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Full text of "Les chansons de Bilitis, tr. du gree: Édition ornée de 300 gravures"

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PIERRE LOUYS 



S'i ii' 



LES 



CHANSONS DE BILITIS 






ISh NdTOli 




LiuHumv: CHAIll'KNTtKK ki K\S(JUFXLK 

EUGENE FASQUELLE, Éditeur 



1 



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^ 



LES 



CHANSONS DE BILITIS 



CE PETIT LIVRE D AMOUR ANTIQUE 
EST DÉDIÉ RESPECTUEUSEMENT 
AUX JEUNES FILLES DE LA SOCIETE FUTURE 



ŒUVRES DE PIERRE LOI Y S 

ASTARTÉ, poèmes. (Épuisé.) 

APHRODITE, roman. i vol. 

LA FEMME ET LE PANTIN, roman espagnol. . i vol. 

LEDA I vol. 

BYBLIS I vol. 

UNE VOLUPTÉ NOUVELLE . i vol. 



IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE 

Trente exemplaires numérotés à la presse 
sur papier du Japon. 



l 



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PIERRE LOUYS 
LES 

CHANSONS DE BILITIS 

— Traduites du grec — 

ÉDITION ORNÉE 

de 300 gravures et de 24 planchas en couleurs hors texte 

Par NOTOR 



PARIS 

LiBBAiRiB CHARPENTIER et FASQUELLE 
EUGÈNE FABQDBLLB. Éditeur 



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C^ Ul. 



•2. -il - ifV^ 



VIE DE BILITIS 



BUilis naquit au commencement du sixième 
siècle avant notre ère, dans un village de mon- 
tagnes situé sur les bords du Mêlas, vers l'orient 
de la Pamphylie. Ce pays est grave et triste, 
assombri par des forêts profondes, dominé par 
la masse énorme du Taarus; des sources pétri- 
fiantes y sortent de la roche ; de grands lacs salés 
séjournent sur tes hauteurs, et tes vullées sont y 
pleines de silence. 



li LES GHANSOINS DE BILITIS. 



Elle était fille (Tun Grec et d'une Phénicienne. 
Elle semble n'avoir pa^ connu son père, car il 
n'est mêlé nulle part aux souvenirs de son 
enfance. Peut-être même était-il mort avant 
quelle ne vînt au monde. Autrement on s'expli- 
querait mal comment elle porte un nom phénicien 
que sa mère seule lui put donner 

Sur cette terre presque déserte, elle vivait 
d'une vie tranquille avec sa mère et ses sœurs. 
D'autres jeunes filles, qui furent ses amies, 
habitaient non loin de là. Sur les pentes boisées 
du Taurus, des bergers paissaient leurs trou- 
peaux. 

Le matin, dès le chant du coq, elle ^e levait, 
allait à Vétable, menait boire les animaux et 
s'occupait de traire leur lait. Dans la journée, 
s'il pleuvait, elle restait au gynécée enfilant sa 
quenouille de laine. Si le temps était beau, elle 
courait dans les champs et faisait avec ses com- 
pagnes mille jeux dont elle nous parle. 

Bilitis avait à l'égard des Nymphes une piété 
très ardente. Les sacrifices quelle offrait, pres- 
que toujours étaient pour leur fontaine. Souvent 



VIE DE BILITIS. ni 



même elle leur parlait, mais il semble bien quelle 
ne les a jamais vues, tant elle rapporte avec 
vénération les souvenirs d'un vieillard qui les 
avait un jour surprises, 

La fin de son existence pastorale fut attristée 
par un amour sur lequel^ nous savons peu de 
chose bien quelle en parle longuement. Elle cessa 
de le chanter dès quil devint malheureux. Deve- 
nue mère d'un enfant quelle abandonna, Bilitis 
quitta la Pamphylie pour des raisons mysté- 
rieuses et ne revit jamais le lieu de sa naissance. 

Nous la retrouvons ensuite à Mytilène oà elle 
était venue par la route de mer en longeant les 
belles côtes d'Asie. Elle avait à peine seize ans, 
selon les conjectures de M. Heim qui établit 
avec vraisemblance quelques dates dans la vie de 
Bilitis, d'après un vers qui fait allusion à la mort 
de Pittakos. 

Lesbos était alors le centre du monde. A mi- 
chemin entre la belle Attique et la fastueuse 
Lydie, elle avait pour capitale une cité plus éclai- 
rée qu'Athènes et plus corrompue que Sardes : 



IT LES CHANSONS DE BILITIS. 



Mytilène, bâtie sur une presqu'île en vue des 
côtes d'Asie, La mer bleue entourait la ville. De 
la hauteur des temples on distinguait à Vhorizon 
la ligne blanche d'Atarnée qui était le port de 
Pergame, 

Les rues étroites et toujours encombrées par 
la foule resplendissaient d'étoffes bariolées, tu- 
niques de pourpre et d'hyacinthe, cyclas de soies 
transparentes, bassaras traînantes dans la pous- 
sière des chaussures jaunes. Les femmes por- 
taient aux oreilles de grands anneaux d'or enfilés 
de perles brutes, et aux bras des bracelets d'ar- 
gent massif grossièrement ciselés en relief Les 
hommes eux-mêmes avaient la chevelure bril- 
lante et parfumée d'huiles rares. Les chevilles des 
Grecques étaient nues dans le cliquetis des peri- 
.^celis, larges serpents de métal clair qui tintaient 
sur les talons; celles des Asiatiques se mou- 
vaient en des bottines molles et peintes. Par 
groupes, les passants stationnaient devant des 
boutiques tout en façade et oà l'on ne vendait 
que l'étalage : tapis de couleurs sombres, 
housses brochées de fils d'or, bijoux d'ambre et 



1 



VIE DE BILITIS. 



dHvoire, selon les quartiers. L'animation de My- 
tilène ne cessait pas avec le jour: il n'y avait 
pas d'heure si tardive, oh Von n'entendit, par les 
portes ouvertes, des sons joyeux d'instruments, 
des cris de femmes et le bruit des danses, Pitta- 
kos même, qui voulait donner un peu d'ordre à 
celte perpétuelle débauche, fit une loi qui défen- 
dait aux joueuses de flûte trop jeunes de s'em- 
ployer dans les festins nocturnes ; mais cette loi, 
comme toutes les lois qui prétendent changer le 
cours des mœurs naturelles, détermina le secret 
et non l'observance. 

Dans une société ou les maris sont la nuit si 
occupés par le vin et les danseuses, les femmes 
devaient fatalement se rapprocher et trouver 
entre elles la consolation de leur solitude. De là 
vint quelles s'attendrirent à ces amours délicates, 
auxquelles l'antiquité donnait déjà leur nom, et 
qui entretiennent, quoi qu'en pensent les hommes, 
plus de passion vraie que de vicieuse recherche. 

Alors Sapphô était encore belle. Bilitis l'a 
connue, et nous parle d'elle sous le nom de 
Psappha quelle portait à Lesbos. Sans doute ce 

a. 



Vï LES CHANSONS DE BILITIS. 

fut cette femme admirable qui apprit à la petite 
Pamphylienne l'art de chanter en phrases rhyth- 
mées, et de conserver à la postérité le souvenir 
des êtres chers. Malheureusement Bilitis donne 
peu de détails sur cette figure aujourd'hui si mal 
connue, et il y a lieu de le regretter, tant le 
moindre mot eût été précieux touchant la grande 
Inspiratrice, En revanche elle nous a laissé en 
une trentaine d'élégies l'histoire de son amitié 
avec une jeune fille de son âge qui se nommait 
Mnasidika, et qui vécut avec elle. Déjà nous 
connaissions le nom de cette jeune fille par un 
vers de Sapphô où sa beauté est exaltée ; mais ce 
nom même était douteux, et Bergk était près de 
penser quelle s'appelait simplement Mnàïs, Les 
chansons qu'on lira plus loin prouvent que cette 
hypothèse doit être abandonnée. Mnasidika 
semble avoir été une petite fille très douce et très 
innocente, un de ces êtres charmants qui ont pour 
mission de se laisser adorer, d'autant plus chéris 
qu'ils font moins d'efforts pour mériter ce qu'on 
leur donne. Les amours sans motifs durent le plus 
longtemps : celui-ci dura dix années. On verra 



VIE DE BILITIS. VU 



comment il se rompit par la faute de Bilitis, dont 
la jalousie excessive ne comprenait aucun éclec- 
tisme. 

Quand elle sentit que rien ne la retenait plus 
à Mytilène, sinon des souvenirs douloureux, Bili- 
tis Jit un second voyage : elle se rendit à Chypre, 
île grecque et phénicienne comme la Pamphylie 
elle-même et qui dut lui rappeler souvent Vaspect 
de son pays natal. 

Ce fut là que Bilitis recommença pour la 
troisième fois sa vie, et d'une façon qu'il me sera 
plus difficile de faire admettre sans rappeler 
encore à quel point l'amour était chose sainte 
chez les peuples antiques. Les courtisanes d'Ama- 
t honte n'étaient pas, comme les nôtres, des 
créatures en déchéance, exilées de toute société 
mondaine; c'étaient des filles issues des meil- 
leures familles de la cité. Aphrodite leur avait 
donné d'être belles, et elles remerciaient la 
déesse en consacrant au service de son culte 
leur beauté reconnaissante. Toutes les villes 
qui possédaient comme celles de Chypre un 
temple riche en courtisanes avaient à l'égard 



[ LES CHANSONS DE BILITIS. 



de ces femmes les mêmes soins respectueux. 
L'incomparable histoire de Phryné, telle 
qu'Athénée nous Va transmise, donnera quelque 
idée d'une telle vénération. Il n'est pas vrai 
quHypéride eut besoin de la mettre nue pour flé- 
chir r Aréopage, et pourtant le crime était grand : 
elle avait assassiné. L'orateur ne déchira que le 
haut de sa tunique et révéla seulement les seins. 
Et il supplia les juges a de ne pas mettre à mort 
la prétresse et Tinspîrée d'Aphrodite ». — Au 
contraire des autres courtisanes qui sortaient 
vêtues de cyclas transparentes à travers lesquelles 
paraissaient tous les détails de leur corps, Phryné 
avait coutume de s'envelopper même les cheveux 
dans un de ces grands vêtements plissés dont les 
figurines de Tanagre nous ont conservé la grâce. 
Nul, .ç7Z n'était de ses amh, n avait vu ses bras 
ni ses épaules, et jamais elle ne paraissait dans 
la piscine des bains publics. Maui un jour il se 
passa une chose extraordinaire. C'était le jour 
des fêtes d'Eleusis; vingt mille personnes, venues 
de tous les pays de la Grèce, étaient assemblées 
sur la plage, quand Phryné s'avança près des 



VIE DE BILITIS. IX 



vagues : elle ôla son vêtement, elle défit sa ceinture, 
elle ôta même sa tunique de dessous, « elle 
déroula tous ses cheveux et elle entra dans la 
mer y> , Et dans cette foule il y avait Praxitèle 
qui d'après cette déesse vivante dessina V Aphro- 
dite de Gnide; et Apelle qui entrevit la forme de 
son Anadyomène. Peuple admirable, à qui la 
Beauté nue pouvait apparaître sans exciter le 
rire ni la fausse honte ! 

Je voudrais que cette histoire fût celle de Bili- 
iis, car, en traduisant ses Chansons, je me suis 
pris à aimer l'amie de Mnasidika. Sans doute sa 
vie fut tout aussi merveilleuse. Je regrette seu- 
lement quon nen ait pas parlé davantage et que 
les auteurs anciens, ceux du moins qui ont sur- 
vécu, soient si pauvres de renseignements sur sa 
personne, Phihdème, qui l'a pillée deux fois, ne 
mentionne pas même son nom, A défaut de belles 
anecdotes, je prie qu'on veuille bien se contenter 
des détails quelle nous donne elle-même sur sa 
vie de courtisane. Elle fut courtisane, cela n'est 
pas niable; et même ses dernières chansons 
prouvent que, si elle avait les vertus de sa voca- 



LES CHANSONS DE BILITIS. 



tion, elle en avait aussi les pires faiblesses. Mais 
je ne veux connaître que ses vertus. Elle était 
pieuse, et pratiquante. Elle demeura fidèle au 
temple, tant qu Aphrodite consentit à proton- 
ger la jeunesse de sa plus pure adoratrice. Le 
jour oà elle cessa d'être aimée, elle cessa d'écrire, 
dit-elle. Pourtant il est difficile d'admettre que 
les chansons de Pamphylie aient été écrites à 
r époque oà elles furent vécues. Comment une 
petite bergère de montagnes eût-elle appris a 
scander ses vers selon les rhythmes difficiles de la 
tradition éolienne? On trouvera plus vraisem- 
blable que, devenue vieille, Bilitis se plut à chan- 
ter pour elle-même les souvenirs de sa lointaine 
enfance. Nous ne savons rien sur cette dernière 
période de sa vie. Nous ne savons même pas à 
quel âge elle mourut. 

Son tombeau a été retrouvé par M. G. Heim 
à Palaeo-Limisso, sur les bords d'une route 
antique, non loin des ruines d'Amathonte. Ces 
ruines ont presque disparu depuis trente ans, et 
les pierres de la mnison ou peut-être vécut Bilitis 
pavent aujourd'hui les quais de Port-Saïd. Mais 



VIE DE BILITIS. XI 



le tombeau était souterrain, selon la coutume 
phénicienne, et il avait échappé même aux 
voleurs de trésors. 

M. Heim y pénétra par un puits étroit comblé 
de terre, au fond duquel il rencontra une porte 
murée qu'il fallut démolir. Le caveau spacieux 
et bas, pavé de dalles de calcaire, avait quatre 
murs recouverts par des plaques d'amphibolite 
noire, où étaient gravées en capitales primitives 
toutes les chansons qu'on va lire, à part les trois 
épitaphes qui décoraient le sarcophage. 

C'était là que reposait l'amie de Mnasidika, 
dans un grand cercueil de terre cuite, sous un 
couvercle m>odelé par un statuaire délicat qui 
avait figuré dans l'argile le visage de la morte ; 
les cheveux étaient peints en noir, les yeux à 
demifermés et prolongés au crayon comme si elle 
eût été vivante, et la joue à peine attendrie par 
un sourire léger qui naissait des lignes de la 
bouche. Rien ne dira jamxiis ce quêtaient ces 
lèvres, à la fois nettes et rebordées, molles et 
fines, unies l'une à l'autre, et comme enivrées de 
se joindre. 



XII LES CHANSONS DE BILITIS. 



Quand on ouvrit la tombe, elle apparut dans 
Vétat oh une main pieuse l'avait rangée, vingt- 
quatre siècles auparavant. Des fioles de parfum 
pendaient aux chevilles de terre, et l'une d'elles, 
après si longtemps, était encore embaumée. Le 
miroir d'argent poli ou Bilitis s'était vue, le sty- 
let qui avait traîné le fard bleu sur ses paupières, 
furent retrouvés à leur place. Une petite Astarté 
nue, relique à jamais précieuse, veillait toujours 
sur le squelette orné de tous ses bijoux d'or et 
blanc comme une branche de neige, mais si doux 
et si fragile qu'au moment où on l'effleura, il se 
confondit en poussière. 



PIERRE LOUYS, 



Gonslanliiic, Août iSq^* 



I 
BUCOLIQUES EN PAMPHYLIE 



'A5ii 5i [101 -0 ]j.i).n|ii. jîi'l ^v aâ^;;--','' ;J-î'--35'ii 
Théoobite. 






Je me suis dévêtue pour monter à un arbre ; 
mes cuisses nues embrassaient l'écorce lisse et 
humide ; mes sandales marchaient sur les branches. 

Tout en haut, mais encore sous les feuilles et à 
l'ombre de la chaleur, je me suis mise à cheval 
sur une fourche écartée en balançant mes pieds 
dans le vide. 



BUCOLIQUES Ey PtUPHÏLIE. 3 

Il avait plu. Des gouttes d'eau tombaient et cou- 
laient sur ma peau. Mes mains étaient tachées de 
mousse, et mes orteils étaient ronges, à cause des 
(leurs écrasées. 

Je sentais le bel arbre vivre quand le vent pas- 
sait au travers; alors je serrais mes jambes davan- 
tage et j'appliquais mes lèvres ouvertes sur la nuque 
chevelue d'im rameau. 



CHANT PASTORAL 



Il faul chanter un clianl pastoral, invoquer Pun, 
dieu du vent d'été. Je garde mon troupeau et Sélé- 
nis le sien, à l'ombre ronde d'un olivier qui tremble. 

Sélénis est couchée sur le pré. Elle se lève cl 
court, ou cherche des cigales, ou cueille des lleurs 
avec des herbes, ou lave son visage dans l'eau 
fraîche du ruisseau. 



BUCOMQIES E> PAMPHÏI.IK. 5 

Moi, j'arrache la iaine au dos blond des mou- 
tons pour en garnir ma quenouille, et je file. Les 
heures sont lentes. Un aigle passe dans le cîel. 

L'ombre tourne, changeons de place la corbeille 
de ileurs et la jarre de lait. Il faut chanter un chant 
pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d'été. 



PAROLES MATERNELLES 



Ma mère me baigne dans l'obscurité, elle m'ha- 
bille au grand soleil et me coitTe dans la lumière ; 
mais si je sors au clair de lune, elle serre ma cein- 
ture et fait un double nœud. 

Elle me dit : u Joue avec les vierges, danse 
avec les petits enfants ; ne regarde pas par la fenêtre ; 
fuis la parole des jeunes hommes et redoute le con- 
seil des veuves. 



BUCOLIQUES E^ PAUfllYLIB. 7 

Cl Un soir, quelqu'un, comme pour toutes, te 
viendra prendre sur le seuil au milieu d'un grand 
cortège de tympanons sonores et de flûtes amou- 
reuses. 

" Ce soir-là, quand tu t'en iras, Bilitô, tu me 
laisseras trois gourdes de fiel : une pour le matin, 
une pour le midi, et la troisième, la plus amère, la 
troisième pour les jours de fête. » 



LES PIEDS NUS 



J'ai les cheveux 
noirs, le long de mon 
dos, et une petite ca- 
lotte ronde. Ma che- 
mise est de laine 
blanche. Mes jambes 
fermes bnmissent au 

soleil. (C<.LLie7IOS C. LEC 

Si j'habitais la ville, j'aurais des bijoux d'or, et 
des chemises dorées et des souliers d'argenl... Je 
regarde mes pieds nus, dans leurs souliers de pous- 
sière. 



