist à 
faire ung chapelet de florettes sur la rive d'un 
fossé assez loicnet de la balochoère au ber- 
gier, et regarooit tousjours , disant la chan- 
sonnette jolye, pour veoir s'il reviendroit point 
à la morse; mais c'estoit la maindre de ses 
pensées. Et quand elle vit qu'il ne venoit point, 
elle commence à hucher tant qu'elle peut : 
« Hau ! Hacquin ! Hacquin 1 » Et il respond : 
« Que veulx tu ? que veulx tu ? — ^Vien çà, vien 
çà, dit elle, si feras. » Mais elle disoit tout 
oultre; et Hacquin, qui en avoit son saoul, 
luy respondit : « En nom Dieu, j'ay aussi cher 
que je ne face néant que je face; je m'esbas 
bien ainsi. » Et toute jour oalochoit. Et dame 
bergière rehuche de plus belle : «Vien çà, 
Hacquin, je te laisseray tout bouter plus avant, 
sans faire mercque n'enseigne , ainsi que tu 
vouldras. — Saint Jehan ! dit Hacquin , j'ay 
passé le seing de la more, et bouté tout ens 
|usques aux pennes; mais vous n'en arez plus 
aussi maintenant. » Si se reprint Hacqum à 
balocher, et laissa la berbère faire son cha- 
pellet, à qui bien desplaisoit de ce qu'il la 
laissoit oyseuse. 



«■iWBH^P^^P^HHIli 




Nouvelle IIII«III. ij7 

♦ 

LA IIII«IIIe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE VAURIN. 

omme il est de coustume par tous 
pals que par les villes et villages 
souvent s'espartent les religieux 
mendians, tant de l'ordre des Ja- 
cobins, Cordeliers, Carmes, et AugUstins, 
pour prescher les vices, les vertuz exaulser et 
loer, advint que, à Libers, bonne petite ville 
en la conté d'Artoys, arriva ung carme du 
couvent d'Arras, par ung dimenche matin, 
ayant intencion d'y prescher, comme il fist 
bien et dévotement et haultement ; car il es- 
toit bon clerc et trèsbeau langagier. Tantdiz 
que le curé disoit la grand messe, maistre 
carme se pourmenoit , attendant que quel- 
qu'ung le feist chanter pour gaigner deux pa- 
tars ou trois gros; mais nul ne s'en avançoit. 
Et ce voyant une ancienne damoiselle vefve, 
à qui print pitié du pduvre religieux , luy fist 
dire messe, et par son varlet bailler deux pa- 
tars, et encores prier de disner. Et maistre 
moyne happa cest argent, promectant de ve* 
nir au disner, comme il fist tantost qu'il eut 

Sresché et que la ^and messe de la parroiche 
it finie. La damoiselle qui l'avoit fait chanter 
et semondre au disner se partit de l'église ^ 
elle et sa chambrière, et vindrent à rostel 



158 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

faire tout prest pour recevoir le prescheur, qui 
en la conauicte d'un serviteur de la dicte da- 
moiselle vint arriver à l'ostel , où il fut receu 
bien honnestement; et, après les mains la- 
vées, la damoiselle luy assigna sa place, et 
elle se tint auprès de luy, et le varlet et la 
chambrière se misrent à servir, et de prinsault 
apportèrent la belle porée avecques beau lard, 
et belles trippes de porc, et une langue de 
beuf rostie. Dieu scet comment , tantost que 
damp moyne vit la viande , il tire ung beau, 
lonç et large cousteau, bien |renchant, (^u'il 
avoit à sa cincture, tout en disant Benedicite, 
et puis se mect en besoigne à la porée. Tout 
premièrement qu'il eut despeschée, et le lard 
aussi, sy prins cy mis, de là il se tire à ces 
trippes belles et grasses, et fiert dedans com- 
me ung loup dedans les brebis. Et avant que 
la bonne, damoiselle son hostesse eust à moitié 
mengé sa porée , il n'y avoit ne trippe ne trip- 
pette dedans le plat. Si se prend à ceste lan- 
gue de beuf , et de son coulteau bien trenchant 
en deiifist tant de pièces qu'il n'en demoura 
oncques lopin. La bonne damoiselle, qui tout 
ce sans mot dire regardoit, souvent regardoit 
l'oeil sur son varlet et sa chambrière, et eulx, 
en soubzriant tout doulcement, pareillement la 
regardoient. Elle fist apporter une pièce de bon 
beuf salé et une belle pièce de mouton de bon 
endroit, et mettre sur la table. Et bon moine, 
qui n'avoit appétit nesq'un chien, s'apiertà la 
pièce de beuf, et s'il avoit eu peu de pitié des 
trippes et de la langue de beuf , encores çn 



Nouvelle IIII"III. 159 

eut il mains de mercy de ce beau beuf entre- 
lardé. Son hostesse , qui erand plaisir prenoit 
à le veoir menger, trop plus que le varlet et 
la meschine , qui entre leurs dens le maudi- 
soient, luy faisoit tousjours emplir sa tasse si 
tost qu'elle estoit vuide. Et pensez qu'il des- 
couvroit bien viande, et point n'espargnoit le 
boire. Il avoit si grand naste de fournir son 
pourpoint qu'il ne disoit mot, si pou non. 
Quand la pièce de beuf fut comme toute men- 
gée et despeschée , et plus part de celle de 
mouton , de laauelle l'ostesse avoit ung tan- 
tinet mengé , elle voyant que son hoste n'es- 
toit encores saoul, nst signe à sa chambrière 
((u'elie apportast ung gros jambon cuict du 
jour devant pour la garnison de l'ostel. La 
chambrière, tout maudisant le prestre qui tant 
gourmandoit, fist le commendement de sa 
maistresse, et mist le jambon sur la table. Et 
bon moyne, sans demander qui vive, frappe 
sus et le navra et affola ; car de prinsault il luy 
trencha le jaret, et, ensuyvant le terminé pro- 
pos, de tous pojns le desmembra, et n'y laissa 
que les os. Qui adonc veist rire le varlet et la 
meschine, il n'eust jamais eu les fièvres, car 
il avoit desgarny tout l'ostel, et avoient grand 
doubte qu'il ne les mangeast aussi. Pour abré- 
ger, après tous les mets dessusdiz, la dame 
nst mectre à la table ung très beau fromage 
gras, et ung plat bien foumy de tartes, de 
pommes, et de fromage, avecques la belle 
pièce de beune frez, dont on ne rapporta si 
petit non. Le disner fut fait ainsi qu'avez oy, 



i6o Les Cent Nouvelles nouvelles. 

et vint à dire grâces, que maistre prescheur 
pronunça enflé comme ung ticquet , et en là 
nn'il distà son hostesse: « Damoiselle, je 
vous mercve de voz biens ; vous m'avez tenu 
bien aise, la vostre mercy. Je prie à celuy qui 
repeut cinq mille hommes de pains d'orge et 
de deux poissons, dont après qu'ilz furent 
saoulez de menger, demoura de relief xij. cor- 
beilles, ^u'il le vous veille rendre. — Saint 
Jehan, dist la meschine, ^ui s'avança de par- 
ler, sire , vous en povez bien tant dire ; je croy 
que, si vous eussez esté l'un de ceulx qui là 
furent repeuz, qu'on n'en eust point rapporté 
de relief, car vous eussez bien tout mangé , et 
moy aussi se je y eusse esté. — Vrayement, 
m'amye, dit le moyne, qui estoit ung garin 
tout fait, je ne vous eusse point mengée, 
mais je vous eusse bien embrochée et mise en 
ros^, ainsi que vous pensez qu'on fait. » La 
dame commença à rire , et si firent le varlet et 
la chambrière , malgré au'ilz en eussent. Et 
nostre moyne, qui avoit ta panse farcye, mer- 
cya de rechef son hostesse, qui si bien l'avoit 
repeu , et s'en alla en quelque aultre village 
gaigner son soupper ; je ne scay s'il fut tel que 
le disner. 



^ÊÊ^m^ 



ii 

I 




Nouvelle IIII^IIII. i6i 

LAIIII«IIIIe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR LE MARQUIS DE ROTHELIN. 

andiz que quelqu'ung s'avancera de 
dire quelque bon compte, j'en feray 
ung petit qui ne vous tiendra guè- 
res , mais il eft véritable et de nou- 
vel advenu. J'avoie ung mareschal qui bien et 
longuement m'avoit servy de son mestier; il 
luy print volunté de soy marier; si le fut, et à 
la plus devoiée femme qui fust, comme on di- 
soit, en tout le pals. Et auand il cogneut que 
par beau ne par lait il ne la povoit oster de sa 
mauvaistié, il l'abandonna, et ne se tint plus 
avec elle, mais la fuyoit comme tempeste; 
car, s'il l'eust sceue en une place , jan>ais n'y 
eusttiré, mais tousjours au contrafre. Quand 
elle vit qu'il la fuyoit ainsi, et qu'elle n'avoit à 
qui tencer ne monstrer sa devoiée manière, elle 
se mist en la queste de luy et partout le suy- 
voit. Dieu scet disant quelx motz ; et l'aultre 
se taisoit et picquoit son chemin. Et elle tant 
plusmontoit sur son chevalet, et disoit de 
maulx et de malédictions à son pouvre mary, 
plus que ung deable ne saroit faire à une ame 
damnée. Un jour entre les aultres, voyant que 
son mary ne respondoit mot à chose qu^elle pro- 
posast , le suyvant par la rue, devant tout le 
monde cryoit tant qu'elle povoit : « Vien-çà, 

Cent Nouv, — 11. il 



i62 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

traîstrel parle à moy; je suis à toy, je suis à 
toy.)> Et mon mareschal, oui estoit devant, di- 
soit à chacun mot qu'elle disoit : « J'en donne 
ma part au deable , j'en donne ma part au 
deable. » Et ainsi la mena tout du long de la 
ville de Lille toujours cryant : «Je suis à 
toy» ; et l'autre respondoit : « J'en donne ma 
part au deable. » Tantost après, comme Dieu 
voulut , ceste bonne femme mourut, et l'on de- 
mandoit à mon marescbal s'il estoit fort cour- 
roucié de la mort de sa femme^ et il disoit 
(^ue jamais si grand eur ne luy vint, et que 
SI Dieu luy eust donné ung souhait à choisir, 
il eust demandé la mort de sa femme, « la- 
quelle, disoit il, estoit tant maie et obstinée en 
malice que, si je la savoye en paradis , je n'y 
vouldroye jamais aller tant qu'elle y fust, car 
impossible seroit que paix fust en nulle assem- 
blée où elle fust. Mais je suis seur qu'elle est 
en enfer, car oncques choses créée n'approucfaa 
plus à faire la manière des deables qu'elle fai- 
soit. )) Et puis on luy disoit : « Et vrayement il 
vous fauit remarier et en querre une bonne, 
paisible etpreude femme. — Maryer! disoit 
U ; j'aymeroye mieulx me aller pendre au gibet 
que jamais me rebouter ou dangier de trouver 
enfer, que j'ay, la Dieu mercy, à ceste heure 
passé. » Ainsi demoura et est encores; ne 
sçay je qu'il fera. 



Nouvelle m I«V. 16} 




LA IIII«Ve NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE SANTILLY. 

epuis cent ans en çà ou environ, 
es marches de France est advenu^ 
en une bonne paroisse , une joyeuse 
adventure que je metlray ycy pour 
croistre mon nombre , et pource qu'elle est 
digne d'estre ou ren^ des aultres. En la- 
dicte bonne ville avoit ung maryé, de qui 
la femme estoit belle, doulce et gracieuse, 
et avec tout ce trésamoureuse d'un seigneur 
d'église, son propre curé et prochain voisin, 
qui ne l'aimoit rien mains qu'elle iuy ; mais 
de trouver la manière comment ilz se pour- 
roient conjoindre bien amoureusement ensem- 
ble &it difficile, combien qu'en la fin fîist trou- 
vée, et par l'engin de la dame, en la fasson 
que je vous diray. Le bon mary orfèvre es- 
toit, tant allumé et ardent en convoitise qu'il 
ne dormoit heure ne bon somme pour labou- 
rer. Chacun jour sejlevoit une heure ou deux 
devant jour, et laissoit sa femme prendre la 
longue crastine jusques à viij. ou à ix. heu- 
res, ou si longuement qu'il Iuy piaisoit. Ceiste 
bonne et entière amoureuse, voyant son mary 
chacun jour continuer la diUgence et entente 
de soy lever pour ouvrer et marteler, s'advisa 
qu'elle employroit avecques son curé le temps 



164 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

qu'elle estoit habandonnée de son mary , et (jue 
à telle heure son dît amoureux la pourroit visi- 
ter sans le sceu de son dit mary, car la maison 
du curé tenoit à la sienne sans moyen. 'La 
bonne manière fut descouverte et mise en ter- 
mes à nostre curé, qui la prisa trèsbien, et luy 
sembla bien que trèsaisément le feroit et secrè- 
tement. Ainsi doncques que la façon fut trou- 
vée et mise en termes, tout ainsi fut elle exé- 
cutée, et le plustost que les amans purent, et 
la continuèrent par aucun temps qui dura assez 
longuement. Mais comme fortune, envyeuse 
peut estre de leur bien et doubc passetemps , 
le vouloit, leur cas fut descouvert maleureuse- 
ment en la manière que vous orrez. Cest or- 
fèvre avoit ung serviteur, qui estoit amoureux 
et jaloux trèsgrandement de sa dame ; et pource 
que trèssubtilement avoit perceu nostre mais- 
tre curé parler à sa dame, il se doubtoit très- 
fort de ce qui estoit. Mais la manière comment 
ce povoit faire, il ne le pou voit ymaginer, si 
n'estoit que le curé viensist à Pheure qu'il for- 
geoit au plus fort avec son maistre. Geste 
ymaginacion luihurtatant à la teste qu'il fist lé 
guet et se mist aux escoutes pour savoir la 
vérité de ce qu'il ignoroit. Il rist si bon guet 
qu'il perceut et eut vraye expérience du fait; 
car, une matinée , il vit le curé venir tantost 
après que l'orfèvre fut vuidé de sa chambre, 
et y entrer, puis fermer l'huys. Quand il fut 
bien asseur que sa suspicion estoit vraye, il 
se descouvrit à son maistre, et luy dist en ceste 
manière : « Mon maistre, je vous sers, de vostre 



dÊm 



. Nouvelle IIïI«V. 165 

grâce, non pas seulement pour gainer vostre 
argent, menger vostre pam , et faire bien et 
loyalement vostre besoigne, mais aussi pour 
garder vostre honneur et vostre dommage em- 
pescher ; et si aultrement faisoie, digne ne se- 
roye d'estre vostre serviteur. J'ayeudèspiejà 
suspicion que nostre curé vousfeist desplaisir, 
et le vous ay celé jusques ore que j'en ay eu 
la vraye expérience ; et affin que vous ne cui- 
dez que je vous veille en vain tromper, je 
vous prie que nous allions en vostre chambre, 
et sçay que l'on l'y trouvera maintenant. 
Quand le bon homme oyt ces nouvelles, il se 
tint trèsbien de rire, et fiit content de visiter 
sa chambre en la compaignie de son varlet, 
qui luy fist promectre qu'il ne tueroit point le 
curé, car aultrement ne luy vouloitpomt tenir 
compaignie, mais trop bien vouloit qu'il fust 
bien puny. Hz montèrent en la chambre, qui 
fut tantost ouverte ; et le mary entra le pre- 
mier, et vit que monseigneur le curé tenoit sa 
femme entre ses braz et forgeoit ainsi qu'il 
povoit ; si s'escrya disant : « A mort , à mort , 
ribauld ! Qui vous a cy bouté ? » Qui fut adonc- 
ques bien esbahy , ce fut maistre curé , et de- 
manda mercy . « Ne sonnez mot , ribauld pres- 
tre , ou je vous tueray maintenant. — Ha ! 
mon voisin , pour Dieu mercy , dit le curé , 
faiçte de moi vostre bon plaisir. — Par l'a- 
me de mon père , avant que vous m'eschap- 
pez, je vous mettray en tel estât que ja- 
mais n'arez volume de marteler sur enclume 
femenine. Sus^ laissez vous manyer, si vous ne 



ih. 



i66 Les Cent Nouvelles nouvelles. "" 

voulez morir. » Le pouvre maleureux se laissa 
lyer par ses deux ennemis sur ung bancq , le 
ventre dessus , et les deux jambes esraillées en 
dehors du bancq. Si bien fut lyé qu'il ne povoit 
rien mouvoir que la teste ; ]3uis fut porté ainsi 
marescaucié en une petite maisonnette qui est oit 
derrière Postel de rorfèvre , et estoit la place 
où il fondoit.son argent. Quand il fut ou lieu 
où Pon le vouloit avoir, l'orïlèvre envoya qué- 
rir deux grands clouz à large teste, des quebc 
il attacha au bancq les deux marteaulx qui 
avoient en son absence forgé sur l'enclume de 
sa femme, et puis le deslya de tous poins. Si 
print après une poignée d'estrain, et en bouta 
le feu en la maisonnette, et habandonna nos- 
tre curé, et s'enfuyt en la rue crier au feu. 
Quand le prestre se vit environné de feu, et 
que remèaen'y avoit qu'il ne luy faillist perdre 
les genitoires ou estre brullé , se lève et s'en- 
court, et laisse sa bourse cloée. L'efFroj du 
feu fut tantost élevé par toute la rue ; si ve- 
noient les voisins pour l'estaindre. Mais nos- 
tre curé les faisoit retourner, disant qu'il en 
venoit, et que tout le dommage qui en povoit 
advenir estoit jà advenu , et que aider plus 
n'y pouvoient ; mais il ne leur disoit pas que 
le dommage luy competoit. Ainsi fut le pouvre 
amoureux curé salarié du service qu'il fist à 
amours, par le moien de la faulse et traistresse 
alousie du varlet, comme vous avez oy. 



Nouvelle IIIÏ^VI. 



167 



LA IIIl«VIe NOUVELLE. 




PAR MONSEIGNEUR PHILIPE VIGNIER, ESCUIER 
DE LA CHAMBRE DE MONSEIGNEUR. 

n la bonne ville de Rouen , puis peu 
de temps en qk, ung jeune homme 
print à mariage une tendre jeune 
fille , aagée de xv ans ou environ. 
Le jour de leur grand feste , c'est assavoir des 
nopces, la mère de ceste fille, pour garder et 
entretenir les cerimonies accoustumées en tel 
jour, escoUa et introduisit la dame des nopces, 
et luy aprint comment elle se devoit gouver- 
ner pour la première nuyt avec son maiy. La 
belle fille , à qui tardoit l'attente de la nuyt 
dont elle recevoit la doctrine, mist grosse 
peine et grand diligence de retenir la leczon 
de sa bonne mère ; et luy sembloit bien que 
quand l'heure seroit venue où elle devroit 
mettre à exécution celle leczon, qu'elle en 
feroit si bon devoir que son mary se loeroit 
d'elle, et en seroit trèscontent. Les nopces. 
furent honorablement faictes en grand solen- 
nité, et vint la désirée nuyt; et tantost après 
la feste faillye, que les jeunes gens furent re- 
traiz et qu'ilz eurent pnns congié du sire des 
nopces et de sa dame, la bonne mère, les 
cousines , voisines et aultres privées femmes 
prindrent nostre dame des nopces et la me- 



i68 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

nèrent en la chambre où elle devoit .coucher 
pour la nuyt avec son espousé, où elles la des- 
armèrent de ses atours , joyaux , et la firent 
coucher ainsi qu'il estoit de raison; puis luy 
donnèrent bonne nuyt , l'une disant : « M'a- 
mye, Dieu vous doint joye et plaisir de vostre 
mary, et tellement vous gouverner avecques 
luy que ce soit au salut de voz deux âmes. » 
L'autre disoit: « M'amye, Dieu vous doint telle 
paix et concordance avec vostre mary que 
puissez faire euvre dont les sains cieulx soient 
remplis. » Et ainsi chacune faisant sa prière 
se partit. La mère, quidemoura laderrenière, 
reduist à mémoire son escoliere sur la doc- 
trine et leczon que aprinse luy avoit, luy 
priant que penser y voulsist. Et la bonne fille, 
qui, comme l'on dit communément, n'avoit 
pas son cueur en sa chausse . respondit que 
trésbonne souvenance avoit de tout , et que 
bien l'a voit, Dieu mercy, retenu. « C'est bien 
fait, dîst la mère; or je vous laisse et vous 
recommende à la grâce de Dieu , luy priant 
qu'il vous donne bonne adventure. Adieu, 
belle fille. — Adieu , bonne et sage mère. » 
Si tost que la maistresse de l'escole fut vuidée, 
nostre mary, qui à l'huys n'attendoit aultre 
chose, entra ens ; et la mère l'enferma et tira 
l'huys, et luy pria qu'il se gouvemast sagement 
avec sa fille. Il promist que aussi feroitil; et 
si tost que l'huys fiit fermé, il, qui n'avoit que 
son pourpoint en son dos, le rue jus et monte 
sur le Ut, et se joina au plus près de sa dame 
la lance au poing, et luy présente la bataille. 



Nouvelle IIII«VI. 169 

A Papproucher de la barrière oCi l'escarmouche 
se de voit faire ^ la dame prend et empoigne 
ceste lance droicte comme ung cornet de va- 
chier; et tantost qu'elle la sent aussi dure et 
de grosseur trèsbonne , s'escrye, disant que 
son escu n'estoit assez puissant pour recevoir 
les horions de si gros fust. Quelque devoir que 
nostre mary peust faire , ne peut trouver la 
manière d'estre receu à cest escu ne ceste 
jouste ; la nuyt se passa sans rien besoigner, 
qui despleut moult à nostre sire des nopces. 
Mais au fort il print pacience , espérant recou- 
vrer tout lanu^t prochaine, où il fut autant oy 
que à la première^et ainsi à la troisiesme, qua- 
triesme, et jusques à la quinziesme, où les ar- 
mes furent accomplies, comme je vous diray. 
Puandles xiij. jours furent passez que nozdeux 
Jeunes gens sont mariez, combien qu'ilz n'eus- 
sent encores ensemble tenu mesnage , la mère 
vint visiter son escolière, et, après cent mille 
devises qu'elles eurent ensemble, luy demanda 
l'on de ce mary quel homme il estoit , et s'il 
faisoit bien son devoir. Et la fille disoit qu'il 
estoit trèsbon homme, doulx et paisiole. 
« Voire mais, disoit la mère, fait ilbien ce 
que l'on doit faire ? — Oy , disoit la fille , 
mais. . . — Quelz mais ? Il y a à dire en son fait, 
dit la mère, je l'entends bien ; dictes le moy 
et ne le me celez point. Est-il homme pour 
accomplir le deu à quoy il est obligé par ma- 
riage et dont je vous ay baillé la leczoh? » 
La bonne fille fut tant pressée c^u'il luy convint 
dire qve l'on n'avoit encores nen besoigné en 



L. 



ù-ia .. ..J./ -^ 



lyo Les Cent Nouvelles nouvelles. 

son ouvrouer; mais elle taisoit qu'elle fust 
cause de la dilacion , et que tousjours eust re- 
Aisé la jouste. Quand la mère entendit ces 
doloreuses nouveUes, Dieu scet quelle vie 
elle mena , disant que par ses bons dieux elle 
y mettroit remède et bref, et que tant avoit 
ae bonne accointance de monseigneur l'ofR- 
cial de Roen qu'il luy seroit amy et qu'il favo- 
riseroit à son bon droit. « Or çà , ma fille , 
dist elle , il vous convient desmarier ; je ne 
fais nulle doubte que je n'en trouve bien la 
fasson ; et soiez seure que vous le serez ain- 
çois qu'il soit deux jours de ceste heure , et 
vous feray avoir aultre homme qui si paisible 
ne vous lairra ; laissez moy faire. » Ceste bonne 
femme , à demy hors du sens , vint compter 
ce grand meschef à son mary, père de la fille 
dont je fais mon compte, et luy dist bien 
comment ilz avoient perdu leur fille , amenant 
les raisons pour quoy et comment , et con- 
cluant aux nns de la desmarier. Tant bien 
compta sa cause que son mary tira de son 
costé , et fut content que l'on feist citer nostre 
nouveau maryé, qui ne savoitrien de ce qu'ainsi 
on se plaignoit de luy sans cause. Toutesfoiz 
il fut cité à personnellement comparoir à l'en- 
contre de monseigneur le promoteur, à la re- 
queste de sa femme , et par devant monsei- 
gneur ^'officiai , pour quitter sa femme et luy 
donner licence d'aultre part soy marier, ou 
alléguer les causes et raisons pour quoy, en tant 
de jours qu'il avoit esté avecelle, n'avoit mon- 
stre qu'il estoit homme comme les aultres, et 



^ lÀ ^i 



m^^ 



Nouvelle nn«VI. 171 

fait ce qu'il appartient aux mariez. Quand le 
jour fut venu , les parties se présentèrent en 
temps et lieu ; ils furent huchez à dire et plai- 
doyer leur cause. La mère à la nouvelle ma- 
riée commença à compter la cause de sa fille , 
et Dieu scet comment elle alleguoit les loiz 
que Ton doit maintenir en mariage, lesquelles 
.son gendre n'avoit accomplies ne d'elles usé; 
pour quoy requeroit qu'il fust desjoinct de sa 
fille, et de ceste heure mesme, sans faire long 
procès. Le bon jeune homme fut bien esbahy 
quand ainsi oyt blasmer ses armes; euères 
n'attendit à respondre aux allégations de son 
adversaire, et trèsfroidement et de manière 
rassise compter son cas, et comment la femme 
luy avoit tousjours fait refus quand il avoit 
voulu faire le devoir. La mère, oyant ces res- 
ponses, plus marrye que devant, combien 
que à peine le vouloit elle croire , demanda à 
sa fille s'il estoit vray ce que son mary avoit 
respondu ; et elle dist : « Vrayement , mère , 
oy. — Ha ! maleureuse , dist la mère , com- 
ment l'avez vous refusé? Que vous avojre 
dit et monstre pluseurs foiz? Vous avoys je 
baillé celle leczon ? » Lapouvre fille ne savoit 
que dire , tant estoit honteuse et desplaisante. 
« Toutesfoiz , dist la mère, je yeil savoir la 
cause pour quoy vous avez fait le refus si 
vous ne me voulez courousser mortellement , 
car je n'aray jamais bien , ou si saray pour 
quoy et quelle raison vous n'avez voulu con- 
sentir à vostre maiy. » La fille confessa tout, 
et dist ouvertement en jugement que pource 



172 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

(qu'elle avoit trouvée U lance de son champion 
81 grosse, ne luy avoit osé bailler l'escu, doub- 
tant qu'il ne. la tuast , comme elle encores en 
doubtoit y et ne se vouloit desmouvoir de ceste 
doubte, combien que sa mère luy disoit que 
doubler ne craindre n'en devoit. Et après ce, 
adressa sa parolle au juge en disant : « Mon- 
seigneur Tofficial , vous avez oy la confession 
de ma fille et les defences de mon gendre; je 
vous prie , appoinctez sur le différent et ren** 
dez vostre sentence diffinitive. » Monsei^eur 
l'ofîficial, pour appoinctement, fist couvrir un 
lit en sa maison , et ordonna par arrest aue 
les deux mariez yroient coucher ensemble, 
enjoignant à la mariée qu'elle empoignast 
baudement le bourdon joustouer et le mist 
ou lieu où il estoit ordonné. Et quand celle 
sentence fut rendue > la mère dist: « Grand 
mercy, monseigneur l'offîcial , vous avez très- 
bien jugé. Or avant, ma fille , faictes ce que 
vous devez faire, et gardez de venir à l'en- 
contre de l'appoinctement de monseigneur 
Fofficial; mettez la lance ou lieu où elle doit 
estre. — Et je suis au fort contente, dist la 
fille, de la mettre et bouter où il faut, mais 
si elle y devoit pourrir, je ne l'en retireray 
jà. » Ainsi se partirent de jugement, et allè- 
rent mettre à exécution sans sergent la sen- 
tence de monseigneur l'ofiicial, careulx me^mes 
firent l'exécution. Et par ce moyen nostris 
gendre vint à chef de sa jousterie, dont il 
lut plutost tanné que celle qui n^y avoit voulu 
entendre. 



^" 




Nouvelle Iin»VII. 17J 

LA IIII«VIIe NOUVELLE. 

PAR MONSIEUR LE VOYER. 

u gent et plantureux pais de Hol-> 
lande avoit , n'a pas cent ans , ung 
gentil chevalier logé en ung bel et 
bon hostel où il y avoit une très- 
belle jeune chambrière servant, de laquelle 
trèsamoureux estoity et pour l'amour d'elle 
tant avoit fait au fourrier du duc de Bourgoi- 
gne, que cest hostel luy avoit délivré, affm de 
mieulx pourchasser et conduire sa queste , et 
venir aux fins et intencions où 11 entendoit et 
où amours le faisoient enctiner. Quand il eut 
esté environ cinq ou vj. jours en ceste hos- 
telerie, luy survint par accident une maleu- 
reuse adventure , car une maladie le print en 
l'œil si grieve, qu'il ne le povoit tenir ouvert, 
tant en estoit aspre la doleur. Et pour ce que 
trèsfort doubtoit de le perdre, mesmement 
que c'estoit le membre où il devoit plus de 
guet et de soing, manda le cyrurgien ce mon* 
seigneur le duc, qui pour ce temps en la ville 
estoit. Et devez savoir que leait cyrurgien 
estoit ung trèsgemil compaignon, le plus re- 
nommé du pais , et le fist venir parier à luy. 
Et sitost que maistre cyrurgien vit cest œil il 
le jugea comme perdu , ainsi par adventure 



174 Ls^ ^^^'T Nouvelles nouvelles. 

Qu'ils sont coustumiers de juger des mala- 
dies, affm que quand ilz les ont sanéez, ils en 
emportent plus de prouffit et de loenge. Le 
bon chevalier, à qui desplaisoit d'oyr telles 
nouvelles, demandoit s'il y avoit nul remède 
pour le garir ; et l'autre dfist que trèsdifficile 
seroit, neantmoins il oseroit bien entreprendre 
à garir avec l'ayde de Dieu , mais qu'on le 
voulsist croire. « Si vous me voulez garir et 
délivrer de ce mal sans la perte de mon œil , 
je vous donneray Bon vin , dit le chevalier. » 
Le marché fut fait, et entreprint garir net 
cest œil, Dieu avant, et ordonna les heures cju'il 
viendroit chacun jour pour le mettre à point. 
Or entendez que chacune foiz que nostre cy- 
rurgien venoit visiter son malade , la belle 
chambrière le compaignoit et tenoit tousjours 
ou boitte ou palette , et aidoit à remuer le 
pouvre patient , qui oublyoit la moitié de son 
mal quand il sentoit la présence de sa dame. 
Si ce bon chevalier estoit bien féru et avant 
de ceste chambrière, si fut le cyrurgien, qui, 
toutes les foiz qu'il venoit faire sa visitacion, 
fichoit ses douk regards sur ce beau poly 
viaire de ceste chambrière , et tant s'i ahurta 

au'illuy déclara son cas, et eut trèsbonne au- 
ience, car de prinsaut on \uj accorda et 
passa ses doulces requestes; mais la manière 
comment on pourroit actuellement et par eifect 
mettre à exécution ses ardans désirs, l'on ne 
la savoit comment trouver. Ortoutesfoiz, à 
quelque peine qiie ce fut, la façon fut trouvée 
par la prudence et subtilité du cyrurgien, qui, 



g^^^^^l, 



Nouvelle IIII«vn. 175 

fut telle : oc Je donneray, dist il , à entendre à 
monseigneur mon patient que son œil ne se 
peut garir si n'est que son aultre œil soit ca- 
ché, car l'usage qu'il a à regarder empesche 
la garison de l'autre malade. S'il est content , 
dit il, qu'il soit Caché et bendé, ce nous sera 
la plus convenable voye du monde pour pren- 
dre nos déliez et plaisances, et mesmement 
en sa chambre, anm que Ton y prenne mains 
de suspicion. » La fille, qui avoit aussi grant 
désir que le cyrurgien , prisa trèsbien ce con- 
seil, ou cas que ainsi ce pourroit faire.» Nous 
l'essayerons », dit le cyrurgien. Il vint à 
l'heure accoustumée voir cest œil malade, et 
quand il l'eut descouvert fist bien de l'esbahy : 
« Comment ! dit il , je ne vis oncques tel mal ; 
cest œil cy est plus lait qu'il y a xv. jours. Cer- 
tainement , monseigneur, il sera bon mestier 
que vous ayez pacience. — Comment ? dit le 
chevalier. — Il fault que vostre bon œil soit 
couvert et caché tellement qu'il n'ayt point de 
lumière une heure ou environ après que je 
aray assis l'emplastre et ordonné Vautre ; car 
en venté il l'empesche à garir sans double. 
Demandez , disoit il, à ceste belle fille qui l'a 
veu chacun jour, comment il amende. » Et la 
fille disoit qu'il estoit plus lait que paravant : 
(( Qr çà , dit le chevalier, je vous haoandonne 
tout ; faictes de moy tout ce qu'il vous plaist ; 
je suis content de cligner tant que l'on voul- 
dra , mais que garison s'ensuive. » Les deux 
amans furent adonc bien Joyeux, quand ilz 
virent que le chevalier tut content d'avoir 



176 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

l'oeil caché. Quand il fut âppoincté et (ju'il 
eut les yeulx bandez , maistre cymiigîen fainct 
de partir comme il avoit de coustume , pro» 
mectant de tantost revenir pour descouvrir 
cest oeil. Il n'ala guères loing , car assez près 
de son pacient, sur une couchei jecta sa dame, 
et d'auitre planecte cju'il n'avoit remué son 
chevalier visita les cloistres secrez de la cham- 
beriere. Trois, quatre, cinq, six foiz maintint 
ceste manière de faire envers ceste belle fille , 
sans ce que le chevalier s'en donnast garde , 
combien qu'il en oyst la tempeste, mais non 
sachant que ce vouloit estfe, jusquesà six foiz 
qu'il se doubta pour la continuacion; à la- 
Quelle foiz, quand il oyt le tamburch et noise 
aes combattans, esracha bandeaulx et emplas* 
très, et rua tout au loin^, et vit les deux 
amoureux qui se demenoient tellement l'un 
contre l'autre qu'il sembloit qu'ilz deusseut 
menger l'un l'autre, tant mettoient et join* 
doient leurs dens ensemble. « Et qu'est ce là, 
distil, maistre cyrurgien ? m'avez vous fait 
jouer à la cligne musse pour me faire ce 
desplaisir ? Doit estre mon oeil gary par ce 
moîen ? Dictes, m'avez vous baillé de ce jeu ? 
Et; par saint Jehan! je m'en doubtoie bien 
oue j'estoie plus souvent visité pour l'amour 
ae ma chambrière que pour mes beaulx yeubc. 
Or, bien, bien, je suis en vostre dangier, 
sii'e, et ne me pui& encore venger ; mais ung 
jour viendra que je vous feray souvenir. » Le 
cyrufgieti , qui estoit le plus gentil compai- 
gnon et des aultres le meilleur homme, com- 



j^fe^ÉMMaa^AalUÉiMM^^i^ 



Nouvelle IIII»VIII. 177 

mença à rire , et firent la paix , et croy bien 
aue tous deux , quand l'oeil fut gary, s'accor- 
dèrent à besoigner par terme. 




