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Full text of "Les comédiens italiens à la cour de France sous Charles IX, Henri III, Henri ..."

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S- 



LES 



COMÉDIENS ITALIENS 



A LA COUR DE FRANCE 



L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droi+ 
duction et de reproduction à l'étranger. 

Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (section de la 
librairie) en juillet 1882. 



i 

PARIS. — TYPOGRAPHIE DE E. PLOH ET C i6 , BUE CARAKCIERE, 8. 



COMÉDIENS ITALIENS 



A LA COUR DE FRANCE 



CHARLES IX, HENRI III, HENRI IV. 
ET LOUIS XIII 



LES LETTRES ROYALES 

LA CORRESPONDANCE ORIGINALE DES COMÉDIENS 

LES REGISTRES DE LA TRÉSORERIE DE L'ÉPARGNE 

ET AUTRES DOCUMENTS 



ARMAND BASCHET 



E. PLOS et C'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS 
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AVANT-PROPOS 



Je ne ferai pas un long discours pour pré- 
senter ce menu travail : quelques lignes suffiront 
pour expliquer ce qu'il est. 

En Tannée 1866, je publiai une édition nou- 
velle d'un ouvrage historique qui, paru sous le 
titre de « Le Roi chez la Reine, ou Histoire se- 
crète du Mariage de Louis XIII et d'Anne d'Au- 
triche » , eut quelque notoriété. 

Au chapitre dixième, « Les divertissements 
de Louis XIII », je disais, dans une note assez 
étendue, que mes récentes recherches en Italie 
m'avaient fait rencontrer, entre autres choses 
piquantes et curieuses, nombre de lettres de 
Comédiens Italiens venus en France, successi- 



vin AVANT-PROPOS. 

vement appelés par les Rois Henri III, Henri IV 
et Louis XIII. Je citais les noms de Tristano 
Martinelli (l'Arlequin de ces temps-là), de Pier 
Maria Cecchini (le Fridelin), de Giovanni Bat- 
tista Andreini (Lelio). J'annonçais beaucoup de 
choses que je disais vouloir publier comme ma- 
tériaux de prix pour servir à l'histoire du théâ- 
tre en France à la fin du seizième siècle et au 
commencement du dix-septième. 

Depuis lors, mes rencontres se sont faites plus 
nombreuses. Après même que j'avais cru mon 
siège fait et mon travail terminé, j'ai eu ma- 
tière à produire un chapitre tout particulier 
au règne de Charles IX. La consultation des 
registres de la chancellerie de Marie de Médicis 
a comblé aussi diverses lacunes. D'autres textes 
d'information — papiers de finances, lettres de 
personnages du temps, mille riens qui per- 
mettent de tant dire — ont rempli d'autres 
vides. Enfin, peu à peu, laissant la chose un 
jour, la reprenant un autre, la délaissant de 
nouveau, y revenant encore, j'ai formé un 
ensemble avec les moissons faites, et sur cet 



AVANT-PROPOS. IX 

ensemble, un récit tout rempli de preuves, qui 
est l'ouvrage ici présenté. 

Je n'ai donc pas fait comme cet original de 
M. Du Gérard, auteur, en l'année 1750, de la 
« Table alphabétique et chronologique des Pièces 
représentées sur l'ancien Théâtre Italien depuis 
son établissement » . Eil dédiant son ouvrage à 
« Messeigneurs les ducs et pairs, premiers gen- 
tilshommes de la chambre de Sa Majesté », il 
déclare que, n'ayant rien rencontré de plus 
ancien sur ce spectacle que ce qu'en rapporte 
le sieur de l'Estoile, il lui a paru naturel de 
s'en tenir aux époques fixées par lui « pour 
l'avènement des premières troupes de Comé- 
diens Italiens dans le Royaume » . Il aurait pu 
porter ses recherches à des temps antérieurs ; 
mais ce faisant, il aurait couru le risque de 
l'incertitude et de l'obscurité. Voulant éviter 
ces inconvénients, il ne fit point de recherches 
du tout sur ce qui aurait pu l'embarrasser. 
C'est comment il se tira d'affaire pour n'avoir 
pas la peine d'apprendre davantage sur la 
matière qu'il avait élue pour en tirer l'honneur 



X AVANT-PROPOS. 

d'une petite composition littéraire. J'ai cer- 
tainement pris une autre voie. Et tout en ho- 
norant fort chacun de mes devanciers sur le 
chemin, j'ai fait tout le possible pour le con- 
naître et m'y retrouver plus sûrement qu'il ne 
leur est quelquefois advenu. 

On connaît par le menu l'histoire des Comé- 
diens Italiens établis en France avec des privi- 
lèges sous Louis XIV, on ne la connaît que par 
des généralités, avec accompagnement de beau- 
coup d'erreurs, pour les temps qui précédèrent. 
Alors, ces Comédiens n'étaient point établis. Ils 
venaient et séjournaient comme s'ils eussent été 
des troupes ambulantes. L'hôtel de Bourgogne, 
la salle de Bourbon, étaient le lieu de leurs 
réunions, lorsqu'avec la permission du Roi, qui 
les avait appelés à Paris, ils jouaient ailleurs 
qu'à la cour, c'est-à-dire à la ville et pour la 
ville. 

Je m'en suis tenu à ces temps-là, et je les ai 
explorés, ne m'arrêtant qu'à des sources bien 
sûres. 



AVANT-PROPOS. xi 

De la variété des informations obtenues, de la 
particularité des détails produits, j'en appelle 
à ces belles archives de l'ancienne maison des 
Gonzague, à Mantoue, qui, dans ma carrière de 
chercheur, m'ont fourni sur tant de sujets divers, 
pertinents aux beaux-arts, aux belles-lettres et 
à la vie politique d'il y a deux cents ans, des 
renseignements que, vainement, j'aurais deman- 
dés ailleurs. 

Mais, dira-t-on, pourquoi les archives de la 
maison souveraine de Mantoue offrent-elles plus 
de documents que toutes autres, sur un sujet 
aussi spécial? D'où vient qu'elles semblent avoir 
ce privilège d'informations sur lé personnel des 
acteurs qui ont joué la Comédie Italienne en 
France, la Comédie improvisée, la Commedia 
deW arte> pour le divertissement de la cour et 
de la ville, sous Henri IV et Louis XIII? 

Voici la réponse : 

Les ducs de Mantoue eurent, de bonne heure, 
une compagnie de comédiens ordinaires, à la- 
quelle ils permettaient ou qu'ils laissaient libre 
déjouer ailleurs qu'à Mantoue, à différentes 



xii AVANT-PROPOS* 

époques convenues. Telle troupe, tout en se 
formant sous un nom collectif : « les Accesi » (les 
Enflammés), les Fedeli (les Fidèles), les Confi- 
denti (les Confidents), était et se disait la troupe 
de Monsieur de Mantoue. En un mot, pendant 
un temps qui dura bien près d'un demi-siècle, 
l'Altesse Sérénissime de Mantoue fut comme un 
patron, un protecteur reconnu, une sorte de 
maître et seigneur des meilleures compagnies 
de Comédiens Italiens. Cela fut surtout sous le 
principat de Vincent P r de Gonzague (de 1587 
à 1612) et sous celui de son second fils le 
cardinal-duc Ferdinand (1612 à 1626). 

Ces Comédiens, allant çà et là, par pays 
d'Italie, ou quelquefois à l'étranger pour ré- 
pondre à l'appel d'un souverain, avaient souvent 
à correspondre avec leur patron et protecteur. 
Leurs lettres, leurs requêtes, les conventions, 
les avis et les messages les concernant, pre- 
naient rang dans les papiers de la maison, 
comme toutes autres écritures privées dans une 
chancellerie de souverain. Avec le cours des 
temps, ces écrits, classés aussi comme tous 



AVANT-PROPOS. xin 

autres papiers, deviennent choses d'archives; 
ils deviennent des documents. Les recher- 
cher ensuite, les reconnaître, les grouper, les 
utiliser, selon le sujet qui attire, c'est affaire 
aux chercheurs et aux curieux, gens laborieux, 
avisés plus ou moins, d'une espèce particulière, 
qui, à tort ou à raison, s'est beaucoup accrue 
dans ce siècle-ci, sous des influences archaïques. 

Donc Monsieur de Mantoue — comme on 
disait alors — avait ses Comédiens. Il leur était 
bon patron. Et les Rois Henri IV et Louis XIII, 
souvent désireux d'avoir la Comédie Italienne à 
la cour, s'adressaient à Monsieur de Mantoue 
et non à autre, au delà des monts, car aucun 
.souverain n'avait le renom d'assembler aussi 
bien ces personnages. De piquantes négociations 
s'ouvraient. On s'écrivait beaucoup pour avoir 
Arlequin, Fridelin, Lelio,. Scapin, le capitaine 
Rinoceronte, Flaminie, Florinde , l'Isabelle. 
De là mille renseignements de part et d'autre. 
Les Comédiens eux-mêmes recevaient par- 
fois de beaux messages. La Reine, pour avoir 
été marraine d'un enfant d'Arlequin, appelait 



xiv AVANT-PROPOS. 

Arlequin « mon compère », et Arlequin, ne 
laissant rien perdre, appelait la Reine « ma 
commère » . C'était leur protocole dans les mes- 
sages qu'ils échangeaient. 

Toutes ces choses étant, le lecteur compren- 
dra aisément l'intérêt tout spécial des archives 
de ces mêmes seigneurs de Mantoue, et l'avan- 
tage qu'elles offraient sur toutes autres, pour 
un sujet de recherches aussi particulier. 

C'est ce dont nous avons pu nous rendre 
compte en étant leur visiteur. Pour le plus grand 
attrait des esprits curieux, les archives de la 
maison de Gonzague ont échappé à bien des 
périls, et sont depuis longtemps fort soigneuse- 
ment conservées. Le long séjour que nous avons, 
fait chez elles nous les a rendues familières. 
Aussi y avons-nous trouvé matière à toute sorte 
de travaux épisodiques. Il les fallait patiem- 
ment élaborer, assemblant, sur un même sujet, 
les copies dont un classement d'ordre avait le 
plus souvent dispersé les originaux dans des 
séries diverses. C'était de belle besogne, et qui 
a porté ses fruits dans la publicité qu'elle a 



AVANT-PROPOS. xv 

reçue. Ces précieux textes tout pleins de don- 
nées nouvelles sur la vie du grand peintre 
Andréa Mantegna, aux derniers ans du quin- 
zième siècle ; ces petites lettres d'Aide Manuce 
l'Ancien à Isabelle d'Esté, respirant toutes le feu 
sacré de sa profession si littéraire ; ces lettres 
étonnantes de Rubens qui nous ont initiés aux 
travaux de sa jeunesse en Italie et à son pre- 
mier voyage en Espagne ; les curieux documents 
sur les emplois de l'habile peintre Porbus, pen- 
sionnaire de Monsieur de Mantoue, envoyé puis 
établi en France; toutes ces choses intéres- 
santes, que nous avons publiées soit dans des 
recueils spéciaux tels que la Gazette des Beaux- 
Arts, soit en librairie, provenaient des archives 
de Mantoue. Aujourd'hui, c'est l'histoire de 
la venue et du séjour des Comédiens Italiens en 
France chez Henri III, Henri IV et Louis XIII. 
Demain, ce sera autre chose; une des joies de 
ce butin, c'est la variété des rencontres, non 
moins que la diversité des productions. 



LES 



COMÉDIENS ITALIENS 



EN FRANCE 



CHAPITRE PREMIER 

AVANT ET PENDANT LE RÈGNE DE CHARLES IX. 

1530-1574 



Y eut-il des Comédiens italiens en France avant le règne d«: 
Charles IX? — Maître André cité en 1530 sous Fran- 
çois I er . — Qomédie représentée pour Henri II et Catherine 
de Médicis à Lyon en 1548. — La Comédie Italienne pro- 
prement dite ne date en France que du règne de Charles IX. 
— Première troupe de Comédiens italiens en 1571. — 
L'ambassadeur extraordinaire d'Angleterre en fait men- 
tion dans sa dépêche du 4 mars. — Ils sont appelés à 
Nogent-le-Roi le 1 er mai pour contribuer par une repré- 
sentation aux divertissements offerts au Roi, aux Reines 
et à toute la Cour à l'occasion du baptême de Henri de 
Clermont, petit-fils du duc de Bouillon. — Pris à partie 
par Messieurs du Parlement. — Arrêt du 15 septembre 1571 
pour empêcher leur établissement à Paris. — Leurs moyens 
de défense. — Le Prévôt des marchands averti par Mes- 

1 



2 LES COMEDIENS ITALIENS. 

sieurs du Parlement au sujet des Comédiens. — Second 
arrêt en la chambre des vacations sur le fait de la présen- 
tation des Lettres Patentes du Roi en leur faveur, 15 oc- 
tobre 1571. — Le Roi Charles IX alors absent de Paris. — 
Ses déplacements continuels. — Son goût pour les compo- 
sitions de musique et de. poésie. — Le S r Sorbin cité. — 
Long séjour de Charles IX à Blois en 1572. — Il y appelle 
les Comédiens italiens qui étaient alors à Paris. — Le pré- 
vôt de Paris, Claude Marcel, banquier des Comédiens par 
ordre du Roi. — La troupe du Florentin Soldino. — La 
troupe du Vénitien Antonio Maria. — Occupations, préoc- 
cupations et régime de Charles IX. — Il a besoin de distrac- 
tions et de divertissements. — Informations curieuses prises 
aux registres de la comptabilité royale « Trésorerie de tes- 
pargne » pour l'année 1572. — Séjour des Comédiens à 
Blois pendant le mois de mars et une partie du mois 
d'avril. — Leur retour à Paris. — La troupe venue l'année 
précédente sous la direction d'Alberto Ganassa est de nou- 
veau à Paris en 1572, pour les fêtes du mariage du Roi de 
Navarre. — Documents formels de Ja Trésorerie de l'Epargne. 
— Quel était l'acteur Alberto Ganassa. — Son départ pour 
l'Espagne. — Le dernier document concernant les Comé- 
diens italiens pendant le règne de Charles IX est du 11 oc- 
tobre 1572. 

11 paraît avéré que la cour de France, dès le temps 
du Roi François Premier, eut l'occasion de se divertir 
au jeu de quelques comédiens venus d'Italie. 

Il est toutefois très- rare de rencontrer, parmi les 
documents du règne, la mention de faits bien précis 
concernant leur personnage. 



AVANT CHARLES IX. 3 

En quelques circonstances et occasions extraor- 
dinaires, telles que l'entrée de la Reine Éléonore à 
Paris en 1530, le mariage de la nièce du Pape avec 
le second fils du Roi en 1533, ou autres solennités 
non moins royales, il y eut sans doute des spec- 
tacles et festoiements où des Italiens eurent bon rôle 
à remplir. Mais, à dire vrai, ces récitateurs et impro- 
visateurs n'étaient que sujets isolés et ne formaient 
point encore « Compagnie Italienne » , ainsi que, 
par ce terme collectif, quelques ans plus tard, on a 
désigné les comédiens venus d'au delà des monts en 
France, pour le plaisir non-seulement du Roi et 
des seigneurs, mais aussi du peuple de la bonne 
ville de Paris. 

Nous voyons bien, pur le compte détaillé de ses 
dons et libéralités, que le Roi François Premier 
avait, de temps en temps, des comédiens à sa suite ' . 



1 Ainsi, pour Tannée 1538, on trouve cette mention cu- 
rieuse : 

A six joueurs de farces et moralitez en don et faveur 
des plaisirs 9 récréations, passe-temps qu'ilz ont faict au 
dit seigneur à jouer nouvelles farces et comédies de ma- 
tières joyeuses durant le séjour quil a faict à Villiers- 
Cotteretz : XX escus soleil ; 

A mestre Jean de Lespine de Pontalletz dit « Songe- 
creux » qui a par cy devant suyvy le dit seigneur avec sa 

l. 



4 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Mais, hors le « maistre André Italien » désigné 
comme étant à son service et à qui le gouverneur 
de Paris commanda « de faire et composer des farces 
et moralitez les plus exquises » pour contribuer aux 
divertissements d'une entrée royale f , nous ne voyons 

bande et joué plusieurs farces devant luy pour son plaisir 
et récréation, en don : 225 livres tournois ; 

A Pierre de la Oultre, maistre compositeur et joueur de 
farces et moralitez, en don tant pour luy que pour aultres 
ses compagnons qui ont joué plusieurs fois devant le dit 
seigneur : CXII livres X sols. 

Voyez « Les comptes des Bâtiments du Roi » , cités ci- 
dessous, tome second, pages 254, 270, 272. « Rooles des 
acquits que le Roy a ordonné estre expédiez tant sur le 
Trésorier de PEspargne que autres. » Archives nationales. 
J. 961. 

1 Voyez le Cérémonial François, recueilli par Théodore 
Godefroy, t. I er (in-folio, Paris, 1649) : « Entrée à Paris de la 
Reyne Eleonor dAustriche, seconde femme du Roy Fran- 
çois /«% ensuite de son sacre à Saint-Denis, tan 1530 » , 
pages 786, 789, 800. Et surtout, le document extrait des Re- 
gistres de CHostel de Ville, reproduit aussi par M. Emile 
Picot, l'ingénieux auteur de l'opuscule publié sous ce titre : 
« Pierre Gringore et les Comédiens Italiens » , in-8* de 
30 pages (Paris, Morgand et Fatout, 1878). Ce « maistre André 
Italien » devait avoir quelque autorité et renom dans son 
art et profession, car par le même document du 12 décembre 
1530, en l'occasion précitée, on voit que maistre Jean du Pont- 
Alaix, ce bon comédien de l'époque, consentit à reconnaître 
pour che? et directeur ledit « maistre André » . 



AVANT CHARLES IX. 5 

sur aucun parchemin, ni en aucun écrit du temps, 
pareille autre qualification de nationalité appliquée 
à gens de la profession comique. Les Italiens portés 
sur les registres de la dépense particulière du Roi, 
c'est-à-dire de sa maison, sont des artistes peintres 
et architectes, des artisans et ouvriers spéciaux, des 
musiciens joueurs de hautbois, sacqueboutes, cornets 
et violons. Il en est aussi plusieurs que Ton voit 
récompensés « en faveur de plusieurs sciences utilles 
et prouffitables ' » . 

On a dit, cependant, que des comédiens italiens, 
— les meilleurs connus à cette époque, — seraient 
venus en France à l'appel et pour le propre compte 
de Marguerite de Valois 2 , sœur du Roi, auteur de 
diverses œuvres de comédie dans l'idiome charmant 
de Boccace. Cette assertion est certainement d'un 



1 Voyez la curieuse publication faite récemment par la 
Société de l'histoire de l'art français, beau volume de 
510 pages : Les comptes des Bâtiments du Roi (1528-1571), 
suivis de Documents inédits sur les châteaux royaux et les 
beaux-arts au seizième siècle, recueillis et mis en ordre par 
le marquis Léon de L aborde. (Paris, J. Baur, 1880.) 

* Apostolo Zéro dit cela dans les notes dont il a illustré 
la Biblioteca delt Eloquenza Italiana di Monsignor Fontamini 
(Venise, 1753), tome 1", page 361, et il le dit d'après Florem. 
Roemvkd, en son Histoire des Hérésies, cap. m, p. 849. 



6 LES COMEDIENS ITALIENS. 

vif intérêt, mais elle est de celles qui, pour être 
rendues plus intéressantes encore, auraient besoin 
de l'appui de quelques bons documents contempo- 
rains. Des lettres échangées entre la Reine de Na- 
varre et quelques Envoyés de France en divers 
États d'Italie pour les affaires du Roi, seraient une 
heureuse et piquante rencontre à faire. 

C'est pour mémoire seulement que nous men- 
tionnons les représentations des comédies données 
à Lyon en 1548, parmi les divertissements et spec- 
tacles inventés et préparés pour YEntrée et séjour 
du Roi Henri II et de la Reine Catherine de Médicis, 
tant par les soins des grands banquiers et marchands 
Lucquois, Florentins et Milanais 1 que par le cardinal 
de Ferrare a . Il est question , dans le récit qui fut écrit 

1 Voyez le tome I er du Cérémonial François, recueilli par 
Théodore Godefroy, page 823. Il est dit : « Messieurs des 
nations ayans tems et loisir à faire leur debvoir, dressèrent 
leurs préparatifs de plusieurs beaux arcs triomphaux, spec- 
tacles, ieux, combats, naumachies, comédies, et maints autres 
passe-temps, tant par eau que par terre, et avec tel magnifique 
appareil comme Ton verra cy-dessous, etc.. » 

9 Le mercredi fut festoyé magnifiquement par le cardinal de 
Ferrare, avec la Reyne et les dames, princes et cardinaux, 
par Monseigneur le Révérendissime , en son jardin de Ronta- 
lon, lequel il avoit faict magnifiquement accoustrer et par 



AVANT CHARLES IX. 7. 

a cette époque, des « histrions tant richement et 
diversement vestus » et de la comédie jouée le ven- 
dredi pour la seconde fois, « laquelle fut aussi et 
derechief le lundy après rejouée, pour Messieurs du 
Grand Conseil et autres de la ville qui n'a voient pu 
entrer aux premiers recitementz '... » C'est de la 
comédie appelée « La Calandra » , œuvre joyeuse de 
Bernardo Divizio di Bibbiena, que le narrateur 
parle, en cet endroit du récit de l'entrée triom- 
phante du Roi et de la Reineit Lyon. La représen- 
tation eut lieu le 27 de septembre 1548, organisée, 
dit-on, avec une troupe appelée d'Italie pour la 
circonstance, aux frais et dépens de ces mêmes ban- 
quiers et grands marchands italiens qui, avec les 
Allemands et les Suisses, formaient à Lyon la puis- 
sante corporation désignée sous le nom de « Mes- 
sieurs des Nations 2 ». 



peintres excellens foict peindre dedans et dehors, etc., pages 852 
et 857 da Cérémonial et fol. K* de l'édition originale. Ce Car- 
dinal, de la maison d'Esté, était archevêque-comte de Lyon. 

1 Folio L* de l'édition originale de la description de X Entrée. 
Lyon, 1549. 

9 II existe trois publications originales de la description de 
V Entrée du Roi Henri II et de la Reine Catherine de Médicis 
à Lyon, en 1548 : deux sont en français, une en italien. La 
première porte ce titre : « La magnificence de la superbe 
et triomphante Entrée de la noble et antique cité de Lyon 



8 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Mais ce ne sont encore là qu'incidents et épisodes 
dans l'histoire des représentations théâtrales au sei- 

faicte au très-chrestien Roy de France Henry deuxiesme 
de ce nom et à la Reyne Catherine son espouse, le 23 de 
septembre 1548 » (à Lyon, chés Guillaume Roville, à YEscu 
de Venise y 1549). La seconde, beaucoup moins complète, 
est : « Le grand triumphe faict à t Entrée du très-chres- 
tien et toujours victorieux monarche, Henry second de ce 
nom, Roy de France, en sa noble ville et cité de Lyon; et 
de la Reyne Catherine son espouse. Imprimé tan mil cinq 
cens quarante et huicL » Celle-ci sans autre indication 
d'origine et d'éditeur; Tune et l'autre ornées de gravures sur 
bois. La troisième, en langue italienne, s'annonce ainsi : « La 
magnifie a et triumphale Entrata del christianissimo Re di 
Francia Henrico secondo di questo nome fatta ne lia no- 
bile et antiqua città dy Lione a luy et a lu sua serenis- 
sima consorte Catherina alli 21 seltembre 1548. » (In Lyone 
appresso Guglielmo Rouillo, 1549, con privilégie) Elle est 
une traduction de la première, faite par un certain F. M. qui, 
sans autre désignation que ses initiales, en adresse ainsi l'hom- 
mage avec l'expression de ses vœux à un sien compatriote de 
Padoue : » F. M, al signor Francesco Vissino di Padova 
desydera ogni bene e dona salute. » Mais cette publication 
est la seule dont le titre comporte celte annexe intéressante : 
« Colla particolare descrittione délia comedia che fece 
recitare la naiione fiorentina a richiesta di sua Maesta 
christianissima. » Le savant critique vénitien Apostolo Zéro, 
dans les curieuses notes du chapitre des Dramatici (tome I er , 
page 361 de la Bibliotheca delt Eloquenza italiana de' 
Monsignor Fontanini), fait donc une erreur, lorsqu'il dit que la 
description de la représentation de la comédie La Calandra 



AVAKT CHARLES IX. 9 

ziènie siècle, et sur lesquels on n'a guère que des 
notions assez vagues. 

a été traduite du français en italien par ledit F. M. C'est le 
récit de Y Entrée seule qui a été traduit, et non celui de la re- 
présentation de la Comédie, Aussi la publication italienne 
faite par le même éditeur de la publication française (Guillaume 
Rouville) ofFre-t-elle plus d'intérêt. Cette annexe en italien est 
un petit récit original, sans doute fait par le traducteur F. M, 
qui, sans doute aussi, avait assisté au curieux spectacle. Quel- 
ques détails y sont des plus précis. L'activité qu'on avait mise à 
tout disposer fut extraordinaire, car le Roi s'était annoncé en 
juillet pour la fin d'août. On avait fait venir expressément de 
Florence dans ce peu de temps tous les comédiens. Le choix 
même de la comédie La Calandra avait été « per cio che 
piacevoUssima era e di sollazevoU motti piena et da più 
intendenti stata sempre lodata e pregiata molto et appresso 
per cio che era nata nella patria loro di Toscana y fattura 
di persona illustre • . Un certain maître Nannoccio, qui était 
au cardinal de Tournon et en résidence à Lyon depuis quelque 
temps, fut l'auteur des beaux décors du premier acte, vues et 
perspectives de Florence. Nombre d'autres décors, parmi les- 
quels des statues en terre cuite dorée, étaient l'œuvre d'un 
maître Zakobi, sculpteur expressément appelé d'Italie ainsi 
que les comédiens, auxquels le Roi, avant de quitter Lyon, 
avait remis cinq cents écus d'or et la Reine trois cents. Tout 
un intéressant travail d'éclaircissements est à faire sur l'his- 
torique de cette représentation, tant pour la partie littéraire 
que pour celle des arts, en fait de mise en scène et de décors 
à cette époque finale de la Renaissance. On nous assure que 
M. de Filippi, écrivain de beaucoup de goût et de savoir, 
très-versé dans les notions de l'histoire littéraire en Italie et 



10 LES COMEDIENS ITALIENS- 

Il faut laisser s'accomplir onze ou douze années 
du règne de Charles IX pour arriver à des informa- 
tions précises, définies et consacrées par des textes 
d'État. Les unes sont enregistrées par les trésoriers 
de l'Épargne en leurs parchemins de comptabilité 
royale 1 , les autres émanent de considérants et arrêts 
formulés par Messieurs du Parlement 2 . C'est donc 
de toute certitude, après toutes les recherches faites, 
que les faits du théâtre italien en France, dans le 
sens de La Comédie Italienne jouée par des Com- 
pagnies italiennes, ne prennent date que sous le 
règne de Charles IX. 

La Comédie Italienne, dont nous parlons ici, était 
ce genre de comédie que l'on a appelée la commedia 
dclV arte ou alV improvviso, pour la distinguer de la 
comédie composée et récitée d'après des règles et con- 
ventions classiques, et que l'on appelait la Commedia 
sostenuta. C'était une comédie improvisée, déve- 

tout spécialement de l'histoire dramatique dès ses origines, 
s'occupe depuis longtemps à réunir tous les éléments docu- 
mentaires destinés à illustrer une très-curieuse traduction de 
cette même comédie La Calandra. Avis à tous les amateurs 
et curieux des choses du siècle seizième. 

1 A la Bibliothèque Nationale, Mss., et aux Archives, id. 

* Aux Archives Nationales. Registres du Parlement. Con- 
seil. 



AVANT CHAULES IX. 11 

loppée, détaillée, en quelque sorte par inspiration 
et selon tous les caprices de l'esprit, sur un sujet 
donné, sur un canevas préparé 1 . Elle avait pris 

1 11 existe beaucoup d'ouvrages soit historiques, soit cri- 
tiques, où il a été amplement traité de la Commedia delt 
arte, considérée à tous les points de vue. Le lecteur qui vou- 
dra avoir des notions plus étendues sur le caractère tout par- 
ticulier de cette variété du genre dramatique devra consulter 
divers ouvrages. Ainsi : Histoire du Théâtre Italien depuis 
la décadence de la Comédie latine, avec un catalogue des 
tragédies et comédies depuis 1500 jusqu'à tan 1660, par 
L. Riccoboni (Paris, 1728, 2 vol. in-8°); Trattato sullaCom 
média delt arte ossia improvisa, Maschere Italiane, par Fr. 
Vàlektini (in-4°, Berlin, 1826); Masques et Bouffons, Co- 
médie Italienne, texte et dessins par M. Maurice S and (in-4°, 
Paris, A. Lévy, 1862); Molière et la Comédie Italienne, 
par M. Louis Moland (Paris, Didier, 1867), très-bon ouvrage, 
dont les chapitres n, m, iv, vin, ix et x sont tous spé- 
ciaux à la Commedia delt arte et à son personnel; il s'y 
trouve quelques erreurs de détail très-faciles à corriger 
d'après les documents récemment trouvés; Scenari inediti 
délia Commedia delt arte contributo alla storia del Teatro 
popolare italiano, publiés par M. Adolfo Bartoli (Florence, 
Sansoni, édit., 1880), avec une Introduzione tout entière à 
lire, pleine de laits intéressants et d'aperçus ingénieux. Le 
lecteur devra aussi rechercher les articles toujours cités de 
feu Charles Magnin, Commencements de la Comédie Ita- 
lienne, etc., (Revue des Deux Mondes, octobre-décembre 
1847), et une étude très-littéraire sur le Théâtre Italien, par 
M. Gabriel Guiu emot, danslaitevue Contemporaine, mai 1866. 
Il va de soi qu'il existe nombre d'autres ouvrages à consulter sur 



12 LES COMEDIENS ITALIENS. 

naissance depuis quarante années environ dans 
la ville et République de Venise. Avec un peu de 
complaisance, il est facile de lui trouver des origines 
dans ces représentations antiques appelées les Fabules 
Atellanœ 1 , produites en Campanie, avec les quatre 
personnages masqués, les caractères, etc., sortes de 
farces ingénieuses et très-vives où se mêlaient la 
pantomime, la danse, la musique, des tours de sou- 
plesse même, aux dialogues ou monologues pleins 
d'humour et de fantaisie. Ce genre de comédie, 
depuis que le Vénitien Ruzzante l'avait mis en vogue 
avec le plus heureux succès, vers Tannée 1526 



l'histoire proprement dite et sur les appréciations de la Comé- 
die italienne dite delt arte; nous aurons soin de les indiquer 
selon que se présenteront les occasions dans ce présent récit. 
1 Voyez les ouvrages traitant de l'histoire du Drame et de la 
Comédie en généra] : Histoire de la Comédie ancienne, par 
Edelestand Du Meril (Paris, Didier, 1869), tome II, le chapitre : 
« La comédie italique » , page 81 à 201 ; A History of EngUsIt 
Dramatic Literature to the death of Queen Anne, by 
A. W. Ward (London, 1875). On y trouve çà et là diverses 
considérations sur la Comédie Italienne fort bien exposées, 
ainsi que des faits intéressants sur les origines. Voyez aussi 
Origini det Teatro in Italia, par M. Alessandro d'Ancoha, 
tome II, le chap. xzxix, p. 140, « Drammi profani del 
secolo XV e XVI modellati sulla sacra rappresentazione » ; 
puis Geschichte des Drama's, par J. L. Klein (Leipsick, 
1865), le tome IV, « Dos Italienisch Drama » , p. 902. 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 13 

ou 1527, avait rencontré d'excellents interprètes. 
Des compagnies s'étaient formées, et quelques-unes 
sous la direction et conduite de l'un des sujets de la 
troupe, comédien principal, passèrent les monts. 
On en vit à Vienne ' et en Espagne. Il en vint en 
France au commencement de l'année 1571. 

Ce fut alors en effet que, pour la première fois, 
parut à Paris une compagnie de Comédiens italiens 
bien organisée. 

C'était le temps des apprêts des cérémonies et 
festoiements pour l'Entrée que devait faire le Roi 
Charles IX en sa ville de Paris, après l'accomplisse- 
ment de son mariage célébré à Mézières avec l'archi- 
duchesse, seconde fille de l'Empereur. On ne trouve 
pas de traces, dans les correspondances échangées 
alors entre la France et l'Italie, d'aucune négo- 
ciation pour l'engagement et le voyage de la troupe 
des Comédiens italiens qui vint alors. Il est, toute- 
fois, à croire que cette troupe ne s'était point pré- 
sentée soudainement, mais qu'elle avait été appelée 

1 L'auteur de Shakespeare in Germany, M. Albert Coux, 
dit : « Ai the court of Vienna... we repeateliy meet with 
Italians Comedians, and among them with a certain Tabo- 
rino who in 1570, was regularly engagea as Impérial 
Co médian. » 



14 LES COMEDIENS ITALIENS. 

à la Cour, ou tout au moins encouragée a y paraître | 

par quelque personnage autorisé, tel, entre autres, i 

que le duc de Nevers. Ce prince, d'origine tout ita- j 

lienne, était Louis de Gonzague, de la maison de 
Mantoue. Il avait le titre ducal de Nevers par la ' 

possession du beau duché que lui avait valu le I 

mariage contracté en 1565 avec l'héritière de la fa- | 

mille 1 . A la cour de France depuis ses jeunes ans, 
il avait été élevé avec les enfants de Henri II et de Ca- 
therine de Médicis. Son frère aîné régnait à Mantoue. 
Ce dernier montrait grand goût pour l'art pro- 
fessé par les comédiens , et il honorait de son pa- 
tronage les compagnies qui s'étaient formées. La 
Commedia delV arte jouée par neuf ou dix per- 
sonnages h caractère, était donc chose très en vogue 
alors en Italie; mais en France, en cette année 
1571, elle était tout à fait une nouveauté, une 
chose non connue autrement que pour en avoir 
entendu parler. Monsieur de Nevers, qui avait des 
correspondances et des relations suivies au delà des 
monts, à Venise, à Florence, à Mantoue, s'était sans 

1 Ludovic de Gonzague, troisième fils de Ferdinand duc de 
Mantoue et de Marguerite Paléologue, épousa Henriette de 
C levés, fille aînée de François de Glèves et de Marguerite de 
Bourbon, et sœur de François et Jacques de Glèves, ducs de 
Nivernois et Rethelois, morts sans enfants. 



SOUS LE RÈGNE DE CHARLES IX. 15 

nul doute fait l'instigateur du voyage de la troupe 
en France, assuré qu'il était qu'elle plairait fort au 
Roi. Le premier document qui signale sa présence 
nous la montre précisément dans sa maison, a l'Hôtel 
de Ne vers, au mois de mars de cette année 1571. 
C'est une dépêche de l'ambassadeur extraordinaire 
d'Angleterre. 

Lord Buckurst, envoyé par la Reine Elisabeth 
vers le Roi Charles IX pour le féliciter sur son 
mariage, était h Paris depuis le 15 février. Le Roi 
voulut que non-seulement tous les honneurs pos- 
sibles fussent rendus à ce personnage, qui était 
parent de la Reine, mais encore que tous passe- 
temps et divertissements alors à la mode lui fussent 
procurés. L'ambassadeur se comptait h en rendre 
compte à sa souveraine dans sa dépêche du 4 mars. 
Il parle des tournois et jeux chevaleresques accomplis 
en son honneur à l'hôtel de Guise. Il parle aussi et 
surtout des splendeurs de la fête que lui offrit le duc 
de Nevers, fête où le Roi fut, et où il vit la Comédie 
italienne représentée par une compagnie d'acteurs 
italiens singulièrement recommandable pour la viva- 
cité, la gaieté et l'originalité de leur jeu 1 . 



- ' Voyez la publication anglaise officielle des Calendar of 
State Papers, faite sous les auspices du Master of the Rolls : 



16 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

La solennité de l'entrée du Roi eut lieu, a cette 
même époque, le 6 mars ; le couronnement de lu 
Reine, le 25 à Saint-Denis, et son entrée à Paris le 
29. Ce ne furent que fêtes dans les maisons des 
princes et seigneurs de la cour, et les comédiens 
italiens ne cessèrent d'y être partie contribuante. 

Un document d'une particulière curiosité les men- 
tionne, à la date du 1 er mai. C'est à Nogent-le-Roi, 
en pays chartrain où on ne s'attendrait guère à les 
trouver, qu'on les rencontre jouant devant toute la 
Cour. L'occasion d'une pareille assemblée était la 
cérémonie du baptême de Charles-Henry de Cler- 
mont, tenu sur les fonts par la Reine mère du Roi 
et par le cardinal de Lorraine, archevêque-duc de 
Reims et premier Pair de France. Le Roi et les 
princes avaient quitté Paris dans les derniers jours 
d'avril pour faire un voyage en Normandie. On de- 

Foreign séries ofthe Reign of Elizabeth, le volume pour les 
années 1569-1571, page 413, Lord Buckurst to the Queen. 
Pans, 4 mars 1571. La dépêche originale dit textuellement : 
« The 4 of this month the King procures the duke de 
iïevers to invite me to diner where we found a sumptuous 
feste and ofgret honour adorned w l musick of a most excel- 
lent and straunge conserte, and w* a Comédie of halians 
that for the good mirth and handling therof deserved sin- 
gular comendacion. » 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. . 17 

vait le terminer par un séjour à Gaillon, chez le 
cardinal de Bourbon, après en avoir fait un de près 
de deux semaines en pays chartrain, à Nogent-le- 
Roi, et un autre beaucoup plus court à Anet, chez 
Monsieur d'Âumale. 

Nogent-le-Roi est ce lieu de l'ancien Orléanais, 
sis en un vallon près la rivière de l'Eure, à cinq 
lieues de Chartres et à quatre de Dreux. Le château 
qui s'y voyait alors, dominant la petite ville, était à 
la duchesse douairière de Bouillon, princesse souve- 
raine de Sedan, Françoise de Brezé, fille héritière 
du grand sénéchal de Normandie et de la duchesse 
de Valentinois, veuve de Robert de la Marck, dont 
elle avait eu Anne, mariée d'abord à Jacques de 
Clèves, duc de Nevers, puis à Henri de Glermont, 
vicomte de Tallart. C'était la naissance récente d'un 
fils dû à cette dernière union, qui valait alors au 
château de Nogent-le-Roi une aussi royale, brillante 
et nombreuse compagnie. Le Roi, messieurs d'An- 
jou et d'Alençon ses frères, la Reine sa mère, la 
Reine régnante, le cardinal de Lorraine, le duc de 
Guise, Monsieur du Maine, les ducs de Vaudemont, 
de Mercœur, d'Aumale, le marquis d'Elbeuf, tous 
les gentilshommes de la Maison du Roi, les ambassa- 
deurs d'Espagne , d'Angleterre et de Pologne , 
Madame sœur du Roi, Mesdames de Lorraine, 



18 • LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Madame de Montpensier, Madame de Guise étaient 
présents l . Ce fut pour le divertissement du premier 
soir que figuraient les Comédiens italiens, qualifiés 
de « Comédiens du Roy » et appelés les Gelosi 2 par 
le narrateur de ces cérémonies. L'une et l'autre de 
ces deux désignations nous offrent un intérêt parti- 
culier : la première, parce qu'elle marque la faveur 
en laquelle ces comédiens étaient ; la seconde, parce 
qu'elle nous indique que cette première troupe 
parue à la cour portait déjà le nom collectif de 
a / Gelosi » qui, plus tard, devint si célèbre. Jus- 
qu'à présent, on ne connaissait d'autre troupe por- 
tant cette enseigne que celle dont le sieur de l'Es- 
toile nous a signalé l'arrivée à Blois et à Paris 
pendant l'année 1577, sous le règne de Henri III. 

Jusqu'au mois de septembre de l'année 1571, les 
recherches ne font plus connaître aucun détail sur 

1 Bibliothèque Nationale. Manuscrits. F.Fr., n° 3213, folios 
46 à 55 : curieux document dont je dois l'indication à mon 
obligeant et érudit confrère M. Joseph Roman, qui a entrepris 
1* louable et utile publication des Actes et Correspondance 
du connétable de Lesdiguières ; deux volumes parus avec une 
Introduction. 

8 Le narrateur de la cérémonie a écrit « les Galozi » , mais son 
erreur est manifeste. C'est Gelosi qu'il aurait dû écrire, c'est- 
à-dire « les Jaloux » , la troupe des Jaloux, nom collectif, sorte 
de sobriquet que la Compagnie s'était donné en se constituant. 



SOUS LE RÈGÇïE DE CHARLES IX. 19 

les mouvements de la troupe des Comédiens italiens 
en France. Mais, audit mois de septembre, un acte 
judiciaire nous donne de leurs nouvelles. A cette 
époque, en effet, Messieurs du Parlement libellèrent 
un arrêt dont chaque mot est une atteinte portée 
au séjour de la Compagnie et par conséquent à l'exer- 
cice de sa profession joyeuse. Cet arrêt du « samedi 
quinziesme de septembre 1571 ' » nous instruit de 
divers faits dont l'énoncé ne sera point ici hors cadre. 
Les Comédiens ayant reçu si bon accueil chez les 

1 Et non 1570, ainsi que l'a indiqué M. E. G am pardon aux 
pages v, vu, vin de Y Introduction à son ouvrage : « Les Comé- 
diens du Roi de la Troupe Italienne pendant les deux der- 
niers siècles » , deux beaux volumes imprimés en caractères 
eJzeviriens (Paris, Berger-Lovrault, 1880). L'erreur de M. Cam- 
pardon sur l'énoncé de la date de ce premier Arrêt ne peut 
s'expliquer que par quelque inadvertance, puisqu'il a exactement 
cité la date du deuxième Arrêt rendu un mois plus tard : les deux 
se trouvant inscrits dans le même Registre du Parlement, l'un 
au folio 261, l'autre au folio 321. Nous n'aurions pas relevé 
cette erreur, si l'auteur ne l'avait produite diverses fois, car 
autrement nous l'aurions prise pour une simple faute d'im- 
pression. Ainsi répétée, elle a cet inconvénient de dérouter le 
chercheur de documents, en le portant sur une année où il 
n'a rien à trouver sur ce sujet. Ge fut ce qui nous arriva tout 
d'abord, nous en étant rapporté à la citation quatre fois pro- 
duite de l'année 1570. Le cas n'est d'ailleurs point pendable. 
L'auteur réparera cela dans une seconde et non moins belle 
édition de son ouvrage. 

2. 



20 LES COMEDIENS ITALIENS. 

grands seigneurs de la Cour, dont bon nombre les 
avaient appelés à produire leurs jeux et divertisse- 
ments en leurs maisons , s'étaient assurés aussi du 
bon vouloir du Roi. Ainsi munis, ils pensèrent de 
s'installer soit en l'intérieur de Paris, soit en l'un de 
ses faubourgs, pour attirer le public et donner des 
représentations moyennant salaire de 3, 4, 5 et 
6 sols selon le choix des places '. Ils mirent ce pro- 
jet à exécution dans les premiers jours du mois 
d'août, sans avoir pris, paraît-il, toutes les précau- 
tions voulues pour que Messieurs du Parlement et 
les gens du Chàtelet ne fussent en droit d'y contre- 
dire. Toutefois, ils avaient des Lettres Patentes oc- 
troyées par le Roi, et se croyant si bien pourvus, 
ils s'étaient portés vers le Prévost des marchands, 
qui, sur le vu d'un pareil passe-port, avait, à son 
tour, octroyé toute permission sans prendre autre 
conseil. Mais le cas parut douteux, délictueux 
même à toutes autres .autorités non consultées. 
Le Procureur général voulut en connaître, et pa- 
reille intervention n'attirant d'ordinaire que des 
disgrâces, toutes disgrâces furent pour les Comé- 
diens. Il y eut plainte et remontrance du Procureur. 
À son avis, le prix perçu pour les places était excessif 

1 Voyez le texte de la transcription de Y Arrêt. 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 21 

et non accoutumé d'être levé; c'était « une espèce 
d'exaction sur le pauvre peuple l » . Le Prévost des 
marchands fut mandé et ouï, le Lieutenant criminel 
de même, et le substitut du procureur général au 
Châtelet récrimina. La matière fut mise en délibéra- 
tion en la chambre du Parlement dite des vacations. 
Un arrêt sortit par lequel « inhibitions et deffenses 
furent faites à tous joueurs de farces et autres jeux 
publicqs nayans pouvoir et permission vallable, de 
plus jouer en publicq ny en privé sous peine de prison 
et punition corporelle » . Il fut enjoint aussi « à tous 
les manans et habitans de ceste dite ville de Paris et 
fauxbourgs d'icelle, de quelque état et qualité qu'ils 
soient, d'aller ny de se trouver ou assister aux dits 
jeux sous peine de dix livres parisis d'amende ». Il fut 
prescrit que « dedans trois jours les dits joueurs de 
farces seront sommés de mettre et porter par devers le 
substitut du procureur général les registres et papiers 
de recepte des deniers perçus et exigez de ceux qui ont 
assistez aux jeux et farces 2 . . . » 

Les Comédiens, pour leur défense et excuse, 
avaient argué de la permission qu'ils tenaient du 

* Voyez le texte de la transcription de Y Arrêt. 

1 Archives nationales. Registres du Parlement, Conseil. X, 
n° 1633, folio 261. « Du samedy quinziesme septembre 
MV LXCI. • 



22 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Prévost des marchands, autant dire du maire de 
Paris. Mais, comme ce dernier la leur avait donnée 
en sa maison privée, sans en communiquer au Lieu- 
tenant civil ou au Lieutenant criminel ou à autres 
officiers du Chàtelet, le Procureur général voulut 
l'entendre sur ce fait de liberté excessive qu'il con- 
sidérait que M. le Prévôt des marchands avait prise. 
Le* Prévôt avait naturellement et légitimement 
répondu qu'il avait donné telle permission « suivant 
le mandement du Roy porté par ses Lectres Patentes 
et Lectres ^Closes signées de sa main et de lung de 
ses secrétaires d'Estat ! » . Mais de si beaux argu- 
ments n'empêchèrent point l'énoncé d'un second 
arrêt faisant « inhibition et deffense au dit Prévost 
de plus donner telles permissions ny faire ou ordon 
ner aultres actes en sa maison ny ailleurs sans en 
avoir communiqué au lieutenant civil et criminel, 
aux conseillers » ou autres seigneurs de justice ayant 
qualité pour donner leur avis. 

Le cas où se trouvait la troupe italienne était par 
le fait assez pitoyable, d'autant que le Roi n'était 
pas lors à Paris. Charles IX était en ses déplace- 
ments de chasse es provinces d'Orléanais et Touraine, 

1 Archives nationales. Même Registre cité ci-dessus. 



SOUS LE RÈGNE DE CHARLES IX. 23 

vers lesquelles il était parti, à la mi-août, après un 
séjour d'un mois à Fontainebleau. Or, à moins que 
ce ne fût par correspondance ou délégation, les 
Comédiens n'avaient guère moyen de référer au 
Roi absent, sur le mauvais vouloir de Messieurs de 
son Parlement. Ils eurent toutefois recours à la pro- 
tection des Lettres Patentes dont ils étaient déjà pos- 
sesseurs, et pensèrent à les présenter en bonne forme 
à Messieurs de la chambre des vacations, qui en 
délibérèrent le « lundi quinziesme d'octobre » dudit 7 
an 1571. 

Les termes de l'Arrêt que ces messieurs rendirent, 
comparés a ceux dont ils s'étaient servis le mois 
précédent, ne laissent pas que d'être adoucis. Dans 
l'arrêt du 15 septembre, les personnes sont assez 
maltraitées; elles ne sont autres que des joueurs de 
farces '.Mais en ce second arrêt du 15 octobre, elles 

1 Autrefois, du reste, le mot « farce » n'avait pas le même 
sens absolu qu'on lui donne aujourd'hui. Furetière, en sou 
Dictionnaire universel (édition 1727), après avoir dit que ce 
sont « de ces petites facéties que donnent les charlatans en 
place publique pour y amasser le monde, qui sont remplies de 
pointes et de mots de gueule » , convient que « les comédiens 
en ont fait de plus régulières qui ont gardé le même nom chez 
le peuple. La farce doit être vive, railleuse, et écrite d'un 
style aisé et facile. » 



24 LES COMEDIENS ITALIENS. 

sont désignées sous le nom du Comédien leur chef, 
« Alberto Ganassa et ses compagnons Italiens » . 
C'est assurément mieux. Puis — et c'est en quoi la 
nuance est plus sensible — les choses que ces ma- 
gistrats sévères avaient appelées « farces et jeux 
publics » , sont cette fois passées au titre plus 
classique de • comédies et tragédies » . Quant au 
principal, c'est-h-dire aux conclusions, ce fut partie 
remise. 

u Ce jour, — dit l'Arrêt, — la chambre des Vacations 
ayant veu les lectres patentes du Roy obtenues par Albert 
Ganasse et ses compagnons ilalliens afin de leur estre 
permis jouer publiquement en ceste ville tragédies et 
commedies, ensemble les conclusions sur ce du procureur 
général, la dicte Chambre a arresté pour la conséquence 
des dictes lectres et actendu l'arrest cy devant donné, 
que les choses demoureront en surseancc jusques à la 
Sainct-Martin pour en estre ad visé* lors. Et seront à 
ceste fin les dictes lectres retenues au greffe 1 . » 

Vint le jour de Saint-Martin, Ici 1 de novembre. 
Mais on ne voit point, dans les registres du Conseil, 
qu'en ce jour non plus qu'en tout autre pour le 
reste de l'année, Messieurs du Parlement aient eu à 

1 Archives hatiowales. Même Registre du Parlement cité 
ci-dessus, folio 321. « Du lundy quinziesme jour d'octobre 
MV« LXG1. » 



SOUS LE RÈGNE DE CHARLES IX. 25 

rendre aucun nouvel arrêt concernant la résidence, 
ou les représentations des Comédiens à Paris, sous 
la conduite et direction dudit Alberto Ganassa. Il 
est à penser qu'ils partirent pour éviter les conflits 
et les disgrâces. Il se peut aussi que le Roi, ainsi 
que le fit plus tard Monsieur son frère et successeur 
en un cas tout semblable, ait envoyé, du lieu où il 
était lors, des Lettres dites de jussion à Messieurs du 
Parlement pour qu'ils cessassent de prendre ainsi 
à partie les comédiens dont il aimait les jeux. Ce 
qui est certain, c'est que le lundi 29 décembre de 
cette même année 1571, une troupe de comédiens 
italiens se trouvait de passage à Lyon et y donnait 
une représentation ] . Était-ce la troupe d'Alberto 
Ganassa qui, ayant quitté Paris, retournait en 
Italie? Mais ce pourrait être aussi l'une des deux 
troupes qui, venant au contraire d'Italie à Paris, 
était de passage en ladite ville de Lyon. Il est ein 

1 Cette information m'est très-obligeamment donnée par 
M. C Broucqoud, auteur de l'ouvrage des « Origines du 
Théâtre de Lyon » , qui Ta trouvée, depuis la publication de 
son travail, dans le Registre des recteurs-trésoriers de taû- 
mône générale (Archives hospitalières, à Lyon). Receptes, 
n° 28, f» 9. « Receu des Italiens joueurs de comédie ; la 
somme de 26 livres il sols 1 denier pour un don qu'ils 
ont faict à ta dicte aulmône, receu d'un jour qu'ils 
jouèrent le lundi 29 décembre 1571. » 



26 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

effet certain, ainsi que tout à l'heure nous le dé- 
montrerons par documents autenthiques publie's 
pour la première fois, qu'au mois de février suivant, 
en 1572, il y avait à Paris deux autres troupes de 
Comédiens italiens dirigées, Tune par un Florentin, 
l'autre par un Vénitien, et que Charles IX étant 
encore à Blois les y appela au mois de mars et les 
garda jusqu'à la mi-avril. Il est encore non moins 
certain que ce même Alberto Ganassa, mis en cause 
en septembre 1571 par le procureur général, se 
trouva de nouveau à Paris l'année suivante aussi, 
au mois d'août, pour contribuer, lui et sa troupe, 
aux fêtes du mariage du Roi de Navarre avec Mar- 
guerite de Valois. Les documents de la comptabilité 
royale sont formels à cet égard. 

Voici d'ailleurs dans quel ordre de date et en 
quelle suite de circonstances nous trouvons qu'il est 
fait mention des Comédiens italiens a la cour de 
France. Suivons d'abord les mouvements du Roi qui 
les y appela et les retint, pendant cette trop fameuse 
année 1572. Regardons le Roi Charles IX. 

Le Roi, avons-nous dit, avait quitté Paris et les 
résidences voisines, telles que les châteaux de Madrid 
et Monceaux, dès le mois de juillet 1571. Une année 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 27 

presque entière devait se passer avant qu'il y revînt. 
Il n'y eut pas de prince plus errant, plus prompt à 
se déplacer. Depuis qu'il avait terminé son grand 
voyage en ses provinces avec Catherine de Médicis 
sa mère, voyage qui n'avait pas duré moins de deux 
années et demie 1 , il allait de résidence en rési- 
dence, par châteaux, forêts et lieux de chasse. De 
Paris, qu'il n'avait en quelque sorte fait que tra- 
verser, a son retour de Normandie, il s'était porté 
à Fontainebleau, puis à Blois, où l'avait retenu le 
devoir de donner ordre à plusieurs affaires avec les 
gens de son conseil pour le fait de l'édit de paci- 
fication et des conférences avec « son cousin Mon- 
sieur l'admirai » et ses autres cousins les maréchaux 



1 Le Roi avait effectué ce grand voyage en 1564, 1565 et 
1566. Parti de Paris le 24 janvier 1564, il n'y était rentré que 
le 1 er mai 1566. L'itinéraire en a été recueilli par Abel Jouan, 
l'un des serviteurs du Roi, et publié sous le titre de « Recueil 
et Discours du voyage du Roy Charles IX en ses païs et 
provinces de Champagne, Bourgogne, Dauphiné, Pro- 
vence, Languedoc, Gascoigne, Baionne et plusieurs 
autres lieux, depuis son portement de Paris jusques à son 
retour au dit lieu » (à Paris, pour Jean Bonfons, libraire, en 
la rue Neufve-Notre-Dame, à l'enseigne Saint-Nicolas, 1566). 
C'est un petit volume in-18 des plus rares. Le marquis d'Au- 
Iiais en a reproduit le texte parmi les « Pièces fugitives de 
t Histoire de France » . 



28 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de France. Sept ou huit semaines s'étaient à peine 
écoulées que le Roi s'éloignait déjà dudit lieu de 
Blois, allant çà et là dans la Touraine et l'Anjou. Le 
20 octobre, il est à Château-Renaud; le 2 novembre, 
à Vaujours 1 , d'où il écrit à son ambassadeur, en An- 
gleterre, le sieur de la Mothe-Fénelon * : « Nous 
sommes encore en notre petit voyage, qui pourra 
durer jusqu'à la fin de ce moys, auquel temps ma 
tante la Royne de Navarre pourra estre joincte avec 
nous, pour donner perfection au mariage de son 
fils avec ma sœur, avec l'ayde du Créateur que je 
prie... etc. 8 . » Il est à Duretal 4 près Saumur, le 



1 En Anjou, dans l'élection de Beaugé. Ce lieu était alors aux 
de Beuil Sancerre, et fut depuis érigé en pairie 'en faveur des 
La Vallière. 

8 Sur les voyages et déplacements du Roi Charles IX, voyez 
toutes les dépêches des divers ambassadeurs accrédités en 
France à celte époque. Elles offrent beaucoup plus d'exacti- 
tude et de précision que l'Itinéraire des Rois de France, 
publié par le marquis d'Aubais, tome I er de ses Pièces 
fugitives, 

3 Voyez le recueil de la Correspondance diplomatique du 
S* de La Mothe Fénelon de Salignac, publié par M. Teulet. 
(Paris, sept volumes in-8°.) 

* En Anjou, sur la rivière du Loir, à 3 lieues de La Flèche. 
Le Roi n'était sans doute pas au château même de Duretal y 
mais en celui de Pescheseul, près Duretal, chez Jean de 
Champagne, chevalier de l'ordre, seigneur de Pescheseul, ter- 



SOUS LE BEGNE DE CHARLES IX. 29 

15 novembre, où la Reine sa mère tombée soudai- 
nement malade retint forcément la cour et sa suite 
pendant plus de quinze jours '. Puis on se rendit à 
Amboise, où le Roi commença l'année 1572 et 
demeura deux mois avant de revenir à Blois, où il 
prit ses quartiers jusques aux premiers jours de 
mai. 

Ce fut un temps singulièrement gros d'affaires 
que celui qui s'écoula à Blois depuis le 2 février que 
Charles IX y arriva et le 10 mai qu'il en partit. Si 
le Roi voyageait pour fuir les affaires, — fuggendo i 
negotiï, ainsi que l'écrit un ambassadeur vénitien, — 
on peut dire que les affaires étaient vivement venues 
à lui. Assurément, il avait la Reine madame sa mère, 
négociatrice sans pareille, et des conseillers tels que 
Messieurs de Morvilliers, de Laubespine, de Foix, 
Birague, le maréchal de Montmorency et divers 
autres gens d'État qui travaillaient pour lui. Mais 
toutes choses lui étaient néanmoins soumises, et plus 
d'une alors était de nature à le préoccuper extrême- 

rible ennemi de ceux de la religion réformée. M. de Montes- 
son possède un superbe manuscrit de la Chronique de Pascè, 
qui relaie ce séjour du Roi en 1571. 

1 Papiers du S r de Belmevde : Passim. Bib. Nat. Ma- 
nuscrits. 



30 LES COMEDIENS ITALIENS. 

ment. Il était d'une complexion singulière, et son 
esprit comme son tempérament inclinaient à la 
recherche des choses les plus contraires entre elles. 
Le sieur Sorbin dit Saincte-Foy, docteur théologal 
de Toulouse, l'un de ses prédicateurs, Ta dépeint au 
vif, lorsqu'en un sien petit livre 1 , il le représente 
« extrême en exercice et violence, et amateur de 
poésie et plus encore de musique » , tuant chevaux 
dans ses chasses affolées, puis passant grande partie 
de la nuit à lire ou faire réciter des vers, a quoi il 
employait volontiers Âinadis Jamin, ou le maître de 
la musique de sa chambre, Estienne Le Roy, abbé 
de Saint-Laurent, et quelques autres de ses servi- 
teurs domestiques, se plaisant à battre la forge 
jusqu'à en perdre haleine, et soudain envoyant des 
vers de sa façon au sieur Ronsard, « dont il chérissait 
les labeurs » plus que d'aucun de ses autres poètes 
qui, tels que Passerat, Baïf, Daurat et Vatel, étaient 
de sa maison. * 

Or, si jamais ce prince eut tous motifs de recher- 
cher les divertissemens qu'il aimait pour reposer son 

1 VHistoire véritable des choses mémorables advenues 
tant durant le règne que le tour du trespas du tres-hault 
puissant Roy tres-chrestien Charles IX, etc., par A. Sorbin 
dict Sainctefoy son prédicateur, docteur théologal de Tou- 
louse. (Paris, 1574). 



SOUS LE RÈGNE DE CHARLES IX. 31 

esprit du souci d'affaires propres à l'émouvoir, ce 
fut assurément alors, en ce dernier long séjour qu'il 
fit à Blois, durant l'hiver de l'an 1572. Il n'était pas 
de séance du conseil qui ne fût d'une extrême im- 
portance par les négociations en cours d'être trai- 
tées. Continuels aussi étaient les pourparlers que le 
Roi et la Reine sa mère avaient à tenir tantôt seul à 
seul, tantôt avec les ambassadeurs d'Angleterre ou 
avec la Reine de Navarre, cette princesse et mère re- 
doutable qui dès son premier entretien avec Cathe- 
rine disait hardiment ne vouloir se fier à personne 
vivante et par conséquent résolue à traiter de toutes 
choses elle-même 1 . Un projet de mariage entre 
Monsieur d'Anjou, frère du Roi, et la Reine Elisa- 
beth ; la conclusion du mariage de Marguerite, sœur 
du Roi, avec le prince de Navarre; un traité d'al- 
liance avec les Anglais ; l'impatience personnelle de 
Charles IX pour une déclaration de guerre à l'Es- 
pagne; la trêve à résoudre entre les deux maisons 
ennemies de Guise et de Châtillon; rembarras des 



1 Dépêche de l'ambassadeur de Toscane, Blois, 7 mars 
1572. « 1er sera la Regina madré e que lia di Navarra 
furono insieme... » La discussion fut des plus vives. La 
Reine de Navarre dit à la Reine mère : « lo non mi voglio 
fidar dipersona che vive, e pero voglio trattar io in tutto. » 
Négociations de la France avec la Toscane, tome III. 



32 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

finances; les embarras des partis dits de religion 
devenant plus forts à mesure que sortaient de la 
signature royale des édits prétendus de pacification ; 
peut-être la conception du massacre prochain des 
Huguenots qu'en attendant, le Roi semblait vouloir 
apprivoiser par concessions plus grandes que celles 
qu'ils demandaient : telles étaient les nombreuses 
questions du moment. Et ce fut sur le lieu même 
où elles se traitaient, au château de Blois, pen- 
dant le mois de mars de cette année 1572, que, à 
l'appel de Charles IX, arrivèrent les Comédiens 
italiens. 

On conçoit qu'en un pareil rassemblement d'af- 
faires, le Roi ait pensé au divertissement de son 
esprit tourmenté. D'ailleurs, le temps aussi était venu 
où, selon son usage, il s'allait mettre au régime et 
faire sa diète, comme on disait lors. Pour Charles IX, 
c'était une affaire de vingt à vingt-cinq jours pen- 
dant lesquels tous les exercices violents, dont il avait 
l'habitude, étaient suspendus. C'était sans doute en 
ces singulières occasions que ce Roi marquait plus 
que jamais sa faveur à ses poètes et musiciens; que, 
par toutes caresses possibles, pour parler comme le 
sieur Sorbin, il retenait près de lui le sieur de Ron- 
sard, échauffant « la gaillardise de son esprit ».et 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 33 

fortifiant « la veine de sa grave poésie ' » ; plus que 
jamais aussi, que témoignant du goût extrême 
qu'il avait pour la musique, « fust aux instru- 
mens ou aux voix humaines », il appelait le sieur 
Orlande, « rare musicien de ce temps, serviteur au 
duc de Bavière, de qui la musique lui plaisait si 
très tant » , et maître Etienne Le Roy, abbé de Saint- 
Laurent, dont il chérissait la voix et « qu'il consti- 
tuait juge de tout ce qui se présentait de bon en mu- 
sique » . Alors aussi était avec lui Anthoine de Baïf, 
« poète du dit seigneur, en son academye » , à qui 
tout récemment il avait « fait don de six vingt- 
cinq livres en considération de ses services en son 
dit estât mesmes pour faire composer par les com- 
positeurs musiciens de la dite academye une messe 
en musicque qui luy avait été commandée par Sa 
Majesté 1 






1 V Histoire véritable des choses mémorables adve- 
nues, etc., par A. Sorbin dict Sainctefby, pages 32, 35, 54. 

8 Compte de la Trésorerie de tEspargne, Manuscrit ori- 
ginal ; Bibliothèque Nationale : Fonds Clairambault, n° 233, 
folio parchemin 3522. Pour 1' « Academye de musique » dé- 
signée ici, voyez les curieuses « Lettres Patentes » pour que 
les 5" de Baïf et Joachim Thibaut de Courville puissent 
dresser une Academye de musique, signées au faubourg 
Saint-Germain novembie 1570 par Charles IX et publiées dans 
la Revue Rétrospective: Première série, tome I er , pages 102- 

3 



34 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Le rapprochement de divers textes en cette occa- 
sion du régime où se mit le Roi Charles IX est, d'une 
particulière curiosité, et le lecteur verra tout à l'heure 
que cette remarque n'est point du tout hors de 
cadre avec la venue des Comédiens italiens. L'am- 
bassadeur ordinaire d'Angleterre, Walsingham, écri- 
vant de Blois, le 19 mars 1572, a lord Burghley, 
lui disait entre autres choses : « Le Roi s'est mis au 
régime pour vingt jours; mais s'il se traite ainsi, 
c'est plutôt pour se prémunir d'un mal que pour s'en 
guérir, car jamais je ne l'ai vu aussi bien qu'il est pré- 
sentement '. » Or, un document officiel de compta- 
bilité royale portant avis d'un déboursé fait à Paris 
pour aider des Comédiens italiens au voyage qu'ils 
durent faire à Blois où était la Cour, est ainsi libellé, 
au registre original de la Trésorerie de FÉpargne, 
mois de mars 1572 : 

« A maître Claude Marcel, Prévost des marchands de la 
ville de Paris, la somme -de six vingt quinze livres tour- 
nois à luy ordonnée par le dict seigneur (c'est-à-dire le 
Roi) pour son remboursement de pareille somme qu'il a 
fournye et advancée de ses deniers en la dite ville de 

111; année 1833. Extraites du Recueil Conrart, à la 
Bibliothèque de l'Arsenal. 

1 Calendar of State Papers : Reign of Elizabeth, 1572 
1574. Dépêche à lord Burgley, page 60, 



SOUS LE RÈGNE DE CHARLES IX. 35 

Paris es mains de Soldini et aultres Italiens commediens 
auxquelz Sa Majesté en a faict don à répartir egallement 
entre eulx pour leur donner moyen de supporter les fraiz 
et despenses qu'ils ont este contrai ne tz faire pour aller 
du dit Paris à Bloys y trouver Sa Majesté qui les avoit 
mandez pour luy donner plaisir et représenter devant 
elle comédies e plaisants jeux pendant et durant le temps 
de sa diette et sans que de la délivrancede la dicte somme 
par le dit Marcel en leurs mains, le dit Trésorier 

soit tenu faire apparoir Le deuxième jour de mars 

1572» 

Ce fut donc le 2 mars 1572 que la troupe de ces 
comédiens nouvellement apparue à Paris se mit en 
route, tirant vers Blois, où, par un autre document 
trouvé à la même source de YÉpargne, on voit qu'à 
la date du 25 dudit mois, elle était dans le cours de 
ses représentations pour l'agrément du Roi. Cette 
fois le document qualifie de « commedien à la suitte 
de Sa Majesté » le chef de cette troupe composée, 
ainsi qu'il est dit, de onze bons compagnons : 

« A Soldino Fiorentino, commedien à la suitte de Sa 
Majesté, la somme de six vingt cinq livres tournois en 
testons à xn sols par livre dont le dict seigneur (le Roi) 
a faict don tant à luy que à unze ses compaignons en 

1 Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds Clairambault, 
n° 233. Troisième volume de CEspargne de tannée mil 
cinq cens soixante douze. Folio 2769. 

3. 



36 LES COMEDIENS ITALIENS. 

considération des commedies et saulls qu'ils font journel- 
lement devant Sa Majesté et pourront faire cy après 

pendant et durant sa dietle pour son plaisir , etc. Le 

25 e jour de mars 1572 1 . » 

Certes, c est là un énoncé de compte qui a bien 
son prix ! Et, pendant que le comptable était en si 
heureuse disposition de préciser les faits, ne devons- 
nous pas bien regretter qu'il n'ait dit plus encore? 
Que n'a-t-il, sinon décrit le sujet des comédies 
représentées, — c'eût été trop lui demander — du 
moins dit le seul titre de chacune, et diverses autres 
choses qui nous pourraient intéresser et seraient d'un 
si bel à-propos pour notre récit? Mais point, et c'est 
de ce peu qu'il nous faut contenter, puisque nulle 
part ailleurs que dans ces feuillets de la comptabilité 
rovale, il n'est fait mention de la venue en France 
de ces comédiens à cette époque du règne. Et ce 
n'était pas seulement une troupe de Comédiens ita- 
liens qui divertissait alors le Roi et la Cour à Blois, 
c'étaient deux troupes. Le document suivant, daté du 
27 mars, nous en informe sûrement : 

« À Ànthoine Marie, commedien italien, la somme de 
six vingt-cinq livres en testons à xii sols par livre dont le 
dit seigneur a faict don tant à luy que à neuf autres ses 

1 Registre du Compte de tEspargne déjà cite'. Fonds 
Clairambault, 233, fol. 3153. 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 37 

compagnons aussi commediens à répartir entre eulx 
esgallement en considération de ce qu'ils ont joué plu- 
sieurs coinmedies devant Sa Majesté et jouent encore 
ordinairement, et pour leur donner moyen de continuer 

et s'entretenir donnant plaisir au dit seigneur Le 27 

de mars 1572 1 . » 

L'une cjes deux troupes, sans nul doute, devait 
contribuer plus que l'autre aux tours de souplesse 
et autres divertissemens accessoires qu'il était d'usage 
de joindre aux récitations, improvisations et lazzi de 
la commedia delC arte. La chose est d'ailleurs pré- 
cisée dans le document concernant la compagnie du 
sieur Soldino : « en considération des commedies et 
saults » , y est-il dit, tandis que dans le document 
relatif à la compagnie d'Antonio Maria, il est dit : 
« en considération de ce qu'ils ont joué plusieurs com- 
medies devant Sa Majesté et jouent encore ordinaire- 
ment... n Les deux troupes devaient évidemment 
s'entr'aider et, selon les occasions, n'en faire qu'une 
pour certaines représentations où tous les talents des 
acteurs étaient déployés. Ce troisième document les 
réunit, en effet, pour l'énoncé du dernier compte 
royal qui les concerne pendant le séjour à Blois : 

« À Soldini Florentin et Ànthoine Marie Vénitien, com- 
mediens du pais d'Italie, la somme de deux cent cinquante 

1 Même Registre du Compte de tEspargne, folio 3154. 



38 LES COMEDIENS ITALIENS. 

livres tournois en testons à xn sols par livre dont le dict 
seigneur a faict don tant à eulx que seize autres personnes 
de leur bande aussy commediens en considération du bon 
debvoir quilz ont faict en leurs dietz estais et donner 
plaisir à Sa Majesté durant le temps qu'il a séjourné à 
Bloys et pour leur donner moyen de eulx entretenir et 
retourner à Paris où ilz font leur résidence, et ce oultre 
et par dessus ce qui leur a cy devant été baillé et délivré 
par le dict Trésorier de l'Espargne pour m es nie effect et 
sans que de la délivrance qui en a este faicte par eulx et 
leurs dicts compagnons de la dicte somme, ny du nom 
et surnoms d'iceulx, le dict Trésorier soit tenu faire appa- 
roir..., le unziesme jour d'avril mil cinq soixante douze 1 . » 

Ils partirent donc de lu ville et château de Blois, 
à la mi-avril, précisément en ce même temps que 
fut conclu et signé le contrat de mariage entre Henri 
prince de Béarn et Navarre, fils de Jeanne d'Albret, 
lors présente audit château de Blois, et Marguerite, 
fille de Catherine de Médicis, qui, chaque jour depuis 
des mois , avait eu les mains à ces négociations 
mouvementées. 

Le voyage des comédiens s'effectua directement 
sur Paris, où, dit le document, « ils font leur rési- 
dence » . Ces mots sont curieux, car ils sont une 
déclaration, sinon de domicile, du moins de séjour 

1 Même Registre du Compte de t Espar gne, fol. 3238. 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 39 

prolongé, qui rejette bien loin l'effet des mauvaises 
dispositions manifestées Tannée précédente par Mes- 
sieurs du Parlement contre les comédiens. Assuré- 
ment donc, le Roi, bien qu'absent de sa capitale, 
avait dû faire lever toutes difficultés et obstacles par 
les moyens dont sa volonté pouvait disposer. On 
peut d'autant mieux faire cette conjecture, que le 
même Alberto Ganassa comédien, mis en nom 
l'année précédente en l'arrêt du Parlement, et sur 
la tête duquel avaient pesé si lourdement les con- 
clusions du Procureur général, reparut avec sa troupe 
comme étant au service du Roi, sans être aucune- 
ment molesté par les gens du Châtelet. Ce sont 
encore les parchemins de la Trésorerie de l'Épargne 
qui nous informent du retour et séjour de ce bon 
comédien, le montrant rémunéré, lui et les siens, 
non-seulement en considération des commédies qu'il 
joua durant les fêtes du mariage de la nouvelle 
Reine de Navarre, mais encore pour qu'il se puisse 
convenablement entretenir a la suite de Sa Majesté. 

Charles IX était, en effet, revenu à Paris. Après 
avoir terminé à Blois toutes les affaires commencées 
depuis la fin de l'automne dernier, il avait quitté 
cette résidence royale dans les premiers jours de 
mai pour se porter en sa capitale. Il s'y rendit à 



40 LES COMEDIENS ITALIENS. 

petites journées et moyennant de courts séjours ça 
et là en divers lieux ou châteaux de l'Orléanais, à 
Ghambord prèsBlois, àMontpipeau prèsBeaugency ! . 
Il arriva le 4 de juin avec Monsieur de Nevers pour 
principal compagnon. 

Sa présence à Paris était d'ailleurs nécessaire en 
ce moment même, car le lord comte de Lincoln, 
grand amiral d'Angleterre, lui était annoncé comme 
ambassadeur extraordinaire de la Reine Elisabeth 
pour les ratifications du traité récemment conclu *. 
Ce seigneur avait quitté Londres le 26 mai avec une 
compagnie et une suite considérable. De grands 

1 Les dépêches de l'Envoyé du duc de Mantoue sont très- 
précises sur les mouvements de la Cour à celte époque. 
L'événement terrible, tout prochain, du 24 août les rend très- 
intéressantes à connaître. 