Psophis! viens ici. petite pauvre! porte-moi 
jusqu'aux sources, lave mes pieds dans tes mains 
et presse des olives avec des violettes pour les par- 
fumer sur les fleurs. 

Tu seras aujourd'hui mon esclave; tu me suivras 
et tu me serviras, et à la fin de la journée je te 
donnerai, pour ta mère, des lenlilies du jardin de 



LE VIEILLARD ET LES NYMPHES 



L'ii vieillard aveugle habite la montagne. Pour 
avoir regardé les nymphes, ses yeux sont morts, 
voilà longtemps. Et depuis, son bonheur est un 
7 lointain. 



H Oui, je les ai vues, m'a-t-il dit : Helopsychrîa, 
Limnanthis; elles étaient debout, près du bord, 
dans l'étang vert de Physos. L'eau brillait plus 
haut que leurs genoux. 



BLCOLiQins ES pampiiïi.h;. ii 

(( Leurs nuques se pencliaient sous les cheveux 
longs. Leurs ongles étaient minces comme des ailes 
de cigales. Leurs mamelons étaient creux comme 
des calices de jacinthes. 

(( Elles promenaient leurs doigts sur l'eau et 
tiraient de la vase invisible les nénufars ù longue 
tige. Autour de leurs cuisses séparées, des cercles 
lents s'élargissaient... » 



CHANSON 

« Torli-tortue, que fais-tu là au niilieul' — Je 
dévide la laine et le fd do Milet. — Hélas ! Hélas ! 
Que ne vicns-tu danser? — J'ai beaucoup de cha- 
grin. J'ai beaucoup de chagrin. 

— Torti-torlue, que Tais-Ui là au milieu? — Je 
taille un roseau pour la llùtc funèbre. -— Hélas ! 
Hélas! Qu'est-il arrivé! — Je ne le dirai pas. Je 
ne le dirai pas. 



BICOUQCES ES PAMPIIYMK. l5 

— Torli-lorlue, que fais-lu là au milieu? — Je 
presse les olives pour l'huile de la stèle. — Hélas ! 
Hélas! Et qui donc est mort? — Peux-tu le 
demander ? Peux-tu le demander? 

— Torti-torlue, que fais-tu là au milieu? — Il 
est tombé dans la mer... — Hélas ! Hélas ! et com- 
ment cela? — Du haut des chevaux blancs. Du 
haut des chevaux blancs. » 



LE PASSANT 



Comme j'étais as- 
sise le soir devant la 
porte de la maison, 
un jeune homme est 
venu à passer. Il m'a 
regardée, j'ai tourne 
la tête. Il m'a parlé, 
je n'ai pas repondu. 



Il a voulu m'approcher. J'ai pris une faulx 
contre le mur et je lui aurais fendu la joue s'il 
avait avancé d'un pas. 



lltCOLIQUES EN PAMPlIïLIE. 17 

Alors reculant un peu, il se mit à sourire et souf- 
lia vers moi dans sa main, disant : u Reçois le 
baiser. » El j'ai crié 1 et j'ai pleuré. Tant, que ma 
mère e 



Inquiète, croyant que j'avais été piquée par un 
scorpion. Je pleurais : « Il m'a embrassée. » Ma 
mère aussi- m'a embrassée et m'a emportée dans 
ses bras. 




(britisii museuh.) 



LA PLUIE 



La pluie fine a mouillé toutes choses, très dou- 
cement, et en silence. Il pleut encore un peu. Je 
vais sortir sous les arbres. Pieds nus, pour ne pas 
tacher mes chaussures. 



La pluie au printemps est délicieuse. Les branches 
chargées de fleurs mouillées ont un parfum qui 
m'étourdit. On voit briller au soleil la peau délicate 
des écorces. 



BIGOLIQUES EN PAMPHYUE. 31 

Hélas ! que de fleurs sur la terre ! Ayez pitié des 
fleurs tombées. Il ne faut pas les balayer et les 
mêler dans la boue; mais les conserver aux abeilles. 

Les scarabées et les limaces traversent le chemin 
entre les flaques d'eau ; je ne veux pas marcher sur 
eux, ni effrayer ce lézard doré qui s'étire et cligne 
des paupières. 



LES FLEURS 



Nymphes des bois et des fontaines, amies bien- 
faisantes, je suis là. Ne vous cachez pas, mais 
venez m'aider car je suis fort en peine de tant de 
fleurs cueillies. 

Je veux choisir dans toute la forêt une pauvre 
hamadryade aux bras levés, et dans ses cheveux 
couleur de feuilles je piquerai ma plus lourde rose. 



BUCOLIQUES ES FAUPIIIJLIE. a5 

Voyez : j'en ai tant pris aux champs que je ne 
pourrai les rapporter si vous ne m'en faites un 
bouquet. Si vous refusez, prenez garde ; 

Celle de vous qui a les cheveux orangés, je l'ai 
vue hier saillie comme une bête par le satyre Lam- 
prosathès et je dénoncerai l'impudique. 



IMPATIENCE 

Je me jetai dans ses bras en pleurant, et long- 
temps elle sentit couler mes larmes chaudes sur 
son épaule, avant que ma douleur me laissât par- 
ler ; 

« Hélas I je ne suis qu'une enfant; les jeunes 
hommes ne me regardent pas. Quand aurai-je 
comme toi des seins de jeune fille qui gonllent la 
robe et tentent le baiser ? 



BUCOLIQUES ES PAMPHYI.IE. J- 

(r Nul n'a les yeux curieux si ma tuniquo glisse; 
nul ne ramasse une fleur qui tombe de mes che- 
veux; nul ne dit qu'il me tuera si ma bouclie se 
lionne îi un autre. » 

Elle m'a répondu tendrement : v Bilitis, petite 
vierge, tu cries comme une chatte à la lune et tu 
t'agites sans raison. Les filles les plus impatientes 
ne sont pas les plus tôt choisies. » 



LES COMPARAISONS 

Bergeronnette, oiseau de Kypris, chante avec 
nos premiers désirs ! Le corps nouveau des jeunes 
filles se couvre de fleurs comme la terre, La nuit 
de tous nos rêves approche et nous en parlons entre 



Parfois nous comparons ensemble nos beautés si 
différentes, nos chevelures déjà longues, nos jeunes 
seins encore petits, nos pubertés rondes comme des 
cailles et blotties sous la plume naissante. 



BUCOLIQUES EN PAMPIIYLIE. 29 



Hier je luttai de la sorte contre Melanthô mon 
aînée. Elle était fîère de sa poitrine qui venait de 
croître en un mois, et, montrant ma tunique droite, 
elle m'avait appelée Petite enfant. 

Pas un homme ne pouvait nous voir, nous nous 
mîmes nues devant les filles, et, si elle vainquit sur 
un point, je l'emportai de loin sur les autres. Ber- 
geronnette, oiseau de Kypris, chante avec nos 
-premiers désirs ! 




LA. RIVIERE DE L\ FORET 



Je me suis baignée seule dans la rivière de la 
forêt. Sans doute je faisais peur aux naïades car je 
les devinais à peine et de très loin, sous l'eau 
obscure. 

Je les ai appelées. Pour leur ressembler tout à 
fait, j'ai tressé derrière ma nuque des iris noirs 
comme mes cheveux, avec des grappes de giroflées 
jaunes. 



nUCOLIQlF.S EN PAMPIITLIE. 3l 

D'une longue herbe flottante, je me suis fait une 
ceinture verte, et pour la voir je pressais mes seins 
en penchant un peu la tète. 

Et j'appelais : n Naïades I naïades! jouez avec 
moi, soyez bonnes. « Mais les naïades sont trans- 
parentes, et peut-être, sans le savoir, j'ai caresse 
leurs bras légers. 



PHITTA MELIM 



Dés que le soleil sera moins briilanl nous irons 
jouer sur les bords du fleuve, nous lutlerons pour 
un crocos frêle et pour une jacinthe mouillée. 

Nous ferons le collier de la ronde et la guirlande 
de la course. Nous nous prendrons par la main et 
par la queue de nos tuniques. 



!|J 



LA BAGUE SYMBOLIQUE 

Les voyageurs qui reviennent de Sardes parlent 
lies colliers et des pierres qui chargent les femmes 
de Lydie, du sommet de leurs cheveux jusqu'il 
leurs pieds fardés. 

Les lilles de mon pays n'ont ni bracelets ni dia- 
dèmes, mais leur doigt porte une bague d'argent, 
et sur le chaEon est gravé le triangle de la déesse. 



Quand elles louracnt la pointe en dehors, cela 
veut dire : Psjché k prendre. Quand elles tournent 
la pointe en dedans, cela veut dire : Psyché prise. 

Les liommcs y croient, les femmes non. Pour 
moi je ne regarde guère de quel côté la pointe se 
tourne, car Psyché se délivre aisément. Psyché csl 
toujours à prendre. 



LES DANSES AL" CLAIR DE LUNE 

Sur l'herbe molle, dans la nuit, les jeunes filles 
aux cheveux de violettes ont dansé toutes ensemble, 
et l'une de deux faisait les réponses de l'amanl. 



Les vierges ont dit : « Nous ne sommes pas pour 
vous. » Et comme ai elles étaient honteuses elles 
cachaient leur vîrginilé. Un aegipan jouait de la 
flùto sous les arbres. 



i EN P\MPil\l.l 



Les autres ont dît : « Vous nous viendrez cher- 
cher. » Elles avaient serré leurs robes en tunique 
d'homme, et elles luttaient sans énergie en mêlant 
leurs jambes dansantes. 

Puis chacune se disant vaincue, a pris son amîé 
par les oreilles comme une coupe par les deux 
anses, et, la tète penchée, a bu le baiser. 



LES PETITS ENFANTS 



La liïicic est presque à sec; les joncs flétris^ 
iiicui'cnt dans la Tange; l'air brûle, et loin des 
berges creuses, un ruisseau clair coule sur les 
graviers. 

C'est là que du matin au soir les petits enfants 
nus \iennent jouer. Ils se baignent, pas plus liaut 
que leurs mollets, tant la ri\ière est basse. 



Mais ils marclient dans le courant, et glissent 
quelquefois sur les roches, et les petits garçons 
jettent de l'eau sur les petites filles qui rîonl. 

Et quand une troupe de marchands qui passe, 
mène boire au fleuve les énormes bœufs blancs, ils 
croisent leurs mains derrière eux et regardent les 

grandes hHes. 



LES CONTES 



Je suis aïniée des petits enfiints; dès qu'ils me 
voient, ils courent à moi, et s'accroclient à ma 
lunique cl prennent mes jambes dans leurs petits 
bras. 

S'ils ont cueilli des fleurs, ils me les donnent 
toutes; s'ils ont pris un scarabée, ils le mettent dans 
ma main; s'ils n'ont rien, ils me caressent et me 
l'ont asseoir devant eux. 



î 

i 



Alors ils m'embrassent sur la joue, ils posenl 
leurs tètes sur mes seins; ils me supplient avec le? 
yeux. Je sais bien ce que cela veut dire. 

Cela veut dire : h Bilîlîs cliéric. rcdîsnous, car 
nous sommes gentils, Tbistotre du liéros Perseus ou 
la mort de la petite HclK'-. <> 



r/AMIK AIAlilKK 



Nos mères clatent grosses en jucnio temps cl <.-i; 
soir elle s'est mariée, Melissa, ma plus chère amie. 
Les rnses sont encore sur la rente; les torches n'nnl 
pas fini (le bri'iler. 

Kl je reviens par le même chemin, avec maman, 
ri je songe. Ainsi, ce qu'elle est aujourd'hui, moi 
aussi j'aurais pu l'être. Suis-je tUyà si grande lille? 



Le COTlÈge, les flflles, le clianl nuptial el le char 
Henri <le l'époux, toutes ces fôtes. un autre soir, se 
dérouleront autour de mol, parmi les brandies 
d'olivier. 

domme à celle heure même Melissa, je me 
dévoilerai devant un homme, je connaîtrai l'amour 
<lans la nuit, et plus tard des petits enfants se nour- 
rironl .'i mes seins gonflés... 



"■) 



LES CONFIDENCES 



Le lendemain, je suis 
allée chez elle, el nous 
a\ons rougi dès que nous 
nous sommes vues. Elle 
m'a fait entrer dans sa 
chambre pour que nous 
fussions loulcs seules. 



J'avais beaucoup de choses à lui dire; mais en 
lu voyant j'oubliai. Je n'osais pas même me jeter 
à son cou, je regardais sa ccinluic haute. 



Je mëlonnais que rien n'eût changé sur son 
visage, qu'elle semblât encore mon amie et que 
cependant, depuis la veille, elle eût appris tant de 
clioses qui m'effarouchaient. 

Soudain je m'assis sur ses genoux, je la pris dans 
mes bras, je lui parlai à l'oreille vivement, anxieu- 
sement. Alors elle mit sa joue contre la mienne, et 
inédit tout. 



\ 



Elles avaienl Ircssô [luur eux des couronnes et 
lies guirlandes, coiip6 des palmes aux palmiers et 
lire des lotus de l'eau. Elles se tenaient par le cou 
et chanlaient l'une après l'autre. 

Je m'en allai le lony du lleuve, trislemenl, cl 
tonte seule, mais en regardant autour de moi. je 
\is que derrière les grands arbres la lune aux jeux 
lileus me reconduisait. 



<;[1ANS0N 

i< Ombre du bois où elle devait venir, dis-moi, 
où est ailée ma maîlresse? — Elle est descendue 
dans la plaine. — Plaine, oii est all^ ma mai- 
liessc? — Elle a suiii 1rs bords du (leuvc. 

— Beau fleuve qui l'as vue passer, dis-moi, est- 
cilc près d'ici? — Kile m'a quitté pour le chemin. 
— Chemin, la vois-tu encore? — Klle m'a laissé 
pour la route. 



mnOMQlES EN l>tMPIIYI,lE. i>3 

— roule blanche, route de la ville, dis-moi, 
où l'as-lu condiiile? — A la rue d'or qui entre à 
Sardes. — rue de lumière, touches-fu ses pieds 
nus? — Elle est enlrée au palais du roi. 

— palais, splendeur de la terre, rends-la-moi ! 
— Regarde, elle a des colliers sur les seins et des 
liouppes dans les cheveux, cent perles le long des 
jambes, deux bras autour de la taille, o 



Venez, nous irons dan- ii" clian)|)--, soii> les 
buissons de genévriers; nous mangerons du miel 
dans les ruches, nous ferons des pièges à saulerelles 
avec des lige? d'aspliodèie. 

\enez; nous irons voir LyLas. qui garde les 
troupeaux de son père sur les penles du Tanros 
ninlireux. Sùrenienl il nous donnera du lail. 



.rcntcnds déjà le son de sa llùle. ("est un joueur 
fpil habile. Voici les chiens et les agneaux, et lui- 
nicnic, debout contre un arbre. N'est-il pas beau 
comme Adonis! 

O Lvkas! donne nous du laîl. Voici des ligues 
de nos figuiers, \oiis allons rester avec toi. Chèvres 
barbues, jie sautez pas, de peur d'excîtcr les boucs 
inquiets. 



L'OFFRANDE A LA DÉESSE 



Ce n'est pas pour l'Arlémis qu'on adcire a Perga. 
celle guirlande tressée par mes mains, bien que 
l'Artémis soit une bonne déesse qui me gardera 
des couches difficiles. 

Ce n'est pas pour l'Athêna qu'on adore à Sidé. 
bien qu'elle soit d'ivoire et d'or et qu'elle porte 
dans la main une pomme de grenade qui tente les 



Non, c'est pour l'Aphrodite que j'adore dans ma 
poitrine car elle seule me donnera ce qui manque 
à mes lèvres, si je suspends à l'arbre sacré ma guir- 
lande de tendres roses. 

Mais je ne dirai pas tout haut ce que je la supplie 
de m' accorder. Je me hausserai sur la pointe des 
pieds et par la fente de l'écorce je lui confierai 
mon secret. 




LAMIE COMPLAISANTE 



L'orage a dure toute la nuit. Sclénis aux beaux 
ilieveux était venue filer avec moi. Elle est restée 
de peur de la boue, et serrées l'une contre l'autre 
nous avons empli mon petit lit. 



Quand les fdies couclient à deux, le sommeil 
reste à la porte. « Bililis, dis-moi, dis-moi, qui tu 
aimes. » Elle faisait glisser sa jambe sur la mienne 
pour me caresser doucement. 



BU(ÎOLIQli;s EN PAMCini.IE. Cl 

Et elle a dit, devant ma bouche : u Je sais. 
Bilitis, qui tu aimes. Ferme les yeux, je suis 
Lykas. n Je répondis en la touchant : << Ne vois- 
je pas bien que tu es fille? Tu plaisantes mal h 
propos. » 

Mais elle reprit : « En vérité, je suis Lykas, si 
lu fermes les paupières. Voilà ses bras, voilîi ses 
mains... » Et tendrement, dans le silence, elle 
enchanta ma rêverie d'une illusion singulière. 



PRIERE 
A PERSEPHON 



Purifiées par les ablutions rituelles, et velues de 
tuniques \iolctles, nous avons baissé vers la terre 
nos mains chargées de branches d'olîvier. 

Cl Perséphonô souterraine, ou quel que soit le 
nom que tu désires, si ce nom t'agrée, écoute-nous, 
ô Chevelue- de- ténèbres. Reine stérile et sans sou- 



BUCOLIQUES ES PAilPHÏLIË. 03 

t( Kokhlis, lille de Tlirasymakhos, est malade, 
et dangereusement. Ne la rappelle pas encore. Tu 
sais qu'elle ne peut t'écliapper : un jour, plus tard, 
tu la prendras. 

u Mais ne l'entraîne pas si vite, ô Dominatrice 
invisible I Car elle pleure sa virginité, elle le supplie 
par nos prières, et nous donnerons pour la sauver 
trois brebis noires non tondues. » 



LA PARTIE D"OSSELETS 



Comme nous l'aimions toutes les deux, nous 
l'avons joué aux osselets. Et ce fut une partie cé- 
lèbre. Beaucoup de jeunes filles y assistaient. 