LA IlII^VIIIe NOUVELLE. 

PAR ALARDIN. . 

n une gente petite ville cy entour, 
que je ne veil pas nommer , est n'a 
guères advenu adventure dont je 
vous foumiray une petite nouvelle. 
Il y avoit ung bon, simple, rude paisant, 
marié à une plaisant et assez gente femme , 
laquelle laissoit le boire et le menger pour 
amer par amours. Le bon mary d'usage de- 
mouroit trèssouvent aux champs, en une mai- 
son qu'il y avoit, aucunesfoiz trois jours, au- 
cunesfoiz quatre jours, aucunesfoiz plus, au- 
cunesfoiz mains , ainsi qu'il luy venoit à plai- 
sir, et laissoit sa femme prendre du bon temps 
à la bonne ville, comme elle faisoit ; car afhn 
qu'elle ne s'espantast, elle avoit toujours ung 
homme qui gardoit la place du bon homme et 
entretenoit son ouvrouer de paour que le rouil 
ne s'i prenist. La règle de ceste bonne bour- 
^oise estoit de attendre toutesfoiz son mary 
jusques ad ce qu'on ne vojoit guères, et jus- 
ques ad ce qu'elle se tenoit seure de son mary 
q^'il ne retoumeroit point ne laissoit venir le 

Cent Nouf, — II. 12 



178 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

lieutenant, de paour que trompé ne feust. Elle 
ne sceut mettre si bonne ordonnance en sa 
veille ou règle accoustumée que trompée ne 
fust ; car une foiz, ainsi que son mary avoit 
demouré deux ou trois jours routiers, et pour 
le quatriesme avoit attendu aussi tard qu'il 
estoit possible avant la porte clorre de la 
ville, cuidant que pour ce jour ne deust 
point retourner, ferma l'huys et les fenestres 
comme les aultres jours, et mist son amoureux 
au logis, et commencèrent à boire d'autant et 
faire grand chère. Guères n'avoient assis à 
la table que nostre mary vint hucquer à l'huvs, 
tout esbahi qu'il le trouva fermé. Et quana la 
bonne dame l'oyt, fist sauver son amoureux 
et le fist bouter soubz le lict , pour le plus 
abréger, puis vint demander à Thuys qui avoit 
hurté : «Ouvrez, ouvrez, distlemary. — Ha 
mon mary, dit-elle, estes vous là? Je vous 
devoye demain bien matin envoier ung mes- 
sage et faire savoir que ne retoumissiez point. 
— Comment ! auelle chose y a il .? dit le bon 
mary. — Quelle chose? vrai Dieu de pa- 
radis 1 dit elle ; helas ! les sergens ont esté 
céans plus de deux heures et demye, pour 
vous mener en prison. — En prison ! dit il ; 




grand volume de mal faire ; ilz sembloit qu'ilz 
voulsissent tuer quaresme. — Voire mais, 
dîsoit nostre ami, ne vous ont ilz point dit 
quelle chose ilz me vouloient? — Nenny, dit 



Nouvelle IIII«Vin. 179 

elle, fors que s'ilz vous tenoient, vous n'es- 
chapperiez delà prison devant long temps. — 
Ils ne me tiennent pas, Dieu mercy, encores! 
A dieu , je m'en retourne. — Où yrez vous ? 
dit elle, qui ne demandoit aultre chose. — 
Dont je viens, dit il. — Je yray doncques 
avec vous, dit -elle. — Non ferez; gardez 
bien et gracieusement la maison, et ne dictes 
point que j*ay icy esté. — Puisque vous vou- 
lez retourner aux champs, hastez vous, dit 
elle, avant que l'on. ferme la porte; il est jà 
tard. — Quand elle seroit fermée, si feroit tant 
le portier pour moy qu'il reouvriroit trèsvo- 
luntiers. » A ces motz il se part, et quand il vint 
à la porte, il la trouva fermée, et pour prière 
qu'il sceust faire, le portiçrne lavoult ouvrir. 
Il fut bien mal content de ce qu'il convenoit 
qu'il retournast à sa maison, doubtant les ser- 
gents; toutesfôiz falloit il qu'il y retournast, 
s'il ne se vouloit coucher sur les rues. Il vint 
arrière hurter à son huys, et la dame, qui 
s'estoit reatellée avecques son amoureux, tut 
plus esbahie que devant; elle sault sus, et 
vint à l'huys toute esperdue , disant : « Mon 
mary n'est point revenu, vous perdez temps. 
— Ouvrez, ouvrez, m'amye, dit le bonhom- 
me, ce suis-je. — Hellas! hélas! vous n'avez 
point trouvé Ja porte ouverte. Je m'en doub- 
toye bien, dit elle ; véritablement, je ne voy 
remède en vostre fait c^ue ne soiez prins, car 
les sergens me dirent, il m'en souvient main- 
tenant, qu'ilz retoumeroientsurlanuyt. — Or 
çày dist-ily il n'est mestier de long sermon; 



i8o Les Cent Nouvelles nouvelles. 

advisons qu'il est de faire. — Il vous faut mus- 
ser quelque part ceans, dit elle, et si ne sçay 
lieu ne retraict où vous puissez estre bien as- 
seur. — Seroye je point bien , dit l'autre , en 
nostre colombier ? qui me chasseroit là ? )> Et 
elle^ qui fut moult joyeuse de ceste invencion 
et expédient trouvé, feindant toutesfoiz, dist : 
« Le iieu n'est grain honneste ; il y fait trop puant. 
— Il ne me chault, dit-il; j'ayme mieulx me bou- 
ter là pour une heure ou deux et estre sauvé, 
que en aultre honeste lieu et estre trouvé. — Or 
ça, dit elle, puis que vous avez ce ferme et bon 
courage, je suis de vostre opinion que vous y 
mussiez. »Ce vaillant homme monta en ce co- 
lombier, qui sefermoit par dehors à clef, et se 
fist illec enfermer, et pna sa femme que si les 
sergens ne venoient tantost après, qu'elle le 
mist dehors. Nostre bonne bourgoise haban- 
donna son mary, et le laissa toute la nuyt ren- 
couller avec les colons, à qui ne plaisoit guères, 
et n'estoit de mot sonné ne huche ; tousjours 
doubtoit ces sergens. Au point du jour, qui 
estoit l'heure que l'amoureux se partoit du lo- 
gis, ceste bonne femme vint hucner son mary 
et luy ouvrit Thuys , qui demanda comment 
on l'avoit là laissé si longuement tenir compa- 
gnie aux colons. Et elle, qui estoit faicte à 
reuvre, luy dist comment les sergens avoient 
toute nuyt veillé autour de leur maison, et 
que [)luseurs foiz avoit à eubc devisé, et qu'ilz 
ne faisoient que partir , mais ilz avoient dit 
qu'ilz viendroient à telle heure qu'ils le trou- 
veroient. Le bon homme, bien esbahy quelle 



Nouvelle IIII^^IX. i8i 

chose ces sergens luy povoient vouloir, se 
partit incontinent et retourne aux champs, pro- 
mettant bien que de long temps ne reviendroit. 
Et Dieu scet que la gouge le print bien en 
gré, combien qu'elle s'en monstrast dolo- 
reuse. Et par tel moien elle se donna meilleur 
temps que devant, car elle n'avoit quelque 
soing du retour de son mary. 



LA IIII«IXe NOUVELLE. 



PAR PONCELET. 




n ung petit hamelet ou village de ce 
monde, assez loing de la bonne ville, 
est advenue une petite histoire qui 
est digne de venir en l'audience de 
vous, mes bons seigneurs. Ce village ou hamel- 
let, ce m'est tout ung, estoit habité d'un mon- 
celet de bons , rudes et simples paysans qui 
ne savoient comment ilz dévoient vivre. Et si 
bien rudes et non sachans estoient, leur curé 
ne l'estoit pas une once mains, car luy mesme 
failloit à cognoistre ce qui est nécessaire à 
tous généralement, comme je vous en mons- 
treray par l'expérience, par ce qui luy advint. 
Vous devez savoir que ce prestre curé , com- 
me je vous ay dit, avoit sa teste affulée de 
simplesse siparfecte, qu'il ne savoit point an- 
nuncer les festes des sains, qui viennent cha- 



i82 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

cun an et à jour déterminé, la plus part, 
comme chacun scet. Et quand ses parroissiens 
demandoient quand la teste seroit, il fail- 
loit à la coup de le dire. Entre aultres telles 
faultes qui souvent ad venoient , en fist une qui ne 
fut pas petite, car il laissa passer cinq sepmai- 
nes du quaresme sans pomt Pannuncer à ses 
parroissiens. Mais entendez comment il per- 
ceut qu'il avoit failly. Le samedy qui çstoit la 
nuyt de la blanche Pasque, que l'on dist Pas- 
ques flories, luy vint volume d'aller à la bon- 
ne ville pour aucune chose qu'il y besoignoit. 
Quand il entra en la bonne ville , et qu'il che- 
vauchoit parmi les rues, ilperceut que les pres- 
tres faisoient provision de palmes et aultres 
verdures , et veoit que au marché on les ven- 
doit pour servir à la procession pour lende- 
main. Qui fut bien esbahy, ce futmaistre curé, 
combien que semblant n'en fist. Il vint aux 
femmes qui vendoient ces palmes ouboyz , fai- 
gnant que ce fust pour aultre chose n'estoit ve- 
nu à la bonne ville, et puis hastivement monte 
à cheval chargé de sa marchandise, et picque 
en son village , et le plustost que possible luy 
fut s'y trouva, et avant qu'il fust descendu de 
son cheval rencontra aucuns de sesparroissiens 
auxquelx il commenda que l'on aliast sonner 
les cloches, et que chacun de ceste heure ve- 
nist à l'église, oùilleur vouloit dire aucunes 
choses nécessaires pour le salut de leurs âmes. 
L'assemblée fut tantost faicte, et se trouva 
chacun en l'église, où monseigneur le curé, 
tout housé et esperonné, vint bien embesoi*- 



Nouvelle IIII^IX. 185 

Sné, Dieu le scet, et monta devant l'aultier, et 
isr les motz qui s'ensuyvent : « Mes bonnes 
gens, je vous signifie et vous faiz assavoir que 
aujourd^uy a esté la veille de la feste et solem- 
nité de Pasques flories , et de ce jour en huit 
prochain vous arez la veille de la erand Pas- 
que que Ton dit Pasques communiauTx. » Quand 
ces bonnes gens oyrent ces nouvelles, com- 
mencèrent à murmurer, et eulx esbahir très- 
fort comment se povoit ce faire. « Ho , dist le 
curé, je vous appaiseray tantost, et vous dirajr 
vraies raisons pour quoy vous n'avez que viij 
jours de quaresme à faire voz pénitences pour 
ceste année ; et ne vous esmaiez jà de ce que 
je vous diray, que le quaresme est ainsi venu 
tard. Je tien qu'il n'y a celuy de vous qui ne 
sache bien et soit recors comme ceste année 
les froidures ont esté longues et aspres, mer- 
veilleusement plus que oncques mais ; et long 
temps a qu'il ne fist aussi périlleux et dange- 
reux chevaucher comme il a fait tout l'yver, 
pour les verglaz et neges qui ont longuement 
duré. Chacun de vous scet ceci estre vray 
comme l'euvangile , pour quoy ne vous don- 
nez merveilles de la longue demeure de qua- 
resme , mais émerveillez vous encores com- 
ment il est peu venir, mesmement que le che- 
min est si long jusques à sa maison. Si vous 
prie que le veillez excuser, et luy mesme vous 
en prie , car aujourdhuy j'ay disné avecgues 
iuy. » Et leur nomma le heu, c'est assavoir la 
ville où il avoist esté. « Et pourtant, dist-il, 
disposez vous de venir ceste sepmaine à con- 



i84 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

fesse, et de comparoir demain à la procession 
comme il est de coustume céens. Et ayez pa^ 
cience ceste foiz ; l'année qui vient, si Dieu 
plaist, sera plus doulce, par quoy il viendra 
ainsi qu'il a chacun an d'usage. » Ainsi mon- 
seigneur le curé trouva le moien d'excuser sa 
simplesse et ignorance, et, en donnantla bene* 
isson , descendit de sa predicacion, disant : 
<f Priez Dieu pour moy et je le prieray pour 
vous. » Et s'en alla à sa maison appoincter son 
hojs et ses palmes, pour les faire le lende- 
main servir à la procession. 




LA XCe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE BEAUMONT. 

our accroistre et amplier mon nom- 
bre des nouvelles que j'ay promis 
compter et descripre, j'en mon- 
streray cy une dont la venue est 
fresche. Ou gentil pays de Brabant, qui est 
celuy du monde où les bonnes adventures 
adviennent souvent , avoit ung bon et loyal 
marchant duquel la femme estoit trèsfort ma- 
lade^ en gisant, pour l'aigreur de son mal, con- 
tinuellement sans habandonner son lit. Ce bon 
homme, voyantsa bonne femme ainsi attaincte 
et languissant , menoit la plus doloreuse vie 
du monde , tant marry et desplaisant estoit 



Nouvelle XC. 18$ 

qu'il ne povoit plus , et avoit grand doubte 
que la mort ne l'en fist quicte» En ceste do^ 
leance persévérant, et doublant la per-dre, se 
vint rendre aux piez d'elle et luy donnoit esr 
perance de garison, et la reconfortoit au 
mieulx qu'il povoit , l'amonnestant de penser 
au sauvement de son ame. Et aprè& qu'il eut 
aucun petit de temps devisé avec elle et fmé 
ses amonnestemens et exortacions, luy cria 
mercy, luy requérant que si aucune chose luy 
avoit menait, qu'il luy fust pardonné par elle. 
Entre les cas où il se sentoit l'avoir courrous- 
sée, luy déclara comment il estoit bien recors 
qu'il l'avoit troublée pluseurs foiz , et très- 
souvent, de ce qu'il n'avoit besoigné sur son 
hamois, que l'on peut appeller cuirasses, 
toutes les foiz qu'elle eust bien voulu ; et 
mesmes que bien le savoit , dont trèshumble- 
ment luy requeroit cardon et mercy. Et la 
couvre malade, ainsi qu'elle povoit parler, 
luy pardonnoit les petiz cas et legiers ; mais 
ce derrain ne pardonnoit-elle point voluntiers 
sans savoir les raisons qui avoient meu et in- 
duict son mary à non fourbir son hamois, 
quand mesmes il savoit bien que c'estoit le 
plaisir d'elle , et que aultre chose ne deman- 
doit. « Comment! dit-il, voulez vous morir 
sans pardonner à ceulx qui vous ont meffait ? 
— Je suis contente , dist elle , de le pardon- 
ner, mais je veil savoir qui vous a meu ; aul- 
trement ne le pardonneray je jà. » Le bon 
mary, pour trouver moien d'avoir pardon, 
cuidant bien faire la besoigné, dist : « M'a- 



i86 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

m je, vous savez que pluseurs foiz avez esté 
malade et deshaitée, combien que non pas 
tant que maintenant je vous voy ; et durant 
la maladie je n'ay jamais osé présumer de 
vous requerre de bataille , doubtant que pis 
vous en fust ; et soyez toute seure que ce que 
j'en ay fait , amour le m'a fait faire. — Taisez 
vous, menteur que vous estes ; oncques ne fus 
si malade ne si deshaitée pour quoy j'eusse 
fait refus de combatre ; querez moy aultre 
moien, si voulez avoir pardon , car cestuy cy 
ne vous aidera ; et puis qu'il vous convient 
tout dire , meschant et lasche bonhomme que 
vous estes, et aultre ne fustes oncques, pen- 
sez vous qu'en ce monde cy soit medicine qui 
plus puisse aider ne susciter la maladie d'en- 
tre nous femmes que la doulce et amoureuse 
compaignie des hommes ? Me voiez vous bien 
deffaicte et sechC par grefté de mal ? Aultre 
chose ne m'est mestier que compaignie de 
vous. — Ho! dit l'aultre, je vous gariray 
prestement.» Il sault sur le lit, et besoigna le 
mieulx qii'îl peut , et tantost qu'il eut rompu 
deux lances , elle se lève et se mist sur ses 
piez. Puis demye heure après alla par les 
rues , et ses voismes , qui la cuidoient comme 
morte, furent trèsesmerveillées jusques ad ce 
qu'elle leur dist par quelle voie elle estoit ra- 
vivée, qui dirent tantost qu'il n'y avoit c^ue 
ce seul remède. Ainsi le bon marchant aprmt 
à garir sa femme , qui luy tourna à grand pré- 
judice , car souvent se faindoit malade pour 
recevoir la medicine. 



■M 



^ 



Nouvelle XCI. 



^?87 



•«T 



LA XCIe NOUVELLE. 




PAR L'ACTEUR. 

insi que j'estoye n'a guères en la 
conté de Flandres, en P'urie des 
plus grosses villes du pays, ung 
gentil compaignon me fist ung 
joyeux compte d'un homme maryé , de qui la 
femme estoit tant luxurieuse et chaulde sur 
potage et tant publicque , que à paine estôit 
elle contente qu'on la cuignast en plaines rues 
avant qu'elle ne le fust. Son mary savoit bien 
que de telle condicion estoit, mais de subtilier 
ne quérir remède pour luy donner empesche- 
ment, il ne le savoit trouver, tant estoit à ce 
joly mestier rusée. Il la menassoit de la batre, 
de la laisser seule ou de la tuer ; mais querez 
qui le face ! autant eust il proufété de menas- 
ser ung chien enragé ou aultre beste. Elle se 
pourchassoit à tous lez et ne demandoit que 
nutin ; il y avoit peu d'hommes en toute la 
contrée où elle repairoit pour estaindre une 
petite estincelle de son grand feu ; et quicon- 
ques la barguignoit , il l'avoit aussi bien à 
créance que à argent sec , fiist l'homme vieil, 
layt, bossu, contrefait ou d'aultre quelque 
deffigurànce; bref, nui ne s'en alloit sans 
denrée reporter. Le pouvre mary, voyant 



i 



t88 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

ceste vie continuer, et que grosses menasses 
rien n'y prouffitoient , il s'advisa qu'il l'espan- 
teroit par une voye et manière qu'il trouva. 
Quand il la peut avoir seulle en sa maison , il 
luy dist: « Or çà, Jehanne ou Betriz, ainsi 
qu'il l'appelloit , je voy bien que vous estes 
obstinée en vostre meschante vie , et que , à 
quelque menasse ou punicion que je vous face, 
vous n'en comptez non plus que si je me taisoie. 

— Helâis ! mon mary, dit elle, en vérité, j'en 
suis plus courroussée que vous n'estes, et trop 
plus me desplaist ; mais je n'y puis remède 
mettre, car je suis tellement née soubz telle 
estoille pour estre preste et servant aux hom- 
mes. — Voire dya , dist le mary, y estes vous 
destinée ? Sur ma foy, j'ay bon remède et has- 
tif. — Vous me tuerez , dit elle , aultre n'y a. 

— Laissez moy faire, dist il, je sçay mieulx 
beaucop. — Et quel , dit elle, que je le sache ? 

— Par la mort bieu , dist il, je vous hocheray 
tant ung jour que je vous bouteray ung quar- 
teron d'enfans ou ventre , et puis je vous ha- 
bandonneray, et les vous lairray seulle nour- 
rir. — Vous! dit elle; mais où prins? Vous 
n'avez pour commencer ; telles menasses m'es- 
pantent pou, je ne vous crain. Touchez cela ; 
si j'en dèsmarche, je veil qu'on me tonde en 
croix ; et s'il vous semble que vous ayez puis- 
sance, avancez vous, et commencez tout 
maintenant ; je suis preste pour livrer lemoulle. 

— Au deable telle femme , dist le mary, qu'on 
ne peut par quelque voye corriger. » Il fut con- 
tramt de la laisser passer sa destinée ; trop 



r 



Nouvelle XCII. i8$ 

plustost se fust ecervelé et rompu la teste 
pour la reprendre que iuj[ faire tenir le der- 
rière coy, pour quoy la laissa courre comme 
une lisse entre deux douzaines de chiens, et 
accomplir tous ses vouloirs et desordonnez 
désirs. 




LA XCIIe NOUVELLE. 

PAR l'acteur. 

n la bonne cité de Mix, en Lor- 
raine, avoit puis certain temps en 
çà une bonne bourgoise maryée 
qui estoit tout oultre de la confrarie 
de la houlette ; et rien ne faisoit plus voluntiers 
que ce joly esbatement que chacun scet ; et où 
elle povoit desploier ses armes, elle se mons- 
troit vaillant et pou redoubtant horions. Or, 
entendez quelle chose luy advint en exercent 
son mestier : elle estoit fort amoureuse d'un 
gros chanoine qui avoit plus d'argent que ung 
vjpil chien n'a de puces ; mais pour ce qu'il 
dèmouroit en lieu où les gensestoient à toutes 
heures, comme on diroît à une gueule baée ou 
place publicque, elle ne savoit comment se 
trouver avec son chanoine. Tant subtilia et 
pensa à sa besoigne , qu'elle s'avisa qu'elle 
se descouvreroit à une sienne voisine q^ui es- 
toit sa seur d'armes touchant le mestier et 



k 



i5K> Les Cent Nouvelles nouvelles. 

usançe de la houlette ; et luy sembla qu'elle 
pourroit aller veoir son chanoine accompai- 
gnée de sa voisine, sans qu'on y pensast nui 
mal ou suspeçonnast. Ainsi qu'elle advisa, ainsi 
fist elle ; et comme si pour une grosse matère 
fiist allée devers monseigneur le chanoine , 
ainsi honorablement et gravement y alla elle 
accompaignée comme dit est. Pour estre bref, 
incontment que noz bourgoises furent arri- 
vées, après toutes salutacions, ce fut la prin- 
cipale qui s'encloit avec son amoureux le cha- 
noine, et fist tant qu'il luy bailla une mon- 
teure, ainsi qu'il peut. La voisine, voyantl'au- 
tre avoir l'audience et gouvernement du mais- 
tre de léens, n'en eut pas peu d'envye, et luy 
desplaisoit que l'on ne luy faisoit ainsi comme 
à l'autre. Au vuider de la chambre, celle qui 
avoit sa pitance dist : « Ça , voisine , en yrons- 
nous i — Voire , dit l'autre , s'en va l'on ainsi ? 
Si l'on ne me fait la courtoisie comme à vous, 
par dieu, j'accusëray la compaignie et le mes- 
nage ; je ne suis pas icy venue pour chaufer 
la cire. » Quand l'on perceut sa bonne vo- 
lume, on luy offrit le clerc de ce chanoine, 
qui estoit ung fort et roidde galant, et homme 
pour la trèsbien fournir; de quoy elle ne tin^^ 
compte , mais le refusa de tous poins , disant 
que aussi bien vouloit-elle avoir le maistre que 
l'autre, aultrement ne seroit-elle contente. Le 
chanoine fut contraint, pour sauver son hon- 
neur, de s'accorder. Quand ce fut fait, elle 
voulut bien adonc dire à Dieu et se partir. 
Mais l'autre ne le voulut pas, ains dist toute 



É^iiÉi^flm^Mà 



Nouvelle XCII. 191 

courroussée que elle qui Tavoit amenée et ea- 
toit celle pour qui rassemblée estoit faicte 
devoit estre mieulx partie que l'autre, etqu'elle. 
ne se partiroit point qu'elle n'eust ençores ung 
picotin. Le chanoine fut bien esbahy quand il 
entendit les nouvelles, et combien qu'il priast, 
celle qui vouloit avoir le surcroiz , toutesfoiz. 
ne se voult rendre contente. « Or ça, de par 
Dieu, dist il, puisqu'il fault que ainsi seit, je 
suis content , mais plus n'y revenez pour tel. 
pris. » Quand les armes furent accomplies^, celle 
damoiselle au surcroiz à dire adieu dist à son 
chanoine qu'il leur falloit donner aucune chose 
gracfeuse pour souvenance. Et sans se faire 
trop importuner ne traveiller de requçstes, et 
aussi pour estre délivré d'elles , il avoit ung 
demourant de couvrechefz qu'il leur donna, et 
la principale receut le don, et en remercyant 
dirent adieu. « C'est, dist-il, ce que je vous 
puis maintenant donner ; prenez chacune en 
gré, je vous en prie. » Elles ne furent guères 
loing allées, qu'en plaine rue la voisine qui 
avoit eu sans plus un^ picotin dist à sa com- 
paigne qu'elle vouloit avoir sa part de leur 
don. « Et bien, dit l'autre, je suis contente ; 
combien en voulez vous avoir ? — Fault-il 
demander cela ? dit elle ; j'en doy avoir la moi- 
tié et vous autant. — Comment osez vous 
demander, dist l'autre, plus que vous n'avez 
deservy ? Avez vous point de honte i Vous 
savez que vous n'avez esté qu'une foiz avec- 
Ques le chanoine, et moy deux foiz; et par- 
aieu, ce n'est mie raison que vous soiez par- 



192 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

tie aussi avant que moy. — Par dieu, j'en 
aray autant que vous, dit l'autre; ay je pas 
fait 'moff^ devoir aussi avant que vous? — 
Comment l'entendez vous ? — N'est ce pas 
autant d'une foiz que de deux f Et affjn que 
vous coghoissez ma volume , sans tenir cy 
halle de néant, je vous conseille c^ue me bail- 
lez jna^ part justement de la moitié, ou vous 
arez'îffcontinent hutin; me voulez vous ainsi 
gouverner ? — Voire dya, dist sâ compaigne, 
y> voule2«-vous procéder d'euvre de fait r Et 
parla naissance Dieu, vous n'en arez fors ce 
qui sera de raison, c'est assavoir des trois pars 
l'une, et j'ârày le rémanent ; ay je pas eu plus 
dé peine^'que vous ? )> Adonc l'auitre hausse 
et ae bon poing charge sur le visage de sa 
voisine, qui ne le tint pas longuement sans le 
rendre , apellans l'une l'autre ribaulde. Bref, 
elles s'entre bâtirent tant et de si bonne ma- 
nière que à bien petit qu'elles ne s'entre-tuè- 
rent ; et l'une appelloit l'autre ribaulde. Quand 
les gens de la rue virent la bataille de ces 
deux coitipaignes , qui peu de temps devant 
avoient passé par la rue ensemble amoureu- 
sement, furent tous esbahiz, et les vindrent 
tenir et deffaire l'une de l'autre. Puis leurs 
mariz furent huchez, qui vindrent tantost, et 
chacun d'eux demandoit à sa femme la ma- 
tère de leur différent. Chacune comptoit à son 
plus beau ; et tant par leur faulx donner à en- 
tendre, sans toutesfoiz toucher de ce pour 
quoy la question estoit meue , les animèrent et 
esmeurent l'ung contre l'autre, tellement qu'ilz 



\ 



Nouvelle XCII. 19 j 

se vouloient entretuer , si les sergens ne fus- 
sent survenuz, qui les menèrent tous deux 
refroider en belle prison. La justice fut à toute 
diligence sollicitée de leurs amys pour leur 
délivrance ; mais pour ce que le cas estoit venu 
pour le débat des femmes , premier le conseil 
voult savoir dont avoit procédé le fondement 
de la question entre les deux femmes ; elles 
furent mandées et contrainaes de confesser 
que ce avoit esté pour faire parchon d'une 
pièce de couvrechefs, et cetera. Les gens du 
conseil, qui estoient bons et sages, voyans 
que la cognoissance de ceste cause apparte- 
noit au roy de bourdelois, tant pour les mé- 
rites de la cause que pour ce que les femmes 
estoient de ses subjectes, la renvoyèrent par- 
devant luy. Et pendant le procès , les bons 
mariz demourèrent en la pnson, attendans la 
sentence diffinitive qui devoit estre rendue sur 
l'avis des subjectsdu roy, qui, pour le nombre 
infiny d'eubc, est taillée de demourer pendue 
au clou. 



Cent Nouv. — Il m 



194 ^^ ^^^'^ Nouvelles nouvelles. 




LA XCMIe NOUVELLE, 

PAR MESSIRE TIMOLEON VIGNIER, GENTILHOMME 
DE LA CHAMBRE DE MONSEIGNEUR. 

antdiz que j'ay bonne audience, je 
veîl compter ung gracieux compte 
advenu au bon et gracieux pals de 
Haynau. En ung gros village du pais 
q^e j'ay nommé avoit une gente femme ma- 
riée qui àmoit plus beaucop te clerc ou 
coustre de Peglise parochial dont elle estoit 
paroissienne que son mary ; et pour trouver 
moîen de soy trouver avec son coustre , faîn- 
dit à son mary qu'elle devoit ung pèlerinage 
à quelque saint qui n'estoit pas loing d'illec, 
comme d'une lieue ou environ, et que promis 
luy avoit quant elle avoit esté en traveil, luy 
pnant qu'il fiist content qu'elle y^ allast ung 
)0ur qu'elle nomma, avec une sienne voisine 
qui ce mesme jour y alloit. Le bon simple 




toumeray je au disner, ainsi que le temps nous 
aprendra; mais premièrement, dit elle, il 
convient que j'aye une paire de bons sou- 
liers. » Tout luy fut libéralement accordé; et 
pource que le mary demouroit seul, il luy 



Nouvelle XCIII. 195 

dist qu'elle appoinctast son disner et soupper 
tout ensemble, avant qu'elle se partist, aultre- 
ment il yroit menger à la taverne. Elle fist 
son commendement, car le jour de son parte- 
ment se leva bien matin pour aller à la bou- 
cherie, et appoincta unç bon poussin et une 
pièce de mouton, et puis manda le cordoen- 
nier qui luy chaussa ses souliers. Et quand 
toutes ses preparacions furent faictes, dist à 
son mary que tout estoit çrest, et qu'elle al- 
loit quenr de l'eaue beneiste pour soy partir 
après. Elle entre en l'église, et le premier 
homme qu'elle trouva, ce fut celuy qu'elle 
queroit, c'est assavoir son coustre, à qui elle 
com{)ta ces nouvelles, comment elle avoit 
congié 3'aller en pèlerinage, et cetera, pour 
toute la journée. « Mais il y a àng cas, dit elle ; 
je suis seure que si tost qu'il sentira que je 
seray hors de l'ostel il s'en ira à la taverne, 
et n'en retournera jusques au vespre bien 
tard ; je le cognois tel : et pourtant j'ayme 
mieulx demourer à l'ostel tantdiz qu'il n'y 
sera point que aller hors. Et doncques vous 
vous rendrez une demye heure entour de 
nostre hostel, affin cjue je vous mecte ens 
par derrière, s'il advient que mon mary n'y 
soit point ; et s'il y est nous yrons faire nostre 
pèlerinage.)) Elle vint à l'ostel, où elle trouva 
encores son mary , dont elle ne fut pas trop 
contente, qui luy dist : «Comment estes vous 
cy encores r — Je m'en vois, dit elle, chausser 
mes souUiers, et puis je ne tarderay guères que 
je partiray.» Elle alla au cordoennier, et tant- 



196 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

diz qu'elle faisoit chausser ses souliers, son 
mary passe par devant l'ostel au cordoennier 
avec ung auitre son voisin (jui alloit de cous- 
tume à la taverne. Et combien qu'elle suppo- 
sast q^ue, pource qu'il estoit acompaigné du 
dit voisin , il s'en allast sur le bancq, toutes- 
foiz si n'en avoit il nulle volunté , mais s'en 
alloit sur le marché,. pour trouver encores ung 
ou devat bons compaignons et les amener 
disner avecques luy au commencement qu'il 
avoit davantage,, c est assavoir ce poussin et 
la pièce de mouton. Or nous lairrons ycy 
nostre mary sécher compaignie, et retourne- 
rons à celle qui chaussoit ses souliers, qui, si 
tost que. chaussez furent, revint à l'ostel le 

1>lu8 hastivement qu'elle peut, où ellt trouva 
e gentil coustre qui faisoit la procession en- 
tour de l'ostel, à oui elle dist : « Mon amy, 
nous sommes les plus eureux du monde, car 
i'ay veu mon mary qui va à la taverne \ j'en 
SUIS seure, car il a ung sien goisson qu'il 
maine par le bras, leauerne le lairra pas re- 
tourner, quand il voulura; et pourtant don- 
nons nous bon temps jusc}ue$ à la nuyt. J'ay 
appoincté uns bon poussin et une beÛe pièce 
de mouton, dont nous ferons goghettes. » Et 
sans plus rien dire le mist ens, et laissa l'huis 
de devant entrouvert, affin que les voisins ne 
se doubtassent. Or retournons maintenant à 
nostre mary^ qui a trouvé deux bons compai- 
gnons, avec le premier dont j*ay parlé, les- 
quelz il amaine pour desfaire ce poussin en 
la compaignie de beau vin de Beaulne, ou 



,^^j 



Nouvelle XCIV. 197 

aultre meilleur, s'il est possible d'en finer. A 
l'arriver à sa maison, il entra le premier, où 
incontinent qu'il fut entré il perceut noz 
deux amans, quifaisoientungpou d'ouvrage. 
Et quand il vit sa femme qui avoit les jambes 
levées, il luy dist qu'elle n'avoit garde de 
user ses souliers, et opie sans raison avoit tra- 
veillé le cordoennier, puis qu'elle vouloit faire 
son pèlerinage par telle manière. Il hucha ses 
compaignons et dist : a Messeigneurs, regardes 
commôit ma femme ayme mon prouiint ; de 
p'aour qu'elle ne use ses beaulx neufs souliers, 
elle chevauche sur son doz ; il ne l'a pas telle 
qui veult. » U prend ung petit demourant de ce 
poussin, et hij dist qu'elle parfist son pèleri- 
nage; puis ferma l'huys et la laissa avec 60r 
coustre, sans luy aultre chose dire; et s'^n 
alla à la taverne, dont il ne fut pas tensé au 
retourner, ne les aukres foiz quand il y alloit, 
pource qu'il n'avoit rien ou pou parié de ce 
pèlerinage que sa femme avoit fait à l'ostel. 