8 C'est par erreur que notre savant historien de la ville et 
château de Blois, feu M. de La Saussaye, d'habitude si exact 
dans la mention des faits qu'il rapporte, dit que « Charles IX 
jura l'observation du traité en présence du comte de Lincoln, 
qui arriva à Blois comme ambassadeur extraordinaire avec 
une suite magnifique » . Cet ambassadeur ne vint point à Blois, 
mais à Paris, où il séjourna depuis le 8 juin jusqu'au 22. 
Voir, dans le Calendar of State Papers : foreign séries of 
the Reign of Elizabeto, le volume pour les années 1572- 
1574, pages 124 et 135, la dépêche de sir Thomas Smith et 
celle de \^lsiïigbam à lord Burghley, 7 et 22 juin 1572. 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 41 

apprêts furent faits pour sa réception, qui eut lieu le 
8 juin. Son séjour fut de courte durée, mais magni- 
fique à tous égards. Le Louvre fut son logis. Et, parmi 
les divertissements à la mode qu'il signale dans ses 
lettres à milord Burghley comme lui ayant été offerts 
par le Roi d'abord, puis par les princes Messieurs ses 
deux frères, la Comédie italienne y a fort belle part. 
Les représentations en furent faites au Louvre même ' 



1 Pour le récit même du séjour de l'ambassadeur à Paris, 
voir les lettres originales du « Earl of Lyncoln » datées du 
Louvre à Pans le mercredi 18 juin 1572, publiées par le sa- 
vant Nichol dans son curieux ouvrage : « Progresses, public 
Processions, Pageants and Festivities of Queen Elizabeth » 
(Londres, 1823. 3 volumes in-4°), tome 1 er . pages 302 et 
303. Les deux passages des deux lettres où la Comédie ita- 
lienne est citée sont ceux-ci : « At aftar dynar Monsieur 
and his brother brougbt us to a Chamber wheare was vearie 
many sorts of exe lent musicke; and after that, he had us 
to another large Chamber wheare there was an ltalian 
playe, and dyvars vantars and leapers of dyvars sortes, 
wearie exelent, and thus that daie was spent... » Parlant 
du Roi, l'ambassadeur dit encore : « He had some pastyme 
showed him by Italians players, which 1 was at with hym. » 
Mon érudit confrère, M. de la Ferrière, m'indique obligeam- 
ment que des détails plus précis encore sur cette réception 
se trouvent dans un manuscrit du British Muséum marqué 
Vespasian 6, dont il a fait mention dans ses deux ouvrages 
« Le seizième siècle et les Valois » et « Les projets de 
Mariage d Elisabeth, Reine d Angleterre » . 



4Î LES COMÉDIENS ITALIENS. 

et au château de Madrid, où le Roi s'était installé 
dès son arrivée. 

La date des noces du Roi de Navarre avec Mar- 
guerite de Valois devait être prochaine aussi lorsque 
Charles IX avait quitté Blois. Mais la cérémonie en 
fut sans doute retardée par le fait de la mort de la 
mère du fiancé, si soudainement et si étrangement 
survenue le 7 de juin. Jeanne d'Albret mourut, en 
effet, trois jours après le retour du Roi. Henri, le 
fiancé, n'arriva que le 8 juillet de son pays et prin- 
cipauté de Béarn. Il y eut des fêtes de toute sorte. 
Ce sont choses bien connues sur le récit desquelles 
il n'y a point à revenir ici. Nous n'aurions point 
même à les rappeler si — et cela est beaucoup 
moins connu — les Comédies italiennes jouées par 
Alberto Ganassa et sa troupe n'avaient été expres- 
sément du programme, ainsi que le précise M. le 
Trésorier du Roi, en son livre des comptes : 

« À Albert Ga nasse, joueur de commedics, la somme de 
soixante- quinze livres tournois en testons à xn sols par 
livre dont le dict seigneur lui a faict don tant à luy que 
à ses compai gnons, en considération du plaisir quilz ont 
donné à Sa Majesté durant le mariage de la Royne de 
Navarre, sa sœur, en plusieurs commedies quilz ont re- 
présentées par diverses fois devant sa dicte Majesté, et pour 
leur donner plus de moyen de s'entretenir à la suitte du 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 4a 

dict seigneur et sans que de la délivrance qui sera faicte 
par le dict Ganasse de la dicte somme à ses compagnons , 
le dict Trésorier soit tenu faire apparoir ". » 

Les fiançailles de Navarre avaient eu lieu le mer- 
credi 1 3 d'août, etles noces le 18. Charles IX écrivait 
ceci, le 2 1 , au sieur de La Mothe-Fénelon Salignac, 
son ambassadeur auprès de la Reine Elizabeth : « Il 
ne sera que bien à propos de luy dire comme le dict 
mariage se feist fort solempnellement lundy dernier 
en ceste ville, en la grande église Nostre Dame, et 
les festins et cérémonies comme il est accoustumé au 
palais et au Louvre, et qu'encore solempnisons nous 
tous ces jours icy les dictes nopces en tournois et 
allégresses dont tous mes subjectz indifféremment 
se resjouissent » Et trois jours après fut le mas- 
sacre de ceux de la religion réformée ! Il se trouva 
donc que les bons compagnons de la troupe des 
Comédiens italiens furent témoins des sanglantes 
pratiques de la terrible journée qui fut celle de la 
Saint-Barthélémy. Ils demeurèrent encore a la Cour 
pendant quelque temps, puisqu'en ces mêmes regis- 
tres de l'emploi des finances du Roi, on les trouve, 
au mois d'octobre suivant, récompensés par un don 
de cinq cents livres tournois ainsi libellé : 

1 Trésorerie de tespargne. Registre dé^à cité. Bib. Na- 
tionale, F. Clairambault, 233, fol. 3529. 



4* LES COMEDIENS ITALIENS. 

« À Albert Ganasse et ses compagnons, joueurs de comé- 
dies estant à la suitte du dict seigneur, la somme de cinq 
cents livres tournoys et xvii testons à douze sols six deniers 
tournoys pièce, ordonnée par le dict seigneur estre versée 
en ses mains pour distribuer et répartir egallement tant 
à luy que à plusieurs autres ses compagnons auxquels Sa 
Majesté en avoit faict don, en considération du plaisir quilz 
donnent ordinairement à Sa dicte Majesté et pour leur 
donner moyen de vivre et s'entretenir à sa suitte. Et sans 
que de la délivrance qui sera faicte de la dicte somme par le 
dict Ganasse et ses six compagnons et des noms et surnoms 
d'iceulx, le dict Trésorier soit tenu faire apparoir... Le 
unziesme jour d'octobre mil cinq cent soixante-douze ! . » 

Cet Alberto Ganassa, au dire de l'auteur des 
Notices historiques sur d'anciens Comédiens italiens 2 , 
était originaire de Bergame et très-bon comédien, 
divertissant fort par son dialecte dont il usait en y 
mêlant très-plaisamment des vocables espagnols. 
Ses effets comiques étaient des plus variés et toujours 



1 Archives nationales. K. K. « 133. Sixième volume du 
Compte de CEspargne» , au chapitre de l'achèvement de dons 
par Roolles : M* Claude Garrault, trésorier, fol. 2509. Ce 
compte seul a été cité par feu A. Jai, en son excellent Dic- 
tionnaire critique de Biographie et d'Histoire (Paris, H. Pion, 
1867), à l'article : Comédiens inconnus, 

1 Notizie istoriche de Cotnici italiani che fiorirono intorno 
ait anno MDLfino a giorni presenti, ouvrage de Francesco 
Bartoli, publié à Padoue en 1780. 



SOUS LE RÉGNE DE CHARLES IX. 45 

certains. Il tenait le rôle du second Zanni, qui est 
une variante de celui d'Arlequin. 

Ou le bon Pantalon, ou Zany dont Ganasse 
Nous a représenté la façon et la grâce, 

dit le S r delaFresnaye Vauquelin, au second livre de 
son Art poétique l . Pour qu'il fût cité de cette belle 
sorte par un poëte contemporain aussi estimé que 
l'auteur des « Foresteries » , il fallait bien que ce bon 
comédien eût acquis quelque popularité *. Il est 

1 Ce poème, commencé par l'auteur en 1574, ne parut pour 
la première fois qu'en 1605 dans les « Diverses poésies » du 
S r de la Freskaie (à Gaen, Macé, imprimeur du Roi). Il a été 
réimprimé en 1862 et publié par M. Achille Genty, chez 
Poulet-Malassis. Ganassa est cité une seconde fois par le poëte 
dans l'une de ses Satyres (page 402), à Messire Claude de 
Sanzay, chevalier seigneur de Cossé : 



Le bon Ganassa et les Comédiens 
De Tabarin, et tous Italiens. 



Voir une curieuse notice sur le poète S r de la Fresnaie Vau- 
quelin, par le baron Jérôme Pichox. 

1 Feu mon très-regrctté confrère Edouard Focrnier a eu 
l'occasion de parler de ce comédien italien dans un travail 
publié en 1864 : « L'Espagne et ses Comédiens en France 
au dix-septième siècle. • « Ganassa, dit-il, avait créé un type 
grotesque auquel son nom, un peu altéré, avait été donné; 
on l'appelait le baron de Guenesche. Il fiit longtemps popu- 



46 LES COMEDIENS ITALIENS. 

certain qu'il rivalisa pour l'agrément et le succès 
de son mode de jouer et de représenter, avec La 
Gambe dit Chasteaû vieux, qui jouait les comédies 
françaises sous Charles IX et que le sieur de la 
Fresnaie Vauquelïn encore, au livre troisième de 
son Art poétique français, a célébré en même temps 
que les Comédiens italiens qui se firent connaître à 
Paris pendant les règnes des deux derniers Valois, 
fils de Catherine. 

Et prenant la façon de Térence et de Plaute, 

Ils ont en leurs moraux dun air assés heureux 

De Ménandre mes lé mile mots amoureux. 

Mais les Italiens exercez davantage 

En ce genre eussent eu le laurier en partage 

Sans que nos vers plaisants nous représentent mieux 

laire; notre mot ganache en est un débris. » (Page 19.) Ce 
baron ou comte de Guenesclie est cité ainsi dans le pamphlet 
« Les grands jours tenus à Paris par M. Muet, lieutenant 
du petit criminel » (1662), publié par Edouard Fournier 
dans le tome 1 er du recueil si curieux en dix volumes de la 
bibliothèque elzevirienne (Paris, Jannet, 1865) : Variétés 
historiques et littéraires. A la note page 220, sur le nom de 
Guenesche, on lit : « Type caricature créé en haine et en 
moquerie des Espagnols, dont, comme Polichinelle, il exagérait 
encore sur sa physionomie le nez proéminent et la mâchoire 
avancée de Ganassa, qui est le mot mâchoire en espagnol, on 
lui avait fait le nom cité, ici et dont noire mot ganache est 
encore aujourd'hui une altération transparente. » 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 47 

Que leur prose ne fait cet argument ioyeux. 
Grevin l nous le tesmoigne, et cette Reconnue * 
Qui des mains de Belleau naguères est venue 
Et mille autres beaux vers, dont le brave farceur 
Chaste au- Vieux a montré quelquefois la douceur 1 . 



1 Jacques Grevin, auteur dramatique du temps de Charles IX, 
mort en 1569. 

8 « La Reconnue » , comédie par Remy Belleau (Paris, 
1585, chez Gilles Gilles), jouée pour la première fois en 1564. 

3 Cité dans « Les Bibliothèques françoises du S r La Croix 
du Maine et du Verdi er, sieur de Vauprivas » , tome II, 
page 419. « Cosme La Gambe dit Chasteau- Vieux a récité 
plusieurs comédies et tragédies devant le roi Charles IX et 
te Roi à présent régnant (Henri 111), et en a composé quel- 
ques-unes, assavoir « Le capitaine Bouboufle » et « Jodès » , 
comédies, « Roméo et Juliette » , et « Edouard roi d'Angle- 
terre » . tragédies tirées de Bande l 3 Alaigre, etc. » 

Go arles IX avait-il grand goût pour les œuvres de l'art dra- 
matique proprement dit, tel que l'entendait alors la nouvelle 
école que le poète Jodelle avait inaugurée depuis seulement 
l'année 1552 avec ses tragédies : Cléopâtre captive, Didon 
se sacrifiant, et sa comédie Eugène ou la Rencontre? 
M. Anatole de Montaiglon a fort justement caractérisé cette 
école mythologique dans Y Avertissement dont il a fait pré- 
céder son recueil des « Poésies françaises des quinzième et 
seizième siècles, morales, facétieuses, historiques » (Paris, 
Jannet, 1855). Si Charles IX suivit un peu les représentations 
qui se donnaient au théâtre de l'Hôtel de Bourgogne ou à celui 
de l'Hôtel de Reims, ou au collège de Eoncourt, ce ne dut 
guère être que pendant les deux dernières années de son 



48 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Charles IX, depuis qu'il était revenu de sa ville et 
château de Blois en 1572, ne s'était plus guère 
éloigné de Paris ou du moins de l'Ile-de-France, 
lorsque, dix-huit mois plus tard, la mort le vint 

règne, par cette raison qu'elles furent les seule* qu'il passa 
sans trop s'éloigner de la capitale de son royaume. Les textes 
du temps disent fort peu sur cette part de ses inclinations. Il 
paraît avoir pré éré Antoine de Baif, dont il avait vu la co- 
médie Le Brave ou le Taille bras, jouée en 1567 à l'Hôtel de 
Guise, aux autres auteurs dramatiques de son temps, peu 
nombreux d'ailleurs, puisqu'ils n'étaient autres que Jacques 
Grévin, Remy Belleau, Jean de i,a Taille, Fernand de Bez 
et Robert Garnier. Pour l'histoire de l'ancien théâtre français, du 
théâtre français au seizième siècle, un peu avant l'année 1552 
et ensuite, il faut lire les ouvrages spéciaux, tels que ceux des 
frères Parfaict, Histoire générale du Théâtre françois de- 
puis son origine (15 volumes in-12, 1734); du chevalier de 
Mouhy {Journal chronologique du Théâtre français, Ms. 
Bib. Nat., 9229) ; de Suart, Histoire du Théâtre français; de 
Sainte-Becve, Tableau historique critique de la Poésie fran- 
çaise et du Théâtre français au seizième siècle ; de Viollet- 
Leduc, Ancien Théâtre français ou collection des Ouvrages 
Dramatiques depuis les mystères jusqu'à Corneille, avec 
notes et éclaircissements (10 volumes in-12, Paris, Jannet, 
1854); d'Edouard Fournier, Le Théâtre français avant la 
Renaissance, avec Introduction et notes (Paris, Laplace, 1872); 
d'Emile Picot, La sottie en France (dans la Revue Roma- 
nia, t. VII, p, 239), et Nouveau Recueil de farces françaises 
(Paris, Morgand et Fatout, 1880) j de Victor Fournel, son 
Introduction au recueil du Théâtre de t Hôtel de Bourgogne 
et du Théâtre du Marais (3 volumes in-8°, Paris, Didot). 



SOUS LE REGNE DE CHARLES IX. 49 

saisir en son château de Vincennes le dernier jour 
de mai 1574. Avait-il gardé ses Comédiens italiens 
jusqu'à cette époque? c'est ce que nous ne saurions 
dire. Le document du 11 octobre 1572 est le der- 
nier, les concernant, que nous ayons rencontré pen- 
dant ce règne. Il faut toutefois noter que les registres 
a du compte de l'Espargne » , nos bons et fidèles 
informateurs pour Tannée précédente, manquent en 
toutes archives pour les deux années suivantes qui 
furent les dernières de la vie du Roi. Aucunes autres 
sources d'information ne nous ayant fourni le moindre 
précis sur les mouvements de la troupe, nous ne 
saurions donc déterminer une date à son départ. 

Il se pourrait d'ailleurs que Ganassa et ses com- 
pagnons fussent demeurés à Paris jusqu'à la mort 
de Charles IX, car c'est seulement en cette année 
1574 que ce comédien se porta en Espagne, où il 
réussit merveilleusement, résida de Icngues années, 
et s'enrichit fort. Don Casiano Pellicer fournit à cet 
égard des informations aussi précises qu'intéressantes 
en son Essai historique sur V origine et les progrès de 
la comédie et du jeu dramatique en Espagne l . 

1 Tratado Historico sobre et origen y progresos de la 
co média y del Histrionismo en Espaha, par D. Casiano 

4 



50 LES COMEDIENS ITALIENS. 

C'est vers le règne suivant qu'il faut nous porter 
pour voir arriver en France une autre troupe dite 
des Gelosiy la deuxième du nom, mais la plus célèbre 
et la plus accomplie qui figure dans les annales non- 
seulement de la commedia delV arte, mais du théâtre 
en général au seizième siècle. 

Pellicer, officiai de la Real Biblioteca de S. M. (1804, Madrid). 
« El niismo anîio (dit-il page 53), habia en Madrid una 
compagnia de comediantes italianos cuya cabeza y autor 
era Alberto Ganassa, Representaban comedias italianas, 
mimicas por la mayor parte, y bufonescas de asuntos tri- 
viales y populares. lntroducion en allas las personas de 
Arlequin, efe/ Pantalon, delDotore, etc. » Voyez pages 63, 72, 
74. Les dates indiquées par D. Pell'cer sont exactes, étant 
prises au Libro original de la contaduria de Hospitates, 
intitulé : Producto de comedias desde 7 de junio 1574, etc. 
Ganassa jouait au théâtre dit del Principe corral de la Pacheca. 



CHAPITRE DEUXIEME 

SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 

1574-1589. 



Henri III, à son passage et séjour à Venise, fait connaissante 
avec la Compagnie dite «7 Comici Gelosi » . — Soins pris 
par ses messagers pour que la Seigneurie de Venise lui en 
donne le spectacle. — A son retour en France, le Roi pense 
à appeler les Comédiens Italiens à la Cour. — Son billet à 
M. Duferrier, son ambassadeur à Venise. — Il veut faire 
engager le comédien dit « le Magnifique » . — Arrivée de 
la troupe des « Gelosi* pendant les troubles. — Elle re- 
joint la Cour à Blois pendant la tenue des États. — Billet 
de l'ambassadeur de Mantoue pour annoncer l'arrivée des 
«* Gelosi » à son maître. — Ayant eu le congé du Roi, ils 
se portent vers Paris et y jouent dans la salle dite « de 
Bourbon » . — Leurs mésaventures avec messieurs du Par- 
lement. — Le Roi les soutient et les protège. — Curieux 
billet de Henri III à M. de Bellièvre, qui a les finances. — 
Mouvements de la Compagnie. — Dates incertaines. — 
Choses à retrouver pour l'histoire exacte des Compagnies de 
comédiens à cette époque. — Le Roi de Navarre a aussi 
ses Comédiens Italiens en sa principauté de Béarn. — Autres 
troupes à Paris en 1584. — Les Uniti. — Autres dates 

4 



52 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

concernant la présence de Comédiens Italiens à Paris. — 
Constante ligueur de messieurs du Parlement et arrêts dis 
gracieux des gens du Châtelet contre les Comédiens Italiens 
en ces temps-là. 

Pendant une période de quinze ans, de 1560 à 
1575 environ, l'art dramatique, en Italie, s'était à 
la fois très-étendu et beaucoup amélioré. De remar- 
quables sujets s'étaient formés, se sentant soutenus 
et encouragés par les princes des divers États et la 
faveur publique. Un véritable talent, une originalité 
toute séduisante caractérisaient certains des comé- 
diens de l'école nouvelle et signalaient leurs noms 
et leurs rôles à une sorte de célébrité 1 . C'est ainsi 
que la compagnie renouvelée des « Gelosi » s'acquit 
tout succès par la perfection de ses sujets, et ce fut 
elle qui, la première, eut des comédiennes accom- 
plies. Jusqu'alors, en effet, il avait été à peine ques- 
tion des femmes parmi les personnages convenus 
pour représenter les comédies . La plupart des nou- 
veaux compagnons « Gelosi » avaient fait leurs dé- 

1 Voyez dans les Notizie Istoriche de Francesco Bartoli les 
renseignements donnés aux noms suivants *. Armani, Bur- 

CHIELLA, CàLMO, CakTINELLA, FORNARIS, GlOVAKNI (dA PiSTOIa), 

Lodovico (da Bologna), Lombardi, Prudenzia, Pasquati, Scala, 
Simone (da Bologna), Valerini, Vittoria. J'indique ces noms 
comme étant ceux des comédiens qui, avant la formation de la 
compagnie des Gelosi, avaient acquis talent et renom. 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 53 

buts dans une autre compagnie appelée les « Con- 
fidenti » , puis ils s'en étaient peu à peu détachés 
pour se réunir sous la direction intelligente de l'un 
des leurs, signor Flaminio Scala, qui jouait les 
amoureux sous le surnom de Flavio l . 

Us parcouraient l'Italie, rendant fort populaire 
le divertissement de la Commedia delV arte. Venise, 
Rome, Naples, Milan, Bologne, Mantoue, Ferrare, 
Turin étaient le lieu de leurs principales étapes, se- 
lon les saisons. Leur renommée s'était prompte- 
ment étendue au delà des monts, et la cour de l'Em- 
pereur à Vienne, non moins que celle de France, 
furent désireuses de les avoir auprès d'elles. 

Ce fut à l'appel de Henri III que les « Comici Ge- 
losi » vinrent en France. Le désir qu'il eut de les 
avoir à la Cour date de son passage à Venise et de 
la réception si grandement festoyée qui lui fut faite 
par l'État et le peuple. 

1 Flaminio Scala riusci illustre comediante non solo perche 
spiegasse bellissimi concetti sulla scena facendo l'innamo- 
rato, sotto nome di Flavio, ma per essere ancora stato il 
primo che aile commedie delt arte improvvisa abbia dato 
un ordine aggiustatissimo con tutta la buona regola, ed 
avendone inventa to un gran numéro.., (Voyez les Notizie 
Istoriche di Francesco Rartoli. (Padoue, 1780.) 



54 LES COMEDIENS ITALIENS. 

C'était en 1574. Chacun sait qu'étant Roi de 
Pologne, aussitôt que la nouvelle de la mort du Roi 
de France Charles IX, son frère, lui fut parvenue à 
Cracovie, il conçut le projet de laisser de côté la 
couronne, aussi exotique qu'élective, qu'il avait 
acceptée, pour aller prendre au plus vite la couronne 
héréditaire de France. Il était bien naturel qu'il la 
préférât, et la Reine sa mère l'appelait au plus vite, 
car elle redoutait fort « que la longueur du temps 
ne réveillât beaucoup de mauvaises humeurs mal 
disposées ! » . Échappé furtivement, pendant la nuit 
du vendredi 17 juin, à ses sujets polonais, à peine 
fut-il à Vienne, le jeudi 24, qu'il fit savoir au gou- 
vernement de la République de Venise l'intention 
qu'il avait de passer par ses États pour se rendre en 
France, à Lyon, où devait l'attendre, faisant fonc- 
tions de régente, la Reine sa mère, madame Cathe- 
rine de Médicis 2 . La Sérénissime République, 
grande amie de la maison de France, vit aussitôt 
dans l'accomplissement de cette visite du nouveau 



1 Sa lettre à M. de Bellièvre du 14 juin. Bibl. Nat. : Ms. 

8 Voyez sur ce règne éphémèie du Valois en Pologne, le 
très-bon ouvrage du marquis de Noailles ; Henri de Valois 
et la Poloyne, trois volumes in-8°, dont le troisième est 
entièrement composé de documents inédits. (Paris, Michel 
Lévy, 1867.) 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 55 

Roi Très-Chrétien une occasion de fêtes extraordi- 
naires. Ce furent, en effet, de grandes merveilles 
singulièrement facilitées par la beauté du cadre. 

Quatre patriciens avaient été élus ambassadeurs 
Extraordinaires pour aller au-devant du Roi jus- 
qu'aux frontières du territoire. Ces quatre « illus- 
trissimes » avaient eux-mêmes envoyé en avant leur 
secrétaire pour s'entendre avec divers gentilshommes 
de la maison du Roi voyageur. Il avait mission de 
pressentir quelles pourraient être les préférences 
de Henri 111 pour les divertissements et réjouissances 
à lui donner pendant son séjour à Venise. Toute 
une correspondance s'établit ainsi entre le secré- 
taire, les ambassadeurs et le gouvernement de la 
République, durant le temps que Sa Majesté Très- 
Chrétienne accomplissait ses étapes. C'est eh con- 
sultant les divers papiers relatifs aux apprêts des 
cérémonies que l'on trouve tout d'abord signalé le 
désir du Roi pour que le Sérénissime Seigneurie lui 
assurât le spectacle des Comédies jouées par la 
compagnie célèbre des « Gelosi » . 

Du temps qu'il était en France et duc d'Anjou, 
Henri de Valois avait été à même de se rendre compte 
de ce qu'était la Comédie italienne, mais l'ancienne 



56 LES COMEDIENS ITALIENS. 

troupe qu'il avait vue était loin de valoir celle dont, 
pendant son très-court règne en Pologne, il avait 
souvent entendu vanter les talents par divers person- 
nages venant d'Italie. Jamais occasion d'entendre les 
nouveaux comédiens ne pouvait, en effet, se présenter 
plus favorable. Voici le fragment d'une première 
lettre qui ne laisse point douter que le royal visiteur 
l'entendait bien ainsi. Elle est adressée, le jeudi 
8 juillet, de « Pontieba » , lieu fort proche de la 
frontière du territoire vénitien, aux quatre ambas- 
sadeurs qui venaient au-devant du Roi Très-Chré- 
tien : 

« Ponlieba, 7 juillet 1574. 

a ...Avec cette réponse, partira le seigneur abbé 
Bel trame, lequel m'a dit ensuite que, parmi les passe- 
temps qui se pourraient donner à Sa Majesté, aucun ne 
pourra lui être plus agréable que celui de la présence à 
Venise des comédiens qui y étaient cet hiver. D'après la 
relation qu'il en avait entendue, le Roi désire extrême- 
ment les voir, et il désire surtout que la femme, qui 
jouait aussi cet hiver, soit de la compagnie. L'abbé m'a 
dit qu'il n'a pas l'ordre d'exiger cela, mais bien d'assu- 
rer que ce serait un grand plaisir pour Sa Majesté 4 . » 

1 Archives de Venise. Nous avons formé depuis longtemps 
un recueil considérable de pièces toutes relatives au voyage et 
séjour de Henri III à Venise et copiées sur les originaux 
répartis dans les séries d'archives les plus diverses. Elles sont 
les pièces justificatives, aussi étendues que variées, sources 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 57 

Cet abbé Beltrame, ainsi désigné par le secrétaire 
vénitien, était de la suite de Henri III, qui en 
cette partie de son voyage fit de lui son principal 
fourrier pour se rendre compte des logements et 
faciliter les apprêts sur le parcours de la route. L.e 
même désir au sujet des comédiens avait été 
exprimé le lendemain par un autre gentilhomme du 
Roi arrivé à San-Daniele en Frioul. Bref, dès qu'à 
Venise, la Sérénissime Seigneurie eut connu ce qu'il 
en était à cet égard, la lettre suivante fut adressée 
au Résident ordinaire de la République à Milan, 
où se trouvait alors la compagnie des comédiens 
Gelosi : 

« Nous apprenons que les comédiens dits « Gelosi » 
sont présentement à Milan, et parmi eux la femme appe- 

officielles et particulières, de l'ouvrage spécial que nous devons 
publier sur ce très-curieux épisode de la vie de ce Valois, qui 
fut reçu à Venise comme jamais prince ne l'avait été aupara- 
vant et ne le fut depuis. Parmi les ouvrages relatifs à l'histoire 
de Venise, publiés depuis peu d'années, « La Vie d'un Patri- 
cien de Venise », par M. Charles Yriarte, est à citer comme 
contenant un intéressant chapitre sur le même épisode. Messer 
Marc-Antonio Barbaro, le patricien dont la vie est ainsi repré- 
sentée par mon bon confrère et ami, fut, en effet, l'un des 
quatre procurateurs élus pour accompagner le Roi Très-Chré- 
tien dans toutes les cérémonies et occasions officielles du 
séjour. 



58 LES COMEDIENS ITALIENS. 

lée Vittoria. Désirant les employer pour les fêles qui se 
préparent en l'honneur du Roi Très-Chrétien attendu ici 
dans quatre jours, nous te recommandons qu'aussitôt ces 
présentes reçues, tu fasses entendre aux comédiens Gelosi 
qu'ils se rendent ici en toute hâte pour faire en sorte de 
parer à tout ce qui sera nécessaire, avec tout l'empres- 
sement et la courtoisie convenables 1 . 

La meilleure réponse que pouvait faire la com- 
pagnie des Gelosi était de se mettre en voyage pour 
arriver au plus vite. Ce fut ce qu'elle fit. L'agrément 
du spectacle qu'elle donna se trouve décrit avec plus 
d'éloges que de détails, par l'auteur d'un opuscule 
de circonstance intitulé : « Le attioni d'Arrigo terzo 
Redi Francia e di Polom'a*, etc.» Pendant les jours 
du mois de juillet de l'année 1574 que Henri III 
passa dans Venise triomphante, certes, tout chro- 
niqueur eut de belle besogne, car le Roi fut accueilli 
et fêté au delà de tout ce qui se peut dire., par les 

1 Archives de Venise. 

* Par Tomaso Porcacchi. (In Venetia. Giorgio Angelieri.) 
1574. Il s'est produit contemporainement au voyage et récep- 
tion de Henri 111 à Venise (en 1574) une quantité d'opus- 
cules de circonstance qui sont tous à consulter. Mais, d'après 
les comparaisons que nous avons faites des uns avec les 
autres, nous avons reconnu qu'aucune de ces pièces rédigées 
et imprimées à la hâte ne vaut certains récits très-soignés 
qui sont restés inédits. 



SOUS L RÈGNE DE HENRI 111. 59 

soins inventifs et aux dépens très-libéraux de la 
florissante République, bonne amie du Royaume. 

Henri III était arrivé le samedi 1 7 juillet en l'île de 
Murano, près de Venise, accompagné des ducs de 
Ferrare et de Ne vers. Le lendemain 18, il avait fait 
son entrée dans Venise même avec le plus grand 
éclat. Il y séjourna onze jours, pendant lesquels il eut 
deux fois le spectacle d'une comédie alV improviso, 
et une fois celui d'une tragédie de Cornelio Frangi- 
pani, qu'en raison des décors et des intermèdes, il 
serait peut-être plus juste d'appeler une tragi-féerie. 
La compagnie des Gelosi répondit à tout ce que 
le prince, si désireux de la voir, attendait d'elle. 
Les récits du temps l'affirment; ce sont d'ailleurs 
choses à croire, puisqu'il n'y avait point de com- 
pagnie d'acteurs qui pût être comparée à celle des 
Gelosi. Le rôle à' Arlequin était joué par Simone 
de Bologne y celui du « Magnifique » par Giulio 
Pasquati, celui de « l'amoureux » par un acteur 
qu'on aurait eu mauvaise grâce à appeler autre- 
ment que par son prénom de RinaUo, tant, pan^t-il, 
Rinaldo était connu. Ils étaient, du reste, les meil- 
leurs acteurs Italiens de l'époque. Quant à la comé- 
dienne, à la donna tant demandée par le Roi, elle 
était la signora Viitoria, dite Fioretla. Et s'il fallait en 



«0 LES COMEDIENS ITALIENS. 

croire les écrivains du temps, et entre autres le 
curieux auteur d'un livre très-recherché : « La Piazza 
universale di tut te le Professions del mondo l » , s'il 
fallait croire Thomaso Garzoni da Bagnacavallo , 
Vittoria aurait été « la perle incomparable » . De nos 
temps même on n'a jamais mieux porté aux étoiles 
une comédienne de mérite. C'était la « divina Vit- 
toria » , merveilleuse en ses métamorphoses, inspirée 
comme une fée d'amour «bella maga d'amore » , cette 
douce sirène qui ravissait l'âme de ses spectateurs, 
capable, avec un art extrême, de tous les rôles admis 
à cette époque, en un mot, merveilleuse en tout 2 . 

1 JSuovamente jristampata e posta in luce da Thomaso 
Garzoni da Bagnacavallo con taggiunta dalcune belUssime 
annotazioni e discorso per discorso. (In Venetia. Gio. Batt. 
Somasco, 1587.) Voir le dis corso GUI, p. 737 : De Comici 
e Tragedi cosi Auttori corne Recitatori. 

9 L'éloge, dans le texte original, est vraiment curieux et tout 
plein d'harmonie : « Divina Vittoria che fa metamorfosi di 
se stessa in scena; quella bella maga damore che alletta 
icori di mille amanticon le sue parole; quella dolce sirena 
che ammaglia con soavi incanti Calme de suoi divoti spet- 
tatori, e senza dubbio mérita desser posta corne un com- 
pendto delt arte, avendo i gesti proportionati, i moti armo- 
nici e concordi, gli atti maestevoli e grati, le parole 
affabili e do Ici, i sospiri leggiadri ed accorti, i risi saporiti 
e soavi, il portamento altiero e generoso, e in tutta la 
persona un perfetto decoro quale spetta e s 9 apartiene a 
una perfetta comediante. » D'après un tel portrait et de pa- 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 61 

Henri III avait quitté Venise le 27 juillet, et tirant 
vers France, à petites journées, fêté à Mantoue, à 
Milan, à Turin, il était arrivé à Lyon le 6 septembre. 
Il prit en réalité possession de la couronne par l'en- 
trée qu'il fit ce jour en cette ville. On sait qu'il ne 
fut point tout d'abord laissé bien tranquille, et que 

reilles qualités, on peut comprendre que Henri III ait été pré- 
occupé, pendant qu'il faisait son voyage, du désir de voir 
et entendre la signora Vittoria. 

Quant à l'auteur de la chronique du séjour du Roi à Venise, 
« Le attioni a°Arrigo terzo » , le siçnor Tomaso Porcacchi, 
voici ce qu'il dit de toute la troupe des Gelosi : « La quate 
schiera, sapete quanto suole esser rara nel recitar tra- 
gédie, comédie ed altri componimenti scenici, essendovi 
Simon Rolognese rarissimo in rappresentar la persona dtun 
facchino Rergainasco ma piu raro nelt argutie et nelt incen- 
tioni spiritose, che si dilettano et sinsegnano. Giulio 
Pasquati sa incontrafar quello che domandano « Il Magni- 
fico » nella quai rappresentatione sto in dubio quai sia 
maggiore in lui o la gratia o tacutezza de* caprici spiegati 
a tempo et sententiosamente. Evvi anche Rinaldo che vale 
infinitamente ne II 'accomodar novi argomenti ed in saper- 
gli ridurre alla scena trajica e comica con habiti, con 
foggee con rappresenlationi nobili. Cosi vi potrei discorrer 
di tutti a un per uno et massimamente délia donna che è 
unica... Questi comici Gelosi dunque rappresentarono a*, 
Re una molto grata et gratiosa trajicomedia, délia quai 
senti mirabil piacere; et ho inteso che gli recitarono anche 
la do me nie a sera ch'eifu venuto una comedia; di che il 
Re mostro dallegrarsi molto,.. » 



62 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

les huguenots lui firent passer de mauvais jours. 
Mais lorsque, grandement aidé par la Reine sa mère, 
il lui fut permis, un an et demi après, de croire qu'il 
avait fait la paix, et une bonne paix ', au printemps 
de 1576, il ne perdit pas de temps, malgré la pénu- 
rie de son trésor, et « les angoisses merveilleuses » 
dont parlait la Reine « si ceux du Conseil de Monsieur 
son filz ne trouvent quelque expédient pour en 
sortir », il ne perdit pas de temps à rechercher les 
divertissements auxquels il était, de son naturel, fort 
enclin. La Comédie Italienne lui avait extrêmement 
plu, et l'impression qu'avait faite sur son esprit le 
jeu parfait de la compagnie des « Gelosi » se tradui- 
sit, à cette époque, par le désir d'avoir à la Cour, 
pour quelque temps du moins, ces fameux comédiens 
qui l'avaient si fort enchanté pendant les fêtes triom- 
phales que la République de Venise lui avait 
offertes. 11 existe de lui, à l'adresse de M. Du Fer- 
rier, son ambassadeur auprès des Vénitiens, un 
curieux billet , qui est un bon témoignage de notre 
dire. Nous croyons que ce petit document est le 

1 Signée le 6 mai par la Reine mère à Chastenoy, en Gâti- 
nais. Ce fut la paix dite de Monsieur; assez misérable d'ail- 
leurs, car « elle abaissait le Roi sans donner satisfaction aux 
partis » , ainsi que le dit si justement M. George Picot, dans 
son Histoire des Etats généraux, tome II, page 299. 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 63 

premier de ce genre pour l'histoire des comédiens 
italiens en France au seizième siècle. Le voici tel 
qu'il se trouve au manuscrit original des dépêches 
de l'ambassadeur : 

Monsieur Du Fermer. Maintenant que la paix est 
faite en mon royaume, je désire faire venir par de ça le 
Magnifique qui est celuy qui me vint trouver à Venise 
lors de mon retour de Pologne avec tous les comédiens 
de la compagnie des Gelosi. Je vous prie faire chercher le 
dit Magnifique, et luy dire qu'il me vienne trouver sui- 
vant la lettre que je luy escris, laquelle vous luy ferez 
bailler : vous luy ferez aussy fournir l'argent qui luy 
sera nécessaire pour son voyage et me mandant ce que 
vous luy aurez baillé. Je commandera y à ceux de mes 
finances qu'il vous soit aussy tost rendu. Priant Dieu, 
Monsieur Du Ferrier ... 

Escript à Paris le 25* M du mois de may 1576. 

Henry l . 

M. Du Ferrier fit réponse au Roi, par cet article 
de sa dépêche de Venise du 22 juin : 

...Et quant à faire aller le Magnifique par de là avec 
la compagnie des Gelosi, comme Vostre Majesté m'escrit 
par sa lettre du vingt-cinquième du passé, et de leur 
faire fournir l'argent qui sera nécessaire, je le feray 

1 Bibliothèque Nationale, Manuscrits y Série des 500 de 
Colbebt. Ms. n° 367, P» 197. 



64 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Dieu aydant si tost que le dit Magnifique sera de retour 
de la Cour de l'Empereur, où il est allé, si toutefois il 
ne prend son chemin de là pour vous aller trouver. Sire, 
je supplie le Créateur l . . . 

Il va de soi que cette négociation, ouverte par ces 
deux documents, a dû avoir une suite. Il se peut que 
le Roi ait dirigé ses messages du côté de la cour de 
l'Empereur, où se trouvait le « Magnifique » tant 
désiré *. Il est aussi possible que la troupe des Gelosi, 
engagée déjà pour la saison d'automne en quelque 
État d'Italie, n'ait pu répondre aussitôt à l'appel du 
Roi de France. En tout cas, on a dû échanger des 
correspondances qui aujourd'hui fourniraient de 
piquants renseignements sur la composition de la 
troupe et sur le voyage à la Cour. Nous les avons 
cherchés dans tous les recueils des lettres du temps 
où il y avait quelque chance de les rencontrer, et 
particulièrement dans les dépêches d'Italie pour 
France et de France pour Italie; mais nous n'avons 

1 Bibliothèque Nationale, Manuscrits, Série des 500 de 
Colbert. Ms. n° 367, f° 207. 

8 Je me suis naturellement porté vers la correspondance du 
S r de Vulcob, qui servait alors le Roi à Vienne, mais je n'ai 
point vu qu'il y fût question du « Magnifique » . Voyez à la 
Bibliothèque Nationale, Fonds français, n M 3198 et 3318. 
Lettres du et au S r Jehan de Vulcob, S r dePassy, gentilhomme 
ordinaire de la chambre. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 65 

fait aucune autre rencontre en ce qui concerne, du 
moins, les préliminaires du voyage de la troupe et 
les articles de ses conventions. 11 est toutefois cer- 
tain que la négociation fut heureuse. On sait, en 
effet, de façon non contestable que messieurs les 
Gelosi furent en France, à Blois, le 25 janvier de 
Tannée suivante. 

Le Roi était à Blois à cette époque, avec toute 
la Cour, et tout l'État, pourrait-on dire. II y était 
depuis le mois de novembre. Après la paix déclarée 
au mois de mai, il était venu à Paris pour s'accorder 
avec Monsieur son frère, puis s'était porté en Nor- 
mandie, à Gaillon, à Dieppe, et était revenu au 
Louvre pour déclarer la convocation des États géné- 
raux à Blois. Depuis lors jusqu'à son départ pour ce 
lieu de la séance desdits États, il n'avait été qu'en 
festoiements de tout genre, dans un château appelé 
Olinville, à six lieues de Paris, où il se plaisait fort et 
où il commença, cette année même, à prendre habi- 
tude. Il le quitta en novembre pour se rendre à 
Blois. Voici dans quels termes Sa Majesté donna avis 
de son arrivée à M. Du Ferrier : « Je suis arrivé en 
cette ville le 1 8 e de ce mois et y ay trovvé les députez 
des provinces jà arrivez pour la tenue des Étatz dont 
j'espère qu'il sortira quelque bonne résolution pour le 



5 



66 LES COMEDIENS ITALIENS. 

repos de mes sujets y voyant les dits députez très bien 
disposez. A Bloys, le 23 novembre 1576 '. » 

Henri III, à cette époque, — c'est pour le dire 
en passant — avait l'esprit très-porté aux disserta- 
tions littéraires. Nous en avons rencontré un témoi- 
gnage tout particulier dans Tune des dépèches de 
l'ambassadeur de Mantoue, datée précisément de 
Blois, peu de jours après que la Cour y était 
arrivée. Nulle autre part, dans les récits du temps, 
nous n'avons trouvé la mention de ce fait ainsi pré- 
senté : 

« Depuis un mois le Roi a donné Tordre que per- 
sonne ne lui parlât plus d'affaires à table, pendant 
son dîner, ainsi qu'on avait l'habitude de le faire aupa- 
ravant, mais aussitôt après dîner, Sa Majesté donne 
audience publique. Il a recommandé à quelques gens de 
bien et d'esprit de traiter en sa présence, pendant qu'il 
dîne, diverses questions de philosophie morale auxquel- 
les on se plaît fort. Parmi les esprits lettrés qui y pren- 
nentpart est le seigneur Filippo Cavriana, médecin de la 
Reine mère, lequel dit sa partie en italien. Hier matin, 
la question traitée fut celle de la magnanimité et de J'in- 
fluence la plus grande qu'y pouvoit avoir le naturel 
ou l'éducation. 11 en a parlé fort bien... Je vous assure 
qu'il est très estimé du Roi et de la Reine-mère qui lui a 

1 Bibliothèque Nationale, Manuscrits. 500 Colbert : n° 367. 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 67 

confié le soin d'écrire Y histoire de sa vie, car il n'est pas 
seulement médecin, mais universel et écrivain élégant et 
apte à traiter toute affaire pour difficile qu'elle soit 1 ... » 

1 Cet ambassadeur du duc de Mantoue était le S r Ferrante 
Guisom. J'ai pris copie ou fait analyse de ses dépêches pen- 
dant mon long séjour de recherches aux Archives des Gon- 
zague à Mantoue, en 1865. Il était arrivé à Blois le 28 no- 
vembre, presque en même temps que le Nonce et l'ambassadeur 
d'Espagne. Filippo Cavriana, dont il est ici question, avait 
d'abord été attaché à la personne du Duc de Nevers. Il était 
d'un esprit et d'un savoir des plus remarquables. Ses lettres 
écrites en italien et adressées de la cour de France au Grand-Duc 
de Toscane ou au Duc de Mantoue sont des plus curieuses. Un 
style de véritable historien, à vues élevées, à jugements pro- 
fonds, y préside le plus souvent. M. Abel Desjardins en a 
publié un grand nombre dans le tome IV des Négociations 
avec la Toscane (collection des Documents inédits publiés 
par le Ministère de l'Instruction publique). Au sujet des ques- 
tions de philosophie et de morale ainsi traitées sur la demande 
de Henri III, en des entretiens presque familiers, j'ajoute qu'il 
existe à la Bibliothèque Nationale un petit manuscrit des fonds 
français (n 9 2585), qui me paraît bien être un recueil ou spé- 
cimen de quelques-unes de ces questions. Ce manuscrit ne 
porte aucune date, mais l'écriture semble être du temps, et le 
titre est celui-ci : Plusieurs Discours tenuz devant le feu Roy 
sur les passions de lame par plusieurs grands personnages. 
Quelles vertus sont plus excellentes, les morales ou Its in- 
tellectuelles? Des passions humaines, de la joye et de la 
tristesse ? Quelle est la plus forte, aigre et poignante, la 
joye ou la tristesse? — De tire et comme Use faut modérer. 
— Discours de [honneur et de tambicyon, etc. — Recueil 
de quelques points principaux touchés par Desportes. 

5. 



68 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Il ressort de là que Henri III devait comprendre la 
langue italienne aussi bien que la française. S'il en 
eut été autrement, il faut croire que pour distraire 
son esprit des affaires politiques, pendant qu'il 
dînait, il ne se serait pas imposé le soin d'écouter le 
développement de pareilles thèses en une langue qu'il 
n'aurait compris qu'à peu près. Son goût pour la 
Comédie Italienne non moins que pour les interprètes 
qu'il attendait alors avec quelque impatience, à 
Blois même, n'a donc point de quoi surprendre. Il 
s'en fallait du reste de peu de temps pour que les- 
dits interprètes, les Comici Gelosi, n'arrivassent au 
rendez-vous. 

L'ouverture des États se fit le 6 décembre 1 . Tous 

1 Voyez, sur la tenue et séance des États au château de Blois, 
l'ouvrage, plein d'intérêt et d'un grand agrément de style, de 
feu L. de La Saussaye, mon cher et regretté compatriote : 
Histoire du château de Blois. (Paris, Aubry, 1875; septième 
édition.) C'est un livre charmant, tout véridique, et que 
goûtent vivement tous les curieux des choses de l'histoire. Le 
château de Blois et toute cette contrée de l'Orléanais et de la 
Touraine furent, pour ainsi dire, le théâtre de la vie politique 
le plus suivi, depuis l'avènement de Louis XII, jusqu'à la mort 
de la Reine mère, Catherine de Médicis. Mais l'ouvrage qu'il 
faut surtout lire, au point de vue de la politique intérieure du 
royaume, est l'excellente Histoire des Etats généraux y due 
à notre savant confrère M. Georges Picot. (4 volumes in-8°, 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 69 

les princes étaient réunis à Blois : le Roi, Mon- 
sieur son frère, la Reine-Mère, le cardinal de Bour- 
bon. Monsieur de Montpeusier, Monsieur de Ne 
vers, Messieurs de Guise étaient attendus d'heure en 
heure depuis le 4. Tous les ambassadeurs avaient 
suivi la Cour. Tous les députés étaient arrivés sauf 
ceux de La Rochelle et du Languedoc. Quand on 
sait quelle compagnie devait nécessairement attirer 
et former une session d'États-Généraux, on peut ai- 
sément se représenter le nombre et l'éclat des per- 
sonnages qui avaient pris logis dans l'enceinte du 
château, dans la ville même et aux alentours. 

Ce fut au milieu de cette compagnie considérable 
qu'arriva, dans Blois, le 25 janvier 1577, la troupe 
des Comédiens Italiens « 1 Gelosi » . 

Quelques obstacles, dit-on, avaient retardé leur 
arrivée. S'il en fut ainsi, ils eurent cette malechance 



Paris, Hachette, 1872.) Le tome II est consacré aux séances 
des États de Blois de l'an 1577. Pour la description propre- 
ment dite de la session et pour l'aménagement intérieur, 
voyez « La forme et ordre de Rassemblée des Estais tenus 
à Blois sous le très-chrestien Roy de France et de Poloyne 
Henry Jll du nom es années 1573 et 1577. » (Paris, chez 
Robert le Mangnier, Tan 1577.) Et « Le vray pourtraict de 
Rassemblée des Estais... » 



70 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de pouvoir reconnaître par eux-mêmes, sur leur 
chemin, quelles aventures on pouvait courir en 
France, a cette époque des guerres dites de religion. 
La paix, que Henri JII s'était représentée si belle et 
si sûre, ne durait déjà plus dans les quartiers hugue- 
nots. Du côté de La Charité sur Loire, le parti avait 
repris les armes. La route était peu sûre pour des 
comédiens italiens qui voyageaient à la solde du Roi. 
Venant de Lyon et tirant vers Blois, ils avaient dû 
se diriger par le Nivernais et le Berry. Mais il paraî- 
trait qu'aux approches de La Charité sur Loire, les 
Huguenots, qui s'étaient réemparés de la place avec 
l'aide du S r de Morogues, nouveau gouverneur, les 
tinrent pour mécréants et les firent prisonniers. Il 
fallut que le Roi payât rançon. C'est le sieur de L'Es- 
toile qui l'affirme en ces termes : 

« Février. La compagnie des Comédiens Italiens sur- 
nommée I Gelosl que le Roy a voit fait venir de Venise 
exprès pour se donner du passe-temps et desquels il avoit 
paie la ransson, aians esté pris et dévalizés par les Hu- 
guenots environ les fêtes de Noël précédant, commencè- 
rent à jouer leurs comédies dans la salle des Estats à 
Mois K . . » 

A la date du 23 janvier, l'ambassadeur Florentin, 

* Journal du S r de Lestoile. 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 71 

Saracini, écrivant de Blois à son souverain, dit 
aussi : 

« Les Huguenots, maîtres de la Charité, se fortifient 
activement, comme ils le font aussi dans toutes les places 
qu'ils ont dans le royaume. On dît qu'à la Charité, les 
comédiens Gelosi ont été retenus. Ils venaient de Lyon à 
la Cour 1 , n 

1 Négociations diplomatiques de la France avec la Tos- 
cane y t. IV, p. 106. Légation de Sinolfo Saracini. Dépêche 
au Grand-Duc. Blois, 23 janvier 1577. H est difficile de pré- 
ciser la date de leur arrivée, passage et peut-être séjour à 
Lyon. Mais, de toutes manières, nous croyons qu'il ne faut 
pas confondre la troupe des Gelosi avec une autre troupe de 
comédiens signalée comme étant déjà à Lyon au commence- 
ment du mois de novembre de l'année 1576, c'est-à-dire trois 
mois à peine avant l'arrivée des Gelosi appelés et attendus à 
Blois par Henri 111. La confusion entre ces troupes, pour 
l'année 1576, est d'autant plus facile à faire qu'elle est en 
quelque sorte secondée par des documents que, jusqu'à plus 
ample informé, nous ne chercherons* pas à faire concorder. 
Deux de ces documents proviennent des registres des Rec- 
teurs-trésoriers de t aumône générale à Lyon, indiqués par 
M. C. Broucooud, l'auteur des « Origines du Théâtre » en 
cette ville; 16 me jour du mois de janvier 1576 et 4 me jour du 
mois de novembre. Un troisième document est le texte d'un 
arrêt du Parlement rendu à Paris le 5 décembre 1576, cité 
dans la Revue Rétrospective (année 1834, tome IV, p. 336), 
par M. Taillandier, auteur d'un intéressant article sur les 
Confrères de la Passion, D'après le premier document, il y 
aurait eu une troupe de comédiens italiens en janvier 1576, à 



72 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Tous autres détails manquent sur cette aventure ! . 
Cependant, ils arrivèrent à Blois le 25 janvier. Le 
Résident de Mantoue à la Cour, Ferrante Guisoni, 
dans sa dépêche du 27, donne ainsi part à son 
maître de la nouvelle de leur arrivée et de leur 
réception à Blois : 

a Avant-hier est arrivée à la Cour la compagnie des 
Comédiens Gelosi. On les attendait et désirait vivement, 
aussi ont-ils été reçus fort joyeusement. On les a logés 
aussitôt, et bien traités. Le soir même, ils ont joué une 
de leurs comédies devant Sa Majesté, dans la salle où se 
sont tenus les États. 11 y avait la plus grande foule. Ils 
ont fort diverti le Roi et toute la Cour ». » 

Ainsi, ce fut dans cette vaste salle des États du 
château de Blois, toute « tapissée alors d'une riche 
tapisserie à personnages rehaussée de fils d'or » , 
que la troupe des Gelosi donna sa première représen- 

Lyon ; d'après le second, il y aurait eu une autre troupe non 
caractérisée en novembre, à Lyon encore, et d'après le troi- 
sième, il y en aurait eu une d'Italiens aussi à Paris, contre la- 
quelle les maîtres de l'Hôtel de Bourgogne auraient requis. 
Mais ni les uns ni les autres n'étaient les Gelosi. 

1 C'est chose à noter qu'il n'en est rien dit même dans les 
ouvrages tout particuliers à l'histoire du pays, tels que Y Abrégé 
historique du Prieuré et de la ville de La Charité (Bourges, 
1709), cependant si rempli de détails intéressants. 

9 Archives de la maison de Gokzague. Manloue, Série Fran- 
cia. Dépêches. 



SOUS LE REGNE DE HENRI 111. 73 

tation. Assurément, les comédiens n'auraient pu 
prétendre a un plus beau théâtre, et le soin de leur 
ménager une telle scène, devant une assistance 
aussi considérable, dut leur paraître déjà bien glo- 
rieux. « Et leur permit le Roy, dit encore le sieur de 
L'Estoile, de prendre demi-teston de tous ceux qui les 
viendraient voir jouer. » Il n'existe pas d'informations 
précises sur les pièces qu'ils jouèrent et sur le rôle 
de chacun d'eux . Le duc de Nevers est seul à nous dire 
que, le 28 février au soir, il fut joué une Pastorale, 
« encore que le matin le prédicateur eust dit en pré- 
sence du Roy que c'estoit très-mal fait d'y aller ' . . . » 

Les Gelosi séjournèrent à Blois jusqu'au printemps. 
Le Roi, du resle, avait clos la session des États le 
7 mars, et il partit pour Amboise le 23 avril. La Cour 
alla ensuite à Ghenonceaux, place chérie de la 
Reine-Mère, puis à Tours et à Poitiers. Les comé- 
diens ne la suivirent pas en ces divers endroits; ils 
se rendirent à Paris. 

Le 18 mai, dit l'auteur de VHistoire manuscrite du 
Théâtre en France, une troupe de Comédiens Italiens 
surnommée I Gefosi vint s'établir à Paris, après avoir 

1 Voyez dans la première partie des Mémoires de M. le duc 
de Nevers, prince de Mantoue, pair de France (in-folio, Paris, 
1645), p. 166 à 178, le Journal dudit Duc pendant les États. 



74 LES COMEDIENS ITALIENS. 

obtenu la permission des confrères de la Passion, sons la 
condition d'un écu tournoi par représentation. Ils débu- 
tèrent dans la salle de Bourbon le lendemain 19 '. 

Grand fut leur succès. Le sieur de l'Es toile, bon 
Parisien, l'affirme ainsi, dans son curieux «Journal* 
des choses de son temps : 

« Ils prenoient de salaire quatre sols par teste de tous 
les François qui les vouloient aller voir jouer, ou il y 
avoit tel concours et aflucnce de peuple que les quatre 
meilleurs prédicateurs de Paris n'en avoient pas tretous 
ensemble autant quant ils prescboient. » 

Mais ainsi qu'il était advenu en 1571, messieurs 
les conseillers au Parlement s'émurent. Ils n'étaient 
pas de l'avis de Sa Majesté, ils étaient même d'un 
avis si contraire qu'ils estimaient que les comédies 
n'enseignaient « que paillardise et adultères et ne 
servaient que escole de débauche à la jeunesse de tout 
sexe de la ville de Paris 2 » . Voilà qui était bien loin 
de la faveur qu'on avait rencontrée à la Cour ! Les 
Ge!osi se défendirent comme ils purent, et pour 
armes défensives, présentèrent le 27 juillet, des 
Lettres Patentes qu'ils avaient fait demander au Roi 
encore absent, et que, naturellement, ils avaient 

1 Bibliothèque Nationale. Manuscrits, n° 9230, P> 215. 
1 Journal du S r de Lestoile. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 75 

aisément obtenues. Les voilà donc avec les Lettres 
Patentes ! , mais la loi était que ce parchemin ne 
pouvait avoir d'effet qu'après que messieurs les 
Conseillers en auraient autorisé l'enregistrement. 
Or ces messieurs renvoyèrent les comédiens par fin 
de non-recevoir. Le Roi, sans nul doute, trouva 
bien sévères messieurs les Conseillers. Et, de fait, 
après qu'il eut traité d'une nouvelle paix à Poitiers, 
et avant même qu'il fût de retour en sa ville de 
Paris, qui ne l'avait, pas vu depuis près d'un an, il 
manda aux comédiens Gelosi non-seulement une 
permission nouvelle de jouer leurs comédies, mais 
encore il les munit d'un texte de «jussion expresse 2 » 
propre à les mettre à couvert de la mauvaise grâce 
des magistrats. Aussi, est-ce avec grande amertume 
que le sieur de l'Estoile qui était de la maison du 
Parlement, consigne la nouvelle de cette faveur en 

# 

ses « Mémoriaux >» : 

1 II serait curieux de connaître le texte de ces lettres. Sont- 
elles aux Archives Nationales? On peut croire qu'elles n'y 
sont pas, M. Campardon ne les ayant pas produites. J'ajoute 
que je les ai cherchées, là et partout ailleurs où il y eût eu 
quelque chance de les trouver. 

9 Ce document aussi est à trouver, ainsi que tous les autres 
documents judiciaires désignés par le S r de l'Estoile, pour 
cette espèce de débat entre le Roi et messieurs du Parlement 
au sujet des Comédiens Italiens à Paris. 



76 LES COMEDIENS ITALIENS. 

a Nonobstant lesquelles défenses, au commencement 
de septembre ensuivant, ils recommencèrent à jouer 
leurs comédies, en l'hoslel de Bourbon comme aupara- 
vant, par la permission et jussion expresse du Roy, la 
corruption de ce temps estant telle que les farceurs, bouf- 
fons, mignons... avoient tout le crédit '. » 

Il est certain que la faveur royale et par consé- 
quent la faveur aussi de tout ce qui formait la Cour 
ne fit point défaut à la compagnie de ces comédiens. 
Le Roi les retrouva à Paris, en octobre, et ce petit 
billet de sa main au S r de Bellièvre, qui tenait les 
finances, est fort éloquent en sa concision : 

« Monsieur jay accordé aux commédiens de avoir ce 
quilz avoient à Bloys, je veux qu'ainsi soit fâiet et qu'il 
n'y ait pas faulte, car j'ay plaisir à les oyr que je n'ay eu 
oneques plus parfaict *. » 

C'est le dernier document que nous connaissions 
donnant nouvelles de la troupe des comédiens 
« Gelosi » en France. 

Un mot maintenant sur le personnel de cette 

1 Journal du S r de l'Estoile. 

1 Les Manuscrits français à la Bibliothèque de Saint-Pé- 
tersbourg. Ce billet est cité par le comte Hector de La 
Ferrière dans son « Rapport » Deux années de Mission à 
Saint-Pétersbourg : Manuscrits, Lettres, Documents histo- 
riques sortis de France en 1789. Page 27. 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 77 

troupe étrangère qui avait obtenu non pas une simple 
permission, mais un véritable privilège pour occuper 
un théâtre à Paris, et qui était demeurée près d'un 
an dans le royaume. Quel était-il ce personnel de la 
troupe des « Gelosi » ? Était-il absolument le même 
que celui de la compagnie que Henri III avait vue 
et applaudie a Venise? Le « magnifique » était-il là? 
Et la signora Vùtoria, la divina Vittoria? Et Rinaldo, 
l'incomparable amoureux? Et le plaisantissime Simon 
de Bologne en son rôle d'Arlequin? Un chacun des 
divers historiens du théâtre italien au seizième siècle 
vous dit bien qu'il y avait un tel, et puis un tel et une 
telle dans la troupe qui vint trouver le Roi pendant 
la session des États à Blois et qui fut ensuite à Paris. 
Un chacun vous dit aussi qu'elle était dirigée par 
Thabile auteur des scenari, messer Flaminio Scala, 
qui faisait aussi très- bien sa partie d'amoureux dans 
les pièces. Mais pour nous, chercheur de textes pro- 
bants, valables et incontestables, nous ne voyons 
point sur quelles données authentiques un chacun 
se base pour assurer qu'il y avait celui-ci plutôt que 
celui-là. Nulle part nous ne voyons, jusqu'à pré- 
sent, un texte qui nous puisse donner toute certi- 
tude sur le personnel de la troupe venue en France 
en 1577, non plus que sur les scenari qui firent la 
joie et le divertissement publics par le développe- 



78 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

ment improvisé que les acteurs leur donnaient. 
D'après bien des menus faits, énoncés çà et là, on 
peut admettre que ce signor Flaminio Scula, dit 
Flavio, fat le chef d'une compagnie de « Gelosi» , 
mais nous n'avons point de documents authentiques 
qui nous permettent de le regarder comme le chef 
de la troupe en France, avec tels ou tels pour sujets. 
Le biographe Francesco Bartoli le dit bien, et 
chacun, depuis, a dit comme lui. Mais Francesco 
Bartoli écrivait et publiait son livre en 1780! Il 
était donc bien loin d'être un contemporain. Et, 
comme il ne cite que fort peu de sources originales, 
on peut avec raison se demander s'il était bien 
assuré de tout ce qu'il a dit pour chacun des comé- 
diens les plus anciens, auxquels il a donné place en 
son livre, alphabétiquement dressé, des « Notizie 
Istoriche »? Il y a toute une histoire à faire, exacte- 
ment et sûrement, de la formation et du mouve- 
ment des compagnies dramatiques à cette époque- 
là. Mais il faut laisser de côté, pour une bonne part 
du moins, les redites imprimées; il faut chercher 
les choses du temps, les textes officiels et les textes 
familiers, comme tous ceux que nous donnons plus 
loin pour les règnes de Henri IV et de Louis XIII. 
Le peu que nous avons recueilli, pour les règnes de 
Charles IX et de Henri III, a sa valeur, parce que 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 79 

ce ne sont point choses à contredire, et que nos 
diverses citations sont celles de textes authentiques, 
et qu'elles ont cet avantage de déterminer quelques 
dates. Ces riens deviennent choses de valeur en ces 
sortes de récits, établis par procédés d'investiga- 
tions. Ah! si le signor Flaminio Scala, en quelque 
endroit que ce fût de son « Teatro délie Favole rap- 
presentative » qu'il publia à Venise en 1611, avait, 
en rappelant ses souvenirs, fait une allusion quel- 
conque à son voyage en France avec les Gelosi, en 
1577, ainsi qu'à ses actions dramatiques, pour 
donner du relief à ce qu'il appelle « la Recreatione 
comicci, boscareccia e trajica » , ce serait parfait et il 
y aurait toute créance à lui donner. Il n'en a dit 
mot. On était cependant fort expansif dans les pré- 
faces des petites publications, que Ton adressait 
volontiers en ces temps- là, sous forme épistolaire, 
aux « Cortesi Lettori » ou à quelque souverain ou 
seigneur lettré, bon protecteur. Les précieux Re- 
gistres de la « Trésorerie de l'espargne » nous 
manquent pour la plus grande partie du règne de 
Henri III. Leur destruction remonte aux grands 
désastres qui ont anéanti, au dix-huitièrne siècle, 
de si importantes séries de documents sur l'ancienne 
France, conservés jusqu'alors par la Cour des 
Comptes. A leur défaut, il devient très-difficile 



80 LES COMEDIENS ITALIENS. 

d'énoncer des faits précis, car pour l'exactitude des 
dates, rien ne vaut l'enregistrement d'un document 
de finances. Malgré les quelques détails donnés par 
le S p de L'Estoile, malgré les menus faits que nous- 
mêmes avons rapportés, beaucoup de choses seraient 
encore a dire sur le séjour en France de la troupe 
des Gelosi en l'année 1577. De nouvelles ren- 
contres nous permettront sans doute tôt ou tard de 
ne pas ainsi demeurer sur le champ des conjectures. 

A leur propos encore, on peut s'adresser cette 
question. Quand ils eurent pris congé du Roi, pas- 
sèrent-ils aussitôt les monts pour retourner en leur 
pays, ou bien sont-ils les mêmes ou quelques-uns 
des mêmes qui sont signalés comme s'étant rendus 
en Angleterre, cette-même année 1577, sous la con- 
duite du sieur Drusiano Martinelli, pour satisfaire à 
la curiosité de la reine Elisabeth ! ? Rien encore de 

1 L'historien de la poésie dramatique en Angleterre, Payne 
Collier, dit : » T/iere was on ltalian commediante named 
Drusiano and his Company in London injanuary 1578. » 
Et dans un autre endroit : « A Company of ltalian players 
one ofw/wm was evidendly a tumbler or vaulter attended 
the Queen in her progress and performed ai Windsor. » 
Il est regrettable que Collier n'ait pas cité les sources de ces 
curieux renseignements. M. A. Mézières, dans son ouvrage : 
« Prédécesseurs et contemporains de Shakespeare »» , a rap- 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 81 

certain. Mais, en tout cas, nous retrouvons, assuré- 
ment cette fois, au commencement de l'année sui- 

pelé ce fait de la présence des Italiens en Angleterre et il 
ajoute, d'après Collier aussi, que Ton a conservé quatre 
scenari ou canevas des Commedie delC arte représentées à 
cette époque. Voyez : « The History of english dramatic 
Poetry to the time of Shakespeare and Annals of the Stage 
to the Restoralion » (Londres, Murray, 1831), et « Prédéces- 
seurs et Contemporains de Shakespeare » , par A. Mézières 
(Paris, Charpentier, 1863). M. Mézières dit encore ceci, 
d'après l'historien anglais : « Tarleton (le fou de la Reine 
Elizabeth) excellait aussi dans l'improvisation, car on jouait 
quelquefois des pièces plaisantes dont le plan seul était écrit 
d'avance et dont les acteurs improvisaient le dialogue comme 
dans les commedie ait improviso des Italiens. Il y avait eu à 
Londres en 1577 ^une troupe italienne dirigée par un certain 
Drusiano. Peut-être était-ce lui qui avait apporté en Angle- 
terre ce genre de représentations. Peut-être aussi, et je le 
croirais volontiers, les Anglais le connaissaient-ils avant lui 
par l'intermédiaire de la France. » Voyez le chapitre xi, § 11, 
de la page 29 à 39; 

« En tout cas , dit le même auteur , si on savait à Londres 
qu'il existait à Ravenne une école de comédiens qui improvi- 
saient d'après des règles fixes et des principes généraux, on 
savait aussi qu'il y avait des improvisateurs à Paris, comme le 
prouve un passage de la Tragédie Espagnole de Kyd. Hie- 
ronimOy le héros de la pièce, dit quelque part en parlant 
d'une représentation à laquelle il a assisté : « Les tragédiens 
italiens avaient l'esprit si subtil, qu'après une heure de médi- 
tation, ils auraient mis en action n'importe quoi. » 

Voyez l'ouvrage anglais « A sélect collection of old En- 

6 



82 LES COMEDIENS ITALIENS. 

vante (1578), a Florence ! f une brillante compagnie 
des « Gelosi » , celle de qui les bons statuts portaient 

glislx Play s originalles publis/wd by Robert Dodsley (1744), 
now first chronogically arrangea xvith the notes of ail (lie 
commentators and new noted by W. Garew Hazlitt (Lon- 
don, Reever and Turner). Voyez, tome V, le texte de cette 
pièce ainsi appelée : The spanîsh Tragedy containîng the 
lamentable end of don Horatio and Bella Imperia : with 
the pittifull death of olde Hieronymo. Imprimée à Londres 
vers 1594, puis en 1599, 1602, 1610. Le texte original du 
fragment de la scène citée plus haut est celui-ci : 

HIEROMMO. 

A Comedy ! fie ! Comédies are fit for common wits : 

But to présent a Kîngly troop withal, 

Give me a Stately- Written tragedy; 

Tragœdia cothurnata, fitting kings, 

Containîng matters, and not common things. 

My Lords, ail this must be perform'd 

As fitting for the first nighCs rêve Oing, 

The Italian tragedians were so sharp ofwit, 

That in one hours méditation 

They would perform any thing in action. 

LORENZO. 

And well it may : for I hâve seen the tike 
In Paris 9 mongst the French Tragedians. 

HIEROMMO. 

In Paris, mass, and well-remembered ! 
Ther's one thing more that rests for us todo. 

1 Voyez l'excellente Introduzione aux Scenari inediti délia 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 83 

pour enseigne cette devise véritablement magni- 
fique : 

u Virtù, fama ed onor ne ser Gelosi. » 

Cette compagnie-là fut le type accompli et parfait 
du personnel voulu pour jouer la commedîa delV arte. 
Elle fut à son apogée, lorsqu'elle eut, pour la repré- 
senter dans un ensemble qui ne s'était point vu 
jusqu'alors et qui fut rare depuis, Ludovico de 
Bologne (Arlequin) , Giulio Pasquati (Pantalon) y 
Simon de Bologne (l'un des zanni ou valets), Ga- 
briel de Bologne (Francatrippé), Oratio de Padoue, 
(l'amoureux) y Àdriano Valerini, de Vérone (le se- 
cond amoureux), Girolamo Salimbeni, de Florence 
(le vieux bourgeois) y la signora Isabella Àndreini 
(la seconde femme) , la signora Silvia Roncagli (Fran- 
cesckina), et Francesco Àndreini, mari de l'Isa- 
belle (le capitaine Spavento du Val d'enfer) . Ce fut 
là le personnel le mieux dressé à cet art singulier, 
où chacun avait un rôle que, selon les facultés 
particulières de son esprit, selon ses dispositions 

commedîa delt arte publiés par M. Adolfo Bartoli (Flo- 
rence, Sansoni, éditeur, 1880). C'est un Essai historique des 
mieux faits sur l'ancienne Comédie Italienne et sur son personnel. 
M. A. Bartoli est aussi l'auteur des deux ouvrages : « / Pre- 
cursori del Rinascimento del Boccacio » et « Sloria délia 
Letteratura Italiana » . (Florence, Sansoni, id.) 

6. 



84 LES COMEDIENS ITALIENS. 

et son humeur du moment, il pouvait embellir 
par les inventions, les gestes et les mouvements 
les plus inattendus. « La renommée de cette com- 
pagnie fameuse, a dit le mari d'Isabelle dans l'excès 
d'enthousiasme que lui en procurait le souvenir, 
ne verra jamais la dernière nuit, — il cui grido 
non vedrà mai Fultima notte ! — » Voilà une méta- 
phore bien osée ! mais quand on a lu tout ce qui s'est 
écrit sur cette compagnie, on peut admettre ce cri 
glorieux d'Andreini, car il ne s'est jamais écrit la 
moindre page et il ne s'en écrira jamais une seule sur 
l'appréciation de la comédie au seizième siècle, sans 
que les « Gelosi » n'y figurent comme des héros l - 

1 Bien des années après que la troupe des Gelosi n'existait 
plus, l'Andreini (Francesco), qui l'avait tant connue et qui 
signait ses œuvres diverses avec le litre de Comico Geloso, 
comme étant lotit plein d'honneur, dit, dans une préface aux 
Gentilissimi Lettori : « Dura que lia famosa e non mai abas- 
tanza lodata compagnia dei Comici Gelosi moitié molli anni 
mostrando a i comici venturi il vero modo di comporre e 
recitar commedie y trajicomedic, tragédie, pastorali, inter- 
medii apparenti et allre inventioni rappresentative corne 
giornalmente si veggono nelle scène... • Et ailleurs, la 
citant comme le modèle des modèles, la portant au dernier 
degré où puisse atteindre l'éloge, en un dialogue de ses Ragio- 
namenti : « Trappola mio, dit-il à son interlocuteur, di quelle 
compagnie non se ne trovano più, e cio sia detto con pace 
di quelle che lianno solamente tre o quattro parti buone 



SOUS LÉ RÈGNE DE HENRI III. 85 

Revenons maintenant en France, et nous portant 
vers Guyenne, Gascogne et Béarn, où gouvernait 
et dominait un petitprince très-remuant appelé à de 
grands destins, disons qu'il y avait là des comé- 
diens italiens, en cette même année 1578. Si nous 
les pouvons signaler, c'est par le relevé des dé- 
penses du Roi de Navarre, en ses petits États, 
où malgré ses traverses, il faisait aussi bonne 
figure et était d'aussi bonne humeur que pos- 
sible. Le rapprochement de la date du séjour des 
Gelosi à la cour de Henri III permet presque d'ad- 
mettre que quelques-uns se seraient détachés de la 
compagnie pour répondre à un appel du Béarnais. 
Il se peut aussi qu'ils fussent une petite troupe 
secondaire qui eût passé les monts, cherchant for 
tune par pays étrangers. Mais toujours faute d'infor- 
mations certaines, on ne peut guère que s'en tenir à 
la ressource toujours misérable des conjectures. Et 
c'est pour mémoire que, jusqu'à plus amples ren- 

e taltre sono de pocchîssimo valore, e non corrispondono 
aile principali corne facevano tutte le parti di que lia 
famosa compagnia le quali erano tutte singolari, in somma 
ellafù taie che pose termine alla drammatica arle oltre del 
quale non pub varcare niuna moderna compagnia de 
comici..* » Voyez Le Bravure del Gapitano Spavekto divise 
in molti ragionamenti in forma di dialogo (à Venise, édition 
de 1624, page 28). 



86 LES COMEDIENS ITALIENS. 

seignements, nous signalons la présence de comé- 
diens italiens chez le Roi de Navarre. Ils étaient à 
Nérac dans le temps même que l'infatigable négo- 
ciatrice, la Reine-Mère, s'y était rendue pour tenter 
d'amener à bonne composition ce petit Roi son 
gendre, qui du fond de ses pays, lui donnait tant de 
mal depuis deux ans, nécessitant à lui seul la venue 
de plus de négociateurs que tous les grands États 
étrangers. Lorsque Catherine de Médicis le vint 
trouver à Nérac. au mois de décembre 1 5 78 , et qu'elle 
demeura dans ses quartiers jusqu'à la fin de février 
] 579, le Béarnais eut garde de ne la pas bien rece- 
voir '.. S'il était difficile, retors et gouailleur aux 
affaires, il était libéral aux plaisirs, et il se plut sans 
doute à faire voir à la Reine-Mère du Roi, monsieur 
son frère et son beau-frère, que pour prince assez peu 
pourvu qu'il était, il n'avait pas moins moyen de se 
divertir à la façon d'un Roi qui a de bonnes finances. 
Il montra que la cour de Nérac avait ses comédiens 
italiens comme avait fait la cour du Louvre. Les 
registres originaux de sa dépense portent, en effet, 
les articles suivants, bons à figurer ici : 

1 Voyez Bibliothèque Nationale. Manuscrits, n° 3300 du 
Fonds fiançais : Le Registre des despesches de la Reyne 
mère au voiage de Guyenne, Languedoc et Dauphiné 
vour tédit de pacification. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 87 

Année 1578. Paiement de 35 écus sols à Massimiano 
Milanino, chef de la Compagnie des Comédiens Italiens 
suivant Je Roi de Navarre. 

Ordonnance de gages de Marc Antoine Scotlvelli et 
Massimiano Milanino Comédiens Italiens. 

Année 1579. Paiement de Comédiens Italiens pendant 
le séjour de Catherine de Médicis à Nérac. 

Frais de voyage des comédiens du Roy. 

Payement de Paul de Padoue chef d'une troupe de 
Comédiens. 

À mess ire Paul de Padoue, tant pour luy que autres 
comédiens de sa compagnie la somme de trente escuz sol 
vallant quatre vingtz dix livres tournoy. 

Pour avoir joué devant Sa Majesté plusieurs comedyes, 
ainsy que Sa dite Majesté déclare par son mandement '. 