Elle amena d'abord le coup des Kyklôpes, et moi, 
le coup de Sôlon. Mais elle le Kallibolos, et moi. 
me sentant perdue, je priais la déesse ! 



BL'COLIQLES ES PAMPIIÏLIE. 65 

Je jouai, j'eus l'Epiphénôn, elle le terrible coup 
de Khios, moi l'Anltteukhos, elle le Trlkhias, et moi 
le coup d'Aphrodite qui gagna l'amant disputé. 

Mais la voyant pâlir, je la pris par le cou et je 
lui dis tout près de l'oreille {pour qu'elle seule 
m'entendît) : v Ne pleure pas. petite amie, nous le 
laisserons choisir entre nous. » 



LA QUENOUILLE 



Pour tout le jour ma 
mère m'a enfermée au 
gynécée, avec mes sœurs 
que je n'aime pas et qui 
parlent entre elles à voix 
basse. Moi, dans un petit 
coin, je file ma quenouille. 



Quenouille, puisque je suis seule avec toi, c'est 
à toi que je vais parler. Avec ta perruque de laine 
blanche tu es comme une vieille femme. Écoute- 



BICOLIQLES EN l>A«PHil,lE. 67 

Si je le pouvais, je ne serais pas ici, assise dans 
l'ombre du mur et filant avec ennui : je serais 
couchée dans les violettes sur les pentes du Tauros. 

Comme il est plus pauvre que moi, ma mère ne 
veut pas qu'il m'épouse. Et pourtant, je te le dis : 
ou je ne verrai pas le jour des noces, ou ce sera lui 
qui me fera passer le seuil. 



Pour le jour des Hyacinlhies, il m'a donné une 
syrinx faîte de roseaux bien taillés, unis avec la 
blanche cîre qui est douce à mes lèvres comme du 
miel. 

Il m'apprend ù jouer, assise sur ses genoux; 
mais je suis un peu tremblante. Il en joue après 
moi; si doucement que je t'entends à peine. 



BUCOLIQUES EN PAMPIIYLIE. 69 



Nous n'avons rien à nous dire, tant nous sommes 
près l'un de l'autre ; mais nos chansons veulent se 
répondre, et tour à tour nos bouches s'unissent sur 
la flûte. 

Il est tard, voici le chant des grenouilles vertes 
qui commence avec la nuit. Ma mère ne croira 
jamais que je suis restée si longtemps à chercher 
ma ceinture perdue. 




LA CHEVELURE 



11 m'a dit : <i Celte auit, j'ai rêvé. J'avais ta che- 
velure autour de mon cou. J'avais tes cheveux 
comme un collier noir autour de ma nuque et sur 
ma poitrine. 



« Je les caressais; et c'étaient les miens ; et nous 
étions liés pour toujours ainsi, par la même 
chevelure la bouche sur la bouche, ainsi que deux 
lauriers n'ont souvent qu'une racine. 



BUCOLIQUES EN PAMPHÏLIE. 71 



1* 



(( Et peu à peu, il m'a semblé, tant nos mem- 
bres étaient confondus, que je devenais toi-même 
ou que tu entrais en moi comme mon songe. » 

Quand il eut achevé, il mit doucement ses mains 
sur mes épaules, et il me regarda d'un regard si 
tendre, que je baissai les yeux avec un frisson. 



4F'^^K)^ 



Lykas m'a vue arriver, 
seulement vêtue d'une exô- 
mis succincte, car les jour- 
nées sont accablantes; il a 
voulu mouler mon sein qui 
(■nsiB DE iiEr.SE.) Fcstait à découvcrt. 

H a pris de l'argile fine, pétrie dans de l'eau 
fraîche et légère. Quand -il l'a serrée sur ma peau, 
j'ai pensé défaillir tant cette terre élaît froide. 



f- 



't 



BUCOLIQUES EN PAMPIIYLIE. 78 

De mon sein moulé, il a fait \ine coupe arrondie 
et ombiliquée. Il Ta mise sécher au soleil et l'a 
peinte de pourpre et d'ocre en pressant des fleurs 
tout autour. 

Puis nous sommes allés jusqu'à la fontaine qui 
est consacrée aux nymphes, et nous avons jeté la 
coupe dans le courant, avec des tiges de giroflées. 




(musée de derun.) 



ROSES DANS LA NLIT 



Dès que la nuit monte au ciel, le monde est à 
nous, et aux dieux. Nous allons des champs à la 
source, des bois obscurs aux clairières, où nous 
mènent nos pieds nus. 

Les petites étoiles brillent assez pour les petites 
ombres que nous sommes. Quelquefois, sous les 
branches basses, nous trouvons des biches 
endormies. 



Mais plus charmant la nuit que toute autre chose, 
-il est un lieu connu de nous seuls et qui nous 
attire à travers la forât: un buisson de roses 
mystérieuses. 

Car rien n'est divin sur la terre à l'égal du par- 
fum des roses dans la nuit; Comment se fait-il 
qu'au temps où j'étais seule je ne m'en sentais pas 
enivrée? 



LES REMORDS 



D'abord je n'ai pas 
repondu, et j'avais la 
honte sur les joues, et 
les battements de mon 
cœur faisaient mal à 
(iimic DE HiPLEs.) mes seins. 

Puis i'ai résisté, j'ai dit : « Non. Non. » J'ai 
tourné la tête en arrière et le baiser n'a pas franchi 
mes lèvres, ni l'amour mes genoux serrés. 



Alors il m'a demande pardon, il m'a embrassé 
les cheveux, j'ai senti son haleine brûlante, et il 
est parti... Maintenant je suis seule. 

Je regarde la place vide, le bois désert, la terre 
foulée. Et je mords mes poings jusqu'au sang et 
j'étouffe mes cris dans l'herbe. 



LE SOMMEIL INTERROMPU 



Toute seule je m'étais endormie, comme une 
perdrix dans la bruyère.. Le vent léger, le bruit 
des eaux, la douceur de la nuit m'avaientretenuelà. 

Je me suis endormie, imprudente, et je me suis 
réveillée en criant, et j'ai lutté, et j'ai pleuré; mais 
déjà il était trop lard. Et que peuvent les mains 
d'une enfant? 



11 ne me cjuilla pas. Au contraire, plus lendrc- 
menl dans ses bras, il me serra contre lui et je ne 
vis plus au inonde ni la terre ni les arbre^ mais 
seulement la lueur tie ses yeux... 

A loi, kypris victorieuse, je consacre ces 
ofirandes encore mouillées de i-osée, vestiges des 
douleurs de la vierge, témoins de mon sommeil et 
de ma résistance. 



ALX LAVEUSES 



Laveuses, ne dîtes pas que vous m'avez vue! Je 
me confie à vous; ne le répétez pas! Entre ma 
tunique et mes seins je vous apporte quelque chose . 

Je suis comme une petite poule effrayée... Je 
ne sais pas si j'oserai vous dire... Mon cœur bal 
comme si je mourais... C'est un voile que je vous 
apporte. 



HVCOLIQLES ES PAMPllïLIE. 83 

Un voiie et les rubans de mes jambes. Vous 
vojez : il y a du sang. Par l'Apollon c'est malgré 
moi ! Je me suis bien défendue; mais l'bomme qui 
aime est plus fort que nous. 

Lavez-les bien ; n'épargnez pas ni le sel ni la 
craie. Je mettrai quatre oboles pour vous aux pieds 
de l'Aphrodite; et m^me une drachme d'argent. 



Quand îl est revenu, je me suis caclié la figure 
avec les deux mains. Il m'a dil : u Ne crains rien. 
Qui a vu notre baiser ? — Qui nous a vus ? la nuit 
et la lune. 

« Et les étoiles et la première aube. La lune 
s'est mirée au lac et l'a dit h Tenu sous les saules. 
L'oau du lac l'a dit b, la rame. 



BICOLIQLES EN PAMPHYLIE. 83 

« Et la rame l'a dit à la barque et la barque l'a 
dît au pêcheur. Hélas, hélas! si c'était tout! Mais 
le pécheur l'a dit à une femme. 

(I Le pêcheur l'a dit à une femme : mon père et 
ma mère et mes sœurs, et toute la Hellas le saura. « 



L'ne femme s'enveloppe de laine blanche. Une 
autre se vêt de soie et d'or. Une autre se couvre 
de fleurs, de feuilles vertes et de raisins. 

Moi je ne saurais vivre que nue. Mon amant, 
prends-moi comme je suis : sans robe ni bijoux ni 
sandales, voici Bililis toute seule. 



BL'COLIQIES ES l'AïlI'im.lE. S- 

Mes cheveux sont noirs de leur noir et mes 
lèvres rouges de leur rouge. Mes boucles flotteni 
autour de moi libres et rondes comme des plumes. 

Prends-moi telle que ma mère m'a faite dans 
une nuit d'amour lointaine, et si je le plais ainsi, 
n'oublie pas de me le dire. 



(illSÉE DU tAIld.»,) 



LA PETITE MAISON 

La petite maison où est son lit est la plus belle 
de la terre. Elle est faite avecdes branches d'arbre, 
quatre murs de terre sèche et une chevelure de 
chaume. 

Je l'aime, car nous y couchons depuis que les 
nuits sont fraîches ; et plus les nuits sont fraîches, 
plus elles sont longues aussi. Au jour levant je me 
sens enfm lassée. 



BIGOLIQUES EN PAMI'IIVUE. 8q 

Le matelas est sur le sol; deux couvertures de 
laine noire enferment nos corps qui se réchaufTent. 
Sa poitrine refoule mes seins. Mon cœur bat... 

11 m'étreint si fort qu'il me brisera, pauvre petite 
fille que suis; mais dès qu'il est en moi je ne sais 
plus rien du monde, et on me couperait les quatre 
membres sans me réveiller de ma joie. 



LA LETTRE PERDUE 



llclas sur mol ! j'ai perdu sa lettre. Je l'avais 
mise entre ma peau et mon strophion, sous la cha- 
lour de mon sein. J'ai couru, elle sera tombée. 

Je vais retourner sur mes pas : si quelqu'un la 
trouvait, on le dirait à ma mère et je serais fouet- 
tée devant mes sœurs moqueuses. 



III COLIQUES ES I>IUI>>I11.1E. 91 

Si c'est un homme qui l'a tromée il me la ren- 
dra ; ou môme, s'il veut me parler en secret je sais 
le moyen de la lui ravir. 

Si c'est une femme qui l'a lue, ù Dzcus Gardien, 
protège-moi ! car elle le dira à tout le monde, ou 
elle me prendra mon amant. 



— Le bruit des chutes d'eau remplit mes oreilles, 
— Tu n'entendrais pas la voïv de ton amant, même 
s'il était à vingt pas. 



i 



BUCOLIQIES EN PAMPUYLIE. 98 



-^ L'odeur des fleurs est si forJte que je défaille 
et vais tomber. — Tu ne le sentirais pas s'il croi- 
sait ton passage. 

— Ah! il est bien loin d'ici, de l'autre côté de 
la montagne; mais je le vois et je l'entends et je le 
sens comme s'il me touchait. )> 




(musée d'atqè^ses.) 



LE SERMEM 

Il Lorsque l'eau des fleuves remontera jusqu'aux 
soniincts couverts de neiges; lorsqu'on sèmera 
l'orge et le blé dans les sillons mouvants de la mer; 

" Lorstjue les pins naîtront des lacs et les nénu- 
fars des rochers, lorsque le soleil deviendra noir, 
lorsque la lune tombera sur l'herbe; 



s " 



^ 
/ 



(I Alors, mais alors seulemenl, je prendrai une 
autre femme, et je t'oublierai, Bililis. âme de ma 
vie, cœur de mon cœur. » 

Il me l'a dil, il me l'a dit ! Que m'imi»rle le reste 
du monde, où es-tu. bonlieur insensi; qui le com- 
pares à mon bonheur! 



C'csl moi maintenant qui le recherche. Chaque 
nuit, très doucement, je quitte la maison, et je vais 
par une longue roule, jusqu'à sa prairie, le regar- 
der dormir. 

Quelquefois je reste longtemps sans parler, heu- 
reuse de le \olr seulement, et j'approche mes lèvres 

des siennes, pour ne baiser que son haleine. 



BUCOLIQUES E>" P.VMl'HYUE. Ç,!, 

Puis tout à coup je m'étends sur lui. Il se ré- 
veille dans mes bras, et il ne peut plus se relever 
car je lutte. Il renonce, et rit, et m'étreint. Ainsi 
nous jouons dans la nuit. 

... Première aube, ô clarté méchante, loi déjà! 
En quel antre toujours nocturne, sur quelle prairie 
souterraine pourrons-nous si longtemps aimer, 
que nous perdions ton souvenir... 



Dors : j'ai demandé à Saides tes jouets, et tes 
vêtements à Babylone. Dors, tu es fille de Bilitis et 
d'un roi du soleil levant. 

Les bois, ce sont les palais qu'on b^tit pour toi 
seule et que je t'ai donnés. Les troncs des pins, ce 
sont les colonnes ; les hautes branches, ce sont les 
voûtes. 



BUCOLIQLKS EN l'AMPHÏI.UC. KH 

Dors. Pour qu'il ne t'éveille pas je vendrais 
le soleil à ta mer. Le vent des ailes de la colomln- 
est moins léger que ton haleine. 

Fille de moi, chair de ma chair, tu diras quand 
tu ouvriras les yeux, si lu veux la plaine ou la ville, 
ou la montagne ou la lune, ou le cortège blanc des 
- dieux. 



LK TOMBEAU DES NAÏADES 



Le long du bois couvert de givre, je marchais; 
mes cheveux devant ma bouche se fleurissaient de 
petits glaçons, et mes sandales étaient lourdes de 
neige fangeuse et tassée. 

Il me dit ; u Que cherches-tu? — Je suis la 
trace du satyre. Ses petits pas fourchus alternent 
comme des trous dans un manteau blanc. Il me 
dit : « Les satyres sont morts. 



n Les satjTCS et les nymphes aussi. Depuis 
trente ans il n'a pas fait un hiver aussi terrible. 
La trace que tu vois est celle d'un bouc. Mais res- 
tons ici, où est leur tombeau. » 

Et avec le fer de sa houe il cassa ia glace de la 
source où jadis riaient les naïades. 11 prenait de 
grands morceaux froids, et les soulevant vers le ciel 
pâle, il regardait au travers. 



AU VAISSEAU 



Beau na^îl■e qui m'as menée ici, le long des 
côte de l'Ionie, je tabandonne aux llols brillants, 
et d'iin pied léger je saule sur la grève. 

Tu vas retourner au pays oh la vierge est l'amie 
des nymphes. N'oublie pas de remercier les conseil- 
lères invisibles, et porte-leur en offrande ce rameau 
cueilli par mes mains. 



Tu fus pin, et sur les montagnes, le vaste 
Nùtos enJlammc agitait tes branches épineuses, tes 
écureuils et tes oiseaux. 

Que le Borcus maintenant le guide, et te pousse 
mollement vers le port, nef noire escortée des dau- 
phins au gré de la mer bienveillante. 



Je me frotte les yeus... Il fait déjà jour, je croîs. 
Ali! qui est aupiés de moi?... une femme?... Par 
la Papliia, j'avais oublié... Cliarites! que je snia 
honteuse . 

Dans quel pays suis-je venue, et quelle est celle 
île-ri où l'on entend ainsi l'amour? Si je n'étais 
pas toute lassée, je croirais ù quelque rêve... Rsl-il 
possible que ce soit là l'sappha ! 



Klle dort... Elle est ccrlainemenl belle, bien que 
SCS cheveux soient coupés comme ceuxd'un alhlcle. 
Mais cet étrange visage, celte poitrine virile, et ces 
lianches étroites... 

Je veux m'en aller avant qu'elle ne s'éveille. 
Hélas! je suis du côté du mur. Il me faudra l'en- 
jamber. J'ai peur de frôler sa hanche cl qu'elle ne 
me reprenne au passage. 



LA DANSE DE GLOTTIS ET DE KYSÉ 

Deux petites filles m'ont emmenée chez elles, et 
dès que la porte fut fermée, elles allumèrent au feu 
la mèche de la lampe et voulurent danser pour moi. 

Leurs joues n'étaient pas fardées, aussi brunes 
que leurs petits ventres. Elles se tiraient par les bras 
et parlaient en même temps, dans une agonie de 
gaieté. 



Assises sur un matelas que porlaicnt deux tré- 
teaux élevés, Glôttis chantait à voix aiguë et frap- 
pait en mesure ses petites maius sonores. 



Kysé dansait par saccades, puis s'arrêtait essouf- 
flée par le rire, et, prenant sa sœur par les seins, la 
mordait à lépaule et la rf!n\ersait, comme une 
chèvre qui veut jouer. 



LES CONSEILS 



Alors Sylliklinias esl 
entrée, el nous voyant si 
familières, elle s'est assise 
sur le banc. Elle a pris 
Giôllis sur son genou, 
Kvsû sur l'autre et elle a 

" Viens ici, petile, « Mais je restais loin. Elle 
re|»ril : « As-tu peur de nous ? Approclie-toî : ces 
enlimts t'aiment. Elles l'apprendront ce que lu 
ignores : le mîei des caresses de la femme. 



h Les femmes sont toutes belle*, n 



H L'homme est vlulent et paresseux. Tu le con- 
nais, sans doute. Haîs-lc. 11 a la poitrine plate, la 
peau rude, les cheveux las, les bras velus. Mais les 
femmes sont toutes belles. 

Il Les femmes seules savent aimer; reste avec 
nous, Bilitis, reste. Et si tu as une âme ardente, 
tu verras ta beauté comme dans im miroir sur le 

corps de les amoureuses. » 



De Glôttis ou de Kysé je ne sais qui j'épouserai. 
Comme elles ne se ressemblent pas, l'une ne me 
consolerait pas de l'autre et j'ai peur de mal choisir. 

Chacune d'elles a l'une de mes mains, l'une de 
mes mamelles aussi. Mais à qui donnerai-je ma 
bouche? à qui donnerai-je mon cœur et tout ce 
qu'on ne peut partager ? 



ÉLÉGIES A MITILÈNE. II7 

11 est honteux de rester ainsi toutes les trois dans 
la même maison. On en parle dans Mytilène. Hier, 
devant le temple d'Ares, une femme qui passait 
ne m'a pas dit : « Salut ! » 

C'est Glôttis que je préfère; mais je ne puis 
répudier Kysé. Que deviendrait-elle toute seule? 
Les laisserai-je ensemble comme elles étaient et 
prendrai-je une autre amie? 