LA XCIVe NOUVELLE. 

5 marches de Picardie, ou diocèse 
de Teroenne, avoit puis an et de- 
my en çà, ou environ, ung gentil 
curé demourant à la bonne ville, 
qui faisoit du gorgias tout oultre. Il portoit 
la robe courte, chausses tirées, à la fasson 
de court ; tant gaillard estoit que l'on ne po- 




198 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

voit plus, qui n'estoit pas pou d'esclandre 
aux gens d'église. Le promoteur de Te- 
roenne, qui telles manières de gens appel- 
lent dyable, fut informé du gouvernement de 
nostre gentil curé, et le fist citer pour le corri- 
ger et luy faire muer ses meurs. Il comparut à 
tout ses nabitz courts, comme s'il n'eust tenu 
compte du promoteur, cuidant par aventure 
que pour ses beaulx yeux on le deust délivrer; 
mais ainsi n'advint. Quand il fut devant 
monseigneur l'official, sa partie, le promo- 
teur, lui compta salegende au long^ demanda, 
par ses conclusions, que ses habiUemens et 
aultres menues manières de faire luy fussent 
défendues ; et avec ce, c^u'il fùst condemné en 
certaine emende. Monseigneur l'official, voyant 
à ses yeux que tel estoit nostre curé qu'on luy 
baptisoit, luy fist les deffenses, sur les peines 
du canon > que plus ne se desguisast en telle 
manière qu'il avoit fait, et qu'il portast longues 
robes et courts cheveux ; et avec ce, le con- 
demna à paier une bonne somme d'argent. It 
promist que ainsi feroit il, et que plus ne se- 
roit cité pour telles choses. Il print congié au 
promoteur et retourna à sa cure; si tost qu'il 
tut venu, il fist hucher le drapier et le parmen- 
tier, si fist tailler une robe qui luy traisnoit 

f)lus de trois quartiers, disant au parmentier 
es nouvelles de Teroenne , comment c'est 
assavoir avoit esté reprins de porter courte 
robe, et qu'on luy avoit chargé de la por- 
ter longue. Il vestit ceste robbe longue et 
laissa croistre sescheveulx de sa teste et de sa 



\ ; 1. 



Nouvelle XCîV. 199 

barbe , et en cest estât servoh sa parroicbe , 
chantoit messe et faisoit les autres choses ap- 
partenant à curé. Le promoteur fut arrière 
adverty comment son curé se gouvemoit oultre 
la régie et bonne et honeste conversacion des 
personnes d'église, qui le fist citer comme 
devant , et il y comparut es mesmes habitz 
longs. « Qu'est cecy ? dist monseigneur l'offi- 
cial quanoT il fut aevant luy ; il semble que 
vous vous mocquez des statuz et ordonnances 
de l'église ; voiez vous point comme les aul- 
très prestres s'abillent ^ Si ne fiist pour l'hon- 
neur de voz bons amys, je vous feroie afFu- 
1er la prison de céans. — Comment, monsei- 
gneur, distnostre curé, ne m'avez vous pas 
chargé de porter longue robe et longs che- 
veulx? Ne rays je pas ainsi que m'avez com- 
mendé! N'est pas ceste robe assez longue, 
mes cheveux sont ilz point longs ? Que vou- 
lez vous que je face? — Je veil, dist monsei- 
gneur l'oincial , que portez robe et cheveulx à 
demy longs, ne trop ne pou; et pour ceste 
Çrand faulte, je vous condemne à paier dix 
hvres au promoteur, vingt blancs à la fabrice 
de céans , et autant à monseigneur de Te- 
roenne , à convertir à son aumosne » Nostre 
curé fut bien esbahy , mais toutefois il faillit 
qu'il passast par là. Il prend congé et revient 
à sa maison, et pensa comment n s'àbilleroit 
pour garder la sentence de monseigneur l'offi- 
cial. Il manda le parmentier, à qui il fist tail- 
ler une robe longue d'un costé, comme celle 



200 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

dont nous avons. parlée et courte comme la 
première de l'autre costé, puis se fist barbaier 
du costé où la robe estoit courte ; et en ce 
point alloit par les rues et faisoit son divin 
office. Et combien qu'on lui dist que c'estoit 
mal fait, . si n'en tenoit il toutesfoiz compte. 
Le promoteur en fiitencorésadverty, et le fist 
citer comme devant, (^and il comparut, Dieu 
scet comment monseigneur l'official fut mal- 
content; à peine qu'il ne saillit de son siège 
hors du sens, quand il regardoitson curé estre 
habillé en guise de mommeur. Si les aultres 
deux foiz avoit esté bien rachassé, il le fut 
encores mieuU à ççste foiz, et condemné en 
belles et grosses amendes. Lors nostre bon 
curé^ se voy^t ainsi déplumé d'amendes et 
de condemnacions, dist ; « Monseigneur l'of- 
ficial, il me semble, sauve vostre révérence, 
3ue i'ay fait vostre commendement ; et enten- 
ez moy, je vousdiray la raison. » Adoncques 
il couvrit sa barbe Ipnguè de sa main qu'il es- 
tandit suSj et dist : « Si vous voulez , je n'ay 
point de barbe. » Puis mist sa main de l'aultre 
costé, couvrant la partie tondue ou rase , et 
dist : « Si vous voulez, longue barbe. Est ce 
pas ce Que m'ayez commendé f » M.opseigneur 
l'official, voyant que c'estbit ung virai trom- 

Eeur^ et qu'il se trpn^jlt de luy, fist venir le 
arbier et 1b par^entieri et devant tous les 
assistons luy nst jfaire sa barbe et cheveulx, 
et puis cou|)[>e;r sa Tobe de la longueur qu'il 
estoit de besoingel.de r^son ; puis le renvoya 



Nouvelle XCV. .. aai 

^ sa cure, <^ it se nujnttnt et conduit haulte^ 
ment) gardant ceste dernière manière qu'il 
avoit aprinse à la sueur de sa bourse^ j 



LA XCVe NOUVELLE. 



PAR PHILIPS DE LOAN. 




amme il est assez de coustume. 
Dieu mercy, aue en pluseurs reli- 
gions y a de oons compaignons à 
la pie et au jeu des bas instrumèns , 
à ce propos, naguères avoit en ung couvent 
de Paris ung bon frère prescheur, qui entre 
les autres ses voisines choisit une trèsbelle 
femmelette jeune et en bon point, et mariée 
assez nouvellement à ung bon compaifi;non. 
Et devint maistre moyne amoureux d'elle , et 
ne cessoit de penser et subtiiier voies et moiens 
pour parvenir à ses attainctes, qui , à dire en 
gros et en bref, estoient pour faire cela que 
vous savez. Ores disoit : « Je feray ainsi », ores 
çonciuoit aultrement. Tant de propos luv ve* 
noient en la teste qu'il ne savoit sur lequel 
s'arrester; trop bien disoit il que de langage 
n'esloit point de abatre, « car elle est trop bonne 
et tropseure; force est que , si je yeil parvenir 
î qires fins, que par cautele et déception je U 
^gne. )» Or escoqtez de quoy le larron s^ad* 
visa, et comment fiauduleusement la pouvrci 



202 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

beste il attrapa , et son desir trèsdeshonneste 

3u'il proposa accomplir. li faindit ung jour 
'avoir trèsgrand doleur en ung doy, celluy 
d'emprès le poulce qui est le premier des qua- 
tre en la main dextre ; et de fait le banda et 
envelopa de draps linges, et le dora d'aucun 
oignement trèsfort sentent. Et en ce point se 
tint ung jour ou deux , tousjours se monstrant 
aval son enlise devant la dessus dicte, et Dieu 
scet s'il faisoit bien la dole. La simplette le 
regardoit en pitié , et voyoit bien à sa conte- 
nance Que çrand doleur le martiroit ; et pour 
la grana pitié qu'elle en eut, luj demanda son 
cas ; et le subtil regnard luy compta si très- 
piteusement qu'il sembloit mieulx hors de son 
sens que aultrement, tant sentoit grand doleur. 
Ce jour se passa; et à lendemain, environ 
l'Heure de véspres, que la bonne femme es- 
toit à l'ostel seulette , ce patient la vient trou- 
ver, ouvrant de soye, et emprès d'elle se met, 
faisant si trèsbien le malade que nul ne l'eust 
veu à ceste heure qui ne l'eust jugé en très- 
grand danger. Or se viroit vers la fenestre, 
maintenant vers la femme ; tant d'estranges 
contenances il faisoit que vous fussez esbahy 
et abusé à le veoir. Et la simplette, qui toute 
pitié en avoit, à peine que les larmes ne luy 
sailloient des yeulx , le confortoit au mieulx 
qu'elle savoit : « Helas! frère Aubry, disoîl 
elle, avez vous parlé aux medicins telz et 
telz ? — Oy certes, m'amyc , disoit il , il n'y a 
medkin ne cyrurgien en Paris qui n'ait veu 
mon cas. — ^Et qu'en disent ils Psoutfirefez vous 



k.MidtH 



Nouvelle XCV< ao) 

longuement ceste doleur ? — Helas ! oy, voire 
encores plus la mort , si Dieu ne m'aide ; car 
en mon tait n'a que ung remède, et j'aymeroie 
à peine autant mourir que le déceler ; car il 
est mains que bien honeste et tout estrangede 
ma profession. — Comment ! dist la pouvrette, 
et n'est ce pas mal fait et péché à vous d'ainsi 
vous laisser passionner? Vous vous mettez en 
dangier de perdre sens et entendement, ad ce 

3ue je voy vostre doleur tant aspre. — Par 
ieu, bien aspre et terrible est elle, dist frère 
Aubry; mais quoy! Dieu le m'a envoie, loé 
soit-il ; je aray pacience , et suis tout conforté 
d'attendre la mort, car c'est le vray remède 
de mon mal , voire excepté ung dont je vous 
ay parlé, qui me gariroit tantost; mais quoy ! 
comme je vous ay dit , je n'oseroie dire quel 
il est ; et quand ainsi seroit que je serois 
forcé à déceler ce que c'est , je n'aroie le har* 
dément ne le vouloir de le mectre à exécu- 
tion. — Et par ma foy, dist la bonne femme, 
frère Aubry, il me semble que vous avez tort 
de tenir telz termes; et pour Dieu, dictes moy 
qu'il faut pour vostre garison , et je vous as- 
seure que je mettray peine et diligence à trou- 
ver ce qui y sefvira. Pour Dieu, ne soiez cause 
de vostre perdicion ; laissez vous aider et se- 
courir. Or dictes moy que c'est, et vous ver- 
rez se je vous aideray ; si feray par Dieu , et 
me deust il couster plus que vous ne pensez.» 
Damp moine, voyant la bonne volunté de sa 
voisine, après ung grand tas d'excusances et 
de refus que pour estre bref je trespasse, dist 



i 



204 ^^ Ckn'^ Nouvelles nouvelles. 

à basse voix : « Puis qu'il vous plaist que je 
le dye » je vous obeiray. Les medicins , tous 
d'un accord, m'ont dit qu'en mon fait n'a 

3ue ung seul remède y c'est de bouter mon 
oy malade dedans le lieu secret d'une femne 
nette et honeste, et le tenir là une bonne 
pièce de temps, et après l'omgdre d'un oigne^ 
ment dont ilz m'ont baillé la reoepte. Vous 
oez que c'est , et pource que je suis de ma 
nature et propre coustume honteux, j'ay mieulx 
amé endurer et seuffrir jusques cy les maubc 
que j'ay porté ou'en rien dire à personne vi- 
vant; vous seule savés mon cas, et malgré 
moy. — Hola 1 hola 1 dist la bonne femme ^ je 
ne vouis ay dit chose que je ne face ; je vous 
veil aider à garir: je suis contente et jne plaist 
bien pour vostre garison et santé , et vous os- 
ter de la terrible angoisse qui vous tourmente. 
Que je vous preste le lieu pour bouter vostre 
ûojr malade. — Et Dieu le vous rende , da- 
moiselle ! Je n'en eusse osé requérir vous ne 
aultre ; mais puis qu'il vous plaist me secourir, 
je ne seray jà cause de ma mort. Or nous 
mettons donc, s'il vous plaist, en quelque 
lieu secret que nul ne nous voye. — Il me 
plaist bien » , dist eUe. Si le mena en une très-» 
belle garderobe>et serra l'huys, et sur le lit se 
mist ; et maistre moyne luy lève ses draps, et 
en lieu du doy de la main bouta son perchant) 
dur et roidde. Et à l'entrer qu'il fist , elle qui 
le sentit si. trèsgros : «Comment ! dist elle, et 
vostre doyi comment peut il estre si gros? je 
n'Oy jamais parler du pardi.— En vérité, fist u^ 



Nouvelle XCVI. * io) 

ce fait la maladie qui en ce point le m'a mis. — 
Vous me comptez merveilles » , dit elle. Et 
durant ces langages , maistre moyne accom* 
plit ce pour quoy si bien avoit fait le malade. 
Et celle qui sentit et cetera , demanda que 
c'estoit ; et il respondit : « C'est le clou de 
mon doy qui est effondré ; je suis comme gary, 
ce me semble , Dieu mercy et la vostre. — 
Et par ma foy, ce me plaist moult , ce dit la 
dame, qui lors se leva ; $i vous n'estes bien 
gary, si retournez toutesfoiz qu'il vous plaist : 
Car pour vous oster de doleur, il n'est rien 
que je ne face ; et ne soiez plus si honteux 
que vous avez esté pour vostre santé recou- 
vrer. » 




LA XCVIe NOUVELLE. 

r escoutez, s'il vous plaist, Qu'il ad- 
vint l'aultrhier à ung simple riche 
curé de village, qui par simplesse 
fut à l'emende devers son evesque 
en la somme de cinquante bons escuz d'or. 
Ce bon curé avoit ung chien qu'il avoit nourry 
de jeunesse et gardé, qui tous les aultres 
chiens du païspassoit d'aller en l'eaue quérir le 
vireton, ung chappeau si son maistre l'oblyoit 
ou de fait apensé le laissoit quelque part. 
Bref ,^ tout ce que bon et sage chien doit et scet 
faire il estoit le passe route ; et à l'occasion 



/ 



2o6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

de ce, son maistre l'amoit tant, qu'il ne seroh 
pas legier à compter combien il en estoit as- 
solé. Advint toutesfoiz, je ne sçay par quel 
cas , ou s'il eut trop chault ou trop troit , ou 
s'ilmengea quelque chose qui mal luy fist, qu'il 
devint trèsmalade, et de ce mal mourut, et de ce 
siècle tout droit au paradis des chiens alla. Que 
fist ce bon curé P II qui sa maison , c'est assa- 
voir le presbitaire, dessus le cimitère avoit, 
Suand il vit son chien de ce monde trespassé, 
se pensa que une si sage et bonne beste ne 
demourast sans sépulture; etpourtantilfistune 
fosse assez près de l'huys de sa maison , qui 
dessus l'aitre, comme dit est, respondoit, et là 
l'enfouyt et sepultura. Je ne sçay pas s'il luy 
fist ung marbre et par dessus engraver une 
epythaphe, si m'entais. Ne demoura guères 
que la mort du bon chien au curé fut par le 
village et les lieux voisins annuncé , et tant 
s'espandit Ique aux oreilles de l'evesque du 
lieu parvint , ensemble de la sépulture saincte 
que son maistre luy bailla ; si le manda vers 
luy venir par une citation que ung cicaneur luy 
apporta. « Helas ! dist le curé au cicaneur, et 
que ay je fait , et qui m'a fait citer d'office i 2e 
ne me sçay trop esbahir que la court me de- 
mande. — Quand à moy, dit l'autre, je ne 
sçay qu'il y a , si ce n'est pour tant que vous 
avez enfouy vostre chien dedans lieu saint où 
l'on mect les corps des chrestians. — Haf*ce 
pensa le curé, c'est cela f » Or à primes luy vint 
en teste qu'il avoit mal fait, et dist bien en. 
soy mesmes qu'il passeroit par là , et que s'il 



Nouvelle XCVI. 207 

se laisse emprisonner qu'il sera escorché , car 
monseigneur l'evesque, la Dieu mercy, est 
le plus convoiteux prélat de ce royaume , et 
si a gens entour de iu3r qui scevent faire ve- 
nir Teaue au moulin, Dieu scet comment. « Or 
bien force est que je la perde ; si vault mieulx 
tost que tard.» Il vint à sa journée, et de plain 
bout s'en alla devers monseigneur Tevesque, 
qui tantost comme il le vit luy fist un^ grand 
prologue pour la sépulture samcte cju'il avoit 
fait bailler à son chien , et luy baptisa son cas 
si merveilleusement qu'il sembloit que le curé 
eust fait pis que regnier Dieu. Et après tout 
son dire, il commenda que le curé fust mené 
en la prison. Quand le curé vit qu'on le vou- 
loit bouter en laboeste aux caillouz , il requist 
qu'il fust oy, et monseigneur l'evesque luy 
accorda. Et devez savoir que à ceste calonge 
estoient foison de gens de grand fasson, 
comme l'official, les promoteurs, les scribe, 
notaires, advocatz et procureurs, qui tous 
ensemble grand joye avoient du non accous- 
tumé cas du pouvre curé, qui à son chien 
avoit donné la terre saincte. Le curé en sa 
défense et excuse parla en bref et dist : « En 
vérité , monseigneur, si vous eussez autant 
congneu mon bon chien, à qui Dieu pardoint, 
comme j'ay, vous ne seriez pas tant esbahy 
de la sépulture que je luy ai ordonnée comme 
vous estes , car son pareil ne fut ne jamais 
sera. » Et lors racompta balme de son fait : 
u Et s'il fut bien bon et sage en son vivant , 
encores le fiit il autant ou plus à sa mort, 



2o8 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

car il fist un trèsbe^u testament, et pour 
ce qu'il savoit vostre nécessité et indigence, 
il vous ordonna cinc|uante escuz d'or^ que 
je vous apporte. >» Si les tira de son sein et 
à l'evesque les bailla, qui les receutvolun* 
tiers, et lors loa et approuva le sens du vail- 
lant chien , ensemble son testament et la sé- 
pulture qu'il luy bailla. 




LA XCVIIe NOUVELLE. 

PAR MONSEIGNEUR DE LAUNOY. 

Iz estoient n'a guères une assem- 
blée de bons compaignons faisans 
bonne chère en la taverne , et bu- 
vant d'autant et d'autel. Et quand 
ilz eurent beu et roan^é, et fait si bonne chère 
que jusques à loer Dieu et aussi usque ad hè-^ 
breos la plus part^ et qu'ilz eurent compté et 
paie leur escot, les aucuns commencèrent à 
dire : « Comment nous serons festoyés de noz 
femmes, quand nous retournerons à l'ostell 
Dieu scet que nous ne serons pas excommu- 
niez : on parlera bien à noz barbes. — Nostre 
dame ! dist l'un , je craing bien de m'y trou- 
ver. — Ainsi m'aist Dieu , dit l'autre , aussi 
fays je moy ; je suis tout seur d'oyr la passion. 
Pleust à Dieu que ma femme fiist muette ! je 
buroye trop plus hardiment que je ne faiz. n 



«■■ 



Nouvelle XGVII. 209 

Ainsi disoient trestous , fors l'un d'eulx qui 
estait bon compaignon , qui leur alla dire : 
« Et comment , beaulx seigneurs , vous estes 
donc bien fort maleureux, qui avez chacun 
femme qui ainsi vous reprend d'aller à la ta- 
verne , et est tant mal contente que vous bu- 
vez ? Par ma foy , Dieu mercy, la mienne n'est 
pas telle ; car de boire que je face vous n'avez 
garde qu'elle en parle ; mesmes, qui plus est , 
si je buvoie dix, voire cent foiz le jour, si n'est 
ce pas assez à son gré ; bref, oncques je ne 
beu qu'elle n'eust voulu que j'eusse plus beu 
la moitié. Car quand je reviens de la taverne, 
elle me souhaitte tousjours le demourant du 
tonneau dedans le ventre , et le tonneau avec- 
ques ; si n'esse pas signe que je boive assez 
à son gré ? » Quand ses compaignons oyrent 
ceste conclusion, ilz se prindrentà rire et loè- 
rem beaucop son compte, et sur ce s'en al- 
lèrent tous , chacun à sa chacune. Nostre bon 
compai^on qui le compte avoit fait s'en 
vint à rhostel , où il trouva Pou Paisible sa 
femme toute preste à tanser, qui de si loing 
qu'elle le vit commença la souffrance accous- 
tumée; et de fait, comme elle souloit, luy 
souhaitta le demourant du vin du tonneau de* 
dans le ventre. « La vostre mercy , m'amye , 
dist il ; encores avez vous meilleure coustume 
que les aultres femmes de ceste ville : elles 
enragent de ce que leurs mariz boivent ne 
tant ne quant , et vous , Dieu le vous rende , 
vouldriez bien que je beusse tousjours ou une 
bonne foiz qui tousjours durast. — Je ne sçay, 

Cent Nouv. — II. 14 



210 Le3 Cent Nouvelles nouvelles. 

dit elle , que je vouldroie , sinon que je prie 
à Dieu que tant vous buvez ung jour que vous 
puissez crever. » Comme ilz se devisoient 
ainsi doulcement comme vous oez , le pot à 
laporée, qui sur le feu estoit^ commence à 
s'enfuyr par dessus, pource que trop aspre 
feu avoit ; et le bon homme , voyant que sa 
femme n'y mettoit point la main , luy dist : 
« Et ne veez vous , dame , ce pot qui s'en 
fuit ? n Et elle, qui encores rappaisée n'estoit, 
luy respondit : « Sifaiz,sire, je le voy bien. — 
Or le haulsez donc , Dieu vous mecte en mal 
an ! — Si feray je, dist elle , je le haulseray, 
je le mectz à xij. deniers. — Voire, dist il, 
dame , est ce la response ? Haulsez ce pot, de 
par Dieu ! — Et bien , dit elle , je le mectz à 
vij. sols; est ce assez hault? — HenI hen! 
dist il, et par saint Jehan! ce marché ne se 
passera pas sans trois coups de baston. » Et 
il choisit ung gros baston et en descharge de 
toute sa force sur le doz de madamoiselle , en 
disant : « Ce marché vous demoure. » Et elle 
commence à cryer alarme , tant que les voi- 
sins s'i assemblèrent , qui demandèrent que 
c'estoit ; et le bon homme racompta Pystoire 
comme elle alloit , dont ilz rirent trèsbien de 
celle à qui le marché demoura. 




Nouvelle XCVIII. 211 

LA XCVIIIe NOUVELLE. 

PAR l'acteur. 

S metes et marches de France avoit 
ung riche et puissant chevalier, no- 
ble tant par l'ancienne noblesse de 
ses prédécesseurs comme par pro- 
pres nobles et vertueux faiz. De sa femme es- 
pousée avoit une seule fille , trèsbelle et très- 
adressée puceile, eagée de xvj. à xvij. ans ou 
environ. Ce bon et noble chevalier, voyant 
sa dicte fille avoir attaint à Péage habile et 
ydoine pour estre allyée et conjoincte par ma- 
riage , eut trèsgrande volunté de la donner à 
ung chevalier son voysin, trèsriche, non tou- 
tesfoiz noble de parentage comme de grosses 
richesses et puissances temporelles ; avec ce 
aussi, eagé de Ix. à quatre vingts ans ou envi- 
ron. Ce vouloir rongea tant autour de la teste 
du père dont j'ay parlé , que jamais ne cessa 
jusques ad ce que les allyances et promesses 
furent faictes entre luy et sa femme , mère de 
la dicte pucelle , et le dit chevalier, touchant 
le mariage de luy avec la dicte fille, qui des 
assemblées , promesses et traicliez ne savoit 
rien , et n'y pensoit aucunement. Assez pro- 
chain de l'ostel d'iceluy chevalier père ae la 
pucelle, avoit ung aultre jeune chevalier vail- 



212 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

lant et riche moyennement , non pas tant de 
beaucoç cojnme Vautre ancien dont j'ay parlé, 
qui estoit trèsardent et fort embrasé de ramour 
a'icelle pucelle. Et pareillement elle, pour la 
vertueuse et noble renommée de luy, en estoit 
trèsfort enlassée, et combien que à dangier 
parlassent l'un à Pautre, car le père s'en doub- 
toit et leur ostoit et rompoit le$ moyens et 
voies qu'il povoit , toutesfoiz si ne les povoit 
il forclorre de l'entière et trèsloyale amour 
dont leurs deux cueurs estoient mutuellement 
entreliez et embrasez. Et quand fortune leur 
favorisoit tant que ensemble les faisoit devi- 
ser, d'aultre chose ne tenoient leurs devises 
que de pourpenser et adviser le moien par le- 
quel leur souverain désir pourroit estre ac* 
comply par légitime mariage* Or s'approucha 
le temps que icelle pucelle deut estre donnée 
à ce seigneur ancien , et le marché et traictié 
luy fut par son père descouvert et assigné le 
jour qu'elle devoit espouser, dont ne fut pas 
pou courroussée ; mais elle se pensa qu'elle y 
•mectroit remède. Elle envoya vers son très-^ 
chier amy le jeune chevalier; et luy manda 
qu'il venist celéement le plus qu'il pourroit. 
Et quand il fut venu, elle luy compta les al- 
lyances faictes d'elle et de l'autre ancien che- 
valier, demandant sur ce conseil de tout rom- 
pre ^, car d'autre que de luy ne vouloit estre 
espouse. Le chevalier luy respondit : « M'a- 
mye trèschère, puisque vostre bonté se veult 
tant humilier que de moy offrir ce que je n'o- 
seroie requérir sans, trèsgrand vergoigne, je 



Nouvelle XCVIII. 213 

vous remercie; et, si vous voulez persévérer 
en ceste bonne volume, je sçay que nous de- 
vons faire. Nous prendrons et assignerons ung 
jour en ceste ville bien acompaigné de mes 
amys et serviteurs, et à certaine heure vous 
rendrez en quelque lieu que me direz mainte- 
nant où je vous troveray seule. Vous monte- 
rez sur mon cheval et vous mainray en mon 
chasteau; et puis, si nous povons appaiser 
monseigneur vostre père et ma dame vostre 
mère , nous procéderons à la consummacion 
de noz promesses. » La pucelle dist que c'es- 
toit bien advisé, et qu'elle savoit comment s'i 
povoit convenablement conduire. Si luy dist 
que tel jour et telle heure venist en tel heu où 
il la trouveroit, et puis feroit tout bien ainsi 
qu'il avoit advisé. Le jour de Passignacion 
vint : si comparut ce bon jeune chevalier au 
lieu où l'on luy avoit dit , et où il trouva sa 
dame, qui monta derrière luy sur son cheval, 

fmis picquèrent fort tant qu'ilz eurent éloigné 
a place. Quand ilz se trouvèrent aucun petit 
éloignez , ce bon chevalier, craignant qu'il ne 
traveillast sa trèschière amye , rompit son le- 
gier pas et fist espandre tous ses gens par di- 
vers chemins pour veoir se quelque ung tes 
suyvoit, et chevauchoit à travers cnamps sans 
tenir voies ne sentiers le plus doulcement et 
debonnairement qu'il povoit, et chargea à ses 
gens qu'ilz se trouvassent ensemble tous à ung 
gros village qu'il leur nomma , où il avoit in- 
tencion de repaistre. Ce village estoit assez 
estrangé de la voye commune des chevau- 



214 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

cheurs et chemineurs; et tant chevauchèrent 
les dits amans qu'ilz vindrent seuletz au dit 
village, où la feste générale se faisoit, à la- 
quelle y avoit gens de toutes sortes et grand 
foison. Ilz entrèrent en la meilleur taverne de 
tout le lieu , et incontinent; demandèrent à 
boire et à menger, car il estoil tard après dis- 
ner, et la pucelle estoit trèsfort traveillée. Hz 
firent faire bon feu et trèsbien appoincter à 
menger pour les gens du dit chevalier, qui 
n'estoient encores venuz. Guères n'eurent esté 
en leur hostellerie que veezcy venir quatre 
gros charruyers ou bouviers plus villains en- 
cores , et entrèrent baudement en cest hostel, 
demandans rigoreusement où estoit la ribaul- 
deile que ung ruffien naguères avoit amenée 
derrière luy sur ung cheval, et qu'il failloit 
qu'ilz bussent avec elle et à leur tour la gou- 
verner. L'oste, qui estoit homme bien co- 
gnoissant le dit chevalier, bien sachant que 
ainsi n'estoit que les ribauldz disoient, leur 
respondit gracieusement que telle n'estoit elle 
(qu'ilz cuiooient. « Par cy, par là, dirent ilz, 
SI vous ne la nous livrés incontinent, nous 
abattrons les huys et l'enmerrons par force et 
malgré vous deus. » ^uand le bon hoste en- 
tendit et cogneut leur n^ueur, et que sa doulce 
f)arolle ne luy prouffitoit point, il leur nomma 
e nom du chevalier, lequel estoit trèsrenommé 
es marches, mais pou co^eu des gens, à l'oc- 
casion que tousjours avoit esté hors du pais, 
acquérant honneur et renommée glorieuse es 
guerres et voyages loingtains. Leur dist aussi 



Nouvelle XCVIII. 21$ 

que la femme estoit une jeune pucelle parente 
au dit chevalier, laquelle estoit née et yssue 
de grand maison et noble parentage. « Helas! 
messeigneurs, vous povez, dist il, sans dan* 
gier de vous ne d'aultruy, estaindre et passer 
voz chaleurs desordonnées avecques plusieurs 
aultres qui, à l'occasion de la feste de ce vil7 
lage , sont venues et arrivées, et pour aultre 
chose non que pour vous et voz semblables. 
Pour Dieu , laissez en paix ceste noble fille , 
et mettez devant voz yeulx les grands dan- 
giers où vous boutez, et ne soiez jà si pre^ 
sumptueux de cuider que le chevalier la vous 
laisse mener sans la défendre. Pensez, pensez 
voz vouloirs desraisonnables et le grand mal 
que vous voulez commectre à petite occasion. 
— Cessez vostre sermon , dirent les loudiers, 
tous alumez du feu de concupiscence char- 
nelle, et donnez nous voye que la puissions 
avoir; aultrement vous ferons honte et blasme, 
car en publicque ycy nous Tamerrons, et cha- 
cun de nous quatre en fera son bon plaisir. » 
Les paroUes nnées, le bon hoste monta en la 
chambre où le chevalier et la bonne pucelle 
estoient, puis hucha à part le chevalier, à qui 
il compta la volunté des quatre villains enra- 
gez, lequel, quand il eut tout bien et con- 
stamment entendu sans estre guères troublé, 
descendit, gamy de son espée, parler aux quatre 
ribaulx, leur demandant trèsdoulcement quelle 
chose il leur plaisoit. Et ainsi , rudes et mal-> 
$ades qu'ilz estoient, respondirent qu'ilz vou- 
loient avoir la ribauldelle qu'il tenoit fermée 



2i6 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

en sa chambre , et cjue, si doulcement ne leur 
bailloit , ilz luy tolliroient et raviroient à son 
grand dommage. « Beaulx seigneurs, dist le 
chevalier, si vous me cognoissiez bien , vous 
ne me tiendriez pour tel qui maine par les 
champs les femmes telles que vous nommez 
ceste ; oncques ne feiz telle folie , la Dieu 
mercy ; et quand la volume me seroit telle', 
que Dieu ne veille ! jamais je ne le feroye es 
marches dont je suis et tous les miens. Ma 
noblesse et la netteté de mon courage ne 
pourroient souffrir que ainsi me gouvernasse. 
Ceste femme est une jeune pucelle, ma cou- 
sine prochaine, yssue de noble maison; et je 
vois pour esbatre et passer temps doulcement, 
la menant avec moy, acompaigné de mes gens, 
lesquelx, jasoit qu'ilzne soient cy presens, tou- 
tesfois viendront ilz tantost, et je les attens; 
et ne soiez jà si abusez en voz courages que 
je me repute si lasche que je la laisse villan- 
ner ne souffrir luy faire injure tant ne quant, 
mais la defendray aussi avant et aussi longue- 
ment que la vigueur de mon corps pourra du- 
rer et jusques à la mort. » Avant que le che- 
valier eust fine sa parolle, les vîllains plastriers 
luy entrerompirent en nyant premier qu'il fust 
celuy qu'il avoit nommé , pource qu'il estoit 
seul , et le dit chevalier ne chevauchoit jamais 
que en grand compaignie de gens. Pour quoy 
luy conseillèrent qu'ilbaillast la dicte femme, 
s'il estoit sage, ou aultrement luy tolliroient 
par force, quelque chose qui s'en puist ensuyr. 
Helas! quand le vaillant et courageux cheva* 



wr 



Nouvelle XCVIIL 217 

lier perceut que doulceur n'avoit point lieu en 
ses responces , et <jue rigueur et naulteur oc- 
cupoient la place , il se ferma en son courage, 
et résolut que les villains n'aroient jà la jois- 
sance de la pucelle, ou il y mourroit en la de- 
fendant. Pour faire fin, l'un de ces quatre 
s'avança de ferir de son baston à l'huis de la 
chambre , et les aultres le suyrent, qui furent 
vaillamment reboutez du chevalier. Et ainsi se 
commença la bataille, qui dura assez longue- 
ment. Combien que les deux parties fussent 
dispareilles, ce bon chevalier vainccjuit et re- 
bouta les quatre ribaulx, et, ainsi qu'il les 
poursuyvoit chassant pour en estre au dessus, 
l'un d'iceubc, qui avoit ung glaive, se vira 
subit et le darda en l'estomac du chevalier et 
le percha de part en part, du quel cop incon- 
tinent cheut tout mort, dont ilz furent très- 
joieux. Ce fait, l'oste fut par eulx contraint 
de l'enfouir et mettre en terre ou au jardin de 
l'ostel, sans esclandre ne noise; aultrement 
ilz le menassoient tuer. Quand le chevalier fut 
mort, ilz vindrent hurter à la chambre où es- 
toit la pucelle, à qui desplaisoit moult que son 
amoureux tant demouroit , et boutèrent l'huis 
oultre. Et si tost qu'elle vit les bourgois en- 
trer, elle jugea tantost que le chevalier estoît 
mort, disant : « Helas ! où est ma garde ? où est 
mon seul refuge ^ Qu'est il devenu ? Dont vient 
que ainsi me laisse seullette? )> Les ribaulx, 
voyans qu'elle estoit ainsi troublée, la cuidè- 
rent faulsement décevoir par doulces parolles, 
en disant que le chevalier estoit en une mai- 



2i8 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

son , et qu'il luy mandoit qu'elle y allast avec 
eulx, et que plus seurement s'i pourroit garder; 
mais riens n'en voult croire, car le cueur tous- 
jours luy jugeoit qu'ilz l'avoient tué et mur- 
dry. Si commença à soy dementer et crier plus 
amèrement que devant. « Qu'est ce cy, dirent 
ilz y, que tu nous faiz estran^e manière? Guides 
tu que nous ne te cognoissions .^^ Si tu as sus- 
peçon sur ton ruffien qu'il ne soit mort, tu n'es 
pas abusée : nous en avons délivré le pais. 
Pour quoy soies toute asseurée que nous qua- 
tre arons chacun ta compaignie. » Et, à ces 
motz, l'un d'eulx s'avance, qui la prent le 
plus rudement du monde, disant qu'il aura sa 
compaignie avant qu'elle luy eschappe , veille 
ne daigne. Quand la pouvre pucelle se voit 
ainsi efforcée ., et que la doulceur de son lan- 
gage ne luy portoit point de prouffit, leur dist : 
(( Helas! messêigneurs, puis que vostre mau- 
vaise volume est ainsi tournée, et que humble 
prière ne la peut adoulcir ne ploier, au mains 
aiez en vous ceste honesteté que , puis qu'il 
fault que à vous je soie abandonnée , ce soit 
premièrement à l'un sans la présence de l'au- 
tre. » Hz luy accordèrent, jasoit ce que très- 
envys, et puis luy firent choisir pour eslire 
celuy d'eulx quatre qui devoit demourer avec 
elle. L'un d'eulx, leauel elle cuidoit estre le 
plus begnin et doulx.de tous, elle eleut; mais 
de tous estoit il le pire. La chambre fut fer- 
mée, et tantost après la bonne pucelle se gecta 
aux piez du ribaulx, en luy taisant pluseurs 
piteuses remonstrances, luy priant qu'il eust 



■^v 



Nouvelle XCIX. 219 

Î>itié d'elle. Mais tousjours persévérant en ma- 
ignité, dist c^u'il feroit sa volume d'elle. Quand 
elle le vit si dur et obstiné, et que sa prière 
trèshumble ne vouloit exaulser, luy dist : « Or 
çà, puis qu'il convient qu'il soit, je suis con- 
tente ; mais je vous supply que cloiez les fe- 
nestres, affin que nous soyons plus secrète- 
ment. )) Il l'accorda bien envys, et, tantdiz 
qu'il les cloyoit, la pucelle sacqa ung petit 
Cousteau qu'elle avdit pendu à sa cincture , se 
trencha la gorge et rendit l'ame. Et quand le 
ribauld la vit couchée à terre morte , il s'en 
fiiyt avecques ses compaignons. Et est à sup- 
poser qu'ilz ont esté puniz selon l'exigence du 
cas piteux. Ainsi finèrent leurs jours les deux 
loyaux amoureux tantost l'un après l'autre, 
sans percevoir rien du joieux plaisir où ilz 
cuidoient ensemble vivre et durer tout leur 
temps. 