Des États du Roi de Navarre, retournons vers le 
Royaume, à la cour de Henri III. On ne s'y était 
point refroidi pour les choses du théâtre, et en l'an- 

1 Archives des Basses-Pyrénées (à Pau) : Cahiers dits : 
Extraordinaire de la dépense. Voyez les Cahiers originaux 
marqués : B, 142, 2326, 2365, pour Tannée 1578 ; B, 46, 
154, 2369, 2378, pour Tannée 1579. Le Roi de Navarre 
avait aussi à son service, en ce même temps, un certain 
Nicolas Léon avec le titre de Joueur de farces. Cahier 
B, 280. Plusieurs de ces cahiers, fort malheureusement, ont été 
détruits, de sorte qu'il existe de regrettables lacunes pour 
l'époque la plus intéressante. Voyez aussi le curieux travail de feu 
M. Raymond, publié dans la Gazette des Beaux- Arts : « Les 
Artistes dans le Béarn. » 



88 LES COMEDIENS ITALIENS. 

née 1581, l'ambassadeur de Toscane signalait dans 
sa dépêche du 3 octobre que le Roi faisait travailler 
en toute diligence à l'achèvement d'un théâtre der- 
rière le Louvre, et que la Reine-Mère faisait apprê- 
ter une salle magnifique dans sa maison des Péni- 
tentes. Mais il s'agissait surtout de féeries et de 
ballets. Ce fut le temps de la représentation restée 
célèbre des Enchantements de Cîrcé, mais c'était plus 
l'affaire du célèbre metteur en scène Balthazar de 
Beaujoyeulx l que celle d'anciens comédiens italiens. 
Pour retrouver quelqu'un de ces derniers depuis le 
départ des Gelosi, il faut se porter à deux années 
plus tard, en 1583. Et le document qui les signale 
n'a rien de brillant pour eux, puisqu'il n'est autre 
qu'une sentence du Lieutenant civil au Châtelet ! 
Il s'agit, en effet, d'une nouvelle troupe de comédiens 
italiens à Paris, dirigée par un certain Battista La- 
zaro jouant à l'hôtel de Bourgogne. Mais la faveur 
et le succès manquèrent à cette troupe. La sentence 



1 « Balel comique de la Roynefaict aux nopces de Mon- 
sieur le Duc de Joyeuse et Mademoiselle de Vaudemont, 
sa sœur, par Baltasar de Bbauioyeulx, valet de chambre du 
Roy et de la Reyne sa mère. » A Paris, par Adrien Le Roy, 
Robert, Ballard et Maraert Pâtisson, imprimeurs du Roy. 
mdlxxxii. « En la grand salle de Bourbon, lieu où les dittes 
inventions' du sieur de B. ont este exécutées et mises à effect. » 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 89 

du Lieutenant civil ordonnait, en effet, que saisie fût 
pratiquée sur son matériel. Nous n'avons, du reste, 
aucun renseignement à fournir sur la compagnie dudit 
Batlista Lazaro, si ce n'est quela requête de messieurs 
les maître de l'hôtel de Bourgogne et l'exploit fait en 
vertu d'icelle, forent du 22 février duditan 1583 '. 

L'année suivante (1584), une autre troupe est en 
France, et fort favorisée par le duc de Joyeuse, 
beau-père du Roi, auquel l'un des comédiens, 
Fabritio de Fornaris, qui en même temps était auteur, 
a dédié sa comédie VAngelica, éditée par Abel l'An- 
gelier, libraire tenant marchandise sous la première 
colonne de la grande salle du Palais 2 . Le duc de 
Joyeuse avait précisément fait un voyage en Italie 

• 

1 Voyez à l'appendice des « Recherches sur Molière » par 
Eud. Soclié, t inventaire des papiers de t hôtel de Bour- 
gogne, page 153. 

9 Angelica, Comedia de Fabritio de Fornaris Napolitano 
detto II capitano Coccodrillo, comico confidente. (In Parigi, 
1585.) Dedicata ail' illustrissimo e Ecclentissimo «ignore il 
signore duca di Gjoiosa. Le Catalogue de la Bibliothèque 
dramatique de M. de Solkihne indique une traduction fran- 
çaise de cette pièce : « Angélique, comédie de Fabrice de 
Fodrnaris, Napolitain, dit le capitaine Gocodrille, comique 
confident. Mis en françois des langues italienne et espagnole, 
parle S r L. G. » (Peut-être Larivey.) Paris, Abel Langelier, 
1599. In-12 de 118 f.f. chiff. et 1 f. non chiff. Pièce rare. 



90 LES COMEDIENS ITALIENS. 

pendant le précédent automne, pour aller deman- 
der au Pape qu'il fît l'honneur du chapeau à M. l'ar- 
chevêque de Narbonne, son frère. Il fit de belles 
étapes dans les divers États du pays, et il dut avoir 
le spectacle de la comédie italienne en quelqu'une 
des villes que parcouraient alors les compagnies, 
soit celle de Pedrolino qui s'était fondue en 1580 
avec celle de la signora Vîttoria, soit celle de Dru- 
siano Martinelli 1 , et dont l'une ou l'autre dut être 
la Compagnie qui plut si fort au S r de Montaigne 
voyageant en Italie. Il a eu soin d'en consacrer le 
souvenir en deux endroits de son Journal, en date 
du 1 9 novembre 1 580 à Bologne et du 3 juillet 1581 
àPise. La Compagnie des Desiosi jouait alors en cette 
ville « buonissima », dit le S r de Montaigne 8 . On 
voit que Fart des comédiens prospérait et s'étendait. 
Deux compagnies rivales, les Gelosi et les Confidenti, 
étaient à Venise pour le même carnaval 8 . En 1584, 



1 Archives de Maktoue* Série « Firenze » , carton II. Lettre 
«ignée : Drusian Martinelli Mariio di madama Angelica, 
novembre 1580. 

* Voyages de Michel de Montaigne, 1 vol. in-4°, pages 103 
et 295. 

3 Par une lettré du comédien « Francesco Andbeini Comico 
Geloso » datée de Ferrare, 13 avril 1583, on voit que le 
prince héréditaire de Mantoue formait, cette année même, une 
nouvelle compagnie. Les « Gelosi* dont faisaient partie l'An- 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI III. 91 

la meilleure compagnie portait le nom des Uniti 
« Migliorata di personnaggi famosi neït arte comica » 
fondue avec celle de Pedrolino. Nous la trouvons très- 
recommandée en avril 1584 par la duchesse de 
Ferrare au prince de Mantoue son frère, grand ama- 
teur. Elle est complète, elle a ses dix classiques per- 
sonnages, Pedrolino, Berlolino, Magnifico, Graziano, 
Lutio, le Capitan Cardone, Flaminio, Franceschin, 
Giovandonato, Grîllo, la signora Giulia Brolo et 
Y Isabelle l . Nous inclinons à croire que ce fut pen- 
dant son voyage en Italie que le duc de Joyeuse 
engagea la troupe qui fut en France cette année 
même et dont faisait partie l'auteur de YAngelica, 
Fabritio de Fornaris « Comîco Confidente » . Ce qui 
est hors de doute, c'est que le jour des cérémonies 
du baptême de la fille du duc du Maine, la troupe 
italienne représenta cette comédie devant la Reine- 
Mère et nombre de princes, princesses et seigneurs 
de la cour du Valois. Ce Fabritio de Fornaris était 



dreini et l'Isabelle, étaient engagés pour Venise au théâtre 
qui avait pour patron messer Al vise Michieli. (Archives de 
Mantoue.) 

1 Archives de Mantoue. Lettre de Margherita duchessa di 
Ferrara, 4 avril 1584. Et la requête au prince héréditaire de 
Mantoue, signée : Umilissimi servi e devoti gli Uniti. 
(Suivent les noms cités.) Ferrare, 3 avril 1584. 



92 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Napolitain, jouait les Capîtansk la façon d'Espagne, 
les terribles bravaches, le capitano Coccodrillo. Il 
joua aussi chez le duc de Joyeuse, à cette époque, 
une pièce appelée « la Fîammella » , publiée à Paris 
à la même enseigne que UAngelica. C'était une 
pastorale où se mêlaient, sans doute, force jovia- 
lités, puisqu'il ne s'y parlait pas moins de quatre 
patois l . 

Les termes d'un «arrêt » du Parlement, de Tan- 
née 1588, cités sommairement par les frères Par- 

1 Pièce très-difficile à rencontrer. La Bibliothèque Sainte- 
Geneviève me paraît être la seule qui en possède un exem- 
plaire à Paris : La Fîammella Pastorale di Bartolomeo Rossi 
da Verona Comico (In Parigi per Abel l'Angelier 1584), 
avec une Lettre de François de Beroalde à l'auteur, une Dédi- 
cace au duc de Joyeuse et un Avis aux lecteurs. Dans cet 
avis, l'auteur expose qu'il tomba très-gravement malade pen- 
dant l'impression de son petit ouvrage ; qu'il n'a pu reviser 
que trois ou quatre feuillets, et que le reste a été laissé à la 
discrétion des imprimeurs, qui, ne sachant pas la langue ita- 
lienne, ont commis erreurs sur erreurs. Apostolo Zeko, dans 
ses Notes de la BibUoteca Fontakini (tomo 1°, page 361), cite 
cette pièce ; mais il exagère singulièrement l'intérêt de la pré- 
face en assurant qu'on y trouve des renseignements précis re- 
latifs à la séparation de la troupe des anciens Gelosi en deux 
compagnies nouvelles : les Gelosi et les Confidenti, Or, il est 
vrai qu'on y trouve mentionnés les noms des comédiens Pedro~ 
lino, Buratino .Gratiano; mais des renseignements précis y 
point. 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 93 

faict 1 et reproduits intégralement d'après le registre 
original du Parlement, par M. Emile Gampardon a , 
signalent la présence de nouveaux comédiens ita- 
liens nouvellement arrivés à Paris. Mais mal leur en 
prit d'y être venu, car c'était le temps où de grands 
désordres menaçaient le royaume. Le Procureur 
général leur fit mauvais accueil, et « sur la re- 
monstrance faicte par M. Ànthoine Séguier ad- 
vocat v>, le Parlement, cette fois, voulant assurer 
l'efficacité de ses prohibitions, prit soin de rendre 
son arrêt avec ces mots redoutables : « quelques 
permissions qu'ils aient impétrées et obtenues 8 » . Cela 

1 Histoire de t ancien Théâtre Italien depuis son origine 
en France jusqu'à la suppression en 1697. (I vol. in-12. 
Paris, Rozct, 1767.) Il y a beaucoup d'erreurs dans cet 
ouvrage, et l'historique des commencements dudit théâtre est 
présenté de façon * incomplète. Les recherches sont nulles. 
A croire ces auteurs, les Comédiens Italiens seraient restés en 
France sous le nom de « Les Gelosi » pendant vingt-quatre 
ans de suite et plus ! (Voir aussi leqrs notes tome III, p. 283 
de leur Histoire du Théâtre Français») 

1 Archives Nationales (X% 1713). Voir page x de l'Intro- 
duction à son ouvrage « Les Comédiens du Roi de la Troupe 
Italienne pendant les deux derniers siècles» . (Paris, Berger- 
Levrault, édit. 1880.) 

8 Archives Nationales. Parlement, Registre du « Conseil 
segret et commung » , X is , 1713, folio 140. « Du lundy 
dixiesme jour du mois de décembre 1588. » 



94 LES COMEDIENS ITALIENS. 

était à l'adresse du Roi qui, en 1577, avait si bien 
fait pour les Gelosi, que les arrêts qui leur étaient 
contraires avaient été lettres mortes. 

Le Roi, du reste, était à Blois, pour la session des 
seconds États, en grande nécessité de finances 1 , 
malmené par les ligueurs, à la veille de son grand 
coup du meurtre des Guise. La Reine sa mère, 
rendue fort sombre par le malheur des temps et 
l'impéritie de son fils, touchait à sa fin. L'heure 
donc était peu propice au séjour des comédiens 
italiens. Ils s'en allèrent promptement. 

Bien firent-ils, car les effets de la protection 
royale leur eussent longtemps fait défaut. Henri III, 
parti de Paris en septembre 1588, ne devait plus y 
reparaître. Blois fut sa résidence jusqu'en mai de 
l'année suivante, et lorsqu'il se fut rapproché de sa 
capitale insurgée, où il se voyait à Ja veille de ren- 
trer, la mort, par les mains d'un moine assassin, le 
vint surprendre, laissant ainsi le royaume en un 
piteux état. 

Aucune compagnie de ces comédiens ne pensa 
sans doute à venir en France jusqu'à l'époque où 

1 Voyez un mémoire ■ Ancienne manière dont Ion vivoit 
à la Cour de France avec diverses particularités ». 
Biblioth. nat. Ms. F. Fr. 3445. 



SOUS LE REGNE DE HENRI III. 95 

Ton fût assuré de quelques conditions de sécurité. 
Qu'auraient-ils fait d'ailleurs pendant que les sires 
de la Ligue se débattaient à Paris et retardaient, 
pnr une lutte traîtresse, l'entrée du vrai roi de 
France? 

S'ils eussent couru la fortune du voyage, ils se- 
raient, sans doute, plutôt tombés dans quelque em- 
buscade de partisans, que bien arrivés dans aucunes 
villes. L'occasion eût été belle pour le comédien 
jouant à l'ordinaire le rôle du capitan « valoroso e 
milantatore » de protéger la compagnie de toute la 
pointe meurtrière de son épée fulgurante, mais 
mieux firent-ils de s'exercer au pays d'Italie où il 
n'était seigneurie et public qui ne leur marquât 
toute faveur par beaux ducats et doublons. 



CHAPITRE TROISIEME 

SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 

I 

1598-1602. 



Nouvelle troupe de Comédiens Italiens à Paris, en avril 159&* 

— Affaires avec les maîtres et gouverneurs du théâtre dit 
de Y Hôtel de Bourgogne. — Note à propos de « Comé- 
diens An g lois » alors à Paris. — Tous Comédiens tant Fran- 
çais qu'étrangers obligés par les privilèges octroyés par 
chartes royales de ne pas jouer ailleurs qu'en la salle et 
théâtre dudit Hôtel de Bourgogne. — Sentence du Châ- 
telet à l'encontre des Comédiens Italiens (28 avril 1599), 

— Bail desdits comédiens avec les maîtres de l'Hôtel de 
Bourgogne. — Autre troupe venue l'année 1600. — En 
quelles circonstances. — Le Roi appelle les Comédiens Ita- 
liens à la Cour, pour l'occasion de son mariage avec Marie 
de Médicis. — Il écrit à Arlequin. — Les comédiens de 
M. le duc de Mantoue. — Lettres en leur faveur. — La 
Compagnie des Accesi à Lyon pour le mariage du Roi. — 
Arrivée de la Reine à Lyon, séjour et départ. — Les Comé- 
diens Italiens suivent la Cour à Paris. — Arlequin et Fri- 
delin premiers sujets. — Querelles d'intérieur. — Caractère 
personnel d'Arlequin. — Le livre singulier qu'il a dédié et 

7 



98 LES COMEDIENS ITALIENS. 

présenté au Roi à Lyon « Compositions de Rhétorique » . 
— Historiette concernant Arlequin et le Roi. — Les Co- 
médiens sont demandés en Flandre. — Leur départ en l'au- 
tomne de l'année 1601. 



L'entrée de Henri IV à Paris advint, comme l'on 
sait, le 22 mars de l'année 1594. Mais si le fuit seul 
de cette prise de possession de la capitale avançait 
les affaires du Roi, elle ne lui garantissait pas la 
paciGcation générale à l'intérieur du Royaume, non 
plus qu'une paix définitive à l'extérieur. Il fallut 
encore quelques années d'épreuves à ce prince, 
aussi valeureux que politique, pour que les qualités 
de son esprit militaire, unies .à celles de son juge- 
ment, assurassent à l'État de France les conditions 
heureuses où il se vit par le traité conclu à Ver- 
vins, en 1598. 

Il fut naturel, qu'après si longue disette, on eût 
quelque empressement à rechercher le bénéfice et 
les attraits de ces conditions de paix et de prospérité 
nouvellement revenues. 

Entre autres divertissements, ceux * du théâtre 
avaient repris leur cours, et les patrons du véritable 
premier Théâtre-Français, les maîtres de l'Hôtel de 
Bourgogne, dont les privilèges venaient d'être re- 
nouvelés par le Roi, faisaient grands efforts pour 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 99 

que le succès et la fortune s'accrussent en leur mai- 
son. Un article important de leurs privilèges reconnu 
et déclaré par le Roi au mois d'avril 1597 portait 
« deffence à tous joueurs comédiens ou autres de 
jouer ny représenter » sur une autre salle que celle 
réédiBée depuis quelque temps par les maîtres et 
gouverneurs dudit théâtre de l'Hôtelde Bourgogne, 
sous peine d'amende et dépens déterminés. Il y allait 
d'un écu par jour. Plus d'une troupe de comédiens, 
étrangers ou français, avaient diverses fois tenté de 
se soustraire à pareil tribut, mais il en était résulté 
des procédures dont on retrouve le débat en divers 
mémoriaux du temps. Des arrêts et sentences pro- 
noncés par gens de justice rappelaient promptement 
aux intéressés qu'ils étaient réfractaires aux* statuts 
des chartes royales. C'était donc une obligation 
absolue pour toute compagnie nouvelle de comédiens 
tant français qu'étrangers, de passer bail avec les 
maîtres et gouverneurs, légitimes propriétaires et 
acquéreurs de la maison vulgairement appelée l'Hôtel 
de Bourgogne, sise en cette ville dé Paris, rues de 
Mauconseil et Neuve Saint-Sauveur 1 , 

1 Voyez à la Bibliothèque Nationale, collection Teioisy, 
Droit public et civil, tome III, le Recueil des principaux 
Tittres concernant t acquisition de la propriété des masure * 
et place où a esté baslie la maison appellée vulgairement 

1. 



100 LES COMEDIENS ITALIENS. 

A la date du 25 janvier 1598, lesdits maîtres, 
gouverneurs, administrateur^ et fondateurs de la 
confrérie de la Passion et Résurrection de Notre- 
Seigneur Jésus-Christ — car ils s'appelaient ainsi 
de temps immémorial — avaient obtenu du Parle- 
ment des Lettres dites de relief d'adresse pour la 
vérification de leurs 'droits et privilèges. Il n'y avait 
donc pas à contredire aux statuts sous peine d'avoir 
à en rendre compte et se débattre chez M. le lieute- 
nant civil. Le fait ne manqua point de se produire 
en cette année même 1598, pour une compagnie de 
Comédiens anglais arrivés au mois de mai et qui, 
après bail fait de la grande salle et théâtre de l'Hôtel 
de Bourgogne, voulurent jouer et jouèrent ailleurs, 
au mors de juin. Le Châtelet donna sentence au profit 
de la confrérie à l'encontre des Comédiens anglais 1 . 



tllostel de Bourgogne.,., faicte par les doyen, maistres et 
gouverneurs de la confrérie de la Passion et Résurrection 
de N. S. Jésus-Christ : maison et hostel de Bourgogne, dès 
le 30 et penultiesme aoust 1548... au profit de ladite Con- 
frérie pour eux et leurs successeurs.... Chartes et confir- 
mations des Roy très-chrestiens Charles VI, François I er , 
Henry II, François II, Charles IX, Henry III, Henry IV, 
Louis le Juste XIII, a présent régnant, vérifiées et registrées 
par tout ou besoin auroit este, ensemble autres pièces y 
\ appartenans.., etc., à Paris, 1&2. 
^• % . x A consulter, parmi les intéressants documents trouvés par 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 101 

Or, le cas fut le même pour la première troupe 
de Comédiens Italiens qui, depuis que le royaume 

notre regretté et érudit confrère Ed. Soulié et reproduits en 
son curieux ouvrage « Recherches sur Molière et sur sa 
famille » (in -8°, Paris, 1863), page 151, Y Inventaire 'des 
titres et papiers de t Hôtel de Bourgogne, Ce précieux docu- 
ment fait partie des minutes de l'étude de M e Tourillon, de 
qui l'obligeance et le bienveillant accueil furent parfaits chaque 
fois que nous lui avons exprimé le désir de consulter les an- 
ciens répertoires. L' Inventaire designé ci-dessus avait été 
communiqué à M. Eud. Soulié par M e Turquet, prédécesseur 
de M e Tourillon. 

Au sujet des « Comédiens Anglois » en séjour et en repré- 
sentation à Paris cette année 1598, et un peu plus tard, en 
1604, voir dans Y Intermédiaire des Chercheurs et des 
Curieux (Tome premier, Année 1864, page 85), une très- 
intéressante question posée par Eud. Soulié. Une réponse fut 
faite Tannée suivante (Tome II, page 105), mais elle est loin 
d'être suffisante; et depuis, question et réponse en sont res- 
tées là. C'est un desideratum très-curieux sur lequel il faut 
revenir. Disons que c'est à M. Guillaume Guizot qu'il appar- 
tient de répondre par une notice historique et littéraire des 
mieux déduites et traitées. Il fait partie de la Société dite de 
Shakespeare qui s'est formée à Londres : « The New Shakspere 
Society. » Or, la question posée est toute Shakespearienne. 
Il s'agit de savoir non-seulement quels' étaient ces « Comé- 
diens Anglois m qui ont joué alors à Paris, mais encore et bien 
plus, quelles pièces de l'immortel auteur, à cette époque dans 
toute la vigueur de son génie, ils ont présentées aux Pari- 
siens ? Le chef de la troupe au nom duquel fut signé, en date 
du 25 mai 1598, le bail de la grande salle et théâtre de l'Hôtel 



102 LES COMEDIENS ITALIENS. 

se trouvait pacifié, vint à Paris pour y faire séance, 
le temps au moins d'une saison. Et ce fut l'année 
suivante, 1599, en avril. 

Il faut croire que la compagnie nouvellement ap- 
paFue avait tenté de s'affranchir, tout à la fois, de 
l'obligation de jouer sur le théâtre de l'Hôtel de 
Bourgogne, et de payer le tribut exigible au cas 
où elle aurait joué en tout autre endroit de la ville. 
De fait, V Inventaire des titres et papiers de V Hôtel 
comporte, entre autres, l'abrégé d'un acte judiciaire 
qui ne saurait laisser de doute sur l'intention de ces 
comédiens, préjudiciable aux confrères gouverneurs : 

1599. 28 avril. Sentence du Ghâtclet de Paris entre les 
dits maîtres d'une part, et les soi-disant Comédiens Ita- 
liens du Roi, d'autre, par laquelle entre autres choses, 
est fait défenses tant aux dits Comédiens Italiens que 
autres, de jouer ni représenter ailleurs qu'au dit hôtel de 
Bourgogne, s'ils n'ont exprès pouvoir de la dite confrérie, 
comme aussi est fait défense à tous bourgeois de Paris 
de louer es maisons à aucuns Comédiens 

Significations des pièces de cet arrêt furent faites 

de Bourgogne, s'appelait «Jehan Séhàis» .Mais qui était ce Jehan 
Sehais? Quelle fut la durée de son séjour à Paris avec sa troupe? 
Quel fut son répertoire? Est-ce lui et cette même troupe qui 
revinrent à Paris en 1604 et jouèrent à Fontainebleau en la 
salle neuve, devant le Roi et la Cour, le mardi 18 septembre? 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 103 

h Messieurs les comédiens tant français que italiens, 
ainsi que de la sentence du Prévôt de Paris portant 
défense à tous ceux de cette profession de louer dans 
la banlieue de Paris, sinon à l'Hôtel de Bourgogne. 
Les Italiens durent bien comprendre le sens et 
portée de la sentence du Ghâtelet, car à la date 
du même jour qu'elle fut rendue et produite, 
on trouve en l'inventaire précité que les maîtres et 
gouverneurs firent bail « à la troupe des comédiens, 
de la grande salle du dit Hôtel, moyennant le prix 
et aux charges, clauses et conditions portées 1 » . 

Tel est le seul texte qui nous fournit des preuves de 
la présence à Paris d'une compagnie de Comédiens 
Italiens en Tannée 1599. On aimerait à en connaître 
davantage 2 . Mais ce n'est qu'avec l'année suivante, 

1 Ce bail fut passé, comme tous ceux qui suivirent jusqu'en 
1614, par-devant Haguenier et Huart, notaires. La succession 
de cette Etude est occupée aujourd'hui par M e Aumont-Tuié- 
ville. 

2 Je n'ai pas obtenu d'informations suffisantes sur le séjour 
de la compagnie des Comédiens Italiens à Paris pendant cette 
année 1599, aussi n'en ferai-je pas plus long discours. Je ne sau- 
rais toutefois passer sous silence les informations données dans 
son ouvrage a Dix-septième siècle, Mœurs, Usages et Cou- 
tumes» par le bibliophile Jacob, M. Paul Lacroix, ce savant ac- 
compli dans tout ce qui tient au détail de l'histoire et des belles- 
lettres. « Les maîtres de l'Hôtel de Bourgogne, dit-il, tenaient 



104 LES COMEDIENS ITALIENS. 

l'année du mariage du Roi, que des informations 
jplus variées et plus piquantes que celles du Châtelet, 
ne font plus défaut à l'intérêt et à la curiosité qui 
se peuvent attacher aux mouvements successifs des 
-troupes de la Comédie Italienne en France. Nous ne 
sommes d'ailleurs pas loin du temps où, pour faciliter 
d'accomplissement de ces mouvements, il faudra 
-que la Cour de France ouvre des négociations et 
wqu*elle y donne suite comme pour affaires d'État. 
J/attrait des recherches n'en sera que plus vif. 

à conserver dans leur théâtre la vieille farce qui avait rem- 
placé les mystères et qui répondait bien à la tournure gauloise 
.de l'esprit national. Ils traitèrent au mois d'avril 1599 avec 
des Comédiens Italiens qui se disaient « Comédiens du Boy » , 
parce que le Roi les avait mandés plusieurs fois au Louvre, et 
ils leur louèrent la grande salle de l'Hôtel par bail... Ces 
Comédiens étaient les associés d'une troupe de Comédiens 
français qui s'intitulaient « Comédiens ordinaires du Roy » , 
parce que Henri IV les avait reçus aussi au Louvre et s'était 
/beaucoup diverti de leurs comédies. Les deux troupes s'instal- 
lèrent donc à l'Hôtel de Bourgogne et se partagèrent les sept 
jours de la semaine. Les Italiens se réservant le mardi, le 
jeudi et le samedi, les Français s'attribuant les quatre autres 
jours, y compris le dimanche. » 

J'aurais été très-curieux de consulter l'original du bail con- 
tracté, et je l'ai demandé chez M* Aumont-Thiéville, succes- 
seur médiat des notaires qui l'ont dressé, mais malheureuse- 
ment les minutes conservées ne remontent pas jusqu'à cette 
.date. 



SOUS LE KEGNE DE HENRI IV. 105 

Le mariage du Roi avec la Princesse de Toscane, 
Marie de Médicis, fut activement négocié puis con- 
clu pendant l'hiver de l'année 1600, mais il en était 
déjà grandement question depuis le mois de mai de 
Tannée précédente. On convint de part et d'autre 
<jue le Roi irait au-devant de la Reine et qu'il l'at- 
tendrait à Marseille ou à Lyon. Ce fut certaine- 
ment, à cette occasion de son prochain mariage, 
■que Henri IV pensa, dès la fin de l'année 1599, 
à s'assurer de la présence en France, pour l'année 
suivante, des comédiens italiens de M. le duc de 
Mantoue. 

Il s'était formé, sous les auspices de ce prince, 
depuis quelques ans, une troupe fort bonne. Les 
États d'Italie la recherchaient pour les passe-temps 
•de chaque carnaval. La cour de Toscane, la cour 
de Turin, Milan, Venise et autres Seigneuries lui 
donnaient, à tour de rôle, toutes les marques pos- 
sibles de la faveur. Cette compagnie, parmi ses 
sujets, avait un excellent Arlequin, Mantouan de 
naissance, qui d'esprit bien osé, très-gouailleur, et 
bon diseur, ainsi qu'il convenait à son personnage, 
vivait acquis de la réputation auprès des souverains. 
Il en était qui ne croyaient point manquer à la 
dignité de leur personne souveraine en écrivant à 



106 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Messire Arlequin. Henri IV fut du nombre. Donc, 
sans plus regarder en son livre des cérémonies ou 
en aucun des registres du protocole royal, il lui fit 
tenir par M. de Rohan son cousin, alors à Flo- 
rence, la lettre qui suit, datée de Paris le 21 dé- 
cembre 1599 : 

Arlequin. Etant venue jusqu'à moi votre renommée 
et celle de la bonne compagnie de comédiens que vous 
avez en Italie, jai désiré de vous faire passer les monts 
et vous attirer en rnon royaume. Ne manquez pas cepen- 
dant de faire volontiers aussitôt ce voyage pour l'amour 
de moi, avec votre compagnie, j'aurai à grand plaisir de 
vous voir, comme de vous avoir à mon service, et vous 
promets que vous serez les bien venus et bien vus, vous 
assurant que serez bien traités pour votre avantage 
et profit et que vous ne regretterez pas le temps que vous 
aurez employé à mon service comme vous connaîtrez en 
effet. Priant Dieu, Arlequin, qu'il vous ait en sa sainte 
garde. De Paris le 21 décembre 1599. 

Henry l . 

Arlequin, tout fier, — et vraiment il avait raison 
de l'être, — manda la copie de la lettre royale au 
secrétaire d'État de M. le grand-duc de Toscane avec 

1 Voyez YIntroduzione aux Scenari inediti par M. Adolfo 
Bartoli, page 135 (G. C. Sansoni, édit., 1880). L'auteur a 
trouvé ce document épistolaire aux Archives d'Etat, à Flo- 
rence. Carteggio univ., F. 896. C. 499. Il est en italien. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 107 

lequel il correspondait aussi, en telles ou telles oc- 
casions ' . Il allait de soi que c'était pour que ledit 
secrétaire montrât le beau billet à M. le grand-Duc, 
voire à madame la princesse Marie sa nièce, consi- 
dérée déjà comme fiancée au Roi Très-Chrétien, ou 
du moins bien à la veille d'être déclarée telle. On 
verra plus loin, quel bon souvenir celte princesse 
devenue Reine-Mère et Régente, avait gardé du 
comédien, et toute la négociation qu'elle ouvrit et 
accomplit elle-même par force lettres et force inter- 
médiaires, pour avoir à la Cour ce même Arlequin 
et sa compagnie. 

On était convenu d'abord que la Compagnie se 
rendrait en France après Pâques. Arlequin le dit 
dans une sienne lettre. C'était fort exact, car, dès 

1 Lettre à' Arlequin à Belisario Vinta, secrétaire d'État, 
datée de Mantoue le 18 mars 1600. (Idem, p. 134.) C'est 
dans cette lettre qu'Arlequin dit que la lettre du Roi du 21 dé- 
cembre précédent avait d'abord été envoyée à M. de Rohan, 
qui la lui avait fait parvenir. Ce doit être d'une exactitude 
formelle, car non-seulement M. de Rohan était en Italie depuis 
le mois d'avril de cette même année 1599, mais il était à Flo 
rence en ce même mois de décembre aussi, où le Roi envoyait 
alors de nombreux courriers; la négociation du mariage s'y 
traitant très-activement. L'ambassadeur vénitien à Paris dit 
dans sa dépêche du 26 décembre : « M. de Rohan a écrit de 
Florence à M. de Loménie, secrétaire du Roi , etc. » 



108 LES COMÉDIENS ITALIENS 

le mois d'avril, le 19, M. le duc de Mantoue, Vin- 
cent I* r , adressa deux lettres en France, Tune au 
duc d'Aiguillon, fils du duc du Maine, l'autre au 
duc de Nevers, pour recommander sa compagnie a 
leur bienveillance. Les termes de ces deux lettres 
sont à l'honneur des comédiens : 

« Très Illustre et Excellentissime parent très honoré 
(écrit M. de Mantoue au duc d'Aiguillon). Les comédiens 
a Accesin devant se rendre dans le royaume pour repré- 
senter leurs comédies, l'affection que j'ai pour eux, par 
suite de la profession qu'ils ont toujours faite de vivre 
sous mon patronage, m'a porté à m'adresser à la bien- 
veillance de Votre Excellence pour leur donner l'appui 
de son autorité. Je la prie donc de les avoir pour recom- 
mandes et de les favoriser à l'occasion. Je m'en tiendrai 
pour obligé fort particulièrement et serai prêt à vous 
être agréable dans les occasions qui se présenteront ! . » 

Dans la lettre au duc de Nevers, Monsieur de Man- 
toue s'exprimait à peu près dans les mêmes termes. 11 
ajoutait seulement que Son Excellence, en favorisant 
messieurs les comédiens, pouvait être assurée de 
faire ainsi du bien à personnages qui s'en ren- 
daient méritants par leur profession. « Qui les 

1 Archives de Mantoue. Maison de Gonzague, Série de 
Francia. Le duc d'Aiguillon venait précisément de prendre 
séance au Parlement en qualité de pair de France. 



SOUS LE flEGNE DE HENRI IV. 109 

entendra, disait-il encore, ne pourra être que des 
plus satisfaits, car ils sont « bonissimi recitanti » . 

Il y eut quelque retard au voyage, et il en fut 
ainsi chaque fois que questi signori durent se mettre 
en route pour passer les monts. 

Le Roi d'ailleurs ne quitta Paris que le 16 juin 
pour entreprendre son voyage à Lyon. Il s'arrêta à 
Fontainebleau jusqu'au 26, partit pour Moulins, et 
fut à Lyon le 9 juillet. Il y trouva arrivé, depuis 
trois semaines , le signor Drusian Martinelli, mari 
de madame Ângelica, l'une des comédiennes de la 
troupe, et frère de Tristano Martinelli, qui s'était 
rendu presque célèbre, depuis quelques ans, en son 
personnage à' Arlequin. Drusian faisait fonctions de di- 
recteur delà compagnie des « Accesi» , mais ses sujets 
ne l'avaient pas encore rejoint. Monsieur de Savoie 
qui se plaisait fort à leurs récitations, les retenait à 
Turin. Henri IV, à peine arrivé, avait fait appeler le 
signor Drusian et l'avait chargé de retourner vers Tu- 
rin pour en ramener immédiatement la Compagnie. 

Drusian ne dut point perdre de temps, car l'am- 
bassadeur de Venise qui avait rejoint la Cour à Lyon 
avec les autres ambassadeurs étrangers, donnant des 
nouvelles du Roi, dans sa dépêche du 8 août, dit : 



HO LES COMEDIENS ITALIENS. 

« Le Roi, grâces à Dieu, est en très bonne sanlé ; sa 
bonne mine en est bonne preuve. Il va presque chaque 
jour se divertir aux comédies qui sont représentées par 
des Italiens *. » 

Mais le mauvais vouloir de Monsieur de Savoie, 
dans l'exécution du traité relatif au marquisat de 
Saluées, ayant fait soudainement prendre les armes 
au Roi, Henri quitta Lyon et les comédiens pour 
ne les retrouver que quelques mois plus tard, après 
prompte victoire d'ailleurs. Parti avec les gardes- 
françaises dans la direction de Grenoble et de Chani- 
béry le 12 août, il revint triomphant, ayant pu 
écrire à Marie de Médicis, après la prise de Montmé- 
lian, « qu'il avait enlevé à Monsieur de Savoie la plus 
belle plume qu'il eût à son chapeau 2 » . C'était se 
conduire et parler en belles façons de chevalerie, 
et tout à propos, car Marie venait alors de mettre 
pied sur terre de France à Marseille, où elle avait 
attendu que le Roi lui donnât avis de se rendre à 
Lyon. Elle y arriva le 3 décembre, et peu de jours 
après, le 9, Henri IV tout victorieux l'y vint 
trouver pour la saluer reine et épouse. Le Légat 

1 Archives de Venise, Correspondance de France. Ambas- 
sade de Francesco Gontarim. 

1 Dépêche de l'ambassadeur vénitien, datée d'Avignon, le 
21 novembre. La Reine y était arrivée le 19. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 111 

arriva le 14, et le mariage royal fut célébré le 17, 

Ce fut le cas, mieux que jamais, pour messieurs 
les Comédiens italiens de reprendre l'ordinaire de 
leurs représentations devant la Cour, fortbriliamment 
augmentée. Us se trouvèrent, du reste, dès l'arrivée 
de la Reine en compagnie bien connue d'eux. Marie 
de Médicis avait une suite nombreuse de Florentins 1 , 
et comme le grand-Duc son oncle avait en grande 
faveur ces mêmes comédiens, il se trouva que la 
nouvelle reine et tout son monde les avaient tous 
connu, pendant les divers séjours qu'ils avaient faits 
à la cour de Toscane, 

Le lieu qui leur avait été tout d'abord accordé 
pour jouer leurs comédies, avait soulevé quelques 
rumeurs parmi messieurs du clergé, mais le Roi 
avait compris que la faveur était trop vive, et il 
apaisa tout. Ce lieu devait être la salle des enfants 
de chœur de l'église de Saint- Jean, près l'archevêché 
où le Roi et la Reine devaient loger. Messieurs du 
chapitre eurent l'esprit d'envoyer tout aussitôt vers 
le Roi, en Savoie, où il faisait la guerre, « messire 

1 « L'estat de sa maison est fait (écrit le S r La Crosse au duc 
de Mantoue), elle a retenu à son service quasi tous ceux qu'elle 
avoit amenez avec elle... ». 



112 LES COMEDIENS ITALIENS- 

Jehan Rolland, prétre-procureur et covicaire, pour 
remonstrer à Sa Majesté le scandale qui fût ad- 
venu » si les comédiens eussent joué dans « la salle 
des cleryons » ainsi qu'elle le leur avait accordé 
auparavant, « lesquels remonstrances le Roiprinte» 
fort bonne part, et manda aux dits sieurs du cha- 
pitre que cela ne seroit pas '» . 

Le séjour à Lyon, depuis que la Reine y était 
arrivée, fut d'un mois et demi environ. Il est à 
croire que la compagnie des comédiens fit son dé- 
part pour Paris, en même temps que la Cour, du 
20 au 25 janvier 1601. Le Roi était parti le 21 r 
et la Reine, le lendemain. Henri IV se rendit cette 
fois à Paris en six jours. La Reine ne pouvait 
voyager aussi vite ; elle prit tout le temps voulu 
avec ses postes jusqu'à Roanne, d'où par bateau 
elle fut conduite à Briare. On suivait alors la route 
vers Montargis, Nemours et Fontainebleau. Le froid 
fut excessif, et la Reine, pour se préserver la figure 

1 Ce document est cité dans l'intéressant ouvrage publié par 
M. C. Brouchodd, avocat à la Cour de Lyon, en 1865 : Les 
origines du Théâtre de Lyon, mystères, farces et tragédies, 
troupes ambulantes de Molière, notes et documents, etc. 
(N. Scheuring, édit.) L'auteur Ta extrait du Registre 66 des 
Actes capitulaires de la procure de Sainte-Croix, archives 
de l'Hôtel de Ville : Bureau État civil. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 113 

de trop cruelles atteintes, dut voyager masquée. 
Elle s'arrêta à Nemours. Le Roi l'y vint prendre 
pour la conduire à Fontainebleau où elle demeura 
quatre jours avant de se rendre à Paris. Elle y 
arriva enfin le 8 de février et elle étonna, dit* 
on, les Parisiens qui furent surpris de la voir beau- 
coup mieux que ses portraits ne le leur avaient 
fait croire. Un détail curieux est celui-ci : au lieu 
de se rendre tout droit au Louvre, la Reine alla 
descendre, dès son arrivée à Paris, au faubourg 
Saint-Germain, en la belle maison du sieur de 
Gondy son chevalier d'honneur, chez lequel elle 
passa deux jours, se plaisant à la vue de toutes les 
richesses qui y étaient rassemblées en meubles rares 
et objets curieux non moins qu'à la visite des 
magnifiques jardins. Elle passa deux autres jours 
au quartier de l'Arsenal, chez le S r Zamet, grand 
financier du temps, fort ami du Roi, et surinten- 
dant de la maison de la Reine, soupant l'un de 
ces deux soirs, pour la première fois chez M. de 
Rosny, depuis duc de Sully. Ce ne fut que le cin- 
quième jour qu'elle se rendit au Louvre 1 . C'était 

1 Archivio di Stato, à Florence. J'emprunte ces menas dé- 
tails aux correspondances diverses des personnages de la suite 
de la Reine, lesquels informaient le grand-duc par des lettres 
fréquentes sur les mouvements et actions de Marie de Médicis 

8 



114 LES COMEDIENS ITALIENS. 

le temps de la foire Saint-Germain si populaire et si 
hantée d'un chacun. Le moment était propice pour 
les Comédiens italiens qui, il est vrai, n'avaient 
pas dû suivre la poste aussi vite que le Roi, mais 
assurément, n'avaient pas dû mettre plus de temps 
que la Reine n'avait fait. 

La Compagnie du reste, ainsi qu'il arrivait le plus 
souvent en ses divers déplacements en Italie, n'avait 
pas été sans troubles intérieurs. Les premiers sujets, 
Arlequin et Fridelin avaient eu force querelles à 
Paris. Fridelin avait porté plainte contre Arlequin 
dans une lettre au duc de Mantoue leur patron. Il 
va jusqu'à parler de persécutions de la part du bon 
comique, persécutions qui l'ont amené à rompre 
avec la Compagnie et à faire cause commune avec 
la signora Diana qui n'a pas eu moins que lui de 
valables motifs de doléances. A entendre signor Fri- 
delin, maître Arlequin ne pensait à rien moins alors 
qu'à le faire assassiner, « poussé qu'il est par la 
crainte que, lui Fridelin, ne révèle à Son Altesse ses 
mauvais procédés et qu'une fois arrivés en Italie, il 
ne lui fasse payer chèrement ses fautes » . Nous trou- 

depuis son départ de Florence. Voyez les lettres du S p Gio- 
vannini et autres. M. Berchtold Zeller en a fait fort bon usage 
pour son travail publié sur Marie de Médicis. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 115 

vons ces détails dans une lettre du comédien « Pier 
Maria Gecchini » dit « Fritellino » adressée de Paris 
le 3 juillet 1601 au duc de Mantoue, qui lors était en 
Croatie faisant avec les Hongrois la guerre contre le 
Turc. Il est bien regrettable pour notre curiosité litté- 
raire qu'au lieu de s'étendre sans cesse en plaintes 
réciproques dans leurs correspondances, ces beaux 
sujets n'aient pas plutôt pensé à rendre bon compte 
de leurs représentations, du choix et du genre des 
pièces, de l'accueil de la Cour, de la façon dont les 
Parisiens les écoutaient. 

Quoi qu'il en fût de ces lamentations, sans doute 
un peu bien exagérées par ces « frères ennemis » , 
on n'en était pas moins bons comédiens aux scènes 
que l'on avait à jouer en commun pour le plaisir du 
Roi ou le contentement du public. Fridelin, c'est 
vrai, ou pour mieux dire en ce cas, Pier Maria 
Cecchini, était d'un naturel moins allègre. Mais, fort 
bon observateur, il composait à ses heures de bons 
scenari pour la commedia delV arte ; nous en dirons 
plus long sur lui, lorsqu'en 1608, nous aurons à le 
revoir à la Cour, dirigeant cette fois la Compagnie. 
Quant à Arlequin, — disons Tristano Martin elli ' , 

1 Voyez au chapitre « sixième » le portrait plus au com- 
plet du S r Tristano Maktinelli dit Arlequin, avec les docu- 

8. 



116 LES COMEDIENS ITALIENS. 

puisqu'il s'appelait ainsi, — il était d'une audace 
qui n'avait point de limites; avide, fort avide par 
tempérament, portant maintes fois ses réparties et 
ses à-propos à des idées de lucre et d'intérêt, se 
jouant et se gaussant à merveille d'ailleurs , hors 
même de la scène, et prenant des situations d'une 
franchise inconnue avant lui chez le Roi. 

A ce premier voyage en France, pendant le 
séjour à Lyon , il lui avait pris la plaisante fantaisie 
de présenter au Roi un livre simulé sous le respec- 
table titre de <« Compositions de Rhétorique x » , dont 
il se disait l'auteur. Ce fut sa façon de demander 
à Henri IV et à la Reine la chaîne d'or et la médaille, 
pesant bon poids royal, qui d'ailleurs ne lui au- 
raient point fait défaut, l'usage étant que chaînes et 
médailles fussent ainsi données en signe de satisfac- 
tion non moins royale. Ce livre des « Compositions 
de Rhétorique » de M* Don Arlequin, comicorum de 

ments particuliers que nous avons trouvés sur sa personne. 
1 11 n'existe sans doute présentement qu'un seul exemplaire 
de ce livre singulier, conservé à la Bibliothèque Nationale. 
Je n'en aurais assurément pas connu l'existence sans la ren- 
contre fortuite d'une note donnée par P. J. Mariette en son 
Abecedario publié par MM. de Guemnevières et de Mon r aiglon, 
tome XII des Archives de [Art français (In-8°. Paris, 
Dumoulin, 1859-1860.) 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 117 

civitalis Novalensis, corrigidor de la bona languafran- 
cese et latina, condutier de comédiens, connestable de 
messieurs les badauds de Paris, capital ennemi de 
tuts les laquais... est de soixante-dix pages, d'élé- 
gant format in-quarto, dont cinquante-neuf pour le 
moins ne comportent d'autre matière que le papier 
blanc avec le seul titre courant et une double 
réglure d'encadrement. La composition des onze 
autres pages consiste en celle du titre ci-dessus, de 
l'enseigne de l'imprimerie qui est « de là le bout du 
monde », et de la dédicace au Roi « Au magnanime 
Monsieur, Monsieur Henry de Bourbon premier bour- 
geois de Paris, chef de tuts les messieurs de Lyon, ami- 
rai de la mer de Marseille, maistre de la moitié du 
pont d'Avignon et bon amy du maistre de Vautre moitié, 
dépensier libéral de canonades, terreur du Savoyard, 
Spavente des Espagnols , Secrétaire secret du plus 
secret cabinet de Madame Maria de Medici, Grand 

Thresorier des Comédiens Italiens* et Prince plus que 

■ 

tout autre digne d'estre engravé en médaille tant dési-* 
rée l ». A la dédicace qui forme la seule page remplie 

1 Ce ne sont pas là tous les titres et toutes les qualités 
qu'Arlequin donne au Roi dans cette dédicace. Nous ne repro- 
duisons ici que les plus plaisants. Les autres visent surtout 
les conquêtes si rapides et toutes récentes que Henri IV venait 
de faire sur Monsieur de Savoie. 



118 LES COMEDIENS ITALIENS. 

dans le volume, maître Don Arlequin, l'auteur, a 
ajouté çà et là quelques images arlequinesques 
d'assez bonne venue ', et l'énoncé, le seul énoncé de 
« Livre premier de Rhétorique » , « Livre second, 
idem » , « Livre troisième, idem » , avec rien au-des- 
sous. Tel fut l'hommage littéraire d'Harlequin rhé- 
toricien au Roi de France et de Navarre *. 

C'est de ce même comédien que parle Tallemant 
des Réaux, lorsque, san& le nommer autrement que 
Arlequin, il raconte au chapitre des anecdotes, 
de Henri IV, ce plaisant épisode : 

« Harlequin et sa troupe vinrent à Paris en ce temps 
là, et quand il alla saluer le Roy, il prit si bien son 
temps, car il estoit fort dispos, que Sa Majesté sestant 
levé de son siège, il s'en empara, et comme si le Roy 
eust été Harlequin : « Eh bien ! Harlequin, luy dit-il, vous 
estes venu icy avec votre troupe pour me divertir, j'en 
suis bien aise, je vous promets de vous protéger, de vous 

1 Ce sont portraits deYÂrlequin masqué, de son camarade 
et confrère Pantalon, et de son autre camarade et confrère 
Le Capitan, gravés sur bois. 

* A la page 57, se trouve un songe mis en rimes où Arle- 
quin expose que le matin même il avait rêvé qu'un faquin 
d'importance le tirant par le ventre, lui avait dit : « Mon- 
sieur Harlequin, Habebis medaglian et colanam » , à quoi 
tout en dormant, il aurait répondu ; « Plaise à Dieu de nous 
faire voir le promt accomplissement de ces solides espé- 
rances?...» 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 1J9 

donner tant de pension, etc., etc. » Le Roy ne l'osa des- 
dire de rien, mais il luy dist : « Holà, il y a assés long 
tems que vous faictes mon personnage : laissez le moy 
faire à ces te heure K » 

C'est encore à ce même Arlequin, et pendant ce 
même séjour, que le poëte Isaac Du Ryer, en ses 
rimes dédiées h « Monseigneur de Bellegarde » sous 
le titre de « Le Temps Perdu » , adresse son applau- 
dissement sous forme de sonnet : 

« Admirable Harlequin qui dans ton escarcelle 
Par ta seule posture enfermes le soucy, 
Je crois qu'un bon démon t'a fait venir icy 
Exprès pour me venger et une dame infidelle f . » 

On voit qu'il avait conquis la vogue. Certes, il 
était lors en son beau temps. Ce fut lui qu'on revit 
à la Cour en 1614, et même en 1620, mais nous 
dirons cela en son lieu et place, et bien au long dans 
la suite de ce récit. 

Nous aurions voulu connaître ses autres compa- 
gnons en France, à ce séjour de Tannée 1601, par 
quelque lettre signée collectivement des noms de 

1 Les Historiettes de Tallemakt des Réaux, t. I r , page 16 
de l'excellente édition donnée par MM. de Monmerqué et 
Paulin Paris. (1854, Techener.) 

* Sonnet VI, pa^e 16. (Bibl. Nat., Imprimés, Y, 4832.) 



120 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

toute la troupe , ainsi qu'il en existe pour les 
temps qui suivirent. Mais nous sommes réduits 
à ne pouvoir signaler que Fridelin déjà nommé 
et ce même Flaminio Seal a, de* qui nous avons 
contesté la présence à Blois, en 1577, au voyage 
des « Gelosi » . Cette fois, il n'est guère à douter 
qu'il fût de la partie, et sous le nom et dans le 
rôle de « Flavio », car précisément à Lyon, en 
cette année 1601, le sieur Boussin libraire débita 
une comédie ainsi présentée au public : « 77 Postu- 
mio comedia del signor J. S. posta in luce par Flami- 
nio Scala Comico Acceso l . » Elle était dédiée « au 
très-illustre seigneur et patron très-respecté le sei- 
gneur Sébastien Zamet » le financier fameux, chez qui 
le Roi faisait volontiers le bon compagnon. On voit 
aussi par les doléances précitées de Fridelin à mon- 
sieur de Mantoue que Tune des comédiennes était la 
signora Diana. Mais quelle était cette signora Diana? 
Était- elle « la signora Diana Pond, dite Lavinia, 
Comica desiosa » , dont les poésies furent imprimées? 
El te n'en serait que plus intéressante à connaître. 
Quant aux scenari qu'ils ont représentés et sur la 
donnée desquels chacun et chacune improvisaient 
des dires récréatifs, nous sommes d'avis que les 

1 In Lione, appresso Jacomo Roussin, MDCI. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 121 

principaux se doivent trouver parmi ceux dont le 
même Flamino Scala a eu le soin de nous produire 
les titres, en son livre publié plus tard, « 77 Teatro 
délie Favofe rappresentative » , tels que I due vecchi 
Gemelli; La fortuna di Flavio; Flavio tradito; Il 
vecchio geloso; La finta pazza; Il marito; Il dottor 
di>peralo, etc. ' . 

Le contraste que le jeu de la comédie à F impromptu 
devait produire avec le genre des représentations 
données en ce même temps par les Comédiens fran- 
çais, fut vraiment complet. Toutes les pièces fran- 
çaises jouées, en effet, pendant cette année 1601, 
semblaient n'être sorties que de l'Écriture sainte, 
tout en n'étant pas, pour cela, bien merveilleuses. 
A part La Sophonisbe, tragédie du S r de Monstreux, et 
Les chastes et loyales amours de Théagène et de Chari- 
clée, par Hardy, les pièces produites furent la reprise 
de Joseph le Chaste et de Jephté ou Le Vœu, Achab, 
Lucrèce ou l'Amour divin, par le S r de Marcé, Sainte* 

1 Voici le titre exact de ce curieux petit livre:// Teatro délia 
Favole rappresentative overo La Ricreatione comica, bos- 
carrecia et trajica, divisa in cinque giornate composte di 
Flamisio Scala detto Flavio comico del serenissimo signor 
duca di Mantova. (In Venetia, appresso Gio : Batt. Pulciani, 
1611.) Il est dédié au comte Ferdinando Riario, marquis de 
Castiglione de Val d'Orcia. 



1251 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Cécile et Job, par le S r Scevole de Sainte-Marthe. 
Ces choses se jouèrent soit à l'hôtel d'Argent, soit 
à l'hôtel de Rheims. Mais il est à croire qu'au 
théâtre de l'hôtel de Bourgogne, il se donnait des 
pièces où la joie trouvait meilleur compte. 

La Compagnie des « Accesi » était encore à Paris 
en octobre de cette année 1601, mais le bruit de son 
départ pour retourner en Italie devait commencer 
à se répandre. En ce temps même, en effet, la 
comtesse Marie de Boussu, dame de la cour de 
Bruxelles, demandait comme une faveur à Monsieur 
de Mantoue qu'il permit a ses comédiens, encore 
à Paris, de se porter dans les Flandres et en Bra- 
bant pour le charme et le divertissement public en 
ces pays : 

o Pour me rendre au désir (écrit la comtesse) de quel- 
ques dames de Flandres, j'ai fait tous efforts pour que 
Fridelin et ses compagnons vinssent passer deux mois de 
ce côté, mais, malgré toutes mes prières, je n'ai pu le 
persuader. Il allègue pour s'excuser qu'il est au service 
de Votre Altesse Sérénissime et que sans sa permission, 
il n'oserait point demeurer plus long-temps Lors d'Ita- 
lie. Je prie Votre A liesse de faire que ces Dames puissent 
avoir la satisfaction d'entendre ici ce comédien que plu- 
sieurs d'entr'elles ont déjà entendu à Paris, où vérita- 
blement il a réussi à merveille, et si parfaitement même, 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 123 

que le Roi,- me dit-on, désire qu'il y fasse. un nouveau 
séjour *. » 

Nous n'avons pas retrouvé le texte de la réponse 
que dut faire M. le duc de Mantoue à madame de 
Boussu. Les nouvelles de la compagnie des «Accesi» 
se rapprochant le plus de la date de la lettre de cette 
dame, sont datées de Turin le 2 février 1602. Et, 
comme dans cette lettre à monsieur de Mantoue, Fri- 
delin parle d'intrigues qui se seraient passées dans la 
Compagnie, à Rome, pendant l'Àvent 2 , il faut con- 
clure que la troupe des Comédiens italiens , arrivés 
en France à Lyon, pendant l'été de l'année 1600, 
puis à Paris durant l'hiver de 1601, était retournée 
en Italie à la fin de l'automne de cette même 
année. 

' ' Archives de Mantoue. Maison de Gonzague, Carton : 
Francia. La lettre est écrite en italien datée « di Parigi li 
20 ottobre 1601 » . 

* Idem. Ibid Carton : Savoia. 



CHAPITRE QUATRIEME 

SOUS LE BÈGNE DE HENRI IV. 

II 

1603-1604 



Arrivée à Paris d'une troupe nouvelle. — Elle est dirigée par 
Isabella Andreini, comédienne, et Francesco Andreini, qui 
jouait les « Capitan » . — Notice sur Francesco Andreini. 

— Notice sur Ylsabelle, — Tous les deux comédiens et 
auteurs. — Véritable célébrité de l'Isabelle. — Curieux dé- 
tails. — Le poète Du Ryer à Isabelle comédienne. — 
Autres personnages de la troupe. — Recherches à faire. — 
Séjour de la Compagnie à Fontainebleau au second voyage 
de la cour, en 1603. — Le Roi Henri IV à cette époque. 

— Spécimen des divertissements et propos du capitaine 
Spavente. — La troupe venue en 1603 prend congé au 
printemps de {G 04. — Lettre de la Reine à sa sœur la du- 
chesse de Mantoue en faveur de l'Isabelle et de la troupe. 

— Départ. — Mort de l'Isabelle à Lyon. — Honneurs 
extraordinaires qui lui sont rendus. — Extrait du Registre 
de la Procure de Sainte-Croix à Lyon, à la date de la mort 
de l'Isabelle le 11 juin 1603. — Curieux éloge de la corné- 



126 LES COMEDIENS ITALIENS. 

dienne par Pierre Mathieu, historiographe du Roi , en son 
Histoire de France. 

Il y eut de nouveau la Comédie Italienne à la 
Cour en 1603. Une compagnie de Comédiens y était 
arrivée sur l'appel du Roi et de la Reine. Le com- 
mencement et le cours de la négociation qui dut pré- 
sider à leur engagement et à leur départ, échappent 
aux recherches. Mais, d'après certaines données, 
cela dut se passer pendant l'automne de 1602. Nous 
trouvons, en effet, une lettre française d'un certain 
Ferugères écrite de Turin ', le 28 septembre 1602, 
qui nous le montre essayant de former une troupe 
pour le service du Roi avec le comédien Pedrolin, 
lequel, du reste, faisait des difficultés. 

Arlequin ne fut point de la fête, cette fois. Les 
deux principaux personnages furent Francesco 
Andreini etVIsabella, le mari et la femme. Ils étaient, 
assurément, les deux plus célèbres comédiens de 
l'Italie, à cette époque. 

L'un et l'autre avaient acquis un rare talent et 
honoraient extrêmement la profession dramatique. 
Us ont laissé d'eux un nom qui est resté célèbre 
dans les annales de l'ancien théâtre ; l'épouse, Isa- 
belle, plus encore que l'époux, Francesco. L'un et 

1 Archives de Mantgve, Correspondance, Série Savoia* 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 127 

l'autre aussi ont laissé des œuvres que recherchent 
encore les curieux de l'histoire littéraire. 

Voici qui était Francesco Ândreini. Néen Toscane, 
à Pistoia, en 1548, il avait marqué, dès sa jeunesse, 
du goût pour les belles-lettres, puis avait voulu 
voyager. Mais alors il eut des aventures, fut pris par ' 
le Turc et réduit à l'esclavage pendant près de huit 
ans. Délivré, il fit retour en Italie, s'enthousiasma 
pour la profession de comédien dont il avait, 
d'ailleurs, sous les yeux les types et caractères les 
plus accomplis dans la commedia delV arie. Il fit 
partie d'une Compagnie, et épousa en 1578 la jeune 
Isabella de Padoue, dont les débuts venaient d'être 
si heureux dans l'une des deux troupes qui floris- 
saient alors; chez les Gelosi, ce nous semble. Un 
document certain nous le montre engagé dans la 
compagnie, de ce nom, lui et l'Isabelle, en 1583 
pour jouer à Venise 1 . Il avait d'abord tenu le rôle 
agréable de Yinnamorato, mais son talent le portait 
à un rôle tout contraire, infiniment comique, et 
auquel il donna le caractère le plus original 2 . 

É 

1 Archives de Mantoue, Correspondance. Série Savoia. 
Di Ferrara, le 13 aprile 1583. 

* Voir détails biographiques dans les Notizie lstoriche déjà 
citées de Francesco Bartoli. (Padoue, 1780.) 



1Î8 LES COMEDIENS ITALIENS. 

« Alors que j'appartenais à la compagnie des Gelosi, 
— dit-il dans une lettre-préface à ses « Genlilissimi Let- 
ton* — je m'imaginai de représenter dans les comédies 
le rôle d\m soldat superbe, ambitieux et vantard, me 
faisant appeler « Le capitaine Spavcnte du val c?En- 
fer». Ce rôle me convint tellement qnc j'abandonnai celui 
que j'avais de VInnamorato et qui était principal. Et 
comme j'aspirais à ne pas décheoir de la quelque répu- 
tation que j'avais acquise en ces temps fameux pour la 
compagnie, je mis tout mon zèle à l'étude du rôle du dit 
capifan, pour le rendre parfait 1 . » 

Ce Francesco Ândreini avait d'ailleurs toute sorte 
de dons et qualités pour varier ses rôles à caractère. 
Il créa les types, moins durables il est vrai, du 
docteur Sicilien, du nécromancien Falsirone et du 
berger Corinto. Dans ses Ragionamenti, c'est de lui 
que parle son fidèle interlocuteur Trappola, lorsque 
lui ayant entendu citer le personnage du Capitan, il 
lui répond : 

« Oui, oui, je me souviens bien de lui, moi aussi, pa- 
tron, et je jurerais que je l'ai entendu à Milan, à Portâ- 
tes a, dans la maison des Incamatini, réciter avec les 
personnages dont vous venez de célébrer les noms. Je me 
souviens .même qu'il faisait le rôle infiniment bouffon 
d'un docteur sicilien, et celui d'un nécromancien appelé 
Falsirone tout à fait surprenant pour la quantité de 

1 Le Bravure del Capitan Spavento. (Venise, 1624.) 



SOUS LE RÈGNE DE rfENRI IV. 129 

langues qu'il savait parler, comme le français, l'espa- 
gnol, le slave, le grec, le turc. Merveilleusement aussi, 
il jouait le rôle d'un berger appelé Corinto, dans les pas- 
torales, avec divers instruments de musique, principale- 
ment des flûtes dont il s'accompagnait en chantant des 
poésies bocagères et singulières, à l'imitation de Sanna- 
zar, et tout comme un vrai pâtre napolitain l . » 

A la mort de l'Isabelle, dans les circonstances 
advenues en France que nous dirons tout à l'heure, 
il quitta la profession et vécut à Mantoue sous la 
protection du souverain qui, ainsi que divers autres 
princes, l'avait honoré de grandes faveurs. Bartoli 
assure que son portrait, fait par Bernardino Poccetti, 
se voyait dans le cloître de la Santa Annunziata de 
Florence. Andreini a publié en 1607 ce livre d'en- 
tretiens, Ragionamenti, souvent cité, mais peu ren- 
contré, et qui est une source de bons renseignements 
pour l'histoire de la Commedia deW arte, sous le titre 
de « Le Dravure del çapitano Spavento divise in molli 
ragionamenti in forma di dialogo di Francesco An- 
dreini da Pistoia, comico Geloso 2 » . Il en existe 
plusieurs éditions et une traduction en français 

1 Le Bravure del Capitan Spavento* pages 27, 28. 

a II y eut diverses éditions à Venise. L'une en 1607, pre- 
mière partie seulement; la seconde partie en 1618; une autre 
édition, Venise, 1624 : en soixante-cinq Ragionamenti, 
132 pages. 

9 



130 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

extrêmement abrégée dès l'année 1608, m Les Bra- 
vacheries du capitaine Spavente » , due au sieur Jacques 
de Fonteny Parisien ! , lequel était contrôleur des 
comédiens étrangers au théâtre de l'Hôtel de Bour- 
gogne. Ândreini, dans sa lettre encore aux « Gen- 
dilissimi Lettori » , explique comment et pourquoi il a 
mis la plume à la main : 

« Arrivé au terme convenu entre les Gelosi, et après la 
perte de ma très-chère épouse, lumière et splendeur de 
•cette méritoire et honorée compagnie, je fus conseillé, 
par de nombreux amis, de composer quelque ouvrage et 
de le faire imprimer pour laisser de moi quelque souve- 
nir, suivant ainsi, en son honorable renommée, ma 
femme qui a laissé au monde, avec tant de gloire, son 
très beau recueil de chansons, sa très jolie œuvre Mirlilla 
composition pastorale, et le recueil de ses lettres très 
belles*. » 

L'épouse de Francesco Ândreini était donc Vlsa- 
bella, comédienne qui véritablement fut honorée 
autant que femme de condition — comme on disait — 
aurait pu l'être. Le Roi l'avait fort demandée en 
Italie pour qu'elle vînt à Paris, à la cour, avec sa 

1 Divisées en plusieurs discours en forme de dialogue, 
de François Andreini de Pistoie, comédien de la compagnie 
des Jaloux, traduites par J. D. F. (Paris, David Leclerc, 
1608.) 

* Le Bravure, etc. Lettre dédicatoire. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 131 

troupe. Née à Padoue en 1562, mariée a l'Àndreini 
en 1578, elle eut sept enfants, dont quatre filles. La 
Grande-Duchesse de Toscane prit l'aînée dans sa 
maison, et la Duchesse deMantoue prit la seconde ! . 
L'un des fils fut comédien célèbre, sous le nom de 
Lelio, et auteur de nombreuses pièces de tout genre 
jouées partout où il y eut une scène italienne au dix- 
septième siècle. Nous le trouverons en France, 
diverses fois, sous le règne de Louis XIII. On voit 
par des écrits du temps qu'Isabelle eut acquis bientôt 
un nom incomparable dans la profession drama- 
tique. Lorsque son mari, dans l'excès du regret que 
lui causa la mort prématurée de l'Isabelle, la procla- 
mait « monarchessa délie donne belle e virtuose » , il 
disait peut-être vrai. Au chapitre des louanges pour 
célébrer sa femme, il ne sait, du reste, où s'arrêter : 
« Bella di nome, bella di corpo, — il le pouvait sa- 
voir — bellissima d'animo. » Si lui seul eût décerné 
des lauriers à sa femme, on pourrait faire quelque 
réserve sur les mérites du personnage. Mais il faut 
convenir qu'il n'y a pas eu d'expression magni- 
fique, dont ses contemporains ne se soient servis, 

1 Archives de Mantoue. Une lettre d'elle à la princesse de 
Mantoue datée de Florence, 14 janvier 1587, signée : Isabetta 
Andreini comica Gelosa, et une autre lettre à la même : 
5 avril, de Florence aussi. 

9. 



132 LES COMEDIENS ITALIENS. 

pour porter aux étoiles tous ses talents. L'applau- 
dissement, la déclaration du triomphe venaient de 
tous. Le cardinal Aldobrandinî lui faisait, à Rome, 
les plus grands honneurs de sa table, et le Tasse et 
l'Arioste, les honneurs plus grands encore de leurs 
sonnets. Il ne lui manqua même pas d'être admise 
et couronnée en des académies 1 . Sa première pro- 
duction fut une pièce pastorale — sorte de féerie à 
la mode du temps — la Mirtilla, imprimée à Milan 2 
en 1588. Puis il y eut ses poésies, ses rime, dont une 
première composition parut à Milan 3 encore en 1 60 1 , 
et une seconde précisément à Paris en 1603, pen- 
dant le séjour dont il est ici question 4 . La lettre dé- 

1 Voir Francesco Bahtoli, Louis Moland, Adolfo Bartoli, 
tous les écrivains du reste qui ont écrit sur les comédiens et 
sur les Comédies dites delt arte. 

8 Mirtilla. Favola pastorale délia signora G. A. (In 
Verona 1588.) 

3 Rime d'IsABELLA Andreini P a do van a Comica Gelosa. (In 
Milano appresso Girolamo Bordone 1601.) 

4 Rime J'Isabella Andreini Padovana. (In Parigi appresso 
Claudio di Monstr'œil nella corte del Palazzo al nome di Jésus, 
1603.) L'exemplaire que j'ai consulté à la Bibliothèque Natio- 
nale, Y, 3999, porte cette note curieuse écrite à la main : 
« Questo libretto fu dato a Sebastiano Pallarone dalt istessa 
Isabella Andreini nelt anno 1602 in questa ciltà di Lyone n, 
note signée Luigi Verbena. Mais on y voit aussi cette autre 
note lamentable et d'un temps plus récent : « Le portrait en 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 133 

dicatoire de ce dernier recueil est pour « l'Illustris- 
sime Sébastien Zamet » , datée de Paris le 20 mars. Ce 
petit livre a pour titre tout simple « Rime d'Isabella 
Andreini Padovana » . La plupart des pièces sont dé- 
diées a personnages en France : à Monsieur Zamet ; 
au Roi Très-Chrétien pendant qu'il était en guerre ; 
au même après sa victoire; au même lui souhaitant 
toute prospérité ; au même pour l'inviter aux diver- 
tissements du théâtre; a la princesse de Médicis 
avant qu'elle ne fût Reine; à la même depuis qu'elle 
le fut ; puis a madame Zamet, à madame de Rosny , 
à madame Concini, à la marquise de Verneuil, à la 
marquise Pisani, à la vidame du Mans, à madame 
d'Antragues, a mademoiselle de Guise, à madame de 
Gondi, au comte de Soissons, à~M. de Bellegarde, à 
M. de Rosny. On voit si elle était bien en cour! 
C'était de même à la ville, et parmi les poètes. Il y 
eut de ces derniers qui se firent l'écho et les inter- 
prètes de l'admiration publique. Et l'auteur du recueil 

vue du titre a été enlevé, » Je fais çrâce de l'indication des 
éditions des Leltere. Ce sont choses que Ton peut rechercher 
comme curiosités d'un temps, mais qui ne sont plus lisibles. 
Donnons toutefois ce titre encore : Fragmenti di alcune scrit- 
lure délia signora Isabella Andreini Comica Gelosa et Acca- 
demica intenta Raccolti da Francesco Akdreini Comico 
Geloso detto il capitano Spavento e dati in luce da Flaminio 
Scala Comico. (Venetia, 1647.) 



134 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de rimes publié sous le titre de « Le Temps Perdu » , 
Isaac de Ryer, le même qui, deux ans auparavant, 
avait remercié Arlequin par des quatrains, ne manqua 
pas l'occasion d'adresser à l'Isabelle une déclaration 
et une prière. La déclaration était : 

u Je ne crois point qu'Isabelle 
Soit une femme mortelle, 
Cest plutôt quelqu'un des Dieux 
Qui s'est déguisé en femme 
Afin de nous ravir faute 
Par C oreille et par les yeux 1 . » 

Ce n'était pas d'un bien haut vol, mais c'était 
galant. Le style de la prière n'est pas beaucoup plus 
fort : 

« Divin esprit dont la France 
Adorera ^excellence 
Mille ans après son trépas, 
{Paris vaut bien t Italie) 
L'assistance te supplie 
Que tu ne (en ailles pas. » 

Par les titres des scenari, des pièces jouées, dont 
l'auteur du « Teatro délie Favole rappresentatiue » 
a conservé l'indication, on voit que Y Isabelle était 
souvent l'héroïne de ces diverses compositions. Ce 

1 Le Temps Perdu, page 65. La pièce : A Isabelle comé- 
dienne, est en cinq strophes du même acabit. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 135 

furent sans doute celles-là mêmes que la Compagnie 
représentait souvent à la Cour ainsi qu'à l'hôtel de 
Bourgogne : « La fortunata Isabella; le Burle <T Isa- 
belle ; la Gelosa Isabella; Isabella astrologa; la pazzia 
<V Isabella 1 ». Le rôle à' Isabelle était déjà d'ailleurs 
un des rôles à caractères typiques, dans la Comédie 
Italienne. 

Avec l'Isabelle et Francesco Andreini, à ce séjour 
en France, était aussi le comédien Giovan Paoto 
Fàbrù 11 était un des bons parmi les anciens. Il fai- 
sait aussi le rimeur de prologues et d'impromptus. 
C'est par quelques-unes de ses rimes que nous le 
voyons dans la troupe qui jouait alors : 

« Con le Comédie ho già servito a i Gigli 
Di Francia in compagnia di quella Donna 
Che non terne del tempo i duri artigli 
Quella che di vit tu ferma colonna 
Fu sempre * » 

A propos de rimes, il se fit, dans ce temps, un 
pamphlet où chacun de ces bons compagnons ser- 
vait d'enseigne à l'auteur pour entreprendre divers 

1 Teatro délie Favolerappresentative, etc. (Venise, 1611;,. 
160 pages. (Bibl. Nat., Y, 3856.) 

9 Bartoli. Introduzione, page 121. « Dans tes Comédies y 
j'ai déjà servi les Lys de France, etc. » 



136 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

personnages de qualité. La pièce rimée sous le titre 
de « Les Comédiens à la Cour » , était fort satirique 
et mordante pour les seigneurs et dames qui y étaient 
pris à partie. Le S r de l'Estoile a produit la pièce en 
ses registres-journaux du règne de Henri IV. Ce sont 
onze quatrains où les sieurs de Sigongne, Chanva- 
Ion, Montbazon, Maintenons du Lude et mesdames 
de Cimier sont jugés fort bons pour jouer au vrai les 
personnages de Pedrolino, Pantalon, Zanon, Spa- 
vente, Isabelle et Francisqutne. C'est le S r de Rosni, 
serviteur Bdèle et conseiller sévère, qui s'adressant 
au Roi, propose de n'aller point si loin qu'en Italie 
pour trouver de bons farceurs, car les courtisans 
sont là ! 

Sire, défaites-vous de ces Comédiens, 
Vous aurez malgré eux assez de comédies; 
J'en sçai qui feront mieux que ces Italiens. 

Il faut un Gratian qui fasse le pédant 
Et qu'il ne sache rien au fonds de la doctrine. 
Le seigneur Maintenon fait fort le suffisant : 
Donnons-lui cette charge, il en a bien la mine. 

Je scais une beauté qui sçaura bien lier 
Le cœur de deux amants qui ont bonne escarcelle. 
Vous la connaissez bien, madame de Cimier, 
C'est elle qui fera galamment Clzabelle* 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 137 

O troupe valeureuse ! O bienheureux farceurs 
D'avoir avecques vous ce Pétrolin l Sigongne, 
Vous serez par son nom les meilleurs batleleurs 
Que ton ait jamais vus dans £ hôtel de Bourgongne*. 

La « troupe valeureuse » , les « bienheureux far- 
ceurs » furent du second séjour fort prolongé que 
fit la Cour à Fontainebleau, cette même année 1603. 
Deux lignes d'une lettre de l'Isabelle au secrétaire 
d'État du grand-Duc de Toscane, datée de Paris le 
7 décembre, précisent le moment. S'excusant sans 
doute du retard à lui donner de ses nouvelles ou à 
lui répondre, elle dit: « J'étais avec la troupe à Fon- 
tainebleau où j'ai passé trente-six jours, le Roi et la 
Reine trouvant bon mon service, et nous traitant à 
deux cents écus par mois 3 . » Il existe aussi une 
quittance sur parchemin, datée le 31 décembre 
1603, de la somme de six cents écus reçus du « Tré- 
sorier de l'épargne » par la comédienne Isabelle et 

1 « Pétrolin » est ici pour Pedro lino, rôle se rapprochant 
fort de celui de Pierrot auquel le S r de Sigogne était comparé. 

9 Cette pièce est signalée par M. Paulin Paris dans les JS r otes 
de l'excellente édition qu'il a donnée des Historiettes de Tal- 
lemant des Réauz. Mais il ne cite qu'un quatrain évidemment 
tiré des Registres-Mémoires du S r de l'Estoile. 