LA RENCOM'BE 



Je l'ai Irouvôc comme un trésor, dans un t^amp, 
sous un buisson de myrte, enveloppée de la gorge 
aux pieds dans un péplos jaune brodé de bleu. 

■I Je n'ai pas d'amie, m'a-l-clle dit; car la ville 
la plus procbe est à quarante stades d'ici. Je vis 
seule avec ma mère qui est veuve et toujours triste. 
Si tu veux, je te suivrai. 



Il Je te suivrai jusqu'à la maison, fât-ctle de 
l'autre côté de l'île, et je v ivraî chez toi jusqu'à ce 
que tu me renvoies, 'l'a main est tendre, tes yeui 
sont bleus. 

H Parlons. Je n'emporte rîcn avec moi, que la 
petite Astarté nue qui est pendue à mon collier. Nous 
la mettrons près de la lîenne, et nous leur donne- 
rons des roses en rt'compensc de chaque nuit, n 



LA PETITE ASTARTE 
DE TEBRE CUITE 



La pelile Aslarté gar- 
dienne qui protège Mnasi- 
dika fut modelée à Camiros 
par un potier fort habile. 
Elle est graado comme le 
pouce, et de terre fine et 
(«si.: Bi; uii^vH.) jaunp. 

Ses cheveux retombent et sairondissenl sur ses 
épaules étroites. Ses yeux sont longuement fendus 
et sa bouche est toute petite. Car elle est la Très- 
Belle. 



ELEGIES A MYT1LE>E. 



lai 



De la main droite, elle désigne son delta, qui 
est criblé de petits trous sur le bas-ventre et le 
long des aines. Car elle est la Très-Amoureuse. 

Du bras gauche elle soutient ses mamelles 
pesantes et rondes. Entre ses hanches élargies se 
gonfle un ventre fécondé. Car elle est la Mère-de- 
toutes-choses. 




Elle ciilra, et passioiinéiiient, les yeux fermés à 
demi, elle unit ses lèvres aux miennes et nos langues 
se connurent... Jamais il n'y eut dans ma vie un 
baiser comme celui-là. 

Elle était debout contre moi, loule en amour et 
consentante. Un de mes genoux, peu à peu, mon- 
tait entre ses cuisses cliaudes qui cédaient comme 
pour un amant. 



Ma main rani[>anlc sur sa Uiniquo chcrclinil à 
deviner le corps dérobé, qui lour » tour onduleux 
se pliait, ou cambré se raidissait avec des frémisse 
ments de la peau. 

De ses jeux en délire elle désignait le Ut; mais 
nous n'avions pas le droit d'aimer avant la c 
nie des noces, et nous nous sépavâmes 1 
ment. 



Le matin, on fit le 
repas de noces, dans 
la maison d'Acalanthis 
qu'elle avait adoptée pour 
mère. Mnasidtka portail 
le voile blanc et moi la 
<coLLEcrio» c. itçutis.) tunique virile. 

El ensuite, au milieu de vingt femmes, elle a 
mis ses robes de fête. Parfumée de bakkaris, pou- 
drée de poudre d'or, sa peau frileuse et mouvante 
attirait des mains furtives. 



Dans sa cliambre pleine de feuiliages elle m'a 
attendue comme un époux. Et je l'ai emmenée sur 
un cliar entre moi et la nymphagoguc. Un de ses 
petits seins brûlait dans ma main. 

On a chanté le 
chant nuptial ; les 
flûtes ont chante 
aussi. J'ai emporté 
Mnasidika sous 
les épaules et sous 
les genoux , et 

le seuil couvert de 



l.E PASSÉ QUI SURVIT 



Je laisserai le lil comme elle l'a laisse, défait et 
l'ompn. les draps mêlés, afln que la forme de son 
rorps reste empreinte à côté du mien. 

.lusqii'à demain je n'irai pas au bain, je ne por- 
terai pas de vêtements et je ne peignerai pas mes 
cheveux, de peur d'effacer les c 



ELEGIES A MYTILENE. 



13' 



Ce matin, je ne mangerai pas, ni ce soir, et sur 
mes lèvres je ne mettrai ni rouge ni poudre, afin 
que son baiser demeure. 

Je laisserai les volets clos et je n'ouvrirai pas la 
porte, de peur que le souvenir resté ne s'en aille 
avec le vent. 




(musée de beelin.) 



LA METAMORPHOSE 

Je fus jadis amoureuse de la beauté des jeunes 
hommes, et le souvenir de leurs paroles, jadis, me 
tint éveillée. 



de la beauté de; i( 



Je -me souvîeQS d'avoir gravé un nom dans 
l'ècorce d'un platane. Je me souviens d'avoir laissé 
un morceau de ma tunique dans un chemin où 
passait quelqu'un. 

Je me souviens d'avoir aimé... Pannychis, 
mon enfant, en quelles mains t'ai-je laissée? com- 
ment, ô malheureuse, t'ai-je abandonnée? 

Aujourd'hui Mnasidika seule, et pour toujours, 
me possède. Qu'elle reçoive en sacrifice le bonheur 
de ceux que j'ai quittés pour elle. 



LE TOMBEAU SANS NOM 

Mnasidika m'ayanl prise par la main me mena 
liors des portes de la ville, jusqu'à un petit champ 
inculte où il y avait une stèle de marbre. Et elle 
me dit : V Celle-ci fui l'amie de ma mère. " 



Alors je sentis un grand frisson, et sans cesser 
de lui tenir ta main, je me penchai sur son épaule, 
afin de lire les quatre vers entre la coupe creuse et 
le serpent : 

« Ce n'est pas la mort qui m'a enlevée, mais les 
Nymphes des fontaines. Je repose ici sous une terre 
légère avec la chevelure coupée de Xanlho. Qu'elle 
seule me pleure. Je ne dis pas mon nom. » 

Longtemps nous sommes restée» debout, et nous 
n'avons pas versé la libation. Car comment appeler 
une âme inconnue d'entre les foules de i'Hadèsî' 



LES TROIS BEALTÉS DE MNASIDIKA 

Pour que Mnasidika soit protégée des dieux, j'ai 
sacriric à l'Aphrodila-qui- ai me- les- sourires, deux 
lièvres màJes et deux colombes. 

Et j'ai sacrifié à l'Arès deux coqs armés pour la 
lutte, et à la sinistre Ilékata deux chiens qui hur- 
laient sous le couteau. 



El ce n'est pas sans raison que j'ai imploré ces 
trois immortels, car Mnasidika porte sur son visage 
le reflet de leur triple divinité : 

Ses lèvres sont rouges comme le cuivre, ses che- 
veux bleuâtres comme le fer, el ses yeux noirs, 
l'argent. 



LANTRE 
DES NYMPHES 



'l'es pieds sont plus déli- 
cats que ceux de Thétis 
argentine. Entre tes bras 
croisés tu réunis tes seins, 
et tu [es berces mollement 
comme deux beaux corps 
de colombes. 



Sous les cheveux tu dissimules tes yeux mouil- 
lés, la bouche tremblante et les fleurs roug;es de les 
oreilles; mais rien n'arrêtera mon regard ni le 
soiiflle chaud du baiser. 



Car, dans le seci-et de ton^coips, c'est toi, Mna- 
sidîka aimée, qui recèles l'antre des nymphes dont 
parle le vieil Homèros, le Ueii où les naïades tissent 
di^s linges de pourpre. 

Le lieu où coulent, goutte à goutte, des sources 
intarissables, et d'où la porte du Nord laisse des- 
cendre les hommes, et on la porte du Sud laisse 
entrer les Immortels. 



LES SEINS DE MNASIDIKA 

Avec soin, elle ouvrit d'une main sa tunique et 
me tendit ses seins tièdes et doux, ainsi qu'on 
offre à la déesse une paire de tourterelles vivantes. 

(( Aime-les bien, me dil-elle; je les aime tant! 
Ce sont des chéris, des petits enfants. Je m'occupe 
d'eux quand je suis seule. Je joue avec eux; je 
leur fais plaisir. 



tLtGir:S A MVTII.ENE. |3<| 

« Je les douche avec du lait. Je les poudre avec 
des fleurs. Mes cheveux fins qui les essuient sont 
cliers à leurs petits bouts. Je les caresse en frisson- 
nant. Je les couche dans de la laine. 

<( Puisque je n'aurai jamais d'enfanls, sois leur 
nourrisson, mon amour, et, puisqu'ils sont si loin 
de ma bouche, donne-leur des baisers de ma part. » 



t.A 1>0UPEE 



■le lui ai donné une poupée, une poupée de cire 
aux joues roses. Ses bras sont atUichés par de pe- 
tites chevilles, et SCS jambes elles-mêmes se plient. 

Quand nous sommes ensemble, clic la couche 
entre nous, cl c'est notre cnTant. Le soir elle la bci-ce 
et lui donne le sein avant de l'endormir. 



r » 



DLKGiES \ mytilkm;. i4i 



Elle lui a lissé trois petites tuniques, et nous lui 
donnons des bijoux le jour des Aphrodisies, des 
bijoux et des fleurs aussi. 

Elle a soin de sa vertu et ne la laisse pas sortir 
sans elle: pas au soleil surtout, car la petite poupée 
fondrait en gouttes de cire. 



^p^^^V-^ 



Tes lèvres descendent de mes lèvres. Tous les 
cheveux défaits les suivent, comme la caresse suit 
le baiser, lis glissent sur mon sein gauche; ils me 
cachent tes yeux. 

Donne-moi ta main, elle est chaude! Serre la 
mienne, ne la quitte pas. Les mains mieux que les 
bouches s'unissent, et leur passion ne s'égale a rien . 



Plus que SOS balles on sa pcmpi-o, je suis pour 
elle un jouet. Oe toutes les parlios de mon corps 
elle s'amuse comme une enfant, pendant de longues 
heures, sans parler. 



Fille défail ma chevelure et la reforme selon son 
caprice, tantôt nouée sous le menton comme uno 
étoffe épaisse, ou tordue en chignon ou tresséo 
jusqu'au bout. 

Elle regarde avec élonnement la couleur do mes 
cils, le pli de mon coude. Parfois elle me faitmeltiv 
\ genoux et poser les mains sur les draps : 

\lors (et c'est un de ses jeux) elle glisse sa petite 
lêle par -dessous et imite le chevreau tremlilanl qui 
s'allaite au venli-c de sa mère. 



PENOMBRE 

Sous le drap de laine transparent nous nous 
sommes glissées, elle et moi. Même nos têtes étalent 
blotties, et la lampe éclairait i "étoffe au-dessus de 



Ainsi je voyais son corps chéri dans une mysté- 
rieuse lumière. Nous étions plus près l'une de 
l'autre, plus libres, plus intimes, plus nues, ii Dans 
la même chemise n, disait-elle. 



ÉLÉGIES A «ÏTILÈ;:«IÎ. l'ig 

Nous étions icslées coiffées pour ôu-e encore plus 
découvertes, et dans l'air étroit du lit, deux odeurs 
de femmes montaient, des deux cassolettes natu- 



Rien au monde, pas même la lampe, ne nous a 
vues celte nuit-là. Laquelle de nous fut aimée, elle 
seule et moi le pourrions dire. Mais les hommes 
n'en sauront lien. 



I,\ DOUMEUSK 



nie dorl dans ses clip\eux défaits, les mains 
inMées derrière la nuque. Rève-t-eile? Sa bouclie 
osl ouverte: elle respire doiicemenl. 

Avec un peu de cygne blanc, j'essuie, mais sans 
l'éveiller, la sueur de ses bras, la fièvre de ses joues. 
Ses paupières fermées sont deux fleurs bleues. 



Tout douccincnl je \ais me le\er; j'Irai puiser 
Feau, liairc la vache et demander du feu aux voi- 
sins. Je veux èlre frisrt cl sf-Uic quanil elle ouvrira 
les yeiiv. 

Soninicil, demeure encore longtemps entre ses 
beaux dis recourbés et continue la nuit heureuse 

[>ar un songe de bon augure. 



LE BAISl-K 



Je baiserai d'un bout à l'autre les longues ailes 
noires de la nuque, 6 doux oiseau, colombe prise, 
dont le cœur bondit sous ma main ! 

Je prendrai ta bouche dans ma bouche comme 
un enfant prend le sein de sa mère. Frissonne!... 
car le baiser pénètre profondément et suffirait à 



Ki.CGiKS i «\rii.j;sE. i53 

Je promènerai ma langue légère sur tes bras. 
autour de ton cou, et je ferai tourner sur les côtes 
chatouilleuses la caresse étirante des ongles. 

Écoute bruire en ton oreille toute la rumeur de 
la mer... Mnasidika! ton regard me fait mal. J'en- 
fermerai dans mon baiser les paupières lirùlantes 
comme des lèvres. 



LES SOINS ,IALOU\ 



Il ne faut pa^ i|iie la le coillbs, de peur que !e 
1er trop chaud ne hnlle la nuque ou tes cheveux. 
Tu les laisseras sur les épaules et répandus le lonj^ 
de les bras. 

Il ne faut pas que lu l'habilles, de peur qu'une 
ceinture ne rougisse les pHs effilés de la hanche. 
Tu resteras nue comme une petite fille. 



Mcnie il ne l'ant pas que tu le lèves, de peur que 
les pieds fragiles ne s'endolorissent en marclianl. 
Tu reposeras au lit, ô victime d'Kiôs, et je panse- 
rai la pauvre plaie. 

Car je ne veux voir sur Ion corps d'autres marques. 
Mnasidika, que la tache d'un baiser trop long, 
l'cgralignure d'un ongle aîgu, ou la barre pourprée 
de mon élreinle. 



L'ÉTREINTE ÉPERDUE 



Aime-moi, non pas avec des sourires, des flûtes 
ou des fleurs tressées, mais avec Ion cœur et les 
larmes, comme je t'aime avec ma poitrine et mes 
gémissements. 

Quand tes seins s'alternent à mes seins, quand je 
sens ta vie toucher ma vie, quand tes j^noux se 
dressent derrière moi, alors ma bouche haletante 
ne sait môme plus joindre la tienne. 



15" 



Étreins-moi comme je t etrelns ! Vois, la lampe 
vient de mourir, nous roulons dans la nuit; mais 
je presse ton corps mouvant el j'entends ta plainte 
perpétuelle. . . 

Gémis ! gémis ! gémis ! ô femme ! Ei^ôs nous 
traîne dans la douleur. Tu soulîrirais moins sur ce 
Ih pour mettre un enfant au monde que pour 
accoucher de ton amour. 



Haletante, je lui pris la main et je l'appliquai 
l'orlemenl sous la peau moilc de mon sein gaucho. , 

El je (oumais la tête ici et là et je remuais les lèvres 
sans parier. 

Mon cœur affolé, brusque et dur, battait et bat- 
tait ma poitrine, comme un satyre emprisonné | 
iieurtcrait, ployé dans une outre. Elle me dit : « Ton 
ciBur te fait mal... )> 



Il Mnasidika, rqK>ndls-je, le cœur des femmes 
n'est pas là. Ccliii-ci est un pauvre oiseau, une 
colombe qui remue ses ailes l'aibles. Le coeur des 
femmes est plus lenibie. 

Il Semblable à une pclite baie de nijrte, il brûle 
dans la flamme rouge et sous une écume abondante. 
C'est là que je me sens mordue par la vorace 
Aphi-odilè. ■> 



PAROLES DANS LA NUIT 



Nous reposons, les yeux fermés; le silence est 
grand autour de notre couche. Nuits înefTables de 
l'été! Mais elle, qui me croit endormie, pose sa 
main chaude sur mon bras. 

Elle murmure : u Bililis. tu dors? » Le cœur 
me bat, mais, sans répondre, je respire régulière- 
ment comme une femme couchée dans les rêves. 
Alors elle commence à parler : 



ELEGIES A HÏTli.E^e. l63 

(( Puisque tu ne m'entends pas, dit-elle, ah! que 
je t'aime! m Et elle répète mon nom : « Bilitis... 
Bilitis... )) El elle m'effleure du bout de ses doigts 
tremblants : 

Il Elle est à moi. cetle bouche! à mot seule! 
Y en a-l-îl une plus belle au monde ? Ah ! mon 
bonheur, mon bonheur ! C'est h moi ces bras nus, 
cette nuque et ces cheveux... » 



LAB8ENCE 



Elle est sorlic, elle est loin, mais je la vois, car 
tout est plein d'elle dans cette chambre, loiit lui 
appartient, et moi comme le reste. 

Ce lit encore tiède, où je laisse errer ma bouche, 
est IbuJé à la mesure de son corps. Dans ce cous- 
sin tendre a dormi sa petite tête enveloppée de 
cheveux. 



KLÉCilKS V MYTILÎ:>K. 



iG.") 



Ce bassin est celui oii elle s'est lavée ; ce peigne 
a pénétré les nœuds de sa chevelure emmêlée. Ces 
pantoufles prirent ses pieds nus. Ces poches do 



gaze contmrent ses sems. 



Mais ce que je n'ose toucher du doigt, c*est co 
miroir où elle a vu ses meurtrissures toutes chaudes, 
et où subsiste peut-être encore le reflet de ses lèvres 
mouillées. 




ÉLÉGIES A MÏTILÉNE. 169 

Si je la touche, je deviens folle, mes bras se 
raidissent, mes geaouï défaillent. Je tombe devant 
elle, et je me couche comme une femme ijui va 
mourir. 

De tout ce qu'elle me dit je me sens blessée. 
Son amour est une torture et les passants entendent 
mes plaintes... Hélas! Comment puis-je l'appeler 
Bien -Aimée*' 



LA PURIFICATION 

Te voilà ! défais tes bandelettes, et tes agrafes et 
la tunique. Ote jusqu'à tes sandales, jusqu'aux 
l'ubans de tes jambes, jusqu'à la bande de ta poi- 
trine. 

Lave le noir de tes sourcils, et le rouge de tes 
lèvres. Efface le blanc de les épaules et défrise tes 
cheveux dans l'eau. 



f:i,KGlES A. MÏTILÈ>E. 171 

Car je veux l'avoir tonte pure, telle que tu naqub 
sur le lit, aux pieds de ta mère féconde et devant 
Ion père glorieux. 