LA XCIXe NOUVELLE. 

PAR l'acteur. 

'il vous plaist, vous orrez, avant qu'il 
soit plus tard, tout à ceste heure 
ma petite râtelée et compte abrégé 
d'un vaillant evesque d'Espaigne, 
qui pour aucuns afferes du roy de Castille, 
son maistre, ou temps de ceste histoire, s'en 
alloit en court de Romme. Ce vaillant prélat, 




\ 



220 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

dont j'entens fournir ceste derreniere nou- 
velle, vint ung soir en une petite villette de 
Lombardie ; et luy estant arrivé par ung ven- 
dredy assez de bonne heure, vers le soir, or- 
donna son maistre d'ostel le faire souper de 
bonne heure, et le tenir le plus aise que faire 
ce pourroit, de ce dont on pourroit recouvrer 
en la ville ; car la mercy Dieu, quoy qu'il fust et 
gros et gras, et ne se donnoit de traveil que 
bien à point, si n'en jeunoit il journée. Son 
maistre d'ostel, pour luy obéir, s'en alla au 
marché^ et par toutes les poissonneries de la 
ville pour trouver du poisson. Mais pour faire 
le compte bref, il n'en peut oncques recou- 
vrer d'un seul lopin, quelque diligence que 
luy et son hoste en sceussent faire. D'adven- 
ture, eubc s'en retournans à l'ostel sans pois- 
son, trouvèrent ung bon homme des champs 
oui avoit deux bonnes perdriz et ne deman- 
doit que marchant. Si s'en pensa le maistre 
d'ostel Que s'il en povoit avoir bon compte, 
elles ne luy eschapperoient pas, et que bonnes 
seroient pour dimenche, et que son maistre en 
feroit grand feste. Il les acheta et en eut bon 
pris. Il vint vers son maistre ses deux perdriz 
en sa main, toutes vives, crasses, et bien re- 
faiçtes, et luy compta l'echpse de poisson qui 
estoit en la ville, dont il n'estoit pas trop 
joyeulx. Et luy, dist : « Et que pourrons nous 
soupper? — Monseigneur, respondit il, je 
vous feray faire des oeufs en plus de cent mille 
manières; vous aurez aussi des pommes et 
des poires. Nostre hoste a aussi de bon fro- 



j 



Nouvelle XCIX. 221 

mage et bien gras : nous vous tiendrons bien 
aise. Ayez pacience pour meshuy, ung soup- 
per est tantost passé ; vous serez demain plus 
aise, si Dieu plaist. Nous yrons en la ville, 
qui est trop mieulx empoissonnée cjue ceste 
cy ; et Dimenche vous ne povez faillir d'estre 
bien disné, car veezcy deux perdriz que j'ay 
pourveues , qui sont à bon escient bonnes et 
bien nourries. » Ce maistre evesque se fist bail- 
ler ces perdriz, et les trouva telles qu'elles 
estoient bonnes à bon escient ; si se pensa 
qu'elles tiendroient à soupper la place du 
poisson qu'il cuidoit avoir, dont il n'avoit 
point ; car il n'en peut oncques trouver. Si les 
fist tuer bien en haste , plumer , larder et 
mettre en broche. Lors le maistre d'ostel, 
voyant qu'il les vouloit rostir, fut esbahy et 
dist à son maistre : <( Monseigneur, elles sont 
bonnes tuées, mais les rostir maintenant pour 
le Dimanche, il ne me semble pas bon. » Ledit 
maistre d'ostel perdoit son temps, car, quel- 
que diose qu'il sceut remonstrer, si ne la vou- 
lut il croire : elles furent mises en broche et 
rosties. Le bon prélat estoit la plus part du 
temps qu'elles mirent à cuire tousjours pré- 
sent, dont son maistre d'ostel ne se sçavoit 
assez esbahir, et ne savoit pas bien l'appétit 
desordonné de son maistre qu'il eust à ceste 
heure de dévorer ces perdrix , ainçois cui- 
doit qu'il le fist pour Dimenche les avoir plus 
prestes au disner. Lors les fist ainsi habiller, 
et quand elles furent prestes et rosties, la table 
couverte et le vin aporté, oeufz en diverses 



222 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

façons habillez et mis à point, si s'assit le pré- 
lat, et le benedicite dit, demanda les perdris 
avec de la moustarde. Son maistre d'ostel ,^ 
désirant savoir que son maistre vouloit faire 
de ces perdriz, si les luy mist devant luy 
toutes venantes de la broche, rendantes une 
fumée aromaticque assez pour faire venir 
l'eaue à la bouche d'ung friant. Et bon éves- 
aue d'assaillir ces perdrix et desmembrer 
d'entrée la meilleure qui y fust ; et commence 
à trencher et menger , car tant avoit haste, 
aue oncques ne donna loisir à son escuier qui 
aevant luy tranchoit ^u'il eust mis son pain 
ne ses cousteaux à point. Quand ce maistre 
d'ostel vit son maistre s'attraper à ces per- 
dris, il fust bien esbahy et ne se peut taire ne 
tenir de luy dire : « Ha, monseigneur, que faic- 
tes vous? Estes vous Juif ou Sarrazin, qui ne 
gardez aultrement le vendredy ? Par ma foy, 
je me donne grand merveille de vostre faict. 
— Tais toy, tais toy, dist le bon prélat, qui 
avoit toutes les mains grasses et la barbe aussi 
de ces perdris ; tu es beste, et ne sçais que tu 
dis. Je ne fays point de mal. Tu §çais etcon- 
gnois bien que par parolles moy et tous les 
aultres prestres faisons d'une hostie, qui n'est 
que de bled et d'eaue , le précieux corps de 
Jhesu-Crist; et ne puis je donc pas, par plus 
forte raison, moy qui tant ay veu de choses 
en court de Romme, et en tant de divers 
lieux , savoir par paroles faire convertir ces 
perdriz, qui est chair, en poisson, jasoit ce 
qu'elles retiennent la forme de perdriz ? Si fais^ 



-e^^^mmr i 1 ■ ^ il UL 



Nouvelle C. 22^ 

dya ; maintes journées sont passées que j'en 
scay bien la pratiaue. Elles ne furent pas si 
tost mises à la brocne que, par les parolles que 
je sçay, je les charmé tellement que en sud- 
stance de poisson se convertirent ; et en pour- 
riez trestousqui estes icy menger, comme moy, 
sans péché. Mais pour rymagination que vous 
en pouriez prendre, elles ne vous feroient 
jà bien; si en feray tout seul le meschief.» Le 
maistre d'ostel et tous les autres de ses gens 
commencèrent à rire, et firent semblant de 
adjouster foy à la bourde de leur maistre, trop 
subtilement fardée et colorée ; et en tindrent 
depuis manière du bien de luy, et aussy main- 
tesfoiz en divers lieux joyeusement le racomp- 
tèrent. 



LA Ce ET DERRENIÈRE NOUVELLE. 

PAR PHILIPE DE LOAN. 

n la bonne , puissant et bien peu- 
plée cité de Jannes, puis certain 
temps en çà, demouroit ung ^ros 
marchant plain et comblé de biens 
et de richesses , duquel l'industrie et manière 
de vivre estoit de mener et conduire grosses 
marchandises par la mer es estranges pais , et 
spécialement en Alixandrie. Tant vacca et en- 
tendit au gouvernement des navires, à entas- 
ser thesaur et amonceler grandes richesses^ 




] 



l 



224 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

ue durant tout le temps, jusques à l'eage 
e cincjuante ans , qu'il s'y adonna depuis sa 
tendre jeunesse, ne luy vint volunté ne souve- 
nance d'aultre chose faire. Et comme il fut 
parvenu à l'eage dessus dicte , ainsi c^ue une 
foiz pensoit sur son estât , voyant (ju'il avoit 
despendu tous ses jours et ans à rien ^ aultre 
chose faire que cuillir et accroislre sa richesse, 
sans jamais avoir eu ung seul moment ou mi- 
nute de temps ouquel sa nature luy eust 
donné inclinacion pour penser ou induire à soy 
marier, affm d'avoir generacion qui aux grans 
biens qu'il avoit à grand diligence et grand 
labour amassez et acquis luy succedast, et luy 
après luy les possedast, conceut en son cou- 
rage une aigre et trèspoingnant doleur ; et luy 
despleut à merveilles que ainsi avoit exposé 
et aespendu ses jeunes jours. En celle aigre 
doleance et regretz demoura aucuns jours, pen- 
dant lesquelx advint que en la cité dessus 
nommée , les jeunes et petiz enfans , après 
qu'ilz avoient solennizé aucune feste accous- 
tumée entr'eulx par chacun an , habillez et 
desguisez diversement et assez estran&ement , 
les ungs d'une manière , les aultres/ d'aultre, 
se vindrent rendre en grant nombre en ung 
lieu où les publicques et accoustumez esba-* 
temens de la cité se faisoient communément , 
pour jouer en la présence de leurs pères, mè- 
res et amys, affin d'en reporter gloire , renom- 
mée et loange. A ceste assemblée comparât et 
se trouva ce bon marchant, remply de fanta- 
sies et de souciz ; et voyant les pères et les- 



m/^mmmmmmmÊm^^mm^^^^^ 



Nouvelle C. 22s 

' mères prendre grand plaisir à veoir enfans 
jouer et .faire souplesses et apertises, aggrava 
sa doleur qu'il par avant avoit de soy mesmes 
conceu ; et en ce point , sans les povoir plus 
adviser ne regarder, triste et pensif retourna 
en sa maison , et seulet se rendit en sa cham- 
bre, où il fut aucun temps faisant complainte 
eh ceste manière: « Ha! pouvre'maleufeux" 
veillart , tel que je suis et tousjours ay esté , 
de qui la fortune et destinée sont dures, amè- 
res et mal goustables ! chetif homme /plus 
que tous aultres recréant et las, par les veilles, 
peines, labours et ententes que tu as prins et 
porté tant par mer que par terre! Ta gran- 
de richesse et tes comblés thesors sont bien 
vains , lesquelx soubz périlleuses adventutes , 
en peines dures et sueurs, tu as amassé et 
amoncelé, et pour lesquelx tout ton temps as . 
despendu et usé , sans avoir oncques une petite 
et passant souvenance de penser qui seracelùy 
qui, toy mort etparty dece siècle, les possédera,,. 
et à <\m par loy humaine les deyray la/^ser ej^ , 
mémoire de toy et de ton nom. Ha f meschant 
courage , comment as tu - mis en non challoîr ] 
ceà quoytu devois donner entente singu- 
lière? Jamais ne t'a pieu mariage, fuyj'as 
tousjours, craint et refusé , mesmement hîay et 
mesprisé les bons et justes cpnseilz de ceulx ! 
cjui t'y ont voulu joindre affin que lu eusses 
hgnée qui perpetuast ton nom , ta loai^e et 
renommée. oien heureux sont les pères qui . 
laissent à leurs successeurs bons, et sages en- 
faîns ! Combien ay Je aujourd'huy regardé *et * 

Cent Nom. — IL i S 



226 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

perceu de pères estans aux jeuz de leurs en- 
fans çiui se disoient trèseureux, et jugeroient 
trèsbien avoir employé leurs ans si après 
leurs décès leurs povoint laisser une petite 
partie des grans biens que je possède. Mais 
quel plaisir, quel soûlas puis je jamais avoir ? 
i^uel nom , quelle renommée aray je après la 
mort P Où est maintenant le filz qui maintien- 
dra et fera mémoire de moy, après mon très- 
pas P Beney soit ce saint mariayge par quoy la 
mémoire et souvenance des pères est entre- 
tenue, et dont leurs possessions et héritages 
ont par leurs doulx enfans à étemelle perma- 
nence et durée!» Quand ce bon marchant eust 
longue espace à soy mesmes argué, subit 
donna remède et solucion à ses argumens, 
disant ces motz : « Or çà, il ne m'est désor- 
mais mestier, obstant le nombre de mes ans, 
tourmenter ne troubler de doleurs, d'angois- 
ses ne de pensemens. Au fort, ce que j'ay fait 
par cy devant prenne semblance et comparai- 
son aux oyselletz qui font leurs nidz et prépa- 
rent avant qu'ilz y pondent leurs œufz. J'ay, 
la mercy Dieu, richesses suffisantes pour 
moy, pour une femme et pour pluseurs en • 
fans, s'il advient que j'en ye, et ne suis si 
ancien, ne tant denoumy de puissance natu- 
relle, aiie je me doye soucier ne perdre espé- 
rance ae non pouvoir jamais avoir generacion. 
Si me convieijt arrester et donner toute en- 
tente, veiller et traveillier, advisant où je 
troveray femme propice et convenable à moy. » 
Ainsi son long procès finant^ vuidahors de sa 



I* 



Nouvelle C. 227 

chambre , et fist vers luy venir deux de ses 
bons soichons, mariniacs ccnnme luy, aus queix 
il descouvrit son cas tout au plain , les priant 
trèsaffectueusement qu^Mz luy vouisissent ai- 
der à quérir et trouver femme pour luy , c^t 
estoit la chose du monde que plus desiroit. 
Les deux marchans , entendu le bon propos 
de leur compaignon, le prisèrent et ioèrent 
beaucop, et prindrent la charge de faire toute 
diligence et inquisicion possible pour luy trou*- 
ver femme. Et tantdiz que la diligence et 
enqueste se faisoit, nostre marchant , tant es- 
chaude de marier que plus ne povoit, faisoit 
de l'amoureux, cherchant par toute la cité 
entre les plus, belles la plus jeune , et d'aultres 
netenoit compte. Tant chercha qu'il en troava 
une telle qu'il la demandoit ; car de bonnes- 
tes parens née, belle à merveilles , jeune de 
XV ans ou environ > gente , doulce et trèsbien 
adrecée estoit. Après qu'il eut congneu les 
vertuz et doulces condicions d'elle, il eut telle 
affection et désir qu'elle fiist dame de ses biens 
par juste mariage , qu'il la demanda à ses pa- 
rens et amys , lesquelx, après aucunes petites 
difficultez qui guères ne durèrent , luy don- 
nèrent et accordèrent. Et en la mesme heure 
luy firent fiancer et donner caution et seureté 
du douaire dont il la vouloit doer. Et si ce 
bon marchant avoit prins grand plaisir en sa 
marchandise, pendant le temps qu'il la me« 
noit, encores Peut il plus grand quand il se 
vit asseuré d'estre marié, et mesmement avec 
feoNne telle que d'en povoir avoir de beaulx 



228 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

et doulx enfans. La feste et solennité des 
nopces fut honorablement en grand sumptuo- 
shé faicte et célébrée ; la Quelle feste faillie , 
il, mettant en obly et non chaloir sa première 
manière de vivre, c'est assavoir sur la mer, 
fist trèsbonne chère et prenoit grand plaisir 
avec sa belle et doulce femme. Mais le temps 
ne luy dura guères que saoul et tanné en fût, 
car la première année, avant qu'elle fut expi- 
rée, pnnt desplaisance de demourer à l'ostelen 
oysiveté et d'y tenir mesnage en la manière qu'il 
convient à ceulx qui y sont liez, se oda et tanna, 
ayant si grand regret à son aultre mestiér de 
navyeur qu'il luy sembloit plus aysié et le^er 
à maintenir que celuy qu'il avoit si voluntiers 
entreprins à gouverner nuyt et jour. Aultre 
chose ne faisoit que subtilier et penser com- 
ment il se pourroit en Alixandrie trouver eh la 
façon qu'il avoit accoustumée, et luy sembloit 
bien qui n'estoit pas seulement difficiUe de soy 
tenir ae navier, non hanter la mer, et l'aban- 
donner de tous poins , mais aussi chose la plus 
impossible de ce monde. Et combien aue sa 
volunté fust plainement délibérée et résolue de 
soy retraire et revenir à son dit premier mes- 
tiér, toutesfoisle challoit il à sa femme, doub- 
tant qu'el ne le print à desplaisir; avoit aussi 
une crainte et doubte qui le destourboit et 
donnoit empeschemeut à exécuter son désir, 
car il cognoissoit la jeunesse du courage de 
sa femme, et luy estoit bien advis que s'il s'ab- 
sentoit, elle ne se pourroit contenir; consy* 
deroit aussi la maabieté et variableté de cou- 



wtm 



Nouvelle C. '229 

race femenin , et mesmement que les jeunes 
gaians, luy présent , estoient coustumiers de 
passer souvent devant son huys pour la veoir, 
dont il supposoît qu'en son absence ilz la 
pourroient de plus près visiter et par adven- 
ture tenir son lieu. Et comme il eut esté par 
longue espace poinct et aguillonné de ces dif- 
ficultez et diverses ymaginacions , sans en 
sonner mot , et qu'il congneut qu'il avoit jà 
achevé et passé la plus part de ses ans, il 
mist à non challoir et femme et mariage et 
tout le demourant qu'il affiert au mesna^e , 
et aux argumenset disputacions qui luyavoient 
troublé la teste donna brefve solucion , disant 
en ceste manière : « Il m'est trop plus conve- 
nable vivre que morir, et se je ne laisse et 
abandonne mon mesnage en brefz jours , il 
est tout certain que je ne puis longuement vi- 
vre ne durer. Lairray je donc ceste belle et 
doulce femme P Oy , je la lairray ; elle ait dores^ 
navant la cure et soing d'elle mesme, s'il 
luy plaist, je n'en veil plus avoir la charge. 
Helas! que feray je! Quel deshonneur, quel 
desplaisir sera ce pour moy s'elle ne se con- 
tient et garde chasteté. Ho ! il me yault mieulx 
vivre que morir pour prendre soing pour la 

§arder ; jà Dieu ne veille que pour le ventre 
'une femme je prende si estroicte cure ne 
soing ; aultre loyer ne salaire ne recevroye que 
torment de corps et d'ame. Ostez moy ces ri- 
gueurs et angoisses que pluseurs seuffrent 
pour demourer avec leurs femmes ; il n'est 
chose en ce monde plus cruelle ne plus gre- 



2)o Les Cent Nouvelles nouvelles. 

vant les personnes. Jà Dieu ne me laisse tant 
vivre que pour quelque adventure qu'en mon 
mariage puist sourdre , je m'&i courrousse ne 
monstre triste. Je veil avoir maintenant liberté 
et franchise de faire tout ce qui me vient k 
plaisir. » Quand ce bon marchand eut donné 
nn à ces trèslongues devises , il se trouva 
avec ses compaignons navieurs, et leur dist 
Qu'il vouloit encore une foiz visiter Alixan- 
drie et charger marchandises, comme aul- 
trefoiz et souvent avoient fait en sa compai- 
gnie ; mais il ne leur déclara pas les trouoles 
qu'il prenoit à l'occasion de son mariage. Hz 
furent tantost d'accord et luy dirent qu'il se 
feist prest, au premier bon vent qui sourven- 
droit. Les navires et bateaulx furent chargez 
et préparez pour partir et mis es lieux où il 
failloit attendre vent propice et oportun pour 
navyer. Ce bon marchant doncques, ferme et 
tout arresté en son propos, comme le jour 
précèdent, se trouva seul après souper avec 
sa femine en sa chambre ; il luy descouvrit 
son intencion et manière de son prochain 
voyage, et faindant que trèsjoyeux lust, luy 
dist ces parolles : « Ma trèschère espouse, que 
j'ayme mieubc que ma vie, faictes, je vous 
requier, bonne chère, et vous monstrez joyeuse, 
et ne prenez ne desplaisance ne tristece en ce 
que je vous veil déclarer. J'ay proposé de vi- 
siter, se c'est le plaisir de Dieu, une foiz en- 
core le pais d'Alixandrie, en la fasson que j'ay 
de long temps accoustumée, et me semble 
bien que n'en devez estre marrye, attendu 



Nouvelle C. Vji 

3ue vous congnoîssez que c'est ma manière 
e vivre, mon art et mon mestîer, auquel 
moien j'ay acquis Tîchesses, maisons, nom', 
renommée, et trouvé grand nombre d'amys 
et de familiarité. Les beaulx et riches veste- 
ments, aneaulx, omemens,-et toutes les aultres 
précieuses bagues dont vous este parée et or- 
née plus que nulle auître de ceste cité, comme 
bien savez , ai je achatez du gaing et avantage 

3ue j'ayfait en mes marchandises. Ce voyage, 
oncques, ne vous doit guères trinuyer, et ne 
prenez jà desconfort , car le retour en sera 
oref. Et je vous promectz que si à ceste foiz, 
comme j^espoire, la fortune me donne eur, 
plus jamais n'y veil aller, je y veil prendre 
congé à ceste foiz. Il convient donc que pre- 
nez maintenant courage bon et ferme; car je 
vous laisse la disposidoh, administracion et 
gouvernement de tous les biens que je possè- 
de ; mais avant que je parte, je vous veil foire 
aucunes requestes. Pour la première, je vous 
prie que soiez joyeuse , tàntdiz que je feray 
mon voyage, et vivez plaisamment, et si j'ay 
quelque pou d'ymaginaciort que ainsi le facez, 
j'en chemineray plus lyement. Pour la secon- 
de, vous savez qu'entre nous deux rien ne doit 
cstre tenu couvert ne celé, car honneur, prouf- 
fit et renommée doivent estre, comme je tiens 
qu'ilz sont, communs entre nous deux, et la 
loange et honneur de l'un ne peut estre sans la 
gloire de l'autre, néant plus que le deshoniieuî 
de l'un ne peut estre sans la honte de tous 
deux. Or je veil bien que vous entendez que je 



2X2 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

ne suis si desfoumi ni despourveu de sens que 
je ne pense bien comment je vous laisse jeune, 
belle, douice , fresche et tendre , sans sôulas 
d'homme, et que de plusieurs en mon absence 
serez désirée. Combien que je cuide ferme- 
ment .que ave^ maintenant nette pensée, çou- 
.rage cbaste et honeste, toutesfoiz , oûand je 
.cognois quelz sont vostre eage et l'inclinacion 
de la secrète et mussée chaleur en quoi vous 
abundez, il ne me semble pas possible qu'il 
ne vous faille, par pure nécessité et con- 
traincte, ou temps de mon absence avoir com- 
paignie d'homme, dont je ne suis, la Dieu 
mercy, en rien troublé. C'est bien mon plaisir 
que vous vous accordez où vostre nature vous 
forcera et contraindra ; car je sçay qu'il ne 
vous est possible d'y résister. Veezcydoncques 
le point où je vous veil tresaffectueusement 
prier, c'est que gardez nostre mariage le plus 
longuement en son entiereté que vous pour- 
rez. Inténcioi;! n'ay ne vojunté aucune de vous 
mettre en gardé d'aultruy pour vous conte- 
nir ; mais veil que de vous mesmes aiez la 
cure et lesoing et soiez gardienne. Vérita- 
blement î il n'est si estroicte garde au monde 
qui peut destourber n'empescher la femme 
oultre sa volume à faire son plaisir. Quand 
donç4ues vostre chaleur naturelle vous aguil- 
lonnera et poindra par telle manière que pour 
yous contenir aurez perdu puissance , je vous 
prie, ma chère espouze^ que à l'exécution de 
vostre désir vous vous conduisiez prudente- 
ment et subtiUement , et tellement qu'il n'en 



—~— "Wi 



Nouvelle C. 8)J 

puist estre publicque renommée ; 0t que:, si 
aultrement le faictes , vous , moy et tous noz 
amys sommes infâmes et déshonora. Si: en 
fait doncques et par effect vous ne povez gar- 
der chasteté, au mains mettez peine de la gar« 
der tant qu'il touche famé et commufie rer 
nommée. Mais je vous veil apprendre et ensei- 
gner la manière que vous devrez tenir en celle 
matère, s'elle survient. Vous savez qu'eniceste 
bonne cité a foison de beaulx jeunes hommes; 
entre eulx tous , vous .en choisirez ung seul , 
et vous en tiendrez, contente et assovye powf 
faire ce où vostre nature vous inclinera. Tqu* 
tesfoiz , ye veil que, en faiisant l'élection et te 
chois, vous aiez singulier regard qu^il ne soit 
homme vague, deshonneste et pou vertueux; 
car de tel ne vous devez accointer, pourlfr 
grand péril oui vous en pourroit sourdre. Car y 
sans nul doubte, il descouvreroit et publicque* 
roit à la volée vostre secret. Rien n^est tenu 
couvert, clos ne celé par telz gens ne leurs 
seitiblables. Doncques , vous élirez celuy que 
cognoistrez fermement estre sage et prudent^ 
afnnque, si le meschiefvous advient, il mecte 
aussi grand peine à le^celer comme vous. De 
çeste article vous requier je tresaffectueuse^ 
ment, et que me promectez en bonne et fer- 
me leaulté que sarclerez ceste lecçon et retien- 
drez. Si vous advise que ne me respondez sur 
ceste matière en la forme et façon que soû- 
lent et ont de coustume les aultres femmes 
quand on leur parle telz propos comme Je 
yous dy maint^aRt-; je sçay leurs' respônsés 



2)4 LiES ^E^''* ^OUVKLLeS NOUVELLES. 

et de <fit\z motz sçevent user, qui sont tête 
ou semblables : « Hé ! hé ! mon mary, dont 
vôurviait ceste tristèce, ce cbùwige troublé? 
Oui vous a ainsi meu à ire ? Où avez vous 
cliîargé ceste opinion cruelle plaine de tem- 
peste ? Par qu'elle manière fié comment me 
pourroit advenir ung si abhominable delict ? 
Nenny ! iienny ! jà Dieu ne veiUe que je vous 
face telles promesses , à qui je prie qu'il per** 
mette la terre ouvrir qui me engloutisse et 
dévore toute vive, au jour et heure que 
fe n'y pas commettray , mais auray une 
seule et légère pensée à la commettre ? » 
Ma chère espouse, je vous ay ouvert ces ma- 
nières de respondre affin que vers moy n'en 
usez aucunement. En bonne foy, je croy et 
tiens fermement que vous avez pour ceste 
heure tresbon et entier propos^ ou quel je vous 
prie que demourez autant que vostre nature 
en pourraf souffrir. Et point n'entendez que je 
veille que me promettez faire et entretenir ce 
que je vous ay monstre et aprins, fors seule- 
ment ou cas que ne poumez donner resis- 
tence ne batailiier contre i'appetit de vostre 
fraîle et doulce jouvence* >^ Quand ce bon 
mary eut fine sa paroUe, la belti , doulce et 
débonnaire sa femme, la face rosée , se print 
à trembler quand deut donner responses aux 
requestes que son espoux iuy avoit faictes. 
Nedemoura guères, toutesfoiz, que la rougeur 
s^cfvanuyt, et print asseurance, en fermant et 
appuyant son courage de constance ; et en 
ceste manière causa sa gracieuse response^ 



"^^mmtm&mm 



WB* 



Nouvelle C. 235 

combien que voix tremblant la pronnnçast : 
« Mon doulx et tresamé mary, je vous asseure 
qu'onques ne fùz si espoventée , si troublée 
et evanuye de mon entendement , que j'ay 
esté présentement par voz parolles, quand 
elles m'ont donné la congoissance die ce 
que oncques je n'oiz ne aprins, voirement 
qu'oncques n'euz telle presumption que d'y 
penser. Et aultre opinion ou supposition ne 
puis de vous avoir fors que me querez et con- 
tendez traveiller et tenser, car vous cognois* 
sez ma simplesse, jeunesse et innocence , ^ui 
est pour vous , ce me semble , non pas moms 
delict^ mais tresgrand : certainement il n'est 
point possible à mon eage de faire ou pour- 
penser un tel meschîef ou defaulte. Vous m'a- 
vez dit que vous estes seur et savez vraiment 
que, vous absent, je ne me pourroye contenir 
ne garder l'entiereté de nostre mariage. Geste 
parolle me tormente fort le courage, et me fait 
trembler toute, et ne sçay quelle chose je doye 
maintenant dire, respondre, ne proposera voz 
raisons , ainsi m'avez toUu et pnvé l'usage de 
parler. Je vous diray toutesroiz ung mot qui 
viendra delà profonaesse de mon cueur, et en 
telle manière qu'il gist vuidera il de ma bouche : 
Je requiertreshumblement à Dieu et à joinctes 
mains luy prie qu'il face et commende ung 
abysme ouvrir où je soye gectée, les membres 
tous erachez, et tourmentée de mort cruelle , 
si jamais le jour vient où je doye non seuiie* 
ment coramectre desloyauté en nostre maria- 
ge^ mais sans plus en avoir une brève pensée 



ûi6 Les Cent Nouvelles nouvelles; 

de le commettre ; et comment ne pariquelle 
manière ung tel delict me pourroit aSdvenir, je 
ne le sçardye entendre. Et pource que m'a- 
vez forclos et seclus de telles manières de re»- 
pondre, disant que les femmes sont coustur 
fliières d'en user pour trouver leurs eschappa- 
toires et alibiz forains , affin de vous. £âire 
plaisir et donner repos à vostre ymaginacion, 
et que voiez (]ue à voz commenaemens je suis 
preste d'obéir, garder et maintenir, je vous 
promectz de ceste heure , de courage ferme, 
arresté et estable opinion ; d'attendre le jour 
de vostre revenue en vraie , pure et entière 
chasteté de mon corps; et si que Dieu ne 
veille il advient le contraire , tenez vous tout 
asseur^ et je le votis promectz , je tiendray la 
règle et doctrine que m'avez donnée en tout 
ce que je feray, sans la trespasser aucunement. 
S'il y a aultre chose dont, vostre courage soit 
chargé, je vous prie, descouvrez tout et me 
commendez faire et accomplir vostre bon de* 
sir ; aultre rien ne désire que de conjoindrenoz 
deux vouloirs en ung , et de faire le vostre > 
non pas le mien. » Nostre marchant , oye la 
response de ^a femme, fut tant joyeux qu'il 
ne se p^ouvoit contenir de plorer, disant : 
« Ma cnère espouse , puisque vostre doulce 
bonté m'a voulu faire la promesse que j'ay 
requis , je vous prie que l'entretenez. » Le 
lendemam bien matin , le bon marchant fut 
mandé de ses compaignons pour entrer 
en la mer; si.piint ccmffé de sa femme, 
et elle le commenda à Ta garde de Dieu, 



j 



Nouvelle C. ^ÎT 

puis monta en la mer. Lors se misrent à diè-^' 
miner et navyer vers Alixandrie , où ilzpar-* 
vindrent en brefe jours, tant leur fut le vent 
propice et convenable, ou quel lieu s-arrtstè- 
rent longue espace de temps, tant pour déli- 
vrer leurs marchandises comme pour en char-^ • 
ger de nouvelles. Pendant et durant lequel > 
temps, la trèsgente et gracieuse damoiseile donl^' 
j'ai parlé demoura garde de l'ostely^t^pour 




pour quoy, si aucune fauke fist, il semble qu'on 
ne le doit pas tant imputer à malice comme à 
la fragilité de son jeune eage. Comme donc- 
ques Te marchant eust jà pluseurs jours esté 
absent des doulx yeulx d'elle , pou à pou il fut 
mys en obly. Et pour ce que sa doulceur, 
beaulté et gracieuseté singuliers estoient co- 
gneues par toute la cité de longtemps, si tost 

3ue les jeunes gens sceurent du département 
e son mary, ilz la vindrent visiter, laquelle 
au premier ne vouloit vuyde;^^de sa maison ne 
soy monstrer; mais toutesfoiz^ par force de 
continuacion et frequentacion ({uotidienne , 
pour le grand plaisir qu'elle çrint aux doulx 
et mélodieux chans et armonie d'instrumens 
dont Ton jouoit à son huys , elle s'avança de 
venir veoir et regarder par les crevaces des 
fenestres et secretz treilliz d'icelles, parlés- 
quelles povoit trèsbien veoir ceulx qui L'eus- ' 
^ent plui voluntiers veue. En^^scoutant les • 
chansons et dances, prenoit it b foiz si grand * 



2^8. Les Cent Nouvelles nouvelles. 

plaû&r que arnoucs esmouvoit son courage tel- 
lement que chaleur naturelle souvent i^indui*- 
soit à briser sa continence. Tant souvent fut 
visitée en la manière dessus dicte, qu'en la fin ^ 

sa concupiscence et désir charnel la vaincqui- 
rent, et fiit du dart amoureux bien avant tour* 
chée ; et comme elle pensast souvent comment 
eVe am(, » à elle ne tenoit, si bonne habitude 
et opportunité de temps et de lieu , car nul ne 
la gardoit, nul ne luy donnoit empeschement 
pour mectre à exécution son.desir, conclut; et 
dist que son maiy estoit tressage quand si bien 
luy avoit acertené que. garder ne se pourroit 
en continence et cbasDeté , de q|ui toutesfoiz 
elle vouloit garderet tenir la doctnne, et avec- 
ques ce la promesse que faicte luy avoit» « Or 
me convient-il , dist elle , user du conseil de 
mon mary ; en quoy faisant, je ne puis encou- ] 

rir crime aucun ne déshonneur, puis^ qu'il 
m^en a baillé la licence , mais que je n'excède 
les termes de la promesse que j'ay fait. Il m'e&t 
advis et il est vray qu'il me chargea, quand 
le cas adviendroit que rompre me conviendroit 
ma chasteté, que je eleusse homme qtii fust 
sage, bien renommé et de gnmd vertu, et 
non aultre. Eq bonne foy, ainsi feray-je, 
mais que je puisse y en non trespasser le con- 
seil de mon mary il me soufTist largement. Et 
je tiens qu'il n'entendoit point que l'homme 
deustestre ancien, ains, comme il me semble,. 