3 Lettre trouvée et citée par M. Adolfo Bartoli aux Archives 
d'État à Florence. (Carteggio Univ. Filza, 920, C. 513.) 
Voyez son Inlroduzione aux Scenari inediti, page 137. 



138 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

les comédiens Gio Pnolo Fabri et Giovanni Polesini, 
« de laquelle somme Sa Majesté a fait don tant à elle 
qu'aux autres comédiens de sa compagnie pour leur 
entrenement durant cinq mois l » . 

Or, en cette année, il y eut deux grands séjours à 
Fontainebleau, l'un au printemps, l'autre a l'au- 
tomne. Il doit s'agir ici du second, c'est-a-dire de 
celui qui eut lieu du 16 octobre au 29 novembre. 

Le Roi, d'ailleurs, depuis la 6n de 1601, consa- 
crait à cette résidence de Fontainebleau le plus de 
temps qu'il pouvait. À peine revenu de son voyage 
à Metz et d'une visite à ses villes fortes de Toul et 
Verdun, au printemps, il s'y était rendu pour y faire 
séjour, puis, la veille de la Pentecôte, pensant aller 
à Paris, il se trouva retenu, cette fois, en sa rési- 
dence préférée, contre son désir et volonté. Il 
tomba gravement malade, et il s'en émut fort, car, 
ainsi qu'il le disait à l'ambassadeur vénitien, son 
visiteur, lors de sa guérison, il n'avait pas été malade 
depuis trente ans. La nouvelle de cette maladie, 



1 Cette pièce se trouve indiquée dans le Catalogue de la 
collection des lettres autographes, documents historiques 
sur la Ligue, la Fronde, etc., de M. Lucas de Monticsy, 
pour la vente du 30 avril 1860. (Paris, Laverdet, in-4°.) 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 130 

cachée tout d'abord au Royaume, fut toutefois bien- 
tôt connue, et le Royaume s'inquiéta grandement. 
Après tant d'années de troubles et de misères, le* 
temps était venu où, sous l'égide de ce chef d'État, 
la France reprenait souffle et bien-être, où les indus- 
tries les plus nobles , les plus utiles et les plus fruc- 
tueuses, se voyaient encouragées, honorées et bien- 
tôt florissantes. Rétabli au mois de juin, le Roi était 
revenu à Paris, avaitpassé juillet à Monceaux, et effec 
tué, de la mi-août à la mi-octobre, un voyage en s» 
province de Normandie. Il avait alors fait retour vers 
Fontainebleau pour n'en quitter la résidence qu'à la 
fin de novembre, et il avait appelé les Comédiens Ita- 
liens pour y séjourner auprès de lui et le divertir par 
de fréquentes représentations. Son humeur, à cette 
époque, avait d'ailleurs assez besoin de passe-temps. 
Le Roi Henri, si gaillard parmi les braves, avait 
pris un peu de tristesse; il avait perdu beaucoup 
de cette humeur allègre et joviale qui le rendait 
incomparable parmi les princes ses prédécesseurs et 
parmi tous ceux de son temps, « messieurs ses bons 
frères ou cousins » . Cela ne dura qu'un temps, et le 
naturel reprit le dessus, dès Tannée suivante. Quel- 
ques affaires politiques l'avaient d'abord grandement 
tourmenté. Avec le pouvoir, il était devenu plus 
sensible. C'est dans l'ordre humain, dit-on. L'année 



140 LES COMEDIENS ITALIENS. 

précédente, la conspiration si lâche du maréchal de 
Biron, les menées perfides de l'Espagnol, l'incerti- 
tude où il était des desseins de Monsieur de Savoie 
avaient répandu ce qu'on appelle des points noirs en 
son esprit. Et puis, cette année même, le voyage 
à Metz ne l'avait satisfait qu'à demi, il ne fut pas 
content des princes allemands dont plusieurs avaient 
manqué à l'entrevue et honoraient fort Monsieur de 
Bouillon, ce voisin remuant et de valeur, en sa prin- 
cipauté et forteresse de Sedan. Enfin, sa maladie 
si grave, au printemps, avait fait redouter à ses 
médecins que le moindre désordre le compromît 
et causât une rechute. Alors, ce furent certains 
obstacles mis a ses plaisirs ordinaires, comme au trop 
fréquent exercice du cheval, aux chasses poussées 
trop loin. Toute sagesse aussi lui avait été recom- 
mandée auprès de Madame de Verneuil, la Marquise, 
comme on disait. Or, pour un tempérament d'amou- 
reux comme était le sien, le sacrifice était grand. 
La meilleure preuve qu'il doutait de lui, cette année 
du moins, c'est qu'en ce même séjour à Fontaine- 
bleau précisément, il fit prendre séance à la Reine, 
pour la première fois, dans le Conseil, lui donnant 
sa propre place, et disant à ceux qui le composaient 
qu'il se voyait devenir vieux, qu'il devait prévoir de 
mourir avant la Reine, que par conséquent, il la 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 141 

voulait faire participante aux affaires, afin qu'en 
tout cas, elle les pût gouverner \ 

Dans ces dispositions d'esprit, et sous le poids des 
recommandations d'abstinence de tous les exercices 
qu'il aimait, on se représente aisément que le Roi 
voulut avoir en sa résidence de Fontainebleau les 
comédiens italiens pour tout le séjour qu'il y ferait. 
Les facéties énormes, les dires inattendus, les gestes 
mirifiques, les lazzi bien trouvés, les propos outrés, 
le très-gros sel donj: la cuisine du langage comique 
était lors des plus relevée, devaient assurément le 
réjouir. Lorsque le Capitan Spavento du Val d'Enfer, 
racontant ses plus hauts faits, assurait, sans mo- 
destie , que dans le cours d'une seule nuit, il lui 
était arrivé de mettre en un état plein de consé- 
quences deux cents demoiselles pour le moins ; 
ou qu'instruisant son serviteur envoyé au Grand- 
Sophi, il lui débitait les choses extraordinaires qu'il 
aurait à lui dire de sa part; ou qu'exposant le 
fait de sa naissance par l'effort le plus étonnant de 
la nature, il disait qu'elle avait, pour cela, pris 

1 Je prends tous ces détails si précis aux dépêches origi- 
nales écrites en ce temps-là même par gens accrédités auprès 
du Roi, et qui le voyaient et rapprochaient sans cesse. Je ne 
parle pas seulement des dépêches des ambassadeurs vénitiens, 
mais d'un nombre considérable d'autres. 



142 LES COMEDIENS ITALIENS. 

l'or du premier âge , l'argent du second , l'airain 
du troisième et le fer du quatrième, et que, cette 
élection faite des quatre plus nobles métaux , elle 
lui avait fabriqué la tête avec l'or, le corps avec 
l'argent, les jambes avec l'airain et les bras avec le 
fer, d'où il était naturel que ses bras puissants et 
vigoureux puissent traiter le fer et l'airain les plus 
résistants; ou qu'énumérant les objets de son glo- 
rieux inventaire de Capîtan, il citait son épée, la 
disant fabriquée par Vulcain, forgeron des dieux, 
puis donnée au Grand-Destin, qui l'avait donnée à 
Xerxès, et passée ainsi de Xerxès à Cyrus, de 
Cyrus à Darius, de Darius à Alexandre, d'Alexandre 
à Romulus, de Romulus à Tarquin, de Tarquin au 
Sénat romain, du Sénat romain à César, et en fin 
de compte à lui, et qu'il avait mis en fuite d'innom- 
brables armées , lorsque, disions-nous, le capi- 
taine Spavente du Val d'Enfer récitait ces grandes 
choses, sur le ton que l'on sait, on peut se figurer 
en quelle jovialité et en quel grand rire, d'aussi 
formidables bouffonneries devaient mettre le Roi 
Henri 1 . Au train dont ces plaisanteries se pou- 

1 Notez qu'ici je n'ai fait que traduire ces quelques exemples 
de haute bouffonnerie, choisis entre mille et mille. Mais dans 
le texte original, le gros sel est bien plus piquant. Voyez, pour 
les trois facéties précitées, les Ragionamenti V, X, XXIH, VI, 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 143 

vaient produire dans les Commedîe départe, tout se 
pouvait inventer, s'imaginer, se dire; les bouffonne- 
ries extrêmes, les propos les plus touchants, les 
réflexions les plus sensées : tout dépendait de la 
disposition de l'acteur, sur l'heure même. La même 
pièce pouvait être jouée dix fois, et dix fois être pleine 
des variantes les moins attendues. 

Du mois de décembre 1603 jusqu'au mois d'avril 
suivant, la Cour était demeurée à Paris et les Comé- 
diens avaient joué à l'Hôtel de Bourgogne. De temps 
en temps, le Roi à qui l'air de sa capitale, même en 
hiver, semblait toujours pesant, allait à Saint-Ger- 
main, mais il n'y fit que de courts séjours. L'ambas- 
sade des Grisons, les menées sourdes du Chancelier, 
de M. de Sillery et de M. de Villeroy pour former 
comme un triumvirat dans le manège des affaires, 
le deuil de la mort de la duchesse de Bar sa sœur, 
quelques mouvements des protestants dans les pro- 
vinces du centre, les desseins ambitieux, presque 
belliqueux, de l'Espagnol le préoccupèrent ou l'oc- 
cupèrent diversement, mais en somme, il se sentait 
plus vaillant homme que Tannée précédente. A la 

délie Brqvure, et Adolfb Bautoli, Introduzione aux scenari 
inediliy page XXI. Ce bon et judicieux critique a fait un choix 
des plus amusants. 



144 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

fia de mars, revenant de passer huit jours aux chasses 
de Chantilly, chez le Connétable, il disait à l'ambas- 
sadeur de Venise, que grâces à Dieu il se voyait 
bien préparé à ce qui pourrait advenir, ayant des 
troupes fortes et nombreuses, augmentant ses muni- 
tions à l'arsenal, remplissant d'argent ses coffres et 
se trouvant en parfait état de santé 1 . Rosny (qui 
depuis fut Sully) faisait alors de bonne besogne en 
finances. Ce fut dans ces dispositions heureuses que 
Henri IV partit du Louvre, en avril, pour le séjour 
de printemps, à Fontainebleau, et c'est à cette époque 
même que la troupe des Comédiens Italiens prit 
congé de lui. La lettre qu'il adressa, de cette rési- 
dence même, à M. de Villeroy, son secrétaire d'État 
pour les Affaires Étrangères, détermine bien celte 
date, en même temps qu'elle montre les égards 
qu'il se plaisait à avoir : 

Monsieur dr Villeroy, ie vous fay ce mot pour vous 
dire que j'ai permis à l'Isabelle commediante et à sa 
compagnie de s'en retourner en Italie : de quoy je vous 
ay voulu advertir affîn que vous ne faciès aulcune dif- 
ficultés de leur expédier le passeport qui leur est néces- 
saire pour leur retour; et qu'il soit ample, de sorte qu'ils 
puissent emporter leurs hardes, armes, bagages, bagues, 
joyaux, ensemble l'argent qu'ils vous diront. Sur ce,. 

1 Dépêches diverses des ambassadeurs en France. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 145 

Dieu vous ayt, monsieur de Villeroy, en sa saincte garde. 
Ce XIII* avril, à Fontainebleau. 

Henry '. 

L'Isabelle, cambléede grandes attentions, empor- 
tait avec elle des lettres particulières du Roi et de 
la Reine qui attestaient aux princes de Mantoue 
l'estime en laquelle Leurs Majestés tenaient la 
comédienne, et le contentement que leur avaient 
procuré les comédiens. C'était à la duchesse de 
Mantoue que s'adressait la Reine : 

Ma soeur. L'Isabelle Ândreitii comediante s'en retour- 
nant en Italie, je vous ay bien voulu escrire ce mot en sa 
faveur pour vous prier de la vouloir assister et honorer 
de voz bonnes grâces et bienveillance en ce qu'elle en 
pourra avoir besoing, vous pouvant asseurer que pen- 
dant qu'elle a demeuré de de ça, Elle a donné tout con- 
tantement d'elle et de sa troupe au Roy Monseigneur et 
à moy. C'est pou rquoy je vous la recommande avec affec- 
tion. Et sur ce je prie Dieu... *. 

1 Lettres de Henry IV {Correspondance générale, t. VII, 
page 176) d'après l'original, Bibliothèque impériale de Saint- 
Pétersbourg. La date de 1607 donnée par l'éditeur est une 
erreur. 

* Bibliothèque Nationale, Manuscrits, Fonds des 500 Col- 
bert. Registres du cabinet de la Reine Marie de Médicis. Ms. 
86, page 166. Il y a une autre lettre de la Reine à son oncle 
le grand-duc de Toscane, pour lui recommander les intérêts 
de l'Isabelle. (Même Registre, page 166.) 

10 



146 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Mais alors, sans qu'on s'en pût douter, la car- 
rière de l'Isabelle touchait à sa fin. Et c'était, en 
France, à Lyon, au retour vers l'Italie, que ses glo- 
rieux destins devaient être brisés par une mort que 
rien n'aurait pu faire prévoir peu de jours aupara- 
vant. Isabella Andreini mourut à Lyon le 1 1 de juin 
de l'année 1604. Messieurs de la ville honorèrent 
ses funérailles par des hommages que l'on peut dire 
avoir été rares pour une personne de la Comédie l . 
Et ce qui est non moins curieux, c'est l'honneur lé- 
gitime d'ailleurs qui lui fut rendu par l'Église. On 
lit, au Registre de la Pro-cure de Sainte-Croix de 
Lyon, cette annotation remarquable : 

« Le vendredi XI juing après vespres a esté enterré le 
corps de feu dame El isa belle Ândreiny native de Padoue 
vivante famé du sieur Francisco Ândrini Florentin de 
son estât comédien. Elle est décédée avec le commun 
bruit d'estre une des plus rares femmes du monde tant 
pour estre docte que bien disante en plusieurs sortes de 
langues. Hz ont donné pour les droiçtz cinq escuz et 

1 ...Et alla sua morte fu favorila dalla communità di Lione 
di Francia d'insegne e di mazzieri, con doppieri de' signori 
mercanti accompagnata. (Voyez La supplie a, discorso fami- 
gliare di Nicolo Barbieri, diretta a quelli che scrivendo o 
parlando trattano de. Comici trascurando i meriti délie 
azioni virtuose. Venetia, 1634.) Dédié à Louis XIII. 



SOUS LE BEGNE DE HENRI IV. 147 

cinq pour la permission de mettre une pierre avec son 
nom et ses armes auprès du pilier du bénitier *. » 

L'historien contemporain de Henri IV, Pierre 
Mathieu, au livre sixième de son « Histoire de 
France et des choses mémorables advenues aux Pro- 
vinces durant sept années de paix du règne » a célé- 
bré dans des termes vraiment curieux la mémoire de 
la comédienne et le fait de son séjour en France. 
Ayant à raconter les événements de l'année 1604, 
il débute ainsi dans l'exposé qu'il en veut établir : 

« Si les jugements que Ton faict de la fin par le com- 
mencement estoient assurez, et que l'advenir ne fust 
envelopé comme il est en des ténèbres si espaisses et 
obscures, qu'il n'y a œil tant clair-voyant soit-il qui les 
puisse pénétrer, on pouvoit bien espérer de la fin de 
Tannée, et de la voir douce et paisible, puisqu'elle se 
commence en jeux et comédies. La bande d'Isabelle 
Àndreini recita devant le Roy et la Reyne. G'estoit une 

1 Voyez les Origines du Théâtre de Lyon, par C. Brou- 
chocd. (Lyon, N. Scheuring, 1865.) L'épitaphe fut composée 
par le mari. Francesco Bartoli l'a reproduite : « D. O. M. 
Carissima Uxor, Isabella Dulcissima, etc. » ; page 10 de* 
Notizie, Barbieri dit aussi dans la Supplie a : « Et hebbe un 
bellissimo epitaphio scritto in bronzo per memoria aeterna, 
corne fa fede il sign. Pietro Mattei istorico e consigliere del Re 
christianisai m o... n Page 21. 

* Deux volumes publiés à Paris, chez J. Métayer, impri- 
meur du Roy. MDGIX. Voyez tome II, livre sixiesme, p. 446. 

10. 



148 LES COMEDIENS ITALIENS. 

femme Italienne scavante en poésie, qui n'avoit encores 
trouvé sa pareille en l'elegance, promtitude et facilité de 
toutes sortes de discours convenables à la scène. Si elle 
eust vescu en Grèce au temps que la comédie estoit en 
vogue, on lui eust donné des statues, et eust reçu sur le 
théâtre autant de couronnes de fleurs, comme les mauvais 
loueurs y recevoient de coups de pierres. Elle feust vciie 
et escoutée avec un grand applaudissement, et la comédie 
utile aux mœurs, et souvent utile aux princes pour amu- 
ser le peuple, comme disoit un bouffon à l'empereur 
Auguste, esloit le charme des vaines pensées et le diver- 
tissement des inutiles actions de Paris. Ce bel esprit vou- 
lant retourner en Italie pour y revoir le jardin où avoit 
fleury sa jeunesse, passa a Lyon avec toute sa bande. Là 
il faussa compagnie au corps qu'il laissa à la terre pour 
s'envoler au ciel, sans que les vœux et les cris de ceux qui 
l'avoient admiré le peuvent retenir. » 

La comédienne ainsi célébrée par le meilleur 
historien de son temps n'eut pas de statue, ainsi 
qu'il lui serait arrivé d'en avoir « si elle eût vécu 
en Grèce au temps que la comédie y estoit en 
vogue » , mais elle eut un diminutif de statue. Une 
médaille très-belle fut gravée, portant son effigie, son 
prénom d'Isabelle, son nom d'Andreini, sa qualité de 
comédienne de la troupe des Gelosi avec ces mots 
qui sont comme un cri de gloire : JEtcrna fama ! . 

1 Voyez les deux exemplaires que 'possède le Cabinet des 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 149 

La troupe se trouva ainsi privée de ses deux 
chefs; de l'Isabelle qui venait de mourir, et du Capi- 
tan qui se retira de la profession dramatique, tout 
agréable, glorieuse et fructueuse qu'elle lui fût. Mais 
cette troupe se forma de nouveau bien complète, par 
les soins et sous le protectorat du duc de Mantoue. 
Dès le mois de septembre suivant, on voit par 
une réponse du grand-duc de Toscane à Vincent I er 
de Gonzague, que ce dernier lui avait proposé l'en- 
voi de cette Compagnie nouvelle pour les divertis- 
sements de l'automne a la cour de Florence. Le 
Grand-Duc déclinait avec regret l'agrément de cet 
envoi, par ce valable motif qu'il avait engagé sa pa- 
role avec une autre troupe de comédiens '. 

Nous trouvons la troupe de Monsieur de Mantoue, 
l'année suivante, à la cour de Turin. Mais nous ne 
la suivrons point dans les curieuses péripéties où elle 
fut * chez Monsieur de Savoie, car c'est en France 
seulement que nous nous sommes proposé de voir 

Médailles à la Bibliothèque Nationale. M. Louis Moland a 
reproduit l'un d'eux dans son ouvrage sur Molière et la 
Comédie Italienne. (In-18, Paris, Didier, 1867.) 

1 Archives de Mantoue. 

9 J'ai cependant réuni, en copies, tous les fragments des 
Correspondances concernant les mouvements et aventures de 
ces comédiens, même hors de France. 



150 LES COMEDIENS ITALIENS. 

ces comédiens italiens successivement appelés à la 
Cour par les Rois Charles IX, Henri III, Henri IV 
et Louis XIII. 

Venons donc à leur troisième voyage en France, 
sous ce même règne de Henri IV. 



CHAPITRE CINQUIEME 

SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 

'H 

160 8. 

Les Comédiens Italiens de Monsieur de Mantoue viennent à 
la Cour en 1608. — Négociations au delà des monts pour 
qu'ils effectuent leur voyage en France. — Promesse 
qu'avait faite la duchesse de Mantoue, sœur de la Reine. — 
Lettre de la Reine du 6 novembre 1606 à M. de Mantoue 
pour le presser d'envoyer ses Comédiens. — Lettre curieuse 
de Henri IV à don Fernand* de Gonzague. — Le Roi de- 
mande qu'Arlequin fesse partie de la Compagnie. — M. de 
Mantoue s'excuse sur le retard apporté au voyage. — Autre 
lettre de la Reine plus pressante encore, 30 juin 1607. — 
Elle écrit à Arlequin. — Nouvelles lenteurs du côté de 
Mantoue. — Nouvelle impatience de la Reine. — Lettre 
missive du duc de Mantoue à son ambassadeur à Paris pour 
l'aviser du départ des Comédiens pour la cour de France. 

— Difficultés que fait encore Arlequin. — Le comédien appelé 
Cola. — C'est une nouveauté. — Le duc de Savoie retient 
la Compagnie pour son divertissement, au passage par Turin. 

— Arrivée des Comédiens à Paris en février 1608. — Lettres 
de l'ambassadeur de Mantoue du 13 et 14 mars. — Lettre 



152 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de la Reine à la louange de la Compagnie, 11 mars 
1608. — Lettre de don Jean de Médicis, 8 mars. — Aven- 
ture de cape et d'épée au théâtre l'Hôtel de Bourbon, où 
les Comédiens donnent leurs représentations. — Lettre de 
l'ambassadeur de Mantoue, 19 mars. — Succès des comé- 
diens à la Cour. — Lettre du comédien Fridelin, 7 mai 
1608. — La troupe va à Fontainebleau. — Le Dauphin la 
voit pour la première fois. — Détails empruntés au Journal 
de M. Heroard, premier médecin du Dauphin. — Voyage 
du duc de Mantoue à la cour de France. — Les noms des 
Comédiens donnés successivement par le Dauphin pour « le 
mot d'ordre » aux chcvaliets du gue(. — La personne de 
Vincenzo I er , duc de Mantoue. — Son portrait et son carac- 
tère. — La compagnie de ses Comédiens prend congé de la 
Cour ea octobre 1608. — Lettre de la Reine au duc de 
Mantoue sur la satisfaction que lui a donnée la troupe, 
26 octobre 1608. — La Compagnie à Turin l'année sui- 
vante. — Le Roi l'aurait voulue de nouveau à la Cour, en 
1609. 

Une Compagnie formée, cette fois, sous la direc- 
tion de Pier Maria Gecchini, comédien déjà célèbre 
sous le nom de Fritellino, parut à la Cour, au mois 
de février de l'année 1608. Toutefois les négocia- 
tions entre la reine Marie de Médicis et le duc de 
Mantoue Vincent I er de Gonzague, avaient duré 
près d'une année et demie. Il y avait eu missions 
particulières et messages royaux pour déterminer 
la date du voyage et la durée du séjour en France 
de ces. Comédiens Italiens. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 153 

Éléonore de Médicis, sœur de la Reine et duchesse 
de Mantoue, était venue à la Cour pendant l'été de 
Tannée 1606, pour les cérémonies du baptême du 
Dauphin, qui depuis fut Louis XIII. Dès la naissance 
de son fils, en 1601, le Roi lavait élue pour être la 
marraine. La cérémonie ne se fit que cinq ans 
plus tard, c'est-à-dire à l'époque dont nous parlons. 
La Duchesse vint, accompagnée de son second fils, 
Don Fernand. Elle était partie de Mantoue au mois 
de mai pour se rendre à Nancy d'abord, où elle 
conduisait sa fille devenue, par son mariage, la prin- 
cesse de Lorraine. Elle fut ensuite à Paris, à la 
fin de juillet. Il va de soi qu'elle y fut fort honorée. 
C'est elle qui, accompagnant le Roi à Monceaux, 
pour un court séjour, et écrivant au Duc son mari, 
a dit cette jolie chose sur le compte de Henri IV : 
« Votre Altesse peut m'en croire, le Roi est homme à se 
faire aimer par les pierres elles-mêmes. » Elle arriva 
à Fontainebleau le 6 septembre ; le baptême eut lieu 
le 14; M. le cardinal de Joyeuse représentait la 
personne du Pape qui était le parrain. La marraine 
quitta la Cour en octobre pour retourner en son 
duché de Mantoue l . 

1 La duchesse de Mantoue avait été bientôt avisée de la 
naissance du Dauphin, son neveu, qui avait eu lieu le 28 de 
septembre 1601 à Fontainebleau. Le jour même, en effet, 



154 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Pendant tout ce séjour, le Roi avait, plus d'une 

Marie de Médicis envoyant en Italie le sieur Nicolas Roger, le 
faisait porteur du message suivant : 

Ma sœur. J'ay commandé à Nicolo Roger [un de mes 
valets de chambre de monter à cheval en toute diligence 
pour vous porter tadvis de mon accouchement qui a esté 
depuis une heure seulement ayant plu à Dieu me donner 
un beau fils... (Bibliothèque Nationale. Manuscrits Fonds 
des 500 Colbert. Volume 86, page 5.) 

Le Roi écrivit au duc de Mantoue quinze jours plus tard la 
jolie lettre que voici : 

Mon cousyn, la Royne ma famé vous a averty pour 
nous deux de la nayssance dufyls que Dieu nous a doné, 
dont ie suys certayn que vous naurès receu moyns dejoye 
et de contantement que nous mesmes. Je me conjouys 
aussy avec vous vous asseurant de la bonne dysposysyon 
de la mère et du fyls qui cera nourry à aymer les vostres 
corne vous lestes du père et doutant que ie desyre tesmoi- 
gner à tout le monde lestyme que nous fesons de vôtre 
amytié et de celle de ma sœur vôsre famé je lay esleue 
pour lever mondyt fyls sur les fons de baptesme avec 
nôtre s 1 père le pape et mon oncle le grand duc de Toscane 
nu moyen de quoy ie vous prye avoyr agréable que nous 
ayions de vous et délie ce contantement et quelle y vyenne 
an persône et ie vous assure quelle y cera honorée et 
chérye corne elle méryte ainsy que vous fera antendre 
mon ambassadeur resydent à Rome par la voye duquel 
ie vous anvoye la présente pryant t Dieu mon cousyn qttyl 
vous ayt an sa saynte et dygne garde. Ce xv eme octobre a 
Fontenebleau H. 

A mon cousyn le duc de Mantoue. (Archives de Mantoue. 
Série France. E. xv.) 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 155 

fois, parlé de la troupe des comédiens de Monsieur 
de Mantoue à la duchesse Éléonore, et il avait mar- 
qué le désir qu'elle lui fût envoyée le plus tôt pos- 
sible. La duchesse avait fort promis de complaire 
au Roi et a la Reine en engageant vivement le duc 
à se séparer momentanément de ses comédiens et à 
les disposer au voyage en France. A peine même, 
peut-on dire, cette princesse avait-elle eu le temps 
d'être revenue dans son duché que la Reine, pres- 
sée et pressante, avait pensé à écrire à Monsieur 
de Mantoue. La lettre de Marie de Médicis est le 
premier document qui apparaît en cette négociation 
plaisante : 

Mon fbere. Lorsque ma sœur la Duchesse de Mantoue 
partit dicy je la pryai d'intercéder de ma part envers 
vous affin de nous faire venir une compagnye de bons 
comédiens, sachant que les meilleurs de toute PItalye se 
rencontrent le plus souvent sur vostre estât, je ne scay 
si elle s'en sera souvenue. Mais en tout cas je vous ay 
bien voulu escrire celle-cy pour vous prier de nous faire 
ce plaisir que par votre autorité nous en ayons ici prom- 
tement la meilleure compagnie que faire se pourra, par m y 
laquelle je désirois que Harlequin en fust, encores que 
je sache bien qu'ils ne veult plus faire ce mestier, si ce 
n'est en votre présence et par votre comandement. Mais 
luy et ceulx qui y viendront seront si bien satisffaits et 
récompensez des frais de leur voyage tant pour venir 



156 LES COMEDIENS ITALIENS. 

que retourner, outre ce, Ion aura tant soing de les gra- 
tifier et bien traicler qu'ils auront occasion den demeurer 
contens. C'est chose que le Roy, Monseigneur et moy 
désirons avec affection. C'est pourquoy, je vous en prie 
de rechef. Priant Dieu, mon frère, qu'il vous conserve en 
santé. De Fontaynebleau ce X jour de novembre 1606. 

Vostre bonne sœur 

Marie ". 

Mais ce ne fut point tout : le Roi prit sa meil- 
leure plume et fit aussi sa recommandation. Et de 
quelle façon piquante il la fit ! Nous avons dit que 
la duchesse Éléonore avait amené avec elle en 
France, Don Fernand son second fils, pour les céré- 
monies du baptême de M. le Dauphin. Don Fernand 
était celui de la famille que l'on avait destiné à 
l'Église, et malgré son jeune âge, — dix-neuf ans à 
peine, — on savait du Pape qu'il serait promu l'an- 
née suivante au Cardinalat. Il devint, en effet, en 
décembre 1607, « Monsieur le cardinal de Gon- 
zague » . Pour le moment, il était Don Fernand de 
Gonzague et déjà d'Église. Il était d'humeur alerte, 
facile et volontiers galante. Ce fut à lui que le Roi 
pensa d'écrire, et il le fit sur ce ton jovial, sur ce 
ton qui est si plein d'agrément pour sa mémoire au- 

1 Archives de Mastoue. Maison de Gonzague. Lettre* 
Royales. Série de France. E. xx. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 157 

près de tout Français resté bon Gaulois. Le Roi, donc, 
demande à son bon cousin s'il a tant de passion à la 
lecture de son bréviaire qu'il en peut oublier ses 
amis, et il le prie de faire en sorte que Madame de 
Mantoue ne manque pas à l'honneur de sa promesse 
qui fut d'envoyer de nouveau ses comédiens à la 
Cour et surtout Arlequin. 

Cette lettre du Roi ne figure point au recueil 
général de ses missives, et c'est tout plaisir de la 
donner telle que nous l'avons rencontrée l : 

Mon cousin. Ce m'a esté un grand contentement, dap- 
prendre par le sieur Don Jolian de vos nouvelles que 
vous avés fait votre voyage en bône santé et que mes 
galères vous ont bien servy pour votre passage. Maynte- 
nant que vous estes arrivé à Mantoue, par cette occasion 
ie vous feré ressouvenyr de moy et de la France et vous 
pryré de me mander si vous avés poynt de regret et ne 
vous amuser tant à dyre votre brevyère que quelquefois 
il ne vous prene envye de mescripre, je desyre cella de 
vous et que vous facyez resouvenir ma' sœur la duchesse 
de Mantoue de la promesse qu'elle a fête à ma famé de 
luy envoyer les comédyens Ytaliens, mes je seré byen 
ayseque Harlequin soyt avec eux. Mandés moy côme vous 
vous estes trouvé des levryers et chyens que nous avez ame- 
nés djey et sy mon cousin le duc de Mantoue les a trouvés 

1 Archives de Mantoue. Lettres Royales. Carton de France, 
E. xv. 



158 LES COMEDIENS ITALIENS. 

boas et syl desyre que ie luy en anvoye d'autres ou quel- 
que autre chose quy soyt en mon royaume. Assurés le 
de ma part que ie tyendré à plesyr de le luy anvoyer 
et lui tesmoygner côine ie layme. Gest de quoy ie vous 
charge et que vous besyés de ma part les mayns des 
dames qui estoient ici avec madame la duchesse de Man- 
tone et entre autres celles de la barone de Gondy et de 
Madame de Rossy leur fesant voir cete cy par laquelle elles 
aprandrons que ie me souvyens délies. Escrivez moy 
quclquefoys assuré que vos lettres me ceront bien agréables 
et qu'il ne sofryra jamés ocasyon par laquelle ie vous 
puysse témoigner, corne ie vous ayme que vous ne my 
trouvyés aussi dysposé que vous le sauryés souheter de 
moy quy prye Dieu vous avoyr mon cousyn en sa garde 
Ce X m * novembre à Fontainebleau. 

Henry . 

A mon cousyn le S r don Ferdinand de Gonzagues. 

Nous n'avons pas trouvé la réponse que don Fer- 
nand a dû nécessairement faire au Roi son oncle, 
mais nous avons celle que M. le Duc son père fit à 
la Reine sa belle-sœur. 

Monsieur de Mantoue lui répond que, conformé- 
ment à l'infinie obligation où il est de faire bon ser- 
vice à Sa Majesté, il n'est soin qu'il n'ait pris pour 
persuader ses comédiens à se rendre aussitôt en 
France et se mettre à la disposition de la Cour. 
11 dit qu'autant ces messieurs se sont montrés em- 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 159 

pressés à se conformer à son désir, autant ces dames 
ont Fait les difficiles, alléguant la mauvaise saison, 
redoutant la longueur et les fatigues du voyage. Il 
se voit obligé de dire aussi qu'Arlequin, échappé 
depuis peu au péril d'une grave et longue maladie, 
se trouve d'humeur peu dispose à se mettre présen- 
tement en route. Néanmoins, toutes belles pro- 
messes sont faites par les uns et par les autres pour, 
dans un temps plus favorable, se préparer au voyage 
de France avec de bonnes comédies à donner au 
Roi, à la Reine, à la Cour et à la Ville l . 

Dix mois se passent. Il semblait n'être plus ques- 
tion des Comédiens italiens et de la visite qu'ils 
devaient faire. Mais au mois de juin, tout soudaine- 
ment, nouvelle lettre de la Reine, et cette fois Sa 
Majesté marque combien est grand le désir person- 
nel du Roi pour avoir la troupe de Monsieur de Man- 
toue : 

Mon frère. Je vous escris encores celle cy pour vous 
prier d'accomplir la promesse que vous nous avés cy 
devant faicte de nous envoyer une compagnie de Comé- 
diens Italiens des meilleurs qui seront par de là. Le Roy 

1 Archives de Mantoue. Maison de Gonzague. (F. n° 11.) 
La lettre résumée ici est en italien sur la minute « Alla 
maestà délia Reina di Francia » . 



160 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

monseigneur les désire extrêmement, et seroîs bien aise 
' qu'il se rendissent à Lyon vers le mois de septembre 
affin qu'ilz puissent passer l'hiver prochain enceste court. 
Je vous en prie de rechef. Et sur ce, je supplie le Créateur 
qu'il vous conserve, mon frère, en sa sainte et digne garde. 
Escrit à Fontaynebleau le dernier jour de juing 1607. 

Votre bien bonne sœur, 
Marie 1 . 

On ne pouvait pas marquer plus d'impatience, 
puisque, par ce même courrier pour l'Italie, la 
Reine écrivait à la Duchesse sa sœur et trouvait bon 
de lui faire en quelque sorte la sommation sui- 
vante : 

Ma soeur. Jadiousteray encores celle-cy à mon autre 
lettre pour vous sommer de la promesse que vous fistes 
au Roy monseigneur et à moy de faire en sorte que mon 
frère le duc de Mantoue nous envoyeroit une compagnie 
de bons comédiens Italiens. Je vous prie de l'en solliciter 

1 Bibliothèque Nationale. Manuscrits, Fonds des 500 Col- 
bert. Volume 87, folio 124. Les numéros 86, 87, 88, 89 de 
ce précieux fonds contiennent tout le cabinet épistolaire de 
la Reine Marie de Médicis depuis Tannée 1601 jusqu'à l'an- 
née 1617. C'est {'enregistrement authentique de toutes les 
lettres particulières qu'elle a fait adresser. Sans le secours de 
ce recueil, un grand nombre de menus faits, dont la connais- 
sance nous a beaucoup servi pour ce travail, nous auraient 
échappé. L'original de cette lettre est aux archives de Man- 
toue. Série Francia. E. xv. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 161 

et faire en sorte que ils soient à Lyon dans le mois de 
septembre où je donneray ordre quils trouveront de 
largent pour leur voiage en sorte quils seront contens et 
passeront tout cet hiver prochain auprès de nous. Prenez 
en donc le soin je vous en prie et que H arlequin soit de 
la partie 1 . 

La Reine ne s'en tint pas là. Gomme elle savait 
qu'Arlequin faisait des difficultés au voyage, et 
qu'elle désirait l'avoir plus que tout autre dans la 
Compagnie, pensant que la parole royale toucherait 
l'àme du comédien, elle lui adressa directement le 
message que voici : 

H arlequin. Je prie mon frère le Duc de Mantoue de 
nous envoyer une compagnie des meilleurs comédiens 
Italiens qui soient par de là. Àdvisés à estre de la partie 
et vous accomoder à lordre que mon dict frère jugera à 
propos et faictes que vous soiez tous ensemble à Lyon 
dans le mois de septembre et vous asseurez que je don- 
neray ordre que mon trésorier s'y trouvera, ou quelqu'un 
de sa part qui n'aura point les gouttes et qui scaura fort 
bien conter largent pour vostre voiage en sorte que vous 
et la bande en demeuriez content. Ny manquez donc pas 
comme je ne feray du mien. Adieu. 

Marie 1 . 

1 Archives de Mantoue. Cartons Francia, E. xv. Et 
Bibliotii. Nat. 500 Colbert. Volume 87, fol. 124. 

* Cette lettre à Arlequin se trouve seulement au Registre 
de la Correspondance de la Reine. Bibl. Nat. F. Colbert 87, 



162 LES COMEDIENS ITALIENS. 

De pareils soins de la part de la Reine Très-Chré- 
tienne méritaient bien, en vérité, qu'un prompt con- 
sentement lui fût donné. Mais Madame de Man- 
toue, dans le temps même que les lettres de la 
Reine sa sœur durent lui arriver, se trouvait dans 
un état de maladie tel qu'il y eut danger pour sa 
vie. La Reine n'en fut informée que plus tard, et 
quand sa sœur était déjà en voie de guérison. Dans 
la lettre que le 12 novembre, elle écrit à Monsieur de 
Mantoue pour lui marquer « sa consolation d'avoir 
en même tems sceu la guarison que la maladie » , 
elle ne néglige toutefois pas l'affaire de la venue des 
Comédiens. Et comme on n'avait point encore reçu 
l'avis même de leur départ pour le royaume, elle ne 
manque pas à lui dire : 

« Au surplus, pour répondre à votre dicte lettre nous 
eussions esté bien contens davoir icy une bonne compa- 
gnie de comédiens Italiens, mais jusquà présent nous 
n'avons en sorte quelconque ouy parler de ceux à qui 

fol. 824. Lorsqu'on rencontre aux Archives de la maison de 
Gonzague, à Mantoue, des lettres royales à l'adresse du comé- 
dien, c'est qu'il s'est empressé d'en donner communication 
au Duc son patron qui en retenait la copie ; et souvent, cette 
copie était une traduction en italien de la lettre originale fran- 
çaise. Arlequin, comme un fin compère qu'il était, aimait fort 
à envoyer ainsi aux souverains ses protecteurs, de pareils 
documents qui le rehaussaient et le rendaient glorieux. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 163 

vous avés commandé de venir et ne scay s'ils sont en 
chemin ou non. Nous les attendons tousiours en bonne 
dévotion '. » 

Le 14 novembre, avis est donné que la Compa- 
gnie, bien formée, vase mettre en mouvement, mais 
qu'Arlequin persistant à dire qu'il ne peut servir, 
pour les raisons déjà données, le souverain a fait en 
sorte de décider Cola. C'est un personnage qui sans 
doute plaira beaucoup, et que la Reine est priée 
d'avoir en sa particulière protection . 

Le duc de Mantoue informait en termes plus of- 
ficiels encore et plus précis son ambassadeur à la 
Cour, Messer Trajano Guiscardi, du départ de ses 
personnages. Sa lettre missive est du 10 novem- 
bre 1607 : 

Vincent par la grâce de Dieu duc de Mantoue et de 
monferrat. 

Très-magnifique notre très-cher. Nous avons été 
depuis longtemps prié par la Reine de lui envoyer une 
compagnie de comédiens. C'est après beaucoup de diffi- 
culté que nous l'avons mise enfin sur un bon pied. Nous 
les avons confiés à la direction de Fritetlino et de sa 
femme, qui sont les meilleurs personnages dramatiques 
non seulement de notre propre troupe, à laquelle nous 
les avons enlevés pour le service de Sa Majesté, mais 

1 Archives de Mantoue. Ideni. Lettre du 12 novembre 1607* 

11. 



16V LES COMEDIENS ITALIENS. 

encore de toute l'Italie. Ils se rendent présentement à 
leur destination où nous désirons que vous ne leur fas- 
siez faute de toute faveur possible. Nous leur avons 
compté mille écus pour le voyage et pour diverses dépenses 
que le môme Fritellino a du faire pour la compagnie 1 . 



Il y a encore une autre lettre de Monsieur de Man- 
toue à la Reine. Le Duc aurait envoyé sa propre 
troupe, sans la grossesse de trois de ces dames. La 
peur de se trouver surprises en route les a empê- 
chées de se mettre en voyage. H fait un véritable 
certificat de talent à Fridelin et à sa femme la 
signora Flaminia. Toute instance possible a été 
tentée auprès d'Arlequin pour le persuader, mais 
il s'est excusé sur un vœu solennel qu'il aurait fait 
de ne plus jouer aucun rôle dans la comédie. 

« C'est pourquoi, dit M. de Mantoue, j'ai fait en sorle 
que Cola entre dans la troupe. C'est un personnage nou- 
veau qui, par ses saillies et ses gestes, ne plaira peut-être 
pas moins qu'Arlequin, lequel d'ailleurs vieilli, ne peut 
plus divertir comme autrefois. En attendant, je prie 
Votre Majesté d'avoir ces comédiens pour recommandés 
à sa bienveillance et à sa protection. » 

1 Archives de Mantoue, Maison de Gonzague. Il va de soi 
que la lettre ducale est en italien, comme toutes les autres 
lettres émanant des souverains de ce Duché. Nous les tradui- 
sons, en chaque rencontre, aussi exactement qu'il est possible. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. J65 

S'il y eut du retard dans le voyage vers la Cour, 
ce ne fut pas la faute du grand-duc de Toscane 
auprès de qui le duc de Mantoue excusa la compa- 
gnie des Comédiens de ne pouvoir se rendre a ses 
appels et désirs, mais ce fut la faute de M. le duc de 
Savoie qui ne prit point de gêne pour les retenir,. 
Fridelin donne avis, de Turin, qu'il attend Cola 
depuis trois semaines, et que malgré mille embarras, 
la troupe a joué avec grand succès, sans le secours 
à' Arlequin et de Cola. On pensait partir le 30 no- 
vembre, mais à cette date, les habits de Cinihio 
n'étaient pas arrivés. Grand désespoir sur le fait de 
ce retard. Monsieur de Savoie use d'autorité pour 
retenir la troupe. On devait ensuite partir le 4 dé- 
cembre, et le 10, on était encore à Turin avec la 
perspective d'avoir à payer 350 écus d'or aux mule- 
tiers et conducteurs de bagages à l'arrivée à Lyon. 
Le 10 même, toute la compagnie était bottée, prête 
à partir, et un nouvel ordre ducal de Charles- 
Emmanuel les retint encore '. 

Bref, nous ne les voyons arrivés à Paris que dans 
les premiers jours de février 1608. 

Les Comédiens firent donc le voyage durant ce 
terrible hiver de 1608 où l'âpreté du froid fut telle 

1 Archives de Mantoue. Correspondance Cartons de Savoie, 



156 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

pendant un mois, qu'il périt un plus grand nombre 
de gens que pendant le temps qu'avait duré la peste. 
Par ordre du Roi, on avait allumé des feux dans les 
rues et sur les routes pour le soulagement des pau- 
vres gens. Toutefois au moment où les Comédiens 
arrivèrent, à Paris, le fleuve était dégelé, et la saison 
s'était adoucie au point qu'on pouvait se croire au 
printemps. C'est l'ambassadeur de Mantoue qui 
par une dépêche du 1 3 février adressée à son maître 
donne des nouvelles de leurs débuts à la Cour : 

Sérénissime Prince, mon seigneur et maître très- 

HONORÉ. 

Il y a peu de jours que Fridelin m'a remis la lettre de 
Votre Altesse du 10 novembre par laquelle elle m'ordonne 
d'avoir en recommandation sa compagnie et de lui donner 
aide selon Içs occasions qui se présenteraient... Ils ont 
été très-bien vus de Leurs Majestés qui prennent grand 
plaisir à leurs comédies et ne les laissent pas encore 
donner des représentations au public. C'est du reste ce 
dont ils se plaignent, voyant ainsi leur échapper les gros 
bénéfices qu'ils feraient en cette saison. Ils espèrent 
bonne récompense du Roi 1 . 

Il est à croire que la salle qu'ils occupèrent pour 
donner leurs premières représentations devant la 

1 Arcbive8 de Mantoue. Cartons de France. Correspon- 
dance en italien. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 167 

Cour fut celle de l'Hôtel de Bourbon, près le Louvre, 
dont le Roi pouvait disposer selon son bon plaisir. 
Mais dès que la permission leur fut donnée de s'an- 
noncer au public, ils se portèrent, ainsi qu'ils y 
étaient obligés, au théâtre de l'Hôtel de Bourgogne. 
Leur contrat de bail fut passé « avec les maîtres et 
gouverneurs de la confrairiede la Passion de Nostre- 
Seigneur » , c'est-à-dire avec les administrateurs de 
la maison, le 17 février 1608, ainsi qu'il appert 
d'un document conservé parmi les anciennes mi- 
nutes possédées actuellement par M Aumont-Thié- 
ville. C'est chose à noter ici que dans cet acte fait à 
la requête de l'un des compagnons de la troupe, 
Battistino Àustoni, agissant en leur nom collectif, 
les Comédiens sont qualifiés authentiquement de 
« Commediens Italiens du duc de Mantoue estans 
de présent en ceste ville de Paris l » . 

1 Minutes en l'étude de M e Léon âumoht-Thiéville, succes- 
seur médiat des notaires-unis M" Huart et Haguenier, « notaires 
du Roy nostre sire au Ghastelet de Paris » , de 1595 à 1629. 
Ils avaient la clientèle de l'Hôtel de Bourgogne, d'où quantité 
d'actes intéressants à rechercher pour l'histoire de ce théâtre et 
signalés par l'auteur des Recherches sur Molière en Y Inven- 
taire des titres et papiers copié sur les minutes de l'étude de 
M e TuRQCET, devenue celle de M* Tourrillon. J'ai une grande 
obligation à M M Aumont-Thiéville «t Tourrillon pour toute la 
bienveillance qu'ils ont mise à faciliter mes recherches. 



168 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Le 4 mars, autres nouvelles données encore par 
monsieur l'ambassadeur : 

« Leurs Majestés prennent le plus grand goût au spec- 
tacle des Comédiens qui, bien que nous soyons en carême, 
.donnent leurs représentations. La foule se porte vers 
eux, et vraiment ils ont grand besoin de cette faveur 
pour se refaire un peu des grandes dépenses du long 
voyage. » 

La Reine, de son côté, donne un beau témoignage 
du succès de la troupe, par l'envoi de cet aimable 
billet au prince son beau-frère : 

« Mon Frère, je vous faiz ce mot pour vous dire comme 
Fritelin et sa bande de commediens sont arrivez en ceste 
cour il y a encore quelque temps où ils prennent soin de 
donner du plaisir au Roy monseigneur et à moy l a 
quoy ils réussisent de telle sorte que nous en avons toute 
satisfaction et contentement. Cest pourquoy je vous prie 
de leur en sçavoir gré, et nestant celle cy pour autre su- 
bi ect je ne la feray plus longue que pour prier Dieu, 
mon frère, qu'il vous tienne en sainte et digne garde. 

Écrit à Paris le 11 jour de mars 1608. 

Votre bien bonne sœur. 
Marie*. 

1 Dans sa lettre à la Duchesse sa sœur (même date), la 
Reine ajoute « et à tous ces Princes » • 

1 Arcoive8 de Maktoue. Lettres. France. E. xr, et Bibl. 
Nat. 500 Colbert, vol» 87, fol. 181. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 169 

Don Jean de Médicis qui alors était à la Cour au- 
près de la Reine sa nièce et qui se plaisait fort aux 
choses de la comédie, crut devoir donner son mot à 
Monsieur de Mantoue. Il était bon connaisseur. Ce 
n'était d'ailleurs pas la première fois qu'il voyait ces 
mêmes sujets. Les années précédentes, il les avait 
déjà vus à la cour de Toscane. 

« Ces Majestés (écrit-il) demeurent entièrement satis- 
faites de cette compagnie des Comédiens « Âccesi » que 
Votre Altesse a formée et qu'elle a envoyée ici. Tout le 
monde se porte vers eux avec un si grand empressement 
que j'ai pensé en donner à Votre Altesse ce témoignage, 
assuré que je suis qu'elle recevra avec grande faveur les 
nouvelles de leurs heureux succès. 11 faut sans nul doute 
en attribuer la principale cause à la valeur et à la sa- 
gesse de Pier Maria dit Fridelin qui, avec une grande 
adresse, maintient l'union et l'accord des sujets... ' » 

Une si grande sérénité fut troublée par une aven- 
ture dont on peut dire qu'elle est bien de son épo- 
que. Et comme le récit qu'en fait l'ambassadeur 
de Mantoue à son maître, est vraiment une sorte de 
tableau de genre qui tient des mœurs du temps, 
nous en donnerons la traduction littérale. Gela se 
passait le 19 mars 1608 : 

« Un gentilhomme français de grande maison, proche 
parent de M. le grand Ecuyer, allant à la comédie, 

1 Archives de Mantoue. Lettre en italien du 8 mars 1608. Paris. 



170 LES COMEDIENS ITALIENS. 

donna à Battistino un soufflet au lieu de l'argent que 
celui-ci réclamait, puis le bousculant, se rendit au rang 
•des loges. Le comédien l'y suivît, se plaignant de ce 
qu'il l'avait frappé et lui réclamant le prix dû. A quoi 
le gentilhomme lui dit : u Je t'ai payé avec la monnaie 
que tu mérites»; sur ce, Battistino tout en colère, s' avan- 
çant sur lui : « Puisqu'il en est ainsi, prenez ce qui vous 
revient»; et dans ce même temps, il lui donna si fort du 
poing sur le nez que soudain le sang jaillit vivement. 
Le gentilhomme mit l'épée à la main; beaucoup firent 
comme lui; mais le comédien appuyé de quelques Ita- 
liens qui se trouvaient là, se sauva. A deux soirs de là, 
ledit gentilhomme, avec une troupe bien armée, se ren- 
dit à la maison des comédiens pour tuer ce pauvre 
homme. Lui et les siens feignaient d'être les gardes du 
Roi. Mais bientôt reconnu, on ferma l'issue de l'escalier 
et les portes des chambres, et avec l'aide du maître de 
céans, Battistino gagna la rue par une autre issue, bien 
résolu d'ailleurs, avec un pistolet dans une main et 
une épée dans une autre, à vendre chèrement sa peau. 
-Le Roi revenu, et ayant su l'aventure, donna l'ordre à 
M. le Grand d'arranger l'affaire, ce qui fut fait. Je me 
suis étonné que ni Fridelin ni les autres ne m'en aient 
parlé, car, pour me conformer aux ordres de Votre 
Altesse, j'aurais promptement cherché à leur porter aide. 
Sans doute, n'ont-ils pas eu besoin de mon service, 
ayant eu recours au seigneur Don Jean de Médicis qui 
les favorise grandement *. » 

1 Archives de Mantoue. Correspondance de France, Dé- 
pêches de Trajano Guisgardi. 1608, 19 mars. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 171 

C'était du reste un temps où l'épée des gentils- 
hommes avait beau jeu dans les affaires privées. Le 
Roi y mit bon ordre. Le samedi de cette même 
semaine où le comédien Battistino avait eu cette 
av enture, plusieurs seigneurs et chevaliers s'étaient 
rendus hors des remparts pour se battre. Le maré- 
chal de Boisdauphin, suivi de quelques-uns des 
siens, les avait empêchés. Mais le même soir, M. de 
Montbazon et le chevalier de Guise en étaient venus 
aux gros mots chez les dames. Ce dernier, s'étant 
retiré, avait envoyé M. de Joinville son frère défier 
M. de Montbazon. Pendant qu'ils étaient en train 
de vider leur querelle, le Roi fut informé. Il les fit 
suivre aussitôt et rejoindre par beaucoup de monde. 
Le duc de Nevers aussi se rendit auprès d'eux avec 
bon nombre de cavaliers qui les amenèrent à Sa 
Majesté. Le Roi les menaça gaillardement, M. de 
Joinville surtout, à qui il dit que déjà par deux fois 
il était sorti du royaume, mais qu'il se gardât d'une 
troisième, parce qu'il ne rentrerait plus. Le Roi 
voulut qu'on fît la paix sur l'heure !. 

Environ au même temps, nos Comédiens eurent à 
soutenir un autre débat qui, du reste, ne fut point 

1 Même correspondance. 



172 LES COMEDIENS ITALIENS. 

aussi terrible que l'aventure presque sanglante où 
Battistino et ses compagnons s'étaient trouvés. Ce 
fut, cette fois, une affaire litigieuse, toute d'inté- 
rieur, une difficulté sur un point du contrat de 
bail. La chose vint de la prétention du S r Jacques 
de Fonteny, contrôleur des Comédiens, au droit de 
jouissance d'une loge entière de laquelle il disait 
« avoir don de Sa Majesté en considération de son 
contrôle » . Cette loge était celle où se mettait d'or- 
dinaire le S r don Juan de Médicis, oncle de la Reine, 
et était lors occupée par le vidame du Mans. Or, 
les Comédiens, au cas où la prétention du S r Fon- 
teny serait admise, se tiendraient pour frustrés d'un 
bénéfice dont la conservation valait la peine de 
quelques remontrances et protestations. Ce même 
Battistino qui, paraît-il, joignait aux occupations 
d'un rôle dans les comédies celles de comptable et 
défenseur des intérêts de la troupe dans les affaires, 
somma et interpella, « tant pour luy que pour ses 
compagnons » , les maîtres et gouverneurs de l'Hôtel 
de Bourgogne. Le contrat du 17 février était précis. 
Ne reconnaissait-il pas aux maîtres et gouverneurs 
Ja jouissance de six loges? Le contrôleur ne pou- 
vait-il pas, ainsi qu'il avait toujours fait, continuer 
à prendre place en l'une de ces six loges, au besoin 
même « avec ung ou deux de ses amis » ? Battistino 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 173 

énonça diverses autres remontrances trouvées justes 
par les interpellés et dont acte fut pris et dressé 
avec autres considérations « par les notaires sous- 
signez » appelés pour en entendre « audict Hostel 
de Bourgogne mil six centhuict, lejeudy après midy 
19 e jour de may l » . La teneur de cet acte est en 
somme fort banale tout autant que l'objet du litige 
qui l'occasionna. Mais il en ressort pour nous une 
information de quelque intérêt. C'est par elle, en 
effet, que nous voyons qui était le S r de Fonteny et 
quel point de contact il avait avec les Comédiens 
italiens à Paris et comment il advint qu'il fut le 
traducteur et l'introducteur en France d'un livre 
dont l'un de ces anciens comédiens fut l'auteur : 
u Les Bravacheries du capitaine Spavente » , ouvrage 
piquant et plaisant de Francesco Àndreini, mari de 
feu la glorieuse Isabelle. La traduction française de 
cette composition, à la fois facétieuse et instructive, 
porte précisément la date de cette année 1608, et 
le traducteur désigné sous les initiales de /. D. F. 
avec la qualité de Parisien n'était autre que ce sieur 
Jacques de Fonteny, dont le personnage ne figure 



1 L'original de l'acte est en l'étude de M 8 Léon Aumokt- 
Tuiéville. Recueil des Minutes des mois d'avril, mai, juin, 
1608, formant une liasse sous couverture en parchemin. 



174 LES COMEDIENS ITALIENS. 

en aucun recueil biographique ' . Il était, comme on 
vient de le voir, contrôleur des Comédiens tant 
Français qu'étrangers, et par conséquent avait de 
continuels rapports avec eux. Ajoutons que, dans la 

I L'ouvrage du S r de Fontes y est plutôt une réduction 
qu'une traduction de l'original qui parut à Venise Tannée pré- 
cédente (1607, chez Somasco), avec la dédicace à D. Amédée 
de Savoie. L'édition originale vénitienne est un in-8° de 
450 pages, et la prétendue traduction du S r de Fonteny est un 
petit in- 18 de 62 pages. C'est un fort petit livre devenu très- 
rare, dont voici le titre exact relevé sur l'un des exemplaires 
à la Bibliothèque de l'Arsenal : « Les Bravacheries du capi- 
taine Spavente divisées en plusieurs discours en forme de 
dialogue de François Andreim, de Pistoie, Comédien de la 
Compagnie des Jaloux, traduites par I. D. F. P. (à Paris, par 
David Le Clerc, rue Frementel, au petit Gorbel, près le Puits- 
Certain), MDCV1II. » L'ouvrage est dédié parle S r de Fon- 
teny à très-illustre et très-haut Monseigneur Charles d'ÂN- 
gennes, vidame du Mans, marquis de Pisabi, baron de Saint- 
Gouart, capitaine des Cent-Gentilshommet de la maison du 
Roy et colonel-général de l'infanterie italienne. 

II existe une autre prétendue traduction du même ou- 
vrage paru en 1638, avec ce titre : « Le Capitan par un 
Commedien de la trouppe Jalouse » (à Paris, chez Anthoine 
Hobinot, marchand libraire, tenant sa boutique dans la grande 
salle du Palais et sur le Pont-Neuf), MDC XXXVIII. La dédi- 
cace est « aux Braves du temps » . Le volume porte un frontis- 
pice représentant le Capitan avec ces deux vers ridicules : 

Je suis un soleil en beauté 
Et ma Lrdie esl un astre en clair té. 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 175 

suite de nos recherches, nous l'avons rencontré 
ainsi désigné en un factura rarissime concernant les 
privilèges de la maison et hôtel de Bourgogne dont 
il devint, plus tard, l'un des doyens, mai s très, 
gouverneurs et confrères, « homme consommé es 
meilleures littératures l » . 

1 Recueil des principaux Tiltres concernant [acquisition 
de tHostel de Bourgogne. Bibl. Nat. Recueil Thoisy. 
Folio 63. Cette belle qualité « d'homme tant consommé es 
meilleures littératures » ainsi donnée au S r de Fonteny est 
peut-être bien outrée. Les œuvres qu'il a fait imprimer, de 
1587 à 1616, ont assurément plus de rareté que de perfec- 
tion. Tout ce qu'on peut dire de mieux de lui, c'est qu'il 
rimait volontiers et qu'il était l'ami du S r de l'Estoile auquel, 
de temps en temps, il se donnait l'honneur de dédier quel- 
que sonnet dont un entre autres, sur sa bibliothèque. On a du 
S r de Fonteny « La première partie de ses esbats poétiques, 
contenant une Pastorale du beau pasteur, Eclogues, amours, 
sonets spirituels et aultres poésies »- (Paris, Gtiill.-Linocier, 
1587); Les Trophées du S* dtOrnane, etc. (Paris, Millot, 
1588); Y Œuf de Pasques ou pascal, dédié à M. le lieute- 
nant civil (Paris, V # Hubert, 1616). C'est sans doute sa 
meilleure composition, et c'est à ce titre sans doute aussi 
qu'Edouard Fourbi er lui a donné bonne' place parmi les 

« Variétés historiques et littéraires » de la bibliothèque 
clzeviricnne (tome IV, p. 59 etsuiv.). Dans un recueil de deux 
Pastorelles publié en 1615 chez J. Corrozet (in-12), on trouve 

« le Bocage a" amour » par le S f de Fonteny qui, cette fois, 
prend qualité de « Confrère de la Passion » . Il avait grand 
goût pour composer des anagrammes latines et françaises tirées 



176 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Le chef de cette compagnie des Comédiens italiens 
à la Cour, et de qui la Reine et don Jean de Médi- 
cis avaient rendu si bon compte au Duc de Mantoue, 
était, avons-nous dit, Pier-Maria Cecchini, origi- 
naire de Ferrare. Frittellino, — Fridelin, comme on 
disait en France, — était son nom sur la scène. Il 
avait fait ses débuts dans la commedia dell'arte dès 
Tannée 1583, le duc Guillaume de Gonzague ré- 
gnant à Mantoue. Écrivant un jour — mais le 
longues années après — au duc Ferdinand, il lui 
disait pour accentuer l'expression de son dévoue- 
ment : « Je puis dire que j'ai servi Votre Altesse dès 
le temps même que la princesse sa mère le portait 
dans son sein. » Il dit même ces choses dans un style 
bien autrement expressif en sa lettre originale l . 

des noms de personnages plus ou moins illustres de son temps. 
Il devait avoir la spécialité' de ce jeu non pas d'esprit, mais de 
l'esprit. Ainsi, dans les nom, prénom et qualité de « Henry 
de Mesme lieutenant civil » il savait trouver les mots « Mine 
divine lumière en Chastelct* et dans ses propres nom et pré- 
nom latinisés Jacobus Fontenilius « Fons vitœ cui bonitus » . 
Il en a fait beaucoup comme cela. Dieu ait son âme ! 

1 Sa lettre du 30 mars 1622 pour recommander son fils à 
la maison ducale est d'ailleurs fort jolie... « JSel cui tempo 
(1583) fui introdotto tenero giovanotto a rappresentare 
alcune comédie al signor Guglielmo, il cui accidente con- 
vertitosi poi in natura, io ho nel corso di trenta cinque 
anni (con puoea intermitlenza) sempre servito alla sere- 



SOUS LE RÈGNE DE HENRI IV. 177 

L'auteur du livre « Molière et la Comédie Italienne » 
se trompe, quand il dit que Pier-Maria Gecchini 
(Fridelin) n'a jamais joué en France ! . Nous l'avons 
déjà vu dans la Compagnie qui vint avec Arlequin au 
mariage de Henri IV. Son jeu était des plus variés, 
et il prenait facilement, à l'occasion, un autre rôle 
que celui du personnage déterminé qu'il s'était créé. 
Il advenait, en effet, rarement dans la carrière des 
comedianti delF arte, qu'un acteur ne gardât pas tou- 
jours le rôle du personnage dont il portait le nom. 
Quand, dès les débuts, on avait réussi sous le masque 
et dans les bons propos d'Arlequin, on restait cet Har- 
lequin pendant toute sa carrière, et comme on pou* 

nissima sua casa. Servit ait altezza vostra mentre era nel 
ventro délia madré, et spero di servir nel ventro délia 
serenissima consorte la sua proie che nostro signor voglia 
che sia in brève corne lo spero.,. » Archives de Mantouc. 
Correspond, de Venezia. E. XLV. 

1 Ce sont de ces erreurs très- naturelles, du reste, lorsqu'on 
n'a pas connu des textes originaux qui permettent d'assurer 
telles ou telles choses. M. Moland n'est d'ailleurs pas affirma- 
tif dans la note de la page 34 de son intéressant ouvrage : il 
dit : « ...Pier-Maria Gecchini, connu sous le nom de Gian-Fri- 
tello ou Fritellino, qui eut un succès extraordinaire à la cour 
de Mathias, empereur d'Allemagne, et qui fut anobli par cet 

empereur ne paraît pas être venu en France, mais son 

personnage Fritelin ou Fristelin figure dans les farces tabari- 
niques. » 

12 



178 LES COMEDIENS ITALIENS. 

vait toujours parfaire son personnage et varier ses 
dires, on arrivait ainsi parfois à la plus grande ori- 
ginalité et à l'excellence du jeu, du débit, des gestes 
et de la mine. FrittelUno, lui, était homme à bien 
paraître en des rôles très-différents de la Comédie 
Italienne. Il avait épousé une comédienne, la signora 
Flaminia, mais il n'y a guère lieu de croire que le 
bonheur qu'il put avoir en son ménage, dura bien 
longtemps. Les archives de la maison de Gonzague 
contiennent beaucoup de ses lettres qui montrent 
que cette union avec la signora Flaminia, non moins 
que sa rivalité de profession avec Arlequin, ne lui 
accordèrent que peu de repos d'âme et de quiétude 
d'esprit. Quelles doléances ! Quelles lamentations ! 
Quelles intrigues 1 ! Fort expansif dans ses lettres au 
Duc son patron, il semble que toute sa vie intime 
se soit passée à chercher un repos qui le fuyait tou- 
jours. « En proie à mille soucis, n'avoir jamais une 
heure di beato », disait-il. Mais bien que de tels 
troubles le poursuivissent, les succès ne le suivaient 
pas moins aussi partout où il se montrait. On se de- 
mande même comment, — pour nous servir d'une 
expression d'un comédien son confrère — « la chose 

1 II faut voir la correspondance envoyée de Milan, Bo- 
logne, Turin, surtout, pendant les années 1605 et 1609, 
aux Archives de Mantoue. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 179 

comique pouvait encore hanter son esprit et en sortir 
pour l'agrément de la scène » . Eh bien, il jouait 
a merveille, et le duc de Mantoue avait heait lui 
infliger des disgrâces dont le comédien semblait de- 
voir mourir par le dépit et le déplaisir, ledit Duc, en 
somme, revenait toujours à lui, comme étant celui 
qui le pouvait mieux divertir et charmer. Il avait 
d'ailleurs de l'instruction, et pouvait convenable- 
ment s'entretenir avec gens d'esprit et de savoir. 
Ses plus beaux jours furent à la cour de l'Empereur 
en 1613 et en 1614. Ce comédien plut si fort à ce 
prince par ses mérites et son éducation qu'il le voulut 
déclarer gentilhomme, et il lui donna le brevet 
d'anoblissement par lettres impériales du 22 no- 
vembre 1614. Pier-Maria Gecchini avait la plume 
facile et laissa quelques écrits. Ainsi : « Discours svr 
les comédies, les comédiens et les spectateurs où il est 
question des représentations qui se peuvent écouter et 
permettre l ; » « Les avantages des comédies modernes 
et avis à qui les récite *, » « Lettres morales* » et deux 

1 Discorso intorno aile comédie, comedianti e spetta- 
tori, etc. (In Vicenza, Amadio. 1614.) C'est un opuscule de 
37 pages. 

* Frutti délie moderne comédie et avisi a chi le récita» 
(Padova, 1628.) 

3 Lettere faceti e morali. (Venezia, 1622.) 

12. 



180 LES COMEDIENS ITALIENS. 

petites pièces : Âmico tradito et Flaminia schiava 1 . 
Venise, de toutes les capitales italiennes, était celle 
qui l'attirait le plus, et il écrivait au duc de Mantoue 
en 1612 qu'il y fixerait sa demeure pour toujours. 
Mais le toujours se passa partout jusqu'à ce qu'il allât 
en un autre monde en 1645. Francesco Bartoli, 
dans ses Notizie Istoriche, lui a consacré quelques 
lignes dont trois valent toute une biographie : ci H 
faut donc considérer, dit-il, Pierre-Maria Cecchini 
comme un personnage excellent au théâtre, comme 
un écrivain érudit en son cabinet, et comme un gen- 
tilhomme dans la société. On devra toujours voir en 
lui de grands mérites et beaucoup de qualités. » En 
n'admettant même en réalité que la moitié de 
l'éloge, on peut croire que ce bon personnage fit 
bonne figure à la cour de Henri IV, et il est naturel 
que le Roi, la Reine et Paris aient su gré à Mon- 
sieur de Mantoue de le leur avoir envové avec la 
Compagnie qu'il avait bien formée. 

Don Jean de Médicis, ainsi que nous l'avons dit, 
favorisait fort, pendant qu'il était à la Cour, la 
troupe des comédiens Accesi. Par cette faveur 
même, il leur avait attiré, sinon la disgrâce, du 
moins le mauvais vouloir du triste serviteur de la 

1 Imprimées, l'une à Milan, 1610, l'autre à Venise. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 181 

Reine, Goncino Goncini, qui voyait avec déplaisir la 
présence de Don Jean et redoutait ses propos trop 
piquants 1 . Don Jean parti, il est à croire que 
« maître Gonchine » tenta quelques mauvais tour 
de sa fabrique pour nuire à la Compagnie. Ges pa- 
roles de Fridelin le donnent du moins à penser : 
nous les trouvons dans sa lettre du 7 mai 1608 : 

« Le départ du seigneur don Giovanni de Médicis nous 
est d'un grand préjudice, et sa trop grande protection 
nous vaut à présent quelques embarras. Car celui qui 
pourrait nous favoriser, se prépare à nous nuire. Si 
j'avais une lettre de Votre Altesse pour monsieur Con- 
cini, je me tirerais mieux d'affaire. Autrement je n'ima- 
gine pas de m'en tirer de manière à m'en pouvoir dire 
très-bien*. » 

Les choses, néanmoins, ne paraissent pas avoir 
été si mal pour messieurs les Comédiens, et s'ils fai- 
saient quelques doléances, elles étaient peu justi- 
fiées. L'ambassadeur de Mantoue écrivait le 30 mai : 

« Les comédiens touchent sans difficulté les deux cents 
écus par mois qui leur ont été assignez pour leur traite- 
ment, et il semble que Sa Majesté les veuille retenir tout 
l'hiver prochain. » 

1 L'ambassadeur vénitien dit dans sa dépêche du 25 mars 
que Don Giovanni a pris congé du Roi qui en a montré tout à 
la fois « gran meraviglia e notabile dispiacere » . 

8 Arciiives de Mantoue. Série France, E. xv. 



189 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Puis, eut lieu le voyage et séjour à Fontainebleau. 
Le Roi, cette année 1 608, fut sans cesse en ses châ- 
teaux, forêts et jardins de l'Ile-de-France. Il allait et 
venait. Paris ne le voyait au Louvre que de passage, 
le plus souvent pour la réception des ambassadeurs 
étrangers. Les Comédiens furent appelés à Fontai- 
nebleau en diverses circonstances. Ce fut où M. le 
Dauphin les vit pour la première fois. 

Cette année même, en effet, le petit héritier de la 
couronne eut lieu de se croire sinon un grand person- 
nage, — ce qu'il savait déjà être, — du moins une 
grande personne. C'est à cette époque, au mois de 
juin, qu'on lui fit quitter l'habillement d'enfant; qu'il 
revêtit le pourpoint et les chausses; qu'il prit le 
manteau et l'épée, la petite épée que lui avait donnée 
Monsieur de Lorraine. Il était fort gentil à voir habillé 
de satin incarnat avec passements d'argent. Il eut 
aussi son premier petit laquais. On le mena à la Co- 
médie Italienne pour la première fois le 3 juillet 2 , 
où il vit avec étonnement ce fameux Cola que M. de 
Mantoue avait tant recommandé comme une nou- 
veauté! Nous croyons, en effet, que le signor Cola 

1 Voyez Bibliothèque Nationale, Manuscrits, F. Fr., n°4023, 
le « Journal de la vie active du Roy Louis treizième » par 
M. Jehan Herouard, S r de Vaugrigneuse, premier médecin. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 183 

mêlait à son jeu, dans la commedia delt' arte, des 
tours de gymnaste peu connus jusqu'alors et que les 
chroniques du temps disent avoir été surprenants. 

Ce fat aussi une fête pour les comédiens de voir 
arriver à la Cour Don Vincenzo Gonzaga, troisième 
fils de leur Duc et patron, puis la personne même 
duditDuc et patron leur souverain. Le jeune prince 
précéda son père. Il arriva à Fontainebleau le 
12 août. Il était le neveu de la Reine. M. le Dau- 
phin l'embrassa tout aussitôt, le mena par la gale- 
rie- au jardin des Pins, à celui des Canaux, lui mon- 
tra la source, les autruches et toutes les raretés. Ce 
qui est plaisant, c'est que le lendemain, de gaie 
humeur, ayant à donner le mot d'ordre à M. de 
Cressy et à M. de la Court, exempts des gardes, il se 
prit à donner le nom du premier comédien de la 
troupe de Monsieur de Mantoue, « Fridelin » , et 
comme il voyait qu'on en riait, il en voulut donner 
un autre, mais on lui dit qu'il ne fallait point chan- 
ger puisqu'il l'avait prononcé, et il le maintint. M. le 
Dauphin prit ainsi goût à honorer de cette sorte 
messieurs les Comédiens Italiens, au moins durant 
cette semaine-là, car le lendemain du jour où l'idée 
lui était venue de donner pour mot du guet le nom 
de Fridelin aux exempts des gardes , il donna le 



184 . LES COMÉDIENS ITALIENS. 

nom de Pantalon et le surlendemain celui de Cola, 
et trois jours après celui de Piombino et encore 
après, celui de Stefanello '. Il faut croire que toute 
la troupe, moins les dames, fut ainsi nommée aux 
exempts du guet. C'était nouveau. 

Monsieur le duc de Mantoue arriva à la Cour, un 
mois et demi environ après que Don Vincenzo, son 
fils, eut fait sa visite. Il avait quitté son duché à la 
mi-juin, s'était rendu a Bâle, à Cologne, à Spa, en 
Lorraine, aux Pays-Bas, en Hollande. Il fut à Paris 
le 28 septembre où le Roi vint de Monceaux, le même 
soir, pour recevoir et embrasser monsieur son beau- 
frère. On fit grand et agréable accueil à ce beau 
prince, chef de la maison de Gonzague. Il avait 
alors quarante-cinq ans et régnait sur son duché 
depuis l'année 1587. Ses relations avec le Roi 
étaient bien antérieures à l'époque du mariage avec 
la Princesse de Toscane, mariage par lequel il de- 
vint son beau-frère. Dès l'année 1590, Henri IV lui 
envoyant le sieur de Maisse son ambassadeur à Ve- 
nise, pour le visiter à Mantoue, lui avait écrit de sa 
main ce peu de lignes qui ne se ressentent point du 
formalisme des chancelleries : uMoncousyn, croyés, 

1 Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Idem Journal de 
M. Heroard. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 185 

je vous prye, que je ne suys poynt assey faynt ny froyt, 
et que vous joygnant damytié avec moy, je ne vous 
abandonnera poynt au cas que vous soyés travayllé par 
vos ennentys 1 . » Plus tard, après le mariage du Roi, 
une correspondance très-suivie entre les deux sœurs 
Médicis et des échanges fréquents de charmants 
cadeaux avaient beaucoup entretenu les relations des 
deux Cours. Monsieur de Mantoue avait d'ailleurs 
de fort belles parentés ; sa mère était de la maison 
d'Autriche, su femme de la maison Médicis, sa sœur 
avait épousé le dernier Duc de Ferrare, son fils aîné 
l'Infante de Savoie, sa fille le Prince de Lorraine; son 
second fils avait la pourpre. En France, ses parents 
étaient le Roi et Monsieur de Nevers. Il était un prince 
dilettante dans toute la qualité possible , comme la 
plupart de ceux de sa maison depuis cent ans. Pas- 
sionné pour les arts, protecteur des artistes, il avait 
depuis huitannéesRubenspour pensionnaire ; Porbus 
était son peintre de portraits; Monteverde, le maître 
et compositeur de sa musique. Dans sa jeunesse, il 
avait grandement contribué à la mise en liberté du 
Tasse le poète. Puis, on le savait chevaleresque; il 
avait pris trois fois part aux guerres contre le Turc. 