Si chaste que ma main dans ta main te fera 
rougir jusqu'à la bouche, et qu'un mot de moi sous 
ton oreille alTolera tes yeux tournoyants. 



(cA«»Cr BE. «ÉP.,LLES, PARI,.) 

LA BERCEUSE DE MNASIDIKA 

Ma petite enfant, si peu d'années que j'aie de 
plus que toi-même, je t'aime, non pas comme une 
amante, mais comme si lu étais sortie de mes 
entrailles laborieuses. 

Lorsqu 'étendue sur mes genoux, tes deux bras 
frêles autour de moi, tu cherches mon sein, la 
bouche tendue, et me telles avec lenteur entre tes 
lèvres palpitantes. 



ÉLÉGIES A UYTILÈ^E, 



Alors je rêve qu'autrerois, j'ai allaité réetlement 
cette bouche douillette, souple et baignée, ce vase 
myrrhin couleur de pourpre où le bonheur, de 
BUitis est mysl^rieusement enfermé. 

Dors. Je te bercerai d'une main sur mon genou 
qui se lève et s'abaisse. Dors ainsi. Je cbanterai 
pour toi les petites chansons lamentables qui endor- 
ment les nouveau-nés... 



PROMENADE AU BORD DE LA MER 



Comme nous marchions sur la plage, sans parler, 
et enveloppées jusqu'au menton dans nos robes de 
laine sombre, des jeunes filles joyeuses ont passé. 

'( Ah ! c'est Bilîtis et Mnasidîka ! Voyez, le beau 
petit écureuil que nous avons pris : il est doux 
comme un oiseau el effaré comme un lapin. 



ELEGIES V MYTII.E^E. . 170 

(I Chez Lydé nous le metli'ons en cage et nous 
lui donnerons beaucoup de lait avec des feuilles de 
salade. C'est une femelle, elle vivra longtemps. » 

Et les folles sont parties en courant. Pour nous, 
sans parler, nous nous sommes assises, moi sur une 
rbche, elle sur le sable, et nous avons regardé la 
mer. 



« Salut, Bilitis, Mnastdika, salut. — Assieds- 
toi. Comment va ton mari? — Trop bien. Ne lui 
dites pas que vous m'avez vue. Il me tuerait s'il me 
savait ici. — Sois sans crainte. 

— Et voilà votre chambre ? et voilà votre lit ? 
Pardonne-moi. Je suis curieuse. — Tu connais 
cependant le lit de Myrrhinê, — Si peu. — On la 
dit jolie. — Et lascive, ô ma chère ! mais taisons- 
nous. 



— Que voulais-tudemoi? — Que tu me prêtes... 

— Parle. — Je Q'ose nommer l'objet. — Nous n'en 
avons pas. — Vraiment? — Mnasidîka est vierge. 

— Alors, où en acheter? — Chez le bourrelier 
Drakôn. 

— Dis aussi, qui te vend ton fil à broder ? Le 
mien se casse dès qu'on le regarde. — Je le fais 
moi-même, mais Naïs en vend d'excellent. — A quel 
prix? — Trois oboles. — C'est cher. Et l'objet? 

— Deux drachmes. — Adieu. i> 



SOIR PRÈS DU FEU 



L'hiver est dur. Mnasidika. Toul esl froid, hors 
noire lit. Lève-toi, cependant, viens avec moi, car 
j'ai allumé un grand feu avec des souches mortes 
et du bois fendu. 

Nous nous chaufferons accroupies, toutes nues, 
nos cheveux sur le dos, et nou-' boirons du lait dans 
la même coupe et nous mangerons des gâteaux au 
miel. 



Comme la flamme est sonore et gaie ! ^" es-tu 
pas trop près? Ta peau devient rouge. Laisse-moi 
la baiser partout où le feu l'a faite brûlante. 

Au milieu des tisons ardents je vais chauffer le 
fer et te coiffer ici. Avec les charbons éteints j'écri- 
rai ton nom sur le mur.' 



PRIÈRES 

Que veux-tu? dis-le. SU le faut, je vendrai mes 
derniers bijoux pour qu'une esclave attentive guetle 
le désir de tes yeux, la soif quelconque de les lèvres. 

Si le lait de nos chèvres te semble fade, je loue- 
rai pour toi, comme pour un enfant, une nourrice 
aux mamelles gonllécs qui chaque matin t'allaitera. 



Si notre lit te semble rude, j'achèterai tous les 
coussins mous, toutes les couvertures de soie, tous 
les draps fourrés de plumes des marchandes ama- 
thusiennes. 

.Tout. Mais il faut que je te suffise, et si nous 
dormions sur la terre, il faut que la terre te soit 
plus douce que le lit cliaud d'une étrangère. 



Larges yeux de Mnasidîka, combien vous me 
rendez heureuse quand l'amour noircit vos pau- 
pières et vous anime et vous noie sous les larmes ', 

Mais combien folle, quand vous vous détournez 
ailleurs, distraits par une femme qui passe ou par 
un souvenir qui n'est pas le mien. 



ELEGIES A MYTILENE. l83 



Alors mes joues se creusent, mes mains tremblent 
et je souffre... Il me semble que de toutes parts, et 
devant vous ma vie s'en va. 

I 

Larges yeux de Mnasidika, ne cessez pas de mo : 

regarder ! ou je vous trouerai avec mon aiguille et t 

vous ne verrez plus que la nuit terrible. 5 




Tout, et ma vie, et le 
monde, et les hommes, 
tout ce qui n'est pas elle 
n'est rien. Tout ce qui 
n'est pas elle, je te le 
(ooi. c. 1.1CUÏE»,) donne, passant. 

Sait-elle que de travaux j'accomplis pour être 
belle à ses yeux, par ma coitlure et par mes fards, 
par mes robes et mes parfums? 



ÉLÉGIES A MITILÈNE. 187 

Aussi longtemps je tournerais la meule, je ferais 
plonger la rame ou je bêcherais la terre, s'il fallait 
h ce prix la retenir ici. 

Mais faites <ju'elle ne l'apprenne jamais, Déesses 
qui veillez sur nous. Le jour où elle saura que je 
i'aime elle cherchera une autre femme. 



LE SILENCE 
DE MNASIDIKA 



Elle avait ri toute la 
journée, et même elle 
s'était un peu moquée de 
moi. Elle avait refusé Je 
m' obéir, devant plusieurs 
femmes étrangères. 



Quand nous sommes rentrées, j'ai affecté de ne 
pas lui parler, et comme elle se jetait à mon cou, 
en disant : « Tu es fâchée? » je lui ai dit : 



H Ail! tu n'es plus comme autrefois, lu n'es 
plus comme le premier jour. Je ne le reconnais 
plus, Mnasidika. » Elle ne m'a rien répondu; 

Mais elle a mis tous ses bijoux qu'elle no portait 
plus depuis longtemps, et la même robe jaune bro- 
dée de bleu que le jour de notre rencontre. 



(1 Où étais-tu? — Chez la marchande de fleurs. 
J'ai acheté des iris très beaux. Les voici, je te les 
apporte. — Pendant si longtemps tu as acheté 
quatre fleurs? — La marchande m'a retenue. 



— Tu as les joues pâles et les yeux briUants. — 
C'est la fatigue de la route. — Tes cheveux sont 
mouillés et mêlés. — C'est la chaleur et c'est le 
vent qui m'ont toute décoifl'ée. 



ÉLÉGIES A HYTILÈNE. 



— On a dénoué ta ceinture. J'avais fait le nœud 
moi-même, plus lâche que celui-ci. — Si lâche 
qu'elle s'est défaite; un esclave qui passait me l'a 
renouée, 

— Il y a une trace à ta robe. — C'est l'eau 
des ileurs qui est tombée. — Mnasidika, ma petite 
âme, tes iris sont les plus beaux q[u'il y ait dans 
tout Mytîlène. — Je le sais bien, je le sais bien. » 



Le soleil a passé toute la nuit chez les morts 
depuis que je l'altends, assise sur mon lit, lasse 
d'avoir veillé. La mèche de la lampe épuisée a 
briMé jusqu'à la Qn. 

Elle ne viendra plus : voici la dernière étoile. 
Je sais bien qu'elle ne viendra plus. Je sais même 
le nom que je hais. Et cependant j'attends encore. 



Qu'elle vienac mainlenant ! oui, qu'elle vienne, 
la chevelure défaile et sans roses, la robe souillée, 
lâchée, froissée, la langue sèche et les paupières 
noires ! 

Dès qu'elle ouvrira la porte, je lui dirai... mais 
la voici... C'est sa robe que je touche, ses mains, 
ses cheveux, sa peaul Je l'embrasse d'une bouche 
éperdue, et je pleure. 



LA SOLITUDE 



Pour qui mainlenant far- 
derais-je mes lèvres? Pour 
qui polirais-je mes ongles? 
Pour qui parfumerais-je mes 
cheveux ? 



Pour qui mes seins poudrés de rouge, s'ils ne 
I doivent plus la tenter? Pour qui mes bras lavés de 
lait:S'ils ne doivent plus jamais l'étreindre! 



ELEGIES A MYTILENE. 197 

Comment pourrais-je dormir ? Comment pourrais- 
je me coucher? Ce soir ma main, dans tout mon 
lit, n'a pas trouvé sa main chaude. 

Je n'ose plus rentrer chez moi, dans la chambre 
affreusement vide. Je n'ose plus rouvrir la porte. Je 
1 n'ose même plus rouvrir les yeux. 




i5 



LETTRE 

Cela est impossible, impossible. Je l'en supplie 
à genoux, avec larmes, toutes les larmes que j'ai 
pleurées sur cette horrible lettre, ne m'abandonne 



Songes-tu combien c'est affreux de te reperdre à 
jamais pour la seconde fois, après avoir eu l'immense 
joie d'espérer te reconquérir. Ah ! mes amours ! ne 
sentez-vous donc pas îi quel point je vous aime ! 



Écoule-moi. Consens à me revoir encore une 
fois. Veux-lu c'tre demain, au soleil couchant, 
devant ta porte? Demain, ou le jour suivant. Je 
viendrai te prendre. Ne me refuse pas cela. 

La dernière fois peut-être, soil, mais encore cette 
fois, encore cette fois! Je le le demande, je te le 
crie, çt songe que de ta réponse d(ipend le reste de 



L\ TENTATIVE 



Tu étais jalouse de nous, Gyrinno, fille trop 
ardente. Que de bouquets as-tu fait suspendre au 
marteau de notre porte ! Tu nous attendais au pas- 
sage et tu nous suivais dans la rue. 

Maintenant tu es selon tes vœux, étendue à la 
place aimée, et la tète sur ce coussin où flotte une 
autre odeur de femme. Tu es plus grande qu'elle 
n'était. Ton corps différent m'étonne. 



KI.KCIES A Mll'Il.EVt. SOI 

Regarde, je t'ai enfin cédé. Oui,, c'est moi. Tu 
peux jouer avec mes seins, caresser mon ventre, 
ouvrir mes genoux. Mon corps tout entier s'est livré 
à (es lèvres infatigables. — hélas ! 

Ah! Gyrinno! avec lamour mes larmes aussi 
débordent ! Essuie-les avec tes cheveux, ne les baise 
pas, ma chérie; et enlace-moi de plus près encore 
pour maîlrtscr mes Iremblemenls. 



Encore ! assez de soupirs et de bras élirés ! Recom- 
mence ! Penses-tu donc que l'amour soit un délas- 
sement ? Gyriiino, c'est une tâche, et de toutes la 
plus rude. 

KévcHle-toi ! Il ne faut pas que tu dormes! Que 
m'importent tes paupières bleues et la barre de 
douleur qui brille tes jambes maigres. Astarlé 
bouillonne dans mes reins. 



i:legies a mytip.iîne. 3o3 

Nous nous sommes couchées avant le crépuscule. 
Voici déjà la mauvaise aurore; mais je ne suis pas 
lasse pour si peu. Je ne dormirai pas avant le se- 
cond soir. 

Je ne dormirai pas : il ne faut pas que tu dormes. 
Oli 1 comme la saveur du matin est amère ! Gyrinno, 
apprécie-la. Les baisers sont plus difficiles, mais 
plus étranges, et plus lents. 



A GYRINNO 



Ne crois pas que je t'aie 
aimée. Je t'ai mangée 
comme une figue mûre, je 
t'ai bue comme une eau ar- 
dente, je l'ai portée autour 
de moi comme une cein- 

(mi. BATirABBELO ) ''^'"^ ^^ peBU. 

Je me suis amusée de ton corps, parce que lu as 
les cheveux courts, les seins en pointe sur ton corps 
maigre, et les mamelons noirs comme deux petites 
dalles. 



ÉLÉGIES A HYTILÈ>E. inS 

Comme il faut de l'eau et des fruits, une femme 
aussi est nécessaire, mais déjà je ne sais plus ton 
nom, toi qui as passé dans mes bras comme l'ombre 
d'une autre adorée. 



Entre ta chair et la mienne, un rêve brûlant m'a 
possédée. Je te serrais sur moi comme sur une bles- 
sure et je criais : Mnasidika ! Mnasidika ! Mnasi- 
dika ! 



LE DERNIER ESSAI 



" Queveux-lu, vieille? — Te consoler. — C'est 
peine perdue. — On m'a dit ^ue depuis ta rup- 
ture, lu allais d'amour en amour sans trouver 
l'oubli ni la pais. Je viens le proposer quelqu'un. 



— Parle. — C'est une jeune esclave née à Sardes. 
Elle n'a pas sa pareille au monde, car elle est à la 
fois homme et femme, bien que sa poitrine et ses 
longs clieveux et sa voix claire fassent illusion. 

— Son àgei" — Seize ans. — Sa taille? — 
Grande. Elle n'a connu personne ici, hors Psap. 
pha qui en est éperdumenl amoureuse et a voulu 
me l'acheter vingt mines. Si tu la loues, elle est à 
toi. — Et qu'en ferai-jel' 

Voici vingt-deux nuits que j'essaye en vain 
d'échapper au souvenir... Soit, je prendrai celle-ci 
encore, mais préviens la pauvre petite, pour qu'elle 
ne s'effraye point si je sanglote dans ses bras. » 



LE SOLVEMU DÉCHIRANT 

Je me souviens... (à quelle heure du jour ne l'ai- 
]e pas devant mes yeux 1) je me souviens de la 
façon dont Elle soulevait ses cheveux avec ses 
faibles doiyts si pâles. 

Je me souviens d'une nuit qu'elle passa, la joue 
sur mon sein, si doucement, que le bonheur me 
tînt éveillée, et le lendemain elle avait au visage la 
marque de la papille rondo. 



ELEGIES A MITILENE. 'AOQ 



Je la vois tenant sa tasse de lait et me regardant 
de côté, avec un sourire. Je la vois, poudrée et 
coiffée, ouvrant ses grands yeux devant son miroir, 
et retouchant du doigt le rouge de ses lèvres. 

Et surtout, si mon désespoir est une perpétuelle 
torture, c'est que je sais, instant par instant, 
comment elle défaille dans les bras de l'autre, et ce 
qu'elle lui demande et ce qu'elle lui donne. 



4f^SK)^ 



iC 



I- 



A LA POUPEE DE CIRE 

Poupée de cire, jouet chéri qu'elle appelait son 
enfant, elle l'a laissée toi aussi et elle t'oublie 
comme moi, qui fus avec elle Ion père ou ta mère, 
je ne sais. 

La pression de ses lèvres avait déteint tes pe- 
tites joues; et à ta main gauche voici ce doigt cassé 
qui la fit tant pleurer. Cette petite cyclas que tu 
portes, c'est elle qui te l'a brodée. 



klëgier a mytii.e?(e. jii 

A l'entendre, tu savais déjà lire. Pourtant tu 
n'i5tais pas sevrée, et le soir, penchée sur toi, elle 
ouvrait sâ tunique et te donnait le sein, u afin que 

tu ne pleures pas », disait-elle. 

Poupée, si je voulais la revoir, je te donnerais à 
l'Aphrodite, comme le plus cher de mes cadeaux. 
Mais je veux penser qu'elle est tout à fait morte. 



HYMNE A ASTARTK 



Mère inépuisable, inconuptible. créatrice, née la 
premièi-e, engendrée par loi-même, conçue de toi- 
même, issue de toi seule et qui le réjouis en loi. 

Astarté! 

perpétuellement fécondée, ô vierge et nourrice 
de tout, chaste et lascive, pure et jouissante, inef- 
fable, nocturne, douce, respiratrice du feu, écume 
de la mer ! 



s O vierge I écume de la 



KPICKAMMF.S DANS l'ÎlE DE CHYPRE. ^19 

Toi qui accordes en secret la grâce, toi qui unis, 
toi qui aimes, toi qui saisis d'un furieux désir les 
races multipliées des bêtes sauvages, et joins les 
sexes dans les forêts, 

Aslartc irrésistible, entends-moi, prends-moi, 
possède-moi, ô Lune, et treize fois, chaque année 
arrache à mes entrailles la libalion de mon sang! 



{,.u»fc By. .«■.„.) 



lYMNE A LA NUIT 



Les masses noires des arbres ne bougent pas plus 
f|ue des montagnes. Les étoiles emplissent un ciel 
immense. Un air chaud comme un souffle humain 
caresse mes yeux et mes joues. 

Nuit qui enfantas les Dieux! comme tu es 
douce sur mes lèvres! comme tu es chaude dans 
mes cheveux I comme tu entres en moi ce soir, et 
comme je me sens grosse de tout ton printemps! 



L1LE DE CHYPRE. 



Les fleurs qui vont fleurir vont toutes naître de 
moi. Le vent qui respire est mon haleine. Le par- 
fum qui passe est mon désir. Toutes les étoiles sont 
dans mes yeux. 

[ Ta voix, est-ce le bruit de la mer, est-ce le silence 

de la plaine? Ta voix, je ne la comprends pas, 
mais elle me jette la léte aux pieds ct^mes larmes 
lavent mes deu\ mains. 



(MCtfa Di runrE.) 



LES MÉNADES 



A travers les lorcts qui dominent la nier, les 
Mcnades se sont ruées. Maskhaliî aux seins fou- 
gueux, liurlanle, brandissait le phalios, qui était de 
bois de sycomore et barbouillé de vermillon. 

Toutes, sous la bassaris et les couronnes de 
pampre, couraient et criaient et sautaient, les cro- 
tales claquaient dans les mains, et les ihyrses cre- 
vaient la peau des tjmpanons rcicn lissants. 