Si'il fust jeune, ayant autant de renommée en J 

ergie et science qu'ung veil ; telle fut la lec^ * 
çon,.ce m'est advis.?) Es mesmes jours que se 



J 



•9^m 



* 



Nouvelle C. 2^9 

faisoient ces argumentacions pour la partie de 
nostre belle damoiselle, et qu'elle queroit ung 
sage jeune homme pour luy refroider les en- 
trailles y ung tressage jeune clerc arriva de son 
eur en la cité, qui venoit freschement de Tuni" 
versité de Bouloigne la crasse, où il 9voit esté, 
plusieurs ans sans retourner. Tant avcHt vac** 
que et donné son entente à Testude, que en 
tout le pays n'y avoit clerc de plus grant re- 
nommée ; tous les magistratz et gouverneurs de 
lacitéluy assistoient continuellement, et avec^ 
ques aultres gens que grans clercs ne se trou- 
voit. Il avoit de coustume depuis sa venue, et 
jamais ne failloit, d'aller chacun jour sur le 
marché, à l'ostel de la ville, et au lieu où le 
parlement se faisoit, pour plaider les causas 
de pluseurs, se rendoit ; or estoit sa droicte 
voie de son hostel au dit marché la rue où la 
maison de celé damoiselle estoit située et as- 
sise, et jamais ne povoit passer que par de- 
vant rhuys d'icelle maison , puis qu'il prenait, 
son chemin par la dicte rue. Il n'y avoit point , 
passé cent foiz qu'il hii choisy et noté, etpteut 
trèsbien sa doulce manière et gravité à la da- 
moiselle. Et combien (qu'elle ne l'eust onc- . 
ques veu exercer les faiz de cler^ie, toutes- 
toiz jugea elle tantost qu'il estoit trèsgrand 
clerc, mesmement qu'elle l'oyoit priser et re- 
nommer pour le plus sage dfe 'toute la cité. 
Auxquels n^oyens elle le commença à désirer 
et ficha toute son amour en luy, disant qu'il 
seroit celuy, si à luy ne tenoit, qui luy feroit, 
garder la lecçon de son mary; mais par quelle 



240 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

façon elle luy poarroit monstrer son grand et 
ardent amour et ouvrir le secret désir de son 
coupage , elle ne savoit , dont elle estoit très- - 
des[^aisante. Elle s'advisa neantmains que, 
pource que chacun jour ne falloit point de 
passer devant son huys, allant au marché, 
eflë^e mettroit au perron , parée le plus gen- . 
tehierit <iu^elle pôurroit, affin que au passer, 
qu.and il gecteroit son regard sur sa beaulté, 
il la convoitast et- requist de ce dont on ne 
luyferoit refus. Pluseurs fois îa-damoiselle se 
raôTîstra ; combien que ce ne fust au paravant 
sa coustume, et jasoit cç que trèsplaisante 
fust et telle pour ^ui ung jefune courage devoit . 
tantost estre esprins et alumé d'amours, tou- 
tesfoiz le sage clerc jamms ne l'apperceut, car 
il marchoït si gracieusement qu'il ne gectoit 
sa veue he çà ne là. Et par ce moien la 
bonne damoiselle ne prouffita rien en la façon 
Qu'elle avoit pourpensée et advisé. Scelle fut 
aôîemeet desplâisante , jà n'est mestier d'en faire 
enqueste,'etplus*pensoità son clerc, et plus 
akmwii iet esprenoit son feu. A fin dé pièce, 
après ung tas d'ymaginacions que pour abre- • 
ger fè passe, conclut et détermina' d'envoier 
sa petite meschinette devers luy. Si la hûcha 
et commenda qu'elle s'en àllast demander la 
maison d'un tel , c^est assavoir de ce grand 
clerc; et quand elle Taroit trouvé, où qu'il 
fust, luy dfst que le plus en haste qu^l pôur- 
roit venist à l'oistel d'une telle daràoisélle, es- 
pouse d'un tel ; et que s'il demândoit quelle 
chose il plairoit à la damoiselle, elle luy res-. 






Nouvelle C. ^4^ 

pondist que rien n'en savoit , mais tant seule- 
ment (qu'elle lui avoit dit qu'il estoit grand, 
nécessité qu'il venist. La miette mist en sa 
mémoire les motz de sa charge, et se partit 
pour quérir celuy qu'elle trouva ; ne demoura 
guères que l'en luy enseigna la maison où il 
mengeoit au disner^ en une grande compaignie 
de ses amys et aultres gens de grant façon. 
Geste fillette entra ens , et en saluant la com- 
paignie s'adressa au clerc qu'elle queroit; 
et oyans tous ceulx de la table , luy nst son 
message bien et sagement , ainsi que sa chargç 
le portoit. Le bon seigneur, quicognojssoitae 
sa jeunesse le marchant dont la fillette luy 
parloit, et sa maison, mais ignorant qu'il fust 
marié ne qui fust sa femme, pensa tantost que, , 
pour l'absence du ditmarchant, sa dicte femme 
le demandoit pour estre conseillée en aucur^e 
grosse cause, comme elle vouloit ; mais ne l'enr 
tendoit-il comme elle. Il respondit à la fillet- 
te : (( M'amye, allez dire à vostre maistresse que 
incontinent que nostre disner sera achevé , je 
iray vers elle. » La messagère fist la response 
telle qu'il failloit et qu'on luy avoit dit, et 
Dieu sçait s'elle fut joyeusement recueillie de 
la marchande , que pour sa grand joye et 
ardent désir, qu'elle avoit de tenir son clerc 
en sa maison , trembloit et ne savoit tenir 
manière. Elle fist baloiz courre par tput, es- 
pandre la belle herbe vert partout en sa cham* 
ore, couvrir le lit et la couchette, des- 
ployer riches couvertes, tappiz et courtines, 
et se para et atourna des meilleurs atours et 

Cent Nouv. II. i6 



34^ Les Cent Nouvelles nouvelles. 

plus précieux qu'elle eust. En, ce point Pat- 
tendit aucun petit de temps, qui lujr sembla 
lonç à merveiues , pour le grant désir qu'elle 
avoit. Tant fut désiré et attendu ({u'il vmt ; et 
ainsi que elle Pappercevoit venir de loing, 
montoit et descendoit de sa chambre, alofit et 
venoit maintenant cy, maintenant là , tant es- 
toit esmeue qu'il sembloit qu'elle ftist ravye de 
son sens. En fin monta en sa chambre , et 
illec prépara et ordonna les bagues et joyaulx 
qu'elle avoit attains et mis dehors pour fes- 
toier et recevoir son amoureux. Si fist demou- 
rer en bas la fillette chambrière pour l'intro- 
duire et le mener où estoit sa maistresse. Quant 
il fiit arrivé, la fillette le receut çracieusement, 
le mist ens et ferma l'huys> laissant tous ses 
serviteurs dehors, aux quelz il fut dit qu'ilz 
attendissent illec leur maistre. La damoiselle, 
oyant son amoureux estre arrivé , ne se peut 
tenir de venir en bas à l'encontre de luy , qu'elle 
salua doucement , le print par la main et le 
mena en la chambre qui luy estoit appareillée, 
et où il fin bien esbahy quand il s'i trouva, 
tant pour la diversité des çaremens , belles et 
précieuses ordonnances qui y estoient, comme 
aussi pour la trèsgrande beaulté de celle qui 
le menoit. Si tost qu'il fut en la chambre en- 
tré, elle se seyt sur une scabelle , auprès de 
la couchette, puis le feist asseoir sur une aul- 
tre joignant d'elle, où ilz furent aucune espace 
tous deux sans mot dire, car chascun attendoit 
tousjours la parole de son compaignon, l'un en 
une manière, l'autre en l'autre : car le clerc, cul- 



Nouvelle C. 14^ 

dant que elle lu^ deust ouvrir quelque matière 
grosse et diffiale , la vouloit laisser commen- 
cer ; et elle, d'aultre costé , pensant qu'il ftist 
si sage que^ sans luy déclarer ne monstrer plus 
avant, il dust entendre pour quoy elle Pavoit 
mandé. Quand elle vit que manière ne faisoit 
pour parler, elle commença et dist : « Mon 
trèscher parfait amy et uèssage homme, je 
vous diray présentement quoy et la cause qui 
m'a meue à vous mander. Je cuide que vous 
avez bonne cognoissance et familiarité avec 
mon mary ; en l'estat que vous me voyez icy m'a 
il laissée et abandonnée pour mener ses mar- 
chandises es parties d'Alixandrie , ainsi qu'il 
a de long temps accoustumé. Avant son par- 
lement me dist que quand il seroit absent , il 
se tenoit tout seur que ma nature me contrain- 
droit à briser ma continence , et que par né- 
cessité me conviendroit à converser avec 
homme. En bonne foy, je le repute ung très- 
sage homme, car de ce qu'il me sembloit 
adonc impossible advenir, j'en voy l'expé- 
rience véritable, car mon jeune eage, ma 
beaulté, mes tendresans, ne pevent souffrir que 
le temps despende et consume ainsi mes jours 
en vain ; ma nature aussi ne se pourroit con- 
tenter. Et affin que vous m'entendez bien à 
plain.mon sage et bien advisé mary, qui avoit 
regart à mon cas, quand il se partit, en plus 
grande diligence que moy mesmes, voyant 
que comme les jeunes et tendres fleurettes se 
seichent et amatissent quand aucun petit ac- 
cident leur survient , et contre l'ordonnance 



244 ï-Es Cent Nouvelles nouvelles. 

et inciînacion naturelle, par telle manière 
consideroit il ce qu'il m'estoità advenir. Et 
vojrant clèrement que se macomplexion et con- 
dicion n'estoient gouvernées selon Pexigence 
de leurs naturelz principes, guères ne luy pour- 
roye durer, si me fist jurer et promettre que 
quand il adviendroit ainsi que ma nature me 
forceroit à rompre et briser mon entièreté , je 
ejeusse ung homme sa^e et de haulte auc- 
torité, qui couvert et subtil fust à garder nos- 
tre secret. Si est il que en toute la cité je n'ay 
sceu penser homme qui soit plus ydoine que 
vous , car vous estes jeune et sage. Or m'est 
il ad vis que ne me reffuserez pas ne reboute- 
rez. Vous voiez Quelle je suis, et si povez 
l'absence de mon Don mary supplier, car nul 
n^en sara parier ; le lieu , le temps , toute op- 
portunité nous favorisent. » Le bon seigneur, 
prévenu et anticipé , ftit tout esbahy en son 
courage, combien que semblant n'en feist. Il 
prit la main dextre à.la damoiselle, et de joyeux 
viaire et {>laisante chère dist ces parolles : 
« Je doy bien donner et rendre grâces infinies 
à madame Fortune, qui aujourd'uy me donne 
tant d'eur et me fait percevoir le miit du plus 
^and désir que je povoye au monde avoir; 
jamais infortuné ne me veil reputer ne clamer 
quand en elle treuve si large bonté. Je puis 
séurement dire que je suis aujourd'uy le plus 
eureux de tous les aultres, car quand je con- 
çoy en moy, ma trèsbelle et doulce amye , 
comment ensemble passerons nos jeunes jours 
joyeusement sans que personne s'en puist 



Nouvelle C. ' 2^45 

donner garde , je sençloutiz de joye. Où est 
maintenant homme qui est plus amy de For- 
tune que moy ? Se ne fust une seule chose qui 
me donne ung petit et iegier empeschement à 
mectre à excecucion ce dont la dilacion aigre- 
ment me poise et desplaist , je seroye le plus 
et mieulx fortuné de ce monde. » Quand la 
damoiselle oyt qu'il y avoit aulcun empes- 
chement qui ne lui laissoit desployer ses ar- 
mes, elle trèsdolente lui pria qu'il le de- 
clairast, pour y remédier s'elle povoit. « L'em- 
peschement, dist il, n'est point si grand qu'en 
petit de temps n'en soie délivré ; et, puis qu'il 
plaist à vostre doulceur le sçavoir, je le vous 
diray. Ou temps que j'estoieà l'estude à l'uni- 
versité de Boulongne la crasse, le peuple de 
la dté fut séduit et meu tellement que par 
mutemacque se leva encontre le seigneur; si 
fuz accusé avec les aultres, mes compaignons, 
d'avoir esté cause et moyen de la sedicion , 
pour c)uoy je fus mis en prison estroicte , ou 

3uel lieu, quant je m'y trouvay, craignant per- 
re la vie, pource que je me sentoye innocent 
du cas, je me donnay et voué à Dieu, lui pro- 
mettant que , s'il me delivroit des prisons et 
rendoit icy entre mes parens et amys, je jeus- 
neroye pour l'amour de lui ung an entier, 
chascun jour au pain et à l'eaue, et durant 
ceste abstinence ne feroye péché de mon corps. 
Or ay je par son ayde fait la plus part de l'an- 
née, et ne m'en reste guères. Je vous prie et 
requier toutesfoiz, puis que vostre plaisir a esté 
moy élire pour vostre, que ne me changez pour 



146 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

autre , et ne vous veiiie ennuyer le petit delay 
que }e vous donneray pour paracompHr mon 
abstinence, qui sera bref faicte, et qui pîeçà 
eust esté faicte se je me eusse ozé fyer en 
aultry qui m'en eust peu donner aide, car je 
suis quitte de chacune jeusne que ung autre 
feroit pour moy comme se je le faisoye. Et 
ponrce que je perçoy vostre grande amour et 
confiance que vous avez fiché en moy, je met- 
tray, s'il vous plaist, la fiance en vous que ja* 
mais n'ay ozé mettre en fi-ères ne amis que 
j'aye, dôubtant que faulte ne me feissent tou- 
chant la jeusne; et vous prieray que m'aidez à 
jeusner une partie des jours qui restent à l'a- 
complissement de mon an, amn que plus bref 
je vous puisse secourir en la gracieuse requeste 
que m'avez faicte. M'amye doulce et entière, 
je n'ay mais que soixante jours, lesquelz , se 
c'est vostre plaisir, je partiray en deux parties. 
Vous en aurez l'une et moy l'aultre, par telle 
condicion que sans fraude me promettrez m'en 
acquitter justement; et quant ilz seront acom- 
plis, nous passerons plaisamment noz jours. 
Doncques, si vous avez la volume de moy 
aider en la manière que j'ay dessus dit, dictes 
le moy maintenant, d II est à supposer que la 
grande et longue espace de temps ne luy pleut 
guères; mais, pource qu'elle estoit si doulce- 
ment requise et qu'elle desiroit le jeusne estre 
parfaict et fine, pensant aussi que trente jours 
n'aresteroient guères, elle promist de les faire 
et acomplir sans fraulde ne sans déception ne 
mal engin. Le bon seigneur, voyant qu'il avoit 



■ ■ ■ ■ ^^^ 



Nouvelle C. 247 

eaigné sa cause, prinl congié de la daffloiseUe> 
my disant que, puis que sa voie et chemyn es- 
toit, envenantde sa maison au marché, de pas- 
ser devant son huys, il la viendroit souvent visi* 
ter. Ainsi se partit ; et la belle dame commença 
le lendemain à faire son al>stinence,en prenant 
règle et ordonnance que durant le temps de 
son jeune ne men^eroit son pain et son eaue 
jusques après soleil couché. Quand, elle eut 
jeune trois jours, le sage clerc, ainsi qu^il al* 
ioit au marché à l'heure qu'il avoit acoustu- 
mé, vint veoir sa dame, à qui se devisa lon- 
guement; puis, au dire adieu, lui demanda si 
le jeune estoit encommencé; et elle rebon- 
dit aue 07. « Entretenez vous ainsi, dist il, et 
garaez la promesse que m'avez faicte. — Tout 
entièrement, dit elle; ne vous en doublez. » 
Il print congé et se partit, et elle, poursuyvant 
de jour en jour en son jeune, gardoit l'ooser* 
vance en la façon que promis ravoit, tant es- 
toit de loyale et bonne nature. Elle n'avoit pas 
jeune huit jours que sa chaleur naturelle com- 
mença fort à refroider, et tellement que force 
iuy fut de changer habiUemens, car les mieulx 
fourrés et empanés, qui ne servoient qu'en 
yver, vindrent servir au lieu des sangles et 
tendres qu'elle portoit avant l'abstinence en^ 
treprinse. Au quinziesme jour fut arrière visi- 
tée de son amoureux le clerc, qui la trouva si 
foible que à srand paine povoit elle aUer parla 
maison; et la bonne simplette ne se savoit 
donner garde de la tromperie, tant s'estoit 
donnée à amours et mis son entente à perse- 



248 Les Cent Nouvelles nouvelles. 

vererà cel jeune, pourle joyeux et plaisant de- 
lict qu'elle attendoit seurement avoir avec son 
grand clerc, lequel, quand à l'entrer en la mai- 
son la vit ainsi foible,- luy dist : w Quel viaire 
est ce là et comment marchez vous r Mainte- 
nant j'aperçoy que avez besoigné l'abstinence 
et comment. Ma trèsdoulce et seule amye, 
aiez ferme et constant courage ; nous avons 
aujourd'huy achevé la moitié de nostre jeusne. 
Si vostre nature est foible , vaincquez la par 
roiddeur et constance de cueur, et ne rompez 
vostre loyale promesse. » Il l'ammonesta si 
doulcement qu'il luy fist prendre courage par 
telle façon qu'il luy. sembloit bien que les au!- 
très qumze jours qui restoient ne luy dure- 
roient guères. Le xxve vint, auquel la sim- 
plette avoit perdue toute couleur et sèmbloît 
à demi morte , et ne luy estoit plus le désir si 

f5rand qu'il avoit esté. Il luy convint prendre 
e lict et y continuellement demourer, où elle 
se donna aucunement garde que son clerc luy 
faisoit faire l'abstinence pour chastier son de- 
sir charnel; si jugea que manière et façon de 
faire estoient sagement ad visées, et ne po- 
voient venir que d'homme bien sage. Toutes- 
foîz , ce ne la demeut point ne destourna 
qu'elle ne fiist délibérée et arrestée d'entrete- 
nir sa promesse. Au penultime jour, elle en- 
voya quérir son clerc, qui, quand il la vit cou- 
chée au lict, demanda si pour uns seul jour qui 
restoit avoit perdu courage j et elle, înterrum- 
pent sa parole, luy respondit : « Ha! mon bon 
aray, vous m'avez parfectement et de bonne 



^^^■P<i 



Nouvelle C. 249 

amour amée, non pas deshonnestement, com> 
me i'avoie présumé de vous amer ; pour quoy 
je vous tien et tiendray, tant que Dieu me 
donnera vie, mon trèschier et trèssingulier 
amy, qui avez gardé et moy aprins et ensei- 
gné à garder mon entière chasteté et ma chaste 
entièreté , l'onneur et la bonne renommée de 
moy, mon mary, mes parens et amys. Beneist 
soit mon cher espoux, de qui j'ay gardé et 
entretenu la leçon qui donne grand appaise- 
ment à mon cueur! Or çà, mon vray amy, je 
vous rends telles grâces et remercie comme je 
puis du grand honneur et bien que m'avez 
faiz , 'pour lesquelx je ne vous saroie rendre 
ne donner suffisantes grâces , non feroit mon 
mary, mes parens, ne tous mes amys.» Le bon 
et sage seigneur, voyant son entreprinse estre 
bien achevée, print congé de la bonne da- 
moiselle, et doulcement l'amonnesta qu'il luy 
souvint desoremais de chastier sa nature par 
abstinence et toutes les foiz qu'elle s'en sen- 
tiroit aguillonnée, par le quel raoien elle dé- 
moura entière jusques au retour de son mary, 
qui ne sceut rien de l'adventure , car elle luy 
cela ; si fist le clerc pareillement. 




V J 



1 




NOTES. 



y 



Tome I. 

P. xx). Dans le manuscrit, la dédicace suit 
la table ; mais j'ai adopté de préférence l'ordre 
des éditions imprimées. 

P. xxij. Dt Dijon y etc. Cette date, qui me 
paroit une erreur évidente , est reproduite très 
exactement d'après le manuscrit ; mais elle est 
d'une écriture un peu plus récente que celle 
du manuscrit lui-même, et d'une encre phis 
pâle. L'édition de Verard ne donne pas de 
date, mais l'éditeur (sans doute) a ajouté à la 
dédicace les mots : Ex notez que par toutes 
les nouvelles où il est dit par monseigneur, il est 
entendu par monseigneur le Daulphin, lequel de* 
puis a succédé à la couronne, et est le roy Loys 
unsiesme, car il estoit lors es pays du duc de 
Bourgoingne. Vojez ce que j'ai dit à ce sujet 
dans l'Introduction. 

P. xxvj. La dousiesme nouvelle. Il manque 
ici au manuscrit un cahier de quatre feuillets 
qui contenoit les titres des nouvelles 1 2^ à 
96^ inclusivement ; j'ai suppléé cette lacune 
d'après l'édition de Verard. 



252 Notes. 

•p. r, La première nouvelle. Ce conte se 
trouve dans un fabliau probablement du treî- 
aème 'siècle, intitulé Des deux changeors, et 
imprimé dans la collection de Barbazan ,t. III, 
p. 254, et aussi dans le Pecorone, nov. 1 1. 
Brantôme , dans ses Dames galantes , le racon- 
te comme une aventure qui étoit véritabje- 
ment arrivée à Louis , duc d'Orléans , et à sa 
maltresse Mariette d'Enghien, mère du bâtard 
comte de Dunois. 

P. 6, 1. 3. Serure, Le manuscrit lit ceruse, 
qui n'est probablement qu'une erreur de l'é- 
crivain. 

P. 8, 1. 12. Meiser. Penser, Verard. 

P. 9. La secunde nouvelle. On ne trouve ce 
conte dans aucun ouvrage plus ancien que Les 
Cent Nouvelles nouvelles; mais Malespini l'a 
imité dans les Ducento Novelle, nov. 37. 

P. 16. La troysUsme nouvelle. Imitée des 
Facéties de Pogge, p. 64, édit. de 1798. Ce 
conte a été reproduit souvent sous différentes 
formes par les conteurs des seizième et dix- 
septième siècles. — Monseigneur de la Roche. 
Philippe Pot , seigneur de la Roche de Nolay, 
un des plus intimes et plus fidèles conseillers 
de Philippe le Bon et de son fils Charles le 
Téméraire, ducs de Bourgogne. En 1449, on 
le trouve nommé comme un des échansons 
du duc Philippe. Plus tard , il avoit l'office 
de chambellan dans la maison de Bourgogne , 
sous lequel titre il est mentionné dans un 
compte de Tannée 1457, et il le tenoit en- 
core en 1474. En 1460, Charles le Témé- 



wr^i" 



Notes. 253 

raire lui a donné l'office de capitaine de lille, 
et il tenoit en même temps la capitainerie de 
Douai et d'Orchies. En liyo, le seigneur de la 
Roche reçut du duc Charles la charge de 
grand maître d'hôtel et chambellan de Bour- 
gogne. Après la mort de son bienfaiteur, 
Il entra dans la faveur de Louis XI , qui le 
nomma grand sénéchal de Bourgogne en 1477. 
Il est mort vers l'année 1408. 

P. 26. La quarte nouvelle. Ce conte et les 
trois suivants se trouvent pour la première 
fois dans Les Cent Nouvelles nouvelles. 

P. 29, 1. 1 5 . Sainct Trignan. Sainct Engnan, 
Verard. 

P. }2.PhilipedeLoan. Cet indiv|diie^ men- 
tionné sous le titre d'écuyer d'écurie du . duc 
Philippe le Bon, en 1461 , dans un manuscrit 
de la Bibliôthèaue impériale, ancien fonds, 
n. 6702. Verara a toujours changé ce nom en 
Philippe de Laon. 

P. 52, 1. I. Monseigneur Taleloî, Thalebot, 
Verard. C'étoit le célèbre guerriçr, sir John 
Talbot, créé comte de Shrewsbury en 144 1 . 
Ses beaux faits d'armes faisoient la merveille 
du cjuinzième siècle. Il fut défait et fait pri- 
sonnier par Jeanne d'Arc à Patai en 1429, et 
tué à Châtillon le 20 juillet 14^3 , à l'âge de 
quatre-vingts ans. 

P. 32, 1. 2. Si preux, si vaillant, et aux 
armes. Ces mots sont omis dans le texte de 
Verard, qui n'approuvoit pas, sans doute, 
l'éloge qu'un Bourguignon taisoit de l'ennemi 
de la France. 



2)4 Notes. 

P. Ht '• I* Couroye. A sa ceinture, Ve- 
rard. « 

P. x6f IL i6 et 28. Ciboire, Tabernacle, 
Verarcl. Le dernier mot est tout simplement 
une traduction de l'autre. On seroit porté à 
croire que le mot ciboire n'étoit plus en usage 
général à Paris. 

P. )8. Par monseigneur deLaunoy. Le nom 
de Jean de Launoy (ou Lannoy) est assez 
connu dans l'histoire de Bourgogne. En 1 45 1 , 
il fut créé chevalier de la toison d'or , et 
nous le trouvons plus tard gouverneur de 
Lille. Il parott avoir secrètement servi les in- 
térêts de Louis XI, et sa trahison étoit deve- 
nue si évidente y qu'en 1464 il fut obligé 
de se sauver en France , tandis que le comte 
de Charolois s'empara de son château. Durant 
le rèsne de Charles le Téméraire , il étoit en 
complète disgrâce à la cour de Bourgogne ; 
mais après la mort de ce prince il reprit une 
grande influence en Bourgogne. Il n'est mort 
qu'en 1481. 

P. ^9,1. 3. Maistre curé. Ici et dans la 
suite , le texte de Verard a toujours substitué le 
mot prieur au mot curé. 

P. 41 y 1. 7. Mesmes. Au mains, Verard. 

P. 4j, 1. 4. Feste. Foire, Verard. 

P. 4)» 1. 4. Feste de Lendit et d'Envers. La 
célèbre foire tenue à Saint-Denis dans le mois 
de juin. 

P. 46. La huitiesme nouvelle. Cette nou- 
velle, qui est l'origine des Aveux indiscrets, 



Notes. 255 

de la Fontaine, est imitée des Facéties de 
Pogge,p. 165 de l'édition de 1798. 

P. 50. La neufiesme nouvette. Ce conte étoit 
assez populaire dans le moyen âge , et se 
trouve dans des ouvrages bien antérieurs à la 
date des Cent Nouvelles nouvelles, comme le 
fabliau du Meunier d'Aleu par le trouvère 
En^errand d'Oisi , le Décameron de Boccace , 
où il forme la 4^ nouvelle de la 8< journée , et 
les Facéties de Pogge, p. 248. Les imita- 
tions modernes en sont nombreuses. C'est Les 
Quiproquos de la Fontaine. 

P. ^6. La dixiesme nouvelle. Imitée par la 
Fontaine et par d'autres conteurs ; mais on 
ne la trouve dans aucun recueil antérieur 
aux Cent Nouvelles nouvelles. Verard a chansé 
beaucoup le texte de cette nouvelle et de la 
suivante. 

P. 61. Laonziesme nouvelle. Imitée d'après 
Pogge, Facéties, p. 141. C'est le conte bien 
connu de L^ Anneau d'Hans Carvel, de Rabe- 
lais. 

P. 61, 1. 21. Des fantaisies ^pensées. C'est 
la leçon de Verard. Le manuscrit ne donne 
qu'un mot, ({ue je n'ai pas pu déchiffrer d'une 
manière satisfaisante^ mais qui ressemble à 
ermons. 

P. 63. La douziesme nouvelle. Ce conte se 
trouve dans les Cento Novelle antiche et dans 
Pogge. Les imitations modernes sont très 



nombreuses. 



P. 67. Monseigneur de Castregat. Par mon- 
seigneur l'amant de Brucelles, Verard. Jean 



2j6 Notes. 

d'Enghien', sieur de Kessergat, étoit tnahre- 
d'hôtel de duc de Bourgogne en 1461. Il te- 
noit en même temps l'office de chambellan i 
Il étoit <amann (une charge municipale) de 
Bruxelles. 

P. 67, 1. 8. Procureur en Parlement, L'au-. 
teur des Cent Nouvelles^ nouvelles supposoit 
que le Parlement de Londres étoit une insti- 
tution semblable à celui de Paris. 

P. 68,' k 14. Malebouche.., Dangier. Per- 
sonnages du Roman de la Rose. 

P. 73. La quatorzième nouvelle, La 2* nou- 
velle de la 4* journée du Décameron de Boc- 
cace. C'est le conte de VErntite de la Fon- 
taine. 

P. 7|. Monseigneur de Créquy, Jean, sei- 
gneur de Crécjuy , de Canaples et de Tressin , 
fut élu chevalier de la Toison d'or lors de la 
fondation de cet ordre en janvier 1431. A 
la mort de Philippe le Bon, Jean de Créquy 
étoit un des douze seigneurs choisis pour por- 
ter son corps. Ce fut lui oui, en 1469, in- 
troduisit auprès du duc Cnarles le Téméraire 
les ambassadeurs de Louis XL 

P. 74, 11. 9et*i3. Vng soir,,, se trouva. 
Ung soir, environ la m^nûyt y^ qu'il faùoit fort et 
rude temps f il descendit de sa montaigne et vint 
à ce village, et tant passa de voyes et sentiers quê 
à l'environ de la mère et la fille sans estre oiseux 
se trouva, Verard. Un bon exemple des cor- 
ruptions que Verard introduisit dans le texte 
de son édition. 