1 Archives de Mantoue. Lettres de France. 1590. 18 avril. 
Au camp de Bruy. « A mon cousin le Duc de Mantoue. » 



186 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Les goûts du faste, du luxe, des fêtes, le distinguaient. 
Beau joueur il était, et le plus souvent de belle hu- 
meur. Tel était le patron des Comédiens italiens qui 
alors jouaient à Paris. Depuis qu'il régnait, il avait 
toujours eu une troupe qui portait son pavillon, que 
Ton appelait partout « Les Comédiens de M. le duc de 
Mantoue » ; elle était engagée tour à touf pour Ve- 
nise, Milan, Ferrare, Bologne, Florence, Turin et 
Rome. Il s'en occupait comme d'une académie. Et 
comme les humeurs étaient souvent disparates parmi 
les sujets, on peut dire, quand on a lu, comme nous 
l'avons fait, toute sa correspondance, que la troupe 
de ses comédiens lui donna peut-être plus de préoc- 
cupations et soucis que toute l'administration de ses 
deux États de Mantoue et de Montferrat. Ce séjour 
qu'il fit en France, en 1608, le seul d'ailleurs qu'il 
ait jamais fait, dura près de trois semaines pendant 
lesquelles le Roi ne le quitta pas un jour, le menant 
à ses châteaux, à Saint-Germain, à Fontainebleau, 
l'initiant à ses projets de grand bâtisseur. Il quitta 
la Cour le 24? octobre ! . 



1 Nous avons déjà parlé de Vincekt I er , duc de Mantoue, dans 
plusieurs de nos publications historiques. Voyez, dans la 
Gazette des Beaux- Arts de Tannée 1866, notre travail sur 
Pirrre-Paul Rubehs, peintre au service de la cour de Man- 
toue, 1601-1608. 



SOUS LE REGNE DE HENRI IV. 187 

De toutes parts, naturellement, on lui avait fait 
de grands compliments sur ses comédiens, et cha- 
cun s'en trouva bien. Du reste, le départ du patron 
et souverain précéda de peu de jours celui des su- 
jets. Ces derniers durent quitter la France, le mois 
suivant, en novembre. Il existe, en effet, un billet 
de la Reine, du 26 octobre, pour constater le plai- 
sir qu'ils avaient donné et le succès qu'ils avaient 
mérité. C'est un compliment d'adieu avec le souhait 
d'un prompt retour. La Reine leur fit cet honneur en 
ce peu de lignes adressées à M. de Mantoue : 

Mon Frère. Frittelin s'en retournant avec sa bande 
de comédiens Italiens à Mantoue pour passer cest hiver 
en ces quartiers là, je lay bien voulu accompagner de ce 
mot pour vous assurer que jay receu beaucoup de plaisir 
et de satisffaction de luy et de sa compagnie, laquelle 
croyant se devoir rendre meilleure par le séjour quilz 
feront par de là, jauray d'aultant plus à plaisir quilz 
reviennent icy l'année prochaine, comme ilz mont pro- 
mis. Vous priant de leur promettre et cependant Tes 
favoriser de votre auctorité en ce quilz en auront be- 
soing. Et sur ce je prie Dieu mon frère quil vous ayt en 
sa sainte et digne garde. Escript à Fontainebleau le 2P> 
jour d'oclobre 16 . . . 

Votre bien bonne Sœur 
Marie 1 . 

1 Archives de Maktoce. Cartons : France. E. xt. 



188 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Ce n'étaient point seulement là des paroles banales 
de compliment ordinaire. Le désir de revoir « les 
comédiens de la troupe de M. de Mantoue » fut 
très-marqué. Le Roi, dans le cours de l'année sui- 
vante (1609), témoignait souveut aux seigneurs 
d'Italie ou à personnes qui s'y devaient rendre, du 
plaisir qu'il prenait aux façons et modes du jeu de 
ces comédiens. Il était d'un naturel à se gaudir fort à 
leurs extrêmes facéties qu'il comprenait à merveille. 
II aurait voulu leur retour en France, cette année 
même, d'autant plus qu'il n'ignorait pas que la 
troupe nouvellement formée possédait cemême-4î7e- 
quin qu'il souhaitait d'entendre, même après dix ans. 
Depuis Tannée du mariage royal, en effet, ce comé- 
dien n'avait paru ni dans Tune ni dans l'autre des 
compagnies qui étaient venues a la Cour. Puis cette 
Compagnie n'était-elle pasalléedeux fois à Turin chez 
Monsieur de Savoie? En ce mois d'octobre même où 
on la désira plus vivement encore pour le séjour a 
Fontainebleau, sans doute, n'était-elle pas à Turin? 
Et, bien qu'un peu éprouvée par des dissensions intes- 
tines, par des querelles et intrigues amoureuses, 
par des aventures qui auraient fait la joie de Mon- 
sieur Scarron si l'auteur du « Roman comique » eût 
vécu alors et qu'il les eût connues, ne pouvait-elle 
pas faire un effort et passer les monts? Dix sujets, 



SOUS LE REGNE DE HEN1U IV. 189 

d'après le dernier projet, devaient la composer, et il 
n'y avait alors meilleurs personnages en toute l'Italie, 
c'étaient Flaminia, Flavia et une soubrette (Fantesca) 
pour ce qui était des femmes, Cintio et Orazio pour 
les amoureux, Rînoceronte , Pedrolino, Fritellino, 
Arlechino et Graziano pour les caractères et les 
masques. Mais, en somme, le désir qu'on eut de leur 
retour ne fut pas porté jusqu'à l'ouverture d'une nou- 
velle négociation. On en demeura au chapitre des 
souhaits. Le Roi avait, du reste, à cette époque, 
autres choses plus passionnantes en l'esprit. C'était le 
temps, en effet, de son extrême tourment pour la 
jeune princesse de Condé « madamoiselle de Mont- 
morency » . Il fallait que ce fût bien fort pour que le 
duc de Nevers, contant la chose au duc de Mantoue, 
dans une sienne lettre du 3 juillet, lui ait pu dire : 
« C'est une telle furye damour et qui tient ses sens 
sy embarrassés que quasy il nest capable d'autres 
affaires sinon celles qui concernent ceste affection. 
Le prince de Condé et luy ont eu de grandes paroles 
sur ce subiect, et craint on qui! nen arrive de grands 
accidents ' ... » 

Mais l'année se passa telle quelle. Puis au com- 
mencement de la suivante (1610), le Roi Henri eut 

1 Archives de Maeitoue. Lettre originale de M. de Nevers. 



190 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

les grands soucis que l'on sait, au chapitre de 
l'amour qu'il ressentait encore pour la femme de 
Monsieur le Prince, et au chapitre de la guerre qu'il 
méditait contre l'Espagnol. Et ce fut alors que le 
mécréant Ravaillac accomplit l'horrible ouvrage, 
qu'en son esprit fanatisé , il avait ourdi contre la 
personne du Roi, lequel expira le 30 mai, laissant 
au royaume la Reine pour Régente, M. le Dauphin 
n'étant alors qu'en sa dixième année. 



CHAPITRE SIXIEME 

SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉD1CIS* 

1611-1614. 

La Reine-Mère et Régente ouvre de nouvelles négociations 
pour avoir à la Cour les Comédiens du duc de Mantoue. — 
Elle demande formellement qu'Arlequin soit de la Compa- 
gnie. — Physionomie de ce personnage. — Fort célèbre 
de son temps : très- oublié ensuite. — Il était de Mantoue. 

— Ses papiers de famille, tels que Testaments et Codi- 
cilles. — Le cardinal de Gonzague, neveu de la Reine, 
engage les négociations pour l'envoi des Comédiens du duc 
de Mantoue, son père, à la cour de France. — Arlequin 
écrit à la Reine-Régente pour lui demander d'être la mar- 
raine de l'enfant dont la naissance doit être prochaine. — 
Réponse de la Reine qui l'appelle en France (3 sep- 
tembre 1611). — Correspondance échangée entre Arle- 
quin et le cardinal de Gonzague (décembre 1611). — Pro- 
tocole d'Arlequin. — « L'Illustrissime seigneur compère.» 

— Manèges du comédien pour avoir la direction de la 
troupe. — Mêmes vu es ambitieuses de la signera Florinda. 

— Lettres de la signora Florinda au cardiual de Gonzague 
(3 décembre 1611). — Dernière lettre du duc de Mantoue, 
Vincent I 6r (janvier 1612). — Correspondance suivie entre la 
Reine-Régente et Arlequin (3 septembre 1611, 28 juin 1612, 
21 juillet 1612). — Difficultés nouvelles de la part des 



192 LES COMEDIENS ITALIENS. 

comédiennes Flaminia et Florinda. — Lettre d'Arlequin 
au cardinal de Gonzague, alors à Rome (août 1612), et au 
duc François, fils et successeur de Vincent 1 er (août idem), 

— Embarras du Cardinal, son frère. — Personnages dési- 
gnés par Arlequin pour faire partie de la troupe à desti- 
nation de France. — Lettre de la signora Florinda 
(15 août 1612) au Cardinal. — Lettre delà Reine à Arle- 
quin (4 septembre 1612) et à son neveu le duc de Mantouc. 

— Suite de la correspondance d'Arlequin avec le Cardinal 
(octobre 1612). — Spécimen surprenant de son style bouf- 
fon et osé dans sa lettre du 26 octobre 1612. — Mani- 
festation de toute la troupe dont chacun signe la lettre 
•d'Arlequin (26 novembre 1612). — Grand succès à Flo- 
rence. — Dons de la cour de Toscane aux Comédiens. — 
Lettres de la Reine à Arlequin (7 novembre et 13 dé- 
cembre) et au grand-duc de Toscane. — Autres lettres de 
la Reine au Comédien (26 et 27 mai 1613). — Elle accepte 
de nouveau d'être la marraine de son prochain enfant. — 
Assurance formelle de la prochaine arrivée de la Compa- 
gnie à Paris. — Nouveau retard. — Court séjour à Turin. 

— Monsieur de Savoie veut six comédies. — Beau traite- 
ment qu'il fait aux Comédiens. — Arrivée à Lyon. — Lettre 
d'Arlequin écrite de Lyon au comte Striggi à Mantouc, 
26 août 1613. — Arrivée à Paris. — Beau traitement et 
bon accueil. — Séjour de la Compagnie à Fontainebleau.— 
Lettre d'Arlequin (4 octobre 1613). — Détails sur la récep- 
tion de la Reine-Régente. — Lettre au duc de Mantoue 
sous une forme feinte et plaisante (4 février 1614). — 
Lettre de la Reine au duc de Mantoue en sa faveur (9 oc- 
tobre 1613). — Pénurie des informations dramatiques 
proprement dites. — Un seul mot du S r de Peiresc. — 
Quelques mots du S' de Malherbe, et c'est tout. — Mau- 
vaise impression de la Comédie Italienne sur l'esprit de 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 193 

Malherbe. — Les Comédiens à Fontainebleau. — Le Roi 
les va entendre presque chaque jour. — Détails empruntés 
au Journal de M. Heroard, premier médecin. — Tout 
l'hiver de 1614 à Paris. — Continuelle bienveillance de la 
Reine. — Le Roi parrain, 27 janvier 1614. — - Les papiers 
de finances signés par le Roi pour le traitement des Comé- 
diens (25 février 1614). — Le Roi quitte Paris le 5 août. 
— Congé des Comédiens Italiens. — Lettre de la Reine- 
Régente à sa nièce de Lorrraine en faveur de Lelio et de 
Florinda (20 juillet 1614), et à son neveu le cardinal-duc 
de Mantoue. 



Bien plus longues et plus difficiles encore furent les 
négociations qui eurent Heu pour former et mettre 
d'accord la troupe des Comédiens Italiens, appelée 
à la cour de France, depuis la mort de Henri IV. 
Ouvertes le 4 septembre 1611 par une lettre de la 
Reine-Régente à Arlequin, ces négociations ne furent 
pas closes avant le mois d'octobre 1613. Elles avaient 
duré deux ans ! Les personnages qui y avaient pris 
part étaient la Reine-Régente, le cardinal deGonzague 
et le futur chef de la compagnie, le très-bon comé- 
dien Arlequin. Lettres, audiences, pourparlers, pro- 
messes, conventions, ratifications, rien n'y manqua. 

Quel était ce maître « Harlequin » dont le proto- 
cole facétieux en sa correspondance avec la Reine 
portait pour suscription : « A la Reine ma commère » , 

13 



194 LES COMEDIENS ITALIENS. 

laquelle, se payant de même monnaie, lui répondait 
à cette enseigne : « à Harlequin mon compère »? Il 
était le même que Ton avait vu en France aux fêtes 
du mariage de Henri IV à Lyon, puis à Paris, l'an- 
née 1601. Il s'appelait de son nom de famille «7m- 
tano Martine lli » ou « Tristanus de Martin ellis », fils 
de « Franciscus, citoyen et habitant de Mantoue ». Son 
frère Drusiano, marié à la comédienne Angelica, 
s'occupait, déjà en 1580, de former des compagnies 
dramatiques, et les deux frères étaient ensemble en 
Espagne en 1588 ! . Il est à croire que Tristano avait 

1 Voir le fragment de lettre de Drusiano Martinelli à sa 
mère Lucia, communiqué à M. Adolfo Bartoli par M. le pro- 
fesseur WillelmoBRAGHiROLLi. Introduzione déjà citée, p. 120. 
Je ne laisserai point passer ce nom sans adresser à celui qui 
le porte, l'hommage de courtois souvenirs. J'ai beaucoup 
connu l'obligeant et savant professeur Willelino Braghirolli, 
pendant mon long séjour à Mantoue. Je crois que beaucoup, 
de savants ont, depuis, mis à l'épreuve son obligeance et son 
savoir. C'est avec un grand plaisir que je rappelle ici le 
temps de nos entretiens chez le comte Carlo d'ÀRCo sur l'in- 
térêt et la richesse des archives de Mantoue. Je ne puis d'ail- 
leurs oublier que son nom s'est un peu associé au mien, car 
lorsque j'eus publié à Paris dans la Gazette des Beaux-Arts, 
les premiers résultats de mes recherches dans les archives 
des Gonzague, en 1866, il voulut bien les traduire pour les 
publier dans la Gazetta di Mantova d'abord, puis en opus- 
cules de librairie sous le titre de : « Ricerche di documenti 
dArte e di Storia negli Archivi di Mantova » (Tipogr. L. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 195 

fait ses débuts dans la première ou la seconde troupe 
des Gelosi. Lorsqu'il devint un personnage, il se 
prit à signer ses lettres « Arlechinus » , et lorsque, par 
ses succès, il se trouva plus glorieux, il signa volon- 
tiers « Dominus Arlechinorum » . C'est lui qui, mieux 
que pas un, en ces temps-là, aurait pu se faire, sur 
ses vieux jours, le notable historien de tout cet art 
italien si particulier de la Commedta dell'arte, telle 
qu'elle se jouait au seizième siècle et au commence- 
ment du dix-septième, à toutes les Cours et dans 
tous les États de la Péninsule. Dès ses jeunes ans, 
n'avait-il pas fait partie de toutes les Compagnies 
qui représentaient à Venise, à Mantoue, à Ferrare, 
à Rome, à Milan, à Florence et à Turin? Il avait vu 
successivement se créer tous les personnages qui 
avaient inventé, ou développé, ou perfectionné les 
rôles du • Magnifico », de « Frittelino », de « Mata- 
moros » , de « Cola », de « Lelio » , de « Rinoce- 
ronte », de « Cinthio » , et en dernier lieu de « Met- 
zetin » . Il vit même en ses débuts le fils de Tiberio 
Fiorilli, le fameux Scaramouche. Il n'y eut intrigue 
de la vie dramatique italienne auxquelles il n'ait eu 

Segna, 1866). M. Braghirolli a publié, depuis, divers docu- 
ments qui sont tous d'un vif intérêt pour tous les curieux d'in- 
formations exactes sur la personne et les œuvres de divers 
artistes italiens au seizième siècle. 

13. 



196 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

part. Il était aussi prompt à la plume pour écrire des 
lettres bouffonnes qu'à la parole, pour l'exercice de 
sa profession comique. Il était remueur, perturbateur, 
souvent trouble -fête pour la troupe dont il faisait 
partie. Fort glorieux, une fois qu'il se vit du bien et 
se connut du renom, il affecta, dans les voyages et 
pendant les séjours, de se détacher de ses compa- 
gnons. Il faut dire que les princes et les seigneurs 
encourageaient cette humeur glorieuse par mille 
faveurs de tout genre. Autant, cependant, le nom 
personnel des seigneurs Arlequins ses successeurs, 
dans la seconde moitié du dix-septième siècle, a 
conquis de la notoriété et même de la célébrité, autant 
le sien est demeuré obscur depuis sa mort jusqu'à 
présent. Qui n'a connu et ne connaît le nom de l'Ar- 
lequin qui, de 1661 à 1688, joua de si bons rôles, à 
la cour et à la ville, sous Louis XIV, Domenico 
Biancolplli? Mais qui, jusqu'à ces derniers temps, a 
entendu nommer Tristano Martinelli, ce Martinelli 
qui fut l'Arlequin pendant vingt ans du seizième 
siècle et vingt-cinq du dix-septième, et qui, jamais 
appelé autrement qu'Arlequin, exerça avec tant de 
verve et de faconde la profession de divertir? Croi- 
rait-on qu'il n'est même pas nommé dans l'ouvrage 
de Francesco Bartoli publié en 1781 à Padoue : 
« Notizie istoriche dei Comici italiani » ? C'est par sa 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MÉDJCIS. 197 

correspondance privée avec ses patrons et souve- 
rains de la maison de Gonzague que nous l'avons 
trouvé et fait renaître 1 . La curiosité que justifie le 
personnage nous a porté même à demander son 
testament au Dépôt des actes notariés de l'ancien 
duché de Mantoue, et nous avons pu reconnaître 
par un sien codicille de Tannée 1606 que déjà, à 
cette époque, la comédie avait mis ce maître Arle- 
quin en assez bel état de finances pour qu'il se pût 
donner pignon sur rue, maison aux champs, biens 
au soleil, et bons meubles en ses demeures. Par 
diverses fois, il avait renoncé au rôle qui avait fait 
sa fortune, prenant Dieu à témoin, et alléguant avoir 

1 Ainsi que, diverses fois déjà, nous l'avons dit, c'est pen- 
dant une grande partie de Tannée 1865 que nous avons fait 
nos recherches, pris nos notes, exécuté et fait exécuter les 
copies de tant de documents intéressants, dans tous les genres 
de l'histoire, aux Archives de Mantoue. Mais, tout dernière- 
ment, en lisant YIntroduzione très-savante et piquante due 
à la plume de M. Adolfo Bartoli, nous avons vu qu'en 
Tannée 1870, M. Attilio Portioli, de Mantoue, avait produit, 
dans une publication qui s'imprime habituellement à l'occa- 
sion du nouvel an, « La Strenna Mantovana » , diverses par- 
ties de la correspondance de Messer Martikelli : *Brano delt 
Epistolario a°Arlecchino. » C'est la même que celle dont nous 
donnions l'avis dans notre ouvrage • Le Roi chez la Reine » 
(seconde édition, chapitre dixième, pages 269, 270, 271). Pelit 
in-8*. Paris, H. Pion, 1866. 



198 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

fait vœux de retraite, de vie paisible et de renonce- 
ment à la scène. Mais il se trouvait toujours qu'en 
fin de compte, ce n'étaient que serments éphémères, 
serments d'Arlequin, pourrait-on dire. Toutefois il 
dut, en diverses occasions, surtout en ses maladies, 
éprouver le besoin sentimental de racheter son âme 
devant le Seigneur, car en ses testaments, il se 
montre fort prodigue de dons et bienfaits pour le 
spirituel. Son codicille du 18 mai 1606 est particu- 
lièrement curieux à cet égard et mérite d'être rap- 
porté. 

H y a de lui un premier testament en date du 
18 mars 1603, dont ledit codicille est assurément 
plus étendu que le testament même. Le notaire qui l'a 
rédigé en latin ne traite rien moins que de « Magni- 
ficus » le testateur. Donc « Magnifiais Dominus 
Tristanus, filius Domini Francisci de Martinellîs, 

dictus Arlichinus, civis et habitator Mantuse », 

laisse à Gassandra de Guanteriis, sa femme, toutes 
ses pierres précieuses orientales, les vêtements de 
soie et or, les chaînes, l'argenterie, tous tableaux 
grands et petits, les tapisseries, les tentures en cuir 
doré. Elle remettra toutefois les cuirs dorés et les 
tableaux à la chapelle du Rosaire qu'il a fondée 
dans l'église du village de Gastelli. Le même 
« Magnificus » partage quelques legs entre ses ne- 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 199 

veux légitimes Fulvio, Matteo et Vincenzo, sans 
oublier l'illégitime, Jean , fils naturel de son frère 
Drusiano, né à Paris de demoiselle Catherine, Pari- 
sienne, au voyage de Tannée 1601. 11 veut qu'une 
messe soit dite, chaque vendredi, en l'église de 
Santa-Maria Ànnunziata de Florence, à l'autel pri- 
vilégié, pour racheter une âme du purgatoire, et que 
douze autres messes soient dites, le premier samedi 
de chaque mois, à l'autel de 1* Annunziata, pour 
l'agrément de son âme d'abord, de l'âme de Cas- 
sandra sa bien-aimée femme ensuite, et finalement 
des âmes de ses parents. Dix jeunes filles pauvres 
recevront vingt écus chacune. Chaque samedi en- 
core, les litanies de la Madone seront chantées à la 
chapelle du Rosaire qu'il a fondée à Castelli pour le 
soulagement de son âme ! . 

Il est à croire que le « Magnifcus Trlstanus de 
Martinellis dictus Arlechinus » était encore dans les 
mêmes intentions et pensées à l'heure de sa mort, 
laquelle advint fort au delà des dates de ses derniers 
testaments et codicilles que nous venons de citer. Le 

1 Les copies authentiques des deux testaments de Tristano 
Martinelli detto Arlechino m'ont été remises, sur ma de- 
mande, par le chancelier de I'Archivio kotarilb (Archives 
des Notaires) de Mantoue, le 9 décembre 1865, moyennant 
le solde des tarifs en usage pour choses de chancellerie. 



ÎOO LES COMÉDIENS ITALIENS. 

dernier acte notarié où figure son nom est une ac- 
quisition, pendant Tannée 1627'. 

Tel était cet Arlequin, Tristano Martinelli, ce 
comédien et personnage dont la Reine-Régente sol- 
licitait la venue en France pour le divertissement du 
Roi son fils» de la cour et du public à Paris, en 1 61 1 , 
personnage qui pouvait se permettre d'appeler la 
Reine « ma commère » , laquelle de son côté l'appelait 
son « compère » , ainsi que nous le verrons, dans 
le cours de ce chapitre, par les textes de plusieurs 
lettres plaisantes dont les originaux sont encore dans 
les papiers de Mantoue. 

M. le cardinal de Gonzague, fils du DucdeMantoue, 
ce même Don Fernand auquel Henri IV avait écrit 
en 1606 la lettre familière et charmante que nous 

1 J'ai porté mes recherches sur le Répertoire des actes 
notariés jusqu'à Tannée 1637. D'autres testaments du même 
Martinelli s'y trouvent indiqués, mais les actes mêmes n'ont pu 
être retrouvés alors. Testamentum du 17 mai 1604, du 21 no- 
vembre 1609, du 6 septembre 1612; Codicillum du 19 ma* 
1615 ; Testamentum du 30 mai 1624. Je ne parle pas de tous les 
autres actes tels quemptio, cessio, transactio, donatio, ve?i- 
ditio, investitura, permutation consentio, promissio, subro- 
gation ratification relaxatio et rétrocession Après une pa- 
reille rencontre d'actes, on peut croire que le seigneur Tristano 
dit Arlechino devait être fort honoré par les notaires de la 
ville et États de Mantoue. 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 201 

avons citée, était à la cour de France auprès de sa 
tante, Reine-Régente, en 1611, au mois de no- 
vembre. Il y demçura jusqu'au mois d'avril 1612. Ce 
fut lui qui s'interposa pour faire venir à la Cour les 
comédiens que Sa Majesté désirait. La duchesse 
Éléonore sa mère qui intervenait autrefois si active- 
ment dans ce genre de négociations, était morte 
depuis le mois de septembre, et le Duc son mari, 
après une souveraineté si brillante exercée pendant 
vingt-quatre ans, mourut peu de mois après la du- 
chesse sa femme. Le faible héritier au Duché, son fils 
aîné François, mourut sans laisser d'enfant, à la fin 
de la même année, après dix mois de pouvoir. Le 
grand personnage de la maison était donc en réalité, 
depuis un an environ, son oncle, le cardinal Ferdi- 
nand, lequel devint duc souverain, renonça au cha- 
peau et prit épouse. 

Une correspondance s'était établie entre Arlequin 
et le Cardinal pour les intérêts de la troupe deMan- 
toue. Arlequin l'appelait son « Illustrissime seigneur 
compère » , par suite sans doute de quelque parrai- 
nage demandé et accordé. 

Le comédien était, de son naturel, très-friand de 
ces parrainages souverains pour chaque échantillon 
de sa lignée. A cette époque même, il ne se fit point 



202 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de façons pour viser plus haut qu'à une Altesse prince 
de l'Église; il voulut une Majesté régnante. La 
sîgnora Martinelli, sa femme, se trouvant en nouvel 
état de grossesse, il n'avait pensé à personne moins 
élevée que la Reine de France pour être la marraine 
du nouveau-né qu'il attendait. Gela lui réussit fort, 
du reste, et la réponse de la Reine Régente est un 
bon témoignage de son succès. La voici tout au 
long et telle qu'on la trouve transcrite aux Registres 
du cabinet de Marie de Médicis : 

Harlfquin. J'ai receu à plaisir d'entendre des nou- 
velles de ce que vous me mandez que vostre femme outre le 
filz que Dieu vous a donné d'elle soit encore grosse d'un 
autre. Sur quoy, je vous diray que j'ay volontiers accepté 
la prière que vous me faictes par la vostre de présenter sur 
les saints fonds de B aptes me l'enfant dont elle accou- 
chera, escrivant pour cet effect à Sîgnora Hippolîta 
Fodra femme du sieur Caries de Rossi pour rendre de là 
ce bon office en mon nom. Je vous en addresse la lettre 
et me promets que, comme je sçay que vous aurez le 
choix que j'en ay faîct d'elle bien agréable, je demeure- 
ray aussi bien contente de celuy que vous aurez faict de 
mon neveu le prince de Mantoue pour le tenir avec moy, 
et que mes me vous le faciez nommer du nom que' vous 
m'avez proposé. Si je ne vous envoyé maintenant le 
présent que j'ay volonté de faire à J'enfant lorsqu'il sera 
baptisé, je ne l'ay différé que pour le vous donner en 
mains propres, et pour cet effect je vous charge et vous 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDIC1S. 203 

prie d'assembler avec vous une bonne compagnie de 
Comédiens Italiens et de vous acheminer de ça au plus 
tost, et je doneray ordre cependant de vous faire tenir 
l'argent pour vostre voiage et pour les frais qu'il vous 
conviendra faire, et que vous et ceux de vostre compa- 
gnie aurez subject den demeurer bien contents et satis- 
faicts, et sur ce je prie Dieu À Paris, le 3 sep- 
tembre 1611. 

Marie 1 . 

Cette lettre vraiment curieuse est l'ouverture de la 
négociation qui devait suivre un si long cours. L'ap- 
pel aux Comédiens était fait. Mais que ne fallut-il 
écrire et négocier avant que leur arrivée fût effec- 
tuée! Voici tout le récit. 

Le 3 décembre 1611, Arlequin, répondant 5 une 
lettre que le cardinal de Gonzague lui avait mandée 
•de Paris, le remercie de son intervention gracieuse 
auprès de la Reine. Il sait bien, en effet, que c'est à 
lui qu'il doit la lettre de Sa Majesté. Elle l'invite à 
venir en France avec une troupe de bons comédiens, 

1 Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds des 500 de 
Colbert. Volume 88, fol. 218. Suit une lettre de la Reine à 
madame de Rossi pour lui donner la commission, la « priant de 
l'avoir en bonne part et d'accomplir ce qui sera nécessaire 
pour eette cérémonie, en sorte que les uns et les autres ayent 
sujet d'en demeurer content... » 



204 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Tassurant d'un traitement dont aucun n'aura à se 
plaindre. 11 lui a fait une réponse qu'il a transmise h 
un gentihomme ' de la suite de l'ambassade de Sa 
Majesté à Mantoue. Par cette réponse il avisait et 
informait la Reine de ce qu'elle aurait à faire pour 
avoir une bonne troupe. Du reste, afin que Sa Sei- 
gneurie Illustrissime soit renseignée de même, il lui 
résume ces mêmes avis dans les termes suivants : 

« Sa Majesté devra écrire aussitôt deux lettres, dont 
une à Son Altesse sérénissime. Elle la priera de former 
une bonne troupe pour Pâques en m 9 accordant de la 
conduire à Paris. Elle recommandera à Son Altesse de 
m'en donner l'ordre. C'est à moi que Sa Majesté devra 
adresser l'autre lettre, me donnant l'assurance que les 
comédiens qui viendront à son service, seront bien trai- 
tés et bien vus, me disant en tr'autres eboses qu'ils seront 
défrayés de la dépense du voyage pour l'aller et le 
retour, ainsi que fit le feu Roi. Votre Seigneurie Illus- 
trissime ne feroit peut-être pas mal de m'écrire aussi 
pour m'exborter à venir et donner ainsi courage aux au- 
tres. J'ai bien reçu la lettre pour la signora Ftorinda; 
elle est à Bologne. Ce ne serait pas mal aussi que votre 
Seigneurie lui adressât une lettre particulière, l'encou- 
rageant à venir, lui promettant qu'elle s'en trouvera 

1 Sans doute le S r de Marillac, qui fut envoyé pour se con- 
douloir sur la mort de la duchesse Éléonore, sœur de la Reine. 
(Voir Lettre datée de Fontainebleau le 13 octobre 1611. Bib» 
Nat., 500 Colbert, 88, et Fonds italien, n° 1212.) 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MÉD1GIS. 205 

bien, que le bon traitement sera pour tous, mais qu'il 
lui en sera fait un tout particulier. En somme, il les 
faut attirer comme grenouilles au bon morceau. Je sais 
quel bon jugement Votre Seigneurie a en toutes choses et 
qu'elle n'ignore pas ce que c'est que la Comédie. Qu'elle 
écrive donc à la signora Florinda; qu'elle mande ses let- 
tres à moi, et que dans chaque lettre, elle dise bien 
qu'ils aient à venir avec moi, afin qu'ils sachent que Sa 
Majesté me veut personnellement. Pour le présent, je ne 
lui dirai rien de plus sinon qu'elle me tienne en sa 
bonne grâce, lui rappelant que je suis « Compère », et 
pour faire fin je lui baise ses mains de compère « le corn- 
par esche manin et prie Notre Seigneur la conserver en 
bonne santé. De Mantoue, le 3 décembre 1611. 

m De Votre Seigneurie Illustrissime 
« Le très-affectionné serviteur et compère, 

« Tristano Martinelli, 
ait Arlequin, comédien de Sa Majesté 1 . » 

Il y a, à cette lettre, un post-scriptum fort plai- 
sant qui prête à croire qu'Arlequin n'avait pas gardé 
un bon souvenir du Trésorier de Lyon lorsqu'il avait 
paru en France, dix ans auparavant. Les trésoriers, 
on le sait, montraient, sans gêne, qu'ils avaient les 
oreilles fort dures, en ces temps-là, avant d'honorer 

1 Archives de Mantoue. Maison de Gonzague. Cette lettre 
comme toutes les autres de ce seigneur Arlequin sont en ita- 
lien, dans l'original. 



206 LES COMEDIENS ITALIENS. 

par de beaux écus au soleil, les ordres de finances 
du Roi lui-même. Ce qui est certain, c'est que voici 
le compliment qu'Arlequin, rancunier, prie le car- 
dinal de Gonzague de faire au Trésorier de Lyon, 
lorsqu'il passera de son côté : 

u Je prie Votie Seigneurie de faire mes recommanda- 
tions au très-illustre stnpide chien cornu qui est le tréso- 
rier de Lyon, l'homme à la demi-chaine, et goutteux, 
comme je récris à Sa Majesté ', je lui veux mander une 
recette purgative qui le rendra galant homme. La Reine 
se plaira fort à connaître l'ordonnance qui lui con- 
vient. » 

Cette lettre d'Arlequin était du 3 décembre, et 
déjà le 11, les difficultés étaient déclarées, comme 
on va le voir, par la lettre de la sîgnora Florinda ci- 
dessus nommée, en réponse au message du cardinal. 
La signora Florinda, elle aussi, prétendait aux 
mêmes honneurs qu'Arlequin. Elle veut que le 
soin de former la troupe soit dévolu à elle et à son 
mari (Lelio), c'est-à-dire Giovanni Battista Andreini. 
Elle assure avoir, pour le moment, la meilleure 
troupe qui soit. Arlequin, dit-elle, en fait partie, 

1 II serait plaisant de retrouver les deux lettres qu'Arlequin 
a adressées à la Reine à celte époque. Je les ai vainement 
cherchées dans les recueils de pièces manuscrites où il était 
possible qu'elles fussent. 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 20T 

mais le soin qu'il a pris de mendier le droit de 
former la troupe pour France ne plaît à personne, 
et si cette direction lui échéait, aucun comédien 
ne se rendrait à son appel, chacun le sachant beau- 
coup trop intéressé. Elle regarde donc comme néces- 
saire — moyennant que Sa Seigneurie le trouvera 
bon — de faire en sorte que la mission de former la * 
troupe soit confiée,, au nom de Sa Majesté, à Lelio et 
à Florinda. Une autre condition aussi sera que les 
représentations se donnent dans l'hôtel de-Bourbon. 
La Reine voudra bien le faire disposer; ce lieu, d'ail- 
leurs, étant plus à la main de Sa Majesté et plus- 
commode et avantageux pour les comédiens 1 . 

M. le cardinal de Gonzague avait reçu la lettre 
d'Arlequin en décembre. Le 24 du même mois, il 
donnait part au duc de Mantoue son père des négo- 
ciations entamées avec Arlequin et Florinda, de la 

s 

réponse du premier, de l'extrême désir de la Reine 
d'avoir la compagnie pour le carnaval et du grand 
divertissement que le jeune Roi disait prendre aux 
comédies. Pour toutes ces considérations, il suppliait 
Monsieur le Duc, son père, d'intervenir de tout son 

1 Archives de Martoue. Lettre (en italien) de Virginia 
Andreini delta Florinda au cardinal de Gonzague à Paris 
(datée de Bologne, 14 décembre 1611). 



208 LES COMEDIENS ITALIENS. 

pouvoir afin de complaire à Leurs Majestés 1 . Le Duc 
répondait au Cardinal son fils dès le mois de janvier 
1612: 

Très Illustre et Révérendissime Fils très affec- 
tionné. Il n'est chose que la Reine pouvant désirer ou 
ordonner, je n'entreprenne avec passion. Mais réussir à 
envoyer en France une bonne troupe de comédiens en 
ce temps-ci, la désunion de Fiorinda et de Flatnùiia exis- 
tant, je ne regarde pas cela seulement comme difficile, 
je le regar.de comme impossible. J'en ai eu la preuve 
récente, quelque diligence que j'aie faite. Je n'ai pu les 
unir et décider à se rendre au service du Roi de Hongrie 
dans l'occasion de ses noces, comme il le désirait, et mal- 
gré tous les avantages que Sa Majesté et moi leur offrions. 
Si Arlequin, pour ses intérêts et par ses fourberies, 
donne à entendre différemment à la Reine et à moi, il 
obéit plus à sa façon personnelle de raisonner qu'au soin 
de dire la vérité. Je n'oserais d'ailleurs pas envoyer sous 
mon patronage, à une cour comme est celle de France, 
la troupe de Fiorinda et d'Arlequin, telle qu'elle est com* 
posée présenlement, après avoir vu une de leurs repré- 
sentations à mon dernier passage à Ferrare. J'ai reconnu, 
en effet, que la troupe est pauvre en personnages; deux 
ou trois, tout au plus, sont bons. Toutefois si la Reine, 
mise au fait de ces difficultés, veut que j'essaye de raccom- 
moder cette compagnie, pourvu qu'on ne me parle pas 

1 Archives idem. Lettre (en italien) de Ferdinand, cardinal 
de Gonzague. Paris, 24 décembre 1611. 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDIC1S. 209 

de traiter avec Fridelin et Flamùiia, exclus à jamais de 
mon service pour de juste» motifs, je le ferai. Mais il 
n'y faut pas penser pour le carnaval prochain, la dureté 
du temps et la brièveté ne le permettant pas. J'attendrai 
donc que la volonté de la Reine me soit manifestée. 

Le Duc de Mantoue 1 . 

Ce fut la dernière lettre de Vincent I er , duc de 
Mantoue, du moins, au sujet de ses comédiens. Ce 
prince mourut le mois suivant, en février 1612, au 
plus grand chagrin d'un chacun, dit l'auteur de « Il 
Fioretto délie Cronache di Mantova ». « Sa bienveil- 
lance, sa clémence et sa libéralité l'avaient fait aimer 
non-seulement de ses sujets, mais encore des étran- 
gers qu'il accueillait avec tant de bonne grâce chez 
lui et au dehors 8 . » 

Les négociations demeurèrent eu ces termes jus- 
qu'à l'été suivant. M. le cardinal de Gonzague quitta 
du reste la cour de France au printemps pour se 
rendre à Rome. 

Arlequin, toutefois, n'avait point perdu de vue les 
offres, les avances et le désir de la Reine. Vers la fin 

1 Archives de Mantoue. Lettre (en italien) non datée. 

• Chronique recueillie par Stefako Giotta, notablement 
accrue et continuée jusqu'à l'année 1844 par Astosio Mais ardi. 
(Mantova, Negretti, édit. 1844.) 

14 



*10 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de jtrnt, il h» avait adressé force promesses et attes- 
tations* sur le succès prochain de la formation d'une 
bonne troupe, non moins que sur les heureuses dis- 
positions d'esprit qui l'animaient. 

Il ressort des documents rencontrés çà et là, soit 
dans les Archives de Mantoue, soit dans* les recueils 
du cabinet àe- fa Reine à Paris, que toute un* cor- 
respondance s'était suivie entre Arlequin, dont tes 
lenteurs étaient peut-être calculées, et la Reine qui 
ne drssramîait assurément pas son impatience d'avoir 
à la cour la trempe de Mantoue. Sa Majesté voulait, 
d'ailleurs, les meilleurs sujets. Elle notifia son désir 
d'avoir aussi Fridelin, mais Arlequin, en compère 
jaloux, trouvait peut-être que la Reine demandait 
trop. Toutefois il promettait sans cesse, et la Reine 
continuait d'autant plus à lui beaucoup écrire. Le 
28 juin, nouvelle lettre au comédien qui s'était érigé 
en maître imprésario : 

HA.M,.Baci3w» M'estant promise que suivant mes précé- 
dentes lettres voua avez mis peine d'assembler une bonne 
compagnie de Comédiens Italiens pour les amener avec 
ous au Roy monsieur mon filz et à moy, je vous fais 
encotre celle-ci pour vous dire que nous aurons pour bien 
agréable que vous vous acheminiez au plus tost par 
deçà et faciez en sorte que vostre bande soit accompa- 



SOCJS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. Mi 

gnée de Frîtelin et des autres meilleurs personnages qui 
se pourra, les asseuraut quilz ne se repentiront point d'a- 
voir entrepris le volage. Pour vostre particulier je ne 
double pas que vous ne rapartiez toutes sortes de con- 
tentemens. Je croy que l'affection que vous portiez à feu 
mon frère le duc de Mantoue vous retenoit un peu par de 
là; maintenant que Dieu eu a disposé» il n'y a plus rien 
qui vous doibve empeseber de vous rendre ici inconti- 
nent en ceste court ; aussitost que j'auray advis de vostre 
départ, je donneray ordre que vous trouviez de l'argent 
à vostre arrivée à Lyon. Ne tardez donc guères à venir. 
Et sur ce je prie Dieu À Fontainebleau, le 28 juin 

1012. 

MARir 1 . 

Par une autre lettre du mois suivant (21 juillet 
1612) la Reine, précisant mieux encore, assurait à 
Arlequin qu'elle avait ordonné que la somme de 
3,600 livres lui fût payée à Lyon pour les frais de 
voyage à la Cour, où il trouverait ensuite plus beau 
traitement, 

« Mais il faut (dit-elle) que vous fassiez en sorte d'ame- 
ner la compagnie de Ftorinda ou bien celle de Flamviia 

1 Biblwthèqur Natiokalb. Manuscrits. Fonds des 500 Gil- 
bert. VQUune 89, fbL 57 ter go. Suit une lettre sur le même 
sujet adressée par la Reine, à Monsieur de Rossi, à Mantoue. 
Ce M. de Rossi qui était veau souvent à la cour du feu Roi, 
avait présentement qualité de chevalier gentilhomme ordi- 
naire de la chambre de Louis XIII. 



îlî LES COMEDIENS ITALIENS 

avec Fritelin que l'on dit estre les deux que l'on estime 
le plus eu Italie. En somme, ayez soin de vous rendre 
icy dans le mois de septembre prochain et de vous ac- 
compagner de personages qui respondent à la réputation 
de Harlequin, car plus le Roy monsieur mon filz et moy 
en recevrons de la récréation et du plaisir, plus en devez 
vous aussi tous attendre de reconnoissance et de gratifi- 
cation. Sur ce je prie Dieu , ... » 

Après quoi, nouvelles lettres d'Arlequin (du 
15 août), mais cette fois, adressées au Duc régnant, 
son patron, à François 2 , fils et successeur du tant 
regretté Vincent F r . Le comédien était alors à Milan, 
au mois d'août 1612. Sa lettre à son souverain est 
aussi bouffonne, arlequinesque, et de style libre qu'il 
est possible. Elle est, peut-on dire, tout à fait dans 
sa manière, et par cela même, d'une interprétation 
difficile. « Très cousin cousin et compère bien aimé, 
Cosinissimo cosin e compadre nostro carissimo. » Tel 
est d'abord son protocole. Il lui a écrit deux fois, et il 
est resté sans réponse; il lui paraît que Son Altesse 

1 Biblioth. nat. Ms. 500 Colbert. Vol. 89, fol. 61. 

* Francesco Gonzaga (quatrième du nom) était né le 
7 mai 1586 de Vihcekzo, prince héréditaire, et cTEleonora di 
Medici. Il épousa en 1608 l'Infante Marguerite de Savoie, 
nièce du roi d'Espagne, eut un fils qu'il perdit âgé de sept mois, 
et une fille morte ayant le baptême. Il mourut le 22 dé- 
cembre 1612. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 213 

fait peu de compte de sa personne. Malgré cela, il 
écrit de nouveau, et écrira jusqu'à ce qu'il se soit 
rendu insupportable. 11 lui donne avis comme quoi sa 
u Très- Chrétienne Commère » la Reine « Gallina l » 
tient meilleur compte de lui, l'ayant visité récem- 
ment avec deux lettres royales pour l'inviter à se 
rendre « dans le beau royaume des Doublons et 
Écus au soleil » . U lui en envoie copie, lui de- 
mande avis, et s'il lui plaît que la Compagnie 
se rende en France en son nom. Gela étant, il 
aura besoin de son autorité pour avoir deux sujets 
indispensables au complément de la troupe. Il de- 
mande une prompte réponse pour, de son côté, en 
faire une a ladite « commère » et conformément à 
la volonté de son souverain et patron. Autrement, 
il n'en ferait rien, son désir n'étant autre que de 
complaire uà son très cher cousin et compère unique» . 
Si ce n'était, en effet, pour l'affection qu'il lui porte, 
il peut croire que jamais ni scène ni loges ne ver- 
raient son arlequinesque personne, et cela, il le dit 
sur la foi de lui Tristano. Il finit en priant « Notre 
Seigneur » le conserver en sa sainte grâce, lui et sa 
sérénissime petite progéniture, « generacioncina » , et 



1 C'était un jeu de mots à sa façon. La Reine « Gallina » , 
la poule gauloise. 



214 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

il est de Son Altesse, sérénissime aussi, « le très-affec- 
tionné cousin et compère très-chrétien au delà des 



monts l » . 



Le duc François répondit-il à ce beau message 
de son sujet et compère? Nous l'ignorons. Nous 
n'avons pas retrouvé la minute dans les registres ou 
parmi les feuilles volantes de la sëcrétairerîe ducale. 
François de Goneague, du reste, n'avait pas l'hu- 
meur brillante, libérale et heureuse de son père. 
Il était de nature maladive et mourut dans Tannée 
même de son avènement au pouvoir, peu de mois 
après la date de la lettre précédente. 

A tout prendre, on était encore loin de compte 
pour se dire prêt a partir, en ce mois d'août de l'an 
1 61 2. La signora Florinda s'était tout à coup déchaî- 
née contre la signora Flavia. Elle ne voulait plus 
s en tenir aux premières conventions. Et le signor 
Capitan, mari de la signora Flavia, fort bon sujet 
aussi dans la troupe, ne voulait plus entendre parler 
du voyage, ni pour lui, ni pour sa femme. Grand 
embarras d'Arlequin. Il en fait l'aveu à son bon 
patron et autre « compère » le cardinal de Gonza- 

1 Archives deMantoce. Original en italien. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. ÎLfr 

gue, alors à Rome, et il implore sa protection -oo» 
moins que son autorité pour réconcilier tes deux co- 
médiennes. La perfection de l'une et de l'autre en 
leurs rôles nécessite leur présence dans ia troupe. U 
fiaut aussi que le Cardinal lui fesse avoir Zan Farta* 
ou aumoins Scapin qui est devenu un bon Zanu L'un 
des deux est indispensable, car Pedrolino s'est fait 
trop vieux. Si on pouvait avoir aussi un ceriëik Fulvio' 
qui joue les Grazùmo et les amoureux, ce n'en serait 
assurément que mieux. Ces personnages sont à Ve- 
nise; Scapin est avec Friitelino, lequel n'a pas besoin 
de lui puisqu'il aprisMeizetin dans sa troupe, et tous 
les deux jouentle même rôle. Arlequin, enfin, attend 
réponse à tout, de la part du Cardinal, pour que 
u sa chère commère la Reine soit bien servie, laquelle 
le veut enchaîner {incadenare) . Que Notre Seigneur 
le conserve en sa sainte grâce, et en santé et allé- 
gresse ! . » 

Le cardinal de Gonzague ne devait, en vérité r 
savoir à qui entendre, ppur avoir ainsi accepté 
d'intervenir dans la négociation du voyage en. 
France. A la même date que portait la lettre d'Arle- 
quin avec Ténumération de tant de difficultés, la 

1 Tous ces détails d'après une lettre d'Arlequin du 15 août 
16 12, Milan (Archives de Mastoue). 



îlô LES COMEDIENS ITALIENS. 

signora Florinda lui en adressait une par laquelle 
elle semblait reconnaître que tout succès était 
obtenu, et qu'il n'y avait qu'à applaudir à la belle 
façon dont l'entreprise était conclue.- Voyez en quel 
style fleuri et romantique s'exprimait la signora Flo- 
rinda ! 

Illustrissime Seigneur, 

Sur la terre de France ensemencée de vos paroles, 
toutes en ma faveur, les fruits se sont enfin produits ! 
Aujourd'hui est parvenue à Arlequin une lettre de Sa 
Majesté Très-Chrétienne signée de sa main. Elle m'ap- 
pelle en France, avec lui et une bonne troupe. Voilà 
donc enfin le temps venu où Votre Seigneurie Illustris- 
sime devra marquer sa faveur à Florinda et à Lelio, de 
qui elle s'est montrée si bon partisan. Je suis résolue au 
voyage, puisque je suis ainsi sollicitée au départ. Qu'elle 
me favorise d'une sienne lettre à l'adresse de la Reine 
Très-Chrétienne, me recommandant de la manière qui 
plaira le plus à Votre Seigneurie... Et au retour — s'il 
plaît à Dieu — que Votre Seigneurie croie bien qu'en 
allant la remercier à Rome, je penserai à faire mon nid 
dans cette Rome même, sachant bien que sous la protec- 
tion d'un aigle sérénissime et cardinal 1 , mon nid ne 
pourra être que mieux défendu. Espérant obtenir encore 
plus que je ne sais demander, je la supplie d'une prompte 

1 C'est une allusion, maniérée, mais fort jolie, aux armes 
de la maison de Mantoue, qui comportaient Vaigle éployée. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 217 

réponse par le présent porteur auquel je fais bon cadean 
pour qu'il revienne auprès de moi avec le message de 
Votre Seigneurie. Je finis en rappelant quelle servante 
j'ai toujours été, me disant avec mon mari 

De Votre Illustrissime Seigneurie 

La très-affectionnée servante, 
Virginia Andreini dite Florinda. 
De Milan, le 15 août 1612 '. 

Le croirait-on ? Il s'en fallait encore de plus d'un 
an avant que la compagnie des comédiens parût à 
la cour de France ! 

Le 4 septembre, la Reine s'adressait de nouveau 
•à Arlequin. Elle lui dit en substance que, pendant 
qu'elle se promettait de l'avoir à la Cour avec la 
meilleure troupe des comédiens d'Italie, elle n'avait, 
<en réalité, vu autre chose que des lettres pleines 
d'excuses qu'elle veut bien accepter, sachant que la 
faute ne vient pas de lui. Qu'il fasse donc le possible 
pour vaincre les difficultés que les autres comédiens 
soulèvent. Qu'il les assure que jamais aucune troupe 
n'a été plus désirée en France. Elle a eu grand plaisir 
à apprendre que Florinda et Flavia consentaient au 
voyage par égard pour elle, mais elle regretterait 
fort qu'elles fussent en désaccord. Promesses de 

1 Archives de Maktoue. Lettre en italien (série de Milan). 



Î18 LES COMEDIENS ITALIENS. 

satisfactions pour tous. Fritcllino et Flammta ne se 
repentiraient pas d'être venus. Point de doute sur 
la concession de l'Hôtel de Bourbon. Pas de doute 
sur les ordres donnés au Trésorier général à Lyon 
pour qu'une partie des 3,600 livres leur soit payée 
en arrivant. Elle écrit du reste à son neveu le duc 
de Mantoue et au cardinal de Gonzague pour qu'ils 
s'emploient, l'un et l'autre, à ce que cette troupe 
soit composée des meilleurs sujets. « Que le Seigneur 
« le tienne en sa sainte garde, je maintiendrai ce 
« que je vous ai promis, dit-elle, je favoriserai 
« mon compère ' .. . » Et de fait, à la même date, la 
Heine écrivait au duc de Mantoue : 

Mon Nepveu. Le Roy monsieur mou filz el moy ayans 
désiré d'avoir une compagnie de bon comédiens Italiens, 
jay es: ript à Harlequin de l'assembler au plus tost. Mais 
je crains que si vostre comandement et entremise ny in- 
terviennent, il ne paisse faire la bande si complète que 
je le désirerois. G*est pourquoy je vous prie de comman- 
der à ceux des dits comédiens que vous estymerés bons 
personnages , particulièrement à Florinde et à Flavia, 
de s'accomoder ensemble et se disposer de partir incon- 

1 Bibliothèque Nationale. Ms. 500 ColberU 89, f* 75, et 
Archives de Mantoue : Copie de la lettre de la Reine à Arle- 
quin traduite par lui en italien et communiquée au cardinal de 
Gotnzaçue. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 21& 

tinent. Assurez les que tons s'en retourneront con- 
te ns... Et n'estant celle»cy à autre fin, je prie Dieu, 
mon nepveu, qu'il vous conserve aussi longuement et 
heureusement que je désire.. 

Votre bien bonne tante, 

Marie '. 

Ces divers messages arrivèrent à Mantoue au 
moment où Messer Arlequin montait en carrosse 
pour se rendre à Florence. Passant à Bologne, 
il envoya la copie de la lettre royale qui le concer- 
nait au cardinal de Gonzague, avec ces quelques 
mots pressants et plaisants : 

Votre Seigneurie doit penser à ce qu'elle a à faire 
pour le service de notre bien-aimée Commère, car pour 
unir cette benoîte compagnie, il faut autre chose que l'au- 
torité arJequinesque. Commencez donc par disposer la si- 
gnora Flavia, et si elle s'excuse par dire qu'elle est ma- 
lade, dites-lui que vous lui ferez donner des médecines 
suaves qui la guériront. Si elle disait qu'elle n'a point 
de goût aux médecines suaves, dites-lui que vous en ad- 
ministrerez d'à mères, puisque l'amertume lui plaît davan- 
tage que la suavité. De grâce, ne manquez pas, cher 
soigneur cousin, d'employer toutes vos forces pour qu'une 
bonne troupe puisse se rendre en France au prochain 
carême. Rien de plus pour le présent, car à l'instant 

1 Bibliothèque Nationale et Arcuives de Mantoue. 



Î20 LES COMEDIENS ITALIENS. 

même je prends les postes à pied pour aller à Florence. 
Adieu. De Bologne, le 16 octobre 1612. 

Votre meilleur cousin, 
Arlequin, compère très-chrétien l 

De son côte, le duc de Muntoue répondait aussitôt 
a la Reine sa tante (8 octobre) par l'exposé des diffi- 
cultés nouvelles, ainsi que son ambassadeur à la Cour, 
Messer Trajano Guiscardi, avait eu charge de lui en 
faire part. Grossesse des actrices, mauvaise saison, 
dissensions parmi les sujets, obstacles insurmon- 
tables pour le présent. Mais comme dès. les premiers 
jours du carême, les meilleurs sujets d'Italie ont cou- 
tume de se réunir à Mantoue, il espère bien alors 
pouvoir répondre au désir du Roi son seigneur *. 

Certes, la plume d'Arlequin ne manquait pas 
d'activité. Il écrit de nouveau le 12 octobre, de Flo- 
rence, au Cardinal, et lui parle encore d'une lettre 
qu'il a reçue « délia Comadre Galina Regina di Galli 
ohramonlani », * de la commère poule gauloise Reine 
des Coqs (ou Gaulois) d'outre monts » , l'invitant à 
se rendre dans le « beau royaume des gigots de 
mouton » . 

1 Archives de Mantoue. Lettre (en italien) au cardinal de 
Gonzague. 

* Id. lbid. Lettre (en italien) à la Reine de France. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 221 

Il le presse de persuader Flavia. Avec Flavia, les 
autres viendront facilement. Si elle fait résistance, 
que Sa Seigneurie emploie ces belles inventions 
cardinalesques dont elle lui a parlé à Mantoue. Que 
Notre-Seigneur le conserve en santé et lui donne delà 
mémoire, afin qu'il se rappelle qu'ils sont « com- 
pères » et qu'il est encore débiteur envers son filleul 
de ce qu'on peut attendre d'un cardinal de Gonzague, 
tel que lui. « Seigneur compère, et de grâce en 
cela, imitez votre tante très-chrétienne, si vous 
désirez que nous soyons d'accord, moi et vous. 
Rien de plus. Adieu '. » 

Une réponse du Cardinal au seigneur Arlequin 
arriva le 25 octobre. Celui-ci, toujours aussi prompt 
pour la plume que pour la parole, lui écrit, de 
Florence encore, dès le lendemain. C'est une lettre 
incroyable. Il faut entendre ce ton facétieux sur 
lequel il exprime la demi-satisfaction que lui causent 
la banalité des compliments et la réserve de son 
Bévérendissime correspondant. L'ironie, la plaisan- 
terie, le sarcasme y régnent tout au long. C'est un 
morceau d'Arlequin tellement typique que, malgré 

1 Archives de Mahtoue. Lettre (en italien) signée « Aff mo 
servitore Tristano Martinelli detto Arlechino compadre 
Christianissimo » . 



*22 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

retendue, nous le reproduisons en conservant, autant 
qu'il est possible, la vivacité bouffonne de l'ori- 
ginal : 

Très cher Compère! 

J'ai ouvert votre lettre par laquelle j'apprends 

en très beaux termes que vous m'aimez, que vous désirez 
me seconder, et autres petites paroles délicieuses à manger 
avec de la moutarde, si bien qu'en lisant votre missive, j'ai 
eu toute satisfaction de paroles. Mais elle m'aurait bien 
autrement contenté si vous m'aviez écrit, comme le fait 
ma cbère commère poule française (galina) qui me con- 
sole toujours en finissant ses lettres royales par des mots 
comme ceux-ci : « Venez, Seigneur Arlequin, venez vers 
nous, nous voulons enchaîner notre parrainage. » Voilà dje 
belles paroles! Et dans toutes ses lettres elle n'oublie pas 
de mettre quelque belle clause qui nous plaît infiniment, 
qui charme infiniment notre personne. C'est elle, notve 
commère poule, qui comprend bien nos lettres! Mais, 
vous, Seigneur, vous ne paraissez pas les trop bien enten- 
dre ou du moins ne voulez pas les bien entendre. Mais 
pour vous parler clairement, ne pensez-vous pas que si je 
me fatigue à vous écrire tant et tant, et à vous envoyer les 
copies des lettres françaises, je fe fats pour que vous imi- 
tiez ma commère poule, vous étant le compère coq à la 
crête rouge ! Je le fais paur que vous aussi, dans vos let- 
tres, vous me disiez : « Nous nous réjouissons, Seigneur 
Arlequin* des dons que vous veut faite la commère Très» 
Chrétienne, ainsi que mus désirom f alite aussitôt que pas* 
sible et même la surpasser pour ne rien perdre de C autorité 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 223 

natale Lie qu'ont les ceqs smw les poules, et les maies sur lès 
f eme Uesy et nous votUùns vous consoler de fait et non point 
en paroles, aussi tenez-vous assuré (T un présent magnifique 
de notre part aussi, pour Contour de notre parrainage, 6 
seigneur Arêequinl » C'est ainsi qu'on écrit, ô très-cher 
compère! N'oubliez pas que l'affection vient de l'intérêt. 
Et si vous ne m'aviez pas visité,, diverses fois, avec des 
envois de paons, de chapons, de fromages, de longes de 
veau, et — ce qui vaut mieux encore — avee certains dou- 
blons de Hongrie et autres gentillesses, si vous n'aviez 
.ainsi alimenté notre amitié^ croyez-vous bien qu'elle se 
serait beaucoup accrue? Je n'ai poiat besoin de paroles, 
moi, puisque j'en fais marchandise, et je les vends, je 
vous assure, à boa marché à une barharmna chaque soir 
pendant trois heures*.... Je me suis étonné q$ue vous 
n'ayez pas répondu à mes lettres dans le sens où elles 
étaient dictées. Toutefois, j'ai considéré que la faute 
n'est peut-être pas à vous, mais à votre secrétaire qui ne 
comprend pas ou ne veut pas comprendre mon style, ou 
qui a la vue courte, ou la mémoire pauvre, ou qui me 
tient rancune, ou qui eêt jaloux du bien arlequinesque, 

ou Que diable, sais-je pourquoi il ne répond pas 

à propos! Je vous en prie donc, imitez,, imitez ma trè£ 
affectionnée madame ma commère Marie de Médicis, 
reine de la moitié du pont d'Avignon, et donnez-m'en 
la preuve cette fois-ci...... Elle a écrit au Duc et à vous 

afin que, tous les> dieux, vous dussiez, former une bonne 
et parfaite compagnie de Comédiens où il y ait pour 
sujets la signora Florinda et son mari, Flaminia, Fritte - 
Uno, la signora Flavia, le capitaine Rùwcûronte et moi, et 



224 LES COMEDIENS ITALIENS. 

deux autres bons personnages, à savoir un Graciano et 
un bon Pantalon. Ce sont les sujets que la Reine désire 
en France, et c'est à vous deux, seigneurs compères, à 
accommoder ces créatures ensemble, le pouvoir arlequi- 
nesque n'y suf6sanl pas. Après cela, je ne vous dirai 
plus rien, sinon que j'ai promis à Sa Majesté d'être à 
son service pour six mots, pourvu que la bonne troupe 
qu'elle désire, s'y rende. Et si la troupe qui se formera 
ne répond pas au désir marqué par Sa Majesté, je dé- 
clare que je resterai chez moi, car je ne veux point per- 
dre la réputation que je me suis acquise en France. 
Ainsi ne manquez pas, avec votre beau jugement, de 
faire en sorte que la commère soit bien servie. . . Et 
comme je meurs de sommeil, je termine. Pardonnez-moi, 
seigneur compère, la brièveté de cette lettre, et que 
Notre-Seigneur vous donne bonne mémoire afin que 
vous vous souveniez de votre compère Arlequin, lequel 
vous fait mille révérences en paroles. 

De Florence, le 26 octobre 1612. 

Tout vôtre. 
Le Compère Très-Chrétien K 

Le ton des lettres de ce seigneur Arlequin au Duc 
de Mantoue, son souverain, fut presque toujours 
aussi libre. C'était un tour qu'il avait pris pour dire 
facilement et plaisamment ses vérités , et malgré les 
libertés de l'expression, son style original ne manque 

1 Archives de Mantoue. Lettre (en italien). Série : Toscane. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 225 

pas d'un certain mérite. A l'époque où il avait 
adressé au Cardinal la lettre précédente, il était à 
Florence où la Compagnie faisait de belles séances 
et recettes. Monsieur de Mantoue avait eu l'idée 
d'envoyer le comédien Matamoros pour réciter en 
même temps que le confrère Rînoceronte. Cette idée 
n'avait point été du goût de la Compagnie. Il fait 
beau voir l'indignation d'Arlequin, parlant à son 
maître, au nom de ses neuf compagnons. 

La troupe, disait-il, commence à faire fortune; elle 
se récrie assurant qu'elle n'a pas besoin de Matamoros, et 
tous m'imposent le devoir d'écrire à Votre Altesse qu'ils 
n'entendent point recevoir autres sujets dans la Compa- 
gnie pour ce carnaval, car ils se trouvent en nombre suf- 
fisant. Donc, seigneur compère, si vous désirez avoir notre 
bon plaisir, n'augmentez point les rôles de la compagnie, 
et surtout ne faites point tort à Rînoceronte. C'est l'avis de 
tous ceux qui s'entendent aux comédies, qu'il n'a point 
d'égal. Matamoros n'est plus ce qu'il était, il y a six ans; 
il est très-ebangé. Et pour que Votre Altesse sacbe que la 
Compagnie m'a fait écrire en ces termes, ebacun a signé 
ci-dessous son nom de sa propre main. 

De Votre Altesse le très-affectionné compère. 

M. Trislano, le seigneur Arlequin. 

Federigo Pantalon. 

Leandro Rizzi. 

Giovanni Pellerini. 

Baldo Rotari (au nom de sa femme). 

15 



«Î6 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Gio : Battista Andreini, pour moi et ma femme 

Florinda. 
Rinoceronte. 
Nicolina. 
Bartolomio Boa Giovani, dît Graciait 1 * 

C'était, comme on le voit, une véritable manifes- 
tation. Rarement, il faut le dire, compagnie s'était 
mieux trouvée que celle-là récitant à la cour de Tos- 
cane. Les applaudissements ne lui avaient fait défaut 
aucun soir; les cadeaux avaient été magnifiques. 
Vingt bras (de 5 aunes le bras) de drap de soie, 
soixante aunes de garniture d'or à la signora Flo- 
rinda; six cents écus à la Compagnie; un médaillon 
d'or de 25 écus à Arlequin; autant à Lelio. La 
scène se passait à Pise où les avaient appelés leurs 
Altesses de Toscane. 

On semblait ne plus penser au voyage en France. 
Cependant Arlequin avait encore écrit à la Reine. Sa 
Majesté, peu ménagère de sa plume pour le comédien, 
lui avait de nouveau représenté son désappointement 
et son attente, dans les termes choisis que voici : 

Harlequin. Vostre lettre du VIII septembre dernier 
m'a jette bien au loing l'espérance que j'avois de vous 
avoir icy avec cette bonne Compagnie promise pour la 
récréation de cette Cour pendant les tristes jours d'hiver. 

f Archives de Mantoge, idem. 26 novembre 1612. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 227 

J'estime que l'apréhension des neiges du Mont Senis et 
la douceur des plaisirs que vous recevez par de là pen- 
dant le temps du Carnaval vous auront faict prendre la 
résolution de n'en partir jusques au caresme prochain. 
Pourvu qu'en ce temps là vous veniez en si bonne troupe 
comme vous me le faictes concevoir par vos lettres, vous 
y serez tous les bien receuz et croiez qu'il n'y aura per- 
sonne de la bande qui ne demeure si satisfaict de son 
voiage qu'il ne luy restera autre regret que de l'avoir 
plus tost entrepris. Je lairay tousiours à Lyon l'argent 
que j'y ay faict tenir pour subvenir aux frais qu'il vous 
conviendra faire en ce voiage et donneray ordre qu'à 
vostre arrivée vous trouviez la salle de Bourbon ou quel- 
que autre lieu commode préparé pour jouer ces comédies 
qui doivent estre bonnes puisque vous les faictes si long 
tems attendre au Roy monsieur mon filz et à moy. Quant 
à la chesne que je vous ay promise, et que vous me 
ramentevez par vos lettres, vous n'en perdrez que l'at- 
tente, et l'auriez desia receue n'estoit que je désire la 
vous bailler de mes mains, afin de vous oster le subiect 
de vous plaindre des Trésoriers. Faictes donc que ceux 
qui ont promis de venir avec vous continuent e.n cette 
bonne volonté et s'assurent qu'ilz en auront comme 
vous du contentement. Priant qu'il vous ayt en sa sainte 
garde. À Paris, le X novembre 1612 l . 

Cependant, si maître Arlequin faisait le tempori- 
sateur pour se mettre en route vers la ville de Paris, 

1 Bibliothèque Nationale, Manuscrits. 500 Colbert. Vol* 89, 
folio 105. 

15. 



M8 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

sa bonne plume était plus hâtive pour assurer le 
bon état de ses intérêts. Si éloigné qu'il fût de la 
Reine-Régente, il ne prenait pas de gène, en ses 
lettres et requêtes, pour la prier de recommander 
sesdits intérêts au grand-duc de Toscane et à toute 
la famille grand-ducale. Il s'agissait que la faveur lui 
fût faite de maintenir des fonds qu'il trouvait bien 
placés sur le mont-de-piété de Florence, et dont le 
souverain par une mesure générale, voulait le dépla- 
cement. C'est en ces termes obligeants que la Reine 
très-chrétienne écrivait à son cousin ledit Grand-Duc : 

Mon Cousin. Puisque Harlequin m'a choisie pour sa 
commère, il faut que je prenne quelque soing de ce qui 
luy touche et à ses enfans. C'est pourquoy ayant sceu 
qu'il avoit quelques sommes de deniers sur le mont de 
la Piété en vostre ville de Florence et que vous estiez en 
volonté de faire retirer la pluspart des sommes lesquelles 
y ont esté mises, je vous ay bien voulu prier qu'outre 
ceux qui sont reservez, vous veuillez gratiftier ce pauvre 
compère, afin que ses enfans puissent un jour se préva- 
loir de cette partie, qui autrement se pourroit esgarer, 
et me promettant que vous luy ferez cette faveur en ma 

considération. Je prieray Dieu 

Vostre bonne cousine, 

Marie. 
A Paris, le 13 décembre 1612 «. 

1 Bibliothèque Nationale. Ibid*> fol. 112. La seconde lettre 
est adressée « A ma tante la Grande-Duchesse douairière » . 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 229 

Et pour comble à cette obligeance, la Reine adres- 
sait ledit message à Arlequin lui-même, en y joi- 
gnant ce petit billet pour l'aviser. Sa Majesté, H le 
faut reconnaître, n'aurait pu faire plus et mieux 
pour quelque sien parent, si proche lui fût-il. 

H arlequin. Vous recevrez avec celle-cy les lettres que 
j'escris en voslre faveur à mon cousin le Grand-Duc de 
Toscane et à ma tante sa mère sur le subject des deniers 
que vous désirez estre reservez sur le mont de la Piété, 
m'asseurant qu'ilz vous gratifieront en tout ce qui se 
pourra, la leur recommandant avec affection, et en atten- 
dant de vous voir dès l'entrée du printemps avec cette 
bonne compagnie de comédiens promise, je prie Dieu. . . 
A Paris, le 13 décembre 1612». 

Pour nous servir de l'expression de la Reine, di- 
sons que le printemps attendu fit son entrée, mais 
qu'Arlequin et la Compagnie promise ne firentpoint 
encore la leur. Tout le carnaval de l'année 1613 se 
passa donc, cette fois encore, en expectative et en 
correspondance : Pâques de même ; à la fin de mai 
seulement, la Reine fut formellement assurée d'avoir 
les comédiens. Le 27 dudit mois, audit an, nous 
trouvons enregistrées, parmi les minutes de son 
secrétariat, deux lettres au seigneur Arlequin. La 
teneur de ces lettres ne laisse plus de doute sur 

1 Bibliothèque Nationale, lbid., fol. 112 verso. 



Î30 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

la satisfaction que Sa Majesté est à la veille d'avoir, 

H arlequin. Oultre la lettre que j'ay escrîte pour res- 
ponce à celle que vous m'avez envoyée au nom de la 
bande de comédiens qui a tant demeuré à se résoudre, 
je vous ay particulièrement voulu dire par celle-cy que 
je vous scay bon gré du soin g que vous avez eu de l'as- 
sembler, et me resouviendray de pourvoir à tout ce qui 
sera nécessaire pour faire que tous ceux qui en seront, 
demeurent satisfaicts de leur voiage. Pour vostre parti- 
culier vous devez tenir pour assuré que toute l'Harlequi- 
nerie s'en retournera contente du Roy monsieur mon 
filz, et de moy qui me ressouviendray de ce que vous 
désirez pour le baptesme de l'enfant que porte vostre 
femme et ferez tenir preste la chesne d'or qui vous a esté 
promise et laquelle je veux vous attacher moy mes me 
sans que vous passiez par les mains d'aucun trésorier, 
puisque vous les avez tant à contre cœur. J'ay fait bailler 
trois cents livres au porteur pour les frais de son voiage, 
de sorte que vous en pouvez retirer ce que vous luy avez 
advancé pour se rendre icy. Plus tost vous vous achemi- 
nerez par de ça et mieux vous serez receu. Faictes donc 
diligence, et je prieray Dieu qu'il vous ayt en sa saincte 
garde. À Fontainebleau, le vingt sept may 1613. 

Marie K 
Par l'autre lettre, la Reine remerciait Arlequin en 

1 Voir Bibliothèque Nationale. 500 Cotbert. V e 89, fol. 147. 
M. Emile Campardon, tome I ar , page xn de Y Introduction à 
son ouvrage : « Les Comédiens du Roi de la Troupe Italienne » ,. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 231 

termes plus généraux, qui s'adressaient à la Com- 
pagnie entière. Elle l'avisait de l'ordre donné au 
sieur Dauraf, receveur général du taillon à Lyon, 
de lui fournir, dès son arrivée, la somme de 3,000 et 
quelques livres destinée aux frais de la dépense jus* 
qu'au moment de son arrivée à la Cour, où il trou- 
verait ensuite bon entretènement, logement, etc. 
A ladite lettre était joint un ample passe-port que 
Sa Majesté avait fait expédier afin que tout bon 
traitement soit assuré à la Compagnie. 

Acheminez vous donc (dit-elle en finissant) le plus 
diligemment que vous pourrez sur cette asseurance et 
vous disposez à faire des actions qui correspondent à la 

reproduit ces deux seules lettres du 26 et du 27 juillet, mais 
il a fait, à ce propos, une erreur qu'il convient de rectifier. Il 
a confondu la personne de Tristano Martinelli, qui était alors 
le seul Arlequin, avec celle du comédien Giovanni Battista 
AttDREiKi qui était Lelio, et il donne les deux lettres de la Reine 
comme étant adressées à ce dernier en le prenant pour V Arle- 
quin de la compagnie. Il aurait peut-être mieux fait d'exprimer 
un doute, car rien dans les documents ne peut même laisser 
supposer qu'ANDREiiri fut Arlequin. Ge comédien a été Lelio 
pendant toute sa longue carrière, et à cette époque, il n'était pas 
chargé de la direction de la troupe qui devait venir en France. 
La désignation du personnage un peu trop affirmée a mis dans 
l'embarras M. Adolfo Bartoli, ainsi qu'on peut le voir à la 
page 141 de son Introduzione aux Scenari inediti délia 
Commedia delt arte, dans une note remplie d'observations 
d'ailleurs très-sensées. 



232 LES COMEDIENS ITALIENS. 

réputation d'Barlequin, à celle de Florinda et de sa 
troupe, ensemble des autres bons personnages que vous 
y avez joints. Le Roy monsieur mon filz et moy atten- 
dons d'en recevoir du plaisir et de la récréation. Priant 
cependant Dieu qu'il vous ayt en sa sainte garde 1 . 

Mais trois mois se passèrent encore. 

Ce fut dans le plein de l'été de Tannée 1613 
qu'Arlequin et sa troupe arrivèrent enfin en France. 
Nous avons de ses nouvelles de Lyon, à la date du 
26 août, par une lettre qu'il adressa de cette ville 
au comte Alessandro Striggi, chef de la magistrature 
à Mantoue. Il a quelque faveur à demander au prési- 
dent, se croyant lésé dans le revenu qu'il tirait de 
quelque privilège. Mais auparavant, pour le bien dis- 
poser sans doute, il lui parle de ses faits et mouve- 
ments. C'est ainsi que nous apprenons que, cette fois 
encore, Monsieur de Savoie, fort amateur de comé- 
dies, a en quelque sorte saisi la troupe au passage 
sur ses États, et l'a retenue pour qu'elle lui donnât 
le divertissement de plusieurs récitations. D'où un 
nouveau retard pour l'arrivée en France. Il s'était 
même passé quelque chose de particulier à cet égard. 
La Compagnie, faisant étape à Turin, n'y avait sé- 
journé que deux jours, sans donner mot à Monsieur 
de Savoie. Elle prit ensuite la route de France, mais 

1 Bibliotej. NiT. Idem. Folio 146, au verso, 27 juillet 1613. > 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 233 

Son Altesse, au su de ce départ, fit aussitôt courir 
vers Arlequin. Le courrier le rejoint et lui remet 
Tordre du souverain d'avoir à revenir sur ses pas 
avec la compagnie, s'il tient à montrer qu'il fait cas 
de la faveur souveraine. Son Altesse veut une repré- 
sentation au moins. « On fit donc retour, au grand 
déplaisir d'un chacun, dit Arlequin, car on augurait 
plutôt mal que bien. » Mais à peine arrivé, Arlequin 
étant allé saluer Son Altesse, l'accueil qu'Elle lui fit 
fut tel qu'un bon frère n'aurait fait mieux. Mon- 
sieur de Savoie le fit monter dans son carrosse, sous 
prétexte qu'il allait dîner au parc, l'entretenant de 
choses diverses pendant tout le parcours. Arrivés au 
parc, il fit appeler la compagnie qui lui donna une 
comédie fort de son goût, et il en fit jouer six autres. 
Après une douzaine de jours ainsi passés dans les 
jeux et les ris, Son Altesse leur donna congé avec 
400 beaux ducats. Monsieur de Nemours leur en 
donna 100, le gouverneur de Chambéry 50, au 
passage par cette ville, tous frais payés. 