ÉPIGRAHMES DASS l'SlE DB CHYPRE. 3l5 

Chevelures mouillées, jambes agiles, seins rougis 
et bousculés, sueur des joues, écume des lèvres, ô 
Dionysos, elles t'ofiraient en retour l'amour que tu 
jetais en elles I 

Et le vent de la mer relevant vers le ciel les che- 
veux roux de Héliokomis, les tordait comme une 
Qamme furieuse sur une torche de blanche cire. 



LA MER DE KYPRIS j 

Sur le plus haut promontoire je me suis couchée || 
en avant. La mer était noire comme un champ de 
violettes. La voie lactée ruisselait de la grande 
mamelle divine. 

Mille Ménades autour de moi dormaient dans ) 
les fleurs déchirées. Les longues herbes se mêlaient 
aux chevelures. Et voici que le soleil naquit dans 
l'eau orientale. 



ftPIGIlAMMES DA>S I.'ÎLE DE CHYPRE. 'n- 

C'iitaicnt les mômes flots et ie même rivage qui 
virent un jour apparaître le coips blanc d'Aphro- 
(lita... Je cachai tout à coup mes yeux dans mes 



Car j'avais vu trembler sur l'eau mille petites 
lèvres de lumière : le sexe pur ou le sourire de 
Kjpris Philomnieïdcs. 



LES PRÊTRESSES DE LASTARTE 



Les prétresses de l'Astarte font i'amour au lever 
de la lune; puis elles se relèvent et se baignent dans j 

un bassin vaste aux marg^elles d'argent. 

De leurs doigts recourbés, elles peignent leurs | 

cbevelures, et leurs mains teintes de pourpre, i 

mêléesà leurs boucles noires, semblent des brancbes 1 
de corail dans une mer sombre et flottante. 



KPIGHAMMES D\:i3 L'JlK DE CHYPRE. 319 

Elles ne s'épilent jamais, pour que le triangle de 
la déesse marque leur ventre comme un temple; 
mais elles se teignent au pinceau et se parfument 
profondément. 

Les prêtresses de i'Astarté font l'amour au cou- 
cher de la lune, puis dans une salle de lapis où 
brûle une haute lampe d'or, elles se couchent au 
hasard. 



LES MYSTÈRES 

Dans l'enceinte trois fois mystérieuse, où les 
hommes ne pénètrent pas, nous t'avons fêlée, 
Astarté de la Nuit, Mère du Monde, Fontaine de la 
vie des Dieux! 

J'en révélerai quelque chose, mais pas plus qu'il 
n'est permis. Autour du Phallos couronné, cent vingt 
femmes se balançaient en criant. Les initiées étaient 
en habits d'hommes, les autres en tunique fendue. 



ËriGHAMMES DANS l'{lE DE 

Les fumées des parfums, les fumées des torches, 
flottaient entre nous comme des nuées. Je pleurais 
\ larmes brûlantes. Toutes, aux pieds de la Berbeia, 
nous nous sommes jetées sur le dos. 

Enfin, quand l'Acte religieux fut consommé, et 
quand, dans le Triangle Unique on eut plongé le 
phallos pourpré, alors le mystère commença, mais 
je n'en dirai pas davantage. 




(PAPTEUS TUBIN lltb.) 



LES COURTISANES ÉGYPTIENNES 

Je suis allée avec Plango chez les courtisanes 
égyptiennes, tout en haut de la vieille ville. Elles ont 
des amphores de terre, des plateaux de cuivre et 
des nattes jaunes où elles s'accroupissent sans effort. 



Leurs chambres sont silencieuses, sans angles et 
sans encoignures, tant les couches successives de 
chaux bleue ont émoussé les chapiteaux et arrondi 
le pied des murs. 



»* 



EPIGRAMMES DA>S L ILE DE GH\PKE. 



333 



Elles se tiennent immobiles, les mains posées 
sur les genoux. Quand elles offrent la bouipie elles 
murmurent : « Bonheur. » Et quand on les remer- 
cie, elles disent : « Grâce à toi. » 

•» 

Elles comprennent le hellène et feignent de le 
parler mal pour se rire de nous dans leur langue ; 
mais nous, dent pour dent, nous parlons lydien et 
elles s'inquiètent tout à coup. 




(htpogke de thèbes.) 



JE CHARTE MA CHAIR ET MA VIE 



Certes je ne chanterai pas les amantes célèbres. 
Si elles ne sont plus, pourquoi en parler? Ne 
suis-je pas semblable à elles? N'ai-je pas trop de 
songer à moi-même? 



ÉPIGRAMMES DA?îS l'ÎlE DE CHYPUE. 235 



Je t'oublierai, Pasiphaë, bien que ta passion fût 
extrême. Je ne te louerai pas, Syrinx, ni toi, Byblis, 
ni toi, par la déesse entre toutes choisie, Hélène aux 
bras blancs! 

Si quelqu'un souffrit, je ne le sens qu'à peine. 
Si quelqu'un aima, j'aime davantage. Je chante ma 
chair et ma vie, et non pas l'ombre stérile des 
amoureuses enterrées. 

Reste couché, ô mon corps, selon ta mission 
voluptueuse ! Savoure la jouissance quotidienne et 
les passions sans lendemain. Ne laisse pas une joie 
inconnue aux regrets du jour de ta mort. 




LES PARFUMS 

Je me parfumerai toute la peau pour attirer les 
amants. Sur mes belles jambes, dans un bassin 
d'argent, je verserai du nard de Tarsos et du metô- 
pion d'Aigypte. 

Sous mes bras, de la menthe crépue; sur mes 
cils et sur mes yeux, de la marjolaine de Kds. 
Esclave, défais ma chevelure et emplî£-ki de fumée 
d'encens. 



a bakkaris irrésistible, j 



^ 



1 



I L ILE DE CHYPRE. 



L, Voici l'oïnanthédes montagnes de Kypre; je la 

' ferai couler entre mes seins; la liqueur de rose qui 

vient de Phasélis embaumera ma nuque et mes 

joues. 

1^ £t maintenant, répands sur mes reins la bakkaris 

irrésistible. Il vaut mieux, pour une courtisane, 
connaitre les parfums de Lydie que les mœurs du 
Péloponnèse. 



CONVERSATION 



« Bonjour. — Bonjour aussi. — Tu es bien 
pressée. — Peut-être moins que tu ne penses. — 
Tu es une jolie fille. — Peut-être plus que tu no 

crois. 

— Quel est ton nom charmant? — Je ne dis pas 
cela si vite. ^Tu as quelqu'un ce soir? — Tou- 
jours celui qui m'aime. — Et comment l'aimes-tu ? 
— Comme il veut. 



*\ 



ÉPIGRAMMES DVNS L ÎLE DE CHIPRF. !i4l 



— Soupons ensemble. — Si lu le désires. Mais 
que donnes-tu ? — Ceci. — Cinq drachmes? C'est 
pour mon esclave. Et pour moi ? — Dis toi-même. 

— (^ent. 

— Où demeures-tu? — Dans cette maison bleue. 

— A quelle heure veux-tu que je t'envoie chercher ? 

— Tout de suite si tu veux. — Tout de suite. — 
Va devant. » 




LA ROBE DÉCHIRÉE 



« Holà ! par les deux déesses, qui est l'insolent qui { 
a mis le pied sur ma robe? — C'est un amoureuK. I 
— C'est un sot. — J'ai été maladroit, pardonne- ' 



— L'imbécile ! ma robe jaune est toute déchirée 
par derrière, et si je marche ainsi dans ta rue. on 
va me prendre pour une fille pauvre qui sert la 
Kypris inverse. 



KPICRAHHE!) DANS L II.E DE CIIVPIIE. 3^3 

— Ne t'arrêteras -tu pas? — Je crois qu'il me 
parle encore! — Me quitteras-tu ainsi fâchée!'... 
Tu ne réponds pas ? Hélas ! je n'ose plus parler. 

— Il faut bien que je rentre chez moi pour changer 
de robe. — Et je ne puis te suivre? — Qui est 
ton père? — C'est le riche armateur Niklas. — Tu 
as de IteauK yeux, je le pardonne, u 



LES BIJOUX 

Un diadème d'or ajouré couronne mon front 
étroit et blanc. Cinq chaînettes d'or, qui Tont le tour 
de mes joues et de mon menton, se suspendent 
aux cheveux par deux larges agrafes. 

Sur mes bras qu'envierait Iris, treize bracelets 
d'argent s'étagent. Qu'ils sont lourde ! Mais ce sont 
des armes; et je sais une ennemie qui en a souffert. 



ÈPIGRAMMKK IH>S L ILK I>E CHYPRE. sSa 

Je suis vraiment toute couverte d'or. Mes seins 
sont cuirassés de doux pectoraux d'or. Les images 
<lcs dieux ne sont pas toutes aussi riches que je le 
suis. 

Et je porte sur ma robe épaisse une ceinture lamée 
d'argent. Tu pourras y lire ce vers : « Aime-moi 
éternellement; mais ne sois pas afRigé si je te 
trompe trois fois par jour. » 



LINDIFFÊRENT 



Dès qu'il est entré dans 
ma chambre, quel qu'il 
soit (cela importe-t-il ?) : 
Il Vois, dis-je à l'esclave, 
quel bel homme! et 
qu'une courtisane est heu- 



(p,. 



Je le déclare Adonis, Ares ou HéraUès selon son 
visage, ou le Vieillard des Mers, si ses cheveux sont 
de pâle argent. Et alors, quels dédains pour la jeu 
nesse légère ! 



(I Ah 1 fais-je, si je n'avais pas demain à payer 
mon fleuriste et mon orfèvre, comme j'aimerais à 
te dire : Je ne veux pas de Ion or ! Je suis (a ser- 
vante passionnée ! » 

Puis, qiiand il a refermé ses bras sous mas 
épaules, je vois un batelier du port passer conuue 
une image divine sur le ciel étoile de mes paupikre* 
transparentes. 



L'EAU PURE DU BASSIN 

« Kau pure du bassin, miroir immobile, dis-moi 
ma beauté. — Btli(!s, ou qui que tu sois, Téthys 
pcut-êlic ou Amphritritê, tu es belle, sache-le, 

I. Ton visage se penche sous ta chevelure épaisse, 
gonHéc de fleurs et de parfums. Tes paupières 
molles s'ouvrent à peine et tes flancs sont las des 
mouvements de l'amour. 



ÉPIGRAMMES D\>S l'ÎLE DE CllïfnF.. ■>\<J 

i< Ton corps fatigué du poids de tes seins porte 
les marques fines de l'ongle et les (aches bleues du 
baiser. Tes bras sont rougis par l'étreinte. Chaque 
ligne de la peau fut ainx^e. 

— Eau claire du bassin, ta fraîcheur repose^ 
Keçois-moi, qui suis lasse en effet. Emporte le fard 
de mes joues, et la sueur de mon venlre el le sou- 
venir de la nuit. » 



Sur une terrasse blanche, la nuit, Us nous lais- 
sèrent évanouies dans les roses. La sueur chaude 
coulait comme des larmes, de nos aisselles sur nos 
seins. L'ne volupté accablante empourprait nos télés 
icn versées, 

Quatie colombes captives, baignées dans quatre 
paifums, voletèrent au-dessus de nous en silence. 
De leurs ailes, sur les femmes nues, ruisselaient des 
{jouttfls de senteur. Je fus inondée d'essence d'iris. 



I 



ÉPiGRi^niES i)\xs l'Île de cnTPRE. aSi 

O lassitude ! je reposai ma joue sur le ventre 
d'une jeune fille qui s'enveloppa de fraîcheur avec 
ma chevelure humide. L'odeur de sa peau safranée 
enivrait ma bouche ouverte. Elle ferma sa cuisse 
sur ma nuque. 

Je dormis, mais un rêve épuisant m'éveilla : 
l'iynx, oiseau des désirs nocturnes, chantait éper- 
dument au loin. Je toussai avec un frisson. Un bras 
languissant comme une ileur s'élevait peu à peu 
vers la lune, dans l'air. 



LIIOTELLERIE 



Hôtelier, nous sommes quatre. Donne-nous une 
chambre et deux lits. Il est trop tard maintenant 
l»our rentrer à la ville et la pluie a crevé la roule. 

Apporte une corbeille de figues, du fromage et 
du vin noir ; mais ôte d'abord mes sandales et lave- 
moi les pieds, car la boue me chatouille. 



KPICinAMllES UA^S L il 



Ta feras perler dans la chambre deux bassins 
avec de l'eau, une lampe pleine, un kratêr et des 
kyllx. Tu secoueras la couverture et tu battras les 



Mais que les lits soient de bon érable cl que les 
planches soient niuclles ! Demain tu ne nous réveil- 
leras pas. 



LA DOMESTICITÉ 



Quatre esclaves gardent ma maison : deux 
Thraces robustes à ma porte, un Sicilien à ma cui- 
sine et une Phrygienne docile et muette pour le 
service de mon Ut. 

Les deux Thraces sont de beaux hommes. Ils 
ont un bâton à la main pour chasser les amants 
pauvres et un marteau pour clouer sur le mur les 
couronnes que l'on m'envoie. 



ÉpiGnA.MMES vxys l'Île de Chypre. 3*55 

Le Sicilien est un cuisinier rare; je l'ai payé 
douze mines. Aucun autre ne sait comme lui pré- 
parer des croquettes frites et des gâteaux de coque- 
licots. 

La Phrygienne me baigne, me coiffe et m'épile. 
Elle dort le matin dans ma chambre, et pendant 
trois nuits, chaque mois, elle me remplace près de 
mes amants. 



LE BAIN 

Etirant, garde bkn la porte et ne laisse pas entrer 
les passants, car moi et six fiUes aux beaux bras 
nous nous baignons secrètement dans les eaux tîèdes 
du bassin. 

Nous ne voulons que rire et nager. Laisse les 
amants dans la rue. Nous tremperons nos jambes 
dans l'eau et, assises sur le bord du marbre, nous 
jouerons aux osselets. 



[ 

Uaigiicusc. 



~( 



ÊPIGRAMMES DANS L*ÎlE DE CHYPRE. 



'K)9 



Nous jouerons aussi à la balle. Ne laisse pas 
entrer les amants ; nos chevelures sont trop mouil- 
lées; nos gorges ont la chaîr de poule et le bout de 



nos doigts se ride. 



D'ailleurs, il s*en repentirait, celui qui nous sur- 
prendrait nues ! Bilitis n'est pas Athêna, mais elle 
ne se montre qu'à ses heures et châtie les yeux trop 
ardents. 




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(musée du LOUVRE.) 



......„™, J 



A SES SEINS 



Chairs en fleurs, ô mes seins! que vous êtes 
riches de volupté 1 Mes seiDs dans mes mains, que 
vous avez de mollesse et de moelleuses chaleurs et 
de jeunes parfums ! 

Jadis, vous étiez glacés comme une poitrine de 
statue et durs comme d'insensibles marbres. Depuis 
que vous Séchissez je vous chéris davantage, vous 
qui fûtes aimés. 



is &lei richos de voluplé. i 



1 



** 



EP1GR\MMES DANS L ILE DE CHIPEE. 



!i63 



Votre forme lisse et renflée est l'honneur de mon 
torse brun. Soit que je vous emprisonne sous la 
résille d'or, soit que je vous délivre tout nus, vous 
me précédez de votre splendeur. 

Soyez donc heureux cette nuit. Si mes doigts 
enfantent des caresses, vous seuls le saurez jusqu'à 
demain matin ; car, cette nuit, Bilitis a payé Bilitis. 




/ 



MYDZOURIS 

Mydzouris, petite ordure, ne pleure plus. Tu es 
mon amie. Si ces femmes t'insultent encore, c'est 
moi qui leur répondrai. Viens sous mon bras, et 
sèche tes yeux. 

Oui, je sais que tu es une horrible enfant et que 
ta mère t'apprit de bonne heure k faire preuve de 
tous les courages. Mais tu es jeune et c'est pour- 
quoi tu ne peux rien faire qui ne soit charmant. 



ÉPIGRAMUES DA>S l'ÎlE DE CRVfUE. 1)05 

La bouche d'une fille de quinze ans reste pure 
malgré tout. Les lèvres d'une femme clienue, même 
vierges, sont dégradées ; car le seul opprobre est de 
vieillir et nous ne sommes flétries que par la ride. 

Mydzouris, j'admire tes yeux francs, ton nom 
impudique et hardi, ta voix rieuse et Ion corps léger. 
^ iens chez moi, lu seras mon aide, et quand nous 
sortirons ensemble, les femmes te diront : Salut. 



LE TRIOMPHE DE BILITIS 



Les processionnaires m'ont portée en triomphe, 
mol, Bilitts, toute nue sur un char en coquille où 
des esclaves, pendant la nuit, avaient eiïeuillé dix 
mille roses. 

J'étais couchée, les mains sous la nuque, mes 
pieds seuls étaient vêtus d'or, et mon corps s'allon- 
geait mollement, sur le lit de mes cheveux tiëdes 
mêlés aux pétales frais. 



EPIGRVMMES D\>~S I. ILE DE CHIPRK. 3(17 

Douze enfants. les épaules ailées, me servaient 
comme une déesse: les uns tenaient un parasol, les 
autres me mouillaient de parfums, ou brûlaient de 
l'encens à la proue. 

Et autour de moi j'entendais bruire la rumeur 
ardente de la foule, tandis que l'iialeine des désirs 
flottait sur ma nudité, dans les brumes bleues des 
aromates. 



AU DIEU DE BOIS 

Vénérable Priapos, dieu de bois que j'ai l'ait 
sceller dans le marbre du bord de mes bains, ce 
n'est pas sans raison, gardien des vergers, que lu 
veilles ici sur des courtisanes. 

Dieu, nous ne l'avons pas acheté pour le sacrifier 
nos virginités. Nul ne peut donner ce qu'il n'a plus, 
et les zélatrices de Pallas ne courent pas les rues 
d'Amathonler. 



ÉPIGRAHMES DA>S l'ÎI.E de Gllll'lli:. îtiy 

Non. Tu veillais autrefois sur les chevelures dés 
arbres, sur les fleurs bien arrosées, sur les fruits 
lourds et savoureux. C'est pourquoi nous t'avons 
choisi . 