^■^ 



Notes. 257 

P. 7j, 1. 11. Reclusage. Hermitaige, Ve- 
rard. 

P. 76, 1. ij. Et pitié. Le texte de Verard 
ajoute: Et la povre fille aussi plouroit, quand 
elle véoit ce bon et sainct hermite en si grande 
dévocion prier et ne sçavoit pourquoy. En com- 
parant les deux textes , on trouvera plusieurs 
additions semblables, qu'on y a mises proba- 
blement dans l'idée de rendre le récit plus 
piquant. 

P. 77, 1. 15. Crochette. Pôtense, Verard. 

P. 84. La seiziesme nouvelle. Un des contes 
les plus populaires du vieux temps, et qui a 
eu le plus grand nombre d'imitateurs. On le 
trouve dans la Disciplina clericalis de Pierre 
Alfonse, dans les Gesta Romanoruniy dans 
les FabuU i4^o/pAi publiées par Leyser, et dans 
Boccace. Les imitations modernes sont innom- 
brables. 

P. 85, 1. 15. Perusse. Prusse, Verard. Les 
Chevaliers de l'ordre Teutonique. en Prusse, 
étoient toujours en guerre co/itre les infidèles. 

P. 92, 1. I}. Thamisoit delà fleur. Buletoit- 
de la farine, Vetsad. 

P. loi. La dix-neuviesmi nouvelle. Ce conte 
se trouve assez souvent répété dans les ma- 
nuscrits du moyen âge. Il lorme le sujet d'un 
fabliau publié par Barbazan, tom. III, p. 215, 
De V enfant qui fu remis au soleil. 

P. loi. Philipe Vignier. Philippe Vignier 
est nommé parmi les valets de chambre de 
Philippe le Bon sous la date de 145 1 . Voyez 
cm JVooy. II. 17 



k 



2)8 NOTES^ 

les Mémoires pour servir à l'Histoire de France 
et de Bourgogne, p. 22$. 

P. 106. La vmgtiesme nouvelle. Ce conte 
ressemble un peu à une des Facéties de Pogge , 
Priapi vis, p. 1 18 de l'édition de 1798. 

P. 11^. La vin^-uniesme nouvelle Le conte 
de L'Abiesse guérie de la Fontaine , liv. iv, 
conte 2. 

P. 120. Caron. G. Chastelaîn, dans ses 
Chroniques de Bouraogne , 5* partie, ch. 7^, 
appelle Caron « le clerc dechappelle » de Phi- 
lippe le Bon. 

P. 121,1. 17. Sourdantes. C'est la leçon 
de Verard. Le manuscrit lit soudaines, une 
erreur évidente. 

P. 125. La vingt'iroisiesme nouvelle. Imita- 
tion du fabliau De celui qui vota la pierre, 
imprimé dans la collection de Méon, t. I, 
p. 307. Ce conte a été souvent reproduit par 
les conteurs des seizième et dix-septième 
siècles. 

P. 125. Monseigneur de Quievrain. Monsei- 
gneur deCommesuram, Verard. 

P. I2{,1. 19. Le servir de landes. Dieu 
scety largement. Le servir d'aubades assez lar- 
gement, Verard. 

P. 127, 11. 23-25. E de ce cas,.,deléans. 
Or est'il vray que là présent) estoit ung jeune 
enfant de environ deux ans, filz de léans, 
Verard. J'aurois peut-être dû admettre daiis le 
texte la leçon de Verard. 

P. 128, 1. 2. Apfroucha. C'est la leçon de 



^mmgmmmmmmmm^^f^ 



Notes. 259 

Verard. Le manuscrit lit^ // apperceu de la 
raye, 

P. 128, 1. 2. Monseigneur de Fiennes. Thi- 
baut de Luxembourg , seigneur de Fiennes, 
étoit un des chevaliers qui accompagnoient le 
comte de Charolois à Lille en 1^66. Vers la 
fin de sa vie, il devint ecclésiastique, et 
mourut, en 1477, évèque du Mans. 

P. 1^4. Philipe de Saint Yon. Peut- être le 
fils de Gamot de Saint-Yon, qui étoit un 
des officiers de la maison du duc Jean Sanr- 
Peur. 

P. 135,1. 13. Larrier. Lévrier ^ Verard. 

P. 136, 11. 10, 12, 22. Duyere. Terrier, 
Verard. 

P. 137. Monseigneur de Foquessoles. G. 
Chastelain parle d'un bailli de FouqueroUes , 
en 141 9, qui étoit peut-être le père de notre 
conteur. 

P. 140, 1. 24. L'abbajt, Sans passer grans 
langaiges, Verard. 

P. 151, 1. 9. Mestriery leçon de Verard; 
mestre, dans le manuscrit. « 

P. 1 5ii, 1. 7. Tendreur. J'ai adopté la leçon 
de Verara ; le manuscrit lit teneur. 

P. 1 57. Monseigneur de Beauvoir. Jean de 
Montespedon, seigneur de Beauvoir, écuyer, 
conseiller, et premier valet de chambre de 
Louis XI, dont il étoit partisan avant son ac- 
cession au trône. 

P. 160, 1. 20. Queues. Traynées, Verard. 

P. 166. Messire Michauît de Changy, Mî- 
chault de Changy étoit conseiller du grand 



i6o Notes. 

conseil, chambellan, premier écuyer tran- 
chant , puis premier maître d'hôtel des ducs 
Philippe le Bon et Charles le Téméraire. 

P. i66, 1. 22. Boccace. L'ouvrage de Boc- 
cace auquel il est fait allusion ici est le livre la- 
tin De Casibus virorum illusîrium, dont il exis- 
toit déjà des traductions françoises. 

P. 175, 1. 17. BoulevarSy bailles. BellèvreSy 
baublièresy Verard. 

P. 177, 1. 12. La ville de Chambery. Le 
nom de la ville manque dans le texte ae Ve- 
rard. 

P. 183. Monseigneur de la Barre. Une faute 
d'impression. Lisez Barde. Jean d'Estecer, 
seigneur de la Barde, étoit compagnon d'exil 
du Dauphin de France, et conserva sa faveur 
lorsqu'il fut roi. En 1462, il fut envoyé par 
Louis XI comme son ambassadeur à la cour 
d'Angleterre. 

P. 184, 1. 29. Courre. Coucher y Verard. 

P. 192. La trente 'deuxiesme nouvelle. Ce 
conte se trouve dans Pogge (^Facetia, p. 16} , 
decim£)y et dans La Fontaine, liv. 11, conte 5. 
L'auteur des Cent Nouvelles nouvelles l'a pris 
sans doute du premier de ces conteurs. 

P. 192. Monseigneur de VUliers. Ce doit 
être Antoine de Villiers, premier écuyer du 
duc de Bourgogne, cjui fut, à ce qu'on dit, 
un des seigneurs qui formoient la cour du 
Dauphin à Genappe. En i475,iliiit un des 
courtisans de Louis XI chargés de traiter les 
Anglois au camp devant Amiens. 



Hl^alAHlÉÉ 



Notes. 261 

P. 192, 1. 9. La v'dîe d'Ostellerie en Caste- 
loigne. Hostelerie, Verard. 

P. 205, 1. 29. Trop mieulx soulier à son pié. 
Trop mieulx garny au pongnet, Verard. 

P. 218. La trenîe-quatriesme nouvelle. Ce 
conte est le sujet d'un fabliau par un trouvère 
nommé Jean de Condé, publié dans la col- 
lection de Méon,tom. I, p. 165 , sous le litre: 
Du Clerc qui fut repus deriere Vescrin. On en 
trouve plusieurs imitations aux XVI® et XVII® 
siècles. 

P. 22 1 , 1. 8. Le survenu. C'est la leçon de 
Verard que j'ai adoptée , en place de celle du 
manuscrit, souvenir. 

P. 232. La trente-septiesme nouvelle. Imitée 
par La Fontaine (liv. II, conte 10), et repro- 
duite assez souvent par les conteurs des 
seizième et dix-septième siècles. 

P. 232, 1. 25. Lw Quinze Joyes de mariage. 
Ouvrage célèbre d'Antoine de la Sale ; voyez 
mon Introduction. 

P. 233, 1. 6. Qu'un follasîre de sa massue. 
Que ungfol de sa marote, Verard. 

P. 238. La trente-huitiesme nouvelle. On 
trouve ce conte dans Boccace {Décam.y jour- 
née VII®, nov. 8), et dans un/abliau(yoy. Le- 
grand d'Aussy, Fabl.,tom. II, p. 340). L'ori- 
gine se trouve dans les collections de contes 
indiens. 

P. 238. Monseigneur de Loan. Monseigneur 
de LaUy Verard. 

P. 24J. Monseigneur de Saint Pol. Louis de 
Luxembourg, comte de Saint-Pol, fut créé 



262 Notes. 

connétable de France en 1465 , et décapité 
par ordre de Louis XI en 1475. 

P. 2<4, 1. 2. Dedans la dicte cheminée. De- 
dens le oouhot de la dicte cheminée y Verard. 

P. 256, 1. 20. Jaserant. Hauhergon, Ve- 
rard. Cette variante, répétée dans le courant 
de la nouvelle, nous feroit croire qu'entre 
la date de la rédaction des Cent Nouvelles nou- 
velles et celle de l'édition de Verard , le jase- 
rant, qui étoit une pièce d'armure plus légère 
que Vhaubergeon , avoit cessé d'être en usage. 

P. 261. Racomptée par Mériadech. Les do- 
cuments contemporains parient de Hervé de 
Mériadec au nombre des officiers de la maison 
de Bourgogne. Selon la chronique de Jacc^ues 
de La Lamg, il avoit accompagné l'expédition 
en Ecosse , et s'y étoit fait remarquer par ses 
exploits. En 1461, Louis XI lui donnoit le 
gouvernement de Tournai. 

P. 283. Monseigneur de Thieuges, lisez 
Thienges. Thian^es étoit la seigneurie de 
Chrestien de Digoine , conseiller et cham- 
bellan de Philippe le Bon. On le retrouvera 
dans les Cent Nouvelles nouvelles, cité commf 
le conteur de la nouvelle lxviii. 

P. 286, 1. 7. Sa goune. Son manteau, Ve- 
rard. 

P. 287. La quarante-septiesme nouvelle. On 
a prétendu que cette aventure étoit arrivée à 
Grenoble, à Chaffrey Caries, président du 
parlement, au commencement du seizième 
siècle ; mais la date de la nouvelle est évi- 



Notes. 26j 

demment trop ancienne pour ^ue l'aventure 
de Chaflfrey ait pu en être l'origine. 

P. 295. Pierre David. Cet individu n'est 
connu que par un compte de la maison de 
Bourgogne, daté du 30 mai 144S, qui le porte 
aux appointements de 1 2 sols par mois. 

P. 301 . La cinquantiesme nouvelle. On trouve 
l'origine de cette nouvelle dans les Facéties 
de Pogge et dans l'ancienne collection ita- 
lienne de Sacchetti , nov. xiv. 

P. 301 . Monseigneur de la Salle. Lisez , d'a- 
près le manuscrit, la Sale; ce n'est qu'une 
niute d'impression. Voyez sur Antoine de la 
Sale notre Introduction. 

P. 301 , 1. 7. Au pays de Lannoys. Lannois, 
<Ni Lannoy, dans le Beauvoisis. 



Tome IL 

P. 1 . L'acteur. Probablement Antoine de 
la Sale. Voyez notre Introduction. 
. P. %. La cinquante-deuxiesme nouvelle. Se 
trouve dans la collection de Sacchetti , nov. 
XVI , et dans les Contes tartares. 

P. 14, 1. 32. Câ/iomcju«. Ace mot ^ as- 
sez expressif, Verard a substitué cronique. 

P. 15, l. 2. Deyix adris. Trois advis, Ve- 
rard. 

P. 1 5 . Monseigneur l'Amant de Bruxelles. 
Voyez la note à la treizième nouvelle, p. 25 « . 

P. 15, 1. 24. Véglise de Saincte Goule. 



I 



264 Notes. 

L'église principale de Bruxelles est dédiée à 
sainte Gudule. 

P. 17, 1. 7. Les amis de l'espouséela pren- 
nent et mainent. Sic, manuscrit. La leçon de 
Verard parott préférable et plus en accord 
avec ce qui suit : Les amis de l'espousé prennent 
Vespoasée et l'emmainent. 

P. 17, 1. 24. Sa faille. Ses atournemènts, 
Verard. Il paroit que les imprimeurs de Paris 
ne comprenoient pas le mot faille, cjui se 
trouve néanmoins dans le Dictionnaire de 
Cotgrave. 

P. 21. ParMahiotd^Anquasms.D'Auqnesnej 
Verard. On trouve les noms de Mahiot Re- 
gnault et Mahiot Noël dans les comptes delà 
maison de Bourgogne , dont le premier étoit 
argentier. 

P. 35, 1. 5. Tapissées. Changé par Verard 
en pavées. 

P. 41 . Par Poncellet. Ce nom de Poncellet 
etPoncelet, mis en tète de cette nouvelle 
et des deux suivantes, ne se trouve dans 
aucun des documents contemporains. 

•P. 46,1. 12. Sorner. Farcer, Verard. 

P. 46, 1. li. Mousseau. Une très bonne pièce 
de beufy Verard. 

P. 49. La soixantiesme nouvelle. Un conte à 
peu près semblable forme le sujet de : Li dit 
de frère Denise, cordelier, de Rutebeuf. Voyez 
les Œuvres de Rutebeuf, publ. par Jubinal^ 
tom. II, p. 260. 

P. 49, 1. I. Matines. Troyes^ Verard. 

P. 5 3 . La soixante-uniesme nouvelle. C'est 



r 



Notes. 265 

le fabliau Des TresceSy par le trouvère Guérin, 
publié par Babazan, tom. IV, p. 393. 

P. 00. Monseigneur de GUeuvain. Voyez la 
soixante-deuxième nouvelle. 

P. 60, 1. 2). A laquelle assemblée. Cette 
assemblée fut tenue au château d'Oye, entre 
Calais et Gravelines, au mois de juillet 1440^ 
pour négocier la délivrance de Charles, duc 
d'Orléans, prisonnier en Angleterre depuis la 
bataille d'Azincourt. Notre nouvelle donne 
des renseignements intéressants sur les circon- 
stances de cette conférence. 

P. 6ifL }. Le cardinal de Viscestre. Vé- 

vèque de Wmchester, Henri Beaufort, fils de 

Jean de Gand , duc de Lancastre , un prélat 

qui a joué un rôle très remarquable en Angle- 

^ terre sous le. règne d'Henri VI. 

P. 71. Le texte de Verard ajoute à la fin 
de cette nouvelle : Et ainsi fut tout le maltalent 
pardonné, et la paixfaicte entre les parties, c'est 
assavoir entre le ait Jehan Stotton et le dit 
Thomas Brampton, et furent bons amys en- 
semble. 

P. 72. Par monsieur Montbleru. Guillaume 
de Montbléru fut bailli d'Auxerre de 1467 à 
1469, et dans un compte de la maison du 
comte de Charolois, de l'année 1459, î' ^^^ 
qualifié écuyer d'écurie. Il étoit le neveu de 
Jean Régnier , bailli d'Auxerre , t[ui a laissé un 
volume de poésies. Pierre de Montbléru, 
écuyer-échanson du duc Philippe en 1420/ 
fut probablement le père de Guillaume. 

P. 72, 1. 14. Monseigneur d^ Estampes. Jean 



266 Notés. 

de Nevers, comte d'Etampes, cousin du 
duc Philippe. 

P. 78. La soixante'auatriesme nouvelle. Le 
sujet de ce conte est iaentique avec celui du 
fabliau du Prestre crucifié , publié dans la col- 
lection de Barbazan, tom. III, p. 14. On le 
trouve aussi dans une des nouvelles de Sac- 
chetti. 

P. 82. La soixante-sixiesme nouvelle. Cette 
nouvelle se trouve, dans une forme un peu 
moins développée, dans le fabliau Du Fevre de 
Creeil, publié dans Barbazan, tom. IV, 
p. 265. 

P. 82. Le prévoit de Wastennes. Le chro- 
niqueur Jacques du Clercq parle de ce person- 
nage comme d'un de ceux qui étoient attachés 
au comte de Charolois , mais il ne nous donne 
pas son nom. 

P. 94. Messire Chresîian deDygonye. Voyez 
la note à la quarante-sixième nouvelle, p. 262. 

P. 97, i. 17. Le royde Honagrie et monsei- 
gneur le duc Jehan. Sigismond , roi d'Hongrie , 
et Jean Sans- Peur, duc de Bourgogne. On 
parle ici de la bataille de Nicopolis, livrée en 
1395, dans laquelle l'armée chrétienne, com- 
mandée par ces deux princes, fut détruite par 
les Turcs, sous Bajazet I^^ 

P. 106, 1. 19. Philippe. On a voulu effacer 
ce mot dans le manuscrit, mais à quel des- 
sein? 

P. 109, l. 21. Mesnage. J'ai adopté ici la 
leçon de Verard ; le manuscrit lit mariage. 

P. 114. Par maistre Jehan Lauvin. Jehan 



rilHlM^ilÉAJ 



Notes. 267 

Lambin^ Verard ; nom qui ne se trouve pas 
dans les comptes de la maison de Bourgogne, 
bien qu'on cite un Berthelot Lambin au nom- 
bre des valets de chambre de Philippe le Bon. 

P. 123. Monseigneur de Thdemas, Gui, 
sei^eur de Thalemas, mort en 1463, sans 
en^nts. 

P. 128. La soixanîe-seiziesme nouvelle. L'o- 
rigine de ce conte se trouve dans Pogge , 
sous le titre de Priapus in laqueo, 

P. 132. Par Alardin, On trouve dans les 
comptes de la maison de Bourgogne deux in- 
diviaus de ce nom, le premier, Alardin la 
Griselle, écuyer-échanson du duc Philippe 
en 1436; l'autre, Alardin Bournel^ un des 
officiers de cette maison de Bourgogne qui 
passèrent au service de Louis XL 

P. 133, 1. 7. i4 Mortaigne, Sans doute c'est 
-la ville de Mortagne, près de Tournai, dont on 
veut parler. Nos ancêtres , au Moyen Age, ai- 
moient beaucoup à faire des jeux de mots sur les 
noms des personnes et des places , et s'en aller à 
Mortaigne est devenu une phrase populaire 
pour dire mourir. 

P. 135. La soixante-dix'huitiesme nouvelle. 
Ce conte , très populaire et bien connu , se 
trouve dans un fabliau publié dans la collec- 
tion de Barbazan, tom. III, p. 229 {Du Che- 
valier quiûsî sa famé confesse) , et dans le Dé- 
cameron de Boccace, journée vii«, conte 5, et 
a été imité par la Fontaine, Le Mari confes- 
seur ^ liv. I, conte 4. 

P. 135. Par Jehan Martin. Jean Martin, 



i 

t 

i 

f 



268 Notes. 

seigneur de Bretonnières^ mort en 1475 > fut 
en 1467 valet de chambre et premier somme- 
lier de corps du duc de Bourgogne. 

P. i^i. La soixante-dix-neuviesme nouvelle. 
Voyez Poggii 'Facetia,p. 89 (éd. 1798), C/r- 
culatoTy pour l'origine de ce conte. Les con- 
teurs modernes l'ont souvent répété. 

P. 141 , 1. 17. Qu'on l'appeloit par tout. Que 
on Pappeloit maistre Jehan par tout, Verard. 

P. 14J. La quatre-vingtiesme nouvelle. Pog- 
gii Facetta, vol. I , p. 52, AselliPriapus. 

P. 144. Dernière ligne. Par mon serment. 
Par sainct Martin, Verard. 

P. 146. Monseigneur de Vaurin. Monseigneur 
de Waulvrin, Verard. Jean Waurin est connu 
comme l'auteur d'une grande chronique d'An- 

fleterre, dont les manuscrits sont assez nom- 
reux. Il étoit, comme son père, qui fut tué 
à la bataille d'Azincourt, attaché à la maison 
des ducs de Bourgogne, et il étoit un des sei- 
gneurs qui accompagnèrent le duc Philippe à 
Paris en 1 461. Voyez sur lui M. Paulin Pa- 
ris, les Manuscrits françois de la Bibliothèque 
du roi, tom. I,p. 26. 

P. 150. Dernière ligne. Ne fust couché , le- 
çon de Verard. Le manuscrit porte : ne fist 
comme, ou connue, ce qui n'est pas un sens 
intelligible. 

P. 155, 1. 4. Nostre chastellenie de LisU. 
Jean de Lannoy étoit en effet gouverneur de 
Lille en Flandre. Voyez la note à la sixième 
nouvelle, p. 254. 



Notes. 269 

P. 1 56, 1. 5 . Et bon bergier. Verard ajoute : 
que on appeloit Hacquier. 

P. 157. Monseigneur de Vaurin. Waulvrin, 
Verard. 

P. 157, 1. 7. Libers. Lisez, avec le manu- 
scrit, Lilers (c'est une faute d'impression). 
Liiiers est une petite ville en Artois. 

P. 161, Le marquis deRothelin. Ce person- 
nage , Philippe , marcjuis de Rocheberg , comte 
de Neufchàtel, et seigneur de Rothelin et de 
Badenoiller, est assez connu dans l'histoire 
de son temps. Il fut maréchal de Bourgogne , 
et plus tara grand chambellan de France. 

P. 163. Par monseigneur de Santilly. Le nom 
du conteur manque dans l'édition de Verard. 

P. 167. Par monseigneur Philipe Vignier^ 
etc. Le nom du conteur manque dans l'édi- 
tion de Verard. 

P. 173. Par monsieur le Voyer, Ce nom 
manque aussi dans l'édition de Verard. 

P. 173, 1. 7. Z)u duc de Bourgoigne. Ces 
mots, qui manquent au manuscrit, sont ajou- 
tés d'après le texte de Verard. 

P. 177. La quatre-vingt'huitiesme nouvelle. On 
trouve ce conte , avec des circonstances un peu 
différentes, dans le fabliau delà Bourgeoise 
d'Orléans y Barbazan, tom. III, p. 161 ; dans 
Boccace, Décameron, journée viii, nouv. 7, et 
dans Poçge, Facéties, p. 20, Fraus mulieris. 
C'est l'ongine du conte de La Fontaine, Le Cocu 
battu et content, et les autres écrivains de ce 
genre l'on souvent imité. 



L 



270 Notes. 

P. 177. Par Alardin. Le texte de Verard 
ne donne pas le nom du conteur. 

P. 181 . Par Poncelet, Ici encore le nom du 
conteur manque dans le texte de Verard. Pon- 
celet est déjà connu comme le conteur de 
trois autres nouvelles, les cinquante-neu- 
vième, soixantième et soixante-unième. 

P. 182 , 1. 10. La blanche Pasque. C'est, 
comme Pasques flories, le dimanche des Ra- 
meaux. 

P. 183, 1. 5. Pasques flories. Le sixième 
dimanche du carême. 

P. 18}, 1. 7, Que l'on dit Pasques commu- 
niaulx, Qae l'en dit la Résurrection nostre Sei- 
gneur, Verard. Le jour de Pâques fut appelé 
souvent la Pâque communiant. 

P. 184. La quatre-vingt-dixiesme nouvelle. 
On trouve Porigme de ce conte dans Pogge , 
Facetia,p. 51 : Veniarite negata. 

P. 184. Monseigneur de Beaumont. Le texte 
de Verard ne donne pas le nom du conteur. 

P. 187. La quatre-vingt-onziesme nouvelle. 
Ce conte se trouve aussi dans Pogge : Novum 
supplicii genus. 

P. 1 87. Par l'acteur y c'est-à dire par l'au- 
teur. 

Cette nouvelle et la suivante sont sans nom 
de conteur dans l'édition de Verard. 

P. 189, 1. 7. Mix, Met enLoraine, Verard. 

P. 194. La quatre-vingt'treiiiesme nouvelle. 
PoggiiFacetia.p. 73: Quomodocalceisparcatur. 

P. 1 9A. Par messire Timoleon Vignier, etc. 
Le nom au conteur manque dans l'édition de 



mmmmmmwmt^^^^^r^^f^'^^'^'^^'^^^'''^'^^'^^^^ 



Notes. . 271 

Verard. Peut-être ce Timoléon Vignier étoit 
le frère de Philippe Vignier, à qui la dix-neu- 
vième nouvelle est donnée. 

P. 196,1. 6. Sur le bancq. A la taverne, 
Vçrard. 

P. 201. La quatre-vingt-quinziesme nouvelle. 
L'origine de ce conte se trouve dans Pogge, 
Facetta, t. I, p. 205 : Digiti tumor. 

P. 201. Par Phiiipe de Loan. Par monsei- 
gneur de Villiers, Verard. . 

P. 202, 1. 29. Frère Aubry. Frère Henry, 
Verard. 

P. 20^, La quatre-vingt-seiziesme nouvelle. 
On trouve l'origine de cette nouvelle dans le 
fabliau du Testament de l'âne, par Rutebeuf 
(Œuvres, par Jubinal, I, 273), et dans les 
Facetid de Pogge, p. 45 : Canis testamentum. 
C'est sans doute de cette dernière collection 
que notre auteur l'a tirée. 

P. 208; Par monseigneur de Launoy. Le 
nom du conteur manque dans le texte cle Ve- 
rard. 

P. 211. Par Pacteur. Par Lebreton, Verard. 
P. 217, 1. 26. Les bourgois. Les brigans, 
Verard. 

P. 219. La quatre-vingt-dix -neuviesme 
nouvelle. L'origine se trouve dans Poggii Fa- 
ceti<e, p. 222 : Sacerdotiivirtus, 

P. 219. Par l'acteur. Dans le texte de Ve- 
rard, cette nouvelle reste sans nom de conteur. 

P. 223. Par Phiiipe de Loan, Le nom du 
conteur manque dans Verard. 



272 Notes. 

P. 227, 1. 2. Bons soldions. Compaignons, 
Verard. 

P. 2^9, 1. 6. Botdoigne la Grasse. Bologne 
en Italie. Sa terre est si fertile que^ dans le 
moyen âge, on lui a donné le nom de Bolo^ 
gna la Crassa. 







L 




,'» . . 



GLOS SAIRB. 



A avec. 
A TOUT, atout y avec. 

ABAiZj abois. II, 47. 

Abbayt, commérages. I, 140. 

ABREGEMENT, brièveipent. II, 126. 

Absôille, absolve. 11,97. 

Absolu, absous. II, 95. 

Abusion, déception. Ii2jJ» 

Abustiné, distribué, partagé. î. 29J. ' 

ÀccoiNCTE, familier. « Se fist par gratièux 
et subtilz moyens accoincte de celuy dont 11 
vouloit estre compaignon. » 11^ 114. t > 

AccoiNTANCE , tfdhnbi^$ance, relations; fa- 
miliarité. I, 8; II, <52. 

AccoRDEMENT, çonciliâtion. II, i%. 

AccousTUMANCE, habitudç.; lî, M 6. 

AcEVÉ, achevé; II, 146. 

AcHOisoN, occasion, Cause. I; 18). 

AcHOPÉ, surpris,' pri^.r, 268. ." 

AcoNSUYViR, rattraper. U,'79.' 

AccmcHER, acoucher malade., se coucher, 
se mettre au lit pour cause de maladie. 1, 114; 

AcQuiiRRE , acquérir. I, 267. - 

Cent Nouvelles, II, 18 



274. • Glossaire. 

ÀiHCTE, interdite, accablée. « Elle se 'trou- 
vera en pou d'espace si adicte et de mal sou- 
prinse. » I, 1 1 $ . Vojez Du Cange, Glossarium 
medid et injjimA latmitatb, VU , lo, vo Adis. 

Adnichiler, annuler. II, 9^. 

Adolé, triste^ chagrin. II, 202. 

Adonc, alors. II, 243. 

Adosser, mettre arrière. I, 154 

Adouber, armer. « Dieu, qui ses cheva- 
liers de telles armes scet adouber. » II, 105. 

Adouber (S'), s'armer. I, 154. 

Adrecié, mstruit, dressé. I, 204. 

Advenir, à venir, futur. I, 80. 

Advisement, avis, conseil. II, 10. 

Advoé , adressé , instruit : a La damoiselle 
de sa maistresse est escollée et advoée que 
mieulx on ne pourroit. » I, 52. 

Affaictié, simulé, dressé. « Le marjr se 
fist mander quérir par ung messsigier affaictié. » 
II, 30. — a Certaines matrones affaictiées. » 
II, 50. 

Afperré, effrayé. I, 9}. 

Affiert, appartient, concerne. II, 138. 

Affoler, blesser. II, 1^9. 

Affres, peur, effroi. II, 128. 

Affulé, coiffé. II, 181. Se dit au figuré : 
a Je vous feroie affûter h prison. » II, 199. 

Aggresser, attaquer. I, 1 1 , 40. 

Agu, aigu. I, 7. 

Aguet QD'), de dessein prémédité. I, 163. 

Aguillette, aiguillette. Courre l'aiguillette. 
(1,52), courir après les filles. 

Agyos, façons y cérémonies. I, 77. 



Glossaire. 275 

Ahurter (S'), s'arrêter obstinément à une 
détermination. I, 95 ; II, 174. Voy. Enhurter. 
AiNçois , avant, plutôt. I, 67, 224. 
AiNS, mais au contraire. I, 209. 
AiTRE, cimetière. II, 206. 
Alibiz forains, mauvaises excuses. II , 236. 
Amant. Voy. t. II, ç. 255, 1. 55. 
Amatir, flétrir, ternir, devenir languissant. 

Amender, réparer, expier une faute. II, 
50. 

Amis. Etre de nos amis, est dit souventpour 
désigner un mari trompé. Voy. I, 103, 200. 

Ammiracions, exclamations. II, ji. 

Ammonestemens, réprimandes. II, 185. 

Angaigne^ chagrin, peine. « Et Dangier, sa 
meschine, qui enrageoit d'angaigne...» I, 

257. 
Anuyt, aujourd'hui, ou plutôt «cette 

nuit. » I, 83. Voy. Ennuyt. 

Aparoir, paroitre. I, 100, 1^14; II, 117. 

Apertement, ouvertement, clairement. I, 

Apertises^ tours d'adresse. « Faire souples- 
ses et apertises. » 11,225. 

Apiert (S'), s'attaque. II, 1 58. 

Appati , abandonné par suite d'un arran- 

S rement, d'un pacte : « Ainsi furent toutes les 
emmes de la ville appaties à ces vaillans moy- 
nes. » I, 194. 

Appeau, appel. I, 179. 
Appenser (S'), s'imaginer, se figurer^ se 
mettre en tète. I, 122; 11^ 90. ^ 



^yi Glossairc. 

. Araisonnbr, parler à quelqu'un^ lui expli- 
quer ses raisons, l; 9f. : 

ARAYy aurai, If, I7j. 

ArbalestE/ Proverb. : « Ne tenir serre 
non plus qu'une vieillt ûrbalesU. »(I, 296.) 
Faire peu de résistance , être d'un caractère 
foible. 

Ardre , brûler. 

ASPRY, âpre , aigri. 1 , 8. 

AssEULà, isolé. I, 1)0. 

AssEUR, assuré, certain. II, 164. 

Assiste. Proverb. : « Et pour assiete en 
lieu de cresson , elle hii dist. . . » 1 , 2 1 2 . 

AssiMPLY, affoibli , chancelant. « Tout es- 
poenté et assimply, » I, 40. 

AssoviR, accomplir, achever. II, 1^8. 

Assovi, pourvu, ayant assez. II, ;8, 23 j. 

Atelée, attelage, union naturelle de l'hom^ 
me et de la femme. II , 107. 

Atour, coiffufe. I, 216. 

Atrempé, ferme, solide, bien trempé. 
« Atrempé coeur et vertueux courage. » 1 , 101. 

Attainctes , visées , but. « Parvenir à ses 
attainctes^.yyU, 201: 

Attinté, arrangé, disposé. I, 1 54. 

Attrotter, ainver en trottant. I, 285. 

AuLTiER , autel. II, 16, 122. 

AuLTRHiER (V), l'autre jour^ dernièrement. 
II> 205. 

AuMosNiER, libéral, faisant de riches au* 
m6nes. I, 74. 

Aurfavbresse, femme d'un orfèvre. 1,44. 

Autant. « Boire d'autant et d'autel » (l. 



Glossaire. 177 

4h >75) > f^ii*^ raison à tout le monde; le 
verre à la main. 

Autel. « Boire d'autant et d^^iit^. » Voy. 
Autant. 

AuTRETANT, autant, encore autant. . I, 
271. 

Aval, parmi, en long et en large de : (c Aval 
la chambre. » II, 151. -^« Aval Paris. » 
11,92. 

Avaler, descendre, aller ou mettre à val, 
en bas. I, 254. 

Avérer, vérifier. H, 119. 

AvERTiN^ vertige , accès de mauvaise hu- 
meur. II, 137. 

AvoLENTER (S'), prendre la détermination. 
II, IJ5. 

AvoYÉ, en voie, en train. I, 249. 

BACULER, bàtonner, II, 104. 
Baguer, pourvoir de bijoux, linge, meu- 
bles^ II, 139. 

Bagué y garni de bijoux, de linge, etc. 
11,92. 

Bagues, bijoux^ hardes, bagages. I, 10, 
202. ' 

Bailler, donner. 

Baille , lieu fermé de palissades^ première 
défense d'une ville. « Force luv fut de gai- 
gner et emporter bouleyars, bailles , etaultre3 
plusieurs fors dont la place estoit bien garnie. ^ 

Balme, baume ; au figuré , merveilles. II , 
207. 




Aval, paH, a loag (t «■ la^c de : < 
ladtaaàxt. ■ 11, i{i. — ■ J^mI Pi 
■ ■.91. 

Ataizr, àtxatkK, jOa m mam 
^bas. I, 2)4- 

Atuk, vôifis. Il, 119. 

AvntTDi, -nmgt , accis de maanm 

AvoLExm (S*), pnAchdéia^ 
II, iji- 
Avi>Tl,a vaîe,eatEaM. I, 249. 