Ce fut donc, en cette satisfaction, que la troupe 
arriva à Lyon, où Messieurs de la ville voulurent 
quatre représentations publiques. Les comédiens 
exigèrent dix sols par personne, ce qui leur fournit 
220 ducatons environ. Le Trésorier royal qui, de 



234 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

son côté, avait eu le temps d'être bien instruit de 
ce qu'il aurait h faire, depuis deux ans d'attente, 
leur remit 1,200 ducats d'or. Bref, les affaires de 
la troupe se présentaient bonnes, et on se mit en 
route, le 27 d'août, vers Paris, où était la Cour 1 . 

Les nouvelles que nous rencontrons ensuite sont 
du A octobre, de Fontainebleau, adressées encore 
par Arlequin à ce même comte Striggi auquel il 
avait écrit de Lyon le 26 août : 

Très- Illustre Seigneur. J'ai écrit de Lyon à Votre 
Seigneurie, lui donnant de nos nouvelles. Et, comme je 
sais que vous aimez à les avoir bonnes de vos serviteurs, 
je vous écris avec l'occasion de M. l'agent de Son Altesse 
Sérénissime qui se rend à Mantoue. D'abord, la Compagnie 
a été des plus goûtées. Et ce fut contre toute raison, mais 
comme ici on est affamé de comédies, tout a paru bon. 
Sa Majesté nous a fait tenir à Lyon 1200 ducats. Aussitôt 
arrivés à Paris, elle me fit appeler. Dès qu'elle me vit, 
elle me fit un de ces accueils que peu de gens croiront, 
car il est contraire à toutes les pragmatiques chez per- 
sonnages pareils. Après tous les plus beaux propos, elle 
me conduisit dans son cabinet et me mit au cou une 
chaîne d'or du poids de cent doublons avec son médail- 
lon en faveur de notre âompérage (comparadfco) : le soir 
même nous lui donnâmes une comédie. Elle fit aussitôt 
remettre à la Compagnie 500 ducats et nous en assura 

1 Archives de Mantoue. Série Francia, 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MÉDIGIS. 23& 

200 par mois, convenant avec nous que nous serions 
défrayés, lorsque nous servirions hors de Paris. Pour 
mon particulier, elle me donne secrètement 15 ducats 
par mois pour les dépenses de ma femme qui, sous peu 
de jours, mettra au monde l'enfant dont le Roi doit être 
le parrain, et sa sœur, la Reine d'Espagne, la marraine. 
L'un et l'autre veulent le tenir sur les fonts, de leurs- 
propres mains. Si c'est un garçon, le Roi le veut pour 
lui; si une fille, la petite Reine le veut pour elle, et ma 
femme, de toutes manières, le voudrait pour elle, si bien 
que me voilà fort intrigué pour les contenter tous les 
trois. J'ai pensé pour lever tout embarras, de rendre ma 
femme grosse deux fois encore, et de donner les enfants 
un par un comme on fait pour les chats, puisqu'il paraît 
que les enfants d'un Arlequin sont des petits chats à dis- 
tribuer. Qu'il en soit donc selon la volonté divine qui 
fera du mieux possible pour ma créature. Nous resterons 
ici jusqu'à la Toussaint, puis nous irons à Paris donner 
nos représentations publiques. Jusqu'à présent, j'ai été 
régalé de beaux costumes avec les poches doublées d'ar- 
gent, si bien que jusqu'à présent me voilà en avance 
de douze cents ducats et je suis à peine arrivé. Et, pour 
ne pas vous ennuyer davantage, je fais fin, priant Dieu 
qu'il vous donne tout contentement. 
De Fontainebleau, lé 4 d'octobre 1613. 

De Votre Seigneurie Illustrissime 
Le très-affectionné serviteur, 

Tristano Martinelli, dit Arlequin l . 

1 Archives de Mawtoue. Idem. Lettre en italien. Série 
Francia. E. xv. 



236 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Une des formes de la plaisanterie du comédien, 
dans ses correspondances et ses entretiens, était de 
recourir à certaines simulations qui facilitaient sin- 
gulièrement le tour jovial qu'il aimait à donner à sa 
plume et à ses dires. Nous avons vu au séjour de 
Tannée 1600, la scène intime et plaisante qu'il joua 
si bien à Henri IV. Étant cette fois encore à Paris, 
et écrivant au Duc son souverain, il feignait de se 
croire h Mantoue, prenait soin de lui envoyer des 
nouvelles de la ville, le priant de son côté de lui 
donner des nouvelles de France. Cela lui permettait 
de faire le plaisant à son propre compte et à son 
avantage dans la manière suivante : 

Sérénissime monsieur mon compère et cousin. Cette 
nôtre sera pour vous donner nouvelles des choses de 
Mantoue (lisez Paris). Vous saurez comme quoi Son 
Altesse Sérénissime (lisez le Roi) a été assez malade, mais 
à présent, par la grâce de Dieu et de son bon traitement, 
et parce que son heure n'était pas encore venue, elle se • 
porte bien, chose que nous avons à grand plaisir comme 
nous pensons que vous l'aurez aussi. Nous vous prions de 
nous donner quelques nouvelles des pays de France, de ce 
qui s'y fait et s'y débite, et de nous dire s'il est vrai que la 
compagnie des Comédiens qu'Arlequin a conduite au 
royaume avec tant de fatigue et de déboire, donne autant 
de plaisir qu'on l'assure, à Leurs Majestés et aux princes, 
et s'il est vrai aussi que la Reine a fait à Arlequin un aussi 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 237 

bel accueil que celui-ci se plaît le dire 1 . (Suit l'exposé 
sous forme interrogative de toutes les faveurs qu'il a 
énoncées dans sa lettre du 4...) 

Certes, comme on le voit, le bon compagnon n'a- 
vait pas tardé à se mettre bien en cour, et à peine 
arrivé, la chancellerie de la Reine n'avait rien à lui 
refuser. Il s'entendait fort au choix de ses avocats 
pour la protection et le bien de ses affaires. Le 9 oc- 
tobre, partait déjà une lettre de la Reine plaidant 
pour lui auprès de Monsieur de Mantoue : 

Mox nepveu. L'on a donné advis à Harlequin que 

depuis son départ pour venir icy, ceux qui avoient la 

garde de sa maison luy ont faict quelque tort, et que 

d'autre part ses débiteurs se voullant prévaloir de son 

absence, refusent de paier à ses procureurs, les sommes 

dont ils luy sont redevables. Je vous prie de commander 

à voz officiers de lui en faire faire la satisfaction dette et 

d'avoir pour recommandé ce qui le touche, en sorte que 

personne ne se puisse prévalloir à son désadvantage du 

service qu'il rend par de ça avec sa bande. Et n'estant 

celle cy à autre fin, je prieray Dieu mou nepveu qu'il 

vous augmente ses saintes grâces. A Fontaynebleu le 

IX« d'octobre 1613. 

Votre bien bonne tante, 

Marie *. 

1 Arcuives de Makïoce. Série de France. Lettre en italien. 
1 Idem et Bibliotb. Nationale. Man. 500 Colbert. Vol. 89, 
fol. 192 P. 



238 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Mais a tous ces témoignages cérémonieux tirés 
des registres d'un protocole qui devient fastidieux, 
on voudrait pouvoir joindre des récits où la part lit- 
téraire et dramatique trouverait meilleur compte. La 
pénurie des renseignements à cet égard est à déplo- 
rer. Les correspondances du temps, — du moins 
celles qui ont été conservées et qui sont connues, — 
à l'exception d'une ou deux, sont muettes absolument 
sur ce séjour à Paris de cette troupe comique étran- 
gère dont l'arrivée avait été pour la Reine un si 
particulier sujet de satisfaction. Le sieur de Peiresc, 
qui était homme de bonnes lettres, écrivant au 
sieur de Valavoir son ami, dit : « Cependant fa 
Reine passe fort le temps à ouïr de bons Comédiens 
italiens quy sont arrivez icy depuis quelques jours f . » 
Mais cela n'est en somme qu'un propos qui ne suffit 
point à la curiosité littéraire. Rien ou à peu près — 

1 Si le S r de Peiresc, personnage littéraire de premier ordre, 
a donné d'autres informations sur le personnel dramatique italien 
à cette époque, nous le saurons bientôt par le travail considérable 
de notre tant estimé confrère M. Tamizet de Larroque, chargé 
de recueillir, en tous lieux, la correspondance dudit sieur de 
Peiresc II n'y a point présentement d'écrivain chercheur et tra- 
vailleur qui se puisse comparer à notre érudit confrère Tamizet 
de Larroque pour être versé, comme il Test, dans la connaissance 
des gens d'esprit et dans la notion des choses littéraires de la 
seconde moitié du seizième siècle et de la première moitié du 
dix-septième. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 239 

hors des quelques fragments épistolaires de Malherbe 
— ne se rencontre sur le titre même des pièces jouées, 
sur la valeur de l'espritdépensé, sur l'appréciation des 
rôles, sur le jeu personnel des acteurs, sur la donnée 
comique des récitations et improvisations, sur la 
faveur ou défaveur publique. Il n'y avait point alors 
de « Revue et Gazette des Théâtres » et par consé- 
quent point de feuilleton dramatique. Un « Mercure 
Français » était né depuis quelques ans, mais il ne 
savait point encore son métier. Il était si réservé 
qu'assurément il ne se doutait pas de l'intérêt qu'il 
aurait offert, à deux ou trois cents ans de là, s'il eût 
donné plus belle et plus libre carrière à ses annallistes. 
Que de menues fatigues il nous eût évitées si, dans 
son exposé de l'année 1613, il eût pris le louable 
soin de faire assister, par une description fort ample, 
la postérité de ses lecteurs à la première représen- 
tation donnée par la troupe italienne au Louvre ou 
en la salle de l'Hôtel de Bourbon! Certes, nous 
n'aurions pas eu à nous porter autant de fois, ainsi 
que cela nous est échu, vers les recueils de messieurs 
de Béthune, Gaignières et Glairambault, pour n'y 
faire en somme qu'assez maigre récolte. Notre ga- 
lerie serait plus complète, et à ne point douter, 
nous aurions le portrait de Florinde et celui de Fia- 
vie et tous les détails séants sur la pièce et les 



540 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

acteurs, ainsi qu'il appartient à tout bon maître 
chroniqueur de les bien donner en son compte 
rendu dramatique. Malherbe seul a dit son mot 
sous forme intime, dans le cours d'une correspon- 
dance hâtive. A n'entendre que lui, il y aurait 
beaucoup à rabattre sur le triomphe arlequinesque. 
Fut-il partial par esprit de nationalité? Son goût 
raffiné ne put-il goûter les plaisanteries salées à 
l'excès qui se débitaient dans les « Commedie delV 
arte » , selon le caprice, la fantaisie et la disposition 
d'esprit des acteurs? Avait-il l'humeur chagrine, alors 
qu'il exprimait ses impressions dans ses lettres fami- 
lières? Par trois ou quatre fois, il en donne part au 
correspondant son ami, mais ce n'est pas pour ap- 
plaudir au jeu des comédiens étrangers que, peut- 
être aussi, trouvait-il trop nombreux alors à Paris. 
Les Italiens, en effet, n'étaient pas les seuls à cette 
époque qui débitaient lazzi et scherzi au peuple de 
Paris. Des Espagnols les avaient précédés, sans suc- 
cès aucun, d'ailleurs, et Malherbe les malmène plus 
encore que les Italiens ' . « Les Espagnols ne plai- 

1 Sur le sujet des Comédiens espagnols, il faut lire l'inté- 
ressant travail de notre regretté et vaillant confrèie Edouard 
Fournier, m L'Espagne et ses Comédiens en France au 
xvn e siècle » , extrait de « La Revue des Provinces » du 
15 septembre 18 64. 

Disons aussi que le duc de Mantoœ T Tikgeht I er de Gon- 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 241 

sent à personne, dit-il; ils jouent au faubourg Saint- 
Germain, mais ils ne gagnent pas le louage du jeu 
de paume où ils jouent. » « Je viens tout à cette heure 
de la Comédie des Espagnols, dit-il encore, ils ont 
fait des merveilles en sottises et impertinences, et il 
n'y a eu personne qui ne s'en soit revenu avec mal 
de tête, mais pour une fois il n'y a point eu de mal 
de savoir ce que c'est. Je suis de ceux qui s'y sont 
excellemment ennuyés et en suis encore si étourdi 
que je vous jure que je ne sais encore ni où je suis 
ni ce que je fais : je n'avais que faire de le vous 
dire, vous l'eussiez bien vu par ce discours qui est 
devenu fâcheux par contagion des leurs. » 

Mais cela est le compte des Espagnols et non 
celui des Italiens qui sont les compagnons auxquels 
nous avons affaire ici. Que dit d'eux maître Mal- 
herbe? Il est moins âpre assurément, mais il ne les 
applaudit guère plus. C'est d'abord par lui que nous 

zague, malgré le mérite de ses Comédiens italiens ordinaire», 
avait eu la curiosité d'avoir des Comédiens espagnols à sa 
cour. Il eut une correspondance, à cet effet, avec son envoyé 
en Espagne Celliero Bonatti. Voir sa lettre du 17 juin 1609 
pour charger Vittorio, son musicien ordinaire espagnol, de 
se rendre en Espagne et ramener des Comédiens, et sa lettre à 
Bonatti, ainsi que la réponse de ce dernier datée de Ségovie 
le 26 juillet 1609 : Archives de Mantoue, série Spagna. 

16 



242 LES COMEDIENS ITALIENS 

apprenons au juste la date du jour de leur arrivée, 
car lorsque Arlequin écrivit à ses protecteurs et pa- 
trons, le 4 octobre, la lettre que nous avons repro- 
duite, il y avait un mois déjà que la Compagnie était 
arrivée. Malherbe dit donc, à la date du 6 sep- 
tembre 1613 : 

• u Les Comédiens italiens sont arrivés; mardi ils joue- 
ront au Louvre : Ton n'en dît rien à personne, afin que 
ce soit en petite compagnie à cause du lieu qui est petit, 
et que la saison estant chaude, Leurs Majestez pourraient 
estre incommodez '. » 

Maître Malherbe était bien informé sur la date de 
cette première représentation qui devait se faire en 
famille et à petit bruit. Le mardi dont il parle fut 

1 OEuvres de Malherbe recueillies et annotées par M. Lu- 
dovic Lalahbe (édition des grands Écrivains français. Paris ; 
Hachette, 1862. Tome III, page 350). C'est de ce même Arle- 
quin que parle Ménage, lorsque, sans le nommer autrement, 
il dit, en son Dictionnaire étymologique de la langue fran- 
çaise, à propos de l'origine contestée du mot : « J'ay ouï 
dire cette particularité à M. Guy et qui m'a dit l'avoir apprise 
de Hariequin mesme, au second voyage qu'il fit en France, au 
commencement dn règne de Louis XIII. Et elle m'a été con- 
firmée par M. Forget, grand maistre des Eaux et Forêts 
d'Orléans, qui m'a dit avoir ouï Hariequin sur le théâtre appe- 
ler M. de Chanvalon son parrain. » Voyez la note excellente 
signée C. M» aux Réponses dans « {Intermédiaire des Cher- 
cheurs et des Curieux » , livraison 143 du 25 avril 1874 : 
- D*où vient le nom d* Arlequin ? » 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDIG1S. 243 

le 10 de septembre, car le médecin Heroard don- 
nant, en son « Journal de la vie active du Roi 
Louis XIII v , l'emploi du temps de la journée, dit 
pour l'après-souper : u Va chez la Reine et à la Comé- 
die des Italiens. Revient à 9 heures 1/2. » 

Le 15 septembre, Malherbe se bornant encore à 
faire le nouvelliste, dit : 

u Le fameux Arlequin est ici avec une Compagnie de 
Comédiens Italiens. On leur doit préparer pour le retour 
de Fontainebleau qui sera, à ce que Ton dit, environ la 
Toussaint, un théâtre en la salle des Gardes au Louvre, 
et pour la ville la Reine leur a loué l'hôtel de Bour- 
gogne. Ils s'en vont à Fontainebleau avec le Roi. » 

Rien de plus exact encore pour ce départ, car 
toujours d'après le Journal tenu par le médecin 
Heroard nous voyons que Sa Majesté partit de 
Paris le 16 et arriva le lendemain 1 7 à 3 heures 1/2 
à Fontainebleau, en même temps que la Reine sa 
mère qui s'était arrêtée le matin à Lezigny en Brie 
chea la marquise d'Ancre. La veille du départ, les 
Italiens avaient récité au Louvre et Malherbe avait 
eu place au spectacle. Ecoutez-le : 

a Ce voyage sera de cinq semaines, je suis résolu de 
m r en dispenser : mon âge ne vaut plus rien pour les cor- 
vées. Je fus samedi au soir à la Comédie Italienne par 
commandement exprès de la Reine; sans cela je m'etois 

16. 



244 LES COMEDIENS ITALIENS. 

résolu de ne les voir point qu'on ne fût de retour de Fon- 
tainebleau. Arlequin est certainement bien différent de 
ce qu'il a été, et aussi est Petrolin : le premier a cin- 
quante six ans et le dernier quatre vingt et sept : ce ne 
sont plus âges propres au théâtre : il y faut des humeurs 
gaies et des esprits délibérés, ce qui ne se trouve guères 
en de si vieux corps comme les leurs. Us jouent la Comé- 
die qu'ils appellent Dut simili qui est le Menechmi de 
Plaute. Je ne sais si les sauces étaient mauvaises ou mon 
goût corrompu, mais j'en sortis sans autre contentement 
que de l'honneur que la Reine me fit de vouloir que j'y 
fusse : nous en verrons s'il plaist à Dieu davantage et en 
jugerons avec plus de loisir. » 

Il est néanmoins regrettable que Malherbe ne se 
soit pas prêté à faire ce qu'il appelle la corvée de 
Fontainebleau ; il eût pu juger la Compagnie des 
Italiens tout à loisir et dans la diversité de son jeu, 
car elle récita souvent. Arlequin lui-même n'avait 
pas, du reste, été bien content des débuts de la 
troupe, car malgré la satisfaction qui lui avait été 
marquée, il dit dans sa première lettre écrite de 
Paris que ce contentement était sans raison — senza 
ragione. Le Roi les alla entendre jusqu'à trois fois 
de suite, en la salle du cheval où ils jouaient. Bien 
que Malherbe dise ailleurs : « Le Roi ne goûte point 
les Italiens » , nous croyons qu'ici c'est de parti pris 
qu'il s'exprima, car autrement, il ne serait pas 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. «45 

admissible que, pendant ie séjour à Fontainebleau 
qui fut fort prolongé, le Roi eût pris l'habitude 
d'aller à la Comédie des Italiens avec autant de faci- 
lité que l'on peut prendre celle de souper. Ce n'est 
pas à dire que c'était pour plaire à la Reine sa mère, 
puisque le 17 d'octobre, la Reine s'étant absentée 
pour aller passer plusieurs jours à Paris auprès de 
Monsieur, son second fils, qui y était malade, le 
Roi se fit donner la comédie par ces mêmes Italiens 
qu'il retenait à la Cour déjà depuis plus d'un mois. 
Du samedi 21 septembre au jeudi 21 novembre, ils 
ne jouèrent pas moins de trente-neuf fois ! . 

Le 19 novembre — toujours à Fontainebleau — 
si là comédie fut donnée au Roi Très-Chrétien, ce 
ne fut pas par Arlequin. Elle fut plus sérieuse et 

1 Le médecin Heroard, en son Journal de ta vie active 
du Roi, indique les dates des représentations qui furent 
données par la troupe italienne au séjour de Fontainebleau : 

Le 21 septembre 1613. « Va chez la Reine, puis à sept 
heures à la Comédie Italienne. » 

Les 22, 23, 25, 28, 29 (en la salle du cheval) et 30 sep- 
tembre : à la Comédie Italienne. 

Les I e ', 3, 5, 6, 8, 12, 13, 14, 16, 17, 22, 23, 24, 26, 27, 
28, 29, 30 octobre : à la Comédie Italienne. 

Les 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 
31 novembre, idem. (Bibl. Nat. Ms. F. n° 4024.) 



*46 LES COMEDIENS ITALIENS. 

jouée par un autre Italien qu'il devait fort malmener 
peu d'ans plus tard. « Va en son cabinet (dit 
Heroard) où le marquis d'Ancre prête le serment 
de maréchal de France par le décès du sieur de 
Fervacques. » C'était Goncino Goncini l ! 

La Cour revint le 25 de novembre à Paris. Les 
Comédiens l'avaient devancée de peu de jours, et ils 
ouvrirent, le jeudi 24, leur théâtre au public, à 
l'hôtel de Bourgogne 9 où, dit encore Malherbe, « ils 
ne firent ni bien ni mal » . 

1 Le texte original de cette note curieuse consignée par le 
fidèle observateur est celui-ci : « Le 19 novembre, mardy... 
à unze heures et un quart disné. Va en son cabinet où 
M. le marquis d Ancre deux jours auparavant pourveu de 
la charge de maréchal de France par le décès du S r de 
Fervacques luy dict par discours qu'il avoit grand subiect 
<£être son serviteur luy qui estoit estranger venu en France 
sans rien où il avoit reçu tant de bienfaicts de Sa Majesté 
et de la Reine sa mère que cela tobligeoit à demeurer son 
serviteur tant qu'il vivroit et qu'il seroit bien misérable s'il 
n'en ressentoit £ obligation... » 

1 Peut-être travaillait-on encore alors à terminer la salle 
de Bourbon qui était celle que préféraient le» Comédiens Ita- 
liens. Située rue des Poulies, à la place où se voit la façade 
du vieux Louvre. Le Roi l'avait fait bâtir en 1613 pour y faire 
appeler les Comédiens, lorsqu'il lui plairait de prendre le 
divertissement de la comédie. (Bib. Nat. M an. 9230.) Voir 
aussi Le Mercure Français : année 1615, pages 9 et 10. 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDIGIS. 247 

La Compagnie ne demeura pas moins longtemps 
encore à Paris. Elle joua pendant tout l'hiver de 
1614, et elle suivit la Cour à Saint -Germain, au 
séjour que la Reine y fit au mois de juin. 

Depuis le retour de Fontainebleau, le Roi avait 
pris plus de goût encore aux comédies, et il alter- 
nait le divertissement de manière qu'on pouvait 
dire qu'il suivait autant la Comédie Française que 
la Comédie Italienne 1 . Quant à la Reine, elle était 
demeurée la même pour la Compagnie, s'employant 
pour chacun selon l'occasion de les obliger. Le 
17 décembre 1613, on voit par une lettre à M. de 
Brèves, son ambassadeur à Rome 2 , qu'Arlequin, 
désireux « pour le bien et la consolation de ceux 
de sa maison » de faire avoir quelque petite dignité 
en une église de Mantoue à un sien parent de la 
congrégation du Sauveur de Saint-Pierre aux Liens, 
n'a point hésité à la faire intervenir dans la de- 
mande de cette grâce, comme il avait fait maintes 
fois. Par une lettre encore à son neveu le Cardinal- 

'• Depuis le 26 novembre 1613 que le Roi revint à Paris 
jusqu'au 10 février, les dates indiquées par Hep.oard pour les 
représentations auxquelles le Roi assista, sont : 

Le 7 décembre 1613. Les 15, 21, 25, 26, 28, 30 janvier. 

Les 4, 5, 6, 8, 10 février. 

* Bibl. Nat. 500 Colbert. Volume n° 89, fol. 215. 



248 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

Duc de Mantoue, Marie de Médicis demande pro- 
tection et justice pour Lelio — lequel faisait les 
amoureux dans la Compagnie — et qu'un sien com- 
patriote ne voulait ni plus ni moins que faire assas- 
siner '. Puis eut lieu le baptême du fils d'Harlequin le 
27 janvier. Malherbe en témoigne, disant : « Cette 
après dînée le Roi et Madame ont tenu V enfant d'Har- 
lequin,.. » 

La Compagnie, en somme, fut fort bien traitée. 
Les papiers de finances, parmi les « pièces origi- 
nales » , récemment classées au cabinet des manu- 
scrits de la Bibliothèque Nationale, nous disent au 
juste quel convenable traitement lui fut alloué par 
Tordre exprès du Roi. La quittance est au nom de 
« Martinelli » , lequel avait dû la signer, en qualité 
de chef de la troupe. Nous en avons rencontré deux 
pièces suffisamment explicites, dont d'ailleurs voici 
la teneur et le libellé : 

Louis par la grâce de Dieu Roy de Frange et de 
Navarre. A notre amé et féal conseiller en notre Con- 
seil d' Estât trésorier de notre espargne M € Vincent Bouhier 
salut. Nous voulions et vous mandons que sur les deniers 
tant ordinaires qu'extraordinaires de ma dite espargne 

1 Archives de Mantoue. Francia. Lettre à M. de Léos, 
ambassadeur à Venise, 27 décembre 1613. Colbert 500. 



SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 249 

de la présente année vous payez, baillez et délivrez comp- 
tant à Harlequin et ses compagnons Gommediens Italiens 
la somme de dix huit cens livres de laquelle nous leur 
avons, par ladvis et prudent Conseil de la Reyne Régente 
notre très honorée dame et mère, faict et faisons don par 
ces pièces signées de notre main pour les commedies 
quilz ont recitées devant nous pendant le mois de jan- 
vier dernier, le présent de febvrier, pour celles qu'ils 
reciteront encore pendant le mois de mars prochain à 
raison de VI e L. pour chacun des dits mois sans que de 
la dite somme de dix huit cens livres il en soit desduict 
y rabattu aucune chose pour le dixième denier destiné à 
l'Ordre et milice du Saint Esprit dont nous les avons 
rellevez et dispensez par les dites présentes rapportant 
lesquelles pour quittance sur ce suffisant : i celle somme 
de XVIII e L. sera passée et allouée en la despense de vos 
comptes par nos amez et feaulx les gens de nos comptes à 
Paris auquelz mandons, aussy le faire sans difficulté. Car 
tel est nostre plaisir nonobstant toutes ordonnances à ce 
contraires. Donné à Paris le XXV* jour de febvrier lan 
de grâce mil six cens quatorze et de nostre règne le qua- 
trième. 

Louis. 

Par le Roy la Hoyne 
régente sa mère présente 

« Brularl 1 . » 

1 Enregistrées au Conseil général des Finances par M. Brû- 
lait le 27* jour de février 1614. (Biblioth. Nat. Ms. Pièces 
originales. Volume n° 1876.) 



«0 LES COMEDIENS ITALIENS. 

En la présence de moy Conseiller notaire secrétaire du 
Roy : Tristan Martinelli dict Harlequin a confessé avoir 
eu et receu comptant de M e Vincent Bouhier S r de Beau- 
marchais conseiller du Conseil d' Estât de Sa Majesté Tré- 
sorier de son espargne la somme de dix huit cens livres 
dont Sa Majesté luy a faict don tant pour luy que pour 
ses compagnons Connnediens Italiens en considération 
des Commedies quilz ont recitez devant elle pendant les 
moys de janvier et febvrier derniers et de celles qu'ilz 
reciteront pour le présent moys de mars qui est a raison 
de VI e L. par moys et de laquelle somme de XVIII e livres 
le dit Martinelli s'est tenu et tient pour content, bien 
payé et en a quiet é et quite le dit S r de Beaumarchais 
Trésorier de lespargne susdite et tous autres tesmoins: 
mon seing manuel cy mis à sa requête le troisième jour 
de mars mil six cens quatorze. 

Tristano Martinelli ditto Arlechino. 

« Drouyn '. » 

La Compagnie fit résidence à Paris jusqu'à la fin 
du mois de juillet de Tannée suivante (1614). Elle 
donnait ses représentations tantôt au Louvre pour 
l'agrément du Roi, tantôt à l'Hôtel de Bourgogne 
pour le divertissement du public. Les anciennes 
Minutes dressées par les notaires Huart et Hague- 
nier contiennent le texte du bail que firent les 
Comédiens avec les maîtres et gouverneurs dudit 

1 Bibliotd. Nationale. Ms. Quittances classées* N* 1876. 



■SOUS LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS. 251 

Hôtel de Bourgogne, en date du huit avril, con- 
tracté « le jour d'hyer pour deux mois qui finiront le 
septième juin » . Les maîtres et gouverneurs «jurent 
et promettent pendant le dict temps garentyr à Jehan 
Baptiste Andreini dict Lelio acceptant et retenant le 
tiltre tant pour luy que pour Tristan Martinet dict 
Arlequin et pour leurs compagnons Comédiens Ita- 
liens, la grand salle, loges, théâtre et galleries pour 
représenter et jouer jeux et comédies » . Réserve est 
faite toutefois « des loges cy après déclarées cest assa- 
voir de la loge de M. le Lieutenant civil, des cinq loges 
des doyens et maîtres, de celle des anciens maîtres, de 
celle du Prince des Sots et de celle de M 9 Jacques de 
Fonteny » , ce même contrôleur dont nous avons déjà 
vu l'intervention en 1 608. La somme à payer était de 
quatre cents livres tournois, et formule était donnée 
des diverses autres conditions alors en usage. Encou- 
ragés qu'ils furent sans doute à prolonger leur séjour, 
les Comédiens, à l'expiration de ce bail, deman- 
dèrent à le renouveler l • Ces gouverneurs adressèrent 
la requête accoutumée en pareil cas à M. le Lieute- 

1 Minutes conservées en l'étude de M e Acmont-Thiéville. 
Acte signé ainsi « En CHostel de Bourgogne mil six cens 
quatorze le huict dapvril après midi » . Io Gio Bail. 
Andreini detto Lelio affermo. Suivent les noms des doyen 
et gouverneurs. 



252 LES COMEDIENS ITALIENS. 

liant civil qui ne la refusa point, et le bail du 7 avril 
fut renouvelé le 9 juin dans les mêmes termes et aux 
mêmes clauses l . 

En ce même mois de juin, le 28, le Roi qui était 
arrivé h Saint-Germain, où il devait courir son pre- 
mier cerf, voulut avoir aussi le divertissement moins 
fougueux de la Comédie Italienne. La troupe se 
rendit à son appel et lui donna deux représenta- 
tions le 26 et le 29, en la galerie du château, du 
côté du parc. 

Louis XIII allait du reste bientôt partir pour le 
voyage qu'il fit en cette année 1614, vers ses pro- 

1 La requête est au recueil desdites minutes avec la permis- 
sion signée « H. de Mesmes » , lequel était du Conseil d'État et 
privé, lieutenant civil de la Prévosté et Vicomte de Paris : 
Monsieur le lieutenant civil, 

Supplient humblement les Gouverneurs de la Confrairie 
de la Passion. . . de savoir qu'ils ont fait bail aux Comédiens 
Italiens de la salle et théâtre de tHostel de Bourgogne qui 
est expiré au septième jour du présent mois de juin mil six 
cens quatorze moyennant quatre cens livres et daultant 
qu'ils ont dudit bail. .... reffusans de le délivrer pour une 
seconde fois et faire sans votre permission. . ... ce considé- 
rant monsieur il vous plaise ordonner que le dit bail sera 

délivré pour une seconde fois aux dits suppliants à la 

charge que les deux ne serviront que dune seulle et 
mesme chose et vous ferez bien. 



SOUS LA REGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 253 

vinces du centre et en Bretagne. Ayant quitté Saint- 
Germain le 2 juillet, il passa trois jours seulement à 
Paris et se mit en route le samedi 5 juillet. 

Les Comédiens Italiens ont dû quitter aussi Paris, 
peu de temps après le départ du Roi. D'après 
leurs conventions du 9 juin avec les maîtres de 
l'Hôtel de Bourgogne, le terme de leur bail n'avait 
d'ailleurs plus que quelques semaines à courir. Deux 
derniers documents empruntés aux registres de la 
Correspondance de la Reine nous permettent de dé- 
terminer la date du congé qu'ils prirent. Ces deux 
lettres du 20 juillet sont un témoignage de l'agré- 
ment que la Cour avait pris à la longue suite de 
représentations que la Compagnie avait données 
pendant un séjour de près d'une année. Comme elles 
ne concernent que Lelio et Florinda qui s'en vont en 
Lorraine, il est a croire qu'Arlequin et les autres 
acteurs avaient pris ou devaient prendre une route 
différente pour retourner en leur pays 1 . L'une des 
lettres est adressée par la Reine à sa nièce de Lor- 
raine que Lelio et Florinda doivent aller saluer à 

1 Parmi les comédiennes de la troupe, se trouvait Lidia 
Rotari. Il y a une lettre d'elle aux archives de Mantoue du 
13 décembre 1613 où Ton voit que le départ de la troupe 
était déjà prévu pour être en juin 1614. 



254 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Nancy, la seconde est faite pour son neveu, le cardi- 
nal-duc de Mantoue. Nous ne pouvions mieux ren- 
contrer pour clore la suite des textes relatifs à cette 
période de la Comédie Italienne en France : 

Ma niepge. Les porteurs de celle-cy Lelio et Florinda 
sa femme qui sont deux des bons personnages de la 
bande des Comédiens que le Roy Monsieur mon Bis et 
moy avons faict venir d'Italie, s'en retournans en leur 
pays, ont désiré de passer par les Etats de mon cousin le 
Duc de Lorrayne pour y voir le pays et là vous faire la 
reverance, vous me ferez plaisir d'avoir agréable cet 
debvoir d'eux, et pendant leur séjour qu'ils feront par 
de là les avoir en toute bonne recommandation, m'asseu- 
rant qu'en ce que mon dit cousin et vous leur comman- 
derez pour vostre commun plaisir et service, ils y appor- 
teront le mesme respect et obéissance qu'ïlz ont tous tours 
rendu pendant qu'ilz ont esté a nostre suite. Sur ce je 
prie Dieu qu'il vous ayt en sa saincte garde... A Tours 

ce XX juillet 1614. 

Marie K 
A ma niepce la Duchesse 

de Lorrayne. 

Cette seconde et dernière lettre se peut appeler 
celle de congé et de compliment : 

Mox nepveu. Les Comédiens Lelio et Florinda sa 
femme qui ont tousiours demeuré à la suite du Roy 

1 Bibliothèque Nationale. Manuscrits. 500 Colbert. Vo- 
lume 89, folio 265. 



SOUS LA IlEGENCE DE MARIE DE MEDICIS. 255 

Monsieur mon fils et de moy depuis qu'ilz sont venuz en 
ce royaume, s'en retournent en leur pays et le Perocquet 
avec eux. J'ay voulu par leur occasion vous faire celle- 
cy pour vous tesmoigner le contentement que nous 
avons de leurs bons déporteinens, respects et obéissance, 
en ce qui leur a esté commandé par de ça pour nostre 
récréation et service, vous priant de leur en faire pa- 
roistre le mesme bon gré que nous leur en scavons, et 
aux endroictz qui se présenteront par de là pour leurs 
affaires particulières et advancement, les vouloir assister 
de vostre recommandation et bienveillance accoustumée, 
assurée que comme par le mérite de leur profession ils 
s'en rendront dignes, je le recevray à plaisir bien 
agréable. Priant Dieu... Tours le XX juillet 1614. 

Marie '. 
A mon neveu le Cardinal 
Duc de Manloue. 

Le Cardinal-Duc à qui la Reine, encore Ré- 
gente, adressait cette lettre, était ce même Ferdi- 
nand de Gonzague qui, deux an* auparavant, était 
à la cour de France, avec le titre plus simple de Car- 
dinal seulement. Il était loin de penser en 1611 que 
le pouvoir lui devait être sitôt destiné. H avait, de- 
puis, perdu le Duc son père, mais n'étant pas Faîne 
de sa maison, il n'était pas l'héritier au trône. Il 

1 Bibliothèque Nationale. Manuscrits. 500 Colbert. Vo- 
lume 89, folio 266. 



256 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

avait fallu la fin si prompte de son frère François, 
mort sans autre enfant qu'une fille, après un court 
règne de dix mois, pour que le beau Duché lui 
échût en toute souveraineté. 11 était donc le Duc 
de Mantoue, depuis le 22 décembre 1612. C'était 
sans doute par pure forme que la Reine lui re- 
commandait ainsi les Comédiens qui retournaient 
vers lui. Il les connaissait d'autant mieux que c'était 
lui-même qui avait contribué à l'heureuse issue de 
la négociation pour assembler la troupe et faire 
voyager sur le pied de paix, cette fois du moins, 
Arlequin, Lelio et Florinde. 



CHAPITRE SEPTIEME 

SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIII. 

1010-1622. 

De la fin de 1614 à la fin de 1620, il n'y eut pas de Comé- 
diens Italiens à la Cour. — Le Roi manifeste son désir de 
les avoir en 1618. — Il fait expédier quatre lettres dont 
une pour Tristano Martinelli dit Arlequin. — Lettre du 
Comédien au Duc de Mantoue (18 décembre 1618). — 
Négociations, nécessaires. — Monsignor Luigi Ruccellai. 
— Témoignage du Nonce Guido Bentivoglio (15 septembre 
1619). — Détails piquants sur la personne de Monsignor 
Ruccellai. — Son portrait et son caractère d'après les dires 
du Nonce. — Monsignor Ruccellai, courtisan, dans l'emploi 
à* imprésario pour le service du Roi. — Nouvel appel 
aux Comédiens en septembre 1619. — Nouvelle suite de 
négociations. — Nouveaux embarras. — Nouvelles dissen- 
sions parmi les sujets, — Lettre de Monsieur de Mantoue 
au Roi (mai 1620). — Retour du messager que la Compa- 
gnie avait envoyé au Roi. — Curieuse lettre de Fridelin 
au duc de Mantoue lui indiquant des sujets nouveaux 
(28 août 1620). — La Baldina. — Effets prétendus ter- 
ribles de ses charmes et intrigues contre le repos et la paix 
dans la Compagnie. — Disgrâce soudaine de Fridelin. — 
Sa lettre émouvante au Duc de Mantoue, (%i octobre 1620). 

17 



258 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

— Triomphe d'Arlequin. — Sa lettre à son maître, signée: 
« Dominus Arlechinorum », 19 octobre 1620. — Départ 
de la Compagnie pour la France. — Arrêt chez Monsieur de 
Savoie. — Longue et curieuse lettre d'Arlequin écrite de 
Turin le 5 novembre 1620. — Noms des sujets formant la 
Compagnie. — Arrivée à Paris à la fin de 1620. — Le Roi 
à la Comédie Italienne en janvier 1621. — Assiduité de 
Louis XIII au spectacle. — Rareté des documents pour 
cette époque. — Nouvelles de la Compagnie par une lettre 
de Lelio (3 mars 1621). — Lettre de la Reine régnante 
(6 mars) et de la Reine-Mère (20 avril 1621) en faveur 
d'Arlequin. — Le Roi, sur son départ pour aller faire la 
guerre dans le midi du Royaume, retient cependant les 
Comédiens à la Cour pendant un an encore. — Difficul- 
tés faites par Arlequin seul. — Sa requête présentée au 
Roi à Fontainebleau (21 avril 1621). — Monsignor Ruc- 
cellai reparaît. — Sa lettre au Duc de Mantoue (Blois, 
4 mai 1621) sur l'envoi nécessaire de quelques nouveaux 
sujets. — Lettre d'Arlequin à son maître « le Sérénissime 
Seigneur Compère » (8 mai 1621). — Récit de l'épisode 
de la prise de son congé. — Manifeste de la Compagnie 
rédigé par Lelio contre Arlequin (12 mai 1621). — Réponse 
de Monsieur de Mantoue (juin 1621). — Arlequin opère sa 
retraite. — Colère de la Compagnie. — Réquisitoire en 
sept pages contre Arlequin rédigé par la Compagnie réunie 
en conseil. — Le contre-billet de Lelio (2 juillet 1621). — 
Lelio directeur de la troupe. — Son envoi de gravures de 
circonstances au Duc de Mantoue. — Derniers mots sur la 
personne d'Arlequin. — Lettre du Roi au Duc de Mantoue 
sur le congé du Comédien (8 août 1621). — Dernière 
lettre de Tristano Martin elli dit Arlequin, adressée à M. de 
Chasteauneuf, ambassadeur du Roi (27 juillet 1626). — 
Louis XIII, au retour de son grand voyage, retrouve la 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 259 

Compagnie à Paris (janvier 1622). — Lettre de congé 
(3 février 1622). 



Cinq* ans se sont écoulés depuis le départ de 
France des Comédiens Italiens que la Reine-Régente 
y avait appelés en 1613. 

Nous sommes a la fin de l'an 1618. 

Pendant ce temps, les Comédiens français de 
l'hôtel de Bourgogne avaient parfaitement suffi au 
divertissement que le Roi prenait au théâtre. 

Mais à la fin de cette année même, Louis XIII 
se prit du désir de revoir les Comédiens Italiens à la 
Cour, et pour ce faire, il pensa de s'adresser au 
même Arlequin, dont il avait tenu l'enfant sur les 
fonts de baptême, en 1614. 

On ne pouvait, cette fois, attribuer à la Reine- 
Mère aucune ingérence en cet appel. Depuis un an et 
demi, en effet, que le Roi son fils avait fait exécuter 
le meurtre du maréchal d'Ancre , il s'était séparé d'elle 
et l'avait fait conduire à Blois. Un autre person- 
nage avait pris ce soin de porter l'esprit du Roi vers 
les Comédiens Italiens, et tout à l'heure, moyennant 
informations prises à la bonne source, nous dirons 
quel il était. Pour le moment, disons que Louis XIII 
s'était si fort échauffé au succès de son désir, qu'il 

17. 



260 LES COMEDIENS ITALIENS. 

avait fait écrire quatre lettres, à ce sujet, signées 
de sa main. Un seul pli les renfermait, à l'adresse 
d'Arlequin. Ce dernier les reçut à Vérone, où il 
était alors retenu par le soin d'intérêts concernant 
la signora Martin elli, sa femme. C'est par une 
sienne lettre du 18 décembre au duc de Mantoue, 
toujours son patron, que nous sommes mis au fait 
de l'initiative royale : 

Sérénissime compère, 

Nous vous faisons savoir comment nous sont arrivées 
récemment quatre lettres à nous adressées par notre très- 
affectionné compère le Roi de France : une est pour 
Votre Altesse, une autre pour le seigneur Don Giovanni; 
la troisième pour Arlequin, et la quatrième pour notre 
personne. Et de cesdites lettres, il ressort que pour nous 
tous quatre Princes, nous devons apporter toutes nos 
forces à le seconder et l'aider en ce dont il a besoin, et 
lui envoyer une compagnie choisie par nous de Comé- 
diens parfaits (soprafini) pour concourir à ses divertisse- 
ments. Nous porterons ces lettres à Votre Altesse aussitôt 
que possible '. 

Il fallut des négociations nouvelles pour former 
la compagnie désirée. A cette époque, Fritellino 

1 Archives de Mantoue. Maison de Gonzague. (La lettre 
est en italien.) 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 261 

était à Naples avec Leandro et Cinthio, et au mois 
de mai suivant, il était à Rome, lorsqu'il reçut une 
lettre de Lelio qui le priait de s'occuper d'une 
troupe pour aller réciter en France. Silvio Fiorillo, 
dit le capitaine Matamoros, jouait à Florence avec 
son fils Scaramucia, alors au début de la plus bril- 
lante carrière qui fut jamais faite dans la commedia 
deW arte. Plus d'un an après, tous les plus célèbres 
sujets étaient encore dispersés. 

Le Roi savait toutefois par expérience ce qu'il 
fallait de temps, de patience et de soins pour mettre 
d'accord les neuf ou dix sujets nécessaires à la 
bonne composition d'une troupe de Comédiens-ita- 
liens destinée a un pays étranger. Il n'aurait peut- 
être pas renouvelé ses instances auprès de son 
parent le Duc de Mantoue, classique patron de bons 
sujets, si parmi les courtisans les plus habituels 
alors, ne s'était trouvé le personnage qui l'avait si 
fort échauffé, depuis un an, à mander auprès de lui 
Arlequin et sa suite. Ce personnage était un Floren- 
tin, mais prélat romain, doté de belles abbayes en 
France, courtisan dans Tâme, plein de l'esprit qu'il 
faut pour l'intrigue, fort habile à faire naître les 
occasions pour exercer ses talents, faire paraître 
sa personne et valoir son service. 11 s'appelait 



262 LES COMEDIENS ITALIENS. 

monsignor Louis Ruccellai 1 , et en cette qualité 
de monsignor, de grand abbé et de courtisan fort 
occupé, on peut dire qu'il défrayait les dépêches 
du Nonce, en France, par le récit de ses diverses 
aventures et l'exposé de sa conduite à la cour. 
Nous prenons le Nonce à témoin, le très-spirituel 
et charmant monsignor Guido Bentivoglio, que ce 
fut monsignor Ruccellai qui se donna grand mou- 
vement auprès du Roi pour que Sa Majesté fît 
un nouvel appel à la troupe des Comédiens italiens. 
Voici ce qu'on" lit dans sa dépêche au cardinal 
Borghèse, datée de Tours, le 15 septembre 1619 : 

« L'abbé Ruccellai se mêle ordinairement aux 

affaires de plaisir, et j'ai su que ces jours-ci, il avait pris 
occasion d'inspirer au Roi le désir d'avoir ici une troupe 
de comédiens italiens et qu'il s'est fait donner la com- 
mission de la faire venir, ayant envoyé un des siens en 
Italie à cet effet *. » 

1 L'auteur de 1' « Histoire de la vie du Duc dEpernon » 
fait souvent intervenir Ruccellai dans son récit : •» Gentilhomme 
florentin, dit-il, né d'un père qui avait fait ses affaires en 
France dans la correspondance qu'il tenait avec Zamet, Ban- 
dini, Genamy et quelques autres personnes d'affaires de cette- 
nation qui tenaient en ce temps-là tous les partis du royaume. » 
Voyez cette Histoire par le S r Girard (3 volumes. Paris % 
1730), page 71 etpassim. 

1 Voyez a La Nunziatura di Francia del Cardinale- 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 263 

Très-curieuse figure, en vérité, que celle de ce 
monsignor, qui fut, en son rôle, comédien meilleur 
peut-être qu'aucun de ceux de la Compagnie qu'il 
appelait d'au delà des monts pour le plaisir du Roi. 
Ce n'étaient pas les titres qui lui manquaient, il en 
avait de fort beaux dès l'an 1617 a mettre au pro- 
tocole des actes qu'il signait « en son hostel, sis rue 
de la Verrerie, paroisse de Saint-Jean-en-Grève » , 
et qu'il faisait dresser avec cette titulature magni- 
fique : « Monseigneur l'illustrissime et révérend issime 
Louis Ruccellay, prélat clercq président de Sa Sainteté, 
abbé commendataire de l'abbaye de Notre-Dame de 
Signy, ordre de Citeaux, diocèse de Reims, seigneur 
par indivis avec Monsieur le prieur de Thin-le-Mous- 
tier, du village et seigneurie de Dommery. » S'il fit le 
désespoir du Nonce, qui était alors à la Cour, on n'a 
point à le demander quand on a lu les dépêches de 
la nonciature en France de 1616 à 1621. Il y figure 
aux titres les plus divers non moins qu'aux occa- 
sions les plus inattendues. Tout prélat qu'il fût à la 
cour de Rome, et par conséquent dépendant du 
Saint-Siège, il affectait une sorte d'indépendance 
qui ne pouvait plaire à l'envoyé du Pape, qu'il 

Guido Bentivoglio; Lettere traite dagli originali et pubblicate 
per cura di Luigi de Steffani • (4 volumes in-12). Florence, 
Le Monnier, 1867. Voyez tome III, page 516. 



264 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

visitait à peine. Il avait des visées qui dataient des 
premiers jours de la régence de Marie de Médicis. 
Il fut son aumônier particulier, et il paraîtrait qu'il 
ne pensa à rien moins qu'à devenir grand aumônier 
de France. Il regardait même plus loin à cette Cour, 
où il s'était si fort engagé, que, au dire même du 
Nonce, sans le meurtre d'Ancre, la Reine-Mère 
fallait faire déclarer secrétaire d'État au lieu et 
place de M. de Luçon, qui avait eu les affaires étran- 
gères. Ses intérêts étaient fort soignés, et il n'était 
si gros morceaux en revenus d'abbayes auxquels il 
ne prétendît sous prétexte qu'il avait eu pour oncle 
M. l'évêque de Carcassonne, lequel n'en avait point 
manqué. Dès 1612, il tint de lui l'abbaye de Jardi, 
au diocèse de Sens, puis il eut la riche abbaye de 
Signy, aux Ardennes, et successivement Pont- 
Levoy, en Touraine, et Saint-Nicolas, en Anjou, 
et plus tard Saint-Mexent, en Poitou, dont la pro- 
vision était une des plus belles du royaume. Sa 
faveur eut des mouvements divers, selon les heures 
et les rencontres; mais, de fait, il était si bon joueur 
à l'intrigue, que ses chutes, pour éclatantes qu'elles 
fussent, n'étaient qu'éphémères, et les bonnes grâces 
du ciel, ou plutôt de la cour, sans cesse renais- 
santes. Cela a tenu à peu qu'il fût allé fort loin et 
haut dans l'État et qu'il ait battu en brèche l'éléva- 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 265 

lion de M. l'évèque de Luçon. Ruccellai et Armand; 
Du Plessis de Richelieu avaient, en effet, eu la 
main dans les mêmes eaux troubles, à savoir aux 
intrigues si piquantes qui présidèrent au retour de 
là Reine-Mère, en la bonne grâce du Roi son fils, et 
ils se connaissaient bien. L'un et l'autre avaient eu 
une part égale à la confiance de Marie de M.édicis 
et chacun, ce nous semble, avait tenté de charmer 
son cœur 1 . Il n'est pas un passage concernant 
l'abbé, dans les dépêches du Nonce, qui ne soit 
c.urieux à lire. Il va de soi qu'il était galant, qu'il 
banquetait à propos les principales et plus belles 
dames de la Cour, ne les laissant point quitter 

1 Michelet, si perspicace, et qui, au seul passage, a si bien 
saisi tant de figures, est, après Anqtjetil, l'historien moderne à 
<qtii Ruccellai n'a pas échappé ; il a vu à merveille la rivalité 
qui dut être entre les deux prélats auprès de la Reine-Mère. 
Il est délicieux disant ceci dans son livre « Henri IV et Riche- 
lieu » , p. 473 : « Violentes scènes qui eurent lieu en 1622 
entre la Reine-Mère et le prélat Ruccellai, un Italien 
quelle avait favorisé beaucoup et qui avait été supplanté 
dans sa faveur par le jeune Richelieu, Pour obtenir de 
Louis XIII qu'il chasse Ruccellai, il soutient qu'il a fait 
semblant d'être amoureux d'elle, que sous prétexte d admi- 
rer ses dentelles, il s'est émancipé, etc. Cest la scène de 
Tartufe et d'Elmire, mais plus comique, la Reine étant 
d'âge très-mûr, très-lourde d embonpoint. » Michelet cite 
•comme source à consulter les Archives Nationales, Noncia- 
tures, Extrait du Vatican. L. 389. 



Î66 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

la table sans l'hommage des dons à la mode, tels 
que gants de Toscane, préparés à l'ambre, éven- 
tails, eaux de senteur, et autres gentillesses. Redouté 
de Luynes qui le fit traquer et poursuivre comme 
un conspirateur dangereux, renvoyé par lui au fond 
de sa plus lointaine abbaye, il sut se promptement 
rapprocher et devenir son très-confident sans l'in- 
quiéter. Il quittait au besoin l'habit long et prenait 
l'épée, mêlant la chose politique aux affaires fri- 
voles. C'est à ce point qu'il s'était su rendre con- 
seiller intime du Roi, et presque indispensable, 
alors qu'il s'agit de traiter par le menu cette grande 
question de l'entrevue de la mère et du fils. Il fut 
auprès de la Reine à Àngoulême en une telle reprise 
de faveur que le Nonce put écrire de lui a qu'il 
était le confident, le secrétaire, thomme d'État, et 
même le chevalier d'amour... » Désireux de le com- 
battre, chargé même de le déprécier, ce Nonce, 
très-fin politique, fait cette déclaration piquante 
à son cardinal ministre Borghèse : « Je ne m'avan- 
cerai donc que par certains chemins pour le com- 
battre dans l'esprit de la Reine, mais le mal est que 
toutes les femmes sont femmes, et les Reines, quel- 
quefois, plus femmes que les autres. l » Certains traits 

1 Voir les dépêches du Nonce en la publication citée plus 
haut. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XI11. 267 

du pinceau du Nonce pour le peindre au frivole 
sont délicieux. « Dernièrement, dit-il (en août 1619, 
à Tours) , je le vis dans la maison de Bassompierre T 
vêtu à la mode, avec collerette blanche et large lui 
tombant sur les épaules, et les jambes dans des bottes 
blanches comme pour aller faire campagne. Il parais- 
sait défier Cupidon, et précisément on assure au il 
rechercha la faveur de Madame de Luynes, com- 
mençant à soupirer amoureusement pour elle. . . Vrai- 
ment on peut dire que désormais il a joué tous les 
rôles qui se jouent sur la scène. » Mais voici qui est 
mieux encore : « En route Ruccellai à cheval porte- 
toujours Cépée au côté et deux pistolets à V arçon,, 
peut-être veut-il faire le dieu Mars quand il est en 
voyage, comme il fait le dieu Cupidon quand il est à 
la ville, sans doute, me tiendra-t-on pour mauvaise 
langue, mais on le voit, la chose parle d'elle-même. » 
Aux dieux Mars et Cupidon ainsi honorés par ce per- 
sonnage, il faudrait joindre Esculape, s'il est véri- 
table que c'est à Monsignor Ruccellai que les mé- 
decins sont obligés de l'imagination des vapeurs, 
« cette maladie sans maladie qui fait l'exercice des 
gens oisifs et la fortune de ceux qui les traitent » , dit 
le S r de Vigneul-Marville ', lequel ajoute, sans doute 

1 Mélanges d'Histoire et de Littérature. (Rouen, 1708.) 
Tome I w , p. 173-174. 



Î68 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

avec quelque exagération , « que la seule appréhen- 
sion de tomber malade obligeait Ruccellai à garder la 
chambre et à demeurer au lit » . Mais pour revenir 
au Nonce, il nous paraît croyable qu'il mettait dans 
ses dires beaucoup de parti pris. La faveur que savait 
toujours reconquérir ce prélat de tant de fantaisie, 
l'indisposait fort contre lui. Ce n'est pas sans dé- 
plaisir qu'au mois de juillet 1619, il constatait 
l'accroissement de cette faveur en le représentant à 
toutes heures dans la chambre ou le cabinet du Roi. 
Il avait beau dire que Monsignor Ruccellai n'avait 
d'autre base à ses amitiés et relations que celles de 
la table, « lesquelles finissent précisément avec le 
festin même » , Monsignor Ruccellai n'arrivait pas 
moins à s'imposer dans les conseils et à faire figure 
toute propre à inspirer l'envie. Tout grand abbé 
qu'il était, il n'était peut-être pas un bien grand 
clerc, mais il n'était pas du commun assurément. 
Il fut quelqu'un et battit en brèche plus d'un 
esprit fort de ces temps-là ! . 

Au mois de septembre 1619, les négociations en- 
tamées depuis si longtemps pour la réconciliation 



1 Vittorio Siri a vivement et alertement représenté ce Flo- 
rentin dans ses « Memorie recondite» , tomo IV (in-4°), 1677. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 269 

du Roi avec la Reine sa mère, avaient enfin abouti, 
et le 7 dudit mois, Marie de Médicis était venue 
retrouver à Tours le Roi, son fils. Elle y demeura 
avec la Cour jusqu'au départ pour Compiègne, où 
elle devait séjourner, avant de rentrer à Paris. Le 
Nonce y était de retour dès les premiers jours d'oc- 
tobre, et c'est par une de ses dépèches que notre 
attention se trouve appelée de nouveau sur les 
Comédiens Italiens. Ruccellai, paraît-il, loin d'avoir 
oublié et d'avoir laissé le Roi les oublier, les disait 
être près d'arriver pour jouer à la Cour. 

« Ruccellai, dit le Nonce, est toujours le même, fri- 
vole et doucereux (mellifluo.) 11 a pris, à Tours, renga- 
gement de faire venir d'Italie une compagnie de Comé- 
diens, et maintenant il dit les attendre et assure qu'ils 
seront facilement ici avant Noël l . » 

MaisMonsignor Ruccellai, vraiment, les annonçait 
trop vite. Son impatience de plaire au Roi le rendait 
trop pressé, car avec sa commission d'officieux 
imprésario et ses messagers en Italie, il mit néan- 
moins bon temps encore avant de réussir. Bien loin 
d'être arrivés à la Cour à Noël prochain, selon 

1 Letiere di Monsignore Bewtivoclio. Paris, 4 décembre 
1619. Tome IV, page 13» 



270 LES COMEDIENS ITALIENS. 

l'annonce qu'il avait faite, les Comédiens n'y paru- 
rent qu'au moins huit mois plus tard! 

C'est une nouvelle histoire de négociations et de 
retardements. Mille intrigues, comme à l'accoutu- 
mée, divisaient les sujets. Les archives de la maison 
ducale, a Mantoue, sont les révélatrices de ces dis- 
sensions dans le personnel dramatique. C'est Fri- 
delin qui, par une lettre de Milan, expose ses tour- 
ments toujours croissants ; c'est la Baldina prenant à 
partie laFlaminia; c'est Lelio s'en prenant au Capi- 
tan; c'est le Pantalon se rendant insupportable ; c'est 
la Bernelta trouvant d'éternelles excuses pour man- 
quer à ses rôles ; c'est Florinda jalousant sans cesse; 
c'est Boldo procurante tyrannisant ses compagnons! 
Il faut révoquer la Baldina, dont la personne engendre 
autant de passions amoureuses que de jalousies; alors 
Florinda se consolera, Lelio fera la paix, et la branche 
de laurier reverdira pour la Compagnie, soit qu'elle 
aille en France, soit qu'elle demeure en Italie. 

Dès la fin de mai, cependant, il avait semblé que 
tous les obstacles étaient aplanis, et le Duc de 
Mantoue avait écrit au Roi, lui disant : 

« Je mande enfin à Votre Majesté la compagnie de mes 
Comédiens, les meilleurs qui soient présentement en Ita- 



SOUS LE RÉGNE DE LOUIS XIII. 271 

lie. J'espère qu'ils seront de son goût. Je prie V. M. d'ex- 
cuser le retard de leur venue causée par toutes leurs 
intrigues et d'agréer aussi ce faible témoignage de ma 
très-dévouée bonne volonté, me faisant cette grâce de 
l'éprouver par ses ordres en des occasions majeures , ... » 

Avis était donné, dans le même temps, par 
Monsieur de Mantoue à son ambassadeur à Paris. 

Mais voilà que Lelio a appris qu'on lui repro- 
chait son amour pour la Baldina! D'où un long 
plaidoyer avec expressions et réflexions d'un roman- 
tisme si avancé qu'il nous serait impossible de le 
bien traduire. « A Ungua dolosa libéra nos. Domine! 
D'une langue perfide délivrez-nous, Seigneur ! » C'est 
le thème sur lequel Lelio exerce sa plume six pages 
durant, pour mettre à néant toutes les suggestions 
que l'envie d'autrui a fait naître dans l'esprit du 
Duc, son patron et seigneur, auquel en fin de 
compte, il demande pour lui et Florinda la direction 
de la troupe destinée au Roi Très Chrétien. 

Après quoi, le 28 août, toujours à Milan, — 
notez que la lettre ducale au Roi, pour annoncer la 
Compagnie, était du 31 mai! — Fridelin bat de 
nouveau la charge, tout en fournissant d'intéres- 

1 Archives de Mahtoue. Série Francia. 



272 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

santés informations. Un sieur Goletta ou Galotta, 
que la Compagnie avait envoyé en France pour 
Irai ter de ses intérêts sans doute, avec l'interven 
tion de Monsignor Ruccellai, vienait d'arriver. Le 
Roi l'avait vu de très-bon œil. u Et la compagnie? » 
lui avait demandé aussitôt Sa Majesté. Dans l'en- 
tretien, il fut question d'avoir « Scapino » . Le Roi 
avait appris que ce sujet chantait de belles chan- 
sons bouffonnes. Sa Majesté voulut savoir quel 
« Capitan » on aurait. Sur la réponse qu'il serait 
« Rinoceronte » , le Roi le trouva bon, mais il en 
aurait voulu un qui parlât l'espagnol. Le « Pan- 
talon » ne plaît qu'à moitié, et comme il importe de 
plaire à ces messieurs de France et surtout aux 
courtisans qui disposent du goût de Sa Majesté, 
Fridelin propose de mander un certain Pavolino 
Zanotti, Bolonais, qui imite Scapino au point de 
lui avoir enlevé son crédit à Venise. « Il est la perfec- 
tion tant, il a fait des progrès cette année « in questa 
buffonesca musa » , dit encore Fridelin. Venise le 
retient présentement ; c'est bien vrai qu'il est l'es- 
clave d'une femme qui joue les rôles de la Fantesca r 
mais on pourrait aviser de l'enlever à ce foyer 
d'amour. Il suffirait d'avoir l'aide de quelque patri- 
cien puissant qui l'enverrait à Mantoue sous le 
prétexte de donner satisfaction à quelque seigneur 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XlII. 273 

étranger qui aurait demandé une représentation. 
Son Altesse alors intimerait à Scapin Tordre de 
venir à nous, et alors aussi, nous rengagerions 
pour le voyage en France. Quant aux autres dif- 
ficultés, le remède est tout prêt. Girolamo et Arle- 
quin s'entendent très-bien et ils plairont au Roi... 
Pour ce qui est du Pantalon, quand on s'est rap- 
pelé que je sais bien ce rôle et ce caractère, on 
a pensé aussitôt que Frâ?e/m suppléerait Pantalon» , 
et il ajoute que c'est ce qu'il prendra à tâche de 
faire avec tout l'esprit possible. Mais quelle sortie 
contre la Baldina dans l'exposé de la situation 
ainsi adressé par Fridelin à Monsieur de Mantoue ! 
C'est le dernier article de sa curieuse lettre, c'est 
le bon morceau, c'est le cri du cœur, et le voici 
tel quel : 

« Il reste donc seulement, Sérénisstme Altesse, 

à faire tout effort pour se délivrer des tourments que 
cause à quelques-uns de nous la Baldina. C'est avec un 
art extrême et par des procédés occultes qu'elle entre- 
tient un incendie si terrible dans la Compagnie ! Et il 
n'est pas possible de vivre en de pareils supplices. Je 
suis résolu à le déclarer, bien que d'abord j'avais pensé 
de le taire. 

« Florinda s'est enfuie, depuis trois jours, et tout en 
larmes, s'est réfugiée dans une église, où elle se faisait 
passer pour une possédée (spiritata). Elle voulait envoyer 

18 



274 LES COMEDIENS ITALIENS. 

mander un carrosse pour être reconduite à Mantoue, 
lorsque son beau-père, un sien compère et notre fourrier 
s'empressèrent d'y remédier, et la firent demeurer. De 
ces mômes choses, il arrive chaque jour, et cette petite 
diablesse — questa sgraziatelta — s'en rit et se réjouit 
même à part soi. Elle a conduit cette affaire avec une 
telle astuce que Florinde elle-même la prie de ne pas se 
fâcher, dans la peur que son mari ne lui fasse quelque 
méchante histoire. Je dis, Seigneur, que ce sont de ces 
cas où il y va de la vie, et comme le peut comprendre 
Votre Altesse, il en résulte des choses que, dans sa sagesse, 
elle peut bien imaginer. Arlequin ne sait pas tout cela. 
Il fait vie à part de ses camarades, étant toujours dans 
la maison de M. l'ambassadeur. Du reste, hors ses inté- 
rêts, il ne se prête à rien entendre. Ne parlons pas de 
cela d'ailleurs, la matière ne s'y prêtant que trop. Je 
répète donc à Votre Altesse et je lui en fais le serment 
sur le désir que j'ai de la revoir en bonne santé, je lui 
répète qu'avec la Baldina, nous ne ferons jamais rien 
de bon ni en France ni en Italie. 

« La rappeler donc et appeler Parolino me semblent 
deux choses indispensables 1 . » 

Comment et à quel moment la tant redoutable 
Baldina fut-elle rappelée? Nous ne l'avons point 
découvert, mais il est certain qu'elle ne fut point 
du voyage en France. 

1 Archives de Mantoue. Série Milan. E. XLIX. Lettre en 
italien signée « Pier-Maria Cecchini » . 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 275 

Quelles autres intrigues, d'ailleurs, ne durent pas 
diviser la Compagnie, pendant les trois mois de 
séjour qu'elle fit encore à Milan, avant de se voir 
prête à passer les monts pour se rendre en France ! 
Quelles autres intrigues, pour que ce même acteur 
« Fridelin », ce même Pier Maria Cecchini, eût 
cette disgrâce de ne pas même faire partie de cette 
compagnie qu'il avait tant contribué à former pour 
le voyage ! L'amertume de ses plaintes est chose 
presque émouvante : 

Sérénissime Altesse. Il y a trente-cinq ans que je 
cours le monde. J'ai commencé mes premières comédies 
au service du sérénissime Guillaume votre très-glorieux 
aïeul. J'ai toujours obéi aux ordres de service dans votre 
sérénissime maison, et jamais, jamais, je n'ai eu à subir 
un préjudice, un affront, un opprobre comme ceux que 
je subis à cette heure ... à peine ai-je ouvert la bouche 
que les Comédiens m'ont déclaré rebelle à Votre Altesse 
et m'ont vitupéré! Et c'est la fin de mon service! Je m'en 
vais à Lodi avec je ne sais quel peu de sujets, comme si 
je fusse le plus délaissé des hommes. Mais patience ! je 
me saurai mieux gouverner à l'avenir. En attendant, 
que Dieu conserve la personne de Votre Altesse, devant 
laquelle, tout dévoué, je m'incline 

Le plus infortuné serviteur, 
Pier Maria Cecchini (FriUelîno) 1 . 

1 Archives de Mantoue. U. La lettre est en italien. Série 

Milan. 

18. 



276 LES COMEDIENS ITALIENS. 

A deux jours près, mais sur un autre ton, sur un 
ton de satisfaction sanspareille, s'exprimait Arlequin , 
signant, cette fois, sa lettre à son maître, avec ce 
titre seigneurial : « Dominus Ârlecfrinorum. » 

Sérénissime Seigneur Compère! 

Nous sommes arrivés à Milan et nous avons donné la 
chasse au très-illustre guidon seigneur Fridelin, de qui 
l'erreur a été si grande d'estimer peu les ordres de Votre 
Altesse. Mais notre monsieur l'ambassadeur a pris soin 
de l'éclairer par la lecture de votre sérénissime lettre. 
Avec tout cela, il a délivré Aurclio en le faisant ca- 
cher dans la maison d'un chevalier. Mais il a fallu en- 
voyer Goletta à Venise pour trouver un personnage. 

La Compagnie supplie Votre Altesse de lui envoyer 
une lettre adressée au Roi pour lui expliquer comme 
quoi vous nous mandez sans Fridelin qui s'est montré 
impertinent et qui aurait mis la troupe en désordre. Elle 
l'assurera aussi que les meilleurs sujets d'Italie la compo- 
sent. Votre Altesse peut nous l'adresser ici chez M. l'am- 
bassadeur qui nous la fera tenir à Turin où nous séjour- 
nerons au moins quinze jours pour y attendre le person- 
nage demandé à Venise. J'ai eu une lettre de Turin qui 
m'avise que ces seigneurs sont dans toutes les joies, fes- 
tins, joutes, mille divertissements. Je rendrai compte de 
tout à Votre Altesse, ainsi que de la réponse que m'aura 
faite Monsieur de Savoie au discours que vous m'avez 
recommandé de lui faire. En attendant que Votre 
Altesse n'oublie pas de m'expédier la lettre demandée, et 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 277 

pour faire fin que Notre-Seigneur vous donne tout ce 
que vous désirez. De Milan, le 16 octobre 1620. 

De Votre Altesse Sérénissime 
Le très- affectionné compère, 

DoMINUS ArLECHINORUM 1 . 

Et de fait, le 5 novembre suivant, messer Arlequin 
écrivait un beau narré de ses hauts gestes et mouve- 
ments au Duc de Ma n loue. C'est une dépêche rédigée 
dans le style diplomatique de sa façon : 

Sérénissime Seigneur Compère et notre bon ami ! 

Salut ! Par cette présente, nous vous avisons qu'aussitôt 
notre arrivée à Turin, nous avons donné audience à 
Monsieur Charles Emmanuel Duc de Savoie, à notre petit 
cousin, et à toute la cousinerie. Chacun d'eux nous a 
fait bon visage, et chacun nous a embrassé. Après 
l'échange de beaucoup de paroles, j'ai fait le discours de 
votre part, moitié à la manière d'Arlequin, moitié à celle 
de Tristano*. Ledit cousin l'eut pour agréable et nous 
répondit en nous demandant comment se portaient Votre 
Altesse et la sérénissime Commère 8 . « Très bien, et allè- 
grement », dîmes-nous. « Nous en sommes charmé », dit- 
il, avec nombre d'autres belles paroles qui nous plurent. 
Après fort quoi, ledit seigneur cousin nous dépêcha 

1 Archives. Id. 76m/. 

* C'est-à-dire de lui-même, lui Tristano Martinelli. 
5 La Duchesse de Mantoue « Donna Caterina di Medici » 
que le Cardinal-Duc avait épousée. 



Î78 LES COMEDIENS ITALIENS. 

avec les Princes vers les Infantes. Elles sont trois, les 
deux plus jeunes sont bonnes à marier, la nôtre l est deve- 
nue une fort belle dame. Elle nous a demandé beaucoup 
de choses sur nos contrées et en particulier de la petite 
Infante votre fille et de notre Princesse et de Madame 
Catherine. Tout cela a duré une grosse heure. Tous les 
Princes et leurs sœurs étaient présents. Elle me demanda 
comment se portait notre Madame Sérénissime et si elle 
était belle. « Très-bien, dis-je, et elle est plus belle que 
vous. » Chacun se prit à rire. « Ma beauté', dit-elle, est 
passée. Je suis une vieille. » Je retournai vers le cousin 
qui aussitôt donna l'ordre de disposer le salon du Cardi- 
nal pour une représentation le soir même. . . Chaque 
soir il y a comédie où assistent tous les Princes et Madame. 
Ledit cousin me fit don aussitôt d'un magnifique vête- 
ment tiré de sa garde-robe, aussi beau que celui que 
Votre Altesse a donné cet été au comédien Espagnol. Il a 
de plus commandé pour moi une médaille et un cordon 
de chapeau avec joyaux sur le côté, et à notre départ 
pour la France, un beau cheval sera tout prêt pour la 
Compagnie. Et puis on parle d'un millier de ducatons ! 
Madame, femme du Prince, m'a fait de grandes gentil- 
lesses, en me conduisant par tous ses appartements. Elle 
m'a promis un joyau. Le Prince son mari m'a commandé 
une chaîne de cent doublons et m'a dit de faire tenir en 
son nom sur les fonts mon prochain enfant selon la mode 

1 L'infante Marguerite, veuve du feu Duc de Mantoue, 
François de Gokzague, après la mort duquel (en 1612) elle 
était retournée chez le Duc de Savoie, son père. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 279 

française qui est d'avoir deux parrains et une seule mar- 
raine. Don Emmanuel, fils naturel de Son Altesse, m'a 
fait aussi don d'un riche vêtement d'écarlate tout brodé 
d'or ... si bien que j'ai à remercier d'abord Dieu Notre- 
Seigneur, et puis Votre Altesse qui m'a fait avoir ces 
gains et présents forcément, car jamais je n'aurais quitté 
ma maison, si vous ne m'aviez fait partir; ce dont jusqu'à 
cette heure je me trouve content. 

Parlons maintenant de notre Compagnie. En dix-sept 
représentations, elle a fait 250 ducatons, et presque tout 
le monde est entré gratis avec les Princes. Le Prince Tho- 
mas a donné hLelio 200 «doublons et un beau vêtement 
d'écarlate, kFlorinde un joyau, à Lidia une belle toilette. 
Tout le monde a donc été régalé. . . {Suivent les détails 
sur fêtes y joules y chasses, concerts, etc.). Pour le présent, 
je ne dirai rien de plus à Votre Altesse, je lui rendrai 
compte, dans la suite, de tous nos faits, et pour fin je 
prie Notre-Seigneur lui donner ce qu'elle désire ainsi qu'à 
la sérénissime notre Madame Commère. 

De Turin le G ma jour de novembre 1620. 

De V. A. S. 
Le très-affectionné compère, 
Tristano Martinelu ! . 

Dix personnages ou rôles composaient la Compa- 
gnie. Ils étaient : 

1 Archives de Mantoce. Maison de Gonzague. Id. Lettre 
.en italien. 



280 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Tristano Martinelli, dit Arlequin. 
Gio. Battista àndreini, dit Lelio. 
Giovanni Rivani. 

Girolamo Garaccini, dit le Capitaine. 
Lorenzo Nettuni, dit Fichetto. 
Fedrigo Ricci, dit Pantalon. 
Virginia àndreini, dite Florinda. 
Virginia Rotari, dite Lidia. 
Urania Liberati, dite Bernetta. 

De Turin on fit route vers Paris. Le voyage se fit 
à petites journées. Mais, à Chambéry, on eut à 
verser des larmes, un sujet vint à manquer, Léandre 
succomba 1 ! Il est à croire qu'à Lyon, bien que 
Léandre manquât à la fête, on récita quelques 
bonnes pièces. 

La Compagnie n'avait pas eu lieu de se trop 
presser. Elle ne pouvait ignorer que le Roi Très- 
Chrétien au service et appel de qui elle se rendait, 
était alors loin de sa capitale. Elle devait savoir 
que, parti pour son voyage de Béarn, Louis XIII 
n'était point annoncé pour devoir être h Paris 

1 De son nom Ricci et Rizzi, neveu du seigneur Pantalon* 
On envoya « la fede del Guardiano di Chambéry délia morte 
di Leandro • à Venise : c'était, sans doute, sa patrie. 