Garde aujourd'hui nos têtes blondes, les pavots 
ouverts de nos lèvres et les violettes de nos yeux. 
Garde les fruits durs de nos seins et donne-nous 
des amants qui te ressemblent. 




LA DANSEUSE AUX CROTALES 

Tu attaches à tes mains légères tes crotales 
retentissants, Myrrhinidion ma cliérie, et à peine 
nue hors de la robe, tu étires tes memhres nerveux. 
Que tu es johe, les bras en l'air, tes reins arqués 
et les seins rouges! 

Tu commences : tes pieds l'un devant l'autre se 
posent, hésitent, et glissent mollement. Ton corps 
se plie comme une écharpe, tu caresses ta peau qui 
frissonne, et la volupté inonde les longs yeux éva- 
nouis. 



I. ILE DE CHYPRE. 



Tout à coup, tu claques des crotales! Cambre- 
loi sur tes pieds dressés, secoue les reins, lance les 
jambes et que tes mains pleines de fracas appellent 
tous les désirs en bande autour de ton corps tour- 
noyant. 

Mous, applaudissons h grands cris, soit que, 
souriant sur l'épaule, tu agites d'un frémissement 
la croupe convulsive et musclée, soit que tu ondules 
presque étendue, au rhythme de tes souvenirs. 



LA CEINTURE CHAUDE 

(I Tu crois que lu ne m'aimes plus, Téléas, et 
depuis un mois tu passes tes nuits à table, comme 
si les fruits, les vins, les miels pouvaient te faire 
oublier ma bouche. Tu crois que lu ne m'aimes 
plus, pauvre fou ! » 

Disaot cela, j'ai dénoué ma ceinture en moiteur 
et je l'ai roulée autour de sa tète. Elle était toute 
chaude encore de la chaleur de mon ventre; le par- 
fum de ma peau sortait de ses mailles fines. 



BFIGRAMMI^S UA>S I. ILE DE CII^PHE. ^77 

Il la respira longuement, les yeux fermés, puis 
je sentis qu'il revenait h moi et je vis même très 
clairement ses désirs réveillés qu'il ne me cachait 
point, mais, par ruse, je sus résister. 

« Non, mon ami. Ce soir, Lysippos me possède. 
Adieu! » Et j'ajoutai en m'enfuyant : k gour- 
mand de fruits et de légumes! le petit jardin de 
Bititis n'a qu'une figue, mais elle est bonne. » 



A UN MARI HEUREUX 



Je l'envie, Agorakritès, d'avoir une femme aussi 
télée, C'esl elle-même qui soigne i'élablc, et le 
malin, au lieu de faire l'amour elle donne à boire 
aux bestiaux. 

Tu t'en réjouis. Que d'autres, dis-tu, ne songent 
qu'aux voluptés basses, veillent la nuil, dorment 
le jour et demandent encore à l'adultère une sal-iété 
criminelle. 



Oui ; la femme travaille à 1 etable. On dit même 
qu'elle a mille tendresses pour le plus jeune de tes 
ânes. Ah! lia! c'est un bel animal. Il a une tache 
noire sur les yeux. 

On dit qu'elle joue entre ses pattes, sous son 
ventre gris et doux... Mais ceux qui disent cela 
sont des médisants. Si ton âne lui plait, Agorakri- 
tès, c'est que ton regard sans doute lui rappelle le 



A UN ÉGARE 

L'amour des femmes est ie plus beau de lous 
ceux que les mortels éprouvent, et tu penserais 
ainsi, Kiéôn, st tu avais l'âme vrniment volup- 
tueuse; mais tu ne rêves que vanités. 



ÉPIGRAMMES DANS L ILE DE CHYPRE. aSl 

Tu perds tes nuits à chérir les éphèbes qui nous 
méconnaissent. Regarde-les donc! Qu'ils sont laids! 
Compare à leurs tôles rondes nos chevelures im- 
menses ; cherche nos seins blancs sur leurs poitrines. 

A côté de leurs flancs étroits, considère nos 
hanches luxuriantes, large couche creusée pour 
i'amant. Dis enfm quelles lèvres humaines, sinon 
celles qu'ils voudraient avoir, élaborent les voluptés? 

Tu es malade, ô Kléôn, mais une femme le peut 
guérir. Va chez la jeune Satyra, la lille de ma voi- 
sine Gorgô. Sa croupe est une rose au soleil, et elle 
ne te refusera pas le plaisir qu'elle-même préfère. 



INTIMITÉS 

Pourquoi je suis devenue lesbienne, ô BiHlis,'tu 
le demandes? Mais quelle joueuse de flûte ne 
l'est pas un peu? Je suis pauvre; je n'ai pas de 
lit ; je couche chez celle qui veut de moi et je la 
remercie avec ce que j'ai. 

Toutes petites nous dansons déjà nues; quelles 
danses, tu le sais, ma chérie : les douze désirs 
d'Aphrodite. Nous nous regardons les unes les 
autres, nous comparons nos nudités et nous les 
trouvons si jolies. 



El'lliUtM»RS DA>S LILE DE CIMPRE, ï8J 

Pendant la longue nuil nous nous sommes 
ccltauffées pour le plaisir des spectateurs; mais 
notre ardeur n'est pas feinle et nous la sentons si 
bien que parfois, derrière les portes, l'une de nous 
entraîne sa voisine qui consent. 

Comment donc aimerions-nous l'homme, qui 
est grossier avec nous? Il nous saisit comme des 
ûlles et nous laisse avant la joie. Toi, tu es femme, 
lu sais ce qiie je sens. lu t'y prends comme pour 
loi- même. 



LA COMMANDE 



a Vieille, écoute-moi. 
Je donne un festin dans 
trois jours. Il me faut un 
divertissement. Tu me 
loueras toutes tes filies. 
Combien en as-tu et que 
savent-elles faire î> 



— J'en ai sept. Trois dansent la kordax avec 
l'écharpe et le phallos. Néphéléaux aisselles lisses 
mimera l'amour de la colombe entre ses seins cou- 
leur de roses. 



ÉPIGRAHMBS DANS l'ÎLE DE CHYPRE. a85 

Une chanteuse en péplos brodé chantera des 
chansons de Rhodes, accompagnée par deux aulé- 
trides qtii auront des guirlandes de myrte enroulées 
à leurjamhes brunes. 

— - C'est bien. Qu'elles soient épilées de frais, 
lavées et parfumées des pieds à la tête, prêtes h 
d'autres jeux si on les leur demande. Va donner les 
ordres. Adieu. 



LA FIGURE DE PASIPHAË 

Dans une débauche que deux jeunes gens et des 
courtisanes firent cliez moi, où l'amour ruissela 
comme le vin, Damalis, pour fêter son nom, dansa 
la Figure de Pasiphaë. 

Elle avait fait faire à Kition deux masques de 
vache et de taureau, pour elle et pour Kharman- 
tidès. Elle portait des cornes terrihles, et une queue 
poilue sur la croupe. 



I. ILE DE CHYPRE. 



Les autres femmes menées par moi, tenant des 
fleurs et des flambeaux, nous tournions sur nous- 
mêmes avec des crts et nous caressions Damalis du 
bout de nos chevelures pendantes. 

Ses mugissements et nos chants et les danses 
de nos reins ont duré plus que la nuit. La chambre 
vide est encore chaude. Je regarde mes genoux rou- 
ges et les canthares de Khios où nagent des roses. 



LA JONGLEUSE 

Quand la première aube se mêla aux lueurs affaî- 
blies des flambeaux, je fis entrer dans l'org'ie une 
joueuse de flâte vicieuse et agile, qui tremblait un 
peu, ayant froid. 

Louez la petite fille aux paupières bleues, aux 
cheveux courts, aux seins aigus, vêtue seulement 
d'une ceinture, d'où pendaient des rubans jaunes et 
des tiges d'iris noirs. 



ÉPIGRAUMES D^>S l'ÎLE DE CIllPHE. aSg 

Louez-la ! car elle fut adroite et fit des tours dif- 
ficiles. Elle jonglait avec des cerceaux, sans rien 
casser dans la salle, et se glissait au travers comme 
une sauterelle. 

Parfois elle faisait la roue sur les mains et sur 
les pieds. Ou bien les deux jambes en l'air et les 
genoux écartés elle se courbait à la renverse et 
touchait la terre en riant. 



LA 



DANSE DES FLEURS 



Anthis, danseuse de 
Lydie, a sept voiles au- 
tour d'elle. Elle déroule 
le voile jaune, sa cheve- 
lure noire se répand. Le 
voile rose glisse de sa 
bouche. Le voile blanc 
tombé laisse voir ses 
bras nus. 




^^^ 



(musée de BOLOGNE.) 



Elle dégage ses petits seins du voile rouge qui 
se dénoue. Elle abaisse le voile vert de sa croupe 
double et ronde. Elle tire le voile bleu de ses 
épaules, mais elle presse sur sa puberté le dernier 
voile transparent. 



EPIGHAMMES DANS L ILE DR CHYPRE. jgl 

Les jeunes gens la supplient : elle secoue la lête 
en arrière. Au son des flAtes seulement, elle le 
déchire un peu, puis lout à fait, et, avec les gestes 
de la danse, elle cueille les fleurs de son corps. 

En chantant : « Où sont mes roses ? où sont mes 
violettes parfumées ! Où sont mes toulTes de persil ! 
— Voilà mes roses, je vous les donne. Voilà mes 
violettes, en voulez-vous? Voilà mes heaux persils 
frisés. H 



LA VIOLENCE 

Non, lu ne me prendras pas de force, n'y compte 
pas. Lamprias. Si tu as entendu dire qu'on a violé 
Parthénis, sache qu'elle y a mis du sien, car on ne 
jouit pas de nous sans y être invité. 

Oh! va de ton mieux, fais des efforts. Vois : 
c'est manqué. Je me défends àpeinc, cependant. Je 
n'appollerai pas au secours. Et je ne lutte même pas ; 
mais je bouge. Pauvre ami, c'est manqué encore. 



EPIGRAMHES DANS L ILE DE CHIPRE. 395 

Continue. Ce petit jeu m'amuse. D'autant que je 
suis sûre de vaincre. Encore un essai malheureux, 
et peut-être tu seras moins, dispos à me prouver tes 
désirs éteints. 

Bourreau, que fais-tu! Chien! tu me brises les 
poignets! et ce genou, ce genou qui m'éventre! 
Ah ! va, maintenant, c'est une belle victoire, que de 
ravir à terre une jeune fille en larmes. 



Hk 



EPir.RAMMES T>A\S î, ILE DE CHYPRE. 



^% 



Le troisième était si beau que sa mère ne 4 em- 
brassait pas sans rougir. Il mit ses mains sur mes 
genoux, et ses lèvres sur mon pied nu. 



Toi, tu ne m'as rien dit. Tu ne m'as rien donné, 
car tu es pauvre. Et tu n'es pas beau, mais c'est 
loi que j'aime. 




CONSEILS A UN AMANT 



Si tu veux être aimé d'une femme, â jeune ami, 
quelle qu'elle soit, ne lui dis pas que lu la veux, 
mais lais qu'elle te voie tous les jours, puis dispa- 
rais, pour revenir. 

Si elle t'adresse la parole, sois amoureux sans 
empressement. Elle viendra d'elle-même à loi. 
Sache alors la prendre de force, le jour où elle 
entend se donner. 



éPIGRAMMES DAIVS l'Île de CHYPRE. 



399 



Quand tu la recevras dans ton lit, néglige ton 
propre plaisir. Les mains d'une femme amoureuse 
sont tremblantes et sans caresses. Dispense-les 
d'être zélées. 

Mais toi, ne prends pas de repos. Prolonge les 
baisers à perte d'haleine. Ne la laisse pas dormir, 
même si elle t'en prie. Baise toujours la partie de 
son corps vers laquelle elle tourne les yeux. 




33. 



I,RS AMIFS A t>INKIl 

Myromi^ris et M.iskhaié. mes amies, venez avec 
moi, car je n'ai pas d'amant ce soir, et, couchées 
sur des lits de byssos. nous canserons autour du 
dîner. 

Une nuit de repos vous Tera du bien : vous dor- 
mirez dans mon lit, même sans fards et mal coiP- 
fëes. Mettez une simple tunique de laine et laissez 
vos bijoux au cofTre, 



ÉPlflKlMMFS I>*NS l.'îl.E HE CHYPHE. .Inl 

Nul ne vous fnra danser pour admirer vos jambes 
et les mouvements lourds de vos reins. Nul ne vous 
demandera les Figures sacrées, pour juger si vous 
^tes a 



Et je n'ai pas commandé, pour nous, deux 
joueuses de flAtes aux belles bouches, mais deux 
marmites de pois rissolés, des gâteaux au mîel, des 
croquettes frites et ma dernière outre de Khios. 



LE TOMBEAU D'UNE JEUNE COURTISANE 

Ici gît le corps délicat de Lydé, petite colombe, 
la plus joyeuse de toutes les courtisanes, qui plus 
que toute autre aima les orgies, les cheveux flottants, 
les danses molles et les tuniques d'hyacinthe. 

Plus que toute autre elle aima les glottismes savou- 
reux, les caresses sur la joue, les jeux que la lampe 
voit seule et l'amour qui brise les membres. Et 
maintenant, elle est une petite ombre. 



ÉPIGRAMHES DANS l'ÎLE DE GRTPRG. 3o3 

Mais avant de la mettre au tombeau, on l'a mer- 
veilleusement coiffée et on l'a couchée dans les roses ; 
la pierre même qui la recouvre est tout imprégnée 
d'essences et de parfums. 

Terre sacrée, nourrice de tout, accueille douce- 
ment la pauvre morte, endors-la dans tes bras, 6 
Mère ! et fais pousser autour de la stèle, non les 
ortiesetlesronces,maisles tendres violettes blancbes. 



LA PETITE MARCHANDE DE ROSES 



Hier, m'a dit Nais, j'éUis sur la place, quand 
une petite lîlle en loques rouges a passé, portant 
des roses, devant un groupp de jeunes gens. Et voici 
ce que j'ai entendu : 

(I Achetez-moi quelque chose. — Explique-loi, 
petite, car nous ne savons ce que tu vends : toi? 
tes roses? ou tout à la fois?— Si vous m'aclielez 
toutes ces fleurs, vous aurez la mienne pour rien. 



EFIGRAMMES UA\S L ILE Dt ClITPRt. 3o3 

— Et combien veux-lu de tes roses? — Il l'aul 
six oboles à ma mcre ou bien je serai battue comme 
une chienne. — Suis-nous. Tu auras une drachme. 
— Alors je vais chercher ma petite sœur? » 

El toutes deux ont suivi ces hommes. Elles 
n'avaient pas de seins, BilJtis. Elles ne savaient 
même pas sourire. Elles trottaient comme des che- 
vreaux qu'on emmène à la boucherie. 



LA DISPUTE 

Ah ! par l'Aphrodîta, te voilà ! tète de sang I 
pourriture! empuse! stérile ! carcan I gauchère! 
digne de rien '. mauvaise truie ! N'essaje pas de me 
fiiir, mais approche et plus près encore. 

Voyez-moi cette femme de matelots, qui ne sait 
pas même plisser son vêtement sur l'épaule et qui 
met de si mauvais fard que le noir de ses sourcils 
coule sur sa joue en ruisseaux d'encre 1 



ÊPIGHAMMES DAKS l'IlE DE CHYPRE. 307 

'Fu es Phoïnikienne : couche avec ceux de ta 
race. Pour moi, mon père était Hellène : j'ai droit 
sur tous ceux qui portent le pétase. Et même sur 
les autres, s'il me plait ainsi. 

Ne t'arrête plus dans ma rue, ou je t'enverrai 
dans l'Hadès faire l'amour avec Kharôn, et je dirai 
très justement ; « Que la terre te soil légère ! » pour 
que les chiens puissent te dél«rrer. 



MÉLANCOLIE 



Je frissonne; la nuit est fraîche, et la forêt toute 
mouillée. Pourquoi m'as-tu conduite ici? mon grand 
lit n'est-il pas plus dou\ que cette mousse semée 
de pierres? 

Ma robe à fleurs aura des taches de verdure; mes 
cheveux seront mêlés de brindilles; mon coude, 
regarde mon coude, comme il est déj^ souillé de 
terre humide. 



ÉPICRVUMES I>A>S l.'ÎLE DE CHYPRE. Sog 

Autrefois pourtant, je suivaisdans les bois celui... 
Ah! laisse-moi quelque temps. Je suis triste, ce soir. 
Laisse-moi, sans parler, la main sur les yeux. 

En vérité, ne peux-tu attendre ! sommes-nous des 
biîtes brutes pour nous prendre ainsi ! Laisse-moi. 
Tu n'ouvriras ni mes genoux ni mes lèvres. Mes 
yeux mêmes, de peur de pleurer, se ferment. 



LA PETITE PHANION 



Étranger, arrête-loi, regarde qui fa fait signe : 
c'est la petite Phanion de Kôs, elle mérite que 
tu la choisisses. 



EPIGRAMUES DÀSS I. ILE DE CHYPRE. 3ll 

Vols, ses cheveux frisent comme du persil, sa 
peau est douce comme un duvet d'oiseau. Elle est 
petite et brune. Elle parle bien. 

Si tu veux la suivre, elle ne te demandera pas 
tout l'argent de ton voyage; non, mais une drachme 
ou une paire de chaussures. 

Tu trouveras chez elle un bon Ut, des figues 
fraîches, du lait, du vin, et s'il fait froid il y aura 
du feu. 



INDICATIONS 



S'il te faut, passant qui t'arrêtes, des < 
élancées et des reins nerveux, une gorge dure, des 
genoux qui étreignent, va chez Plangon, c'est mon 



Si tu cherches une fille rieuse, avec des seins 
exubérants, la taille délicate, la croupe grasse et 
les reins creusés, va jusqu'au coin de cette rue, où 
demeure Spidorrhodellîs. 



simple lunlqiiD de lliiii 



ÉPICnVUMES DINS l'île de CHYPRE. 3l5 

Mais si les longues heures tranquilles dans les 
bras d'une courtisane, la peau douce, la chaleur du 
ventre et l'odeur des cheveux te plaisent, cherche 
Miltô, tu seras content. 