BMXLSit, btkaaa. 11.104- 
BACUEit,paHmkdelqaax, Sage, a 
bks. Il, i}9. 
a«-f. mm <fe 14», de fair. 



278 GL0SSAIR8. 

Balochoit, se balançoit. II, 1 56. 

Balochouere, balançoire. II, 156. 

Baloiz, balais. « Elle fîst baloiz courre par- 
tout. » Elle fit nettoyer avec soin. Il, 241. 

Bancq. « S'en aller sur le bancq » , aller 
au cabaret, Mer banqueter, II, 196. 

Bancquiers, coussins, housses pour met- 
tre sur les bancs. I, 202. 

Ban DON (A) , à discrétion. II, 91. 

Baptisement, baptême. IL 102. 

Barbaier, raser, faire la oarbe. II, 200. 

Barguigner, marchander. « Et quiconque 
la barguignait^ il l'avoit aussi bien à créance 
que à argent sec. » II , 187. 

Barres. « Comment il avoit prins le galant 
à ses barres. »II, 57. 

Bas, parties naturelles de la femme. 11,135. 

Bas instrumens^ parties naturelles. II, 201. 

Basset (E/i) à voix basse, secrètement. I , 

«55- 
B ASTON. « Le baston de quoy on plante les 

hommes » , le membre viril. II, 144. 

Baterie, action de battre. I, 245. 

Bature, action d'être battu.*!. 181. 

Baudement, gaiement, hardiment. II, 172, 
214. 

Bec, bouche. « Jouer bien du bec » (1, 96), 
faire des discours captieux. 

Bedon, instrument de musique. Ce mot 
est employé pour désigner les parties natu- 
relles de la femme. II, i ; i • 

B£e, passage, route, voie. I, 146. «Payer 
a bée » (II, 150). 






Glossaire. 279 

Belle. « Trouver en belle » (I, 282), 
avoir l'occasion favorable. 

Beneisson, bénédiction. II, 184. 

Besoigner, travailler, s'occuper de... I, 
48. 

Beste. (( Le mestier de la beste à deux 
dos» (I, 107), l'amour. 

Beurre. Frov. : a Ravoir beurre pour œufe n 
(I, 21), être payé avec usure d'un tour qu^on 
a joué à quelqu'un. 

BiENViENGNER , donner la bienvenue, re- 
cevoir joyeusement. II, 106. 

BiHÈs, ^y/iJ5, biais. I, 132. 

Blasonner, blâmer, critiquer, décrier. 
« Vous blasonnez très bien mes armes. » I, 
188,218. 

Bleu. « Craindoit trèsfort estredureng des 
bleuzvestuz, qu'on appelle communément noz 
amis. » II, 118. Voy. Amis. 

Boeste aux cailloux y prison. II, 207. 

Bouchons (A), sens dessus dessous, à l'en- 
vers. « Fut à bouchons couchée et son derrière 
descouvert. »-I, 13. 

Boul, bouleau. I^ 241. 

BouRDELOis(^Le roi de), souverain imagi- 
naire des mauvais lieux. 11,193. 

Bourdes, mensonges. 

Bourdon, bourdon joustouer, membre 
viril. I, 84; II, 172. 

BouRSER, enfler, s'arrondir comme une 
bourse pleine. « Le ventre luy commença à 
bourser, » I, 80. 

Bout (^Bâiller le) (?). 1, 25 3, 



2io. .GlOSSAIKB. 

BmjT^H I «nettre. 
Brayes , culotte, II , i a . 
B^BFMENT, btentto, brièyement. II, 6. 
BREPTÉ,brièTèté. II, s|. 
Brichouart, membre viril. II, 87. 
Broches, hémorroïdes. I, 10. 
Brouet, soupe, sauce. 11/ 45* 
Broyt , renommée. 1,103* 
Bruyt V victoire , triomphe. 1 , 2 1 ) . 
BuFFE, soufflet. II, 58. 
BuLETBAU, blutoir, c Tenez ce buleteausur 
vostre teste. » I, 94. > 
Bureau , bure , étoffe grossière. I, 299^. 
Buroye, boirois. II, 208. 
Bu VRAICES, breuvages. II, 141. 
Byhès. Voy. Bihès. 

CALENGERj demander, recUmer, contes-, 
ter. II, 129. 

ÇXlonge (.?). H, 207. 

Camus, désappointé. II, 81. 

Capitulé, grondé, chapitré. I, 217. 

Car, presque toujours employé dans le 
sens de parce que : « Ou car Dieu le permist , 
ou car Fortune le voult et commenda.» I, 10. 

Casse, cassé. 

Castille, querelle, lutte. I, 126. • ' 

CÀutELLES, ruses. I, 77. 

Ce , se. r ' 

Céans , citas ^ ici dedans; 

CEL,ce,eet.I, 291; 11,248.. 

Celéement , en cachette. I /92. 

Celer, cacher', dissimuler. 1, 69. 



i 



GLossAiRe. 281 

CBS^ses.' 

Cest , ce. 

Gestes (P). « Mais le jugerfiit difleré jusques 
à la fassbn de cestes, » I, 16.. 

CHAiLLdiT, soucioh. Il, 1^0. 

GhalLut, soucioit. I, 268. 

Ghamberière, servante, femme de charn^ 
bre. II, 85. 

Gh AMBRE A PARER, chambre de toilette. I, 
227. 

Chandelle. « Allumer sa chandelle a, pré- 
texte honnête pour s'introduire chez quelou'un. 
Nous n'ayons pas besoin de signaler l'allusion 
qui se trouve dans ce passage : « Veezcy 
maistre curé qui vient pour allumer sa chan- 
delle, ou pour mieux aire pour Pestaindre. >> 
11^117. 

Ghapperon , sorte de coiffure que portoient 
les femmes. I, 216. 

Ghaperon fourré, officier de justice. U^ 
90. 

Ghar, chair. Voy. Poisson. 

Ghareton, charretony charretier, voiturier. 
1,43; II, 120. 

Gharruyer, laboureur, bouvier. Il, 214. 

Ghartre, prison. II, 97. 

Ghastoy, direction , gouvernement. I, i ;6. 

Ghauffer la ciVtf, attendre longuement une 
chose qu'on désire ; on dit aujourd'hui dans le 
même sens : « Se voir pïisser quelque chose 
devant le nez. » II, 190» 

Ghauld sur potage y enclin à l'amour. I, 
108; II, 187. 



282 Glossaire. 

Chault, soucie. « Une vous cAaiibguàres 
demoy. » I, 4Q. 

Chéance , cnute. I, 159. 

Chef, tète. A chef de pèche j au bout de 
quelque temps, de puce de temps. I, 2. 

Chef, bout. « Venir à chef »), venir à 
bout. 1,21. 

Chère, visaee. I, 7; II, 244. 

Chevance, biens, fortune. I, loi^ 267. 

Chevaulcher, faire l'amour. I, 276. 

Chevir, venir à bout de. I, 74. 

Chicheté. avarice. I, 97. 

Chiège, cnoie, tombe. I, 17. 

Choisir, regarder^ voir, apercevoir. I^ i}« 
(( Et avoient torches et flambeauix pour mieulx 
choisir partout. » II, 58. 

Chrestienner, baptiser. I, 123. 

Chula, celui-là. II, 127. 

CiCANEUR, homme de chicane, sergent. 
II, 206. 

CiMBALES (Jouer des)^ faire l'acte amoureux. 
II, 107. 

Cire (Chauffer la). II, 190. Voy. Chauf- 
fer. 

Clamer, déclarer, proclamer. II , 76. 

Clergie, science. II, 2;8. 

Cligne-musse , sorte de jeu où l'un ferme 
les yeux pendant que l'autre se cache. Cligne- 
musette. II, 176. 

CocQUARD. Voy. Coquard. 

CoGNOissANCE, reconnoissance. I, 272. 
. CoLLAGioN, discours. I, 200. 

Colons, pigeons. II, 180. . 



Glossaire. 28} 

Comblement, amplement, à mesure com- 
ble. I, II. 

CoMMENDER, recommander. II, 7. 

Comparer, payer. I, 222. 

Compter , battre , charger de coups. « Ce 
dyable, sans mot dire, le commença à comp^ 
ter^ et bon chevalier de se défendre. » Il , 
104. 

CoMPTOUER, étude , lieu de travail. I, 1 27. 

Conclu , convaincu , vaincu. « Mais en son 
tort évident fut le mary conclu, » I , ) 1^ Voy. 
I, 212. 

CoNFERMER, Confirmer. I, 106. 

CoNGYER, congédier. 

CoNQU ESTER, conquérir, acquérir, gagner. 

CoNSEQUEMMENT , Consécutivement. « Et 
ainsi conséquemment jusques ad ce que tout 
fut party et portionné. » II , 1 20. 

CoNTENDRE, tendre, chercher, II, 122. 

Content, comptant. I, 97. 

Convenir, être nécessaire. « La bonne 
damelaissoit tout convenir ^catr de donner con- 
seil au contraire ne s'osoit avancer. » II, 121. 

CoQUARD, coquart^ sot, imbécile. «Que 
faites vous, meschant coquartf n I, 45. — 
« Ceubc qui le cuident sont parfaiz coquars, » 
I, 152. 

C0RDOANNIER, cordonnier. II, 90. 

Corner, jouer des instruments. « Fist cor-- 
net les menestrielz. » I, 157. 

Cou LPE, faute. II, 62. 

Coup (A la\ au moment. « Tenir sur fons 
son enfant, aont la mère s'estoit délivrée 



284 Glossaire. 

droit à la coup du retour dudit chevalier. » II, 

lOI. 

CoupAULTy mari trompé. I, 288; 11^ 108. 

Courre, courir. 

Cousine. Euede noz cousines, être au 
rang des courtisanes. « Et tiens , qui en aroit 
à faire, qu'on la trouveroit aujourd'huy ou 
reng de noz cousines, en Avignon , à Vienne , 
à Valence » on en quelque aultre lieu en Dau- 
phiné. » II, 29. Voy. II, 40. 

CousTiLLE, couteau j épée. I, ^9. 

CousTRE, gardien, sacristain. II, 194. 

CousTRERiE, ^rde, surveillance, I, 261. 

CouviNE , invitation. « Et comme ilz re- 
tournoient de ce couvine. » 1 , 1 94. 

Ceux, mari trompé. I, 29, 2}8; II, 1 10. 

Crasse, grasse. «Bouloigne la crasse.» 
11,239. 

Crastinb, lendemain, matinée. « Et lais- 
soit sa femme prendre la longue crasûne jus- 
ques à viij ou à ix heures. i> II, 6}. 

Cravanter, renverser. I, 245. 

Créant. I, 54. Voy. Recréant. 

Credence, créance, confiance. II, 115. 

Créez, croyer. I, 77. 

Crbmoit, craignoit. II, 44. 

Cresson. Voy. Assiète. 

Crestian y chrétien^ a Luy, qui oncques 
sur bestle crestiane n'avoit monté. » I, 107. 

Cristien, chrétien.' II, 102. 

Crochette, petite crosse. I^ 77. 

Croquer,' prendre, saisir, accrocher , I , 
22. 



/i. 



Glossaire. 1S5 

Croix. Prov.: «Je n'en fineroye néant plus 
que de la vraye croix. » I, 294. 

Crueux, cruel. I, 142. 

CuEUR, cœur. Prov.: a N'avoit pas son 
cueur en sa chausse. » II, 168. 

Guider, croire. 

Guigner, connoitre chameUement. II, 1 87. 

GuLETTÉ la selle, couru à cheval. II, 154. 

DANGiER, défaut, manque. « Et s'il y 
avoit dangier de lictz , la belle paillasse 
est en saison. » I, 182. 

Dangier, dépendance, domination. «Or 
bien, je suis en vostre dangier. » II , 176. 

Dangier, difficulté. « Mais comme souvent 
chose eue en dangier est trop plus cher tenue 
que celle qu'on a à bandoti... » II, 91 . 

Dangier, personnage allégorique du Ro- 
man de la Rose. L'auteur des Cent Nouvelles 
paroit avoir en mince estime l'oeuvre célèbre 
de Guillaume de Lorris et de Jean de Meung. 
Voy. I, 68, 158. 

Dangier, garde. Nom donné à une duègne. 

1,2^6. 

De, que. I, 294; II, 84. 

Deable^ diable. II, 104. 

DÉBOUTÉ^ rebuté, renvoyé. I, 192. 

Deceute, trompée. I, 100. 

Decevable, trompeur. I, 212. 

Déduit. « Luy qui estoit homme de dé- 
duit » (II , 10), c'est-à-dire qui aimoit à s'a- 
muser. 

Defaulte , faute. U > 2 3 ; . 



286 Glossaire. 

Defpigurance, difformité. II, 187. 

Deffubler, décoiffer. II, 52. 

DEGOiSy disposé. I, 6$. 

Dehet, gai, dispos. I, 294. 

Démené , le détail d'une affaire , la manière 
dont elle s'est passée. I , jx. « Et il luy en 
compta largement et bien au long le démené.» 

I, 210. Voy. II, 69. 

Demeut, détourna de son projet. II, 248. 

Denrées, instruments génitaux. I, 109. 

DÉPENDANT (?). « Et estoit sur son corps dé- 
pendant. » I, 251. 

Déporter (Se) d'une chose , y renoncer. 
1,251. 

Derrain, dernier. 

Desarmer, défaire, n Et ne savoit que pen- 
ser comment il se pourroit de luy desarmer, » 

II, 9. 

Desatourné, décoiffé. I, 216. 
Desceu (Au)j à l'insu. Il, 113. 
Descombré, débarrassé, désencombré, II, 

Desconforté, afifligé. II, 18. 
Descouché, levé. I, 86. 
Deservir, mériter. I^ i8t, 273. 
Desfourni, privé. II, 232. 
Desfrayé, peureux, ombrageux, sauvage. 
I, 290. 

Deshaité , malade. I, 1 1 1 . 
Deshouser, débotter. II, 110. 
Deslonger, détacher de sa longe. II, 131. 
Desplaisant, fâché. II, 42. 
Despoilli, dévêtu, dépouillé. I, 220. _ 



Glossaire. 287 

Desprisonner^ mettre hors de prison, dé- 
livrer. I, 162. 

Desroy, désarroi. I, 3. 

Desrompre, séparer.. II, 115. 

Desserrer, ouvrir. « La posteme fut des- 
serrée. » I, j. 

Desserte, ce qu'on a mérité. I, 223. 

Destené, destiné, prédestiné. II, 135. 

Destourbier, trouole, embarras. I, 68, 
126. 

Destresseux, plein de détresse, qui met 
en détresse. 1,12. 

Devant. « Dieu devant », Dieu aidant. I, 
200. 

Devises, discours. I, 42. 

Dextre, droite. 

DiLACiON , retard. Il, 170, 245. 

Dolez , affligez. II , 20. 

Domine, surnom donné à un curé, v Res- 
pondit maistre Domine. » II , 1 29. 

Dommage, terme de droit. « Et si très bien 
à point la rabatit qu'en dommage et en sa 
garenne le poulain au chareton trouva. » I , 

Dont, d'où. I, 32. 
Dont, donc. I, 18. 
DoNZELLE, fille facile. II , 1 28. 
D0RMEVEILLE (Faire la), faire semblant de 
dormir; dormir d'un œil. I, 244. 
DouBTE, doute, crainte. I, 128, 267; II, 

54, 56. 
DouBTER, craindre. I, 100. 

DouBTiF, dubitatif, incertain. I, 78. 



388 Glossairb. 

DouLOiR (Se)y se plaindre,, gémir. 1 , 64. 
DouytKE j duyère , porte, entrée. T, 135. 
DoY^ doigt. 

DuREAU. (( Marcha la dureau, marcha har- 
diment. » 1 , 127. 
DuYÈRE. I, i }6.Woj, Douyere. . 
Dya, diable» I, 17. 

EAGE, âge. Etresureage, être déjà vieux. 
1,90, 172. 
Efprayembnt, avec efiroi, tout ef&ayé. 

11,7. 
EFFROY,bruit. « La dame monte ensacham- 

bre sans faire effroy. » I, 29. 

Effroyt, bruit I, Î78. 

Embronché, enveloppé. entoi;tiilé..«.£lle 
fut tantost desarmée de sa taille, oùjelle estoit 
bien enfermée et embronchée. » Il , 17, 

Emende , amende. II, 198. 

Empané , garni de drap , d'étoffe. II , 247. 

Empapiné, barbouillé. « Doré et tmpapiné 
d'œufz, de fromage, delaict, etc. » H', 121. 

Emprendre, prendre, entreprendre. « Et 
entre aultres oui dévoient emprendre ce doulx 
et seur estât ae mariage. » II, 16. 

Emprès(D'), auprès de. I, 188, 272. 

Emprinse , entreprise, pfqet. I , .^ i ; II , 
Î9. • 

Emprinse .d'armes. I, 224. 

Emprint, prit, entreprit. I, 68. 

Emy! exclamation. I, 244. 

Encepé, enchaîné. H, 131.^ 

Enchargé, commandé, imposé. II, 5). 



Glossaire. 289 

Enchâsser, chasser, repousser. I, 81. 

Encliner, incliner, pencher. II, 173. 

Encloit(S'), s'enferma. Il, 190. 

Encontre, au-devant. II, 7. 

Encoulpit, accusé, confessé. II, 140. 

Encourtiné, garni, fermé de rideaux. I, 4. 

Encueillir, accueillir. II, 79. 

Encuser, déclarer, dévoiler, accuser. I, 
134; II, 89, 125. 

Enditté, éloquent, mformé de ce qu'il doit 
dire. I, 33. 

Enfermière , infirmière. I, 118. 

Enferrer, verbe actif, connoltre une fem- 
me. II, 130. 

Engin, esprit, imagination. I, 21. 

Engin, ruse, mojen ingénieux. I, 12. 
« Mais ilz n'y sçavoient engin trouver. » I , 
284. 

Engin (Mat), ruse. II, 246. J'ignore gui 
sont « ceulx du mal engin » , qui sont voisins 
des Champenois. Voy. I, 106. 

Engins, détours. <c L'ostel n'estoît pas si 
grand , ne si pou de lui hanté en toute de- 
vocion, qu'il ne sceust bien les engins,» 1 , 74. 

Engreger , aggraver. II , 1 1 1 . 

Enhurté, obstiné, butté. I, {8. Même 
sens que ahurté. 

Enlangagé , beau parleur, prompt à la ri- 
poste. II , 90. 

Enmy, au milieu de. I, 75. 

Ennuyeuse, accablée d'ennui, de chagrin. 
11,154. 

Ennuyt , aujourd'hui; mais dans ce livre 

Cent Nouvelles, II. 19 



290 Glossaire. 

le mot est constamment pris dans le sens de 
cette nuit, « Et si par miséricorde il nous dé- 
monstre ennuyt comme les autres précéden- 
tes... » I, 78. Voy. I, 52, 159, 180,241; 

Enceiller, lorgner. I, 271. 

Enortement , exhortation. II , 51. 

Enorter, exciter, exhorter. I, oj. 

Enqperre, enquérir, rechercher, s'infor- 
mer, 1 , 66. 

Ens , dedans. 1 , 173; II, 241. 

Enseur, loin. « Quand le vaillant homme 
d'armes sceut l'Escossois enseur de luy.» I, 29. 

Ensus, loin, I, 29}. « Va-t'en en sus de 
moy. » I, 47. 

Ensuyz, suivis. II, 115, 

Ententivement, attentivement. I, 14. 

Entière, restée fidèle à son mari. II , 249. 

Entiereté, chasteté, fidélité conjugale. 
11,235,244, 249. 

Entreoyt, entendoit. II , 1 1 1 . 

Entrerompre, interrompre, I, 183. 

Entretant (E/i), pendant le temps. I, 22, 
89. 

Entretenances , entretiens, devis fami- 
liers. I, 154; II, 30. 

Entretiennement, relations coupables en- 
tre homme et femme. 1 , 209. 

Envers, Anvers. « Une feste de Lendit et 
d'Envers. » I, 43. 

En VIS, enyySy à contre -cœur, malgré soi. 
II, 152, 218. 

Eries (.?).!, 136. 




Glossaire. 291 

Errer , se tromper, II, 10. 

Erres, indices. « Le gentil homme tantost 
congneut que toutes ces excusacions estoient 
erres pour besoigner. » I, 96. 

EscHARSEMENT, petitement, chichement, 
avec parcimonie. I, 17. 

EscHASSÉ, chassé. I, 192. 

EscHEVER, achever. I, 126. 

EscLABOTURES , éclaboussures. 1 , 151. 

EscLANDRi, déshonoré par un esclandre. 

I, 100. 

EscoLLER, instruire, faire la leçon. 1,52; 

II, 167. 

EscouRRE, secouer. I, 166. 

EsLOiGNiER, éloignement. I, 141. 

ESPANTER, épouvanter. 1,98, 220. 

EsPARTENT (S'), se répandent. II, 1 j7^ 

EspiES, espions. I, 130. 

EspoENTER, épouvanter, effrayer. 

Espoir, peut être. I, $7, 128. 

EspoiRE, peut-être. I, 262. 

EsRACHER, arracher. II, 176. 

EsRAiLLÉ , ouvert. « Et les deux jambes es- 
raillées en dehors du bancq. » II, 166. 

EssERRÉ, effrayé. I, 3. 

EsTABLE, stable. II, 236. 

EsTAiNS , etain ; ce métal venoit d'Angle- 
terre dès l'antiquité. I, lOI. 

EsTERNU , décidé. « Je ne vy jamais, moy, 
homme de si hault esternu si tost rassis. » I, 

175- 
Estire(?). « Mais de plus belle rend e^t/re.» 

I, 126. 



292 Glossaire. 

Estollé(?). I, 237. 

ESTOUPPES. Avoir « des estouppes en sa 
quenouille », être embarrassé^ avoir une mau* 
vaise affaire sur les bras. Voy. I, 2 1 ) ; II, 1 1 . 

EsTRAiN, paille. II, j}, 166. 

EsTRAiNS, serrés. II, 52. 

ESTRANGE, étranger. I, 102. 

EsTRANGE, réservé, sur le quant à soy. 
« Je vous seray aussi pou privé que vous m'es- 
ttsestrahge, » I, 184. 

EsTRANGÉ , éloigné , isolé. Il, 21;. 

EsTRES, choses, objets quelconques. «Je 
n'en portay oncques la clef, mais pend à vos- 
trecincture avec le^vostres, dès le temps que 
vous y mettiez vos estres. » II, 59. 

EuR, heur. II, 162. 

EuvANGiLE, Evangile. Prov.: « Une assez 
bonne histoire qui n'est moins vraye que VEu- 
vangile.y> II, 106. 

EuvRE (A U première)^ dès le matin. 1, 1 22 . 

Examiné, tourmenté. « Nos voisins ont esté 
terriblement persécutez et de pestilence et de 
famine. Quand les aultres en ont esté exami- 
nez, nous avons peu dire que Dieu nous en a 
préservez. » I, 200. 

ExcusACiONS, excuses, défaites. I, 96. 

ExcusANCES, excuses. II, 36. 

FABRICE, fabrique d^une église. II, 199. 
Faebleté, foiblesse, simplicité. II, 
105. 
Faille, sorte de mante flamande, II, 

17- 



Glossaire. 29^ 

Failly, fini. « Et tantost après la feste fail- 
lye.,.yi II, 167. 

Fain, faim, désir, envie, besoin. 

Faindit, feignit. II, 1 17. 

Faire, faire l'acte amoureux. I, 81. 

Famé, réputation. II, 233. 

Farser, moquer. I, 97. 

Faulseté^ méchanceté, trahison. I, 153. 

Fel, méchant, traître, félon. II, 142. 

Fer. « Tenir quelqu'un à fer et à clou » , 
l'entretenir. I, 123. 

Ferir, frapper. I, 302. 

Ferrer, aompter. « La pouvre fille se 
laissa /(jrrer. » I, 12. Voy. II, 91, 94. 

FiABLEMENT, avec confiance. I, 273. 

Fiché, mis, fixé. II, 246. 

FiERT, frappe. 

Fin. Prov.: « Plus yfne que moutarde.» H, 
128. 

Finance , rançon. « On eust eu nouvelle de 
luy pour faire sa finance. » II, 98. — Mettre 
un prisonnier à finance , c'étoit exiger de lui 
une rançon. Voy. I, 32. 

Finer, finir. « Sa queste en amour doit 
estre bknfinée.y> I, 57. Voy. I, 132, 237; 
II, 246. 

Finer , obtenir. « Mais vous ne vous en 
irez pas si je ne la puis finer, » II, 20. 

Flambe, flamme. II, 103. 

FoLYE (L^), l'acte amoureux. II, 40. 

Fors, hormis, excepté. II, 9. 

Fort (i4u), au fond, à la fin. I, 1 1 3 , 1 2 1 ; 
II, 172. 



294 Glossaire. 

Fourches (^Basses). Pendre aux basses four- 
ches d'une femme, la connoltre. I, ijy. 

FRAiLEy frêle, délicat. II, 234. 

Frain , frein. « Ronger son frain. » I, 156. 

Frict, perdu , détruit. I, 215. 

Frisque, frais, gai, fringant. II, 13;. 

Froissie, traces. «Suivant le froissie des 
chevaulx. » I, 157. 

Fumer, I, 259. 

FuRON , furet ; membre viril, l, 135. 

GAiTTE, soldat qui fait le guet. II, 126. 
Galée, galère^ navire. II, 99. 
Galée, amusement, fête, plaisanterie. I, 

2)1. 

Galioffe, grossier personnage, vaurien. 
<c Regardez quel gaUojfe! il a couché plus de 
vingt nuiz avecques ma femme. » I, 282. 

Garin , homme déterminé , qui a réponse 
atout. « Vrayment, ma.mye, dist le moyne, 
qui estoit ung garin tout fait... » II, 160. 

Garin (J^rendre^y s'enfuir. « Veez là Thuys : 
prenez garin y et si vous faites que sage, ne 
vous trouvez jamais devant moy. » II, 96. 
Voy. II, i}6. 

Garnier, grenier. I, 220. 

Gay. Prov.: « Plus j^y que une mitaine.» 
1,265. 

Geheyne, gène, torture. I, 134. 

Genteté, gentillesse. I, 10. 

Geron, giron, sein. I, 44. 

Gesine, couches. I, 123. 

Glatissoit, aboyoit, chassoit. II, 1 10. 



Glossaire. 295 

GOGETTES, goghettes, goguettes, réjouis- 
sances, fête, l, 85, 294; II, 196. 

Goghettes. Voy. Gogettes, 

GpGUES (^Etre de), être en gaieté. I, 175. 

Goguettes. Voy. Gogettes, 

GoissoN, compagnon. II, 196. 

GoRGiAS, gorgyas, élégant. « Faisoit du 
gorgias. » II , 1 97. — « Deux ou trois gorgyas 
qui la dévoient accompaigner. » I^ 290. 

Gouge, fille, femme portée à l'amour. I^ 2. 

G0UNE9 manteau. I, 286. 

GouRMANDERy exercer sa gourmandise. II, 
159. 

GousTABLE (Ma/), de mauvais goût. II, 22 5 . 

Grain, pas du tout. <c Le lieu n'est grain 
honneste. » II, 180. 

Gramment, grandement. 

Graux, gré. I, 92. 

Gref, grave. I, 18. 

Grifz, griffes, mains. I, 127. 

Grigneur, plus grand, plus grande. 1, 72. 

Gros, sorte demonnoie. II, 157. 

Grouiller , gronder^ grogner à la manière 
des chiens. I, 188. 

Groutter, comme grouiller, I, 189. 

GuEROON^ récompense. I, 246. 

GuERDONNER, récompenser. I, 156. 

Guingant, Guingamp, célèbre par ses ra- 
soirs. Voy. I, 7. 



ALLE, marché. Prov.: « Sans tenir cy 
halle de néant » (II, 192) , sans nous 
occuper de choses vaines. 



H 



2^6 Glossaire. 

Haloz . branches ou troncs d'arbres. On a 
le mot hculier. 11^ 1 56. 

Hamelet, petit hameau. II, 122. 

Haktise , mquentation. II, c>. 

Harier , fatiguer^ assaillir. Pris dans le sens 
de saillir. I^ 4$. 

Haulte heure (de), de bonne heure. I, 18^. 

Hebreos. « Usque ad hebreos » (II, 208), 
équivoque d^hébrea à ebriosus; — jusqu'à être 
ivre. 

Het, réjouissance, entrain. 11^ 7S. «Et 
hurta l'on ae bon het à la porte. » II, 1 50. 

Hoc (?). « Tenant le hoc en Veau pour devi- 
ser.» \y6. 

Hocher , connoftre charnellement. II, 1 88. 

HoDÉ, lassé, fatigué. S'écrivoit aussi odé. 
« Par la mortbieu! dist-il, j'en suis si trèsho- 
dé que plus n'en puis : il me semble que je 
ne voy que pastez. » I, 59. Voy. I, 87; II, 
228. 

HoiGNARD, grondeur. I, 62. 

HoMS, homme. I, 275. Vieille forme du 
nominatif singulier, que La Sale employoit 
volontiers. On la trouve souvent dans les 
Quinze joyes de mariage. 

HosTELLAiN, hôtelier. II, 82. 

Houlette, confrérie des femmes débau- 
chées, des dames du Huleu, et, par extension, 
des maris trompés. « Aussi suis-je pieça de la 
Houlette. » I, 180; II, ;8. 

Houllier, déoauché, coureur de filles. 1,4. 
Un mari trompé reproche à sa femme sonAou/- 
lier. I, 221. 



^mtmmmmmmmmmmmftm^mmmmmmmmmmmmmrm^m 



^ 

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Glossaire. 297 

HouRDER , fournir , pourvoir , charger, 
ce Mais de sens assez escharsement Aouri^e. » 

I, 17. Voy. 1,74. « Se hourde de Pescuyer 
et à son col le charge. » 1 , 100. 

HouRTER, heurter. I, M9. 

HousÉ, botté, chaussé ae houseaux. 1, 87; 

II, 182. 
Houseaux , bottes. 

HousER, botter, et, par extension, vêtir. 
1,298. 
HousERiE , habillement , action de vêtir. 

HoussER, vêtir. II, 133. 

Housse, fourni, vêtu. « Le plus hault ar- 
bre et mieux housse du bois. » 1 , 64. C'est^- 
dire le mieux garni de feuilles. 

HucHER, appeler à haute voix, en criant. 

I, 41 , 180. 

HucQUER , frapper. II, 178. 
Huée, réputation, notoriété. II, 142. 
HuMET, sauce, ragoût. II, 45. 
HuppiLLER, houspiller. I, 128. 
HuRT , action de heurter. 1 , 1 6 1 . 
HuTiN, bruit, querelle, dispute, combat 
amoureux. « Et ne demandoit que hutin. )> 

II, 187. 

HuTiNER, tracasser, lutiner. I, 126. 
HuYS, porte: 

ILLEC, là. II, 242. 
Impareil, non pareil, incomparable. I, 
68. 

Improveu , dépourvu. I, 229. 



298 Glossaire. 

Induce , délai , loisir, (f Si ne leur bailla 
pas induce de respondre. » 1 , 181. 

Infortune, malheureuse, infortunée. I, 
28g. 

Introduire, instruire. II, 167. 

INVENTOIRE, inventaire. I, 66. 

Ire, colère. II, 234. 

JANNES , Gènes , II, 223. 
Jaserant, cotte de mailles. I, 256. 

Jasoit , bien que, quoique. II , 11. 

}o\}EK des cimbales ^ faire l'acte amoureux. 
II, 107. 

Journée, affaire, combat, ce Et s'il accepte 
h journée^ dit Madame, je viendray tenir vos- 
tre place. » 1 , 5 1 . 

JousTEUR, qui aime les joutes, les luttes. 
11,21. 

JousTOUER, destinée la joute. II, 172. 

Jouvence , jeunesse. 11,234. 

JuGiÉ, condamné. I, 70.' 

Jus, à bas. II, 43, 138. 

Justice, lieu où se faisoientles exécutions. 
II, 126. 

LAIRRAY, laisserai. I, 191. 
Laisser, lasser. II, 27. 
Landes (?). I, 125. 

Langagier (Beau), beau parleur. « Car il 
estoit bon clerc et très beau langagier. » II , 

"57- 
Larrier, mot tiré sans doute de krris, 

lande , terre en friche. 1,135* 



mm 



Glossaire. 299 

Las, lac , lacet, piège. 1 . 372. 

Lassé , lacé. 1 , 6. 

Léans, là dedans. 

Léaulté, foi, loyauté. H, 2j}. 

Ledanger, injuner. II, 58. 

Légende dorée, ouvrage célèbre de Jac- 
ques de Voragine, contenant les Vies des 
saints. La femme qui recommence sa grande 
légende dorée, t. I , p. 8, dit à son mari une 
kyrielle d'injures. 

Lendit, foire qui se tenoit à Saint-Denis. 
« Une feste de Lendit et d'Envers. » 1 , 43 . 

Lez, c6tés. « Visiter les anglet^ de sa 
chambre à tous lez au mieulx qu'il luy fut pos- 
sible. » II , 119. « Elle se pourchassoit à tous 
lez. » II, 187. 

Lieutenant, celui qui remplace le mari 
auprès de sa femme. 1 , 267 ; II , 118. 

Lignage , famille. 1 , 271. 

Linge, fin, délié. «Draps linges.» I, 181 ; 
II, 202. 

LoER, louer. II, 105. 

LoiST, est loisible, permis. I, 1 18. 

- Los, renommée. I, 193. 

LouDiER, débauché, coureur de filles. 1,4. 

— Employé en mauvaise part dans le sens 
damant. 11^ 58. — Se prenoit aussi dans la 
signification plus étendue de mauvais sujet, 
vaurien. Voy. II, 124. 

LouRDOYS (E/j), lourdement, à la façon 
d'un lourdaud. I, 112. 

LuYCTE , lutte. Prov. « A la tierce foiz va 
la luycie. » 1 , 78. 