SOUS LE HÈGNE DE LOUIS XIII. 281 

ayant Ja mi-novembre. Et. de fait, le Roi fut à Paris 
le 7, mais seulement pour y saluer au Louvre la 
Reine sa mère, après si longue absence. Dès le len- 
demain, il s'était rendu à Saint-Germain. Revenu à 
Paris le 11, il en était reparti le 15 pour Lesigny, 
puis était rentré à Paris le 21, pour y demeurer 
jusqu'au 14 décembre qu'il se mit en route pour 
son voyage en Picardie. Il ne revint que le 12 jan- 
vier 1621, étant rentré à cheval, un oiseau au 
poing, depuis Louvre en Parisis où il avait chassé à 
la volerie ! . 

Or, jusque-là, il n'est point question de la Com- 
pagnie Italienne. Avait-elle séjourné dans les villes, 
çà et là, sur la route que l'on suivait alors de Lyon 
à Paris? Ou bien, arrivée depuis peu, avait-elle été 
reçue par Marie de Médicis en attendant le retour du 
Roi monsieur son fils? Nous n'avons point de données 
à cet égard. Mais nous avons à dire que ce jour 
même, 12 janvier de l'an 1621, le Roi étant revenu 
de sa visite en Picardie, voulut avoir le spectacle de 
la comédie italienne donné par la Compagnie. 
Après avoir salué les Reines et soupe, il se rendit 
à sept heures au théâtre de l'hôtel de Bourbon où 

1 Tous ces détails d'après notre lecture du Journal de 
M. Heroard, premier médecin ordinaire du Roi. 



282 LES COMEDIENS ITALIENS. 

se jouait la pièce et n'en revint qu'à neuf heures. 
L'assiduité que, depuis ce jour (12 janvier) jus- 
qu'au 4 mars, Louis XIII mit à suivre les représen- 
tations, est curieuse à noter. Pendant la seconde 
quinzaine de janvier, il assista à neuf représenta- 
tions, et pendant le mois de février, à quatorze. Le 1 1 , 
il voulut que la comédie fût jouée dans son propre 
cabinet, et le 23, les comédiens jouèrent deux fois, 
de par sa volonté ' . 

Nos investigations minutieuses dans les archives 
de la maison de Gonzague, afin de rencontrer 
quelques nouveaux récits d'Arlequin à sou maître, 
n'ont rien produit. Il est manifeste que ses lettres 
concernant les premiers mois de ce séjour en France 
auront été perdues, car il n'est pas supposable 
qu'Arlequin ait tout à coup rendu sa plume aussi 
réservée. 

Le premier document que nous trouvons, depuis 
l'arrivée de la Compagnie à Paris, est en date du 
3 mars. C'est une lettre de Lelio (Giovanni Battista 
Andreini) à un ministre de Monsieur de Mantoue. 
Elle est de peu d'importance, mais elle nous dit que 
Florinde et lui sont très-choyés par le Roi, par les 

1 D'après Heroard. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 283 

deux Reines, par tous les Princes du sang, non 
moins que de tout Paris, que les présents et les 
recettes sont bien supérieurs à ceux du séjour précé- 
dent et qu'ils espèrent emporter un peu de bien en 
Italie. C'est par la Reine régnante que nous avons 
des nouvelles d'Arlequin. Le bon compagnon ne 
perd jamais l'occasion de faire adresser ses requêtes 
par personnages à qui l'on ne saurait rien refuser. 
Voilà donc la reine Anne se faisant l'avocate d'Arle- 
quin auprès de M. le Duc de Mantoue : 

Mon Cousin. Les Commédiens Italiens que vous nous 
avez envoyés icy font si bien leur devoir de donner du 
contentement au Roy Monseigneur et à moy, et particu- 
lièrement Harlequin s'en acquitte de telle sorte que je ne 
luy ai peu refuser de vous escripre en sa faveur. Il de- 
mande l'exemption dung moulin qu'il a achepté, et nous 
promet de demeurer icy plus vollontiers s'il obtient cette 
grâce. Remettant Teffect à votre courtoysie, je prie Dieu 
mon cousin qu'il vous tienne en sa sainte garde. Escrit à 
Paris le VI* jour de mars 1621. 

Votre bonne cousine 
Anne ' . 

Messer Arlequin ne laissait pas de côté la Reine- 
Mère au chapitre des recommandations qu'il recher- 
chait sans cesse, et dont il se prévalait fort pour 

1 Archives de Mantoue. Série Francia, E. xv. 



284 LES COMEDIENS ITALIENS. 

montrer chez lui qu'il était bien en cour. Et comme 
il y avait deux Reines, il ne présentait pas à toutes 
les deux la même supplique ; ce n'eût pas été d'un 
bon politique. Chacune donc avait son tour pour 
être mise à contribution. Aussi fut-ce une autre 
requête qu'il adressa à la Reine-Mère. Cette fois, il 
ne s'agissait pas pour Arlequin de l'exemption de 
droits sur un moulin, mais d'obtenir un certain 
prieuré dit de Saint-Ruffin pour un sien parent 
qui était d'Église : 

Mon Nepveij. Encore que le vieil H arlequin estant 
votre suiect se peust assés promettre en ceste considéra- 
tion tout favorable traitement de vous, il a toutefois 
désiré que ie vous le recomandasse, ce que je fais de bien 
bonne affection et vous asseure qu'il a donné beaucoup 
de contentement au Roy Monsieur mon filz lorsqu'il a 
joué en sa présence, ce qu'il a fait avec autant de dispo- 
sition qu'il est possible. Vous me ferez plaisir de lui faire 
coçnoistre lestât que vous faictes de ma recommandation 
et de croire qn'en toutes occasions je vous feray voir que- 

je suis, 

Mon nepveu, 

Votre bien bonne et affectionnée tante 

Marie 1 . 

Du G au 28 avril de cette année 1621, la Cour 
fut à Fontainebleau. La compagnie des Comédiens 

1 Arciuyes de Mantoue. Série Francia. E. xv. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 285 

Italiens y avait été appelée malgré le deuil que 
dut prendre le Roi pour la mort du Roi d'Espagne 
son beau-père. La nouvelle en était parvenue à Sa 
Majesté le 8, mais elle ne fut déclarée à la Reine, 
fille du défunt, que le 13, par M. de Mirabel, ambas- 
sadeur du Catholique, accompagné d'un cordelier 
confesseur de la Reine. Depuis quelques semaines, 
le Roi parlait de faire la longue absence qu'il fit, en 
effet. 

Ici se présente tout un épisode dont les princi- 
paux faits sont les suivants : la demande d'un congé 
définitif par Arlequin ; la protestation orageuse qui 
en advint parmi ses compagnons; la fuite opérée 
par le comédien en maître fourbe qu'il était; le 
réquisitoire rédigé par Lelio, mais approuvé et signé 
par tous les sujets. Bref ce fut une petite révolution 
dont les événements se développèrent ainsi, sans 
que toutefois il s'en soit suivi mort de comédien. 
La scène se passe d'abord à Fontainebleau, puis à 
Paris. 

On était à la mi-avril 1621. Le roi Louis XIII 
venait d'annoncer son départ dans un très-bref 
délai pour aller rejoindre son armée dans le midi 
du royaume. Avant de se mettre en route, Sa Ma- 
jesté avait marqué aux Comédiens italiens son inten- 



286 LES COMEDIENS ITALIENS. 

tion, non de se faire suivre d'eux à la guerre, mais 
de les garder a Paris pour les retrouver à son retour. 
Florinda, Bernetta, Lidia, Lelio, Pantalon, Fi- 
chetto, Scapino et Zane ne contredirent point au 
désir du souverain. Mais Arlequin fut d'un autre 
avis. Il voulait, disait-il, se reposer, et pour cela 
nul lieu du monde ne lui paraissait meilleur que sa 
maison au pays de Mantoue. Sans prendre avis 
d'aucun sien compagnon, il présenta le 20 avril, 
au Roi, sa très-respectueuse requête ainsi libellée : 

Arlequin très humble serviteur de Votre Majesté lut 
expose que sachant qu'Elle doit partir pour un long 
voyage, il veut, avec la bonne grâce du Roi, s'en aller, à 
la fin de mai, chez lui, où il a beaucoup à faire, et où 
il pense se reposer. 11 ne jouera d'ailleurs plus de comé- 
dies, et à cette époque il aura terminé le service qu'il 
doit à Votre Majesté, selon que par ses lettres, il lui avait 
promis de se rendre à la Cour pour la durée du carnaval 
et pour un mois ou deux après Pâques, ainsi qu'il a fait. 
Que pour l'amour de Dieu, Votre Majesté ne manque 
donc pas de lui donner bon congé, mais à sa personne 
seule, lui Arlequin ne s'occupant point des autres. Le 
mois de mai fini au service de Votre Majesté, il est résolu 
à ne jamais plus paraître sur la scène en quelque lieu que 
ce soit, à cause de son âge avancé d'abord, puis de la 
promesse qu'il a faite à Dieu, une fois ce temps écoulé, 
de ne plus jamais jouer. C'est pour quoi le dit Arlequin 
prie et supplie Votre Majesté de ne pas mettre obstacle à 



SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIII. 287 

sa bonne volonté, et il priera toujours Notre-Seigneur 
pour sa félicité. À Fontainebleau le 21 avril 1621. 

De Votre Majesté Très Chrétienne, 
Le très humble et très affectionné serviteur. 
Tristano Martinelli dit Arlequin*. 

Dans celte affaire de la prolongation du service 

des comédiens, reparaît Monsignor abbé Ruccellai 

qui, plus que jamais, faisait l'intervenant et Y im- 
présario. 

Ledit Monsignor suivait Sa Majesté dans son 
voyage. Parti de Fontainebleau le 28 avril pour 
Bois-Malesherbes, le Roi fut à Orléans le 1 er mai, 
descendit la Loire jusqu'à Blois où il fut le 3 et où 
il demeura jusqu'au 6. On parla évidemment, en 
route, des comédiens italiens, car le 4, Monsignor 
Ruccellai adressait, de Blois, au Duc de Mantoue, 
la lettre suivante : 

Sérénissime Seigneur et Patron très respecté. Votre 

■ 

Altesse Sérénissime a montré tant de sollicitude au plai- 
sir de Sa Majesté Très Chrétienne en lui envoyant la 
troupe de ses Comédiens que Sa Majesté s'assure de sa 
bonne volonté à compléter et améliorer ladite Compa- 
gnie. Léandre est mort et Arlequin veut absolument 

1 Archives de Mantoue. Copie de la requête d'Arlequin en 
italien. Le comédien l'avait sans doute donnée en copie 
comme document. 



288 LES COMEDIENS ITALIENS. 

retourner a sa maison, à présent qu'il a fait si bonne ré- 
colte. C'est pourquoi le Roi m'a commandé de prier 
Votre Altesse qu'il lui plaise de lui envoyer quatre ou 
cinq personnages excellents pour s'unir à ceux. qui res- 
tent fort bien traités par Sa Majesté. Et comme Votre 
Altesse sait mieux que personne quels personnages il 
faudrait, je me contenterai de lui dire que le sieur Luigi 
Zambeccari mon cousin à Bologne paiera les frais du 
voyage et que j'ai saisi bien volontiers l'occasion de cette 
commission pour rappeler que je suis 

De Votre Altesse Sérénissime 
Le très humble et très dévoué serviteur. 
L'abbé Rucgellai. 
De Blois, le 4 mai 1621 «. 

De son côté, à la date du 8 mai, étant à Paris, 
Arlequin donnait avis de ses résolutions à son maître, 
dans ces termes-ci : 

Sérénissime Seigneur Compère. La présente sera pour 
vous faire mille et six cents vingt et une révérences 
ainsi qu'à ma sérénissime dame commère et aussi pour 
aviser Votre Altesse que, le 27 avril, le Roi de France 
est parti de Fontainebleau où nous avons récité diverses 
comédies. Et avec Sa Majesté, toutes les majestés et dames 
sont parties pour la guerre de la Rochelle et pour la Gas- 
cogne et Languedoc où elles resteront jusqu'au moment 
de revenir à Paris — et je vous assure qu'il se passera du 
temps avant ce retour. — J'avais pensé partir pour ma 

1 Archives de Maktoue. Série France, 



SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIII. 289 

maison, dès la fin du carême. Pavais, en effet, accompli 
mon service ainsi que les promesses que j'avais faites 
au Roi, lorsque Sa Majesté me dit que je devais demeu- 
rer un mois encore après Pâques, parce qu'Elle dési- 
rait quelques représentations, qu'ensuite Elle partirait 
pour la guerre, ainsi qu'Elle a fait. Le soir avant le 
départ du Roi, je lui demandai bon congé pour me rendre 
en mon pays. Il me le donna de bonne grâce. Les autres 
comédiens, eux aussi, devaient demander congé pour 
rentrer tous ensemble en Italie. Mais le seigneur Lelio, 
voulant complaire à certaines personnes, — je raconterai 
cela de bouche à Votre Altesse — se prit à dire que le sei- 
gneur abbé Ruccellai, que lui Lelio, que tous les autres, 
que moi-même, nous désirions demeurer jusqu'à la 
Pâques de l'année prochaine. Il ajoutait qu'on ferait 
venir d'autres personnages, et qu'entre temps ledit sei- 
gneur Ruccellai m'engagerait, au nom du Roi, à rester 
au moins jusqu'à la Saint-Jean, qu'ensuite je ferais à ma 
guise. Je n'ai du tout pas consenti. Lelio dit alors qu'il en 
écrirait à Votre Altesse et que je serais châtié. Je lui 
répondis que l'on châtiait les larrons, mais non point 
les gens comme moi; que Votre Altesse avait le senti- 
ment du juste; que loin de me châtier, elle me ferait 
bon accueil; et la dispute finit là. Le lendemain au 
matin, j'allai vers le Roi. Il était à l'église, car ici ils 
ont la messe de bonne heure. La messe finie, je dis de 
nouveau à Sa Majesté, qu'avec sa bonne grâce, je voulais 
retourner dans mon pays et que je n'avais rien de plus à 
lui demander. « Oui, oui, dit le Roi par deux fois, allez 
avec la bonne fortune. » Je me rendis chez la Reine-Mère 

19 



290 LES COMEDIENS ITALIENS. 

qui me donna bon congé avec une lettre pour sa fille 
à Turin, et une pour Votre Altesse concernant mon bon 
service, et puis une chaîne de 200 écus. L'abbé Rue- 
cellai n'a point eu connaissance de ce dernier congé du 
Roi, parce que Sa Majesté partit aussitôt. À présent, 
l'abbé va écrire à Votre Altesse au nom du Roi pour 
qu'elle lui envoie des personnages. Moi, par courtoisie, 
je resterai jusqu'à la Saint-Jean. Mais qu'il vienne ou 
qu'il ne vienne pas de nouveaux sujets, je veux m'en aller 
chez moi et ne plus jouer, sauf pour plaire à Votre 
Altesse, et encore sera-ce dans son cabinet, mais plus 
autrement s'il plait à Dieu et à vous, seigneur, de qui 
je sais être bien affectionné. La Reine-Mère n'a assisté 
qu'à une de nos comédies, ce carnaval. Si la pièce ne lui 
plut pas, j'en dirai le motif de vive voix à Votre Altesse. 
En me donnant la chaîne, elle m'a dit : « Je vous la 
donne comme à mon compère, mais non pas pour les 
comédies, n Je prie Votre Altesse me pardonner la lon- 
gueur de cette lettre, mais si je voulais tout écrire, une 
rame de papier ne suffirait pas. Et pour fin, je baise 
mille fois les mains de Votre Altesse. A % Paris, le 8 de mai. 

Le très humble serviteur, 
Tristano Martinelli 1 . 

On pourrait croire que ce fut tout, et que le Roi 
et la Cour étant loin, les négociations s'accom- 
plirent, avec le temps, par les soins et la corres- 
pondance de Monsieur de Mantoue. On se tromperait 

1 Archives de Mahtoue. L'original en italien. E. xv. Francia. 



SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIII. *91 

fort. Les autres comédiens, considérant sans doute 
qu'il leur appartenait aussi de parler, ou du moins 
d'écrire, rédigèrent une lettre qu'ils adressèrent au 
Duc leur patron, et chacun signa, à son rang. C'est 
encore une manifestation. Et certes, Messire Arle- 
quin n'y est pas ménagé ! 

Sérénissime Altesse! 

Le goût que Sa Majesté prend aux représentations de 
la compagnie des Comédiens, vos serviteurs, est si grand 
que lorsqu'à Fontainebleau, nous lui demandâmes congé, 
Elle nous l'a refusé, disant qu'Elle a trop peu profité de 
notre présence et qu'Elle nous voulait à son service pour 
une année encore. 

Arlequin contredit à ce désir du Roi, osant bien dire 
qu'il ne voulait plus servir. Le Roi nous a dit à tous de 
pourvoir, avec l'aide de Votre Altesse, au remplacement 
d'Arlequin, en trouvant quelqu'un qui le sache bien imi- 
ter. Il voudrait aussi qu'on trouvât un amoureux, mais il 
ne réclame pas d'autres sujets, chacun de nous lui plai- 
sant comme il est. Or, nous avons appris qu'Arlequin, 
ayant conféré avec l'abbé Ruccellai, lui a proposé Mata- 
moros et son fils. Que Votre Altesse sache que c'est un 
pur propos d'Arlequin qui veut plus que jamais faire le 
maître, et qui pense à nous faire décheoir avec la per- 
sonne de ce fils de Matamoros. Ne veut-il pas aussi nous 
enlever le Capitaine? C'est pourquoi il propose Mata- 
moros dont nous n'avons pas besoin. 

La Compagnie entière supplie donc Votre Altesse de 

19. 



292 LES COMEDIENS ITALIENS. 

bien vouloir imposer à Arlequin — sous peine de disgrâce 
— d'avoir à rester ici jusqu'à la fin du carnaval prochain. 
Nous pouvons tous assurer que le Roi est fort contrarié 
et qu'il n'a pas trouvé bon de dire autre chose à Arlequin, 
sinon qu'il s'en aille. Que la bienveillance de Votre 
Altesse s'oppose donc à cet intéressé qui, maintenant que 
son butin est fait, veut s'enfuir, et qu'EUe lui impose 
l'obligation de demeurer. C'est ce dont nous la supplions... 
De Paris le 12 mai 1021. 

De Votre Altesse, 

Les serviteurs très-dévoués, 

Gio : Battista Andreini. 

Urania Liberati, dite Bernelta. 

Giovanni Rivani. 

Girolamo Gharâceni. 

Virginia Rotari, dite Lidia. 

Lorenzo Nettuni, dit Fichetto. 

Fedrigo de Ricci, dit Pantalon*. 

Mai et juin s'écoulèrent sans autres incidents. La 
réponse de Monsieur de Mantoue arriva toutefois à la 
fin de ce dernier mois. Elle consistait en deux lettres, 
Tune du signor Girolamo Parma, secrétaire ducal, 
adressée à Lelio, l'autre du Souverain lui-même à 
Arlequin. Mais le bon compagnon ne put en prendre 
connaissance, car lorsqu'elle arriva à Paris, il venait 
de s'en retirer , « de prendre la faite » , comme 
disait la Compagnie, dans sa manifestation écrite. 

1 Archives de Mantoue. îd. lbid. 



SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIII. 593 

Bref, il se trouvait que, par la lettre du secrétaire 
ducal, la Compagnie était autorisée à prolonger 
d'une année son séjour en France. Mais aussi Lelio, 
chargé désormais de ses intérêts, remercia en termes 
magnifiques M. le secrétaire. Il lui disait entre autres 
choses que « ses lettres seraient conservées comme des 
reliques, et que lui et Florinda et toute la troupe lui 
baisant les mains, demandaient à Dieu de le combler 
de toutes les satisfactions imaginables l » . 

Mais si, pour ce fait de l'autorisation accordée par 
le maître, la joie était grande parmi les sujets, la 
colère ne l'était pas moins contre Arlequin pour la 
façon dont il venait d'opérer sa retraite. 

Lelio, en somme, plein de bon sens, estimait qu'il 
n'y avait rien de mieux à faire présentement qu'à se 
consoler avec de la patience. Il s'en serait tenu à cette 
philosophique ressource, si les autres, au paroxysme 
de l'irritation, n'eussent été d'avis de récriminer 
plus fortement encore. Ils prétendirent même le con- 
traindre à dresser tout un réquisitoire, des termes 
duquel on conviendrait en conseil, et que chacun et 
chacune s'empresseraient de signer. 

Il en fut ainsi fait. Le réquisitoire n'a pas moins 

1 Arch. de Maktoue. Série France. « Al signor Girolamo 
Parma, secretario di S. A. » Parigi, 2 luglio 1621. 



294 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de sept pages. Nous ferons au lecteur la grâce de 
ne les lui pas imposer. C'est un amas de récrimi- 
nations aussi vulgaires que ridicules et duquel il n'y 
a pas à tirer un renseignement intéresssant, sauf la 
date du jour où Arlequin quitta Paris et abandonna 
ses compagnons. Le style "seul, par l'excès des 
images, offre quelque curiosité. 

Voici seulement les principaux traits du Jactum. 

Depuis la formation de la Compagnie pour le 
voyage en France, Arlequin s'en est fait non pas le 
chef, mais le tyran. A Milan, il a pris sur lui de pro- 
mettre à l'avance et secrètement à Monsieur de Sa- 
voie des représentations. A la cour de ce souverain, 
il a frappé à toutes portes, a monté tout escalier, 
a fait loteries en toutes chambres, a mangé à toutes 
les tables! A Milan, encore, sur un appoint de cin- 
quante ducats fournis par le père de Léandre, il en 
avait dépensé vingt pour solder quantité de petits 
portraits de son propre personnage comme autant 
de canons de batterie fondus là-bas pour aller ensuite 
à l'assaut des grandes maisons dans Paris ! ... A Paris, 
où tous ses moyens pour acquérir des faveurs furent 
tels, que mieux vaut les passer sous silence, pour 
que l'encre noire n'en devienne pas toute rouge ! 
Il a pour principe de vendanger partout et d'appau- 
vrir tout le monde. Le Roi, depuis qu'il est à la 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. Î95 

guerre, lui a fait écrire pour qu'il retarde son départ. 
Alors, que fait-il ? Après grande résistance, il laisse 
croire à la Compagnie qu'il va obéir, puis le der- 
nier soir qu'il avait médité de faire son dernier 
souper à Paris, il y invite la Compagnie (nouveau 
Judas pour trahir!) et puis le matin, sans avoir dit 
le moindre adieu, il s'enfuit, laissant toutefois une 
lettre pleine d'hypocrisie pour dire que sa carrière 
est désormais finie, qu'il a fait vœu de ne plus 
paraître en scène..., oubliant, l'ingrat, tous les 
avantages qu'il a tirés de son maître, et toutes les 
requêtes importunes qu'il a présentées à ses souve- 
rains, inventeur tout seul du mouvement perpétuel 
pour inquiéter et contrarier!... D'ailleurs, il en avait 
toujours été ainsi pendant les séjours en France. 
N'était-ce pas lui qui, jadis, y avait rompu la Com- 
pagnie de Fridelin par les divisions intestines qu'il 
avait fomentées? Bref, en l'occasion présente, selon 
son habitude de soigner ses intérêts en blessant ceux 
des autres, il n'a pas attendu l'arrivée des lettres 
qu'il savait bien devoir arriver, disant qu'il voulait 
fuir pour n'avoir pas à obéir. Et c'est ce qu'il a fait 
il y a cinq jours, voulant faire croire à tous ses 
compagnons que le sérénissime patron donne créance 
à tout ce qu'il dit; qu'il a pour lui la sérénissime 
patronne, le prince héréditaire, la princesse, et que 



296 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

de toutes façons, il brouillera tout. Téméraires pro- 
pos : actes pires encore!... En fin de compte, ledit 
sérénissime patron était aussi respectueusement que 
vivement prié de renvoyer Arlequin en France, et 
de le renvoyer avec tous les dépens du voyage à 
son compte, afin de mortifier ainsi un téméraire, 
tout au moins de le châtier dans la mesure que 
mérite une audace si grande ! . . . « Et, dit le seigneur 
Lelio, en terminant son furieux réquisitoire, pour 
montrer que j'ai été contraint par tous les sujets de 
la troupe a formuler ces accusations, chacun d'eux 
se déclare soussigné » 

(Suivent les signatures '.) 

Mais toutes ces foudres n'étaient, paraît-il, que 
feux de comédie. Un billet secret de Lelio — le 
contre-billet — en est une bonne preuve. Un peu 
honteux du rôle d'accusateur ainsi imposé à sa plume 
contre le vieil Arlequin, dont le service continuel 
dans la commedia deltarte ne comptait pas moins 
alors de quarante années, Lelio — c'est-à-dire 
Andreini — écrivit ceci, à Tinsu de la troupe, au 
secrétaire ducal : 

1 Gio. B a . Andreini; Gerolamo Garacini; Giovanni Rivani; 
Fedrigo Rizzi detto Pantalon; Lorenzo Nettuni ; Urania Libe- 
rati; Lidia Rotari; Florinda Comica. (Archives de Mahtoue.) 



SOUS LE KEGNE DE LOUIS XIII. 297 

Très illustre Seigneur très respecté. La Compagnie 
m'a fait écrire, contre mon intention, à Son Altesse Séré- 
nissime sur le tort que nous a causé Arlequin. Je vous 
supplie, puisque j'ai ainsi agi contre ma volonté, de faire 
cette lecture à Son Altesse plutôt en plaisantant, bien 
qu'en réalité le tort qui nous est fait soit notable, et la 
contrariété du Roi, très grande. Une fois lu, veuillez 

brûler ce mémoire J'ai fini la Capigliera qui sera une 

très belle chose, et si vous désirez d'autres comédies, je 
puis vous satisfaire. Toute notre maison vous est obligée. 

A Paris, le 12 juillet 1621. 

Le serviteur très dévoué, 
G. B. Andreini 1 . 

Quinze jours ensuite, voulant faire le bon cour- 
tisan, en s'adaptant aux circonstances guerrières du 
moment, le même Lelio envoya à Son Altesse, à 
Mantoue, deux estampes qui venaient de paraître. 
L'une représentait le siège de la Rochelle, l'autre 
la vue de Saint-Jean d'Angely que le Roi venait de 
prendre. Sa manière de présenter ces choses n'avait 
rien de simple, car Lelio recherchait les plus grands 
effets du style imagé : 

De la même façon, dit-il, que le pauvre berger Simète 
présenta l'eau au célèbre roi Artaxerce, je présente à 
Votre Altesse deux images : l'une de la Rochelle, l'autre 

1 Archives. Id. Ibid. 



298 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de Saint-Jean d'Angely. La première vue de la Rochelle 
déjà envoyée à Votre Altesse était sans l'équipage de 
siège, celle-ci est toute « accampata » et par conséquent 
d'un intérêt plus grand que les précédentes. Saint-Jean 
d'Angely, sans aucun doute, comme toute nouveauté, 
porte avec soi son intérêt. On n'en a point fait de vue 
auparavant. Et ici avec toutes les révérences de Florinde 
sa très-dévouée servante et de tout le reste de sa très- 
humble troupe, je finis, priant Notre Seigneur lui donner 
ce qu'EUe désire non moins que ce qu'EUe mérile, la 
suppliant aussi de nous aider pour ce que le sieur Her- 
cole Marliani lui représentera. 

De Paris, le 23 juillet. 

Le très-obligé serviteur, 

G. B. ÀNDREINI 1 . 

Ce que devait représenter le seigneur Hercole 
était sans doute la nécessité du prompt envoi d'un 
amoureux^ d'un beau Léandre, et particulièrement 
du personnage appelé « Aurelio » . On l'avait déjà 
demandé par d'autres lettres du mois de juin, et le 
messager de la troupe attendait à Mantoue le sei- 
gneur Aurelio pour le conduire en France. 

Mais qu'était devenu maître Arlequin, depuis 
le 27 juin qu'il avait disparu de la Compagnie? 
Maître Arlequin avait réellement effectué son 

1 Archives. Id. Ibid. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 299 

départ de Paris. A la date du 14 juillet, — douze 
jours après l'envoi du réquisitoire des camarades, 
— le seigneur Giovanni Rossi , écrivant de Lyon 
au Duc de Mantoue, signale le passage du vieux 
comédien dans cette ville et l'annonce comme 
étant parti la veille pour Turin, d'où il se rendra à 
Vérone. Certes, l'importance du personnage n'avait 
rien perdu dans sa fuite, elle n'avait dû même 
que croître à ses propres yeux, puisqu'au dire 
du même Giovanni Rossi, le Roi avait mandé un 
courrier exprès pour le faire retourner vers la Cour! 
Il est à croire qu'en s'excusant de nouveau et de 
façon plus formelle encore, le bon comédien, en 
renvoyant le courrier royal vers son maître, avait 
adressé à Louis XIII la prière de lui faire au moins 
cet honneur de mander du Duc de Mantoue quelque 
lettre de satisfecit de sa personne et de son séjour 
en France. Ce pouvait être un moyen de se ménager 
une réception meilleure que celle à laquelle il devait 
s'attendre. Nous trouvons, en effet, cette lettre de 
Louis XIII, du 8 août 1621, écrite de Tonneins, en 
route vers Montauban : 

Mon Cousin. Ayant permis à Harlequin de s'en retour- 
ner en sa maison, jay bien voulu vous tesmoigner par 
ceste lettre le contentement qui me demeure du voyage 
qu'il a faict par de ça où je leusse retenu plus long tems 



300 LES COMEDIENS ITALIENS. 

pour voir ses comédies si mes affêres ne métissent appelé 
en ces quartiers où je trouve d'autres divertissements qui 
me produiront avec le tems un fruit plus agréable par le 
repoz que mes armes acquèrent à mon royaume et l'o- 
béissance à laquelle elles rangent ceux de mes subjeetz 
qui sen estoient retirez. Je prie Dieu, mon cousin, qu'il 
vous ayt en sa sainte et digne garde. Escript à Tonneins, 

le huitième jour d'aoust. 

Louis 1 . 

Tristano Afartinelli dit Arlequin donna-t-il suite 
à ses vœux par tant de fois déclarés au roi de France, 
au Duc de Mantoue, à ses compagnons et à Dieu, de 
ne plus paraître sur la scène et de se retirer tant en sa 
maison de la rue de l'Aigle h Mantoue qu'en sa 
maison des champs aux due Castelli pour y cultiver 
le repos, le loisir et son bien? Son âge et la fortune 
acquise permettraient de le penser. De nouveaux 
textes apparaissent qui prouvent qu'il n'en fut rien 
encore. Il avait toujours des vœux à la bouche, selon 
les occasions, selon qu'ils lui pouvaient servir pour 
être beau diseur et faire le bon apôtre, et émouvoir 
son auditeur, mais il manqua souvent à ses vœux 
et les rendit stériles. N'avait-il pas déclaré, dès 
Tannée 1606, les mêmes choses? Nous le retrouvons 
les déclarant encore en 1621 ! Seize ans après! Il en 
fut tout de même cette fois, car par une lettre d'un 

1 archives de Manvoue. Série France. E. kv. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 301 

sien compagnon au Duc de Mantoue, nous le voyons 
encore dans la troupe des Fedeli qui donna la comé- 
die à Venise, pendant le carnaval de 1623, puis à 
Padoue, puis à Vérone, et de nouveau à Padoue. 
Voici qui est mieux encore, mais cette fois, jusqu'à 
plus amples informations, ce sera pour faire fin avec 
lui. Trois ans plus tard, donc, en 1626, un billet 
d'Arlequin à M. de Chasteauneuf allant ambassadeur 
extraordinaire à Venise, et de passage à Mantoue, 
nous donne de ses nouvelles. Et quelles nouvelles! 
Ni plus ni moins que celles du " désir qu'il a de 
paraître encore en France pour y faire son person- 
nage à la Comédie : 

Excellentissime Seigneur. La présente sera pour lui 
faire la révérence et la prier de daigner m'aviser de la 
réponse que Son Altesse vous aura faite, si Votre Excel- 
lence lui a parlé de m'envoyer en France. Je remets à 
Votre Excellence trois portraits d'Arlequin portant chacun 
des vers arlequinesques et la généalogie des sérénissimes 
Compères et Commères. Je prie Votre Excellence de ne 
pas manquer de m'accuser réception de la présente et pour 
fin, lui faisant toutes révérences, je lui baise les mains. 

De Mantoue, le 27 juillet 1626. 

De Votre Excellence, 

Le très-affectionné serviteur, 
Tristano Martinelli, dit Arlequin', comédien 1 . 

1 Ce billet (dans l'original italien) se trouve aux Aacoiyes 



302 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Il est à croire que M. l'ambassadeur et le Duc de 
Mantoue firent demeurer à l'état de désir, dans 
l'âme du comédien, cette proposition nouvelle d'aller 
se montrer en France que n'avait pas craint de 
mettre en avant Arlequin suranné. C'eût été trop le 
voir et l'entendre. L'heure de la retraite avait plus 
que sonné pour lui. C'est, du reste, le dernier docu- 
ment certain qu'il nous ait été donné de rencontrer 
sur sa personne d'ailleurs fort plaisante et sur sa 
carrière extraordinairement fournie. Mais que n'a- 
t-il écrit ses Mémoires!... Ses mémoires sur la Corn- 
média delVarte depuis qu'il avait commencé à y figu- 
rer ; sur les compagnies de Comédiens où il avait eu 
si bon rôle; sur les théâtres d'Italie et étrangers où 
il avait donné cours à ses libres et fantasques pro- 
pos ; sur les séjours qu'il avait faits en France au ser- 
vice comique du roi Henri quatrième, de la Reine- 
Régente Marie de Médiçis, et du roi Louis treizième ! 

Nos adieux faits à Arlequin, reyeuons maintenant 

des affaires Étrangères à Pari s. Série de Venise. Volume 44. 
L'ambassadeur de France, de passage alors à Mantoue, était 
Charles de Laubespiwe, seigneur de Préaux et de Ghasteau- 
neuf, conseiller au Conseil d'État de Sa Majesté, chancelier de 
ses Ordres, et son ambassadeur extraordinaire à Venise, 
Suisse et Grisons. Il fut à Mantoue le 25 juillet 1626, venant 
de Turin et se rendant à Venise. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 30& 

vers la Compagnie dont il s'était séparé et que le 
roi Louis XIII avait voulu garder à Paris pendant 
une année encore, malgré sa longue absence de la 
capitale de son royaume. 

Nous retrouvons donc ces Comédiens à Paris, 
lorsque le Roi y entra, au retour de ce voyage 
fameux qui n'avait pas duré moins de sept mois, en 
ses provinces du Midi, pendant lequel il avait assiégé 
et soumis plusieurs de ses villes rebelles, calmé les 
troubles des religionnaires, et perdu ce gentilhomme 
qu'il aimait tant, l'ancien garde des oiseaux de son 
cabinet, devenu Duc et Pair et Connétable de France, 
M. de Luynes. Le Roi fit sa rentrée le 28 janvier de 
l'année 1622, à six heures, au Louvre, et dès le 
lendemain 29, au soir, il avait demandé le spec- 
tacle de la Comédie Italienne en la salle d'en haut. 

Il y fut très-fidèle pendant le séjour de deux mois 
environ qu'il fit alors à Paris. Jusqu'au 20 de mars, 
en effet, qu'il partit de nouveau pour un plus grand 
voyage encore que celui de l'année précédente en ses 
provinces, il se passa peu de jours sans que le Roi 
ne voulût avoir le spectacle italien 1 . Au mois de 

1 Les représentations furent données au Roi les 29 et 31 jan- 
vier; les i", 2, 6, 7, 8, 17, 19, 21, 22, 24 février; les 5, 9, 
10 et 17 mars 1622. 



304 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

février, prévoyant qu'il se séparerait d'eux bientôt 
et que d'ailleurs la date de la fin de leur service à la 
Cour était proche, il fit dresser par M. Brulart de 
Sillery, secrétaire d'Etat, la lettre suivante en faveur 
de ses Comédiens, chargés de la remettre à M. le 
Duc de Mantoue, vers lequel ils devaient retourner : 

Mon Cousin. J'ay bien voulu tesinoigner par ceste lettre 
le contentement que je reçois de Lelio et de Florùida qui 
se sont tousiours très-bien comportez aux deux voyages 
qu'ils ont faicz en ce royaume. Et siJz ne sont retournez 
en Italie cest que je les ay retenuz par de ça pour me 
servir avec les autres comédiens leurs compagnons, comme 
ils continuent de faire, et si on leur impute quelque 
chose au contraire, je vous prie ny adjoustez foy et voire 
qu'ils méritent que vous leur conserviez tousiours votre 
bonne volonté. Et je prie Dieu, mon cousin, qu'il vous 
ayt en sa saincte et digne garde. Escript à Paris le troi- 
sième jour de febvrier 1622. 

Louis. 

A mon cousin le duc de Mantoue l . 

Le Roi partit le 20 mars « pour son grand voyage » , 
comme le dit M. Heroard son premier médecin. 
C'est certainement à cette époque que la troupe ita- 
lienne qui séjournait en France depuis le mois de 
novembre 1620 quitta le royaume pour repasser les 

1 Archives de Mantoue. Série France. E. xv. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 305 

monts et retourner en ses pays. Il ne fut plus 
question d'elle jusqu'au mois d'octobre. Le Roi, 
d'ailleurs, voyagea toute l'année. En somme, Lelio 
— Giovanni-Battista Andreini de son vrai nom — et 
Florin da, et les autres personnages de cette compa- 
gnie, paraissent avoir beaucoup plu aux Parisiens. 
Andreini s'était fort habitué. D'un naturel heureux, 
il avait été bien dressé aux belles-lettres, et ses en- 
tretiens comportaient un savoir peu vulgaire. Il por- 
tait un nom très-respecté, car il n'était personne à 
Paris qui, ayant quelque culture d'esprit, ne se sou- 
venait de la faveur honorable où la comédienne sa 
mère avait été tenue à la cour du feu roi Henri. Il 
publia quelques unes de ses compositions drama- 
tiques, en cette année même 1622, avant de quitter 
Paris, et c'est lui que nous y retrouverons de nou- 
veau l'année suivante, ayant répondu à un nouvel 
appel que le Roi venait de faire aux Comédiens Ita- 
liens avec l'intervention de plusieurs signalés per- 
sonnages. 



20 



CHAPITRE HUITIÈME 

SOUS LOUIS XIII. 
1622-1625. 

Voyage militaire du Roi en l'année 1622. — Sa résolution 
pour la paix le 9 octobre. — Le prince de Gondé lui 
demande aussitôt la permission d'aller voyager en Italie. — 
Prétexte d'un pèlerinage à faire. — Curieuse commission 
que le Roi lui donne. — Intervention probable de Monsi- 
gnor Luigi Ruccellai. — Lettre du Roi au duc de Mantoue, 
10 octobre 1822. — M. le Prince rencontre à Brescia le 
comédien « Le Docteur ». — Sa lettre à Monsieur de 
Mantoue, 29 octobre. — Le Roi trouve les Comédiens à 
Lyon en y arrivant le 6 décembre. — Sa rentrée à Paris le 
10 janvier 1623. — La Compagnie dés Comédiens F y 
rejoint. — Séjour jusqu'au mois d'août. — Lettre du Roi 
où il exprime à Monsieur de Mantoue la satisfaction qu'il a 
eue de Lelio, Florinda, Rinoceronte et Pantalon, 6 août 
1623. — La dernière Compagnie dont nous avons trouvé 
la trace certaine dans les documepts consultés, dut arriver 
à Paris à la fin de l'an 1624. 

Du mois de mars jusqu'au mois d'octobre de cette 
année 1622, Louis XIII n'eut guère lieu de penser 
aux divertissements habituels d'une cour régulière- 

20. 



308 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

ment ordonnée et paisiblement établie. Le Roi fut 
sans cesse par les cbemins, obligé qu'il était à de 
continuelles étapes, allant de ville en ville, d'abord 
vers l'ouest, puis vers le midi du royaume. On le vit 
a Orléans, Blois, Tours, Saumur, Àncenis, Nantes, 
Fontenay- le- Comte, Niort, Saint-Jean-d'Angely, 
Sainctes, Marmande, Agen, Moissac, Toulouse, Nar- 
bonne, Béziers, Lune), Aigues-Mortea. Il rejoignait 
ça et là son armée, voyait donner l'attaque aux 
places rebelles, recevait leur obéissance, non sans 
coup férir de part et d'autre, en un mot faisait la 
guêtre à qui la lui avait déclarée l . 

Il en fut ainsi jusqu'au jour où, étant depuis déjà 
près d'un mois à Castelnau, devant Montpellier, le 
Roi se résolut à conclure la paix avec Monsieur de 
Rohan, que la dernière « assemblée de la Rochelle » 
avait élu commandant du Haut-Languedoc et de la 
Haute-Guyenne. Les négociation^ entamées à ce 
sujet aboutirent le 9 octobre. Et voici par quel 
étrange concours de circonstances Louis XIII eut 
lieu, dans ce même* temps, de trouver l'occasion 

1 On suit le Roi de jour en jour, dans le recueil des Notes de 
M.Heroard : Sixième et dernier volume du Journal manuscrit. 
Bibl. Nat. F. Fr., n° 4027. Ce volume s'étend du 1 er janvier 
1622 au 30 janvier 1628, mais il s'y trouve de terribles 
lacunes. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 309 

belle pour* adresser un message à Monsieur de 
Mantoue, le priant de seconder son messager dans le 
choix d'une troupe de bons comédiens Italiens pour 
le prochain hiver ! 

Monsieur le prince — le prince de Condé — 
avait suivi le Roi dans cette guerre, et il était, de tous 
points, fort hostile à la résolution que Louis XIII 
venait de prendre sur la paix \ Le Roi l'avait fait 
appeler pour lui en donner part, et sur ce que le 
Prince allait répliquer pour l'en dissuader, il lui dit 
vivement : « II n'en faut plus parler, je Vay ainsi r«- 
solu. » A quoi M. le Prince ne répondit pas autre 
chose, sinon que Sa Majesté n'ayant point présente 
ment besoin de sa personne, «Ma priait qu'il luyplust 
luy permettre s* en aller en Italie rendre un vœu à Notre- 
Dame de Lorette, auquel dès longtemps il s'était 
obligé 2 » . Sa Majesté le lui permit. Sur quoi, à l'in- 
stant même, il dit adieu à quatre ou cinq personnes 
dont étaient le S'deMarillacetM.deSchomberg 8 . Il * 

1 Un très-bon Mémoire concernant cette campagne du Roi 
a été publié par M. Schybergson dans le « Bulletin de la so- 
ciété du Protestantisme français » (Quinzième année, 1880), 
sous le titre : Le Duc de Rohan et la chute du Parti Pro- 
testant en France, 1610-1622. 

8 Journal d'HEROARD et Mercure François. Tome VIII. 

3 Archives des affaires étrangères* Fonds de France 



310 LES COMEDIENS ITALIENS 

dit à l'un : « La paix se fait dont je ne veux pas seule- 
ment estre témoin. Adieu. » Et à l'autre : « Je m'en 
vais à Lorette, car la paix se fait malgré moy et sans 
vous; vous et moy serons les seuls à qui le Roy ne 
pourra reprocher si damnable conseil... Je verrai 
Rome, Venise, et je parleray comme je dois... » Et 
quoiqu'il fût cinq heures du soir, Monsieur le Prince 
alla coucher à Aiguës-Mortes à cinq grandes lieues 
de là. Au petit jour, il partit pour Arles, puis pour 
ritalie. 

.Mais ce bon pèlerin, ce pèlerin bien étrange, ne 
partait point sans avoir reçu du Roi, son seigneur et 
parent, la plus inattendue commission qui, en de 
semblables occasions, se puisse donner. Gomme 
Monsieur le Prince, en son voyage vers Notre-Dame 
de Lorette^ devait passer, au retour, par la ville et 
duché de Mantoue, le Roi avait trouvé bon de le 
prier, durant sa visite, d'assembler la meilleure 
troupe de comédiens et de la lui envoyer, avec 
l'agrément de M. le Duc de Mantoue. Sur l'heure 
même, Louis XIII avait commandé qu'une lettre 
fût écrite dans ce sens, et Sa Majesté l'avait signée. 

(n 9 32 ancien ; 775 nouveau). Passim, curieuses lettres, toutes 
dans l'original, du S r de Mabillag et autres correspondants 
particuliers de M. de Luçon. Ce sont papiers de M. le Cardinal. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 311 

Il ne faut pas demander si Monsignor Luigi Rue- 
ce) lai, le bon compagnon dont nous avons montré 
le personnage dans les négociations précédentes, 
s'était trouvé avoir part à cette commission! C'est, 
pour nous, manifeste qu'il en avait été Tunique 
inspirateur. 

Monsignor Luigi n'était plus, il est vrai, en la 
- même faveur où il s'était vu précédemment auprès de 
Sa Majesté. Depuis un an environ, il s'était mêlé dans 
des questions de partisans, et s'était fort rapproché 
de Monsieur le Prince qu'il aurait voulu lier avec la 
maison de Guise ; il travaillait aussi avec D'Épernon, 
et toujours fomentait quelque chose. On ne l'avait 
vu à la Cour que tout à fait en passant, pendant ce 
voyage tout militaire. Il savait par ses confidents 
qu'il n'avait plus que peu de part en la bonne grâce 
du Roi, qui aurait dit que Ruccellai serait mal con- 
seillé de venir en lieu où il serait désagréable à la 
Reine Mère. Il avait bien reconnu d'ailleurs que le 
mouvement de la faveur se dessinait vers la personne 
de M. de Luçon tout fraîchement promu cardinal, 
lequel déjà était sollicité d'apaiser un courroux 
redoutable. En ces jours mêmes où le Roi se résolut 
à la paix, Monsignor Ruccellai se trouvait précisé- 
ment avec Monsieur le Prince, et son humeur innée 



312 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

de courtisan avait retrouvé quelques consolations à 
la vue nouvelle de ce même Roi qu'il avait su si bien 
charmer du vivant même de M. de Luynes. Le 
lundi 10 octobre, qui fut le jour où Monsieur le 
Prince prit congé pour se rendre en Italie, le S r de 
Marillac écrivait ceci : « Ruccellai est le solliciteur 
du Prince auprès du Roy. Il prend de là beaucoup 
de suiect d'entrettenir le Roy et de se foire de 

feste >» Or comment douter de son intervention 

pour la commission donnée à Monsieur le Prince, 
puisque la lettre de créance royale à l'adresse de 
Monsieur de Mantoue est datée de ce même jour 
« lundy 10 octobre, du camp devant Montpellier »? 
Nous n'aurions pu soutenir ce propos de conjecture, 
si le fait se fût passé quelques jours plus tard. La 
mort la plus rapide enleva, en effet, ce personnage, 
le 22 de ce même mois, aux mille intrigues que peut- 
être il méditait de mettre en jeu dans des occasions 
prochaines l . Toujours est-il que le prince de Gondé 

1 Le S r de Bassompierre s'exprime ainsi dans ses Mémoires : 
« Le samedy 22 octobre 1622. Rouccelay mourut et peu 
avant qu'il passast, il m'envoya prier de le venir voir. Il 
avoit le pourpre quy luy estoit sorty, quy esloil fort con- 
tagieux. Je fis ouvrir la porte de Montpellier comme sy 
je fusse allé au camp, et Callay trouver. Il me confia sa 
cassette, ses papiers, me priant de faire truster tes lettres 
que je trouverois propres à cela, puis m'embrassa et sou- 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 313 

partit le 10 d'octobre, avec cette lettre du Roi pour 
son bon cousin le Duc de Mantoue : 

Mon cousin. Ayant permis à mon cousin le Prince de 
Condé d'aller accomplir un vœu qu'il a fait à Notre-Dame- 
de-Lorelte, Il ma tesmoigné désirer à son retour prendre 
son chemin par Mantoue où je me promects que vous le 
scaurés bien accueillir et recevoir comme le mérite la 
proximité dont il m'attoucke, et l'affection et bonne 
volonté que je lui porte. Il vous asseurera particulière- 
ment de la mienne en vostre endroict et vous priera de 
me vouloir envoyer cest hiver prochain une Compagnie 
de Comédiens selon le choix quil en fera luy m es me sur 
le lieu dont je me remeetz sur luy et feray pourvoir à 
Lyon aux frais de leur voyage ainsy quil est accoustumé; 
priant Dieu, mon cousin, quil vous ayt en sa saincte et 
digne garde. Escript au camp devant Montpellier le 
X jour doctobre 1022. 

Louis. 
A mon cousin le Die de Mantoue '. 

Dès le 20 du même mois, Monsieur le Prince 
était a Turin et devait partir le 22 pour Milan. On 
le voit à Brescia le 29 où, fort opportunément, il fit 
la rencontre du comédien qui, dans la troupe de 
Monsieur de Mantoue, jouait à merveille le rôle à 

dain mourut. Je me repentis fort dy estre allé pour la 
contagion que j'en apprehendois : mais enfin je n'en dis 
rien, et il n'en arriva aucun mat. » 
1 Archives de Maktoce. Série France. 



314 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

caractère -connu sous Je nom de « Il Dottore, le 
Docteur » . Monsieur le Prince le pria d'être son 
courrier pour Son Altesse, à laquelle il annonçait sa 
personne et sa commission dans les termes suivants : 

Monsieur. Encores que jespère bientost 1 honneur de 
voir Vostre Àllesse, néant moins le Roy maiant commandé 
de luy mener une Compagnie de Comédiens et sur tout 
le Docteur porteur de la présente, je luy ay dit la volonté 
du Roy à quoy il ma respondu ne pouvoir satisfaire sans 
vostre permission, laquelle je supplie Votre Altesse de 
luy donner, et croire que Madame le retint par force à 
Turin et il craint vostre colère. Je lacompaçne donc de 
la présente avec laquelle je vous suplie très humblement 
de me croire, 

Monsieur, 
Vostre bien humble cousin et serviteur, 

Heniw de Bourbon. 

De Bresse ce 29 e octobre 1622. 

Je passe en inconnu, cest pourquoy je suplie Vostre 
Altesse en public me traiter comme tel. 

À Monsieur 
Monsieur le Duc de Màntoue ! . 

Après cela, on voudrait une lettre de Monsieur le 
Prince au Roi, lui donnant, par le menu, le résul- 
tat des soins qu'il avait pris pour assembler la troupe 
la meilleure qui fût, nommant un par un les per 

1 Archives de Màntoue. Maison de Gonzagne. 



SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIII. 315 

sonnages de ta comédie dont il avait fait élection, 
décrivant leurs qualités comiques, fournissant enfin 
tous détails à l'avenant. Mais une telle lettre de 
M. le prince de Condé n'a point été rencontrée \ 

Il est toutefois permis de supposer que Monsieur 
le Prince ne tarda point à réussir dans cette mission 
piquante dont le Roi l'avait chargé. En effet, Mon- 
sieur de Mantoue faisant réponse pour accuser ré- 
ception du message que lui avait remis le prince de 
Condé, joignait à toute sorte d'honnêtes compli- 
ments les grandes assurances de sa bonne volonté 
pour satisfaire au désir de Sa Majesté, sur l'envoi 
des Comédiens. Il précisait en disant que le seigneur 
Priandi, son ambassadeur à la Cour, donnerait part 
de ce qu'il pensait faire pour que Sa Majesté reçût 
prompt contentement 2 . Du reste, plusieurs des 
* comédiens s'étaient déjà rendus à Lyon, où le Roi les 
trouva, lorsqu'il y arriva le 6 décembre. Louis XIII 
n'attendit même point qu'il fût rentré à Paris pour 

• Sur le voyage ei séjour du Prince de Condé en Italie à 
cette époque, voyez Bibliothèque Nationale, Ms., le recueil 
des Dépêches de Savoie, F. F. n ' 16912 et 16919. L'agent 
français à Turin était alors le sieur Mari ni. 

8 Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds Italien, 
n° 1199, f J 67 bis. Lettre originale. 



316 LES COMEDIENS ITALIENS. 

avoir le spectacle de quelques-unes de leurs comé- 
dies. Et, peu de jours après son entrée royale à 
Lyon, le 10 décembre, à quatre heures, ayant 
accompli, le matin même, la cérémonie de la remise 
du bonnet de cardinal à M. de Richelieu, évêque de 
Luçon, il se rendit à la Comédie Italienne '. 

Le séjour à Lyon fut d'un peu plus de deux 
semaines. Le 15, le Roi y reçut la princesse de 
Savoie, sa sœur, et ce même jour encore, assista 
à la comédie des Italiens que Madame Christine 
connaissait sans doute bien pour les avoir vus et 
entendus a Turin chez Monsieur de Savoie, son 
beau-père. Le départ pour Paris fut le 19 de ce 
mois de décembre. L'hiver était fort rude, la rivière 
de Loire gelée, lorsqu'il la fullut passer à Saint- 
Saphorin. On fit route vers Fontainebleau, passant 
par Roanne, Nevers, Pougues, La Chanté, Cosne, 
Montargis et Bois-Malesherbes. Les Comédiens 
avaient dû suivre de fort près le train du Roi, car 
Louis XIII rentré à Paris, au Louvre, le 10 de jan- 
vier 1623, assistait déjà le 21 et le 22 à leurs comé- 
dies, en la salle de Bourbon. Et il y fut, peut-on 
dire, aussi assidu pendant toute la saison qu'à son 

1 Journal de M. Heroard, premier médecin. Bm. Nat. Ms., 
n° 4027. a Le X. Samedy : Esveillé à sept heures, etc. » 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 317 

« cabinet des oyseaulx » pour lequel alors il s'était 
repris du plus grand goût. 

Cette fois encore, Giovanni-Battista Andreini 
dirigeait la Compagnie. Nul mieux que lui ne con- 
naissait Paris et la Cour. Il avait toujours fait partie, 
avec Florinda sa femme, des troupes qui, successi- 
vement, sous Pier-Maria Cecchini dit Fridelin et 
Tristano Martinelli dit Arlequin, avaient répondu à 
l'appel du Roi ou de la Reine Régente. Quant à la 
troupe précédemment venue, en 1619, nous avons 
vu qu'il en était déjà le chef. Il était né à Florence 
en 1579, et avait étudié à Bologne. Ce dut être en 
la fleur de sa jeunesse qu'il se prit du goût de 
paraître à la scène. Il était dans la place, comme on 
dit. Il connut bien la bonne école, car il vit les der- 
niers grands jours de la compagnie classique des 
Gelosî. Il avait épousé en 1601 à Milan une char- 
mante jeune fille du prénom de Virginia, toujours 
appelée ensuite Florinda, de ce joli nom qu'elle 
avait pris pour ses débuts au théâtre. Le peintre 
florentin Bronzino (l'Àllon) fit son portrait. Il faut 
croire que le poëte si fécond alors en sonnets , le 
Cavalière Marino, avait été touché du charme de l'ori- 
ginal, et des agréments apparents de Florinde la 
belle, puisque en sa Galerie poétique, il produisit 



318 LES COMEDIENS ITALIENS. 

ces vers agréables pour célébrer tant de grâce ' . C'est 
au peintre que le poète s'adresse en trouvant l'oc- 
casion bonne pour un jeu de mots, mais c'est à la 
comédienne qu'il fait sa cour, en disant au peintre : 

Bronzin, mentre ritraggi 

Questo Fior di beltà, beltà genti/e 

Che 9 co' deltiy e co 9 raggi 
Degli occhi vaghi, e det facondo stile 
Spetra i duri pensier, doma i selvaggi, 

Se non ardid'amore, 

Hai ben di bronzo il core *. 

1 La Galeria del Cavalier Mabino distinta in pitlure e 
sculture (1620), page 292. Le portrait a pour désignation : 
u Florinda Comica. » 

■ Nous avons demandé à l'auteur de « Cinq octaves de 
Sonnets » et des « Cent Strophes à Paillerok » , à notre 
bon ami M. Claudius Popelin, de mettre en vers français cet 
hommage du Cavalier Marino, et il nous a -fort obligeamment 
répondu par cet envoi, dans le style du temps • 

La Comédienne Flomkde. 

Bronzino, quand tu portraites 
La fleur des beautés parfaites 
Qui, des rayons de ses yeux, 
Qui, des discours gracieux 
De son style copieux, 
Met les soucis en déroute, 
Dompte la sauvage humeur, 
Si lu ne brûles, sans doute, 
Cest que de bronze est ton cœur. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 319 

Nous avons dit aussi que Giovanni-Battista Àn- 
dreini avait l'esprit très-cultivé; il tenait de race, 
car les Comédiens, son père et sa mère, lui avaient 
donné bel exemple non-seulement pour l'art aussi 
difficile que charmant de la Comédie, mais encore 
pour la culture et la profession des belles-lettres. 
Il a produit, en fait d'œuvres écrites, plus qu'aucun 
des comédiens auteurs, tels que Flaminio Scala, 
Pier-Maria Cecchini, Domenico Bruni, Nicolo Bar- 
bieri, et les divers autres de son temps. La réunion 
de toutes ses pièces formerait un vrai répertoire 
de Comédie Italienne à cette époque, non-seule- 
ment dans le genre comique proprement dit, telles 
que Atnor nello specchio, La Suhana, Li Duo Leli 
Simili, mais encore dans le genre féerique, telles que 
La Centaura, Lelio Bandito, et même dans le genre 
sacré, telle que cette étrange oeuvre de VAdamo l . 
Quant à ses rimes, en ce dernier genre particulière- 

* 

ment, il ne faut pas les compter, tant la besogne 
serait longue ; ce sont des poèmes sacrés aussi : La 
Maddalena lasciva e pénitente, La Técla Vergine et 

1 Les autres pièces de G. B. Akdreini citées par M. Adol.'o 
Bartoli dans son lntroduzione aux « Scenari inedili délia 
Commedia dell' arte » sont : La Turca, Le due Commedia 
in Commedia, La Campanaccia, La Rose lia, I due baci, Le 
Rosa, Lo SchiaveltOj VIsmenia, La Ferinda. 



320 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Martirel Un grand nombre de ses pièces ont paru 
à Paris, du moins en éditions nouvelles, pendant 
l'année 1622, chez Nicolas Delavigne, à l'Écu de 
France, près le petit collège de Navarre. Il avait 
grand goût pour les épitres dédicatoires ; ses pièces 
L'Adamo et La Centaura sont dédiées à la Reine 
mère, L'Amor nello specchio est dédiée au sieur de 
Bassompierre, La Sukana à Monsieur Le Grand, 
Li Duo Leli Simili au duc de Nemours, et pour cou- 
ronner le tout, le Teatro Céleste à Monsieur le Car- 
dinal 1 ! Sa carrière fut très-longue. On le trouve 
encore en France en 1643, à la mort de Louis XIII, 
et faisant son hommage en vers à la Reine Anne 
pour l'avènement du jeune Roi son fils. La Florin da 
était morte en 1627, et peu d'ans après, il avait 

1 C'est un recueil de sonnets sacrés à l'honneur d'un grand 
nombre de Saints. Le titre est curieux : « Teatro Céleste nel 
quale si rappresenta corne la divina bontà habbia chiamato 
al grado di beatudine di santità Comici penitenti e mar- 
tiri, con un poetico esordio a scenici Pr of essor i di far 
tarte virtuosamente, per lasciar in terra non solo nome 
famoso, ma per non chiudersi viziosamente la via che ne 
conduce al Paradiso. » All Illustrissimo e Reveritissimo S. S. 

E PADRON MIO COLESDISSIMO II SlGNOR CARDINALE DI RlCHELIEU. 

(Pariçi, per Nicolao Gallemont.) Voir l'intéressante étude de 
feu Charles Magnin au sujet de cette production bizarre « Les 
Comédiens au Paradis • . (Revue des Deux Mondes* 
Tome XX, page 1099. Année 1847.) 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 321 

pris en nouveau mariage la signora Lidia, élevée 
sans doute à l'école de la Florinda, car elle était 
aussi comédienne. 

On peut présumer que cette Compagnie dernière- 
ment venue se retira après le Carnaval ou après 
Pâques de cette même année 1623. Il appert, en 
effet, d'un dernier document royal que non-seule- 
ment elle n'était plus a la Cour au mois d'août, 
mais que Louis XIII, regrettant son éloignement, 
désirait le retour de ses principaux personnages. 
Pour cette fois, il prenait le soin de les désigner 
personnellement à Monsieur de Mantoue leur maître 
et son bon cousin : 

# 

Mon cousin. Le contantement que j'ay receu de Lelio, 
Florinda, cappitano Rinoceronte et Federic Pantalon au 
seiour quilz ont faict par de ça me convie encores de 
vous prier par ceste lettre de leur vouloir accorder là 
permission de me venir trouver et leur commander 
combien quilz feussent engagez ailleurs de se rendre à 
Turin avec ceux de ma sœur la Princesse de Piedmont 
vers la fin du mois de septembre de quoy je vous scauray 
très bon gré avec désir de m'en revancher. Et je prie 
Dieu mon cousin quil vous ayt en sa saincte et digne 
garde. Escript à Saînt-Germain-en-Laye le VI e jour 
d'aoust 1623. 

Louis. 
A mon cousin le Duc de Mantoue. 

21 



SIS LES COMEDIENS ITALIENS. 

Et pour échauffer d'autant plus le zèle de Mon- 
sieur de Mantoue, la Reine prit part à la demande 
du Roi, ayant pour interprète M. de Nevers, fort 
apparenté, comme on sait, au Duc Ferdinand : 

Monsieuh, 

Encore que le Roy face entendre à Votre Altesse ce 
qui est de son désir touchant quelques comédiens quil 
espère davoir, sy est ce que la Reyne m ayant commandé 
de luy tesmoigner encore quelle participera au contente- 
ment que Sa Majesté en recevra, ie me trouve engagé de 
luy faire congnoistre ce qui est de leurs intentions qui 
leur seront dailleurs particulièrement congnues parce 
que ce porteur luy pourra faire entendre, ce qui mem- 
peschera de 1 importuner davantage que pour la suplier 
de mhonorer de la continuation de ses bonnes grâces, et 
de la qualité, 

Monsieur, 

de vostre très humble oncle 
et serviteur le duc de Nevers. 

De Saint-Germain, 
le 14 daoust 
1623». 

Il en fut selon le désir de Leurs Majestés, sinon 
pour la fin de septembre précisément, du moins 

1 Archives de Mantoue. Série France. 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 323 

avant que la saison d'hiver fût trop engagée. 
Par une lettre de Lelio datée de Turin le 12 no- 
vembre, nous voyons en effet qu'il est en route 
pour se rendre en France. Il n'attend plus que le 
comédien Rinoceronte poursuivre son chemin, et il 
annonce une nouvelle étoile, pleine de jeunesse et 
de charme, qui, dans la Comédie, prend le joli 
nom de « Cintia » . Elle se prête à merveille à son 
rôle, dit de bonnes choses, est de belle apparence 
en scène, mérite d'être vue, entendue : Lelio en 
donne l'assurance. Elle venait sans doute de faire 
ses premières armes au théâtre de Monsieur de Sa- 
voie. La nouvelle étoile « Cintia » brilla-t-elle en 
France pendant ce nouveau séjour? Nous l'igno- 
rons, car pour ce qui est de cette période du règne 
de Louis XIII et de l'histoire des « compagnies co- 
miques» appelées d'Italie pour récréer la mélanco- 
lique humeur du Roi, nos découvertes de documents 
originaux s'arrêtent à ce dernier message de Lelio, 
tout glorieux pour la carrière de Cintia dès son 
aurore . 

Cette Compagnie dut arriver à Paris dans les der- 
niers jours de l'année 1623 ou dans les premiers de 
Tannée 1624. C'est par des compliments mis en 
vers qu'Andreini, son chef, l'aimable Lelio, s'adres- 

21. 



324 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

sant à Louis XIII, fit la révérence à Sa Majesté, au 
nom des compagnons, dès la première représenta- 
tion qu'ils donnèrent : 

Eccoli, al fin y Luigi 
I Comici bramati, 
Ne festeggia Parigi 
Benchè appena arrivati; 
Tu n'avérai diielto, 
Quelli merto e decoro 
Alt ombra stando de' gran gigli <foro *. 

Nous voyons toutefois par les notes du médecin 
Héroard si fidèlement consignées chaque jour en 
ses registres « de la vie active de Louis XIII » , que, 
longtemps encore, ce Roi rechercha la Comédie 
Italienne. Non content de la voir jouer à Paris, 
soit au Louvre, soit à la salle de Bourbon, il la 
voulut à Compiègne, cette année 1624, tout le 

1 Vers italiens que l'auteur des « Cinq octaves de Sonnets » , 
répondant de nouveau, avec non moins de bonne grâce, à 
notre appel, a mis ainsi en rimes françaises : 

O Louis ! Enfin les voilà, 
Ces Comédiens qu'on réclame, 
Et Paris en fête, en gala, 
A peine arrivés les acclame ! 
Puissent-ils te complaire encor 
Qu'ils recueilleront, sur mon âme, 
Gloire, honneur, sous [abri de tes fleurs de lys dor* 



SOUS LE REGNE DE LOUIS XIII. 325 

temps qu'il y fut. Quelque fatigue qu'il eût pris à 
courre le loup ou autres bêtes, quelque longue 
qu'ait été la séance du Conseil à laquelle il assistait, 
il était rare que vers quatre heures, il ne se rendît 
au spectacle de la troupe italienne. On se prend à 
se demander quelle variété devait avoir le jeu des 
acteurs pour pouvoir satisfaire ainsi au divertisse- 
ment de ce Prince, d'un naturel véritablement énig- 
matique et qui, dans toute sa personne, au moral 
comme au physique, tenait si peu du feu Roi son 
père. 



EPILOGUE 



On ne rencontre plus, avons-nous dit, de docu- 
ments dans les archives de Mantoue, après Tannée 
1624, en ce qui concerne les informations authen- 
tiques que nous cherchions. Cette menue histoire 
toute véritable des mouvements des Comédiens Ita- 
liens appelés en France, pendant une période beau- 
coup moins connue que la suivante, touche donc à 
son terme. 

Ce défaut soudain pour les renseignements n'a 
d'ailleurs rien qui doive surprendre. Étant donnés 
les faits historiques, particuliers à l'État de Mantoue, 
que nous allons résumer, il est naturel qu'il ne soit 
plus question des Comédiens ordinaires que le sou- 
verain avait patronnés et pensionnés jusqu'alors 
avec un certain éclat. 



3*8 LES COMEDIENS ITALIENS. 

À l'époque où nous les quittons, Tannée 1624, 
la compagnie des Comédiens, tout en s'honorant 
d'être à Monsieur de Mantoue, tendait fort à se dis- 
soudre d'elle-même, pour des raisons qui tenaient 
à l'état de la Maison ducale. Elle garda le nom de 
« Troupe du Sérénissime Duc» quelque temps encore. 
Mais chacun faisait à sa guise, s'engageait où il lui 
convenait, bref ne demandait et ne recevait plus 
d'ordres. Il devait donc advenir qu'avec la mort du 
duc Ferdinand, les sujets se dispersant tout à fait, la 
troupe n'existerait plus. Bientôt d'ailleurs la Maison 
de Mantoue elle-même, si brillante, si fastueuse, si 
grande protectrice de tous les arts, depuis son heu- 
reuse alliance avec la Maison d'Esté, à la fin du quin- 
zième siècle, allait tout perdre dans une guerre 
prochaine, « la guerre de la succession de Mantoue » . 
C'est ainsi que l'histoire Ta enregistrée. 

Le cardinal Ferdinand de Gonzague, devenu Duc 
régnant, Tannée 1613, par la mort de son frère aîné 
François, lequel ne laissait qu'une fille, avait renoncé 
au chapeau. Il avait ensuite fait un mariage secret 
ayec une jeune patricienne de Mon tferrat qu'il n'avait 
pas tardé à répudier pour épouser Donna Gaterintf di 
Medici, sœur de Gosme II de Toscane. Il fallait des 
enfants mâles, mais le mariage fut stérile. Ferdinand 



ÉPILOGUE. 329 

mort le 26 octobre 1626, le duché vint à son 
frère, Vincenzo, être faible et maladif, qui aussi 
avait été d'Église, aussi avait renoncé, et s'était 
marié à Donna Isabella des Gonzague de Novellara. 
Ce mariage n'avait pas été plus heureux, quant au 
fruit qui s'en pouvait attendre. Le nouveau. Duc 
mourut Tannée même de son couronnement, à la fin 
de 1627. 

Mais du feu Duc François, frère aîné des deux pré- 
cédents, il restait une fille, la princesse Marie. Or, 
la maison française de Nevers avait deux fils, le duc 
de Rethel et le duc du Maine. Toute Nevers qu'elle 
s'appelait, elle était bien autant Gonzague. Ludovic 
de Gonzague y était entré en 1565, devenant chef du 
nom et des armes par son mariage avec Mademoi- 
selle de Nevers, unique héritière, le Roi y consentant. 
Le Duc Ferdinand, en prévision de l'heure malheu- 
reuse où, par sa mort et par celle de Vincent son 
frère, la couronne se trouverait sans héritier mâle, 
avait appelé le Duc de Rethel à Mantoue pour y 
résider. C'était lui donner la main de la princesse 
Marie et garantir l'État contre les vues ambitieuses 
de Monsieur de Savoie soutenu par l'Espagnol, non 
moins que contre les prétentions redoutables des 
Impériaux. Cette politique était peut-être avisée, 



330 LES COMEDIENS ITALIENS. 

mais les événements n'en justifièrent pas l'habileté, 
car Monsieur de Savoie, l'Espagnol et les Impériaux 
y trouvèrent tout le prétexte qu'ils souhaitaient pour 
se partager la maison. 

Le mariage de la princesse Marie, sur la tête de 
laquelle semblait reposer cette grande succession, 
fut donc décidé. Il fallut les dispenses de Rome, car 
les fiancés étaient proches cousins. Le Duc régnant, 
leur oncle, ne se voyait plus que peu d'heures à 
vivre, le jour où ces dispenses arrivèrent. Il voulut 
que, ce jour même, le fils aîné de la Maison de Ne vers, 
le duc de Rethel, fût déclaré prince de Mantoue et 
de Montferrat, et que la cérémonie du mariage fût 
accomplie. Ce furent de tristes noces, célébrées dans 
la même nuit que mourut le duc Vincent II. 

L'année suivante, l'Espagnol et Monsieur de 
Savoie attaquaient le Montferrat. Ce fut le siège de 
Casai. On sait le beau rôle de la France venue au 
secours des Gonzague. Ce fut la levée du siège. 

Il y eut un traité, comme toujours, en ces cas 
misérables. 11 devint bientôt lettre morte. Le Roi de 
France et Monsieur le Cardinal qui, après Je siège 
de la Rochelle, étaient venus en personne, avaient 



EPILOGUE. 331 

à peine repassé les monts, et les Vénitiens, alliés de 
Mantoue, s'étaient à peine retirés chez eux, que le Duc 
de Savoie reparut sous Gasale et que les Impériaux 
firent irruption sur le Mantouan. La ville fut assiégée, 
la famine fut du siège, la peste augmenta les 
malheurs de la guerre, et la trahison livra l'une des 
issues. Le chef de guerre qui commandait l'as- 
siégeant fit une entrée d'exécuteur. Pour rémunérer 
ses gens d'armes, il leur donna trois jours libres et 
pleins pour le pillage. Ce fut le sac de Mantoue, de 
terrible mémoire, l'an 1630, le 17 juillet. 

L'année suivante, le traité de la paix fut conclu 
à Cherasco, le 16 avril 1631. Le duc Charles ren- 
tra dans le duché avec la princesse Marie, sa belle- 
fille, devenue veuve, et avec les jeunes princes, ses 
petits-fils, après le départ des Impériaux. Sans 
doute, il retrouva des terres et des maisons; sans 
doute, peu à peu il reconstitua son pouvoir. Mais 
,on peut dire que la maison de Mantoue, glorieuse, 
de beau renom, remplie de tous les trophées d'art 
que quatre règnes successifs y avaient accumulés 
par une protection admirable pendant le cours d'un 
siècle et demi, n'existait plus que dans l'histoire. Ce 
fut pour elle un autre duché et d'autres princes 
comme ce furent d'autres temps. 



332 LES COMEDIENS ITALIENS. 

On conçoit aisément que, au milieu de si grandes 
vicissitudes, depuis la mort des ducs Ferdinand et 
Vincent, le nouveau Duc de Mantoue, de la branche 
de Nevers, n'ait pas eu, comme les princes auxquels 
il succédait, une cour bien brillante et surtout « ses 
comédiens ordinaires » . Le Roi de France n'eut donc 
pas à lui adresser des messages pour le prier de lui 
envoyer les premiers sujets de la Commcdia delT 
arte. Mais Louis XIII avait retenu près de lui ceux 
qu'il avait demandés au duc Ferdinand, sauf toute- 
fois le Capitan que la mort avait enlevé , peu de 
temps après son retour a Paris. 

Un document de la comptabilité royale nous 
montre que les trois principaux Comédiens Italiens 
en France, en 1624 et 1625, étaient Jean-Baptiste 
Andreini, François Gabrieli et Nicolas Barbieri. Le 
17 décembre 1624, en effet, le Roi étant à Paris 
donna l'ordre au « Trésorier de l'Espargne 1 », 
messire Baltbazard Phelypeaux, de leur délivrer 

1 «Louis par la grâce de Dieu Roy de Frange et de Navarre, 
à notre amé et féal conseiller en nostre conseil d Estât et 
Trésorier de nostre espargne... Salut : nous voulons et 
vous mandons que des deniers tant ordinaires qu'extraor- 
dinaires de vostre charge de la présente année vous paiez 

baillez et délivrez comptant à etc. » L'original de ce 

document sur parchemin appartient à Ja Bibliothèque de 



EPILOGUE. 333 

comptant, « à eux et à leurs compagnons Comédiens 
Italiens, la somme de deux mille quatre cents livres » 
qu'il leur avait ordonnée pour les comédies réci- 
tées en sa présence durant les mois de septembre et 
octobre précédents, « qui est à raison de douze cents 
livres pour chacun desdits mois » . Le premier des 
trois, G. B. Andreini, nous est bien connu, car il a 
fait bonne figure tout au long de notre récit. Le se- 
cond, Francesco Gabrieli, fut Scapin, le premier qui 
fut célèbre parmi les Scapin, le même dont le testa- 
ment et les derniers adieux à ses bons compagnons, 
imaginés par un poëte de son temps, ont fait le sujet 
d'une chanson si piquante, jadis populaire au pays 
d'Italie '. Le troisième, Nicole Barbieri, fut ce très- 

l'Opéra. J'en ai dû la communication très-obligeante à M. l'Ar- 
chiviste, à notre érudit et très- affable confrère M. G. Nuitter. 
1 Cette chanson est si piquante et si jolie, si bien dans la 
note italienne, qu'on voudrait la pouvoir reproduire tout en- 
tière, mais elle n'a pas moins de vingt-huit strophes en sept 
vers. Elle fut répandue en 1638 sous ce titre curieux : « Infer- 
mità, Testamento e Morte di Francesco Gabrielli detto 
Scappino composto e dato in luce a requisitione de gli spi- 
ritosi ingegni, con Cintavotatura délia chitarriglia spag- 
nola, sue lettere e chiaccona. » (In Verona, Padoa e in Parma. 
Per li Viotti. 1638.) Elle a été publiée de nouveau dans « 11 
Propugnatore » (Revue littéraire. Année xm. Bologne, 4880), 
par M. Severino Ferrari, comme appendice à un travail sur 
J'hi8toire de la Poésie populaire en Italie au seizième et au 



334 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

bon acteur connu à la Cour sous le nom de Beltrame t 
auteur de la pièce « VInaverlito » , et qui a laissé 

dix-septième siècle. Voici quatre strophes seulement, pour les 
amateurs, pour les dilettanti : 

Mezzetino e Brighetla 

Buffetto e Bagolino 
Bertolin, Traccagnino e Trapolino 

Giunti a Scappino avanti 
Mostran talio dolor con i lor pianti 
Con i lor pianti. 