N'espère pas beaucoup d'amour; mais profite de 
son expérience. On peut tout demander k une 
femme, quand elle est nue, quand il fait nuit, et 
quand les cent drachmes sont sur le foyer. 



le marchand de femmes 

« Qui est là? — Je suis le marchand de femmes. 
Ouvre ta porte. Sôstrata, je te présente deux occa- 
BÏons. Celle-ci d'abord. Approche, Anasyrtolis, et 
défais-toi. — Elle est un peu grosse. 



ÉPIGHAMMES DANS l'iLE DE CHYPRE. 3t7 

C'est une beauté. De plus, elle danse la kordax 
et elle sait quatre-vingts chansons. — Tourne-toi. 
Lève les bras. Montre tes cbeveux. Donne le pied. 
Souris, C'est bien. 

— Celle-ci, maintenant. — Elle est trop jeune! 
— Non pas, elle a eu douze ans avant-hier, et tu 
ne lui apprendrais plus rien. — Ole ta tunique. 
Voyons? Non, elle est maigre. 

— Je n'en demande qu'une mine. — Et la pre* 
mièreP — "^eux mines trente. — Trois mines les 
deuK? — C'est dit. — Entrez là et lavez-vous. Toi, 
adieu. » 



Etranger, ne va pas plus loin dans la ville. Tu 
ne trouveras ailleurs que chez moi des filles plus 
jeunes ni plus experles. Je suis Sôstrata, célèbre au 
delà de la mer. 



ÉP1GRAMMES DANS l'Île de chipse. 3,,. 

Vois celle-ci dont les yeux sont verts comme 
l'eau dans l'herbe. Tu n'en veux pas? Voici d'autres 
yeux qui sont noirs comme la violette, et une che- 
velure de trois coudées. 

J'ai mieux encore. Xanthô, ouvre ta cyclas. 
Etranger, ses seins sont durs comme le coing, 
touche-les. Et son beau ventre, tu le vois, porte les 
trois plis de Kypris. 

Je l'ai achetée avec sa sœur, qui n'est pas d'âge 
à aimer encore, mais qui la seconde utilement. Par 
les deux déesses! tu es de race noble. Phyllis et 
Xanthô, suivez le chevalier! 



LE SOUVENIR DE MNASIDIKA 

Elles dansaient l'une devant l'autre, d'un mou- 
vement rapide et fuyant; elles semblaient toujours 
vouloir s'enlacer, et pourtant ne se touchaient point, 
si ce n'est du bout des lèvres. 

Quand elles tournaient le dos en dansant, elles 
se regardaient, la tète sur l'épaule, et la sueur bril- 
lait sous leurs bras levés, et teiirs chevelures fines 
passaient devant leurs seins. 



ÉI'IGRAMMDS DANS l'U.L VF. CIMl'ItE. 333 

La langueur de leurs yeux, le feu de leurs joues, 
la gravita de leurs visages, étaient trois chansons 
ardentes. Elles se frôlaient furtivement, elle? pliaient 
leurs corps sur les lianches. 

Et tout à coup, elles sont tombées, pour achever 
à terre la danse molle... Souvenir de Mnasidika, 
c'est alors que tu m'appams, et tout, hors ta chère 
image, me fut importun. 



LA JEUNE MERE 



\c crois pas, Mjioméris, que, d'avoir été mère, 
lu sois moindre en beauté. Voici que ton corps sous 
la robe a noyé ses formes grêles dans une volup- 
tueuse mollesse. 

'l'es seins sont deux vastes fleurs renversées sur 
la poitrine, et dont la queue coupée nourrit une sévc 
laiteuse. Ton ventre plus doux défaille sous la main. 



»4 



EPIGRAMMES DANS L ILE DE CHYPHE. 



325 



Et maintenant considère la toute petite enfant 
qui est née du frisson que tu as eu un soir dans les 
bras d'un passant dont tu ne sais plus le nom. 
Rêve à sa lointaine destinée. 



Ces yeux qui s'ouvrent à peine s'allongeront un 
jour d'une ligne de fard noir, et ils sèmeront aux 
hommes la douleur ou la joie, d'un mouvement de 
leurs cils. 




LINCO^NU 

Il dort. Je ne le connais pas. Il me fait horreur. 
Pourtant sa bourse est pleine d'or et it a donné à 
l'esclave quatre drachmes en entrant. J'espère une 
mine pour moi-même. 

Mais j'ai dit à la Phrygienne d'entrer au lit à 
ma place. Il était ivre et l'a prise pour moi. Je se- 
rais plutAt morte dans les supplices que de m'ollon- 
ger près de cet homme. 



Hélas ! je songe aux prairies du Tauros... J'ai été 
une petite vierge... Alors, j'avais la poitrine légère, 
et j'étais si folle d'envie amoureuse que je haïssais 
mes sœurs mariées. 

Que ne faisaîs-je pas pour obtenir ce que j'ai re- 
fusé cette nuit ! Aujourd'hui mes mamelles se plient 
et dans mon coeur trop usé, Erôs s'endort de las- 
situde. 



LA DUPERIE 



Je m'éveille... Est-il donc parti! Il a laissé 
quelque chose ! Non : deux amphores vides et des 
fleurs souillées. Tout le tapis est rouge de vîn. 

J'ai dormi, mais je suis encore ivre... Avec qui 
donc suis-je rentrée P. . . Pourtant nous nous sommes 
couchés. Le lit est même trempé de sueur. 



ÉPIORAMMES DA\S l'Ii.E DE ( 



Peut-être étaient-ils plusieurs ; le lit est si bou- 
leversé. Je ne sais plus... Mais on les a vus! Voîlù 
ma Phrygienne. Elle dort encore en travers de la 

porte. 

Je lui donne un coup de pied dans la poitrine et 
je crie : « Chienne, tu ne pouvais pas... » Je suis 
si enrouée que je ne puis parler. 



LE DERNIER AMANT 

Ëiirant, ne passe pas sans m'avoir aimée. Je suis 
encore belle, dans la nuit; lu ve^as combien mon 
automne est plus chaud que le printemps d'une 
autre. 

Ne cherche pas l'amour des vierges. L'amour 
est un art diilicile où les jeunes iilles sont peu ver- 
sées. Je l'ai appris toute ma vie pour le donner h 
mon dernier amant. 



i:i>ltiKAMMKS 1>A>S LUE DE CinPKIv. 33l 

Mon dernier amant, ce sera loi, je le sais. Voîci 
ma bouche, pour laquelle un peuple a pâli de désîr. 
Voici mes cheveux, les mêmes cheveux que Psap- 
pha la Grande a cbanl«s. 

Je recueillerai en la faveur lout ce qu'il m'esl 
resté de ma jeunesse perdue. Je brûlerai les souve- 
nirs eux-mêmes. Je te donnerai la flûte de Lykas, 
la ceinture deMnasidika. 



LA COLOMBE 

OepuU long'Icntps déjà je suis belle; le jour 
vient où je ne serai plus femme. Et alors je con- 
naîtrai les souvenirs déchirants, les brûlantes envies 
solitaires et les larmes dans les mains. 

Si la vie est un long songe, ù quoi bon lui résister? 
Maintenant, quatre et cinq fois la nuit je demande 
la jouissance amoureuse, et quand mes flancs sont 
épuisés je m'endors où mon corps retombe. 



EF1G11\MMES DANS I. li.E DE CIllPBE. i'ii 

Au matin, j'ouvre les paupières et je frissonne 
dans mes cheveux. Une colombe est sur ma fenêtre; 
je lui demande en quel mois nous sommes. Elle 
me dit : <( C'est le mois où les femmes sont en 
amour. » 

Ah! quel que soit le mois, la colombe dit vrai, 
Kypris! Et je jette mes deux bras autour de mon 
amant, et avec de grands tremblements j'étire 
jusqu'au pied du lit mes jambes encore engourdies. 



LA PLUIE AU MATIN 

La nuit s'efface. Les étoiles s'éloignent. Voici 
que les dernières courtisanes sont rentrées avec les 
amants. Et moi. dans la pluie du matin, i'écris ces 
vers sur le sable. 

Les feuilles sont chargées d'eau brillante. Des 
ruisseaux h travers les sentiers entraînent la terre et 
les feuiUes mortes. La pluie, goutte à goutte, fait 
des trous dans ma chanson. 



ÉPIGRAMMES DAKS L 1I,E DE CHYPItE. 

Oh ! que je suis triste et seule 
ici ! Les plus jeunes ne me re- 
gardent pas; les plus âgés m'ont 
oubliée. C'est bien. Ils appren- 
dront mes vers, et les enfants 
de leurs enfants. 

Voilù ce que ni Myrtalô, ni 
Thaïs, ni Glykéra ne se diront, 
le jour oii leurs belles joues 
seront creuses. Ceux qui aime- 
ront après moi chanteront mes 
strophes ensemble. 



LA MORT VERITABLE 



Aphrodila ! déesse impitoyable, tu as voulu que 
mr mo! aussi la jeunesse heureuse aux beaux che- 
veux s'évanouît en quelques jours. Que ne suis-je 
morte tout à fait ! 

Je me suis regardée dans mon miroii- : je n'ai 
plus ni sourire ni larmes. doux visage qu'aimait 
Mnasidika, je ne puis croire que tu fus le mien ! 



I^PIGRAJIMES D\^S L'il.i: DE CllYPItH:. 



Se peut-il que tout soit uni ! Je n'ai pas encore 
vvcu cinq fois huit années, il me semble que je suis 
née d'hier, et déjà voici qu'il faut dire : On ne 
m'aimera plus. 

Toute ma chevelure coupée, je l'ai tordue dans 
ma ceinture et je te l'offre, Kj-pris étemelle ! Je ne 
cesserai pas de t' adorer. Ceci est le dernier vers de 
la pieuse Bilitis. 






LE TOMBEAU DE BILITIS 






PREMIÈRE ÉPITAPHE 



Bans le pays où les sources naissent de la mer, 
et où le lit des fleuves est fait de feuilles de roches, 
moi, Bilitis, je suis née. 

Ma mère était Phoïmkienne ; mon père, Damo- 
phylos, Hellène. Ma mère m'a appris les chants de 
IWblos, tristes comme la première aube. 



I,E TOMBEAU 1>E BlUTIS. 3^3 

J'ai adoré l'Aslarlé à Kypre. J'ai connu Psappha 
h Lesbos. J'ai chanté comment j'aimais. Si j'ai bien 
vécu. Passant, dis-le h ta fille. 

Et ne sacrifie pas pour moi la chèvre noire; mais, 
i^n hbation douce, presse sa mamelle sur ma tombe. 



SECONDE ÉPITAPHE 



Sur les rives sombres du Mêlas, à Tamassos de 
Pamphylie, moi, iUie de Damophylos, Bîlîlis, je 
suis née. Je repose loin de ma patrie, tu le vois. 

Toute enfant, j'ai appris les amours de l'Adôn et 
de l'Astarté, les mystères de la Syrie sainte, et la 
mort et le retour vers Celle-auï-pauplères-arrondics. 



LE TOMBEAU DE BILITIS. 345 

Si j'ai été courtisane, quoi de blâmable l* N elait- 
ce pas mon devoir de femme ? Étranger, la Mère- 
de-toutes-choses nous guide. La méconnaître n'est 
pas prudent. 

En gratitude, à toi qui t'es arrêté, je te souhaite ce 
destin : Puisses-tu être aimé, ne pas aimer. Adieu, 
souviens-toi, dans ta vieillesse, que tu as vu mon 
tombeau. 



DERNIÈRE ÉPITAPHE 



Sous les feuilles noires des lauriers, sous les 
fleurs amoureuses des roses, c'est ici que je suis 
couchée, mol qui sus tresser le vers au vers, el 
faire fleurir le baiser. 

J'ai grandi sur la terre des nymphes; j'ai vécu 
clans l'ile des amies; je suis morte dans l'île de 
Kypris. C'est pourquoi mon nom est illustre et ma 
slèle frotlrà d'huile. 



Ne me pleure pas, toi qui t'arrêtes ; on ma fait 
de belles funérailles : les pleureuses se sont arraché 
les joues; on a couché dans ma tombe mes miroirs 
et mes colliers. 

Et maintenant, sur les pdles prairies d'aspho- 
dèles, je me promène, ombre impalpable, et le sou- 
venir de ma vie terrestre est la joie de ma vie sou- 
terraine. 



35a TABLE DES MATIERES. 

Pages. 

LES CONPIDEHCES 48 

LA LUNE AUX TEUX BLEUS 5o 

RÉFLEXiOHS (fiOTi traduite) 

HAi^soif (Ombre du bois) 54 

LTXAS 56 

l'ofpraude a la déesse 58 

l'amie complaisante 6o 

PRiJiRB A PERSÉPHONÊ 6a 

LA PARTIE D*OSSELET8 64 

LA QUENOUILLE 66 

LA PLUTE DE PAN 68 

LA CHEVELURE 7O 

LA COUPE «73 

ROSES DANS LA NUIT ^4 

LES REMORDS 76 

LE SOMMEIL INTERROMPU 78 

AUX LAVEUSES 8a 

CHANSON (Quand il est revenu) 84 

ILITI^ 86 

LA PETITE MAISON S8 

LA JOIE (non traduite) 

LA LETTRE PERDUE QO 

CHANSON (La nuit est si profonde) 9a 

LB SERMENT 94 

LA NUIT 98 

BERCEUSE 100 

/ LE TOMBEAU DES NAÏADES 103 

II. ÉLÉGIES A MYTILÈNE 

AU VAISSEAU 106 

PSAPPHA 108 






TABLE DES MATIERES. 353 



Pages. 

LA DANSE DE GLÔTTIS ET DE KTSé I lO 

LES CONSEILS 112 

L*INCERTITUDE Il6 

LA RENCONTRE Il8 

LA PETITE ASTARTÉ DE TERRE CUITE .... I30 

LE DÉSIR 132 

LES NOCES 134 

LE LIT (non traduite) 

-LE PASSÉ QUI SURVIT 126 

LA MÉTAMORPHOSE 128 

«-4PE TOMBEAU ,SANS NOM l32 

LES TROIS BEAUTÉS DE MNASIDIKA l34 

L*ANTRE DES NYMPHES l36 

LES SEINS DE MNASIDIKA l38 

LA CONTEMPLATION («o/i traduite) 

LA POUPÉE l4o 

TENDRESSES l42 

JEUX i46 

ÉPISODE (non traduite) 

PÉNOMBRE l48 

LA DORMEUSE l5o 

LE BAISER l53 

LES SOINS JALOUX l54 

l'Étreinte éperdue i56 

REPRISE (non traduite) 

LE CŒUR l6o 

paroles dans la nuit 163 

l'absence 164 

l'amour 166 

la purification i7o 

la berceuse de mnasidika i72 

promenade au bord de la mer 174 



354 TABLE DES MATIERES. 



Pages. 

l'objet ^1^ 

soir près du feu ^ 7° 

PRIÈRES ïS® 

... 183 



i8'- 



LES YEUX 

LES FARDS '°* 

LE SILENCE DE MN\SIDIK\ 188 

SCÈNE ^90 

ATTENTE • ' .... IQ^ 

LA SOLITUDE '9" 

LETTRE 9 

LA TENTATIVE • ^^^ 

l'effort ^^^ 

MYRRHiNÈ («0'» traduite) 

A GTRINNO ^^ ^ 

/• 

LE DERNIER ESSAI ^^ ^ 

ao8 



LE SOUVENIR DÉCHIRANT 

A LA POUPÉE DE CIRE ^^^ 

CHANT FUNÈBRE ^'^ 

ITT. ÉPIGRAMMES DANS L'ILE DE CHYPRE 

HYMNE A ASTARTÉ 2IU 

*îQO 
HYMNE A LA NUIT 

LES MÉNADES ^^^ 



LA MER DE KYPRIS 

LES PRÊTRESSES DE l'aSTARTÉ . 

LES MYSTÈRES 

•LES COURTISANES ÉGYPTIENNES . 
JE CHANTE MA CHAIR ET MA VIE 
LES PARFUMS 



326 
338 
380 
383 
334 
336 




\ 



TABLE DES MATIERES. 355 



Pages. 

CONVERSATION. 3^0 

LA ROBE DÉCHIRÉE 3^2 

LES BIJOUX 344 

l'indifférent 346 

-l'eau pure du bassin 348 

LA FÊTE NOCTURNE. (tion traduite 

VOLUPTÉ 35o 

l'hôtellerie 353 

LA DOMESTICITÉ '. . . . 354 

LE BAIN ^ 356 

A SES SEINS 360 

LIBERTÉ (non traduite) 

MTDZOURIS 264 

LE TRIOMPHE DE BILITIS 366 

AU DIEU DE BOIS 368 

-LA DANSEUSE AUX CROTALES 3-^0 

LA JOUEUSE DE FLUTE 3-^3 

LA CEINTURE CHAUDE 3-^4 

A UN MARI HEUREUX 378 

A UN ÉGARÉ 380 

INTIMITÉS 382 

LA COMMANDE. 384 

LA FIGURE DE PASIPUAE 386 

LA JONGLEUSE 388 

LA DANSE DES FLEURS 3QO 

LA DANSE DE SATTRA {iion traduite) 

MTDzouRis COURONNÉE (non traduite) 

LA VIOLENCE 303 

CHANSON (Le premier me donna...) 394 

CONSEILS A UN AMANT 398 

LES AMIES A DÎNER 3oO 

LE TOMBEAU D*UNB JEUNE COURTISANE .... 3o3 



1 _ 



356 TABLE DES MATIERES. 

Pages. 

LA PETITE MARCHANDE DE ROSES . 3o4 

LA DISPUTE 3o6 

MÉLANCOLIE 3o8 

LA PETITE PHANION 3lO 

INDICATIONS 3l2 

LE MARCHAND DE FEMMES 3l6 

l'Étranger 3x8 

PHTLLis (non traduite) 

.I,E . SOUVENIR D^B MNASiDIKA^ 3aO 

LA JEUNE MÈRE 3a4 

l'inconnu 326 

la duperie 328 

LE DERNIER AMANT 33o 

LA COLOMBE 332 

T.A PLUIE AU MATIN 334 

LA MORT VÉRITABLE 338 



LE TOMBEAU DE BILITIS 

PREMIÈRE ÉPITAPHE 34a 

SECONDE ÉPITAPHE 344 

DERNIÈRE ÉPITAPHE 347 

BIBLIOGRAPHIE 349 



Paris. — Typ. Charaerot et Renouard. — 38291.