300 Glossaire. 

Lye, joyeux. I, 72. 
Lyé, joyeux. I, ic). 
Lyesse , gaieté, joie. 1 , 1 2. 
Lysit, lut. 1, 34. 

MAiGNYE, famille, les gens de la mai- 
son. «Maignye d'enfans, parens,ami8, 
héritages.» I, loi. 

Main mise (?). « Il en eust prins vengence 
criminelle et de main mise. » II , 30. 

Mains, moins. I, 9. 

Mal, mauvais. 

Mal venir (De), par malheur. 1 , 268. 

Malebouche, personnage allégorique du 
Roman de la Rose. 1 , 68. 

Maltalant, colère, mauvaise disposition 
d'esprit. 1,8. 

Manière , colère , mauvaise humeur. « Elle 
est merveilleuse depuis qu'elle entre en sa ma- 
nière, yy 1,4). 

Marchander, faire le métier de marchanda 
II, 118. 

Marchant, marchand . « En lieu marchant » , 
dans une situation favorable. 1 , 92. 

Marche , contrée , frontière. 1 , 72. 

Marchïssant , attenant. 1 , 64. 

Marescaucié, traité comme les individus ar- 
rêtés par les soldats delamaréchaussée?!!, 166. 

Matère , matière. 1 , 69. 

Matheolet. Le livre de Matheolus, poème 
de Jean Le Febvre dirigé contre les femmes. 
1 , 232. La Sale en parle dans les Quinze foy es 
de mariage. 



Glossaire. 301 

Matte, triste. « Une sure tlmatte chère. » 

I, 208. 

Mauvaistié, méchanceté, condition d'une 
chose mauvaise. II , 161. 
Mefpait présent, flagrant délit. I, 268; 

II , 94- 

Meiser, penser, réfléchir. I, 8. 
Membre à perche ^ membre viril. 1,70. 
Menestrielz, musiciens, ménétriers. I, 

157. 

Merci. « Obtenir le don de merci d'une da- 
me », obtenir ses dernières faveurs. II, 22. 

Mercier , remercier. I, 19. 

Mercque, marque. II, 155. 

Mercy, grâce. II, 121. 

Mériter, récompenser. 1,71. 

Merveilleux , méchant. I, 220. 

Merveilleuse, méchante, acariâtre. I, 45. 

Meschef, accident, malheur. I, 18. « A 
quelque meschef que ce fust. » I , i j6 ; II , 7. 

Meschief, faute. « Si en feray tout seul le 
meschief. » 11,223. 

Meschine, servante. I, 91. 

Meschinette, petite servante. II, 240. 

Mescroire, soupçonner. I, 23. 

Meshuy, jamais. I, 8, 161. 

Meshuy. Aujourd'hui. « Si vous prie qwe 
ayez patience meshuy, et demain je besoigne- 
ray à vous. » 1, 48. Voy. II, 149. 

Mesmes, soi-même. i< Et que pour mieulx 
besoigner, il y vouloit mesmesaller. » II, 1 16. 

Mesnager, s'occuper du ménage. I, 6. 

Mestier, besoin. I, 21, 140. 



302 Glossaire. 

Mestrier, maîtriser, gouverner. I, 151. 

Metes, limites. 1,63. 

Meures, mûres. « Etre rechassé des meu- 
res » , être repoussé avec perte. 1 , 95 ; II , 93. 

Mignon, oeau, agréable. « Et entre les 
aultres nostre gentilhomme, qui mignon se 
povoit bien nommer. » I, 57. 

MiNOT, cachette, petit trésor, petite mine 
d'argent. « Et si vous avez quelque minot d'ar- 
gent à part... » II, 95. 

Mitaine. Prov. : « Plus gay que une mi- 
taine. » I. 265. 

MOLiN , moulin. 

MoMMERiES, mascarades. II, 21. 

MoMMEUR, homme masqué, qui fait des 
mommeries. II, 200. 

MoNCELET, petit monceau. II, 181. 

Monstre, montre, revue. « Etre à mons- 
tre », être passé en revue. (I, 84). 

Monter. <( Monter sur son chevalet » , se 
mettre en colère. II, 161. 

MoNTOUER, montoir, borne qui servoit 
pour monter à cheval. I, 290. 

More, mûre. II, i;^. 

MoRSE, amorce. « Pour voir s'il ne revien- 
droit point à la morse. » II , 1 56. Peut-être 
falloit-il imprimer l'amorse. 

MoRTAiGNE. <( Aller à Mortaigne » , mourir. 
II, 13}. 

Moult, beaucoup. II, 169. 

Mourir sur bout^ sécher sur pied. I, 151. 

MouscHE , mouche. Prov. : « Luy qui co- 
gnoissoit mousche en laict. » I, 95. 



Glossaire. 303 

MoussEAU, ragoût, sauce. II, 46. 

MousTARDE. Prov. i <( Plus fiflc que mous- 
tarde. » II, 128. 

MousTiER. couvent. I, 36. 

Moyen, ctiose située entre deux autres, 
a La maison du curé tenoit à la sienne sans 
moyen. » II, 164. 

MuABLETÉ, inconstance, disposition au 
changement. II, 228. 

MucEK^ masser, cacher. 11^ 117. 

MusNiER, .meunier. 

MussER, cacher. II, 180. 

MuTEMACQUE, mutinerie, rébellion. II, 
245. 

Mye, nullement. I, 273. 

N', ni. II, 232. 
Nataulx, jours solennels. « Quatre 
foiz l'an , c'est assavoir, à quatre nataulx, vous 
devez confesser. » I, 201 . Voy. Du Gange , vo 
Natalis. 

Nave, navire. I, 105. 

Navrer, blesser. II, i $9. 

Navyeur, marin, navigateur. II, 228. 

Ne, non plus. « Je vous requier que nous 
ne tenons compte d'elles ne qu'elles font de 
nous. » II, 39. 

NÉANTÉ, néant. « Il la veult trop bien tancer 
et luy dire la lascheté et niante de son cœur. » 
II, 23. 

Nen, non. II, 9). 

Nenny, non. 

NesqIun, non plus qu'un. II, i )8. 

Nesun, nesung, aucun. I, 214. 



304 Glossaire. 

NiCHiL , rien, a Nichil au doz » , vieux terme 
de procédure : néant au dossier. 1 , 107. 

NoEVE (?), « Belle et gente et gracieuse es- 
toit au temps ({u'elle fut noeve» » II, j . 

Noise, bruit, tapage. I, 92. 

NoiSEUX, querelleur, entreprenant. I, 131. 

NoNCHALLOiR, négligence, indififérence. II, 

Nonne (^Basse), trois heures après midi. II, 

148. 
Notaire. Être le notaire d'une chose ^ y 

assister, en être témoin. I, 127, .154. 

Nou, naee. II, 35. 

Nouvel (D^), nouvellement. II, 161. 

NouvELLETÉ, nouveauté. II, 47. 

Nuncier, annoncer. I, 115. 

OBSTANT, nonobstant. II, 115. 
Oder, faticuer. « Se oda et tanna. » 
II, 228. Voy. Hodé. 

Œufs. Prov. Voy. Beurre. 

Oez, entendez. II, nj. 

Offerende, offrande. « Il alloit devant 
eulx à Tofferende. » Il étoitle préféré. 1, 144. 

OiGNEMENS, onguents. I, 12. 

Oncques, jamais. 

Orde, sale, grossière. « Uneordeexcu- 

sance. » I, 157* 
Ordoyer, salir, souiller. II, 95. 
Ores, maintenant. II, 40. 
Orinal , vase à uriner. I. 1 1 1 . 
Orphenin, orphelin. I, 106. 

ORRA,entendra. II, 5J- 
Orrez, entendrez. II, 164. 



IP 



Glossaire. 305 

OsTEL, maison. 

OsTELLERiE, nom de lieu. I, 192, 252. 
Ou , avec. 

OusTiLLÉ, garni d'instrumentnaturel.II, 84. 
Ouvrant, travaillant. II, 202. 
Ouvrer, travailler. 

OuvROUER, laboratoire. Est dit de la partie 
naturelle d'une femme. II, 117. 
Oye, ouïe. I, 128. 

PAIN. « Tenoit à pain et à pot une don- 
zelle belle et gente », Pentretenoit. II, 
128. 

Parachever, terminer, accomplir. II, i j. 
On rencontre souvent dans ce livre cette syl- 
lable explètive par^ qui indique l'achèvement , 
la perfection. Voy. les mots ci-après. 

Paraccomplir, accomplir. II, 91. 

Paraffoler, affoler, martyriser complète- 
ment. 1, 1 10. 

Parbondy, bondi,. sauté. II, 131. 

Parceurent, aperçurent. I, 114. 

Parchon, partage. II, 120, 193. 

Pardedans (En son) y intérieurement, à 
part soi. I, 242, 25^. 

Pardehors, extérieur, mine, apparence. I, 
258. 

Paremens, vêtements, parures. II, 242. 

Parentage, parenté. II, 211. 

Parestoit, étoit complètement. II, 112. 

Parface, accomplisse. I, 24c). 

Parfait, achèvement. « Mais du parfait ^ 
nichil! » I, 170. 

CentNouv. II. 20 



l 



)o6 Glossaire. 

PARFiN(Ert /<a), à la fin. II, 94. 
Parfond, profond. I, 121. 
Parforcer, forcer complètement. I, 40. 
Parfournir, compléter. II, 34. 
Parlement, discours, conversation. 1, 234, 
Parmentier, passementier. II, 198. 
Paroultrer, passer outre complètement , 
accomplir. I, ip. 

Partement , départ. I, 86. 
Parti ssoNS , partagions. II , 119. 
Partuer , tuer tout à fait. 1 , 112. 
Pàrty, partagé, pourvu. I, 228; II, 145. 
Pasque (Blanche)^ le jour des Rameaux. II, 

182. 

Pasqpes communiaux^ le jour de Pâques. 
II, 183. 

P ASQU es ^oriw, les Rameaux. II, 182. 

Passe route, expert, routier. « Tout ce 
que bon et sage chien doit et scet faire il es- 
toit le passe route, » II , 20 5 . 

Passionner, souffrir. II, 203. 

Paste, prov. « Porter la paste au four. » 
1,288. 

Pastoujie, conductrice d^un troupeau. Est 
dit d'une abbesse. 1 , 119. 

Patars , sorte de monnoie. II , 157. 

Patoys, langage de paysan. « Et les servit 
grandement en son paioyskcç disner.» 1, 1 1 2. 

PAULMÉ,pâmé. II, 100, 113. 

Paumoison , pâmoison. 1 , 108. 

Pèche, pièce. 1,2. 

PÉCHÉ. Etre mis avec les /7^c/ï^5 ottW/V5 (I, 
148), être complètement oublié. 



- - - ■ j»aaa». 



J 



Glossaire. ;o7 

Peleterie, mauvaise situation. « Il ronge 
son frain aux dans et tout vif enrage quand il 
se voit en celle peleterie. » I , i j6. 

Pennes, pièces de drap. « Pluseurs pennes 
entières et de très bonne valeur.» 11,95. 

Pensemens, pensées, soucis. II, 226. 

Penultime, avant-dernier. II , 248. 

Percevant, adroit, pénétrant. II, 140. 

Percevoir, apercevoir. II, 9. 

Perchant, bâton, perche; pris pour mem- 
bre viril. II, 204. 

Percha, perça. II, 217. 

Périlleux, dangereux. 1 , 131. 

Pertuiser, percer. II, 14. 

Pertus, trous. I, 178. 

Phisicien, médecin. I, 1 1. 

Pie, boisson. « En pluseurs religions y a 
de bons compaignonsà lapieet au jeu des Sas 
instrumens. )> II, 201. On disoit aussi pier^ 
boire; piot, vin; croquer la pie, boire. 

PiEÇA, il y a longtemps, il y- a pièce de 
temps. 1,3. 

Piez, pieds. «Vous ne saulteres^ jamais 
d'icy sinon les piez devant. » C'est-à-dire : 
Vous ne sortirez que mort. 1 , 197. 

Pigne, peigne. « Trousser pignes, ex m- 
roirs )) (I, 123), faire ses paquets. 

Piller, prendre. II , 81. 

Plaisance, volonté, fantaisie. I, 65. 

Plastrier, homme grossier, malpropre. 
i( Les v'ûhms plastriers, » II, 21 6, 

Pléger , tenir tète à quelqu'un qui boit à 
notre santé. I, 176. 



■M^Hta 



3o8 Glossaire. 

Plorerie, action de pleurer. ï , 1 16. 

Pluc, ce qu'on a recueilli. Cueillir se dît 
en allemand pflûcken. En gascon, manger un 
raisin grain à grain se dit plaça, Cotgrave 
donne le mot plucquoter,, « Car du pluc et bu- 
tin qu'elle avoit à la force de ses reins con- 
questé avoit acquis vaisselle et tapisserie. » 
II,i}6. 

Poisson. « S'en revint devers son maistre 
à tout ce qu'il avoit de poisson , car à char 
avoit-il failli » , est dit d'un entremetteur. I , 
130. 

PoRCiONNER, faire des parts, partager. II, 
120. 

PosTERNE, poterne. I , i . 

Pot (a pain et à), Voy. Pain, 

Pou , peu. 

PouRCHAZ , recherche , diligence. 1 , 133, 
267. 

PouRSUiR, poursuivre. I, 96. 

Prémisse , discours, prologue , exorde. I , 
129,274. 

Prenist , prit. II, 177. 

Preschement, sermon, remonstrance. I, 

Preu, profit, avantage. « Bon preu vous 
fasse! »I, 189. 

Prins, prov. « Cyprins cymh, » II, 1^4, 
149. On dit aujourd'hui : « Sitôt pris, sitôt 
pendu. » 

Prinsault, prime abord. 1,3. 

Procurer, plaider, intercéder, servir de 
procureur. I, 166. 



Glossaire. 309 

PuBLicQUEROiT , divulguerott , publieroit. 
II, 2^. 

Puis, après. I, 178. 

Puis, dès. I, 195. 

Pute, méchant, pervers. Des deux genres. 
I>235. 

PuTERiE, mauvaise vie, débauche. I, 
288. 

PuTiER, débauché. 1 , 4. 

r\ UARESME. Prov. « Il sembloît qu'ils 

^^^voulsissenttuer Quaresme. » II , 178. 
C'est-à-dire : Ce sont des gens déterminez, 
qui ^eroient tout, même Carême, tout mai- 
gre qu'il est. 

QuARESMEAULX, jours maigres. I, 212. 

QuANS, combien de. I, 92. 

Que, comme. « Et s'asseura que celuy qui 
en beaucop de periiz s'estoit trouvé. » II, 
28. 

Querelle , recherche , demande , préten- 
tion. I, 233,258. 

Quérir, vouloir, chercher. « Je ne vous 
le ^uzer jà celer. » I, 186. Voy. I, 222; II, 
1 1. 

QuESNOY (Le). 1 , 134. 

Quetaille(?). i< Setenoitcomme une droite 
statue ouydole en quetaille, » 1 , 175 . 

QuiBUS, argent. II, 136. 

Quis, cherché. I, 163. 

Q^uiTTER, abandonner, céder. I, 68. 

QuoNiAM, parties naturelles de la femme. II, 

'Î5- 



9IO Glossaire. 

RaCahër, braire. II, 143. 
Racoler, faire l'acte amoureux. I, 113. 

Radde, vif, alerte. (( Radde du pyé » , agi- 
le. I, 302. 

Radoubter , radoter. 1 , 181. 

Raffroigné, refrogné. II, 86. 

Rafrbscher, rappeler, renouveler, ra- 
fraîchir. I, 289. 

Raherce (?). I, 183. 

Raidz, rayons. I, 105. 

Ramentevoir , rappeler. 1 , 121. 

Ramonné. Prov. « Se trouver en place ra- 
monnée » (1 , 67), en liea propre, favorable. 

Ramponner, quereller, gronder. 1 , 176. 

Raroit , auroit de nouveau. 1,21. 

Rasiere, mesure de blé. I, 270. 

Rastelée, râtelée y ce qu'on sait , ce qu'on 
pense d'une chose. « Compta sa rastelée à 
madamoiselle. » II , 1 28. 

Rasure, mesure de blé. I, 268. 

Rataindit, ratteignit. 1 , 1 57. 

Rate , un peu. Espagnol , rato. « A rate de 
temps. » I, 180. 

Râtelée. Voy. Rastelée. 

Ratoille, réattelle. I, 54. 

Reboutement , action de rebuter, repous- 
ser. 1,251 ; II, 98. 

Rebouter, remettre. I, 292. 

Rebouter, rebuter, repousser. 1 , 70. 

Recaner, braire. II, 59. 

Receveur, celui qui reçoit des coups, ull 
CDmpteroit avecques luy et le feroit receveur 
oultre son plaisir. » II, 115. 



Glossaire. 311 

Rechap , action de réchapper d'un danger. 
« Elle est morte, et n'y a pas de rechap. » I , 
III. 

Reclusage, ermitage. I, 75. 

Recors (Etre), se souvenir. II, 183. 

Recréant, las, lâche. « Plus que tous 
aultres recréant et las.» 1, 7, 6 1 ; II, 1 04 , 22 5 . 

Refroidement, refroidissement. II, 42. 

Rehouser, remettre les bottes. I, 133. 

Religion, couvent. II, 201. 

Rémanent, restant, demeurant. II, 192. 

Rembatre , revenir sur ses anciens erre- 
ments(?) I, 127. 

Renard, fin., rusé. I, 70. 

RENCHOiR, retomber. II, ij. 

Rencouler, roucouler. II, 180. 

Rendy (f). (( Car la mercy Dieu elle avoit 
rendyel couru pais plus tant que du monde ne 
savoit que trop. » II, 128 

Rengreger, aggraver. II, 91. 

Renuré, profondément gravé. I, 231. 

Repaire , visite , fréquentation. II , 115. 

Repatrier. I, 262. 

Reprinsb, repréhension. « Pour bien se 
venger de luy à son aise et sans reprinse, » 
1,27. 

Reproché, reprouché, blâmé, décrié, dif- 
famé. I, 31, 118, 300. 

Requerre, requérir. I, 118. 

Requestes. « Passer les reauestes de quel- 
qu'un » , lui accorder ce qu'il aemande. « Elle 
passa légèrement les requestes de ceulx qui 
mieulx luy pleurent. » II, j. 



}I2 Glossaire. 

Resgourre, secourir. I, 291. 
Rescripsit, écrivit en réponse. I, 144. 
Reserrer, refermer. I, 186. 
Resne, rêne. Employé dans le sens de 
membre viril. I, 230. 

Retollir, reprendre ce qu'on avoit donné. 

Retour, retraite, habitude, amourette. 
<( J'ay ung retour en ceste ville dont je suis 
beaucop assoté. » I, 184. 

Retourner, retour. II, 1 10. 

Revirer, retourner. I, 178. 

Reut, eut de nouveau. I, 14. 

RiBAULD, homme de mauvaise vie. I, 4. 

Ribauldelle, ribaude, femme de mauvaise 
vie. 11,215. 

Rien, chose. « La rien en ce monde dont 
la présence plus luy plaist. » I, 121. 

Rigoler, railler. Verbe actif. I, 176. 

Rire. Prov.: « Qui à ceste heure l'eust veu 
rire, jamais n'eust eu les fièvres. » I, 133. 

RisiT, rit. II, 22. 

Riz, indiqué comme une marchandise dont 
l'Angleterre îoumissoit les autres pays. I, loi . 

RoE, roue. I, 134. 

RoMPTURE, rupture. I, 77. 

RoNTEURE, rupture. I, 181. 

Rote, troupe. 1, 34. 

RoucYNER, rousyner, faire l'acte amoureux. 
I, 111,280. 

RouiL, rouille. II, 177. 

RouTi ER (?) . i( Son mary avoit demouré deux 
ou trois jours rouff^r^. » II, 178. 



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Glossaire. 313 

Ruer, ieter. II, 176. 
Ruse (?). « Car il estoit ferme en la rw^que 
d'estre confessé. » I, 39. 

SACQUA, tira. II, 219. 
Saillir, sortir. II, 12. 

Saillir sus, se lever vivement. II, 43. 

Saillir avant, s'avancer vivement. I, 117. 

Sains, saints. «La devocion que monsei- 
gneur avoit aux sains de sa meschine de jour 
en jour croissoit. » I, 91 . 

Saint Anthoine. « Saint Anthoine arde la 
louve! » I, 231. 

Saint Nicolas de Warengeville. I, 141 . 

Saint Pol (comte de). Voy. Walerani. ï, 
128. 

Saint Remy, époque d'échéance. I, 269. 

Saint Trignan. I, 29. 

Sainte Goule, sainte Gudule. II, ij. 

Salade, sorte de casque. I, 28. 

Sanchié (?) i< Son mary retourna de la ville 
comme sanchié de son courroux , pource qu'il 
s'en estoit vengé. » I, 243. 

Sané, guéri. II, 174. 

Sangles, simples. II, 247. 

Sara, saura, II, 244. 

Sauldrez, sortirez, sauterez. II, 124. 

Sault, sort. I, 92. 

Saulterez, sortirez. I, 107. 

Saulx, saule. « Charbon ae saulx. )> I, 43. 

Sauvement, salutairement. c<Si sauvement 
préservé.» II, 105. 

Sayoit, scioit. I, 130. 



314 Glossaire. 

SçARAS, sauras. 

ScERA, saura. I, 60. 

Se, ce. 

Séans, céans, ici. I, 6. 

Seaumes, psaumes. I, 105. 

Seclus, exclu. I, 192; II, 236. 

Semonce, invitation. I, 169. 

Semonnez, invitez, engagez. I, 176. 

Semons, invité. II, ^4. 

Senestre, gauche. 

Sengloutir, jeter des sanglots, II, 245. 

Sente, route, sentier. I, 139. 

Sentement, sentiment. II, 131. 

Séquestre. « Et si emporte la verge qu'elle 
Iny donna, qu'il avoit aesja mise en main 
séquestre.)) I, 155. 

Serain, soir. I, 38. 

Sercher, chercher. I, 23. 

Serre. Prov.: «Elle ne tenoit^erre non plus 
qu'une vieille arbaleste. » I, 295. 

Ses , ces. 

Seuffrir, souffrir. I, 226. 

Si , oui , oui certes. « Le musnier demanda 
à madame se elle l'avoit à l'entrée du baing, 
et elle dit c)ue si. » I, 24. 

Si que, jusqu'à ce que. I, 131. 

SiET, est assis, situé. I, 1 14. 

SiGNiFiANCE, signification. II, 13. 

SiMPLESSE, simplicité , bêtise. II, 181. 

Singe. Prov.: « Pour qui elle ne feroit néant 
plus que le singe pour les mauvais. » I, 1 30. 

Soef, doucement. I, 100. 

SoiCHONS, compagnons. H, 227. 



Glossaire. 315 

SoLAZy plaisir, réjouissance. I, i $9. 

SoLiER, soulier. Prov.: «Doublant qu'il 
ne soit pas bien solier à son pié. » I, 83 . • 

Sonnet, pet. I, 14, 100. 

SoRNER, se moquer. II, 46. 

SouEF, doucement. I, 178. 

SouFFiSAUMENT, Suffisamment. I, 19. 

SouFFLE-EN-cuL, nom donné à l'acte amou- 
reux. I, 279. 

Souffrance, patience. Employé ironique- 
ment, II, 209. 

SouLAS, plaisir, réjouissance. II, 232. 

SouLOiR, avoir coutume. I, 284. 

SouPRiNS, surpris. I, 75. 

S0URD01ENT, provenoient. II, 137. 

Sourdre, naissance, origine, a Quelque 
menace qui sourdre prist. » II, 115. 

S0URVENISTES, survîntes. I, 209. . 

SouvYNE, sur le dos. I, 1 3 1 . 

SuBTiuER, chercher des détours. II, 187. 

Sure, aigre. « Une sure et matte chère. » 
I, 208. 

Sus, chez. II, 50, 54. 

Sus (Eri), loin. I, 126. 

Susciter, réveiller, ranimer, II, 186. 

SusPEÇONNER, soupçonner. I, 8. 

Suspeçonneux, soupçonneux. 

Suspicion, soupçon, I, 267; II, 118. 

SuspiciONNÉ, soupçonné. II, 114. 

SuYR, suivre. II, io6. 



}i6 Glossaire. 

TAILLÉ de, fait, disposé pour..., apte 
à..., en passe de... I, 125, II, 19;. 

Talebot, Taibot. I, 32. 

Tamburch, bruit. II, 176. 

Tancer, gronder, ouereller, parler.» Et je 
m'en iray en ma chamorette là derrière tancer 
à Dieu.» I, 249. 

Tanné, lassé, fatigué. II, 228. 

Tantes, tant de. II, 109. 

Tapinage {En) , en cachette , en tapinois. 
I, 130. 

Tas. <f Monter sur le tas pourvoir plus loin », 
est dit d'un homme qui caresse une femme. 
11,131. 

Tasseau, pièce. I, 299. 

Tauxé, taxé. I, 269. 

Taye, grand'mère, ayeule. I, 302. 

Teins, veillé. I, 206. Voy. Tenir. 

Tendreur, tendresse. I, 1J4. 

Tenir sur quelqu'un , le surveiller. « Car 
je tendray sur luy. » I, 212. 

Tenser, tancer, quereller. 1, 30. 

Tente, instrument de chirurgie, appareil. 
« Et d'un tel oustil fit il la tente pour quérir et 
pescher le dyamant. » I, 25. 

Termes {Mis en), proposé, convenu. II, 

Terminé (?). « Ensuyvantle terminé pro- 
pos.» II, 159. 
Terrien, terrestre. I, 194. 
Tiers, Tierce, troisième. 
ToLLU, enlevé. II, 131. 
TousT, ôte. I, 211. 



Glossaire. 317 

Train. «Tirer au train de derrière » (I, 
1 26) , être enclin à l'amour. 

Trainnéb, traynée, traynnée, intrigue, se- 
cret. Allusion à la traînée de poudre d'une 
mine. II , ^9^ 11;^ 117. On dit aujourd'hui : 
« Eventer la mine. » 

Transmuer, changer. I> 138. 

Tra VEILLER;, fatiguer. « Il n'est jà mestier 
que vous /r^mi/ez plus monseigneur. » I, 21. 

Traînée, traynnée. Voy. Trainnée. 

Trespasser, passer outre. I, 137. 

Trestous, tous. II, 124. 

Triumphe , joie, allégresse. 1 , 1 1 . 

Tromper (Se) de quelqu'un, s'en moquer. 
I, 207. 

Tyne, tonneau. I, 2}8. 

Unes, une paire de. « (7/ï« brayes qui 
pendoient. » II, 13. 
UNO (A l'), également, d'une manière unie. 
215. 

VA-LUY-DiRE, messager d'amour. I, 
130. 
Vaissel, vaisseau, vase. I, 14. 
Variableté, condition de ce qui change 
facilement. II, 228. 
VÉEZCY, voici. 
Véezla, voilà. 

Veil, volonté, vouloir. I, 145. 
Veille, veux. I, 136. 
Veillé, éveillé, vif, rusé. «Son varlet, 
qui estoit ung galant tout veillé. » I, 96. 



Ji8 Glossaire. 

Veillote, petite vieille. I, 76. 

Vensist, vînt. I, 296. 

Verge, bague, anneau. I, 25. 

Veyer(?). II, 126. 

ViAiRE, visage. II, 174. 

Viander, manger. H, 79. 

ViLLANNER, injurier, décrier, offenser griè- 
vement de paroles. I, p. 

ViLLANiE (/)ir«), dire des injures. ï, 16}, 
245 ; II, 24. 

Virer, tourner. I, 225. 

ViRETON, bâton. II, 205. 

ViTAiLLES, victuailles. II, 118. 

ViVEUX, vif, éveillé. I, 67. 

VoER, jurer, faire vœu. II, 15. 

VoiRRÉ, garni de vitraux, de verrières. II, 

VoiRRiÈRES, verrières y vitrages. 1^*7.^ 

VouLSiST, voulût. 

VuiDER, quitter le lieu où l'on est. II, 1 16. 

WALERANT (Comte). I, 128. 
Wrelbnchem, près de Lille. I, 128. 

Y DOiNE, propre, approprié, convenable, 
suffisant. S'écrit ordinairement idoine. 
II, 244. 




319 




TABLE DES MATIÈRES. 

AVEC LES TITRES DES NOUVELLES ÉDl^TIONS 
DE COLOGNE ET DE LA HAYE. 



TOME I. 

Pages. 

Introduction ; • . . . v 

DÉDICACE , . . xxj 

Table des sommaires xxiij 

Nouvelle I. La médaille à revers > . i 

II. Le cordelier médecin 9 

III. La pêche de l'anneau i6 

IV, Le cocu armé 26 

V. Le duel d'aiguillettes 32 

VI. L'ivrogne aa paradis 38 

VII. Le charreton a Parrière-gaide 43 

VIII. Garce pour garce 46 

IX. Le mari maquereau de sa femme. ... 50 

X. Les pastés d'anguille 56 

XI. L'encens au diable 61 

XII. Le veau 63 

XIII. Le clerc châtré 67 

XIV. Le faiseur de papes, ou l'homme de Dieu 73 
XV. La nonne savante 81 

XVI. Le borgne aveugle 84 

XVII. Le conseiller au bluteau 90 

XVIII. La porteuse du ventre et du dos ... . 9$^ 



^20 Table des Matières 

Pages. 

XIX. L'enfant de neige loi 

XX. Le mari médecin 107 

XXI. L'abbesse guérie 114 

XXII. L'enfant à deux pères 120 

XXIII. La procureuse passe la raye 125 

XXIV. La botte à demi 128 

XXV. Forcée degré 134 

XXVt. La demoiselle cavalière 1 37 

XXVII. Le seigneur au bahut 157 

XXVIII. Le galant morfondu 166 

XXIX. La vache et le veau 17) 

XXX. Les trois cordeliers 177 

XXXI. La dame à deux 185 

XXXII. Les dames dtmées 192 

XXXIII. Madame tondue 204 

XXXIV. Seigneur dessus , seigneur dessous. . . 218 
XXXV. L'échange 22J 

XXXVI. A la besogne 229 

XXXVII. Le bénitier d'ordure 232 

XXXVIII. Une verge pour l'autre 238 

XXXIX. L'un et l'autre payé 245 

XL. La bouchère lutin dans la cheminée. . 251 

XLI. L'amour et l'aubergon en armes. ... 256 

XLII. Le mari curé 261 

XLIII. Les cornes marchandes 267 

XLIV. Le curé courtier 270 

XLV. L'Ecossois lavendière 280 

XLVI. Les poires payées 283 

XLVII. Les aeux mules noyées 287 

XLVIII. La bouche honnête 292 

XLIX. Le cul d'écarlate 29 s 

L. Change pour change 301 



TOME II. 



LI. Les vrais pères 4 

LU. Les trois monuments 8 

LUI. Le quiproquo des épousailles 15 

LI V. L'heure du berger 21 



J 



Tabbb des Matières. 321 

Pages. 

LV. L'antidot« de la peste 25 

LVI . La femme , le cure , la servante , le loup. 29 

LVII. Le frère traitable 34 

LVIII. Fier contre fier j8 

LIX. - Le malade amoureux 41 

LX. Les nouveaux frères mineurs 49 

LXI. Le cocu dupé 53 

LXIL L'anneau perdu 60 

LXIII. Montbléru , ou le larron 72 

LXIV, Le curé rasé 78 

LXV. L'indiscrétion mortifiée et non punie. . 82 

LXVI. La femme au bain 87 

LXVII. La dame à trois maris 90 

LXVIII. La garce dépouillée 94 

LXIX. L'honnête femme à deux maris 97 

LXX. La corne du diable 101 

LXXL Le comard débonnaire 106 

LXX1L La nécessité est ingénieuse 109 

LXXIII. L'oiseau en la cage 114 

LXXIV. Le curé trop respectueux 122 

LXXV. La musette 123 

LXXVI. Le laqs d'amour 128 

LXXVn. La robe sans manches 132 

LXXVIII. Le mari confesseur 13$ 

LXXIX. L'âne retrouvé 141 

LXXX. La bonne mesure 143 

LXXXI. Le malheureux 146 

LXXXII. La marque 155 

LXXXIII. Le carme glouton 157 

LXXXIV. La part au diable 161 

LXXXV. Le curé cloué 163 

LXXXVL La terreur panique, ou l'offîcial juge. 167 

LXXXYII. Le curé des deux 175 

LXXXVIII. Le cocu sauvé 177 

LXXXIX. Le curé distrait 181 

XC. La bonne malade 184 

XCL La femme obéissante 187 

XCII. Le charivari 189 

XCIH. La postillonne sur le dos 194 

XCIV. Le curé double 197 

XCV. Le doigt du moine guéri 201 

CtntNotty,}]. 21 



]32 TABLB des HATliRES. 

XCVI. Le laumot du chien 

XCVII. Le» lunMean 

XCVIII. Letxmini* iafortanit 

XCIX. LJ infURior[^ose 

C. Le 9«ge Nkaise, ou l'aituni yttti 
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Etainçois 


— Et amçois. 


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baillés 


— bailles. 


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— 


La Bane 


— La Barde. 


229 26 


— 


quelque 


— quel que. 


23) 3 


— 


advenues. Nostre 


— advenues, nostre. 


252 27 


— 


veoit 


— véoit. 


275 7 


— 


Quen 


— Qu'en. 


283 2 




Thieuges 


— Thienges. 


283 21 


— 


Pabbesse qui veoit 


— Tabbesse, qui véoit 


301 2 




La Salle 

Tous 11. 


— La Sale. 


28 28 


— 


quoR 


— qu'on. 


65 30 




requis, 


— requist. 


99 31 


"— 


qu 


— qui. 


109 15 


— 


cueur que 


— cueur, que. 


157 9 


— 


Libers 


— Lillers. 


166 }) 


— 


alousie 


— jalousie. 


202 10 




la dole 


— l'adolé. 



226 

23» 



26 

7 



este 



— aye. 

— estes.