Celia, Livia, Leonora 
Aurélia e Cintia bella 
OUvetla, Flaminia e Isabella 
Lavinia e Colombina 
Si disperan ohimè per tal ruina 
Ter tal ruina. 

Fiammetta hor più non canta 

Né Angelina Senese 
E tace Cassandrina Bolognese 
Che ad altro ohimè Cinvita 
Il vedere Scappin uscir di vita 
Uscir di vita. 

Fra tante pêne e pianti 

E fra tanti Martiri 
Beltrame ancor giuntè co suoi sospiri 

E corn 9 huom di talento 
Dice a Scappin che faccia il testamento 
Il testamento. 



EPILOGUE. 335 

quelques écrits à l'honneur de ceux de sa profession. 
Le Roi tint en la plus grande estime non-seulement 
son talent, mais sa personne. Ils furent les plus 
proches devanciers de ces acteurs excellents de la 
Comédie Italienne qui jouèrent, quelques ans plus 
tard, au Palais-Royal, sur le même théâtre avec la 
troupe de Molière. 

Et comment mieux achever cette histoire qu'en 
associant au souvenir des Italiens le nom « de 
ce grand comédien et mille fois encore plus grand 
auteur» qui, selon que l'assure le sieur de Palaprat, 
vécut d'une étroite familiarité avec les bons acteurs 
Italiens de son temps ', disciples eux-mêmes de ces 
derniers que nous venons de rencontrer à la cour 
de Louis XIII? Andreini, Gabrieli, Barbieri ne fu- 
rent-ils pas les maîtres véritables de ceux-là mêmes 
qui ont charmé le génie naissant de notre Molière? 
S'il en fut ainsi, ce n'est pas un de leurs moindres 
titres à l'hommage que nous voulons leur rendre 
comme à gens de beaucoup d'esprit et de talent. 

1 Voyez la Préface aux Œuvres de Théâtre de Messieurs 
de Brueys et de Palaprat (Paris, Briasson, 1755), et surtout 
la très-curieuse étude que M. Auguste Vitu a publiée dans Le 
Moliériste (novembre 1879) : « Molière et les Italiens ; à 
propos du tableau des farceurs appartenant à la Comédie 
française. » 



336 LES COMEDIENS ITALIENS. 

N'avaient-ils pas, en effet, les qualités premières qui 
faisaient un acteur excellent dans les comédies 
jouées à V impromptu : l'esprit le plus enjoué, le tour 
le plus piquant, le naturel admirable, la précision 
parfaite pour les réparties et répliques, la grâce et 
le nerf dans la satire, et tous les motifs du rire le 
plus entraînant, trouvés à la fois dans les propos 
courants du gros bon sens et dans les inventions 
bouffonnes de la fantaisie la plus libre? 



fin. 



APPENDICE 



Trois lettres de Henri IV au marquis de Rosny et au 
duc de Sully concernant le payement des Comédiens 
italiens pendant le séjour qu'ils firent en France, 
l'année 1608. 

Nous aurions dû faire mention de ces trois documents 
au « Chapitre Cinquième » de ce présent ouvrage, 
page 187. Ils ont été publiés, l'un dans les preuves des 
u OEconomies roy ailes d 9 Estât et Servitudes loyales, 
honorables et utiles » (tome III), et dans le « Recueil 
des Lettres missives de Henri IV » (tome VII) ; les deux 
autres dans ledit tome septième de ce dernier recueil 
seulement. Ce sont pièces justificatives de l'histoire du 
séjour des Comédiens Italiens à la Cour. On aurait 
donc pu justement nous reprocher d'avoir omis de les 
signaler. Les voici selon le texte même des sources indi- 
quées : 

Le Roi au duc de Sully. 

Mon amy. Les Comédiens Italiens sont venus vers moy 
pour se plaindre de ce que vous avésfaict si peu destat de 

22 



338 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

les faire payer de ce que je leur ay ordonné pour le mois 
passé; et pour ce que c'est chose que je désire, je vous fais 
•ce mot par tun d'eux pour vous dire que ma volonté 
estant telle, je désire que cela soit, tant pour le passé que 
pour Fadvenir, jusqu'à ce que autrement je vous te com- 
mande. A Dieu, mon amy. Ce VI 9 juin, à Fontainebleau. 

Henry ! . 



Le Roi au marquis de Rosny. 

Monsieur le marquis, je vous fais ce mot pour vous dire 
qu'incontinent que vous taures reçeu, vous faciéz délivrer 
aux Comédiens Italiens la somme de six cens livres sur ce 
qui leur est deub des mois du passé, afin quils me viennent 
trouver aussi-tost, et se rendent icy Samedy au soir, d'aul- 
tant que je veux qu'ils jouent devant moy Dimanche; et 
quand mon Cousin le Duc de Sully sera de retour, je luy 
ordonneray de leur faire payer le reste. A Dieu, Monsieur 
le Marquis. Ce XVI* octobre au soir, à Fontainebleau. 

Henry *. 



1 « Recueil des Lettres missives de Henri IV », t. VII, page 566, 
d'après l'original autographe tiré du cabinet de M. le général comte 
de La Loyère. Au dos est écrit de la main de Sully : « Le Boy, du 
7 juin, pour les Commediens, 1603. » 

8 OEconomies Royales, etc. Tome III, chapitre xxv, page 247. 
(Paris, mdclxii, 1662.) Et * Recueil des Lettres missives de 
Hbnri IV », tome VII, page 785. Ce même volume de la cor- 
respondance générale contient encore une lettre du Roi concer- 
nant les Comédiens Italiens, datée du 13 avril 1607. L'auteur du 
recueil, M. Berger de Xivrey, a fait erreur en indiquant Tan- 
née 1607 au lieu de Tannée 1604. Nous avons publié cette lettre 
en notre Chapitre Cinquième, à sa véritable place. 



APPENDICE. 339 



Le Roi au duc de Sully. 

Mon amy. C est en faveur des Comédiens italiens que je 
vous fais ce mot pour vous dire que, ayant appris qu'ils 
s* en veulent retourner en leur pays, vous leur faciès payer 
ce qui leur est deub des moys passez, cestuy-ci compris, à 
ce qu'ils puissent partir quand ils voudront; et lors de leur 
portement sifay envie de leur donner quelque chose je le 
feray. A Dieu, mon amy. Ce XXV e octobre, à Fontaine* 
bleau. 

Henry \ 



II 



Registres des comptes de la Trésorerie de l'Espargne. 

Nous avons cité souvent les Registres des « Comptes de 
la Trésorerie de l'Espargne ». Nous aurions voulu les 
citer plus fréquemment encore. Ce sont des documents 
qui peuvent fournir les informations les plus diverses sur 
les noms, les qualités, les emplois des personnes. Malheu- 
reusement, tous les désastres imaginables ont contribué 
à les rendre rares. L'incendie terrible qui, l'an 1737, a 
détruit la plus grande partie des archives de la Cour des 
comptes, a étendu ses ravages sur ces précieux recueils 

1 « Recueil des Lettres missives de Henri IV », t. VIT, page 631 , 
d'après l'original autographe tiré du cabinet de M. le général comte 
de La Loyère. Au dos est écrit de la main de Sully : « Le Roy, 
du 25 octobre 1608, touchant les Comédiens Italiens, » 

22* 



340 LES COMÉDIENS ITALIENS. 

des Registres de la Trésorerie de l'Espargne. Tout, en 
histoire, va aux finances ; tout y aboutit, tout y trouve 
une explication, une interprétation, une mention : les 
choses de la politique, les choses de l'administration, les 
emplois et les services dans l'État, les rémunérations, 
les récompenses, les dons, les encouragements. Tout se 
consigne et désigne financièrement. Les comptes de la 
Trésorerie de l'Espargne étaient l'enregistrement expli- 
catif de Pemploi d'une très-grande part des finances de 
France, article par article. Les plus intéressants pour 
nous sont ceux qui concernaient les arts, les lettres, les 
industries diverses. Il n'est pas de curieux qui, en les con- 
sultant, ne soit assuré d'y trouver quelque chose. Ce 
qui est resté de Registres de ces comptes, du moins à 
notre connaissance, ne sont que des épaves, mais il 
serait d'un grand intérêt de savoir exactement quels sont 
ces Registres, les endroits où ils se trouvent, les années 
auxquelles se rapportent leurs matières. La Bibliothèque 
Nationale en possède quelques-uns, soit entiers, soit en 
feuilles recueillies dans la précieuse collection dite des 
pièces originales; les Archives Nationales en possèdent 
plus encore; les collections particulières, les dépôts de 
manuscrits dans les provinces ou à l'étranger, doivent en 
posséder. La confection d'un catalogue de ce genre de 
documents avec l'indication du lieu où ils sont, serait 
donc extrêmement précieuse. Un travail spécial sur la 
Trésorerie de l'Espargne, selon l'exemple qu'en a donné 
feu Louis-Claude Douet d'Arcq, par ses travaux publiés 
sur les Comptes de V Hôtel et de ? Argenterie des Rois de 
France, mériterait tout encouragement de la part des 
Comités de travaux historiques. 

Nous avons «extrait seulement ce que nous avons ren- 
contré de relatif à l'ouvrage qui nous occupait, mais que 



APPENDICE. 341 

d'autres choses pour ce qui touche aux arts et aux per- 
sonnes qui les ont illustrés en ces mêmes temps! 



III 



Registres de la chancellerie de la reine Marie 

de Médicis. 

Le recueil des copies des lettres ou autres documents 
formant « La Chancellerie de la Reine Marie de Médicis », 
mérite une mention plus ample que celle que nous en 
avons faite dans une simple note. Nous avons dit que ce 
recueil appartient à la collection dite « des 500 de Col- 
bert », conservée au département des Manuscrits de la 
Bibliothèque Nationale. Voici la désignation de ces re- 
gistres qui, au nombre de dix, s'étendent du n° 86 au 
n« 95. 

Les quatre premiers comprennent la Correspondance 
de la Reine, pour les dates ci-dessous indiquées : 

N" 86, tome I, années 1601 à 1605; 

87, » H » 1606 à 1609; 

88, » III » 1610 à 1611; 

89, » IV » 1612 à 1617 (16 avril). 

Les volumes suivants comprennent les matières sui- 
vantes : 

N° 90, tome V. — Despeches et expéditions résolues au 
conseil de la Reyne pour affaires et service de 5. M. y 
1610-1618, 19 novembre. — Expéditions diverses pour son 
gouvernement de Normandie, 1613-1618. — Expéditions 



342 LES COMEDIENS ITALIENS. 

pour les affaires de la seigneurie de Monceaux. — Expé- 
ditions concernant les casuels de Bretagne. Roolle des 
bénéfices, cappitaineries, conciergeries, gardes des chas* 
teaux et maisons appartenant à la Royne, etc. Breveta et 
autres expéditions pour dons, commissions et autres choses 
s% terres et pays appartenons à S. M., 1612-1618. 

N° 91. —Roolle des provisions retenues, brevetz, don, 
pension ou entre te ne ment, promesses et quittances faites 
par laReyne, 1611. — Certiffications et dispenses de ser- 
vice, commissions particulières, vallidations, etc., 1614- 
1619. 

N° 92. — Roolle des expéditions, acquits et ordonnances 
servans à la descharge du Trésorier gênerai de S. M., 
1611. 

N* 93. — Estats et ordonnances des années 1610 à 1615. 

N° 94. — Estats et ordonnances des années 1616 à 1619. 

N° 95. — Conseil des affaires de la Reine. (Petit registre- 
cahier.) 



FIN DE L'APPENDICE. 



INDEX ALPHABÉTIQUE 

DES NOMS CITÉS 



ET 



DES MATIERES TRAITÉES DAJNS L'OUVRAGE 



A 



Accesi (Les), compagnie de Co- 
médiens sous ce nom collectif. 
A Lyon en 1600; à Paris 
en 1601, 109. 

Aiguillon (Le duc d'), fils du duc 
du Maine. Lettre que lui 
adresse le duc de Mantoue, 
108. 

Ancona (Alessandro d'), histo- 
rien dramatique, auteur des 
« Origini del Teatro in Ita- 
lia », 12. 

A ndreini (Francesco), Comédien 
de la troupe des Gelosi, 83. 
— Ce qu'il dit de la troupe, 84. 
Est à Paris en 1603 : 126, 
127. — Joue le rôle du Capitan. 
Auteur des • Bravure del capi- 
tano Spavento », 129, 173. 

ANDREiRi(lsabella), Comédienne, 
femme de Francesco, 83. Très* 
. célèbre. Est à Paris en 1603 et 
1604. — Détails la concernant : 
131 etsuiv. — Vers à elle adres- 
sés, 134. —Son départ et lettre 
du roi Henri IV en sa faveur, 
144. — Lettre de la Reine, id, 9 



145. Sa mort soudaine à Lyon 
en juin 1604. Honneurs extra- 
ordinaires qui lui sont rendus: 

146. — Célébrée avec emphase 
par l'historien Pierre Matthieu, 
147.— Médaille frappée: œterna 
fama. 

Andreini (Giovanni - Battista), 
dit Lelio, Comédien fils de 
Francesco et d'Isabella An- 
dreini, à Paris en 1613 et 
1614: Chapitre Sixième , pas- 
sim, de page 192 à 256. — 
Bail du théâtre de l'Hôtel de 
Bourgogne fait à son nom, 
251. — Lettre de la Reine- 
Régente en sa faveur, 254. — 
Est de nouveau à Paris en 
1620 : Chapitre Septième, de 

f>age 257 à 305 passim, — Ses 
ettres et son réquisitoire au 
nom de la compagnie contre 
Arlequin, 291. — Lettre du 
Roi en sa faveur, 304. — Dé- 
tails le concernant, 315. — 
Auteur de nombreuses pièces, 
317. — En France encore en 
1624, 328. 
André ini (Virginia) dite F/b- 



844 



INDEX ALPHABETIQUE. 



rinda. Comédienne femme de 
Gio : Batt. Andreini, 204 et 
suit;. — Demande à venir en 
France, 207, détails : Chapitre 
Sixième, — Sa lettre au car- 
dinal de Goozague en 1612, 
216. — Vers adressés par le 
cavalier Marino au Bronzino, 
peintre du portrait de Florinda, 
317. 

A une, reine de France, femme 
de Louis XIII; sa lettre en 
faveur d'Arlequin en mars 
1621, 283. — Demande les 
Comédiens Italiens, 322. 

Arco ( omte Carlo d'): 194. 

Arlequin (Tristano Martinelli 
dit), appelé en France par 
Henri IV en 1599 : 106. — Sa 
lettre à Belisario Vinta, secré- 
taire d'État, 105. — Vient à 
Lyon en 1600, puis à Paris: 
Chapitre Troisième, de page §8 
à 123, passim* — Livre simulé 
qu'il présente au Roi à Lyon 
sous le titre de « Compositions 
de Rhétorique » , 116. — Anec- 
dote, 118. — Vers à lui adres- 
sés par Isaac Du Ryer, 119. — 
Demandé par le Roi en 1608, 
157. — Négociations de Marie 
de Médicis, Reine Régente, 
pour le faire venir à Paris en 
1613, Chapitre Sixième, de 
page 193 à page 256 passim, — 
Correspondance avec la Reine, 
116 et suiv. — Sa correspon- 
dance avec le cardinal de Gon- 
zague, 201 . — Sa famille, détails 
le concernant, ses testaments, 
196 à 200. — Signait diverse- 
ment : Magnifiais Tristanus de 
Martineltis dictus Arlechinus, 
198 ; Tristanus Martinelli, dit 
Arlequin, Comédien de Sa Ma- 



jesté, 205; Arlequin Compadre 
Christianissimo (compère très- 
chrétien), 220; Dominus Ar- 
lechinorum, 277. — Son troi- 
sième voyage en France en 
1620 : Chapitre Septième de 
page 259 à 305 passim. — Les 
aventures de son départ de 
France en 1621, 298. — A 
voulu revenir en 1626, sa 
lettre à l'ambassadeur M. de 
Cbasteauneuf, 301. 

Aumont-Thiéville , notaire à 
Paris, successeur médiat des 
notaires de l'Hôtel de Bour- 
gogne au. seizième siècle : 103, 
167, 173, 251. 

Austom ( Battistino ) , Comé- 
dien. Est en France en 1608. 
— Traite les affaires de la 
Compagnie, 167. — Sa mésa- 
venture avec un gentilhomme, 
169. 

B 

Baïf (Antoine de), 30, 33, 48. 

Baldina ( La ) , Comédienne f 
cause de dissensions dans la 
Compagnie, 270, 271, 273. 

Barbieri (Nicolô, dit Bebramé), 
Comédien. Est en France en 
1623. — Auteur de La Sup- 
ptica , 146. — Très-estimé à 
la cour de Louis XIII, 329. 

Bartoli (Francesco), auteur des 
« Notizie Istoriche de Comici 
Italiani », 14, 78. 

Bartoli (Adolfo), a publié les 
« Scenari inédit i délia Com- 
média deltArte • avec une 
c Introduzione » des mieux 
déduites sur l'histoire de ce 
genre de comédie, 11, 83, 
106, 135, 137, 142, 194, 197, 
231. 



INDEX ALPHABETIQUE. 



345 



Beaujolyeux (Balthazar de), 
auteur du Ballet de la Reyne 
en 1583 : 88. 

Belleau (Pemy), 47. 

Bellievre (le S'de), surintendant 
des finances. Billet du Roi, 76. 

Bertivoglio (Guido), Nonce à la 
cour de France sous le règne 
de Louis XIII. Curiosité de 
ses dépêches citées au sujet de 
monsignor Luigi Ruccellai , 
266, 267, 269. 

Blois (ville et château de) : 27, 
29, 31, 35, 38, 65, 68, 72, 
288. 

Braghirolli (Can° professor Wil- 
lelmo) à Mantoue, 194. 

Brouchoud (G.), auteur de l'ou- 
vrage « Les origines du Théâ- 
tre de Lyon », 25, 71, 110, 
147. 

Bou8su (Marie de). Sa lettre au 
duc de Mantoue en 1601 au 
sujet de ses comédiens deman- 
des pour les Pays-Bas : 122. 

Bccktjrst (Lord), ambassadeur 
extraordinaire d'Angleterre à 
la cour de Charles IX en 1571, 
fait mention des Comédiens 
Italiens à Paris : 15. 



Calandra (La), Comédie jouée 
à Lyon par une troupe ita- 
lienne en 1548 : 6, 7. 

Campardon (Emile), auteur de 
l'ouvrage « Les Comédiens 
du Roi de la Troupe Italienne 
pendant les deux derniers 
siècles » , 19, 75, 93, 130. 

Cavriana (Filippo), médecin de 
Catherine de Médicis, prend 
part aux dissertations phi- 



losophiques demandées par 
Henri III, 67. 

Cecchini (Pier Maria), Comé- 
dien dit Frittellino en Italie 
et Fridelin en France, 115, 
122, 164, 166, 168, 169. 
Détails le concernant, 176 et 
suiv., 181, 183, 187, 270, 
271, 272. Ses lettres au duc de 
Mantoue, 273, 276, 295. 

Champagne (Jean de), S r de 
Pescheseul, 28. 

Charles IX. Roi de France. 
Chapitre Premier, de page 13 
à 50. — - Première Compagnie 
de Comédiens Italiens venue 
en France sous son règne, 15. 

— Assiste à la représentation 
donnée par eux à Nogent le 
Roi en 1571, 17. — Lettres 
patentes aux Comédiens, 22. 

— Ses déplacements conti- 
nuels, 27. — Son séjour à 
Blois en 1572, 30, 31. -- 
Caractère de ce prince d'après 
le S r Sorbin, son prédicateur, 
29. — Appelle les Comédiens 
Italiens à Blois en avril 1572, 
35. — Son retour à Paris. — 
Ses ordonnances des finances 
en faveur des comédiens, 44. 

— Pièces françaises jouées 
sous son règne, 47. 

Chasteauxeuf (Charles de l'Au- 
bespine S r de), ambassadeur 
extraordinaire de France à 
Venise, 301. — Arlequin lui 
écrit, à son passage à Mantoue, 
id. 

Chasteauvieux (Cosme LaGambe 
dit), Comédien français sous 
Charles IX et Henri III, 83. 

Cbatelet (sentence du), en 1599» 
100, 102. 

Cihthia, Comédienne, 323. 



346 



INDEX ALPHABETIQUE. 



Cibthio, Comédien, 165. 

Cola, Comédien italien recom- 
mandé par le duc de Mantoue, 
163, 164, 182. 

Colbbrt (Fonds dit des 500 de), 
source d'informations souvent 
citée depuis les pages 145, 
168 et jutv., 134. 

Collier (Payne), auteur de * The 
History of english dramatic 
Poetry to the time of Shakes- 
peare and Annal of the Stage 
to the restoration », 80, 81. 

Codr (Albert), auteur de l'ou- 
vrage « Shakespeare in Ger- 
tnany », 13. 

Comédiens anglais, à Paris en 
1598 et 1604, 101. 

Comédiens espagnols à Paris en 
1613, 240. 

Comédiens italiens à Lyon en 
1548 pour représenter la co- 
médie « La Calandra », 6, 7. 

Comédiens italiens (Troupe de). 
Arrivés enFrance en 1571 : si- 
gnalés par l'ambassadeur d'An- 
gleterre à Paris, 15. — Appelés 
en mars 1571 a Nogent le Roi 
pour jouer devant Charles IX 
et toute la Cour, 17. — Mal 
vus par les conseillers au Par- 
lement qui les malmènent et 
harcèlent par divers arrêts : 
19, 20 et suiv. — Troupe ou 
Compagnie à Lyon en décem- 
bre 1571, 25. — A Paris en 
mars 1572, 34. — Sont appe- 
lés à Blois au mois d'avril par 
Charles IX, 35. — Reviennent 
à Paris en mai 1572, 38. — 
Jouent devant le comte de Lin- 
coln, ambassadeur extraordi- 
naire d' A ngleterre en j uin , id. , 
41. — De même pendant le 
temps des noces du Roi de Na- 



varre, 42. — Ordonnance dé 
Bnance en leur faveur, 44. — 
Vont en Espagne en 1574, 49. 

Comédiens à Lyon en 1576, 71. 

Comédiens de la troupe des 
Gelosi appelés en France en 
1576 par Henri III qui les a 
vus à Venise en 1574, 58 à 
93. — Arrivés à Blois le 25 jan- 
vier 1577, 69, — A Paris au 
mois de mai idem, 73. — 
A Londres en 1578, 80. 

Autres Comédiens à la cour du 
Roi de Navarre en 1578, 85. 

Autres à Paris en 1583, 88. 

Autres à Paris en 1588, 92. 

Autre troupe à Paris en avril 
1599, 102. — Sentence du 
Châtelet, idem. 

Autres appelés par Henri IV en 
décembre 1599, 106. — Sont 
à Lyon en juin 1600, 109. — 
Sont demandés en Belgique, 
123. 

Autre troupe venue en France 
en 1603, dirigée par Fran- 
cesco et Isabelle Andreini, 
128. — Vers satiriques parus 
sous leur enseigne « Les Co- 
médiens à la Cour », 136. — 
Vont à Fontainebleau, 137. — 
Leur départ en mai 1604, 145. 

Autre troupe à Paris en 1608, 
sous la direction de Pier Maria 
Gecchini dit Fritellino, 132 à 
190. — Demandés en no- 
vembre 1606, 156. — En 
voyage pour France, fin no- 
vembre 1607, 164. — S'arrê- 
tent à Turin, 165. — Arrivés 
à Paris en février 1608, 165. 
— Leur bail authentique avec 
les gouverneurs de l'Hôtel de 
Bourgogne, 167. — Autre 
acte notarié, 172. — Séjour 



INDEX ALPHABETIQUE. 



347 



à Fontainebleau, 182. — Lear 
départ de France, octobre 
1608, 187. 
Autre troupe à Paris en 1613, 
190, 256. — Sous la conduite 
de Tristan o Martine] li dit Ar- 
lequin. — Sollicités au voyage 
par le cardinal de Gonzague, 
neveu de la Reine Régente, en 
septembre 1611. — Négocia- 
dons et difficultés jusqu'en 
1613, 234 et suiv. — Arrivés 
à Lyon en août 1613, 232. — 
A Paris en septembre, 235. 

— Séjour à Fontainebleau, 
236. — Ordonnance de fi- 
nances en leur faveur, 249. 

— Leur départ de France, 
juillet 1614, 250. 

Autre troupe à Paris en 1620, 
259 à 305. — Sont demandés 
par le Roi en décembre 1618, 
261. — Difficultés et négocia- 
dons, 270. — A Turin en 
novembre 1620, 279. — Noms 
des personnages de cette com- 
pagnie, 280. — Arrivés à 
Paris en décembre 1620, 281. 

— Mis dans l'embarras par la 
retraite d'Arlequin, 285 à 
297. — Séjournent à Paris 
pendant le long voyage du 
Roi en 1621, 303. — Quit- 
tent Paris en février 1622, 
304. 

Autre troupe en France en 
1622, 307 à 331. — Demandés 
par le Roi au duc de Mantoue 
en octobre 1622, 312. — A 
Lyon en décembre, 314. — A 
Paris en janvier 1623, 316. 

— Y sont encore en décembre 
1624, 328. 

GOMMEDIA DELL* ARTE, 10, 53, 

141. 



COMPIEGRE, 324. 

Cordé (Prince de), demande au 
Roi la permission de se rendre 
en Italie pour accomplir un 
vœu, 309. — Lettre que lui 
donne le Roi pour le duc de 
Mantoue le 10 octobre 1622, 
312. — Chargé de faire choix 
des meilleurs Comédiens Ita- 
liens, 312. — Sa lettre à 
Monsieur de Mantoue, 313. 

Corciro Concini, 181. — Maré- 
chal d'Ancre, 246. 

Corfiderti (Troupe ou Compa- 
gnie des), comédiens, 98, 91. 

Cortarirt (Francesco), ambassa- 
deur Vénitien en France, fait 
mention des Comédiens Ita- 
liens à Lyon en 1600, 110. 



Dauphin (Monsieur le), qui de- 

Îmis fut Louis XIII, voit pour 
a première fois les Comédiens 
Italiens, 182. — Donne le 
nom de chacun d'eux pour 
le mot d'ordre aux exempts des 
gardes à Fontainebleau, 183. 

De Filippi (C), ses recherches 
sur l'histoire du théâtre ita- 
lien, 9. 

Diana, comédienne, 114, 120. 

Du Fermer, ambassadeur de 
Henri III à Venise, 63, 65. 

Du Méril (Edelestand), histo- 
rien dramatique, 12. 

Du Ryer (Isaac), le poète. Ses 
vers à Arlequin, 119. — A 
F Isabelle, 134. 



Éléorore d'Autriche , reine de 
• France , seconde femme de 



848 



INDEX ALPHABETIQUE. 



François I er . Fêtes pour son 
i entrée à Paris en 1530, 4. 
Elisabeth, reine d'Angleterre, 

15, 41, 31. 
Estoile (le sieur de l*), auteur 
du Registre' Journal 9 on Mé- 
moires souvent cités, 70, 73, 
74, 136. 



Fabri (Giovanni-Paolo) , Comé- 
dien, 135, 138. 

Ferrari (Severino), à propos de 
son Étude sur la chanson po- 
pulaire en Italie au seizième 
siècle (la chanson de Scappino 
moribond) 9 329. 

Frugères (le s r de) en Italie pour 
former une troupe, 126* 

Flavia, Comédienne, 214, 217. 

Florisda , Comédienne. Voyez 
Andreini (Virginia). 

FONTAINEBLEAU, 113, 137, 144, 

182, 244, 245. Séjour des Co- 
médiens au château. 

Foutes y (Jacques de), Parisien. 
Contrôleur pour le Roi auprès 
des Comédiens étrangers. — 
Traducteur de l'ouvrage du 
Comédien Francesco Andreini 
« Les Bravacheries du capi- 
taine Spavente » en 1603, 173. 
Notes et détails le concer- 
nant, 174. 

Fobraris (Fabrizio de), Comé- 
dien. Auteur de la comédie 
« Angelica », publiée à Paris 
en 1584, 89. 

Fodrrel (Victor), auteur de 
« Les Contemporains de Mo- 
lière *, 47. 

Fourni er (Edouard), 45, 46,240. 

Franceschika, Comédienne, 136. 

François premier, roi de France. I 



A des comédiens à sa suite, 3. 

FRANÇ0I8 DE GONZAGUE, duc de 

Mantoue en 1612. Lettre que 
lui adresse Arlequin, 212. 
Voyez Mantoue. 



Gabrieli (de Bologne), Comé- 
dien, 83. 

Gabrieli (Francesco), dit Scap- 
pino. Comédien à la cour de 
Louis XIII, 333, 334 Chan- 
son populaire curieuse : « In- 
fermita, Testante nto e morte 
di F. G. detto Scappino, 334. 

Ganassa (Alberto), Comédien. 
Chef de la première troupe de 
comédiens italiens jouant la 

_ Commedia delC arte venus en 
France (année 1571), 24, 25, 
26, 39. — Est à Paris en août 
1572, 42. — Ordonnance de 
finance en sa faveur, 42, 44. 

— Cité par La Frewiaie-Vau- 
quelin en son Art poétique, 45* 

— Type populaire du Baron 
de Guenesche, d'où Ganache, 
45. — Se rend en Espagne 
après la mort de Charles IX, 
en 1574, 49. 

Garaceni (Girolamo), Comé- 
dien, 292. 

Garzori (Thomaso da Bagnaca~ 
vallo),auteurde l'ouvrage « La 
Piazza universale di tutte le 
Professioni del mondo » , 60. 

Gelosi (La Compagniedes). Voyez 
Comédiens Italiens. 

Godefrot (Théodore), auteur du 
Recueil du « Cérémonial fran 
çois », 4) 6. 

Gondi (Hieronimo), 113. 

Gonzague (le cardinal de). Don 
Fernand d'abord, vient en 



INDEX ALPHABETIQUE. 



349 



France en 1606, 158. — Lettre 
curieuse que lui adresse Hen- 
ri IV, 157. — Créé cardinal 
- de Gonzague, 200. — Sa cor- 
respondance avec Tristano Mar- 
tinelli, dit Arlequin, 201,203 
et suiv. — Lettre que lui 
adresse Virginia Andreini, dite 
Florinda, 217. — Très-cher 
compère, 222. — Devient duc 
de Mantoue en décembre 1612. 
— Règne sur le duché jusqu'en 
octobre 1626, 324. 

Gohzague (Louis de), duc de Ne- 
vers (voyez Nevers). 

Gonzague (Vincent I er , François, 
Ferdinand). Voyez Mantoue 
(ducs de). 

Graziano, Comédien, 189. 

Grevin (Jacques), 47. 

Guillemot (Gabriel), 11. 

Guisgardi (Trajano) , ambassa- 
deur de Mantoue, 7 2, 163, 166, 
169, 172. 

Guisoki (Ferrante), ambassadeur 
de Mantoue en 1577, 66, 67, 
72. 

Guizot (Guillaume), à propos des 
Comédiens anglais a Paris en 
1598, 101. 



H 



Hacuenier et Huart, notaires 
des gouverneurs du théâtre de 
l'hôtel de Bourgogne, font les 
baux et contrats pour les Co- 
médiens étrangers à Paris, 103, 
167, 173, 251. 

Hardy, auteur dramatique, 121. 

Henri II, roi de France. Son 
entrée à Lyon en septembre 
1548, 6. — La comédie « La 
Calandra », représentée pour 
cette occasion, 7. 



Henri III, roi de France et de 
Pologne. — Fêtes à Venise à 
l'occasion de son passage, 53, 
54, 56. — Voit la troupe des 
Comédiens Gelosi, 59. — Sa 
lettre à M. Du Ferrier, son 
ambassadeur à Venise en mai 
1576, 63. — Appelle la Com- 
pagnie des Gelosi en France, 
54. — Les reçoit à Blois du- 
rant la session des États géné- 
raux en 1577, 65. — Se plaît 
aux dissertations philosophi- 
ques, 66. — Favorable aux 
Comédiens contre Messieurs du 
Parlement, 75. 

Henri, roi de Navarre. A ses 
comédiens italiens pendant 
qu'il réside en son gouverne- 
ment de Béarn, 85. 

Henri IV, roi de France. Cha- 
pitres Troisième, Quatrième et 
Cinquième, de page 98 à 190. 
— Sa lettre à Arlequin, 21 dé- 
cembre 1599, 106. — Son 
voyage à Lyon, 109. — Sa 
guerre à Monsieur de Savoie, 
110. —Comédiens à Lyon, 109. 
r— Reçoit un livre d'Arlequin, 
1 17. — Sa réponse au comé- 
dien, 118. — Séjour à Fon- 
tainebleau en 1603, 139. — 
Son caractère à cette époque, 
139. — Se plaît aux grandes 
farces, 141. — Sa lettre à M. de 
Villeroy au sujet des comé- 
diens italiens, 154. Sa lettre 
au duc de Mantoue du 15 oc- 
tobre 1601, 155. — Désire 
avoir les Comédiens Italiens en 
1606, 155. — Sa lettre à don 
Fernand de Gonzague, fils de 
Vincent I er , duc de Mantoue, 
157. — Reçoit ledit duc à Fon- 
tainebleau en 1608, 184 et suiv. 



350 



INDEX ALPHABETIQUE. 



Heroard (Jean) ou Herouard, 
premier médecin du Dauphin, 
qui depuis fut Louis XIII. Son 
journal manuscrit cité, 182, 
183, 243, 246, 281,304, 308, 
382. 

Hôtel de Bourbon (Théâtre de V) , 
dite Salle de Bourbon, 246. 

Hôtel de Bourgogne (Théâtre 
de 1), 90, 100, 101, 102, 167, 
251, 252. 



I 



Intermédiaire des Chercheurs 
et des Curieux (L'). Questions 
faites dans le recueil, 101. 



Jal (A.). Son « Dictionnaire de 
Biographie et <T Histoire » , 
cité, 44. 

Jamin (Amadis), 33. 

Jouan (A bel), auteur du « Dis- 
cours du voyage du Roi Char- 
les IX en ses provinces, etc. », 
27. 

Joyeuse (duc de). Voyage en 
Italie en 1583, 89. — La co- 
médie « Angelica » lui est dé- 
diée, 89. — De même, la co- 
médie « La Fiammella » , 



E 



Klein (J. L.). Historien de l'art 
dramatique en Allemagne, cité, 
12. 

Kyd, auteur de « The Spanish 
Tragedy », 81. 



Laborde (marquis de), auteur de 
la publication « Les Comptes 



des bâtiments du Roi », 4, 5. 

Lacroix (Paul), auteur de l'ou- 
vrage « Dix-septième siècle. 
Mœurs, Usages, Coutumes »„ 
103. 

La Perrière (Hector de), ses 
ouvrages « Le Seizième siècle 
et les Valois », etc., cités 42, 
76. 

La Fressaie-Vauquelin, poète 
an seizième siècle, cite les Co- 
médiens italiens dans son « Art 
poétique », 45, 46. 

La Saussate (L. de), historien de 
la ville et château de Blois, 40» 
68. 

Leandro (de son nom Rizzi), co- 
médien de la troupe allant en 
France en 1613, 225. — Idem 
en 1620. — Sa mort en pas- 
sant à Chambéry, 280, 287. 

Lelio , Comédien , de son nom 
Giovanni- Battista André ini. 
Voyez ce nom. 

Leroy (Etienne), musicien sous 
Charles IX, 33. 

Lidia, Comédienne, de son nom 
Virginia Rolari, 253, 292. 

Liberati (Urania), Comédienne 
dite Bernetta, de la troupe en 
France en 1620, 280, 292. 

Lincoln (Earl of) , ambassadeur 
extraordinaire d'Angleterre en 
France en 1572. — Fait men- 
tion des Comédiens Italiens à 
Paris en juin 1572, 40. — Sa 
réception, 42. 

Louis XIII, roi de France. Cha- 
pitre Septième et Chapitre 
Huitième, de 259 à 305.— As- 
siste aux représentations à Fon- 
tainebleau en 1613, 244, 245. 
— Signe des ordonnances de fi- 
nances en faveur des Corné* 
diens Italiens en 1614, 248, 



INDEX ALPHABETIQUE. 



351 



250. — Appelle les Comédiens 
en France en 1618, 260> — 
Écrit à Arlequin, id. — Dé- 
tails, 272. — Donne congé à 
Arlequin en mai 1621, 287. — 
Son grand voyage dans ses 
provinces du Midi ; revient à 
Paris le 28 janvier 1622, 304. 
— Sa lettre au duc de Man- 
toue, 10 octobre 1622, pour 
avoir des Comédiens, 312. — 
Mission <ju*il donne à ce sujet 
à Monsieur le Prince, id. — 
Trouve les Comédiens Italiens 
à Lyon en décembre 1622; 
rentre à Paris en janvier 1623, 
315. — Sa lettre au duc de Man- 
toue, 6 août 1623, 320. — 
Signe une ordonnance de finan- 
ces en faveur des Comédiens 
Italiens, 17 décembre 1624, 
328. 

Lucas de Montigny. Catalogue 
de sa collection de lettres au- 
tographes, cité à propos tf Isa- 
bel la et des Comédiens Italiens 
à Paris en 1603, 137. 

Ludovico (de Bologne), Comé- 
dien, 83. 

Lvow (ville de). Voyez « Comé- 
diens Italiens ». 



Magkin (Charles), auteur d'une 
Etude sur « Les Commence- 
ments de fa Comédie Italienne 
en France », 11, 148. 

Magnifique (Le), Comédien, de- 
mandé par Henri III, 59, 63 

Malherbe (le poète), ses Lettres 
de Tannée 1613, 240 et suiv. 

Mantoue (Les Archives de). 
Leurs renseignements spéciaux 
pour l'histoire des Comédiens 



Italiens au seizième et au dix- 
septième siècle, Avant- Pro- 
pos, de page i à îx. — Source 
d'informations constamment ci- 
tées dans cet ouvrage, depuis 
la page 72. 

Mantoue (les Ducs de), protec- 
teurs des comédiens italiens dès 
la moitié du seizième siècle, 14. 

I. Guillaume (Guglielmo), 14. 

IL Vincent I« r (Vicenzo I«), 
prince héréditaire, forme une 
troupe de comédiens en 1583, 
90, 91. — Ses comédiens sont 
demandés en France en 1599, 
105. — Ses deux lettres du 
19 avril 1600 au duc d'Aiguil- 
lon et au duc de Nevers, 108. 

— Lettre que lui adresse Hen- 
ri IV le 15 octobre 1601, 134, 

— Sa lettre à la Reine, 158. 
— Idem, à messer Trajano Guis- 
cardi, son ambassadeur en 
France, 10 novembre 1607, 
163. — Idem,k la Reine, 164. 

— Son second fils don Vin- 
cenzo à la cour en 1608, 183. 

— Sa visite en France à Hen- 
ri IV, 184. — Portrait de ce 
prince d'après les documents, 
185. — Sa lettre au cardinal 
de Gonzague, son second fils, 
janvier 1612, 208. 

III. François de Gonzague, duc 
de Mantoue, fils et successeur 
du précédent , février 1612 , 
209, 212. — Lettre que lui 
adresse Arlequin, août 1612; 
meurt dans le cours de Tannée 
même de son avènement, 214. 

IV. Ferdinand, cardinal- duc, 
frère et successeur du précé- 
dent. Voyez Gonzague (cardi- 
nal de). 

'Marcel (Claude), prévôt des 



85* 



INDEX ALPHABETIQUE 



marchands à Paris. Remet sur 
Tordre de Charles IX aux Co- 
médiens Italiens la somme né- 
cessaire pour leur voyage à 
Blois, 34. 

Marguerite de Valois, sœur 
du roi François 1 er , a-t-elle 
fait Tenir en France des Comé- 
diens Italiens ? 5. 

Marguerite de Valois, sœur 
de Henri III, femme de Henri, 
roi de Navarre. Comédiens 
italiens à Paris pendant les 
fêtes pour son mariage, 42. 

Marguerite, duchesse de Fer- 
rare. Appuie la requête des 
comédiens dits « Li Uniti * y 9i. 

Maria (Antonio), chef de troupe 
de Comédiens Italiens en 
France sous Charles IX, et ap- 
pelés à Blois en 1572, 36. 

Marino (Le Cavalier), ses vers 
pour la comédienne Florinda, 
318. 

Marti kelli (Angelica), Comé- 
dienne, 109. 

Maiitiselli (Orusiano), chef de 
la troupe des Comédiens à 
Lyon Tannée du mariage de 
Henri IV avec Marie de Mé- 
dicis, 194. — Sa présence si- 
gnalée en Angleterre en 1578, 
109. — En Espagne en 1588, 
194. 

MARTiHELLi(Tristano). Voyez Ar- 
lequin. 

Matamoros, Comédien, 225. 

Mathias (L'Empereur) déclare 
gentilhomme le comédien P. 
M. Cecchini,c?tfFr«ûfc/iw,l72. 

Mathieu (Pierre), historiographe 
du Roi, 147. 

Médicis (Catherine de). Comédie 
« La Calandra » jouée par une 
troupe italienne à Lyon en 



1548 pour l'entrée de la Reine, 
7. — Sa visite au Roi de Na- 
varre en 1578, 86. 

Médicis (Éléonore de), duchesse 
de Mantoue, sœur de Marie 
de Médicis, femme de Vin- 
cent I er , duc de Mantoue. 
Vient à Paris en 1606, 153, 
155. 

Médicis (don Jean de), oncle de 
la reine Marie de Médicis. 
Son séjour à Paris en 1608, 
172, 181. — Protecteur des 
comédiens, 169. 

Médicis (Marie de), reine de 
France, femme de Henri IV. 
Son mariage à Lyon, décem- 
bre 1600, 105. — Son séjour, 
112. — Se rend à Paris, 113. 
Sa lettre à la duchesse de 
Mantoue, sa sœur, en faveur 
de 1 Isabelle, avril 1604, 145. 

— Registres de sa chancellerie, 
manuscrits conservés à la Bi- 
bliothèque Nationale, 341. — 
A la même, pour annoncer 
la naissance du Dauphin, 154. 

— Au duc de Mantoue pour 
lui demander ses comédiens, 

10 novembre 1606, Fontaine- 
bleau, 156. — Au même, Fon- 
tainebleau, 30 juin 1607, 160. 

— A la duchesse, sa sœur, 
idem, 160. — A Arlequin, 
pour l'inviter à se rendre en 
France, 161. — Au duc de 
Mantoue, 12 novembre 1607, 
162. — Au même, Paris, 

11 mars 1608, 168. — Au 
même, en faveur des comé- 
diens s'en retournant en Italie, 

26 octobre 1608, 187 A 

Arlequin , Paris , 3 septem- 
bre 1611 , 203. — Au même, 
Fontainebleau, 28 juin 1612, 



INDEX ALPHABETIQUE. 



353 



211. — Au même, 21 juil- 
let 1612, 211. — Au même, 
4 septembre 1612, 217. — Au 
duc de Mantoue, son neveu, 
4 septembre 1612, 218. — A 
Arlequin, Paris, 8 septem- 
bre 1612, 226. — Au Grand- 
duc de Toscane, Paris, 13 dé- 
cembre 1612, 220. — A Ar- 
lequin, 13 décembre 1612, 
229. — Au même, Fontaine- 
bleau, 27 mai 1613, 21). — 
Fait venir les comédiens à Fon- 
tainebleau en septembre 1613, 
243. — Est marraine de Ten- 
tant d'Arlequin, 27 janv. 1614, 
248. — Sa lettre au duc de 
Mantoue, Fontainebleau, 9 oc- 
tobre 1613, 237. — A la du- 
chesse de Mantoue, sa nièce, 
en faveur des comédiens qui 
s'en retournent, 20 juillet 1614, 
255. — Au duc de Mantoue, 
son neveu, 1621, 284. 

MÉNAGE, 242. 

Mesmes (Henri de), lieutenant 
civil. Approuve la prolongation 
du bail fait de l'hôtel de Bour- 
gogne aux Comédiens Italiens 
en 1614, 251. 

Metzetin, Comédien, 215. 

Mezières (Alfred), de l'Acadé- 
mie française, auteur de l'ou- 
vrage « Les Prédécesseurs de 
Shakespeare », 81. 

Michelet, auteur de « Henri IV 
et Richelieu » , cité à propos de 
monsignor Ruccellai, 265. 

Milaeuno (Massimiano), Comé- 
dien de Henri, roi de Navarre, 
en 1578, 87. 

Mo lan d (Louis), auteur de l'ou- 
vrage souvent cité : « Molière 
et la Comédie Italienne » , 11 , 
149, 177. 



Molière, ami des Comédiens Ila^/ 

liens, 335. 
Montaiglon (Anatole de), 47, 

116. 
Montaigne. Comédiens Italiens 

mentionnés dans le « Journal 

de son voyage en Italie » , 90. 



N 



Nannoccio, peintre à Lyon en 
1548, 9. 

Nettuni (Lorenzo, dit Fichetto), 
comédien, 292. 

Nevers (duc de), Ludovic de 
Gonzague. Favorise les Comé- 
diens Italiens à la cour de 
France, 14. — « Son Journal 
cité, 73. — Sa lettre au sujet 
de Henri IV et de la prin- 
cesse de Coudé, 189. 

Nevers (duc de). — Sa lettre au 
duc de Mantoue pour l'envoi 
de ses comédiens en France, 
août 1623, 322. 

Noailles (marquis de). Son ou- 
vrage « Henri de Valois et la 
Pologne », cité, 54. 

Nogent-le-Roi (Comédiens à), 
17. 

Nuitter (Charles), bibliothé- 
caire de l'Opéra, 333. 



Oratio (de Padoue), Comédien, 
189, 83. ' 

Orlande, musicien, 33. 

Odltre (Pierre de la), maître 
compositeur et joueur de far- 
ces, 4. 



Palaprat (le s r de), auteur de la 

23 



354 



INDEX ALPHABETIQUE. 



préface an recueil des Œuvres 
dramatiques des s rs Bruyeis et 
Palaprat, 335. 

Pantalon, comédien, 118, 184, 
225, 292. 

Parfaict (les frères) ,auleurs d'une 
« Histoire du Théâtre Fran- 
çais », idem « du Théâtre 
Italien », 93. 

Paris (Ville de). Voyez « Comé- 
diens Italiens ». 

Paris (Paulio), son édition des 
a Historiettes de Tallemantdes 
Beaux » , citée, 137. 

Parlement (messieurs du), leurs 
arrêts prononcés contre les Co- 
médiens sous les règnes de 
Charles IX et de Henri III, 20 
à 24. 

Pasquati (Giulio), Comédien, 59, 
63. 

Passerat, 30. 

Paul (de Padoue), Comédien ita- 
lien du Roi de Navarre, 87. 

Pedrolin (Petrolino), Comédien, 
136, 137, 205. 

Pëiresc (le s r de), sa correspon- 
dance citée, 238. 

Pellicer (don Casîano), auteur 
du « Tratado historico sobre 
el origen y progresos de la 
Comedia y del Histrionismo 
en Espaîla », 49. 

Pellerini, Comédien, 225. 

Picot (Emile), auteur d'ouvrages 
sur l'ancien Théâtre Français, 
cité, 4, 48. 

Picot (Georges), membre de 
l'Institut, auteur de « C Histoire 
des États généraux », 68. 

Piombino, Comédien, 184. 

Poccetti (Bernardino), peintre, 
a fait le portrait de Francesco 
Andreini, comédien, 129. 



Polesini (Giovanni), Comédien, 
138. 

Pontalletz, Comédien français,3. 

Popelin (Claudius), vers italiens 
traduits par lui, 318, 324. 

Portioli (Attîlio), a publié dans 
« La Strenna Mantovana » de 
1870 une partie de la corres- 
pondance d'Arlequin, sous ce 
litre : « Un brano del Episto- 
lario d* Ârlechino » , 197. 

Porcacchi (Tommaso), auteur de 
« Le attioni d'Arrigo Terzo, re 
di Francia », etc., 58. 



Raymond, auteur de recherches 

sur les « Artistes dans le 

Béarn », 87. 
Rigcoboni ( L. ) , historien de 

l'ancien Théâtre Italien, 11. 
Richelieu (Cardinal de), 265, 

316, 320, 330. 
Rinaldo, comédien, 59,61,77. 
Rinoceronte (le capitaine), co- 
médien, 189,226, 319. 
Rivani (Giovanni), Comédien, 

292. 
Rohan (M. de), à Florence en 

1599, 107. 
Roland (Jean), prêtre de l'église 

Saint-Jean à Lyon, 112. 
Roncagli (Silvia), dite Frances- 

china, Comédienne, 83. 
Rosri (Le S r de), 136. Lettre 

du Roi au Marquis, 336. 
Rossi (Bartolomeo), Comédien. 

Auteur de la comédie « La 

Fiammella », publiée à Paris 

en 1584, 92. 
Rossi (madame de), de la cour 

de Mantoue, 158. 
Rossi (Carlo de), gentilhomme 

de Mantoue, souvent en France 



INDEX ALPHABETIQUE. 



355 



sous Henri IV et Louis XIII, 

211. 

Rotari (Virginia), dite Lidia, 
comédienne, 225, 253, 292. 

Ruccellai (monsignor Luigi), 
s'entremet auprès de Louis XIII 
pour faire Tenir les Comédiens 
Italiens en France, 261. — 
Son portrait et son caractère 
d'après les dépêches du Nonce 
et divers témoignages. — Phy- 
sionomie très-curieuse, 263 et 
suiv. — Sa lettre au duc de 
Mantoue, mai 1621, 287. — 
Nouvelle et dernière interven- 
tion de son personnage en 1622, 
308. 

Ruzzakte, Vénitien, 12. 



s 



Sand (Maurice), auteur de l'ou- 
vrage souvent cité « Masques 
et Bouffons. Comédie ita- 
lienne », 11. 

Saint- Germain (Comédiens au 
château de), 252. 

Salimbeni (Girolamo), Comédien , 
83. 

Saracini (Sinolfo), ambassadeur 
du grand-duc de Toscane en 
France, 71. 

Savoie (le Duc de), 110,165 

Retient les Comédiens à Turin, 
232. — Donne audience à 
Arlequin, 277. 

S cala (Flaminio), Comédien, dit 
Flavio, chef de la troupe des 
Gelosi (?), 53, 77, 79. — A 
publié le « Teatro délie Fa- 
vole rappresentative » , 79. — 
Est à Lyon et à Paris en 1600 
et 1601, 120. 

Scappiso (voyez Gabrieli Fran- 



cesco), chanson de Scappino 9 
334. 

Scaramuccia, Comédien, 261. 

Scovitelli (Marc- Antoine), Co- 
médien du Roi de Navarre en 
1578, 87. 

S eh ai s (Jean), Comédien anglais 
à Paris en 1598, 102, 103. 

Siri (Vittorio), auteur des « Me- 
morie Reoondite », 268. 

Simone (de Bologne), Comédien, 
57. 

Soldini, Comédien, chef de la 
troupe venue en France en 
1572; appelé à Blois par 
Charles IX, 34. 

Sorbin (le sieur de), dit Saincte- 
fby, prédicateur théologal de 
Charles IX, 30. 

SouLié (Eudoxe), auteur de l'au- 
vrage « Recherches sur Molière 
et sur sa famille », a publié 
V Inventaire des Titres de F Hô- 
tel de Bourgogne, dressé en 
1639,89,101. 

Spavente • (Le Çapitan). Voyex 
Andreini (Francesco). 

State Papers (Calendar of), 
source d'informations citée, 
15. 

Stefanello, Comédien, 184. 

Sci.lt (Duc de). Lettres de 
Henri IV à lui adressées, 337, 
338. 



Taborino, Comédien, 13. 
Taillandier. Cite un arrêt du 

Parlement du 5 décembre 1576 

contre les Comédiens Italiens, 

71. 
Tallemant des Reacx. Anecdote 

citée à propos d'Arlequin et 

de Henri IV, 118. 

23. 



356 



INDEX ALPHABETIQUE. 



Tamizey de Laroqcb, 238. 

Tourrillor, notaire à Paris, suc- 
cesseur médiat de « Claude 
Toutain, notaire et garde-notes 
du Roi» , qui a fait l'inventaire 
et description sommaire des 
titres de l'hôtel de Bourgogne, 
le 31 mars 1639,101, 167. 

Trésorerie de l'Espargke (Re- 
gistres et Pièces de la). Source 
d'informations souvent citée, 
34,35,36, 39, 42, 44,47,339. 

Turin, 149, 232, 277. 



D 



UniTi(les), Compagnie de Comé- 
diens. Personnages qui la com- 
posent en 1584, 91. 



Valentim (Fr.), 11. 

Valerihi (Adriano), Comédien, 
83. 

Venise (La République de). 
Voyez Henri III. (Archives 
de), citées, 56. 

Vigkeul-Marville. Ses * Mélan- 
ges d'histoire et de littérature » 
cités, 267. 

Villeroy (Nicolas de Neufville, 
sieurde). Lettre que lui adresse 
Henri IV en faveur des Corné- 
diens Italiens en 1604, 144. 

Vinta (Belisario), secrétaire du 



grand «duc de Toscane, 107. 

Viollet-Leddc, 48. 

Vitu (Auguste). Sa brochure 
• Molière et les Italiens à pro- 
pos du Tableau des Farceurs 
appartenante la Comédie Fran- 
çaise » , 335. 

Vittoria, dite Fioretta, Comé- 
dienne, 59. 

Vclcob (le sieur de). Envoyé du 
roi Henri III à Vienne, 64. 

w 

Walsingham, ambassadeur de la 
reine Elisabeth d'Angleterre 
auprès de Charles IX, 34. 

Ward (A. W.), auteur de « His- 
t Qr y °f Enqlish Dramatic Li- 
te rature to the death of Queen 
Anne », etc., 12. 



Yriarte ( Charles ) , auteur de « La 
vie d'un Patricien de Venise*, 
cité, 57. 



Zamet (Sébastiano), 113, 133. 

Zeller (Berchtold), 114. 

Zeno (Apostolo). Ses Annotations 
de l'ouvrage « Biblioteca di 
monsignor Fontanini », 5, 8, 
92. 



TABLE ET SOMMAIRES DES CHAPITRES. 



Avant-Propos Pages i à u 

CHAPITRE PREMIER 

Avant et pendant le règne de Charles IX 

(1530-1574) 

Y eut-il des Comédiens italiens en France avant le règne de 
Charles IX? — Maître André cité en 1530 sous Fran- 
çois I er . — Comédie représentée pour Henri II et Catherine 
de Médicis à Lyon en 1548. — La Comédie Italienne pro- 
prement dite ne date en France que du règne de Charles IX. 
— Première troupe de Comédiens italiens en 1571. — 
L'ambassadeur extraordinaire d'Angleterre en fait men- 
tion dans sa dépêche du 4 mars. — Ils sont appelés à 
Nogent-le-Roi le 1 er mai pour contribuer par une repré^: 
sentation aux divertissements offerts au Roi f aux Reines 
et à toute la Cour à l'occasion du baptême de Henri de 
Clermont, petit-fils du duc de Bouillon. — Pris à partie 
par Messieurs du Parlement. — Arrêt du 15 septembre 1571 
pour empêcher leur établissement à Paris. — Leurs moyens 
de défense. — Le Prévôt des marchands averti par Mes- 
sieurs du Parlement au sujet des Comédiens. — Second 



358 LES COMEDIENS ITALIENS. 

arrêt en la chambre des vacations sur le fait de la présen- 
tation des Lettres Patentes du Roi en leur faveur, 15 oc- 
tobre 1571. — Le Roi Charles IX alors absent de Paris. — 
Ses déplacements continuels. — Son goût pour les compo- 
sitions de musique et de poésie. — Le S r Sorbin cité. — 
Long séjour de Charles IX à Blois en 1572. — Il y appelle 
les Comédiens italiens qui étaient alors à Paris. — Le pré- 
vôt de Paris, Claude Marcel, banquier des Comédiens par 
ordre du Roi. — La troupe du Florentin Soldino. — La 
troupe du Vénitien Antonio Maria. — Occupations, préoc- 
cupations et régime de Charles IX. — Ha besoin de distrac- 
tions et de divertissements. — Informations curieuses prises 
aux registres de la comptabilité royale « Trésorerie de tes- 
pargne » pour l'année 1572. — Séjour des Comédiens à 
Blois pendant le mois de mars et une partie du mois 
d'avril. — Leur retour à Paris. — La troupe venue l'année 
précédente sous la direction d'Alberto Ganassa est de nou- 
veau à Paris en 1572, pour les fêtes du mariage du Roi de 
Navarre. — Documents formels de la Trésorerie de l'Epargne. 
— • Quel était l'acteur Alberto Ganassa. — Son départ pour 
l'Espagne. — Le dernier document concernant les Comé- 
diens italiens pendant le règne de Charles IX est du 11 oc- 
tobre 1572 Pages 1 à 50 

CHAPITRE DEUXIÈME 

Sous le règne de Henri III 

(1574-1589) 

Henri III, à son passage et séjour à Venise, fait connaissance 
avec la Compagnie dite « I Comici Gelosi » . — Soins pris 
par ses messagers pour que la Seigneurie de Venise lui en 
donne le spectacle. — A son retour en France, le Roi pense 
à appeler les Comédiens Italiens à la Cour. — Son billet à 



TABLE DES CHAPITRES. 359 

M. Duferrier, son ambassadeur à Venise. — Il vent faire 
engager le comédien dit « le Magnifique » . — Arrivée de 
la troupe des « Gelosi » pendant les troubles. — Elle re- 
joint la Cour à Blois pendant la tenue des États. — Billet 
de l'ambassadeur de Mantoue pour annoncer l'arrivée des 
« Gelosi » à son maître. — Ayant eu le congé du Roi, ils 
se portent vers Paris et y jouent dans la salle dite « de 
Bourbon ». — Leurs. mésaventures avec messieurs du Par- 
lement. — Le Roi les soutient et les protège. — Curieux 
billet de Henri III à M. de Bellièvre, qui a les finances. — 
Mouvements de la Compagnie. — - Dates incertaines. — 
Choses à retrouver pour l'histoire exacte des Compagnies de 
comédiens à cette époque. — Le Roi de Navarre a aussi 
ses Comédiens Italiens en sa principauté de Béarn. — Autres 
troupes à Paris en 1584. — Les Uniti. — Autres dates 
concernant la présence de Comédiens Italiens à Paris. — 
Constante rigueur de messieurs du Parlement et arrêts dis- 
gracieux des gens du Ghâtelet contre les Comédiens Italiens 
en ces temps-là Pages 51 à 95 



CHAPITRE TROISIÈME 
Sous le règne de Henri IV 

I 

(1598-1602) 

Nouvelle troupe.de Comédiens Italiens à Paris, en avril 1598. 
— Affaires avec les maîtres et gouverneurs du théâtre dit 
de Y Hôtel de Bourgogne* — Note à propos de « Comé- 
diens An g lois » alors à Paris. — Tous Comédiens tant Fran- 
çais qu'étrangers obligés par les privilèges octroyés par 
chartes royales de ne pas jouer ailleurs qu'en la salle et 
théâtre dudit Hôtel de Bourgogne. — Sentence du Châ- 



360 LES COMEDIENS ITALIENS. 

telet à rencontre des Comédiens Italiens (28 avril 1599). 

— Bail desdits comédiens avec les maîtres de l'Hôtel de 
Bourgogne. — Autre troupe venue l'année 1600. — En 
quelles circonstances. — Le Roi appelle les Comédiens Ita- 
liens à la Cour, pour l'occasion de son mariage avec Marie 
de Médicis. — Il écrit à Arlequin. — Les comédiens de 
M. le duc de Mantoue. — Lettres en leur faveur. — La 
Compagnie des Accesi à Lyon pour le mariage du Roi. — 
Arrivée de la Reine à Lyon, séjour et départ. — Les Comé- 
diens Italiens suivent la Cour à Paris. — Arlequin et Fri- 
delin premiers sujets. — - Querelles d'intérieur. — Caractère 
personnel d'Arlequin. — Le livre singulier qu'il a dédié et 
présenté au Roi à Lyon, « Compositions de Rhétorique » . 

— Historiette concernant Arlequin et le Roi. — Les Co- 
médiens sont demandés en Flandre. — Leur départ en l'au- 
tomne de Tannée 1601 Pages 97 à 123 



CHAPITRE QUATRIÈME 
Sous le règne de Henri IV 

II 
(1603-1604) 

Arrivée à Paris d'une troupe nouvelle. — Elle est dirigée par 
Isabella Andreini, comédienne, et Francesco Andieini, qui 
jouait les « Capitan » . — Notice sur Francesco Andreini. 

— Notice sur l'Isabelle, — Tous les deux comédiens et 
auteurs. — Véritable célébrité de l'Isabelle. — Curieux dé- 
tails. — Le poète Du Ryer à Isabelle comédienne. — 
Autres personnages de la troupe. — Recherches à faire. — 
Séjour de la Compagnie à Fontainebleau au second voyage 
de la cour, en 1603. — Le Roi Henri IV à cette époque. 

— Spécimen des divertissements et propos du capitaine 



TABLE DES CHAPITRES. 361 

Spavente. — La troupe venue en 1603 prend congé au 
printemps de i€04. — Lettre de la Reine à sa sœur la du- 
chesse de Mantoue en faveur de l'Isabelle et de la troupe. 
— Départ. — Mort de l'Isabelle à Lyon. — Honneurs 
extraordinaires qui lui sont rendus. — Extrait du Registre 
de la Procure de Sainte-Croix à Lyon, à la date de la mort 
de l'Isabelle le 11 juin 1603. — Curieux éloge de la comé- 
dienne par Pierre Mathieu, historiographe du Roi, en son 
Histoire de France Pages 125 à 150 



CHAPITRE CINQUIÈME 
Sous le régné de Henri IV 

III 

(1608) 

Les Comédiens Italiens de Monsieur de Mantoue viennent à 
la Cour en 1608. — Négociations au delà des monts pour 
qu'ils effectuent leur voyage en France. — Promesse 
qu'avait faite la duchesse de Mantoue, sœur de la Reine. — 
Lettre de la Reine du 6 novembre 1606 à M. de Mantoue 
pour le presser d'envoyer ses Comédiens. — Lettre curieuse 
de Henri IV à don Fernand de Gonzague. — • Le Roi de- 
mande qu'Arlequin fasse partie de la Compagnie. — M. de 
Mantoue s'excuse sur le retard apporté au voyage. — Autre 
lettre de la Reine plus pressante encore, 30 juin 1607. — 
Elle écrit à Arlequin. — Nouvelles lenteurs du coté de 
Mantoue. — Nouvelle impatience de la Reine. — Lettre 
missive du duc de Mantoue à son ambassadeur à Paris pour 
l'aviser du départ des Comédiens pour la cour de France. 
-—Difficultés que fait encore Arlequin. — Le comédien appelé 
Cola. — C'est une nouveauté. — Le duc de Savoie retient 
la Compagnie pour son divertissement, au passage par Turin. 



362 LES COMEDIENS ITALIENS. 

— Arrivée des Comédiens à Paris en février 1608. — Lettres 
de l'ambassadeur de Mantoue des 13 et 14 mars. — Lettre 
de la Reine à la louange de la Compagnie, 11 mars 
1608. — Lettre de don Jean de Médicis, 8 mars. — Aven- 
ture de cape et d'épée au théâtre de l'Hôtel de Bourbon, où 
les Comédiens donnent leurs représentations. — Lettre de 
l'ambassadeur de Mantoue, 19 mars. — Succès des comé- 
diens à la Cour. — Lettre du comédien Fridelin, 7 mai 
1608. — La troupe va à Fontainebleau. — Le Dauphin la 
voit pour la première fois. — Détails empruntés au Journat 
de M. Heroard, premier médecin du Dauphin. — Voyage 
du duc de Mantoue à la cour de France. — Les noms des 
Comédiens donnés successivement par le Dauphin pour « le 
mot d'ordre » aux chevaliers du guet. — La personne de 
Vincenzo I er , duc de Mantoue. — Son portrait et son carac- 
tère. — La compagnie de ses Comédiens prend congé de la 
Cour en octobre 1608. — Lettre de la Reine au duc de 
Mantoue sur la satisfaction que lui a donnée la troupe, 
26 octobre 1608. — La Compagnie à Turin l'année sui- 
vante. — Le Roi l'aurait voulue de nouveau à la Cour, en 
1609 Pages 151 à 190 

CHAPITRE SIXIÈME 

Sous la régence de Marie de Médicis 

(1611-1614) 

La Reine Mère et Régente ouvre de nouvelles négociations 
pour avoir à la Cour les Comédiens du duc de Mantoue. — 
Elle demande qu'Arlequin soit de la Compagnie. — Phy- 
sionomie de ce personnage. — Fort, célèbre de son temps : 
très-oublié ensuite. — Ses papiers de famille, tels que Tes- 
taments et Codicilles, — Le cardinal de Gonzague, neveu 
de la Reine, engage les négociations pour l'envoi des Comé- 



TABLE DES CHAPITRES. 363- 

diens du duc de Mantoue, son père, à la cour de France. 

— Arlequin écrit à la Reine Régente pour lui demander 
d'être la marraine de l'enfant dont la naissance doit être 
prochaine. — Réponse de la Reine qui l'appelle en France 
(3 septembre 1611). — Correspondance échangée entre 
Arlequin et le cardinal de Gonzague (décembre 1611). — - 
Protocole d'Arlequin. — « L'Illustrissime seigneur com- 
père.* — Manèges du comédien pour avoir la direction de la 
troupe. — Mêmes vues ambitieuses de h signora Florinda. 

— Lettres de la signora Florinda au cardinal de Gonzague 
(3 décembre 1611). — Dernière lettre du duc de Mantoue, 
Vincent I w (janvier 1612). — Correspondance suivie entre la 
Reine Régente et Arlequin (3 septembre 1611, 28 juin 1612, 
21 juillet 1612). — Difficultés nouvelles de la part des 
comédiennes Flaminia et Florinda, — Lettre d'Arlequin 
au cardinal de Gonzague, alors à Rome (août 1612), et au 
duc François, fils et successeur de Vincent I er (août idem), 

— Embarras du Cardinal. — Personnages désignés par 
Arlequin pour (aire partie de la troupe. — Lettre de la 
signora Florinda (15 août 1612) au Cardinal. — Lettre de 
la Reine à Arlequin (4 septembre 1612) et à son neveu le 
duc de Mantoue. — Suite de la correspondance d'Arlequin 
avec le Cardinal. — Spécimen surprenant de son style bouf- 
fon et osé dans sa lettre du 26 octobre 1612. — Mani- 
festation de toute la troupe (26 novembre 1612). — Grand 
succès à Florence. — Dons aux Comédiens. — Lettres de 
la Reine à Arlequin (7 novembre et 13 décembre) et au 
Grand-Duc de Toscane. — Autres lettres de la Reine au 
Comédien (26 et 27 mai 1613). — Elle sera la marraine du 
prochain enfant d'Arlequin. — Annonce de la prochaine arri- 
vée de la Compagnie à Paris. — Nouveau retard. — Court 
séjour à Turin. — Monsieur de Savoie veut six comédies. 

— Beau traitement qu'il fait aux Comédiens. — Arrivée à 



864 LES COMEDIENS ITALIENS. 

Lyon. — Lettre d'Arlequin (Lyon, 26 août 1613). — Arri- 
vée à Paris. — Séjour à Fontainebleau. — Lettre d'Arle- 
quin (4 octobre 1613). — Lettre au duc de Mantoue sous 
une forme feinte et plaisante (4 février 1614). — Lettre 
de la Reine (9 octobre 1613). — Pénurie des informations 
dramatiques proprement dites. — Un seul mot du S r de 
Peircsc. — Quelques mots du S r de Malherbe. — Mau- 
vaise impression de la Comédie Italienne sur l'esprit de 
Malherbe. — Les Comédiens à Fontainebleau. — Le Roi 
les voit jouer presque chaque jour. — Détails empruntés 
au Journal de M. Heroard, premier médecin. — Tout 
l'hiver de 1614 à Paris. — Continuelle bienveillance de la 
Reine. — Les papiers de finances signés par le Roi pour le 
traitement des Comédiens (25 février 1614). — Le Roi 
quitte Paris le 5 août. — Congé des Comédiens Italiens. 

— Lettre de la Reine Régente à sa nièce de Lorrrainc en 
faveur de Lelio et de Florinda (20 juillet 1614), et à son 
neveu le cardinal-duc de Mantoue . . . Pages 191 à 256 

CHAPITRE SEPTIÈME 
Sous le règne de Louis XIII 

I 
( 1619-1622) 

De la fin de 1614 à la fin de 1620, il n'y eut pas de Comé- 
diens Italiens à la Cour. — Le Roi manifeste son désir de 
les avoir en 1618. — Il fait expédier quatre lettres, dont 
une pour Tristano Martinelli dit Arlequin. — Lettre du 
Comédien au Duc de Mantoue (18 décembre 1618). — 
Négociations nécessaires. — Monsignor Luigi Ruccellai. 

— Témoignage du Nonce Guido Bentivoglio (15 septembre 
1619). — Détails piquants sur la personne de Monsignor 



TABLE DES CHAPITRES. 365 

Ruccellai. — Son portrait et son caractère d'après les dires 
du Nonce. — Monsignor Ruccellai, courtisan, dans l'emploi 
d'imprésario pour le service du Roi. — Nouvel appel 
aux Comédiens en septembre 1619. — Nouvelle suite de 
négociations. — Nouveaux embarras. — Nouvelles dissen- 
sions parmi les sujets. — Lettre de Monsieur de Mantoue 
au Roi (mai 1620). — Retour du messager que la Compa- 
gnie avait envoyé au Roi. — Curieuse lettre de Fridelin 
au duc de Mantoue lui indiquant des sujets nouveaux 
(28 août 1620). — La Baldina. — Effets prétendus ter- 
ribles de ses charmes et intrigues contre le repos et la paix 
dans la Compagnie. — Disgrâce soudaine de Fridelin. — 
Sa lettre émouvante au Duc de Mantoue (21 octobre 1620). 
— Triomphe d'Arlequin. — Sa lettre à son maître, signée : 
« Dominus Arlecliinorum », 19 octobre 1620. — Départ 
de la Compagnie pour la France. — Arrêt chez Monsieur de 
Savoie. — Longue et curieuse lettre d'Arlequin écrite de 
Turin le 5 novembre 1620. — Noms des sujets formant la 
Compagnie. — Arrivée à Paris à la fin de 1620. — Le Roi 
à la Comédie Italienne en janvier 1621. — Assiduité de 
Louis XIII au spectacle. — Rareté des documents pour 
cette époque. — Nouvelles de la Compagnie par une lettre 
de Le Ho (3 mars 1621). — Lettre de la Reine régnante 
(6 mars) et de la Reine Mère (20 avril 1621) en faveur 
d'Arlequin. — Le Roi, sur son départ pour aller faire la 
guerre dans le midi du Royaume, retient cependant les 
Comédiens à la Cour pendant un an encore. — Difficul- 
tés faites par Arlequin seul. — Sa requête présentée au 
Roi à Fontainebleau (21 avril 1621). — Monsignor Ruc- 
cellai reparaît. — Sa lettre au Duc de Mantoue (Blois, 
4 mai 1621) sur l'envoi nécessaire de quelques nouveaux 
sujets. — Lettre d'Arlequin à son maître « le Sérénissime 
Seigneur Compère » (8 mai 1621). — Récit de l'épisode 



366 LES COMEDIENS ITALIENS. 

de la prise de son congé. — Manifeste de la Compagnie 
rédigé par LeUo contre Arlequin (12 mai 1621). — Réponse 
de Monsieur de Mantoue (juin 1621). — Arlequin opère sa 
retraite. — Colère de la Compagnie. — Réquisitoire en 
sept pages contre Arlequin rédigé par la Compagnie réunie 
en conseil. — Le contre-billet de LeUo (2 juillet 1621). — 
Lelio directeur de la troupe. — Son envoi de gravures de 
circonstances au Duc de Mantoue. — Derniers mots sur la 
personne d* Arlequin. — Lettre du Roi au Duc de Mantoue 
sur le congé du Comédien (8 août 1621). — Dernière 
lettre de Tristano Martinelli dit Arlequin, adressée à M, de 
Chasteauneuf, ambassadeur du Roi (27 juillet 1626). — 
Louis XIII, au retour de son grand voyage, retrouve la 
Compagnie à Paris (janvier 1622). — Lettre de congé 
(3 février 1622) Pages 257 à 305 



CHAPITRE HUITIEME 

Sous le règne de Louis XIII 

II 
(1622-1625) 

Voyage militaire du Roi en Tannée 1622. — Sa résolution 
pour la paix le 9 octobre. — Le prince de Condé lui 
demande aussitôt la permission d'aller voyager en Italie. — 
Prétexte d'un pèlerinage à faire. — Curieuse commission 
que le Roi lui donne. — Intervention probable de Monsi- 
gnor Luigi Ruccellai. — Lettre du Roi au duc de Mantoue, 
10 octobre 1822. — M. le Prince rencontre à Brescia le 
comédien « le Docteur ». — Sa lettre à Monsieur de 
Mantoue, 29 octobre. — Le Roi trouve les Comédiens à 
Lyon en y arrivant le 6 décembre. — Sa rentrée à Paris le